Skip to main content

Full text of "Mémoires"

See other formats


: 


TOME  VIII 


RECHERCHES   ARCHEOLOGIQUES 


TROISIÈME  SÉRIE 


CHARTRES.    —    IMPRIMERIE    DURAND,    RUE   FULBERT. 


fti»* 


MINISTÈRE   DE    L'INSTRUCTION    PUBLIQUE    ET   DES    BEAUX-ARTS 


Fvb.r^ce.     DÉLÉGATION    EN    PERSE 


MÉMOIRES 


PUBLIES    SOUS    LA    DIRECTION 


DE    M.    J.    DE    MORGAN,    délégué   général 


TOME  VIII 


RECHERCHES   ARCHÉOLOGIQUES 

TROISIÈME  SÉRIE 

PAR 

G.  JÉQUIER,  J.  DE  MORGAN,  J.    E.   GAUTIER,   G.  LAMPRE,   A.  JOUANNIN 
ALLOTTE  DE   LA  FUYE,  H.  DE    MORGAN 


PARIS 
ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

28,    RUE   BONAPARTE,    28 
1905 


Fi 

a 


PRÉFACE 


Si  la  troisième  série  des  Recherches  Archéologiques  de  la  Délégation  en  Perse  (Tome  VIII 
des  Mémoires)  parait  quelques  mois  seulement  après  la  publication  de  la  seconde,  c'est  que  tous 
les  mémoires  imprimés  en  1905  ne  devaient,  dans  mon  esprit,  composer  qu'un  seul  livre  et  que 
devant  l'abondance  des  matières  l'éditeur  a  pensé  préférable  de  donner  deux  volumes  afin  d'en 
faciliter  la  lecture. 

Ces  mémoires  sans  lien  commun  entre  eux,  œuvres  des  attachés  et  des  collaborateurs  de  la 
Délégation,  doivent  être  considérés  comme  détachés  et  étudiés  séparément.  Il  serait  impossible, 
en  effet,  de  relier  entre  eux  des  sujets  fort  divers  et  dont  le  seul  lien  est  de  porter  sur  des  documents 
provenant  tous  de  la  Perse  ou  des  pays  limitrophes.  Ce  mode  de  publication  présente  de  grands 
avantages,  car  il  nous  permet  de  livrer  immédiatement  au  public  les  observations  et  les  documents 
peu  de  temps  après  qu'ils  ont  été  recueillis. 

Le  mémoire  inséré  en  tête  du  volume  est  dû  à  la  plume  de  M.  G.  Jéquier,  attaché  à  la  Délé- 
gation. Il  porte  sur  les  nombreux  cachets  et  cylindres  archaïques  découverts  à  Suseau  cours  des 
travaux  de  ces  huit  dernières  années.  C'est  pour  la  première  fois  qu'il  est  traité  de  ce  sujet  en 
s'appuyant  sur  des  documents  nombreux  d'une  authenticité  absolue  et  provenant  tous  de  la  même 
localité.  Quelques-uns  de  ces  cachets  ou  cylindres  sont  d'une  prodigieuse  antiquité.  Ils  ont  vu  les 
débuts  de  l'Élam,  peut-être  même  ses  primitifs  habitants  peignant  sur  les  vases  et  taillant  le 
silex. 

Dans  le  mémoire  qui  suit,  j'ai  décrit  en  grands  détails  la  sépulture  achéménide  de  Susc  dont 
j'avais  moi-même  opéré  la  fouille.  Cette  tombe,  unique  jusqu'à  présent  en  son  genre,  mérite  une 
attention  toute  spéciale  par  suite  de  son  époque  et  des  nombreux  bijoux  qu'elle  renfermait. 

De  toutes  nos  découvertes  dans  l'Iran,  la  plus  intéressante  au  point  de  vue  archaïque  est  sans 


PRÉFACE 


contredit  celle  dont  MM.  J.-E.  Gautier  et  G.  Lampre  rendent  compte  dans  leur  travail  sur  les 
Fouilles  de  Moussian.  Ces  recherches  ont  révélé  un  art  primitif  des  plus  curieux,  contemporain 
de  la  pierre  taillée  et  des  premiers  instruments  de  cuivre.  Déjà  nous  avions  à  Suse  rencontré  bien 
des  témoins  de  cette  civilisation  très  ancienne,  mais  les  couches  qui  les  contiennent  étant  très 
profondément  enfouies  jusqu'ici,  nous  n'avions  été  à  même  de  les  atteindre  que  sur  fort  peu  de 
points. 

Ces  découvertes  jettent  un  jour  très  nouveau  sur  les  origines  Chaldéo-Élamites.  Elles  ne  font, 
il  est  vrai,  qu'entr'ouvrir  le  voile,  mais  fournissent  déjà  de  précieuses  indications  pour  les  recherches 
avenir.  Il  semblerait  que  nous  nous  trouvons  dans  l'Élam,  en  présence  d'une  civilisation  ana- 
logue à  celle  que  je  découvrais  en  Egypte  (1896-97)  lors  de  mes  fouilles  de  Negadah,  Toukh, 
Abydos,  etc.. 

Si  nous  en  jugeons  par  Tepé  Moussian  et  par  ce  que  nous  connaissons  des  couches  pro- 
fondes de  Suse,  cette  civilisation  aurait  précédé  et  peut-être  connu  les  débuts  des  métaux  et  de 
l'écriture  figurative.  Elle  serait  le  terme  le  plus  reculé  auquel  atteindra  jamais  l'histoire  du 
monde.  Supposition  fertile  en  enseignements  sur  la  direction  qu'à  l'avenir  doivent  prendre  les 
recherches. 

Les  tumuli  de  l'Ile  de  Bahreïn,  par  M.  A.  Jouannin,  offrent  d'utiles  renseignements  sur 
cette  île  très  peuplée  dans  la  haute  antiquité  qui,  sans  preuves  et  improprement,  a  été  assimilée  à 
Dilmoun  des  textes.  M.  A.  Jouannin,  bien  que  ne  faisant  pas  partie  de  la  Délégation,  fait  béné- 
ficier nos  lecteurs  de  ses  intéressantes  études  dans  le  Golfe  Persique. 

Le  mémoire  qui  suit,  par  M.  G.  Lampre,  secrétaire  de  la  Délégation,  traite  de  la  représen- 
tation du  lion  à  Suse.  Le  lion  vit  encore  dans  les  pays  situés  entre  le  Tigre  et  le  Kâroun.  Autrefois 
il  était  beaucoup  plus  abondant  qu'aujourd'hui  et  sa  figuration  joue  un  grand  rôle  dans  les  arts 
aussi  bien  en  Chaldée  proprement  dite  qu'en  Elam. 

Les  fouilles  de  Suse  ont  mis  au  jour  un  assez  grand  nombre  de  monnaies  antiques,  que  nous 
rencontrons  soit  à  l'état  de  cachettes  dans  des  vases  de  terre,  soit  disséminées  dans  le  sol.  Les 
plus  anciennes  sont  des  tétradrachmes  d'Alexandre  le  Grand  et  des  Séleucides  ses  successeurs, 
les  plus  récentes  appartiennent  aux  souverains  sassanides,  plus  spécialement  à  Chosroès  II, 
et  aux  gouverneurs  arabes  du  moyen  âge.  Mais,  entre  ces  deux  termes  extrêmes,  est  une 
série  très  nombreuse  de  monnaies  de  cuivre  frappées  par  les  princes  d'Elymaïde,  contemporains 
des  rois  arsacides.  Cette  série,  j'en  ai  confié  l'étude  au  colonel  Allotte  de  la  Fuye,  dont  la  compé- 
tence est  si  connue  en  pareille  matière. 

Le  sixième  mémoire  est  entièrement  consacré  à  l'étude  de  ces  curieux  coins  gravés  en  deux 
langues,  le  grec  et  l'aramôen.  M.  Allotte  de  la  Fuye  a  dit  sur  cette  question  très  ardue  tout  ce 
qui  pouvait  être  dit,  relevant  les  travaux  antérieurs  à  son  mémoire,  corrigeant  leurs  erreurs, 


PREFACE  vil 


proposant  et  discutant  à  fond  de  nouvelles  lectures.  Cette  étude  peut  faire  faire  un  grand  pas  à 
l'histoire  de  la  Principauté  d'Élymaïde,  des  Kamnaskirès,  des  Orodes  et  de  leurs  successeurs. 

La  statue  de  Napir-Asou,  dont  M.  G.  Lampre  donne  ensuite  une  description  très  précise, 
est  l'un  des  monuments  susiens  les  plus  importants,  par  sa  facture  artistique  comme  par  sa 
technique. 

Le  VHP  volume  se  termine  par  un  mémoire  de  M.  Henri  de  Morgan  sur  les  nécropoles  du 
Nord-Ouest  de  la  Perse  (Talyche  et  Ghilan).  Il  fait  suite  non  seulement  aux  travaux  qu'en  1890 
je  faisais  dans  le  Lenkorân  (Talyche  russe),  mais  aussi  aux  fouilles  que  M.  Henri  de  Morgan  et 
moi-même  nous  faisions  en  1887  dans  l'Arménie  russe. 

Ces  régions  sont  fort  peu  connues  au  point  de  vue  archéologique  ;  je  puis  dire  même  qu'elles 
ne  le  sont  que  par  nos  travaux.  Le  mémoire  de  M.  Henri  de  Morgan  est  l'un  des  plus  importants 
sur  ces  questions,  il  montre  ce  qu'étaient  les  peuples  des  nvcs  de  la  mer  Caspienne  antérieure- 
ment aux  Achéménides  et  peut-être  aussi  sous  ces  souverains;  il  donne  la  preuve  d'une  grande 
invasion  dévastatrice  au  moment  où  les  armes  de  fer  firent  leur  apparition  dans  la  plaine  d'Ar- 
débil  et  les  montagnes  bordiôres  du  Nord  de  l'Iran. 

Tels  sont  les  mémoires  rédigés  depuis  1900.  Certainement  nos  recherches  en  Perse  ont 
fourni  les  documents  pour  bien  d'autres  écrits  ;  mais  le  temps  a  manqué  à  mes  collaborateurs  et 
à  moi-même  pour  traiter  d'autres  questions.  Nous  avons  dû  nous  borner  à  donner  au  public 
celles  présentant  le  plus  grand  intérêt. 


Croissy-sur-Seine,  le  20  septembre  1905. 

J.  DE  Morgan 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 

Par  g.   Jéquier. 


Les  rares  monuments  des  premiers  royaumes  chaldéens  qui  soient  parvenus  jusqu'à  nous, 
et  parmi  eux,  en  toute  première  ligne,  la  grande  stèle  de  Naram-Sin  trouvée  à  Suse,  nous  met- 
tent en  présence  d'un  art  parvenu  à  son  apogée  et  qui,  à  partir  de  ce  moment,  ne  fera  plus  que 
décliner.  Les  cylindres  de  la  même  époque,  ceux  sur  lesquels  se  déroulent  les  épisodes  de  la 
légende  de  Gilgamôs,  sont  les  plus  soignés  et  les  plus  beaux  que  nous  connaissions,  et  montrent 
que  les  graveurs  n'étaient  point  inférieurs  aux  sculpteurs  des  bas-reliefs.  Par  quelles  étapes  les 
artistes  de  l'école  d'Agadé  arrivèrent-ils  à  cette  maîtrise?  Il  ne  nous  est  pas  possible  de  suivre,  en 
remontant  le  cours  des  siècles,  les  progrès  de  l'art,  car  les  monuments  nous  manquent  jusqu'à 
présent.  Dans  les  monuments  trouvés  à  Tello,  il  est  vrai,  la  sculpture  présente  un  caractère  beau- 
coup plus  archaïque,  mais  les  plus  anciens  ne  remontent  pas  plus  haut  que  le  règne  de  Manich- 
tou-Sou,  et  il  n'a  pas  dû  s'écouler  entre  ce  roi  et  les  souverains  d'Agadé  un  laps  de  temps  bien 
considérable,  étant  donné  le  caractère  paléographique  de  leurs  inscriptions.  Nous  devons  donc, 
semble-t-il,  considérer  les  bas-reliefs  de  Tello  comme  contemporains,  ou  à  peu  près,  de  ceux  de 
l'école  d'Agadé,  et  comme  les  œuvres  de  sculpteurs  de  province,  sans  grande  éducation  artistique, 
qui  se  contentent  de  traduire  naïvement  avec  leur  ciseau  les  sujets  qu'ils  ont  à  représenter,  sans 
chercher  à  en  faire  des  œuvres  d'art. 

En  somme,  c'est  d'après  les  cylindres,  dont  nous  possédons  une  fort  belle  série,  que  nous 
pouvons  juger  de  ce  qu'était  l'art  chaldéen  entre  }  ooo  et  3000  av.  J.-C.  (  i  ).  Ces  petits  monu- 
ments ont  été  étudiés  et  classes  avec  beaucoup  de  clairvoyance  par  M.  J.  Menant  (2)  ;  je  n'aurai 
donc  pas  à  y  revenir  ici. 

(i)  J'adopte  ici,  avec  la  plus  grande  partie  des  assyriologues,  et  jusqu'à  preuve  absolue  du  contraire,  la  donnée  du 
cylindre  de  Nabonide.  qui  fait  remonter  Naram-Sin  jusque  vers  3750. 
(2)  Recherches  sur  la  glyptique  orienlale.  Paris,  1883. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


C'est  par  les  cylindres  aussi  que  nous  pouvons  connaître  l'art  de  ces  pays  à  une  époque  bien 
antérieure.  Les  fouilles  de  Suse  ont,  en  effet,  mis  au  jour  des  séries  de  tablettes  portant  des  signes 
cunéiformes  d'un  caractère  tout  particulier,  que  le  P.  Scheil  n'hésite  pas  à  faire  remonter  au  delà 
du  quatrième  millénaire.  Ces  tablettes,  ainsi  que  des  morceaux  d'argile  trouvés  en  même  temps, 
portent  souvent  l'empreinte  de  cylindres  qui  diffèrent  absolument,  par  leur  sujet  et  leur  facture,  de 
ce  que  nous  connaissions  jusqu'ici,  précieux  documents  qui  nous  fournissent  une  étape  de  plus 
dans  l'histoire  de  l'art  oriental.  Quelques-uns  même  des  cylindres  originaux  de  cette  époque  sont 
parvenus  jusqu'à  nous  dans  les  mêmes  conditions. 

Au-dessous  de  la  couche  où  furent  trouvées  les  tablettes,  dans  une  zone  qui  me  parait,  ainsi 
que  j'ai  cherché  à  le  démontrer  ailleurs,  contenir  les  vestiges  d'une  population  entièrement  diffé- 
rente, nous  avons  trouvé  toute  une  série  de  cachets  en  pierre  tendre,  non  plus  cylindriques,  mais 
plats,  grossièrement  ciselés,  qui  sont  certainement  les  monuments  artistiques  les  plus  anciens  que 
nous  possédions,  et  nous  reportent  à  une  époque  bien  plus  reculée,  indéterminable  jusqu'ici,  et 
qu'on  peut  considérer  déjà  comme  préhistorique,  car  nous  n'avons,  pour  cette  période,  aucune 
trace  d'écriture. 

J'ai  relevé  avec  le  plus  grand  soin  tous  les  plus  petits  fragments  provenant  de  ces  deux 
séries  de  monuments,  et  c'est  le  résultat  de  cette  étude  et  de  ces  relevés  qui  fera  le  sujet  du  présent 
travail,  travail  qui  sera  certainement  complété  par  les  découvertes  futures. 


CACHETS 

Dans  le  tell  de  Suse,  la  zone  de  ruines  qui  commence  à  une  profondeur  de  20  mètres  au- 
dessous  du  niveau  primitif  et  dont  nous  ne  pouvons  encore  évaluer  l'épaisseur,  ne  renferme  que  des 
vases  et  des  fragments  de  vases  peints,  en  poterie  fine,  et  des  silex  taillés,  le  tout  appartenant  à  la 
même  époque.  Quelques-uns  de  ces  objets  sont  remontés,  ce  qui  n'a  rien  d'extraordinaire, 
jusqu'aux  niveaux  supérieurs;  mais  aucun  monument  postérieur  n'a  été  trouvé  jusqu  ici  dans 
cette  couche,  nettement  séparée  des  autres  par  des  lits  de  cendres  et  de  détritus,  indices  dune 
destruction  de  la  ville,  à  une  époque  très  ancienne. 

Au  milieu  de  cette  poterie,  on  trouve  parfois  de  petits  monuments  en  pierre,  le  plus  souvent 
en  calcaire  blanc  ou  gris,  à  grain  très  fin,  en  forme  de  section  de  sphère,  avec  une  surface  plane 
sur  laquelle  sont  gravées  en  creux,  très  grossièrement,  des  représentations  d'animaux  (fig.  1-5). 
L'n  trou  rond ,  percé  dans  toute  la  longueur,  parallèlement  à  la  surface  plane,  montre  que  ces  objets 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


devaient  être  suspendus,   soit  parmi   les  perles  d'un  collier,  soit  peut-être  isolément,  comme 
amulettes. 

Nous  sommes  en  présence  ici  des  plus  anciennes  intailles  asiatiques  ;  je  les  ai  rangées  ici  sous 
la  rubrique  «  cachets  »,  sans  cependant  pouvoir  affirmer  qu'elles  ont  servi  à  cet  usage,  car  nous 
n'en  avons  pas  retrouvé  d'empreintes  authentiques  de  l'époque.  Il  est  cependant  permis  de  sup- 
poser que  les  hommes  qui  les  ont  fait  graver,  ne  pouvant  s'en  servir  pour  cacheter  leurs  contrats, 
puisque  très  probablement  ils  ne  connaissaient  pas  l'écriture,  les  employaient  à  sceller  d'un  signe 
distinctif  les  objets  leur  appartenant,  et  tout  spécialement  l'orifice  des  vases  contenant  leurs  pro- 
visions, comme  cela  se  faisait  un  peu  partout,  en  Egypte  par  exemple,  et  même  à  Suse  à  une 
époque  un  peu  postérieure. 


{ 


FiG.    I. 


FiG.  4. 


FlG      2.  FiG.    5. 

FiG.  I-;.  —  Cachets  en  calcaire,  eu  forme  de  section  de  sphère. 


FiG.   5. 


Les  gravures  qui  ornent  la  surface  plate  de  ces  cachets  sont  des  plus  primitives  et  contrastent 
par  leur  facture  avec  la  poterie  peinte,  dans  laquelle  les  Susiens  de  l'époque  avaient  atteint  une 
véritable  perfection.  Quant  aux  instruments  dont  se  servaient  les  graveurs,  ils  semblent  n'avoir 
été  qu'au  nombre  de  deux,  la  bouterolle  et  le  burin.  Le  premier  de  ces  outils,  dont  on  remarque 
aisément  la  trace  dans  les  figures  3  et  5,  servait  à  indiquer  les  parties  les  plus  saillantes  du  corps 
de  l'animal  qu'ils  voulaient  représenter  ;  puis,  à  l'aide  d'un  instrument  pointu,  ils  joignaient  l'un 
à  l'autre  les  deux  trous,  les  égalisaient,  puis  traçaient  gauchement  les  membres,  en  général  au 
moyen  de  traits  droits.  Parfois  même,  le  burin  paraît  avoir  été  le  seul  outil  employé,  et  les  figures 
sont  alors  plus  schématiques  encore. 

Les  sujets  représentés  sont  empruntés  au  règne  animal,  mais  leur  exécution  sommaire  ne 
nous  permet  guère  de  les  définir.  Ce  sont,  en  général,  soit  des  antilopes  à  longues  cornes  recour- 
bées, soit  des  quadrupèdes  bas  sur  pattes,  au  corps  lourd,  la  queue  relevée,  qui  peut-être  figurent 
des  renards  ou  des  animaux  de  ce  genre.  Parfois  un  petit  ornement,  une  branche  garnie  de  ses 
feuilles,  par  exemple,  vient  remplir  la  partie  du  cachet  que  le  corps  de  l'animal  ne  couvre  pas 
entièrement. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


Tous  les  cachets  de  cette  époque  n'ont  pas  la  forme  circulaire  :  nous  en  possédons  deux  qui 
témoignent  d'une  recherche  et  d'un  savoir-faire  beaucoup  plus  avancés.  Le  premier  (fig.  6)  repré- 
sente un  lion  couché,  dont  les  contours  sont  simplement  découpés  dans  une  plaque  de  calcaire  rose, 
puis  arrondis  à  la  partie  supérieure  ;  malheureusement  ce  petit  objet  a  été  très  roulé  et  nous  ne 
pouvons  plus  guère  juger  du  travail  dans  le  corps  du  lion,  où  les  muscles  paraissent  avoir  été 
indiqués  d'une  manière  assez  naturelle  par  un  artiste  consciencieux,  sinon  très  habile. 


(i  .  .  -  y 


FiG.  6.  —  Lion  couché,  en  calcaire  rose,  gr.  nat. 


FiG.  7.  —  Tête  de  lion,  gr.  nat. 


Le  second,  admirablement  conservé  dans  tous  ses  détails,  est  beaucoup  plus  intéressant  au 
point  de  vue  artistique  (fig.  7).  Le  sculpteur,  qui  voulait  représenter  une  tète  de  lion,  a  su,  par  des 
formes  habilement  dessinées,  par  son  modelé  et  par  quelques  lignes  bien  posées,  rendre  son  sujet 
avec  une  hardiesse  et  une  vérité  tout  à  fait  inattendues.  L'œil,  qui  n'est  plus  qu'un  trou  rond, 
était  autrefois  incrusté.  La  tête  elle-même,  qui  occupe  à  peine  un  tiers  du  cachet,  est  séparée  par 
un  bourrelet  légèrement  saillant  qui  représente  le  commencement  de  la  crinière,  d'une  zone 
simplement  polie,  de  forme  semi-circulaire,  qui  fait  ressortir  le  caractère  schématique  de  cette 
œuvre  d'art. 

Ces  deux  cachets  sont,  comme  les  autres,  percés  longitudinalement  de  part  en  part.  Quant 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


à  la  face  plane,  elle  porte  toujours,  gravées  en   creux,  à  la  bouteroUe  et  au  burin,   les  mêmes 
représentations  d'animaux,  à  peine  plus  soignées  que  sur  les  autres  intailles. 

Je  crois  devoir  rapprocher  de  cette  catégorie  d'intailles  une  petite  série  d'empreintes  sur  des 
morceaux  d'argile,  trouvées  toutes  ensemble  au  niveau  des  tablettes  et  des  cylindres,  mais  essentiel- 
lement différentes  de  ces  derniers.  Nous  n'en  avons  que  quatre  modèles,  dont  un  seul  représente 
des  animaux  (fig.  ii),  un  semis  de  quadrupèdes  au  long  cou,  la  tête  retournée  en  arrière,  qui 
rappelle  un  peu,  par  son  sujet  et  sa  facture,  les  cachets  dont  je  viens  de  parler  ;  les  empreintes  en 
sont  si  indistinctes  qu'il  n'est  guère  possible  d'insister  sur  ce  rapprochement. 


i  t  ni  4  I 


Fig.  8. 


Fig.  9.  F:g.  10. 

Fig.  8-1 1.  —  Fmpreimes  sur  Virgile,  gr.indeur  naturelle. 


Fig.  1 1. 


Les  trois  autres  sont  de  simples  ornements  composés  de  lignes  droites,  soit  des  carrés 
opposés  par  leurs  angles,  traversés  d'une  diagonale  et  décorés  de  petits  traits  perpendiculaires  ou 
obliques,  soit  un  ornement  régulier  que  nous  ne  possédons  qu'en  partie,  soit  encore  un  entrela- 
cement bizarre  de  lignes  inscrites  dans  un  cercle  (fig.  8,  9,  10). 

Toutes  ces  empreintes  sont  fortement  concaves,  et  sauf  pour  une,  la  dernière  que  j'ai  citée, 
les  contours  ne  sont  pas  définis.  L'objet  qui  servit  de  matrice  semble  avoir  été,  non  plus  un 
cachet  plat,  mais  une  boule  d'assez  grande  dimension  couverte  d'ornements  en  creux. 


II 


CYLINDRES 


Les  tablettes  archaïques  trouvées  à  Suse,  soit  amoncelées  dans  i'anglc  d'une  chambre,  soit 
éparses  dans  les  ruines,  sont  toutes  des  contrats  ;  le  fait  seul  que  beaucoup  d'entre  elles  portent 
sur  leur  revers  l'empreinte  de  cylindres,  suffirait  à  le  prouver.  Faites  d'argile  très  fine,  non 
cuite,  elles  nous  sont  parvenues  le  plus  souvent  brisées,  mais,  après  un  nettoyage  soigneux,  nous 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


avons  pu  en  reconstituer  le  plus  grand  nombre  :  à  part  cela,  elles  n'ont  guère  souffert  et  ne  sont 
ni  usines  ni  frottées,  mais  telles  que  si  elles  sortaient  des  mains  du  scribe. 

Les  cachets  sont,  de  même,  aussi  bien  conservés  que  possible  ;  ils  ont  été  roulés  sur  la  terre 
molle  avec  beaucoup  de  dextérité,  mais  très  légèrement,  aussi  ne  voyons-nous  la  plupart  du 
temps  que  des  silhouettes  ;  les  détails  ornant  le  creux  de  la  matrice,  pour  lesquels  il  aurait  fallu 
une  pression  beaucoup  plus  forte,  ne  sont,  en  général,  pas  venus.  Il  en  est  de  même  pour  les 
empreintes  qui  se  trouvent  sur  des  mottes  d'argile  beaucoup  plus  grossière,  fragments  informes 
qui  avaient  dû  servir  autrefois  à  boucher  des  vases  ou  à  sceller  des  envois  de  provisions,  et 
qui  ont  été  recueillis  dans  les  mêmes  conditions  que  les  tablettes,  souvent  en  même  temps. 

Quelques  cylindres,  trouvés  çà  et  là  dans  les  fouilles,  viennent  dans  une  certaine  mesure 
combler  cette  lacune,  car  ils  sont  en  général  admirablement  conservés  et  nous  pouvons  y  distin- 
guer chaque  détail  d'exécution.  Ils  sont  en  tous  points  semblables  à  ceux  dont  les  tablettes  portent 
les  empreintes  et  appartiennent  certainement  à  la  même  époque.  Ces  petits  objets  sont,  non  en 
pierre,  mais  en  une  sorte  de  pâte  blanche,  très  fine,  qui  devait  être  travaillée,  étant  encore  molle, 
à  l'aide  d'instruments  très  simples  et  ne  présentait  pas  de  grandes  difficultés  au  graveur  ;  une 
fois  l'objet  terminé,  on  l'enduisait  d'une  couche  d'émail,  très  mince,  d'une  couleur  légèrement 
verdâtre. 

Nous  possédons  encore  d'autres  cylindres,  de  plus  petites  dimensions,  en  pierre  dure,  tra- 
vaillés comme  ceux  de  Babylonie,  mais  dont  les  sujets  sont  analogues  à  ceux  dont  nous  nous 
occupons;  je  les  décrirai  au  fur  et  à  mesure,  sans  toutefois  pouvoir  affirmer  qu'ils  sont  de  la 
même  époque  que  les  autres. 

Les  dimensions  sont  très  variables  :  quelques-uns  des  cachets  n'avaient  guère  que  deux  cen- 
timètres de  hauteur,  d'autres  arrivent  à  en  avoir  plus  de  six  ;  il  en  est  de  même  pour  le  diamètre 
des  cvlindres,  car  nous  en  avons  de  tout  petits  à  côté  d'autres  qui  atteignent  jusqu'à  3  centi- 
mètres. 

Parmi  les  cylindres  de  Chaldée,  beaucoup  portent  des  inscriptions  qui  nous  donnent  le  nom 
et  le  titre  du  propriétaire,  parfois  une  courte  prière.  Ici,  ce  n'est  jamais  le  cas,  et  tous  ceux  que 
nous  avons  trouvés  jusqu'ici,  au  nombre  de  plus  de  cinquante,  n'ont  que  des  représentations 
figurées.  Il  n'y  a  d'exception  que  pour  un  cylindre  très  curieux,  déjà  publié  par  le  P.  Scheil(i) 
qui  porte  une  inscription  en  hiéroglyphes  et  représente  des  bœufs  au  corps  démesurément 
allongé,  la  tête  penchée  sur  une  mangeoire.  Je  ne  saurais  dire,  devant  cet  objet  isolé,  s'il  faut  y 
voir  un  monument  beaucoup  plus  ancien,  datant  de  l'époque  de  l'origine  de  l'écriture,  ou  une 
recherche  voulue  d'archaïsme.  Étant  donnée  la  matière  du  cylindre,  une  pâte  blanche  fine  et 
friable,  et  le  style  des  représentations  animales,  il  semble  presque  que  la  dernière  hypothèse 
soit  la  plus  vraisemblable. 

Le  seul  mode  de  classification  à  adopter  pour  les  cylindres  est  de  se  baser  sur  les  sujets  qui 

(i)  Textes  élamites  sémitiques,  I,  p.  129.  où  il  a  été  reproduit  au  double  de  grandeur  naturelle. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


y  sont  gravés.  Ce  sont  presque  toujours  des  représentations  d'animaux  du  pays,  lions  et  taureaux 
en  première  ligne,  puis  les  bêtes  à  cornes,  telles  que  chèvres  sauvages,  mouflons,  antilopes  et 
même  cerfs,  ensuite  des  poissons,  des  serpents,  des  scorpions,  et  enfin  des  animaux  fantastiques. 
La  figure  humaine  est  des  plus  rares,  et  quant  aux  ornements  géométriques,  ils  remplissent  sou- 
vent les  vides  entre  les  animaux,  et  même  parfois  occupent  tout  le  champ  de  l'empreinte. 

Je  donnerai  donc  la  description  de  chacun  des  cylindres  qui  viendront  se  ranger  dans  l'une 
ou  l'autre  de  ces  catégories,  en  signalant  au  fur  et  à  mesure  les  différences  de  facture  que  j'ai  pu 
remarquer.  Ces  différences  sont  souvent  fort  difficiles  à  saisir,  car,  comme  je  l'ai  dit,  les  em- 
preintes sont  loin  d'être  nettes  et  ne  présentent  le  plus  souvent  aucun  détail  ;  à  première  vue,  on 
ne  distingue  guère  sur  les  tablettes  que  des  lignes  et  des  reliefs  souvent  incohérents,  et  ce  n'est 
qu'après  un  examen  très  attentif,  à  la  loupe  et  dans  diverses  positions,  pour  obtenir  un  jour  fri- 
sant, qu'on  finit  par  pouvoir  comprendre  le  sujet  représenté.  Heureusement,  nous  avons,  le  plus 
souvent,  plusieurs  exemplaires  de  la  même  empreinte;  c'est  ce  qui  m'a  permis  d'en  faire  des  des- 
sins très  exacts,  dans  lesquels  je  me  suis  efforcé  de  reproduire,  autant  que  possible,  le  caractère 
particulier  de  chacun  des  originaux,  et  que  je  reproduis  toujours  de  grandeur  naturelle. 


LIONS 

De  tous  temps,  le  lion  a  été  un  des  animaux  qui  ont  le  plus  frappé  l'imagination  des  hommes, 
et  peut-être  même  celui  que  les  artistes  ont  le  plus  souvent  reproduit.  Dans  les  cachets  chaldéens 
à  sujets  mythologiques,  aussi  bien  que  sur  les  grands  tableaux  de  chasse  des  rois  assyriens,  nous 
voyons  très  fréquemment  représenté  (i)  le  petit  lion  mésopotamicn  qui  devait  être  alors  la 
terreur  de  la  contrée,  et  dont  la  race  n'est  pas  encore  éteinte  aujourd'hui. 

A  Suse,  nous  l'avons  déjà  vu,  formant  le  sujet  principal  de  deux  cachets  ;  rien  d'étonnant 
si  nous  le  retrouvons  comme  un  des  motifs  préférés  des  graveurs  de  cylindres,  qui  le  reproduisent 

avec  une  simplicité  schématique,  mais  pleine  de  vie  et  d'énergie,  dans    

plusieurs  de  ses  postures,  comme  un  animal  qu'ils  ont  eu  le  loisir  d'étu-     Q 
dier  de  près. 

Quoique  le  lion  paraisse  le  plus  souvent,  comme  nous  le  verrons 
plus  loin,  en  parallèle  avec  le  taureau,  il  est  aussi  parfois  représenté  seul, 
et,  dans  ce  cas,  nous  avons  toujours  deux  individus  fiirurés  svmétriquc-     ,.  ^     ,  „ 

'  o  .  1  Ik;,  1 2,  —  dniiuleur  naturelle. 

ment,  absolument  semblables  et  se  faisant  pendant. 

Le  premier  cylindre  de  cette  catégorie,  imprimé  sur  un  morceau  d'argile,  nous  montre  deux 

(i)  Pour  les  particularités  zoolot,'iques,  comme  pour  ce  qui  a  trait  aux  représentations  assyriennes  des  animaux 
figurés  sur  nos  cylindres,  je  renvoie  le  lecteur  à  l'étude  du  Rev.  W.  Houghton.  On  thc  Mammalia  of  tlie  ARsyrian 
Sculptures.  Dans  les  Transactions  de  la  Société  d'archéologie  biblique,  V,  p.  33-64  et  519-3S3.  Pour  le  lion  plus  spé- 
cialement, V.  p.  322-326. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


lions  debout  sur  leurs  pattes  de  derrière,  se  tournant  le  dos,  tandis  que  les  têtes,  placées  en 
sens  inverse,  se  regardent;  les  queues  se  dressent  en  s'entrelaçant,  et  l'une  des  pattes  de  devant 
se  relève  tandis  que  l'autre  pend  simplement,  ce  qui  donne  à  ces  animaux  une  allure  qui  rappelle 
celle  de  nos  lions  héraldiques  (fig".  12).  L'empreinte  a  fort  peu  de  relief,  et  ne  laisse  distinguer 
qu'un  détail,  la  gueule  ouverte  et  la  langue  qui  pend. 

Sur  un  autre  morceau  d'argile,  où  l'empreinte  est  peut-être  moins  nette  encore,  nous  retrou- 
vons un  sujet  presque  semblable,  mais  ici,  ces  animaux,  toujours 
adossés  et  retournant  la  tête,  sont  assis  sur  leur  arrière-train  et  fière- 
ment campés  des  pattes  de  devant  (fig.  1 3).  Les  queues  se  recroisent 
r^      quatre  fois,  divisant  ainsi  le  cachet  verticalement  en  deux  parties. 
«  IT  '^^'^^^/j^^  Wi  <      ^'^^  crinières  sont  indiquées  très  sobrement  par  deux  petites  mèches 
^"^     ~~     -"-      saillantes  devant  le  cou  et,  à  l'opposite,  par  une  proéminence  très 


a.j. 


Fig.  13.  —  Grandeur  naturelle.         marquée,  au-dessus  du  garrot.  Entre  les  lions,  deux  petits  animaux 

placés  l'un  au-dessus  de  l'autre  me  paraissent  représenter  des  tortues. 
Nous  revoyons  les  deux  lions  retournant  la  tête  sur  des  cachets  imprimés  au  revers  de  deux 
tablettes  ;  cette  fois-ci,  ils  sont  presque  couchés,  se  rele- 
vant légèrement  sur  leurs  pattes,  dont  les  extérieures  seules 
sont  dessinées  (fig.  14).  On  ne  distingue  plus  des  queues 
que  l'extrémité  enroulée,  la  gueule  n'est  pas  indiquée,  et 
le  contour  seul  de  la  crinière  est  marqué.  Entre  les  deux 
lions,  une  sorte  d'arbre  à  trois  branches  relevées.  I  ~     '  ' 

riG.  14.  —  Grandeur  naturelle. 

Enfin,  du  dernier  cylindre  de  ce  type,  empreint  sur 

une  petite  motte  d'argile,  il  ne  reste  que  la  partie  supérieure,  qui  repré- 
sente deux  lions  marchant,  la  queue  en  l'air,  regardant  toujours  derrière 


_^ç? j)  n.  'L__b^  '     ^^^  '  '^'-'^  ^^  contour  des  muscles  des  jambes  est  serti  d'une  ligne  en  relief. 

o    ((Si^N/ffi-^î)     <"         De  même  que  pour  les  trois  autres,  nous  ne  voyons  aucune  trace  d'outil, 
Fig.  15.  —  Grandeurnaturciie.  et  Ics  formes,  tracées  souplement,  sans   difficulté,  nous  montrent  bien 

que  ces   cylindres,    comme   ceux    qui  nous  sont  parvenus,    étaient  en 
pâte,  non  en  pierre  dure  (fig.  i  ^). 

Quand  le  lion  apparaît,  non  plus  seul,  ni  en  parallélisme  avec  le  taureau,  mais  accompa- 
gnant d'autres  animaux,  il  a  l'air  de  n'être  là  que  pour  remplir  un  vide  :  je  n'ai  trouvé  de  ce  fait 
que  deux  exemples.  Dans  l'un  de  ces  cylindres,  qui  représente  une  antilope  suivie  de  deux  tau- 
reaux de  tailles  et  de  formes  différentes,  un  lion  se  tient  assis  au-dessus  du  plus  petit  des  tau- 
reaux ;  sa  tête  est  énorme,  sa  crinière  très  développée,  et  la  queue  se  dresse  pour  se  recourber  à 
son  extrémité.  Beaucoup  plus  petit  que  les  trois  autres  animaux  figurés  sur  ce  cachet,  le  lion 
paraît  ici  jouer  un  rôle  tout  à  fait  accessoire  (fig.  16). 

Il  en  est  de  même  pour  un  cylindre  représentant  des  cerfs,  que  je  reproduirai  plus  loin 
(fig.    46).   Au-dessus  de  chacun  de  ces  animaux  est  couché  un   lion,   ici  aussi  de  dimensions 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


L 

G.J. 


FiG.  i6.  —  Grandeur  naturelle. 


beaucoup  moindres,  qui  remplit  exactement  le  vide  laissé  entre  le  dos  du  cerf  et  le  bord  supé- 
rieur, et  qui  ne  semble  être  là  que  dans  le  but  d'équilibrer  la  composition  ;  en  effet,  si  le  graveur 
avait  voulu  représenter  un  lion  terrassant  un 
cerf,  il  s'y  serait  certainement  pris  d'une  ma- 
nière toute  différente,  et  lui  aurait  donné,  en 
tous  cas,  plus  d'importance  qu'à  sa  victime. 
Ici  la  queue  est  pendante,  et  quant  à  la  tête, 
elle  a  disparu  sur  chacune  des  quatre  tablettes 
qui  nous  ont  conservé  des  empreintes  de  ce 
cachet. 

Si  les  graveurs  susiens  ont  donné  avec 
prédilection  à  leurs  taureaux  des  attitudes  extraordinaires,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  ils 
ont  aussi  cherché  à  représenter  le  lion  dans  la  même  posture  étrange,  qui  le  rapproche  plus  de 

l'homme  que  de  la  bête,  et  où  je  serais  presque  tenté 

de  voir  l'image  d'une  divinité  :  un  cylindre,  assez  mal 
imprimé  au  revers  d'une  tablette,  nous  montre  deux 
lions  (la  forme  très  bien  indiquée  des  membres  posté- 
rieurs ne  permet  pas  d'y  reconnaître  d'autres  animaux), 
debout  sur  les  pattes  de  derrière  et  croisant  sur  la  poi- 
trine celles  de  devant,   traitées  comme  les  bras  d'un 
homme  dont  les  deux  coudes  seraient  écartés  du  corps 
autant  que  possible.  De  la  tête  on  ne  distingue  que  les 
deux  oreilles;  derrière  pend  une  sorte  de  double  queue, 
ou  plutôt  les  deux  extrémités  d'une  ceinture  (fîg.  17).  Les  deux  lions  sont  légèrement  différents, 
l'un  plus  cambré  que  l'autre  ;  entre  eux  sont  figurés  des  tas  pyra- 
midaux de  petites  boules  et  une  sorte  de  feuille  de  trèfle. 

Parmi  les  rares  cylindres  trouvés  à  Suse,  il  en  est  un,  en 
hématite(?),  très  grossièrement  travaillé  à  la  scie  et  au  burin,  qui 
représente  deux  lions  debout,  la  queue  en  l'air,  terrassant  des 
gazelles  qui  se  dressent  en  face  l'une  de  l'autre.  L'une  de  ces 
dernières  a  les  pattes  de  devant  démesurément  longues,  touchant 
terre,  tandis  que   l'autre,  par  l'inexpérience  du  graveur,   n'en  a 

pas  du  tout  (fig.  18).  Ce  petit  monument  rappelle  beaucoup,  par  le  sujet  représenté,  ceux  qui 
sont  reproduits  par  Men.ml  (Glyptique  orientale,  p.  58,  fig.  22,  23,  24)  ;  je  ne  le  cite  ici  que  sous 
toutes  réserves,  ne  pouvant  rien  affirmer  quant  à  sa  date. 


G.J. 


Fig.  17.  —  Grandeur  naturelle. 


Fig.  18.  —  Grandeur  naturelle. 


10 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


TAUREAUX 


Dans  les  temps  anciens,  un  des  animaux  sauvages  les  plus  redoutables  de  la  Mésopotamie 
était  Vurus  ou  bas  primigenius,  dont  la  race  est  actuellement  éteinte,  au  moins  dans  ce  pays.  De 
même  que  les  Chaldéens  et  les  Assyriens,  les  graveurs  susiens  l'ont  souvent  figuré  sur  leurs 
intailles,  à  peu  près  de  la  même  manière,  et  nous  pouvons  aisément  reconnaître  cet  animal,  dont 
la  structure  générale  est  indiquée  le  plus  souvent  d'une  manière  très  caractéristique. 

Le  cylindre  que  j'ai  reproduit  plus  haut  (fig.  i6)  porte  deux  représentations  de  taureaux,  dont 
l'empreinte  un  peu  fruste  et  très  incomplète  permet  toutefois  de  distinguer  la  large  tête  à  l'unique 
corne  recourbée,  exactement  comme  la  figureront  plus  tard  les  sculpteurs  assyriens,  et  la  queue 
pendant  tout  droit.  Les  deux  bêtes  sont  différentes  :  l'une  a  le  cou  plus  allongé,  l'autre  porte  une 
crinière  qui  fait  saillie  à  la  naissance  des  jambes,  et  des  toufifes  de  poils  se  détachent  à  la  hauteur 

des  genoux,  particularité  qui  semble  un  peu  in- 
~  ^        solite  chez  un  animal  de  cette  espèce  et  rappel- 

^^3^  lerait  plutôt  le  mouflon  à  manchettes  figuré  sur 
le  même  cylindre  ;  il  faut  sans  doute  n'y  voir 
qu'une  confusion  du  graveur. 

Le   plus  beau   et  le  mieux  conservé  des 
cylindres  de  cette  série  nous  montre  des  taureaux 
marchant  vers  la  gauche,  d'une  allure  extrême- 
ment naturelle,  qui  ^contraste  avec  les  postures 
un  peu  raides  des  animaux  représentés  sur  les 
autres  cachets.  Le  corps,  épais  et  lourd,  très  ensellé,  est  supporté  par  des  jambes  bien  propor- 
tionnées, très  justes  de  mouvement  ;  la  grosse  tête,  fort  expressive  avec  son  œil  posé  de  face,  est 
surmontée  de  la  grande  corne  recourbée  ;  la  queue  retombe,  

^  ^  I  II       II         _.  III  I        II  ■m  I 

terminée  par  une  triple  toufïe  de  poils.  Les  bêtes  sont  sépa- 
rées par  une  plante  à  sept  feuilles  lancéolées,  se  dressant 
tout  droit  (fig.  19). 

Nous  retrouvons  le  même  souci  du  naturel  dans  une 
représentation  analogue,  avec  une  recherche  de  perspective 
curieuse,  quoique  un  peu  naïve.  Le  taureau,  dirigé  vers  la 
droite  et  bien  campé  sur  ses  jambes  de  devant,  retourne  la 
tête  à  gauche  ;  le  corps  est  de  profil,  la  tête  aussi,  mais 
toute  l'avant-main  est  représentée  de  face,  d'une  façon  qui 

n'est  pomt  choquante  à  l'œil  (fig.  20).  Les  cornes,  qui  se  dressent  de  chaque  côté  d'une  forte  protu- 
bérance, au  sommet  de  la  tête,  sont  à  double  courbure  et  assez  minces,  ce  qui  semble  indiquer 


Fig.  19.  —  Grandeur  naturelle. 


'.i      ic>. 


FlG.  20.  —  Grandeur  naturelle. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


ir 


une  race  bovine  autre  que  l'urus,  mais  que  je  ne  puis  déterminer  exactement.  De  chaque  côté,  un 
taureau  beaucoup  plus  petit  est  debout  dans  la  même  position,  mais  ne  porte  sur  la  tète  que  la 
grosse  corne  à  courbure  simple.  Les  vides  du  champ  sont  comblés  par  des  croix  alezées.  La 
partie  inférieure  du  cachet  n'est  pas  visible. 

Un  grand  cylindre  en  pâte  blanche,  très  bien  conservé,  sur  lequel  j'aurai  à  revenir  plus  loin 
(v.  pi.  I,  fig.  2)  porte  à  sa  partie  inférieure  trois  animaux  semblables,  marchant  vers  la  droite, 
dont  la  tète,  représentée  de  face,  avec  son  frontal  très  large  et  son  museau  carré,  et  surmontée 
de  deux  cornes,  paraît  bien  devoir  appartenir  à  un  individu  de  la  race  bovine.  Le  travail  en  est  du 
reste  très  sommaire. 

Les  taureaux  ne  sont  pas  toujours  représentés  au  naturel  ;  souvent  les  graveurs  susiens  ont 
adapté  leurs  formes  générales  à  des  figures  bizarres 
dont  la  pose  est  plutôt  celle  de  l'homme  que  celle  d'un 
animal.  Au  revers  d'une  grande  tablette,  nous  voyons 
une  théorie  de  ces  êtres  étranges,  absolument  sem- 
blables, debout,  dirigés  vers  la  droite.  L'exécution  est 
maladroite  et  les  proportions  manquent  d'exactitude  ; 
la  tète,  très  petite  et  allongée,  est  surmontée  d'une  paire 
de  fines  cornes  en  accolade;  les  pattes  de  devant,  posées 
sur  la  poitrine,  se  terminent  par  une  sorte  de  main  à 
trois  doigts,  largement  ouverte  ;  les  cuisses  sont  énor- 
mes, et  les  sabots,  tout  petits,  sortent  d'un  gros  paturon 

évasé.  Une  sorte  de  caleçon  enserre  le  bas  du  ventre,  et  de  là  pendent  par  derrière  deux  rubans, 
l'un  traînant  jusqu'à  terre,  l'autre  de  moitié  plus  court, 'qui  peut-être  figure  la  queue  (fig.  21). 

Un  sujet  analogue  se  retrouve  sur  un  cvlindrc  d'une  exécution  plus  soignée,  dont  l'em- 
preinte nous  est  conservée  au  revers  d'une  autre  tablette.  Les  deux  animaux  représentés,  diffé- 

_____________^ rents  l'un  de  l'autre,  sont  agenouillés,  le  buste  droit,  et 

tournés  vers  la  gauche,  les  pattes  de  devant  toujours  dans 
la  même  position,  repliées  à  la  hauteur  de  la  poitrine  ;  le 
ventre  est  proéminent  et  les  cuisses  très  fortes.  Le  premier 
de  ces  animaux  a  une  grosse  tête  au  chanfrein  busqué 
surmontée  d'une  forte  protubérance,  de  deux  cornes 
arrondies  et  d'une  mèche  se  recourbant  en  avant  ;  d'autres 
mèches  de  poils  pendent  de  l'avant-bras,  et  la  queue  se 
replie  deux  fois  derrière  la  croupe,  avant  de  retomber  à 
terre.  Dans  le  taureau  de  droite,  nous  avons  l'autre  type  de  cornes  sur  une  tète  plus  fine,  et  la 
queue  se  termine  par  un  gros  paquet  de  poils  finissant  en  pointe  (fig.  22).  Sur  cette  empreinte 
assez  médiocre,  on  ne  distingue  que  vaguement  les  objets  accessoires,  des  lozangcs  striés  et  une 
sorte  de  fleur  de  lotus  sur  une  tige  droite  surmontée  d'un  disque  ailé  (?). 


Fig.  21.  —  Grandeur  naturelle. 


Fig.  22.  —  Gr.mdeur  naturelle. 


12 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


r^-g^^^  ^T^ 


Û.J 


Plus  étrange  encore,  presque  grotesque,  un  autre  cylindre,  également  sur  une  tablette,  nous 
montre  deux  individus  de  la  même  espèce,  agenouillés  en  face  l'un  de  l'autre.  Celui  qui  est  tourné 

à  droite  est  petit  et  trapu,  au  corps  informe,  la 

tête  à  la  corne  unique  plantée  gauchement  sur 
un  cou  trop  mince  ;  ses  pattes  de  devant  ne  sont 
guère  que  des  moignons  tenant  un  petit  objet 
rectangulaire  ;  la  queue  remonte  obliquement 
pour  se  terminer  par  un  enroulement.  L'autre 
animal,  qui  lui  fait  face,  est  encore  bien  plus 
disproportionné:  de  longues  jambes,  des  cuisses 
monstrueuses  sur  lesquelles  s'étale  un  corps  très  court  d'une  épaisseur  invraisemblable  (fîg.  23). 
Les  pattes  de  devant  sont  de  vrais  bras  d'homme,  l'un  replié  derrière  la  tête,  .l'autre  tendant  en 
avant  un  faisceau  de  flèches(?)  ;  la  queue,  qui  commence  par  se  relever,  se  coude  brusquement  à 
angle  droit.  La  tête,  avec  sa  corne  arrondie,  indique  que  les  deux  bêtes  sont  de  la  même  espèce. 
Parfois  aussi,  ces  êtres  sont  représentés  de  face  ;  nous  n'en  avons  que  des  fragments  d'em- 
preinte, l'un  très  flou,  qui  nous  les  montre  dans  une  allure  rappelant  un  peu  le  Moloch  syrien. 


FiG.  23.  —  Grandeur  naturelle. 


4 
A 


^  t- 


FiG.  24-26.  —  Grandeur  naturelle. 


les  autres  qui  ne  nous  donnent  que  le  bas  du  corps,  avec  des  cuisses  striées  longitudinalement, 
semblables  plus  à  celles  d'une  grenouille  qu'à  celles  d'un  taureau  (fîg.  2.4-26). 

Je  crois  reconnaître  des  veaux  dans  des  animaux  au  corps  jeune,  porté  sur  de  grandes  jambes 


FiG.  27.  —  Grandeur  naturelle. 


grêles,  sujet  principal  d'un  cylindre  roulé  .sur  une  motte  d'argile  ;   la  tète,  petite  et  arrondie. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


est  plantée  très  naturellement  sur  un  cou  mince.  Leur  allure,  pleine  de  vérité,  contraste  avec 
celle  des  antilopes  inhabilement  dessinées  qui  les  surmontent  (fig.  27).  Derrière  eux,  une  branche 
recourbée,  garnie  de  ses. feuilles. 


LIONS  ET  TAUREAUX 


""'^  '^'^^fa) 


Ls. ^ 


^MDrjJfimi 


Fig.  28.  —  Grandeur  naturelle. 


La  légende  babylonienne  nous  raconte  les  luttes  qu'eurent  à  soutenir  Gilgamès  et  son  ami 
Eabani  avec  le  lion  et  le  taureau,  les  deux  fléaux  de  la  contrée,  avant  d'entreprendre  leur  expé- 
dition contre  le  roi  d'Elam.  Les  cylindres  chaldéens  de  la  plus  ancienne  époque  donnent  souvent 
la  représentation  de  ces  combats(i),  mais  il  est  curieux  de  retrouver  à  Suse  même,  la  capitale  du 
pays  conquis  par  le  mythique  héros  mésopotamien,  les 
deux  mêmes  animaux,  qui  furent  ses  adversaires  les  plus 
sérieux,  figurés  côte  à  côte  sur  plusieurs  monuments  datant 
d'une  époque  qui  doit  correspondre  à  peu  près  à  celle 
qu'il  symbolise.  Je  me  borne  à  signaler  ici  ce  singulier 
rapprochement,  sans  vouloir  en  tirer  des  conclusions  qui 
ne  pourraient  être  que  hasardeuses. 

Les  deux  premiers  cylindres  de  cette  série,  imprimés 
sur  des  tablettes,  ne  nous  donnent  guère  que  des  sil- 
houettes. Ici,  les  deux  animaux  se  suivent  à  une  allure  très  calme,  et  si  le  lion  a  pas  mal  de  carac- 
tère, avec  sa  tête  bien  dessinée,  sa  crinière  bouf- 
fante et  sa  queue  élégamment  enroulée  au-dessus 
du  dos,  le  taureau  est  très  inférieur  comme  dessin  : 
la  tête  et  le  cou  surtout  (fig.  28)  ressemblent  plus 
à  ceux  d'un  solipède  qu'à  un  individu  de  la  race 
bovine,  et  les  cornes  ont  une  courbure  tout  à  fait 
insolite.  Quant  au  petit  animal  couché  au-dessus 
du  dos  du  taureau,  qui  fait  penser  à  un  cheval,  je 
ne  puis  guère  le  déterminer,  étant  donnée  la  mala- 
dresse de  l'artiste.  Sur  l'autre  cachet,  les  deux  bêtes 
sont  stviisées  d'une  manière  tout  à  fait  particulière, 
avec  leurs  jambes  posées  obliquement,  indiquant  comme  un  arrêt  brusque,  et  leurs  grosses  têtes 
informes  retournées  en  arrière,  qui  ne  manquent  pas  d'expression  (fig.  29). 

Une  autre  empreinte  incomplète,  quoique  plusieurs  exemplaires  nous  en  soient  parvenus, 
sur  des  morceaux  d'argile,  nous  montre  un  travail  beaucoup  plus  soigné.    Derrière  un  lion  de 


Fig.  29.  —  Grandeur  naturelle. 


(i)  Cf.  Menant,  Glyptique  orientale,  I,  fii,-.  31,  55,  .10,  41,  42,  43,  47,  48.  49. 


14 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


G.Ô 


Fie.  30. 


Grandeur  naturelle. 


petite  taille,  dont  toute  la  partie  antérieure  manque,  s'avance  un  énorme  taureau  qui  occupe  pres- 
que toute  la  hauteur  de  l'intaille  ;  sa  tête,  représentée  de  face,  est  ornée  d'une  forte  barbe,  et 

au-dessus  s'élèvent,  de  chaque  côté  de  la  protubérance  crânienne, 
très  accentuée,  deux  grosses  cornes  rondes.  Le  cou  est  large  et 
court,  recouvert  d'une  épaisse  toison  striée  qui  descend  jusqu'au 
bas  du  poitrail.  La  seule  faute   importante  de  dessin  est  dans 
une  des  jambes  postérieures,  dont  l'attache  est  très  maladroite, 
mais  malgré  cela  ce  cylindre  est  un  des  plus  intéressants  que 
nous  possédions.  Les  vides  du  champ  sont  occupés  par   des 
rameaux  couverts  de  leurs  feuilles  et  par  un  ornement  en  forme 
de  cœur  (fig.  30). 

Je  reproduis  ici,  sans  toutefois  pouvoir  en  garantir  l'exac- 
titude absolue,  tant  ce  cachet  est  flou  et  incomplet,   une  empreinte  qui  se  trouve  au  revers 
d'une  tablette.  Le  sujet,  toujours  le  même,  se  répète  sur  deux  registres  qui  empiètent  l'un  sur 
l'autre:  le  taureau,  renversé  complètement,  la  croupe  en  ______ 

l'air  et  retournant  la  tête,  est  suivi  par  un  lion  de  plus 
grande  dimension,  la  queue  dressée,  les  pattes  de  derrière 
légèrement  repliées,  tandis  qu'une  de  celles  de  devant  est 
tendue  vers  le  taureau.  La  tête,  un  peu  lourde,  devait 
être  travaillée  très  finement,  autant  que  nous  pouvons 
en  juger  par  certains  détails  de  la  crinière  que  nous 
pouvons  distinguer  encore,  entre  autres  de  petites  mèches 
à  la  hauteur  des  yeux.  Entre  les  deux  animaux,  il  paraît 
y  avoir  une  sorte  de  croix  ansée,  mais  peut-être  ce  motif, 

très  peu  distinct,  n'est-il  autre  chose  que  l'extrémité  de  la  patte  du  lion  tenant  une  des  jambes  du 

taureau,  posée  horizontalement  ;  tous  les 
efforts  que  j'ai  faits  pour  arriver  à  com- 
prendre ce  détail  ont  échoué  devant  la  mau- 
vaise conservation  de  l'original  (fig.  31). 
Une  scène  beaucoup  plus  compliquée 
forme    la   transition   entre   la  figuration 
naturelle  des  animaux  et  leur  représen- 
tation dans  la  posture  anthropomorphe 
dont  j'ai  parlé  plus  haut;  ici  nous  voyons, 
sur  un  cylindre  admirablement  travaillé, 
un  lion  domptant  deux  taureaux,  et,  réciproquement,  un  taureau  matant  deux  lions.  La  figure 
principale  du  premier  groupe  est  debout,  comme  un  homme,  le  buste  posé  de  face  et  la  tête  de 
profil,  tenant  dans  ses  griffes,  de  chaque  côté  de  lui,  deux  petits  taureaux  qui  se  cabrent.  Les 


Fig.  31.  —  Grandeur  naturelle. 


Fie.  32.  —  Grandeur  naturelle. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


15- 


FiG. 


Grandeur  naturelle. 


détails  sont  bien  étudiés,  jusqu'aux  petites  touffes  de  poils  qui  s'échappent  de  la  crinière  et 
même  quelques  indications  de  muscles  ;  les  poses  sont  très  décoratives.  Dans  le  groupe  qui  fait 
pendant  et  dont  malheureusement  toute  la  partie  supérieure 
a  disparu,  le  taureau  appuie  ses  deux  sabots  de  devant  sur 
la  tête  de  deux  petits  lions  accroupis,  la  queue  dressée.  Une 
sorte  de  mamelle  pendant  devant  le  torse  de  l'animal  prin- 
cipal pourrait  faire  croire  qu'il  s'agit  d'une  femelle,  mais  ce 
détail  se  trouve  dans  la  partie  la  moins  distincte  de  l'em- 
preinte, et  il  est  possible  qu'il  représente  toute  autre  chose, 
peut-être  une  crinière  (fig.  32). 

Enfin  nous  retrouvons  les  deux  animaux  sous  la  forme 
la  moins  naturelle,  chacun  à  genoux  sur  un  petit  bateau  dont 

la  proue  et  la  poupe  sont  également  relevées,  naviguant  entre  des  roseaux 
représentés  d'une  manière  très  rudimentaire  que  nous  retrouverons  plus 
tard.  Le  taureau  et  le  lion,  vus  de  profil,  ont  des  bras  qui  se  détachent  du 
corps  l'un  au-dessus  de  l'autre,  tenant  dans  leurs  triples  griffes  une  sorte 
de  gaffe  terminée  en  fourche  ;  la  tète  du  premier  porte  une  paire  de  petites 
Fig. 34.  — Grandeurnaturelie.  corncs  recourbécs  en  dehors  (fig.  33). 

Sur  un  petit  cylindre  en  pierre  noire,  d'une  époque  douteuse,  on  voit 
la  lutte  du  lion  et  du  taureau,  ou  plutôt  la  poursuite  de  celui-ci  par  celui-là.  Les  deux  animaux 
sont  bien  dessinés,  pleins  de  vie,  et  le  travail,  très  soigné,  ne  laisse  plus  voir  les  traces  d'outils 
(fig-  31)- 


chKvres  sauvages 

L'icgagre  (i),  de  nos  jours  encore,  vit,  par  bandes  parfois  nombreuses,  dans  les  montagnes 
du  Louristan,  et  les  habitants  de  Suse  ont  dû  le  connaître  de  tous  temps.  11  n'y  a  donc  pas  lieu  de 
nous  étonner  si  nous  retrouvons  son  image  sur  les  plus  anciens  monuments  du  pavs.  C'est,  en 
effet,  cet  animal  que  je  crois  reconnaître  à  ses  cornes  longues  et  recourbées,  sur  plusieurs  de  nos 
cylindres. 

Ces  animaux  sont  figurés  avec  un  art  consommé  sur  un  très  beau  cylindre  en  pâte  fine  recou- 
vert d'une  légère  couche  d'émail  verdâtre,  le  meilleur  spécimen  de  ce  genre  de  monuments  qui 
nous  soit  parvenu  (2);  il  suffit  d'un  rapide  examen  pour  voir  qu'il  est  contemporain  de  ceux  qui 
sont  imprimés  sur  les  tablettes,  mais  ici  au  moins,  comme  les  moindres  détails  du  relief  sont  admi- 
rablement conservés,  il  est  facile  de  se  rendre  compte  des  procédés  du  travail  et  de  juger  de  l'ha- 


(i)  V.  Houj^hton,  Trans.  0/ Soc.  Bibl.  Arc/i.,  V,  340-542. 

(2)    V.   pi.    1. 


i6 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


FiG.  3) 


Grandeur  naturelle. 


bileté  des  anciens  ciseleurs  de  Suse,  de  leur  connaissance  approfondie  de  la  nature  et  de  la  délica- 
tesse avec  laquelle  ils  savaient  en  rendre  les  moindres  détails.  Sur  ce  cylindre,  nous  voyons 
d'abord,  dans  le  bas,  trois  œgagres  au  corps  trapu  et  solide,  aux  jambes  fines,  marchant  d'un 
pas  mesuré  vers  la  gauche,  la  tête  relevée  presque  horizontalement.  Les  naseaux  sont  retroussés, 
l'œil  largement  fendu,  l'oreille,  très  petite,  placée  en  arrière  de  la  tête;  les  cornes  épaisses  et 
recourbées  sont  couvertes  de  stries  très  rapprochées.  Le  corps  est  recouvert  d'une  épaisse  toison 

bouclée,  sauf  sur  l'épaule  et  la  cuisse,  où  les  poils  sont 
figurés  dans  le  sens  de  la  longueur,  ce  qui  produit  un 
très  heureux  cfiFet  en  dessinant  nettement  les  membres. 
—  Au-dessus  gambadent  parmi  des  plantes  trois  ani- 
maux remarquablement  naturels  d'allure,  dans  lesquels 
je  crois  reconnaître  deux  antilopes  et  un  cerf  (PI.  I,  fig.  i). 
La  seule  représentation  vraiment  bonne  de  la  chèvre 
sauvage  se  trouve  sur  un  cachet  où  sont  figurés  deux  indi- 
vidus de  cette  race,  légèrement  différents  l'un  de  l'autre. 
De  la  tête  triangulaire  pend  une  forte  barbe  ;  les  cornes, 
très  longues,  se  recouvrent  l'une  l'autre,  la  bête  étant 
dessinée  de  profil,  et  ainsi  une  seule  est  figurée;  il  en  est  de  même  pour  les  jambes,  repliées 
comme  si  l'animal  était  en  marche.  Malgré  le  manque  de  détails,  il  semble  qu'une  épaisse 
toison  couvrait  la  poitrine.  Le  bas  des  jambes  est  indis- 
tinct, et  la  partie  postérieure  d'un  des  animaux  a  dis- '^  ""'  '"      ""  .  "■""■' 

paru  ;  quant  aux  accessoires  qui  remplissent  le  champ, 
on  ne  distingue  plus  guère  que  des  feuilles  en  fer  de 
lance,  montées  sur  une  tige  droite  (fig.  35). 

C'est  sans  aucun  doute  le  même  animal  qui  est 
représenté  de  la  façon  la  plus  rudimentaire  dans  un 
cylindre  imprimé  sur  une  motte  d'argile.  Lancées  au 
grand  galop,  ces  bêtes  ont  les  pattes  figurées  par  de 
simples  lignes  droites,  et  le  reste  du  dessin  est  à  l'ave- 
nant. Il  est  très  possible  que  ce  cachet  ait  été  gravé  sur 

pierre  et  non  sur  pâte,  comme  les  autres,  auquel  cas  la  difficulté  plus  grande  du  travail  expli- 
querait l'infériorité  du  dessin  (fig.  36). 

Je  ferai  la  même  remarque  pour  deux  autres  cylindres  dans  lesquels  toutes  les  formes  sont 
traitées  par  des  lignes  droites  se  recoupant  brusquement  ;  les  cornes  seules  sont  arrondies  et  se 
dessinent,  dans  le  premier  de  ces  cachets,  l'une  au-dessus  de  l'autre,  tandis  que  sur  le  second,  elles 
se  recourbent  en  sens  inverse,  de  chaque  côté  de  la  tête.  Sur  celui-ci,  plus  détaillé,  les  corps  sont 
striés  de  lignes  obliques,  les  têtes  indiquées  par  des  cercles  concentriques  faits  sans  doute  à  la  boute- 
rolle,  d'où  sort  un  museau  triangulaire  (fig.  38).  Dans  l'autre,  les  bêtes  sont  représentées  une  fois 


G.J. 


Fig.  36.  —  Grandeur  naturelle. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


17 


sur  leurs  pattes,  l'autre  fois  la  tète  en  bas,  de  sorte  qu'on  peut  le  voir  indifféremment  dans  les 
deux  sens  (fig.  37). 


FiG.  37  et  3? 


Grandeur  naturelle. 


Sur  un  cylindre  en  pâte  (i),  dont  j'ai  parlé  plus  haut  à  propos  des  taureaux  qui  ornent  sa 
partie  inférieure,  on  voit  dans  les  deux  autres  registres  deux  types  d'animaux  semblables  à  ceux 
dont  je  viens  de  parler:  ceux  du  haut  ont  la  tête  de  profil,  triangulaire,  ornée  de  deux  cornes 
recourbées,  l'une  en  avant,  l'autre  en  arrière.  Les  trois  qui  sont  au-dessous  présentent  leur  tête 
de  face  et  portent  des  cornes  beaucoup  plus  longues  et  moins  courbes,  dirigées  dans  le  même 
sens.  Quant  au  troisième  animal  du  registre  supérieur,  qui  a  aussi  la  tète  de  face,  mais  un  museau 
beaucoup  plus  large,  une  cassure  empêche  de  voir  ses  cornes,  par  conséquent  de  le  déterminer. 
Il  n'est,  du  reste,  pas  possible  de  tirer  des  conclusions  de  ce  cachet,  dont  la  facture  est  très  sommaire  : 
les  animaux,  assez  maladroitement  dessinés,  sont  indiqués  en  relief  plat,  serti  de  lignes  un  peu 
plus  accentuées,  qui  délimitent  simplement  les  membres;  c'est  ce  qui  fait  qu'en  somme  on  pour- 
rait aussi  bien  voir  des  antilopes  que  des  chèvres  sauvages  dans  les  animaux  représentés  sur  la 
bande  du  milieu. 

Nous  retrouvons  ces  deux  types  de  cornes  dans  un  cylindre  roulé  deux  fois  sur  un  bouchon 
de  vase  en  terre,  qui  porte  les  représentations  de  sept  animaux  différents,  parmi  lesquels  doux 


)'■ 


?€"iàc^OiMt 


FlG.  39.  —  Grandeur  naturel 


chèvres  sauvages;  la  première,  dont  une  seule  corne  est  figurée,  porte  une  forte  barbe  sous  le 
maxillaire  inférieur,  la  seconde,  aux  deux  cornes  opposées,  n'a  pas  de  barbe.  Il  s'agit,  sans  doute, 
de  deux  espèces  différentes  (fig.  39). 


(i)  V.  pi.  I,  fig.  2. 


i8 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


GAZELLES 


De  même  que  les  chèvres  sauvages  dans  les  montagnes,  les  gazelles  abondent  dans  le  désert 
qui  borde  la  Mésopotamie  et  la  Susiane(i).  Sur  plusieurs  cylindres  nous  reconnaissons  les  cornes 
à  double  courbure,  analogues  à  celles  que  nous  avons  vues  pour  certains  taureaux,  mais  plus 

___^  ,___   , longues.   C'est,    malheureusement,    le   seul 

indice  qui  nous  permet  de  les  identifier,  car 
les  corps,  sans  doute  par  inexpérience  de  l'ar- 
tiste, n'ont  guère  de  caractère  particulier,  et 
pourraient  appartenir  à  n'importe  quelle 
espèce  de  capridés. 

Un  de  nos  plus  grands  cachets,  le  plus 

important    de    cette    série,    représente   une 

théorie  de  ces  animaux,  marchant   vers  la 

gauche,  tous  semblables,   avec  de  grandes 

cornes,  une  barbe  longue  et  recourbée  sous 

le  menton,  et  des  manchettes  aux  jambes,  ces 

derniers  caractères  étant,  comme  je  viens  de 

le  dire,   plutôt  ceux  d'autres  animaux,  par 

exemple  du  mouflon.  Dans  le  champ  sont  des  rectangles  doubles,  en  forme  de  pelle,  et  en  haut, 

comme  bordure,  un  ornement  dentelé  en  croissants,  entre  deux  bandes  horizontales,  tandis  que  la 

bordure  du  bas,  plus  étroite,  se  compose  simplement  de  deux  lignes  parallèles  en  relief  (fig.  40). 

Les  animaux  figurés  sur  un  autre  cylindre,  dont  nous  avons  plusieurs  empreintes  sur  des 


G.J. 


Fie.  40.  —  Grandeur  naturelle. 


Fig.  41.  —  Grandeur  naturelle. 

morceaux  d'argile,  se  rapprochent  davantage  du  type  de  la  gazelle,  quoique  leurs  corps  soient 

(i)  Cf.  Houghton,  Trans.  0/ Soc.  Bibl.  Arc/i.,  V,  346. 


CACHETS  FT  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


19 


un  peu  lourds  et  leurs  jambes  un  peu  courtes.  Ils  sont  couchés,  retournant  la  tête,  dans  des 

carrés  formés  par  des  bandes  verticales  à  médaillons  arrondis 

contenant  chacun    l'image  d'un  objet  qui  ressemble  à  un  vase, 

et  en  bas,  par  une  large  bordure  formée  comme  de  mèches  qui 

s'amincissent  et  s'enroulent  à  leur  extrémité  inférieure.  Au  point 

de  vue  de  la  composition  ornementale,  ce  cachet,  seul  de  son 

espèce,  est  des  plus  intéressant  (fig.  41). 

Un  autre  cylindre,  gravé  sans  doute  sur  pierre,  nous  a 
donné  une  empreinte  très  nette,  à  part,  toutefois,  l'extrémité 
des  têtes.  Le  travail  en  est  assez  mauvais  :  le  graveur  a  beaucoup 
exagéré  les  cornes,  qui  lui  paraissaient  la  partie  la  plus  caracté- 
ristique de  la  bête  ;  les  corps  sont  informes  et  les  jambes  simplement  indiquées  par  des  traits 
obliques,  séparés  du  corps  (fig.  42). 


V  ////  ////  n 

G.J. 

Fig.  42.  —  Grandeur  naturelle. 


ANTILOPES 

Je  classe  sous  ce  terme  un  peu  général  plusieurs  représentations  d'animaux  portant  sur  la 
tête  de  longues  cornes,  recourbées  plusieurs  fois  et  de  différentes  manières.  Jamais,  sur  les  bas- 
_  reliefs  assyriens,  nous  ne  retrouvons  ces  espèces,  aussi,  leur  identi- 

fication exacte  ne  me  parait  pas  possible  pour  le  moment  (i). 

Nous  en  avons  déjà  vu  un  exemple  sur  un  cylindre  reproduit 

plus  haut  (fig.   27)  qui.  donne  l'image  de  bêtes  couchées,  dont  la 

jambe  de  derrière  est  dessinée  d'une  façon  insolite.  Les  cornes,  très 

longues,  sont  différentes  comme  forme  de  celles  qui  ornent  la  tète 

d'autres  animaux,  sur  un  cylindre  beaucoup  plus  soigné,  dont  un 

fragment  d'empreinte  seulement  nous  est  parvenu.  Ici,  les  antilopes 

sont  dressées  sur  leurs  pattes  de  derrière,  aux  cuisses  énormes;  les 

pattes  de  devant  sont  repliées,  et  le  cou,  retourné,  supporte  une  tête 

d'où  pend   une   longue   barbe   ondulée.   Dans  les  accessoires,   très 

incomplets,  je  ne  distingue  qu'une  sorte  de  feuille  de  lierre.  L'autre  bête,  qui  faisait  pendant  à 

celle  que  je  viens  de  décrire,  était  différente  pour  la  forme  des  cornes  et  sans  doute  aussi  pour 

le  corps,  qui  a  presque  complètement  disparu  (fig.  43). 

J'aurai  à  revenir  plus  loin  sur  un  cvlindrc  qui  nous  montre,  derrière  un  griffon  étrange,  une 
antilope  lancée  au  galop,  d'une  très  belle  allure.  Les  cornes,  à  quadruple  courbure,  sont  presque 


Fig.  43.  —  Grandeur  naturelle 


(i)  Cf.  Houghton,  Trans.  of  Soc.  Bibl.  Arch..  V,  345 


20 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


^⻫=@ 


FiG.  44.  —  Grandeur  naturelle. 


aussi  longues  que  le  corps  ;  la  tète,  à  peu  près  ronde,  aux  naseaux  bizarrement  retroussés,  s'at- 
tache sur  un  cou  très  fin  d'abord,  puis  se  terminant 
par  un  gros  fanon,  d'où  se  détachent  trois  petites 
boucles  de  poils.  Des  petites  touffes  semblables 
sont  figurées  à  la  naissance  de  chacune  des  pattes 

(fig-  44)- 

Elle  est  peut-être  mieux  dessinée  encore,  cette 

bête  qui  galope  au-dessus 
d'un  monstre,  et  dont,  mal- 
heureusement, la  tête  manque;  la  partie  antérieure  du  corps  et  le 
détail  du  garrot  sont  d'un  vrai  artiste,  tandis  que  l'arrière-train  est  peut- 
être  un  peu  grêle.  La  corne,  qui  se  termine  en  fourche,  est  curieuse 
de  forme. 

Sur  le  grand  cylindre  en  pâte,  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  à  propos  des 
chèvres  (pi.  I,  fig.  i),  nous  voyons  galoper  dans  le  haut,  avec  une  vérité 
d'allure  tout  à  fait  remarquable,  deux  animaux  à  longues  cornes  presque 
droites  dans  lesquels  je  ne  puis  voir  autre  chose  que  des  antilopes;  la  tète 
est  très  fine,  le  chanfrein  et  les  naseaux  bien  indiqués,  ainsi  qu'une  longue  fig.  45.  —  Grandeur  naturelle, 
barbe  droite.  Il  faut  remarquer  tout  spécialement  le  dessin  parfait  des 

pattes  et  leur  mouvement  si  naturel.  Tout  cela  fait  de  ce  petit  objet  un  monument  artistique  de 
premier  ordre  (fig.  45). 


CERFS 


Ce  n'est  que  sur  un  seul  cylindre,  reproduit  en  plusieurs  exemplaires  sur  des  tablettes,  que 

, ,    „  _  _^ nous  voyons  apparaître  le  cerf,  de  l'espèce  méso- 

potamienne  sans  doute,  figuré  ici  avec  un  corps 
lourd,  un  cou  très  court,  mais  avec  des  cornes  fort 
caractéristiques  dont  une  a  disparu,  ainsi  que  le 
bas  des  jambes  et  la  tête  du  lion  qui  complète  la 
composition.  Il  ne  peut  y  avoir  aucun  doute  pour 
l'identification  de  cet  animal,  facilement  reconnais- 
sable  malgré  les  défectuosités  du  dessin  (fig.  46). 
Sur  le  grand  cylindre  dont  il  vient  d'être 
question  (pi.  I,  fig.  i),  à  côté  des  chèvres  sauvages 
et  des  antilopes,  un  autre  animal  paraît  bien  repré- 
senter un  cerf,  à  en  juger  par  ses  cornes  très  ramifiées,  recourbées  à  angle  droit;  une  toison 
bouclée  recouvre  le  cou  et  le  corps,  tandis  que  les  pattes  semblent  nues.  Ce  quadrupède,  aussi 


Fig.  46.  —  Grandeur  naturelle. 


kmaillep: 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


bien  travaillé  et  aussi  naturel  d'allure  que  ceux  qui  l'accompagnent,  n'a  cependant  pas  un  caractère 
aussi  précis  dans  les  formes,  et  nous  ne  pouvons  l'identifier  qu'avec  beaucoup  de  réserves. 


QUADRUPÈDES   DIVERS 

Sur  un  fragment  d'empreinte  d'un  cylindre  vraisemblablement  gravé  sur  pierre,  se  dresse, 
campé  drôlement  sur  trois  jambes,  un  petit  animal  à  la  tête  triangu- 
laire portant  un  gros  œil  rond  et  deux  oreilles  pointues  ;  sa  queue  est 
très  courte  (fig.  47).  Cette  représentation  très  simplifiée  semble  être 
celle  d'une  sorte  de  chien.  Quant  au  travail,  il  est  le  même  que  sur  deux 
autres  cachets,  reproduits  plus  haut  (fig.  37  et  38),  où  sont  figurées 


des  chèvres  sauvages. 


Fig.  47.  —  Grandeur  naturelle. 


G.J. 


Fig.  48.  —  Grandeur  naturelle. 


Nous  retrouvons  la  môme  silhouette  avec  les  oreilles  plus  petites 

toutefois,  sur  un  cylindre  dont  j'ai  déjà  parlé  (fig.  39)  où  sont  reproduits,  outre  deux  aegagres 

.  et  deux  têtes  coupées  à  cornes  légèrement  courbées, 

plusieurs  autres  animaux.  Au  registre  supérieur 
d'abord,  devant  le  chien,  si  c'en  est  un,  que  je  viens 
de  mentionner,  deux  bêtes  d'une  allure  approchante 
marchent  vers  la  droite,  mais  ils  ont  le  dos  plus 
renflé  et  la  tête  plus  petite,  sans  indication  d'oreilles. 
Au-dessous,  un  singe  (?)  accroupi  semble  tirer  la 
queue  d'une  des  chèvres,  et  derrière  lui,   un  gros 

oiseau,  au  cou  fortement  recourbé,  ressemblant  un  peu  à  un  dindon,  se  tient  debout  sur  ses 

deux  pattes.  Je  n'ai  rencontré  sur  aucun  autre  de  nos  cylindres  de 

figurations  de  ces  deux  animaux. 

Je  ne  puis  déterminer  un  mammifère  qui  se  trouve  représenté 

en  deux  tailles  différentes,  la  tête  ronde  à  oreilles  droites  et  la  queue 

courte  étant  des  particularités  par  trop  insuffisantes  (fig.  48).  Les 

végétaux  qui  accompagnent  ces  figures  sont  plus  curieux  :  la  tige 

droite,  plantée  au  sommet  d'un  petit  monticule,  se  recourbe  brusque- 
ment, donnant  naissance  à  deux  rameaux,  parallèles  ou  obliques 

l'un  par  rapport  à  l'autre  et  terminés  par  une  sorte  de  fruit  ovoïde. 
Il  me  reste  à  citer  ici  deux  cylindres  très  fragmentés,  imprimés 

sur  des  mottes  d'argile,  où  se  trouvent  figurés  des  quadrupèdes 

qui  doivent   appartenir  soit  au  genre  des  capridés,  soit  à  celui 

des  antilopes.  Sur  le  premier  (fig.  49),  l'animal  est  représenté  debout,  vu  légèrement  en  raccourci, 

dans  un  curieux  essai  de  perspective,  remarquable  surtout  par  la  pose  très  naturelle  de  l'arricre- 


FlG.  49.  —  Grandeur  naturelle. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


V 


/,\ 


V 


\ 


^-^ 


train.  La  tète  a  entièrement  disparu.  Les  ornements  qui  l'accompagnent,  formés  de  courbes 

striées  de  lignes  obliques,  sont  trop  incomplets  pour  qu'on 
puisse  les  définir. 

Sur  l'autre  cachet,  dont  nous  possédons  deux  fragments 
qui  ne  se  raccordent  pas,  nous  voyons  des  animaux  debout, 
retournant  la  tète,  repliant  une  des  pattQS  de  devant  et  rele- 
vant l'autre  dans  un  geste  très  naturel.  Malheureusement 
le  haut  de  la  tête  et  les  cornes  ont  disparu.  Une  ligne  ver- 
ticale aboutit   à  la  naissance  de    la  queue  ;   derrière  sont 

couchées  des  bêtes,  de  la  même  espèce  probablement,  mais  beaucoup  plus  petites  et  sans  cornes. 

Leurs  pattes  sont  repliées  sous  le  corps  (fig.  50). 


FiG.  50. 


î 

Grandeur  naturelle. 


ANIMAUX    FANTASTIQUES 


Fig.  51.  —  Grandeur  naturelle. 


A  propos  des  taureaux  et  des  lions,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  ces  êtres  bizarres  où 

les  graveurs  susiens  unissaient  des  membres  d'animaux  et  des  pos- 
tures humaines.  Ceux  qu'il  me  reste  à  citer  sont  plus  étranges  encore, 

et  leurs  formes  plus  difficiles  à  analyser. 

Dans  un  cylindre  très  flou,  au  revers  d'une  tablette,  nous  voyons 

un  de  ces  monstres,  debout  sur  des  pattes  de  taureau,  avec  une  très 

courte  queue;  deux  bras  sont  relevés  de  chaque  côté  du  corps,  et 

la  tête,  de  forme  rectangulaire,  est  ornée  non  plus  de  cornes,  mais  de 

grandes  oreilles  rappelant  celles  du  lièvre  (fig.  51).  L'animal  qui 

le  précède   est  à   moitié  détruit,   mais  nous  pouvons  encore  voir 

que  sa  position  était  analogue  ;  la  tête,  un  peu  plus  fine,  a  des  oreilles  un  peu  plus  courtes. 
Sur  plusieurs  tablettes  se  trouve  l'empreinte  d'un  cachet,  en  général  assez  indistinct,  dont 
______^^^^^^__^__________  la  décoration  consiste  en  un  animal  à  peu  près  semblable,  na- 
viguant sur  une  barque  entre  des  toufiFes  de  roseaux  attachés 
trois  par  trois,  dont  on  ne  voit  plus  la  partie  supérieure.  Cet 
être  est  agenouillé  sur  des  pattes  qui  se  terminent  par  une 
triple  griffe  ;  l'abdomen  sur  lequel  sont  croisées  les  mains  est 
très  proéminent  ;  sur  la  tète  deux  grosses  oreilles  pointues.  La 
queue,  très  rigide,  est  ramifiée  comme  une  branche  d'arbre. 
Le  bateau  est  dessiné  dans  tous  ses  détails  :  il  est  court  et 
haut,  arrondi  en  dessous,  avec  une  proue  et  une  poupe  très 
relevées,  celle-ci   légèrement  plus  grosse  ;  le  bordage  est  à 


Fig. 


—  Grandeur  naturelle. 


jour,  et  le 


long  de 


a  coque  descendent  trois  bandes  verticales,  striées  de  lignes  obliques,  qui 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


25 


paraissent  être  simplement  un  motif  décoratif.  Au-dessus  sont  représentés  une  sorte  de  boucle 
en  étrier,  dont  je  ne  m'explique  pas  l'usage,  et  deux  objets  dont  l'un  est  un  harpon  et  l'autre 
peut-être  une  rame. 

Un  corps  de  lion  et  des  pattes  d'aigles,  telle  est  la  forme  que  les  Assyriens  ont  donnée  à 
quelques-uns  de  leurs  génies,  et  que  nous  retrouvons  figurée  sur  un  des  cylindres  reproduits  plus 
haut  (fig.  44).  Le  anonstre  marche  lentement,  précédant  une  antilope  au  galop;  sur  le  dos  se 
dresse  une  large  aile  ;  la  tête  de  lion  sort  dune  crinière  à  triple  imbrication  de  boucles,  sur- 
montant une  protubérance  étrange,  pointue,  qui  semble  une  tête  d'aigle,  maladroitement  fixée  au 
cou;  cette  partie  du  griflfon,  qui  est  la  plus  curieuse,  est  malheureusement  très  indistincte  sur 
toutes  les  empreintes,  tandis  que  tout  le  reste  de  la  bête,  malgré  le  peu  de  relief  du  cachet,  est 
dessiné  très  correctement  et  avec  beaucoup  de  vie  et  d'expression. 

Sur  un  autre  fragment  d'empreinte,  nous  voyons  encore  un  monstre  des  plus  bizarres,  qui 
se  dresse,  avec  son  long  cou  élégamment  recourbé,  et  ses  pattes  de  devant  à  demi  repliées,  au- 
dessous  d'une  antilope  lancée  à  toute  allure  (v.  plus  haut  fig.  45).  Cet  être  fantastique  est  encore 
plus  difficile  à  identifier  que  le  précédent,  car  nous  ne  trouvons  pas  son  pareil  dans  les  bas-reliefs 
assyriens,  au  moins  à  ma  connaissance. 


HOMMES 


La  figure  humaine,  comme  je  l'ai  dit  en  commençant,  est  extrêmement  rare  sur  les  cylindres 
archaïques  de  Suse.  Nous  la  retrouvons  cependant,  traitée  tout  à 
fait  à  l'égyptienne  ;  les  personnages  se  suivent,  marchant  à  grandes 
enjambées,  un  bras  à  demi  tendu  en  avant,  l'autre  recourbé  à  la 
hauteur  du  crâne  ;  entre  eux  une  sorte  de  rectangle  posé  vertica- 
lement représente  peut-être  une  porte  (fig.  53).  La  silhouette  de 
_______^________^______  l'homme,  pleine  de  vie,  dé- 
note déjà  chez  le  graveur 
beaucoup  d'habileté  et  d'ob- 
servation de  la  nature. 
4     ^^     P*^//  li;-""\  ^it5Ï  ,,     .  j        . 

\\    E5b    ff.  \f^  ~!7 /))&(□  lin  en  est  pas  de  même 


Ô^ 


r 


G.J. 


BCMûCCCCCCCC 


•ce 


OCCCDOGOCI 


BonODODCCDOg 
DOOinCCCCiDCCOn 


Fig.  53.  —  Grandeur  naturelle. 


pour  le  second  cachet  de  cette  catégorie,  dont  nous  n'avons 
qu'un  fragment  d'empreinte,  très  bien  conserve.  Ici  deux 
personnages,  plutôt  ébauchés  que  dessinés,  aux  formes 
lourdes  et  maladroites,  sont  assis  en  face  l'un  de  l'autre, 
levant  un  bras  ;  celui  de  gauche  est  sur  un  tabouret  à 
pieds  très  bas,  l'autre  sur  une  sorte  de  borne  (fig.  54). 
(>ette  petite  scène,  dont  la  signification  est  assez  peu  claire,  est  encadrée  par  un  double  rectangle 


Fig.  54.  —  Grandeur  naturelle. 


24 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


divisé  en  petites  cases  par  des  lignes  perpendiculaires,  et  n'occupait  qu'une  partie  du  cylindre, 

ainsi  que  nous  pouvons  le  voir  par  quelques  traces  de  relief, 
qui  apparaissent  sur  la  gauche. 

Un  cylindre  en  terre  cuite,  très  grossier,  aux  figures 
absolument  barbares,  semble  devoir  appartenir  à  une  époque 
très  ancienne,  peut-être  contemporaine  de  celle  des  tablettes, 
car  il  provient  de  la  même  région  du  tell  de  Suse.  Le  dessin 
se  borne  à  de  simples  traits  sans  épaisseur,  tant  pour 
l'homme  debout,  les  bras  écartés,  que  pour  son  arc,  l'anti- 


G.J. 


FiG.  55.  —  Grandeur  naturelle. 


lope,  l'étoile  et  l'arbre  qui  complètent  la  scène  (fig.  55). 


POISSONS,   SERPENTS,   SCORPIONS 

Parmi  les  animaux  inférieurs,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  la  tortue  (fig.  13);  il  me 
reste  à  mentionner  les  poissons,  dont  nous  trouvons  dans  un  cylindre  reproduit  plus  haut 
(fig.  52)  un  exemplaire  très  bien  dessiné,  pour  représenter  l'eau  au-dessous  d'une  barque.  Parfois 
il  forme  à  lui  seul  le  sujet  d'une  intaille,  comme  dans  ce  petit  cachet  [qui  [en  représente  une  série 
nageant  l'un  derrière  l'autre,  entre  deux  rangées  de  petits  points  traversés  de  lignes  en  croix. 


Fig.  56-58.  —  Grandeur  naturelle. 


Le  serpent  et  le  scorpion  apparaissent,  dressés  côte  à  côte,  dans  deux  cylindres  de  très  petites 
dimensions.  Sur  le  premier,  ces  deux  animaux  sont  dessinés  avec  beaucoup  de  naturel,  tandis 
que  dans  l'autre,  dont  la  matrice  était  peut-être  gravée  sur  pierre,  on  les  devine  plutôt  qu'on  ne 
les  reconnaît  dans  ces  lignes  épaisses  qui  se  coupent  à  angle  droit. 


ORNEMENTS 


J'ai  mentionné,  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se  présentaient  sur  les  cachets  reproduits  jusqu'ici, 
les  rudimentaires  figurations  végétales  et  les  quelques  ornements  qui  remplissent  les  vides  dans 
le  champ  du  cylindre,  entre  les  représentations  d'animaux.  Les  uns  et  les  autres  ont  trop  peu 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


25 


FiG.  59.  —  Grandeur  naturelle. 


d'importance  pour  qu'il  vaille  la  peine  d'v  revenir  avec  plus  de  détails;   il  ne  me  reste  plus  à 

décrire  ici  que  deux  empreintes  dans  lesquelles  nous  voyons 

un  ornement  régulier  occuper  toute  la  surface  du  cylindre, 

devenu  ainsi  purement  décoratif  ;  toutes  deux  sont  conservées 

sur  des  morceaux  d'argile,  découverts  parmi  ceux  dont  j'ai 

parlé  jusqu'ici,  et  appartenant  incontestablement  à  la  même 

époque. 

Sur  le  premier,  c'est  une  suite  de  rosaces  formées  de 

cercles   concentriques;    la    zone  extérieure,    plus    large,    est 

striée  de  lignes  à  peu  près  parallèles,  laissant  en  haut  et  en 
bas  du  rond  un  triangle  très  ouvert  (fig.  59).  Il  faut  noter  ici 
la  manière  presque  parfaite  avec  laquelle  le  graveur  a  tracé 
ses  cercles,  opération  plutôt  compliquée  sur  une  surface  con- 
vexe comme  celle  d'un  cvlindre. 

Sur   l'autre   cachet,    nous   voyons  se   répéter  un    motif 

composé  de  trois  lignes  recourbées  en  forme  de  fer  à  cheval,  inscrites  l'une  dans  l'autre  ;  la  partie 

supérieure  du  cylindre  manque  (fig.  60). 


Fig.  60.  —  Grandeur  naturelle. 


CONCLUSIONS 


Les  petits  monuments  que  je  viens  de  décrire  ouvrent  donc,  comme  on  le  voit,  un  chapitre 
tout  nouveau  dans  l'histoire  de  l'art  oriental.  Sans  atteindre  la  perfection,  ils  nous  montrent 
cependant  que  les  graveurs  susiens  étaient  déjà  arrivés  fort  loin  à  cette  époque  si  reculée  ;  bons 
observateurs  de  la  nature,  ils  savaient  rendre  avec  beaucoup  de  vérité  les  formes  générales  et 
caractéristiques  de  l'animal  qu'ils  voulaient  reproduire,  et  cette  recherche  de  la  simplicité  et  de  la 
simplification  dénote  déjà  un  art  qui  est  très  éloigné  de  la  barbarie  primitive.  Inhabiles  sans  doute 
à  graver  sur  la  pierre  dure,  ces  artistes  avaient  adopté  la  pâte  tendre  qui  leur  facilitait  consi- 
dérablement la  tâche  en  leur  permettant  de  reproduire  leur  dessin  presque  sans  difficultés 
matérielles. 

Un  grand  pas  a  été  franchi  et  un  progrès  énorme  réalisé  entre  les  cachets  aux  représenta- 
tions rudimentaires,  que  j'ai  décrits  en  commençant,  et  les  cylindres  imprimés  sur  nos  tablettes. 
Il  y  a  plus  de  distance  encore  entre  ceux-ci  et  les  plus  anciennes  intailles  chaldéennes,  celles  qui 
représentent  des  épisodes  de  l'épopée  de  Gilgamès,  les  seules  qui  aient  encore  une  certaine  analogie 
avec  nos  cachets  et  qui  en  dérivent  très  probablement.  Ici,  les  graveurs  reprennent  l'ancien  pro- 

4 


26  CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


cédé  de  tailler  leurs  cylindres  sur  la  pierre,  mais  cette  fois  avec  une  assurance  et  une  maîtrise 
telles,  qu'après  eux  leur  art  ne  pourra  plus  que  décliner. 

Quels  sont  les  monuments  qu'on  peut  classer  entre  ces  deux  époques?  Nous  n'avons  point 
de  documents  positifs  à  cet  égard,  mais  je  serais  tenté  d'y  ranger  certains  cylindres  en  marbre, 
très  grossiers  comme  travail,  dont  M.  Menant  reproduit  quelques-uns  dans  son  grand 
ouvrage  (i). 

Si  l'on  veut  trouver  des  objets  d'art  contemporains  des  cachets  de  Suse,  ce  n'est  pas  en  Méso- 
potamie qu'il  faut  les  chercher,  mais  beaucoup  plus  loin,  en  Egypte,  où  depuis  quelques  années 
de  nombreux  monuments  datant  soit  des  premières  dynasties,  soit  d'une  époque  qui  doit  être  sensi- 
blement la  même,  sont  sortis  de  terre.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  faire  à  ce  sujet  une  étude  com- 
parée, les  documents  du  reste  sont  encore  trop  peu  nombreux,  dans  un  pays  comme  dans  l'autre; 
je  ne  ferai  qu'indiquer  certains  points  de  rapprochement  très  curieux,  qui  frappent  à  première 
vue. 

De  même  que  les  habitants  de  la  Mésopotamie  et  des  pays  avoisinants,  les  Egyptiens  se  ser- 
vaient à  cette  époque-là  de  cylindres  en  guise  de  cachets,  système  qu'ils  abandonnèrent  complète- 
ment dès  le  Moyen  Empire,  et  les  employaient  pour  sceller  les  grands  bouchons  d'argile  de  leurs 
jarres  (2).  Comme  ils  étaient  en  possession  d'une  écriture  très  décorative  par  elle-même,  ce  que 
nous  trouvons  surtout  sur  ces  cylindres,  ce  sont  des  inscriptions  au  nom  du  propriétaire,  mais  il 
s'en  rencontre  aussi  quelques-uns  qui  portent  des  représentations  d'animaux  très  analogues 
comme  style  aux  cachets  de  Susc  (3).  Ce  triple  rapprochement,  dans  des  objets  d'usage  courant, 
l'emploi  des  cylindres,  les  empreintes  sur  des  bouchons  de  vases,  et  les  motifs  de  décoration  ani- 
male, se  retrouvant  chez  deux  peuples  si  distants  l'un  de  l'autre,  semble  bien  indiquer  une  ori- 
gine commune,  surtout  si  l'on  songe  que  le  cylindre,  difficile  à  graver  en  raison  même  de  sa 
forme,  et  compliqué  comme  emploi,  n'est  pas  un  de  ces  objets  simples  dont  l'usage  s'impose  aux 
peuples  primitifs. 

Pour  le  style  même  de  la  décoration  et  pour  les  figurations  d'animaux,  il  faut  se  reporter  à 
d'autres  objets,  beaucoup  plus  soignés,  datant  aussi  des  premiers  rois  d'Egypte.  Je  veux  parler 
de  ces  plaques  de  schiste  couvertes  de  sculptures  extrêmement  fines,  dont  l'usage  est  loin  d'être 
encore  exactement  défini,  et  qui  sont  les  œuvres  d'art  les  plus  importantes  de  répoque(4).  Ici,  nous 
retrouvons,  à  côté  de  grandes  scènes  historiques,  de  nombreuses  représentations  d'animaux  qui, 
quoique  traitées  par  des  artistes  certainement  de  beaucoup  supérieurs,  offrent  avec  nos  cylindres 

(i)  Glyptique  orientale,  I,  p.  4)-54- 

(2)  V.  à  ce  sujet  de  Morgan,  Recherches  sur  les  origines  de  l'Egypte,  II.  p.  165-172;  243-244.  —  Pétrie,  Royal 
Tombs,  I,  pi.  XVIII  à  XXIX;  II,  pi.  XIII-XXIV,  etc. 

(3)  Jéquier,  dans  de  Morgan,  Recherches,  II,  p.  257.  —  Pétrie,  Royal  Tombs,  II,  pi.  XIV,  fig.  101-104. 

(4)  Heuzey,  Bull,  de  corr.  hellen.,  XVI,  p.  307.  —  Steindorff,  A£gyptiace,  p.  124  sq.  —  Jéquier,  dans  de  Morgan, 
Recherches,  II,  p.  265.  —  Legge,  Proc.  ofSoc.  Bibl.  Arch.,  XXII,  125-138.  —  Quibell,  Hieraconpolis,  pi.  XXVIII  et 
XXIX. 


CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 


des  analogies  frappantes  ;  c'est  la  même  observation  de  la  nature,  le  dessin  très  simplifié  qui  se 
borne  à  donner,  d'un  trait  pur  et  net,  les  formes  générales  et  caractéristiques,  l'allure  de  l'ani- 
mal, en  omettant  les  détails  sans  importance  et  enfin  ce  rendu  souple  et  énergique,  qui  est  le  fait 
d'un  artiste  possédant  à  fond  son  métier. 

Il  me  reste  encore  à  mentionner,  dans  cet  ordre  d'idées,  certains  ivoires  sculptés,  spéciale- 
ment ceux  qui  ont  été  trouvés  à  Kom-el-Ahmar,  du  même  style  et  d'une  facture  en  tous  points 
semblable  à  celle  des  palettes  de  schiste  (i). 

Il  serait  prématuré  de  vouloir  tirer  de  ces  rapprochements  des  conclusions  relatives  à  l'ori- 
gine commune  des  deux  grandes  civilisations  de  l'Orient  ancien,  quelque  tentantes  qu'elles 
puissent  être.  Je  me  borne  donc  ici  à  les  signaler,  espérant  que  les  fouilles  qui  nous  ont  livré,  ces 
dernières  années,  tant  de  documents  absolument  nouveaux  sur  ces  époques  si  reculées,  et  qui  sont 
poursuivies  avec  ardeur  tant  en  Égvpte  qu'en  Mésopotamie,  viennent  peu  à  peu  apporter  quelque 
clarté  dans  cette  question  si  intéressante  des  origines. 

(i)  Quibell,  Hieraconpolis,  pi.  XII.  —  Cf.  Pétrie,  Nagada  and  Ballas,  pi.  LXXVII. 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHEMÉNIDE  A  SUSE 

Par  J.  de  Morgan. 


Nous  n'avons,  jusqu'à  ce  jour,  découvert  aucune  des  nécropoles  susicnnes:  on  ne  peut,  en 
eflfet,  qualifier  de  nécropole  l'ensemble  des  sépultures  éparscs  qui  se  rencontrent  sans  groupement 
dans  les  diverses  parties  des  ruines.  Les  cimetières  existent,  cependant,  car  de  tout  temps  Suse 
fut  un  centre  considérable  de  population. 

Les  habitants  de  la  Chouchan  élamite  étaient  nombreux  et,  bien  certainement,  la  ville  enter- 
rait ses  morts  du  commun  à  proximité  de  ses  murailles.  Quant  aux  rois  et  aux  grands  person- 
nages, leur  dépouille  était  portée  dans  un  lieu  spécial  dont  Assurbanipal(i)  se  vante  d'avoir 
détruit  les  tombeaux. 

La  nécropole  royale  était  certainement  voisine  de  Suse,  car  c'est  au  moment  du  sac  de 
la  ville  que  le  roi  d'Assyrie  profana  les  sépultures.  Elle  n'était  pas  dans  les  montagnes  qui 
semblent  avoir  été  indemnes  de  la  visite  des  troupes  ninivites;  elle  ne  se  trouvait  pas  à  l'ouest 
de  la  capitale,  plaine  basse  et  humide  impropre  à  l'établissement  d'un  cimetière  :  c'est  donc  sur 
la  rive  gauche  du  Chaour,  entre  cette  rivière  et  l'Ab-é-Diz  qu'il  conviendrait  de  la  chercher. 

Au  temps  des  Achéménides,  alors  que  la  religion  dominante  dans  l'Iran  était  le  Mazdéisme, 
des  peines  très  sévères  étaient  édictées  contre  ceux  qui  souilleraient  la  terre  du  contact  d'un 
cadavrc(2)  et  les  populations  païennes  (3)  soumises  au  Grand  Roi  durent  éviter  de  rendre  publi- 
ques leurs  pratiques  funéraires;  il  ne  put  donc  exister  de  nécropole.  Seuls  les  rois  et  les  grands 
de  cette  époque  obtinrent,  par  des  moyens  détournés,  une  dérogation  à  la  loi  avestique;  leurs 
tombeaux  peu  nombreux,  sont  connus  pour  la  plupart. 

(i)  Cf.  J.  .Menant,  Annales  de  l'Assyrie,  p.  268  (W.  A,  I.  111.  c.  vi,  1.  -y).  — J.  de  .Morgan,  Mission  scicntijique 
en  Perse,  t.  IV.  Recherches  archéologiques,  p.  205. 

(2)  Le  Zend-Avesta  (trag.  7.  —  Trad.  J.  Darmesteter,  t.  11,  p.  loi)  dit  qu'ils  restent  impurs  à  tout  jamais.  Quant 
à  la  peine  corporelle  on  voit  par  ailleurs  (Vd.  VIII  et  Strab.  XV.  14)  que  c'est  la  mort.  Le  Shàyast  (II,  76)  en  t'ait  un 
crime  margarzàn  (mortel,  inexpiable)  et  les  Rivàyats  annoncent  que  le  coupable  sera  puni  dans  ce  monde  et  dans 
l'autre;  on  doit  l'écorcher  vif  devant  le  peuple,  le  démembrer  et  le  livrer  aux  chiens  et  aux  corbeaux. 

(3)  Communément  nommées  Daêva  (Div.)  dans  le  Zend-Avesta. 


30 


DECOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHEMÉNIDE  A  SUSE 


Après  la  conquête  grecque,  Suse,  devenue  Scleucie  d'Oulaï(i),  bien  que  déchue  de  son  rang 
de  capitale  d'empire  n'en  resta  pas  moins  une  cite  populeuse  (2)  et,  grâce  aux  mœurs  nouvelles 
et  à  la  religion  qui  supplanta  le  culte  du  feu,  les  nécropoles  reparurent;  non  que  l'élément  maz- 
déen  eût  renoncé  à  ses  usages,  mais  parce  que,  dans  une  population  aussi  mélangée  que  fut  for- 
cément celle  d'une  grande  cité  greco-pcrse,  chaque  culte  suivit  publiquement  ses  rites  et  les  Maz- 
déensde  cette  époque  furent,  à  peu  de  chose  prés,  réduits  à  ce  qu'ils  sont  aujourd'hui,  qu'ils  vivent 
côte  à  côte  avec  les  musulmans,  les  chrétiens  et  les  Hindous. 


FiG.  61.  —  Vue  de  la  mosquée  de  Daniel. 


Avec  l'avônemcnt  de  la  dynastie  sassanidc  et  le  rétablissement  des  autels  du  feu,  apparurent 
de  nouveau  les  tours  du  Silence  et  les  Charniers  tels  qu'on  en  voit  encore  aux  Indes,  à  Téhéran, 
à  Yezd,  tels  que  j'en  ai  retrouvé  les  traces  dans  les  montagnes  du  Nord  de  la  Perse (3).  Les 


(i)  Le  nom  de  Suse  à  l'époque  séieucide.  Scleucie  d'Oiilaï.  nous  est  fourni  par  une  inscription  grecque  trouvée  à 
Suse  en  1900. 

(2)  Strabon  (I,  131,  133,  144:  III,  283,  trad.  Tardieu)  dit  que  de  son  temps  (HI.  280)  l'enceinte  de  la  ville  avait 
encore  t2o  stades  de  pourtour. 

(3)  J.  de  Morgan,  Mission  scientifique  en  Perse,  t.  IV.  Recherches  archéologiques,  p.  16. 


iiG.  02.  —  Vue  du  tombeau  des  Deux  Frères. 


^.B.llr0Uft-,JltH 


FiG._65.  —  Vue  du  tombeau  d'un  cheikh. 


32 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


mages  de  l'époque  sassanide  durent  être  plus  tolérants  que  ceux  des  anciens  temps,  car  cette 
période  correspond  au  plus  grand  développement  du  christianisme  en  Iran  ;  mais  rien  ne  prouve 
que  les  non-Mazdéens  eussent  été  autorisés  à  créer  des  nécropoles  officielles.  Ces  sépultures  furent 

disséminées  et,  probablement,  faites 
clandestinement.  Ces  considérations 
expliqueraient  la  présence,  dans  les 
ruines  de  Suse,  d'un  grand  nombre 
de  tombeaux  placés  pour  ainsi  dire 
au  hasard.  Ils  appartenaient  aux  juifs, 
aux  chrétiens,  aux  païens  dont  les 
usages  n'étaient  pas  tolérés  au  point  de 
laisser  publiquement  souiller  la  terre. 
Avec  les  musulmans,  les  cime- 
tières devinrent  de  nouveau  lieux 
saints  :  Suse,  encore  très  peuplée, 
répandit  au  dehors  de  ses  murs  les 
tombes  des  fidèles  ;  le  corps  de  Daniel 
fut,  dit-on,  retrouvé (i),  une  mosquée 
s'éleva  rapidement  (fig.  6 1  )  et  ses  alen- 
tours se  couvrirent  de  tombeaux. 
Quelques  cheikhs  réputés  furent  en- 
terrés avec  plus  de  luxe  que  le  com- 
mun des  citadins;  on  voit  encore  (fig. 
62  et  63  )  leurs  monuments  ruinés  dans 
la  plaine  (2). 

Sépultures  de  l'époque  élamite. 
—  Nous  ne  connaissons  rien  encore 
des  sépultures  princièresélamites.  Les 
rites  funéraires  devaient  être  voisins 
de  ceux  de  la  Chàldée,  si  nous  en  jugeons  par  la  communauté  des  idées  religieuses  chez  les 

(i)  Cf.  Yakout.  Trad.  Barbier  de  Meynard,  p.  327.  —  «  La  dernière  place  de  l'Ahwaz  qui  tomba  au  pouvoir  des 
Musulmans  est  Sous.  On  y  trouva  le  corps  du  prophète  Daniel...  Par  l'ordre  d'Omar  on  arrêta  le  cours  du  fleuve  dans 
lequel  on  creusa  une  fosse  et  on  y  déposa  les  cendres  de  Daniel  :  puis  on  rendit  aux  eaux  leur  première  direction.  »  — 
Suse  est  citée  comme  ville  existant  encore  par  Ibn-Thaher  el-Mogaddessi,  par  Hamd  Allah  Mustôfî,  par  El-Isthakhri, 
par  El-.Mokri,  etc.;  d'autre  part  les  restes  arabes  que  nous  trouvons  dans  les  ruines  appartiennent  généralement  au  xiv-- 
et  au  xv=  siècles. 

(2)  Les  indigènes  prétendent  que  ces  santons  datent  de  l'époque  ou  Suse  était  encore  une  ville  importante,  c'est-à- 
dire  du  xiv=  ou  du  xv<^  siècle  de  notre  ère  au  plus  tard. 


Fig.  64. 


Amphore  funéraire. 


DECOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHExMENIDE  A  SUSE 


33 


deux  peuples,  mais  la  Chaldée  elle-même  ne  nous  a  jusqu'ici  fourni  aucun  renseignement  à  ce 
sujet.  Seuls  les  tombeaux  appartenant  à  la  classe  pauvre  ont  été  retrouvés,  et,  à  Suse,  ils  sont  les 
mêmes  qu'àWarka,  à  Moug-heir,  à  Niffer,  etc.. 


L-IG.   t.: 


■  Scpultiire  dans  des  amphores. 


Les  morts  étaient  souvent  enterrés  dans  le  sol  de  la  maison,  la  corps  enfermé  dans  une  am- 
phore (fig.  64)  ou  dans  deux  longs  vases  placés  bouta  bout  et  joints  au  bitume  (fig.  65).  Quelques 
perles  de  pierre  accompagnaient  seules  le  défunt.  Quant  aux  tombeaux  plus  compliqués (i), 
renfermant  un  mobilier  de  vases,  d'armes  et  de  bijoux,  nous  n'en  avons  pas  encore  rencontré. 

Sépultures  gréco-partiies.  —  Les  sépultures  appartenant  aux  temps  qui  se  sont  écoulés 
entre  la  conquête  d'.Mexandrc  et  la  restauration  sassanide  du  mazdéisme,  c'est-à-dire  du 
iv"  siècle  avant  notre  ère  au  m'  siècle  après  J.-C.  sont  disséminées  dans  le  tell  dit  de  la  Ville 
Royale,  occupant  principalement  la  partie  centrale  et  la  pointe  méridionale.  Elles  sont  profon- 
dément creusées  dans  le  sol.  Un  puits  étroit,  de  10  à  i  5  mètres,  donne  accès  dans  une  chambre, 
soit  produite  par  l'élargissement  du  puits,  soit,  suivant  la  coutume  égyptienne  (2),  placée  latéra- 
lement. La  plupart  du  temps,  des  vases  grossiers,  des  fioles  de  verre  et  quelques  petits  objets 
sans  importance  accompagnent  seuls  le  squelette  et  permettent  d'en  fixer  approximativement  la 
date  (3). 

(i)  Cf.  Lottus,  Traveh  and  researcfies,  p.  203,  204  et  c!iap.  x.  —  Taylor,  Journ.  of  the  AsiaticSoc,  vol.  XV, 
p.  269.  —  G.  Rawlinson,  The  five  Great  Monarchies,  t.  I,  p.  87. 

(2)  Puits  funéraires  et  chambres  des  mastabas  de  la  nécropole  Memphite,  à  Dahchour.  Saqqarah,  etc. 

(5)  M.  Dieulafoy  a  découvert  dans  le  tell  de  la  Ville  Royale  bon  nombre  de  ces  puits  funéraires  (cf.  l'Acropole  de 
Suse,  p.  426,  flg.  274).  Quelques-uns  renfermaient  des  médailles  {id..  p.  456.  ilg.  521);  tous  semblent  appartenir  à  la 
période  parthe.  Le  même  auteur(/if..  p.  436,  fig.  320)  attribue  à  Pliraates  //(136-127  av.  J.-C.)  une  médaille  de  bronze 
alors  que  cette  monnaie,  de  môme  que  le  n»  suivant,  appartient  à  un  certain  Kamnaskirès,  peut-être  à  celui  qui  monta 

5 


34  DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉ:NIDE  A  SUSE 

En  Cbaldée,  on  rencontre  fréquemment,  à  Niffer  entre  autres  localités,  des  sarcophages 
gréco-pàrthes  en  terre  ômaillée.  A  Suse  ces  cercueils  semblent  être  plus  rares;  on  ne  les  a  trouvés 
jusqu'ici  qu'en  fragments. 

Les  renseignements  que  nous  possédons  jusqu'à  ce  jour  sur  les  usages  funéraires  à  Suse, 
aux  diverses  époques,  sont  donc  très  pauvres  ;  mais,  grâce  à  la  méthode  adoptée  dans  les  fouilles, 
aucun  monument,  quelque  modeste  qu'il  soit,  ne  pouvant  échapper,  nous  parviendrons  à  réunir 
les  documents  nécessaires  pour  une  étude  d'ensemble. 

J'ai  dit  que  les  tombeaux  apparaissent  toujours  fortuitement  dans  nos  tranchées,  sans 
qu'aucun  indice  puisse  faire  pressentir  leur  présence.  Généralement  ce  sont  des  sépultures  sans 
importance,  pauvres  en  objets  comme  en  renseignements. 

Découverte  de  la  sépulture  d'époque  achéménide.  —  Une  seule  tombe  importante  a  été 
rencontrée,  jusqu'ici,  parmi  ces  sépultures  isolées;  elle  offre  un  intérêt  considérable;  rien  n'en 
pouvait  faire  supposer  l'existence,  aucun  indice  extérieur  ne  la  révélait,  les  terres  qui  l'entouraient 
ne  différaient  que  fort  peu  de  celles  du  reste  du  tell. 

Dès  la  campagne  de  fouilles  de  1898-99  nous  avions  découvert,  dans  la  partie  Sud-Est  de 
la  Citadelle,  à  4  mètres  de  profondeur,  un  petit  édifice  carré  construit  en  briques  émaillées  et  dont 
l'attribution  nous  restait  inconnue.  J'avais  fait  conserver  cet  édicule,  afin  de  ne  pas  rompre  l'or- 
donnance de  nos  tranchées.  Plus  tard  (janvier  1901),  lorsque  le  plan  en  fut  entièrement  relevé, 
puis  qu'il  eut  été  démoli,  les  textes  de  fondation  nous  apprirent  que  c'était  un  temple  appar- 
tenant à  l'époque  élamitc  et  construit  par  le  roi  Choutrouk-Nakhounte  II. 

Au  Sud  et  à  l'Ouest  de  ce  monument,  et  à  divers  niveaux,  se  trouvaient  des  restes  informes 
de  constructions,  temples  ou  palais  élamites  eux  aussi  ;  on  ne  voyait  plus  que  des  arasements  de 
murailles  et  quelques  débris  de  dallages.  Cette  portion  des  ruines  se  trouvait  dans  le  plus  grand 
désordre.  Çà  et  là,  des  puits,  beaucoup  plus  récents,  traversaient  les  couches  achéménides  et  éla- 
mites, et  les  débris  parthes,  sassanides  et  arabes  se  trouvaient  côte  à  côte  avec  les  vestiges  anté- 
rieurs. 

Ces  puits,  dont  nous  avons  déjà  rencontré  un  très  grand  nombre,  sont  parfaitement  limités. 
Quelques-uns  même  sont  garnis  de  larges  tuyaux  de  terre  cuite,  les  débris  qu'ils  renferment  tra- 
versent les  couches  des  divers  âges  sans  s'y  mélanger  ;  de  sorte  qu'en  dehors  d'eux  il  ne  peut  y 
avoir  intrusion  de  fragments  récents  dans  les  niveaux  plus  anciens.  Cette  remarque  était  néces- 
saire pour  qu'il  n'existe  aucun  doute  sur  la  date  des  divers  o'bjets  trouvés  ensemble  dans  la 
sépulture. 

sur  le  trône  en  87  ap.  J.-C.  (Cf.  Fr.  Spiegel,  Eranische  Alterthurnskunde,  t.  III,  p.  89).  Il  est  à  remarquer  que  jus- 
qu'ici les  sépultures  parthes  du  tell  n'ont  fourni  que  des  coins  postérieurs  à  l'époque  d'Ale.xandre  le  Grand. 


Sjnètrea. 


FiG.  66.  —  Plan  donnant  la  position  du  tombeau  dans  les  ruines. 
(Les  cotes  indiquent  la  profondeur  des  divers  points  au-dessous  de  la  surface  du  sol.) 


56  DECOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHEMENIDE  A  SUSE 

Le  bord  du  tell  était  dans  cet  endroit,  comme  partout  ailleurs,  couronné  par  un  gros  mur  de 
briques  crues  suivant  servilement  le  relief  du  terrain  et  que  je  crois  pouvoir  attribuer  à  l'époque 
des  Achéménidcs.  Cette  enceinte  unique  et  très  irrégulière  dans  sa  direction,  comme  dans  son 
épaisseur,  formait  la  seule  défense  de  la  citadelle  (i).  Quelques  rares  constructions  plus  légères, 
également  en  briques  crues  du  même  modèle,  s'appuyaient  parfois  sur  la  face  intérieure.  Les  fon- 
dations de  cet  ensemble  ne  se  trouvaient  pas  à  plus  de  trois  mètres  de  profondeur  ;  elles  s'ap- 
puvaient  sur  les  débris  plus  anciens,  recouvraient  en  partie  le  petit  édifice  de  briques  émaillées 
dont  il  vient  d'être  parlé,  et  passaient  au-dessus  de  chambres  élamites  renfermant  une  grande 
quantité  de  tablettes  en  terre  crue.  En  ce  point  du  tell  le  niveau  achéménide  s'arrêtait  donc  à  trois 
mètres  de  la  surface,  tandis  que  celui  de  cinq  mètres  se  trouvait  très  nettement  caractérisé 
comme  appartenant  à  l'époque  élamite  sans  qu'il  puisse  v  eivoir  le  moindre  doute. 

En  continuant  les  tranchées,  les  ouvriers  découvrirent  le  lo  février  1901 ,  à  6  mètres  environ 
de  profondeur  et  à  4  mètres  au  Sud  de  l'édicule  de  briques  "émaillées,  une  large  cuve  de  bronze 
aux  bords  évasés  dont  le  grand  axe  était  orienté  du  Nord  au  Sud.  Ce  bassin  oblong  mesurait 
i"',65  de  longueur  à  l'ouverture  sur  o^.gô  de  largeur;  il  était  accolé  aux  ruines  d'une  muraille 
élamite  et,  à  priori,  je  le  pris  pour  une  annexe  du  monument  voisin  tant  il  avait  peu  l'apparence 
d'un  sarcophage  ;  je  croyais  me  trouver  en  présence  d'une  cuve  de  libations  ou  d'un  bassin  destiné 
au  culte.  (Cf.  plan,  fig.  66). 

Les  alentours  étaient  remplis  de  vases  grossiers  brisés,  de  cendres,  d'os  calcinés  et  de  frag- 
ments de  briques  ;  l'intérieur  même  de  la  cuve  était  plein  de  briques  crues  en  grand  désordre.  P]n 
la  dégageant  moi-même  je  découvris  d'abord  un  vase  d'albâtre,  puis  une  patère  d'argent.  C'est 
alors,  seulement,  que  je  me  rendis  compte  que  j'avais  à  faire  à  une  sépulture  et  que  je  commen- 
çai à  fouiller  avec  grande  précaution.  En  sondant  au  sud  je  vis  briller  un  collier  d'or  que  je 
recouvris  de  suite  de  terre,  afin  de  ne  pas  éveiller  l'attention  des  ouvriers. 

Il  était,  en  effet,  essentiel  pour  la  suite  de  nos  travaux  de  ne  pas  leur  faire  connaître  l'im- 
portance de  la  découverte,  sans  quoi,  à  l'avenir,  tout  récipient  capable  de  renfermer  de  l'or  ou 
de  l'argent  eût  été  brisé  en  mille  pièces  et  vidé  avant  que  nous  puissions  être  avertis  de  sa  décou- 
verte. J'attendis  donc  jusqu'au  soir  que  les  ouvriers  eussent  quitté  les  chantiers  et  la  fouille 
recommença. 

Les  bijou-x  furent  enlevés  avec  grand  soin,  après  examen  de  leur  position  sur  le  squelette;  les 
terres  tamisées  furent  emportées,  triées,  puis  lavées  et  triées  à  nouveau.  Aucun  objet,  quelque 

(i)  C'est  à  tort  que  M.  Dieulafoy  suppose  la  citadelle  de  Suse  défendue,  au  temps  des  Achéménides,  par  des  rem- 
parts de  tracé  savant.  Je  n'ai  rien  rencontré  qui  puisse,  en  quoi  que  ce  soit,  justifier  cette  opinion.  Tant  à  l'Ouest  qu'à 
l'Estdu  tell,  l'enceinte  secomposaitd'une  muraille  unique,  peut-être  même  sans  tours,  couronnant  le  bord  du  monticule. 
Aujourd'hui  tout  le  pourtour  du  tell  a  été  déblaye  sur  une  profondeur  d'environ  5  mètres  et  une  saignée  de  20  mètres 
de  profondeur  a  été  pratiquée  d'Est  en  Ouest  environ  dans  la  plus  grande  largeur  des  ruines.  Toute  la  muraille  d'enceinte 
achéménide  a  été  enlevée,  après  examen  méticuleux,  et  je  dois  dire  qu'aucun  fait  n'est  venu  confirmer  la  théorie 
avancée  par  l'auteur  de  V Acropole  de  Suse{\\"  partie,  pi.  II,  p.  226  sq.). 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHEMENIDE  A  SUSE 


petit  qu'il  fût,  n'échappa  à  nos  recherches.  Malheureusement,  l'état  de  décomposition  dans 
lequel  se  trouvait  la  pâte  qui  retenait  les  pierres  incrustées  était  tel  que  beaucoup  d'incrusta- 
tions tombèrent.  Le  sarcophage  n'ayant  pas  été  fermé  par  un  couvercle  métallique  l'humidité, 
en  s'y  accumulant,  dégrada  quelque  peu  toutes  les  parties  oxydables  du  mobilier  funéraire. 


Le  sarcophage  entièrement  en  bronze  et,  à  l'origine,  d'une  seule  pièce,  mesurait  o'\56  de 
hauteur,  i'",65  de  longueur  à  l'ouverture,  r",29  au  fond,  ©"',96  de  largeur  à  l'ouverture  et  o"\66 
au  fond  (fig.  67).  Il  était  fendu  lorsque  je  l'ai  trouvé  :  les  terres  et  les  débris  de  briques  en  y 
tombant  avaient  exercé  sur  les  parois  mal  soutenues  une  pression  trop  forte.  Les  divers  morceaux 
ont  été  soigneusement  recueillis. 

Époque  de  la  sépulture.  —  A  priori,  j'étais  fort  embarrassé  au  sujet  de  l'époque  de  cette 
sépulture,  n'osant  pas  la  faire  remonter  avant  le  temps  d'Alexandre  le  Grand.  Dans  ma  pensée 
je  ne  pouvais  rencontrer  à  Suse  de  sépultures  appartenant  à  la  période  qui  correspond  au  Maz- 
déisme, quand  deux  médailles  vinrent  m'éclairer  et  fixer  l'âge  reculé  du  tombeau. 

L'ensemble  de  la  trouvaille  ne  présentait  aucun  des  caractères  do  l'art  grec  ;  mais  je  devais 
tenir  compte  de  ce  fait  qu'à  l'époque  d'Alexandre  et  sous  les  Séleucides  l'élément  grec  était  en 
infime  minorité  dans  ces  pays  de  l'Asie  et  que,  par  suite,  ce  tombeau  pouvait  être  celui  d'une  indi- 
gène ayant  vécu  pendant  ou  après  la  conquête  macédonienne. 

Une  objection,  très  sérieuse  d'ailleurs,  venait  à  l'cncontre  de  cette  hypothèse.  Aucun  objet 
d'art  purement  grec,  aucune  médaille  d'Alexandre  ou  de  ses  successeurs  ne  se  trouvait  dans  le 
mobilier  funéraire. 

Les  deux  médailles  d'argent,  bien  que  très  oxvdées.  étaient  cependant  assez  lisibles  pour  que 
je  puisse,  de  suite,  les  attribuer  au  iv'  siècle;   elles  portent  toutes  deux  à  l'avers  une  tète  et  au 


5S  DECOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHEMENIDE  A  SUSE 


revers  la  galère  telle  que  nous  la  voyons  sur  les  coins  des  satrapes  perses  des  villes  de  Phô- 
nicic  ;  l'attribution  de  ces  monnaies  est  certaine  et  elles  permettent  de  dater  la  sépulture. 

Les  premiers  Achéménidcs,  après  l'expédition  de  Lydie  (547  ou  546  av.  J.-C.)  rapportèrent 
de  l'Occident  l'usage  de  la  monnaie  et  frappèrent  eux-mêmes  des  dariques.  Mais  ces  premières 
médailles,  comme  d'ailleurs  les  plus  anciennes  de  la  Lydie,  d'Égine  et  des  villes  grecques,  por- 
tèrent toujours  au  revers  le  quadratum  incusum.  Ce  sont  celles  qu'on  attribue  à  Darius  I,  Xerxes, 
Artaxerxes  I",  Darius  II,  Cyrus  le  Jeune  et  Artaxerxes  II,  Mnemon,  le  constructeur  des  grands 
palais  de  Suse. 

C'est  sous  ce  dernier  roi,  Artaxerxes  II  (404  av.  J.-C.)  que  nous  voyons,  au  cours  de  son 
règne,  apparaître  des  monnaies  royales  perses  portant  deux  effigies,  l'une  à  l'avers,  l'autre  au 
revers;  le  satrape  Melqart  frappait  également  (de  350  à  332)  des  coins  du  nouveau  modèle,  de 
même  que  tous  les  gouverneurs  perses  de  Phénicie  et  les  villes  des  côtes  syriennes.  C'est  à  ce 
dernier  type  que  se  rapportent  les  deux  monnaies  du  tombeau.  Son  âge  ne  peut  donc  être 
reporté  au  delà  du  milieu  du  iv°  siècle  av.  J.-C. 

Quant  à  la  limite  inférieure  de  l'antiquité  de  ma  découverte,  elle  est  fournie  par  la  date 
même  de  l'arrivée  en  Perse  des  Macédoniens;  le  défaut  de  bijoux  grecs  et  plus  spécialement  de 
monnaies  à  l'effigie  d'Alexandre  prouve  que  la  sépulture  est  antérieure  à  l'an  331  av.  J.-C, 
date  de  la  bataille  de  Gaugamela  et  de  la  prise  de  Suse.  Ces  deux  limites  laissent  donc  entre 
elles  19  ans.  Il  semble  difficile  de  parvenir  aune  évaluation  plus  précise.  Je  donne  plus  loin  la 
description  détaillée  de  ces  deux  médailles. 

D'après  le  mobilier  que  renfermait  cette  sépulture,  le  manque  d'armes,  la  petitesse  des 
ossements,  nous  pouvons  affirmer,  d'une  manière  positive,  que  nous  avons  affaire  à  la  tombe 
d'une  femme  perse  riche,  que  ses  contemporains  ont  ensevelie  dans  l'intérieur  même  de  la  Cita- 
delle. 

Les  briques  crues  qui  remplissaient  le  sarcophage,  et  qui  probablement  provenaient  de  l'ef- 
fondrement d'une  voûte,  présentaient  les  mêmes  dimensions  que  celles  employées  à  la  construc- 
tion des  remparts  achéménides.  Or,  ces  briques  furent  certainement  faites  au  moment  même  de 
l'ensevelissement,  car,  en  Susianc,  des  matériaux  crus  ne  peuvent  être  employés  plusieurs  fois, 
l'humidité  du  sol  les  désagrégeant  rapidement. 

Il  serait  imprudent  d'établir  une  date  même  approximative,  en  s'appuvant  uniquement  sur 
les  dimensions  des  matériaux,  car  ces  dimensions  ont  pu  être  conservées  pendant  bien  des  siècles. 
Mais  cette  observation,  concordant  avec  tout  ce  que  nous  savons  de  l'époque  du  tombeau,  ne  pré- 
sente pas  moins  de  l'intérêt. 

Nati  RE  DE  LA  sÉPULTiRE.  —  Lcs  ritcs  fuuéraircs  de  l'Avesta  prohibaient  de  la  façon  la  plus 
stricte  l'enterrement  des  cadavres. 

«  Où poiicrons-noits  le  corps  des  morts  ?  ô  Ahiira  Mazda!  où  le  déposerons-nous  ? 
«  Ahura  Mazda  répondit  : 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  59 

«  Sur  les  lieux  lesplus  élevés,  6  Spitana  Zarathushtra,  là  oùVonsaiL  que  viennent  tou- 
jours les  chiens  carnivores  et  les  oiseaux  carnivores  {i).  » 

Toutefois,  ces  règles  semblent  n'avoir  été  respectées,  durant  la  période  des  Achéménidcs, 
que  pour  les  gens  du  commun.  Les  rois,  les  princes  et  quelques  grands  du  royaume  ont  béné- 
ficié d'exceptions  et  leur  corps  fut  déposé  dans  le  tombeau. 

Nous  connaissons  les  monuments  funéraires  de  Cyrus  et  de  ses  successeurs (2)  dans  le  Fars, 
et  de  quelques  morts  probablement  illustres  dont  les  restes  reposèrent  à  Eudir  Kach  (3)  (Kurdis- 
tan de  Moukri),  près  de  l'encienne  Gazaka,  à  Kèl  é  Daoud  (4)  dans  le  district  de  Zohâb  et  à 
Dî-nou(5)  non  loin  de  Bisoutoun.  Les  mages  trouvèrent  le  moyen  de  tourner  le  texte  sacré. 
La  tombe  de  Cyrus  était  garnie  d'un  sarcophage  d'or  (6)  et  les  quatre  ouvertures  réglemen- 
taires furent  probablement  ménagées  dans  la  porte  du  mausolée. 

Hérodote (7)  nous  explique  le  subterfuge  employé  par  les  prêtres  pour  satisfaire  aux  exigences 
des  grands.  On  enduisait  le  corps  de  cire  avant  de  le  mettre  au  tombeau  afin  d'obéir  à  la  lettre  de 
l'Avesta  et  de  ne  pas  souiller  la  terre  par  le  contact  d'un  cadavre.  Cette  coutume  était  en  usage  chez 
les  Perses,  tandis  que  les  Mèdes,  scrupuleux  observateurs  de  l'esprit  de  la  loi ,  faisaient  dccharncr  les 
corps  ainsi  que  le  pratiquent  encore  les  Guèbres  de  nos  jours.  Ces  différences  entre  lés  usages  des 
Perses  et  des  Modes  nous  sont  affirmées  par  Cicéron(8)  et  par  Strabon(9),  et  Ctcsias(io),  dans  la 
légende  qu'il  rapporte  au  sujet  de  la  mort  et  de  l'enterrement  d'Astyage,  nous  montre  que,  même 
chez  les  Modes,  les  rois  n'étaient  pas  toujours  soumis  à  la  loi  commune.  Les  sarcophages  métal- 
liques semblent  n'avoir  été  qu'une  précaution  de  plus  pour  éviter  les  colères  d'Ahura  Mazda. 

(i)  Zcnd-Avesta,  frag.  VI.  —  v,  44  et  45.  —  Trad.  J.  Darmesteter,  1892,  t.  II,  p.  92. 

(2)  Pour  le  tombeau  de  Cyrus,  cf.  Texier,  Descript.  Arm.  Perse  et  Me'sop.,  pi.  81,  82  et  83.  —  Coste  et  Flandiii, 
Voy.  en  Perse,  pi.  194  et  195.  —  M.  Dieulafoy,  VArl  en  Perse,  pi.  XIX.  —  Pour  les  autres  tombes  royales,  cf.  Texier, 
Descrip.  Arm.  Perse  et  Mésop.,  pi.  127  et  128.  —  Coste  et  Flandin,  Voy.  en  Perse,  pi.  173,  174  et  175.  —  M.  Dieula- 
foy, Y  Art  en  Perse,  pi.  X. 

(3)  Cf.  J.  de  Morgan,  Mission  scientifique  en  Perse,  t.  IV.  Recherches  archéologiques,  p.  294,  fig.  172  et  173. 

(4)  Cf.  J.  de  Morgan,  Mission  scientifique  en  Perse,  t.  IV.  Recherches  archéologiques,  p.  299,  fig.  177  et  178.  — 
Coste  et  Flandin,  Voy.  en  Perse,  pi.  211. 

(5)  Village  situé  entre  Bisoutoun  et  le  défilé  de  Gherrâbân  sur  la  rive  gauche  du  Gamas-Ab  (Haute-Kerkha).  — 
J.  de  Morgan,  Mission  scientifique  en  Perse,  t.  IV.  Recherches  archéologiques,  p.  300,  pi.  XXXII  et  XXXllI. 

(6)  «  C'est  au  centre  des  jardins  royaux  de  Pasagardc  que  s'élevait  ce  tombeau  entouré  de  bois  touffus,  d'eaux 
vives  et  de  gazon  épais;  c'était  un  édifice  dont  la  base,  assise  carrément  sur  de  grandes  pierres,  soutenait  une  voûte 
sous  laquelle  on  entrait  avec  peine  par  une  très  petite  porte.  On  y  conservait  le  corps  de  Cyrus  dans  une  arche  d'or  sur 
un  abaque  dont  les  pieds  étaient  également  en  or  massif,  couvert  des  plus  riches  tissus  de  l'art  babylonien,  de  tapis  de 
pourpre,  du  manteau  royal,  de  la  partie  inférieure  de  l'habillement  desMèdcs,de  robes  de  diverses  couleurs,  de  pourpre 
et  d'hyacinthe,  de  colliers,  de  cimeterres,  de  bracelets,  de  pendants  en  pierreries  et  en  or  »  (Arrien,  Exped.  Alex.,  \  I, 
8,  I  4,  trad.  P.  Chaussard,  1802,  t.  II,  p.  300  sq.). 

(7)  Hérodote,  I,  cxl. 

(8)  Cicéron,  Tusculanes,  1,  45. 

(9)  Strabon,  XV,  m,  20. 

(10)  Ctesias,  fragm.  29,  |  5,  ds.  MuUer-Didot.  Ctesiae  Cnidi  fragmenta,  p.  46-47. 


40 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


Ce  n'est  pas  sans  difficultés  que  les  mages  parvinrent  à  faire  adopter  la  loi  avestique  par  les 
populations  occupant  la  Perse.  Au  Mazanderan(i)  l'évangélisation  fut  accompagnée  de  mas- 
sacres; dans  le  sud,  les  Perses  éprouvèrent  toujours  une  grande  répugnance  à  livrer  leur  corps 
en  pâture  aux  animaux  sauvages(2),  Lors  des  guerres  d'Occident,  les  morts  de  l'armée  perse 
furent  ensevelis(3)  en  dépit  des  prescriptions  de  Zoroastre.  ' 

En  face  de  ces  nombreuses  exceptions,  il  n'est  pas  surprenant  de  rencontrer  à  Suse  une  véritable 
sépulture  d'époque  achéménide  entourée  des  mêmes  précautions  qui  furent  prises  pour  les  tom- 
beaux des  souverains.  La  cuve  d'or(4)  de  Cyrus  est  ici  remplacée  par  un  sarcophage  de  bronze  et 
le  monument  de  pierre  par  une  voûte  de  briques  crues  que  le  temps  a  fait  crouler  sur  le  squelette. 

Contrairement  à  ce  qu'on  aurait  pu  penser,  le  mobilier  funéraire  ne  renfermait  aucun  objet 
rappelant  le  culte  avestique;  peut-être  avait-on  exclu  intentionnellement  tous  les  signes  religieux, 
afin  de  ne  pas  les  soumettre  à  la  souillure,  la  Druj  Nasu(5),  s'emparant  du  corps;  peut-être 
aussi  les  femmes  mazdéennes  n'avaient-elles  pas  le  droit  d'en  porter  (6). 

Le  seul  bijou  achéménide  que  je  connaisse,  en  dehors  de  ceux  de  notre  trouvaille,  est  un 
collier  d'or  trouvé  probablement  en  Egypte  et  exposé  dans  les  vitrines  du  musée  du  Caire  ;  il  est 
orné  de  pendeloques  d'or  estampé  figurant,  toutes,  la  divinité  mazdéenne  ;  mais  nous  ne  connais- 
sons pas  la  provenance  exacte  de  ce  bijou,  nous  ne  savons  pas  s'il  décorait  les  épaules  d'un 
homme(7)  ou  celles  d'une  femme  ;  s'il  a  été  trouvé  dans  une  sépulture  ou  dans  des  ruines. 

