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TOME VIII
RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES
TROISIÈME SÉRIE
CHARTRES. — IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.
fti»*
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS
Fvb.r^ce. DÉLÉGATION EN PERSE
MÉMOIRES
PUBLIES SOUS LA DIRECTION
DE M. J. DE MORGAN, délégué général
TOME VIII
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES
TROISIÈME SÉRIE
PAR
G. JÉQUIER, J. DE MORGAN, J. E. GAUTIER, G. LAMPRE, A. JOUANNIN
ALLOTTE DE LA FUYE, H. DE MORGAN
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE, 28
1905
Fi
a
PRÉFACE
Si la troisième série des Recherches Archéologiques de la Délégation en Perse (Tome VIII
des Mémoires) parait quelques mois seulement après la publication de la seconde, c'est que tous
les mémoires imprimés en 1905 ne devaient, dans mon esprit, composer qu'un seul livre et que
devant l'abondance des matières l'éditeur a pensé préférable de donner deux volumes afin d'en
faciliter la lecture.
Ces mémoires sans lien commun entre eux, œuvres des attachés et des collaborateurs de la
Délégation, doivent être considérés comme détachés et étudiés séparément. Il serait impossible,
en effet, de relier entre eux des sujets fort divers et dont le seul lien est de porter sur des documents
provenant tous de la Perse ou des pays limitrophes. Ce mode de publication présente de grands
avantages, car il nous permet de livrer immédiatement au public les observations et les documents
peu de temps après qu'ils ont été recueillis.
Le mémoire inséré en tête du volume est dû à la plume de M. G. Jéquier, attaché à la Délé-
gation. Il porte sur les nombreux cachets et cylindres archaïques découverts à Suseau cours des
travaux de ces huit dernières années. C'est pour la première fois qu'il est traité de ce sujet en
s'appuyant sur des documents nombreux d'une authenticité absolue et provenant tous de la même
localité. Quelques-uns de ces cachets ou cylindres sont d'une prodigieuse antiquité. Ils ont vu les
débuts de l'Élam, peut-être même ses primitifs habitants peignant sur les vases et taillant le
silex.
Dans le mémoire qui suit, j'ai décrit en grands détails la sépulture achéménide de Susc dont
j'avais moi-même opéré la fouille. Cette tombe, unique jusqu'à présent en son genre, mérite une
attention toute spéciale par suite de son époque et des nombreux bijoux qu'elle renfermait.
De toutes nos découvertes dans l'Iran, la plus intéressante au point de vue archaïque est sans
PRÉFACE
contredit celle dont MM. J.-E. Gautier et G. Lampre rendent compte dans leur travail sur les
Fouilles de Moussian. Ces recherches ont révélé un art primitif des plus curieux, contemporain
de la pierre taillée et des premiers instruments de cuivre. Déjà nous avions à Suse rencontré bien
des témoins de cette civilisation très ancienne, mais les couches qui les contiennent étant très
profondément enfouies jusqu'ici, nous n'avions été à même de les atteindre que sur fort peu de
points.
Ces découvertes jettent un jour très nouveau sur les origines Chaldéo-Élamites. Elles ne font,
il est vrai, qu'entr'ouvrir le voile, mais fournissent déjà de précieuses indications pour les recherches
avenir. Il semblerait que nous nous trouvons dans l'Élam, en présence d'une civilisation ana-
logue à celle que je découvrais en Egypte (1896-97) lors de mes fouilles de Negadah, Toukh,
Abydos, etc..
Si nous en jugeons par Tepé Moussian et par ce que nous connaissons des couches pro-
fondes de Suse, cette civilisation aurait précédé et peut-être connu les débuts des métaux et de
l'écriture figurative. Elle serait le terme le plus reculé auquel atteindra jamais l'histoire du
monde. Supposition fertile en enseignements sur la direction qu'à l'avenir doivent prendre les
recherches.
Les tumuli de l'Ile de Bahreïn, par M. A. Jouannin, offrent d'utiles renseignements sur
cette île très peuplée dans la haute antiquité qui, sans preuves et improprement, a été assimilée à
Dilmoun des textes. M. A. Jouannin, bien que ne faisant pas partie de la Délégation, fait béné-
ficier nos lecteurs de ses intéressantes études dans le Golfe Persique.
Le mémoire qui suit, par M. G. Lampre, secrétaire de la Délégation, traite de la représen-
tation du lion à Suse. Le lion vit encore dans les pays situés entre le Tigre et le Kâroun. Autrefois
il était beaucoup plus abondant qu'aujourd'hui et sa figuration joue un grand rôle dans les arts
aussi bien en Chaldée proprement dite qu'en Elam.
Les fouilles de Suse ont mis au jour un assez grand nombre de monnaies antiques, que nous
rencontrons soit à l'état de cachettes dans des vases de terre, soit disséminées dans le sol. Les
plus anciennes sont des tétradrachmes d'Alexandre le Grand et des Séleucides ses successeurs,
les plus récentes appartiennent aux souverains sassanides, plus spécialement à Chosroès II,
et aux gouverneurs arabes du moyen âge. Mais, entre ces deux termes extrêmes, est une
série très nombreuse de monnaies de cuivre frappées par les princes d'Elymaïde, contemporains
des rois arsacides. Cette série, j'en ai confié l'étude au colonel Allotte de la Fuye, dont la compé-
tence est si connue en pareille matière.
Le sixième mémoire est entièrement consacré à l'étude de ces curieux coins gravés en deux
langues, le grec et l'aramôen. M. Allotte de la Fuye a dit sur cette question très ardue tout ce
qui pouvait être dit, relevant les travaux antérieurs à son mémoire, corrigeant leurs erreurs,
PREFACE vil
proposant et discutant à fond de nouvelles lectures. Cette étude peut faire faire un grand pas à
l'histoire de la Principauté d'Élymaïde, des Kamnaskirès, des Orodes et de leurs successeurs.
La statue de Napir-Asou, dont M. G. Lampre donne ensuite une description très précise,
est l'un des monuments susiens les plus importants, par sa facture artistique comme par sa
technique.
Le VHP volume se termine par un mémoire de M. Henri de Morgan sur les nécropoles du
Nord-Ouest de la Perse (Talyche et Ghilan). Il fait suite non seulement aux travaux qu'en 1890
je faisais dans le Lenkorân (Talyche russe), mais aussi aux fouilles que M. Henri de Morgan et
moi-même nous faisions en 1887 dans l'Arménie russe.
Ces régions sont fort peu connues au point de vue archéologique ; je puis dire même qu'elles
ne le sont que par nos travaux. Le mémoire de M. Henri de Morgan est l'un des plus importants
sur ces questions, il montre ce qu'étaient les peuples des nvcs de la mer Caspienne antérieure-
ment aux Achéménides et peut-être aussi sous ces souverains; il donne la preuve d'une grande
invasion dévastatrice au moment où les armes de fer firent leur apparition dans la plaine d'Ar-
débil et les montagnes bordiôres du Nord de l'Iran.
Tels sont les mémoires rédigés depuis 1900. Certainement nos recherches en Perse ont
fourni les documents pour bien d'autres écrits ; mais le temps a manqué à mes collaborateurs et
à moi-même pour traiter d'autres questions. Nous avons dû nous borner à donner au public
celles présentant le plus grand intérêt.
Croissy-sur-Seine, le 20 septembre 1905.
J. DE Morgan
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
Par g. Jéquier.
Les rares monuments des premiers royaumes chaldéens qui soient parvenus jusqu'à nous,
et parmi eux, en toute première ligne, la grande stèle de Naram-Sin trouvée à Suse, nous met-
tent en présence d'un art parvenu à son apogée et qui, à partir de ce moment, ne fera plus que
décliner. Les cylindres de la même époque, ceux sur lesquels se déroulent les épisodes de la
légende de Gilgamôs, sont les plus soignés et les plus beaux que nous connaissions, et montrent
que les graveurs n'étaient point inférieurs aux sculpteurs des bas-reliefs. Par quelles étapes les
artistes de l'école d'Agadé arrivèrent-ils à cette maîtrise? Il ne nous est pas possible de suivre, en
remontant le cours des siècles, les progrès de l'art, car les monuments nous manquent jusqu'à
présent. Dans les monuments trouvés à Tello, il est vrai, la sculpture présente un caractère beau-
coup plus archaïque, mais les plus anciens ne remontent pas plus haut que le règne de Manich-
tou-Sou, et il n'a pas dû s'écouler entre ce roi et les souverains d'Agadé un laps de temps bien
considérable, étant donné le caractère paléographique de leurs inscriptions. Nous devons donc,
semble-t-il, considérer les bas-reliefs de Tello comme contemporains, ou à peu près, de ceux de
l'école d'Agadé, et comme les œuvres de sculpteurs de province, sans grande éducation artistique,
qui se contentent de traduire naïvement avec leur ciseau les sujets qu'ils ont à représenter, sans
chercher à en faire des œuvres d'art.
En somme, c'est d'après les cylindres, dont nous possédons une fort belle série, que nous
pouvons juger de ce qu'était l'art chaldéen entre } ooo et 3000 av. J.-C. ( i ). Ces petits monu-
ments ont été étudiés et classes avec beaucoup de clairvoyance par M. J. Menant (2) ; je n'aurai
donc pas à y revenir ici.
(i) J'adopte ici, avec la plus grande partie des assyriologues, et jusqu'à preuve absolue du contraire, la donnée du
cylindre de Nabonide. qui fait remonter Naram-Sin jusque vers 3750.
(2) Recherches sur la glyptique orienlale. Paris, 1883.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
C'est par les cylindres aussi que nous pouvons connaître l'art de ces pays à une époque bien
antérieure. Les fouilles de Suse ont, en effet, mis au jour des séries de tablettes portant des signes
cunéiformes d'un caractère tout particulier, que le P. Scheil n'hésite pas à faire remonter au delà
du quatrième millénaire. Ces tablettes, ainsi que des morceaux d'argile trouvés en même temps,
portent souvent l'empreinte de cylindres qui diffèrent absolument, par leur sujet et leur facture, de
ce que nous connaissions jusqu'ici, précieux documents qui nous fournissent une étape de plus
dans l'histoire de l'art oriental. Quelques-uns même des cylindres originaux de cette époque sont
parvenus jusqu'à nous dans les mêmes conditions.
Au-dessous de la couche où furent trouvées les tablettes, dans une zone qui me parait, ainsi
que j'ai cherché à le démontrer ailleurs, contenir les vestiges d'une population entièrement diffé-
rente, nous avons trouvé toute une série de cachets en pierre tendre, non plus cylindriques, mais
plats, grossièrement ciselés, qui sont certainement les monuments artistiques les plus anciens que
nous possédions, et nous reportent à une époque bien plus reculée, indéterminable jusqu'ici, et
qu'on peut considérer déjà comme préhistorique, car nous n'avons, pour cette période, aucune
trace d'écriture.
J'ai relevé avec le plus grand soin tous les plus petits fragments provenant de ces deux
séries de monuments, et c'est le résultat de cette étude et de ces relevés qui fera le sujet du présent
travail, travail qui sera certainement complété par les découvertes futures.
CACHETS
Dans le tell de Suse, la zone de ruines qui commence à une profondeur de 20 mètres au-
dessous du niveau primitif et dont nous ne pouvons encore évaluer l'épaisseur, ne renferme que des
vases et des fragments de vases peints, en poterie fine, et des silex taillés, le tout appartenant à la
même époque. Quelques-uns de ces objets sont remontés, ce qui n'a rien d'extraordinaire,
jusqu'aux niveaux supérieurs; mais aucun monument postérieur n'a été trouvé jusqu ici dans
cette couche, nettement séparée des autres par des lits de cendres et de détritus, indices dune
destruction de la ville, à une époque très ancienne.
Au milieu de cette poterie, on trouve parfois de petits monuments en pierre, le plus souvent
en calcaire blanc ou gris, à grain très fin, en forme de section de sphère, avec une surface plane
sur laquelle sont gravées en creux, très grossièrement, des représentations d'animaux (fig. 1-5).
L'n trou rond , percé dans toute la longueur, parallèlement à la surface plane, montre que ces objets
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
devaient être suspendus, soit parmi les perles d'un collier, soit peut-être isolément, comme
amulettes.
Nous sommes en présence ici des plus anciennes intailles asiatiques ; je les ai rangées ici sous
la rubrique « cachets », sans cependant pouvoir affirmer qu'elles ont servi à cet usage, car nous
n'en avons pas retrouvé d'empreintes authentiques de l'époque. Il est cependant permis de sup-
poser que les hommes qui les ont fait graver, ne pouvant s'en servir pour cacheter leurs contrats,
puisque très probablement ils ne connaissaient pas l'écriture, les employaient à sceller d'un signe
distinctif les objets leur appartenant, et tout spécialement l'orifice des vases contenant leurs pro-
visions, comme cela se faisait un peu partout, en Egypte par exemple, et même à Suse à une
époque un peu postérieure.
{
FiG. I.
FiG. 4.
FlG 2. FiG. 5.
FiG. I-;. — Cachets en calcaire, eu forme de section de sphère.
FiG. 5.
Les gravures qui ornent la surface plate de ces cachets sont des plus primitives et contrastent
par leur facture avec la poterie peinte, dans laquelle les Susiens de l'époque avaient atteint une
véritable perfection. Quant aux instruments dont se servaient les graveurs, ils semblent n'avoir
été qu'au nombre de deux, la bouterolle et le burin. Le premier de ces outils, dont on remarque
aisément la trace dans les figures 3 et 5, servait à indiquer les parties les plus saillantes du corps
de l'animal qu'ils voulaient représenter ; puis, à l'aide d'un instrument pointu, ils joignaient l'un
à l'autre les deux trous, les égalisaient, puis traçaient gauchement les membres, en général au
moyen de traits droits. Parfois même, le burin paraît avoir été le seul outil employé, et les figures
sont alors plus schématiques encore.
Les sujets représentés sont empruntés au règne animal, mais leur exécution sommaire ne
nous permet guère de les définir. Ce sont, en général, soit des antilopes à longues cornes recour-
bées, soit des quadrupèdes bas sur pattes, au corps lourd, la queue relevée, qui peut-être figurent
des renards ou des animaux de ce genre. Parfois un petit ornement, une branche garnie de ses
feuilles, par exemple, vient remplir la partie du cachet que le corps de l'animal ne couvre pas
entièrement.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
Tous les cachets de cette époque n'ont pas la forme circulaire : nous en possédons deux qui
témoignent d'une recherche et d'un savoir-faire beaucoup plus avancés. Le premier (fig. 6) repré-
sente un lion couché, dont les contours sont simplement découpés dans une plaque de calcaire rose,
puis arrondis à la partie supérieure ; malheureusement ce petit objet a été très roulé et nous ne
pouvons plus guère juger du travail dans le corps du lion, où les muscles paraissent avoir été
indiqués d'une manière assez naturelle par un artiste consciencieux, sinon très habile.
(i . . - y
FiG. 6. — Lion couché, en calcaire rose, gr. nat.
FiG. 7. — Tête de lion, gr. nat.
Le second, admirablement conservé dans tous ses détails, est beaucoup plus intéressant au
point de vue artistique (fig. 7). Le sculpteur, qui voulait représenter une tète de lion, a su, par des
formes habilement dessinées, par son modelé et par quelques lignes bien posées, rendre son sujet
avec une hardiesse et une vérité tout à fait inattendues. L'œil, qui n'est plus qu'un trou rond,
était autrefois incrusté. La tête elle-même, qui occupe à peine un tiers du cachet, est séparée par
un bourrelet légèrement saillant qui représente le commencement de la crinière, d'une zone
simplement polie, de forme semi-circulaire, qui fait ressortir le caractère schématique de cette
œuvre d'art.
Ces deux cachets sont, comme les autres, percés longitudinalement de part en part. Quant
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
à la face plane, elle porte toujours, gravées en creux, à la bouteroUe et au burin, les mêmes
représentations d'animaux, à peine plus soignées que sur les autres intailles.
Je crois devoir rapprocher de cette catégorie d'intailles une petite série d'empreintes sur des
morceaux d'argile, trouvées toutes ensemble au niveau des tablettes et des cylindres, mais essentiel-
lement différentes de ces derniers. Nous n'en avons que quatre modèles, dont un seul représente
des animaux (fig. ii), un semis de quadrupèdes au long cou, la tête retournée en arrière, qui
rappelle un peu, par son sujet et sa facture, les cachets dont je viens de parler ; les empreintes en
sont si indistinctes qu'il n'est guère possible d'insister sur ce rapprochement.
i t ni 4 I
Fig. 8.
Fig. 9. F:g. 10.
Fig. 8-1 1. — Fmpreimes sur Virgile, gr.indeur naturelle.
Fig. 1 1.
Les trois autres sont de simples ornements composés de lignes droites, soit des carrés
opposés par leurs angles, traversés d'une diagonale et décorés de petits traits perpendiculaires ou
obliques, soit un ornement régulier que nous ne possédons qu'en partie, soit encore un entrela-
cement bizarre de lignes inscrites dans un cercle (fig. 8, 9, 10).
Toutes ces empreintes sont fortement concaves, et sauf pour une, la dernière que j'ai citée,
les contours ne sont pas définis. L'objet qui servit de matrice semble avoir été, non plus un
cachet plat, mais une boule d'assez grande dimension couverte d'ornements en creux.
II
CYLINDRES
Les tablettes archaïques trouvées à Suse, soit amoncelées dans i'anglc d'une chambre, soit
éparses dans les ruines, sont toutes des contrats ; le fait seul que beaucoup d'entre elles portent
sur leur revers l'empreinte de cylindres, suffirait à le prouver. Faites d'argile très fine, non
cuite, elles nous sont parvenues le plus souvent brisées, mais, après un nettoyage soigneux, nous
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
avons pu en reconstituer le plus grand nombre : à part cela, elles n'ont guère souffert et ne sont
ni usines ni frottées, mais telles que si elles sortaient des mains du scribe.
Les cachets sont, de même, aussi bien conservés que possible ; ils ont été roulés sur la terre
molle avec beaucoup de dextérité, mais très légèrement, aussi ne voyons-nous la plupart du
temps que des silhouettes ; les détails ornant le creux de la matrice, pour lesquels il aurait fallu
une pression beaucoup plus forte, ne sont, en général, pas venus. Il en est de même pour les
empreintes qui se trouvent sur des mottes d'argile beaucoup plus grossière, fragments informes
qui avaient dû servir autrefois à boucher des vases ou à sceller des envois de provisions, et
qui ont été recueillis dans les mêmes conditions que les tablettes, souvent en même temps.
Quelques cylindres, trouvés çà et là dans les fouilles, viennent dans une certaine mesure
combler cette lacune, car ils sont en général admirablement conservés et nous pouvons y distin-
guer chaque détail d'exécution. Ils sont en tous points semblables à ceux dont les tablettes portent
les empreintes et appartiennent certainement à la même époque. Ces petits objets sont, non en
pierre, mais en une sorte de pâte blanche, très fine, qui devait être travaillée, étant encore molle,
à l'aide d'instruments très simples et ne présentait pas de grandes difficultés au graveur ; une
fois l'objet terminé, on l'enduisait d'une couche d'émail, très mince, d'une couleur légèrement
verdâtre.
Nous possédons encore d'autres cylindres, de plus petites dimensions, en pierre dure, tra-
vaillés comme ceux de Babylonie, mais dont les sujets sont analogues à ceux dont nous nous
occupons; je les décrirai au fur et à mesure, sans toutefois pouvoir affirmer qu'ils sont de la
même époque que les autres.
Les dimensions sont très variables : quelques-uns des cachets n'avaient guère que deux cen-
timètres de hauteur, d'autres arrivent à en avoir plus de six ; il en est de même pour le diamètre
des cvlindres, car nous en avons de tout petits à côté d'autres qui atteignent jusqu'à 3 centi-
mètres.
Parmi les cylindres de Chaldée, beaucoup portent des inscriptions qui nous donnent le nom
et le titre du propriétaire, parfois une courte prière. Ici, ce n'est jamais le cas, et tous ceux que
nous avons trouvés jusqu'ici, au nombre de plus de cinquante, n'ont que des représentations
figurées. Il n'y a d'exception que pour un cylindre très curieux, déjà publié par le P. Scheil(i)
qui porte une inscription en hiéroglyphes et représente des bœufs au corps démesurément
allongé, la tête penchée sur une mangeoire. Je ne saurais dire, devant cet objet isolé, s'il faut y
voir un monument beaucoup plus ancien, datant de l'époque de l'origine de l'écriture, ou une
recherche voulue d'archaïsme. Étant donnée la matière du cylindre, une pâte blanche fine et
friable, et le style des représentations animales, il semble presque que la dernière hypothèse
soit la plus vraisemblable.
Le seul mode de classification à adopter pour les cylindres est de se baser sur les sujets qui
(i) Textes élamites sémitiques, I, p. 129. où il a été reproduit au double de grandeur naturelle.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
y sont gravés. Ce sont presque toujours des représentations d'animaux du pays, lions et taureaux
en première ligne, puis les bêtes à cornes, telles que chèvres sauvages, mouflons, antilopes et
même cerfs, ensuite des poissons, des serpents, des scorpions, et enfin des animaux fantastiques.
La figure humaine est des plus rares, et quant aux ornements géométriques, ils remplissent sou-
vent les vides entre les animaux, et même parfois occupent tout le champ de l'empreinte.
Je donnerai donc la description de chacun des cylindres qui viendront se ranger dans l'une
ou l'autre de ces catégories, en signalant au fur et à mesure les différences de facture que j'ai pu
remarquer. Ces différences sont souvent fort difficiles à saisir, car, comme je l'ai dit, les em-
preintes sont loin d'être nettes et ne présentent le plus souvent aucun détail ; à première vue, on
ne distingue guère sur les tablettes que des lignes et des reliefs souvent incohérents, et ce n'est
qu'après un examen très attentif, à la loupe et dans diverses positions, pour obtenir un jour fri-
sant, qu'on finit par pouvoir comprendre le sujet représenté. Heureusement, nous avons, le plus
souvent, plusieurs exemplaires de la même empreinte; c'est ce qui m'a permis d'en faire des des-
sins très exacts, dans lesquels je me suis efforcé de reproduire, autant que possible, le caractère
particulier de chacun des originaux, et que je reproduis toujours de grandeur naturelle.
LIONS
De tous temps, le lion a été un des animaux qui ont le plus frappé l'imagination des hommes,
et peut-être même celui que les artistes ont le plus souvent reproduit. Dans les cachets chaldéens
à sujets mythologiques, aussi bien que sur les grands tableaux de chasse des rois assyriens, nous
voyons très fréquemment représenté (i) le petit lion mésopotamicn qui devait être alors la
terreur de la contrée, et dont la race n'est pas encore éteinte aujourd'hui.
A Suse, nous l'avons déjà vu, formant le sujet principal de deux cachets ; rien d'étonnant
si nous le retrouvons comme un des motifs préférés des graveurs de cylindres, qui le reproduisent
avec une simplicité schématique, mais pleine de vie et d'énergie, dans
plusieurs de ses postures, comme un animal qu'ils ont eu le loisir d'étu- Q
dier de près.
Quoique le lion paraisse le plus souvent, comme nous le verrons
plus loin, en parallèle avec le taureau, il est aussi parfois représenté seul,
et, dans ce cas, nous avons toujours deux individus fiirurés svmétriquc- ,. ^ , „
' o . 1 Ik;, 1 2, — dniiuleur naturelle.
ment, absolument semblables et se faisant pendant.
Le premier cylindre de cette catégorie, imprimé sur un morceau d'argile, nous montre deux
(i) Pour les particularités zoolot,'iques, comme pour ce qui a trait aux représentations assyriennes des animaux
figurés sur nos cylindres, je renvoie le lecteur à l'étude du Rev. W. Houghton. On thc Mammalia of tlie ARsyrian
Sculptures. Dans les Transactions de la Société d'archéologie biblique, V, p. 33-64 et 519-3S3. Pour le lion plus spé-
cialement, V. p. 322-326.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
lions debout sur leurs pattes de derrière, se tournant le dos, tandis que les têtes, placées en
sens inverse, se regardent; les queues se dressent en s'entrelaçant, et l'une des pattes de devant
se relève tandis que l'autre pend simplement, ce qui donne à ces animaux une allure qui rappelle
celle de nos lions héraldiques (fig". 12). L'empreinte a fort peu de relief, et ne laisse distinguer
qu'un détail, la gueule ouverte et la langue qui pend.
Sur un autre morceau d'argile, où l'empreinte est peut-être moins nette encore, nous retrou-
vons un sujet presque semblable, mais ici, ces animaux, toujours
adossés et retournant la tête, sont assis sur leur arrière-train et fière-
ment campés des pattes de devant (fig. 1 3). Les queues se recroisent
r^ quatre fois, divisant ainsi le cachet verticalement en deux parties.
« IT '^^'^^^/j^^ Wi < ^'^^ crinières sont indiquées très sobrement par deux petites mèches
^"^ ~~ -"- saillantes devant le cou et, à l'opposite, par une proéminence très
a.j.
Fig. 13. — Grandeur naturelle. marquée, au-dessus du garrot. Entre les lions, deux petits animaux
placés l'un au-dessus de l'autre me paraissent représenter des tortues.
Nous revoyons les deux lions retournant la tête sur des cachets imprimés au revers de deux
tablettes ; cette fois-ci, ils sont presque couchés, se rele-
vant légèrement sur leurs pattes, dont les extérieures seules
sont dessinées (fig. 14). On ne distingue plus des queues
que l'extrémité enroulée, la gueule n'est pas indiquée, et
le contour seul de la crinière est marqué. Entre les deux
lions, une sorte d'arbre à trois branches relevées. I ~ ' '
riG. 14. — Grandeur naturelle.
Enfin, du dernier cylindre de ce type, empreint sur
une petite motte d'argile, il ne reste que la partie supérieure, qui repré-
sente deux lions marchant, la queue en l'air, regardant toujours derrière
_^ç? j) n. 'L__b^ ' ^^^ ' '^'-'^ ^^ contour des muscles des jambes est serti d'une ligne en relief.
o ((Si^N/ffi-^î) <" De même que pour les trois autres, nous ne voyons aucune trace d'outil,
Fig. 15. — Grandeurnaturciie. et Ics formes, tracées souplement, sans difficulté, nous montrent bien
que ces cylindres, comme ceux qui nous sont parvenus, étaient en
pâte, non en pierre dure (fig. i ^).
Quand le lion apparaît, non plus seul, ni en parallélisme avec le taureau, mais accompa-
gnant d'autres animaux, il a l'air de n'être là que pour remplir un vide : je n'ai trouvé de ce fait
que deux exemples. Dans l'un de ces cylindres, qui représente une antilope suivie de deux tau-
reaux de tailles et de formes différentes, un lion se tient assis au-dessus du plus petit des tau-
reaux ; sa tête est énorme, sa crinière très développée, et la queue se dresse pour se recourber à
son extrémité. Beaucoup plus petit que les trois autres animaux figurés sur ce cachet, le lion
paraît ici jouer un rôle tout à fait accessoire (fig. 16).
Il en est de même pour un cylindre représentant des cerfs, que je reproduirai plus loin
(fig. 46). Au-dessus de chacun de ces animaux est couché un lion, ici aussi de dimensions
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
L
G.J.
FiG. i6. — Grandeur naturelle.
beaucoup moindres, qui remplit exactement le vide laissé entre le dos du cerf et le bord supé-
rieur, et qui ne semble être là que dans le but d'équilibrer la composition ; en effet, si le graveur
avait voulu représenter un lion terrassant un
cerf, il s'y serait certainement pris d'une ma-
nière toute différente, et lui aurait donné, en
tous cas, plus d'importance qu'à sa victime.
Ici la queue est pendante, et quant à la tête,
elle a disparu sur chacune des quatre tablettes
qui nous ont conservé des empreintes de ce
cachet.
Si les graveurs susiens ont donné avec
prédilection à leurs taureaux des attitudes extraordinaires, comme nous le verrons plus loin, ils
ont aussi cherché à représenter le lion dans la même posture étrange, qui le rapproche plus de
l'homme que de la bête, et où je serais presque tenté
de voir l'image d'une divinité : un cylindre, assez mal
imprimé au revers d'une tablette, nous montre deux
lions (la forme très bien indiquée des membres posté-
rieurs ne permet pas d'y reconnaître d'autres animaux),
debout sur les pattes de derrière et croisant sur la poi-
trine celles de devant, traitées comme les bras d'un
homme dont les deux coudes seraient écartés du corps
autant que possible. De la tête on ne distingue que les
deux oreilles; derrière pend une sorte de double queue,
ou plutôt les deux extrémités d'une ceinture (fîg. 17). Les deux lions sont légèrement différents,
l'un plus cambré que l'autre ; entre eux sont figurés des tas pyra-
midaux de petites boules et une sorte de feuille de trèfle.
Parmi les rares cylindres trouvés à Suse, il en est un, en
hématite(?), très grossièrement travaillé à la scie et au burin, qui
représente deux lions debout, la queue en l'air, terrassant des
gazelles qui se dressent en face l'une de l'autre. L'une de ces
dernières a les pattes de devant démesurément longues, touchant
terre, tandis que l'autre, par l'inexpérience du graveur, n'en a
pas du tout (fig. 18). Ce petit monument rappelle beaucoup, par le sujet représenté, ceux qui
sont reproduits par Men.ml (Glyptique orientale, p. 58, fig. 22, 23, 24) ; je ne le cite ici que sous
toutes réserves, ne pouvant rien affirmer quant à sa date.
G.J.
Fig. 17. — Grandeur naturelle.
Fig. 18. — Grandeur naturelle.
10
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
TAUREAUX
Dans les temps anciens, un des animaux sauvages les plus redoutables de la Mésopotamie
était Vurus ou bas primigenius, dont la race est actuellement éteinte, au moins dans ce pays. De
même que les Chaldéens et les Assyriens, les graveurs susiens l'ont souvent figuré sur leurs
intailles, à peu près de la même manière, et nous pouvons aisément reconnaître cet animal, dont
la structure générale est indiquée le plus souvent d'une manière très caractéristique.
Le cylindre que j'ai reproduit plus haut (fig. i6) porte deux représentations de taureaux, dont
l'empreinte un peu fruste et très incomplète permet toutefois de distinguer la large tête à l'unique
corne recourbée, exactement comme la figureront plus tard les sculpteurs assyriens, et la queue
pendant tout droit. Les deux bêtes sont différentes : l'une a le cou plus allongé, l'autre porte une
crinière qui fait saillie à la naissance des jambes, et des toufifes de poils se détachent à la hauteur
des genoux, particularité qui semble un peu in-
~ ^ solite chez un animal de cette espèce et rappel-
^^3^ lerait plutôt le mouflon à manchettes figuré sur
le même cylindre ; il faut sans doute n'y voir
qu'une confusion du graveur.
Le plus beau et le mieux conservé des
cylindres de cette série nous montre des taureaux
marchant vers la gauche, d'une allure extrême-
ment naturelle, qui ^contraste avec les postures
un peu raides des animaux représentés sur les
autres cachets. Le corps, épais et lourd, très ensellé, est supporté par des jambes bien propor-
tionnées, très justes de mouvement ; la grosse tête, fort expressive avec son œil posé de face, est
surmontée de la grande corne recourbée ; la queue retombe,
^ ^ I II II _. III I II ■m I
terminée par une triple toufïe de poils. Les bêtes sont sépa-
rées par une plante à sept feuilles lancéolées, se dressant
tout droit (fig. 19).
Nous retrouvons le même souci du naturel dans une
représentation analogue, avec une recherche de perspective
curieuse, quoique un peu naïve. Le taureau, dirigé vers la
droite et bien campé sur ses jambes de devant, retourne la
tête à gauche ; le corps est de profil, la tête aussi, mais
toute l'avant-main est représentée de face, d'une façon qui
n'est pomt choquante à l'œil (fig. 20). Les cornes, qui se dressent de chaque côté d'une forte protu-
bérance, au sommet de la tête, sont à double courbure et assez minces, ce qui semble indiquer
Fig. 19. — Grandeur naturelle.
'.i ic>.
FlG. 20. — Grandeur naturelle.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
ir
une race bovine autre que l'urus, mais que je ne puis déterminer exactement. De chaque côté, un
taureau beaucoup plus petit est debout dans la même position, mais ne porte sur la tète que la
grosse corne à courbure simple. Les vides du champ sont comblés par des croix alezées. La
partie inférieure du cachet n'est pas visible.
Un grand cylindre en pâte blanche, très bien conservé, sur lequel j'aurai à revenir plus loin
(v. pi. I, fig. 2) porte à sa partie inférieure trois animaux semblables, marchant vers la droite,
dont la tète, représentée de face, avec son frontal très large et son museau carré, et surmontée
de deux cornes, paraît bien devoir appartenir à un individu de la race bovine. Le travail en est du
reste très sommaire.
Les taureaux ne sont pas toujours représentés au naturel ; souvent les graveurs susiens ont
adapté leurs formes générales à des figures bizarres
dont la pose est plutôt celle de l'homme que celle d'un
animal. Au revers d'une grande tablette, nous voyons
une théorie de ces êtres étranges, absolument sem-
blables, debout, dirigés vers la droite. L'exécution est
maladroite et les proportions manquent d'exactitude ;
la tète, très petite et allongée, est surmontée d'une paire
de fines cornes en accolade; les pattes de devant, posées
sur la poitrine, se terminent par une sorte de main à
trois doigts, largement ouverte ; les cuisses sont énor-
mes, et les sabots, tout petits, sortent d'un gros paturon
évasé. Une sorte de caleçon enserre le bas du ventre, et de là pendent par derrière deux rubans,
l'un traînant jusqu'à terre, l'autre de moitié plus court, 'qui peut-être figure la queue (fig. 21).
Un sujet analogue se retrouve sur un cvlindrc d'une exécution plus soignée, dont l'em-
preinte nous est conservée au revers d'une autre tablette. Les deux animaux représentés, diffé-
_____________^ rents l'un de l'autre, sont agenouillés, le buste droit, et
tournés vers la gauche, les pattes de devant toujours dans
la même position, repliées à la hauteur de la poitrine ; le
ventre est proéminent et les cuisses très fortes. Le premier
de ces animaux a une grosse tête au chanfrein busqué
surmontée d'une forte protubérance, de deux cornes
arrondies et d'une mèche se recourbant en avant ; d'autres
mèches de poils pendent de l'avant-bras, et la queue se
replie deux fois derrière la croupe, avant de retomber à
terre. Dans le taureau de droite, nous avons l'autre type de cornes sur une tète plus fine, et la
queue se termine par un gros paquet de poils finissant en pointe (fig. 22). Sur cette empreinte
assez médiocre, on ne distingue que vaguement les objets accessoires, des lozangcs striés et une
sorte de fleur de lotus sur une tige droite surmontée d'un disque ailé (?).
Fig. 21. — Grandeur naturelle.
Fig. 22. — Gr.mdeur naturelle.
12
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
r^-g^^^ ^T^
Û.J
Plus étrange encore, presque grotesque, un autre cylindre, également sur une tablette, nous
montre deux individus de la même espèce, agenouillés en face l'un de l'autre. Celui qui est tourné
à droite est petit et trapu, au corps informe, la
tête à la corne unique plantée gauchement sur
un cou trop mince ; ses pattes de devant ne sont
guère que des moignons tenant un petit objet
rectangulaire ; la queue remonte obliquement
pour se terminer par un enroulement. L'autre
animal, qui lui fait face, est encore bien plus
disproportionné: de longues jambes, des cuisses
monstrueuses sur lesquelles s'étale un corps très court d'une épaisseur invraisemblable (fîg. 23).
Les pattes de devant sont de vrais bras d'homme, l'un replié derrière la tête, .l'autre tendant en
avant un faisceau de flèches(?) ; la queue, qui commence par se relever, se coude brusquement à
angle droit. La tête, avec sa corne arrondie, indique que les deux bêtes sont de la même espèce.
Parfois aussi, ces êtres sont représentés de face ; nous n'en avons que des fragments d'em-
preinte, l'un très flou, qui nous les montre dans une allure rappelant un peu le Moloch syrien.
FiG. 23. — Grandeur naturelle.
4
A
^ t-
FiG. 24-26. — Grandeur naturelle.
les autres qui ne nous donnent que le bas du corps, avec des cuisses striées longitudinalement,
semblables plus à celles d'une grenouille qu'à celles d'un taureau (fîg. 2.4-26).
Je crois reconnaître des veaux dans des animaux au corps jeune, porté sur de grandes jambes
FiG. 27. — Grandeur naturelle.
grêles, sujet principal d'un cylindre roulé .sur une motte d'argile ; la tète, petite et arrondie.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
est plantée très naturellement sur un cou mince. Leur allure, pleine de vérité, contraste avec
celle des antilopes inhabilement dessinées qui les surmontent (fig. 27). Derrière eux, une branche
recourbée, garnie de ses. feuilles.
LIONS ET TAUREAUX
""'^ '^'^^fa)
Ls. ^
^MDrjJfimi
Fig. 28. — Grandeur naturelle.
La légende babylonienne nous raconte les luttes qu'eurent à soutenir Gilgamès et son ami
Eabani avec le lion et le taureau, les deux fléaux de la contrée, avant d'entreprendre leur expé-
dition contre le roi d'Elam. Les cylindres chaldéens de la plus ancienne époque donnent souvent
la représentation de ces combats(i), mais il est curieux de retrouver à Suse même, la capitale du
pays conquis par le mythique héros mésopotamien, les
deux mêmes animaux, qui furent ses adversaires les plus
sérieux, figurés côte à côte sur plusieurs monuments datant
d'une époque qui doit correspondre à peu près à celle
qu'il symbolise. Je me borne à signaler ici ce singulier
rapprochement, sans vouloir en tirer des conclusions qui
ne pourraient être que hasardeuses.
Les deux premiers cylindres de cette série, imprimés
sur des tablettes, ne nous donnent guère que des sil-
houettes. Ici, les deux animaux se suivent à une allure très calme, et si le lion a pas mal de carac-
tère, avec sa tête bien dessinée, sa crinière bouf-
fante et sa queue élégamment enroulée au-dessus
du dos, le taureau est très inférieur comme dessin :
la tête et le cou surtout (fig. 28) ressemblent plus
à ceux d'un solipède qu'à un individu de la race
bovine, et les cornes ont une courbure tout à fait
insolite. Quant au petit animal couché au-dessus
du dos du taureau, qui fait penser à un cheval, je
ne puis guère le déterminer, étant donnée la mala-
dresse de l'artiste. Sur l'autre cachet, les deux bêtes
sont stviisées d'une manière tout à fait particulière,
avec leurs jambes posées obliquement, indiquant comme un arrêt brusque, et leurs grosses têtes
informes retournées en arrière, qui ne manquent pas d'expression (fig. 29).
Une autre empreinte incomplète, quoique plusieurs exemplaires nous en soient parvenus,
sur des morceaux d'argile, nous montre un travail beaucoup plus soigné. Derrière un lion de
Fig. 29. — Grandeur naturelle.
(i) Cf. Menant, Glyptique orientale, I, fii,-. 31, 55, .10, 41, 42, 43, 47, 48. 49.
14
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
G.Ô
Fie. 30.
Grandeur naturelle.
petite taille, dont toute la partie antérieure manque, s'avance un énorme taureau qui occupe pres-
que toute la hauteur de l'intaille ; sa tête, représentée de face, est ornée d'une forte barbe, et
au-dessus s'élèvent, de chaque côté de la protubérance crânienne,
très accentuée, deux grosses cornes rondes. Le cou est large et
court, recouvert d'une épaisse toison striée qui descend jusqu'au
bas du poitrail. La seule faute importante de dessin est dans
une des jambes postérieures, dont l'attache est très maladroite,
mais malgré cela ce cylindre est un des plus intéressants que
nous possédions. Les vides du champ sont occupés par des
rameaux couverts de leurs feuilles et par un ornement en forme
de cœur (fig. 30).
Je reproduis ici, sans toutefois pouvoir en garantir l'exac-
titude absolue, tant ce cachet est flou et incomplet, une empreinte qui se trouve au revers
d'une tablette. Le sujet, toujours le même, se répète sur deux registres qui empiètent l'un sur
l'autre: le taureau, renversé complètement, la croupe en ______
l'air et retournant la tête, est suivi par un lion de plus
grande dimension, la queue dressée, les pattes de derrière
légèrement repliées, tandis qu'une de celles de devant est
tendue vers le taureau. La tête, un peu lourde, devait
être travaillée très finement, autant que nous pouvons
en juger par certains détails de la crinière que nous
pouvons distinguer encore, entre autres de petites mèches
à la hauteur des yeux. Entre les deux animaux, il paraît
y avoir une sorte de croix ansée, mais peut-être ce motif,
très peu distinct, n'est-il autre chose que l'extrémité de la patte du lion tenant une des jambes du
taureau, posée horizontalement ; tous les
efforts que j'ai faits pour arriver à com-
prendre ce détail ont échoué devant la mau-
vaise conservation de l'original (fig. 31).
Une scène beaucoup plus compliquée
forme la transition entre la figuration
naturelle des animaux et leur représen-
tation dans la posture anthropomorphe
dont j'ai parlé plus haut; ici nous voyons,
sur un cylindre admirablement travaillé,
un lion domptant deux taureaux, et, réciproquement, un taureau matant deux lions. La figure
principale du premier groupe est debout, comme un homme, le buste posé de face et la tête de
profil, tenant dans ses griffes, de chaque côté de lui, deux petits taureaux qui se cabrent. Les
Fig. 31. — Grandeur naturelle.
Fie. 32. — Grandeur naturelle.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
15-
FiG.
Grandeur naturelle.
détails sont bien étudiés, jusqu'aux petites touffes de poils qui s'échappent de la crinière et
même quelques indications de muscles ; les poses sont très décoratives. Dans le groupe qui fait
pendant et dont malheureusement toute la partie supérieure
a disparu, le taureau appuie ses deux sabots de devant sur
la tête de deux petits lions accroupis, la queue dressée. Une
sorte de mamelle pendant devant le torse de l'animal prin-
cipal pourrait faire croire qu'il s'agit d'une femelle, mais ce
détail se trouve dans la partie la moins distincte de l'em-
preinte, et il est possible qu'il représente toute autre chose,
peut-être une crinière (fig. 32).
Enfin nous retrouvons les deux animaux sous la forme
la moins naturelle, chacun à genoux sur un petit bateau dont
la proue et la poupe sont également relevées, naviguant entre des roseaux
représentés d'une manière très rudimentaire que nous retrouverons plus
tard. Le taureau et le lion, vus de profil, ont des bras qui se détachent du
corps l'un au-dessus de l'autre, tenant dans leurs triples griffes une sorte
de gaffe terminée en fourche ; la tète du premier porte une paire de petites
Fig. 34. — Grandeurnaturelie. corncs recourbécs en dehors (fig. 33).
Sur un petit cylindre en pierre noire, d'une époque douteuse, on voit
la lutte du lion et du taureau, ou plutôt la poursuite de celui-ci par celui-là. Les deux animaux
sont bien dessinés, pleins de vie, et le travail, très soigné, ne laisse plus voir les traces d'outils
(fig- 31)-
chKvres sauvages
L'icgagre (i), de nos jours encore, vit, par bandes parfois nombreuses, dans les montagnes
du Louristan, et les habitants de Suse ont dû le connaître de tous temps. 11 n'y a donc pas lieu de
nous étonner si nous retrouvons son image sur les plus anciens monuments du pavs. C'est, en
effet, cet animal que je crois reconnaître à ses cornes longues et recourbées, sur plusieurs de nos
cylindres.
Ces animaux sont figurés avec un art consommé sur un très beau cylindre en pâte fine recou-
vert d'une légère couche d'émail verdâtre, le meilleur spécimen de ce genre de monuments qui
nous soit parvenu (2); il suffit d'un rapide examen pour voir qu'il est contemporain de ceux qui
sont imprimés sur les tablettes, mais ici au moins, comme les moindres détails du relief sont admi-
rablement conservés, il est facile de se rendre compte des procédés du travail et de juger de l'ha-
(i) V. Houj^hton, Trans. 0/ Soc. Bibl. Arc/i., V, 340-542.
(2) V. pi. 1.
i6
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
FiG. 3)
Grandeur naturelle.
bileté des anciens ciseleurs de Suse, de leur connaissance approfondie de la nature et de la délica-
tesse avec laquelle ils savaient en rendre les moindres détails. Sur ce cylindre, nous voyons
d'abord, dans le bas, trois œgagres au corps trapu et solide, aux jambes fines, marchant d'un
pas mesuré vers la gauche, la tête relevée presque horizontalement. Les naseaux sont retroussés,
l'œil largement fendu, l'oreille, très petite, placée en arrière de la tête; les cornes épaisses et
recourbées sont couvertes de stries très rapprochées. Le corps est recouvert d'une épaisse toison
bouclée, sauf sur l'épaule et la cuisse, où les poils sont
figurés dans le sens de la longueur, ce qui produit un
très heureux cfiFet en dessinant nettement les membres.
— Au-dessus gambadent parmi des plantes trois ani-
maux remarquablement naturels d'allure, dans lesquels
je crois reconnaître deux antilopes et un cerf (PI. I, fig. i).
La seule représentation vraiment bonne de la chèvre
sauvage se trouve sur un cachet où sont figurés deux indi-
vidus de cette race, légèrement différents l'un de l'autre.
De la tête triangulaire pend une forte barbe ; les cornes,
très longues, se recouvrent l'une l'autre, la bête étant
dessinée de profil, et ainsi une seule est figurée; il en est de même pour les jambes, repliées
comme si l'animal était en marche. Malgré le manque de détails, il semble qu'une épaisse
toison couvrait la poitrine. Le bas des jambes est indis-
tinct, et la partie postérieure d'un des animaux a dis- '^ ""' '" "" . "■""■'
paru ; quant aux accessoires qui remplissent le champ,
on ne distingue plus guère que des feuilles en fer de
lance, montées sur une tige droite (fig. 35).
C'est sans aucun doute le même animal qui est
représenté de la façon la plus rudimentaire dans un
cylindre imprimé sur une motte d'argile. Lancées au
grand galop, ces bêtes ont les pattes figurées par de
simples lignes droites, et le reste du dessin est à l'ave-
nant. Il est très possible que ce cachet ait été gravé sur
pierre et non sur pâte, comme les autres, auquel cas la difficulté plus grande du travail expli-
querait l'infériorité du dessin (fig. 36).
Je ferai la même remarque pour deux autres cylindres dans lesquels toutes les formes sont
traitées par des lignes droites se recoupant brusquement ; les cornes seules sont arrondies et se
dessinent, dans le premier de ces cachets, l'une au-dessus de l'autre, tandis que sur le second, elles
se recourbent en sens inverse, de chaque côté de la tête. Sur celui-ci, plus détaillé, les corps sont
striés de lignes obliques, les têtes indiquées par des cercles concentriques faits sans doute à la boute-
rolle, d'où sort un museau triangulaire (fig. 38). Dans l'autre, les bêtes sont représentées une fois
G.J.
Fig. 36. — Grandeur naturelle.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
17
sur leurs pattes, l'autre fois la tète en bas, de sorte qu'on peut le voir indifféremment dans les
deux sens (fig. 37).
FiG. 37 et 3?
Grandeur naturelle.
Sur un cylindre en pâte (i), dont j'ai parlé plus haut à propos des taureaux qui ornent sa
partie inférieure, on voit dans les deux autres registres deux types d'animaux semblables à ceux
dont je viens de parler: ceux du haut ont la tête de profil, triangulaire, ornée de deux cornes
recourbées, l'une en avant, l'autre en arrière. Les trois qui sont au-dessous présentent leur tête
de face et portent des cornes beaucoup plus longues et moins courbes, dirigées dans le même
sens. Quant au troisième animal du registre supérieur, qui a aussi la tète de face, mais un museau
beaucoup plus large, une cassure empêche de voir ses cornes, par conséquent de le déterminer.
Il n'est, du reste, pas possible de tirer des conclusions de ce cachet, dont la facture est très sommaire :
les animaux, assez maladroitement dessinés, sont indiqués en relief plat, serti de lignes un peu
plus accentuées, qui délimitent simplement les membres; c'est ce qui fait qu'en somme on pour-
rait aussi bien voir des antilopes que des chèvres sauvages dans les animaux représentés sur la
bande du milieu.
Nous retrouvons ces deux types de cornes dans un cylindre roulé deux fois sur un bouchon
de vase en terre, qui porte les représentations de sept animaux différents, parmi lesquels doux
)'■
?€"iàc^OiMt
FlG. 39. — Grandeur naturel
chèvres sauvages; la première, dont une seule corne est figurée, porte une forte barbe sous le
maxillaire inférieur, la seconde, aux deux cornes opposées, n'a pas de barbe. Il s'agit, sans doute,
de deux espèces différentes (fig. 39).
(i) V. pi. I, fig. 2.
i8
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
GAZELLES
De même que les chèvres sauvages dans les montagnes, les gazelles abondent dans le désert
qui borde la Mésopotamie et la Susiane(i). Sur plusieurs cylindres nous reconnaissons les cornes
à double courbure, analogues à celles que nous avons vues pour certains taureaux, mais plus
___^ ,___ , longues. C'est, malheureusement, le seul
indice qui nous permet de les identifier, car
les corps, sans doute par inexpérience de l'ar-
tiste, n'ont guère de caractère particulier, et
pourraient appartenir à n'importe quelle
espèce de capridés.
Un de nos plus grands cachets, le plus
important de cette série, représente une
théorie de ces animaux, marchant vers la
gauche, tous semblables, avec de grandes
cornes, une barbe longue et recourbée sous
le menton, et des manchettes aux jambes, ces
derniers caractères étant, comme je viens de
le dire, plutôt ceux d'autres animaux, par
exemple du mouflon. Dans le champ sont des rectangles doubles, en forme de pelle, et en haut,
comme bordure, un ornement dentelé en croissants, entre deux bandes horizontales, tandis que la
bordure du bas, plus étroite, se compose simplement de deux lignes parallèles en relief (fig. 40).
Les animaux figurés sur un autre cylindre, dont nous avons plusieurs empreintes sur des
G.J.
Fie. 40. — Grandeur naturelle.
Fig. 41. — Grandeur naturelle.
morceaux d'argile, se rapprochent davantage du type de la gazelle, quoique leurs corps soient
(i) Cf. Houghton, Trans. 0/ Soc. Bibl. Arc/i., V, 346.
CACHETS FT CYLINDRES ARCHAÏQUES
19
un peu lourds et leurs jambes un peu courtes. Ils sont couchés, retournant la tête, dans des
carrés formés par des bandes verticales à médaillons arrondis
contenant chacun l'image d'un objet qui ressemble à un vase,
et en bas, par une large bordure formée comme de mèches qui
s'amincissent et s'enroulent à leur extrémité inférieure. Au point
de vue de la composition ornementale, ce cachet, seul de son
espèce, est des plus intéressant (fig. 41).
Un autre cylindre, gravé sans doute sur pierre, nous a
donné une empreinte très nette, à part, toutefois, l'extrémité
des têtes. Le travail en est assez mauvais : le graveur a beaucoup
exagéré les cornes, qui lui paraissaient la partie la plus caracté-
ristique de la bête ; les corps sont informes et les jambes simplement indiquées par des traits
obliques, séparés du corps (fig. 42).
V //// //// n
G.J.
Fig. 42. — Grandeur naturelle.
ANTILOPES
Je classe sous ce terme un peu général plusieurs représentations d'animaux portant sur la
tête de longues cornes, recourbées plusieurs fois et de différentes manières. Jamais, sur les bas-
_ reliefs assyriens, nous ne retrouvons ces espèces, aussi, leur identi-
fication exacte ne me parait pas possible pour le moment (i).
Nous en avons déjà vu un exemple sur un cylindre reproduit
plus haut (fig. 27) qui. donne l'image de bêtes couchées, dont la
jambe de derrière est dessinée d'une façon insolite. Les cornes, très
longues, sont différentes comme forme de celles qui ornent la tète
d'autres animaux, sur un cylindre beaucoup plus soigné, dont un
fragment d'empreinte seulement nous est parvenu. Ici, les antilopes
sont dressées sur leurs pattes de derrière, aux cuisses énormes; les
pattes de devant sont repliées, et le cou, retourné, supporte une tête
d'où pend une longue barbe ondulée. Dans les accessoires, très
incomplets, je ne distingue qu'une sorte de feuille de lierre. L'autre bête, qui faisait pendant à
celle que je viens de décrire, était différente pour la forme des cornes et sans doute aussi pour
le corps, qui a presque complètement disparu (fig. 43).
J'aurai à revenir plus loin sur un cvlindrc qui nous montre, derrière un griffon étrange, une
antilope lancée au galop, d'une très belle allure. Les cornes, à quadruple courbure, sont presque
Fig. 43. — Grandeur naturelle
(i) Cf. Houghton, Trans. of Soc. Bibl. Arch.. V, 345
20
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
^⻫=@
FiG. 44. — Grandeur naturelle.
aussi longues que le corps ; la tète, à peu près ronde, aux naseaux bizarrement retroussés, s'at-
tache sur un cou très fin d'abord, puis se terminant
par un gros fanon, d'où se détachent trois petites
boucles de poils. Des petites touffes semblables
sont figurées à la naissance de chacune des pattes
(fig- 44)-
Elle est peut-être mieux dessinée encore, cette
bête qui galope au-dessus
d'un monstre, et dont, mal-
heureusement, la tête manque; la partie antérieure du corps et le
détail du garrot sont d'un vrai artiste, tandis que l'arrière-train est peut-
être un peu grêle. La corne, qui se termine en fourche, est curieuse
de forme.
Sur le grand cylindre en pâte, dont j'ai parlé plus haut, à propos des
chèvres (pi. I, fig. i), nous voyons galoper dans le haut, avec une vérité
d'allure tout à fait remarquable, deux animaux à longues cornes presque
droites dans lesquels je ne puis voir autre chose que des antilopes; la tète
est très fine, le chanfrein et les naseaux bien indiqués, ainsi qu'une longue fig. 45. — Grandeur naturelle,
barbe droite. Il faut remarquer tout spécialement le dessin parfait des
pattes et leur mouvement si naturel. Tout cela fait de ce petit objet un monument artistique de
premier ordre (fig. 45).
CERFS
Ce n'est que sur un seul cylindre, reproduit en plusieurs exemplaires sur des tablettes, que
, , „ _ _^ nous voyons apparaître le cerf, de l'espèce méso-
potamienne sans doute, figuré ici avec un corps
lourd, un cou très court, mais avec des cornes fort
caractéristiques dont une a disparu, ainsi que le
bas des jambes et la tête du lion qui complète la
composition. Il ne peut y avoir aucun doute pour
l'identification de cet animal, facilement reconnais-
sable malgré les défectuosités du dessin (fig. 46).
Sur le grand cylindre dont il vient d'être
question (pi. I, fig. i), à côté des chèvres sauvages
et des antilopes, un autre animal paraît bien repré-
senter un cerf, à en juger par ses cornes très ramifiées, recourbées à angle droit; une toison
bouclée recouvre le cou et le corps, tandis que les pattes semblent nues. Ce quadrupède, aussi
Fig. 46. — Grandeur naturelle.
kmaillep:
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
bien travaillé et aussi naturel d'allure que ceux qui l'accompagnent, n'a cependant pas un caractère
aussi précis dans les formes, et nous ne pouvons l'identifier qu'avec beaucoup de réserves.
QUADRUPÈDES DIVERS
Sur un fragment d'empreinte d'un cylindre vraisemblablement gravé sur pierre, se dresse,
campé drôlement sur trois jambes, un petit animal à la tête triangu-
laire portant un gros œil rond et deux oreilles pointues ; sa queue est
très courte (fig. 47). Cette représentation très simplifiée semble être
celle d'une sorte de chien. Quant au travail, il est le même que sur deux
autres cachets, reproduits plus haut (fig. 37 et 38), où sont figurées
des chèvres sauvages.
Fig. 47. — Grandeur naturelle.
G.J.
Fig. 48. — Grandeur naturelle.
Nous retrouvons la môme silhouette avec les oreilles plus petites
toutefois, sur un cylindre dont j'ai déjà parlé (fig. 39) où sont reproduits, outre deux aegagres
. et deux têtes coupées à cornes légèrement courbées,
plusieurs autres animaux. Au registre supérieur
d'abord, devant le chien, si c'en est un, que je viens
de mentionner, deux bêtes d'une allure approchante
marchent vers la droite, mais ils ont le dos plus
renflé et la tête plus petite, sans indication d'oreilles.
Au-dessous, un singe (?) accroupi semble tirer la
queue d'une des chèvres, et derrière lui, un gros
oiseau, au cou fortement recourbé, ressemblant un peu à un dindon, se tient debout sur ses
deux pattes. Je n'ai rencontré sur aucun autre de nos cylindres de
figurations de ces deux animaux.
Je ne puis déterminer un mammifère qui se trouve représenté
en deux tailles différentes, la tête ronde à oreilles droites et la queue
courte étant des particularités par trop insuffisantes (fig. 48). Les
végétaux qui accompagnent ces figures sont plus curieux : la tige
droite, plantée au sommet d'un petit monticule, se recourbe brusque-
ment, donnant naissance à deux rameaux, parallèles ou obliques
l'un par rapport à l'autre et terminés par une sorte de fruit ovoïde.
Il me reste à citer ici deux cylindres très fragmentés, imprimés
sur des mottes d'argile, où se trouvent figurés des quadrupèdes
qui doivent appartenir soit au genre des capridés, soit à celui
des antilopes. Sur le premier (fig. 49), l'animal est représenté debout, vu légèrement en raccourci,
dans un curieux essai de perspective, remarquable surtout par la pose très naturelle de l'arricre-
FlG. 49. — Grandeur naturelle.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
V
/,\
V
\
^-^
train. La tète a entièrement disparu. Les ornements qui l'accompagnent, formés de courbes
striées de lignes obliques, sont trop incomplets pour qu'on
puisse les définir.
Sur l'autre cachet, dont nous possédons deux fragments
qui ne se raccordent pas, nous voyons des animaux debout,
retournant la tète, repliant une des pattQS de devant et rele-
vant l'autre dans un geste très naturel. Malheureusement
le haut de la tête et les cornes ont disparu. Une ligne ver-
ticale aboutit à la naissance de la queue ; derrière sont
couchées des bêtes, de la même espèce probablement, mais beaucoup plus petites et sans cornes.
Leurs pattes sont repliées sous le corps (fig. 50).
FiG. 50.
î
Grandeur naturelle.
ANIMAUX FANTASTIQUES
Fig. 51. — Grandeur naturelle.
A propos des taureaux et des lions, j'ai déjà eu l'occasion de signaler ces êtres bizarres où
les graveurs susiens unissaient des membres d'animaux et des pos-
tures humaines. Ceux qu'il me reste à citer sont plus étranges encore,
et leurs formes plus difficiles à analyser.
Dans un cylindre très flou, au revers d'une tablette, nous voyons
un de ces monstres, debout sur des pattes de taureau, avec une très
courte queue; deux bras sont relevés de chaque côté du corps, et
la tête, de forme rectangulaire, est ornée non plus de cornes, mais de
grandes oreilles rappelant celles du lièvre (fig. 51). L'animal qui
le précède est à moitié détruit, mais nous pouvons encore voir
que sa position était analogue ; la tête, un peu plus fine, a des oreilles un peu plus courtes.
Sur plusieurs tablettes se trouve l'empreinte d'un cachet, en général assez indistinct, dont
______^^^^^^__^__________ la décoration consiste en un animal à peu près semblable, na-
viguant sur une barque entre des toufiFes de roseaux attachés
trois par trois, dont on ne voit plus la partie supérieure. Cet
être est agenouillé sur des pattes qui se terminent par une
triple griffe ; l'abdomen sur lequel sont croisées les mains est
très proéminent ; sur la tète deux grosses oreilles pointues. La
queue, très rigide, est ramifiée comme une branche d'arbre.
Le bateau est dessiné dans tous ses détails : il est court et
haut, arrondi en dessous, avec une proue et une poupe très
relevées, celle-ci légèrement plus grosse ; le bordage est à
Fig.
— Grandeur naturelle.
jour, et le
long de
a coque descendent trois bandes verticales, striées de lignes obliques, qui
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
25
paraissent être simplement un motif décoratif. Au-dessus sont représentés une sorte de boucle
en étrier, dont je ne m'explique pas l'usage, et deux objets dont l'un est un harpon et l'autre
peut-être une rame.
Un corps de lion et des pattes d'aigles, telle est la forme que les Assyriens ont donnée à
quelques-uns de leurs génies, et que nous retrouvons figurée sur un des cylindres reproduits plus
haut (fig. 44). Le anonstre marche lentement, précédant une antilope au galop; sur le dos se
dresse une large aile ; la tête de lion sort dune crinière à triple imbrication de boucles, sur-
montant une protubérance étrange, pointue, qui semble une tête d'aigle, maladroitement fixée au
cou; cette partie du griflfon, qui est la plus curieuse, est malheureusement très indistincte sur
toutes les empreintes, tandis que tout le reste de la bête, malgré le peu de relief du cachet, est
dessiné très correctement et avec beaucoup de vie et d'expression.
Sur un autre fragment d'empreinte, nous voyons encore un monstre des plus bizarres, qui
se dresse, avec son long cou élégamment recourbé, et ses pattes de devant à demi repliées, au-
dessous d'une antilope lancée à toute allure (v. plus haut fig. 45). Cet être fantastique est encore
plus difficile à identifier que le précédent, car nous ne trouvons pas son pareil dans les bas-reliefs
assyriens, au moins à ma connaissance.
HOMMES
La figure humaine, comme je l'ai dit en commençant, est extrêmement rare sur les cylindres
archaïques de Suse. Nous la retrouvons cependant, traitée tout à
fait à l'égyptienne ; les personnages se suivent, marchant à grandes
enjambées, un bras à demi tendu en avant, l'autre recourbé à la
hauteur du crâne ; entre eux une sorte de rectangle posé vertica-
lement représente peut-être une porte (fig. 53). La silhouette de
_______^________^______ l'homme, pleine de vie, dé-
note déjà chez le graveur
beaucoup d'habileté et d'ob-
servation de la nature.
4 ^^ P*^// li;-""\ ^it5Ï ,, . j .
\\ E5b ff. \f^ ~!7 /))&(□ lin en est pas de même
Ô^
r
G.J.
BCMûCCCCCCCC
•ce
OCCCDOGOCI
BonODODCCDOg
DOOinCCCCiDCCOn
Fig. 53. — Grandeur naturelle.
pour le second cachet de cette catégorie, dont nous n'avons
qu'un fragment d'empreinte, très bien conserve. Ici deux
personnages, plutôt ébauchés que dessinés, aux formes
lourdes et maladroites, sont assis en face l'un de l'autre,
levant un bras ; celui de gauche est sur un tabouret à
pieds très bas, l'autre sur une sorte de borne (fig. 54).
(>ette petite scène, dont la signification est assez peu claire, est encadrée par un double rectangle
Fig. 54. — Grandeur naturelle.
24
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
divisé en petites cases par des lignes perpendiculaires, et n'occupait qu'une partie du cylindre,
ainsi que nous pouvons le voir par quelques traces de relief,
qui apparaissent sur la gauche.
Un cylindre en terre cuite, très grossier, aux figures
absolument barbares, semble devoir appartenir à une époque
très ancienne, peut-être contemporaine de celle des tablettes,
car il provient de la même région du tell de Suse. Le dessin
se borne à de simples traits sans épaisseur, tant pour
l'homme debout, les bras écartés, que pour son arc, l'anti-
G.J.
FiG. 55. — Grandeur naturelle.
lope, l'étoile et l'arbre qui complètent la scène (fig. 55).
POISSONS, SERPENTS, SCORPIONS
Parmi les animaux inférieurs, j'ai déjà eu l'occasion de signaler la tortue (fig. 13); il me
reste à mentionner les poissons, dont nous trouvons dans un cylindre reproduit plus haut
(fig. 52) un exemplaire très bien dessiné, pour représenter l'eau au-dessous d'une barque. Parfois
il forme à lui seul le sujet d'une intaille, comme dans ce petit cachet [qui [en représente une série
nageant l'un derrière l'autre, entre deux rangées de petits points traversés de lignes en croix.
Fig. 56-58. — Grandeur naturelle.
Le serpent et le scorpion apparaissent, dressés côte à côte, dans deux cylindres de très petites
dimensions. Sur le premier, ces deux animaux sont dessinés avec beaucoup de naturel, tandis
que dans l'autre, dont la matrice était peut-être gravée sur pierre, on les devine plutôt qu'on ne
les reconnaît dans ces lignes épaisses qui se coupent à angle droit.
ORNEMENTS
J'ai mentionné, au fur et à mesure qu'ils se présentaient sur les cachets reproduits jusqu'ici,
les rudimentaires figurations végétales et les quelques ornements qui remplissent les vides dans
le champ du cylindre, entre les représentations d'animaux. Les uns et les autres ont trop peu
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
25
FiG. 59. — Grandeur naturelle.
d'importance pour qu'il vaille la peine d'v revenir avec plus de détails; il ne me reste plus à
décrire ici que deux empreintes dans lesquelles nous voyons
un ornement régulier occuper toute la surface du cylindre,
devenu ainsi purement décoratif ; toutes deux sont conservées
sur des morceaux d'argile, découverts parmi ceux dont j'ai
parlé jusqu'ici, et appartenant incontestablement à la même
époque.
Sur le premier, c'est une suite de rosaces formées de
cercles concentriques; la zone extérieure, plus large, est
striée de lignes à peu près parallèles, laissant en haut et en
bas du rond un triangle très ouvert (fig. 59). Il faut noter ici
la manière presque parfaite avec laquelle le graveur a tracé
ses cercles, opération plutôt compliquée sur une surface con-
vexe comme celle d'un cvlindre.
Sur l'autre cachet, nous voyons se répéter un motif
composé de trois lignes recourbées en forme de fer à cheval, inscrites l'une dans l'autre ; la partie
supérieure du cylindre manque (fig. 60).
Fig. 60. — Grandeur naturelle.
CONCLUSIONS
Les petits monuments que je viens de décrire ouvrent donc, comme on le voit, un chapitre
tout nouveau dans l'histoire de l'art oriental. Sans atteindre la perfection, ils nous montrent
cependant que les graveurs susiens étaient déjà arrivés fort loin à cette époque si reculée ; bons
observateurs de la nature, ils savaient rendre avec beaucoup de vérité les formes générales et
caractéristiques de l'animal qu'ils voulaient reproduire, et cette recherche de la simplicité et de la
simplification dénote déjà un art qui est très éloigné de la barbarie primitive. Inhabiles sans doute
à graver sur la pierre dure, ces artistes avaient adopté la pâte tendre qui leur facilitait consi-
dérablement la tâche en leur permettant de reproduire leur dessin presque sans difficultés
matérielles.
Un grand pas a été franchi et un progrès énorme réalisé entre les cachets aux représenta-
tions rudimentaires, que j'ai décrits en commençant, et les cylindres imprimés sur nos tablettes.
Il y a plus de distance encore entre ceux-ci et les plus anciennes intailles chaldéennes, celles qui
représentent des épisodes de l'épopée de Gilgamès, les seules qui aient encore une certaine analogie
avec nos cachets et qui en dérivent très probablement. Ici, les graveurs reprennent l'ancien pro-
4
26 CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
cédé de tailler leurs cylindres sur la pierre, mais cette fois avec une assurance et une maîtrise
telles, qu'après eux leur art ne pourra plus que décliner.
Quels sont les monuments qu'on peut classer entre ces deux époques? Nous n'avons point
de documents positifs à cet égard, mais je serais tenté d'y ranger certains cylindres en marbre,
très grossiers comme travail, dont M. Menant reproduit quelques-uns dans son grand
ouvrage (i).
Si l'on veut trouver des objets d'art contemporains des cachets de Suse, ce n'est pas en Méso-
potamie qu'il faut les chercher, mais beaucoup plus loin, en Egypte, où depuis quelques années
de nombreux monuments datant soit des premières dynasties, soit d'une époque qui doit être sensi-
blement la même, sont sortis de terre. Ce n'est pas ici le lieu de faire à ce sujet une étude com-
parée, les documents du reste sont encore trop peu nombreux, dans un pays comme dans l'autre;
je ne ferai qu'indiquer certains points de rapprochement très curieux, qui frappent à première
vue.
De même que les habitants de la Mésopotamie et des pays avoisinants, les Egyptiens se ser-
vaient à cette époque-là de cylindres en guise de cachets, système qu'ils abandonnèrent complète-
ment dès le Moyen Empire, et les employaient pour sceller les grands bouchons d'argile de leurs
jarres (2). Comme ils étaient en possession d'une écriture très décorative par elle-même, ce que
nous trouvons surtout sur ces cylindres, ce sont des inscriptions au nom du propriétaire, mais il
s'en rencontre aussi quelques-uns qui portent des représentations d'animaux très analogues
comme style aux cachets de Susc (3). Ce triple rapprochement, dans des objets d'usage courant,
l'emploi des cylindres, les empreintes sur des bouchons de vases, et les motifs de décoration ani-
male, se retrouvant chez deux peuples si distants l'un de l'autre, semble bien indiquer une ori-
gine commune, surtout si l'on songe que le cylindre, difficile à graver en raison même de sa
forme, et compliqué comme emploi, n'est pas un de ces objets simples dont l'usage s'impose aux
peuples primitifs.
Pour le style même de la décoration et pour les figurations d'animaux, il faut se reporter à
d'autres objets, beaucoup plus soignés, datant aussi des premiers rois d'Egypte. Je veux parler
de ces plaques de schiste couvertes de sculptures extrêmement fines, dont l'usage est loin d'être
encore exactement défini, et qui sont les œuvres d'art les plus importantes de répoque(4). Ici, nous
retrouvons, à côté de grandes scènes historiques, de nombreuses représentations d'animaux qui,
quoique traitées par des artistes certainement de beaucoup supérieurs, offrent avec nos cylindres
(i) Glyptique orientale, I, p. 4)-54-
(2) V. à ce sujet de Morgan, Recherches sur les origines de l'Egypte, II. p. 165-172; 243-244. — Pétrie, Royal
Tombs, I, pi. XVIII à XXIX; II, pi. XIII-XXIV, etc.
(3) Jéquier, dans de Morgan, Recherches, II, p. 257. — Pétrie, Royal Tombs, II, pi. XIV, fig. 101-104.
(4) Heuzey, Bull, de corr. hellen., XVI, p. 307. — Steindorff, A£gyptiace, p. 124 sq. — Jéquier, dans de Morgan,
Recherches, II, p. 265. — Legge, Proc. ofSoc. Bibl. Arch., XXII, 125-138. — Quibell, Hieraconpolis, pi. XXVIII et
XXIX.
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
des analogies frappantes ; c'est la même observation de la nature, le dessin très simplifié qui se
borne à donner, d'un trait pur et net, les formes générales et caractéristiques, l'allure de l'ani-
mal, en omettant les détails sans importance et enfin ce rendu souple et énergique, qui est le fait
d'un artiste possédant à fond son métier.
Il me reste encore à mentionner, dans cet ordre d'idées, certains ivoires sculptés, spéciale-
ment ceux qui ont été trouvés à Kom-el-Ahmar, du même style et d'une facture en tous points
semblable à celle des palettes de schiste (i).
Il serait prématuré de vouloir tirer de ces rapprochements des conclusions relatives à l'ori-
gine commune des deux grandes civilisations de l'Orient ancien, quelque tentantes qu'elles
puissent être. Je me borne donc ici à les signaler, espérant que les fouilles qui nous ont livré, ces
dernières années, tant de documents absolument nouveaux sur ces époques si reculées, et qui sont
poursuivies avec ardeur tant en Égvpte qu'en Mésopotamie, viennent peu à peu apporter quelque
clarté dans cette question si intéressante des origines.
(i) Quibell, Hieraconpolis, pi. XII. — Cf. Pétrie, Nagada and Ballas, pi. LXXVII.
DÉCOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHEMÉNIDE A SUSE
Par J. de Morgan.
Nous n'avons, jusqu'à ce jour, découvert aucune des nécropoles susicnnes: on ne peut, en
eflfet, qualifier de nécropole l'ensemble des sépultures éparscs qui se rencontrent sans groupement
dans les diverses parties des ruines. Les cimetières existent, cependant, car de tout temps Suse
fut un centre considérable de population.
Les habitants de la Chouchan élamite étaient nombreux et, bien certainement, la ville enter-
rait ses morts du commun à proximité de ses murailles. Quant aux rois et aux grands person-
nages, leur dépouille était portée dans un lieu spécial dont Assurbanipal(i) se vante d'avoir
détruit les tombeaux.
La nécropole royale était certainement voisine de Suse, car c'est au moment du sac de
la ville que le roi d'Assyrie profana les sépultures. Elle n'était pas dans les montagnes qui
semblent avoir été indemnes de la visite des troupes ninivites; elle ne se trouvait pas à l'ouest
de la capitale, plaine basse et humide impropre à l'établissement d'un cimetière : c'est donc sur
la rive gauche du Chaour, entre cette rivière et l'Ab-é-Diz qu'il conviendrait de la chercher.
Au temps des Achéménides, alors que la religion dominante dans l'Iran était le Mazdéisme,
des peines très sévères étaient édictées contre ceux qui souilleraient la terre du contact d'un
cadavrc(2) et les populations païennes (3) soumises au Grand Roi durent éviter de rendre publi-
ques leurs pratiques funéraires; il ne put donc exister de nécropole. Seuls les rois et les grands
de cette époque obtinrent, par des moyens détournés, une dérogation à la loi avestique; leurs
tombeaux peu nombreux, sont connus pour la plupart.
(i) Cf. J. .Menant, Annales de l'Assyrie, p. 268 (W. A, I. 111. c. vi, 1. -y). — J. de .Morgan, Mission scicntijique
en Perse, t. IV. Recherches archéologiques, p. 205.
(2) Le Zend-Avesta (trag. 7. — Trad. J. Darmesteter, t. 11, p. loi) dit qu'ils restent impurs à tout jamais. Quant
à la peine corporelle on voit par ailleurs (Vd. VIII et Strab. XV. 14) que c'est la mort. Le Shàyast (II, 76) en t'ait un
crime margarzàn (mortel, inexpiable) et les Rivàyats annoncent que le coupable sera puni dans ce monde et dans
l'autre; on doit l'écorcher vif devant le peuple, le démembrer et le livrer aux chiens et aux corbeaux.
(3) Communément nommées Daêva (Div.) dans le Zend-Avesta.
30
DECOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHEMÉNIDE A SUSE
Après la conquête grecque, Suse, devenue Scleucie d'Oulaï(i), bien que déchue de son rang
de capitale d'empire n'en resta pas moins une cite populeuse (2) et, grâce aux mœurs nouvelles
et à la religion qui supplanta le culte du feu, les nécropoles reparurent; non que l'élément maz-
déen eût renoncé à ses usages, mais parce que, dans une population aussi mélangée que fut for-
cément celle d'une grande cité greco-pcrse, chaque culte suivit publiquement ses rites et les Maz-
déensde cette époque furent, à peu de chose prés, réduits à ce qu'ils sont aujourd'hui, qu'ils vivent
côte à côte avec les musulmans, les chrétiens et les Hindous.
FiG. 61. — Vue de la mosquée de Daniel.
Avec l'avônemcnt de la dynastie sassanidc et le rétablissement des autels du feu, apparurent
de nouveau les tours du Silence et les Charniers tels qu'on en voit encore aux Indes, à Téhéran,
à Yezd, tels que j'en ai retrouvé les traces dans les montagnes du Nord de la Perse (3). Les
(i) Le nom de Suse à l'époque séieucide. Scleucie d'Oiilaï. nous est fourni par une inscription grecque trouvée à
Suse en 1900.
(2) Strabon (I, 131, 133, 144: III, 283, trad. Tardieu) dit que de son temps (HI. 280) l'enceinte de la ville avait
encore t2o stades de pourtour.
(3) J. de Morgan, Mission scientifique en Perse, t. IV. Recherches archéologiques, p. 16.
iiG. 02. — Vue du tombeau des Deux Frères.
^.B.llr0Uft-,JltH
FiG._65. — Vue du tombeau d'un cheikh.
32
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
mages de l'époque sassanide durent être plus tolérants que ceux des anciens temps, car cette
période correspond au plus grand développement du christianisme en Iran ; mais rien ne prouve
que les non-Mazdéens eussent été autorisés à créer des nécropoles officielles. Ces sépultures furent
disséminées et, probablement, faites
clandestinement. Ces considérations
expliqueraient la présence, dans les
ruines de Suse, d'un grand nombre
de tombeaux placés pour ainsi dire
au hasard. Ils appartenaient aux juifs,
aux chrétiens, aux païens dont les
usages n'étaient pas tolérés au point de
laisser publiquement souiller la terre.
Avec les musulmans, les cime-
tières devinrent de nouveau lieux
saints : Suse, encore très peuplée,
répandit au dehors de ses murs les
tombes des fidèles ; le corps de Daniel
fut, dit-on, retrouvé (i), une mosquée
s'éleva rapidement (fig. 6 1 ) et ses alen-
tours se couvrirent de tombeaux.
Quelques cheikhs réputés furent en-
terrés avec plus de luxe que le com-
mun des citadins; on voit encore (fig.
62 et 63 ) leurs monuments ruinés dans
la plaine (2).
Sépultures de l'époque élamite.
— Nous ne connaissons rien encore
des sépultures princièresélamites. Les
rites funéraires devaient être voisins
de ceux de la Chàldée, si nous en jugeons par la communauté des idées religieuses chez les
(i) Cf. Yakout. Trad. Barbier de Meynard, p. 327. — « La dernière place de l'Ahwaz qui tomba au pouvoir des
Musulmans est Sous. On y trouva le corps du prophète Daniel... Par l'ordre d'Omar on arrêta le cours du fleuve dans
lequel on creusa une fosse et on y déposa les cendres de Daniel : puis on rendit aux eaux leur première direction. » —
Suse est citée comme ville existant encore par Ibn-Thaher el-Mogaddessi, par Hamd Allah Mustôfî, par El-Isthakhri,
par El-.Mokri, etc.; d'autre part les restes arabes que nous trouvons dans les ruines appartiennent généralement au xiv--
et au xv= siècles.
(2) Les indigènes prétendent que ces santons datent de l'époque ou Suse était encore une ville importante, c'est-à-
dire du xiv= ou du xv<^ siècle de notre ère au plus tard.
Fig. 64.
Amphore funéraire.
DECOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHExMENIDE A SUSE
33
deux peuples, mais la Chaldée elle-même ne nous a jusqu'ici fourni aucun renseignement à ce
sujet. Seuls les tombeaux appartenant à la classe pauvre ont été retrouvés, et, à Suse, ils sont les
mêmes qu'àWarka, à Moug-heir, à Niffer, etc..
L-IG. t.:
■ Scpultiire dans des amphores.
Les morts étaient souvent enterrés dans le sol de la maison, la corps enfermé dans une am-
phore (fig. 64) ou dans deux longs vases placés bouta bout et joints au bitume (fig. 65). Quelques
perles de pierre accompagnaient seules le défunt. Quant aux tombeaux plus compliqués (i),
renfermant un mobilier de vases, d'armes et de bijoux, nous n'en avons pas encore rencontré.
Sépultures gréco-partiies. — Les sépultures appartenant aux temps qui se sont écoulés
entre la conquête d'.Mexandrc et la restauration sassanide du mazdéisme, c'est-à-dire du
iv" siècle avant notre ère au m' siècle après J.-C. sont disséminées dans le tell dit de la Ville
Royale, occupant principalement la partie centrale et la pointe méridionale. Elles sont profon-
dément creusées dans le sol. Un puits étroit, de 10 à i 5 mètres, donne accès dans une chambre,
soit produite par l'élargissement du puits, soit, suivant la coutume égyptienne (2), placée latéra-
lement. La plupart du temps, des vases grossiers, des fioles de verre et quelques petits objets
sans importance accompagnent seuls le squelette et permettent d'en fixer approximativement la
date (3).
(i) Cf. Lottus, Traveh and researcfies, p. 203, 204 et c!iap. x. — Taylor, Journ. of the AsiaticSoc, vol. XV,
p. 269. — G. Rawlinson, The five Great Monarchies, t. I, p. 87.
(2) Puits funéraires et chambres des mastabas de la nécropole Memphite, à Dahchour. Saqqarah, etc.
(5) M. Dieulafoy a découvert dans le tell de la Ville Royale bon nombre de ces puits funéraires (cf. l'Acropole de
Suse, p. 426, flg. 274). Quelques-uns renfermaient des médailles {id.. p. 456. ilg. 521); tous semblent appartenir à la
période parthe. Le même auteur(/if.. p. 436, fig. 320) attribue à Pliraates //(136-127 av. J.-C.) une médaille de bronze
alors que cette monnaie, de môme que le n» suivant, appartient à un certain Kamnaskirès, peut-être à celui qui monta
5
34 DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉ:NIDE A SUSE
En Cbaldée, on rencontre fréquemment, à Niffer entre autres localités, des sarcophages
gréco-pàrthes en terre ômaillée. A Suse ces cercueils semblent être plus rares; on ne les a trouvés
jusqu'ici qu'en fragments.
Les renseignements que nous possédons jusqu'à ce jour sur les usages funéraires à Suse,
aux diverses époques, sont donc très pauvres ; mais, grâce à la méthode adoptée dans les fouilles,
aucun monument, quelque modeste qu'il soit, ne pouvant échapper, nous parviendrons à réunir
les documents nécessaires pour une étude d'ensemble.
J'ai dit que les tombeaux apparaissent toujours fortuitement dans nos tranchées, sans
qu'aucun indice puisse faire pressentir leur présence. Généralement ce sont des sépultures sans
importance, pauvres en objets comme en renseignements.
Découverte de la sépulture d'époque achéménide. — Une seule tombe importante a été
rencontrée, jusqu'ici, parmi ces sépultures isolées; elle offre un intérêt considérable; rien n'en
pouvait faire supposer l'existence, aucun indice extérieur ne la révélait, les terres qui l'entouraient
ne différaient que fort peu de celles du reste du tell.
Dès la campagne de fouilles de 1898-99 nous avions découvert, dans la partie Sud-Est de
la Citadelle, à 4 mètres de profondeur, un petit édifice carré construit en briques émaillées et dont
l'attribution nous restait inconnue. J'avais fait conserver cet édicule, afin de ne pas rompre l'or-
donnance de nos tranchées. Plus tard (janvier 1901), lorsque le plan en fut entièrement relevé,
puis qu'il eut été démoli, les textes de fondation nous apprirent que c'était un temple appar-
tenant à l'époque élamitc et construit par le roi Choutrouk-Nakhounte II.
Au Sud et à l'Ouest de ce monument, et à divers niveaux, se trouvaient des restes informes
de constructions, temples ou palais élamites eux aussi ; on ne voyait plus que des arasements de
murailles et quelques débris de dallages. Cette portion des ruines se trouvait dans le plus grand
désordre. Çà et là, des puits, beaucoup plus récents, traversaient les couches achéménides et éla-
mites, et les débris parthes, sassanides et arabes se trouvaient côte à côte avec les vestiges anté-
rieurs.
Ces puits, dont nous avons déjà rencontré un très grand nombre, sont parfaitement limités.
Quelques-uns même sont garnis de larges tuyaux de terre cuite, les débris qu'ils renferment tra-
versent les couches des divers âges sans s'y mélanger ; de sorte qu'en dehors d'eux il ne peut y
avoir intrusion de fragments récents dans les niveaux plus anciens. Cette remarque était néces-
saire pour qu'il n'existe aucun doute sur la date des divers o'bjets trouvés ensemble dans la
sépulture.
sur le trône en 87 ap. J.-C. (Cf. Fr. Spiegel, Eranische Alterthurnskunde, t. III, p. 89). Il est à remarquer que jus-
qu'ici les sépultures parthes du tell n'ont fourni que des coins postérieurs à l'époque d'Ale.xandre le Grand.
Sjnètrea.
FiG. 66. — Plan donnant la position du tombeau dans les ruines.
(Les cotes indiquent la profondeur des divers points au-dessous de la surface du sol.)
56 DECOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHEMENIDE A SUSE
Le bord du tell était dans cet endroit, comme partout ailleurs, couronné par un gros mur de
briques crues suivant servilement le relief du terrain et que je crois pouvoir attribuer à l'époque
des Achéménidcs. Cette enceinte unique et très irrégulière dans sa direction, comme dans son
épaisseur, formait la seule défense de la citadelle (i). Quelques rares constructions plus légères,
également en briques crues du même modèle, s'appuyaient parfois sur la face intérieure. Les fon-
dations de cet ensemble ne se trouvaient pas à plus de trois mètres de profondeur ; elles s'ap-
puvaient sur les débris plus anciens, recouvraient en partie le petit édifice de briques émaillées
dont il vient d'être parlé, et passaient au-dessus de chambres élamites renfermant une grande
quantité de tablettes en terre crue. En ce point du tell le niveau achéménide s'arrêtait donc à trois
mètres de la surface, tandis que celui de cinq mètres se trouvait très nettement caractérisé
comme appartenant à l'époque élamite sans qu'il puisse v eivoir le moindre doute.
En continuant les tranchées, les ouvriers découvrirent le lo février 1901 , à 6 mètres environ
de profondeur et à 4 mètres au Sud de l'édicule de briques "émaillées, une large cuve de bronze
aux bords évasés dont le grand axe était orienté du Nord au Sud. Ce bassin oblong mesurait
i"',65 de longueur à l'ouverture sur o^.gô de largeur; il était accolé aux ruines d'une muraille
élamite et, à priori, je le pris pour une annexe du monument voisin tant il avait peu l'apparence
d'un sarcophage ; je croyais me trouver en présence d'une cuve de libations ou d'un bassin destiné
au culte. (Cf. plan, fig. 66).
Les alentours étaient remplis de vases grossiers brisés, de cendres, d'os calcinés et de frag-
ments de briques ; l'intérieur même de la cuve était plein de briques crues en grand désordre. P]n
la dégageant moi-même je découvris d'abord un vase d'albâtre, puis une patère d'argent. C'est
alors, seulement, que je me rendis compte que j'avais à faire à une sépulture et que je commen-
çai à fouiller avec grande précaution. En sondant au sud je vis briller un collier d'or que je
recouvris de suite de terre, afin de ne pas éveiller l'attention des ouvriers.
Il était, en effet, essentiel pour la suite de nos travaux de ne pas leur faire connaître l'im-
portance de la découverte, sans quoi, à l'avenir, tout récipient capable de renfermer de l'or ou
de l'argent eût été brisé en mille pièces et vidé avant que nous puissions être avertis de sa décou-
verte. J'attendis donc jusqu'au soir que les ouvriers eussent quitté les chantiers et la fouille
recommença.
Les bijou-x furent enlevés avec grand soin, après examen de leur position sur le squelette; les
terres tamisées furent emportées, triées, puis lavées et triées à nouveau. Aucun objet, quelque
(i) C'est à tort que M. Dieulafoy suppose la citadelle de Suse défendue, au temps des Achéménides, par des rem-
parts de tracé savant. Je n'ai rien rencontré qui puisse, en quoi que ce soit, justifier cette opinion. Tant à l'Ouest qu'à
l'Estdu tell, l'enceinte secomposaitd'une muraille unique, peut-être même sans tours, couronnant le bord du monticule.
Aujourd'hui tout le pourtour du tell a été déblaye sur une profondeur d'environ 5 mètres et une saignée de 20 mètres
de profondeur a été pratiquée d'Est en Ouest environ dans la plus grande largeur des ruines. Toute la muraille d'enceinte
achéménide a été enlevée, après examen méticuleux, et je dois dire qu'aucun fait n'est venu confirmer la théorie
avancée par l'auteur de V Acropole de Suse{\\" partie, pi. II, p. 226 sq.).
DÉCOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHEMENIDE A SUSE
petit qu'il fût, n'échappa à nos recherches. Malheureusement, l'état de décomposition dans
lequel se trouvait la pâte qui retenait les pierres incrustées était tel que beaucoup d'incrusta-
tions tombèrent. Le sarcophage n'ayant pas été fermé par un couvercle métallique l'humidité,
en s'y accumulant, dégrada quelque peu toutes les parties oxydables du mobilier funéraire.
Le sarcophage entièrement en bronze et, à l'origine, d'une seule pièce, mesurait o'\56 de
hauteur, i'",65 de longueur à l'ouverture, r",29 au fond, ©"',96 de largeur à l'ouverture et o"\66
au fond (fig. 67). Il était fendu lorsque je l'ai trouvé : les terres et les débris de briques en y
tombant avaient exercé sur les parois mal soutenues une pression trop forte. Les divers morceaux
ont été soigneusement recueillis.
Époque de la sépulture. — A priori, j'étais fort embarrassé au sujet de l'époque de cette
sépulture, n'osant pas la faire remonter avant le temps d'Alexandre le Grand. Dans ma pensée
je ne pouvais rencontrer à Suse de sépultures appartenant à la période qui correspond au Maz-
déisme, quand deux médailles vinrent m'éclairer et fixer l'âge reculé du tombeau.
L'ensemble de la trouvaille ne présentait aucun des caractères do l'art grec ; mais je devais
tenir compte de ce fait qu'à l'époque d'Alexandre et sous les Séleucides l'élément grec était en
infime minorité dans ces pays de l'Asie et que, par suite, ce tombeau pouvait être celui d'une indi-
gène ayant vécu pendant ou après la conquête macédonienne.
Une objection, très sérieuse d'ailleurs, venait à l'cncontre de cette hypothèse. Aucun objet
d'art purement grec, aucune médaille d'Alexandre ou de ses successeurs ne se trouvait dans le
mobilier funéraire.
Les deux médailles d'argent, bien que très oxvdées. étaient cependant assez lisibles pour que
je puisse, de suite, les attribuer au iv' siècle; elles portent toutes deux à l'avers une tète et au
5S DECOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHEMENIDE A SUSE
revers la galère telle que nous la voyons sur les coins des satrapes perses des villes de Phô-
nicic ; l'attribution de ces monnaies est certaine et elles permettent de dater la sépulture.
Les premiers Achéménidcs, après l'expédition de Lydie (547 ou 546 av. J.-C.) rapportèrent
de l'Occident l'usage de la monnaie et frappèrent eux-mêmes des dariques. Mais ces premières
médailles, comme d'ailleurs les plus anciennes de la Lydie, d'Égine et des villes grecques, por-
tèrent toujours au revers le quadratum incusum. Ce sont celles qu'on attribue à Darius I, Xerxes,
Artaxerxes I", Darius II, Cyrus le Jeune et Artaxerxes II, Mnemon, le constructeur des grands
palais de Suse.
C'est sous ce dernier roi, Artaxerxes II (404 av. J.-C.) que nous voyons, au cours de son
règne, apparaître des monnaies royales perses portant deux effigies, l'une à l'avers, l'autre au
revers; le satrape Melqart frappait également (de 350 à 332) des coins du nouveau modèle, de
même que tous les gouverneurs perses de Phénicie et les villes des côtes syriennes. C'est à ce
dernier type que se rapportent les deux monnaies du tombeau. Son âge ne peut donc être
reporté au delà du milieu du iv° siècle av. J.-C.
Quant à la limite inférieure de l'antiquité de ma découverte, elle est fournie par la date
même de l'arrivée en Perse des Macédoniens; le défaut de bijoux grecs et plus spécialement de
monnaies à l'effigie d'Alexandre prouve que la sépulture est antérieure à l'an 331 av. J.-C,
date de la bataille de Gaugamela et de la prise de Suse. Ces deux limites laissent donc entre
elles 19 ans. Il semble difficile de parvenir aune évaluation plus précise. Je donne plus loin la
description détaillée de ces deux médailles.
D'après le mobilier que renfermait cette sépulture, le manque d'armes, la petitesse des
ossements, nous pouvons affirmer, d'une manière positive, que nous avons affaire à la tombe
d'une femme perse riche, que ses contemporains ont ensevelie dans l'intérieur même de la Cita-
delle.
Les briques crues qui remplissaient le sarcophage, et qui probablement provenaient de l'ef-
fondrement d'une voûte, présentaient les mêmes dimensions que celles employées à la construc-
tion des remparts achéménides. Or, ces briques furent certainement faites au moment même de
l'ensevelissement, car, en Susianc, des matériaux crus ne peuvent être employés plusieurs fois,
l'humidité du sol les désagrégeant rapidement.
Il serait imprudent d'établir une date même approximative, en s'appuvant uniquement sur
les dimensions des matériaux, car ces dimensions ont pu être conservées pendant bien des siècles.
Mais cette observation, concordant avec tout ce que nous savons de l'époque du tombeau, ne pré-
sente pas moins de l'intérêt.
Nati RE DE LA sÉPULTiRE. — Lcs ritcs fuuéraircs de l'Avesta prohibaient de la façon la plus
stricte l'enterrement des cadavres.
« Où poiicrons-noits le corps des morts ? ô Ahiira Mazda! où le déposerons-nous ?
« Ahura Mazda répondit :
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 59
« Sur les lieux lesplus élevés, 6 Spitana Zarathushtra, là oùVonsaiL que viennent tou-
jours les chiens carnivores et les oiseaux carnivores {i). »
Toutefois, ces règles semblent n'avoir été respectées, durant la période des Achéménidcs,
que pour les gens du commun. Les rois, les princes et quelques grands du royaume ont béné-
ficié d'exceptions et leur corps fut déposé dans le tombeau.
Nous connaissons les monuments funéraires de Cyrus et de ses successeurs (2) dans le Fars,
et de quelques morts probablement illustres dont les restes reposèrent à Eudir Kach (3) (Kurdis-
tan de Moukri), près de l'encienne Gazaka, à Kèl é Daoud (4) dans le district de Zohâb et à
Dî-nou(5) non loin de Bisoutoun. Les mages trouvèrent le moyen de tourner le texte sacré.
La tombe de Cyrus était garnie d'un sarcophage d'or (6) et les quatre ouvertures réglemen-
taires furent probablement ménagées dans la porte du mausolée.
Hérodote (7) nous explique le subterfuge employé par les prêtres pour satisfaire aux exigences
des grands. On enduisait le corps de cire avant de le mettre au tombeau afin d'obéir à la lettre de
l'Avesta et de ne pas souiller la terre par le contact d'un cadavre. Cette coutume était en usage chez
les Perses, tandis que les Mèdes, scrupuleux observateurs de l'esprit de la loi , faisaient dccharncr les
corps ainsi que le pratiquent encore les Guèbres de nos jours. Ces différences entre lés usages des
Perses et des Modes nous sont affirmées par Cicéron(8) et par Strabon(9), et Ctcsias(io), dans la
légende qu'il rapporte au sujet de la mort et de l'enterrement d'Astyage, nous montre que, même
chez les Modes, les rois n'étaient pas toujours soumis à la loi commune. Les sarcophages métal-
liques semblent n'avoir été qu'une précaution de plus pour éviter les colères d'Ahura Mazda.
(i) Zcnd-Avesta, frag. VI. — v, 44 et 45. — Trad. J. Darmesteter, 1892, t. II, p. 92.
(2) Pour le tombeau de Cyrus, cf. Texier, Descript. Arm. Perse et Me'sop., pi. 81, 82 et 83. — Coste et Flandiii,
Voy. en Perse, pi. 194 et 195. — M. Dieulafoy, VArl en Perse, pi. XIX. — Pour les autres tombes royales, cf. Texier,
Descrip. Arm. Perse et Mésop., pi. 127 et 128. — Coste et Flandin, Voy. en Perse, pi. 173, 174 et 175. — M. Dieula-
foy, Y Art en Perse, pi. X.
(3) Cf. J. de Morgan, Mission scientifique en Perse, t. IV. Recherches archéologiques, p. 294, fig. 172 et 173.
(4) Cf. J. de Morgan, Mission scientifique en Perse, t. IV. Recherches archéologiques, p. 299, fig. 177 et 178. —
Coste et Flandin, Voy. en Perse, pi. 211.
(5) Village situé entre Bisoutoun et le défilé de Gherrâbân sur la rive gauche du Gamas-Ab (Haute-Kerkha). —
J. de Morgan, Mission scientifique en Perse, t. IV. Recherches archéologiques, p. 300, pi. XXXII et XXXllI.
(6) « C'est au centre des jardins royaux de Pasagardc que s'élevait ce tombeau entouré de bois touffus, d'eaux
vives et de gazon épais; c'était un édifice dont la base, assise carrément sur de grandes pierres, soutenait une voûte
sous laquelle on entrait avec peine par une très petite porte. On y conservait le corps de Cyrus dans une arche d'or sur
un abaque dont les pieds étaient également en or massif, couvert des plus riches tissus de l'art babylonien, de tapis de
pourpre, du manteau royal, de la partie inférieure de l'habillement desMèdcs,de robes de diverses couleurs, de pourpre
et d'hyacinthe, de colliers, de cimeterres, de bracelets, de pendants en pierreries et en or » (Arrien, Exped. Alex., \ I,
8, I 4, trad. P. Chaussard, 1802, t. II, p. 300 sq.).
(7) Hérodote, I, cxl.
(8) Cicéron, Tusculanes, 1, 45.
(9) Strabon, XV, m, 20.
(10) Ctesias, fragm. 29, | 5, ds. MuUer-Didot. Ctesiae Cnidi fragmenta, p. 46-47.
40
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
Ce n'est pas sans difficultés que les mages parvinrent à faire adopter la loi avestique par les
populations occupant la Perse. Au Mazanderan(i) l'évangélisation fut accompagnée de mas-
sacres; dans le sud, les Perses éprouvèrent toujours une grande répugnance à livrer leur corps
en pâture aux animaux sauvages(2), Lors des guerres d'Occident, les morts de l'armée perse
furent ensevelis(3) en dépit des prescriptions de Zoroastre. '
En face de ces nombreuses exceptions, il n'est pas surprenant de rencontrer à Suse une véritable
sépulture d'époque achéménide entourée des mêmes précautions qui furent prises pour les tom-
beaux des souverains. La cuve d'or(4) de Cyrus est ici remplacée par un sarcophage de bronze et
le monument de pierre par une voûte de briques crues que le temps a fait crouler sur le squelette.
Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, le mobilier funéraire ne renfermait aucun objet
rappelant le culte avestique; peut-être avait-on exclu intentionnellement tous les signes religieux,
afin de ne pas les soumettre à la souillure, la Druj Nasu(5), s'emparant du corps; peut-être
aussi les femmes mazdéennes n'avaient-elles pas le droit d'en porter (6).
Le seul bijou achéménide que je connaisse, en dehors de ceux de notre trouvaille, est un
collier d'or trouvé probablement en Egypte et exposé dans les vitrines du musée du Caire ; il est
orné de pendeloques d'or estampé figurant, toutes, la divinité mazdéenne ; mais nous ne connais-
sons pas la provenance exacte de ce bijou, nous ne savons pas s'il décorait les épaules d'un
homme(7) ou celles d'une femme ; s'il a été trouvé dans une sépulture ou dans des ruines.