(i)  Les  Màzainya  (daêva),  populations  sauvages  et  pavennes  du  Mazanderan  furent  massacrées  par  Haoshyana  et 
par  Thraètaona  (Z end- Aves ta,  trad.  J.  Darmesteter,  t.  Il,  373,  582),  le  reste  fut  converti  au  mazdéisme. 

(2)  Hérodote,  IH,  26.  —  Strabon,  XV,  m,  14. 

(3)  Hérodote,  VII,  127;  VIII,  24;  IX,  31. 

(4)  Strabon,  XV,  m,  18,  range  l'or  parmi  les  matières  qu'il  était  interdit  de  souiller  par  le  contact  d'un  cadavre, 
mais  cette  assertion  n'étant  pas  justifiée  par  les  textes  avestiques  il  est  permis  de  croire,  soit  qu'elle  est  erronée,  soit  que 
les  mages  de  basse  époque  ajoutèrent  par  rigorisme  cette  interdiction  de  leur  propre  chef. 

(5)  Démon  qui  prend  possession  du  cadavre  et  dont  la  présence  se  marque  par  la  décomposition  et  l'infection. 
«  La  Druj  Nasu  se  précipite  par  les  régions  du  Nord  sous  la  forme  d'une  mouche  furieuse,  genoux  courbés  en  avant, 
queue  en  arrière  avec  des  bourdonnements  sans  fin  et  semblable  aux  plus  infectes  khrafstras  »  (Vendidad  Sade, 
frag.  Vil,  2.  —  J.  Darmesteter,  trad.  de  VAvesta,  t.  1,  p.  123). 

(6)  Cf.  Zend-Avesta,  trad.  J.  Darmesteter,  t.  I,  p.  230. 

(7)  Les  hommes,  chez  les  Perses  et  les  Mèdes,  se  paraient  de  bijoux  tout  comme  les  femmes.  Un  bas-relief  persé- 
politain  nous  montre  un  Iranien  parc  d'une  torque  et  de  pendants  d'oreilles  (cf.  G.  Rawlinson,  The  five  Great 
Monarch.,  t.  II,  p.  317),  plusieurs  passages  de  Xénophon  sont  très  explicites  à  ce  sujet  :  «  Cyrus,  lui  (Syennesis),  fait 
les  présents  d'honneur  qu'offrent  les  rois  de  Perse:  un  cheval  ayant  un  frein  d'or,  un  collier,  des  bracelets  de  même 
métal,  un  cimeterre  à  poignée  d'or  et  une  robe  perse  »  (Xénophon,  Anabase,  I,  2)  et  plus  loin  :  «  Quelques-uns  (des 
Perses)  avaient  des  colliers  au  cou,  des  anneaux  aux  doigts»  (Xén.,  Anab.,  I,  5)  et  encore:  «  Artapatès...  voyant  Cyrus 
à  terre  saute  de  son  cheval  et  se  jette  sur  le  corps  de  son  maître  :  le  roi,  assure-t-on,  l'y  fait  égorger:  d'autres  disent 
qu'il  s'égorgea  lui-même,  après  avoir  tiré  son  cimeterre;  car  il  en  avait  un  à  poignée  d'or,  et  portait  un  collier,  des 
bracelets  et  autres  ornements,  ainsi  que  les  premiers  des  Perses   (Xén.,  Anab.,  I,  8).  D'autres   auteurs    sont   non 

-moins  clairs  (Cf.  Quint.,  Curt.,  III,  3,  |  13;  Justin,  XI,  9;  Aristid.Panath  ;  Dio  Chrysost.,  etc.).  On  s'explique,  dès 
lors,  aisément,  que  les  Perses  aient  laissé  un  butin  immense  sur  le  champ  de  bataille  de  Platée  et  que  la  richesse  des 
Eginéens  s'en  soit  accrue  d'une  manière  si  importante. 


Inn-,    In,,.. 


i>i.  11.      si';i'ri.ri  RK   a(:iii-;mk\'ii)K 

position   du   squclcltc  dans  le   sarcophage   de   bronze. 
Disposition   des   biioiix.   des  alabasirons  et   de   la   paieie   d  argent. 


DECOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHÉMENIDE  A  SUSE  41 

Une  hypothèse  peut  être  émise  au  sujet  des  joyaux  achémenides  de  Suse  :  peut-être  la  femme 
qui  les  portait  n'appartenait-elle  pas  au  culte  d'Ormazd.  L'empire  perse  était,  en  effet,  à  cette 
époque,  composé  dépeuples  qui,  pour  la  plupart,  avaient  conservé  leurs  croyances  nationales(i). 
Babylone,  l'Egypte,  la  Phénicie  n'avaient  rien  changé  à  leur  culte  ;  l'Arménie  adorait  ses  idoles 
dans  les  temples  d'Armavir,  de  Pakovan,  etc. 

Cette  supposition  ne  semble  pas  devoir  être  prise  en  considération,  car,  si  la  morte  avait 
appartenu  au  paganisme,  nous  trouverions  certainement  dans  son  mobilier  funéraire  des  traces 
de  son  culte,  soit  sur  les  bijoux,  soit  par  des  statuettes,  des  amulettes  ou  des  emblèmes  précis 
de  ses  divinités.  Les  amulettes  que  nous  possédons  ne  présentent,  comme  on  le  verra  plus  loin, 
aucune  signification  particulière. 

La  même  observation  doit,  a  fortiori,  être  faite  dans  le  cas  où  nous  supposerions  que  cette 
femme  fût  non  seulement,  étrangère  à  la  religion  de  Zoroastre,  mais  aussi  aux  pays  iraniens, 
qu'elle  fût  Égyptienne,  Syrienne,  Phénicienne  ou  Grecque.  Dans  tous  les  cas,  sa  parure  refléte- 
rait son  origine,  sa  patère  porterait  des  hiéroglyphes  ou  des  textes  ;  ses  colliers,  ses  bracelets,  pré- 
senteraient un  tout  autre  caractère. 

Quoi  qu'il  en  soit,  que  la  morte  eût  été  Mazdéenne  ou  non.  Iranienne  ou  étrangère,  l'époque 
de  sa  sépulture  n'en  est  pas  moins  fixée  d'une  manière  sûre  et,  comme  on  le  verra  plus  loin,  ses 
parures  ne  rappellent  en  rien  ce  que  nous  connaissons  des  satrapies  de  l'Occident. 

Description  de  la  sépultcre.  —  Les  divers  objets  se  trouvaient  encore  dans  la  position  où 
ils  avaient  été  placés  sur  le  corps. 

Au  côté  extérieur  du  fémur  gauche  étaient  un  vase  d'albâtre,  l'ouverture  tournée  vers  le  haut 
du  corps,  et  une  patère  d'argent  appuyée  contre  le  sarcophage.  A  l'extérieur  du  tibia  de  la  jambe 
droite  se  trouvait  un  autre  alabastron,  plus  petit  que  le  premier,  l'ouverture  tournée  vers  les  pieds 
du  mort.  Au  cou,  les  colliers;  aux  poignets,  ramenés  sur  la  poitrine,  les  bracelets;  à  droite  et  à 
gauche  de  la  mâchoire,  les  boucles  d'oreilles  (PI.  II). 

Deux  boutons  d'or,  qui  probablement  retenaient  les  vêtements,  étaient  placés  l'un  près  de 
l'autre  à  la  hauteur  du  sein  gauche.  Des  amulettes  et  des  perles  plates  se  trouvaient  mélangées 
aux  autres  bijoux  sans  que  je  puisse  savoir  quel  rôle  elles  jouaient  dans  la  parure  ;  je  crois  que 
les  perles  plates  avaient  été  cousues  au  col  d'un  vêtement. 

Le  mort  avait  été  placé  sur  le  dos,  la  tête  penchée  en  avant,  appuyé  contre  la  paroi  du  fond 
de  la  cuve,  les  genoux  légèrement  relevés,  les  pieds  portant  sur  le  fond  du  sarcophage.  Ainsi 
placé,  le  cadavre  put  trouver  place  sans  être  replié  sur  le  côté,  dans  une  cuve  dont  la  longueur 

(i)  Le  culte  du  feu,  même  aux  époques  les  plus  florissantes  du  mazdéisme,  ne  semble  pas  s'être  répandu  au  delà 
des  limites  naturelles  de  l'Iran;  les  souverains  achéménides  eux-mêmes  se  montrèrent  parfois  très  respectueux  des 
dieux  de  leurs  sujets  d'Anirân  lorsque  l'intérêt  politique  les  y  engageait.  En  Egypte,  en  Judée,  en  Phénicie,  en  Baby- 
lonie,  en  Asie  Mineure,  en  Arménie  et  dans  le  Caucase  les  doctrines  mazdéennes  furent  repoussées  par  la  population, 
ou  les  mages,  à  cette  époque,    ne  cherchèrent  même  pas  à  les  introduire. 

6 


42 


DECOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


n'est  que  de  i'",29.  Lors  de  la  fouille,  les  maxillaires  reposaient  sur  les  clavicules,  et  les  fémurs 

chevauchaient  d'une  quinzaine  de  centimètres  sur  les 
tibias  ;  les  tarses  et  les  métatarses  se  trouvaient  en 
paquet  à  l'extrémité  du  sarcophage. 

La  taille  de  cette  femme  était  certainement  supé- 
rieure à  i^.ôo,  son  squelette  était  très  fin,  ses  dents 
usées  accusaient  la  vieillesse. 


FiG.  68.  —  Alabastrons. 


Mobilier   funéraire.   —   Alabastrons.    —   Les 
deux  vases  d'albâtre  sont  de  même  forme  et  rie  dif- 
fèrent que  par  leurs  dimensions,  l'un  mesurant  200  mil- 
limètres de  hauteur  sur  92  millimètres  de  diamètre 
maximum,  tandis  que  l'autre  est  haut  de   165  mil- 
limètres et  large  de  73   millimètres.   Cette  sorte  de 
vases  est  très  fréquente  à  l'époque  achéménide  ;  on  en 
rencontre  souvent   des  fragments  dans   les  fouilles. 
Quelquefois  ces  morceaux  portent,  en  textes  trilingues 
cunéiformes,  les  noms  et  titres  des  rois  Darius,  Xerxes,  Artarxerxes,  etc.  Souvent,  aussi,  ils  pré- 
sentent le  cartouche  hiéroglyphique  des  mêmes  souverains;  nos  musées  d'Europe  contiennent 
bon  nombre  de  ces  types. 


FiG.  69.  —  Fragments  d'alabastrons  avec  textes  trilingues  ou  hiéroglyphiques  trouvés  dans  les  fouilles  de  Suse. 

J'ai  dit,  dans  un  précédent  travail(i),  combien  l'albâtre  est  abondant  dans  les  tranchées  de 
Suse;  il  provient  des  montagnes  loures  et  présente  de  grandes  variétés  dans  sa  coloration  ;  fré- 


(i)  Cf.  Mém.  de  la  Délég.,  t.  I,  Rech.  Arch.  —  Mat.  minérales. 


w 
o 
ce 

< 


M 

iX 
'H 

a, 

w 

Q 

ë 

-H 

s 

o 

< 

Di 
3 

eu 

-w 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  43 

quemment  il  est  veiné  de  rouge,  de  brun  ou  de  vert.  Cette  matière  était,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés,  employée  à  divers  usages  :  on  en  faisait  des  statues,  des  bas-reliefs,  des  vases,  des  fusaïoles, 
des  amulettes,  etc.  Les  deux  alabastrons  trouvés  dans  le  tombeau  sont  en  albâtre  translucide,  veiné 
de  lignes  blanches  opaques. 

Patère.  —  La  coupe  d'argent  qui  accompagnait  le  plus  grand  des  deux  vases  d'albâtre  est 
une  pièce  de  fort  belle  exécution  (PI.  III)  :  elle  mesure  iz)^8  millimètres  de  diamètre,  44  milli- 
mètres de  hauteur,  est  en  métal  fondu  et  pèse  589  grammes.  Son  profil  est  très  gracieux  et  artis- 
tement  calculé.  Son  ornementation  a  été  reprise  au  burin  avec  beaucoup  d'habileté.  La  régularité 
de  ses  bords  et  de  toutes  les  parties  circulaires  a  été  obtenue  au  tour  :  on  voit  encore  sur  les  deux 
faces  les  centres  laissés  par  l'axe  de  l'instrument. 

Extérieurement,  elle  porte  une  rosace  de  seize  pétales,  ornement  que  nous  retrouvons  à 
chaque  instant  dans  les  sculptures  assyriennes  et  achéménides.  Quarante  autres  pétales,  beaucoup 
plus  longues  que  les  premières,  rayonnent  autour  de  la  rosace  centrale  et  vont  se  terminer  en 
pointe  près  du  bord  lisse,  laissant  entre  elles  un  nombre  égal  de  triangles  réguliers.  Le  bord  est 
lisse  sur  une  hauteur  de  18  millimètres. 

A  l'intérieur,  la  décoration  est  beaucoup  moins  marquée  qu'à  l'extérieur  ;  une  couronne  de 
fleurons  entoure  un  bouton  soudé  sur  le  centre. 

L'exécution  de  cette  pièce  d'argenterie  est  fort  soignée  quant  à  l'ensemble  de  la  composition; 
elle  est  remarquable  par  son  élégance  et  sa  pureté,  l'art  en  est  fort  beau  et  semble  avoir  été 
largement  influencé  par  le  goût  ninivite.  Les  créneaux  du  palais  de  Sargon(i),  certains  ornements 
peints  sur  enduit  (2)  et  beaucoup  d'autres  monuments  assyriens  nous  offrent  des  motifs  qui  sem- 
blent avoir  été  pris  pour  modèle  par  le  ciseleur  perse.  Ces  rosaces,  communes  en  Orient,  pré- 
sentent des  analogies  frappantes  avec  celles  rencontrées  dans  le  mycénien  d'Europe  et  d'Asie; 
l'aire  dans  laquelle  on  les  rencontre  est  très  vaste,  aussi  semblerait-il  imprudent  de  chercher  à 
tirer  des  conclusions  de  leur  présence  à  Suse. 

Bijoux.  —  Les  joyaux  du  tombeau  peuvent  être  rangés  en  trois  séries  bien  distinctes  :  deux 
parures  bien  homogènes  dans  leur  composition  comme  dans  leur  technique,  et  les  bijoux  isolés. 
Il  est  certain  que,  de  son  vivant,  la  Persane  qui  les  possédait  ne  pouvait  les  porter  tous  en  même 
temps;  ils  ne  furent  réunis  que  dans  sa  sépulture. 

Pre.mière  parure.  —  Torque.  —  La  torque  était  la  pièce  importante  dans  la  plus  riche 
parure  de  la  défunte  :  elle  est  en  or  et  pèse  385  grammes,  mesure  202  millimètres  de  diamètre  et 
se  compose  de  deux  parties  rentrant  l'une  dans  l'autre  sur  une  longueur  de  36  millimètres  et  fixées 

(i)  Cf.  Place,  Ninive.  pi.  36. 

(2)  Cf.  Layard,  Monuments,  i"  série,  pi.  87. 


44 


DECOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


l'une  à  l'autre  à  l'aide  d'une  goupille  (PI.  IV).  Les  torques  primitives  s'ouvraient  par  torsion  du 
métal  qui  faisait  ressort;  celle-ci  se  séparait  en  deux  pièces  qu'on  rajustait  après  les  avoir  placées 
autour  du  cou. 

Le  corps  du  bijou  est  une  torsade  régulière,  lisse  et  serrée,  de  12  millimètres  de  diamètre;  ses 
deux  extrémités  sont  terminées  chacune  par  une  tête  de  lion,  ces  deux  têtes,  se  regardant  face  à 
face  ;  elles  sont  ciselées  et  incrustées  de  pierres  et  de  nacre. 


FlG. 


■  Tête  de  lion  vue  de  profil. 


Le  nez  de  chaque  lion  est  en  or,  nu  jusqu'aux  arcades  sourcilières  ;  les  oreilles  et  la  lèvre 
inférieure  sont  également  en  métal  sans  incrustations  ;  les  joues  sont  en  turquoise,  tandis  que  le 
mufle  porte  un  lapis-lazuli  encadré  de  deux  turquoises  (fig.  70,  71  et  PI.  IV);  les  pommettes  des 

joues  sont  ornées  chacune  d'une  turquoise  et  d'un  lapis;  les  yeux, 
en  nacre,  portaient  des  prunelles  noires;  le  sommet  de  la  tête  est 
recouvert  de  plaques  nacrées. 

Le  cou,  formé  d'une  plaque  d'or  mince  ajustée  sur  le  corps  de 
la  torque,  est  orné  d'un  semis  de  petites  turquoises  serties,  taillées 
de  façon  à  imiter  grossièrement  les  mèches  de  la  crinière. 

Au  delà  du  cou  est  une  sorte  de  collier   composé  de  deux 
gorges  séparées  entre  elles  par  une  bande  où  alternent  en  inscru- 
stations  les  carrés  de  turquoise  et  de  lapis-lazuli.  Les  gorges  elles- 
mêmes  sont  pavées, la  première  de  petits  triangles  enchevêtrés,  la 
seconde  de  petites  lamelles  rectangulaires  de  turquoise. 

Après  cet  ornement,  sur  une  longueur  de  35  millimètres,  le  joaillier,  afin  d'imiter  les  mèches 
de  poil  tombant  à  droite  et  à  gauche  de  l'épine  dorsale,  a  serti,  régulièrement  alternés,  des.  tur- 
quoises et  des  lapis  découpés  d'une  forme  spéciale;  l'axe  correspondant  à  la  colonne  vertébrale  se 
termine  par  une  turquoise  taillée  en  poire. 

Comme  on  le  voit,  ce  sont  les  parties  les  plus  caractéristiques  de  la  tête  qui  ont  été  rehaus- 
sées de  pierres,  donnant  ainsi  au  bijou  un  aspect  étrange,  très  différent  de  ce  que  nous  avons 
coutume  de  rencontrer  dans  les  arts  de  l'antiquité  classique. 

Ce  procédé  conventionnel  de  représentation  de  la  nature  ne  s'appliquait  pas  seulement  aux 


Fig.  71.  —  Tête  de  lion  vue  de  face. 


PL    IV 


BIJOUX    ACHLMENIDES 
Turaue   en  or  _  h'Oij^.on..    en  or  avec  incrusLdLionr^ 
et  perid.eiaquer;  d  cr.  lapiG,  cornaline   et   pâte  eniaillee 


:cj;>-!i:',  1  'huit  a:: 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


45 


bijoux,  il  était  courant  chez  les  artistes  perses  du  vii'^  au  iv^  siècles.  Nous  en  voyons  un  exemple 
frappant  dans  les  reliefs  émaillés  du  palais  de  Suse  (fîg.  72  et  73). 

Les  Perses  avaient  certainement  reçu  des  Assyriens  ces  principes  artistiques,  car  nous  consta- 
tons, sur  les  bas-reliefs  polychromes  qui  ornaient  les  palais  ninivites(i)  (fig.  74  et  75),  l'appli- 
cation du  même  mode  de  dessin  ;  la  crinière  d'un  lion  entre  autres  rappelle  singulièrement  celle 
que  figurent  nos  bijoux  achéménides. 


Fig.  72.  —  Tcte  de  lion,  relief  émaillé  des  palais  achéménides  de  Suse  (Musée  du  Louvre). 

C'est  surtout  dans  la  bijouterie  égyptienne  que  nous  trouvons  le  plus  de  termes  de  compa- 
raison :  il  me  suffira  de  citer  les  bijoux  de  Dahchour  et  leurs  imitations  quelque  peu  barbares 
de  l'époque  des  Ramessides.  Bien  que  les  motifs  ornementaux  soient  très  différents,  la  technique 
est  la  même  en  Perse  et  dans  la  vallée  du  Nil. 

Que  les  Assyriens  aient  tiré  d'Egypte  ce  mode  de  décoration  polychrome,  puis  que  les  Perses 
en  aient  hérité  des  Ninivites,  ou  que  les  soldats  de  Cambyse  aient  rapporté  directement  ces  pro- 


(i)  Cf.  Place,  pi.  XXIX  et  XXX. 


48  DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMENIDE  A  SUSE 

émaillés,  mais  avant  eux  les  Assyriens,  et  plus  anciennement  encore  les  Élamites,  avaient 
employé  avec  succès  le  même  mode  de  décoration.  En  bijouterie  ils  firent  usage  de  la 
ciselure,  de  l'incrustation,  du  filigrane,  mais  dans  chacune  de  ces  branches  ils  restèrent 
très  inférieurs  à  leurs  maîtres,  les  Égyptiens.  En  gravure  sur  pierre  dure  ils  ne  firent  jamais 
rien  qui  approchât  des  œuvres  grecques.  Enfin,  en  sculpture,  ils  furent  inférieurs  aux  Ninivites 
eux-mêmes. 

Nous  ne  devons  donc  pas  être  surpris  de  rencontrer  dans  cette  torque,  quoiqu'elle  soit  le 
bijou  le  plus  important  de  la  découverte,  une  grande  infériorité  sur  les  œuvres  des  autres  pays 
tant  au  point  de  vue  du  modelé  et  de  la  ciselure  qu'à  celui  des  incrustations.  Malgré  ses  défauts, 
cette  pièce  est  une  production  remarquable  pour  le  pays  où  elle  a  été  faite  :  et  fournit  dans  son 
ensemble  un  grand  effet  décoratif. 

Bracelets.  —  Les  bracelets  ornant  les  poignets  du  mort,  appareillés  avec  le  collier,  sont 
massifs  et  lisses,  sauf  dans  les  parties  voisines  des  têtes  de  lions  (fig.  76  et  PI.  V).  Leur  poids  est 
de  98'', 8  pour  l'un  et  de  97  grammes  pour  l'autre;  leur  plus  grand  axe  mesure  78  millimètres; 

ils  sont  coudés  dans  la  partie  médiane  et  ne  présentent  au  petit 
axe  que  58  millimètres. 

Le  modelé  des  quatre  têtes  de  lions  dont  ils  sont  ornés  est 
bien  inférieur  à  celui  des  mêmes  motifs  dans  la  torque  ;  les  joues 
sont  trop  maigres,  les  oreilles  trop  grandes  et  mal  formées,  le 
nez  trop  anguleux.  Les  incrustations  sont  moins  nombreuses  ; 
par  suite  des  dimensions  du  sujet,  les  joues  sont  garnies  de  tur- 
quoises, de  même  que  le  sommet  de  la  tête.  Le  mufle,  les  pom- 
"^  ^  "™"""'  mettes  des  joues  et  les  maxillaires  sont  ornés  de  lapis  lazuli.  Les 

Fig.  76.  —  Bracelet  d'or  incrusté  de  gemmes,  yeux  sont  de  nacre  ;  le  uez,  les  oreilles  et  la  lèvre  inférieure  sont 

en  or  nu. 
Le  cou  est  orné  du  même  semis  de  turquoises  que  sur  la  torque  pour  figurer  la  crinière  ;  le 
reste  de  l'ornementation  est  semblable  à  ce  que  nous  avons  vu  au  sujet  du  collier. 

Il  est  certain  que  ces  trois  bijoux  formaient  une  parure  complète,  n'ayant  rien  de  commun 
avec  les  autres  joyaux  trouvés  dans  le  tombeau  et  dont  le  style  est  tout  différent. 

Le  Musée  du  Louvre  possède  un  bracelet  qui  semble  avoir  été  inspiré  par  le  même  modèle 
que  ceux  de  Suse.  Le  procédé  d'exécution  est,  il  est  vrai,  tout  autre:  les  incrustations  de  pierres 
colorées  y  font  défaut,  le  rendu  est  encore  moins  artistique,  mais  les  deux  bijoux  présentent  la 
même  composition. 

Le  bracelet  du  Louvre  ayant  été  acheté  à  Alep  (i),  il  est  impossible  de  lui  assigner  avec  cer- 
titude une  époque  et  un  lieu  d'origine.  S'il  est  antérieur  au  v''  siècle,  il  remonte  peut-être,  comme 

(i)  G.  Pcrrot  et  Chipiez,  Hist.  de  l'Aj-t.,  t.  IV,  p.  764. 


BIJOUX    ACHEMENIDES 
r 'T.-iants;.    dcro'.l'.en   en  rr   av-r  -.ncrustationr,  _  Collier  de  perles  fines 
''oilier    de  î^eriet-te:i   >î'or-   et    de   ôernnnec  : 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  49 

le  suppose  M.  G.  Perrot,  à  l'époque  du  royaume  Khéta.  Dans  ce  cas,  il  aurait  été  probablement 
copié  sur  un  modèle  assyrien  qui,  plus  tard,  fut  adopté  par  les  artistes  perses. 

L'usage  d'orner  les  torques  et  les  bracelets  de  têtes  opposées  de  lions  remonte  à  des  époques 
très  reculées  (i)  ;  le  plus  ancien  spécimen  qui  soit  parvenu  à  ma  connaissance  est  un  bracelet 
figuré  sur  un  relief  de  terre  émaillée  d'époque  élamite,  trouvé  dans  nos  fouilles  de  Suse  et  anté- 
rieur au  x"  siècle  avant  notre  ère. 

Deuxième  parure.  —  Cette  seconde  parure  n'est  certainement  pas  de  la  même  main  que  la 
première;  son  style  est  tout  différent  et  son  exécution,  bien  que  souvent  défectueuse,  montre  des 
qualités  de  précision  que  ne  présentent  ni  la  torque  ni  les  bracelets. 

Collier.  —  Un  grand  collier  d'or  (2),  orné  de  pendeloques,  s'étalait  sur  la  poitrine  au- 
dessous  de  la  torque;  il  se  composait  de  perles  massives  en  métal  incrusté  de  turquoises,  de  lapis- 
lazuli  et  de  cornalines.  Quatre  grosses  perles  décoraient  le 
milieu  du  bijou,  dix-huit  pendeloques,  également  espacées, 
toutes  semblables  et  rehaussées  de  gemmes,  retombaient  au- 
tour du  cou.  Chaque  pendeloque,  fixée  à  une  perle,  est  ornée 
à  la  partie  supérieure  d'un  grènetis  filigrane  dans  un  rec- 
tangle de  métal  nu  (fig.  77  et  PI.  VI,  fig.  i). 

Le  filigrane  est  obtenu  non  pas  au  moyen  d'un  fil  d'or 
tordu  et  soudé,  mais  par  une  succession  de  petites  perles  mé-  ^  n>  .•    )      i-      „  ■  ^»  .,„.,^„i^o„»c 

r  r  r  Fig.  77.  —  Partie  de  coiIier  orne  de  pendeloques. 

talliques  fixées  séparément.  Ce  mode  de  travail  se  rencontre 

dans  tous  les  pays  de  l'Orient  et  il  est  malaisé  de  retrouver  son  origine.  Les  Égyptiens  le  prati- 
quaient, dès  le  Moyen  Empire,  avec  une  habileté  qui  n'a  jamais  été  surpassée.  La  Phénicie,  la 
Grèce  le  connurent;  nous  le  retrouvons  en  Perse,  en  Bactriane  et  plus  loin  encore  vers  l'Orient. 
Ce  collier  forme  un  ensemble  très  décoratif,  mais,  de  même  que  la  première  parure  décrite, 
présente  de  grands  défauts  ;  les  alternances  du  bleu  foncé  du  lapis-lazuli  et  du  bleu  clair  de  la 
turquoise  eussent  produit  un  effet  très  agréable,  si  l'artiste  n'avait  eu  la  malheureuse  idée  d'y 
joindre  le  rouge  vif  des  cornalines.  Le  jaune  brillant  de  l'or  accentue  encore  cette  opposition  et 
rend  les  tons  plus  criards.  Quant  à  la  taille  des  gemmes  età  leur  sertissage,  ils  sont  très  médiocres, 
plus  malhabiles  encore  que  dans  la  torque  et  les  bracelets. 

(i)  Le  musée  de  New- York  possède  un  bracelet  d'or  d"un  modèle  très  voisin  de  celui  des  bracelets  de  Suse;  suivant 
di  Cesnola  (Cyprus,  p.  311),  il  aurait  été  trouvé  en  Chypre  et,  par  suite,  appartiendrait  au  groupe  asiatique  qui  nous 
occupe.  Il  est  fâcheux  que  son  lieu  d'origine  et  son  époque  nous  soient  fournis  par  une  autorité  aussi  peu  sûre  que  celle 
de  di  Cesnola. 

(2)  Ce  collier,  dont  le  poids  total  est  de  152  grammes,  se  subdivise  comme  suit:  18  pendeloques  (poids  ensemble: 
988',o);  4  grosses  perles  d'or  (poids  ensemble:  ios<',^);  huit  perles  d'or  de  taille  moyenne  (poids  ensemble:  58'',5); 
109  petites  perles  d'or  (poids  ensemble:  38?'',o). 

7 


50 


DECOUVERTE  D'UNE  SEPULTURE  ACHEMENIDE  A  SUSE 


Dans  les  bijoux  égyptiens  incrustés  de  la  douzième  dynastie,  les  gemmes  sont  taillées  avec 
une  telle  précision  qu'il  a  suffi,  pour  les  fixer,  de  les  sertir  avec  le  métal;  c'est  à  peine  si,  par 
places,  le  bijoutier  a  dû  garnir  la  cavité  destinée  à  recevoir  la  pierre  d'une  légère  couche  de  pâte 
afin  de  racheter  une  différence  d'épaisseur.  Plus  tard,  sous  les  Ramessides,  alors  que  les  arts  tom- 
baient en  décadence  par  suite  des  préoccupations  militaires  de  toute  la  nation,  les  artistes  cher- 
chèrent à  obtenir  les  mêmes  effets  qu'autrefois  par  des  procédés  plus  rapides  et  moins  coûteux  : 
les  pierres  furent  grossièrement  taillées  et,  parfois  même,  remplacées  par  de  la  pâte  émaillée;  les 
cloisons  métalliques  perdirent  leur  ancienne  destination  et  ne  servirent  plus  qu'à  séparer  les  dif- 
férentes couleurs  pour  la  vue  seulement.  La  pâte  remplaça  le  sertissage  comme  moyen  de  fixer 
les  gemmes  ;  les  bijoux  y  perdirent  de  leur  grâce  et  de  leur  solidité. 

Plus  tard,  vers  la  fin  du  Nouvel  Empire  jusqu'à  la  conquête  perse,  nous  voyons  se  continuer 
le  déclin  de  l'art  du  bijoutier  en  Egypte,  et  c'est  à  cette  époque  que  les  artistes  iraniens  choisirent 
les  types  dont  ils  s'inspirèrent;  de  mauvais  modèles  entre  les  mains  d'ouvriers  inexpérimentés  ne 
pouvaient  donner  que  des  œuvres  médiocres.  C'est  ce  qui  arriva.  Encore  devons-nous  être  sur- 
pris de  voir  si  peu  de  différence  entre  la  technique  des  bijoux  perses  et  celle  des  joyaux  égyptiens 
contemporains. 

Peut-être  devons-nous  voir  dans  les  œuvres  des  bijoutiers  perses  du  iv'  siècle  l'origine  des 
cloisonnés  de  grenat,  ou  de  verre  rouge,  qu'on  rencontre  si  fréquemment  chez  les  peuplades  bar- 
bares qui,  dans  leur  marche  vers  l'Occident,  frôlèrent  l'empire  perse  vers  la  frontière  du  Nord  ? 
Peut-être  trouverions-nous  en  Susiane  les  principes  décoratifs  que  les  Francs,  les  Scandinaves, 
etc.,  ont  apportés  jusqu'aux  extrémités  de  l'Europe?  Mais  analyser  une  question  aussi  étendue 
serait  sortir  de  notre  sujet. 


Boucles  d'oreilles.  —  Je  réunis  à  la  même  parure  les  boucles  d'oreilles  qui,  bien  que  ne 
renfermant  pas  de  cornalines,  appartiennent  au  môme  ordre  de  bijouterie.  Chacune  d'elles  se 

compose  d'un  large  anneau  plat  en  or(fig.  78  et  PI.  V,  fig.  3  et  4). 
Couvert  de  pierreries  sur  les  deux  faces,  cet  anneau  présente  44  mil- 
limètres de  diamètre  et  3™",  2  d'épaisseur;  il  estévidé  au  centre  suivant 
un  cercle  de  i  5  millimètres  de  diamètre  et  se  compose  de  deux  parties 
bien  distinctes  et  concentriques. 

Le  cercle  interne  porte,  sertis,  des  ornements  quadrangulaires  de 
lapis-lazuli  et  de  turquoise  encadrés  de  fuseaux  de  turquoise;  le  cercle 
externe  figure  les  pétales  d'une  fleur  :  les  plus  grandes  sont  arrondies- 
et  alternent  tour  à  tour  en  lapis-lazuli  et  en  turquoise,  tandis  que  les 
petites  sont  couplées  en  turquoise  et  en  lapis;  ainsi  le  rang  extérieur 
offre  18  pétales  tandis  que  le  rang  intérieur  en  montre  36.  Les  lignes 
principales  de  l'ornementation  convergent  vers  le  centre  du  bijou,  de  même  que  les  côtés  de  l'ou- 
verture par  laquelle  passait  le  lobe  de  l'oreille;  à  l'intérieur  de  l'anneau  est  un  double  cercle  fili- 


FiG.  78.  —  Boucle  d'oreille. 


00 
[d 
Q 

s 

a: 
o 
< 

X 

D 
o 

5 


a, 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  51 


r 


grané.  La  fermeture  se  faisait  au  moyen  d'une  épingle  d'or  montée  sur  charnière  et  qu'une  cla- 
vette fixait  a  l'extrémité  libre. 

Boutons.  —  Deux  boutons  placés  sur  la  poitrine  de  la  morte  font  aussi  partie  delà  même 
parure  ;  ils  mesurent  21  millimètres  de  diamètre,  sont  bombés,  et  portent,  à  leur  face  inférieure, 
un  anneau  soudé  qui  permettait  de  les  fixer  au  vêtement  (fîg.  79  et  PI.  IV,  fig.  2  et  3). 

Au  centre  est  un  cercle  renfermant  un  curieux  motif  qui,  probablement,  avait  jadis  un  carac- 
tère emblématique,  mais  que  je  ne  saurais  expliquer.  Sur  un  croissant  de  lapis- 
lazuli  pose,  dans  un  champ  de  turquoise,  un  objet  d'or  semblable  à  une  branche 
d'arbre  garnie  de  deux  bourgeons.  Cinq  cercles  identiques  encadrent  celui  du 
centre.  Ils  sont  reliés  entre  eux  par  de  petites  cornalines,  et,  vers  le  bord,  l'orne- 
mentation se  continue  en  une  succession  de  triangles  alternants  de  turquoise  et 
de  lapis  ;  l'ensemble  est  serti  d'un  g^rènetis  circulaire  de  perlettes  d'or. 

•^  .  "  »^  _  I-iG.  79.  —  Bouton  d  or 

La  technique  de  ces  boutons  est  la  même  que  celle  des  boucles  d'oreilles  ;  incrusté  de  gemmes. 
les  gemmes  sont  taillées  et  fixées  avec  beaucoup  moins  de  maladresse  que  dans 
les  bijoux  précédemment  décrits.  Quant  à  la  composition,  elle  est  assez  heureuse  et  ne  rappelle 
en  rien  ce  que  nous  connaissons  de  l'Assyrie  ou  de  l'Egypte.  Le  motif  principal  de  ces  bijoux  est 
trop  étrange  pour  ne  pas  avoir  été  emblématique  :  il  se  reproduit  douze  fois  dans  les  deux  boutons 
et  trente  fois  danS  les  barrettes  du  collier  de  perles  fines  dont  il  va  être  question.  Il  est  certain 
que,  si  une  idée  religieuse  ou  superstitieuse  ne  s'v  était  pas  attachée,  on  ne  l'aurait  pas  employé 
avec  une  pareille  profusion. 

Bijoux  divers.  —  Je  range  dans  cette  catégorie  une  série  de  bijoux  qui  ne  semblent  pas 
avoir  fait  partie  de  parures  complètes,  quoique  certains  d'entre  eux  rappellent,  par  les  motifs  de 
leur  ornementation,  certains  des  joyaux  dont  il  vient  d'être  parlé. 

Collier  de  perles  fines.  —  L'usage  de  porter  des  colliers,  dits  aujourd'hui  «  colliers  de 
chien  »,  en  perles  fines,  existait  déjà  en  Perse  au  iv^  siècle  avant  notre  ère;  les  perles  étaient 
abondantes  dans  le  Golfe  Persiquc,  on  les  employait  exactement  de  la  même  manière  que  nous 
faisons  de  nos  jours. 

Ce  collier  était  à  trois  rangées  de  perles,  que  dix  barrettes  d'or  incrusté  de  pierres  réunissaient 
à  intervalles  égaux  (fig.  80  et  PI.  V,  fig.  6);  ses  débris,  entassés  pêle-mêle  sous  le  crâne,  montrent 
que  cette  parure  était  portée  en  haut  du  cou. 

Les  barrettes  sont  formées  de  la  réunion  de  trois  des  emblèmes  dont  j'ai  parlé  au  sujet  des 
boutons  ;  elles  ne  portaient  aucun  autre  ornement. 

Quant  aux  perles  fines,  elles  étaient  fort  détériorées  lors  de  la  découverte.  J'ai  pu  en  recueillir 
238,  mais  beaucoup  d'entre  elles  tombaient  en  poussière  et  j'évalue  à  4  ou  500  leur  nombre  pri- 
mitif dans  le  collier. 


52 


DECOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


Le  Golfe  Persique  est,  on  le  sait,  l'un  des  points  du  monde  où  les  perles  fines  se  rencontrent 
en  plus  grande  abondance;  elles  sont  d'une  fort  belle  eau  et  de  tout  temps  furent  trèsappréciées(i). 
Les  pêcheries  du  Golfe  datent  de  temps  immémoriaux.  Bahrein,  Ormuz,  Mascate,  Lingah  et 
cent  autres  points  de  la  côte  arabique  ou  persique,  ont  toujours  été  des  centres  importants  pour  la 
production  des  perles  fines.  C'est  même  pour  beaucoup  d'entre  eux  leur  unique  raison  d'être  peu- 
plés. Si  nous  en  jugeons  d'après  les  bas-reliefs  assyriens  et  perses,  les  souverains  et  les  grands 
personnages  s'ornaient  de  perles  à  profusion.  Ils  en  portaient  non  seulement  dans  leurs  bijoux, 
mais  aussi  sur  leurs  vêtements  et  jusque  dans  la  barbe. 


FiG.  8c.  —  Élément  du  collier  de  perles  fines. 

Il  est  à  remarquer  que  les  Égyptiens  des  temps  anciens  ne  semblent  pas  avoir  employé  la 
perle  fine  que,  probablement,  ils  connaissaient  grâce  à  la  proximité  de  la  Mer  Rouge.  Dans  les 
tombeaux  de  Dahchour  je  n'en  ai  jamais  rencontré;  les  seules  que  je  connaisse,  sur  des  bijoux 
égyptiens,  appartiennent  à  l'époque  ptolémaïque  et  sont  montées  à  la  grecque. 

Collier  de  gemmes  et  d'or.  —  Tous  les  pays,  depuis  les  temps  les  plus  anciens,  ont  connu 
les  colliers  faits  de  gemmes  taillées  et  percées,  ou  simplement  percées.  Les  stations  préhistoriques 


FiG.  8i.  — ■  Éléments  du  collier  de  gemmes  et  de  perles  d'or. 


nous  en  offrent  de  nombreux  spécimens,  aussi  bien  dans  l'Europe  occidentale  qu'en  Asie  et  en 
Egypte.  Il  est  donc  très  naturel  de  rencontrer  à  profusion  en  Perse  ces  sortes  de  parures  à  l'époque 
des  Achéménides. 

Quatre  rangs  formaient  l'ensemble  du  collier:  ils  renferment  400  perles  de  pierres  et  autant 

(i)  Au  premier  rang,  au  faîte  pour  ainsi  dire  de  tous  les  joyaux,  sont  les  perles.  C'est  spécialement  l'Océan  Indien 
qui  les  envoie...  et  encore  les  Indiens  eux-mêmes  n'en  prennent-ils  que  dans  un  très  petit  nombre  d'îles.  Elles  sont  le 
plus  abondantes  à  Taprobane  [Ceylanj  et  à  Stoïs,  comme  nous  l'avons  dit  dans  la  description  du  Monde  [VI,  24,  9  et 
28,  3],  ainsi  qu'à  Périmula, promontoire  de  l'Inde.  Les  plus  estimées  sont  celles  de  la  côte  d'Arabie,  sur  le  Golfe  Persique 
,'Pline,  Hist.  nat.,  IX,  54]. 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  53 

de  perles  d'or,  les  plus  grosses  gemmes  occupant  le  milieu  de  la  parure  (fig.  81  et  PI.  VI,  fig.  2 
et  3).  Les  couleurs  alternent  et  se  trouvent  rehaussées  par  le  métal  précieux  les  séparant. 

Ces  perles  de  pierre  sont  habilement  travaillées,  et  très  régulièrement  tournées  :  elles  sont 
renflées  en  leur  milieu  et  terminées  carrément  à  leurs  extrémités;  leur  forage  a  été  efifectué  par  les 
deux  côtés. 

Quant  aux  variétés  minéralogiques  faisant  les  frais  de  ce  bijou  elles  sont  très  nombreuses, 
beaucoup  plus  même  qu'il  n'est  coutume  dans  les  colliers  de  ce  genre.  Ce  sont  : 

Turquoise  (i).  Silex. 

Lapis-lazuli  (2).  Jade  (?). 

Émeraude(3).  Quartz,  hyalin  et  laiteux. 

Agate (4).  Améthyste  d'un  violet  pâle(5). 

Jaspe  de  toutes  couleurs.  Hématite. 

Cornaline  rouge  et  blonde.  Marbre  de  diverses  couleurs. 

Feldspath.  Brèche. 

(i)  La  turquoise  (en  persan  moderne  ejjjvj)  est  la  pierre  persane  par  excellence.  De  riches  mines,  irrégulièrement 
exploitées,  existent  au  Khoraçân.  Les  exploitations  anciennes,  aujourd'hui  inondées,  ont  été  abandonnées  et  remplacées 
par  des  gisements  où  la  pierre,  de  moindre  qualité,  perd  très  rapidement  sa  couleur  bleue  pour  verdir.  Les  turquoises  se 
trouvent  généralement  en  Perse  dans  des  couches  argileuses  à  l'état  de  rognons  entourés  d'une  gangue  ferrugineuse.  — 
Pour  les  mines  de  turquoise  de  la  presqu'île  sinaïtique,  cf.  J.  de  Morgan,  Recherches  sur  les  origines  de  l'Egypte. 

(2)  (En  persan  moderne  1^1  ij^V)-  La  lazulite  se  trouvait,  dit-on,  autrefois  aux  environs  de  Kachan  et  aurait  été 
l'objet  d'un  commerce  important.  Ces  gisements  ne  sont  plus  connus.  Les  Persans  disent  qu'il  existe  une  veine,  non 
exploitée  mais  très  importante,  de  lazulite  dans  le  district  montagneux  de  Koulpa,  entre  Yezd  et  Ispahan.  —  Les  amu- 
lettes de  lapis  communément  portés  au  Khoraçân  sont  apportés  de  Boukhara.  — •  Le  lapis-lazuli  était  fort  employé  dans 
la  haute  antiquité  en  Chaldée  et  en  Susiane.  Nous  le  rencontrons  très  fréquemment  dans  nos  travaux  —  (Pline,//.  A^., 
XXXVII,  5,  8).  —  Le  lapis-lazuli  de  Médie  était  fort  réputé.  —  On  trouve  aujourd'hui  cette  pierre  en  abondance  en 
Afghanistan  (cf.  ¥î&str,  Khorasan  App.,  pp.  105,  loé). 

(3)  (En  persan  moderne  3  ^3).  Je  ne  possède  aucun  document  sur  l'existence,  à  l'état  naturel,  de  cette  pierre  en 
Perse.  (Pline,  H.  N.,  XXX'VII,  17,  §  i.)  [Les  émeraudes]  'les  plus  renommées  sont  les  Scythiques,  ainsi  nommées 
du  pays  où  on  les  trouve...  Les  émeraudes  bactriennes,  voisines  par  le  lieu  de  la  provenance,  le  sont  aussi  par  le  rang. 
Elles  se  recueillent,  dit-on,  dans  les  fissures  des  rochers...  Mais  on  assure  qu'elles  sont  plus  petites  que  celles  de  Scy- 
thie.  Au  troisième  rang  est  l'émeraude  d'Egypte  qu'on  extrait  des  rochers,  dans  des  collines  aux  environs  de  Coptos, 
ville  de  la  Thébai'de. 

[§  2.]  Les  autres  sortes  d'émeraudes  se  rencontrent  dans  les  mines  de  cuivre.  De  là  vient  que  le  premier  rang 
parmi  ces  dernières  appartient  aux  émeraudes  de  Chypre...  (S  3.)  Après  les  émeraudes  attiques,  viennent  les  émeraudes 
de  .Médie,  celles  qui  offrent  le  plus  de  teintes  variées;  quelques  fois  même  elles  se  rapprochent  du  saphir.  (19,  Jj  i.) 
On  range  parmi  les  émeraudes  la  pierre  appelée  tanos.  Elle  vient  de  Perse  (Trad.  E.  Littré,  t.  II,  1850,  p.  547  sq.). 

(4)  (En  persan  moderne  rJs.)-  Minéral  très  abondant  dans  les  alluvions  caillouteuses  du  Sud-Ouest  de  la  Perse. 
—  L'agate  rubanée  (en  persan  moderne,  pierre  de  Soleymanieh)  sert  encore  aujourd'hui  d'amulette  ;  elle  est  apportée  en 
Perse  des  environs  de  Soleymanieh  (en  Turquie).  —  L'usage  de  cette  pierre,  dans  la  bijouterie,  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité. 

(5)  L'Améthyste,  au  temps  de  Pline  (//.  A'.,  XXXVII,  40,  §  1),  provenait  de  l'Inde,  de  l'Arabie  Pétrée,  de  la 
Petite  Arménie,  de  l'Egypte,  de  Galatie,  de  Thasos  et  de  Chypre. 


54 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 


Quelques  matières  minérales,  composées  de  plusieurs  éléments  minéralogiques,  sont  d'une 
détermination  difficile  dans  des  perles  d'aussi  petites  dimensions. 

11  est  à  remarquer  que  ce  collier  ne  renferme  pas  d'ambre  et  que  cette  substance,  commune 
en  Egypte,  n'a  pas  encore  été  rencontrée  dans  les  ruines  de  Suse.  Il  en  est  de  même  pour  le 
grenat  qui  semble  n'avoir  été  employé  que  par  les  peuples  du  Nord. 

Les  perles  d'or(i)  sont  toutes  semblables.  Elles  se  composent  de  plusieurs  rangs  de  per- 
letlcs  métalliques  soudées  sur  des  cercles  collés  les  uns  aux  autres,  de  telle  sorte  que  la  partie 

•  médiane  de  la  perle  soit  renflée  (fîg.  82  et  PI.  VI,  fig.  2 
et  3).  Les  plus  grandes  perles  d'or  se  trouvaient  au  milieu 
de  chacune  des  rangées  du  collier. 

Une  grosse  perle  d'or,  largement  percée  et  ornée  de 
côtes,  réunissait  derrière  le  cou  les  quatre  rangs  du  bijou. 

Ce  genre  de  perles,  en  filigrane  d'or,  m'est  connu 
depuis  longtemps.  J'en  ai  trouvé  sur  le  marché,  beaucoup 
à  Hamadan  en  1890(2).  Je  les  croyais  moins  anciennes 
et  appartenant  à  l'époque  de  la  dynastie  sassanide. 

Le  travail  du  filigrane  s'est  conservé  dans  quelques 
pays  de  la  Perse  et  des  contrées  voisines.  Je  citerai  spécia- 
lement Zendjan,  célèbre  dans  tout  l'Iran  pour  la  délica- 
tesse de  ses  bijoux  et  de  son  argenterie,  et  Akhaltsik  dans  les  montagnes  de  l'Arménie  russe.  Les 
travaux  modernes  dififèrent  peu  comme  technique  de  ceux  de  l'antiquité. 


Fie.  82.  —  Perle  d'or  réunissant  les  rangées  de  perles 
du  collier  (grossie  trois  fois). 


Perles  de  la  coiffure.  —  Huit  grosses  perles  d'or  (3),  très  largement  percées,  se  trouvaient 
^  dans  le  tombeau  aux  environs  du  crâne;  leur  usage  ne  m'est  pas  connu,  mais  je 

^/|il^  suppose  qu'elles  étaient  prises  dans  la  coiffure  ou  qu'elles  terminaient  les  mèches 
pendant  en  longues  nattes  des  deux  côtés  du  visage  (fîg.  83  et  Pl.  IV,  fig.  4  et  5). 
L'usage  de  porter  de  semblables  nattes  et  de  les  orner  de  la  sorte  est  encore  courant 
chez  les  femmes  arabes  de  la  Mésopotamie  et  de  la  Susiane. 

Ces  perles  se  composent  de  trois  anneaux  soudés  entre  eux  et  portant  chacun 
deux  rangs  de  perlettes  d'or  ;  sur  les  deux  anneaux  des  côtés  les  perlettes  sont  très 
fines,  sur  celui  du  milieu  elles  sont  beaucoup  plus  grosses  et  en  double  épaisseur. 
Le  trou  de  l'anneau  médian  mesure  4"'", 3,  tandis  que  celui  des  anneaux  exté- 
rieurs présente  5'"™,  5  de  diamètre.  Il  résulte  de  ce  dispositif  que  la  perforation  très  large  et  bi- 


FiG.  83.  —  Perles 
de  la  coiffure. 


(i)  Le  poids  total  des  perles  d'or  de  ce  collier  est  de  155  grammes. 

(2)  J'ai  acheté  à  Hamadan  en  1890,  un  collier  composé  de  perles  d'or  qui  se  trouve  aujourd'hui  déposé  au  musée 
Guimet.  Quelques-unes  de  ces  perles  sont  d'une  facture  toute  différente  et  appartiennent  probablement  à  une  autre 
époque;  mais  la  plupart  sont  semblables  à  celles  du  tombeau  de  Suse. 

(3)  Poids  des  huit  perles:  25s"". 5. 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  55 

conique  de  la  perle  ne  conviendrait  pas  à  l'insertion  de  ces  bijoux  dans  un  collier.  Ces  considé- 
rations, jointes  à  la  position  qu'occupaient  ces  perles  dans  le  tombeau,  me  portent  à  croire  qu'elles 
étaient  employées  dans  la  coiffure. 

A.MULETTEs.  —  Les  amulettes  ne  faisaient  pas  partie  des  grands  bijoux:  elles  étaient  pendues 
soit  au  cou,  soit  au  poignet,  et  accompagnées  de  perles  variées  qui  composaient  un  ccjllier  simple 
ou  un  bracelet.  Ces  perles  sont  de  même  nature  que  celles  du  grand  collier,  mais  elles  en  diffèrent 
par  la  forme.  Ce  sont  des  émeraudes,  des  cornalines,  des  lapis-lazuli  et  des  turquoises,  proba- 
blement séparées  entre  elles  par  des  perles  d'or  analogues  à  celles  du  collier  de  gemmes,  et  des 
perles  lisses  fusiformes  en  argent  et  en  or.  Il  n'est  pas  possible  de  restituer  l'ordre  dans  lequel  les 
amulettes  entraient  dans  cette  série  de  perles  :  aussi  les  décrirai-je  séparément. 

Sphinx  a  tête  de  bélier.  —  Cette  figurine  de  pâte  blanche,  couverte  d'un  émail  vert,  est 
non  seulement  égyptienne  par  sa  composition,  mais  elle  l'est  aussi  par  sa  fabri- 
cation (fig.  84  et  PI.  IV,  fig.  6).  Elle  mesure  12  millimétrés  de  longueur  sur  lo"",^ 
de  hauteur.  Ces  sortes  d'amulettes  sont  très  fréquentes  dans  la  vallée  du  Nil.  Elles 
sont  plus  ou  moins  soignées  de  facture  ;  celle  qui  nous  occupe  est  une  de  ces  figu-  'à  tôle  d~b m^'^  "^ 
rines  communes  telle  qu'on  en  rencontre  tant  à  partir  de  l'époque  saïte  jusqu'à  la 
fin  du  paganisme. 

Lion  ou  chat  en  or.  —  Cette  figurine  est  une  copie  asiatique  d'un  modèle  égyptien  bien 
connu,  représentant  un  chat  assis.  Il  est  en  or  fondu  et  ciselé  avec  soin  ;  la  facture 
en  est  beaucoup  plus  rude  que  dans  les  amulettes  égyptiennes  ;  les  membres  sont 
grêles  et  raides,  la  tète  est  encadrée  d'un  collier  de  poil  qu'on  ne  voit  pas  dans  les 

Fig.  85.  —   Lion    ,,  .  ,  •  j        1      .         ,  •  r   ■.  1'        • 

ou  chat  en  or.     ngurations  pharaoniques  de  chats  et  qui  me  lait  penser  que  1  artiste  a  peut-être 
voulu  figurer  un  lion  (fig.  85  et  PI.  IV,  fig.  7). 

Colombe  en  or  .  —  Cette  amulette  est  une  très  grossière  représentation  d'un  oiseau,       ^i 
probablement  d'une  colombe,  les  ailes  reployées;  elle  est  en  or  fondu  à  peine  retouché        i^>,. 
au  burin  (fig.  86  et  PI  IV,  fig.  8).  L'artiste  n'a  pas  jugé  utile  de  figurer  les  pattes.  fig.  s6. 

Colombe  en  or. 

?»vT  Colombe  en  LAris-LAZULi.  —  Cette  figurine  est  encore  plus  grossièrement 


travaillée  que  la  précédente  (fig.  87  et  PI.  IV,  fig.  9).  La  pierre,  de  médiocre  qualité, 
FiG.  87.  —  Colombe  est  simplement  découpée  et  ne  porte  aucun  des  détails  de  l'oiseau. 

en  lapis  lazuli. 

Amulette  d'agate.  —  Une  agate  blanche,  transparente,  taillée  en  demi- 
cercle,  est  montée  en  or  et  porte,  contre  son  diamètre,  un  tube  de  suspension.  Cette 
amulette  rappelle  la  forme  d'un  bijou  lydien  du  lAlusée  du  Louvre  Fig.  88. 

Amulette  d'.ni'.ite. 


56 


DECOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHEMENIDE  A  SUSE 


FiG.  89.  —  Pendentif 
de  cornaline. 


Pendentif  en  cornaline.  —  Cornaline  rouge,  façonnée  en  disque,  et  munie 
de  son  tube  de  suspension  taillé  à  même  la  pierre. 


Disques  en  or.  —  Deux  disques  d'or,  à  double  face,  percés  comme  des 
perles  ;  l'un  d'eux  porte  des  deux  côtés  une  croix  dont  les  quatre  bras  rayon- 
nent autour  d'un  bouton  central  ;  dans  l'autre,  les  bras  de  la  croix  sont  rem- 
placés par  les  pétales  d'une  fleur  qu'un  grènetis  sépare  (fîg.  90). 


FiG.  90.  —  Disques  d'or. 


Pendentifs  en  or  et  pierres.  —  Deux  petits  cylindres  lisses,  l'un  de  jaspe  rouge,  l'autre 
de  quartz  laiteux  sont  garnis  d'or  aux  deux  extrémités  et  munis  chacun  d'un  anneau  de  suspen- 
sion (PI.  IV,  fig.  10  et  II). 

Montures  de  pendentifs.  —  Quatre  montures  de  pendentifs  en  or  sont  munies  chacune  de 
trois  anneaux  d'attache  ;  elles  renferment  encore  les  restes  de  tiges  d'une  matière  dont  j'ignorâ 
la  nature  et  l'usage  ;  chaque  monture  en  renfermait  sept,  une  au  centre  et  six  autres  rangées 
en  hexagone  autour  de  la  première  (fig.  92  et  PI.  IV,  fîg.  12  à  15). 

Perles  montées  en  or.  —  Deux  perles  de  lapis-lazuli  et  une  de  cornaline,  beaucoup  plus 
grosseque  les  deux  premières,  ont  leurs 
extrémités  garnies  d'or  (fig.  91). 

Quatre    autres     montures    d'or 
ornées     de    côtes    ont    été    trouvées  _    

en    même    temps  ;     elles    garnissaient    Fig-  91-  —  Perles  de  plen-re  montées  en  or.      F'°-  92-  —  Montures  de  pendenrifs 
'-  '^  en  or. 

probablement  des   perles  oblongues 

de  pâte  ou  de  bois,  que  le  temps  a  fait  tomber  en  poussière  (PI.  IV,  fig.  16). 

Pierres  taillées.  —  Près  du  cou  du  squelette  se  trouvaient  deux  disques  elliptiques,  d'agate 


Fig.  93.  —  Pierres  taillées. 


rubanée,  mesurant  32  millimètres  de  longueur  sur  22  millimètres  de  largeur,  et  percés  suivant 
leur  grand  axe.  Ces  pierres  étaient  accompagnées  de  quatorze  disques  ronds,  en  cabochons  taillés. 


DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE  57 

de  même  matière,  et  également  percés  ;  de  onze  petites  plaques  en  forme  de  lozange,  et  de  trente- 
huit  perles  ovoïdes  d'agate  noire  et  blanche  (fig.  94  et  PL  VI,  ûg.  4,  5,6). 

iVlalgré  un  examen  très  attentif,  je  n'ai  pu  me  rendre  compte  ni  de  l'usage  de  ces  pierres,  ni 
de  leur  position  sur  le  corps  ;  j'incline  à  penser  qu'elles  ornaient  un  vêtement  sur  lequel  elles 
avaient  été  peut-être  cousues  au  milieu  de  broderies. 

Étoffes.  —  L'oxyde  de  cuivre  du  sarcophage  nous  a  conservé  quelques  débris  d'une  étoffe 
de  fil  assez  fine,  analogue  aux  tissus  qui  se  fabriquaient  en  Egypte  à  cette  époque;  c'est  une  toile 
unie  qui,  dans  le  peu  que  nous  en  possédons,  est  entièrement  lisse. 

Monnaies.  —  Dans  son  savant  ouvrage  sur  la  numismatique  des  souverains  achéménides 
et  de  leurs  satrapes,  M.  E.  Babelon  range,  dans  les  séries  d'Aradus  en  Phénicie,  les  coins  qui 
nous  intéressent.  Ces  médailles  sont  placées  avec  certitude  vers  le  milieu  du  iv'  siècle. 

Les  deux  monnaies  trouvées  dans  la  sépulture  ont  été  fort  altérées  par  le  temps  ;  toutefois 
les  effigies  y  sont  assez  nettes  pour  que  nous  puissions  en  donner  une  description  sûre  et  exacte: 

1°  Statère  perse,  pièce  ovale.   Grand  diam.   21   millimètres,  petit  diam.,  17  millimètres. 

Av.  Tète  laurée  et  barbue  de  Melqart  (350  à  332  av.  J.-C),  à  droite,  l'œil  de  profil,  les 
cheveux  arrangés  sur  le  front  et  sur  la  nuque  en  trois  rangées  de  frisures,  la  barbe  frisée  et  en 
pointe;  il  ne  reste  pas  trace  du  grônetis  du  pourtour. 

156  Galère  phénicienne  avec  un  rang  de  rameurs  voguant  sur  des  flots  représentés  par  trois 
lignes  parallèles  ondulées;  restes  de  l'inscription  fsy  ex  Arado. 

2°  Monnaie  très  oxydée,  incomplète. 

Av.  Même  type. 

^  Même  type.  "~-fv/  Ev  Arado  anno  XII. 

(Sur  les  médailles  de  ce  type,  consulter  Ernest  Babelon,  Cat.  des  mon.  iirecjjues  de  la  Bibl. 
nat.  Les  Perses.  Achéménides  Paris,  1893,  p.  128,  n"'  880,  881,  882  ;  p.  130,  n"  908;  p.  131, 
n"  913.  PI.  XXII,  fig.  12,  13,  14,  20,  21.) 

Je  me  suis  longuement  étendu  sur  cette  découverte  parce  qu'étant  unique  elle  jette  un  jour 
nouveau  sur  les  arts  en  faveur  à  la  cour  des  Achéménides  au  iv'=  siècle  av.  J.-C.  On  ne 
connaissait  jusqu'ici  aucun  bijou  perse  de  ces  époques  ;  c'est  une  grande  lacune  qui  vient  d'être 
comblée  par  notre  découverte  et  j'espère  qu'on  ne  me  tiendra  pas  rigueur  de  l'avoir  exposée, 
non  seulement  dans  ses  moindres  détails,  mais  aussi  en  faisant  part  des  déductions  quelle  me 
suggère. 

Au  iv"  siècle,  au  moment  où  l'Empire  perse  s'était  étendu  sur  le  monde  civilisé  tout  entier, 
les  goûts  artistiques  des  Iraniens  n'étaient  plus  ce  qu'ils  avaient  été  dans  les  débuts  de  la  monar- 
chie. Les  troupes  royales,  obtenues  par  la  levée  en  masse,  s'étaient  affinées  au  contact  des  Egvp- 
tiens,  des  Phéniciens  et  des  Grecs.  Elles  avaient  rapporté  de  ces  expéditions  et  répandu  dans  les 
diverses  provinces,  non  seulement  des  modèles  dus  au  pillage,  mais  aussi  des  idées  nouvelles, 

8 


58  DÉCOUVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉIVIÉNIDE  A  SUSE 

une  façon  de  voir  diflférente  de  celle  de  leurs  ancêtres.  La  finesse  et  le  goût  élevé  des  Égyptiens 
et  des  Grecs  ne  furent  certainement  jamais  compris  par  ces  peuples  barbares,  l'esthétique  perse 
demeura  bien  inférieure  à  celle  des  peuples  pris  pour  modèles,  mais  il  resta  beaucoup  de  ces  expé- 
ditions. Les  Iraniens  firent  de  grands  progrès.  C'est  alors  que  furent  élevés  les  plus  vastes  palais 
de  la  Perse  à  Suse  et  à  Persépolis,  que  le  ciseau  du  sculpteur,  s'inspirant  de  l'assyrien,  couvrit 
les  rochers  d'immenses  bas-reliefs,  qu'il  se  créa  une  littérature  officielle  dont  nous  retrouvons  les 
vestiges  à  Bisoutoun,  dans  l'Elvend,  dans  le  Fars.  En  Perse  on  sut  écrire,  sculpter,  émailler  la 
brique,  bâtir;  on  sut  ciseler  et  graver  la  pierre,  gauchement,  il  est  vrai,  sans  discernement  et  sans 
critique,  mais  on  connut  une  foule  d'arts  et  de  sciences,  qui  semblent  avoir  été  complètement 
ignorés  des  Mèdes. 

Les  bijoux  achéménides  de  Suse  appartiennent  à  cette  période  où  tout,  en  Perse,  prit  son 
essor;  ils  sont  remplis  de  défauts  mais  caractérisent  bien  leur  époque  et  viennent  appuyer  l'opi- 
nion que  nous  avions  pu  nous  faire,  par  ailleurs,  du  sentiment  des  arts  sous  les  successeurs  de 
Cyrus. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN^'^ 

Par  J.-E.  Gautier  et  G.  Lampre. 


Géographie  et  topographie  de  la  région.  —  Les  fouilles  entreprises  au  Pouchté-Kouh, 
pendant  l'hiver  1902-3,  ont  été  inspirées  par  l'idée  de  reconnaître  un  groupement  de  tumuli  dont 
le  plus  considérable  porte  le  nom  de  Tépé  Moussian. 

Ces  collines  artificielles  avaient,  à  diverses  reprises,  attiré  l'attention  des  membres  de  la 
Délégation  ;  elles  sont,  en  effet,  visibles  depuis  la  route  qui  mène  de  Suse  à  Kirmanchah  et  ne 
pouvaient  manquer  d'arrêter,  par  leur  aspect  particulier,  les  regards  des  voyageurs.  Nous  fûmes 
engagés,  par  ces  observations,  à  tenter  les  recherches  qui  font  l'objet  du  présent  mémoire,  notre 
but  étant  de  déterminer,  si  possible,  le  rôle  joué,  dans  l'histoire  de  l'Élam,  par  des  sites  antiques 
si  voisins  de  la  capitale  du  grand  empire. 

A  l'ouest  et  à  1  50  kilomètres  environ  de  Suse,  on  rencontre  au  pied  même  du  Kébir- 
Kouh  une  large  vallée,  au  sol  remarquablement  uni.  Une  succession  de  monticules  s'y  détache 
en  relief  et  semble  attester  l'existence,  dans  les  âges  passés,  d'une  agglomération  humaine  assez 
importante. 

Cette  vallée  est  bordée,  au  nord,  par  les  pentes  abruptes  du  Kébir-Kouh  ;  au  sud  la  chaîne 
du  Djebel  Hamrin  la  sépare  seule  de  l'immense  plaine  de  Mésopotamie. 

Deux  rivières,  issues  du  haut  plateau,  le  Tib  et  le  Douôridj,  arrosent  ce  territoire.  Le  ïib, 
au  cours  rapide,  descend  presque  en  ligne  droite  jusqu'à  la  trouée  de  Beyat,  puis,  frayant  sa 
route  au  travers  du  Djebel  Hamrin,  va  rejoindre  le  Tigre  à  la  hauteur  d'Amara.  Plus  sinueux,  le 
Douéridj  après  avoir  coulé  dans  la  direction  du  sud  s'infléchit  à  l'est  pour  aller  se  perdre  dans 
les  marécages. 

(i)  Toute  la  région  dans  laquelle  nous  avons  pratiqué  des  fouilles  porte  ce  nom  générique,  emprunté  au  tépé 
principal. 


60  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Mais  ces  rivières  roulent  des  eaux  saumâtres  et  absolument  impropres  à  la  consommation  ; 
au  sortir  des  défilés  elles  s'engagent  dans  la  masse  caverneuse  des  gypses  qui  constituent  les  assises 
inférieures  de  ces  formations  montagneuses  qu'Elisée  Reclus  dénomme  si  justement  le  «  Jura 
persan  »  ;  là  elles  se  chargent  abondamment  de  principes  salins.  Néanmoins,  de  tout  temps,  elles 
ont  été  précieuses  pour  l'irrigation  des  cultures. 

Cette  remarque  est  capitale  ;  elle  nous  permettra  de  déterminer  ce  que  furent  jadis  les  habitants 
de  la  contrée  et  à  quelle  classe  de  la  société  ils  doivent  être  rattachés.  On  voit,  en  effet,  que  les 
conditions  physiques,  qui  n'ont  pu  se  modifier,  s'opposaient  à  l'établissement  de  centres  populeux  : 
le  manque  d'eau  potable  est  catégorique  à  cet  égard  ;  la  région  de  Tépé  Moussian  ne  fut  donc 
jamais  qu'un  centre  agricole.  Les  pluies  abondantes  d'hiver,  tout  en  favorisant  les  cultures,  four- 
nissaient, comme  elles  le  font  encore  de  nos  jours,  l'eau  nécessaire  à  l'alimentation  des  agricul- 
teurs. Mais  les  étés  de  Susiane  avaient  vite  fait  de  convertir  la  plaine  en  un  désert  aride  et  brûlant, 
le  pays  devenait  inhabitable  et  l'obligation  s'imposait  aux  cultivateurs  de  rechercher  dans  la 
montagne,  en  même  temps  que  des  campements  plus  frais,  le  voisinage  des  sources  et  les  pâtu- 
rages pour  leurs  troupeaux. 

Les  anciens  habitants  du  pays  avaient  fatalement,  à  peu  de  chose  près,  le  même  genre  de  vie 
que  les  tribus  qui  viennent  aujourd'hui  camper,  durant  l'hiver,  sur  les  rives  du  Tib  et  du  Douéridj . 

La  hauteur  des  tumuli  pourrait  faire  croire  à  l'existence  de  villes  importantes,  mais,  sans 
doute,  ce  ne  furent  que  de  simples  bourgades.  Pour  la  protection  des  cultures  et  des  ouvriers 
agricoles,  des  fortifications  puissantes  entouraient  les  groupes  d'humbles  maisons  ;  au  milieu 
s'élevaient  des  temples  construits  de  matériaux  modestes,  en  rapport  avec  la  situation  de  ces 
populations  rurales. 

L'écroulement  de  ces  ouvrages  de  défense  et  de  ces  édifices  religieux  expliquerait  l'importance 
des  buttes  artificielles,  et,  notamment,  la  masse  considérable  que  présente  Tépé  Moussian.  Puis 
les  guerres  fréquentes,  les  ruines  qui  en  étaient  la  conséquence,  amenaient  des  réédifîcations 
successives  qui  ont  augmenté  d'autant  le  relief  des  tépés. 

Ces  tumuli  parsèment  la  plaine  sur  une  longueur  de  plus  de  20  kilomètres,  de  l'est  à 
l'ouest.  En  venant  de  Suse,  c'est  d'abord  Tépé  Patak  que  l'on  rencontre,  six  kilomètres  avant 
d'atteindre  le  Douéridj.  La  ruine  principale  mesure  12  mètres  de  haut  ;  c'était  apparemment  la 
citadelle  d'une  ville  dont  on  retrouve,  au  nord,  l'emplacement  figurant  un  vaste  quadrilatère. 

A  5  kilomètres  environ  de  Patak,  dans  la  direction  du  sud,  un  coude  du  Douéridj  enserre  le 
site  de  Mourad-Abad,  remarquable  par  son  tépé  de  couleur  jaune  clair.  A  son  pied  de  nombreux 
mamelons  semblent  être  les  vestiges  d'une  bourgade  ;  ils  rejoignent  la  rive,  que  borde  encore 
une  sorte  de  quai. 

Entre  Tépé  Patak  et  la  rive  du  Douéridj,  des  tertres,  en  grand  nombre,  se  confondent  presque 
avec  le  sol  uniforme  de  la  plaine.  Par  contre,  à  peine  a-t-on  franchi  la  rivière,  que  surgit,  à 
3  kilomètres  de  distance,  la  silhouette  de  Tépé  Moussian.  La  ruine  se  profile  sous  la  forme  d'une 
table  de  forme  allongée,  limitée  à  chaque  extrémité  par  les  pentes  raides  des  talus. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


éi 


Au  sud  de  Tépé  Moussian,  Tépé  Khazinèh,  Tépé  Mohr,  Tépé  Aly-Abad  et,  à  l'ouest,  Tépé 
Mohammed  Djafar,  méritent  d'être  mentionnés  ;  il  en  sera,  du  reste,  question  par  la  suite. 

Dans  la  direction  du  nord,  Tépé  Gourghan  se  dresse  en  forme  de  cône  très  élevé  dépassant 
30  mètres  de  hauteur  ;  nous  y  verrions  volontiers  les  vestiges  d'un  zigurat  auprès  duquel  devait 
s'abriter  un  village  dont  l'existence  est  révélée  par  une  série  de  monticules. 


Tepé  Chaînai  Seftd 


,^^"0^ 


ifiî 


nii"^ 


..C"'-^' 


K  0    u  h        H  a   m  r  I   n 


FlG.  94.  —  Carte  de  !a  région  de  Moussian. 


Encore  plus  au  nord,  indiquons  aussi  Tépé  Imamzadch  Akbar.  Enfin,  à  12  kilomètres 
de  Tépé  Moussian,  dans  la  direction  de  l'ouest,  Tépé  Fakhrabad,  affectant  la  silhouette  dun 
pain  de  sucre,  apparaît  sur  la  rive  gauche  du  Tib. 

A  la  trouée  de  Beyat,  point  signalé  par  les  géographes,  quelques  ruines  d'époque  arabe 
couronnent  les  crêtes  des  collines;  il  est  probable,  en  raison  de  l'intérêt  stratégique  de  ce  lieu, 
qu'aux  époques  antérieures  il  avait  dû  être  l'objet  d'une  occupation  permanente  (voir  la  carte 

%•  94-) 


62  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


La  plupart  des  noms  que  nous  venons  de  citer  ont  une  origine  toute  moderne  et  même  con- 
temporaine. Quelques-uns  affectent  la  terminaison  A b ad  qui  désigne  en  persan  un  lieu  habité, 
comme  Mourad-Abad,  Aly-Abad.  Ces  dénominations  proviennent  de  ce  que  tel  ou  tel  chef,  Cheikh 
Mourad  ou  Cheikh  Alv,  par  exemple,  vint  camper  en  ces  lieux  et  y  fit  quelques  cultures. 

Tépé  Mohr  (^  cachet,  en  persan)  doit  son  nom  à  une  trouvaille  récente.  Il  en  est  de  même 
de  Khazineh  dont  l'expression  a  la  valeur  de  poterie-vase. 

Trois  noms  seulement  pourraient  être  anciens,  Moussian,  Gourghan  et  Patak  ;  nous  ne 
pouvons  leur  appliquer  aucune  étymologie,  ni  arabe,  ni  persane. 

Description  de  Tépé  Moussian.  —  Tépé  Moussian  étant  sans  contredit  le  tumulus  qui, 
dans  cette  région,  suscitait  le  plus  d'intérêt,  c'est  là  que,  de  prime  abord,  nous  avons  décidé 
d'établir  notre  camp' et  d'entamer  des  travaux  en  vue  de  chercher  à  identifier  le  site. 

L'énorme  monticule  est  situé  à  une  distance  d'environ  7  kilomètres  du  Djebel  Hamrin,  tan- 
dis que  13  kilomètres  le  séparent  de  la  pente  rocheuse  du  Kébir  Kouh.  Le  cours  du  Tib  passe  à 
1 2  kilomètres,  et  celui  du  Douéridj  à  3  kilomètres  seulement.  Une  saignée  de  cette  dernière 
rivière,  qui  a  laissé  des  traces  apparentes,  irriguait  le  territoire;  l'aspect  de  cet  ouvrage  permet  de 
le  considérer  comme  fort  ancien. 

La  forme  générale  du  tépé,  bien  qu'irrégulièrc,  tend  à  se  rapprocher  d'un  quadrilatère 
dont  le  grand  côté,  d'une  longueur  de  450  mètres,  n'est  pas  exactement  orienté  au  Nord,  mais 
bien  au  N.  i  5°  E.  ;  sa  plus  grande  largeur  est  de  300  mètres  environ. 

De  profondes  ravines  le  creusent  capricieusement  en  tous  sens,  pénétrant  parfois  jusqu'au 
novau  central,  sans  interrompre  cependant  la  continuité  de  la  ligne  de  crête.  Les  massifs  ainsi 
découpés  se  réunissent  les  uns  aux  autres  par  des  sortes  de  chaussées  qui,  en  certains  points, 
n'ont  qu'une  très  faible  largeur. 

On  peut  diviser  l'ensemble  du  tumulus  en  deux  parties  distinctes  :  celle  du  Nord,  de  forme 
parfaitement  rectangulaire,  caractérisée  par  l'orientation  N.  15°  E.  et  celle  du  Sud  qui,  plus 
large  que  la  précédente,  est  orientée  presque  exactement  au  Nord. 

Un  rempart  encore  nettement  visible  entourait  le  quadrilatère  du  Nord  sur  toutes  ses  faces. 
Il  se  présente  sous  la  forme  d'un  talus  aux  pentes  très  raides  ayant  une  hauteur  variable  de  4  à 
lo  mètres.  Des  brèches  l'interrompent  par  endroits  correspondant  aux  ravins  qui  s'enfoncent 
dans  le  tépé.  Ces  ouvertures  ont  dû  souvent  être  causées  par  l'action  des  eaux,  mais,  en  plu- 
sieurs points,  elles  marquent,  sans  doute,  l'emplacement  des  portes  de  l'enceinte  fortifiée. 

Sur  la  face  septentrionale  le  rempart,  dont  la  hauteur  atteint  encore  1 1  mètres,  est  dans  un 
état  remarquable  de  conservation.  En  son  milieu,  une  large  avenue  monte  en  pente  douce  pour 
gagner  le  sommet  du  plateau.  Celui-ci  s'étend  dans  la  direction  du  sud,  avec  une  hauteur 
moyenne  de  1 3  à  15  mètres  ;  une  série  de  crêtes  transversales  rompt  l'uniformité  de  sa  ligne  et 
donne  les  points  les  plus  élevés  du  tumulus,  avec  les  cotes  de  17  et  18  mètres.  Non  loin  du  point 
où  l'avenue,  dont  il  vient  d'être  question,  prend  naissance,  une  de  ces  crêtes  arrive  à  la  hauteur 


Nord 


0   5  10     20     30     W     50  Mètres 
kz  cotes  d  altitude  sont  eiprimcei  en  mitres. 


FiG.  95.  —  l'ian  de  Tcpc  Mous-M.m. 


64  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


de  i8'",75.  Son  versant  méridional  côtoie  deux  ravins  qui  délimitent  un  massif  rectangulaire 
d'aspect  très  caractéristique  (A  du  plan).  C'est  là  que  nos  travaux  ont  mis  au  jour  les  vestiges 
d'un  zigurat  en  briques  crues. 

Plus  au  Sud,  après  deux  élévations  parallèles  à  la  précédente,  le  sol  se  régularise  offrant  à 
la  cote  de  13  mètres  une  large  plate-forme  qui  servit  d'assise  à  notre  camp. 

Au  sud  du  camp,  deux  larges  ravins  séparent  nettement  les  deux  parties  du  tumulus  ;  celui 
de  l'est  est  de  beaucoup  le  plus  important.  Le  rempart  du  quadrilatère  vient,  sur  les  deux  faces, 
se  relier  par  des  retours  à  angle  droit  au  massif  central.  Seule  une  étroite  chaussée  rattache 
celui-ci  à  la  partie  du  sud. 

Cette  partie  sud,  caractérisée  par  une  orientation  différente,  déborde  largement,  à  l'est,  l'ali- 
gnement donné  par  le  rempart  qui  borne  sur  cette  face  le  versant  du  monticule  dans  la  région  du 
nord. 

Le  versant  qui  regarde  le  ravin  de  séparation  est  curieusement  découpé  en  terrasses  de 
forme  carrée  qui  s'élèvent  graduellement.  Par  contre,  le  talus  méridional  descend  abrupt  vers  la 
plaine  et  n'en  est  séparé  que  par  une  enceinte  peu  élevée  dont  le  tracé  circulaire  s'éloigne  de  la 
configuration  rectiligne  du  tépé.  Son  aspect,  autant  que  la  nature  des  matériaux  qui  le  consti- 
tuent, nous  engagent  à  le  ranger  parmi  les  constructions  de  basse  époque. 

Travaux  a  Tépé  IVIoussian.  —  La  campagne,  commencée  le  3  janvier  1903  prit  fin  le  3  mars 
de  la  même  année.  Pendant  ces  deux  mois  i.^o  hommes  furent  journellement  employés  aux 
fouilles  ;  ils  étaient  répartis  en  quatre  équipes  dont  trois  provenaient  de  la  tribu  loure  de  Kaïd- 
Khani  et  la  quatrième  de  celle  du  Cheik  Mohammed  Djafar,  frère  du  précédent. 

Notre  premier  soin  fut  de  chercher  à  mettre  le  camp  à  l'abri  d'une  surprise.  A  cet  effet,  un 
fossé  de  2^,50  de  large  sur  2^,50  de  profondeur  fut  creusé  avec  rapidité  ;  les  terres  rejetées  sur  le 
bord  formaient  parapet,  augmentant  ainsi  la  défense.  Nous  avions  donné  au  quadrilatère  qui 
délimitait  le  camp  les  dimensions  de  35  mètres  sur  215  mètres  ;  un  étroit  passage  était  réservé  sur 
une  face  pour  servir  de  porte. 

Tout  en  surveillant  ce  travail  préliminaire  qui,  confié  à"  des  mains  novices,  exigeait  notre 
continuelle  présence,  nous  fîmes  une  reconnaissance  en  un  point  situé  en  contre-bas  du  camp  et 
dans  le  ravin  qui  le  borne  sur  sa  face  méridionale.  Là,  une  sorte  d'éperon  de  faibles  dimensions 
fut  coupé  d'outre  en  outre  par  une  tranchée  de  5  mètres  de  largeur.  Cette  fouille  conduite  jus- 
qu'au niveau  du  thalweg  ne  donna  aucun  résultat  notable  ;  on  dégagea  cependant  quelques  ara- 
sements de  murs  primitifs,  construits  en  gros  galets,  parmi  lesquels  se  rencontrèrent  des  débris 
de  poterie  peinte. 

Le  creusement  du  fossé  nous  avait  permis  de  reconnaître  le  sol  sur  lequel  nous  étions  instal- 
lés ;  mais  la  faible  épaisseur  de  la  couche  explorée  ne  nous  fournit  que  des  objets  appartenant  à 
des  époques  très  diverses  et  sans  enseignement  d'aucune  sorte.  11  y  a  lieu  de  signaler  cependant 
une  gourde  en  poterie  peinte  de  grandes  dimensions  (fig.  96)  qui,  par  sa  facture,  nous  semble 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


6) 


FiG.  96.  —  Gourde  en  poterie  rouge,  décor  noir,  1/6  gr.  nat. 


postérieure  à  l'époque  des  poteries  peintes  que  découvrirent  ensuite  nos  tranchées  à  Tépé 
Moussian  et  nos  fouilles  dans  les  nécropoles  voisines.  Le  fait  qu'elle  fut  trouvée  presque  au 
niveau  et  à  proximité  de  sépultures  en  jarres  accolées,  dont  il  sera  parlé  plus  loin,  vient  confirmer 
cette  opinion.  Le  décor  se  compose  de  trois  séries 
de  cercles  concentriques  noirs,  partant  du  centre 
à  la  périphérie.  Le  petit  cercle  central  circonscrit 
une  étoile  à  cinq  branches.  Cinq  traits  coupent 
les  grands  cercles  de  chaque  côté  du  goulot.  Tous 
ces  motifs  sont  peints  en  noir. 

Au  point  marqué  sur  le  plan  un  dallage  en 
briques  cuites  fut  déblayé  sur  3  mètres  de  lon- 
gueur :  les  briques  étaient  toutes  de  forme  biaise 
et  devaient  provenir  d'une  voûte  appartenant  à 
un  monument  antérieur.  Ce  dallage,  assez  irré- 
gulier de  facture,  doit  être  considéré  comme  le 
plancher  d'une  habitation  de  basse  époque.  Dès 
lors,  il  était  sans  intérêt  d'en  poursuivre  le  déga- 
gement ;  du  reste,  nous  ne  pouvions  sacrifier  le  camp  qu'il  nous  avait  fallu  retrancher  au  plus 
vite  pour  parer  aux  difficultés  que,  dès  notre  arrivée,  nous  avions  dû  prévoir. 

Deux  sépultures,  qu'on  peut  attribuer  à  l'époque  élamite,  furent  rencontrées  au  cours  de  ces 
travaux.  Le  type  en  est  connu.  Suse  et  les  nécropoles  de  basse  Chaldée  en  ont  fourni  de  nom- 
breux spécimens.  Le  sarcophage,  en  terre  cuite,  se  compose  de  deux  vases  de  dimensions  iné- 
gales s'emboitant  par  le  col.  Une  de  ces  tombes  contenait,  outre  les  ossements,  une  coupe 
d'albâtre  et  un  anneau  de  bronze. 

Tout  en  poursuivant  l'installation  de  notre  campement  nous  avions  examiné  avec  soin  le 
tumulus  pour  y  rechercher  un  point  d'attaque. 

Parmi  les  débris  de  surface  on  ne  trouve  à  Tépé  Moussian  aucun  fragment  de  poterie  ver- 
nissée caractéristique  des  époques  parthe  et  sassanide  ;  le  verre  v  fait  également  défaut.  Les 
spécimens  recueillis  sur  le  sol  se  composent  principalement  de  casscaux  de  poterie  peinte,  fine 
ou  grossière,  de  vases  et  statuettes  d'argile  cuite,  de  broyeurs  à  grain,  de  galets  ayant  servi  de 
supports  de  gonds  de  portes,  et  enfin  de  briques  cuites.  Ces  objets,  d'un  cachet  archaïque  très 
accusé,  se  rencontrent  indistinctement  sur  toute  l'étendue  du  tumulus. 

Au  centre,  une  surélévation  (A  du  plan),  qui  affectait  une  forme  rectangulaire,  avait  attiré  notre 
attention  ;  son  aspect  nous  faisait  supposer  qu'elle  devait  marquer  la  place  d'un  temple  ou  d'un 
palais. 

Ce  massif  haut  de  16  mètres,  aux  arêtes  rectilignes  qui  se  recoupaient  à  angles  droits,  était 
orienté  au  N.  15"  E.  selon  le  relèvement  de  sa  face  orientale.  Normalement,  un  ravin  profond 
venait  rencontrer  le  talus  en  un  point  situé  à  7  mètres  de  hauteur.  Profitant  de  cette  disposition, 


66  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


nous  résolûmes  d'y  ouvrir  une  tranchée  destinée,  dans  notre  pensée,  à  couper  complètement  cette 
partie  du  tumulus.  Nous  pouvions  ainsi,  à  l'aide  d'une  fouille  n'ayant  pas  un  développement 
excessif,  en  étudier  la  structure  intime  sur  9  mètres  de  hauteur  et  cela  au  centre  même  du  mon- 
ticule. 

Nos  ressources  modestes,  le  manque  de  matériel  et  le  peu  de  temps  dont  nous  disposions 
nous  empêchaient  d'entreprendre  un  travail  de  longue  haleine  que  nous  n'aurions  pu  mener  à 
bien. 

Nous  ne  pouvions  donc  songer  à  déblayer  les  monuments  que  le  haut  plateau  de  Tépé- 
Moussian  recelait  dans  ses  flancs.  Notre  effort  devait  s'attacher  à  obtenir  une  coupe  des  étages 
du  tumulus,  et,  surtout,  à  rechercher  des  documents  épigraphiques  pouvant  permettre  d'iden- 
tifier le  site  et  l'origine  des  constructeurs  de  la  vieille  cité. 

Le  rectangle  qui  se  dessinait  si  nettement,  mesurait  20  mètres  de  longueur  dans  la  direction 
du  Nord;  son  autre  face,  plus  longue,  atteignait  30  mètres.  Au  Nord  et  au  Sud,  des  dépressions 
en  forme  de  cols  reliaient  ce  massif  aux  régions  voisines.  Moins  abrupt  que  l'autre  versant, 
celui  de  l'Occident  longeait  une  sorte  de  vallon  dont  le  thalweg  était  à  la  cote  de  8  mètres. 

Notre  première  attaque  pratiquée  dans  la  partie  supérieure  de  la  face  orientale  rencontra, 
presque  en  surface,  un  pan  de  mur  construit  en  briques  cuites  dont  il  ne  restait  qu'un  arasement 
de  G"", 60  de  hauteur.  Cette  construction,  sans  grand  aspect,  se  composait  de  matériaux  dispa- 
rates :  les  briques  appartenaient  à  des  époques  diverses  ;  on  y  rencontrait  aussi  des  blocages 
faits  de  grosses  boules  d'argile;  enfin  elle  avait  subi  une  restauration  grossière  en  briques  crues. 

Plus  haut,  sur  le  sommet,  fut  dégagé  un  dallage  de  briques  cuites  qui,  lui  aussi,  était  de 
mauvaise  facture  :  il  ne  fut  pas  possible  de  déterminer  si  ce  dallage  et  le  mur  faisaient  partie  du 
même  monument.  Cependant  il  y  a  lieu,  croyons-nous,  d'y  voir  un  édifice  à  gradins  ;  mais  les 
escaliers  conduisant  d'un  niveau  à  l'autre  avaient  disparu. 

Ces  vestiges  témoignaient  que,  dans  le  sous-sol,  avaient  existé  des  appareils  en  briques  cuites, 
et  qu'après  leur  ruine,  les  matériaux  en  avaient  été  employés  pour  servir  à  l'édification  de  nou- 
veaux monuments,  qui,  eux-mêmes,  furent  l'objet  de  restaurations  assez  frustes. 

Quant  au  dallage,  il  est  vraisemblablement  postérieur  et  date,  peut-être,  de  l'époque  des 
murs  en  briques  crues  rencontrés  en  surface  sur  le  sommet. 

Ainsi  l'aspect  de  plus  en  plus  misérable  des  constructions  superposées  témoignait  de  la  déca- 
dence qui  a  dû  marquer  les  dernières  années  de  la  vie  active  à  Tépé  jMoussian. 

Dans  l'ignorance  où  nous  nous  trouvions,  au  début,  de  l'importance  que  pouvait  avoir  le 
mur  ainsi  découvert,  force  nous  fut,  pour  le  conserver,  de  reporter  la  tranchée  à  quelques  mètres 
plus  au  Nord.  Mais  là,  poussée  en  profondeur  jusqu'au  niveau  du  thalweg,  sans  rien  rencontrer, 
elle  nous  permit  de  constater  que  le  sous-sol  de  la  région  était  uniquement  formé  d'un  énorme 
terrassement.  (]cttc  fouille  fastidieuse  n'amena  même  pas  la  découverte  des  menus  débris  qui  se 
trouvent  toujours  en  abondance  dans  les  couches  remaniées.  Il  semble  donc  que  ce  terrassement 
n'était  autre  que  la  plate-forme  destinée  à  l'assise  d'un  édifice  presque  complètement  disparu. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


67 


Deux  équipes,  en  même  temps,  attaquaient  le  massif ,  l'une  au  sommet,  l'autre  sur  sa  face 
occidentale. 

Le  premier  chantier,  conduit  à  travers  un  sol  dur  et  compact,  fut  bientôt  abandonné  ;  les 
travailleurs  en  furent  distribués  dans  la  fouille  pratiquée  à  l'Ouest,  qui,  précisément,  dégageait  les 
murs  d'une  importante  construction  en  briques  crues. 

Pour  reconstituer  le  plan  d'une  partie  de  cet  édifice,  nous  fîmes  déblayer  une  série  de  cham- 
bres dont  les  murs  subsistaient  encore  sur  une  hauteur  de  i  mètre.  La  face  occidentale,  mesu- 
rant 20  mètres  de  longueur,  était  orientée  au  N.  7"  E.,  tandis  que  les  constructions  existant  sur 
l'autre  versant  faisaient  avec  la  méridienne  un  angle 
plus  fort:  il  était,  comme  on  l'a  vu,  de  N.  15°  E. 
Cette  remarque  nous  fut,  par  la  suite,  d'un  grand 
secours  pour  classer,  par  ordre  d'ancienneté,  les  murs 
qui  furent  recoupés  à  divers  étages  par  les  travaux 
poussés  plus  avant  dans  le  tumulus. 

Le  monument  que  nous  venions  de  dégager, 
portait,  en  effet,  de  nombreuses  traces  de  restau- 
rations successives;  mais,  tandis  que  les  unes  obser- 
vaient exactement  les  alignements  de  l'édifice  pri- 
mitif, les  autres,  appartenant  sans  doute  à  l'époque 
des  bàtim.entsde  la  face  orientale,  reproduisaient  leur 
orientation  de  N.  i  5"  E.  Ce  n'étaient  du  reste  que  des 
arasements  sans  importance,  et  nous  prîmes  le  parti 
de  les  sacrifier  pour  ne  conserver  que  les  portions  qui, 
plus  anciennes,  pouvaient  concourir  à  la  détermi- 
nation du  plan. 

Ainsi  déblayé  l'édifice  fournit,  à  l'Ouest,  une 
première  série  de  quatre  chambres  se  suivant  en  façade  ;  en  arrière  se  trouvait  une  longue  salle  à 
laquelle  succédaient  deux  petites  pièces  ;  un  large  couloir,  perpendiculaire  à  la  direction  de  la 
façade,  aboutissait  en  contre-bas  d'un  dallage  qui,  lui-même,  s'engageait  dans  le  massif;  faute 
de  temps  nous  ne  pûmes  explorer  plus  avant  cette  partie.  Sans  doute  des  escaliers  reliaient  les 
étages  et  donnaient  accès  à  des  p<jrtes  dont  le  seuil  était  encore  visible,  mais  toute  trace  des 
degrés  a  disparu. 

Dans  quelques-imes  des  chambres,  un  cordon  de  briques  courant  le  long  du  mur  indiquait 
le  niveau  du  dallage  ;  le  milieu  de  la  pièce  en  était  dépourvu,  soit  qu'il  eut  été  défoncé  en 
vue  de  rechercher  les  cachettes  qu'il  pouvait  recouvrir,  soit  que  le  sol  eût  été  primitivement  en 
terre  tassée. 

Ce  travail  de  déblaiement  ne  nf)us  fournit  aucun  débris  digne  de  remarque  ;  les  quelques 
iragments  de  poterie  qui  en  proviennent  sont  de  pâte  grossière  et  n'ont  aucun  caractère. 


FiG.  97.  —  Plan  des  constructions  découvertes  àTOpé  Moussian 
(au  point  A  du  plan). 


68  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Les  angles  des  chambres,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  furent  soigneusement  explorés  : 
aucun  dépôt  de  fondation  ne  s'y  trouvait. 

L'exploration  des  murs  à  leur  base  vint  cependant  nous  apporter  un  renseignement  de 
quelque  valeur.  Dans  l'assise  inférieure  du  mur  nous  avons  trouvé  un  morceau  de  brique  cuite 
engagé  à  même  la  maçonnerie.  La  cote  du  point  étant  de  9  mètres  environ,  c'est  donc  plus  bas 
qu'il  faut  aller  chercher  le  niveau  des  constructions  en  briques  cuites.  Ces  fondations  contenant 
parmi  leurs  matériaux  un  débris  de  cette  nature,  il  devient  évident  que  les  édifices  en  briques 
cuites  sont  antérieurs  et  que  leur  niveau  doit  être  recherché  plus  bas  encore.  D'autre  part,  le 
grand  terrassement  signalé  à  l'Est  et  retrouvé  jusqu'à  7  mètres  de  hauteur  au-dessus  de  la 
plaine,  rabaisse  d'autant  l'étage  qu'il  convient  de  leur  assigner. 

Avant  atteint,  là  aussi,  le  niveau  du  thalweg,  il  ne  nous  était  pas  possible  d'aller  plus 
profondément.  Pour  descendre  plus  bas  il  eût  fallu  procéder  au  creusement  d'un  puits,  travail 
long  et  pénible  qui  ne  fournit  que  des  renseignements  localisés  dans  le  champ  rétréci  du  sol 
exploré. 

Le  temps,  d'ailleurs,  nous  manquait  pour  entamer  un  semblable  travail  dont  le  résultat 
était  problématique. 

Le  déblayement  de  cet  édifice  n'avait  pas  duré  moins  d'un  mois  et  demi  ;  il  avait  été  parti- 
culièrement délicat,  car  rien  n'est  malaisé  comme  de  suivre  le  tracé  de  murailles  en  briques  crues 
au  travers  des  éboulis  qui  en  proviennent,  les  uns  et  les  autres  arrivant  à  se  confondre  par  l'iden- 
tité de  couleur  et  de  consistance. 

Pour  atteindre  le  niveau  très  profond  où  l'on  pouvait  espérer  retrouver  les  assises  des  monu- 
ments en  briques  cuites  il  eût  fallu  enlever  une  telle  masse  de  déblais  que  cette  entreprise  eût 
nécessité  de  longs  mois  et  des  équipes  nombreuses,  sans  compter  le  matériel  indispensable  de 
wagons  et  de  rails,  dont  le  transport  était  presque  impossible  en  raison  des  distances  et  de  l'insé- 
curité de  la  région. 

En  outre,  l'intérêt  capital  qui  nous  poussait  à  la  recherche  des  monuments  en  briques  cuites 
consistait  dans  l'espoir  de  trouver  quelques  documents  épigraphiques  ;  mais,  malgré  leur  nombre 
considérable,  aucune  des  briques  recueillies  pendant  les  travaux  ne  portait  trace  d'inscriptions. 
Les  textes,  si  tant  est  qu'il  en  ait  existé  à  Tépé  Moussian,  devaient  donc  être  très  rares,  et,  dès 
lors,  bien  faible  était  la  chance  de  mettre  la  main  sur  l'un  d'eux. 

Ainsi  qu'on  l'a  vu,  les  points  les  plus  bas  auxquels  nous  pouvions  atteindre  étaient,  à  l'Est, 
de  7  mètres,  et,  à  l'Ouest,  de  8  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  plaine.  Nous  avions  fait  ainsi  un 
déblai  considérable,  la  hauteur  du  monticule  au  point  d'attaque  arrivant  à  plus  de  16  mètres. 
Le  résultat  obtenu  était  qu'on  ne  pouvait  espérer  trouver  dans  cette  couche  que  des  monu- 
ments en  briques  crues;  l'approfondissement  de  ces  fouilles  était,  d'autre  part,  impossible,  car, 
arrivés  au  thalweg  des  ravins,  nous  ne  pouvions  plus  évacuer  les  déblais  sans  avoir  soit  à  les 
remonter,  travaillant  ainsi  en  puits,  soit  en  prolongeant  les  tranchées  jusqu'aux  faces  du  tépé  et 
la  distance,  de  part  et  d'autre,  dépassait  50  mètres.  Nous  prîmes  la  résolution,  à  ce  moment  où  il 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  69 


ne  nous  restait  plus  que  deux  ou  trois  semaines  avant  la  suspension  des  travaux,  de  sonder  des 
points  qui,  par  leur  configuration,  avaient  éveillé  notre  attention. 

C'est  ainsi  qu'une  tranchée  fut  ouverte  au  point  B  (voir  le  plan  i\g.  95)  en  vue  de  reconnaître 
le  rempart  à  l'angle  N.-E.  du  monticule.  L'inclinaison  très  raide  de  son  talus  nous  facilitait  la 
besogne,  et,  profitant  d'un  ravin  dont  la  pente  faible  donnait  accès  au  pied  même  du  mur  d'en- 
ceinte, nous  pûmes,  en  peu  de  jours,  constater  que  celui-ci  n'était  formé  que  d'un  terrassement 
sans  doute  revêtu,  jadis,  d'un  mur  extérieur  de  soutènement  dont  aujourd'hui  il  ne  reste 
pas  trace. 

Non  loin  de  là  un  sondage  fut  poussé  dans  le  revers  d'un  vallonnement  où  des  débris  de 
briques  cuites  abondaient  en  surface.  Cette  recherche  amena  la  découverte  d'un  four  à  briques 
de  basse  époque.  Les  produits  de  cette  fabrication  différaient  notablement  de  la  belle  brique 
cuite  dont  il  faut  localiser  le  niveau  entre  5  et  7  mètres  au-dessus  de  la  plaine. 

En  face  du  camp,  en  un  point  D  appartenant  à  la  partie  méridionale  du  tumulus,  nous  fîmes 
ouvrir  une  tranchée  dans  le  talus  d'un  ravin  dont  la  forte  pente  dessinait,  avec  des  retours  en 
équerre,  une  sorte  de  redan.  Là  encore  il  n'y  avait  qu'un  terrassement  où  s'étageaient  des  lits  de 
cendres  alternant  avec  des  radiers  de  gros  galets.  Mais,  du  moins,  v  recueillit-on  de  nombreux 
casseaux  appartenant  à  la  poterie  décorée  à  pâte  fine,  des  statuettes  d'argiles,  de  menus  objets 
votifs,  tous  avant  un  aspect  très  archaïque  (voir  le  plan  fig.  95). 

Plus  au  Sud,  et  à  peu  de  distance  de  l'angle  S.-O.  du  tumulus,  une  tranchée  fut  pratiquée  au 
flanc  d'un  plateau  de  i2"\6o  d'élévation  ;  la  cote  du  point  d'attaque  était  de  6  mètres.  Outre  la 
configuration  de  l'endroit,  l'abondance  extraordinaire  des  fragments  de  poterie  décorés  qui  jon- 
chaient les  pentes  du  tell  avait  guidé  notre  choix  (point  E,  voir  le  plan  fig.  95). 

Là,  comme  ailleurs,  la  coupe  obtenue  révélait  la  présence  de  lits  do  cendres  et  de  radiers 
superposés,  attestant  les  remaniements  fréquents  dont  I  épé  Moussian  lut  l'objet.  Mais,  lorsque 
l'avance  des  travaux  nous  permit  d'atteindre  les  couches  profondes,  on  obtint  une  quantité  énorme 
de  fragments  de  la  belle  poterie  fine,  qui  est  aussi  la  plus  archaïque.  Aussi  en  ce  point  primes- 
nous  le  parti  de  pousser  le  travail  en  profondeur,  lorsque  le  chantier  eut  rejoint  le  niveau  du 
thalweg.  Des  escaliers,  aménagés  pour  permettre  le  va-et-vient  des  ouvriers,  assuraient  le  trans- 
port des  déblais.  La  fosse  fut  conduite  jusqu'à  la  cote  de  2 ',50  au-dessus  de  la  plaine,  fournissant 
en  abondance  les  échantillons  les  plus  variés  de  belle  céramique.  Au  point  le  plus  bas,  cepen- 
dant, celle-ci  disparaissait  pour  faire  place  à  quelques  spécimens  de  silex  taillé. 

L'ensemble  de  ces  travaux  nous  permet  de  suivre  pas  à  pas  l'évolution  de  la  civilisation 
naissante  qui  se  fit  jour  dans  cette  vallée  de  la  Susiane  occidentale. 

.•\u  ras  de  la  plaine  les  premiers  âges  de  l'humanité  se  manifestent  par  la  présence  du  silex 
taillé  ;  bientôt,  sans  transition,  surgit  l'époque  de  la  poterie  décorée  à  pâte  fine,  la  plus 
ancienne  et  la  plus  belle  en  même  temps;  les  motifs  qui  s'y  rencontrent  feront  l'objet  d'une  étude 
détaillée. 

Puis  apparaît,  en  même  temps  que  le  bronze,   une  céramique  également  décorée,  mais  de 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


pâte  et  de  facture  plus  grossières  :  il  semble  que  c'est  vers  5  mètres  d'altitude  qu'on  doit  localiser 
ce  gisement  qui  pourrait  bien  coïncider  avec  celui  de  la  brique  cuite.  Les  spécimens  de  cette 
fabrication  sont  moins  nombreux  que  ceux  de  la  céramique  à  pâte  fine  ;  les  deux  variétés  se  ren- 
contrent, cependant,  mélangées  à  ceux  de  tous  les  étages  supérieurs  du  tumulus. 

Il  est  facile  de  fixer  le  niveau  inférieur  d'une  période  historique  ;  la  limite  supérieure  qu'il 
convient  de  lui  assigner  est,  par  contre,  malaisée  à  déterminer,  car  les  débris  caractéristiques 
qu'elle  a  laissés  ne  sont  plus  localisés  dans  une  seule  assise,  mais  se  rencontrent  partout  dans  les 
couches  plus  élevées  où  les  remaniements  nombreux  dont  le  site  a  été  l'objet  les  ont  successive- 
ment fait  remonter. 

L'explication  en  est  simple  :  une  ville  étant  ruinée  à  la  suite  d'une  guerre  malheureuse, 
lorsque  la  situation  politique  en  permettait  la  réédification,  on  commençait  par  niveler  les 
décombres  afin  de  faire  une  plate-forme  devant  servir  d'assise  aux  constructions  nouvelles.  Soi- 
gneusement recueillis,  les  casseaux,  les  pierres,  les  gravats  étaient  emplovés  de  manière  à  en 
consolider  les  fondations  ;  c'était  là  matière  précieuse,  dans  une  région  alluvionnaire.  Les 
galets  de  rivières,  les  pierres  de  la  montagne  étaient  loin  du  pied  d'œuvre,  il  était  plus  rapide 
et  moins  pénible  d'employer  les  matériaux  trouvés  sur  place.  Ces  lits  de  fondation  semblent 
avoir  été  l'origine  des  radiers  que  nous  avons  signalés  et  qui  se  montrent  en  strates  parallèles 
dans  presque  toutes  les  coupes  du  tumulus  que  nos  fouilles  ont  obtenues. 

L'érosion  des  pentes  mettant  à  jour  ces  radiers  explique  facilement  l'abondance  des  cas- 
seaux  qu'on  observe  en  surface. 

Comme  nous  l'avons  dit,  c'est  entre  5  et  7  mètres  de  hauteur  que  nous  croyons  devoir  localiser 
l'époque  de  la  brique  cuite.  Là,  peut-être,  eût-il  été  possible  de  recueillir  des  documents  permet- 
tant l'identification  du  site.  Mais  les  transformations  successives  qui,  au  cours  des  âges,  ont  bou- 
leversé Tépé  Moussian,  ont  si  bien  modifié  son  aspect  qu'aucun  indice  ne  pouvait  guider  nos 
cflForts  dans  la  recherche  de  la  région  où  les  constructions  de  cette  époque  avaient  été  établies. 
(Quelques-unes  des  constructions  en  briques  cuites  devaient  être  d'une  architecture  assez  soignée 
à  en  juger  par  un  spécimen  de  brique  curviligne  qui  constitue  manifestement  un  élément  de 
colonne  cannelée. 

Nous  devions  donc  recourir  uniquement  au  hasard  et,  sous  ce  rapport,  le  hasard  ne  nous 
fut  pas  favorable. 

A  10  mêlrcs  de  hauteur  nous  voyons  apparaître  les  monuments  en  briques  crues  ;  établis 
sur  une  plate-forme  dont  le  remblai  atteint  plus  de  3  mètres  d'épaisseur,  ils  paraissent  avoir  fait 
partie  d'un  zigourat  qui  couronnait  cette  partie  du  tumulus. 

L'édifice  religieux,  après  une  série  de  restaurations,  est  remplacé  par  un  bâtiment  dont 
l'orientation  diffère  ;  sans  doute  le  précédent  avait  subi  une  ruine  complète.  Le  nouveau  temple 
est,  lui  aussi,  à  plusieurs  reprises,  l'objet  de  restaurations.  Mais  il  est  à  remarquer  que,  dans 
cette  succession,  l'aspect,  à  mesure  qu'on  se  rapproche  des  sommets,  devient  plus  misérable, 
témoignant  ainsi  d'une  décadence  progressive. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Aucun  débris  pouvant  se  rapporter  aux  époques  parthe  et  sassanide  ne  se  rencontre  :  il 
est  donc  probable  que  la  vie  active  de  Tépé  xA'loussian  prit  fin  avec  la  période  élamite. 

Le  tumulus  s'est  refusé  à  nous  livrer  son  nom  antique.  Était-ce  une  ville  purement  militaire, 
ou  bien  une  grosse  bourgade  de  cultivateurs?  Les  recherches  que  nous  y  avons  pratiquées  nous 
laissent  indécis  à  cet  égard. 

Nous  voyons  au  centre  de  Tépé  Moussian  une  vaste  construction  en  briques  crues,  temple 
sans  doute,  du  type  connu  en  Chaldée  sous  le  nom  de  zigourat.  Une  enceinte  fortifiée  entou- 
rait la  ville  qui,  à  cette  époque,  était  peut-être  limitée  à  la  partie  septentrionale  du  tumulus  et  afTec- 
tait  la  forme  d'un  quadrilatère  mesurant  350  mètres  sur  250.  Nos  travaux  n'ont  pas  relevé 
l'existence  d'autres  édifices,  bien  qu'il  existât  sans  doute  un  palais  couronnant  les  hauteurs  prin- 
cipales de  la  butte,  au  Nord  du  temple.  Les  coupes  pratiquées  un  peu  partout  dans  le  tumulus 
nous  ont,  d'autre  part,  révélé  sa  structure,  composée  d'une  succession  de  radiers,  de  galets,  cas- 
seaux  et  gravats  alternant  avec  de  minces  couches  de  cendres.  Chacun  de  ces  étages  marquait 
une  des  crises  qui,  amenant  la  ruine  de  la  cité,  était  suivie  dosa  réédification.  Nous  considérons 
ces  radiers  comme  étant  les  fondations  des  maisons  qu'occupaient  les  habitants  de  la  ville;  les 
cendres  provenaient  de  l'incendie  des  toitures.  A  l'aspect  de  ces  couches  on  peut  juger  que  les 
demeures  étaient  faites  en  terre  tassée  et  couvertes  de  chaume.  Elles  ne  différaient  guère  des 
abris  qui  se  groupent  aujourd'hui  sur  les  rives  du  Karoun  et  l'étude  du  procédé  de  construction 
employé  de  nos  jours  ne  manquera  pas  de  jeter  quelque  lumière  sur  la  nature  des  habitations 
antiques. 

Voici  comment  opèrent  les  riverains  du  Karoun  pour  édifier  leurs  chaumières.  I  out  d  abord 
un  fossé  de  faible  profondeur  est  creusé,  figurant  sur  le  terrain  le  plan  qui  a  été  adopté.  Selon 
les  ressources  du  pays  on  v  jette,  comme  fondations,  des  pierres,  des  galets,  des  gravats  ou  même 
simplement  du  mortier  d'argile  que  l'on  tasse  ensuite  avec  soin.  Le  mortier  destiné  à  la  confec- 
tion des  murs  se  prépare  en  délavant  de  l'argile,  de  manière  à  en  faire  une  pâte  plastique  à 
laquelle  on  incorpore  parfois  une  certaine  quantité  de  paille  hachée.  Ce  mélange  acquiert  en 
séchant  une  plus  grande  dureté,  mais  la  valeur  que  représente  la  paille  pour  ces  populations 
pauvres,  les  engage  à  s'en  passer  le  plus  souvent  ;  il  est  vrai  que  l'argile,  si  abondante  partout, 
est  d'excellente  qualité  et  qu'empl"vce  seule  elle  sufiit  à  donner  aux  murailles  une  solidité  assez 
grande. 

Le  mortier,  quel  qu'il  soil,  a\ant  acquis  la  consistance  voulue,  (jn  commence,  sur  tout  le 
pourtour,  àédifier-le  mur  sans  dépasser  une  hauteur  de  o'\8o  en\iron  ;  on  a  soin  de  réserver 
l'emplacement  de  la  porte  qui,  le  plus  souvent,  est  la  seule  ouverture  que  p(jssède  ce  type  de  con- 
struction. On  attend  alors  que  la  première  assise  se  soit  asséchée  sullisamment.  Lorsque,  sans 
danger  de  le  faire  ébouler,  on  peut  continuer  l'élévation  du  mur,  l'ouvrier  y  procède  en  construi- 
sant une  assise  pareille  à  la  précédente,  mais  de  hauteur  un  peu  moindre. 

Parfois  un  lit  de  galets  sépare  les  deux  premières  assises  ;  cette  particularité  est  fréquente 
lorsque  la  construction  doit  avoir  une  grande  hauteur  telle  que  pour  les  murailles  destinées  à 


72  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


servir  d'enceinte  aux  vergers.  Pour  les  maisons,  la  hauteur  du  mur  ne  dépasse  pas  2  mètres  en 
général  ;  il  supporte  directement  la  toiture. 

Le  bois  faisant  presque  complètement  défaut,  la  charpente  est  remplacée  par  des  roseaux 
empruntés  aux  marécages  si  répandus  dans  la  région  ;  on  les  réunit  en  faisceaux  qui,  courbés 
en  forme  de  cintres,  viennent  s'appuyer  par  leurs  extrémités  sur  la  crête  des  murs.  A  l'intérieur 
de  la  maison,  desimpies  morceaux  de  bois,  servant  de  colonnes,  soutiennent  le  faîte  qui  n'est  autre 
qu'un  faisceau  semblable  aux  précédents  mais  plus  fort  de  diamètre.  Un  clayonnage,  également 
en  roseaux  recouverts  de  chaume,  complète  la  toiture. 

Il  y  a  lieu  de  supposer  que  ce  mode  de  construction,  imposé  par  la  pauvreté  des  matériaux 
que  fournit  le  pavs,  remonte  à  la  plus  haute  antiquité,  et  que  les  habitations  qui  composaient 
l'agglomération  de  Tépé  Moussian  ne  devaient  pas  sensiblement  différer  de  ce  type.  Dans  nos 
coupes  à  Tépé  31oussian  on  voit,  en  effet,  apparaître  des  couches  où  les  cendres  se  mêlent  à  des 
A'égétaux  carbonisés,  débris  ayant  appartenu  à  des  roseaux  ou  à  des  herbes  de  marécage. 

Ces  couches,  de  faible  épaisseur,  proviennent  de  l'incendie  des  toitures  qui,  seules  dans  l'en- 
semble de  la  construction,  étaient  attaquables  au  feu.  Des  observations  recueillies  découle  natu- 
rellement la  certitude  que  la  disposition  des  toitures  antiques,  ainsi  que  les  matériaux  qui  les 
constituaient,  étaient  analogues  à  ceux  qui,  de  nos  jours,  sont  employés  dans  les  constructions 
que  nous  venons  de  décrire.  Quant  aux  murailles,  on  ne  peut  douter  qu'elles  ne  fussent  identiques 
aux  murs  modernes,  à  en  juger  par  les  radiers  de  galets,  seuls  vestiges  dont  l'écroulement  des 
parois  ait  laissé  la  trace. 


SÉPULTURES   DE  TÉPÉ  KHAZINÉH 

Les  fouilles  de  Tépé  Moussian  ne  nous  avaient  livré  aucun  vase  entier  et  nous  étions  anxieux 
de  nous  procurer  quelque  spécimen  de  cette  céramique  si  intéressante. 

Les  nomades,  à  qui  furent  montrés  les  fragments  déjà  recueillis,  nous  informèrent,  après 
force  questions,  que,  peu  d'années  auparavant,  des  poteries  intactes  de  ce  même  type  avaient  été 
trouvées  par  eux,  en  un  lieu  tout  voisin  nommé  Tépé  Khazinèh.  Cette  découverte  était  due  au 
creusement  d'un  canal  d'irrigation  dont  le  tracé  était  venu  couper  la  base  du  tumulus.  Autrefois 
sans  dénomination,  le  tépé  avait  reçu,  de  ce  fait,  le  nom  de  Khazinèh  qui  signifie,  en  dialecte  lour, 
«  l'endroit  des  cruches  ». 

Le  tertre,  d'une  hauteur  de  neuf  mètres  environ,  apparaît  à  trois  kilomètres  de  Tépé  Mous- 
sian, dans  la  direction  de  l'Est.  A  sa  partie  la  plus  élevée  il  est  couronné  de  tombes  musulmanes 
dont  la  présence  nous  interdit,  en  ce  point,  toute  tentative  de  fouille.  Il  se  termine,  au  Sud,  en 
pente  très  douce  par  un  éperon  que  vient  entamer  le  canal.  C'est  là  que  se  porta  notre  attaque. 

Les  sépultures  de  Tépé  Khazinèh  sont  d'aspect  fort  archaïque  et  de  types  très  divers.  On  y 
rencontre,  côte  à  côte,  l'amas  de  cailloux  roulés  et  la  tombe  proprement  dite,  de  forme  rectan- 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


73 


gulaire.  Dans  cette  dernière,  le  radier  et  les  assises  inférieures  sont  constitues  de  gros  galets  ; 
les  parois  sont  formées  de  briques  crues. 

Le  mobilier  funéraire  se  compose  de  vases  à  figurations  animales  ou  végétales,  peintes  en 
rouge  et  noir,  de  cruches  et  de  supports  de  vases  en  argile  jaune,  sans  aucune  décoration,  de 
jattes  en  pierre  et  de  petits  vases  en  albâtre,  simples  ou  couplés.  Tous  ces  objets  sont  déposés  le 
long  des  parois,  sans  ordre  régulier,  pêle-mêle  avec  les  armes. 

Ces  dernières,  haches,  têtes  de  lances,  pointes  de  javelines,  sont  en  bronze.  Le  métal  est 
rare,  mais  habilement  travaillé.  Dans  la  sépulture  en  amas,  avec  les  armes,  se  trouvait  une  fine 
coupe  de  bronze. 

Nous  avons  également  recueilli  à  Tôpé  Khazinèh  une  belle  hache  en  pierre  polie. 

Les  ossements  avaient  tant  souffert  de  l'action  des  siècles  et  des  intempéries  qu'ils  n'ont  pu 
fournir  aucun  renseignement  sur  le  mode 
d'inhumation.  On  ne  les  découvrait  qu'à 
l'état  de  débris  presque  entièrement  effrités. 

De  la  diversité  des  sépultures  on  peut 
conclure  que  le  site  de  Tépô  Khazinèh  a 
été  employé  comme  nécropole  à  des  âges 
successifs,  mais  fort  anciens.  La  simplicité 
du  mobilier,  le  manque  presque  absolu 
d'objets  de  parure,  confirment  ici  encore 
nos  précédentes  considérations  sur  la  condi- 
tion humble  de  la  race  qui  peuplait  ce  pays. 

Les  vases  découverts  à  Tépé  Khazinèh 
sont  étudiés  au  chapitre  de  la  céramique  ; 

on  remarquera  parmi  eux  un  fragment  de  poterie  fine  â  fond  vcrdâtre  et  peinture  noire.  La  repré- 
sentation est  celle  d'une  ronde  de  figures  humaines  traitées  dans  le  style  des  poteries  peintes  de 
l'époque  préhistorique  égyptienne.  Ce  fragment  n'a  pas  été  trouvé  dans  une  sépulture  ;  il  est 
d'une  époque  antérieure  et  a  été  amené  dans  la  nécropole  par  l'érosion  ou  par  les  remaniements 
du  tumulus. 

Quoique  succincts,  les  résultats  obtenus  à  Tépé  Khazinèh  nous  furent  très  utiles  à  titre  d'in- 
dications, et  nous  engagèrent  â  explorer  d'autres  tertres  où  des  découvertes  plus  importantes  nous 
attendaient. 


50  m'"' 
FiG.  98.  —  Plan  de  Tépé  Khazinèh. 


NÉCROPOLE   DE  TÉPÉ  ALY-ABAD 


Puisque  le  tumulus  de  Tépé-Kazinèh  s'était  prêté  à  l'établissement  d'une  nécropole,  il  con- 
venait de  vérifier  si   les  buttes  de  configuration  semblable,   plus  voisines  de  Tépé  Moussian, 


74 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


n'avaient  pas  été  utilisées  de  la  même  façon.  La  logique  autorisait  à  supposer  qu'une  population 
relativement  nombreuse  avait  mis  à  profit,  pour  l'inhumation  de  ses  morts,  les  sites  les  plus 
proches  et  les  plus  favorables. 

C'est  une  tradition  constante  que  les  lieux  élevés  soient  recherchés  pour  les  sépultures  ; 
l'idée  religieuse  et  le  souci  de  préserver  les  tombes  donnent  l'explication  de  cette  coutume.  Dans 
la  région  deMoussian,  plus  encore  qu'ailleurs,  elle  a  sa  raison  d'être.  Durant  notre  campagne 
de  fouilles  nous  avons  vu  une  grande  partie  de  la  plaine  inondée  parle  débordement  du  Douéridj, 

après  deux  journées  d'averses.  Si  le  sol  peut 
actuellement  se  transformer  si  vite  en  maré- 
cage, il  devait  être  souvent  noyé  aux  époques 
lointaines  où  la  proximité  de  la  mer  engendrait 
des  pluies  plus  fréquentes  et  plus  abondantes 
encore.  Pour  éviter  l'envahissement  des  eaux, 
on  ne  devait  pas  manquer  de  choisir,  comme 
lieux  de  sépulture,  toutes  les  éminences  à  l'abri 
des  crues. 

En  conséquence  de  ce  raisonnement,  notre 
attention  se  porta,  immédiatement  après  les 
fouilles  de  Tépé  Khazinèh,  sur  le  tumulus  de 
Tépé  Aly-Abad,  très  voisin  de  Tépé  Moussian 
et  suffisamment  élevé  par  rapport  au  plan  du 
terrain. 

Ce  monticule  apparaît  au  Sud  de  Tépé 
Moussian  et  à  une  distance  d'environ  i  500  mè- 
tres. De  petites  dimensions,  avec  un  relief 
qui  ne  dépasse  pas  3",  50,  ce  tertre  affecte  une 
forme  presque  circulaire  ;  il  est  entouré  d'une 
levée  de  terre  dessinant  un  carré  régulier. 
Cette  enceinte,  actuellement  éboulée,  a  été  tracée  par  les  nomades  du  district,  il  y  a  peu 
d'années,  afin  d'abriter  leurs  troupeaux. 

Sur  les  faces  Est  et  Sud,  les  terres  du  tumulus  s'étaient  largement  épandues  sous  l'action 
des  pluies.  Les  pentes  le  mieux  marquées  regardaient  le  Nord  et  l'Ouest  ;  c'est  aussi  à  ces  points 
plus  favorables  que  furent  établis  nos  chantiers  de  recherches. 

Les  sépultures  sont  plus  nombreuses  sur  les  flancs  que  vers  le  centre  du  tépé  ;  mais,  dans 
cette  dernière  zone,  elles  sont  beaucoup  mieux  conservées  et  livrent  en  assez  bon  état  les  osse- 
ments qu'elles  renferment.  Par  suite,  des  renseignements  suffisamment  précis  ont  pu  être  notés 
tant  sur  la  structure  des  tombes  que  sur  les  modes  d'inhumation. 
On  observe,  dans  le  tumulus,  quatre  types  de  constructions  : 


lÉ—  ;:^ 


FiG.  99.  —  Plan  de  Tépé  Aly-Abad. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


/) 


1°  Tombe    rectangulaire    en   briques  crues,   simplement  comblée  de   terre  ;  ce  genre  de 
sépulture  est  toujours  situé  à  une  profondeur  assez  grande  ; 

2°  Cuve  rectangulaire  en  briques  crues,  fer- 

: .    ,  mée  par  un  cintre  très  surbaissé,   formé  de  ces 

■^W/WW^MMMM^/M'/}}!^,^'-, ■  mêmes  briques. 


FiG.  loo.  —  Tombe  du  type  11°  2 


y  Tombe  à  voûte  ogivale,  fort  étroite  de 
fond  et  figurant  une  sorte  de  boyau  ;  les  maté- 
riaux sont  en  briques  crues.  Cette  sépulture  se 
rapproche  de  la  surface;  elle  est,  le  plus  sou- 
vent, d'une  extrême  pauvreté  et  ne  contient 
même  parfois  que  les  ossements  à  l'état  de 
poudre. 


FiG.  loi.  —  Tombe  du  type  11°  3. 


4M': 


FiG.  102.  —  Sépulture  collective.  Plan  et  coupe. 


4°  Enfin  nous  avons  rencontré,  à  deux 
mètres  de  profondeur,  un  exemple  de  sépulture 

collective.  La  tombe,  rectangulaire  et  voûtée,  mesurait  2  mètres  de  long  sur  i"',5o  de  large,  avec 
une  hauteur  de  o'",6o.  Les  deux  squelettes,  assez  bien  conservés,  gisaient  côte  à  côte,  sans  sépa- 


76 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


ration  médiane;  pour  tout  mobilier,  un  vase  de  terre  cuite  jaune  déposé  prés  des  pieds  ;  ni  armes, 
ni  ornements.  D'après  la  position  des  crânes,  l'orientation  était  à  peu  près  Est-Ouest. 

Une  autre  sépulture  du  type  n°  2  donne  l'orientation  Ouest-Est.  Le  squelette,  fort  complet, 
reposait  sur  la  face  droite,  les  jambes  allongées,  les  bras  infléchis,  les  mains  ramenées  sur  et 
sous  la  mâchoire(i). 


;^,4^  ..r?'    -/  ' 


FiG.  105.  —  Tombe  contenant  un  squelette  couché  sur  la  face  droite. 


=1 


Souvent  une  partie  des  ossements  fait  défaut  ;  ils  sont  dispersés,  sans  ordre,  au  hasard,  et 

les  poteries  du  mobilier  funéraire  sont  dé- 


posées parmi  eux. 

L'orientation  des  tombes  et  la  dispo- 
sition des  ossements  étant  variables,  on  ne 
peut  rien  déduire  sur  les  coutumes  d'inhu- 
mation. 

La  céramique  est  représentée  par  des 
vases  d'une  argile  jaune  clair,  tantôt  sans 
ornements,  tantôt  couverte  de  dessins  géo- 
métriques et  de  figurations  animales  ou  vé- 
gétales peintes  en  rouge  et  noir.  Cette  pote- 
rie sera  étudiée  en  détail  au  chapitre  de  la 
céramique.  Elle  se  complète  par  une  série  de  jattes  et  de  petits  vases  couplés  en  albâtre  ou  en  pierre. 
Un  spécimen  unique  mérite  d'être  ici  mentionné.  C'est  un  vase  de  terre  noire,  orné  de  figures 
géométriques  et  de  pointillés  tracés  au  poinçon  ;  une  pâte  blanche  remplit  les  traits.  L'élégance  de  la 
forme  et  l'effet  décoratif  sont  très  réussis.  Cette  poterie,  d'un  caractère  trèsarchaïque,  provient  d'une 
sépulture  pauvre  et  n'était  accompagée  d'aucun  autre  mobilier.  Étrangère  à  la  région,  elle  semble 
y  avoir  été  apportée  par  quelque  émigrant.  Il  en  sera  question  plus  longuement  à  la  fin  de  cette  étude. 


FiG.  104. 


Sépulture  avec  ossements  incomplets,  dispersés  parmi  le 
mobilier  funéraire. 


(i)  Attitude  de  l'adoration,  d'après  les  statuettes  de  bronze  trouvées  à  Suse  et  les  figurations  des  cachets  archaïques. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  -^ 


Le  bronze  se  présente  sous  la  forme  de  haches,  pointes  de  lances  et  de  javelines,  lames  de 
poignards  (très  rares).  Comme  ornements  des  épingles,  des  anneaux  de  bronze  et  quelques  objets 
d'argent.  Les  perles  de  colliers  ou  de  bracelets  en  cornaline  et  lapis-lazuli  abondent  à  Tépé  Ali- 
Abad.  Nous  signalerons  aussi,  parmi  les  ornements,  un  cylindre  uni  en  hématite. 

Parfois  armes  et  ornements  ne  font  point  partie  du  mobilier  funéraire  ;  ils  ont  été  placés  sur 
la  tombe  en  guise  d'ofTrandes.  Tel  est  le  cas  notamment  pour  deux  grandes  perles  oblongucs  en 
lapis-lazuli  déposées  dans  une  jatte  d'albâtre  au-dessus  d'une  sépulture. 

Tombe  A.  —  La  sépulture  la  plus  importante  que  nous  ayons  rencontrée  à  Tépé  Aly  Abad 
(A  du  plan,  fig.  99)  se  trouvait  sur  le  versant  N.-O.  du  tertre.  De  forme  rectangulaire,  sans 
orientation  précise,  elle  mesurait  5  mètres  de  longueur  sur  i  mètre  de  large  :  sa  dimension  prin- 
cipale était  dirigée  au  N.  55"  O.  En  avant  et  sur  ses  longs  côtés,  des  murs  de  briques  crues  la 
délimitaient,  tandis  que  les  autres  parois  semblaient  avoir  été  taillées  à  même  les  terres  du 
tumulus.  Le  sol,  bien  dressé,  était  fait  d'argile  tassée  sur  laquelle  des  vases  do  grandes  dimen- 
sions étaient  disposés  sans  ordre  apparent,  mêlés  à  d'autres  objets  mobiliers.  Les  murs  de  briques, 
dont  nous  avons  parlé,  ont  été  construits  après  que  le  mobilier  funéraire  eut  été  mis  en  place  ; 
plusieurs  de  ces  vases,  en  effet,  étaient  à  demi  engagés  dans  la  muraille.  De  gros  galets  cou- 
ronnaient celle-ci  par  place,  d'autres  se  trouvaient  également  au-dessus  de  la  tombe  qui  avait  été 
soigneusement  comblée  ;  la  terre,  qui  la  remplissait  exactement,  avait  pénétré  partout  et  ne 
pouvait  provenir  d'un  écroulement  qui  n'eût  manqué  de  briser  les  vases  ou  du  moins  de  troubler 
l'ordre  assigné  aux  objets  qui  se  trouvaient  dans  cette  sépulture. 

Quant  au  corps  lui-même,  nous  n'en  avons  retrouvé  que  quelques  ossements  enveloppés 
dans  une  natte  à  demi  consumée.  On  avait  donc  fait  subir  aux  ossements  déposés  dans  la  tombe 
une  incinération  incomplète  ;  d'après  la  nature  des  résidus  recueillis  on  peut  croire  que  ce  n'était 
guère  que  des  broussailles  légères  de  la  plaine  qui  servirent  de  combustible.  I']n  tout  cas,  les 
vases  qui  garnissaient  cette  sépulture  n'ont  pas  souflert  de  l'action  du  feu.  Or,  il  n'est  pas  dou- 
teux que  ce  bûcher  funéraire  n'ait  été  allumé  dans  la  fosse  même,  l'état  de  la  natte  ainsi  con- 
vertie en  charbon  n'aurait  pas  permis  qu'elle  fût  transportée  d'un  endroit  à  l'autre. 

On  remarquera  que  nous  avons  dit  que  cette  natte  contenait  des  ossements  lorsqu'elle  fut 
soumise  à  l'action  du  feu  ;  on  n'v  observe  aucun  résidu  de  décomposition  des  chairs  et,  d'un 
autre  côté,  il  faut  bien  admettre  que  les  ossements  seuls  ont  été  ensevelis  après  que  les  chairs 
avaient  disparu  puisque  nous  n'avons  point  le  squelette  entier,  mais  quelques  os  seulement  pro- 
venant de  diverses  parties  du  squelette.  Dans  cette  tombe  le  crâne  faisait  défaut  ainsi  que  le  bas- 
sin, les  fémurs,  tous  les  grands  os,  en  somme. 

D'après  ce  que  nous  venons  de  voir  la  tombe  devait  être  postérieure  au  tumulus.  Celui-ci  à 
l'époque  de  l'inhumation  affectait  sans  doute  le  même  aspect  extérieur  qu'aujourd'hui.  C'était 
une  ruine  déjà  ancienne  et  ceci  nous  explique  la  présence  de  débris  de  la  poterie  fine  qui  est,  sans 
contredit,  bien  antérieure  au  type  de  la  céramique  que  nous  ont  livré  les  tombes. 


78 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Au 


-dessus  de  la  sépulture  A  des  traces  de  foyers,  où  se  trouvaient  des  os  de  bœuf  ou  de 

mouton,  semblent  témoigner  que  des  sacrifices 
faisaient  partie  du  rite  funéraire.  Des  haches  de 
bronze  furent  également  recueillies  dans  les  dé- 
blais, sans  qu'on  puisse  affirmer  qu'elles  aient  eu 
une  connexion  quelconque  avec  la  sépulture. 

A  peu  de  distance  et  vers  le  centre  du  tumu- 
lus  nous  avons  déblayé  une  sorte  de  puits  rectan- 
gulaire mesurant  o"\8oXo",6o  et  construit  en 
briques  crues.  Une  poussière  fine  et  très  légère 
le  remplissait  à  demi,  provenant  sans  doute  de  la 
lente  désagrégation  des  parois  à  travers  les  siècles. 
Il  est  à  présumer  que  ce  puits,  qui  descendait 
jusqu'à  un  niveau  un  peu  inférieur  à  celui  de  la 
plaine,  avait  dû  servir  de  silo,  selon  la  méthode 
pratiquée  de  nos  jours  dans  toute  la  Susiane.  Cet 
usage  s'est  perpétué  en  raison  des  migrations  an- 
nuelles qui,  de  tout  temps,  obligèrent  les  agricul- 
teurs à  mettre  en  sûreté  leurs  réserves  de  céréales  ; 
ils  ne  pouvaient,  en  effet,  les  convoyer  avec  eux 
dans  leurs  déplacements  perpétuels  durant  la 
saison  d'été. 

La  tombe  se  composait  donc  d'une  fosse 
longue  et  étroite  dont  le  sol  se  trouvait  à  environ 
g", 60  au-dessus  de  la  plaine  :  sa  profondeur  dans 
le  monticule  ne  dépassait  pas  un  mètre,  dans  la 
partie  qui  avoisinait  le  talus  :  il  est  vrai  que  les 
érosions  séculaires  ont  dû  diminuer  de  beaucoup 
le  relief  actuel. 

L'inventaire  du  mobilier  funéraire  permet  de 
conclure  que  c'est  bien  le  mobilier  propre  du 
défunt  qui  l'accompagnait  dans  la  tombe  ;  on  y 
retrouve,  en  effet,  le  seuil  de  la  porte  servant  de 
support  au  gond,  le  broyeur  à  grains,  les  coupes, 
les  jattes,  les  grands  vases.  Et  c'est  bien  tout  ce 
1  2  aMid'    que  les  humbles  habitants  qui,  jadis,  peuplaient 

FiG.  105.  —  Tombe  A.  cettc  région,  pouvaient  posséder  dans  leurs  mai- 

sons. D'autant  que  ces  agriculteurs,  comme  nous 


■■■--- -^^«SSr:'^:^] 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


79 


l'avons  vu,  étaient  des  demi-nomades  annuellement  chassés  de  la  plaine  par  la  période  de  séche- 
resse qui  les  privait  d'eau  potable  et  de  pâturage. 

De  grands  vases  posés  debout  étaient  distribués  tout  le  long  de  la  fosse,  sans  ordre  marqué; 
ils  étaient  parfois  remplis  de  terre  ;  autant  qu'on  en  peut  juger  celle-ci  avait  lentement  glissé 

dans  le  goulot  demeuré  ouvert;  aucun  résidu  à  l'intérieur  ne  permet  de  croire 

qu'ils  eussent  primitivement  contenu  des  denrées  quelconques. 

En  pénétrant  dans  la  tombe  on  rencontrait  d'abord  deux  grandes  jarres 

(fîg.  105,  n"'  I  et  2)  ;  plus  loin  venait  un  vase  de  dimensions  moindres  qui  était 

engagé  à  demi  dans  le  mur  de  briques.  Ce  vase  (fig.  105,  n"  6),  d'une  facture 

particulièrement  soignée,  servait  de  support  à  doux  objets  singuliers  qui  mé- 
ritent une  mention  spéciale  (fig.  105,  n°^  7  et  8). 
Affectant  une  forme  conique  et  clos  à  leurs 

deux   extrémités  ils  ne    pouvaient    avoir  qu'un 

usage    décoratif  ou    probablement    rituel.    Ces 

objets,    que   nous  considérerons  comme   votifs, 

sont  en  bitume  incrusté  d'albâtre  et  de  cornaline; 

ils  se  composent  d'un  fût  cvlindrique  dont  les 

parois  ont  une  grande  épaisseur  et  reposent  sur 

une  base  évasée  où  la  couche  de  bitume,  plus 

mince,  est  renforcée  par  une  poterie  faite  à  la 

demande.  Cette  dernière  est  elle-même  remplie 

par  une  masse  de  bitume  qui,  par  son  poids,  est 

destiné  à  assurer  la  stabilité  de  l'objet  (fig.  106). 
^        ,      „,.         .,  Ouant  à  la  décoration  elle  se  compose  d'élé- 

FiG.  106.— Objets  votifs  ^  r 

en  bitume  incrusté  de  ments  triangulaires  cn  calcaire  blanc.  Ces  trian- 

calcaire  blanc  et  de  cor-  .  '  .  ^  i        j 

naline;  i/6  gr.  nat.       glcs  sont  disposés  de  manière  a  lormer  des  den- 
telures qui  ornent  le  fût  et  la  base  d'une  succès- 


um 


/ 


sien  de  bandes  parallèles  séparées  par  un  mince  anneau  de  bitume.     \C    ^     C 

Tantôt  une  dentelure  simple  remplit  la  bande,  tantôt  celle-ci  cn         "■^ClS 

contient  deux  ;  en  ce  cas  les  trian<'-!es,  opposés  par  la  pointe,  dèli-  ,,  r--      ^  r    ,  ■  •. 

o  i  i  i  t^  liG.  107.  —  Cônes  de  lona.ition,  en  argile 

mitent  une  série  de  losanges  au  centre  desquels  est  incrusté  un        cuite,  trouvés  à  Suse,  1/6  gr.  nat. 
éclat  de  cornaline. 

Le  fût  cvlindrique  est  clos  à  sa  partie  supérieure  par  une  rosace  composée  des  mêmes  élé- 
ments décoratifs. 

Nous  ne  connaissons  pas  d'analogues  à  ces  objets  singuliers  si  ce  n'est,  peut-être,  certains 
clous,  ou  cônes  de  fondations,  fréquemment  découverts  dans  les  fouilles  de  Suse,  avec  lesquels 
on  peut  trouver  un  lointain  rapprochement.  La  base  d'un  de  ces  cônes  est  percée  dune  série  de 
trous,  en  pomme  d'arrosoir.  Le  second  spécimen  ne  présente  qu'une  seule  perforation,  au  centre 


8o 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


'!':Hi;|i;^|!i;iAiiiif 


de  sa  base.  Le  premier  est  entièrement  creux;  l'autre  est  fermé  à  son  sommet  (fîg.  107).  Il 
n'est  point  douteux  que  ces  objets,  rencontrés  sous  tous  les  édifices,  aussi  bien  en  Chaldée 
qu'en  Susiane,  et  qui  portent,  souvent,  des  textes  cunéiformes,  étaient  ainsi  déposés  dans  les 
fondations  en  conformité  d'une  coutume  rituelle  dont  le  sens  nous  échappe  aussi  bien  que  la 
signification  symbolique  des  objets  eux-mêmes. 

Quant  aux  cônes  en  bitume  provenant  de  la  tombe  A,  les  éléments  du  motif  décoratif  qui 
les  orne,  triangles,  losanges  et  dentelures,  nous  sont  connus  par  la  céramique  peinte  où  on  les 

rencontre  fréquemment.  Nous  observons  une  disposition  assez 
semblable  dans  un  fragment  de  poterie  fort  archa'ique  découvert  à 
Suse.  C'est  une  portion  de  vase  quadrangulaire,  dans  lequel  la 
décoration  a  été  obtenue,  avant  la  cuisson,  au  moyen  d'incisions 
pratiquées  dans  la  pâte  qui  est  de  couleur  grise  et  d'un  grain  très 
serré  (fig.  108). 

Disposés  avec  soin  contre  la  panse  d'un  vase  qui  leur  servait 
d'appui,  ces  cônes  étaient,  au  moment  de  la  découverte,  tordus  et 
déformés  ;  ils  ne  tenaient  plus  que  grâce  à  la  terre  tassée  qui  les 
soutenait.  Était-ce  la  chaleur  dégagée  par  le  bûcher  funéraire  qui, 
ayant  ramolli  le  bitume,  les  avait  réduits  à  cet  état  ;  ou  bien  encore 
l'action  périodique  des  hautes  températures  que  ramènent  chaque 
année  les  étés  susiens,  a-t-clle  été  suffisante  pour  produire  ce 
résultat? 

En  continuant  l'énumération  du  contenu  de  la  tombe,  nous 
rencontrons,  tout  contre,  un  broyeur  à  grain  (fig.  105,  n"  3)  ayant 
Fig.  108.  -  susc  fragment  de  poterie     ^  (    ^    j  o",  3  S  de  large  ;  il  présente  une  face  concave  que 

archaïque,  pategnse, décor  incise,  i/2gr.nat.  '  n  '  y  J  n  r  t 

l'usage  a  poli  :  cet  instrument  est  en  grès  de  consistance  moyenne, 
tel  qu'il  en  existe  abondamment  dans  la  contrée. 

Plus  loin,  dans  une  coupe  d'albâtre  assez  grossière  était  placée  une  petite  ampoule  de  même 
matière,  ayant  deux  ôvidements  jumelés  (fig.  105,  n"'  4  et  5),  qui  contenait  des  résidus  de  couleur 
verdâtre,  provenant  sans  doute  de  parfum  ou  de  fard. 

Puis,  en  se  dirigeant  vers  l'extrémité  de  la  fosse,  se  présentaient  une  jarre  peinte  (fig.  105, 
n''9),  un  support  de  gond  engagé  dans  le  mur  (fig.  105,  n°  1 2),  une  autre  jatte  d'albâtre  (fig.  105, 
n"  10)  et  la  natte  à  demi  consumée,  qui  contenait  les  ossements  (fig.  105,  n"  14).  Des  deux  côtés 
de  cette  natte  se  trouvaient  deux  poteries  (fig.  105,  n°'  13  et  15),  l'une  placée  debout  comme  les 
vases  précédents,  l'autre  fermée  par  un  tampon  d'argile  et  placée  le  col  en  bas. 

A  un  mètre  au-dessus  de  l'extrémité  de  la  fosse  une  autre  sépulture  fut  dégagée.  Elle  con- 
tenait un  squelette  complet  couché  dans  la  position  embrvonnairc  ;  on  recueillit  à  o'",20  du  crâne 
une_belle  lame  de  bronze  dont  la  soie  large  de  o'",oi  5  était  destinée  à  s'engager  dans  la  hampe 
d'une'lance  ;  il  v  avait  également  dans  cette  tombe  un  support  de  vase  sur  lequel  était  une  écuelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  8i 


TÉPÉ  MOHR 

Simultanément  aux  fouilles  de  Tépé  Aly-Abad,  nous  avons  poussé  des  reconnaissances  dans 
plusieurs  monticules  disséminés  aux  alentours  de  Tépé  Moussian. 

Tépé-Mohr,  «  la  butte  des  cachets  »,  nous  était  signalé  comme  renfermant  des  tablettes  ou 
des  cachets-cylindres.  Les  indigènes  avaient  fait  de  ce  tumulus  une  sorte  de  magasin  général  pour 
y  reserrer  leur  grain.  C'est  en  creusant  des  silos  qu'ils  avaient,  disaient-ils,  effectué  leurs  trou- 
vailles. Mais  la  parole  des  nomades  est  sujette  à  caution  et,  d'autre  part,  on  ne  parvenait  à  nous 
produire  ni  une  des  tablettes,  ni  un  des  cachets  ainsi  découverts. 

Il  était  certain  d'avance  que  Tépé  Mohr  ne  pouvait  être  une  nécropole  ;  les  tribus  n'auraient 
assurément  pas  enterré  leur  orge  et  leur  blé  en  contact  avec  des  ossements  humains.  Restait  la 
chance,  fort  problématique,  de  voir  se  confirmer  une  de  ces  fables  ou  légendes  qui  prennent  corps 
si  fréquemment  parmi  les  indigènes,  soit  par  l'interprétation  inexacte  d'un  fait  réel,  soit  par  un 
simple  effort  d'imagination. 

La  butte  de  Tépé  Mohr  est  criblée  de  cavités  dont  l'orifice  étroit  va  s'élargissant  en  cloche. 
L'existence  de  ces  silos  facilitait  la  fouille  qui  fut  menée  bon  train  et  déblaya  une  aire  très  suffi- 
sante. De  tablettes  ou  de  cachets  nulle  apparence.  Ce  travail  ne  fournit  que  des  briques  cuites, 
dont  l'argile  peu  homogène,  les  dimensions  et  la  facture  négligée  accusaient  une  fabrication  de 
basse  époque,  fait  corroboré  par  la  présence  de  quelques  fragments  d'ornements  en  pâte  émaillée. 

Il  est  possible  que  Tépé  Mohr  ait  été  occupé  par  un  petit  poste  d'observation  sous  les  domi- 
nations séleucide  ou  sassanide. 

Situé  au  Sud  et  à  quatre  kilomètres  de  Tépé  Moussian,  le  tumulus  de  Tépé  Morhr  est,  en 
effet,  très  proche  des  plis  du  Djebel  Amrin,  au  débouché  d'un  passage  à  travers  ce  massif.  Il  se 
trouve  à  mi-distance  entre  la  trouée  de  Beyat  et  la  précieuse  source  d'eau  douce  qui  porte  le  nom 
d'Aïn-Guerzan.  Son  site  surveille  la  route  carrossable,  encore  très  apparente,  qui  reliait  Ctésiphon 
à  la  Susiane  et  aux  plaines  du  Pouchté-Kouh.  Une  fraction  de  tribu,  moitié  lourc,  moitié  arabe, 
campe  annuellement  en  ce  lieu  qui,  dans  l'antiquité,  a  dû  être  habité  par  des  pasteurs  avant 
d'être  utilisé  comme  point  de  garde. 


TÉPÉ    MOHAMED-DJAFFAR 

C'est  une  faible  butte,  mais  d'une  certaine  étendue,  qui  fait  à  peine  saillie  dans  la  plaine  à 
l'Ouest  et  à  3  kilomètres  de  Tépé  Moussian. 

Le  sol  en  est  meuble,  mélangé  de  cendres  et  d'une  poudre  noire  produite  par  la  combustion 
ou  la  décomposition  de  végétaux.  Un  terrain  de  cette  nature  et  de  cette  configuration  ne  pouvait 
être  adopté  comme  siège  d'une  nécropole.  L'intérêt  qui  s'attache  à  Tépé  Mohamed-Djaffar  réside 


82 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


FiG.  109.  —  Racloirs  et  clcmcnts  de  fliucillcs,  grandeur  naturelle. 


en  ce  que  ce  petit  tertre  a  été  l'emplacement  d'une  station   préhistorique  bien  caractérisée,  con- 
temporaine du  silex  taillé,  et  qui  n'a  jamais  été  réoccupée  depuis  lors. 

Le  tépé  a  été  formé  par  la  ruine  des  huttes  en  roseaux  et  branchages,  ainsi  que  par  l'amon- 
cellement des  détritus  et  des  résidus  de  foyer.  Ce  n'est  point,  à  proprement  parler,  un  kjœkken- 

mœddinger,  à  moins  que  les  débris  de  cuisine 
n'aient  disparu  sous  l'action  de  l'humidité;  mais 
on  y  trouve  tous  les  indices  d'un  atelier  de  taille. 
Les  roches  les  plus  diverses  ont  été  éclatées 
pour  la  fabrication  des  armes  et  des  outils.  On  a 
recherché  de  préférence  les  pierres  que  leur  grain, 
leur  coloris  ou  leurs  veinures  rendaient  le  plus 
attrayantes.  L'obsidienne,  qui  n'existe  cependant 
pas  dans  cette  région,  se  rencontre  à  Tépé  Moha- 
mcd-Djaffar  en  éclats  et  en  lamelles. 

Nous  avons  trouvé  ni  haches,  ni  pointes  de 
flèches,  mais  abondance  de  lames,  racloirs  et 
éléments  de  faucilles.  La  quantité  de  nucléi  est  surprenante.  De  forme  presque  exactement 
conique,  ils  se  signalent  par  leur  exiguïté  ainsi  que  par  la  finesse  des  lames  prélevées. 

Point  de  débris  de  céramique  fine,  point  de  traces  de  briques,  ce  qui  nous  porte  à  déduire 
que   le  tépé   n'a  été    l'objet    d'aucune    réoccupation 
depuis  la  période  du  silex  taillé. 

La  poterie  est  uniquement  de  l'époque.  Faite  à  la 
main,  elle  est  épaisse,  de  couleur  jaune  d'ocre,  rouge 
sombre  ou  brun  foncé.  Nous  n'avons  malheureuse- 
ment pu  en  récolter  que  des  fragments. 

La  pâte  rouge  sombre  est  souvent  lissée  ;  elle 
porte  quelquefois  des  rehauts  façonnés  au  pouce,  des 
gravures  très  simples  à  la  pointe  et  des  traits  en  couleur 
d'un  rouge  plus  foncé.  On  y  observe  des  boutons  d'anse 
avec  trous  de  suspension.  Bref,  cette  céramique  est  du  type  le  plus  archaïque.  Il  est  regrettable  que 
les  dimensions  des  fragments  aient  été  trop  restreintes  pour  nous  permettre  de  restituer  les  formes. 
Toutefois,  les  spécimens  recueillis  à  Tépé  Mohamcd-Djaffar  nous  ont  aidés  à  établir,  approxi- 
mativement, une  sorte  de  chronologie  dans  la  céramique. 

La  poterie  faite  à  la  main,  avec  les  caractéristiques  que  nous  venons  de  détailler,  accom- 
pagne le  silex  taillé. 

Les  vases  fabriqués  au  tour,  peints  en  rouge  et  noir,  avec  figurations  animales  et  végétales, 
se  rencontrent  en  même  temps  que  le  bronze. 

La  céramique  fine,  d'un  ton  jaune  ou  vert  clair,  et  ornée  de  peintures  d'un  noir  brillant. 


»?£--S! 


IlEgj 


FiG.  iio.  —  Petits  nuclei,  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  83 


serait  la  transition  entre  les  âges  du  silex  taillé  et  du  métal  ;  elle  débuterait  à  l'époque  de  la  pierre 
polie  dont  nous  avons  trouvé,  sous  forme  de  hache,  un  fort  bel  échantillon  à  Tépé  Khazinéh. 

Mais  une  poterie  si  peu  résistante  ne  pouvait  satisfaire  aux  besoins  courants  ;  elle  dut  être 
réservée  à  des  usages  spéciaux.  Nous  avons  dans  la  fouille  faite  à  Tépé  Mourad-Abad  des  don- 
nées qui  semblent  justifier  cette  manière  de  voir. 

TÉPÉ    MOURAD-ABAD 

Les  fragments  que  l'on  trouve  abondamment  à  la  surface  et  à  l'intérieur  de  ce  tépé  se  rangent 
dans  la  catégorie  de  la  céramique  fine  peinte.  On  ne  rencontre,  en  ce  site,  aucune  trace  des  vases 
grossiers,  à  pâte  épaisse,  dont  les  casseaux  jonchent  le  sol,  un  peu  plus  loin,  sur  l'emplacement 
du  village  antique  au  bord  du  Dowéridj. 

Il  est  évident  que  cette  poterie  fine  ne  pouvait,  en  raison  de  sa  fragilité,  être  transportée  dans 
les  migrations  périodiques,  auxquelles  étaient  astreintes  les  populations  semi-nomades  de  la 
plaine  de  Moussian.  Ces  produits,  si  remarquables  par  l'élégance  de  la  facture  et  le  fini  de  la  déco- 
ration, étaient  forcément  destinés  à  n'être  employés  qu'à  demeure. 

On  peut  concevoir  qu'une  semblable  poterie  ait  subsisté  au  service  des  temples,  dans  le  mobi- 
lier religieux,  et  cette  supposition  cadrerait  avec  les  observations  recueillies  à  Tépé  Mourad-Abad. 

La  poterie  fine  abonde  sur  le  point  culminant  qui,  par  son  isolement  et  son  aspect  élancé, 
évoque  l'idée  d'un  zigourat,  ou  de  tout  autre  édifice  réservé  au  culte  et  l'on  ne  découvre,  en  cet 
endroit,  aucune  trace  de  vases  grossiers. 

Il  est  assez  naturel  de  supposer  que  cette  céramique,  contemporaine,  ainsi  que  nous  le 
pensons,  de  l'âge  de  la  pierre  polie,  n'a  jamais  été  que  d'un  usage  restreint.  Mais  l'invention, 
si  antique  qu'elle  soit,  n'a  pas  disparu  sans  laisser  de  traces,  et  cette  poterie  de  luxe  a  persisté 
dans  les  conditions  où  elle  n'était  pas  exposée  à  une  destruction  certaine. 

Sans  doute,  en  dehors  des  temples,  quelques  familles  aisées  possédaient-elles  des  poteries 
fines;  mais  celles-ci,  considérées  comme  objets  exceptionnels,  ne  suivaient  pas  le  mort  dans  sa 
demeure  dernière. 

Il  faut  ici  noter  deux  observations  relevées  dans  les  tranchées  de  Suse  :  premièrement, 
la  poterie  fine,  peinte  ou  non,  s'y  trouve  abondamment  ;  elle  était  très  employée  par  la  popula- 
tion sédentaire  fixée  dans  une  riche  cité.  Deuxièmement,  les  fragments  de  ce  genre  se  décou- 
vrent surtout  dans  les  niveaux  très  profonds,  ce  qui  est  une  preuve  de  l'antiquité  de  l'invention. 

En  règle  générale,  on  remarque,  dans  l'évolution  de  la  céramique,  après  une  première 
manifestation  fort  grossière  et  de  facture  primitive,  une  production  très  fine  comme  pâte  et  soignée 
comme  décoration.  Puis  la  matière  devient  moins  choisie,  l'habileté  des  procédés  décroît,  la 
variété  des  formes  tend  â  disparaître,  l'ornementation  perd  sa  fantaisie  et  son  fini  pour  se  réduire 
de  plus  en  plus,  à  quelques  motifs  communs  ;  enfin  il  ne  sort  plus  des  mains  du  potier  que  des 
œuvres  uniformes,  presque  dépourvues  de  tout  intérêt  artistique. 


84  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


TÉPÉ    FAKHR-ABAD 

A  onze  kilomètres  et  au  Nord-Ouest  de  Tépé  Moussian,  la  haute  butte  de  Fakhr-Abad  (dans 
le  dialecte  lour  Farkawa)  dresse  sa  silhouette  en  pain  de  sucre,  qui  domine  toute  la  région.  L'ex- 
ploration de  ce  tépé  nous  a  révélé  la  succession  indiscutable  d'occupations  diverses.  Dérivée  de 
son  lit  primitif  par  le  travail  de  comblement  des  limons,  la  rivière  Tib  est  venue  heurter  le  pied 
du  tumulus  qu'elle  a  largement  entamé.  L'éboulement  des  couches  supérieures  s'en  est  suivi,  de 
telle  sorte  que  le  flanc  Sud  du  tépé  descend  en  falaise  sur  le  cours  du  Tib.  Cette  disposition  par- 
ticulière offre  une  excellente  coupe  du  terrain. 

A  la  base  on  retrouve  la  poterie  fine  ;  aux  niveaux  plus  élevés,  des  briques  assez  grossières 
et  des  fragments  de  vases  épais  fabriqués  au  tour.  Enfin  le  sommet  est  ceint  d'une  ligne  de  rem- 
parts à  l'intérieur  de  laquelle  subsiste  le  tracé  d'une  construction.  La  nature  et  l'appareillage  des 
matériaux,  galets  de  rivière  cimentés  au  plâtre,  reportent  manifestement  ces  travaux  aux  temps 
des  souverains  sassanides. 

La  position  de  Fakhr-Abad  commande  la  trouée  de  Beyat,  en  même  temps  que  la  plaine,  et 
surveille  la  passe  de  Dinar-Kouh.  En  raison  de  son  importance  stratégique  ce  point  ne  pouvait 
manquer  d'être  occupé  militairement.  Il  semble,  qu'après  avoir  été  un  zigourat  au  début,  Fakhr- 
Abad  ait  été,  dès  la  plus  haute  antiquité,  affecté  à  sa  dernière  destination,  car  on  ne  relève  aux 
alentours  aucune  ruine  de  village. 

DESCRIPTION  DES  OBJETS  DÉCOUVERTS 

Les  fouilles  pratiquées  au  site  de  Tépé-Moussian  et  dans  les  tépés  avoisinants  n'ayant 
amené  la  trouvaille  d'aucun  document  épigraphique,  nous  passerons  sommairement  en  revue 
les  divers  objets  découverts.  Pour  abréger,  ils  seront  classés  par  ordre  de  matières. 

La  céramique  fera  l'objet  de  deux  études  distinctes  selon  qu'il  s'agira  des  fragments  recueillis 
dans  nos  tranchées  ou  des  vases  entiers  qui  proviennent  des  nécropoles  et  formaient  part  du  mobi- 
lier funéraire. 

Brique  cuite.  —  Ce  genre  de  matériaux  s'est  rencontré  surtout  à  Tépé  Moussian  ;  nous  en 
localisons  l'étage,  comme  on  l'a  vu  précédemment,  entre  5  et  7  mètres  d'altitude  au-dessus  de  la 
plaine. 

Le  type  le  plus  répandu  est  de  forme  carrée,  avec  0^,35  de  côté  sur  0^,07  d'épaisseur.  La 
pâte  en  est  homogène,  peu  colorée,  de  cuisson  soignée  et  de  fort  grande  résistance.  Ces  produits 
sont,  en  tous  points,  comparables  aux  briques  de  la  bonne  période  élamite,  si  abondantes  à  Suse. 

Quelques  échantillons  de  cette  fabrication  affectaient  la  forme  biaise  ;  cette  particularité  indique 
qu'ils  avaient  été  employés  à  la  construction  d'une  voûte. 

On  peut  en  inférer  que  l'architecture  était  déjà  loin  des  procédés  primitifs  et  qu'une  certaine 
recherche  présidait  à  l'édification  des  monuments  revêtus  de  briques  cuites.  Un  autre  détail  con- 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


85 


firme  cette  observation.  Nous  avons,   en  effet,  découvert  à  Moussian  une  brique  qui  constitue 
un  élément  de  colonne  cannelée  (fig.  1 1 1).  L'ou- 
verture de  l'angle  étant  de  60°,  il  fallait  six  de  ces 
secteurs  pour  parfaire  le  contour  du  fût. 

Il  résulte  de  ces  observations  que  la  voûte 
et  la  colonne  entraient  dans  la  construction  et 
la  décoration  des  édifices  de  Moussian. 

A  des  époques  plus  reculées  appartiennent 
quelques  échantillons  de  briques  en  pâte  claire 
et  mal  cuite,  analogues  à  celles  qui  caractérisent 
à  Suse  les  monuments  des  Patésis. 

Enfin,  de  rares  spécimens  nous  rappellent 
par  leur  similitude  les  matériaux  employés  aux 

âges  anciens  de  Tello.  Ce  ne  sont  plus  à  proprement  parler  des  briques,  mais  plutôt  des  gâteaux 
d'argile,  d'une. facture,  d'ailleurs,  assez  soignée (i).  L'un  des  plats  est  incurvé  par  la  pression 
opérée  pour  tasser  la  pâte.  La  forme  n'est  point  un  carré  régulier,  les  angles  étant  arrondis  ; 
les  côtés  mesurent  0^,25  xo'",i25  avec  une  épaisseur  de  o'^oy. 

Aux  basses  époques  se  rattachent  des  produits  d'une  fabrication  peu  soignée;  ils  sont  formés 
d'une  pâte  grossière,  mal  cuite,  et  de  couleur  rouge  foncé.  Nous  en  retrouvons  de  nombreux 

débrisdans  les  petits  monticules  environnants,  notam- 
ment à  Tépé  Mohr. 


Fig.  III. 


■  Tépé  Moussian.  Brique  cuite.  Élément  de  colonne  cannelée, 
1/5  grandeur  naturelle. 


Fig.  112.  —  Tépé  Moussian.  Cachet  en  pierre,  gr.  nat. 


L.\  PIERRE.  —  Nul  indice  ne  nous  a  montré  que 
cette  matière,  dont  le  travail  difficile  exige  un  certain 
art,  ait  été  employée  dans  la  construction  à  Tépé 
Moussian.  Nous  ne  l'y  voyons  figurer  qu'à  l'état  de 
seuils  de  porte  grossièrement  dressés.  Les  pierres  de 
gonds  abondent,  mais  ce  ne  sont  que  de  simples  galets,  tantôt  creusés  incomplètement  en  godets, 
tantôt  perforés  de  part  en  part. 

Pour  les  usages  ménagers  l'emploi  de  la  pierre  est  fréquent  ;  nous  la  trouvons  sous  forme 
de  broyeurs  à  grains,  de  pilons,  de  pesons,  de  fusaïoles,  de  grosses  billes,  etc.  Ces  objets  sont  trop 

(i)  Un  passage  d'Hilprecht  sur  des  briques  semblables  trouvées  à  Nippour,  dans  la  couche  pré-Sargonide  semble 
confirmer,  par  analogie,  Tarchaïsme  des  constructions  de  Moussian  —  O.  B.  I.  — ■  Par-t  II,  page  24.  «  Somewhat  below 
«  the  pavement  of  Naram-Sin,  between  the  entrance  to  the  ziggurat  and  the  E.  corner,  stood  an  altar  of  sun-dricd 
«  bricks...  At  a  distance  ofnearly  2  m.  from  the  altar  (in  front  of  it,and  i"',25  below  the  top),  was  a  lowwall  of  bricks, 
«  whose  limits  hâve  not  yet  been  found.  .\pparently  it  marked  a  sacred  enclosure  around  the  altar,  for  it  extended  far 
«  under  the  pavement  of  Naram-Sin  and  reappeared  under  the  W.  corner  of  the  ziggurat.  The  bricks  of  which  this 
«  curb  was  built  areplano-convc.xin  form  (length  and  breadth  of  24,5x18  c.  m.).  Theyare  laidin  mud,  seven  courses 
«  (=:45  c.  m.)  high  ;  the  conve.x  surface,  which  is  curiously  created  lengthwise,  being  placed  upward  in  the  wall.  » 


86 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


connus  pour  qu'il  soit  utile  de  les  figurer  ou  d'en  décrire  la  forme,  du  reste  invariable.  Nous  repro- 
duirons simplement,  à  titre  de  rareté,  un  cachet  en  pierre,  dont 
l'intaille  est  très  archaïque  (fig.  112). 

Nous  avons  dit,  d'autre  part,  combien  le  silex  taillé  est  abon- 
dant à  tous  les  étages  de  Moussian  et  dans  les  tépés  voisins,  spé- 
cialement à  Tépé  Mohamed  Djaflfar.  Percuteurs,  nuclei,  lames, 
racloirs,  scies  et  éléments  de  faucilles  foisonnent  dans  toute  cette 
région.  Les  poinçons  et  les  pointes  sont  plus  rares  ;  nous  n'avons 
point  recueilli  de  têtes  de  lances,  ni  de  flèches.  Par  contre  les 

Fig.  in.— Tépé  Moussian.  Masse  sphéroïde,  ,      ,  .  ,  ,         ,,  r  j 

roche  grise,  2/3  grandeur  naturelle.        armes  de  hast  sout  copieusement  représentées  sous  forme  de 

masses  et  de  haches. 
Les  masses  sont  sphériques  (fîg.  1 13) ou  ovoïdes;  nous  n'avons  point  rencontré  la  massue 
réniforme  qui  est  fréquente  à  Suse. 


.h&SuU-^^' 


Fig.  114.  —  Tépé  Moussian.  Haches  en  pierre  polie,  2/3  grandeur  naturelle. 

Les  haches  ont  été  trouvées  dans  les  couches'^profondes,  à  dix  mètres,  avec  les  fragments  de 
poterie  peinte,  fine  ou  épaisse  ;  elles  sont,  le  plus  souvent,  par  leur  facture  et  par  leurs  lignes 
(fig.  114)  la  transition  entre  les  coups  de  poing  de  l'âge  paléolitique  et  les  armes  de  l'époque 
de  la  pierre  polie. 


Fig.  115.  Fig.  116. 

Fig.  115.  Khazinèh.  Hache  en  pierre  polie,  calcaire  compact  rose,  1/2  grandeur  naturelle. 
Fig.  116.  Tépé  Moussian.    Hache  marteau,  pierre  polie,  roche  verte,   2/3  grandeur  naturelle. 

De  cette  dernière  période  nous  possédons  deux  pièces  intéressantes.  L'une  est  une  hache 
très  finement  achevée,  trouvée  à  Tépé  Khazinèh  (fig.  115);  nous  en  avons  parlé  plus  haut  en 
traitant  des  fouilles  dans  cette  nécropole.   L'autre  (fig.   116)  est  une  hache-marteau,  malheu- 


FiG.  117.  —  Tépé  Moussian.  Fusaïoles  en  terre  cuite,  2/3  grandeur  naturelle. 


\.  Conique,  jaune  clair,  décor  brun  foncé.  —  2.  Discoïde,  jaune  foncé,  décor  rouge  brun.  —  3.  Conique,  jaune  clair,  décor  brun.  —  4.  Cru- 
ciforme, jaune  clair,  décor  rouge  foncé.  —  5.  Jaune  clair,  sans  décor,  —  6.  Jaune  clair,  sans  décor.  —  7.  Conique,  jaune  clair,  décor 
noir.  —  8.  Plate,  jaune  clair,  décor  brun.  —  9.  Conique,  pâte  verdàtre,  décor  noir.  —  10  et  11.  Jaune  clair,  sans  peinture,  modelage  et 
incisions  sur  le  pourtour. 


88 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


reusement  brisée,  mais  d'un  fort  beau  travail;  elle  provient  d'une  tranchée  en  surface  ouverte 
près  de  notre  camp  à  Tépé  Moussian. 

Terres  cuites.  —  Quantité  de  petits  objets  se  rangent  dans  cette  catégorie. 
Ce  sont,  en  premier  lieu,  les  fusaïoles  que  l'on  rencontre  si  communément  dans  toutes  les 
fouilles.  Le  plus  grand  nombre  ne  porte  ni  peinture  ni  ornementation.  Nous  avons  groupé 
à  la  figure  117  les  types  généraux  soit  d'une  forme  courante,  soit  des  effets  obtenus  par  modelage 

ou  incision  (10  et  1 1),  soit  des  décors 
résultant  d'applications  en  couleurs 
(i,  2,  3,  4,  7,  8  et  9).  Dans  ce  dernier 
genre  le  spécimen  4  est  le  plus  remar- 
quable par  sa  forme.  Il  serait  superflu 
de  décrire  ici  les  divers  décors  en  cou- 
leurs, d'ailleurs  fort  simples;  l'étude 
de  la  céramique  peinte  nous  en  four- 
nira des  exemples  autrement  variés 
et  réussis. 

La  fabrication  des  fusaïoles  n'of- 
rait  aucune  difficulté  ;  celle  des  cornes 
en  terre  cuite  n'était  pas  moins  aisée. 
Aussi  sont-elles  également  fort  communes,  très  diverses  de  formes  et  de  dimensions  (fig.  1 18).  On  en 
trouve  souvent  à  Suse  qui  sont  munies  d'un  trou  de  suspension  et  devaient  être  employées  comme 
amulettes.  Elles  représentaient  donc  un  symbole  (qui  fut,  plus  tard, 
celui  de  l'abondance)  et  une  idée  superstitieuse  s'y  attachait.  /^    "*^ 

L'art  n'entre  pour  rien  dans  la  confection  des  fusaïoles  et  des  ffi^®^-^ 

cornes.  Il  n'en  va  pas  de  môme  pour  la  représentation,  en  terre 
cuite,  des  animaux  et  de  la  figure  humaine.  Les  spécimens  que  nous 
a  fournis  Tépé  Moussian  n'indiquent  pas  un  niveau  d'art  bien  élevé. 
Témoin  le  lion  (?)  dont  nous  reproduisons  la  rudimentaire 
silhouette.  Des  taches  de  peinture  noire  simulent  le  pelage;  un  trou 
de  suspension  traverse  le  corps  (fig.  119).  Quelques  représenta- 
tions, plus  ou  moins  informes,  de  têtes  de  taureau  sont,  avec  ce 
lion,  les  uniques  manifestations  du  savoir-faire  de  l'animalier. 

.  r  •  1         o    1   •       j      T-  "9'  ~       P*^  Moussian.  Terre  cuite 

Ce    sont   aussi   de    pauvres    figurmes    que    les    BcltlS    de    iépé         jaune  tachetée  de  noir,  2/3  gr.  nat. 

Moussian,  elles  accusent  un  archaïsme  indéniable,  mais  également 

un  style  fruste  et  provincial  sur  lequel  le  voisinage  de  Suse  n'a  pas  réagi  (fig.  120  à  126).  Tantôt 
la  tête  disproportionnée  s'implante  directement  sur  le  tronc  d'où  s'incurvent,  vers  les  mamelles, 
deux   rudiments  de  bras;  les  mains  ne  sont  même  pas  indiquées,  non  plus  que  les  pieds;    les 


Fig.  118.  —  Tépé  Moussian.  Cornes  en  terre  cuite  jaune,  2/3  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


89 


jambes  se  rattachent  g-auchement  au  bassin  qui  est  étriqué,  contrairement  à  la  convention  des 
figurines  chaldéennes  (fig.  120).  Tantôt  la  coiffure  n'est  pas  modelée;  les  yeux  saillent,  formés 
d'un  pastillage,  la  bouche  n'est  qu'un  trait  incisé  dans  l'argile  et  le  cou,  d'une  grosseur  déme- 
surée, déborde  les  mâchoires  (fig.  121).  Tantôt  les  proportions  sont  mieux  observées,  mais  les 
lignes  du  corps  restent  flous,  les  hanches  fuyantes  et  les  détails  demeurent  absolument  négligés 
(fig.  122).  Une  seule  tête  (fig.  123)  montre  quelque  souci  de  l'observation. 


Fig.  125. 


Fig.  120.  FiG.   121.  Fig.  122. 

FiG.  120-125.  —  Tcpé  Moussian.  Terres  cuites  jaune  clair,  2/3  grandeur  naturelle. 

Deux  attitudes  différentes  s'observent  dans  ces  statuettes,  de  même  que  dans  la  série  des 
Beltis  susiennes.  Ou  bien  la  déesse  offre  ses  mamelles,  enserrées  dans  ses  deux  mains,  ou  bien 
les  avant-bras  sont  ramenés  à  angle  droit  sur  la  poitrine,  les  mains  croisées  au-dessous  des  seins 
(fig.  1 24  à  1 26),  geste  que  nous  retrouvons  dans  la  plupart  des  grandes  statues  découvertes  à  Suse. 

Il  nous  reste  à  mentionner  une  petite  tablette  rectangulaire,  en  terre  cuite  rouge,  de  pâte 
fine,  que  nous  considérons  comme  appartenant  à  une  époque  très  archaïque.  Elle  est  divisée  pour 
les  figurations  en  trois  registres  (fig.  127).  Celui  du  haut  porte  quatre  cercles  dans  lesquels  est 
inscrite  une  étoile;  nous  y  voyons  des  représentations  astrales;  celui  du  bas  est  occupé  par  un 
dessin  géométrique  qui  peut  figurer  une  construction.  Dans  le  registre  intermédiaire  s'affrontent 


90 


FOUILLES  DE  iMOUSSIAN 


deux  oiseaux.  Nous  pensons  que  l'artisan  a  prétendu  reproduire  la  grosse  outarde  ou  l'autruche. 


FiG.   124. 

FiG.  124-126. 


FiG.  125.  FiG.  126. 

Ti^'pé  Moussian.  Terres  cuites  jaunes,  2/5  grandeur  naturelle. 


Ce  longipède,  que  l'on  confinait  dans  la  faune  africaine,  semble  avoir  existé  en  Asie,  aux  âges 
reculés.  Si  le  traducteur  n'erre  point,  Xénophon  relate  qu'il  pourchassa  ce  gros  gibier  dans  les 

plaines  de  l'Euphratc  (i).  Rien  n'infirmerait,  en  conséquence,  sa  pré- 
sence aux  temps  antiques  dans  la  région  de  Moussian. 

Suse  nous  produit  quantité  de  tablettes  analogues,  d'une  pâte 
jaune  clair;  aucune  d'elles  n'offre  ce  genre  de  sujet  ni  de  style.  L'or- 
nementation en  relief  se  compose,  le  plus  fréquemment,  de  dessins 
géométriques,  parfois  aussi  de  représentations  végétales.  Souvent 
sont  figurés  des  personnages  humains  dans  des  scènes  erotiques.  Les 
figurations  animales  sont  exceptionnelles  et  se  bornent  aux  poissons  ; 
encore  ce  dernier  motif  peut-il  être  attribué,  avec  vraisemblance,  au 

FiG.  127.- Tépé Moussian.  Tablette    Sy"^bolisme  chrétien. 

en  terre  cuite  rouge,  2/3  gr.  nat.  Nous  citerons,  pour  terminer  la  nomenclature  des  objets  en  terre 

cuite,  une  série  de  perles  grossières,  généralement  cylindriques. 
L'argile  crue  qui,  sans  aucun  doute,  à  Moussian  comme  partout  ailleurs,  était  employée  pour 
modeler  des  animaux  et  des  figurines  humaines,  a  disparu  délitée  par  les  pluies.    Nous  ne  la 
retrouvons  que  sous  l'aspect  de  balles  de  fronde,  en  forme  d'olives. 

(i)  Aîiabase  A.  V.  «  Il  (Cyrus)  traverse  ensuite  l'Arabie,  ayant  l'Euphrate  à  droite  et  fait  en  cinq  étapes,  dans  un 
«  désert,  trente-cinq  parasanges.  La  terre,  en  ce  pays,  est  une  vaste  plaine,  unie  comme  une  mer  et  pleine  d'absinthe. 
«  Tout  ce  qu'il  y  croît  de  plantes  ou  de  roseaux  est  aromatique,  mais  il  n'y  a  point  d'arbres.  Les  animaux  sont  de 
«  nombreux  ânes  sauvages,  et  beaucoup  d'autruches  'ort  grandes,  des  outardes,  des  gazelles.  Les  cavaliers  poursui- 
«  valent  parfois  ces  animaux.  v> 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


91 


FiG.  128.  —  Tcpé  Moiissian.  Bronze 
Fragment  de  représentation  solaire, 
1/3  grandeur  naturelle. 


Les  métaux  étaient  rares  dans  cette  région.  A  peine  avons-nous  relevé  quelques  traces  de 
1er  provenant  d'occupations  postérieures.  Le  cuivre  ou  le  bronze  étaient  d'un  usage  plus  courant, 
encore  que  peu  répandu,  pour  la  fabrication  des  armes  et  des  or- 
nements. A  Tépé  Moussian  même  les  fouilles  n'ont  exhumé  que 
des  anneaux,  un  bracelet  (dans  une  sépulture  formée  de  deux 
grands  vases  accolés),  un  fragment  de  ravon  solaire  (fig,  128), 
débris  d'une  représentation  très  connue,  celle  de  Shamas,  qui 
couronne  fréquemment  des  koudourrous  ou  des  stèles  (notam- 
ment la  stèle  de  Hammourabi),  et  dont  le  dessin  orne  la  couverture 

même  de  ce  volume;  et  enfin  la  pointe  d'un  ciseau.  Dans  les  nécropoles  nous  avons  recueilli  des 
haches,  des  têtes  de  lances  et  des  flèches,  des  lames  de  poignards,  des  épingles,  des  bagues,  des 
perles  et  une  coupe.  Nous  figurerons  plus  loin  ces  divers  objets,  dont  la  forme  est 
d'une  indication  utile  pour  déterminer  l'âge  de  la  céramique. 

Les  métaux  précieux  ne  sont  représentés  que  par  quelques  plaques,  bos- 
scttes  et  pendeloques  d'argent  en  fort  mauvais  état  ;  l'ornementation,  au  re- 
poussé, est  très  simple  et  ne  diffère  pas  des  objets  similaires  fournis  par  les 
nécropoles  du  Talyche.  Nous  avons  aussi  trouvé  des  perlettes  d'argent.  L'or  fait 
absolument  défaut. 

Le  plomb  apparaît  sous  la  forme  d'un  pommeau  couronnant  un  bâton 
(fig.  129). 

Ce  sont  les  pierres  de  couleur  qui  constituent  le  principal  élément  des 

parures,  colliers  et  bracelets.  La  cornaline  et  le  lapis-lazuli  sont  seuls  employés. 

La  taille  en  est  primitive  et  la  'perforation,  pratiquée  sur  deux  faces  opposées, 

est  presque  toujours  mal  centrée. 

Les  perles  de  pâte  émaillée,  si  nombreuses  dans  les  sépultures  du  Talyche,  sont  en  très  faible 

proportion  dans  les  nécropoles  que  nous  avons  explorées  autour  de  Tépé  Moussian.   En  fait 

d'autres  objets,  composés  de  cette  matière,  nous  n'avons  à  signaler  qu'un  cachet  cylindre  de  pâte 


FiG^i29.  —  Pommeau 
en  plomb,  1/2  gr.  nat. 


Fig.  130.  —  Cachet-cylindre  en  pâte  blanche,  grandeur  naturelle. 


blanche  dont  la  gravure  représente,  entre  des  chevrons,  un  personnage  tenant  à  chaque  main  un 
poignard,  et  un  cervidé,  chèvre  ou  bouquetin  (fig.  130).  Nous  croyons  que  ce  cylindre  est  de 
basse  époque. 


92 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


FiG.  131.  —  Petit  scarabée 
pâte  émaillée,  vert  clair, 
grandeur  naturelle. 


Aux  temps  achéménides  postérieurs  à  Darius  I"  appartiennent  deux  scarabées.  L'un,  de 

petite  dimension,  est  en  pâte  émaillée  d'un  vert  pâle.  Le  signe  qu'il  porte  peut  être  babylonien, 

mais  l'hiéroglyphe  égyptien  existe  sous  la  même  forme  (fig.  131).  Le  second 
scarabée,  en  pâte  émaillée  vert  foncé,  est  beaucoup  plus  grand.  Il  nous 
offre  une  inscription  hiéroglyphique  très  fruste  et  de  mauvaise  facture. 
Une  sorte  de  cartouche,  surmonté  de  l'oiseau  sur  son  perchoir  contient 
trois  signes.  A  gauche  deux  figurations  semblent  représenter  le  scorpion 
et  le  crocodile.  Il  se  pourrait  que  ce  fût 

l'œuvre  d'un  artisan  indigène  qui  se  serait  efforcé  de  copier 

maladroitement  une  inscription  qu'il  ne  savait  lire  (fig.  132). 

Ce  scarabée  nous  a  été  apporté  après  clôture  des  fouilles  par 

un  nomade  qui  nous  afïîrma  l'avoir  trouvé  dans  les  déblais. 

Mais,  faute  de  contrôle,  nous  n'en  pouvons  garantir  la  pro- 
venance. 

Pour  en    revenir  aux  objets  de  fabrication   nettement 

locale,  les  parures,  dans  la  région  de  Moussian,  étaient  des  ^'° 

plus  simples  et  d'un  caractère  archaïque  bien  marqué.  Cette 

observation  a  son  importance  ;  il  en  faudra  tenir  compte,  en 

même  temps  que  de  la  forme  primitive  des  armes,  quand  nous  aurons  à  dater  la  céramique  des 

mobiliers  funéraires. 


Scarabce,  pâte  émaillée,  vert  foncé, 
grandeur  naturelle. 


CÉRAMIQUE 

Nous  devons  scinder  cette  étude  en  deux  parties  selon  que  les  échantillons  ont  été  recueillis 
dans  nos  tranchées  de  Tépé  Moussian  ou  dans  les  fouilles  des  nécropoles. 

Au  surplus,  la  différence  est  grande  entre  ces  deux  séries,  non  seulement  comme  matière  et 
mode  de  fabrication ,  mais  aussi  comme  procédés  de  décoration .  La  pâte  des  fragments  sortis  de  nos 
tranchées  est  généralement  bien  malaxée,  fine,  d'un  grain  serré  et  dur  ;  la  couleur  a  subi  une  cuisson. 
Dans  les  poteries  des  sépultures,  la  main  d'œuvre  est  plus  négligée  et  la  décoration  a  été  simple- 
ment appliquée  après  la  cuisson  des  pièces.  Nous  considérerons  ces  derniers  produits  comme 
postérieurs  en  date,  d'après  l'évolution  de  la  céramique  telle  que  nous  l'avons  exposée  page  83. 

Rationnellement,  il  nous  faut  donc  débuter  par  l'examen  des  fragments,  avant  d'aborder 
l'étude  des  vases  entiers.  Nous  sommes,  en  outre,  guidés  par  cette  considération  qu'un  grand 
nombre  de  motifs,  que  nous  observons  isolément  sur  la  première  céramique,  se  rencontrent 
groupés  sur  la  seconde.  Cette  méthode  du  simple  au  composé  facilitera  la  description  des  objets. 


Frag.mexts  décorés.  — Nous  avons  signalé  (page  82)  l'existence  à  Tépé  Mohamed  Djaf- 
far  d'une  poterie  épaisse,  d'un  rouge  vif,  à  surface  lissée. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  95 


Ces  spécimens,  malheureusement  trop  peu  importants  pour  être  reproduits,  datent,  selon 
nous,  des  premiers  âges  de  la  céramique  ;  ils  accompagent  le  silex  taillé  et  offrent  un  singulier 
aspect  de  parenté  avec  les  poteries  préhistoriques  d'Abydos,  Toukh,  El  Amrah,  Kawamil,  Sil- 
silé(i).  Ils  sont  parfois  ornés  de  rehauts  et  pourvus  d'oreillettes  percées  d'un  trou  de  suspension. 
On  les  trouve  associés  à  des  produits  d'une  pâte  ana- 
logue, d'un  grain  peu  serré,  mais  de  couleur  brune  ou 
jaune  foncé. 

D'une  époque  non  moins  reculée  est  un  fragment 
(fond  de  vase)  modelé  sur  un  panier  servant  de  support 
à  l'argile  (fig.  133).  Cet  échantillon  nous  a  été  fourni 
par  la  tranchée  la  plus  profonde  de  Tépô  Moussian. 

fT  r       j    j  •  I     ••  j      ^'*'-  '33-  —  TépiJ  Moussian.    Fig.  134.  —  Tépé  Moussian. 

Un   autre   tond    de  vase    non    moms    archaïque,    de        Fond  de  vase,  terre  cuite        Fond  de  vase,  pâte  lissée, 

même  provenance,  mais  d'une  forme  et  d'une  facture     '°"s>^^oncù,  2/5  gr.  nat.       rouge  clair,  décor  rouge 

'^  fonce,  2/3  gr.  nat. 

différentes  (fig.    13.1),   nous    donne   un   premier   essai 

de  décoration  en  couleur,  rouge  foncé  sur  rouge  clair,  motif  et  tons  que  nous  relevons  aussi  sur 

les  fragments  de  Tépé  xMohamed  Djaffar. 

Nous  groupons  à  la  figure  135  trois  spécimens  qui  ont  encore  une  grande  analogie  avec  la 
poterie  préhistorique  peinte  observée  en  Egypte  dans  les  nécropoles  antérieures  à  l'usage  du 
métal(2).  Ils  nous  apparaissent  à  Tépé  Moussian,  comme  intermédiaires  entre  la  céramique  de 
l'époque  du  silex  taillé  et  celle  que  nous  avons  lieu  de  croire  contemporaine  de  la  pierre  polie. 

Cette  dernière  est  bien  caractéristique;  elle  marque  une  industrie  spéciale  à  la  Susiane  et 
justifie  la  dénomination  de  poterie  fine  que  nous  lui  avons  appliquée. 

La  finesse  de  la  pâte,  la  beauté  et  la  variété  des  décors  attestent  un  art  rafTiné.  Les  formes 
les  plus  usitées  sont  celles  de  coupes,  de  jattes  et  de  plats  dont  les  parois  sont  parfois  presque  aussi 
minces  que  de  la  porcelaine. 

Sans  en  posséder  le  poli  et  l'imperméabilité,  elles  ont,  de  cette  matière,  le  grain  serre,  la 
dureté,  la  sonorité  avec  une  fragilité  plus  grande  encore. 

La  pâte  est  d'une  homogénéité  parfaite,  d'un  ton  jaune  pâle  ou  vert  clair,  et  quelquefois, 
mais  très  rarement,  rougeàtre.  Le  décor  a  été  appliqué  préalablement  à  la  cuisson,  qui  devait 
avoir  lieu  à  une  température  élevée.  Sur  certains  échantillons  on  peut  observer  que  l'artisan  a 
tracé  son  dessin  en  creux  dans  la  pâte  avant  d'apposer  la  couleur  qui  est  le  plus  souvent  un  noir 
franc  ou  un  brun  luisant,  ou,  exceptionnellement,  un  rouge  brun.  C'est  la  poterie  fine  qui  nous 
présente  les  décors  les  plus  remarquables  comme  sincérité  d'observation  et  habileté  d'exécu- 
tion ;  c'est  à  elle  seule  que  nous  devons  des  représentations  exactes  de  la  figure  humaine. 

La  qualité  de  la  matière,  la  vérité  des  sujets  et  l'heureuse   composition  des  motifs  concou- 

(i)  Cf.  de  Morgan,  Recherches  sur  les  origines  de  l'Egypte,  L'âge  de  la  pierre  et  les  métaux,  Ethnographie  préhis- 
torique et  Tombeau  royal  de  Négadah. 
(2)  ibid. 


«34 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


rent  pour  assurer  à  cette  céramique  une  supériorité  marquée  sur  les  produits  des  âges  suivants. 
Plus  on  se  rapproche  de  l'apparition  du  métal  plus  il  semble  que  la  décadence  s'accuse  dans 

la  fabrication  et  la  décoration.  C'est  surtout  le  dessin  et  la  couleur  qui  déclinent  dans  la  poterie 

que  nous  qualifions  d'épaisse,  ce  qui  ne 
veut  pas  dire  qu'elle  soit  grossière.  Loin 
de  là,  car  la  pâte  demeure  de  bonne  qua- 
lité dans  ces  produits  qui,  fort  proba- 
blement, ont  commencé  à  coexister  avec 
la  poterie  fine  ;  les  besoins  ménagers  exi- 
geaient, en  effet,  des  ustensiles  plus 
résistants  que  ceux  qui  viennent  d'être 
décrits.  Mais,  peu  à  peu,  l'art  du  potier 
a  déchu  ;  l'artisan  n'a  plus  su  façonner 
la  matière  en  vases  aussi  délicats  et  la 
poterie  épaisse  est  devenue  d'un  usage 
exclusif. 

La  pâte  en  est  toujours  bien  malaxée, 
et  d'un  grain  assez  fin  ;  mais  le  décor, 
quoi  qu'il  soit  fidèle  aux  mêmes  sujets, 
devient  très  lâché  comme  exécution  ;  le 
dessin  est  peu  soigné,  à  moins  qu'il  ne 
s'agisse  d'un  motif  géométrique  ;  lespro- 
^     ,,      .     ^  ,  .  ,    ,  ■  ^       .  portions  sont  défectueuses  dans  les  repré- 

FiG.  135.  —  Tcpe  Moussian.  rragment  de  jatte  profonde,  poterie  nne,  pâte  rou-  ^  _  _ 

geâtre,  décor  rouge  foncé.  —  Fragment  de  coupe,  poterie  jaune  clair,  décor  seutationS  animales,  et  la  peinture  a  perdu 
noir.  — Col  d'un  petit  vase,  poterie  jaune  clair,  décor  noir  figurant  des  pointes  .    ,  .,         ,    ,,        -^i^^  ^•        ^     j 

de  flèches,  grandeur  naturelle.  Sa  ténaCltC,  SOlt  qu  ellc  ait  été  appliquée  de 

façon  négligente,  soit  qu'elle  n'ait  subi 
qu'une  cuisson  insuffisante,  soit  qu'elle  ait  été  postérieure  à  la  cuisson  des  pièces. 

Ces  distinctions  étant  établies  entre  les  deux  genres  de  poteries  Jine  et  épaisse,  il  n'est  plus 
utile  de  séparer  les  spécimens  de  l'une  des  échantillons  de  l'autre.  La  nécessité  s'impose,  au 
contraire,  de  les  grouper  pour  étudier  les  divers  genres  de  décoration.  Il  suffira  au  lecteur  d'avoir 
en  mémoire,  que  tout  ce  qui  n'est  pas  figuré  avec  la  mention  poterie  fine  peut  être  considéré 
comme  reliant  cette  céramique,  contemporaine  de  la  pierre  polie,  à  la  céramique  de  l'âge  du 
bronze  qui  nous  a  été  livrée  par  les  sépultures. 

Les  motifs  de  décorations  que  nous  avons  observés  peuvent  se  ramener  à  quatre  groupes  : 

1°  Dessin  géométrique  ; 

2°  Figurations  végétales  ; 

3°  Figurations  animales  ; 

4°  Représentations  humaines. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


95 


Ces  groupes  se  subdivisent  eux-mêmes,  selon  le  sujet  du  décor  ;  il  n'est  pas  rare  non  plus, 
cela  va  sans  dire,  que  des  motifs  empruntés  à  plusieurs  groupes  bien 
distincts  soient  combinés  dans  une  même  décoration. 

Nous  passerons  en  revue  ces  divers  sujets  à  commencer  par  les 
plus  simples  pour  aboutir  aux  plus  compliqués. 


Dessin  géométrique.  —  La  ligne  droite  en  est  l'élément  pri- 
mordial :  nous  la  trouvons  employée  seule  très  fréquemment  sur  la 
poterie  fine  de  Suse,  mais  beaucoup  plus  rarement  à  Tépé  Moussian 

/Cp.     1  2f>)  P"^-   '3^'  —  Tcpé  Moussian.  Poterie 

^    o'      y    /  ...  jaune,  décor  noir,  gr.  nat. 

La  ligne  brisée  n'est,  tout  d'abord,  qu  une  série  de  traits  gros- 
siers qui  ne  tardent  pas  à  gagner  en  précision  et  à  s'associer  à  d'autres  éléments  (fîg.   137). 


FiG.  137.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  foncé,  décor  noir.  — Poterie  fine,  pâte  rougeàtre,  décor  brun  ror.ge.  —  Poterie  fine,  jaune  clair, 

décor  noir,  grandeur  naturelle. 

Puis  la  ligne  brisée  est  elle-même  l'objet  d'une  ornementation,  en  même  temps  que  le  décor 
augmente  en  combinaisons  (fig.  138). 


FiG.   138.  —  Tépé  .Moussian.  Poterie  jaune  foncé,  décor  noir.  —  Tépé  Aly-.\b.ui.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian. 

Poterie  fine,  jaune  clair,  décor  brun  rougeàtre,  grandeur  naturelle. 

Avant  de  passer  pas  ces  diverses  étapes  et  d'atteindre  aux  motifs  compliqués,  la  ligne  brisée 


96 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


subit  une  transformation  (très  visible  à  la  figure  139),  qui  fera  d'elle  un  élément  de  dessin  dont 
nous  allons  retrouver  l'emploi  dans  toute  la  céramique,  jusqu'à  celle  des  nécropoles  où  il  est 
particulièrement  fréquent  ;  nous  voulons  parler  des  lignes  ondulées. 


FiG.  159.  —  Transition  entre  la  ligne  brisée  et  la  ligne  ondulée.  —  Tépé  Moussian. Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  2/3  grandeur  naturelle. 

Poterie  fine,  jaune  clair,  décor  brun  rougeâtre,  grandeur  naturelle. 


Ce  genre  de'motif,  si  fréquent  dans  la  céramique  égyptienne  contemporaine  de  l'âge  de  la 
pierre  (i),  a  été  non  moins  mis  à  contribution  par  les  potiers  de  la  Susiane  antique.  Tantôt  ce 


FiG.    140.    —    Tépé    Moussian.     Poterie  Fig.  141.  —  Khazinèh.  —  Poterie  vert  clair,  décor  FiG.   142.  —  Khazinèh.    Poterie 

grossière  jaune,  décor  noir,  gr.  nat.  noir,  grandeur  naturelle.  fine,    jaune   clair,    décor    noir, 

grandeur  naturelle. 

sont  de  simples  ondulations  courant  en  parallèles  (fig.  140)  ;  tantôt  le  même  décor  élémentaire  se 


(i)  Cf.  Recherches  sur  les  origines  de  l'Egypte.  L'âge  de  la  pierre  et  les  métaux,  par  J.  de  Morgan.  Planches  IV, 
V,  VI,  VII,  VIII,  IX  et  X. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


97 


répète  associé  à  des  ondulations  enchevêtrées  (fîg.  141).  La  ligne  ondulée  devient  très  vite  une 
ornementation  soit  unique  (fîg.  142),  soit  combinée  avec  d'autres  décors  rectilignes  (fig.  143). 


FiG.  145.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Khazinèh.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Khazinèh.  Poterie  jaune  clair, 

décor  noir,  grandeur  naturelle. 


C'est  principalement  sur  les  grands  vases  que  nous  l'observons  à  l'état  de  décor  géomé- 
trique bien  défini,  sous  forme  de  festons  (fig.  144). 


Fig.  144.  ■—  ïépé  Moussian.  Fragnitut  du  col  d'un  grand  vase,  poterie 
épaisse,  jaune  clair,  décor  brun  rougeâtre,  grandeur  naturelle. 


Fig.  145.  —  Tépé  Moussian.   Poterie  épaisse,  jaune  clair, 
décor  noir,  grandeur  naturelle. 


L'espace  compris  entre  les  courbes  est  orné  de  lignes  perpendiculaires.  Une  série  de  droites 
parallèles  encadre  les  festons  ;  la  décoration  est  complétée  par  un  semis  de  petites  croix. 

La  figure  145  nous  offre  une  ornementation  qui  diffère  peu  de  la  précédente.  Sauf  en  ce 
qui  concerne  le  motif  supérieur,  la  disposition  est  similaire. 

Un  décor  très  usité  est  celui  que  nous  donne  le  fragment  de  grande  jatte  reproduit  ci-des- 

13 


9« 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


SOUS  (fig.  146).  Ces  jattes  étaient  profondes,  très  résistantes  vu  l'épaisseur  de  leurs  parois,  et, 
par  suite,  d'un  bon  usage  ménager.  Aussi  en  avons-nous  trouvé  de  fort  nombreux  fragments. 

Enfin  la  ligne  ondulée  nous  apparaît  sous  l'aspect  de  festons  superposés  (fig.  147)  dans  la 
décoration  du  fond  d'une  coupe.  Ces  ustensiles  étaient  décorés  tantôt  à  l'extérieur,  tantôt  à  l'inté- 
rieur, ce  qui  est  ici  le  cas.  Nous  avons  quelques  exemples  d'une  décoration  double,  intérieurement 
et  extérieurement. 


Fig.  146.  —  Tcpé  Moussian.  Fragment  d'une  grande  jatte,  poterie  épaisse 
jaune,  décor  brun  rougeàtre,  grandeur  naturelle. 


Fig.  147.  —  Tépé  Moussian.  Fond  d'une  coupe, 
pâte  jaune  clair,  décornoir,  grandeur  naturelle. 


Pour  suivre  le  passage  de  la  ligne  brisée  à  la  ligne  ondulée,  nous  avons  dû  abandonner  le 
dessin  rectiligne  ;  il  nous  y  faut  revenir  afin  d'étudier  les  motifs  qui  dérivent  directement  de  la 
ligne  brisée,  à  savoir  le  chevron,  le  triangle  et  le  décor  en  dents  de  loup.  Nous  les  retrouverons 
combinés  dans  une  foule  de  décorations  très  variées. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  un  motif  aussi  simple  que  celui  du  chevron  ;  nous  en  avons  un 
exemple,  d'effet  très  réussi,  dans  la  figure  148,  où  il  est  employé  isolément.  C'est  le  cas  le  plus 
commun  pour  ce  motif  dans  la  poterie  peinte  découverte  à  Suse. 

11  a  suffi  que  le  chevron  vînt  s'appuyer  sur  une  bande  décorant  le  pourtour  d'un  vase  pour 
que  le  triangle  fût  déterminé  (fig.  149).  Dans  le  spécimen  que  nous  reproduisons,  deux  zones  de 
chevrons  sont  superposées.  Les  sommets  d'angle  sont  dirigés  alternativement  vers  le  col  et  vers 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


99 


la  base  de  la  poterie  ;  les  chevrons  s'intercalent,  de  la  sorte,  les  uns  dans  les  autres,  en  sens  opposé, 
formant  une  sorte  d'engrenage. 


FiG.  148.  —  Tépé  Moussian.  Poterie        Fie.   149.  —  Tépé  Moussian.   Poterie  jaune  clair,  décor        Fig.  150.  —  Tépé  Moussian.  Poterie 
fine,  jaune  clair,  décor  rouge,  gr.  noir,  grandeur  naturelle.  jaune  clair,  décor  brun,  gr.  nat. 

nat. 

L'artisan  s'est  ensuite  appliqué  à  garnir  la  surface  du  triangle  soit  au  moyen  de  traits  croisés 


Fig.  151.  —  Mourad-Abad.  Moitié  d'une  coupe.  Poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 

(fig.  I  50),  soit  en  la  couvrant  entièrement  d'un  enduit,  comme  dans  la  série  de  triangles  accotés 
qu'il  a  jetés  si  élégamment  en  travers  d'une  coupe  (fig.  151). 


100 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


FiG.  152.  —  Mourad-Abad.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  pâle,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 

La  variété  s'accuse  de  plus  en  plus  avec  l'emploi  de  ce  motif  ;  ou  bien,  décoré  intérieurement 


FiG.  153.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine  jaune  clair,  décor  brun  clair.  —  Poterie  fine  jaune  clair,  décor  noir.  —  Poterie  jaune  clair, 

décor  noir,  grandeur  naturelle. 

de  traits  entre-croisés,  il  est  associé  à  un  décor  en  damiers,  ou  bien  le  décor  en  damiers  occupe  la 


FiG.  154.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  épaisse  rouge  clair,  décor  brun  foncé,  grandeur  naturelle. 

surface  du  triangle  (fig.  1 52),  produisant  un  joli  effet  par  l'alternance  des  carrés  clairs  et  foncés 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


101 


Lorsque  la  surface  du  triangle  est  colorée  en  plein,  c'est  par  l'agencement  du  dessin  même 
et  par  la  combinaison  que  l'artisan  varie  ses  effets.  Tels  sont  les  décors  obtenus  au  moyen  de 
triangles  accolés  par  la  base,  ou  alternant  de  même  sur  une  bande,  ou  remplissant  les  angles 
formés  par  des  chevrons  (fig.  153). 


FiG.   155.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 
Poterie  jaune  clair,  décor  brun  avec  quadrillés,  1/2  grandeur  naturelle. 

Un  autre  motif,  que  nous  retrouverons  sur  presque  tous  les  vases  des  nécropoles  autour  de 
Tépé  Moussian,  est  déterminé  au  moyen  de  triangles 
opposés  par  leur  sommet  (fig.  i  54). 

Dans  cet  exemple  la  surface  des  triangles  est  ornée 
de  traits  parallèles.  La  figure  155  nous  donne,  au  con- 
traire, des  triangles  opposés  dont  la  surface  est  colorée 
en  plein.  Nous  aurons  à  revenir  sur  ce  genre  de  déco- 
ration. Quelques  auteurs,  qui  font  autorité  dans  l'étude 
de  la  céramique  grecque,  ont  vu  dans  ce  motif  la  figura- 
tion de  la  hache.  Cette  interprétation  peut  être  très  fondée 
lorsqu'il  s'agit  des  armes  de  Hellènes,  mais  nous  devons 
faire  observer  ici  qu'aucune  des  haches  de  bronze  trou- 
vées dans  les  nécropoles  de  Moussian  ne  correspond 
comme  type,  au  motif  décoratif  peint  sur  nos  poteries  et 

qui  doit,  par  conséquent,  dériver  d'une  autre  origine.  Nous  avons,  toutefois,  dans   notre  céra- 
mique peinte  la  figuration  de  la  pointe  de  flèche. 

La  fantaisie  de  l'artisan  varie  incessamment  dans  la  disposition  des  triangles,  qui  sont  ornés 
à  l'intérieur  de  traits  entre-croisés  (fig.  156)  ou  de  damiers  ménagés  dans  un  fond  unicolorc. 
Dans  le  dernier  cas  que  nous  citons  le  triangle  est  décomposé  en  deux  éléments  (fig.  i  57). 

Bientôt  ce  seront  les  lignes  mêmes  du  triangle  qui  seront  l'objet  d'une  ornementation  plus 


Fig.  156.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  clair, 
décor  brun,  grandeur  rxiturelle. 


102 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


OU  moins  simple  (fig.  i  58).  La  forme  géométrique  tendra  dès  lors  à  s'altérer.  Dans  le  début,  le 
décor  ne  perdra  rien  à  cette  modification  qui  rompt  la  sécheresse  des  lignes  et  dont  l'effet  est,  par 


Fig.  157.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  de  grand  vase,  pâte  vert  clair, 
décor  noir,  grandeur  naturelle. 


Fig.  158.  —  Tépé  Moussian.  Fragment 
de  jatte.  Poterie  très  fine,  jaune  pâle, 
décor  noir,  grandeur  naturelle. 


suite,  assez  heureux.  Mais  la  transformation  ne  tardera  pas  à  faire  oublier  l'origine  même  de  ce 

motif  et  il  deviendra  difficile  de  le  discerner  dans  le  dessin,  assez  négligé, 
d'ailleurs,  que  reproduit  la  figure  i  59. 

Mais,  avant  de  dégénérer  à  cet  état  de  confusion,  le  triangle  a  fourni 
au  décorateur  un  motif  très  agréable  à  l'œil  par  son  élégante  simplicité. 
Aussi  l'avons-nous  observé  avec  fréquence,  tant  sur  les  poteries  de  grandes 
dimensions  que  sur  les  petits  vases.  II  se  compose  de  triangles  rectangles 
disposés  en  rangées  parallèles.  La  surface  des  triangles  est  toujours 
colorée  en  plein.  Une  très  heureuse  alternance  est  ainsi  établie  entre  les 

Fig.  159.  —  Tépé  Moussian.  ^°"^  foucés  du  décor  et  les  vides  régulièrement  ménagés  sur  le  fond  clair 

Fragment  de  jatte.  Poterie  fine,    de  la  pâte  (fiff.    l6o). 
jaune  clair,  décor  brun  rou-  ,,  ~  / 

geâtre,  grandeur  naturelle.  Souvent  les  tHangles  rectaugles,  soit  comme  motif  unique,  soit  asso- 

ciés à  d'autres  éléments,  se  suivent  rangés  sur  deux  lignes,  mais  avec  une 
direction  contraire,  c'est-à-dire  disposés  tantôt  de  gauche  à  droite,  tantôt  de  droite  à  gauche 
(fig.  161). 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


103 


Enfin  la  même  disposition  s'observe,  mais  avec  transformation  de  la  ligne  droite  en  ligne 


FiG.    160.   —   TéptJ    -Moussian.    Poterie 
jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat. 


FiG.  161.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  foncé,  décor  noir.  —  Poterie 
jaune  clair,  décor  noir,  1/2  grandeur  naturelle. 


courbe  pour  le  côté  de  l'hypothénuse.  Les  triangles  deviennent  ainsi  de  véritables  dents  (fig.  162). 


FiG.  162.  —  ïépé  Moussian.  Poterie  jaune 
clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


Fig.  163.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  d'un  grand  vase  cy- 
lindrique, poterie  épaisse  rougeàtre,  décor  rouge  foncé, 
1/2  grandeur  naturelle. 


Ces  dentelures  ont  la  pointe  dirigée  tantôt  vers  le  haut,  tantôt  vers  la  base  de  la  poterie.  Elles 


10.1 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


délimitent  entre  elles  des  segments  ménagés  sur  le  fond  de  la  pâte  et  produisent  ainsi  un  nouvel 
ordre  de  décor,  usité  généralement  sur  les  vases  de  dimensions  assez  fortes.  Les  parois  de  ces 
ustensiles  sont  épaisses  et  résistantes  (fig.  163). 

Le  rectangle.  —  Un  fragment  assez  important  d'une  jatte,  trouvé  à  Tépé  Khazinèh,  nous 
montre  l'emploi  du  rectangle,  comme  décor,  à  son  origine.  Cette  poterie  appartient  certainement 

à  une  époque  très  reculée  dans  l'âge  de  la 
pierre  polie.  On  ne  saurait  louer  la  régula- 
rité du  dessin,  cependant  l'intention  de  tracer 
des  sortes  de  rectangles  est  assez  manifeste. 
L'ouvrier  n'y  a  guère  réussi  et  il  ne  faut 
voir,  dans  sa  tentative,  que  le  résultat  très 
primitifd'un  essai  encore  maladroit  (fîg.  164). 
Cependant  l'art  du  potier  avait  déjà  atteint 
un  grand  degré  de  perfection,  si  nous  en 
jugeons  par  la  finesse  de  la  matière  et  le 
soin  avec  lequel  la  cuisson  a  dû  être  con- 
duite. La  pâte  est  d'un  grain  très  serré,  avec 
une  forte  proportion  de  silice  qui,  soumise 
à  une  température  élevée,  a  donné  un  pro- 
duit remarquable  par  sa  dureté,  son  imper- 
méabilité et  sa  sonorité,  mais  dont  la  fragilité 
est,  d'autre  part,  extrême.  Ce  genre  de  po- 
terie constitue  un  essai  des  plus  intéressants 
et  qui  n'est  pas  isolé,  car  nous  avons  re- 
cueilli de  nombreux  fragments  de  cette  céra- 
mique à  parois  minces  et  à  pâte  verdâtre. 
Mais,  dans  le  cas  présent,  au  point  de  vue 
de  la  décoration,  ou  bien  l'ornemaniste 
manquait  d'expérience,  ou  bien  il  s'est  mon- 
tré, dans  son  travail,  d'une  négligence  ex- 
trême. L'effet  obtenu  n'est,  cependant,  pas  désagréable. 

Avec  la  figure  165  qui  suit,  le  dessin  se  précise.  Encore  incomplet  dans  le  premier  échan- 
tillon (fragment  de  gobelet)  le  rectangle  se  définit  de  façon  régulière  dans  le  spécimen  suivant. 
Il  est  déterminé  par  des  séries  de  trois  lignes  parallèles  qui  se  coupent. 

Mourad  Abad  nous  fournit  l'exemple  d'un  dessin,  moins  régulier  comme  lignes,  mais  avec 
un  commencement  d'ornementation  intérieure  constituée  par  un  simple  point. 

Puis  ce  sont  des  lignes  droites  qui  interviennent  pour  garnir  l'intérieur  des  rectangles: 


Fig.  164. 


Khazinèh.  Fragment  d'une  jatte,  poterie  fine,  pâte  verdâtre, 
décor  noir,  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


105 


d'abord  trois  traits  parallèles,  puis  deux  médianes,  ou  une  médiane  coupée  par  deux  perpendi- 
culaires, enfin  des  séries  de  lignes  parallèles  se  recoupant  les  unes  les  autres  pour  former  une 


FiG.  165.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  de  gobelet,  poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  clair, 
décor  rougeâtre.  —  Mourad-Abad.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


sorte  de  grillage  (fig.  166).  Dans  ce  dernier  cas  les  rectangles  sont  très  allongés  et  juxtaposés  à 
l'un  de  leurs  angles. 


Fig.  166.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  d'écuclL',  poterie  jaune  clair,  décor  brun,  2/3  grandeur  naturelle.  —  Khazinèh.  Poterie  fine,  jaur.c 
foncé,  décor  brun  rouge,  grandeur  naturelle.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


Comme  effet  décoratif  obtenu  par  l'emploi  du  rectangle  nous  citerons  encore  (fig.  167)  la 
combinaison  produite  par  l'alternance  de  rectangles  ornés  de  la  sorte,  intôrieurcrnent,  et  délimitant 
entre  eux  d'autres  rectangles  de  ton  clair  ménagés  sur  le  fond  de  la  pâte.  Ils  sont  associés  à  un 
quadrilatère  régulier,  coloré  en  plein,  sur  le  champ  duquel  se  détachent  des  diagonales  et  un 
semis  de  petits  points  clairs  symétriquement  disposé. 


1} 


106 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Un  dernier  échantillon  nous  montre  le  trapèze  intervenant  comme  motif  dans  la  décoration. 
Il  est  associé  à  des  traits  et  à  de  larges  bandes  de  couleur  (fig.  i68).  Cette  poterie  est  très  ancienne 


FiG.  167.  —  Mourad-Abad.  Fragment  de  grand  vase,  poterie  épaisse,  jaune  clair,  décor  noir 

1/2  grandeur  naturelle. 


FiG.  168.  —  Tepé  Moussian.  Fragment 
d'écuelle,  poterie  fine,  jaune  pâle,  décor 
brun  clair,  grandeur  naturelle. 


et  d'une  facture  fort  soignée.  C'est  le  seul  spécimen  de  ce  genre  que  nous  ayons  rencontré  à  Tépé 
Moussian  ;  il  fait  défaut  dans  les  monticules  de  la  région  avoisinante. 


Le  losange.  —  Avec  le  losange  nous  entrons  dans  une  série  de  décorations  très  variées. 
Les  potiers  semblent  avoir  professé  une  prédilection  pour  ce  motif,  non  seulement  dans  la 
contrée  de  Tépé  Moussian,  mais  aussi  à  Suse  où  la  céramique  en  fournit  de  très  nombreux 
exemples. 

Nous  observerons,  tout  d'abord,  le  losange  simple  aux  lignes  unies  ou  ornées  (fig.  169)  avec 
pour  toute  ornementation  intérieure,  un  point  de  couleur. 

Puis  le  losange  est  orné  intérieurement  de  lignes  entre-croisées  ou  parallèles,  avec  un  cercle 
plus  ou  moins  bien  réussi  (fig.  170). 

C'est  dans  cette  dernière  combinaison  qu'il  nous  apparaît  le  plus  souvent  sur  les  poteries 
de  grandes  dimensions,  jarres  et  écuelles  profondes,  à  fortes  parois.  Tépé  Khazinéh,  plus  spécia- 
lement, nous  a  fourni  un  grand  nombre  de  fragments  appartenant  à  ces  deux  formes.  Dans  les 
tranchées  de  Suse  les  poteries  qui  portent  ce  genre  de  décoration  se  rangent  toutes  dans  la  caté- 
gorie des  grands  vases.  Le  ton  du  décor  est  rouge  ou  d'un  brun  clair,  tandis  qu'à  Moussian  la 
matière  colorante  employée  est  généralement  noire. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


107 


""•"■""««•"nomm.., 


^«•miili"'""""''*'''!'."-"""""'™''»»».  5 


FiG.  169.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  de  jatte,  poterie  rougeâtre,  décor  rouge  foncé.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir. 

Khazinèh.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


FiG.  170.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  épaisse,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir, 

1/2  grandeur  naturelle. 


^A^ 


FiG.  171.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir.  —  Khazinèh.  Poterie 

verdâtre,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


loS 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Le  caprice  du  décorateur  se  donne  libre  carrière  avec  ce  motif,  au  point  qu'il  est  parfois  dif- 


FiG.  172.  —  Khazinèh.  Poterie  fine,  jaune,  décor  noir.  —  Khazinèh.  Décor  intérieur  d'une  jatte,  poterie  jaune  clair,  motifs  noirs. 


ficile  d'interpréter  la  tendance  de  l'artisan  (fig.  171).  Dans  d'autres  cas,  l'intérieur  du  motif  géo- 
métrique est  orné  lui-même  de  losanges  couplés,  colorés  en 
plein  ;  ou  bien  les  losanges  couplés  se  suivent,  avec  un  polygone 
ménagé  dans  le  champ  de  la  couleur. 

On  serait  presque  tenté  de  voir  un  essai  très  fantaisiste  de 
reproduction  du  visage  humain  dans  les  deux  premiers  motifs 
que  nous  donne  la  figure  172. 

Le   second   surtout  est  caractéristique  ;   il  nous  montre 
une  sorte  de  mèche  s'échappant  de  l'angle  supérieur  du  lo- 
sange. Mais  l'intention  n'est  pas  assez  marquée  pour  qu'on 
puisse  s'aventurer  au  delà  d'une  conjecture.  Quant  au  troisième 
spécimen  (fig.  173)  il  réunit,  sous  une  forme  simplifiée,  les  élé- 
ments précédents  au  dispositif  que  nous  avons  déjà  observé 
dans  la  figure  171 . 
C'est  à  une  transformation  du  losange  que  nous  devons  l'intervention  des  fuseaux  dans  le 
décor  des  poteries.  Ils  se  présentent  ici  couplés  par  trois,  les  deux  fuseaux  externes  étant  munis 
d'un  renflement  vers  la  partie  centrale  (fig.  174). 

Ce  nouveau  sujet  de  décoration  est  accompagné  non  seulement  de  dessins  géométriques, 
mais  aussi  de  représentations  peu  faciles  à  définir.  Des  perpendiculaires,  disposées  parallèlement 


FiG.    173.  —   Khazincli.   Poterie  jaune   clair, 
décor  brun  rougeâtre,  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


109 


par  séries  de  trois,  sont  flanquées  de  motifs  en  damiers  que  délimitent  des  lignes  courbes.  Cette 
singulière  ornementation  ressemble 
vaguement  à  une  paire  d'ailes.  Rien 
d'analogue  ne  se  rencontre  dans  le 
géométrique  proprement  dit  et  l'on 
ne  saurait,  non  plus,  assimiler  ce 
dessein  aux  représentations  végé- 
tales. Il  est,  par  suite,  impossible  de 
discerner  le  point  de  départ  de  ce 
genre  de  décoration. 

La  croix.  —  Nous  la  voyons 
d'abord  seule,  à  l'état  élémentaire  : 
deux  rectangles,  se  recoupant  en  leur 
milieu,  forment  une  figure  un  peu 
biaise.  Sur  les  autres  débris  nous 
trouvons  une  modification  à  la  pre- 
mière manière;  c'est  une  croix  de 
Malte  que  l'artiste  est  arrivé  à  pro- 
duire dans  sa  recherche. 

L'évolution  tend,  cette  fois,  non 
à  simplifier,  mais  bien  à  créer  un 
élément  nouveau  qui  parvient  rapide- 
ment au  degré  de  motif  perfectionné 
par  l'élégance  (fig.  175)  des  lignes  et  l'association  avec  d'autres  ornementations,  comme  dans  le 


FiG.  174.  —  Khazinch.  Fragment  d'un  grand  vase,  poterie  verdatre,  décor  noir, 

grandeur  naturelle. 


FiG.  175.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Poteriu  rougeàtre,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Poterie 
jaune  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  de  petite  coupe,  poterie  fine,  jaune  clair,'  décor  brun,  grandeur  naturelle. 


quatrième  spécimen  où  elle  accompagne  une  théorie  de  chèvres,  assez  mal  représentées  d'ailleurs, 


IIO 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Un  fragment,   recueilli  à  Tépé  Moussian,   nous  donne  la  représentation  de  la  croix  ansée 


FiG.  176.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  foncé,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Intérieur  d'une  petite  jatte,  poterie  jaune  clair,  décor  noir, 

grandeur  naturelle. 

(fig.  176)  tandis  qu'une  portion  de  jatte  plate,  de  même  provenance,  nous  fournit,  fait  intéressant 
à  noter,  le  motif  du  svastika. 


FiG.  177.  —  Kliazinèii.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Tépé  Moussian.  Fond  de  jatte,  poterie  jaune  clair,  décor  brun  rouge.itre, 

grandeur  naturelle. 


Les  deux    décors    reproduits   à   la  figure    177    dérivent    de  la    croix    inscrite    dans    un 
cercle  ;  mais  le  décorateur  a  très  adroitement  embelli  le  dessin,  d'abord  en  ^interrompant   et  en 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  m 


ornant  la  ligne  de  la  circonférence,  puis  en  incurvant  les  lignes  de  la  croix.  Par  l'augmentation 


FiG.  178.  —  Khanizèh.  Poterie  jaune  clair,  déccr  brun.  —  Tépc  Moussian.  Poterie  rougeàtre,  décor  rouge  foncé,  gr.  nat. 

du  nombre  de  ses  branches  la  croix  se  transforme  en  étoile  et  en  représentation  solaire  (fîg.  178). 

Le  cercle.  —  C'est  d'abord  une  courbe  informe  qui  ressemble  plutôt  à  un  œil,  vu  de  face, 
qu'à  un  cercle  proprement  dit  (fig,  179).  Peu  à  peu  la  forme  géométrique  se  précise,  bien  qu'il 
ne  s'agisse  encore  que  d'anneaux  tangents  les  uns  aux  autres  (fig.  180)  ;  le  point  central  s'élar- 
git et  suit  assez  exactement  la  ligne  de  la  circonférence.  Puis,  le  cercle  est  obtenu  en  réservant, 
dans  le  champ  d'une  bande  de  couleur,  une  surface  claire  que  coupent  deux  lignes  ondulées 
(fig.  181  ).  Ce  sont  ensuite  deux  lignes  dentelées  qui  ornent  l'intérieur  du  cercle  (fig.  182). 

Associée  à  d'autres  motifs,  damiers,  semis  de  points,  guirlandes,  la  figure  se  transforme. 
Nous  voyons  deux  cercles  concentriques,  ornés  au  centre  de  quatre  points  en  croix.  L'anneau 
déterminé  parles  deux  courbes  est  coupé  d'une  série  de  petits  traits  (fig.  183).  Ce  sont  ensuite 
des  losanges  ou  des  cercles  concentriques  qui  forment  le  sujet  de  l'ornementation  intérieure; 
deux  diagonales  ou  deux  diamètres  perpendiculaires  coupent  ces  motifs  purement  géométriques 
(fig.  184).  Enfin  la  ligne  de  la  circonférence  s'orne  de  perlettes,  dans  les  types  qui  suivent 
(fig.  185);  le  second  a  pour  décor  intérieur  trois  triangles  opposés  par  leur  sommet  au  centre 
du  cercle  (fig.  186).  Le  dernier  spécimen,  orné  extérieurement  de  rectangles  quadrillés,  peut 
être  interprété  comme  une  figuration  solaire,  à  moins  qu'on  ne  préfère  y  voir,  ce  qui  nous  parait 
moins  probable,  une  représentation  architecturale  (fig.  187). 

Nous  en  avons  terminé  avec  le  décor  géométrique  ;  les  motifs  dont  l'examen  suit  ont  été 
empruntés  aux  règnes  végétal  et  animal. 

Figurations  végétales.  —  Le  décor  obtenu  par  la  représentation  de  sujets  choisis  parmi  les 
végétaux  vient  immédiatement  après  l'emploi  du  dessin  géométrique,  comme  facilité  d'exécution. 
L'immobilité  du  végétal  en  rend  l'observation  aisée.  Sans  doute  les  plaines  du  Pouchté-Kouh 
sont  pauvres  en  espèces  arborescentes  ;  il  n'y  croit  que  de  la  brousse,  tamaris  et  mimosas  épineux  ; 


FiG.   179. 


FiG.  lao. 


FiG.   ]8i. 


FiG.   182. 


FiG.   183. 


FiG.    if 


FiG.    186. 


FiG.   187. 


FiG.  179  à  185.  —  Tépii  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Id.  Fragment  de  jatte,  poterie  fine,  verte,  décor  noir.  —  Id.  Poterie 
grossière,  jaune,  décor  ncir.  —  Id.  Poterie  fine,  jaune  ciair,  décor  noir.  —  Id.  Poterie  fine,  jaune,  décor  noir.  —  Id.  Poterie  jaune  foncé, 
décor  noir.  —  Id.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir.  —  FiG.  185  et  187.  —  Khazinéh.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir,  grandeur 
naturelle.  —  Kkazinèh.  Fragment  de  vase  ovoïde,  poterie  fine,  vert  clair,  décor  brun  rougeàtre,  1/2  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


113 


mais  les  roseaux  abondent,  avec  toute  la  série  des  plantes  marécageuses,  et  les  prairies  naturelles 
s'étendent  à  perte  de  vue.  Au  surplus,  la  zone  forestière  est  très  proche  dans  les  montagnes  qui, 
à  partir  d'une  certaine  altitude,  sont  couvertes  de  chênes  à  glands  doux,  de  térébinthes  et  d'une 
foule  d'arbustes  buissonneux.  Il  semblerait  donc  que  les  potiers  de  Moussian  ait  dû  mettre  à 
profit  cette  richesse  et  cette  variété,  comme  n'ont  pas  manqué  de  le  faire  les  céramistes  grecs  et 
principalement  les  antiques  artistes  égéens.  Cependant  les  artisans  de  cette  partie  de  la  Susiane 
n'ont  point  tiré  grand  parti  des  ressources  que  leur  offrait  la  flore  de  leur  région. 


FiG.  188. 


FiG.   189. 


FiG.  190. 


FiG.  188-190.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Khazinch.  Fragment  de  gobelet,  poterie  fine,  pâte  rougcitre, 
décor  rouge  foncé.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  foncé,  décor  brun,  grandeur  naturelle. 

Les  spécimens  que  nous  reproduisons  représentent  tout  d'abord  une  succession  de  tiges  pour- 
vues de  renflements  qui  évoquent  l'idée  des  nœuds  du  roseau  (fig.  188).  Puis  les  tiges  portent 
des  folioles  horizontales  disposées  symétriquement  avec  une  raideur  toute  primitive  (fig.  189). 
La  représentation  qui  suit  est  moins  fruste  ;  on  y  distingue  plus  nettement  des  petites  feuilles 
symétriques,  sans  qu'il  soit,  toutefois,  possible  d'identifier  la  plante  (fig.  190). 

On  reconnaît  mieux  (fig.  191)  la  figuration  des  feuilles  du  palmier.  La  première  tentative  est 
assez  maladroite  ;  les  tiges  ne  portent,  sur  un  seul  côté,  qu'une  série  de  feuilles.  Peu  à  peu  l'ob- 
servation devient  plus  exacte  et  les  feuilles  sont  bilatérales,  mais  elles  se  dressent  raidement,  cir- 
conscrites par  un  gros  trait  curviligne  ;  cette  disposition  rappelle  celle  des  peintures  de  la  céra- 
mique préhistorique  égyptienne  (i). 

Enfin  le  dessin  perd  de  sa  raideur  et  tend  à  se  rapprocher  de  la  nature.  L'artisan  n'en  tirera 
jamais  grand  eff'et,  car  le  modèle  est  peu  décoratif  et  le  palmier  n'a  jamais  passé  pour  (jffrir  un 
bien  gracieux  aspect,  du  moins  pris  isolément.  Dans  les  échantillons  que  nous  figurons  ci-des- 


(i)  Recherches  sur  les  origines  de  l'Egypte,  L'âge  de  la  pierre  et  les  métaux,  par  J.  de  Morgan,  pi.  X. 


I) 


114 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


SOUS  on  voit  des  branches  alternantes  jaillir  d'une  tige  principale  (fig.  192),  elles  ont  ici  une  ten- 
dance à  s'incurver,  comme  dans  la  nature,  mais  sont  encore  cernées  par  un  large  trait  courbe. 


FiG.  191.  —  Khazinèh.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir.  —  Id.  Poterie  rougeâtre,  décor  rouge  et  brun  foncé. 

rouge  et  noir,  grandeur  naturelle. 


Id.  Poterie  rougeâtre,  décor 


Puis  c'est  dans  une  sorte  de  trapèze  que  le  motif  est  enfermé  ;  les  branches  retombent  vers  le  sol 
et  les  feuilles  ne  sont  plus  représentées  que  d'une  façon  rudimentaire.  Nous  entrons,  avec  ces 


FiG.  192.  —  Khazinèh.  Fragment  de  grand  vase,  poterie  jaune  foncé,  décor  rouge  et  noir.  —  Id.  Fragment  de  grand  vase,  poterie  rougeâtre, 

décor  rouge  et  noir,  grandeur  naturelle. 


motifs,  dans  la  série  des  décorations  végétales  dont  les  grands  vases  des  sépultures  nous  donne- 
ront maint  exemple. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


115 


Les  petites  poteries  nous  offrent,  au  contraire,  des  types  qui  s'éloignent  progressivement  du 
modèle  pour  entrer  dans  le  domaine  de  la  fantaisie.  Plus  le  décor  est  riche,  plus  le  caprice  de  l'ar- 


FiG.  193  et  194.  —  Tépé  Moussian.  Fond  d'un  vase  droit,  poterie  épaisse,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle.  —  Id.  Décoration 
intérieure  d'une  petite  jatte,  poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


tisan  s'accentue  dans  la  représentation  des  végétaux.  On  retrouve  encore  la  figuration  première 
du  palmier  à  la  figureh93,  mais  dans  la  figure  194  l'analogie  devient  déjà  difficile  à  établir.  Par 


FiG.  195.  —  Khazinéh.  Fragment  d'écuellc,  poterie  jaune 
pâle,  décor  brun  clair,  grandeur  naturelle. 


FiG.  196.  —  Mourad-Abad.  Fragment  de  jatte,  poterie 
vert  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


contre,  toutes  les  ressources  du  style  géométrique  ont  été  mises  en  œuvre;  le  décor  est  surchargé 
de  bandes,  damiers,  dentelures,  festons  et  motifs  en  ogive.  Enfin  dans  le  spécimen  reproduit  à  la 


ii6  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


figure  195,  si  la  richesse  de  l'ornementation  est  louable  et  d'un  bel  effet-,  le  végétal  n'y  entre  plus, 

comme  décoration,  que  sous  une  forme  tout  à  fait  capricieuse. 

Le  spécimen  reproduit  à  la  figure  196  nous  apporte  un  motif  d'un  nouveau  genre;  il  est 

fâcheux  qu'il  ne  nous  en  livre  qu'une  très  faible  partie.  Le  décor  est  en  effet  beaucoup  plus  réussi 

comme  observation  et  exécution  que  sur  les  autres  poteries.  Malheureu- 
sement le  peu  que  nous  possédons  de  la  figuration  végétale  ne  saurait  nous 
permettre  de  reconstituer  l'ensemble. 

Quant  au  petit  fragment  représenté  à  la  figure  197,  il  a  des  prétentions 
indiscutables  à  reproduire  une  plante  avec  ses  feuilles  et  sa  fleur  ;  mais  le 
sujet  est  traité  avec  une  telle  fantaisie  qu'il  serait  trop  hasardé  de  proposer 
une  assimilation. 

On  remarquera  que:  premièrement,  les  figurations  végétales,  si  elles 
sont  fréquentes,  se  diversifient  fort  peu  les  unes  des  autres  ;  deuxièmement, 
aucune  plante  cultivée,  connue  de  nous,  ne  figure  dans  les  représentations, 
sauf  le  palmier.   Or  la  flore  n'a  pas  varié  sensiblement  dans  ces  régions 

FiG.  197.  —  Khazinèh.  Po-  çj^p^jg  jgg  ^n-Qs  autiques  ïusqu'à  nos  jours.  Il  est  intéressant  de  noter  que  ni 

tene    jaune    lonce,    décor         r  o  n  J       ^  )  T 

rouge  et  noir,  1/2  gr.  nat.  le  blé,  Originaire  de  Mésopotamie,  ni  aucun  des  végétaux  employés  dans  l'ali- 
mentation, de  temps  immémorial,  ne  sont  figurés  sur  les  poteries  de  Mous- 
sian.  On  peut  déduire  de  ce  fait  que  les  populations  étaient  plus  pastorales  qu'agricoles  et  c'est 
là  une  indication  utile  pour  établir  la  haute  antiquité  de  la  céramique. 

Figurations  animales.  —  Quadrupèdes.  Les  quadrupèdes  représentés  sur  les  poteries  peintes 
de  Moussian  sont:  le  bœuf  (?),  le  bélier  ou  le  mouflon,  l'œgagre  et  la  gazelle. 

Nous  citons  le  bœuf  d'une  façon  dubitative  parce  que  la  représentation  qui  nous  est  donnée 
(fig.  198)  est  si  primitive  qu'elle  laisse  place  à  l'incertitude.  Cette  figuration  est  unique  à  Moussian; 
nous  devons  ajouter  que  nous  ne  retrouvons  nulle  part  la  représentation  d'un  bovidé,  si  ce  n'est, 
peut-être,  sur  un  grand  vase,  découvert  à  Suse,  et  qui  est  contemporain  de  la  céramique  des 
sépultures.  On  peut  tout  aussi  bien  voir  à  la  figure  198  une  tête  de  bélier  ou  de  mouflon  qu'une 
tête  de  bœuf.  Nous  inclinerions  à  croire  qu'il  s'agit  ici  du  mouflon,  animal  qui  abonde  encore 
actuellement,  ainsi  que  l'œgagre,  dans  tout  le  massif  du  Kébir  Kouh.  On  le  rencontre,  d'ailleurs, 
dans  presque  toutes  les  montagnes  de  la  Perse.  Il  est  très  connu  sous  le  nom  à'argali;  les 
nomades  le  dénomment  «  mouton  de  montagne  ». 

Cette  représentation  nous  fournit,  sur  un  certain  nombre  de  spécimens,  un  curieux  exemple 
du  processus  qui  subit  un  motif  bien  déterminé,  depuis  son  origine  jusqu'au  moment  où  il  se 
transforme  est  un  schéma  énigmatique. 

La  figure  199  nous  montre  une  guirlande  de  têtes  de  mouflons,  associée  à  deux  représenta- 
tions solaires.  Nous  avons,  d'autre  part  (fig.  200,  page  1 18),  le  même  motif  accompagné  de  deux 
zones  de  quadrupèdes,  chèvres  sauvages  (œgagres),  ou  gazelles,  d'un  dessin  très  peu  soigné.  Les 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


"7 


/■ 


/ 


^V-^y 

', 

■>^/:/^ 

'. 

y  '• .-      ,  ^ 


V. 


-y-^. 


-A 


/■// 


/. 


/r'^ 


/^ 


FiG.  198. 


Lf'^ 


FiG.   199. 


FiG.    201. 


FiG.    202. 


FiG.  203. 


FiG. 


204. 


FiG.  103. 


PlG.    206. 


FiG.  198.  Khazinèh.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  199.  Id.  Fragment  de  coupe,  poterie  fine,  pâte  verte,  décor  noir,  gr.  nat. 
—  FiG.  201.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  pâte  verdâtre,  décor  brun  foncé,  gr.  nat.  —  FiG.  202.  Id.  Poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir, 
gr.  nat. —  FiG.  203.  Khazinèh.  Décor  intérieur  d'une  jatte,  poterie  jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  Fig.  204.  Id.  Poterie  fine,  jaune 
clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  205.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune,  décor  noir,  2/3  gr.  nat.  —  Fig.  206.  Id.  Poterie  fine,  jaune 
clair,  décor  noir,  2/3  gr.  nat. 


ii8 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


FiG.  200.  —  Khazinèh.  Jatte  en  poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir,  1/2  gr.  nat. 


fio-ures  201  et  202  répètent  ce  sujet,  mais  les  têtes  sont  disposées  en  rangées  verticales;  on  reconnaît 

encore  fort  bien  le  sujet  originel.  Dans 
le  spécimen  de  la  figure  203  le  déco- 
rateur a  perdu  le  sens  du  motif 
primitif;  les  têtes  n'ont  plus  la  forme 
naturelle  et  les  cornes  sont  ornées 
de  bois  latéraux  semblables  à  des 
ramures.  La  déviation  est  encore 
plus  frappante  à  la  figure  204  où  le 
dessin  est  disposé  en  une  bande  hori- 
zontale. Enfin  aux  figures  205  et  206 
la  schématisation  est  complète  :  la  tête 
a  disparu,  remplacée  par  un  trait  ver- 
tical ;  les  cornes,  en  s'allongeant,  se 
sont  rejointes  ;  nous  ne  trouvons  plus 
qu'une  série  d'annelures,  flanquées, 
dans  un  des  cas,  de  la  représentation  solaire  réduite  à  un  simple  cercle.  Le  motif  est  devenu 
incompréhensible  pour  qui  n'en  a  pas  suivi  l'évolution. 

Ce  n'est  pas  le  seul  exemple  de  déviation  que  nous  aurons  à  observer  ;  le  même  processus  se 
discerne  également  dans  les  figurations  de  gazelles,  d'œgagres  et  d'oiseaux.  Il  est  très  remar- 
quable dans  les  figurations  humaines. 

Gazelles.  —  Dans  les  vastes  plaines  de  la  Susiane,  ce  gracieux  quadrupède  vit  en  hardes 
nombreuses.  Pendant  que  nous  surveillions  le  travail  de  nos  tranchées,  nous  en  avons  souvent  vu, 
du  haut  de  Tépé  Moussian,  des  bandes  qui  s'approchaient  à  peu  de  distance  du  tell.  En  parcou- 
rant la  région  sauvage  des  Beni-Lams  (Mars,  1900),  à  l'époque  de  la  crue  du  Tigre,  nous  avons 
rencontré  des  multitudes  de  gazelles  qui,  chassées  parle  débordement  des  eaux,  se  réfugiaient 
sur  les  hauteurs  ;  chacun  de  leurs  troupeaux  comptait  plusieurs  centaines  d'individus.  La  contre- 
bande des  armes  de  guerre  modernes,  dont  les  tribus  nomades  sont  trop  abondamment  pourvues, 
produit  de  grands  ravages  parmi  ces  animaux  et  l'espèce  ira  décroissant.  Mais,  aux  âges  antiques, 
elle  devait  exister  à  l'état  de  véritables  hordes. 

Les  artisans  de  iVioussian  avaient  donc  constamment  leur  modèle  sous  les  yeux.  La  prédi- 
lection dont  ils  témoignent  pour  la  représentation  de  la  gazelle  et  de  l'œgagre  décèle  une  race  de 
chasseurs.  C'est  là  une  présomption  de  plus  en  faveur  de  la  haute  antiquité  de  ces  peuplades. 

Le  style  dans  lequel  sont  traités  ces  sujets  est  soumis  aux  mêmes  fluctuations,  à  la  même 
décadence  que  nous  venons  de  signaler  pour  le  motif  précédent.  L'observation  se  montre  tout 
d'abord  exacte,  le  modèle  est  heureusement  rendu.  Témoin  la  tête  reproduite  à  la  figure  207.  Il 
s'agit  ici,  croyons-nous,  d'une  biche,  femelle  du  grand  cevi  niahral,  qui  vit  encore,  bien  qu'assez 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


119 


rare,  dans  les  forêts  du  Pouchté  Kouh,  du  Louristan,  et  sur  les  pics,  couverts  d'une  végétation 
luxuriante,  qui  surplombent  le  littoral  sud-ouest  de  la 
Caspienne.  Ce  cervidé  est  de  grande  taille;  c'est  un  gibier 
royal.  Dans  les  jardins  du  Roi,  à  Téhéran,  on  voit  plu- 
sieurs de  ces  beaux  animaux  qui,  après  naturalisation, 
figurent  sur  des  socles  pour  témoigner  des  prouesses  cyné- 
gétiques du  souverain.  Dans  les  dolmens  du  Ghilan  nous 
avons  exhumé  une  figurine  de  bronze  qui  représente  un 
de  ces  cerfs.  Il  n'est  pas  étonnant  que  nous  en  retrouvions 
le  dessin  sur  une  de  nos  poteries  de  Moussian,  région  où 
cette  espèce  subsiste  encore  et  où  elle  devait  être,  jadis, 
assez  répandue. 

Quant  à  la  gazelle,  l'antique  artisan  n'était  pas  moins 
habile  à  en  fixer  les  lignes.  Les  figures  208  et  209  en 
font  foi,  malgré  l'imperfection  de  certains  détails,  notam- 
ment la  raideur  et  la  grossièreté  des  pattes.  Mais  à  la 
figure  210  les  défauts  s'accentuent:  la  tête  est  fort  mal 
représentée,  le  corps,  informe,  se  termine  par  un  prolon- 
gement en  guise  de  queue.  Cette  insouciance  dans  l'exé- 
cution ne  fera  que  s'aggraver.  Dans  le  spécimen  reproduit  fig.  207.  -  Tépé  Moussian.  Fragment  de  la  panse 

à  la  figure   211,    si    la   tête   est   assez    bien    rendue,   le    corps        ^'un   grand  vase    poterie  jaune  clair,  décor  noir, 
<-'  ...  grandeur  naturelle. 

et  la  queue  sont  défectueux  ;  un  trait  horizontal  relie  les 

pattes.  A  la  figure  212  ce  sont  les  proportions  qu'il  faut  blâmer.  On  ne  doit  pas  incriminer 

le  manque  d'habileté,  mais  bien  la  négligence  du  décorateur. 

I!  est  à  remarquer  que  les  motifs  peints  sur  la  poterie  fine  sont  généralement  d'une  obser- 


hlG.  208. 


Fig.  209. 


l'iG.  210. 


Fig.  208.  Mourad-..\bad.  Poterie  verdàtre,  décor  noir,  gr.  nat.  -  Fig.  209.  Tépé  Moussian.  Poterie  verdâtre,  décor  noir,  gr.  n.it. 
Fig.  210.  Id.  Fragment  de  petite  jatte,  poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 

vation  beaucoup  plus  sincère  et  d'une  exécution  bien  mieux  rendue  que  ceux  qui  figurent  sur  la 
poterie  épaisse.  Les  premiers  ornemanistes  se  bornaient  à  un  seul  sujet,  mais  ils  y  appliquaient 


120 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


tous  leurs  soins.  Avec  la  diversité  dans  l'ornementation  apparaît  le  laisser-aller  dans  le  détail. 


FlG.   211.  FiG.    212. 

FiG.  211.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 
FiG.  212.  Mourad-Abad.  Décoration  intérieure  d'une  jatte,  poterie  verdâtre,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


L'échantillon  représenté  à  la  figure  213  est  riche  par  la  variété  des  motifs;  par  contre,  les  ani- 


FiG.  215.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  de  grand  vase,  poterie  jaune  clair,  décor  noir, 

grandeur  naturelle. 

maux  y  sont  fort  maltraités  ;  le  peintre  n'a  parcimonieusement  attribué  que  trois  pattes  à  l'un 
de  ses  sujets.  Les  cornes  sont  fort  mal  figurées  et  pour  l'une  des  gazelles,  la  tête  n'est  même  pas 
dessinée.  C'est  là  l'effet  d'une  inattention  et  non  d'une  insuffisance  de  savoir  faire,  puisque  les 
autres  animaux  ne  présentent  pas  ce  même  défaut. 

Cette  négligence  dénote  une  hâte  et  une  incurie  extrêmes  dans  l'exécution.  Pourvu  que 
l'effet  général  du  décor  soit  plaisant  à  la  vue,  les  détails  sont  sacrifiés.  C'est  le  cas  dans  un  beau 
fragment  de  grand  vase  (fig.  214)  sur  lequel  les  dessins  géométriques,  accumulés  à  profusion, 
rivalisent  de  diversité.  Ils  sont  exécutés  avec  un  soin  évident  et  concordent  à  produire  un  ensemble 
remarquable.  Veut-on  se  livrer  à  un  examen  détaillé,  on  observera  que,  dans  la  zone  de  gazelles 
qui  court  sur  la  panse,  plusieurs  des  animaux  ne  possèdent  que  trois  pattes. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


121 


FiG.  214.  —  Tépé  Moussian.  fragment  d'un  grand  vase,  poterie  jaune,  décor  noir,  2/5  grandeur  naturelle. 


FiG.  215.  FiG.  216.  ViG.  217. 

FiG.  215.  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune,  décor  noir,  gr.  nat.  —  Fie.  216.  Mourad-Abad.  Poterie  fine,  jaune,  décor  noir,  gr.  nat. 
FiG.  217.  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 

i6 


122 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


La  négligence  de  l'ornemaniste  a  pour  effet  d'amener  peu  à  peu  une  dégénérescence  qui 


FiG.  2l8, 


FiG.  219. 


FiG,  218.  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  219.  Id.  Décoration  intérieure  d'une  jatte,  poterie  jaune, 

décor  noir,  grandeur  naturelle. 

finit  par  rendre  le  dessin  inintelli- 
gible. Nous  avons  déjà  constaté  cette 
marche  décadente  lorsqu'il  s'est  agi 
de  la  figuration  du  mouflon  ou  du 
bélier.  Nous  l'observerons  encoredans 
la  représentation  des  oiseaux  et  enfin, 
d'une  façon  curieusement  caractéristi- 
que, dans  les  figurations  humaines. 
Une  étude  comparée  delà  déformation 
des  motifs  dans  la  céramique  grecque 
aboutirait,  croyons-nous,  aux  mêmes 
conclusions  ;  les  rapprochements  se- 
raient du  plus  grand  intérêt  pour  déter- 
miner l'origine  et  l'évolution  d'un  cer- 
tain nombre  de  motifs  dont  l'inter- 
prétation est  encore  indécise.  Mais  le 
sujet  est  trop  étendu  pour  trouver 
ici  sa  place  et  nous  ne  pouvons  que 

FiG.  220.— Khazinèh.  Fragment  de  grand  vase,  poterie  épaisse,  jaune  clair,  décor      ]g    signaler    à    l'attCntion    deS    SDécia- 
noir,  9/10  grandeur  naturelle.  _         ^^  ^ 

listes. 
Dans  le  cas  qui  nous  occupe,  les  déformations  portent  principalement  sur  le  corps  et  sur 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


123 


les  cornes.  Au  début,  les  bois  de  la  gazelle  sont  à  peu  près  proportionnés  à  la  taille  du  sujet,  le 
corps  est  assez  bien  figuré  et  la  queue  s'en  détache  d'une  façon  distincte. 

Bientôt  nous  voyons  (fig.  215  à  217)  le  corps  et  la  queue  tracés  d'un  seul  coup  de  pinceau, 
ce  qui"  a  pour  résultat  de  produire  un  allongement  démesuré,  tandis  que  les  cornes  prennent  un 
développement  hors  de  toute  proportion. 

En  218  nous  avons  une  aggravation  de  ces  défauts;  la  queue  devient  une  barre  horizon- 
tale tandis  que  les  hanches  affectent  la  forme  d'un  renflement  disgracieux. 

A  la  figure  219  ce  n'est  plus  qu'un  simple  petit  trait  qui  représente  la  tête;  le  corps  est 


Fig.  221. 


FiG.  222. 


Fig.  221.  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune,  décor  noir,  grandeur  naturelle.  —  Fie.  222.  Id.  Poterie  fine,  jaune,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 

Fig.  223.  Id.  Poterie  jaune  clair,  décor  brun  rouge,  grandeur  naturelle. 

tracé  au  moyen  d'une  longue  ligne  courbe,  renflée  à  la  hauteur  de  la  croupe  ;  la  queue  vient 
grossièrement  s'adapter  soit  à  cette  protubérance,  soit  même  sur  les  pattes  ;  les  cornes,  recour- 
bées, s'étendent  sur  toute  la  longueur  du  sujet,  qui  est  bas  sur  jambes  et  d'une  allure  absolument 
disgracieuse. 

Nous  constaterons,  de  suite,  à  quel  résultat  peuvent  conduire  des  procédés  aussi  peu  sin- 
cères. 

La  figure  220  nous  en  montre  un  exemple  concluant. 

Il  faut  savoir  que  l'ornemaniste  a  prétendu  représenter  des  gazelles  pour  pouvoir  discerner 
le  sujet.  Plus  de  tête,  des  cornes  démesurées,  figurées  par  deux  traits  divergents;  en  guise  do 
corps  une  courbe  terminée  par  une  véritable  bosse. 

Nous  retrouverons  cette  figuration,  avec  tous  ses  défauts,  sur  un  certain  nombre  de  grands 
vases  qui  ne  proviennent  pas  des  sépultures,  mais  qui  sont,  assurément,  contemporains  de 
l'époque  des  nécropoles.  C'est  la  dernière  étape  du  motif  primitif  avant  qu'il  n'arrive  à  la  schéma- 
tisation absolue. 


124 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Les  figures  221  à  223  nous  font  clairement  assister  au  développement  anormal  que  peuvent 


FiG.  224. 


FiG.  225. 


FiG.  224.  Tépé  Moussian.  Décoration  intérieure  d'une  jatte,  poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 
FiG.  225.  Id.  Poterie  jaune,  décor  brun  clair,  grandeur  naturelle. 

prendre  les  cornes,  en  même  temps  que  nous  assistons  à  la  déformation  du  corps  ;  de  plus  en 


FiG.  226. 


FiG.  227. 


FiG.  226.  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune,  décor  noir,  grandeur  naturelle.  —  FiG.  227.  Id.  Décoration  intérieure  d'une  grande  jatte, 

poterie  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 

plus  les  pattes  tendent  à  se  réduire  au  nombre  de  trois  ;  c'est  une  règle  qui  sera  constante  dans 
les  spécimens  reproduits  à  la  présente  page. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


125 


Afin  d'éviter  des  redites  nous  n'en  ferons  pas  la  description.  Il  suffit  au  lecteur  de  se  repor- 
ter aux  figures  224  et  225  pour  se  rendre  compte  de  la  marche  des  déformations. 

Enfin  les  échantillons  reproduits  aux  figures  226  et  227  nous  font  voir  la  schématisation 
complète.  Le  décorateur,  dans  le  dernier  fragment  figuré,  semble  avoir  totalement  perdu  l'intel- 
ligence du  motif  qu'il  fixe  sur  l'argile. 

Chèvre  sauvage.  —  L'œgagre  se  rencontre  encore  de  nos  jours  assez  fréquemment  sur  les 
hauts  sommets  du  Pouchté  Kouh,  dans  les  montagnes  bordières  du  Golfe  Persique  et  dans  les 

massifs  des  Bakhtyaris.  On  peut  dire,  d'une  façon  générale,  qu'il  est 
répandu  dans  toute  la  zone  Sud  et  que  son  habitat  s'arrête  aux  environs 
d'Ispahan.  De  tout  temps  cet  animal  a  été  figuré  ;  nous  en  trouvons 
des  représentations  fort  réussies  sur  les  cachets  et  les  sceaux  les  plus 
archaïques. 

Les  figurations  que  nous  fournit  la  céramique  de  Moussian  sont 

moins  nombreuses  pour  cet  animal 

que  pour  les  autres  herbivores.  On 

y  reconnaît  cependant   fort  bien 

^,    „  l'œo-affre   à    ses    grandes  cornes 

FiG.  228. —Tépe  Moussian.  Poterie  "    ~  " 

jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.       anneléeS    (fig.    228)  et    à  SOn    COU 

plus  long  que  celui  de  la  gazelle. 
La  chèvre  sauvage  est  ici  piétée  sur  ses  pattes  de  devant, 
attitude  familière  qui  est  d'une  observation  bien  rendue. 

Nous  avons  également,  dans  cette  série,  des  exemples 
manifestes  de  la  façon  dont  un  motif  se  déforme.  Déjà  la 
figure  229  nous  présente  un  dessin  modifié  qui  s'écarte 
sensiblement  de  la  nature.  Le  sujet  y  est,  cependant,  très 
reconnaissable  grâce  aux  lignes  générales  et  aux  annelures 
des  cornes,  encore  que  ces  dernières  soient  tracées  d'une 
manière  conventionnelle.  lAlais  le  dédain  du  naturel,  la 
hâte,  la  négligence  dans  l'exécution  du  dessin  ne  tarderont 
pas  à  produire  des  altérations  de  plus  en  plus  marquées, 
fâcheuse  évolution  qui  prévaut  dans  tous  les  motifs,  sauf 
dans  le  décor  géométrique.  Cette  observation  étant  géné- 
rale, on  pourrait  en  conclure  que  la  poterie,  rare  aux  débuts,  était  alors  l'objet  d'une  main-d'œuvre 
soignée. 

Lorsque  l'usage  en  devint  plus  répandu,  l'artisan  fut  forcé  de  négliger  et  la  matière  même 
et  le  décor,  pour  pouvoir  satisfaire  rapidement  aux  besoins  de  !a  consommation.  De  là  suivrait 
qu'une  facture  négligée  indiquerait  des  périodes  moins  antiques. 


Fig.  2ZI).  —  Khaziiièh.  Fragment  de  j.itte,  poterie  fine 
rouge.ître,  décor  noir,  g/io  grandeur  naturelle. 


126 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


Les  spécimens  230  à  232  peuvent  illustrer  cette  décadence  de  l'ornementation.   Dans  les 
deux  premiers  la  forme  est  encore  conservée,  elle  tend  à  se  schématiser  dans  le  troisième. 


FiG.  230. 


i'iG.    252. 


FiG.  230.  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune,  décor  noir,  gr.  nat.  —  Fie.  231.  Id.  Décoration  intérieure  d'une  jatte,  poterie  jaune  clair,  décor  brun 

rouge,  2/3  gr.  nat.  —  FiG.  232.  Id.  Poterie  jaune,  décor  rouge  foncé,  gr.  nat. 

Nous  avons  en  233  une  curieuse  tentative  ;  le  décorateur  a  voulu  figurer  des  chèvres  sau- 
vages en  fuite.  Si  le  mouvement  est  suffisamment  indiqué,  l'exécution  pèche  par  le  détail  ;  les 


FiG.  233. 


FiG.  234. 


FiG.  235. 


FiG.  233.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  pâle,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  234.  Id.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir,  gr.  nat. 
FiG.  235.  Id.  Fragment  de  petite  coupe,  poterie  jaune  clair,  décor  brun,  grandeur  naturelle. 


pattes  sont  imparfaitement  indiquées  et  le  museau  s'amincit  en  une  pointe  que  rien  ne  rappelle 
dans  la  nature.  A  la  figure  234  les  trois  pattes  que  nous  avons  signalées  plus  haut  sont  devenues 
motifs  à  quadrillé,  les  corps  ont  disparu  pour  faire  place  à  une  ligne  brisée  ininterrompue  ;  seules 
les  cornes  annelées  subsistent.  Enfin  à  la  figure  235  ces  mêmes  cornes  forment  une  courbe  fermée 
reposant  sur  un  rectangle,  coupée  par  une  médiane,  qui  s'est  substitué  aux  trois  pattes  primitives. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


127 


Sans  être  averti  il  serait  malaisé  d'interpréter  ce  motif  comme  la  figuration  schématique  de 
l'œgagre  dont  il  est  dérivé. 

Carnassiers.  —  Sous  cette  dénomination  un  peu  vague  nous  classons  les  spécimens  repro- 
duits aux  figures  236  et  237  ;  ils  sont  trop  peu  nombreux  et  surtout  trop  incomplets  pour  qu'une 
attribution  plus  précise  puisse  être  proposée.  Le  lion,  le  léopard,  le  lynx,  le  loup,  le  renard,  le 


FiG.  256. 


FiG.  237. 


FiG.  236.  Tépé  Moussian.  Fragments  de  poterie  fine  rougeâtre,  jaune  pâle  ou  vert  clair,  à  décors  noirs  ou  bruns,  1/2  grandeur  naturelle. 

FiG.  257.  Khazinèh.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


chacal  vivent  dans  les  montagnes,  la  brousse  et  les  fourrés  marécageux  du  Pouchté  Kouh.  Quels 
sont,  parmi  ces  animaux,  ceux  que  l'ornemaniste  a  voulu  représenter?  On  peut  penser  qu'il 
s'agit  de  carnassiers,  en  raison  des  griffes  qui  arment  les  pattes,  mais  là  s'arrêtent  les  indices. 
Il  est  permis  de  supposer  que  ces  figurations  étaient  disposées 
par  zones;  nous  avons,  en  effet,  deux  animaux  qui  se  sui- 
vent dans  l'échantillon  du  milieu,  et  le  dernier  spécimen  nous 
offre  une  théorie  de  fauves  dont  la  crinière  est  assez  bien 
marquée.  Ce  sont  les  seules  indications  que  fournissent  ces 
dessins  rudimentaires. 

Nous  citerons  ici  une  petite  jatte  (fig.  238)  en  terre  noire 
provenant   des  sépultures  de  Tépé  Aly-Abad.    Elle  porte, 

comme  bouton  d'anse  ou  comme  motif  d'ornementation,  une  tête  de  renard  ou  do  chacal.  Cet  objet, 
étant  unique,  nous  paraît  plutôt  trouver  place  ici  que  dans  la  description,  que  nous  donnons  plus 
lom,  des  mobiliers  funéraires,  description  que  nous  ramenons,  d'ailleurs,  à  des  types  généraux. 

Oiseaux.  —  C'est  là  un  motif  de  décoration  que  l'on  rencontre  avec  la  plus  grande  fréquence 
dans  le  tell  de  Suse,  aux  niveaux  profonds  (de  i  5  à  25  mètres)  et  presque  exclusivement  sur  la 


Fig.  258.  —  Tépé  Aly-Abad.  Petite  jatte  en  terre 
noire,  1/2  grandeur  naturelle. 


128 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


FiG.  239. 


FiG.  240. 


FiG.  241. 


FiG.  242. 


FiG.  245. 


FiG.  244. 


rIG.    245. 


FiG.  216. 


FiG.  247. 


FiG.  248 


FiG.  349. 


FiG.  239.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  verdàtre,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  240.  Id.  Poterie  fine,  jaune  foncé,  décor  noir,  gr.  nat.  — 
FiG.  241.  Id.  Poterie  fine,  jaune,  décor  rouge  foncé, gr.  nat.  —  Fig.  242.  Id.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  245.  Kha- 
zinèh.  Décoration  intérieure  d'une  grande  jatte,  poterie  jaune,  décor  brun  foncé,  gr.  nat.  —  FiG.  244  et  245.  Tépé  Moussian.  Poteries 
fines,  jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  246.  Id.  Poterie  jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  FiG.  247.  Id.  Poterie  jaune  clair,  décor 
noir,  gr.  nat. —  FiG.  248.  Id.  Décoration  intérieure  d'une  jatte,  poterie  jaune,  décor  brun  clair,  gr.  nat.  •-  FiG.  249.  Id.  Poterie  fine, 
jaune,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


129 


poterie  fine.  A  Tépé  Moussian,  comme  à  Suse,  les  types  les  plus  communs  sont  choisis  parmi  les 
échassiers  et  les  palmipèdes.  D'après  la  longueur  du  cou,  le  sujet  de  la  figure  239  est  un  échassier  ; 
les  plumes  des  ailes  sont  représentées  au  moyen  de  bandes  parallèles  coupées  de  petits  traits.  Un 
procédé  à  peu  près  semblable  se  retrouve  à  la  figure  240  où  le  corps  se  présente  sous  la  forme  d'un 
losange  orné  d'un  quadrillé  ;  tantôt  les  pattes  sont  bien  nettement  séparées,  tantôt  elles  sont 
reliées  par  une  série  de  traits  transversaux.  L'interprétation  est,  ici,  plus  difficile.  Est-ce  à  des- 
sein que  la  tète  est  ar- 
rondie, est-ce  conven- 
tionnellement  qu'elle  est 
représentée  par  un  cer- 
cle? Cette  dernière  sup- 
position nous  semble  de- 
voir être  confirmée  par 
les  représentations  sché- 
matiques qui  s'offrent 
plus  loin.  On  peut  objec- 
ter, toutefois,  que  les 
ornemanistes  n'étaient 
point  embarrassés  pour 
reproduire  exactement 
la  nature,  quand  ils  pre- 
naient ce  souci.  A  la 
figure  241  nous  voyons, 
en  effet,  des  échassiers  à 
tète  aplatie,  avec  un  bec 
assez  développé.  Le  spé- 
cimen suivant  (fig.  242) 
nous  donne  la  figuration 
très  nette  de  l'oie  sau- 
vage dont  les  bandes  sont  si  nombreuses  en  Susiane  durant  les  mois  d'hivernage.  L'attitude  est, 
du  reste,  fort  bien  observée. 

Quant  à  la  schématisation,  nous  en  suivons  la  marche  aux  figures  243,  244,  et  245,  jusqu'à 
ce  que  nous  soyons  en  présence  du  motif  informe  (fig.  246)  qui  n'a  plus  rien  de  commun,  en 
apparence,  avec  le  sujet  traité  à  la  figure  242.  Même  procédé  pour  les  palmipèdes.  Les  canards 
de  la  figure  247  sont,  pour  ainsi  dire,  montés  sur  une  sorte  de  pied  ;  les  oies  de  la  figure  248 
sont  représentées  avec  leurs  deux  pattes  ;  une  disposition  mixte  aboutit  aux  motifs  de  la  figure  249 
qui  rappellent  si  étrangement  les  cartouches  hiéroglyphiques  de  l'Egypte. 

Les  poteries  de  faibles  dimensions  nous  présentent  toujours  la  figuration  de  l'oiseau  associée 

17 


Fig.  250. 


Fig.  251. 


Fig.  250  et  251.  Khazinch.  Fragments  de  grands  vases,  poterie  jaune  clair,  décor  rouge  et  noir, 

1/2  grandeur  naturelle. 


130 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


au  décor  géométrique.  Sur  les  grands  vases,  au  contraire,  les  volatiles  sont  souvent  représentes 
en  compagnie  de  motifs  appartenant,  d'une  part,  au  géométrique,  et  empruntés,  d'autre  part, 
aux  règnes  animal  et  végétal.  A  côté  de  bandes  et  d'ondulations,  nous  voyons  des  échassiers 
accompagnant  une  gazelle  et  entourés  de  tiges  de  palmier  ou  de  roseaux.  Il  faut  noter  que  les 
pennes  des  ailes  sont  figurées  par  de  simples  traits  de  couleur,  légèrement  tracés.  Le  même  pro- 
cédé conventionnel,  pratiqué  cette  fois  par  incisions,  s'observe  sur  les  belles  poteries  chaldéennes, 
récemment  découvertes  à  Tello  et  si  savamment  décrites  par  M.  Heuzey. 

Insectes.  —  Les  représentations  d'insectes  sont  excessivement  rares  ;  nous  n'en  avons  que 
deux  exemples  parmi  les  décorations  de  la  poterie  de  Moussian,  et  la  céramique  de  Suse  ne  nous 
en  a  pas  encore  fourni  un  seul  spécimen. 

Bien  que  le  dessein  de  la  figure  252  soit  fort  rudimentaire,  nous  pensons  qu'il  n'y  a  pas  de 
doute  sur  l'identification  et  que  c'est  bien  la  fourmi  que  le  peintre  a  voulu  représenter.  Le  thorax 


FiG.  252.  —  Tépé  Moussian.  Fragment  de  jatte,  poterie 
fine,  jaune  clair,  décor  noir,  3/4  gr.  nat. 


FiG.   253.  —  Khazinèh.  Décoration  intérieure  d'un  plat,    poterie 
épaisse,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


est  figuré  par  un  triangle  auquel  se  rattache  une  paire  de  pattes  ;  l'abdomen  est  représenté  par 
une  série  d'anneaux  que  termine  un  autre  triangle  également  muni  d'une  paire  de  pattes. 

Ce  dessin  schématique  donne  assez  exactement  l'idée  des  grosses  fourmis,  les  soldais  qui 
sillonnent  en  légions  innombrables  le  sol  de  la  Susiane,  aux  alentours  des  fourmilières,  tandis  que 
les  ouvriers  se  livrent  à  leurs  travaux.  Moins  aisé  à  interpréter  est  le  motif  qui  décore  l'intérieur 
d'un  plat  épais  trouvé  à  Tépé  Khazinèh  (fig.  253).  Tout  d'abord  nous  ne  possédons  qu'un  frag- 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


isi 


ment  trop  insuffisant  pour  pouvoir  déterminer  l'ensemble  de  manière  précise.  Puis  la  singu- 
lière façon  dont  une  patte  est  représentée,  contribue  à  éveiller  le  doute.  Nous  croyons,  cependant, 
qu'il  s'agit  d'un  gros  scarabée,  le  bouvier  sacré,  très  répandu  dans  tout  le  pays  ;  mais,  pour  se 
prononcer  avec  certitude  il  faudrait  posséder  la  partie  de  cette  poterie  où  la  tête  était  peinte.  Les 
deux  élytres  sont,  toutefois,  assez  marquées  pour  que  l'on  puisse  voir  dans  ce  motif  la  représen- 
tation d'un  coléoptôre. 


Figurations  humaines.  —  Ce  sont,  sans  contredit,  les  motifs  les  plus  curieux  de  toute  cette 
série,  non  seulement  par  l'exactitude  et  l'habileté  avec  lesquelles  ils  sont,  tout  d'abord,  exécutés, 
mais  aussi  par  les  étranges  déformations  qu'ils  subis- 
sent jusqu'à  devenir  un  schéma  de  pure  convention. 
Nous  les  suivrons  dans  leurs  métamorphoses  bizarres, 
sans  trop  nous  y  appesantir.  Ce  sujet,  à  lui  seul,  exi- 
gerait un  développement  qui  ne  trouverait  pas  ici  sa 
place.  Il  importe,  tout  au  moins,  de  noter  des  indications 
qui  ne  seront  pas  sans  utilité  pour  aider  à  tracer  l'origine 
de  certaines  figurations  énigmatiques  que  l'on  observe 
avec  fréquence,  notamment  dans  la  céramique  grecque 
primitive. 

Lorsque  l'on  considère  les  figurines  reproduites  à 
la  figure  254  on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  aux  repré- 
sentations de  même  nature  qui  ont  été  relevées  sur  les 
vases  peints  du  préhistorique  égyptien  (i).  Le  corps 
humain  est,  dans  les  deux  cas,  traité  selon  le  même 
style  :  la  tête  se  dégage  bien  du  torse,  la  taille  est  soi- 
gneusement marquée  avec  tendance  à  exagérer  parfois  le  renflement  des  hanches,  le  dessin  des 
membres  apparaît  net  autant  que  léger,  le  mouvement  est  souple  et  l'attitude  aisée.  Les  propor- 
tions sont  plus  heureuses  sur  la  petite  coupe  de  Khazinèh  que  sur  la  céramique  d'Abydos.  Si  l'on 
constate,  d'une  part,  que  le  cou  est  trop  long  dans  nos  figurations  humaines,  on  leur  trouvera, 
par  contre,  des  qualités  de  gracilité  et  de  naturel  qui  les  rendent  supérieures  à  leurs  analogues 
d'Egypte.  Il  faut  noter  également  que  les  représentations  humaines  de  ce  pays  se  limitent  géné- 
ralement à  un  nombre  de  trois  personnages,  tandis  que  nous  avons  ici  une  véritable  théorie.  Elle 
s'enroule  près  du  bord  de  la  coupe  au-dessus  d'une  série  de  figurations  solaires  caractérisées  par 
des  disques  d'où  jaillissent  huit  faisceaux  de  rayons,  c'est  le  motif  qui  deviendra  plus  tard  le  soleil 
sculpté  sur  tant  de  monuments.  Dans  la  ronde  de  ces  petits  personnages  qui,  les  bras  ployés, 
entrelacent   leurs  mains,  à  hauteur  de  l'épaule,  et  dans   les  décors  symboliques  dont  ils  sont 


FiG. 


254.  —  Khazinèh.  Fragment  de  coupe,  poterie  fine, 
pâte  verdàtre,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


(i)  Voir  pL  X,  fig.  2  aat  b  des  Recherches  sur  les  origines  de  l'Egypte,  L'âge  de  la  pierre  et  les  métaux,  J.  de 
Morgan. 


132 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


accompagnés,  faut-il  voir,  de  la  part  de  l'artiste,  l'intention  de  reproduire  une  scène  religieuse  ? 
Cette  supposition  semble  plausible.  Si  elle  est  justifiée,  elle  ferait  remonter  le  culte  du  soleil  à 
une  haute  antiquité,  car  ce  fragment  de  coupe  date  assurément  de  l'époque  de  la  pierre  polie.  Il  a 
été  trouvé,  comme  nous  l'avons  dit,  à  Tépé  Khazinèh  en  même  temps  que  la  hache  en  calcaire 
rose  figurée  plus  haut,  page  86. 

Dans  la  poterie  préhistorique  égyptienne,  nous  voyons  les  figures  humaines  représentées 
avec  les  bras  dressés  au-dessus  de  la  tête,  les  mains  retombantes.  Le  motif  reproduit  à  la  figure  255 
offre  une  disposition  à  peu  près  semblable,  avec  cette  différence  que  les  bras  entre-croisés  se  pro- 
longent en  haut,  comme  si  les  personnages  tenaient  des  rameaux.  C'est  une  variante  du  motif 
précédent  ;  il  est  fâcheux  que  ce  petit  fragment  soit  incomplet,  car  il  marque  une  étape  intéres- 
sante et  nous  donne  l'explication  des  motifs  suivants  qui,  sans  cette  transition,  demeureraient 


FiG.  255. 


FiG.    2)6. 


FiG.  257. 


FiG.  255.  Khazinèh.  Poterie  fine,  vert  clair,  décor  noir,  gr.  nat.  —  Fig.  256.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune,  décor  noir,  gr.  nat. 

FiG.  257.  Id.  Poterie  fine,  verdâtre,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


inintelligibles.  En  255  lecorpshumain,  malgré  le  développement  des  bras,  est  encore reconnaissable 
à  la  forme  du  torse  et  du  bassin  ;  en  256  les  bras  sont  démesurés,  entre-croisés  et  tordus;  le  corps 
a  disparu,  remplacé  par  un  rectangle  quadrillé.  La  tête  subsiste  à  la  figure  257,  mais  les  bras, 
prolongés  par  des  rameaux  (?),  ont  pris  une  extension  énorme  tandis  que  le  rectangte',  substitué 
au  corps,  tend  à  se  réduire. 

Nous  ne  retrouvons  plus  apparence  humaine  à  la  figure  258.  En  guise  de  corps,  le  rectangle 
quadrillé  a  pris  plus  d'importance,  les  bras,  moins  longs,  affectent  la  forme  d'une  lyre  ;  à  la  place 
de  la  tête  s'érige  une  sorte  de  cône. 

En  259  la  tête  se  voit  peut-être  un  peu  mieux,  les  bras  ont  diminué,  mais  le  rectangle,  barré 
de  petits  traits  horizontaux,  s'est  démesurément  allongé. 

Enfin  la  figure  260  nous  montre  un  motif  semblable,  quant  à  la  longueur  et  à  l'ornementation 
du  rectangle,  mais  les  bras,  réduits  à  l'état  rudimentaire,  ne  sont  plus  que  des  courbes  tangentes 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


153 


entre  elles  et  presque  entièrement  remplies  par  le  développement  qu'a  pris  la  tête.  Loin  de  pou- 
voir discerner  dans  cet  échantillon  des  figurations  humaines,  on  serait  tenté  d'y  voir  des  représen- 
tations d'insectes,  plus  spécialement  de  scolopendres. 


FiG.  258. 


FiG.  259. 


FiG.  260. 


FiG.  J58  Tépé  Moussian.  Poterie  jaune,  décor  noir,  grandeur  naturelle.  —  FiG.  259.  Id.  Poterie  fine,  jaune  pâle,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 
FiG.  260.  Fragment  de  coupe,  poterie  fine,  rougeâtre,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 


Ce  ne  sont  peut-être  pas  les  seuls  exemples  que  nous  possédions  des  déformations  que  l'abus 
du  schéma  peut  infliger  à  la  figure  humaine.  Dans  nos  fouilles  à  Tépé  xMoussian,  nous  avions 
souvent  rencontré  des  fragments  de  grandes  ou  de  petites  poteries  dont  le  motif  bizarre  demeu- 
rait pour  nous  à  l'état  de  problème.  Certains  vases  de  fortes  dimensions,  à  pâte  grossière,  rouge 
et  épaisse,  portaient,  peintes  en  rouge  plus  foncé  ou  en  noir,  des  silhouettes  formées  des  éléments 
suivants  :  deux  triangles  très  allongés  se  rencontrant  par  la  pointe  ;  la  base  du  triangle  supérieur 
était  surmontée  de  un,  deux,  et  rarement  trois  petits  traits  ;  à  chaque  angle  de  cette  base  se  ratta- 
chait une  sorte  de  patte,  ployée,  terminée  par  trois  doigts  ;  de  même  aux  deux  angles  de  la  base 
du  triangle  inférieur  s'ajustait  une  patte  également  ployée,  terminée  tantôt  par  trois  doigts,  tantôt 
par  un  trait  à  peu  près  perpendiculaire.  L'ensemble  de  cette  singulière  figure  ressemblait  assez, 
sous  le  rapport  de  la  forme  et  de  l'attitude,  à  une  grenouille  dont  l'artisan  eût  omis  de  dessiner 
la  tête.  Nous  opinions  donc  pour  la  figuration  rudimentaire  d'un  batracien  et  ce  motif  se  répétait 
si  fréquemment  que  nous  n'étions  pas  éloignés  d'y  voir  un  loleni  usité  parmi  les  peuplades  de  la 
région  de  Moussian. 

Au  point  D  de  notre  plan  (fig.  95,  page  63)  et  au  niveau  des  haches  en  pierre  polie,  ces  figu- 
rations devinrent  si  nombreuses  et  si  variées,  sur  tant  de  poteries  différentes,  épaisses,  fines, 
rougeâtresou  jaune  clair  que,  jointes  aux  fragments  déjà  recueillis  en  divers  points  et  particuliè- 
rement à  Tépé  Khazinèh,  elles  nous  fournirent  des  termes  de  comparaison  en  abondance.  Notre 
étude  de  ce  singulier  motif  fut  alors  grandement  facilitée. 

Nous  sommes,  croyons-nous,  en  présence  d'une  figuration  humaine  déformée  et  complète- 


IÎ4 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


ment  déviée  du  sujet  original.  En  examinant  les  figures  reproduites  ci-dessous,  il  sera  possible  de 

suivre  la  marche  de  cette  dégénérescence. 

Si  l'on   se  reporte  à  la  ronde  humaine  de  la  figure  254  et  que  l'on  y  compare  le  motif 

de  la  fio-ure   261,  on  reconnaîtra,   dans  ce  dernier,  une  série   de  bustes   schématiques  avec 

les  deux  bras  ployés,  les  mains  à  la  hauteur  des  épaules  ; 
c'est  l'attitude  observée  à  la  figure  précitée.  Mais  ici,  la  tête  et  la 
partie  inférieure  du  corps  ont  complètement  disparu  ;  les  bustes 
sont  étages  l'un  sur  l'autre  en  une  rangée  horizontale.  L'or- 
nemaniste a  disposé  sur  la  pâte  un  motif  qui,  pour  lui,  était 
de  pure  fantaisie,  car  depuis  longtemps,  sans  doute,  la  com- 
préhension de  la  figuration  première  s'était  effacée  dans  l'esprit 
des  décorateurs,  comme  c'est,  sans  doute  aussi,  le  cas  sur  les 
nombreux  échantillons  que  nous  avions  recueillis  et  dont  il  vient 
d'être  parlé. 

Nous  avons  choisi,  dans  la  quantité,  les  spécimens  les  plus 
caractéristiques  qui  nous  offrent  des  variantes.  Tels  sont  ceux  que 
reproduisent  les  figures  262  et  263. 
Dans  le  premier  ce  sont  trois  traits  qui  occupent  la  place  de  la  tête  ;  le  triangle  du  torse  se 

dédouble,   les  bustes  s'étagent  perpendiculairement  ;    les  disques  solaires  de  la  figure  254  sont 


FiG.  261.  —  Tépé  Moussian.  Poterie  fine, 
jaune  clair,  décor  noir,  2/3  gr.  nat. 


FiG.  262. 


FiG.  263. 


FiG.  262.  Khazinèli.  Fragment  d'écuelle,  poterie  fine,  jaune  clair,  décor  noir,  grandeur  naturelle. 
FiG.  263.  Id.  Fragment  d'un  grand  vase  cylindrique,  poterie  épaisse,  jaune  clair,  décor  noir,  1/2  grandeur  naturelle. 

reproduits  sous  une  forme  très  simplifiée.  La  tête  est  représentée  par  cinq  traits  à  la  figure  263  et 
les  bustes,  étages  sur  une  ligne  perpendiculaire,  se  sont  décomposés  en  trois  éléments. 