(i) Les Màzainya (daêva), populations sauvages et pavennes du Mazanderan furent massacrées par Haoshyana et
par Thraètaona (Z end- Aves ta, trad. J. Darmesteter, t. Il, 373, 582), le reste fut converti au mazdéisme.
(2) Hérodote, IH, 26. — Strabon, XV, m, 14.
(3) Hérodote, VII, 127; VIII, 24; IX, 31.
(4) Strabon, XV, m, 18, range l'or parmi les matières qu'il était interdit de souiller par le contact d'un cadavre,
mais cette assertion n'étant pas justifiée par les textes avestiques il est permis de croire, soit qu'elle est erronée, soit que
les mages de basse époque ajoutèrent par rigorisme cette interdiction de leur propre chef.
(5) Démon qui prend possession du cadavre et dont la présence se marque par la décomposition et l'infection.
« La Druj Nasu se précipite par les régions du Nord sous la forme d'une mouche furieuse, genoux courbés en avant,
queue en arrière avec des bourdonnements sans fin et semblable aux plus infectes khrafstras » (Vendidad Sade,
frag. Vil, 2. — J. Darmesteter, trad. de VAvesta, t. 1, p. 123).
(6) Cf. Zend-Avesta, trad. J. Darmesteter, t. I, p. 230.
(7) Les hommes, chez les Perses et les Mèdes, se paraient de bijoux tout comme les femmes. Un bas-relief persé-
politain nous montre un Iranien parc d'une torque et de pendants d'oreilles (cf. G. Rawlinson, The five Great
Monarch., t. II, p. 317), plusieurs passages de Xénophon sont très explicites à ce sujet : « Cyrus, lui (Syennesis), fait
les présents d'honneur qu'offrent les rois de Perse: un cheval ayant un frein d'or, un collier, des bracelets de même
métal, un cimeterre à poignée d'or et une robe perse » (Xénophon, Anabase, I, 2) et plus loin : « Quelques-uns (des
Perses) avaient des colliers au cou, des anneaux aux doigts» (Xén., Anab., I, 5) et encore: « Artapatès... voyant Cyrus
à terre saute de son cheval et se jette sur le corps de son maître : le roi, assure-t-on, l'y fait égorger: d'autres disent
qu'il s'égorgea lui-même, après avoir tiré son cimeterre; car il en avait un à poignée d'or, et portait un collier, des
bracelets et autres ornements, ainsi que les premiers des Perses (Xén., Anab., I, 8). D'autres auteurs sont non
-moins clairs (Cf. Quint., Curt., III, 3, | 13; Justin, XI, 9; Aristid.Panath ; Dio Chrysost., etc.). On s'explique, dès
lors, aisément, que les Perses aient laissé un butin immense sur le champ de bataille de Platée et que la richesse des
Eginéens s'en soit accrue d'une manière si importante.
Inn-, In,,..
i>i. 11. si';i'ri.ri RK a(:iii-;mk\'ii)K
position du squclcltc dans le sarcophage de bronze.
Disposition des biioiix. des alabasirons et de la paieie d argent.
DECOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHÉMENIDE A SUSE 41
Une hypothèse peut être émise au sujet des joyaux achémenides de Suse : peut-être la femme
qui les portait n'appartenait-elle pas au culte d'Ormazd. L'empire perse était, en effet, à cette
époque, composé dépeuples qui, pour la plupart, avaient conservé leurs croyances nationales(i).
Babylone, l'Egypte, la Phénicie n'avaient rien changé à leur culte ; l'Arménie adorait ses idoles
dans les temples d'Armavir, de Pakovan, etc.
Cette supposition ne semble pas devoir être prise en considération, car, si la morte avait
appartenu au paganisme, nous trouverions certainement dans son mobilier funéraire des traces
de son culte, soit sur les bijoux, soit par des statuettes, des amulettes ou des emblèmes précis
de ses divinités. Les amulettes que nous possédons ne présentent, comme on le verra plus loin,
aucune signification particulière.
La même observation doit, a fortiori, être faite dans le cas où nous supposerions que cette
femme fût non seulement, étrangère à la religion de Zoroastre, mais aussi aux pays iraniens,
qu'elle fût Égyptienne, Syrienne, Phénicienne ou Grecque. Dans tous les cas, sa parure refléte-
rait son origine, sa patère porterait des hiéroglyphes ou des textes ; ses colliers, ses bracelets, pré-
senteraient un tout autre caractère.
Quoi qu'il en soit, que la morte eût été Mazdéenne ou non. Iranienne ou étrangère, l'époque
de sa sépulture n'en est pas moins fixée d'une manière sûre et, comme on le verra plus loin, ses
parures ne rappellent en rien ce que nous connaissons des satrapies de l'Occident.
Description de la sépultcre. — Les divers objets se trouvaient encore dans la position où
ils avaient été placés sur le corps.
Au côté extérieur du fémur gauche étaient un vase d'albâtre, l'ouverture tournée vers le haut
du corps, et une patère d'argent appuyée contre le sarcophage. A l'extérieur du tibia de la jambe
droite se trouvait un autre alabastron, plus petit que le premier, l'ouverture tournée vers les pieds
du mort. Au cou, les colliers; aux poignets, ramenés sur la poitrine, les bracelets; à droite et à
gauche de la mâchoire, les boucles d'oreilles (PI. II).
Deux boutons d'or, qui probablement retenaient les vêtements, étaient placés l'un près de
l'autre à la hauteur du sein gauche. Des amulettes et des perles plates se trouvaient mélangées
aux autres bijoux sans que je puisse savoir quel rôle elles jouaient dans la parure ; je crois que
les perles plates avaient été cousues au col d'un vêtement.
Le mort avait été placé sur le dos, la tête penchée en avant, appuyé contre la paroi du fond
de la cuve, les genoux légèrement relevés, les pieds portant sur le fond du sarcophage. Ainsi
placé, le cadavre put trouver place sans être replié sur le côté, dans une cuve dont la longueur
(i) Le culte du feu, même aux époques les plus florissantes du mazdéisme, ne semble pas s'être répandu au delà
des limites naturelles de l'Iran; les souverains achéménides eux-mêmes se montrèrent parfois très respectueux des
dieux de leurs sujets d'Anirân lorsque l'intérêt politique les y engageait. En Egypte, en Judée, en Phénicie, en Baby-
lonie, en Asie Mineure, en Arménie et dans le Caucase les doctrines mazdéennes furent repoussées par la population,
ou les mages, à cette époque, ne cherchèrent même pas à les introduire.
6
42
DECOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
n'est que de i'",29. Lors de la fouille, les maxillaires reposaient sur les clavicules, et les fémurs
chevauchaient d'une quinzaine de centimètres sur les
tibias ; les tarses et les métatarses se trouvaient en
paquet à l'extrémité du sarcophage.
La taille de cette femme était certainement supé-
rieure à i^.ôo, son squelette était très fin, ses dents
usées accusaient la vieillesse.
FiG. 68. — Alabastrons.
Mobilier funéraire. — Alabastrons. — Les
deux vases d'albâtre sont de même forme et rie dif-
fèrent que par leurs dimensions, l'un mesurant 200 mil-
limètres de hauteur sur 92 millimètres de diamètre
maximum, tandis que l'autre est haut de 165 mil-
limètres et large de 73 millimètres. Cette sorte de
vases est très fréquente à l'époque achéménide ; on en
rencontre souvent des fragments dans les fouilles.
Quelquefois ces morceaux portent, en textes trilingues
cunéiformes, les noms et titres des rois Darius, Xerxes, Artarxerxes, etc. Souvent, aussi, ils pré-
sentent le cartouche hiéroglyphique des mêmes souverains; nos musées d'Europe contiennent
bon nombre de ces types.
FiG. 69. — Fragments d'alabastrons avec textes trilingues ou hiéroglyphiques trouvés dans les fouilles de Suse.
J'ai dit, dans un précédent travail(i), combien l'albâtre est abondant dans les tranchées de
Suse; il provient des montagnes loures et présente de grandes variétés dans sa coloration ; fré-
(i) Cf. Mém. de la Délég., t. I, Rech. Arch. — Mat. minérales.
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DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 43
quemment il est veiné de rouge, de brun ou de vert. Cette matière était, depuis les temps les plus
reculés, employée à divers usages : on en faisait des statues, des bas-reliefs, des vases, des fusaïoles,
des amulettes, etc. Les deux alabastrons trouvés dans le tombeau sont en albâtre translucide, veiné
de lignes blanches opaques.
Patère. — La coupe d'argent qui accompagnait le plus grand des deux vases d'albâtre est
une pièce de fort belle exécution (PI. III) : elle mesure iz)^8 millimètres de diamètre, 44 milli-
mètres de hauteur, est en métal fondu et pèse 589 grammes. Son profil est très gracieux et artis-
tement calculé. Son ornementation a été reprise au burin avec beaucoup d'habileté. La régularité
de ses bords et de toutes les parties circulaires a été obtenue au tour : on voit encore sur les deux
faces les centres laissés par l'axe de l'instrument.
Extérieurement, elle porte une rosace de seize pétales, ornement que nous retrouvons à
chaque instant dans les sculptures assyriennes et achéménides. Quarante autres pétales, beaucoup
plus longues que les premières, rayonnent autour de la rosace centrale et vont se terminer en
pointe près du bord lisse, laissant entre elles un nombre égal de triangles réguliers. Le bord est
lisse sur une hauteur de 18 millimètres.
A l'intérieur, la décoration est beaucoup moins marquée qu'à l'extérieur ; une couronne de
fleurons entoure un bouton soudé sur le centre.
L'exécution de cette pièce d'argenterie est fort soignée quant à l'ensemble de la composition;
elle est remarquable par son élégance et sa pureté, l'art en est fort beau et semble avoir été
largement influencé par le goût ninivite. Les créneaux du palais de Sargon(i), certains ornements
peints sur enduit (2) et beaucoup d'autres monuments assyriens nous offrent des motifs qui sem-
blent avoir été pris pour modèle par le ciseleur perse. Ces rosaces, communes en Orient, pré-
sentent des analogies frappantes avec celles rencontrées dans le mycénien d'Europe et d'Asie;
l'aire dans laquelle on les rencontre est très vaste, aussi semblerait-il imprudent de chercher à
tirer des conclusions de leur présence à Suse.
Bijoux. — Les joyaux du tombeau peuvent être rangés en trois séries bien distinctes : deux
parures bien homogènes dans leur composition comme dans leur technique, et les bijoux isolés.
Il est certain que, de son vivant, la Persane qui les possédait ne pouvait les porter tous en même
temps; ils ne furent réunis que dans sa sépulture.
Pre.mière parure. — Torque. — La torque était la pièce importante dans la plus riche
parure de la défunte : elle est en or et pèse 385 grammes, mesure 202 millimètres de diamètre et
se compose de deux parties rentrant l'une dans l'autre sur une longueur de 36 millimètres et fixées
(i) Cf. Place, Ninive. pi. 36.
(2) Cf. Layard, Monuments, i" série, pi. 87.
44
DECOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
l'une à l'autre à l'aide d'une goupille (PI. IV). Les torques primitives s'ouvraient par torsion du
métal qui faisait ressort; celle-ci se séparait en deux pièces qu'on rajustait après les avoir placées
autour du cou.
Le corps du bijou est une torsade régulière, lisse et serrée, de 12 millimètres de diamètre; ses
deux extrémités sont terminées chacune par une tête de lion, ces deux têtes, se regardant face à
face ; elles sont ciselées et incrustées de pierres et de nacre.
FlG.
■ Tête de lion vue de profil.
Le nez de chaque lion est en or, nu jusqu'aux arcades sourcilières ; les oreilles et la lèvre
inférieure sont également en métal sans incrustations ; les joues sont en turquoise, tandis que le
mufle porte un lapis-lazuli encadré de deux turquoises (fig. 70, 71 et PI. IV); les pommettes des
joues sont ornées chacune d'une turquoise et d'un lapis; les yeux,
en nacre, portaient des prunelles noires; le sommet de la tête est
recouvert de plaques nacrées.
Le cou, formé d'une plaque d'or mince ajustée sur le corps de
la torque, est orné d'un semis de petites turquoises serties, taillées
de façon à imiter grossièrement les mèches de la crinière.
Au delà du cou est une sorte de collier composé de deux
gorges séparées entre elles par une bande où alternent en inscru-
stations les carrés de turquoise et de lapis-lazuli. Les gorges elles-
mêmes sont pavées, la première de petits triangles enchevêtrés, la
seconde de petites lamelles rectangulaires de turquoise.
Après cet ornement, sur une longueur de 35 millimètres, le joaillier, afin d'imiter les mèches
de poil tombant à droite et à gauche de l'épine dorsale, a serti, régulièrement alternés, des. tur-
quoises et des lapis découpés d'une forme spéciale; l'axe correspondant à la colonne vertébrale se
termine par une turquoise taillée en poire.
Comme on le voit, ce sont les parties les plus caractéristiques de la tête qui ont été rehaus-
sées de pierres, donnant ainsi au bijou un aspect étrange, très différent de ce que nous avons
coutume de rencontrer dans les arts de l'antiquité classique.
Ce procédé conventionnel de représentation de la nature ne s'appliquait pas seulement aux
Fig. 71. — Tête de lion vue de face.
PL IV
BIJOUX ACHLMENIDES
Turaue en or _ h'Oij^.on.. en or avec incrusLdLionr^
et perid.eiaquer; d cr. lapiG, cornaline et pâte eniaillee
:cj;>-!i:', 1 'huit a::
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
45
bijoux, il était courant chez les artistes perses du vii'^ au iv^ siècles. Nous en voyons un exemple
frappant dans les reliefs émaillés du palais de Suse (fîg. 72 et 73).
Les Perses avaient certainement reçu des Assyriens ces principes artistiques, car nous consta-
tons, sur les bas-reliefs polychromes qui ornaient les palais ninivites(i) (fig. 74 et 75), l'appli-
cation du même mode de dessin ; la crinière d'un lion entre autres rappelle singulièrement celle
que figurent nos bijoux achéménides.
Fig. 72. — Tcte de lion, relief émaillé des palais achéménides de Suse (Musée du Louvre).
C'est surtout dans la bijouterie égyptienne que nous trouvons le plus de termes de compa-
raison : il me suffira de citer les bijoux de Dahchour et leurs imitations quelque peu barbares
de l'époque des Ramessides. Bien que les motifs ornementaux soient très différents, la technique
est la même en Perse et dans la vallée du Nil.
Que les Assyriens aient tiré d'Egypte ce mode de décoration polychrome, puis que les Perses
en aient hérité des Ninivites, ou que les soldats de Cambyse aient rapporté directement ces pro-
(i) Cf. Place, pi. XXIX et XXX.
48 DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMENIDE A SUSE
émaillés, mais avant eux les Assyriens, et plus anciennement encore les Élamites, avaient
employé avec succès le même mode de décoration. En bijouterie ils firent usage de la
ciselure, de l'incrustation, du filigrane, mais dans chacune de ces branches ils restèrent
très inférieurs à leurs maîtres, les Égyptiens. En gravure sur pierre dure ils ne firent jamais
rien qui approchât des œuvres grecques. Enfin, en sculpture, ils furent inférieurs aux Ninivites
eux-mêmes.
Nous ne devons donc pas être surpris de rencontrer dans cette torque, quoiqu'elle soit le
bijou le plus important de la découverte, une grande infériorité sur les œuvres des autres pays
tant au point de vue du modelé et de la ciselure qu'à celui des incrustations. Malgré ses défauts,
cette pièce est une production remarquable pour le pays où elle a été faite : et fournit dans son
ensemble un grand effet décoratif.
Bracelets. — Les bracelets ornant les poignets du mort, appareillés avec le collier, sont
massifs et lisses, sauf dans les parties voisines des têtes de lions (fig. 76 et PI. V). Leur poids est
de 98'', 8 pour l'un et de 97 grammes pour l'autre; leur plus grand axe mesure 78 millimètres;
ils sont coudés dans la partie médiane et ne présentent au petit
axe que 58 millimètres.
Le modelé des quatre têtes de lions dont ils sont ornés est
bien inférieur à celui des mêmes motifs dans la torque ; les joues
sont trop maigres, les oreilles trop grandes et mal formées, le
nez trop anguleux. Les incrustations sont moins nombreuses ;
par suite des dimensions du sujet, les joues sont garnies de tur-
quoises, de même que le sommet de la tête. Le mufle, les pom-
"^ ^ "™"""' mettes des joues et les maxillaires sont ornés de lapis lazuli. Les
Fig. 76. — Bracelet d'or incrusté de gemmes, yeux sont de nacre ; le uez, les oreilles et la lèvre inférieure sont
en or nu.
Le cou est orné du même semis de turquoises que sur la torque pour figurer la crinière ; le
reste de l'ornementation est semblable à ce que nous avons vu au sujet du collier.
Il est certain que ces trois bijoux formaient une parure complète, n'ayant rien de commun
avec les autres joyaux trouvés dans le tombeau et dont le style est tout différent.
Le Musée du Louvre possède un bracelet qui semble avoir été inspiré par le même modèle
que ceux de Suse. Le procédé d'exécution est, il est vrai, tout autre: les incrustations de pierres
colorées y font défaut, le rendu est encore moins artistique, mais les deux bijoux présentent la
même composition.
Le bracelet du Louvre ayant été acheté à Alep (i), il est impossible de lui assigner avec cer-
titude une époque et un lieu d'origine. S'il est antérieur au v'' siècle, il remonte peut-être, comme
(i) G. Pcrrot et Chipiez, Hist. de l'Aj-t., t. IV, p. 764.
BIJOUX ACHEMENIDES
r 'T.-iants;. dcro'.l'.en en rr av-r -.ncrustationr, _ Collier de perles fines
''oilier de î^eriet-te:i >î'or- et de ôernnnec :
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 49
le suppose M. G. Perrot, à l'époque du royaume Khéta. Dans ce cas, il aurait été probablement
copié sur un modèle assyrien qui, plus tard, fut adopté par les artistes perses.
L'usage d'orner les torques et les bracelets de têtes opposées de lions remonte à des époques
très reculées (i) ; le plus ancien spécimen qui soit parvenu à ma connaissance est un bracelet
figuré sur un relief de terre émaillée d'époque élamite, trouvé dans nos fouilles de Suse et anté-
rieur au x" siècle avant notre ère.
Deuxième parure. — Cette seconde parure n'est certainement pas de la même main que la
première; son style est tout différent et son exécution, bien que souvent défectueuse, montre des
qualités de précision que ne présentent ni la torque ni les bracelets.
Collier. — Un grand collier d'or (2), orné de pendeloques, s'étalait sur la poitrine au-
dessous de la torque; il se composait de perles massives en métal incrusté de turquoises, de lapis-
lazuli et de cornalines. Quatre grosses perles décoraient le
milieu du bijou, dix-huit pendeloques, également espacées,
toutes semblables et rehaussées de gemmes, retombaient au-
tour du cou. Chaque pendeloque, fixée à une perle, est ornée
à la partie supérieure d'un grènetis filigrane dans un rec-
tangle de métal nu (fig. 77 et PI. VI, fig. i).
Le filigrane est obtenu non pas au moyen d'un fil d'or
tordu et soudé, mais par une succession de petites perles mé- ^ n> .• ) i- „ ■ ^» .,„.,^„i^o„»c
r r r Fig. 77. — Partie de coiIier orne de pendeloques.
talliques fixées séparément. Ce mode de travail se rencontre
dans tous les pays de l'Orient et il est malaisé de retrouver son origine. Les Égyptiens le prati-
quaient, dès le Moyen Empire, avec une habileté qui n'a jamais été surpassée. La Phénicie, la
Grèce le connurent; nous le retrouvons en Perse, en Bactriane et plus loin encore vers l'Orient.
Ce collier forme un ensemble très décoratif, mais, de même que la première parure décrite,
présente de grands défauts ; les alternances du bleu foncé du lapis-lazuli et du bleu clair de la
turquoise eussent produit un effet très agréable, si l'artiste n'avait eu la malheureuse idée d'y
joindre le rouge vif des cornalines. Le jaune brillant de l'or accentue encore cette opposition et
rend les tons plus criards. Quant à la taille des gemmes età leur sertissage, ils sont très médiocres,
plus malhabiles encore que dans la torque et les bracelets.
(i) Le musée de New- York possède un bracelet d'or d"un modèle très voisin de celui des bracelets de Suse; suivant
di Cesnola (Cyprus, p. 311), il aurait été trouvé en Chypre et, par suite, appartiendrait au groupe asiatique qui nous
occupe. Il est fâcheux que son lieu d'origine et son époque nous soient fournis par une autorité aussi peu sûre que celle
de di Cesnola.
(2) Ce collier, dont le poids total est de 152 grammes, se subdivise comme suit: 18 pendeloques (poids ensemble:
988',o); 4 grosses perles d'or (poids ensemble: ios<',^); huit perles d'or de taille moyenne (poids ensemble: 58'',5);
109 petites perles d'or (poids ensemble: 38?'',o).
7
50
DECOUVERTE D'UNE SEPULTURE ACHEMENIDE A SUSE
Dans les bijoux égyptiens incrustés de la douzième dynastie, les gemmes sont taillées avec
une telle précision qu'il a suffi, pour les fixer, de les sertir avec le métal; c'est à peine si, par
places, le bijoutier a dû garnir la cavité destinée à recevoir la pierre d'une légère couche de pâte
afin de racheter une différence d'épaisseur. Plus tard, sous les Ramessides, alors que les arts tom-
baient en décadence par suite des préoccupations militaires de toute la nation, les artistes cher-
chèrent à obtenir les mêmes effets qu'autrefois par des procédés plus rapides et moins coûteux :
les pierres furent grossièrement taillées et, parfois même, remplacées par de la pâte émaillée; les
cloisons métalliques perdirent leur ancienne destination et ne servirent plus qu'à séparer les dif-
férentes couleurs pour la vue seulement. La pâte remplaça le sertissage comme moyen de fixer
les gemmes ; les bijoux y perdirent de leur grâce et de leur solidité.
Plus tard, vers la fin du Nouvel Empire jusqu'à la conquête perse, nous voyons se continuer
le déclin de l'art du bijoutier en Egypte, et c'est à cette époque que les artistes iraniens choisirent
les types dont ils s'inspirèrent; de mauvais modèles entre les mains d'ouvriers inexpérimentés ne
pouvaient donner que des œuvres médiocres. C'est ce qui arriva. Encore devons-nous être sur-
pris de voir si peu de différence entre la technique des bijoux perses et celle des joyaux égyptiens
contemporains.
Peut-être devons-nous voir dans les œuvres des bijoutiers perses du iv' siècle l'origine des
cloisonnés de grenat, ou de verre rouge, qu'on rencontre si fréquemment chez les peuplades bar-
bares qui, dans leur marche vers l'Occident, frôlèrent l'empire perse vers la frontière du Nord ?
Peut-être trouverions-nous en Susiane les principes décoratifs que les Francs, les Scandinaves,
etc., ont apportés jusqu'aux extrémités de l'Europe? Mais analyser une question aussi étendue
serait sortir de notre sujet.
Boucles d'oreilles. — Je réunis à la même parure les boucles d'oreilles qui, bien que ne
renfermant pas de cornalines, appartiennent au môme ordre de bijouterie. Chacune d'elles se
compose d'un large anneau plat en or(fig. 78 et PI. V, fig. 3 et 4).
Couvert de pierreries sur les deux faces, cet anneau présente 44 mil-
limètres de diamètre et 3™", 2 d'épaisseur; il estévidé au centre suivant
un cercle de i 5 millimètres de diamètre et se compose de deux parties
bien distinctes et concentriques.
Le cercle interne porte, sertis, des ornements quadrangulaires de
lapis-lazuli et de turquoise encadrés de fuseaux de turquoise; le cercle
externe figure les pétales d'une fleur : les plus grandes sont arrondies-
et alternent tour à tour en lapis-lazuli et en turquoise, tandis que les
petites sont couplées en turquoise et en lapis; ainsi le rang extérieur
offre 18 pétales tandis que le rang intérieur en montre 36. Les lignes
principales de l'ornementation convergent vers le centre du bijou, de même que les côtés de l'ou-
verture par laquelle passait le lobe de l'oreille; à l'intérieur de l'anneau est un double cercle fili-
FiG. 78. — Boucle d'oreille.
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DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 51
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grané. La fermeture se faisait au moyen d'une épingle d'or montée sur charnière et qu'une cla-
vette fixait a l'extrémité libre.
Boutons. — Deux boutons placés sur la poitrine de la morte font aussi partie delà même
parure ; ils mesurent 21 millimètres de diamètre, sont bombés, et portent, à leur face inférieure,
un anneau soudé qui permettait de les fixer au vêtement (fîg. 79 et PI. IV, fig. 2 et 3).
Au centre est un cercle renfermant un curieux motif qui, probablement, avait jadis un carac-
tère emblématique, mais que je ne saurais expliquer. Sur un croissant de lapis-
lazuli pose, dans un champ de turquoise, un objet d'or semblable à une branche
d'arbre garnie de deux bourgeons. Cinq cercles identiques encadrent celui du
centre. Ils sont reliés entre eux par de petites cornalines, et, vers le bord, l'orne-
mentation se continue en une succession de triangles alternants de turquoise et
de lapis ; l'ensemble est serti d'un g^rènetis circulaire de perlettes d'or.
•^ . " »^ _ I-iG. 79. — Bouton d or
La technique de ces boutons est la même que celle des boucles d'oreilles ; incrusté de gemmes.
les gemmes sont taillées et fixées avec beaucoup moins de maladresse que dans
les bijoux précédemment décrits. Quant à la composition, elle est assez heureuse et ne rappelle
en rien ce que nous connaissons de l'Assyrie ou de l'Egypte. Le motif principal de ces bijoux est
trop étrange pour ne pas avoir été emblématique : il se reproduit douze fois dans les deux boutons
et trente fois danS les barrettes du collier de perles fines dont il va être question. Il est certain
que, si une idée religieuse ou superstitieuse ne s'v était pas attachée, on ne l'aurait pas employé
avec une pareille profusion.
Bijoux divers. — Je range dans cette catégorie une série de bijoux qui ne semblent pas
avoir fait partie de parures complètes, quoique certains d'entre eux rappellent, par les motifs de
leur ornementation, certains des joyaux dont il vient d'être parlé.
Collier de perles fines. — L'usage de porter des colliers, dits aujourd'hui « colliers de
chien », en perles fines, existait déjà en Perse au iv^ siècle avant notre ère; les perles étaient
abondantes dans le Golfe Persiquc, on les employait exactement de la même manière que nous
faisons de nos jours.
Ce collier était à trois rangées de perles, que dix barrettes d'or incrusté de pierres réunissaient
à intervalles égaux (fig. 80 et PI. V, fig. 6); ses débris, entassés pêle-mêle sous le crâne, montrent
que cette parure était portée en haut du cou.
Les barrettes sont formées de la réunion de trois des emblèmes dont j'ai parlé au sujet des
boutons ; elles ne portaient aucun autre ornement.
Quant aux perles fines, elles étaient fort détériorées lors de la découverte. J'ai pu en recueillir
238, mais beaucoup d'entre elles tombaient en poussière et j'évalue à 4 ou 500 leur nombre pri-
mitif dans le collier.
52
DECOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
Le Golfe Persique est, on le sait, l'un des points du monde où les perles fines se rencontrent
en plus grande abondance; elles sont d'une fort belle eau et de tout temps furent trèsappréciées(i).
Les pêcheries du Golfe datent de temps immémoriaux. Bahrein, Ormuz, Mascate, Lingah et
cent autres points de la côte arabique ou persique, ont toujours été des centres importants pour la
production des perles fines. C'est même pour beaucoup d'entre eux leur unique raison d'être peu-
plés. Si nous en jugeons d'après les bas-reliefs assyriens et perses, les souverains et les grands
personnages s'ornaient de perles à profusion. Ils en portaient non seulement dans leurs bijoux,
mais aussi sur leurs vêtements et jusque dans la barbe.
FiG. 8c. — Élément du collier de perles fines.
Il est à remarquer que les Égyptiens des temps anciens ne semblent pas avoir employé la
perle fine que, probablement, ils connaissaient grâce à la proximité de la Mer Rouge. Dans les
tombeaux de Dahchour je n'en ai jamais rencontré; les seules que je connaisse, sur des bijoux
égyptiens, appartiennent à l'époque ptolémaïque et sont montées à la grecque.
Collier de gemmes et d'or. — Tous les pays, depuis les temps les plus anciens, ont connu
les colliers faits de gemmes taillées et percées, ou simplement percées. Les stations préhistoriques
FiG. 8i. — ■ Éléments du collier de gemmes et de perles d'or.
nous en offrent de nombreux spécimens, aussi bien dans l'Europe occidentale qu'en Asie et en
Egypte. Il est donc très naturel de rencontrer à profusion en Perse ces sortes de parures à l'époque
des Achéménides.
Quatre rangs formaient l'ensemble du collier: ils renferment 400 perles de pierres et autant
(i) Au premier rang, au faîte pour ainsi dire de tous les joyaux, sont les perles. C'est spécialement l'Océan Indien
qui les envoie... et encore les Indiens eux-mêmes n'en prennent-ils que dans un très petit nombre d'îles. Elles sont le
plus abondantes à Taprobane [Ceylanj et à Stoïs, comme nous l'avons dit dans la description du Monde [VI, 24, 9 et
28, 3], ainsi qu'à Périmula, promontoire de l'Inde. Les plus estimées sont celles de la côte d'Arabie, sur le Golfe Persique
,'Pline, Hist. nat., IX, 54].
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 53
de perles d'or, les plus grosses gemmes occupant le milieu de la parure (fig. 81 et PI. VI, fig. 2
et 3). Les couleurs alternent et se trouvent rehaussées par le métal précieux les séparant.
Ces perles de pierre sont habilement travaillées, et très régulièrement tournées : elles sont
renflées en leur milieu et terminées carrément à leurs extrémités; leur forage a été efifectué par les
deux côtés.
Quant aux variétés minéralogiques faisant les frais de ce bijou elles sont très nombreuses,
beaucoup plus même qu'il n'est coutume dans les colliers de ce genre. Ce sont :
Turquoise (i). Silex.
Lapis-lazuli (2). Jade (?).
Émeraude(3). Quartz, hyalin et laiteux.
Agate (4). Améthyste d'un violet pâle(5).
Jaspe de toutes couleurs. Hématite.
Cornaline rouge et blonde. Marbre de diverses couleurs.
Feldspath. Brèche.
(i) La turquoise (en persan moderne ejjjvj) est la pierre persane par excellence. De riches mines, irrégulièrement
exploitées, existent au Khoraçân. Les exploitations anciennes, aujourd'hui inondées, ont été abandonnées et remplacées
par des gisements où la pierre, de moindre qualité, perd très rapidement sa couleur bleue pour verdir. Les turquoises se
trouvent généralement en Perse dans des couches argileuses à l'état de rognons entourés d'une gangue ferrugineuse. —
Pour les mines de turquoise de la presqu'île sinaïtique, cf. J. de Morgan, Recherches sur les origines de l'Egypte.
(2) (En persan moderne 1^1 ij^V)- La lazulite se trouvait, dit-on, autrefois aux environs de Kachan et aurait été
l'objet d'un commerce important. Ces gisements ne sont plus connus. Les Persans disent qu'il existe une veine, non
exploitée mais très importante, de lazulite dans le district montagneux de Koulpa, entre Yezd et Ispahan. — Les amu-
lettes de lapis communément portés au Khoraçân sont apportés de Boukhara. — • Le lapis-lazuli était fort employé dans
la haute antiquité en Chaldée et en Susiane. Nous le rencontrons très fréquemment dans nos travaux — (Pline,//. A^.,
XXXVII, 5, 8). — Le lapis-lazuli de Médie était fort réputé. — On trouve aujourd'hui cette pierre en abondance en
Afghanistan (cf. ¥î&str, Khorasan App., pp. 105, loé).
(3) (En persan moderne 3 ^3). Je ne possède aucun document sur l'existence, à l'état naturel, de cette pierre en
Perse. (Pline, H. N., XXX'VII, 17, § i.) [Les émeraudes] 'les plus renommées sont les Scythiques, ainsi nommées
du pays où on les trouve... Les émeraudes bactriennes, voisines par le lieu de la provenance, le sont aussi par le rang.
Elles se recueillent, dit-on, dans les fissures des rochers... Mais on assure qu'elles sont plus petites que celles de Scy-
thie. Au troisième rang est l'émeraude d'Egypte qu'on extrait des rochers, dans des collines aux environs de Coptos,
ville de la Thébai'de.
[§ 2.] Les autres sortes d'émeraudes se rencontrent dans les mines de cuivre. De là vient que le premier rang
parmi ces dernières appartient aux émeraudes de Chypre... (S 3.) Après les émeraudes attiques, viennent les émeraudes
de .Médie, celles qui offrent le plus de teintes variées; quelques fois même elles se rapprochent du saphir. (19, Jj i.)
On range parmi les émeraudes la pierre appelée tanos. Elle vient de Perse (Trad. E. Littré, t. II, 1850, p. 547 sq.).
(4) (En persan moderne rJs.)- Minéral très abondant dans les alluvions caillouteuses du Sud-Ouest de la Perse.
— L'agate rubanée (en persan moderne, pierre de Soleymanieh) sert encore aujourd'hui d'amulette ; elle est apportée en
Perse des environs de Soleymanieh (en Turquie). — L'usage de cette pierre, dans la bijouterie, remonte à la plus haute
antiquité.
(5) L'Améthyste, au temps de Pline (//. A'., XXXVII, 40, § 1), provenait de l'Inde, de l'Arabie Pétrée, de la
Petite Arménie, de l'Egypte, de Galatie, de Thasos et de Chypre.
54
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
Quelques matières minérales, composées de plusieurs éléments minéralogiques, sont d'une
détermination difficile dans des perles d'aussi petites dimensions.
11 est à remarquer que ce collier ne renferme pas d'ambre et que cette substance, commune
en Egypte, n'a pas encore été rencontrée dans les ruines de Suse. Il en est de même pour le
grenat qui semble n'avoir été employé que par les peuples du Nord.
Les perles d'or(i) sont toutes semblables. Elles se composent de plusieurs rangs de per-
letlcs métalliques soudées sur des cercles collés les uns aux autres, de telle sorte que la partie
• médiane de la perle soit renflée (fîg. 82 et PI. VI, fig. 2
et 3). Les plus grandes perles d'or se trouvaient au milieu
de chacune des rangées du collier.
Une grosse perle d'or, largement percée et ornée de
côtes, réunissait derrière le cou les quatre rangs du bijou.
Ce genre de perles, en filigrane d'or, m'est connu
depuis longtemps. J'en ai trouvé sur le marché, beaucoup
à Hamadan en 1890(2). Je les croyais moins anciennes
et appartenant à l'époque de la dynastie sassanide.
Le travail du filigrane s'est conservé dans quelques
pays de la Perse et des contrées voisines. Je citerai spécia-
lement Zendjan, célèbre dans tout l'Iran pour la délica-
tesse de ses bijoux et de son argenterie, et Akhaltsik dans les montagnes de l'Arménie russe. Les
travaux modernes dififèrent peu comme technique de ceux de l'antiquité.
Fie. 82. — Perle d'or réunissant les rangées de perles
du collier (grossie trois fois).
Perles de la coiffure. — Huit grosses perles d'or (3), très largement percées, se trouvaient
^ dans le tombeau aux environs du crâne; leur usage ne m'est pas connu, mais je
^/|il^ suppose qu'elles étaient prises dans la coiffure ou qu'elles terminaient les mèches
pendant en longues nattes des deux côtés du visage (fîg. 83 et Pl. IV, fig. 4 et 5).
L'usage de porter de semblables nattes et de les orner de la sorte est encore courant
chez les femmes arabes de la Mésopotamie et de la Susiane.
Ces perles se composent de trois anneaux soudés entre eux et portant chacun
deux rangs de perlettes d'or ; sur les deux anneaux des côtés les perlettes sont très
fines, sur celui du milieu elles sont beaucoup plus grosses et en double épaisseur.
Le trou de l'anneau médian mesure 4"'", 3, tandis que celui des anneaux exté-
rieurs présente 5'"™, 5 de diamètre. Il résulte de ce dispositif que la perforation très large et bi-
FiG. 83. — Perles
de la coiffure.
(i) Le poids total des perles d'or de ce collier est de 155 grammes.
(2) J'ai acheté à Hamadan en 1890, un collier composé de perles d'or qui se trouve aujourd'hui déposé au musée
Guimet. Quelques-unes de ces perles sont d'une facture toute différente et appartiennent probablement à une autre
époque; mais la plupart sont semblables à celles du tombeau de Suse.
(3) Poids des huit perles: 25s"". 5.
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 55
conique de la perle ne conviendrait pas à l'insertion de ces bijoux dans un collier. Ces considé-
rations, jointes à la position qu'occupaient ces perles dans le tombeau, me portent à croire qu'elles
étaient employées dans la coiffure.
A.MULETTEs. — Les amulettes ne faisaient pas partie des grands bijoux: elles étaient pendues
soit au cou, soit au poignet, et accompagnées de perles variées qui composaient un ccjllier simple
ou un bracelet. Ces perles sont de même nature que celles du grand collier, mais elles en diffèrent
par la forme. Ce sont des émeraudes, des cornalines, des lapis-lazuli et des turquoises, proba-
blement séparées entre elles par des perles d'or analogues à celles du collier de gemmes, et des
perles lisses fusiformes en argent et en or. Il n'est pas possible de restituer l'ordre dans lequel les
amulettes entraient dans cette série de perles : aussi les décrirai-je séparément.
Sphinx a tête de bélier. — Cette figurine de pâte blanche, couverte d'un émail vert, est
non seulement égyptienne par sa composition, mais elle l'est aussi par sa fabri-
cation (fig. 84 et PI. IV, fig. 6). Elle mesure 12 millimétrés de longueur sur lo"",^
de hauteur. Ces sortes d'amulettes sont très fréquentes dans la vallée du Nil. Elles
sont plus ou moins soignées de facture ; celle qui nous occupe est une de ces figu- 'à tôle d~b m^'^ "^
rines communes telle qu'on en rencontre tant à partir de l'époque saïte jusqu'à la
fin du paganisme.
Lion ou chat en or. — Cette figurine est une copie asiatique d'un modèle égyptien bien
connu, représentant un chat assis. Il est en or fondu et ciselé avec soin ; la facture
en est beaucoup plus rude que dans les amulettes égyptiennes ; les membres sont
grêles et raides, la tète est encadrée d'un collier de poil qu'on ne voit pas dans les
Fig. 85. — Lion ,, . , • j 1 . , • r ■. 1' •
ou chat en or. ngurations pharaoniques de chats et qui me lait penser que 1 artiste a peut-être
voulu figurer un lion (fig. 85 et PI. IV, fig. 7).
Colombe en or . — Cette amulette est une très grossière représentation d'un oiseau, ^i
probablement d'une colombe, les ailes reployées; elle est en or fondu à peine retouché i^>,.
au burin (fig. 86 et PI IV, fig. 8). L'artiste n'a pas jugé utile de figurer les pattes. fig. s6.
Colombe en or.
?»vT Colombe en LAris-LAZULi. — Cette figurine est encore plus grossièrement
travaillée que la précédente (fig. 87 et PI. IV, fig. 9). La pierre, de médiocre qualité,
FiG. 87. — Colombe est simplement découpée et ne porte aucun des détails de l'oiseau.
en lapis lazuli.
Amulette d'agate. — Une agate blanche, transparente, taillée en demi-
cercle, est montée en or et porte, contre son diamètre, un tube de suspension. Cette
amulette rappelle la forme d'un bijou lydien du lAlusée du Louvre Fig. 88.
Amulette d'.ni'.ite.
56
DECOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHEMENIDE A SUSE
FiG. 89. — Pendentif
de cornaline.
Pendentif en cornaline. — Cornaline rouge, façonnée en disque, et munie
de son tube de suspension taillé à même la pierre.
Disques en or. — Deux disques d'or, à double face, percés comme des
perles ; l'un d'eux porte des deux côtés une croix dont les quatre bras rayon-
nent autour d'un bouton central ; dans l'autre, les bras de la croix sont rem-
placés par les pétales d'une fleur qu'un grènetis sépare (fîg. 90).
FiG. 90. — Disques d'or.
Pendentifs en or et pierres. — Deux petits cylindres lisses, l'un de jaspe rouge, l'autre
de quartz laiteux sont garnis d'or aux deux extrémités et munis chacun d'un anneau de suspen-
sion (PI. IV, fig. 10 et II).
Montures de pendentifs. — Quatre montures de pendentifs en or sont munies chacune de
trois anneaux d'attache ; elles renferment encore les restes de tiges d'une matière dont j'ignorâ
la nature et l'usage ; chaque monture en renfermait sept, une au centre et six autres rangées
en hexagone autour de la première (fig. 92 et PI. IV, fîg. 12 à 15).
Perles montées en or. — Deux perles de lapis-lazuli et une de cornaline, beaucoup plus
grosseque les deux premières, ont leurs
extrémités garnies d'or (fig. 91).
Quatre autres montures d'or
ornées de côtes ont été trouvées _
en même temps ; elles garnissaient Fig- 91- — Perles de plen-re montées en or. F'°- 92- — Montures de pendenrifs
'- '^ en or.
probablement des perles oblongues
de pâte ou de bois, que le temps a fait tomber en poussière (PI. IV, fig. 16).
Pierres taillées. — Près du cou du squelette se trouvaient deux disques elliptiques, d'agate
Fig. 93. — Pierres taillées.
rubanée, mesurant 32 millimètres de longueur sur 22 millimètres de largeur, et percés suivant
leur grand axe. Ces pierres étaient accompagnées de quatorze disques ronds, en cabochons taillés.
DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE 57
de même matière, et également percés ; de onze petites plaques en forme de lozange, et de trente-
huit perles ovoïdes d'agate noire et blanche (fig. 94 et PL VI, ûg. 4, 5,6).
iVlalgré un examen très attentif, je n'ai pu me rendre compte ni de l'usage de ces pierres, ni
de leur position sur le corps ; j'incline à penser qu'elles ornaient un vêtement sur lequel elles
avaient été peut-être cousues au milieu de broderies.
Étoffes. — L'oxyde de cuivre du sarcophage nous a conservé quelques débris d'une étoffe
de fil assez fine, analogue aux tissus qui se fabriquaient en Egypte à cette époque; c'est une toile
unie qui, dans le peu que nous en possédons, est entièrement lisse.
Monnaies. — Dans son savant ouvrage sur la numismatique des souverains achéménides
et de leurs satrapes, M. E. Babelon range, dans les séries d'Aradus en Phénicie, les coins qui
nous intéressent. Ces médailles sont placées avec certitude vers le milieu du iv' siècle.
Les deux monnaies trouvées dans la sépulture ont été fort altérées par le temps ; toutefois
les effigies y sont assez nettes pour que nous puissions en donner une description sûre et exacte:
1° Statère perse, pièce ovale. Grand diam. 21 millimètres, petit diam., 17 millimètres.
Av. Tète laurée et barbue de Melqart (350 à 332 av. J.-C), à droite, l'œil de profil, les
cheveux arrangés sur le front et sur la nuque en trois rangées de frisures, la barbe frisée et en
pointe; il ne reste pas trace du grônetis du pourtour.
156 Galère phénicienne avec un rang de rameurs voguant sur des flots représentés par trois
lignes parallèles ondulées; restes de l'inscription fsy ex Arado.
2° Monnaie très oxydée, incomplète.
Av. Même type.
^ Même type. "~-fv/ Ev Arado anno XII.
(Sur les médailles de ce type, consulter Ernest Babelon, Cat. des mon. iirecjjues de la Bibl.
nat. Les Perses. Achéménides Paris, 1893, p. 128, n"' 880, 881, 882 ; p. 130, n" 908; p. 131,
n" 913. PI. XXII, fig. 12, 13, 14, 20, 21.)
Je me suis longuement étendu sur cette découverte parce qu'étant unique elle jette un jour
nouveau sur les arts en faveur à la cour des Achéménides au iv'= siècle av. J.-C. On ne
connaissait jusqu'ici aucun bijou perse de ces époques ; c'est une grande lacune qui vient d'être
comblée par notre découverte et j'espère qu'on ne me tiendra pas rigueur de l'avoir exposée,
non seulement dans ses moindres détails, mais aussi en faisant part des déductions quelle me
suggère.
Au iv" siècle, au moment où l'Empire perse s'était étendu sur le monde civilisé tout entier,
les goûts artistiques des Iraniens n'étaient plus ce qu'ils avaient été dans les débuts de la monar-
chie. Les troupes royales, obtenues par la levée en masse, s'étaient affinées au contact des Egvp-
tiens, des Phéniciens et des Grecs. Elles avaient rapporté de ces expéditions et répandu dans les
diverses provinces, non seulement des modèles dus au pillage, mais aussi des idées nouvelles,
8
58 DÉCOUVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉIVIÉNIDE A SUSE
une façon de voir diflférente de celle de leurs ancêtres. La finesse et le goût élevé des Égyptiens
et des Grecs ne furent certainement jamais compris par ces peuples barbares, l'esthétique perse
demeura bien inférieure à celle des peuples pris pour modèles, mais il resta beaucoup de ces expé-
ditions. Les Iraniens firent de grands progrès. C'est alors que furent élevés les plus vastes palais
de la Perse à Suse et à Persépolis, que le ciseau du sculpteur, s'inspirant de l'assyrien, couvrit
les rochers d'immenses bas-reliefs, qu'il se créa une littérature officielle dont nous retrouvons les
vestiges à Bisoutoun, dans l'Elvend, dans le Fars. En Perse on sut écrire, sculpter, émailler la
brique, bâtir; on sut ciseler et graver la pierre, gauchement, il est vrai, sans discernement et sans
critique, mais on connut une foule d'arts et de sciences, qui semblent avoir été complètement
ignorés des Mèdes.
Les bijoux achéménides de Suse appartiennent à cette période où tout, en Perse, prit son
essor; ils sont remplis de défauts mais caractérisent bien leur époque et viennent appuyer l'opi-
nion que nous avions pu nous faire, par ailleurs, du sentiment des arts sous les successeurs de
Cyrus.
FOUILLES DE MOUSSIAN^'^
Par J.-E. Gautier et G. Lampre.
Géographie et topographie de la région. — Les fouilles entreprises au Pouchté-Kouh,
pendant l'hiver 1902-3, ont été inspirées par l'idée de reconnaître un groupement de tumuli dont
le plus considérable porte le nom de Tépé Moussian.
Ces collines artificielles avaient, à diverses reprises, attiré l'attention des membres de la
Délégation ; elles sont, en effet, visibles depuis la route qui mène de Suse à Kirmanchah et ne
pouvaient manquer d'arrêter, par leur aspect particulier, les regards des voyageurs. Nous fûmes
engagés, par ces observations, à tenter les recherches qui font l'objet du présent mémoire, notre
but étant de déterminer, si possible, le rôle joué, dans l'histoire de l'Élam, par des sites antiques
si voisins de la capitale du grand empire.
A l'ouest et à 1 50 kilomètres environ de Suse, on rencontre au pied même du Kébir-
Kouh une large vallée, au sol remarquablement uni. Une succession de monticules s'y détache
en relief et semble attester l'existence, dans les âges passés, d'une agglomération humaine assez
importante.
Cette vallée est bordée, au nord, par les pentes abruptes du Kébir-Kouh ; au sud la chaîne
du Djebel Hamrin la sépare seule de l'immense plaine de Mésopotamie.
Deux rivières, issues du haut plateau, le Tib et le Douôridj, arrosent ce territoire. Le ïib,
au cours rapide, descend presque en ligne droite jusqu'à la trouée de Beyat, puis, frayant sa
route au travers du Djebel Hamrin, va rejoindre le Tigre à la hauteur d'Amara. Plus sinueux, le
Douéridj après avoir coulé dans la direction du sud s'infléchit à l'est pour aller se perdre dans
les marécages.
(i) Toute la région dans laquelle nous avons pratiqué des fouilles porte ce nom générique, emprunté au tépé
principal.
60 FOUILLES DE MOUSSIAN
Mais ces rivières roulent des eaux saumâtres et absolument impropres à la consommation ;
au sortir des défilés elles s'engagent dans la masse caverneuse des gypses qui constituent les assises
inférieures de ces formations montagneuses qu'Elisée Reclus dénomme si justement le « Jura
persan » ; là elles se chargent abondamment de principes salins. Néanmoins, de tout temps, elles
ont été précieuses pour l'irrigation des cultures.
Cette remarque est capitale ; elle nous permettra de déterminer ce que furent jadis les habitants
de la contrée et à quelle classe de la société ils doivent être rattachés. On voit, en effet, que les
conditions physiques, qui n'ont pu se modifier, s'opposaient à l'établissement de centres populeux :
le manque d'eau potable est catégorique à cet égard ; la région de Tépé Moussian ne fut donc
jamais qu'un centre agricole. Les pluies abondantes d'hiver, tout en favorisant les cultures, four-
nissaient, comme elles le font encore de nos jours, l'eau nécessaire à l'alimentation des agricul-
teurs. Mais les étés de Susiane avaient vite fait de convertir la plaine en un désert aride et brûlant,
le pays devenait inhabitable et l'obligation s'imposait aux cultivateurs de rechercher dans la
montagne, en même temps que des campements plus frais, le voisinage des sources et les pâtu-
rages pour leurs troupeaux.
Les anciens habitants du pays avaient fatalement, à peu de chose près, le même genre de vie
que les tribus qui viennent aujourd'hui camper, durant l'hiver, sur les rives du Tib et du Douéridj .
La hauteur des tumuli pourrait faire croire à l'existence de villes importantes, mais, sans
doute, ce ne furent que de simples bourgades. Pour la protection des cultures et des ouvriers
agricoles, des fortifications puissantes entouraient les groupes d'humbles maisons ; au milieu
s'élevaient des temples construits de matériaux modestes, en rapport avec la situation de ces
populations rurales.
L'écroulement de ces ouvrages de défense et de ces édifices religieux expliquerait l'importance
des buttes artificielles, et, notamment, la masse considérable que présente Tépé Moussian. Puis
les guerres fréquentes, les ruines qui en étaient la conséquence, amenaient des réédifîcations
successives qui ont augmenté d'autant le relief des tépés.
Ces tumuli parsèment la plaine sur une longueur de plus de 20 kilomètres, de l'est à
l'ouest. En venant de Suse, c'est d'abord Tépé Patak que l'on rencontre, six kilomètres avant
d'atteindre le Douéridj. La ruine principale mesure 12 mètres de haut ; c'était apparemment la
citadelle d'une ville dont on retrouve, au nord, l'emplacement figurant un vaste quadrilatère.
A 5 kilomètres environ de Patak, dans la direction du sud, un coude du Douéridj enserre le
site de Mourad-Abad, remarquable par son tépé de couleur jaune clair. A son pied de nombreux
mamelons semblent être les vestiges d'une bourgade ; ils rejoignent la rive, que borde encore
une sorte de quai.
Entre Tépé Patak et la rive du Douéridj, des tertres, en grand nombre, se confondent presque
avec le sol uniforme de la plaine. Par contre, à peine a-t-on franchi la rivière, que surgit, à
3 kilomètres de distance, la silhouette de Tépé Moussian. La ruine se profile sous la forme d'une
table de forme allongée, limitée à chaque extrémité par les pentes raides des talus.
FOUILLES DE MOUSSIAN
éi
Au sud de Tépé Moussian, Tépé Khazinèh, Tépé Mohr, Tépé Aly-Abad et, à l'ouest, Tépé
Mohammed Djafar, méritent d'être mentionnés ; il en sera, du reste, question par la suite.
Dans la direction du nord, Tépé Gourghan se dresse en forme de cône très élevé dépassant
30 mètres de hauteur ; nous y verrions volontiers les vestiges d'un zigurat auprès duquel devait
s'abriter un village dont l'existence est révélée par une série de monticules.
Tepé Chaînai Seftd
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K 0 u h H a m r I n
FlG. 94. — Carte de !a région de Moussian.
Encore plus au nord, indiquons aussi Tépé Imamzadch Akbar. Enfin, à 12 kilomètres
de Tépé Moussian, dans la direction de l'ouest, Tépé Fakhrabad, affectant la silhouette dun
pain de sucre, apparaît sur la rive gauche du Tib.
A la trouée de Beyat, point signalé par les géographes, quelques ruines d'époque arabe
couronnent les crêtes des collines; il est probable, en raison de l'intérêt stratégique de ce lieu,
qu'aux époques antérieures il avait dû être l'objet d'une occupation permanente (voir la carte
%• 94-)
62 FOUILLES DE MOUSSIAN
La plupart des noms que nous venons de citer ont une origine toute moderne et même con-
temporaine. Quelques-uns affectent la terminaison A b ad qui désigne en persan un lieu habité,
comme Mourad-Abad, Aly-Abad. Ces dénominations proviennent de ce que tel ou tel chef, Cheikh
Mourad ou Cheikh Alv, par exemple, vint camper en ces lieux et y fit quelques cultures.
Tépé Mohr (^ cachet, en persan) doit son nom à une trouvaille récente. Il en est de même
de Khazineh dont l'expression a la valeur de poterie-vase.
Trois noms seulement pourraient être anciens, Moussian, Gourghan et Patak ; nous ne
pouvons leur appliquer aucune étymologie, ni arabe, ni persane.
Description de Tépé Moussian. — Tépé Moussian étant sans contredit le tumulus qui,
dans cette région, suscitait le plus d'intérêt, c'est là que, de prime abord, nous avons décidé
d'établir notre camp' et d'entamer des travaux en vue de chercher à identifier le site.
L'énorme monticule est situé à une distance d'environ 7 kilomètres du Djebel Hamrin, tan-
dis que 13 kilomètres le séparent de la pente rocheuse du Kébir Kouh. Le cours du Tib passe à
1 2 kilomètres, et celui du Douéridj à 3 kilomètres seulement. Une saignée de cette dernière
rivière, qui a laissé des traces apparentes, irriguait le territoire; l'aspect de cet ouvrage permet de
le considérer comme fort ancien.
La forme générale du tépé, bien qu'irrégulièrc, tend à se rapprocher d'un quadrilatère
dont le grand côté, d'une longueur de 450 mètres, n'est pas exactement orienté au Nord, mais
bien au N. i 5° E. ; sa plus grande largeur est de 300 mètres environ.
De profondes ravines le creusent capricieusement en tous sens, pénétrant parfois jusqu'au
novau central, sans interrompre cependant la continuité de la ligne de crête. Les massifs ainsi
découpés se réunissent les uns aux autres par des sortes de chaussées qui, en certains points,
n'ont qu'une très faible largeur.
On peut diviser l'ensemble du tumulus en deux parties distinctes : celle du Nord, de forme
parfaitement rectangulaire, caractérisée par l'orientation N. 15° E. et celle du Sud qui, plus
large que la précédente, est orientée presque exactement au Nord.
Un rempart encore nettement visible entourait le quadrilatère du Nord sur toutes ses faces.
Il se présente sous la forme d'un talus aux pentes très raides ayant une hauteur variable de 4 à
lo mètres. Des brèches l'interrompent par endroits correspondant aux ravins qui s'enfoncent
dans le tépé. Ces ouvertures ont dû souvent être causées par l'action des eaux, mais, en plu-
sieurs points, elles marquent, sans doute, l'emplacement des portes de l'enceinte fortifiée.
Sur la face septentrionale le rempart, dont la hauteur atteint encore 1 1 mètres, est dans un
état remarquable de conservation. En son milieu, une large avenue monte en pente douce pour
gagner le sommet du plateau. Celui-ci s'étend dans la direction du sud, avec une hauteur
moyenne de 1 3 à 15 mètres ; une série de crêtes transversales rompt l'uniformité de sa ligne et
donne les points les plus élevés du tumulus, avec les cotes de 17 et 18 mètres. Non loin du point
où l'avenue, dont il vient d'être question, prend naissance, une de ces crêtes arrive à la hauteur
Nord
0 5 10 20 30 W 50 Mètres
kz cotes d altitude sont eiprimcei en mitres.
FiG. 95. — l'ian de Tcpc Mous-M.m.
64 FOUILLES DE MOUSSIAN
de i8'",75. Son versant méridional côtoie deux ravins qui délimitent un massif rectangulaire
d'aspect très caractéristique (A du plan). C'est là que nos travaux ont mis au jour les vestiges
d'un zigurat en briques crues.
Plus au Sud, après deux élévations parallèles à la précédente, le sol se régularise offrant à
la cote de 13 mètres une large plate-forme qui servit d'assise à notre camp.
Au sud du camp, deux larges ravins séparent nettement les deux parties du tumulus ; celui
de l'est est de beaucoup le plus important. Le rempart du quadrilatère vient, sur les deux faces,
se relier par des retours à angle droit au massif central. Seule une étroite chaussée rattache
celui-ci à la partie du sud.
Cette partie sud, caractérisée par une orientation différente, déborde largement, à l'est, l'ali-
gnement donné par le rempart qui borne sur cette face le versant du monticule dans la région du
nord.
Le versant qui regarde le ravin de séparation est curieusement découpé en terrasses de
forme carrée qui s'élèvent graduellement. Par contre, le talus méridional descend abrupt vers la
plaine et n'en est séparé que par une enceinte peu élevée dont le tracé circulaire s'éloigne de la
configuration rectiligne du tépé. Son aspect, autant que la nature des matériaux qui le consti-
tuent, nous engagent à le ranger parmi les constructions de basse époque.
Travaux a Tépé IVIoussian. — La campagne, commencée le 3 janvier 1903 prit fin le 3 mars
de la même année. Pendant ces deux mois i.^o hommes furent journellement employés aux
fouilles ; ils étaient répartis en quatre équipes dont trois provenaient de la tribu loure de Kaïd-
Khani et la quatrième de celle du Cheik Mohammed Djafar, frère du précédent.
Notre premier soin fut de chercher à mettre le camp à l'abri d'une surprise. A cet effet, un
fossé de 2^,50 de large sur 2^,50 de profondeur fut creusé avec rapidité ; les terres rejetées sur le
bord formaient parapet, augmentant ainsi la défense. Nous avions donné au quadrilatère qui
délimitait le camp les dimensions de 35 mètres sur 215 mètres ; un étroit passage était réservé sur
une face pour servir de porte.
Tout en surveillant ce travail préliminaire qui, confié à" des mains novices, exigeait notre
continuelle présence, nous fîmes une reconnaissance en un point situé en contre-bas du camp et
dans le ravin qui le borne sur sa face méridionale. Là, une sorte d'éperon de faibles dimensions
fut coupé d'outre en outre par une tranchée de 5 mètres de largeur. Cette fouille conduite jus-
qu'au niveau du thalweg ne donna aucun résultat notable ; on dégagea cependant quelques ara-
sements de murs primitifs, construits en gros galets, parmi lesquels se rencontrèrent des débris
de poterie peinte.
Le creusement du fossé nous avait permis de reconnaître le sol sur lequel nous étions instal-
lés ; mais la faible épaisseur de la couche explorée ne nous fournit que des objets appartenant à
des époques très diverses et sans enseignement d'aucune sorte. 11 y a lieu de signaler cependant
une gourde en poterie peinte de grandes dimensions (fig. 96) qui, par sa facture, nous semble
FOUILLES DE MOUSSIAN
6)
FiG. 96. — Gourde en poterie rouge, décor noir, 1/6 gr. nat.
postérieure à l'époque des poteries peintes que découvrirent ensuite nos tranchées à Tépé
Moussian et nos fouilles dans les nécropoles voisines. Le fait qu'elle fut trouvée presque au
niveau et à proximité de sépultures en jarres accolées, dont il sera parlé plus loin, vient confirmer
cette opinion. Le décor se compose de trois séries
de cercles concentriques noirs, partant du centre
à la périphérie. Le petit cercle central circonscrit
une étoile à cinq branches. Cinq traits coupent
les grands cercles de chaque côté du goulot. Tous
ces motifs sont peints en noir.
Au point marqué sur le plan un dallage en
briques cuites fut déblayé sur 3 mètres de lon-
gueur : les briques étaient toutes de forme biaise
et devaient provenir d'une voûte appartenant à
un monument antérieur. Ce dallage, assez irré-
gulier de facture, doit être considéré comme le
plancher d'une habitation de basse époque. Dès
lors, il était sans intérêt d'en poursuivre le déga-
gement ; du reste, nous ne pouvions sacrifier le camp qu'il nous avait fallu retrancher au plus
vite pour parer aux difficultés que, dès notre arrivée, nous avions dû prévoir.
Deux sépultures, qu'on peut attribuer à l'époque élamite, furent rencontrées au cours de ces
travaux. Le type en est connu. Suse et les nécropoles de basse Chaldée en ont fourni de nom-
breux spécimens. Le sarcophage, en terre cuite, se compose de deux vases de dimensions iné-
gales s'emboitant par le col. Une de ces tombes contenait, outre les ossements, une coupe
d'albâtre et un anneau de bronze.
Tout en poursuivant l'installation de notre campement nous avions examiné avec soin le
tumulus pour y rechercher un point d'attaque.
Parmi les débris de surface on ne trouve à Tépé Moussian aucun fragment de poterie ver-
nissée caractéristique des époques parthe et sassanide ; le verre v fait également défaut. Les
spécimens recueillis sur le sol se composent principalement de casscaux de poterie peinte, fine
ou grossière, de vases et statuettes d'argile cuite, de broyeurs à grain, de galets ayant servi de
supports de gonds de portes, et enfin de briques cuites. Ces objets, d'un cachet archaïque très
accusé, se rencontrent indistinctement sur toute l'étendue du tumulus.
Au centre, une surélévation (A du plan), qui affectait une forme rectangulaire, avait attiré notre
attention ; son aspect nous faisait supposer qu'elle devait marquer la place d'un temple ou d'un
palais.
Ce massif haut de 16 mètres, aux arêtes rectilignes qui se recoupaient à angles droits, était
orienté au N. 15" E. selon le relèvement de sa face orientale. Normalement, un ravin profond
venait rencontrer le talus en un point situé à 7 mètres de hauteur. Profitant de cette disposition,
66 FOUILLES DE MOUSSIAN
nous résolûmes d'y ouvrir une tranchée destinée, dans notre pensée, à couper complètement cette
partie du tumulus. Nous pouvions ainsi, à l'aide d'une fouille n'ayant pas un développement
excessif, en étudier la structure intime sur 9 mètres de hauteur et cela au centre même du mon-
ticule.
Nos ressources modestes, le manque de matériel et le peu de temps dont nous disposions
nous empêchaient d'entreprendre un travail de longue haleine que nous n'aurions pu mener à
bien.
Nous ne pouvions donc songer à déblayer les monuments que le haut plateau de Tépé-
Moussian recelait dans ses flancs. Notre effort devait s'attacher à obtenir une coupe des étages
du tumulus, et, surtout, à rechercher des documents épigraphiques pouvant permettre d'iden-
tifier le site et l'origine des constructeurs de la vieille cité.
Le rectangle qui se dessinait si nettement, mesurait 20 mètres de longueur dans la direction
du Nord; son autre face, plus longue, atteignait 30 mètres. Au Nord et au Sud, des dépressions
en forme de cols reliaient ce massif aux régions voisines. Moins abrupt que l'autre versant,
celui de l'Occident longeait une sorte de vallon dont le thalweg était à la cote de 8 mètres.
Notre première attaque pratiquée dans la partie supérieure de la face orientale rencontra,
presque en surface, un pan de mur construit en briques cuites dont il ne restait qu'un arasement
de G"", 60 de hauteur. Cette construction, sans grand aspect, se composait de matériaux dispa-
rates : les briques appartenaient à des époques diverses ; on y rencontrait aussi des blocages
faits de grosses boules d'argile; enfin elle avait subi une restauration grossière en briques crues.
Plus haut, sur le sommet, fut dégagé un dallage de briques cuites qui, lui aussi, était de
mauvaise facture : il ne fut pas possible de déterminer si ce dallage et le mur faisaient partie du
même monument. Cependant il y a lieu, croyons-nous, d'y voir un édifice à gradins ; mais les
escaliers conduisant d'un niveau à l'autre avaient disparu.
Ces vestiges témoignaient que, dans le sous-sol, avaient existé des appareils en briques cuites,
et qu'après leur ruine, les matériaux en avaient été employés pour servir à l'édification de nou-
veaux monuments, qui, eux-mêmes, furent l'objet de restaurations assez frustes.
Quant au dallage, il est vraisemblablement postérieur et date, peut-être, de l'époque des
murs en briques crues rencontrés en surface sur le sommet.
Ainsi l'aspect de plus en plus misérable des constructions superposées témoignait de la déca-
dence qui a dû marquer les dernières années de la vie active à Tépé jMoussian.
Dans l'ignorance où nous nous trouvions, au début, de l'importance que pouvait avoir le
mur ainsi découvert, force nous fut, pour le conserver, de reporter la tranchée à quelques mètres
plus au Nord. Mais là, poussée en profondeur jusqu'au niveau du thalweg, sans rien rencontrer,
elle nous permit de constater que le sous-sol de la région était uniquement formé d'un énorme
terrassement. (]cttc fouille fastidieuse n'amena même pas la découverte des menus débris qui se
trouvent toujours en abondance dans les couches remaniées. Il semble donc que ce terrassement
n'était autre que la plate-forme destinée à l'assise d'un édifice presque complètement disparu.
FOUILLES DE MOUSSIAN
67
Deux équipes, en même temps, attaquaient le massif , l'une au sommet, l'autre sur sa face
occidentale.
Le premier chantier, conduit à travers un sol dur et compact, fut bientôt abandonné ; les
travailleurs en furent distribués dans la fouille pratiquée à l'Ouest, qui, précisément, dégageait les
murs d'une importante construction en briques crues.
Pour reconstituer le plan d'une partie de cet édifice, nous fîmes déblayer une série de cham-
bres dont les murs subsistaient encore sur une hauteur de i mètre. La face occidentale, mesu-
rant 20 mètres de longueur, était orientée au N. 7" E., tandis que les constructions existant sur
l'autre versant faisaient avec la méridienne un angle
plus fort: il était, comme on l'a vu, de N. 15° E.
Cette remarque nous fut, par la suite, d'un grand
secours pour classer, par ordre d'ancienneté, les murs
qui furent recoupés à divers étages par les travaux
poussés plus avant dans le tumulus.
Le monument que nous venions de dégager,
portait, en effet, de nombreuses traces de restau-
rations successives; mais, tandis que les unes obser-
vaient exactement les alignements de l'édifice pri-
mitif, les autres, appartenant sans doute à l'époque
des bàtim.entsde la face orientale, reproduisaient leur
orientation de N. i 5" E. Ce n'étaient du reste que des
arasements sans importance, et nous prîmes le parti
de les sacrifier pour ne conserver que les portions qui,
plus anciennes, pouvaient concourir à la détermi-
nation du plan.
Ainsi déblayé l'édifice fournit, à l'Ouest, une
première série de quatre chambres se suivant en façade ; en arrière se trouvait une longue salle à
laquelle succédaient deux petites pièces ; un large couloir, perpendiculaire à la direction de la
façade, aboutissait en contre-bas d'un dallage qui, lui-même, s'engageait dans le massif; faute
de temps nous ne pûmes explorer plus avant cette partie. Sans doute des escaliers reliaient les
étages et donnaient accès à des p<jrtes dont le seuil était encore visible, mais toute trace des
degrés a disparu.
Dans quelques-imes des chambres, un cordon de briques courant le long du mur indiquait
le niveau du dallage ; le milieu de la pièce en était dépourvu, soit qu'il eut été défoncé en
vue de rechercher les cachettes qu'il pouvait recouvrir, soit que le sol eût été primitivement en
terre tassée.
Ce travail de déblaiement ne nf)us fournit aucun débris digne de remarque ; les quelques
iragments de poterie qui en proviennent sont de pâte grossière et n'ont aucun caractère.
FiG. 97. — Plan des constructions découvertes àTOpé Moussian
(au point A du plan).
68 FOUILLES DE MOUSSIAN
Les angles des chambres, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, furent soigneusement explorés :
aucun dépôt de fondation ne s'y trouvait.
L'exploration des murs à leur base vint cependant nous apporter un renseignement de
quelque valeur. Dans l'assise inférieure du mur nous avons trouvé un morceau de brique cuite
engagé à même la maçonnerie. La cote du point étant de 9 mètres environ, c'est donc plus bas
qu'il faut aller chercher le niveau des constructions en briques cuites. Ces fondations contenant
parmi leurs matériaux un débris de cette nature, il devient évident que les édifices en briques
cuites sont antérieurs et que leur niveau doit être recherché plus bas encore. D'autre part, le
grand terrassement signalé à l'Est et retrouvé jusqu'à 7 mètres de hauteur au-dessus de la
plaine, rabaisse d'autant l'étage qu'il convient de leur assigner.
Avant atteint, là aussi, le niveau du thalweg, il ne nous était pas possible d'aller plus
profondément. Pour descendre plus bas il eût fallu procéder au creusement d'un puits, travail
long et pénible qui ne fournit que des renseignements localisés dans le champ rétréci du sol
exploré.
Le temps, d'ailleurs, nous manquait pour entamer un semblable travail dont le résultat
était problématique.
Le déblayement de cet édifice n'avait pas duré moins d'un mois et demi ; il avait été parti-
culièrement délicat, car rien n'est malaisé comme de suivre le tracé de murailles en briques crues
au travers des éboulis qui en proviennent, les uns et les autres arrivant à se confondre par l'iden-
tité de couleur et de consistance.
Pour atteindre le niveau très profond où l'on pouvait espérer retrouver les assises des monu-
ments en briques cuites il eût fallu enlever une telle masse de déblais que cette entreprise eût
nécessité de longs mois et des équipes nombreuses, sans compter le matériel indispensable de
wagons et de rails, dont le transport était presque impossible en raison des distances et de l'insé-
curité de la région.
En outre, l'intérêt capital qui nous poussait à la recherche des monuments en briques cuites
consistait dans l'espoir de trouver quelques documents épigraphiques ; mais, malgré leur nombre
considérable, aucune des briques recueillies pendant les travaux ne portait trace d'inscriptions.
Les textes, si tant est qu'il en ait existé à Tépé Moussian, devaient donc être très rares, et, dès
lors, bien faible était la chance de mettre la main sur l'un d'eux.
Ainsi qu'on l'a vu, les points les plus bas auxquels nous pouvions atteindre étaient, à l'Est,
de 7 mètres, et, à l'Ouest, de 8 mètres au-dessus du niveau de la plaine. Nous avions fait ainsi un
déblai considérable, la hauteur du monticule au point d'attaque arrivant à plus de 16 mètres.
Le résultat obtenu était qu'on ne pouvait espérer trouver dans cette couche que des monu-
ments en briques crues; l'approfondissement de ces fouilles était, d'autre part, impossible, car,
arrivés au thalweg des ravins, nous ne pouvions plus évacuer les déblais sans avoir soit à les
remonter, travaillant ainsi en puits, soit en prolongeant les tranchées jusqu'aux faces du tépé et
la distance, de part et d'autre, dépassait 50 mètres. Nous prîmes la résolution, à ce moment où il
FOUILLES DE MOUSSIAN 69
ne nous restait plus que deux ou trois semaines avant la suspension des travaux, de sonder des
points qui, par leur configuration, avaient éveillé notre attention.
C'est ainsi qu'une tranchée fut ouverte au point B (voir le plan i\g. 95) en vue de reconnaître
le rempart à l'angle N.-E. du monticule. L'inclinaison très raide de son talus nous facilitait la
besogne, et, profitant d'un ravin dont la pente faible donnait accès au pied même du mur d'en-
ceinte, nous pûmes, en peu de jours, constater que celui-ci n'était formé que d'un terrassement
sans doute revêtu, jadis, d'un mur extérieur de soutènement dont aujourd'hui il ne reste
pas trace.
Non loin de là un sondage fut poussé dans le revers d'un vallonnement où des débris de
briques cuites abondaient en surface. Cette recherche amena la découverte d'un four à briques
de basse époque. Les produits de cette fabrication différaient notablement de la belle brique
cuite dont il faut localiser le niveau entre 5 et 7 mètres au-dessus de la plaine.
En face du camp, en un point D appartenant à la partie méridionale du tumulus, nous fîmes
ouvrir une tranchée dans le talus d'un ravin dont la forte pente dessinait, avec des retours en
équerre, une sorte de redan. Là encore il n'y avait qu'un terrassement où s'étageaient des lits de
cendres alternant avec des radiers de gros galets. Mais, du moins, v recueillit-on de nombreux
casseaux appartenant à la poterie décorée à pâte fine, des statuettes d'argiles, de menus objets
votifs, tous avant un aspect très archaïque (voir le plan fig. 95).
Plus au Sud, et à peu de distance de l'angle S.-O. du tumulus, une tranchée fut pratiquée au
flanc d'un plateau de i2"\6o d'élévation ; la cote du point d'attaque était de 6 mètres. Outre la
configuration de l'endroit, l'abondance extraordinaire des fragments de poterie décorés qui jon-
chaient les pentes du tell avait guidé notre choix (point E, voir le plan fig. 95).
Là, comme ailleurs, la coupe obtenue révélait la présence de lits do cendres et de radiers
superposés, attestant les remaniements fréquents dont I épé Moussian lut l'objet. Mais, lorsque
l'avance des travaux nous permit d'atteindre les couches profondes, on obtint une quantité énorme
de fragments de la belle poterie fine, qui est aussi la plus archaïque. Aussi en ce point primes-
nous le parti de pousser le travail en profondeur, lorsque le chantier eut rejoint le niveau du
thalweg. Des escaliers, aménagés pour permettre le va-et-vient des ouvriers, assuraient le trans-
port des déblais. La fosse fut conduite jusqu'à la cote de 2 ',50 au-dessus de la plaine, fournissant
en abondance les échantillons les plus variés de belle céramique. Au point le plus bas, cepen-
dant, celle-ci disparaissait pour faire place à quelques spécimens de silex taillé.
L'ensemble de ces travaux nous permet de suivre pas à pas l'évolution de la civilisation
naissante qui se fit jour dans cette vallée de la Susiane occidentale.
.•\u ras de la plaine les premiers âges de l'humanité se manifestent par la présence du silex
taillé ; bientôt, sans transition, surgit l'époque de la poterie décorée à pâte fine, la plus
ancienne et la plus belle en même temps; les motifs qui s'y rencontrent feront l'objet d'une étude
détaillée.
Puis apparaît, en même temps que le bronze, une céramique également décorée, mais de
FOUILLES DE MOUSSIAN
pâte et de facture plus grossières : il semble que c'est vers 5 mètres d'altitude qu'on doit localiser
ce gisement qui pourrait bien coïncider avec celui de la brique cuite. Les spécimens de cette
fabrication sont moins nombreux que ceux de la céramique à pâte fine ; les deux variétés se ren-
contrent, cependant, mélangées à ceux de tous les étages supérieurs du tumulus.
Il est facile de fixer le niveau inférieur d'une période historique ; la limite supérieure qu'il
convient de lui assigner est, par contre, malaisée à déterminer, car les débris caractéristiques
qu'elle a laissés ne sont plus localisés dans une seule assise, mais se rencontrent partout dans les
couches plus élevées où les remaniements nombreux dont le site a été l'objet les ont successive-
ment fait remonter.
L'explication en est simple : une ville étant ruinée à la suite d'une guerre malheureuse,
lorsque la situation politique en permettait la réédification, on commençait par niveler les
décombres afin de faire une plate-forme devant servir d'assise aux constructions nouvelles. Soi-
gneusement recueillis, les casseaux, les pierres, les gravats étaient emplovés de manière à en
consolider les fondations ; c'était là matière précieuse, dans une région alluvionnaire. Les
galets de rivières, les pierres de la montagne étaient loin du pied d'œuvre, il était plus rapide
et moins pénible d'employer les matériaux trouvés sur place. Ces lits de fondation semblent
avoir été l'origine des radiers que nous avons signalés et qui se montrent en strates parallèles
dans presque toutes les coupes du tumulus que nos fouilles ont obtenues.
L'érosion des pentes mettant à jour ces radiers explique facilement l'abondance des cas-
seaux qu'on observe en surface.
Comme nous l'avons dit, c'est entre 5 et 7 mètres de hauteur que nous croyons devoir localiser
l'époque de la brique cuite. Là, peut-être, eût-il été possible de recueillir des documents permet-
tant l'identification du site. Mais les transformations successives qui, au cours des âges, ont bou-
leversé Tépé Moussian, ont si bien modifié son aspect qu'aucun indice ne pouvait guider nos
cflForts dans la recherche de la région où les constructions de cette époque avaient été établies.
(Quelques-unes des constructions en briques cuites devaient être d'une architecture assez soignée
à en juger par un spécimen de brique curviligne qui constitue manifestement un élément de
colonne cannelée.
Nous devions donc recourir uniquement au hasard et, sous ce rapport, le hasard ne nous
fut pas favorable.
A 10 mêlrcs de hauteur nous voyons apparaître les monuments en briques crues ; établis
sur une plate-forme dont le remblai atteint plus de 3 mètres d'épaisseur, ils paraissent avoir fait
partie d'un zigourat qui couronnait cette partie du tumulus.
L'édifice religieux, après une série de restaurations, est remplacé par un bâtiment dont
l'orientation diffère ; sans doute le précédent avait subi une ruine complète. Le nouveau temple
est, lui aussi, à plusieurs reprises, l'objet de restaurations. Mais il est à remarquer que, dans
cette succession, l'aspect, à mesure qu'on se rapproche des sommets, devient plus misérable,
témoignant ainsi d'une décadence progressive.
FOUILLES DE MOUSSIAN
Aucun débris pouvant se rapporter aux époques parthe et sassanide ne se rencontre : il
est donc probable que la vie active de Tépé xA'loussian prit fin avec la période élamite.
Le tumulus s'est refusé à nous livrer son nom antique. Était-ce une ville purement militaire,
ou bien une grosse bourgade de cultivateurs? Les recherches que nous y avons pratiquées nous
laissent indécis à cet égard.
Nous voyons au centre de Tépé Moussian une vaste construction en briques crues, temple
sans doute, du type connu en Chaldée sous le nom de zigourat. Une enceinte fortifiée entou-
rait la ville qui, à cette époque, était peut-être limitée à la partie septentrionale du tumulus et afTec-
tait la forme d'un quadrilatère mesurant 350 mètres sur 250. Nos travaux n'ont pas relevé
l'existence d'autres édifices, bien qu'il existât sans doute un palais couronnant les hauteurs prin-
cipales de la butte, au Nord du temple. Les coupes pratiquées un peu partout dans le tumulus
nous ont, d'autre part, révélé sa structure, composée d'une succession de radiers, de galets, cas-
seaux et gravats alternant avec de minces couches de cendres. Chacun de ces étages marquait
une des crises qui, amenant la ruine de la cité, était suivie dosa réédification. Nous considérons
ces radiers comme étant les fondations des maisons qu'occupaient les habitants de la ville; les
cendres provenaient de l'incendie des toitures. A l'aspect de ces couches on peut juger que les
demeures étaient faites en terre tassée et couvertes de chaume. Elles ne différaient guère des
abris qui se groupent aujourd'hui sur les rives du Karoun et l'étude du procédé de construction
employé de nos jours ne manquera pas de jeter quelque lumière sur la nature des habitations
antiques.
Voici comment opèrent les riverains du Karoun pour édifier leurs chaumières. I out d abord
un fossé de faible profondeur est creusé, figurant sur le terrain le plan qui a été adopté. Selon
les ressources du pays on v jette, comme fondations, des pierres, des galets, des gravats ou même
simplement du mortier d'argile que l'on tasse ensuite avec soin. Le mortier destiné à la confec-
tion des murs se prépare en délavant de l'argile, de manière à en faire une pâte plastique à
laquelle on incorpore parfois une certaine quantité de paille hachée. Ce mélange acquiert en
séchant une plus grande dureté, mais la valeur que représente la paille pour ces populations
pauvres, les engage à s'en passer le plus souvent ; il est vrai que l'argile, si abondante partout,
est d'excellente qualité et qu'empl"vce seule elle sufiit à donner aux murailles une solidité assez
grande.
Le mortier, quel qu'il soil, a\ant acquis la consistance voulue, (jn commence, sur tout le
pourtour, àédifier-le mur sans dépasser une hauteur de o'\8o en\iron ; on a soin de réserver
l'emplacement de la porte qui, le plus souvent, est la seule ouverture que p(jssède ce type de con-
struction. On attend alors que la première assise se soit asséchée sullisamment. Lorsque, sans
danger de le faire ébouler, on peut continuer l'élévation du mur, l'ouvrier y procède en construi-
sant une assise pareille à la précédente, mais de hauteur un peu moindre.
Parfois un lit de galets sépare les deux premières assises ; cette particularité est fréquente
lorsque la construction doit avoir une grande hauteur telle que pour les murailles destinées à
72 FOUILLES DE MOUSSIAN
servir d'enceinte aux vergers. Pour les maisons, la hauteur du mur ne dépasse pas 2 mètres en
général ; il supporte directement la toiture.
Le bois faisant presque complètement défaut, la charpente est remplacée par des roseaux
empruntés aux marécages si répandus dans la région ; on les réunit en faisceaux qui, courbés
en forme de cintres, viennent s'appuyer par leurs extrémités sur la crête des murs. A l'intérieur
de la maison, desimpies morceaux de bois, servant de colonnes, soutiennent le faîte qui n'est autre
qu'un faisceau semblable aux précédents mais plus fort de diamètre. Un clayonnage, également
en roseaux recouverts de chaume, complète la toiture.
Il y a lieu de supposer que ce mode de construction, imposé par la pauvreté des matériaux
que fournit le pavs, remonte à la plus haute antiquité, et que les habitations qui composaient
l'agglomération de Tépé Moussian ne devaient pas sensiblement différer de ce type. Dans nos
coupes à Tépé 31oussian on voit, en effet, apparaître des couches où les cendres se mêlent à des
A'égétaux carbonisés, débris ayant appartenu à des roseaux ou à des herbes de marécage.
Ces couches, de faible épaisseur, proviennent de l'incendie des toitures qui, seules dans l'en-
semble de la construction, étaient attaquables au feu. Des observations recueillies découle natu-
rellement la certitude que la disposition des toitures antiques, ainsi que les matériaux qui les
constituaient, étaient analogues à ceux qui, de nos jours, sont employés dans les constructions
que nous venons de décrire. Quant aux murailles, on ne peut douter qu'elles ne fussent identiques
aux murs modernes, à en juger par les radiers de galets, seuls vestiges dont l'écroulement des
parois ait laissé la trace.
SÉPULTURES DE TÉPÉ KHAZINÉH
Les fouilles de Tépé Moussian ne nous avaient livré aucun vase entier et nous étions anxieux
de nous procurer quelque spécimen de cette céramique si intéressante.
Les nomades, à qui furent montrés les fragments déjà recueillis, nous informèrent, après
force questions, que, peu d'années auparavant, des poteries intactes de ce même type avaient été
trouvées par eux, en un lieu tout voisin nommé Tépé Khazinèh. Cette découverte était due au
creusement d'un canal d'irrigation dont le tracé était venu couper la base du tumulus. Autrefois
sans dénomination, le tépé avait reçu, de ce fait, le nom de Khazinèh qui signifie, en dialecte lour,
« l'endroit des cruches ».
Le tertre, d'une hauteur de neuf mètres environ, apparaît à trois kilomètres de Tépé Mous-
sian, dans la direction de l'Est. A sa partie la plus élevée il est couronné de tombes musulmanes
dont la présence nous interdit, en ce point, toute tentative de fouille. Il se termine, au Sud, en
pente très douce par un éperon que vient entamer le canal. C'est là que se porta notre attaque.
Les sépultures de Tépé Khazinèh sont d'aspect fort archaïque et de types très divers. On y
rencontre, côte à côte, l'amas de cailloux roulés et la tombe proprement dite, de forme rectan-
FOUILLES DE MOUSSIAN
73
gulaire. Dans cette dernière, le radier et les assises inférieures sont constitues de gros galets ;
les parois sont formées de briques crues.
Le mobilier funéraire se compose de vases à figurations animales ou végétales, peintes en
rouge et noir, de cruches et de supports de vases en argile jaune, sans aucune décoration, de
jattes en pierre et de petits vases en albâtre, simples ou couplés. Tous ces objets sont déposés le
long des parois, sans ordre régulier, pêle-mêle avec les armes.
Ces dernières, haches, têtes de lances, pointes de javelines, sont en bronze. Le métal est
rare, mais habilement travaillé. Dans la sépulture en amas, avec les armes, se trouvait une fine
coupe de bronze.
Nous avons également recueilli à Tôpé Khazinèh une belle hache en pierre polie.
Les ossements avaient tant souffert de l'action des siècles et des intempéries qu'ils n'ont pu
fournir aucun renseignement sur le mode
d'inhumation. On ne les découvrait qu'à
l'état de débris presque entièrement effrités.
De la diversité des sépultures on peut
conclure que le site de Tépô Khazinèh a
été employé comme nécropole à des âges
successifs, mais fort anciens. La simplicité
du mobilier, le manque presque absolu
d'objets de parure, confirment ici encore
nos précédentes considérations sur la condi-
tion humble de la race qui peuplait ce pays.
Les vases découverts à Tépé Khazinèh
sont étudiés au chapitre de la céramique ;
on remarquera parmi eux un fragment de poterie fine â fond vcrdâtre et peinture noire. La repré-
sentation est celle d'une ronde de figures humaines traitées dans le style des poteries peintes de
l'époque préhistorique égyptienne. Ce fragment n'a pas été trouvé dans une sépulture ; il est
d'une époque antérieure et a été amené dans la nécropole par l'érosion ou par les remaniements
du tumulus.
Quoique succincts, les résultats obtenus à Tépé Khazinèh nous furent très utiles à titre d'in-
dications, et nous engagèrent â explorer d'autres tertres où des découvertes plus importantes nous
attendaient.
50 m'"'
FiG. 98. — Plan de Tépé Khazinèh.
NÉCROPOLE DE TÉPÉ ALY-ABAD
Puisque le tumulus de Tépé-Kazinèh s'était prêté à l'établissement d'une nécropole, il con-
venait de vérifier si les buttes de configuration semblable, plus voisines de Tépé Moussian,
74
FOUILLES DE MOUSSIAN
n'avaient pas été utilisées de la même façon. La logique autorisait à supposer qu'une population
relativement nombreuse avait mis à profit, pour l'inhumation de ses morts, les sites les plus
proches et les plus favorables.
C'est une tradition constante que les lieux élevés soient recherchés pour les sépultures ;
l'idée religieuse et le souci de préserver les tombes donnent l'explication de cette coutume. Dans
la région deMoussian, plus encore qu'ailleurs, elle a sa raison d'être. Durant notre campagne
de fouilles nous avons vu une grande partie de la plaine inondée parle débordement du Douéridj,
après deux journées d'averses. Si le sol peut
actuellement se transformer si vite en maré-
cage, il devait être souvent noyé aux époques
lointaines où la proximité de la mer engendrait
des pluies plus fréquentes et plus abondantes
encore. Pour éviter l'envahissement des eaux,
on ne devait pas manquer de choisir, comme
lieux de sépulture, toutes les éminences à l'abri
des crues.
En conséquence de ce raisonnement, notre
attention se porta, immédiatement après les
fouilles de Tépé Khazinèh, sur le tumulus de
Tépé Aly-Abad, très voisin de Tépé Moussian
et suffisamment élevé par rapport au plan du
terrain.
Ce monticule apparaît au Sud de Tépé
Moussian et à une distance d'environ i 500 mè-
tres. De petites dimensions, avec un relief
qui ne dépasse pas 3", 50, ce tertre affecte une
forme presque circulaire ; il est entouré d'une
levée de terre dessinant un carré régulier.
Cette enceinte, actuellement éboulée, a été tracée par les nomades du district, il y a peu
d'années, afin d'abriter leurs troupeaux.
Sur les faces Est et Sud, les terres du tumulus s'étaient largement épandues sous l'action
des pluies. Les pentes le mieux marquées regardaient le Nord et l'Ouest ; c'est aussi à ces points
plus favorables que furent établis nos chantiers de recherches.
Les sépultures sont plus nombreuses sur les flancs que vers le centre du tépé ; mais, dans
cette dernière zone, elles sont beaucoup mieux conservées et livrent en assez bon état les osse-
ments qu'elles renferment. Par suite, des renseignements suffisamment précis ont pu être notés
tant sur la structure des tombes que sur les modes d'inhumation.
On observe, dans le tumulus, quatre types de constructions :
lÉ— ;:^
FiG. 99. — Plan de Tépé Aly-Abad.
FOUILLES DE MOUSSIAN
/)
1° Tombe rectangulaire en briques crues, simplement comblée de terre ; ce genre de
sépulture est toujours situé à une profondeur assez grande ;
2° Cuve rectangulaire en briques crues, fer-
: . , mée par un cintre très surbaissé, formé de ces
■^W/WW^MMMM^/M'/}}!^,^'-, ■ mêmes briques.
FiG. loo. — Tombe du type 11° 2
y Tombe à voûte ogivale, fort étroite de
fond et figurant une sorte de boyau ; les maté-
riaux sont en briques crues. Cette sépulture se
rapproche de la surface; elle est, le plus sou-
vent, d'une extrême pauvreté et ne contient
même parfois que les ossements à l'état de
poudre.
FiG. loi. — Tombe du type 11° 3.
4M':
FiG. 102. — Sépulture collective. Plan et coupe.
4° Enfin nous avons rencontré, à deux
mètres de profondeur, un exemple de sépulture
collective. La tombe, rectangulaire et voûtée, mesurait 2 mètres de long sur i"',5o de large, avec
une hauteur de o'",6o. Les deux squelettes, assez bien conservés, gisaient côte à côte, sans sépa-
76
FOUILLES DE MOUSSIAN
ration médiane; pour tout mobilier, un vase de terre cuite jaune déposé prés des pieds ; ni armes,
ni ornements. D'après la position des crânes, l'orientation était à peu près Est-Ouest.
Une autre sépulture du type n° 2 donne l'orientation Ouest-Est. Le squelette, fort complet,
reposait sur la face droite, les jambes allongées, les bras infléchis, les mains ramenées sur et
sous la mâchoire(i).
;^,4^ ..r?' -/ '
FiG. 105. — Tombe contenant un squelette couché sur la face droite.
=1
Souvent une partie des ossements fait défaut ; ils sont dispersés, sans ordre, au hasard, et
les poteries du mobilier funéraire sont dé-
posées parmi eux.
L'orientation des tombes et la dispo-
sition des ossements étant variables, on ne
peut rien déduire sur les coutumes d'inhu-
mation.
La céramique est représentée par des
vases d'une argile jaune clair, tantôt sans
ornements, tantôt couverte de dessins géo-
métriques et de figurations animales ou vé-
gétales peintes en rouge et noir. Cette pote-
rie sera étudiée en détail au chapitre de la
céramique. Elle se complète par une série de jattes et de petits vases couplés en albâtre ou en pierre.
Un spécimen unique mérite d'être ici mentionné. C'est un vase de terre noire, orné de figures
géométriques et de pointillés tracés au poinçon ; une pâte blanche remplit les traits. L'élégance de la
forme et l'effet décoratif sont très réussis. Cette poterie, d'un caractère trèsarchaïque, provient d'une
sépulture pauvre et n'était accompagée d'aucun autre mobilier. Étrangère à la région, elle semble
y avoir été apportée par quelque émigrant. Il en sera question plus longuement à la fin de cette étude.
FiG. 104.
Sépulture avec ossements incomplets, dispersés parmi le
mobilier funéraire.
(i) Attitude de l'adoration, d'après les statuettes de bronze trouvées à Suse et les figurations des cachets archaïques.
FOUILLES DE MOUSSIAN -^
Le bronze se présente sous la forme de haches, pointes de lances et de javelines, lames de
poignards (très rares). Comme ornements des épingles, des anneaux de bronze et quelques objets
d'argent. Les perles de colliers ou de bracelets en cornaline et lapis-lazuli abondent à Tépé Ali-
Abad. Nous signalerons aussi, parmi les ornements, un cylindre uni en hématite.
Parfois armes et ornements ne font point partie du mobilier funéraire ; ils ont été placés sur
la tombe en guise d'ofTrandes. Tel est le cas notamment pour deux grandes perles oblongucs en
lapis-lazuli déposées dans une jatte d'albâtre au-dessus d'une sépulture.
Tombe A. — La sépulture la plus importante que nous ayons rencontrée à Tépé Aly Abad
(A du plan, fig. 99) se trouvait sur le versant N.-O. du tertre. De forme rectangulaire, sans
orientation précise, elle mesurait 5 mètres de longueur sur i mètre de large : sa dimension prin-
cipale était dirigée au N. 55" O. En avant et sur ses longs côtés, des murs de briques crues la
délimitaient, tandis que les autres parois semblaient avoir été taillées à même les terres du
tumulus. Le sol, bien dressé, était fait d'argile tassée sur laquelle des vases do grandes dimen-
sions étaient disposés sans ordre apparent, mêlés à d'autres objets mobiliers. Les murs de briques,
dont nous avons parlé, ont été construits après que le mobilier funéraire eut été mis en place ;
plusieurs de ces vases, en effet, étaient à demi engagés dans la muraille. De gros galets cou-
ronnaient celle-ci par place, d'autres se trouvaient également au-dessus de la tombe qui avait été
soigneusement comblée ; la terre, qui la remplissait exactement, avait pénétré partout et ne
pouvait provenir d'un écroulement qui n'eût manqué de briser les vases ou du moins de troubler
l'ordre assigné aux objets qui se trouvaient dans cette sépulture.
Quant au corps lui-même, nous n'en avons retrouvé que quelques ossements enveloppés
dans une natte à demi consumée. On avait donc fait subir aux ossements déposés dans la tombe
une incinération incomplète ; d'après la nature des résidus recueillis on peut croire que ce n'était
guère que des broussailles légères de la plaine qui servirent de combustible. I']n tout cas, les
vases qui garnissaient cette sépulture n'ont pas souflert de l'action du feu. Or, il n'est pas dou-
teux que ce bûcher funéraire n'ait été allumé dans la fosse même, l'état de la natte ainsi con-
vertie en charbon n'aurait pas permis qu'elle fût transportée d'un endroit à l'autre.
On remarquera que nous avons dit que cette natte contenait des ossements lorsqu'elle fut
soumise à l'action du feu ; on n'v observe aucun résidu de décomposition des chairs et, d'un
autre côté, il faut bien admettre que les ossements seuls ont été ensevelis après que les chairs
avaient disparu puisque nous n'avons point le squelette entier, mais quelques os seulement pro-
venant de diverses parties du squelette. Dans cette tombe le crâne faisait défaut ainsi que le bas-
sin, les fémurs, tous les grands os, en somme.
D'après ce que nous venons de voir la tombe devait être postérieure au tumulus. Celui-ci à
l'époque de l'inhumation affectait sans doute le même aspect extérieur qu'aujourd'hui. C'était
une ruine déjà ancienne et ceci nous explique la présence de débris de la poterie fine qui est, sans
contredit, bien antérieure au type de la céramique que nous ont livré les tombes.
78
FOUILLES DE MOUSSIAN
Au
-dessus de la sépulture A des traces de foyers, où se trouvaient des os de bœuf ou de
mouton, semblent témoigner que des sacrifices
faisaient partie du rite funéraire. Des haches de
bronze furent également recueillies dans les dé-
blais, sans qu'on puisse affirmer qu'elles aient eu
une connexion quelconque avec la sépulture.
A peu de distance et vers le centre du tumu-
lus nous avons déblayé une sorte de puits rectan-
gulaire mesurant o"\8oXo",6o et construit en
briques crues. Une poussière fine et très légère
le remplissait à demi, provenant sans doute de la
lente désagrégation des parois à travers les siècles.
Il est à présumer que ce puits, qui descendait
jusqu'à un niveau un peu inférieur à celui de la
plaine, avait dû servir de silo, selon la méthode
pratiquée de nos jours dans toute la Susiane. Cet
usage s'est perpétué en raison des migrations an-
nuelles qui, de tout temps, obligèrent les agricul-
teurs à mettre en sûreté leurs réserves de céréales ;
ils ne pouvaient, en effet, les convoyer avec eux
dans leurs déplacements perpétuels durant la
saison d'été.
La tombe se composait donc d'une fosse
longue et étroite dont le sol se trouvait à environ
g", 60 au-dessus de la plaine : sa profondeur dans
le monticule ne dépassait pas un mètre, dans la
partie qui avoisinait le talus : il est vrai que les
érosions séculaires ont dû diminuer de beaucoup
le relief actuel.
L'inventaire du mobilier funéraire permet de
conclure que c'est bien le mobilier propre du
défunt qui l'accompagnait dans la tombe ; on y
retrouve, en effet, le seuil de la porte servant de
support au gond, le broyeur à grains, les coupes,
les jattes, les grands vases. Et c'est bien tout ce
1 2 aMid' que les humbles habitants qui, jadis, peuplaient
FiG. 105. — Tombe A. cettc région, pouvaient posséder dans leurs mai-
sons. D'autant que ces agriculteurs, comme nous
■■■--- -^^«SSr:'^:^]
FOUILLES DE MOUSSIAN
79
l'avons vu, étaient des demi-nomades annuellement chassés de la plaine par la période de séche-
resse qui les privait d'eau potable et de pâturage.
De grands vases posés debout étaient distribués tout le long de la fosse, sans ordre marqué;
ils étaient parfois remplis de terre ; autant qu'on en peut juger celle-ci avait lentement glissé
dans le goulot demeuré ouvert; aucun résidu à l'intérieur ne permet de croire
qu'ils eussent primitivement contenu des denrées quelconques.
En pénétrant dans la tombe on rencontrait d'abord deux grandes jarres
(fîg. 105, n"' I et 2) ; plus loin venait un vase de dimensions moindres qui était
engagé à demi dans le mur de briques. Ce vase (fig. 105, n" 6), d'une facture
particulièrement soignée, servait de support à doux objets singuliers qui mé-
ritent une mention spéciale (fig. 105, n°^ 7 et 8).
Affectant une forme conique et clos à leurs
deux extrémités ils ne pouvaient avoir qu'un
usage décoratif ou probablement rituel. Ces
objets, que nous considérerons comme votifs,
sont en bitume incrusté d'albâtre et de cornaline;
ils se composent d'un fût cvlindrique dont les
parois ont une grande épaisseur et reposent sur
une base évasée où la couche de bitume, plus
mince, est renforcée par une poterie faite à la
demande. Cette dernière est elle-même remplie
par une masse de bitume qui, par son poids, est
destiné à assurer la stabilité de l'objet (fig. 106).
^ , „,. ., Ouant à la décoration elle se compose d'élé-
FiG. 106.— Objets votifs ^ r
en bitume incrusté de ments triangulaires cn calcaire blanc. Ces trian-
calcaire blanc et de cor- . ' . ^ i j
naline; i/6 gr. nat. glcs sont disposés de manière a lormer des den-
telures qui ornent le fût et la base d'une succès-
um
/
sien de bandes parallèles séparées par un mince anneau de bitume. \C ^ C
Tantôt une dentelure simple remplit la bande, tantôt celle-ci cn "■^ClS
contient deux ; en ce cas les trian<'-!es, opposés par la pointe, dèli- ,, r-- ^ r , ■ •.
o i i i t^ liG. 107. — Cônes de lona.ition, en argile
mitent une série de losanges au centre desquels est incrusté un cuite, trouvés à Suse, 1/6 gr. nat.