Une  très  jolie  et  très  fine  jatte  (fig.  264)  provenant  de  Khazinèh  nous  offre  la  même  dispo- 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


IÎ5 


sition  avec  quatre  traits  en  guise  de  tête  et,  pour  chacun  des  torses,  trois  triangles,  de  plus  en 
plus  espacés. 


FiG.  264.  —  Jatte  en  poterie  fine,  jaune  clair,  grandeur  naturelle. 

Il  nous  serait  facile  de  multiplier  les  exemples,  mais  ce  serait  tomber  dans  les  redites,  car  le 
motif,  arrivé  à  cette  période  de  déformation,  se  répète  sous  un  aspect  à  peu  près  invariable  ;  on  ne 
peut  trouver,  d'un  dessin  à  l'autre,  que  des  différences  d'exécution 
sans  intérêt.  Est-ce  à  dire  pour  cela  que  l'évolution  est  achevée  ?  Non 
point,  car  il  nous  reste  à  montrer  comment  (fig.  265)  elle  est  parvenue 
à  sa  formule  la  plus  simple  en  même  temps  que  la  plus  éloignée  du 
point  de  départ.  Dans  le  dernier  échantillon  que  nous  reproduisons, 
n'apparait  plus  qu'une  ligne  horizontale  de  dentelures  surmontée  de 
cinq  traits  assez  prononcés  d'où  retombe  une  ligne  courbe. 

Nous  avons  longtemps  hésité  à  assimiler  ces  figurations  à  des  repré- 
sentations humaines  tant  l'écart  est  grand  entre  le  sujet  traité  au  naturel 
et  les  conceptions  fantaisistes  que  nous  venons  de  passer  en  revue. 
Encore  ne  posons-nous  pas  ici  une  conclusion  positive  ;  nous  indiquons 
une  vraisemblance  sur  laquelle  nous  appelons  l'attention  des  critiques.  Il 

convient  de  leur  signaler  (fig.  266)  un  sujet  identique  par  l'exécution  (voir  spécialement  la  façon 
dont  la  main  est  représentée)  peint  dans  une  métope  sur  l'épaule  d'un  grand  vase  qui  provient 
de  la  nécropole  de  Tépé  Aly-Abad.  Ici  le  doute  n'est  pas  possible  ;  c'est  bien  de  figurations  hu- 
maines qu'il  s'agit,  et  la  comparaison  semble,  de  primeabord,  probante.  Mais  comment  expliquer 
qu'un  motif  déjà  très  dégénéré  —  et  même  en  certains  cas  devenu  méconnaissable  — ,  aux  divers 


IG.  265.  —  Khazinéh.  Poterie  fine, 
jaune  clair,  décor  noir,  gr.  nat. 


136 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


âges  de  la  pierre  polie,  se  retrouve  intact  dans  une  sépulture  où  nous  rencontrons  le  bronze  ? 

L'objection  est  sérieuse;  il  nous  paraît  diffi- 
cile d'y  répondre  tant  que  d'autres  décou- 
vertes ne  seront  pas  venues  jeter  quelque 
lumière  sur  ces  très  curieuses  figurations. 

Céramique  des  sépultures.  —  La  céra- 
mique des  mobiliers  funéraires  se  divise  en 
deux  catégories  :  les  vases  sans  peintures  ni 
décors  d'aucune  sorte  et  les  vases  peints  ; 
ces  derniers  sont  de  beaucoup  les  plus  nom- 
breux. 

Le  manque  de  termes  appropriés,  pour 
la  description  des  formes,  ne  laisse  pas  que 
d'être  embarrassant.  Faute  d'autres  défi- 
nitions nous  pourrions  recourir  à  celles  de 
la  céramographie  grecque  ;  mais  n'est-ce 
pas  une  anomalie  que  d'employer  ces  expres- 
sions dans  l'étude  d'une  céramique  que  nous 
considérons  comme  bien  antérieure  aux 
produits  les  plus  anciens  des  potiers  hel- 
lènes ?  Nous  éviterons  donc  autant  que  possible  l'emploi  de  ces  termes  ;  au  surplus,  les  formes 
des  vases  sont  peu  variées  et  peuvent  se  ramener  à  quelques  types  généraux. 

Les  poteries  sans  décor  consistent  en  grands  et  en  petits  vases  ;  ceux-ci  sont  peu  fréquents  dans 
les  sépultures,  bien  que  l'usage  en  fût  très  répandu  parmi  les  vivants,  à  en  juger  par  la  quantité 
de  casseaux  mise  au  jour  par  nos  tranchées  dans  le  site  de  Tépé  Moussian. 

Il  semblerait  donc  que,  pour  honorer  les  morts,  on  prit  soin  de  déposer  dans  les  tombes  des 
poteries  de  quelque  valeur  par  leurs  dimensions  ou  leur  décoration. 

Nous  donnons  ici  (fig.  267  à  273)  la  série  des  formes  sous  lesquelles  les  petits  vases  se  pré- 
sentent le  plus  communément. 

Un  seul  de  ces  objets  (n°  270)  a  été  exhumé  à  Tépé  i\loussian;  il  ne  provient  donc  pas  d'une 
nécropole,  mais  nous  devons  le  reproduire  ici  parce  que  nous  avons  souvent  trouvé,  dans  les 
tombes,  des  fragments  de  ce  genre  de  vase;  sa  fragilité  l'exposait  fatalement  à  être  détruit,  parles 
éboulements,  dans  les  sépultures.  C'est  évidemment  un  vase  à  boire  ;  la  forme  est  celle  d'un  calice 
monté  sur  un  pédoncule  ;  les  parois  sont  très  minces.  Le  petit  gobelet  rouge  décoré  de  deux  filets 
noirs  avait  la  môme  destination.  Il  n'y  a  rien  à  dire  des  autres  poteries  dont  les  formes  sont 
communes  à  toutes  les  époques. 

Les  grands  vases  sans  peintures  affectent  presque  tous  la  forme  du  n°  277,  on  en  trouve 


Fig.  266.  —  Tépé  Aly-Abad.  Grand  vase  provenant  d'une  sépulture.  Poterie 
jaune,  décor  rouge  et  noir,  1/4  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


137 


généralement  deux  exemplaires  dans  chaque  tombe.  Nous  n'avons  pu  rapporter  un  certain  type 
qui  était  toujours  trop  fragmenté  pour  qu'il  fût  possible  de  le  reconstituer  en  son  ensemble.  Très 


r* 


3: 


\ 


FiG.  267. 


\=:7^ 


FiG.  268. 


FiG.  269. 


FiG.  270. 


FiG.  271. 


FiG.  272.  FiG.  275. 

FiG.  267.  Khazinèh.  Poterie  rouge  grossière,  1/4  gr.  nat.  —  Fig.  268.  Tépé  Aly-.\bad.  Poterie  fine,  jaune  clair,  1/4  gr.  nat.  —  FiG.  269.  Kha- 
zincli.  Poterie  fine,  jaune  clair,  1/4  gr.  nat.  —  FiG.  270.  Tépé  Moussian.  Poterie  fine,  jaune  clair,  1/4  gr.  nat.  —  Fig.  271.  Tépé  Aly- 
AbaJ.  Poterie  grossière,  jaune  clair,  1/4  gr.  nat.  —  FiG.  272.  Khazinèh.  Poterie  fine,  jaune  clair,  1/4  gr.  nat.  —  FiG.  275.  Id.  Poterie 
rouge  décurée  de  deux  filets  noirs,  1/4  gr.  nat. 

court  d'épaule  avec  des  flancs  fortement  arrondis,  il  portait  un  petit  bec  au-dessous  du  col.  Nous 
citons  274  pourvu  de  quatre  boutons  d'anses,  276  muni   d'une  oreillette  triangulaire  et  275 


FiG.  274.  Fig.  27 j.  Fig.  276.  Fig.  277. 

FiG.  374  à  277.  —  Types  de  grands  vases  sans  peintures,  pâte  jaune  cliir,  provenant  des  diverses  nécropoles,  1/8  grandeur  naturelle. 

remarquable  par  la  série  de  nervures  triples  qui  traverse  l'épaule  depuis  le  col  jusqu'à  la  panse. 
Nous  n'avons  pu  déterminer  à  quel  usage  était  réservé  un  singulier  ustensile  dont  la  pré- 


Fig.  278.  Fig.  279.  Fig.  280. 

Fig.  278-280.  —  Supports  de  vases,  pâte  jaune  clair,  1/8  grandeur  naturelle. 

sence  est  constante  dans  chaque  mobilier  un  peu  riche.  C'est  un  vase  de  forme  tronc  conique 
ouvert  aux  deux  extrémités  (fig.  278  à  280)  et  percé  sur  le  pourtour  d'une  série  d'ouvertures 


158  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


triangulaires.  Ces  évents  nous  avaient  fait  supposer,  tout  d'abord,  que  nous  avions  sous  les 
yeux  une  sorte  d'appareil   de   chauffe.   Mais  il  fallut  renoncer  à  cette  hypothèse,  la  surface 

interne  ne  portant  jamais  trace  de  feu.  Par  contre,  nous  avons,  dans  une 
sépulture,  découvert  un  de  ces  objets  supportant  une  grande  écuelle 
ronde  en  poterie  fine  ;  c'est  pourquoi,  en  l'absence  d'indication  plus  pré- 
cise, nous  avons  cru  devoir  considérer  ces  poteries  comme  des  supports 
de  vases.  Le  type  278  ne  porte  qu'une  seule  rangée  de  fenêtres  triangu- 
laires, surmontée  de  trois  rainures  ;  nous  voyons  en  279  deux  séries 
d'évents  alternés  ;  enfin  le  support  280  cerné  de  deux  rainures,  l'une  près 
de  la  base  inférieure,  l'autre  à  mi-hauteur  du  fût,  n'offre  que  des  ébauches 
d'ouvertures  ;  les  incisions  ne  traversent  pas  la  paroi. 

Comme  poterie  non  peinte  nous  signalerons  un  vase  très  archaïque 
façonné  à  la  main  (fig.  281).  Il  est  de  forme  presque  quadrangulaire,  de 

FiG.  281. —  Vase  archaïque,  fait  .A        .  .  ■,  ,  -,  tt      i  i  j  j'     •  j.       é. 

la  main,  1/5  gr.  nat.  P'ite  grossicrc  et  de  couleur  rougeatre.  Un  large  bandeau  d  ou  ressortent 

quatre  boutons  cylindriques,  percés  de  trous  de  suspension,  fait  saillie 
près  de  l'orifice.  Ce  relief  est  orné  de  stries  pratiquées  au  moyen  d'une  pointe  ;  on  pourrait  voir, 
dans  ces  incisions,  la  figuration  élémentaire  d'une  feuille  de  palmier.  C'est  le  seul  exemplaire 
que  nous  possédions  de  cette  forme  et  de  ce  genre.  L'épaisseur  de  ses  parois  lui  a  permis  de 
braver,  sans  trop  de  dommages,  les  accidents  et  l'action  du  temps. 


CÉRAMIQUE    PEINTE 


La  forme  générale  des  grandes  poteries  peintes  est  celle  d'une  jarre  courte  et  trapue.  La 
panse  est  plus  ou  moins  renflée,  l'épaule  s'attache  plus  ou  moins  haut  (qu'elle  soit  étroite  ou  large; 
le  col  est  tantôt  élancé,  tantôt  ramassé,  avec  un  orifice  de  moyenne  ou  de  grande  ouverture,  mais 
le  modelé  peut  toujours  se  ramener  à  la  combinaison  de  trois  figures  géométriques.  La  panse 
est  un  tronc  de  cône  renversé,  la  plus  petite  base  servant  d'assiette  ;  l'épaule  est  constituée  par  une 
section  de  sphère  qui  couronne  la  plus  large  base  du  tronc  de  cône  ;  le  col  se  compose  d  un 
cylindre  ajusté  sur  la  section  sphérique.  Le  potier,  travaillant  sur  son  tour,  augmente  ou  dimi- 
nue, suivant  sa  fantaisie,  la  convexité  des  lignes  du  tronc  de  cône;  il  développe  ou  restreint  l'im- 
portance delà  calotte  sphérique;  il  évase  ou  rétrécit  la  partie  supérieure  du  cylindre  dont  les  parois 
sont  droites  ou  incurvées  ;  mais  le  plan  de  son  œuvre  demeure  toujours  restreint  à  l'emploi  de 
ces  trois  éléments. 

De  môme,  les  motifs  décoratifs  sont  remarquables  par  leur  profusion,  mais  non  par  leur 
diversité.  Nous  en  ferons  une  étude  aussi  concise  que  possible,  car  l'examen  des  figures  rensei- 
gnera le  lecteur  mieux  et  plus  promptement  que  ne  pourrait  le  faire  une  description  détaillée. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  139 


En  procédant  du  simple  au  composé  la  figure  282  nous  montre  un  décor  purement  géomé- 
trique. 

Toute  la  partie  inférieure  de  la  panse  est  colorée  uniformément  en  rouge  ;  un  filet  noir  limite 
ce  champ.  Au-dessus  le  fond  naturel  de  la  pâte  est  sillonné  de  deux  lignes  ondulées  rouges,  entre 
ce  premier  filet  et  un  autre  beaucoup  plus  large  qui  marque  la  démarcation  entre  la  panse  et 
l'épaule. 

Celle-ci  est  ornée  de  triangles  et  de  trapèzes,  les  premiers  coupés  d'un  quadrillé  noir  et 
rouge,  les  seconds  traversés  de  petites  bandes  parallèles  rouges.  Puis  interviennent  deux  filets 
noirs  avec  double  bande  ondulée  rouge.  Le  col  porte  une  bande  rouge  et  une  série  de  diagonales 
noires  entre  deux  filets  noirs.  Le  pourtour  de  l'orifice  est  rouge.  L'ensemble  est  sobre  et  harmo- 
nieux. 


KV 


FiG.  282.  FiG.  283.  FiG.  284. 

FiG.  282-284.  —  Nécropole  de  Tépé  Aly-Abad.  Vases  à  pâte  jaune  ou  roiigeâtre,  décors  rouges  et  noirs,  1/8  grandeur  naturelle. 

(Les  hachures  indiquent  le  coloris  rouge.) 

Même  disposition,  pour  commencer,  dans  le  vase  reproduit  à  la  figure  283,  mais  entre  les 
deux  filets,  serpentent  trois  lignes  ondulées  rouges.  La  décoration  de  l'épaule  consiste  en  tra- 
pèzes portant  alternativement  un  trait  vertical  noir  et  une  ondulation  rouge.  Entre  chaque  trapèze 
flamboie  une  représentation  solaire  composée  d'un  noyau  central  noir  et  d'un  demi-cercle  d'où 
jaillissent  des  rayons  noirs  également.  Ce  faisceau  est  surmonté  d'une  rangée  de  petits  dés  noirs. 
Un  rehaut,  ménagé  dans  la  pâte,  sépare  l'épaule  du  col,  qui  est  orné  de  deux  lignes  ondulées 
rouges  et  de  barres  verticales  noires  comprises  entre  deux  filets  de  même  couleur.  Le  bord  du  col 
est  peint  en  rouge  uniforme. 

Ce  sont  encore  des  représentations  solaires  dont  se  compose  principalement  le  motif  décora- 
tif du  vase  284. 

Toute  la  panse  est  du  ton  naturel  de  la  pâte  ;  à  la  base  nous  voyons  une  large  bande  rouge 
sur  laquelle  s'appuie  une  zone  de  figurations  en  tout  semblables  aux  précédentes  comme  dessin 
et  comme  couleur.  Ces  demi-disques,  compris  entre  deux  filets  noirs  horizontaux,  sont  séparés 
les  uns  des  autres  par  deux  traits  verticaux  noirs  encadrant  une  ondulation  rouge.  La  panse 
est  alors  coupée,  presque  à  mi-hauteur,  par  une  série  de  trois  lignes  ondulées  rouges.  Une  nou- 


140  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


velle  rangée  de  figures  solaires  apparaît  entre  deux  filets  noirs  ;  mais  ici  le  noyau  central 
est  auréolé  de  deux  courbes  concentriques,  la  plus  petite  rouge,  la  plus  grande  noire,  d'où 
s'élancent  des  irradiations  noires.  Les  séparations  verticales  sont  formées  de  bandes  rouges  cer- 
nées de  noir.  Puis  s'étagent,  en  remontant  vers  l'orifice,  trois  ondulations  rouges,  un  filet  noir, 
délimitant  la  panse,  et  un  champ  rouge  qui  couvre  la  totalité  de  l'épaule. 

Le  décor  du  col  consiste  en  une  bande  claire,  du  ton  naturel  de  la  pâte,  entre  deux  filets 
noirs,  deux  ondulations  rouges,  une  large  bande  rouge  entre  deux  traits  noirs,  une  bande  claire 
soulignée  de  deux  filets  noirs  et  enfin  le  cordon  rouge  de  l'orifice.  L'effet  de  cette  décoration  est 
très  réussi.  L'artiste  a  rendu  avec  succès  le  halo  qui  entoure  l'astre  du  jour  à  son  lever  où  à  son 
déclin.  Ce  dessin  sincère,  bien  que  conventionnel,  rappelle  singulièrement  les  ocelles  delà  queue 
du  paon. 

Sauf  aux  pourtours  du  pied  et  du  col  qui  sont  colorés  en  un  rouge  uniforme,  toute  la  sur- 
face du  vase  285  a  conservé,  comme  fond,  la  teinte  naturelle  de  la  pâte. 

En  dépit  de  sa  forme  ramassée  et  malgré  la  profusion  des  décors,  il  doit  à  cette  disposition 
un  aspect  d'élégance  et  de  clarté.  L'agencement  des  diverses  ornementations  est  le  même  que 
pour  la  poterie  précédente  avec  les  différences  de  détail  que  nous  relevons  ci-après.  Pour  la  pre- 
mière rangée  de  disques  solaires  les  irradiations  forment  une  bande  continue  ;  dans  le  second 
registre  les  deux  courbes  qui  circonscrivent  le  noyau  central  sont  formées  de  traits  noirs  et  les 
cadres  de  séparation  sont  partout  ornés  de  six  ondulations  noires  alternant  avec  cinq  bandes 
rouges.  Sur  l'épaule,  les  figurations  solaires  sont  superposées  deux  à  deux,  avec  un  arc  de  cercle 
très  tendu  ;  un  filet  noir  les  sépare.  Nous  observons  ici,  entre  deux  cônes  rouges,  la  représenta- 
tion très  exacte  d'une  gazelle  passant  à  droite,  le  corps  est  peint  en  rouge,  les  pattes  sont  noires. 
On  ne  peut  que  louer  la  précision  de  cette  silhouette  dont  le  dessin  est  souple  autant  que  net, 
avec  un  seul  défaut  :  l'attache  de  la  patte  gauche  de  devant  est  défectueuse.  Nous  remarquons 
une  oreillette  triangulaire  qui  fait  corps  avec  l'épaule  ;  elle  servait  à  manier  le  vase,  plutôt  pour 
l'incliner  que  pour  le  soulever,  car  elle  n'offre  que  peu  de  prise.  Plusieurs  spécimens  portent 
deux  oreillettes  identiques,  opposées  symétriquement. 

La  forme  ovoïde  du  vase  286  est  bien  supérieure  à  celle  des  poteries  précédentes  par  son 
harmonieuse  élégance.  La  nervure  circulaire  qui  form.e  saillie  entre  l'épaule  et  la  panse  inter- 
rompt heureusement  l'uniformité  des  lignes.  C'est  le  rouge  qui  domine  dans  le  décor  sur  toute 
la  panse  où  ne  sont  ménagées  que  deux  bandes  claires  :  l'une  étroite  et  de  ton  uni,  l'autre  large 
et  coupée  perpendiculairement  par  une  alternance  de  fuseaux  rouges  et  d'ondulations  noires.  Un 
rectangle,  encadré  de  rouge  sur  ses  longs  côtés  et  traversé  de  deux  diagonales  noires,  rompt  la 
monotonie  de  ce  motif.  L'épaule  porte,  sur  le  fond  clair  de  la  pâte,  des  représentations  animales  : 
gazelles  et  oiseaux.  Les  quadrupèdes  sont  représentés  dans  la  même  attitude,  avec  les  mêmes 
couleurs,  les  mêmes  qualités  et  les  mêmes  défauts  que  précédemment,  ils  passent  à  droite  ;  devant 
eux  se  dresse  un  seul  cône  rouge.  Les  oiseaux,  aigles  ou  vautours  éployés,  sont  entièrement 
peints  en  rouge,  sauf  la  tète  qui  est  du  ton  naturel  de  la  pâte,  ainsi  que  les  cernures  qui  soulignent 


PI.  vil.       rvi'i-;  1)1-;  i.a  cki^amkjli-:  peinii-;  dk  moissian 

haiilL-ur.   o"'|():    lait^cui',    :"\)i.     Xccropole  de    l'cpc   Alv-AbaJ  . 


FOUILLES  DE  MOUSSL\N 


141 


les  contours  des  corps  et  des  ailes.  N'est-il  pas  surprenant  de  rencontrer  à  cette  époque  (i)  une 
figuration  d'allure  aussi  héraldique?  Des  trapèzes  séparent  ces  motifs;  ils  sont  traversés  par 
une  médiane  d'où  partent  de  petites  bandes  obliques,  dirigées  de  haut  en  bas  et  qui  viennent 
s'ajuster,  en  chevrons,  sur  d'autres  petites  bandes,  également  obliques,  mais  tracées  de  bas  en 
haut  à  l'intérieur  de  deux  cadres.  Toute  cette  ornementation  est  rouge. 

La  décoration  du  col  consiste  en  une  zone  de  petits  fleurons  noirs,  surmontée  de  quatre 
bandes  alternées,  peintes  en  rouge  ou  conservant,  ainsi  que  le  rebord  de  l'orifice,  la  couleur 
naturelle  de  la  pâte. 

Le  vase  le  plus  intéressant  par  l'état  de  conservation  et  la  fraîcheur  du  coloris  est  celui  que 
nous  reproduisons  à  la  planche  VIL  II  provient  de  la  nécropole  de  Tépé  Aly-Abad  et  a  été  trouvé 
dans  la  tombe  A  décrite  aux  pages  78  et  suivantes.  De  grandes  dimensions,  il  mesure  o"',46  de 


FiG.  285.  FlG.  286. 

FiG.  285-286.  —  Nt'cropole  de  Tépc  Aly-Abad.  Vases  à  pâte  jaune,  décors  rouges  et  noirs,  i/8  grandeur  naturelle. 

(Les  hachures  indiquent  le  coloris  rouge.) 

hauteur  sur  une  largeur  maximum  de  o",4i  ;  sa  forme,  comme  celle  du  vase  précédent,  est 
ovoïde;  un  relief  sépare  la  panse  de  l'épaule. 

Le  décor  est  des  plus  compliqués.  En  allant  du  col  à  la  base  nous  voyons  le  rebord  couleur 
naturelle  de  la  pâte,  une  bande  rouge,  une  bande  claire  (ton  de  la  pâte)  sillonnée  d'une  ondula- 
tion noire  ;  puis  une  bande  rouge  et  une  bande  claire  coupée  perpendiculairement  de  traits  tantôt 
rouges,  tantôt  noirs.  L  épaule  est  ornée  de  deux  bandeaux  rouges  déterminant  trois  zones  claires 
dont  l'ornementation  se  compose,  pour  la  supérieure  et  l'inférieure,  de  triangles  noirs  opposés, 
deux  à  deux,  par  la  pointe  et  séparés  par  des  rayures  noires  ;  la  zone  moyenne  a  pour  décor  un 
croisillé  de  traits  noirs  entrecoupé  de  petits  triangles  semblables  aux  précédents.  Une  figuration 
végétale,  occupant  toute  la  hauteur  de  l'espace  compris  entre  le  col  et  la  panse,  coupe  ces  cinq 
zones;  elle  nous  donne  le  dessin  d'un  palmier  peint  en  noir  sur  le  fond  jaune  clair  d'un  trapèze 
(ton  de  la  pâte);  deux  autres  trapèzes  rouges  encadrent  ce  motif.  Un  filet  noir  marque  la  délimi- 

(i)  a  M.  Heuzey  a  établi  par  des  preuves  qui  me  semblent  irréfutables  {Mon.  et  Afém.  Piot,  p.  19-20)  que  l'aigle  hé- 
«  raldique  à  deux  tètes,  qui  orne  le  drapeau  de  certaines  nations  modernes,  est  un  emblème  transmis  à  l'Europe  par 
«  rOrientet  venu  jusqu'à  nous  de  la  très  vieille  Ghaldée.  »  E.  Pottier:  Catalogues  des  vases  antiques.  Les  origines,  p.  254. 


142  FOUILLES  DE  MOUSSL\N 


tation  de  l'épaule  et  de  la  panse.  Celle-ci  a  pour  ornementation  :  une  bande  rouge  ;  une  large 
zone  claire  (ton  de  la  pâte)  striée  perpendiculairement  de  traits  rouges  et  d'ondulations  noires, 
alternés;  de  grands  triangles,  opposés  deux  à  deux  par  la  pointe,  interviennent,  de  distance  en 
distance  pour  varier  ce  décor.  Puis  se  succèdent,  alternativement,  deux  bandes  claires  sillonnées 
chacune  d'une  ondulation  noire.  Pour  terminer  un  large  bandeau  rouge,  une  raie  claire  et  une 
bande  d'un  rouge  vif  encerclant  le  pied. 

La  curieuse  série  de  ces  vases,  dont  nous  n'avons  cité  que  les  types  principaux,  nous  donne, 
isolés  ou  associés,  le  décor  géométrique,  les  figurations  végétales,  animales,  humaines  (fig.  266) 
et  solaires.  Nous  n'avons  que  des  fragments  (fig.  250  et  251)  des  figurations  animales  combi- 
nées avec  les  représentations  végétales. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut  tous  les  décors  ont  été  appliqués  après  la  cuisson  des 
poteries.  La  qualité  des  couleurs  était  bonne  puisque  le  temps  n'a  pas  réussi  à  les  détruire. 

Le  tell  de  Suse,  au  cours  des  six  premières  campagnes  de  fouilles,  nous  avait  livré  quantité 
de  débris  appartenant  à  cette  même  céramique.  Les  décors  étaient,  pour  la  plupart,  du  style 
géométrique  ;  ils  reproduisaient,  plus  rarement,  des  motifs  empruntés  au  règne  végétal.  Comme 

nous  les  rencontrions  à  l'état  de  remaniements,  mélangés  à  des 
casseaux  de  toutes  provenances,  il  nous  avait  été,  jusqu'ici,  impos- 
sible d'en  déterminer  l'époque. 

Enfin,  durant  l'hiver  1904,  deux  de  ces  grands  vases  furent 
découverts  en  place,  à  vingt  cinq  mètres  de  profondeur (i).  Ils 
étaient  accompagnés  d'une  grande  jarre  en  albâtre  du  travail  le 
plus  archaïque  (2).  Cette  pièce  avait  assez  bien  résisté  à  la  pression 
des  terres,  très  compactes  à  ce  niveau,  mais  les  poteries,  écrasées 
par  le  poids  du  sol,  étaient  en  morceaux.  On  en  recueillit  tous  les 
fragments.  Reconstitués  aujourd'hui,  ces  deux  vases  flanquent  la 
vitrine  de  la  céramique  de  Moussian,  comme  termes  de  compa- 
raison et  pour  attester  la  haute  antiquité  de  ces  produits  de  l'in- 

FiG.  287.  -  Nécropole  de  Tépé  Aly-Abad.    ^ustHe  humaine. 
Poterie  enterre  noire  à  décor  incise  avec 

incrustations  de  pâte  blanche,  i/3gr.  nat.  Pour  terminer  l'étudc  dcs  vases  trouvés  dans  les  nécropoles 

de  Moussian,  il  nous  reste  à  décrire  un  spécimen  unique  (fig.  287) 
qui  provient  d'une  tombe  de  Tépé  Aly-Abad. 

C'est  une  poterie  de  terre  noire  à  panse  ovoïde,  sans  pied  ;  l'épaule  est  courte;  le  col,  de 
forme  tronc  conique  s'évase  vers  l'orifice.  Quatre  oreillettes  cylindriques,  perforées  d'un  trou 
de  suspension,  font  saillie  sur  le  pourtour  de  la  panse  au  point  d'attache  avec  l'épaule;  elles  sont 
symétriquement  opposées  deux  à  deux.  Le  décor  est  obtenu  au  moyen  d'incisions  pratiquées  en 

(i)  Ce  niveau  est  immédiatement  supérieur  aux  couches  du  tell  de  Suse  qui  renferment  les  échantillons  de  poterie 
fine  peinte  et  les  silex  de  la  pierre  taillée  ou  polie. 

(2)  Ce  vase  figure  dans  la  vitrine  des  albâtres  de  Suse,  au  Musée  du  Louvre. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


143 


pointillés  qui  figurent  trois  zones  superposées  de  triples  chevrons  inscrits  entre  cinq  lignes  simples 
de  pointillés.  Le  rebord  du  col  est  orné,  par  le  même  procédé,  d'une  seule  bande  de  chevrons. 

Tous  les  creux  obtenus  à  la  pointe  sont  remplis  d'une  pâte  blanche  ;  ces  incrustations  pro- 
duisent l'effet  de  perlettes  se  détachant  sur  le  fond  sombre  de  la  pâte. 

Deux  fragments  de  poteries  analogues  ont  été  recueillis  à  Suse  ;  l'un  porte  une  série  de 
cercles  incisés,  remplis  de  pâte  blanche  ;  l'autre,  figuré  au  tome  I  de  nos  Mémoires,  page  135, 
fig.  337,  a  été,  en  outre,  cité  par  M.  Heuzey(i).  Il  est  orné  d'un  décor  géométrique  et  de  la  figu- 
ration d'une  barque  dont  l'avant  supporte  des  hampes  couronnées  d'un  disque  et  de  trois  crois- 
sants. Vu  l'extrême  rareté  de  ce  genre  de  poteries  nous  étions  fondés  à  croire  qu'il  était  d'impor- 
tation étrangère;  c'est  l'opinion  que  nous  nous  avions  exprimée  (v.  plus  haut  page  76)  au  sujet 
du  vase  reproduit  à  la  figure  287. 

Après  la  concluante  étude  de  M.  Heuzey  aucun  doute  ne  saurait  subsister.  Certes,  on  ne  peut 
établir  une  comparaison,  au  point  de  vue  artistique,  entre  les  fines  représentations  animales  des 
vases  de  Tello,  les  fragments  de  Suse  et  la  poterie  simpliste  deTépé  Aly-Abad;  mais  «  pour  tous  les 
autres  détails  de  la  technique  »  la  communauté  d'origine  est  pleinement  démontrée.  La  sépulture  de 
Tépé  Aly-Abad  nous  a  donc  bien  livré  un  vase  chaldéen  apporté  en  Susiane  par  quelque  émigré. 

Vases  en  albâtre.  —  La  céramique  peinte  des  nécropoles  était  toujours  accompagnée 
d'ustensiles  en  albâtre  dans  les  tom.bes  d'une  certaine  importance.  La  qualité  de  la  matière  est 


FiG.   288. 


Fig.  289. 


FiG.  290. 


FiG.  291.  FiG.  292.  FiG.  295. 

Fig.  2S8  à  290.  Nécropole  de  Tépc  Aly-Abad.  Jattes  en  albâtre.  —  Fig.  291.  Id.  Petit  vase  ovoïde,  albâtre.  —  FiG.  292.  Id.  Augette  de 

même  matière.  —  Fig.  295.  Id.  Petite  jatte  d'albâtre,  1/3  grandeur  naturelle. 

médiocre;  c'est  un  albâtre  rubanné  â  grain  grossier.  Le  peu  de  variété  des  types,  petits  vases 
ovoïdes,  jattes  plus  ou  moins  profondes,  augettes(fig.  288  à  293),  la  rudesse  du  travail,  l'impcr- 


(i)  Revue  d'archéologie,  voL  VI,  n°  2,  pi.  IH.  De  la  décoration  des  vases  chaldéens,  p.  63. 


144 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


fection  du  polissage,  classeraient  ces  objets,  à  défaut  d'autres  renseignements,  dans  la  caté- 
gorie des  albâtres  archaïques  dont  nous  avons  de  nombreux  spécimens  à  Suse. 

Un  autre  genre  se  distingue  tant  par  la  spécialité  de  la  forme  que  par  le  plus  grand  soin 
de  la  main-d'œuvre.  Ce  sont,  croyons-nous,  des  récipients  où  l'on  conservait  les  fards;  ils  con- 
tenaient encore  des  résidus  d'enduits  verts  ou  bleus.  Ces  petits  vases  jumelés  sont,  d'une  façon 


FiG.  294.  —  N'ccropole  de  Tépc  Aly-.'Vbad.  Petits  vases  jumelés,  albâtre,  1/2  grandeur  naturelle. 


générale,  en  forme  de  cœur,  une  cloison  médiane  les  sépare  l'un  de  l'autre  ;  ils  portent  en  rehaut, 
autour  de  la  double  ouverture,  un  anneau  plus  ou  moins  développé,  orné  ou  uni.  D'aucuns 
offrent,  dans  l'axe  de  la  cloison  médiane,  deux  oreillettes  percées  de  trous  de  suspension,  d'autres 
en  sont  dépourvus. 

Il  est  presque  superflu  d'indiquer  le  rapprochement  avec  les  poteries  jumelées  des  sépul- 
tures préhistoriques  égyptiennes  et  de  signaler  la  similitude  des  coutumes  en  ce  qui  concerne 
l'emploi  des  fards. 

Le  bronze.  —  Les  mobiliers  funéraires  se  complétaient  par  la  présence  d'armes  et,  plus 
rarement,  d'outils  et  d'ornements  de  cuivre  ou  de  bronze. 

Parmi  les  armes,  ce  sont  les  haches  qui  dominent.  Si  l'on  en  considère  la  forme  on  pourra 
juger  que  le  métal  n'était  pas  prodigué.  Ces  instruments  ne  pouvaient  servir  qu'à  la  guerre  ou 
à  la  chasse  ;  ils  eussent  été  complètement  impropres  à  tout  autre  usage  et  devaient  agir  par 
pénétration,  à  la  façon  d'un  coin,  car  le  taillant  est  très  peu  développé.  En  limitant  le  plus  pos- 
sible la  consommation  du  métal,  l'arme  était  combinée  de  manière  à  pouvoir  porter  un  coup 
redoutable.  Elle  se  décompose  en  deux  éléments  :  une  forte  douille,  coupée  à  sa  partie  inférieure 
par  une  section  oblique  ;  une  lame  allongée,  à  dos  épais,  plantée  obliquement  sur  la  douille  et 
terminée  par  un  court  taillant  curviligne  (fîg.  295).  La  disposition  de  la  hache,  le  mode  d'em- 
manchement de  la  douille,  concouraient  à  produire,  en  môme  temps  qu'un  choc  violent,  une 
plus  grande  résistance  au  contre-coup. 

Nous  avons  une  variante  aux  formes  décrites  ci-dessus,  dans  une  petite  hache  provenant  de 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


145 


la  nécropole  de  Tépé  Khazinèh  (fig.  308).  Ici  l'arme  se  rapproche  d'un  type  plus  général  ;  elle 
s'implante  perpendiculairement  sur  la  douille  qui  est,  elle-même,  un  cylindre  régulier  ;  le  taillant, 
plus  développé,  est  en  forme  de  croissant.  Malgré  les  différences,  ces  divers  instruments  appar- 
tiennent à  une  période  très  archaïque. 

On  observe  le  même  archaïsme  encore  plus  aisément  dans  les  têtes  de  lance,  les  pointes  de 
piques,  de  javelines  et  de  flèches. 


FiG.  29).  —  NOcropolc  de  Tépé  Aly-Abad.  Haches  de  bronze,  1/2  grandeur  naturelle. 


La  tête  de  lance  reproduite  à  la  figure  296  est  de  grandes  dimensions,  aussi  n'en  avons- 
nous  trouvé  qu'une  seule  de  ce  genre  ;  c'était  assurément  une  arme  de  luxe.  Elle  consiste  en  une 
lame  plate,  sans  nervure,  ni  gouttière,  affectant  la  forme  de  la  feuille  de  laurier.  La  soie,  égale- 
ment plate,  se  termine  carrément  ;  elle  est  assez  longue  et  forte  pour  assurer  un  emmanchement 
solide. 

La  pointe  de  pique,  (fig.  297),  de  section  quadrangulaire,  devait  être  engagée  profondé- 
ment dans  le  bois  de  la  hampe.  Les  fouilles  de  Suse  nous  ont  fourni  trois  spécimens  de  ce  dernier 
modèle. 

19 


I4b 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


FiG.  296. 


FiG.  297. 
FiG.  296  et  297.  —  Nécropole  de  Tépé  Aly-Abad.  Tète  de  lance  et  peinte  de  pique  en  bronze,  1/3  grandeur  naturelle. 


FiG.  298. 


FiG.  299. 


FiG.   300. 


FiG.   501. 


FiG.  302. 


FiG.   503. 


FiG.  305. 


FiG.  306. 


!   / 
FiG.   307. 


F.TG.    304. 


FiG.  308. 


FiG.  298.  Nécropole  de  Tépé  Aly-Abad.  Épingle  de  bronze  ornée  d'une  perle  de  lapis-lazuli.  —  FiG.  299.  Tépé  Moussian.  Épingle  de  bronze. 
—  FiG.  300  et  301.  Tépé  Aly-Abad.  Bâton  de  sceptre  et  anneau  de  bronze.  —  Fig.  302.  Tépé  Khazinèh.  Pointe  de  javeline.  —  FiG,  505, 
304  et  305.  Tépé  Aly-Abad.  Pointe  de  flèche,  pointe  à  deux  dents,  lame  de  bronze.  —  FiG.  306.  Tépé  Moussian.  Pointe  d'un  ciseau.  — 
Fig.  307.  Tépé  Aly-Àbad.  Pointe  de  lance.  —  Fig.  308.  Tépé  Khazinèh.  Petite  hache,  1/2  grandeur  naturelle. 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN  147 


Nous  avons  en  307  une  tête  de  lance  terminée  par  une  soie  courte  et  pointue  ;  même  dis- 
position pour  une  pointe  de  javeline  (302)  provenant  de  Tépé  Khazinèh  et  pour  une  pointe  de 
flèche  (303)  représentée  comme  type  général.  Ces  armes  sont  plates  et  en  forme  de  feuilles  de 
laurier.  La  petite  pointe  à  deux  dents  (304)  appartient  à  un  type  très  ancien  que  nous  avons 
retrouvé  dans  les  tranchées  de  Suse. 

Les  ornements  sont  très  rares  dans  les  mobiliers  funéraires  ;  nous  citerons  un  long  tube  de 
bronze,  tige  d'un  sceptre  (300),  d'après  les  analogues  trouvés  à  Suse  ;  une  épingle  (299)  provenant 
de  Tépé  Moussian,  une  autre  épingle  plus  riche  (298)  dont  la  tête  est  formée  d'une  perle  de  lapis, 
et  un  anneau  (301). 

En  fait  d'outils,  un  seul  objet  est  bien  caractérisé;  c'est  une  pointe  de  ciseau  (306)  découverte 
à  Tépé  Moussian;  le  numéro  305  qui  fut  trouvé  dans  une  tombe  de  Tépé  Aly  Abad  est  d'un 
emploi  moins  certain.  Ce  peut  être  un  ciseau,  mais  ce  serait  aussi  fort  bien  une  lame  qui,  fixée 
en  son  milieu  dans  l'encoche  d'un  bois,  aurait  servi  en  guise  de  hache. 

Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  figurer  un  plus  grand  nombre  de  spécimens  du  bronze;  mais, 
d'une  part,  le  métal  est  loin  d'abonder  dans  la  région  de  Moussian  et,  d'autre  part,  il  a  tant 
souffert  de  l'action  du  temps  et  de  l'humidité  qu'il  était,  le  plus  souvent,  impossible  d'en  réunir 
les  fragments  pour  reconstituer  les  formes. 

C'est  à  dessein  que  nous  avons  rejeté  la  description  des  albâtres  et  des  bronzes  à  la  fin  de 
cette  étude,  les  caractères  archaïques  de  ces  objets  contribuant  à  déterminer  la  date  de  la  céramique 
des  sépultures. 

Quel  âge  convient-il  d'attribuer  aux  vases  peints  qui  nous  ont  été  livrés  par  les  nécropoles 
de  la  région  de  xMoussian  ? 

Avant  de  nous  prononcer  nous  appelerons  l'attention  du  lecteur  sur  les  observations  suivantes: 

r  La  profondeur  du  niveau  (vingt-cinq  mètres)  auquel  ont  été  découverts,  en  place,  dans 
le  tell  de  Suse  les  vases  identiques  â  cette  céramique  ; 

2°  La  rareté  du  métal  dans  les  sépultures  ; 

3°  La  facture  primitive  des  albâtres  et  des  objets  de  bronze  (ou  de  cuivre  ?)  qui  complètent 
les  mobiliers  funéraires  ; 

4°  Le  fait  que  les  nécropoles  n'ont  jamais  été  l'objet  de  réoccupations,  ce  qui  est  démontré 
par  l'examen  du  sol  et  des  débris  qu'il  renferme.  Quel  que  soit  le  mode  de  construction  des  tombes, 
les  dépôts,  poteries  et  armes  qui  accompagnent  le  corps,  sont  toujours  semblables  ; 

5°  Le  style  des  décors  qui  ornent  les  vases,  la  profusion  de  l'ornementation.  Pour  résumer 
les  arguments  que  l'on  peut  tirer  de  ces  deux  sujets  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  citer 
l'opinion  d'un  maître  en  la  matière  :  «  Il  est  certain  que  dans  les  périodes  primitives  tous  les 
artistes  obéissent  à  une  loi  qui  est  «  l'horreur  du  vide  ».  Faire  valoir  l'importance  d'un  motif  en 
l'isolant,  en  dénudant  tout  l'entourage,  est  l'invention  d'esprits  déjà  raffinés  (i)  »  ; 

(i)  E.  Pottier  :  Catalogue  des  vases  antiques.  Les  origines,  p.  164. 


148  FOUILLES  DE  MOUSSIAN 


6°  Le  mode  d'interprétation  des  figures  humaines  et  animales,  la  tendance  à  schématiser, 
indices  d'un  art  à  son  début,  très  éloigné  des  règles  constantes  qui  permettent  de  figer,  pour  ainsi 
dire,  en  des  formules  définitives  les  figures  à  représenter. 

Toutes  ces  considérations  concordent  à  établir  la  haute  antiquité  de  la  céramique  de  Moussian. 
Nous  inclinons  à  penser  que  les  vases  peints  des  sépultures  sont  contemporains  d'une  époque 
très  voisine  de  l'apparition  du  métal. 

Bien  d'autres  sujets  restent  à  traiter  qui  se  rattachent  à  ces  découvertes  :  composition  des 
diverses  pâtes,  procédés  de  cuisson  et  de  décoration  ;  rapprochements  à  établir  entre  ces  poteries 
et  celles  de  la  Troade,  des  Iles  et  de  la  Grèce  ;  rayonnement  de  l'influence  orientale  dans  les 
contrées  adjacentes  ;  origine  de  la  division  en  métopes  ;  filiation  des  figures  humaines  et  animales 
schématisées,  etc.,  etc.  Cette  étude  critique  dépasserait  de  beaucoup  le  cadre  restreint  d'une  simple 
notice.  Nous  ne  prétendons  pas  tirer  les  conclusions  des  découvertes  de  Moussian  ;  l'entreprise 
serait  trop  vaste  :  c'est  affaire  aux  spécialistes  de  l'accomplir  en  toute  autorité.  Notre  tâche,  plus 
modeste,  s'est  limitée  à  leur  fournir  des  renseignements  précis,  complets,  détaillés,  accompagnés 
d'un  grand  nombre  de  figures,  afin  que  leur  attention,  sollicitée  par  cette  céramique  nouvelle, 
rencontre,  dans  ces  pages,  de  quoi  s'exercer  avec  fruit. 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 


Par  a.  Jouannin. 


Lorsque  j'étais  aux  îles  Bahreïn,  au  mois  de  septembre  de  l'année  1903,  je  m'informai 
de  certains  tombeaux  qui  sont  en  grande  quantité  dans  ces  îles,  et  qui  avaient  été  signalés  notam- 
ment par  M.  et  M"""  Thomas  Bent  dans  l'ouvrage  intitulé:  «Southern  Arabia  »,  où  ils  rappor- 
tent l'exploration  qu'ils  ont  faite  d'un  de  ces  tombeaux,  lors  de  leur  séjour  aux  Bahreïn  en  1889. 
J'eus  la  bonne  fortune  de  rencontrer  en  cette  île  un  homme  plein  de  science  auprès  duquel  j'ai 
recueilli  de  précieux  renseignements  :  c'était  le  révérend  Swemmer,  clerg-yman  américain  des 
Bahreïn,  et  c'est  avec  lui  que,  le  5  septembre,  je  fis  ma  première  visite  aux  tombes  situées  près 
de  l'oasis  et  du  village  d'Ali,  à  17  kilomètres  de  Menamah,  capitale  des  îles  Bahreïn. 

En  sortant  de  cet  oasis  par  son  extrémité  S.-O.,  on  trouve  immédiatement,  en  bordure, 
d'énormes  tumuli  couverts  de  sable,  dont  le  nombre  incalculable  s'étend  à  perte  de  vue  dans  le 
désert.  Quelques-uns  des  tumili  les  plus  proches  ont  été  éventrés  et  écroulés  par  les  indigènes, 
pour  s'emparer  de  la  pierre  qu'ils  contenaient.  Si  l'on  pénètre  dans  l'ensemble  de  ces  buttes,  on 
trouve,  à  trois  ou  quatre  cents  mètres  du  village,  un  tumulus  soigneusement  ouvert  ;  c'est  celui 
exploré  en  1889  par  M.  et  M""  Bent.  La  figure  309  reproduit  la  photographie  de  l'ensemble  prise 
de  l'extrémité  S.-O.  de  l'oasis. 

La  figure  310  est  la  reproduction  d'une  autre  photographie,  prise  en  sens  inverse,  et  qui 
montre  la  limite  de  l'oasis. 

Enfin  la  figure  3  1 1  représente  le  tumulus  de  Bent  et  laisse  apercevoir  clairement  l'entrée  des 
chambres  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure. 

Ma  curiosité  avant  été  vivement  éveillée  à  la  vue  de  cette  immense  nécropole,  je  fis  plusieurs 
démarches  auprès  du  cheik  Issa,  souverain  du  pays,  pour  obtenir  l'autorisation  d'ouvrir,  à  mon 


FiG.  509.  —  Ensemble  des  tumuli  vus  de  l'extrémité  S.-O.  de  l'oasis. 


FiG.  310.  —  Les  tumuli  et  la  limite  de  l'oasis. 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 


151 


tour,  un  de  ces  tumuli.  J'obtins  cette  autorisation  le  7  septembre,  et  je  m'enquis  aussitôt  des 
terrassiers  qui  m'étaient  nécessaires.  Il  est  inutile  de  rapporter  ici  tous  les  marchandages  aux- 
quels j'ai  dû  me  livrer  pour  n'être  pas  trop  exploité  par  ces  populations  rapaces.  Grâce  au  con- 
cours obligeant  de  M.  Gaskin,  le  résident  anglais,  je  pus  enfin  obtenir  une  équipe  de  1  5  terras- 
siers persans  que  je  mis  immédiatement  au  travail. 


FiG.  311.  —  Vue  du  tumulus  de  Bent,  avec  l'entrée  des  chambres. 


J'avais  remarqué,  en  étudiant  le  tumulus  de  Bent,  que  l'orientation  delà  porte  des  chambres 
était  exactement  O.-E.  J'entrepris  donc  mes  travaux  dans  cette  même  direction.  Le  samedi 
12  septembre,  les  ouvriers  avaient  rencontré,  dans  un  conglomérat  très  dur,  un  mur  d  enceinte 
circulaire  construit  en  gros  appareil  de  pierres  calcaires,  mesurant  environ  70  centimètres  de 
côté,  et  je  lis  à  cette  date  sur  mon  journal  :  «  La  tranchée  a  horizontalement  14  pieds  de  lon- 
gueur et  on  entend,  quand  on  frappe  dans  la  direction  O.-E.,  un  son  creux  qui  me  laisse  croire 
que  nous  sommes  dans  la  bonne  direction.  »  Ce  n'est  que  le  lundi  14  que  le  chef  de 
l'équipe  vint  m'avertir  que  la  porte  du  tombeau  était  à  découvert.  A  une  heure  de  l'après-midi, 
malgré  la  chaleur  accablante,  je  m'empressai  d'aller  au  village  d'Ali,  que  j'atteignis  à  trois  heures, 


152 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 


et  à  trois  heures  et  demie  j'étais  au  pied  de  mon  tumulus.  En  pénétrant  dans  la  tranchée,  je  me 
trouvai  en  présence  d'un  mur  composé  de  très  larges  pierres  dont  je  donne  ici  le  croquis  (fig.  3 1 2). 


7*^'°'^^'?^r»rss. 


FiG.  512.  —  Tumulus  exploré  par  l'auteur. 

Je  fis  aussitôt  procéder  à  l'ouverture,  qui  ne  se  termina  que  tard  dans  la  soirée,  en  attaquant 
une  pierre  qui  était  la  seule  que  l'on  pût  arracher  sans  compromettre  la  solidité  de  l'édifice. 
Aussitôt  que  j'ai  pu  pénétrer,  j'ai  trouvé  sous  mes  pieds,  et  surtout  en  face  de  moi,  un  amoncelle- 
ment de  terre  presque  pure,  c'est-à-dire  dépourvue  de  pierre,  ce  qui  prouve  qu'elle  avait  été  rappor- 
tée pour  un  ensevelissement.  Le  caveau,  dans  lequel  j'avais  ainsi  pénétré,  présentait  un  plan 
semblable  à  celui  du  monument  de  Bent,  c'est-à-dire  une  vaste  chambre  en  pierres  calcaires  ayant 
la  forme  d'un  I  majuscule  avec  petits  décrochements  aux  deux  extrémités. 


f^^ 


FiG.  315  et  314.  —  Coupe  des  chambres  du  tumulus. 


Ce  ne  fut  qu'à  ce  moment  que  je  pus  me  rendre  compte  que  je  n'avais  pas  pénétré  dans  le 
monument  par  sa  porte  primitive,  mais  bien  par  le  côté  d'un  des  décrochements.  Cela  démontre 
que  la  direction  O.-E.,  que  j'avais  si  soigneusement  observée,  n'était,  dans  le  monument  de  Bent, 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN  153 


que  tout  à  fait  accidentelle,  et  que,  par  conséquent,  ce  monument  était  édifié  sans  direction  pré- 
conçue. J'ajouterai  que  le  centre  de  la  chambre  dans  laquelle  je  me  trouvais  était  absolument 
vide,  et  que  l'extrémité  opposée  à  celle  par  laquelle  j'étais  entré  était,  comme  la  première,  encom- 
brée de  terre. 

Pendant  les  jours  suivants  je  fis,  aussi  soigneusement  que  je  le  pouvais  avec  les  moyens  très 
rudimentaires  dont  je  disposais,  trier  la  terre  que  je  retirais  de  la  chambre,  et  je  récoltai  quelques 
os  et  quelques  petits  débris  dont  je  ne  pus  pas  déterminer  la  matière,  mais  qui,  à  première  vue, 
peuvent  être  attribués  soit  à  de  l'ivoire,  soit  à  des  coquilles  d'oeufs  épais  (tels  les  œufs  d'au- 
truche). 

Ces  tombeaux,  ainsi  que  le  montre  celui  de  Bent  (fig".  317  et  318),  sont  composés  de  deux 
chambres  superposées.  Je  ne  pus  pénétrer  que  dans  la  chambre  supérieure,  car  l'heure  de  mon 
départ  de  l'île  Bahreïn  était  arrivée,  et  je  ne  pouvais  pas,  sans  compromettre  la  mission  que  j'avais 
à  remplir,  la  retarder  davantage.  Il  ne  me  restait  plus  qu'à  faire  soigneusement  le  levé  de  plan 
du  tumulus  de  Bent  et  de  celui  que  je  venais  d'ouvrir,  afin  de  pouvoir  établir  un  point  de  com- 
paraison entre  les  deux. 


MONUMENT   DE   BENT 

Le  monument  de  Bent,  comme  tous  les  autres  tumuli  qui  l'entourent,  présente  extérieure- 
ment la  forme  d'un  cône  de  sable  dont  l'un  des  côtés,  du  sommet  à  la  base,  mesure  17  mètres, 
et  le  diamètre  à  la  base  30  mètres.  Bent  a  commencé  à  ouvrir  son  tumulus  par  le  sommet.  A  envi- 
ron 4  mètres  de  profondeur,  il  a  rencontré  un  fort  plancher  de  feuilles  de  palmier  amalgamées 
dans  un  mortier,  et,  en  dessous,  un  dallage  d'énormes  pierres  d'environ  i™,6o  de  section,  qui 
formait  le  plafond  de  la  chambre  supérieure  de  ce  tombeau.  Il  fut  amené  à  désagréger  la  paroi  Ouest 
du  tumulus  jusqu'à  ce  qu'il  eût  trouvé  la  porte  A  (voir  plan  et  coupe  ci-contre,  fig.  316a  31H). 

Cette  porte  a  été  détruite,  mais  nous  en  trouverons  à  peu  près  une  semblable  quand  nous 
étudierons  mon  tumulus.  .\  la  hauteur  du  sol  de  la  chambre  supérieure  de  ce  tumulus,  la  porte 
se  trouve  à  environ  8  mètres  du  côté  extérieur  du  cône  (voir  coupe  suivante  AB,  fig.  317).  Le  mur 
de  la  chambre,  laissé  à  découvert  par  l'enlèvement  des  matériaux  formant  la  porte,  montre  une 
section  de  i"\3o  d'épaisseur;  la  longueur  de  la  chambre  est  de  9  mètres,  la  hauteur  de  i^.^o;  la 
largeur  de  la  chambre  principale  est  de  i  '",40,  la  largeur  totale  aux  deux  extrémités,  y  compris  les 
décrochements  formant  l'I  majuscule,  3'",  50;  c'est-à-dire  que  les  écoinçons  de  chaque  côté  de  cette 
chambre  principale,  qui  forment  décrochements,  ont  environ  i  mètre.  Les  murs  sont  composés 
d'énormes  pierres  calcaires  dont  la  section  varie  de  40  à  55  centimètres.  Les  deux  planchers, 
dans  la  partie  où  il  m'a  été  permis  de  les  mesurer,  présentent  une  section  de  40  à  45  centimètres 
d'épaisseur  et  sont  composés  de  dalles  de  2"',  50  de  largeur  sur  une  face,  et  environ  2  mètres  sur 


154 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 


l'autre.  La  chambre  ainsi  formée  est  un  gros  appareil,  mais  admirablement  dressé;  elle  n'est  ni 
jointoyée  ni  enduite.  Dans  cette  chambre,  Bent  prétend  n'avoir  trouvé  que  quelques  os  de  gros 
animal,  soit  cheval,  soit  dromadaire. 


'è#^»    ,>-  . 


FiG.  315.  —  Entrée  des  chambres  du  tumulus  de  Bent. 


Chambre  inférieure.  —  La  chambre  inférieure  est  plus  spacieuse  que  la  chambre  supérieure. 
Elle  présente  les  mêmes  dispositions,  mais  mesure  2",  1 5  de  hauteur  ;  le  mur  de  face  a,  à  la  base, 
i"',75.  Elle  offre,  comme  la  chambre  supérieure,  des  décrochements,  et  c'est,  parait-il,  dans  ces 
décrochements  que  Bent  aurait  trouvé  des  os  humains  mélangés  de  quelques  débris  d'objets 
d'ivoire  sculpté  et  d'œufs  d'autruche  coloriés.  Autant  qu'il  m'en  souvient,  ces  objets  auraient  été 
offerts  par  lui  au  British  Muséum  ;  mais  la  chambre  inférieure  diffère  énormément  de  la  chambre 
supérieure  on  ce  quelle  est  enduite  d'un  ciment  très  fin  et  d'une  grande  dureté.  J'en  ai  rapporté 
quelques  échantillons.  Sur  les  parois  des  murs,  à  environ  i",40  du  sol,  tout  le  long  delà  chambre 
dans  les  décrochements,  se  trouvent  de  petites  cavités  soigneusement  ménagées  présentant,  en 
section,  une  forme  ovoïde  de  5  centimètres  de  hauteur  dans  la  plus  grande  dimension.  J'ai  intro- 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 


15$ 


FiG.  316.  —  Plan  du  tumulus  de  Bent. 


e     I      1     1     <      I 


FiG.  317.  —  Tumulus  de  Bent.  Coupe  suivant  A  B. 


A  t  I  ■         4  f 


»•& 


FiG.  318.  —  Tumulus  de  Bent.  Coupe  suivant  C  D. 


156 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 


duit  dans  ces  trous  des  baguettes  qui  se  sont  enfoncées  parfois  jusqu'à  plus  de  i  mètre  de  pro- 
fondeur sans  rencontrer  de  résistance,  et  j'ai  observé  que  sur  les  deux  murs,  face  à  face,  ces  trous 
étaient  disposés  de  façon  correspondante.  J'ai  donc  pensé  qu'ils  avaient  pu  être  ainsi  préparés  pour 
recevoir  des  tiges  de  bois  propres  à  suspendre  les  étoffes  ou  autres  objets  ensevelis  avec  le  mort. 


'i/!jl!:il 


)  I  1   !   1 


0        i 


3       4 


iO 


15  M. 


FiG.  319.  —  Plan  du  tumulus  explore  par  l'auteur. 


Mon  tumulus.  — Je  crois  qu'il  est  suffisant  d'attirer  l'attention  sur  les  quelques  différences 
qu'il  peut  y  avoir  entre  le  tumulus  que  j'ai  ouvert  et  celui  de  Bent.  Le  plan  que  je  donne  ci-dessus 
permettra  de  voir  la  différence  de  dimensions  qui  existe  entre  les  deux  et  de  comprendre  aussi  de 


LES  TUAIULI  DE  BAHREIN  157 


quelle  façon  ont  été  dirigés  mes  travaux.  J'attire  cependant  l'attention  sur  ce  point  que  j'ai  déjà 
signalé,  que  la  direction  des  chambres  est  tout  à  fait  différente  dans  le  tumulus  de  Bent  et  dans 
le  mien  (fig.  319)  dont  la  porte  s'ouvre  dans  la  direction  S.-O.  Je  donne  dans  la  petite  coupe 
(fîg.  313  et  314)  une  indication  de  la  forme  que  présentaient  les  amoncellements  de  terre  dans 
l'intérieur  de  la  chambre.  Enfin,  comme  dans  le  tumulus  de  Bent,  la  chambre  supérieure  dans 
laquelle  je  suis  entré  n'est  pas  enduite.  Reste  à  déterminer  la  construction  de  la  chambre  infé- 
rieure dans  laquelle  je  n'ai  pas  eu  le  temps  de  parvenir.  J'ai  dû  quitter  les  travaux  le  19  sep- 
tembre. A  cette  époque,  M.  Gaskin,  auprès  duquel  j'avais  trouvé  un  si  bienveillant  concours,  avait 
quitté  momentanément  l'ile  Bahreïn.  Je  lui  ai  écrit  depuis,  lui  demandant  de  vouloir  bien  pour- 
suivre les  travaux  que  j'avais  commencés  et  de  m'en  faire  connaître  le  résultat.  Il  a  bien  voulu 
me  le  promettre,  et  j'ai  tout  lieu  d'espérer  que  nous  aurons  très  prochainement  un  complément 
de  renseignements  intéressants. 

La  porte  de  la  chambre  supérieure  est  composée  d'un  blocage  en  pierres  dressées,  d'environ 
30  ou  35  centimètres  de  coté. 

CoNCLfsiON.  —  J'ai  interrogé  tous  les  habitants  de  lilc,  j'ai  interrogé  le  Chcik  et  des 
mollahs,  il  n'existe  aucune  tradition  sur  ces  tombeaux;  mais  j'ai  acquis  en  même  temps  la  con- 
viction qu'il  n'y  avait  pas  aux  Bahreïn  de  carrières  de  pierres  calcaires,  et  que,  par  conséquent, 
l'énorme  quantité  de  pierres  accumulées  dans  les  monuments  d'Ali  était  importée.  Enfin,  si  l'on 
rencontre  à  Bahreïn  quelques  ruines  arabes  des  ix  et  x"  siècles  de  notre  ère,  et  des  ruines  portu- 
gaises du  commencement  du  xvi",  il  n'y  existe,  en  dehors  de  ces  tumuli,  aucun  vestige  d'une  civi- 
lisation antérieure  à  notre  ère,  et,  par  conséquent,  d'une  époque  assimilable  à  celle  des  tombeaux 
que  nous  venons  d'examiner.  Quand,  quelques  semaines  après,  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  ren- 
contrer en  Mésopotamie  les  savants  archéologues  anglais  ou  allemands  qui  m'ont  fait  visiter  leurs 
travaux  de  Schcrgat  ou  de  Ninive,  j'ai  été  frappé  par  l'assertion  qu'ils  m'ont  donnée  que  l'on 
n'avait  jamais  trouvé  de  tombes  assyriennes  ou  babyloniennes.  Mais  alors,  quel  champ  laissé  à 
toutes  les  hypothèses,  quand  on  se  trouve  en  présence  de  l'immense  nécropole  des  Bahreïn  qui  ne 
peut  être  l'œuvre  que  d'un  peuple  riche  et  puissant?  Il  y  a  en  effet,  réunis  dans  un  seul  désert, 
plusieurs  milliers  de  tombes  aussi  importantes  que  celles  que  je  viens  de  décrire.  Un  indigène 
d'Ali  me  disait  qu'on  pouvait  marcher  ainsi  pendant  quatre  heures,  sans  sortir  de  la  nécropole. 

Je  ne  puis  pas  terminer  ce  compte  rendu  sans  rapporter  une  phrase  bien  typique  qui  me  fut 
dite  par  un  cheick  arabe  qui  était  venu  visiter  mes  travaux,  et  qui,  comme  tous  ses  concitoyens, 
ne  se  rendait  pas  compte  de  leur  but  :  «  Que  cherches-tu  entre  ces  vieilles  pierres  ?  »  me  dit-il, 
«  c'est  certainement  de  l'or.  »  —  «  Non,  lui  répondis-jc,  j'ai  même  promis  au  cheick  Issa  que,  si 
je  trouvais  des  trésors,  ils  lui  appartiendraient.  »  —  «  Ah!  je  sais,  ajouta  tout  à  coup  mon  inter- 
locuteur, semblant  sortir  d'une  profonde  rêverie,  tu  fouilles  cette  terre  pour  pouvoir  prouver 
qu'elle  a  appartenu  jadis  aux  chrétiens,  et  pour  nous  la  reprendre.  »  J'ai  pensé  que  je  perdrais 
mon  temps  à  expliquera  cet  arabe  toutes  les  beautés  de  l'archéologie. 


LA  REPRESENTATION  DU  LION  A  SUSE 


Par  g.  Lampre. 


Dans  toute  civilisation,  dès  que  la  main-d'œuvre  acquiert  un  certain  degré  de  sûreté,  on 
voit  apparaître,  parmi  les  tentatives  artistiques,  la  figuration  du  lion.  Il  est  bien  compréhensible 
que  les  artisans  antiques,  aussitôt  en  possession  d'une  maîtrise  suffisante,  se  soient  essayés  à 
symboliser  la  force  et  le  courage  sous  la  figure  du  roi  des  animaux.  Qu'il  protège  le  seuil  des 
temples,  qu'il  garde  le  repos  des  rois  dans  les  salles  intérieures  des  palais,  qu'il  atteste,  sur  les 
bas-reliefs,  leur  vaillance  à  la  chasse,  à  côté  de  leurs  exploits  guerriers,  ou  que  plus  modeste- 
ment, il  serve,  dans  les  premiers  temps,  de  motif  aux  graveurs  de  sceaux,  de  cachets  et  d'amu- 
lettes, il  demeure,  à  travers  les  âges,  la  préoccupation  constante  des  sculpteurs,  des  ciseleurs  et 
des  céramistes.  En  toute  contrée  où  il  règne,  il  doit  à  la  crainte  qu'il  inspire,  à  la  masse  imposante 
de  son  corps,  à  la  noblesse  de  ses  attitudes,  d'être  le  modèle  de  prédilection. 

Dans  la  Mésopotamie  et  l'Elam,  pays  où  le  grand  fauve  abondait  jadis  et  où  on  le  ren- 
contre encore  parfois  de  nos  jours (i),  la  tradition  artistique  lui  demeura  fidèle.  Elle  fut  inter- 
rompue par  la  conquête  arabe  et  par  l'introduction  d'un  nouveau  style,  ennemi  des  figures.  Mais 
il  est  inutile  de  rappeler  que  le  lion  est  toujours,  avec  le  soleil,  l'emblème  de  la  Perse  ;  aujourd'hui 
encore,  protecteur  des  sépultures,  on  le  voit  se  dresser  sur  la  tombe  des  indigènes  de  l'Iran  (2). 

(i)  Décimé  par  les  armes  à  tir  rapide,  le  lion  a  disparu  de  la  Haute  et  de  la  Moyenne  Mésopotamie;  il  s'est  réfugié 
au  Sud,  parmi  les  dunes  de  sable,  ou  dans  les  roseaux  et  les  fourrés  de  tamaris  qui  couvrent  les  marécages  du  Chatt-el 
Arab  et  de  la  Kerkha.  Le  D''  Haynes,  de  la  Mission  américaine,  a  délogé  un  lion  du  tell  de  Niffer,  il  y  a  quelques 
années.  En  1902  un  couple  de  ces  animaux  fut  tué  dans  la  plaine  de  Moussian.  La  môme  année  un  de  nos  mes- 
sagers fut  attaqué  et  blessé  par  un  lion  dans  la  petite  forôt  qui  borde  la  Kerkha  à  trois  kilomètres  de  Suse.  Enfin  au 
printemps  de  1903  un  de  nos  convois  de  transports  rencontra  un  lionceau,  en  plein  jour,  dans  la  plaine  de  Kheirabad, 
entre  Suse  et  Nasseri. 

(2)  Ces  sculptures,  très  grossières,  deviennent  déplus  en  plus  rares.  On  les  observe  dans  les  cimetières  musulmans 


ï6o  LA  REPRESENTATION  DU  LION  A  SUSE 


Il  est  donc  intôressant  d'étudier,  en  un  groupe,  les  diverses  représentations  du  lion  qui  nous 
ont  été  fournies  par  les  fouilles  de  Suse,  car  elles  constituent  les  prototypes  de  cette  longue  série 

qui  se  déroule,  presque  sans  interruption  jusqu'aux 
temps  modernes.  Sans  avoir  la  haute  antiquité  du 
petit  lion  en  ivoire  de  Négadah  (fig.  320),  qui  est  la 
plus  ancienne  figuration  de  ce  genre,  elles  remontent 
à  une  date  respectable  et  embrassent  toute  la  période 
,,.,..,..,      •  ,     I  ,    1       „   I  ^„  qui  s'étend  des  âges  préhistoriques  susiens  à  l'époque 

l-iG.  320.  —  Petit  lion  d  ivoire  trouve  dans  le  tombeau  royal  de    t  or  T  r    T 

Ncgadah  (Egypte).  Grandeur  naturelle.  achéménide.  On  retrouvcra  dans  les  figurations  pre- 

mières découvertes  à  Suse  de  curieuses  analogies  de 
convention,  de  pose  et  d'exécution  avec  la  figurine  égyptienne  que  nous  reproduisons,  pour  ce 
motif,  au  début  de  la  présente  notice. 

Cachets  et  E.mpreintes.  —  A  Suse,  ce  sont  de  rares  cachets  et  de  nombreuses  empreintes 
de  cylindres  qui  ouvrent  la  marche.  Les  uns  et  les  autres  ont  été  étudiés  et  décrits  avec  une 
heureuse  minutie  par  M.  G.  Jéquier  en  tête  de  ce  volume  (i).  Nous  signalerons  un  petit  lion 
couché  (fig.  6,  cachet  en  calcaire  rose)  qui  offre,  comme  manière  et  comme  attitude,  des 
similitudes  remarquables  avec  deux  grands  lions  de  pierre  dont  nous  ferons  plus  loin  l'étude.  La 
figure  7  du  même  mémoire  représente  une  tête  traitée  dans  un  genre  tout  différent  du  type 
général  que  nous  aurons,  la  plupart  du  temps,  à  décrire.  Il  convenait  de  la  citer  parmi  les 
représentations  qui  se  rapprochent  le  plus  de  la  réalité. 

Dans  les  empreintes  de  cylindres  on  notera  que  les  lignes  typiques  et  les  détails  caractéris- 
tiques sont  toujours  indiqués  avec  un  grand  soin,  quelle  que  soit  la  variété  des  mouvements.  Il 
semblerait  donc  que  les  premiers  artisans,  malgré  leur  inhabileté,  se  montraient  plus  soucieux  de 
la  vérité  que  ne  l'ont  été  leurs  successeurs,  pour  qui  la  convention  s'est  substituée,  presque  tou- 
jours, à  l'observation  sincère. 

L'âge  auquel  appartiennent  ces  cachets  et  ces  empreintes  a  été  déterminé  avec  une  évaluation 
aussi  précise  que  possible  par  M.  G.  Jéquier.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  d'y  revenir  si  ce  n'est  pour  rappe- 
ler qu'ils  marquent,  âSusc,  Icsdébutsdelareprésentationdulion,  entre  40ooet  300oans  av.  J.-C. 

Lions  de  pierre.  —  Deux  statues  de  lions  accroupis,  qui  ont  été  mises  au  jour  dans 
notre  tranchée  n°  23,  au-dessous  du  dallage  du  temple  de  Chouchinak,  à  4", 60  de  profon- 
deur (2)  appartiennent  au  troisième  millénium  par  la  technique. 

de  l'Azerbeïdjan,  du  Pouchté-Kouh  et  de  la  région  des  Bakhtyaris.  Des  motifs  ciselés  sur  les  flancs  de  ces  lions  rudi- 
mentaircs  rappellent  la  carrière  du  défunt;  ce  sont  un  sabre  et  des  pistolets  s'il  s'agit  d'un  guerrier,  des  instruments 
agricoles  pour  un  laboureur,  les  outils  de  son  métier  pour  un  artisan. 

(i)  Cachets  el  cylindres  archaïques. 

(2)  Cf.  de  Mecquenem,  Mém.  de  la  Délég.A.  Vil.  —  Offrandes  de  fondation  du  temple  de  Chouchinak,  p.  63. 


■::'   [JE   h:e;^! 


:-';:Y;_K    AHCiiAlQUK 

IV.,..,,         ■^-.        ..•         '<''■,  f. 


LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 


i6i 


FiG.  321. 


Silhouette  d'un  dos  lions  do  pierre. 


Ces  deux  représentations  sont  taillées  dans  un  calcaire  d'un  blanc  jaunâtre,  très  compact  et 
dont  la  dureté  a  dû  opposer  de  sérieuses  difficultés  au  travail  du  ciseau.  Le  poli  en  était  fort 
soigné,  mais  la  roche  a  souffert  de  l'action  du  feu  et  la  couche  superficielle  s'est  écaillée  sur  plus 
d'un  point. 

De  dimensions  à  peu  près  identiques  (longueurs  respectives  i  mètre  et  i''\05,  hauteurs  com- 
parées, au  sommet  de  la  tête,  0^,48  et  o",45)  ces 
statues  ont  été  conçues  suivant  un  plan  unique 
exécuté  par  deux  sculpteurs  différents,  car  l'une 
des  œuvres  est  manifestement  supérieure  à  l'autre 
(voir  PI.  VIII). 

Les  fauves,  tous  deux  mâles,  sont  figurés 
dans  la  pose  accroupie,  les  pattes  de  derrière  for- 
tement engagées  sous  les  flancs,  les  pattes  de 
devant  ramenées  sous  le  thorax  de  façon  à  dé- 
passer de  très  peu  une  perpendiculaire  menée  de 
l'extrémité  du  nez  vers  le  sol  (fig.  321).  Cette 

attitude  est  contraire  à  l'observation  et  un  animal  accroupi  de  la  sorte  aurait  quelque  peine  à  se 
détendre.  L'erreur  de  dessin  est-elle  uniquement  due  à  une  incapacité  d'exécution,  ou  bien  cette 

contrainte  dans  la  pose  a-t-elle  été  imposée  par  la  parcimonie  de 
la  matière  ?  La  seconde  supposition  n'est  pas  inadmissible,  car 
le  bloc  dans  lequel  a  été  sculpté  l'un  des  lions  s'étant  trouvé  trop 
court,  les  deux  pattes  de  devant  sont  rapportées.  Elles  ont  été 
façonnées  dans  un  morceau  de  la  même  roche  fixé  ensuite  au 
corps  par  de  forts  goujons  de  bronze  ou  de  cuivre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  n'est  pas  seulement  l'attitude  qui 
prête  à  la  critique.  En  jetant  un  coup  d'oeil  sur  la  figure  321  et 
la  planche  VIII  on  sera  de  suite  frappé  par  la  disproportion 
flagrante  entre  la  grosseur  de  la  tète  et  le  volume  total  du  corps, 
et,  inversement,  par  la  mesquinerie  de  la  croupe.  Ces  défauts 
sont  encore  plus  sensibles  si,  après  avoir  considéré  les  statues 
FiG.  322.  — Lion  de  pierre,  vu  de  trois  quarts,  de  profil,  OU  les  envisagc  de  trois  quarts  (fig.  322).  Alors  éclatent 

non  seulement  les  fautes  de  dessin  dans  l'ensemble,  mais  aussi 
l'imperfection  des  détails.  La  tète,  surbaissée,  ne  se  dégage  pas  suffisamment  de  la  ligne  du 
corps;  le  front  et  le  nez  sont  trop  bombés  et  trop  courts,  sans  séparation  à  l'arcade  sourcilière. 
Un  développement  tout  à  fait  anormal  est  attribué  au  mufle  et  à  la  mâchoire  inférieure.  Les 
yeux  saillent  de  façon  plus  grotesque  que  terrible;  les  oreilles,  arrondies  et  couchées  en  arrière, 
sont  à  l'état  rudimentaire.  Un  simple  évidement,  agrémenté  de  traits  pour  indiquer  les  dents, 
figure  l'hiatus  de  la  gueule.  La  crinière,  tracée  en   trois  bandeaux   coupés  d'annelures,   ne  se 


i62  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 

détache  pas  de  la  tête  et  se  prolonge  par  un  bourrelet  qui  forme  collier  sous  le  maxillaire  infé- 
rieur. Les  hanches  sont  dessinées  au  moyen  de  dépressions  bien  marquées,  mais  les  doigts  des 
pattes  ne  sont  représentés  que  par  trois  stries.  Une  sinuosité  partant  de  l'articulation  des 
membres  antérieurs  remonte  jusqu'à  hauteur  de  l'oreille  pour  accuser,  en  creux,  le  muscle  de 
l'épaule.  Nous  y  voyons  l'origine  du  modelé  conventionnel  qui  se  retrouve  avec  une  complication 
beaucoup  plus  fantaisiste  dans  la  musculature  des  lions  assyriens. 

Ces  méprises  du  sculpteur,  bien  visibles  dans  la  première  statue,  s'observent  également, 
mais  très  atténuées  dans  la  seconde.  Le  lion,  plus  allongé  dans  son  ensemble,  est  ici  d'une  facture 
moins  fruste.  L'artisan  s'est  appliqué  non  sans  succès,  à  marquer  les  reliefs  du  front,  l'arête  du 
nez,  la  commissure  des  paupières,  l'ourlet  de  l'oreille.  Il  a  restreint  l'épaisseur  du  mufle,  ouvert 
plus  largement  le  rictus  de  la  gueule,  ciselé  les  dents  et  les  crocs,  soigné  la  masse  de  la  crinière, 
diminué  l'épaisseur  du  collier,  fouillé  le  détail  des  pattes.  Sans  doute  il  n'a  point  réussi  à  créer 
une  œuvre  véritablement  artistique,  mais  il  est  du  moins  parvenu  à  réaliser  une  tentative  d'art 
intéressante  pour  une  époque  si  reculée. 

Sous  réserve  des  critiques  que  nous  venons  de  formuler,  ces  deux  lions  accroupis  ne  laissent 
pas  que  de  produire  un  effet  assez  imposant.  Ils  étaient,  sans  doute,  destinés  à  garnir  le  seuil 
d'un  temple  ;  leur  corps  est  perforé,  au  milieu  de  la  ligne  dorsale,  d'un  trou  cylindrique  de 
G",  II  de  diamètre.  Un  encastrement  aussi  profond  n'eût  pas  été  nécessaire  si  ces  lions  avaient 
servi  de  supports  à  des  statues  de  divinités.  On  peut,  au  contraire,  présumer  avec  raison  que  ce 
logement  cylindrique  avait  été  pratiqué  à  travers  le  corps  pour  recevoir  et  maintenir  des  mâts 
enfoncés  en  terre. 

Les  deux  animaux  étaient  opposés  face  à  face.  Ce  fait  est  prouvé  par  une  observation  de 
détail.  La  queue  de  chacun  des  lions  est  retroussée  sur  la  croupe  d'une  façon  toute  convention- 
nelle, mais  tandis  que,  chez  l'un  des  lions,  elle  vient  retomber  dans  le  pli  de  la  hanche  gauche, 
chez  l'autre  elle  s'infléchit  dans  le  pli  de  la  hanche  droite,  disposition  contraire  qui  convenait  à 
deux  figures  destinées  à  se  faire  vis-à-vis. 

Si  l'on  se  reporte  à  la  figure  320  qui  représente  le  petit  lion  en  ivoire  de  Negadah,  on  obser- 
vera que  la  queue  est  aussi  retroussée  de  la  même  façon  anti-naturelle,  mais  qu'au  lieu  d'aboutir 
au  pli  de  la  hanche  elle  se  termine  en  enroulement  sur  la  ligne  médiane  du  dos. 

Bas-reliefs.  —  Un  laps  de  temps  assez  considérable  sépare  ces  représentations  primitives 
des  bas-reliefs  que  nous  allons  étudier.  Il  existe  là  une  lacune  que  de  nouvelles  découvertes  nous 
permettront,  sans  doute,  de  combler,  par  la  suite,  car  c'est  à  l'époque  du  roi  Doungi  que  nous 
reporte,  quant  à  présent,  la  continuation  de  cette  série.  La  présence  d'une  double  inscription  nous 
permet  d'en  fixer  la  date,  qui  est  celle  du  patesi  Karibou-Cha-Chouchinak. 

La  pierre  en  losange,  qui  porte  ces  textes,  est  un  calcaire  à  grain  serré,  de  teinte  rougeâtre. 
Elle  mesure  o'",86  de  longueur,  sur  o"\68  de  largeur  et  o'",i8  d'épaisseur  et  fut  trouvée,  en 
février  1903,  à  5  mètres  de  profondeur  dans  le  prolongement  et  au-dessous  du  niveau  des  dallages 


LA  REPRESENTATION  DU  LION  A  SUSE 


163 


du  temple  de  Chouchinak,  non  loin  des  log-ements  qui  renfermaient  les  canéphores  de  bronze  et 
les  tablettes  de  pierre  au  nom  de  Doungi(i).  Les  deux  textes  gravés  sur  cette  pierre  sont  l'un  en 
langue  et  caractères  babyloniens,  l'autre  en  caractères  proto-élamites.  Le  premier  a  trait  à  des 
travaux  d'ornementation  du  temple  de  Chouchinak,  le  second  énumère  une  liste  d'offrandes(2). 

Un  des  angles  du  losange,  celui-là  môme  d'où  partent  les  inscriptions,  se  termine  par  une 
tête  de  lion  d'une  facture  très  simpliste  (fig.  323).  Il  y  a  loin  de  la  nature  à  cette  rude  et  défec- 
tueuse représentation.  La  forme  générale  de  la  tête  est  trop  ramassée,  avec  un  développement 
exagéré  du  mufle  ;  le  nez  très  rapetissé  accentue  ce  manque  de  proportion  ;  il  est  figuré  par 


d5' »    < 86"- 

FiG.  323.  —  Pierre  en  losange  terminée  par  une  tète  de  lion. 


des  traits  en  triangle,  surmontés  de  deux  points  qui  marquent  les  narines  ;  un  angle  très  ouvert 
indique  l'entaille  de  la  gueule.  Deux  sinus  profonds  font  saillir  les  pommettes  ;  les  yeux,  assez 
vaguement  tracés,  n'ont  point  de  relief;  le  front,  très  aplati,  n'est  pour  ainsi  dire  pas  dessiné,  non 
plus  que  l'arcade  sourcilière.  Par  contre  les  oreilles  prennent  une  importance  démesurée.  Un 
fort  collier  de  crinière  contribue  à  engoncer  cette  figuration  déjà  trop  lourde.  Le  sculpteur  en 
cherchant  à  obtenir  un  raccourci  a  produit  l'impression  d'un  écrasement 

Cette  représentation  a  son  analogue  dans  une  tête  de  lion  sculptée  à  l'un  des  angles  d'une 
cuve  en  forme  de  quadrilatère  découverte  à  Tello.  Le  fragment,  qui  nous  en  est  conservé,  offre  les 
restes  d'un  texte  où  se  lit  le  nom  de  Goudéa(3). 

De  l'examen  de  cette  figuration,  il  ne  faudrait  pas  conclure  que  les  sculpteurs,  à  l'époque 
de  Karibou-Cha-Chouchinak,  fussent  impuissants  à  réaliser,  en  ce  genre,  des  œuvres  d'un 
niveau  plus  élevé.  Nous  possédons,  effectivement,  de  la  même  période,  un' fragment  de  bas- 
relief  daté  par  une  inscription  en  caractères  proto-élamites,  semblables  à  ceux  que  [porte  la 
pierre  en  losange.  Près  d'une  figure  de  personnage  agenouillé,  enserrant  de  ses  deux  mains 


(i)  Cf.  Mém.  de  la  Délég.,  t.  VII.  —  Offrandes  de  fondation  du  temple  de  Chouchinak.  p.  63  et  pi.  XI. 

(2)  Cf.  Scheil,  Mém.  de  la  Délég.,  t.  VI,  pi.  II. 

(3)  Cf.  Hcuzey,  Antiquités  Chaldéennes,  p.  158. 


i64  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 


un  pieu  de  fondation(i)  nous  voyons  apparaître  une  portion  de  tête  de  lion  et  une  patte  aux 
griffes  écartées.  Exécuté  dans  le  même  temps  que  la  tête  de  la  pierre  en  losange,  ce  morceau, 
malheureusement  incomplet,  atteste  un  savoir-faire  très  supérieur.  L'arcade  sourcillera  est  bien 
indiquée,  le  nez  d'une  proportion  exacte  présente  une  longueur  suffisante  ;  le  mufle  n'est  plus 
aussi  exagéré,  les  rides  en  sont  marquées  par  des  stries;  la  gueule  largement  ouverte  est  armée 
de  crocs  et  de  dents  assez  soigneusement  dessinés  ;  l'ossature  de  la  patte  ainsi  que  la  saillie  des 
griffes  sont  rendues  de  façon  juste  et  précise.  Le  sculpteur  a  voulu  produire  une  impression 
menaçante  et  il  .y  a  réussi  par  l'observation  soignée  de  ces  détails  (2). 

AvANT-coRPS  DE  LION  EN  ALBATRE.  —  M.  G.  Jéquier,  dans  son  xMémoire  sur  les  Fouilles  de 
Suse  de  i8()()  à  i(j02,  range  avec  raison  sous  la  dynastie  du  deuxième  royaume  susien,  et  plus 
spécialement  vers  la  date  d'Ountach  Gai,  une  figuration  très  fruste  qui  représente  lavant-corps 
d'un  lion  taillé  plutôt  que  sculpté  dans  un  bloc  d'une  albâtre  grossière(3).  Cette  pièce,  qui  devait 
être  encastrée  comme  motif  d'ornementation  architecturale  au-dessus  d'une  porte,  est  percée 
d'un  évidement  cylindrique  pour  recevoir  une  barre  de  bois  qui  soutenait  probablement  une 
tenture.  Traitée  en  accessoire,  elle  est  très  négligée  comme  dessin  et  comme  facture.  Il  convient, 
néanmoins,  de  la  signaler  pour  ne  rien  laisser  d'incomplet  dans  la  série. 

Nous  n'avons  rencontré  jusqu'ici  aucune  manifestation  qui  mérite,  à  proprement  parler, 
d'être  qualifiée  d'œuvre  d'art.  Avec  les  trouvailles  faites  en  1903  dans  les  fondations  et  aux 
alentours  du  temple  de  Chouchinak,  nous  sommes  en  présence  de  monuments  véritablement 
artistiques. 

Lions  é.aiaillés.  —  La  plus  importante  découverte  est  celle  de  deux  grands  lions  en  terre 
cuite  êmaillée,  qui  sont  les  plus  antiques  faïences  que  nous  connaissions.  Ils  ont  été  trouvés  à 
une  profondeur  de  7", 50  environ,  en  dehors  du  dallage  du  monument  et  vers  la  pente  Sud- 
Ouest  du  tell.  Selon  toute  présomption,  ils  faisaient  partie  du  mobilier  de  cet  édifice  religieux. 
Mis  en  pièces,  lors  de  la  destruction  du  temple,  ils  ont  été  précipités  à  rextérieur(4).  Nous  les 
avons  retrouvés  à  l'état  de  fragments  assez  importants  pour  nous  permettre  de  reconstituer  une 
des  statues  en  son  entier  et  lavant-corps  de  l'autre. 

La  statue  ainsi  restaurée  est  à  peu  près  complète,  sauf  la  croupe  qu'il  a  fallu  refaire.  Le  lion 
mesure  i'",/(o  de  la  queue  à  l'extrémité  des  pattes,  et  o"\62  de  hauteur  depuis  le  socle  jusqu'au 
sommet  de  la  crinière.  Il  est  figuré  accroupi,  dans  une  pose  pleine  de  naturel  et  de  majesté.  Le 

(i)  Cf.  Heuzey,  Antiquités  Chaldéennes,  p.  303. 

(2)  Cf.  Mém.  de  la  Délég.,  t.  VI,  pi.  11. 

(3)  Cf.  Mém.  de  la  Délég.,  t.  VII,  p.  31,  fig.  19. 

(4)  «  J'ai  brisé  les  lions  ailes  et  les  taureaux  qui  veillent  à  la  garde  des  temples.  J"ai  renversé  les  taureau.x  ailés 
fixés  aux  portes  des  palais  du  roi  d'Elam  et  qui,  jusque-là,  n'avaient  pas  été  touchés,  je  les  ai  retournés.  »  Récit  du  sac 
de  Suse  par  Assouy-banipal.  Inscription  du  prisme  à  dix  faces  de  Kouyoundjik. 


£rr-^-î     j 


o 


166  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 

type  n'est  point  du  tout  celui  du  lion  de  Perse  à  tête  relativement  petite  et  à  poil  ras,  mais  bien 
nettement  celui  du  lion  africain  à  grosse  tête  et  à  forte  crinière.  L'artiste  a  même  exagéré  l'im- 
portance de  la  tête  pour  obtenir  un  effet  plus  imposant.  C'est  la  seule  faute  de  proportion  que 
l'on  puisse  relever  ;  le  dessin  de  toutes  les  parties  intactes  du  corps  est  irréprochable,  tant  l'obser- 
vation de  la  nature  a  été  serrée  de  près.  Le  fauve  est  aux  aguets  ;  la  tête  droite,  les  yeux  fixes,  les 
oreilles  dressées,  les  pattes  écartées  et  les  griffes  saillantes,  il  est  prêt  à  se  détendre  pour  bondir. 
L'expression  générale  est  celle  d'une  vigilance  menaçante  (fig.  324).  Le  modelé  de  l'ossature  fron- 
tale est  très  exactement  rendu  avec  la  dépression  médiane  et  le  creusement  de  l'arcade  sourci- 
lière  ;  le  nez  est  long,  bien  dessiné,  les  narines  en  sont  fouillées  profondément.  Le  mufle  est  dans 
la  proportion  voulue  ;  trois  cernures  courbes  indiquent  les  barbes.  La  gueule,  fermée,  est  tracée 
de  façon  juste. 

La  crinière  se  hérisse  sur  le  front  où  elle  forme  une  frange;  en  descendant,  elle  entoure  la 
tête  d'un  collier.  Toutes  les  mèches  de  poils  sont  figurées  ;  elles  couvrent  le  thorax,  tombent  en 
masses  sur  les  épaules  et  se  prolongent  jusqu'au  bas  des  flancs.  La  partie  postérieure  du  corps 
est  rase  ;  une  portion  d'émail,  encore  intacte,  nous  l'indique.  L'évidement  des  flancs  est  marqué 
par  un  pli  qui  court  obliquement  du  sinus  ^e  la  hanche  jusqu'aux  fausses  côtes.  La  queue  repose 
à  terre,  suivant  le  contour  du  flanc  gauche  ;  elle  est  terminée  par  une  touffe  de  poils. 

Le  souci  de  l'observation  se  manifeste  jusque  dans  les  petits  détails  :  ainsi,  les  globes  des 
deux  yeux  sont  rapportés,  l'iris  et  la  pupille  y  sont  dessinés  et  représentés  par  des  coloris  diffé- 
rents de  l'émail,  que  l'action  du  temps  a  rendu  blanchâtre. 

Les  mêmes  qualités  d'exécution  s'observent  dans  l'avant-corps  du  second  lion  dont  l'allure 
est  identique  ;  il  ne  se  différencie  du  premier  que  par  les  dimensions  de  la  tête  qui  est  légèrement 
plus  petite  (fig.  325). 

Ces  deux  statues  ont  été  modelées  dans  une  pâte  fine  qui  avait  pour  soutien  un  bâtis  formé 
de  blocages  d'une  argile  plus  grossière.  Le  tout  a  été  porté  à  une  température  suffisante  pour 
donner  à  la  pâte  une  teinte  rougeâtre. 

La  couche  d'émail  dont  elle  est  revêtue  était  à  l'orisfine  d'un  bleu  vif  ou  d'un  vert  franc. 
Elle  est  actuellement  très  détériorée  par  les  réactions  chimiques  qui  se  sont  produites  au  contact 
des  sels  contenus  dans  le  sol  de  Suse.  Mais,  en  dépit  des  ravages  du  temps,  ces  superbes  pièces 
dégagent  encore  une  impression  grandiose. 

Quelle  origine  et  quelle  date  convient-il  de  leur  attribuer  ?  En  l'absence  de  toute  indication 
épigraphique  une  critique  raisonnée  peut  aider  à  résoudre  le  double  problème. 

Que  l'art  babylonien  ait  influencé  la  technique  élamite  et  réciproquement,  ce  fait  peut  être 
mis  hors  de  discussion,  de  même  que  l'on  constate  l'influence  de  la  Babylonie  et,  sans  doute  aussi 
de  l'Élam,  dans  les  productions,  cependant  si  caractéristiques,  des  artistes  assyriens.  Si  ces  deux 
lions  sont  élamites,  rien  ne  s'oppose  donc  à  ce  qu'ils  aient,  comme  on  peut  le  reconnaître,  de 
grandes  ressemblances  avec  les  œuvres  babyloniennes.  Mais  on  ne  saurait  supposer  qu'ils  aient 
pu,  comme  tant  d'autres  monuments,  être  transportés  de  Babylonie  à  Suse.  La  fragilité  de  la 


LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 


167 


matière  rend  cette  hypothèse  inadmissible.  Il  faut  donc  tenir  pour  certain  qu'ils  ont  été  conçus  et 
exécutés  sur  place  dans  la  capitale  de  TÉlam.  Leur  origine  élamite  est  ainsi  bien  déterminée. 

Quant  à  la  date  à  laquelle  ils  remontent,  nous  observerons  que  la  série  des  grès  émaillés 
susiens  apparaît  déjà  au  xi'^  siècle.  Nous  possédons,  de  cette  époque,  non  seulement  des  plaques 
de  revêtement  avec  inscriptions,  mais  aussi  des  portions  de  statues,  moins  grandes  que  nature, 
qui  nous  donnent  diverses  parties  du  corps  et  des  vêtements  et  qui  sont  dûment  datées  par  les 
textes  qu'elles  portent. 


Fi  G. 


.•\vant-corps  d'un  lion  en  terre  cuite  cmaillce. 


Nous  savons,  d'autre  part,  avec  quelle  maîtrise  les  Elamites  maniaient  l'argile,  de  temps 
immémorial.  En  possession  de  l'émail,  il  est  naturel  de  supposer  qu'ils  l'ont  appliqué  sur  l'argile 
pour  des  pièces  d'un  volume  considérable,  qu'il  eut  été  trop  difTicile  d'exécuter  en  grès  cérame. 

Ces  considérations  nous  portent  à  placer  les  lions  en  argile  émaillée  à  une  époque 
contemporaine  de  celle  où  nous  constatons  l'emploi  du  grès  cérame,  c'est-à-dire  vers  le 
xi"^  siècle. 

C'est  la  période  des  Choutroukidcs  sous  lesquels  l'Elam,  après  avoir  triomphé  de  Babylone, 
jouissait  en  paix  du  fruit  de  ses  victoires  et  multipliait,  en  même  temps  que  ses  temples,  les 
œuvres  d'art  qui  les  ornaient  ;  coordonnée  qui  confirmerait  encore  l'origine  purement  élamite  ce 
nos  lions  émaillés. 


i68  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 


Nous  mancjuons  d'indications  pour  dater  les  diverses  œuvres  d'art  dont  la  description  va 
suivre.  Toutes  ont  été  découvertes  sous  un  dallage,  dans  la  couche  d'argile  tassée  qui  servait 
d'assise  de  fondation  au  temple  de  Chouchinak.  Elles  y  avaient  été  déposées,  ainsi  qu'une  foule 
d'autres  objets,  à  titre  d'offrandes,  lors  de  la  construction,  ou  de  la  réédifîcation  de  ce  monu- 
ment (i).  Si  les  inscriptions  sur  feuilles  d'or  trouvées  en  même  temps  que  ces  dépôts,  et  déchif- 
frées par  le  P.  Scheil,  permettent  d'assigner  une  limite  d'âge  (2)  à  l'ensemble  de  cette  belle  décou- 
verte, il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  quantité  de  ces  offrandes  présentent  un  caractère  d'archaïsme 
qui  les  place  à  des  époques  bien  antérieures  aux  règnes  d'Ountach  Gai  et  des  Choutroukides. 
Les  canéphores  de  bronze  et  les  tablettes  de  pierre  au  nom  de  Doungi  peuvent,  suivant  une  cou- 
tume constante,  avoir  été  remontées  des  ruines  d'un  ancien  sanctuaire;  d'autre  part,  certains 
cachets,  des  masses,  des  statuettes,  des  ornements,  étaient  assurément  de  fort  anciennes  reliques 
conservées  dans  les  familles  des  offrants  et  sacrifiées  par  eux  en  cette  circonstance.  Nous  avons 
ainsi  une  série  d'ex-voto  qui  évoluent  entre  le  xxx^  siècle  et  l'an  mil.  Avec  un  pareil  écart,  assi- 
gner une  date  au  sujet  que  l'on  étudie  est  chose  impossible,  les  indications  fournies  par  la  tech- 
nique étant,  souvent,  rien  moins  que  probantes. 

Petit  lion  en  calcaire  jaunâtre  (Longueur,  o™,o6  ;  hauteur,  o",023).  —  Cette  figurine 
est  taillée  dans  une  matière  qu'affectionnaient  les  Kassites  ;  nous  possédons  une  collection  de  bou- 
tons ou  pommeaux  de  sceptres  qui  portent  tous  des  inscriptions  de  cette  période.  Par  sa  densité, 
la  dureté  de  son  grain  et  le  poli  qu'il  est  susceptible  de  recevoir,  ce  calcaire  peut,  à  première 
vue,  être  confondu  avec  l'ivoire.  Le  petit  lion  accroupi,  qui  nous  est  représenté,  est  d'un  assez 
mauvais  dessin  et  tout  à  fait  défectueux  comme  proportions.  Trop  aplati,  il  porte,  sans  noblesse, 
une  tête  enfoncée  dans  les  épaules  et  qui,  avec  la  crinière,  occupe  presque  la  moitié  de  la 
figurine.  Les  membres  sont  beaucoup  trop  longs,  mais  ramassés  sous  le  corps  au  point  que 
l'extrémité  des  pattes  antérieures  dépasse  à  peine  la  ligne  du  nez.  Ce  dernier  est  ciselé  de  façon  à 
saillir  d'une  manière  disgracieuse.  La  croupe,  sans  modelé,  est  ridiculement  sphérique  (Voir 
cette  représentation  à  la  planche  XXV  du  tome  Vil).  La  queue,  qui  était  rapportée,  manque. 
Comme  type  général  cette  figurine  se  rapproche,  avec  de  grandes  imperfections,  du  style  des  lions 
émaillés. 

A  côté  des  défauts  de  composition  que  nous  venons  de  signaler,  il  convient  de  constater  le 
soin  apporté  dans  l'exécution  des  détails.  Les  rides  du  front,  les  lignes  des  lèvres,  celles  des  yeux 
(dont  un  est  encore  incrusté  de  lapis-lazuli)  sont  rendues  avec  précision;  des  stries  et  des  losanges 
indiquent  les  mèches  de  la  crinière,  les  poils  du  flanc  sont  marqués  par  des  imbrications;  les 


(i)  Cf.  R.  de  Mecquencm.  Offrandes  de  fondation  du   temple  de  Chouchinak  dans  Mém.  de  la  Délég.  Tome  VII. 

(2)  «  Les  inscriptions  sont  en  langue  anzanite;  elles  appartiennent,  certainement,  à  la  bonne  époque,  soit  au  règne 
«  d'Ountach  Gai,  soit  à  celui  de  Choutrouk  Nakhounte  ou  de  son  fils  Chilkhak-in-Chouchinak.  »  Tome  VII  des  Mém. 
de  la  Délég.,  page  68. 


LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE  169 

doigts  et  les  griffes  sont  attentivement  dessinés.  Nous  observons  ici,  pour  la  musculature  de 
l'épaule,  le  relief  conventionnel  que  l'on  retrouve  dans  les  sculptures  assyriennes.  Ce  singulier 
dessin  qui  tient  beaucoup  plus  de  l'ornementation  que  de  la  nature,  ne  peut  être  comparé,  comme 
forme,  qu'au  motif  connu  de  nos  jours  sous  le  nom  de  «  larme  de  Kachmire  ».  Il  offre,  dans  le 
cas  présent,  cette  particularité  d'être  décoré,  à  son  sommet,  d'une  sorte  d'étoile. 

Petite  tête  de  lion  en  jaspe  rouge.  —  Nous  signalerons,  sans  nous  y  attarder,  ce  motif 
d'ornement  qui  est  figuré  à  la  planche  XXIII  de  notre  tome  VII.  Il  ressemble,  par  son  type, 
au  petit  lion  en  calcaire  jaunâtre,  avec  cette  différence  que  l'animal  est  ici  représenté  la  gueule 
largement  ouverte.  La  mâchoire  inférieure  ayant  été  brisée  nous  ne  pourrions  donner  qu'une 
description  très  incomplète,  qui  ferait,  d'autre  part,  double  emploi  avec  les  détails  fournis  à  ce 
sujet  par  M.  de  Mecquenem  (Tome  VII  des  Mémoires  de  la  Délégation,  page  10 1). 

Petit  lion  en  agate  rubannée  (Longueur,  o'",o45;  hauteur,  o"\024).  — Ce  superbe  camée 
est  remarquable  à  tous  les  points  de  vue  :  par  la  beauté  de  la  matière  ;  par  l'habileté  de  l'artiste 
qui  a  su  vaincre  les  difficultés  que  présentait  la  taille  d'une  roche  aussi  dure  ;  par  le  savoir-faire 
avec  lequel  il  est  parvenu  à  racheter  harmonieusement  les  différences  de  relief.  La  pierre  est  une 
agate  blanche  sillonnée  perpendiculairement  de  veines  noires,  brun  rouge,  et  brun  pâle.  Le  sculp- 
teur a  tiré  parti  de  la  diversité  des  nuances  avec  un  goût  parfait  de  façon  à  faire  valoir  et  à  rehaus- 
ser les  différentes  parties  de  sa  figurine.  C'est  ainsi  qu'il  a  ciselé  la  face  dans  la  zone  noire  de 
l'agate.  Un  bandeau  clair  forme  ainsi  collier  depuis  le  sommet  de  la  tête  jusque  sous  la  mâchoire. 
La  crinière  et  l'épaule  sont  traversées  d'une  bande  brun  rouge  aboutissant  au  milieu  des  pattes 
antérieures.  Un  ruban  blanc  délimite  l'encolure,  suivi  par  un  filon  brun  qui  descend  au  pli  de 
l'articulation  du  coude.  Une  légère  tache  brune  accuse  sur  le  flanc  le  creusement  de  l'aine,  tandis 
que  le  rehaut  de  la  hanche  et  la  ligne  de  la  croupe  sont  ponctués  par  des  veines  noires.  Ces  oppo- 
sitions ajoutent  aux  reliefs  une  vigueur  des  plus  heureuses. 

Par  le  raccourci  de  la  face  et  la  massivité  delà  tête,  ce  lion  se  rapproche  du  type  archaïque  ; 
nous  le  croirions  d'époque  très  ancienne  si  l'on  pouvait  admettre  une  telle  perfection  dans  la 
technique  aux  âgés  reculés  (Voir  la  reproduction  au  tome  VII,  planche  XIII,  n"  13). 

L'animal  est  figuré  accroupi,  regardant  adroite.  La  tête,  de  trois  quarts,  est  sculptée  presque 
en  demi-bosse  tandis  que  l'arrière-train  est  de  profil.  L'artiste,  par  une  gradation  savante,  a  su 
raccorder  les  deux  reliefs. 

Sauf  les  oreilles  qui,  couchées  en  arrière,  sont  simplement  esquissées,  tous  les  détails  sont 
observés  et  rendus  scrupuleusement  :  dessin  du  front,  de  l'arcade  sourcilière,  du  nez,  du  mufle,  de 
la  gueule  (qui  est  fermée),  musculature  de  l'épaule,  de  la  hanche,  de  la  croupe  et  des  pattes.  La 
crinière  est  traitée  en  masses,  ainsi  que  le  collier  de  barbe  ;  la  queue,  retroussée,  est  ramenée  sur 
la  croupe  et  le  flanc  droit,  disposition  qui  appartient  aussi  au  style  archaïque.  Le  trait  témoigne 
d'une  sobriété  et  d'une  netteté  surprenantes;  l'intensité  des  effets  est  obtenue  avec  une  science 


170  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 

d'autant  plus  remarquable  qu'elle  est,  en  apparence,  plus  simple.  Le  seul  défaut  que  l'on  puisse 
relever  s'observe  dans  la  disproportion,  sans  doute  voulue,  de  la  tête.  Cette  pièce  hors  de  pair  a 
bien  mérité  d'être  placée  dans  la  vitrine  des  bijoux  découverts  à  Suse,  à  côté  des  statuettes  d'or 
et  d'argent  et  des  ornements  élamites.  Elle  serait  intacte  si  les  extrémités  de  la  patte  droite  de  der- 
rière et  de  la  patte  gauche  de  devant  n'étaient  quelque  peu  écornées. 

A  quel  usage  était  destiné  ce  camée  ?  La  face  interne  de  la  pierre  est  absolument  plane  et 
d'un  poli  parfait;  la  base,  très  lisse,  est  légèrement  taillée  en  biseau.  Deux  trous  sont  percés,  au 
tiers  inférieur  de  la  figurine.  On  pourrait  supposer,  en  conséquence,  qu'elle  devait  être  suspen- 
due, peut-être  comme  pièce  de  milieu,  dans  un  collier.  Mais  les  deux  perforations  ne  sont  pas  au 
même  niveau;  en  outre,  elles  n'ont  pas  été  pratiquées  asez  haut  pour  que  l'objet,  étant  suspendu, 
puisse  demeurer  en  équilibre.  Le  camée  est  plus  épais,  donc  plus  pesant,  au  sommet  qu'à  la 
base;  soutenu  trop  bas  par  le  fil  de  suspension,  on  constate  qu'il  bascule,  si  l'on  fait  l'essai  de 
le  porter  en  pendentif.  Dans  une  parure  il  ne  pouvait  qu'être  fixé  sur  une  plaque,  les  trous  dont 
il  est  muni  étant  alors  destinés  à  recevoir  des  tenons.  L'obliquité  de  la  base  permet  de  supposer 
qu'il  était  employé  à  l'état  d'application  ou  d'incrustation  sur  quelque  matière  précieuse. 

Tête  de  lion  en  or.  —  Ce  précieux  bijou,  figuré  à  la  planche  XXIV  du  tome  VII,  donne 
une  haute  idée  de  l'habileté  des  orfèvres  élamites,  mais  nous  devons  constater,  de  suite,  que  l'ar- 
tiste a  quelque  peu  sacrifié  l'observation  et  la  vérité  au  souci  de  réaliser  une  ornementation  rare. 
Sans  doute,  on  ne  peut  que  louer  la  précision,  la  finesse  et  l'élégance  des  lignes.  Le  sujet  a  été 
tout  d'abord  traité  au  repoussé,  puis  repris  au  burin  et  ciselé  avec  une  perfection  remarquable  ; 
mais,  en  portant  trop  loin  le  fini  du  détail,  l'orfèvre  s'est  éloigné  de  la  nature  ;  il  en  résulte  que 
cette  tête  de  lion  a  un  caractère  très  conventionnel.  La  décoration  en  reliefs  et  en  pointillé  qui 
agrémente  le  mufle,  les  sourcils  et  le  front,  alourdit  la  pureté  du  modelé.  Les  oreilles,  couchées 
en  arrière,  ont  un  trop  grand  développement.  Ce  sont  des  exagérations  voulues  qui  ont  pour 
résultat  d'augmenter  la  richesse  de  l'ensemble  ;  l'œuvre  eût  gagné,  cependant,  à  se  maintenir  plus 
sincère.  A  part  ces  observations  de  détail  elle  n'en  est  pas  moins  d'une  haute  valeur  artistique. 

Cette  pièce  est  unique  ;  nous  manquons  de  termes  de  comparaison  pour  en  déterminer  l'âge. 
Elle  faisait  partie  d'un  dépôt  votif  bien  distinct  auquel  appartiennent  les  statuettes  d'or  et  d'ar- 
gent. On  peut  donc  la  présumer  contemporaine  de  ces  admirables  figurines  qui  sont  manifeste- 
ment d'une  antiquité  très  reculée. 

Têtes  de  lion  du  torque  et  des  bracelets  achéménides.  —  Dans  son  mémoire  sur  la.  Décou- 
verte d'une  scpuUure  achéménide  à  Suse,  M.  de  Morgan,  pour  une  époque  toute  différente,  a 
été  amené  à  formuler  les  mêmes  réserves  que  nous  avons  dû  faire  dans  le  cas  présent,  en  ce  qui 
concerne  les  modifications  que  la  trop  grande  richesse  de  l'ornementation  introduit  dans  le  style 
des  figures. 

Ici  l'âge  de  la  représentation  léonine  est  absolument  précisé  par  la  présence  de  deux  mon- 


LION    DE    BRONZE  _^  EPOQUE    ACHF.MENIDE 
'  Lon*'-ur   et  hauteur  rriaxirna    c^lih  et  o^'2't  ) 


17. 


Keil..;.  Du.ir-iin 


LA  REPRESENTATION  DU  LION  A  SUSE  171 

naies  qui  accompagnaient  le  mobilier  funéraire.  Nous  savons  ainsi  que  les  bijoux  datent  du  iv'' 
siècle  avant  notre  ère.  Ils  ont  été  étudiés  de  façon  très  détaillée  par  M.  de  Morgan  et  nous  ne 
pouvons  faire  mieux  que  de  renvoyer  le  lecteur  aux  pages  44  et  48  du  présent  tome;  mais,  des 
conclusions  de  l'auteur,  nous  ferons  ressortir  ce  fait  que  le  type  du  lion,  tel  que  le  concevaient  les 
Perses,  diffère  essentiellement  de  toutes  les  figurations  que  nous  venons  de  passer  en  revue.  Cette 
constatation  est  nécessaire  pour  la  clarté  de  l'étude  qui  va  suivre. 

Lion  de  bronze.  —  Cette  œuvre  capitale  a  été  découverte  en  février  1901,  à  8  mètres  envi- 
ron de  profondeur,  dans  une  sorte  de  boyau  délimité  par  deux  murs  en  briques  crues.  Au  même 
niveau  et  à  un  mètre  de  distance  au  plus,  avait  été  trouvé,  la  veille,  l'osselet  en  bronze  avec  dédicace 
grecque  à  Apollon  Dydiméen  qui  a  été  au  tome  Vil,  l'objet  d'un  mémoire  de  M.  Haussoullier. 

Le  monument  qui  nous  occupe  se  décompose  en  deux  parties  :  un  socle  rectangulaire  mesu- 
rant 0^,52  de  longueur  sur  0^,25  de  largeur  avec  une  hauteur  de  o'",o55  ;  et  le  corps  même  du 
lion  dont  les  dimensions  sont  les  suivantes  :  longueur  de  l'extrémité  des  pattes  antérieures  à  la 
croupe,  o'",46;  longueur  du  mufle  à  la  croupe,  o"',45  ;  hauteur  au  sommet  de  la  tête,  0^,24; 
hauteur  à  la  croupe,  o"',i4.  Plus  grande  largeur  au  poitrail,  o"',!^. 

La  matière  est  un  bronze  d'une  fonte  parfaitement  homogène,  sans  défaut  ni  soufïlure. 
D'une  dureté  et  d'une  sonorité  remarquables  il  a  pris,  sous  l'action  du  temps  et  des  agents  chi- 
miques, une  riche  patine  vert-foncé.  Mis  à  vif  au  nettoyage  le  métal  accusait  une  teinte  naturelle 
d'un  rouge  franc.  La  base  et  la  figure  ont  été  coulées  d'un  seul  bloc. 

L'animal  est  représenté  accroupi,  dans  une  attitude  menaçante,  la  gueule  largement  ouverte, 
les  lèvres  retroussées,  les  crocs  à  découvert.  Les  membres  postérieurs  sont  ramassés  sous  le  ventre, 
les  membres  antérieurs  se  portent  en  avant  ;  les  pattes  sont  crispées  sur  le  sol  et  laissent  saillir 
toutes  les  griffes.  Le  lion  est  prêt  à  l'attaque. 

Jusque  dans  ces  petits  détails  l'artiste  s'est  efTorcé  d'accuser  l'impression  de  la  menace.  Ainsi 
la  face  est  plissée  de  rides  et  les  oreilles  sont  couchées  en  arrière,  à  ras  de  la  tête,  indices  de  colère 
chez  les  fauves.  Le  concept  est  donc  très  juste  et  dénote  une  observation  attentive  de  la  nature. 

Même  conscience  dans  le  dessin  des  lignes  générales  et  dans  le  modelé  du  corps.  Nous  pas- 
sons condamnation  pour  la  disproportion  de  la  tête  qui  est  trop  forte  ;  c'est,  dans  toutes  les 
figurations  léonines,  un  défaut  intentionnel,  afin  de  produire  un  effet  plus  imposant.  Par  contre 
que  de  soins  et  quelle  exactitude  dans  la  musculature  de  l'épaule,  des  reins,  des  flancs  et  de  la 
croupe!  On  s'en  rendra  compte  en  examinant  le  profil  reproduit  à  la  planche  IX.  Les  nodosités 
de  l'ossature,  les  reliefs  et  les  dépressions  des  muscles  sont  rendus  avec  un  scrupule  qui  va  parfois 
jusqu'à  l'exagération. 

Malheureusement,  si  après  cet  aperçu  d'ensemble  nous  passons  à  une  étude  détaillée  des 
procédés  d'exécution,  nous  constatons  avec  regret  que  ce  bel  effort  artistique  est  amoindri  par 
l'abus  du  conventionnel.  Sans  doute  pour  indiquer  le  froncement  du  nez  cet  organe  est  agré- 
menté à  son  extrémité  de  trois  étranges  cernures.  Il  porte,  en  outre,  à  sa  racine  et  à  sa  pointe 


LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 


quatre  singuliers  pastillages  que  l'on  ne  saurait  comparer  qu'à  des  grains  de  beauté.  Les  barbes 
du  mufle  sont  figurées  par  deux  épaisses  palmettes  composées  chacune  de  quatre  éléments  qui 
sont  d'un  aspect  massif  et  peu  gracieux.  (Nous  avons  remarqué  le  même  motif  dans  les  têtes  de 
lion  en  or  précédemment  décrites.)  Les  rides  de  la  face  sont  représentées  par  deux  reliefs  affectant 
la  forme  de  larmes  qui  partent  de  l'aile  des  narines  pour  aboutir  sous  les  yeux.  Les  orbites  de 
ceux-ci  sont  démesurés  et  le  globe  oculaire  est  surchargé  d'une  paupière  lourde.  La  crinière,  trop 
rase  sur  le  sommet  du  crâne,  encercle  la  face  d'un  collier  dont  la  régularité  géométrique  ne  plait 
pas  au  regard.  Des  bandes  non  moins  régulières,  ornées  d'imbrications  en  losanges,  pour  figurer 
les  mèches,  divisent  cette  même  crinière  qui  drape  tout  le  poitrail  et  descend  sur  le  corps,  délimi- 
tant nettement,  en  courbes  ornementales,  le  contour  de  l'épaule.  L'avant-corps,  grâce  à  cette 
disposition,  a  l'air  d'être  encapuchonné.  Ces  défectuosités  sont  le  plus  apparentes  lorsque  l'on 
envisage  le  lion  de  faee. 

Les  poils  des  flancs  sont  dessinés  de  même  façon  que  les  mèches  de  la  crinière.  Arrêtés  net 
par  des  courbes  ils  figurent,  en  réduction,  de  véritables  ailes. 

L'enroulement  des  muscles  des  pattes  de  devant  est  très  particulier.  Nous  ne  l'avons  observé 
dans  aucune  autre  représentation  léonine. 

La  queue  passe  sous  la  cuisse  droite  et  se  recourbe  pour  venir  reposer  au  pli  de  la  hanche. 
La  touffe  de  poils  qui  la  termine  est  figurée  par  un  quadrillé  si  régulier  qu'on  croirait  voir  une 
pomme  de  pin. 

Si  la  convention  du  rendu  nuit  à  la  grandeur  de  l'effet,  elle  ne  saurait  infirmer  les  qualités 
déployées  par  l'artiste,  harmonie  de  la  composition,  justesse  de  l'attitude,  beauté  du  dessin,  qui 
classent  ce  lion  de  bronze  parmi  les  maîtresses  œuvres. 

De  quel  art  est-il  le  produit  et  à  quelle  époque  faut-il  le  ranger  ?  Il  s'écarte  bien  visiblement 
de  la  conception  du  lion  telle  qu'elle  nous  est  révélée  chez  les  Élamites  par  les  grandes  figures 
en  argile  émaillée  et  les  figurines  que  nous  avons  précédemment  décrites. 

D'autre  part,  si  on  le  met  en  comparaison  avec  le  petit  lion  de  bronze  qui  provient  deNinive 
et  que  nous  possédons  au  Louvre,  la  diversité  d'origine  est  manifeste.  Ni  les  lions  de  l'Élam,  ni 
ceux  de  l'Assyrie  ne  sont  représentés  avec  cette  tète  ronde,  cette  crinière  rase  et  ce  profil  ramassé. 

Lorsque  l'on  étudie  les  bas-reliefs  assyriens,  on  remarque  au  contraire  que  les  lions  (â 
moins  qu'il  ne  s'agisse  de  femelles)  ont  la  crinière  forte,  le  profil  long  et  anguleux  (i). 

Par  contre,  si  l'on  compare  notre  lion  de  bronze  au  bas-relief  émaillé  qui  fut  rapporté  de 
l'Apadana  de  Suse  par  M.  Dieulafoy  (fig.  327),  la  similitude  est  tellement  frappante  qu'aucun 
doute  ne  peut  subsister  ;  l'origine  achéménide  ne  fait  plus  question. 

Nous  avons  voulu,  par  un  rapprochement,  accentuer  les  divergences  qui  distinguent  le  lion 
assyrien  (fig.  326)  du  lion  achéménide.  Sans  disserter,  il  suffit  d'un  coup  d'œil  pour  saisir  les 


(i)  Cf.  Kleinmann.  Assyrian  sculptures  in  the  British  Muséum.  Planches  XXVI-XXVII  (Lion  gardant  l'entrée  du 
temple  d'Assourbanipal)  —  Planches  XXXII  à  XXIX.  Planches  XL-XLI  —  Planche  LVII  (chasses  au  lion  d'Assour- 
banipal). 


FiG.  526.  —  Tète  de  lion,  relief  émaiUé  du  palais  de  Khorsàb.iJ. 


-^, 


\\  \^"^Miy^^\c?r\^K^F'^\A^v^^^^^' 


FlG.  3:7.  —  Tête  de  lion,  relief  tmaillé  des  palais  achéménides  de  Suse  (Musée  du  Louvre). 


174  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 

dissemblances.  Elles  sont  telles  qu'on  n'en  peut  trouver  l'explication  dans  les  seules  différences 
d'interprétations. 

Il  n'est  guère  admissible  que  le  même  modèle  subisse  de  si  grandes  transformations  par  le 
simple  fait  qu'il  a  passé  de  l'art  assyrien  dans  l'art  achéménide,  alors  surtout  que  ce  dernier  est 
manifestement  influencé  par  son  devancier.  On  serait  ainsi  tenté  de  croire  à  la  coexistence  de 
deux  types  et,  par  suite,  de  deux  espèces  ;  aux  temps  antiques  le  lion  d'Afrique  aurait  vécu  dans 
les  hautes  régions  de  Mésopotamie  et  l'asiatique  (le  lion  de  Perse  proprement  dit)  dans  les  basses 
terres  de  la  Susiane.  Cette  hypothèse  pourra  paraître  plausible  si  l'on  considère  que  certains 
animaux  comme  l'antilope  et  l'autruche,  qui  appartiennent  aujourd'hui  exclusivement  à  la  faune 
africaine,  étendaient  autrefois  leur  habitat  jusque  dans  les  plaines  situées  entre  le  Tigre  et  l'Eu- 
phrate.  Aux  naturalistes  de  prononcer. 

L'art  composite,  qui  fut  celui  des  Perses,  est  fait  d'emprunts  aux  civilisations  avec  lesquelles 
les  peuples  de  Cyrus  et  de  ses  successeurs  entrèrent  en  contact.  C'est  un  mélange  des  influences 
et  des  traditions  babyloniennes,  assyriennes,  égyptiennes  et  grecques.  Ainsi  s'expliquent  les  qua- 
lités et  les  défauts  qui  s'observent  dans  la  figuration  du  lion  de  bronze. 

Ce  beau  morceau  de  sculpture  est  déparé  par  une  poignée  en  arc  de  cercle  qui  part  de  la 
nuque  pour  aboutir  au  milieu  de  la  croupe.  Cette  tige  est  pentagonale  à  sa  face  externe  et  cylin- 
drique à  sa  face  interne.  Elle  nous  servira  d'indication  pour  déterminer  l'usage  auquel  était  des- 
tiné le  monument. 

Dans  ses  fouilles  à  Ninive,  Layard  a  découvert  d'un  seul  coup,  sous  un  bas-relief  renversé, 
toute  une  série  de  petits  lions  de  bronze.  Au  nombre  de  seize,  ils  portent  presque  tous  sur  le  dos, 
comme  notre  petit  lion  de  Khorsabad,  au  Louvre,  un  anneau  servant  de  poignée.  Ce  sont  des 
poids  (  1  ).  Sur  la  plupart  d'entre  eux  sont  gravées  des  inscriptions  qui  ne  laissent  aucun  doute  à 
cet  égard.  Nous  citerons  comme  exemples  : 

N"  305  (du  British  Muséum).  Inscription  phénicienne  sur  le  côté  droit  :  2  mines  du  roi. 
Inscription  cunéiforme  sur  le  dos  :  Palais  de  Salmanasar,  roi  du  pays  d'Assyrie. 

N°  306  {id.).  Inscription  phénicienne  sur  le  côté  droit  :  2  mines  du  pays.  Sur  le  rebord  de 
la  base:  Mine  du  roi.  Inscription  cunéiforme  sur  le  dos:  Palais  de  Sennacherib,  roi  du  pays, 
2  mines  du  roi. 

]\°  307  {id.).  Inscription  cunéiforme  sur  le  dos:  Palais  de  Téglath  Phalasar,  roi  du  pays, 
2  mines  Da. 

N°  308  (id.).  Inscription  phénicienne  sur  le  côté  droit  :  ]  mines  du  pays.  Sur  le  rebord  de 
la  base  :  j»  mines  du  roi.  Inscription  cunéiforme  sur  le  dos  :  ...  ]  mines  du  roi. 

N"  309  {id.).  Poids  grossier  sans  inscription. 

N"  310  (/J.).  Inscription  phénicienne  sur  le  rebord  de  la  base:  ...  du  pays.  Inscription 
cunéiforme  sur  le  dos  :  Palais  de  Sal{manasar),  mine  du  roi. 

(i)  Dans  ses  Discoveries  in  the  ruins  of  Niniveh  and  Babylon   Layard  donne  (vol.  II,  page  106)  un  tableau  des 
pesées  minutieuses  que  Ton  a  faites  de  ces  petits  monuments  après  nettoyage. 


LA  REPRESENTATION  DU  LION  A  SUSE  175 

N°  311  (id.).  Inscription  phénicienne  en  dessous  :  2  sicles. 

N°  312  (id.).  Inscription  phénicienne  :  Un  quart  de  mine  du  pays.  Inscription  cunéiforme 
sur  le  dos  :  Palais  de  Sabnanasar  (IV). 

Les  n""  314  à  317  ne  portent  point  d'inscriptions. 

L'analogie  de  forme  et  de  disposition  nous  porte  à  croire  que  notre  monument  achéménide 
avait  le  même  usage  que  ces  poids  assyriens.  La  présence  de  la  poignée  ne  peut  s'expliquer  autre- 
ment. Si  ce  lion  avait  été  consacré  comme  offrande  dans  un  temple  ou  comme  gardien  d'un 
sanctuaire,  et,  par  conséquent,  destiné  à  demeurer  en  place,  il  n'eût  pas  été  besoin  de  lui  adapter 
un  dispositif  permettant  de  le  soulever.  Au  surplus,  son  poids  n'est  pas  tel  (exactement  121  kilo- 
grammes, après  décapage)  qu'il  n'eût  été  aisé,  sans  grand  effort,  de  le  déplacer  à  l'occasion. 
L'adaptation  de  la  poignée  indique  au  contraire  l'intention  de  le  mouvoir  fréquemment,  ainsi 
qu'il  est  nécessaire  de  le  faire  pour  un  poids. 

On  objectera  qu'il  ne  porte  aucune  inscription  mentionnant  l'unité  à  laquelle  il  correspon- 
dait ;  mais  c'est  aussi  le  cas  pour  plusieurs  des  petits  lions  assyriens  dont  l'usage  comme  poids 
ne  peut  être  contesté.  Sans  doute  l'œuvre  achéménide  représente-t-e!lc  un  étalon  trop  connu  des 
Perses  pour  qu'il  fût  utile  de  le  mentionner. 

Le  petit  lion  de  bronze  qui  provient  de  Khorsabad  et  que  nous  possédons  au  Louvre,  pèse 
précisément  61  kilogrammes.  Ce  serait  environ  la  moitié  du  poids  de  notre  lion  susien,  en  tenant 
compte  de  la  déperdition  du  métal  par  oxydation  et  nettoyage.  Mais  il  ne  saurait  être  ici  question 
que  d'une  simple  constatation  et  non  d'un  rapprochement.  La  numération  des  Perses,  le  système 
de  leurs  poids  et  de  leurs  mesures  ne  nous  sont  pas  connus  ;  essayer  de  poser  des  termes  de  com- 
paraison, surtout  en  l'absence  de  toute  indication  épigraphique,  serait  pure  témérité.  Admettant 
même  que  les  conquérants  aryens,  alors  qu'ils  adoptaient  les  caractères  babylonniens  dans  leurs 
inscriptions  et  la  langue  anzanite  dans  leur  protocole  aient  emprunté  à  l'Assyrie  et  à  l'Élam  cer- 
taines unités  de  mesure  et  de  poids,  on  ne  saurait  encore  rien  tirer  d'une  étude  comparative,  tant 
le  système  élamite  diffère  de  la  méthode  assyrienne. 

Nous  bornerons  donc  notre  conclusion  à  constater  que,  selon  toute  probabilité,  le  lion  de 
bronze  était  un  poids,  sans  tenter  de  déterminer  à  quelle  unité  il  correspondait. 

La  découverte  d'une  sépulture  achéménide  à  Suse  nous  permet  d'établir  de  très  intéressants 
rapports  entre  l'art  du  sculpteur  et  celui  de  l'orfèvre,  appliqués  tous  deux  au  môme  sujet,  durant 
la  même  période.  En  effet,  ce  sont  encore  des  représentations  léonines  qui  ornent  les  extrémités 
du  torque  et  des  bracelets  décrits  par  M.  de  Morgan  aux  pages  43-19  de  ce  même  volume. 

Nous  ne  pouvions  mieux  faire  que  de  renvoyer  le  lecteur  à  cette  compendieuse  étude.  Instruit 
par  cette  critique  serrée,  guidé  par  l'examen  attentif  des  planches  IV  et  V  et  des  figures  70,  71 
et  76,  il  reconnaîtra  sans  doute  avec  nous  que  si  l'emploi  du  style  conventionnel  est  encore  à 
regretter  dans  la  technique  de  ces  bijoux,  les  têtes  de  lion  ciselées  dans  l'or  se  rapprochent  plus 
de  l'observation  naturelle  que  ne  le  fait  la  représentation  léonine  sculptée  dans  le  bronze.  Pour  la 
grandeur  de  l'effet  le  joaillier  ne  saurait  assurément  rivaliser  avec  le  statuaire,  mais  il  l'emporte. 


176  LA  REPRÉSENTATION  DU  LION  A  SUSE 

à  notre  sens,  par  la  sincérité  de  l'exécution,  encore,  que  ses  figurines  ne  soient  pas  entièrement 
irréprochables. 

A  la  période  achéménide  s'arrête  la  série  des  représentations  du  lion  à  Suse(i). 

De  l'examen  des  diverses  figures  aux  différentes  époques,  se  dégagent  les  observations 
suivantes  : 

Nous  sommes  loin,  dans  les  œuvres  élamites,  de  la  variété  de  sujets,  de  mouvements  et 
d'attitudes  auxquelles  les  artistes  assyriens,  ont  su  plier  leur  modèle. 

A  Suse,  qu'il  s'agisse  des  sceaux  archaïques,  des  statues  exécutées  vers  le  troisième  millé- 
sime avant  notre  ère,  des  figurines,  des  camées  ou  des  grandes  représentations  en  argile  émaillée 
qui  se  tiennent  entre  le  xv^  et  le  xi^  siècles,  ou  du  bronze  achéménide  que  nous  rangeons  vers 
l'an  450  environ,  la  conception  du  sujet  se  borne  à  un  seul  type,  le  lion  accroupi,  et  l'attitude 
n'est  destinée  qu'à  produire  une  seule  impression,  celle  de  la  vigilance,  ou  pour  mieux  dire,  de 
la  protection. 

Nous  ne  voyons  d'exceptions  à  cette  règle  que  dans  quelques-unes  des  empreintes  décrites 
par  M.  G.  Jéquier  et  qui  nous  donnent  de  rares  exemples  de  lions  assis,  dressés,  ou  passant.  Ce 
dernier  mouvement  se  retrouve  également  dans  les  bas-reliefs  émaillés  de  l'Apadana. 

On  peut  donc  dire,  d'une  façon  générale,  que  : 

i"  La  conception  élamite  de  la  représentation  du  lion  se  résume  à  une  seule  attitude. 

2"  L'apogée  de  l'art  élamite  paraît  avoir  été  atteint,  dans  ce  genre,  à  une  période  qui  se 
localise  entre  le  xv"  et  le  xi'^  siècles  avant  notre  ère. 

3°  Il  semblerait  que  la  représentation  du  lion  à  Suse  ait  été  inspirée  par  l'observation  de 
deux  modèles  :  le  lion  à  forte  crinière  et  le  fauve  à  poil  ras,  particulier  aux  terres  chaudes  du  Sud, 
qui  a  subsisté  jusqu'à  nos  jours  et  qui  est  actuellement  connu  sous  la  dénomination  de  «  lion  de 
Perse  ». 

La  présente  notice,  que  nous  arrêterons  à  ces  conclusions,  présente  le  grand  désavantage, 
traitant  un  sujet  unique,  d'être  condamnée  à  la  monotonie  par  la  répétition  obligée  des  mêmes 
expressions.  Mais  peut-être  lui  concédera-t-on  l'utilité  d'avoir  réuni,  dans  un  cadre  aussi  res- 
treint que  possible,  des  renseignements  que  les  visiteurs  de  nos  collections  au  Louvre  eussent 
malaisément  glanés  de  place  en  place  et  de  vitrine  en  vitrine.  Notre  but  serait  ainsi  atteint,  qui 
était  d'unifier,  en  quelques  pages,  tout  ce  qui,  à  Suse,  avait  trait  à  la  représentation  du  lion. 
Une  série  de  monographies  semblables,  ayant  chacune  un  objet  spécial,  serait  utilement  con- 
sultée par  qui  voudrait  entreprendre,  dans  un  certain  nombre  d'années,  l'étude  de  l'art  en  Elam. 

(i)  MM.  J.  E.  Gautier  et  R.  de  Mecquencm  viennent  d'apporter  au  Louvre,  parmi  leurs  très  remarquables  décou- 
vertes de  l'hiver  dernier,  quelques  statuettes  de  lions  sculptées  dans  des  calcaires.  Le  temps  nous  fait  défaut  pour  en 
ajouter  la  description  à  cette  notice.  Ces  représentations  appartiennent  aux  époques  archaïques  (entre  3000  et  2000 
av.  J.-C). 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAIDE 

Par  Allotte  de  la  Fuye. 


INTRODUCTION 


Dans  son  mémoire  sur  La  Chronologie  et  l'Iconographie  des  rois  Parlhes  Arsacides,  de 
Longpérier  a  signalé  des  tétradrachmes  au  nom  d'un  roi  Kamnaskirès  :  on  connaissait,  d'ailleurs, 
par  le  témoignage  de  Lucien,  un  roi  Mnaskirès  que  cet  auteur  cite  dans  ses  Macrobioi  comme 
ayant  vécu  96  ans  et  qu'il  range  parmi  les  rois  parthes.  On  doit  admettre  que  les  deux  personnages 
n'en  font  qu'un  et  que  le  texte  de  Lucien  «  Ka.'.  MvaT/.ipr;;  ot  |3a7'.Aè'j;  ITapO'jaiwv. . .  »  est  à  rectifier  en 
«  Kau.va5-/.tpr,;  oè  JBaTiXi'j;. ..  » 

Avec  les  tétradrachmes  de  Kamnaskirès,  de  Longpérier  faisait  connaître  trois  pièces  de 
bronze  grand  module  et  cinq  petites  pièces  de  même  métal  qu'il  attribuait  les  unes  et  les  autres 
au  même  souverain,  en  raison  de  l'analogie  des  types. 

Le  mémoire  de  Longpérier,  qui  donne  ces  indications,  a  été  rédigé  en  1853  ;  peu  après, 
M.  Vaux,  dans  la  Numismalic  Chronicle,  janvier  1856,  rendait  compte  de  l'entrée  au  British 
Muséum  de  pièces  de  même  nature  qui  sont,  pour  la  plupart,  les  exemplaires  mêmes  décrits  par 
de  Longpérier;  il  donnait,  en  même  temps,  quelques  renseignements  précieux  sur  les  provenances 
et  signalait,  en  particulier,  que  trois  des  petites  pièces  avaient  été  trouvées  à  Suse  par  Loftus. 

Un  certain  nombre  des  mêmes  pièces  ont  été  rapportées  également  de  Suse  par  M.  Dieulafoy, 
avec  un  exemplaire  de  grand  module  (  i  )  à  légende  araméenne. 

(i)  Une  pièce  semblable  est  entrée  à  la  [bibliothèque  Nationale  en  1900;  elle  est  représentée  à  notre  planche  XIV, 
n"  146. 

23 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


Vers  1874  une  découverte  importante  de  pièces  de  petit  module  fut  faite,  à  Chiraz,  dit-on  ; 
700  exemplaires  entrèrent  dans  la  collection  de  Subhi-Pacha  et  125  dans  celle  du  D'  i\'lordtmann. 

Enfin  en  1900,  583  pièces,  dont  quelques-unes  de  grand  module,  ont  été  trouvées  à  Suse 
dans  la  partie  supérieure  du  tell  de  l'Acropole,  par  la  Délégation  en  Perse  (i). 

D'après  ce  qui  précède,  il  parait  suffisamment  établi  que  nous  avons  là  un  monnayage  spécial 
à  l'Élymaïde,  présentant  un  grand  intérêt  pour  l'histoire  de  cette  région,  à  une  époque  où  les  docu- 
ments écrits  font  presque  totalement  défaut. 

Mordtmann  a  publié  dans  la  Zeitschrift  fur  Numismatic  de  Berlin  deux  études  sur  ces 
monnaies:  dans  la  première,  intitulée  Ueber  eine  bisher  unbekannter  Varietat  Arsakidischer 
Mïinzen  et  rédigée  en  1B75,  ^'  établit  la  lecture  des  légendes  grecques  qu'il  lit  :  «  Orode  roi  et 
Phraate  roi  »  et  étudie  les  légendes  araméennes  ;  la  plus  fréquente  serait  à  lire,  d'après  lui  : 
«  MaLKA  FcRHaD  ZaK  URUD,  le  roi  Phraate  fils  d'Orode  »  ;  les  autres  ne  sont  interprétées  que 
dune  façon  tout  à  fait  conjecturale.  Dans  son  deuxième  travail,  Weitere  Beitrage  zur  Kenntniss 
der  Persepolitanischen  Miinzen,  Constantinople,  novembre  1878,  il  confirme  les  lectures:  «  Orode 
roi,  Phraate  roi.  Le  roi  Phraate  fils  d'Orode  »  et  propose  quelques  nouvelles  lectures  pour  les 
légendes  araméennes.  En  particulier  il  lit  sur  certaines  d'entre  elles  «  URUD  MaLKA,  Orode 
roi  »,  sur  d'autres  :  «  MaLKA  HUMiTRa  ZaK  URUD,  le  roi  Humitra  fils  d'Orode  »;  de  plus  il 
reconnaît  l'existence  de  monnaies  anépigraphes  que,  d'après  l'analogie  des  types,  il  attribue  au  roi 
Kamnaskirès,  le  même  qui  en  231  (Sel.),  82  (av.  J.-C.)  frappait  des  tétradrachmes  et  des  drachmes, 
où  son  effigie  est  associée  à  celle  de  son  épouse  Anzazé  ;  il  admettait,  d'ailleurs,  suivant  une 
théorie  généralement  acceptée  à  l'époque  où  il  écrivait,  que  ce  souverain  est  un  grand  roi  arsacide, 
ArsaceX  prédécesseur  de  Sinatrocès.  Il  est,  par  suite,  conduit  à  attribuer  les  monnaies  de  la  trou- 
vaille à  la  série  des  rois  parthes  qui  se  sont  succédés  à  partir  de  231  (Sel.),  en  y  comprenant 
Orode  I",  Phraate  IV,  Phraatace,  Orode  II  et  dubitativement  les  premiers  successeurs  de  ce 
prince  :  ses  lectures  cadrent  assez  bien  avec  cette  hypothèse,  puisque  l'on  y  trouve  en  majorité  les 
noms  d'Orode  et  de  Phraate  ;  toutefois  la  légende  araméenne  qu'il  lit  «  Humithra  fils  d'Orode  » 
indique,  par  exception,  un  roi  inconnu  dans  la  série  arsacide.  D'autre  part,  Mordtmann,  d'après 
la  provenance  supposée  des  monnaies  qui  venaient  de  Chiraz,  les  attribuait  à  la  Perside  et  admet- 
tait qu'elles  représentaient  le  monnayage  de  cette  province  sous  la  suzeraineté  parthe,  suzeraineté 
qui  aurait  cessé  d'être  effective  vers  l'an  20  (ap.  J.-C),  époque  où  l'on  y  trouve,  comme  roi  indé- 
pendant, Darius  fils  de  Zaturdat(2)  (Autophradate). 

Mordtmann  a  eu  le  grand  mérite  de  tenter  les  déchiffrements  et  de  proposer  un  classement 
admissible,  mais  ses  travaux  sont  incomplets  ;  il  ne  donne  aucune  figure,  ne  reproduit  les  légendes 
que  d'une  façon  approximative,  sans  faire  ressortir  les  particularités  épigraphiques;  enfin,  dans 
la  description  des  trouvailles,  il  omet  un  renseignement  précieux,  le  nombre  des  exemplaires  de 
chaque  variété. 

(i)  Postérieurement  quelques  pièces  de  même  provenance  ont  été  envoyées  à  M.  de  Morgan. 
(2)  Le  nom  que  Mordtmann  lisait  «  ^aturdat  »,  a  été  lu  «  Valaphradate  »  par  Justi  et  Drouin. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE  179 


M.  A.  de  Markoff  a  cherché  à  combler  une  partie  de  ces  lacunes  ;  dans  la  description  des 
monnaies  parthes  de  sa  collection,  qu'il  a  publiée  en  1877  comme  supplément  à  l'ouvrage  de 
Prokesch-Osten(i),  il  a  donné  de  bonnes  gravures  de  la  plupart  des  variétés  de  Mordtmann. 
Malheureusement  les  monnaies  dont  il  disposait  étaient  en  petit  nombre  et  de  mauvaise  conser- 
vation, en  sorte  qu'il  a  omis  de  figurer  certaines  particularités  indispensables  pour  la  fixation 
des  attributions,  quelquefois  même  il  a  méconnu  entièrement  la  nature  du  type  des  revers  ;  c'est 
ainsi  que  le  serpent  qu'il  indique,  avec  un  point  de  doute,  il  est  vrai,  sur  le  revers  d'une  monnaie 
de  Phraate  IV,  n'est  autre  chose  que  le  buste  d'une  divinité. 

Dans  un  ouvrage  postérieur(2),  le  même  auteur,  sous  la  rubrique  Monnaies  frappées  en 
Perse  au  nom  des  Arsacides,  donne  la  description  de  45  exemplaires  qu'il  répartit  entre  les  seuls 
règnes  d'Orode  I"  et  Phraate  IV,  en  y  comprenant  le  type  anôpigraphe  classé  d'ordinaire  à 
Kamnaskirès  (n"  725  de  sa  description,  pi.  I,  n''725). 

La  trouvaille  de  1900,  dont  M.  de  Morgan  a  bien  voulu  nous  confier  l'examen,  est  composée 
en  grande  partie  d'exemplaires  de  très  bonne  conservation  ;  elle  renferme  des  variétés  qui  man- 
quaient dans  celle  de  1 874  et  notamment  quatre  pièces  de  grand  module  avec  légendes  araméennes  ; 
par  contre,  plusieurs  types  de  cette  dernière  n'y  sont  pas  représentés.  C'est  pourquoi,  afin  de 
donner  une  idée  d'ensemble  de  cette  série  monétaire,  qui  représente  le  monnayage  spécial  à 
l'Èlymaïde  pendant  une  période  relativement  assez  courte,  nous  avons  cru  devoir  compléter  la 
description  détaillée  des  monnaies  trouvées  en  Susianc  en  1900,  par  une  nomenclature  sommaire 
de  celles  qui  n'étaient  pas  comprises  dans  cette  trouvaille  :  les  premières  sont  représentées  sur  les 
planches  X,  XI,  XII,  XIII;  les  secondes  sur  la  planche  supplémentaire  XIV,  qui  comprend,  en 
outre,  deux  monnaies  de  la  trouvaille  de  1900,  parvenues  à  M.  de  Morgan  postérieurement  au 
premier  envoi.  Nous  avons  reproduit  sur  ces  planches  non  seulement  les  types  monétaires  réel- 
lement distincts,  mais  même  les  variétés  d'un  même  type  qui  ne  présentent  que  des  difî'érences 
légères  dans  les  effigies,  la  fabrique,  ou  la  forme  des  caractères  dt  la  légende.  Mieux  que  toute 
description  ces  photographies  donneront  une  idée  exacte  du  monnayage  de  bronze  de  l'Élymaïde, 
le  seul  qui  nous  occupe  en  ce  moment. 

Quant  aux  monnaies  d'argent  qui  comprennent  des  tétradrachmcs  et  des  drachmes  au  nom 
de  Kamnaskirés,  elles  forment  une  catégorie  à  part,  qui  ne  s'est  jamais  trouvée  mélangée  aux 
monnaies  de  bronze  ;  elles  ont  pourtant  avec  elles  une  relation  indéniable  au  point  de  vue  des 
types  et  des  symboles,  aussi  croyons-nous  devoir  rappeler  ici,  comme  préambule  obligatoire,  les 
conclusions  de  l'étude  spéciale  que  nous  leur  avons  consacrée  dans  un  travail  récent  (3). 

La  bibliothèque  nationale  possède  quatre  tétradrachmes  d'argent  au  nom  de  Kamnaskirés 

(i)  A.  de  Markoft,  Les  monnaies  des  rois  parthes.  supplément  à  l'ouvrage  de  M.   le  comte  Prokcsch-Osten, 
2'  fascicule.  Paris,  1877. 

(2)  De  MarkofT,  Collections  scientifiques  de  l'Institut  des  langues  orientales.  Saint-Pétersbourg,  1889. 

(3)  Allotte  de  la  Fuye,  La  dynastie  des  Kamnaskirés,  Revue  de  numismatique,  1902. 


i8o  MONNAIES  DE  L'ELYMAJDE 


(R.  N.  1902,  pi.  V,  n°  I,  2,  3,  4).  Le  plus  ancien  n'est  pas  daté;  le  revers  porte  la  légende 
BASIAEQS  KAMNISKIPOÏ  N1KH<I>0P0Ï  ;  d'après  le  style  de  la  pièce,  le  type  de  son  revers, 
Apollon  sur  l'omphalos,  et  l'épithète  de  Nicéphore  empruntée  à  Antiochus  IV,  on  peut  lui  attri- 
buer une  date  voisine  de  i  50  (Sel.).  Le  tétradrachme  n°2,  au  revers  de  Zeus  Nicéphore,  présente 
le  portrait  de  Kamnaskirès  accolé  à  celui  de  son  épouse  Anzazé  et  est  daté  de  231  (Sel.);  à  droite, 
dans  le  champ,  est  un  symbole  dans  lequel  nous  n'hésitons  pas  à  voir  une  ancre.  Le  n°  3,  sur 
lequel  le  roi  est  figuré  sous  les  traits  d'un  homme  jeune  encore,  a  le  même  revers  avec  la  légende 
BASL\(EQ:i:  KA)MNASKIPOr  TOT  ([/.)Er(aXou)  BASIAEQS  KAMNAÏKIP(ou)  le  roi  Kamnaskirès, 
fils  du  grand  roi  Kamnaskirès  ».  A  l'exergue  est  une  date,  très  peu  visible,  que  nous  croyons 
pouvoir  lire  ANI1=  241 . 

Sur  le  n°  4,  le  roi  est  plus  âgé,  il  est  vêtu  à  la  mode  parthe  ;  la  disposition  des  cheveux  qui 
retombent  sur  le  front,  en  l'entourant  comme  d'une  couronne,  et  se  terminent  en  arrière  par  une 
sorte  de  chignon,  est  ici  très  accentuée  :  elle  est  caractéristique  des  souverains  de  cette  dynastie 
depuis  Kamnaskirès,  époux  d'Anzazé.  Dans  le  champ,  à  droite,  nous  retrouvons  l'ancre,  mais,  pour 
la  première  fois,  elle  est  surmontée  d'un  astre  à  huit  rayons.  Au  revers  est  un  buste  drapé,  coiffé 
d'une  manière  analogue  et  entouré  de  la  légende  BASIAEOS  KAMNACKPOÏ  Toï  AEP  B... 
MNAG. . .  qui  est  à  lire  comme  la  précédente  :  Le  roi  Kamnaskirès,  Jïls  du  grand  roi  Kamnaskirès. 

A  la  suite  de  ce  tétradrachme,  de  très  bon  style  et  de  métal  très  pur,  doivent  se  ranger,  chrono- 
logiquement, des  pièces  de  même  module  et  quelques  autres  plus  petites  en  bas  argent,  en  potin 
et  finalement  en  cuivre,  dans  lesquelles  les  types  et  le  métal  subissent  des  altérations  progres- 
sives parallèles.  Le  symbole  accessoire  placé  dans  le  champ  reste  d'abord  composé  de  l'ancre  et 
d'un  astre  ;  dans  les  dernières  pièces  seulement  apparaît  le  croissant,  et  l'astre  se  réduit  à  une 
simple  croix,  puis  à  un  point. 

Le  n°  139  de  notre  planche  XIV,  qui  appartient  à  notre  collection,  mais  dont  nous  ignorons 
la  provenance,  présente  un  des  derniers  degrés  de  l'altération  ;  néanmoins  on  y  distingue  encore 
très  nettement  les  traces  du  buste  du  revers,  réduit  à  l'œil,  l'oreille,  et  la  coiffure  caractéristique 
des  Kamnaskirès. 

Dans  les  trouvailles  de  1874  et  de  1900,  on  n'a  pas  signalé  de  pièces  de  grand  module  de  ce 
type;  les  pièces  de  petit  module  s'y  trouvaient  en  petit  nombre:  18  dans  celle  de  1900,  dont  16 
figurées  à  la  planche  X,  n°'  de  i  à  16.  Le  type  du  revers  y  est  complètement  dégénéré  et  réduit 
à  quelques  traits  disséminés  irrégulièrement  dans  le  champ.  Il  est  à  remarquer  que  les  types 
de  la  face  sont  assez  variés  et  que  quelques-uns  sont  d'assez  bon  style. 

En  résumé  les  conclusions  de  notre  travail  sur  la  dynastie  des  Kamnaskirès  sont  les  sui- 
vantes : 

—  Il  est  absolument  démontré  qu'il  a  existé  plusieurs  rois  de  ce  nom. 

—  Il  est  très  probable  qu'entre  Kamnaskirès  Nicéphore  et  Kamnaskirès  époux  d'Anzazé,  il 
faut  intercaler  un  Kamnaskirès,  ayant  porté  le  titre  de  grand  roi,  qui  serait  le  père  de  celui  auquel 
nous  attribuons  les  tétradrachmes  les  plus  récents. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


ISI 


—  En  admettant  que  Kamnaskirès  Nicéphore  soit  le  premier  du  nom,  on  pourrait  résumer 
comme  suit  la  succession  des  princes  de  cette  dynastie  : 

Kamnaskirès  I,  Nicéphore,  roi,  vers  150  Sel.  (av.  J.-C.  163); 

Kamnaskirès  II,  grand  roi  ; 

Kamnaskirès  III,  roi,  époux  d'Anzazé,  en  231  Sel.  (av.  J.-C.  82); 

Kamnaskirès  IV,  roi,  fils  du  grand  roi  Kamnaskirès  en  241  Sel.  (av.  J.-C.  72). 


Les  Kamnaskirès  de  bronze  seraient  attribuables  à  Kamnaskirès  IV,  sinon  à  un  roi  posté- 
rieur :  par  leur  aspect,  leur  fabrique,  les  symboles  qui  s'y  voient,  ces  monnaies  accusent  une 
parenté  étroite  avec  celles  qui  se  trouvent  mélangées  avec  elles  dans  les  trouvailles  et  qui  portent 
les  noms  d'Orode  et  de  Phraate  ;  ces  dernières  sont-elles  postérieures,  les  souverains  qui  y  ont 
gravé  leur  nom  sont-ils  les  grands  rois  arsacides  connus,  contemporains  de  César  et  d'Auguste, 
ou  bien  des  rois  homonymes  indépendants  ou  vassaux  ?  Ce  sont  là  des  questions  qu'il  nous  reste 
à  étudier.  Mais,  avant  de  le  faire,  il  nous  semble  indispensable,  pour  préciser  la  discussion,  de 
donner  ici  un  tableau  chronologique  de  la  suite  des  rois  parthes  qui  ont  régné  pendant  la  période 
qui  nous  intéresse 


Phraate  III,  fils  de  Sinatrocès. 
Mithridate  III,  fils  de  Phraate  III. 
Orode  I,  fils  de  Phr.iate  III.    .     . 
Pacore  I,  fils  d'Orode  I.     .     .     . 
Phraate  IV,  fils  d'Orode  I.      .     . 

Tiridate  II 

Phraatake,  fils  de  Phraate  II.  .     . 

Orode  II 

Vonones  I,  fils  de  Phraate  IV. 

Artaban  III 

Vardane  I,  fils  d' Artaban  III.  .     . 
Gotarzts,  fils  ou  frère  d' Artaban  III 

Vononès  II 

Vologèse  I,  fils  de  Vononès  II .     .     . 

Vardane  II 

Vologèse  II 

Vologèse  III 

Pacore  II,  fils  de  Vologèse  II. 

Artaban  IV 

Chosroès  I,  fils  de  Vologèse  II.    . 


KRE  DES  SEI.EUCIDKS 

hRK  CHRETir.NNK 

243-256 

70-57  (a.  J.-C.) 

256-259 

57-54 

256-276 

57-37 

273 

38 

275-310 

38-3 

286 

26 

310-516 

5  (a.  J.-C.)-4  (p.  J.-C.) 

315-319 

4  (p.  J.-C.)-8  (p.  J.-C.) 

519-522 

8-11 

521-551 

10-40 

352-556 

41-45 

351-362 

40-51 

362 

5' 

562-572 

51-61 

366-569 

55-58 

372-589 

61-78 

389-459 

78-148 

589-421 

78-110 

392  C') 

8o(?)-8i(?) 

41 7  ••141 

106-150 

Ce  tableau  résulte  des  nombreux  travaux  dont  a  été  l'objet  l'histoire  des  Parthes  :  l'abbé  de 
Longuerue  dans  ses  Annales  Arsacidarum,  a  réuni  presque  tous  les  renseignements  que  nous 
ont  légués  les  anciens  ;  ces  renseignements,  souvent  contradictoires,  sont  complétés  et  contrôlés 
par  l'étude  des  monnaies.  Les  travaux  numismatiqucs  de  Visconti,  de  Longpérier,  suivis  de 
ceux  de  Prokesch-Osten,  Gardner,  de  MarkofiT,  ont  permis  à  des  historiens  tels  que  Gutschmid  et 


i82  MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


Justi,  de  reprendre  à  nouveau  l'histoire  des  Arsacides;  néanmoins  nous  ne  pouvons  la  considérer 
comme  définitivement  arrêtée  ;  bien  des  points  restent  douteux  ;  plus  incertaines  encore  sont  les 
attributions  des  monnaies  ;  de  nouveaux  tétradrachmes  arsacides,  récemment  entrés  au  British 
Muséum,  rentrent  difficilement  dans  les  classifications  admises,  et  M.  Warwick  Wroth  a  apporté 
à  celles-ci  d'importantes  modifications  dans  le  nouveau  Catalogue  des  monnaies  parthes  qu'il 
vient  de  publier  :  quelques-unes  sont  incontestables,  plusieurs,  bien  que  sérieusement  motivées, 
soulèvent  des  objections  et  ne  seront  pas  acceptées  sans  discussion.  Aussi  n'avons-nous  pas  cru 
devoir  adopter  intégralement  le  classement  suivi  dans  le  Catalogue  of  the  coms  ofParthia  du 
British  Muséum,  et,  sauf  indication  contraire,  nous  conserverons,  au  cours  de  la  présente  étude, 
les  dénominations  et  les  attributions  les  plus  habituellement  admises,  c'est-à-dire  celles  de  Long- 
périer  et  de  Gardner. 

En  ce  qui  concerne  la  liste  chronologique  donnée  ci-dessus,  elle  est  commune  à  ces  deux 
auteurs  et  à  M.  Warwick  Wroth  jusqu'à  Vologèse  I  ;  à  partir  de  ce  prince  l'accord  cesse,  et  nous 
avons  préféré  le  classement  de  Longpérier  à  celui  de  M.  Warwick  Wroth.  Nous  tenons  à  spéci- 
fier, d'ailleurs,  que  l'un  et  l'autre  soulèvent  de  grosses  objections  et  nous  faisons  particulièrement 
des  réserves  au  sujet  du  long  règne  qui  est  attribué  à  Vologèse  III  (Vologèse  II  de  Warwick 
Wroth).  On  le  fait  régner  de  78  a  148  (p.  J.-C),  c'est-à-dire  70  ans  ;  on  devrait,  par  suite,  trouver, 
au  début  de  son  règne,  une  effigie  jeune,  très  différente  de  celle  des  dernières  années.  Or,  il  n'en 
est  rien  ;  cette  constatation  semble  appeler  une  revision  des  attributions  admises  et  je  serais  tenté 
de  croire  que  les  tétradrachmes  des  premières  années,  qui  portent  les  dates  6nT,  ^T,  A^T  doi- 
vent être  attribués  non  à  Vologèse  III,  mais  bien  à  Vologèse  II  (Vologèse  I  de  Warwick  Wroth). 
Le  fait  que  Tcffigic  de  ces  tétradrachmes  est  coiffée  d'une  tiare,  tandis  que  l'effigie  habituelle  de 
Vologèse  II  a  la  tète  nue,  n'est  nullement  incompatible  avec  cette  nouvelle  attribution,  qui  me 
paraît  confirmée  par  l'examen  attentif  des  traits  caractéristiques  des  portraits,  abstraction  faite  de 
la  coiffure  (i). 

Ainsi  que  nous  le  montrerons,  les  monnaies  de  l'Elymaïde  ont  des  rapports  étroits  avec  celles 
des  rois  parthes  ;  sur  la  liste  des  souverains  de  la  Susiane  figurent  des  Orode  et  des  Phraate, 
nous  essaierons  de  démontrer  que  l'on  doit  y  ajouter  des  Vologèse  et  des  Chosroès  et  que  les  uns 
et  les  autres  sont  identiques  aux  princes  de  même  nom  de  la  liste  arsacidc  que  nous  avons  donnée 
plus  haut. 

Notre  travail  sera  divisé  en  deux  parties  : 

Première  partie  :  Etude  des  types  et  symboles,  étude  des  légendes,  discussion  des  attributions . 

Deuxième  partie  :  Description  des  monnaies. 

(i)  L'analogie  des  traits  est  particulièrement  remarquable  sur  les  tétradrachmes  figurés  n^s  i  et  8  de  la  planche  XX 
de  la  collection  de  Pétrowicz;  l'analogie  se  poursuit  sur  les  drachmes  n"'  2  et  11  de  la  même  planche. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE  183 


PREMIÈRE    PARTIE 


Étude  des  types  et  des  symboles,  étude  des  légendes,  discussion  des  attributions. 


ETUDE  DES  TYPES   ET   DES  SYMBCJLES 


Types  de  l'avers. 


Les  types  de  l'avers  peuvent  se  diviser  en  deux  grandes  catégories: 

A.  —  Types  avec  tiare. 

B.  —  Types  sans  tiare. 

Nous  examinerons  successivement  les  diverses  variétés  qu'ils  présentent  et  nous  indiquerons 
pour  chacune  d'elles  le  nom  du  souverain  présumé  auquel  elle  est  attribuée,  nous  réservant  de 
justifier  au  dernier  paragraphe  nos  propositions  d'attributions. 

A.  —  Types  arec  liare.  —  Les  types  avec  tiare  sont  communs  pour  la  plupart  à  la  trouvaille 
de  1874  et  à  celle  de  1900  et  s'y  sont  rencontrés  en  grand  nombre  ;  ils  doivent  être  considérés,  par 
suite,  comme  antérieurs  aux  types  sans  tiare,  avec  cheveux  relevés,  de  la  planche  XIV,  i  53-186, 
lesquels,  en  raison  de  leur  absence  totale  dans  la  trouvaille  de  1900,  ont  été  émis  vraisembla- 
blement à  une  époque  postérieure  à  l'enfouissement  de  celle-ci. 

Tantôt  de  profil,  tantôt  de  face,  les  types  avec  tiare  se  distinguent  principalement  par  les 
ornements  qui  décorent  la  tiare  et  peuvent  se  classer  comme  suit  : 


i84  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAIDE 


^.        ,  Cl  grand  module PI.  X,  17        ) 

Aa.    1  lare  de  prohl  avec  ancre         .          ,   ,  m    v             o         '  /-^    j    i.r 

^                            f  petit  module PI.  X,          18-40    >  Orode  ^^ 

—  —  PI.  XIV,    140-142) 

Ab.  Tiare  de  profil  avec  croissant  ponctué PI.  XIII,  125-136  1 

Ac.   Tiare  de  face  avec  deux  croissants  ponctués PI.  XIII,  ii7-i24'  Phraate. 

—  —  PI.  XIV,  150-152^ 

Ad.  Tiare  de  face  avec  cordon  perlé  au  milieu PI.  XI,        48-  69^  Orode  II, 

_                       —                            Pi.  XIV,  147-149  ]  fils  d'Orode. 

_                       —                            PI.  XIV,  142-144  Orode  I". 

—  ■ —                            non  figuré  Phraate. 

Ae.   Même  tiare,  ornée  d'aigrettes,  grand  module PI.  XIV,  146         )  Orode  II, 

—  petit  module PI.  XI,      41-47     ^  fils  d  Orode. 


Toutes  les  monnaies  avec  tiare  ont,  dans  le  champ,  adroite,  une  ancre  et  au-dessus  un  croissant 
surmontô  d'un  point  qui  tient  la  place  de  l'astre  qui  figure  sur  les  monnaies  antérieures  de  Kam- 
naskirès;  exceptionnellement,  l'astre  a  subsisté  sous  la  forme  d'une  croix  sur  les  monnaies  de 
grand  module,  pi.  XIV,  146,  et  sur  quelques  monnaies  de  petit  module. 

Les  effigies  ont  entre  elles  une  grande  analogie  :  le  souverain  est  fortement  barbu  et  paraît 
drapé  dans  un  manteau  qui  ne  permet  pas  de  juger  si  le  cou  est  entouré  du  collier  à  spires  mul- 
tiples qui  se  voit  sur  les  portraits  de  la  dynastie  arsacide  et  sur  ceux  des  Kamnaskirès.  La  tiare 
est  ceinte  d'un  diadème  dont  les  extrémités  pendent  le  long  du  dos  ;  les  différences  qui  existent 
dans  les  traits  du  visage  et  la  physionomie  ne  sont  pas  assez  tranchées  pour  permettre,  à  elles 
seules,  la  répartition  des  monnaies  entre  trois  souverains  différents,  mais,  généralement,  elles  cor- 
roborent assez  bien  les  indications  qui  résultent  des  légendes,  des  types  de  revers  et  des  signes 
distinctifs  de  la  tiare.  Lorsque  nous  discuterons  les  légendes,  nous  verrons  que  les  monnaies  avec 
croissants  ponctués,  qu'elles  soient  de  face  ou  de  profil,  portent  en  avant  du  profil  l'abréviation 
nPAet  au  revers  la  légende  RPAATHS  BASL\ErS  ou  $PAATHS  BASLVEÏ^;  donc  pour  elles 
point  d'hésitation,  elles  reviennent  à  un  roi  Phraate,  auquel  nous  donnerons  également  toutes 
les  monnaies  anépigraphes  ayant  le  croissant. 

Par  contre,  les  monnaies  qui  n'ont  pas  le  croissant  sur  la  tiare  ne  portent  jamais  le  nom  de 
Phraate  ;  les  unes,  où  la  tiare  de  profil  est  ornée  d'une  ancre,  portent  d'ordinaire  en  grec  ou  en 
aramécn,  la  légende  Orode  roi  ;  les  autres,  de  face,  ont  une  tiare  qui  n'est  ornée  que  d'un  simple 
cordon  perlé  vertical,  type  Ad.  Quand  elles  ne  sont  pas  anépigraphes,  elles  portent  le  plus  sou- 
vent, au  revers,  une  légende  araméenne  qui  se  traduit  par  Orode  roi,  fils  d'Orode.  Le  type  Ae 
est  semblable  au  type  Ad,  sauf  que  la  tiare  est  entourée  d'une  série  d'aigrettes  verticales.  La 
légende  araméenne  est  la  même  sur  les  pièces  de  petit  module,  sur  une  pièce  de  grand  module, 
qui  ne  se  trouvait  pas  dans  la  trouvaille  de  1900,  mais  qui  existe  à  la  Bibliothèque  nationale  et 
dont  plusieurs  exemplaires  ont  été  rapportés  de  Perse  par  M.  de  Morgan  à  son  dernier  voyage,  la 
légende  araméenne  est  simplement  Orode  roi  ;  on  serait  par  suite  tenté  de  l'attribuer  à  Orode  I, 
comme  nous  l'avons  fait  pour  la  pièce  grand  module,  pi.  X,  17,  qui  porte  la  même  légende,  mais. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


185 


en  raison  de  l'identité  parfaite  qu'elle  présente  avec  les  pièces  de  petit  module  avec  tiare  à 
aigrettes,  nous  l'attribuons,  comme  celles-ci,  à  Orode  II,  fils  d'Orode.  Rien  n'empêche  d'admettre 
que  ce  souverain  a  modifié  à  différentes  époques  de  son  règne  la  légende  de  ses  monnaies,  et 
qu'après  avoir  inscrit  Orode  roi,  Jîls  d'Orode,  il  a  supprimé  le  nom  de  son  père  ;  ces  réductions 
successives  des  légendes  monétaires  sont  constantes  en  numismatique  romaine  ;  dans  la  série 
arsacide  on  trouve  également,  pour  un  même  souverain,  plusieurs  légendes  différentes. 

En  résumé,  nous  attribuons  à  Orode  II  les  monnaies  de  face  où  la  tiare  est  ornée  d'un  cor- 
don perlé;  nous  faisons,  pourtant,  une  exception  pour  les  monnaies,  pi.  XIV,  142-143,  aux  revers 
de  l'aigle  et  du  diadème,  que  nous  donnons  à  Orode  I,  parce  que  leur  effigie  paraît  plus  âgée  que 
celle  des  monnaies  d'Orode  II,  et  aussi  parce  que  le  revers  de  l'aigle  se  trouve  sur  les  monnaies 
d'Orode  I,  roi  des  Parthes,  que  nous  identifions  à  notre  Orode  I,  roi  de  Susiane. 

Par  exception  également,  nous  attribuons  à  Phraate  des  monnaies  avec  tiare  sans  crois- 
sant (i)  qui  présentent,  au  revers,  des  croissants  affectant  différentes  dispositions.  Ces  revers  avec 
croissants,  dont  on  trouve  un  spécimen,  pi.  XIII,  128,  attribuable  sans  hésitation  à  Phraate,  nous 
paraissent  revenir  à  ce  prince,  qui  semble  avoir  une  prédilection  marquée  pour  le  symbole  du 
croissant. 


B.  —  Types  sans  tiare.  —  Le  type  B  peut  être  subdivisé  comme  suit  : 

Ba.    B.  diadème  à  g.  avec  la  coiffure  des  Kamnaskirès,  £?.  module PI.  XIV,  159         )  ,.  ,  .  , 

.   ,  ,^,    -.  ,  >  Kamnaskirès. 

—  —  p.  module.    ...     PI.  X.  i-  16  S 

Bb.  B.  diadème  de  face,  barbu,  avec  touffes  latérales  de  cheveux,  g.  module.       .     PI.  XII,      70-  72  \ 

—  —  p.  module.      PI.  XII  et  XIII,      73-116      ^.,    '"°'^     ' 

m    vi^7  \   '''s  d  Orode. 

—  —  —      ....     PI.  XIV,  145  ) 

Bc.    B.  diadème  àg.,  barbeen  pointe,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque.  PI.  XIV,  138  Phraatake(?). 

Bd.   B.  de  face  avec  touffes  de  cheveux  tombant  sur  les  épaules  et  légende  ara- 

méenne PI.  XIV,  153  X. 

Be.    B.  de  face  ou  de  trois  quarts,  grosses  moustaches  et  barbiche,  touffes  de  cheveux 

à  droite  et  à  gauche  et  au  sommet  de  la  tête PI.  XIV,  154-161     Orode  III  (?). 

Bf.    B.  diadème  à  g.,  barbe  courte  en  pointe,  grosses  touffes  de  cheveux,  sur  la 

et  sur  la  nuque,  avec  ou  sans  légende PI.  XIV,  162-168    Orode  III. 

Bg.   B.  diadème  à  g.,  barbiche  divisée  en  deux  pointes,  touffe  de  cheveux  sur  la 

tête,  avec  ou  sans  légende PI.  XIV,  169-175     Orode  IV. 

Bh.  Buste  analogue,  très  longue  barbiche,  pas  de  touffes  de  cheveux PI.  XIV,  176-178  Y. 

Bi.    Buste  analogue,  touffe  de  cheveux  ou  chignon  sur  la  nuque PI.  XIV,  179-182  Z. 

Bj.    B.  diadème  à  g.,  barbu,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête PI.  XIV,   183-186     Vologèse  II. 

Bk.  B.  diadème  àg.,  barbe  en  pointe,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque.  Chosroès. 

Type  Ba.  PI.  XIV,  139  et  pi.  X,  1-16.  —  Kamnaskirès. 

Ce  type  est  probablement  le  plus  ancien,  le  petit  module  seul  faisait  partie  de  la  trouvaille  de 

(i)  Ces  monnaies  qui  n'ont  pas  été  figurées  sur  les  planches,  ont  été  signalées  par  Mordtmann  et  se  trouvent  en 
plusieurs  exemplaires  dans  notre  collection. 

24 


i86  MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


1900.  Le  roi  est  de  profil  à  gauche,  fortement  barbu;  sur  quelques  exemplaires,  il  a  lair  d'un  vieil- 
lard ;  les  effigies  présentent,  d'ailleurs,  une  grande  variété,  mais  se  distinguent  de  celles  de  tous  les 
autres  souverains  par  la  disposition  de  la  coiffure  ;  les  cheveux  forment  sur  le  front  et  tout  autour 
de  la  tète  comme  une  couronne  pouvant  être  confondue  avec  les  bords  d'un  chapeau  ;  en  arrière, 
ils  retombent  sur  la  nuque  et  sont  disposés  comme  une  sorte  de  chignon  ou  de  queue  plus  ou 
moins  allongée;  le  diadème  entoure  la  tète  au-dessus  de  la  couronne  de  cheveux.  Cette  disposi- 
tion de  la  coiffure  est  analogue  à  celle  des  tétradrachmes  du  grand  roi  Kamnaskirès  et  de  ses  suc- 
cesseurs. Dans  le  champ  à  droite,  est  une  ancre  et  au-dessus  un  croissant  surmonté  d'un  astre, 
le  plus  souvent  réduit  à  un  point. 

Type  Bb.  PI.  XII,  70-72  ;  pi.  XII  et  XIII,  73-1 16  ;  pi.  XIV,  145.  —  Orode  II fils  d'Orode. 

Buste  barbu  de  face  ou  de  trois  quarts,  grosses  touffes  latérales  de  cheveux,  diadème  entou- 
rant le  front,  quelquefois  au  sommet  de  la  tète  petite  houppe  de  cheveux  autour  de  laquelle 
s'enroulent  les  extrémités  du  diadème  ;  dans  le  champ  à  droite,  ancre  surmontée  du  croissant 
ponctué.  Ce  type  se  rattache  directement,  par  les  légendes,  au  type  Ad,  tiare  de  face  avec  cor- 
don perlé  ;  comme  lui,  il  appartient  à  Orode  II  fils  d'Orode  ;  leurs  légendes  araméennes  les  plus 
habituelles  sont  URUD  AlaLKA  BaRI  URUD,  KUMaSKIR  URUDMaLKA  et  KaBNaHZKIR 
URUD  AlaLKA  BaR  URUD  MaLKA  ;  la  première  est  absolument  identique  à  celle  des  mon- 
naies d'Orode  II  déjà  signalées,  les  deux  dernières  reviennent  également  à  Orode  II  :  nous  en 
indiquerons  plus  loin  les  raisons. 

Nous  avons  dans  ce  monnayage  d'Orode  II  un  exemple  bien  caractéristique  des  étranges  défor- 
mations que  peut  prendre  une  même  effigie  :  qui  pourrait  reconnaître  dans  la  figure  en  lame  de 
couteau  des  n°'  1 10,  1 1 1,  le  gros  joufflu  dcsn°'  82  et  112?  Cependant,  les  légendes  sont  là  qui  nous 
forcent  à  en  reconnaître  l'identité.  Remarquons,  d'ailleurs,  que  si  le  premier  terme  de  la  série  est 
très  différent  du  dernier,  on  passe  de  l'un  à  l'autre  par  des  transitions  insensibles  et  que,  si  l'on 
voulait  repartir  ces  multiples  effigies  entre  plusieurs  souverains,  on  se  trouverait  fort  embarrassé. 

Les  différences  basées  sur  l'embonpoint  ne  sont  pas  d'ailleurs  les  seules  qui  méritent  d'être 
signalées  dans  les  effigies  des  n"'  70  à  1 1 6  ;  la  disposition  de  la  chevelure  présente  des  particularités 
dignes  de  remarque,  qui  ont  quelquefois  été  méconnues.  Le  plus  souvent,  il  existe  au  sommet  de 
la  tête  une  petite  touffe  de  cheveux  à  la  base  de  laquelle  vient  s'enrouler  l'extrémité  du  diadème, 
après  avoir  entouré  le  front.  Pour  bien  comprendre  cette  particularité,  qui  est  assez  visible  sur 
les  pièces  de  grand  module  71  et  72  et  qui  se  retrouve  plus  nette  encore  sur  les  monnaies  posté- 
rieures de  la  planche  XIV,  n°  162  à  172,  il  faut  se  reporter  à  la  représentation  très  caractéristique 
du  diadème  de  ces  souverains,  qui  nous  est  donnée  au  revers  des  n°'  144,  152  ;  ce  diadème  com- 
porte deux  cercles  concentriques  :  le  plus  grand  correspond  au  front,  le  plus  petit  à  la  ligature 
qui  serre  la  base  de  la  touffe  de  cheveux  supérieure  ;  pour  compléter  cette  représentation  du 
double  diadème,  on  y  a  figuré  minutieusement  les  deux  grosses  boucles  du  nœud  terminal,  les- 
quelles se  voient  fréquemment  sur  les  effigies  des  souverains  de  l'Élymaïde. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE  187 


Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  coiffure  avec  le  double  diadème  et  la  petite  touffe  au  sommet 
de  la  tête  est  la  plus  fréquente  sur  les  effigies  d'Orode  II  sans  tiare  ;  néanmoins  il  arrive  quelque- 
fois que  la  touffe  supérieure  n'est  pas  visible,  et,  dans  ce  cas,  les  deux  boucles  du  nœud  terminal, 
fortement  exagérées,  se  voient  de  chaque  côté  de  la  tête,  comme  dans  les  n"'  105  à  1 1 1 . 

En  résumé,  il  est  impossible  d'établir  des  divisions  bien  tranchées  dans  cette  nombreuse  caté- 
gorie de  monnaies  ;  nous  la  réunissons  toute  sous  la  rubrique  unique,  type  Bb,  en  renvoyant  pour 
les  variantes  de  détail  aux  planches  XII,  XIII,  XIV,  à  la  figure  331,  n°' 6,7,8,9  intercalée  plus  loin 
dans  le  texte;  les  quatre  pièces  de  grand  module  que  représente  cette  figure,  ont  été  recueillies 
récemment  en  Perse,  loin  de  Suse,  et  leur  origine  première  est  inconnue.  Elles  offrent,  avec  des 
légendes  identiques,  quatre  types  d'Orode  II  qui  pourraient  êtrecaractérisés  par  les  mots  :  très  gros, 
gros,  moyen,  maigre  ;  en  ajoutant  à  ces  quatre  pièces  le  n"  70,  pi.  XII,  où  la  tête  de  trois  quarts  est 
d'un  stvle  remarquable,  on  a  une  représentation  assez  complète  de  cette  intéressante  catégorie 
du  monnayage  d'Orode  II. 

Type  Bc.  PI.  XIII,  138.  —  Phraatake  (?). 

Buste  de  profil  à  gauche  avec  moustaches  et  barbe  en  pointe,  grosses  touffes  de  cheveux  sur  la 
nuque  et  sur  le  sommet  de  la  tête,  double  diadème  ;  au  revers,  Artémis  radiée  avec  arc  et  carquois, 
avec  légende  grecque  incertaine  ;  les  symboles  habituels  de  l'ancre  et  du  croissant  ponctué  ne  se 
trouvent  ni  à  l'avers,  ni  au  revers.  C'est  la  seule  pièce  de  la  trouvaille  de  1900  qui  soit  dans  ce  cas. 

Ce  type  manquait  totalement  dans  la  trouvaille  de  1874  et  est  unique  dans  celle  de  1900  ;  on 
doit  en  conclure  qu'il  a  été  émis  en  très  petite  quantité.  Nous  discuterons  plus  loin  la  légende  et 
l'attribution  ;  constatons,  dès  à  présent,  que  cette  pièce,  par  le  type  de  l'avers,  diffère  de  toutes  les 
monnaies  de  la  trouvaille  de  1900  et  se  rapproche  beaucoup  des  monnaies  postérieures  de  la 
planche  XIV,  mais  que,  par  son  revers  d'Artémis  et  sa  légende  grecque,  elle  se  rattache  aux  mon- 
naies émises  au  nom  de  Phraate  ;  en  dehors  de  toute  autre  considération,  cette  constatation  suffit 
pour  faire  conjecturer  qu'elle  s'intercale  chronologiquement  entre  le  Phraate  de  la  planche  XIII 
et  rOrode  III  de  la  planche  XIV. 

Si,  comme  nous  sommes  porté  à  le  croire,  l'Orode  I  et  le  Phraate  I  de  Susiane  ne  sont  autres 
que  les  rois  arsacidès,  Orode  I  et  Phraate  IV,  le  souverain  qui  inaugure  dans  la  série  susienne 
le  type  singulier  à  chevelure  relevée  en  grosse  touffe  sur  le  sommet  de  la  tête  pourrait  bien  être 
Phraatake,  le  fils  de  Phraate  IV  et  de  l'esclave  Mousa.  C'est  là  une  opinion  très  conjecturale, 
car,  il  faut  bien  le  dire,  la  légende  est  d'une  lecture  très  incertaine  ;  si,  à  la  rigueur,  on  peut  y 
trouver  les  éléments  du  nom  de  Phraatake,  on  pourrait  également  y  lire  le  nom  d'Orode  ou  môme 
celui  de  Chosroôs  :  nous  verrons  plus  loin  quelles  sont  les  raisons  qui  nous  conduisent  à  préférer 
l'attribution  à  Phraatake. 

TvpEBd.  PI.  XIV,  153.  — A'. 

Buste  de  face  avec  touffes  de  cheveux  tombant  sur  les  épaules  et  légende  araméenne. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


L'exemplaire  de  la  planche  XIV  qui  appartient  à  notre  collection  est  très  indistinct,  un  exem- 
plaire beaucoup  plus  net  a  été  trouvé  à  Suse  par  M.  Dieulafoy  et  est  déposé  au  Musée  du  Louvre  : 
pour  l'un  comme  pour  l'autre  la  légende  tronquée  et  peu  distincte  ne  permet  guère  de  hasarder  une 
attribution.  Constatons  seulement  que  le  revers  de  cette  monnaie,  l'ancre  accostée  de  deux  crois- 
sants, le  tout  dans  un  diadème,  est  identique  à  celui  que  nous  trouvons  parmi  les  monnaies  ané- 
pigraphes  à  la  tête  de  face  que  nous  classons  dubitativement  à  Orode  III. 

TypEBe.  PI.  XIV,  1 54-161.  —  Orode  III. 

Buste  de  face,  grosses  moustaches,  barbiche  frisée  à  son  extrémité  et  séparée  en  deux 
pointes,  à  droite  et  à  gauche  deux  grosses  touffes  de  cheveux,  sur  le  sommet  de  la  tête  une  touffe 
plus  ou  moins  grosse.  En  général,  il  n'y  a  du  'côté  de  l'avers  ni  ancre,  ni  croissant  ponctué, 
exceptionnellement  nous  voyons  apparaître  à  droite  du  buste,  pi.  XIV,  161,  un  croissant  et,  à 
une  certaine  distance  au-dessus,  non  pas  un  point,  mais  bien  un  astre  parfaitement  formé,  par- 
ticularité que  nous  n'avons  jamais  rencontrée  jusqu'ici  dans  les  pièces  de  petit  module.  Notons, 
d'ailleurs,  que,  si  le  symbole  de  l'ancre  est  absent  sur  l'avers  du  type  Be,  il  se  retrouve  toujours 
au  revers. 

Deux  revers  distincts  sont  associés  au  type  Be  :  le  premier,  l'ancre  avec  croissants  dans  un 
diadème,  le  rapproche  du  type  précédent  ;  le  second,  l'Artémis  de  profil,  avec  coiffure  spéciale,  est 
très  analogue  à  l'un  des  revers  du  type  Bg  que  nous  attribuons  à  Orode  IV. 

Le  type  Be  est  toujours  anépigraphe  ;  on  peut,  en  raison  de  la  disposition  de  la  coiffure,  l'assi- 
miler soit  au  typeBc  Phraatake,  soit  au  type  Bf  Orode  III  ;  nous  nous  sommes  arrêtés  à  cette  der- 
nière assimilation. 

TvpEBf.  PI.  XIV,  162-168.  —Orode  III. 

Buste  à  gauche,  moustache  et  barbe;  au  sommet  de  la  tête  et  sur  la  nuque,  grosse  touffe  de 
cheveux. 

Ce  type  présente  deux  variétés:  sur  la  première  on  lit,  en  pehlvi,  en  avant  du  profil,  Orode 
roi;  la  seconde  est  anépigraphe,  et,  à  la  place  delà  légende,  se  trouve  une  ancre.  Ces  deux  variétés 
appartiennent  évidemment  au  même  souverain  Orode  III,  car  les  effigies  de  l'avers,  comme  celles 
du  revers,  sont  semblables. 

Type  Bg.  PI.  XIV,  169-175.  —  Orode IV. 

Même  description  que  pour  le  type  Bf,  sauf  que  la  barbe  est  plus  courte  et  divisée  en  deux 
pointes  et  qu'il  n'y  a  pas  de  touffe  de  cheveux  sur  la  nuque. 

Le  type  comporte  deux  variétés,  la  première  169-171  porte  la  légende  pehlvie  Orode  roi  et 
il  existe  généralement  dans  le  champ  à  droite  une  ancre  qui  se  répète  au  revers  à  la  même  place, 
derrière  la  tête  d'Artémis  ;  la  deuxième  variété  172  à  175  est  anépigraphe  et  ne  présente  d'ancre 
ni  d'un  coté  ni  de  l'autre  ;  il  v  a  seulement  un  croissant  derrière  la  tête  d'Artémis. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE  189 


Ces  deux  variétés  ont  été  émises  par  un  même  roi  du  nom  d'Orode,  mais  nous  pensons,  en 
raison  de  la  différence  de  la  coiffure  et  du  caractère  plus  jeune  de  la  physionomie,  que  c'est 
un  Orode  IV,  fils  d'Orode  III. 

TYPEBh.  PI.  XIV,  176-178.  —  Y. 

Type  Bi.  PI.  XIV,  179-182.— Z. 

Ces  deux  types  ont  avec  le  précédent  une  grande  analogie,  on  doit  noter,  néanmoins,  les  dif- 
férences suivantes:  la  touffe  supérieure  de  cheveux  a  disparu,  la  barbiche  est  plus  longue  ;  enfin, 
au  revers,  l'Artémis  en  pied,  accostée  d'un  croissant,  a  remplacé  le  buste  d'Artémis.  Ce  change- 
ment de  revers,  joint  aux  différences  ^iconographiques,  constitue  un  indice  suflfisant  pour  faire 
présumer  un  changement  de  rogne. 

D'autre  part,  les  types  Bh,  Bi  se  différencient  entre  eux  ;  le  premier  n'a  pas,  comme  lesccond, 
les  cheveux  disposés  en  touffe  ou  chignon  sur  la  nuque  ;  on  doit  remarquer,  aussi,  que,  sur  les 
pièces  du  dernier  type,  on  voit  reparaître  le  double  symbole  de  l'ancre  et  du  croissant  ponctué  (i)  ; 
la  chose  est  bien  nette  sur  le  n"  181,  en  peut  même  constater,  qu'au  lieu  du  croissant  ponctué 
proprement  dit,  on  a  un  croissant  et  un  astre  bien  formé,  qui  en  est  nettement  séparé.  En  outre,  les 
revers  des  types  Bh,  Bi  présentent  des  différences  appréciables  que  nous  signalerons  lorsque 
nous  traiterons  des  types  de  revers. 

En  résumé,  il  parait  y  avoir  des  raisons  suffisantes  pour  répartir  les  tvpcsBh,  Bi  entre  deux 
souverains  distincts  Y  et  Z. 

Type  Bj.,  PI.  XIV,  183-186.  —  Vologèse  II{?){I  de  Warwick  Wroth). 

Buste  barbu  à  gauche,  généralement  assez  barbare,  grosse  tcuffc  de  cheveux  au  scmm.ct  de 
la  tête  et  sur  la  nuque,  double  diadème  ;  dans  le  champ,  à  droite,  l'ancre  surmontée  d  un  croissant 
ponctué  ;  au  revers,  Pallas  Athéné  avec  la  lance  et  le  bouclier. 

La  disposition  de  la  coiffure  est  évidemment  analogue  à  celle  d'Orode  III  et  c'est  à  tort  que 
Mordtmann  (2)  l'a  comparée  à  celle  des  Kamnaskirès,  il  y  a  entre  elles  desdifférencesessenticlles: 
dans  la  coiffure  des  Kamnaskirès,  il  n'y  a  qu'un  diadème  unique  placé  au-dessus  de  la  couronne 
de  cheveux,  tandis  que  sur  notre  type  Bj,  comme  sur  les  types  Be,  Bf,  Bg,  le  diadème  principal 
entoure  le  front,  et  il  v  a,  en  outre,  une  ligature  au  bas  de  la  touffe  de  cheveux  ;  par  suite  le  type 
Bj  doit  être  classé,  non  au  commencement  de  la  série  comme  l'a  fait  Mordtmann,  mais  à  la  fin. 
Nous  exposerons  plus  loin  les  raisons  qui  nous  portent  à  l'assimiler  au  roi  parthe  Vologèse  II, 
pi.   19. 

(i)  Sur  le  type  Bh,  i!  existe  une  ancre,  qui  n'est  pas  visible  sur  les  monnaies  176-178.  mais  que  j'ai  constatée  sur 
un  exemplaire  de  la  collection  Pctrowicz. 

(2)  .\U3rdtmann,  Wcilere  Beilrage  {ur  Kenntniss  der  perseoolilanischen  Miin^en,  n'>2,  p.  42,  Z.f.N.,  BVII,  1880. 


190  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


Type  Bk.  Fig.  3,4.  —  Chosroès. 

Buste  à  gauche,  avec  moustaches  et  barbe  en  pointe  ;  grosses  touffes  de  cheveux  sur  la  nuque 
et  sur  le  sommet  de  la  tête,  double  diadème. 

Cette  pièce  existe  en  double  exemplaire  dans  la  collection  Pétrowicz  (  i  ),  où  elle  est  classée  parmi 
les  monnaies  arsacides  du  roi  Chosroès  ;  le  type  de  l'avers  est,  en  effet,  très  analogue  à  celui  des 
drachmes  de  ce  roi.  Mais  le  type  du  revers,  l'Artémis  chasseresse  avec  légende  grecque,  nous 
paraît  tellement  semblable  à  celui  de  nos  pièces  de  Phraate  et  Phraatake  que  nous  croyons  devoir 
attribuer  cette  monnaie  à  la  Susiane. 

Nous  devons  noter  que  notre  pièce  n°  138,  attribuée  dubitativement  à  Phraatake,  présente 
de  grands  rapports  avec  les  deux  pièces  de  Chosroès  de  la  collection  Pétrowicz;  nous  en  ferons 
plus  loin  l'objet  d'une  discussion  complète. 


II.  —  Types  des  revers. 

En  traitant  des  types  de  l'avers,  nous  avons  été  amené  à  mentionner  ceux  du  revers,  parce 
que,  bien  souvent,  ils  se  prêtent  une  aide  réciproque  dans  la  fixation  des  attributions  ;  bien  des 
choses,  néanmoins,  restent  à  dire  au  sujet  de  la  détermination  des  types  de  revers,  de  leur  origine 
et  de  leur  emploi  dans  le  monnayage  de  l'Élymaïde. 

Nous  les  diviserons  en  quatre  catégories  : 

i"=  catégorie  :  Types  divins. 

2"         —         Type  du  buste  de  la  reine. 

3^         —         Type  dégénéré  de  l'effigie  du  grand  roi  Kamnaskirès. 

4"         —         Types  divers. 

Première  catégorie.  —  Types  divins.  —  Avant  d'aborder  l'étude  des  types  divins,  il  nous 
paraît  nécessaire  de  rechercher  quelles  pouvaient  bien  être,  au  commencement  de  l'ère  chrétienne, 
les  divinités  honorées  en  Élymaïde. 

Dieux  de  l'Élymaïde.  —  Extension  probable  de  l'Élymaïde.  —  Et  d'abord  où  se  trouve 
exactement  l'Élymaïde  et  quelles  en  sont  les  limites? 

D'après  le  témoignage  de  Strabon  elle  est  contiguë  à  la  Susiane  ;  Pline  est  plus  précis  : 
«  Susianam  ab  Elymaïde  disierminat  amnis  Eidœus  »  :  le  fleuve  de  l'Eulœus  sépare  la  Susiane 
de  l'Élymaïde.  Or,  nous  savons,  par  les  documents  les  plus  anciens,  que  Suse  était  sur  l'Eulœus, 
ce  qui  nous  est  encore  confirmé  par  la  dénomination  de  «  Séleucie  sur  l'Eulœus  »  que  lui  donne 

(i)  Sammlung  Pétrowicz,  Osroès,  n°^  i  et  2,  pi.  XXI,  12.  Wien,  1904. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE  191 


une  inscription  grecque  de  l'époque  séleucide,  récemment  mise  au  jour  par  la  Délégation.  Susc, 
aux  confins  de  la  Susianeet  de  l'Élymaïde,  a  très  certainement  exercé  une  influence  prépondérante 
sur  l'une  et  l'autre  de  ces  contrées,  en  supposant  qu'elles  soient  distinctes;  j'ajoute  que,  vraisem- 
blablement, à  l'époque  qui  nous  occupe,  les  grandes  divisions  politiques  correspondant  aux  satrapies 
de  Darius  s'étaient  reconstituées  et  que  la  Susiane  et  l'Élymaïde  de  Strabon  formaient  un  royaume 
unique  correspondant  à  l'ancienne  Susiane,  l'Uvaza  des  inscriptions,  comprise  entre  la  Médie,  la 
Balylonie  et  la  Perside. 

Quoi  qu'il  en  soit,  si  nous  voulons  des  renseignements  sur  la  religion  des  peuples  de  l'Ély- 
maïde, c'est  à  Suse,  l'ancienne  capitale  del'Élam,  la  résidence  des  roisachéménideset  d'Alexandre, 
qu'il  faut  les  chercher. 

L'élam  avant  les  Perses.  — Quels  furent  ses  premiers  habitants  et  leurs  dieux  ?  Les  inscrip- 
tions ne  nous  l'ont  point  appris  ;  nous  savons  seulement  que,  plus  de  4  000  ans  avant  J.-C,  si  l'on 
admet  la  chronologie  de  Nabonide,  qui  fixe  à  3  800  ans  avant  notre  ère  le  règne  de  Sargon  d' Agadé, 
le  pays  de  Suse  est  en  rapports  constants  et  presque  toujours  en  lutte  avec  les  cités  de  la  Chal- 
dée,  Our,  "Kich,  Uruk,  Lagach  (Sirpurla),  lesquelles  florissaient  à  une  époque  où  le  nom  de 
Babylone  n'est  pas  encore  prononcé  ;  un  peu  plus  tard,  Naramsin,  fils  de  Sargon,  conduit  dans 
les  montagnes  une  expédition  victorieuse,  dont  une  admirable  stèle  nous  a  conservé  le  souvenir, 
et  s'empare  de  la  Susiane  ;  c'est  là  un  point  de  repère  fondamental  dans  l'histoire  de  l'Élam.  Suse 
devient,  pour  un  temps,  vassale  d'Agadé  et  l'élément  sémitique  y  domine,  sans  faire  disparaître 
néanmoins  l'élément  rival  représenté  par  la  race  anzanite  ;  les  patésis  ou  vice-rois  qui  la  gou- 
vernent écrivent  en  sémitique,  mais  leurs  noms  Kal-Rouhouratir,  Houmbanoumcna,  sont  anza- 
nites,  et  dans  leurs  inscriptions,  les  dieux  susiens  se  mêlent  aux  dieux  de  la  Chaldée. 

Combien  de  temps  dura  le  régime  des  patésis?  Il  est  difficile  de  le  préciser;  mais,  vers  2280, 
les  Élamitessont  affranchis  et  un  brillant  conquérant,  Koudour-Nahhounte,  fonde  une  dynastie 
anzanite  au  cœur  de  la  Babylonie,  après  avoir  pillé  ses  sanctuaires  les  plus  vénérés  et  transporté 
leurs  dépouilles  à  Suse;  en  particulier  il  y  installe  la  grande  déesse  d'Uruk,  la  déesse  Nanà, 
qu'Assurbanipal  y  retrouve  1635  ans  plus  tard.  Bien  certainement  pendant  son  séjour  prolongé 
sur  les  bords  de  l'Eulœus,  elle  fut  comblée  d'honneurs  ;  et  c'est  là  un  point  sur  lequel  il  est  bon 
d'insister,  car  il  caractérise  bien  l'idée  religieuse  dans  l'antiquité  païenne;  la  piété  s'étend  aux 
divinités  étrangères,  le  vainqueur  aime  à  emporter  comme  trophée  les  dieux  de  ses  ennemis,  il 
les  installe  chez  lui,  il  les  choie  pour  les  détacher  de  l'adversaire  et  les  amener  à  reporter  sur  lui- 
même  leur  protection. 

Ainsi  dut-il  en  être  pour  Nanà  et  son  souvenir  s'est  conservé  longtemps  dans  les  régions 
persiques,  si  l'on  en  juge  par  un  passage  du  livre  des  Machabôes,  qui,  en  pleine  époque  séleu- 
cide, mentionne  encore  le  temple  de  Nanà,  où  Antiochus  le  Grand  trouve  la  mort  (i). 

(1)  Machabees,  liv.  II,  13. 


192  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


Qu'était-ce  donc  que  cette  déesse  étrangère  qui  laisse  en  Susiane  des  souvenirs  plus  vivaces 
que  les  dieux  susiens  eux-mêmes?  Assurbanipal,  dans  ses  annales,  écrit  son  nom  en  toutes 
lettres  Na-na-a  et  nous  fait  connaître  qu'elle  n'est  autre  que  l'ancienne  déesse  d'Uruk.  Celle-ci 
semble  être  désignée  dans  les  textes  les  plus  anciens  des  rois  de  Lagach  et  d'Uruk  par  un  idéo- 
gramme de  lecture  fort  incertaine(i)  qui,  aune  époque  postérieure,  représente  la  déesse  Istar  sous 
ses  multiples  aspects  :  originairement  déesse  pastorale,  Istar  est  encore  la  déesse  de  la  fécondité 
et  de  l'amour  et  la  dame  des  batailles  ;  au  ciel,  c'est  la  brillante  Vénus  qui  règne  avec  Samas  et  Sin. 
L'identité  qui  a  pu  exister  entre  Nanâ  d'Uruk  et  l'Istar  primitive  s'est-ellc  conservée  dans  son 
intégrité  pendant  le  cours  des  âges?  Il  est  permis  d'en  douter,  car,  dans  un  des  textes  religieux 
où  figure  le  nom  de  Na-na-a  écrit  phonétiquement  (2),  on  la  trouve  citée  en  même  temps 
qu'Istar,  ce  qui  semble  indiquer  qu'elles  n'étaient  pas  absolument  confondues. 

Quoi  qu'il  en  soit,  entre  elles  les  rapports  étaient  grands  et  les  traditions  babyloniennes  et 
assyriennes  sont  la  principale  source  d'informations  dont  nous  disposons  pour  reconstituer  la  per- 
sonnalité de  la  Nanâ  susienne,  jusqu'à  l'époque  achéménidc. 

Après  la  destruction  de  Suse  par  Assurbanipal,  la  nationalité  anzanite  ne  se  rélève  plus  et  la 
Susiane  n'apparaît  plus  que  comme  une  province  babylonienne  ;  des  dieux  susiens,  il' n'est  plus 
question  et  ce  sont  ceux  de  Babylone  qui  vont  se  trouver  en  contact  avec  les  dieux  de  la  Perse. 

Le  panthéon  des  Achéménidcs  est  d'ailleurs  originairement  fort  peu  compliqué  :  Darius  dans 
ses  inscriptions  ne  parle  que  du  Dieu  suprême  Ahura-Mazda  et  c'est  seulement  sous  Artaxercès- 
Mnemon  qu'il  est  fait  mention  de  Mithra  et  d'Anahita  ;  Bérose,  cité  par  Clément  d'Alexandrie, 
nous  dit,  d'ailleurs,  qu'à  l'origine  les  dieux  de  la  Perse  n'avaient  pas  de  représentation  matérielle 
et  que,  le  premier,  Artaxercès,  fils  de  Darius,  fit  faire  des  statues  d'Aphrodite-Anahita  dans  les 
villes  de  Babylone,  Ecbatane,  Suse,  Persépolis,  Bactres,  Sardes  et  Damas. 

A  ce  moment,  la  religion  perse,  au  contact  des  cultes  de  Babylone,  subit  une  modification 
profonde  et,  vraisemblablement,  Anahita,  la  pure  déesse  de  l'Avcsta  et  Istar-Nanâ,  fort  différentes 
en  principe,  viennent  se  fondre  en  une  divinité  unique  que  les  Grecs  ont  connue  sous  le  nom 
d"AvatTi;.  Sans  doute,  ce  n'est  là  qu'une  présomption,  mais  le  fait  que  ces  deux  déesses  sont  l'une 
et  l'autre  nommées  Aphrodite  par  les  auteurs  grecs,  en  fait  presque  une  certitude.  Nous  sommes 
donc  autorisé  à  penser  que  la  forme  matérielle  donnée  à  Anahita,  à  l'époque  d'Artaxercès,  a  été 
inspirée  par  les  représentations  d'Istar.  Sur  un  cylindre  babylonien  du  British  Muséum  est  figu- 
rée une  déesse  vêtue  d'une  longue  robe,  coiffée  d'une  tiare  à  cornes,  et  qui  semble  armée  d'un 

(i)  L'idéogramme  de  la  déesse  Nanâ-Istar  est  celui  qui  entre  dans  la  composition  de  l'idéogramme  de  la  ville  de 
Suse;  sous  sa  forme  archaïque,  il  rappelle  le  signe  RI  avec  lequel  il  a  été  quelquefois  confondu.  Il  est  absolument  distinct 
de  celui  de  la  déesse  Nina;  celle-ci,  malgré  l'analogie  des  noms,  n'a  rien  de  commun  avec  Nanâ,  tout  au  moins  à  l'ori- 
gine :  c'est  une  déesse  maritime,  comme  l'indique  son  idéogramme  qui  comprend  l'image  d'un  poisson  ;  elle  est  l'enfant 
d'Eridu,  fille  du  dieu  poisson  Ea  ;  tandis  que  Nanâ-Istar  est  désignée  tantôt  comme  fille  de  Bel,  tantôt  comme  fille  de 
Sin.  —  Sur  des  documents  de  Koudour-Maboug,  roi  d'Erech,  on  trouve  le  nom  de  Nanâ  écrit  phonétiquement. 

(2)  Die  assyrische  Beschwdru?igsserie,  Mixqlù,  5"=  tablette,  1.  59-60,  «  inaqibit  Istar,  Tammu^,  Nanai,  belit râmi », 
par  l'ordre  d'Istar,  de  Tammouz,  de  Nanâ  déesse  de  l'amour. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE  193 


arc.  On  la  regardait  généralement  comme  une  Istar  babylonienne  ou  assyrienne  ;  cette  suppo- 
sition vient  d'être  confirmée  par  la  découverte  toute  récente,  faite  à  Babylone,  d'un  bas-relief, 
ou  figure,  avec  le  nom  d'Istar,  une  déesse  analogue  qui  est  également  armée  de  l'arc  ;  nous 
savons,  d'autre  part,  par  Plutarque,  qu'au  temps  d'Artaxercès,  existait  dans  un  sanctuaire  de 
Pasargade,  la  statue  d'une  déesse  guerrière  qui  rappelait  Minerve  (i). 

De  tout  cela  nous  pouvons  conclure  que  l'Anaïtis  perse  n'était  pas  sans  analogie  avec  l' Istar 
babylonienne  et  la  complexité  de  ses  attributs  nous  fait  comprendre  pourquoi  les  Grecs  l'ont  assi- 
milée, tantôt  à  Aphrodite,  tantôt  à  Artémis  ou  à  Athéné.  Rien  ne  prouve,  d'ailleurs,  que  les  nom- 
breuses statues  que  lui  fit  élever  Artaxercès  furent  semblables  et  que  celle  de  Sardes  fut  identique 
à  celle  de  Suse,  celle  de  Suse  à  celle  de  Bactres.  En  ce  qui  concerne  cette  dernière,  les  monnaies 
frappées  dans  l'Inde  par  les  rois  Kanishka  et  Huvishka,  au  premier  siècle  de  notre  ère,  nous  four- 
nissent une  indication  précieuse  ;  elles  nous  montrent  l'image  d'une  déesse  vêtue  d'une  longue 
robe,  portant  un  sceptre  ou  une  arme,  et  dont  la  tête  est  ornée  d'un  croissant  et  entourée  d'un 
nimbe  :  évidemment,  c'est  une  Aphrodite  orientale,  dont  le  prototype  semble  devoir  être  la  statue 
de  l'Anahita  perse  élevée  à  Bactres  par  Artaxercès  ;  néanmoins  la  légende  NANAIA  ou  NANO 
nous  donne  le  nom  sémitique  de  la  déesse  Nanâ  de  Suse,  ce  qui  prouve  combien  le  culte  de  cette 
divinité  avait  conservé  des  attaches  puissantes  dans  les  parties  les  plus  éloignées  de  la  monarchie 
achéménide. 

Notons,  d'ailleurs,  que,  sur  les  monnaies  indo-bactriennes  des  mêmes  rois,  on  voit  appa- 
raître, mélangées  aux  images  des  divinités  helléniques  et  indiennes,  celles  des  dieux  iraniens  et 
entre  autres  celle  de  Mithra  ;  ce  doit  être  une  des  plus  anciennes  représentations  connues  de  ce 
dieu  et  probablement,  comme  celle  de  Nanâ,  elle  vient  de  Bactres.  Est-ce  à  dire  qu'elle  est  aussi 
ancienne  et  faut-il  en  conclure  que  Mithra  a  eu  des  statues  dès  l'époque  achéménide?  Rien  n'au- 
torise à  le  penser. 

Époque  grecque.  —  Nous  avons  cherché  à  dégager  de  l'étude  des  textes  et  des  monuments 
figurés,  les  points  les  plus  saillants  du  culte  extérieur  des  peuples  de  la  Susiane  sous  la  domina- 
tion achéménide,  et  nous  avons  montré  l'influence  prépondérante  qu'ont  exercée  sur  son  dévelop- 
pement les  mythes  de  l'antique  religion  babylonienne  ;  à  cette  influence  il  faut  en  joindre  une 
autre  qui  est  loin  d'être  négligeable,  c'est  celle  de  l'hellénisme.  Darius  et  ses  successeurs  ont  vu 
leurs  immenses  armées  impuissantes  à  triompher  de  la  résistance  héroïque  du  petit  peuple  grec  et, 
sans  doute,  ils  durent  en  concevoir  une  estime  singulière  pour  les  dieux  protecteurs  de  l'Hellade; 
Xercès avant  de  franchir  l'Hellespont  sacrifie  sur  les  autels  d'Athéné  d'Ilium  et,  comme  jadis  Kou- 
dour-Nahhounte,  il  rapporte  dans  ses  états  des  images  vénérées  des  dieux  de  la  Grèce,  la  statue 
d'airain  d'Apollon  Milésien  à  Ecbatane  et  l'antique  idole  d'Artémis  Brauronia  à  Suse.  Voilà  donc 
les  divinités  grecques  introduites  au  cœur  de  l'empire  achéménide;  sans  aucun  doute  elles  furent 

(i)  'EîTt  Se  0ÎV.Î  ro),£;x'.iY,;  Upôv,  v'  'AOrvxv  av  z'.;  ôîxâ-rsisv.  Plutarque,  Vie  d' Artaxercès,  III,  40. 

2^ 


194  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÎDE 


bien  reçues,  d'autant  plus  qu'entre  Apollon  et  Mithra,  Artômis  et  Anaïtis  le  rapprochement  était 
facile.  A  Suse,  particulièrement,  où  l'idée  nationale  et  religieuse  devait  être  singulièrement 
confuse,  les  progrès  de  l'hellénisme  durent  être  rapides  et  la  domination  macédonienne  n'eut  pas 
de  peine  à  s'y  faire  accepter.  Alexandre  y  séjourne  à  deux  reprises,  Séleucus  lui  donne  son  nom, 
et,  de  toutes  parts,  en  Susiane  comme  en  Babylonie,  s'élèvent  les  sanctuaires  d'Artémis  et  d'Athéné 
dont  font  mention  Strabon  et  Isidore  de  Charax. 

Époque  parthe.  —  La  révolte  parthe,  qui  enlève  aux  Séleucides  la  domination  de  l'Asie,  a 
pu  amener  une  réaction  :  elle  ne  semble  pas  avoir  été  bien  accentuée,  si  l'on  en  juge  par  les 
types  religieux  grecs  qui  continuent  à  figurer  sur  certains  tétradrachmes  de  Mithridate  I  et  de  ses 
successeurs;  les  premières  monnaies  des  Kamnaskirès,  frappées  en  Susiane,  adoptent  également 
les  types  d'Apollon  et  de  Jupiter;  tout  au  plus  peut-on  trouver  dans  le  type  composite  du  satrape 
assis  sur  l'omphale  des  drachmes  arsacides,  un  souvenir  des  origines  nationales;  encore  dispa- 
raît-il sur  les  tétradrachmes  à  l'époque  d'Orode  et  de  Phraate  IV.  Sous  ce  dernier  prince,  le  type 
le  plus  ordinaire  des  tétradrachmes  est  une  Tyché  portant  une  corne  d'abondance  et  présentant 
au  roi  une  couronne  ou  une  palme;  quelquefois  au-dessus  de  la  tête  de  la  déesse  est  un  croissant, 
ce  qui  pourrait  faire  supposer  qu'il  faut  voir  là  une  représentation  d'Artémis  considérée  comme 
divinité  protectrice  du  roi(i);  ce  qui  donne  une  certaine  vraisemblance  à  cette  hypothèse,  c'est 
que  la  Tyché  est  parfois  remplacée  par  une  déesse  casquée,  qui  doit  être  assimilée  à  Pallas.  II 
n'y  aurait  rien  que  de  naturel  à  voir  figurer  sur  les  monnaies  de  souverains  qui  se  parent  du 
titre  de  philhellènes,  les  deux  divinités  grecques  qui  étaient  le  plus  en  honneur  dans  les  provinces 
qui  avaient  fait  partie  de  l'empire  des  Séleucides. 

Cette  époque  d'Orode  et  de  Phraate  IV  est  précisément  celle  de  nos  monnaies  de  l'Élymaïde: 
nous  y  retrouvons  des  types  incontestables  d'Artémis  et  d'Athéné  représentées  en  pied  avec  leurs 
attributs  ordinaires  ;  d'autres  types  divins,  réduits  à  des  bustes,  sont  d'une  attribution  plus  dou- 
teuse ;  on  y  a  vu  Sérapis  et  Mithra  et  bien  d'autres  choses  encore.  Nous  pensons  que  c'est  faire 
fausse  route  et  que,  suivant  une  habitude  assez  répandue  dans  la  numismatique  ancienne,  les 
divinités  figurées  en  buste  ne  sont  autres  que  celles  qui  sont  représentées  en  pied  ;  pour  nous,  les 
bustes  de  face  et  de  profil  des  revers,  sauf  une  ou  deux  exceptions,  sont  ceux  d'Artémis.  N'ou- 
blions pas  que  les  monnaies  de  la  catégorie  qui  nous  occupe,  ont  été  à  plusieurs  reprises  trou- 
vées à  Suse  et  qu'au  dire  de  Pline  il  existait  dans  cette  Suse  un  sanctuaire  d'Artémis,  le  plus 

vénéré  des   temples  de  la  région,  a  Atitnis  Euîœus circuit  arcem  Susorum  ac  Dianœ  tem- 

«  plum  aiiguslissimum  illis  gentibus.  »  La  statue  adorée  sur  les  bords  de  l'Eulœus  était-elle 
identique  à  l'une  des  nombreuses  représentations  de  l'Artémis  grecque?  Dans  tous  les  cas  elle 
diffère  de  l'Artémis  Brauronia  qui  avait  séjourné  à  Suse  quelques  centaines  d'années  et  dont 

(i)  Artémis  est  fréquemment  adoptée  comme  Tyché  par  des  villes  asiatiques,  voir  en  particulier  une  monnaie  de 
Gérasa  avec  l'inscription  APTEM12  TYXH  rEPACQN,  de  Saulcy,  Num.  de  la  Terre  Sainte,  PI.  XXII,  i  et  2. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE  195 


l'image  nous  est  connue  par  des  monnaies  de  la  ville  de  Laodicée,  où  Séleucus  l'avait  transportée. 
Ajoutons  que  les  effigies  d'Artômis  représentées  sur  nos  monnaies  présentent  certaines  particu- 
larités qui  peuvent  faire  croire  que  les  types  grecs  ont  subi  des  modifications  auxquelles  les  sou- 
venirs lointains  de  Nanâ  et  d'Anahita  ne  seraient  pas  étrangers. 

Type  d'Artémis.  —  Type  d'Artémis  en  pied  avec  arc  et  carquois.  —  Parmi  les  types 
divins  des  revers,  il  en  est  un  qui  est  incontestable,  celui  d'Artémis  debout  tenant  d'une  main  son 
arc  et  prenant  de  l'autre  une  flèche  dans  son  carquois.  Mordtmann  a  voulu  y  voir  un  archer 
parthe(i)  et  M.  de  Markofï(2)  une  amazone  ;  Longpérier  ne  s'y  est  pas  trompé,  pas  plus  que 
M.  Warwick  Wroth  ;  il  n'y  a  là  ni  archer,  ni  amazone,  mais  bien  une  Artômis  grecque,  le 
croissant  qui  se  voit  dans  le  champ,  pi.  XIV,  177,  178,  précise  l'attribution.  Le  type  n'est 
d'ailleurs  pas  inconnu  en  numismatique  et  ne  diffère  de  celui  des  drachmes  de  Timarque(3)  que 
par  quelques  détails  de  la  coiffure  qui,  sur  certains  exemplaires,  est  surmontée  du  calathos  et 
entourée  d'une  couronne  radiée.  Le  type  d'Artémis  avec  arc  et  carquois  devait  avoir  en  Susiane 
une  faveur  spéciale,  si  l'on  en  juge  par  sa  persistance,  car  nous  le  trouvons  sous  cinq  souverains 
différents:  Phraate,  pi.  XIII,  11 7- 127;  Phraatake(?),  pi.  XIII,  138  et  postérieurement.  Y..., 
pi.  XIV,  176-178;  Z...,  pi.  XIV,  179-182,  et  Chosroès(4).  iVlordtmann(5)  cite  le  môme  type  de 
revers  sur  une  pièce  qu'il  attribue  à  Orode  I  ;  je  doute  fort  de  cette  attribution  qui  repose  proba- 
blement sur  une  fausse  lecture  ;  le  type  de  l'avers  appartient  à  Phraate  et  Mordtmann  aura  lu 
rpû)SYi(ç  p)aTtX£'jî  pour  ripaa-rr,;;  |3aatÀ£'j;,  il  est  permis  de  s'y  tromper,  étant  données  les  formes 
très  barbares  du  grec  cursif  employé  dans  ces  légendes. 

Ce  type  présente  des  particularités  intéressantes  et  des  variantes  qu'il  importe  de  signaler. 

On  le  rencontre  sur  des  monnaies  de  Phraate  au  buste  de  face  et  au  buste  de  profil  qui 
portent  l'une  et  l'autre  la  légende  <I>PAATHS  BA:ï:iAEri:  ou  IIPAATHS  BASIAErS  plus  ou  moins 
défigurée  (pi.  XIII,  1 17-127);  d'ordinaire  c'est  sur  les  monnaies  à  buste  de  face,  et  particuliè- 
rement sur  celles  dont  les  légendes  emploient  la  lettre  <I>,  que  le  type  d'Artémis  est  le  plus  distinct 
et  conserve  une  certaine  allure  grecque  ;  la  déesse  est  vêtue  d'un  chiton  talaire  court,  sa  tête  est 
ceinte  d'une  couronne  radiée  et,  autant  qu'on  peut  en  juger  par  le  n"  118,  elle  porte  le  calathos. 
Cette  double  particularité  se  retrouve  parfaitement  sur  le  buste  de  profil  qui  est  spécial  aux  mon- 
naies d'Orode,  pi.  X,  18-30.  Le  calathos  n'est  nullement  inconnu  aux  types  grecs  d'Artémis  :  sans 
parler  de  la  fameuse  statue  archaïque  d'Éphèse  qui,  avec  ses  attributs  multiples,  est  une  déesse 
d'une  tout  autre  nature,  on  peut  citer  l'Artémis  Brauronia  qui  présente  un  intérêt  spécial  parce 
qu'elle  a  séjourné  à  Suse. 

(i)  Mordtmann,  Weitere  Beitràge.  Z.f.  N.,  B.  VII,  1880. 

(2)  De  Markoff,  Les  monnaies  des  rois  partîtes,  2"=  fasc,  p.  10  et  37. 

(3)  Bàhdon,  Rois  de  Syrie,  CXVI. 

(4)  Sammlung  Pétrowicz,  Osroès,  n"'  i  et  2,  pi.  XXI,  12.  Wien,  1904. 

(5)  Mordtmann,  loc.  cit.,  n°  18. 


196  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


La  couronne  radiée  n'est  pas  ordinaire  sur  la  tête  d'Artémis  :  il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait 
lieu  d'attacher  une  importance  trop  grande  à  l'existence  de  cette  couronne,  pas  plus  qu'à  celle  du 
calathos  ;  car  on  peut  remarquer  que  la  Tyché  des  tôtradrachmes  de  Phraate  IV  a  tantôt  la  tête 
nue,  tantôt  coiffée  du  calathos,  de  la  couronne  murale  ou  de  la  couronne  radiée,  sans  que  ces 
différences  puissent  être  considérées  comme  modifiant  le  caractère  de  cette  déesse.  Parmi  nos 
variétés  d'Artémis  chasseresse  nous  retrouvons  les  mêmes  différences:  celles  des  n"'  117  à  120 
ont  le  calathos  et  la  couronne  radiée,  celle  du  n"  138  la  couronne  radiée,  celles  des  n"'  177-182  la 
tête  nue  ou  ornée  de  la  parure  spéciale  qui  apparaît  plus  distincte  sur  les  bustes  de  profil  tels  que 
le  n°  I  57.  Bien  que  ces  légères  variantes  ne  changent  pas  le  caractère  essentiel  de  la  déesse,  elles 
ne  sont  pas  à  négliger  ;  il  est  fort  possible  qu'elles  nous  conservent  le  souvenir  de  plusieurs  sta- 
tues d'Artémis  existant  dans  différents  sanctuaires  de  la  région  et  que  les  particularités  de  la 
coiffure,  qui  les  distinguent  du  prototype  grec,  soient  des  réminiscences  lointaines  des  antiques 
images  de  Nanà  et  d'Anahita. 

Sur  la  monnaie  unique,  pi.  XIII,  138,  que  j'attribue  très  dubitativement  à  Phraatake,  nous 
trouvons  une  Artémis  chasseresse  à  tête  radiée  ;  le  type  n'est  pas  dépourvu  d'une  certaine 
élégance  et,  comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer,  il  est  très  analogue  à  celui  des  monnaies  de 
Phraate. 

Sur  les  monnaies  delà  planche  XIV  des  n"'  176  à  182  que  je  crois  d'une  époque  assez  posté- 
rieure, le  type  reparaît  très  modifié:  l'Artémis  des  n"'  179-182  massive,  courte  et  raide,  n'a  plus 
rien  de  grec  ;  celle  des  n"'  176-178,  bien  qu'elle  ait  un  peu  plus  de  mouvement,  ne  vaut  guère 
mieux.  Le  revers  des  n"'  176-178  se  distingue  de  celui  des  n"'  179-182  par  le  croissant  placé  dans 
le  champ  à  gauche  d'Artémis. 

Types  d'Artémis  au  buste  de  profil.  —  Nous  distinguons  deux  types  d'Artémis  au  buste 
de  profil  :  le  premier  est  spécial  aux  monnaies  d'Orode  I,  le  deuxième  n'apparaît  que  plus  tard 
sous  Orode  III  et  ses  successeurs. 

I"  type  :  pi.  X,  18-30.  ' —  Buste  féminin  à  droite,  la  tête  est  ceinte  d'un  diadème  qui  paraît 
avoir  un  ornement  central,  peut-être  en  forme  de  croissant,  elle  est  entourée  de  rayons  et  porte 
le  calathos  ;  c'est  le  type  où  jWordtmann  voyait  l'image  de  Sérapis  ;  je  n'hésite  pas  à  y  recon- 
naître une  Artémis  très  analogue  à  celle  qui  paraît  en  pied  sur  les  monnaies  de  Phraate.  Autour 
du  buste  de  la  divinité  est  écrit  en  grec,  sous  des  formes  très  diverses,  le  nom  du  roi  Orode. 

2''  type  :  il  présente  deux  variétés,  i"' variété,  pi.  XIV,  i  57-161.  — Buste  féminin  à  gauche, 
le  cou  entouré  d'un  collier  de  grosses  perles,  les  cheveux  tombant  sur  le  front  ;  au  sommet  de  la 
tête  est  disposée  une  parure  spéciale  qui  semble  surmontée  d'un  cimier  constitué  par  une  série  de 
pointes  rayonnantes  terminées  par  des  boules  ;  sur  les  exemplaires  bien  conservés,  tels  que  i  57, 
I  58,  170,  on  aperçoit  une  deuxième  série  de  boules  qui  sont  disposées  sur  une  ligne  concentrique 
au  cimier  et  qui  appartiennent  vraisemblablement  à  des  ornements  latéraux,  en  sorte  qu'il  est 
permis  de  supposer  que  la  parure,  vue  de  face,  se  présentait  sous  la  forme  d'un  diadème  orné,  de 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE  197 


chaque  côté  des  tempes,  de  rayons  terminés  par  des  perles  et  dominé  dans  sa  partie  centrale  par 
l'extrémité  antérieure  du  cimier.  C'est  là,  certes,  un  ornement  bien  oriental  qui  rappelle  beaucoup 
la  couronne  avec  rayons  perlés  que  portent  souvent  les  grands  dieux  du  panthéon  hellénique  sur 
les  monnaies  bactriennes,  dès  l'époque  d'Euthydème  et  de  Démétrius.  La  planche  III  du  cata- 
logue du  British  Muséum  «  The  coins  qf  the  greek  and  scythic  Kings  ofBactria  »  est  particu- 
lièrement intéressante  à  consulter  ;  nous  y  voyons  (n°  i)  une  Artémis  nettement  caractérisée,  dont 
la  tête  est  entourée  de  rayons  sans  perles,  tels  que  ceux  de  notre  premier  type,  et  n"  9  une  divi- 
nité féminine,  d'attribution  plus  incertaine,  qui  porte  un  diadème  avec  rayons  perlés. 

Les  revers  appartenant  à  la  première  variété  du  2'  type  sont  anépigraphes  ;  l'ancre  séleucide 
sans  croissant  figure  dans  le  champ  à  droite. 

2^  variété.  —  Môme  description  que  ci-dessus,  sauf  que  le  cou  n'est  pas  orné  d'un  collier 
de  perles  et  que  le  diadème  est  posé  plus  bas  et  semble  terminé  sur  le  front  et  sur  la  nuque  par 
une  boule  de  fortes  dimensions.  Cette  particularité  est  également  nettement  visible  sur  les 
Artémis  en  pied  des  n"'  179-181,  malgré  la  petitesse  de  l'échelle  qui  empêche  de  distinguer  les 
autres  détails  de  la  coiffure. 

La  2'  variété  du  2'  type  est  anépigraphe  comme  la  première;  elle  comporte  dans  le  champ  à 
droite,  tantôt  une  ancre,  169- 171,  tantôt  un  croissant,  172-175. 

Tous  les  revers  du  2"  type  appartiennent  à  des  monnaies  d'Orode  111,  Orode  IV,  qui  ne  font 
pas  partie  de  la  trouvaille  de  1900. 

Types  d'Artémis  au  buste  de  face.  —  Le  buste  de  face  de  ce  type  présente  des  difficultés 
d'attribution  sérieuses  et  ce  n'est  pas  sans  quelque  hésitation  que  je  l'attribue  à  Artémis:  à  défaut 
de  certitude  dans  l'attribution,  encore  convient-il  de  préciser  autant  que  possible  la  description. 

On  peut  y  distinguer  trois  variétés  : 

I"  variété:  Buste  de  face,  les  traits  de  la  figure  toujours  indistincts,  sur  le  front  une  boule 
entre  deux  cornes  (?),  de  chaque  côté  de  la  tête  une  touffe  de  cheveux  plus  ou  moins  grosse, 
entourée  par  un  quart  de  cercle  garni  de  rayons  extérieurs,  généralement  au  nombre  de  quatre  ;  le 
buste  est  drapé;  au-dessus  de  l'épaule  droite,  sur  les  exemplaires  bien  conservés,  on  voit  un  trait 
oblique  qui  pourrait  bien  représenter  le  carquois  d'Artémis. 

Pi.  XII,  73,  avec  la  légende  URUD  MaLKA  BaRI  URUD  MaLKA.  —  Orode  II. 

PI.  XII,  74-81,  et  pi.  XIV,  145,  avec  la  légende  KUMeSKIR  URUD  MaLKA.  —Orode  II. 

2"  variété  :  Même  buste  de  face,  mais  sans  la  boule  sur  le  front  et  sans  le  carquois,  les  touffes 
latérales  de  cheveux  sont  peu  distinctes  et  peuvent  être  confondues  avec  des  ornements  ;  elles  sont 
entourées  de  trois  ou  quatre  rayons  terminés  en  pointe. 

PI.  XI,  41-43  et  48-60.  Buste  avec  tiare  et  légende  URUD  MaLKA  BaRI  URUD.  — 
Orode  II. 

PI.  XII,  82-88.  Buste  sans  tiare,  même  légende.  —  Orode  II. 

]'  variété  :  Même  buste  de  face,  mais  d'un  module  plus  grand  :  la  tête  paraît  ceinte  d'un 


198  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


diadème  relevé  en  son  milieu  ;  de  chaque  côté  du  front  deux  cornes,  sur  le  sommet  de  la  tête  un 

objet  qui  peut  être  un  calathos  ou  un  cimier  ;  les  touffes  latérales  de  cheveux  sont  encore  moins 

distinctes  que  précédemment  et  l'on  pourrait  les  prendre  pour  un  ornement  dépendant  de  la 

coiffure  et  se  terminant  par  trois  pointes  garnies  de  boules. 

PI.  XI,  6i,  62        1  ,  ,    ,  .-1,1  ^     j    iT 

^,    ,,„,  buste  de  lace  avec  tiare,  légende  corrompue.  — Urode  11. 

PI.  XIV,  147-149  ) 

Malgré  les  divergences  qu'offrent  ces  trois  variétés,  il  semble  bien  qu'elles  ne  constituent 
qu'un  type  unique  et  qu'elles  représentent  une  seule  et  même  divinité. 

Quelle  est-elle  ?  Mithra,  Athéné  ou  Artémis  ? 

Il  y  a  certainement  quelques  affinités  entre  le  type  que  nous  venons  de  décrire  et  le  Mithra 
avec  nimbe  radié  qui  figure  sur  les  monnaies  indo-bactriennes  de  Kanishka  et  d'Huviskha  ;  on 
pourrait  aussi  voir  dans  le  buste  de  face,  et  principalement  dans  celui  de  la  3'  variété,  une  Athéné 
casquée  avec  cimier  et  aigrettes  ;  mais  nous  pensons  qu'il  n'est  pas  non  plus  sans  rapport  avec 
les  types  d'Artémis  si  fréquents  sur  nos  monnaies  et  nous  croyons  devoir  l'attribuer  à  cette  déesse 
plutôt  qu'à  Athéné  ou  à  Mithra.  Pour  ce  dernier,  en  particulier,  les  auteurs  ne  mentionnent  pas 
qu'il  ait  eu,  comme  Anaïtis,  des  statues  en  Susiane  à  l'époque  achéménide  et  rien  ne  nous  permet 
d'affirmer  qu'il  en  eût  davantage  au  temps  d'Orode 

Types  de  la  Fortune.  —  Type  i  :  Buste  de  femme  à  gauche  avec  collier  de  perles,  coiffée 
du  calathos  ;  derrière  elle  une  corne  d'abondance. 

PI.  XIV,  140,  anépigraphe,  très  barbare.  —  Orode  I. 

Type  2  :  Même  buste  à  droite. 

PI.  XIV,  141,  anépigraphe,  très  barbare.  —  Orode  I. 

Ces  deux  types  paraissent  être  des  imitations  barbares  d'un  type  monétaire  parthe  ;  la  Tyché 
qui  y  figure  ressemble  à  celle  des  tétradrachmes  d'Orode  et  de  Phraate  IV,  peut-être  est-ce  encore 
une  Artémis. 

La  trouvaille  de  1900  ne  comprenait  pas  de  pièces  au  type  de  la  Fortune;  il  est  incon- 
testable, néanmoins,  qu'elles  doivent  être  classées  au  règne  d'Orode  I  en  raison  du  type  de  l'avers, 
buste  de  profil  avec  tiare  ornée  d'un  ancre,  lequel  est  spécial  à  ce  souverain. 

Types  de  P allas- Athéné.  —  Type  i  :  Pallas-Athéné  regardant  à  gauche,  appuyée  de  la 
main  droite  sur  une  longue  haste  et  de  la  main  gauche  sur  un  bouclier  qui  repose  à  terre.    . 

PI.  XIV,  183-185.  —  Vologèse  II  (?). 

Type  2  :  Même  déesse  regardant  à  droite. 

PI.  XIV,  186. —  Vologèse  II  (?). 

Il  existait  des  sanctuaires  d'Athéné  en  Babylonie  et  en  Susiane,  et,  par  conséquent,  des  sta- 
tues de  la  déesse  ;  notre  type  en  est-il  la  copie  ou  bien  n'est-il  qu'une  imitation  du  type  de  Pallas 
fréquent  sur  les  monnaies  romaines  ?  Ce  qui  est  particulièrement  intéressant  à  noter  c'est  qu'il 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE  199 


fait  son  apparition  dans  la  numismatique  parthe  à  l'époque  de  Vologèse  II  ;  c'est  là  un  fait  sur 
lequel  nous  insisterons  en  traitant  des  attributions. 

Deuxième  catégorie.  —  Type  du  buste  de  la,  reine.  —  Sur  des  monnaies  d'Orode  III, 
pi.  XIV,  162-168,  nous  trouvons,  au  revers,  un  buste  de  femme  à  gauche,  avec  une  longue 
queue  de  cheveux  tombant  sur  les  épaules;  cette  effigie  qui  diffère  entièrement  de  celles  d'Ar- 
témis,  est  accompagnée  d'une  légende  un  peu  incertaine  qui  semble  devoir  se  lire  ULFAN. 
Nous  supposons  que  nous  avons  là  le  portrait  de  la  femme  d'Orode  III. 

Troisiè.me  catégorie.  —  Type  dégénéré  de  l'effigie  du  grand  roi  Kamnaskirès.  —  Traits 
de  formes  variées  placés  irrégulièrement  dans  le  champ. 

Nous  avons  figuré,  pi.  XIV,  139,  une  monnaie  de  bronze  de  grand  module,  qui  n'appartient 
pas  à  la  trouvaille  de  1900,  mais  qui  est  de  nature  à  expliquer  les  revers  indistincts  des  monnaies 
du  même  roi  qui  s'y  sont  rencontrées,  pi.  X,  1-16.  Elle  présente  des  débris  de  l'efligie  du  grand 
roi  Kamnaskirès  qui  figure  au  revers  du  beau  tétradrachme  du  Cabinet  de  France,  que  nous 
avons  publié,  dans  notre  étude  sur  la  dynastie  Kamnaskircs(i)  ;  la  légende  est,  comme  l'effigie, 
entièrement  altérée.  Sur  les  pièces  de  petit  module,  pi.  X,  1-16,  le  revers  ne  présente  plus  quedes 
traits  semés  dans  le  champ  d'une  façon  tout  à  fait  irrégulière,  dans  lesquels  on  retrouve  quel- 
quefois des  vestiges  de  lettres.  Nous  remarquons  des  revers  analogues  dans  les  pièces  de  grand 
module,  pi.  XII,  70-72  et  les  pièces  de  petit  module,  pi.  XII,  90-102,  pi.  XIII,  103-115.  Ces 
deux  catégories  de  monnaies  ont  l'une  et  l'autre,  à  l'avers,  le  buste  du  roi  de  face  sans  tiare,  dans 
lequel  nous  voyons  Orode  II. 

II  est  souvent  difficile,  sinon  impossible,  de  distinguer  cette  catégorie  de  revers  de  ceux  qui 
présentent  une  série  de  points  allongés,  leur  origine  est  pourtant  absolument  différente  ;  les  points 
allongés  ne  sont  autre  chose  que  des  feuilles  et  le  prototype  qui  a  donné  naissance  au  revers 
du  semis  de  points  tel  que  le  grand  module,  pi.  X,  17,  est  la  pièce  d'Orode  I,  pi.  X,  31 ,  qui  pré- 
sente au  revers  une  ancre  entourée  d'une  couronne  de  laurier;  l'ancre  d'abord  au  milieu  de  la 
pièce,  s'est  déplacée  et  a  fini  par  disparaître,  ne  laissant  que  les  feuilles,  dont  la  forme  plus  ou 
moins  altérée  peut,  dans  bien  des  cas,  être  confondue  avec  celle  des  traits  irréguliers  provenant 
de  l'altération  du  revers  du  grand  roi  Kamnaskirès  ;  toutefois  la  distinction  reste  assez  nette  dans 
la  majeure  partiedes  pièces  de  Kamnaskirès,  et  dans  quelques-unes  d'Orode  11,  pi.  XII,  94,  101 , 
102;.  pi.  XIII,  108,  où  l'on  ne  peut  méconnaître  des  vestiges  de  légende  ou  d'effigie.  Mais  que 
penser  des  99,  104,  114  et  du  113  avec  ses  quatre  fuseaux  verticaux  surmontes  d'un,  fuseau 
horizontal  ?  Y  a-t-il  là  des  feuilles  allongées  ou  des  traits?  Que  dire  surtout  du  103,  où  par 
une  singulière  fantaisie,  le  graveur  dessine  une  série  de  clous  absolument  analogues  à  ceux  de 
l'écriture  cunéiforme,  qui,  on  le  sait,  était  encore  en  usage  à  l'époque  parthe? 

(i)  Allotte  de  la  Fuye,  La  dynastie  des  Kamnaskirès,  pi.  V,  fig.  4.  Revue  de  num..  1902. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


Quatrième  catégorie.  —  Types  divers.  —  i .  Ancre  entourée  d'une  couronne  de  laurier. 
—  Ce  type,  qui  par  son  avers,  buste  de  profil  du  roi,  coififé  de  la  tiare  ornée  de  l'ancre,  appartient 
au  règne  d'Orode  I",  a  une  importance  capitale;  nous  y  voyons  figurer  l'ancre,  non  plus  seu- 
lement comme  symbole  accessoire,  mais  comme  type  principal,  rehaussé  par  la  couronne  de 
laurier  qui  l'entoure.  Si  l'on  se  rappelle  que  ce  même  symbole  d'origine  séleucide  figure  sur  les 
monnaies  des  Kamnaskirès  souverains  de  l'Élymaïde,  qui  devait  comprendre  le  territoire  de  la 
Susiane  achéménide  avec  Suse  pour  capitale,  et  que  cette  même  Suse  avait  reçu  le  nom  de 
Séleucie,  il  est  assez  séduisant  de  supposer  que  l'ancre,  si  persistante  dans  la  numismatique  de 
l'Élymaïde,  était  devenue  le  symbole  de  cette  contrée  ou  tout  au  moins  de  Suse  ;  l'ancre  avec  la 
couronne  de  laurier  ferait  une  allusion  directe  à  la  conquête  de  l'Élymaïde.  Il  est  impossible, 
d'ailleurs,  de  ne  pas  mentionner  que,  vers  l'époque  où  Orode  I  de  Susiane  émettait  cette  monnaie 
où  le  symbole  de  l'ancre  n'est  pas  répété  moins  de  trois  fois,  on  voit  apparaître  ce  même  sym- 
bole sur  les  drachmes  d'Orode  I,  roi  des  Parthes. 

Les  monnaies  au  revers  de  l'ancre  occupent  une  place  importante  dans  la  numismatique 
d'Orode  I  de  Susiane  ;  sur  un  ou  deux  exemplaires  seulement  de  la  trouvaille  de  1900,  pi.  X,  31, 
32,  la  couronne  de  laurier  est  distincte  ;  le  plus  souvent  l'ancre  est  irrégulièrement  placée,  et 
de  la  couronne  il  ne  subsiste  que  des  feuilles,  quelquefois  même  l'ancre  disparaît.  Mais  on  peut 
affirmer  que  tous  les  revers  d'Orode  avec  semis  régulier  de  points  allongés  sont  dérivés  du  proto- 
type dn  n"  31.  Ce  revers,  parvenu  à  ce  point  de  dégénérescence  où  l'ancre  est  supprimée,  a  d'ail- 
leurs été  adopté  par  Phraate,  pi.  XIII,  132-136  et  par  Orode  II;  mais,  pour  ce  dernier,  il  est 
souvent  difficile  de  distinguer  les  revers  qui  dérivent  du  type  de  l'ancre  de  ceux  qui  proviennent 
d'une  altération  de  l'effigie  du  grand  roi  Kamnaskirès. 

En  somme  ces  deux  types  de  revers,  souvent  confondus,  sont  en  majorité  dans  la  trouvaille 
de  1900,  car,  sur  un  total  de  583  pièces  on  les  rencontre  sur  plus  de  300  exemplaires. 

2.  Type  DES  palmes.  —  Sur  quelques  pièces  de  Phraate,  pi.  XIII,  1 29-1 31,  les  feuilles  parais- 
sent groupées  de  manière  à  former  trois  ou  deux  palmes  ;  ce  n'est  peut-être  qu'une  variante  de 
la  couronne  de  laurier. 

3.  Type  des  croissants.  —  !'''=  variété  :  Un  croissant  au  centre  entouré  de  5  croissants,  plu- 
sieurs croissants  à  la  périphérie,  pi.  XIII,  128,  Phraate  de  profil  ;  sur  un  exemplaire  de  ma  col- 
lection, la  disposition  régulière  des  croissants  est  plus  distincte  ;  l'avers  présente  un  buste  de  face 
avec  tiare,  bien  que  la  tiare  ne  semble  pas  ornée  de  croissants  ;  j'attribue  la  pièce  à  Phraate. 

2"  variété  :  Quatre  croissants  disposés  circulairement  et  adossés  à  l'avers,  buste  de  face  avec 
tiare,  I^hraatc;  non  reproduit,  ma  collection. 

■)"  variété  :  Croissants  disposés  en  trois  lignes  parallèles  —  à  l'avers,  buste  de  face  avec  tiare, 
Phraate. 

4.  Type  de  l'ancre  accostée  de  deux  croissants  ponctués,  le  tout  dans  un  diadème.  — Ce 
type  rappelle  celui  de  l'ancre  dans  une  couronne  de  laurier,  je  crois  que  l'on  a  ici  plutôt  un  dia- 
dème ou  une  couronne  d'or  qu'une  couronne  de  laurier  ;  le  type  se  trouve  sur  quatre  exemplaires: 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE  201 


le  premier,  pi.  XIV,  153  dont  l'avers  est  fort  indistinct  est  attribué  à  un  inconnu  X...,  les 
trois  autres,  pi.  XIV,  154,  155,  156,  dubitativement  à  Orode  II;  le  diadème  n'est  pas  identique 
sur  ces  quatre  pièces;  sur  la  première  on  peut  voir  des  feuilles  emboîtées  les  unes  dans  les  autres  ; 
sur  le  dernier,  il  y  a  nettement  un  cercle  rigide  sur  lequel  s'enroule  une  torsade. 

5.  Type  du  double  diadème  accosté  de  deux  croissants  ponctués.  —  En  traitant  des  types 
de  l'avers  et  des  particularités  de  la  coiffure  d'Orode  II,  j'ai  déjà  montré  quel  intérêt  présente 
cette  représentation  complote  du  diadème  des  rois  de  Susiane.  Ce  type  se  rencontre  sur  des  mon- 
naies au  buste  de  face,  avec  tiare  à  double  croissant,  pi.  XIV,  1 52,  qui  reviennent  sans  hési- 
tation à  Phraate,  et  sur  des  monnaies  au  buste  de  face,  avec  tiare  sans  croissants,  pi.  XIV,  144  ; 
j'ai  indiqué  en  traitant  des  types  de  l'avers  pour  quelles  raisons  je  les  attribue  à  Orode  I,  plutôt 
qu'à  Orodell. 

6.  Type  de  l'aigle.  —  T'  variété:  Aigle  à  gauche  tenant  un  diadème  dans  son  bec,  pi.  XIV, 
142,  Orode  I. 

2"  variété  :  Aigle  à  droite  tenant  un  diadème  dans  son  bec,  pi.  XIV,  143,  Orode  I. 

3'  variété  :  Aigle,  les  ailes  éployées,  regardant  à  gauche,  pi.  XIV,  151,  Phraate. 

4'  variété:  Aigle,  les  ailes  éployées,  regardant  à  gauche,  croissants  au  pourtour,  pi.  XIV, 
150,  Phraate. 

Ces  types  ne  sont  pas  étrangers  à  la  numismatique  parthe,  l'aigle  se  trouve  sur  les  mon- 
naies d'Orode  et  de  Phraate  IV.  Nous  avons  attribué,  comme  d'ordinaire,  les  monnaies  au  buste 
de  face,  avec  tiare  à  double  croissant,  à  Phraate  ;  les  monnaies  au  buste  de  face,  avec  tiare  sans 
croissants,  ont  été  données  à  Orode  I,  pour  les  raisons  qui  lui  ont  fait  attribuer  celles  au  revers  du 
diadème. 


III.  —  Symboles. 

Deux  symboles  sont  particulièrement  fréquents  sur  les  monnaies  de  l'Élymaïde,  ce  sont  : 

1°  Le  croissant  accompagné  d'un  astre  ou  d'un  point. 

2°  L'ancre. 

Ils  se  trouvent  réunis  à  gauche  du  buste  du  roi  sur  toutes  les  pièces  de  la  trouvaille  de  1900, 
à  une  seule  exception  près,  relative  à  la  pièce  unique,  pi.  XIII,  138  ;  l'astre,  sauf  sur  les  pièces  de 
grand  module,  y  est  toujours  réduit  à  un  point. 

Sur  les  monnaies  153  a  186  de  la  planche  XIV,  que  je  regarde  comme  postérieures,  rarement 
les  deux  svmboles  sont  réunis  sur  l'avers  de  la  pièce;  le  plus  souvent  l'un  ou  l'autre  seulement 
figure  sur  l'une  des  faces  de  la  pièce,  quelquefois  l'astre  ou  le  point  est  assez  éloigné  du  croissant, 
ou  bien  le  croissant  parait  seul. 

Le  tableau  ci-dessous  indique  la  répartition  des  symboles  pour  les  pièces  153  à  186  ;  à  l'ex- 
pression «  croissant  ponctué  »  que  nous  avons  adoptée  pour  désigner  le  svmbole  dans  lequel  le 

26 


202  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


point  touche  le  croissant,  nous  substituons  les  expressions,  «  croissant  avec  astre  »  ou  «avec  point  », 
lorsque  les  deux  éléments  du  symbole  sont  séparés. 

AVERS  REVERS 

153-156 » ancre  accostée  de  deux  croissants  surmontés 

d'un  point,  le  tout  dans  un  diadème. 

157-160 » à  droite,  ancre. 

161  à  gauche,  croissant  surmonté  d'un  astre  à  droite,  ancre. 

162-166 » » 

167-168    à  gauche,  ancre.  » 

169-170    à  droite,  ancre.  à  droite,  ancre. 

171        » » 

172-175 » à  droite,  croissant. 

176-178    à  droite,  ancre(i).  à  gauche,  croissant. 
179-182    à  droite,  ancre,  croissant  avec  astre  » 

183-186    à  droite,  ancre  et  croissant  ponctué.  » 

Quelles  sont  l'origine  et  la  signification  de  ces  symboles  ? 

I.  —  Symbole  du  croissant  accompagné  dun  astre  ou  d'un  point.  —  Le  croissant  et  l'astre 
sont  quelquefois  séparés,  le  plus  souvent  ils  sont  réunis  et  semblent  constituer  un  symbole 
unique.  Drouin,  qui  s'en  est  particulièrement  occupé,  s'est  rangea  l'opinion  de  ceux  qui  y  voient 
la  conjonction  de  la  Lune  et  de  Vénus,  emblème  de  bonheur  et  de  prospérité  :  c'est  en  raison  des 
présages  heureux  qu'on  y  attachait  qu'il  aurait  joui  d'une  si  grande  vogue  en  Perse  et  dans  les 
pays  voisins.  Le  même  auteur  indique  qu'il  apparaît  pour  la  première  fois  sur  les  monnaies  du  roi 
parthe  Phraate  IV,  qu'il  est  imité  par  les  dynastes  presque  contemporains  de  la  Perside,  et  repa- 
raît plus  tard,  plusieurs  fois  répété,  sur  les  monnaies  sassanides  de  Péroze  et  de  ses  successeurs. 

Très  certainement  son  origine  est  beaucoup  plus  ancienne  ;  en  numismatique,  on  le  trouve 
sur  les  monnaies  des  rois  de  Pont  à  partir  de  Mithridate  II,  2.10-190  avant  Jésus-Christ,  c'est-à- 
dire  à  une  époque  bien  antérieure  à  Phraate  IV  :  celui-ci  n'est  pas  d'ailleurs  le  premier  souverain 
arsacide  qui  l'ait  adopté,  car  son  père  Orode  I  l'avait  déjà  fait  figurer  sur  ses  monnaies.  Il  est 
possible  qu'à  une  certaine  époque,  ce  symbole  ait  représenté  la  conjonction  de  la  Lune  et  de 
Vénus,  mais  il  paraît  peu  probable  que  ce  soit  là  sa  signification  originelle.  Eckhel  (2)  constate 
que  chez  les  rois  de  Pont  c'est  un  véritable  symbole  dynastique,  qui  figure  constamment  sur 
leurs  monnaies  et  qui  n'est  pas  omis  sur  les  tétradrachmes  athéniens  qui  portent  le  nom  de 
xAlithridate  VI.  Cet  illustre  numismate  y  voit  simplement  le  Soleil  et  la  Lune;  ces  divinités  pri- 
mordiales des  Perses  devaient  être  en  grand  honneur  chez  des  souverains  qui  se  vantaient  de 
descendre  des  Achéménides.  C'est  vraisemblablement  parce  qu'ils  avaient  la  même  prétention, 

(i)  L'ancre  qui  n'est  pas  visible  sur  les  pièces  figurées,  se  voit  nettement  sur  un  exemplaire  de  la  collection 
Poétwricz  dont  l'empreinte  m'a  été  communiquée  obligeamment. 
(2)  Eckhd,  Doctr ma  numorum,  II,  p.  364. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


203 


que  les  Arsacides  placent  le  même  symbole  sur  leurs  monnaies.  Accidentellement,  il  apparaît 
dans  la  numismatique  romaine  d'Auguste,  comme  type  principal  de  revers  d'un  denier  émis  par 
le  monétaire  Pétronius  Turpilianus,  en  l'année  20  (avant  Jésus-Christ);  mais,  si  l'on  remarque 
que  le  même  monétaire  frappe  des  deniers  avec  la  légende  SIGNIS  RECEPTIS,  qui  fait  allusion  ■ 
à  la  remise  des  enseignes  romaines  faite  par  Phraate  IV,  l'on  doit  penser  avec  M.  Babelon  (i)  et 
Borghesi  que  ce  symbole  rappelle  le  titre  de  ^ar/zce^s  siderum,  frater  solis  etlunce,  que  se  donnait 
le  roi  des  Parthes.  En  somme  c'est  toifjours  le  symbole  perse,  tel  qu'il  figure  parfois  sur  les 
tombes  achéménides  ;  mais,  bien  certainement,  les  souverains  achéménides  l'avaient  emprunté 
eux-mêmes  à  Babvlone  ou  à  Suse. 

On  voit  souvent  sur  les  cylindres  babyloniens  un  croissant  surmonté  d'un  disque  :  au  milieu 
de  celui-ci  est  un  astre  à  quatre  branches  entre  lesquelles  s'intercalent  des  rayons  figurés  par  plu- 
sieurs lignes  sinueuses  ;  plus  souvent  encore,  particulièrement  sur  les  monuments  appelés  Kou- 
dourrous,  le  croissant  est  accompagné  de  deux  astres  dont  l'un  est  semblable  au  disque  radié  que 
nous  avons  décrit  ci-dessus  et  dont  l'autre  a  l'aspect  d'une  étoile,  ordinairement  à  huit  branches. 
Il  est  impossible  de  méconnaître  dans  cette  réunion  de  trois  astres  la  triade  sidérale  de  Bab3done, 
Sin,  Shamas,  Ishtar,  la  Lune,  le  Soleil  et  Vénus  ;  quant  au  premier  symbole  composé  du  crois- 
sant et  du  disque  radié,  ce  serait  la  lune  et  le  soleil. 

Sur  les  drachmes  arsacides  d'Orode  I"  et  de  Phraate  IV,  on  trouve,  comme  en  Babvlonie, 
la  plus  grande  variété  de  symboles  sidéraux  :  tantôt  le  croissant  lunaire  est  seul  ;  d'autres  fois  il 
est  accompagné  d'un  astre  unique  placé  soit  au-dessus  de  lui,  soit  en  face  de  l'autre  côté  de  la 
tête  du  roi  ;  enfin  il  se  trouve  souvent  réuni  à  deux  autres  astres  qui  composent  avec  lui  la  triade 
babylonienne. 

En  résumé,  nous  crovons  pouvoir,  sur  cette  question  si  complexe  de  l'origine  et  de  la  trans- 
mission de  ces  symboles,  nous  arrêter  aux  conclusions  suivantes  : 

1°  L'origine  primitive  babylonienne  est  incontestable. 

2"  Vraisemblablement,  c'est  à  l'époque  de  Cyrus,  après  la  prise  de  Babylone,  que  le  crois- 
sant accompagné  de  l'astre  devient  le  symbole  achémônide. 

3"  Ce  symbole  est  resté  en  honneur,  comme  symbole  religieux  et  dynastique  en  Perse  et 
dans  la  contrée  encore  mal  définie  où  régnèrent  les  Kamnaskirès,  car  il  apparaît  sur  les  monnaies 
de  ces  derniers  avant  de  figurer  sur  celles  des  Arsacides  ;  vers  la  même  époque  et  même  anté- 
rieurement, il  est  adopté  par  les  rois  de  Pont  pour  rappeler  leur  origine  achéménide. 

4°  L'adoption  du  même  symbole  par  les  Arsacides  a  été  plus  tardive,  car  il  ne  se  montre  sur 
leurs  monnaies  qu'à  l'époque  d'Orode,  et  il  est  à  remarquer  qu'il  v  paraît  moins  net  que  sur  les 
monnaies  de  Mithridate  et  des  Kamnaskirès  et  que,  souvent,  il  y  est  confondu  avec  la  triade  sidérale 
babylonienne.  Si  l'on  rapproche  de  cette  dernière  particularité  l'époque  de  l'apparition  des 
symboles  sidéraux  dans  le  monnayage  arsacide,  époque  qui  est  très  voisine   de  celle  de  la  con- 


(i)  Babelon,  Monnaies  de  la  république  romaine.  Il,  p.  294. 


204  MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


quête  de  la  Babylonie  et  de  la  Susiane  par  les  Parthes,  on  est  amené  à  voir,  dans  l'adoption  de 
ce  genre  de  symboles,  l'effet  direct  d'une  influence  babylonienne  ou  susienne  récente  plutôt 
qu'un  souvenir  lointain  de  l'époque  achéménide. 

2.  —  Symbole  de  l'ancre.  —  Le  symbole  de  l'ancre  est  plus  fréquent  encore  que  le  symbole 
achéménide  sur  les  monnaies  del'Élymaïde;  nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas  hésiter  à  y  reconnaître 
l'emblème  dynastique  des  Séleucides.  En  traitant  des  types  de  revers,  j'ai  fait  remarquer  que  ce 
symbole  existe  déjà  sur  les  monnaies  des  Kamnaskirès  antérieurs  à  Orode  ;  ceux-ci  l'ont-ils  adopté, 
comme  le  fit  Antiochus  de  Commagène,  pour  rappeler  une  alliance  avec  la  famille  des  Séleucides, 
ou  bien  l'ancre  est-elle  devenue  un  symbole  spécial  à  la  Susiane  en  raison  des  souvenirs  qu'y 
avait  laissés  Séleucus  et  faut-il  même  la  considérer  comme  le  signe  distinctif  de  la  ville  de  Suse(i) 
à  laquelle  ce  monarque  avait  donné  son  nom  ?  Je  croirais  volontiers  que  c'est  l'une  des  deux  der- 
nières hypothèses  qui  doit  être  acceptée  de  préférence. 

Une  monnaie  bien  remarquable,  qui  me  semble  corroborer  cette  opinion,  est  celle 
d'Orode  l"  qui  présente,  au  revers,  l'ancre  au  milieu  d'une  couronne  de  laurier  (PI.  X,  31), 
et  qui  ferait  ainsi  une  allusion  directe  à  la  conquête  de  la  Susiane  par  ce  prince;  l'ancre  qui 
figure  sur  les  drachmes  arsacides  d'Orode,  sur  la  fin  de  son  règne,  a  vraisemblablement  la  même 
signification  ;  si  toutefois  on  ne  doit  y  voir  une  allusion  à  l'alliance  d'Orode  avec  une  princesse 
séleucide. 

La  réunion  sur  les  monnaies  de  l'Élymaïde  des  deux  symboles,  séleucide  et  achéménide,  se 
constate  déjà  sur  les  monnaies  des  derniers  Kamnaskirès  et  peut  rappeler  que  ces  souverains 
régnaient  sur  des  contrées  qui  ont  appartenu  successivement  aux  Achéménides  et  aux  Séleu- 
cides ;  il  serait  présomptueux,  d'ailleurs,  de  chercher  à  préciser  davantage,  tant  qu'on  ne  connaî- 
tra pas  mieux  l'histoire  des  Kamnaskirès  et  les  limites  de  leur  domination. 

Le  seul  point  sur  lequel  il  soit  nécessaire  d'insister  parce  qu'il  constitue  un  fait  positif,  c'est 
que  l'ancre,  qui  se  voit  presque  sans  exception  sur  toutes  nos  monnaies,  n'existe  jamais  sur  les 
monnaies  delà  Perside,  tandis  que  le  symbole  achéménide  y  paraît  souvent  ;  cette  simple  remarque 
suffît  pour  indiquer  que  les  deux  catégories  de  monnaies  sont  bien  distinctes  et  que  celles  que 
nous  décrivons  n'appartiennent  pas  à  la  Perside,  comme  le  voulait  Mortdmann. 

3.  —  Symbole  indéterminé  a.  —  Sur  quelques-unes  des  monnaies  du  type  Bb  attribuées  à 
Orode  II,  on  voit  quelquefois  dans  le  champ,  entreTancreetle  buste,  un  symbole  assez  indistinct  ; 
il  est  visible  particulièrement  sur  la  pièce  de  grand  module  dessinée  ci-après,  fig.  328  ;  en  regardant 

(i)  En  examinant  un  lot  de  tétradrachmes  d'Antiochus  III,  qui  ont  été  trouvés  à  Suse,  j'en  ai  remarqué  un  qui 
porte  un  symbole  qui  me  paraît  composé  de  deux  ancres  tracées  en  sens  inverse  et  se  recroisant.  Serait-ce  un  symbole 
de  Suse? 


MONNAIES  DE  UÉLYMAÏDE  205 


avec  attention,  on  le  retrouve  avec  quelques  variantes  de  forme  sur  un  certain  nombre  de  pièces 

de  petit  module  90,  91,  92,  98,  pi.  XII  ;  sur  le  n°  92  ainsi  que  sur  d'autres 

exemplaires  non  photographiés,  il  semble  qu'on  puisse  y  retrouver  quelque     ù  X 

monogramme  en  écriture  pehlvie  ou   araméenne  :   nous  reproduisons  ci-     U)        jLA 

contre  trois  formes,  choisies  parmi  les  plus  distinctes  de  ce  symbole  énigma- 

tique  que  nous  désignerons  sous  le  nom  de  symbole  a.  La  forme  i  se  trouve  p 

sur  la  pièce  de  grand  module,  figure  331 ,  n°9  ;  la  forme  2  sur  une  pièce  non 

photographiée  inventoriée  sous  le  n°  38  d'Orode  II,  dans  la  description  détaillée  ;  la  forme  3  sur  la 

pièce  92,  pi.  XII,  n"  42  de  la  description  détaillée. 


§   2.  —   ÉTUDE   DES   LÉGENDES 


I.  —  Monnaies  a  légendes  grecques. 


Elles  sont  écrites  en  caractères  cursifs,  plus  ou  moins  barbares,  dont  quelques-uns  rappel- 
lent les  formes  araméennes  ;  les  légendes  sont  directes  ou  rétrogrades,  les  lettres  y  occupent  les 
positions  les  plus  diverses,  tournées  tantôt  vers  le  centre,  tantôt  vers  la  périphérie  de  la  monnaie, 

quelquefois  couchées;  notons  en  particulier  les  formes  qu'affectent  Y  epsilon  V^,(i>»,v?,  le  sigma 

A,/^,  \I,*'  et  celles  de  Y  alpha  '^)^,^,ffé>  dont  quelques-unes  sont  très  analogues  à  unomicron. 

Malgré  les  formes  difficiles  de  cette  écriture  cursive,  Mordtmann  y  a  reconnu  les  légendes 
Orode  roi,  Phraate  roi,  qui  sont  incontestables. 

Quelques  rares  pièces  qui  sont  restées  inconnues  à  Mordtmann,  portent  des  légendes  grec- 
ques dont  les  lectures  sont  encore  incertaines  ;  ce  sont  : 

1°  Le  n°  138  de  la  trouvaille  de  1900,  que  nous  donnons  très  dubitativement  à  Phraatake, 
fils  de  Phraate  ; 

2°  Deux  monnaies  delà  collection  Petrowicz  qui  sont  attribuées  à  Chosroès,  roi  des  Parthes, 
mais  que  je  crois  frappées  en  Susiane. 

I .  Monnaies  au  nom  d'Orode.  —  Les  monnaies  portant  le  nom  d'Orode  sont  d'un  type 
unique,  à  l'avers  comme  au  revers;  l'avers  est  du  type  Aa  déjà  décrit,  buste  de  profil  avec  tiare 
ornée  d'une  ancre  ;  le  revers  est  du  i"  type  d'Artômis  de  profil,  il  porte  comme  légende  YPOAH(i) 
BASIAETS  et  quelquefois  TPQAÏIH  BAÏIAETÏ!  ;  ces  deux  formes  du  nom  d'Orode  correspondent 

(i)  Sur  presque  toutes  les  monnaies,  on  a  YPliAH  et  non  YPQAlIi,  il  est  vrai  que  le  i  final  de  BAilAEYi:,  est 
contigu  au  H  final  de  l'PiiAH  et  peut  à  la  rigueur  être  considéré  comme  utilisé  par  les  deux  mots. 


2o6  MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


à  deux  prononciations  différentes  du  delta,  le  deuxième  AS  est  une  prononciation  aspirée  qui 
est  justifiée  par  la  forme  avestique  HURAODHA. 

2.  Monnaies  au  nom  de  Phraate.  —  Les  monnaies  portant  le  nom  de  Phraate  sont  de  deux 
types:  l'un  Ab  est  à  effigie  de  profil,  l'autre  Ac  à  efifigie  de  face;  sur  l'un  et  l'autre  le  roi  porte  la 
tiare  ornée  de  croissants  ponctués  et  l'abréviation  IIPA  (pour  IIPAATHS)  est  placée  dans  le  champ 
à  gauche  du  buste.  Les  revers  sont  très  analogues  et  présentent  le  type  d'Artémis  avec  arc  et 
carquois  avec  la  légende  EPAATHS  BASIAET2  ou  $PAATHS  BASIAEÏS,  avec  des  variantes 
analogues  à  celles  que  l'on  constate  dans  les  monnaies  d'Orode. 

3.  Monnaies  a  légende  incertaine  attribuées  a  Praatake  (PI.  XIII,  138)  et  a  Chosroès 
(Collection  Petrowicz).  —  Une  pièce  unique  dans  la  trouvaille  de  1900  et  qui  ne  s'est  pas  ren- 
contrée dans  celle  qui  a  été  décrite  par  Mordtmann,  présente  au  revers  le  type  d'Artémis  des 
monnaies  de  Phraate,  accompagné  d'une  légende  grecque  barbare  d'une  lecture  difficile.  A 
l'avers,  le  roi,  de  profil,  porte  cette  coiffure  toute  spéciale  avec  touffes  de  cheveux  arrondies  sur  le 
sommet  de  la  tête  et  sur  les  oreilles,  que  l'on  trouve  sur  les  monnaies  des  derniers  souverains  de 
la  Susiane(Pl.  XIV,  162  et  suiv.)  et  qui  apparaît  dans  la  numismatique  parthe  avec  Chosroès  I". 
L'analogie  avec  l'effigie  de  ce  dernier  est  même  assez  grande  pour  que  Longpérier,  qui  avait  entre 
les  mains  un  exemplaire  de  notre  pièce,  l'ait  attribué  à  ce  souverain;  M.  Warwick  Wroth,  qui  a 
publié  le  même  exemplaire  dans  le  catalogue  des  monnaies  parthes  du  British  Muséum,  s'est 
montré  plus  réservé  et  l'a  classé  parmi  les  incertaines.  Tout  récemment,  en  parcourant  le  beau 
catalogue  de  la  collection  arsacidc  du  chevalier  de  Petrowicz,  j'y  ai  constaté  la  présence  de  deux 
pièces  de  bronze  très  analogues,  classées  aux  n°'  i  et  2  d'Osrocs  et  provenant  l'une  et  l'autre  de 
l'ancienne  collection  Alichan. 

Le  catalogue  donne  comme  lecture  du  n°  i  IjAIAEr(C)  XOCPUI;  il  signale,  en  outre,  dans  le 
champ  un  C  au-dessous  de  la  lettre  A  du  mot  BALVET(S)  et  un  O  au-dessous  du  mot  XOCPUL  La 
pièce  est  figurée  planche  XXL  12. 

Le  n"  2  a  la  même  effigie,  mais  la  légende  du  revers  est  disposée  différemment  ;  le  mot 
BACIAEOC,  seul  lisible,  est  placé  à  droite  au  lieu  d'être  à  gauche  comme  dans  le  n"  i. 

Ces  deux  monnaies,  dont  l'analogie  avec  la  pièce  unique  n"  138  est  incontestable,  présentent 
pour  la  discussion  de  l'attribution  de  celle-ci  un  intérêt  bien  grand.  M.  de  Petrowicz,  avec  une 
obligeance  dont  je  ne  saurais  trop  le  remercier,  a  bien  voulu  me  les  communiquer,  en  sorte  que 
j'ai  pu  les  examiner  à  loisir  et  en  faire  des  empreintes  :  j'en  donne  ci-dessous  des  dessins  (fig.  329, 
n"'  3  et  4,)  en  regard  desquels  je  place  la  pièce  n°  138  (n  °i)  et  l'exemplaire  du  British  Muséum 
déjà  publié  par  Longpérier  et  par  M.  Warwick  Wroth  (n°  2). 

A  la  suite  d'un  examen  attentif,  je  crois  pouvoir  faire  quelques  observations  au  sujet  de  la 
description  de  la  pièce  figurée  ci-après  n"  3.  Le  revers  de  cette  pièce  me  parait  surfrappé  ;  la  tête 
couronnée,  qui  apparaît  à  la  partie  supérieure,  n'appartient  pas  à  Artémis  mais  bien  à  un  revers 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


207 


antérieur,  dont  on  voit  encore  quelques  vestiges  qui  se  confondent  avec  les  lettres  dans  la  partie 
droite  du  champ  ;  cette  circonstance  vient  encore  ajouter  à  la  difficulté  de  la  lecture  et  la  rend  fort 
douteuse;  la  pièce  n"  4  donne  encore  moins  d'indications  ;  en  sorte  que  les  légendes  de  ces  deux 
pièces  n'établissent  pas  d'une  manière  certaine  l'attribution  à  Chosroès,  qui  est  basée  surtout  sur 
la  similitude  des  effigies.  Je  reconnais,  d'ailleurs,  que  l'analogie  des  effigies  des  deux  pièces  de  la 


FiG.  329. 


collection  Petrowicz  et  des  drachmes  de  Chosroès  est  très  grande.  Mais  le  type  du  revers  de  ces 
mêmes  pièces  étant  très  différent  de  celui  des  monnaies  de  bronze  arsacides  et,  d'autre  part,  iden- 
tique à  celui  des  monnaies  de  l'Élymaïde,  j'en  conclus  que  Chosroès  doit  être  placé  à  la  suite 
des  rois  de  cette  contrée.  Il  n'y  a  là  rien  que  de  très  admissible,  si,  comme  je  le  crois,  le  dernier 
souverain  qui  est  représenté  sur  notre  planche  XIV,  avec  une  coiffure  très  analogue  à  celle  de 
Chosroès,  n'est  autre  qu'un  des  Vologèse  qui  a  régné  à  une  époque  assez  rapprochée  de  lui. 

La  pièce  138  (PI.  XIII),  figurée  ci-dessus  n"  i,  analogue  à  celles  de  la  collection  Petrowicz, 
leur  est-elle  identique  et  appartient-elle  au  même  souverain?  Je  ne  le  pense  pas;  l'effigie  me 
paraît  différente,  le  nez  est  plus  relevé  et  moins  long,  la  figure  est  plus  courte  et  moins  plate,  le 
relief  plus  accentué  ;  ces  différences,  quoique  légères,  semblent  suffisantes  pour  mettre  en  garde 
contre  une  assimilation  basée  plutôt  sur  des  analogies  d'aspect  général  que  sur  l'analyse  des  traits. 

Dans  tous  les  cas,  les  légendes  sont  différentes,  car,  tandis  que  celles  des  pièces  de  la  collec- 
tion Petrowicz  sont  en  écriture  directe,  celle  du  n°  138  est  en  écriture  rétrograde.  La  lecture  de 
cette  dernière  est,  d'ailleurs,  des  plus  incertaines;  on  y  soupçonne,  dans  le  haut,  le  mot  BA^LVEÏil 
plus  ou  moins  défiguré,  suivi  peut-être  dans  le  champ  à  gauche  du  mot  ]]A]!ÎIIAEQN  encore  plus 
méconnaissable  ;  les  seules  lettres  nettement  distinctes  dans  le  nom  du  roi  sont  les  lettres  001  à 
lire  de  droite  à  gauche  ;  si  on  les  fait  précéder  de  la  lettre  placée  verticalement  dans  le  champ,  qui 
peut  être  un  n,  on  a  la  succession  00*1TT  et  si  l'on  se  rappelle  que,  sur  les  monnaies  de  Phraate, 
les  A  sont  faits  à  peu  près  comme  des  omicron,  on  est  tenté  de  voir  dans  les  quatre  lettres  ci-dessus 
le  commencement  d'un  mot  tel  que  HTAAin  ou  »ATAASn,  >IAAAASn,  ce  dernier  mot  semble 
possible;  c'est  ce  qui  nous  a  conduit  à  proposer  très  dubitativement  l'attribution  à  Phraatake. 
\^a.  lecture  est  certes  très  douteuse,  et  nous  ne  l'aurions  pas  proposée  si  nous  n'y  avions  en  quelque 
sorte  été  contraints  par  cette  double  circonstance  que  la  pièce  est  unique,  et  par  conséquent  émise 
par  un  souverain  qui  a  peu  régné,  et  que  son  revers  est  identique  à  ceux  de  Phraate,  ce  qui  fait 


2o8  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


présumer  une  succession  immédiate  des  règnes.  Si  donc  Phraate  de  Susiane  est  identique  à 

l'arsacide    Phraate   IV,  l'inconnu  qui  règne  après  lui,  pendant  peu  de  temps,  peut  bien  être 

Phraatake 

En  ce  qui  concerne  la  pièce  très  illisible  du  British  Muséum,  n"  2  ci-dessus,  l'effigie  paraît 

beaucoup  plus  voisine  de  celle  du  n"  138  que  de  celle  de  Chosroès  ;  c'est  donc  avec  raison  que 

M.  Warwick  Wroth  ne  l'a  pas  attribuée  à  ce  souverain. 

La  discussion  qui  précède  se  résume  comme  suit  : 

—  Les  quatre  pièces  n°'  i ,  2,  3,  4  ci-dessus,  bien  que  ne  portant  pas  les  symboles  habituels, 
sont  à  classer  parmi  les  monnaies  de  l'Élymaïde. 

—  Toutes  les  lectures  sont  incertaines. 

—  Provisoirement,  on  peut  classer  dubitativement  les  n"'  i  et  2  à  Phraatake,  les  n"'  3  et  4  à 
Chosroès. 


IL  —  Monnaies  a  légendes  araméennes  ou  pehlvies. 

Première  catégorie  :  Légendes  Chaldéo-Pehlvies .  —  Deux  légendes  araméennes  ont  servi 
de  base  au  déchiffrement  de  Mordtmann  :  ce  sont  celles  où  il  lit: 

I"  Le  roi  Phraate,  fils  d'Orode  ; 

2"  Le  roi  Humithra,  fils  d'Orode. 

Ces  lectures  ont  été  généralement  adoptées,  et  Gutschmidt,  dans  son  histoire  de  l'Iran,  men- 
tionne le  roi  Humithra  parmi  les  souverains  vassaux  des  Parthes  qui  ont  régné  en  Perse  ou  en 
Élymaïde  ;  je  propose  des  lectures  très  différentes,  mais  je  ne  voudrais  pas  rejeter  celles  de 
Mordtmann,  sans  indiquer  les  raisons  qui  m'y  déterminent. 

j'examinerai  d'abord  la  première  légende  :  Mordtmann  en  donne  la  reproduction  suivante  (i)  : 

D'après  Mordtmann.  .     .     .        >;»  7;  ;rV>.Oa;>j  TS 

Rectification ^         ^ 

qu'il  lit  :  —  MaLKA  PeRHaD  ZaK  URUD  —  le  roi  Phraate  fils  d'Orode. 

Je  ferai  observer,  avant  tout,  que  la  reproduction  donnée  par  Mordtmann  n'est  pas  parfaite- 
ment exacte;  j'ai  examiné  plus  de  cinquante  exemplaires  de  cette  monnaie,  soit  dans  la  trouvaille  de 
1900  (PI.  XI,  41-43  et  48-60),  soit  dans  ma  propre  collection,  et  j'ai  constaté  que  les  formes  de  cer- 
taines lettres  y  sont  toujours  différentes  de  celles  de  la  légende  ci-dessus.  J'ai  indiqué,  au-dessous 
de  deux  des  lettres  fautives  de  cette  légende,  les  formes  qu'il  faut  y  substituer  et  qui  constituent 
un  des  éléments  indispensables  de  la  discussion. 

Ceci  posé,  je  fais  les  observations  suivantes  au  sujet  de  la  lecture  MaLKA  PeRHaD  ZaK 
URUD: 

(i)  Mordtmann,  Ueber  eine  bisher  unbekannte  Varietât  arsakidischer  Mûn^en.  Z.f.  N.,  III  B,  p.  223. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE  209 


1°  Dans  les  différents  dialectes  araméens  de  cette  époque,  on  écrit  PeRHaD  MaLKA  et  non 
MaLKA  PeRHaD  ;  les  monnaies  à  légende  sémitique  nous  en  offrent  des  exemples  :  HaReTaT 
MaLKA  MeLeK  NaBaTU  sur  les  monnaies  nabatéennes;  MeTeRDaT  MaLKA,  ULGaSI  MaLKA 
sur  les  monnaies  arsacides  et  enfin  sur  les  monnaies  de  Susiane  URUD  MaLKA  (PI.  X,  17, 
pi.  XIV,  146,  162  et  suivants). 

2"  Mordtmann  ne  semble  pas  établir  de  distinction  entre  les  deux  lettres  *^,  4.  ;  la  dernière, 
dans  le  nom  indiscutable  ^^J)  URUD,  est  un  D;  Mordtmann  donne  la  même  valeur  D  à  la 
lettre*^  dans  JPJ>J>'^^  PeRHaD,  par  contre  il  donne  à*^  une  deuxième  valeur  K  dans  VP  ZaK  ; 
en  un  mot,  il  admet  que  les  scribes  employaient  indifféremment  *^  et  '^  pour  D  et  K,  souvent 
môme,  comme  dans  la  reproduction  donnée  plus  haut,  il  confond  les  deux  lettres  sous  une  forme 
unique  ;  l'étude  de  plus  de  cinquante  spécimens  m'a  monîré  qu'elles  n'étaient  jamais  interverties, 
tout  au  moins  dans  la  légende  que  nous  examinons.  Si  l'on  remarque,  en  outre,  que  dans  l'écri- 
ture de  l'inscription  chaldéo-pehlvie  d'Hadji-Abad,  qui  présente  avec  celle  de  nos  monnaies  une 
ressemblance  frappante,  les  D  sont  toujours  distingués  des  K  et  des  R  et  figurés  par  le  signe  "2  qui 
parait  dérivé  de  ^  ,  on  doit  en  conclure  que,  sur  nos  monnaies,  le  ^  qui  est  bien  un  D,  d'après 
le  mot  incontesté  URUD,  n'est  jamais  autre  chose. 

3°  Mordtmann  fait  du  ^  un  P  ;  l'analogie  du  palmyrien,  du  talmudique  et  plus  encore  du 
chaldéo-pehlvi  en  fait  un  B;  dans  cette  dernière  écriture  le  P  a  forme  caractéristique  ^. 

4°  Il  voit  un  heth  sémitique  dans  la  succession  )}  du  mot  ^J>J)'P^  PeRHaD,  tout  en  recon- 
naissant que  la  barre  transversale  qui  devrait  s'y  trouver  n'existe  pas.  Un  chaldéo-pehlvi,  le  heth 
est  toujours  /y  et  en  pehlvi-sassanide  J^  qui  en  est  voisin  ;  la  forme  ))  pour  heth  n'est      x?~^\, 
pas  suffisamment  justifiée  par  le  /7  cursif  des  papyrus  égypto-araméens,  pour  être    iferSslJ 
admise;  il  faut  y  voir  deux  caractères  distincts  :  deux  I,  deux  U,  ou  bien  un  I  et  un  U     /^0 
dont  la  forme  à  cette  époque  était  identique  dans  plusieurs  idiomes  sémitiques.  J'ajoute     Fig.  330. 
que  si,  dans  quelques  exemplaires,  ces  deux  lettres  sont  identiques  et  peu  distinctes,  ce 
qui  engage  à  y  voiries  deux  jambages  d'un  H,  comme  l'a  fait  Mordtmann,  sur  d'autres  il  n'en 
06t  pas  de  même  ;  en  particulier,  la  pièce  dessinée  ci-contre,  qui  a  été  rapportée  par  M.  de  Morgan 
à  son  dernier  voyage,  est  absolument  concluante  à  cet  égard  et  l'on  ne  saurait  se  refuser  à  y  voir 
deux  lettres  distinctes. 

5°  La  légende  aramécnne  qui  nous  occupe  se  trouve  sur  des  monnaies  de  deux(i)  types 
différents:  l'une  des  deux  porte  à  l'avers  un  buste  de  face  avec  tiare  que  Mordtmann  considérait 
comme  identique  à  celui  des  monnaies  qui  ont  la  légende  grecque  IIPAATHÏI  liAXHAETH  et  cette 
considération  a  dû  l'inciter  à  rechercher  dans  la  légende  araméenne  le  nom  de  Phraate  ;  il  est 
certain  que,  si  l'identité  des  effigies  était  prouvée,  ce  serait  un  argument  bien  fort  pour  appuyer 

(i)  Pour  être  tout  à  fait  exact,  nous  devrions  dire  «  trois  »,  car  le  type  de  la  tiare  se  subdivise  en  deux  suivant  que 
la  tiare  est  avec  ou  sans  aigrettes  :  la  distinction  entre  nos  monnaies  et  les  monnaies  au  nom  de  Phraate  n'en  serait  que 
plus  nette,  car  celles-ci  n'ont  jamais  la  tiare  à  aigrettes. 