éclat de cornaline.
Le fût cvlindrique est clos à sa partie supérieure par une rosace composée des mêmes élé-
ments décoratifs.
Nous ne connaissons pas d'analogues à ces objets singuliers si ce n'est, peut-être, certains
clous, ou cônes de fondations, fréquemment découverts dans les fouilles de Suse, avec lesquels
on peut trouver un lointain rapprochement. La base d'un de ces cônes est percée dune série de
trous, en pomme d'arrosoir. Le second spécimen ne présente qu'une seule perforation, au centre
8o
FOUILLES DE MOUSSIAN
'!':Hi;|i;^|!i;iAiiiif
de sa base. Le premier est entièrement creux; l'autre est fermé à son sommet (fîg. 107). Il
n'est point douteux que ces objets, rencontrés sous tous les édifices, aussi bien en Chaldée
qu'en Susiane, et qui portent, souvent, des textes cunéiformes, étaient ainsi déposés dans les
fondations en conformité d'une coutume rituelle dont le sens nous échappe aussi bien que la
signification symbolique des objets eux-mêmes.
Quant aux cônes en bitume provenant de la tombe A, les éléments du motif décoratif qui
les orne, triangles, losanges et dentelures, nous sont connus par la céramique peinte où on les
rencontre fréquemment. Nous observons une disposition assez
semblable dans un fragment de poterie fort archa'ique découvert à
Suse. C'est une portion de vase quadrangulaire, dans lequel la
décoration a été obtenue, avant la cuisson, au moyen d'incisions
pratiquées dans la pâte qui est de couleur grise et d'un grain très
serré (fig. 108).
Disposés avec soin contre la panse d'un vase qui leur servait
d'appui, ces cônes étaient, au moment de la découverte, tordus et
déformés ; ils ne tenaient plus que grâce à la terre tassée qui les
soutenait. Était-ce la chaleur dégagée par le bûcher funéraire qui,
ayant ramolli le bitume, les avait réduits à cet état ; ou bien encore
l'action périodique des hautes températures que ramènent chaque
année les étés susiens, a-t-clle été suffisante pour produire ce
résultat?
En continuant l'énumération du contenu de la tombe, nous
rencontrons, tout contre, un broyeur à grain (fig. 105, n" 3) ayant
Fig. 108. - susc fragment de poterie ^ ( ^ j o", 3 S de large ; il présente une face concave que
archaïque, pategnse, décor incise, i/2gr.nat. ' n ' y J n r t
l'usage a poli : cet instrument est en grès de consistance moyenne,
tel qu'il en existe abondamment dans la contrée.
Plus loin, dans une coupe d'albâtre assez grossière était placée une petite ampoule de même
matière, ayant deux ôvidements jumelés (fig. 105, n"' 4 et 5), qui contenait des résidus de couleur
verdâtre, provenant sans doute de parfum ou de fard.
Puis, en se dirigeant vers l'extrémité de la fosse, se présentaient une jarre peinte (fig. 105,
n''9), un support de gond engagé dans le mur (fig. 105, n° 1 2), une autre jatte d'albâtre (fig. 105,
n" 10) et la natte à demi consumée, qui contenait les ossements (fig. 105, n" 14). Des deux côtés
de cette natte se trouvaient deux poteries (fig. 105, n°' 13 et 15), l'une placée debout comme les
vases précédents, l'autre fermée par un tampon d'argile et placée le col en bas.
A un mètre au-dessus de l'extrémité de la fosse une autre sépulture fut dégagée. Elle con-
tenait un squelette complet couché dans la position embrvonnairc ; on recueillit à o'",20 du crâne
une_belle lame de bronze dont la soie large de o'",oi 5 était destinée à s'engager dans la hampe
d'une'lance ; il v avait également dans cette tombe un support de vase sur lequel était une écuelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN 8i
TÉPÉ MOHR
Simultanément aux fouilles de Tépé Aly-Abad, nous avons poussé des reconnaissances dans
plusieurs monticules disséminés aux alentours de Tépé Moussian.
Tépé-Mohr, « la butte des cachets », nous était signalé comme renfermant des tablettes ou
des cachets-cylindres. Les indigènes avaient fait de ce tumulus une sorte de magasin général pour
y reserrer leur grain. C'est en creusant des silos qu'ils avaient, disaient-ils, effectué leurs trou-
vailles. Mais la parole des nomades est sujette à caution et, d'autre part, on ne parvenait à nous
produire ni une des tablettes, ni un des cachets ainsi découverts.
Il était certain d'avance que Tépé Mohr ne pouvait être une nécropole ; les tribus n'auraient
assurément pas enterré leur orge et leur blé en contact avec des ossements humains. Restait la
chance, fort problématique, de voir se confirmer une de ces fables ou légendes qui prennent corps
si fréquemment parmi les indigènes, soit par l'interprétation inexacte d'un fait réel, soit par un
simple effort d'imagination.
La butte de Tépé Mohr est criblée de cavités dont l'orifice étroit va s'élargissant en cloche.
L'existence de ces silos facilitait la fouille qui fut menée bon train et déblaya une aire très suffi-
sante. De tablettes ou de cachets nulle apparence. Ce travail ne fournit que des briques cuites,
dont l'argile peu homogène, les dimensions et la facture négligée accusaient une fabrication de
basse époque, fait corroboré par la présence de quelques fragments d'ornements en pâte émaillée.
Il est possible que Tépé Mohr ait été occupé par un petit poste d'observation sous les domi-
nations séleucide ou sassanide.
Situé au Sud et à quatre kilomètres de Tépé Moussian, le tumulus de Tépé Morhr est, en
effet, très proche des plis du Djebel Amrin, au débouché d'un passage à travers ce massif. Il se
trouve à mi-distance entre la trouée de Beyat et la précieuse source d'eau douce qui porte le nom
d'Aïn-Guerzan. Son site surveille la route carrossable, encore très apparente, qui reliait Ctésiphon
à la Susiane et aux plaines du Pouchté-Kouh. Une fraction de tribu, moitié lourc, moitié arabe,
campe annuellement en ce lieu qui, dans l'antiquité, a dû être habité par des pasteurs avant
d'être utilisé comme point de garde.
TÉPÉ MOHAMED-DJAFFAR
C'est une faible butte, mais d'une certaine étendue, qui fait à peine saillie dans la plaine à
l'Ouest et à 3 kilomètres de Tépé Moussian.
Le sol en est meuble, mélangé de cendres et d'une poudre noire produite par la combustion
ou la décomposition de végétaux. Un terrain de cette nature et de cette configuration ne pouvait
être adopté comme siège d'une nécropole. L'intérêt qui s'attache à Tépé Mohamed-Djaffar réside
82
FOUILLES DE MOUSSIAN
FiG. 109. — Racloirs et clcmcnts de fliucillcs, grandeur naturelle.
en ce que ce petit tertre a été l'emplacement d'une station préhistorique bien caractérisée, con-
temporaine du silex taillé, et qui n'a jamais été réoccupée depuis lors.
Le tépé a été formé par la ruine des huttes en roseaux et branchages, ainsi que par l'amon-
cellement des détritus et des résidus de foyer. Ce n'est point, à proprement parler, un kjœkken-
mœddinger, à moins que les débris de cuisine
n'aient disparu sous l'action de l'humidité; mais
on y trouve tous les indices d'un atelier de taille.
Les roches les plus diverses ont été éclatées
pour la fabrication des armes et des outils. On a
recherché de préférence les pierres que leur grain,
leur coloris ou leurs veinures rendaient le plus
attrayantes. L'obsidienne, qui n'existe cependant
pas dans cette région, se rencontre à Tépé Moha-
mcd-Djaffar en éclats et en lamelles.
Nous avons trouvé ni haches, ni pointes de
flèches, mais abondance de lames, racloirs et
éléments de faucilles. La quantité de nucléi est surprenante. De forme presque exactement
conique, ils se signalent par leur exiguïté ainsi que par la finesse des lames prélevées.
Point de débris de céramique fine, point de traces de briques, ce qui nous porte à déduire
que le tépé n'a été l'objet d'aucune réoccupation
depuis la période du silex taillé.
La poterie est uniquement de l'époque. Faite à la
main, elle est épaisse, de couleur jaune d'ocre, rouge
sombre ou brun foncé. Nous n'avons malheureuse-
ment pu en récolter que des fragments.
La pâte rouge sombre est souvent lissée ; elle
porte quelquefois des rehauts façonnés au pouce, des
gravures très simples à la pointe et des traits en couleur
d'un rouge plus foncé. On y observe des boutons d'anse
avec trous de suspension. Bref, cette céramique est du type le plus archaïque. Il est regrettable que
les dimensions des fragments aient été trop restreintes pour nous permettre de restituer les formes.
Toutefois, les spécimens recueillis à Tépé Mohamcd-Djaffar nous ont aidés à établir, approxi-
mativement, une sorte de chronologie dans la céramique.
La poterie faite à la main, avec les caractéristiques que nous venons de détailler, accom-
pagne le silex taillé.
Les vases fabriqués au tour, peints en rouge et noir, avec figurations animales et végétales,
se rencontrent en même temps que le bronze.
La céramique fine, d'un ton jaune ou vert clair, et ornée de peintures d'un noir brillant.
»?£--S!
IlEgj
FiG. iio. — Petits nuclei, grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN 83
serait la transition entre les âges du silex taillé et du métal ; elle débuterait à l'époque de la pierre
polie dont nous avons trouvé, sous forme de hache, un fort bel échantillon à Tépé Khazinéh.
Mais une poterie si peu résistante ne pouvait satisfaire aux besoins courants ; elle dut être
réservée à des usages spéciaux. Nous avons dans la fouille faite à Tépé Mourad-Abad des don-
nées qui semblent justifier cette manière de voir.
TÉPÉ MOURAD-ABAD
Les fragments que l'on trouve abondamment à la surface et à l'intérieur de ce tépé se rangent
dans la catégorie de la céramique fine peinte. On ne rencontre, en ce site, aucune trace des vases
grossiers, à pâte épaisse, dont les casseaux jonchent le sol, un peu plus loin, sur l'emplacement
du village antique au bord du Dowéridj.
Il est évident que cette poterie fine ne pouvait, en raison de sa fragilité, être transportée dans
les migrations périodiques, auxquelles étaient astreintes les populations semi-nomades de la
plaine de Moussian. Ces produits, si remarquables par l'élégance de la facture et le fini de la déco-
ration, étaient forcément destinés à n'être employés qu'à demeure.
On peut concevoir qu'une semblable poterie ait subsisté au service des temples, dans le mobi-
lier religieux, et cette supposition cadrerait avec les observations recueillies à Tépé Mourad-Abad.
La poterie fine abonde sur le point culminant qui, par son isolement et son aspect élancé,
évoque l'idée d'un zigourat, ou de tout autre édifice réservé au culte et l'on ne découvre, en cet
endroit, aucune trace de vases grossiers.
Il est assez naturel de supposer que cette céramique, contemporaine, ainsi que nous le
pensons, de l'âge de la pierre polie, n'a jamais été que d'un usage restreint. Mais l'invention,
si antique qu'elle soit, n'a pas disparu sans laisser de traces, et cette poterie de luxe a persisté
dans les conditions où elle n'était pas exposée à une destruction certaine.
Sans doute, en dehors des temples, quelques familles aisées possédaient-elles des poteries
fines; mais celles-ci, considérées comme objets exceptionnels, ne suivaient pas le mort dans sa
demeure dernière.
Il faut ici noter deux observations relevées dans les tranchées de Suse : premièrement,
la poterie fine, peinte ou non, s'y trouve abondamment ; elle était très employée par la popula-
tion sédentaire fixée dans une riche cité. Deuxièmement, les fragments de ce genre se décou-
vrent surtout dans les niveaux très profonds, ce qui est une preuve de l'antiquité de l'invention.
En règle générale, on remarque, dans l'évolution de la céramique, après une première
manifestation fort grossière et de facture primitive, une production très fine comme pâte et soignée
comme décoration. Puis la matière devient moins choisie, l'habileté des procédés décroît, la
variété des formes tend â disparaître, l'ornementation perd sa fantaisie et son fini pour se réduire
de plus en plus, à quelques motifs communs ; enfin il ne sort plus des mains du potier que des
œuvres uniformes, presque dépourvues de tout intérêt artistique.
84 FOUILLES DE MOUSSIAN
TÉPÉ FAKHR-ABAD
A onze kilomètres et au Nord-Ouest de Tépé Moussian, la haute butte de Fakhr-Abad (dans
le dialecte lour Farkawa) dresse sa silhouette en pain de sucre, qui domine toute la région. L'ex-
ploration de ce tépé nous a révélé la succession indiscutable d'occupations diverses. Dérivée de
son lit primitif par le travail de comblement des limons, la rivière Tib est venue heurter le pied
du tumulus qu'elle a largement entamé. L'éboulement des couches supérieures s'en est suivi, de
telle sorte que le flanc Sud du tépé descend en falaise sur le cours du Tib. Cette disposition par-
ticulière offre une excellente coupe du terrain.
A la base on retrouve la poterie fine ; aux niveaux plus élevés, des briques assez grossières
et des fragments de vases épais fabriqués au tour. Enfin le sommet est ceint d'une ligne de rem-
parts à l'intérieur de laquelle subsiste le tracé d'une construction. La nature et l'appareillage des
matériaux, galets de rivière cimentés au plâtre, reportent manifestement ces travaux aux temps
des souverains sassanides.
La position de Fakhr-Abad commande la trouée de Beyat, en même temps que la plaine, et
surveille la passe de Dinar-Kouh. En raison de son importance stratégique ce point ne pouvait
manquer d'être occupé militairement. Il semble, qu'après avoir été un zigourat au début, Fakhr-
Abad ait été, dès la plus haute antiquité, affecté à sa dernière destination, car on ne relève aux
alentours aucune ruine de village.
DESCRIPTION DES OBJETS DÉCOUVERTS
Les fouilles pratiquées au site de Tépé-Moussian et dans les tépés avoisinants n'ayant
amené la trouvaille d'aucun document épigraphique, nous passerons sommairement en revue
les divers objets découverts. Pour abréger, ils seront classés par ordre de matières.
La céramique fera l'objet de deux études distinctes selon qu'il s'agira des fragments recueillis
dans nos tranchées ou des vases entiers qui proviennent des nécropoles et formaient part du mobi-
lier funéraire.
Brique cuite. — Ce genre de matériaux s'est rencontré surtout à Tépé Moussian ; nous en
localisons l'étage, comme on l'a vu précédemment, entre 5 et 7 mètres d'altitude au-dessus de la
plaine.
Le type le plus répandu est de forme carrée, avec 0^,35 de côté sur 0^,07 d'épaisseur. La
pâte en est homogène, peu colorée, de cuisson soignée et de fort grande résistance. Ces produits
sont, en tous points, comparables aux briques de la bonne période élamite, si abondantes à Suse.
Quelques échantillons de cette fabrication affectaient la forme biaise ; cette particularité indique
qu'ils avaient été employés à la construction d'une voûte.
On peut en inférer que l'architecture était déjà loin des procédés primitifs et qu'une certaine
recherche présidait à l'édification des monuments revêtus de briques cuites. Un autre détail con-
FOUILLES DE MOUSSIAN
85
firme cette observation. Nous avons, en effet, découvert à Moussian une brique qui constitue
un élément de colonne cannelée (fig. 1 1 1). L'ou-
verture de l'angle étant de 60°, il fallait six de ces
secteurs pour parfaire le contour du fût.
Il résulte de ces observations que la voûte
et la colonne entraient dans la construction et
la décoration des édifices de Moussian.
A des époques plus reculées appartiennent
quelques échantillons de briques en pâte claire
et mal cuite, analogues à celles qui caractérisent
à Suse les monuments des Patésis.
Enfin, de rares spécimens nous rappellent
par leur similitude les matériaux employés aux
âges anciens de Tello. Ce ne sont plus à proprement parler des briques, mais plutôt des gâteaux
d'argile, d'une. facture, d'ailleurs, assez soignée (i). L'un des plats est incurvé par la pression
opérée pour tasser la pâte. La forme n'est point un carré régulier, les angles étant arrondis ;
les côtés mesurent 0^,25 xo'",i25 avec une épaisseur de o'^oy.
Aux basses époques se rattachent des produits d'une fabrication peu soignée; ils sont formés
d'une pâte grossière, mal cuite, et de couleur rouge foncé. Nous en retrouvons de nombreux
débrisdans les petits monticules environnants, notam-
ment à Tépé Mohr.
Fig. III.
■ Tépé Moussian. Brique cuite. Élément de colonne cannelée,
1/5 grandeur naturelle.
Fig. 112. — Tépé Moussian. Cachet en pierre, gr. nat.
L.\ PIERRE. — Nul indice ne nous a montré que
cette matière, dont le travail difficile exige un certain
art, ait été employée dans la construction à Tépé
Moussian. Nous ne l'y voyons figurer qu'à l'état de
seuils de porte grossièrement dressés. Les pierres de
gonds abondent, mais ce ne sont que de simples galets, tantôt creusés incomplètement en godets,
tantôt perforés de part en part.
Pour les usages ménagers l'emploi de la pierre est fréquent ; nous la trouvons sous forme
de broyeurs à grains, de pilons, de pesons, de fusaïoles, de grosses billes, etc. Ces objets sont trop
(i) Un passage d'Hilprecht sur des briques semblables trouvées à Nippour, dans la couche pré-Sargonide semble
confirmer, par analogie, Tarchaïsme des constructions de Moussian — O. B. I. — ■ Par-t II, page 24. « Somewhat below
« the pavement of Naram-Sin, between the entrance to the ziggurat and the E. corner, stood an altar of sun-dricd
« bricks... At a distance ofnearly 2 m. from the altar (in front of it,and i"',25 below the top), was a lowwall of bricks,
« whose limits hâve not yet been found. .\pparently it marked a sacred enclosure around the altar, for it extended far
« under the pavement of Naram-Sin and reappeared under the W. corner of the ziggurat. The bricks of which this
« curb was built areplano-convc.xin form (length and breadth of 24,5x18 c. m.). Theyare laidin mud, seven courses
« (=:45 c. m.) high ; the conve.x surface, which is curiously created lengthwise, being placed upward in the wall. »
86
FOUILLES DE MOUSSIAN
connus pour qu'il soit utile de les figurer ou d'en décrire la forme, du reste invariable. Nous repro-
duirons simplement, à titre de rareté, un cachet en pierre, dont
l'intaille est très archaïque (fig. 112).
Nous avons dit, d'autre part, combien le silex taillé est abon-
dant à tous les étages de Moussian et dans les tépés voisins, spé-
cialement à Tépé Mohamed Djaflfar. Percuteurs, nuclei, lames,
racloirs, scies et éléments de faucilles foisonnent dans toute cette
région. Les poinçons et les pointes sont plus rares ; nous n'avons
point recueilli de têtes de lances, ni de flèches. Par contre les
Fig. in.— Tépé Moussian. Masse sphéroïde, , , . , , ,, r j
roche grise, 2/3 grandeur naturelle. armes de hast sout copieusement représentées sous forme de
masses et de haches.
Les masses sont sphériques (fîg. 1 13) ou ovoïdes; nous n'avons point rencontré la massue
réniforme qui est fréquente à Suse.
.h&SuU-^^'
Fig. 114. — Tépé Moussian. Haches en pierre polie, 2/3 grandeur naturelle.
Les haches ont été trouvées dans les couches'^profondes, à dix mètres, avec les fragments de
poterie peinte, fine ou épaisse ; elles sont, le plus souvent, par leur facture et par leurs lignes
(fig. 114) la transition entre les coups de poing de l'âge paléolitique et les armes de l'époque
de la pierre polie.
Fig. 115. Fig. 116.
Fig. 115. Khazinèh. Hache en pierre polie, calcaire compact rose, 1/2 grandeur naturelle.
Fig. 116. Tépé Moussian. Hache marteau, pierre polie, roche verte, 2/3 grandeur naturelle.
De cette dernière période nous possédons deux pièces intéressantes. L'une est une hache
très finement achevée, trouvée à Tépé Khazinèh (fig. 115); nous en avons parlé plus haut en
traitant des fouilles dans cette nécropole. L'autre (fig. 116) est une hache-marteau, malheu-
FiG. 117. — Tépé Moussian. Fusaïoles en terre cuite, 2/3 grandeur naturelle.
\. Conique, jaune clair, décor brun foncé. — 2. Discoïde, jaune foncé, décor rouge brun. — 3. Conique, jaune clair, décor brun. — 4. Cru-
ciforme, jaune clair, décor rouge foncé. — 5. Jaune clair, sans décor, — 6. Jaune clair, sans décor. — 7. Conique, jaune clair, décor
noir. — 8. Plate, jaune clair, décor brun. — 9. Conique, pâte verdàtre, décor noir. — 10 et 11. Jaune clair, sans peinture, modelage et
incisions sur le pourtour.
88
FOUILLES DE MOUSSIAN
reusement brisée, mais d'un fort beau travail; elle provient d'une tranchée en surface ouverte
près de notre camp à Tépé Moussian.
Terres cuites. — Quantité de petits objets se rangent dans cette catégorie.
Ce sont, en premier lieu, les fusaïoles que l'on rencontre si communément dans toutes les
fouilles. Le plus grand nombre ne porte ni peinture ni ornementation. Nous avons groupé
à la figure 117 les types généraux soit d'une forme courante, soit des effets obtenus par modelage
ou incision (10 et 1 1), soit des décors
résultant d'applications en couleurs
(i, 2, 3, 4, 7, 8 et 9). Dans ce dernier
genre le spécimen 4 est le plus remar-
quable par sa forme. Il serait superflu
de décrire ici les divers décors en cou-
leurs, d'ailleurs fort simples; l'étude
de la céramique peinte nous en four-
nira des exemples autrement variés
et réussis.
La fabrication des fusaïoles n'of-
rait aucune difficulté ; celle des cornes
en terre cuite n'était pas moins aisée.
Aussi sont-elles également fort communes, très diverses de formes et de dimensions (fig. 1 18). On en
trouve souvent à Suse qui sont munies d'un trou de suspension et devaient être employées comme
amulettes. Elles représentaient donc un symbole (qui fut, plus tard,
celui de l'abondance) et une idée superstitieuse s'y attachait. /^ "*^
L'art n'entre pour rien dans la confection des fusaïoles et des ffi^®^-^
cornes. Il n'en va pas de môme pour la représentation, en terre
cuite, des animaux et de la figure humaine. Les spécimens que nous
a fournis Tépé Moussian n'indiquent pas un niveau d'art bien élevé.
Témoin le lion (?) dont nous reproduisons la rudimentaire
silhouette. Des taches de peinture noire simulent le pelage; un trou
de suspension traverse le corps (fig. 119). Quelques représenta-
tions, plus ou moins informes, de têtes de taureau sont, avec ce
lion, les uniques manifestations du savoir-faire de l'animalier.
. r • 1 o 1 • j T- "9' ~ P*^ Moussian. Terre cuite
Ce sont aussi de pauvres figurmes que les BcltlS de iépé jaune tachetée de noir, 2/3 gr. nat.
Moussian, elles accusent un archaïsme indéniable, mais également
un style fruste et provincial sur lequel le voisinage de Suse n'a pas réagi (fig. 120 à 126). Tantôt
la tête disproportionnée s'implante directement sur le tronc d'où s'incurvent, vers les mamelles,
deux rudiments de bras; les mains ne sont même pas indiquées, non plus que les pieds; les
Fig. 118. — Tépé Moussian. Cornes en terre cuite jaune, 2/3 grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN
89
jambes se rattachent g-auchement au bassin qui est étriqué, contrairement à la convention des
figurines chaldéennes (fig. 120). Tantôt la coiffure n'est pas modelée; les yeux saillent, formés
d'un pastillage, la bouche n'est qu'un trait incisé dans l'argile et le cou, d'une grosseur déme-
surée, déborde les mâchoires (fig. 121). Tantôt les proportions sont mieux observées, mais les
lignes du corps restent flous, les hanches fuyantes et les détails demeurent absolument négligés
(fig. 122). Une seule tête (fig. 123) montre quelque souci de l'observation.
Fig. 125.
Fig. 120. FiG. 121. Fig. 122.
FiG. 120-125. — Tcpé Moussian. Terres cuites jaune clair, 2/3 grandeur naturelle.
Deux attitudes différentes s'observent dans ces statuettes, de même que dans la série des
Beltis susiennes. Ou bien la déesse offre ses mamelles, enserrées dans ses deux mains, ou bien
les avant-bras sont ramenés à angle droit sur la poitrine, les mains croisées au-dessous des seins
(fig. 1 24 à 1 26), geste que nous retrouvons dans la plupart des grandes statues découvertes à Suse.
Il nous reste à mentionner une petite tablette rectangulaire, en terre cuite rouge, de pâte
fine, que nous considérons comme appartenant à une époque très archaïque. Elle est divisée pour
les figurations en trois registres (fig. 127). Celui du haut porte quatre cercles dans lesquels est
inscrite une étoile; nous y voyons des représentations astrales; celui du bas est occupé par un
dessin géométrique qui peut figurer une construction. Dans le registre intermédiaire s'affrontent
90
FOUILLES DE iMOUSSIAN
deux oiseaux. Nous pensons que l'artisan a prétendu reproduire la grosse outarde ou l'autruche.
FiG. 124.
FiG. 124-126.
FiG. 125. FiG. 126.
Ti^'pé Moussian. Terres cuites jaunes, 2/5 grandeur naturelle.
Ce longipède, que l'on confinait dans la faune africaine, semble avoir existé en Asie, aux âges
reculés. Si le traducteur n'erre point, Xénophon relate qu'il pourchassa ce gros gibier dans les
plaines de l'Euphratc (i). Rien n'infirmerait, en conséquence, sa pré-
sence aux temps antiques dans la région de Moussian.
Suse nous produit quantité de tablettes analogues, d'une pâte
jaune clair; aucune d'elles n'offre ce genre de sujet ni de style. L'or-
nementation en relief se compose, le plus fréquemment, de dessins
géométriques, parfois aussi de représentations végétales. Souvent
sont figurés des personnages humains dans des scènes erotiques. Les
figurations animales sont exceptionnelles et se bornent aux poissons ;
encore ce dernier motif peut-il être attribué, avec vraisemblance, au
FiG. 127.- Tépé Moussian. Tablette Sy"^bolisme chrétien.
en terre cuite rouge, 2/3 gr. nat. Nous citerons, pour terminer la nomenclature des objets en terre
cuite, une série de perles grossières, généralement cylindriques.
L'argile crue qui, sans aucun doute, à Moussian comme partout ailleurs, était employée pour
modeler des animaux et des figurines humaines, a disparu délitée par les pluies. Nous ne la
retrouvons que sous l'aspect de balles de fronde, en forme d'olives.
(i) Aîiabase A. V. « Il (Cyrus) traverse ensuite l'Arabie, ayant l'Euphrate à droite et fait en cinq étapes, dans un
« désert, trente-cinq parasanges. La terre, en ce pays, est une vaste plaine, unie comme une mer et pleine d'absinthe.
« Tout ce qu'il y croît de plantes ou de roseaux est aromatique, mais il n'y a point d'arbres. Les animaux sont de
« nombreux ânes sauvages, et beaucoup d'autruches 'ort grandes, des outardes, des gazelles. Les cavaliers poursui-
« valent parfois ces animaux. v>
FOUILLES DE MOUSSIAN
91
FiG. 128. — Tcpé Moiissian. Bronze
Fragment de représentation solaire,
1/3 grandeur naturelle.
Les métaux étaient rares dans cette région. A peine avons-nous relevé quelques traces de
1er provenant d'occupations postérieures. Le cuivre ou le bronze étaient d'un usage plus courant,
encore que peu répandu, pour la fabrication des armes et des or-
nements. A Tépé Moussian même les fouilles n'ont exhumé que
des anneaux, un bracelet (dans une sépulture formée de deux
grands vases accolés), un fragment de ravon solaire (fig, 128),
débris d'une représentation très connue, celle de Shamas, qui
couronne fréquemment des koudourrous ou des stèles (notam-
ment la stèle de Hammourabi), et dont le dessin orne la couverture
même de ce volume; et enfin la pointe d'un ciseau. Dans les nécropoles nous avons recueilli des
haches, des têtes de lances et des flèches, des lames de poignards, des épingles, des bagues, des
perles et une coupe. Nous figurerons plus loin ces divers objets, dont la forme est
d'une indication utile pour déterminer l'âge de la céramique.
Les métaux précieux ne sont représentés que par quelques plaques, bos-
scttes et pendeloques d'argent en fort mauvais état ; l'ornementation, au re-
poussé, est très simple et ne diffère pas des objets similaires fournis par les
nécropoles du Talyche. Nous avons aussi trouvé des perlettes d'argent. L'or fait
absolument défaut.
Le plomb apparaît sous la forme d'un pommeau couronnant un bâton
(fig. 129).
Ce sont les pierres de couleur qui constituent le principal élément des
parures, colliers et bracelets. La cornaline et le lapis-lazuli sont seuls employés.
La taille en est primitive et la 'perforation, pratiquée sur deux faces opposées,
est presque toujours mal centrée.
Les perles de pâte émaillée, si nombreuses dans les sépultures du Talyche, sont en très faible
proportion dans les nécropoles que nous avons explorées autour de Tépé Moussian. En fait
d'autres objets, composés de cette matière, nous n'avons à signaler qu'un cachet cylindre de pâte
FiG^i29. — Pommeau
en plomb, 1/2 gr. nat.
Fig. 130. — Cachet-cylindre en pâte blanche, grandeur naturelle.
blanche dont la gravure représente, entre des chevrons, un personnage tenant à chaque main un
poignard, et un cervidé, chèvre ou bouquetin (fig. 130). Nous croyons que ce cylindre est de
basse époque.
92
FOUILLES DE MOUSSIAN
FiG. 131. — Petit scarabée
pâte émaillée, vert clair,
grandeur naturelle.
Aux temps achéménides postérieurs à Darius I" appartiennent deux scarabées. L'un, de
petite dimension, est en pâte émaillée d'un vert pâle. Le signe qu'il porte peut être babylonien,
mais l'hiéroglyphe égyptien existe sous la même forme (fig. 131). Le second
scarabée, en pâte émaillée vert foncé, est beaucoup plus grand. Il nous
offre une inscription hiéroglyphique très fruste et de mauvaise facture.
Une sorte de cartouche, surmonté de l'oiseau sur son perchoir contient
trois signes. A gauche deux figurations semblent représenter le scorpion
et le crocodile. Il se pourrait que ce fût
l'œuvre d'un artisan indigène qui se serait efforcé de copier
maladroitement une inscription qu'il ne savait lire (fig. 132).
Ce scarabée nous a été apporté après clôture des fouilles par
un nomade qui nous afïîrma l'avoir trouvé dans les déblais.
Mais, faute de contrôle, nous n'en pouvons garantir la pro-
venance.
Pour en revenir aux objets de fabrication nettement
locale, les parures, dans la région de Moussian, étaient des ^'°
plus simples et d'un caractère archaïque bien marqué. Cette
observation a son importance ; il en faudra tenir compte, en
même temps que de la forme primitive des armes, quand nous aurons à dater la céramique des
mobiliers funéraires.
Scarabce, pâte émaillée, vert foncé,
grandeur naturelle.
CÉRAMIQUE
Nous devons scinder cette étude en deux parties selon que les échantillons ont été recueillis
dans nos tranchées de Tépé Moussian ou dans les fouilles des nécropoles.
Au surplus, la différence est grande entre ces deux séries, non seulement comme matière et
mode de fabrication , mais aussi comme procédés de décoration . La pâte des fragments sortis de nos
tranchées est généralement bien malaxée, fine, d'un grain serré et dur ; la couleur a subi une cuisson.
Dans les poteries des sépultures, la main d'œuvre est plus négligée et la décoration a été simple-
ment appliquée après la cuisson des pièces. Nous considérerons ces derniers produits comme
postérieurs en date, d'après l'évolution de la céramique telle que nous l'avons exposée page 83.
Rationnellement, il nous faut donc débuter par l'examen des fragments, avant d'aborder
l'étude des vases entiers. Nous sommes, en outre, guidés par cette considération qu'un grand
nombre de motifs, que nous observons isolément sur la première céramique, se rencontrent
groupés sur la seconde. Cette méthode du simple au composé facilitera la description des objets.
Frag.mexts décorés. — Nous avons signalé (page 82) l'existence à Tépé Mohamed Djaf-
far d'une poterie épaisse, d'un rouge vif, à surface lissée.
FOUILLES DE MOUSSIAN 95
Ces spécimens, malheureusement trop peu importants pour être reproduits, datent, selon
nous, des premiers âges de la céramique ; ils accompagent le silex taillé et offrent un singulier
aspect de parenté avec les poteries préhistoriques d'Abydos, Toukh, El Amrah, Kawamil, Sil-
silé(i). Ils sont parfois ornés de rehauts et pourvus d'oreillettes percées d'un trou de suspension.
On les trouve associés à des produits d'une pâte ana-
logue, d'un grain peu serré, mais de couleur brune ou
jaune foncé.
D'une époque non moins reculée est un fragment
(fond de vase) modelé sur un panier servant de support
à l'argile (fig. 133). Cet échantillon nous a été fourni
par la tranchée la plus profonde de Tépô Moussian.
fT r j j • I •• j ^'*'- '33- — TépiJ Moussian. Fig. 134. — Tépé Moussian.
Un autre tond de vase non moms archaïque, de Fond de vase, terre cuite Fond de vase, pâte lissée,
même provenance, mais d'une forme et d'une facture '°"s>^^oncù, 2/5 gr. nat. rouge clair, décor rouge
'^ fonce, 2/3 gr. nat.
différentes (fig. 13.1), nous donne un premier essai
de décoration en couleur, rouge foncé sur rouge clair, motif et tons que nous relevons aussi sur
les fragments de Tépé xMohamed Djaffar.
Nous groupons à la figure 135 trois spécimens qui ont encore une grande analogie avec la
poterie préhistorique peinte observée en Egypte dans les nécropoles antérieures à l'usage du
métal(2). Ils nous apparaissent à Tépé Moussian, comme intermédiaires entre la céramique de
l'époque du silex taillé et celle que nous avons lieu de croire contemporaine de la pierre polie.
Cette dernière est bien caractéristique; elle marque une industrie spéciale à la Susiane et
justifie la dénomination de poterie fine que nous lui avons appliquée.
La finesse de la pâte, la beauté et la variété des décors attestent un art rafTiné. Les formes
les plus usitées sont celles de coupes, de jattes et de plats dont les parois sont parfois presque aussi
minces que de la porcelaine.
Sans en posséder le poli et l'imperméabilité, elles ont, de cette matière, le grain serre, la
dureté, la sonorité avec une fragilité plus grande encore.
La pâte est d'une homogénéité parfaite, d'un ton jaune pâle ou vert clair, et quelquefois,
mais très rarement, rougeàtre. Le décor a été appliqué préalablement à la cuisson, qui devait
avoir lieu à une température élevée. Sur certains échantillons on peut observer que l'artisan a
tracé son dessin en creux dans la pâte avant d'apposer la couleur qui est le plus souvent un noir
franc ou un brun luisant, ou, exceptionnellement, un rouge brun. C'est la poterie fine qui nous
présente les décors les plus remarquables comme sincérité d'observation et habileté d'exécu-
tion ; c'est à elle seule que nous devons des représentations exactes de la figure humaine.
La qualité de la matière, la vérité des sujets et l'heureuse composition des motifs concou-
(i) Cf. de Morgan, Recherches sur les origines de l'Egypte, L'âge de la pierre et les métaux, Ethnographie préhis-
torique et Tombeau royal de Négadah.
(2) ibid.
«34
FOUILLES DE MOUSSIAN
rent pour assurer à cette céramique une supériorité marquée sur les produits des âges suivants.
Plus on se rapproche de l'apparition du métal plus il semble que la décadence s'accuse dans
la fabrication et la décoration. C'est surtout le dessin et la couleur qui déclinent dans la poterie
que nous qualifions d'épaisse, ce qui ne
veut pas dire qu'elle soit grossière. Loin
de là, car la pâte demeure de bonne qua-
lité dans ces produits qui, fort proba-
blement, ont commencé à coexister avec
la poterie fine ; les besoins ménagers exi-
geaient, en effet, des ustensiles plus
résistants que ceux qui viennent d'être
décrits. Mais, peu à peu, l'art du potier
a déchu ; l'artisan n'a plus su façonner
la matière en vases aussi délicats et la
poterie épaisse est devenue d'un usage
exclusif.
La pâte en est toujours bien malaxée,
et d'un grain assez fin ; mais le décor,
quoi qu'il soit fidèle aux mêmes sujets,
devient très lâché comme exécution ; le
dessin est peu soigné, à moins qu'il ne
s'agisse d'un motif géométrique ; lespro-
^ ,, . ^ , . , , ■ ^ . portions sont défectueuses dans les repré-
FiG. 135. — Tcpe Moussian. rragment de jatte profonde, poterie nne, pâte rou- ^ _ _
geâtre, décor rouge foncé. — Fragment de coupe, poterie jaune clair, décor seutationS animales, et la peinture a perdu
noir. — Col d'un petit vase, poterie jaune clair, décor noir figurant des pointes . , ., , ,, -^i^^ ^• ^ j
de flèches, grandeur naturelle. Sa ténaCltC, SOlt qu ellc ait été appliquée de
façon négligente, soit qu'elle n'ait subi
qu'une cuisson insuffisante, soit qu'elle ait été postérieure à la cuisson des pièces.
Ces distinctions étant établies entre les deux genres de poteries Jine et épaisse, il n'est plus
utile de séparer les spécimens de l'une des échantillons de l'autre. La nécessité s'impose, au
contraire, de les grouper pour étudier les divers genres de décoration. Il suffira au lecteur d'avoir
en mémoire, que tout ce qui n'est pas figuré avec la mention poterie fine peut être considéré
comme reliant cette céramique, contemporaine de la pierre polie, à la céramique de l'âge du
bronze qui nous a été livrée par les sépultures.
Les motifs de décorations que nous avons observés peuvent se ramener à quatre groupes :
1° Dessin géométrique ;
2° Figurations végétales ;
3° Figurations animales ;
4° Représentations humaines.
FOUILLES DE MOUSSIAN
95
Ces groupes se subdivisent eux-mêmes, selon le sujet du décor ; il n'est pas rare non plus,
cela va sans dire, que des motifs empruntés à plusieurs groupes bien
distincts soient combinés dans une même décoration.
Nous passerons en revue ces divers sujets à commencer par les
plus simples pour aboutir aux plus compliqués.
Dessin géométrique. — La ligne droite en est l'élément pri-
mordial : nous la trouvons employée seule très fréquemment sur la
poterie fine de Suse, mais beaucoup plus rarement à Tépé Moussian
/Cp. 1 2f>) P"^- '3^' — Tcpé Moussian. Poterie
^ o' y / ... jaune, décor noir, gr. nat.
La ligne brisée n'est, tout d'abord, qu une série de traits gros-
siers qui ne tardent pas à gagner en précision et à s'associer à d'autres éléments (fîg. 137).
FiG. 137. — Tépé Moussian. Poterie jaune foncé, décor noir. — Poterie fine, pâte rougeàtre, décor brun ror.ge. — Poterie fine, jaune clair,
décor noir, grandeur naturelle.
Puis la ligne brisée est elle-même l'objet d'une ornementation, en même temps que le décor
augmente en combinaisons (fig. 138).
FiG. 138. — Tépé .Moussian. Poterie jaune foncé, décor noir. — Tépé Aly-.\b.ui. Poterie fine, vert clair, décor noir. — Tépé Moussian.
Poterie fine, jaune clair, décor brun rougeàtre, grandeur naturelle.
Avant de passer pas ces diverses étapes et d'atteindre aux motifs compliqués, la ligne brisée
96
FOUILLES DE MOUSSIAN
subit une transformation (très visible à la figure 139), qui fera d'elle un élément de dessin dont
nous allons retrouver l'emploi dans toute la céramique, jusqu'à celle des nécropoles où il est
particulièrement fréquent ; nous voulons parler des lignes ondulées.
FiG. 159. — Transition entre la ligne brisée et la ligne ondulée. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir, 2/3 grandeur naturelle.
Poterie fine, jaune clair, décor brun rougeâtre, grandeur naturelle.
Ce genre de'motif, si fréquent dans la céramique égyptienne contemporaine de l'âge de la
pierre (i), a été non moins mis à contribution par les potiers de la Susiane antique. Tantôt ce
FiG. 140. — Tépé Moussian. Poterie Fig. 141. — Khazinèh. — Poterie vert clair, décor FiG. 142. — Khazinèh. Poterie
grossière jaune, décor noir, gr. nat. noir, grandeur naturelle. fine, jaune clair, décor noir,
grandeur naturelle.
sont de simples ondulations courant en parallèles (fig. 140) ; tantôt le même décor élémentaire se
(i) Cf. Recherches sur les origines de l'Egypte. L'âge de la pierre et les métaux, par J. de Morgan. Planches IV,
V, VI, VII, VIII, IX et X.
FOUILLES DE MOUSSIAN
97
répète associé à des ondulations enchevêtrées (fîg. 141). La ligne ondulée devient très vite une
ornementation soit unique (fîg. 142), soit combinée avec d'autres décors rectilignes (fig. 143).
FiG. 145. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir. — Khazinèh. Poterie jaune clair, décor noir. — Khazinèh. Poterie jaune clair,
décor noir, grandeur naturelle.
C'est principalement sur les grands vases que nous l'observons à l'état de décor géomé-
trique bien défini, sous forme de festons (fig. 144).
Fig. 144. ■— ïépé Moussian. Fragnitut du col d'un grand vase, poterie
épaisse, jaune clair, décor brun rougeâtre, grandeur naturelle.
Fig. 145. — Tépé Moussian. Poterie épaisse, jaune clair,
décor noir, grandeur naturelle.
L'espace compris entre les courbes est orné de lignes perpendiculaires. Une série de droites
parallèles encadre les festons ; la décoration est complétée par un semis de petites croix.
La figure 145 nous offre une ornementation qui diffère peu de la précédente. Sauf en ce
qui concerne le motif supérieur, la disposition est similaire.
Un décor très usité est celui que nous donne le fragment de grande jatte reproduit ci-des-
13
9«
FOUILLES DE MOUSSIAN
SOUS (fig. 146). Ces jattes étaient profondes, très résistantes vu l'épaisseur de leurs parois, et,
par suite, d'un bon usage ménager. Aussi en avons-nous trouvé de fort nombreux fragments.
Enfin la ligne ondulée nous apparaît sous l'aspect de festons superposés (fig. 147) dans la
décoration du fond d'une coupe. Ces ustensiles étaient décorés tantôt à l'extérieur, tantôt à l'inté-
rieur, ce qui est ici le cas. Nous avons quelques exemples d'une décoration double, intérieurement
et extérieurement.
Fig. 146. — Tcpé Moussian. Fragment d'une grande jatte, poterie épaisse
jaune, décor brun rougeàtre, grandeur naturelle.
Fig. 147. — Tépé Moussian. Fond d'une coupe,
pâte jaune clair, décornoir, grandeur naturelle.
Pour suivre le passage de la ligne brisée à la ligne ondulée, nous avons dû abandonner le
dessin rectiligne ; il nous y faut revenir afin d'étudier les motifs qui dérivent directement de la
ligne brisée, à savoir le chevron, le triangle et le décor en dents de loup. Nous les retrouverons
combinés dans une foule de décorations très variées.
Il est inutile d'insister sur un motif aussi simple que celui du chevron ; nous en avons un
exemple, d'effet très réussi, dans la figure 148, où il est employé isolément. C'est le cas le plus
commun pour ce motif dans la poterie peinte découverte à Suse.
11 a suffi que le chevron vînt s'appuyer sur une bande décorant le pourtour d'un vase pour
que le triangle fût déterminé (fig. 149). Dans le spécimen que nous reproduisons, deux zones de
chevrons sont superposées. Les sommets d'angle sont dirigés alternativement vers le col et vers
FOUILLES DE MOUSSIAN
99
la base de la poterie ; les chevrons s'intercalent, de la sorte, les uns dans les autres, en sens opposé,
formant une sorte d'engrenage.
FiG. 148. — Tépé Moussian. Poterie Fie. 149. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor Fig. 150. — Tépé Moussian. Poterie
fine, jaune clair, décor rouge, gr. noir, grandeur naturelle. jaune clair, décor brun, gr. nat.
nat.
L'artisan s'est ensuite appliqué à garnir la surface du triangle soit au moyen de traits croisés
Fig. 151. — Mourad-Abad. Moitié d'une coupe. Poterie fine, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
(fig. I 50), soit en la couvrant entièrement d'un enduit, comme dans la série de triangles accotés
qu'il a jetés si élégamment en travers d'une coupe (fig. 151).
100
FOUILLES DE MOUSSIAN
FiG. 152. — Mourad-Abad. Poterie jaune clair, décor noir. — Tépé Moussian. Poterie fine, jaune pâle, décor noir, grandeur naturelle.
La variété s'accuse de plus en plus avec l'emploi de ce motif ; ou bien, décoré intérieurement
FiG. 153. — Tépé Moussian. Poterie fine jaune clair, décor brun clair. — Poterie fine jaune clair, décor noir. — Poterie jaune clair,
décor noir, grandeur naturelle.
de traits entre-croisés, il est associé à un décor en damiers, ou bien le décor en damiers occupe la
FiG. 154. — Tépé Moussian. Poterie épaisse rouge clair, décor brun foncé, grandeur naturelle.
surface du triangle (fig. 1 52), produisant un joli effet par l'alternance des carrés clairs et foncés
FOUILLES DE MOUSSIAN
101
Lorsque la surface du triangle est colorée en plein, c'est par l'agencement du dessin même
et par la combinaison que l'artisan varie ses effets. Tels sont les décors obtenus au moyen de
triangles accolés par la base, ou alternant de même sur une bande, ou remplissant les angles
formés par des chevrons (fig. 153).
FiG. 155. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
Poterie jaune clair, décor brun avec quadrillés, 1/2 grandeur naturelle.
Un autre motif, que nous retrouverons sur presque tous les vases des nécropoles autour de
Tépé Moussian, est déterminé au moyen de triangles
opposés par leur sommet (fig. i 54).
Dans cet exemple la surface des triangles est ornée
de traits parallèles. La figure 155 nous donne, au con-
traire, des triangles opposés dont la surface est colorée
en plein. Nous aurons à revenir sur ce genre de déco-
ration. Quelques auteurs, qui font autorité dans l'étude
de la céramique grecque, ont vu dans ce motif la figura-
tion de la hache. Cette interprétation peut être très fondée
lorsqu'il s'agit des armes de Hellènes, mais nous devons
faire observer ici qu'aucune des haches de bronze trou-
vées dans les nécropoles de Moussian ne correspond
comme type, au motif décoratif peint sur nos poteries et
qui doit, par conséquent, dériver d'une autre origine. Nous avons, toutefois, dans notre céra-
mique peinte la figuration de la pointe de flèche.
La fantaisie de l'artisan varie incessamment dans la disposition des triangles, qui sont ornés
à l'intérieur de traits entre-croisés (fig. 156) ou de damiers ménagés dans un fond unicolorc.
Dans le dernier cas que nous citons le triangle est décomposé en deux éléments (fig. i 57).
Bientôt ce seront les lignes mêmes du triangle qui seront l'objet d'une ornementation plus
Fig. 156. — Tépé Moussian. Poterie fine, jaune clair,
décor brun, grandeur rxiturelle.
102
FOUILLES DE MOUSSIAN
OU moins simple (fig. i 58). La forme géométrique tendra dès lors à s'altérer. Dans le début, le
décor ne perdra rien à cette modification qui rompt la sécheresse des lignes et dont l'effet est, par
Fig. 157. — Tépé Moussian. Fragment de grand vase, pâte vert clair,
décor noir, grandeur naturelle.
Fig. 158. — Tépé Moussian. Fragment
de jatte. Poterie très fine, jaune pâle,
décor noir, grandeur naturelle.
suite, assez heureux. Mais la transformation ne tardera pas à faire oublier l'origine même de ce
motif et il deviendra difficile de le discerner dans le dessin, assez négligé,
d'ailleurs, que reproduit la figure i 59.
Mais, avant de dégénérer à cet état de confusion, le triangle a fourni
au décorateur un motif très agréable à l'œil par son élégante simplicité.
Aussi l'avons-nous observé avec fréquence, tant sur les poteries de grandes
dimensions que sur les petits vases. II se compose de triangles rectangles
disposés en rangées parallèles. La surface des triangles est toujours
colorée en plein. Une très heureuse alternance est ainsi établie entre les
Fig. 159. — Tépé Moussian. ^°"^ foucés du décor et les vides régulièrement ménagés sur le fond clair
Fragment de jatte. Poterie fine, de la pâte (fiff. l6o).
jaune clair, décor brun rou- ,, ~ /
geâtre, grandeur naturelle. Souvent les tHangles rectaugles, soit comme motif unique, soit asso-
ciés à d'autres éléments, se suivent rangés sur deux lignes, mais avec une
direction contraire, c'est-à-dire disposés tantôt de gauche à droite, tantôt de droite à gauche
(fig. 161).
FOUILLES DE MOUSSIAN
103
Enfin la même disposition s'observe, mais avec transformation de la ligne droite en ligne
FiG. 160. — TéptJ -Moussian. Poterie
jaune clair, décor noir, gr. nat.
FiG. 161. — Tépé Moussian. Poterie fine, jaune foncé, décor noir. — Poterie
jaune clair, décor noir, 1/2 grandeur naturelle.
courbe pour le côté de l'hypothénuse. Les triangles deviennent ainsi de véritables dents (fig. 162).
FiG. 162. — ïépé Moussian. Poterie jaune
clair, décor noir, grandeur naturelle.
Fig. 163. — Tépé Moussian. Fragment d'un grand vase cy-
lindrique, poterie épaisse rougeàtre, décor rouge foncé,
1/2 grandeur naturelle.
Ces dentelures ont la pointe dirigée tantôt vers le haut, tantôt vers la base de la poterie. Elles
10.1
FOUILLES DE MOUSSIAN
délimitent entre elles des segments ménagés sur le fond de la pâte et produisent ainsi un nouvel
ordre de décor, usité généralement sur les vases de dimensions assez fortes. Les parois de ces
ustensiles sont épaisses et résistantes (fig. 163).
Le rectangle. — Un fragment assez important d'une jatte, trouvé à Tépé Khazinèh, nous
montre l'emploi du rectangle, comme décor, à son origine. Cette poterie appartient certainement
à une époque très reculée dans l'âge de la
pierre polie. On ne saurait louer la régula-
rité du dessin, cependant l'intention de tracer
des sortes de rectangles est assez manifeste.
L'ouvrier n'y a guère réussi et il ne faut
voir, dans sa tentative, que le résultat très
primitifd'un essai encore maladroit (fîg. 164).
Cependant l'art du potier avait déjà atteint
un grand degré de perfection, si nous en
jugeons par la finesse de la matière et le
soin avec lequel la cuisson a dû être con-
duite. La pâte est d'un grain très serré, avec
une forte proportion de silice qui, soumise
à une température élevée, a donné un pro-
duit remarquable par sa dureté, son imper-
méabilité et sa sonorité, mais dont la fragilité
est, d'autre part, extrême. Ce genre de po-
terie constitue un essai des plus intéressants
et qui n'est pas isolé, car nous avons re-
cueilli de nombreux fragments de cette céra-
mique à parois minces et à pâte verdâtre.
Mais, dans le cas présent, au point de vue
de la décoration, ou bien l'ornemaniste
manquait d'expérience, ou bien il s'est mon-
tré, dans son travail, d'une négligence ex-
trême. L'effet obtenu n'est, cependant, pas désagréable.
Avec la figure 165 qui suit, le dessin se précise. Encore incomplet dans le premier échan-
tillon (fragment de gobelet) le rectangle se définit de façon régulière dans le spécimen suivant.
Il est déterminé par des séries de trois lignes parallèles qui se coupent.
Mourad Abad nous fournit l'exemple d'un dessin, moins régulier comme lignes, mais avec
un commencement d'ornementation intérieure constituée par un simple point.
Puis ce sont des lignes droites qui interviennent pour garnir l'intérieur des rectangles:
Fig. 164.
Khazinèh. Fragment d'une jatte, poterie fine, pâte verdâtre,
décor noir, grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN
105
d'abord trois traits parallèles, puis deux médianes, ou une médiane coupée par deux perpendi-
culaires, enfin des séries de lignes parallèles se recoupant les unes les autres pour former une
FiG. 165. — Tépé Moussian. Fragment de gobelet, poterie fine, jaune clair, décor noir. — Tépé Moussian. Poterie fine, jaune clair,
décor rougeâtre. — Mourad-Abad. Poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
sorte de grillage (fig. 166). Dans ce dernier cas les rectangles sont très allongés et juxtaposés à
l'un de leurs angles.
Fig. 166. — Tépé Moussian. Fragment d'écuclL', poterie jaune clair, décor brun, 2/3 grandeur naturelle. — Khazinèh. Poterie fine, jaur.c
foncé, décor brun rouge, grandeur naturelle. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
Comme effet décoratif obtenu par l'emploi du rectangle nous citerons encore (fig. 167) la
combinaison produite par l'alternance de rectangles ornés de la sorte, intôrieurcrnent, et délimitant
entre eux d'autres rectangles de ton clair ménagés sur le fond de la pâte. Ils sont associés à un
quadrilatère régulier, coloré en plein, sur le champ duquel se détachent des diagonales et un
semis de petits points clairs symétriquement disposé.
1}
106
FOUILLES DE MOUSSIAN
Un dernier échantillon nous montre le trapèze intervenant comme motif dans la décoration.
Il est associé à des traits et à de larges bandes de couleur (fig. i68). Cette poterie est très ancienne
FiG. 167. — Mourad-Abad. Fragment de grand vase, poterie épaisse, jaune clair, décor noir
1/2 grandeur naturelle.
FiG. 168. — Tepé Moussian. Fragment
d'écuelle, poterie fine, jaune pâle, décor
brun clair, grandeur naturelle.
et d'une facture fort soignée. C'est le seul spécimen de ce genre que nous ayons rencontré à Tépé
Moussian ; il fait défaut dans les monticules de la région avoisinante.
Le losange. — Avec le losange nous entrons dans une série de décorations très variées.
Les potiers semblent avoir professé une prédilection pour ce motif, non seulement dans la
contrée de Tépé Moussian, mais aussi à Suse où la céramique en fournit de très nombreux
exemples.
Nous observerons, tout d'abord, le losange simple aux lignes unies ou ornées (fig. 169) avec
pour toute ornementation intérieure, un point de couleur.
Puis le losange est orné intérieurement de lignes entre-croisées ou parallèles, avec un cercle
plus ou moins bien réussi (fig. 170).
C'est dans cette dernière combinaison qu'il nous apparaît le plus souvent sur les poteries
de grandes dimensions, jarres et écuelles profondes, à fortes parois. Tépé Khazinéh, plus spécia-
lement, nous a fourni un grand nombre de fragments appartenant à ces deux formes. Dans les
tranchées de Suse les poteries qui portent ce genre de décoration se rangent toutes dans la caté-
gorie des grands vases. Le ton du décor est rouge ou d'un brun clair, tandis qu'à Moussian la
matière colorante employée est généralement noire.
FOUILLES DE MOUSSIAN
107
""•"■""««•"nomm..,
^«•miili"'""""''*'''!'."-"""""'™''»»». 5
FiG. 169. — Tépé Moussian. Fragment de jatte, poterie rougeâtre, décor rouge foncé. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir.
Khazinèh. Poterie fine, vert clair, décor noir, grandeur naturelle.
FiG. 170. — Tépé Moussian. Poterie épaisse, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir,
1/2 grandeur naturelle.
^A^
FiG. 171. — Tépé Moussian. Poterie fine, vert clair, décor noir. — Tépé Moussian. Poterie fine, jaune clair, décor noir. — Khazinèh. Poterie
verdâtre, décor noir, grandeur naturelle.
loS
FOUILLES DE MOUSSIAN
Le caprice du décorateur se donne libre carrière avec ce motif, au point qu'il est parfois dif-
FiG. 172. — Khazinèh. Poterie fine, jaune, décor noir. — Khazinèh. Décor intérieur d'une jatte, poterie jaune clair, motifs noirs.
ficile d'interpréter la tendance de l'artisan (fig. 171). Dans d'autres cas, l'intérieur du motif géo-
métrique est orné lui-même de losanges couplés, colorés en
plein ; ou bien les losanges couplés se suivent, avec un polygone
ménagé dans le champ de la couleur.
On serait presque tenté de voir un essai très fantaisiste de
reproduction du visage humain dans les deux premiers motifs
que nous donne la figure 172.
Le second surtout est caractéristique ; il nous montre
une sorte de mèche s'échappant de l'angle supérieur du lo-
sange. Mais l'intention n'est pas assez marquée pour qu'on
puisse s'aventurer au delà d'une conjecture. Quant au troisième
spécimen (fig. 173) il réunit, sous une forme simplifiée, les élé-
ments précédents au dispositif que nous avons déjà observé
dans la figure 171 .
C'est à une transformation du losange que nous devons l'intervention des fuseaux dans le
décor des poteries. Ils se présentent ici couplés par trois, les deux fuseaux externes étant munis
d'un renflement vers la partie centrale (fig. 174).
Ce nouveau sujet de décoration est accompagné non seulement de dessins géométriques,
mais aussi de représentations peu faciles à définir. Des perpendiculaires, disposées parallèlement
FiG. 173. — Khazincli. Poterie jaune clair,
décor brun rougeâtre, grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN
109
par séries de trois, sont flanquées de motifs en damiers que délimitent des lignes courbes. Cette
singulière ornementation ressemble
vaguement à une paire d'ailes. Rien
d'analogue ne se rencontre dans le
géométrique proprement dit et l'on
ne saurait, non plus, assimiler ce
dessein aux représentations végé-
tales. Il est, par suite, impossible de
discerner le point de départ de ce
genre de décoration.
La croix. — Nous la voyons
d'abord seule, à l'état élémentaire :
deux rectangles, se recoupant en leur
milieu, forment une figure un peu
biaise. Sur les autres débris nous
trouvons une modification à la pre-
mière manière; c'est une croix de
Malte que l'artiste est arrivé à pro-
duire dans sa recherche.
L'évolution tend, cette fois, non
à simplifier, mais bien à créer un
élément nouveau qui parvient rapide-
ment au degré de motif perfectionné
par l'élégance (fig. 175) des lignes et l'association avec d'autres ornementations, comme dans le
FiG. 174. — Khazinch. Fragment d'un grand vase, poterie verdatre, décor noir,
grandeur naturelle.
FiG. 175. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir. — Tépé Moussian. Poteriu rougeàtre, décor noir. — Tépé Moussian. Poterie
jaune clair, décor noir. — Tépé Moussian. Fragment de petite coupe, poterie fine, jaune clair,' décor brun, grandeur naturelle.
quatrième spécimen où elle accompagne une théorie de chèvres, assez mal représentées d'ailleurs,
IIO
FOUILLES DE MOUSSIAN
Un fragment, recueilli à Tépé Moussian, nous donne la représentation de la croix ansée
FiG. 176. — Tépé Moussian. Poterie jaune foncé, décor noir. — Tépé Moussian. Intérieur d'une petite jatte, poterie jaune clair, décor noir,
grandeur naturelle.
(fig. 176) tandis qu'une portion de jatte plate, de même provenance, nous fournit, fait intéressant
à noter, le motif du svastika.
FiG. 177. — Kliazinèii. Poterie jaune clair, décor noir. — Tépé Moussian. Fond de jatte, poterie jaune clair, décor brun rouge.itre,
grandeur naturelle.
Les deux décors reproduits à la figure 177 dérivent de la croix inscrite dans un
cercle ; mais le décorateur a très adroitement embelli le dessin, d'abord en ^interrompant et en
FOUILLES DE MOUSSIAN m
ornant la ligne de la circonférence, puis en incurvant les lignes de la croix. Par l'augmentation
FiG. 178. — Khanizèh. Poterie jaune clair, déccr brun. — Tépc Moussian. Poterie rougeàtre, décor rouge foncé, gr. nat.
du nombre de ses branches la croix se transforme en étoile et en représentation solaire (fîg. 178).
Le cercle. — C'est d'abord une courbe informe qui ressemble plutôt à un œil, vu de face,
qu'à un cercle proprement dit (fig, 179). Peu à peu la forme géométrique se précise, bien qu'il
ne s'agisse encore que d'anneaux tangents les uns aux autres (fig. 180) ; le point central s'élar-
git et suit assez exactement la ligne de la circonférence. Puis, le cercle est obtenu en réservant,
dans le champ d'une bande de couleur, une surface claire que coupent deux lignes ondulées
(fig. 181 ). Ce sont ensuite deux lignes dentelées qui ornent l'intérieur du cercle (fig. 182).
Associée à d'autres motifs, damiers, semis de points, guirlandes, la figure se transforme.
Nous voyons deux cercles concentriques, ornés au centre de quatre points en croix. L'anneau
déterminé parles deux courbes est coupé d'une série de petits traits (fig. 183). Ce sont ensuite
des losanges ou des cercles concentriques qui forment le sujet de l'ornementation intérieure;
deux diagonales ou deux diamètres perpendiculaires coupent ces motifs purement géométriques
(fig. 184). Enfin la ligne de la circonférence s'orne de perlettes, dans les types qui suivent
(fig. 185); le second a pour décor intérieur trois triangles opposés par leur sommet au centre
du cercle (fig. 186). Le dernier spécimen, orné extérieurement de rectangles quadrillés, peut
être interprété comme une figuration solaire, à moins qu'on ne préfère y voir, ce qui nous parait
moins probable, une représentation architecturale (fig. 187).
Nous en avons terminé avec le décor géométrique ; les motifs dont l'examen suit ont été
empruntés aux règnes végétal et animal.
Figurations végétales. — Le décor obtenu par la représentation de sujets choisis parmi les
végétaux vient immédiatement après l'emploi du dessin géométrique, comme facilité d'exécution.
L'immobilité du végétal en rend l'observation aisée. Sans doute les plaines du Pouchté-Kouh
sont pauvres en espèces arborescentes ; il n'y croit que de la brousse, tamaris et mimosas épineux ;
FiG. 179.
FiG. lao.
FiG. ]8i.
FiG. 182.
FiG. 183.
FiG. if
FiG. 186.
FiG. 187.
FiG. 179 à 185. — Tépii Moussian. Poterie jaune clair, décor noir. — Id. Fragment de jatte, poterie fine, verte, décor noir. — Id. Poterie
grossière, jaune, décor ncir. — Id. Poterie fine, jaune ciair, décor noir. — Id. Poterie fine, jaune, décor noir. — Id. Poterie jaune foncé,
décor noir. — Id. Poterie fine, vert clair, décor noir. — FiG. 185 et 187. — Khazinéh. Poterie fine, vert clair, décor noir, grandeur
naturelle. — Kkazinèh. Fragment de vase ovoïde, poterie fine, vert clair, décor brun rougeàtre, 1/2 grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN
113
mais les roseaux abondent, avec toute la série des plantes marécageuses, et les prairies naturelles
s'étendent à perte de vue. Au surplus, la zone forestière est très proche dans les montagnes qui,
à partir d'une certaine altitude, sont couvertes de chênes à glands doux, de térébinthes et d'une
foule d'arbustes buissonneux. Il semblerait donc que les potiers de Moussian ait dû mettre à
profit cette richesse et cette variété, comme n'ont pas manqué de le faire les céramistes grecs et
principalement les antiques artistes égéens. Cependant les artisans de cette partie de la Susiane
n'ont point tiré grand parti des ressources que leur offrait la flore de leur région.
FiG. 188.
FiG. 189.
FiG. 190.
FiG. 188-190. — Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir. — Khazinch. Fragment de gobelet, poterie fine, pâte rougcitre,
décor rouge foncé. — Tépé Moussian. Poterie jaune foncé, décor brun, grandeur naturelle.
Les spécimens que nous reproduisons représentent tout d'abord une succession de tiges pour-
vues de renflements qui évoquent l'idée des nœuds du roseau (fig. 188). Puis les tiges portent
des folioles horizontales disposées symétriquement avec une raideur toute primitive (fig. 189).
La représentation qui suit est moins fruste ; on y distingue plus nettement des petites feuilles
symétriques, sans qu'il soit, toutefois, possible d'identifier la plante (fig. 190).
On reconnaît mieux (fig. 191) la figuration des feuilles du palmier. La première tentative est
assez maladroite ; les tiges ne portent, sur un seul côté, qu'une série de feuilles. Peu à peu l'ob-
servation devient plus exacte et les feuilles sont bilatérales, mais elles se dressent raidement, cir-
conscrites par un gros trait curviligne ; cette disposition rappelle celle des peintures de la céra-
mique préhistorique égyptienne (i).
Enfin le dessin perd de sa raideur et tend à se rapprocher de la nature. L'artisan n'en tirera
jamais grand eff'et, car le modèle est peu décoratif et le palmier n'a jamais passé pour (jffrir un
bien gracieux aspect, du moins pris isolément. Dans les échantillons que nous figurons ci-des-
(i) Recherches sur les origines de l'Egypte, L'âge de la pierre et les métaux, par J. de Morgan, pi. X.
I)
114
FOUILLES DE MOUSSIAN
SOUS on voit des branches alternantes jaillir d'une tige principale (fig. 192), elles ont ici une ten-
dance à s'incurver, comme dans la nature, mais sont encore cernées par un large trait courbe.
FiG. 191. — Khazinèh. Poterie jaune clair, décor noir. — Id. Poterie rougeâtre, décor rouge et brun foncé.
rouge et noir, grandeur naturelle.
Id. Poterie rougeâtre, décor
Puis c'est dans une sorte de trapèze que le motif est enfermé ; les branches retombent vers le sol
et les feuilles ne sont plus représentées que d'une façon rudimentaire. Nous entrons, avec ces
FiG. 192. — Khazinèh. Fragment de grand vase, poterie jaune foncé, décor rouge et noir. — Id. Fragment de grand vase, poterie rougeâtre,
décor rouge et noir, grandeur naturelle.
motifs, dans la série des décorations végétales dont les grands vases des sépultures nous donne-
ront maint exemple.
FOUILLES DE MOUSSIAN
115
Les petites poteries nous offrent, au contraire, des types qui s'éloignent progressivement du
modèle pour entrer dans le domaine de la fantaisie. Plus le décor est riche, plus le caprice de l'ar-
FiG. 193 et 194. — Tépé Moussian. Fond d'un vase droit, poterie épaisse, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle. — Id. Décoration
intérieure d'une petite jatte, poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
tisan s'accentue dans la représentation des végétaux. On retrouve encore la figuration première
du palmier à la figureh93, mais dans la figure 194 l'analogie devient déjà difficile à établir. Par
FiG. 195. — Khazinéh. Fragment d'écuellc, poterie jaune
pâle, décor brun clair, grandeur naturelle.
FiG. 196. — Mourad-Abad. Fragment de jatte, poterie
vert clair, décor noir, grandeur naturelle.
contre, toutes les ressources du style géométrique ont été mises en œuvre; le décor est surchargé
de bandes, damiers, dentelures, festons et motifs en ogive. Enfin dans le spécimen reproduit à la
ii6 FOUILLES DE MOUSSIAN
figure 195, si la richesse de l'ornementation est louable et d'un bel effet-, le végétal n'y entre plus,
comme décoration, que sous une forme tout à fait capricieuse.
Le spécimen reproduit à la figure 196 nous apporte un motif d'un nouveau genre; il est
fâcheux qu'il ne nous en livre qu'une très faible partie. Le décor est en effet beaucoup plus réussi
comme observation et exécution que sur les autres poteries. Malheureu-
sement le peu que nous possédons de la figuration végétale ne saurait nous
permettre de reconstituer l'ensemble.
Quant au petit fragment représenté à la figure 197, il a des prétentions
indiscutables à reproduire une plante avec ses feuilles et sa fleur ; mais le
sujet est traité avec une telle fantaisie qu'il serait trop hasardé de proposer
une assimilation.
On remarquera que: premièrement, les figurations végétales, si elles
sont fréquentes, se diversifient fort peu les unes des autres ; deuxièmement,
aucune plante cultivée, connue de nous, ne figure dans les représentations,
sauf le palmier. Or la flore n'a pas varié sensiblement dans ces régions
FiG. 197. — Khazinèh. Po- çj^p^jg jgg ^n-Qs autiques ïusqu'à nos jours. Il est intéressant de noter que ni
tene jaune lonce, décor r o n J ^ ) T
rouge et noir, 1/2 gr. nat. le blé, Originaire de Mésopotamie, ni aucun des végétaux employés dans l'ali-
mentation, de temps immémorial, ne sont figurés sur les poteries de Mous-
sian. On peut déduire de ce fait que les populations étaient plus pastorales qu'agricoles et c'est
là une indication utile pour établir la haute antiquité de la céramique.
Figurations animales. — Quadrupèdes. Les quadrupèdes représentés sur les poteries peintes
de Moussian sont: le bœuf (?), le bélier ou le mouflon, l'œgagre et la gazelle.
Nous citons le bœuf d'une façon dubitative parce que la représentation qui nous est donnée
(fig. 198) est si primitive qu'elle laisse place à l'incertitude. Cette figuration est unique à Moussian;
nous devons ajouter que nous ne retrouvons nulle part la représentation d'un bovidé, si ce n'est,
peut-être, sur un grand vase, découvert à Suse, et qui est contemporain de la céramique des
sépultures. On peut tout aussi bien voir à la figure 198 une tête de bélier ou de mouflon qu'une
tête de bœuf. Nous inclinerions à croire qu'il s'agit ici du mouflon, animal qui abonde encore
actuellement, ainsi que l'œgagre, dans tout le massif du Kébir Kouh. On le rencontre, d'ailleurs,
dans presque toutes les montagnes de la Perse. Il est très connu sous le nom à'argali; les
nomades le dénomment « mouton de montagne ».
Cette représentation nous fournit, sur un certain nombre de spécimens, un curieux exemple
du processus qui subit un motif bien déterminé, depuis son origine jusqu'au moment où il se
transforme est un schéma énigmatique.
La figure 199 nous montre une guirlande de têtes de mouflons, associée à deux représenta-
tions solaires. Nous avons, d'autre part (fig. 200, page 1 18), le même motif accompagné de deux
zones de quadrupèdes, chèvres sauvages (œgagres), ou gazelles, d'un dessin très peu soigné. Les
FOUILLES DE MOUSSIAN
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FiG. 198.
Lf'^
FiG. 199.
FiG. 201.
FiG. 202.
FiG. 203.
FiG.
204.
FiG. 103.
PlG. 206.
FiG. 198. Khazinèh. Poterie jaune clair, décor noir, gr. nat. — FiG. 199. Id. Fragment de coupe, poterie fine, pâte verte, décor noir, gr. nat.
— FiG. 201. Tépé Moussian. Poterie fine, pâte verdâtre, décor brun foncé, gr. nat. — FiG. 202. Id. Poterie fine, jaune clair, décor noir,
gr. nat. — FiG. 203. Khazinèh. Décor intérieur d'une jatte, poterie jaune clair, décor noir, gr. nat. — Fig. 204. Id. Poterie fine, jaune
clair, décor noir, gr. nat. — FiG. 205. Tépé Moussian. Poterie fine, jaune, décor noir, 2/3 gr. nat. — Fig. 206. Id. Poterie fine, jaune
clair, décor noir, 2/3 gr. nat.
ii8
FOUILLES DE MOUSSIAN
FiG. 200. — Khazinèh. Jatte en poterie fine, jaune clair, décor noir, 1/2 gr. nat.
fio-ures 201 et 202 répètent ce sujet, mais les têtes sont disposées en rangées verticales; on reconnaît
encore fort bien le sujet originel. Dans
le spécimen de la figure 203 le déco-
rateur a perdu le sens du motif
primitif; les têtes n'ont plus la forme
naturelle et les cornes sont ornées
de bois latéraux semblables à des
ramures. La déviation est encore
plus frappante à la figure 204 où le
dessin est disposé en une bande hori-
zontale. Enfin aux figures 205 et 206
la schématisation est complète : la tête
a disparu, remplacée par un trait ver-
tical ; les cornes, en s'allongeant, se
sont rejointes ; nous ne trouvons plus
qu'une série d'annelures, flanquées,
dans un des cas, de la représentation solaire réduite à un simple cercle. Le motif est devenu
incompréhensible pour qui n'en a pas suivi l'évolution.
Ce n'est pas le seul exemple de déviation que nous aurons à observer ; le même processus se
discerne également dans les figurations de gazelles, d'œgagres et d'oiseaux. Il est très remar-
quable dans les figurations humaines.
Gazelles. — Dans les vastes plaines de la Susiane, ce gracieux quadrupède vit en hardes
nombreuses. Pendant que nous surveillions le travail de nos tranchées, nous en avons souvent vu,
du haut de Tépé Moussian, des bandes qui s'approchaient à peu de distance du tell. En parcou-
rant la région sauvage des Beni-Lams (Mars, 1900), à l'époque de la crue du Tigre, nous avons
rencontré des multitudes de gazelles qui, chassées parle débordement des eaux, se réfugiaient
sur les hauteurs ; chacun de leurs troupeaux comptait plusieurs centaines d'individus. La contre-
bande des armes de guerre modernes, dont les tribus nomades sont trop abondamment pourvues,
produit de grands ravages parmi ces animaux et l'espèce ira décroissant. Mais, aux âges antiques,
elle devait exister à l'état de véritables hordes.
Les artisans de iVioussian avaient donc constamment leur modèle sous les yeux. La prédi-
lection dont ils témoignent pour la représentation de la gazelle et de l'œgagre décèle une race de
chasseurs. C'est là une présomption de plus en faveur de la haute antiquité de ces peuplades.
Le style dans lequel sont traités ces sujets est soumis aux mêmes fluctuations, à la même
décadence que nous venons de signaler pour le motif précédent. L'observation se montre tout
d'abord exacte, le modèle est heureusement rendu. Témoin la tête reproduite à la figure 207. Il
s'agit ici, croyons-nous, d'une biche, femelle du grand cevi niahral, qui vit encore, bien qu'assez
FOUILLES DE MOUSSIAN
119
rare, dans les forêts du Pouchté Kouh, du Louristan, et sur les pics, couverts d'une végétation
luxuriante, qui surplombent le littoral sud-ouest de la
Caspienne. Ce cervidé est de grande taille; c'est un gibier
royal. Dans les jardins du Roi, à Téhéran, on voit plu-
sieurs de ces beaux animaux qui, après naturalisation,
figurent sur des socles pour témoigner des prouesses cyné-
gétiques du souverain. Dans les dolmens du Ghilan nous
avons exhumé une figurine de bronze qui représente un
de ces cerfs. Il n'est pas étonnant que nous en retrouvions
le dessin sur une de nos poteries de Moussian, région où
cette espèce subsiste encore et où elle devait être, jadis,
assez répandue.
Quant à la gazelle, l'antique artisan n'était pas moins
habile à en fixer les lignes. Les figures 208 et 209 en
font foi, malgré l'imperfection de certains détails, notam-
ment la raideur et la grossièreté des pattes. Mais à la
figure 210 les défauts s'accentuent: la tête est fort mal
représentée, le corps, informe, se termine par un prolon-
gement en guise de queue. Cette insouciance dans l'exé-
cution ne fera que s'aggraver. Dans le spécimen reproduit fig. 207. - Tépé Moussian. Fragment de la panse
à la figure 211, si la tête est assez bien rendue, le corps ^'un grand vase poterie jaune clair, décor noir,
<-' ... grandeur naturelle.
et la queue sont défectueux ; un trait horizontal relie les
pattes. A la figure 212 ce sont les proportions qu'il faut blâmer. On ne doit pas incriminer
le manque d'habileté, mais bien la négligence du décorateur.
I! est à remarquer que les motifs peints sur la poterie fine sont généralement d'une obser-
hlG. 208.
Fig. 209.
l'iG. 210.
Fig. 208. Mourad-..\bad. Poterie verdàtre, décor noir, gr. nat. - Fig. 209. Tépé Moussian. Poterie verdâtre, décor noir, gr. n.it.
Fig. 210. Id. Fragment de petite jatte, poterie fine, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
vation beaucoup plus sincère et d'une exécution bien mieux rendue que ceux qui figurent sur la
poterie épaisse. Les premiers ornemanistes se bornaient à un seul sujet, mais ils y appliquaient
120
FOUILLES DE MOUSSIAN
tous leurs soins. Avec la diversité dans l'ornementation apparaît le laisser-aller dans le détail.
FlG. 211. FiG. 212.
FiG. 211. Tépé Moussian. Poterie fine, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
FiG. 212. Mourad-Abad. Décoration intérieure d'une jatte, poterie verdâtre, décor noir, grandeur naturelle.
L'échantillon représenté à la figure 213 est riche par la variété des motifs; par contre, les ani-
FiG. 215. — Tépé Moussian. Fragment de grand vase, poterie jaune clair, décor noir,
grandeur naturelle.
maux y sont fort maltraités ; le peintre n'a parcimonieusement attribué que trois pattes à l'un
de ses sujets. Les cornes sont fort mal figurées et pour l'une des gazelles, la tête n'est même pas
dessinée. C'est là l'effet d'une inattention et non d'une insuffisance de savoir faire, puisque les
autres animaux ne présentent pas ce même défaut.
Cette négligence dénote une hâte et une incurie extrêmes dans l'exécution. Pourvu que
l'effet général du décor soit plaisant à la vue, les détails sont sacrifiés. C'est le cas dans un beau
fragment de grand vase (fig. 214) sur lequel les dessins géométriques, accumulés à profusion,
rivalisent de diversité. Ils sont exécutés avec un soin évident et concordent à produire un ensemble
remarquable. Veut-on se livrer à un examen détaillé, on observera que, dans la zone de gazelles
qui court sur la panse, plusieurs des animaux ne possèdent que trois pattes.
FOUILLES DE MOUSSIAN
121
FiG. 214. — Tépé Moussian. fragment d'un grand vase, poterie jaune, décor noir, 2/5 grandeur naturelle.
FiG. 215. FiG. 216. ViG. 217.
FiG. 215. Tépé Moussian. Poterie jaune, décor noir, gr. nat. — Fie. 216. Mourad-Abad. Poterie fine, jaune, décor noir, gr. nat.
FiG. 217. Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
i6
122
FOUILLES DE MOUSSIAN
La négligence de l'ornemaniste a pour effet d'amener peu à peu une dégénérescence qui
FiG. 2l8,
FiG. 219.
FiG, 218. Tépé Moussian. Poterie jaune clair, décor noir, gr. nat. — FiG. 219. Id. Décoration intérieure d'une jatte, poterie jaune,
décor noir, grandeur naturelle.
finit par rendre le dessin inintelli-
gible. Nous avons déjà constaté cette
marche décadente lorsqu'il s'est agi
de la figuration du mouflon ou du
bélier. Nous l'observerons encoredans
la représentation des oiseaux et enfin,
d'une façon curieusement caractéristi-
que, dans les figurations humaines.
Une étude comparée delà déformation
des motifs dans la céramique grecque
aboutirait, croyons-nous, aux mêmes
conclusions ; les rapprochements se-
raient du plus grand intérêt pour déter-
miner l'origine et l'évolution d'un cer-
tain nombre de motifs dont l'inter-
prétation est encore indécise. Mais le
sujet est trop étendu pour trouver
ici sa place et nous ne pouvons que
FiG. 220.— Khazinèh. Fragment de grand vase, poterie épaisse, jaune clair, décor ]g signaler à l'attCntion deS SDécia-
noir, 9/10 grandeur naturelle. _ ^^ ^
listes.
Dans le cas qui nous occupe, les déformations portent principalement sur le corps et sur
FOUILLES DE MOUSSIAN
123
les cornes. Au début, les bois de la gazelle sont à peu près proportionnés à la taille du sujet, le
corps est assez bien figuré et la queue s'en détache d'une façon distincte.
Bientôt nous voyons (fig. 215 à 217) le corps et la queue tracés d'un seul coup de pinceau,
ce qui" a pour résultat de produire un allongement démesuré, tandis que les cornes prennent un
développement hors de toute proportion.
En 218 nous avons une aggravation de ces défauts; la queue devient une barre horizon-
tale tandis que les hanches affectent la forme d'un renflement disgracieux.
A la figure 219 ce n'est plus qu'un simple petit trait qui représente la tête; le corps est
Fig. 221.
FiG. 222.
Fig. 221. Tépé Moussian. Poterie jaune, décor noir, grandeur naturelle. — Fie. 222. Id. Poterie fine, jaune, décor noir, grandeur naturelle.
Fig. 223. Id. Poterie jaune clair, décor brun rouge, grandeur naturelle.
tracé au moyen d'une longue ligne courbe, renflée à la hauteur de la croupe ; la queue vient
grossièrement s'adapter soit à cette protubérance, soit même sur les pattes ; les cornes, recour-
bées, s'étendent sur toute la longueur du sujet, qui est bas sur jambes et d'une allure absolument
disgracieuse.
Nous constaterons, de suite, à quel résultat peuvent conduire des procédés aussi peu sin-
cères.
La figure 220 nous en montre un exemple concluant.
Il faut savoir que l'ornemaniste a prétendu représenter des gazelles pour pouvoir discerner
le sujet. Plus de tête, des cornes démesurées, figurées par deux traits divergents; en guise do
corps une courbe terminée par une véritable bosse.
Nous retrouverons cette figuration, avec tous ses défauts, sur un certain nombre de grands
vases qui ne proviennent pas des sépultures, mais qui sont, assurément, contemporains de
l'époque des nécropoles. C'est la dernière étape du motif primitif avant qu'il n'arrive à la schéma-
tisation absolue.
124
FOUILLES DE MOUSSIAN
Les figures 221 à 223 nous font clairement assister au développement anormal que peuvent
FiG. 224.
FiG. 225.
FiG. 224. Tépé Moussian. Décoration intérieure d'une jatte, poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
FiG. 225. Id. Poterie jaune, décor brun clair, grandeur naturelle.
prendre les cornes, en même temps que nous assistons à la déformation du corps ; de plus en
FiG. 226.
FiG. 227.
FiG. 226. Tépé Moussian. Poterie jaune, décor noir, grandeur naturelle. — FiG. 227. Id. Décoration intérieure d'une grande jatte,
poterie jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
plus les pattes tendent à se réduire au nombre de trois ; c'est une règle qui sera constante dans
les spécimens reproduits à la présente page.
FOUILLES DE MOUSSIAN
125
Afin d'éviter des redites nous n'en ferons pas la description. Il suffit au lecteur de se repor-
ter aux figures 224 et 225 pour se rendre compte de la marche des déformations.
Enfin les échantillons reproduits aux figures 226 et 227 nous font voir la schématisation
complète. Le décorateur, dans le dernier fragment figuré, semble avoir totalement perdu l'intel-
ligence du motif qu'il fixe sur l'argile.
Chèvre sauvage. — L'œgagre se rencontre encore de nos jours assez fréquemment sur les
hauts sommets du Pouchté Kouh, dans les montagnes bordières du Golfe Persique et dans les
massifs des Bakhtyaris. On peut dire, d'une façon générale, qu'il est
répandu dans toute la zone Sud et que son habitat s'arrête aux environs
d'Ispahan. De tout temps cet animal a été figuré ; nous en trouvons
des représentations fort réussies sur les cachets et les sceaux les plus
archaïques.
Les figurations que nous fournit la céramique de Moussian sont
moins nombreuses pour cet animal
que pour les autres herbivores. On
y reconnaît cependant fort bien
^, „ l'œo-affre à ses grandes cornes
FiG. 228. —Tépe Moussian. Poterie " ~ "
jaune clair, décor noir, gr. nat. anneléeS (fig. 228) et à SOn COU
plus long que celui de la gazelle.
La chèvre sauvage est ici piétée sur ses pattes de devant,
attitude familière qui est d'une observation bien rendue.
Nous avons également, dans cette série, des exemples
manifestes de la façon dont un motif se déforme. Déjà la
figure 229 nous présente un dessin modifié qui s'écarte
sensiblement de la nature. Le sujet y est, cependant, très
reconnaissable grâce aux lignes générales et aux annelures
des cornes, encore que ces dernières soient tracées d'une
manière conventionnelle. lAlais le dédain du naturel, la
hâte, la négligence dans l'exécution du dessin ne tarderont
pas à produire des altérations de plus en plus marquées,
fâcheuse évolution qui prévaut dans tous les motifs, sauf
dans le décor géométrique. Cette observation étant géné-
rale, on pourrait en conclure que la poterie, rare aux débuts, était alors l'objet d'une main-d'œuvre
soignée.
Lorsque l'usage en devint plus répandu, l'artisan fut forcé de négliger et la matière même
et le décor, pour pouvoir satisfaire rapidement aux besoins de !a consommation. De là suivrait
qu'une facture négligée indiquerait des périodes moins antiques.
Fig. 2ZI). — Khaziiièh. Fragment de j.itte, poterie fine
rouge.ître, décor noir, g/io grandeur naturelle.
126
FOUILLES DE MOUSSIAN
Les spécimens 230 à 232 peuvent illustrer cette décadence de l'ornementation. Dans les
deux premiers la forme est encore conservée, elle tend à se schématiser dans le troisième.
FiG. 230.
i'iG. 252.
FiG. 230. Tépé Moussian. Poterie jaune, décor noir, gr. nat. — Fie. 231. Id. Décoration intérieure d'une jatte, poterie jaune clair, décor brun
rouge, 2/3 gr. nat. — FiG. 232. Id. Poterie jaune, décor rouge foncé, gr. nat.
Nous avons en 233 une curieuse tentative ; le décorateur a voulu figurer des chèvres sau-
vages en fuite. Si le mouvement est suffisamment indiqué, l'exécution pèche par le détail ; les
FiG. 233.
FiG. 234.
FiG. 235.
FiG. 233. Tépé Moussian. Poterie fine, jaune pâle, décor noir, gr. nat. — FiG. 234. Id. Poterie fine, vert clair, décor noir, gr. nat.
FiG. 235. Id. Fragment de petite coupe, poterie jaune clair, décor brun, grandeur naturelle.
pattes sont imparfaitement indiquées et le museau s'amincit en une pointe que rien ne rappelle
dans la nature. A la figure 234 les trois pattes que nous avons signalées plus haut sont devenues
motifs à quadrillé, les corps ont disparu pour faire place à une ligne brisée ininterrompue ; seules
les cornes annelées subsistent. Enfin à la figure 235 ces mêmes cornes forment une courbe fermée
reposant sur un rectangle, coupée par une médiane, qui s'est substitué aux trois pattes primitives.
FOUILLES DE MOUSSIAN
127
Sans être averti il serait malaisé d'interpréter ce motif comme la figuration schématique de
l'œgagre dont il est dérivé.
Carnassiers. — Sous cette dénomination un peu vague nous classons les spécimens repro-
duits aux figures 236 et 237 ; ils sont trop peu nombreux et surtout trop incomplets pour qu'une
attribution plus précise puisse être proposée. Le lion, le léopard, le lynx, le loup, le renard, le
FiG. 256.
FiG. 237.
FiG. 236. Tépé Moussian. Fragments de poterie fine rougeâtre, jaune pâle ou vert clair, à décors noirs ou bruns, 1/2 grandeur naturelle.
FiG. 257. Khazinèh. Poterie fine, vert clair, décor noir, grandeur naturelle.
chacal vivent dans les montagnes, la brousse et les fourrés marécageux du Pouchté Kouh. Quels
sont, parmi ces animaux, ceux que l'ornemaniste a voulu représenter? On peut penser qu'il
s'agit de carnassiers, en raison des griffes qui arment les pattes, mais là s'arrêtent les indices.
Il est permis de supposer que ces figurations étaient disposées
par zones; nous avons, en effet, deux animaux qui se sui-
vent dans l'échantillon du milieu, et le dernier spécimen nous
offre une théorie de fauves dont la crinière est assez bien
marquée. Ce sont les seules indications que fournissent ces
dessins rudimentaires.
Nous citerons ici une petite jatte (fig. 238) en terre noire
provenant des sépultures de Tépé Aly-Abad. Elle porte,
comme bouton d'anse ou comme motif d'ornementation, une tête de renard ou do chacal. Cet objet,
étant unique, nous paraît plutôt trouver place ici que dans la description, que nous donnons plus
lom, des mobiliers funéraires, description que nous ramenons, d'ailleurs, à des types généraux.
Oiseaux. — C'est là un motif de décoration que l'on rencontre avec la plus grande fréquence
dans le tell de Suse, aux niveaux profonds (de i 5 à 25 mètres) et presque exclusivement sur la
Fig. 258. — Tépé Aly-Abad. Petite jatte en terre
noire, 1/2 grandeur naturelle.
128
FOUILLES DE MOUSSIAN
FiG. 239.
FiG. 240.
FiG. 241.
FiG. 242.
FiG. 245.
FiG. 244.
rIG. 245.
FiG. 216.
FiG. 247.
FiG. 248
FiG. 349.
FiG. 239. Tépé Moussian. Poterie fine, verdàtre, décor noir, gr. nat. — FiG. 240. Id. Poterie fine, jaune foncé, décor noir, gr. nat. —
FiG. 241. Id. Poterie fine, jaune, décor rouge foncé, gr. nat. — Fig. 242. Id. Poterie jaune clair, décor noir, gr. nat. — FiG. 245. Kha-
zinèh. Décoration intérieure d'une grande jatte, poterie jaune, décor brun foncé, gr. nat. — FiG. 244 et 245. Tépé Moussian. Poteries
fines, jaune clair, décor noir, gr. nat. — FiG. 246. Id. Poterie jaune clair, décor noir, gr. nat. — FiG. 247. Id. Poterie jaune clair, décor
noir, gr. nat. — FiG. 248. Id. Décoration intérieure d'une jatte, poterie jaune, décor brun clair, gr. nat. •- FiG. 249. Id. Poterie fine,
jaune, décor noir, grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN
129
poterie fine. A Tépé Moussian, comme à Suse, les types les plus communs sont choisis parmi les
échassiers et les palmipèdes. D'après la longueur du cou, le sujet de la figure 239 est un échassier ;
les plumes des ailes sont représentées au moyen de bandes parallèles coupées de petits traits. Un
procédé à peu près semblable se retrouve à la figure 240 où le corps se présente sous la forme d'un
losange orné d'un quadrillé ; tantôt les pattes sont bien nettement séparées, tantôt elles sont
reliées par une série de traits transversaux. L'interprétation est, ici, plus difficile. Est-ce à des-
sein que la tète est ar-
rondie, est-ce conven-
tionnellement qu'elle est
représentée par un cer-
cle? Cette dernière sup-
position nous semble de-
voir être confirmée par
les représentations sché-
matiques qui s'offrent
plus loin. On peut objec-
ter, toutefois, que les
ornemanistes n'étaient
point embarrassés pour
reproduire exactement
la nature, quand ils pre-
naient ce souci. A la
figure 241 nous voyons,
en effet, des échassiers à
tète aplatie, avec un bec
assez développé. Le spé-
cimen suivant (fig. 242)
nous donne la figuration
très nette de l'oie sau-
vage dont les bandes sont si nombreuses en Susiane durant les mois d'hivernage. L'attitude est,
du reste, fort bien observée.
Quant à la schématisation, nous en suivons la marche aux figures 243, 244, et 245, jusqu'à
ce que nous soyons en présence du motif informe (fig. 246) qui n'a plus rien de commun, en
apparence, avec le sujet traité à la figure 242. Même procédé pour les palmipèdes. Les canards
de la figure 247 sont, pour ainsi dire, montés sur une sorte de pied ; les oies de la figure 248
sont représentées avec leurs deux pattes ; une disposition mixte aboutit aux motifs de la figure 249
qui rappellent si étrangement les cartouches hiéroglyphiques de l'Egypte.
Les poteries de faibles dimensions nous présentent toujours la figuration de l'oiseau associée
17
Fig. 250.
Fig. 251.
Fig. 250 et 251. Khazinch. Fragments de grands vases, poterie jaune clair, décor rouge et noir,
1/2 grandeur naturelle.
130
FOUILLES DE MOUSSIAN
au décor géométrique. Sur les grands vases, au contraire, les volatiles sont souvent représentes
en compagnie de motifs appartenant, d'une part, au géométrique, et empruntés, d'autre part,
aux règnes animal et végétal. A côté de bandes et d'ondulations, nous voyons des échassiers
accompagnant une gazelle et entourés de tiges de palmier ou de roseaux. Il faut noter que les
pennes des ailes sont figurées par de simples traits de couleur, légèrement tracés. Le même pro-
cédé conventionnel, pratiqué cette fois par incisions, s'observe sur les belles poteries chaldéennes,
récemment découvertes à Tello et si savamment décrites par M. Heuzey.
Insectes. — Les représentations d'insectes sont excessivement rares ; nous n'en avons que
deux exemples parmi les décorations de la poterie de Moussian, et la céramique de Suse ne nous
en a pas encore fourni un seul spécimen.
Bien que le dessein de la figure 252 soit fort rudimentaire, nous pensons qu'il n'y a pas de
doute sur l'identification et que c'est bien la fourmi que le peintre a voulu représenter. Le thorax
FiG. 252. — Tépé Moussian. Fragment de jatte, poterie
fine, jaune clair, décor noir, 3/4 gr. nat.
FiG. 253. — Khazinèh. Décoration intérieure d'un plat, poterie
épaisse, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
est figuré par un triangle auquel se rattache une paire de pattes ; l'abdomen est représenté par
une série d'anneaux que termine un autre triangle également muni d'une paire de pattes.
Ce dessin schématique donne assez exactement l'idée des grosses fourmis, les soldais qui
sillonnent en légions innombrables le sol de la Susiane, aux alentours des fourmilières, tandis que
les ouvriers se livrent à leurs travaux. Moins aisé à interpréter est le motif qui décore l'intérieur
d'un plat épais trouvé à Tépé Khazinèh (fig. 253). Tout d'abord nous ne possédons qu'un frag-
FOUILLES DE MOUSSIAN
isi
ment trop insuffisant pour pouvoir déterminer l'ensemble de manière précise. Puis la singu-
lière façon dont une patte est représentée, contribue à éveiller le doute. Nous croyons, cependant,
qu'il s'agit d'un gros scarabée, le bouvier sacré, très répandu dans tout le pays ; mais, pour se
prononcer avec certitude il faudrait posséder la partie de cette poterie où la tête était peinte. Les
deux élytres sont, toutefois, assez marquées pour que l'on puisse voir dans ce motif la représen-
tation d'un coléoptôre.
Figurations humaines. — Ce sont, sans contredit, les motifs les plus curieux de toute cette
série, non seulement par l'exactitude et l'habileté avec lesquelles ils sont, tout d'abord, exécutés,
mais aussi par les étranges déformations qu'ils subis-
sent jusqu'à devenir un schéma de pure convention.
Nous les suivrons dans leurs métamorphoses bizarres,
sans trop nous y appesantir. Ce sujet, à lui seul, exi-
gerait un développement qui ne trouverait pas ici sa
place. Il importe, tout au moins, de noter des indications
qui ne seront pas sans utilité pour aider à tracer l'origine
de certaines figurations énigmatiques que l'on observe
avec fréquence, notamment dans la céramique grecque
primitive.
Lorsque l'on considère les figurines reproduites à
la figure 254 on ne peut s'empêcher de songer aux repré-
sentations de même nature qui ont été relevées sur les
vases peints du préhistorique égyptien (i). Le corps
humain est, dans les deux cas, traité selon le même
style : la tête se dégage bien du torse, la taille est soi-
gneusement marquée avec tendance à exagérer parfois le renflement des hanches, le dessin des
membres apparaît net autant que léger, le mouvement est souple et l'attitude aisée. Les propor-
tions sont plus heureuses sur la petite coupe de Khazinèh que sur la céramique d'Abydos. Si l'on
constate, d'une part, que le cou est trop long dans nos figurations humaines, on leur trouvera,
par contre, des qualités de gracilité et de naturel qui les rendent supérieures à leurs analogues
d'Egypte. Il faut noter également que les représentations humaines de ce pays se limitent géné-
ralement à un nombre de trois personnages, tandis que nous avons ici une véritable théorie. Elle
s'enroule près du bord de la coupe au-dessus d'une série de figurations solaires caractérisées par
des disques d'où jaillissent huit faisceaux de rayons, c'est le motif qui deviendra plus tard le soleil
sculpté sur tant de monuments. Dans la ronde de ces petits personnages qui, les bras ployés,
entrelacent leurs mains, à hauteur de l'épaule, et dans les décors symboliques dont ils sont
FiG.
254. — Khazinèh. Fragment de coupe, poterie fine,
pâte verdàtre, décor noir, grandeur naturelle.
(i) Voir pL X, fig. 2 aat b des Recherches sur les origines de l'Egypte, L'âge de la pierre et les métaux, J. de
Morgan.
132
FOUILLES DE MOUSSIAN
accompagnés, faut-il voir, de la part de l'artiste, l'intention de reproduire une scène religieuse ?
Cette supposition semble plausible. Si elle est justifiée, elle ferait remonter le culte du soleil à
une haute antiquité, car ce fragment de coupe date assurément de l'époque de la pierre polie. Il a
été trouvé, comme nous l'avons dit, à Tépé Khazinèh en même temps que la hache en calcaire
rose figurée plus haut, page 86.
Dans la poterie préhistorique égyptienne, nous voyons les figures humaines représentées
avec les bras dressés au-dessus de la tête, les mains retombantes. Le motif reproduit à la figure 255
offre une disposition à peu près semblable, avec cette différence que les bras entre-croisés se pro-
longent en haut, comme si les personnages tenaient des rameaux. C'est une variante du motif
précédent ; il est fâcheux que ce petit fragment soit incomplet, car il marque une étape intéres-
sante et nous donne l'explication des motifs suivants qui, sans cette transition, demeureraient
FiG. 255.
FiG. 2)6.
FiG. 257.
FiG. 255. Khazinèh. Poterie fine, vert clair, décor noir, gr. nat. — Fig. 256. Tépé Moussian. Poterie fine, jaune, décor noir, gr. nat.
FiG. 257. Id. Poterie fine, verdâtre, décor noir, grandeur naturelle.
inintelligibles. En 255 lecorpshumain, malgré le développement des bras, est encore reconnaissable
à la forme du torse et du bassin ; en 256 les bras sont démesurés, entre-croisés et tordus; le corps
a disparu, remplacé par un rectangle quadrillé. La tête subsiste à la figure 257, mais les bras,
prolongés par des rameaux (?), ont pris une extension énorme tandis que le rectangte', substitué
au corps, tend à se réduire.
Nous ne retrouvons plus apparence humaine à la figure 258. En guise de corps, le rectangle
quadrillé a pris plus d'importance, les bras, moins longs, affectent la forme d'une lyre ; à la place
de la tête s'érige une sorte de cône.