27 


210  MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


sa  lecture  ;  mais  il  n'en  est  rien  :  les  effigies  sont  analogues,  elles  ne  sont  pas  identiques,  car  les 
monnaies  à  légende  grecque  au  nom  de  Phraate  ont  toujours  la  tiare  ornée  de  croissants,  tandis 
que,  sur  les  monnaies  à  légende  araméenne,  elle  est  ornée  d'un  simple  cordon  perlé.  Ce  détail  qui 
a  échappé  à  Mordtmann  peut-être  en  raison  de  la  conservation  défectueuse  des  exemplaires  dont 
il  disposait,  est  caractéristique  et  suffit  pour  faire  présumer  que  les  deux  souverains  représentés 
sont  différents. 

6°  Dans  le  désir  de  trouver  dans  la  légende  un  rapport  de  filiation  entre  Phraate  et  Orode, 
Mordtmann  admet  un  mot  ZaK^fils,  débris  de  l'anzanite  Sakr  ;  il  ajoute  même  que  l'on  trouve 
sur  les  monnaies,  tantôt  ZaK,  tantôt  ZaKR,  et  termine  en  disant  que  ce  mot  ZaK  subsiste  dans 
quelques  dialectes  modernes  de  la  Perse.  Parmi  les  nombreuses  monnaies  araméennes  que  j'ai 
examinées,  aucune  ne  porte  ZaKR  suivi  du  mot  URUD;  sur  quelques-unes,  en  petit  nombre,  on 
pourrait  lire  ZaK  RUD,  qui  ne  serait  qu'une  légende  incorrecte  pour  ZaK  URUD  ;  d'autre  part, 
d'après  tous  les  renseignements  que  j'ai  recueillis,  l'existence  du  mot  ZaK  dans  les  dialectes  ira- 
niens, n'est  nullement  prouvée  ;  dans  tous  les  cas  je  n'en  ai  trouvé  aucune  trace  dans  les  dialectes 
du  Nord  de  la  Perse  étudiés  par  M.  de  Morgan  (i). 

Voilà  des  objections  bien  sérieuses  contre  la  lecture  de  Mordtmann;  j'en  propose  une  très 
différente  qui  est  la  suivante  : 

ni-11  n;  nzbo  nm  —  URUD  MaLKA  BaRI  URUD  —  Orode  roi,  fils  d  Orode. 

Cette  lecture  évite  toutes  les  difficultés  épigraphiques  ;  j'y  ai  été  conduit  par  la  comparaison 
de  la  légende  avec  le  texte  chaldéo-pehlvi  des  inscriptions  bilingues  de  Nakch-i-Redjeb  et 
d'Hadji-Abad,  dans  lequel  on  trouve  toujours  j*^!?  BaRI  =  fils.  Cette  forme  distingue  nettement 
la  version  chaldéo-pehlvic  de  la  version  pehlvi-sassanide  des  mêmes  inscriptions,  laquelle 
emploie  toujours  T'^gJ  BaRaH.  Cette  dernière  forme  se  trouve  également  sur  les  monnaies  des 
rois  Vatafradat,  Darius  et  Artaxerccs,  qui  ont  régné  en  Perse  à  une  époque  qui  n'a  pu  encore  être 
précisée,  mais  qui  doit  être  voisine  de  celle  qui  nous  occupe. 

Examinons  maintenant  la  deuxième  légende  araméenne  ou  Mordtmann  a  lu  «  le  roi  Humi- 
thra  fils  d'Orode  ». 

Dans  ses  IW'ilere  Beitrage  zur  Kenntniss  dcr  persepolilanischen  Munzen  il  en  donne  une 
reproduction  qui,  à  en  juger  par  les  spécimens  photographiés  (PI.  XII,  74-82  et  PI.  XIV,  145), 
doit  subir  plusieurs  rectifications  ;  j'ai  indiqué  ci-dessous  la  légende  de  Mordtmann,  et  les  trois 
rectifications  qui  doivent  y  être  apportées. 

D'après  Mordtmann.  .     .     .       2l>t    i>   bf  tt>'> h-uy^ilK 
Rectifications V  i^        f 

MaLKA  HUMITRa  ZaK  URUD  —  Le  roi  Humitra,  fils  d'Orode. 

(i)  De  Morgan,  Etudes  linguistiques,  langues  et  dialectes  du  Nord  de  la  Perse,  1904. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE  211 


Je  répéterai  pour  la  lecture  MaLKA  HUMITRa  ZaK  URUD  les  observations  déjà  faites  au 
sujet  de  la  position  du  mot  MaLKA  et  au  sujet  de  l'hypothétique  ZaK,  j'}'  ajouterai  les  rectifica- 
tions qui  sont  la  conséquence  de  celles  qui  ont  été  apportées  à  la  forme  de  certaines  lettres  :  la 
5'^  lettre  n'est  pas  un  H  mais  bien  un  K  ou  un  R,  la  8%  \u  est  d'une  lecture  certaine,  c'est  un  S 
chaldéo-pehlvi  et  non  un  T  sassanide,  la  13"  lettre  semblable  à  la  5''  est  un  K  ou  un  R.  La 
12°  lettre  que  Mordtmann  lit  Z  est  bien  plutôt  un  U  ou  un  L 

Les  monnaies  de  grand  module,  que  j'examinerai  tout  à  l'heure,  ont  une  effigie  très  certai- 
nement identique  à  celle  de  la  pièce  que  nous  discutons  ;  de  plus  leur  légende  est  analogue,  néan- 
moins les  lettres  y  présentent  moins  d'ambiguïté  et  le  K  s'y  distingue  nettement  de  R.  Cette 
circonstance  permet  de  substituer  avec  beaucoup  de  vraisemblance  la  lecture  suivante  à  celle  de 
Mordtmann. 

N^Sq  "mi  i^ra'C'î:  —  KUMaSKIR  URUD  MaLRA  —  Kumaskir  Orode  roi. 

Le  premier  mot  a  une  singulière  analogie  avec  le  nom  de  Kamnaskirès  que  nous  ne  connais- 
sons que  par  des  légendes  monétaires  grecques  et  le  texte  de  Lucien. 

Sans  insister  pour  le  moment,  sur  ce  point,  constatons  que  cette  légende  nous  fait  connaître 
une  lettre  nouvelle  S,  qui,  comme  les  lettres  A,  B,  D,  \,  L,  M,  R,  U  de  la  légende  précédente, 
se  rapporte  parfaitement  à  l'alphabet  chaldéo-pehlvi. 

A  ces  deux  légendes  nous  pouvons  en  joindre  une  autre  qui  n'a  pas  été  connue  de  Mordtmann, 
et  qui  Jeur  est  très  analogue  pour  la  forme  des  lettres  :  c'est  celle  de  la  pièce  73  (PI.  XII),  unique 
dans  la  trouvaille  de  1900;  elle  me  paraît  pouvoir  se  lire  comme  suit  : 

azb^  -rn^  n;  «(3)^0  -nil  —  URUD  MaL(K.)A  BaRI  URUD  MaLRA  -  Orode,  roi.  fils  dOrodc  roi. 

C'est  une  variante  plus  complète  de  la  légende  Orode.  roi,  fils  J' Orode. 

Ces  trois  légendes  constituent  une  catégorie  spéciale,  bien  caractérisée  par  l'homogénéité  de 
son  écriture  qui  reste  toujours  très  analogue  au  chaldéo-pehlvi  d'Hadji-Abad  et  ne  s'en  distingue 
que  par  quelques  svmptomes  d'archaïsme,  tels  que  la  courbure  plus  prononcée  de  la  tète  des 
lettres  D,  K,  R.  C'est  ainsi  que  l'on  y  trouve  des  formes  telles  que  ^  ^    /)  ^  au  lieu  du 

chaldéo-pehlvi    "^  ;  mais  les  deux  svstèmes  d'écriture  ont  en  commun  des  points  essentiels,  la 
confusion  de  K  et  de  R  et  la  distinction  du  I). 

Deixiè.me  catégorie.  —  Légendes  uii.xies.  —  Les  légendes  des  pièces  de  grand  module  et 
celles  des  pièces  de  petit  module  d'époque  postérieure  ont  entre  elles,  au  point  de  vue  graphique, 
certaines  similitudes  qui  permettent  d'en  former  une  2°  catégorie  qui  diffère  de  la  T'  en  ce  que,  à 


•12 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


côté  de  lettres  chaldéo-pehlvies,  on  en  trouve  qui  se  rapprochent  des  lettres  de  l'écriture  des 
monnaies  persépolitaines  ;  quelques-unes  même  affectent  des  formes  absolument  spéciales. 

Nous  étudierons  d'abord  les  pièces  de  grand  module,  en  commençant  par  celles  dont  la 
légende  est  la  plus  complète  :  elles  se  trouvaient  au  nombre  de  trois  dans  la  trouvaille  de  1900  et 
sont  figurées  planche  XII,  70,  71,72.  Quatre  autres  exemplaires,  rapportés  récemment  de  Perse 
par  M.  de  Morgan,  sont  figurés  ci-dessous: 


FiG.  331. 

Nous  disposons  donc  de  sept  légendes,  comme  éléments  de  discussion  ;  en  raison  de  leur 
importance  capitale,  nous  en  donnons  ici  des  reproductions  agrandies. 

C?^  '^" '" '  "  "sra/m^'^'-W^S^^  PI.  XII,  70. 

c^r-  (^JJ'^PDVJ)^'^^^^^^  Pi.  XII.  71. 

s^^/^ï2^2-^^_^C3^^<^^^572>9'â7?'^51J7  l'i.  XII,  72. 

^y^'^^  ■ ■■■■^' ""y^r^J^g^^     FiG.  55.,  no  6. 

<^pP'0'yPt^P^-^'^P^<^rpyj)'j?  •■^eviH^    F'G.  3  5',  no  7. 

^ "  ■' '  '^lY^'^mn^ê^^    ^"'°-  55''  "'  8- 

■■■ ''^'^^^^'^^^2ï3î^''JMj2^    FiG.  35',n°9. 

La  légende  du  n"  7  est  à  peu  près  complète;  si  nous  faisons  abstraction  des  sept  premières 
lettres,  nous  y  trouvons  dune  façon  certaine  URUD  xMaLKA  BaR  URUD  MaLKA,  Orode,  roi, 
fils  d' Orode  roi,  et,  malgré  la  mutilation  des  autres  légendes,  il  nous  est  permis  d'afiirmer  qu'elles 
se  terminaient  de  la  même  manière. 

Cette  dernière  partie  des  légendes  de  grand  module  est  très  analogue  aux  légendes  de  la . 
\'^  catégorie  URUD  MaLKA  BaRI  URUD  et  identique  à  celle  de  la  pièce  73,  tout  au  moins  au 
point  de  vue  du  sens  ;  sous  le  rapport  de  la  syntaxe,  elle  en  diffère  par  l'emploi  de  BaR  au  lieu 
de  BaRI.  En  ce  qui  concerne  l'écriture,  elle  donne  lieu  aux  observations  suivantes  : 

1°  Le  A  de  MaLKA  présente  une  forme  nouvelle  qu'on  ne  retrouve  identiquement  dans 
aucune  autre  écriture  ; 

2°  Le  M  affecte  généralement  une  forme  simplifiée  que  l'on  voit  rarement  dans  les  légendes 
de  la  I"  catégorie; 

3°  Le  K  a  souvent  (PI.  XII,  70-73  et  fig.  331,  n"  6,  8,  9)  une  forme  allongée  avec  queue 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAIDE  213 

recourbée  (  I ),  qui  le  distingue  nettement  de  R,  exceptionnellement  (fig.  331,  n"  7)  il  garde  la 
forme  banale  usitée  dans  les  légendes  de  i"'  catégorie  et  se  confond  avec  le  R  et  même  avec  le  D  ; 

4°  Le  D  a  rarement  l'apex  caractéristique  qui,  dans  la  i"^  catégorie,  le  distingue  de  K  et  R  ; 

5"  Le  B  a  une  forme  S)  différente  du  ^  des  légendes  de  i"^  catégorie,  mais  qui  n'a  rien 
d'anormal  et  rappelle  certaines  formes  du  palmyrien  cursif,  de  l'hébreu  et  du  mandéen.  Le 
trait  accessoire,  plus  ou  moins  marqué,  qui  se  voit  à  droite  de  la  lettre  à  sa  partie  inférieure,  n'a 
d'autre  but  que  de  la  distinguer  du  K  avec  lequel  elle  aurait  pu  se  confondre. 

Ces  observations  nous  permettront  de  déterminer  d'une  façon  certaine  la  lecture  d'une  partie 
des  lettres  de  la  première  partie  de  la  légende  : 

La  i"^  lettre  avec  sa  forme  allongée  et  sa  queue  recourbée  est  un  K. 

La  2"  est  un  B;  elle  affecte  tantôt  la  forme  du  B  de  BaR,  que  nous  venons  de  signaler,  tantôt 
(PI.  XII,  71,  72)  une  forme  un  peu  différente  qui  rappelle  plutôt  la  forme  ancienne  de  l'araméen 
de  Teima. 

La  '^  est  certainement  un  N,  voisin  du  chaldéo-pehlvi. 

A  la  4'^  lettre,  la  difficulté  commence  ;  tantôt  il  y  a  une  lettre  unique,  un  peu  indistincte  "^,'5) 
qui  rappelle  beaucoup  le  hé  des  papyrus  égvpto-araméens  et  de  presque  tous  les  dialectes  sémi- 
tiques postérieurs,  tantôt  cette  lettre  est  suivie  de  très  près,  d'une  autre  lettre  constituée  par  un 
jambage  vertical  (fig.  331,  n°  9)  qui  peut  être  un  1  ou  mieux  un  Z;  quelquefois  même  cette 
deuxième  lettre  semble  former  ligature  avec  la  précédente. 

Des  trois  dernières  lettres  de  la  première  partie  de  la  légende,  la  première  est  incontestable- 
ment un  K,  celle  qui  suit  un  1,  et  la  dernière  un  D,  ou  bien  plutôt  un  R. 

En  sorte  que  la  légende  complète  semble  devoir  se  lire  : 

Nibc  m-il  ^2  N^'îD  nm  n>3în:32  KaBNaHZKIR  URUD  MaLKA  BaR  IJRUD  jMaLKA 
OU  N2bc  Tiii  -)2  n:'^î:  -im  -l^rnJ^D  KaBNaHKIR  L'RUD  MaLKA  BaR  URUD  MaLKA 

Il  est  impossible  de  ne  pas  la  rapprocher  de  : 

xrbr  T,-n  n^rtt'oir  KUMaSKIR  URUD  MaLKA 

Le  U  long  de  KU.M  est  l'équivalent  de  aB  dans  KaB,  la  permutation  de  M  en  N  n'a  rien  que 
de  très  admissible,  aussi  bien  que  le  remplacement  du  S  par  un  H  qui,  bien  souvent,  dans  les  dia- 
lectes persans,  tient  la  place  d'une  sifflante  ;  plus  difficile  peut-être  est  de  justifier  l'emploi  de  H 
suivi  de  Z.  On  serait  tenté,  pour  rapprocher  davantage  encore  les  deux  légendes,  de  supposer  que 

la  lettre  douteuse  "^  ^  ^  dans  l'écriture  de  nos  monnaies  la  valeur  S  ou  S  et  de  voir  dans  le  II 
qui  la  suit  un  I  purement  étymologique  et  non   prononcé  comme  est  celui  de  SaHll-'ï  HR  en 

(i)  Dans  certaines  légendes,  particulièrement  dans  celle  du  n°  17,  pi.  X,  la  queue  du  Kse  relève  franchement  en  fai- 
sant un  angle  aigu  avec  la  hampe  ;  on  pressent  déjà  une  tendance  à  la  ligature,  telle  qu'on  la  retrouve  plus  tard  dans 
le  Kaf  dt  récriture  mandéenne. 


2  14  MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


chaldôo-pehlvi  ;  mais  je  crois  qu'il  est  préférable  de  s'en  tenir  aux  indications  épigraphiques  qui 
conduisent  à  regarder  la  lecture  H  ou  HZ  comme  la  plus  probable. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'identité  présumée,  à  laquelle  nous  sommes  amenés  par  des  considérations 
purement  épigraphiques,  est  corroborrée  par  l'étude  des  effigies. 

Les  sept  pièces  de  grand  module  présentent  identité  de  costume,  avec  certaines  dissemblances 
dans  les  effigies  et  principalement  dans  le  degré  d'embonpoint.  D'un  autre  côté,  les  types  variés 
du  grand  module  se  retrouvent  identiquement  dans  les  pièces  de  petit  module  qui  portent  les 
légendes  KUMaSKIRURUD  MaLKA,  URUD  MaLKA  BaRI  URUD,  URUD  MaL(K)A  BaRI 
URUD  MaLKA.  La  conséquence  à  en  déduire  c'est  que  toutes  ces  pièces  appartiennent  à  un 
même  souverain  qui  adopte  tantôt  la  légende  complète  du  grand  module,  tantôt  une  des  trois 
légendes  réduites  du  petit  module  ;  nous  verrons  plus  loin  qu'une  légende  plus  réduite  encore, 
URUD  MaLKA,  sur  une  pièce  de  grand  module,  appartient  au  même  souverain. 

On  ne  pourrait  échapper  à  la  rigueur  de  cette  conclusion,  qu'en  admettant  qu'après  Orode  I", 
se  sont  succédés,  de  père  en  fils,  plusieurs  Orode  adoptant  tous  les  légendes  que  nous  avons  énu- 
mérées  ;  c'est  là  une  hypothèse  qui  n'est  pas  soutenablc,  parce  que  les  effigies  assez  variées  dont 
il  est  question  n'accusent  pas  de  différences  d'âge  accentuées  et  que  le  bel  état  de  conservation  de 
toutes  les  pièces  de  la  trouvaille  de  1900,  oblige  à  leur  assigner  une  durée  d'émission  assez  courte. 
C'est  donc  bien  un  souverain  unique  qui  a  émis  les  pièces  KaBNAHKIR  URUD  MaLKA  BaR. 
URUD  MaLKA,  KUMaSKIR  URUD  MaLKA,  URUD  MaLKA  BaRI  URUD(i). 

Est-il  besoin  de  faire  remarquer  l'analogie  étroite  qui  existe  entre  les  formes  indigènes 
KaBNaHZKIR,  KUMaSKIR  et  la  forme  grecque  KAMXA^JKIPIl^  ?  il  suffit  de  rappeler  que  les 
Habirdip  et  le  Bardya  des  inscriptions  de  Suse  sont  devenus  les  Amardes  et  le  Smerdis  d'Héro- 
dote. Nous  aurions  donc  là  une  série  de  monnaies  où  le  nom  d'Orode  est  associé  à  celui  de 
Kamnaskirès  ;  la  persistance  de  ce  dernier  nom  chez  les  souverains  de  l'Élymaïde  peut  faire  sup- 
poser qu'il  était  devenu  un  titre  dynastique,  comme  l'était  chez  les  Parthes  celui  d'Arsace  ;  les 
monnaies  susiennes  d'Orode  II  avec  la  dénomination  de  Kamnaskirès  Orode  seraient  le  pendant 
des  monnaies  arsacides  d'Orode  I"  avec  le  nom  d'Arsace  OrodQ(2). 

Deux  autres  monnaies  de  grand  module  peuvent  être  rangées  dans  la  même  catégorie,  en 
raison  des  formes  des  lettres  de  leurs  légendes,  ce  sont  : 

1°  Le  n°  17  (PI.  X)  avec  la  tiare  de  profil  ornée  de  l'ancre,  tvpe  Aa  ; 

2°  Le  n°  I  |6  (PI.  XIV)  avec  la  tiare  de  face  à  aigrettes,  type  Ae. 

En  traitant  des  types  Aa,  Ae  nous  avons  expliqué  pourquoi  nous  attribuons  la  première 
pièce  à  Orode  I",  la  seconde  à  Orode  II,  malgré  l'identité  des  légendes. 

Celle  d'Orode  I"  est  la  seule  monnaie  à  légende  araméenne  qui  soit  attribuée  à  ce  prince,  elle 

(i)  Nous  verrons  plus  loin  qu'une  pièce  postérieure  incertaine  que  j"ai  attribuée  à  un  inconnu  X,  porte  une  légende 
incomplète  qui  semble  pouvoir  se  lire  KUMaSKIR  MaLKABaRI  URUD  ;  elle  serait  peut-être  attribuable  à  Orode  III 
qui,  comme  son  père  Orode  II,  a  pu  prendre  sur  ses  monnaies  le  titre  de  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  d'Orode. 

(2)  Il  existe  des  oboles  d'Orode  avec  la  légende  lUIlAKÛI  liAIIAE.iN  APiiAKOV  ÏPQAOY. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


215 


est  d'ailleurs  unique  dans  la  trouvaille  de  1900  et  je  n'en  connais  pas  d  autre  exemplaire;  la 
légende  est  la  suivante  : 

^f^  W)  P!    X,  ,7. 
N3bo  TiT:  —  URUD  MaLKA  —  Orode  roi. 

La  pièce  de  même  légende  attribuée  à  Orode  II,  reproduite  planche  XIV^  146,  appar- 
tient à  la  Bibliothèque  nationale  ;  un  exemplaire  mal  conservé,  actuellement  au 
Musée  du  Louvre,  avait  été  trouvé  à  Suse  par  M.  Dieulafoy:  il  a  été  bien  lu  par 
M.  Drouin,  mais  en  raison  de  la  mauvaise  conservation  de  la  pièce,  on  y  a  cru 
voira  tort  un  buste  de  profil  (i  ).  Tout  récemment  M.  dexMorgan  a  rapporté  de  Perse 
trois  exemplaires  dont  l'un,  à  fleur  de  coin,  est  dessiné  ci-contre  figure  332. 

Je  reproduis  ci-dessous  trois  des  légendes  les  mieux  conservées  : 

®^i£S^>^)  Musée  du  Louvre. 

PI.  XIV,  146. 


FiG. 


N^bc  HT^"  —  IJRl-'D  MaLKA  —  Orode  roi. 


Ces  cinq  légendes  qui  ont  une  même  lecture  sont  intéressantes  au  point  de  vue  de  l'écriture. 
Le  D  présente  tantôt  la  forme  que  nous  considérons  comme  chaldéo-pehlvie  et  qui  se  trouve 
constamment  sur  les  légendes  de  la  T"  catégorie;  tantôt,  comme  sur  la  monnaie  d'Orode  1" 
(PI.  X,  17),  et  sur  celle  d'Orode  II  du  Musée  du  Louvre,  la  forme  caractéristique  du  pehlvi-sassa- 
nide  qui  rappelle  celle  d'un  3  ;  quant  au  K  il  est  franchement  distinct  du  D  et  affecte  une  forme 
archaïque  que  l'on  peut  s'étonner  de  trouver  à  côté  de  la  forme  dégénérée  du  M. 

Les  légendes  des  pièces  de  petit  module  que  nous  considérons  comme  postérieures  à  celles 
de  la  trouvaille  de  1900,  peuvent  être  rangées  au  point  de  vue  graphique  dans  la  même  catégorie 
que  celles  des  pièces  de  grand  module;  elles  se  trouvent  sur  les  monnaies  suivantes  figurées  à 
la  planche  XIV  : 

V  La  monnaie  très  indistincte  i  53  attribuée  à  un  inconnu  X  (2)  ; 

2"  Les  monnaies  d'Orode  III  avec  double  légende  ; 

3"  Les  monnaies  d'Orode  IV. 

(i)  Dieulafoy,  VAcropole  de  Suse.  ilg.  321. 

(2)  A  vrai  dire,  la  légende  de  la  pièce  155  est  trop  incomplète  pour  qu'on  puisse  la  classer  dans  une  catégorie 
déterminée,  ce  n'est  donc  que  par  analogie  avec  les  pièces  d'Orode  111  supposécsde  même  époque,  que  nous  la  rangeons 
dans  la  2"=  catégorie. 


2i6  MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


I"  Monnaie  ATTRIBUÉE  A  UN  inconnuX.  —  L'exemplaire  figuré  planche  XIV,  153  laisse  aperce- 
voir, en  avant  du  buste,  des  traces  de  légende  :  une  seule  lettre  parait  certaine  c'est  le  schin,  il  est 
présumable,  d'après  sa  position,  qu'elle  était  précédée  par  d'autres  lettres  ;  sur  un  exeinplaire 
mieux  conservé,  trouvé  à  Suse  par  M.  Dieulafoy  et  déposé  au  Musée  du  Louvre,  on  trouve  comme 
première  lettre  un  K  et  l'on  voit,  derrière  le  buste,  une  fin  de  légende  qui  paraît  être  lURU...  ;  en 
combinant  les  indications  données  par  les  deux  pièces,  on  peut  conjecturer  que  la  légende  com- 
mençait par  KUMaSKIR  et  se  terminait  par  BaRI  URUD;  peut-être  avait-elle  la  forme  déjà 
connue  KUMaSKIR  URUD  MaLKA  BARI  URUD.  Il  n'est  pas  probable  néanmoins  qu'elle  soit 
attribuable  à  Orode  II,  et  cela  pour  plusieurs  raisons:  l'effigie  est  différente  de  celle  de  ce  souve- 
rain, la  pièce  ne  s'est  pas  rencontrée  dans  la  trouvaille  de  1900,  le  type  du  revers,  tout  au  moins 
celui  de  la  pièce  i  53,  le  seul  distinct,  appartient  vraisemblablement  à  Orode  III.  Rien  n'empêche, 
d'ailleurs,  de  conjecturer  que  la  pièce  est  d'Orode  III,  qui  a  pu,  comme  son  père  Orode  II, 
prendre  sur  ses  monnaies  le  titre  Kamnaskir  Orode  fils  d'Orode. 

Nous  reproduisons  ci-dessous  les  deux  légendes  fragmentaires  des  deux  exemplaire^  connus 
de  cette  intéressante  monnaie. 


■""  r.c,;/!  n"""""". 


'  t  fttf'itttétt. 


2"  Monnaie  d'Orode  III  a  double  légende.  —  Ces  monnaies  (PI.  XIV,  162-166)  portent  à 
l'avers  la  légende  URUD  MaLKA;  elle  y  affecte  la  forme  ^jj^'^  ^Dy^  qui  varie  peu  d'un 
exemplaire  à  l'autre,  l'écriture  y  est  assez  semblable  à  celle  de  grands  modules  d'Orode  I"  et 
Orode  II,  mais  le  D  y  affecte  plus  nettement  encore  la  forme  du  D  des  inscriptions  sassanides 
et  des  monnaies  persépolitaines  de  moyenne  époque. 

Au  revers  nous  avons,  autour  du  buste  de  la  reine,  une  légende  dont  nous  reproduisons  les 
spécimens  les  mieux  conservés  :  J)(a^  K 

Les  deux  premières  lettres  sont  un  U  et  un  L,  la  troisième  qui  a  l'air  d'un  A  rappelle  la  forme 
du  P  chaldéo-pehlvi  ^(i).  M.  de  Markoff  a  publié  une  monnaie  du  roi  parthe  Pacore  II  sur 
laquelle  figure  une  lettre  très  analogue  qu'il  n'hésite  pas  à  prendre  pour  un  P,  initiale  du  nom 
du  roi.  Je  crois  que  sur  nos  monnaies,  qui  datent  d'une  époque  assez  voisine  de  celle  de  Pacore, 

(i)  Cette  lettre  rappelle  la  forme  du  teth  de  certaines  écritures  araméennes  ;  mais,  jusqu'à  présent,  le  teth  n'a  pas 
été  constaté  dans  les  écritures  araméennes  de  la  Perse,  c'est  pourquoi  nous  préférons  voir  un  Phé. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE  217 


on  doit  ég-alement  voir  un  P  dans  la  troisième  lettre  ;  la  quatrième  et  la  cinquième  n'offrent  aucune 
difficulté,  et  la  lecture  la  plus  probable  du  nom  de  la  reine  paraît  être  : 

^X£bl  -  ULPAN  ou  ULFAN 

Les  deux  dernières  légendes  de  la  série  sont  incomplètes;  elles  présentent  des  transpositions 
des  lettres  P  et  L  qui  peuvent  faire  supposer  que  ce  ne  sont  que  des  altérations  de  la  première, 
auxquelles  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter. 


Troisième  catégorie. 

Légende  barbare.  —  Nous  rangeons  dans  une  catégorie  à  part  les  légendes  d'une  classe  de 
monnaies  qui  ont,  à  l'avers,  le  type  Ad  à  la  tiare  de  face,  et  au  revers  le  type  divin 
que  nous  avons  appelé,  y  variété  du  buste  d'Artémis  de  face.  La  légende  y  est 
toujours  plus  ou  moins  barbare  et  le  plus  souvent  illisible,  c'est  le  cas  de  tous  les 
exemplaires  que  nous  avons  photographiés  (PI.  XIV,  147-149,  et  PI.  XI,  61, 
62).  Par  exception,  deux  monnaies  de  cette  catégorie,  récemment  rapportées 
par  M.  de  Morgan  et  dessinées  ci-contre  sont  moins  illisibles  et  semblent  per- 
mettre l'attribution  à  Orode  II,  fils  d'Orode.  Lcslégendesparaissent  donner  les  lectures  ci-dessous  : 

N"  II         i  V^^i^i*  J\!i^/f?yt)'^))    IRL  D  .MaLKA  BaR  URUD 
No  ,2    '^^.^  j>J)  t>^  J^  ^tl  ^^  Tf'"t   ^^^"^  MaLKA  BaRI  URUD 

Dans  ces  deux  exemplaires  le  mot  MaLKA  est  correctement  écrit  et  présente  un  certain  intérêt 
en  raison  de  la  forme  du  K  qui  diffère  de  la  forme  ordinaire.  Dans  les  autres  parties  de  la  légende 
le  B  et  le  R  présentent  aussi  des  anomalies  ;  très  certainement  le  lieu  d'émission  de  cette  monnaie 
n'est  pas  le  même  que  celui  des  autres  catégories. 

En  résumé  le  monnavagc  de  l'Élymaïde  n'est  pas  sans  présenter  de  sérieuses  difficultés  au 
point  de  vue  de  l'écriture  et  de  l'idiome  employés  dans  les  légendes.  D'une  part,  dans  une  pre- 
mière catégorie  de  monnaies  comprenant  des  pièces  de  petit  module  aux  noms  d'Orode  \"  et 
d'Orode  II,  nous  constatons,  sur  les  nombreux  exemplaires  connus,  une  écriture  bien  caractérisée, 
dont  les  formes  essentielles  se  maintiennent  avec  une  grande  régularité  et  sont  sensiblement 
identiques  à  celles  du  chaldéo-pehlvi  ;  d'autre  part,  dans  une  deuxième  catégorie,  où  nous  réu- 
nissons des  pièces  de  grand  module  contemporaines  des  précédentes  et  des  pièces  de  petit  module 
d'époque  postérieure,  la  langue  et  l'écriture  des  légendes  semblent  se  rapprocher  du  pehlvi- 
sassanidc.  Nous  sommes  réduit  à  constater  le  fait,  sans  pouvoir  l'expliquer;  on  peut  dire  seule- 
ment que  la  variété  dans  l'écriture  des  légendes  peut  faire  supposer  une  assez  grande  extension 
du  monnavage,  et   l'on  serait  tenté  de  croire  que  les  monnaies  de  grand  module,  qui  se  sont 

2S 


2i8  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


trouvées  en  nombre  infime  dans  la  trouvaille,  n'ont  pas  été  émises  au  même  lieu  que  celles  de 
petit  module.  Si  ces  dernières,  comme  il  est  vraisemblable,  ont  été  émises  en  Susiane  même,  celles 
de  grand  module  ont  bien  pu  l'être  dans  une  contrée  plus  orientale  où  l'on  aurait  fait  usage,  dès 
cette  époque,  d'une  écriture  différant  du  chaldéo-pehlvi  et  se  rapprochant  de  celle  que  nous  ver- 
rons plus  tard  employée  par  les  souverains  de  la  dynastie  sassanide. 

Nous  donnons  ci-contre  (fig.  334)  un  tableau  comparatif  qui  permettra  de  saisir  les  rapports 
qui  existent  entre  l'écriture  de  nos  monnaies  et  les  écritures  d'origine  araméenne  qui  s'en  rap- 
prochent. 


—   DISCUSSION   DES  ATTRIBUTIONS 


Mordtmann  répartit  les  monnaies  de  l'Élymaïde  entre  onze  souverains  dont  cinq  inconnus  ; 
il  admet  que  les  Orode  et  les  Phraate,  dont  le  nom  est  écrit  en  grec  et  en  araméen  sur  les  mon- 
naies, ne  sont  autres  que  les  rois  arsacides  Orode  I",  Phraate  IV,  Phraatake  et  Orode  II  ;  entre 
les  deux  derniers  il  intercale  un  roi  inconnu  dans  la  série  des  Arsacides,  Humithra  ou  Vomithra, 
fils  d'Orode.  D'autre  part,  d'après  une  idée  assez  généralement  admise  à  l'époque  où  il  écrivait,  il 
fait  également  de  Kamnaskirès  un  roi  arsacide  qui  aurait  régné  de  89  à  70  avant  J.-C.  et,  pour 
remplir  la  lacune  qui  existe  entre  son  règne  et  celui  d'Orode,  il  y  place  trois  souverains  qu'il 
suppose  être  aussi  des  grands  rois  arsacides. 

Il  pense,  d'ailleurs,  que  les  monnaies  ont  été  émises  par  des  gouverneurs  arsacides  en  Perside 
«  die  in  gegenwârtige  Abhandlung  beschriebenen  Mùnzen  sind  offenbar  von  den  Statthaltern  der 
Arsakiden  in  Persis  geprâgt  worden  ».  Ce  monnayage  se  serait  substitué,  pendant  une  centaine 
d'années,  au  monnayage  d'argent  des  souverains  particuliers  de  la  Perside;  vers  l'année  20  après 
j.-C,  Darius,  fils  de  Zaturdat,  aurait  secoué  le  joug  arsacide  et  repris  la  frappe  du  monnayage 
d  argent. 

Le  texte  de  Mordtmann  peut  prêter  à  ambiguïté:  quand  il  parle  de  monnaies  frappées  en 
Perse  par  des  gouverneurs  ou  satrapes  arsacides,  veut-il  insinuer  que  ces  monnaies,  qui  portent 
le  nom  du  grand  roi,  sont  frappées  à  l'efifigie  du  satrape?  Cette  hypothèse,  qui  pourrait  être  sug- 
gérée par  les  différences  assez  grandes  de  costume  et  de  coiffure  que  l'on  constate  entre  les  effigies 
des  monnaies  de  l'Élymaïde  et  celles  des  rois  parthcs,  ne  résiste  pas  à  l'examen  ;  car  si,  à  la 
rigueur,  on  peut  l'admettre  pour  les  monnaies  d'Orode  I",  où  le  buste  de  l'avers  est  anépigraphe 
et  où  le  nom  du  roi  est  au  revers,  elle  est  réellement  inadmissible  pour  les  monnaies  de  grand 
module  et  les  monnaies  d'Orode  III  où  la  légende  royale  est  placée  autour  de  l'effigie.  D'ailleurs, 
pour  les  premières  monnaies  de  la  série,  celles  des  Kamnaskirès,  il  est  incontestable  que  le  nom 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 

HADJI 

-  ABAD 

tu 
■w 

i^  ^ 

A 

,1-LO 

^ 

VALEUR 

ORODE  I  ET  ORODE  II 

(petit  module) 

CHALDÉO-PEHLVIES 

ORODE  I  ET  ORODE  II 

(grand  module) 

et  monnaies  postcrieiircà 

MIXTES 

BARBARES 

UJ 

-S 

Q 

< 

U 

< 

i 
-J 

< 
< 

/S  0, 

I  u 
U  < 

K  < 

Q 

■w 

p 
< 

< 

N   2i 

iS  ^^^s^ 

o  ^ 

M  «i 

As> 

-U 

V 

^ 

^ 

U 

û 

K- 

1  b 

^  3>  ^ 

^2Ï5? 

^  5 

!3 

) 

> 

^ 

— > 

7 

^ 

rD 

^  ^ 

^ 

:>■ 

•1 

1 

>v. 

^ 

^1 

Tel 

tf^xt  "^ 

^n^^I 

5^ 

1 

3 

i 

-H 

f 

MH 

Ji 

^ 

n  h 

"^/îî)  D 

en 

rri 

^ 

An 

/r< 

ux- 

m 

1    a 

9  Hp!> 

)H> 

J)> 

7 

l 

^ 

-1 

-I 

S) 

^ 

A 

r  2 

^ 

f 

S 

7 

1 

î 

\ 

• 

A/ 

j^J 

;? 

H 

H 

M  M 

£> 

^ 

\ni 

* 

<i 

6 

 

\ 

•^    i 

)  Mo 

5  0 

/ 

J 

\ 

H 

^ 

î 

c 

> 

!)  k 

y  ^-i>^y 

ï^f^^ 

^^ 

y 

i 

1 

f 

1 

M7 

^ 

1 

Î3  J 

JJJ) 

JJin 

j^i 

1 

J 

i 

[ 

) 

I^ 

J 

-1 

r)m 

y^  fpH^ 

-ç.  K 

^ 

i> 

-7) 

5 

^ 

% 

•Ax 

irl 

!P=^ 

1  11 

JP>f 

j 

r 

L 

> 

"l 

V 

V^ 

b  5 

j) 

n 

> 

i 

, 

J><a 

Oû 

1/  " 

V 

u 

^ 

:s^ 

&  p 

^  A 

L 

Q- 

:) 

1 

0 

P 

>^ 

ii 

s  ç 

l 

f^ 

«v 

V 

^ 

p  q 

T) 

^ 

^-) 

M 

X) 

1  r 

v^^'^^y 

<^^  y 

> 

1 

y 

^ 

y 

±i 

^  I 

1 

V 

^  s 

^^^ 

^ 

^ 

U 

t^ 

s/ 

c 

e; 

V 

*  1 

h  t 

r) 

Û 

/^ 

^ 

h 

h  n 

^ 

^  i 

FiG.  334. 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


s'applique  bien  à  l'effigie.  On  ne  peut  donc  hésiter  qu'entre  deux  hypothèses:  ou  bien  les  Orode 
et  les  Phraatc  de  l'Élyma'ide  sont  identiques  à  leurs  homonymes arsacides  et,  alors,  il  faut  chercher 
à  expliquer  les  différences  de  coiffure  et  d'efligie  par  des  influences  locales,  ou  bien  ce  sont  des 
personnages  différents. 

Gutschmidt,  dans  son  histoire  de  l'Iran,  incline  vers  la  deuxième  opinion,  en  se  basant  sur 
ce  simple  fait  que  ces  souverains  s'intitulent  seulement  BAHIAEï'X  ou  MaLKA,  alors  que  les 
grands  rois  arsacides  s'intitulent  BASllAEYS  BASIAEON  ;  il  ajoute  qu'il  n'est  pas  du  tout  prouvé 
que  ces  mêmes  MaLKA  aient  régné  sur  la  Perside  ;  les  provenances  des  monnaies  de  Kamnas- 
kirès  le  conduisent  à  penser  à  une  contrée  plus  occidentale,  vraisemblablement  l'Élyma'ide,  qui  a 
pu  empiéter  plus  ou  moins  sur  le  domaine  des  rois  de  Persépolis,  sans  qu'il  en  résulte  pour  cela, 
comme  le  veut  Mordtmann,  une  interruption  dans  la  succession  de  ces  rois  et  dans  leur  mon- 
nayage. 

Les  assertions  de  Gutschmidt  méritent  d'être  sérieusement  examinées;  nous  pensons,  comme 
lui,  que  les  monnaies  des  Kamnaskirès,  aussi  bien  que  celles  de  leurs  successeurs  Orode  et  Phraate, 
nettement  distinctes  des  monnaies  persépolitaines  au  type  du  pyrée,  ont  été  émises  dans  une 
région  que  nous  appelons  indifféremment  Élymaïde  ou  Susiane,  dans  l'impossibilité  où  nous 
sommes  d'en  préciser  les  limites.  On  a  trouvé  des  monnaies  des  Kamnaskirès  à  Hamadan,  àSuse, 
à  Schuster,  à  Chiraz,  peut-être  même  à  Bagdad  ;  c'est  tout  ce  que  nous  savons. 

Quant  à  la  personnalité  des  successeurs  de  Kamnaskirès,  il  nous  est  difficile  d'abandonner 
entièrement  l'opinion  de  Mordtmann  pour  nous  ranger  à  celle  de  Gutschmidt  qui  ne  voit  rien  de 
commun  entre  eux  et  leurs  homonymes  arsacides  ;  il  est  un  fait  indéniable  qui  doit  dominer  toute 
la  discussion  :  il  est  certain  que  nous  voyons  succéder  en  Elymaïde  à  une  longue  dynastie  qui 
porte  uniformément  le  nom  de  Kamnaskirès,  des  souverains  qui  ont  des  noms  arsacides  Orode  et 
Phraate.  D'un  autre  côté,  les  symboles  séleucides  et  achéménides  de  l'ancre  et  du  croissant  ponc- 
tué, qui  se  voient  sur  les  monnaies  des  derniers  Kamnaskirès,  se  montrent,  peu  après,  sur  les 
monnaies  du  roi  arsacide  Orode  L'  et,  en  même  temps,  sur  les  monnaies  élyméennes  au  nom 
d'Orodc.  L'analogie  ne  s'arrête  pas  là,  car  non  seulement  les  symboles  accessoires  sont  communs 
aux  deux  catégories  de  monnaies,  mais  il  en  est  de  même  des  types  principaux  de  revers,  tels  que 
l'aigle  et  l'ancre  séleucide;  il  y  a  là  des  coïncidences  multiples,  trop  parfaites  pour  qu'elles  soient 
fortuites,  et  l'on  ne  saurait  nier  qu'il  n'existe  un  rapport  étroit  entre  le  premier  Orode  de  Susiane 
et  le  roi  parthe  de  même  nom.  Tout  concourt  à  faire  supposer  que  cette  dynastie,  qui  substitue 
aux  monnaies  anépigraphes  défigurées  du  dernier  des  Kamnaskirès,  des  monnaies  où  sont  écrits 
en  grec  les  noms  d'Orode  et  de  Phraate,  est  une  dynastie  orodienne. 

Voilà  le  fait  capital,  incontestable. 

Orode  I",  roi  des  Partheset  roi  des  rois,  a-t-il  régné  lui-même  en  Susiane  et  y  a-t-il  frappé 
des  monnaies,  s'intitulant  seulement  roi,  en  tant  que  souverain  particulier  de  cette  contrée,  ou 
bien  a-t-il  confié  immédiatement  la  royauté  de  la  province  nouvellement  conquise  à  son  fils  Orode 
dont  nous  avons  des  monnaies  indiscutables  avec  la  léeende  URUD  xVIaLKA  BaRI  URUD, 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE  221 


Orode  roi,  fils  dOrode  ?  A  en  croire  Gutschmidt,  le  fait  seul  que  ces  monnaies  ne  portent  pas  le 
titre  de  roi  des  rois  suffit  pour  les  faire  refuser  au  grand  roi  arsacide  Orode  I".  L'argument  ne 
paraît  pas  pôremptoire,  car  on  connaît  des  drachmes  arsacides  à  légende  aramcenne  de 
Mithridate  IV  et  de  ses  successeurs,  où  les  souverains  ne  prennent  que  le  titre  de  MaLKA,  alors 
que  leurs  tétradrachmes  portent  celui  de  BAIIAEYI  BAIlAEnN.  Il  n'y  a  donc  nulle  impossibilité 
à  attribuer  à  Orode  I"  les  monnaies  au  nom  d'Orode  roi. 

Nous  lui  donnons  toutes  les  monnaies  du  type  Aa  au  buste  de  profil  à  la  tiare  ornée 
de  l'ancre,  parmi  lesquelles  figurent  les  seules  pièces  qui  portent  la  légende  grecque  YPfiAH 
BAZIA€T2,  et  les  pièces  au  revers  de  l'ancre  dans  une  couronne  de  laurier,  qui  me  paraissent  faire 
allusion  à  la  conquête  de  l'Elymaïde  ;  une  seule  pièce  à  légende  araméenne  URUD  iViaLKA 
semble  revenir  à  Orode  I"  :  c'est  la  pièce  de  grand  module  du  type  Aa. 

On  peut  objecter  à  cette  attribution  qu'il  existe  des  différences  notables  entre  l'effigie  avec 
tiare  des  monnaies  de  Susiane  et  l'effigie  des  monnaies  arsacides  d'Orode  où  il  est  toujours  figuré 
la  tête  nue.  L'objection  est  assez  sérieuse,  mais  non  décisive.  Il  existe,  dans  la  série  arsacide,  avant 
et  après  Orode,  plusieurs  souverains  qui  se  font  représenter  tantôt  avec  la  tète  nue,  tantôt  avec 
la  tiare  ;  il  n'y  a  donc  rien  de  très  étonnant  à  voir  Orode  agir  de  même.  On  pourrait  trouver 
également  des  dissemblances  dans  les  traits  du  visage,  dans  la  longueur  de  la  barbe  ;  elles 
existent  en  effet,  mais  elles  s'atténuent  singulièrement,  si  l'on  prend  pour  point  de  comparaison 
les  drachmes  arsacides  des  dernières  années  du  règne  d'Orode  :  la  barbe  y  est  plus  développée  et, 
somme  toute,  il  n'y  a  pas  d'incompatibilité  dans  l'ensemble  de  la  physionomie  entre  les  deux  caté- 
gories de  monnaies,  si  toutefois  Ion  fait  abstraction  de  quelques  pièces  absolument  barbares  de 
la  série  susienne  qui  sont  sans  valeur  au  point  de  vue  iconographique. 

Avec  les  pièces  d'Orode  I",  nous  voyons,  mélangées  dans  la  trouvaille  de  1900,  des  monnaies 
au  nom  d'Orode,  fils  d'Orode  et  au  nom  de  Phraate.  Nous  pouvons  donc  classer,  avec  une  grande 
vraisemblance,  parmi  les  rois  de  Susiane  un  Orode,  fils  d'Orode  roi  des  Parthes,  dont  l'histoire 
ne  nous  avait  pas  conservé  le  nom.  Quant  au  Phraate  dont  les  monnaies  se  trouvent  réunies  aux 
siennes,  faut-il  voir  en  lui  son  fils  ou  son  frère,  l'Arsacide  Phraate  IV?  Les  mêmes  raisons  qui 
portent  à  identifier  Orode  roi  des  Parthes  avec  Orode  de  Susiane,  conduisent  à  croire  à  l'identité 
des  deux  Phraate  :  sur  leurs  monnaies,  mêmes  symboles  et  mêmes  types  de  revers  ;  ajoutons 
que  le  symbole  achémênide  du  croissant  ponctué,  qui  est  un  des  symboles  préférés  de  Phraate  IV 
sur  ses  drachmes  arsacides,  parait  avoir  également  une  importance  toute  spéciale  sur  les  mon- 
naies de  Phraate  de  Susiane,  qui  non  seulement  le  fait  figurer  dans  le  champ  de  ses  monnaies, 
mais  l'arbore  comme  ornement  principal  de  sa  tiare. 

Si,  comme  il  est  permis  de  le  croire,  Phraate  IV  a  régné  en  Susiane  comme  son  frère 
Orode,  dans  quel  ordre  faut-il  ranger  les  deux  frères  dans  la  succession  des  rois  de  Susiane  ?  Je 
n'hésite  pas  à  placer  Phraate  après  Orode  ;  nous  connaissons,  par  les  tétradrachmes  arsacides, 
l'effigie  des  premières  années  de  Phraate  IV,  elle  est  presque  imberbe  ;  toutes  ses  effigies  des 
monnaies  de  Susiane  ont,  au  contraire,  une  très  forte  barbe,  ce  qui  doit  faire  supposer  qu'il  n'a 


222  MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


occupé  le  trône  de  Susiane  que  dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  c'est-à-dire  postérieurement 
à  son  frère. 

Ce  point  admis,  nous  pouvons  hasarder  les  hypothèses  suivantes  : 

Orode  I",  à  une  date  qu'il  est  impossible  de  préciser,  mais  qui  doit  être  postérieure  à  la  défaite 
de  Crassus  (54  avant  J.-C),  s'empare  de  l'Élymaïde  et  y  émet  des  monnaies  en  son  nom  avec  le 
symbole  séleucide,  qui  paraît  être  là  l'emblème  de  la  Susiane  ;  c'est  à  ce  moment  vraisemblable- 
ment que  le  même  symbole  apparaît  sur  ses  drachmes.  Quelques  années  avant  sa  mort,  peut-être 
en  même  temps  que  Pacore  son  fils  aîné  domine  en  Syrie,  son  second  fils  Orode  devient  roi  de 
Susiane  et  y  frappe  des  monnaies  avec  la  légende  KaBNaHZKIR  URUD  MaLKA  BaR  URUD 
MaLKA,  dans  laquelle  il  accole  à  son  nom  le  titre  des  rois  de  l'ancienne  dynastie,  tout  en  ayant 
soin  de  rappeler  son  origine  orodienne.  Les  autres  monnaies  à  légende  réduite,  KUMaSKIR  URUD 
MaLKA,  URUD  MaLKA  BaRI  URUD,  URUD  MALKA  doivent  être  postérieures.  Si  l'on  en 
juge  par  la  grande  variété  des  types  et  des  légendes  de  ses  monnaies,  le  règne  d'Orode  II  a  été 
long  ;  par  suite  de  quelles  circonstances  Phraate  IV  vient-il  reprendre  possession  du  trône  de 
Susiane,  nous  ne  le  savons  pas  ;  ce  qu'il  y  a  de  certain  c'est  qu'il  substitue  des  légendes  grecques 
aux  légendes  araméennes  et  que  son  monnayage  présente  un  nombre  de  types  assez  restreint.  Très 
dubitativement  nous  attribuons  à  son  fils  Phraatake  une  monnaie  à  légende  grecque  ;  son  règne 
en  Susiane  dût  être  éphémère,  car  cette  monnaie  était  unique  dans  la  trouvaille  de  1900  et  n'a 
pas  été  signalée  dans  les  trouvailles  précédentes. 

L'attribution  à  Phraatake  est  sans  doute  très  contestable  :  outre  l'incertitude  très  grande  de 
la  légende,  l'effigie  avec  la  coiffure  relevée  sur  la  tête,  diffère  assez  notablement  de  celle  qui  est 
attribuée  à  ce  prince  sur  les  monnaies  arsacides.  Nous  tenons  néanmoins  à  faire  à  ce  sujet  quelques 
observations:  si  l'on  veut  bien  se  reporter  aux  figures  n°  14  (PI.  XVII;  10,  PI.  XX;  10,  11,  12, 
PI.  XXII  ;  I,  PI.  XXIII  ;  2,  PI.  XXIV)  du  catalogue  des  monnaies  parthes  du  British-Museum, 
qui  représentent  des  drachmes  d'Orode,  de  Phraate  IV  et  de  Phraatake,  on  remarque  que  la  tête 
affecte  une  forme  en  pointe  très  caractérisée  et  que  le  diadème  n'est  pas  précisément  sur  le  front 
et  semble  entourer  la  partie  supérieure  de  la  chevelure,  si  bien  que,  sur  quelques-unes  de  ces 
pièces  et  particulièrement  sur  celles  qui  ont  un  caractère  barbare  comme  le  n"  i  (PI.  XXIII),  la 
disposition  de  la  coiffure  a  la  plus  grande  analogie  avec  celle  qui  se  voit  sur  les  monnaies  de 
Susiane  et  qui,  d'ailleurs,  se  montre  dans  la  série  arsacide  elle-même,  un  peu  plus  tard  sous 
Chosroès. 

Nous  classons  ensuite  un  inconnu  X...,  puis  un  Orode  III  portant  une  coiffure  analogue  à 
celle  de  Phraatake,  auquel  reviennent,  de  droit,  les  bustes  de  profil  entourés  de  la  légende  ara- 
méenne  URUD  MaLKA  (PI.  XIV,  162-166);  nous  lui  ajoutons,  en  toute  certitude,  les  mêmes 
bustes  anépigraphes  167,  168  et  dubitativement,  en  raison  d'une  certaine  analogie  d'effigie,  les 
bustes  de  face  à  revers  variés  1  54-164  (i  ). 


(i)  Ces  bustes  pourraient  également  être  attribués  à  Piiraatake. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE  22^ 


Ces  monnaies  très  abondantes  dans  les  trouvailles  précédentes,  manquant  complètement 
dans  celles  de  1900,  doivent  être  classées  chronologiquement  après  les  plus  récentes  de  cette  der- 
nière trouvaille,  c'est-à-dire  après  Phraatake.  C'est  l'opinion  de  Mordtmann  qui  attribue  les 
monnaies  à  la  légende  URUD  MaLKA  à  Orode  II  de  Susiane,  qu'il  considère  comme  identique 
avecOrode  II  qui  a  régné  sur  les  Parthes  après  Phraatake.  Joseph  (i)  nous  apprend  qu'à  la 
mort  de  celui-ci,  les  seigneurs  de  la  Perse,  voulant  mettre  sur  le  trône  un  prince  de  sang  arsacide, 
envoyèrent  des  députés  pour  offrir  la  couronne  à  Orode,  personnage  qui  appartenait  à  la  famille 
royale.  Il  est  naturel  d'admettre  que  cet  Arsacide  était  précisément  un  des  Orode  de  la  dynastie 
régnant  en  Susiane  ;  ne  voyons-nous  pas  à  plusieurs  reprises  des  souverains  des  contrées  voisines, 
tels  qu'Artaban  III  et  Vononés  II,  qui  étaient  rois  des  Mèdes,  placés  sur  le  trône  des  grands  rois? 
L'hypothèse  de  Mordtmann  devient  d'autant  plus  plausible,  que  nous  pouvons  maintenant 
établir,  avec  une  grande  vraisemblance,  la  filiation  de  cet  Orode  II  qui  est  notre  Orode  III. 

Le  tableau  généalogique  ci-dessous  précise  sa  position  dans  la  famille  arsacide 

Orode  h'"",  roi  des  Parthes. 


Pacore  Orode  II,  roi  de  Susiane  Phraate  IV 

i  I 

Orode  III.  roi  de  Susiane  Phraatake. 

I 
Orode  I\  ,  roi  de  Susiane. 

Orode  III  (II  de  Mordtmann)  appartenait  probablement  à  la  branche  aînée,  qui  n'avait  pas, 
comme  celle  de  Phraate  IV,  adultéré  le  sang  royal  qu'il  tenait  de  l'alliance  d'Orode  avec  une  prin- 
cesse sélcucide,  par  un  mariage  avec  une  vile  esclave;  il  avait  donc  tous  les  droits  possibles  à 
occuper  le  trône  des  grands  rois.  Néanmoins,  avant  d'admettre  son  identité  avec  Orode  II,  roi 
des  Parthes,  il  convient  d'examiner  si  ce  ne  serait  pas  plutôt  le  fils  d'Orode  I"  lui-même,  c'est- 
à-dire  notre  Orode  II,  lequel  a  été  inconnu  à  Mordtmann,  qui  aurait  été  appelé  au  trône  des  Arsa- 
cides.  Nous  avons  admis  pour  la  succession  des  rois  de  Susiane  la  suite,  Orode  I'',  Orode  II, 
Phraate  IV,  Phraatake,  Orode  III  :  mais,  de  ce  que  Orode  II  a  été  remplacé  par  Phraate  IV,  à  la 
suite  d'une  de  ces  dissensions  si  fréquentes  dans  la  famille  des  Arsacides,  il  ne  résulte  pas  qu'il 
soit  mort  à  cette  époque.  Il  se  peut  qu'il  ait  cherché  un  refuge  chez  quelque  peuple  voisin, 
comme  le  fit  Phraate  IV  lors  de  ses  démêlés  avec  Tiridate,  et,  par  suite,  nous  pouvons  le  retrouver 
dans  le  personnage  auquel  les  seigneurs  de  la  Perse  envoient  des  députés  à  la  mort  de  Phraatake 
et  qui  régna  à  Ctésiphon  sous  le  nom  d'Orode  II.  De  cet  Orode  II  nous  connaissons  l'effigie  par 
un  tétradrachme  du  Musée  de  Berlin,  dont  le  catalogue  du  British  Muséum  nous  donne  une 
très  bonne  photographie  :  la  barbe  très  longue,  la  maigreur  et  certains  traits  de  la  physionomie 
me  paraissent  indiquer  un  vieillard  tel  que  pouvait  l'être  notre  Orode  II  de  Susiane.  Nous  pou- 

(i)  Joseph,  Ant.  jud.,  \.  XVIII,  2,  4. 


224  MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


vons  préciser  son  âge  à  l'époque  où  a  été  frappé  le  tétradrachme  du  Musée  de  Berlin,  daté  de 
ZIT,  317  Séleucide=:  5  après  J.-C.  Nous  savons  que  Pacore,  fils  aîné  d'Orode  I"  est  mort  très 
jeune  en  2715  Séleucide  =  38  avant  J.-C.  Si  l'on  admet  qu'Orode  II,  son  frère  puîné,  avait  à  cette 
époque  30  ans,  il  aurait  eu  73  ans  en  l'an  V  de  l'ère  chrétienne  ;  cet  âge  n'est  pas  incompatible 
avec  l'efFigie  du  tétradrachme.  Il  n'y  a,  d'ailleurs,  pas  d'inconvénient  à  admettre  qu'il  soit  monté 
sur  le  trône  à  un  âge  aussi  avancé  ;  nous  avons  de  nombreux  exemples  de  faits  semblables  dans 
l'histoire  des  Arsacides.  Si,  au  contraire,  c'est  Orode  III  que  l'on  veut  identifier,  il  faut  trouver 
dans  l'effigie  du  tétradrachme  de  Berlin,  celle  d'un  homme  d'une  quarantaine  d'années  ;  en  sup- 
posant que  cela  soit  possible,  l'identification  se  heurte  à  une  autre  difficulté  :  d'après  la  variété 
du  monnayage  d'Orode  III,  il  faut  lui  assigner  un  règne  assez  long,  qui  ne  peut  trouver  place 
dans  les  quatre  années  qui  s'écoulent  entre  la  mort  de  Phraatake  et  celle  de  son  successeur 
Orode  II. 

Ces  considérations  fort  hypothétiques,  il  est  vrai,  nous  conduisent  à  croire  que  c'est  Orode  II, 
fils  d'Orode,  qui  a  régné  chez  les  Parthes  sous  le  nom  d'Orode  II,  et  qu'au  moment  où  il  a  pris 
possession  du  trône  des  Arsacides,  son  fils  Orode  III  inaugure  en  Susiane  un  règne  assez  long, 
auquel  appartiennent  les  monnaies  à  légende  URIJD  MaLKA,  au  revers  de  la  reine  ULFAN. 

Il  est  lui-même  remplacé  par  Orode  IV  dont  l'effigie  est  très  analogue  à  la  sienne  et  qui 
frappe  des  monnaies  à  légende  URUD  MaLKA  et  des  monnaies  anépigraphes,  les  unes  et  les 
autres  au  revers  du  buste  d'Artémis  de  profil. 

Après  Orode  IV,  l'incertitude  augmente,  nous  attribuons  à  des  inconnus  Y...  et  Z...  des 
monnaies  dont  les  effigies  ne  diffèrent  entre  elles  que  par  quelques  détails  de  la  coiffure  et  qui 
portent  au  revers  l'ancien  tvpe  de  l'Artémis  chasseresse,  plus  barbare  encore  que  sur  les  monnaies 
de  Phraate. 

Le  dernier  roi  représenté  sur  nos  planches  est  caractérisé  par  le  type  de  Pallas  qui  figure  au 
revers  ;  nous  avons  déjà  signalé  qu'un  type  semblable  se  voit  sur  des  monnaies  arsacides  du  sou- 
verain qu'avec  de  Longpéricr  nous  appelons  Vologèse  IL  Nous  le  trouvons  sur  une  monnaie  de 
cuivre  de  ce  prince  (n"  8,  PI.  XXIV  du  catalogue  du  British  iVluseum  et  n°  3  PI.  XX  de  la  collec- 
tion Pétrowicz.)  D'autre  part,  si  l'on  veut  bien  se  reporter  à  cette  dernière  planche  et  examiner 
attentivement  l'effigie  de  Vologèse  II  et  particulièrement  celle  de  la  drachme  n°  2,  on  pourra  y 
retrouver  certains  caractères  iconographiques  de  l'effigie  de  notre  roi  de  Susiane  figuré  aux 
n"  184,  186;  c'est  le  même  nez  long  et  pointu,  le  même  prognathisme  très  accentué.  Cette  double 
coïncidence  de  l'avers  et  du  revers  m'a  conduit  à  supposer  qu'il  pouvait  y  avoir  identité  de  per- 
sonne, et  j'ai  attribué  dubitativement  à  Vologèse  II  les  monnaies  susiennes  au  type  de  Pallas. 

J'ai  déjà  fait  remarquer  à  propos  de  la  liste  chronologique  des  souverains  arsacides,  mais 
je  tiens  à  le  répéter,  que  la  date  de  la  fin  du  règne  de  Vologèse  II  était  très  douteuse  et  qu'on 
devraitlui  restituer  une  partie  des  monnaiesqu'ondonned'ordinaire  à  Vologèse  III.  Laplanche  XX 
de  la  collection  Pétrowicz  est  intéressante  à  cet  égard  parce  qu'elle  présente,  réunies  sur  une 
même  page,  les  effigies  attribuées  à  ces  deux  souverains.  Je  trouve,   qu'abstraction  faite  de  la 


MONNAIES  DE  L'ELYxMAIDE  225 


tiare,  l'effigie  de  la  drachme  n"  14  de  Vologèse  III  est  singulièrement  analogue  à  celle  de  la 
drachme  n"  2  de  Vologèse  II  ;  l'analogie  se  poursuit  entre  le  tétradrachme  n°  i  à  tête  diadémèc 
de  Vologèse  II  et  le  tétradrachme  avec  tiare  n°8  ;  on  ne  me  fera  jamais  croire  que  l'efTigie  de  ce 
dernier  tétradrachme  frappé  en  BUT  (389  Séleucide)  puisse  être  celle  de  Vologèse  III,  qui  en 
HNY  (459  Séleucide),  c'est-à-dire  70  ans  après,  émettait  des  tétradrachmes  dont  l'efïîgie  ne  paraît 
pas  plus  âgée.  Quoi  qu'il  en  soit  c'est  à  Vologèse  II  que  je  crois  pouvoir  attribuer  les  dernières 
monnaies  de  la  planche  XIV. 

Ici  s'arrêtait  ma  liste  des  rois  de  Susiane,  lorsque  j'ai  eu  connaissance  des  deux  monnaies 
de  Chosroès  de  la  collection  Pétrowicz  dont  j'ai  donné  des  dessins  (fig.  329,  n°'  3  et  4).  J'ai  discuté 
longuement  les  raisons  qui  me  portent  à  admettre,  malgré  l'incertitude  de  la  légende,  leur  attri- 
bution à  Chosroès,  mais  à  les  classer  à  l'Èlymaïde.  Chosroès  serait  donc  le  dernier  roi  de  cette 
contrée  dont  les  monnaies  nous  soient  connues.  Ces  pièces  sont  d'une  fabrique  bien  supérieure  à 
celle  des  souverains  précédents  et  leur  poids  de  3''',5o  est  également  plus  fort  que  celui  des  pièces 
des  monnaies  postérieures  à  Orode  IV  qui  descend  souvent  à  2°', 00  et  exceptionnellement  à  \°\'^o 
(PI.  XIV,  178).  D'ailleurs,  les  fluctuations  que  l'on  constate  dans  la  fabrique  et  le  ppids  des  mon- 
naies de  l'Èlymaïde,  entre  l'époque  d'Orode  et  celle  de  Chosroès,  n'ont  rien  qui  doive  nous  sur- 
prendre, car  on  les  remarque  également  dans  le  monnavage  de  bronze  arsacide  :  assez  régulier 
sous  Orode  et  ses  premiers  successeurs,  il  présente  une  dégénérescence  marquée  sous  Gotarzès 
et  les  premiers  Vologèse,  et  se  relève  d'une  façon  très  remarquable  sous  Chosroès. 

Cette  coïncidence,  ajoutée  aux  arguments  que  nous  avons  développés,  semble  prêter  quelque 
vraisemblance  au  classement  chronologique  que  nous  proposons. 

Nous  ne  voulons  pas  nous  dissimuler  qu'il  est  susceptible  de  donner  lieu  à  quelques  critiques 
et  que  l'on  pourrait  formuler  notamment  les  objections  suivantes  : 

1°  Les  monnaies  frappées  en  Susiane  au  nom  d'Orode  diffèrent  assez  notablement  de  celles 
du  grand  roi  arsacide  de  même  nom  par  les  détails  de  la  coiffure,  l'effigie,  l'emploi  de  l'écriture 
araméenne  et  la  fabrique  ;  d'une  façon  générale  elles  se  rapprocheraient  davantage  des  monnaies 
arsacides  postérieures. 

2°  La  même  observation  peut  s'appliquer  aux  monnaies  qui  portent  le  nom  de  Phraate  et 
plus  encore  à  celles  attribuées  dubitativement  à  Phraatake,  lesquelles  rappellent,  sous  bien  des 
rapports,  les  monnaies  du  roi  parthe  Chosroès. 

3°  Comme  conséquence,  les  premiers  successeurs  de  Kamnaskirôs,  Orode  I'',  Orode  II, 
Phraate,  n'ont  rien  de  commun  avec  les  grands  rois  homonymes  arsacides  et  ils  n'auraient  régné 
en  Susiane  qu'à  une  époque  voisine  du  règne  de  Chosroès  ;  les  monnaies  non  comprises  dans  la 
trouvaille  de  1900  et  figurées  à  la  planche  XIV,  correspondent  à  une  période  postérieure  assez 
longue,  qui  pourrait  s'étendre  jusque  vers  la  fin  de  la  dynastie  arsacide. 

Cette  hypothèse  de  l'existence  en  Susiane  d'une  dynastie  distincte  de  celle  des  grands  rois,  a 
été  proposée  par  Gutschmid  et  parait  assez  plausible,  mais  elle  se  heurte,  comme  la  première,  à 
bien  des  difficultés  ;  si  l'on  hésite,  en  raison  des  dissemblances  des  effigies  et  de  la  fabrique,  à 

29 


226  MONNAIES  DE  L'ELYMAÎDE 


admettre  la  fusion  des  dynasties  arsacide  et  susienne  à  l'époque  d'Orode  I",  il  est  difficile, 
en  présence  des  spécimens  de  la  collection  Pétrowicz  qui  sont  représentés  à  notre  figure  329 
n°'  3  et  4,  de  méconnaître  qu'elle  existe  sous  Chosroès  I".  Le  principe  de  la  séparation  des 
dynasties  n'est  donc  pas  aussi  absolu  que  le  pensait  Gutschmid  et  ne  saurait,  par  suite,  être 
invoqué  comme  un  argument  décisif  pour  faire  retirer  à  des  Arsacides  antérieurs  le  titre  de  roi 
de  Susiane. 

D'autre  part,  la  barbarie  du  monnayage,  sur  laquelle  on  peut  être  tenté  de  s'appuyer  pour 
faire  reculer  l'époque  de  l'émission  en  Susiane  des  monnaies  d'Orode  et  de  ses  successeurs,  n'est 
pas  aussi  générale  qu'on  pourrait  le  penser;  notre  pièce  n°  70  (PI.  XII),  d'Orode  II,  avec  sa  tête 
de  trois  quarts  expressive  et  bien  modelée,  est  d'un  très  beau  travail  qui  ne  rappelle  nullement 
la  basse  époque  de  la  dynastie  arsacide.  D'une  manière  générale  les  petites  pièces  présentent,  à 
vrai  dire,  une  certaine  rudesse  de  travail,  mais  plusieurs  d'entre  elles,  et  particulièrement  de  celles 
au  buste  de  face,  ont  conservé  des  qualités  de  modelé  et  de  relief  qu'on  chercherait  vainement 
dans  les  drachmes  arsacides  à  partir  du  règne  de  Gotarzès.  En  un  mot,  ce  monnayage  de  l'Ély- 
maïde  est  tout  à  fait  spécial  et  très  différent  du  monnayage  arsacide  ;  il  est  donc  bien  difficile  de 
tirer  de  la  comparaison  des  produits  de  l'un  et  de  l'autre  des  déductions  chronologiques  positives. 
L'étude  comparative  des  légendes  araméennes  ne  conduit  pas  à  des  conséquences  plus  certaines; 
les  drachmes  arsacides  qui  portent  ces  sortes  de  légendes  ont  été  frappés  vraisemblablement  à 
Ctésiphon  et  nous  n'avons  pas  de  raisons  suffisantes  pour  affirmer  que  l'écriture  y  ait  suivi  les 
mêmes  phases  qu'en  Susiane. 

Enfin  les  présomptions  qui  peuvent  militer  en  faveur  de  l'hypothèse  de  l'existence  en  Susiane 
d'une  dvnastie  distincte,  n'infirment  pas  les  arguments  "contraires  basés  sur  les  nombreuses 
coïncidences  que  nous  avons  signalées  dans  les  types  et  les  symboles  des  monnaies  parthes  et 
susiennes  des  rois  homonymes  Orode  et  Phraate. 

En  résumé,  la  numismatique  de  la  Susiane,  absolument  inconnue  il  y  a  quarante  ans,  est 
encore  dans  la  période  des  tâtonnements:  entre  deux  hypothèses,  l'une  et  l'autre  discutables, 
nous  avons  adopté,  comme  Mordtmann  et  M.  de  Markofî,  l'hypothèse  qui  voit  dans  Orode-le- 
Grand,  le  conquérant  de  l'Élymaïde  et  le  fondateur  de  la  dynastie  qui  a  remplacé  celle  des  Kamnas- 
kirès  et  nous  avons  cherché  péniblement  à  reconstituer,  tant  bien  que  mal,  la  liste  chronologique 
des  successeurs  d'Orode  en  Susiane,  en  n'y  laissant  subsister  qu'un  petit  nombre  d'anonymes. 
Mais,  qu'on  ne  s'y  méprenne  pas  :  ce  n'.est  là  que  le  développement  d'une  hypothèse;  nous  aurions 
dû  peut-être  nous  montrer  plus  réservé  et  nous  contenter  des  seuls  noms  indiscutables  d'Orode  l", 
Orode  II  et  Phraate,  rangeant  tous  les  autres  parmi  les  inconnus.  Nous  avons  préféré,  dans 
l'intérêt  même  des  études  qui  nous  sont  chères,  suivre  une  marche  plus  téméraire,  en  assignant 
des  noms  plus  ou  moins  hypothétiques  à  la  grande  majorité  des  souverains  représentés;  par  ce 
moyen,  nous  leur  créons  une  personnalité  mieux  définie,  plus  facilement  discutable  et  nous  évi- 
terons peut-être  que  leurs  monnaies,  confondues  dans  les  collections  dans  la  catégorie  des  incon- 
nues, ne  soient  exposées  à  disparaître.  Notre  classement  provisoire  sera  certainement  discuté  et 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


227 


modifié,  peut-être  même  bouleversé  de  fond  en  comble  :  les  matériaux  qui  ont  servi  à  l'édifier 
subsisteront. 

Je  résume  dans  le  tableau  qui  suit  l'ensemble  du  monnayage  de  bronze  de  l'Élymaïde;  pour 
en  réduire  le  développement,  j'ai  négligé  quelques  variantes  secondaires,  en  particulier  celles  qui 
concernent  l'écriture  des  légendes  grecques  ;  je  n'ai  pas  distingué  non  plus  les  pièces  qui  ne 
diflfèrent  que  par  la  présence  du  symbole  a  ou  d'un  point  dans  le  champ,  ou  bien  par  le  nombre 
des  traverses  de  l'ancre;  j'ai  également  réuni  toutes  les  pièces  d'Orode  II  du  type  Bb  qui  ont 
comme  revers  des  points,  traits  ou  lettres  défigurées. 

Enfin  j'ai  employé  quelques  abréviations:  a.c.  .,  a.  c.-i-,  a.  c.  >K,  indiquent  la  réunion 
des  symbples  de  l'ancre  et  du  croissant  avec  point  ou  astre,  placés  à  droite  du  buste,  dans  la 
position  habituelle  qu'ils  occupent  sur  toutes  les  pièces  de  la  trouvaille.  Les  abréviations  B.  d., 
B.  g.,  B.  f.  doivent  se  lire  :  Buste  à  droite,  à  gauche,  de  face.  Toutes  les  pièces  sauf  celles  qui 
portent  l'indication  G.  m.  =  Grand  module,  sont  de  petit  module. 


Désignation 

sur 
les  planches. 

■39 
1-16 


Kamnaskirès  IV. 
Type  Ba.  —  B.  diadème  à  gauche  avec  la  coiffure  des  Kamnaskirès. 


T.  Ba.  Cm a.  c. 

— a.  c. 


Type  dégénéré  du  grand  roi  Kamnaskirès. 
Traits  irrés^uliers. 


18-30 

17 
140 

141 

3'-37 
58-4» 


14: 

145 
144 


146 
41-4} 
44-47 


48-60 

61,  62,  147 

63-69 


Orode  1'='^  (Orode  I",  ROI  DES  Parthes). 

I.  Type  Aa.  —  B.  à  gauche  avec  tiare  ornée  d'une  ancre. 

B.  d.  Artémis,  :"  type  YPÛAHS  BASIAEYS. 

Points  allongés. 

B.  g.  de  la  fortune  avec  corne  d'abondance. 

B.  d.  —  — 

Ancre  dans  une  couronne  de  lauriers  souvent  indistincte. 

Points  allongés. 


T.  Aa a.  c 

—     Gm.  URUD  MaLKA a.  c 

— a.  c 

— a.  c 

— a.  c 

— a.  c 


II.  Type  Ad.  —  B.  de  face  avec  tiare  sa?is  croissants,  avec  cordon  perlé. 

T.  Ad a.  c. 

—         a.  c. 

—         a.  c.    • 


Aigle  à  g.  tenant  un  diadème  dans  son  bec. 

Aigle  à  d.  —  — 

Double  diadème  accosté  de  2  croissants  ponctués 


Orode  II  (fils  cI'Orode,  plus  tard  roi  des  Parthes). 

I.  Type  Ae.  —  B.  dejace  avec  tiare  sans  croissants,  à  aigrettes. 

T.  Ae.  Cm.  URUD  MaLKA a.  c. 

— a.  c. 

— a.  c. 


Points  plus  ou  moins  distincts. 

B.  f.  Artémis,  2=  var.  URUD  MaLKA  BaRl  URUD... 

Points  allongés. 


II.  Type  Ad.  —  B.  dejace  avec  tiare  sa?is  croissants. 


-149 


T.  Ad a.  c. 

—  a.  c. 

—  a.  c. 


B.  f.  Artémis,  2=  var.  URUD  MaLKA  BaRI  URUD. 
—        —        3=  var.  Même  légende  barbare. 
Points  allongés. 


102 

I 


55 

3<- 


13 


28 

2 

76 


228 


MONNAIES  DE  L'ELYiMAIDE 


Désignation 

sur 
les  planches. 

70-72 

» 

74-82,  145 

73 
83-89 
90-1 16 


III.  Type  Bb.  —  B.  diadème  de  face,  avec  touffes  latérales  de  cheveux. 


T.  Bb.Gm.KaBNaHKIRURUDMaLKABaRURUDMaLKA.  a.  c.  -+- 

—     Gw.KaBNaHZKlRURUDMaLKaBaRURUDMaLKa.  a.  c.  -H 

— a.  c.    . 

— a.  c.     . 

— a.  c.     . 

— a.  c.    . 


Points  ou  traits  irréguliers. 

B.  f.  Artémis,  i"  var.  KUMaSKIR  URUD  MaLKA. 
B.  f.  Artcmis,  i«  var.  URUD  MaLKA  BaRI  URUD  MaLKA. 
B.  f.  Artémis,  2=  var.  URUD  MaLKA  BaRI  URUD. 
Points  ou  traits  irréguliers. 


10 
I 

104 


123-127 

128 
129-131 
132-136 


117-124 
150 
151 


Phraate  (Phraate  IV,  roi  des  Parthes). 

I.  Type  Ab.  —  B.  à  gauche  avec  tiare  ornée  d'un  croissant  ponctué. 

Artémis  avec  arc  et  carquois,  IIPAATHS  BASIAETS. 
Croissants  adossés  avec  croissants  au  pourtour. 
Trois  palmes  parallèles. 
Points  allongés. 


T.  Ab.  A  gauche  du  buste  IIPA a.  c. 

— a.  c. 

— a.  c. 

— a.  c. 


II.  Type  Ac.  —  B.  de  face  avec  tiare  ornée  de  deux  croissants  ponctués. 

Artémis  avec  arc  et  carquois,  nPAATHS  BASL\EYS. 
Aigle  à  g.,  ailes  éployécs,  croissants  au  pourtour. 
Aigle  à  d.,  ailes  éployées. 
Double  diadème  accosté  de  2  croissants  ponctués. 


T.  Ac.  A  gauche  du  buste  FtPA a.  c. 

— a.  c. 

— a.  c. 

— a.  c. 


m.  Type  Ad.  —  B.  de  face  avec  tiare  sans  croissants. 


T.  Ad. 


a.  c. 
a.  c. 


Croissants  adossés  avec  croissants  au  pourtour. 
Trois  lignes  de  croissants  superposés. 


44 
I 
8 

45 


23 


(?)  Phraatake  (roi  des  Parthes). 
Type  Bc.  —  B.  diadème  à  g.,  barbe  en  pointe;  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 
|T.  Bc »     »     »  I  Artémis  avec  arc  et  carquois.  Légende  grecque  indistincte.    |       i 


'37 


Bractéate  indéterminée. 
[Caractères  indistincts  dans  une  couronne (?),  pièce  très  mince  pesant  oz^^']. 


I    > 


'53 


X. 

Type  Bd.  —  B.  de  face,  avec  légende  araméenne. 
|T.  Bd »     »     »  1  Ancre  accostée  de  2  croissants  dans  un  diadème. 


I  » 


154-156 
157-160 


162-166 
167-168 


T.  Be. 


Orode  III 
Type  Be.  —  B.  de  face  ou  de  trois  quarts,  grosses  moustaches  et  barbiche. 

Ancre  accostée  de  2  croissants  dans  un  diadème. 


A  gauche,  croissant  et  étoile. 


» 

» 

» 

» 

)) 

» 

» 

)) 

)) 

B.  g.  Artémis,  2=  type,  !'■«  var.,  à  droite  une  ancre. 


Type  Bf.  —  B.  diadème  à  g.,  barbe  courte,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 


T.  Bf.  URUD  MaLKA.     .     . 
—     Ancre  à  gauche  du  huste. 


»      »     « 


B.  g.  de  femme  avec  queue  de  cheveux,  ULFAN. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


229 


Désignation 

sur 
les  planches 


169-170 

171 
172-175 


Orodi:  IV. 
Type  Bg.  —  B.  diadème  à  g.,  barbe  divisée  en  deux  pointes,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête. 

B.  g.  Arténiis,  2":  type,  2<:  variété,  à  droite  une  ancre. 


Bg.  URUD  MaLKA.  Ancre  à  droite 

—  —  Pas  d'ancre.. 

—  Sans  légende,  pas  d'ancre..     . 


a .  »  » 
»  ))  » 
»     »)     )) 


un  croissant. 


176-178       |T. 


Type  Bh. 

Bh.  Ancre  à  droite.     . 


Y. 

B.  diadème  à  g.,  longue  barbiche,  pas  de  touffes  de  cheveux. 
a.   »     )>  I  Artémis  avec  arc  et  carquois,  à  droite  un  croissant. 


Type  Bi.  —  B.  diadème  à  g.,  longue  barbiche,  touffes  de  cheveux  ou  chignon  sur  la  nuque. 
179-182        [T.  Bi.  Ancre,  croissant  et  étoile  à  droite a.  c.   ><  [.Artémis  avec  arc  et  carquois. 


185-185        IT. 
186 


(?)V0L0Gt:SE  (VOLOGÈSE  II,  ROI  DES  PaRTHEs). 

Type  Bj.  —  B.  diadème  à  g.,  barbe  en  pointe,  toiffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 

Pallas  à  g.  tenant  une  haste  et  un  bouclier. 
Pallas  à  d.  — 


Bj. 


a.  c. 
a.  c. 


Chosroès  (Chospoès  I",  roi  des  Parthes). 
Type  Bk.  —  B.  diadème  à  g.,  barbe  en  pointe,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 
Bk  (Collection  Pétrowicz,  pi.  XXI,  12) |  Artémis  avec  arc  et  carquois,  ?  XOCPUI  ?BAIAET. 


DEUXIEME  PARTIE 


Description  des  monnaies. 


Nous  avons  admis  que,  sauf  quelques  rares  exceptions,  les  monnaies  de  la  trouvaille  de  1900 
sont  antérieures  aux  monnaies  qui  n'y  ont  pas  été  rencontrées  :  nous  sommes  conduit,  par  suite, 
à  établir  les  deux  catégories  distinctes  suivantes  : 

I.  Monnaies  de  la  trouvaille  de  1900  et  monnaies  non  comprises  dans  cette  trouvaille  sup- 
posées contemporaines. 

II.  Monnaies  postérieures  à  celles  de  la  trouvaille  de  1900. 

Pour  les  monnaies  de  la  trouvaille  de  1900,  nous  distinguerons,  autant  que  possible,  les  plus 
légères  variétés  et  nous  indiquerons  le  nombre  d'exemplaires  de  chacune  d'elles  ;  pour  les  pièces 
à  légende  araméenne  qui  présentent  un  intérêt  spécial,  nous  reproduirons  à  la  suite  des  légendes 
des  monnaies  de  la  trouvaille,  les  légendes  les  mieux  conservées  des  monnaies  de  notre  propre 
collection. 

Pour  les  monnaies  postérieures  qui,  à  quelques  exceptions  près,  appartiennent  à  notre  col- 
lection, nous  entrerons  dans  moins  de  détails,  nous  bornant  à  décrire  les  variétés  principales  et 
les  légendes  les  plus  intéressantes  sans  indiquer,  pour  chaque  variété,  le  nombre  des  exemplaires. 
Les  monnais  de  cette  catégorie  se  trouvent  actuellement  dispersées  dans  les  collections  publiques 
ou  particulières  ;  pour  en  connaître  le  nombre  il  faudrait  procéder  à  un  récolement  minutieux 
qui  pourra  être  entrepris  ultérieurement  et  sera  facilité  par  les  reproductions  photographiques  de 
notre  planche  XIV. 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


231 


I.  —  Monnaies  de  la  trouvaille  de   1900  et  monnaies   non  comprises  dans  cette  trouvaille 

SUPPOSÉES  contemporaines. 

Nota.  —  Toutes  les  monnaies  de  cette  catégorie,  sauf  la  pièce  138,  pi.  XIII  ont  dans  le  champ,  adroite  du  buste,  une 
ancre  et  un  croissant  surmonté  d'un  astre  ou  d'un  point;  l'ancre  peut  avoir  à  sa  partie  supérieure  une  ou  deux  traverses, 
dans  le  premier  cas  nous  mettrons  le  mot  ancre  sans  autre  indication,  dans  le  second  nous  le  ferons  suivre  du  signe(=). 

Le  nombre  des  exemplaires  de  chaque  variété  faisant  partie  de  la  trouvaille  de  1900,  est  indiqué  dans  la  dernière, 
colonne;  les  pièces  pour  lesquelles  aucune  mention  n'est  portée  dans  cette  colonne  appartiennent  à  notre  collection,  à 
peu  d'exceptions  près. 


Désignation 

snr 
les  planches. 


«  o 

>   os 


139 


i-i6 


Ka.mnaskirès. 
Type  Ba.  —  B.  diadème  à  gauche  avec  la  coiffure  des  Kam/iasktrès. 

1  Buste  barbu  à  gauche,  avec  manteau,  collier  en  spirale  et  boucles  d'oreilles;  les  cheveux  for- 

ment une  couronne  sur  le  front  et  tout  autour  de  la  tête,  en  arrière  ils  retombent  en  chignon 
sur  la  nuque;  le  diadème  entoure  la  tête  au-dessus  de  la  couronne  de  cheveux,  ses  extré- 
mités pendent  sur  le  dos  ;  à  droite,  ancre  et  croissant  avec  astre. 
I^.  Vestiges  de  l'efligie  du  grand  roi  Kamnaskirès  et  de  la  légende  grecque.  Grand  module. 

P.  i5g%70 

2  Même  droit,  sauf  que  l'astre  au-dessus  du  croissant  est  réduit  à  un  point;  les  traits  du  visage, 

l'âge,  le  style  et  la  fabrique  sont  très  variables  suivant  les  exemplaires;  les  n"^  i,  2,  PI.  X 
sont  de  bon  style. 
I^.  Traits  irréguliers,  dégénérescence  du  revers  précédent.  P.  28^80  à  4BSio 

Total  des  monnaies  de  Kamnaskipès  comppises  dans  la  trolvaille.     .     .     . 


18 


18 


18-22 


Orode  I". 

Type  Aa.  —  B.  à  gauche  avec  tiare  ornée  dune  ancre. 

I.  Avec  légende  grecque. 
Buste  barbu  à  gauche  avec  tiare  diadtmte  ornée  d'une  ancre;  à  droite  dans  le  cham.p,  ancre 

et  croissant  ponctué. 
I^.  Buste  à  droite  d'Artémis  avec  collier  et  pendants  d'oreilles  ;  la  tète  est  entourée  de  rayons, 
surmontée  du  calathos  et  ornée  dun  diadème  élevé;  autour  du  buste,  une  légende  en  grec 
cursif,  présentant  la  disposition  suivante  (a): 

à  gauche  :  YPWAH  ou  YPWVH  )  ^^^^^  ^^. 

^  '    à  droite:  BACIACYK  ) 

P.   38'', 40  à  4ê',20 


à  droite:  BACIACYK 
Les  lettres  initiales  Y  et  B  sont  au  bas  de  la  légende. 


A  reparler. 


7-1 


232 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


Désignation 

sur 
las  planches. 


23 
30 


27 


28 


24-26 


29 


17 


140 


141 


34-36 


Report. 


2    Même  droit  et  même  revers,  sauf  la  légende  (p)  qui  porte  BACIACIA6YK  au  lieu  deBACIA€YK- 


3  Même  droit  et  même  revers,  sauf  la  légende  (y): 

,  ^    à  gauche:  YPCOA  )  ^     , 

(-")    ^   .     ■         l"^^^---  Orode  roi. 

^'^   a  droite:  rétrograde  >IY3ADAa  ) 

Les  lettres  initiales  a  et  Y  sont  au  bas  de  la  légende. 

4  Même  droit  et  même  revers,  sauf  la  légende  (S)  : 

à  gauche:  rétrograde  )|Y9ADAa  ou  >IY3AI>IAa  ;  ^     , 
(0)    ,  j    .         ,       °  .  Orode  roi. 

a  droite:  rétrograde  HA  Ck3*1Y  J 

Les  lettres  initiales  a  et  Y  sont  au  bas  de  la  légende. 

5  Même  droit  et  même  revers,  sauf  la  légende  (s): 

à  gauche:  rétrograde  DJYAIXAa  J  ^      , 
(0     .   j     •         ,  ,  \  Orode  roi. 

a  droite:  rétrograde  iUHACûlY     ) 

Les  lettres  initiales  3  et  Y  sont  au  bas  de  la  légende. 

6  Même  droit  et  même  revers,  sauf  la  légende  (Ç)  : 
à  gauche:  rétrograde  >IY5ADAa  ou  )IY9AI)IAa 
adroite:  rétrograde  KDIACO'IY 

Les  lettres  initiales  3  et  y  sont  au  bas  de  la  légende. 

7  Même  droit  et  même  revers,  sauf  la  légende  (r,)  : 

à  gauche  :  rétrograde  MY^AIMAa  ^  ^     , 
(r,)    ,    ,     .         ,        "  ,  \  Orode  roi. 

^       a  droite:  rétrograde  nDICûlY         ) 

Les  lettres  initiales  a  et  Y  sont  au  bas  de  la  légende. 

8  Même  droit  et  même  revers,  légende  incomplète. 

2.  Avec  léi'eiule  arainéenne. 


(0 


Orode  roi. 


P.  3S%6o 


P.  3g%50 


P.  3K%50 


P.  3S'-,3o 


P.  3?'  ,50  à  4  grammes. 


P.  38^,50 
P.  3  grammes  à  i'' ,  50 


9     Même  droit,  sauf  qu'il  existe  dans  le  champ  une  étoile  à  quatre  branches,  placée  entre  le  der- 
rière de  la  tête  et  l'ancre.  A  gauche  devant  le  profil  la  légende 


(^Jl^^'ù  '^ît'^j}  URUD  MaLKA  —  Orod 


e  roi. 


1^.  Semis  de  points  allongés,  très  nombreux  et  réguliers.  Grand  module.  P.  14?^, 40 

Cette  pièce  est  unique  dans  la  trouvaille  et  je  n'en  connais  pas  d'autres  exemplaires. 


3.  Anèpigraphcs. 

10  Même  droit  que  les  n°'  i  et  suivants. 

I^.  Buste  de  la  fortune  à  gauche  avec  corne  d'abondance,  très  barbare. 

11  Même  droit;  au  revers,  la  fortune  est  tournée  à  droite,  barbare. 

12  Même  droit. 

I^.  Ancre  dans  une  couronne  de  lauriers. 

13  Même  droit. 

I^.  Dégénérescence  du  précédent,  ancre  et  feuilles  irrégulières. 


P.    2SS40 
P.   2^^,10 

P.  ^P ,')0  à  48", 10 


P.  2S%50  à  4  grammes. 
A  1-eporter 


74 


47 


')i 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


233 


Désignation 

sar 
les  planches. 


37 
» 

38-40 


142 


143 
144 


146 


41 


42-43 


Report 

14  Même  pièce,  sauf  qu'il  y  a  une  étoile  dans  le  champ  du  droit,  comme  au  n"  9.  P.  38'', 40 

15  Même  pièce,  sauf  qu'il  y  a  un  point  au  lieu  d'une  étoile.  P.  38"', 60 

16  Même  droit  que  le  n"  i. 

I^.  Dégénérescence  du  n"  15,  points  allongés  ou  feuilles.  P.  2K'',8o  à  4  grammes. 

Type  Ad.  —  B.  de  face  avec  tiare  sans  croissants. 

17  Buste  barbu  de  face  avec  tiare  diadémée,  ornée  d'un  cordon  perlé  vertical;  à  droite  dans  le 

champ,  ancre  et'croissant  ponctué. 
I^.  Aigle  à  gauche  tenant  dans  son  bec  un  diadème.  P.  3P',40 

18  Même  pièce,  sauf  que  l'aigle  du  revers  est  tourné  à  droite.  P.  36^,20 

19  Même  droit. 

I^.  Double  diadème  accosté  de  deu.x  croissants  ponctués.  P.  3g'', 20 

Total  des  mo.nnaies  d'Orode  I"  comprises  dans  la  trouvaille.     .     .     . 

Orode  II. 
I.  Type  Ae.  —  B.  de  face  avec  tiare  sans  croissants,  à  aigrettes. 

I.  Avec  légende  aramèenne. 

Buste  barbu  de  face  avec  tiare  diadémée,  ornée  d'un  cordon  perlé  vertical  et  entouré  d'aigrettes, 
dans  le  champ  à  droite  ancre  (=)  et  croissant  surmonté  d'un  astre;  à  gauche,  légende 
URUD  MaLKA  —  Orode  roi,  légende  de  la  2=  catégorie,  mi.xte. 

I^.  Points  allongés.  —  Grand  module.  P.  15  grammes. 

E.xempiaire  du  cabinet  de  France. 

Nous  reproduisons  ci-dessous  les  légendes  des  divers  exemplaires  de  cette  pièce  qui  nous  sont 
connus  : 


155 
I 
2 

31 


187 


<®^^Î5^'^)    Musée  du  Louvre. 
fg)  ^  J  23*^i)S^^    Cab.  de  France,  pi.  XIV,  146. 
éE^;3\JJ'i)a    Fig.  332,n^io. 


2  Même  droit,  sans  légende,  avec  ancre  à  une  seule  traverse  et  croissant  ponctué. 
I^.  Buste  d'Artémis  de  face  (2'=  variété),  avec  cornes  sur  le  front,  toulîes  latérales  de  cheveux 

entourées  de  rayons  (?),  autour  du  buste  légende  URUD  MaLKA  BaRI  URUD  —  Orode 

roi  fils  d'Orode,  légende  de  i"  catégorie,  Chaldéo-Pehlvie.  P.  3g'', 50 

Nous  reproduisons  à  la  page  138  les  diverses  légendes  des  pièces  de  petit  module  d'Orode  II, 

tant  de  celles  de  la  trouvaille  que  de  celles  de  notre  collection. 

3  Même  pièce,  mais  avec  ancre  (=).  P.  3s'', 

A  reporter 


234 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


Désignation 

snr 
les  planclics. 


4  s -47 


44 


48-55,  57-60 


58-59 


Fig.  330,  n" 


61-62 

147,  148,  149 
et 

fig-  33  3- 
n""  II,   12 


63-69 


70 


Report I      5 


P.  36', 20  à  4B'',30 


P.  3^,30  à  4^^,20 


2.  Anépigraphes. 

4  Même  droit  que  le  n°  2. 
I^.  Points  allongés. 

5  Même  droit  que  le  n°  3 ,  avec  ancre  (:=). 
I^.   Points  allongés. 

II.  Type  Ad.  —  B.  de  face  avec  tiare  sans  croissants. 

I.  Avec  légende  araiiueniie. 

6  Même  droit  que  le  n°  2,  mais  avec  tiare  sans  aigrettes. 

I^.  Même  revers  que  le  n"  2  avec  la  légende  correcte  chaldco-pehlvie  URUD  MaLKA  BaRl 
URUD.  P.  38', 50  à  4  grammes. 

7  Même  pièce  que  le  n°  6,  mais  avec  la  légende  fautive  RLÎD  MaLKA  BaRl  URUD. 

P.  3ÊS6o  à  4g', 80 

8  Même  pièce  que  le  n°  6,  mais  avec  la  légende  fautive  UD  MaLK.\  BaRl  URUD.       P.  38^70 

9  Même  pièce  que  le  n°  6,  mais  avec  la  légende  VURUD  MaLKA  BaRl  URUD,  qui  pourrait 

aussi  se  lire  URUD  MaLKA  BaRl  URUDl.  Cette  légende  qui  n'existe, à  ma  connaissance, 
que  sur  un  exemplaire  unique  appartenante  M.  de  Morgan,  semble  devoir  être  considérée, 
ainsi  que  les  deux  précédentes,  comme  une  variante  fautive  de  la  légende  habituelle. 

P.  4  grammes. 

10  Même  pièce  que  le  n°  6,  mais  avec  ancre  (^.  P.  3S%50  à  4  grammes. 

11  Même  droit  que  le  n°  6. 

I^.  Buste  d'Artémis  de  face  (3"^  variété).  Le  buste  est  d'un  module  plus  grand  que  celui  de  la 
2"  variété;  la  tête  paraît  ceinte  d'un  diadème,  relevé  en  son  milieu;  de  chaque  côté  du  front, 
deux  cornes;  sur  le  sommet  de  la  tête  un  objet  qui  peut  être  un  calathos  ou  un  cimier  ;  les 
touffes  latérales  de  cheveux  sont  encore  moins  distinctes  que  précédemment  et  l'on  pourrait 
les  prendre  pour  un  ornement  dépendant  de  la  coiffure  et  se  terminant  par  trois  pointes 
garnies  de  boules.  Autour  du  buste  une  légende  barbare,  souvent  illisible,  sur  les  exem- 
plaires des  figures  11  et  12  on  peut  néanmoins  lire  à  peu  près:  URUD  MaLKA  BaRl  (ou 
BaR)  URUD.  3e%3oà3«S5o 

12  Même  pièce  que  le  n°  11,  mais  avec  ancre  (=).  P.  38^6o 

2.  Anépigraphes. 

13  Même  droit  que  le  n°  6.  P.  3g%30  â  35^,50 
I^.  Points  allongés.                                                                                               P.  38^,30  à  3^^,50 

i.^     Même  pièce  que  le  n°  13  mais  avec  ancre  (=).  P.  3?%5o 

III.  Type  Bb.  —  B.  diadème  de  face  avec  touffes  latérales  de  cheveux. 

I .  Avec  légende  arainéenne. 
15     Buste  barbu  de  trois  quarts;  grosses  touffes  latérales  de  cheveux,  diadème  autour  du  front;  à 

A  reporter 


1 22 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


235 


Désignation 

sar 
les  planches. 


71 


72 


fig.  331,  n"6 

fig-  331.  n°7 
fig.  331,  nos 
fig.  331,  n»  9 


74-78,  145 


Report 

droite  ancre  (=:),  au-dessus  croissant  avec  astre  ;  autour  du  buste,  légende  de  la  2'  catégorie, 

mixte,  KaBNa(H?)KIR  URUD  MaLK LKA,  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  d'Orode  roi. 

I^.  Traits  irréguliers.  —  Grand  module.  P.  14s'', 90 

16  Buste  analogue  de  face;  sur  le  sommet  de  la  tête  petite  houppe  de  cheveux  entourée  par  les 
extrémités  du  diadème;  légende  de  la  2=  catégorie,  mixte  KaBNaHK.IR  URUD  MaLKA 
A,  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  d'Orode  rot. 

^L.  Traits  irréguliers  peu  distincts.  —  Grand  module.  P.  15  grammes. 

17  Même  buste,  la  barbe  un  peu  plus  longue,  disposée  en  éventail,  légende  RaBNaH(Z?)RIR 
URUD  MaLKA  BaR  URUD  MaLKa,  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  d'Orode  roi. 

^i.  Traits  irréguliers.  —  Grand  module.  P.  15  grammes. 

18  Même  buste,  la  figure  plus  pleine;  dans  le  champ,  entre  l'ancre  et  le  buste  un  point;  légende 
KaB\aH(Z;K.lR LK.A,  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  d'Orode  roi. 

I^.  Traits  irréguliers.  —  Grand  module.  P.  15  grammes. 

19  Même  buste,  avec  le  point  dans  le  champ,  légende  KaBNaH(Z?)RIR  URUD  MaLKA  BaR 
URUD  MaLKA,  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  d'Orode  roi. 

I^.  Traits  irréguliers.  —  Grand  module.  P.  15  grammes. 

20  Même   buste,   figure  moins  pleine,  semblable  au   11°    lé,  point  dans  le  champ  ;   légende 

KaBNaHKIR  URUD  MaLKA A,  Kamnaskir  Orode  roi,  fils  dOrode  roi. 

I^.  Traits  irréguliers.  — Grand  module.  P.  15  grammes. 

21  Même  buste  que  le  n°  15,  mais  de  face;  figure  très  allongée;  les  boucles  du  nœud  terminal  du 

diadème  apparaissent  très  développées  des  deux  côtés  du  front;  entre  l'ancre  et  le  buste  se 
trouve  un  symbole  peu  distinct  que  nous  avons  dénommé  a  et  qui  se  voit  également  sur 
quelques  exemplaires  de  petit  module,  où  il  prend  quelquefois  l'apparence  d'un  mono 
gramme  ;  légende  KaBNaHZKIR  URUD  MaLKA  BaR  URUD  MaLKA,  Kamnaskir  Orode 
roi,  fils  d'Orode  roi. 
^L.  Traits  irréguliers.  —  Grand  module.  P.  ij^"-  20 

Nous  reproduisons  ci-dessous  les  légendes  des  sept  pièces  de  grand  module  n"^  15  à  21. 

€?«,- '^<!/iZV^^W^^%    15  -  PI.  XII,  70 

«y»'-  t^jJh^pmV"^^^^^  "-^  -  PI-  XII.  7. 

t^il'nrZ^J^^^^^D'O'VJj'^^S)'^''^'^^    17  -  PI.  XII,  72 
^V^f-f     ■-•" '^  "'n^jP^Ql'^'^     '8  -  I-''°-  35',  n"  6 

(^Vf'!>'yo)?v^Ji'^X>2)0>V9^j)'j)  --^(^0^  19  -  piG.  331,  no  7 

<9 "  " "  '  e?g  l^JPV^'-^'i^iJ) ^P     -°  -  ^'°-  3 3  ',  no  8 

•"*' ''^^'^'9^®J^Jîl%%lT^\f\4'JÏ^    2>  -  P'G.  53.,  .r  9 

22  Même  buste  que  le  n"  15  de  face  ou  légèrementde  trois  quarts;  dans  le  champ  à  droite,  ancre 


122 


(=),  surmontée  d'un  croissant  ponctué. 


A  reporter j  125 


2^6 


MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


Désignation 

sur 
les  planches. 


—   o 
«   o 


79,  80 


81,  82 


73 


83,  85-8; 


84 
88,  89 


103 


112 


113 


114,  115 


Report 

I^.  Buste  d'Artémis  de  face  (i"^  variété);  sur  le  front  une  boule  entre  deux  cornes(?);  de  chaque 
côté  de  la  tète  une  touflé  de  cheveux  plus  ou  moins  grosse,  entourée  d'un  quart  de  cercle 
garni  de  rayons  extérieurs,  généralement  au  nombre  de  4  ;  le  buste  est  drapé  ;  sur  les  exem- 
plaires bien  conservés  on  voit  un  trait  oblique  qui  pourrait  bien  représenter  le  carquois 
d'Artémis.  Légende  KUMaSKIR  URUD  MaLKA,  Kainnaskir  Orode  roi.    P.  38%40  à  i^' ,'jo 

23  Buste  analogue  à  ceux  des  n°'  16  à  20,  avec  petite  houppe  de  cheveux  ;  dans  le  champ,  ancre 

(=)  et  croissant  ponctué. 
I^.  Même  revers,  même  légende.  P.  32^,60  à  3ê%90 

24  Même  pièce  que  le  n°  23,  mais  la  légende  semble  écourtéeet  réduite  à  MaSKIR  URUD  MaLKA. 
I^.  Même  revers,  mais  la  tête  d'Artémis  n'est  pas  surmontée  d'une  boule.     P.  3^^,503  38^,90 

25  Même  buste  que  les  n"*^  15  et  22;  dans  le  champ  à  droite,  ancre  (=)  surmontée  d'un  croissant 

ponctué. 
I^.  Buste  d'Artémis  de  face  (i"  variété)  comme  au  n°  22  ;  légende  URUD  MaL(K)A  BaRI 
URUD  MaLKA,  Orode  roi,  fils  d'Orode  roi;  pièce  unique  au  point  de  vue  de  la  légende. 

P.  3g', 50 

26  Même  buste  que  le  n°  23  ;  dans  le  champ,  ancre  avec  croissant  ponctué. 

I^.  Buste  d'Artémis  de  face  (2=  variété)  sans  la  boule  sur  le  front  et  sans  le  carquois  ;  les  touffes 
latérales  de  cheveux  ne  sont  pas  entourées  d'un  nimbe,  mais  seulement  de  rayons. 
Légende  URUD  MaLKA  BaRI  URUD,  Orode  roi,  fils  d'Orode.  P.  3P^3oà  4?%30 

27  Même  pièce,  légende  fautive  URUD  MaLKA  RI  URUD.  P.  3g"-, 20 

28  Même  pièce,  mais  avec  l'ancre.  P.  3g'', 40  à  3g', éo 

2.  Anépigraphcs. 

Dans  ce  type,  nous  avons  cherché  à  distinguer,  autant  que  possible,  les  variétés  d'après  la 
forme  ronde  ou  ovale  du  visage,  la  disposition  de  la  barbe,  en  éventail,  droite,  ou  en 
pointe,  les  détails  de  la'coiffure  et  du  diadème,  la  présence,  dans  le  champ,  du  symbole  a  ou 
du  point  qui  en  tient  la  place,  le  nombre  des  traverses  de  l'ancre,  les  particularités  remar- 
quables du  revers. 

29  Visage  rond,  barbe  en  éventail,  petite  houppe  de  cheveux,  ancre  et  croissant  ponctué 
I^.  Points  allongés. 

30  Même  droit. 
I^.  Traits  cunéiformes  irréguliers. 

31  Même  droit;  dans  le  champ,  un  point  entre  l'ancre  et  le  buste, 
I^.   Points  allongés. 

32  Même  droit  que  le  n°  28,  avec  ancre  {=)  et  croissant  ponctué, 
î^.  Points  allongés. 

33  -Même  droit  que  le  n°  31. 
!>:..  Quatre  traits  horizontaux  et  un  trait  vertical. 

34  Même  droit  que  le  n°  31  ;  un  point  entre  l'ancre  et  le  buste. 
I^.  Points  allongés. 


II 
I 


t  croissant  ponctue. 

P.  38'', 50  à  4  grammes. 

9 

P.  3KSéo 

I 

P.  38^,50  à  4  grammes. 

10 

P.  36', 50  à  4  grammes. 

4 

P.  3B%éo 

I 

P.  38"', 30  à  46', 20 

20 

A  reporter 

196 

MONNAIES  DE  L'ELYMAIDE 


237 


Désignation 

sur 
les  planches. 


116 
90, 98 

94-96 
93 


rr    o 

re     o 
>    a^ 


97,  99,   100,  lOI 
102,   104 

II I 


91 
92 


107-110 


105,  106 


p.  3?S5o  à  4  grammes. 


P.  3R^50  à  3SS8o 
P.  38S30 
P.  3»-, 90 


Report 

35     Visage  rond,  barbe  droite,  cheveux  liérissés,  ancre  (=)  et  croissant  ponctue. 

I^.  Points  allongés.  P.  5S',6o 

56    Visage  ovale,   barbe  légèrement  en  pointe,   petite  houppe  de  cheveux,  ancre  et  croissant 
ponctué  ;  dans  le  champ,  entre  l'ancre  et  le  buste,  le  symbole  x  assez  indistinct. 
I^.  Points  allongés. 

3  7     Même  droit  que  le  n°  35,  mais  avec  ancre  (=)  et  sans  le  symbole  a. 
^i.  Points  allongés. 

38     Même  droit  que  le  n"  36,  avec  un  poinçon. 
I^.  Points  allongés. 

59     Même  droit  que  le  n°  36,  avec  le  symbole  a. 
I^.   Points  allongés. 

40  Même  droit,  mais  avec  un  point  à  la  place  du  symbole  a. 

I^.   Points  allongés  ou  traits  irrcguliers.  P.  58^60 

41  Visage  ovale  très  allongé,  barbe  légèrement  en  pointe,  les  nœuds  du  diadème  très  apparents, 

ancre  et  croissant  ponctué. 
I^.   Points  allongés  ou  traits  irréguliers.  P.  3RS6o 

42  Même  droit,  avec  le  symbole  a  peu  distinct,  même  revers.  P.  33^,60 

43  Même  droit,  le  s}mbole  a  semble  être  un  monogramme  pehlvi  ou  araméen. 

I^.  Traits  irréguliers.  P.  38'', 60 

44  Même  droit;  forme  analogue  du  symbole  a. 

I^.  Traits  irréguliers.  P.  3K'',6o 

45  Même  droit  que  le  n°  40,  ancre  (=)  et  croissant  ponctué. 

1^.   Points  allongés  ou  traits  irréguliers.  P.  5K^6o 

46  Même  droit  que  le  n°  45,  mais  les  toufl'es  latérales  de  cheveux  sont  plus  grosses.  P.  3B^5o■ 

Toi  AL    DES    MON.NAIES    d'OhODE    II    CO.MPKISES    DANS    LA    TROUVAILLE.       .       . 


196 


Le  tableau  ci-après,  page  238,  reproduit  les  légendes  araméennes  les  mieux  conservées  des 
monnaies  de  petit  module  dOrode  II  :  la  première  colonne  (colonne  de  gauche)  donne  les  légendes 
des  monnaies  de  la  trouvaille,  la  deuxième  celles  des  monnaies  de  notre  collection;  à  droite  de 
chacune  de  ces  colonnes,  on  a  indiqué,  par  de  gros  chiffres,  les  numéros  qui  s'appliquent  dans  la 
description  à  chacune  des  variétés  distinctes;  dans  chaque  variété,  les  légendes  reproduites  sont 
numérotées  avec  des  chiffres  plus  petits,  celles  des  monnaies  de  notre  collection  prennent  la  suite 
des  numéros  correspondants  aux  monnaies  de  la  trouvaille. 

Ainsi,  pouf  la  variété  n"  6  (Orode  II,  type  Ad,  légende  URUr3  MaLKA  BaRI  URUD)  on  a 
reproduit  37  légendes;  celles  de  la  trouvaille  sont  désignées  par  6.,,  6.,,  6.;...  jusqu'à  6.,(,,  celles 
de  notre  collection  par  6.,-,  6.,^...  jusqu'à  6.... 

Les  numéros  portés  a  gauche  de  la  première  colonne  sont  ceux  qui  figurent  sur  les  planches. 


1,1 


t'^iP —  A^^ii      Z' 


ORODE  U^Tç/^Ao. 

C/Ai/D  MalK'\ BJil  l'ruJ 


'-*-4j»v»;-^'S^«y  6.  Il 


<î 

•iSPC<'«i7ï)^'i^*t>V» 

3' 

43 

^««puo^j^Dj*  «i^fta»  y  9 

ORODE  11  _  Ti/pe 

Ad 

ii 

^»Vi'*«î?^J!»<2i'**^'V 

^,    UMD /laLKA  B»RJ  VHUJ) 
6' 

V;vr >;îîît'fi 

ô'^ 

i9 

'U^b\^'^^Sii'<k'i2'^ 

1 

'A'^*i><ï^j*;-*i^«^'^ 

'S 

/" 

^'^fCV^iJV^-îJ»^V> 

J 

i£,-^;;y5jCt/J*«'VI 

19 

;' 

*l'«f  JH>-£54;-fl'fl.'V> 

4 

•4 -S)4J---;ïl'i''V» 

J' 

/î 

•■-*ï»*$^J*^i*5'' 

* 

H/V  ?«^  ^5  iL'>}t>-^  ^  t 

2j 

fi 

•i.'^»)"" i^y^^^i 

tf 

"'"""•»>i?'t5sî't»^> 

» 

fi 

U"<o5'y  5JlD'ii)î5°ij»"V  J 

;• 

*0v#n5i/Hiiwtr'^» 

?» 

;r 

ï-?'-)3j>^j«=A^^«^i 

i 

•i>*»j>«»iJ5'ywt2#«<'# 

?< 

/? 

^)^)iS^^JJ^>'«^lî^; 

9 

«>s;v:»'^s-'>i;-ETt«^)o  ■ 

?i 

Co 

â.."^/.v^-'-ùy<i^<^#»jj 

h 

*t»«fj;^2)-»t/^.'2.»'>» 

te 

î^i^  ;;*0  iJ'*^^,^''  -f  t 

o 

4/VP  '  M'^ITi^.'  ^1 

V 

<^^t-'S}j)ûji'K^os>y 

n 

*l4;'MV>j*T5J'=?.--«.«^f 

ri 

^"^^/y^y  j;t»Vif<^p 

/3 

-'/V;ri2i2îi;|>i^^^ 

V 

tf^fC^iJ^J-if^-    >«^» 

lU 

ie,»v»;;'2<ai  v?îîî-i2;^o. 

5» 

'^HPPi>:2M*iJ)ri'^'H)» 

>! 

<â''î7?^^i;^u'"^ 

3' 

l'y» îi;vi»«d;rJio 

16 

3< 

>s 

^jVi'o«fis>13*ï)j^«l^V 

7' 

^itin jïtiL»v' 

Jî 

f9 

1J'^i:^^jj«»yi<5^^<» 

î 

^►i))-iS)-2^Mi)-^\i/VI 

« 

^5'>?Qj^^jj«û:'ï3*(^o>>fl 

} 

I2t'<i^  ^V'siîi'if^rQ^yi 

.      4^ 

fy.5 

«4>  »f  ;>  /  y  ê>^  *t"  îî  *^>  «;  »  ; 

9  •■ 

U)*^'/'^'SMiJ7>)tl 

5' 

/* 


A- 
ss 


/O' 


Il  ' 

l 
3 

? 

27' 


ORODE  II  ,  Ty/^^m 


■■""=gn^^^^ ■ 

^*iU^ '■■■'"■  s^*it 

%i jy^i^S^iV-» 

'B.o'j/ybii^J'^' 


/3 

74 

7S 
/é 

77 
76 
79 

Si 


l?^j5^^'#;>S>^)'^'ili^       2/ 


UWPfUlCf}*  PmAI  (/KllD  ^.IM 


22' 

X 
3 

4 

O 

3 


Ki/jiaSH/H  VJi'JD  TfalKA 


/o» 


5^* 

5 

i 

9 


V 


(i)  M.  Paul  SouUard,  notre  confrère  de  la 
fac  similé  les  légendes  ci-dessus. 


FiG.  53  5. 
Société  archéologique  de  Nantes,  a  bien  voulu  nous  aider  à  copier  en 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


239 


Désignation 

sur 
les  planches. 


125-127 


128 

129,  IJO 

131 
132-136 


119,    120 


117 


Phraate. 
I.  Type  Ab.  —  B.  à  gauche  avec  tiare  ornée  d'un  croissant  ponctué. 

I .  Avec  légende  grecque. 

1  Buste  barbu  à  gauche,  avec  tiare  diadémée  ornée  d'un  croissant  ponctué  ;  à  gauche  du  buste, 

la  légende  TTPA;  à  droite  ancre  et  croissant  ponctué. 
I^.  Artémis  tenant  un  arc  de  la  main  gauche  et  prenant  de  la  droite  une  flèche  dans  son  car- 
quois; travail  assez  barbare;  coiffure  généralement  peu  distincte,  sans  rayons;   autour 
légende  grecque  : 

à  droite  :  rétrograde  DHTAAin 
à  gauche  :  rétrograde  DY3AIDA9. 
Les  lettres  initiales  a  et  TT  sont  au  bas  de  la  légende. 

2  Même  droit,  sans  la  légendt  PIPA- 
IS. Quatre  croissants  adossés  avec  croissants  au  pourtour. 

3  Même  droit  que  le  n°  2. 
I^.  Trois  palmes  ou  épis  parallèles. 

4  .Même  droit. 
I^.  Traits  irréguliers  rappelant  les  épis. 

5  Même  droit. 
Ri.  Points  allongés. 

6  Même  droit,  d'un  style  différent,  avec  ancre  (=). 
I^.  Points  allongés. 

II.  Tvi'i:  ,\c.  —  B.  dejaceavec  tiare  ornée  de  deux  croissants  ponctués. 


P.  38'-, 50  à  3KSSo 
P.  3S'-,6o 
P.  3S'',io  à  3îï',50 
P.  3 '-''■, 40  à  36^70 
P.  38% 30  à  3e%8û 
P.  3BS8o 


I.  Avec  h'gemle  grecque. 

7  Buste  barbu  de  face  avec  tiare  diadémée,  ornée  de  deux  croissants  ponctués;  dans  le  champ 

à  droite,  ancre  et  croissant  ponctué  ;  à  gauche  du  buste  la  légende  RFA. 
1^.  Artémis  debout  avec  arc  et  carquois,  la  tète  radiée,  d'assez  bon  style. 

à  gauche  :  0PAATHC. 

à  droite  :  BACIAEVC. 
I^s  lettres  initiales  O  et  B  sont  en  haut  de  la  légende. 

8  .'Vlême  droit  mais  avec  ancre  (=). 
I^.  Même  revers,  même  disposition  de  légende. 

9  Même  droit  que  le  n°  7. 
I^.   Même  revers. 

à  gauche:  BACIAEVC. 
à  droite  :  0PAATHC. 
Les  lettres  initiales  B  et  d)  sont  en  haut  de  la  légende.  P.  ^i^' ,iic 

A  reporter 


P.  y',-^0  à  3S',5o 
P.  3S%7oà  4ES30 


41 


•14 


"7 


240 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


Désignation 

sur 
les  planches. 


ii8 


123 


121,  122,  124 


150 


151 


152 


10  Même  droit  que  le  n°  9,  mais  avec  ancre  (=). 
I^.  Même  revers,  même  disposition  de  légende. 

11  Même  droit  que  le  n°  7. 

I^.  Même  revers,  plus  barbare,  la  tête  ne  semble  pas  radiée. 

à  gauche  :  rétrograde  DY9A1DA8. 

à  droite  :  rétrograde  DHTAA*in. 
Les  lettres  initiales  a  et  Y  sont  en  bas  de  la  légende. 

12  Même  droit  que  le  n"  11,  mais  avec  ancre  (=). 
I^.  Même  revers,  même  disposition  de  légende. 

2.   Anépigraphes. 

13  Même  droit  que  le  n°  7. 

I^.  Aigle  à  gauche,  ailes  éployées,  croissants  au  pourtour. 

14  Même  droit. 

I^.  Aigle  à  gauche,  ailes  éployées. 

15  Même  droit. 

I^.  Double  diadème  accosté  de  deu.x  croissants  ponctués. 


Report. 


rr   o 

«   o 


107 


P.  3S',40  à  3gS90 


P.  38", 10  à  3°', 50 
P.  5"S40  à  4SSI0 

P.  iP,-jo 
P.  3^,50 
P.  2S'-,9o 


111.  Type  Ad.  —  B.  de  face  avec  tiare  sans  croissants. 

16  Même  droit  que  le  n°  7,  mais  les  croissants  de  la  tiare  ne  sont  pas  visibles. 

I^.  Croissants  adossés  avec  croissants  au  pourtour.  P.  2S%5o 

17  Même  droit. 

I^.  Trois  lignes  de  croissants  superposés.  P.  25^,70 

Total  des  monnaies  de  Phraate  co.mprises  dans  la  troun'aille. 


121 


Phraatake  (?). 
Type  Bc.  —  B.  diadème  à  gauche,  barbe  en  pointe,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 


138 


137 


1  Buste  à  gauche,  avec  barbe  en  pointe;  grosses  touffes  de  cheveux  sur  la  nuque  et  sur  le  som- 
met de  la  tête;  double  diadème. 

I^.  Artémis  debout  à  droite  avec  arc  et  carquois,  la  tête  ornée  d"une  couronne  radiée,  légende 
grecque  incertaine. 

Les  symboles  habituels  de  l'ancre  et  du  croissant  ponctués  ne  se  trouvent  ni  au  droit  ni  au 
revers.  P.  38^,60 


Bracteate  indéterminée. 
Caractères  indistincts  dans  une  couronne  (?) 


P.  os^,7|      I 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


241 


DÉNOMBREMENT    DES    PIÈCES   COMPOSANT    LA    TROUVAILLE    DE    I9OO. 

Kamnaskirès i8 

Orode  1 187 

Orode  II 255 

Phraate 121 

Phraatake  (?) i 

Bracteate i 

ToTAi 583 


Désigoatioa 

sur 
les  planches. 


153 


II.  Monnaies   postérieures  a  celles   de  la  trouvaille  de    1900. 


X. 

Type  Bd.  —  B.  de  J ace  les  cheveux  tombant  sur  les  épaules. 

Buste  barbu  de  face,  les  cheveux  tombant  sur  les  épaules;  très  indistinct;  à  gauche  du  buste  traces 
de  légende  araméenne,  la  seule  lettre  qui  soit  d'une  lecture  à  peu  près  certaine  est  un  S  qui, 
d'après  la  position  qu'il  occupe,  a  pu  être  précédé  par  d'autres  lettres  non  visibles. 

I^.  Ancre  accostée  de  deux  croissants  ponctués,  le  tout  au  centre  d'une  couronne  ou  diadème. 

P.  3  grammes. 

Même  droit,  le  buste  plus  distinct;  la  première  lettre  de  la  légende  semble  être  un  K.  on  aperçoit  à 

droite  du  buste  une  fin  de  légende  qui  peut  se  lire  lURU. 
I^.  Indistinct.  —  Pièce  trouvée  à  Suse  par  M.  Dieulafoy,  déposée  actuellement  au  iVlusée  du  Louvre. 

En  combinant  les  indications  des  légendes  des  deux  pièces,  on  peut  supposer  que  la  légende 
pouvait  être  KUMASKIR  URUD  BaRI  URUD,  applicable  à  Orode  III. 


154-156 


157-160 


161 


Orode  III. 
I.  Type  Be.  —  B.  de  face  de  trois  quarts,  grosses  moustaches  et  barbiche. 

1  Buste  de  trois  quarts,  grosses  moustaches  et  barbiche,  les  che\eux  relevés  en  touffe  sur  la  tête, 

avec  double  diadème,  touffes  latérales  plus  ou  moins  grosses. 
I^.  Ancre  accostée  de  deux  croissants  ponctués,  le  tout  dans  une  couronne  ou  diadème. 

P.  3  grammes  à  38'', 30 

2  Même  droit. 

I^.  Buste  à  gauche  d'Artémis  (2=  type.  i''=  variété),  le  cou  entouré  d'un  collier  de  grosses  perles, 
les  cheveux  tombant  sur  le  front,  la  tête  ornée  d'une  parure  spéciale  surmontée  d'une  sorte  de 
cimier  avec  rayons  à  pointes  bouletées;  derrière  le  buste,  une  ancre.  P.  3  grammes. 

3  Même  droit,  mais,  dans  le  champ  à  gauche,  un  croissant  surmonté  d'une  ancre. 

I^.  Même  revers  de  bon  style,  à  droite  une  ancre.  P.  2SS8o 

51 


242 


MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 


Désignation 

sur 
les  planches. 


II.  Type  Bf.  —  B.  diadème  à  gauche,  barbe  courte,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 

162,  163,  164       4     Buste  à  gauche,  avec  barbe  plus  ou  moins  longue;  très  grosses  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur 

la  nuque;  double  diadème;  à  gauche,  devant  le  buste,  en  écriture  mixte  (chaldéo-pehlvi  et  pehlvi- 

sassanide.  URUD  MaLKA,  Oi-ode  roi. 

I^.  Buste  de  femme  avec  un  collier,  un  diadème  et  une  longue  queue  de  cheveux;  à  gauche,  devant 

le  buste,  en  écriture  mixte  ULFAN.  P.  28'',5o  à  3  grammes. 

165  5  Même  pièce,  mais  la  légende  du  revers  ne  laisse  voir  que  (F?)LK  ;  voir  le  fac-similé  au  §  2,  pre- 

mière partie,  Étude  des'Jégendes .  P.  2^,70 

ié6  6     Même  pièce,  mais  la  légende  du  revers  présente  une  interversion  et  ne  laisse  voir  que  FLAN.  Voir 

le  fac-similé  au  §  2,  première  partie,  Etude  des  légendes.  P.  zf  ,Go 

167  7     Même  droit,  mais  sans  légende;  dans  le  champ,  à  gauche  du  buste,  une  ancre. 
I^.  Môme  revers  avec  légende  ULFAN.    .  P.  2^.50 

168  8     Même  droit  que  le  n°  7. 
I^.  Même  revers  d'un  style  un  peu  différent;  légende  incomplète.  P.  5  grammes. 


Orode  IV. 
Type  Bg.  —  B.  diadème  à  gauche,  barbe  divisée  en  deux  pointes,  touffe  de  cheveux  sur  la  tête. 

1 .  Avec  Ugenih  arainceniie. 

169,  170  I     Buste  à  gauche,  avec  barbiche  divisée  en  deux  pointes;  touffe  de  cheveux  sur  la  tête;  double  dia- 

diadème  ;  à  gauche,  devant  le  buste,  en  écriture  mixte  URUD  MaLKA  ;  à  droite,  dans  le  champ, 
une  ancre. 
I^.  Buste  à  gauche  d'Artémis  (2<^  type,  2"  variété),  la  tête  ornée  d'une  parure  spéciale  comportant 
deux  boules,  l'une  sur  le  front,  l'autre  sur  la  nuque  et  surmontée  d'une  sorte  de  cimier  avec 
rayons  à  pointes  bouletées;  derrière  le  buste  une  ancre.  P.  3  grammes  à  3?%20 

171  2     Même  droit,  mais  sans  l'ancre. 

I^.  Même  revers. 

2.  Anépigraphes. 


172-175 


3     Même  droit,  sans  légende  ni  ancre. 

I^.  Même  revers  sans  ancre;  à  droite  du  buste  un  croissant. 


P.  28^,30  à  2S''.50 


176-178 


Y. 

Type  Bh.  —  B.  diadème  à  gauche,  pas  de  touffes  de  cheveux. 

Buste  à  gauche,  longue  barbiche,  pas  de  touffes  de  cheveux;  d'après  un  exemplaire  communiqué 
par  M.  A.  de  Petrowicz,  il  existe,  à  droite  du  buste,  une  ancre,  qui  se  trouve  en  dehors  du  champ 
sur  les  exemplaires  de  notre  collection. 

I^.  Artémis  à  droite  avec  arc  et  carquois;  très  barbare;  à  gauche,  dans  le  champ,  un  croissant. 

P.  I8S70  à  26^,50 


MONNAIES  DE  L'ELYMAÏDE 


245 


Désignât  iott 


les  planches. 


Z. 

Type  Bi.  —   B.  diadème  à  gauche,  barbe  en  pointe,  touffes  de  cheveux  ou  chignon  sur  la  nuque. 

179-182  I     Buste  à  gauche,  longue  barbiche;  petite  touffe  de  cheveux  arrondie  ou  chignon  sur  la  nuque;  dans 

le  champ,  à  droite,  une  ancre,  au-dessus  un  croissant  et  un  astre  qui  en  est  nettement  séparé 
(voir  particulièrement  la  photographie  n°  181). 
^li.  Artémis  à  droite,  avec  arc  et  carquois  ;  plus  barbare  encore  que  la  précédente  et  particuliè- 
rement remarquable  par  la  coiffure  avec  deux  boules,  absolument  identique  à  celle  décrite  pour 
le  buste  de  revers  des  monnaies  d'Orode  IV.  P.  28'', 30  à  2S"',5o 


VoLOGÈSE  (?)   (VOLOGÈSE    II    01'    III    ROI    DES    PaRTHEs). 

Type  Bj.  —  B.  diadème  à  gauche,  barbe  en  pointe,  touffes  de  cheveux  sur  la  tète  et  sur  la  nuque. 

183-185  I     Buste  à  gauche,  barbe  en  pointe;  touffes  de  cheveur  sur  la  tète  et  sur  la  nuque;  double  diadème; 

dans  le  champ,  à  droite,  ancre  et  croissant  ponctué. 
I^.  Pallas  à  gauche  s'appuyant  de  la  main  droite  sur  une  longue  haste  et  tenant  de  la  gauche  son 
bouclier  posé  debout  sur  le  sol.  P.  3  grammes  à  58', 40 

i8é  2     Même  droit. 

I^.  Même  revers,  sauf  que  Pallas  regarde  à  droite;  ce  type  de  Pallas  est  identique  à  celui  qui 
figure  sur  une  monnaie  de  bronze  attribuée  par  le  nouveau  catalogue  arsacide  du  British 
Muséum  à  Vologèse  I"  (Vologèse  II  de  Gardner  et  de  Longpérier).  (Catalogue  pi.  XXIX,  8.) 

P.  2S"-,40 

CnosRof;s  (Chosroès  i"  roi  des  Parthes). 
Type  Bk.  —  B.  diadème  à  gauche,  barbe  en  pointe,  touffes  de  cheveux  sur  la  tête  et  sur  la  nuque. 

fig.  I     Buste  à  gauche  avec  barbe  en  pointe;  grosses  touffes  de  cheveux  sur  la  nuque  et  sur  le  sommet 

de  la  tête;  double  diadème.  La  description  est  la  même  que  celle  de  la  pièce  attribuée  à  Phraa- 
take;  l'effigie  est  un  peu  différente,  le  profil  est  plus  plat,  le  nez  plus  pointu  et  plus  long,  le 
relief  moins  fort. 

I^.  Artémis  à  droite  avec  arc  et  carquois,  la  tête  peu  distincte  ;  au-dessus,  traces  d'une  frappe  anté- 
rieure; la  légende  a  été  lue  XOCPUI  BAIA€V(C)-  (Cat.  Petrowicz,  pi.  XXI,  12)';  plusieurs  lettres 
restent  inexpliquées. 

Collection  de  Petrowicz.  —  Osroès  n°  i.  .-  P.  }^',S7 

2     Même  droit. 

I^.  Même  revers,  sans  double  frappe.  L'inscription  incomplète  a  été  lue  BACIAEOC- 

Collection  de  Petrowicz.  —  Osroès  n°  2.  P.  3°', 72 


.^ 


^èi'^"^ 


^>'".V^::^ 


\<^ 


•H\\i  V     -^^ 


^î 


^à 


.«^^ 


^^     .^i; 


^Hp 


•T 


# 


36 


::t  V-  \.- 
19. 


1*5 


1*9 


5C 


51 


K^"^. 


56 


5  7 


.^ 


• 


69 


'^Sl 


=1.  X! 


Vt  a  40    ORODE    1       'H  a  69    ÛPODK.    ï! 


6  3 


•• 


^JPI^ 


## 


80 


tiSMB^Kf 


k^^- 


8it 


S8 


^lfi>^*^ 


;oû 


?fe;. 


^s 


% 


73 


r.^  vr 


gi* 


0 


r* 


&â^^v5è% 


7  0  â  !0?; 


r^ 


107  ._ 

I  ^^9 


108 


^-,;^t^v 


tkrAk- 


lOE 


109 


^»^ 


i^feit 


iri6 


110 


''N.. 

i  V^ 


117 


122 


126 


^  i^;i\:^i. 


0-  ^-  "  ^^. 


::jG 


il-^^ 


v^ 


r' 


mMs,s', 


136 


[  .«i .  'Xi, 
/ 


I3B 


PL  XIII 


iô     ORODE    II  _  117  a  136     PHF^AATE      138     PHRAATAKF, 


iielio'î'  Duiariin 


162 


•:,>■' 


^r    * 


1^ 


W  M 


m 


139    KAMNAr.KIPK::    _!/tOil'i4    OPODE    1  _  _  Ifib  s,  l'tQ    ORODF,    U.AbO.ilb?.    PfiRAATF,    ..153     X 
15l*alSB    OPOLjF'.     III    -160^17'.     OHODK    IV..!70dl78     Y    .179   à  182;    Z-/l8;5àI86    VOLOOKSK 

FL   XiV 


STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU 


Par  G.  Lampre. 


«  Je  suis  dame  Napir-Asou,  épouse  de  Ountach-Gal.  Moi,  dame  Napir-Asou,  épouse  de 
Ountach-Gal,  celui  qui  s'emparerait  de  ma  statue,  celui  qui  l'éloignerait,  celui  qui  ma  légende 
détruirait,  celui  qui  mon  nom  effacerait,  ô  roi  dieu  Gai,  ô  Kiririsha,  ô  In  Chouchinak  le  grand  ! 
qu'il  soit  maudit  !  ô  Nakhounte  sublime  !  qu'il  n'acquière  pas  un  nom,  de  progéniture  qu'il  n'ob- 
tienne pas  !  Contre  lui,  ô  Beltiya!  ô  dieux  puissants  et  grands  !  élancez-vous  ! 

«  Ceci  est  l'offrande  de  Napir-Asou  :  60  cja  de  pain  (?),  1 30. . . ,  un  pot  de  boisson  fermentée, ...» 
Le  P.  Scheil  a  lu  cette  inscription  en  langue  anzanite(i),  sur  la  robe  d'une  statue  de  bronze 
dont  la  tête,  l'épaule  et  le  bras  gauches  manquent  malheureusement.  Par  la  mention  du  nom 
d'Ountach-Gal,  nous  possédons  la  date  qui  remonte  à  quinze  cents  ans  environ  avant  J.-C.  Ce 
monument  superbe,  encore  qu'il  soit  incomplet,  a  été  découvert  au  mois  de  janvier  1903,  à  un 
mètre  seulement  de  profondeur,  dans  les  substructions  d'un  temple  qui  faisait  partie  du  groupe 
d'édifices  religieux  dont  l'exploration  nous  a  fourni  tant  de  pièces  remarquables  et  de  si  nombreux- 
objets  votifs(2). 

La  matière.  —  La  statue  mesure  i'",29  de  hauteur,  de  la  naissance  du  col  au  bas  de  la  robe. 
Elle  est  en  bronze  massif. 

L'abondance  de  ce  métal  à  Suse  témoigne  de  l'opulence  dont  s'enorgueillissait  la  capitale  de 
l'Elam.  Lorsqu'il  nous  relate  en  style  lyrique  le  pillage  de  la  grande  cité,  Assourbanipal  n'omet 
pas  de  mentionner /'azVam  brillant  ijui  revêtait  le  faite  de  sa  tour.  Comme  monuments  de  bronze 
exhumés  des  ruines  susiennes  nous  possédions  déjà  une  table  d'offrandes  (3),  un  important  frag- 

(i)  Mémoires  de  la  Délégation,  t.  V,  p.  2. 

(2)  Cf.  Mémoires  de  la  Délégation,  Offrandes  de  fondation  du  temple  de  Chouchinak. 

(3)  Mémoires  de  la  Délégation,  t.  1,  p.  161  et  pi.  XII.  —  Cette  table  d'offrandes  mesure  i'",6o  de  longueur. 


246  STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU 

ment  de  bas-relief  (i)  et  deux  colonnes  portant  des  textes  au  nom  deChilhak-in-  Chouchinak(2). 
La  statue  de  la  reine  Napir-Asou  se  place  au  premier  rang  de  cette  série  non  seulement  par 
l'intérêt  historique  et  artistique  qu'elle  présente,  mais  encore  par  sa  masse.  Elle  pèse,  en  effet, 
I  750  kilogrammes(3). 

M.  de  Morgan  estime  à  5000  kilogrammes  le  poids  des  objets  de  bronze  trouvés  jusqu'au- 
jourd'hui à  Suse.  Or,  nous  n'avons  encore  fouillé  qu'une  partie  du  tell  de  la  Citadelle.  La  propor- 
tion du  métal  découvert  dès  à  présent  peut  servir  à  évaluer  la  quantité  que  l'on  doit  logiquement 
s'attendre  à  rencontrer  dans  les  fouilles  qui  suivront.  Si  l'on  tient  compte  des  immenses  spolia- 
tions pratiquées  par  les  armées  assyriennes  et  les  troupes  d'Alexandre,  on  jugera  de  l'extraordi- 
naire richesse  en  cuivre  ou  en  bronze  qui  caractérisait  la  ville  élamite. 

Procédés  techniques.  —  Les  peuples  de  l'Élam  étaient  donc  passés  maîtres  dans  l'art  de  la 
métallurgie.  Les  procédés  qu'ils  employaient  pour  fondre  et  pour  couler  des  pièces  aussi  impor- 
tantes que  celles  dont  nous  avons  donné  plus  haut  l'énumération,  ne  nous  sont  pas  connus  de  façon 
précise  et  nous  sommes,  dans  bien  des  cas,  réduits  aux  conjectures.  Les  spécialistes  modernes 
admirent  les  résultats  obtenus  par  ces  artisans  de  l'antiquité  ;  ils  s'étonnent,  avec  raison,  que  les 
Êlamites  soient  parvenus  à  produire  des  monuments  en  bronze  de  taille  aussi  imposante  sans 
qu'on  y  remarque  un  défaut  ni  une  soufflure.  Aucune  indication  formelle  ne  permet  d'élucider 
jusqu'à  présent  comment  ils  établissaient  leurs  moules  ni  de  quelles  matières  ils  les  composaient. 
Ils  étaient  dépourvus  des  grands  fours  à  haute  température  qui  facilitent  les  travaux  de  la  métal- 
lurgie actuelle.  L'outillage  du  fondeur  devait  pour  eux  se  réduire  à  des  creusets,  de  capacité  tou- 
jours assez  faible,  dont  il  fallait  employer  simultanément  un  nombre  considérable  pour  obtenir 
une  masse  suffisante  de  métal  en  fusion.  Encore  fallait-il  que  ces  fontes  partielles  fussent  réglées 
de  façon  à  se  maintenir  à  un  degré  de  température  à  peu  près  égale  pour  toutes.  Autant  de  diffi- 
cultés à  surmonter  qui  n'ont  pas  arrêté,  dans  la  réalisation  de  leurs  œuvres,  les  fondeurs  contem- 
porains d'Ountach-Gal  et  de  Chilhak-in-Ghouchinak. 

Les  colonnes  de  bronze  au  nom  de  ce  dernier  souverain  nous  avaient  révélé,  depuis  deux  ans, 
à  quel  niveau  atteignait  l'industrie  du  métal  au  x'  siècle  avant  notre  ère.  La  figure  de  la  dame 
Napir-Asou,  épouse  du  roi  Ountach-Gal,  vient  nous  montrer  avec  quelle  perfection  les  Elamites 
savaient  déjà  opérer  quinze  cents  ans  environ  avant  J.-C. 

(i)  Mémoires  de  la  Délégation,  p.  163  et  pi.  XIII.  —  La  longueur  de  ce  fragment  est  de  l'n.oa. 

(2)  Pour  le  texte  cf.  Scheil,  Me;n.  de  la  Délég.,  t.  V,  p.  39-55  et  pi.  VI,  VII  et  VIII.  —  Pour  la  description 
archéologique  cf.  G.  Jéquier,  Mém.  de  la  Délég.,  t.  VIII,  p.  37.  —  L'une  de  ces  colonnes  atteint  4™, 34  de  long;  l'autre, 
plus  trapue,  ne  dépasse  pas  trois  mètres. 

(3)  Cette  nomenclature  serait  incomplète  si  nous  ne  citions  également,  bien  qu'elle  soit  encore  inédite,  une  œuvre 
très  remarquable  que  MM.  J.-E.  Gautier  et  R.  de  Mecquenem  ont  rapportée  de  leurs  dernières  fouilles  à  Suse.  C'est  un 
plateau  de  bronze,  avec  inscription,  qui  supporte  des  figurines  humaines  ainsi  que  des  représentations  d'édifices  reli- 
gieux et  d'objets  consacrés  au  culte.  L'étude  détaillée  que  M.  J.-E.  Gautier  a  faite  de  ce  très  intéressant  sujet  nous  est 
parvenue  trop  tardivement  pour  prendre  place  dans  le  présent  volume.  Elle  figurera  dans  notre  prochain  tome. 


c 

< 

a. 

< 

w 
g 

5 


o 
p: 
m 

Q 


STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU  247 

Nous  avons  dit,  au  début  de  cette  notice,  que  la  statue  est  incomplète.  L'invocation  de  Napir- 
Asou  aux  dieux  protecteurs  n'a  pas  garanti  son  effigie  contre  les  mutilations.  La  tête,  abattue  à 
coups  de  masse,  a  entraîné,  en  se  détachant,  toute  la  partie  gauche  du  torse,  ainsi  que  le  bras 
jusqu'à  la  main.  Dans  le  cas  présent,  il  ne  s'agit  pas  d'un  de  ces  outrages,  d'ordre  politique,  dont 
les  monuments  de  la  civilisation  élamite  portent  si  fréquemment  la  trace;  en  effet,  l'inscription 
respectée  nous  est  parvenue  intacte.  La  cupidité  seule  a  donc  incité  les  iconoclastes  ;  c'est  la  valeur 
du  métal  qui  a  provoqué  leur  acte  de  destruction.  Il  en  est  résulté  une  lacune  irréparable  dans 
l'histoire  de  l'art  en  Èlam.  Surtout  par  l'étude  de  la  tête  nous  aurions  pu  juger  de  la  science  du 
statuaire  et  déterminer,  en  même  temps,  le  type  féminin  à  cette  époque.  Par  suite  de  ce  désastre  il 
ne  nous  reste  que  la  compensation  médiocre  de  pouvoir  examiner  la  structure  interne  de  la  statue. 

Elle  a  été  coulée  en  creux,  et,  semble-t-il,  d'une  seule  pièce,  sur  une  épaisseur  moyenne  de 
o'",03.  Cette  première  couche  de  métal  est  remarquablement  homogène;  la  fonte  en  est  parfaite. 
Mais  il  n'a  pas  sufTi  à  la  gloire  d'Ountach-Gal  d'avoir  ainsi  perpétué  l'image  de  sa  rovale  épouse. 
Il  a  voulu  encore  transformer  cette  statue  creuse  en  un  bloc  massif,  soit  pour  en  mieux  assurer 
la  pérennité,  soit  afin  que  cette  œuvre  d'art  représentât,  pour  l'époque,  une  valeur  matérielle 
énorme,  digne  du  sujet  auquel  elle  était  consacrée.  A  cet  effet,  tout  l'intérieur  de  la  statue  fut 
rempli  de  métal  en  fusion.  Cette  opération  parait  avoir  été  effectuée  avec  une  certaine  négligence. 
La  cassure  du  torse  permet  de  constater  que  la  coulée  de  remplissage  est  grumeleuse,  bouil- 
lonnée  et  d'une  cohésion  très  imparfaite,  défauts  que  l'on  peut  attribuer  à  des  inégalités  de  tem- 
pérature dans  l'appoint  de  chaque  creuset.  Le  métal  en  fusion  s'est  ainsi  solidifié  par  couches 
successives,  ou  en  rognons  contigus( voir  PI.  XV  et  XVI)  dont  il  est  facile  de  discerner  la  jonction. 
A  dix  centimètres  environ  au-dessus  de  la  ligne  de  la  taille,  l'aspect  du  métal  change.  Nous 
observons  alors  une  massotte  en  forme  de  cylindre,  très  égale  et  homogène.  Probablement 
fondue  d'avance,  elle  aurait  été  plongée  à  l'intérieur  de  la  statue  pour  comprimer  le  métal  encore 
à  l'état  pâteux  et  le  refouler  dans  les  cavités.  Puis  on  aurait  achevé  de  combler  les  vides  par 
des  coulées  de  métal  jusqu'au  ras  de  la  cloche  que  dessine  la  jupe. 

-  La  différence  de  température  entre  le  métal  de  la  statue  même  et  la  fonte  de  remplissage  a 
eu,  d'une  part,  pour  résultat  que  le  remplissage  n'a  pas  adhéré  fermement  â  l'enveloppe  avec 
laquelle  il  devait  faire  corps.  D'autre  part,  le  poids  de  la  massotte  cylindrique  n'a  pas  suffi  à 
refouler  exactement  la  portion  fluide  dans  les  cavités  de  la  tête  et  des  bras.  On  conçoit,  dès  lors, 
comment  ces  parties  de  la  statue  ont  pu  être  abattues  à  coups  de  masse  et  l'on  peut  s'expliquer 
le  singulier  aspect  de  déchirure  produit  par  cette  mutilation. 

Pour  en  terminer  avec  ces  observations  sur  la  matière  de  la  statue  royale,  nous  dirons  que 
le  métal  dont  elle  est  composée  est  d'une  dureté  extrême,  au  point  qu'il  a  émoussé  les  mèches 
d'acier  les  mieux  trempées,  lorsque  nous  avons  voulu  prélever,  sous  la  base,  un  échantillon  pour 
l'analyse. 

L'attitude.  —  La  reine  Napir-Asou  nous  est  représentée  debout  dans  une  attitude  pleine  de 


24«  STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU 

naturel  et  de  modestie.  Les  bras  étaient  ployésà  angle  droit,  les  avant-bras  ramenés  sur  le  corps 
à  hauteur  de  la  taille;  les  mains  tombent  un  peu  obliquement  sur  l'abdomen,  la  main  droite 
recouvrant  la  gauche,  geste  encore  familier  à  nos  villageoises.  Les  épaules  sont  larges,  la  poitrine 
haute  et  marquée  sans  exagération  ;  la  taille,  par  son  amplitude,  d'ailleurs  en  rapport  avec  les 
proportions  du  corps,  ne  satisferait  pas  l'esthétique  moderne  ;  l'attache  de  la  ceinture,  haut 
placée,  fait  paraître  le  buste  un  peu  court.  Le  développement  des  hanches  est  normal.  Cette 
figure  humaine  accuse  une  structure  robuste  mais  non  ramassée,  comme  dans  les  représentations 
assyriennes,  car,  en  dépit  de  la  lourdeur  du  costume,  l'ensemble  apparaît  plutôt  élancé.  Lesseules 
parties  de  la  statue  qui,  outre  la  tête,  se  soient  prêtées  au  modelé,  sont  les  ou  plutôt  le  bras  dont 
l'attache  est  vigoureuse  tandis  que  les  extrémités  indiquent  une  certaine  finesse  ;  les  doigts  eflSlés 
ont  le  défaut  d'être  démesurément  longs  (surtout  l'index  et  l'auriculaire)  avec  leurs  phalanges 
marquées  par  deux  traits  ;  ils  se  terminent  par  des  ongles  courts,  taillés  carrément. 

L'inscription  même  de  la  statue  nous  indique  qu'elle  devait  être  placée  dans  un  sanctuaire 
puisque  les  dernières  lignes  du  texte  sont  consacrées  à  l'énumération  d'allocations  dévolues  aux 
prêtres  ou  aux  gardiens.  L'attitude  modeste  du  personnage  est,  d'ailleurs,  conforme  à  cette 
destination. 

Les  ornements.  —  Les  parures  les  plus  intéressantes  à  étudier  ont  disparu  avec  la  tête  et  le 
cou.  Sur  l'épaule  droite  nous  observons  une  grande  agrafe  en  forme  de  palmette  à  sept  éléments. 
Les  deux  poignets  sont  ornés  chacun  d'un  bracelet  formé  d'une  quadruple  spire,  ou  de  quatre 
anneaux  indépendants.  Le  doigt  annulaire  de  la  main  gauche  porte  une  bague  constituée  par 
un  large  ruban  central,  rehaussée  en  haut  et  en  bas  d'un  double  filet  en  relief.  La  rareté  des 
bijoux  pourrait  paraître  surprenante  dans  cette  figuration  d'une  reine.  Mais  nous  savons  par  la 
découverte  des  coiffures  élamites(i),  par  l'étude  d'une  tête  de  statue  en  calcaire  blanc  (2)  et  par 
l'examen  des  figurines  en  terre  cuite,  que  la  parure  chez  les  Élamites  était  surtout  adaptée  à  la 
chevelure,  aux  oreilles  et  au  cou. 

Le  costume.  —  Il  se  compose  d'une  longue  robe  ajustée  qui  recouvre  les  pieds.  Le  corsage, 
plaqué  sur  la  poitrine,  moule  exactement  les  formes.  La  manche  droite,  fixée  sur  l'épaule  par 
une  agrafe,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  est  d'une  coupe  singulière.  Elle  épouse  étroite- 
ment les  lignes  du  bras  et  s'arrête  carrément  un  peu  au-dessus  de  la  saignée,  d'une  part,  tandis 
que,  d'autre  part,  elle  descend  au-dessous  de  l'articulation  du  coude  qu'elle  emboîte  exactement. 
Elle  est  rehaussée  d'une  simple  bande  qui  court  verticalement  de  l'épaule  au  coude. 

La  robe,  en  forme  de  cloche,  s'arrondit  avec  grâce.  Elle  est,  ainsi  que  le  corsage,  ornée  de 
broderies  représentées  par  de  petits  cercles  gravés  en  creux  avec  un  point  au  centre.  Un  volant  en 

(i)  Cf.  Mémoires  de  la  Délégation,  t.  VII,  .page  44  et  planches  VIII,  IX  et  X. 
(2)  Ibid.,  page  125. 


r^   '^ 


STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU  249 

lainage,  composé  de  franges  ondulées,  forme  le  bas  de  la  robe.  II  mesure  0^,30  de  hauteur  dans 
les  portions  demeurées  intactes  ;  un  large  galon  de  broderies,  figurées  par  une  série  de  rectangles 
ornés  de  dentelures  verticales  et  de  points,  sépare  le  volant  du  corps  de  la  robe. 

Un  galon  identique  indique  la  ceinture  qui  n'est  visible  que  sur  la  partie  arrière  de  la  statue. 
A  la  taille  s'ajuste  une  double  jupe  de  lainage  aux  franges  perpendiculaires,  qui,  ouverte  par 
devant,  tombe  carrément  sur  la  hanche  gauche  et  s'arrondit,  en  retroussis,  sur  la  droite.  Cette 
double  jupe  s'arrête  au-dessus  des  genoux. 

L'élément  le  plus  riche  et  le  plus  curieux  du  costume  est  un  empiècement  entièrement  brodé 
qui,  sur  le  devant  de  la  robe,  recouvre  en  partie  la  double  jupe  de  lainage  et,  commençant  à 
hauteur  des  mains,  aboutit  au  volant  du  bas. 

D'un  effet  somptueux,  bien  qu'un  peu  trop  lourd,  il  se  divise  en  deux  larges  bandes.  L'une, 
horizontale,  affecte  la  forme  d'un  trapèze.  Le  motif  principal,  figurant  les  broderies,  est  composé 
de  treize  rectangles  longs,  disposés  parallèlement,  suivant  la  verticale.  L'ornementation  intérieure 
de  ces  rectangles  est,  alternativement,  une  série  de  petites  cases  rectangulaires  semées  d'un 
pointillé,  et  une  dentelure  verticale  dans  un  semis  de  points.  Deux  galons,  formés  chacun  d'une 
petite  bande  horizontale  avec  dentelure  de  même  et  pointillés  entre  deux  ligneâ  de  chaînettes, 
délimitent  cette  première  pièce. 

Elle  est  continuée  par  une  longue  frange  rigide  (voir  PI.  XV),  en  forme  de  triangle,  qui 
n'occupe  qu'une  partie  de  la  base  de  l'empiècement.  Cette  frange  tombe  en  biais  sur  la  double 
jupe  de  lainage  et  la  jupe  de  la  robe.  Elle  est  composée  d'une  quantité  de  chaînettes  jointives 
dont  l'aspect  diffère  entièrement  des  franges  de  laine.  Nous  pensons  que  ces  chaînettes  étaient 
tressées  d'un  métal  précieux,  l'or,  sans  doute,  ce  qui  en  expliquerait  la  rigidité  et  comment  il  se 
fait  qu'elles  tombent  suivant  la  direction  oblique  qui  leur  a  été  imposée,  au  lieu  de  suivre  la  per- 
pendiculaire. L'habileté  avec  laquelle  les  orfèvres  élamites  travaillaient  les  métaux  rend  fort 
plausible  la  présence  d'une  frange  en  or  destinée  à  rehausser  les  broderies  du  costume  royal.  Un 
ouvrage  de  cette  nature  n'était  qu'un  jeu  pour  les  artisans  qui  ont  ciselé,  tressé  et  filigrane  les 
bagues  et  les  bijoux  découverts  dans  les  fondations  du  temple  de  Chouchinak. 

La  seconde  partie  de  l'empiècement  de  broderies  est  une  longue  et  large  bande,  verticale 
cette  fois,  qui,  partant  de  la  première,  aboutit  au  volant.  Elle  est  en  forme  de  rectangle  allongé  ; 
le  dessin  qui  figure  les  broderies  est  le  même  que  précédemment,  mais  la  disposition  est  ici 
contraire.  Les  motifs  de  la  bande  horizontale  étaient  verticaux,  ceux  de  la  bande  verticale  sont 
horizontaux.  Ce  sont  vingt-deux  rangées  de  petites  bandes  horizontales  avec  dentelures  de  même 
et  semis  de  pointillés  qui  figurent  les  broderies.  Ces  motifs  sont  délimités  de  chaque  côté,  suivant 
la  verticale,  par  un  galon  analogue  à  celui  que  nous  avons  déjà  décrit  comme  encadrant  l'em- 
piècement supérieur.  Enfin  une  courte  frange  rigide,  que  nous  assimilerons,  comme  composition, 
à  la  précédente,  orne  un  des  côtés  de  la  longue  bande  et  tombe  obliquement  au  milieu  de  la  robe. 

Tel  est,  dans  son  ensemble,  le  costume  de  la  reine  Napir-Asou  qui  a  provoqué  parmi  les  visi- 
teurs du  Louvre  une  certaine  surprise,  non  pas  tant  en  ce  qui  concerne  l'ornementation,   qu'au 

32 


250  STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU 

point  de  vue  de  la  coupe.  Il  est  assez  singulier,  en  effet,  de  retrouver,  dans  une  robe  qui  se  portait 
à  Suse  quinze  siècles  avant  notre  ère,  la  forme  cloche  adoptée  de  nos  jours  pour  les  vêtements 
féminins. 

C'est  à  son  poids  considérable  que  cette  belle  œuvre  d'art  a  dû  d'échapper  à  la  destruction 
complète  lorsque  l'Assyrien  s'empara  de  Suse.  Trop  pesante  pour  être  transportée  avec  les 
trente-deux  représentations  de  divinités  et  de  rois  qu'Assourbanipal  cite,  en  premier  lieu,  dans 
l'énumération  pompeuse  de  son  butin,  la  statue  royale  décapitée,  mutilée,  demeura  enfouie  dans 
les  ruines  de  la  capitale  élamite.  Sa  masse,  qui  l'avait  préservée  contre  la  cupidité  de  l'ennemi  et 
les  ravages  des  siècles,  faillit  cependant  causer  sa  perte  définitive  alors  que  nous  l'acheminions  vers 
la  France.  Au  moment  où  nous  nous  préparions  à  l'embarquer  sur  le  Karoun,  le  laborieux  agen- 
cement, que  nous  avions  combiné  avec  les  moyens  rudimentaires  dont  nous  disposons,  se  rompit 
sous  le  poids  du  fardeau  et  Napir-Asou  roula  dans  le  fleuve  juste  au  bord  d'une  fosse  profonde. 
A  grand'peine  le  sauvetage  fut  opéré. 

Après  tant  de  vicissitudes,  la  statue  de  la  reine  Napir-Asou,  pieusement  placée  sous  la  pro- 
tection des  dieux,  a  bien  gagné  le  sûr  asile  où  notre  Musée  national  l'expose  à  l'admiration  des 
savants  et  des  artistes. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

EN    I901. 


NÉCROPOLES  DES  AGES  DU  BRONZE  ET  DU  FER 

Par  h.  de  Morgan. 


En  commençant  ce  mémoire  il  est  bon  de  corriger  l'impression,  trop  généralement  répandue, 
que  la  Délégation  en  Perse  du  Ministère  de  l'Instruction  Publique  se  borne  à  l'exploration  du  tell 
de  Suse.  Loin  de  moi  la  pensée  de  vouloir  réduire  l'importance  du  site  de  la  capitale  de  l'antique 
Élam,  qui  a  déjà  fourni,  sur  les  débuts  de  l'histoire  de  l'humanité,  les  renseignements  les  plus 
précieux  ;  mais  le  terrain  ouvert  à  l'activité  des  explorateurs  français  est  bien  autrement  vaste  : 
il  comprend  la  Perse  tout  entière.  En  vertu  d'un  traité  passé  entre  sa  Majesté  le  Shah  de  Perse 
et  le  Gouvernement  français  tout  l'Iran  est  devenu  le  domaine  scientifique  de  la  France.  Il 
importait  donc  d'aborder  ce  vaste  champ  d'étude  avec  un  esprit  d'ensemble.  Les  travaux  exécutés 
cette  année  dans  la  province  du  Ghilan,  et  que  je  vais  décrire,  avec  l'aide  de  mes  propres 
notes  et  de  celles  de  mes  collaborateurs,  font  partie  d'un  plan  de  recherches  dont  l'ampleur  rap- 
pelle l'œuvre  accomplie  en  Egypte  par  la  première  République.  La  tâche  est  immense,  dans  ce 
pays  où  tout  est  à  faire  ;  aussi  n'avons-nous  d'autre  but,  mes  collègues  et  moi,  que  de  mettre 
sous  les  yeux  du  monde  savant  des  matériaux  consciencieusement  recueillis,  en  les  accompagnant 
des  appréciations  que  suggère  l'étude  sur  le  terrain.  D'autres,  après  nous,  tireront  des  conclu- 
sions plus  générales. 

Afin  d'opérer  avec  ordre,  il  importait  de  commencer  par  l'une  des  extrémités  du  territoire, 
et  de  mener  le  travail  de  proche  en  proche,  pour  rendre  méthodique  cette  exploration  d'ensemble. 
La  chaleur  excessive  qui  règne  en  Susiane  pendant  tout  l'été,  rend  les  fouilles  impossibles  en 
dehors  des  mois  d'hiver  ;  en  toute  autre  saison  le  pays  est  désert.  La  population  émigré  en 
masse  vers  la  montagne  ;  force  est  donc,  faute  d'ouvriers,  de  suspendre  les  travaux.  Mais,  si  la 


252  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

vie  est  impossible  à  Suse  pendant  les  chaleurs,  il  n'en  est  pas  de  même  sur  le  plateau  persan  dont 
l'altitude,  variant  entre  i  200  et  i  500  mètres,  maintient  pendant  tout  l'été  une  température  très 
supportable,  souvent  même  froide,  la  nuit  surtout.  L'hiver  tout  le  sol  est  couvert  d'une  épaisse 
couche  de  neige  ;  les  recherches  deviennent  impraticables.  On  est  donc  amené  à  profiter  de  l'été, 
seule  saison  où  les  travaux  peuvent  se  faire.  La  Délégation,  chassée  de  la  Susiane  par  l'élé- 
vation excessive  de  la  température,  trouve  sur  le  plateau  un  champ  tout  ouvert  à  son  activité. 
Le  1 1  mars  1901 ,  après  avoir  terminé  à  Suse  la  campagne  de  fouille  de  l'hiver,  et  fait  l'envoi  en 
France  des  objets  trouvés  depuis  le  début  des  travaux,  le  chef  de  la  mission,  accompagné  du 
secrétaire  de  la  Délégation,  prenait  la  route  du  Nord  avec  sa  caravane,  me  donnant  rendez-vous  à 
Astara,  point  extrême  de  la  frontière  de  la  Perse  sur  la  côte  Ouest  de  la  Caspienne.  Un  semblable 
voyage  à  travers  tout  le  territoire  de  l'Iran,  par  des  sentiers  souvent  à  peine  tracés,  est  une 
opération  longue  et  fastidieuse. 

Malgré  les  difficultés  de  la  route,  la  mission  était  à  Astara,  au  jour  dit  le  20  mai,  et,  de  mon 
côté,  j'v  arrivais  deux  jours  plus  tard,  forcé  que  j'étais,  dans  ce  pays  dépourvu  de  toute  facilité  de 
logement,  d'attendre  au  Caucase,  la  nouvelle  de  l'arrivée  de  la  Délégation,  munie  de  son  matériel 
de  campement.  Partout  en  Perse,  hôtels  et  auberges  font  défaut,  et  loger  chez  l'indigène  n'a  de 
charme  que  pour  l'entomologiste. 

Nous  étions  donc  réunis  au  Talyche  persan,  objectif  de  nos  recherches.  Avant  de  poursuivre 
plus  loin  ce  récit,  il  est  bon  de  donner  un  aperçu  de  ce  pays  rarement  visité  par  les  Européens.  Si 
l'on  jette  les  yeux  sur  la  carte  de  la  Caspienne,  on  est  frappé  par  la  courbure  de  la  direction 
des  montagnes  qui  la  bordent  au  Sud.  Cette  chaîne,  dont  la  concavité  fléchit  vers  le  Sud,  forme 
une  suite  de  crêtes  très  élevées  qui,  partant  de  la  vallée  de  l'Araxe,  va  se  "perdre  à  l'Est  dans  la 
steppe  de  Turcomanie.  La  côte  de  la  Caspienne  suit  l'inflexion  de  cette  courbe  et  présente  partout 
le  même  aspect.  Plate  et  d'un  abord  difficile,  elle  est  semée  de  bancs  de  sable,  de  lagunes  et  de 
marais,  dans  lesquels  viennent  s'épandre  et  mourir  des  torrents  impétueux,  descendus  du 
massif  par  des  gorges  profondes  et  parallèles.  Le  régime  des  eaux  est  là  partout  le  même. 
Chacune  de  ces  vallées,  dans  sa  partie  inférieure,  est  couverte  de  rizières  aux  émanations 
fétides  pendant  la  saison  chaude  ;  puis  vient  la  forêt  séculaire,  toute  moite  d'une  lourde  humidité, 
dans  laquelle  se  développe  une  végétation  semi-tropicale  d'une  richesse  prodigieuse.  Le  sol  dis- 
paraît sous  un  épais  tapis  de  mousses  et  de  fougères.  Près  de  la  côte  la  hache  du  bûcheron  a 
fait  sentir  ses  ravages,  mais  plus  on  s'éloigne,  plus  la  futaie  devient  haute  et  compacte.  Les 
essences  dominantes  sont  le  hêtre,  le  charme,  l'orme,  le  chêne,  l'érable,  le  platane,  le  frêne,  l'aulne, 
le  tilleul,  etc.,  au  milieu  desquels  les  accacias,  les  lentisques  et  les  mimosas  mêlent  la  dentelure 
fine  de  leur  feuillage.  Çà  et  là  les  buis  forment  des  sous-bois  à  la  note  sombre.  Plus  loin  ce  sont 
des  néfliers,  des  cornouillers,  des  figuiers,  ou  bien  encore  des  grenadiers  touffus  qui  émaillent  les 
ravins  de  l'éclat  de  leurs  fleurs  de  corail. 

A  mesure  que  l'on  gravit  la  rampe,  les  rivières  deviennent  torrents  et  roulent  tumultueuses 
dans  de  profonds  canons  ;  tour  à  tour  rapides  ou  cascades,  elles  disparaissent  au  fond  de  ce  dédale 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  255 

de  rochers  et  d'arbres  enlacés.  En  avant,  vers  l'Ouest,  et  fermant  l'horizon,  se  dresse  une  muraille 
abrupte,  rouge  et  grise,  dénudée,  toute  déchirée  de  nombreuses  échancrures,  qui,  tour  à  tour, 
se  couvrent  de  nuages  ou  laissent  des  échappées  sur  le  ciel  bleu.  Quelques  rares  portes,  donnant 
accès  au  plateau  persan,  sont  seules  accessibles.  Tel  est  le  Talyche. 

J'avais  quitté  Bakou  le  21  mai  au  soir,  le  lendemain  à  la  nuit  nous  nous  rencontrons  à 
Astara.  La  mer  est  calme,  et,  dans  cette  rade  ouverte,  le  débarquement  se  fait  sans  peine.  Toutes 
les  formalités  de  la  frontière  nous  sont  simplifiées  par  les  autorités  russes  et  persanes  qui  riva- 
lisent de  courtoisie.  Grâce  à  notre  matériel  de  campement  nous  passons  la  nuit  dans  des  condi- 
tions confortables,  et,  de  bonne  heure,  on  se  met  en  route  pour  aller  retrouver  le  reste  de  la 
mission  installée  plus  haut  dans  la  vallée,  en  pleine  foret.  Astara  se  compose  de  deux  misérables 
villages  juxtaposés,  l'un  russe,  l'autre  persan;  la  rivière  forme  la  frontière. 

Nous  retraversons  à  gué  la  rivière  et  suivons  la  route  russe,  qui  est  bien  entretenue  et  bordée 
de  postes  de  cosaques.  Le  pays  est  entièrement  consacré  à  la  culture  du  riz.  Les  villages  indigènes 
sont  bâtis  sur  des  pieux  qui  haussent  les  maisons  au-dessus  du  sol  et  des  émanations  fétides 
des  marais.  A  environ  dix  kilomètres  nous  traversons  encore  la  rivière  et  passons  de  nouveau 
sur  le  sol  persan  où  se  trouve  le  camp  dressé  sur  un  terrain  élevé,  au  milieu  des  bois.  La  forêt 
renferme  de  très  beaux  arbres,  mais  a  perdu  une  partie  de  son  aspect  primitif  grâce  aux  exploita- 
tions de  charbon. 

Désormais  nous  sommes  sur  notre  terrain  d'études.  Ce  terrain  avait  été  choisi  pour  les  rai- 
sons suivantes:  en  1888,  nous  avions  fait,  M.  J.  de  Morgan  et  moi,  l'exploration  minutieuse  de 
nécropoles  préhistoriques  dans  la  partie  du  Petit  Caucase  voisine  du  Lelvar  et  de  la  vallée  de  la 
Débédah.  Pendant  ces  recherches  nous  avions  pu  nous  convaincre  que  ces  sépultures  apparte- 
naient à  l'âgedu  fer.  Plus  tard  et  durant  sa  première  mission  en  Perse,  en  1890,  M.  J.  de  Morgan 
avait  pu  explorer  en  partie  la  province  russe  de  Lenkoran,  voisine  du  Talyche  persan,  et  y  avait 
découvert  de  nombreuses  nécropoles  avec  dolmens,  tant  de  l'âge  du  bronze  que  de  celui  du  fer. 
Le  travail  que  nous  allions  entreprendre  cette  année  était  de  visiter  la  province  du  Ghilan  et 
d'étudier  les  monuments  antiques  qu'elle  pouvait  renfermer.  Notre  œuvre  était  donc  la  continua- 
tion naturelle  des  travaux  précédents.  Mais  ces  investigations  sont  loin  d'être  aisées,  car  dans  ces 
sombres  vallées  du  Talyche,  sous  l'épaisse  végétation  qui  couvre  tout  le  pays,  les  vestiges  anciens 
disparaissent  noyés  et  souvent  on  les  côtoie  sans  les  reconnaître. 

Du  23  mai  au  3  juin,  nous  restons  campés  dans  la  partie  basse  de  la  vallée  d'Astara,  près 
de  Kashpi.  Nous  battons  le  pays  et  l'explorons  dans  tous  les  sens,  non  seulement  par  nous-mêmes, 
mais  en  dépêchant  des  indigènes  â  la  recherche.  Chaque  fois  l'un  de  nous  allait  vérifier  les 
points  qui  étaient  signalés. 


Qal'a.  —  Le  1"  juin  dés  l'aube  nous  quittons  le  camp,  et  nous  nous  rendons  à  un  village 
nommé  Qal'a,  situé  au  Sud-Ouest  d'Astara,  sur  les  derniers  contreforts  des  arêtes  du  plateau 


2)4 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


persan,  à  l'entrée  des  rizières.  Nous  y  avions  reconnu  des  indices  de  sépultures  antiques  :  cercles 
de  pierres  d'environ  i'",20  de  diamètre.  Nous  attaquons  le  terrain  avec  une  quinzaine  d'ouvriers. 


FiG.  536.  —  Type  des  sépultures  de  daVa. 


FiG.  357.  —  Bracelets  de  bronze. 


Les  fouilles  pratiquées  dans  sept  sépultures  ne  nous  donnent  que  des  débris  de  vases  en  terre 
grossière  et  noirâtre,  et  deux  bracelets  en  bronze  (fig.  337)-  Ces  tombes  peuvent  être  du  premier 
âge  du  bronze  à  en  juger  par  leur  mode  de  construction  ;  mais  comme  elles  sont  sans  intérêt, 
nous  ne  poussons  pas  plus  loin  les  travaux. 


Khodja  Daoud  Keupru.  —  Pendant  nos  recherches  dans  la  partie  basse  de  la  vallée  d'Astara 
nous  n'avions  rien  trouvé  qui  pût  nous  inviter  à  y  demeurer  plus  longtemps  ;  mais,  en  revanche, 
plus  haut  sur  notre  gauche,  nous  avions  observé  une  localité  qui  offrait  des  indices  sérieux  d'une 
nécropole  antique  importante  :  un  dolmen,  des  tertres  et  des  cercles  de  pierres.  Nous  décidons 
d'y  transporter  le  camp,  et  de  faire  de  ce  point  un  nouveau  centre  d'observations  (fig.  338). 

Le  3  juin,  au  matin,  nous  partons.  Les  autorités  russes  nous  avaient  gracieusement  permis 
de  faire  usage  de  leur  route  militaire  de  frontière.  Nous  en  profitons  et  cette  complaisance  nous 
permet  d'éviter  le  sentier  persan ,  un  des  plus  détestables  de  tout  le  pays,  sorte  de  cloaque  immonde 
qui  serpente  à  travers  les  rizières,  ou  sur  les  arêtes  rocailleuses  qui  viennent  plonger  dans  les 
fonds  vaseux  de  la  vallée.  Nous  suivons  donc  la  chaussée  russe,  encore  inachevée  d'ailleurs, 
jusqu'à  un  pont  délabré  qui  nous  ramène,  à  travers  l'Astara-Tchaï,  sur  le  sol  persan.  Nous  éta- 
blissons le  camp  sur  un  éperon  bordé  de  figuiers  et  de  mimosas,  autour  duquel  serpente  la 
rivière.  Cette  tablette  de  rochers  se  relie,  vers  le  Sud,  au  massif  montagneux,  par  un  petit  plateau 
que  traverse  le  sentier  persan  d'Astara  à  Ardebil.  Là  nous  avions  remarqué  un  dolmen  entr'ou- 
vert  et  des  cercles  de  pierre  analogues  à  ceux  qui  entourent  les  sépultures  de  l'âge  du  bronze 
explorées  dans  le  Lcnkoran.  Nous  prenons  de  suite  nos  dispositions  pour  commencer  les  fouilles. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


')> 


Mais  là,  une  difficulté  se  présente.  Dans  cette  vallée  sauvage,  la  population  est  très  clairsemée 
et  nous  avons  toutes  les  peines  du  monde  à  rassembler  des  ouvriers  en  nombre  suffisant.  Les 


outils  mômes  font  défaut  ;  nous  sommes  forcés  de  nous  procurer  pelles  et  pioches  à  Bakou,  par 
l'entremise  de  M.  Debief,  notre  consul,  qui  s'empresse  de  nous  venir  en  aide  de  la  meilleure 
grâce. 

Le  5  juin,  nous  faisons  ouvrir  un  petit  tertre  formé  de  pierres  amoncelées,  mais  sans  résultat. 


2]  6 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


Le  lendemain,  suite  des  fouilles  qui  demeurent  improductives.  Nous  faisons  vider  à  fond  le 
petit  dolmen  qui  avait  attiré  notre  attention  sur  cette  localité.  Il  est  entrouvert,  bouleversé  par 


^   ^ 


FiG.  339. 

Sépulture  de  Khodja-Daoud-Keuprù. 

Échelle  de  o'n,02  par  mètre. 


la  végétation.  Nous  n'y  rencontrons  que  des  débris  informes  de 
vases  en  terre  noire.  Impossible,  sur  ces  seuls  indices,  d'en  déter- 
miner l'âge.  Comme  mode  de  construction,  il  ressemble  aux 
petits  dolmens  qui  se  rencontrent  si  nombreux  en  Bretagne 
dans  le  voisinage  de  Lockmariaker  et  de  Karnak. 

Le  7  juin,  nous  faisons  sonder  des  amas  de  rochers  disposés 
en  cercles  qui  se  trouvent  çà  et  là  sur  le  passage  de  la  route 
persane.  Sur  ce  point  le  transit  incessant  des  caravanes  a  com- 
plètement bouleversé  le  sol  et  ruiné  les  sépultures,  dont  les  traces 
sont  devenues  confuses.  Cependant, dans  une  de  ces  enceintes  de 
blocs,  après  avoir  fait  enlever  les  gros  rochers  qui  recouvraient  le 
centre,  nous  rencontrons  une  sépulture  bien  caractérisée.  Le  cercle  extérieur  mesurait  un  dia- 
mètre de  4"",  30  et  le  tombeau  lui-même,  en  forme  d'ellipse,  i^.SoX  i'",30.  Nous  y  rencontrons 

trois  vases  brisés  en  terre  noirâtre  grossière, 
une  pointe  de  flèche  et  une  dague  tous  deux 
en  bronze  (fig.  340).  Ce  poignard  était  d'un 
type  identique  à  ceux  trouvés  dans  le  Len- 
koran.  La  lame,  renforcée  par  une  nervure 
centrale,  fait  corps  avec  la  poignée  qui, 
elle-même,  est  incrustée  de  bois  ou  de  corne. 
C'est  un  premier  indice  que  nous  sommes  au 
milieu  de  sépultures  similaires  à  celles 
explorées  dans  la  province  russe  voisine. 
Le  8  juin,  nous  continuons  nos  son- 
dages ;  une  sépulture  nous  donne  une  lance 
en  fer,  une  autre  des  débris  de  même  métal. 
Cette  nécropole  est  entièrement  dévastée. 

Le  lendemain  matin,  je  pars  de  bonne 
heure  avec  le  guide  pour  aller  reconnaître  une 
localité  qui  nous  est  signalée  au  sommet  des 
montagnes  voisines.  Je  suis  forcé  de  faire  à 
pied  la  plus  grande  partie  du  chemin  tant  il 
est  escarpé;  je  traverse  des  futaies  splendides  de  tilleuls  et  de  chênes,  et  j'arrive  à  un  plateau 
où  la  forêt,  brûlée  sur  pied,  a  fait  place  à  des  cultures  qui  nourrissent  de  misérables  villages. 
Là  je  ne  vois  que  de  nombreuses  sépultures  très  anciennes  mais  musulmanes  ;  aucun  vestige 
de  l'antiquité. 


Fig.  540.  —  Sépulture  de  Khodja-Daoud-Keuprù. 
Échelle  de  0™,02  par  mètre. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


257 


Pendant  ce  temps,  les  autres  membres  de  la  mission  avaient  été  conduits  par  un  guide  indi- 
gène dans  une  direction  tout  opposée,  vers  un  amas  de  pierres  au  milieu  du  sentier  persan,  à 
environ  i  500  mètres  du  camp  en  descendant  vers  Astara.  On  fit  attaquer  l'amas  le  plus  impor- 
tant. C'était  une  sépulture  du  type  circulaire  semblable  à  celles  de  Véri  dans  leLenkoran(fig.  341). 
De  gros  blocs  formaient  une  ellipse  de  2"\2oX2'",io  remplie  par  une  couche  de  galets  sous 
lesquels,  à  environ  o'",6o,  se  trouvait  la  sépulture.  Elle  renfermait  sept  vases  en  terre  grossière  tous 
brisés,  et  des  objets  de  bronze  peu  nombreux,  mais  tous  fort  intéressants  :  une  épée  longue  de 
G'", 78  sans  poignée,  la  soie  faisant  corps  avec  la  lame,  un  instrument  en  forme  de  ciseau  (fig.  344) 
ou  d'herminette  et  une  hache  (fig.  343),  arme  des  plus  rares. 


Fig.  341. 

Sépultures  de  Kliodja-D.iou(J-Keupri4.  —  Échelle  de  o"i,04  par  mètre. 


Fig.  542. 


Nous  continuons  les  fouilles  toujours  à  la  même  localité.  Deux  autres  sépultures  du  même 
tvpe  nous  donnent  des  vases  grossiers,  tous  brisés,  une  lame,  une  pointe  de  flèche,  des  bracelets 
et  autres  menus  objets  tous  en  bronze  (fig.  342  et  345).  Mais  ce  petit  groupe  est  épuisé  et  le 
voisinage  ne  nous  donne  plus  rien.  Nous  envoyons  le  guide  à  la  découverte.  Vers  le  soir,  le 
temps  se  met  à  la  pluie,  et  pendant  les  journées  des  10,  1 1  et  12  juin,  il  pleut  à  torrent.  Tout 
travail  est  impossible.  Le  résultat  de  ces  premières  recherches,  bien  que  peu  fructueux, 
n'est  cependant  pas  sans  intérêt,  puisqu'il  nous  permet  de  constater  une  complète  similitude 
entre  les  sépultures  primitives  du  Talychc  persan  et  celles  du  Lenkoran. 

Le  1 3  juin,  le  temps  se  lève,  le  guide  est  de  retour;  il  n'a  rien  rencontré  dans  la  vallée  d'As- 
tara,  mais  vient  corroborer  les  renseignements  que  nous  avons  déjà,  sur  la  présence  de  nombreux 

35 


258 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


dolmens  de  l'autre  côté  de  la  ligne  de  faîte,  sur  le  versant  Ouest  du  plateau  persan,  et  en  parti- 
culier près  de  Nâmin.  Lors  de  notre  passage  à  Astara,  le  propriétaire  des  pays  qui  entourent 
Nâmin,  l'Émir-Touman,  nous  avait  dit  comment  il  avait  fait  fouiller  un  certain  nombre  de  ces 
dolmens,  et  qu'il  y  avait  rencontré  des  vases  et  des  armes  en  bronze;  il  nous  avait  invité  à  venir 
continuer  ses  recherches.  Nous  pensons  que  le  moment  est  venu  de  porter  notre  activité  de  ce 
côté  et  l'ordre  est  donné  de  se  préparer  au  départ  pour  le  lendemain. 


FiG.  543.  —  Khodja-Daoud-Keuprù.  —  Hache  de  bronze. 


FiG.  344.  —  Kodja-Daoud-Keuprù.  —  Ciseau  ou  herminette  de  bronze. 

Le  14  juin,  réveil  à  5  heures;  à  7  heures  on  lève  le  camp.  Nous  quittons  nos  mimosas  avec 
leurs  fleurs  en  touffes  de  plumes  roses,  et  remontons  la  vallée  de  l'Astara-Tchaï.  La  route  est  très 
accidentée,  elle  serpente  à  flanc  de  coteau  au  milieu  d'une  épaisse  futaie,  et  par  une  série  de 
montées  et  de  descentes,  mais  de  montées  surtout,  nous  mène  jusqu'à  un  point  où  la  forêt  devient 
moins  épaisse.  Détrempé  par  trois  jours  et  quatre  nuits  de  pluies  incessantes,  le  chemin  est  un 
véritable  cloaque  semé  de  pierres  roulantes.  Il  faut  des  bêtes  comme  les  nôtres,  rompues  à  cir- 
culer dans  les  montagnes,  pour  pouvoir  s'en  tirer.  Le  passage  incessant  des  caravanes  a 
creusé  le  sentier  comme  une  gigantesque  ornière  dans  laquelle  nous  disparaissons  homme  et 
cheval,  avec  de  la  fange  jusqu'au  poitrail.  A  midi,  nous  faisons  halte,  on  déjeune  à  l'ombre  d'un 
énorme  noyer  au  bord  d'un  petit  ruisseau.  Bientôt  nos  mules  et  nos  bagages  nous  rejoignent  et 
nous  reprenons  la  route.  Elle  monte  toujours  ;  enfin  nous  sortons  de  la  forêt  pour  entrer  dans  la 
zone  des  pâturages.  Il  est  plus  de  4  heures,  on  s'arrête  près  du  village  de  Hadji  Emir  pour  camper. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


259 


Non  loin  du  camp  se  dresse  un  gros  tumulus.  Nous  inspectons  le  terrain  avec  soin;  mais,  comme 
nous  n'observons  dans  le  voisinage  aucune  autre  trace  de  sépultures  antiques,  nous  ne  pensons 
pas  devoir  arrêter  toute  l'expédition  pour  fouiller  cet  unique  tombeau.  La  vue  s'étend  vers  l'Est 
sur  toute  la  vallée  d'Astara  jusqu'à  la  Caspienne,  par-dessus  un  océan  de  verdure.  Derrière  nous 
se  dresse  un  rideau  de  montagnes  :  c'est  la  ligne  de 
faîte,  la  bordure  du  plateau  persan  avec  ses  escar- 
pements de  roches  arides.  Il  fait  froid,  nous  sommes 
une  bonne  partie  du  temps  au  milieu  des  nuages. 
Tous  sont  fatigués,  les  bêtes  surtout.  Enfin  la  partie 
la  plus  rude  du  chen)in  est  faite  et  la  vue  est  superbe. 

Le  15  juin,  lèvera  5  heures.  Un  soleil  étincelant 
au-dessus  de  la  Caspienne  tamise  son  éclat  à  travers 
des  lambeaux  de  brume  et  dore  les  cimes  des  mon- 
tagnes. Le  camp  se  replie  vivement;  vers  6  h.  30 
nous  montons  à  cheval  et  commençons  l'ascension  des 
derniers  échelons  du  plateau  persan.  La  route  est  bien 
moins  mauvaise  que  la  veille  :  plus  d'arbres,  mais  des 
buissons  rabougris  formant  de  petites  touffes  au 
milieu  d'une  prairie  naturelle  toute  semée  de  fleurs. 
Nous  gagnons  insensiblement  le  col,  et  bientôt  décou- 
vrons la  plaine  d'Ardébil  avec  son  cadre  de  mon- 
tagnes pelées.  Sur  la  droite  se  dresse  le  Savalan, 
énorme  volcan  éteint  avec  sa  cime  conique  toute  couverte  de  neige.  Au  col,  nous  sommes  à  une 
altitude  de  2000  mètres;  quant  au  Savalan  il  s'élève  à  dix  mètres  de  plus  que  le  Mont-Blanc  (i). 

A  partir  de  ce  point,  notre  route  redescend  vers  la  plaine,  mais  la  rampe  est  longue  et  douce. 
La  ligne  de  partage  des  eaux  lance  vers  le  Sud-Ouest  ses  contreforts  en  éperons  qui  déterminent 
toute  une  série  de  vallons.  Le  pays  est  entièrement  déboisé,  seuls  les  villages  sont  entourés  de 
quelques  bouquets  d'arbres  qui  forment  des  points  verts  dans  la  plaine  d'un  gris  roux.  Le  sol 
n'est  cependant  pas  sans  fertilité,  il  produit  de  l'orge  et  du  blé  en  abondance,  mais  le  manque 
d'arbres  donne  au  pays  un  aspect  désolé.  Durant  l'antiquité,  les  forêts  devaient  déborder  du 
Talychesur  le  plateau  persan,  mais  les  cultures  sont  fort  anciennes,  à  en  juger  par  les  rideaux 
formés  sur  les  déclivités  par  les  labours.  Nous  traversons  plusieurs  villages,  amas  de  huttes,  avec 
leurs  terrasses  en  guise  de  toits  et  leurs  murailles  de  bouc.  La  population  se  précipite  au-devant 
de  nous,  les  femmes  sont  surtout  vêtues  de  haillons  rouges,  les  enfants  à  peu  près  ou  même  tout 
à  fait  nus.  Tout  est  sale  et  misérable.  De  gros  tas  de  galettes  de  bouse  sèchent  près  des  maisons  : 
c  est  le  combustible,  dont  le  pétrissage  est  une  occupation  réservée  au  beau  sexe. 


FiG.  345.  —  Sépulture  de  Khodja-Daoud-Keuprù. 
Échelle  o™,05  par  mètre. 


(i)  Altitudes  du  Savalan,  4820  mètres;  du  Mont-Blanc,  4  810  mètres. 


3 
1/1 

T3 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  261 

Enfin,  après  avoir  traversé  le  petit  village  de  Souli-dèrré,  nous  arrivons  à  l'endroit  que  nous 
avait  indiqué  le  guide.  Nous  sommes,  à  n'en  pas  douter,  au  milieu  de  monuments  mégalithiques 
de  la  plus  haute  importance.  Poursuivant  notre  route  au  milieu  de  vastes  dolmens  dispersés  de 
tous  côtés,  nous  arrivons  au  confluent  de  deux  petits  ruisseaux,  au  pied  d'un  coteau  abrupt  et 
dénudé.  Ce  point  nous  parait  le  centre  du  terrain  à  explorer  ;  nous  y  dressons  le  camp.  A  i  500 
mètres  plus  loin,  par  delà  une  plaine  nue  et  faiblement  vallonnée,  s'élève  le  village  de  Namin, 
avec  ses  maisons  en  terrasses  semées  au  milieu  de  bouquets  d'arbres  fruitiers,  de  saules  et  de 
peupliers.  Namin  est  la  résidence  de  l'Émir-Touman,  le  propriétaire  du  pays,  qui  nous  fait  l'ac- 
cueil le  plus  bienveillant.  C'est  à  sa  puissante  intervention  que  nous  devons  toutes  les  facilités 
que  nous  avons  rencontrées  par  la  suite  dans  notre  travail. 

Notre  étude  de  la  nécropole  de  Namin,  commencée  le  16  juin,  se  prolonge  jusqu'au  19  au 
soir,  et  porte  sur  trois  points  principaux  :  1°  le  coteau  formant  la  rive  droite  du  ruisseau, 
en  cet  endroit  les  sépultures  sont  les  plus  compactes  et  semblent  le  mieux  conservées;  2°  la  rive 
gauche  du. même  ruisseau,  dans  deux  autres  groupes  de  sépultures  (cf.  fig.  347  et  348),  ainsi 
que  dans  des  tombes  isolées,  dont  trois  tépés  ou  tumuli  ;  3°  les  ruines  d'une  antique  forteresse 
qui  domine  ce  vaste  champ  de  repos  (Planche  XVII). 

Sur  ce  sol  d'un  aspect  généralement  nu,  les  sépultures  se  présentent  sous  trois  formes  diffé- 
rentes :  amas  de  pierres,  cercles  de  blocs  renfermant  un  dolmen,  ou  bien  tumuli.  Autrefois 
toutes  les  tombes  devaient  être  recouvertes  d'un  tertre  plus  ou  moins  élevé,  détruit  plus  tard 
par  les  pluies  et  les  cultures.  Les  sépultures  les  plus  importantes  occupent  les  lignes  de  crêtes, 
où  elles  se  groupent  par  rangs  de  trois  ou  quatre;  leur  orientation  est  d'une  façon  générale 
Nord-Sud.  Nous  donnerons  plus  loin  les  tables  des  angles  relevés  tant  à  Namin  que  sur  d'autres 
points. 

Pendant  que  le  camp  s'organise,  nous  nous  dispersons  dans  toutes  les  directions  pour  faire 
une  étude  sommaire  du  terrain.  De  nos  observations  il  résulte  que  nous  sommes  en  présence 
d'une  nécropole  immense  :  elle  s'étend  des  deux  côtés  du  petit  ruisseau  du  Namin-Sou,  surtout  sur 
les  flancs  duGûné-mizrana-daghi,  couronnant  toutes  les  arêtes  d'énormesdolmens.  Dans  la  plaine 
des  traces  de  sépultures  antiques  sont  visibles  sur  bien  des  points  :  cercles  de  pierres,  dolmens  ou 
tumuli  ;  mais  il  est  facile  de  se  rendre  compte  que  les  cultures  les  ont  pour  la  plupart  bouleversées. 
Sur  la  gauche  de  notre  camp,  et  entre  les  deux  vallons  formant  la  rivière  de  Namin,  se  dresse  une 
montagne  abrupte,  le  Siah-Ker-Daghi,  dont  l'extrémité  est  couverte  par  les  ruines  d'une  antique 
forteresse  que  nous  nous  proposons  d'étudier.  Tout  cet  ensemble  nous  donne  droit  d'espérer  en 
ce  site  des  découvertes  intéressantes.  L'après-midi  se  passe  à  compléter  nos  observations  et  à 
recevoir  les  visites  des  autorités  locales.  Pendant  la  journée  la  température  est  très  chaude,  mais 
le  soir  le  vent  se  lève  et  lair  devient  très  vif. 

Le  lendemain  16  juin,  dès  l'aube,  on  se  met  au  travail,  avec  la  détermination  de  le  faire 
aussi  complet  que  possible  ;  les  uns  se  chargent  de  la  topographie,  les  autres  de  la  conduite  des 
ouvriers.  Le  premier  dolmen  que  nous  abordons  est  un  monument  immense. 


FiG.  348.  —  Groupe  de  sépultures  à  Namin. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


263 


Au  centre  d'un  cercle  de  gros  blocs  de  calcaire  et  de  basalte  mesurant  12^,20  de  diamètre, 
se  trouvait  le  dolmen  même,  entièrement  construit  de  dalles  et  de  blocs  calcaires  énormes  dressés 
et  placés  jointivement  sans  aucun  ciment  (fig.  349).  La  chambre  sépulcrale,  qui  est  admirablement 
appareillée,  a  4"", 40  de  long  sur  2^,18  de  large  et  une  hauteur  de  i'",95.  Les  blocs  ont  une  épais- 
seur qui  varie  entre  o'",25  et  o"',9o.  On  peut  juger  du  travail  que  demandait  une  semblable 
construction  ;  en  outre  la  matière  première  devait  être  apportée  d'une  distance  d'environ  dix 
kilomètres  dans  un  pays  très  accidenté. 


Fig.  349.  —  Dolmen  à  N'amin  (i). 

La  nécropole  de  Namin  est  couverte  de  groupes  de  monuments  de  ce  genre  reliés  entre  eux 
par  des  sépultures  moins  importantes.  Nous  avions  donc  grand  espoir;  aussi  notre  déception 
fut-elle  profonde,  car,  à  peine  avions-nous  enlevé  une  des  dalles  qui  recouvraient  le  tombeau, 
que  nous  fûmes  en  présence  d'ossements  bouleversés  et  de  vases  brisés.  Nous  n'en  pouvions 
plus  douter  :  cette  magnifique  sépulture  avait  été  spoliée.  Nous  n'en  continuâmes  pas  moins  la 
fouille  afin  d'étudier  les  détails  de  construction,  et  de  relever  les  plans  que  nous  donnons  ici.  Nous 
nous  efforçâmes  également  de  recueillir  les  épaves  échappées  à  la  dévastation,  espérant  que  plus 
tard  des  tombes  intactes  nous  donneraient,  par  comparaison,  la  date  de  ces  monuments. 

Les  spoliateurs  étaient  entrés  dans  le  dolmen  en  brisant  l'angle  N.-O.  de  la  dalle  calcaire 
qui  formait  la  face  Nord  de  la  sépulture.  La  plus  grande  dalle,  formant  le  couvercle  de  la  cuve. 


(i)  Par  erreur  le  dessinateur  a  figuré  un  vide  là  où  se  trouve  un  bloc  de  rocher;  la  muraille  du  fond  du  dolmen 
est  continue. 


264 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


avait  été  brisée  en  plusieurs  morceaux;  une  partie  des  fragments  était  éparpillée  en  dehors,  du 

côté  de  la  partie  déclive  du  terrain  ;  les  autres  gisaient  amoncelés  dans  la  cuve  même.  Les  fouilles 

n'ont  pas  donné  moins  de  six  crânes,  mais  tout  était  dans  une  telle  confusion 

qu'il  est  impossible  de  préciser  le  nombre  de  corps  inhumés.  Ces  ossements 

étaient    accompagnés  de  quelques  perles  (fig.  350)  de   cornaline,  agate  ou 

pâte  de  verre  émaillée,  ainsi  que  d'anneaux  et  de  quelques  débris  informes  de 

bronze. 

La  céramique  était  représentée  par  un  grand  nombre  de  vases  en  terre 
rouge  ou  noire,  les  uns  très  grossiers,  mais  d'autres  d'une  pâte  très  fine.  Tous 
étaient  â  l'état  de  fragments.  Nous  avons  cependant  pu  reconstituer  la  forme 

de  quatre  d'entre  eux  :  deux  plats,  un  guttus  portant 
en  creux  de  petits  ornements,  et  une  petite  urne  avec 
des  bossettes  sur  la  panse. 


Dobnen  n°  2.  —  Cercle  de  pierres  volcaniques, 
au  centre  duquel  se  trouve  le  dolmen  recouvert  d'énor- 
mes blocs  calcaires.  Il  semble  en  parfait  état  de  conser- 
vation, mais  les  fouilles  nous  démontrent  que,  là  aussi, 
la  spoliation  est  complète. 


Fig.  550.  —  Perles  de 
cornaline,  d'agate  et  de 
pâte  émaillée  (Natnin). 


Dolmen  n"  ] .  —  Autre  sépulture  du  même  type. 
Cercle  de  pierrede  10™, 40  de  diamètre;  au  centre  une 
dalle  calcaire  de  2^,70  sur  i"',85  avec  une  épaisseur  de 
o™,65  recouvre  le  dolmen.  Malgré  sa  masse  considérable 
nous  la  faisons  déplacer  au  moyen  de  leviers  en  bois.  Là 
où  dix  hommes  ne  suffisent  pas  on  en  met  vingt.  Mais 
encore  une  déception.  La  sépulture  est,  elle  aussi,  spo- 
liée, et  ne  renferme  que  des  débris  de  poterie  ;  vases  can- 
nelés ou  plats  en  terre  rouge,  urnes  en  terre  noire,  etc., 
le  tout  mêlé  à  des  ossements  en  désordre  (fig.  351). 


Fig.   351.  —  Namin.  — Dolmen  n"  5. 
Échelle  de  o™,oi  par  mètre. 


Sépulture  n"  /f..  —  Au  milieu  d'un  cercle  de 
pierres  se  trouvait  un  amas  de  blocs  entassés,  au- 
dessous  desquels. était  une  tombe  de  2^,65  de  long  sur  i"',9o  de  large  et  profonde  de  i'",35- 
r^llc  était  en  désordre  et  renfermait  un  grand  nombre  de  corps.  Les  seuls  objets  trouvés  furent  deux 
bagues  et  trois  bracelets  en  bronze,  trois  fusaïoles  en  terre  cuite  et  des  vases  brisés  (fig.   352)- 


Sépult 


ure  n 


Amas  confus  de  grosses  pierres.  Débris  de  vases  en  terre  noire  grossière 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


265 


du  type  des  ollas  trouvées  au  Caucase,  plats  en  terre  rouge,  urnes.  Enfin  les  débris  d'une  lance 

en  fer. 

Sépiiliurc  n"  6.  —  Même  confusion. 
Cette  partie  de  la  nécropole  était  donc  entiè- 
rement pillée. 

Toujours  du  même  côté  de  la  rivière, 
mais  plus  bas,  près  du  sentier  menant  à 
Namin,  nous  avions  fait  attaquer  cinq 
autres  grands  dolmens.  Les  cercles  qui  les 
entouraient  autrefois  avaient  été  détruits  par  les  cultures,  mais  les  dalles  des  couvercles  affleuraient 
sur  le  sol. 


FiG.   3J2. 


Namin.  —  Bracelet  de  bronze  et  fusaïolcs  en  terre  cuite. 
Échelle  de  2/3  de  grandeur  naturelle. 


Dolmen  if  7.  —  Deux  blocs  mesurant  l'un  2"", loX  i", 50  et  l'autre  2",  15X2"", 40  formaient 
le  couvercle  de  la  cuve,  profonde  de  1^,82.  Ce  ,,-—  ---^^ 

dolmen  était  entièrement  spolié  et  ne  renfer-  y' 

mait  que  des  débris  de  vases. 


Dolmen  if  8.  —  Du  môme  type,  recouvert 
par  trois  énormes  dalles  calcaires,  est  égale- 
ment spolié.  Nous  y  trouvons  quelques  perles 
en  pâte  de  verre  ou  en  cornaline,  des  vases 
brisés,  un  éclat  d'obsidienne  et  un  fragment 
d'une  lame  en  fer. 


© 


Les  dolmens  n"'  9,  10  et  1 1  nous  donnent 
des  résultats  tout  aussi  négatifs. 


Y 
ii 


Ne  trouvant  rien  dans  les  grands  monu- 
ments, qui  .sont,  à  n'en  pas  douter,  tous  spoliés, 
nous  faisons  ouvrir  trois  tumuli  situés  du  côté 
gauche  du  ruisseau,  ainsi  que  de  petites  sépul- 
tures qui,  plus  modestes,  auront,  espérons- 
nous,  pu  échapper  à  la  dévastation  générale. 

Deux  de  ces  tumuli  formaient  sur  le  sol 


FiG.  353.  —  Namin.  —  Sépulture  en  amas.  —  Plan  et  coupe. 
Echelle  de  o™,oi  par  miitre. 


un  relief  d'environ  i'",5o;  composés  d'un  amas  de  pierres,  ils  avaient  été  très  déformés  par  la 
culture.  Le  premier,  bien  que  percé  jusqu'au  sol  en  place,  ne  nous  donne  rien  que  des  débris  de 
vases;  dans  l'autre  (fig.  353)  nous  rencontrons,  sous  une  masse  de  pierres  sans  dolmen,  une 

34 


266 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


tombe  creusée  dans  le  sol.  Cette  sépulture  renfermait  des  ossements  de  mouton  et  de  bœuf,  une 
spirale  en  bronze,  trois  vases  en  terre  noire  brisés,  et  enfin,  tout  au  fond  delà  fosse, 
prés  des  ossements  du  mort  à  i", 8 5,  une  masse  en  calcaire  perforée  et  polie  (fig.  354). 
Cet  objet  n'a  rien  qui  soit  nécessairement  néolithique.  Nous  en  voyons  de  semblables 
découverts  à  Suse  dans  les  couches  historiques.  C'était  une  arme  favorite  des  Égyp- 
tiens (i),  tout  comme  des  Asiatiques.  FiG.354.-Na- 

min. — Masse 

Le  troisième  tumulus  situé  le  plus  près  de  Namin  recouvrait  un  dolmen  mesurant  ^"  «^'"ire. 
i'",6o  de  large  sur  i^.ao  de  haut  et  2"", 50  de  long.  Les  trois  dalles  formant  couvercle  avaient 
o",  50  d'épaisseur  ;  elles  étaient  entièrement  masquées  par  le  tertre.  Nous  pensions  donc,  cette  fois, 
que  la  sépulture  était  intacte.  Mais  les  spoliateurs  étaient  entrés  par  une  des  extrémités  et  avaient, 
là  comme  partout,  fait  leur  œuvre.  Nous  trouvons  cependant  quatre  grands  vases  en  terre  noire 
et  trois  crânes. 

Deux  vases  étaient  en  forme  de  grosses  cruches  ovoïdes  avec  une  anse  et  un  large  col  ;  un 

autre  tumulus  nous  donnait  le  type  d'une  écuelle  profonde  et  très  évasée;  la  terre  en  était  fine. 

Pour  compléter  notre  étude,  voyant  que  les  grands  dolmens  étaient  tous  pillés,  nous  faisons 

fouiller  un  certain  nombre  de  sépultures  plus  modestes.  Elles  sont  enfermées  dans  des  amas  de 

pierres  circulaires  ;  tantôt  la  cuve  affecte  la  forme 
d'une  petite  auge  bâtie  de  blocs  juxtaposés,  tantôt 
elle  est  creusée  simplement  à  même  le  sol  et  recouverte 
d'amas  de  rochers. 

Nous  établissons  notre  chantier  dans  le  groupe 
situé  à  gauche  du  ruisseau  (cf.  fig.  348);  il  se  com- 
pose de  grands  dolmens  ruinés  et  d'une  série  de 
ces  petites  sépultures. 

Une  de  ces  sépultures,  petit  ciste  formé  de  blocs 
de  pierres  juxtaposés,  mesurait  i  mètre  de  large  sur 
2"", 30  de  long  et  n'avait  pas  été  spolié.  Il  renfermait 
cinq  vases  en  terre  assez  grossière,  une  fusaïole,  un  anneau  et  deux  boucles  d'oreilles  en  bronze  ; 
de  plus  quatre  pointes  de  flèches  également  en  bronze.  Ces  flèches  sont  pourvues  de  longues 
barbelures  d'un  type  entièrement  semblable  à  celles  trouvées  à  Chaïtan-Tagh,  au  Caucase, 
dans  des  sépultures  de  l'âge  du  fer  (2). 

Les  autres  sépultures  nous  ont  donné  un  certain  nombre  de  vases  en  terre  rouge  ou  noire, 
tels  que  des  jattes,  urnes  ou  œnochoés  de  forme  épaisse,  une  pointe  de  flèche  en  os  et  des  objets 
en  plomb  :  un  bracelet  et  une  boucle  d'oreille.  Au  Caucase  et  dans  le  Lenkoran,  ce  métal  n'était 
en  usage  que  dans  les  sépultures  de  l'âge  du  fer. 

(i)  J.  de  Morgan,  Fouilles  à  Dachour,  PI.  XXV,  fig.  65. 

(2)  J.  de  Morgan,  Les  premiers  dges  des  métaux datis  l'Arménie  russe,  p.  100,  fig.  57. 


Fig.  355.  —  Pointes  de  flèche  en  bronze  et  en  os 
trouvées  à  Narain.  —  1/2  grandeur  naturelle. 


FI.  XVÏI 


'/ 


PLAN    DE   L'ACROPCLF,   DE    :-;AMIN 


[■lint..t\i:ii'    ll.rll.JiiHf,    Par 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


267 


Ces  tombes  semblent  être  postérieures  aux  grands  dolmens  et  à  l'ensemble  de  la  nécropole 
de  Namin.  Il  en  est  de  même  d'un  autre  groupe  de  petits  tombeaux  qui,  situé  à  environ 
I  200  mètres  et  au  Sud  de  notre  champ  d'exploration  vers  le  village  de  Souli-dôrré,  se  com- 
posait de  trois  grands  cercles  de  pierre  (fig.  356).  Le  premier,  mesurant  18",  10  de  diamètre, 
renfermait  un  grand  dolmen  ruiné;  le  second  n'avait  que  §",55  de  diamètre;  quant  au  troisième 

(  1 2™,  10  de  diamètre)  il  était  occupé  par 
ff^-r^  trois  petites  sépultures  assez  mal  con- 

f'/iM  ^^\^  servées.  Construites  en  forme  de  ciste, 

/Tn  comme  celles  de  l'âge  de  fer  au  Cau- 

case, elles  ne  mesuraient  que  i'",20  de 
long  sur   o'",8o  de  large.   Les   corps 
'^'j        étaient   également    repliés    sur    eux- 

.,_..--— f ■/ ^^■"'.  mêmes  et  couchés  sur  le  côté.  Le  mo- 

'Q^^^      --  /  ,1^  ^jj|      bilier  funéraire  se  composait   pour   le 

^^^^  \      /^^R'  n"  I  de  quatre  vases  :  une  urne  en  terre 

^v  ;  ""î  ^     ^l^^p  rouge  grossière,  un  guttus,  petit  vase 

\.,î---,.- ,- ^cTT--'  ^^''^'^  '^'^^'^  ^t  goulot,  même  céramique, 

""  une  grande  jatte  et  un  autre  petit  vase 

dîl        en  terre  noire.  De  plus,  il  y  avait  aussi 

de  petites  boucles  d'oreilles  en  bronze, 

r<W^  deux  coquilles,    des   pendants    et    des 

perles  de  collier. 

La  sépulture  n"  2  a   donné  cinq 
'^--'v^/-^"^^^^         ^*^  vases  :  deux  urnes,  une  en  terre  rouge, 

l'autre  en  terre   noire,   deux  écuelles, 

F.G.  356.  -  Type  des  sépultures  dans  le  voisinage  du  viU.ige  de  Souli-Dcrré.       ^^^    •    ^^^      j,  ^^.^j^    également    dcUX 

Diamiitre  iSra.io.  ■*  -  t' 

bagues  en  os  et  une  petite    lame   en 
bronze.   Ces  sépultures  ne  sont  intéressantes  que  pour  l'analogie   qu'elles  offrent  avec  celles 

d'Akthala  (fig.  357-359)- 

Le  dernier  point  sur  lequel  ont  porté  nos  recherches  est  le  coteau  compris  entre  les  deux 
ruisseaux  qui  en  se  réunissant  forment  le  Namin-Sou.  Là,  dominant  la  ville  des  morts,  s'élevait, 
sur  le  Ghaour  Qalassi,  ce  qui  avait  été  autrefois  celle  des  vivants.  L'étude  de  cette  ancienne  forte- 
resse qui  couronnait  toute  cette  crête  a  été  faite  par  le  chef  do  la  mission,  c'est  lui  qui  en  a  levé  les 
plans  et  ce  sont  ses  notes  que  je  transcris. 

Les  bases  de  l'enceinte  des  murailles  extérieures  sont  faites  de  deux  rangs  de  grosses  pierres, 
la  partie  supérieure  était  en  pierres  moyennes  et  terre,  puis  en  terre  seulement.  L'enceinte  inté- 
rieure est  appareillée  en  pierres  de  petites  dimensions,  par  lits,  avec  fruit  important  qu'il  m'a  été 
impossible  de  reconnaître;  le  haut  des  murs  était  certainement  en  terre  crue.  Dans  l'enceinte  sont 


268 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


de  nombreux  restes  de  constructions,  entre  autres  des  murailles  de  0^,70  à  0^,80  d'épaisseur, 
garnies  de  deux  rangs  de  pierre. 

II  n'y  a  été  trouvé  aucun  silex,  aucun  fragment  de  poterie  vernissée;  mais,  à  l'extérieur,  des 
amas  de  cendres  qui  renfermaient  des  os  de  bœuf,  de  mouton,  etc.,  et  une  perle  en  pâte  émail- 
lée,  semblable  à  celles  des  dolmens,  montrent  que  les  issues  de  la  citadelle  étaient  jetées  hors  des 
murs. 

La  ville  recevait  sûrement  l'eau  par  un  canal  semblable  à  ceux  employés  de  nos  jours  pour 
les  cultures.  Vers  le  Nord,  il  existe  des  traces  de  ce  canal,  à  demi  comblé,  qui  longe,  dans 
l'enceinte,  la  colline  du  Qal'a  :  c'était  probablement  celui  qui  apportait  l'eau  dans  la  ville. 


FiG-  3S7-559-  —  Sépultures  près  de  Souli-Derré,  vase  de  terre  et  lance  de  bronze. 
Échelle  de  0^,05  par  mètre. 


1/2  grandeur 
naturelle. 


Sur  la  colline,  au  Nord  de  la  citadelle,  existent  de  vagues  traces  de  constructions.  A  l'Est 
de  la  ville  et  dans  la  vallée,  deux  cercles  de  grosses  pierres  sont  analogues  à  ceux  déjà  reconnus 
dans  la  nécropole. 

Le  cercle  de  pierres  du  Nord  de  l'enceinte  semble  avoir  été  fait  avec  les  matériaux  de  la 
muraille  elle-même  et,  par  suite,  serait  postérieur  à  ces  constructions.  L'altitude  du  sommet  du 
Qal'a  est  d'environ  70  ou  80  métrés  au-dessus  de  la  vallée. 

Dans  les  constructions,  il  n'y  a  pas  une  seule  pierre  taillée,  ce  ne  sont  qu'assemblages  de 
blocs  ;  tant  dans  la  partie  haute  que  dans  la  partie  basse  de  la  ville  on  ne  rencontre  pas  le  moindre 
fragment  de  brique.  Deux  murailles  très  ruinées  faisaient  communiquer  le  Qal'a  avec  les  deux 
cercles  de  pierres.  Le  plan  reproduit  à  la  Planche  XVII  donne  le  dispositif  de  ce  qui  reste 
de  cette  antique  forteresse  qui,  par  sa  position,  commandait  tout  le  pays,  et  que  nous  avons  tout 
lieu  d'attribuer  au  peuple  constructeur  des  dolmens  situés  dans  son  voisinage. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  269 

Nos  explorations  à  Namin  peuvent  se  résumer  brièvement  en  ceci  :  nous  avons  trouvé  une 
station  qui,  par  les  débris  de  céramique  et  autres  qu'elle  renfermait,  peut  être  attribuée  à  l'âge  du 
bronze  ;  elle  comprenait  une  nécropole  de  première  importance  et  une  citadelle.  Les  constructions 
indiquent,  parleur  ensemble,  une  population  nombreuse,  riche  et  ayant  atteint  un  degré  déjà 
très  avancé  de  civilisation.  Cette  race,  qui  occupait  le  sol,  paraît  avoir  été  dépossédée  par  de 
nouveaux  venus  employant  des  armes  de  fer,  qui  ont  mis  le  pays  au  pillage  et  usurpé  jusqu'aux 
sépultures. 

Pendant  nos  travaux  à  Namin,  ce  fut  un  échange  constant  de  relations  des  plus  courtoises 
avec  le  seigneur  et  maître  du  pays,  l'Èmir-Touman,  qui  vint  nous  rendre  visite  avec  son  frère  et 
son  fils,  nous  invita  dans  sa  maison  et  ne  cessa  de  nous  venir  en  aide  par  tous  les  moyens  en  son 
pouvoir.  Il  nous  donna  sur  ces  vastes  territoires,  dépendant  de  son  autorité,  les  renseignements  les 
plus  précieux.  Il  nous  raconta  comment,  il  y  a  quelques  années,  il  avait  fait  fouiller  un  certain 
nombre  de  dolmens  près  de  Minaver,  plus  haut  dans  la  montagne,  et  y  avait  rencontré  des  armes  de 
bronze,  des  vases  de  terre  et  d'autres  menus  objets.  Cette  nouvelle  localité  était  donc  toute  dési- 
gnée pour  nos  recherches.  Il  nous  signala  également  des  sépultures  antiques  dans  les  contreforts 
du  Savalan,  mais  ces  nécropoles  feront  l'objet  d'une  autre  campagne.  Cette  région,  du  reste,  était 
alors  ensanglantée  par  la  révolte  des  tribus  de  la  frontière  que  les  troupes  persanes  s'efforçaient  de 
faire  rentrer  dans  l'ordre. 


TcHiLA-KiiANÉ.  —  20  juin.  A  cinq  heures,  M.  J.  de  Morgan  part  en  avant  pour  mettre  les 
ouvriers  au  travail.  Nous  suivons  une  heure  et  demie  plus  tard  avec  le  reste  de  la  mission.  Le 
temps  est  superbe.  Nous  laissons  à  notre  gauche  le  Ghaour  Qal'assi  et  suivons  un  sentier  qui 
gravit  doucement  la  rampe  du  Siah-Ker-Daghi  ;  la  route  est  facile  et  bordée  d'églantiers  en  fleurs 
avec  leurs  tons  mélangés  de  rose  et  de  vieil  or.  Nous  traversons  le  village  de  Minaver,  groupe 
important  de  maisons  et  de  jardins  verdoyants,  et,  après  deux  heures  de  marche,  nous  arrivons 
à  Tchilakhâné,  à  l'entrée  des  pâturages.  Nous  campons  dans  une  prairie  parsemée  de  fleurs  et 
ombragée  de  poiriers  sauvages,  à  la  bordure  du  plateau  persan,  au  milieu  d'un  pays  très  mon- 
tagneux, déchiré  de  ravins  profonds  et  escarpés,  autrefois  couvert  de  forets;  ces  futaies  ont  été 
dévastées  et  brûlées  sur  pied  pour  faire  place  à  des  herbages.  Quelle  étrange  imprévoyance  de 
voir  ainsi  gaspiller  ces  précieuses  réserves  de  combustible  sur  ce  plateau  où  le  bois  a  tant  de 
valeur  !  Notre  camp  était  entouré  de  sommets  mamelonnés  sur  lesquels  les  dolmens  étaient  dis- 
persés par  groupes. 

Nous  sommes  à  une  altitude  d'environ  2000  mètres,  la  vue  est  splcndidc:  d'un  côté  le  Sava- 
lan dresse  son  cône  chargé  de  neiges  au  milieu  de  l'immensité  de  la  plaine  brûlante  d'Ardebil  ; 
de  l'autre  le  Talyche,  avec  ses  étages  boisés  qui  descendent  jusqu'à  la  Caspienne;  au  loin  Astara, 
au  milieu  des  lagunes  et  des  damiers  vert  clair  formés  par  les  rizières.  Autour  de  nous  pais- 
sent de  nombreux  troupeaux  de  vaches  et  de  moutons.  Nous  commençons  le  travail  par  quelques 


270  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

petites  sépultures.  Dans  le  voisinage  immédiat  du  camp,  nous  ne  trouvons  que  des  vases  gros- 
siers, tous  brisés,  et  un  poignard  en  bronze  du  type  le  plus  primitif:  la  lame  fait  corps  avec  la  soie 
Ces  sépultures  sont  profondes  de  o'",6o  environ.  Dans  ce  même  voisinage  se  trouvent  quelques 
dolmens,  semblables  à  ceux  de  Namin,  mais  en  fort  mauvais  état  de  conservation. 

Ces  premières  fouilles  étaient  sans  grande  importance,  aussi,  dans  l'après-midi  nous  trans- 
portons-nous en  haut  d'une  montagne  qui  dominait  le  camp  d'au  moins  deux  cents  mètres  ;  c'est 
là  que  l'Émir-Touman  avait  fait  ouvrir  deux  dolmens.  Nous  trouvons  très  bien  les  traces  encore 
fraîches  de  ses  travaux  :  le  sol  était  couvert  de  débris  de  vases.  Les  sépultures  n'avaient  été  qu'in- 
complètement fouillées;  d'autres,  à  côté,  nous  semblèrent  intactes.  Ce  n'était  pas  à  proprement 
parler  une  nécropole  dans  le  genre  de  Namin,  mais  une  ligne  de  dolmens  couronnant  la  crête  de 
la  montagne  dite  Tchila-Khàné-Daghi,  hauteur  qui  occupe  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  la 
Caspienne  et  le  plateau  persan. 

Ce  groupe,  où  nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de  rencontrer  des  sépultures  intactes,  mérite 
une  description  complète. 

Dolmen  n"  i .  —  Incomplètement  fouillé  par  l'Émir-Touman,  repris  par  la  mission.  Ce  dolmen 
mesurait  4"',io  de  long  sur  2^,50  de  large  et  1^,70  de  profondeur  ;  il  était  construit  de  gros  blocs 
de  basalte,  formant  muraille  sèche,  et  recouvert  de  blocs  plus  gros  encore.  Nous  y  avons  retrouvé 
les  objets  suivants  :  une  œnochoé  ornée  et  d'autres  vases  brisés,  une  fusaïole,  quatre  anneaux, 
quatre  bagues  dont  une  ciselée,  une  épingle,  un  javelot,  deux  pointes  de  flèches  en  bronze,  un 
collier  de  perles  en  émail  ou  verre  bleu,  un  scarabée  type  égyptien  et  une  perle  plate  en  argent. 
Comme  cette  tombe  avait  été  bouleversée,  nous  ne  pouvons  donner  que  la  liste  des  objets  qu'elle 
renfermait. 

Le  lendemain  21  juin,  nous  transportons  tous  nos  chantiers  sur  le  sommet  du  Tchila-Khànè  ; 
les  fouilles  commencent  à  5  heures,  nous  faisons  ouvrir  cinq  sépultures  à  la  fois. 

Dolmen  n"  2.  —  Les  pierres  formant  le  couvercle  du  dolmen  avaient  disparu,  mais  la  sépul- 
ture était  intacte,  elle  mesurait  3"', 20  de  long  sur  i'",i2  de  large  et  i",25  de  profondeur.  Elle  re- 
posait sur  la  roche  volcanique  qui  forme  le  sol  de  la  montagne.  Les  murailles  de  la  cuve  étaient 
faites  de  pierres  sèches,  gros  blocs  dressés  dont  les  intervalles  étaient  remplies  au  moyen  de 
pierres  moins  volumineuses.  Le  tombeau  renfermait  plusieurs  corps  ;  les  ossements  très  mal 
conservés  n'ont  pas  permis  d'en  déterminer  le  nombre  exact.  La  tombe  était  littéralement  remplie 
d'objets;  la  figure  360  montre  leur  disposition.  En  voici  la  nomenclature. 

Les  numéros  donnent  sur  le  plan  la  position  respective  des  objets  trouvés. 

L  Vases  en  terre.  —  i.  Œnochoé  décorée  d'ornementation;  2.  Petite  œnochoé  ;  3.  Petit 
gobelet  en  terre  rouge  ;  4.  Œnochoé  en  terre  noire  ornée  de  cercles  ;  7  et  8.  Urnes  en  terre  noire  ; 
9.  Œnochoé;  11.  Plat  en  terre  noire  ;  12.  Urne  en  terre  noire  ;  13.  Grand  plat  également  en  terre 
noire;  14.  Urne;  15.  Vase  en  fragments;  19  à  29.  Vases  divers  brisés  ;  34.  Gros  vase  enterre 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


271 


noire;  35.  Plat;  36  et  37.  Petits  vases  ronds;  40  à  42.  Gros  vases;  45.  Petit  vase  rond  ;  46  et 

I.  —  Niveau  supérieur. 


II.  —  Niveau  inférieur. 

FiG.  360.  —  Tchila-Khànii.  Dolmen  n^  2.  Dispositif  du  mobilier  l'uiicraire(i). 

• 

47.  Grands  plats  enterre  noire;  48.  Petite  jatte  ;  49,  50,  51.  Petits  vases;  52  à  56.  Œnochocs 
en  terre  noire. 

II.   Objets  en  bronze.  —  5.  Pointe  de  lance;  6.  Bracelet;  16.  Poignard;  17.  Deux  pointes 

(i)  Ces  deux  niveaux  ne  formaient  en  réalité  qu'une  masse  compacte;  il  faut  les  superposer  par  la  pensée  pour  bien 
saisir  les  positions  resf)ectives  occupées  par  les  objets.  Nous  avons  pris  deux  croquis  au  moment  des  touilles  afin  d'éviter  la 
confusion. 


272 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


de  flèches;  i8.  Faucille;  30.  Bracelet;  32  et  33.  Bagues;  38  et  39.  Ornements  en  forme  dédouble 
spirale;  43.  Poignard;  44.  Pointe  de  flèche;  58.  Bracelets. 


FiG.  361-368.  —  Age  du  bronze.  —  Tchila'Khâné,  vases  en  terre,  1/4  de  grandeur  naturelle. 

III.  Objets  divers.  —  lo.  Perles  en  verre  et  pâte  de  verre,  et  une  petite  perle  en  or  ;  31 .  Un 
collier  en  perles  de  verre  bleu  ;  57.  Une  pierre  à  aiguiser. 

On  peut  juger  par  cette  nomenclature  des  objets  trouvés  dans  une  sépulture  relativement 
peu  importante,  de  ce  que  devaient  renfermer  les  grands  dolmens  de  Namin  qui  malheureuse- 
ment avaient  tous  été  spoliés. 


■FiG.  369.  —  Tchila-Khané.  Dolmen  n"  5.  .-^ge  de  bronze. 


Dolmen  n"  j.  —  Cette  sépulture  était,  elle  aussi,  intacte  (fig.  369). 

Dimensions  de  la  cuve:  3'",2  5  dclongsur  1^,40  de  large  et  o",  80  de  profondeur.  Même  mode 


v^ 


sr.i 

-  "^/-'^^gg 

%^ 

— "".  r-^a^ 

•v:^ 

:"-4>S 

>;-^:*£ 

"-  ■  ^  -"^ 

/:  ?^ 

FiG.  370-588.  —  Dolmens  de  Tchila-Klunc.  Age  du  bronze.  Vases  en  terre  noire,  rouge  ou  grise.  1/4  gr.mdeur  naturelle. 

35 


FiG.  389-408.  —  Dolmens  de  Tchila-Kbané.  Age  du  bronze.  Vases  en  terre  noire,  rouge  ou  grise.  1/4  grandeur  naturelle. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


27) 


^ 


de  construction  en  blocs  de  basalte.  Les  trois  gros  blocs  qui  formaient  couvercle  étaient  en  place. 
Le  cercle  de  pierres  qui  entourait  le  monument  était  peu  apparent.  Là  encore  les  objets  étaient 
entassés.  En  voici  la  liste  :  Sept  bracelets  anneaux,  avec  ornements  en  spirale  filigranée  et  un  à 
section  triangulaire  ;  treize  bagues  dont  une  à  section  rectangulaire;  deux  spirales  longues  de 
o"',o6y,  cinq  bossettes  de  o'",02  de  diamètre;  une  bossette  de  o'",oi  et  quatre  de  0^,03;  une 
attache  percée  de  deux  trous  ;  un  pendant 
de  collier,  en  forme  de  croissant,  mesu- 
rant o'",o6.  Trois  dagues,  une  avec  poi- 
gnée rapportée,  les  deux  autres  coulées 
d'une  seule  pièce  ;  deux  têtes  de  lance  ; 
deux  couteaux,  dont  un  muni  d'un  dos. 
Les  dagues  portaient  encore  les  traces  de 
fourreaux  en  cuir(?)  et  en  étoffe.  Tous  ces 
objets  étaient  de  bronze.  Il  a  été  trouvé 
également  beaucoup  de  perles  en  corna- 
line et  en  pâte  émaillée,  une  masse  en 
grès  et  une  pointe  de  flèche  en  silex, 
la  seule  de  ce  genre  rencontrée  jus- 
qu'alors. La  céramique  était  représentée 
par  environ  50  vases  (fig.  370-388  et 
389-408). 


^ 

•J^^ 


^ 


Fig.  409.  —  Tchila-Khànc.  Dolmen  n"  4.  Age  du  bronze. 


Dolmen  n°  ^.  —  Ce  monument  est  le 
plus  complet  que  nous  avions  exploré  à 
Tchila-Khâné.  Il  était  au  centre  d'un 
cercle  de  pierres  et  parfaitement  conservé. 
Le  tumulus,  qui  autrefois  s'élevait  sur 
le  dolmen,  le  recouvrait  encore  dans  son 

entier,  laissant  à  peine  deviner  les  trois  blocs  énormes  formant  le  couvercle  de  la  sépulture, 
qui  mesurait  4  mètres  sur  2"", 05  de  large.  La  cuve  elle-même  présentait  3^,50  de  longueur  sur 
1^,28  de  largeur  et  i",30  de  profondeur.  Cette  sépulture  était  absolument  intacte,  et  renfer- 
mait six  crânes,  dont  un  d'enfant.  Les  ossements  étaient  dans  un  état  de  conservation  qui 
nous  a  permis  de  reconnaître  l'emplacement  de  chaque  squelette  près  duquel  les  objets  lui 
appartenant  avaient  été  groupés.  Le  croquis  pris  sur  place  donne  la  disposition  de  ces 
sépultures. 

Le  squelette  n"  i  était  assis,  les  autres,  allongés,  étaient  posés  les  pieds  ramenés  vers  le  centre 
du  dolmen  qu'occupait  la  sépulture  d'enfant.  Les  vases  formaient  une  couche  de  0^,50  au-dessous 
de  la  surface  de  la  terre  qui  encombrait  la  cuve;  puis  venaient  les  squelettes  et  les'menus  objets. 


2-6 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


déposés  à  une  profondeur  de  o'",90  sur  un  lit  de  charbon  et  de  cendres,  reposant  lui-même  sur 
une  couche  de  blocs  formant  une  sorte  de  pavage. 

Ce  dolmen  renfermait  28  vases  en  tout,  œnochoés,  plats,  urnes  et  gobelets,  une  dague  en 
bronze  ornée  d'un  manche  en  corne,  un  disque  concave  et  de  petites  bossettes,  le  tout  en  bronze. 
Les  bossettes  servaient  d'ornements  de  coiffure  pour  les  femmes.  A  cette  liste  il  convient  d'ajou- 
ter de  nombreuses  perles  en  pâte  de  verre. 

Le  dolmen  n°y  situé  près  du  n"  4,  était  beaucoup  plus  petit;  il  ne  mesurait  que  i'",8o  sur 
o",85  de  large  et  ne  contenait  qu'un  vase  et  quelques  perles. 


«i 


^mm 


FiG.  410-415.  —  Tchila-Khâné.  Age  du  bronze.  1/2  grandeur  naturelle. 

Dolmen  n°  6.  —  Le  dernier  de  la  ligne  vers  la  frontière  russe  avait  été  vidé  par  les  pâtres  qui 
en  avaient  fait  un  abri  pour  surveiller  leurs  troupeaux. 


Le  dolmen  n°  7  situé  à  l'autre  extrémité  de  ce  groupe,  près  du  n°  i ,  avait  été  fouillé  par 
l'Émir-Touman  et  ne  renfermait  plus  rien. 


'.•kîi^, 


/î; 


v^.  : 


m 


:m.û 


Wm 


FiG.  416-420.  —  Dolmens  de  Tchila-Khânc.  Age  du  bronze.  Dagues  et  têtes  de  lances  tn  bronze,  1/2  grandeur  naturelle. 


A/a^aa  <a-^.»  ^ 


M-mmmm 


i/2  gr.  nat. 


1 


2/3  gr.  nat. 


1/2  gr.  nat. 


2/3  gr.  nat. 


2/3  gr.  nat; 


2/3  gr.  nat 


1/2  gr.  nat. 


1/4  gr.  nat. 


2/3  gr.  nat. 


1/2  gr.  nat. 


1/2  gr.  nat. 

FiG.  421-447.  ^  Tchila-Kliâné.  Age  du  bronze.  Colliers  en  pâte  de  verre  et  pierres  dures.  Bijoux  et  ornements  en  bronze. 

Fusaïoles  en  terre  cuite. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


^79 


Autour  de  ces  monuments  se  trouvaient  groupées  quelques  sépultures  sans  doute  apparte- 
nant à  des  pauvres  et  qui  ne  nous  ont  donné  que  des  fragments  de  vases. 

Ces  fouilles  nous  avaient  pris  les  journées  des  20,  21  et  22  juin;  le  terrain  sur  ce  point  étant 
complètement  exploré  nous  passâmes  à  une  colline  voisine,  Lor-Daghi,  tout  en  conservant  notre 
camp  toujours  au  même  emplacement. 


Lor-Daghi.  —  Lor-Daghi  est  un  large  plateau  vallonné,  d'un  aspect  dénudé,  couvert  d'une 
herbe  rare  et  semé  de  rochers  ;  du  côté  du  Talyche  et  du  Lenkoran  il  est  bordé  par  des  escar- 
pements dominant  les  déclivités  boisées  qui  descendent  vers  la  Caspienne.  Le  panorama  est  très 
vaste:  il  s'étend  des  îles  Sari  et  de  l'embouchure 

de  l'Araxe  jusqu'à  Astara  ;  les  maisons  et   les  ^^^èfiSilHiMilfft^^^ 

navires  à  l'ancre  ressemblent  de  loin  à  des  jouets 
d'enfants.  Le  Lenkoran  s'étend  à  nos  pieds; 
M.  J.  de  iMorgan  nous  montre  sur  cette  immense 
carte  les  sites  des  nécropoles  qu  il  a  explorées 
lors  de  sa  première  mission  en  Perse. 

Nous  ne  sommes  plus  ici  en  présence  de  quel- 
ques dolmens  i.solés,  mais  d'une  véritable  nécro- 
pole avec  tumuli,  cercles  de  pierres,  et  larges 

.-)^1...^^„r.  .     —„;.,      „1U    ,  _       „    *       "1  F"'-  448-451-   —  Lor-Daghi.  Age  du  fer.  Armes   et  débris  de  fer 

dolmens,    mais,    malheureusement,    il    ne    nous  trouvés  dans  les  dolmens  spoliés.  -  ./^  grandeur  naturelle. 

faut  pas  longtemps  pour  nous  convaincre  que  la 

spoliation  s'est  étendue  partout.  Nous  fouillons,  cependant,  en  entier  ou  en  partie,  douze  dolmens 

ou  tumuli  ;  ils  étaient  du  type  de  ceux  explorés  à  Tchila-Khàné. 

Les  dolmens  n"^  i,  2  et  ^  construits  en  pierre  volcanique,  en  très  mauvais  état  de  conser- 
vation, mesuraient  3'",8o  de  long  sur  1^,50  de  large.  Des  débris  de  fer  qu'ils  renfermaient  indi- 
queraient que  leur  spoliation  remonte  à  une  époque  reculée. 

Dolmen  n°  f.  —  Mesurait  2"\9o  de  long  sur  2"", 40  de  large,  à  l'extérieur.  Le  couvercle 
du  ciste  se  composait  de  deux  énormes  dalles  reliées  ensemble  par  des  pierres  de  dimensions 
moyennes,  le  tout  formant  une  masse  si  compacte  et  tellement  semblable  à  la  roche  naturelle  que 
nous  avons  hésité  un  moment  à  y  reconnaître  une  sépulture.  Non  sans  peine  d'ailleurs,  le  bloc  le 
moins  volumineux  fut  déplacé  ;  il  nous  fut,  alors,  possible  de  pénétrer  dans  une  cuve  terminée  à  ses 
extrémités  par  deux  grandes  dalleset  formée  de  murailles  sèches  sur  les  côtés.  Cette  sépulture  mesu- 
rait 2"',5o  de  long,  i'",45  de  large  et  i'",io  de  profondeur,  elle  n'était  pas  complètement  pleine 
de  terre.  Nous  rencontrons  d'abord  une  couche  de  terre  fine,  puis  un  lit  de  pierrailles  volcaniques. 


28o 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


FiG.  452. 


enfin  des  vases  en  terre,  noire  ou  rouge,  qui  formaient  une  masse  continue  vers  la  face  Nord,  celle 
par  laquelle  nous  avions  pénétré  dans  le  tombeau.  Au-dessous  se  trouvaient  les  débris  des  osse- 
ments de  plusieurs  corps.  Le  mauvais  état  de  conserva- 
tion des  os  ne  nous  a  pas  permis  de  relever  le  nombre  des 
squelettes.  Dans  leur  voisinage  immédiat  étaient  les 
objets  de  bronze  et  les  perles  de  pâte  de  verre. 

Voici  le  détail  de  ce  mobilier  funéraire  :  trente-trois 
vases,  urnes,  plats  très  nombreux,  œnochoés  et  bou- 
teilles. Une  de  ces  œnochoés  est  très  ornée,  comme  les 
vases  du  Caucase,  gobelets,  etc.  Les  objets  suivants 
étaient  en  bronze  :  trois  poignards  du  type  le  plus 
ordinaire,  lame  de  forme  triangulaire,  ornée  d'une 
nervure  centrale  et  d'un  croissant  en  relief  près  de  la 
poignée.  Un  poignard  à  pommeau  rond.  Un  autre 
poignard  à  soie  de  forme  plus  courte.  Trois  petites 
dagues  ou  couteaux  à  double  tranchant.  Un  couteau 
recourbé  avec  un  seul  tranchant.  Une  tête  de  lance. 
Un  petit  anneau.  Une  sorte  de  spatule.  Nous  avons 
trouvé  en  plus  une  pierre  à  aiguiser  et  des  perles  en 
pâte  de  verre. 

L'intérêt  de  cette  sépulture  est  que  tout  s'}^  trou- 
vait parfaitement  en  place.  Les  armes  offrent  une 
grande  analogie  avec  celles  découvertes  à  Veri  dans 
le  Lenkoran  ;  comme  mode  de  construction,  le  dolmen 
se  rapproche  beaucoup  plus  de  ceux  de  Kraveladi, 
fine  grise,  1/4  gr.  nat.  —  Fig.  453-454-  Bagues  en  qu  même  de  Djonu,  mais  ne  Saurait  être  attribué  qu'à 

bronze,  1/2  gr.  nat.  —  Fig.  455.  Terre  cuite,  1/2  gr.  .  ,  .  j       r         r      ^  r^  ^ 

nat.  —  Fig.  456.  Collier,  pâte  de  verre,  1/2  gr.  nat.      1  âge   du  brouze.   Les  objets   de  ter   tout    entièrement 

défaut. 
Sur  les  autres  points  les  fouilles  sont  moins  fructueuses. 


Fig.  455- 


Fig.  454- 


Fig.  455. 


Lor-Daghi.  Age  du  bronze. 


Fig.  456. 
Fig.  452.  Vase  en  terre 


Dolmen  n°  ^.  —  Entouré  d'un  cercle  de  grosses  pierres,  il  était  en  ruines  et  mesurait 
3"\8oXi'",75. 

Dolmen  n°  6.  —  Également  entouré  d'un  cercle  de  pierres  parfaitement  conservé  et  mesu- 
rant 9"\9o  de  diamètre.  On  retrouvait  même  les  restes  du  tumulus  qui,  ruiné,  ne  renfer- 
mait rien. 


Dolmen  n"  7. 


Mesurait  2",20xr\8o,  semblait  n'avoir  pas  été  spolié,  renfermait  dix 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  281 

vases,  tous  brisés.  Les  n°' 8  et  9,  sépultures  dans  de  petits  tumuli,  n'ont  donné  que  des  débris 
de  vases  informes. 

Dolmen  71°  10.  —  Fouillé  par  M.  Lampre.  Mesurant  2"", 60  de  long  sur  i™,5o  de  large 
avec  une  profondeur  de  plus  d'un  mètre,  n'adonné  que  des  débris  de  vases  en  terre  noire  ou  rouge 
et  une  pierre  à  aiguiser. 

Tumulus  n°  12.  —  Ce  tertre  dominait  toute  la  nécropole;  nous  le  faisons  attaquer  par  une 
quinzaine  d'ouvriers.  A  o",3o  de  la  surface  nous  trouvons  une  muraille  de  blocs  de  grosses 
pierres,  dessous  un  lit  de  pierres  moins  grosses,  puis  le  sol  en  place,  et  rien. 

Le  terrain  nous  paraissant  épuisé,  nous  reportons  les  travaux  près  du  camp.  Pendant  nos 
fouilles  à  Lor-Daghi  nous  sommes  favorisés  par  un  temps  clair  et  splendide  qui  nous  permet 
d'admirer  encore  le  site  grandiose  qui  nous  entoure.  Le  matin  c'est  le  panorama  de  la 
Caspienne;  le  soir,  quand  le  soleil  baisse  derrière  le  Savalan,  la  montagne  s'anime  de  tons  d'une 
douceur  et  d'une  richesse  impossibles  à  décrire.  Nos  voisins  les  Russes  viennent  nous  rendre  des 
visites  amicales.  Sur  ce  point  la  ligne  de  frontière  n'a  pas  la  rigidité  européenne. 

Le  25  juin,  pendant  l'après-midi,  nous  reprenons  les  fouilles  près  du  camp  de  Tchila-Khané 
sur  un  mamelon  du  nom  de  Buchu-Kini  ;  nous  y  fouillons  trois  petites  sépultures  :  une  d'entre 
elles  contenait  un  petit  vase  fait  à  la  main  en  terre  grossière,  ayant  la  forme  d'une  urne. 

Notre  départ  est  décidé  pour  une  autre  localité,  située  plus  au  Sud.  Avant  de  quitter  je 
fais  sonder  deux  dolmens  situés  près  du  camp,  ils  sont  en  assez  mauvais  état. 

L'un  mesure  2"", 50  sur  i'",5oet  une  profondeur  de  0*", 95.  Il  était  construit  en  calcaire;  ruiné 
par  les  cultures,  il  n'a  donné  que  de  grands  vases  brisés  et  une  pointe  de  flèche  en  bronze. 

L'autre  dolmen,  également  construit  en  pierre  calcaire,  avait  3  mètres  de  long  sur  i'",45 
de  large.  Le  couvercle  de  la  cuve  était  formé  de  trois  grosses  dalles  au  milieu  desquelles  un 
buisson  d'épines  et  d'églantier  avait  pris  racine.  La  sépulture  était  intacte  :  elle  était  pauvre  et  ne 
nous  a  donné  que  six  vases  en  terre,  un  petit  poignard,  une  lame  et  une  aiguille,  le  tout  en 
bronze.  De  plus,  un  collier  en  perles  de  pâte  de  verre.  A  l'intérieur  du  dolmen  toute  la  sépulture 
était  recouverte  par  un  lit  de  grosses  pierres.  Le  26,  nous  restons  avec  M.  Lampre  pour  terminer 
cette  fouille,  pendant  que  le  reste  de  la  mission  lève  le  camp. 

En  dépit  du  nombre  de  tombes  spoliées,  nos  fouilles  nous  avaient  donné  de  précieux 
renseignements,  établissant  une  parfaite  similitude  avec  les  sépultures  explorées  dans  le  Lenkoran. 


Chagoula-Dérré.  —  Le  26  juin,  après  avoir  terminé  les  fouilles  à  Tchila-Khané,  nous  nous 
mettons  en  route  avec  la  seconde  section  de  la  caravane.  Le  temps  est  beau  et  froid,  il  souffle  un 

36 


282 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


grand  vent  de  la  Caspienne.  Nous  franchissons  un  ravin,  nous  allons  retrouver  le  sentier  de  la 
frontière  et  nous  gravissons  une  côte  autrefois  boisée,  mais  sur  laquelle  on  ne  voit  plus  que  les 
squelettes  noircis  de  la  forêt.  L'Émir  a  tout  transformé  en  pâturages.  L'herbe  y  est  abondante  et 
semée  de  fleurs  violettes.  Le  pays  présente  toujours  le  même  aspect,  vallonné  et  nu,  mais  le  sol 
est  cultivé,  sur  bien  des  points,  et  produit  des  céréales. 

En  arrivant,  nous  trouvons  les  chantiers  de  fouilles  installés  sur  sept  petits  tumuli.  Ils  ne 
donnent  que  des  débris  de  vases.  Près  de  là,  nous  voyons  les  restes  de  grands  dolmens  en  pierre 

calcaire,  tous  ruinés.  Pendant  l'après-midi,  nous  faisons 
encore  ouvrir  d'autres  tumuli  ;  un  seul  nous  donne  un 
vase  entier,  un  crochet  en  fer  et  une  bague  en  bronze. 


%. 


^    {^, 


(^ 


0    0 


FiG.  457- 


-Plan  d'une  sépulture  à  Chagoul.vDerré. 
Échelle  de  o™,05  par  mètre. 


Le  27,  nous  transportons  nos  recherches  vers  le  Sud 
du  camp.  Nous  ouvrons,  sur  le  bord  delà  route,  un  amas 
de  pierres.  C'était  une  sépulture,  bouleversée  en  partie 
seulement;  il  s'y  trouve  trois  vases  en  terre  noire,  dont 
un,  orné  de  côtes,  porte  un  bec,  des  bracelets,  deux  pla- 
ques en  bronze,  provenant  d'une  ceinture  semblables  à 
celles  de  Djonu  et  deux  superbes  poignards  en  bronze.  Les 
poignées  font  corps  avec  la  lame  et  sont  richement  ornées 
d'incrustations  en  corne  (fig.  459  et  462).  Cette  sépul- 
ture pouvait  être  de  la  fin  de  1  âge  du  bronze;  mais,  dans 

le  groupe  que  nous  explorons  près  de  là,  sur  une  colline,  nous  sommes  en  plein  âge  du  fer.  Les 

tombes  sont  dans  le  plus  complet  désordre. 

La  première  que  nous  ouvrons  était  à  même  le  sol,  elle  ne  donne  que  deux  bracelets  en 

bronze,  la  seconde  un  collier  en  perles  de  cornaline.  Plus  loin,  nous  ouvrons  une  sorte  de  tertre; 

il  renfermait  trois  sépultures. 

La  première  était  presque  à  fleur  de  sol  (o"",  50)  et  au  milieu  de  pierres  sans  ordre;  elle  nous 

a  donné  une  perle  en  forme  de  scarabée,  en  pâte  émaillée  bleu  turquoise,  et  une  ceinture  de  bronze 

large  de  o'",i3,  décorée  d'ornements  faits  au  point  (fig.  466). 

Dans  la  seconde  sépulture,  une  ceinture  de  bronze  uni,  large  de  o"',o85  et  d'un  diamètre  de 
(j",73  occupait  sa  place  sur  le  corps.  Près  de  là  se  trouvaient  également  une  bague  et  deux  bra- 
celets en  bronze,  un  couteau  en  fer,  des  perles  de  cornaline  et  de  jaspe  rouge,  à  facettes,  très  bien 
taillées.  Ce  mode  de  taille  est  propre  à  l'âge  du  fer  (fig.  465).  A  la  gauche  du  squelette,  qui 
reposait  face  au  Nord,  et  près  de  la  ceinture  était  un  poignard  en  fer  dont  la  poignée,  d'une  forme 
caractéristique  (fig.  468),  était  ornée  de  deux  disques  de  bronze  qui  formaient  le  pommeau;  puis 
un  second  couteau  en  fer. 

La  troisième  tombe  ne  renfermait  qu'un  bracelet  de  fer. 


w^ 


ss 


Wf 


r^: 


^ 


jâ^fe 


-lâ^fel 


7^^32  —  1 


459.  460.  461.  462.  463. 

Fio.  158-4(^3.  —  Chagoula-Derr'j.  Athcs  en  bronze.  1/2  grandeur  naturelle.  Aa;e  du  fer(?).  — Note.  Ces  armes  en  bronze 

ont  été  trouvées  mélangées  à  des  objets  en  fer. 


284 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


En  continuant  les  fouilles  sous  ces  tombes,  dans  un  sol  toujours  remanié,  nous  trouvons,  à 
I  ",70  de  profondeur,  une  autre  sépulture  qui  contenait  des  vases  en  terre,  urnes,  plats  et  gobelets  ; 
de  plus,  une  petite  lame  en  bronze  d'une  forme  très  primitive. 

Cette  superposition  de  sépulture  est  la  preuve  que  le  pays,  occupé  par  des  populations  ne 
possédant  que  le  bronze,  a  été  envahi  par  une  autre  race  qui  possédait  des  armes  de  fer. 

Pendant  que  je  surveillais  le  travail  sur  ce  point,  M.  Lampre  explorait  un  autre  groupe  fai- 
sant suite  sur  la  même  croupe  et  situé  autour  et  au  milieu  de  deux  tumuli  ruinés. 


FiG.  464  et  465.  —  Age  du  fer.  Colliers  avec  perles  de  jaspe  rouge  taillé  à  facettes. 

Sépulture  n°  i.  —  Dans  une  ellipse  de  blocs  de  pierre  mesurant  i'",8ox  i"',40,  a  donné 
trois  javelots  en  fer,  des  perles  en  cornaline  et  en  pâte  de  verre,  deux  bagues  dont  une  en  torsade 
et  une  petite  pointe  en  bronze. 

Sépulture  n"  2.  —  Dans  un  tumulus  formé  d'un  amoncellement  de  cailloux  ;  M.  Lampre  y 
a  relevé  les  objets  suivants  :  une  lance  en  fer,  une  épée  dont  la  lame  et  la  soie  étaient  en  fer  et  le 
pommeau  en  bronze,  une  autre  garde  en  bronze  provenant  d'une  dague,  une  lame  en  fer  et  des 
perles  en  cornaline  et  en  pâte  de  verre. 


Sépulture  n"  j.  —  Donne  deux  bracelets  en  bronze  ciselé,  dont  un  avec  têtes  de  serpents,  des 


477-  -'^S- 

TlG.  ,166-480.  —  Ch.igouIa-Di-rrc.  Age  du  fer. 


466-167.  Ceintures  en  bronze.  -  468-469.  Poignées  d'épées  en  bronze.  -  470.  Pendentif  en  bronze. 

472-480.  Bracelets  en  bronze,  1/2  grandeur  naturelle. 


471.  Perles  de  collier 


48i. 


482.  485.  488.  4X9.  490. 

FiG.  481-492.  —  Chagoula-Dtrré.  Age  du  fer. 
Têtes  de  lances  en  fer.  —  Épées  en  fer  avec  poignées  de  bronze,  1/2  grandeur  naturelle 


491. 


492. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


1S7 


anneaux  de  bronze,  des  lames  et  pointes  en  fer,  des  perles  de  pâte  émaillée,  et,  dans  un  lit  de 
charbon,  une  ceinture  en  bronze  non  ciselé  (fig.  467). 


FiG.  495  et  494.  —  Chagoula-DcrrO.  —  Sépultures  de  l'âge  du  fer.  —  Colliers  avec  perles  taillées  à  facettes,  1/2  grandeur  naturelle. 


Sépulture  n"  /.  —  Mesurant  i  mètre  sur  r\io.  On  y  a  trouvé  les  objets  suivants  :  neuf 
bracelets  (cinq  sont  ciselés),  dont  un  plat  et  deux  ornés  de  tètes  de  serpents  (fig.  477),  quatre 
bagues,  le  tout  en  bronze,  quatre  têtes  de  lances  et  un  couteau  en  fer,  une  pierre  à  aiguiser,  un 
collier  de  perles  de  pâte  et  de  grosses  perles  de  verre. 

Le  29  juin,    la  mission    va    reconnaître   du  côté  de   Soua  et   de  Vadjalik,  vers  le  Sud, 


288 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


des  dolmens  qui  nous  sont  signalés  par  le  guide.  Nous  continuons  les  travaux,  à  Chagoula- 
Dèrré. 

Nous  faisons  sonder  deux  grands  tumuli  qui  ne  donnent  rien,  et  nous  continuons  nos  fouilles 

Lf  au  milieu  des  tombes  de  l'âge  du  fer. 


FiG.  495.  —  Chagoula-Derré.  —  Coupe  d'une  sépulture  de  l'âge  du  fer. 
Échelle  de  0^,015  par  mètre. 


Sépulture  n°  ^.  —  N'est  en  réalité  que  la 
continuation  du  n°  4.  A  une  profondeur  variant 
entre  o'",3oet  o"',50.  M.  Lampre  trouve  un  bra- 
celet en  bronze  ciselé,  plusieurs  bagues,  des 
perles  en  cornaline,  d'autres  en  verre  bleu  à 
chevrons  jaunes,  un  anneau  de  bronze  à  plu- 
sieurs spires,  un  autre  en  bronze  uni  et  abon- 
dance de  poterie  rouge. 


Sépulture  n°  6,  toujours  à  la  suite.  —  Donne  une  dague  à  garde  de  bronze,  une  épée  de 
fer  avec  une  poignée  en  bronze.  Ces  armes  avaient 
été  brisées  intentionnellement  ;  on  retrouve  séparé- 
ment le  pommeau  et  la  pointe.  Cette  poignée  est  très 
ornée  de  ciselures  (i). 

Le  jour  suivant,  30  juin,  nous  poursuivons  les 
fouilles  toujours  sur  le  même  point.  Nous  continuons 
à  trouver  des  armes  en  fer,  lances,  épées  et  cou- 
teaux, des  perles  de  cornaline  et  de  pâte  de  verre 
en  abondance.  Les  sépultures  sont  tellement  confuses 
et  entremêlées  que  je  ne  puis  préciser  le  nombre 
exact  de  celles  que  nous  avons  explorées  et  qui 
s'élèvent  au  chiffre  de  trente  environ.  Pendant  tous 
ces  travaux  nous  sommes  contrariés  par  un  temps  très  froid  et  un  vent  violent.  Nos  observa- 
tions étant  finies,  le  départ  est  décidé  pour  le  lendemain. 


498. 

FiG.  496-505.  —  Chagoula-Derrc.  —  Age  du  fer. 
Ornements  de  bronze. 


Vadjalik.  —  Le  i"  juillet,  à  six  heures,  nous  nous  ébranlons,  suivis  de  la  caravane.  Une  brise 
légère  souffle  et  tempère  la  chaleur  de  l'été.  Nous  marchons  jusqu'à  dix  heures  à  travers  un  pays 
affreux  :  pas  un  arbre,  rien  qu'une  immense  étendue  jaune,  sèche,  parsemée  de  maigres  récoltes; 
c'est  le  plateau  persan  dans  toute  sa  laideur.  Les  sentiers  sont  bons  et  traversent  quelques  villages. 


(i)  Cet  objet  fait  maintenant  partie  de  la  collection  de  S.  M.  le  Shah  de  Perse. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  289 

semblables  à  ceux  déjà  vus,  où  nous  excitons  la  même  curiosité  de  la  part  des  indigènes  qui  se 
pressent  sur  notre  passage  en  groupes  bariolés  et  pleins  d'animation.  Le  guide  nous  arrête  en 
pleins  champs,  au  milieu  de  dolmens  et  de  tumuli. 

Nous  sommes  près  de  Qal'a-Sar,  dont  les  misérables  maisons  couvrent  un  coteau  sur  notre 
gauche.  On  fait  la  halte  du  déjeuner,  nous  inspectons  avec  soin  la  nécropole:  elle  est  très  étendue, 
mais  tout  a  été  bouleversé  par  les  cultures.  Les  dolmens  sont  entr'ouverts,  les  tumuli  portent 
des  traces  de  spoliation.  Ce  terrain  ne  promet  que  des  déboires;  à  11  heures  nous  remontons  à 
cheval  et  poursuivons  la  route  sous  un  soleil  dardant  avec  la  force  de  l'été.  Bientôt  nous  quittons 
le  plateau  ;  le  pays  devient  moins  laid  à  mesure  que  nous  avançons  vers  les  crêtes  boisées  conti- 
guës  au  Talyche.  Au  lieu  de  suivre  le  sentier,  nous  coupons  au  court  à  travers  des  prairies  natu- 
relles, au  milieu  d'une  herbe  haute  et  épaisse,  semée  d'iris  aux  touffes  violettes.  Sur  la  gauche  les 
coteaux  sont  boisés,  mais  la  forêt  a  été  dépouillée  de  tous  ses  beaux  arbres. 

Nous  dépassons  un  pauvre  village,  du  nom  d'Allah  Duzza,  et  arrivons  à  un  petit  ruisseau 
que  nous  remontons;  c'est  un  bras  du  Qara-Sou.  Nous  rencontrons  quelques  dolmens  ruinés, 
puis  rejoignons  la  route  de  Souah  à  Astara.  Il  est  trois  heures,  nous  faisons  halte;  la  caravane 
nous  rejoint  une  heure  après.  Nous  établissons  notre  camp  dans  une  prairie,  à  cô,té  d'un  ruisseau 
insignifiant,  le  Kechiak-Tchaï,  qui  se  jette  dans  le  Qara-Sou  ;  nous  sommes  adossés  à  un  amphi- 
théâtre de  montagnes  de  5  à  700  mètres,  en  grande  partie  boisées.  C'est  un  site  qui  nous  parait 
charmant  après  ce  que  nous  venons  de  quitter. 

Près  de  notre  camp  se  trouvaient  quelques  grands  dolmens  en  fort  mauvais  état  de  conser- 
vation. Nous  prenons  nos  fusils  et  nous  allons  à  l'Ouest,  vers  un  coteau  boisé  que  l'on  nous  dit 
se  nommer  VadjaliU.  Là  nous  nous  trouvons  en  présence  d'une  vaste  nécropole  composée 
d'énormes  dolmens.  Les  blocs  qui  couvrent  les  cuves  dépassent  tout  ce  que  nous  avons  vu  jus- 
qu'alors. La  brousse  les  enveloppe  de  toutes  parts. 

Le  2  juillet,  nous  commençons  les  fouilles  au  milieu  de  ce  groupe  de  dolmens  et  en  faisons 
attaquer  plusieurs  à  la  fois. 

Dolmen  n"  i .  —  Nous  choisissons  la  pierre  la  moins  volumineuse  du  couvercle.  VA\q  n'en 
mesure  pas  moins  r",85X  r",8o  avec  une  épaisseur  d'environ  o^.So;  on  parvient  àgrand'pcinc 
a  la  déplacer,  et  on  pénètre  dans  la  cuve,  formée  de  blocs  énormes  de  basalte  dressés  debout 
et  sur  lesquels  viennent  reposer  les  trois  roches  du  couvercle.  L'ensemble  de  ce  monument 
atteint  5", 70  de  long  et  la  chambre  i'",37  de  large  sur  i"\70  de  haut.  A  o"\9o  de  profondeur 
nous  rencontrons  un  lit  de  blocs  s'étendant  sur  toute  la  longueur  de  la  sépulture.  Sous  ce  lit 
étaient  les  ossements  et  un  grand  nombre  de  vases,  souvent  de  fortes  dimensions  et  du  type 
olla,  mais  tous  écrasés  sous  le  poids  des  rochers  entassés. 

Dolmeyi  n"  2.  —  Cet  autre  dolmen  est  encore  plus  grand  :  l'ensemble  mesure  7"', 70  de  long 
et  les  plus  gros  blocs  du  couvercle  2"', 70.  Après  avoir  dégagé  tout  l'extérieur,  on  se  trouve  en 

57 


290 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


présence  de  telles  masses  qu'il  ne  faut  pas  songer  à  les  déplacer  avec  les  faibles  moyens  dont  nous 
disposons.  Nous  sommes  forcés  de  faire  venir  des  mineurs  d'Ardebil  et  c'est  à  coups  de  poudre 

que  désormais  les  sépultures  seront  ouvertes. 

Ce  dolmen  était  dans  des  conditions  iden- 
tiques au  premier  exploré.  Sous  une  véritable 
muraille  de  rochers  entassés  gisait  une  couche 
de  vases,  tous  en  terre  grossière,  de  formes 
épaisses,  genre  ollas,  et  tous  broyés.  Ils  étaient 
en  place;  nous  en  avons  compté  vingt.  Mais  aucun 
autre  objet  n'accompagnait  les  poteries. 


FiG.  506. 


-  Dolmen  n°  3.  Vadjalik.  Age  du  bronze. 
Échelle,  0^,015  p.nr  mètre. 


Dolmen  n°  ] .  —  Construction  du  même  type 
que  précédemment,  mesurant  5™,  15  de  long.  Le 
bloc  principal  du  couvercle  n'avait  pas  moins  de 
3  mètres  de  large  sur  i"\9o  et  une  épaisseur  d'un  mètre  environ.  Dégagée  par  deux  coups  de 
mine,  cette  sépulture  ne  donne  que  des  vases  brisés;  mais,  sous  le  bloc  qui  la  fermait  au  Nord, 
se  trouvaient  des  vases  brisés  et  une  superbe  ôpée  en  bronze,  du  type  le  plus  ancien,  semblable 
à  celle  trouvée  à  Khodja-Daoud  ;  la  soie  fait  corps  avec  la  lame.  Cet  objet  avait  été  placé  en 
dehors  du  tombeau,  qui  était  orienté  exactement  Nord-Sud  (fig.  506). 

Dolmen  n"  ./.  —  C'est  le  monument  le  plus  vaste  que  nous  ayons  exploré  à  Vadjalik 
(fig.  507-509).  Il  était  fermé  par  quatre  blocs  énormes  de  basalte  reliés  entre  eux  par  d'autres 
moins  considérables  et  formant  un  ensemble  de  près  de  10  mètres  de  long.  La  cuve  seule 
mesurait  intérieurement  7'\70  avec  une  profondeur  de  i'",36,  et  une  largeur  au  centre  de  2'", 92, 
se  réduisant  aux  extrémités  à  2'",  10  et  r", 85  ;  l'orientation  était  également  Nord-Sud.  La  cuve, 
faite  de  blocs  volumineux,  était  consolidée  par  une  formidable  muraille  sèche  de  2  mètres  d'épais- 
seur, qui  en  faisait  tout  le  tour.  Les  roches  formant  le  couvercle  avaient  les  dimensions  suivantes  : 

A.  2'", 37X2™, 53.   Épaisseur  r\i2  —  o"\72. 

B.  2"^, 10X2", 55.  Tour  7"\25  (i). 

C.  2'",86xi"',55.  Épaisseur  o"\ 90. 

D.  0™, 75 XI'", 75.         —         o'",7o. 

Une  masse  compacte  de  grosses  pierres  recouvrant  l'ensemble  formait  un  véritable  pavage 
dans  toute  la  tombe. 

Il  ne  fallut  pas  moins  de  quatre  coups  de  poudre  pour  dégager  ce  dolmen,  et  les  travaux  occu- 
pèrent en  entier  mon  attention  du  6  au  1 1  juillet.  Je  me  suis  attaché  à  relever  tous  les  détails  de 
cet  important  monument  qui  était  indemne  de  spoliation  (fig.  507-509). 


(i)  Cette  roche  avait  glissé  et  s'était  fendue  en  deux. 


I-'ic.  )07-)09.  —  Dolmen  r.o  4.  Age  du  bronze,  Vadjalik. 


292 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


520. 


511. 


516.  517.  515. 

FiG.  510-522.  —  Vadjalik.  —  Échelle  1/2  gr.  nat.  Boucles  d'oreilles  en  électrum.  Colliers  en  perles  de  cornaline,  onyx,  cristal  de  roche, 

argent  et  électrum.  Ornements,  armes  et  instruments  d'autres  dolmens  de  l'âge  du  bronze  (i). 

FiG.  521.  —  Tête  de  lance.  —  Fig.  518.  —  Ornement,  bronze.  —  Fig.  522.  —  Pierre  à  aiguiser. 

Les  fouilles  commencèrent  par  l'extrémité  Nord  :  dans  l'angle  de  gauche,  furent  trouvées 

(i)  Dolmen  n"  4.  Échelle  1/2  gr.  nat.  Fig.  510,  511,  516.  Électrum,  boucles  d'oreilles  et  spirale.  —  Fig. 519-520. 
Epingle  et  spatule  en  bronze.  —  Fig.  517.  Bracelet  en  bronze.  —  Fig.  512, 513,  514,  515.  Sous  ces  numéros  on  trouvera 
les  perles  en  électrum,  argent,  onyx  et  cristal  de  roche  provenant  du  petit  ciste.  Le  dessinateur  les  a  groupées  avec 
d'autres  perles  provenant  de  divers  dolmens  de  Vadjalik. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


293 


deux  têtes  de  lances  en  bronze  mesurant  o'",i  10  et  o™,i35;  elles  étaient  munies  de  douilles.  Sur 
la  droite  il  y  avait  quelques  perles  de  collier  en  cornaline,  dont  une  très  grosse. 

Au  centre  et  sur  tout  le  côté  Ouest  du  dolmen  on  avait  déposé  un  nombre  considérable  de 
vases;  j'en  ai  compté  25.  Il  y  en  avait  une  bien  plus  grande  quantité,  mais  ils  étaient  tellement 
serrés  les  uns  contre  les  autres,  leurs  fragments  s'étaient  si  bien  confondus  par  l'écrasement,  que 
je  n'ai  pu  les  relever  tous.  Ces  vases  se  rattachaient  au  type  suivant:  urnes  épaisses(i)  déforme 


FiG.   523-527.  —  Vadjalik.  Age  du  brcnzc.  Dclirien  n°  4. 


•i^y- 


et  décorées  seulement  de  moulures  grossières  ou  de  petites  anses  non  détachées  ;  œnochoés  avec  ou 
sans  anse;  plats;  tous  ces  vases  en  terre  noirâtre  mal  cuite,  à  pâte  très  grenue,  en  un  mot 
d'un  style  très  primitif.  A  part  cela,  il  y  avait  des  coupes  avec  pied,  d'une  terre  rougeàtre 
en  dedans,  noire  au  dehors,  mais  très  mal  cuite,  bien  que  beaucoup  plus  fine  comme  pâte. 

Vers  le  centre  se  trouvait  une  autre  tête  de  lance  et  des  bracelets  en  bronze. 

Mais  la  trouvaille  la  plus  curieuse  fut  celle  d'un  petit  vase  de  bronze,  en  forme  de  ciste, 
renfermant  toute  une  parure  de  femme;  près  de  là  également  deux  épingles  et  une  sorte  de 
spatule  en  bronze. 

(i)  Ces  vases  avaient  un  diamètre  de  o''.40  sur  o''\35  à  o".40  de  haut. 


294 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


Cette  parure  se  composait  de  deux  boucles  d'oreilles  et  d'une  spirale  en  électrum(fig.  510, 
511,  516),  et  de  colliers  composés  de  perles  en  cornaline,  cristal  de  roche,  argent  et  électrum 
(fig.  512-515).  Ces  dernières  étaient  faites  d'un  fil  enroulé  en  spirale  (fig.  512)  (i). 

On  est  frappé  de  la  pauvreté  en  objets  précieux  de  ces  tombes  dont  les  constructions  sont  si 
importantes;  mais  il  semble  que  la  coutume,  à  cette  époque  reculée,  ait  été  de  limiter  les 
offrandes  faites  au  défunt  à  la  céramique,  presque  à  l'exclusion  de  tout  autre  objet. 

Nous  ne  fouillons  pas  moins  de  1 5  dolmens  à  Vadjalik  ;  mais  toujours  avec  le  même  résultat  ; 


^ 


mm. 


^'^ 


Fig.   528.  —  Tach-Kôpru.  Dolmens  spoliés.  Échelle  o™,075  par  mètre. 


des  vases  sans  nombre,  toujours  brisés,  et  quelques  pointes  de  lance  ou  petites  lames  en 
bronze,  des  perles  de  cornaline  et  rien  de  plus.  Cependant  nous  n'avons  trouvé  aucune  preuve 
de  spoliation  ni  d'usurpation  des  sépultures,  et  peu  d'inhumations  postérieures;  tel  n'était  pas  le 
cas  à  Namin. 

Dolmen  n"  5.  —  C'était  un  monument  considérable,  mesurant  5"',70  de  long,  et  recouvert 
de  trois  gros  blocs;  le  plus  important  avait  i",5o  de  long  sur  2™, 70  de  large  et  une  épaisseur 
de  1",  10.  Cette  belle  sépulture  ne  nous  a  donné  que  des  vases  brisés. 

A  côté  de  CCS  grands  dolmens  il  s'en  trouvait  d'autres  moins  importants,  mais  leur  mode 
de  construction  était  le  mCnnc  ;  ils  ne  renfermaient  que  des  vases  brisés. 


(i)  Ces  spirales  sont,  au  Tah'che.  caractéristiques  de  l'âge  du  bronze. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


293 


Pendant  que  je  terminais  les  travaux  à  Vadjalik,  les  autres  membres  de  la  mission  avaient 
abordé  une  partie  de  la  nécropole  située  près  de  la  place  où  nous  avions  campé  en  arrivant,  au 
lieu  dit  Tach-Kôpru. 


529.  —  Échelle  o™,03  par  mètre. 


5  ;o.   —  Échelle  0">,02  par  mètre. 


Dolmen  n"  14.  Échelle  ora,o3  par  mètre. 

FiG.  529-55;!.  —  Tach-Kôpru.  Dolmtn.s  de  l'âge  du  bronze. 


552.  —  Dolmen  n°  15.  Échelle 
o'n,03  par  mètre. 


Sur  ce  point  les  dolmens  étaient  en  très  mauvais  état  de  conservation  (fig'.  528). 


Dolmen  n"  12.  —  lùait  fait  de  pierres  de  dimensions  moyennes,  long  de  5'",  |<)  et  large  de 
l'",8f)  ;  il  renfermait  un  corps  étendu  de  toute  sa  longueur  et  entouré  des  objets  suivants  : 

Un  fragment  de  silex  blanc  taillé,  vases  en  pâte  fine  rouge  et  grise,  dont  un  décoré  de  côtes, 


296 


Ufc 


mm 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


538. 


2  5b 


■w 


rt 
On 

o    «^ 

I  fcu 

o  I 


.go 


des  plats,  une  anse  de  poterie  grossière  faite  à  la  main,  des 
perles  de  terre  avec  ornements  géométriques  lissés,  une  figu- 
rine en  terre  représentant  une  vache,  trois  bagues  en  bronze. 

Dolmen  n°  i/f.  —  Construction  peu  soignée  faite  de 
grosses  pierres;  3™,  15  de  long  sur  i'",8o  de  large  (fig.  531). 
Cette  sépulture  nous  a  donné,  près  du  crâne,  un  objet  très 
intéressant,  une  coupe  en  bronze  avec  un  pied  et  une  anse. 
Le  métal  était  travaillé  au  marteau  et  assez  mince.  Dans  ce 
vase  était  une  tête  de  lance  également  en  bronze.  Près  de  là 
deux  épingles  et  deux  bracelets  en  bronze . 
Quinze  vases  de  terre  étaient  dispersés 
dans  la  sépulture,  ils  sont  de  plus  petites 
dimensions  que  ceux  de  Vadjalik  et  en 
terre  mieux  cuite.  La  sépulture  renfer- 
mait un  collier  composé  de  perles  de  cor- 
naline, de  cristal  de  roche,  et  une  en  or: 
c'est  une  feuille  très  mince  décorée  de  pe- 
tits ornements  estampés. 


Fig.  555.  —  Tach-Kôpru. 

Perle  de  bronze, 

2/3  gr.  liât. 


534- 


537- 


Dolmen  n°  75.  —  Était  très  irrégulier  comme  construc- 
tion: longueur  2"\6o,  avec  i", 40  dans  sa  plus  grande  largeur 
(fig.  532).  Renfermait  des  vases  du  type  de  la  tombe  pré- 
cédente, une  plaque  de  ceinture  avec  boucle,  des  bagues  et 
de  grands  bracelets.  De  plus  une  lame  avec  soie  et  une  tète 
de  lance  d'une  forme  particulière  :  elle  est  fixée  dans  la 
hampe  par  une  pointe  munie  d'une  virolle  d'arrêt,  au  lieu 
d'une  douille  comme  c'est  habituellement  le  cas. 

Ces  deux  sépultures  14  et  15  ne  semblent  pas  avoir  été 
spoliées  et  ne  contenaient  qu'un  seul  corps,  orienté  la  tète 
face  au  Nord.  (Angle  12°  Est.) 

Tandis  que  nous  faisions  nos  travaux  tant  à  Vadjalik 
qu'à  Tach-Kôpru,  M.  J.  de  Morgan  s'était  attaché  à  faire 
une  inspection  de  l'ensemble  de  la  nécropole  et  de  la  topo- 
graphie du  pays  sur  le  côté  opposé  de  la  vallée  du  Kara-Sou  ; 
il  avait  observé  nombre  de  sépultures  de  tous  genres,  grands 
dolmens  et  tombes  plus  modestes;  la  nécropole  couvrait 
également  tout  le  coteau  d'Hassan-Zamini. 


t'?H 


-S 


hm 


544- 


547- 


541. 
FiG.  541-558. 


542. 


545- 


545- 


Hassan-Zamini.  —  Armes  et   ornement   de   bronze.  —  1/2  grandeur  naturelle;  541,   poignard;   512,  lance;  543,  tète  de 
lance;  544  et  545,  têtes  de  lances  ;  546  et  547,  pointes  de  javelots;  548,  ornement. 

38 


298 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


Parmi  les  sépultures  explorées  par  M.  Lampre  à  Tach-Kopru,  un  dolmen  mérite  une  descrip- 
tion complète.  Il  a  donné  des  objets  très  curieux.  Construit,  comme  les  autres,  en  gros  blocs 
de  basalte,  il  mesurait  3", 50  de  long  sur  i^'.go  de  large  ;  son  orientation  était  Nord-Sud, 
son  état  de  conservation  laissait  beaucoup  à  désirer.  Il  renfermait  plusieurs  corps.  Voici  la  liste 
des  objets  trouvés  :  deux  bracelets  en  bronze,  des  perles  de  cornaline  et  de  pâte  émaillée,  des 


550. 

FiG.   549-555- 


551-  5>2-  553-  554- 

Hassan-Zamini.  Ornements  de  bronze,   1/2  grandeur  naturelle. 


pendeloques  de  même  genre,  un  anneau  en  spirale  et  une  bague  en  bronze,  de  la  poterie 
noire  en  terre  fine  ou  grossière,  un  vase  rond  côtelé,  un  bec  de  vase,  une  petite  demi-sphère 
en  bronze,  une  perle  en  pâte  de  verre  noir  avec  dessins  géométriques,  enfin  un  petit  vase  de 
forme  ovoïde,  à  trois  pieds,  en  terre  émaillée,  avec  une  ornementation  gravée,  d'un  style  qui 
rappelle  l'assyrien  ou  le  babylonien. 


556. 

F.G.  556-362. 


557.  538.  559-  560.  561.  562. 

Hassan-Zamini.  Ornements  (556  et  557,  bronze,   1/2  gr.  nat.  ;  558  à  562,  perles  de  terre,  2/5  gr.  nat.). 


Un  autre  vase  en  terre  émaillée  avait  été  trouvé  lors  des  fouilles  dans  les  dolmens  du  Talyche 
russe.  Comme  ces  poteries  émaillées  sont  fort  rares  dans  les  sépultures  du  Talyche,  nous  ne 
devons  pas,  je  crois,  les  considérer  comme  des  produits  de  l'industrie  locale.  Il  est  possible 
également  qu'une  partie  des  perles  de  verre  ou  de  pâte  de  verre  soient  des  objets  importés 
d'Egypte  ou  de  Phénicie.  La  présence  dans  ces  sépultures  de  coquilles  du  Golfe  Persique, 
d'un  oudja,  de  cylindres,  de  scarabées,  prouve  bien  que  les  relations  de  ces  peuples  pri- 
mitifs s'étendaient  fort  loin.  Les  moyens  actuels  de  transport  en  Perse  et  ceux  de  l'antiquité 
sont  peu  variés,  et  nous  n'avons  aucune  raison  pour  ne  pas  admettre  qu'ils  n'aient  été  aussi 
étendus  et  presque  aussi  rapides  que  de  nos  jours.  Mais  comme  nous  n'avons  jamais  découvert 
aucun  objet  portant  des  traces  d'écriture,  nous  devons  en  conclure  que,  si  les  relations  commer- 


OrttiJe  H  /rn/*    Krfuird  fT"  Pitn.r 


PLAN   DE    LA  NECROPOLE    DE    VADJALIK 

((ii'csso  j>ai'  J.de  Morgan) 


m. XVII. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


299 


ciales  existaient,  elles  s'exerçaient  à  une  époque  où  ces  peuples  étaient  eux-mêmes  dans  un  état  de 
civilisation  très  primitive,  donc  à  un  âge  fort  ancien. 

Les  12  et  13  juillet,  afin  de  compléter  nos  études  sur  cet  intéressant  ensemble  de  sépultures, 
je  fais  fouiller  quelques  dolmens  sur  le  côté  droit  de  la  vallée  à  Hassan-Zamini.  Les  sépultures 
que  nous  rencontrons  de  ce  côté  sont  de  trois  types  :  1°  Dolmens  en  blocs  énormes,  comme  ceux 


FiG.   563.  —  Hassan-Zaniiiii.  Coupe  d'un  dolmen  double.  Age  du  bronze. 

de  Vadjalik,  un  peu  moins  grands  cependant.  Un  d'entre  eux  mesure  4",40><;  i",95,  la  cuve  a 
\"\o^  de  profondeur.  Probablement  eux  aussi  sont  d'une  époque  primitive;  ils  renfermaient  fort 
peu  de  chose,  des  vases  grossiers  et  une  tête  de  lance  en  bronze. 


5  M. 


FiG.    56(.   —  Hassan-Zamini.   Plan  d'un  dolmen  double.  .\ge  du  bronze. 

Dolmen  n"  20.  —  Cette  sépulture  se  trouvait  prés  de  la  crête  de  la  colline,  elle  était  d'un  type 
tout  particulier  se  composant  de  deux  dolmens  construits  bout  à  bout:  la  cloison  qui  les  séparait 
était  percée  d'une  ouverture  de  n"\}o  sur  le  côté  gauche  (i  ).  L'orientation  était  Nord  5"  Est.   Le 


(i)  Ce  type  existe  à  Koban;  il  nous  est  signalé  par  M.   Chantre.   Nous  l'avons  également  rencontre  à   Cheïthan- 
Thagh,  au  Caucase,  dans  une  nécropole  de  l'âge  du  fer. 


CHIR-CHIR 

FiG.   565.  —  Plan  d'ensemble  de  la  nécropole  et  de  la  forteresse. 