En 259 la tête se voit peut-être un peu mieux, les bras ont diminué, mais le rectangle, barré
de petits traits horizontaux, s'est démesurément allongé.
Enfin la figure 260 nous montre un motif semblable, quant à la longueur et à l'ornementation
du rectangle, mais les bras, réduits à l'état rudimentaire, ne sont plus que des courbes tangentes
FOUILLES DE MOUSSIAN
153
entre elles et presque entièrement remplies par le développement qu'a pris la tête. Loin de pou-
voir discerner dans cet échantillon des figurations humaines, on serait tenté d'y voir des représen-
tations d'insectes, plus spécialement de scolopendres.
FiG. 258.
FiG. 259.
FiG. 260.
FiG. J58 Tépé Moussian. Poterie jaune, décor noir, grandeur naturelle. — FiG. 259. Id. Poterie fine, jaune pâle, décor noir, grandeur naturelle.
FiG. 260. Fragment de coupe, poterie fine, rougeâtre, décor noir, grandeur naturelle.
Ce ne sont peut-être pas les seuls exemples que nous possédions des déformations que l'abus
du schéma peut infliger à la figure humaine. Dans nos fouilles à Tépé xMoussian, nous avions
souvent rencontré des fragments de grandes ou de petites poteries dont le motif bizarre demeu-
rait pour nous à l'état de problème. Certains vases de fortes dimensions, à pâte grossière, rouge
et épaisse, portaient, peintes en rouge plus foncé ou en noir, des silhouettes formées des éléments
suivants : deux triangles très allongés se rencontrant par la pointe ; la base du triangle supérieur
était surmontée de un, deux, et rarement trois petits traits ; à chaque angle de cette base se ratta-
chait une sorte de patte, ployée, terminée par trois doigts ; de même aux deux angles de la base
du triangle inférieur s'ajustait une patte également ployée, terminée tantôt par trois doigts, tantôt
par un trait à peu près perpendiculaire. L'ensemble de cette singulière figure ressemblait assez,
sous le rapport de la forme et de l'attitude, à une grenouille dont l'artisan eût omis de dessiner
la tête. Nous opinions donc pour la figuration rudimentaire d'un batracien et ce motif se répétait
si fréquemment que nous n'étions pas éloignés d'y voir un loleni usité parmi les peuplades de la
région de Moussian.
Au point D de notre plan (fig. 95, page 63) et au niveau des haches en pierre polie, ces figu-
rations devinrent si nombreuses et si variées, sur tant de poteries différentes, épaisses, fines,
rougeâtresou jaune clair que, jointes aux fragments déjà recueillis en divers points et particuliè-
rement à Tépé Khazinèh, elles nous fournirent des termes de comparaison en abondance. Notre
étude de ce singulier motif fut alors grandement facilitée.
Nous sommes, croyons-nous, en présence d'une figuration humaine déformée et complète-
IÎ4
FOUILLES DE MOUSSIAN
ment déviée du sujet original. En examinant les figures reproduites ci-dessous, il sera possible de
suivre la marche de cette dégénérescence.
Si l'on se reporte à la ronde humaine de la figure 254 et que l'on y compare le motif
de la fio-ure 261, on reconnaîtra, dans ce dernier, une série de bustes schématiques avec
les deux bras ployés, les mains à la hauteur des épaules ;
c'est l'attitude observée à la figure précitée. Mais ici, la tête et la
partie inférieure du corps ont complètement disparu ; les bustes
sont étages l'un sur l'autre en une rangée horizontale. L'or-
nemaniste a disposé sur la pâte un motif qui, pour lui, était
de pure fantaisie, car depuis longtemps, sans doute, la com-
préhension de la figuration première s'était effacée dans l'esprit
des décorateurs, comme c'est, sans doute aussi, le cas sur les
nombreux échantillons que nous avions recueillis et dont il vient
d'être parlé.
Nous avons choisi, dans la quantité, les spécimens les plus
caractéristiques qui nous offrent des variantes. Tels sont ceux que
reproduisent les figures 262 et 263.
Dans le premier ce sont trois traits qui occupent la place de la tête ; le triangle du torse se
dédouble, les bustes s'étagent perpendiculairement ; les disques solaires de la figure 254 sont
FiG. 261. — Tépé Moussian. Poterie fine,
jaune clair, décor noir, 2/3 gr. nat.
FiG. 262.
FiG. 263.
FiG. 262. Khazinèli. Fragment d'écuelle, poterie fine, jaune clair, décor noir, grandeur naturelle.
FiG. 263. Id. Fragment d'un grand vase cylindrique, poterie épaisse, jaune clair, décor noir, 1/2 grandeur naturelle.
reproduits sous une forme très simplifiée. La tête est représentée par cinq traits à la figure 263 et
les bustes, étages sur une ligne perpendiculaire, se sont décomposés en trois éléments.
Une très jolie et très fine jatte (fig. 264) provenant de Khazinèh nous offre la même dispo-
FOUILLES DE MOUSSIAN
IÎ5
sition avec quatre traits en guise de tête et, pour chacun des torses, trois triangles, de plus en
plus espacés.
FiG. 264. — Jatte en poterie fine, jaune clair, grandeur naturelle.
Il nous serait facile de multiplier les exemples, mais ce serait tomber dans les redites, car le
motif, arrivé à cette période de déformation, se répète sous un aspect à peu près invariable ; on ne
peut trouver, d'un dessin à l'autre, que des différences d'exécution
sans intérêt. Est-ce à dire pour cela que l'évolution est achevée ? Non
point, car il nous reste à montrer comment (fig. 265) elle est parvenue
à sa formule la plus simple en même temps que la plus éloignée du
point de départ. Dans le dernier échantillon que nous reproduisons,
n'apparait plus qu'une ligne horizontale de dentelures surmontée de
cinq traits assez prononcés d'où retombe une ligne courbe.
Nous avons longtemps hésité à assimiler ces figurations à des repré-
sentations humaines tant l'écart est grand entre le sujet traité au naturel
et les conceptions fantaisistes que nous venons de passer en revue.
Encore ne posons-nous pas ici une conclusion positive ; nous indiquons
une vraisemblance sur laquelle nous appelons l'attention des critiques. Il
convient de leur signaler (fig. 266) un sujet identique par l'exécution (voir spécialement la façon
dont la main est représentée) peint dans une métope sur l'épaule d'un grand vase qui provient
de la nécropole de Tépé Aly-Abad. Ici le doute n'est pas possible ; c'est bien de figurations hu-
maines qu'il s'agit, et la comparaison semble, de primeabord, probante. Mais comment expliquer
qu'un motif déjà très dégénéré — et même en certains cas devenu méconnaissable — , aux divers
IG. 265. — Khazinéh. Poterie fine,
jaune clair, décor noir, gr. nat.
136
FOUILLES DE MOUSSIAN
âges de la pierre polie, se retrouve intact dans une sépulture où nous rencontrons le bronze ?
L'objection est sérieuse; il nous paraît diffi-
cile d'y répondre tant que d'autres décou-
vertes ne seront pas venues jeter quelque
lumière sur ces très curieuses figurations.
Céramique des sépultures. — La céra-
mique des mobiliers funéraires se divise en
deux catégories : les vases sans peintures ni
décors d'aucune sorte et les vases peints ;
ces derniers sont de beaucoup les plus nom-
breux.
Le manque de termes appropriés, pour
la description des formes, ne laisse pas que
d'être embarrassant. Faute d'autres défi-
nitions nous pourrions recourir à celles de
la céramographie grecque ; mais n'est-ce
pas une anomalie que d'employer ces expres-
sions dans l'étude d'une céramique que nous
considérons comme bien antérieure aux
produits les plus anciens des potiers hel-
lènes ? Nous éviterons donc autant que possible l'emploi de ces termes ; au surplus, les formes
des vases sont peu variées et peuvent se ramener à quelques types généraux.
Les poteries sans décor consistent en grands et en petits vases ; ceux-ci sont peu fréquents dans
les sépultures, bien que l'usage en fût très répandu parmi les vivants, à en juger par la quantité
de casseaux mise au jour par nos tranchées dans le site de Tépé Moussian.
Il semblerait donc que, pour honorer les morts, on prit soin de déposer dans les tombes des
poteries de quelque valeur par leurs dimensions ou leur décoration.
Nous donnons ici (fig. 267 à 273) la série des formes sous lesquelles les petits vases se pré-
sentent le plus communément.
Un seul de ces objets (n° 270) a été exhumé à Tépé i\loussian; il ne provient donc pas d'une
nécropole, mais nous devons le reproduire ici parce que nous avons souvent trouvé, dans les
tombes, des fragments de ce genre de vase; sa fragilité l'exposait fatalement à être détruit, parles
éboulements, dans les sépultures. C'est évidemment un vase à boire ; la forme est celle d'un calice
monté sur un pédoncule ; les parois sont très minces. Le petit gobelet rouge décoré de deux filets
noirs avait la môme destination. Il n'y a rien à dire des autres poteries dont les formes sont
communes à toutes les époques.
Les grands vases sans peintures affectent presque tous la forme du n° 277, on en trouve
Fig. 266. — Tépé Aly-Abad. Grand vase provenant d'une sépulture. Poterie
jaune, décor rouge et noir, 1/4 grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN
137
généralement deux exemplaires dans chaque tombe. Nous n'avons pu rapporter un certain type
qui était toujours trop fragmenté pour qu'il fût possible de le reconstituer en son ensemble. Très
r*
3:
\
FiG. 267.
\=:7^
FiG. 268.
FiG. 269.
FiG. 270.
FiG. 271.
FiG. 272. FiG. 275.
FiG. 267. Khazinèh. Poterie rouge grossière, 1/4 gr. nat. — Fig. 268. Tépé Aly-.\bad. Poterie fine, jaune clair, 1/4 gr. nat. — FiG. 269. Kha-
zincli. Poterie fine, jaune clair, 1/4 gr. nat. — FiG. 270. Tépé Moussian. Poterie fine, jaune clair, 1/4 gr. nat. — Fig. 271. Tépé Aly-
AbaJ. Poterie grossière, jaune clair, 1/4 gr. nat. — FiG. 272. Khazinèh. Poterie fine, jaune clair, 1/4 gr. nat. — FiG. 275. Id. Poterie
rouge décurée de deux filets noirs, 1/4 gr. nat.
court d'épaule avec des flancs fortement arrondis, il portait un petit bec au-dessous du col. Nous
citons 274 pourvu de quatre boutons d'anses, 276 muni d'une oreillette triangulaire et 275
FiG. 274. Fig. 27 j. Fig. 276. Fig. 277.
FiG. 374 à 277. — Types de grands vases sans peintures, pâte jaune cliir, provenant des diverses nécropoles, 1/8 grandeur naturelle.
remarquable par la série de nervures triples qui traverse l'épaule depuis le col jusqu'à la panse.
Nous n'avons pu déterminer à quel usage était réservé un singulier ustensile dont la pré-
Fig. 278. Fig. 279. Fig. 280.
Fig. 278-280. — Supports de vases, pâte jaune clair, 1/8 grandeur naturelle.
sence est constante dans chaque mobilier un peu riche. C'est un vase de forme tronc conique
ouvert aux deux extrémités (fig. 278 à 280) et percé sur le pourtour d'une série d'ouvertures
158 FOUILLES DE MOUSSIAN
triangulaires. Ces évents nous avaient fait supposer, tout d'abord, que nous avions sous les
yeux une sorte d'appareil de chauffe. Mais il fallut renoncer à cette hypothèse, la surface
interne ne portant jamais trace de feu. Par contre, nous avons, dans une
sépulture, découvert un de ces objets supportant une grande écuelle
ronde en poterie fine ; c'est pourquoi, en l'absence d'indication plus pré-
cise, nous avons cru devoir considérer ces poteries comme des supports
de vases. Le type 278 ne porte qu'une seule rangée de fenêtres triangu-
laires, surmontée de trois rainures ; nous voyons en 279 deux séries
d'évents alternés ; enfin le support 280 cerné de deux rainures, l'une près
de la base inférieure, l'autre à mi-hauteur du fût, n'offre que des ébauches
d'ouvertures ; les incisions ne traversent pas la paroi.
Comme poterie non peinte nous signalerons un vase très archaïque
façonné à la main (fig. 281). Il est de forme presque quadrangulaire, de
FiG. 281. — Vase archaïque, fait .A . . ■, , -, tt i i j j' • j. é.
la main, 1/5 gr. nat. P'ite grossicrc et de couleur rougeatre. Un large bandeau d ou ressortent
quatre boutons cylindriques, percés de trous de suspension, fait saillie
près de l'orifice. Ce relief est orné de stries pratiquées au moyen d'une pointe ; on pourrait voir,
dans ces incisions, la figuration élémentaire d'une feuille de palmier. C'est le seul exemplaire
que nous possédions de cette forme et de ce genre. L'épaisseur de ses parois lui a permis de
braver, sans trop de dommages, les accidents et l'action du temps.
CÉRAMIQUE PEINTE
La forme générale des grandes poteries peintes est celle d'une jarre courte et trapue. La
panse est plus ou moins renflée, l'épaule s'attache plus ou moins haut (qu'elle soit étroite ou large;
le col est tantôt élancé, tantôt ramassé, avec un orifice de moyenne ou de grande ouverture, mais
le modelé peut toujours se ramener à la combinaison de trois figures géométriques. La panse
est un tronc de cône renversé, la plus petite base servant d'assiette ; l'épaule est constituée par une
section de sphère qui couronne la plus large base du tronc de cône ; le col se compose d un
cylindre ajusté sur la section sphérique. Le potier, travaillant sur son tour, augmente ou dimi-
nue, suivant sa fantaisie, la convexité des lignes du tronc de cône; il développe ou restreint l'im-
portance delà calotte sphérique; il évase ou rétrécit la partie supérieure du cylindre dont les parois
sont droites ou incurvées ; mais le plan de son œuvre demeure toujours restreint à l'emploi de
ces trois éléments.
De môme, les motifs décoratifs sont remarquables par leur profusion, mais non par leur
diversité. Nous en ferons une étude aussi concise que possible, car l'examen des figures rensei-
gnera le lecteur mieux et plus promptement que ne pourrait le faire une description détaillée.
FOUILLES DE MOUSSIAN 139
En procédant du simple au composé la figure 282 nous montre un décor purement géomé-
trique.
Toute la partie inférieure de la panse est colorée uniformément en rouge ; un filet noir limite
ce champ. Au-dessus le fond naturel de la pâte est sillonné de deux lignes ondulées rouges, entre
ce premier filet et un autre beaucoup plus large qui marque la démarcation entre la panse et
l'épaule.
Celle-ci est ornée de triangles et de trapèzes, les premiers coupés d'un quadrillé noir et
rouge, les seconds traversés de petites bandes parallèles rouges. Puis interviennent deux filets
noirs avec double bande ondulée rouge. Le col porte une bande rouge et une série de diagonales
noires entre deux filets noirs. Le pourtour de l'orifice est rouge. L'ensemble est sobre et harmo-
nieux.
KV
FiG. 282. FiG. 283. FiG. 284.
FiG. 282-284. — Nécropole de Tépé Aly-Abad. Vases à pâte jaune ou roiigeâtre, décors rouges et noirs, 1/8 grandeur naturelle.
(Les hachures indiquent le coloris rouge.)
Même disposition, pour commencer, dans le vase reproduit à la figure 283, mais entre les
deux filets, serpentent trois lignes ondulées rouges. La décoration de l'épaule consiste en tra-
pèzes portant alternativement un trait vertical noir et une ondulation rouge. Entre chaque trapèze
flamboie une représentation solaire composée d'un noyau central noir et d'un demi-cercle d'où
jaillissent des rayons noirs également. Ce faisceau est surmonté d'une rangée de petits dés noirs.
Un rehaut, ménagé dans la pâte, sépare l'épaule du col, qui est orné de deux lignes ondulées
rouges et de barres verticales noires comprises entre deux filets de même couleur. Le bord du col
est peint en rouge uniforme.
Ce sont encore des représentations solaires dont se compose principalement le motif décora-
tif du vase 284.
Toute la panse est du ton naturel de la pâte ; à la base nous voyons une large bande rouge
sur laquelle s'appuie une zone de figurations en tout semblables aux précédentes comme dessin
et comme couleur. Ces demi-disques, compris entre deux filets noirs horizontaux, sont séparés
les uns des autres par deux traits verticaux noirs encadrant une ondulation rouge. La panse
est alors coupée, presque à mi-hauteur, par une série de trois lignes ondulées rouges. Une nou-
140 FOUILLES DE MOUSSIAN
velle rangée de figures solaires apparaît entre deux filets noirs ; mais ici le noyau central
est auréolé de deux courbes concentriques, la plus petite rouge, la plus grande noire, d'où
s'élancent des irradiations noires. Les séparations verticales sont formées de bandes rouges cer-
nées de noir. Puis s'étagent, en remontant vers l'orifice, trois ondulations rouges, un filet noir,
délimitant la panse, et un champ rouge qui couvre la totalité de l'épaule.
Le décor du col consiste en une bande claire, du ton naturel de la pâte, entre deux filets
noirs, deux ondulations rouges, une large bande rouge entre deux traits noirs, une bande claire
soulignée de deux filets noirs et enfin le cordon rouge de l'orifice. L'effet de cette décoration est
très réussi. L'artiste a rendu avec succès le halo qui entoure l'astre du jour à son lever où à son
déclin. Ce dessin sincère, bien que conventionnel, rappelle singulièrement les ocelles delà queue
du paon.
Sauf aux pourtours du pied et du col qui sont colorés en un rouge uniforme, toute la sur-
face du vase 285 a conservé, comme fond, la teinte naturelle de la pâte.
En dépit de sa forme ramassée et malgré la profusion des décors, il doit à cette disposition
un aspect d'élégance et de clarté. L'agencement des diverses ornementations est le même que
pour la poterie précédente avec les différences de détail que nous relevons ci-après. Pour la pre-
mière rangée de disques solaires les irradiations forment une bande continue ; dans le second
registre les deux courbes qui circonscrivent le noyau central sont formées de traits noirs et les
cadres de séparation sont partout ornés de six ondulations noires alternant avec cinq bandes
rouges. Sur l'épaule, les figurations solaires sont superposées deux à deux, avec un arc de cercle
très tendu ; un filet noir les sépare. Nous observons ici, entre deux cônes rouges, la représenta-
tion très exacte d'une gazelle passant à droite, le corps est peint en rouge, les pattes sont noires.
On ne peut que louer la précision de cette silhouette dont le dessin est souple autant que net,
avec un seul défaut : l'attache de la patte gauche de devant est défectueuse. Nous remarquons
une oreillette triangulaire qui fait corps avec l'épaule ; elle servait à manier le vase, plutôt pour
l'incliner que pour le soulever, car elle n'offre que peu de prise. Plusieurs spécimens portent
deux oreillettes identiques, opposées symétriquement.
La forme ovoïde du vase 286 est bien supérieure à celle des poteries précédentes par son
harmonieuse élégance. La nervure circulaire qui form.e saillie entre l'épaule et la panse inter-
rompt heureusement l'uniformité des lignes. C'est le rouge qui domine dans le décor sur toute
la panse où ne sont ménagées que deux bandes claires : l'une étroite et de ton uni, l'autre large
et coupée perpendiculairement par une alternance de fuseaux rouges et d'ondulations noires. Un
rectangle, encadré de rouge sur ses longs côtés et traversé de deux diagonales noires, rompt la
monotonie de ce motif. L'épaule porte, sur le fond clair de la pâte, des représentations animales :
gazelles et oiseaux. Les quadrupèdes sont représentés dans la même attitude, avec les mêmes
couleurs, les mêmes qualités et les mêmes défauts que précédemment, ils passent à droite ; devant
eux se dresse un seul cône rouge. Les oiseaux, aigles ou vautours éployés, sont entièrement
peints en rouge, sauf la tète qui est du ton naturel de la pâte, ainsi que les cernures qui soulignent
PI. vil. rvi'i-; 1)1-; i.a cki^amkjli-: peinii-; dk moissian
haiilL-ur. o"'|(): lait^cui', :"\)i. Xccropole de l'cpc Alv-AbaJ .
FOUILLES DE MOUSSL\N
141
les contours des corps et des ailes. N'est-il pas surprenant de rencontrer à cette époque (i) une
figuration d'allure aussi héraldique? Des trapèzes séparent ces motifs; ils sont traversés par
une médiane d'où partent de petites bandes obliques, dirigées de haut en bas et qui viennent
s'ajuster, en chevrons, sur d'autres petites bandes, également obliques, mais tracées de bas en
haut à l'intérieur de deux cadres. Toute cette ornementation est rouge.
La décoration du col consiste en une zone de petits fleurons noirs, surmontée de quatre
bandes alternées, peintes en rouge ou conservant, ainsi que le rebord de l'orifice, la couleur
naturelle de la pâte.
Le vase le plus intéressant par l'état de conservation et la fraîcheur du coloris est celui que
nous reproduisons à la planche VIL II provient de la nécropole de Tépé Aly-Abad et a été trouvé
dans la tombe A décrite aux pages 78 et suivantes. De grandes dimensions, il mesure o"',46 de
FiG. 285. FlG. 286.
FiG. 285-286. — Nt'cropole de Tépc Aly-Abad. Vases à pâte jaune, décors rouges et noirs, i/8 grandeur naturelle.
(Les hachures indiquent le coloris rouge.)
hauteur sur une largeur maximum de o",4i ; sa forme, comme celle du vase précédent, est
ovoïde; un relief sépare la panse de l'épaule.
Le décor est des plus compliqués. En allant du col à la base nous voyons le rebord couleur
naturelle de la pâte, une bande rouge, une bande claire (ton de la pâte) sillonnée d'une ondula-
tion noire ; puis une bande rouge et une bande claire coupée perpendiculairement de traits tantôt
rouges, tantôt noirs. L épaule est ornée de deux bandeaux rouges déterminant trois zones claires
dont l'ornementation se compose, pour la supérieure et l'inférieure, de triangles noirs opposés,
deux à deux, par la pointe et séparés par des rayures noires ; la zone moyenne a pour décor un
croisillé de traits noirs entrecoupé de petits triangles semblables aux précédents. Une figuration
végétale, occupant toute la hauteur de l'espace compris entre le col et la panse, coupe ces cinq
zones; elle nous donne le dessin d'un palmier peint en noir sur le fond jaune clair d'un trapèze
(ton de la pâte); deux autres trapèzes rouges encadrent ce motif. Un filet noir marque la délimi-
(i) a M. Heuzey a établi par des preuves qui me semblent irréfutables {Mon. et Afém. Piot, p. 19-20) que l'aigle hé-
« raldique à deux tètes, qui orne le drapeau de certaines nations modernes, est un emblème transmis à l'Europe par
« rOrientet venu jusqu'à nous de la très vieille Ghaldée. » E. Pottier: Catalogues des vases antiques. Les origines, p. 254.
142 FOUILLES DE MOUSSL\N
tation de l'épaule et de la panse. Celle-ci a pour ornementation : une bande rouge ; une large
zone claire (ton de la pâte) striée perpendiculairement de traits rouges et d'ondulations noires,
alternés; de grands triangles, opposés deux à deux par la pointe, interviennent, de distance en
distance pour varier ce décor. Puis se succèdent, alternativement, deux bandes claires sillonnées
chacune d'une ondulation noire. Pour terminer un large bandeau rouge, une raie claire et une
bande d'un rouge vif encerclant le pied.
La curieuse série de ces vases, dont nous n'avons cité que les types principaux, nous donne,
isolés ou associés, le décor géométrique, les figurations végétales, animales, humaines (fig. 266)
et solaires. Nous n'avons que des fragments (fig. 250 et 251) des figurations animales combi-
nées avec les représentations végétales.
Comme nous l'avons dit plus haut tous les décors ont été appliqués après la cuisson des
poteries. La qualité des couleurs était bonne puisque le temps n'a pas réussi à les détruire.
Le tell de Suse, au cours des six premières campagnes de fouilles, nous avait livré quantité
de débris appartenant à cette même céramique. Les décors étaient, pour la plupart, du style
géométrique ; ils reproduisaient, plus rarement, des motifs empruntés au règne végétal. Comme
nous les rencontrions à l'état de remaniements, mélangés à des
casseaux de toutes provenances, il nous avait été, jusqu'ici, impos-
sible d'en déterminer l'époque.
Enfin, durant l'hiver 1904, deux de ces grands vases furent
découverts en place, à vingt cinq mètres de profondeur (i). Ils
étaient accompagnés d'une grande jarre en albâtre du travail le
plus archaïque (2). Cette pièce avait assez bien résisté à la pression
des terres, très compactes à ce niveau, mais les poteries, écrasées
par le poids du sol, étaient en morceaux. On en recueillit tous les
fragments. Reconstitués aujourd'hui, ces deux vases flanquent la
vitrine de la céramique de Moussian, comme termes de compa-
raison et pour attester la haute antiquité de ces produits de l'in-
FiG. 287. - Nécropole de Tépé Aly-Abad. ^ustHe humaine.
Poterie enterre noire à décor incise avec
incrustations de pâte blanche, i/3gr. nat. Pour terminer l'étudc dcs vases trouvés dans les nécropoles
de Moussian, il nous reste à décrire un spécimen unique (fig. 287)
qui provient d'une tombe de Tépé Aly-Abad.
C'est une poterie de terre noire à panse ovoïde, sans pied ; l'épaule est courte; le col, de
forme tronc conique s'évase vers l'orifice. Quatre oreillettes cylindriques, perforées d'un trou
de suspension, font saillie sur le pourtour de la panse au point d'attache avec l'épaule; elles sont
symétriquement opposées deux à deux. Le décor est obtenu au moyen d'incisions pratiquées en
(i) Ce niveau est immédiatement supérieur aux couches du tell de Suse qui renferment les échantillons de poterie
fine peinte et les silex de la pierre taillée ou polie.
(2) Ce vase figure dans la vitrine des albâtres de Suse, au Musée du Louvre.
FOUILLES DE MOUSSIAN
143
pointillés qui figurent trois zones superposées de triples chevrons inscrits entre cinq lignes simples
de pointillés. Le rebord du col est orné, par le même procédé, d'une seule bande de chevrons.
Tous les creux obtenus à la pointe sont remplis d'une pâte blanche ; ces incrustations pro-
duisent l'effet de perlettes se détachant sur le fond sombre de la pâte.
Deux fragments de poteries analogues ont été recueillis à Suse ; l'un porte une série de
cercles incisés, remplis de pâte blanche ; l'autre, figuré au tome I de nos Mémoires, page 135,
fig. 337, a été, en outre, cité par M. Heuzey(i). Il est orné d'un décor géométrique et de la figu-
ration d'une barque dont l'avant supporte des hampes couronnées d'un disque et de trois crois-
sants. Vu l'extrême rareté de ce genre de poteries nous étions fondés à croire qu'il était d'impor-
tation étrangère; c'est l'opinion que nous nous avions exprimée (v. plus haut page 76) au sujet
du vase reproduit à la figure 287.
Après la concluante étude de M. Heuzey aucun doute ne saurait subsister. Certes, on ne peut
établir une comparaison, au point de vue artistique, entre les fines représentations animales des
vases de Tello, les fragments de Suse et la poterie simpliste deTépé Aly-Abad; mais « pour tous les
autres détails de la technique » la communauté d'origine est pleinement démontrée. La sépulture de
Tépé Aly-Abad nous a donc bien livré un vase chaldéen apporté en Susiane par quelque émigré.
Vases en albâtre. — La céramique peinte des nécropoles était toujours accompagnée
d'ustensiles en albâtre dans les tom.bes d'une certaine importance. La qualité de la matière est
FiG. 288.
Fig. 289.
FiG. 290.
FiG. 291. FiG. 292. FiG. 295.
Fig. 2S8 à 290. Nécropole de Tépc Aly-Abad. Jattes en albâtre. — Fig. 291. Id. Petit vase ovoïde, albâtre. — FiG. 292. Id. Augette de
même matière. — Fig. 295. Id. Petite jatte d'albâtre, 1/3 grandeur naturelle.
médiocre; c'est un albâtre rubanné â grain grossier. Le peu de variété des types, petits vases
ovoïdes, jattes plus ou moins profondes, augettes(fig. 288 à 293), la rudesse du travail, l'impcr-
(i) Revue d'archéologie, voL VI, n° 2, pi. IH. De la décoration des vases chaldéens, p. 63.
144
FOUILLES DE MOUSSIAN
fection du polissage, classeraient ces objets, à défaut d'autres renseignements, dans la caté-
gorie des albâtres archaïques dont nous avons de nombreux spécimens à Suse.
Un autre genre se distingue tant par la spécialité de la forme que par le plus grand soin
de la main-d'œuvre. Ce sont, croyons-nous, des récipients où l'on conservait les fards; ils con-
tenaient encore des résidus d'enduits verts ou bleus. Ces petits vases jumelés sont, d'une façon
FiG. 294. — N'ccropole de Tépc Aly-.'Vbad. Petits vases jumelés, albâtre, 1/2 grandeur naturelle.
générale, en forme de cœur, une cloison médiane les sépare l'un de l'autre ; ils portent en rehaut,
autour de la double ouverture, un anneau plus ou moins développé, orné ou uni. D'aucuns
offrent, dans l'axe de la cloison médiane, deux oreillettes percées de trous de suspension, d'autres
en sont dépourvus.
Il est presque superflu d'indiquer le rapprochement avec les poteries jumelées des sépul-
tures préhistoriques égyptiennes et de signaler la similitude des coutumes en ce qui concerne
l'emploi des fards.
Le bronze. — Les mobiliers funéraires se complétaient par la présence d'armes et, plus
rarement, d'outils et d'ornements de cuivre ou de bronze.
Parmi les armes, ce sont les haches qui dominent. Si l'on en considère la forme on pourra
juger que le métal n'était pas prodigué. Ces instruments ne pouvaient servir qu'à la guerre ou
à la chasse ; ils eussent été complètement impropres à tout autre usage et devaient agir par
pénétration, à la façon d'un coin, car le taillant est très peu développé. En limitant le plus pos-
sible la consommation du métal, l'arme était combinée de manière à pouvoir porter un coup
redoutable. Elle se décompose en deux éléments : une forte douille, coupée à sa partie inférieure
par une section oblique ; une lame allongée, à dos épais, plantée obliquement sur la douille et
terminée par un court taillant curviligne (fîg. 295). La disposition de la hache, le mode d'em-
manchement de la douille, concouraient à produire, en môme temps qu'un choc violent, une
plus grande résistance au contre-coup.
Nous avons une variante aux formes décrites ci-dessus, dans une petite hache provenant de
FOUILLES DE MOUSSIAN
145
la nécropole de Tépé Khazinèh (fig. 308). Ici l'arme se rapproche d'un type plus général ; elle
s'implante perpendiculairement sur la douille qui est, elle-même, un cylindre régulier ; le taillant,
plus développé, est en forme de croissant. Malgré les différences, ces divers instruments appar-
tiennent à une période très archaïque.
On observe le même archaïsme encore plus aisément dans les têtes de lance, les pointes de
piques, de javelines et de flèches.
FiG. 29). — NOcropolc de Tépé Aly-Abad. Haches de bronze, 1/2 grandeur naturelle.
La tête de lance reproduite à la figure 296 est de grandes dimensions, aussi n'en avons-
nous trouvé qu'une seule de ce genre ; c'était assurément une arme de luxe. Elle consiste en une
lame plate, sans nervure, ni gouttière, affectant la forme de la feuille de laurier. La soie, égale-
ment plate, se termine carrément ; elle est assez longue et forte pour assurer un emmanchement
solide.
La pointe de pique, (fig. 297), de section quadrangulaire, devait être engagée profondé-
ment dans le bois de la hampe. Les fouilles de Suse nous ont fourni trois spécimens de ce dernier
modèle.
19
I4b
FOUILLES DE MOUSSIAN
FiG. 296.
FiG. 297.
FiG. 296 et 297. — Nécropole de Tépé Aly-Abad. Tète de lance et peinte de pique en bronze, 1/3 grandeur naturelle.
FiG. 298.
FiG. 299.
FiG. 300.
FiG. 501.
FiG. 302.
FiG. 503.
FiG. 305.
FiG. 306.
! /
FiG. 307.
F.TG. 304.
FiG. 308.
FiG. 298. Nécropole de Tépé Aly-Abad. Épingle de bronze ornée d'une perle de lapis-lazuli. — FiG. 299. Tépé Moussian. Épingle de bronze.
— FiG. 300 et 301. Tépé Aly-Abad. Bâton de sceptre et anneau de bronze. — Fig. 302. Tépé Khazinèh. Pointe de javeline. — FiG, 505,
304 et 305. Tépé Aly-Abad. Pointe de flèche, pointe à deux dents, lame de bronze. — FiG. 306. Tépé Moussian. Pointe d'un ciseau. —
Fig. 307. Tépé Aly-Àbad. Pointe de lance. — Fig. 308. Tépé Khazinèh. Petite hache, 1/2 grandeur naturelle.
FOUILLES DE MOUSSIAN 147
Nous avons en 307 une tête de lance terminée par une soie courte et pointue ; même dis-
position pour une pointe de javeline (302) provenant de Tépé Khazinèh et pour une pointe de
flèche (303) représentée comme type général. Ces armes sont plates et en forme de feuilles de
laurier. La petite pointe à deux dents (304) appartient à un type très ancien que nous avons
retrouvé dans les tranchées de Suse.
Les ornements sont très rares dans les mobiliers funéraires ; nous citerons un long tube de
bronze, tige d'un sceptre (300), d'après les analogues trouvés à Suse ; une épingle (299) provenant
de Tépé Moussian, une autre épingle plus riche (298) dont la tête est formée d'une perle de lapis,
et un anneau (301).
En fait d'outils, un seul objet est bien caractérisé; c'est une pointe de ciseau (306) découverte
à Tépé Moussian; le numéro 305 qui fut trouvé dans une tombe de Tépé Aly Abad est d'un
emploi moins certain. Ce peut être un ciseau, mais ce serait aussi fort bien une lame qui, fixée
en son milieu dans l'encoche d'un bois, aurait servi en guise de hache.
Nous regrettons de n'avoir pu figurer un plus grand nombre de spécimens du bronze; mais,
d'une part, le métal est loin d'abonder dans la région de Moussian et, d'autre part, il a tant
souffert de l'action du temps et de l'humidité qu'il était, le plus souvent, impossible d'en réunir
les fragments pour reconstituer les formes.
C'est à dessein que nous avons rejeté la description des albâtres et des bronzes à la fin de
cette étude, les caractères archaïques de ces objets contribuant à déterminer la date de la céramique
des sépultures.
Quel âge convient-il d'attribuer aux vases peints qui nous ont été livrés par les nécropoles
de la région de xMoussian ?
Avant de nous prononcer nous appelerons l'attention du lecteur sur les observations suivantes:
r La profondeur du niveau (vingt-cinq mètres) auquel ont été découverts, en place, dans
le tell de Suse les vases identiques â cette céramique ;
2° La rareté du métal dans les sépultures ;
3° La facture primitive des albâtres et des objets de bronze (ou de cuivre ?) qui complètent
les mobiliers funéraires ;
4° Le fait que les nécropoles n'ont jamais été l'objet de réoccupations, ce qui est démontré
par l'examen du sol et des débris qu'il renferme. Quel que soit le mode de construction des tombes,
les dépôts, poteries et armes qui accompagnent le corps, sont toujours semblables ;
5° Le style des décors qui ornent les vases, la profusion de l'ornementation. Pour résumer
les arguments que l'on peut tirer de ces deux sujets nous ne pouvons mieux faire que de citer
l'opinion d'un maître en la matière : « Il est certain que dans les périodes primitives tous les
artistes obéissent à une loi qui est « l'horreur du vide ». Faire valoir l'importance d'un motif en
l'isolant, en dénudant tout l'entourage, est l'invention d'esprits déjà raffinés (i) » ;
(i) E. Pottier : Catalogue des vases antiques. Les origines, p. 164.
148 FOUILLES DE MOUSSIAN
6° Le mode d'interprétation des figures humaines et animales, la tendance à schématiser,
indices d'un art à son début, très éloigné des règles constantes qui permettent de figer, pour ainsi
dire, en des formules définitives les figures à représenter.
Toutes ces considérations concordent à établir la haute antiquité de la céramique de Moussian.
Nous inclinons à penser que les vases peints des sépultures sont contemporains d'une époque
très voisine de l'apparition du métal.
Bien d'autres sujets restent à traiter qui se rattachent à ces découvertes : composition des
diverses pâtes, procédés de cuisson et de décoration ; rapprochements à établir entre ces poteries
et celles de la Troade, des Iles et de la Grèce ; rayonnement de l'influence orientale dans les
contrées adjacentes ; origine de la division en métopes ; filiation des figures humaines et animales
schématisées, etc., etc. Cette étude critique dépasserait de beaucoup le cadre restreint d'une simple
notice. Nous ne prétendons pas tirer les conclusions des découvertes de Moussian ; l'entreprise
serait trop vaste : c'est affaire aux spécialistes de l'accomplir en toute autorité. Notre tâche, plus
modeste, s'est limitée à leur fournir des renseignements précis, complets, détaillés, accompagnés
d'un grand nombre de figures, afin que leur attention, sollicitée par cette céramique nouvelle,
rencontre, dans ces pages, de quoi s'exercer avec fruit.
LES TUMULI DE BAHREIN
Par a. Jouannin.
Lorsque j'étais aux îles Bahreïn, au mois de septembre de l'année 1903, je m'informai
de certains tombeaux qui sont en grande quantité dans ces îles, et qui avaient été signalés notam-
ment par M. et M""" Thomas Bent dans l'ouvrage intitulé: «Southern Arabia », où ils rappor-
tent l'exploration qu'ils ont faite d'un de ces tombeaux, lors de leur séjour aux Bahreïn en 1889.
J'eus la bonne fortune de rencontrer en cette île un homme plein de science auprès duquel j'ai
recueilli de précieux renseignements : c'était le révérend Swemmer, clerg-yman américain des
Bahreïn, et c'est avec lui que, le 5 septembre, je fis ma première visite aux tombes situées près
de l'oasis et du village d'Ali, à 17 kilomètres de Menamah, capitale des îles Bahreïn.
En sortant de cet oasis par son extrémité S.-O., on trouve immédiatement, en bordure,
d'énormes tumuli couverts de sable, dont le nombre incalculable s'étend à perte de vue dans le
désert. Quelques-uns des tumili les plus proches ont été éventrés et écroulés par les indigènes,
pour s'emparer de la pierre qu'ils contenaient. Si l'on pénètre dans l'ensemble de ces buttes, on
trouve, à trois ou quatre cents mètres du village, un tumulus soigneusement ouvert ; c'est celui
exploré en 1889 par M. et M"" Bent. La figure 309 reproduit la photographie de l'ensemble prise
de l'extrémité S.-O. de l'oasis.
La figure 310 est la reproduction d'une autre photographie, prise en sens inverse, et qui
montre la limite de l'oasis.
Enfin la figure 3 1 1 représente le tumulus de Bent et laisse apercevoir clairement l'entrée des
chambres dont je parlerai tout à l'heure.
Ma curiosité avant été vivement éveillée à la vue de cette immense nécropole, je fis plusieurs
démarches auprès du cheik Issa, souverain du pays, pour obtenir l'autorisation d'ouvrir, à mon
FiG. 509. — Ensemble des tumuli vus de l'extrémité S.-O. de l'oasis.
FiG. 310. — Les tumuli et la limite de l'oasis.
LES TUMULI DE BAHREIN
151
tour, un de ces tumuli. J'obtins cette autorisation le 7 septembre, et je m'enquis aussitôt des
terrassiers qui m'étaient nécessaires. Il est inutile de rapporter ici tous les marchandages aux-
quels j'ai dû me livrer pour n'être pas trop exploité par ces populations rapaces. Grâce au con-
cours obligeant de M. Gaskin, le résident anglais, je pus enfin obtenir une équipe de 1 5 terras-
siers persans que je mis immédiatement au travail.
FiG. 311. — Vue du tumulus de Bent, avec l'entrée des chambres.
J'avais remarqué, en étudiant le tumulus de Bent, que l'orientation delà porte des chambres
était exactement O.-E. J'entrepris donc mes travaux dans cette même direction. Le samedi
12 septembre, les ouvriers avaient rencontré, dans un conglomérat très dur, un mur d enceinte
circulaire construit en gros appareil de pierres calcaires, mesurant environ 70 centimètres de
côté, et je lis à cette date sur mon journal : « La tranchée a horizontalement 14 pieds de lon-
gueur et on entend, quand on frappe dans la direction O.-E., un son creux qui me laisse croire
que nous sommes dans la bonne direction. » Ce n'est que le lundi 14 que le chef de
l'équipe vint m'avertir que la porte du tombeau était à découvert. A une heure de l'après-midi,
malgré la chaleur accablante, je m'empressai d'aller au village d'Ali, que j'atteignis à trois heures,
152
LES TUMULI DE BAHREIN
et à trois heures et demie j'étais au pied de mon tumulus. En pénétrant dans la tranchée, je me
trouvai en présence d'un mur composé de très larges pierres dont je donne ici le croquis (fig. 3 1 2).
7*^'°'^^'?^r»rss.
FiG. 512. — Tumulus exploré par l'auteur.
Je fis aussitôt procéder à l'ouverture, qui ne se termina que tard dans la soirée, en attaquant
une pierre qui était la seule que l'on pût arracher sans compromettre la solidité de l'édifice.
Aussitôt que j'ai pu pénétrer, j'ai trouvé sous mes pieds, et surtout en face de moi, un amoncelle-
ment de terre presque pure, c'est-à-dire dépourvue de pierre, ce qui prouve qu'elle avait été rappor-
tée pour un ensevelissement. Le caveau, dans lequel j'avais ainsi pénétré, présentait un plan
semblable à celui du monument de Bent, c'est-à-dire une vaste chambre en pierres calcaires ayant
la forme d'un I majuscule avec petits décrochements aux deux extrémités.
f^^
FiG. 315 et 314. — Coupe des chambres du tumulus.
Ce ne fut qu'à ce moment que je pus me rendre compte que je n'avais pas pénétré dans le
monument par sa porte primitive, mais bien par le côté d'un des décrochements. Cela démontre
que la direction O.-E., que j'avais si soigneusement observée, n'était, dans le monument de Bent,
LES TUMULI DE BAHREIN 153
que tout à fait accidentelle, et que, par conséquent, ce monument était édifié sans direction pré-
conçue. J'ajouterai que le centre de la chambre dans laquelle je me trouvais était absolument
vide, et que l'extrémité opposée à celle par laquelle j'étais entré était, comme la première, encom-
brée de terre.
Pendant les jours suivants je fis, aussi soigneusement que je le pouvais avec les moyens très
rudimentaires dont je disposais, trier la terre que je retirais de la chambre, et je récoltai quelques
os et quelques petits débris dont je ne pus pas déterminer la matière, mais qui, à première vue,
peuvent être attribués soit à de l'ivoire, soit à des coquilles d'oeufs épais (tels les œufs d'au-
truche).
Ces tombeaux, ainsi que le montre celui de Bent (fig". 317 et 318), sont composés de deux
chambres superposées. Je ne pus pénétrer que dans la chambre supérieure, car l'heure de mon
départ de l'île Bahreïn était arrivée, et je ne pouvais pas, sans compromettre la mission que j'avais
à remplir, la retarder davantage. Il ne me restait plus qu'à faire soigneusement le levé de plan
du tumulus de Bent et de celui que je venais d'ouvrir, afin de pouvoir établir un point de com-
paraison entre les deux.
MONUMENT DE BENT
Le monument de Bent, comme tous les autres tumuli qui l'entourent, présente extérieure-
ment la forme d'un cône de sable dont l'un des côtés, du sommet à la base, mesure 17 mètres,
et le diamètre à la base 30 mètres. Bent a commencé à ouvrir son tumulus par le sommet. A envi-
ron 4 mètres de profondeur, il a rencontré un fort plancher de feuilles de palmier amalgamées
dans un mortier, et, en dessous, un dallage d'énormes pierres d'environ i™,6o de section, qui
formait le plafond de la chambre supérieure de ce tombeau. Il fut amené à désagréger la paroi Ouest
du tumulus jusqu'à ce qu'il eût trouvé la porte A (voir plan et coupe ci-contre, fig. 316a 31H).
Cette porte a été détruite, mais nous en trouverons à peu près une semblable quand nous
étudierons mon tumulus. .\ la hauteur du sol de la chambre supérieure de ce tumulus, la porte
se trouve à environ 8 mètres du côté extérieur du cône (voir coupe suivante AB, fig. 317). Le mur
de la chambre, laissé à découvert par l'enlèvement des matériaux formant la porte, montre une
section de i"\3o d'épaisseur; la longueur de la chambre est de 9 mètres, la hauteur de i^.^o; la
largeur de la chambre principale est de i '",40, la largeur totale aux deux extrémités, y compris les
décrochements formant l'I majuscule, 3'", 50; c'est-à-dire que les écoinçons de chaque côté de cette
chambre principale, qui forment décrochements, ont environ i mètre. Les murs sont composés
d'énormes pierres calcaires dont la section varie de 40 à 55 centimètres. Les deux planchers,
dans la partie où il m'a été permis de les mesurer, présentent une section de 40 à 45 centimètres
d'épaisseur et sont composés de dalles de 2"', 50 de largeur sur une face, et environ 2 mètres sur
154
LES TUMULI DE BAHREIN
l'autre. La chambre ainsi formée est un gros appareil, mais admirablement dressé; elle n'est ni
jointoyée ni enduite. Dans cette chambre, Bent prétend n'avoir trouvé que quelques os de gros
animal, soit cheval, soit dromadaire.
'è#^» ,>- .
FiG. 315. — Entrée des chambres du tumulus de Bent.
Chambre inférieure. — La chambre inférieure est plus spacieuse que la chambre supérieure.
Elle présente les mêmes dispositions, mais mesure 2", 1 5 de hauteur ; le mur de face a, à la base,
i"',75. Elle offre, comme la chambre supérieure, des décrochements, et c'est, parait-il, dans ces
décrochements que Bent aurait trouvé des os humains mélangés de quelques débris d'objets
d'ivoire sculpté et d'œufs d'autruche coloriés. Autant qu'il m'en souvient, ces objets auraient été
offerts par lui au British Muséum ; mais la chambre inférieure diffère énormément de la chambre
supérieure on ce quelle est enduite d'un ciment très fin et d'une grande dureté. J'en ai rapporté
quelques échantillons. Sur les parois des murs, à environ i",40 du sol, tout le long delà chambre
dans les décrochements, se trouvent de petites cavités soigneusement ménagées présentant, en
section, une forme ovoïde de 5 centimètres de hauteur dans la plus grande dimension. J'ai intro-
LES TUMULI DE BAHREIN
15$
FiG. 316. — Plan du tumulus de Bent.
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FiG. 317. — Tumulus de Bent. Coupe suivant A B.
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FiG. 318. — Tumulus de Bent. Coupe suivant C D.
156
LES TUMULI DE BAHREIN
duit dans ces trous des baguettes qui se sont enfoncées parfois jusqu'à plus de i mètre de pro-
fondeur sans rencontrer de résistance, et j'ai observé que sur les deux murs, face à face, ces trous
étaient disposés de façon correspondante. J'ai donc pensé qu'ils avaient pu être ainsi préparés pour
recevoir des tiges de bois propres à suspendre les étoffes ou autres objets ensevelis avec le mort.
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15 M.
FiG. 319. — Plan du tumulus explore par l'auteur.
Mon tumulus. — Je crois qu'il est suffisant d'attirer l'attention sur les quelques différences
qu'il peut y avoir entre le tumulus que j'ai ouvert et celui de Bent. Le plan que je donne ci-dessus
permettra de voir la différence de dimensions qui existe entre les deux et de comprendre aussi de
LES TUAIULI DE BAHREIN 157
quelle façon ont été dirigés mes travaux. J'attire cependant l'attention sur ce point que j'ai déjà
signalé, que la direction des chambres est tout à fait différente dans le tumulus de Bent et dans
le mien (fig. 319) dont la porte s'ouvre dans la direction S.-O. Je donne dans la petite coupe
(fîg. 313 et 314) une indication de la forme que présentaient les amoncellements de terre dans
l'intérieur de la chambre. Enfin, comme dans le tumulus de Bent, la chambre supérieure dans
laquelle je suis entré n'est pas enduite. Reste à déterminer la construction de la chambre infé-
rieure dans laquelle je n'ai pas eu le temps de parvenir. J'ai dû quitter les travaux le 19 sep-
tembre. A cette époque, M. Gaskin, auprès duquel j'avais trouvé un si bienveillant concours, avait
quitté momentanément l'ile Bahreïn. Je lui ai écrit depuis, lui demandant de vouloir bien pour-
suivre les travaux que j'avais commencés et de m'en faire connaître le résultat. Il a bien voulu
me le promettre, et j'ai tout lieu d'espérer que nous aurons très prochainement un complément
de renseignements intéressants.
La porte de la chambre supérieure est composée d'un blocage en pierres dressées, d'environ
30 ou 35 centimètres de coté.
CoNCLfsiON. — J'ai interrogé tous les habitants de lilc, j'ai interrogé le Chcik et des
mollahs, il n'existe aucune tradition sur ces tombeaux; mais j'ai acquis en même temps la con-
viction qu'il n'y avait pas aux Bahreïn de carrières de pierres calcaires, et que, par conséquent,
l'énorme quantité de pierres accumulées dans les monuments d'Ali était importée. Enfin, si l'on
rencontre à Bahreïn quelques ruines arabes des ix et x" siècles de notre ère, et des ruines portu-
gaises du commencement du xvi", il n'y existe, en dehors de ces tumuli, aucun vestige d'une civi-
lisation antérieure à notre ère, et, par conséquent, d'une époque assimilable à celle des tombeaux
que nous venons d'examiner. Quand, quelques semaines après, j'ai eu la bonne fortune de ren-
contrer en Mésopotamie les savants archéologues anglais ou allemands qui m'ont fait visiter leurs
travaux de Schcrgat ou de Ninive, j'ai été frappé par l'assertion qu'ils m'ont donnée que l'on
n'avait jamais trouvé de tombes assyriennes ou babyloniennes. Mais alors, quel champ laissé à
toutes les hypothèses, quand on se trouve en présence de l'immense nécropole des Bahreïn qui ne
peut être l'œuvre que d'un peuple riche et puissant? Il y a en effet, réunis dans un seul désert,
plusieurs milliers de tombes aussi importantes que celles que je viens de décrire. Un indigène
d'Ali me disait qu'on pouvait marcher ainsi pendant quatre heures, sans sortir de la nécropole.
Je ne puis pas terminer ce compte rendu sans rapporter une phrase bien typique qui me fut
dite par un cheick arabe qui était venu visiter mes travaux, et qui, comme tous ses concitoyens,
ne se rendait pas compte de leur but : « Que cherches-tu entre ces vieilles pierres ? » me dit-il,
« c'est certainement de l'or. » — « Non, lui répondis-jc, j'ai même promis au cheick Issa que, si
je trouvais des trésors, ils lui appartiendraient. » — « Ah! je sais, ajouta tout à coup mon inter-
locuteur, semblant sortir d'une profonde rêverie, tu fouilles cette terre pour pouvoir prouver
qu'elle a appartenu jadis aux chrétiens, et pour nous la reprendre. » J'ai pensé que je perdrais
mon temps à expliquera cet arabe toutes les beautés de l'archéologie.
LA REPRESENTATION DU LION A SUSE
Par g. Lampre.
Dans toute civilisation, dès que la main-d'œuvre acquiert un certain degré de sûreté, on
voit apparaître, parmi les tentatives artistiques, la figuration du lion. Il est bien compréhensible
que les artisans antiques, aussitôt en possession d'une maîtrise suffisante, se soient essayés à
symboliser la force et le courage sous la figure du roi des animaux. Qu'il protège le seuil des
temples, qu'il garde le repos des rois dans les salles intérieures des palais, qu'il atteste, sur les
bas-reliefs, leur vaillance à la chasse, à côté de leurs exploits guerriers, ou que plus modeste-
ment, il serve, dans les premiers temps, de motif aux graveurs de sceaux, de cachets et d'amu-
lettes, il demeure, à travers les âges, la préoccupation constante des sculpteurs, des ciseleurs et
des céramistes. En toute contrée où il règne, il doit à la crainte qu'il inspire, à la masse imposante
de son corps, à la noblesse de ses attitudes, d'être le modèle de prédilection.
Dans la Mésopotamie et l'Elam, pays où le grand fauve abondait jadis et où on le ren-
contre encore parfois de nos jours (i), la tradition artistique lui demeura fidèle. Elle fut inter-
rompue par la conquête arabe et par l'introduction d'un nouveau style, ennemi des figures. Mais
il est inutile de rappeler que le lion est toujours, avec le soleil, l'emblème de la Perse ; aujourd'hui
encore, protecteur des sépultures, on le voit se dresser sur la tombe des indigènes de l'Iran (2).
(i) Décimé par les armes à tir rapide, le lion a disparu de la Haute et de la Moyenne Mésopotamie; il s'est réfugié
au Sud, parmi les dunes de sable, ou dans les roseaux et les fourrés de tamaris qui couvrent les marécages du Chatt-el
Arab et de la Kerkha. Le D'' Haynes, de la Mission américaine, a délogé un lion du tell de Niffer, il y a quelques
années. En 1902 un couple de ces animaux fut tué dans la plaine de Moussian. La môme année un de nos mes-
sagers fut attaqué et blessé par un lion dans la petite forôt qui borde la Kerkha à trois kilomètres de Suse. Enfin au
printemps de 1903 un de nos convois de transports rencontra un lionceau, en plein jour, dans la plaine de Kheirabad,
entre Suse et Nasseri.
(2) Ces sculptures, très grossières, deviennent déplus en plus rares. On les observe dans les cimetières musulmans
ï6o LA REPRESENTATION DU LION A SUSE
Il est donc intôressant d'étudier, en un groupe, les diverses représentations du lion qui nous
ont été fournies par les fouilles de Suse, car elles constituent les prototypes de cette longue série
qui se déroule, presque sans interruption jusqu'aux
temps modernes. Sans avoir la haute antiquité du
petit lion en ivoire de Négadah (fig. 320), qui est la
plus ancienne figuration de ce genre, elles remontent
à une date respectable et embrassent toute la période
,,.,..,.., • , I , 1 „ I ^„ qui s'étend des âges préhistoriques susiens à l'époque
l-iG. 320. — Petit lion d ivoire trouve dans le tombeau royal de t or T r T
Ncgadah (Egypte). Grandeur naturelle. achéménide. On retrouvcra dans les figurations pre-
mières découvertes à Suse de curieuses analogies de
convention, de pose et d'exécution avec la figurine égyptienne que nous reproduisons, pour ce
motif, au début de la présente notice.
Cachets et E.mpreintes. — A Suse, ce sont de rares cachets et de nombreuses empreintes
de cylindres qui ouvrent la marche. Les uns et les autres ont été étudiés et décrits avec une
heureuse minutie par M. G. Jéquier en tête de ce volume (i). Nous signalerons un petit lion
couché (fig. 6, cachet en calcaire rose) qui offre, comme manière et comme attitude, des
similitudes remarquables avec deux grands lions de pierre dont nous ferons plus loin l'étude. La
figure 7 du même mémoire représente une tête traitée dans un genre tout différent du type
général que nous aurons, la plupart du temps, à décrire. Il convenait de la citer parmi les
représentations qui se rapprochent le plus de la réalité.
Dans les empreintes de cylindres on notera que les lignes typiques et les détails caractéris-
tiques sont toujours indiqués avec un grand soin, quelle que soit la variété des mouvements. Il
semblerait donc que les premiers artisans, malgré leur inhabileté, se montraient plus soucieux de
la vérité que ne l'ont été leurs successeurs, pour qui la convention s'est substituée, presque tou-
jours, à l'observation sincère.
L'âge auquel appartiennent ces cachets et ces empreintes a été déterminé avec une évaluation
aussi précise que possible par M. G. Jéquier. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir si ce n'est pour rappe-
ler qu'ils marquent, âSusc, Icsdébutsdelareprésentationdulion, entre 40ooet 300oans av. J.-C.
Lions de pierre. — Deux statues de lions accroupis, qui ont été mises au jour dans
notre tranchée n° 23, au-dessous du dallage du temple de Chouchinak, à 4", 60 de profon-
deur (2) appartiennent au troisième millénium par la technique.
de l'Azerbeïdjan, du Pouchté-Kouh et de la région des Bakhtyaris. Des motifs ciselés sur les flancs de ces lions rudi-
mentaircs rappellent la carrière du défunt; ce sont un sabre et des pistolets s'il s'agit d'un guerrier, des instruments
agricoles pour un laboureur, les outils de son métier pour un artisan.
(i) Cachets el cylindres archaïques.
(2) Cf. de Mecquenem, Mém. de la Délég.A. Vil. — Offrandes de fondation du temple de Chouchinak, p. 63.
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IV.,..,, ■^-. ..• '<''■, f.
LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
i6i
FiG. 321.
Silhouette d'un dos lions do pierre.
Ces deux représentations sont taillées dans un calcaire d'un blanc jaunâtre, très compact et
dont la dureté a dû opposer de sérieuses difficultés au travail du ciseau. Le poli en était fort
soigné, mais la roche a souffert de l'action du feu et la couche superficielle s'est écaillée sur plus
d'un point.
De dimensions à peu près identiques (longueurs respectives i mètre et i''\05, hauteurs com-
parées, au sommet de la tête, 0^,48 et o",45) ces
statues ont été conçues suivant un plan unique
exécuté par deux sculpteurs différents, car l'une
des œuvres est manifestement supérieure à l'autre
(voir PI. VIII).
Les fauves, tous deux mâles, sont figurés
dans la pose accroupie, les pattes de derrière for-
tement engagées sous les flancs, les pattes de
devant ramenées sous le thorax de façon à dé-
passer de très peu une perpendiculaire menée de
l'extrémité du nez vers le sol (fig. 321). Cette
attitude est contraire à l'observation et un animal accroupi de la sorte aurait quelque peine à se
détendre. L'erreur de dessin est-elle uniquement due à une incapacité d'exécution, ou bien cette
contrainte dans la pose a-t-elle été imposée par la parcimonie de
la matière ? La seconde supposition n'est pas inadmissible, car
le bloc dans lequel a été sculpté l'un des lions s'étant trouvé trop
court, les deux pattes de devant sont rapportées. Elles ont été
façonnées dans un morceau de la même roche fixé ensuite au
corps par de forts goujons de bronze ou de cuivre.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas seulement l'attitude qui
prête à la critique. En jetant un coup d'oeil sur la figure 321 et
la planche VIII on sera de suite frappé par la disproportion
flagrante entre la grosseur de la tète et le volume total du corps,
et, inversement, par la mesquinerie de la croupe. Ces défauts
sont encore plus sensibles si, après avoir considéré les statues
FiG. 322. — Lion de pierre, vu de trois quarts, de profil, OU les envisagc de trois quarts (fig. 322). Alors éclatent
non seulement les fautes de dessin dans l'ensemble, mais aussi
l'imperfection des détails. La tète, surbaissée, ne se dégage pas suffisamment de la ligne du
corps; le front et le nez sont trop bombés et trop courts, sans séparation à l'arcade sourcilière.
Un développement tout à fait anormal est attribué au mufle et à la mâchoire inférieure. Les
yeux saillent de façon plus grotesque que terrible; les oreilles, arrondies et couchées en arrière,
sont à l'état rudimentaire. Un simple évidement, agrémenté de traits pour indiquer les dents,
figure l'hiatus de la gueule. La crinière, tracée en trois bandeaux coupés d'annelures, ne se
i62 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
détache pas de la tête et se prolonge par un bourrelet qui forme collier sous le maxillaire infé-
rieur. Les hanches sont dessinées au moyen de dépressions bien marquées, mais les doigts des
pattes ne sont représentés que par trois stries. Une sinuosité partant de l'articulation des
membres antérieurs remonte jusqu'à hauteur de l'oreille pour accuser, en creux, le muscle de
l'épaule. Nous y voyons l'origine du modelé conventionnel qui se retrouve avec une complication
beaucoup plus fantaisiste dans la musculature des lions assyriens.
Ces méprises du sculpteur, bien visibles dans la première statue, s'observent également,
mais très atténuées dans la seconde. Le lion, plus allongé dans son ensemble, est ici d'une facture
moins fruste. L'artisan s'est appliqué non sans succès, à marquer les reliefs du front, l'arête du
nez, la commissure des paupières, l'ourlet de l'oreille. Il a restreint l'épaisseur du mufle, ouvert
plus largement le rictus de la gueule, ciselé les dents et les crocs, soigné la masse de la crinière,
diminué l'épaisseur du collier, fouillé le détail des pattes. Sans doute il n'a point réussi à créer
une œuvre véritablement artistique, mais il est du moins parvenu à réaliser une tentative d'art
intéressante pour une époque si reculée.
Sous réserve des critiques que nous venons de formuler, ces deux lions accroupis ne laissent
pas que de produire un effet assez imposant. Ils étaient, sans doute, destinés à garnir le seuil
d'un temple ; leur corps est perforé, au milieu de la ligne dorsale, d'un trou cylindrique de
G", II de diamètre. Un encastrement aussi profond n'eût pas été nécessaire si ces lions avaient
servi de supports à des statues de divinités. On peut, au contraire, présumer avec raison que ce
logement cylindrique avait été pratiqué à travers le corps pour recevoir et maintenir des mâts
enfoncés en terre.
Les deux animaux étaient opposés face à face. Ce fait est prouvé par une observation de
détail. La queue de chacun des lions est retroussée sur la croupe d'une façon toute convention-
nelle, mais tandis que, chez l'un des lions, elle vient retomber dans le pli de la hanche gauche,
chez l'autre elle s'infléchit dans le pli de la hanche droite, disposition contraire qui convenait à
deux figures destinées à se faire vis-à-vis.
Si l'on se reporte à la figure 320 qui représente le petit lion en ivoire de Negadah, on obser-
vera que la queue est aussi retroussée de la même façon anti-naturelle, mais qu'au lieu d'aboutir
au pli de la hanche elle se termine en enroulement sur la ligne médiane du dos.
Bas-reliefs. — Un laps de temps assez considérable sépare ces représentations primitives
des bas-reliefs que nous allons étudier. Il existe là une lacune que de nouvelles découvertes nous
permettront, sans doute, de combler, par la suite, car c'est à l'époque du roi Doungi que nous
reporte, quant à présent, la continuation de cette série. La présence d'une double inscription nous
permet d'en fixer la date, qui est celle du patesi Karibou-Cha-Chouchinak.
La pierre en losange, qui porte ces textes, est un calcaire à grain serré, de teinte rougeâtre.
Elle mesure o'",86 de longueur, sur o"\68 de largeur et o'",i8 d'épaisseur et fut trouvée, en
février 1903, à 5 mètres de profondeur dans le prolongement et au-dessous du niveau des dallages
LA REPRESENTATION DU LION A SUSE
163
du temple de Chouchinak, non loin des log-ements qui renfermaient les canéphores de bronze et
les tablettes de pierre au nom de Doungi(i). Les deux textes gravés sur cette pierre sont l'un en
langue et caractères babyloniens, l'autre en caractères proto-élamites. Le premier a trait à des
travaux d'ornementation du temple de Chouchinak, le second énumère une liste d'offrandes(2).
Un des angles du losange, celui-là môme d'où partent les inscriptions, se termine par une
tête de lion d'une facture très simpliste (fig. 323). Il y a loin de la nature à cette rude et défec-
tueuse représentation. La forme générale de la tête est trop ramassée, avec un développement
exagéré du mufle ; le nez très rapetissé accentue ce manque de proportion ; il est figuré par
d5' » < 86"-
FiG. 323. — Pierre en losange terminée par une tète de lion.
des traits en triangle, surmontés de deux points qui marquent les narines ; un angle très ouvert
indique l'entaille de la gueule. Deux sinus profonds font saillir les pommettes ; les yeux, assez
vaguement tracés, n'ont point de relief; le front, très aplati, n'est pour ainsi dire pas dessiné, non
plus que l'arcade sourcilière. Par contre les oreilles prennent une importance démesurée. Un
fort collier de crinière contribue à engoncer cette figuration déjà trop lourde. Le sculpteur en
cherchant à obtenir un raccourci a produit l'impression d'un écrasement
Cette représentation a son analogue dans une tête de lion sculptée à l'un des angles d'une
cuve en forme de quadrilatère découverte à Tello. Le fragment, qui nous en est conservé, offre les
restes d'un texte où se lit le nom de Goudéa(3).
De l'examen de cette figuration, il ne faudrait pas conclure que les sculpteurs, à l'époque
de Karibou-Cha-Chouchinak, fussent impuissants à réaliser, en ce genre, des œuvres d'un
niveau plus élevé. Nous possédons, effectivement, de la même période, un' fragment de bas-
relief daté par une inscription en caractères proto-élamites, semblables à ceux que [porte la
pierre en losange. Près d'une figure de personnage agenouillé, enserrant de ses deux mains
(i) Cf. Mém. de la Délég., t. VII. — Offrandes de fondation du temple de Chouchinak. p. 63 et pi. XI.
(2) Cf. Scheil, Mém. de la Délég., t. VI, pi. II.
(3) Cf. Hcuzey, Antiquités Chaldéennes, p. 158.
i64 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
un pieu de fondation(i) nous voyons apparaître une portion de tête de lion et une patte aux
griffes écartées. Exécuté dans le même temps que la tête de la pierre en losange, ce morceau,
malheureusement incomplet, atteste un savoir-faire très supérieur. L'arcade sourcillera est bien
indiquée, le nez d'une proportion exacte présente une longueur suffisante ; le mufle n'est plus
aussi exagéré, les rides en sont marquées par des stries; la gueule largement ouverte est armée
de crocs et de dents assez soigneusement dessinés ; l'ossature de la patte ainsi que la saillie des
griffes sont rendues de façon juste et précise. Le sculpteur a voulu produire une impression
menaçante et il .y a réussi par l'observation soignée de ces détails (2).
AvANT-coRPS DE LION EN ALBATRE. — M. G. Jéquier, dans son xMémoire sur les Fouilles de
Suse de i8()() à i(j02, range avec raison sous la dynastie du deuxième royaume susien, et plus
spécialement vers la date d'Ountach Gai, une figuration très fruste qui représente lavant-corps
d'un lion taillé plutôt que sculpté dans un bloc d'une albâtre grossière(3). Cette pièce, qui devait
être encastrée comme motif d'ornementation architecturale au-dessus d'une porte, est percée
d'un évidement cylindrique pour recevoir une barre de bois qui soutenait probablement une
tenture. Traitée en accessoire, elle est très négligée comme dessin et comme facture. Il convient,
néanmoins, de la signaler pour ne rien laisser d'incomplet dans la série.
Nous n'avons rencontré jusqu'ici aucune manifestation qui mérite, à proprement parler,
d'être qualifiée d'œuvre d'art. Avec les trouvailles faites en 1903 dans les fondations et aux
alentours du temple de Chouchinak, nous sommes en présence de monuments véritablement
artistiques.
Lions é.aiaillés. — La plus importante découverte est celle de deux grands lions en terre
cuite êmaillée, qui sont les plus antiques faïences que nous connaissions. Ils ont été trouvés à
une profondeur de 7", 50 environ, en dehors du dallage du monument et vers la pente Sud-
Ouest du tell. Selon toute présomption, ils faisaient partie du mobilier de cet édifice religieux.
Mis en pièces, lors de la destruction du temple, ils ont été précipités à rextérieur(4). Nous les
avons retrouvés à l'état de fragments assez importants pour nous permettre de reconstituer une
des statues en son entier et lavant-corps de l'autre.
La statue ainsi restaurée est à peu près complète, sauf la croupe qu'il a fallu refaire. Le lion
mesure i'",/(o de la queue à l'extrémité des pattes, et o"\62 de hauteur depuis le socle jusqu'au
sommet de la crinière. Il est figuré accroupi, dans une pose pleine de naturel et de majesté. Le
(i) Cf. Heuzey, Antiquités Chaldéennes, p. 303.
(2) Cf. Mém. de la Délég., t. VI, pi. 11.
(3) Cf. Mém. de la Délég., t. VII, p. 31, fig. 19.
(4) « J'ai brisé les lions ailes et les taureaux qui veillent à la garde des temples. J"ai renversé les taureau.x ailés
fixés aux portes des palais du roi d'Elam et qui, jusque-là, n'avaient pas été touchés, je les ai retournés. » Récit du sac
de Suse par Assouy-banipal. Inscription du prisme à dix faces de Kouyoundjik.
£rr-^-î j
o
166 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
type n'est point du tout celui du lion de Perse à tête relativement petite et à poil ras, mais bien
nettement celui du lion africain à grosse tête et à forte crinière. L'artiste a même exagéré l'im-
portance de la tête pour obtenir un effet plus imposant. C'est la seule faute de proportion que
l'on puisse relever ; le dessin de toutes les parties intactes du corps est irréprochable, tant l'obser-
vation de la nature a été serrée de près. Le fauve est aux aguets ; la tête droite, les yeux fixes, les
oreilles dressées, les pattes écartées et les griffes saillantes, il est prêt à se détendre pour bondir.
L'expression générale est celle d'une vigilance menaçante (fig. 324). Le modelé de l'ossature fron-
tale est très exactement rendu avec la dépression médiane et le creusement de l'arcade sourci-
lière ; le nez est long, bien dessiné, les narines en sont fouillées profondément. Le mufle est dans
la proportion voulue ; trois cernures courbes indiquent les barbes. La gueule, fermée, est tracée
de façon juste.
La crinière se hérisse sur le front où elle forme une frange; en descendant, elle entoure la
tête d'un collier. Toutes les mèches de poils sont figurées ; elles couvrent le thorax, tombent en
masses sur les épaules et se prolongent jusqu'au bas des flancs. La partie postérieure du corps
est rase ; une portion d'émail, encore intacte, nous l'indique. L'évidement des flancs est marqué
par un pli qui court obliquement du sinus ^e la hanche jusqu'aux fausses côtes. La queue repose
à terre, suivant le contour du flanc gauche ; elle est terminée par une touffe de poils.
Le souci de l'observation se manifeste jusque dans les petits détails : ainsi, les globes des
deux yeux sont rapportés, l'iris et la pupille y sont dessinés et représentés par des coloris diffé-
rents de l'émail, que l'action du temps a rendu blanchâtre.
Les mêmes qualités d'exécution s'observent dans l'avant-corps du second lion dont l'allure
est identique ; il ne se différencie du premier que par les dimensions de la tête qui est légèrement
plus petite (fig. 325).
Ces deux statues ont été modelées dans une pâte fine qui avait pour soutien un bâtis formé
de blocages d'une argile plus grossière. Le tout a été porté à une température suffisante pour
donner à la pâte une teinte rougeâtre.
La couche d'émail dont elle est revêtue était à l'orisfine d'un bleu vif ou d'un vert franc.
Elle est actuellement très détériorée par les réactions chimiques qui se sont produites au contact
des sels contenus dans le sol de Suse. Mais, en dépit des ravages du temps, ces superbes pièces
dégagent encore une impression grandiose.
Quelle origine et quelle date convient-il de leur attribuer ? En l'absence de toute indication
épigraphique une critique raisonnée peut aider à résoudre le double problème.
Que l'art babylonien ait influencé la technique élamite et réciproquement, ce fait peut être
mis hors de discussion, de même que l'on constate l'influence de la Babylonie et, sans doute aussi
de l'Élam, dans les productions, cependant si caractéristiques, des artistes assyriens. Si ces deux
lions sont élamites, rien ne s'oppose donc à ce qu'ils aient, comme on peut le reconnaître, de
grandes ressemblances avec les œuvres babyloniennes. Mais on ne saurait supposer qu'ils aient
pu, comme tant d'autres monuments, être transportés de Babylonie à Suse. La fragilité de la
LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
167
matière rend cette hypothèse inadmissible. Il faut donc tenir pour certain qu'ils ont été conçus et
exécutés sur place dans la capitale de TÉlam. Leur origine élamite est ainsi bien déterminée.
Quant à la date à laquelle ils remontent, nous observerons que la série des grès émaillés
susiens apparaît déjà au xi'^ siècle. Nous possédons, de cette époque, non seulement des plaques
de revêtement avec inscriptions, mais aussi des portions de statues, moins grandes que nature,
qui nous donnent diverses parties du corps et des vêtements et qui sont dûment datées par les
textes qu'elles portent.
Fi G.
.•\vant-corps d'un lion en terre cuite cmaillce.
Nous savons, d'autre part, avec quelle maîtrise les Elamites maniaient l'argile, de temps
immémorial. En possession de l'émail, il est naturel de supposer qu'ils l'ont appliqué sur l'argile
pour des pièces d'un volume considérable, qu'il eut été trop difTicile d'exécuter en grès cérame.
Ces considérations nous portent à placer les lions en argile émaillée à une époque
contemporaine de celle où nous constatons l'emploi du grès cérame, c'est-à-dire vers le
xi"^ siècle.
C'est la période des Choutroukidcs sous lesquels l'Elam, après avoir triomphé de Babylone,
jouissait en paix du fruit de ses victoires et multipliait, en même temps que ses temples, les
œuvres d'art qui les ornaient ; coordonnée qui confirmerait encore l'origine purement élamite ce
nos lions émaillés.
i68 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
Nous mancjuons d'indications pour dater les diverses œuvres d'art dont la description va
suivre. Toutes ont été découvertes sous un dallage, dans la couche d'argile tassée qui servait
d'assise de fondation au temple de Chouchinak. Elles y avaient été déposées, ainsi qu'une foule
d'autres objets, à titre d'offrandes, lors de la construction, ou de la réédifîcation de ce monu-
ment (i). Si les inscriptions sur feuilles d'or trouvées en même temps que ces dépôts, et déchif-
frées par le P. Scheil, permettent d'assigner une limite d'âge (2) à l'ensemble de cette belle décou-
verte, il n'en est pas moins vrai que quantité de ces offrandes présentent un caractère d'archaïsme
qui les place à des époques bien antérieures aux règnes d'Ountach Gai et des Choutroukides.
Les canéphores de bronze et les tablettes de pierre au nom de Doungi peuvent, suivant une cou-
tume constante, avoir été remontées des ruines d'un ancien sanctuaire; d'autre part, certains
cachets, des masses, des statuettes, des ornements, étaient assurément de fort anciennes reliques
conservées dans les familles des offrants et sacrifiées par eux en cette circonstance. Nous avons
ainsi une série d'ex-voto qui évoluent entre le xxx^ siècle et l'an mil. Avec un pareil écart, assi-
gner une date au sujet que l'on étudie est chose impossible, les indications fournies par la tech-
nique étant, souvent, rien moins que probantes.
Petit lion en calcaire jaunâtre (Longueur, o™,o6 ; hauteur, o",023). — Cette figurine
est taillée dans une matière qu'affectionnaient les Kassites ; nous possédons une collection de bou-
tons ou pommeaux de sceptres qui portent tous des inscriptions de cette période. Par sa densité,
la dureté de son grain et le poli qu'il est susceptible de recevoir, ce calcaire peut, à première
vue, être confondu avec l'ivoire. Le petit lion accroupi, qui nous est représenté, est d'un assez
mauvais dessin et tout à fait défectueux comme proportions. Trop aplati, il porte, sans noblesse,
une tête enfoncée dans les épaules et qui, avec la crinière, occupe presque la moitié de la
figurine. Les membres sont beaucoup trop longs, mais ramassés sous le corps au point que
l'extrémité des pattes antérieures dépasse à peine la ligne du nez. Ce dernier est ciselé de façon à
saillir d'une manière disgracieuse. La croupe, sans modelé, est ridiculement sphérique (Voir
cette représentation à la planche XXV du tome Vil). La queue, qui était rapportée, manque.
Comme type général cette figurine se rapproche, avec de grandes imperfections, du style des lions
émaillés.
A côté des défauts de composition que nous venons de signaler, il convient de constater le
soin apporté dans l'exécution des détails. Les rides du front, les lignes des lèvres, celles des yeux
(dont un est encore incrusté de lapis-lazuli) sont rendues avec précision; des stries et des losanges
indiquent les mèches de la crinière, les poils du flanc sont marqués par des imbrications; les
(i) Cf. R. de Mecquencm. Offrandes de fondation du temple de Chouchinak dans Mém. de la Délég. Tome VII.
(2) « Les inscriptions sont en langue anzanite; elles appartiennent, certainement, à la bonne époque, soit au règne
« d'Ountach Gai, soit à celui de Choutrouk Nakhounte ou de son fils Chilkhak-in-Chouchinak. » Tome VII des Mém.
de la Délég., page 68.
LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE 169
doigts et les griffes sont attentivement dessinés. Nous observons ici, pour la musculature de
l'épaule, le relief conventionnel que l'on retrouve dans les sculptures assyriennes. Ce singulier
dessin qui tient beaucoup plus de l'ornementation que de la nature, ne peut être comparé, comme
forme, qu'au motif connu de nos jours sous le nom de « larme de Kachmire ». Il offre, dans le
cas présent, cette particularité d'être décoré, à son sommet, d'une sorte d'étoile.
Petite tête de lion en jaspe rouge. — Nous signalerons, sans nous y attarder, ce motif
d'ornement qui est figuré à la planche XXIII de notre tome VII. Il ressemble, par son type,
au petit lion en calcaire jaunâtre, avec cette différence que l'animal est ici représenté la gueule
largement ouverte. La mâchoire inférieure ayant été brisée nous ne pourrions donner qu'une
description très incomplète, qui ferait, d'autre part, double emploi avec les détails fournis à ce
sujet par M. de Mecquenem (Tome VII des Mémoires de la Délégation, page 10 1).
Petit lion en agate rubannée (Longueur, o'",o45; hauteur, o"\024). — Ce superbe camée
est remarquable à tous les points de vue : par la beauté de la matière ; par l'habileté de l'artiste
qui a su vaincre les difficultés que présentait la taille d'une roche aussi dure ; par le savoir-faire
avec lequel il est parvenu à racheter harmonieusement les différences de relief. La pierre est une
agate blanche sillonnée perpendiculairement de veines noires, brun rouge, et brun pâle. Le sculp-
teur a tiré parti de la diversité des nuances avec un goût parfait de façon à faire valoir et à rehaus-
ser les différentes parties de sa figurine. C'est ainsi qu'il a ciselé la face dans la zone noire de
l'agate. Un bandeau clair forme ainsi collier depuis le sommet de la tête jusque sous la mâchoire.
La crinière et l'épaule sont traversées d'une bande brun rouge aboutissant au milieu des pattes
antérieures. Un ruban blanc délimite l'encolure, suivi par un filon brun qui descend au pli de
l'articulation du coude. Une légère tache brune accuse sur le flanc le creusement de l'aine, tandis
que le rehaut de la hanche et la ligne de la croupe sont ponctués par des veines noires. Ces oppo-
sitions ajoutent aux reliefs une vigueur des plus heureuses.
Par le raccourci de la face et la massivité delà tête, ce lion se rapproche du type archaïque ;
nous le croirions d'époque très ancienne si l'on pouvait admettre une telle perfection dans la
technique aux âgés reculés (Voir la reproduction au tome VII, planche XIII, n" 13).
L'animal est figuré accroupi, regardant adroite. La tête, de trois quarts, est sculptée presque
en demi-bosse tandis que l'arrière-train est de profil. L'artiste, par une gradation savante, a su
raccorder les deux reliefs.
Sauf les oreilles qui, couchées en arrière, sont simplement esquissées, tous les détails sont
observés et rendus scrupuleusement : dessin du front, de l'arcade sourcilière, du nez, du mufle, de
la gueule (qui est fermée), musculature de l'épaule, de la hanche, de la croupe et des pattes. La
crinière est traitée en masses, ainsi que le collier de barbe ; la queue, retroussée, est ramenée sur
la croupe et le flanc droit, disposition qui appartient aussi au style archaïque. Le trait témoigne
d'une sobriété et d'une netteté surprenantes; l'intensité des effets est obtenue avec une science
170 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
d'autant plus remarquable qu'elle est, en apparence, plus simple. Le seul défaut que l'on puisse
relever s'observe dans la disproportion, sans doute voulue, de la tête. Cette pièce hors de pair a
bien mérité d'être placée dans la vitrine des bijoux découverts à Suse, à côté des statuettes d'or
et d'argent et des ornements élamites. Elle serait intacte si les extrémités de la patte droite de der-
rière et de la patte gauche de devant n'étaient quelque peu écornées.
A quel usage était destiné ce camée ? La face interne de la pierre est absolument plane et
d'un poli parfait; la base, très lisse, est légèrement taillée en biseau. Deux trous sont percés, au
tiers inférieur de la figurine. On pourrait supposer, en conséquence, qu'elle devait être suspen-
due, peut-être comme pièce de milieu, dans un collier. Mais les deux perforations ne sont pas au
même niveau; en outre, elles n'ont pas été pratiquées asez haut pour que l'objet, étant suspendu,
puisse demeurer en équilibre. Le camée est plus épais, donc plus pesant, au sommet qu'à la
base; soutenu trop bas par le fil de suspension, on constate qu'il bascule, si l'on fait l'essai de
le porter en pendentif. Dans une parure il ne pouvait qu'être fixé sur une plaque, les trous dont
il est muni étant alors destinés à recevoir des tenons. L'obliquité de la base permet de supposer
qu'il était employé à l'état d'application ou d'incrustation sur quelque matière précieuse.
Tête de lion en or. — Ce précieux bijou, figuré à la planche XXIV du tome VII, donne
une haute idée de l'habileté des orfèvres élamites, mais nous devons constater, de suite, que l'ar-
tiste a quelque peu sacrifié l'observation et la vérité au souci de réaliser une ornementation rare.
Sans doute, on ne peut que louer la précision, la finesse et l'élégance des lignes. Le sujet a été
tout d'abord traité au repoussé, puis repris au burin et ciselé avec une perfection remarquable ;
mais, en portant trop loin le fini du détail, l'orfèvre s'est éloigné de la nature ; il en résulte que
cette tête de lion a un caractère très conventionnel. La décoration en reliefs et en pointillé qui
agrémente le mufle, les sourcils et le front, alourdit la pureté du modelé. Les oreilles, couchées
en arrière, ont un trop grand développement. Ce sont des exagérations voulues qui ont pour
résultat d'augmenter la richesse de l'ensemble ; l'œuvre eût gagné, cependant, à se maintenir plus
sincère. A part ces observations de détail elle n'en est pas moins d'une haute valeur artistique.
Cette pièce est unique ; nous manquons de termes de comparaison pour en déterminer l'âge.
Elle faisait partie d'un dépôt votif bien distinct auquel appartiennent les statuettes d'or et d'ar-
gent. On peut donc la présumer contemporaine de ces admirables figurines qui sont manifeste-
ment d'une antiquité très reculée.
Têtes de lion du torque et des bracelets achéménides. — Dans son mémoire sur la. Décou-
verte d'une scpuUure achéménide à Suse, M. de Morgan, pour une époque toute différente, a
été amené à formuler les mêmes réserves que nous avons dû faire dans le cas présent, en ce qui
concerne les modifications que la trop grande richesse de l'ornementation introduit dans le style
des figures.
Ici l'âge de la représentation léonine est absolument précisé par la présence de deux mon-
LION DE BRONZE _^ EPOQUE ACHF.MENIDE
' Lon*'-ur et hauteur rriaxirna c^lih et o^'2't )
17.
Keil..;. Du.ir-iin
LA REPRESENTATION DU LION A SUSE 171
naies qui accompagnaient le mobilier funéraire. Nous savons ainsi que les bijoux datent du iv''
siècle avant notre ère. Ils ont été étudiés de façon très détaillée par M. de Morgan et nous ne
pouvons faire mieux que de renvoyer le lecteur aux pages 44 et 48 du présent tome; mais, des
conclusions de l'auteur, nous ferons ressortir ce fait que le type du lion, tel que le concevaient les
Perses, diffère essentiellement de toutes les figurations que nous venons de passer en revue. Cette
constatation est nécessaire pour la clarté de l'étude qui va suivre.
Lion de bronze. — Cette œuvre capitale a été découverte en février 1901, à 8 mètres envi-
ron de profondeur, dans une sorte de boyau délimité par deux murs en briques crues. Au même
niveau et à un mètre de distance au plus, avait été trouvé, la veille, l'osselet en bronze avec dédicace
grecque à Apollon Dydiméen qui a été au tome Vil, l'objet d'un mémoire de M. Haussoullier.
Le monument qui nous occupe se décompose en deux parties : un socle rectangulaire mesu-
rant 0^,52 de longueur sur 0^,25 de largeur avec une hauteur de o'",o55 ; et le corps même du
lion dont les dimensions sont les suivantes : longueur de l'extrémité des pattes antérieures à la
croupe, o'",46; longueur du mufle à la croupe, o"',45 ; hauteur au sommet de la tête, 0^,24;
hauteur à la croupe, o"',i4. Plus grande largeur au poitrail, o"',!^.
La matière est un bronze d'une fonte parfaitement homogène, sans défaut ni soufïlure.
D'une dureté et d'une sonorité remarquables il a pris, sous l'action du temps et des agents chi-
miques, une riche patine vert-foncé. Mis à vif au nettoyage le métal accusait une teinte naturelle
d'un rouge franc. La base et la figure ont été coulées d'un seul bloc.
L'animal est représenté accroupi, dans une attitude menaçante, la gueule largement ouverte,
les lèvres retroussées, les crocs à découvert. Les membres postérieurs sont ramassés sous le ventre,
les membres antérieurs se portent en avant ; les pattes sont crispées sur le sol et laissent saillir
toutes les griffes. Le lion est prêt à l'attaque.
Jusque dans ces petits détails l'artiste s'est efTorcé d'accuser l'impression de la menace. Ainsi
la face est plissée de rides et les oreilles sont couchées en arrière, à ras de la tête, indices de colère
chez les fauves. Le concept est donc très juste et dénote une observation attentive de la nature.
Même conscience dans le dessin des lignes générales et dans le modelé du corps. Nous pas-
sons condamnation pour la disproportion de la tête qui est trop forte ; c'est, dans toutes les
figurations léonines, un défaut intentionnel, afin de produire un effet plus imposant. Par contre
que de soins et quelle exactitude dans la musculature de l'épaule, des reins, des flancs et de la
croupe! On s'en rendra compte en examinant le profil reproduit à la planche IX. Les nodosités
de l'ossature, les reliefs et les dépressions des muscles sont rendus avec un scrupule qui va parfois
jusqu'à l'exagération.
Malheureusement, si après cet aperçu d'ensemble nous passons à une étude détaillée des
procédés d'exécution, nous constatons avec regret que ce bel effort artistique est amoindri par
l'abus du conventionnel. Sans doute pour indiquer le froncement du nez cet organe est agré-
menté à son extrémité de trois étranges cernures. Il porte, en outre, à sa racine et à sa pointe
LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
quatre singuliers pastillages que l'on ne saurait comparer qu'à des grains de beauté. Les barbes
du mufle sont figurées par deux épaisses palmettes composées chacune de quatre éléments qui
sont d'un aspect massif et peu gracieux. (Nous avons remarqué le même motif dans les têtes de
lion en or précédemment décrites.) Les rides de la face sont représentées par deux reliefs affectant
la forme de larmes qui partent de l'aile des narines pour aboutir sous les yeux. Les orbites de
ceux-ci sont démesurés et le globe oculaire est surchargé d'une paupière lourde. La crinière, trop
rase sur le sommet du crâne, encercle la face d'un collier dont la régularité géométrique ne plait
pas au regard. Des bandes non moins régulières, ornées d'imbrications en losanges, pour figurer
les mèches, divisent cette même crinière qui drape tout le poitrail et descend sur le corps, délimi-
tant nettement, en courbes ornementales, le contour de l'épaule. L'avant-corps, grâce à cette
disposition, a l'air d'être encapuchonné. Ces défectuosités sont le plus apparentes lorsque l'on
envisage le lion de faee.
Les poils des flancs sont dessinés de même façon que les mèches de la crinière. Arrêtés net
par des courbes ils figurent, en réduction, de véritables ailes.
L'enroulement des muscles des pattes de devant est très particulier. Nous ne l'avons observé
dans aucune autre représentation léonine.
La queue passe sous la cuisse droite et se recourbe pour venir reposer au pli de la hanche.
La touffe de poils qui la termine est figurée par un quadrillé si régulier qu'on croirait voir une
pomme de pin.
Si la convention du rendu nuit à la grandeur de l'effet, elle ne saurait infirmer les qualités
déployées par l'artiste, harmonie de la composition, justesse de l'attitude, beauté du dessin, qui
classent ce lion de bronze parmi les maîtresses œuvres.
De quel art est-il le produit et à quelle époque faut-il le ranger ? Il s'écarte bien visiblement
de la conception du lion telle qu'elle nous est révélée chez les Élamites par les grandes figures
en argile émaillée et les figurines que nous avons précédemment décrites.
D'autre part, si on le met en comparaison avec le petit lion de bronze qui provient deNinive
et que nous possédons au Louvre, la diversité d'origine est manifeste. Ni les lions de l'Élam, ni
ceux de l'Assyrie ne sont représentés avec cette tète ronde, cette crinière rase et ce profil ramassé.
Lorsque l'on étudie les bas-reliefs assyriens, on remarque au contraire que les lions (â
moins qu'il ne s'agisse de femelles) ont la crinière forte, le profil long et anguleux (i).
Par contre, si l'on compare notre lion de bronze au bas-relief émaillé qui fut rapporté de
l'Apadana de Suse par M. Dieulafoy (fig. 327), la similitude est tellement frappante qu'aucun
doute ne peut subsister ; l'origine achéménide ne fait plus question.
Nous avons voulu, par un rapprochement, accentuer les divergences qui distinguent le lion
assyrien (fig. 326) du lion achéménide. Sans disserter, il suffit d'un coup d'œil pour saisir les
(i) Cf. Kleinmann. Assyrian sculptures in the British Muséum. Planches XXVI-XXVII (Lion gardant l'entrée du
temple d'Assourbanipal) — Planches XXXII à XXIX. Planches XL-XLI — Planche LVII (chasses au lion d'Assour-
banipal).
FiG. 526. — Tète de lion, relief émaiUé du palais de Khorsàb.iJ.
-^,
\\ \^"^Miy^^\c?r\^K^F'^\A^v^^^^^'
FlG. 3:7. — Tête de lion, relief tmaillé des palais achéménides de Suse (Musée du Louvre).
174 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
dissemblances. Elles sont telles qu'on n'en peut trouver l'explication dans les seules différences
d'interprétations.
Il n'est guère admissible que le même modèle subisse de si grandes transformations par le
simple fait qu'il a passé de l'art assyrien dans l'art achéménide, alors surtout que ce dernier est
manifestement influencé par son devancier. On serait ainsi tenté de croire à la coexistence de
deux types et, par suite, de deux espèces ; aux temps antiques le lion d'Afrique aurait vécu dans
les hautes régions de Mésopotamie et l'asiatique (le lion de Perse proprement dit) dans les basses
terres de la Susiane. Cette hypothèse pourra paraître plausible si l'on considère que certains
animaux comme l'antilope et l'autruche, qui appartiennent aujourd'hui exclusivement à la faune
africaine, étendaient autrefois leur habitat jusque dans les plaines situées entre le Tigre et l'Eu-
phrate. Aux naturalistes de prononcer.
L'art composite, qui fut celui des Perses, est fait d'emprunts aux civilisations avec lesquelles
les peuples de Cyrus et de ses successeurs entrèrent en contact. C'est un mélange des influences
et des traditions babyloniennes, assyriennes, égyptiennes et grecques. Ainsi s'expliquent les qua-
lités et les défauts qui s'observent dans la figuration du lion de bronze.
Ce beau morceau de sculpture est déparé par une poignée en arc de cercle qui part de la
nuque pour aboutir au milieu de la croupe. Cette tige est pentagonale à sa face externe et cylin-
drique à sa face interne. Elle nous servira d'indication pour déterminer l'usage auquel était des-
tiné le monument.
Dans ses fouilles à Ninive, Layard a découvert d'un seul coup, sous un bas-relief renversé,
toute une série de petits lions de bronze. Au nombre de seize, ils portent presque tous sur le dos,
comme notre petit lion de Khorsabad, au Louvre, un anneau servant de poignée. Ce sont des
poids ( 1 ). Sur la plupart d'entre eux sont gravées des inscriptions qui ne laissent aucun doute à
cet égard. Nous citerons comme exemples :
N" 305 (du British Muséum). Inscription phénicienne sur le côté droit : 2 mines du roi.
Inscription cunéiforme sur le dos : Palais de Salmanasar, roi du pays d'Assyrie.
N° 306 {id.). Inscription phénicienne sur le côté droit : 2 mines du pays. Sur le rebord de
la base: Mine du roi. Inscription cunéiforme sur le dos: Palais de Sennacherib, roi du pays,
2 mines du roi.
]\° 307 {id.). Inscription cunéiforme sur le dos: Palais de Téglath Phalasar, roi du pays,
2 mines Da.
N° 308 (id.). Inscription phénicienne sur le côté droit : ] mines du pays. Sur le rebord de
la base : j» mines du roi. Inscription cunéiforme sur le dos : ... ] mines du roi.
N" 309 {id.). Poids grossier sans inscription.
N" 310 (/J.). Inscription phénicienne sur le rebord de la base: ... du pays. Inscription
cunéiforme sur le dos : Palais de Sal{manasar), mine du roi.
(i) Dans ses Discoveries in the ruins of Niniveh and Babylon Layard donne (vol. II, page 106) un tableau des
pesées minutieuses que Ton a faites de ces petits monuments après nettoyage.
LA REPRESENTATION DU LION A SUSE 175
N° 311 (id.). Inscription phénicienne en dessous : 2 sicles.
N° 312 (id.). Inscription phénicienne : Un quart de mine du pays. Inscription cunéiforme
sur le dos : Palais de Sabnanasar (IV).
Les n"" 314 à 317 ne portent point d'inscriptions.
L'analogie de forme et de disposition nous porte à croire que notre monument achéménide
avait le même usage que ces poids assyriens. La présence de la poignée ne peut s'expliquer autre-
ment. Si ce lion avait été consacré comme offrande dans un temple ou comme gardien d'un
sanctuaire, et, par conséquent, destiné à demeurer en place, il n'eût pas été besoin de lui adapter
un dispositif permettant de le soulever. Au surplus, son poids n'est pas tel (exactement 121 kilo-
grammes, après décapage) qu'il n'eût été aisé, sans grand effort, de le déplacer à l'occasion.
L'adaptation de la poignée indique au contraire l'intention de le mouvoir fréquemment, ainsi
qu'il est nécessaire de le faire pour un poids.
On objectera qu'il ne porte aucune inscription mentionnant l'unité à laquelle il correspon-
dait ; mais c'est aussi le cas pour plusieurs des petits lions assyriens dont l'usage comme poids
ne peut être contesté. Sans doute l'œuvre achéménide représente-t-e!lc un étalon trop connu des
Perses pour qu'il fût utile de le mentionner.
Le petit lion de bronze qui provient de Khorsabad et que nous possédons au Louvre, pèse
précisément 61 kilogrammes. Ce serait environ la moitié du poids de notre lion susien, en tenant
compte de la déperdition du métal par oxydation et nettoyage. Mais il ne saurait être ici question
que d'une simple constatation et non d'un rapprochement. La numération des Perses, le système
de leurs poids et de leurs mesures ne nous sont pas connus ; essayer de poser des termes de com-
paraison, surtout en l'absence de toute indication épigraphique, serait pure témérité. Admettant
même que les conquérants aryens, alors qu'ils adoptaient les caractères babylonniens dans leurs
inscriptions et la langue anzanite dans leur protocole aient emprunté à l'Assyrie et à l'Élam cer-
taines unités de mesure et de poids, on ne saurait encore rien tirer d'une étude comparative, tant
le système élamite diffère de la méthode assyrienne.
Nous bornerons donc notre conclusion à constater que, selon toute probabilité, le lion de
bronze était un poids, sans tenter de déterminer à quelle unité il correspondait.
La découverte d'une sépulture achéménide à Suse nous permet d'établir de très intéressants
rapports entre l'art du sculpteur et celui de l'orfèvre, appliqués tous deux au môme sujet, durant
la même période. En effet, ce sont encore des représentations léonines qui ornent les extrémités
du torque et des bracelets décrits par M. de Morgan aux pages 43-19 de ce même volume.
Nous ne pouvions mieux faire que de renvoyer le lecteur à cette compendieuse étude. Instruit
par cette critique serrée, guidé par l'examen attentif des planches IV et V et des figures 70, 71
et 76, il reconnaîtra sans doute avec nous que si l'emploi du style conventionnel est encore à
regretter dans la technique de ces bijoux, les têtes de lion ciselées dans l'or se rapprochent plus
de l'observation naturelle que ne le fait la représentation léonine sculptée dans le bronze. Pour la
grandeur de l'effet le joaillier ne saurait assurément rivaliser avec le statuaire, mais il l'emporte.
176 LA REPRÉSENTATION DU LION A SUSE
à notre sens, par la sincérité de l'exécution, encore, que ses figurines ne soient pas entièrement
irréprochables.
A la période achéménide s'arrête la série des représentations du lion à Suse(i).
De l'examen des diverses figures aux différentes époques, se dégagent les observations
suivantes :
Nous sommes loin, dans les œuvres élamites, de la variété de sujets, de mouvements et
d'attitudes auxquelles les artistes assyriens, ont su plier leur modèle.
A Suse, qu'il s'agisse des sceaux archaïques, des statues exécutées vers le troisième millé-
sime avant notre ère, des figurines, des camées ou des grandes représentations en argile émaillée
qui se tiennent entre le xv^ et le xi^ siècles, ou du bronze achéménide que nous rangeons vers
l'an 450 environ, la conception du sujet se borne à un seul type, le lion accroupi, et l'attitude
n'est destinée qu'à produire une seule impression, celle de la vigilance, ou pour mieux dire, de
la protection.
Nous ne voyons d'exceptions à cette règle que dans quelques-unes des empreintes décrites
par M. G. Jéquier et qui nous donnent de rares exemples de lions assis, dressés, ou passant. Ce
dernier mouvement se retrouve également dans les bas-reliefs émaillés de l'Apadana.
On peut donc dire, d'une façon générale, que :
i" La conception élamite de la représentation du lion se résume à une seule attitude.
2" L'apogée de l'art élamite paraît avoir été atteint, dans ce genre, à une période qui se
localise entre le xv" et le xi'^ siècles avant notre ère.
3° Il semblerait que la représentation du lion à Suse ait été inspirée par l'observation de
deux modèles : le lion à forte crinière et le fauve à poil ras, particulier aux terres chaudes du Sud,
qui a subsisté jusqu'à nos jours et qui est actuellement connu sous la dénomination de « lion de
Perse ».
La présente notice, que nous arrêterons à ces conclusions, présente le grand désavantage,
traitant un sujet unique, d'être condamnée à la monotonie par la répétition obligée des mêmes
expressions. Mais peut-être lui concédera-t-on l'utilité d'avoir réuni, dans un cadre aussi res-
treint que possible, des renseignements que les visiteurs de nos collections au Louvre eussent
malaisément glanés de place en place et de vitrine en vitrine. Notre but serait ainsi atteint, qui
était d'unifier, en quelques pages, tout ce qui, à Suse, avait trait à la représentation du lion.
Une série de monographies semblables, ayant chacune un objet spécial, serait utilement con-
sultée par qui voudrait entreprendre, dans un certain nombre d'années, l'étude de l'art en Elam.
(i) MM. J. E. Gautier et R. de Mecquencm viennent d'apporter au Louvre, parmi leurs très remarquables décou-
vertes de l'hiver dernier, quelques statuettes de lions sculptées dans des calcaires. Le temps nous fait défaut pour en
ajouter la description à cette notice. Ces représentations appartiennent aux époques archaïques (entre 3000 et 2000
av. J.-C).
MONNAIES DE L'ÉLYMAIDE
Par Allotte de la Fuye.
INTRODUCTION
Dans son mémoire sur La Chronologie et l'Iconographie des rois Parlhes Arsacides, de
Longpérier a signalé des tétradrachmes au nom d'un roi Kamnaskirès : on connaissait, d'ailleurs,
par le témoignage de Lucien, un roi Mnaskirès que cet auteur cite dans ses Macrobioi comme
ayant vécu 96 ans et qu'il range parmi les rois parthes. On doit admettre que les deux personnages
n'en font qu'un et que le texte de Lucien « Ka.'. MvaT/.ipr;; ot |3a7'.Aè'j; ITapO'jaiwv. . . » est à rectifier en
« Kau.va5-/.tpr,; oè JBaTiXi'j;. .. »
Avec les tétradrachmes de Kamnaskirès, de Longpérier faisait connaître trois pièces de
bronze grand module et cinq petites pièces de même métal qu'il attribuait les unes et les autres
au même souverain, en raison de l'analogie des types.
Le mémoire de Longpérier, qui donne ces indications, a été rédigé en 1853 ; peu après,
M. Vaux, dans la Numismalic Chronicle, janvier 1856, rendait compte de l'entrée au British
Muséum de pièces de même nature qui sont, pour la plupart, les exemplaires mêmes décrits par
de Longpérier; il donnait, en même temps, quelques renseignements précieux sur les provenances
et signalait, en particulier, que trois des petites pièces avaient été trouvées à Suse par Loftus.
Un certain nombre des mêmes pièces ont été rapportées également de Suse par M. Dieulafoy,
avec un exemplaire de grand module ( i ) à légende araméenne.
(i) Une pièce semblable est entrée à la [bibliothèque Nationale en 1900; elle est représentée à notre planche XIV,
n" 146.
23
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
Vers 1874 une découverte importante de pièces de petit module fut faite, à Chiraz, dit-on ;
700 exemplaires entrèrent dans la collection de Subhi-Pacha et 125 dans celle du D' i\'lordtmann.
Enfin en 1900, 583 pièces, dont quelques-unes de grand module, ont été trouvées à Suse
dans la partie supérieure du tell de l'Acropole, par la Délégation en Perse (i).
D'après ce qui précède, il parait suffisamment établi que nous avons là un monnayage spécial
à l'Élymaïde, présentant un grand intérêt pour l'histoire de cette région, à une époque où les docu-
ments écrits font presque totalement défaut.
Mordtmann a publié dans la Zeitschrift fur Numismatic de Berlin deux études sur ces
monnaies: dans la première, intitulée Ueber eine bisher unbekannter Varietat Arsakidischer
Mïinzen et rédigée en 1B75, ^' établit la lecture des légendes grecques qu'il lit : « Orode roi et
Phraate roi » et étudie les légendes araméennes ; la plus fréquente serait à lire, d'après lui :
« MaLKA FcRHaD ZaK URUD, le roi Phraate fils d'Orode » ; les autres ne sont interprétées que
dune façon tout à fait conjecturale. Dans son deuxième travail, Weitere Beitrage zur Kenntniss
der Persepolitanischen Miinzen, Constantinople, novembre 1878, il confirme les lectures: « Orode
roi, Phraate roi. Le roi Phraate fils d'Orode » et propose quelques nouvelles lectures pour les
légendes araméennes. En particulier il lit sur certaines d'entre elles « URUD MaLKA, Orode
roi », sur d'autres : « MaLKA HUMiTRa ZaK URUD, le roi Humitra fils d'Orode »; de plus il
reconnaît l'existence de monnaies anépigraphes que, d'après l'analogie des types, il attribue au roi
Kamnaskirès, le même qui en 231 (Sel.), 82 (av. J.-C.) frappait des tétradrachmes et des drachmes,
où son effigie est associée à celle de son épouse Anzazé ; il admettait, d'ailleurs, suivant une
théorie généralement acceptée à l'époque où il écrivait, que ce souverain est un grand roi arsacide,
ArsaceX prédécesseur de Sinatrocès. Il est, par suite, conduit à attribuer les monnaies de la trou-
vaille à la série des rois parthes qui se sont succédés à partir de 231 (Sel.), en y comprenant
Orode I", Phraate IV, Phraatace, Orode II et dubitativement les premiers successeurs de ce
prince : ses lectures cadrent assez bien avec cette hypothèse, puisque l'on y trouve en majorité les
noms d'Orode et de Phraate ; toutefois la légende araméenne qu'il lit « Humithra fils d'Orode »
indique, par exception, un roi inconnu dans la série arsacide. D'autre part, Mordtmann, d'après
la provenance supposée des monnaies qui venaient de Chiraz, les attribuait à la Perside et admet-
tait qu'elles représentaient le monnayage de cette province sous la suzeraineté parthe, suzeraineté
qui aurait cessé d'être effective vers l'an 20 (ap. J.-C), époque où l'on y trouve, comme roi indé-
pendant, Darius fils de Zaturdat(2) (Autophradate).
Mordtmann a eu le grand mérite de tenter les déchiffrements et de proposer un classement
admissible, mais ses travaux sont incomplets ; il ne donne aucune figure, ne reproduit les légendes
que d'une façon approximative, sans faire ressortir les particularités épigraphiques; enfin, dans
la description des trouvailles, il omet un renseignement précieux, le nombre des exemplaires de
chaque variété.
(i) Postérieurement quelques pièces de même provenance ont été envoyées à M. de Morgan.
(2) Le nom que Mordtmann lisait « ^aturdat », a été lu « Valaphradate » par Justi et Drouin.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE 179
M. A. de Markoff a cherché à combler une partie de ces lacunes ; dans la description des
monnaies parthes de sa collection, qu'il a publiée en 1877 comme supplément à l'ouvrage de
Prokesch-Osten(i), il a donné de bonnes gravures de la plupart des variétés de Mordtmann.
Malheureusement les monnaies dont il disposait étaient en petit nombre et de mauvaise conser-
vation, en sorte qu'il a omis de figurer certaines particularités indispensables pour la fixation
des attributions, quelquefois même il a méconnu entièrement la nature du type des revers ; c'est
ainsi que le serpent qu'il indique, avec un point de doute, il est vrai, sur le revers d'une monnaie
de Phraate IV, n'est autre chose que le buste d'une divinité.
Dans un ouvrage postérieur(2), le même auteur, sous la rubrique Monnaies frappées en
Perse au nom des Arsacides, donne la description de 45 exemplaires qu'il répartit entre les seuls
règnes d'Orode I" et Phraate IV, en y comprenant le type anôpigraphe classé d'ordinaire à
Kamnaskirès (n" 725 de sa description, pi. I, n''725).
La trouvaille de 1900, dont M. de Morgan a bien voulu nous confier l'examen, est composée
en grande partie d'exemplaires de très bonne conservation ; elle renferme des variétés qui man-
quaient dans celle de 1 874 et notamment quatre pièces de grand module avec légendes araméennes ;
par contre, plusieurs types de cette dernière n'y sont pas représentés. C'est pourquoi, afin de
donner une idée d'ensemble de cette série monétaire, qui représente le monnayage spécial à
l'Èlymaïde pendant une période relativement assez courte, nous avons cru devoir compléter la
description détaillée des monnaies trouvées en Susianc en 1900, par une nomenclature sommaire
de celles qui n'étaient pas comprises dans cette trouvaille : les premières sont représentées sur les
planches X, XI, XII, XIII; les secondes sur la planche supplémentaire XIV, qui comprend, en
outre, deux monnaies de la trouvaille de 1900, parvenues à M. de Morgan postérieurement au
premier envoi. Nous avons reproduit sur ces planches non seulement les types monétaires réel-
lement distincts, mais même les variétés d'un même type qui ne présentent que des difî'érences
légères dans les effigies, la fabrique, ou la forme des caractères dt la légende. Mieux que toute
description ces photographies donneront une idée exacte du monnayage de bronze de l'Élymaïde,
le seul qui nous occupe en ce moment.
Quant aux monnaies d'argent qui comprennent des tétradrachmcs et des drachmes au nom
de Kamnaskirés, elles forment une catégorie à part, qui ne s'est jamais trouvée mélangée aux
monnaies de bronze ; elles ont pourtant avec elles une relation indéniable au point de vue des
types et des symboles, aussi croyons-nous devoir rappeler ici, comme préambule obligatoire, les
conclusions de l'étude spéciale que nous leur avons consacrée dans un travail récent (3).
La bibliothèque nationale possède quatre tétradrachmes d'argent au nom de Kamnaskirés
(i) A. de Markoft, Les monnaies des rois parthes. supplément à l'ouvrage de M. le comte Prokcsch-Osten,
2' fascicule. Paris, 1877.
(2) De MarkofT, Collections scientifiques de l'Institut des langues orientales. Saint-Pétersbourg, 1889.
(3) Allotte de la Fuye, La dynastie des Kamnaskirés, Revue de numismatique, 1902.
i8o MONNAIES DE L'ELYMAJDE
(R. N. 1902, pi. V, n° I, 2, 3, 4). Le plus ancien n'est pas daté; le revers porte la légende
BASIAEQS KAMNISKIPOÏ N1KH<I>0P0Ï ; d'après le style de la pièce, le type de son revers,
Apollon sur l'omphalos, et l'épithète de Nicéphore empruntée à Antiochus IV, on peut lui attri-
buer une date voisine de i 50 (Sel.). Le tétradrachme n°2, au revers de Zeus Nicéphore, présente
le portrait de Kamnaskirès accolé à celui de son épouse Anzazé et est daté de 231 (Sel.); à droite,
dans le champ, est un symbole dans lequel nous n'hésitons pas à voir une ancre. Le n° 3, sur
lequel le roi est figuré sous les traits d'un homme jeune encore, a le même revers avec la légende
BASL\(EQ:i: KA)MNASKIPOr TOT ([/.)Er(aXou) BASIAEQS KAMNAÏKIP(ou) le roi Kamnaskirès,
fils du grand roi Kamnaskirès ». A l'exergue est une date, très peu visible, que nous croyons
pouvoir lire ANI1= 241 .
Sur le n° 4, le roi est plus âgé, il est vêtu à la mode parthe ; la disposition des cheveux qui
retombent sur le front, en l'entourant comme d'une couronne, et se terminent en arrière par une
sorte de chignon, est ici très accentuée : elle est caractéristique des souverains de cette dynastie
depuis Kamnaskirès, époux d'Anzazé. Dans le champ, à droite, nous retrouvons l'ancre, mais, pour
la première fois, elle est surmontée d'un astre à huit rayons. Au revers est un buste drapé, coiffé
d'une manière analogue et entouré de la légende BASIAEOS KAMNACKPOÏ Toï AEP B...
MNAG. . . qui est à lire comme la précédente : Le roi Kamnaskirès, Jïls du grand roi Kamnaskirès.
A la suite de ce tétradrachme, de très bon style et de métal très pur, doivent se ranger, chrono-
logiquement, des pièces de même module et quelques autres plus petites en bas argent, en potin
et finalement en cuivre, dans lesquelles les types et le métal subissent des altérations progres-
sives parallèles. Le symbole accessoire placé dans le champ reste d'abord composé de l'ancre et
d'un astre ; dans les dernières pièces seulement apparaît le croissant, et l'astre se réduit à une
simple croix, puis à un point.
Le n° 139 de notre planche XIV, qui appartient à notre collection, mais dont nous ignorons
la provenance, présente un des derniers degrés de l'altération ; néanmoins on y distingue encore
très nettement les traces du buste du revers, réduit à l'œil, l'oreille, et la coiffure caractéristique
des Kamnaskirès.
Dans les trouvailles de 1874 et de 1900, on n'a pas signalé de pièces de grand module de ce
type; les pièces de petit module s'y trouvaient en petit nombre: 18 dans celle de 1900, dont 16
figurées à la planche X, n°' de i à 16. Le type du revers y est complètement dégénéré et réduit
à quelques traits disséminés irrégulièrement dans le champ. Il est à remarquer que les types
de la face sont assez variés et que quelques-uns sont d'assez bon style.
En résumé les conclusions de notre travail sur la dynastie des Kamnaskirès sont les sui-
vantes :
— Il est absolument démontré qu'il a existé plusieurs rois de ce nom.
— Il est très probable qu'entre Kamnaskirès Nicéphore et Kamnaskirès époux d'Anzazé, il
faut intercaler un Kamnaskirès, ayant porté le titre de grand roi, qui serait le père de celui auquel
nous attribuons les tétradrachmes les plus récents.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
ISI
— En admettant que Kamnaskirès Nicéphore soit le premier du nom, on pourrait résumer
comme suit la succession des princes de cette dynastie :
Kamnaskirès I, Nicéphore, roi, vers 150 Sel. (av. J.-C. 163);
Kamnaskirès II, grand roi ;
Kamnaskirès III, roi, époux d'Anzazé, en 231 Sel. (av. J.-C. 82);
Kamnaskirès IV, roi, fils du grand roi Kamnaskirès en 241 Sel. (av. J.-C. 72).
Les Kamnaskirès de bronze seraient attribuables à Kamnaskirès IV, sinon à un roi posté-
rieur : par leur aspect, leur fabrique, les symboles qui s'y voient, ces monnaies accusent une
parenté étroite avec celles qui se trouvent mélangées avec elles dans les trouvailles et qui portent
les noms d'Orode et de Phraate ; ces dernières sont-elles postérieures, les souverains qui y ont
gravé leur nom sont-ils les grands rois arsacides connus, contemporains de César et d'Auguste,
ou bien des rois homonymes indépendants ou vassaux ? Ce sont là des questions qu'il nous reste
à étudier. Mais, avant de le faire, il nous semble indispensable, pour préciser la discussion, de
donner ici un tableau chronologique de la suite des rois parthes qui ont régné pendant la période
qui nous intéresse
Phraate III, fils de Sinatrocès.
Mithridate III, fils de Phraate III.
Orode I, fils de Phr.iate III. . .
Pacore I, fils d'Orode I. . . .
Phraate IV, fils d'Orode I. . .
Tiridate II
Phraatake, fils de Phraate II. . .
Orode II
Vonones I, fils de Phraate IV.
Artaban III
Vardane I, fils d' Artaban III. . .
Gotarzts, fils ou frère d' Artaban III
Vononès II
Vologèse I, fils de Vononès II . . .
Vardane II
Vologèse II
Vologèse III
Pacore II, fils de Vologèse II.
Artaban IV
Chosroès I, fils de Vologèse II. .
KRE DES SEI.EUCIDKS
hRK CHRETir.NNK
243-256
70-57 (a. J.-C.)
256-259
57-54
256-276
57-37
273
38
275-310
38-3
286
26
310-516
5 (a. J.-C.)-4 (p. J.-C.)
315-319
4 (p. J.-C.)-8 (p. J.-C.)
519-522
8-11
521-551
10-40
352-556
41-45
351-362
40-51
362
5'
562-572
51-61
366-569
55-58
372-589
61-78
389-459
78-148
589-421
78-110
392 C')
8o(?)-8i(?)
41 7 ••141
106-150
Ce tableau résulte des nombreux travaux dont a été l'objet l'histoire des Parthes : l'abbé de
Longuerue dans ses Annales Arsacidarum, a réuni presque tous les renseignements que nous
ont légués les anciens ; ces renseignements, souvent contradictoires, sont complétés et contrôlés
par l'étude des monnaies. Les travaux numismatiqucs de Visconti, de Longpérier, suivis de
ceux de Prokesch-Osten, Gardner, de MarkofiT, ont permis à des historiens tels que Gutschmid et
i82 MONNAIES DE L'ELYMAIDE
Justi, de reprendre à nouveau l'histoire des Arsacides; néanmoins nous ne pouvons la considérer
comme définitivement arrêtée ; bien des points restent douteux ; plus incertaines encore sont les
attributions des monnaies ; de nouveaux tétradrachmes arsacides, récemment entrés au British
Muséum, rentrent difficilement dans les classifications admises, et M. Warwick Wroth a apporté
à celles-ci d'importantes modifications dans le nouveau Catalogue des monnaies parthes qu'il
vient de publier : quelques-unes sont incontestables, plusieurs, bien que sérieusement motivées,
soulèvent des objections et ne seront pas acceptées sans discussion. Aussi n'avons-nous pas cru
devoir adopter intégralement le classement suivi dans le Catalogue of the coms ofParthia du
British Muséum, et, sauf indication contraire, nous conserverons, au cours de la présente étude,
les dénominations et les attributions les plus habituellement admises, c'est-à-dire celles de Long-
périer et de Gardner.
En ce qui concerne la liste chronologique donnée ci-dessus, elle est commune à ces deux
auteurs et à M. Warwick Wroth jusqu'à Vologèse I ; à partir de ce prince l'accord cesse, et nous
avons préféré le classement de Longpérier à celui de M. Warwick Wroth. Nous tenons à spéci-
fier, d'ailleurs, que l'un et l'autre soulèvent de grosses objections et nous faisons particulièrement
des réserves au sujet du long règne qui est attribué à Vologèse III (Vologèse II de Warwick
Wroth). On le fait régner de 78 a 148 (p. J.-C), c'est-à-dire 70 ans ; on devrait, par suite, trouver,
au début de son règne, une effigie jeune, très différente de celle des dernières années. Or, il n'en
est rien ; cette constatation semble appeler une revision des attributions admises et je serais tenté
de croire que les tétradrachmes des premières années, qui portent les dates 6nT, ^T, A^T doi-
vent être attribués non à Vologèse III, mais bien à Vologèse II (Vologèse I de Warwick Wroth).
Le fait que Tcffigic de ces tétradrachmes est coiffée d'une tiare, tandis que l'effigie habituelle de
Vologèse II a la tète nue, n'est nullement incompatible avec cette nouvelle attribution, qui me
paraît confirmée par l'examen attentif des traits caractéristiques des portraits, abstraction faite de
la coiffure (i).
Ainsi que nous le montrerons, les monnaies de l'Elymaïde ont des rapports étroits avec celles
des rois parthes ; sur la liste des souverains de la Susiane figurent des Orode et des Phraate,
nous essaierons de démontrer que l'on doit y ajouter des Vologèse et des Chosroès et que les uns
et les autres sont identiques aux princes de même nom de la liste arsacidc que nous avons donnée
plus haut.
Notre travail sera divisé en deux parties :
Première partie : Etude des types et symboles, étude des légendes, discussion des attributions .
Deuxième partie : Description des monnaies.
(i) L'analogie des traits est particulièrement remarquable sur les tétradrachmes figurés n^s i et 8 de la planche XX
de la collection de Pétrowicz; l'analogie se poursuit sur les drachmes n"' 2 et 11 de la même planche.
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE 183
PREMIÈRE PARTIE
Étude des types et des symboles, étude des légendes, discussion des attributions.
ETUDE DES TYPES ET DES SYMBCJLES
Types de l'avers.
Les types de l'avers peuvent se diviser en deux grandes catégories:
A. — Types avec tiare.
B. — Types sans tiare.
Nous examinerons successivement les diverses variétés qu'ils présentent et nous indiquerons
pour chacune d'elles le nom du souverain présumé auquel elle est attribuée, nous réservant de
justifier au dernier paragraphe nos propositions d'attributions.
A. — Types arec liare. — Les types avec tiare sont communs pour la plupart à la trouvaille
de 1874 et à celle de 1900 et s'y sont rencontrés en grand nombre ; ils doivent être considérés, par
suite, comme antérieurs aux types sans tiare, avec cheveux relevés, de la planche XIV, i 53-186,
lesquels, en raison de leur absence totale dans la trouvaille de 1900, ont été émis vraisembla-
blement à une époque postérieure à l'enfouissement de celle-ci.
Tantôt de profil, tantôt de face, les types avec tiare se distinguent principalement par les
ornements qui décorent la tiare et peuvent se classer comme suit :
i84 MONNAIES DE L'ÉLYMAIDE
^. , Cl grand module PI. X, 17 )
Aa. 1 lare de prohl avec ancre . , , m v o ' /-^ j i.r
^ f petit module PI. X, 18-40 > Orode ^^
— — PI. XIV, 140-142)
Ab. Tiare de profil avec croissant ponctué PI. XIII, 125-136 1
Ac. Tiare de face avec deux croissants ponctués PI. XIII, ii7-i24' Phraate.
— — PI. XIV, 150-152^
Ad. Tiare de face avec cordon perlé au milieu PI. XI, 48- 69^ Orode II,
_ — Pi. XIV, 147-149 ] fils d'Orode.
_ — PI. XIV, 142-144 Orode I".
— ■ — non figuré Phraate.
Ae. Même tiare, ornée d'aigrettes, grand module PI. XIV, 146 ) Orode II,
— petit module PI. XI, 41-47 ^ fils d Orode.
Toutes les monnaies avec tiare ont, dans le champ, adroite, une ancre et au-dessus un croissant
surmontô d'un point qui tient la place de l'astre qui figure sur les monnaies antérieures de Kam-
naskirès; exceptionnellement, l'astre a subsisté sous la forme d'une croix sur les monnaies de
grand module, pi. XIV, 146, et sur quelques monnaies de petit module.
Les effigies ont entre elles une grande analogie : le souverain est fortement barbu et paraît
drapé dans un manteau qui ne permet pas de juger si le cou est entouré du collier à spires mul-
tiples qui se voit sur les portraits de la dynastie arsacide et sur ceux des Kamnaskirès. La tiare
est ceinte d'un diadème dont les extrémités pendent le long du dos ; les différences qui existent
dans les traits du visage et la physionomie ne sont pas assez tranchées pour permettre, à elles
seules, la répartition des monnaies entre trois souverains différents, mais, généralement, elles cor-
roborent assez bien les indications qui résultent des légendes, des types de revers et des signes
distinctifs de la tiare. Lorsque nous discuterons les légendes, nous verrons que les monnaies avec
croissants ponctués, qu'elles soient de face ou de profil, portent en avant du profil l'abréviation
nPAet au revers la légende RPAATHS BASL\ErS ou $PAATHS BASLVEÏ^; donc pour elles
point d'hésitation, elles reviennent à un roi Phraate, auquel nous donnerons également toutes
les monnaies anépigraphes ayant le croissant.
Par contre, les monnaies qui n'ont pas le croissant sur la tiare ne portent jamais le nom de
Phraate ; les unes, où la tiare de profil est ornée d'une ancre, portent d'ordinaire en grec ou en
aramécn, la légende Orode roi ; les autres, de face, ont une tiare qui n'est ornée que d'un simple
cordon perlé vertical, type Ad. Quand elles ne sont pas anépigraphes, elles portent le plus sou-
vent, au revers, une légende araméenne qui se traduit par Orode roi, fils d'Orode. Le type Ae
est semblable au type Ad, sauf que la tiare est entourée d'une série d'aigrettes verticales. La
légende araméenne est la même sur les pièces de petit module, sur une pièce de grand module,
qui ne se trouvait pas dans la trouvaille de 1900, mais qui existe à la Bibliothèque nationale et
dont plusieurs exemplaires ont été rapportés de Perse par M. de Morgan à son dernier voyage, la
légende araméenne est simplement Orode roi ; on serait par suite tenté de l'attribuer à Orode I,
comme nous l'avons fait pour la pièce grand module, pi. X, 17, qui porte la même légende, mais.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
185
en raison de l'identité parfaite qu'elle présente avec les pièces de petit module avec tiare à
aigrettes, nous l'attribuons, comme celles-ci, à Orode II, fils d'Orode. Rien n'empêche d'admettre
que ce souverain a modifié à différentes époques de son règne la légende de ses monnaies, et
qu'après avoir inscrit Orode roi, Jîls d'Orode, il a supprimé le nom de son père ; ces réductions
successives des légendes monétaires sont constantes en numismatique romaine ; dans la série
arsacide on trouve également, pour un même souverain, plusieurs légendes différentes.
En résumé, nous attribuons à Orode II les monnaies de face où la tiare est ornée d'un cor-
don perlé; nous faisons, pourtant, une exception pour les monnaies, pi. XIV, 142-143, aux revers
de l'aigle et du diadème, que nous donnons à Orode I, parce que leur effigie paraît plus âgée que
celle des monnaies d'Orode II, et aussi parce que le revers de l'aigle se trouve sur les monnaies
d'Orode I, roi des Parthes, que nous identifions à notre Orode I, roi de Susiane.
Par exception également, nous attribuons à Phraate des monnaies avec tiare sans crois-
sant (i) qui présentent, au revers, des croissants affectant différentes dispositions. Ces revers avec
croissants, dont on trouve un spécimen, pi. XIII, 128, attribuable sans hésitation à Phraate, nous
paraissent revenir à ce prince, qui semble avoir une prédilection marquée pour le symbole du
croissant.
B. — Types sans tiare. — Le type B peut être subdivisé comme suit :
Ba. B. diadème à g. avec la coiffure des Kamnaskirès, £?. module PI. XIV, 159 ) ,. , . ,
. , ,^, -. , > Kamnaskirès.
— — p. module. ... PI. X. i- 16 S
Bb. B. diadème de face, barbu, avec touffes latérales de cheveux, g. module. . PI. XII, 70- 72 \
— — p. module. PI. XII et XIII, 73-116 ^., '"°'^ '
m vi^7 \ '''s d Orode.
— — — .... PI. XIV, 145 )
Bc. B. diadème àg., barbeen pointe, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque. PI. XIV, 138 Phraatake(?).
Bd. B. de face avec touffes de cheveux tombant sur les épaules et légende ara-
méenne PI. XIV, 153 X.
Be. B. de face ou de trois quarts, grosses moustaches et barbiche, touffes de cheveux
à droite et à gauche et au sommet de la tête PI. XIV, 154-161 Orode III (?).
Bf. B. diadème à g., barbe courte en pointe, grosses touffes de cheveux, sur la
et sur la nuque, avec ou sans légende PI. XIV, 162-168 Orode III.
Bg. B. diadème à g., barbiche divisée en deux pointes, touffe de cheveux sur la
tête, avec ou sans légende PI. XIV, 169-175 Orode IV.
Bh. Buste analogue, très longue barbiche, pas de touffes de cheveux PI. XIV, 176-178 Y.
Bi. Buste analogue, touffe de cheveux ou chignon sur la nuque PI. XIV, 179-182 Z.
Bj. B. diadème à g., barbu, touffes de cheveux sur la tête PI. XIV, 183-186 Vologèse II.
Bk. B. diadème àg., barbe en pointe, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque. Chosroès.
Type Ba. PI. XIV, 139 et pi. X, 1-16. — Kamnaskirès.
Ce type est probablement le plus ancien, le petit module seul faisait partie de la trouvaille de
(i) Ces monnaies qui n'ont pas été figurées sur les planches, ont été signalées par Mordtmann et se trouvent en
plusieurs exemplaires dans notre collection.
24
i86 MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
1900. Le roi est de profil à gauche, fortement barbu; sur quelques exemplaires, il a lair d'un vieil-
lard ; les effigies présentent, d'ailleurs, une grande variété, mais se distinguent de celles de tous les
autres souverains par la disposition de la coiffure ; les cheveux forment sur le front et tout autour
de la tète comme une couronne pouvant être confondue avec les bords d'un chapeau ; en arrière,
ils retombent sur la nuque et sont disposés comme une sorte de chignon ou de queue plus ou
moins allongée; le diadème entoure la tète au-dessus de la couronne de cheveux. Cette disposi-
tion de la coiffure est analogue à celle des tétradrachmes du grand roi Kamnaskirès et de ses suc-
cesseurs. Dans le champ à droite, est une ancre et au-dessus un croissant surmonté d'un astre,
le plus souvent réduit à un point.
Type Bb. PI. XII, 70-72 ; pi. XII et XIII, 73-1 16 ; pi. XIV, 145. — Orode II fils d'Orode.
Buste barbu de face ou de trois quarts, grosses touffes latérales de cheveux, diadème entou-
rant le front, quelquefois au sommet de la tète petite houppe de cheveux autour de laquelle
s'enroulent les extrémités du diadème ; dans le champ à droite, ancre surmontée du croissant
ponctué. Ce type se rattache directement, par les légendes, au type Ad, tiare de face avec cor-
don perlé ; comme lui, il appartient à Orode II fils d'Orode ; leurs légendes araméennes les plus
habituelles sont URUD AlaLKA BaRI URUD, KUMaSKIR URUDMaLKA et KaBNaHZKIR
URUD AlaLKA BaR URUD MaLKA ; la première est absolument identique à celle des mon-
naies d'Orode II déjà signalées, les deux dernières reviennent également à Orode II : nous en
indiquerons plus loin les raisons.
Nous avons dans ce monnayage d'Orode II un exemple bien caractéristique des étranges défor-
mations que peut prendre une même effigie : qui pourrait reconnaître dans la figure en lame de
couteau des n°' 1 10, 1 1 1, le gros joufflu dcsn°' 82 et 112? Cependant, les légendes sont là qui nous
forcent à en reconnaître l'identité. Remarquons, d'ailleurs, que si le premier terme de la série est
très différent du dernier, on passe de l'un à l'autre par des transitions insensibles et que, si l'on
voulait repartir ces multiples effigies entre plusieurs souverains, on se trouverait fort embarrassé.
Les différences basées sur l'embonpoint ne sont pas d'ailleurs les seules qui méritent d'être
signalées dans les effigies des n"' 70 à 1 1 6 ; la disposition de la chevelure présente des particularités
dignes de remarque, qui ont quelquefois été méconnues. Le plus souvent, il existe au sommet de
la tête une petite touffe de cheveux à la base de laquelle vient s'enrouler l'extrémité du diadème,
après avoir entouré le front. Pour bien comprendre cette particularité, qui est assez visible sur
les pièces de grand module 71 et 72 et qui se retrouve plus nette encore sur les monnaies posté-
rieures de la planche XIV, n° 162 à 172, il faut se reporter à la représentation très caractéristique
du diadème de ces souverains, qui nous est donnée au revers des n°' 144, 152 ; ce diadème com-
porte deux cercles concentriques : le plus grand correspond au front, le plus petit à la ligature
qui serre la base de la touffe de cheveux supérieure ; pour compléter cette représentation du
double diadème, on y a figuré minutieusement les deux grosses boucles du nœud terminal, les-
quelles se voient fréquemment sur les effigies des souverains de l'Élymaïde.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE 187
Ainsi que nous l'avons dit, la coiffure avec le double diadème et la petite touffe au sommet
de la tête est la plus fréquente sur les effigies d'Orode II sans tiare ; néanmoins il arrive quelque-
fois que la touffe supérieure n'est pas visible, et, dans ce cas, les deux boucles du nœud terminal,
fortement exagérées, se voient de chaque côté de la tête, comme dans les n"' 105 à 1 1 1 .
En résumé, il est impossible d'établir des divisions bien tranchées dans cette nombreuse caté-
gorie de monnaies ; nous la réunissons toute sous la rubrique unique, type Bb, en renvoyant pour
les variantes de détail aux planches XII, XIII, XIV, à la figure 331, n°' 6,7,8,9 intercalée plus loin
dans le texte; les quatre pièces de grand module que représente cette figure, ont été recueillies
récemment en Perse, loin de Suse, et leur origine première est inconnue. Elles offrent, avec des
légendes identiques, quatre types d'Orode II qui pourraient êtrecaractérisés par les mots : très gros,
gros, moyen, maigre ; en ajoutant à ces quatre pièces le n" 70, pi. XII, où la tête de trois quarts est
d'un stvle remarquable, on a une représentation assez complète de cette intéressante catégorie
du monnayage d'Orode II.
Type Bc. PI. XIII, 138. — Phraatake (?).
Buste de profil à gauche avec moustaches et barbe en pointe, grosses touffes de cheveux sur la
nuque et sur le sommet de la tête, double diadème ; au revers, Artémis radiée avec arc et carquois,
avec légende grecque incertaine ; les symboles habituels de l'ancre et du croissant ponctué ne se
trouvent ni à l'avers, ni au revers. C'est la seule pièce de la trouvaille de 1900 qui soit dans ce cas.
Ce type manquait totalement dans la trouvaille de 1874 et est unique dans celle de 1900 ; on
doit en conclure qu'il a été émis en très petite quantité. Nous discuterons plus loin la légende et
l'attribution ; constatons, dès à présent, que cette pièce, par le type de l'avers, diffère de toutes les
monnaies de la trouvaille de 1900 et se rapproche beaucoup des monnaies postérieures de la
planche XIV, mais que, par son revers d'Artémis et sa légende grecque, elle se rattache aux mon-
naies émises au nom de Phraate ; en dehors de toute autre considération, cette constatation suffit
pour faire conjecturer qu'elle s'intercale chronologiquement entre le Phraate de la planche XIII
et rOrode III de la planche XIV.
Si, comme nous sommes porté à le croire, l'Orode I et le Phraate I de Susiane ne sont autres
que les rois arsacidès, Orode I et Phraate IV, le souverain qui inaugure dans la série susienne
le type singulier à chevelure relevée en grosse touffe sur le sommet de la tête pourrait bien être
Phraatake, le fils de Phraate IV et de l'esclave Mousa. C'est là une opinion très conjecturale,
car, il faut bien le dire, la légende est d'une lecture très incertaine ; si, à la rigueur, on peut y
trouver les éléments du nom de Phraatake, on pourrait également y lire le nom d'Orode ou môme
celui de Chosroôs : nous verrons plus loin quelles sont les raisons qui nous conduisent à préférer
l'attribution à Phraatake.
TvpEBd. PI. XIV, 153. — A'.
Buste de face avec touffes de cheveux tombant sur les épaules et légende araméenne.
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
L'exemplaire de la planche XIV qui appartient à notre collection est très indistinct, un exem-
plaire beaucoup plus net a été trouvé à Suse par M. Dieulafoy et est déposé au Musée du Louvre :
pour l'un comme pour l'autre la légende tronquée et peu distincte ne permet guère de hasarder une
attribution. Constatons seulement que le revers de cette monnaie, l'ancre accostée de deux crois-
sants, le tout dans un diadème, est identique à celui que nous trouvons parmi les monnaies ané-
pigraphes à la tête de face que nous classons dubitativement à Orode III.
TypEBe. PI. XIV, 1 54-161. — Orode III.
Buste de face, grosses moustaches, barbiche frisée à son extrémité et séparée en deux
pointes, à droite et à gauche deux grosses touffes de cheveux, sur le sommet de la tête une touffe
plus ou moins grosse. En général, il n'y a du 'côté de l'avers ni ancre, ni croissant ponctué,
exceptionnellement nous voyons apparaître à droite du buste, pi. XIV, 161, un croissant et, à
une certaine distance au-dessus, non pas un point, mais bien un astre parfaitement formé, par-
ticularité que nous n'avons jamais rencontrée jusqu'ici dans les pièces de petit module. Notons,
d'ailleurs, que, si le symbole de l'ancre est absent sur l'avers du type Be, il se retrouve toujours
au revers.
Deux revers distincts sont associés au type Be : le premier, l'ancre avec croissants dans un
diadème, le rapproche du type précédent ; le second, l'Artémis de profil, avec coiffure spéciale, est
très analogue à l'un des revers du type Bg que nous attribuons à Orode IV.
Le type Be est toujours anépigraphe ; on peut, en raison de la disposition de la coiffure, l'assi-
miler soit au typeBc Phraatake, soit au type Bf Orode III ; nous nous sommes arrêtés à cette der-
nière assimilation.
TvpEBf. PI. XIV, 162-168. —Orode III.
Buste à gauche, moustache et barbe; au sommet de la tête et sur la nuque, grosse touffe de
cheveux.
Ce type présente deux variétés: sur la première on lit, en pehlvi, en avant du profil, Orode
roi; la seconde est anépigraphe, et, à la place delà légende, se trouve une ancre. Ces deux variétés
appartiennent évidemment au même souverain Orode III, car les effigies de l'avers, comme celles
du revers, sont semblables.
Type Bg. PI. XIV, 169-175. — Orode IV.
Même description que pour le type Bf, sauf que la barbe est plus courte et divisée en deux
pointes et qu'il n'y a pas de touffe de cheveux sur la nuque.
Le type comporte deux variétés, la première 169-171 porte la légende pehlvie Orode roi et
il existe généralement dans le champ à droite une ancre qui se répète au revers à la même place,
derrière la tête d'Artémis ; la deuxième variété 172 à 175 est anépigraphe et ne présente d'ancre
ni d'un coté ni de l'autre ; il v a seulement un croissant derrière la tête d'Artémis.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE 189
Ces deux variétés ont été émises par un même roi du nom d'Orode, mais nous pensons, en
raison de la différence de la coiffure et du caractère plus jeune de la physionomie, que c'est
un Orode IV, fils d'Orode III.
TYPEBh. PI. XIV, 176-178. — Y.
Type Bi. PI. XIV, 179-182.— Z.
Ces deux types ont avec le précédent une grande analogie, on doit noter, néanmoins, les dif-
férences suivantes: la touffe supérieure de cheveux a disparu, la barbiche est plus longue ; enfin,
au revers, l'Artémis en pied, accostée d'un croissant, a remplacé le buste d'Artémis. Ce change-
ment de revers, joint aux différences ^iconographiques, constitue un indice suflfisant pour faire
présumer un changement de rogne.
D'autre part, les types Bh, Bi se différencient entre eux ; le premier n'a pas, comme lesccond,
les cheveux disposés en touffe ou chignon sur la nuque ; on doit remarquer, aussi, que, sur les
pièces du dernier type, on voit reparaître le double symbole de l'ancre et du croissant ponctué (i) ;
la chose est bien nette sur le n" 181, en peut même constater, qu'au lieu du croissant ponctué
proprement dit, on a un croissant et un astre bien formé, qui en est nettement séparé. En outre, les
revers des types Bh, Bi présentent des différences appréciables que nous signalerons lorsque
nous traiterons des types de revers.
En résumé, il parait y avoir des raisons suffisantes pour répartir les tvpcsBh, Bi entre deux
souverains distincts Y et Z.
Type Bj., PI. XIV, 183-186. — Vologèse II{?){I de Warwick Wroth).
Buste barbu à gauche, généralement assez barbare, grosse tcuffc de cheveux au scmm.ct de
la tête et sur la nuque, double diadème ; dans le champ, à droite, l'ancre surmontée d un croissant
ponctué ; au revers, Pallas Athéné avec la lance et le bouclier.
La disposition de la coiffure est évidemment analogue à celle d'Orode III et c'est à tort que
Mordtmann (2) l'a comparée à celle des Kamnaskirès, il y a entre elles desdifférencesessenticlles:
dans la coiffure des Kamnaskirès, il n'y a qu'un diadème unique placé au-dessus de la couronne
de cheveux, tandis que sur notre type Bj, comme sur les types Be, Bf, Bg, le diadème principal
entoure le front, et il v a, en outre, une ligature au bas de la touffe de cheveux ; par suite le type
Bj doit être classé, non au commencement de la série comme l'a fait Mordtmann, mais à la fin.
Nous exposerons plus loin les raisons qui nous portent à l'assimiler au roi parthe Vologèse II,
pi. 19.
(i) Sur le type Bh, i! existe une ancre, qui n'est pas visible sur les monnaies 176-178. mais que j'ai constatée sur
un exemplaire de la collection Pctrowicz.
(2) .\U3rdtmann, Wcilere Beilrage {ur Kenntniss der perseoolilanischen Miin^en, n'>2, p. 42, Z.f.N., BVII, 1880.
190 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
Type Bk. Fig. 3,4. — Chosroès.
Buste à gauche, avec moustaches et barbe en pointe ; grosses touffes de cheveux sur la nuque
et sur le sommet de la tête, double diadème.
Cette pièce existe en double exemplaire dans la collection Pétrowicz ( i ), où elle est classée parmi
les monnaies arsacides du roi Chosroès ; le type de l'avers est, en effet, très analogue à celui des
drachmes de ce roi. Mais le type du revers, l'Artémis chasseresse avec légende grecque, nous
paraît tellement semblable à celui de nos pièces de Phraate et Phraatake que nous croyons devoir
attribuer cette monnaie à la Susiane.
Nous devons noter que notre pièce n° 138, attribuée dubitativement à Phraatake, présente
de grands rapports avec les deux pièces de Chosroès de la collection Pétrowicz; nous en ferons
plus loin l'objet d'une discussion complète.
II. — Types des revers.
En traitant des types de l'avers, nous avons été amené à mentionner ceux du revers, parce
que, bien souvent, ils se prêtent une aide réciproque dans la fixation des attributions ; bien des
choses, néanmoins, restent à dire au sujet de la détermination des types de revers, de leur origine
et de leur emploi dans le monnayage de l'Élymaïde.
Nous les diviserons en quatre catégories :
i"= catégorie : Types divins.
2" — Type du buste de la reine.
3^ — Type dégénéré de l'effigie du grand roi Kamnaskirès.
4" — Types divers.
Première catégorie. — Types divins. — Avant d'aborder l'étude des types divins, il nous
paraît nécessaire de rechercher quelles pouvaient bien être, au commencement de l'ère chrétienne,
les divinités honorées en Élymaïde.
Dieux de l'Élymaïde. — Extension probable de l'Élymaïde. — Et d'abord où se trouve
exactement l'Élymaïde et quelles en sont les limites?
D'après le témoignage de Strabon elle est contiguë à la Susiane ; Pline est plus précis :
« Susianam ab Elymaïde disierminat amnis Eidœus » : le fleuve de l'Eulœus sépare la Susiane
de l'Élymaïde. Or, nous savons, par les documents les plus anciens, que Suse était sur l'Eulœus,
ce qui nous est encore confirmé par la dénomination de « Séleucie sur l'Eulœus » que lui donne
(i) Sammlung Pétrowicz, Osroès, n°^ i et 2, pi. XXI, 12. Wien, 1904.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE 191
une inscription grecque de l'époque séleucide, récemment mise au jour par la Délégation. Susc,
aux confins de la Susianeet de l'Élymaïde, a très certainement exercé une influence prépondérante
sur l'une et l'autre de ces contrées, en supposant qu'elles soient distinctes; j'ajoute que, vraisem-
blablement, à l'époque qui nous occupe, les grandes divisions politiques correspondant aux satrapies
de Darius s'étaient reconstituées et que la Susiane et l'Élymaïde de Strabon formaient un royaume
unique correspondant à l'ancienne Susiane, l'Uvaza des inscriptions, comprise entre la Médie, la
Balylonie et la Perside.
Quoi qu'il en soit, si nous voulons des renseignements sur la religion des peuples de l'Ély-
maïde, c'est à Suse, l'ancienne capitale del'Élam, la résidence des roisachéménideset d'Alexandre,
qu'il faut les chercher.
L'élam avant les Perses. — Quels furent ses premiers habitants et leurs dieux ? Les inscrip-
tions ne nous l'ont point appris ; nous savons seulement que, plus de 4 000 ans avant J.-C, si l'on
admet la chronologie de Nabonide, qui fixe à 3 800 ans avant notre ère le règne de Sargon d' Agadé,
le pays de Suse est en rapports constants et presque toujours en lutte avec les cités de la Chal-
dée, Our, "Kich, Uruk, Lagach (Sirpurla), lesquelles florissaient à une époque où le nom de
Babylone n'est pas encore prononcé ; un peu plus tard, Naramsin, fils de Sargon, conduit dans
les montagnes une expédition victorieuse, dont une admirable stèle nous a conservé le souvenir,
et s'empare de la Susiane ; c'est là un point de repère fondamental dans l'histoire de l'Élam. Suse
devient, pour un temps, vassale d'Agadé et l'élément sémitique y domine, sans faire disparaître
néanmoins l'élément rival représenté par la race anzanite ; les patésis ou vice-rois qui la gou-
vernent écrivent en sémitique, mais leurs noms Kal-Rouhouratir, Houmbanoumcna, sont anza-
nites, et dans leurs inscriptions, les dieux susiens se mêlent aux dieux de la Chaldée.
Combien de temps dura le régime des patésis? Il est difficile de le préciser; mais, vers 2280,
les Élamitessont affranchis et un brillant conquérant, Koudour-Nahhounte, fonde une dynastie
anzanite au cœur de la Babylonie, après avoir pillé ses sanctuaires les plus vénérés et transporté
leurs dépouilles à Suse; en particulier il y installe la grande déesse d'Uruk, la déesse Nanà,
qu'Assurbanipal y retrouve 1635 ans plus tard. Bien certainement pendant son séjour prolongé
sur les bords de l'Eulœus, elle fut comblée d'honneurs ; et c'est là un point sur lequel il est bon
d'insister, car il caractérise bien l'idée religieuse dans l'antiquité païenne; la piété s'étend aux
divinités étrangères, le vainqueur aime à emporter comme trophée les dieux de ses ennemis, il
les installe chez lui, il les choie pour les détacher de l'adversaire et les amener à reporter sur lui-
même leur protection.
Ainsi dut-il en être pour Nanà et son souvenir s'est conservé longtemps dans les régions
persiques, si l'on en juge par un passage du livre des Machabôes, qui, en pleine époque séleu-
cide, mentionne encore le temple de Nanà, où Antiochus le Grand trouve la mort (i).
(1) Machabees, liv. II, 13.
192 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
Qu'était-ce donc que cette déesse étrangère qui laisse en Susiane des souvenirs plus vivaces
que les dieux susiens eux-mêmes? Assurbanipal, dans ses annales, écrit son nom en toutes
lettres Na-na-a et nous fait connaître qu'elle n'est autre que l'ancienne déesse d'Uruk. Celle-ci
semble être désignée dans les textes les plus anciens des rois de Lagach et d'Uruk par un idéo-
gramme de lecture fort incertaine(i) qui, aune époque postérieure, représente la déesse Istar sous
ses multiples aspects : originairement déesse pastorale, Istar est encore la déesse de la fécondité
et de l'amour et la dame des batailles ; au ciel, c'est la brillante Vénus qui règne avec Samas et Sin.
L'identité qui a pu exister entre Nanâ d'Uruk et l'Istar primitive s'est-ellc conservée dans son
intégrité pendant le cours des âges? Il est permis d'en douter, car, dans un des textes religieux
où figure le nom de Na-na-a écrit phonétiquement (2), on la trouve citée en même temps
qu'Istar, ce qui semble indiquer qu'elles n'étaient pas absolument confondues.
Quoi qu'il en soit, entre elles les rapports étaient grands et les traditions babyloniennes et
assyriennes sont la principale source d'informations dont nous disposons pour reconstituer la per-
sonnalité de la Nanâ susienne, jusqu'à l'époque achéménidc.
Après la destruction de Suse par Assurbanipal, la nationalité anzanite ne se rélève plus et la
Susiane n'apparaît plus que comme une province babylonienne ; des dieux susiens, il' n'est plus
question et ce sont ceux de Babylone qui vont se trouver en contact avec les dieux de la Perse.
Le panthéon des Achéménidcs est d'ailleurs originairement fort peu compliqué : Darius dans
ses inscriptions ne parle que du Dieu suprême Ahura-Mazda et c'est seulement sous Artaxercès-
Mnemon qu'il est fait mention de Mithra et d'Anahita ; Bérose, cité par Clément d'Alexandrie,
nous dit, d'ailleurs, qu'à l'origine les dieux de la Perse n'avaient pas de représentation matérielle
et que, le premier, Artaxercès, fils de Darius, fit faire des statues d'Aphrodite-Anahita dans les
villes de Babylone, Ecbatane, Suse, Persépolis, Bactres, Sardes et Damas.
A ce moment, la religion perse, au contact des cultes de Babylone, subit une modification
profonde et, vraisemblablement, Anahita, la pure déesse de l'Avcsta et Istar-Nanâ, fort différentes
en principe, viennent se fondre en une divinité unique que les Grecs ont connue sous le nom
d"AvatTi;. Sans doute, ce n'est là qu'une présomption, mais le fait que ces deux déesses sont l'une
et l'autre nommées Aphrodite par les auteurs grecs, en fait presque une certitude. Nous sommes
donc autorisé à penser que la forme matérielle donnée à Anahita, à l'époque d'Artaxercès, a été
inspirée par les représentations d'Istar. Sur un cylindre babylonien du British Muséum est figu-
rée une déesse vêtue d'une longue robe, coiffée d'une tiare à cornes, et qui semble armée d'un
(i) L'idéogramme de la déesse Nanâ-Istar est celui qui entre dans la composition de l'idéogramme de la ville de
Suse; sous sa forme archaïque, il rappelle le signe RI avec lequel il a été quelquefois confondu. Il est absolument distinct
de celui de la déesse Nina; celle-ci, malgré l'analogie des noms, n'a rien de commun avec Nanâ, tout au moins à l'ori-
gine : c'est une déesse maritime, comme l'indique son idéogramme qui comprend l'image d'un poisson ; elle est l'enfant
d'Eridu, fille du dieu poisson Ea ; tandis que Nanâ-Istar est désignée tantôt comme fille de Bel, tantôt comme fille de
Sin. — Sur des documents de Koudour-Maboug, roi d'Erech, on trouve le nom de Nanâ écrit phonétiquement.
(2) Die assyrische Beschwdru?igsserie, Mixqlù, 5"= tablette, 1. 59-60, « inaqibit Istar, Tammu^, Nanai, belit râmi »,
par l'ordre d'Istar, de Tammouz, de Nanâ déesse de l'amour.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE 193
arc. On la regardait généralement comme une Istar babylonienne ou assyrienne ; cette suppo-
sition vient d'être confirmée par la découverte toute récente, faite à Babylone, d'un bas-relief,
ou figure, avec le nom d'Istar, une déesse analogue qui est également armée de l'arc ; nous
savons, d'autre part, par Plutarque, qu'au temps d'Artaxercès, existait dans un sanctuaire de
Pasargade, la statue d'une déesse guerrière qui rappelait Minerve (i).
De tout cela nous pouvons conclure que l'Anaïtis perse n'était pas sans analogie avec l' Istar
babylonienne et la complexité de ses attributs nous fait comprendre pourquoi les Grecs l'ont assi-
milée, tantôt à Aphrodite, tantôt à Artémis ou à Athéné. Rien ne prouve, d'ailleurs, que les nom-
breuses statues que lui fit élever Artaxercès furent semblables et que celle de Sardes fut identique
à celle de Suse, celle de Suse à celle de Bactres. En ce qui concerne cette dernière, les monnaies
frappées dans l'Inde par les rois Kanishka et Huvishka, au premier siècle de notre ère, nous four-
nissent une indication précieuse ; elles nous montrent l'image d'une déesse vêtue d'une longue
robe, portant un sceptre ou une arme, et dont la tête est ornée d'un croissant et entourée d'un
nimbe : évidemment, c'est une Aphrodite orientale, dont le prototype semble devoir être la statue
de l'Anahita perse élevée à Bactres par Artaxercès ; néanmoins la légende NANAIA ou NANO
nous donne le nom sémitique de la déesse Nanâ de Suse, ce qui prouve combien le culte de cette
divinité avait conservé des attaches puissantes dans les parties les plus éloignées de la monarchie
achéménide.
Notons, d'ailleurs, que, sur les monnaies indo-bactriennes des mêmes rois, on voit appa-
raître, mélangées aux images des divinités helléniques et indiennes, celles des dieux iraniens et
entre autres celle de Mithra ; ce doit être une des plus anciennes représentations connues de ce
dieu et probablement, comme celle de Nanâ, elle vient de Bactres. Est-ce à dire qu'elle est aussi
ancienne et faut-il en conclure que Mithra a eu des statues dès l'époque achéménide? Rien n'au-
torise à le penser.
Époque grecque. — Nous avons cherché à dégager de l'étude des textes et des monuments
figurés, les points les plus saillants du culte extérieur des peuples de la Susiane sous la domina-
tion achéménide, et nous avons montré l'influence prépondérante qu'ont exercée sur son dévelop-
pement les mythes de l'antique religion babylonienne ; à cette influence il faut en joindre une
autre qui est loin d'être négligeable, c'est celle de l'hellénisme. Darius et ses successeurs ont vu
leurs immenses armées impuissantes à triompher de la résistance héroïque du petit peuple grec et,
sans doute, ils durent en concevoir une estime singulière pour les dieux protecteurs de l'Hellade;
Xercès avant de franchir l'Hellespont sacrifie sur les autels d'Athéné d'Ilium et, comme jadis Kou-
dour-Nahhounte, il rapporte dans ses états des images vénérées des dieux de la Grèce, la statue
d'airain d'Apollon Milésien à Ecbatane et l'antique idole d'Artémis Brauronia à Suse. Voilà donc
les divinités grecques introduites au cœur de l'empire achéménide; sans aucun doute elles furent
(i) 'EîTt Se 0ÎV.Î ro),£;x'.iY,; Upôv, v' 'AOrvxv av z'.; ôîxâ-rsisv. Plutarque, Vie d' Artaxercès, III, 40.
2^
194 MONNAIES DE L'ÉLYMAÎDE
bien reçues, d'autant plus qu'entre Apollon et Mithra, Artômis et Anaïtis le rapprochement était
facile. A Suse, particulièrement, où l'idée nationale et religieuse devait être singulièrement
confuse, les progrès de l'hellénisme durent être rapides et la domination macédonienne n'eut pas
de peine à s'y faire accepter. Alexandre y séjourne à deux reprises, Séleucus lui donne son nom,
et, de toutes parts, en Susiane comme en Babylonie, s'élèvent les sanctuaires d'Artémis et d'Athéné
dont font mention Strabon et Isidore de Charax.
Époque parthe. — La révolte parthe, qui enlève aux Séleucides la domination de l'Asie, a
pu amener une réaction : elle ne semble pas avoir été bien accentuée, si l'on en juge par les
types religieux grecs qui continuent à figurer sur certains tétradrachmes de Mithridate I et de ses
successeurs; les premières monnaies des Kamnaskirès, frappées en Susiane, adoptent également
les types d'Apollon et de Jupiter; tout au plus peut-on trouver dans le type composite du satrape
assis sur l'omphale des drachmes arsacides, un souvenir des origines nationales; encore dispa-
raît-il sur les tétradrachmes à l'époque d'Orode et de Phraate IV. Sous ce dernier prince, le type
le plus ordinaire des tétradrachmes est une Tyché portant une corne d'abondance et présentant
au roi une couronne ou une palme; quelquefois au-dessus de la tête de la déesse est un croissant,
ce qui pourrait faire supposer qu'il faut voir là une représentation d'Artémis considérée comme
divinité protectrice du roi(i); ce qui donne une certaine vraisemblance à cette hypothèse, c'est
que la Tyché est parfois remplacée par une déesse casquée, qui doit être assimilée à Pallas. II
n'y aurait rien que de naturel à voir figurer sur les monnaies de souverains qui se parent du
titre de philhellènes, les deux divinités grecques qui étaient le plus en honneur dans les provinces
qui avaient fait partie de l'empire des Séleucides.
Cette époque d'Orode et de Phraate IV est précisément celle de nos monnaies de l'Élymaïde:
nous y retrouvons des types incontestables d'Artémis et d'Athéné représentées en pied avec leurs
attributs ordinaires ; d'autres types divins, réduits à des bustes, sont d'une attribution plus dou-
teuse ; on y a vu Sérapis et Mithra et bien d'autres choses encore. Nous pensons que c'est faire
fausse route et que, suivant une habitude assez répandue dans la numismatique ancienne, les
divinités figurées en buste ne sont autres que celles qui sont représentées en pied ; pour nous, les
bustes de face et de profil des revers, sauf une ou deux exceptions, sont ceux d'Artémis. N'ou-
blions pas que les monnaies de la catégorie qui nous occupe, ont été à plusieurs reprises trou-
vées à Suse et qu'au dire de Pline il existait dans cette Suse un sanctuaire d'Artémis, le plus
vénéré des temples de la région, a Atitnis Euîœus circuit arcem Susorum ac Dianœ tem-
« plum aiiguslissimum illis gentibus. » La statue adorée sur les bords de l'Eulœus était-elle
identique à l'une des nombreuses représentations de l'Artémis grecque? Dans tous les cas elle
diffère de l'Artémis Brauronia qui avait séjourné à Suse quelques centaines d'années et dont
(i) Artémis est fréquemment adoptée comme Tyché par des villes asiatiques, voir en particulier une monnaie de
Gérasa avec l'inscription APTEM12 TYXH rEPACQN, de Saulcy, Num. de la Terre Sainte, PI. XXII, i et 2.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE 195
l'image nous est connue par des monnaies de la ville de Laodicée, où Séleucus l'avait transportée.
Ajoutons que les effigies d'Artômis représentées sur nos monnaies présentent certaines particu-
larités qui peuvent faire croire que les types grecs ont subi des modifications auxquelles les sou-
venirs lointains de Nanâ et d'Anahita ne seraient pas étrangers.
Type d'Artémis. — Type d'Artémis en pied avec arc et carquois. — Parmi les types
divins des revers, il en est un qui est incontestable, celui d'Artémis debout tenant d'une main son
arc et prenant de l'autre une flèche dans son carquois. Mordtmann a voulu y voir un archer
parthe(i) et M. de Markofï(2) une amazone ; Longpérier ne s'y est pas trompé, pas plus que
M. Warwick Wroth ; il n'y a là ni archer, ni amazone, mais bien une Artômis grecque, le
croissant qui se voit dans le champ, pi. XIV, 177, 178, précise l'attribution. Le type n'est
d'ailleurs pas inconnu en numismatique et ne diffère de celui des drachmes de Timarque(3) que
par quelques détails de la coiffure qui, sur certains exemplaires, est surmontée du calathos et
entourée d'une couronne radiée. Le type d'Artémis avec arc et carquois devait avoir en Susiane
une faveur spéciale, si l'on en juge par sa persistance, car nous le trouvons sous cinq souverains
différents: Phraate, pi. XIII, 11 7- 127; Phraatake(?), pi. XIII, 138 et postérieurement. Y...,
pi. XIV, 176-178; Z..., pi. XIV, 179-182, et Chosroès(4). iVlordtmann(5) cite le môme type de
revers sur une pièce qu'il attribue à Orode I ; je doute fort de cette attribution qui repose proba-
blement sur une fausse lecture ; le type de l'avers appartient à Phraate et Mordtmann aura lu
rpû)SYi(ç p)aTtX£'jî pour ripaa-rr,;; |3aatÀ£'j;, il est permis de s'y tromper, étant données les formes
très barbares du grec cursif employé dans ces légendes.
Ce type présente des particularités intéressantes et des variantes qu'il importe de signaler.
On le rencontre sur des monnaies de Phraate au buste de face et au buste de profil qui
portent l'une et l'autre la légende <I>PAATHS BA:ï:iAEri: ou IIPAATHS BASIAErS plus ou moins
défigurée (pi. XIII, 1 17-127); d'ordinaire c'est sur les monnaies à buste de face, et particuliè-
rement sur celles dont les légendes emploient la lettre <I>, que le type d'Artémis est le plus distinct
et conserve une certaine allure grecque ; la déesse est vêtue d'un chiton talaire court, sa tête est
ceinte d'une couronne radiée et, autant qu'on peut en juger par le n" 118, elle porte le calathos.
Cette double particularité se retrouve parfaitement sur le buste de profil qui est spécial aux mon-
naies d'Orode, pi. X, 18-30. Le calathos n'est nullement inconnu aux types grecs d'Artémis : sans
parler de la fameuse statue archaïque d'Éphèse qui, avec ses attributs multiples, est une déesse
d'une tout autre nature, on peut citer l'Artémis Brauronia qui présente un intérêt spécial parce
qu'elle a séjourné à Suse.
(i) Mordtmann, Weitere Beitràge. Z.f. N., B. VII, 1880.
(2) De Markoff, Les monnaies des rois partîtes, 2"= fasc, p. 10 et 37.
(3) Bàhdon, Rois de Syrie, CXVI.
(4) Sammlung Pétrowicz, Osroès, n"' i et 2, pi. XXI, 12. Wien, 1904.
(5) Mordtmann, loc. cit., n° 18.
196 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
La couronne radiée n'est pas ordinaire sur la tête d'Artémis : il ne semble pas qu'il y ait
lieu d'attacher une importance trop grande à l'existence de cette couronne, pas plus qu'à celle du
calathos ; car on peut remarquer que la Tyché des tôtradrachmes de Phraate IV a tantôt la tête
nue, tantôt coiffée du calathos, de la couronne murale ou de la couronne radiée, sans que ces
différences puissent être considérées comme modifiant le caractère de cette déesse. Parmi nos
variétés d'Artémis chasseresse nous retrouvons les mêmes différences: celles des n"' 117 à 120
ont le calathos et la couronne radiée, celle du n" 138 la couronne radiée, celles des n"' 177-182 la
tête nue ou ornée de la parure spéciale qui apparaît plus distincte sur les bustes de profil tels que
le n° I 57. Bien que ces légères variantes ne changent pas le caractère essentiel de la déesse, elles
ne sont pas à négliger ; il est fort possible qu'elles nous conservent le souvenir de plusieurs sta-
tues d'Artémis existant dans différents sanctuaires de la région et que les particularités de la
coiffure, qui les distinguent du prototype grec, soient des réminiscences lointaines des antiques
images de Nanà et d'Anahita.
Sur la monnaie unique, pi. XIII, 138, que j'attribue très dubitativement à Phraatake, nous
trouvons une Artémis chasseresse à tête radiée ; le type n'est pas dépourvu d'une certaine
élégance et, comme je l'ai déjà fait remarquer, il est très analogue à celui des monnaies de
Phraate.
Sur les monnaies delà planche XIV des n"' 176 à 182 que je crois d'une époque assez posté-
rieure, le type reparaît très modifié: l'Artémis des n"' 179-182 massive, courte et raide, n'a plus
rien de grec ; celle des n"' 176-178, bien qu'elle ait un peu plus de mouvement, ne vaut guère
mieux. Le revers des n"' 176-178 se distingue de celui des n"' 179-182 par le croissant placé dans
le champ à gauche d'Artémis.
Types d'Artémis au buste de profil. — Nous distinguons deux types d'Artémis au buste
de profil : le premier est spécial aux monnaies d'Orode I, le deuxième n'apparaît que plus tard
sous Orode III et ses successeurs.
I" type : pi. X, 18-30. ' — Buste féminin à droite, la tête est ceinte d'un diadème qui paraît
avoir un ornement central, peut-être en forme de croissant, elle est entourée de rayons et porte
le calathos ; c'est le type où jWordtmann voyait l'image de Sérapis ; je n'hésite pas à y recon-
naître une Artémis très analogue à celle qui paraît en pied sur les monnaies de Phraate. Autour
du buste de la divinité est écrit en grec, sous des formes très diverses, le nom du roi Orode.
2'' type : il présente deux variétés, i"' variété, pi. XIV, i 57-161. — Buste féminin à gauche,
le cou entouré d'un collier de grosses perles, les cheveux tombant sur le front ; au sommet de la
tête est disposée une parure spéciale qui semble surmontée d'un cimier constitué par une série de
pointes rayonnantes terminées par des boules ; sur les exemplaires bien conservés, tels que i 57,
I 58, 170, on aperçoit une deuxième série de boules qui sont disposées sur une ligne concentrique
au cimier et qui appartiennent vraisemblablement à des ornements latéraux, en sorte qu'il est
permis de supposer que la parure, vue de face, se présentait sous la forme d'un diadème orné, de
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE 197
chaque côté des tempes, de rayons terminés par des perles et dominé dans sa partie centrale par
l'extrémité antérieure du cimier. C'est là, certes, un ornement bien oriental qui rappelle beaucoup
la couronne avec rayons perlés que portent souvent les grands dieux du panthéon hellénique sur
les monnaies bactriennes, dès l'époque d'Euthydème et de Démétrius. La planche III du cata-
logue du British Muséum « The coins qf the greek and scythic Kings ofBactria » est particu-
lièrement intéressante à consulter ; nous y voyons (n° i) une Artémis nettement caractérisée, dont
la tête est entourée de rayons sans perles, tels que ceux de notre premier type, et n" 9 une divi-
nité féminine, d'attribution plus incertaine, qui porte un diadème avec rayons perlés.
Les revers appartenant à la première variété du 2' type sont anépigraphes ; l'ancre séleucide
sans croissant figure dans le champ à droite.
2^ variété. — Môme description que ci-dessus, sauf que le cou n'est pas orné d'un collier
de perles et que le diadème est posé plus bas et semble terminé sur le front et sur la nuque par
une boule de fortes dimensions. Cette particularité est également nettement visible sur les
Artémis en pied des n"' 179-181, malgré la petitesse de l'échelle qui empêche de distinguer les
autres détails de la coiffure.
La 2' variété du 2' type est anépigraphe comme la première; elle comporte dans le champ à
droite, tantôt une ancre, 169- 171, tantôt un croissant, 172-175.
Tous les revers du 2" type appartiennent à des monnaies d'Orode 111, Orode IV, qui ne font
pas partie de la trouvaille de 1900.
Types d'Artémis au buste de face. — Le buste de face de ce type présente des difficultés
d'attribution sérieuses et ce n'est pas sans quelque hésitation que je l'attribue à Artémis: à défaut
de certitude dans l'attribution, encore convient-il de préciser autant que possible la description.
On peut y distinguer trois variétés :
I" variété: Buste de face, les traits de la figure toujours indistincts, sur le front une boule
entre deux cornes (?), de chaque côté de la tête une touffe de cheveux plus ou moins grosse,
entourée par un quart de cercle garni de rayons extérieurs, généralement au nombre de quatre ; le
buste est drapé; au-dessus de l'épaule droite, sur les exemplaires bien conservés, on voit un trait
oblique qui pourrait bien représenter le carquois d'Artémis.
Pi. XII, 73, avec la légende URUD MaLKA BaRI URUD MaLKA. — Orode II.
PI. XII, 74-81, et pi. XIV, 145, avec la légende KUMeSKIR URUD MaLKA. —Orode II.
2" variété : Même buste de face, mais sans la boule sur le front et sans le carquois, les touffes
latérales de cheveux sont peu distinctes et peuvent être confondues avec des ornements ; elles sont
entourées de trois ou quatre rayons terminés en pointe.
PI. XI, 41-43 et 48-60. Buste avec tiare et légende URUD MaLKA BaRI URUD. —
Orode II.
PI. XII, 82-88. Buste sans tiare, même légende. — Orode II.
]' variété : Même buste de face, mais d'un module plus grand : la tête paraît ceinte d'un
198 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
diadème relevé en son milieu ; de chaque côté du front deux cornes, sur le sommet de la tête un
objet qui peut être un calathos ou un cimier ; les touffes latérales de cheveux sont encore moins
distinctes que précédemment et l'on pourrait les prendre pour un ornement dépendant de la
coiffure et se terminant par trois pointes garnies de boules.
PI. XI, 6i, 62 1 , , , .-1,1 ^ j iT
^, ,,„, buste de lace avec tiare, légende corrompue. — Urode 11.
PI. XIV, 147-149 )
Malgré les divergences qu'offrent ces trois variétés, il semble bien qu'elles ne constituent
qu'un type unique et qu'elles représentent une seule et même divinité.
Quelle est-elle ? Mithra, Athéné ou Artémis ?
Il y a certainement quelques affinités entre le type que nous venons de décrire et le Mithra
avec nimbe radié qui figure sur les monnaies indo-bactriennes de Kanishka et d'Huviskha ; on
pourrait aussi voir dans le buste de face, et principalement dans celui de la 3' variété, une Athéné
casquée avec cimier et aigrettes ; mais nous pensons qu'il n'est pas non plus sans rapport avec
les types d'Artémis si fréquents sur nos monnaies et nous croyons devoir l'attribuer à cette déesse
plutôt qu'à Athéné ou à Mithra. Pour ce dernier, en particulier, les auteurs ne mentionnent pas
qu'il ait eu, comme Anaïtis, des statues en Susiane à l'époque achéménide et rien ne nous permet
d'affirmer qu'il en eût davantage au temps d'Orode
Types de la Fortune. — Type i : Buste de femme à gauche avec collier de perles, coiffée
du calathos ; derrière elle une corne d'abondance.
PI. XIV, 140, anépigraphe, très barbare. — Orode I.
Type 2 : Même buste à droite.
PI. XIV, 141, anépigraphe, très barbare. — Orode I.
Ces deux types paraissent être des imitations barbares d'un type monétaire parthe ; la Tyché
qui y figure ressemble à celle des tétradrachmes d'Orode et de Phraate IV, peut-être est-ce encore
une Artémis.
La trouvaille de 1900 ne comprenait pas de pièces au type de la Fortune; il est incon-
testable, néanmoins, qu'elles doivent être classées au règne d'Orode I en raison du type de l'avers,
buste de profil avec tiare ornée d'un ancre, lequel est spécial à ce souverain.
Types de P allas- Athéné. — Type i : Pallas-Athéné regardant à gauche, appuyée de la
main droite sur une longue haste et de la main gauche sur un bouclier qui repose à terre. .
PI. XIV, 183-185. — Vologèse II (?).
Type 2 : Même déesse regardant à droite.
PI. XIV, 186. — Vologèse II (?).
Il existait des sanctuaires d'Athéné en Babylonie et en Susiane, et, par conséquent, des sta-
tues de la déesse ; notre type en est-il la copie ou bien n'est-il qu'une imitation du type de Pallas
fréquent sur les monnaies romaines ? Ce qui est particulièrement intéressant à noter c'est qu'il
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE 199
fait son apparition dans la numismatique parthe à l'époque de Vologèse II ; c'est là un fait sur
lequel nous insisterons en traitant des attributions.
Deuxième catégorie. — Type du buste de la, reine. — Sur des monnaies d'Orode III,
pi. XIV, 162-168, nous trouvons, au revers, un buste de femme à gauche, avec une longue
queue de cheveux tombant sur les épaules; cette effigie qui diffère entièrement de celles d'Ar-
témis, est accompagnée d'une légende un peu incertaine qui semble devoir se lire ULFAN.
Nous supposons que nous avons là le portrait de la femme d'Orode III.
Troisiè.me catégorie. — Type dégénéré de l'effigie du grand roi Kamnaskirès. — Traits
de formes variées placés irrégulièrement dans le champ.
Nous avons figuré, pi. XIV, 139, une monnaie de bronze de grand module, qui n'appartient
pas à la trouvaille de 1900, mais qui est de nature à expliquer les revers indistincts des monnaies
du même roi qui s'y sont rencontrées, pi. X, 1-16. Elle présente des débris de l'efligie du grand
roi Kamnaskirès qui figure au revers du beau tétradrachme du Cabinet de France, que nous
avons publié, dans notre étude sur la dynastie Kamnaskircs(i) ; la légende est, comme l'effigie,
entièrement altérée. Sur les pièces de petit module, pi. X, 1-16, le revers ne présente plus quedes
traits semés dans le champ d'une façon tout à fait irrégulière, dans lesquels on retrouve quel-
quefois des vestiges de lettres. Nous remarquons des revers analogues dans les pièces de grand
module, pi. XII, 70-72 et les pièces de petit module, pi. XII, 90-102, pi. XIII, 103-115. Ces
deux catégories de monnaies ont l'une et l'autre, à l'avers, le buste du roi de face sans tiare, dans
lequel nous voyons Orode II.
II est souvent difficile, sinon impossible, de distinguer cette catégorie de revers de ceux qui
présentent une série de points allongés, leur origine est pourtant absolument différente ; les points
allongés ne sont autre chose que des feuilles et le prototype qui a donné naissance au revers
du semis de points tel que le grand module, pi. X, 17, est la pièce d'Orode I, pi. X, 31 , qui pré-
sente au revers une ancre entourée d'une couronne de laurier; l'ancre d'abord au milieu de la
pièce, s'est déplacée et a fini par disparaître, ne laissant que les feuilles, dont la forme plus ou
moins altérée peut, dans bien des cas, être confondue avec celle des traits irréguliers provenant
de l'altération du revers du grand roi Kamnaskirès ; toutefois la distinction reste assez nette dans
la majeure partiedes pièces de Kamnaskirès, et dans quelques-unes d'Orode 11, pi. XII, 94, 101 ,
102;. pi. XIII, 108, où l'on ne peut méconnaître des vestiges de légende ou d'effigie. Mais que
penser des 99, 104, 114 et du 113 avec ses quatre fuseaux verticaux surmontes d'un, fuseau
horizontal ? Y a-t-il là des feuilles allongées ou des traits? Que dire surtout du 103, où par
une singulière fantaisie, le graveur dessine une série de clous absolument analogues à ceux de
l'écriture cunéiforme, qui, on le sait, était encore en usage à l'époque parthe?
(i) Allotte de la Fuye, La dynastie des Kamnaskirès, pi. V, fig. 4. Revue de num.. 1902.
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
Quatrième catégorie. — Types divers. — i . Ancre entourée d'une couronne de laurier.
— Ce type, qui par son avers, buste de profil du roi, coififé de la tiare ornée de l'ancre, appartient
au règne d'Orode I", a une importance capitale; nous y voyons figurer l'ancre, non plus seu-
lement comme symbole accessoire, mais comme type principal, rehaussé par la couronne de
laurier qui l'entoure. Si l'on se rappelle que ce même symbole d'origine séleucide figure sur les
monnaies des Kamnaskirès souverains de l'Élymaïde, qui devait comprendre le territoire de la
Susiane achéménide avec Suse pour capitale, et que cette même Suse avait reçu le nom de
Séleucie, il est assez séduisant de supposer que l'ancre, si persistante dans la numismatique de
l'Élymaïde, était devenue le symbole de cette contrée ou tout au moins de Suse ; l'ancre avec la
couronne de laurier ferait une allusion directe à la conquête de l'Élymaïde. Il est impossible,
d'ailleurs, de ne pas mentionner que, vers l'époque où Orode I de Susiane émettait cette monnaie
où le symbole de l'ancre n'est pas répété moins de trois fois, on voit apparaître ce même sym-
bole sur les drachmes d'Orode I, roi des Parthes.
Les monnaies au revers de l'ancre occupent une place importante dans la numismatique
d'Orode I de Susiane ; sur un ou deux exemplaires seulement de la trouvaille de 1900, pi. X, 31,
32, la couronne de laurier est distincte ; le plus souvent l'ancre est irrégulièrement placée, et
de la couronne il ne subsiste que des feuilles, quelquefois même l'ancre disparaît. Mais on peut
affirmer que tous les revers d'Orode avec semis régulier de points allongés sont dérivés du proto-
type dn n" 31. Ce revers, parvenu à ce point de dégénérescence où l'ancre est supprimée, a d'ail-
leurs été adopté par Phraate, pi. XIII, 132-136 et par Orode II; mais, pour ce dernier, il est
souvent difficile de distinguer les revers qui dérivent du type de l'ancre de ceux qui proviennent
d'une altération de l'effigie du grand roi Kamnaskirès.
En somme ces deux types de revers, souvent confondus, sont en majorité dans la trouvaille
de 1900, car, sur un total de 583 pièces on les rencontre sur plus de 300 exemplaires.
2. Type DES palmes. — Sur quelques pièces de Phraate, pi. XIII, 1 29-1 31, les feuilles parais-
sent groupées de manière à former trois ou deux palmes ; ce n'est peut-être qu'une variante de
la couronne de laurier.
3. Type des croissants. — !'''= variété : Un croissant au centre entouré de 5 croissants, plu-
sieurs croissants à la périphérie, pi. XIII, 128, Phraate de profil ; sur un exemplaire de ma col-
lection, la disposition régulière des croissants est plus distincte ; l'avers présente un buste de face
avec tiare, bien que la tiare ne semble pas ornée de croissants ; j'attribue la pièce à Phraate.
2" variété : Quatre croissants disposés circulairement et adossés à l'avers, buste de face avec
tiare, I^hraatc; non reproduit, ma collection.
■)" variété : Croissants disposés en trois lignes parallèles — à l'avers, buste de face avec tiare,
Phraate.
4. Type de l'ancre accostée de deux croissants ponctués, le tout dans un diadème. — Ce
type rappelle celui de l'ancre dans une couronne de laurier, je crois que l'on a ici plutôt un dia-
dème ou une couronne d'or qu'une couronne de laurier ; le type se trouve sur quatre exemplaires:
MONNAIES DE L'ELYMAIDE 201
le premier, pi. XIV, 153 dont l'avers est fort indistinct est attribué à un inconnu X..., les
trois autres, pi. XIV, 154, 155, 156, dubitativement à Orode II; le diadème n'est pas identique
sur ces quatre pièces; sur la première on peut voir des feuilles emboîtées les unes dans les autres ;
sur le dernier, il y a nettement un cercle rigide sur lequel s'enroule une torsade.
5. Type du double diadème accosté de deux croissants ponctués. — En traitant des types
de l'avers et des particularités de la coiffure d'Orode II, j'ai déjà montré quel intérêt présente
cette représentation complote du diadème des rois de Susiane. Ce type se rencontre sur des mon-
naies au buste de face, avec tiare à double croissant, pi. XIV, 1 52, qui reviennent sans hési-
tation à Phraate, et sur des monnaies au buste de face, avec tiare sans croissants, pi. XIV, 144 ;
j'ai indiqué en traitant des types de l'avers pour quelles raisons je les attribue à Orode I, plutôt
qu'à Orodell.
6. Type de l'aigle. — T' variété: Aigle à gauche tenant un diadème dans son bec, pi. XIV,
142, Orode I.
2" variété : Aigle à droite tenant un diadème dans son bec, pi. XIV, 143, Orode I.
3' variété : Aigle, les ailes éployées, regardant à gauche, pi. XIV, 151, Phraate.
4' variété: Aigle, les ailes éployées, regardant à gauche, croissants au pourtour, pi. XIV,
150, Phraate.
Ces types ne sont pas étrangers à la numismatique parthe, l'aigle se trouve sur les mon-
naies d'Orode et de Phraate IV. Nous avons attribué, comme d'ordinaire, les monnaies au buste
de face, avec tiare à double croissant, à Phraate ; les monnaies au buste de face, avec tiare sans
croissants, ont été données à Orode I, pour les raisons qui lui ont fait attribuer celles au revers du
diadème.
III. — Symboles.
Deux symboles sont particulièrement fréquents sur les monnaies de l'Élymaïde, ce sont :
1° Le croissant accompagné d'un astre ou d'un point.
2° L'ancre.
Ils se trouvent réunis à gauche du buste du roi sur toutes les pièces de la trouvaille de 1900,
à une seule exception près, relative à la pièce unique, pi. XIII, 138 ; l'astre, sauf sur les pièces de
grand module, y est toujours réduit à un point.
Sur les monnaies 153 a 186 de la planche XIV, que je regarde comme postérieures, rarement
les deux svmboles sont réunis sur l'avers de la pièce; le plus souvent l'un ou l'autre seulement
figure sur l'une des faces de la pièce, quelquefois l'astre ou le point est assez éloigné du croissant,
ou bien le croissant parait seul.
Le tableau ci-dessous indique la répartition des symboles pour les pièces 153 à 186 ; à l'ex-
pression « croissant ponctué » que nous avons adoptée pour désigner le svmbole dans lequel le
26
202 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
point touche le croissant, nous substituons les expressions, « croissant avec astre » ou «avec point »,
lorsque les deux éléments du symbole sont séparés.
AVERS REVERS
153-156 » ancre accostée de deux croissants surmontés
d'un point, le tout dans un diadème.
157-160 » à droite, ancre.
161 à gauche, croissant surmonté d'un astre à droite, ancre.
162-166 » »
167-168 à gauche, ancre. »
169-170 à droite, ancre. à droite, ancre.
171 » »
172-175 » à droite, croissant.
176-178 à droite, ancre(i). à gauche, croissant.
179-182 à droite, ancre, croissant avec astre »
183-186 à droite, ancre et croissant ponctué. »
Quelles sont l'origine et la signification de ces symboles ?
I. — Symbole du croissant accompagné dun astre ou d'un point. — Le croissant et l'astre
sont quelquefois séparés, le plus souvent ils sont réunis et semblent constituer un symbole
unique. Drouin, qui s'en est particulièrement occupé, s'est rangea l'opinion de ceux qui y voient
la conjonction de la Lune et de Vénus, emblème de bonheur et de prospérité : c'est en raison des
présages heureux qu'on y attachait qu'il aurait joui d'une si grande vogue en Perse et dans les
pays voisins. Le même auteur indique qu'il apparaît pour la première fois sur les monnaies du roi
parthe Phraate IV, qu'il est imité par les dynastes presque contemporains de la Perside, et repa-
raît plus tard, plusieurs fois répété, sur les monnaies sassanides de Péroze et de ses successeurs.
Très certainement son origine est beaucoup plus ancienne ; en numismatique, on le trouve
sur les monnaies des rois de Pont à partir de Mithridate II, 2.10-190 avant Jésus-Christ, c'est-à-
dire à une époque bien antérieure à Phraate IV : celui-ci n'est pas d'ailleurs le premier souverain
arsacide qui l'ait adopté, car son père Orode I l'avait déjà fait figurer sur ses monnaies. Il est
possible qu'à une certaine époque, ce symbole ait représenté la conjonction de la Lune et de
Vénus, mais il paraît peu probable que ce soit là sa signification originelle. Eckhel (2) constate
que chez les rois de Pont c'est un véritable symbole dynastique, qui figure constamment sur
leurs monnaies et qui n'est pas omis sur les tétradrachmes athéniens qui portent le nom de
xAlithridate VI. Cet illustre numismate y voit simplement le Soleil et la Lune; ces divinités pri-
mordiales des Perses devaient être en grand honneur chez des souverains qui se vantaient de
descendre des Achéménides. C'est vraisemblablement parce qu'ils avaient la même prétention,
(i) L'ancre qui n'est pas visible sur les pièces figurées, se voit nettement sur un exemplaire de la collection
Poétwricz dont l'empreinte m'a été communiquée obligeamment.
(2) Eckhd, Doctr ma numorum, II, p. 364.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
203
que les Arsacides placent le même symbole sur leurs monnaies. Accidentellement, il apparaît
dans la numismatique romaine d'Auguste, comme type principal de revers d'un denier émis par
le monétaire Pétronius Turpilianus, en l'année 20 (avant Jésus-Christ); mais, si l'on remarque
que le même monétaire frappe des deniers avec la légende SIGNIS RECEPTIS, qui fait allusion ■
à la remise des enseignes romaines faite par Phraate IV, l'on doit penser avec M. Babelon (i) et
Borghesi que ce symbole rappelle le titre de ^ar/zce^s siderum, frater solis etlunce, que se donnait
le roi des Parthes. En somme c'est toifjours le symbole perse, tel qu'il figure parfois sur les
tombes achéménides ; mais, bien certainement, les souverains achéménides l'avaient emprunté
eux-mêmes à Babvlone ou à Suse.
On voit souvent sur les cylindres babyloniens un croissant surmonté d'un disque : au milieu
de celui-ci est un astre à quatre branches entre lesquelles s'intercalent des rayons figurés par plu-
sieurs lignes sinueuses ; plus souvent encore, particulièrement sur les monuments appelés Kou-
dourrous, le croissant est accompagné de deux astres dont l'un est semblable au disque radié que
nous avons décrit ci-dessus et dont l'autre a l'aspect d'une étoile, ordinairement à huit branches.
Il est impossible de méconnaître dans cette réunion de trois astres la triade sidérale de Bab3done,
Sin, Shamas, Ishtar, la Lune, le Soleil et Vénus ; quant au premier symbole composé du crois-
sant et du disque radié, ce serait la lune et le soleil.
Sur les drachmes arsacides d'Orode I" et de Phraate IV, on trouve, comme en Babvlonie,
la plus grande variété de symboles sidéraux : tantôt le croissant lunaire est seul ; d'autres fois il
est accompagné d'un astre unique placé soit au-dessus de lui, soit en face de l'autre côté de la
tête du roi ; enfin il se trouve souvent réuni à deux autres astres qui composent avec lui la triade
babylonienne.
En résumé, nous crovons pouvoir, sur cette question si complexe de l'origine et de la trans-
mission de ces symboles, nous arrêter aux conclusions suivantes :
1° L'origine primitive babylonienne est incontestable.
2" Vraisemblablement, c'est à l'époque de Cyrus, après la prise de Babylone, que le crois-
sant accompagné de l'astre devient le symbole achémônide.
3" Ce symbole est resté en honneur, comme symbole religieux et dynastique en Perse et
dans la contrée encore mal définie où régnèrent les Kamnaskirès, car il apparaît sur les monnaies
de ces derniers avant de figurer sur celles des Arsacides ; vers la même époque et même anté-
rieurement, il est adopté par les rois de Pont pour rappeler leur origine achéménide.
4° L'adoption du même symbole par les Arsacides a été plus tardive, car il ne se montre sur
leurs monnaies qu'à l'époque d'Orode, et il est à remarquer qu'il v paraît moins net que sur les
monnaies de Mithridate et des Kamnaskirès et que, souvent, il y est confondu avec la triade sidérale
babylonienne. Si l'on rapproche de cette dernière particularité l'époque de l'apparition des
symboles sidéraux dans le monnayage arsacide, époque qui est très voisine de celle de la con-
(i) Babelon, Monnaies de la république romaine. Il, p. 294.
204 MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
quête de la Babylonie et de la Susiane par les Parthes, on est amené à voir, dans l'adoption de
ce genre de symboles, l'effet direct d'une influence babylonienne ou susienne récente plutôt
qu'un souvenir lointain de l'époque achéménide.
2. — Symbole de l'ancre. — Le symbole de l'ancre est plus fréquent encore que le symbole
achéménide sur les monnaies del'Élymaïde; nous croyons qu'il ne faut pas hésiter à y reconnaître
l'emblème dynastique des Séleucides. En traitant des types de revers, j'ai fait remarquer que ce
symbole existe déjà sur les monnaies des Kamnaskirès antérieurs à Orode ; ceux-ci l'ont-ils adopté,
comme le fit Antiochus de Commagène, pour rappeler une alliance avec la famille des Séleucides,
ou bien l'ancre est-elle devenue un symbole spécial à la Susiane en raison des souvenirs qu'y
avait laissés Séleucus et faut-il même la considérer comme le signe distinctif de la ville de Suse(i)
à laquelle ce monarque avait donné son nom ? Je croirais volontiers que c'est l'une des deux der-
nières hypothèses qui doit être acceptée de préférence.
Une monnaie bien remarquable, qui me semble corroborer cette opinion, est celle
d'Orode l" qui présente, au revers, l'ancre au milieu d'une couronne de laurier (PI. X, 31),
et qui ferait ainsi une allusion directe à la conquête de la Susiane par ce prince; l'ancre qui
figure sur les drachmes arsacides d'Orode, sur la fin de son règne, a vraisemblablement la même
signification ; si toutefois on ne doit y voir une allusion à l'alliance d'Orode avec une princesse
séleucide.
La réunion sur les monnaies de l'Élymaïde des deux symboles, séleucide et achéménide, se
constate déjà sur les monnaies des derniers Kamnaskirès et peut rappeler que ces souverains
régnaient sur des contrées qui ont appartenu successivement aux Achéménides et aux Séleu-
cides ; il serait présomptueux, d'ailleurs, de chercher à préciser davantage, tant qu'on ne connaî-
tra pas mieux l'histoire des Kamnaskirès et les limites de leur domination.
Le seul point sur lequel il soit nécessaire d'insister parce qu'il constitue un fait positif, c'est
que l'ancre, qui se voit presque sans exception sur toutes nos monnaies, n'existe jamais sur les
monnaies delà Perside, tandis que le symbole achéménide y paraît souvent ; cette simple remarque
suffît pour indiquer que les deux catégories de monnaies sont bien distinctes et que celles que
nous décrivons n'appartiennent pas à la Perside, comme le voulait Mortdmann.
3. — Symbole indéterminé a. — Sur quelques-unes des monnaies du type Bb attribuées à
Orode II, on voit quelquefois dans le champ, entreTancreetle buste, un symbole assez indistinct ;
il est visible particulièrement sur la pièce de grand module dessinée ci-après, fig. 328 ; en regardant
(i) En examinant un lot de tétradrachmes d'Antiochus III, qui ont été trouvés à Suse, j'en ai remarqué un qui
porte un symbole qui me paraît composé de deux ancres tracées en sens inverse et se recroisant. Serait-ce un symbole
de Suse?
MONNAIES DE UÉLYMAÏDE 205
avec attention, on le retrouve avec quelques variantes de forme sur un certain nombre de pièces
de petit module 90, 91, 92, 98, pi. XII ; sur le n° 92 ainsi que sur d'autres
exemplaires non photographiés, il semble qu'on puisse y retrouver quelque ù X
monogramme en écriture pehlvie ou araméenne : nous reproduisons ci- U) jLA
contre trois formes, choisies parmi les plus distinctes de ce symbole énigma-
tique que nous désignerons sous le nom de symbole a. La forme i se trouve p
sur la pièce de grand module, figure 331 , n°9 ; la forme 2 sur une pièce non
photographiée inventoriée sous le n° 38 d'Orode II, dans la description détaillée ; la forme 3 sur la
pièce 92, pi. XII, n" 42 de la description détaillée.
§ 2. — ÉTUDE DES LÉGENDES
I. — Monnaies a légendes grecques.
Elles sont écrites en caractères cursifs, plus ou moins barbares, dont quelques-uns rappel-
lent les formes araméennes ; les légendes sont directes ou rétrogrades, les lettres y occupent les
positions les plus diverses, tournées tantôt vers le centre, tantôt vers la périphérie de la monnaie,
quelquefois couchées; notons en particulier les formes qu'affectent Y epsilon V^,(i>»,v?, le sigma
A,/^, \I,*' et celles de Y alpha '^)^,^,ffé> dont quelques-unes sont très analogues à unomicron.
Malgré les formes difficiles de cette écriture cursive, Mordtmann y a reconnu les légendes
Orode roi, Phraate roi, qui sont incontestables.
Quelques rares pièces qui sont restées inconnues à Mordtmann, portent des légendes grec-
ques dont les lectures sont encore incertaines ; ce sont :
1° Le n° 138 de la trouvaille de 1900, que nous donnons très dubitativement à Phraatake,
fils de Phraate ;
2° Deux monnaies delà collection Petrowicz qui sont attribuées à Chosroès, roi des Parthes,
mais que je crois frappées en Susiane.
I . Monnaies au nom d'Orode. — Les monnaies portant le nom d'Orode sont d'un type
unique, à l'avers comme au revers; l'avers est du type Aa déjà décrit, buste de profil avec tiare
ornée d'une ancre ; le revers est du i" type d'Artômis de profil, il porte comme légende YPOAH(i)
BASIAETS et quelquefois TPQAÏIH BAÏIAETÏ! ; ces deux formes du nom d'Orode correspondent
(i) Sur presque toutes les monnaies, on a YPliAH et non YPQAlIi, il est vrai que le i final de BAilAEYi:, est
contigu au H final de l'PiiAH et peut à la rigueur être considéré comme utilisé par les deux mots.
2o6 MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
à deux prononciations différentes du delta, le deuxième AS est une prononciation aspirée qui
est justifiée par la forme avestique HURAODHA.
2. Monnaies au nom de Phraate. — Les monnaies portant le nom de Phraate sont de deux
types: l'un Ab est à effigie de profil, l'autre Ac à efifigie de face; sur l'un et l'autre le roi porte la
tiare ornée de croissants ponctués et l'abréviation IIPA (pour IIPAATHS) est placée dans le champ
à gauche du buste. Les revers sont très analogues et présentent le type d'Artémis avec arc et
carquois avec la légende EPAATHS BASIAET2 ou $PAATHS BASIAEÏS, avec des variantes
analogues à celles que l'on constate dans les monnaies d'Orode.
3. Monnaies a légende incertaine attribuées a Praatake (PI. XIII, 138) et a Chosroès
(Collection Petrowicz). — Une pièce unique dans la trouvaille de 1900 et qui ne s'est pas ren-
contrée dans celle qui a été décrite par Mordtmann, présente au revers le type d'Artémis des
monnaies de Phraate, accompagné d'une légende grecque barbare d'une lecture difficile. A
l'avers, le roi, de profil, porte cette coiffure toute spéciale avec touffes de cheveux arrondies sur le
sommet de la tête et sur les oreilles, que l'on trouve sur les monnaies des derniers souverains de
la Susiane(Pl. XIV, 162 et suiv.) et qui apparaît dans la numismatique parthe avec Chosroès I".
L'analogie avec l'effigie de ce dernier est même assez grande pour que Longpérier, qui avait entre
les mains un exemplaire de notre pièce, l'ait attribué à ce souverain; M. Warwick Wroth, qui a
publié le même exemplaire dans le catalogue des monnaies parthes du British Muséum, s'est
montré plus réservé et l'a classé parmi les incertaines. Tout récemment, en parcourant le beau
catalogue de la collection arsacidc du chevalier de Petrowicz, j'y ai constaté la présence de deux
pièces de bronze très analogues, classées aux n°' i et 2 d'Osrocs et provenant l'une et l'autre de
l'ancienne collection Alichan.
Le catalogue donne comme lecture du n° i IjAIAEr(C) XOCPUI; il signale, en outre, dans le
champ un C au-dessous de la lettre A du mot BALVET(S) et un O au-dessous du mot XOCPUL La
pièce est figurée planche XXL 12.
Le n" 2 a la même effigie, mais la légende du revers est disposée différemment ; le mot
BACIAEOC, seul lisible, est placé à droite au lieu d'être à gauche comme dans le n" i.
Ces deux monnaies, dont l'analogie avec la pièce unique n" 138 est incontestable, présentent
pour la discussion de l'attribution de celle-ci un intérêt bien grand. M. de Petrowicz, avec une
obligeance dont je ne saurais trop le remercier, a bien voulu me les communiquer, en sorte que
j'ai pu les examiner à loisir et en faire des empreintes : j'en donne ci-dessous des dessins (fig. 329,
n"' 3 et 4,) en regard desquels je place la pièce n° 138 (n °i) et l'exemplaire du British Muséum
déjà publié par Longpérier et par M. Warwick Wroth (n° 2).
A la suite d'un examen attentif, je crois pouvoir faire quelques observations au sujet de la
description de la pièce figurée ci-après n" 3. Le revers de cette pièce me parait surfrappé ; la tête
couronnée, qui apparaît à la partie supérieure, n'appartient pas à Artémis mais bien à un revers
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
207
antérieur, dont on voit encore quelques vestiges qui se confondent avec les lettres dans la partie
droite du champ ; cette circonstance vient encore ajouter à la difficulté de la lecture et la rend fort
douteuse; la pièce n" 4 donne encore moins d'indications ; en sorte que les légendes de ces deux
pièces n'établissent pas d'une manière certaine l'attribution à Chosroès, qui est basée surtout sur
la similitude des effigies. Je reconnais, d'ailleurs, que l'analogie des effigies des deux pièces de la
FiG. 329.
collection Petrowicz et des drachmes de Chosroès est très grande. Mais le type du revers de ces
mêmes pièces étant très différent de celui des monnaies de bronze arsacides et, d'autre part, iden-
tique à celui des monnaies de l'Élymaïde, j'en conclus que Chosroès doit être placé à la suite
des rois de cette contrée. Il n'y a là rien que de très admissible, si, comme je le crois, le dernier
souverain qui est représenté sur notre planche XIV, avec une coiffure très analogue à celle de
Chosroès, n'est autre qu'un des Vologèse qui a régné à une époque assez rapprochée de lui.
La pièce 138 (PI. XIII), figurée ci-dessus n" i, analogue à celles de la collection Petrowicz,
leur est-elle identique et appartient-elle au même souverain? Je ne le pense pas; l'effigie me
paraît différente, le nez est plus relevé et moins long, la figure est plus courte et moins plate, le
relief plus accentué ; ces différences, quoique légères, semblent suffisantes pour mettre en garde
contre une assimilation basée plutôt sur des analogies d'aspect général que sur l'analyse des traits.
Dans tous les cas, les légendes sont différentes, car, tandis que celles des pièces de la collec-
tion Petrowicz sont en écriture directe, celle du n° 138 est en écriture rétrograde. La lecture de
cette dernière est, d'ailleurs, des plus incertaines; on y soupçonne, dans le haut, le mot BA^LVEÏil
plus ou moins défiguré, suivi peut-être dans le champ à gauche du mot ]]A]!ÎIIAEQN encore plus
méconnaissable ; les seules lettres nettement distinctes dans le nom du roi sont les lettres 001 à
lire de droite à gauche ; si on les fait précéder de la lettre placée verticalement dans le champ, qui
peut être un n, on a la succession 00*1TT et si l'on se rappelle que, sur les monnaies de Phraate,
les A sont faits à peu près comme des omicron, on est tenté de voir dans les quatre lettres ci-dessus
le commencement d'un mot tel que HTAAin ou »ATAASn, >IAAAASn, ce dernier mot semble
possible; c'est ce qui nous a conduit à proposer très dubitativement l'attribution à Phraatake.
\^a. lecture est certes très douteuse, et nous ne l'aurions pas proposée si nous n'y avions en quelque
sorte été contraints par cette double circonstance que la pièce est unique, et par conséquent émise
par un souverain qui a peu régné, et que son revers est identique à ceux de Phraate, ce qui fait
2o8 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
présumer une succession immédiate des règnes. Si donc Phraate de Susiane est identique à
l'arsacide Phraate IV, l'inconnu qui règne après lui, pendant peu de temps, peut bien être
Phraatake
En ce qui concerne la pièce très illisible du British Muséum, n" 2 ci-dessus, l'effigie paraît
beaucoup plus voisine de celle du n" 138 que de celle de Chosroès ; c'est donc avec raison que
M. Warwick Wroth ne l'a pas attribuée à ce souverain.
La discussion qui précède se résume comme suit :
— Les quatre pièces n°' i , 2, 3, 4 ci-dessus, bien que ne portant pas les symboles habituels,
sont à classer parmi les monnaies de l'Élymaïde.
— Toutes les lectures sont incertaines.
— Provisoirement, on peut classer dubitativement les n"' i et 2 à Phraatake, les n"' 3 et 4 à
Chosroès.
IL — Monnaies a légendes araméennes ou pehlvies.
Première catégorie : Légendes Chaldéo-Pehlvies . — Deux légendes araméennes ont servi
de base au déchiffrement de Mordtmann : ce sont celles où il lit:
I" Le roi Phraate, fils d'Orode ;
2" Le roi Humithra, fils d'Orode.
Ces lectures ont été généralement adoptées, et Gutschmidt, dans son histoire de l'Iran, men-
tionne le roi Humithra parmi les souverains vassaux des Parthes qui ont régné en Perse ou en
Élymaïde ; je propose des lectures très différentes, mais je ne voudrais pas rejeter celles de
Mordtmann, sans indiquer les raisons qui m'y déterminent.
j'examinerai d'abord la première légende : Mordtmann en donne la reproduction suivante (i) :
D'après Mordtmann. . . . >;» 7; ;rV>.Oa;>j TS
Rectification ^ ^
qu'il lit : — MaLKA PeRHaD ZaK URUD — le roi Phraate fils d'Orode.
Je ferai observer, avant tout, que la reproduction donnée par Mordtmann n'est pas parfaite-
ment exacte; j'ai examiné plus de cinquante exemplaires de cette monnaie, soit dans la trouvaille de
1900 (PI. XI, 41-43 et 48-60), soit dans ma propre collection, et j'ai constaté que les formes de cer-
taines lettres y sont toujours différentes de celles de la légende ci-dessus. J'ai indiqué, au-dessous
de deux des lettres fautives de cette légende, les formes qu'il faut y substituer et qui constituent
un des éléments indispensables de la discussion.
Ceci posé, je fais les observations suivantes au sujet de la lecture MaLKA PeRHaD ZaK
URUD:
(i) Mordtmann, Ueber eine bisher unbekannte Varietât arsakidischer Mûn^en. Z.f. N., III B, p. 223.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE 209
1° Dans les différents dialectes araméens de cette époque, on écrit PeRHaD MaLKA et non
MaLKA PeRHaD ; les monnaies à légende sémitique nous en offrent des exemples : HaReTaT
MaLKA MeLeK NaBaTU sur les monnaies nabatéennes; MeTeRDaT MaLKA, ULGaSI MaLKA
sur les monnaies arsacides et enfin sur les monnaies de Susiane URUD MaLKA (PI. X, 17,
pi. XIV, 146, 162 et suivants).
2" Mordtmann ne semble pas établir de distinction entre les deux lettres *^, 4. ; la dernière,
dans le nom indiscutable ^^J) URUD, est un D; Mordtmann donne la même valeur D à la
lettre*^ dans JPJ>J>'^^ PeRHaD, par contre il donne à*^ une deuxième valeur K dans VP ZaK ;
en un mot, il admet que les scribes employaient indifféremment *^ et '^ pour D et K, souvent
môme, comme dans la reproduction donnée plus haut, il confond les deux lettres sous une forme
unique ; l'étude de plus de cinquante spécimens m'a monîré qu'elles n'étaient jamais interverties,
tout au moins dans la légende que nous examinons. Si l'on remarque, en outre, que dans l'écri-
ture de l'inscription chaldéo-pehlvie d'Hadji-Abad, qui présente avec celle de nos monnaies une
ressemblance frappante, les D sont toujours distingués des K et des R et figurés par le signe "2 qui
parait dérivé de ^ , on doit en conclure que, sur nos monnaies, le ^ qui est bien un D, d'après
le mot incontesté URUD, n'est jamais autre chose.
3° Mordtmann fait du ^ un P ; l'analogie du palmyrien, du talmudique et plus encore du
chaldéo-pehlvi en fait un B; dans cette dernière écriture le P a forme caractéristique ^.
4° Il voit un heth sémitique dans la succession )} du mot ^J>J)'P^ PeRHaD, tout en recon-
naissant que la barre transversale qui devrait s'y trouver n'existe pas. Un chaldéo-pehlvi, le heth
est toujours /y et en pehlvi-sassanide J^ qui en est voisin ; la forme )) pour heth n'est x?~^\,
pas suffisamment justifiée par le /7 cursif des papyrus égypto-araméens, pour être iferSslJ
admise; il faut y voir deux caractères distincts : deux I, deux U, ou bien un I et un U /^0
dont la forme à cette époque était identique dans plusieurs idiomes sémitiques. J'ajoute Fig. 330.
que si, dans quelques exemplaires, ces deux lettres sont identiques et peu distinctes, ce
qui engage à y voiries deux jambages d'un H, comme l'a fait Mordtmann, sur d'autres il n'en
06t pas de même ; en particulier, la pièce dessinée ci-contre, qui a été rapportée par M. de Morgan
à son dernier voyage, est absolument concluante à cet égard et l'on ne saurait se refuser à y voir
deux lettres distinctes.
5° La légende aramécnne qui nous occupe se trouve sur des monnaies de deux(i) types
différents: l'une des deux porte à l'avers un buste de face avec tiare que Mordtmann considérait
comme identique à celui des monnaies qui ont la légende grecque IIPAATHÏI liAXHAETH et cette
considération a dû l'inciter à rechercher dans la légende araméenne le nom de Phraate ; il est
certain que, si l'identité des effigies était prouvée, ce serait un argument bien fort pour appuyer
(i) Pour être tout à fait exact, nous devrions dire « trois », car le type de la tiare se subdivise en deux suivant que
la tiare est avec ou sans aigrettes : la distinction entre nos monnaies et les monnaies au nom de Phraate n'en serait que
plus nette, car celles-ci n'ont jamais la tiare à aigrettes.
27
210 MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
sa lecture ; mais il n'en est rien : les effigies sont analogues, elles ne sont pas identiques, car les
monnaies à légende grecque au nom de Phraate ont toujours la tiare ornée de croissants, tandis
que, sur les monnaies à légende araméenne, elle est ornée d'un simple cordon perlé. Ce détail qui
a échappé à Mordtmann peut-être en raison de la conservation défectueuse des exemplaires dont
il disposait, est caractéristique et suffit pour faire présumer que les deux souverains représentés
sont différents.
6° Dans le désir de trouver dans la légende un rapport de filiation entre Phraate et Orode,
Mordtmann admet un mot ZaK^fils, débris de l'anzanite Sakr ; il ajoute même que l'on trouve
sur les monnaies, tantôt ZaK, tantôt ZaKR, et termine en disant que ce mot ZaK subsiste dans
quelques dialectes modernes de la Perse. Parmi les nombreuses monnaies araméennes que j'ai
examinées, aucune ne porte ZaKR suivi du mot URUD; sur quelques-unes, en petit nombre, on
pourrait lire ZaK RUD, qui ne serait qu'une légende incorrecte pour ZaK URUD ; d'autre part,
d'après tous les renseignements que j'ai recueillis, l'existence du mot ZaK dans les dialectes ira-
niens, n'est nullement prouvée ; dans tous les cas je n'en ai trouvé aucune trace dans les dialectes
du Nord de la Perse étudiés par M. de Morgan (i).
Voilà des objections bien sérieuses contre la lecture de Mordtmann; j'en propose une très
différente qui est la suivante :
ni-11 n; nzbo nm — URUD MaLKA BaRI URUD — Orode roi, fils d Orode.
Cette lecture évite toutes les difficultés épigraphiques ; j'y ai été conduit par la comparaison
de la légende avec le texte chaldéo-pehlvi des inscriptions bilingues de Nakch-i-Redjeb et
d'Hadji-Abad, dans lequel on trouve toujours j*^!? BaRI = fils. Cette forme distingue nettement
la version chaldéo-pehlvic de la version pehlvi-sassanide des mêmes inscriptions, laquelle
emploie toujours T'^gJ BaRaH. Cette dernière forme se trouve également sur les monnaies des
rois Vatafradat, Darius et Artaxerccs, qui ont régné en Perse à une époque qui n'a pu encore être
précisée, mais qui doit être voisine de celle qui nous occupe.
Examinons maintenant la deuxième légende araméenne ou Mordtmann a lu « le roi Humi-
thra fils d'Orode ».
Dans ses IW'ilere Beitrage zur Kenntniss dcr persepolilanischen Munzen il en donne une
reproduction qui, à en juger par les spécimens photographiés (PI. XII, 74-82 et PI. XIV, 145),
doit subir plusieurs rectifications ; j'ai indiqué ci-dessous la légende de Mordtmann, et les trois
rectifications qui doivent y être apportées.
D'après Mordtmann. . . . 2l>t i> bf tt>'> h-uy^ilK
Rectifications V i^ f
MaLKA HUMITRa ZaK URUD — Le roi Humitra, fils d'Orode.
(i) De Morgan, Etudes linguistiques, langues et dialectes du Nord de la Perse, 1904.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE 211
Je répéterai pour la lecture MaLKA HUMITRa ZaK URUD les observations déjà faites au
sujet de la position du mot MaLKA et au sujet de l'hypothétique ZaK, j'}' ajouterai les rectifica-
tions qui sont la conséquence de celles qui ont été apportées à la forme de certaines lettres : la
5'^ lettre n'est pas un H mais bien un K ou un R, la 8% \u est d'une lecture certaine, c'est un S
chaldéo-pehlvi et non un T sassanide, la 13" lettre semblable à la 5'' est un K ou un R. La
12° lettre que Mordtmann lit Z est bien plutôt un U ou un L
Les monnaies de grand module, que j'examinerai tout à l'heure, ont une effigie très certai-
nement identique à celle de la pièce que nous discutons ; de plus leur légende est analogue, néan-
moins les lettres y présentent moins d'ambiguïté et le K s'y distingue nettement de R. Cette
circonstance permet de substituer avec beaucoup de vraisemblance la lecture suivante à celle de
Mordtmann.
N^Sq "mi i^ra'C'î: — KUMaSKIR URUD MaLRA — Kumaskir Orode roi.
Le premier mot a une singulière analogie avec le nom de Kamnaskirès que nous ne connais-
sons que par des légendes monétaires grecques et le texte de Lucien.
Sans insister pour le moment, sur ce point, constatons que cette légende nous fait connaître
une lettre nouvelle S, qui, comme les lettres A, B, D, \, L, M, R, U de la légende précédente,
se rapporte parfaitement à l'alphabet chaldéo-pehlvi.
A ces deux légendes nous pouvons en joindre une autre qui n'a pas été connue de Mordtmann,
et qui Jeur est très analogue pour la forme des lettres : c'est celle de la pièce 73 (PI. XII), unique
dans la trouvaille de 1900; elle me paraît pouvoir se lire comme suit :
azb^ -rn^ n; «(3)^0 -nil — URUD MaL(K.)A BaRI URUD MaLRA - Orode, roi. fils dOrodc roi.
C'est une variante plus complète de la légende Orode. roi, fils J' Orode.
Ces trois légendes constituent une catégorie spéciale, bien caractérisée par l'homogénéité de
son écriture qui reste toujours très analogue au chaldéo-pehlvi d'Hadji-Abad et ne s'en distingue
que par quelques svmptomes d'archaïsme, tels que la courbure plus prononcée de la tète des
lettres D, K, R. C'est ainsi que l'on y trouve des formes telles que ^ ^ /) ^ au lieu du
chaldéo-pehlvi "^ ; mais les deux svstèmes d'écriture ont en commun des points essentiels, la
confusion de K et de R et la distinction du I).
Deixiè.me catégorie. — Légendes uii.xies. — Les légendes des pièces de grand module et
celles des pièces de petit module d'époque postérieure ont entre elles, au point de vue graphique,
certaines similitudes qui permettent d'en former une 2° catégorie qui diffère de la T' en ce que, à
•12
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
côté de lettres chaldéo-pehlvies, on en trouve qui se rapprochent des lettres de l'écriture des
monnaies persépolitaines ; quelques-unes même affectent des formes absolument spéciales.
Nous étudierons d'abord les pièces de grand module, en commençant par celles dont la
légende est la plus complète : elles se trouvaient au nombre de trois dans la trouvaille de 1900 et
sont figurées planche XII, 70, 71,72. Quatre autres exemplaires, rapportés récemment de Perse
par M. de Morgan, sont figurés ci-dessous:
FiG. 331.
Nous disposons donc de sept légendes, comme éléments de discussion ; en raison de leur
importance capitale, nous en donnons ici des reproductions agrandies.
C?^ '^" '" ' " "sra/m^'^'-W^S^^ PI. XII, 70.
c^r- (^JJ'^PDVJ)^'^^^^^^ Pi. XII. 71.
s^^/^ï2^2-^^_^C3^^<^^^572>9'â7?'^51J7 l'i. XII, 72.
^y^'^^ ■ ■■■■^' ""y^r^J^g^^ FiG. 55., no 6.
<^pP'0'yPt^P^-^'^P^<^rpyj)'j? •■^eviH^ F'G. 3 5', no 7.
^ " ■' ' '^lY^'^mn^ê^^ ^"'°- 55'' "' 8-
■■■ ''^'^^^^'^^^2ï3î^''JMj2^ FiG. 35',n°9.
La légende du n" 7 est à peu près complète; si nous faisons abstraction des sept premières
lettres, nous y trouvons dune façon certaine URUD xMaLKA BaR URUD MaLKA, Orode, roi,
fils d' Orode roi, et, malgré la mutilation des autres légendes, il nous est permis d'afiirmer qu'elles
se terminaient de la même manière.
Cette dernière partie des légendes de grand module est très analogue aux légendes de la .
\'^ catégorie URUD MaLKA BaRI URUD et identique à celle de la pièce 73, tout au moins au
point de vue du sens ; sous le rapport de la syntaxe, elle en diffère par l'emploi de BaR au lieu
de BaRI. En ce qui concerne l'écriture, elle donne lieu aux observations suivantes :
1° Le A de MaLKA présente une forme nouvelle qu'on ne retrouve identiquement dans
aucune autre écriture ;
2° Le M affecte généralement une forme simplifiée que l'on voit rarement dans les légendes
de la I" catégorie;
3° Le K a souvent (PI. XII, 70-73 et fig. 331, n" 6, 8, 9) une forme allongée avec queue
MONNAIES DE L'ÉLYMAIDE 213
recourbée ( I ), qui le distingue nettement de R, exceptionnellement (fig. 331, n" 7) il garde la
forme banale usitée dans les légendes de i"' catégorie et se confond avec le R et même avec le D ;
4° Le D a rarement l'apex caractéristique qui, dans la i"^ catégorie, le distingue de K et R ;
5" Le B a une forme S) différente du ^ des légendes de i"^ catégorie, mais qui n'a rien
d'anormal et rappelle certaines formes du palmyrien cursif, de l'hébreu et du mandéen. Le
trait accessoire, plus ou moins marqué, qui se voit à droite de la lettre à sa partie inférieure, n'a
d'autre but que de la distinguer du K avec lequel elle aurait pu se confondre.
Ces observations nous permettront de déterminer d'une façon certaine la lecture d'une partie
des lettres de la première partie de la légende :
La i"^ lettre avec sa forme allongée et sa queue recourbée est un K.
La 2" est un B; elle affecte tantôt la forme du B de BaR, que nous venons de signaler, tantôt
(PI. XII, 71, 72) une forme un peu différente qui rappelle plutôt la forme ancienne de l'araméen
de Teima.
La '^ est certainement un N, voisin du chaldéo-pehlvi.
A la 4'^ lettre, la difficulté commence ; tantôt il y a une lettre unique, un peu indistincte "^,'5)
qui rappelle beaucoup le hé des papyrus égvpto-araméens et de presque tous les dialectes sémi-
tiques postérieurs, tantôt cette lettre est suivie de très près, d'une autre lettre constituée par un
jambage vertical (fig. 331, n° 9) qui peut être un 1 ou mieux un Z; quelquefois même cette
deuxième lettre semble former ligature avec la précédente.
Des trois dernières lettres de la première partie de la légende, la première est incontestable-
ment un K, celle qui suit un 1, et la dernière un D, ou bien plutôt un R.
En sorte que la légende complète semble devoir se lire :
Nibc m-il ^2 N^'îD nm n>3în:32 KaBNaHZKIR URUD MaLKA BaR IJRUD jMaLKA
OU N2bc Tiii -)2 n:'^î: -im -l^rnJ^D KaBNaHKIR L'RUD MaLKA BaR URUD MaLKA
Il est impossible de ne pas la rapprocher de :
xrbr T,-n n^rtt'oir KUMaSKIR URUD MaLKA
Le U long de KU.M est l'équivalent de aB dans KaB, la permutation de M en N n'a rien que
de très admissible, aussi bien que le remplacement du S par un H qui, bien souvent, dans les dia-
lectes persans, tient la place d'une sifflante ; plus difficile peut-être est de justifier l'emploi de H
suivi de Z. On serait tenté, pour rapprocher davantage encore les deux légendes, de supposer que
la lettre douteuse "^ ^ ^ dans l'écriture de nos monnaies la valeur S ou S et de voir dans le II
qui la suit un I purement étymologique et non prononcé comme est celui de SaHll-'ï HR en
(i) Dans certaines légendes, particulièrement dans celle du n° 17, pi. X, la queue du Kse relève franchement en fai-
sant un angle aigu avec la hampe ; on pressent déjà une tendance à la ligature, telle qu'on la retrouve plus tard dans
le Kaf dt récriture mandéenne.
2 14 MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
chaldôo-pehlvi ; mais je crois qu'il est préférable de s'en tenir aux indications épigraphiques qui
conduisent à regarder la lecture H ou HZ comme la plus probable.
Quoi qu'il en soit, l'identité présumée, à laquelle nous sommes amenés par des considérations
purement épigraphiques, est corroborrée par l'étude des effigies.
Les sept pièces de grand module présentent identité de costume, avec certaines dissemblances
dans les effigies et principalement dans le degré d'embonpoint. D'un autre côté, les types variés
du grand module se retrouvent identiquement dans les pièces de petit module qui portent les
légendes KUMaSKIRURUD MaLKA, URUD MaLKA BaRI URUD, URUD MaL(K)A BaRI
URUD MaLKA. La conséquence à en déduire c'est que toutes ces pièces appartiennent à un
même souverain qui adopte tantôt la légende complète du grand module, tantôt une des trois
légendes réduites du petit module ; nous verrons plus loin qu'une légende plus réduite encore,
URUD MaLKA, sur une pièce de grand module, appartient au même souverain.
On ne pourrait échapper à la rigueur de cette conclusion, qu'en admettant qu'après Orode I",
se sont succédés, de père en fils, plusieurs Orode adoptant tous les légendes que nous avons énu-
mérées ; c'est là une hypothèse qui n'est pas soutenablc, parce que les effigies assez variées dont
il est question n'accusent pas de différences d'âge accentuées et que le bel état de conservation de
toutes les pièces de la trouvaille de 1900, oblige à leur assigner une durée d'émission assez courte.
C'est donc bien un souverain unique qui a émis les pièces KaBNAHKIR URUD MaLKA BaR.
URUD MaLKA, KUMaSKIR URUD MaLKA, URUD MaLKA BaRI URUD(i).
Est-il besoin de faire remarquer l'analogie étroite qui existe entre les formes indigènes
KaBNaHZKIR, KUMaSKIR et la forme grecque KAMXA^JKIPIl^ ? il suffit de rappeler que les
Habirdip et le Bardya des inscriptions de Suse sont devenus les Amardes et le Smerdis d'Héro-
dote. Nous aurions donc là une série de monnaies où le nom d'Orode est associé à celui de
Kamnaskirès ; la persistance de ce dernier nom chez les souverains de l'Élymaïde peut faire sup-
poser qu'il était devenu un titre dynastique, comme l'était chez les Parthes celui d'Arsace ; les
monnaies susiennes d'Orode II avec la dénomination de Kamnaskirès Orode seraient le pendant
des monnaies arsacides d'Orode I" avec le nom d'Arsace OrodQ(2).
Deux autres monnaies de grand module peuvent être rangées dans la même catégorie, en
raison des formes des lettres de leurs légendes, ce sont :
1° Le n° 17 (PI. X) avec la tiare de profil ornée de l'ancre, tvpe Aa ;
2° Le n° I |6 (PI. XIV) avec la tiare de face à aigrettes, type Ae.
En traitant des types Aa, Ae nous avons expliqué pourquoi nous attribuons la première
pièce à Orode I", la seconde à Orode II, malgré l'identité des légendes.
Celle d'Orode I" est la seule monnaie à légende araméenne qui soit attribuée à ce prince, elle
(i) Nous verrons plus loin qu'une pièce postérieure incertaine que j"ai attribuée à un inconnu X, porte une légende
incomplète qui semble pouvoir se lire KUMaSKIR MaLKABaRI URUD ; elle serait peut-être attribuable à Orode III
qui, comme son père Orode II, a pu prendre sur ses monnaies le titre de Kamnaskir Orode roi, fils d'Orode.
(2) Il existe des oboles d'Orode avec la légende lUIlAKÛI liAIIAE.iN APiiAKOV ÏPQAOY.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
215
est d'ailleurs unique dans la trouvaille de 1900 et je n'en connais pas d autre exemplaire; la
légende est la suivante :
^f^ W) P! X, ,7.
N3bo TiT: — URUD MaLKA — Orode roi.
La pièce de même légende attribuée à Orode II, reproduite planche XIV^ 146, appar-
tient à la Bibliothèque nationale ; un exemplaire mal conservé, actuellement au
Musée du Louvre, avait été trouvé à Suse par M. Dieulafoy: il a été bien lu par
M. Drouin, mais en raison de la mauvaise conservation de la pièce, on y a cru
voira tort un buste de profil (i ). Tout récemment M. dexMorgan a rapporté de Perse
trois exemplaires dont l'un, à fleur de coin, est dessiné ci-contre figure 332.
Je reproduis ci-dessous trois des légendes les mieux conservées :
®^i£S^>^) Musée du Louvre.
PI. XIV, 146.
FiG.
N^bc HT^" — IJRl-'D MaLKA — Orode roi.
Ces cinq légendes qui ont une même lecture sont intéressantes au point de vue de l'écriture.
Le D présente tantôt la forme que nous considérons comme chaldéo-pehlvie et qui se trouve
constamment sur les légendes de la T" catégorie; tantôt, comme sur la monnaie d'Orode 1"
(PI. X, 17), et sur celle d'Orode II du Musée du Louvre, la forme caractéristique du pehlvi-sassa-
nide qui rappelle celle d'un 3 ; quant au K il est franchement distinct du D et affecte une forme
archaïque que l'on peut s'étonner de trouver à côté de la forme dégénérée du M.
Les légendes des pièces de petit module que nous considérons comme postérieures à celles
de la trouvaille de 1900, peuvent être rangées au point de vue graphique dans la même catégorie
que celles des pièces de grand module; elles se trouvent sur les monnaies suivantes figurées à
la planche XIV :
V La monnaie très indistincte i 53 attribuée à un inconnu X (2) ;
2" Les monnaies d'Orode III avec double légende ;
3" Les monnaies d'Orode IV.
(i) Dieulafoy, VAcropole de Suse. ilg. 321.
(2) A vrai dire, la légende de la pièce 155 est trop incomplète pour qu'on puisse la classer dans une catégorie
déterminée, ce n'est donc que par analogie avec les pièces d'Orode 111 supposécsde même époque, que nous la rangeons
dans la 2"= catégorie.
2i6 MONNAIES DE L'ELYMAIDE
I" Monnaie ATTRIBUÉE A UN inconnuX. — L'exemplaire figuré planche XIV, 153 laisse aperce-
voir, en avant du buste, des traces de légende : une seule lettre parait certaine c'est le schin, il est
présumable, d'après sa position, qu'elle était précédée par d'autres lettres ; sur un exeinplaire
mieux conservé, trouvé à Suse par M. Dieulafoy et déposé au Musée du Louvre, on trouve comme
première lettre un K et l'on voit, derrière le buste, une fin de légende qui paraît être lURU... ; en
combinant les indications données par les deux pièces, on peut conjecturer que la légende com-
mençait par KUMaSKIR et se terminait par BaRI URUD; peut-être avait-elle la forme déjà
connue KUMaSKIR URUD MaLKA BARI URUD. Il n'est pas probable néanmoins qu'elle soit
attribuable à Orode II, et cela pour plusieurs raisons: l'effigie est différente de celle de ce souve-
rain, la pièce ne s'est pas rencontrée dans la trouvaille de 1900, le type du revers, tout au moins
celui de la pièce i 53, le seul distinct, appartient vraisemblablement à Orode III. Rien n'empêche,
d'ailleurs, de conjecturer que la pièce est d'Orode III, qui a pu, comme son père Orode II,
prendre sur ses monnaies le titre Kamnaskir Orode fils d'Orode.
Nous reproduisons ci-dessous les deux légendes fragmentaires des deux exemplaire^ connus
de cette intéressante monnaie.
■"" r.c,;/! n"""""".
' t fttf'itttétt.
2" Monnaie d'Orode III a double légende. — Ces monnaies (PI. XIV, 162-166) portent à
l'avers la légende URUD MaLKA; elle y affecte la forme ^jj^'^ ^Dy^ qui varie peu d'un
exemplaire à l'autre, l'écriture y est assez semblable à celle de grands modules d'Orode I" et
Orode II, mais le D y affecte plus nettement encore la forme du D des inscriptions sassanides
et des monnaies persépolitaines de moyenne époque.
Au revers nous avons, autour du buste de la reine, une légende dont nous reproduisons les
spécimens les mieux conservés : J)(a^ K
Les deux premières lettres sont un U et un L, la troisième qui a l'air d'un A rappelle la forme
du P chaldéo-pehlvi ^(i). M. de Markoff a publié une monnaie du roi parthe Pacore II sur
laquelle figure une lettre très analogue qu'il n'hésite pas à prendre pour un P, initiale du nom
du roi. Je crois que sur nos monnaies, qui datent d'une époque assez voisine de celle de Pacore,
(i) Cette lettre rappelle la forme du teth de certaines écritures araméennes ; mais, jusqu'à présent, le teth n'a pas
été constaté dans les écritures araméennes de la Perse, c'est pourquoi nous préférons voir un Phé.
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE 217
on doit ég-alement voir un P dans la troisième lettre ; la quatrième et la cinquième n'offrent aucune
difficulté, et la lecture la plus probable du nom de la reine paraît être :
^X£bl - ULPAN ou ULFAN
Les deux dernières légendes de la série sont incomplètes; elles présentent des transpositions
des lettres P et L qui peuvent faire supposer que ce ne sont que des altérations de la première,
auxquelles il n'y a pas lieu de s'arrêter.
Troisième catégorie.
Légende barbare. — Nous rangeons dans une catégorie à part les légendes d'une classe de
monnaies qui ont, à l'avers, le type Ad à la tiare de face, et au revers le type divin
que nous avons appelé, y variété du buste d'Artémis de face. La légende y est
toujours plus ou moins barbare et le plus souvent illisible, c'est le cas de tous les
exemplaires que nous avons photographiés (PI. XIV, 147-149, et PI. XI, 61,
62). Par exception, deux monnaies de cette catégorie, récemment rapportées
par M. de Morgan et dessinées ci-contre sont moins illisibles et semblent per-
mettre l'attribution à Orode II, fils d'Orode. Lcslégendesparaissent donner les lectures ci-dessous :
N" II i V^^i^i* J\!i^/f?yt)'^)) IRL D .MaLKA BaR URUD
No ,2 '^^.^ j>J) t>^ J^ ^tl ^^ Tf'"t ^^^"^ MaLKA BaRI URUD
Dans ces deux exemplaires le mot MaLKA est correctement écrit et présente un certain intérêt
en raison de la forme du K qui diffère de la forme ordinaire. Dans les autres parties de la légende
le B et le R présentent aussi des anomalies ; très certainement le lieu d'émission de cette monnaie
n'est pas le même que celui des autres catégories.
En résumé le monnavagc de l'Élymaïde n'est pas sans présenter de sérieuses difficultés au
point de vue de l'écriture et de l'idiome employés dans les légendes. D'une part, dans une pre-
mière catégorie de monnaies comprenant des pièces de petit module aux noms d'Orode \" et
d'Orode II, nous constatons, sur les nombreux exemplaires connus, une écriture bien caractérisée,
dont les formes essentielles se maintiennent avec une grande régularité et sont sensiblement
identiques à celles du chaldéo-pehlvi ; d'autre part, dans une deuxième catégorie, où nous réu-
nissons des pièces de grand module contemporaines des précédentes et des pièces de petit module
d'époque postérieure, la langue et l'écriture des légendes semblent se rapprocher du pehlvi-
sassanidc. Nous sommes réduit à constater le fait, sans pouvoir l'expliquer; on peut dire seule-
ment que la variété dans l'écriture des légendes peut faire supposer une assez grande extension
du monnavage, et l'on serait tenté de croire que les monnaies de grand module, qui se sont
2S
2i8 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
trouvées en nombre infime dans la trouvaille, n'ont pas été émises au même lieu que celles de
petit module. Si ces dernières, comme il est vraisemblable, ont été émises en Susiane même, celles
de grand module ont bien pu l'être dans une contrée plus orientale où l'on aurait fait usage, dès
cette époque, d'une écriture différant du chaldéo-pehlvi et se rapprochant de celle que nous ver-
rons plus tard employée par les souverains de la dynastie sassanide.
Nous donnons ci-contre (fig. 334) un tableau comparatif qui permettra de saisir les rapports
qui existent entre l'écriture de nos monnaies et les écritures d'origine araméenne qui s'en rap-
prochent.
— DISCUSSION DES ATTRIBUTIONS
Mordtmann répartit les monnaies de l'Élymaïde entre onze souverains dont cinq inconnus ;
il admet que les Orode et les Phraate, dont le nom est écrit en grec et en araméen sur les mon-
naies, ne sont autres que les rois arsacides Orode I", Phraate IV, Phraatake et Orode II ; entre
les deux derniers il intercale un roi inconnu dans la série des Arsacides, Humithra ou Vomithra,
fils d'Orode. D'autre part, d'après une idée assez généralement admise à l'époque où il écrivait, il
fait également de Kamnaskirès un roi arsacide qui aurait régné de 89 à 70 avant J.-C. et, pour
remplir la lacune qui existe entre son règne et celui d'Orode, il y place trois souverains qu'il
suppose être aussi des grands rois arsacides.
Il pense, d'ailleurs, que les monnaies ont été émises par des gouverneurs arsacides en Perside
« die in gegenwârtige Abhandlung beschriebenen Mùnzen sind offenbar von den Statthaltern der
Arsakiden in Persis geprâgt worden ». Ce monnayage se serait substitué, pendant une centaine
d'années, au monnayage d'argent des souverains particuliers de la Perside; vers l'année 20 après
j.-C, Darius, fils de Zaturdat, aurait secoué le joug arsacide et repris la frappe du monnayage
d argent.
Le texte de Mordtmann peut prêter à ambiguïté: quand il parle de monnaies frappées en
Perse par des gouverneurs ou satrapes arsacides, veut-il insinuer que ces monnaies, qui portent
le nom du grand roi, sont frappées à l'efifigie du satrape? Cette hypothèse, qui pourrait être sug-
gérée par les différences assez grandes de costume et de coiffure que l'on constate entre les effigies
des monnaies de l'Élymaïde et celles des rois parthcs, ne résiste pas à l'examen ; car si, à la
rigueur, on peut l'admettre pour les monnaies d'Orode I", où le buste de l'avers est anépigraphe
et où le nom du roi est au revers, elle est réellement inadmissible pour les monnaies de grand
module et les monnaies d'Orode III où la légende royale est placée autour de l'effigie. D'ailleurs,
pour les premières monnaies de la série, celles des Kamnaskirès, il est incontestable que le nom
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
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(petit module)
CHALDÉO-PEHLVIES
ORODE I ET ORODE II
(grand module)
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FiG. 334.
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
s'applique bien à l'effigie. On ne peut donc hésiter qu'entre deux hypothèses: ou bien les Orode
et les Phraatc de l'Élyma'ide sont identiques à leurs homonymes arsacides et, alors, il faut chercher
à expliquer les différences de coiffure et d'efligie par des influences locales, ou bien ce sont des
personnages différents.
Gutschmidt, dans son histoire de l'Iran, incline vers la deuxième opinion, en se basant sur
ce simple fait que ces souverains s'intitulent seulement BAHIAEï'X ou MaLKA, alors que les
grands rois arsacides s'intitulent BASllAEYS BASIAEON ; il ajoute qu'il n'est pas du tout prouvé
que ces mêmes MaLKA aient régné sur la Perside ; les provenances des monnaies de Kamnas-
kirès le conduisent à penser à une contrée plus occidentale, vraisemblablement l'Élyma'ide, qui a
pu empiéter plus ou moins sur le domaine des rois de Persépolis, sans qu'il en résulte pour cela,
comme le veut Mordtmann, une interruption dans la succession de ces rois et dans leur mon-
nayage.
Les assertions de Gutschmidt méritent d'être sérieusement examinées; nous pensons, comme
lui, que les monnaies des Kamnaskirès, aussi bien que celles de leurs successeurs Orode et Phraate,
nettement distinctes des monnaies persépolitaines au type du pyrée, ont été émises dans une
région que nous appelons indifféremment Élymaïde ou Susiane, dans l'impossibilité où nous
sommes d'en préciser les limites. On a trouvé des monnaies des Kamnaskirès à Hamadan, àSuse,
à Schuster, à Chiraz, peut-être même à Bagdad ; c'est tout ce que nous savons.
Quant à la personnalité des successeurs de Kamnaskirès, il nous est difficile d'abandonner
entièrement l'opinion de Mordtmann pour nous ranger à celle de Gutschmidt qui ne voit rien de
commun entre eux et leurs homonymes arsacides ; il est un fait indéniable qui doit dominer toute
la discussion : il est certain que nous voyons succéder en Elymaïde à une longue dynastie qui
porte uniformément le nom de Kamnaskirès, des souverains qui ont des noms arsacides Orode et
Phraate. D'un autre côté, les symboles séleucides et achéménides de l'ancre et du croissant ponc-
tué, qui se voient sur les monnaies des derniers Kamnaskirès, se montrent, peu après, sur les
monnaies du roi arsacide Orode L' et, en même temps, sur les monnaies élyméennes au nom
d'Orodc. L'analogie ne s'arrête pas là, car non seulement les symboles accessoires sont communs
aux deux catégories de monnaies, mais il en est de même des types principaux de revers, tels que
l'aigle et l'ancre séleucide; il y a là des coïncidences multiples, trop parfaites pour qu'elles soient
fortuites, et l'on ne saurait nier qu'il n'existe un rapport étroit entre le premier Orode de Susiane
et le roi parthe de même nom. Tout concourt à faire supposer que cette dynastie, qui substitue
aux monnaies anépigraphes défigurées du dernier des Kamnaskirès, des monnaies où sont écrits
en grec les noms d'Orode et de Phraate, est une dynastie orodienne.
Voilà le fait capital, incontestable.
Orode I", roi des Partheset roi des rois, a-t-il régné lui-même en Susiane et y a-t-il frappé
des monnaies, s'intitulant seulement roi, en tant que souverain particulier de cette contrée, ou
bien a-t-il confié immédiatement la royauté de la province nouvellement conquise à son fils Orode
dont nous avons des monnaies indiscutables avec la léeende URUD xVIaLKA BaRI URUD,
MONNAIES DE L'ELYMAIDE 221
Orode roi, fils dOrode ? A en croire Gutschmidt, le fait seul que ces monnaies ne portent pas le
titre de roi des rois suffit pour les faire refuser au grand roi arsacide Orode I". L'argument ne
paraît pas pôremptoire, car on connaît des drachmes arsacides à légende aramcenne de
Mithridate IV et de ses successeurs, où les souverains ne prennent que le titre de MaLKA, alors
que leurs tétradrachmes portent celui de BAIIAEYI BAIlAEnN. Il n'y a donc nulle impossibilité
à attribuer à Orode I" les monnaies au nom d'Orode roi.
Nous lui donnons toutes les monnaies du type Aa au buste de profil à la tiare ornée
de l'ancre, parmi lesquelles figurent les seules pièces qui portent la légende grecque YPfiAH
BAZIA€T2, et les pièces au revers de l'ancre dans une couronne de laurier, qui me paraissent faire
allusion à la conquête de l'Elymaïde ; une seule pièce à légende araméenne URUD iViaLKA
semble revenir à Orode I" : c'est la pièce de grand module du type Aa.
On peut objecter à cette attribution qu'il existe des différences notables entre l'effigie avec
tiare des monnaies de Susiane et l'effigie des monnaies arsacides d'Orode où il est toujours figuré
la tête nue. L'objection est assez sérieuse, mais non décisive. Il existe, dans la série arsacide, avant
et après Orode, plusieurs souverains qui se font représenter tantôt avec la tète nue, tantôt avec
la tiare ; il n'y a donc rien de très étonnant à voir Orode agir de même. On pourrait trouver
également des dissemblances dans les traits du visage, dans la longueur de la barbe ; elles
existent en effet, mais elles s'atténuent singulièrement, si l'on prend pour point de comparaison
les drachmes arsacides des dernières années du règne d'Orode : la barbe y est plus développée et,
somme toute, il n'y a pas d'incompatibilité dans l'ensemble de la physionomie entre les deux caté-
gories de monnaies, si toutefois Ion fait abstraction de quelques pièces absolument barbares de
la série susienne qui sont sans valeur au point de vue iconographique.
Avec les pièces d'Orode I", nous voyons, mélangées dans la trouvaille de 1900, des monnaies
au nom d'Orode, fils d'Orode et au nom de Phraate. Nous pouvons donc classer, avec une grande
vraisemblance, parmi les rois de Susiane un Orode, fils d'Orode roi des Parthes, dont l'histoire
ne nous avait pas conservé le nom. Quant au Phraate dont les monnaies se trouvent réunies aux
siennes, faut-il voir en lui son fils ou son frère, l'Arsacide Phraate IV? Les mêmes raisons qui
portent à identifier Orode roi des Parthes avec Orode de Susiane, conduisent à croire à l'identité
des deux Phraate : sur leurs monnaies, mêmes symboles et mêmes types de revers ; ajoutons
que le symbole achémênide du croissant ponctué, qui est un des symboles préférés de Phraate IV
sur ses drachmes arsacides, parait avoir également une importance toute spéciale sur les mon-
naies de Phraate de Susiane, qui non seulement le fait figurer dans le champ de ses monnaies,
mais l'arbore comme ornement principal de sa tiare.
Si, comme il est permis de le croire, Phraate IV a régné en Susiane comme son frère
Orode, dans quel ordre faut-il ranger les deux frères dans la succession des rois de Susiane ? Je
n'hésite pas à placer Phraate après Orode ; nous connaissons, par les tétradrachmes arsacides,
l'effigie des premières années de Phraate IV, elle est presque imberbe ; toutes ses effigies des
monnaies de Susiane ont, au contraire, une très forte barbe, ce qui doit faire supposer qu'il n'a
222 MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
occupé le trône de Susiane que dans les dernières années de sa vie, c'est-à-dire postérieurement
à son frère.
Ce point admis, nous pouvons hasarder les hypothèses suivantes :
Orode I", à une date qu'il est impossible de préciser, mais qui doit être postérieure à la défaite
de Crassus (54 avant J.-C), s'empare de l'Élymaïde et y émet des monnaies en son nom avec le
symbole séleucide, qui paraît être là l'emblème de la Susiane ; c'est à ce moment vraisemblable-
ment que le même symbole apparaît sur ses drachmes. Quelques années avant sa mort, peut-être
en même temps que Pacore son fils aîné domine en Syrie, son second fils Orode devient roi de
Susiane et y frappe des monnaies avec la légende KaBNaHZKIR URUD MaLKA BaR URUD
MaLKA, dans laquelle il accole à son nom le titre des rois de l'ancienne dynastie, tout en ayant
soin de rappeler son origine orodienne. Les autres monnaies à légende réduite, KUMaSKIR URUD
MaLKA, URUD MaLKA BaRI URUD, URUD MALKA doivent être postérieures. Si l'on en
juge par la grande variété des types et des légendes de ses monnaies, le règne d'Orode II a été
long ; par suite de quelles circonstances Phraate IV vient-il reprendre possession du trône de
Susiane, nous ne le savons pas ; ce qu'il y a de certain c'est qu'il substitue des légendes grecques
aux légendes araméennes et que son monnayage présente un nombre de types assez restreint. Très
dubitativement nous attribuons à son fils Phraatake une monnaie à légende grecque ; son règne
en Susiane dût être éphémère, car cette monnaie était unique dans la trouvaille de 1900 et n'a
pas été signalée dans les trouvailles précédentes.
L'attribution à Phraatake est sans doute très contestable : outre l'incertitude très grande de
la légende, l'effigie avec la coiffure relevée sur la tête, diffère assez notablement de celle qui est
attribuée à ce prince sur les monnaies arsacides. Nous tenons néanmoins à faire à ce sujet quelques
observations: si l'on veut bien se reporter aux figures n° 14 (PI. XVII; 10, PI. XX; 10, 11, 12,
PI. XXII ; I, PI. XXIII ; 2, PI. XXIV) du catalogue des monnaies parthes du British-Museum,
qui représentent des drachmes d'Orode, de Phraate IV et de Phraatake, on remarque que la tête
affecte une forme en pointe très caractérisée et que le diadème n'est pas précisément sur le front
et semble entourer la partie supérieure de la chevelure, si bien que, sur quelques-unes de ces
pièces et particulièrement sur celles qui ont un caractère barbare comme le n" i (PI. XXIII), la
disposition de la coiffure a la plus grande analogie avec celle qui se voit sur les monnaies de
Susiane et qui, d'ailleurs, se montre dans la série arsacide elle-même, un peu plus tard sous
Chosroès.
Nous classons ensuite un inconnu X..., puis un Orode III portant une coiffure analogue à
celle de Phraatake, auquel reviennent, de droit, les bustes de profil entourés de la légende ara-
méenne URUD MaLKA (PI. XIV, 162-166); nous lui ajoutons, en toute certitude, les mêmes
bustes anépigraphes 167, 168 et dubitativement, en raison d'une certaine analogie d'effigie, les
bustes de face à revers variés 1 54-164 (i ).
(i) Ces bustes pourraient également être attribués à Piiraatake.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE 22^
Ces monnaies très abondantes dans les trouvailles précédentes, manquant complètement
dans celles de 1900, doivent être classées chronologiquement après les plus récentes de cette der-
nière trouvaille, c'est-à-dire après Phraatake. C'est l'opinion de Mordtmann qui attribue les
monnaies à la légende URUD MaLKA à Orode II de Susiane, qu'il considère comme identique
avecOrode II qui a régné sur les Parthes après Phraatake. Joseph (i) nous apprend qu'à la
mort de celui-ci, les seigneurs de la Perse, voulant mettre sur le trône un prince de sang arsacide,
envoyèrent des députés pour offrir la couronne à Orode, personnage qui appartenait à la famille
royale. Il est naturel d'admettre que cet Arsacide était précisément un des Orode de la dynastie
régnant en Susiane ; ne voyons-nous pas à plusieurs reprises des souverains des contrées voisines,
tels qu'Artaban III et Vononés II, qui étaient rois des Mèdes, placés sur le trône des grands rois?
L'hypothèse de Mordtmann devient d'autant plus plausible, que nous pouvons maintenant
établir, avec une grande vraisemblance, la filiation de cet Orode II qui est notre Orode III.
Le tableau généalogique ci-dessous précise sa position dans la famille arsacide
Orode h'"", roi des Parthes.
Pacore Orode II, roi de Susiane Phraate IV
i I
Orode III. roi de Susiane Phraatake.
I
Orode I\ , roi de Susiane.
Orode III (II de Mordtmann) appartenait probablement à la branche aînée, qui n'avait pas,
comme celle de Phraate IV, adultéré le sang royal qu'il tenait de l'alliance d'Orode avec une prin-
cesse sélcucide, par un mariage avec une vile esclave; il avait donc tous les droits possibles à
occuper le trône des grands rois. Néanmoins, avant d'admettre son identité avec Orode II, roi
des Parthes, il convient d'examiner si ce ne serait pas plutôt le fils d'Orode I" lui-même, c'est-
à-dire notre Orode II, lequel a été inconnu à Mordtmann, qui aurait été appelé au trône des Arsa-
cides. Nous avons admis pour la succession des rois de Susiane la suite, Orode I'', Orode II,
Phraate IV, Phraatake, Orode III : mais, de ce que Orode II a été remplacé par Phraate IV, à la
suite d'une de ces dissensions si fréquentes dans la famille des Arsacides, il ne résulte pas qu'il
soit mort à cette époque. Il se peut qu'il ait cherché un refuge chez quelque peuple voisin,
comme le fit Phraate IV lors de ses démêlés avec Tiridate, et, par suite, nous pouvons le retrouver
dans le personnage auquel les seigneurs de la Perse envoient des députés à la mort de Phraatake
et qui régna à Ctésiphon sous le nom d'Orode II. De cet Orode II nous connaissons l'effigie par
un tétradrachme du Musée de Berlin, dont le catalogue du British Muséum nous donne une
très bonne photographie : la barbe très longue, la maigreur et certains traits de la physionomie
me paraissent indiquer un vieillard tel que pouvait l'être notre Orode II de Susiane. Nous pou-
(i) Joseph, Ant. jud., \. XVIII, 2, 4.
224 MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
vons préciser son âge à l'époque où a été frappé le tétradrachme du Musée de Berlin, daté de
ZIT, 317 Séleucide=: 5 après J.-C. Nous savons que Pacore, fils aîné d'Orode I" est mort très
jeune en 2715 Séleucide = 38 avant J.-C. Si l'on admet qu'Orode II, son frère puîné, avait à cette
époque 30 ans, il aurait eu 73 ans en l'an V de l'ère chrétienne ; cet âge n'est pas incompatible
avec l'efFigie du tétradrachme. Il n'y a, d'ailleurs, pas d'inconvénient à admettre qu'il soit monté
sur le trône à un âge aussi avancé ; nous avons de nombreux exemples de faits semblables dans
l'histoire des Arsacides. Si, au contraire, c'est Orode III que l'on veut identifier, il faut trouver
dans l'effigie du tétradrachme de Berlin, celle d'un homme d'une quarantaine d'années ; en sup-
posant que cela soit possible, l'identification se heurte à une autre difficulté : d'après la variété
du monnayage d'Orode III, il faut lui assigner un règne assez long, qui ne peut trouver place
dans les quatre années qui s'écoulent entre la mort de Phraatake et celle de son successeur
Orode II.
Ces considérations fort hypothétiques, il est vrai, nous conduisent à croire que c'est Orode II,
fils d'Orode, qui a régné chez les Parthes sous le nom d'Orode II, et qu'au moment où il a pris
possession du trône des Arsacides, son fils Orode III inaugure en Susiane un règne assez long,
auquel appartiennent les monnaies à légende URIJD MaLKA, au revers de la reine ULFAN.
Il est lui-même remplacé par Orode IV dont l'effigie est très analogue à la sienne et qui
frappe des monnaies à légende URUD MaLKA et des monnaies anépigraphes, les unes et les
autres au revers du buste d'Artémis de profil.
Après Orode IV, l'incertitude augmente, nous attribuons à des inconnus Y... et Z... des
monnaies dont les effigies ne diffèrent entre elles que par quelques détails de la coiffure et qui
portent au revers l'ancien tvpe de l'Artémis chasseresse, plus barbare encore que sur les monnaies
de Phraate.
Le dernier roi représenté sur nos planches est caractérisé par le type de Pallas qui figure au
revers ; nous avons déjà signalé qu'un type semblable se voit sur des monnaies arsacides du sou-
verain qu'avec de Longpéricr nous appelons Vologèse IL Nous le trouvons sur une monnaie de
cuivre de ce prince (n" 8, PI. XXIV du catalogue du British iVluseum et n° 3 PI. XX de la collec-
tion Pétrowicz.) D'autre part, si l'on veut bien se reporter à cette dernière planche et examiner
attentivement l'effigie de Vologèse II et particulièrement celle de la drachme n° 2, on pourra y
retrouver certains caractères iconographiques de l'effigie de notre roi de Susiane figuré aux
n" 184, 186; c'est le même nez long et pointu, le même prognathisme très accentué. Cette double
coïncidence de l'avers et du revers m'a conduit à supposer qu'il pouvait y avoir identité de per-
sonne, et j'ai attribué dubitativement à Vologèse II les monnaies susiennes au type de Pallas.
J'ai déjà fait remarquer à propos de la liste chronologique des souverains arsacides, mais
je tiens à le répéter, que la date de la fin du règne de Vologèse II était très douteuse et qu'on
devraitlui restituer une partie des monnaiesqu'ondonned'ordinaire à Vologèse III. Laplanche XX
de la collection Pétrowicz est intéressante à cet égard parce qu'elle présente, réunies sur une
même page, les effigies attribuées à ces deux souverains. Je trouve, qu'abstraction faite de la
MONNAIES DE L'ELYxMAIDE 225
tiare, l'effigie de la drachme n" 14 de Vologèse III est singulièrement analogue à celle de la
drachme n" 2 de Vologèse II ; l'analogie se poursuit entre le tétradrachme n° i à tête diadémèc
de Vologèse II et le tétradrachme avec tiare n°8 ; on ne me fera jamais croire que l'efTigie de ce
dernier tétradrachme frappé en BUT (389 Séleucide) puisse être celle de Vologèse III, qui en
HNY (459 Séleucide), c'est-à-dire 70 ans après, émettait des tétradrachmes dont l'efïîgie ne paraît
pas plus âgée. Quoi qu'il en soit c'est à Vologèse II que je crois pouvoir attribuer les dernières
monnaies de la planche XIV.
Ici s'arrêtait ma liste des rois de Susiane, lorsque j'ai eu connaissance des deux monnaies
de Chosroès de la collection Pétrowicz dont j'ai donné des dessins (fig. 329, n°' 3 et 4). J'ai discuté
longuement les raisons qui me portent à admettre, malgré l'incertitude de la légende, leur attri-
bution à Chosroès, mais à les classer à l'Èlymaïde. Chosroès serait donc le dernier roi de cette
contrée dont les monnaies nous soient connues. Ces pièces sont d'une fabrique bien supérieure à
celle des souverains précédents et leur poids de 3''',5o est également plus fort que celui des pièces
des monnaies postérieures à Orode IV qui descend souvent à 2°', 00 et exceptionnellement à \°\'^o
(PI. XIV, 178). D'ailleurs, les fluctuations que l'on constate dans la fabrique et le ppids des mon-
naies de l'Èlymaïde, entre l'époque d'Orode et celle de Chosroès, n'ont rien qui doive nous sur-
prendre, car on les remarque également dans le monnavage de bronze arsacide : assez régulier
sous Orode et ses premiers successeurs, il présente une dégénérescence marquée sous Gotarzès
et les premiers Vologèse, et se relève d'une façon très remarquable sous Chosroès.
Cette coïncidence, ajoutée aux arguments que nous avons développés, semble prêter quelque
vraisemblance au classement chronologique que nous proposons.
Nous ne voulons pas nous dissimuler qu'il est susceptible de donner lieu à quelques critiques
et que l'on pourrait formuler notamment les objections suivantes :
1° Les monnaies frappées en Susiane au nom d'Orode diffèrent assez notablement de celles
du grand roi arsacide de même nom par les détails de la coiffure, l'effigie, l'emploi de l'écriture
araméenne et la fabrique ; d'une façon générale elles se rapprocheraient davantage des monnaies
arsacides postérieures.
2° La même observation peut s'appliquer aux monnaies qui portent le nom de Phraate et
plus encore à celles attribuées dubitativement à Phraatake, lesquelles rappellent, sous bien des
rapports, les monnaies du roi parthe Chosroès.
3° Comme conséquence, les premiers successeurs de Kamnaskirôs, Orode I'', Orode II,
Phraate, n'ont rien de commun avec les grands rois homonymes arsacides et ils n'auraient régné
en Susiane qu'à une époque voisine du règne de Chosroès ; les monnaies non comprises dans la
trouvaille de 1900 et figurées à la planche XIV, correspondent à une période postérieure assez
longue, qui pourrait s'étendre jusque vers la fin de la dynastie arsacide.
Cette hypothèse de l'existence en Susiane d'une dynastie distincte de celle des grands rois, a
été proposée par Gutschmid et parait assez plausible, mais elle se heurte, comme la première, à
bien des difficultés ; si l'on hésite, en raison des dissemblances des effigies et de la fabrique, à
29
226 MONNAIES DE L'ELYMAÎDE
admettre la fusion des dynasties arsacide et susienne à l'époque d'Orode I", il est difficile,
en présence des spécimens de la collection Pétrowicz qui sont représentés à notre figure 329
n°' 3 et 4, de méconnaître qu'elle existe sous Chosroès I". Le principe de la séparation des
dynasties n'est donc pas aussi absolu que le pensait Gutschmid et ne saurait, par suite, être
invoqué comme un argument décisif pour faire retirer à des Arsacides antérieurs le titre de roi
de Susiane.
D'autre part, la barbarie du monnayage, sur laquelle on peut être tenté de s'appuyer pour
faire reculer l'époque de l'émission en Susiane des monnaies d'Orode et de ses successeurs, n'est
pas aussi générale qu'on pourrait le penser; notre pièce n° 70 (PI. XII), d'Orode II, avec sa tête
de trois quarts expressive et bien modelée, est d'un très beau travail qui ne rappelle nullement
la basse époque de la dynastie arsacide. D'une manière générale les petites pièces présentent, à
vrai dire, une certaine rudesse de travail, mais plusieurs d'entre elles, et particulièrement de celles
au buste de face, ont conservé des qualités de modelé et de relief qu'on chercherait vainement
dans les drachmes arsacides à partir du règne de Gotarzès. En un mot, ce monnayage de l'Ély-
maïde est tout à fait spécial et très différent du monnayage arsacide ; il est donc bien difficile de
tirer de la comparaison des produits de l'un et de l'autre des déductions chronologiques positives.
L'étude comparative des légendes araméennes ne conduit pas à des conséquences plus certaines;
les drachmes arsacides qui portent ces sortes de légendes ont été frappés vraisemblablement à
Ctésiphon et nous n'avons pas de raisons suffisantes pour affirmer que l'écriture y ait suivi les
mêmes phases qu'en Susiane.
Enfin les présomptions qui peuvent militer en faveur de l'hypothèse de l'existence en Susiane
d'une dvnastie distincte, n'infirment pas les arguments "contraires basés sur les nombreuses
coïncidences que nous avons signalées dans les types et les symboles des monnaies parthes et
susiennes des rois homonymes Orode et Phraate.
En résumé, la numismatique de la Susiane, absolument inconnue il y a quarante ans, est
encore dans la période des tâtonnements: entre deux hypothèses, l'une et l'autre discutables,
nous avons adopté, comme Mordtmann et M. de Markofî, l'hypothèse qui voit dans Orode-le-
Grand, le conquérant de l'Élymaïde et le fondateur de la dynastie qui a remplacé celle des Kamnas-
kirès et nous avons cherché péniblement à reconstituer, tant bien que mal, la liste chronologique
des successeurs d'Orode en Susiane, en n'y laissant subsister qu'un petit nombre d'anonymes.
Mais, qu'on ne s'y méprenne pas : ce n'.est là que le développement d'une hypothèse; nous aurions
dû peut-être nous montrer plus réservé et nous contenter des seuls noms indiscutables d'Orode l",
Orode II et Phraate, rangeant tous les autres parmi les inconnus. Nous avons préféré, dans
l'intérêt même des études qui nous sont chères, suivre une marche plus téméraire, en assignant
des noms plus ou moins hypothétiques à la grande majorité des souverains représentés; par ce
moyen, nous leur créons une personnalité mieux définie, plus facilement discutable et nous évi-
terons peut-être que leurs monnaies, confondues dans les collections dans la catégorie des incon-
nues, ne soient exposées à disparaître. Notre classement provisoire sera certainement discuté et
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
227
modifié, peut-être même bouleversé de fond en comble : les matériaux qui ont servi à l'édifier
subsisteront.
Je résume dans le tableau qui suit l'ensemble du monnayage de bronze de l'Élymaïde; pour
en réduire le développement, j'ai négligé quelques variantes secondaires, en particulier celles qui
concernent l'écriture des légendes grecques ; je n'ai pas distingué non plus les pièces qui ne
diflfèrent que par la présence du symbole a ou d'un point dans le champ, ou bien par le nombre
des traverses de l'ancre; j'ai également réuni toutes les pièces d'Orode II du type Bb qui ont
comme revers des points, traits ou lettres défigurées.
Enfin j'ai employé quelques abréviations: a.c. ., a. c.-i-, a. c. >K, indiquent la réunion
des symbples de l'ancre et du croissant avec point ou astre, placés à droite du buste, dans la
position habituelle qu'ils occupent sur toutes les pièces de la trouvaille. Les abréviations B. d.,
B. g., B. f. doivent se lire : Buste à droite, à gauche, de face. Toutes les pièces sauf celles qui
portent l'indication G. m. = Grand module, sont de petit module.
Désignation
sur
les planches.
■39
1-16
Kamnaskirès IV.
Type Ba. — B. diadème à gauche avec la coiffure des Kamnaskirès.
T. Ba. Cm a. c.
— a. c.
Type dégénéré du grand roi Kamnaskirès.
Traits irrés^uliers.
18-30
17
140
141
3'-37
58-4»
14:
145
144
146
41-4}
44-47
48-60
61, 62, 147
63-69
Orode 1'='^ (Orode I", ROI DES Parthes).
I. Type Aa. — B. à gauche avec tiare ornée d'une ancre.
B. d. Artémis, :" type YPÛAHS BASIAEYS.
Points allongés.
B. g. de la fortune avec corne d'abondance.
B. d. — —
Ancre dans une couronne de lauriers souvent indistincte.
Points allongés.
T. Aa a. c
— Gm. URUD MaLKA a. c
— a. c
— a. c
— a. c
— a. c
II. Type Ad. — B. de face avec tiare sa?is croissants, avec cordon perlé.
T. Ad a. c.
— a. c.
— a. c. •
Aigle à g. tenant un diadème dans son bec.
Aigle à d. — —
Double diadème accosté de 2 croissants ponctués
Orode II (fils cI'Orode, plus tard roi des Parthes).
I. Type Ae. — B. dejace avec tiare sans croissants, à aigrettes.
T. Ae. Cm. URUD MaLKA a. c.
— a. c.
— a. c.
Points plus ou moins distincts.
B. f. Artémis, 2= var. URUD MaLKA BaRl URUD...
Points allongés.
II. Type Ad. — B. dejace avec tiare sa?is croissants.
-149
T. Ad a. c.
— a. c.
— a. c.
B. f. Artémis, 2= var. URUD MaLKA BaRI URUD.
— — 3= var. Même légende barbare.
Points allongés.
102
I
55
3<-
13
28
2
76
228
MONNAIES DE L'ELYiMAIDE
Désignation
sur
les planches.
70-72
»
74-82, 145
73
83-89
90-1 16
III. Type Bb. — B. diadème de face, avec touffes latérales de cheveux.
T. Bb.Gm.KaBNaHKIRURUDMaLKABaRURUDMaLKA. a. c. -+-
— Gw.KaBNaHZKlRURUDMaLKaBaRURUDMaLKa. a. c. -H
— a. c. .
— a. c. .
— a. c. .
— a. c. .
Points ou traits irréguliers.
B. f. Artémis, i" var. KUMaSKIR URUD MaLKA.
B. f. Artcmis, i« var. URUD MaLKA BaRI URUD MaLKA.
B. f. Artémis, 2= var. URUD MaLKA BaRI URUD.
Points ou traits irréguliers.
10
I
104
123-127
128
129-131
132-136
117-124
150
151
Phraate (Phraate IV, roi des Parthes).
I. Type Ab. — B. à gauche avec tiare ornée d'un croissant ponctué.
Artémis avec arc et carquois, IIPAATHS BASIAETS.
Croissants adossés avec croissants au pourtour.
Trois palmes parallèles.
Points allongés.
T. Ab. A gauche du buste IIPA a. c.
— a. c.
— a. c.
— a. c.
II. Type Ac. — B. de face avec tiare ornée de deux croissants ponctués.
Artémis avec arc et carquois, nPAATHS BASL\EYS.
Aigle à g., ailes éployécs, croissants au pourtour.
Aigle à d., ailes éployées.
Double diadème accosté de 2 croissants ponctués.
T. Ac. A gauche du buste FtPA a. c.
— a. c.
— a. c.
— a. c.
m. Type Ad. — B. de face avec tiare sans croissants.
T. Ad.
a. c.
a. c.
Croissants adossés avec croissants au pourtour.
Trois lignes de croissants superposés.
44
I
8
45
23
(?) Phraatake (roi des Parthes).
Type Bc. — B. diadème à g., barbe en pointe; touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
|T. Bc » » » I Artémis avec arc et carquois. Légende grecque indistincte. | i
'37
Bractéate indéterminée.
[Caractères indistincts dans une couronne (?), pièce très mince pesant oz^^'].
I >
'53
X.
Type Bd. — B. de face, avec légende araméenne.
|T. Bd » » » 1 Ancre accostée de 2 croissants dans un diadème.
I »
154-156
157-160
162-166
167-168
T. Be.
Orode III
Type Be. — B. de face ou de trois quarts, grosses moustaches et barbiche.
Ancre accostée de 2 croissants dans un diadème.
A gauche, croissant et étoile.
»
»
»
»
))
»
»
))
))
B. g. Artémis, 2= type, !'■« var., à droite une ancre.
Type Bf. — B. diadème à g., barbe courte, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
T. Bf. URUD MaLKA. . .
— Ancre à gauche du huste.
» » «
B. g. de femme avec queue de cheveux, ULFAN.
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
229
Désignation
sur
les planches
169-170
171
172-175
Orodi: IV.
Type Bg. — B. diadème à g., barbe divisée en deux pointes, touffes de cheveux sur la tête.
B. g. Arténiis, 2": type, 2<: variété, à droite une ancre.
Bg. URUD MaLKA. Ancre à droite
— — Pas d'ancre..
— Sans légende, pas d'ancre.. .
a . » »
» )) »
» ») ))
un croissant.
176-178 |T.
Type Bh.
Bh. Ancre à droite. .
Y.
B. diadème à g., longue barbiche, pas de touffes de cheveux.
a. » )> I Artémis avec arc et carquois, à droite un croissant.
Type Bi. — B. diadème à g., longue barbiche, touffes de cheveux ou chignon sur la nuque.
179-182 [T. Bi. Ancre, croissant et étoile à droite a. c. >< [.Artémis avec arc et carquois.
185-185 IT.
186
(?)V0L0Gt:SE (VOLOGÈSE II, ROI DES PaRTHEs).
Type Bj. — B. diadème à g., barbe en pointe, toiffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
Pallas à g. tenant une haste et un bouclier.
Pallas à d. —
Bj.
a. c.
a. c.
Chosroès (Chospoès I", roi des Parthes).
Type Bk. — B. diadème à g., barbe en pointe, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
Bk (Collection Pétrowicz, pi. XXI, 12) | Artémis avec arc et carquois, ? XOCPUI ?BAIAET.
DEUXIEME PARTIE
Description des monnaies.
Nous avons admis que, sauf quelques rares exceptions, les monnaies de la trouvaille de 1900
sont antérieures aux monnaies qui n'y ont pas été rencontrées : nous sommes conduit, par suite,
à établir les deux catégories distinctes suivantes :
I. Monnaies de la trouvaille de 1900 et monnaies non comprises dans cette trouvaille sup-
posées contemporaines.
II. Monnaies postérieures à celles de la trouvaille de 1900.
Pour les monnaies de la trouvaille de 1900, nous distinguerons, autant que possible, les plus
légères variétés et nous indiquerons le nombre d'exemplaires de chacune d'elles ; pour les pièces
à légende araméenne qui présentent un intérêt spécial, nous reproduirons à la suite des légendes
des monnaies de la trouvaille, les légendes les mieux conservées des monnaies de notre propre
collection.
Pour les monnaies postérieures qui, à quelques exceptions près, appartiennent à notre col-
lection, nous entrerons dans moins de détails, nous bornant à décrire les variétés principales et
les légendes les plus intéressantes sans indiquer, pour chaque variété, le nombre des exemplaires.
Les monnais de cette catégorie se trouvent actuellement dispersées dans les collections publiques
ou particulières ; pour en connaître le nombre il faudrait procéder à un récolement minutieux
qui pourra être entrepris ultérieurement et sera facilité par les reproductions photographiques de
notre planche XIV.
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
231
I. — Monnaies de la trouvaille de 1900 et monnaies non comprises dans cette trouvaille
SUPPOSÉES contemporaines.
Nota. — Toutes les monnaies de cette catégorie, sauf la pièce 138, pi. XIII ont dans le champ, adroite du buste, une
ancre et un croissant surmonté d'un astre ou d'un point; l'ancre peut avoir à sa partie supérieure une ou deux traverses,
dans le premier cas nous mettrons le mot ancre sans autre indication, dans le second nous le ferons suivre du signe(=).
Le nombre des exemplaires de chaque variété faisant partie de la trouvaille de 1900, est indiqué dans la dernière,
colonne; les pièces pour lesquelles aucune mention n'est portée dans cette colonne appartiennent à notre collection, à
peu d'exceptions près.
Désignation
snr
les planches.
« o
> os
139
i-i6
Ka.mnaskirès.
Type Ba. — B. diadème à gauche avec la coiffure des Kam/iasktrès.
1 Buste barbu à gauche, avec manteau, collier en spirale et boucles d'oreilles; les cheveux for-
ment une couronne sur le front et tout autour de la tête, en arrière ils retombent en chignon
sur la nuque; le diadème entoure la tête au-dessus de la couronne de cheveux, ses extré-
mités pendent sur le dos ; à droite, ancre et croissant avec astre.
I^. Vestiges de l'efligie du grand roi Kamnaskirès et de la légende grecque. Grand module.
P. i5g%70
2 Même droit, sauf que l'astre au-dessus du croissant est réduit à un point; les traits du visage,
l'âge, le style et la fabrique sont très variables suivant les exemplaires; les n"^ i, 2, PI. X
sont de bon style.
I^. Traits irréguliers, dégénérescence du revers précédent. P. 28^80 à 4BSio
Total des monnaies de Kamnaskipès comppises dans la trolvaille. . . .
18
18
18-22
Orode I".
Type Aa. — B. à gauche avec tiare ornée dune ancre.
I. Avec légende grecque.
Buste barbu à gauche avec tiare diadtmte ornée d'une ancre; à droite dans le cham.p, ancre
et croissant ponctué.
I^. Buste à droite d'Artémis avec collier et pendants d'oreilles ; la tète est entourée de rayons,
surmontée du calathos et ornée dun diadème élevé; autour du buste, une légende en grec
cursif, présentant la disposition suivante (a):
à gauche : YPWAH ou YPWVH ) ^^^^^ ^^.
^ ' à droite: BACIACYK )
P. 38'', 40 à 4ê',20
à droite: BACIACYK
Les lettres initiales Y et B sont au bas de la légende.
A reparler.
7-1
232
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
Désignation
sur
las planches.
23
30
27
28
24-26
29
17
140
141
34-36
Report.
2 Même droit et même revers, sauf la légende (p) qui porte BACIACIA6YK au lieu deBACIA€YK-
3 Même droit et même revers, sauf la légende (y):
, ^ à gauche: YPCOA ) ^ ,
(-") ^ . ■ l"^^^--- Orode roi.
^'^ a droite: rétrograde >IY3ADAa )
Les lettres initiales a et Y sont au bas de la légende.
4 Même droit et même revers, sauf la légende (S) :
à gauche: rétrograde )|Y9ADAa ou >IY3AI>IAa ; ^ ,
(0) , j . , ° . Orode roi.
a droite: rétrograde HA Ck3*1Y J
Les lettres initiales a et Y sont au bas de la légende.
5 Même droit et même revers, sauf la légende (s):
à gauche: rétrograde DJYAIXAa J ^ ,
(0 . j • , , \ Orode roi.
a droite: rétrograde iUHACûlY )
Les lettres initiales 3 et Y sont au bas de la légende.
6 Même droit et même revers, sauf la légende (Ç) :
à gauche: rétrograde >IY5ADAa ou )IY9AI)IAa
adroite: rétrograde KDIACO'IY
Les lettres initiales 3 et y sont au bas de la légende.
7 Même droit et même revers, sauf la légende (r,) :
à gauche : rétrograde MY^AIMAa ^ ^ ,
(r,) , , . , " , \ Orode roi.
^ a droite: rétrograde nDICûlY )
Les lettres initiales a et Y sont au bas de la légende.
8 Même droit et même revers, légende incomplète.
2. Avec léi'eiule arainéenne.
(0
Orode roi.
P. 3S%6o
P. 3g%50
P. 3K%50
P. 3S'-,3o
P. 3?' ,50 à 4 grammes.
P. 38^,50
P. 3 grammes à i'' , 50
9 Même droit, sauf qu'il existe dans le champ une étoile à quatre branches, placée entre le der-
rière de la tête et l'ancre. A gauche devant le profil la légende
(^Jl^^'ù '^ît'^j} URUD MaLKA — Orod
e roi.
1^. Semis de points allongés, très nombreux et réguliers. Grand module. P. 14?^, 40
Cette pièce est unique dans la trouvaille et je n'en connais pas d'autres exemplaires.
3. Anèpigraphcs.
10 Même droit que les n°' i et suivants.
I^. Buste de la fortune à gauche avec corne d'abondance, très barbare.
11 Même droit; au revers, la fortune est tournée à droite, barbare.
12 Même droit.
I^. Ancre dans une couronne de lauriers.
13 Même droit.
I^. Dégénérescence du précédent, ancre et feuilles irrégulières.
P. 2SS40
P. 2^^,10
P. ^P ,')0 à 48", 10
P. 2S%50 à 4 grammes.
A 1-eporter
74
47
')i
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
233
Désignation
sar
les planches.
37
»
38-40
142
143
144
146
41
42-43
Report
14 Même pièce, sauf qu'il y a une étoile dans le champ du droit, comme au n" 9. P. 38'', 40
15 Même pièce, sauf qu'il y a un point au lieu d'une étoile. P. 38"', 60
16 Même droit que le n" i.
I^. Dégénérescence du n" 15, points allongés ou feuilles. P. 2K'',8o à 4 grammes.
Type Ad. — B. de face avec tiare sans croissants.
17 Buste barbu de face avec tiare diadémée, ornée d'un cordon perlé vertical; à droite dans le
champ, ancre et'croissant ponctué.
I^. Aigle à gauche tenant dans son bec un diadème. P. 3P',40
18 Même pièce, sauf que l'aigle du revers est tourné à droite. P. 36^,20
19 Même droit.
I^. Double diadème accosté de deu.x croissants ponctués. P. 3g'', 20
Total des mo.nnaies d'Orode I" comprises dans la trouvaille. . . .
Orode II.
I. Type Ae. — B. de face avec tiare sans croissants, à aigrettes.
I. Avec légende aramèenne.
Buste barbu de face avec tiare diadémée, ornée d'un cordon perlé vertical et entouré d'aigrettes,
dans le champ à droite ancre (=) et croissant surmonté d'un astre; à gauche, légende
URUD MaLKA — Orode roi, légende de la 2= catégorie, mi.xte.
I^. Points allongés. — Grand module. P. 15 grammes.
E.xempiaire du cabinet de France.
Nous reproduisons ci-dessous les légendes des divers exemplaires de cette pièce qui nous sont
connus :
155
I
2
31
187
<®^^Î5^'^) Musée du Louvre.
fg) ^ J 23*^i)S^^ Cab. de France, pi. XIV, 146.
éE^;3\JJ'i)a Fig. 332,n^io.
2 Même droit, sans légende, avec ancre à une seule traverse et croissant ponctué.
I^. Buste d'Artémis de face (2'= variété), avec cornes sur le front, toulîes latérales de cheveux
entourées de rayons (?), autour du buste légende URUD MaLKA BaRI URUD — Orode
roi fils d'Orode, légende de i" catégorie, Chaldéo-Pehlvie. P. 3g'', 50
Nous reproduisons à la page 138 les diverses légendes des pièces de petit module d'Orode II,
tant de celles de la trouvaille que de celles de notre collection.
3 Même pièce, mais avec ancre (=). P. 3s'',
A reporter
234
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
Désignation
snr
les planclics.
4 s -47
44
48-55, 57-60
58-59
Fig. 330, n"
61-62
147, 148, 149
et
fig- 33 3-
n"" II, 12
63-69
70
Report I 5
P. 36', 20 à 4B'',30
P. 3^,30 à 4^^,20
2. Anépigraphes.
4 Même droit que le n° 2.
I^. Points allongés.
5 Même droit que le n° 3 , avec ancre (:=).
I^. Points allongés.
II. Type Ad. — B. de face avec tiare sans croissants.
I. Avec légende araiiueniie.
6 Même droit que le n° 2, mais avec tiare sans aigrettes.
I^. Même revers que le n" 2 avec la légende correcte chaldco-pehlvie URUD MaLKA BaRl
URUD. P. 38', 50 à 4 grammes.
7 Même pièce que le n° 6, mais avec la légende fautive RLÎD MaLKA BaRl URUD.
P. 3ÊS6o à 4g', 80
8 Même pièce que le n° 6, mais avec la légende fautive UD MaLK.\ BaRl URUD. P. 38^70
9 Même pièce que le n° 6, mais avec la légende VURUD MaLKA BaRl URUD, qui pourrait
aussi se lire URUD MaLKA BaRl URUDl. Cette légende qui n'existe, à ma connaissance,
que sur un exemplaire unique appartenante M. de Morgan, semble devoir être considérée,
ainsi que les deux précédentes, comme une variante fautive de la légende habituelle.
P. 4 grammes.
10 Même pièce que le n° 6, mais avec ancre (^. P. 3S%50 à 4 grammes.
11 Même droit que le n° 6.
I^. Buste d'Artémis de face (3"^ variété). Le buste est d'un module plus grand que celui de la
2" variété; la tête paraît ceinte d'un diadème, relevé en son milieu; de chaque côté du front,
deux cornes; sur le sommet de la tête un objet qui peut être un calathos ou un cimier ; les
touffes latérales de cheveux sont encore moins distinctes que précédemment et l'on pourrait
les prendre pour un ornement dépendant de la coiffure et se terminant par trois pointes
garnies de boules. Autour du buste une légende barbare, souvent illisible, sur les exem-
plaires des figures 11 et 12 on peut néanmoins lire à peu près: URUD MaLKA BaRl (ou
BaR) URUD. 3e%3oà3«S5o
12 Même pièce que le n° 11, mais avec ancre (=). P. 38^6o
2. Anépigraphes.
13 Même droit que le n° 6. P. 3g%30 â 35^,50
I^. Points allongés. P. 38^,30 à 3^^,50
i.^ Même pièce que le n° 13 mais avec ancre (=). P. 3?%5o
III. Type Bb. — B. diadème de face avec touffes latérales de cheveux.
I . Avec légende arainéenne.
15 Buste barbu de trois quarts; grosses touffes latérales de cheveux, diadème autour du front; à
A reporter
1 22
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
235
Désignation
sar
les planches.
71
72
fig. 331, n"6
fig- 331. n°7
fig. 331, nos
fig. 331, n» 9
74-78, 145
Report
droite ancre (=:), au-dessus croissant avec astre ; autour du buste, légende de la 2' catégorie,
mixte, KaBNa(H?)KIR URUD MaLK LKA, Kamnaskir Orode roi, fils d'Orode roi.
I^. Traits irréguliers. — Grand module. P. 14s'', 90
16 Buste analogue de face; sur le sommet de la tête petite houppe de cheveux entourée par les
extrémités du diadème; légende de la 2= catégorie, mixte KaBNaHK.IR URUD MaLKA
A, Kamnaskir Orode roi, fils d'Orode rot.
^L. Traits irréguliers peu distincts. — Grand module. P. 15 grammes.
17 Même buste, la barbe un peu plus longue, disposée en éventail, légende RaBNaH(Z?)RIR
URUD MaLKA BaR URUD MaLKa, Kamnaskir Orode roi, fils d'Orode roi.
^i. Traits irréguliers. — Grand module. P. 15 grammes.
18 Même buste, la figure plus pleine; dans le champ, entre l'ancre et le buste un point; légende
KaB\aH(Z;K.lR LK.A, Kamnaskir Orode roi, fils d'Orode roi.
I^. Traits irréguliers. — Grand module. P. 15 grammes.
19 Même buste, avec le point dans le champ, légende KaBNaH(Z?)RIR URUD MaLKA BaR
URUD MaLKA, Kamnaskir Orode roi, fils d'Orode roi.
I^. Traits irréguliers. — Grand module. P. 15 grammes.
20 Même buste, figure moins pleine, semblable au 11° lé, point dans le champ ; légende
KaBNaHKIR URUD MaLKA A, Kamnaskir Orode roi, fils dOrode roi.
I^. Traits irréguliers. — Grand module. P. 15 grammes.
21 Même buste que le n° 15, mais de face; figure très allongée; les boucles du nœud terminal du
diadème apparaissent très développées des deux côtés du front; entre l'ancre et le buste se
trouve un symbole peu distinct que nous avons dénommé a et qui se voit également sur
quelques exemplaires de petit module, où il prend quelquefois l'apparence d'un mono
gramme ; légende KaBNaHZKIR URUD MaLKA BaR URUD MaLKA, Kamnaskir Orode
roi, fils d'Orode roi.
^L. Traits irréguliers. — Grand module. P. ij^"- 20
Nous reproduisons ci-dessous les légendes des sept pièces de grand module n"^ 15 à 21.
€?«,- '^<!/iZV^^W^^% 15 - PI. XII, 70
«y»'- t^jJh^pmV"^^^^^ "-^ - PI- XII. 7.
t^il'nrZ^J^^^^^D'O'VJj'^^S)'^''^'^^ 17 - PI. XII, 72
^V^f-f ■-•" '^ "'n^jP^Ql'^'^ '8 - I-''°- 35', n" 6
(^Vf'!>'yo)?v^Ji'^X>2)0>V9^j)'j) --^(^0^ 19 - piG. 331, no 7
<9 " " " ' e?g l^JPV^'-^'i^iJ) ^P -° - ^'°- 3 3 ', no 8
•"*' ''^^'^'9^®J^Jîl%%lT^\f\4'JÏ^ 2> - P'G. 53., .r 9
22 Même buste que le n" 15 de face ou légèrementde trois quarts; dans le champ à droite, ancre
122
(=), surmontée d'un croissant ponctué.
A reporter j 125
2^6
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
Désignation
sur
les planches.
— o
« o
79, 80
81, 82
73
83, 85-8;
84
88, 89
103
112
113
114, 115
Report
I^. Buste d'Artémis de face (i"^ variété); sur le front une boule entre deux cornes(?); de chaque
côté de la tète une touflé de cheveux plus ou moins grosse, entourée d'un quart de cercle
garni de rayons extérieurs, généralement au nombre de 4 ; le buste est drapé ; sur les exem-
plaires bien conservés on voit un trait oblique qui pourrait bien représenter le carquois
d'Artémis. Légende KUMaSKIR URUD MaLKA, Kainnaskir Orode roi. P. 38%40 à i^' ,'jo
23 Buste analogue à ceux des n°' 16 à 20, avec petite houppe de cheveux ; dans le champ, ancre
(=) et croissant ponctué.
I^. Même revers, même légende. P. 32^,60 à 3ê%90
24 Même pièce que le n° 23, mais la légende semble écourtéeet réduite à MaSKIR URUD MaLKA.
I^. Même revers, mais la tête d'Artémis n'est pas surmontée d'une boule. P. 3^^,503 38^,90
25 Même buste que les n"*^ 15 et 22; dans le champ à droite, ancre (=) surmontée d'un croissant
ponctué.
I^. Buste d'Artémis de face (i" variété) comme au n° 22 ; légende URUD MaL(K)A BaRI
URUD MaLKA, Orode roi, fils d'Orode roi; pièce unique au point de vue de la légende.
P. 3g', 50
26 Même buste que le n° 23 ; dans le champ, ancre avec croissant ponctué.
I^. Buste d'Artémis de face (2= variété) sans la boule sur le front et sans le carquois ; les touffes
latérales de cheveux ne sont pas entourées d'un nimbe, mais seulement de rayons.
Légende URUD MaLKA BaRI URUD, Orode roi, fils d'Orode. P. 3P^3oà 4?%30
27 Même pièce, légende fautive URUD MaLKA RI URUD. P. 3g"-, 20
28 Même pièce, mais avec l'ancre. P. 3g'', 40 à 3g', éo
2. Anépigraphcs.
Dans ce type, nous avons cherché à distinguer, autant que possible, les variétés d'après la
forme ronde ou ovale du visage, la disposition de la barbe, en éventail, droite, ou en
pointe, les détails de la'coiffure et du diadème, la présence, dans le champ, du symbole a ou
du point qui en tient la place, le nombre des traverses de l'ancre, les particularités remar-
quables du revers.
29 Visage rond, barbe en éventail, petite houppe de cheveux, ancre et croissant ponctué
I^. Points allongés.
30 Même droit.
I^. Traits cunéiformes irréguliers.
31 Même droit; dans le champ, un point entre l'ancre et le buste,
I^. Points allongés.
32 Même droit que le n° 28, avec ancre {=) et croissant ponctué,
î^. Points allongés.
33 -Même droit que le n° 31.
!>:.. Quatre traits horizontaux et un trait vertical.
34 Même droit que le n° 31 ; un point entre l'ancre et le buste.
I^. Points allongés.
II
I
t croissant ponctue.
P. 38'', 50 à 4 grammes.
9
P. 3KSéo
I
P. 38^,50 à 4 grammes.
10
P. 36', 50 à 4 grammes.
4
P. 3B%éo
I
P. 38"', 30 à 46', 20
20
A reporter
196
MONNAIES DE L'ELYMAIDE
237
Désignation
sur
les planches.
116
90, 98
94-96
93
rr o
re o
> a^
97, 99, 100, lOI
102, 104
II I
91
92
107-110
105, 106
p. 3?S5o à 4 grammes.
P. 3R^50 à 3SS8o
P. 38S30
P. 3»-, 90
Report
35 Visage rond, barbe droite, cheveux liérissés, ancre (=) et croissant ponctue.
I^. Points allongés. P. 5S',6o
56 Visage ovale, barbe légèrement en pointe, petite houppe de cheveux, ancre et croissant
ponctué ; dans le champ, entre l'ancre et le buste, le symbole x assez indistinct.
I^. Points allongés.
3 7 Même droit que le n° 35, mais avec ancre (=) et sans le symbole a.
^i. Points allongés.
38 Même droit que le n" 36, avec un poinçon.
I^. Points allongés.
59 Même droit que le n° 36, avec le symbole a.
I^. Points allongés.
40 Même droit, mais avec un point à la place du symbole a.
I^. Points allongés ou traits irrcguliers. P. 58^60
41 Visage ovale très allongé, barbe légèrement en pointe, les nœuds du diadème très apparents,
ancre et croissant ponctué.
I^. Points allongés ou traits irréguliers. P. 3RS6o
42 Même droit, avec le symbole a peu distinct, même revers. P. 33^,60
43 Même droit, le s}mbole a semble être un monogramme pehlvi ou araméen.
I^. Traits irréguliers. P. 38'', 60
44 Même droit; forme analogue du symbole a.
I^. Traits irréguliers. P. 3K'',6o
45 Même droit que le n° 40, ancre (=) et croissant ponctué.
1^. Points allongés ou traits irréguliers. P. 5K^6o
46 Même droit que le n° 45, mais les toufl'es latérales de cheveux sont plus grosses. P. 3B^5o■
Toi AL DES MON.NAIES d'OhODE II CO.MPKISES DANS LA TROUVAILLE. . .
196
Le tableau ci-après, page 238, reproduit les légendes araméennes les mieux conservées des
monnaies de petit module dOrode II : la première colonne (colonne de gauche) donne les légendes
des monnaies de la trouvaille, la deuxième celles des monnaies de notre collection; à droite de
chacune de ces colonnes, on a indiqué, par de gros chiffres, les numéros qui s'appliquent dans la
description à chacune des variétés distinctes; dans chaque variété, les légendes reproduites sont
numérotées avec des chiffres plus petits, celles des monnaies de notre collection prennent la suite
des numéros correspondants aux monnaies de la trouvaille.
Ainsi, pouf la variété n" 6 (Orode II, type Ad, légende URUr3 MaLKA BaRI URUD) on a
reproduit 37 légendes; celles de la trouvaille sont désignées par 6.,, 6.,, 6.;... jusqu'à 6.,(,, celles
de notre collection par 6.,-, 6.,^... jusqu'à 6....
Les numéros portés a gauche de la première colonne sont ceux qui figurent sur les planches.
1,1
t'^iP — A^^ii Z'
ORODE U^Tç/^Ao.
C/Ai/D MalK'\ BJil l'ruJ
'-*-4j»v»;-^'S^«y 6. Il
<î
•iSPC<'«i7ï)^'i^*t>V»
3'
43
^««puo^j^Dj* «i^fta» y 9
ORODE 11 _ Ti/pe
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ii
^»Vi'*«î?^J!»<2i'**^'V
^, UMD /laLKA B»RJ VHUJ)
6'
V;vr >;îîît'fi
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1
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7S
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77
76
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Si
l?^j5^^'#;>S>^)'^'ili^ 2/
UWPfUlCf}* PmAI (/KllD ^.IM
22'
X
3
4
O
3
Ki/jiaSH/H VJi'JD TfalKA
/o»
5^*
5
i
9
V
(i) M. Paul SouUard, notre confrère de la
fac similé les légendes ci-dessus.
FiG. 53 5.
Société archéologique de Nantes, a bien voulu nous aider à copier en
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
239
Désignation
sur
les planches.
125-127
128
129, IJO
131
132-136
119, 120
117
Phraate.
I. Type Ab. — B. à gauche avec tiare ornée d'un croissant ponctué.
I . Avec légende grecque.
1 Buste barbu à gauche, avec tiare diadémée ornée d'un croissant ponctué ; à gauche du buste,
la légende TTPA; à droite ancre et croissant ponctué.
I^. Artémis tenant un arc de la main gauche et prenant de la droite une flèche dans son car-
quois; travail assez barbare; coiffure généralement peu distincte, sans rayons; autour
légende grecque :
à droite : rétrograde DHTAAin
à gauche : rétrograde DY3AIDA9.
Les lettres initiales a et TT sont au bas de la légende.
2 Même droit, sans la légendt PIPA-
IS. Quatre croissants adossés avec croissants au pourtour.
3 Même droit que le n° 2.
I^. Trois palmes ou épis parallèles.
4 .Même droit.
I^. Traits irréguliers rappelant les épis.
5 Même droit.
Ri. Points allongés.
6 Même droit, d'un style différent, avec ancre (=).
I^. Points allongés.
II. Tvi'i: ,\c. — B. dejaceavec tiare ornée de deux croissants ponctués.
P. 38'-, 50 à 3KSSo
P. 3S'-,6o
P. 3S'',io à 3îï',50
P. 3 '-''■, 40 à 36^70
P. 38% 30 à 3e%8û
P. 3BS8o
I. Avec h'gemle grecque.
7 Buste barbu de face avec tiare diadémée, ornée de deux croissants ponctués; dans le champ
à droite, ancre et croissant ponctué ; à gauche du buste la légende RFA.
1^. Artémis debout avec arc et carquois, la tète radiée, d'assez bon style.
à gauche : 0PAATHC.
à droite : BACIAEVC.
I^s lettres initiales O et B sont en haut de la légende.
8 .'Vlême droit mais avec ancre (=).
I^. Même revers, même disposition de légende.
9 Même droit que le n° 7.
I^. Même revers.
à gauche: BACIAEVC.
à droite : 0PAATHC.
Les lettres initiales B et d) sont en haut de la légende. P. ^i^' ,iic
A reporter
P. y',-^0 à 3S',5o
P. 3S%7oà 4ES30
41
•14
"7
240
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
Désignation
sur
les planches.
ii8
123
121, 122, 124
150
151
152
10 Même droit que le n° 9, mais avec ancre (=).
I^. Même revers, même disposition de légende.
11 Même droit que le n° 7.
I^. Même revers, plus barbare, la tête ne semble pas radiée.
à gauche : rétrograde DY9A1DA8.
à droite : rétrograde DHTAA*in.
Les lettres initiales a et Y sont en bas de la légende.
12 Même droit que le n" 11, mais avec ancre (=).
I^. Même revers, même disposition de légende.
2. Anépigraphes.
13 Même droit que le n° 7.
I^. Aigle à gauche, ailes éployées, croissants au pourtour.
14 Même droit.
I^. Aigle à gauche, ailes éployées.
15 Même droit.
I^. Double diadème accosté de deu.x croissants ponctués.
Report.
rr o
« o
107
P. 3S',40 à 3gS90
P. 38", 10 à 3°', 50
P. 5"S40 à 4SSI0
P. iP,-jo
P. 3^,50
P. 2S'-,9o
111. Type Ad. — B. de face avec tiare sans croissants.
16 Même droit que le n° 7, mais les croissants de la tiare ne sont pas visibles.
I^. Croissants adossés avec croissants au pourtour. P. 2S%5o
17 Même droit.
I^. Trois lignes de croissants superposés. P. 25^,70
Total des monnaies de Phraate co.mprises dans la troun'aille.
121
Phraatake (?).
Type Bc. — B. diadème à gauche, barbe en pointe, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
138
137
1 Buste à gauche, avec barbe en pointe; grosses touffes de cheveux sur la nuque et sur le som-
met de la tête; double diadème.
I^. Artémis debout à droite avec arc et carquois, la tête ornée d"une couronne radiée, légende
grecque incertaine.
Les symboles habituels de l'ancre et du croissant ponctués ne se trouvent ni au droit ni au
revers. P. 38^,60
Bracteate indéterminée.
Caractères indistincts dans une couronne (?)
P. os^,7| I
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
241
DÉNOMBREMENT DES PIÈCES COMPOSANT LA TROUVAILLE DE I9OO.
Kamnaskirès i8
Orode 1 187
Orode II 255
Phraate 121
Phraatake (?) i
Bracteate i
ToTAi 583
Désigoatioa
sur
les planches.
153
II. Monnaies postérieures a celles de la trouvaille de 1900.
X.
Type Bd. — B. de J ace les cheveux tombant sur les épaules.
Buste barbu de face, les cheveux tombant sur les épaules; très indistinct; à gauche du buste traces
de légende araméenne, la seule lettre qui soit d'une lecture à peu près certaine est un S qui,
d'après la position qu'il occupe, a pu être précédé par d'autres lettres non visibles.
I^. Ancre accostée de deux croissants ponctués, le tout au centre d'une couronne ou diadème.
P. 3 grammes.
Même droit, le buste plus distinct; la première lettre de la légende semble être un K. on aperçoit à
droite du buste une fin de légende qui peut se lire lURU.
I^. Indistinct. — Pièce trouvée à Suse par M. Dieulafoy, déposée actuellement au iVlusée du Louvre.
En combinant les indications des légendes des deux pièces, on peut supposer que la légende
pouvait être KUMASKIR URUD BaRI URUD, applicable à Orode III.
154-156
157-160
161
Orode III.
I. Type Be. — B. de face de trois quarts, grosses moustaches et barbiche.
1 Buste de trois quarts, grosses moustaches et barbiche, les che\eux relevés en touffe sur la tête,
avec double diadème, touffes latérales plus ou moins grosses.
I^. Ancre accostée de deux croissants ponctués, le tout dans une couronne ou diadème.
P. 3 grammes à 38'', 30
2 Même droit.
I^. Buste à gauche d'Artémis (2= type. i''= variété), le cou entouré d'un collier de grosses perles,
les cheveux tombant sur le front, la tête ornée d'une parure spéciale surmontée d'une sorte de
cimier avec rayons à pointes bouletées; derrière le buste, une ancre. P. 3 grammes.
3 Même droit, mais, dans le champ à gauche, un croissant surmonté d'une ancre.
I^. Même revers de bon style, à droite une ancre. P. 2SS8o
51
242
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
Désignation
sur
les planches.
II. Type Bf. — B. diadème à gauche, barbe courte, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
162, 163, 164 4 Buste à gauche, avec barbe plus ou moins longue; très grosses touffes de cheveux sur la tête et sur
la nuque; double diadème; à gauche, devant le buste, en écriture mixte (chaldéo-pehlvi et pehlvi-
sassanide. URUD MaLKA, Oi-ode roi.
I^. Buste de femme avec un collier, un diadème et une longue queue de cheveux; à gauche, devant
le buste, en écriture mixte ULFAN. P. 28'',5o à 3 grammes.
165 5 Même pièce, mais la légende du revers ne laisse voir que (F?)LK ; voir le fac-similé au § 2, pre-
mière partie, Étude des'Jégendes . P. 2^,70
ié6 6 Même pièce, mais la légende du revers présente une interversion et ne laisse voir que FLAN. Voir
le fac-similé au § 2, première partie, Etude des légendes. P. zf ,Go
167 7 Même droit, mais sans légende; dans le champ, à gauche du buste, une ancre.
I^. Môme revers avec légende ULFAN. . P. 2^.50
168 8 Même droit que le n° 7.
I^. Même revers d'un style un peu différent; légende incomplète. P. 5 grammes.
Orode IV.
Type Bg. — B. diadème à gauche, barbe divisée en deux pointes, touffe de cheveux sur la tête.
1 . Avec Ugenih arainceniie.
169, 170 I Buste à gauche, avec barbiche divisée en deux pointes; touffe de cheveux sur la tête; double dia-
diadème ; à gauche, devant le buste, en écriture mixte URUD MaLKA ; à droite, dans le champ,
une ancre.
I^. Buste à gauche d'Artémis (2<^ type, 2" variété), la tête ornée d'une parure spéciale comportant
deux boules, l'une sur le front, l'autre sur la nuque et surmontée d'une sorte de cimier avec
rayons à pointes bouletées; derrière le buste une ancre. P. 3 grammes à 3?%20
171 2 Même droit, mais sans l'ancre.
I^. Même revers.
2. Anépigraphes.
172-175
3 Même droit, sans légende ni ancre.
I^. Même revers sans ancre; à droite du buste un croissant.
P. 28^,30 à 2S''.50
176-178
Y.
Type Bh. — B. diadème à gauche, pas de touffes de cheveux.
Buste à gauche, longue barbiche, pas de touffes de cheveux; d'après un exemplaire communiqué
par M. A. de Petrowicz, il existe, à droite du buste, une ancre, qui se trouve en dehors du champ
sur les exemplaires de notre collection.
I^. Artémis à droite avec arc et carquois; très barbare; à gauche, dans le champ, un croissant.
P. I8S70 à 26^,50
MONNAIES DE L'ELYMAÏDE
245
Désignât iott
les planches.
Z.
Type Bi. — B. diadème à gauche, barbe en pointe, touffes de cheveux ou chignon sur la nuque.
179-182 I Buste à gauche, longue barbiche; petite touffe de cheveux arrondie ou chignon sur la nuque; dans
le champ, à droite, une ancre, au-dessus un croissant et un astre qui en est nettement séparé
(voir particulièrement la photographie n° 181).
^li. Artémis à droite, avec arc et carquois ; plus barbare encore que la précédente et particuliè-
rement remarquable par la coiffure avec deux boules, absolument identique à celle décrite pour
le buste de revers des monnaies d'Orode IV. P. 28'', 30 à 2S"',5o
VoLOGÈSE (?) (VOLOGÈSE II 01' III ROI DES PaRTHEs).
Type Bj. — B. diadème à gauche, barbe en pointe, touffes de cheveux sur la tète et sur la nuque.
183-185 I Buste à gauche, barbe en pointe; touffes de cheveur sur la tète et sur la nuque; double diadème;
dans le champ, à droite, ancre et croissant ponctué.
I^. Pallas à gauche s'appuyant de la main droite sur une longue haste et tenant de la gauche son
bouclier posé debout sur le sol. P. 3 grammes à 58', 40
i8é 2 Même droit.
I^. Même revers, sauf que Pallas regarde à droite; ce type de Pallas est identique à celui qui
figure sur une monnaie de bronze attribuée par le nouveau catalogue arsacide du British
Muséum à Vologèse I" (Vologèse II de Gardner et de Longpérier). (Catalogue pi. XXIX, 8.)
P. 2S"-,40
CnosRof;s (Chosroès i" roi des Parthes).
Type Bk. — B. diadème à gauche, barbe en pointe, touffes de cheveux sur la tête et sur la nuque.
fig. I Buste à gauche avec barbe en pointe; grosses touffes de cheveux sur la nuque et sur le sommet
de la tête; double diadème. La description est la même que celle de la pièce attribuée à Phraa-
take; l'effigie est un peu différente, le profil est plus plat, le nez plus pointu et plus long, le
relief moins fort.
I^. Artémis à droite avec arc et carquois, la tête peu distincte ; au-dessus, traces d'une frappe anté-
rieure; la légende a été lue XOCPUI BAIA€V(C)- (Cat. Petrowicz, pi. XXI, 12)'; plusieurs lettres
restent inexpliquées.
Collection de Petrowicz. — Osroès n° i. .- P. }^',S7
2 Même droit.
I^. Même revers, sans double frappe. L'inscription incomplète a été lue BACIAEOC-
Collection de Petrowicz. — Osroès n° 2. P. 3°', 72
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STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU
Par G. Lampre.
« Je suis dame Napir-Asou, épouse de Ountach-Gal. Moi, dame Napir-Asou, épouse de
Ountach-Gal, celui qui s'emparerait de ma statue, celui qui l'éloignerait, celui qui ma légende
détruirait, celui qui mon nom effacerait, ô roi dieu Gai, ô Kiririsha, ô In Chouchinak le grand !
qu'il soit maudit ! ô Nakhounte sublime ! qu'il n'acquière pas un nom, de progéniture qu'il n'ob-
tienne pas ! Contre lui, ô Beltiya! ô dieux puissants et grands ! élancez-vous !
« Ceci est l'offrande de Napir-Asou : 60 cja de pain (?), 1 30. . . , un pot de boisson fermentée, ...»
Le P. Scheil a lu cette inscription en langue anzanite(i), sur la robe d'une statue de bronze
dont la tête, l'épaule et le bras gauches manquent malheureusement. Par la mention du nom
d'Ountach-Gal, nous possédons la date qui remonte à quinze cents ans environ avant J.-C. Ce
monument superbe, encore qu'il soit incomplet, a été découvert au mois de janvier 1903, à un
mètre seulement de profondeur, dans les substructions d'un temple qui faisait partie du groupe
d'édifices religieux dont l'exploration nous a fourni tant de pièces remarquables et de si nombreux-
objets votifs(2).
La matière. — La statue mesure i'",29 de hauteur, de la naissance du col au bas de la robe.
Elle est en bronze massif.
L'abondance de ce métal à Suse témoigne de l'opulence dont s'enorgueillissait la capitale de
l'Elam. Lorsqu'il nous relate en style lyrique le pillage de la grande cité, Assourbanipal n'omet
pas de mentionner /'azVam brillant ijui revêtait le faite de sa tour. Comme monuments de bronze
exhumés des ruines susiennes nous possédions déjà une table d'offrandes (3), un important frag-
(i) Mémoires de la Délégation, t. V, p. 2.
(2) Cf. Mémoires de la Délégation, Offrandes de fondation du temple de Chouchinak.
(3) Mémoires de la Délégation, t. 1, p. 161 et pi. XII. — Cette table d'offrandes mesure i'",6o de longueur.
246 STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU
ment de bas-relief (i) et deux colonnes portant des textes au nom deChilhak-in- Chouchinak(2).
La statue de la reine Napir-Asou se place au premier rang de cette série non seulement par
l'intérêt historique et artistique qu'elle présente, mais encore par sa masse. Elle pèse, en effet,
I 750 kilogrammes(3).
M. de Morgan estime à 5000 kilogrammes le poids des objets de bronze trouvés jusqu'au-
jourd'hui à Suse. Or, nous n'avons encore fouillé qu'une partie du tell de la Citadelle. La propor-
tion du métal découvert dès à présent peut servir à évaluer la quantité que l'on doit logiquement
s'attendre à rencontrer dans les fouilles qui suivront. Si l'on tient compte des immenses spolia-
tions pratiquées par les armées assyriennes et les troupes d'Alexandre, on jugera de l'extraordi-
naire richesse en cuivre ou en bronze qui caractérisait la ville élamite.
Procédés techniques. — Les peuples de l'Élam étaient donc passés maîtres dans l'art de la
métallurgie. Les procédés qu'ils employaient pour fondre et pour couler des pièces aussi impor-
tantes que celles dont nous avons donné plus haut l'énumération, ne nous sont pas connus de façon
précise et nous sommes, dans bien des cas, réduits aux conjectures. Les spécialistes modernes
admirent les résultats obtenus par ces artisans de l'antiquité ; ils s'étonnent, avec raison, que les
Êlamites soient parvenus à produire des monuments en bronze de taille aussi imposante sans
qu'on y remarque un défaut ni une soufflure. Aucune indication formelle ne permet d'élucider
jusqu'à présent comment ils établissaient leurs moules ni de quelles matières ils les composaient.
Ils étaient dépourvus des grands fours à haute température qui facilitent les travaux de la métal-
lurgie actuelle. L'outillage du fondeur devait pour eux se réduire à des creusets, de capacité tou-
jours assez faible, dont il fallait employer simultanément un nombre considérable pour obtenir
une masse suffisante de métal en fusion. Encore fallait-il que ces fontes partielles fussent réglées
de façon à se maintenir à un degré de température à peu près égale pour toutes. Autant de diffi-
cultés à surmonter qui n'ont pas arrêté, dans la réalisation de leurs œuvres, les fondeurs contem-
porains d'Ountach-Gal et de Chilhak-in-Ghouchinak.
Les colonnes de bronze au nom de ce dernier souverain nous avaient révélé, depuis deux ans,
à quel niveau atteignait l'industrie du métal au x' siècle avant notre ère. La figure de la dame
Napir-Asou, épouse du roi Ountach-Gal, vient nous montrer avec quelle perfection les Elamites
savaient déjà opérer quinze cents ans environ avant J.-C.
(i) Mémoires de la Délégation, p. 163 et pi. XIII. — La longueur de ce fragment est de l'n.oa.
(2) Pour le texte cf. Scheil, Me;n. de la Délég., t. V, p. 39-55 et pi. VI, VII et VIII. — Pour la description
archéologique cf. G. Jéquier, Mém. de la Délég., t. VIII, p. 37. — L'une de ces colonnes atteint 4™, 34 de long; l'autre,
plus trapue, ne dépasse pas trois mètres.
(3) Cette nomenclature serait incomplète si nous ne citions également, bien qu'elle soit encore inédite, une œuvre
très remarquable que MM. J.-E. Gautier et R. de Mecquenem ont rapportée de leurs dernières fouilles à Suse. C'est un
plateau de bronze, avec inscription, qui supporte des figurines humaines ainsi que des représentations d'édifices reli-
gieux et d'objets consacrés au culte. L'étude détaillée que M. J.-E. Gautier a faite de ce très intéressant sujet nous est
parvenue trop tardivement pour prendre place dans le présent volume. Elle figurera dans notre prochain tome.
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Q
STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU 247
Nous avons dit, au début de cette notice, que la statue est incomplète. L'invocation de Napir-
Asou aux dieux protecteurs n'a pas garanti son effigie contre les mutilations. La tête, abattue à
coups de masse, a entraîné, en se détachant, toute la partie gauche du torse, ainsi que le bras
jusqu'à la main. Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'un de ces outrages, d'ordre politique, dont
les monuments de la civilisation élamite portent si fréquemment la trace; en effet, l'inscription
respectée nous est parvenue intacte. La cupidité seule a donc incité les iconoclastes ; c'est la valeur
du métal qui a provoqué leur acte de destruction. Il en est résulté une lacune irréparable dans
l'histoire de l'art en Èlam. Surtout par l'étude de la tête nous aurions pu juger de la science du
statuaire et déterminer, en même temps, le type féminin à cette époque. Par suite de ce désastre il
ne nous reste que la compensation médiocre de pouvoir examiner la structure interne de la statue.
Elle a été coulée en creux, et, semble-t-il, d'une seule pièce, sur une épaisseur moyenne de
o'",03. Cette première couche de métal est remarquablement homogène; la fonte en est parfaite.
Mais il n'a pas sufTi à la gloire d'Ountach-Gal d'avoir ainsi perpétué l'image de sa rovale épouse.
Il a voulu encore transformer cette statue creuse en un bloc massif, soit pour en mieux assurer
la pérennité, soit afin que cette œuvre d'art représentât, pour l'époque, une valeur matérielle
énorme, digne du sujet auquel elle était consacrée. A cet effet, tout l'intérieur de la statue fut
rempli de métal en fusion. Cette opération parait avoir été effectuée avec une certaine négligence.
La cassure du torse permet de constater que la coulée de remplissage est grumeleuse, bouil-
lonnée et d'une cohésion très imparfaite, défauts que l'on peut attribuer à des inégalités de tem-
pérature dans l'appoint de chaque creuset. Le métal en fusion s'est ainsi solidifié par couches
successives, ou en rognons contigus( voir PI. XV et XVI) dont il est facile de discerner la jonction.
A dix centimètres environ au-dessus de la ligne de la taille, l'aspect du métal change. Nous
observons alors une massotte en forme de cylindre, très égale et homogène. Probablement
fondue d'avance, elle aurait été plongée à l'intérieur de la statue pour comprimer le métal encore
à l'état pâteux et le refouler dans les cavités. Puis on aurait achevé de combler les vides par
des coulées de métal jusqu'au ras de la cloche que dessine la jupe.
- La différence de température entre le métal de la statue même et la fonte de remplissage a
eu, d'une part, pour résultat que le remplissage n'a pas adhéré fermement â l'enveloppe avec
laquelle il devait faire corps. D'autre part, le poids de la massotte cylindrique n'a pas suffi à
refouler exactement la portion fluide dans les cavités de la tête et des bras. On conçoit, dès lors,
comment ces parties de la statue ont pu être abattues à coups de masse et l'on peut s'expliquer
le singulier aspect de déchirure produit par cette mutilation.
Pour en terminer avec ces observations sur la matière de la statue royale, nous dirons que
le métal dont elle est composée est d'une dureté extrême, au point qu'il a émoussé les mèches
d'acier les mieux trempées, lorsque nous avons voulu prélever, sous la base, un échantillon pour
l'analyse.
L'attitude. — La reine Napir-Asou nous est représentée debout dans une attitude pleine de
24« STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU
naturel et de modestie. Les bras étaient ployésà angle droit, les avant-bras ramenés sur le corps
à hauteur de la taille; les mains tombent un peu obliquement sur l'abdomen, la main droite
recouvrant la gauche, geste encore familier à nos villageoises. Les épaules sont larges, la poitrine
haute et marquée sans exagération ; la taille, par son amplitude, d'ailleurs en rapport avec les
proportions du corps, ne satisferait pas l'esthétique moderne ; l'attache de la ceinture, haut
placée, fait paraître le buste un peu court. Le développement des hanches est normal. Cette
figure humaine accuse une structure robuste mais non ramassée, comme dans les représentations
assyriennes, car, en dépit de la lourdeur du costume, l'ensemble apparaît plutôt élancé. Lesseules
parties de la statue qui, outre la tête, se soient prêtées au modelé, sont les ou plutôt le bras dont
l'attache est vigoureuse tandis que les extrémités indiquent une certaine finesse ; les doigts eflSlés
ont le défaut d'être démesurément longs (surtout l'index et l'auriculaire) avec leurs phalanges
marquées par deux traits ; ils se terminent par des ongles courts, taillés carrément.
L'inscription même de la statue nous indique qu'elle devait être placée dans un sanctuaire
puisque les dernières lignes du texte sont consacrées à l'énumération d'allocations dévolues aux
prêtres ou aux gardiens. L'attitude modeste du personnage est, d'ailleurs, conforme à cette
destination.
Les ornements. — Les parures les plus intéressantes à étudier ont disparu avec la tête et le
cou. Sur l'épaule droite nous observons une grande agrafe en forme de palmette à sept éléments.
Les deux poignets sont ornés chacun d'un bracelet formé d'une quadruple spire, ou de quatre
anneaux indépendants. Le doigt annulaire de la main gauche porte une bague constituée par
un large ruban central, rehaussée en haut et en bas d'un double filet en relief. La rareté des
bijoux pourrait paraître surprenante dans cette figuration d'une reine. Mais nous savons par la
découverte des coiffures élamites(i), par l'étude d'une tête de statue en calcaire blanc (2) et par
l'examen des figurines en terre cuite, que la parure chez les Élamites était surtout adaptée à la
chevelure, aux oreilles et au cou.
Le costume. — Il se compose d'une longue robe ajustée qui recouvre les pieds. Le corsage,
plaqué sur la poitrine, moule exactement les formes. La manche droite, fixée sur l'épaule par
une agrafe, comme nous l'avons dit plus haut, est d'une coupe singulière. Elle épouse étroite-
ment les lignes du bras et s'arrête carrément un peu au-dessus de la saignée, d'une part, tandis
que, d'autre part, elle descend au-dessous de l'articulation du coude qu'elle emboîte exactement.
Elle est rehaussée d'une simple bande qui court verticalement de l'épaule au coude.
La robe, en forme de cloche, s'arrondit avec grâce. Elle est, ainsi que le corsage, ornée de
broderies représentées par de petits cercles gravés en creux avec un point au centre. Un volant en
(i) Cf. Mémoires de la Délégation, t. VII, .page 44 et planches VIII, IX et X.
(2) Ibid., page 125.
r^ '^
STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU 249
lainage, composé de franges ondulées, forme le bas de la robe. II mesure 0^,30 de hauteur dans
les portions demeurées intactes ; un large galon de broderies, figurées par une série de rectangles
ornés de dentelures verticales et de points, sépare le volant du corps de la robe.
Un galon identique indique la ceinture qui n'est visible que sur la partie arrière de la statue.
A la taille s'ajuste une double jupe de lainage aux franges perpendiculaires, qui, ouverte par
devant, tombe carrément sur la hanche gauche et s'arrondit, en retroussis, sur la droite. Cette
double jupe s'arrête au-dessus des genoux.
L'élément le plus riche et le plus curieux du costume est un empiècement entièrement brodé
qui, sur le devant de la robe, recouvre en partie la double jupe de lainage et, commençant à
hauteur des mains, aboutit au volant du bas.
D'un effet somptueux, bien qu'un peu trop lourd, il se divise en deux larges bandes. L'une,
horizontale, affecte la forme d'un trapèze. Le motif principal, figurant les broderies, est composé
de treize rectangles longs, disposés parallèlement, suivant la verticale. L'ornementation intérieure
de ces rectangles est, alternativement, une série de petites cases rectangulaires semées d'un
pointillé, et une dentelure verticale dans un semis de points. Deux galons, formés chacun d'une
petite bande horizontale avec dentelure de même et pointillés entre deux ligneâ de chaînettes,
délimitent cette première pièce.
Elle est continuée par une longue frange rigide (voir PI. XV), en forme de triangle, qui
n'occupe qu'une partie de la base de l'empiècement. Cette frange tombe en biais sur la double
jupe de lainage et la jupe de la robe. Elle est composée d'une quantité de chaînettes jointives
dont l'aspect diffère entièrement des franges de laine. Nous pensons que ces chaînettes étaient
tressées d'un métal précieux, l'or, sans doute, ce qui en expliquerait la rigidité et comment il se
fait qu'elles tombent suivant la direction oblique qui leur a été imposée, au lieu de suivre la per-
pendiculaire. L'habileté avec laquelle les orfèvres élamites travaillaient les métaux rend fort
plausible la présence d'une frange en or destinée à rehausser les broderies du costume royal. Un
ouvrage de cette nature n'était qu'un jeu pour les artisans qui ont ciselé, tressé et filigrane les
bagues et les bijoux découverts dans les fondations du temple de Chouchinak.
La seconde partie de l'empiècement de broderies est une longue et large bande, verticale
cette fois, qui, partant de la première, aboutit au volant. Elle est en forme de rectangle allongé ;
le dessin qui figure les broderies est le même que précédemment, mais la disposition est ici
contraire. Les motifs de la bande horizontale étaient verticaux, ceux de la bande verticale sont
horizontaux. Ce sont vingt-deux rangées de petites bandes horizontales avec dentelures de même
et semis de pointillés qui figurent les broderies. Ces motifs sont délimités de chaque côté, suivant
la verticale, par un galon analogue à celui que nous avons déjà décrit comme encadrant l'em-
piècement supérieur. Enfin une courte frange rigide, que nous assimilerons, comme composition,
à la précédente, orne un des côtés de la longue bande et tombe obliquement au milieu de la robe.
Tel est, dans son ensemble, le costume de la reine Napir-Asou qui a provoqué parmi les visi-
teurs du Louvre une certaine surprise, non pas tant en ce qui concerne l'ornementation, qu'au
32
250 STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU
point de vue de la coupe. Il est assez singulier, en effet, de retrouver, dans une robe qui se portait
à Suse quinze siècles avant notre ère, la forme cloche adoptée de nos jours pour les vêtements
féminins.
C'est à son poids considérable que cette belle œuvre d'art a dû d'échapper à la destruction
complète lorsque l'Assyrien s'empara de Suse. Trop pesante pour être transportée avec les
trente-deux représentations de divinités et de rois qu'Assourbanipal cite, en premier lieu, dans
l'énumération pompeuse de son butin, la statue royale décapitée, mutilée, demeura enfouie dans
les ruines de la capitale élamite. Sa masse, qui l'avait préservée contre la cupidité de l'ennemi et
les ravages des siècles, faillit cependant causer sa perte définitive alors que nous l'acheminions vers
la France. Au moment où nous nous préparions à l'embarquer sur le Karoun, le laborieux agen-
cement, que nous avions combiné avec les moyens rudimentaires dont nous disposons, se rompit
sous le poids du fardeau et Napir-Asou roula dans le fleuve juste au bord d'une fosse profonde.
A grand'peine le sauvetage fut opéré.
Après tant de vicissitudes, la statue de la reine Napir-Asou, pieusement placée sous la pro-
tection des dieux, a bien gagné le sûr asile où notre Musée national l'expose à l'admiration des
savants et des artistes.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
EN I901.
NÉCROPOLES DES AGES DU BRONZE ET DU FER
Par h. de Morgan.
En commençant ce mémoire il est bon de corriger l'impression, trop généralement répandue,
que la Délégation en Perse du Ministère de l'Instruction Publique se borne à l'exploration du tell
de Suse. Loin de moi la pensée de vouloir réduire l'importance du site de la capitale de l'antique
Élam, qui a déjà fourni, sur les débuts de l'histoire de l'humanité, les renseignements les plus
précieux ; mais le terrain ouvert à l'activité des explorateurs français est bien autrement vaste :
il comprend la Perse tout entière. En vertu d'un traité passé entre sa Majesté le Shah de Perse
et le Gouvernement français tout l'Iran est devenu le domaine scientifique de la France. Il
importait donc d'aborder ce vaste champ d'étude avec un esprit d'ensemble. Les travaux exécutés
cette année dans la province du Ghilan, et que je vais décrire, avec l'aide de mes propres
notes et de celles de mes collaborateurs, font partie d'un plan de recherches dont l'ampleur rap-
pelle l'œuvre accomplie en Egypte par la première République. La tâche est immense, dans ce
pays où tout est à faire ; aussi n'avons-nous d'autre but, mes collègues et moi, que de mettre
sous les yeux du monde savant des matériaux consciencieusement recueillis, en les accompagnant
des appréciations que suggère l'étude sur le terrain. D'autres, après nous, tireront des conclu-
sions plus générales.
Afin d'opérer avec ordre, il importait de commencer par l'une des extrémités du territoire,
et de mener le travail de proche en proche, pour rendre méthodique cette exploration d'ensemble.
La chaleur excessive qui règne en Susiane pendant tout l'été, rend les fouilles impossibles en
dehors des mois d'hiver ; en toute autre saison le pays est désert. La population émigré en
masse vers la montagne ; force est donc, faute d'ouvriers, de suspendre les travaux. Mais, si la
252 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
vie est impossible à Suse pendant les chaleurs, il n'en est pas de même sur le plateau persan dont
l'altitude, variant entre i 200 et i 500 mètres, maintient pendant tout l'été une température très
supportable, souvent même froide, la nuit surtout. L'hiver tout le sol est couvert d'une épaisse
couche de neige ; les recherches deviennent impraticables. On est donc amené à profiter de l'été,
seule saison où les travaux peuvent se faire. La Délégation, chassée de la Susiane par l'élé-
vation excessive de la température, trouve sur le plateau un champ tout ouvert à son activité.
Le 1 1 mars 1901 , après avoir terminé à Suse la campagne de fouille de l'hiver, et fait l'envoi en
France des objets trouvés depuis le début des travaux, le chef de la mission, accompagné du
secrétaire de la Délégation, prenait la route du Nord avec sa caravane, me donnant rendez-vous à
Astara, point extrême de la frontière de la Perse sur la côte Ouest de la Caspienne. Un semblable
voyage à travers tout le territoire de l'Iran, par des sentiers souvent à peine tracés, est une
opération longue et fastidieuse.
Malgré les difficultés de la route, la mission était à Astara, au jour dit le 20 mai, et, de mon
côté, j'v arrivais deux jours plus tard, forcé que j'étais, dans ce pays dépourvu de toute facilité de
logement, d'attendre au Caucase, la nouvelle de l'arrivée de la Délégation, munie de son matériel
de campement. Partout en Perse, hôtels et auberges font défaut, et loger chez l'indigène n'a de
charme que pour l'entomologiste.
Nous étions donc réunis au Talyche persan, objectif de nos recherches. Avant de poursuivre
plus loin ce récit, il est bon de donner un aperçu de ce pays rarement visité par les Européens. Si
l'on jette les yeux sur la carte de la Caspienne, on est frappé par la courbure de la direction
des montagnes qui la bordent au Sud. Cette chaîne, dont la concavité fléchit vers le Sud, forme
une suite de crêtes très élevées qui, partant de la vallée de l'Araxe, va se "perdre à l'Est dans la
steppe de Turcomanie. La côte de la Caspienne suit l'inflexion de cette courbe et présente partout
le même aspect. Plate et d'un abord difficile, elle est semée de bancs de sable, de lagunes et de
marais, dans lesquels viennent s'épandre et mourir des torrents impétueux, descendus du
massif par des gorges profondes et parallèles. Le régime des eaux est là partout le même.
Chacune de ces vallées, dans sa partie inférieure, est couverte de rizières aux émanations
fétides pendant la saison chaude ; puis vient la forêt séculaire, toute moite d'une lourde humidité,
dans laquelle se développe une végétation semi-tropicale d'une richesse prodigieuse. Le sol dis-
paraît sous un épais tapis de mousses et de fougères. Près de la côte la hache du bûcheron a
fait sentir ses ravages, mais plus on s'éloigne, plus la futaie devient haute et compacte. Les
essences dominantes sont le hêtre, le charme, l'orme, le chêne, l'érable, le platane, le frêne, l'aulne,
le tilleul, etc., au milieu desquels les accacias, les lentisques et les mimosas mêlent la dentelure
fine de leur feuillage. Çà et là les buis forment des sous-bois à la note sombre. Plus loin ce sont
des néfliers, des cornouillers, des figuiers, ou bien encore des grenadiers touffus qui émaillent les
ravins de l'éclat de leurs fleurs de corail.
A mesure que l'on gravit la rampe, les rivières deviennent torrents et roulent tumultueuses
dans de profonds canons ; tour à tour rapides ou cascades, elles disparaissent au fond de ce dédale
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 255
de rochers et d'arbres enlacés. En avant, vers l'Ouest, et fermant l'horizon, se dresse une muraille
abrupte, rouge et grise, dénudée, toute déchirée de nombreuses échancrures, qui, tour à tour,
se couvrent de nuages ou laissent des échappées sur le ciel bleu. Quelques rares portes, donnant
accès au plateau persan, sont seules accessibles. Tel est le Talyche.
J'avais quitté Bakou le 21 mai au soir, le lendemain à la nuit nous nous rencontrons à
Astara. La mer est calme, et, dans cette rade ouverte, le débarquement se fait sans peine. Toutes
les formalités de la frontière nous sont simplifiées par les autorités russes et persanes qui riva-
lisent de courtoisie. Grâce à notre matériel de campement nous passons la nuit dans des condi-
tions confortables, et, de bonne heure, on se met en route pour aller retrouver le reste de la
mission installée plus haut dans la vallée, en pleine foret. Astara se compose de deux misérables
villages juxtaposés, l'un russe, l'autre persan; la rivière forme la frontière.
Nous retraversons à gué la rivière et suivons la route russe, qui est bien entretenue et bordée
de postes de cosaques. Le pays est entièrement consacré à la culture du riz. Les villages indigènes
sont bâtis sur des pieux qui haussent les maisons au-dessus du sol et des émanations fétides
des marais. A environ dix kilomètres nous traversons encore la rivière et passons de nouveau
sur le sol persan où se trouve le camp dressé sur un terrain élevé, au milieu des bois. La forêt
renferme de très beaux arbres, mais a perdu une partie de son aspect primitif grâce aux exploita-
tions de charbon.
Désormais nous sommes sur notre terrain d'études. Ce terrain avait été choisi pour les rai-
sons suivantes: en 1888, nous avions fait, M. J. de Morgan et moi, l'exploration minutieuse de
nécropoles préhistoriques dans la partie du Petit Caucase voisine du Lelvar et de la vallée de la
Débédah. Pendant ces recherches nous avions pu nous convaincre que ces sépultures apparte-
naient à l'âgedu fer. Plus tard et durant sa première mission en Perse, en 1890, M. J. de Morgan
avait pu explorer en partie la province russe de Lenkoran, voisine du Talyche persan, et y avait
découvert de nombreuses nécropoles avec dolmens, tant de l'âge du bronze que de celui du fer.
Le travail que nous allions entreprendre cette année était de visiter la province du Ghilan et
d'étudier les monuments antiques qu'elle pouvait renfermer. Notre œuvre était donc la continua-
tion naturelle des travaux précédents. Mais ces investigations sont loin d'être aisées, car dans ces
sombres vallées du Talyche, sous l'épaisse végétation qui couvre tout le pays, les vestiges anciens
disparaissent noyés et souvent on les côtoie sans les reconnaître.
Du 23 mai au 3 juin, nous restons campés dans la partie basse de la vallée d'Astara, près
de Kashpi. Nous battons le pays et l'explorons dans tous les sens, non seulement par nous-mêmes,
mais en dépêchant des indigènes â la recherche. Chaque fois l'un de nous allait vérifier les
points qui étaient signalés.
Qal'a. — Le 1" juin dés l'aube nous quittons le camp, et nous nous rendons à un village
nommé Qal'a, situé au Sud-Ouest d'Astara, sur les derniers contreforts des arêtes du plateau
2)4
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
persan, à l'entrée des rizières. Nous y avions reconnu des indices de sépultures antiques : cercles
de pierres d'environ i'",20 de diamètre. Nous attaquons le terrain avec une quinzaine d'ouvriers.
FiG. 536. — Type des sépultures de daVa.
FiG. 357. — Bracelets de bronze.
Les fouilles pratiquées dans sept sépultures ne nous donnent que des débris de vases en terre
grossière et noirâtre, et deux bracelets en bronze (fig. 337)- Ces tombes peuvent être du premier
âge du bronze à en juger par leur mode de construction ; mais comme elles sont sans intérêt,
nous ne poussons pas plus loin les travaux.
Khodja Daoud Keupru. — Pendant nos recherches dans la partie basse de la vallée d'Astara
nous n'avions rien trouvé qui pût nous inviter à y demeurer plus longtemps ; mais, en revanche,
plus haut sur notre gauche, nous avions observé une localité qui offrait des indices sérieux d'une
nécropole antique importante : un dolmen, des tertres et des cercles de pierres. Nous décidons
d'y transporter le camp, et de faire de ce point un nouveau centre d'observations (fig. 338).
Le 3 juin, au matin, nous partons. Les autorités russes nous avaient gracieusement permis
de faire usage de leur route militaire de frontière. Nous en profitons et cette complaisance nous
permet d'éviter le sentier persan , un des plus détestables de tout le pays, sorte de cloaque immonde
qui serpente à travers les rizières, ou sur les arêtes rocailleuses qui viennent plonger dans les
fonds vaseux de la vallée. Nous suivons donc la chaussée russe, encore inachevée d'ailleurs,
jusqu'à un pont délabré qui nous ramène, à travers l'Astara-Tchaï, sur le sol persan. Nous éta-
blissons le camp sur un éperon bordé de figuiers et de mimosas, autour duquel serpente la
rivière. Cette tablette de rochers se relie, vers le Sud, au massif montagneux, par un petit plateau
que traverse le sentier persan d'Astara à Ardebil. Là nous avions remarqué un dolmen entr'ou-
vert et des cercles de pierre analogues à ceux qui entourent les sépultures de l'âge du bronze
explorées dans le Lcnkoran. Nous prenons de suite nos dispositions pour commencer les fouilles.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
')>
Mais là, une difficulté se présente. Dans cette vallée sauvage, la population est très clairsemée
et nous avons toutes les peines du monde à rassembler des ouvriers en nombre suffisant. Les
outils mômes font défaut ; nous sommes forcés de nous procurer pelles et pioches à Bakou, par
l'entremise de M. Debief, notre consul, qui s'empresse de nous venir en aide de la meilleure
grâce.
Le 5 juin, nous faisons ouvrir un petit tertre formé de pierres amoncelées, mais sans résultat.
2] 6
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
Le lendemain, suite des fouilles qui demeurent improductives. Nous faisons vider à fond le
petit dolmen qui avait attiré notre attention sur cette localité. Il est entrouvert, bouleversé par
^ ^
FiG. 339.
Sépulture de Khodja-Daoud-Keuprù.
Échelle de o'n,02 par mètre.
la végétation. Nous n'y rencontrons que des débris informes de
vases en terre noire. Impossible, sur ces seuls indices, d'en déter-
miner l'âge. Comme mode de construction, il ressemble aux
petits dolmens qui se rencontrent si nombreux en Bretagne
dans le voisinage de Lockmariaker et de Karnak.
Le 7 juin, nous faisons sonder des amas de rochers disposés
en cercles qui se trouvent çà et là sur le passage de la route
persane. Sur ce point le transit incessant des caravanes a com-
plètement bouleversé le sol et ruiné les sépultures, dont les traces
sont devenues confuses. Cependant, dans une de ces enceintes de
blocs, après avoir fait enlever les gros rochers qui recouvraient le
centre, nous rencontrons une sépulture bien caractérisée. Le cercle extérieur mesurait un dia-
mètre de 4"", 30 et le tombeau lui-même, en forme d'ellipse, i^.SoX i'",30. Nous y rencontrons
trois vases brisés en terre noirâtre grossière,
une pointe de flèche et une dague tous deux
en bronze (fig. 340). Ce poignard était d'un
type identique à ceux trouvés dans le Len-
koran. La lame, renforcée par une nervure
centrale, fait corps avec la poignée qui,
elle-même, est incrustée de bois ou de corne.
C'est un premier indice que nous sommes au
milieu de sépultures similaires à celles
explorées dans la province russe voisine.
Le 8 juin, nous continuons nos son-
dages ; une sépulture nous donne une lance
en fer, une autre des débris de même métal.
Cette nécropole est entièrement dévastée.
Le lendemain matin, je pars de bonne
heure avec le guide pour aller reconnaître une
localité qui nous est signalée au sommet des
montagnes voisines. Je suis forcé de faire à
pied la plus grande partie du chemin tant il
est escarpé; je traverse des futaies splendides de tilleuls et de chênes, et j'arrive à un plateau
où la forêt, brûlée sur pied, a fait place à des cultures qui nourrissent de misérables villages.
Là je ne vois que de nombreuses sépultures très anciennes mais musulmanes ; aucun vestige
de l'antiquité.
Fig. 540. — Sépulture de Khodja-Daoud-Keuprù.
Échelle de 0™,02 par mètre.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
257
Pendant ce temps, les autres membres de la mission avaient été conduits par un guide indi-
gène dans une direction tout opposée, vers un amas de pierres au milieu du sentier persan, à
environ i 500 mètres du camp en descendant vers Astara. On fit attaquer l'amas le plus impor-
tant. C'était une sépulture du type circulaire semblable à celles de Véri dans leLenkoran(fig. 341).
De gros blocs formaient une ellipse de 2"\2oX2'",io remplie par une couche de galets sous
lesquels, à environ o'",6o, se trouvait la sépulture. Elle renfermait sept vases en terre grossière tous
brisés, et des objets de bronze peu nombreux, mais tous fort intéressants : une épée longue de
G'", 78 sans poignée, la soie faisant corps avec la lame, un instrument en forme de ciseau (fig. 344)
ou d'herminette et une hache (fig. 343), arme des plus rares.
Fig. 341.
Sépultures de Kliodja-D.iou(J-Keupri4. — Échelle de o"i,04 par mètre.
Fig. 542.
Nous continuons les fouilles toujours à la même localité. Deux autres sépultures du même
tvpe nous donnent des vases grossiers, tous brisés, une lame, une pointe de flèche, des bracelets
et autres menus objets tous en bronze (fig. 342 et 345). Mais ce petit groupe est épuisé et le
voisinage ne nous donne plus rien. Nous envoyons le guide à la découverte. Vers le soir, le
temps se met à la pluie, et pendant les journées des 10, 1 1 et 12 juin, il pleut à torrent. Tout
travail est impossible. Le résultat de ces premières recherches, bien que peu fructueux,
n'est cependant pas sans intérêt, puisqu'il nous permet de constater une complète similitude
entre les sépultures primitives du Talychc persan et celles du Lenkoran.
Le 1 3 juin, le temps se lève, le guide est de retour; il n'a rien rencontré dans la vallée d'As-
tara, mais vient corroborer les renseignements que nous avons déjà, sur la présence de nombreux
35
258
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
dolmens de l'autre côté de la ligne de faîte, sur le versant Ouest du plateau persan, et en parti-
culier près de Nâmin. Lors de notre passage à Astara, le propriétaire des pays qui entourent
Nâmin, l'Émir-Touman, nous avait dit comment il avait fait fouiller un certain nombre de ces
dolmens, et qu'il y avait rencontré des vases et des armes en bronze; il nous avait invité à venir
continuer ses recherches. Nous pensons que le moment est venu de porter notre activité de ce
côté et l'ordre est donné de se préparer au départ pour le lendemain.
FiG. 543. — Khodja-Daoud-Keuprù. — Hache de bronze.
FiG. 344. — Kodja-Daoud-Keuprù. — Ciseau ou herminette de bronze.
Le 14 juin, réveil à 5 heures; à 7 heures on lève le camp. Nous quittons nos mimosas avec
leurs fleurs en touffes de plumes roses, et remontons la vallée de l'Astara-Tchaï. La route est très
accidentée, elle serpente à flanc de coteau au milieu d'une épaisse futaie, et par une série de
montées et de descentes, mais de montées surtout, nous mène jusqu'à un point où la forêt devient
moins épaisse. Détrempé par trois jours et quatre nuits de pluies incessantes, le chemin est un
véritable cloaque semé de pierres roulantes. Il faut des bêtes comme les nôtres, rompues à cir-
culer dans les montagnes, pour pouvoir s'en tirer. Le passage incessant des caravanes a
creusé le sentier comme une gigantesque ornière dans laquelle nous disparaissons homme et
cheval, avec de la fange jusqu'au poitrail. A midi, nous faisons halte, on déjeune à l'ombre d'un
énorme noyer au bord d'un petit ruisseau. Bientôt nos mules et nos bagages nous rejoignent et
nous reprenons la route. Elle monte toujours ; enfin nous sortons de la forêt pour entrer dans la
zone des pâturages. Il est plus de 4 heures, on s'arrête près du village de Hadji Emir pour camper.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
259
Non loin du camp se dresse un gros tumulus. Nous inspectons le terrain avec soin; mais, comme
nous n'observons dans le voisinage aucune autre trace de sépultures antiques, nous ne pensons
pas devoir arrêter toute l'expédition pour fouiller cet unique tombeau. La vue s'étend vers l'Est
sur toute la vallée d'Astara jusqu'à la Caspienne, par-dessus un océan de verdure. Derrière nous
se dresse un rideau de montagnes : c'est la ligne de
faîte, la bordure du plateau persan avec ses escar-
pements de roches arides. Il fait froid, nous sommes
une bonne partie du temps au milieu des nuages.
Tous sont fatigués, les bêtes surtout. Enfin la partie
la plus rude du chen)in est faite et la vue est superbe.
Le 15 juin, lèvera 5 heures. Un soleil étincelant
au-dessus de la Caspienne tamise son éclat à travers
des lambeaux de brume et dore les cimes des mon-
tagnes. Le camp se replie vivement; vers 6 h. 30
nous montons à cheval et commençons l'ascension des
derniers échelons du plateau persan. La route est bien
moins mauvaise que la veille : plus d'arbres, mais des
buissons rabougris formant de petites touffes au
milieu d'une prairie naturelle toute semée de fleurs.
Nous gagnons insensiblement le col, et bientôt décou-
vrons la plaine d'Ardébil avec son cadre de mon-
tagnes pelées. Sur la droite se dresse le Savalan,
énorme volcan éteint avec sa cime conique toute couverte de neige. Au col, nous sommes à une
altitude de 2000 mètres; quant au Savalan il s'élève à dix mètres de plus que le Mont-Blanc (i).
A partir de ce point, notre route redescend vers la plaine, mais la rampe est longue et douce.
La ligne de partage des eaux lance vers le Sud-Ouest ses contreforts en éperons qui déterminent
toute une série de vallons. Le pays est entièrement déboisé, seuls les villages sont entourés de
quelques bouquets d'arbres qui forment des points verts dans la plaine d'un gris roux. Le sol
n'est cependant pas sans fertilité, il produit de l'orge et du blé en abondance, mais le manque
d'arbres donne au pays un aspect désolé. Durant l'antiquité, les forêts devaient déborder du
Talychesur le plateau persan, mais les cultures sont fort anciennes, à en juger par les rideaux
formés sur les déclivités par les labours. Nous traversons plusieurs villages, amas de huttes, avec
leurs terrasses en guise de toits et leurs murailles de bouc. La population se précipite au-devant
de nous, les femmes sont surtout vêtues de haillons rouges, les enfants à peu près ou même tout
à fait nus. Tout est sale et misérable. De gros tas de galettes de bouse sèchent près des maisons :
c est le combustible, dont le pétrissage est une occupation réservée au beau sexe.
FiG. 345. — Sépulture de Khodja-Daoud-Keuprù.
Échelle o™,05 par mètre.
(i) Altitudes du Savalan, 4820 mètres; du Mont-Blanc, 4 810 mètres.
3
1/1
T3
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 261
Enfin, après avoir traversé le petit village de Souli-dèrré, nous arrivons à l'endroit que nous
avait indiqué le guide. Nous sommes, à n'en pas douter, au milieu de monuments mégalithiques
de la plus haute importance. Poursuivant notre route au milieu de vastes dolmens dispersés de
tous côtés, nous arrivons au confluent de deux petits ruisseaux, au pied d'un coteau abrupt et
dénudé. Ce point nous parait le centre du terrain à explorer ; nous y dressons le camp. A i 500
mètres plus loin, par delà une plaine nue et faiblement vallonnée, s'élève le village de Namin,
avec ses maisons en terrasses semées au milieu de bouquets d'arbres fruitiers, de saules et de
peupliers. Namin est la résidence de l'Émir-Touman, le propriétaire du pays, qui nous fait l'ac-
cueil le plus bienveillant. C'est à sa puissante intervention que nous devons toutes les facilités
que nous avons rencontrées par la suite dans notre travail.
Notre étude de la nécropole de Namin, commencée le 16 juin, se prolonge jusqu'au 19 au
soir, et porte sur trois points principaux : 1° le coteau formant la rive droite du ruisseau,
en cet endroit les sépultures sont les plus compactes et semblent le mieux conservées; 2° la rive
gauche du. même ruisseau, dans deux autres groupes de sépultures (cf. fig. 347 et 348), ainsi
que dans des tombes isolées, dont trois tépés ou tumuli ; 3° les ruines d'une antique forteresse
qui domine ce vaste champ de repos (Planche XVII).
Sur ce sol d'un aspect généralement nu, les sépultures se présentent sous trois formes diffé-
rentes : amas de pierres, cercles de blocs renfermant un dolmen, ou bien tumuli. Autrefois
toutes les tombes devaient être recouvertes d'un tertre plus ou moins élevé, détruit plus tard
par les pluies et les cultures. Les sépultures les plus importantes occupent les lignes de crêtes,
où elles se groupent par rangs de trois ou quatre; leur orientation est d'une façon générale
Nord-Sud. Nous donnerons plus loin les tables des angles relevés tant à Namin que sur d'autres
points.
Pendant que le camp s'organise, nous nous dispersons dans toutes les directions pour faire
une étude sommaire du terrain. De nos observations il résulte que nous sommes en présence
d'une nécropole immense : elle s'étend des deux côtés du petit ruisseau du Namin-Sou, surtout sur
les flancs duGûné-mizrana-daghi, couronnant toutes les arêtes d'énormesdolmens. Dans la plaine
des traces de sépultures antiques sont visibles sur bien des points : cercles de pierres, dolmens ou
tumuli ; mais il est facile de se rendre compte que les cultures les ont pour la plupart bouleversées.
Sur la gauche de notre camp, et entre les deux vallons formant la rivière de Namin, se dresse une
montagne abrupte, le Siah-Ker-Daghi, dont l'extrémité est couverte par les ruines d'une antique
forteresse que nous nous proposons d'étudier. Tout cet ensemble nous donne droit d'espérer en
ce site des découvertes intéressantes. L'après-midi se passe à compléter nos observations et à
recevoir les visites des autorités locales. Pendant la journée la température est très chaude, mais
le soir le vent se lève et lair devient très vif.
Le lendemain 16 juin, dès l'aube, on se met au travail, avec la détermination de le faire
aussi complet que possible ; les uns se chargent de la topographie, les autres de la conduite des
ouvriers. Le premier dolmen que nous abordons est un monument immense.
FiG. 348. — Groupe de sépultures à Namin.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
263
Au centre d'un cercle de gros blocs de calcaire et de basalte mesurant 12^,20 de diamètre,
se trouvait le dolmen même, entièrement construit de dalles et de blocs calcaires énormes dressés
et placés jointivement sans aucun ciment (fig. 349). La chambre sépulcrale, qui est admirablement
appareillée, a 4"", 40 de long sur 2^,18 de large et une hauteur de i'",95. Les blocs ont une épais-
seur qui varie entre o'",25 et o"',9o. On peut juger du travail que demandait une semblable
construction ; en outre la matière première devait être apportée d'une distance d'environ dix
kilomètres dans un pays très accidenté.
Fig. 349. — Dolmen à N'amin (i).
La nécropole de Namin est couverte de groupes de monuments de ce genre reliés entre eux
par des sépultures moins importantes. Nous avions donc grand espoir; aussi notre déception
fut-elle profonde, car, à peine avions-nous enlevé une des dalles qui recouvraient le tombeau,
que nous fûmes en présence d'ossements bouleversés et de vases brisés. Nous n'en pouvions
plus douter : cette magnifique sépulture avait été spoliée. Nous n'en continuâmes pas moins la
fouille afin d'étudier les détails de construction, et de relever les plans que nous donnons ici. Nous
nous efforçâmes également de recueillir les épaves échappées à la dévastation, espérant que plus
tard des tombes intactes nous donneraient, par comparaison, la date de ces monuments.
Les spoliateurs étaient entrés dans le dolmen en brisant l'angle N.-O. de la dalle calcaire
qui formait la face Nord de la sépulture. La plus grande dalle, formant le couvercle de la cuve.
(i) Par erreur le dessinateur a figuré un vide là où se trouve un bloc de rocher; la muraille du fond du dolmen
est continue.
264
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
avait été brisée en plusieurs morceaux; une partie des fragments était éparpillée en dehors, du
côté de la partie déclive du terrain ; les autres gisaient amoncelés dans la cuve même. Les fouilles
n'ont pas donné moins de six crânes, mais tout était dans une telle confusion
qu'il est impossible de préciser le nombre de corps inhumés. Ces ossements
étaient accompagnés de quelques perles (fig. 350) de cornaline, agate ou
pâte de verre émaillée, ainsi que d'anneaux et de quelques débris informes de
bronze.
La céramique était représentée par un grand nombre de vases en terre
rouge ou noire, les uns très grossiers, mais d'autres d'une pâte très fine. Tous
étaient â l'état de fragments. Nous avons cependant pu reconstituer la forme
de quatre d'entre eux : deux plats, un guttus portant
en creux de petits ornements, et une petite urne avec
des bossettes sur la panse.
Dobnen n° 2. — Cercle de pierres volcaniques,
au centre duquel se trouve le dolmen recouvert d'énor-
mes blocs calcaires. Il semble en parfait état de conser-
vation, mais les fouilles nous démontrent que, là aussi,
la spoliation est complète.
Fig. 550. — Perles de
cornaline, d'agate et de
pâte émaillée (Natnin).
Dolmen n" ] . — Autre sépulture du même type.
Cercle de pierrede 10™, 40 de diamètre; au centre une
dalle calcaire de 2^,70 sur i"',85 avec une épaisseur de
o™,65 recouvre le dolmen. Malgré sa masse considérable
nous la faisons déplacer au moyen de leviers en bois. Là
où dix hommes ne suffisent pas on en met vingt. Mais
encore une déception. La sépulture est, elle aussi, spo-
liée, et ne renferme que des débris de poterie ; vases can-
nelés ou plats en terre rouge, urnes en terre noire, etc.,
le tout mêlé à des ossements en désordre (fig. 351).
Fig. 351. — Namin. — Dolmen n" 5.
Échelle de o™,oi par mètre.
Sépulture n" /f.. — Au milieu d'un cercle de
pierres se trouvait un amas de blocs entassés, au-
dessous desquels. était une tombe de 2^,65 de long sur i"',9o de large et profonde de i'",35-
r^llc était en désordre et renfermait un grand nombre de corps. Les seuls objets trouvés furent deux
bagues et trois bracelets en bronze, trois fusaïoles en terre cuite et des vases brisés (fig. 352)-
Sépult
ure n
Amas confus de grosses pierres. Débris de vases en terre noire grossière
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
265
du type des ollas trouvées au Caucase, plats en terre rouge, urnes. Enfin les débris d'une lance
en fer.
Sépiiliurc n" 6. — Même confusion.
Cette partie de la nécropole était donc entiè-
rement pillée.
Toujours du même côté de la rivière,
mais plus bas, près du sentier menant à
Namin, nous avions fait attaquer cinq
autres grands dolmens. Les cercles qui les
entouraient autrefois avaient été détruits par les cultures, mais les dalles des couvercles affleuraient
sur le sol.
FiG. 3J2.
Namin. — Bracelet de bronze et fusaïolcs en terre cuite.
Échelle de 2/3 de grandeur naturelle.
Dolmen if 7. — Deux blocs mesurant l'un 2"", loX i", 50 et l'autre 2", 15X2"", 40 formaient
le couvercle de la cuve, profonde de 1^,82. Ce ,,-— ---^^
dolmen était entièrement spolié et ne renfer- y'
mait que des débris de vases.
Dolmen if 8. — Du môme type, recouvert
par trois énormes dalles calcaires, est égale-
ment spolié. Nous y trouvons quelques perles
en pâte de verre ou en cornaline, des vases
brisés, un éclat d'obsidienne et un fragment
d'une lame en fer.
©
Les dolmens n"' 9, 10 et 1 1 nous donnent
des résultats tout aussi négatifs.
Y
ii
Ne trouvant rien dans les grands monu-
ments, qui .sont, à n'en pas douter, tous spoliés,
nous faisons ouvrir trois tumuli situés du côté
gauche du ruisseau, ainsi que de petites sépul-
tures qui, plus modestes, auront, espérons-
nous, pu échapper à la dévastation générale.
Deux de ces tumuli formaient sur le sol
FiG. 353. — Namin. — Sépulture en amas. — Plan et coupe.
Echelle de o™,oi par miitre.
un relief d'environ i'",5o; composés d'un amas de pierres, ils avaient été très déformés par la
culture. Le premier, bien que percé jusqu'au sol en place, ne nous donne rien que des débris de
vases; dans l'autre (fig. 353) nous rencontrons, sous une masse de pierres sans dolmen, une
34
266
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
tombe creusée dans le sol. Cette sépulture renfermait des ossements de mouton et de bœuf, une
spirale en bronze, trois vases en terre noire brisés, et enfin, tout au fond delà fosse,
prés des ossements du mort à i", 8 5, une masse en calcaire perforée et polie (fig. 354).
Cet objet n'a rien qui soit nécessairement néolithique. Nous en voyons de semblables
découverts à Suse dans les couches historiques. C'était une arme favorite des Égyp-
tiens (i), tout comme des Asiatiques. FiG.354.-Na-
min. — Masse
Le troisième tumulus situé le plus près de Namin recouvrait un dolmen mesurant ^" «^'"ire.
i'",6o de large sur i^.ao de haut et 2"", 50 de long. Les trois dalles formant couvercle avaient
o", 50 d'épaisseur ; elles étaient entièrement masquées par le tertre. Nous pensions donc, cette fois,
que la sépulture était intacte. Mais les spoliateurs étaient entrés par une des extrémités et avaient,
là comme partout, fait leur œuvre. Nous trouvons cependant quatre grands vases en terre noire
et trois crânes.
Deux vases étaient en forme de grosses cruches ovoïdes avec une anse et un large col ; un
autre tumulus nous donnait le type d'une écuelle profonde et très évasée; la terre en était fine.
Pour compléter notre étude, voyant que les grands dolmens étaient tous pillés, nous faisons
fouiller un certain nombre de sépultures plus modestes. Elles sont enfermées dans des amas de
pierres circulaires ; tantôt la cuve affecte la forme
d'une petite auge bâtie de blocs juxtaposés, tantôt
elle est creusée simplement à même le sol et recouverte
d'amas de rochers.
Nous établissons notre chantier dans le groupe
situé à gauche du ruisseau (cf. fig. 348); il se com-
pose de grands dolmens ruinés et d'une série de
ces petites sépultures.
Une de ces sépultures, petit ciste formé de blocs
de pierres juxtaposés, mesurait i mètre de large sur
2"", 30 de long et n'avait pas été spolié. Il renfermait
cinq vases en terre assez grossière, une fusaïole, un anneau et deux boucles d'oreilles en bronze ;
de plus quatre pointes de flèches également en bronze. Ces flèches sont pourvues de longues
barbelures d'un type entièrement semblable à celles trouvées à Chaïtan-Tagh, au Caucase,
dans des sépultures de l'âge du fer (2).
Les autres sépultures nous ont donné un certain nombre de vases en terre rouge ou noire,
tels que des jattes, urnes ou œnochoés de forme épaisse, une pointe de flèche en os et des objets
en plomb : un bracelet et une boucle d'oreille. Au Caucase et dans le Lenkoran, ce métal n'était
en usage que dans les sépultures de l'âge du fer.
(i) J. de Morgan, Fouilles à Dachour, PI. XXV, fig. 65.
(2) J. de Morgan, Les premiers dges des métaux datis l'Arménie russe, p. 100, fig. 57.
Fig. 355. — Pointes de flèche en bronze et en os
trouvées à Narain. — 1/2 grandeur naturelle.
FI. XVÏI
'/
PLAN DE L'ACROPCLF, DE :-;AMIN
[■lint..t\i:ii' ll.rll.JiiHf, Par
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
267
Ces tombes semblent être postérieures aux grands dolmens et à l'ensemble de la nécropole
de Namin. Il en est de même d'un autre groupe de petits tombeaux qui, situé à environ
I 200 mètres et au Sud de notre champ d'exploration vers le village de Souli-dôrré, se com-
posait de trois grands cercles de pierre (fig. 356). Le premier, mesurant 18", 10 de diamètre,
renfermait un grand dolmen ruiné; le second n'avait que §",55 de diamètre; quant au troisième
( 1 2™, 10 de diamètre) il était occupé par
ff^-r^ trois petites sépultures assez mal con-
f'/iM ^^\^ servées. Construites en forme de ciste,
/Tn comme celles de l'âge de fer au Cau-
case, elles ne mesuraient que i'",20 de
long sur o'",8o de large. Les corps
'^'j étaient également repliés sur eux-
.,_..--— f ■/ ^^■"'. mêmes et couchés sur le côté. Le mo-
'Q^^^ -- / ,1^ ^jj| bilier funéraire se composait pour le
^^^^ \ /^^R' n" I de quatre vases : une urne en terre
^v ; ""î ^ ^l^^p rouge grossière, un guttus, petit vase
\.,î---,.- ,- ^cTT--' ^^''^'^ '^'^^'^ ^t goulot, même céramique,
"" une grande jatte et un autre petit vase
dîl en terre noire. De plus, il y avait aussi
de petites boucles d'oreilles en bronze,
r<W^ deux coquilles, des pendants et des
perles de collier.
La sépulture n" 2 a donné cinq
'^--'v^/-^"^^^^ ^*^ vases : deux urnes, une en terre rouge,
l'autre en terre noire, deux écuelles,
F.G. 356. - Type des sépultures dans le voisinage du viU.ige de Souli-Dcrré. ^^^ • ^^^ j, ^^.^j^ également dcUX
Diamiitre iSra.io. ■* - t'
bagues en os et une petite lame en
bronze. Ces sépultures ne sont intéressantes que pour l'analogie qu'elles offrent avec celles
d'Akthala (fig. 357-359)-
Le dernier point sur lequel ont porté nos recherches est le coteau compris entre les deux
ruisseaux qui en se réunissant forment le Namin-Sou. Là, dominant la ville des morts, s'élevait,
sur le Ghaour Qalassi, ce qui avait été autrefois celle des vivants. L'étude de cette ancienne forte-
resse qui couronnait toute cette crête a été faite par le chef do la mission, c'est lui qui en a levé les
plans et ce sont ses notes que je transcris.
Les bases de l'enceinte des murailles extérieures sont faites de deux rangs de grosses pierres,
la partie supérieure était en pierres moyennes et terre, puis en terre seulement. L'enceinte inté-
rieure est appareillée en pierres de petites dimensions, par lits, avec fruit important qu'il m'a été
impossible de reconnaître; le haut des murs était certainement en terre crue. Dans l'enceinte sont
268
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
de nombreux restes de constructions, entre autres des murailles de 0^,70 à 0^,80 d'épaisseur,
garnies de deux rangs de pierre.
II n'y a été trouvé aucun silex, aucun fragment de poterie vernissée; mais, à l'extérieur, des
amas de cendres qui renfermaient des os de bœuf, de mouton, etc., et une perle en pâte émail-
lée, semblable à celles des dolmens, montrent que les issues de la citadelle étaient jetées hors des
murs.
La ville recevait sûrement l'eau par un canal semblable à ceux employés de nos jours pour
les cultures. Vers le Nord, il existe des traces de ce canal, à demi comblé, qui longe, dans
l'enceinte, la colline du Qal'a : c'était probablement celui qui apportait l'eau dans la ville.
FiG- 3S7-559- — Sépultures près de Souli-Derré, vase de terre et lance de bronze.
Échelle de 0^,05 par mètre.
1/2 grandeur
naturelle.
Sur la colline, au Nord de la citadelle, existent de vagues traces de constructions. A l'Est
de la ville et dans la vallée, deux cercles de grosses pierres sont analogues à ceux déjà reconnus
dans la nécropole.
Le cercle de pierres du Nord de l'enceinte semble avoir été fait avec les matériaux de la
muraille elle-même et, par suite, serait postérieur à ces constructions. L'altitude du sommet du
Qal'a est d'environ 70 ou 80 métrés au-dessus de la vallée.
Dans les constructions, il n'y a pas une seule pierre taillée, ce ne sont qu'assemblages de
blocs ; tant dans la partie haute que dans la partie basse de la ville on ne rencontre pas le moindre
fragment de brique. Deux murailles très ruinées faisaient communiquer le Qal'a avec les deux
cercles de pierres. Le plan reproduit à la Planche XVII donne le dispositif de ce qui reste
de cette antique forteresse qui, par sa position, commandait tout le pays, et que nous avons tout
lieu d'attribuer au peuple constructeur des dolmens situés dans son voisinage.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 269
Nos explorations à Namin peuvent se résumer brièvement en ceci : nous avons trouvé une
station qui, par les débris de céramique et autres qu'elle renfermait, peut être attribuée à l'âge du
bronze ; elle comprenait une nécropole de première importance et une citadelle. Les constructions
indiquent, parleur ensemble, une population nombreuse, riche et ayant atteint un degré déjà
très avancé de civilisation. Cette race, qui occupait le sol, paraît avoir été dépossédée par de
nouveaux venus employant des armes de fer, qui ont mis le pays au pillage et usurpé jusqu'aux
sépultures.
Pendant nos travaux à Namin, ce fut un échange constant de relations des plus courtoises
avec le seigneur et maître du pays, l'Èmir-Touman, qui vint nous rendre visite avec son frère et
son fils, nous invita dans sa maison et ne cessa de nous venir en aide par tous les moyens en son
pouvoir. Il nous donna sur ces vastes territoires, dépendant de son autorité, les renseignements les
plus précieux. Il nous raconta comment, il y a quelques années, il avait fait fouiller un certain
nombre de dolmens près de Minaver, plus haut dans la montagne, et y avait rencontré des armes de
bronze, des vases de terre et d'autres menus objets. Cette nouvelle localité était donc toute dési-
gnée pour nos recherches. Il nous signala également des sépultures antiques dans les contreforts
du Savalan, mais ces nécropoles feront l'objet d'une autre campagne. Cette région, du reste, était
alors ensanglantée par la révolte des tribus de la frontière que les troupes persanes s'efforçaient de
faire rentrer dans l'ordre.
TcHiLA-KiiANÉ. — 20 juin. A cinq heures, M. J. de Morgan part en avant pour mettre les
ouvriers au travail. Nous suivons une heure et demie plus tard avec le reste de la mission. Le
temps est superbe. Nous laissons à notre gauche le Ghaour Qal'assi et suivons un sentier qui
gravit doucement la rampe du Siah-Ker-Daghi ; la route est facile et bordée d'églantiers en fleurs
avec leurs tons mélangés de rose et de vieil or. Nous traversons le village de Minaver, groupe
important de maisons et de jardins verdoyants, et, après deux heures de marche, nous arrivons
à Tchilakhâné, à l'entrée des pâturages. Nous campons dans une prairie parsemée de fleurs et
ombragée de poiriers sauvages, à la bordure du plateau persan, au milieu d'un pays très mon-
tagneux, déchiré de ravins profonds et escarpés, autrefois couvert de forets; ces futaies ont été
dévastées et brûlées sur pied pour faire place à des herbages. Quelle étrange imprévoyance de
voir ainsi gaspiller ces précieuses réserves de combustible sur ce plateau où le bois a tant de
valeur ! Notre camp était entouré de sommets mamelonnés sur lesquels les dolmens étaient dis-
persés par groupes.
Nous sommes à une altitude d'environ 2000 mètres, la vue est splcndidc: d'un côté le Sava-
lan dresse son cône chargé de neiges au milieu de l'immensité de la plaine brûlante d'Ardebil ;
de l'autre le Talyche, avec ses étages boisés qui descendent jusqu'à la Caspienne; au loin Astara,
au milieu des lagunes et des damiers vert clair formés par les rizières. Autour de nous pais-
sent de nombreux troupeaux de vaches et de moutons. Nous commençons le travail par quelques
270 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
petites sépultures. Dans le voisinage immédiat du camp, nous ne trouvons que des vases gros-
siers, tous brisés, et un poignard en bronze du type le plus primitif: la lame fait corps avec la soie
Ces sépultures sont profondes de o'",6o environ. Dans ce même voisinage se trouvent quelques
dolmens, semblables à ceux de Namin, mais en fort mauvais état de conservation.
Ces premières fouilles étaient sans grande importance, aussi, dans l'après-midi nous trans-
portons-nous en haut d'une montagne qui dominait le camp d'au moins deux cents mètres ; c'est
là que l'Émir-Touman avait fait ouvrir deux dolmens. Nous trouvons très bien les traces encore
fraîches de ses travaux : le sol était couvert de débris de vases. Les sépultures n'avaient été qu'in-
complètement fouillées; d'autres, à côté, nous semblèrent intactes. Ce n'était pas à proprement
parler une nécropole dans le genre de Namin, mais une ligne de dolmens couronnant la crête de
la montagne dite Tchila-Khàné-Daghi, hauteur qui occupe la ligne de partage des eaux entre la
Caspienne et le plateau persan.
Ce groupe, où nous avons eu la bonne fortune de rencontrer des sépultures intactes, mérite
une description complète.
Dolmen n" i . — Incomplètement fouillé par l'Émir-Touman, repris par la mission. Ce dolmen
mesurait 4"',io de long sur 2^,50 de large et 1^,70 de profondeur ; il était construit de gros blocs
de basalte, formant muraille sèche, et recouvert de blocs plus gros encore. Nous y avons retrouvé
les objets suivants : une œnochoé ornée et d'autres vases brisés, une fusaïole, quatre anneaux,
quatre bagues dont une ciselée, une épingle, un javelot, deux pointes de flèches en bronze, un
collier de perles en émail ou verre bleu, un scarabée type égyptien et une perle plate en argent.
Comme cette tombe avait été bouleversée, nous ne pouvons donner que la liste des objets qu'elle
renfermait.
Le lendemain 21 juin, nous transportons tous nos chantiers sur le sommet du Tchila-Khànè ;
les fouilles commencent à 5 heures, nous faisons ouvrir cinq sépultures à la fois.
Dolmen n" 2. — Les pierres formant le couvercle du dolmen avaient disparu, mais la sépul-
ture était intacte, elle mesurait 3"', 20 de long sur i'",i2 de large et i",25 de profondeur. Elle re-
posait sur la roche volcanique qui forme le sol de la montagne. Les murailles de la cuve étaient
faites de pierres sèches, gros blocs dressés dont les intervalles étaient remplies au moyen de
pierres moins volumineuses. Le tombeau renfermait plusieurs corps ; les ossements très mal
conservés n'ont pas permis d'en déterminer le nombre exact. La tombe était littéralement remplie
d'objets; la figure 360 montre leur disposition. En voici la nomenclature.
Les numéros donnent sur le plan la position respective des objets trouvés.
L Vases en terre. — i. Œnochoé décorée d'ornementation; 2. Petite œnochoé ; 3. Petit
gobelet en terre rouge ; 4. Œnochoé en terre noire ornée de cercles ; 7 et 8. Urnes en terre noire ;
9. Œnochoé; 11. Plat en terre noire ; 12. Urne en terre noire ; 13. Grand plat également en terre
noire; 14. Urne; 15. Vase en fragments; 19 à 29. Vases divers brisés ; 34. Gros vase enterre
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
271
noire; 35. Plat; 36 et 37. Petits vases ronds; 40 à 42. Gros vases; 45. Petit vase rond ; 46 et
I. — Niveau supérieur.
II. — Niveau inférieur.
FiG. 360. — Tchila-Khànii. Dolmen n^ 2. Dispositif du mobilier l'uiicraire(i).
•
47. Grands plats enterre noire; 48. Petite jatte ; 49, 50, 51. Petits vases; 52 à 56. Œnochocs
en terre noire.
II. Objets en bronze. — 5. Pointe de lance; 6. Bracelet; 16. Poignard; 17. Deux pointes
(i) Ces deux niveaux ne formaient en réalité qu'une masse compacte; il faut les superposer par la pensée pour bien
saisir les positions resf)ectives occupées par les objets. Nous avons pris deux croquis au moment des touilles afin d'éviter la
confusion.
272
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
de flèches; i8. Faucille; 30. Bracelet; 32 et 33. Bagues; 38 et 39. Ornements en forme dédouble
spirale; 43. Poignard; 44. Pointe de flèche; 58. Bracelets.
FiG. 361-368. — Age du bronze. — Tchila'Khâné, vases en terre, 1/4 de grandeur naturelle.
III. Objets divers. — lo. Perles en verre et pâte de verre, et une petite perle en or ; 31 . Un
collier en perles de verre bleu ; 57. Une pierre à aiguiser.
On peut juger par cette nomenclature des objets trouvés dans une sépulture relativement
peu importante, de ce que devaient renfermer les grands dolmens de Namin qui malheureuse-
ment avaient tous été spoliés.
■FiG. 369. — Tchila-Khané. Dolmen n" 5. .-^ge de bronze.
Dolmen n" j. — Cette sépulture était, elle aussi, intacte (fig. 369).
Dimensions de la cuve: 3'",2 5 dclongsur 1^,40 de large et o", 80 de profondeur. Même mode
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FiG. 370-588. — Dolmens de Tchila-Klunc. Age du bronze. Vases en terre noire, rouge ou grise. 1/4 gr.mdeur naturelle.
35
FiG. 389-408. — Dolmens de Tchila-Kbané. Age du bronze. Vases en terre noire, rouge ou grise. 1/4 grandeur naturelle.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
27)
^
de construction en blocs de basalte. Les trois gros blocs qui formaient couvercle étaient en place.
Le cercle de pierres qui entourait le monument était peu apparent. Là encore les objets étaient
entassés. En voici la liste : Sept bracelets anneaux, avec ornements en spirale filigranée et un à
section triangulaire ; treize bagues dont une à section rectangulaire; deux spirales longues de
o"',o6y, cinq bossettes de o'",02 de diamètre; une bossette de o'",oi et quatre de 0^,03; une
attache percée de deux trous ; un pendant
de collier, en forme de croissant, mesu-
rant o'",o6. Trois dagues, une avec poi-
gnée rapportée, les deux autres coulées
d'une seule pièce ; deux têtes de lance ;
deux couteaux, dont un muni d'un dos.
Les dagues portaient encore les traces de
fourreaux en cuir(?) et en étoffe. Tous ces
objets étaient de bronze. Il a été trouvé
également beaucoup de perles en corna-
line et en pâte émaillée, une masse en
grès et une pointe de flèche en silex,
la seule de ce genre rencontrée jus-
qu'alors. La céramique était représentée
par environ 50 vases (fig. 370-388 et
389-408).
^
•J^^
^
Fig. 409. — Tchila-Khànc. Dolmen n" 4. Age du bronze.
Dolmen n° ^. — Ce monument est le
plus complet que nous avions exploré à
Tchila-Khâné. Il était au centre d'un
cercle de pierres et parfaitement conservé.
Le tumulus, qui autrefois s'élevait sur
le dolmen, le recouvrait encore dans son
entier, laissant à peine deviner les trois blocs énormes formant le couvercle de la sépulture,
qui mesurait 4 mètres sur 2"", 05 de large. La cuve elle-même présentait 3^,50 de longueur sur
1^,28 de largeur et i",30 de profondeur. Cette sépulture était absolument intacte, et renfer-
mait six crânes, dont un d'enfant. Les ossements étaient dans un état de conservation qui
nous a permis de reconnaître l'emplacement de chaque squelette près duquel les objets lui
appartenant avaient été groupés. Le croquis pris sur place donne la disposition de ces
sépultures.
Le squelette n" i était assis, les autres, allongés, étaient posés les pieds ramenés vers le centre
du dolmen qu'occupait la sépulture d'enfant. Les vases formaient une couche de 0^,50 au-dessous
de la surface de la terre qui encombrait la cuve; puis venaient les squelettes et les'menus objets.
2-6
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
déposés à une profondeur de o'",90 sur un lit de charbon et de cendres, reposant lui-même sur
une couche de blocs formant une sorte de pavage.
Ce dolmen renfermait 28 vases en tout, œnochoés, plats, urnes et gobelets, une dague en
bronze ornée d'un manche en corne, un disque concave et de petites bossettes, le tout en bronze.
Les bossettes servaient d'ornements de coiffure pour les femmes. A cette liste il convient d'ajou-
ter de nombreuses perles en pâte de verre.
Le dolmen n°y situé près du n" 4, était beaucoup plus petit; il ne mesurait que i'",8o sur
o",85 de large et ne contenait qu'un vase et quelques perles.
«i
^mm
FiG. 410-415. — Tchila-Khâné. Age du bronze. 1/2 grandeur naturelle.
Dolmen n° 6. — Le dernier de la ligne vers la frontière russe avait été vidé par les pâtres qui
en avaient fait un abri pour surveiller leurs troupeaux.
Le dolmen n° 7 situé à l'autre extrémité de ce groupe, près du n° i , avait été fouillé par
l'Émir-Touman et ne renfermait plus rien.
'.•kîi^,
/î;
v^. :
m
:m.û
Wm
FiG. 416-420. — Dolmens de Tchila-Khânc. Age du bronze. Dagues et têtes de lances tn bronze, 1/2 grandeur naturelle.
A/a^aa <a-^.» ^
M-mmmm
i/2 gr. nat.
1
2/3 gr. nat.
1/2 gr. nat.
2/3 gr. nat.
2/3 gr. nat;
2/3 gr. nat
1/2 gr. nat.
1/4 gr. nat.
2/3 gr. nat.
1/2 gr. nat.
1/2 gr. nat.
FiG. 421-447. ^ Tchila-Kliâné. Age du bronze. Colliers en pâte de verre et pierres dures. Bijoux et ornements en bronze.
Fusaïoles en terre cuite.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
^79
Autour de ces monuments se trouvaient groupées quelques sépultures sans doute apparte-
nant à des pauvres et qui ne nous ont donné que des fragments de vases.
Ces fouilles nous avaient pris les journées des 20, 21 et 22 juin; le terrain sur ce point étant
complètement exploré nous passâmes à une colline voisine, Lor-Daghi, tout en conservant notre
camp toujours au même emplacement.
Lor-Daghi. — Lor-Daghi est un large plateau vallonné, d'un aspect dénudé, couvert d'une
herbe rare et semé de rochers ; du côté du Talyche et du Lenkoran il est bordé par des escar-
pements dominant les déclivités boisées qui descendent vers la Caspienne. Le panorama est très
vaste: il s'étend des îles Sari et de l'embouchure
de l'Araxe jusqu'à Astara ; les maisons et les ^^^èfiSilHiMilfft^^^
navires à l'ancre ressemblent de loin à des jouets
d'enfants. Le Lenkoran s'étend à nos pieds;
M. J. de iMorgan nous montre sur cette immense
carte les sites des nécropoles qu il a explorées
lors de sa première mission en Perse.
Nous ne sommes plus ici en présence de quel-
ques dolmens i.solés, mais d'une véritable nécro-
pole avec tumuli, cercles de pierres, et larges
.-)^1...^^„r. . —„;., „1U , _ „ * "1 F"'- 448-451- — Lor-Daghi. Age du fer. Armes et débris de fer
dolmens, mais, malheureusement, il ne nous trouvés dans les dolmens spoliés. - ./^ grandeur naturelle.
faut pas longtemps pour nous convaincre que la
spoliation s'est étendue partout. Nous fouillons, cependant, en entier ou en partie, douze dolmens
ou tumuli ; ils étaient du type de ceux explorés à Tchila-Khàné.
Les dolmens n"^ i, 2 et ^ construits en pierre volcanique, en très mauvais état de conser-
vation, mesuraient 3'",8o de long sur 1^,50 de large. Des débris de fer qu'ils renfermaient indi-
queraient que leur spoliation remonte à une époque reculée.
Dolmen n° f. — Mesurait 2"\9o de long sur 2"", 40 de large, à l'extérieur. Le couvercle
du ciste se composait de deux énormes dalles reliées ensemble par des pierres de dimensions
moyennes, le tout formant une masse si compacte et tellement semblable à la roche naturelle que
nous avons hésité un moment à y reconnaître une sépulture. Non sans peine d'ailleurs, le bloc le
moins volumineux fut déplacé ; il nous fut, alors, possible de pénétrer dans une cuve terminée à ses
extrémités par deux grandes dalleset formée de murailles sèches sur les côtés. Cette sépulture mesu-
rait 2"',5o de long, i'",45 de large et i'",io de profondeur, elle n'était pas complètement pleine
de terre. Nous rencontrons d'abord une couche de terre fine, puis un lit de pierrailles volcaniques.
28o
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
FiG. 452.
enfin des vases en terre, noire ou rouge, qui formaient une masse continue vers la face Nord, celle
par laquelle nous avions pénétré dans le tombeau. Au-dessous se trouvaient les débris des osse-
ments de plusieurs corps. Le mauvais état de conserva-
tion des os ne nous a pas permis de relever le nombre des
squelettes. Dans leur voisinage immédiat étaient les
objets de bronze et les perles de pâte de verre.
Voici le détail de ce mobilier funéraire : trente-trois
vases, urnes, plats très nombreux, œnochoés et bou-
teilles. Une de ces œnochoés est très ornée, comme les
vases du Caucase, gobelets, etc. Les objets suivants
étaient en bronze : trois poignards du type le plus
ordinaire, lame de forme triangulaire, ornée d'une
nervure centrale et d'un croissant en relief près de la
poignée. Un poignard à pommeau rond. Un autre
poignard à soie de forme plus courte. Trois petites
dagues ou couteaux à double tranchant. Un couteau
recourbé avec un seul tranchant. Une tête de lance.
Un petit anneau. Une sorte de spatule. Nous avons
trouvé en plus une pierre à aiguiser et des perles en
pâte de verre.
L'intérêt de cette sépulture est que tout s'}^ trou-
vait parfaitement en place. Les armes offrent une
grande analogie avec celles découvertes à Veri dans
le Lenkoran ; comme mode de construction, le dolmen
se rapproche beaucoup plus de ceux de Kraveladi,
fine grise, 1/4 gr. nat. — Fig. 453-454- Bagues en qu même de Djonu, mais ne Saurait être attribué qu'à
bronze, 1/2 gr. nat. — Fig. 455. Terre cuite, 1/2 gr. . , . j r r ^ r^ ^
nat. — Fig. 456. Collier, pâte de verre, 1/2 gr. nat. 1 âge du brouze. Les objets de ter tout entièrement
défaut.
Sur les autres points les fouilles sont moins fructueuses.
Fig. 455-
Fig. 454-
Fig. 455.
Lor-Daghi. Age du bronze.
Fig. 456.
Fig. 452. Vase en terre
Dolmen n° ^. — Entouré d'un cercle de grosses pierres, il était en ruines et mesurait
3"\8oXi'",75.
Dolmen n° 6. — Également entouré d'un cercle de pierres parfaitement conservé et mesu-
rant 9"\9o de diamètre. On retrouvait même les restes du tumulus qui, ruiné, ne renfer-
mait rien.
Dolmen n" 7.
Mesurait 2",20xr\8o, semblait n'avoir pas été spolié, renfermait dix
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 281
vases, tous brisés. Les n°' 8 et 9, sépultures dans de petits tumuli, n'ont donné que des débris
de vases informes.
Dolmen 71° 10. — Fouillé par M. Lampre. Mesurant 2"", 60 de long sur i™,5o de large
avec une profondeur de plus d'un mètre, n'adonné que des débris de vases en terre noire ou rouge
et une pierre à aiguiser.
Tumulus n° 12. — Ce tertre dominait toute la nécropole; nous le faisons attaquer par une
quinzaine d'ouvriers. A o",3o de la surface nous trouvons une muraille de blocs de grosses
pierres, dessous un lit de pierres moins grosses, puis le sol en place, et rien.
Le terrain nous paraissant épuisé, nous reportons les travaux près du camp. Pendant nos
fouilles à Lor-Daghi nous sommes favorisés par un temps clair et splendide qui nous permet
d'admirer encore le site grandiose qui nous entoure. Le matin c'est le panorama de la
Caspienne; le soir, quand le soleil baisse derrière le Savalan, la montagne s'anime de tons d'une
douceur et d'une richesse impossibles à décrire. Nos voisins les Russes viennent nous rendre des
visites amicales. Sur ce point la ligne de frontière n'a pas la rigidité européenne.
Le 25 juin, pendant l'après-midi, nous reprenons les fouilles près du camp de Tchila-Khané
sur un mamelon du nom de Buchu-Kini ; nous y fouillons trois petites sépultures : une d'entre
elles contenait un petit vase fait à la main en terre grossière, ayant la forme d'une urne.
Notre départ est décidé pour une autre localité, située plus au Sud. Avant de quitter je
fais sonder deux dolmens situés près du camp, ils sont en assez mauvais état.
L'un mesure 2"", 50 sur i'",5oet une profondeur de 0*", 95. Il était construit en calcaire; ruiné
par les cultures, il n'a donné que de grands vases brisés et une pointe de flèche en bronze.
L'autre dolmen, également construit en pierre calcaire, avait 3 mètres de long sur i'",45
de large. Le couvercle de la cuve était formé de trois grosses dalles au milieu desquelles un
buisson d'épines et d'églantier avait pris racine. La sépulture était intacte : elle était pauvre et ne
nous a donné que six vases en terre, un petit poignard, une lame et une aiguille, le tout en
bronze. De plus, un collier en perles de pâte de verre. A l'intérieur du dolmen toute la sépulture
était recouverte par un lit de grosses pierres. Le 26, nous restons avec M. Lampre pour terminer
cette fouille, pendant que le reste de la mission lève le camp.
En dépit du nombre de tombes spoliées, nos fouilles nous avaient donné de précieux
renseignements, établissant une parfaite similitude avec les sépultures explorées dans le Lenkoran.
Chagoula-Dérré. — Le 26 juin, après avoir terminé les fouilles à Tchila-Khané, nous nous
mettons en route avec la seconde section de la caravane. Le temps est beau et froid, il souffle un
36
282
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
grand vent de la Caspienne. Nous franchissons un ravin, nous allons retrouver le sentier de la
frontière et nous gravissons une côte autrefois boisée, mais sur laquelle on ne voit plus que les
squelettes noircis de la forêt. L'Émir a tout transformé en pâturages. L'herbe y est abondante et
semée de fleurs violettes. Le pays présente toujours le même aspect, vallonné et nu, mais le sol
est cultivé, sur bien des points, et produit des céréales.
En arrivant, nous trouvons les chantiers de fouilles installés sur sept petits tumuli. Ils ne
donnent que des débris de vases. Près de là, nous voyons les restes de grands dolmens en pierre
calcaire, tous ruinés. Pendant l'après-midi, nous faisons
encore ouvrir d'autres tumuli ; un seul nous donne un
vase entier, un crochet en fer et une bague en bronze.
%.
^ {^,
(^
0 0
FiG. 457-
-Plan d'une sépulture à Chagoul.vDerré.
Échelle de o™,05 par mètre.
Le 27, nous transportons nos recherches vers le Sud
du camp. Nous ouvrons, sur le bord delà route, un amas
de pierres. C'était une sépulture, bouleversée en partie
seulement; il s'y trouve trois vases en terre noire, dont
un, orné de côtes, porte un bec, des bracelets, deux pla-
ques en bronze, provenant d'une ceinture semblables à
celles de Djonu et deux superbes poignards en bronze. Les
poignées font corps avec la lame et sont richement ornées
d'incrustations en corne (fig. 459 et 462). Cette sépul-
ture pouvait être de la fin de 1 âge du bronze; mais, dans
le groupe que nous explorons près de là, sur une colline, nous sommes en plein âge du fer. Les
tombes sont dans le plus complet désordre.
La première que nous ouvrons était à même le sol, elle ne donne que deux bracelets en
bronze, la seconde un collier en perles de cornaline. Plus loin, nous ouvrons une sorte de tertre;
il renfermait trois sépultures.
La première était presque à fleur de sol (o"", 50) et au milieu de pierres sans ordre; elle nous
a donné une perle en forme de scarabée, en pâte émaillée bleu turquoise, et une ceinture de bronze
large de o'",i3, décorée d'ornements faits au point (fig. 466).
Dans la seconde sépulture, une ceinture de bronze uni, large de o"',o85 et d'un diamètre de
(j",73 occupait sa place sur le corps. Près de là se trouvaient également une bague et deux bra-
celets en bronze, un couteau en fer, des perles de cornaline et de jaspe rouge, à facettes, très bien
taillées. Ce mode de taille est propre à l'âge du fer (fig. 465). A la gauche du squelette, qui
reposait face au Nord, et près de la ceinture était un poignard en fer dont la poignée, d'une forme
caractéristique (fig. 468), était ornée de deux disques de bronze qui formaient le pommeau; puis
un second couteau en fer.
La troisième tombe ne renfermait qu'un bracelet de fer.
w^
ss
Wf
r^:
^
jâ^fe
-lâ^fel
7^^32 — 1
459. 460. 461. 462. 463.
Fio. 158-4(^3. — Chagoula-Derr'j. Athcs en bronze. 1/2 grandeur naturelle. Aa;e du fer(?). — Note. Ces armes en bronze
ont été trouvées mélangées à des objets en fer.
284
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
En continuant les fouilles sous ces tombes, dans un sol toujours remanié, nous trouvons, à
I ",70 de profondeur, une autre sépulture qui contenait des vases en terre, urnes, plats et gobelets ;
de plus, une petite lame en bronze d'une forme très primitive.
Cette superposition de sépulture est la preuve que le pays, occupé par des populations ne
possédant que le bronze, a été envahi par une autre race qui possédait des armes de fer.
Pendant que je surveillais le travail sur ce point, M. Lampre explorait un autre groupe fai-
sant suite sur la même croupe et situé autour et au milieu de deux tumuli ruinés.
FiG. 464 et 465. — Age du fer. Colliers avec perles de jaspe rouge taillé à facettes.
Sépulture n° i. — Dans une ellipse de blocs de pierre mesurant i'",8ox i"',40, a donné
trois javelots en fer, des perles en cornaline et en pâte de verre, deux bagues dont une en torsade
et une petite pointe en bronze.
Sépulture n" 2. — Dans un tumulus formé d'un amoncellement de cailloux ; M. Lampre y
a relevé les objets suivants : une lance en fer, une épée dont la lame et la soie étaient en fer et le
pommeau en bronze, une autre garde en bronze provenant d'une dague, une lame en fer et des
perles en cornaline et en pâte de verre.
Sépulture n" j. — Donne deux bracelets en bronze ciselé, dont un avec têtes de serpents, des
477- -'^S-
TlG. ,166-480. — Ch.igouIa-Di-rrc. Age du fer.
466-167. Ceintures en bronze. - 468-469. Poignées d'épées en bronze. - 470. Pendentif en bronze.
472-480. Bracelets en bronze, 1/2 grandeur naturelle.
471. Perles de collier
48i.
482. 485. 488. 4X9. 490.
FiG. 481-492. — Chagoula-Dtrré. Age du fer.
Têtes de lances en fer. — Épées en fer avec poignées de bronze, 1/2 grandeur naturelle
491.
492.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
1S7
anneaux de bronze, des lames et pointes en fer, des perles de pâte émaillée, et, dans un lit de
charbon, une ceinture en bronze non ciselé (fig. 467).
FiG. 495 et 494. — Chagoula-DcrrO. — Sépultures de l'âge du fer. — Colliers avec perles taillées à facettes, 1/2 grandeur naturelle.
Sépulture n" /. — Mesurant i mètre sur r\io. On y a trouvé les objets suivants : neuf
bracelets (cinq sont ciselés), dont un plat et deux ornés de tètes de serpents (fig. 477), quatre
bagues, le tout en bronze, quatre têtes de lances et un couteau en fer, une pierre à aiguiser, un
collier de perles de pâte et de grosses perles de verre.
Le 29 juin, la mission va reconnaître du côté de Soua et de Vadjalik, vers le Sud,
288
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
des dolmens qui nous sont signalés par le guide. Nous continuons les travaux, à Chagoula-
Dèrré.
Nous faisons sonder deux grands tumuli qui ne donnent rien, et nous continuons nos fouilles
Lf au milieu des tombes de l'âge du fer.
FiG. 495. — Chagoula-Derré. — Coupe d'une sépulture de l'âge du fer.
Échelle de 0^,015 par mètre.
Sépulture n° ^. — N'est en réalité que la
continuation du n° 4. A une profondeur variant
entre o'",3oet o"',50. M. Lampre trouve un bra-
celet en bronze ciselé, plusieurs bagues, des
perles en cornaline, d'autres en verre bleu à
chevrons jaunes, un anneau de bronze à plu-
sieurs spires, un autre en bronze uni et abon-
dance de poterie rouge.
Sépulture n° 6, toujours à la suite. — Donne une dague à garde de bronze, une épée de
fer avec une poignée en bronze. Ces armes avaient
été brisées intentionnellement ; on retrouve séparé-
ment le pommeau et la pointe. Cette poignée est très
ornée de ciselures (i).
Le jour suivant, 30 juin, nous poursuivons les
fouilles toujours sur le même point. Nous continuons
à trouver des armes en fer, lances, épées et cou-
teaux, des perles de cornaline et de pâte de verre
en abondance. Les sépultures sont tellement confuses
et entremêlées que je ne puis préciser le nombre
exact de celles que nous avons explorées et qui
s'élèvent au chiffre de trente environ. Pendant tous
ces travaux nous sommes contrariés par un temps très froid et un vent violent. Nos observa-
tions étant finies, le départ est décidé pour le lendemain.
498.
FiG. 496-505. — Chagoula-Derrc. — Age du fer.
Ornements de bronze.
Vadjalik. — Le i" juillet, à six heures, nous nous ébranlons, suivis de la caravane. Une brise
légère souffle et tempère la chaleur de l'été. Nous marchons jusqu'à dix heures à travers un pays
affreux : pas un arbre, rien qu'une immense étendue jaune, sèche, parsemée de maigres récoltes;
c'est le plateau persan dans toute sa laideur. Les sentiers sont bons et traversent quelques villages.
(i) Cet objet fait maintenant partie de la collection de S. M. le Shah de Perse.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 289
semblables à ceux déjà vus, où nous excitons la même curiosité de la part des indigènes qui se
pressent sur notre passage en groupes bariolés et pleins d'animation. Le guide nous arrête en
pleins champs, au milieu de dolmens et de tumuli.
Nous sommes près de Qal'a-Sar, dont les misérables maisons couvrent un coteau sur notre
gauche. On fait la halte du déjeuner, nous inspectons avec soin la nécropole: elle est très étendue,
mais tout a été bouleversé par les cultures. Les dolmens sont entr'ouverts, les tumuli portent
des traces de spoliation. Ce terrain ne promet que des déboires; à 11 heures nous remontons à
cheval et poursuivons la route sous un soleil dardant avec la force de l'été. Bientôt nous quittons
le plateau ; le pays devient moins laid à mesure que nous avançons vers les crêtes boisées conti-
guës au Talyche. Au lieu de suivre le sentier, nous coupons au court à travers des prairies natu-
relles, au milieu d'une herbe haute et épaisse, semée d'iris aux touffes violettes. Sur la gauche les
coteaux sont boisés, mais la forêt a été dépouillée de tous ses beaux arbres.
Nous dépassons un pauvre village, du nom d'Allah Duzza, et arrivons à un petit ruisseau
que nous remontons; c'est un bras du Qara-Sou. Nous rencontrons quelques dolmens ruinés,
puis rejoignons la route de Souah à Astara. Il est trois heures, nous faisons halte; la caravane
nous rejoint une heure après. Nous établissons notre camp dans une prairie, à cô,té d'un ruisseau
insignifiant, le Kechiak-Tchaï, qui se jette dans le Qara-Sou ; nous sommes adossés à un amphi-
théâtre de montagnes de 5 à 700 mètres, en grande partie boisées. C'est un site qui nous parait
charmant après ce que nous venons de quitter.
Près de notre camp se trouvaient quelques grands dolmens en fort mauvais état de conser-
vation. Nous prenons nos fusils et nous allons à l'Ouest, vers un coteau boisé que l'on nous dit
se nommer VadjaliU. Là nous nous trouvons en présence d'une vaste nécropole composée
d'énormes dolmens. Les blocs qui couvrent les cuves dépassent tout ce que nous avons vu jus-
qu'alors. La brousse les enveloppe de toutes parts.
Le 2 juillet, nous commençons les fouilles au milieu de ce groupe de dolmens et en faisons
attaquer plusieurs à la fois.
Dolmen n" i . — Nous choisissons la pierre la moins volumineuse du couvercle. VA\q n'en
mesure pas moins r",85X r",8o avec une épaisseur d'environ o^.So; on parvient àgrand'pcinc
a la déplacer, et on pénètre dans la cuve, formée de blocs énormes de basalte dressés debout
et sur lesquels viennent reposer les trois roches du couvercle. L'ensemble de ce monument
atteint 5", 70 de long et la chambre i'",37 de large sur i"\70 de haut. A o"\9o de profondeur
nous rencontrons un lit de blocs s'étendant sur toute la longueur de la sépulture. Sous ce lit
étaient les ossements et un grand nombre de vases, souvent de fortes dimensions et du type
olla, mais tous écrasés sous le poids des rochers entassés.
Dolmeyi n" 2. — Cet autre dolmen est encore plus grand : l'ensemble mesure 7"', 70 de long
et les plus gros blocs du couvercle 2"', 70. Après avoir dégagé tout l'extérieur, on se trouve en
57
290
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
présence de telles masses qu'il ne faut pas songer à les déplacer avec les faibles moyens dont nous
disposons. Nous sommes forcés de faire venir des mineurs d'Ardebil et c'est à coups de poudre
que désormais les sépultures seront ouvertes.
Ce dolmen était dans des conditions iden-
tiques au premier exploré. Sous une véritable
muraille de rochers entassés gisait une couche
de vases, tous en terre grossière, de formes
épaisses, genre ollas, et tous broyés. Ils étaient
en place; nous en avons compté vingt. Mais aucun
autre objet n'accompagnait les poteries.
FiG. 506.
- Dolmen n° 3. Vadjalik. Age du bronze.
Échelle, 0^,015 p.nr mètre.
Dolmen n° ] . — Construction du même type
que précédemment, mesurant 5™, 15 de long. Le
bloc principal du couvercle n'avait pas moins de
3 mètres de large sur i"\9o et une épaisseur d'un mètre environ. Dégagée par deux coups de
mine, cette sépulture ne donne que des vases brisés; mais, sous le bloc qui la fermait au Nord,
se trouvaient des vases brisés et une superbe ôpée en bronze, du type le plus ancien, semblable
à celle trouvée à Khodja-Daoud ; la soie fait corps avec la lame. Cet objet avait été placé en
dehors du tombeau, qui était orienté exactement Nord-Sud (fig. 506).
Dolmen n" ./. — C'est le monument le plus vaste que nous ayons exploré à Vadjalik
(fig. 507-509). Il était fermé par quatre blocs énormes de basalte reliés entre eux par d'autres
moins considérables et formant un ensemble de près de 10 mètres de long. La cuve seule
mesurait intérieurement 7'\70 avec une profondeur de i'",36, et une largeur au centre de 2'", 92,
se réduisant aux extrémités à 2'", 10 et r", 85 ; l'orientation était également Nord-Sud. La cuve,
faite de blocs volumineux, était consolidée par une formidable muraille sèche de 2 mètres d'épais-
seur, qui en faisait tout le tour. Les roches formant le couvercle avaient les dimensions suivantes :
A. 2'", 37X2™, 53. Épaisseur r\i2 — o"\72.
B. 2"^, 10X2", 55. Tour 7"\25 (i).
C. 2'",86xi"',55. Épaisseur o"\ 90.
D. 0™, 75 XI'", 75. — o'",7o.
Une masse compacte de grosses pierres recouvrant l'ensemble formait un véritable pavage
dans toute la tombe.
Il ne fallut pas moins de quatre coups de poudre pour dégager ce dolmen, et les travaux occu-
pèrent en entier mon attention du 6 au 1 1 juillet. Je me suis attaché à relever tous les détails de
cet important monument qui était indemne de spoliation (fig. 507-509).
(i) Cette roche avait glissé et s'était fendue en deux.
I-'ic. )07-)09. — Dolmen r.o 4. Age du bronze, Vadjalik.
292
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
520.
511.
516. 517. 515.
FiG. 510-522. — Vadjalik. — Échelle 1/2 gr. nat. Boucles d'oreilles en électrum. Colliers en perles de cornaline, onyx, cristal de roche,
argent et électrum. Ornements, armes et instruments d'autres dolmens de l'âge du bronze (i).
FiG. 521. — Tête de lance. — Fig. 518. — Ornement, bronze. — Fig. 522. — Pierre à aiguiser.
Les fouilles commencèrent par l'extrémité Nord : dans l'angle de gauche, furent trouvées
(i) Dolmen n" 4. Échelle 1/2 gr. nat. Fig. 510, 511, 516. Électrum, boucles d'oreilles et spirale. — Fig. 519-520.
Epingle et spatule en bronze. — Fig. 517. Bracelet en bronze. — Fig. 512, 513, 514, 515. Sous ces numéros on trouvera
les perles en électrum, argent, onyx et cristal de roche provenant du petit ciste. Le dessinateur les a groupées avec
d'autres perles provenant de divers dolmens de Vadjalik.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
293
deux têtes de lances en bronze mesurant o'",i 10 et o™,i35; elles étaient munies de douilles. Sur
la droite il y avait quelques perles de collier en cornaline, dont une très grosse.
Au centre et sur tout le côté Ouest du dolmen on avait déposé un nombre considérable de
vases; j'en ai compté 25. Il y en avait une bien plus grande quantité, mais ils étaient tellement
serrés les uns contre les autres, leurs fragments s'étaient si bien confondus par l'écrasement, que
je n'ai pu les relever tous. Ces vases se rattachaient au type suivant: urnes épaisses(i) déforme
FiG. 523-527. — Vadjalik. Age du brcnzc. Dclirien n° 4.
•i^y-
et décorées seulement de moulures grossières ou de petites anses non détachées ; œnochoés avec ou
sans anse; plats; tous ces vases en terre noirâtre mal cuite, à pâte très grenue, en un mot
d'un style très primitif. A part cela, il y avait des coupes avec pied, d'une terre rougeàtre
en dedans, noire au dehors, mais très mal cuite, bien que beaucoup plus fine comme pâte.
Vers le centre se trouvait une autre tête de lance et des bracelets en bronze.
Mais la trouvaille la plus curieuse fut celle d'un petit vase de bronze, en forme de ciste,
renfermant toute une parure de femme; près de là également deux épingles et une sorte de
spatule en bronze.
(i) Ces vases avaient un diamètre de o''.40 sur o''\35 à o".40 de haut.
294
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
Cette parure se composait de deux boucles d'oreilles et d'une spirale en électrum(fig. 510,
511, 516), et de colliers composés de perles en cornaline, cristal de roche, argent et électrum
(fig. 512-515). Ces dernières étaient faites d'un fil enroulé en spirale (fig. 512) (i).
On est frappé de la pauvreté en objets précieux de ces tombes dont les constructions sont si
importantes; mais il semble que la coutume, à cette époque reculée, ait été de limiter les
offrandes faites au défunt à la céramique, presque à l'exclusion de tout autre objet.
Nous ne fouillons pas moins de 1 5 dolmens à Vadjalik ; mais toujours avec le même résultat ;
^
mm.
^'^
Fig. 528. — Tach-Kôpru. Dolmens spoliés. Échelle o™,075 par mètre.
des vases sans nombre, toujours brisés, et quelques pointes de lance ou petites lames en
bronze, des perles de cornaline et rien de plus. Cependant nous n'avons trouvé aucune preuve
de spoliation ni d'usurpation des sépultures, et peu d'inhumations postérieures; tel n'était pas le
cas à Namin.
Dolmen n" 5. — C'était un monument considérable, mesurant 5"',70 de long, et recouvert
de trois gros blocs; le plus important avait i",5o de long sur 2™, 70 de large et une épaisseur
de 1", 10. Cette belle sépulture ne nous a donné que des vases brisés.
A côté de CCS grands dolmens il s'en trouvait d'autres moins importants, mais leur mode
de construction était le mCnnc ; ils ne renfermaient que des vases brisés.
(i) Ces spirales sont, au Tah'che. caractéristiques de l'âge du bronze.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
293
Pendant que je terminais les travaux à Vadjalik, les autres membres de la mission avaient
abordé une partie de la nécropole située près de la place où nous avions campé en arrivant, au
lieu dit Tach-Kôpru.
529. — Échelle o™,03 par mètre.
5 ;o. — Échelle 0">,02 par mètre.
Dolmen n" 14. Échelle ora,o3 par mètre.
FiG. 529-55;!. — Tach-Kôpru. Dolmtn.s de l'âge du bronze.
552. — Dolmen n° 15. Échelle
o'n,03 par mètre.
Sur ce point les dolmens étaient en très mauvais état de conservation (fig'. 528).
Dolmen n" 12. — lùait fait de pierres de dimensions moyennes, long de 5'", |<) et large de
l'",8f) ; il renfermait un corps étendu de toute sa longueur et entouré des objets suivants :
Un fragment de silex blanc taillé, vases en pâte fine rouge et grise, dont un décoré de côtes,
296
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RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
538.
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des plats, une anse de poterie grossière faite à la main, des
perles de terre avec ornements géométriques lissés, une figu-
rine en terre représentant une vache, trois bagues en bronze.
Dolmen n° i/f. — Construction peu soignée faite de
grosses pierres; 3™, 15 de long sur i'",8o de large (fig. 531).
Cette sépulture nous a donné, près du crâne, un objet très
intéressant, une coupe en bronze avec un pied et une anse.
Le métal était travaillé au marteau et assez mince. Dans ce
vase était une tête de lance également en bronze. Près de là
deux épingles et deux bracelets en bronze .
Quinze vases de terre étaient dispersés
dans la sépulture, ils sont de plus petites
dimensions que ceux de Vadjalik et en
terre mieux cuite. La sépulture renfer-
mait un collier composé de perles de cor-
naline, de cristal de roche, et une en or:
c'est une feuille très mince décorée de pe-
tits ornements estampés.
Fig. 555. — Tach-Kôpru.
Perle de bronze,
2/3 gr. liât.
534-
537-
Dolmen n° 75. — Était très irrégulier comme construc-
tion: longueur 2"\6o, avec i", 40 dans sa plus grande largeur
(fig. 532). Renfermait des vases du type de la tombe pré-
cédente, une plaque de ceinture avec boucle, des bagues et
de grands bracelets. De plus une lame avec soie et une tète
de lance d'une forme particulière : elle est fixée dans la
hampe par une pointe munie d'une virolle d'arrêt, au lieu
d'une douille comme c'est habituellement le cas.
Ces deux sépultures 14 et 15 ne semblent pas avoir été
spoliées et ne contenaient qu'un seul corps, orienté la tète
face au Nord. (Angle 12° Est.)
Tandis que nous faisions nos travaux tant à Vadjalik
qu'à Tach-Kôpru, M. J. de Morgan s'était attaché à faire
une inspection de l'ensemble de la nécropole et de la topo-
graphie du pays sur le côté opposé de la vallée du Kara-Sou ;
il avait observé nombre de sépultures de tous genres, grands
dolmens et tombes plus modestes; la nécropole couvrait
également tout le coteau d'Hassan-Zamini.
t'?H
-S
hm
544-
547-
541.
FiG. 541-558.
542.
545-
545-
Hassan-Zamini. — Armes et ornement de bronze. — 1/2 grandeur naturelle; 541, poignard; 512, lance; 543, tète de
lance; 544 et 545, têtes de lances ; 546 et 547, pointes de javelots; 548, ornement.
38
298
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
Parmi les sépultures explorées par M. Lampre à Tach-Kopru, un dolmen mérite une descrip-
tion complète. Il a donné des objets très curieux. Construit, comme les autres, en gros blocs
de basalte, il mesurait 3", 50 de long sur i^'.go de large ; son orientation était Nord-Sud,
son état de conservation laissait beaucoup à désirer. Il renfermait plusieurs corps. Voici la liste
des objets trouvés : deux bracelets en bronze, des perles de cornaline et de pâte émaillée, des
550.
FiG. 549-555-
551- 5>2- 553- 554-
Hassan-Zamini. Ornements de bronze, 1/2 grandeur naturelle.
pendeloques de même genre, un anneau en spirale et une bague en bronze, de la poterie
noire en terre fine ou grossière, un vase rond côtelé, un bec de vase, une petite demi-sphère
en bronze, une perle en pâte de verre noir avec dessins géométriques, enfin un petit vase de
forme ovoïde, à trois pieds, en terre émaillée, avec une ornementation gravée, d'un style qui
rappelle l'assyrien ou le babylonien.
556.
F.G. 556-362.
557. 538. 559- 560. 561. 562.
Hassan-Zamini. Ornements (556 et 557, bronze, 1/2 gr. nat. ; 558 à 562, perles de terre, 2/5 gr. nat.).
Un autre vase en terre émaillée avait été trouvé lors des fouilles dans les dolmens du Talyche
russe. Comme ces poteries émaillées sont fort rares dans les sépultures du Talyche, nous ne
devons pas, je crois, les considérer comme des produits de l'industrie locale. Il est possible
également qu'une partie des perles de verre ou de pâte de verre soient des objets importés
d'Egypte ou de Phénicie. La présence dans ces sépultures de coquilles du Golfe Persique,
d'un oudja, de cylindres, de scarabées, prouve bien que les relations de ces peuples pri-
mitifs s'étendaient fort loin. Les moyens actuels de transport en Perse et ceux de l'antiquité
sont peu variés, et nous n'avons aucune raison pour ne pas admettre qu'ils n'aient été aussi
étendus et presque aussi rapides que de nos jours. Mais comme nous n'avons jamais découvert
aucun objet portant des traces d'écriture, nous devons en conclure que, si les relations commer-
OrttiJe H /rn/* Krfuird fT" Pitn.r
PLAN DE LA NECROPOLE DE VADJALIK
((ii'csso j>ai' J.de Morgan)
m. XVII.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
299
ciales existaient, elles s'exerçaient à une époque où ces peuples étaient eux-mêmes dans un état de
civilisation très primitive, donc à un âge fort ancien.
Les 12 et 13 juillet, afin de compléter nos études sur cet intéressant ensemble de sépultures,
je fais fouiller quelques dolmens sur le côté droit de la vallée à Hassan-Zamini. Les sépultures
que nous rencontrons de ce côté sont de trois types : 1° Dolmens en blocs énormes, comme ceux
FiG. 563. — Hassan-Zaniiiii. Coupe d'un dolmen double. Age du bronze.
de Vadjalik, un peu moins grands cependant. Un d'entre eux mesure 4",40><; i",95, la cuve a
\"\o^ de profondeur. Probablement eux aussi sont d'une époque primitive; ils renfermaient fort
peu de chose, des vases grossiers et une tête de lance en bronze.
5 M.
FiG. 56(. — Hassan-Zamini. Plan d'un dolmen double. .\ge du bronze.
Dolmen n" 20. — Cette sépulture se trouvait prés de la crête de la colline, elle était d'un type
tout particulier se composant de deux dolmens construits bout à bout: la cloison qui les séparait
était percée d'une ouverture de n"\}o sur le côté gauche (i ). L'orientation était Nord 5" Est. Le
(i) Ce type existe à Koban; il nous est signalé par M. Chantre. Nous l'avons également rencontre à Cheïthan-
Thagh, au Caucase, dans une nécropole de l'âge du fer.
CHIR-CHIR
FiG. 565. — Plan d'ensemble de la nécropole et de la forteresse.
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Courbes de 5 m.
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q02
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
premier dolmen mesurait 2"\8o de long- sur i"',2oet i"\33 de large; le second 2'\25, sur i^.io et
56b.
567.
568.
FiG. 566-568. — Dcvcloppemeiits de cylindres en pâte émaillée, 2/3 grandeur naturelle (566 et 567, Hassan-Zamini ;
568, nécropole d'Agha-Evlar (i).
o"\85.
La construction, assez nég-ligôe, était en blocs de moyennes dimensions. Les dalles formant
le couvercle avaient disparu, mais les sépultures n'avaient pas été spoliées.
La sépulture n" i, celle d'en haut, renfermait un morceau d'une épée en
bronze coupée intentionnellement, quatre vases, trois en terre noire en forme
d'urne et une écuelle en terre rouge, une tête de lance, une pointe de javelot,
trois bagues, un bracelet, deux paires de boucles d'oreilles, deux ornements de
tête, le tout en bronze.
La sépulture n" 2 était à dix centimètres en contre-bas de la première ;
elle a donné cinq lances variant entre o™,4o et 0^,15 de long-ucur, trois
bracelets, une plaque d'ornement, une pointe de flèche, trois boucles d'oreilles,
le tout en bronze ; deux vases en terre trouvés brisés.
Cette tombe renfermait également un grand nombre de perles en corna-
line ou en pâte de verre ; le collier était accompagné de son fermoir également
en pâte émaillée. De plus ce collier comprenait deux objets extrêmement
curieux : ce sont des cylindres en pâte d'émail.
Ces objets présentent une caractéristique singulière par les figurations
qu'ils portent. Ces dessins sont étrangers aux vallées du Tigre et de l'Euphrate
et jusqu'ici il n'en a pas été rencontré de semblables.
L'usage du cylindre comme sceau remonte, on le sait, à la plus haute
antiquité et dura jusqu'à l'époque des souverains achéménides. Ceux qui nous
intéressent ne portant aucune inscription, il est impossible de leur assigner un
âge précis; nous pouvons dire cependant que, sans crainte d'erreur grossière,
on peut les placer vers le x'^ siècle avant notre ère au moins.
FiG. 569-
jalik..-
bronze
570. — Vad-
- Epingles de
2/3 gr. nat.
Dolmen n" 6. — Les sépultures que je viens de décrire étaient situées sur
les crêtes d" Hassan-Zamini ; en revenant vers la rivière, le taillis renfermait éga-
(i) Pour faciliter la comparaison, nous reproduisons ici un troisième c}lindre trouvé postérieurement dans une
sépulture de la nécropole d'Agha-E\lar.
57'-
57-4-
^H B»-~
SS=i
)76.
^t
7>i.
Chir-Chir. - Dolmens de l".igc du bronze. — Armes et ornement de bronze 1,2 gr. nat. ; 571, ornement,
2/5 gr. nat. ; 572 à 57X, armes.
304
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
lement un grand nombre de dolmens. Dans l'impossibilité de les explorer tous, nous en
choisissons quelques-uns pour compléter notre étude. Le n° 6 affectait extérieurement une forme
circulaire, sorte d'entassement irrégulier de blocs, au-dessous desquels était une cuve orientée
Nord 5° Ouest, mesurant 2 mètres de long sur r",6o de large. Dans cette sépulture on a
recueilli les objets suivants : deux pointes de flèches, deux épingles ciselées, analogues à celles
de Tach Kopru (fig. 569-570), quatre
javelots, deux grands et deux plus
petits, un bracelet, deux bagues, et
un poignard du type ordinaire à ner-
vure sur la lame (fig. 541). Tous ces
objets sont en bronze. Il y avait éga-
lement quelques vases.
Les autres dolmens que nous
fouillons dans ce voisinage ne sont inté-
ressants que pour les plans que nous
avons relevés. Un était, comme cons-
truction, du type de Namin, c'est-à-
dire avec dalles plates formant les
murailles, mais ne nous a rien donné
que des débris de vases; il était spo-
lié (i). Un autre était d'une forme al-
longée et très étroit, o",88 de large sur
4"\ 10 de long et n'a rien donné.
La journée du 13 juillet clôturait
nos recherches à Vadjalik; le terrain
était, certes, bien loin d'être épuisé,
mais nous avions une somme suffi-
sante de renseignements sur ce point,
qui avait été un centre des plus impor-
tants pendant toute la durée de l'âge du bronze, depuis l'époque la plus reculée, avec les
dolmens de Vadjalik, jusqu'à un temps qui devait être bien voisin de celui du fer, avec les sépul-
tures qui renfermaient le vase émaillé et les cylindres. Toutefois nous n'avons rien trouvé qui
soit de cette dernière époque (2) ; aucun indice non plus de la période néolithique. Vadjalik
est exclusivement une station du bronze. Ce site était, du reste, admirablement choisi avec ses
abondantes sources d'eau vive, son cirque bien abrité du vent du Nord-Est par de hautes mon-
FlG.
579-
— Chir-Cliir. — Collier de perles, pierres dures et pâte de verre.
1/2 grandeur naturelle.
(i) Le spoliateur était entre en brisant une des dalles de côté.
(2) A part un fragment de fer à Tach Kôpru.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
305
tagnes couvertes d'épaisses forêts, au milieu de pâturages qui s'étendaient, suivant le cours des
ruisseaux, jusque sur le plateau. Autrefois les forêts s'avançaient beaucoup plus loin et avec
elles l'humidité et la fertilité. La preuve en est dans ces dolmens qui se prolongent jusqu'aux
portes de Namin et près de Qalassar et de Souah.
582.
585.
(3>
585.
584.
586.
587.
580-587.
Chir-Chir. — Ornements en pierre, en bronze et en or
(580, pierre 1/2 gr. nat. ; 581 et 582, bronze 1/2 gr. nat. ; 585 à 586, bronze
2/5 gr. nat. ; ';87, fragment d'ornement en or).
Chir-Chir. — 14 juillet. Lèvera 5 heures, à 6 h. 30 départ. Nous faisons route dans la
direction de Souah et du Sud-Est, en côtoyant les montagnes qui forment la ligne de partage
des eaux du Talyche et du plateau. Le pays est valonné et coupé de rigoles d'irrigation. Où se trouve
de l'eau il y a un peu de verdure, mais partout manque absolu d'arbres. Nous traversons Souah
puis Khor(i), deux misérables villages. Avant d'entrer dans cette dernière localité, nous passons
au milieu d'une nécropole composée de
tumuli et de dolmens, en tous points
semblables à ceux que nous venons d'ex-
plorer à Namin et à Vadjalik. Par leur
mode de construction ils sont, à n'en pas
douter, de l'âge du bronze, mais, fort
malmenés par les cultures, ils offrent
des traces si nombreuses de spoliation
que nous décidons de ne pas y faire de
fouilles, désirant réserver notre temps
pour des localités plus en dehors du pla-
teau et du transit. Souah, en effet, est sur la route principale d'Ardebil à Astara.
Après avoir traversé Khor, nous quittons la plaine pour gravir un sentier qui serpente,
véritable escalier, au milieu de roches escarpées, sans végétation, et nous arrivons sur un
plateau basaltique, coupé çâ et là de cultures. Le terrain est couvert de tumuli et de dolmens, ces
derniers portant des traces, même fraîches, de spoliation. Nous sommes au milieu d'une nécropole
qui, à première vue, parait fort vaste et importante ; là nous plaçons le camp sur une terrasse(2)
du plateau d'où se découvre un horizon immense. Les montagnes du Lcnkoran sont au Nord, et
devant nous toujours la plaine dénudée d'Ardebil, fermée parla masse conique du Savalan, dont
la neige fond et réduit à vue d'œil. Le site que nous occupons est sans abri, la température
étouffante. Nous n'avons avec nous que sept ouvriers qui nous suivent depuis Namin; nous
consacrons cet après-midi du 14 juillet à faire pratiquer des sondages et à une inspection détaillée
de tout le terrain. Comme Namin et 'Vadjalik, cette nouvelle localité, qui se nomme Chir-Chir,
(i) A Souah, altitude i 500 mètres, les cultures se composent de blé, orge, vesce et verdures. Nous voyons battre
le blé à l'aide du tribulum attelé de deux bœufs, usage qui date de la plus haute antiquité puisque nous avons
retrouvé cet instrument dans les sépultures de l'âge du fer au Caucase.
(2) A 18 kilomètres environ de Vadjalik; altitude i 940 mètres.
39
306
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
fut un centre important des populations primitives, dû à la présence d'une source superbe qui
près de là sort du rocher, assez abondante pour pouvoir faire tourner un moulin. C'est elle qui
suppléait dans l'antiquité aux besoins de la nombreuse population dont les sépultures couvrent
non seulement le plateau où nous campons, mais encore les hauteurs voisines. Après avoir
serpenté quelques centaines de mètres, le ruisseau, formé par la source de Chirchir, tombe
en cascade dans une g'org-e abrupte et étranglée. Capté à sa sortie il sert à faire vivre les
récoltes et la population du village de Khor dont les habitations s'étendent à nos pieds.
591. 596. 589. 597. 595.
FiG. S88-597. — Nécropolo de Chir-Chir. 588, plaque de bronze, 2/:; gr. nat. ; 589, œnochoé en terre grossière, 1/4 gr. nat. ; 590, coupe
en terre fine; 591 à 595, fusaïoles et perles en terre cuite, 2/3 gr. nat.; 596 et 597, Pori, lampe et fragment de lampe, terre cuite.
Au Sud-Ouest du ravin qui limite le plateau que nous occupons s'élève une colline dénudée,
Pori, sur laquelle nous ramassons de nombreux débris de poterie primitive, semblable à celle des
sépultures. Nous y voyons également des dolmens énormes ruinés, et des restes de constructions,
au point le plus élevé. Ce sont, sans doute, les vestiges d'une citadelle de l'âge du bronze comme
à Namin.
Dolmen n° i . — La première sépulture que nous abordons est un dolmen inscrit dans un
cercle de pierres de ii^'.So de diamètre. Il mesure 3", 50 de long sur i'",5o de large, avait été
spolié, et ne nous donne que des débris de vases en terre, une perle de bronze et d'autres en pâte
de verre. Près du crâne du squelette se trouvait une cruche en terre grise. La cuve avait o"',98 de
profondeur et i'",3!5 de large. L'orientation était Nord-Sud.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 307
Dolmen n° 2. — Cette sépulture était faite de gros blocs. Orientée Nord 4° Est. La cuve
mesurait y,'^ox i'",22 ; la profondeur était de o'",9o. Elle renfermait cinq squelettes accompa-
gnés de petits vases en terre, de perles de pâte de verre, surtout jaunes, et de cornaline; une des
perles était en or. Ce dolmen semble avoir appartenu à une époque très ancienne et avoir été
spolié, puis réoccupé plus tard. Avec les squelettes il y avait aussi des boucles d'oreille en spirale,
des bagues et des perles de bronze, en un mot un ensemble très confus et très pauvre. Cette
sépulture renfermait aussi des débris de vases très ornés en pâte très fine, restes laissés sans doute
par les premiers occupants.
Sépulture n° j». — Ce n'était pas un dolmen, mais une tombe du genre de celles fouillées dans
la vallée d'Astara : amas de pierres au centre d'un cercle, le tout fort mal conservé. Cette sépul-
ture renfermait toute une série de vases, d'urnes, cruches (type fi'g. 589) écuelles et gobelet le tout
brisé, mais d'un type très archaïque. Deux têtes de lances y ont été également trouvées, elles sont
aussi très primitives ; une est fort curieuse de forme et ressemble plutôt à un harpon (fig. 575).
Sépulture 11° ./. — Du même genre ; ne donne aucifn objet de bronze mais six vases : deux
œnochoés, un gobelet, une grande urne et deux écuelles, tous en terre noirâtre et grossière.
Dolmen n" 5. — Malgré les maigres résultats obtenus jusqu'alors, je fais ouvrir ce dolmen
qui présentait extérieurement un assez bon état de conservation. Il était recouvert par trois blocs
qui formaient un ensemble long de.]'", 40. Ces blocs enlevés, nous entrons dans une cuve de 4", 25
de long sur i",3o de large et une profondeur de r",o5. Les murailles étaient solidement construites
avec de très grosses pierres. L'orientation était Nord 40° Est. Cette sépulture avait été spoliée,
elle renfermait cependant des épaves fort curieuses. Dans l'angle S.-E., près d'un crâne, une
spirale en bronze du même type que celles trouvées à Tchila-Khàné (fig. 582), une épingle éga-
ment en le bronze et plusieurs vases en terre.
Sur la face Ouest du tombeau et vers le milieu se trouvait un autre groupe d'objets : deux
épingles en bronze, un collier en perles de pâte de verre (fig. 579), une petite plaque en or (fig. 587),
et deux vases, une urne et un vase en forme d'oiseau, type trcscurieux, leseul spécimen de ce genre
rencontré dans toute cette campagne de fouilles. Au cours des recherches que je faisais à Mouci-
yeri en 1888(1), j'avais trouvé, dans une sépulture de l'âge du fer, un vase assez semblable, mais
le dolmen de Chir-Chir ne peut être attribué qu'à l'époque du bronze. II renfermait encore nombre
de vases brisés et une très grosse perle en verre. Cette sépulture, qui avait certainement possédé
autrefois un riche mobilier funéraire, avait été spoliée à une époque très ancienne.
A côté de ces dolmens qui rentraient dans les types de sépultures déjà décrits, Chir-Chir nous
a donné d'autres tombes d'un genre tout particulier. Ce sont de grandes cuves carrées, simples
(i) J. de Morgan, Les premiers âges des jnétaux dans l'Arménie russe, p. 154, 155.
3o8
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
ou doubles et masquées sous des amas de grosses pierres plus ou moins bien conservées. Les
deux plus caractéristiques ont été explorées par M. Lampre (fig. 598-599).
Sépulture n° 6. — Mesurait 2", 75 sur 2", 25 avec une profondeur de o"',85 ; les corps étaient
rangés, les crânes près des murailles, qui étaient faites de gros blocs, et accompagnés de vases
en terre noirâtre, urnes, écu.elles et plats. En fait de métal, il n'y avait que deux lames de forme
primitive et une perle de bronze. La tombe renfermait également une mâchoire de ruminant.
Tout l'ensemble de ce tombeau paraît d'un âge fort reculé.
598.
Fig. 598-599-
599-
Chir-Chir. — Sépultures primitives de l'âge du bronze.
Sépulture n° 7. — Elle se composait de deux tombes juxtaposées, mesurant respectivement
2°',05X i'",io et i'",7oX I mètre, leur profondeur était de o'",75. Cette fouille n'a donné que
quelques débris de poterie sans indications (fig. 598).
Sépulture 11° 8. — Cette tombe était sous un amas de grosses pierres, elle a donné une lame
en bronze et de grands vases, le tout de style très primitif (cf. fig. 588-597).
Sépulture n° 9. — Formée par un amas de pierres, sorte de petit tertre; à i°',5o de profon-
deur, nous avons rencontré quatre vases en terre et une lame en bronze, le tout d'un style très
archaïque.
Nous avons exploré à Chir-Chir un nombre bien plus considérable de sépultures, mais ou
bien elles ne renfermaient rien, ou bien elles ne présentaient aucun intérêt spécial, et il est inutile
d'msistcr pour tomber dans des redites.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
309
Pour terminer notre étude de cette localité, nous avons fait ouvrir également un certain
nombre de dolmens et de sépultures plus modeste sur la colline de Pori où se trouvaient les restes
de la citadelle. Sur ce point, les grands dolmens étaient complètement spoliés. Ils étaient, en tous
points, semblables à ceux explorés à Vadjalik.
Ces tombeaux paraissent avoir été réoccupés postérieurement par des sépultures que je crois
être de l'âge du fer. Dans un petit dolmen qui mesurait 2"", 40 X o^.yo, nous avons trouvé de
nombreuses perles bleues et blanches en pâte de verre, un fragment de moule de hache et une
601.
FiG. 600-601. — Xccropclo de Chir-Chir.
Fragments d'armes et d"outils en fer, 1/2 gr. nat.
602. 603.
FiG. 602-603. — Vases en terre grossière.
lampe d'une forme étrange qui a quelque chose d'indien (fig. 596), et ne ressemblant en rien à ce
que nous avons rencontré jusqu'alors.
Un autre cercle de pierres de 10 mètres de diamètre, qui renfermait les ruines d'un grand
dolmen, avait été occupé de la même façon par une série de petites sépultures qui, elles aussi,
devaient être beaucoup moins anciennes ; leur céramique et la'nature des perles, pâte, jaspe rouge
et cornaline qu'elles renfermaient pourraient les faire attribuer à l'âge du fer. Pour résumer, à
Chir-Chir tout avait été pillé, à part les sépultures les plus anciennes, qui ont dû sans doute à
leur pauvreté en objets précieux d'avoir été respectées, alors que les dolmens qui contenaient de
l'or ont tous été spoliés. Pendant tout notre séjour à Chir-Chir, nous n'avons cessé d'être entravés
dans nos fouilles par le manque d'ouvriers et par le vent qui soufflait en tourmente, véritable
kamsin, et nous aveuglait. A la tombée de la nuit, la tempête redoublait d'intensité menaçant
d'emporter nos tentes.
Le 19 juillet, le guide, que nous avions envoyé en avant, est de retour au camp et nous
signale des localités sur le versant de la Caspienne et dans la direction de la vallée de Kergan-
Roud ; le lendemain est fixé pour le départ. Nous ne pourrons prétendre épuiser toutes les nécro-
poles que nous visitons ; nous nous bornons à relever, dans chaque cas, les documents néces-
saires à leur étude. 11 faudrait des années pour explorer chacun de ces innombrables dolmens.
310 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
DeChir-Chir au Kergan-Roud. — 20 juillet. La tourmente qui n'avait cessé de souffler tous
ces jours derniers s'est calmée. Nous sommes debout à 4 h. 30. Il fait un superbe temps clair.
On commence à replier le camp ; à 6 h. 45 nous montons à cheval et on se met en route.
Nous marchons en remontant la pente naturelle des eaux vers la ligne de faîte, dans la
direction du Sud-Est. Le sol est dénudé et la route facile. Après deux heures de marche, nous
sommes au sommet du col et la vue s'étend de nouveau par-dessus les gorges sauvages du Talyche
jusqu'à la Caspienne. Au-dessous de nous sont les tentes noires des indigènes qui viennent camper
durant l'été au milieu des prairies avec leurs troupeaux. Pendant la saison chaude, toute la partie
basse qui avoisine la mer est dévorée par les fièvres et la population émigré en masse vers les
pâturages de la montagne. Plus bas est la forêt, rare et maigre vers les sommets, et compacte
dès que l'on descend au-dessous de i 800 mètres d'altitude. Au col, nous sommes à 2260 mètres.
Nous tournons sur la droite ; le sentier serpente en corniche, épousant tous les replis rocailleux
des sommets. Près des tentes noires, nous voyons quelques tèpés ou tumuli qui nous indiquent
un petit groupe de sépultures antiques. Elles ne nous semblent pas assez importantes pour faire
arrêter toute la caravane. Le guide nous conduit alors successivement à deux points où il dit
avoir vu des dolmens. Ce sont des amas de roches naturelles provenant de la fonte des glaciers.
Nous montons insensiblement jusqu'à près de 3000 mètres ; sur notre droite, dans les cavités
bien abritées, on voit encore de la neige. Toute cette zone parait avoir été inhabitée durant l'an-
tiquité : aucune trace de sépulture.
Vers midi, nous faisons halte à Kumurlu Boulak pour déjeuner près d'un ruisseau qui sort
en masse du flanc de la montagne et tombe en cascade parmi les blocs de pierre. Le site est sau-
vage et ne manque pas de caractère. Après une heure de repos, nous remontons à cheval et conti-
nuons dans la direction de Gcndj-Khâné, toujours vers le Sud. 11 est trois heures, nous ne pouvons
songer à atteindre notre objectif dans la journée. On se décide donc à terminer l'étape sur le
bord d'un ruisseau, le Kater-Tchai, où nous trouvons une eau fraîche et abondante. Nous sommes
dans une gorge étranglée, au milieu de rochers, sans un seul arbre ; à cette altitude, 2 660 mètres,
il n'y en a plus. La rivière forme une superbe cascade dans un chaos de rochers à cent mètres
de notre campement. Comme nous pensons repartir le lendemain de grand matin, on ne fait pas
dresser les tentes et nous couchons à la belle étoile. Le firmament était beau, en effet, à neuf
heures du soir; mais, durant la nuit les nuages nous enveloppent de toutes parts, et nous sommes
tour à tour dans la brume ou dans une pluie fine qui traverse tout.
21 juillet. On dort mal et à 4 heures la nuit est finie: on est trop heureux de pouvoir se
lever. Mais le brouillard, un vrai brouillard digne de Londres, persiste; nos gens trempés ne se
mettent en marche que lentement, il est 5 h. 40 quand nous montons à cheval, la caravane part
avec nous. Nous tournons toujours sur les contreforts de la ligne de faîte, peu à peu la brume
se lève, et bientôt nous découvrons de nouveau les montagnes du Talychequi émergent aumilieu
des nuages qui se déchirent et se dissipent. Nous sommes à la tête de la vallée du Lissar, ruis-
seau très encaissé dans un abîme couvert d'épaisses forêts. Nous passons encore des campements
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
311
de tentes noires, et nous débouchons vers l'Est sur un plateau semé de roches blanches. Il est
9 heures, nous avons fait environ 15 kilomètres, et sommes à Gendj-Khâné. Altitude 2000
mètres. Nous dressons le camp sur la bordure du plateau, au sommet de falaises calcaires qui
dominent la vallée de Lissar de plusieurs centaines de mètres et d'où nous avons une vue superbe
sur la Caspienne.
Le plateau est une prairie naturelle, avec quelques habitations et même un bazar où nous
sommes heureux de nous munir de ceintures en laine grise, sorte de tricot fabriqué par les femmes
du pays. Sur ces sommets la brise du soir est glaciale. Des troupeaux nombreux paissent tout
autourde nous. Le guide nous conduit à de larges affleurements de rochers qu'il avait pris pour
des sépultures. Nous ne voyons qu'un seul dolmen dont la cuve est formée par un défaut dans
la couche calcaire ; des blocs de même nature forment le toit. Ce dolmen était vide. Près de là se
trouvaient de petits tertres que nous fouillons, sans rien trouver d'autre que des débris de poterie
grossière. On nous avait signalé d'autres dolmens de l'autre côté de la vallée de Lissar. Ces
dolmens étaient du type de ceux explorés aux localités précédentes, mais les cuves entr'ouvertes
ne nous laissaient aucun doute sur leur spoliation.
Le temps reste superbe toute la journée; M. J. de Morgan s'occupe d'histoire naturelle
pendant que nous faisons les recherches archéologiques. Ce pays calcaire est très riche en coquilles
d'espèces fort nombreuses.
22 juillet. Lever à 5 heures: une demi-heure plus tard je pars avec M. Lampre et un groupe
d'ouvriers pour aller reconnaître une nécropole que les gens du pays nous indiquent. Nous pre-
nons vers le Sud-Ouest dans la direction de la vallée de Kergan-Roud. Kn quittant le plateau,
nous avons une vue superbe sur le Ghilan. A nos pieds, la vallée de Kergan-Roud, avec toute
une série de ravins boisés qui lancent leurs ramifications dans tous les sens; plus loin les rizières
du Ghilan, cloaque immense qui vaut au pays sa réputation méritée d'être un des plus insalubres
de toute la Perse. Puis la mer qui décrit une vaste courbe jusqu'au iVïourd-Ab et Enzeli. La lagune
miroite comme une lame d'argent. Nous arrivons, après deux heures de route, au terrain indiqué,
sorte de plateau couvert d'herbe et surtout de rochers. Là nous sommes en présence de
murailles faites de gros blocs, en forme de grands rectangles ou dcx masses plus ou moins circu-
laires. Nous faisons sonder les points qui nous semblent offrir des chances de succès, mais
partout absolument rien. Ces constructions ne doivent être rien de plus que des abris pour les
troupeaux, élevés anciennement par les nomades.
Nous faisons à pied l'exploration détaillée de tout le pays, mais toujours rien d'antique.
Sur ces entrefaites, le temps se couvre, la brume de la Caspienne monte et nous enveloppe, se
transforme en pluie fine, puis en un véritable déluge. Nous revenons au camp trempés jusqu'aux
os. Il pleut tout le jour et toute la nuit.
2'^ juillet. Suite de la brume et de la pluie, on nage dans une atmosphère glaciale. Tout
travail est impossible.
2.^ juillet. Le temps s'étant levé, on se met en route à midi, mais la brume reprend de plus
312 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
belle, puis la pluie, tenace comme la veille. Nous circulons sans rien voir, trempés et glacés ; nous
sommes toujours entre 2 000 et 2 500 métrés d'altitude. On nous fait visiter , sur plusieurs points, des
amas de pierre qui n'ont rien d'antique. Notre guide nous mène à Atcch-Gah (l'Autel du Feu), lieu
célèbre dans le pays, par ses souvenirs anciens ; mais toujours pas de dolmens. Nous décidons de
descendre plus bas, dans une zone moins froide, et plus apte à avoir été habitée. Le voyage continue
toujours sous une pluie glaciale; à mesure que nous descendons cette pluie se change en brume
de plus en plus tiède, nous arrivons de nouveau au milieu des arbres, buissons rabougris, puis
c'est la futaie, avec des clairières cultivées et des habitations. Nous plongeons dans la vallée du
Kergan-Roud ; enfin, vers 5 heures, nous faisons halte sur un petit plateau. Du fond de la vallée
monte jusqu'à nous un bruit confus indiquant le voisinage d'un village. La brume se lève enfin.
Nous sommes en vue d'Agha-Evlar, sur la droite, les habitations au milieu de grands arbres et
sur la gauche, les bains avec des toits en coupole, et le bazar, large construction en rectangle.
Un messager se présente aussitôt de la part du maître du pays qui nous offre l'hospitalité sous
son toit. Nous déclinons cette cordiale invitation, préférant rester à nous reposer et à nous sécher
autour des feux que nous avons allumés. Bientôt la caravane arrive et le camp se dresse. (Alti-
tude I 250 mètres.)
2 y juillet. Du haut de notre camp, des amas de pierre, indices de sépultures, sont visiblesde
tous côtés. Nous commençons de suite l'inspection. Nous sommes au milieu de la plus vaste
nécropole que nous ayions encore rencontrée. Ce champ de repos s'étend sur la rive gauche du
Kergan-Roud, dans un superbe amphithéâtre formé par un cercle de montagnes abruptes et
boisées, qui laissent libre, entre leurs cimes escarpées, un vaste plateau ondulé s'inclinant suivant
le sens du thalweg. La rivière s'échappe vers l'Est et la Caspienne par une gorge étranglée, au
milieu de rochers en partie nus, en partie boisés, d'un aspect sauvage. Agha-Evlar est un centre
important de population surtout pendant l'été, saison des fièvres au Ghilan, dont les habitants,
bien reconnaissables à leur teint hâve et à leurs yeux caves, viennent chercher un milieu plus
salubre. Les cultures y sont très étendues, elles ont contribué à détruire une grande partie de la
nécropole antique ; mais, tels qu'ils sont, les restes que nous avons sous les yeux forment l'en-
semble le plus imposant de monuments mégalithiques que j'aie jamais vu.
Sur un monticule, près des bains, se trouvait tout un groupe d'énormes dolmens: tous ont
été spoliés et très endommagés, on s'est servi de leurs blocs pour construire, il y a longtemps,
au moyen âge sans doute, un château fort, ruiné lui aussi maintenant. Une seule de ces galeries
funéraires est conservée dans toute sa longueur: elle mesure 15"", 40 de long. De ce côté, nous
n'avons fait pratiquer aucune fouille.
Nos travaux ont commencé dans la partie de la nécropole voisine du bazar, qui semblait
mieux conservée. Les grands dolmens sont tous à peu près du même type, ils sont entourés d'un
cercle de blocs. La chambre funéraire va généralement dans la direction Nord-Sud. Les parois
sont constituées de deux ou trois rangs de blocs superposés, solides murailles sèches sur lesquels
reposent d'énormes dalles formant le toit. Vers l'extrémité Nord, le monument s'étrangle et
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
606.
607.
608.
609.
610.
611.
612.
m
yfe
619.
620.
615.
616.
621.
FiG. 604-621. — Agha-Evlar. — Dolmens de l'àgj du bronze. Pointes de flich^s et de javelots, bronze, 1/2 grandeur naturelle.
40
3U
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
présente une rampe en couloir: c'était la porte d'entrée; l'autre extrémité se termine carrément
atteig-nant jusqu'à 2™, 40 de large. Par leur masse, ces constructions rivalisent avec les plus
beaux monuments similaires de France, tels que le tumulus de Gavrinis ou les allées cou-
vertes de Plouharnel.
Nous nous sommes attachés à rendre l'étude de cette importante localité aussi complète que
possible ; à cet effet, nous avons fait transférer notre camp sur le bord de la rivière (altitude
1010 mètres), au centre même de notre travail. Ces recherches, auxquelles tous les membres de
la mission et notre contremaître Chérel ont pris part, se sont prolongées du 25 juillet au 8 août.
11 m'est impossible de décrire toutes les sépultures explorées ; je me contenterai de donner les
détails des plus importantes et des plus ty-
piques.
t)2S
626
FiG. 622-626. — Agha-Eviar.
Dolmens de l'âge du bronze
(622 d 625, anneaux en or
massif, 1/2 gr. nat. ; 626, pen-
dentif en or, 2/3 gr. nat.).
622 62î h^R Dolmen 11° I . — Les pierres formant le toit
apparaissaient à peine à travers le gazon. On
aborde la sépulture dans sa partie la plus étroite
vers le Nord ; ce passage, large seulement de
g"", 63, donne accès dans une cuve trouvée en
partie vide mesurant 5"', 90 de long et s'élargis-
sant à i'",4o au centre et i'",32 à l'extrémité
opposée. C'était une construction robuste et en
''-/ parfait état de conservation. Nous entrons, les
FiG 627-628. - Aghan-Eviaa uns après les autres, daus Cette chambre funé-
(627, élan, bronze 1/2 gr. nat. ; '
628, zébu, jayet, 1/2 gr. nat.). rairc, pcnsant bien cette fois que nous sommes
dans une tombe intacte ; les fouilles commen-
cent, mais nous ne tardons pas, à la vue des
ossements et des débris de vases trouvés pêle-mêle, à être amenés à conclure que les spoliateurs
avaient là encore fait leur œuvre. Ce tombeau ne renfermait plus que des épaves, mais très nom-
breuses, fort intéressantes et qui nous montrent à quel point ces dolmens devaient être riches
autrefois.
Voici la liste des objets trouvés, leur position importe peu puisque tout avait été bouleversé.
Bronze : 86 anneaux, 1 3 spirales, 16 bagues plates, .| crochets en forme d'S, 5 bracelets, 6 grandes
perles en spirale, 4 pendeloques en forme de poires massives, 2 épingles, i épingle à boule,
2 aiguilles, 14 boutons, 2 clous bossettes, 2 bracelets, i fil roulé en spirale plate, 2 pendentifs
travail repoussé, 5 pointes de flèches feuilles de saule et 5 autres à barbelures, i de type archaïque,
I tetc de lance avec soie et bourrelet, i couteau type archaïque, i tête de javelot type 3' âge,
I petit poignard avec arête plate, i morceau de hache, i tube avec ornementation repoussée.
En plus de ces objets tous en bronze, ce dolmen renfermait encore : i spirale en or, i anneau et
1 pendentif de même métal (fig. 622-626), 4 anneaux d'argent, 1 bouton en bronze massif.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
31;
2 pendants en ambre noir, i élan en bronze (fig. 627), petite statuette de style primitif, i statuette
de zébu (fig. 628) ou bœuf à bosse en jayet, i perle plate ornée en métal, i perle en forme de
spirale, 3 coulants de colliers, i cylindre, le tout en pâte de verre, i perle d'or en forme de
spirale, une autre en pâte ornée, 27 boutons, i fusaïole émaillée, une autre très grosse en terre.
629 ''^50
FiG. 629-650. — Aglui-Evlar. — Colliers de perles en pâte de verre et en pierres dures, 1/2 gr. lUt.
Six grosses perles en terre émaillée, i lissoir en pâte? 4 perles de terre, 4 anneaux en pâte
émaillée.
La céramique était représentée par des vases très nombreux à en juger par les débris retrou-
vés, ils étaient en terre noire ou rouge, souvent très fine. Dans ce dolmen aucun objet de fer n â
été rencontré.
516
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
Dolmen n° 2. — Construction identique au précédent tombeau. Longueur totale de la cuve
8"°, 50, largeur à l'entrée o"\8o, au milieu i"\20, à l'extrémité \'",jo. La profondeur au milieu
était de i"',45. Cette chambre funéraire, à moitié vide, paraissait elle aussi intacte; près de l'entrée,
M. Lampre découvre, glissés dans les fissures de la muraille, d'un côté un poignard et une hache,
de l'autre un autre poignard, le tout en bronze et dans une conservation superbe (fîg. 635-640).
Cette trouvaille nous donne les plus grandes espérances. On se met de suite à dégager l'entrée,
on y rencontre des débris d'une feuille de bronze, un petit poignard enfer, une lame enfer, un
FiG. 631-632.
631 652
Agha-Evlar. — Colliers de perles en pâte de verre et en pierres dures, 1/2 gr. nat.
peu plus loin d'autres débris d'une lame en fer, une grosse perle en pâte bleue striée. Ce sont de
fort mauvais indices; ce qui suit vient les confirmer: à mesure que la fouille avance on ne ren-
contre que fragments de vases en terre, rouge clair, noire, jaune clair, les débris d'un flacon en
verre et encore du fer, deux pointes de flèches et une perle en bronze, quelques perles en pâte
émaillée et des ossements en grand nombre et pêle-mêle.
Pour se donner du jour, l'explorateur fait enlever la dernière dalle du dolmen et la fouille est
menée jusqu'au bout. L'enchevêtrement des squelettes continue jusqu'à la fin. Pour résumer, les
fouilles donnent les objets suivants : environ vingt crânes, deux petits vases entiers, une lampe
entière, un fragment d'une lampe à figure, des fragments de poterie émaillée et de verre. Deux
PI. XIX
<l, l'an
VUS A VOL D'OICEAU DE LA VALLÉE D'AGHA-EVLAh
FiG. 635. — Ajiha-Evlar. — Plan et ccupe du dolmen no 3, ce l'âge du b:cn;.c. tchelle de cm.ci^rar mètre.
7 ,// , ,
Y\Q. 63.1. — Agha-Hvlar. — Plan du dolmen n^ 4.
=s
ifl
ttÉ
!^i
'^^cfe^
63''- 637. 658. 639.
Agha-Evlar. — Age du bronze (655, épée de bronze, 1/2 gr. nat. ; 6^6 à 638, poignards de bronze, 1/2 gr. nat. ;
639, hache en bronze, 2/3 gr. nat. ; 640, crochet en bronze, 1/2 gr. nat.).
.^.^
648.
641.
642.
643.
644.
645-
646.
647.
FiG. 641-648. — Nécropole d'Agha-Evlar. — Ages du bronze et du fer. — Ornements de pierre et de jayet, etc. (641, pierre grise, 1/2 gr.
nat. ; 642, pierre jaune, 1/2 gr. nat. ; 643, pierre blanche, 2/3 gr. nat. ; 644, pierre grise; 645, piene grise, 2/3 gr. nat. ; 646, pierre
blanche, 2/3 gr. nat. ; 647, jayet, 2/3 gr. nat. ; 648, jayet, 2/3 gr. nat.).
(m
6i4.
6S2.
650.
648.
649.
651.
653
655.
657.
FiG. 648-657. — Nécropole d'Agha-EvIar. — Ages Ju bronze et du fer. — Ornements en pierre, terre cuite et jayet, etc. (648, silex, 2/3 gr.
nat. ; 649, cornaline, 2/3 gr. nat. ; 650, pierre blandie, 2/3 gr. nat. ; 651, terre cuite, 2/3 gr. nat. ; 652 et 653, terres cuites, 2/3 gr. nat.; 654,
cornaline, 2/3 gr. nat. ; 655, pierre, 2/3 gr. nat. ; 6;6 et 657, jayet, 2/3 gr. nat.).
658. 6591. 6592. 659Î.
Fie. 658-659. —Nécropole d'Aghar-Kvlar. — Ages du bronze et du fer (658, casse-téte en pierre, 1/2 gr. nat. ; 659' à 659), pierre, 2/3 gr. i!.u.).
/gp^
660.
666.
661.
662.
663.
664.
667.
668.
669.
670.
671.
665.
672.
7'9- 720. 721. 722.
FiG. 660-722. - Agha-Evlar. — Ages du bronze et du fer. — Bagues, anneaux, pendeloques et ornements divers en bronze (les spiralen
en bronze 660 à 664 sont des ornements typiques de l'époque du bronze).
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
!2I
petits anneaux d'or, vingt et un anneaux, trois bagues, deux perles unies et deux autres en spirale,
un disque pendeloque, quinze boutons, trois épingles, trois pointes de flèches, le tout en bronze,
sans parier des deux poignards déjà mentionnés et de la hache. De plus douze couteaux ou frag-
ments de couteaux en fer, deux cylindres en pâte émaillée, et 83 perles en pâte émaillée, verre,
cornaline, etc.
Parmi les débris de vases, M. Lampreapu reconstituer une écuelle en terre rouged'une forme
toute particulière et typique ; la pâte en est fine et bien cuite.
Le mélange de débris de fer nous prouve que ce dolmen du bronze avait été pillé une pre-
mière fois et réoccupé par des envahisseurs qui faisaient usage du fer, et ensuite une seconde fois,
à une époque qu'il n'est pas facile de déterminer.
Dolmen n" j. — Ce tombeau était une construction splendide, mesurant 10 mètres de long,
i^.Sode large, et une hauteur de r',30. Le toit
était fait de huit blocs énormes, reposant sur de
robustes murailles en pierres sèches (fig. 633), le
tout enfermé dans un cercle de pierres d'un dia-
mètre de 16 mètres qui limitait l'encombrement
de rochers amoncelés pour soutenir l'édifice et
prévenir l'effondrement des côtés sous la charge
énorme du toit. Ce tombeau, lui aussi, avaitétéen-
tièrement spolié; il ne renfermait qu'une lampe
en terre, deux petits vases en terre jaune et noire
grossière, et une tête de flèche en fer du type à tranchant (fig. 820).
Ces trois premiers dolmens étaient situés côte à côte. Leur orientation était : Est-Ouest.
725-
724.
Fig. 723-724. — Agha-Evlar. — Casse-têtes en grés et en hématite,
1/2 gr. nat.
Dolmen n" j. — C^ette sépulture était construite au milieu d'un cercle à peu près détruit par
les cultures. Le dolmen lui-même formait un tertre au sommet duquel affleuraient les blocs
énormes formant le couvercle. Les parois étaient des murailles sèches, comme dans les autres
sépultures. La longueur totale de la cuve était de 5", 10 sur une profondeur de i '",70 et la largeur,
de i-.io à l'extrémité Ouest, allait en croissant jusqu'à 2"', i 5 à l'autre extrémité. Toute la partie
Ouest de la tombe semblait intacte, mais la moitié de la sépulture vers l'Est était encombrée de
squelettes entassés pêle-mêle; j'en ai compté au moins trente. Les ossements et les objets gisaient
dans la plus complète confusion. Du côté Ouest deux squelettes reposaient au fond de la
cuve dans le sens de la longueur; puis venaient deux autres corps posés en travers. Autour
de ces squelettes j'ai rencontré les objets suivants (leur position est donnée par le plan fig. 634) :
14 vases en terre entiers, de plus un certain nombre brisés, 3 lampes, le tout en terre noire ou
rouge; 3 pointes de javelots avec douille, un couteau et une dague du type archaïque, une pointe
de flèche en bronze, une hache en fer (fig. 798). Deux masses ou casse-tête, l'un en grès, l'autre
41
322
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
en hématite, affectant la forme d'une étoile et d'un beau poli (fig. 723-724). Une aiguille et 22
anneaux, 4 épingles et un stylet, 4 bagues, un anneau plat, tous ces derniers objets en bronze;
une boucle en fer, une pierre à aiguiser, un osselet de mouton percé. De nombreuses perles en
pâte de verre, cornaline et cristal, des fermoirs de colliers également en pâte émaillée, des frag-
729. 730.
Fig. 725-730. — Agha-Evlar. — Bracelets de bronze, 1/2 grandeur naturelle.
ments de coupes en verre blanc translucide (i), de la poterie jaune peinte en rouge, des frag-
ments de céramique émaillée, six couteaux en fer.
Il est bien difficile d'attribuer une époque à cet incroyable mélange où se trouvent côte à
côte des armes en pierre et en bronze de la première époque, des objets de fer et de la verrerie
blanche très basse d'époque. Ce dolmen aurait bien pu être en partie vidé et réoccup>é à l'époque
du fer. Dans toute la partie Est les squelettes et les objets qui les accompagnaient étaient en
place, tous parfaitement en ordre. Il est possible que les gens de l'époque du fer, en disposant le
charnier qui occupait toute la partie Est du dolmen, aient négligé l'autre extrémité.
Dolmen n° 5. — C'était une superbe construction orientée Est-Ouest, et mesurant 14 mètres
de long sur 2"", 10 de large et une profondeur de i'",55. L'entrée était au haut d'une descenderie
(i) La présence de ces débris de verre semble indiquer que ces sépultures ont été bouleversées et réoccupées en
partie à plusieurs époques successives. Comme facture ces verres ressemblent à ceux trouvés en si grande abondance
dans les tombes gréco -romaines de Syrie.
73'-
754-
742
738.
7}5-
759-
733
740.
736.
741.
749-
751-
/)5-
754-
750.
:-,6.
Fie. 75 17)9- — .-Xgha-IivUr. —
7;7. 75«- 759-
A<T^:s du bronze et du Icr. V.i5es en terre, 1/4 de grandeur n.ttureKc.
524 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
ouvrant à l'Est. A 8 mètres de ce point les spoliateurs avaient pénétré en brisant une des dalles
du toit dont les débris avaient été projetés au fond de la cuve, qui au moment des funérailles avait
dû être laissée vide, comme le sont les cryptes funéraires des Égyptiens, des Grecs ou des Étrus-
ques. Nous avons observé souvent ce fait dans les petits dolmens de l'âge du fer au Caucase.
Dans sa chute ce bloc de pierre avait recouvert un groupe d'objets fort curieux, mobilier du
dolmen à l'époque du bronze, et qui furent heureusement retrouvés intacts : une lame d'épée de
style archaïque (fig. 63 5), une tête de lance, une pointe de flèche et une sorte de harpon (fig. 640),
le tout en bronze. Tout le reste de la sépulture avait été bouleversé.
La cuve était pleine de terre et de lits superposés de cailloux, jusqu'à une hauteur de i'",5o;
les ossements se rencontrent un peu partout, à partir de 60 centimètres au-dessus du fond jus-
qu'au sol en place; peu de poterie, quelques fragments ornés, un fragment de fer et un autre
dune épingle en bronze.
Le 31 juillet, la fouille se continue et donne des fragments de poterie en terre, des débris de
vases de verre et d'objets en fer et en bronze et quelques perles en verre et en pâte émaillée.
Le I" août, continuation des fouilles qui donnent encore des débris analogues : deux pointes
de flèches et deux bagues en bronze, une fusaïole, des perles de pâte et de cornaline, un vase
entier, et des débris de poterie ornée.
Le 2 août, le travail se poursuit; on recueille des anneaux de bronze, des perles de pâte
et de cornaline et des fragments d'un petit gobelet en terre noire, décoré d'ornements géomé-
triques. Quantité d'ossements sans ordre.
Le 3 août, la fouille arrive à la dalle renversée par les spoliateurs ; on trouve encore des
fragments de verre, de fer, des perles, des anneaux de bronze, etc. et les objets cités plus haut.
Sur ce point les fouilles sont suspendues. La mission se déplace pour descendre la vallée du
Kergan-Roud.
Dolmen n" 7. — A la suite du dolmen n° i, s'en trouvait un autre encore plus colossal. La
chambre funéraire mesurait i.i"',30 de long sur une hauteur de i'°,33; la largeur la plus grande,
2'", 40, était à l'extrémité Ouest. Les blocs qui formaient le toit étaient énormes; les murailles
latérales se composaient de blocs variant entre o"", 90X85 et 40X75, le tout soutenu par un
encombrement de rochers qui s'étendaient en contreforts jusqu'au cercle de pierre qui envelop-
pait tout l'ensemble. Dans ce même cercle se trouvait une autre sépulture plus petite, assez irré-
gulière et mesurant 2'",7oX i", 10 ; elle ne m'a donné qu'une tète de lance en bronze.
Quant au grand dolmen il avait été entièrement spolié. Je n'y rencontre que des vases brisés
en terre noire ou rouge, quelquefois même émaillée, des débris de fer et deux perles côtelées en
pâte émaillée bleue, en tous points semblables à celles de Tchila-Khàné.
La structure de ce monument est comparable aux plus belles constructions de la Bre-
tagne.
Le dolmen de Gavrinis, galerie et chambre, mesure i 5"", 70 de long, et la plus grande largeur
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
325
est de 2™, 50. Ici nous avons i.j^.jo de long- et 2"", 40 de large. La différence est donc peu
sensible (i).
Dohnen n" 6. — Durant ces fouilles, notre contremaître, en faisant des son-
dages dans une autre partie de la nécropole plus voisine du camp, rencontrait
un dolmen fort intéressait.
La cuve, assez irrégulièrement
construite en blocs mal agencés, me-
surait 3"', 70 de long sur une largeur
de i"',5o et 2 mètres. Sa profondeur
était de i'",3o. Le tout était recouvert
FiG . 760. — Agha-Eviar. Dolmen de r.ige du bronze, j j n j* • ■ , i
réoccupé à l'époque du fer. Échelle dcon>,o,cp.>r mètre. Q^ grosses dalles disjomtes par la vé-
gétation. Cette sépulture était intacte, et
purement de Tâgedu fer. Elle renfermait : deux boucles d'oreille et deux anneaux
en argent, deux épingles en bronze, un bracelet de même mfôtaletdu type assy-'
rien, une bague enfer, un couperet et une dague également en fer; une masse,
sorte de casse-tète grossier en pierre ; dix-sept lampes, toutes en terre cuite gros-
sière, dont la forme rappelle celles trouvées dans les sépultures très anciennes de
Phœnicie et de Chypre. De plus une trentaine de vases; certains d'entre eux
avaient été écrasés parle poids des terres; ils étaient en argile rouge, noire et grise.
Laissant de côté les plus grands monuments qui nous donnent d'aussi
maigres résultats, nous faisons ouvrir toute une série de ces sépultures plus
modestes qui encombrent partout le sol.
Dolmen n" 3. — Cette sépulture était de forme étroite et allongée, environ
3"", 50 de long sur i mctrc de large; dans son extrémité Ouest se trouvait une
tombe de l'âge du fer, on y a recueilli les objets suivants : une lance en bronze
très élégante de forme avec douille et rainures (fig. 761), deux autres lances en
fer, une épée de fer avec pommeau en bronze (fig. 797), un bracelet en bronze
à bosscttes, un bracelet avec deux perles de bronze, une perle en métal blanc,
une autre en or ; une batfue en ari^-ent portant une i^ravure représentant un cerf F'^- 761- — Agha-
,^ . ^ Evlar. Dolmen no;3,
(fig. 792) ; enfin une ceinture faite de bossettes. sépulture de l'âge
du fer. — Tête'de
lance en bronze,
Sépullurcs du fer. — Tout un ensemble de tombes de l'époque du fer fut '/^ S""- "*'''•
exploré également dans le voisinage du camp ; les sépultures avaient une pro-
fondeur d'environ o"',50, leurs formes variaient; souvent le toit avait disparu, probablement
(i) Les dolmens de Bretai,'ne sont de l'Age de la pierre.
765.
766.
767.
768. 769- 770-
FiG. 762-770. .\gha-Evl;ir. Age du fer. — Lampes en terre cuite grossière. 1/4 gr. nat.
771- 772- 77;-
FiG. 771-775. — Agha-Evlar. — Pendeloques de bronze, 2/3 gr. nat.
J
#
781.
782
783.
785.
704.
774. 77)- 776- 777- 778. 779- 780. /^
FiG. 774-787. — Agha-Eviar. — Ages du bronze et du fer. Épingles de bronze, 2/5 gr. nat.
787.
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
327
du fait des cultures. Adossées à des rochers naturels qui en formaient l'extrémité ou bien un
des côtés, elles renfermaient trois ou quatre vases au plus, peu de cuivre ou de fer. Les parois
FiG. 788. — Agh.i-Hvlar. Age du 1er. Plan d'un dolmen renfer-
mant des 'épultures jiixtapostîes. Echelle de 0"i,02 par nicîre.
FiG. 789. — Agha-Kvl.ir. Coupe de dolmens
superposés. Échelle de cm, 02 par mètre.
sont tantôt bâties de roches mises debout (sans doute enlevées aux dolmens de l'âge du
bronze), tantôt ce ne sont que de misérables murailles sèches. Leur longueur varie entre un
et deux mètres. Elles sont quelquefois contiguës, avec un simple mur mitoyen de séparation.
Une de ces tombes a été trouvée construite au-dessus d'un grand df)lmen mesurant lui-
-()0.
;9i.
Fie. 790-791. — .^gh.i-r.vlar. Sépultures de l'.ige du fer. Échelle de 0">,025 par mètre.
792.
795-
794-
795-
FiG. 792-795. — Agha-Evlar
Bagues et bracelets d'argent.
môme lo mètres de long et qui offrait tous les indices d'une spoliation complète. Les petites
sépultures de l'âge du fer ne sont pas spoliées; quand on les rencontre bouleversées le fait
i a\
m
797-
799-
^lll
79».
aoo.
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1
Soi.
802.
8io.
790 807.
FiG. 796-811. — Agha-Evlar. — Age du fer (796, poignard, 1/2 gr. nat. ; 797, poignée d épée en bronze, 1,2 gr. ;iat. ; 798, hache en fer.
V3 gr. nat. ; 799 à 801, pointes de javeline, bronze, 1/2 gr. nat. ; Boa et 803, pointes de lance et de flèche en fer, 1/2 "r. nat. ; 804 à So"!
lames de fer, 1/2 gr. nat. ; 808 à 810, anneaux en fer, 1/2 gr. nat. ; 81 1, mors en fer, 1/2 gr. nat. • '
82>.
826.
827.
812.
8IÎ.
830.
814.
816.
817.
832.
831.
8i8.
820.
824.
828.
ftl^
%'-m
813.
829. 819.
FiG. 812-852. — Agha-Evlar. — Age Ju fer (812 et 813, bronze, pointe de flèche et tète de lance, 1/2 gr. nat. ; 814 et 815, pendeloques de
bronze, 2/5 gr. nat. ; 816 et 817, anneaux de bronze; 818, anneau de pierre ; 819, couteau en fer ; 820, pointe de fîèche en fer; 821 à 832,
vases, parmi lesquels 823 est en terre fine grise, 826 terre rouge, 827 terre fine brune, 829 terre grossière rouge et 830 terre fine brune ;
tous ces vases à 1/4 gr. nat.
42
330
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
est dû aux cultures et non à une dévastation méthodique comme pour les tombes de l'époque du
bronze. Les sépultures construites sur les grands dolmens ont une profondeur qui va jusqu'à
i°',30, et affleurent à o^.^o de la surface du sol. Les petites tombes, comme les grands dolmens,
n'ont pas d'orientation fixe ; leur direction dépend de la nature du sol.
A part les objets déjà cités, les plus curieux trouvés dans cette zone étaient les suivants : un
mors en fer (fig. 8i i), un miroir en bronze avec poignée de fer.
Dans une petite sépulture située au-dessus d'un grand dolmen, j'ai rencontré cinq vases,
urnes, écuellc et œnochoé, une lance en fer, un ornement en bronze et un très beau bracelet en
argent massif décoré de têtes de serpents (fig. 795). Cette modeste
sépulture était à peine à une profondeur de o°',5o.
Sur un autre point de la nécropole, dans le voisinage du bazar,
nous avons fait ouvrir une quinzaine de petites sépultures et un grand
dolmen. Ce dernier, spolié, avait été réoccupé à l'époque du fer; il ren-
fermait des débris de vases et des lampes en terre cuite semblables à
celles trouvées dans le dolmen du fer fouillé par Chérel.
Les autres sépultures, toutes fort modestes, avaient une profondeur
de o'",5o à o"',6o. Deux d'entre elles avaient été construites l'une à côté,
l'autre sur le grand dolmen spolié. La première avait i'",55 de long et
o"',63 de large. Elle n'a donné que deux vases, une urne et une œnochoé
en terre grossière, et près du crâne des petites perles de pâte de verre en
Fig. 835. — Agha-Evlar. Œno
choé en terre noire, 1/4 gr. nnt.
très grand nombre.
L'autre sépulture avait i"',8o de long sur r',05 de large. Elle était
construite au-dessus d'un grand dolmen de 1 âge du bronze avec des blocs de o"',i5 à o",25
dressés, formant cuve. Les dalles du couvercle avaient disparu. Près de la tête j'ai rencontré
une œnochoé en terre rouge et une lampe, trois lances, une dague et une êpéc, le tout en fer ; des
perles de pâte de verre, enfin une urne à l'autre extrémité de la fosse. C'est absolument le type
des sépultures de l'âge du fer que nous avions rencontrées au Caucase.
Dans ce même voisinage j'ai fait ouvrir une quinzaine de tombes, toutes du même genre;
elles ont donné, comme celles fouillées près du camp, un mobilier funéraire peu nombreux, deux
ou trois vases chacune, des lances, dagues et épées en fer, parfois avec pommeau en bronze, des
perles de verre ou de pâte, et des épingles, bracelets ou bagues en bronze. Elles étaient toujours
très pauvres. Parmi ces sépultures, toutes de l'âge du fer, j'en ai cependant rencontré une qui
pourrait être de l'époque du bronze ; elle était intacte.
C'était un petit dolmen de o'",7o de large sur i", 1 5 de long avec une profondeur de o'°,70,
entièrement fermé par trois dalles juxtaposées. Près de la tête ce dolmen renfermait deux jattes
posées l'une dans l'autre, puis deux aiguilles et une bague en bronze ; puis deux œnochoés et un
plat. L'ue de ces œnochoés, qui se trouvait au centre du tombeau et presque à toucher le cou-
vercle, est un très beau spécimen de la céramique de cette époque (fig. 833). La pâte est noire, fine
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 3^r
et décorée d'ornements linéaires faits au lissoir. L'absence de tout objet de fer pourrait faire attri-
buer cette sépulture à l'âge du bronze. Cependant, la forme et les dimensions du dolmen et le
style de la céramique, le tout, en un mot, est identique aux tombes de Mouci-Yeri et aux autres
localités du petit Caucase où tout est de l'âge du fer.
Le 4 août, au point de vue de l'étude de la nécropole d'Agah-Evlar, nous pouvions consi-
dérer notre travail comme assez complet. Nous ne pouvions songer à défoncer le terrain d'un
bout à l'autre et à fouiller toutes les sépultures. Une opération de ce genre aurait absorbé trop
de temps et trop d'argent pour le but à obtenir. Nous levons donc le camp, pour transporter nos
études en descendant la vallée du Kergan-Roud, afin de déterminer jusqu'à quel point se sont
étendus les dolmens dans cette direction.
Nous partons à 9 h. i 5 au milieu d'un temps brumeux qui menace, mais les nuages se dis-
sipent et, à mesure que nous descendons; nous avons devant nous une série de sites sauvages
d'un très grand aspect. Le sentier serpente sur un bord, puis sur l'autre de la rivière, au pied de
rochers abrupts; tout est nové dans la verdure. Cet étroit sentier est la seule route du Ghilan.
En passant, le frère de l'Émir nous montre la place où ses ancêtres avaient autrefois fait fermer la
vallée avec une porte, tant le défilé était étroit, interdisant ainsi toute intervention étrangère, même
du Gouvernement Persan, dans leurs affaires. Maintenant le pays, en se civilisant, est resté moins
prohibé et on circule partout librement.
Nous nous croisons avec des muletiers qui remontent des terres basses, pauvres hères en
guenilles avec leur corps émacié, leur teint jaune et leurs yeux tout brillants de fièvre. Ils
ramènent a Agha-Eviari des chargements de fruits, pommes et melons surtout ; il y en a quel-
ques-uns d'excellents, beaucoup de très médiocres, mais tout se vend parmi ces populations où la
quantité prime la qualité.
Nous marchons pendant environ 12 kilomètres, jusque près de midi ; à cette heure le frère
de l'Émir nous dit que nous sommes arrivés à Do-Khalian, point où se trouvent un grand nombre
de sépultures. Sur le bord de la route il v a bien quelques vestiges de petites tombes, mais nulle
part nous ne découvrons rien de bien encourageant. Enfin nous sommes descendus de l'altitude
10 10 à environ joo mètres au-dessus de la Caspienne, il est temps de prendre ce nouveau point
comme centre. Nous dressons le camp sur le bord du Kergan-Roud, dans une clairière bordée
de noyers. Des montagnes nous enveloppent de toutes parts, c'est un chaos de verdure au milieu
duquel la rivière roule en vrai torrent. Nous faisons sonder un peu de côté et d'autre tout ce qui
semble indiquer des sépultures, mais le seul point qui nous donne un résultat c'est l'endroit dont
j'ai déjà parlé dans la route.
Nous sommes au milieu d'un petit groupe de sépultures de l'âge du fer. Les corps étaient
repliés dans des cuves faites de blocs mis debout côte à côte affectant des formes plus ou moins
régulières de parallélogramme ou d'ovale. La profondeur est de 0^,50 à o™,75. Ces tombes ren-
fermaient des vases en terre grossière, trois au plus, et des armes de fer, lances, dagues ou
couteaux.
332
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
La plus intéressante était une petite sépulture qui nous a donné deux vases, l'un en terre
rouge, l'autre en terre grise ; puis des perles en bronze, cornaline, pâte de verre et nacre. De plus,
j'ai rencontré -dans cette sépulture une coquille de la Caspienne, une porcelaine du Golfe Persique,
et une tète de javelot en fer.
^ Cette porcelaine nous montre qu'à cette époque des relations commer-
ciales existaient avec l'extrémité Sud la plus éloignée de la Perse.
La vallée de Kergan-Roud était occupée à l'époque du fer: c'est la seule
conclusion intéressante que nous aient donné nos fouilles de Do-Khalian.
D'autres recherches faites dans la montagne sur la rive gauche du Kergan-
Roud, ne nous ont mis en présence que de sépultures musulmanes. Cette vallée
a dû autrefois (au moyen âge) être beaucoup plus habitée qu'elle ne l'est de
nos jours; on voit sans cesse dans la forêt des sites d'anciens villages, recon-
naissables aux sépultures, ou bien encore aux arbres fruitiers, pruniers, pom-
miers, poiriers, néfliers qui forment des groupes d'une végétation spéciale
au milieu des essences ordinaires de la forêt ; ce sont les restes des vergers
qui, autrefois, entouraient les habitations. Mais, dans toute cette zone, nous
ne rencontrons nulle trace de l'antiquité, à part les quelques sépultures
explorées prés de Do-Khalian. M. Lampre profite de ses moments de loisir
pour doter notre ordinaire d'excellentes truites prises dans le torrent. Nous
sommes heureux de nous trouver au milieu de cette température douce et
tiède, dans le calme de la forêt, à l'abri de cet horrible vent de la Caspienne
qui bat sans relâche le plateau persan. Mais, les fouilles ne donnant rien d'in-
téressant, le 6 août nous remontons par le même chemin dans la direction
d'Agha-Evlari et campons sur un petit plateau défriché à moitié route.
Le 7 août nous revenons à notre ancien lieu de campement à Agha-Evlar.
M. Lampre fait encore un peu fouiller dans le dolmen où son travail était
resté inachevé. Il ne rencontre que quelques perles de verre ou de cornaline,
une pointe de flèche, des anneaux en bronze et des débris de poterie. Pendant
que nous préparons le départ pour le lendemain, lun de nous va recon-
naître avec le guide un terrain où on nous avait indiqué des dolmens importants.
Le voyage, qui occupe presque toute la journée, permet seulement de constater
que les dolmens signalés par les gens du pavs n'étaient que de simples affleu-
rements de rochers basaltiques.
835.
FiG. 854-835. — Do-Kha-
lian. — Age du fer.
(834, dague en fer, 1/2
gr. nat. ; 855, orne-
ment en bronze, 2/3
gr. nat.).
S aoûl. Lever à 5 heures. Temps superbe. Les mules de louage, qui n'arrivent pas, retar-
dent notre départ jusqu'à huit heures. Nous laissons à la caravane l'ordre de nous rejoindre à
Binamar, et nous nous mettons en route. La raison qui nous avait fait adopter cette direction
est que, dans le voisinage de Binamar, se trouvaient des gisements de cuivre et des mines
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 333
exploitées autrefois. Pendant nos recherches au Caucase en 1888, nous avions rencontré près
des mines de cuivre d'Allah-Verdi, une importante nécropole de lâge du fer renfermant des
objets de bronze en très grand nombre, le bronze étant réservé pour les bijoux et ornements.
Nous avions lieu d'espérer à Binamar quelque chose de semblable. Des recherches dans cette
direction s'imposaient.
Nous partons donc vers l'Ouest en contournant le village d'Agah-Evlar, nous remontons
la vallée du Kergan-Roud, au milieu d'une plaine cultivée, coupée de canaux d'irrigation.
Bientôt nous quittons la vallée et nous nous engageons sur un éperon au milieu de la forêt.
Sur notre droite sont des escarpements très abrupts de roches formant une muraille infran-
chissable. Notre route est en lacets très rudes pour les bêtes. Enfin nous sommes encore une
fois hors de la forêt, au milieu des pâturages. L'air est vif, la vue immense: elle s'étend jusqu'à
la mer par-dessus les dédales boisés de la vallée du Kergan-Roud que nous embrassons dans
tout son ensemble, avec ses cultures, ses villages, .A.gah-P]vlar au loin, et l'emplacement de
notre ancien camp. A midi nous faisons halte près d'une source pour déjeuner et laisser reposer
les chevaux. Une heure plus tard nous remontons en selle, et bientôt nous sommes au col
(altitude 2 920 mètres). Nous quittons le Talvche et entrons de nouveau dans le plateau persan.
La vue plonge sur le district de Khalkhal, tout sec, sans forêt, roux avec un aspect de scorie.
Partout ce ne sont que sommets rocheux et pelés.
Le vent s'est levé et souffle très vif; nous redescendons vers Binamar en suivant un petit
ruisseau dont les eaux sont captées pour les cultures. La route est nue, couverte de rochers vol-
caniques, sans un seul arbre. De ce côté le pays n'est cependant pas aussi stérile qu'il parait;
de plus en plus cultivé à mesure que nous approchons de Binamar, il produit du blé et de l'orge.
Enfin vers \ heures, en débouchant d'une gorge, nous sommes en vue du village. Il est entouré
d'énormes meules de blé. Le vent souille en véritable tempête. Rien pour nous abriter que les
fossés d'irrigation. La caravane n'arrive toujours pas; c'est que la distance est longue, environ
30 kilomètres, et la route pénible pour des bêtes chargées qui ont dû gravir dans leur après-midi
I 910 mètres, pour atteindre le col. Le temps menace de plus en plus, le vent souOle avec rage et
roule de gros nuages noirs. Les gens du village offrent bien de mettre une maison à notre
disposition et nous apportent, avec leurs hommages, un mouton, du charbon et du bois, chose
précieuse dans ce pavs dépourvu de combustible. Nous allions accepter cette hospitalité, lorsque
la caravane arrive enfin vers huit heures, par une nuit noire. Au milieu d'une confusion indi-
cible on parvient à dresser une tente, la plus grande, elle nous sert à tous d'abri. Pour une
nuit il faut s'en contenter. L'cjrage gronde tout autour de nous, la pluie tombe, et avec elle le
vent se calme.
(j août. .\vec le jour tous sont debout. Nous allons jusqu'aux mines de cuivre situées à
3 kilomètres sur le sentier d'Ardebil. M. J. de Morgan à ce sujet a pris les notes suivantes :
« Amas analogues a ceux du petit Caucase dans des dacites (grùnslein) exploitées dans
3 34 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
l'antiquité aux affleurements; nombreuses haldes de peu d'importance, et, par suite, résultat d'une
exploitation superficielle, mais s'étendant sur plusieurs centaines de mètres dans les ravins. Les
gisements se prolongent au loin, mais n'ont été exploités qu'à côté de Binamar. Rien n'indique
l'époque de leur exploitation. Nous n'avons pas trouvé de sépultures antiques à Binamar. »
Nous revenons au camp pour prendre notre caravane et, vers dix heures du matin, nous
nous mettons en route pour Ardebil. Le sentier en corniche domine un plateau déchiré de ravins
profonds bien cultivés en orge et blé surtout. Nous repassons par les mines, où nous voyons une
superbe vipère, rencontre très rare dans cette partie de la Perse, où les reptiles dangereux font à
peu près défaut.
Vers midi nous sommes près d'un gros village entouré de gros amas de blé et de paille,
c'est Sakkawas. Il doit son existence à une petite source d'eau claire et vive qui s'échappe d'un
groupe de saules, les seuls arbres en vue aussi loin que le regard peut s'étendre. Nous nous
reposons environ une heure, puis nous reprenons le monotone sentier d'Ardebil qui se déroule
au milieu de ce plateau coupé de crêtes rocheuses ; nous sommes toujours à plus de 2000 mètres
d'altitude. Pendant notre halte la caravane nous a dépassés, mais vers 3 h. 30 nous la rattrapons;
elle marche à bonne allure. Bientôt nous arrivons à la bordure d'une marche abrupte par laquelle
le plateau se déprime pour former la plaine d'Ardebil, qui nous apparaît loin, bien loin, comme
une petite ligne estompée en bleu dans cette solitude d'un ton de cendre. A gauche le Savalan, à
droite le col d'Astara qui cchancrc de sa double fourche le massif de montagnes où nous avons
fait nos fouilles; au loin les nuages montent du Talyche et s'acheminent, poussés par le vent de la
Caspienne, vers le front glacé du Savalan, où ils vont se condenser en neige pour accroître la
masse de ce cône blanc qui donne au paysage tout son caractère. Au milieu de cette plaine sans
fin et sans abri, la brise qui fraîchit avec le soir rend la marche très désagréable. Vers la tombée
de la nuit nous arrivons aux rives fangeuses d'un lac, le Chour Gol, tout semé de grands échas-
siers qui s'envolent à notre approche. Enfin vers neuf heures nous sommes à Ardebil. Il fait nuit
noire. Nous nous installons dans un grand jardin que M. Glavany, directeur des douanes, nous
avait fait réserver. Une escouade de soldats du gouverneur est préposée à notre garde. Là, au
moins, nous sommes à l'abri du vent et des intrus. Depuis Binamar nous avons franchi environ
42 kilomètres ; bêtes et gens ont besoin do repos. La campagne de fouilles du Talyche est, du
reste, terminée.
Du 10 au 14 août nous restons campés à Ardebil. Cette ville est un centre assez important,
bien que déchu de sa splendeur passée. La porte du bazar, tombant en ruines, et la vieille mos-
quée offrent de beaux exemples de l'architecture polychrome, avec des briques émaillées aux
riches couleurs. La ville est très étendue; les rues en sont malpropres et les maisons délabrées.
Lors de notre passage il n'était que bruit de la révolte des Shahsevends dans la partie Nord-Est
des contreforts du Savalan.
Le 14 août le départ est décidé, mais nous ne parvenons pas à nous mettre en route avant
midi. Il est toujours très laborieux d'arracher des Persans aux charmes du bazar. Nous prenons
RECHERCHES ALf TALYCHE PERSAN 335
la route postale de Tauris ; quand je dis route, cela implique seulement un endroit où l'on passe
d'habitude, car en fait de chaussée il n'y en a pas. Nous remontons le cour's du Balouk Sou,
rivière aux eaux vives et poissonneuses, et marchons jusqu'à 3 h. 35 dans un pays plat. Sur notre
gauche nous laissons un gros tùpé ou tertre, reste d'un site ancien ou antique, dont nous ne
pouvons par la vue seule déterminer la date.
Le lendemain 15 août, avant d'arriver au village de Nir, altitude i 600 mètres, nous ren-
controns sur notre droite une nécropole avec dolmens du type de ceux que nous venons d'explorer.
D'autres grands dolmens ruinés se trouvaient sur notre gauche à l'entrée du village. Ces monu-
ments sont les derniers vestiges de cette époque reculée que nous ayons rencontrés sur toute la
route que nous avons suivie pour gagner l'Ararat, c'est-à-dire Tauris, le lac d'Ourmiah, Khoï,
Makou et Bouroulan : près de cette dernière localité nous avons vu, de nouveau, des sépultures
préhistoriques avec vases primitifs en terre gris noir fort grossière. Mais, sur ce point, aucune fouille
n'a été pratiquée et le hasard seul avait fait rencontrer quelques objets aux officiers de la garnison
russe de ce poste frontière. Dans toute la partie montagneuse qui s'étend de l'Araxc à la Koura
les nécropoles des âges du bronze et du fer sont nombreuses (i ).
Les renseignements qui nous ont été donnés par les gens du pays et les quelques vases qui
nous ont été montrés nous amènent à croire que les nécropoles à dolmens des Talyches tant russe
que persan se relient d'une façon continue avec le massif du Kara-Dagh en passant par les contre-
forts du Savalan où des sépultures du même genre existent certainement. Il y a là toute une
zone à explorer. ,
Nous quittons Nir, le 16 août après y avoir campé pendant la nuit et prenons la direction
d'Aspfrouchan. Peu après Nir, le terrain se relève, fermant de ce côté la plaine d'Ardebil par
une chaîne qui se relie au Savalan, sur notre droite, et sur notre gauche par un épais massif qui
court parallèlement à notre route. Nous franchissons le col à l'altitude de 2 140 mètres pour
entrer dans le bassin du lac d'Ourmiah. Nous nous inclinons vers le Sud vers Aspfrouchan (alti-
tude I 600 mètres) et Douzdouzan (altitude i 710 mètres), afin de contourner le désert salé.
Inutile de poursuivre la narration de ce voyage qui nous ramène dans un pays déjà visité et
décrit par la mission.
L'âge de la pierhi:. — L'état de civilisation que l'on désigne sous le nom de 1' « Age de la
pierre », si développé sur tant d'autres points du globe, semble faire entièrement défaut dans toute
la partie du Ghilan que nous avons visitée pendant la campagne de recherches de 1901. Les
quelques objets en pierre que nous avons trouvés ne sont pas, à proprement parler, des produits
d'êtres faisant un usage exclusif de la pierre. Ils se sont rencontrés accidentellement au milieu
d'armes et d'instruments de toutes sortes, tous en métal.
(i) Le Gouvernement russe se réserve le droit exclusif des fouilles. Cette région n'a pas encore été explorée au
point de vue archéologique.
33b RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
Nous n'avons pas découvert une seule station, un seul atelier, une seule sépulture qui soit
de l'âge de la pierre. Sur les sites des immenses nécropoles de l'âge du bronze que nous avons
explorés, nous n'avons trouvé aucun indice qui puisse nous faire supposer que ces mêmes empla-
cements eussent été occupés, à une époque antérieure à l'âge des métaux, par des humains dans
un état de progrès plus rudimentaire et ignorant la métallurgie. En Babylonie et en Susiane les
objets en pierre taillée sont nombreux et se rencontrent à la base des tells, montrant qu'ils sont
eux-mêmes l'embryon de toute civilisation, même là où elle est le plus ancienne. Au Talyche, le
sol ne semble avoir été occupé qu'à partir de' l'époque du bronze, et les constructeurs des vastes
dolmens que nous avons retrouvés auraient été les premiers colonisateurs de ces régions. Cela
s'explique facilement : les montagnes du Talyche sont éruptives, ne renferment pas de silex, le
sol est peu fertile, les forêts devaient, en principe, s'étendre des deux côtés de la ligne de faîte.
Il est donc tout naturel que les premiers habitants du globe, ayant le champ libre, aient choisi
de préférence les sites les plus favorables à leur existence, négligeant les zones qui répondaient
moins bien à leurs besoins.
L'âge du dronze. — Si l'âge de pierre semble faire défaut au Talyche, celui du bronze, au
contraire, v est représenté par des monuments et des vestiges qui dénotent une civilisation puis-
sante. Comme on l'a fait observer au Talyche russe, et comme je l'ai déjà fait remarquer, les
sépultures les plus anciennes de 1 âge du bronze sont celles du type que nous avons rencontré à
Kodja-Daoud, c'est-à-dire qui se présente sous des amas de pierres disposées en forme éliptique.
A cette même époque reculée, nous pouvons attribuer les sépultures de forme carrée de Chir-Chir
et les énormes dolmens de Vadjalik ; leur mobilier funéraire offre une grande analogie. La céra-
mique se compose surtout d'ollas, de lourdes cruches, et de gobelets en terre épaisse et grossière.
Les armes sont d'un type primitif, fort simple ; elles se fixent dans l'emmanchement à l'aide d'une
courte soie coulée avec la lame. Nous avons trouvé de cette époque des objets en bronze, en argent
et en électrum.
Les sépultures que nous considérons comme étant d'une époque moins reculée de l'âge du
bronze sont beaucoup plus riches en objets, et ces objets eux-mêmes beaucoup plus variés de
formes. Les superbes dolmens dévastés de Namin et d'Agha-Evlar, probablement aussi ceux de
Souah, étaient de cette époque ; mais nous n'avons pu en déterminer la date que par comparaison
avec les monuments similaires de Tchila-Khané et de Lor-Daghi, fort heureusement trouvés
intacts.
Comme on a pu en juger par les plans que nous avons donnés, ces dolmens étaient solide-
ment construits au centre d'un cercle de grosses pierres en vastes blocs, amenés souvent de fort
loin. Leur orientation est généralement Nord-Sud comme l'indique le tableau suivant des sépul-
tures les plus importantes relevé à Agha-Eviar :
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
3?7
Dolmen n» i.
Nord,
141.
Ouest.
Grand Dolmen.
108.
Ouest
2
—
134
—
Autre Dolmen.
'35
—
—
122
—
—
105
—
4
—
120
—
—
68
—
5
—
68
82
—
—
90
—
Je ne reviendrai pas sur la description de ces édifices funéraires, déjà faite en relatant les
travaux. Je me bornerai à faire observer que, par leur importance comme nombre et comme
masse, ils se placent à côté des monuments mégalithiques de Bretagne les plus réputés. Le plus
considérable de tous, un dolmen entièrement spolié, à Agha-Evlar, ne mesurait pas moins de
16"", 80 de long, sur i'",7o de large et 2™, 40 de haut sous les dalles formant le plafond. Ces sépul-
tures devaient être d'une grande richesse : la brousse près de Vadjalik, porte encore dans le pays
le nom de « Forêt d'or ». On nous a parlé de vases d'or trouvés autrefois dans les dolmens; nous-
mêmes, n'avons-nous pas rencontré un certain nombre de bagues en or massif échappées aux
recherches des spoliateurs ?
Ces sépultures renfermaient de nombreux cadavres et nous avons lieu de croire que les horribles
scènes d'égorgement , dont nous parle Hérodote, qui accompagnaient les funérailles des rois scythes,
faisaient partie des rites funèbres des grands de l'âge du bronze, et que femmes et esclaves les
suivaient dans leur dernière demeure avec les bijoux, armes et offrandes dont on les entourait.
En plus de ces somptueuses sépultures, ces peuples élevaient des places fortes. Nous avons
retrouvé deux citadelles de cette époque, perchées sur des sommets escarpés dominant la plaine
et le champ des morts, à Namin et à Chir-Chir. Tout indique donc chez les peuples de l'âge du
bronze au Talyche une civilisation avancée. Ils savaient fondre l'or, l'argent, l'ôlectrum et le
cuivre. Nous avons retrouvé près de Binamar, sur le plateau persan, à portée d'Agha-Evlar, des
affleurements de ce dernier métal, à l'état de carbonate facilement utilisable. Comme corollaire
de leur métallurgie, ils avaient découvert dans les laitiers les pâtes vitreuses dont ils fabriquaient
les perles partout si abondantes. La fonte des armes, et en particulier des glaives avec leurs
poignées ouvragées, dénote une habileté déjà grande.
Quelle date convient-il d'assigner aux constructeurs de ces dolmens? Elle ne saurait être que
fort reculée. Durant toutes nos recherches au Talyche nous n'avons jamais rencontré la moindre
trace d'inscription. Les seuls objets qui peuvent donner une date approximative sont les cylindres
de style grossier trouvés à Hassan-Zamini, près de Vadjalik, dans une sépulture intacte du der-
nier âge du bronze. Nous avons vu que ces cylindres semblent être antérieurs au x' siècle av.
J.-C. Cette sépulture était intacte ; les objets ne lui sont pas postérieurs.
Age du fer. — Les peuples de l'âge du bronze vivaient donc retirés dans leurs retraites
escarpées des montagnes du Talyche, lorsqu'une invasion terrible vint fondre sur eux. Un autre
peuple arriva portant le fer dans leur pays, et avec lui la destruction. Les traces de cette brutale
43
338 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
agression sont partout visibles. Les sépultures furent pillées, envahies, pour faire place aux nou-
veaux venus. A Namin, où les dolmens en pierre calcaire avaient les proportions de véritables
édifices, tout est dévasté ; mais les conquérants, victimes à leur tour de procédés semblables,
n'ont laissé dans les sépultures, pillées pour la seconde fois, d'autres traces de leur passage que des
débris de leurs armes de fer. A Tchila-Khané et à Lor-Daghi, quelques dolmens du bronze, vu leur
éloignement et leur altitude de plus de 2 000 mètres, où les neiges séjournent pendant de longs
mois, échappèrent à la dévastation, et nous donnent de précieux renseignements. A Chagoula-
Déré, des sépultures du bronze il ne reste pour ainsi dire rien, mais les tombes de l'âge du fer
s'y retrouvent partout dispersées, ou forment des amas de squelettes, d'armes et d'objets votifs
entassés pêle-mêle. On se croirait au milieu des vestiges d'un champ de carnage. A Chir-Chir tou-
jours mômes traces de conquête. Agha-Evlar était un centre plus important à l'époque du bronze,
avec les monuments les plus vastes que nous ayons observés, aussi l'homme du fer y a-t-il mis le
sceau du vainqueur. Les dolmens y sont non seulement pillés, mais réoccupés, et ce qui nous
donne bien la date de cette dévastation c'est que, très souvent, les sépultures du fer installées dans
les anciens dolmens du bronze sont intactes, tout comme elles le sont généralement au petit
Caucase à Allah-Verdi,à Akthala, etc. Quand on rencontre quelques-unes de ces sépultures spo-
liées, c'est un fait accidentel et le plus souvent dû au hasard des cultures.
A Agha-Evlar un dolmen m'a tout spécialement intéressé. Toute une partie était vierge et
renfermait plusieurs corps avec des armes de bronze, alors que, dans l'autre extrémité, avaient été
entassés sans ordre une masse de cadavres avec quelques armes de fer.
Agha-Evlar commande, par sa position à la tête d'un défilé qu'une simple porte fermait au
moyen âge, la voie la plus facile pour passer du plateau d'Ardebil au Ghilan et à la Caspienne.
Les hommes du fer suivirent cette route et, à moitié chemin en descendant le cours du Kergan-
Roud, nous avons retrouvé à Do-Khalian des sépultures- bien caractérisées de leur époque,
semblables à celles du petit Caucase. Nous les avons également retrouvés à Khodja-Daoud, où les
sépultures de l'âge du bronze ont été, elles aussi, usurpées. La vallée de l'Astara-Tchaï, avec son
double col sur Souah et sur Namin, était l'autre voie menant du plateau à la Caspienne. L'inva-
sion a donc été générale.
Le fait de la conquête est clair, mais à quand remonte-t-elle ? L'usage du fer est très ancien ( i ),
(i). Il remonte en Babylonie à 2 500 av. J.-C.
Hommel (Grundriss der Geogr. et Gesch., etc., p. 13) pense que le métal rapporté par Gudéa du pays de
Meluhha appelé gir^anum (^=par^illu ?) est un minerai de fer. Il ne s'appuie que sur cette identification (vieux baby-
lonien), gir^anum =(en Arabe méridien.), far^ânum = (en babylonien), par^illu = (en hébreu), bar^el «fer ».
Voir Peiser, Urkunden, etc. (3"= dynastie babylonienne), p. IX mentionnant \tjer, et cf. Or. Litt. Zeit. VIII, col. 97
(Peiser) et Altor. Forsch.,3"= série, p. 329 (Winckler).
Pour r.\ssyrie, le seul document un peu considérable nous renseignant sur l'histoire ancienne de r.\ssyrie (vers
1 100 av. J.-C.) est le prisme de Teglatphalasar 1. 11 nomme par^illu « le fer », dans l'expression lukut pars^illi « lance
ou javelot de fer », col. VI, 66 (chasse royale) Dans le butin du pays Nord, on ne mentionne guère que l'or, l'argent,
le cuivre et le bronze (Note du P. Scheil).
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 339
surtout dans les parties montagneuses connues sous le nom de Petit Caucase. Dans ce pays où
abondent les mines de cuivre, ce métal semble avoir été réservé pour la parure, alors que les
armes étaient toujours en fer, à une époque qui, jusqu'à présent, n'a fourni aucun document écrit
même emprunté aux civilisations si anciennes des grands empires du Sud. Les sépultures pure-
ment de l'âge du bronze sont rares dans ces régions, et nous avons rencontré le fer à profusion
dans les petits dolmens que nous avons, M. J. de Morgan et moi, explorés dans le massif du Lelvar.
Ces contrées étaient un grand centre de production du fer dans la haute antiquité et nous voyons,
dès le xii° siècle avant notre ère, figurer dans les inscriptions triomphales des rois d'Assour des
tributs de ce métal. L'autorité des rois de Ninive et d'Ourartou (Van) ne s'étendit jamais bien
au delà des lacs du Gheuk-tchaï et d'Ourmiah . Nous ne pouvons d'une manière sûre leur attribuer
la conquête et la destruction des peuples de l'âge du bronze qui habitaient le Talyche. Ne sommes-
nous pas en droit de penser plutôt que cette invasion est due aux peuplades de l'âge du fer qui
habitaient en si grand nombre le Petit Caucase ? Nous voyons, en effet, le mode d'inhumation que
nous avons observé à Aktala et Allah-Verdi, s'importer au Talyche avec les nouveaux venus. La
route d'invasion est toute naturelle par la vallée de l'Araxe. En descendant ce fleuve jusqu'au
point où il reçoit le Kara-Sou on obtient un accès facile sur le plateau d'Ardébil. L'envahisseur
se maintient dans un pays pourvu en abondance d'eau potable. Pour une armée, au contraire,
venant de la vallée du Tigre, d'immenses régions salées et de hautes montagnes opposent une
barrière naturelle (i).
Nous avons traversé toute cette zone en nous rendant d'Ardébil au lac d'Ourmiah, et, une
fois Nir dépassé, nous n'avons plus rencontré de vestiges de l'antiquité.
L'existence des peuples du bronze au Talyche, leur conquête par d'autres peuples possédant
des armes de fer, sont des faits qui échappent à l'histoire et qui probablement l'antidatent.
La zone des dolmens semblables à ceux que nous avons explorés, se poursuit, paraît-il, vers
le Kizil-Ouzen et plus loin vers le Sud jusqu'au pays des Kialhours dans le Nord du Louristan ;
il est possible qu'un jour des documents écrits se rencontrent dans les contrées plus voisines de
celles soumises à l'influence des grands empires de Ninive et de Babylone et nous donnent la clef
de l'énigme.
Les caspi. — Ce que nous connaissons sur l'histoire des peuples qui ont habité les bords
de la Caspienne et les régions du Talyche dans l'antiquité se résume à fort peu de chose. Nous
savons, par ses inscriptions triomphales, que Téglatphalassar 1, vers 1 1 30 avant notre ère, porta
la guerre jusqu'aux sources du Tigre et s'avança jusqu'à la Caspienne, « xMer supérieure », et
leva sur les peuples vaincus un tribut « de fer, d'or, d'argent et d'airain «(2). Le fer existait donc
(1) Le lac d'Ourmiah, à cette époque reculée, couvrait une surface bien plus considérable que de nos jours.
(2) J. Menant, Ann. des r-ois d'Assyrie, p. 56-37.
340 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
dans ces régions à cette époque (i). Pour la question qui nous intéresse, ceci est presque un docu-
ment moderne. D'autre part, les sépultures chaldéennes et les textes nous montrent que le fer
était en usage au xxv° siècle ; or la Chaldée n'est pas un pays producteur de ce métal, c'était pour
elle un article d'importation, venant sans doute du Nord des grands fleuves, de ce centre métal-
lurgique dont nous parlent les traditions les plus anciennes. D'autre part, les coquilles provenant
du Golfe Persique que nous avons retrouvées dans les sépultures de l'âge du fera Do-Khalian,
montrent que des relations d'échange se faisaient entre les bords de la Caspienne et l'extrémité
Sud du plateau persan. N'est-il pas étrange, dans ces conditions, que nous n'ayons pas rencontré
un seul document écrit?
L'histoire reste muette pendant longtemps sur les peuples ayant habité les territoires que nous
venons de visiter et d'explorer. Ces régions étaient si éloignées des centres civilisés ! Hérodote
est le premier qui en fasse mention. Ouvrons une des grandes pages de l'histoire du monde.
Reportons-nous à la veille du plus formidable des conflits de l'antiquité. Désireux de renverser
cette muraille d'indépendance qui brave son despotisme oriental, Xercès se prépare à envahir la
Grèce. A la voix du Roi des Rois, des confins mystérieux de l'Inde aux rives de la mer d'Ionie,
les innombrables multitudes des Asiatiques ont accouru. L'avalanche humaine a franchi l'Hel-
lespont. Le maître voulant mesurer toute l'étendue de sa puissance fait défiler sous ses yeux à
Doriscus, dans les plaines de Thrace, cette armée, la plus vaste et la plus hétérogène qui ait
jamais été rassemblée.
Hérodote reprenant tous ces peuples nous dit (2) : « Les Caspiens étaient couverts de vête-
ments de peaux et portaient l'arc de leur pays et le glaive. C'est ainsi équipés qu'ils partirent en
guerre. Ils avaient pour chef Ariomardus, frère d'Artyphius(3). »
Au temps de Darius ces mêmes Caspi faisaient déjà partie de l'empire des Perses ; leur ter-
ritoire relevait des xi' et xv' satrapies qui payaient, à elles deux, un tribut de 450 talents.
Hérodote écrivait au v"^ siècle avant notre ère. Six siècles plus tard, Strabon, dans sa Géogra-
phie, décrit ces mêmes pays (4) :
« La seconde section, nous dit-il, commence à partir de la mer Caspienne... Eratosthène
décrivant ce que les Grecs connaissaient du périple de cette mer, compte 5 400 stades pour la
partie de ses côtes qui borde l'Albanie et le pays des Cadusii, 4 800 stades pour celle qui baigne
les possessions des Anariakes, des Mardes et des Hyrcani jusqu'à l'embouchure du fleuve
Oxus...(i).
« Les populations nomades qui bordent la mer Caspienne, tout de suite à gauche de l'entrée,
(i) J. de Morgan, Les premiers âges des métaux dans l'Arménie russe, p. 200-202.
(2) Hérodote, 1. VII, ch. 67.
(3) Hérodote, 1. III, ch. 92.
(4) Strabon, VI, i, trad. A. Tardieu.
(5) Strabon, 1. XI, ch. vu, i.
A
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN 341
sont connues aujourd'hui sous le nom de Daœ, ou mieux sous celui de Daœ-Parni, vu qu'à la
dénomination générale on ajoute habituellement cette désignation particulière. Le territoire de
ces populations est séparé de l'Hyrcanie par un vaste désert intermédiaire ; puis, immédiatement
après, commence l'Hyrcanie ; c'est à la hauteur de cette contrée que la Caspienne devient
proprement une mer, aspect qu'elle conserve jusqu'au pied des montagnes de Médie et d'Arménie.
Ces montagnes qui, dans leur partie basse, se creusent en manière de croissant, viennent finir
en quelque sorte au bord de la mer, et forment bien réellement le fond du golfe Caspien. On
trouve là, échelonnées à partir de la mer, et en remontant jusqu'au sommet, différentes popula-
tions; d'abord dans des limites assez resserrées, quelques tribus albaniennes et arméniennes, puis
sur un espace beaucoup plus étendu, les Gèles, les Cadusii, les Amardes, les Gyrtii, les Ana-
riakes, et maintes autres tribus que la nature des lieux âpres et stériles a réduites à vivre de bri-
gandage et à délaisser les travaux de l'agriculture pour les habitudes des guerriers. Toutefois ce
sont les Cadusii qui occupent la plus grande partie de cette côte montagneuse ; leur territoire peut
avoir 5000 stades de longueur, c'est du moins ce que dit Patrocle, qui estime, en même temps,
que l'étendue de la mer Caspienne ne diffère pas sensiblement de celle du Pont-Euxin ; mais dans
tout le territoire des Cadusii le sol est particulièrement pauvre et aride (i). »
« A propos des Cadusii nous dirons qu'ils possèdent une infanterie presque aussi nom-
breuse que les Ariani, que leurs gens de trait sont d'une adresse incomparable, et que leurs cava-
liers, dans les terrains difficiles, mettent pied à terre et combattent avec la même solidité que
l'infanterie. Du reste, si quelque chose entrava l'expédition d'Antoine dans ce pays, ce ne fut pas
tant la nature du terrain que la perfidie du roi d'Arménie, Artavasde... »
Nous le voyons, les Caspi d'Hérodote ont fait place aux Cadusii de Strabon. Les renseigne-
ments que donnent les auteurs anciens sont fort maigres et ont trait à des périodes historiques
relativement récentes.
Par leur position géographique, la configuration de leur sol abrupt, pauvre et d'accès diffi-
cile, les parties hautes du Talyche persan, que nous avons explorées, sont restées pendant l'anti-
quité en dehors des voies naturelles de pénétration militaire et même commerciale. Au temps de
Strabon, le transit de l'Asie centrale vers l'Europe se faisait par les vallées de l'Oxus et de l'Araxe,
contournant parle Nord le Talyche et la steppe de Moughan, alors que le commerce des régions
plus méridionales avait recours à la route, encore suivie de nos jours par les caravanes qui vont
d'Hamadan sur Ourmiah et l'Asie antérieure. Si le Talyche est resté, au temps des Romains et
des Grecs, en dehors de l'action étrangère, il semble en avoir été de môme aux époques plus
reculées. De nom ces pays relevaient des rois achéménides, qui, du reste, semblent n'y avoir laissé
aucune trace de leur autorité. Même remarque en ce qui concerne les souverains de Ninive: leur
activité s'est toujours beaucoup plus portée vers les régions riches sises à l'Ouest ou au Sud de
leurs domaines. Aussi, durant tout le cours de nos recherches parmi ces peuples qui ont habité les
(i) Strabon, 1. XI, ch. xii, 4.
342 RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN
bords Sud-Ouest de la Caspienne, n'avons-nous jusqu'à présent découvert aucune de ces inscrip-
tions triomphales, aucun de ces tells dont les briques ou les tablettes viennent donner les annales.
Dans toute cette zone, tous ces documents font défaut. Tout, au contraire, semble indiquer la
plus haute antiquité pour les sépultures de l'âge du bronze que nous avons été assez heureux
pour trouver intactes.
Les Chaldéens faisaient usage du fer au xxv" siècle avant notre ère ; nous n'avons aucune
raison pour ne pas accorder au moins la même antiquité aux races qui sont venues porter, au
Talyche, le fer avec leur domination.
Quant aux grands dolmens de l'âge du bronze à quelle époque remontent-ils? c'est une
question à laquelle il nous est impossible de répondre. Les travaux de la science moderne trans-
forment chaque jour les légendes du passé le plus lointain en pages d'histoire ; mais en reculant
les limites de l'inconnu, elles ne font que rendre plus impénétrable encore le seuil mystérieux
des commencements.
TABLE DES MATIÈRES
Préface par J. de Morgan v-vii
CACHETS ET CYLINDRES ARCHAÏQUES
Par g. Jéqlier.
[1-27.1
Pages.
Cachets 2
Cylindres 5
Lions 7
Taureaux 10
Lions et taureaux 15
Chèvres sauvages 15
Gazelles 18
Antilopes 19
Cerfs 20
Quadrupèdes divers 21
Animaux fantastiques 22
Hommes 25
Poissons, serpents, scorpions 24
Ornements 24
Conclusions 25
DÉCOrVERTE D'UNE SÉPULTURE ACHÉMÉNIDE A SUSE
Par j. DE Morgan. '
'29-58.' ,
Sépultures Je l'époque élainito ;2
Sépultures f^réco-parthes 33
Découverte de la '^cpulture d"époque achéménide 34
344 TABLE DES MATIERES
6
Date de la sépulture 37
Nature de la sépulture 38
Description de la sépulture 41
Mobilier funéraire : Alabastrons 42
— Patère 43
Bijoux. — Première parure. — Torque 43
— — Bracelets 48
— Deuxième parure. — Collier 49
— — Boucles d'oreilles 50
— — Boutons 51
Bijoux divers. — Collier de perles fines 51
— Collier de gemmes et d'or 52
— Perles de la coiffure 54
Amulettes. — Sphynx à tète de bélier. — Lion ou chat en or. — Colombe en or. — Colombe en lapis-lazuli. —
Amulette d'agate 5 5
Pendentifs en cornaline. — Disques en or. — Pendentifs en or et pierres. — Montures de pendentifs. — Perles
montées en or. — Pierres taillées 56
Etoffes. — Monnaies 57
FOUILLES DE MOUSSIAN
Par J.-E. Gautier et G. Lampre.
[59-149-]
Géographie et topographie de la région 59
Description de Tépé Moussian 62
Travaux à Tépé Moussian 64
Sépultures de Tepé Khazinèh 72
Nécropole de Tépé Aly-Abad 73
Tépé Mohr 81
Tépé Mohamed-Djaffar 81
Tépé Mourad-Abad 83
Tépé Fakhr-Abad 84
Description des objets découverts. — Brique cuite - 84
— Pierre 85
— Terres cuites 88
— Métaux 9'
— Sceaux et cachets 91
Céramique. — Fragments décorés 9^
— Dessin géométrique 95
— Le rectangle 104
— Le losange 106
— La croix 109
— Le cercle m
— Figurations végétales m
TABLE DES MATIÈRES 345
Céramique. — Figurations animales. — Quadrupèdes 116
— — Gazelles iiS
— — Chèvres sauvages 125
— — Carnassiers 127
— — Oiseaux 127
— — Insectes 130
— Figurations humaines 151
Céramique des sépultures 156
Vases en albâtre 143
Le bronze i-(4
Conclusions 147
LES TUMULI DE BAHREIN
Par a. Jou.\nnin.
[149-1 S7-]
LA REPRESENTATION DU LION A SUSE
Par g. Lampre.
[159-176.1
Cachets et empreintes 160
Lions de pierre 160
Bas-reliefs 162
Lions émaillés ' 164
Petit lion en calcaire '68
Lion en agate (camée) 169
Têtes de lion en or 170
Lion de bronze 171
MONNAIES DE L'ÉLYMAÏDE
Par Allotte de La Fuye.
[I77-243-I
Introduction '77
Étude des tvpeset symboles '"3
Types des revers. ." '90
Symboles 201
Etude des légendes ^"-"^
44
346 TABLE DES MATIÈRES
Discussion des attributions 218
Description des monnaies 230
STATUE DE LA REINE NAPIR-ASOU
Par g. Lampre.
[245-250.]
RECHERCHES AU TALYCHE PERSAN EN 1901
Par h. de Morgan.
J231-341.J
Nécropoles des âges du bronze et du fer 251
Qal'a 255
Khodja-Daoud-Kôpru 254
Namin ^^o
Tchila-Khané 269
Lor-Daghi 279
Chagoula-Derré 281
Vadjalik 288
Tach-Kôpru ^94
Hassan-Zamini 29°
Chir-Chir 305
De Chir-Chir au Kergan-Roud 3io
Agha-Evlar 'i-
Do-Khalian 33i
L'âge delà pierre 535
L'âge du bronze 33°
L'âge du fer 337
Les Caspi 3 39
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
Pages.
I. — Empreintes de cylindres archaïques 20
II. — Sépulture achéménide de Suse. — Position du squelette dans le sarcophage de bronze. — Disposi-
tion des bijoux, des alabastrons et de la patère d'argent 40
III. — Patère d'argent 43
IV. — Bijoux achéménides. —Torque en or avec incrustations. — Perles et pendeloques d'or, lapis, corna-
line et pâte émaillée 44
V. — Bijoux achéménides. — Bracelets et pendants d'oreilles en or avec incrustations. — Collier de perles
fines. — Collier de perlettes d'or et de gemmes 48
VI. — Bijoux achéménides. — Collier à pendeloques, or et inscrustations. — Collier de perles d'or et de
gemmes 50
VII. — Type de la céramique peinte de Moussian (nécropole de Tépé Aly-Abad) 140
VIII. — Lions de pierre. — Style archaïque 160
IX. — Lion de bronze. — Epoque achéménide 170
X. — Numismatique. — i à 6 : Kamnaskirès. — 17 à 33 : Orode 1 244
XI. — Numismatique. — 34 à 40 : Orode I. — 41 à 69 : Orode II 244
XII. — Numismatique. — 70 à 102 : Orode II 244
Xm. — Numismatique. — 10; à 1 16 : Orode M. — 117 à 13e : Phraate. — 158 : Phraatake (?) 244
XIV. — Numismatique. — 159: Kamnaskirès. — 140 à 144 : Orode I. — 145 à 149: Orode II. —
150 à 152: Phraate. — 153: X. — 154a 158: Orode III. — 169 à 175 : Orode IV. — 176 à 178 : Y.
— 179 à 182: Z. — 183 à 186 : Vologèse 244
XV. — Statue de bronze de la reine Napir-.\soLi. — Face et côté droit 246
XVI. — Statue de bronze de la reine Napir-.\sou. — Vue de dos et côté gauche 249
XVII. — Plan de Tacropole de Namin 266
XVIII. — Plan de la nécropole de Vadjalik 298
XIX. — Vue à vol d'oiseau de la nécropole dAgha-Evlar 317
XX. — Carte du Talyche 341
CHARTRES. — IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.
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