1  _         ^-  _.,-,.>    -,  ,     ^-, 

*,^^^  ,>■     y  •'i'''^'^'      ^•:^^  .^       --"     - -  '  *  v*r.  '  1'  .  ^^  \\  \    \      ^ -^  X       ^       \      \ 

'//''///  /  '    ''  /  ''  -'  -'       "n  \'-''><s>'":--~yy's^/'yy^-\  '\  ^   \   ^    '^  \ 

i  \  \\  \  "•->c>:;-.;-;--^«^\  «v  ;  -  éé  ]my\\  \\i'^ 

'  /  /   ^'/  /  /  /   i  \  iîié:  '^■■i     ■    Cv-:x   1  I  Vv::;v;.::v-,\-- 

''il       \      /      \     'n    ■      i  \  '   '    i  V  ~^^^^'^^^'>  \  ' 

\  \     \  \  f  1    e,  \\\;\\;>\  \, 


I  I 

I  I 

I  I  I 

I  1  ' 


/     ; 


/    fe» 


I        V 


\ 


I 


II//--        ,' 
/     '    .'    .' 


'      I 


/         I 


1>  /  /  /   / 

y\    !■',]' 


/^■r 


y    /    /    . 
/    '    '    / 

/    /   /  /    / 


Courbes    de    5  m. 
O  do  xo  30  wsoSo  joaogoioo :I50 


q02 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


premier  dolmen  mesurait  2"\8o  de  long- sur  i"',2oet  i"\33  de  large;  le  second  2'\25,  sur  i^.io  et 


56b. 


567. 


568. 


FiG.   566-568.  —  Dcvcloppemeiits  de  cylindres  en  pâte  émaillée,  2/3  grandeur  naturelle  (566  et  567,  Hassan-Zamini  ; 

568,  nécropole  d'Agha-Evlar  (i). 


o"\85. 


La  construction,  assez  nég-ligôe,  était  en  blocs  de  moyennes  dimensions.  Les  dalles  formant 
le  couvercle  avaient  disparu,  mais  les  sépultures  n'avaient  pas  été  spoliées. 

La  sépulture  n"  i,  celle  d'en  haut,  renfermait  un  morceau  d'une  épée  en 
bronze  coupée  intentionnellement,  quatre  vases,  trois  en  terre  noire  en  forme 
d'urne  et  une  écuelle  en  terre  rouge,  une  tête  de  lance,  une  pointe  de  javelot, 
trois  bagues,  un  bracelet,  deux  paires  de  boucles  d'oreilles,  deux  ornements  de 
tête,  le  tout  en  bronze. 

La  sépulture  n"  2  était  à  dix  centimètres  en  contre-bas  de  la  première  ; 
elle  a  donné  cinq  lances  variant  entre  o™,4o  et  0^,15  de  long-ucur,  trois 
bracelets,  une  plaque  d'ornement,  une  pointe  de  flèche,  trois  boucles  d'oreilles, 
le  tout  en  bronze  ;  deux  vases  en  terre  trouvés  brisés. 

Cette  tombe  renfermait  également  un  grand  nombre  de  perles  en  corna- 
line ou  en  pâte  de  verre  ;  le  collier  était  accompagné  de  son  fermoir  également 
en  pâte  émaillée.  De  plus  ce  collier  comprenait  deux  objets  extrêmement 
curieux  :  ce  sont  des  cylindres  en  pâte  d'émail. 

Ces  objets  présentent  une  caractéristique  singulière  par  les  figurations 
qu'ils  portent.  Ces  dessins  sont  étrangers  aux  vallées  du  Tigre  et  de  l'Euphrate 
et  jusqu'ici  il  n'en  a  pas  été  rencontré  de  semblables. 

L'usage  du  cylindre  comme  sceau  remonte,  on  le  sait,  à  la  plus  haute 
antiquité  et  dura  jusqu'à  l'époque  des  souverains  achéménides.  Ceux  qui  nous 
intéressent  ne  portant  aucune  inscription,  il  est  impossible  de  leur  assigner  un 
âge  précis;  nous  pouvons  dire  cependant  que,  sans  crainte  d'erreur  grossière, 
on  peut  les  placer  vers  le  x'^  siècle  avant  notre  ère  au  moins. 


FiG.  569- 
jalik..- 
bronze 


570.  —  Vad- 

-  Epingles  de 

2/3  gr.  nat. 


Dolmen  n"  6.  —  Les  sépultures  que  je  viens  de  décrire  étaient  situées  sur 
les  crêtes  d"  Hassan-Zamini  ;  en  revenant  vers  la  rivière,  le  taillis  renfermait  éga- 


(i)  Pour  faciliter  la  comparaison,  nous  reproduisons  ici  un  troisième  c}lindre  trouvé  postérieurement  dans  une 
sépulture  de  la  nécropole  d'Agha-E\lar. 


57'- 


57-4- 


^H  B»-~ 


SS=i 


)76. 


^t 


7>i. 


Chir-Chir.    -  Dolmens  de  l".igc  du  bronze.  —  Armes  et  ornement  de  bronze  1,2  gr.  nat.  ;   571,  ornement, 

2/5  gr.  nat.  ;    572  à  57X,  armes. 


304 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


lement  un  grand  nombre  de  dolmens.  Dans  l'impossibilité  de  les  explorer  tous,  nous  en 
choisissons  quelques-uns  pour  compléter  notre  étude.  Le  n°  6  affectait  extérieurement  une  forme 
circulaire,  sorte  d'entassement  irrégulier  de  blocs,  au-dessous  desquels  était  une  cuve  orientée 
Nord  5°  Ouest,  mesurant  2  mètres  de  long  sur  r",6o  de  large.  Dans  cette  sépulture  on  a 
recueilli  les  objets  suivants  :  deux  pointes  de  flèches,  deux  épingles  ciselées,  analogues  à  celles 

de  Tach  Kopru  (fig.  569-570),  quatre 
javelots,  deux  grands  et  deux  plus 
petits,  un  bracelet,  deux  bagues,  et 
un  poignard  du  type  ordinaire  à  ner- 
vure sur  la  lame  (fig.  541).  Tous  ces 
objets  sont  en  bronze.  Il  y  avait  éga- 
lement quelques  vases. 

Les  autres  dolmens  que  nous 
fouillons  dans  ce  voisinage  ne  sont  inté- 
ressants que  pour  les  plans  que  nous 
avons  relevés.  Un  était,  comme  cons- 
truction, du  type  de  Namin,  c'est-à- 
dire  avec  dalles  plates  formant  les 
murailles,  mais  ne  nous  a  rien  donné 
que  des  débris  de  vases;  il  était  spo- 
lié (i).  Un  autre  était  d'une  forme  al- 
longée et  très  étroit,  o",88  de  large  sur 
4"\  10  de  long  et  n'a  rien  donné. 

La  journée  du  13  juillet  clôturait 
nos  recherches  à  Vadjalik;  le  terrain 
était,  certes,  bien  loin  d'être  épuisé, 
mais  nous  avions  une  somme  suffi- 
sante de  renseignements  sur  ce  point, 
qui  avait  été  un  centre  des  plus  impor- 
tants pendant  toute  la  durée  de  l'âge  du  bronze,  depuis  l'époque  la  plus  reculée,  avec  les 
dolmens  de  Vadjalik,  jusqu'à  un  temps  qui  devait  être  bien  voisin  de  celui  du  fer,  avec  les  sépul- 
tures qui  renfermaient  le  vase  émaillé  et  les  cylindres.  Toutefois  nous  n'avons  rien  trouvé  qui 
soit  de  cette  dernière  époque  (2)  ;  aucun  indice  non  plus  de  la  période  néolithique.  Vadjalik 
est  exclusivement  une  station  du  bronze.  Ce  site  était,  du  reste,  admirablement  choisi  avec  ses 
abondantes  sources  d'eau  vive,  son  cirque  bien  abrité  du  vent  du  Nord-Est  par  de  hautes  mon- 


FlG. 


579- 


—  Chir-Cliir.  —  Collier  de  perles,  pierres  dures  et  pâte  de  verre. 
1/2  grandeur  naturelle. 


(i)  Le  spoliateur  était  entre  en  brisant  une  des  dalles  de  côté. 
(2)  A  part  un  fragment  de  fer  à  Tach  Kôpru. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


305 


tagnes  couvertes  d'épaisses  forêts,  au  milieu  de  pâturages  qui  s'étendaient,  suivant  le  cours  des 
ruisseaux,  jusque  sur  le  plateau.  Autrefois  les  forêts  s'avançaient  beaucoup  plus  loin  et  avec 
elles  l'humidité  et  la  fertilité.  La  preuve  en  est  dans  ces  dolmens  qui  se  prolongent  jusqu'aux 
portes  de  Namin  et  près  de  Qalassar  et  de  Souah. 


582. 


585. 


(3> 

585. 


584. 


586. 


587. 


580-587. 


Chir-Chir.  —  Ornements  en  pierre,  en  bronze  et  en  or 
(580,  pierre  1/2  gr.  nat.  ;  581  et  582,  bronze  1/2  gr.  nat.  ;  585  à  586,  bronze 
2/5  gr.  nat.  ;  ';87,  fragment  d'ornement  en  or). 


Chir-Chir.  —  14  juillet.  Lèvera  5  heures,  à  6  h.  30  départ.  Nous  faisons  route  dans  la 
direction  de  Souah  et  du  Sud-Est,  en  côtoyant  les  montagnes  qui  forment  la  ligne  de  partage 
des  eaux  du  Talyche  et  du  plateau.  Le  pays  est  valonné  et  coupé  de  rigoles  d'irrigation.  Où  se  trouve 
de  l'eau  il  y  a  un  peu  de  verdure,  mais  partout  manque  absolu  d'arbres.  Nous  traversons  Souah 
puis  Khor(i),  deux  misérables  villages.  Avant  d'entrer  dans  cette  dernière  localité,  nous  passons 
au  milieu  d'une  nécropole  composée  de 
tumuli  et  de  dolmens,  en  tous  points 
semblables  à  ceux  que  nous  venons  d'ex- 
plorer à  Namin  et  à  Vadjalik.  Par  leur 
mode  de  construction  ils  sont,  à  n'en  pas 
douter,  de  l'âge  du  bronze,  mais,  fort 
malmenés  par  les  cultures,  ils  offrent 
des  traces  si  nombreuses  de  spoliation 
que  nous  décidons  de  ne  pas  y  faire  de 
fouilles,  désirant  réserver  notre  temps 
pour  des  localités  plus  en  dehors  du  pla- 
teau et  du  transit.  Souah,  en  effet,  est  sur  la  route  principale  d'Ardebil  à  Astara. 

Après  avoir  traversé  Khor,  nous  quittons  la  plaine  pour  gravir  un  sentier  qui  serpente, 
véritable  escalier,  au  milieu  de  roches  escarpées,  sans  végétation,  et  nous  arrivons  sur  un 
plateau  basaltique,  coupé  çâ  et  là  de  cultures.  Le  terrain  est  couvert  de  tumuli  et  de  dolmens,  ces 
derniers  portant  des  traces,  même  fraîches,  de  spoliation.  Nous  sommes  au  milieu  d'une  nécropole 
qui,  à  première  vue,  parait  fort  vaste  et  importante  ;  là  nous  plaçons  le  camp  sur  une  terrasse(2) 
du  plateau  d'où  se  découvre  un  horizon  immense.  Les  montagnes  du  Lcnkoran  sont  au  Nord,  et 
devant  nous  toujours  la  plaine  dénudée  d'Ardebil,  fermée  parla  masse  conique  du  Savalan,  dont 
la  neige  fond  et  réduit  à  vue  d'œil.  Le  site  que  nous  occupons  est  sans  abri,  la  température 
étouffante.  Nous  n'avons  avec  nous  que  sept  ouvriers  qui  nous  suivent  depuis  Namin;  nous 
consacrons  cet  après-midi  du  14  juillet  à  faire  pratiquer  des  sondages  et  à  une  inspection  détaillée 
de  tout  le  terrain.  Comme  Namin  et  'Vadjalik,  cette  nouvelle  localité,  qui  se  nomme  Chir-Chir, 

(i)  A  Souah,  altitude  i  500  mètres,  les  cultures  se  composent  de  blé,  orge,  vesce  et  verdures.  Nous  voyons  battre 
le  blé  à  l'aide  du  tribulum  attelé  de  deux  bœufs,  usage  qui  date  de  la  plus  haute  antiquité  puisque  nous  avons 
retrouvé  cet  instrument  dans  les  sépultures  de  l'âge  du  fer  au  Caucase. 

(2)  A  18  kilomètres  environ  de  Vadjalik;  altitude  i  940  mètres. 

39 


306 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


fut  un  centre  important  des  populations  primitives,  dû  à  la  présence  d'une  source  superbe  qui 
près  de  là  sort  du  rocher,  assez  abondante  pour  pouvoir  faire  tourner  un  moulin.  C'est  elle  qui 
suppléait  dans  l'antiquité  aux  besoins  de  la  nombreuse  population  dont  les  sépultures  couvrent 
non  seulement  le  plateau  où  nous  campons,  mais  encore  les  hauteurs  voisines.  Après  avoir 
serpenté  quelques  centaines  de  mètres,  le  ruisseau,  formé  par  la  source  de  Chirchir,  tombe 
en  cascade  dans  une  g'org-e  abrupte  et  étranglée.  Capté  à  sa  sortie  il  sert  à  faire  vivre  les 
récoltes  et  la  population  du  village  de  Khor  dont  les  habitations  s'étendent  à  nos  pieds. 


591.  596.  589.  597.  595. 

FiG.  S88-597.  —  Nécropolo  de  Chir-Chir.  588,  plaque  de  bronze,  2/:;  gr.  nat.  ;  589,  œnochoé  en  terre  grossière,  1/4  gr.  nat.  ;  590,  coupe 
en  terre  fine;  591  à  595,  fusaïoles  et  perles  en  terre  cuite,  2/3  gr.  nat.;  596  et  597,  Pori,  lampe  et  fragment  de  lampe,  terre  cuite. 

Au  Sud-Ouest  du  ravin  qui  limite  le  plateau  que  nous  occupons  s'élève  une  colline  dénudée, 
Pori,  sur  laquelle  nous  ramassons  de  nombreux  débris  de  poterie  primitive,  semblable  à  celle  des 
sépultures.  Nous  y  voyons  également  des  dolmens  énormes  ruinés,  et  des  restes  de  constructions, 
au  point  le  plus  élevé.  Ce  sont,  sans  doute,  les  vestiges  d'une  citadelle  de  l'âge  du  bronze  comme 
à  Namin. 


Dolmen  n°  i .  —  La  première  sépulture  que  nous  abordons  est  un  dolmen  inscrit  dans  un 
cercle  de  pierres  de  ii^'.So  de  diamètre.  Il  mesure  3", 50  de  long  sur  i'",5o  de  large,  avait  été 
spolié,  et  ne  nous  donne  que  des  débris  de  vases  en  terre,  une  perle  de  bronze  et  d'autres  en  pâte 
de  verre.  Près  du  crâne  du  squelette  se  trouvait  une  cruche  en  terre  grise.  La  cuve  avait  o"',98  de 
profondeur  et  i'",3!5  de  large.  L'orientation  était  Nord-Sud. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  307 


Dolmen  n°  2.  —  Cette  sépulture  était  faite  de  gros  blocs.  Orientée  Nord  4°  Est.  La  cuve 
mesurait  y,'^ox  i'",22  ;  la  profondeur  était  de  o'",9o.  Elle  renfermait  cinq  squelettes  accompa- 
gnés de  petits  vases  en  terre,  de  perles  de  pâte  de  verre,  surtout  jaunes,  et  de  cornaline;  une  des 
perles  était  en  or.  Ce  dolmen  semble  avoir  appartenu  à  une  époque  très  ancienne  et  avoir  été 
spolié,  puis  réoccupé  plus  tard.  Avec  les  squelettes  il  y  avait  aussi  des  boucles  d'oreille  en  spirale, 
des  bagues  et  des  perles  de  bronze,  en  un  mot  un  ensemble  très  confus  et  très  pauvre.  Cette 
sépulture  renfermait  aussi  des  débris  de  vases  très  ornés  en  pâte  très  fine,  restes  laissés  sans  doute 
par  les  premiers  occupants. 

Sépulture  n°  j».  —  Ce  n'était  pas  un  dolmen,  mais  une  tombe  du  genre  de  celles  fouillées  dans 
la  vallée  d'Astara  :  amas  de  pierres  au  centre  d'un  cercle,  le  tout  fort  mal  conservé.  Cette  sépul- 
ture renfermait  toute  une  série  de  vases,  d'urnes,  cruches  (type  fi'g.  589)  écuelles  et  gobelet  le  tout 
brisé,  mais  d'un  type  très  archaïque.  Deux  têtes  de  lances  y  ont  été  également  trouvées,  elles  sont 
aussi  très  primitives  ;  une  est  fort  curieuse  de  forme  et  ressemble  plutôt  à  un  harpon  (fig.  575). 

Sépulture  11° ./.  —  Du  même  genre  ;  ne  donne  aucifn  objet  de  bronze  mais  six  vases  :  deux 
œnochoés,  un  gobelet,  une  grande  urne  et  deux  écuelles,  tous  en  terre  noirâtre  et  grossière. 

Dolmen  n"  5.  —  Malgré  les  maigres  résultats  obtenus  jusqu'alors,  je  fais  ouvrir  ce  dolmen 
qui  présentait  extérieurement  un  assez  bon  état  de  conservation.  Il  était  recouvert  par  trois  blocs 
qui  formaient  un  ensemble  long  de.]'", 40.  Ces  blocs  enlevés,  nous  entrons  dans  une  cuve  de 4", 25 
de  long  sur  i",3o  de  large  et  une  profondeur  de  r",o5.  Les  murailles  étaient  solidement  construites 
avec  de  très  grosses  pierres.  L'orientation  était  Nord  40°  Est.  Cette  sépulture  avait  été  spoliée, 
elle  renfermait  cependant  des  épaves  fort  curieuses.  Dans  l'angle  S.-E.,  près  d'un  crâne,  une 
spirale  en  bronze  du  même  type  que  celles  trouvées  à  Tchila-Khàné  (fig.  582),  une  épingle  éga- 
ment  en  le  bronze  et  plusieurs  vases  en  terre. 

Sur  la  face  Ouest  du  tombeau  et  vers  le  milieu  se  trouvait  un  autre  groupe  d'objets  :  deux 
épingles  en  bronze,  un  collier  en  perles  de  pâte  de  verre  (fig.  579),  une  petite  plaque  en  or  (fig.  587), 
et  deux  vases,  une  urne  et  un  vase  en  forme  d'oiseau,  type  trcscurieux,  leseul  spécimen  de  ce  genre 
rencontré  dans  toute  cette  campagne  de  fouilles.  Au  cours  des  recherches  que  je  faisais  à  Mouci- 
yeri  en  1888(1),  j'avais  trouvé,  dans  une  sépulture  de  l'âge  du  fer,  un  vase  assez  semblable,  mais 
le  dolmen  de  Chir-Chir  ne  peut  être  attribué  qu'à  l'époque  du  bronze.  II  renfermait  encore  nombre 
de  vases  brisés  et  une  très  grosse  perle  en  verre.  Cette  sépulture,  qui  avait  certainement  possédé 
autrefois  un  riche  mobilier  funéraire,  avait  été  spoliée  à  une  époque  très  ancienne. 

A  côté  de  ces  dolmens  qui  rentraient  dans  les  types  de  sépultures  déjà  décrits,  Chir-Chir  nous 
a  donné  d'autres  tombes  d'un  genre  tout  particulier.  Ce  sont  de  grandes  cuves  carrées,  simples 

(i)  J.  de  Morgan,  Les  premiers  âges  des  jnétaux  dans  l'Arménie  russe,  p.  154,  155. 


3o8 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


ou  doubles  et  masquées  sous  des  amas  de  grosses  pierres  plus  ou  moins  bien  conservées.  Les 
deux  plus  caractéristiques  ont  été  explorées  par  M.  Lampre  (fig.  598-599). 

Sépulture  n°  6.  —  Mesurait  2", 75  sur  2", 25  avec  une  profondeur  de  o"',85  ;  les  corps  étaient 
rangés,  les  crânes  près  des  murailles,  qui  étaient  faites  de  gros  blocs,  et  accompagnés  de  vases 
en  terre  noirâtre,  urnes,  écu.elles  et  plats.  En  fait  de  métal,  il  n'y  avait  que  deux  lames  de  forme 
primitive  et  une  perle  de  bronze.  La  tombe  renfermait  également  une  mâchoire  de  ruminant. 
Tout  l'ensemble  de  ce  tombeau  paraît  d'un  âge  fort  reculé. 


598. 

Fig.   598-599- 


599- 


Chir-Chir.  —  Sépultures  primitives  de  l'âge  du  bronze. 


Sépulture  n°  7.  —  Elle  se  composait  de  deux  tombes  juxtaposées,  mesurant  respectivement 
2°',05X  i'",io  et  i'",7oX  I  mètre,  leur  profondeur  était  de  o'",75.  Cette  fouille  n'a  donné  que 
quelques  débris  de  poterie  sans  indications  (fig.  598). 

Sépulture  11°  8.  —  Cette  tombe  était  sous  un  amas  de  grosses  pierres,  elle  a  donné  une  lame 
en  bronze  et  de  grands  vases,  le  tout  de  style  très  primitif  (cf.  fig.  588-597). 

Sépulture  n°  9.  —  Formée  par  un  amas  de  pierres,  sorte  de  petit  tertre;  à  i°',5o  de  profon- 
deur, nous  avons  rencontré  quatre  vases  en  terre  et  une  lame  en  bronze,  le  tout  d'un  style  très 

archaïque. 

Nous  avons  exploré  à  Chir-Chir  un  nombre  bien  plus  considérable  de  sépultures,  mais  ou 
bien  elles  ne  renfermaient  rien,  ou  bien  elles  ne  présentaient  aucun  intérêt  spécial,  et  il  est  inutile 
d'msistcr  pour  tomber  dans  des  redites. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


309 


Pour  terminer  notre  étude  de  cette  localité,  nous  avons  fait  ouvrir  également  un  certain 
nombre  de  dolmens  et  de  sépultures  plus  modeste  sur  la  colline  de  Pori  où  se  trouvaient  les  restes 
de  la  citadelle.  Sur  ce  point,  les  grands  dolmens  étaient  complètement  spoliés.  Ils  étaient,  en  tous 
points,  semblables  à  ceux  explorés  à  Vadjalik. 

Ces  tombeaux  paraissent  avoir  été  réoccupés  postérieurement  par  des  sépultures  que  je  crois 
être  de  l'âge  du  fer.  Dans  un  petit  dolmen  qui  mesurait  2"", 40  X  o^.yo,  nous  avons  trouvé  de 
nombreuses  perles  bleues  et  blanches  en  pâte  de  verre,  un  fragment  de  moule  de  hache  et  une 


601. 

FiG.  600-601.  —  Xccropclo  de  Chir-Chir. 
Fragments  d'armes  et  d"outils  en  fer,  1/2  gr.  nat. 


602.  603. 

FiG.  602-603.  —  Vases  en  terre  grossière. 


lampe  d'une  forme  étrange  qui  a  quelque  chose  d'indien  (fig.  596),  et  ne  ressemblant  en  rien  à  ce 
que  nous  avons  rencontré  jusqu'alors. 

Un  autre  cercle  de  pierres  de  10  mètres  de  diamètre,  qui  renfermait  les  ruines  d'un  grand 
dolmen,  avait  été  occupé  de  la  même  façon  par  une  série  de  petites  sépultures  qui,  elles  aussi, 
devaient  être  beaucoup  moins  anciennes  ;  leur  céramique  et  la'nature  des  perles,  pâte,  jaspe  rouge 
et  cornaline  qu'elles  renfermaient  pourraient  les  faire  attribuer  à  l'âge  du  fer.  Pour  résumer,  à 
Chir-Chir  tout  avait  été  pillé,  à  part  les  sépultures  les  plus  anciennes,  qui  ont  dû  sans  doute  à 
leur  pauvreté  en  objets  précieux  d'avoir  été  respectées,  alors  que  les  dolmens  qui  contenaient  de 
l'or  ont  tous  été  spoliés.  Pendant  tout  notre  séjour  à  Chir-Chir,  nous  n'avons  cessé  d'être  entravés 
dans  nos  fouilles  par  le  manque  d'ouvriers  et  par  le  vent  qui  soufflait  en  tourmente,  véritable 
kamsin,  et  nous  aveuglait.  A  la  tombée  de  la  nuit,  la  tempête  redoublait  d'intensité  menaçant 
d'emporter  nos  tentes. 

Le  19  juillet,  le  guide,  que  nous  avions  envoyé  en  avant,  est  de  retour  au  camp  et  nous 
signale  des  localités  sur  le  versant  de  la  Caspienne  et  dans  la  direction  de  la  vallée  de  Kergan- 
Roud  ;  le  lendemain  est  fixé  pour  le  départ.  Nous  ne  pourrons  prétendre  épuiser  toutes  les  nécro- 
poles que  nous  visitons  ;  nous  nous  bornons  à  relever,  dans  chaque  cas,  les  documents  néces- 
saires à  leur  étude.  11  faudrait  des  années  pour  explorer  chacun  de  ces  innombrables  dolmens. 


310  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

DeChir-Chir  au  Kergan-Roud.  —  20  juillet.  La  tourmente  qui  n'avait  cessé  de  souffler  tous 
ces  jours  derniers  s'est  calmée.  Nous  sommes  debout  à  4  h.  30.  Il  fait  un  superbe  temps  clair. 
On  commence  à  replier  le  camp  ;  à  6  h.  45  nous  montons  à  cheval  et  on  se  met  en  route. 

Nous  marchons  en  remontant  la  pente  naturelle  des  eaux  vers  la  ligne  de  faîte,  dans  la 
direction  du  Sud-Est.  Le  sol  est  dénudé  et  la  route  facile.  Après  deux  heures  de  marche,  nous 
sommes  au  sommet  du  col  et  la  vue  s'étend  de  nouveau  par-dessus  les  gorges  sauvages  du  Talyche 
jusqu'à  la  Caspienne.  Au-dessous  de  nous  sont  les  tentes  noires  des  indigènes  qui  viennent  camper 
durant  l'été  au  milieu  des  prairies  avec  leurs  troupeaux.  Pendant  la  saison  chaude,  toute  la  partie 
basse  qui  avoisine  la  mer  est  dévorée  par  les  fièvres  et  la  population  émigré  en  masse  vers  les 
pâturages  de  la  montagne.  Plus  bas  est  la  forêt,  rare  et  maigre  vers  les  sommets,  et  compacte 
dès  que  l'on  descend  au-dessous  de  i  800  mètres  d'altitude.  Au  col,  nous  sommes  à  2260  mètres. 
Nous  tournons  sur  la  droite  ;  le  sentier  serpente  en  corniche,  épousant  tous  les  replis  rocailleux 
des  sommets.  Près  des  tentes  noires,  nous  voyons  quelques  tèpés  ou  tumuli  qui  nous  indiquent 
un  petit  groupe  de  sépultures  antiques.  Elles  ne  nous  semblent  pas  assez  importantes  pour  faire 
arrêter  toute  la  caravane.  Le  guide  nous  conduit  alors  successivement  à  deux  points  où  il  dit 
avoir  vu  des  dolmens.  Ce  sont  des  amas  de  roches  naturelles  provenant  de  la  fonte  des  glaciers. 
Nous  montons  insensiblement  jusqu'à  près  de  3000  mètres  ;  sur  notre  droite,  dans  les  cavités 
bien  abritées,  on  voit  encore  de  la  neige.  Toute  cette  zone  parait  avoir  été  inhabitée  durant  l'an- 
tiquité :  aucune  trace  de  sépulture. 

Vers  midi,  nous  faisons  halte  à  Kumurlu  Boulak  pour  déjeuner  près  d'un  ruisseau  qui  sort 
en  masse  du  flanc  de  la  montagne  et  tombe  en  cascade  parmi  les  blocs  de  pierre.  Le  site  est  sau- 
vage et  ne  manque  pas  de  caractère.  Après  une  heure  de  repos,  nous  remontons  à  cheval  et  conti- 
nuons dans  la  direction  de  Gcndj-Khâné,  toujours  vers  le  Sud.  11  est  trois  heures,  nous  ne  pouvons 
songer  à  atteindre  notre  objectif  dans  la  journée.  On  se  décide  donc  à  terminer  l'étape  sur  le 
bord  d'un  ruisseau,  le  Kater-Tchai,  où  nous  trouvons  une  eau  fraîche  et  abondante.  Nous  sommes 
dans  une  gorge  étranglée,  au  milieu  de  rochers,  sans  un  seul  arbre  ;  à  cette  altitude,  2  660  mètres, 
il  n'y  en  a  plus.  La  rivière  forme  une  superbe  cascade  dans  un  chaos  de  rochers  à  cent  mètres 
de  notre  campement.  Comme  nous  pensons  repartir  le  lendemain  de  grand  matin,  on  ne  fait  pas 
dresser  les  tentes  et  nous  couchons  à  la  belle  étoile.  Le  firmament  était  beau,  en  effet,  à  neuf 
heures  du  soir;  mais,  durant  la  nuit  les  nuages  nous  enveloppent  de  toutes  parts,  et  nous  sommes 
tour  à  tour  dans  la  brume  ou  dans  une  pluie  fine  qui  traverse  tout. 

21  juillet.  On  dort  mal  et  à  4  heures  la  nuit  est  finie:  on  est  trop  heureux  de  pouvoir  se 
lever.  Mais  le  brouillard,  un  vrai  brouillard  digne  de  Londres,  persiste;  nos  gens  trempés  ne  se 
mettent  en  marche  que  lentement,  il  est  5  h.  40  quand  nous  montons  à  cheval,  la  caravane  part 
avec  nous.  Nous  tournons  toujours  sur  les  contreforts  de  la  ligne  de  faîte,  peu  à  peu  la  brume 
se  lève,  et  bientôt  nous  découvrons  de  nouveau  les  montagnes  du  Talychequi  émergent  aumilieu 
des  nuages  qui  se  déchirent  et  se  dissipent.  Nous  sommes  à  la  tête  de  la  vallée  du  Lissar,  ruis- 
seau très  encaissé  dans  un  abîme  couvert  d'épaisses  forêts.  Nous  passons  encore  des  campements 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


311 


de  tentes  noires,  et  nous  débouchons  vers  l'Est  sur  un  plateau  semé  de  roches  blanches.  Il  est 
9  heures,  nous  avons  fait  environ  15  kilomètres,  et  sommes  à  Gendj-Khâné.  Altitude  2000 
mètres.  Nous  dressons  le  camp  sur  la  bordure  du  plateau,  au  sommet  de  falaises  calcaires  qui 
dominent  la  vallée  de  Lissar  de  plusieurs  centaines  de  mètres  et  d'où  nous  avons  une  vue  superbe 
sur  la  Caspienne. 

Le  plateau  est  une  prairie  naturelle,  avec  quelques  habitations  et  même  un  bazar  où  nous 
sommes  heureux  de  nous  munir  de  ceintures  en  laine  grise,  sorte  de  tricot  fabriqué  par  les  femmes 
du  pays.  Sur  ces  sommets  la  brise  du  soir  est  glaciale.  Des  troupeaux  nombreux  paissent  tout 
autourde  nous.  Le  guide  nous  conduit  à  de  larges  affleurements  de  rochers  qu'il  avait  pris  pour 
des  sépultures.  Nous  ne  voyons  qu'un  seul  dolmen  dont  la  cuve  est  formée  par  un  défaut  dans 
la  couche  calcaire  ;  des  blocs  de  même  nature  forment  le  toit.  Ce  dolmen  était  vide.  Près  de  là  se 
trouvaient  de  petits  tertres  que  nous  fouillons,  sans  rien  trouver  d'autre  que  des  débris  de  poterie 
grossière.  On  nous  avait  signalé  d'autres  dolmens  de  l'autre  côté  de  la  vallée  de  Lissar.  Ces 
dolmens  étaient  du  type  de  ceux  explorés  aux  localités  précédentes,  mais  les  cuves  entr'ouvertes 
ne  nous  laissaient  aucun  doute  sur  leur  spoliation. 

Le  temps  reste  superbe  toute  la  journée;  M.  J.  de  Morgan  s'occupe  d'histoire  naturelle 
pendant  que  nous  faisons  les  recherches  archéologiques.  Ce  pays  calcaire  est  très  riche  en  coquilles 
d'espèces  fort  nombreuses. 

22  juillet.  Lever  à  5  heures:  une  demi-heure  plus  tard  je  pars  avec  M.  Lampre  et  un  groupe 
d'ouvriers  pour  aller  reconnaître  une  nécropole  que  les  gens  du  pays  nous  indiquent.  Nous  pre- 
nons vers  le  Sud-Ouest  dans  la  direction  de  la  vallée  de  Kergan-Roud.  Kn  quittant  le  plateau, 
nous  avons  une  vue  superbe  sur  le  Ghilan.  A  nos  pieds,  la  vallée  de  Kergan-Roud,  avec  toute 
une  série  de  ravins  boisés  qui  lancent  leurs  ramifications  dans  tous  les  sens;  plus  loin  les  rizières 
du  Ghilan,  cloaque  immense  qui  vaut  au  pays  sa  réputation  méritée  d'être  un  des  plus  insalubres 
de  toute  la  Perse.  Puis  la  mer  qui  décrit  une  vaste  courbe  jusqu'au  iVïourd-Ab  et  Enzeli.  La  lagune 
miroite  comme  une  lame  d'argent.  Nous  arrivons,  après  deux  heures  de  route,  au  terrain  indiqué, 
sorte  de  plateau  couvert  d'herbe  et  surtout  de  rochers.  Là  nous  sommes  en  présence  de 
murailles  faites  de  gros  blocs,  en  forme  de  grands  rectangles  ou  dcx  masses  plus  ou  moins  circu- 
laires. Nous  faisons  sonder  les  points  qui  nous  semblent  offrir  des  chances  de  succès,  mais 
partout  absolument  rien.  Ces  constructions  ne  doivent  être  rien  de  plus  que  des  abris  pour  les 
troupeaux,  élevés  anciennement  par  les  nomades. 

Nous  faisons  à  pied  l'exploration  détaillée  de  tout  le  pays,  mais  toujours  rien  d'antique. 
Sur  ces  entrefaites,  le  temps  se  couvre,  la  brume  de  la  Caspienne  monte  et  nous  enveloppe,  se 
transforme  en  pluie  fine,  puis  en  un  véritable  déluge.  Nous  revenons  au  camp  trempés  jusqu'aux 
os.  Il  pleut  tout  le  jour  et  toute  la  nuit. 

2'^  juillet.  Suite  de  la  brume  et  de  la  pluie,  on  nage  dans  une  atmosphère  glaciale.  Tout 
travail  est  impossible. 

2.^  juillet.  Le  temps  s'étant  levé,  on  se  met  en  route  à  midi,  mais  la  brume  reprend  de  plus 


312  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

belle,  puis  la  pluie,  tenace  comme  la  veille.  Nous  circulons  sans  rien  voir,  trempés  et  glacés  ;  nous 
sommes  toujours  entre  2  000  et  2  500  métrés  d'altitude.  On  nous  fait  visiter ,  sur  plusieurs  points,  des 
amas  de  pierre  qui  n'ont  rien  d'antique.  Notre  guide  nous  mène  à  Atcch-Gah  (l'Autel  du  Feu),  lieu 
célèbre  dans  le  pays,  par  ses  souvenirs  anciens  ;  mais  toujours  pas  de  dolmens.  Nous  décidons  de 
descendre  plus  bas,  dans  une  zone  moins  froide,  et  plus  apte  à  avoir  été  habitée.  Le  voyage  continue 
toujours  sous  une  pluie  glaciale;  à  mesure  que  nous  descendons  cette  pluie  se  change  en  brume 
de  plus  en  plus  tiède,  nous  arrivons  de  nouveau  au  milieu  des  arbres,  buissons  rabougris,  puis 
c'est  la  futaie,  avec  des  clairières  cultivées  et  des  habitations.  Nous  plongeons  dans  la  vallée  du 
Kergan-Roud  ;  enfin,  vers  5  heures,  nous  faisons  halte  sur  un  petit  plateau.  Du  fond  de  la  vallée 
monte  jusqu'à  nous  un  bruit  confus  indiquant  le  voisinage  d'un  village.  La  brume  se  lève  enfin. 
Nous  sommes  en  vue  d'Agha-Evlar,  sur  la  droite,  les  habitations  au  milieu  de  grands  arbres  et 
sur  la  gauche,  les  bains  avec  des  toits  en  coupole,  et  le  bazar,  large  construction  en  rectangle. 
Un  messager  se  présente  aussitôt  de  la  part  du  maître  du  pays  qui  nous  offre  l'hospitalité  sous 
son  toit.  Nous  déclinons  cette  cordiale  invitation,  préférant  rester  à  nous  reposer  et  à  nous  sécher 
autour  des  feux  que  nous  avons  allumés.  Bientôt  la  caravane  arrive  et  le  camp  se  dresse.  (Alti- 
tude I  250  mètres.) 

2 y  juillet.  Du  haut  de  notre  camp,  des  amas  de  pierre,  indices  de  sépultures,  sont  visiblesde 
tous  côtés.  Nous  commençons  de  suite  l'inspection.  Nous  sommes  au  milieu  de  la  plus  vaste 
nécropole  que  nous  ayions  encore  rencontrée.  Ce  champ  de  repos  s'étend  sur  la  rive  gauche  du 
Kergan-Roud,  dans  un  superbe  amphithéâtre  formé  par  un  cercle  de  montagnes  abruptes  et 
boisées,  qui  laissent  libre,  entre  leurs  cimes  escarpées,  un  vaste  plateau  ondulé  s'inclinant  suivant 
le  sens  du  thalweg.  La  rivière  s'échappe  vers  l'Est  et  la  Caspienne  par  une  gorge  étranglée,  au 
milieu  de  rochers  en  partie  nus,  en  partie  boisés,  d'un  aspect  sauvage.  Agha-Evlar  est  un  centre 
important  de  population  surtout  pendant  l'été,  saison  des  fièvres  au  Ghilan,  dont  les  habitants, 
bien  reconnaissables  à  leur  teint  hâve  et  à  leurs  yeux  caves,  viennent  chercher  un  milieu  plus 
salubre.  Les  cultures  y  sont  très  étendues,  elles  ont  contribué  à  détruire  une  grande  partie  de  la 
nécropole  antique  ;  mais,  tels  qu'ils  sont,  les  restes  que  nous  avons  sous  les  yeux  forment  l'en- 
semble le  plus  imposant  de  monuments  mégalithiques  que  j'aie  jamais  vu. 

Sur  un  monticule,  près  des  bains,  se  trouvait  tout  un  groupe  d'énormes  dolmens:  tous  ont 
été  spoliés  et  très  endommagés,  on  s'est  servi  de  leurs  blocs  pour  construire,  il  y  a  longtemps, 
au  moyen  âge  sans  doute,  un  château  fort,  ruiné  lui  aussi  maintenant.  Une  seule  de  ces  galeries 
funéraires  est  conservée  dans  toute  sa  longueur:  elle  mesure  15"", 40  de  long.  De  ce  côté,  nous 
n'avons  fait  pratiquer  aucune  fouille. 

Nos  travaux  ont  commencé  dans  la  partie  de  la  nécropole  voisine  du  bazar,  qui  semblait 
mieux  conservée.  Les  grands  dolmens  sont  tous  à  peu  près  du  même  type,  ils  sont  entourés  d'un 
cercle  de  blocs.  La  chambre  funéraire  va  généralement  dans  la  direction  Nord-Sud.  Les  parois 
sont  constituées  de  deux  ou  trois  rangs  de  blocs  superposés,  solides  murailles  sèches  sur  lesquels 
reposent  d'énormes  dalles  formant  le  toit.  Vers  l'extrémité  Nord,  le  monument  s'étrangle  et 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


606. 


607. 


608. 


609. 


610. 


611. 


612. 


m 


yfe 


619. 


620. 


615. 


616. 


621. 


FiG.  604-621.  —  Agha-Evlar.  —  Dolmens  de  l'àgj  du  bronze.  Pointes  de  flich^s  et  de  javelots,  bronze,  1/2  grandeur  naturelle. 

40 


3U 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


présente  une  rampe  en  couloir:  c'était  la  porte  d'entrée;  l'autre  extrémité  se  termine  carrément 
atteig-nant  jusqu'à  2™, 40  de  large.  Par  leur  masse,  ces  constructions  rivalisent  avec  les  plus 
beaux  monuments  similaires  de  France,  tels  que  le  tumulus  de  Gavrinis  ou  les  allées  cou- 
vertes de  Plouharnel. 

Nous  nous  sommes  attachés  à  rendre  l'étude  de  cette  importante  localité  aussi  complète  que 
possible  ;  à  cet  effet,  nous  avons  fait  transférer  notre  camp  sur  le  bord  de  la  rivière  (altitude 
1010  mètres),  au  centre  même  de  notre  travail.  Ces  recherches,  auxquelles  tous  les  membres  de 
la  mission  et  notre  contremaître  Chérel  ont  pris  part,  se  sont  prolongées  du  25  juillet  au  8  août. 
11  m'est  impossible  de  décrire  toutes  les  sépultures  explorées  ;  je  me  contenterai  de  donner  les 

détails  des  plus  importantes  et  des  plus  ty- 
piques. 


t)2S 


626 

FiG.  622-626.  —  Agha-Eviar. 
Dolmens  de  l'âge  du  bronze 
(622  d  625,  anneaux  en  or 
massif,  1/2  gr.  nat.  ;  626,  pen- 
dentif en  or,  2/3  gr.  nat.). 


622  62î  h^R  Dolmen  11°  I . — Les  pierres  formant  le  toit 

apparaissaient  à  peine  à  travers  le  gazon.  On 
aborde  la  sépulture  dans  sa  partie  la  plus  étroite 
vers  le  Nord  ;  ce  passage,  large  seulement  de 
g"", 63,  donne  accès  dans  une  cuve  trouvée  en 
partie  vide  mesurant  5"', 90  de  long  et  s'élargis- 
sant  à  i'",4o  au  centre  et  i'",32  à  l'extrémité 
opposée.  C'était  une  construction  robuste  et  en 
''-/  parfait  état  de  conservation.  Nous  entrons,  les 

FiG    627-628.    -    Aghan-Eviaa    uns  après  les  autres,  daus  Cette  chambre  funé- 

(627,  élan,  bronze  1/2  gr.  nat.  ;  ' 

628,  zébu,  jayet,  1/2  gr.  nat.).       rairc,  pcnsant  bien  cette  fois  que  nous  sommes 

dans  une  tombe  intacte  ;  les  fouilles  commen- 
cent,  mais  nous  ne  tardons  pas,  à  la  vue  des 
ossements  et  des  débris  de  vases  trouvés  pêle-mêle,  à  être  amenés  à  conclure  que  les  spoliateurs 
avaient  là  encore  fait  leur  œuvre.  Ce  tombeau  ne  renfermait  plus  que  des  épaves,  mais  très  nom- 
breuses, fort  intéressantes  et  qui  nous  montrent  à  quel  point  ces  dolmens  devaient  être  riches 
autrefois. 

Voici  la  liste  des  objets  trouvés,  leur  position  importe  peu  puisque  tout  avait  été  bouleversé. 
Bronze  :  86  anneaux,  1 3  spirales,  16  bagues  plates,  .|  crochets  en  forme  d'S,  5  bracelets,  6  grandes 
perles  en  spirale,  4  pendeloques  en  forme  de  poires  massives,  2  épingles,  i  épingle  à  boule, 
2  aiguilles,  14  boutons,  2  clous  bossettes,  2  bracelets,  i  fil  roulé  en  spirale  plate,  2  pendentifs 
travail  repoussé,  5  pointes  de  flèches  feuilles  de  saule  et  5  autres  à  barbelures,  i  de  type  archaïque, 
I  tetc  de  lance  avec  soie  et  bourrelet,  i  couteau  type  archaïque,  i  tête  de  javelot  type  3'  âge, 
I  petit  poignard  avec  arête  plate,  i  morceau  de  hache,  i  tube  avec  ornementation  repoussée. 
En  plus  de  ces  objets  tous  en  bronze,  ce  dolmen  renfermait  encore  :  i  spirale  en  or,  i  anneau  et 
1  pendentif  de  même  métal  (fig.   622-626),  4  anneaux   d'argent,   1    bouton  en  bronze  massif. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


31; 


2  pendants  en  ambre  noir,  i  élan  en  bronze  (fig.  627),  petite  statuette  de  style  primitif,  i  statuette 
de  zébu  (fig.  628)  ou  bœuf  à  bosse  en  jayet,  i  perle  plate  ornée  en  métal,  i  perle  en  forme  de 
spirale,  3  coulants  de  colliers,  i  cylindre,  le  tout  en  pâte  de  verre,  i  perle  d'or  en  forme  de 
spirale,  une  autre  en  pâte  ornée,  27  boutons,  i  fusaïole  émaillée,  une  autre  très  grosse  en  terre. 


629  ''^50 

FiG.  629-650.  —  Aglui-Evlar.  —  Colliers  de  perles  en  pâte  de  verre  et  en  pierres  dures,  1/2  gr.  lUt. 


Six  grosses  perles  en  terre  émaillée,  i  lissoir  en  pâte?  4  perles  de  terre,  4  anneaux  en  pâte 
émaillée. 

La  céramique  était  représentée  par  des  vases  très  nombreux  à  en  juger  par  les  débris  retrou- 
vés, ils  étaient  en  terre  noire  ou  rouge,  souvent  très  fine.  Dans  ce  dolmen  aucun  objet  de  fer  n  â 
été  rencontré. 


516 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


Dolmen  n°  2.  —  Construction  identique  au  précédent  tombeau.  Longueur  totale  de  la  cuve 
8"°, 50,  largeur  à  l'entrée  o"\8o,  au  milieu  i"\20,  à  l'extrémité  \'",jo.  La  profondeur  au  milieu 
était  de  i"',45.  Cette  chambre  funéraire,  à  moitié  vide,  paraissait  elle  aussi  intacte;  près  de  l'entrée, 
M.  Lampre  découvre,  glissés  dans  les  fissures  de  la  muraille,  d'un  côté  un  poignard  et  une  hache, 
de  l'autre  un  autre  poignard,  le  tout  en  bronze  et  dans  une  conservation  superbe  (fîg.  635-640). 
Cette  trouvaille  nous  donne  les  plus  grandes  espérances.  On  se  met  de  suite  à  dégager  l'entrée, 
on  y  rencontre  des  débris  d'une  feuille  de  bronze,  un  petit  poignard  enfer,  une  lame  enfer,  un 


FiG.  631-632. 


631  652 

Agha-Evlar.  —  Colliers  de  perles  en  pâte  de  verre  et  en  pierres  dures,  1/2  gr.  nat. 


peu  plus  loin  d'autres  débris  d'une  lame  en  fer,  une  grosse  perle  en  pâte  bleue  striée.  Ce  sont  de 
fort  mauvais  indices;  ce  qui  suit  vient  les  confirmer:  à  mesure  que  la  fouille  avance  on  ne  ren- 
contre que  fragments  de  vases  en  terre,  rouge  clair,  noire,  jaune  clair,  les  débris  d'un  flacon  en 
verre  et  encore  du  fer,  deux  pointes  de  flèches  et  une  perle  en  bronze,  quelques  perles  en  pâte 
émaillée  et  des  ossements  en  grand  nombre  et  pêle-mêle. 

Pour  se  donner  du  jour,  l'explorateur  fait  enlever  la  dernière  dalle  du  dolmen  et  la  fouille  est 
menée  jusqu'au  bout.  L'enchevêtrement  des  squelettes  continue  jusqu'à  la  fin.  Pour  résumer,  les 
fouilles  donnent  les  objets  suivants  :  environ  vingt  crânes,  deux  petits  vases  entiers,  une  lampe 
entière,  un  fragment  d'une  lampe  à  figure,  des  fragments  de  poterie  émaillée  et  de  verre.  Deux 


PI.  XIX 


<l,  l'an 


VUS   A   VOL    D'OICEAU   DE    LA    VALLÉE   D'AGHA-EVLAh 


FiG.  635.  —  Ajiha-Evlar.  —  Plan  et  ccupe  du  dolmen  no  3,  ce  l'âge  du  b:cn;.c.  tchelle  de  cm.ci^rar  mètre. 


7  ,//   ,  , 


Y\Q.  63.1.  —  Agha-Hvlar.  —  Plan  du  dolmen  n^  4. 


=s 


ifl 


ttÉ 


!^i 


'^^cfe^ 


63''-  637.  658.  639. 

Agha-Evlar.  —  Age  du  bronze  (655,  épée  de  bronze,   1/2  gr.  nat.  ;  6^6  à  638,  poignards  de  bronze,  1/2  gr.  nat.  ; 
639,  hache  en  bronze,   2/3  gr.  nat.  ;  640,  crochet  en  bronze,   1/2  gr.  nat.). 


.^.^ 


648. 


641. 


642. 


643. 


644. 


645- 


646. 


647. 


FiG.  641-648.  —  Nécropole  d'Agha-Evlar.  —  Ages  du  bronze  et  du  fer.  —  Ornements  de  pierre  et  de  jayet,  etc.  (641,  pierre  grise,  1/2  gr. 
nat. ;  642,  pierre  jaune,  1/2  gr.  nat.  ;  643,  pierre  blanche,  2/3  gr.  nat.  ;  644,  pierre  grise;  645,  piene  grise,  2/3  gr.  nat.  ;  646,  pierre 
blanche,  2/3  gr.  nat.  ;  647,  jayet,  2/3  gr.  nat.  ;  648,  jayet,  2/3  gr.  nat.). 


(m 

6i4. 


6S2. 


650. 


648. 


649. 


651. 


653 


655. 


657. 


FiG.  648-657.  —  Nécropole  d'Agha-EvIar.  —  Ages  Ju  bronze  et  du  fer.  —  Ornements  en  pierre,  terre  cuite  et  jayet,  etc.  (648,  silex,  2/3  gr. 
nat.  ;  649,  cornaline,  2/3  gr.  nat.  ;  650,  pierre  blandie,  2/3  gr.  nat.  ;  651,  terre  cuite,  2/3  gr.  nat.  ;  652  et  653,  terres  cuites,  2/3  gr.  nat.;  654, 
cornaline,  2/3  gr.  nat.  ;  655,  pierre,  2/3  gr.  nat.  ;  6;6  et  657,  jayet,  2/3  gr.  nat.). 


658.  6591.  6592.  659Î. 

Fie.  658-659.  —Nécropole  d'Aghar-Kvlar.  —  Ages  du  bronze  et  du  fer  (658,  casse-téte  en  pierre,  1/2  gr.  nat.  ;  659'  à  659),  pierre,  2/3  gr.  i!.u.). 


/gp^ 


660. 


666. 


661. 


662. 


663. 


664. 


667. 


668. 


669. 


670. 


671. 


665. 


672. 


7'9-  720.  721.  722. 

FiG.  660-722.  -  Agha-Evlar.  —  Ages  du  bronze  et  du  fer.  —  Bagues,  anneaux,  pendeloques  et  ornements  divers  en  bronze  (les  spiralen 

en  bronze  660  à  664  sont  des  ornements  typiques  de  l'époque  du  bronze). 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


!2I 


petits  anneaux  d'or,  vingt  et  un  anneaux,  trois  bagues,  deux  perles  unies  et  deux  autres  en  spirale, 
un  disque  pendeloque,  quinze  boutons,  trois  épingles,  trois  pointes  de  flèches,  le  tout  en  bronze, 
sans  parier  des  deux  poignards  déjà  mentionnés  et  de  la  hache.  De  plus  douze  couteaux  ou  frag- 
ments de  couteaux  en  fer,  deux  cylindres  en  pâte  émaillée,  et  83  perles  en  pâte  émaillée,  verre, 
cornaline,  etc. 

Parmi  les  débris  de  vases,  M.  Lampreapu  reconstituer  une  écuelle  en  terre  rouged'une  forme 
toute  particulière  et  typique  ;  la  pâte  en  est  fine  et  bien  cuite. 

Le  mélange  de  débris  de  fer  nous  prouve  que  ce  dolmen  du  bronze  avait  été  pillé  une  pre- 
mière fois  et  réoccupé  par  des  envahisseurs  qui  faisaient  usage  du  fer,  et  ensuite  une  seconde  fois, 
à  une  époque  qu'il  n'est  pas  facile  de  déterminer. 

Dolmen  n"  j.  —  Ce  tombeau  était  une  construction  splendide,  mesurant  10  mètres  de  long, 

i^.Sode  large,  et  une  hauteur  de  r',30.  Le  toit 
était  fait  de  huit  blocs  énormes,  reposant  sur  de 
robustes  murailles  en  pierres  sèches  (fig.  633),  le 
tout  enfermé  dans  un  cercle  de  pierres  d'un  dia- 
mètre de  16  mètres  qui  limitait  l'encombrement 
de  rochers  amoncelés  pour  soutenir  l'édifice  et 
prévenir  l'effondrement  des  côtés  sous  la  charge 
énorme  du  toit.  Ce  tombeau,  lui  aussi, avaitétéen- 
tièrement  spolié;  il  ne  renfermait  qu'une  lampe 
en  terre,  deux  petits  vases  en  terre  jaune  et  noire 
grossière,  et  une  tête  de  flèche  en  fer  du  type  à  tranchant  (fig.  820). 

Ces  trois  premiers  dolmens  étaient  situés  côte  à  côte.  Leur  orientation  était  :  Est-Ouest. 


725- 


724. 


Fig.  723-724.  —  Agha-Evlar.  —  Casse-têtes  en  grés  et  en  hématite, 
1/2  gr.  nat. 


Dolmen  n"  j.  —  C^ette  sépulture  était  construite  au  milieu  d'un  cercle  à  peu  près  détruit  par 
les  cultures.  Le  dolmen  lui-même  formait  un  tertre  au  sommet  duquel  affleuraient  les  blocs 
énormes  formant  le  couvercle.  Les  parois  étaient  des  murailles  sèches,  comme  dans  les  autres 
sépultures.  La  longueur  totale  de  la  cuve  était  de  5",  10  sur  une  profondeur  de  i '",70  et  la  largeur, 
de  i-.io  à  l'extrémité  Ouest,  allait  en  croissant  jusqu'à  2"',  i  5  à  l'autre  extrémité.  Toute  la  partie 
Ouest  de  la  tombe  semblait  intacte,  mais  la  moitié  de  la  sépulture  vers  l'Est  était  encombrée  de 
squelettes  entassés  pêle-mêle;  j'en  ai  compté  au  moins  trente.  Les  ossements  et  les  objets  gisaient 
dans  la  plus  complète  confusion.  Du  côté  Ouest  deux  squelettes  reposaient  au  fond  de  la 
cuve  dans  le  sens  de  la  longueur;  puis  venaient  deux  autres  corps  posés  en  travers.  Autour 
de  ces  squelettes  j'ai  rencontré  les  objets  suivants  (leur  position  est  donnée  par  le  plan  fig.  634)  : 
14  vases  en  terre  entiers,  de  plus  un  certain  nombre  brisés,  3  lampes,  le  tout  en  terre  noire  ou 
rouge;  3  pointes  de  javelots  avec  douille,  un  couteau  et  une  dague  du  type  archaïque,  une  pointe 
de  flèche   en  bronze,  une  hache  en  fer  (fig.  798).  Deux  masses  ou  casse-tête,  l'un  en  grès,  l'autre 


41 


322 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


en  hématite,  affectant  la  forme  d'une  étoile  et  d'un  beau  poli  (fig.  723-724).  Une  aiguille  et  22 
anneaux,  4  épingles  et  un  stylet,  4  bagues,  un  anneau  plat,  tous  ces  derniers  objets  en  bronze; 
une  boucle  en  fer,  une  pierre  à  aiguiser,  un  osselet  de  mouton  percé.  De  nombreuses  perles  en 
pâte  de  verre,  cornaline  et  cristal,  des  fermoirs  de  colliers  également  en  pâte  émaillée,  des  frag- 


729.  730. 

Fig.  725-730.  —  Agha-Evlar.  —  Bracelets  de  bronze,   1/2  grandeur  naturelle. 


ments  de  coupes  en  verre  blanc  translucide  (i),  de  la  poterie  jaune  peinte  en  rouge,  des  frag- 
ments de  céramique  émaillée,  six  couteaux  en  fer. 

Il  est  bien  difficile  d'attribuer  une  époque  à  cet  incroyable  mélange  où  se  trouvent  côte  à 
côte  des  armes  en  pierre  et  en  bronze  de  la  première  époque,  des  objets  de  fer  et  de  la  verrerie 
blanche  très  basse  d'époque.  Ce  dolmen  aurait  bien  pu  être  en  partie  vidé  et  réoccup>é  à  l'époque 
du  fer.  Dans  toute  la  partie  Est  les  squelettes  et  les  objets  qui  les  accompagnaient  étaient  en 
place,  tous  parfaitement  en  ordre.  Il  est  possible  que  les  gens  de  l'époque  du  fer,  en  disposant  le 
charnier  qui  occupait  toute  la  partie  Est  du  dolmen,  aient  négligé  l'autre  extrémité. 

Dolmen  n°  5.  —  C'était  une  superbe  construction  orientée  Est-Ouest,  et  mesurant  14  mètres 
de  long  sur  2"",  10  de  large  et  une  profondeur  de  i'",55.  L'entrée  était  au  haut  d'une  descenderie 


(i)  La  présence  de  ces  débris  de  verre  semble  indiquer  que  ces  sépultures  ont  été  bouleversées  et  réoccupées  en 
partie  à  plusieurs  époques  successives.  Comme  facture  ces  verres  ressemblent  à  ceux  trouvés  en  si  grande  abondance 
dans  les  tombes  gréco -romaines  de  Syrie. 


73'- 


754- 


742 


738. 


7}5- 


759- 


733 


740. 


736. 


741. 


749- 


751- 


/)5- 


754- 


750. 


:-,6. 


Fie.  75 17)9-  —  .-Xgha-IivUr.  — 


7;7.  75«-  759- 

A<T^:s  du  bronze  et  du  Icr.  V.i5es  en  terre,   1/4  de  grandeur  n.ttureKc. 


524  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

ouvrant  à  l'Est.  A  8  mètres  de  ce  point  les  spoliateurs  avaient  pénétré  en  brisant  une  des  dalles 
du  toit  dont  les  débris  avaient  été  projetés  au  fond  de  la  cuve,  qui  au  moment  des  funérailles  avait 
dû  être  laissée  vide,  comme  le  sont  les  cryptes  funéraires  des  Égyptiens,  des  Grecs  ou  des  Étrus- 
ques. Nous  avons  observé  souvent  ce  fait  dans  les  petits  dolmens  de  l'âge  du  fer  au  Caucase. 
Dans  sa  chute  ce  bloc  de  pierre  avait  recouvert  un  groupe  d'objets  fort  curieux,  mobilier  du 
dolmen  à  l'époque  du  bronze,  et  qui  furent  heureusement  retrouvés  intacts  :  une  lame  d'épée  de 
style  archaïque  (fig.  63  5),  une  tête  de  lance,  une  pointe  de  flèche  et  une  sorte  de  harpon  (fig.  640), 
le  tout  en  bronze.  Tout  le  reste  de  la  sépulture  avait  été  bouleversé. 

La  cuve  était  pleine  de  terre  et  de  lits  superposés  de  cailloux,  jusqu'à  une  hauteur  de  i'",5o; 
les  ossements  se  rencontrent  un  peu  partout,  à  partir  de  60  centimètres  au-dessus  du  fond  jus- 
qu'au sol  en  place;  peu  de  poterie,  quelques  fragments  ornés,  un  fragment  de  fer  et  un  autre 
dune  épingle  en  bronze. 

Le  31  juillet,  la  fouille  se  continue  et  donne  des  fragments  de  poterie  en  terre,  des  débris  de 
vases  de  verre  et  d'objets  en  fer  et  en  bronze  et  quelques  perles  en  verre  et  en  pâte  émaillée. 

Le  I"  août,  continuation  des  fouilles  qui  donnent  encore  des  débris  analogues  :  deux  pointes 
de  flèches  et  deux  bagues  en  bronze,  une  fusaïole,  des  perles  de  pâte  et  de  cornaline,  un  vase 
entier,  et  des  débris  de  poterie  ornée. 

Le  2  août,  le  travail  se  poursuit;  on  recueille  des  anneaux  de  bronze,  des  perles  de  pâte 
et  de  cornaline  et  des  fragments  d'un  petit  gobelet  en  terre  noire,  décoré  d'ornements  géomé- 
triques. Quantité  d'ossements  sans  ordre. 

Le  3  août,  la  fouille  arrive  à  la  dalle  renversée  par  les  spoliateurs  ;  on  trouve  encore  des 
fragments  de  verre,  de  fer,  des  perles,  des  anneaux  de  bronze,  etc.  et  les  objets  cités  plus  haut. 

Sur  ce  point  les  fouilles  sont  suspendues.  La  mission  se  déplace  pour  descendre  la  vallée  du 
Kergan-Roud. 

Dolmen  n"  7.  —  A  la  suite  du  dolmen  n°  i,  s'en  trouvait  un  autre  encore  plus  colossal.  La 
chambre  funéraire  mesurait  i.i"',30  de  long  sur  une  hauteur  de  i'°,33;  la  largeur  la  plus  grande, 
2'", 40,  était  à  l'extrémité  Ouest.  Les  blocs  qui  formaient  le  toit  étaient  énormes;  les  murailles 
latérales  se  composaient  de  blocs  variant  entre  o"", 90X85  et  40X75,  le  tout  soutenu  par  un 
encombrement  de  rochers  qui  s'étendaient  en  contreforts  jusqu'au  cercle  de  pierre  qui  envelop- 
pait tout  l'ensemble.  Dans  ce  même  cercle  se  trouvait  une  autre  sépulture  plus  petite,  assez  irré- 
gulière et  mesurant  2'",7oX  i",  10  ;  elle  ne  m'a  donné  qu'une  tète  de  lance  en  bronze. 

Quant  au  grand  dolmen  il  avait  été  entièrement  spolié.  Je  n'y  rencontre  que  des  vases  brisés 
en  terre  noire  ou  rouge,  quelquefois  même  émaillée,  des  débris  de  fer  et  deux  perles  côtelées  en 
pâte  émaillée  bleue,  en  tous  points  semblables  à  celles  de  Tchila-Khàné. 

La  structure  de  ce  monument  est  comparable  aux  plus  belles  constructions  de  la  Bre- 
tagne. 

Le  dolmen  de  Gavrinis,  galerie  et  chambre,  mesure  i  5"", 70  de  long,  et  la  plus  grande  largeur 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


325 


est    de   2™, 50.   Ici   nous  avons   i.j^.jo  de   long-  et   2"", 40  de  large.  La  différence  est  donc  peu 
sensible  (i). 

Dohnen  n"  6.  —  Durant  ces  fouilles,  notre  contremaître,  en  faisant  des  son- 
dages dans  une  autre  partie  de  la  nécropole  plus  voisine  du  camp,   rencontrait 

un  dolmen  fort  intéressait. 

La  cuve,  assez  irrégulièrement 
construite  en  blocs  mal  agencés,  me- 
surait 3"', 70  de  long  sur  une  largeur 
de  i"',5o  et  2  mètres.  Sa  profondeur 
était  de  i'",3o.    Le  tout  était   recouvert 

FiG .   760.    —  Agha-Eviar.    Dolmen  de   r.ige  du  bronze,     j  j    n  j*    •     ■     ,  i 

réoccupé  à  l'époque  du  fer.  Échelle dcon>,o,cp.>r  mètre.      Q^  grosses  dalles  disjomtes  par  la   vé- 


gétation. Cette  sépulture  était  intacte,  et 
purement  de  Tâgedu  fer.  Elle  renfermait  :  deux  boucles  d'oreille  et  deux  anneaux 
en  argent,  deux  épingles  en  bronze,  un  bracelet  de  même  mfôtaletdu  type  assy-' 
rien,  une  bague  enfer,  un  couperet  et  une  dague  également  en  fer;  une  masse, 
sorte  de  casse-tète  grossier  en  pierre  ;  dix-sept  lampes,  toutes  en  terre  cuite  gros- 
sière, dont  la  forme  rappelle  celles  trouvées  dans  les  sépultures  très  anciennes  de 
Phœnicie  et  de  Chypre.  De  plus  une  trentaine  de  vases;  certains  d'entre  eux 
avaient  été  écrasés  parle  poids  des  terres;  ils  étaient  en  argile  rouge,  noire  et  grise. 
Laissant  de  côté  les  plus  grands  monuments  qui  nous  donnent  d'aussi 
maigres  résultats,  nous  faisons  ouvrir  toute  une  série  de  ces  sépultures  plus 
modestes  qui  encombrent  partout  le  sol. 


Dolmen  n"  3.  —  Cette  sépulture  était  de  forme  étroite  et  allongée,  environ 
3"", 50  de  long  sur  i  mctrc  de  large;  dans  son  extrémité  Ouest  se  trouvait  une 
tombe  de  l'âge  du  fer,  on  y  a  recueilli  les  objets  suivants  :  une  lance  en  bronze 
très  élégante  de  forme  avec  douille  et  rainures  (fig.  761),  deux  autres  lances  en 
fer,  une  épée  de  fer  avec  pommeau  en  bronze  (fig.  797),  un  bracelet  en  bronze 
à  bosscttes,  un  bracelet  avec  deux  perles  de  bronze,  une  perle  en  métal  blanc, 
une  autre  en  or  ;  une  batfue  en  ari^-ent  portant  une  i^ravure  représentant  un  cerf  F'^-  761-  —  Agha- 

,^  .    ^  Evlar.  Dolmen  no;3, 

(fig.  792)  ;  enfin  une  ceinture  faite  de  bossettes.  sépulture  de  l'âge 

du  fer.  —  Tête'de 
lance    en    bronze, 

Sépullurcs  du  fer.  —  Tout  un  ensemble  de  tombes  de  l'époque  du  fer  fut      '/^  S""-  "*'''• 
exploré  également  dans  le  voisinage  du  camp  ;   les  sépultures  avaient  une  pro- 
fondeur d'environ   o"',50,  leurs  formes  variaient;   souvent  le  toit  avait   disparu,   probablement 


(i)  Les  dolmens  de  Bretai,'ne  sont  de  l'Age  de  la  pierre. 


765. 


766. 


767. 


768.  769-  770- 

FiG.  762-770.  .\gha-Evl;ir.  Age  du  fer.  —  Lampes  en  terre  cuite  grossière.  1/4  gr.  nat. 


771-  772-  77;- 

FiG.  771-775.  —  Agha-Evlar.  —  Pendeloques  de  bronze,  2/3  gr.  nat. 


J 


# 


781. 


782 


783. 


785. 


704. 


774.  77)-  776-  777-         778.         779-  780.  /^ 

FiG.   774-787.   —   Agha-Eviar.  —  Ages  du  bronze  et  du  fer.  Épingles  de  bronze,   2/5  gr.   nat. 


787. 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


327 


du  fait  des  cultures.  Adossées  à  des  rochers  naturels  qui  en  formaient  l'extrémité  ou  bien  un 
des  côtés,  elles  renfermaient  trois  ou  quatre  vases  au  plus,  peu  de  cuivre  ou  de  fer.  Les  parois 


FiG.   788.   —  Agh.i-Hvlar.  Age  du  1er.  Plan  d'un  dolmen  renfer- 
mant des  'épultures  jiixtapostîes.  Echelle  de  0"i,02  par  nicîre. 


FiG.  789.  —  Agha-Kvl.ir.  Coupe  de  dolmens 
superposés.  Échelle  de  cm, 02  par  mètre. 


sont  tantôt  bâties  de  roches  mises  debout  (sans  doute  enlevées  aux  dolmens  de  l'âge  du 
bronze),  tantôt  ce  ne  sont  que  de  misérables  murailles  sèches.  Leur  longueur  varie  entre  un 
et  deux  mètres.  Elles  sont  quelquefois  contiguës,  avec  un  simple  mur  mitoyen  de  séparation. 
Une    de   ces  tombes    a  été    trouvée    construite   au-dessus  d'un    grand  df)lmen  mesurant  lui- 


-()0. 


;9i. 


Fie.  790-791.  —  .^gh.i-r.vlar.  Sépultures  de  l'.ige  du  fer.  Échelle  de  0">,025  par  mètre. 


792. 


795- 


794- 


795- 

FiG.  792-795.  —  Agha-Evlar 
Bagues  et  bracelets  d'argent. 


môme   lo  mètres   de  long  et  qui  offrait  tous  les  indices  d'une  spoliation  complète.  Les  petites 
sépultures  de   l'âge   du  fer  ne  sont  pas  spoliées;  quand  on    les  rencontre  bouleversées  le  fait 


i  a\ 


m 


797- 


799- 


^lll 


79». 


aoo. 


to«. 


1 


Soi. 


802. 


8io. 


790  807. 

FiG.  796-811.  —  Agha-Evlar.  —  Age  du  fer  (796,  poignard,  1/2  gr.  nat.  ;  797,  poignée  d  épée  en  bronze,  1,2  gr.  ;iat.  ;  798,  hache  en  fer. 
V3  gr.  nat.  ;  799  à  801,  pointes  de  javeline,  bronze,  1/2  gr.  nat.  ;  Boa  et  803,  pointes  de  lance  et  de  flèche  en  fer,  1/2  "r.  nat.  ;  804  à  So"! 
lames  de  fer,  1/2  gr.  nat.  ;  808  à  810,  anneaux  en  fer,  1/2  gr.  nat.  ;  81 1,  mors  en  fer,  1/2  gr.  nat.  •     ' 


82>. 


826. 


827. 


812. 


8IÎ. 


830. 


814. 


816. 


817. 


832. 


831. 


8i8. 


820. 


824. 


828. 


ftl^ 


%'-m 


813. 


829.  819. 

FiG.  812-852.  —  Agha-Evlar.  —  Age  Ju  fer  (812  et  813,  bronze,  pointe  de  flèche  et  tète  de  lance,  1/2  gr.  nat.  ;  814  et  815,  pendeloques  de 
bronze,  2/5  gr.  nat.  ;  816  et  817,  anneaux  de  bronze;  818,  anneau  de  pierre  ;  819,  couteau  en  fer  ;  820,  pointe  de  fîèche  en  fer;  821  à  832, 
vases,  parmi  lesquels  823  est  en  terre  fine  grise,  826  terre  rouge,  827  terre  fine  brune,  829  terre  grossière  rouge  et  830  terre  fine  brune  ; 
tous  ces  vases  à  1/4  gr.  nat. 

42 


330 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


est  dû  aux  cultures  et  non  à  une  dévastation  méthodique  comme  pour  les  tombes  de  l'époque  du 
bronze.  Les  sépultures  construites  sur  les  grands  dolmens  ont  une  profondeur  qui  va  jusqu'à 
i°',30,  et  affleurent  à  o^.^o  de  la  surface  du  sol.  Les  petites  tombes,  comme  les  grands  dolmens, 
n'ont  pas  d'orientation  fixe  ;  leur  direction  dépend  de  la  nature  du  sol. 

A  part  les  objets  déjà  cités,  les  plus  curieux  trouvés  dans  cette  zone  étaient  les  suivants  :  un 
mors  en  fer  (fig.  8i  i),  un  miroir  en  bronze  avec  poignée  de  fer. 

Dans  une  petite  sépulture  située  au-dessus  d'un  grand  dolmen,  j'ai  rencontré  cinq  vases, 
urnes,  écuellc  et  œnochoé,  une  lance  en  fer,  un  ornement  en  bronze  et  un  très  beau  bracelet  en 

argent   massif  décoré  de  têtes  de  serpents  (fig.  795).  Cette  modeste 
sépulture  était  à  peine  à  une  profondeur  de  o°',5o. 

Sur  un  autre  point  de  la  nécropole,  dans  le  voisinage  du  bazar, 
nous  avons  fait  ouvrir  une  quinzaine  de  petites  sépultures  et  un  grand 
dolmen.  Ce  dernier,  spolié,  avait  été  réoccupé  à  l'époque  du  fer;  il  ren- 
fermait des  débris  de  vases  et  des  lampes  en  terre  cuite  semblables  à 
celles  trouvées  dans  le  dolmen  du  fer  fouillé  par  Chérel. 

Les  autres  sépultures,  toutes  fort  modestes,  avaient  une  profondeur 
de  o'",5o  à  o"',6o.  Deux  d'entre  elles  avaient  été  construites  l'une  à  côté, 
l'autre  sur  le  grand  dolmen  spolié.  La  première  avait  i'",55  de  long  et 
o"',63  de  large.  Elle  n'a  donné  que  deux  vases,  une  urne  et  une  œnochoé 
en  terre  grossière,  et  près  du  crâne  des  petites  perles  de  pâte  de  verre  en 


Fig.   835.  —  Agha-Evlar.  Œno 
choé  en  terre  noire,  1/4  gr.  nnt. 


très  grand  nombre. 


L'autre  sépulture  avait  i"',8o  de  long  sur  r',05  de  large.  Elle  était 
construite  au-dessus  d'un  grand  dolmen  de  1  âge  du  bronze  avec  des  blocs  de  o"',i5  à  o",25 
dressés,  formant  cuve.  Les  dalles  du  couvercle  avaient  disparu.  Près  de  la  tête  j'ai  rencontré 
une  œnochoé  en  terre  rouge  et  une  lampe,  trois  lances,  une  dague  et  une  êpéc,  le  tout  en  fer  ;  des 
perles  de  pâte  de  verre,  enfin  une  urne  à  l'autre  extrémité  de  la  fosse.  C'est  absolument  le  type 
des  sépultures  de  l'âge  du  fer  que  nous  avions  rencontrées  au  Caucase. 

Dans  ce  même  voisinage  j'ai  fait  ouvrir  une  quinzaine  de  tombes,  toutes  du  même  genre; 
elles  ont  donné,  comme  celles  fouillées  près  du  camp,  un  mobilier  funéraire  peu  nombreux,  deux 
ou  trois  vases  chacune,  des  lances,  dagues  et  épées  en  fer,  parfois  avec  pommeau  en  bronze,  des 
perles  de  verre  ou  de  pâte,  et  des  épingles,  bracelets  ou  bagues  en  bronze.  Elles  étaient  toujours 
très  pauvres.  Parmi  ces  sépultures,  toutes  de  l'âge  du  fer,  j'en  ai  cependant  rencontré  une  qui 
pourrait  être  de  l'époque  du  bronze  ;  elle  était  intacte. 

C'était  un  petit  dolmen  de  o'",7o  de  large  sur  i",  1  5  de  long  avec  une  profondeur  de  o'°,70, 
entièrement  fermé  par  trois  dalles  juxtaposées.  Près  de  la  tête  ce  dolmen  renfermait  deux  jattes 
posées  l'une  dans  l'autre,  puis  deux  aiguilles  et  une  bague  en  bronze  ;  puis  deux  œnochoés  et  un 
plat.  L'ue  de  ces  œnochoés,  qui  se  trouvait  au  centre  du  tombeau  et  presque  à  toucher  le  cou- 
vercle, est  un  très  beau  spécimen  de  la  céramique  de  cette  époque  (fig.  833).  La  pâte  est  noire,  fine 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  3^r 

et  décorée  d'ornements  linéaires  faits  au  lissoir.  L'absence  de  tout  objet  de  fer  pourrait  faire  attri- 
buer cette  sépulture  à  l'âge  du  bronze.  Cependant,  la  forme  et  les  dimensions  du  dolmen  et  le 
style  de  la  céramique,  le  tout,  en  un  mot,  est  identique  aux  tombes  de  Mouci-Yeri  et  aux  autres 
localités  du  petit  Caucase  où  tout  est  de  l'âge  du  fer. 

Le  4  août,  au  point  de  vue  de  l'étude  de  la  nécropole  d'Agah-Evlar,  nous  pouvions  consi- 
dérer notre  travail  comme  assez  complet.  Nous  ne  pouvions  songer  à  défoncer  le  terrain  d'un 
bout  à  l'autre  et  à  fouiller  toutes  les  sépultures.  Une  opération  de  ce  genre  aurait  absorbé  trop 
de  temps  et  trop  d'argent  pour  le  but  à  obtenir.  Nous  levons  donc  le  camp,  pour  transporter  nos 
études  en  descendant  la  vallée  du  Kergan-Roud,  afin  de  déterminer  jusqu'à  quel  point  se  sont 
étendus  les  dolmens  dans  cette  direction. 

Nous  partons  à  9  h.  i  5  au  milieu  d'un  temps  brumeux  qui  menace,  mais  les  nuages  se  dis- 
sipent et,  à  mesure  que  nous  descendons;  nous  avons  devant  nous  une  série  de  sites  sauvages 
d'un  très  grand  aspect.  Le  sentier  serpente  sur  un  bord,  puis  sur  l'autre  de  la  rivière,  au  pied  de 
rochers  abrupts;  tout  est  nové  dans  la  verdure.  Cet  étroit  sentier  est  la  seule  route  du  Ghilan. 
En  passant,  le  frère  de  l'Émir  nous  montre  la  place  où  ses  ancêtres  avaient  autrefois  fait  fermer  la 
vallée  avec  une  porte,  tant  le  défilé  était  étroit,  interdisant  ainsi  toute  intervention  étrangère,  même 
du  Gouvernement  Persan,  dans  leurs  affaires.  Maintenant  le  pays,  en  se  civilisant,  est  resté  moins 
prohibé  et  on  circule  partout  librement. 

Nous  nous  croisons  avec  des  muletiers  qui  remontent  des  terres  basses,  pauvres  hères  en 
guenilles  avec  leur  corps  émacié,  leur  teint  jaune  et  leurs  yeux  tout  brillants  de  fièvre.  Ils 
ramènent  a  Agha-Eviari  des  chargements  de  fruits,  pommes  et  melons  surtout  ;  il  y  en  a  quel- 
ques-uns d'excellents,  beaucoup  de  très  médiocres,  mais  tout  se  vend  parmi  ces  populations  où  la 
quantité  prime  la  qualité. 

Nous  marchons  pendant  environ  12  kilomètres,  jusque  près  de  midi  ;  à  cette  heure  le  frère 
de  l'Émir  nous  dit  que  nous  sommes  arrivés  à  Do-Khalian,  point  où  se  trouvent  un  grand  nombre 
de  sépultures.  Sur  le  bord  de  la  route  il  v  a  bien  quelques  vestiges  de  petites  tombes,  mais  nulle 
part  nous  ne  découvrons  rien  de  bien  encourageant.  Enfin  nous  sommes  descendus  de  l'altitude 
10 10  à  environ  joo  mètres  au-dessus  de  la  Caspienne,  il  est  temps  de  prendre  ce  nouveau  point 
comme  centre.  Nous  dressons  le  camp  sur  le  bord  du  Kergan-Roud,  dans  une  clairière  bordée 
de  noyers.  Des  montagnes  nous  enveloppent  de  toutes  parts,  c'est  un  chaos  de  verdure  au  milieu 
duquel  la  rivière  roule  en  vrai  torrent.  Nous  faisons  sonder  un  peu  de  côté  et  d'autre  tout  ce  qui 
semble  indiquer  des  sépultures,  mais  le  seul  point  qui  nous  donne  un  résultat  c'est  l'endroit  dont 
j'ai  déjà  parlé  dans  la  route. 

Nous  sommes  au  milieu  d'un  petit  groupe  de  sépultures  de  l'âge  du  fer.  Les  corps  étaient 
repliés  dans  des  cuves  faites  de  blocs  mis  debout  côte  à  côte  affectant  des  formes  plus  ou  moins 
régulières  de  parallélogramme  ou  d'ovale.  La  profondeur  est  de  0^,50  à  o™,75.  Ces  tombes  ren- 
fermaient des  vases  en  terre  grossière,  trois  au  plus,  et  des  armes  de  fer,  lances,  dagues  ou 
couteaux. 


332 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


La  plus  intéressante  était  une  petite  sépulture  qui  nous  a  donné  deux  vases,  l'un  en  terre 
rouge,  l'autre  en  terre  grise  ;  puis  des  perles  en  bronze,  cornaline,  pâte  de  verre  et  nacre.  De  plus, 
j'ai  rencontré -dans  cette  sépulture  une  coquille  de  la  Caspienne,  une  porcelaine  du  Golfe  Persique, 
et  une  tète  de  javelot  en  fer. 
^  Cette  porcelaine  nous  montre  qu'à  cette  époque  des  relations  commer- 

ciales existaient  avec  l'extrémité  Sud  la  plus  éloignée  de  la  Perse. 

La  vallée  de  Kergan-Roud  était  occupée  à  l'époque  du  fer:  c'est  la  seule 
conclusion  intéressante  que  nous  aient  donné  nos  fouilles  de  Do-Khalian. 

D'autres  recherches  faites  dans  la  montagne  sur  la  rive  gauche  du  Kergan- 
Roud,  ne  nous  ont  mis  en  présence  que  de  sépultures  musulmanes.  Cette  vallée 
a  dû  autrefois  (au  moyen  âge)  être  beaucoup  plus  habitée  qu'elle  ne  l'est  de 
nos  jours;  on  voit  sans  cesse  dans  la  forêt  des  sites  d'anciens  villages,  recon- 
naissables  aux  sépultures,  ou  bien  encore  aux  arbres  fruitiers,  pruniers,  pom- 
miers, poiriers,  néfliers  qui  forment  des  groupes  d'une  végétation  spéciale 
au  milieu  des  essences  ordinaires  de  la  forêt  ;  ce  sont  les  restes  des  vergers 
qui,  autrefois,  entouraient  les  habitations.  Mais,  dans  toute  cette  zone,  nous 
ne  rencontrons  nulle  trace  de  l'antiquité,  à  part  les  quelques  sépultures 
explorées  prés  de  Do-Khalian.  M.  Lampre  profite  de  ses  moments  de  loisir 
pour  doter  notre  ordinaire  d'excellentes  truites  prises  dans  le  torrent.  Nous 
sommes  heureux  de  nous  trouver  au  milieu  de  cette  température  douce  et 
tiède,  dans  le  calme  de  la  forêt,  à  l'abri  de  cet  horrible  vent  de  la  Caspienne 
qui  bat  sans  relâche  le  plateau  persan.  Mais,  les  fouilles  ne  donnant  rien  d'in- 
téressant, le  6  août  nous  remontons  par  le  même  chemin  dans  la  direction 
d'Agha-Evlari  et  campons  sur  un  petit  plateau  défriché  à  moitié  route. 

Le  7  août  nous  revenons  à  notre  ancien  lieu  de  campement  à  Agha-Evlar. 
M.  Lampre  fait  encore  un  peu  fouiller  dans  le  dolmen  où  son  travail  était 
resté  inachevé.  Il  ne  rencontre  que  quelques  perles  de  verre  ou  de  cornaline, 
une  pointe  de  flèche,  des  anneaux  en  bronze  et  des  débris  de  poterie.  Pendant 
que  nous  préparons  le  départ  pour  le  lendemain,  lun  de  nous  va  recon- 
naître avec  le  guide  un  terrain  où  on  nous  avait  indiqué  des  dolmens  importants. 
Le  voyage,  qui  occupe  presque  toute  la  journée,  permet  seulement  de  constater 
que  les  dolmens  signalés  par  les  gens  du  pavs  n'étaient  que  de  simples  affleu- 
rements de  rochers  basaltiques. 


835. 

FiG.  854-835.  — Do-Kha- 
lian. —  Age  du  fer. 
(834,  dague  en  fer,  1/2 
gr.  nat.  ;  855,  orne- 
ment en  bronze,  2/3 
gr.  nat.). 


S  aoûl.  Lever  à  5  heures.  Temps  superbe.  Les  mules  de  louage,  qui  n'arrivent  pas,  retar- 
dent notre  départ  jusqu'à  huit  heures.  Nous  laissons  à  la  caravane  l'ordre  de  nous  rejoindre  à 
Binamar,  et  nous  nous  mettons  en  route.  La  raison  qui  nous  avait  fait  adopter  cette  direction 
est  que,  dans  le  voisinage  de  Binamar,  se  trouvaient  des  gisements  de   cuivre  et  des  mines 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  333 


exploitées  autrefois.  Pendant  nos  recherches  au  Caucase  en  1888,  nous  avions  rencontré  près 
des  mines  de  cuivre  d'Allah-Verdi,  une  importante  nécropole  de  lâge  du  fer  renfermant  des 
objets  de  bronze  en  très  grand  nombre,  le  bronze  étant  réservé  pour  les  bijoux  et  ornements. 
Nous  avions  lieu  d'espérer  à  Binamar  quelque  chose  de  semblable.  Des  recherches  dans  cette 
direction  s'imposaient. 

Nous  partons  donc  vers  l'Ouest  en  contournant  le  village  d'Agah-Evlar,  nous  remontons 
la  vallée  du  Kergan-Roud,  au  milieu  d'une  plaine  cultivée,  coupée  de  canaux  d'irrigation. 
Bientôt  nous  quittons  la  vallée  et  nous  nous  engageons  sur  un  éperon  au  milieu  de  la  forêt. 
Sur  notre  droite  sont  des  escarpements  très  abrupts  de  roches  formant  une  muraille  infran- 
chissable. Notre  route  est  en  lacets  très  rudes  pour  les  bêtes.  Enfin  nous  sommes  encore  une 
fois  hors  de  la  forêt,  au  milieu  des  pâturages.  L'air  est  vif,  la  vue  immense:  elle  s'étend  jusqu'à 
la  mer  par-dessus  les  dédales  boisés  de  la  vallée  du  Kergan-Roud  que  nous  embrassons  dans 
tout  son  ensemble,  avec  ses  cultures,  ses  villages,  .A.gah-P]vlar  au  loin,  et  l'emplacement  de 
notre  ancien  camp.  A  midi  nous  faisons  halte  près  d'une  source  pour  déjeuner  et  laisser  reposer 
les  chevaux.  Une  heure  plus  tard  nous  remontons  en  selle,  et  bientôt  nous  sommes  au  col 
(altitude  2  920  mètres).  Nous  quittons  le  Talvche  et  entrons  de  nouveau  dans  le  plateau  persan. 
La  vue  plonge  sur  le  district  de  Khalkhal,  tout  sec,  sans  forêt,  roux  avec  un  aspect  de  scorie. 
Partout  ce  ne  sont  que  sommets  rocheux  et  pelés. 

Le  vent  s'est  levé  et  souffle  très  vif;  nous  redescendons  vers  Binamar  en  suivant  un  petit 
ruisseau  dont  les  eaux  sont  captées  pour  les  cultures.  La  route  est  nue,  couverte  de  rochers  vol- 
caniques, sans  un  seul  arbre.  De  ce  côté  le  pays  n'est  cependant  pas  aussi  stérile  qu'il  parait; 
de  plus  en  plus  cultivé  à  mesure  que  nous  approchons  de  Binamar,  il  produit  du  blé  et  de  l'orge. 
Enfin  vers  \  heures,  en  débouchant  d'une  gorge,  nous  sommes  en  vue  du  village.  Il  est  entouré 
d'énormes  meules  de  blé.  Le  vent  souille  en  véritable  tempête.  Rien  pour  nous  abriter  que  les 
fossés  d'irrigation.  La  caravane  n'arrive  toujours  pas;  c'est  que  la  distance  est  longue,  environ 
30  kilomètres,  et  la  route  pénible  pour  des  bêtes  chargées  qui  ont  dû  gravir  dans  leur  après-midi 
I  910  mètres,  pour  atteindre  le  col.  Le  temps  menace  de  plus  en  plus,  le  vent  souOle  avec  rage  et 
roule  de  gros  nuages  noirs.  Les  gens  du  village  offrent  bien  de  mettre  une  maison  à  notre 
disposition  et  nous  apportent,  avec  leurs  hommages,  un  mouton,  du  charbon  et  du  bois,  chose 
précieuse  dans  ce  pavs  dépourvu  de  combustible.  Nous  allions  accepter  cette  hospitalité,  lorsque 
la  caravane  arrive  enfin  vers  huit  heures,  par  une  nuit  noire.  Au  milieu  d'une  confusion  indi- 
cible on  parvient  à  dresser  une  tente,  la  plus  grande,  elle  nous  sert  à  tous  d'abri.  Pour  une 
nuit  il  faut  s'en  contenter.  L'cjrage  gronde  tout  autour  de  nous,  la  pluie  tombe,  et  avec  elle  le 
vent  se  calme. 

(j  août.  .\vec  le  jour  tous  sont  debout.  Nous  allons  jusqu'aux  mines  de  cuivre  situées  à 
3  kilomètres  sur  le  sentier  d'Ardebil.  M.  J.  de  Morgan  à  ce  sujet  a  pris  les  notes  suivantes  : 

«   Amas  analogues  a  ceux  du  petit  Caucase  dans  des  dacites  (grùnslein)  exploitées  dans 


3  34  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

l'antiquité  aux  affleurements;  nombreuses  haldes  de  peu  d'importance,  et,  par  suite,  résultat  d'une 
exploitation  superficielle,  mais  s'étendant  sur  plusieurs  centaines  de  mètres  dans  les  ravins.  Les 
gisements  se  prolongent  au  loin,  mais  n'ont  été  exploités  qu'à  côté  de  Binamar.  Rien  n'indique 
l'époque  de  leur  exploitation.  Nous  n'avons  pas  trouvé  de  sépultures  antiques  à  Binamar.  » 

Nous  revenons  au  camp  pour  prendre  notre  caravane  et,  vers  dix  heures  du  matin,  nous 
nous  mettons  en  route  pour  Ardebil.  Le  sentier  en  corniche  domine  un  plateau  déchiré  de  ravins 
profonds  bien  cultivés  en  orge  et  blé  surtout.  Nous  repassons  par  les  mines,  où  nous  voyons  une 
superbe  vipère,  rencontre  très  rare  dans  cette  partie  de  la  Perse,  où  les  reptiles  dangereux  font  à 
peu  près  défaut. 

Vers  midi  nous  sommes  près  d'un  gros  village  entouré  de  gros  amas  de  blé  et  de  paille, 
c'est  Sakkawas.  Il  doit  son  existence  à  une  petite  source  d'eau  claire  et  vive  qui  s'échappe  d'un 
groupe  de  saules,  les  seuls  arbres  en  vue  aussi  loin  que  le  regard  peut  s'étendre.  Nous  nous 
reposons  environ  une  heure,  puis  nous  reprenons  le  monotone  sentier  d'Ardebil  qui  se  déroule 
au  milieu  de  ce  plateau  coupé  de  crêtes  rocheuses  ;  nous  sommes  toujours  à  plus  de  2000  mètres 
d'altitude.  Pendant  notre  halte  la  caravane  nous  a  dépassés,  mais  vers  3  h.  30  nous  la  rattrapons; 
elle  marche  à  bonne  allure.  Bientôt  nous  arrivons  à  la  bordure  d'une  marche  abrupte  par  laquelle 
le  plateau  se  déprime  pour  former  la  plaine  d'Ardebil,  qui  nous  apparaît  loin,  bien  loin,  comme 
une  petite  ligne  estompée  en  bleu  dans  cette  solitude  d'un  ton  de  cendre.  A  gauche  le  Savalan,  à 
droite  le  col  d'Astara  qui  cchancrc  de  sa  double  fourche  le  massif  de  montagnes  où  nous  avons 
fait  nos  fouilles;  au  loin  les  nuages  montent  du  Talyche  et  s'acheminent,  poussés  par  le  vent  de  la 
Caspienne,  vers  le  front  glacé  du  Savalan,  où  ils  vont  se  condenser  en  neige  pour  accroître  la 
masse  de  ce  cône  blanc  qui  donne  au  paysage  tout  son  caractère.  Au  milieu  de  cette  plaine  sans 
fin  et  sans  abri,  la  brise  qui  fraîchit  avec  le  soir  rend  la  marche  très  désagréable.  Vers  la  tombée 
de  la  nuit  nous  arrivons  aux  rives  fangeuses  d'un  lac,  le  Chour  Gol,  tout  semé  de  grands  échas- 
siers  qui  s'envolent  à  notre  approche.  Enfin  vers  neuf  heures  nous  sommes  à  Ardebil.  Il  fait  nuit 
noire.  Nous  nous  installons  dans  un  grand  jardin  que  M.  Glavany,  directeur  des  douanes,  nous 
avait  fait  réserver.  Une  escouade  de  soldats  du  gouverneur  est  préposée  à  notre  garde.  Là,  au 
moins,  nous  sommes  à  l'abri  du  vent  et  des  intrus.  Depuis  Binamar  nous  avons  franchi  environ 
42  kilomètres  ;  bêtes  et  gens  ont  besoin  do  repos.  La  campagne  de  fouilles  du  Talyche  est,  du 
reste,  terminée. 

Du  10  au  14  août  nous  restons  campés  à  Ardebil.  Cette  ville  est  un  centre  assez  important, 
bien  que  déchu  de  sa  splendeur  passée.  La  porte  du  bazar,  tombant  en  ruines,  et  la  vieille  mos- 
quée offrent  de  beaux  exemples  de  l'architecture  polychrome,  avec  des  briques  émaillées  aux 
riches  couleurs.  La  ville  est  très  étendue;  les  rues  en  sont  malpropres  et  les  maisons  délabrées. 
Lors  de  notre  passage  il  n'était  que  bruit  de  la  révolte  des  Shahsevends  dans  la  partie  Nord-Est 
des  contreforts  du  Savalan. 

Le  14  août  le  départ  est  décidé,  mais  nous  ne  parvenons  pas  à  nous  mettre  en  route  avant 
midi.  Il  est  toujours  très  laborieux  d'arracher  des  Persans  aux  charmes  du  bazar.  Nous  prenons 


RECHERCHES  ALf  TALYCHE  PERSAN  335 


la  route  postale  de  Tauris  ;  quand  je  dis  route,  cela  implique  seulement  un  endroit  où  l'on  passe 
d'habitude,  car  en  fait  de  chaussée  il  n'y  en  a  pas.  Nous  remontons  le  cour's  du  Balouk  Sou, 
rivière  aux  eaux  vives  et  poissonneuses,  et  marchons  jusqu'à  3  h.  35  dans  un  pays  plat.  Sur  notre 
gauche  nous  laissons  un  gros  tùpé  ou  tertre,  reste  d'un  site  ancien  ou  antique,  dont  nous  ne 
pouvons  par  la  vue  seule  déterminer  la  date. 

Le  lendemain  15  août,  avant  d'arriver  au  village  de  Nir,  altitude  i  600  mètres,  nous  ren- 
controns sur  notre  droite  une  nécropole  avec  dolmens  du  type  de  ceux  que  nous  venons  d'explorer. 
D'autres  grands  dolmens  ruinés  se  trouvaient  sur  notre  gauche  à  l'entrée  du  village.  Ces  monu- 
ments sont  les  derniers  vestiges  de  cette  époque  reculée  que  nous  ayons  rencontrés  sur  toute  la 
route  que  nous  avons  suivie  pour  gagner  l'Ararat,  c'est-à-dire  Tauris,  le  lac  d'Ourmiah,  Khoï, 
Makou  et  Bouroulan  :  près  de  cette  dernière  localité  nous  avons  vu,  de  nouveau,  des  sépultures 
préhistoriques  avec  vases  primitifs  en  terre  gris  noir  fort  grossière.  Mais,  sur  ce  point,  aucune  fouille 
n'a  été  pratiquée  et  le  hasard  seul  avait  fait  rencontrer  quelques  objets  aux  officiers  de  la  garnison 
russe  de  ce  poste  frontière.  Dans  toute  la  partie  montagneuse  qui  s'étend  de  l'Araxc  à  la  Koura 
les  nécropoles  des  âges  du  bronze  et  du  fer  sont  nombreuses  (i  ). 

Les  renseignements  qui  nous  ont  été  donnés  par  les  gens  du  pays  et  les  quelques  vases  qui 
nous  ont  été  montrés  nous  amènent  à  croire  que  les  nécropoles  à  dolmens  des  Talyches  tant  russe 
que  persan  se  relient  d'une  façon  continue  avec  le  massif  du  Kara-Dagh  en  passant  par  les  contre- 
forts du  Savalan  où  des  sépultures  du  même  genre  existent  certainement.  Il  y  a  là  toute  une 
zone  à  explorer.         , 

Nous  quittons  Nir,  le  16  août  après  y  avoir  campé  pendant  la  nuit  et  prenons  la  direction 
d'Aspfrouchan.  Peu  après  Nir,  le  terrain  se  relève,  fermant  de  ce  côté  la  plaine  d'Ardebil  par 
une  chaîne  qui  se  relie  au  Savalan,  sur  notre  droite,  et  sur  notre  gauche  par  un  épais  massif  qui 
court  parallèlement  à  notre  route.  Nous  franchissons  le  col  à  l'altitude  de  2  140  mètres  pour 
entrer  dans  le  bassin  du  lac  d'Ourmiah.  Nous  nous  inclinons  vers  le  Sud  vers  Aspfrouchan  (alti- 
tude I  600  mètres)  et  Douzdouzan  (altitude  i  710  mètres),  afin  de  contourner  le  désert  salé. 

Inutile  de  poursuivre  la  narration  de  ce  voyage  qui  nous  ramène  dans  un  pays  déjà  visité  et 
décrit  par  la  mission. 

L'âge  de  la  pierhi:.  —  L'état  de  civilisation  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  1'  «  Age  de  la 
pierre  »,  si  développé  sur  tant  d'autres  points  du  globe,  semble  faire  entièrement  défaut  dans  toute 
la  partie  du  Ghilan  que  nous  avons  visitée  pendant  la  campagne  de  recherches  de  1901.  Les 
quelques  objets  en  pierre  que  nous  avons  trouvés  ne  sont  pas,  à  proprement  parler,  des  produits 
d'êtres  faisant  un  usage  exclusif  de  la  pierre.  Ils  se  sont  rencontrés  accidentellement  au  milieu 
d'armes  et  d'instruments  de  toutes  sortes,  tous  en  métal. 

(i)  Le  Gouvernement  russe  se  réserve  le  droit  exclusif  des  fouilles.  Cette  région  n'a  pas  encore  été  explorée  au 
point  de  vue  archéologique. 


33b  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


Nous  n'avons  pas  découvert  une  seule  station,  un  seul  atelier,  une  seule  sépulture  qui  soit 
de  l'âge  de  la  pierre.  Sur  les  sites  des  immenses  nécropoles  de  l'âge  du  bronze  que  nous  avons 
explorés,  nous  n'avons  trouvé  aucun  indice  qui  puisse  nous  faire  supposer  que  ces  mêmes  empla- 
cements eussent  été  occupés,  à  une  époque  antérieure  à  l'âge  des  métaux,  par  des  humains  dans 
un  état  de  progrès  plus  rudimentaire  et  ignorant  la  métallurgie.  En  Babylonie  et  en  Susiane  les 
objets  en  pierre  taillée  sont  nombreux  et  se  rencontrent  à  la  base  des  tells,  montrant  qu'ils  sont 
eux-mêmes  l'embryon  de  toute  civilisation,  même  là  où  elle  est  le  plus  ancienne.  Au  Talyche,  le 
sol  ne  semble  avoir  été  occupé  qu'à  partir  de'  l'époque  du  bronze,  et  les  constructeurs  des  vastes 
dolmens  que  nous  avons  retrouvés  auraient  été  les  premiers  colonisateurs  de  ces  régions.  Cela 
s'explique  facilement  :  les  montagnes  du  Talyche  sont  éruptives,  ne  renferment  pas  de  silex,  le 
sol  est  peu  fertile,  les  forêts  devaient,  en  principe,  s'étendre  des  deux  côtés  de  la  ligne  de  faîte. 
Il  est  donc  tout  naturel  que  les  premiers  habitants  du  globe,  ayant  le  champ  libre,  aient  choisi 
de  préférence  les  sites  les  plus  favorables  à  leur  existence,  négligeant  les  zones  qui  répondaient 
moins  bien  à  leurs  besoins. 


L'âge  du  dronze.  —  Si  l'âge  de  pierre  semble  faire  défaut  au  Talyche,  celui  du  bronze,  au 
contraire,  v  est  représenté  par  des  monuments  et  des  vestiges  qui  dénotent  une  civilisation  puis- 
sante. Comme  on  l'a  fait  observer  au  Talyche  russe,  et  comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer,  les 
sépultures  les  plus  anciennes  de  1  âge  du  bronze  sont  celles  du  type  que  nous  avons  rencontré  à 
Kodja-Daoud,  c'est-à-dire  qui  se  présente  sous  des  amas  de  pierres  disposées  en  forme  éliptique. 
A  cette  même  époque  reculée,  nous  pouvons  attribuer  les  sépultures  de  forme  carrée  de  Chir-Chir 
et  les  énormes  dolmens  de  Vadjalik  ;  leur  mobilier  funéraire  offre  une  grande  analogie.  La  céra- 
mique se  compose  surtout  d'ollas,  de  lourdes  cruches,  et  de  gobelets  en  terre  épaisse  et  grossière. 
Les  armes  sont  d'un  type  primitif,  fort  simple  ;  elles  se  fixent  dans  l'emmanchement  à  l'aide  d'une 
courte  soie  coulée  avec  la  lame.  Nous  avons  trouvé  de  cette  époque  des  objets  en  bronze,  en  argent 
et  en  électrum. 

Les  sépultures  que  nous  considérons  comme  étant  d'une  époque  moins  reculée  de  l'âge  du 
bronze  sont  beaucoup  plus  riches  en  objets,  et  ces  objets  eux-mêmes  beaucoup  plus  variés  de 
formes.  Les  superbes  dolmens  dévastés  de  Namin  et  d'Agha-Evlar,  probablement  aussi  ceux  de 
Souah,  étaient  de  cette  époque  ;  mais  nous  n'avons  pu  en  déterminer  la  date  que  par  comparaison 
avec  les  monuments  similaires  de  Tchila-Khané  et  de  Lor-Daghi,  fort  heureusement  trouvés 
intacts. 

Comme  on  a  pu  en  juger  par  les  plans  que  nous  avons  donnés,  ces  dolmens  étaient  solide- 
ment construits  au  centre  d'un  cercle  de  grosses  pierres  en  vastes  blocs,  amenés  souvent  de  fort 
loin.  Leur  orientation  est  généralement  Nord-Sud  comme  l'indique  le  tableau  suivant  des  sépul- 
tures les  plus  importantes  relevé  à  Agha-Eviar  : 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 


3?7 


Dolmen  n»    i. 

Nord, 

141. 

Ouest. 

Grand  Dolmen. 

108. 

Ouest 

2 

— 

134 

— 

Autre  Dolmen. 

'35 

— 

— 

122 

— 

— 

105 

— 

4 

— 

120 

— 

— 

68 

— 

5 

— 

68 
82 

— 

— 

90 

— 

Je  ne  reviendrai  pas  sur  la  description  de  ces  édifices  funéraires,  déjà  faite  en  relatant  les 
travaux.  Je  me  bornerai  à  faire  observer  que,  par  leur  importance  comme  nombre  et  comme 
masse,  ils  se  placent  à  côté  des  monuments  mégalithiques  de  Bretagne  les  plus  réputés.  Le  plus 
considérable  de  tous,  un  dolmen  entièrement  spolié,  à  Agha-Evlar,  ne  mesurait  pas  moins  de 
16"", 80  de  long,  sur  i'",7o  de  large  et  2™, 40  de  haut  sous  les  dalles  formant  le  plafond.  Ces  sépul- 
tures devaient  être  d'une  grande  richesse  :  la  brousse  près  de  Vadjalik,  porte  encore  dans  le  pays 
le  nom  de  «  Forêt  d'or  ».  On  nous  a  parlé  de  vases  d'or  trouvés  autrefois  dans  les  dolmens;  nous- 
mêmes,  n'avons-nous  pas  rencontré  un  certain  nombre  de  bagues  en  or  massif  échappées  aux 
recherches  des  spoliateurs  ? 

Ces  sépultures  renfermaient  de  nombreux  cadavres  et  nous  avons  lieu  de  croire  que  les  horribles 
scènes  d'égorgement ,  dont  nous  parle  Hérodote,  qui  accompagnaient  les  funérailles  des  rois  scythes, 
faisaient  partie  des  rites  funèbres  des  grands  de  l'âge  du  bronze,  et  que  femmes  et  esclaves  les 
suivaient  dans  leur  dernière  demeure  avec  les  bijoux,  armes  et  offrandes  dont  on  les  entourait. 

En  plus  de  ces  somptueuses  sépultures,  ces  peuples  élevaient  des  places  fortes.  Nous  avons 
retrouvé  deux  citadelles  de  cette  époque,  perchées  sur  des  sommets  escarpés  dominant  la  plaine 
et  le  champ  des  morts,  à  Namin  et  à  Chir-Chir.  Tout  indique  donc  chez  les  peuples  de  l'âge  du 
bronze  au  Talyche  une  civilisation  avancée.  Ils  savaient  fondre  l'or,  l'argent,  l'ôlectrum  et  le 
cuivre.  Nous  avons  retrouvé  près  de  Binamar,  sur  le  plateau  persan,  à  portée  d'Agha-Evlar,  des 
affleurements  de  ce  dernier  métal,  à  l'état  de  carbonate  facilement  utilisable.  Comme  corollaire 
de  leur  métallurgie,  ils  avaient  découvert  dans  les  laitiers  les  pâtes  vitreuses  dont  ils  fabriquaient 
les  perles  partout  si  abondantes.  La  fonte  des  armes,  et  en  particulier  des  glaives  avec  leurs 
poignées  ouvragées,  dénote  une  habileté  déjà  grande. 

Quelle  date  convient-il  d'assigner  aux  constructeurs  de  ces  dolmens?  Elle  ne  saurait  être  que 
fort  reculée.  Durant  toutes  nos  recherches  au  Talyche  nous  n'avons  jamais  rencontré  la  moindre 
trace  d'inscription.  Les  seuls  objets  qui  peuvent  donner  une  date  approximative  sont  les  cylindres 
de  style  grossier  trouvés  à  Hassan-Zamini,  près  de  Vadjalik,  dans  une  sépulture  intacte  du  der- 
nier âge  du  bronze.  Nous  avons  vu  que  ces  cylindres  semblent  être  antérieurs  au  x'  siècle  av. 
J.-C.  Cette  sépulture  était  intacte  ;  les  objets  ne  lui  sont  pas  postérieurs. 


Age  du  fer.  —  Les  peuples  de  l'âge  du  bronze  vivaient  donc  retirés  dans  leurs  retraites 
escarpées  des  montagnes  du  Talyche,  lorsqu'une  invasion  terrible  vint  fondre  sur  eux.  Un  autre 
peuple  arriva  portant  le  fer  dans  leur  pays,  et  avec  lui  la  destruction.  Les  traces  de  cette  brutale 


43 


338  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

agression  sont  partout  visibles.  Les  sépultures  furent  pillées,  envahies,  pour  faire  place  aux  nou- 
veaux venus.  A  Namin,  où  les  dolmens  en  pierre  calcaire  avaient  les  proportions  de  véritables 
édifices,  tout  est  dévasté  ;  mais  les  conquérants,  victimes  à  leur  tour  de  procédés  semblables, 
n'ont  laissé  dans  les  sépultures,  pillées  pour  la  seconde  fois,  d'autres  traces  de  leur  passage  que  des 
débris  de  leurs  armes  de  fer.  A  Tchila-Khané  et  à  Lor-Daghi,  quelques  dolmens  du  bronze,  vu  leur 
éloignement  et  leur  altitude  de  plus  de  2  000  mètres,  où  les  neiges  séjournent  pendant  de  longs 
mois,  échappèrent  à  la  dévastation,  et  nous  donnent  de  précieux  renseignements.  A  Chagoula- 
Déré,  des  sépultures  du  bronze  il  ne  reste  pour  ainsi  dire  rien,  mais  les  tombes  de  l'âge  du  fer 
s'y  retrouvent  partout  dispersées,  ou  forment  des  amas  de  squelettes,  d'armes  et  d'objets  votifs 
entassés  pêle-mêle.  On  se  croirait  au  milieu  des  vestiges  d'un  champ  de  carnage.  A  Chir-Chir  tou- 
jours mômes  traces  de  conquête.  Agha-Evlar  était  un  centre  plus  important  à  l'époque  du  bronze, 
avec  les  monuments  les  plus  vastes  que  nous  ayons  observés,  aussi  l'homme  du  fer  y  a-t-il  mis  le 
sceau  du  vainqueur.  Les  dolmens  y  sont  non  seulement  pillés,  mais  réoccupés,  et  ce  qui  nous 
donne  bien  la  date  de  cette  dévastation  c'est  que,  très  souvent,  les  sépultures  du  fer  installées  dans 
les  anciens  dolmens  du  bronze  sont  intactes,  tout  comme  elles  le  sont  généralement  au  petit 
Caucase  à  Allah-Verdi,à  Akthala,  etc.  Quand  on  rencontre  quelques-unes  de  ces  sépultures  spo- 
liées, c'est  un  fait  accidentel  et  le  plus  souvent  dû  au  hasard  des  cultures. 

A  Agha-Evlar  un  dolmen  m'a  tout  spécialement  intéressé.  Toute  une  partie  était  vierge  et 
renfermait  plusieurs  corps  avec  des  armes  de  bronze,  alors  que,  dans  l'autre  extrémité,  avaient  été 
entassés  sans  ordre  une  masse  de  cadavres  avec  quelques  armes  de  fer. 

Agha-Evlar  commande,  par  sa  position  à  la  tête  d'un  défilé  qu'une  simple  porte  fermait  au 
moyen  âge,  la  voie  la  plus  facile  pour  passer  du  plateau  d'Ardebil  au  Ghilan  et  à  la  Caspienne. 
Les  hommes  du  fer  suivirent  cette  route  et,  à  moitié  chemin  en  descendant  le  cours  du  Kergan- 
Roud,  nous  avons  retrouvé  à  Do-Khalian  des  sépultures-  bien  caractérisées  de  leur  époque, 
semblables  à  celles  du  petit  Caucase.  Nous  les  avons  également  retrouvés  à  Khodja-Daoud,  où  les 
sépultures  de  l'âge  du  bronze  ont  été,  elles  aussi,  usurpées.  La  vallée  de  l'Astara-Tchaï,  avec  son 
double  col  sur  Souah  et  sur  Namin,  était  l'autre  voie  menant  du  plateau  à  la  Caspienne.  L'inva- 
sion a  donc  été  générale. 

Le  fait  de  la  conquête  est  clair,  mais  à  quand  remonte-t-elle  ?  L'usage  du  fer  est  très  ancien  (  i  ), 

(i).  Il  remonte  en  Babylonie  à  2  500  av.  J.-C. 

Hommel  (Grundriss  der  Geogr.  et  Gesch.,  etc.,  p.  13)  pense  que  le  métal  rapporté  par  Gudéa  du  pays  de 
Meluhha  appelé gir^anum  (^=par^illu  ?)  est  un  minerai  de  fer.  Il  ne  s'appuie  que  sur  cette  identification  (vieux  baby- 
lonien), gir^anum  =(en  Arabe  méridien.),  far^ânum  =  (en  babylonien),  par^illu  =  (en  hébreu),  bar^el  «fer  ». 
Voir  Peiser,  Urkunden,  etc.  (3"=  dynastie  babylonienne),  p.  IX  mentionnant  \tjer,  et  cf.  Or.  Litt.  Zeit.  VIII,  col.  97 
(Peiser)  et  Altor.  Forsch.,3"=  série,  p.  329  (Winckler). 

Pour  r.\ssyrie,  le  seul  document  un  peu  considérable  nous  renseignant  sur  l'histoire  ancienne  de  r.\ssyrie  (vers 
1 100  av.  J.-C.)  est  le  prisme  de  Teglatphalasar  1.  11  nomme  par^illu  «  le  fer  »,  dans  l'expression  lukut pars^illi  «  lance 
ou  javelot  de  fer  »,  col.  VI,  66  (chasse  royale)  Dans  le  butin  du  pays  Nord,  on  ne  mentionne  guère  que  l'or,  l'argent, 
le  cuivre  et  le  bronze  (Note  du  P.  Scheil). 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  339 


surtout  dans  les  parties  montagneuses  connues  sous  le  nom  de  Petit  Caucase.  Dans  ce  pays  où 
abondent  les  mines  de  cuivre,  ce  métal  semble  avoir  été  réservé  pour  la  parure,  alors  que  les 
armes  étaient  toujours  en  fer,  à  une  époque  qui,  jusqu'à  présent,  n'a  fourni  aucun  document  écrit 
même  emprunté  aux  civilisations  si  anciennes  des  grands  empires  du  Sud.  Les  sépultures  pure- 
ment de  l'âge  du  bronze  sont  rares  dans  ces  régions,  et  nous  avons  rencontré  le  fer  à  profusion 
dans  les  petits  dolmens  que  nous  avons,  M.  J.  de  Morgan  et  moi,  explorés  dans  le  massif  du  Lelvar. 
Ces  contrées  étaient  un  grand  centre  de  production  du  fer  dans  la  haute  antiquité  et  nous  voyons, 
dès  le  xii°  siècle  avant  notre  ère,  figurer  dans  les  inscriptions  triomphales  des  rois  d'Assour  des 
tributs  de  ce  métal.  L'autorité  des  rois  de  Ninive  et  d'Ourartou  (Van)  ne  s'étendit  jamais  bien 
au  delà  des  lacs  du  Gheuk-tchaï  et  d'Ourmiah .  Nous  ne  pouvons  d'une  manière  sûre  leur  attribuer 
la  conquête  et  la  destruction  des  peuples  de  l'âge  du  bronze  qui  habitaient  le  Talyche.  Ne  sommes- 
nous  pas  en  droit  de  penser  plutôt  que  cette  invasion  est  due  aux  peuplades  de  l'âge  du  fer  qui 
habitaient  en  si  grand  nombre  le  Petit  Caucase  ?  Nous  voyons,  en  effet,  le  mode  d'inhumation  que 
nous  avons  observé  à  Aktala  et  Allah-Verdi,  s'importer  au  Talyche  avec  les  nouveaux  venus.  La 
route  d'invasion  est  toute  naturelle  par  la  vallée  de  l'Araxe.  En  descendant  ce  fleuve  jusqu'au 
point  où  il  reçoit  le  Kara-Sou  on  obtient  un  accès  facile  sur  le  plateau  d'Ardébil.  L'envahisseur 
se  maintient  dans  un  pays  pourvu  en  abondance  d'eau  potable.  Pour  une  armée,  au  contraire, 
venant  de  la  vallée  du  Tigre,  d'immenses  régions  salées  et  de  hautes  montagnes  opposent  une 
barrière  naturelle (i). 

Nous  avons  traversé  toute  cette  zone  en  nous  rendant  d'Ardébil  au  lac  d'Ourmiah,  et,  une 
fois  Nir  dépassé,  nous  n'avons  plus  rencontré  de  vestiges  de  l'antiquité. 

L'existence  des  peuples  du  bronze  au  Talyche,  leur  conquête  par  d'autres  peuples  possédant 
des  armes  de  fer,  sont  des  faits  qui  échappent  à  l'histoire  et  qui  probablement  l'antidatent. 

La  zone  des  dolmens  semblables  à  ceux  que  nous  avons  explorés,  se  poursuit,  paraît-il,  vers 
le  Kizil-Ouzen  et  plus  loin  vers  le  Sud  jusqu'au  pays  des  Kialhours  dans  le  Nord  du  Louristan  ; 
il  est  possible  qu'un  jour  des  documents  écrits  se  rencontrent  dans  les  contrées  plus  voisines  de 
celles  soumises  à  l'influence  des  grands  empires  de  Ninive  et  de  Babylone  et  nous  donnent  la  clef 
de  l'énigme. 


Les  caspi.  —  Ce  que  nous  connaissons  sur  l'histoire  des  peuples  qui  ont  habité  les  bords 
de  la  Caspienne  et  les  régions  du  Talyche  dans  l'antiquité  se  résume  à  fort  peu  de  chose.  Nous 
savons,  par  ses  inscriptions  triomphales,  que  Téglatphalassar  1,  vers  1 1  30  avant  notre  ère,  porta 
la  guerre  jusqu'aux  sources  du  Tigre  et  s'avança  jusqu'à  la  Caspienne,  «  xMer  supérieure  »,  et 
leva  sur  les  peuples  vaincus  un  tribut  «  de  fer,  d'or,  d'argent  et  d'airain  «(2).  Le  fer  existait  donc 

(1)  Le  lac  d'Ourmiah,  à  cette  époque  reculée,  couvrait  une  surface  bien  plus  considérable  que  de  nos  jours. 

(2)  J.  Menant,  Ann.  des  r-ois  d'Assyrie,  p.  56-37. 


340  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

dans  ces  régions  à  cette  époque  (i).  Pour  la  question  qui  nous  intéresse,  ceci  est  presque  un  docu- 
ment moderne.  D'autre  part,  les  sépultures  chaldéennes  et  les  textes  nous  montrent  que  le  fer 
était  en  usage  au  xxv°  siècle  ;  or  la  Chaldée  n'est  pas  un  pays  producteur  de  ce  métal,  c'était  pour 
elle  un  article  d'importation,  venant  sans  doute  du  Nord  des  grands  fleuves,  de  ce  centre  métal- 
lurgique dont  nous  parlent  les  traditions  les  plus  anciennes.  D'autre  part,  les  coquilles  provenant 
du  Golfe  Persique  que  nous  avons  retrouvées  dans  les  sépultures  de  l'âge  du  fera  Do-Khalian, 
montrent  que  des  relations  d'échange  se  faisaient  entre  les  bords  de  la  Caspienne  et  l'extrémité 
Sud  du  plateau  persan.  N'est-il  pas  étrange,  dans  ces  conditions,  que  nous  n'ayons  pas  rencontré 
un  seul  document  écrit? 

L'histoire  reste  muette  pendant  longtemps  sur  les  peuples  ayant  habité  les  territoires  que  nous 
venons  de  visiter  et  d'explorer.  Ces  régions  étaient  si  éloignées  des  centres  civilisés  !  Hérodote 
est  le  premier  qui  en  fasse  mention.  Ouvrons  une  des  grandes  pages  de  l'histoire  du  monde. 
Reportons-nous  à  la  veille  du  plus  formidable  des  conflits  de  l'antiquité.  Désireux  de  renverser 
cette  muraille  d'indépendance  qui  brave  son  despotisme  oriental,  Xercès  se  prépare  à  envahir  la 
Grèce.  A  la  voix  du  Roi  des  Rois,  des  confins  mystérieux  de  l'Inde  aux  rives  de  la  mer  d'Ionie, 
les  innombrables  multitudes  des  Asiatiques  ont  accouru.  L'avalanche  humaine  a  franchi  l'Hel- 
lespont.  Le  maître  voulant  mesurer  toute  l'étendue  de  sa  puissance  fait  défiler  sous  ses  yeux  à 
Doriscus,  dans  les  plaines  de  Thrace,  cette  armée,  la  plus  vaste  et  la  plus  hétérogène  qui  ait 
jamais  été  rassemblée. 

Hérodote  reprenant  tous  ces  peuples  nous  dit  (2)  :  «  Les  Caspiens  étaient  couverts  de  vête- 
ments de  peaux  et  portaient  l'arc  de  leur  pays  et  le  glaive.  C'est  ainsi  équipés  qu'ils  partirent  en 
guerre.  Ils  avaient  pour  chef  Ariomardus,  frère  d'Artyphius(3).  » 

Au  temps  de  Darius  ces  mêmes  Caspi  faisaient  déjà  partie  de  l'empire  des  Perses  ;  leur  ter- 
ritoire relevait  des  xi'  et  xv'  satrapies  qui  payaient,  à  elles  deux,  un  tribut  de  450  talents. 

Hérodote  écrivait  au  v"^  siècle  avant  notre  ère.  Six  siècles  plus  tard,  Strabon,  dans  sa  Géogra- 
phie, décrit  ces  mêmes  pays  (4)  : 

«  La  seconde  section,  nous  dit-il,  commence  à  partir  de  la  mer  Caspienne...  Eratosthène 
décrivant  ce  que  les  Grecs  connaissaient  du  périple  de  cette  mer,  compte  5  400  stades  pour  la 
partie  de  ses  côtes  qui  borde  l'Albanie  et  le  pays  des  Cadusii,  4  800  stades  pour  celle  qui  baigne 
les  possessions  des  Anariakes,  des  Mardes  et  des  Hyrcani  jusqu'à  l'embouchure  du  fleuve 
Oxus...(i). 

«  Les  populations  nomades  qui  bordent  la  mer  Caspienne,  tout  de  suite  à  gauche  de  l'entrée, 

(i)  J.  de  Morgan,  Les  premiers  âges  des  métaux  dans  l'Arménie  russe,  p.  200-202. 

(2)  Hérodote,  1.  VII,  ch.  67. 

(3)  Hérodote,  1.  III,  ch.  92. 

(4)  Strabon,  VI,  i,  trad.  A.  Tardieu. 

(5)  Strabon,  1.  XI,  ch.  vu,  i. 


A 


RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  341 


sont  connues  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Daœ,  ou  mieux  sous  celui  de  Daœ-Parni,  vu  qu'à  la 
dénomination  générale  on  ajoute  habituellement  cette  désignation  particulière.  Le  territoire  de 
ces  populations  est  séparé  de  l'Hyrcanie  par  un  vaste  désert  intermédiaire  ;  puis,  immédiatement 
après,  commence  l'Hyrcanie  ;  c'est  à  la  hauteur  de  cette  contrée  que  la  Caspienne  devient 
proprement  une  mer,  aspect  qu'elle  conserve  jusqu'au  pied  des  montagnes  de  Médie  et  d'Arménie. 
Ces  montagnes  qui,  dans  leur  partie  basse,  se  creusent  en  manière  de  croissant,  viennent  finir 
en  quelque  sorte  au  bord  de  la  mer,  et  forment  bien  réellement  le  fond  du  golfe  Caspien.  On 
trouve  là,  échelonnées  à  partir  de  la  mer,  et  en  remontant  jusqu'au  sommet,  différentes  popula- 
tions; d'abord  dans  des  limites  assez  resserrées,  quelques  tribus  albaniennes  et  arméniennes,  puis 
sur  un  espace  beaucoup  plus  étendu,  les  Gèles,  les  Cadusii,  les  Amardes,  les  Gyrtii,  les  Ana- 
riakes,  et  maintes  autres  tribus  que  la  nature  des  lieux  âpres  et  stériles  a  réduites  à  vivre  de  bri- 
gandage et  à  délaisser  les  travaux  de  l'agriculture  pour  les  habitudes  des  guerriers.  Toutefois  ce 
sont  les  Cadusii  qui  occupent  la  plus  grande  partie  de  cette  côte  montagneuse  ;  leur  territoire  peut 
avoir  5000  stades  de  longueur,  c'est  du  moins  ce  que  dit  Patrocle,  qui  estime,  en  même  temps, 
que  l'étendue  de  la  mer  Caspienne  ne  diffère  pas  sensiblement  de  celle  du  Pont-Euxin  ;  mais  dans 
tout  le  territoire  des  Cadusii  le  sol  est  particulièrement  pauvre  et  aride  (i).  » 

«  A  propos  des  Cadusii  nous  dirons  qu'ils  possèdent  une  infanterie  presque  aussi  nom- 
breuse que  les  Ariani,  que  leurs  gens  de  trait  sont  d'une  adresse  incomparable,  et  que  leurs  cava- 
liers, dans  les  terrains  difficiles,  mettent  pied  à  terre  et  combattent  avec  la  même  solidité  que 
l'infanterie.  Du  reste,  si  quelque  chose  entrava  l'expédition  d'Antoine  dans  ce  pays,  ce  ne  fut  pas 
tant  la  nature  du  terrain  que  la  perfidie  du  roi  d'Arménie,  Artavasde...  » 

Nous  le  voyons,  les  Caspi  d'Hérodote  ont  fait  place  aux  Cadusii  de  Strabon.  Les  renseigne- 
ments que  donnent  les  auteurs  anciens  sont  fort  maigres  et  ont  trait  à  des  périodes  historiques 
relativement  récentes. 

Par  leur  position  géographique,  la  configuration  de  leur  sol  abrupt,  pauvre  et  d'accès  diffi- 
cile, les  parties  hautes  du  Talyche  persan,  que  nous  avons  explorées,  sont  restées  pendant  l'anti- 
quité en  dehors  des  voies  naturelles  de  pénétration  militaire  et  même  commerciale.  Au  temps  de 
Strabon,  le  transit  de  l'Asie  centrale  vers  l'Europe  se  faisait  par  les  vallées  de  l'Oxus  et  de  l'Araxe, 
contournant  parle  Nord  le  Talyche  et  la  steppe  de  Moughan,  alors  que  le  commerce  des  régions 
plus  méridionales  avait  recours  à  la  route,  encore  suivie  de  nos  jours  par  les  caravanes  qui  vont 
d'Hamadan  sur  Ourmiah  et  l'Asie  antérieure.  Si  le  Talyche  est  resté,  au  temps  des  Romains  et 
des  Grecs,  en  dehors  de  l'action  étrangère,  il  semble  en  avoir  été  de  môme  aux  époques  plus 
reculées.  De  nom  ces  pays  relevaient  des  rois  achéménides,  qui,  du  reste,  semblent  n'y  avoir  laissé 
aucune  trace  de  leur  autorité.  Même  remarque  en  ce  qui  concerne  les  souverains  de  Ninive:  leur 
activité  s'est  toujours  beaucoup  plus  portée  vers  les  régions  riches  sises  à  l'Ouest  ou  au  Sud  de 
leurs  domaines.  Aussi,  durant  tout  le  cours  de  nos  recherches  parmi  ces  peuples  qui  ont  habité  les 


(i)  Strabon,  1.  XI,  ch.  xii,  4. 


342  RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN 

bords  Sud-Ouest  de  la  Caspienne,  n'avons-nous  jusqu'à  présent  découvert  aucune  de  ces  inscrip- 
tions triomphales,  aucun  de  ces  tells  dont  les  briques  ou  les  tablettes  viennent  donner  les  annales. 
Dans  toute  cette  zone,  tous  ces  documents  font  défaut.  Tout,  au  contraire,  semble  indiquer  la 
plus  haute  antiquité  pour  les  sépultures  de  l'âge  du  bronze  que  nous  avons  été  assez  heureux 
pour  trouver  intactes. 

Les  Chaldéens  faisaient  usage  du  fer  au  xxv"  siècle  avant  notre  ère  ;  nous  n'avons  aucune 
raison  pour  ne  pas  accorder  au  moins  la  même  antiquité  aux  races  qui  sont  venues  porter,  au 
Talyche,  le  fer  avec  leur  domination. 

Quant  aux  grands  dolmens  de  l'âge  du  bronze  à  quelle  époque  remontent-ils?  c'est  une 
question  à  laquelle  il  nous  est  impossible  de  répondre.  Les  travaux  de  la  science  moderne  trans- 
forment chaque  jour  les  légendes  du  passé  le  plus  lointain  en  pages  d'histoire  ;  mais  en  reculant 
les  limites  de  l'inconnu,  elles  ne  font  que  rendre  plus  impénétrable  encore  le  seuil  mystérieux 
des  commencements. 


TABLE    DES    MATIÈRES 


Préface  par  J.  de  Morgan v-vii 

CACHETS  ET  CYLINDRES  ARCHAÏQUES 
Par  g.  Jéqlier. 

[1-27.1 

Pages. 

Cachets 2 

Cylindres 5 

Lions 7 

Taureaux 10 

Lions  et  taureaux 15 

Chèvres  sauvages 15 

Gazelles 18 

Antilopes 19 

Cerfs 20 

Quadrupèdes  divers 21 

Animaux  fantastiques 22 

Hommes 25 

Poissons,  serpents,  scorpions 24 

Ornements 24 

Conclusions 25 

DÉCOrVERTE  D'UNE  SÉPULTURE  ACHÉMÉNIDE  A  SUSE 

Par  j.   DE  Morgan.  ' 

'29-58.'  , 

Sépultures  Je  l'époque  élainito ;2 

Sépultures  f^réco-parthes 33 

Découverte  de  la  '^cpulture  d"époque  achéménide 34 


344  TABLE  DES  MATIERES 

6 


Date  de  la  sépulture 37 

Nature  de  la  sépulture 38 

Description  de  la  sépulture 41 

Mobilier  funéraire  :  Alabastrons 42 

—  Patère 43 

Bijoux.  —  Première  parure.  —  Torque 43 

—  —  Bracelets 48 

—  Deuxième  parure.  —  Collier 49 

—  —  Boucles  d'oreilles 50 

—  —  Boutons 51 

Bijoux  divers.  — Collier  de  perles  fines 51 

—  Collier  de  gemmes  et  d'or 52 

—  Perles  de  la  coiffure 54 

Amulettes.  —  Sphynx  à  tète  de  bélier.  —  Lion  ou  chat  en  or.  —  Colombe  en  or.  —  Colombe  en  lapis-lazuli.  — 

Amulette  d'agate 5  5 

Pendentifs  en  cornaline.  —  Disques  en  or.  —  Pendentifs  en  or  et  pierres.  —  Montures  de  pendentifs.  —  Perles 

montées  en  or.  —  Pierres  taillées 56 

Etoffes.  —  Monnaies 57 


FOUILLES  DE  MOUSSIAN 
Par  J.-E.  Gautier  et  G.   Lampre. 

[59-149-] 

Géographie  et  topographie  de  la  région 59 

Description  de  Tépé  Moussian 62 

Travaux  à  Tépé  Moussian 64 

Sépultures  de  Tepé  Khazinèh 72 

Nécropole  de  Tépé  Aly-Abad 73 

Tépé  Mohr 81 

Tépé  Mohamed-Djaffar 81 

Tépé  Mourad-Abad 83 

Tépé  Fakhr-Abad 84 

Description  des  objets  découverts.  —  Brique  cuite -  84 

—  Pierre 85 

—  Terres  cuites 88 

—  Métaux 9' 

—  Sceaux  et  cachets 91 

Céramique.  —  Fragments  décorés 9^ 

—  Dessin  géométrique 95 

—  Le  rectangle 104 

—  Le  losange 106 

—  La  croix 109 

—  Le  cercle m 

—  Figurations  végétales m 


TABLE  DES  MATIÈRES  345 


Céramique.  —  Figurations  animales.  —  Quadrupèdes 116 

—  —  Gazelles iiS 

—  —  Chèvres  sauvages 125 

—  —  Carnassiers 127 

—  —  Oiseaux 127 

—  —  Insectes 130 

—  Figurations  humaines 151 

Céramique  des  sépultures 156 

Vases  en  albâtre 143 

Le  bronze i-(4 

Conclusions 147 


LES  TUMULI  DE  BAHREIN 
Par  a.  Jou.\nnin. 

[149-1 S7-] 

LA  REPRESENTATION  DU  LION  A  SUSE 
Par  g.  Lampre. 

[159-176.1 

Cachets  et  empreintes 160 

Lions  de  pierre 160 

Bas-reliefs 162 

Lions  émaillés ' 164 

Petit  lion  en  calcaire '68 

Lion  en  agate  (camée) 169 

Têtes  de  lion  en  or 170 

Lion  de  bronze 171 

MONNAIES  DE  L'ÉLYMAÏDE 
Par  Allotte  de  La  Fuye. 

[I77-243-I 

Introduction '77 

Étude  des  tvpeset  symboles '"3 

Types  des  revers.    ." '90 

Symboles 201 

Etude  des  légendes ^"-"^ 

44 


346  TABLE  DES  MATIÈRES 


Discussion  des  attributions 218 

Description  des  monnaies 230 

STATUE  DE  LA  REINE  NAPIR-ASOU 

Par  g.  Lampre. 

[245-250.] 

RECHERCHES  AU  TALYCHE  PERSAN  EN  1901 

Par  h.  de  Morgan. 

J231-341.J 

Nécropoles  des  âges  du  bronze  et  du  fer 251 

Qal'a 255 

Khodja-Daoud-Kôpru 254 

Namin ^^o 

Tchila-Khané 269 

Lor-Daghi 279 

Chagoula-Derré 281 

Vadjalik 288 

Tach-Kôpru ^94 

Hassan-Zamini 29° 

Chir-Chir 305 

De  Chir-Chir  au  Kergan-Roud 3io 

Agha-Evlar 'i- 

Do-Khalian 33i 

L'âge  delà  pierre 535 

L'âge  du  bronze 33° 

L'âge  du  fer 337 

Les  Caspi 3  39 


TABLE  DES  PLANCHES  HORS  TEXTE 


Pages. 

I.  —  Empreintes  de  cylindres  archaïques 20 

II.  —  Sépulture  achéménide  de  Suse.  —  Position  du  squelette  dans  le  sarcophage  de  bronze.  —  Disposi- 
tion des  bijoux,  des  alabastrons  et  de  la  patère  d'argent 40 

III.  —  Patère  d'argent 43 

IV.  —  Bijoux  achéménides.  —Torque  en  or  avec  incrustations.  —  Perles  et  pendeloques  d'or,  lapis,  corna- 

line et  pâte  émaillée 44 

V.  —  Bijoux  achéménides.  —  Bracelets  et  pendants  d'oreilles  en  or  avec  incrustations.  —  Collier  de  perles 

fines.  —  Collier  de  perlettes  d'or  et  de  gemmes 48 

VI.  —  Bijoux  achéménides.  — Collier  à  pendeloques,  or  et  inscrustations.  —  Collier  de  perles  d'or  et  de 

gemmes 50 

VII.  —  Type  de  la  céramique  peinte  de  Moussian  (nécropole  de  Tépé  Aly-Abad) 140 

VIII.  —  Lions  de  pierre.  — Style  archaïque 160 

IX.  —  Lion  de  bronze.  —  Epoque  achéménide 170 

X.  —  Numismatique.  —  i  à  6  :  Kamnaskirès.  —  17  à  33  :  Orode  1 244 

XI.  —  Numismatique.  —  34  à  40  :  Orode  I.  —  41  à  69  :  Orode  II 244 

XII.  —  Numismatique.  —  70  à  102  :  Orode  II 244 

Xm.  —  Numismatique.  —  10;  à  1 16  :  Orode  M.  — 117  à  13e  :  Phraate.  —  158  :  Phraatake  (?) 244 

XIV.  —  Numismatique.    —    159:     Kamnaskirès.    —    140    à    144   :    Orode    I. —    145  à   149:    Orode  II. — 
150  à  152:  Phraate.  —  153:  X.  — 154a  158:  Orode  III.  — 169  à  175  :  Orode  IV.  —  176  à  178  :  Y. 

—  179  à  182:  Z.  —  183  à  186  :  Vologèse 244 

XV.  —  Statue  de  bronze  de  la  reine  Napir-.\soLi.  —  Face  et  côté  droit 246 

XVI.  —  Statue  de  bronze  de  la  reine  Napir-.\sou.  —  Vue  de  dos  et  côté  gauche 249 

XVII.  —  Plan  de  Tacropole  de  Namin 266 

XVIII.  —  Plan  de  la  nécropole  de  Vadjalik 298 

XIX.  —  Vue  à  vol  d'oiseau  de  la  nécropole  dAgha-Evlar 317 

XX.   —  Carte  du  Talyche 341 


CHARTRES.    —    IMPRIMERIE    DURAND,    RUE    FULBERT. 


f~ 


'0.-10 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY