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Full text of "Saint Jean, L'Apocalypse"

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JOHN  M.  KELLY  LIBDAKY 


Donated  by 
The  Redemptorists  of 
the  Toronto  Province 

from  the  Library  Collection  of 
Holy  Redeemer  College,  Windsor 


University  of 
St.  Michael's  College,  Toronto 


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ΗβΙΥ  REDEEMER  LlBRAR|fNBjOi 


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SAINT  JEAN 


L'APOCALYPSE 


IMPRIMATUR 

R.  Louis, 

o.  p. 


IMPRIMATUR 


Parisiis,  die  28*  decembris  1920 

E.  Lapalme 

V.  g. 


Κ'   «^ 


liTUDES  BIBLIQUES  .Βη-Ψ 


I'tT! 


SAINT  JEAN 


L APOCALYPSE 

PAR 

LE    P.    E.-B.    ALLO 

DES  FRERES  PRECHEURS 

Professeur  a  l'Universite  de  Fribourg  (Suisse) 

deuxieme  edition 


PARIS 

LIBRAIRIE  VICTOR  LECOFFRE 
J.   GABALDA,    £diteur 

RUE    BONAPARTE,   90 

1921 


H9LY  REDEEMER  LIBRARY,  WINDSOR 


vTb  -  i'5'9  ") 


EMINENTISSIMO  ET  REVERENDISSIMO 

DESIDERIO   CIRDINALI  MERCIER 

ARCHIEPISCOPO  MECHLINENSI 

FORM^  GREGIS 

OPTIMARUM  ARTIUM  DUCI  ET  PATRONO 

DEFENSORI  CIVITATIS 

EXPOSITAM  HANG  lOHANNIS  PROPHETIAM 

DE  DRACONE  GONSTANTER  DEVIGTO 

ET  DE  AGNO  NUNC  ET  IN  /ETERNUM  VINCENTE 

HUMILITER  DEDICAT 

INTERPRES. 


INTRODUCTION 


CHAPITRE  PREMIER 

LE    MILIEU    HISTORIQUE    ET    LE    BUT    DE    l'aPOCALYPSE, 

Jesus,  en  quittant  cette  terre,  avait  dit  a  ses  fideles  d'attendre  son  retour. 
Quand  aurait  lieu  cette  «  Parousie  »  glorieuse?  Nul  ne  pouvait  le  savoir,  car  le 
Seigneur  s'etait  refuse  a  toute  revelation  du  «  jour  ο  et  de  «  Iheure  ».  II  avait 
seulement  averti  que  ce  jour-la  fondrait  a  Fimproviste,  «  comme  un  voleur  ».  II 
fallait  done  veiller,  prier,  avec  d'autant  plus  d'ardeur  et  de  perseverance,  que  des 
tentations  innombrables,  persecutions  a  la  synagogue,  ou  devant  les  gouver- 
neurs  et  les  rois,  prodiges  menteurs  de  faux  messies  capables  de  seduire  jus- 
qu'aux  elus,  devaient  preceder,  annoncer  meme  son  avenement,  pendant  que 
d'autre  part  la  Bonne  Nouvelle'se  repandrait  dans  le  monde  entier  Mat.  xxiv; 
Mai'c,  XIII ;  Luc,  xxi). 

Les  Chretiens  avaient  attendu.  Limprecision  de  la  prophetie,  etTimpatience  ou 
ils  etaient  devoir  le  monde  renouvele  entierementparle  Regne  de  Dieu.  en  partie 
aussi  le  reve  eschatologique  des  Juifs  leurs  contemporains,  dont  la  fievre  les 
atteignait,  les  avaient  portes  en  general  a  interpreter  les  promesses  du  Seigneur 
au  sens  d'une  Parousie  prochaine,  presque  iraminente.  Et  voila  que  bien  des 
signes  precurseurs  se  realisaient  deja.  La  persecution,  d'abord  sourde  ou  spora- 
dique,  prenait  sous  Neron  un  caractere  de  violence  atroce.  Neanmoins,  TEvan- 
gile  paraissait  envahir  le  monde  entier.  Paul,  a  travers  presque  tons  les  pays  du 
Nord  Mediterraneen,  lavait  porte  peut-etre  jusqu'en  Espagne.  L'Egypte,  tres 
probablement,  I'avait  regu  aussi,  la  Syrie  et  I'Asie  Mineure  etaient  pleines  de 
chretientes  ilorissantes.  De  plus,  le  grand  evenement,  celui  que  les  premiers 
fideles  auraient  cru  inseparable  de  la  fin  du  siecle  present,  la  mine  du  Temple  et 
Taneantissement  politique  d'Israel,  venait  de  s'accomplir  sous  Vespasien.  Malo-ro 
cela,  le  Christ  n'apparaissait  pas  sur  les  nuees  du  ciel. 

Dans  ce  delai  de  la  Parousie,  il  y  avait  bien,  quoi  qu'eussent  explique  des  Apo- 
tres,  Paul  dans  II  Thess.,  et  Pierre  dans  sa  deuxieme  Epitre,  de  quoi  trou- 
bler  certains  fideles.  Ainsi  combien  de  luttes  faudrait-il  encore  soutenir  aΛ'ant  le 
triomphe?  Lunivers,  depuis  Neron,  s'etait  formellement  declare  centre  TEvangile; 
Pierre  et  Paul  avaient  ete  mis  a  mort;  le  furicux  ouragan  de  64,  dont  les  suites 
troublaient  encore  I'Eglise,  en  annongait  sans  doute  d'autres  plus  universels  dans 
leurs  ravages.  Sous  Neron,  Pierre  et   Paul   recommandaient  encore  d'honorer 

APOCALYPSE   DE   SAINT  JEAN.  a 


INTP.ODUCTIOX. 


les  emoereurs  ct  les  magistrals,  qui  portent  le  glaive  au  nom  de  Dieu ;  la  perse- 
cution paraissait  menee  alors  sans  methodc  et  sans  principe;  les  massacres 
meme  de  I'histrion  couronne  s'etaient  donne  Fair  d'une  mesure  de  police  impla- 
cable operee  centre  de  fanatiques  incendiaires.  Cependant  I'epithete  d'ennemis 
du  genre  liumain  etait  deja  lancee  contre  les  cliretiens,  Un  Voyant  dont  le  regard 
eut  plonge  dans  Thistoire  futui^e,  mais  deja  proclie,  se  fut  apergu  qu'il  s'elaborait 
par  tout  TEmpire  romain  un  systemc  politico -religieux  tel  que  I'existence  d'une 
Eo-lise  chretienne,  du  Regno  de  Dieu  sur  terra,  etait  incompatible  avec  lui.  Car 
le  o-laive  remispar  Dieu  aux  autorites,  Satan  lui-meme  allait  s'en  saisir.  L'empe- 
reur  romain,  dont  la  puissance  etait  pratiquement  illimitee,  allait  se  poser  en 
face  du  Christ  comme  un  Antechrist,  exigeant  lui-meme  comme  Seigneur, 
comme  Sauveur,  et  comme  Dieu,  le  culte  que  les  Chretiens  rcservaient  au  Fils  de 
Dieu,  seul  Seigneur  et  seul  Sauveur.  Entre  le  vrai  Dieu,  apparu  avec  une  nature 
humaine,  entre  ce  Jesus  crucifie  en  Judee  il  y  a  moins  de  deux  generations,  mais 
que  ses  fideles  disent  ressuscite,  et  d'autre  part  les  Augustes  qui  se  succedeat 
et  meurent,  mais  que  le  Senat  deifie  apres  leur  mort,  et  qui  bientot  se  feront 
dieux  eux-m6mes  de  leur  vivant  —  deja  les  plus  extravagants,  comme  Caligula 
et  Domitien,  se  font  appeler  Κύριος  dans  leur  entourage  et  par  leur  cbancellerie. 

[I  ya  s'engager  une  lutte  d'extermination :  car  le  culte  des  empereurs,  favorise 

par  la  reconnaissance  ou  la  servilite  des  provinces,  et  par  la  raison  d'etat 
romaine  va  s'oro-aniser  et  s'imposor  si  vite  que,  deja  au  ii'^  siecle,  Tadoration  du 
Cesar  vivant  sera  devenue  la  pierre  de  touche  du  loyalisme  romain.  Autrefois  on 
avait  pu  confondre  plus  ou  moins  les  disciples  du  Christ  avec  les  Juifs  ou  les 
adeptes  des  nombreuses  religions  orientales  qui  attiraient  les  ames  mystiques 
du  paganisme  a  son  declin.  La  police  de  Neron  s'etait  chargee  de  faire  la  dis- 
tinction et  les  empereurs  ne  I'oublieront  plus.  Jesus,  personnage  historique  et 
recent,  presente  comme  leseul  Κύριος  (Paul,  I  Cor.,  vii,  6)  etait  pour  eux  un  autre 
rival  qu'un  Dionysos  ou  un  Attis. 

Or  c'est  precisement  la  ou  FEglise  avait  le  plus  etendu  ses  conquetes,  c'est-a- 
dire  dans  TAsie  Mineure,  que  les  signes  avant-coureurs  de  cet  etat  de  choses 
commencaient  a  se  multiplier.  A  la  fin  du  i"  siecle,  I'Anatolie  presque  tout 
entiere  avait  connu  I'Evangile;  elle  etait  devenue,  avec  Antioche  et  Rome,  un 
centre  de  christianisme.  D'Ephese,  la  nouvelle  doctrine  prochee  par  saint  Paul 
avait  rayonne  dans  la  vallee  du  Lycus,  la  Phrygie,  la  Lydie.  La  Ρ  Petri  nous  fait 
connaitrc  des  avant  Pan  G4,  I'existence  de  chretientes  jusque  dans  le  Pont  et  la 
Cappadoce.  Mais  c'est  aussi  en  Anatolie  que  le  culte  des  empereurs  avait  com- 
mence. Ces  pays  etaient  habitues  de  longue  date  a  I'adoration  de  leurs  maitres 
visibles.  Deja,  sous  la  Republique,  on  y  avait  personnifie  et  honore  les  vertus  de 
tel  proconsul:  des  195  av.  J.-C,  Smyrnc  avait  consacre  un  temple  a  la  Deesse 
Rome•  aussi,  en  26  de  notre  ere,  lui  fut-il  permis  d'en  eriger  un  autre  a  Tibere,  a 
Livie  et  au  Senat,  de  preference  aux  villes  rivales  qui  briguaient  le  meme  hon- 
neur.  a  savoir  Ephese,  qui,  des  le  debut  du  regne  d'Auguste,  avait  pourtant 
dresse  un  autel  a  celui-ci  dans  I'enceinte  de  I'Artemision,  et  Pergame,  qui,  des 
29  avant  Jesus-Christ,  avait  institue  le  culte  imperial  provincial.  Les  premiers 
empereurs,  qui  repugnaient  encore  a  passer  dieux  tout  vifs  en  Occident,  etaient 
sur  ce  point-la,  en  dignes  heritiers  des  Diadoques,  pleins  de  condescendance 
pour  rOrient  hellenistique.  II  faut  dire  que  ces  peuples  y  mettaient  une  sorte 


MILIEU    iilSTORIQrE    ET    DUT.  JU 

d'enthousiasme,  d'abord  par  reconnaissance  pour  les  nouveaux  maitres  qui.  apros 
les  convulsions  des  guerres  civiles,  avaient  assure  a  leur  commerce,  ii  leur 
Industrie,  a  leur  culture  ilorissante  enlre  toutes,  securite,  paix,  facilite  de  com- 
munications, et  toute  une  expansion  nouvelle ;  de  plus  I'institution  des  Κοινά  ou 
Concilia,  assemblees  deliberantes  mi-politiques,  mi-religieuses,  rendait,  sous 
couleur  d'organiser  le  culte  imperial,  quelque  apparence  d'autonomie  a  la  pro- 
vince. II  faut  dire  aussi  que  I'Anatolie  etait  tres  ouverte  a  toutes  les  nouveautes 
religieuses.  Si  le  cliristianisme  avail  profile  de  cela  dans  quelque  mesure,  bien 
d'autres  religions  I'avaient  fait  avant  lui.  Sur  le  culte  de  Cybele,  ou  dautres 
hypostases  de  la  Grande  Deesse,  Artemis  dEphese,  Ma,  Anaitis,  s'etait  greifee, 
en  plus  de  la  religion  olympienne,  une  grande  variete  de  cultes  hetheens,  semiti- 
ques,  iraniens,  qui,  n'ayant  aucune  repug'nance  fonciere  les  uns  pour  les  autres, 
devaient  se  plier,  avec  moins  de  repugnance  encore,  devant  le  culte  ofnciel  qui,  a 
cette  condition,  les  tolererait  et  les  protegerail  tous.  Contre  I'adoration  du  Dieu 
unique  ct  transcendant,  et  de  Jesus,  Tuniquc  Seigneur  et  Sauveur,  devait  done 
s'ourdir  une  coalition  formidable  de  toutes  les  forces  du  pantheisme  paien,  fondu 
avec  les  interets  politiques  et  economiques  de  ces  riches  et  ambitieuses  regions. 
La  etait  le  grand  danger  exterieur;  une  fois  que  le  polytheisme,  olTiciel  et  popu- 
laire  a  la  fois,  aurait  pris  coascience  de  Topposition  irreductible  quil  trouvait 
toujours  dans  lEvangile,  leur  contact  force  ne  pouvait  manquer  de  tourner  a  une 
hostilite  des  plus  sanglantes. 

II  y  avail  encore  pour  la  foi  dautres  dangers,  interieurs  ceux-ci.  Les  nouveaux 
convertis,  on  le  voit  assez  par  les  recommandations  morales  des  epitres  pauli- 
niennes,  n"etaient  pas  encore  tous  parfaits  dans  leur  doctrine  ni  leur  conduite. 
De  plus,  I'Anatolie  etait  la  terre  d'election  du  syncretisme  religieux.  La  crainte 
de  la  persecution,  Tattrait  de  fetes  pompeuses  et  sensuelles,  les  necessites 
meme  de  la  vie  sociale  et  familiale  ne  devaient-ils  pas  tenter  aux  mauvaises 
heures  le  petit  troupeau  des  elus,  dans  la  mesure  memo  oii  il  se  me'langeait 
d'elements  plus  divers?  quelques-uns  ne  seraient-ils  pas  portes  a  chercher  des 
compromis  enlre  1  Evangile  et  les  idees  ou  habitudes  religieuses  de  leurs  conci- 
toyens?  Saint  Paul,  des  avant  sa  premiere  captivite,  avait  predit  que  des  loups 
envahiraient  sa  bcrgerie;  et  lui-meme,  tres  peu  de  temps  apres,  dut  se  mettre  a 
pourchasser  ces  loups.  Les  epitres  aux  Golossiens  el  aux  Ephesiens,  puis  les 
Epitres  pastorales',  sans  parler  de  celle  de  Jude  et  de  la  11^  Petri,  nous  monti^ent 
bien  qu'un  certain  syncretisme  tendait  a  s'ebauclier  a  Tinterieur  meme  des  com- 
munautes;  il  ne  consistait  pas  seulement  en  compromis  pratiques  tels  que  la 
participation  aux  repas  sacres  des  paiens,  naguere  reprouvee  a  Corinthe,  mais 
en  doctrines  qui  presageaient  le  gnosticisme  :  speculations  transcendantes  sur 
des  etrcs  intermediaires  analogues  aux  fulurs  Eons,  ou  aux  demons  du  plato- 
nisme,  ascese  outreequi,  au  fond,  favorisail  les  debordemeuts  charnels,  comme 
dans  la  Phrygie  paienne,  bref  en  une  variete  de  pratiques  el  de  systemes  beaucoup 
plus  paiens  que  chrotiens  ou  juifs.  A  la  fm  du  i^'"  siecle,  la  situation  devait  avoir 
plulcit  empire,  car  la  1"  Epitre  de  saint  .Jean  combat  de  pretendus  chretiens  qui 
sont  en  realite  des  «  Antechrists  »,  des  docetes  et  des  Judeo-gnostiques  niant  que 
le  Christ  soil  venu  reellement  en  chair,  ou  que  le  Crucifie  soil  Ic  vrai  Fils  de 
Dieu. 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  troubles  circonstanccs  que  I'Apocalypse  parut.  Nous 


IV  INTRODUCTION. 

essaierons  plus  tard  d'en  mieux  fixer  la  date ;  toujours  est-il  que  cette  prophetie 
fut  donnee  a  TEglise  en  Asie  Mineure,  et  dans  la  periode  qui  va  de  la  mort  de 
Paul  a  la  fin  du  i"  siecle. 

Son  aspect  d'ensemble  le  montre  deja  avec  assez  de  certitude.  D'abord  elle  ne 
suppose  pas  de  persecution  generale  actuellement  declaree;  on  pent  seulement 
en  redouter  une,  et  deviner  ce  qu'elle  sera.  Car  deja  de  nombreux  martyrs  ont 
ete  immoles  ailleurs,  a  Rome  (vi,  9-11 ;  cf.  xvii,  6  et  xviii,  24) ;  en  Asie  Mineure 
m^me,  a  Pergame,  il  y  en  a  eu  au  moins  un,  Antipas,  qu'une  tradition  fait 
eveque  de  Pergame  sous  Domitien  (ii,  13).  Pourtant  la  grande  «  tentation  »  est 
annoncee  comme  future  (in,  10).  Les  ennemis  les  plus  actuels  sont  encore  les 
Juifs,  qui  forment  une  «  synagogue  de  Satan  »,  et  sevissent  deja  contre  les  Chre- 
tiens, a  Smyrne,  a  Pliiladelphie.  Des  erreurs  tendent  aussi  a  s'introduire  dans 
les  communautes,  un  antinomianisme,  semble-t-il,  qui  pouvait  etre  une  exagera- 
tion  des  principes  pauliniens  de  liberte,  et  que  favorisaitune  tendance  syncretiste. 
Ce  caractere  qu'a  le  peril  actuel  d'etre  surtout  interieur,  ou,  pour  I'exterieur,  de 
provenir  principalement  des  Juifs,  montre  qu'il  pouvait  encore  exister  en  Asie 
une  certaine  tranquillite  de  surface.  Quand  I'auteur  s'adresse  a  Laodicee,  il  ne 
fait  aucune  mention  du  fameux  tremblement  de  terre  qui  avait  tant  eprouve  cette 
ville  en  Tan  62;  c'est  que  la  catastrophe  etait  deja  assez  ancienne  sans  doute, 
pour  etre  oubliee.  Enfin  le  livre  suppose,  dans  Timagination  populaire,  une 
grande  crainte  des  Parthes,  et,  comme  nous  le  verrons,  une  apprehension  du 
retour  de  Neron,  qu'on  ne  se  decidait  pas  a  croire  mort.  Tons  ces  traits  concor- 
dent  bien  pour  designer  le  temps  ecoule  entre  la  fin  de  cet  empereur  et  les  perse- 
cutions generales  du  u*^  siecle,  c'est-a-dire  I'epoque  de  la  dynastie  flavienne, 
comme  d'ailleurs  la  tradition  raffirme. 

C'est  done  lorsque  I'approche  d'une  tempete  eifroyable  pesait  deja  sur  les 
consciences,  quand  de  sinistres  pressentiments  pouvaient  abattre  le  courage 
des  jeunes  Eglises,  qui  ne  voyaient  pas  le  Christ  venir  a  leur  secours,  et 
laissaient,  de  ci  de  la,  leur  force  de  resistance  s'affaiblir  par  leur  faute,•  c'est 
alors  qu'un  prophete  nomme  Jean  —  nous  verrons  plus  tard  si  c'est  Jean,  fils  de 
Zebedee  —  fit  retentir  sa  prophetie,  son  Apocalypse,  comme  le  son  des  trom- 
pettes  qui  devait  appelerle  salutdes  profondeurs  de  I'Autre  Monde,  en  marquant 
la  ruine  du  siecle  present,  plein  diniquites  et  de  douleurs. 

On  parle  de  la  sombre  horreur  de  TApocalypse,  et  le  nom  mome  en  est  devenu 
quelque  chose  d'effrayant.  Cette  impression  n'est  pas  juste.  L'inspire  veut  au 
contraire  fortifier  les  volontes,  armer  les  Chretiens  d'une  confiance  inebranlable 
dans  la  toute  puissance  et  la  fidelite  du  Sauveur  qu'ils  attendent.  Son  livre  tient 
bien  a  I'Evangile.  II  est  le  complement  de  la  Bonne  Nouvelle,  et,  comme  I'Evan- 
gile,  un  message  d'esperance,  de  courage  et  de  joie.  Partout  ou  il  decrit  aux 
fideles  leur  sort  futur  et  definitif,  il  contient  des  lignes  ou  des  pages  d'une  frai- 
cheur  et  d'une  suavite  incomparables,  comme  il  n'y  en  a  que  dans  la  seconde 
partie  du  Livre  d'Isaie,  ou  dans  le  IV^  Evangile. 

Sans  doute  I'Apocalypse  annonce  I'imminence  d'atroces  combats;  mais  elle 
promet  une  victoire  absolue  a  tons  ceux  qui  tiendront  ferme.  Bien  plus,  la  vio- 
lence meme  de  la  lutte  est  le  signc  du  triomphe  certain.  Car  tout  ce  qui  arrivera 
a  ete  determine  d'avance  au  ciel.  C'est  Jesus  lui-meme,  I'Agneau  immole  pour 
nous,  le  Redempteur  qui  nous  a  laves  et  rachetes  par  son  sang,  c'est  lui  qui 


MILIEU    HISTORIQUE    ET    BUT.  V 

commande  au  cours  des  evenements  et  execute  les  desseins  de  Dieu  dans  I'liis- 
toire.  Deja  il  parcourt  le  monde  comme  un  guerrier  invincible  et  des  cantiqaes 
angeliques  celebrent  au  ciel  ses  succes.  Son  grand  ennemi,  le  Dragon,  a  ete 
expulse  du  firmament  d'ou  11  exergait  son  pouvoir,  il  est  tombe  au  ras  de  terre, 
et  sa  rage  meme  est  un  signe  qu'il  se  sent  vaincu;  lui  et  ses  suppots,  dont  le 
principal  est  a  Theure  presente  I'Empire  paien,  n'ont  plus  que  peu  de  temps  a 
sevir.  Dieu  lui  permet  de  repandre  mille  calamites  sur  tout  ce  qui  est  purement 
terrestre,  et  chatie  encore  par  ses  anges  et  ses  fleaux  le  monde  coupable,  voue  a 
la  destruction.  Mais  ces  malheurs  ne  sont  pas  pour  les  elus.  Geux-ci  sont  mar- 
ques au  front  d'un  signe  divin,  pour  etre  epargnes,  en  ce  sens  du  moins  que  les 
chatiments  les  purifieront  au  lieu  de  les  perdre.  Le  seal  vrai  danger  pour  eux, 
c'est  de  se  laisser  seduire,  d'adorer  la  Β  He;  et  d'abord  de  pactiser  avec  le  culte 
des  Cesars.  Que  Dieu  les  preserve  du  laxisme  que  pratiquent  les  «  Nicolaites  », 
et  de  la  peur!  Car  malheur  aux  peureux,  aux  laches,  a  ceux  qui  ne  croient  pas  a 
la  victoire  du  Christ;  ce  qui  les  attend,  eux,  c'est  Γ  «  etang  de  feu  »  et  la 
«  seconde  mort».  Mais  Jean,  comme  saint  Paul,  paraitbien  esperer  que  la  masse 
des  fideles  echappera  a  ce  sort  terrible.  On  dirait  qu'il  veut  commenter  quelques- 
unes  des  assurances  les  plus  sublimes  du  grand  Apotre  :  Si  Deus  pro  nobis,  quis 
contra  nos?  —  Diligentibus  Deiim  omnia  cooperanlur  in  bonum.  Enfin  le  livre 
s'acheve  dans  la  perspective  radieuse  de  la  Jerusalem  celeste,  de  la  cite  de  paix 
et  de  gloire,  ou  il  n'y  aura  plus  un  jour  ni  douleurs,  ni  larmes,  ni  combats.  Et 
I'Eglise  toute  entiere,  joignant  sa  voix  a  celle  de  I'Esprit,  implore  le  Christ  pour 
que  ses  triomphes  soient  prochains,  quelles  que  soient  les  epreuves  exterieures 
qui  les  precederont  :  Veni,  Domine  Jesu  —  Ecce  venio  cito. 

Saint  Pierre  avait  dit,  dans  sa  premiere  Epitre,  avant  la  persecution  de  Neron  : 
«  Si  vous  etes  outrages  pour  le  nom  du  Christ,  heureux  etes  vous  »  (iv,  13).  Et 
plus  d'un  prophete  d'Israel,  apres  Isaie,  avait  parle  de  ce  «  Reste  »  qui  serait 
sauve  de  Textermination  des  impies.  Mais  nulle  part,  dans  ces  promesses,  il  n'y 
a  un  ton  d'assurance,  de  joie  exultante  qui  egale  celui  de  I'Apocalypse. 

Tel  fut  le  message  divin  que  Jean  communiqua  aux  eglises  d'Asie  Mineure  au 
moment  οά  I'atmosphere  etait  deja  lourde  du  terrible  orage  qui  allait  eclater, 
quand  toutes  les  puissances  hostiles  allaient  se  conjurer  pour  deraciner  le  chris- 
tianisme  naissant  et  le  balayer  de  la  face  de  la  terre.  L' Apocalypse  est  un 
manifesto  d'incoercible  esperance  au  debut  des  persecutions ;  une  exhortation  a 
I'endurance  et  a  la  paix  intime,  parce  que  letriomphe  du  Christ  est  certain. 


CHAPITRE  II 

LES    CARACTERISTIQUES    PERSOXNELLES    DE    l'aUTEUR    DE    l'aPOCALYPSE 
ET    SA    THEOLOGIE. 

Quel  etait  le  chretien  capable  delever  la  voix  avec  une  telle  puissance? 

Contrairement  aux  autres  ecrivains  du  Nouveau  Testament  qui  se  nomment 
comme  lui  en  lete  de  leurs  ecrits,  I'aaleur  de  TApocalypse  ne  se  designe  que  par 
son  simple  nom  :  Jean.  11  ne  se  donne  les  tilrcs  ni  d'aputre,  ni  de  πρεσβύτερος,  ni 
d'eveque,  et  ne  se  recommande  d'aucun  lien  naturel  avec  le  Christ  ou  quelque 
grand  personnage  apostolique,  comme  le  firent  Jacques  et  Jude.  Simplement  il 
se  dit  «  serviteur  du  Christ  »,  comme  pent  letre  le  moindre  de  ses  freres;  puis, 
par  le  contenu  de  son  message,  il  va  moutrer  aussilut  qu'il  est  un  ρπορηϊιτε. 

Le  charisme  de  prophetie,  en  quelque  sens  qu'on  Fentendit,  etait  tres  repandu 
au  premier  siecle  de  I'Eglise.  La  communaute  de  Jerusalem  envoie  des  propheles 
a  Antioche,  vers  I'an  39-40  [Actes,  xi,  27;  xiii,  1-2).  Ce  charisme  est  si  frequent 
dans  les  eglises  pauliniennes,  que  le  grand  Apotre,  a  Corinthe,  se  voit  oblige 
d'en  reglementer  Tusage  (I  Cor.  xiv,  29-seq;  37);  il  place  d'ailleurs  ceux  qui  le 
possedent  de  maniere  authentique  immediatemcnt  au-dessous  des  Apotres 
(1  Cor.  xii,  28).  Barnabe,  Jude  Barsabas,  Silas,  d' autres  encore,  parmi  lesquels 
Paul  lui-meme  des  avant  son  grand  ministere  [Act.  xiii,  1),  et  jusqu'a  des 
femmes  (1  Cor,  xi,  5)  entre  autres  les  fdles  du  diacre  Philippe  a  Cesaree  [Act.  xxi, 
9),  jouissent  de  ce  don  spirituel.  Ces  prophetes  connaissent  et  devoilent  des 
choses  secretes,  meme  ce  qui  est  cache  dans  I'avenir,  tel  LAgabus  des  Actes; 
leur  regard  pent  penetrer  les  consciences  (1  Cor.  xiv,  25).  Mais  h.ur  rule  ordi- 
naire, quotidien,  et  qui  n'est  pas  moins  important,  c'est,  par  leur  predication 
visiblement  inspiree  d'En-lIaut,  de  soutenir  la  fervour  et  le  courage  des  chre- 
tientes,  de  les  «  edifier,  exhorter,  consoler  »,  en  un  langage  direct  et  acces- 
sible, tout  different  de  celui  des  glossolales  (I  Cor.  xiv).  Ces  prophetes  chro- 
tiens,  durant  tout  le  i•'"  siecle,  et,  en  certains  lieux,  une  partie  du  ii''  (1),  furent 
presque  un  ordre  dans  I'Eglise,  en-dessous  des  apotres  et  de  leurs  delegues,  et 
a  cote  des  membres  de  la  hierarchic  locale,  avec  lesquels  ils  ne  s'identifiaient 
pas  toujours.  On  le  voit  par  le  rang  que  leur  assigne  Paul  dans  ses  epitres  aux 
Corinthiens  et  aux  Ephesiens  (1  Cor.  xii,  Eph.  iv)  et  par  les  chapitresxi,  xiii,  xv 
de  la  Didache.  11  semble  pourtant  qu'il  n'y  en  eiit  plus  guere  en  Asie  au  temps 
d'Ignace  et  de  Polycarpe,  car  ces  deux  Peres  ne  s'en  occupent  pas,  et  I'heresie 
montaniste,  qui  fut  une  insurrection  de  pretendus  inspires  centre  la  veritable 
Eglise,  rendit  definitivement  suspectes  parmi  les  catholiques  les  pretentions  au 
prophetisme. 

Jean,  Tauteur  de  I'Apocalypse  est  done  un  prophete,  et  qui  place  ce  don  Ires 

(I)  Ainsi  Hermas  a  Rome. 


CARACTEUISTIQUES    DE    l'aUTEUR.  VII 

iiaut,  plusliaut  peut-etreque  saint  Paullui-meme  [Apoc.  x,  7;  xvi.  6;  xvni,  20,  24). 
il  prophetise  en  tons  les  sens  :  il  a  la  mission  speciale  d'exhorter  puissamment  et 
divinement  les  fideles;  Dieu  lui  montre  les  cceurs  a  nu  quand  il  Tinspire,  et  il 
annonce  des  evenemcnts  futurs.  Mais  ce  n'est  pas  un  prophete  quelconque,  qui 
ent  besoin  a  Tavance  d'etablir  son  autorite,  et  dont  les  eglises,  comme  il  est 
recommande  dans  la  Didachc,  eussent  a  examiner  la  doctrine  et  la  conduite 
avant  d  admettre  ses  revelations. 

II  s'adresse,  non  pas  a  un  groupe  assez  restreint  de  tideles,  ni  a  une  seule 
eglise,  mais  a  sept  eglises  de  I'Asie  Proconsulaire,  et  nous  verrons  par  la  suite  i 
que  ces  sept-la  sont  clioisies,  en  raison  de  la  totalite  que  ce  nombre  exprime,  pour 
representer  toutes  les  chretientes  de  la  province.  11  leur  annonce  d'ailleure  les 
secrets  de  Dieu  touchant  I'avenir  avec  une  telle  profondeur  et  une  telle  assu- 
rance, comme  n'en  eut  jamais  un  autre  inspire,  que  sa  prophetic  deborde  de 
beaucoup  les  dostinees  de  I'Asie  Romaine,  et  s'impose  a  I'Eglise  universelle. 

II  parle  avec  une  autorite  tres  grande,  une  autorite  qu'il  ne  craint  pas  de  voir 
discutee.  Nulle  precaution  oratoire  pour  justifier  la  mission  quil  s'attribue. 
Lorsque  le  Christ,  par  sa  bouche,  va  interpeller  les  «  Anges  »  des  sept  eglises, 
comme  representants  de  lesprit  qui  domine  en  chacune  d'elles,  et  leur  distri- 
buer  souverainement  i'eloge  ou  le  blame,  les  promesses  ou  les  menaces,  Jean  ne 
s'excuse  nuUement  de  remplir  avec  tant  de  liberie  un  tel  message,  et  ne  se 
soucie  pas  d'expliquer  pourquoi  lui,  plutot  qu'un  autre,  en  a  ete  charg-e.  II  n'em- 
ploie,  par  exemple,  nulle  part  ces  formules  de  politesse  et  de  modestie  qui  abon- 
dent  dans  les  iettres  de  saint  Ignace  d'Antioche.  11  suppose  done  que  les  eglises 
trouveront  tout  naturel  que  ce  soit  lui  qui  ait  regu  cette  mission.  Aussi  il  est  bien 
evident  que  ce  Jean  exerce  d'ores  et  deja  sur  les  fideles  d'Asie  une  autorite 
incontesteo,  surtout  s'il  fallait  voir,  dans  les  «  Anges  »,  les  guides  spirituels  de 
ces  chretientes.  II  ne  recommande  son  livre  a  personne,  ne  le  confie  a  aucun  chef 
local  ni  a  aucun  presbyterium ;  il  compte  que  les  eglises,  des  qu'elles  I'auroiit 
regu,  s'empresseront  d'en  faire  la  lecture  publique  :  «  Heureu.v  cclni  qui  lit  et 
ceux  qui  ecoutent  les  paroles  de  la  prophetie  et  qui  obsen^ent  ce  qui  y  est  ccrit  » 
(i,  3).  line  reconnait  a  personne  au  mondc  le  droit  de  le  reviser,  de  I'epurer  et 
de  le  completer  :  «  Si  quel  qu'un  y  fait  une  addition^  Dieu  additionnera  sur  lui 
les plaies  decrites  dans  ce  li^>re  ;  et  si  quelqu  un  retranclie  [rien)  des  paroles  du 
livre  de  cette  prophetie,  Dieu  retranchera  sa  pari  de  I'arbre  de  la  vie,  et  de  la 
ville  sainte,  qui  sont  decrits  dans  ce  livre  >>  ixxii,  18-191.  II  est  clair  qu'on  n'a 
pas  affaire  ici  a  un  prophele  ordinaire;  nous  devons  necessairement  voir  en  Jean 
un  personnage  que  les  fideles  et  les  autorite s  ecclesiastiques  de  I'Asie  Mineure 
(itaient  liabitues  de  longue  date  a  reverer,  sa  parole  etant  deja  pour  eux  la  parole 
du  Christ, 

Dautre  part,  rien  n'indique  que  I'auteur  soit  uni  a  aucune  des  eglises  qu'il 
nomnie,  par  un  lien  plus  special,  qu'il  soit  par  exemple  le  chef  local  de  quel- 
qu'une  dans  le  nombre.  On  doit  I'ecouter  de  la  meme  maniere  a  Philadelphie 
qu  a  Pergame,  a  Laodicee  qu'a  fiphese.  Ce  qu'il  peut  ici,  il  le  peut  aussi  bien  ail- 
Icurs,  aucune  tournure  de  langagc  ne  montre  qu'il  n'y  aurait  la,  vis-a-vis  de  telle 
eglise  ou  de  tel  groupe  d'eglises,  qu'une  extension  accidentelle  de  son  autorite, 
en  raison  des  revelations  speciaies  qu'il  a  regues.  Cette  autorite  qui  n'a  pas  a  pro- 
duire  ses  litres,  rappclle  tout  a  fait  colle  des  Apolres  ou  des  delegues  d'apotres 


VIII  INTRODUCTION. 

quelques  dizaines  d'annees  plus  tot,  par  exemple  celle  de  Paul  sur  rAchaie  et  la 
Macedoine.  Et  si  notre  prophete  neglige  de  se  prevaloir  d'aucun  titre,  c'est  sure- 
ment  que  son  nom  seal  et  sa  personnalite  connue  sufTisaient  a  garantir  sa  mission 
extraordinaire. 

II  est  possible,  par  Tetude  intrinseque  de  I'Apocalypse,  de  serrer  d'assez  pres 
cette  personnalite.  D'abord,  —  et  nous  le  demontrerons  plus  tard,  —  cet  auteur 
n'est  pas  un  Grec,  ni  memeua  lielleniste.  Sa  langue,  la  structure  de  sa  pensee  et 
de  ses  developpcments,  s'y  opposent  absolument.  II  ne  suffirait  meme  pas  de  voir 
en  lui  un  representant  de  cet  hellenisme  populaire  dorit  I'etude  des  papyrus  et 
des  ostraka  commence  a  vulgariser  la  connaissance.  C'est,  a  n'en  pas  douter,  un 
Semite  de  naissance,  qui  pense  encore  a  la  semitique,  bien  que  s'etant  approprie, 
par  la  conversation,  un  vocabulaire  grec  assez  etendu;  quant  a  sa  grammaire, 
elle  est  toujours  assez  barbare  pour  deceler  son  origine.  C'est  un  Juif,  et  il  se  fait 
gloire  de  I'etre.  Le  nom  de  Juif  est  pour  lui  un  titre  d'honneur,  et  les  Juifs  infi- 
deles  et  persecuteurs  ne  sont  que  de  faux  Juifs  {Apoc.  ii,  9).  Comme  Juif,  il  est 
cultive.  II  connait  a  fond  I'Ancien  Testament.  Toute  sa  prophetic  en  est  impre- 
gnee,  les  expressions  bibliques  viennent  naturellement  sous  sa  plume,  si  nom- 
breuses,  mais  presentant  si  peu  le  caractere  de  citations  litterales,  copiees  ou 
.  retenues  par  coeur,  qu'on  voit  bien  qu'il  en  est  arrive  a  penser  spontanement 
dans  les  termes  des  Livres  saints.  II  est  probable  quil  connaissait  en  gros  la 
litterature  apocalyptique  anterieure,  palestinienne  ou  sibylline,  car  il  lui  a 
emprunte  la  Torme  litteraire  de  son  message,  et  la  plupart  de  ses  symboles  (a 
moins  que  ce  ne  soit  aux  seuls  prophetes  canoniques,  Daniel,  Ezechiel,  Joel  et 
Zacharie).  Quant  a  savoir  sil  a  connu  des  traditions  religieuses  du  mondepaien, 
la  chose  est  beaucoup  plus  douteuse;  cest  une  question  que  nous  etudierons  a 
son  heure. 

II  connait  au  moins  a  fond  I'etat  profane  et  le  caractere  des  populations  aux- 
quelles  il  ecrit;  Ihistoire  meme  des  villes,  comme  I'a  montre  fort  bien  Ramsay, 
ne  lui  est  pas  etrangere,  ni  leurs  pretentions  et  leurs  ambitions  laiques.  Le  detail 
de  ses  menaces  ou  de  ses  louanges  est  tellement  topique,  que  Ion  doit  supposer 
—  a  moins  que  le  Christ  ne  lui  ait  revele  d'un  coup  tout  cela,  ce  qui  est  peu  con- 
forme  a  la  psychologie  mystique  —  un  long  sejour  du  Prophete  dans  cette  region 
d'Anatolie, 

Relevons  a  ce  sujet  un  trait  precieux  a  noter  pour  son  caractere.  Ce  prophete 
Chretien  ne  se  montre  nullement  hostile  au  patriotisme  de  ses  lecteurs.  Renan, 
dans  son  Antechrist,  s'est  fait  de  lui  une  idee  tres  fausse  quand  il  Fa  represents 
comme  un  Judeo-chretien  borne  et  fanatique,  n'ayant  qu'un  mepris  amer  et  sans 
nuances  pour  tout  ce  qui  est  beaute  et  grandeur  terrestres.  La  largeur  de  son 
esprit  ressort  au  contraire  de  la  delicate  habilete  avec  laquelle  il  sait  transposer 
dans  I'ordre  divin,  comme  le  montre  par  exemple  la  lettre  a  Smyrne,  les  qualites 
et  les  gloires  naturelles  dont  les  fideles,  a  titre  de  citoyens,  pouvaient  encore 
tirer  quelque  fierte.  Ailleurs,  il  est  vrai,  ainsi  dans  la  lettre  a  Laodicee,  il  fera 
ressortir  ironiquement  le  contraste  entre  les  pretentions  terrestres  des  lecteurs, 
etleur  indigence  surnaturelle.  Mais  en  tout  cas,  ce  n'est  pas  un  ennemi  de  la  vie. 

Seulement,  c'est  une  ame  brulante  d'ardeur  et  de  conviction,  qui  n'admet  avec 
Terreur  et  le  mal  aucun  compromis,  un  esprit  affirmatif  servi  par  une  imagina  - 
tion  nette  et  fougueuse,  un  de  ces  lutteurs  qui  meritent  le  nom  de  «  fds  du  ton- 


CAllACTERISTIQUES    DE    L  AUTEUR.  IX 

nerre  »,  et  sont  predestines,  semble-t-il,  par  leur  temperarrent  naturel,  a  preter 
leur  bouche,  quand  I'inspiration  descend  en  eux,  aux  paroles  les  plus  foudroyan- 
tes  de  Dieii.  Mais  ce  n'est  la  qu'une  face  de  son  caractere.  II  conserve  une  haute 
serenite  sous  la  plus  puissante  excitation;  cette  ame  virile,  qui  jouit  de  la  paix 
surnaturelle,  ne  se  laisse  pas  absorber  par  la  colere  du  combat;  Femotion  douce 
se  fait  jour  plus  d'une  fois  a  travers  les  predictions  menagantes.  Pour  appeler 
le  Christ,  son  amour,  pour  consoler  et  rassurer  ses  freres  qui  souffrent  courageu- 
sement,  Jean  a  des  paroles  aussi  touchantes,  dans  la  brievete  de  leur  tendresse 
concentree.  que  celles  de  n'importe  quel  autre  saint.  En  cela,  il  ressemble  meme 
au  plus  grand  des  ecrivains  du  Nouveau  Testament,  a  saint  Paul.  L'exile  de 
Patmos  aime  profondement  les  eglises  dont  la  persecution  I'a  separe,  mais  son 
affection  veut  pour  elles  I'eternel  triomphe,  son  zele  clairvoyant  doit  done  les 
empecher  de  s'endormir  devant  le  peril  qui  s'approche. 

Quelles  etaient  les  idees  religieuses,  dispns  la  theologie,  qui  inspirait  ce  zele? 

La  theologie  proprement  dite  de  Jean,  c'est-a-dire  sa  doctrine  sur  la  Divinite, 
est  bien  celle  que  Ton  pent  attendre  d'un  Juif  venu  a  la  foi  nouvelle.  11  la  tire  tout 
entiere  de  I'Ancien  Testament,  comme  un  faisceau  de  verites  indiscutables,  qu'il 
n'eprouve  done  aucun  besoin  de  justifier  ni  de  developper.  Dieu  est  le  createur, 
le  maitre  absolu,  le  commencement  et  la  fin,  celui  de  qui  dependent  passe,  pre- 
sent et  avenir,  a  qui  nul  ennemi  ne  peut  s'opposer  efficacement ;  il  tient  les  justes 
en  securite,  chatie  le  monde  coupable,  et  rendra  a  cliacun,  au  jour  du  jugement, 
suivant  ses  oiuvres.  Nous  ne  trouvons  dans  ces  ideas  rien  de  bien  personnel  a 
relever,  sinon  que  Dieu  apparait  avant  tout  sous  Taspect  de  la  Toute-Puissance, 
et  non  de  la  Misericorde,  comme  dans  I'Evangile.  Mais  etant  donne  le  but  de 
I'Apocalypse,  qui  est  de  premunir  les  fideles  contre  la  crainte  et  la  faiblesse, 
rien  n'etaitplus  opportun  que  d'insister  sur  la  Force  irresistible  du  Maitre  et  du 
Protecteur;  quant  a  son  amour,  ils  n'en  doutaient  pas,^  puisque  cet  amour  leur  a 
ete  revele  dans  le  Christ.  La  Toute-Puissance  de  Dieu  n'est-elle  pas  le  motif  le 
plus  formel  de  I'esperance  chretienne? 

La  Christologie  de  I'Apocalypse  oITre  matiere  a  des  considerations  bien  plus 
6tendues.  Bousset  juge  quelle  est  la  plus  developpee,  peut-etre,  qui  soit  dans  le 
Nouveau  Testament.  En  tout  cas,  elie  suppose  les  croyances  les  plus  explicites 
formulees  dans  les  deraieres  epitres  pauliniennes  sur  la  divinite  de  Jesus. 
Elle  fait  deja  presager  la  doctrine  du  Logos  dans  le  IV''  Evaagile,  et  Ton  peut 
presumer  que  Tauteur  possede  celle-ci  deja,  car  Jesus  est  designe  au  chapitre  xix 
comme  le  «  Verbe  de  Dieu  »  triomphant.  Cette  celebre  expression  ne  se  trouvait 
dans  aucun  ecrit  chretien  [anterieur,  et  ne  reparaitra  que  dans  I'Evangile  et  la 
Γ''  epitre  johanniques.  D'autre  part,  Jesus,  des  Ic  debut  de  la  Revelation,  appa- 
rait a  son  prophete  comme  un  «  fils  d'homme  »,  ce  qui  nous  rappelle  aussitot  le 
«  Fils  de  Γ  Homme  »  des  Synoptiques.  Or  il  faut  noter  que  ce  titre,  choisi  par 
Jesus  lui-meme,  semblait  avoir  disparu  de  I'usage  chretien,  car  on  ne  le  trouve 
pas  une  seule  fois  dans  saint  Paul.  L'auteur  de  I'Apocalypse  a  done,  pour  designer 
Jesus,  une  terminologie  qui  tient,  d'une  part,  au  quatrieme  Evangile,  de  I'autre 
a  la  tradition  la  plus  primitive.  Connaissait-il  les  Synoptiques?  Cerlainement 
cela  se  peut.  II  pouvait  aussi  connaitre  les  epitres  pauliniennes,  ou  du  moins  le 
langage  paulinien,  puisque  Josus  est  pour  lui  «  le  premier-ne  d'entre  les  morts  », 
comme  dans  I'Epitre  aux  Colossiens  {Ap.  i,  5  -  Co\  i,  18).  Bret",  Jean  possede 


IXTHODUCTIOX. 


dans  toute  sa  plenitude,  et  avec  ses  derniers  developpements,  y  compris  la  doctrine 
du  Logos,  Teaseigaement  da  Nouveau  Testament  sur  la  divinite  dii  Christ.  Eu 
combinaat  les  traits  epars  de  ses  descriptions,  on  pent  en  etablir  la  syntbese.  S'il 
ne  la  pas  faite  lui-mjine,  c'est  que  son  livre  etait  destine  a  rexliorlation  et  a  la 
prophetie,  non  a  Teuseignement  tlieologique.  Mais  la  divinite  ^c  Jesus  y  est 
enseigneede  mille  manieres,  toutes  plus  fortes  les  unes  que  les  autres.  Les  titres 
reserves  a  Dieu,  «  A  et  Ω  >>,  «  le  Premier  et  le  Dernier  »,  «  le  Vivant  >>,  sont 
appliques  a  Jesus  aussi.  Sa  description  flgurec  au  chapitre  i^'",  et  les  titres  qui 
lui  sont  donnes  au  commencement  des  Lettres  (des  chap,  ii  et  in)  montrent  assez 
la  transcendance  absolue  de  sa  personne.  Non  seulcment  son  costume  le  carac- 
terise  comme  Roi  et  Pretre,  et  Tepee  qui  sort  de  sa  boucbe  comme  Celui  dont  la 
Pai'ole  est  irresistible,  mais  sa  tete  st  ses  cheveux  blancs  symbolisent  son  aiiti- 
quite  divine,  son  eternite,  comme  celle  de  Dieu,  de  Γ  «  Ancien  des  Jours  »,  de  la 
«  Tete  des  Jours  »,  dans  Daniel  et  dans  Henoch.  II  possede,  comme  a  lui  (c.  v.); 
les  «  sept  esprits  de  Dieu  »,  qui  sont  soit  le  Saint-Esprit  septiforinis,  soit  toutes 
les  formes  sous  lesquelles  Dieu  peut  manifestcr  sa  puissance  (td  extra.  Π  est 
I'inspirateur  des  prophetes  par  I'Esprit  qui!  leur  envoie,  il  commando  aux  Anges, 
et  se  trouve  infmiment  au-dessus  deux.  II  est  le  donateur  de  la  vie  eternelle 
[Lettres).  II  est  Tepoux  de  la  Jerusalem  celeste,  comme  Yahweh,  dans  TAncien 
Testament,  etait  celui  de  la  terrestre  Sion.  C'est  lui,  etlui  seul,  qui  peut  ouvrir  le 
livre  des  decrets  divins  (chap,  v-vi),  c'cst-a-dire  les  connaitre,  les  faire  con- 
naitre,  et  les  rendre  executoires,  ce  que  ne  pouvait  faire  aucune  creature,  ηιέηιβ  au 
ciel.  Pour  ouvrir  ce  livre,  il  s'approche  du  trone  de  Dieu,  il  surgit  dans  le  cercle 
mysterieux  et  inabordable  (c.  v);  et  alors  il  est  celebre  par  les  cantiques  des 
puissances  celestes,  parallelement  a  Dieu  son  Pere,  et  de  la  meme  fagon  que 
celui-ci  I'a  ete  comme  createur  (cf.  c.  ivj.  Enfin,  il  siege  sur  le  meme  trone  que 
Dieu,  sur  «  le  trone  de  Dieu  et  de  I'Agneau  ^)  (c.  xxii;.  Partout  il  agit  d'une 
maniere  indivisiblement  une  avec  Dieu  le  Pere,  dans  toute  son  activite  celeste. 

Le  Christ  qui  apparait  et  qui  commande  a  Jean,  c'est  le  Christ  rcssuscite  et 
glorifie;  le  Prophete  ne  fait  pas  de  retour  sur  les  evenements  de  la  vie  morteile 
du  Sauveur.  Cependant,  ce  qui  a  valu  au  Christ  cette  gloire  comme  liomme, 
c'est,  conformement  a  I'enseignement  des  Onze  et  de  Paul,  d'avoir  ete  immole. 
La  figure  d'Agneau  egorge,  sous  laquelle  il  apparait  au  ciel,  exprime  son  carac- 
tere  de  Piedempteur  ; aw  il  nous  a  aimos,  et  lav6s  (oudelivres)  par  son  sang;  les 
vetements  des  elus  sont  blanchis  dans  le  sang  de  TAgneau.  C'est  meme  comme 
Agneau  sacrifie  qu'il  peut  ouvrir  le  livre  des  decrets  divins,  et  qu'il  tient  le 
grand  livre  ou,  des  I'origine  du  monde,  oat  ete  inscrits  les  noms  des  predes- 
tines (c.  XIII,  8). 

En  meme  temps  qu'il  regne  au  ciel,  le  Christ  agit  directement  sur  la  terre,. 
comme  Roi  des  Rois  et  Seigneur  des  Seigneurs  (c.  xix).  11  doit  aneantir  tous  ses 
ennemis  lors  de  son  glorieux  Aveneraent,  mais  en  attendant  il  ne  laisse  pas  de 
gouverner  ses  cglises  et  le  monde,  trouant  dans  Sion  au  milieu  de  144.000  rachetes 
qui  sont  ses  premices  (c.  xiv).  II  a  sans  cesse  un  avenement  interieur  dans  les 
ames  qui  s'ouvrent  a  lui,  il  entre  chcz  elles,  mange  et  repose  avec  elles.  La  doc- 
trine de  riiabitation  du  Christ  en  nous  nest  pas  plus  etrangere  a  lApocalypse 
qu'a  saint  Paul  et  au  IV*  Evangile. 

Concernant  le  Saint-Espiut,  lenseignement  de  notre  livre  est  moins  explicite. 


CARACTEIilSTIQUES    liE    L  AUTELR.  XI 

mais  encore  suffisant  pour  le  faire  concorder  avee  le  reste  clu  Nouveau  Testa- 
ment en  ses  passages  les  plus  clairs.  Je  reserve  ici  la  question  de  savoir  si  les 
«  7  esprits  de  Dieu  »  da  chapitre  1"%  et  les  sept  yeux  de  FAgneau,  esprits  de 
Dieu  α  envoyes  par  toute  la  terre  »,  au  chap,  v,  sont  I'Esprit  personnel,  septi- 
forme,  ou  seulement  lensemble  des  manifestations  de  la  puissance  de  Dieu 
ad  extra.  Toujours  est-il,  commeje  le  demontrerai  dans  le  Commentaire,  qu'on 
ne  pent  s'y  contenter  de  voir  des  Anges.  Et,  comme  le  salut  et  la  benediction, 
au  chap,  i'^'',  sont  donnes  en  leur  nom  non  moins  qu'en  celui  de  Dieu  et  du 
Christ,  je  prefere,  pour  mon  compte,  y  voir  le  Saint-Esprit  personnel,  qui  parait 
etre  encore  symbolise  par  le  «  Fleuve  »  de  la  Jerusalem  celeste  (xxii).  Mais  la 
clausule  de  chacune  des  7  lettres  aux  eglises  represente  certainement  I'Esprit 
comme  un  etre  personnel,  egale  a  Jesus,  quoique  distinct  de  Lui  (cc.  11  et  in, 
passim).  C'est  I'Esprit  qui  fait  les  promesses.  c'est  lui  qui  unit  sa  voix  a  celle  de 
I'Epouse  du  Christ,  de  I'Eglise,  pour  implorer  la  venue  du  Christ  (c.  xxii,  17), 
comme,  dans  S.  Paul,  «  il  intercede  pour  nous  par  des  gemissements  inenar- 
rables  »  [Rom.  viir,  26).  Quand  meme,  en  quelques  passages,  Γ  «  esprit  », 
ainsi  «  I'esprit  de  prophetie  »  de  xix,  10,  ne  serait,  au  sens  immediat,  qu'une 
porsonnification  de  I'Esprit  participe,  de  la  gr^ce,  cette  personnification  suggere 
pourtant  elle-meme  Texistence  d'une  personne,  cause  de  tous  ces  effets  dont 
lensemble,  par  metonymie,  est  designe  du  nom  de  leur  auteur  (Cf.  Lebre- 
TON,  Les  Orig.  du  dogme  de  la  Trinite;  Savete,  The  Holy  Spirit  in  the  New 
Testament). 

L'Apocalypse  contient  necessairement  uue  Axgelologie  ;  cette  partie  de  la 
doctrine  meritera  d'etre  etudiee  a  part.  Disons  toujours  que  les  Anges,  pour 
Jean,  sont  des  intermediaires  entre  Dieu  ou  I'Agneau  et  I'humanite,  comme 
dans  VEpUre  aux  Hebreux.  II  en  indique  plusieurs  categories,  qui  jouent  un  role 
important  dans  son  symbolisme ;  on  retrouve  la  des  noms  et  des  symboles  fami- 
liers  aux  derniers  prophetes,  et  a  la  litterature  apocalyptique  en  general.  Mais 
lauteur  inspire  a  beaucoup  simplifie  I'angelologie  des  Juiis  de  son  temps,  Ta 
depouillee  de  son  caractere  fantastique  et  mythoiogique,  et,  si  Ton  fait  abstrac- 
tion de  certaines  determinations  qui  sont  de  purs  symboles,  il  ne  propose  con- 
cernant  les  Anges  que  la  doctrine  la  plus  sobre  et  la  plus  haute  :  ils  commandent 
aux  elements  (xiv,  18;  xvi,  5),  ils  executent  les  jugements  de  Dieu,  offrent  a  Dieu 
les  prieres  ct  les  merites  des  hommes,  luttent  contre  les  Anges  mauvais,  dont  Ic 
chef  est  le  Dragon.  Tous  sont  bien  inferieurs  au  Christ,  et  ne  doivent  pas  rece- 
voir  un  culte  pareil  au  culte  divin  (xix,  10  ;  xxii,  8-9). 

Mentionnons  encore,  pour  completer  ce  tableau  doctrinal,  les  traces  d'orgam- 
sation  ecclesiastique  qui  se  revelent  si  clairement  dans  les  sept  lettres  du  debut, 
et  le  profond  enseignement  sur  I'Eglise  universelle  contenu  au  chap,  vii  et  aux 
ch.  xxi-xxii;  les  allusions  symboliques  a  VEucharistie,  dans  les  ch.  11  et  iii,  la 
protestation  indiquee  ci-dessus  contre  le  culte  abusif  des  Anges  (cf.  Ep.  aux 
Colossiens),  la  refutation  d'heresies  designees  par  les  noms  de  Balaam,  de 
Jezabel,  de  Nicolas.  L'enseignemcnt  sur  la  vie  future  est  important  :  admission 
des  elus  au  ciel  sans  Γ  «  etat  inlermediaire  »  tel  que  I'entendent  les  C.recs 
(xiv,  3) ;  resurrection  des  bons  et  des  mechants,  eternite  des  peines  de  I'enfer, 
vision  beatifique  (xvi,  11;  xx,  10,  13;  xxii,  4).  II  est  a  remarquer  que  la  loi  juive, 
el  la  lutte  contre  les  Judaisants,  si  apre  entre  les  annees  50  et  60,  sont  des  choses 


ΧΠ  INTRODUCTION. 

oubliees,  dont  I'auteur  ne  fait  meme  pas  mention.  Le  p^ril  interieur  actuel,  c'est 
le  relachement  des  moeurs,  et  les  menaces  de  gnosticisme  naissant. 

Ces  breves  indications  suffisent  a  nous  montrer  sur  quel  terrain  doctrinal  se 
mouvait  I'auteur.  C'est,  a  peu  de  chose  pres,  celui  que  nous  avons  appris  a  con- 
naitre  par  les  derniers  ecrits  de  saint  Paul,  adresses  aussi  a  TAnatolie,  et  la 
doctrine  Concorde  absolument  avec  celle  du  grand  Apotre,  si  m6me  elle  ne  la 
developpe  pas. 

Voila  ce  que  nous  pouvons  de  premier  abord  determiner  sur  Tauteur  de  Γ  Apo- 
calypse, son  caractere  et  son  autorite,  sa  culture  et  sa  doctrine.  Nous  ne  faisons 
pas  encore  appel  a  la  tradition  pour  identifier  ce  grand  Prophete.  Notons  toute- 
fois  querien  dans  ce  que  nous  avons  releve,  ne  peut  nous  detourner  de  le  recon- 
naitre  comme  I'apotre  Jean,  fils  de  Zebedee,  tel  qu'il  nous  est  connu  par  I'Evan- 
gile  et  la  tradition  ecclesiastique;  beaucoup  de  traits,  au  contraire,  favorisent 
cette  identification. 

Ce  n'est  de  meme  qu'apres  avoir  etudie  les  teraoignages  de  la  tradition  que 
nous  pourrons  determiner  dans  quelles  conditions,  et  a  quelle  date,  le  prophete 
Jean  se  trouvait  dans  I'ile  de  Patmos.  Nous  pouvons  seulement  affirmer,  contre 
Bousset,  qu'il  y  etait  en  exil.  Cette  ile,  qui  se  trouvc  dans  le  groupe  des  Spo- 
rades,  sur  le  chemin  d'Ephese  a  Rome,  a  peu  pres  en  face  de  Milet,  a  pu  servir, 
comme  d'autres  du  meme  groupe,  de  lieu  de  deportation ;  et  Jean  nous  dit  claire- 
ment  qu'il  etait  la  «  a  cause  de  la  parole  de  Dieu,  et  du  temoignage  de  Jesus- 
Christ  ))  [Apoc.  1,  9).  Π  etait  done  deja  victime  de  cette  persecution,  bientot 
sanglante,  en  face  de  laquelle  la  Revelation  devait  ranimer  le  courage  des  Chre- 
tiens d'Asie. 


CHAPITRE  111 


LES    DESTINATAIRES    DE    L  APOCALYPSE. 


De  Patmos,  Jean  envoya  son  exhortation  prophetique,  sous  forme  de  lettre  cir- 
culaire,  deslinee  a  la  lecture  publique  dans  les  reunions  du  culte,  «  aux  sept 
egli  see  qui  sont  dans  I'Asie  »  (i,  4),  c'est-a-dire  a  celles  d'ErniiSE,  de  Smyrne, 
de  Pergame,  de  Thyatire,  de  Sardes,  de  Philadelphie  et  de  Laodicee. 

Toutes  ces  villes  se  trouvaient  dans  la  province  proconsulaire  d'Asie,  sise  au 
bord  de  la  mer  Egee,  a  I'ouest  de  I'Anatolie,  dont  elle  etait  la  contree  la  plus 
florissante.  Car  les  autres  provinces  romaines,  Bithynie,  Lycie,  Galatie,  et  Cili- 
cie,  et  a  fortiori  les  pays  de  la  Cappadoce  et  du  Pont,  etaient  loin  de  I'egaler 
pour  le  chiffre  de  la  population,  la  richesse  et  la  culture.  Toute  cette  cote  d'Asie 
est  d'une  beaute  ideale ;  quel  voyageur,  ami  de  la  lumiere  et  des  belles  lignes, 
oublierait  Timpression  qui  le  saisit  encore  de  nos  jours  quand  il  penetre  dans  le 
golfe  de  Smyrne?  C'est  la  Grece,  avec  quelque  chose  de  plus  doux  et  de  plus 
feminin,  de  moins  intellectuel  et  de  plus  penetrant.  Mais  le  spectacle  moderne 
de  ces  pays  ne  pent  nous  donner  qu'une  bien  lointaine  idee  de  celui  d'autrefois. 
Car  ils  etaient  les  plus  riches  et  peut-etre  les  plus  civilises  de  I'Empire,  a  part 
quelques  regions  plus  arrierees  de  la  Lydie  et  de  la  Phrygie,  a  I'Est,  dans  I'in- 
terieur  des  terres.  «  Aucune  province  »,  dit  au  ii*  siecle  >Elius  Aristide  avec  sa 
rhetori  que  louangeuse  «  n'a  autant  de  cites,  et  meme  les  plus  grandes  cites  des 
autres  provinces  ne  sont  pas comparables  aux  cites  d'Asie  (1)  ».En  fait,  trois  des 
villes  johanniques,  Ephese,  Smyrne  et  Pergame,  devaient  compter  alors  de  150.000 
a  200.000  habitants.  De  plus,  elles  avaient,  ainsi  que  Sardes,  des  traditions  tres 
glorieuses;  quant  a  Thyatire  eta  Laodicee,  c'etaient  des  centres  commerciaux 
fort  importants  ;  on  se  rend  bien  compte  du  confort  oil  visait  ce  pays  a  la  vue  des 
mines  de  Priene.  L'orgueil  et  la  joie  de  vivre  asiatiques  avaient  eu  beaucoup  a 
souffrir  dans  les  guerres  civiles  de  la  Republique  romaine  en  decadence ;  mais  le 
regime  d'Auguste  et  de  ses  successeurs  leur  avait  rendu  une  prosperite  a  la  hau- 
teur de  leur  beaute  et  de  leur  histoire.  Politiquement,  le  gouvernement  imperial 
leur  laissait  meme  une  certaine  autonomic.  La  «  Commune  d'Asie  »  (Concilium, 
κοινόν),  dontl'institution,  k  ce  que  croit  P».amsay  {Letters,  c.  x,  p.  116)  pent  remon- 
ter  aux  rois  de  Pergame,  les  premiers  unificateurs  du  pays,  etait  une  assemblee 
formee  par  les  representants  des  principales  cites  pour  defendre  et  promouvoir 
leurs  interets  respectifs;  c'etait  sans  doute,  des  I'origine,  la  reglementation  d'un 
culte  religieux  commun  qui  leur  fournissait  les  occasions  de  se  reunir.  Le  triumvir 
Marc-Antoine  leur  ecrit,  en  Fan  33  av.  J.-C;  Auguste,  son  vainqueur,  reconnut 
I'existence  et  les  droits  de  cette  sorte  de  Parlement,  qui  d'ailleurs  prit  comme 
raison  d'etre  officielle  I'etablissement  et  la  propagation  du  culte  de  Rome  et  de 

(1)  Gilo  par  SwETE,  Apocalypse,  p.  lyii. 


IXTROUUCTIOX, 


I'empereur.  De  plus,  les  liberies  municipales  dcs  grandes  villes  n'etaient  pas  a 
dedaiffuer.  On  comprend  comment  cette  province,  que  sa  ricliesse  avail  fait  pres- 
surer  iusqu'au  sang  par  les  proconsuls  et  les  publicains  d'autrefois,  se  tourna 
avec  enthousiasme  vers  les  empereurs,  qui  la  comblaienl  dc  privileges,  de  bien- 
faits  a  loccasion,  en  relour  dc  sa  devotion  imperialiste. 

En  dehors  de  Tinteret  economique,  appreciable  pour  tout  le  monde  romain, 
qui  portait  le  Pouvoir  monarchique  a  favoriser  des  conlrees  si  productives,  un 
autre  motif,  d'ordre  plus  spirituel,  peut  rendre  raison  de  ces  faveurs.  L'Anatolie 
occidentale  etait  devenue  la  forteresse  de  I'esprit  hellenique,  mis  desormais  au 
service  des  idees  romaines.  Les  anciennes  colonies  grecques  de  la  cote  avaient, 
de  tout  temps,  et  memo  avant  la  Grece  europcenne,  brillamment  contribue  a  la 
civilisation  hellenique ;  Smyrne  passait  pour  la  patrie  d'Homere,  Heraclile  etait 
d'Ephese.  Herodote  d'Halicarnasse.  Au  milieu  de  peuples  moins  avances, 
Lvdiens,  Cariens  et  Phrygicns,  les  rois  Attalides  de  Pergame  s'etaient  fait  gloire 
d'etre  les  champions  de  la  culture  grecque;  les  «  Hellenes  d'Asie  »,  litre  officiel 
par  lequel  se  designait  le  Concilium,  c'est  une  formule  qui  remonte  sans  doule 
a  leur  epoque.  Le  i^''  siecle  de  notrc  ere  vit  le  triomphe  de  ces  tendances.  Quand 
nous  disons  que  la  province  d'Asie  representait  alors  I'liellenisme,  au  moins  en 
dehors  d'Athenes,  dans  ce  qu'il  avail  de  plus  vivace,  nous  ne  parlons  pas  cvi- 
demment  de  I'liellenisme  classique  du  siecle  de  Pericles;  ce  n'elait  plus  qu'un 
melano-e  d'idees  helleniques  et  asiatiques,  ga  et  la  meme  judaiques,  correspon- 
dant  a  celui  des  races,  et  dominc  par  la  conception  romaine,  tres  anti-hellenique, 
de  TEtat.  Mais  c'etait  la,  en  somme,  qu'on  retrouvait  le  plus  vivantes  les  tradi- 
tions de  la  Grece  du  passe :  la  Grece  du  present  n'elait  plus  [que  lOmbre  d'elle- 
meme  1  E^ ypte  et  la  Syrie  etaient  encore  a  demi  exotiques,  et  la  Grande-Grece 
italienne  transformee  enun  pays  de  villegiature  pour  les  Remains. 

Les  Asiatiques  avaient  done  lieu  de  tirer  quelque  orgueil  de  leur  situation 
presente,  non  moins  que  du  passe  de  cerlaines  de  leurs  villes,  el  ils  ne  s'en  fai- 
saient  pas  faute.  Dans  une  etude  speciale  jointe  au  commentaire  des  chapitres  ii 
et  III,  nous  specifierons  I'iniluence  qu'eut  la  connaissance  de  leur  caraclere  et 
de  leurs  traditions  locales,  sur  la  nature  et  lajforme  des  recommandations  que 
leur  fait  rauteoi-  sacre. 

Sous  le  rapport  moral,  I'ensemble  de  ces  populations  ne  devait  etre  ni  trop 
au-dessus  ni  trop  au-dessous  du  niveau  general  de  la  societe  paienne.  Les 
grandes  villes  de  la  cote  etaient  naturellement  fort  dissolues  dans  leurs  moeurs, 
sans  atteindre  peut-etre  a  la  demoralisation  de  Rome  et  de  Corinthe;  mais  la 
licence  de  leurs  produits  litteraires,  comme  les  «  Fables  milesieuncs  »,  en  dit 
assez  Ion»•  la-dessus.  L'lonien  avail  toujours  eu  la  reputation  d'une  race  legere, 
eclectique  et  inconstante.  Tres  curieux  des  nouveautes,  il  s'adonnail  facilement 
a  toutes  les  superstitions.  Onconnait  la  renommee  antique  des  formules  magiques 
dites  Ιρίσια  γράαματα,  et  Γοη  sait  par  les  Actes  (c.  xix,  19)  que  saint  Paul  fit 
brdler  a  scs  convertis  d'Ephese  pour  cinquante  mille  drachmes  de  livres  d'oc- 
cultisme.  Le  thaumaturge  Apollonius  de  Tyane  jouit  a  Ephese  de  la  plus  bril- 
lante  reception.  La  Phrygie,  par  contre,  etait  au  moral  surchauffee  et  desordon- 
nee  comme  son  sol  volcanique,  avec  ses  tremblements  de  terre,  ses  cavernes  a 
vapeurs  suKureuses,  son  climat  rude;  cela  se  traduisail  bien  dans  sa  fanatique 
religion  de  la  Grande  Mere,  pleine  d'extases  et  d'orgies,  de  mysteres  de  sang 


DESTIXATAIHKS    DE    L  APOCALYPSE.  χγ 

ού  les  fideles  cherchaient  dans  rexcitation  des  souffrances  iin  bonlieur  d'hvste- 
riques.Ge  devait  elrela  terre  preJestinee  da  Montanisme,  quand  certains  cercles 
Chretiens  se  seraient  pervertis  aux  influences  du  milieu  ambiant.  Meme  des  villes 
peu  religieuses,  comme  semble  I'avoir  ete  la  riche  Laodicee,  faisaient  porter  sur 
d'autres  points  leur  caractere  excessif,  dans  leur  suffisance  bornee  et  leur  Ore- 
tention  au  self-help. 

L'Evangile,  en  Asie,  trouvait  done  en  face  de  lui  les  memes  obstacles  moraux 
que  partout  ailleurs;  il  aA'ait  de  plus  a  hitter  contre  des  cultes  tres  anciens 
auxquels  ces  peuples  etaient  attaches  de  toiite  la  force  de  leurs  traditions  locales, 
et  qui  s'etaient  fondus  avec  leur  patriotisme.  On  sail  ce  qu'il  en  couta  a  saint  Paul 
d'avoir  mis  en  peril  la  domination  de  la  g-rande  Artemis  d'Ephese.  L'Anatolie 
etait  pourtant  la  terre  du  syncretisme;  des  la  plus  haute  epoque,  elle  avait  mele 
la  religion  olympienne  avec  les  anciens  cultes  du  terroir;  mais  les  deites  hybrides 
sorties  de  cet  assemblage  etaient  en  possession  depuis  longtemps,  et  diiTiciles  a 
ebranler.  Des  considerations  economiques  fortifiaient  les  religions  locales.  L'Ar- 
temis  ephesienne,  le  Zeus,  le  Dionysos  et  I'Asklepios  de  Pergame  habitaient  des 
sanctuaires  fameux,  attirant  de  partout  les  pelerinages  et  les  offrandes.  Enfin  le 
nom'eau  culte,  celui  des  empereurs.  plus  on  moins  fondu  par  endroits  avec  celui 
des  deites  poliades,  en  tout  cas  s'arrangeant  tres  bien  avec  tons  les  pantheons, 
etait  I'ennemi  le  plus  terrible  que  le  chrisliauisme  put  trouver.  De  meme  que 
les  interets  commerciaux  groupaient  les  ouvriers  d'Ephese  en  bataillons  solides 
autour  de  leur  grande  Diane,  ainsi  la  reconnaissance,  le  loyalisme,  la  servilite 
naturelle  aux  Orientaux.  le  patriotisme  local  lui-meme,  enflammaient  toute  la  pro- 
vince pour  I'adoration  du  «  Seigneur  »  et  «  Sauveur  »  terrestre.  Or,  cette  religion 
etait  loppose  absolu  du  christianisme,  dont  elle  apparait  en  quelques  traits 
comme  une  contrefacon  diabolique  ;  c'etait  tout  a  fait  celle  de  I'Antechrist. 

Nous  etudierons  a  part,  a  propos  du  chapitre  xni,  I'origine  et  les  developpe- 
ments  du  culte  des  Cesars  dans  Γ  Asie  romaine.  Disons  deja  qu'il  y  avait  oris 
racine  plus  vite  et  plus  profondement  qu"ailleurs.  OCi  en  etaient  les  choses  au 
temps  de  Γ  Apocalypse?  Notre  commentaire  cherchera  a  le  preciser.  Toujours 
est-il  que  les  premiers  temples  de  Rome  et  d'Auguste  y  avaient  une  existence 
deja  seculaire.  On  y  deifiait  couramment,  non  seulement  des  empereurs,  mais 
des  membres  de  la  famille  imperiale,  comme  Livie,  Germanicus.  Le  calendrier 
de  Priene  (9  av.  J.-C.)  parle  du  jour  de  naissance  du  «  dieu  Auguste  »  une  ins- 
cription d'Ephese  appelait  deja  Jules  Cesar  «  le  dieu  manifeste  (ne)  d'Ares  et 
d'Aphrodite,  etle  Sauveur  commun  de  la  vie  humaine  ».  En  plus  de  ce  titre  de 
Sauveur,  σωτηρ,  σωτήρ  του  κόσμου,  σοισικόσμιος,  celui  de  Seigneur,  predicat  divin 
etait  deja  si  habituellement  applique  a  I'empereur  dans  ces  pays,  au  temps  de 
saint  Paul,  que  I'Apotre  [Actes,  x.w,  26)  dut  entendre  un  fonctionnaire  romain 
qui  ne  leut  peut-otre  pas  fait  a  Rome,  I'honndte  procurateur  de  Judee,  Fes- 
tus,  nommer  ainsi  Neron  en  presence  du  roi  llerode-Agrippa  11.  Quand  Tem- 
nereur  daignait  visiter  une  Λ'ΐΐΐβ  grecque,  c'etait  sa  «  Parousie  »,  son  «  Epipha- 
nie  ».  Peut-etre  les  paiens  η  avaient-ils  pas  encore  pris  conscience  de  I'hostilite 
absolue  que  les  adorateurs  du  «  Seigneur  Jesus-Christ  »  devaient  professer  a 
regard  de  leur  Empereur-Dieu ;  ainsi  a  Ephose,  nous  voyons  des  Asiarqucs,  ou 
membres  de  la  Commune  d'Asio,  en  assez  bonnes  relations  avec  saint  Paul  pour 
prendre  son  parti  lors  de  I'emeute  des  orfevres  {Act.  xix,  31).  Mais,  au  temps  do 


XVI  TNTRODUCTIOX. 

TApocalypse,  les  choses  avaient  certainement  deja  pris  line  autre  tournure,  sur- 
tout  depuis  que  le  pouvoir  central,  avec  Neron,  avait  ouvert  les  franches  hosti- 
lites.  Reduit  comme  on  Test,  ou  a  peu  pres,  a  des  temoignages  epars  de  Γέρί- 
graphie  et  de  la  numismatique,  on  ne  peut,  dans  la  penurie  des  documents 
litteraires,  dire  jusqu'a  quel  point  le  culte  imperial  s'imposait  deja  aux  popula- 
tions. II  serait  temeraire  de  trancher  la  question  par  des  temoignages  plus  tar- 
difs,  du  11^  et  du  iii^  siecles;  mais  il  est  du  moins  certain  qu'on  etait  mal  venu  a 
medire  publiquement  de  la  devotion  de  I'Asie  a  ses  maitres,  ou  a  I'attaquer 
directement. 

De  o-raves  menaces  flottaient  dans  lair,  autour  de  TEglise;  elles  avaient  deja 
regu,  soit  sous  Neron,  soit  depuis,  des  commencements  d'execution  sanglante. 
L'hostilite  des  Juifs,  a  Smyrne,  a  Philadelphie,  excitait  la  mefiance  et  attisait  la 
haine  des  paiens.  Et  Jean  le  proscrit,  deja  victime  de  ces  haines,  regardait  s'ap- 
procher  I'orage  dans  son  exil  de  Patmos. 

L'inspiration  du  Christ  le  decida  a  ecrire  aux  sept  eglises.  Pourquoi  a  celles- 
la,  et  pourquoi  a  sept  seulement?  Sept  etait  un  nombre  symbolique  et  sacre;  il 
sio-nifiait  latotalite,  et  I'intention  de  Jean  etait  que  sa  lettre  fut  connue  de  toute 
I'Asie;  par  son  contenu,  elle  interessait  meme  I'Eglise  universelle,  le  monde  tout 
entier.  II  etait  naturel  qu'il  n'oubliat  pas  des  centres  tels  qu'Ephese,  Smyrne  et 
Pergame;  quant  aux  quatre  autres  villes,  on  ne  devine  pas  du  premier  coup  pour- 
quoi elles  furent  choisies  plutot  que  d'autres.  Car  il  existait  d'autres  chretientes 
en  Asie  Mineure.  Colosses  et  Hierapolis,  dans  la  vallee  du  Lycus,  avaient  regu 
I'Evangile  aussi  bien  que  Laodicee;  on  le  salt  par  Tepitre  aux  Colossiens.  Les 
Actes  font  mention,  au  temps  de  Paul,  d'une  chretiente  a  Troas;  il  pouvait  y  en 
avoir  aussi  une  a  Milet;  peut-etre  a  Tralles  et  a  Magnesie,  puisque  les"  lettres 
d'Ignace,  vingt  ou  trente  ans  seulement  plus  tard,  nous  y  font  connaitre  des 
eglises  qui  ne  devaient  pas  manquer  d'importance.  Nous  nous  rallions  a  la  these 
ingenieuse  et  plausible  de  Ramsay,  que  nous  expliquerons  tout  au  large  plus 
tard  :  ces  sept  villes  se  trouvaient  sur  la  grande  route  circulaire  qui  reliait  entre 
elles  les  principales  parties  de  lOuest  et  du  centre  de  la  Province,  et  un  mes- 
sager  de  Jean,  qui  prenait  terre  a  Ephese,  pouvait,  en  d©nnant  communication  de 
I'Apocalypse  a  ces  sept  eglises,  la  repandre  virtuellement  dans  tous  les  districts 
importants  de  la  contree. 

La  merae  persecution  et  les  memes  perils  interieurs  menagaient  indistincte- 
ment  to.utes  les  chretientes  d'Asie.  Une  religion  qui  se  refusait  a  tous  les  com- 
promis,  comme  le  christianisme,  et  que  I'abondance  des  charismes  n'empechait 
pas  de  demeurer  sobre  et  rationnelle,  devait  partout  choquer  profondement  l"es- 
prit  local,  aussi  bien  I'exaltation  phrygienne  que  I'eclectisme  et  Timperialisme 
des  loniens.  D'autre  part,  I'Eglise  etait  toute  jeune,  ses  membres  n'avaient  pas 
encore  ete  penetres.  par  heredite.  d'esprit  evangelique.  La  ferveur  des  neo- 
phytes pouvait  se  laisser  egarer  par  des  influences  mystiques  ambiantes.  d'autant 
plus  que  la  loi  du  moindre  effort  porte  toujours  a  s'adapter  a  ce  qui  existe  deja, 
plutot  qu'a  poursuivre  le  dur  travail  d'une  renovation  complete.  Puis  il  y  avait 
la  crainte  :  crainte  de  I'autorite  romaine,  crainte  des  magistrals  municipaux,  des 
Juifs  denonciateurs.  La  charite,  depuis  les  debuts  de  Tevangelisation,  s'etait 
refroidie,  meme  a  Ephese,  ce  centre  principal  de  I'apostolat  ou  lApotre  des  nations 
avait  tant  travaille.  D'autre  part,  le  christianisme  pouvait  apporter  bien   des 


DESTINATAIRES    DE    L  APOCALYPSE.  XVII 

troubles  dans  les  relations  de  famille  et  de  societe ;  comment,  par  exemple,  les 
artisans  Chretiens  pouvaient-ils  se  comporter  dans  les  associations  ouvrieres  de 
Thyatire?  Acette  epoque,  comme  dans  notre  Moyen  Age,  toute  association  res- 
semblait  plus   ou  moins  a  une  confrerie   religieuse.  La  question  des   viandes 
immolees  aux  idoles,  des  «  idolothytes  »,  deja  reglee  par  saint  Paul  a  Corinthe, 
parait  I'avoir  ete  en  Asie  dans  un  esprit  beaucoup  plus  «  liberal  »  par  ceux  qui 
sont  appeles  les  «  Nicolailes  ».  En  outre,  le  gout  des  speculations  abstruses  et 
de  Tascese  suspecte,   qui  sevissait  surtout  en  Phrygie,   mais  en  lonie  aussi, 
comme  en  temoignent  les  Epitres  aux  Colossiens,  aux  Ephesiens,  et  les  Pasto- 
rales, pouvait  s'infiltrer  dans  I'Eglise,  et  s'y  allier  avec  un  retour  aux  moeurs 
paiennes,  et  le  desir  de   vivre   tranquillement,  en   bons  termes   avec  les  non 
convertis;  on  couvrait  ainei  les  compromissions  doctrinales  ou  pratiques  de  la 
pretention  a  une   intelligence  plus  haute,  a  une  penetration  plus  profonde  de 
I'Evangile;  «  profondeurs  de  Satan  »,  comme   Jean  appellera  vigoureusement 
cette  mystique  d'orgueilleux  et  de  laches. 

On  voit  quelles  craintes  pouvait  susciter  I'imminence  d'une  persecution  plus 
declaree.  Par  endroits,  le  terrain  chretien  paraissait  deja  mine;  la  moindre 
secousse  risquait  d'en  amener  I'eboulement.  C'est  pour  cela  que  I'auteur  de 
I'Apocalypse  parle  si  severement  de  tout  ce  qui  a  pu  affaiblir  la  doctrine,  la  dis- 
cipline et  la  vertu  chretiennes.  Ilsemble  attacher  plus  d'importance  a  ces  dangers 
qu'au  peril  exterieur,  vu  que  celui-ci  sera  necessairement  surmonte  si  la  vie 
chretienne  ne  s'est  pas  affadie ;  le  Christ  est  tout-puissant  pour  sauver  de  la 
«  grande  tribulation  »  ceux  qui  en  seront  trouves  dignes.  C'est  bien  a  la  perse- 
cution qu'il  pense  toujours;  mais,  pour  en  prevenir  les  ravages,  le  plus  urgent  est 
d'ameliorer  la  situation  interieure  des  communautes,  de  les  rappeler  a  la  fermete 
des  principes  et  de  la  conduite.  Que  doit  leur  importer  de  se  faire  hair  du 
monde,  et  des  Juifs,  qui  sont  aussi  de  ce  monde  pervers?  Cet  univers  a  la  beaute 
fallacieuse,  ou  regne  la  Bete,  est  condamne;  il  s'ecroulera  par  morceaux  au  son 
des  trompettes  angeliques  du  jugement,  promulgue  par  I'Agneau  celeste.  Les 
Chretiens  fermes  et  perseverants  seront  victorieux  a  travers  toutes  les  luttes ; 
mais  malheur  aux  laches  et  aux  timides !  Saint  Pierre,  quelque  trente  ans  plus 
tot,  avait  ecrit  aux  memes  Asiatiques  :  «  Si  vous  etes  outrages  pour  le  nom  du 
Christ,  rejouissez-vous...  Car  voici  le  temps  oil  le  jugement  va  commencer  par  la 
maisoti  de  Dieu.  Et,  s'il  commence  par  nous,  quelle  sera  la  fin  de  ceux  qui  n'o- 
beissent  pas  a  I'Evangile  de  Dieu?  »  (I  Pet.  v,  14,  17).  L'Apocalypse  dit  la  mέme 
chose,  mais  en  termes  beaucoup  plus  forts  et  plus  saisissants,  car  son  auteur 
ecrit  des  paroles  dictees  par  Jdsus,  ou  raconte  des  visions  que  le  Juge  en  per- 
sonne  lui  a  montrees.  II  annonce  le  succes  final  d'une  voix  bien  plus  triomphante. 
Ce  livre  est  la  fanfare  militaire  qui  prelude  au  plus  grand  des  combats. 


APOCALYPSE   DE   SAINT  JEAN. 


CHAPITRE  IV 


LA    FORME    APOCALYPTIQUE    DU    MESSAGE    JOHANNIQUE. 

Jean  envoie  aux  Asiates  ce  manifesle  divin  sous  la  forme  d'une  Apocalypse. 
Le  mot  d'Apocalypse  (άποκάλυψις  Ίησοΰ  Χρίστου)  parait  en  tete  dii  premier  chapitre; 
il  sert  de  titre.  On  traduit  souvent  ce  terme  par  «  Revelation  »,  ce  qui  est  exact. 
Καλύπτοί,  assez  commun,  et  avec  de  nombreux  derives,  signifie  «  couvrir  », 
«  cacher  »  ;  άπο-χαλύπτω,  d'oti  άποιιάλυψις,  signilie  «  oter  le  voile  »,  «  rendre  mani- 
fesle ce  qui  etait  jusque-la  secret  ».  Le  mot  d'  «  Άποχάλυψις  »  n'est  pas  abso- 
lument  etranger  au  grec  litteraire  de  I'opoque  imperiale,  quoi  qu'en  ait  cru 
saint  Jerome  [in  Galatas,  i,  12),  car  on  le  trouve  employe  une  fois  dans  Plutarque, 
Caton  I'Ancien,  20,  au  sens  d'  «  action  de  se  mettre  a  nu.  »  Άποκοιλύπτω  est  plus 
frequent  des  I'epoque  classique,  ainsi  dans  Platon,  Protagoras  et  Gorgias;T^\\xs 
tard  dans  Diodore  de  Sicile  :  άποχαλυπχεσθαι  προς  τήν  τυραννίδα,  «  devoiler  ses  aspi- 
rations a  la  tyrannic  »  (xvii,  62).  Dans  les  LXX,  et  les  autres  versions  grecques 
de  Γ Ancien  Testament,  ni  le  verbe  ni  le  substantif  ne  sont  rares ;  le  verbe  traduit 
nSa,  «  decouvrir,  mettre  a  nu  »,  au  sens  materiel  ou  moral.  Dans  I'Ecclesias- 

tique,  le  substantif  apparait  trois  fois  (xi,  27;  xxii,  22;  xlii,  1)  au  sens  de  reve- 
lation de  secrets.  Dans  le  N.  T.,  άποχαλυπτο)  apparait  vingt-six  fois,  et  άποχάλυψις 
dix-sept  fois,  en  plus  d'Apoc.  i,  1.  Saint  Paul  surtout  en  fait  un  usage  frequent 
(13  fois  chacun  des  deux  mots) ;  saint  Luc  (ii,  32)  a  une  fois  άποκάλυψις,  etlal*  Petri 
trois  fois  (i,  7,  13 ;  iv,  13).  Presque  toujours  le  sujet  est  Dieu  ou  Jesus-Christ. 
On  pent  done  dire  que  c'est  une  expression  neotestamentaire  consacree,  pour 
signifier  la  revelation  de  quelque  chose  que  le  Pere  ou  le  Fils  tenaient  comme 
derriere  un  voile,  soit  le  mystere  de  leur  nature,  soit  leurs  desseins,  soit  leur 
toute-puissance  ou  leurs  jugements.  Quand  le  Christ  se  revelera  comme  Juge 
supreme  du  monde,  ce  sera  son  Apocalypse  (I  Cor.  i,  7;  Π  Thess.  i,  7;  l•^  Pet. 
I,  7,  13).  Ailleurs,  le  meme  mot  indique  toute  revelation  faite  aux  Chretiens  qui 
possedaient  les  dons  spirituels.  Mais  il  faut  surtout  retenir  le  sens  de  «  mani- 
festation du  Christ  comme  Seigneur  et  comme  Juge  « ;  car  nous  croyons  que 
c'est  ce  terminus  technicus  du  langage  paulinien  et  evangelique  (cf.  άποχαλυπτο^, 
Luc  XVII,  30)  que  le  prophete  Jean  a  choisi  intentionnellement  pour  caracteriser 
d'un  mot  —  d'un  mot  qui  ne  reparaitra  d'ailleurs  plus  au  cours  du  livre  —  le 
contenu  de  son  message. 

Beaucoup  d'autres  livres,  d'origine  juive  ou  chretienne,  portent  aujourdhui  le 
nom  d'Apocalypses.  Ce  sont  tons  ceux  qui  appartiennent  au  meme  genre  litte- 
raire que  la  Revelation  Johannique;  mais  celle-ci  fut  la  premiere  a  le  porter;  le 
nom  a  ete  pris  ensuite  par  d'autres  ecrits  qui  pretendaient  I'imiter,  ou  etendu 
par  les  critiques  aux  ecrits  anterieurs  et  posterieurs  qui  ressemblaient  materiel- 
lement  ou  formellement  a  cette  Apocalypse  κατ'  εςο/ην.  Us  ont  ceci  de  commun 
qu'ils  entendent  devoiler  aux  hommes  ce  que  Dieu  seul  ou  les  etres  celestes 


LA    FOBME    APOCALYPTIQUE.  XIX 

connaissaient  jusque-la,  dans  le  passe,  le  present,  ou  I'avenir;  at  qu'ils  le  devoi- 
lenten  un  style  qui  difTere  nettement  de  celui  de  I'ancienne  prophetie,  car  il  est 
essentiellement  allegorique,  volontairement  mysterieux,  et  necessite  toujours  des 
interpretations,  souvent  I'usage  dune  cle.  II  est  toujours  tendu,  grandiose, 
visant  a  I'effet,  et  constitue  dans  la  litterature  un  genre  a  part.  On  appelle 
aujourd'hui  «  style  apocalyptique  »  celui  qui  joint  la  grandiloquence  a  I'obscurite 
des  metapliores  ou  des  tableaux. 

II  faut  bien  reconnaitre  que  ce  genre  ne  convient  plus  guere  a  notre  gout ;  il  ne 
repondait  pas  davantage  aux  anciennes  formes  de  la  prophetie  hebra'ique,  ni  au 
caractere  sobre  et  lumineux  de  I'art  classique  grec.  Mais  si  Dieu  a  donne  a  Jean 
des  visions  a  I'expression  desquelles  ce  style  etait  adapte,  c'est  que  le  genre 
apocalyptique  etait  alors  le  plus  approprie  a  la  mentalite  juive  et  ne  repugnait 
pas  non  plus  aux  «  Hellenes  »  de  cette  epoque.  Nous  verrons  d'ailleurs  combien 
I'inspiration  de  Jean  I'a  transforme  et  eleve. 

Ce  genre  etait  en  grande  faveur  dans  les  milieux  juifs,  depuis  le  ii^siecle  avant 
notre  ere.  Mais  on  en  trouve  le  germe  dans  certains  prophetes,  surtout  postexi- 
liens;  telles  sont  les  allegories  d'Ezechiel,  surtout  a  la  fin  du  livre,  quelques 
parties  de  Joel,  Zacharie  et  les  visions  du  livre  de  Daniel.  A  partir  du  ii''  siecle 
avant  notre  ere  commence  une  floraison  d'apocryphes  qui  ira  s'epanouissant 
jusqu'aux  ii^  et  iii*^  siecles  apres  Jesus-Christ,  et  laissera  de  nombreuses  traces 
dans  la  litterature  rabbinique.  Beaucoup  sont  de  vraies  Apocalypses,  et,  presque 
tons,  a  des  degres  d'ailleurs  fort  divers,  pour  le  fond  ou  le  style,  meritent  la 
qualification  d'apocalyptiques.  C'est  le  livre  d'Henoch  (ethiopien),  aux  ii®-i*  siecles, 
les  Jubiles  et  les  Testaments  des  Patriarches  sous  la  dynastie  asmoneenne,  les 
Psaumes  de  Salomon,  au  temps  de  Pompee,  les  Secrets  d'Henoch  [Henoch  slave) 
et  VAssomption  de  Mo'ise  aux  environs  de  notre  ere.  Au  i"  siecle  chretien  et 
aux  debuts  du  second,  la  ruine  du  peuple  Israelite  inspire  les  beaux  livres  que 
sont  IV  Esdras  et  Bariich  {syrnaque).  Ensuite  paraitront  V Apocalypse  d'Abra- 
hanij  probablement  les  sources  de  la  Vie  d'Adam  et  d'Eve  [Apocalypse  de 
Mo'ise),  le  Baruch  grec.  Tons  ces  ouvrages  sont  d'inspiration  palestinienne, 
quoique  certains  aient  subi  des  influences  helleniques,  ou  bien  des  combinaisons 
avec  des  visions  chretiennes  considerables,  comme  V Ascension  d'lsa'ie.  Mais  a 
cote  deux,  et  remontant  pour  ses  debuts  a  la  meme  epoque,  nous  connaissons 
aussi  la  litterature  sibylline,  par  laquelle  des  Juifs,  qui  savaient  manier  I'hexa- 
metre  classique,  entreprirent  de  convaincre  les  Gentils  que  leurs  legendaires 
Sibylles  avaient  prevu  et  confirme  la  religion  de  Moise.  Des  Chretiens  ensuite 
vinrent  les  interpoler  ou  les  imiter,  sans  doute  parce  que  ces  poemes  s'etaient 
reveles  comme  un  utile  instrument  de  propagande  dans  le  monde  paien.  II  ne 
faut  pas  trop  s'en  etonner  de  la  part  des  Grecs.  Un  peuple  dont  la  religion  etait 
si  etroitement  fondue  avec  la  mythologie,  devait  etre  naturellement  porte  a  I'al- 
legorisme  des  revelations  mysterieuses.  Le  grand  mouvement  apocalyptique  de 
Palestine  confluait  d'ailleurs  avec  un  courant  similaire,  quoique  moins  prononce, 
qui  emanaitde  la  Grece  meme.  Et  il  etait  tres  ancien.  La  philosophie  elle-mome, 
au  temps  de  son  enfance  begayante,  s'exprimait  volontiers  en  tournures  sibyl- 
lines;  ainsi  le  voyage  de  Parmenide  dans  les  regions  transcendantes  ou  il  trouve 
la  Verite,  n'est  pas  sans  analogie  avec  les  ascensions  d'Henoch  au  ciel.  Les 
theogonies  et  cosmogonies  anciennes,  qui  avaient  revele  I'origine  des  choses, 


XX  INTRODUCTION, 

devaient  se  completer  par  la  conquete  du  secret  des  fins  dernieres.  Les  ecrits  de 
rOrphisme,  les  voyages  aux  enfers  des  inities,  valurent  a  I'antiquite  des  descrip- 
tions tΓέs  saisissantes  de  I'Au-Dela,  on  pourrait  les  appeler  dans  un  certain  sens 
des  Apocalypses.  Platon  a  dii  y  puiser  ses  Mythes  du  X^  Livre  de  la  Republique ; 
et  Ton  suit  Tinfluence  continue  de  ces  revelations  orphiques  jusqu'apres  notre 
ere,  dans  les  mythes  de  Plutarque,  sans  parler  du  VI*  livre  de  I'Eneide,  dont 
I'auteur,  Virgile,  en  sa  IV''  eglogue,  entrevoit  de  plus  une  sorte  d'eschatologie 
universelle,  de  messianisme  et  de  retour  k  Vkge  d'or.  Si  nous  sortons  de  la  litte- 
rature  classique  pour  examiner  les  produits  du  syncretisme  greco-oriental,  en 
particulier  les  livres  «  hermetiques  »,  dont  la  sagesse  encadrait  de  traditions 
egyptiennes  la  speculation  grecque,  nous  trouverons  des  ecrits  comme  les 
Poimandres  qui  n'ont  presque  rien  a  envier,  pour  le  ton  et  le  caractere  vision- 
nel,  aux  Apocalypses  les  plus  caracterisees. 

11  faut  done  croire  qu'a  cette  epoque  les  imaginations  etaient  ires  portees  a 
scruter  les  secrets  mysterieux  du  monde,  et  d'au  dela  du  monde  ;  comme  c'etait 
la  affaire  d'inities,  I'allegorie  etait  tres  appropriee  a  ces  demi-revelations.  Les 
Juifs  avaient  une  raison  particuliere  de  se  plonger  dans  ces  recherches,  a  cause 
de  I'antique  attente  du  Messie  qui  semblait  a  la  fin  du  i^""  siecle  si  brutalement 
dementie  par  la  ruine  de  leur  temple  et  de  leur  nation.  lis  se  raccrocherent  a 
I'esperance  que  les  derniers  temps  de  I'Univers  ne  sauraient  plus  tarder,  et  que 
la  catastrophe  finale,  horrible  pour  les  impies,  allait  enfin  amener  le  regne  de 
Jehovah  et  du  peuple  juste.  Quant  aux  Chretiens,  ils  savaient  que  I'apparition 
du  vrai  Messie,  le  leur,  avait  deja  ouvertla  periode  de  ces  derniers  temps.  Leur 
impatience,  excitee  par  I'hostilite  de  la  societe  profane,  entrainait  les  uns  et  les 
autres  a  en  deviner  et  a  en  decrire  par  avance  la  consommation.  Dieu  donna  une 
Apocalypse  inspiree;  mais  tons  les  Chretiens  ne  s'en  contenterent  pas,  car  on 
en  vit  paraitre  d'autres  apres  elle ;  les  unes,  orthodoxes  ou  k  pen  pres,  comme  cer- 
tains livres  sibyllins  et  I'Ascension  d'lsaie,  d'autres  gnostiques,  qui  offraient  un 
melange  confus  d'idees  paiennes  et  chretiennes.  Meme  des  ouvrages  qui  ne  sbnt 
pas  eschatologiques,  comme  le  Pasteur  d'Hermas  chez  les  catholiques,  ou,  chez 
les  Gnostiques,  la  Pistis  Sophia,  rentrent  dans  le  m^me  courant  par  leur  visions 
et  leur  style.  Les  m^mes  tendances  apocalyptiques  se  prolongerent  apres  la  fin 
du  monde  ancien,  dans  nombre  d'haggadas  rabbiniques  (1),  dans  certains 
poemes  Chretiens,  germaniques  ou  autres,  du  Haut  Moyen  Age,  et  il  n'est  pas 
jusqu'a  un  chef-d'oeuvre  comme  la  Divine  Comedie  de  Dante  qui  ne  s'y  rattache 
par  des  liens  oublies.  Du  christianisme  elles  s'etendirent  meme  —  du  moins  la 
chose  est  fort  probable  —  a  des  peuples  encore  paiens,  mais  etrangers  aussi 
bien  aux  Juifs  qu'a  Thellenisme  :  aux  Scandinaves  dans  le  «  Crepuscule  des 
dieux  »  de  la  Vieille  Edda,  aux  Persans  Zoroastriens  qui,  voyant  leur  religion  et 
leur  nationalite  menacees  par  Tlslam,  ecrivirent  en  pehlvi  de  veritables  Apoca- 
vpses  comme  le  Bahman  Yasht  et  le  Bundehesh. 

Toute  cette  litterature  apocalyptique  est  utile  a  connailre  dans  I'ensemble; 
elle  apprend,  par  contraste,  a  estimer  FApocalypse  inspiree;  ses  produits, 
depuis  I'Henoch  ethiopien  jusqu'au  Bundehesh,  presentent  aussi  des  concep- 

(1)  VApocalypse  de  Daniel  et  la  Ravelalion  de  Simeon  ben  Jochai  apparaissent  en  plein 
Moyen  Age. 


LA    FOUME    APOCALYPTIQUE.  XXI 

tions  ou  des  images  qui  peuvent  servir  dans  la  discussion  critique  de  tel  ou  tel 
texte  de  saint  Jean.  Mais  il  va  sans  dire  que  ce  sera  surtout  I'Apocalyptique 
juive  anterieure  ou  contemporaine,  des  deux  siecles  avant  et  des  deux  siecles 
apres  J.-C,  qui  fouruira  le  plus  de  comparaisoas  aptes  a  nous  faire  bien 
situer  I'Apocalypse  joliannique,  et  trouver  les  cles  de  ses  enigmes. 

Ces  ecrits  entendaient  continuer  les  propheties  de  I'Ancien  Testament,  sans 
solution  de  continuite,  du  moiiis  avouee.  Leurs  auteurs  n'avaient  peut-etre  pas 
conscience  de  creer  un  genre  litteraire  nouveau,  puisqu'ils  trouvaient  deia  des 
modeles  dans  les  visions  d'Ezechiel  et  de  quelques  autres  prophetes.  lis  ne 
savaient  peut-etre  pas  non  plus,  en  Palestine,  quils  empruntaient  aux  Gentils. 
Mais  comme  la  qualite  et  I'esprit  avaient  change  depuis  les  Prophetes! 
Le  genre  apocalyptique  n'etait  qu'un  produit  calcule  de  I'epoque,  d'une  epoque 
d'epigones,  oii,  I'inspiration  faisant  defaut,  on  cherchait  a  y  suppleer  par  de 
vieilles  traditions  remises  a  neuf,  des  mythes  pris  un  peu  partout  et  presentes 
sous  une  forme  mysterieuse;  on  les  chargeait  de  sens  plus  ou  moins  profonds 
qu'ils  n'avaient  pas  a  leurs  origines,  pour  leur  faire  representer  le  monde  in- 
visible ou  le  monde  futur,  tels  que  des  monotheistes  pouvaient  les  concevoir. 
A  ces  nouveaux  prophetes,  non  seulement  I'inspiration  d'en  haut,  mais  la  per- 
sonnalite  —  de  ce  jugement  exceptons-en  seulement  quelques-uns,  surtout 
lauteur  de  Tapocryphe  d'Esdras  —  fait  presque  totalement  defaut.  Le  P.  La- 
grange a  raison  de  dire  qu'ils  sont  «  les  plus  livresques  des  hommes  (1)  ». 

L'Apocalypse  du  Nouveau  Testament  tranche  tout  a  fait  sur  cette  cohue 
d'anonymes.  Gependant,  par  sa  forme  et  par  ses  images,  elle  appartient  bien 
au  meme  genre  litteraire.  Avant  de  voir  en  quoi  elle  s'en  distingue,  essayons 
done  de  definir  le  genre  apocalyptique.  Le  plus  commode,  a  cet  effet,  sera  de 
comparer  I'ensemble  des  apocryphes  a  I'ensemble  des  propheties  de  I'Ancien 
Testament,  surtout  des  plus  antiques,  au  triple  point  de  vue  de  leur  forme,  de 
leur  objet  et  de  leur  but. 

Prophetie  et  Apocalypse.  —  Puisque  J'Apocalyptique  pretend  continuer  la 
prophetic,  il  faut  bien  que  I'une  et  I'autre  presentent  un  certain  nombre  de 
caracteres  communs.  Elles  devoilent  toutes  deux  I'oeuvre  secrete  ou  la  conduite 
future  de  Dieu,  pour  affermir  I'esperance  des  bons,  et  remplir  de  crainte  les 
mechants.  Elles  peuvent  predire  des  destinees  particulieres  comme  le  destin 
general  de  I'humanite,  la  fin  d'un  empire  comme  la  fin  du  monde,  Aucun  mode 
de  revelation,  songe,  vision,  illumination  intellectuelle  par  des  paroles  inte- 
rieures,  n'est  exclu  a  priori  ni  de  Tune  ni  de  I'autre.  Mais  les  similitudes,  pure- 
ment  generiques,  s'arretent  a  peu  pres  la. 

C'est  que  leurs  buts  specifiques  sont  tout  a  fait  differents.  La  prophetie  ap- 
partient essentiellement  au  genre  oratoire,  eut-elle,  par  exception,  ete  commu- 
niquee  pour  la  premiere  fois  sous  forme  d'ecrit.  Quand  Isaie  detourne  Juda  de 
I'alliance  egyptienne  on  annonce  que  Sennacherib  ne  pourra  prendre  Jerusalem, 
quand  Jeremie  s'attache  a  rectifier  la  politique  de  Sedecias,  quand  Ezechiel 
s'acharne  a  detruire  les  illusions  nationales  des  captifs  de  Babylone,  tons  ces 
puissants  hommes  d'action  visent  un  resultat  immediat  pour  le  bien  de  leur 
peuple.  Quand  m^me  leur  inspiration  les  transporterait  totalement  dans  I'avenir, 

(1)  Le  Messianisme  chez  les  les  Juifs,  p.  46. 


XXII  INTRODUCTION, 

ils  parlent  de  cet  avenir-la  pour  agir  d'abord  pratiquement  sur  Fame  de  leurs 
contemporains.  Presque  toutes  les  propheties  messianiques,  et  meme  les  echap- 
pees  qu'ont  les  Voyants  sur  la  consommation  de  toutes  choses,  et  sur  I'Autre 
Monde,  ont  pour  occasion  des  circonstances  historiques  determinees,  quelque 
oeuvre  religieuse  ou  morale  a  entreprendre  sur-le-champ,  quelque  situation 
critique  a  laquelle  il  faut  parer.  Aussi  leur  langage  est-il  la  plupart  du  temps 
direct  comme  celui  des  predicateurs.  Generalement  ils  ne  font  que  juger  les 
evenements  visibles  et  leurs  consequences,  avec  I'assurance  infaillible  que 
leur  donne  la  conscience  d'une  illumination  divine.  Souvent  aussi  ils  redisent 
des  paroles  interieures  de  Dieu.  Quand  ils  racontent  des  visions  (ce  qui  est  d'ail• 
leurs  rare,  sauf  chez  Amos,  avantl'exil)  ce  ri'est  que  pour  justifier  leur  mission, 
comme  Isaie,  ou  pour  fixer  I'attention  des  auditeurs  sur  leurs  exhortations  pra- 
tiques. Etces  visions  ont  lieu  sur  terre  et  non  au  ciel,  ou  ils  ne  pretendent  pas 
monter.  Bref,  le  prophete  a  toujours  un  but  precis,  d'une  importance  speciale 
pour  les  hommes  de  son  temps.  Ce  n'est  que  sur  le  fondement  d'exhorta- 
tions  particulieres  concernant  des  objets  qui  lui  tiennent  a  coeur,  et  en  partant 
de  la  prediction  d'evenements  particuliers,  qu  il  s'elevera  a  des  vues  messiani- 
ques ou  eschatologiques  universelles,  et  celles-ci  seront  toujours  plus  confuses, 
plus  symboliques,  comme  dans  une  penombre  ou  un  lointain  peu  defini.  La  pro- 
phetic pourtant,  malgre  Fobscurite  des  perspectives  eloignees,  ou  elle  abstrait 
souvent  du  temps  et  de  la  realisation  contingente  des  desseins  de  Dieu,  malgre 
le  grand  nombre  de  ses  metaphores,  et  les  «  machals  »  et  visions  qui  y  trouvent 
parfois  place,  est  le  plus  ordinairement  a  prendre  au  sens  obvie.  Comme  elle 
doit  etre  comprise  des  foules,  ce  style,  si  grandiose  et  image  qu'il  soit,  est 
generalement  clair. 

Tout  autre  est  I'impression  que  nous  produisent  les  plus  connues  des  Apoca- 
lypses apocryphes.  On  dirait  qu'elles  sont  plutot  destinees  a  satisfaire  la  curio- 
site  d'un  petit  nombre,  et  une  curiosite  parfois  fort  inutile  au  point  de  vue  reli- 
gieux,  qu'a  detourner  le  peuple  du  peche  ou  a  le  porter  a  Taction  que  Dieu  exige 
de  lui.  Sans  s'interdire  toute  prediction  particuliere,  elles  transportent  imman- 
quablement  leurs  lecteurs  a  la  fin  des  temps,  sur  laquelle  ils  ne  peu  vent  avoir 
aucune  action ;  on  dirait  que  Tintervallc  n'existe  pas,  ou  que  dans  Tintervalle  il 
n'y  a  rien  a  faire.  Mais  ce  n'est  pas  toujours  I'avenir  humain  qui  les  interesse; 
elles  peuvent  scruter  avec  autant  d'ardeur  les  mysteres  du  Cosmos,  qui  ne  con- 
tribuent  guere  au  salut.  De  Ici  vient  la  distinction  assez  fondee  apportee  par  les 
critiques  entre  I'Apocalypse  historique  et  I'Apocalypse  cosmique,  quoique  les 
deux  soient  souvent  melees  in  concreto  . 

Les  auteurs  d'apocalypses,  quand  ils  traitent  d'eschalologie,  ce  qui  est  le  cas 
le  plus  ordinaire,  ne  s'en  tiennent  pas  aux  vues  larges,  ni  a  la  perspective  inde- 
finie  des  authentiques  prophetes.  Ce  sont  des  calculateurs,  qui  aiment  la  preci- 
sion des  chiffres,  et  pensent  par  la,  sans  doute,  mieux  faire  que  I'Ancien  Testa- 
ment, donner  des  esperances  plus  nettes  et  plus  efiicaces.  Ils  apportent  a 
supputer  les  temps  qui  s'ocouleront  jusqu'a  la  realisation  de  leurs  reves  la  meme 
minutie  qua  compter  et  a  decrire  les  regions  du  monde  invisible.  La  duree  qui 
reste,  ils  la  divisent  en  periodes,  en  compartiments  bien  alignes.  Leurs  sept, 
leurs  douze,  leurs  quatorze  periodes  permettront  ainsi  aux  initios  qui  en  noteront 
le  deroulement,  de  calculer  a  peu  pres  I'heure  finale.  Dans  I'ensemble,  ils  met- 


LA    FORME    APOCALYPTIQUE.  XXIII 

tent  I'opposition  la  plus  aigue  entre  le  «  siecle  present  »  et  le  «  siecle  futur  ». 
lis  ont  souvent,  les  derniers  surtout,  una  couleur  pessimiste  tres  accusee,  n'at- 
tendant  aucune  amelioration  sur  la  terra  que  de  Tintervention  theatrale  de  Dieu, 
quand  les  maux  auront  ete  portes  a  leur  comble.  Et  cette  intervention  amenera 
la  perte  de  la  plupart  des  hommes.  Dieu  attend  dans  sa  transcendance  le  moment 
fixe  par  son  bon  plaisir,  et  revele  a  quelques  privilegies.  Jusque-la,  il  semble- 
rait  qu'il  s'abstient  de  s'occuper  du  monde,  sauf  par  des  chatiments  precurseurs 
de  la  grande  catastrophe.  Las  justes  non  plus  n'ont  a  peu  pres  rien  a  faire,  qu'a 
attendre  et  a  patienter;  comme  des  spectataurs  passifs  at  des  victimes  resignees, 
ils  regardant  venir  des  evenements  que  pousse  una  sorte  de  fatalite.  L'Apocalyp- 
tique  ne  portera  done  guere  ses  contemporains,  comme  le  Prophete,  a  agir  en 
vue  d'un  but  determine,  ni  a  chercher  la  reforme  ou  le  progres.  A  ces  differences 
de  fond  entra  I'Apocalypse  et  la  Prophetic  se  joignent  des  differences  de  forme 
non  moins  notables.  Tandis  que  le  prophete  est  avant  tout  un  prodicateur, 
I'Apocalyptiqua  est  essentiellement  un  narrateur,  dont  I'instrument  n'est  pas 
la  parole,  mais  la  plume.  II  decrit  das  visions  ou  ont  ete  vuas  et  entendues  des 
choses  mysterieuses ;  car  pour  lui  I'extase,  le  songe,  le  rapt  sont  devenus  en  regie 
le  moyen  des  communications  divines.  II  est  au  ciel  plus  souvent  que  sur  la  terre. 
Si  «  les  esprits  des  prophetes  sont  soumis  aux  prophetes  »,  de  sorte  que  I'inspire, 
m^me  sous  la  motion  divine,  combine  et  reflechit  personnellement,  I'ecrivain 
apocalyptique  se  contente  de  redira,  comme  un  echo,  ce  qui  lui  a  ate  revele  de 
toutes  pieces  par  des  Anges;  car  ce  sont  ces  intermediaires,  plutot  que  Dieu  en 
personne,  qui  I'ont  appele  a  cette  mission.  Tantot  sa  narration  est  purement  des- 
criptive; tantot  la  conversation  qu'il  a  avec  las  Anges  se  prolonge  en  commen- 
taire  des  tableaux  qui  lui  ont  ete  montres,  et  il  ecoute  I'application  de  ces 
symboles  aux  evenements  de  I'avenir.  Alors  le  temps  des  verbes  change;  le  passe 
fait  place  au  futur.  II  faut  done  distinguer  les  \>isions  narrees,  qui  n'ont  pas 
toujours  I'avenir  pour  objet,  et  les  predictions,  congues  en  style  un  peu  moins 
allegorique  d'ordinaire,  qui  leur  font  suite  assez  souvent.  Du  reste,  ces  deux  ele- 
ments se  melent  la  plupart  du  temps,  et  le  Voyant  raconte  des  propheties  enten- 
dues dans  des  apparitions  mysterieuses  (1).  Mais  il  Qsi  pur  narrateur,  et  n'apos- 
trophe  pas  directament  ses  lecteurs  reels,  comme  la  faisaient  si  volontiers  les 
Prophetes. 

C'est  que,  quel  que  soit  I'effet  qu'il  escompte  sur  ses  contemporains,  il 
s'efforce  toujours  de  faire  abstraction  en  apparence  de  sa  veritable  epoque.  II 
se  transporte  toujours  a  un  point  conventionneldu  passe,  au  temps  d'un  grand 
personnage  comme  Henoch  ou  Esdras,  qualifie  pour  recevoir  des  revelations 
divines.  Et  c'est  ce  personnage  qu'il  fait  parler.  Un  caractere  essenticl  de  ces 
apocryphes  est  done  la  pseudonyinie.  Tous  reposent  sur  des  fictions  litteraires. 
Ou  bien  quelque  patriarche,  comme  Henoch,  quelque  prophete  comme  Baruch, 
sont  censes  parler  eux-memes,  ou  bien  la  plume  d'un  de  leurs  contemporains, 
comme  dans  les  Testaments,  a  recueilli  leurs  paroles.  Ces  livres  ont  ete  trans- 
mis  par  une  tradition  secrete,  dans  un  groupe  d'inities,  pour  que  le  monde  les 

(1)  L'Assomption  de  Mo'ise  fait  exception,  parce  qu'elle  adopte  la  fiction  d'une  narration 
prophetique,  au  lieu  de  visions  syraboliques.  —  Les  Jiibilus  se  presentent  comme  de  I'his- 
toire  pass^e,  mais  revel6e  a  Moise  par  Γ  «  Ange  de  la  Face  ». 


XXIV  INTRODUCTIOX. 

connaisse  a  I'heure  fixee  par  la  Providence,  L'auteur  pretendu  pourra  done 
decrire  par  mode  de  prophetie  les  principaux  evenements  historiques  qui  se 
seront  ecoules  depuis  son  epoque  jusqu'a  celle  du  veritable  auteur;  et  celui-ci 
continuera  cette  serie  de  predictions  post  eventum,  —  sans  que  rien,  dans  le  ton 
ni  la  forme  litteraire,  denote  le  changement,  —  par  ses  propres  speculations  sur 
Tavenir.  II  construit  ainsi  un  bloc  qui  embrasse  jusqu'a  la  fin  du  monde,  et 
devoile  tous  les  desseins  de  Dieu  dans  I'histoire  integrale  de  Ihumanite.  C'est 
une  vraie  philosophie  de  I'histoire.  L'exactitude  des  descriptions  pseudo-pro- 
phetiques  du  passe  servira  a  garantir  aux  lecteurs  la  non  moindre  exactitude 
des  previsions  qu'expose  I'Apocalyptique  sur  les  temps  futurs.  Seulement,  en 
cette  seconde  categoric  de  «  propheties  »,  le  caractere  conventionnel  des  images 
pourra  s'exagerer  encore,  par  la  force  des  choses,  l'auteur  n'ayant  plus  de  faits 
historiques  connus  pour  lui  servir  de  trame.  II  devra  recourir  aux  traditions 
allegoriques,  aux  lieux  communs,  monotones  dans  leur  emphase,  d  etoiles,  de 
metaux  et  pierreries,  de  monstres  fantastiques,  symboles  dont  lorigine  est  a 
chercher  bien  souvent  dans  des  mythes  etrangers ;  les  nombres  meme  dont  il 
usera  pour  faire  ressortir  la  precision  de  ses  vues,  seront  plus  d'une  fois  de  pro- 
venance paienne.  Et  comme,  en  eschatologie  notamment,  l'auteur  se  trouve  en 
face  de  bien  des  traditions  dont  il  ne  sail  pas  toujours  lesquelles  sont  preferables, 
il  recueillera  des  traits  un  peu  au  hasard  dans  Tune  ou  dans  I'autre,  plus  atten- 
tif  a  leur  caractere  impressionnant  qu'a  I'idee  qu'ils  expriment  ou  qu'ils  voilent. 
De  la  resulte  un  defaut  d'unite,  une  grande  difficulte  a  harmoniser  les  divers 
points  de  vue  eschatologiques  que  Ton  rencontre,  je  ne  dis  pas  seulement  dans 
des  compilations  comme  I'Henoch  ethiopien,  mais  en  des  livres  sortis  d'une  seule 
main,  et  d'une  belle  venue  apres  tout,  comme  le  Pseudo-Baruch  et  le  Pseudo- 
Esdras.  II  reste  jusque  chez  les  meilleurs,  quelque  chose  de  livresque;  c'etait  la 
consequence  inevitable  du  defaut  de  I'inspiration  authentique,  qui  eut  mis  de 
I'unite  dans  leurs  vues,  et  aussi  de  la  mefiance  d'eux-momes  qui  les  g6nait  dans 
leur  fraude  pieuse. 

Si  je  parle  de  «  fraude  »,  je  ne  voudrais  cependant  pas  appeler  ces  auteurs, 
sans  plus,  des  faussaires.  II  y  en  a,  comme  le  Pseudo-Esdras,  dont  I'&me  etait 
certainement  profonde,  capable  d'accents  veritablement  humains  et  religieux  qui 
nous  emeuvent  encore.  Leur  intention  devait  otre  bonne  ;  ils  disaient  avec  since- 
rity ce  qu'ils  croyaient  que  serait  I'avenir,  d'apres  leurs  propres  meditations,  et  ce 
qu'auraient  pu  dire,  pensaient-ils,  Esdras  et  d'autres  hommes  de  Dieu,  s'ils 
avaient  vraiment  ecrit  sur  le  meme  sujet.  Leur  fraude  consistait,  non  a  dire  des 
choses  dont  ils  n'etaient  pas  convaincus,  mais  a  couvrir  leurs  reveries  d'une 
autorite  usurpee.  II  faut  se  souvenir  du  reste  qu'on  etait  alors  bien  plus  indul- 
gent que  nous  ne  le  sommes  pour  toute  espece  de  fictions  litteraires.  L'esprit 
juifet  l'esprit  alexandrin  s'accordaient  sur  ce  poiat-la.  Qu'on  se  rappelle  Evhe- 
more  et  sa  Panchaie,  ou  toute  la  litterature  pseudo-orphique.  La  mentalite 
orientale  admet,  entre  la  fiction  purement  mensongere  et  la  pure  verite,  cer- 
taines  categories  dont  nous  n'avons  pas,  heureusement,  la  notion  spontanee ;  elle 
accorde  beaucoup  plus  d'importance  a  ce  qui  est  dit  qu'a  Tidentite  de  lapersonne 
quil'adit;  et  peut-etre  les  faiseurs  d'apocryphes  se  prenaient-ils  eux-memes  pour 
des  inspires  ou  des  prophetes.  En  tout  cas,  pour  ma  part,  je  n'oserais  affirmer 
qu'ils  aieiit  voulu  tromper  absolument  leurs  lecteurs,  sauf  les  Sibyllins  qui  ecri- 


LA    FORME    APOCALYPTIQUE.  XXV 

vaient  pour  glorifier  leur  religion,  per  fas  et  nefas,  aux  yeux  des  Goyiin,  et,  par 
raccroc,  rendre  service  a  ces  derniers.  C'etaient,  au  moins  dans  I'ensemble,  des 
auteurs  meditatifs  et  pieux,  tres  attaches  a  la  revelation.  L'inspiration  n'a  pas 
empeche  certains  auteurs  du  Nouveau  Testament  de  les  citer  avec  faveur,  sinon 
comnie  inspires  et  authentiques,  cependant  comme  des  autorites  honnetes. 
Paul,  dans  II  Ttni.,  parle  de  I'histoire  de  Janiies  et  de  Jamhres,  a  la  fagon, 
sans  doute,  dont  nous  pourrions  aujourd'liui  chercher  une  comparaison  dans 
une  legende ;  mais  saint  Jude,  dans  son  epitre,  vv.  14-15,  n'hesite  pas  a  puiser 
dans  un  apocryplie  qui  doit  etre  FAssomption  de  Moise,  et  a  emprunter  des 
phrases  d'Henoch  pour  annoncer  le  dernier  jugement.  On  sait  d'ailleurs  la  con- 
sideration dont  jouit  cet  Henoch,  et  apres  lui,  le  Pseudo-Esdras,  dans  I'eglise 
primitive.  II  y  avait  done  de  bonnes  choses  dans  ces  apocryphes,  et  parfois  de 
veritables  beautes.  Cela  n'empeche,  meme  en  faisant  abstraction  de  la  fraude 
litteraire  qui  nous  repugne  a  bon  droit,  pour  autant  qu'elle  etait  destines  a 
tromper,  que  les  Apocalypses  pseudonymes  sont  separees  par  un  abime,  au 
simple  point  de  vue  de  la  valeur  humaine  et  litteraire,  des  propheties  cano- 
niques.  C'est  toute  la  difference  qu'il  pent  y  avoir  entre  des  ecrits  spontanes  et 
vivants,  dictes  par  l'inspiration  consciente  et  brulante  du  moment,  et  des  compo- 
sitions artificielles  dont  I'auteur  veut  frapper  les  imaginations  par  des  raoyens 
choisis  a  tete  reposee,  en  utilisant,  sans  grandes  exigences  de  gout  ni  de  cri- 
tique, ce  qui  lui  semble  le  plus  propre  a  cet  effet  parmi  les  traditions  les  plus 
melangees  du  passe. 

Or,  il  est  deux  ecrits  inspires  que  Ton  range,  et  cela  avec  un  certain  droit,  dans 
la  meme  categoric  litteraire  que  les  Apocryphes  susdits  :  le  Iwre  de  Daniel  et 
V Apocalypse  de  saint  Jean.  Daniel,  dans  la  Bible  hebraique,  appartient  aux 
Ketoubim,  non  aux  Nebiim.  Si  done  on  admet  qu'il  n'a  ete  compose  qu'au 
temps  d'Antiochus  Epiphane,  on  ne  saurait  dire  pour  cela  qu'il  est  pseudonyme 
au  meme  sens  que  nos  Apocryphes;  il  presente  une  philosophic  vraiment  pro- 
phetique  de  I'histoire,  sans  aucune  accointance  avec  des  traditions  fantaisistes  de 
cosmogonie  ou  d'eschatologie;  et  la  fiction,  si  fiction  il  y  a,  ne  serait  pas  plus 
attaquable  que  celle  du  livre  de  Job,  ou  du  Koheleth,  ou  de  la  Sagesse  de  Salo- 
mon. Mais  nous  n'avons  pas  a  nous  occuper  de  Daniel  ici. 

Quant  a  Γ  Apocalypse  johannique,  reconnaissons  tout  d'abord  qu'elle  offre  de 
nombreux  rapports  materiels  et  formels  avec  les  principaux  ecrits  du  genre. 
Comme  eux,  elle  se  compose  de  visions,  avec  des  parties  descriptives  melees  de 
parties  prophetiques.  Le  style  en  est  essentiellement  figure  et  mysterieux,  et 
use,  pour  une  bonne  part,  des  memes  lieux  communs  que  I'Apocalyptique  juive. 
Sauf  les  lettres  des  chapitres  π  et  iii,  elle  se  refere  en  bloc  a  I'eschatologie, 
comprise  toutefois  en  un  sens  tres  large  que  nous  expliquerons.  Elle  oppose, 
dans  un  dualisme  tranche,  le  siecle  present  et  le  siecle  futur.  Mais  les  ressem- 
blances  ne  vont  pas  plus  loin,  et  les  differences  sont  bien  plus  notables. 

D'abord,  cen'est  pas  un  ocrit  pseudonyme.  L'auteur  ecrit  a  ses  contemporains, 
a  des  egliscs  ou  il  a  travaille,  et  sous  son  propre  nom  bien  connu.  Car  on  ne 
pent  meme  supposer  qu'il  ne  soil  pas  le  Jean  qu'il  dit  etre;  son  livre  etait  d'une 
actualite  trop  pressante,  et  toute  fraude  eut  ete  trop  facile  a  decouvrir. 

Son  unite  d'enseignement,  nous  le  verrons,  est  parfaite.  Ce  n'est  pas  un 
recouseur  de  traditions  divergentes.  S'il  puise  des  images  dans  le  stock  com- 


INTRODUCTION. 


mun  des  Apocalyptiques,  il  sait  mettre  sur  cette  matiere  son  empreinte  bien 
personnelle.  Pour  le  fond,  qu'il  nous  suffise  de  dire  a  present  que  Jean  ne  s'oc- 
cupe  jamais  de  choses  inutiles,  comme  les  pretendus  secrets  cosmiques.  II  ne 
cherche  a  satisfaire  aucune  curiosite  plus  ou  moins  etrangere  a  la  religion.  II 
n'abuse  pas  des  Anges,  car,  a  deux  ou  trois  passages  pres,  il  re^oit  les  commu- 
nications immediates  de  Dieu  ou  du  Christ.  11  ne  fait  m6me  pas  de  calculs,  nous 
le  prouverons,  sur  le  temps  de  la  fin,  puisqu'  «  on  ne  connait  ni  le  jour  ni 
rtieure  ».  S'il  oppose  vivement  les  deux  «  siecles  »  —  et  encore  sans  employer 
ce  termc  precis,  —  il  les  fait  pourtant,  dans  une  mesure,  coexister;  car  il  voit 
deja  la  victoire  de  Dieu  presentement  realisee  sous  une  forme  qu'on  peut  appeler 
I'etat  initial  du  Regne  des  cieux.  Comme  les  proplietes,  il  dcrit  dans  un  but 
direct  d'exhortation,  d'encouragement,  et  en  passant  de  reprimande,  pour  ses 
freres  ebranles  par  les  menaces  trop  claires  des  evenements.  Et,  bien  loin  d'etre 
pessimiste,  toute  sa  revelation  est  pleine  de  I'enthousiasme  des  premiers  jours, 
c'est  veritablement  une  «  Bonne  Nouvelle  »,  impregnee  du  plus  pur  esprit  des 
Evangiles,  surtout  du  quatrieme  qui  rapporte  la  parole  du  Christ  :  «  Confiance, 
j'ai  vaincu  le  monde.  »  Cet  apocalyptique  est  aussi  chaleureux  et  sur  de  lui  que 
n'importe  quel  prophete  d'autrefois.  II  trouve  moyen,  en  depit  du  genre,  d'έtre 
parfaitement  lui-meme,  tout  vibrant  de  spontaneite. 

D'un  mot,  nous  pouvons  dire  que  I'Apocalypse  de  saint  Jean  se  rapproche, 
par  I'objet  etles  materialites  du  style,  de  ce  groupe  d'^crits  auquel  son  nom  a  ete 
etendu;  mais,  par  I'esprit,  elle  en  est  aussi  loin  que  possible.  Elle  est  tout  a  fait 
dans  la  ligne  des  proplietes  canoniques.  Seulement,  elle  les  depasse  tons  comme 
predication  inspiree,  et  comme  revelation  des  secrets  divins.  Car  son  auteur  est 
un  prophete  qui  connait  a  fond  I'Evangile,  et  qui  couronne  toute  Toeuvre  de  ses 
devanciers  en  portant  son  regard  d'aigle  jusque  dans  les  derniers  mysteres 
accessibles  a  I'homme. 

Avant  de  decrire  la  forme  detaillee  qu'il  donne  a  cette  revelation,  et  d'en  ana- 
lyser le  contenu,  il  faut  voir  de  quels  materiaux  il  s'est  servi  pour  Texprimer  aux 
fideles  d'Asie.  Ici  encore,  nous  aurons  a  etablir  une  comparaison  entre  TApoca- 
lypse,  les  Apocryphes,  et  de  plus  la  Bible  en  gέneral. 


CHAPITRE  V 


LES    MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCAI.YPSE    JOHANNIQUE    ET    LEUR    ORIGINE. 

Sans  nul  doute,  la  forme  «  apocalyptique  »  etait  excellemment  choisie  pour 
faire  penetrer  profondement,  dans  les  esprits  du  i"  siecle  finissant,  les  enseigne- 
ments  de  notre  Revelation.  Mais  elle  devint  tres  vite,  ce  qu'elle  est  encore  trop 
souvent  pour  nous,  une  pierre  d'achoppement,  et  cela  explique  le  discredit  d'un 
siecle  ou  deux  ou  un  livre  inspire  put  tomber  dans  certains  milieux  ecclesias- 
tiques.  Nous  exposerons  dans  un  autre  chapitre  les  raisons  particulieres  de  ce 
fait.  On  peut  cependant  des  a  present  en  indiquer  la  cause  generale  :  les  empha- 
tiques  images  que  le  genre  exigeait  n'etaient  pas  d'une  signification  bien  lucide; 
pour  les  comprendre,  il  fallait  etre  plonge  dans  les  conventions  symboliques  de 
certaines  regions  et  de  certains  milieux.  Ala  rapide  diffusion  du  livre  ne  corres- 
pondit  point  une  transmission  aussi  universelle  des  cles  de  ce  langage.  Aussi 
dut-il  produire  chez  bien  des  lecteurs  un  eifet  de  malaise  et  d'effarement.  Ceux 
qui  s'attacherent  a  I'interpreter  furent  souvent  reduits  a  leur  fantaisie ;  tandis 
que  d'autres,  initios  aux  traditions  apocalyptiques  juives,  ne  se  rendirent  pas 
toujours  assez  compte  de  I'entiere  liberte  avec  laquelle  Jean  maniait  tous  ces 
symboles ;  voulant  de  force  ramener  les  details  de  sa  Revelation  aux  «  prophe- 
ties  »  des  Apocalypses  non  canoniques,  ils  arriverent  a  en  multiplier  les  obscu- 
rites,  sinon  a  y  introduire  une  veritable  incoherence,  au  point  de  rendre  suspect 
aux  gens  rassis  un  livre  dont  I'esprit,  ainsi  con^u,  s'accordait  si  peu  avec  la 
simplicite  grandiose  des  vues  evangeliques. 

II  est  done  de  la  plus  grande  importance  de  connaitre  la  matVere  et  les  lois  da 
symbolisme  apocalyptique^  et  de  savoir  dans  quelle  mesure  veritable  I'Espritqui 
inspirait  le  prophete  Jean  s'y  est  plie.  Nous  determinerons  ainsi,  en  gros,  le 
sens  de  ses  principaux  symboles,  quitte  a  revenir  d'une  fa^on  detaillee,  dans  le 
commentaire,  sur  ceux  qui  exigent  de  plus  longues  discussions. 

Tout  d'abord  s'impose  a  nous  une  revue  rapide  des  ecrits  dont  les  conceptions 
ou  le  langage  ont  pu  exercer  de  I'influence  sur  la  forme  des  visions  johanniques, 
en  dehors  de  I'Ancien  et  du  Nouveau  Testament.  II  est  clair  que  tous  les  apo- 
cryphes  enumeres  ci-dessus  ne  sont  pas,  a  cet  egard,  dignes  de  la  meme  consi- 
deration. II  faut  d'abord  metlre  au  premier  rang  ceux  que  Jean  a  pu  connaitre, 
parce  qu'ils  lui  sont  anterieurs.  Le  nombre  de  ccux-ci  qui  nous  est  parvenu  est 
assez  restreint :  Jubiles,  Testaments  des  Doiize  patriarches  (expurges  de  leurs 
interpolations  chretiennes),  Henoch  ethiopien,  Psaurnes  de  Salomon ^  Hejioch slave 
et  Assomption  de  Mo'ise.  Vivant  dans  un  milieu  hellenistique,  Jean  a  pu  con- 
naitre aussi  les  anciens  Sibyllins  juifs,  desquels  il  ne  nous  reste  que  Sib.  III. 
En  scconde  ligne  se  presentent  les  Apocryphes  judaiques  publics  au  i*"^  siecle,  et 
que  Ton  peut  considercr  comme  a  peu  pres  contemporains  de  notre  Apocalypse; 
c'e^XVAscension  dlsa'ie  (dans  ses  parties  les  plus  anciennes),  le  /P  livre  d'Es- 


XXVIII  INTRODUCTION. 

dras,  le  IV^  SibyUin  et  le  V^  en  partie,  sans  doute  V Apocalypse  d' Abraham,  et 
bien  plus  douteusement,  le  Baruch  syriaqiie  et  le  fond  de  V Apocalypse  de 
Mo'ise  (1).  Mais,  tandis  que  Γ  Apocalypse  joliannique  aurait  pu  emprunter  des 
images  aux  ecrits  de  la  premiere  categorie,  ceux  de  la  seconde  ne  sont  guere 
bonsqu'a  nous  munirde  paralleles  provenant  du  fond  apocalyptique  commun.  lis 
n'en  sont  pas  moins  tres  precieux,  puisqu'ils  nous  aident  a  elucider  le  sens  des 
metaphores  couramment  employees  au  i•''^  siecle  dans  cette  litterature.  Bien  au- 
dessous  d'eux  pour  la  valeur  d'information,  apparait  la  troisieme  classe  d'Apo- 
cryphes,  juifs  ou  Chretiens,  posterieurs  au  i"  siecle,  tels  que  les  parties  recentes 
de  V Ascension  d'lsaXe,  le  Baruch  grec^  les  Odes  de  Salomon,  V Apocalypse  de 
Pierre,  Esdras  V  et  VI,  les  Sibyllins  1, 11,  VI,  VII,  VIII,  Χ/-Λ7  Γ,  et  surtout  les 
nombreuses  Apocalypses  chretiennes  tardives,  Apocalypse  de  Paul,  etc.  Pour- 
tant  il  faut  les  consulter,  et  tenir  aussi  un  certain  compte  d'Hermas,  des  hag- 
gadas  rabbiniques,  des  produits  de  la  Gnose  ou  de  I'Hermetisme,  et  meme  de 
I'eschatologie  paienne  des  Mandaites,  des  Perses,  sinon  des  Germains.  Quoique 
les  uns  aient  deja  emprunte  beaucoup  a  notre  Apocalypse,  plus  ou  moins  detour- 
nee  de  son  vrai  sens,  que  d'autres  aient  puise  a  des  traditions  toul-a-fait  etran- 
geresaux  Juifs  et  aux  Chretiens  du  i•^•"  siecle,  quelques-uns  enfin  donne  un  corps 
a  des  reveries  tout-a-fait  posterieures  ou  profanes,  on  a  quand  meme  des  chances 
d'y  decouvrir  certains  elements  derives  de  traditions  fort  antiques  ou  crees  au 
cours  du  I"  siecle,  et  qui  ne  se  presenteraient  pas  dans  les  ecrits  anterieurs  avec 
le  meme  sens  ou  la  meme  nettete  d'interpretation.  En  cette  matiere  confuse, 
etudiee  scientifiquement  depuis  si  peu  d'annees,  il  est  bon  de  ne  rien  admeltre  ni 
rejeter  a  priori,  mais  de  soumettre  a  la  discussion  tout  rapprochement  de  textes 
Gud'idees  qui  a  quelque  air  de  vraisemblance.il  est  certain,  eneffet,  qu'il  existait 
une  tres  vaste  tradition  apocalyptique  que  les  apocryphes  deja  connus  avant  le 
11^  siecle,  et  parvenus  jusqu'a  nous,  sont  bien  loin  d'epuiser. 

La  preuve  de  cette  assertion  est  faite  depuis  longtemps.  Szekely  la  developpe 
bien  dans  sa  Bibliotheca  apocrypha,  i,  pp.  83  et  suivantes,  et  il  nous  suffit  d'y 
renvoyer  notre  lecteur.  L'argument  principal  a  nos  yeux  est  celui-ci :  dans  les 
apocryphes  Chretiens  et  les  anciens  Peres,  tels  qu'Hippolyte,  Commodien,  Lac- 
tance,  et  autres,  la  consummation  du  monde  est  decrite  avec  un  luxe  de  details, 
supposes  connus  et  admis  comme  certains,  qui  sont  etrangers  non  seulement  a 
la  Bible,  mais  aux  Apocryphes  juifs  qui  nous  restent.  Cependant  leur  couleur  et 
leur  origine  juives  ne  sont  pas  douteuses,  et  des  Chretiens  n'auraient  certaine- 
mentpu  les  imaginer.  11  faut  done  admettre  qu'ils  remontent  au  stock  des  tradi- 
tions regues  des  Juifs  avant  que  I'Eglise  ne  se  fut  separee  de  la  Synagogue. 

L  La  tradition  apocalyptique.  —  De  cette  tradition,  nous  possedons  certai- 
nement.mieux  que  des  disjecta  membra.  La  litterature  apocryphe  a  nous  connue 
nous  en  a  transmis  la  substance.  En  toute  surete  —  a  condition  de  s'en  tenir  aux 
grandes  lignes  —  on  pent  penetrer  le  mystere  des  series  de  symboles  qui 
reparaissent  a  peu  pres  partout,  et  etablir  les  principes  generaux  de  leur  inter- 
pretation. 

(1)  VApocabjpse  dElie  et  le  livre  d'Eldad  et  de  Modad  renlrent  sans  doute  aussi  dans  la 
premiere  ou  la  deuxienie  classe.  Les  livres  a'Elie,  hebreu  et  copte,  sont  seulement  du  in•  siecle. 


MATERIAUX  SYMBOLIQUES  DE  L  APOCALYPSE.  XXIX 

CommenQons  par  ce  deuxieme  point,  qui  peut  s'elucider  par  les  considerations 
intrinseques  les  plus  generales. 

§  I.  —  Principes  generaux  d'interpretation  des  symboles  apocalyptiques. 

L'imagerie  ordinaire  des  Apocalypses  apocryphes  est  d'une  emphase  conti- 
nue, qui  devient  vite  ennuyeuse.  Le  P.  Lagrange  [Messianisme,  p.  39,  42)  carac- 
terise  cette  tension  comma  «  un  gigantesque  effort  dans  le  vide...  avec  quelques 
eclairs  de  bon  sens  dans  le  cauchemar  d'un  malade...  Comme  il  s'agissait  de 
tout  un  enchainement  de  faits,  le  symbolisme  succombait  a  la  tache.  La  meme 
comparaison  est  obligee  de  se  plier  a  des  circonstances  diverses,  de  se  transfor- 
mer pour  exprimer  des  sens  nouveaux;  cela  ne  se  peut  sans  violence  et  sans 
bizarrerie.  D'autres  fois  les  images  se  succedent  toujours  plus  etranges  pour 
exprimer  I'inexprimable;  et,  pour  graducr  I'horreur  croissantedes  catastrophes, 
on  aboutit  a  des  exagerations  qui  ne  font  plus  aucune  impression,  tant  elles 
sortent  de  la  verite  » . 

Toutefois.  on  se  tromperait  surement  si  Ton  croyait  que  ces  auteurs  aient  ete 
absolument  dupes  de  leur  fantaisie  pauvre,  maintenue  en  etat  d'ebullition.  lis  ne 
pretendaient  pas  faire  accepter  leurs  peintures  trop  a  lalettre;  c'est  pourquoi  ces 
descriptions  imagees  du  monde  inaccessible  sont  souvent  introduites  par  le  petit 
mot  «  comme  » ;  il  implique  I'aveu  que  leurs  essais  d'expression  n'atteignent 
qu'a  une  verite  approximative.  Leurs  hyperboles  plus  audacieuses  qu'artistiques 
restent  bien,  dans  leur  esprit,  de  simples  hyperboles.  «  lis  menacent  peremptoi- 
rement  de  fleaux  qui,  pris  a  la  lettre,  detruiraient  la  terre  de  fond  en  comble; 
malgre  cela,  ces  fleaux  se  reiterent,  et  ce  qui  est  dit  avoir  peri  se  trouve  la  de 
nouveau:  (ex.  gr.  Henoch,  xc,  18-seq-30).  Les  calamites  cosmiques,  en  particulier, 
ne  sont  pas  toujours  a  prendre  a  la  lettre,  ni  au  sens  physique.  Car  souvent,  au 
temoignage  du  contcxte  et  des  passages  paralleles,  elles  ne  representent  que  des 
perturbations  courantes  de  la  nature,  comme  des  eclipses  de  soleil  ou  de  lune, 
Tapparition  de  cometes  »,  etc.,  ou  bien  des  revolutions  historiques.  Ainsi  le 
«  renouvellement  des  luminaires  »  des  Jiibiles,  i,  29,  n'est,  d'apres  Charles, 
qu'une  amelioration  du  monde  amenee  par  «  les  victoires  asmoneennes.  Et  sou- 
vent les  hommes  survivent  a  des  fleaux  qui  auraient  du  renverser  le  monde  sens 
dessus  dessous,  lesquels  vont  etre  suivis  d'autres  beaucoup  moins  graves 
{ibid)  (1)  )).  C'etait  un  style  regu,  et  qui  ne  trompait  personne  de  ce  temps-la. 
Citons  encore  le  P.  Lagrange  (2)  a  propos  de  cette  «  emphase,  qui  associe  la 
nature  inanimee  aux  evenements  de  I'histoire.  Et  quand  nous  disons  la  nature 
inanimee  nous  nous  plagons  encore  a  notre  propre  point  de  vue,  car  I'origine  de 
ces  metaphores  remonte  a  des  temps  ou  on  la  croyait  au  contraire  animee  et 
susceptible  des  memes  emotions  que  les  hommes.  C'est  surtout  le  monde  celeste, 
le  ciel,  le  soleil,  la  lune  et  les  etoiles,  qui  sont  mis  en  branle  dans  des  circons- 
tances qui  ne  sont  pas  toujours  le  craquement  du  monde  et  son  renouvelle- 
ment... Ces  manieres  de  parler  se  trouvaient  deja  dans  la  Bible...  Ce  serait 
evidemment  un  tres  lourd  contresens  que  de   prendre   a  la  lettre   ces  fortes 

(1)  SZEKELY,  op.  laud.,  p.  26. 

(2)  Lagrange,  Messianisme,  pp.  47  suiv. 


XXX 


INTRODUCTION. 


images.  Ce  serait  meconnaitre  le  style  de  la  Bible,  dont  les  Apocalypses  s'ins- 
pireat  le  plus  souvent,  et  a  laquelle  elles  empruntent  le  canevas  de  leurs  des- 
criptions. Et  ιηέιηβ  los  habitudes  des  Grecs...  On  trouverait  des  exemples  tres 
nombreux  de  ce  style  chez  les  Anciens.  Ce  qui  est  plus  etonnant,  c'est  qu'il  se 
soit  perpetue  dans  les  cliches  des  inscriptions  funeraires  ».  lei  I'historien  repro- 
duit  un  lexte  tres  instructif  d'une  tombe  juive  d'Espagne,  en  plein  Moyen  Age, 
d'apres  les  nouvelles  archives  des  missions,  t.  XIV,  fasc.  in,  rapport  de  Motse 
Schwab,  p.  258  : 

«  Cette  journee  fut  une  calamite;  ce  fut  un  jour  de  malheur  et  d'oppression,  jour 
de  tenebres  et  d'obscurite,  jour  de  nuage  et  de  brouillard,  jour  ού  les  cienx  et  leurs 
luminaires  furent  obscurcis,  oil  lis  se  sont  revetus  d'un  cilice.  Les  etoiles  ont  pris  le 
deuil;  les  collines  ont  llechi,  tout  Israel  a  ete  effraye.  » 

Voila  une  regie  generale  d'interpretation  qu'il  faut  toujours  garder  dans  I'esprit, 
si  Ton  ne  veut  pas  se  tromper  sur  ces  «  manieres  de  parler  «,  ces  «  cliches  » 
hyperboliques,  ettomber  dans  «  les  plus  lourds  contresens  ».  Nous  croyons  devoir 
la  completer  par  un  autre  principe  encore  :  Jl  ne  faut  pas  chercher  sous  chaque 
detail  des  descriptions  une  intention  prophelique  distincte,  pas  plus  qu'on  ne 
cherche  un  sens  moral  sous  chaque  detail  des  paraboles.  Chaque  morceau  doit 
plutot  έtre  envisage  comme  un  tout  ou  I'idee  pent  etre  beaucoup  plus  simple  que 
son  expression  figuree  :  une  multitude  de  traits  plus  ou  moins  etranges  sont  a 
considerer  comme  des  embellissements  purementlitteraires,  pourne  pas  dire  du 
remplissage,  soit  qu'ils  aient  ete  conserves,  par  respect  ou  habitude  de  modeles 
anterieurs,  soit  que  Tauteur  les  ait  imagines  pour  augmenterTimpression  drama- 
tique  de  ses  visions.  On  voit  done  que,  pour  I'une  ou  I'autre  raison,  il  ne  faut 
prendre  a  la  lettre  que  ce  qui  ne  peut  etre  pris  autrement.  J'oserais  m^me  otendre 
cette  regie,  en  certains  cas,  aux  successions  de/?er/oife*qu'afrectionnent  les  Apo- 
calyptiques;  le  Voyant  ne  s'attend  pas  toujours  a  ce  qu'elles  se  suivent  dans  un 
ordre  aussi  clair  et  rigoureux  qu'il  I'annonce.  Nous  lisons  dans  le  Baruch  syria- 
que,  xxvii,  13-15,  un  passage  qui,  s'il  n'est  pas  corrompu  serait  bien  instructif, 
a  cet  egard.  Dieu  annonce  au  prophete  que  le  temps  de  la  tribulation  sera  divise 
en  douze  periodes.  «  Et  dans  la  douzieme  periode  [il  y  aura)  melange  et  confu- 
sion de  tout  ce  qui  a  ete  nomine  ci-de<^ant  {en  fait  de  fleaujc).  Mais  les  periodes 
de  ce  temps-la  sont  reservees;  et  elles  seront  melees  I'une  avec  Vautre^  et  s'ap- 
puieront  Γ  une  I'autre.  Car  quelques-unes  laisseront  de  cote  [une  part)  de  ce  qui 
[revient)  a  vous  [Juifs)  et  prendront  de  [ce  qui  appartient)  a  d'autres;  et  d'autres 
completeront  ce  qui  ret^ient  a  vous  et  a  d'autres;  en  sorte  que  ceux  qui  seront 
sur  la  terre  en  ces  jours-la,  ne  remarqueront  pas  que  c'est  la  fin  des  temps.  » 

On  ne  doit  pas  non  plus  considerer  toujours  des  descriptions  qui  se  suivent 
comme  se  rapportant  necessairement  a  des  evenements  distincts  et  successifs. 
Souvent  une  vision  ne  fait  que  donner  une  nouvelle  forme  a  I'objet  d'une  vision 
precedente,  ou  le  generaliser,  ou  en  developper  une  partie.  Ces  repetitions  sont 
tres  sensibles  dans  les  sept  visions  de  IV  Esdras,  et  la  recapitulation,  procede 
sur  lequel  nous  aurons  a  nous  etendre  longuement  plus  tard,  ne  repugnait  nulle- 
ment  au  genre  apocalyptique. 

Une  fois  que  I'onpossede  ces  principes  d'interpretation,  on  risque  moins  d'etre 
desoriente  et  decourage  par  un  symbolisme  qui  pourrait  ne  produire  sans  cela 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    l'aPOCALYPSE.  XXXI 

qu'une  impression  de  vacarme  et  de  chaos.  Mais  une  autre  condition  est  neces- 
saire;  on  ne  penetrera  pas  le  sens  des  symboles  si  I'on  n'en  a  fixe  les  origines. 

§  II.  —  Origine  des  symboles  apocalyptiques. 

Beaucoup  de  critiques  se  sent  attaches  a  ce  travail,  et  c'est  justice  de  recon- 
naitre  qu'ils  ont  abouti  a  des  donnees  certaines  pour  Tensemble,  malgre  I'obscu- 
rite  qui  voile  encore  telle  ou  telle  image  particuliere.  Get  etonnant  langage  alle- 
gorique  presente,  en  eifet,  une  assez  grande  homogeneite.  Les  trois  quarts  des 
textes  apocalyptiques  sont  tissus  des  memes  lieux  communs,  dont  Finterpretation 
n'est  pas  tres  difficile  quand  on  connait  I'epoque  et  I'intention  des  auteurs.  Nous 
ne  voulons  pas  dire  que  jamais  ils  n'aient  cree  eux-memes  telle  'narration  ou  telle 
metaphore;  mais  leur  originalite  est  assez  restreinte,  et  leur  part  personnelle 
consiste  bien  plus  dans  Tagencement  d'images  deja  connues,  ou  dans  la  trou- 
vaille de  quelque  variation  sur  un  theme  consacre_,  que  dans  I'usage  d  'allegories 
d'un  genre  nouveau, 

Les  critiques  font  deriver  le  langage  apocalyptique  de  cinq  ou  six  sources  :  recits 
de  la  Bible  et  propheties  canoniques,  poesie  populaire  des  Israelites,  description 
figuree  des  evenements  contemporains  de  I'auteur,  religions  et  mythes  etrangers, 
enfin  pure  fantaisie.  11  est  aise  de  les  reduire  encore.  D'abord  la  fantaisie 
personnelle,  nous  I'avons  dit,  est  assez  rare,  ces  ecrivains  n'etant  pas  des  crea- 
teurs;  I'histoire  de  leur  temps  se  revetait  des  memes  formes  conventionnelles  que 
celle  du  passe;  I'emprunt  direct  d'un  mythe  paien  est  pen  frequent,  si  ce  n'est 
chez  les  Sibyllins;  quant  aux  images  traditionnelles  de  la  poesie  populaire,  elles 
se  retrouvaient  aussi  dans  la  Bible,  et  leur  origine  remonte  a  des  mythes  que 
Ion  pent  dire  pai'ens  parce  qu'ils  etaient  communs  aux  Juifs  et  a  d'autres  peuples ; 
mais  ils  avaient  perdu  chez  les  premiers,  a  cette  epoque,  leur  sens  polytheiste. 
II  reste  done,  en  fin  de  compte,  deux  genres  de  sources  :  la  tradition  historique 
et  religieuse  des  Juifs,  qui  a  fourni  le  germe  de  presque  toutes  les  idees,  et  un 
ensemble  mythologique  assez  varie  qui  a  donne  presque  toujours  le  vetement 
allegorique. 

A  la  premiere  source  se  rattachent  specialement  les  images  du  Paradis 
terrestre,  frequemment  employees  pour  peindre  la  felicite  des  justes  a  la  fin  des 
temps;  la  personnification  des  cites  ou  des  nations  sous  forme  aafenunes^  comme 
dans  les  prophetes;  la  partie  non  fantastique  de  I'Angelologie;  et  la  description 
de  nombreuses  calamites  qui  rappellent  les  plaies  d'Egypte,  en  d'autres  recits  du 
Pentateuque;  enfin  le  jugement  eschatologique  exerce  par  Dieu  ou  par  le  Messie. 
Quant  aux  images  tirees  directement  de  I'observation  de  la  nature,  de  la  vie  et 
de  I'industrie  humaines  —  car  il  s'en  rencontre  toujours  quelques-unes,  meme 
dans  les  genres  les  plus  conventionnels,  —  on  n'en  trouverait  guere  une  dans 
toutes  nos  Apocalypses  qui  ne  fiit  deja  dans  la  Bible,  ou  qui  ne  soit  partout. 

Les  sources  mythologiques  du  symbolisme  sont  extromement  varices ;  cepen- 
dant  on  pout  dire  qu'elles  se  ramenent  a  une  certaine  unite  dans  le  folk-lore  de 
I'Asie  Anterieure,  tel  qu'il  etait  constitue  deja  plusieurs  siecles  avant  notrc  ere, 
de  la  Babylonie  jusqu'a  I'Anatolie  et  la  Judee.  C'est  dans  la  tradition  populaire 
que  les  Apocalyptiques  aurontpuise.  Sans  doute  les  Sibyllins  ont  m61e  consciem- 
mentla  mylhologie  grecque  aux  traditions  bibliques;  leur  fiction  le  leur  imposait. 


XXXII  INTRODUCTION. 

Mais  il  est  fort  invraisemblable  a  priori  que  les  autres  apocryphes  anciens  aient 
rien  emprunte  de  parti  pris  aux  legendes  dcs  sanctuaires  paiens,  ou  aux  ecrits  de 
fausses  religions  qu'ils  abhorraient.  Les  panbabylonistes  ne  sauraient  contredire 
cette  assertion.  Si  nos  ecrivains  presentent  nombre  de  traits,  de  descriptions,  ou 
mome  d'idees,  etrangers  a  la  Revelation,  et  paralleles  aux  mythes  des  Gentils, 
c'est  qu'ils  les  trouvaient  deja  dans  I'usage  courant  de  leur  peuple.  Encore  faut-il 
ajouter  que  ces  mythes  n'ont  jamais  altere  le  fond  de  leur  religion  monotheiste,  spiri- 
tualisee  comme  Ton  sait  dans  la  periode  post-exilienne.  lis  ont  reduit  cet  apport 
du  paganisme  a  Tetat  de  purs  symboles,  d'embellissements  litteraires,  tout  an 
plus  de  logendes  inoifensives,  comme  celles  de  Behemoth  et  Leviathan.  La  com- 
munaute  d'origine  des  Israelites  et  des  autres  Semites  explique  deja  a  elle  seule 
la  presence  d'un  certain  nombre  de  themes  communs  dans  les  croyances  populaires 
du  peuple  juif  et  dans  la  mylhologie  babylonienne  par  exemple  :  ainsi  Tidniat  et 
le  Thannin.  Emigres  en  Palestine,  les  Hebreux  y  vocurent  cote  a  cote  avec  les 
populations  cananeennes,  qui,  ainsi  quen  font  foi  Farcheologie  et  les  lettres  de 
Tell-el-Amarna,  subissaient  depuis  des  siecles  I'intluence  de  Babylone;  jusqua 
la  destruction  de  Jerusalem  par  Nabuchodonosor,  les  descendants  de  Jacob, 
comme  on  le  voit  dans  les  livres  des  Juges,  de  Samuel  et  des  Rois,  et  par  les 
eloquenles  objurgations  des  Prophetes,  cederent  continuellement  a  la  tendance 
de  fondre  la  religion  de  Jahweh  avec  les  cultes  et  les  moeurs  des  paiens  depos- 
sedes,  ou  des  nations  voisines  (1).  Apres  leur  deportation  a  Babylone,  ils  se  trou- 
verent  en  contact  avec  une  culture  beaucoup  plus  developpee  que  la  leur,  cul- 
ture dont  les  lettres  et  les  arts  ne  purent  manquer  d'exercer  sur  eux,  a  leur  corps 
defendant,  une  certaine  seduction.  Enfin,  apres  lareconstitution  de  la  nation  juive, 
les  tentatives  d'hellenisation  exercees  par  les  rois  Seleucides,  et  la  frequence  des 
rapports  avec  TEgypte  grecque,  ont  bien  du  laisser  quelques  traces,  malgre  la 
vicloire  des  Macchab^es,  dans  les  idees  et  I'imagination  du  peuple.  Toutes  ces 
influences  paiennes,  s'exer^ant  a  differentes  epoques,  expliquent  assez  qu'il  y  eut 
chez  les  Juifs  un  lot  considerable  de  traditions  poetiques  ou  legendaires  appa- 
rentees  a  celles  des  paiens,  traditions  que  la  restauration  religieuse  d'Esdras,  oula 
domination  des  Asmoneens,  d'ailleurs  tres  vite  mondanisos,  n'avait  pu  detruire 
dans  les  masses  populaires. 

Le  fond  le  plus  ancien  n'etait  done  autre  que  les  mythes  proto-semitiques 
communs  a  Babylone,  a  Canaan,  et  aux  ancetres  arameens  des  Hebreux.  Plus 
tard,  apres  la  captivite  de  Babylone,  le  contact  avec  les  Perses,  dont  Taction 
religieuse  s'etendit,  avant  Alexandre,  tres  profondement  dans  I'Asie  Mineure,  dut 
encore  enrichir  les  traditions  populaires.  On  croit  qu'au  moins  I'angelologie 
d'apres  Texil  s'en  est  ressenlie.  Enfin,  depuis  Alexandre,  Thellenisme  entre  aussi 
en  action.  II  serait  vain,  dans  bien  des  cas,  de  chercher  a  demeler  ces  diverses 
influences.  Au  reste,  I'hellenisme  des  derniers  siocles  s'etait  melelui-mome  a  tant 
d'elements  orientaux,  comme  on  le  voit  surtout  a  sa  mythologie  astrale,  que  le 
plus  sage  est  de  s'en  tenir,  pour  caracteriser  les  sources  du  symbolisme  en  cause, 
a  la  designation  vague  deja  apportee  :  le  folk-lore  de  I'Asie  Anterieure,  tout  a 
fait  syncretique,  tel  quil  existait  vers  le  iv^  et  le  ni"=  siecles  avant  Jesus-Christ. 

(1)  Voir  sur  ce  point  Gressmann,  Ursprung  tier  israelittsch-judischen  Eschatologie,  qui, 
d'ailleurs,  a  un  grand  nombre  de  vues  p6netrantes,  mele  une  considorable  divination. 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XXXIII 

Pour  la  plupart  des  critiques,  les  deux  elements  etrangers  principaux  seraient 
le  babylonien  et  I'iranieii.  Nous  pouvons  bien  I'admettre,  surtout  pour  ce  qui  est 
du  premier,  mais  sans  leur  assigner  un  role  trop  predominant.  II  est  certain  que 
la  religion  astrale  babylonienne  contribua  a  la  survivance  de  cette  philosophic 
naturiste  pour  laquelle  les  corps  celestes  sont  des  etres  animes.  Les  Apocalypses 
cosmologiques  fondent  volontiers  les  etres  du  monde  physique  avec  les  agents 
du  monde  moral  et  spirituel ;  non  seulement  elles  connaissent,  comme  du  reste 
aussi  les  Apocalypses  historiques,  des  Anges  du  feu,  des  eaux,  des  vents,  meme 
des  animaux  (chez  Hennas),  mais  elles  aiment  a  representer  les  esprits  dechus 
et  punis  comme  des  etoiles  [Hen.  eth.,  xviii,  xxi,  xli,  xliii,  etc.).  Le  V Sib.  et  le 
livre  hebreu  d'Elie  decrivent  une  bataille  curieuse  des  constellations  du  zodiaque. 
On  ne  voit  pas  clairement  si  c'est  la  pur  symbolisme,  ou  si  ce  ne  sont  pas  des 
restes  d'une  philosophie  naturiste  qui  regardait  les  corps  celestes  comme  des 
etres  superieurs  intelligents.  En  tout  cas  I'influence  de  la  mythologie  babylo- 
nienne, avec  ses  dieux  planetaires  et  ses  genies,  est  incontestable,  quel  qu'en  soit 
le  degre.  L'astronomie  babylonienne,  degagee  d'ailleurs  de  toute  conception 
scientifique  reelle,  et  reduite  a  des  vues  populaires  sur  I'ocean  celeste,  le  zodiaque, 
la  voie  des  dieux,  est  reconnaissable  dans  toutes  les  descriptions  du  ciel,  sejour 
du  Tres-Haut. 

C'est  pour  cela  sans  doute  que  les  nombres  jouent  un  si  grand  role  dans  toute 
cette  imagerie.  Les  sept  cieux  des  planetes,  les  douze  signes  zodiacaux,  ont 
contribue  a  faire  dominer  les  chiiTres  sept  et  douze  dans  la  plupart  des  calculs 
apocalyptiques.  II  est  vrai  qu'on  pent  assigner  d'autres  raisons  a  cette  preference, 
et  parler  des  douze  mois,  des  douze  tribus  d'Israel,  des  sept  jours  de  la 
semaine,  etc.  Nous  avons  de  grands  doutes,  pour  notre  part,  sur  Torigine 
premiere  du  nombre  sacre  7.  Peut-etre  a-t-il  ete  distingue  d'abord  en  raison  du 
nombre  de  jours  des  phases  lunaires,  plutot  que  du  compte  des  planetes,  ou  des 
etoiles  de  la  grande  Ourse,  encore  moins  des  Pleiades,  qui  dut  etre  beaucoup  plus 
tardif.  II  etait  d'ailleurs  repandu  dans  le  monde  grec  (grace,  dit-on,  a  certains 
elements  du  culte  d'Apollon  peut-etre  venus  d'Asie)  (1),  aussi  bien  que  parmi  les 
Semites.  Mais  enfin  il  se  rattache  toujours,  d'une  maniere  ou  de  I'autre,  a  I'obser- 
vation  des  astres.  Le  nombre  guatre,  frequent  aussi,  est,  non  plus  astronomique, 
mais  «  cosmographique  »  :  les  quatre  points  cardinaux,  ou  «  quatre  vents  du 
ciel  »,  les  quatre  parties  de  I'univers,  ciel,  terre,  eaux,  et  Hades.  L'emploi  de 
dix  ct  de  ses  multiples  n'a  d'autre  raison  que  le  systeme  decimal,  en  usage 
depuis  les  temps  immemoriaux  ou  Ton  a  appris  a  compter  sur  les  dix  doigts. 
Trois  apparait  aussi  a  tout  propos.  parce  que  c'est  une  multiplicite  tres  simple. 

Puisque  nous  en  sommes  au  chapitre  des  nombres,  indiquons  tout  de  suite  le 
sens  qu'il  faut  leur  attacher  dans  les  Apocalypses.  Ce  que  nous  venons  de  dire 
montre  d'abord  assez  qu'ils  ont  tous  ete  choisis  respectivement  pour  des  raisons 
particulieres,  sans  consideration  aucune  de  leurs  mutuels  rapports  arithme- 
tiques.  De  la  nous  serons  autorises  a  conclure,  dans  tel  ou  tel  cas,  qu'ils  n'ont 
qu'une  valeur  schematique  et  ne  designent  pas  toujours  une  quantite  stricte- 
ment  delimitee.  Sepl  et  douze   n'auront  souvent  d'autre  sens  que  celui  de  la 

(1)  Voir  AHW,  1'J12,  3  et  Ί  II.  P.  NiLSSON,  Die  ilUeste  griechische  Zeifrechnung;  Apollo 
and  (lev  Ovieni. 

yVPOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  C 


XXXIV  INTRODUCTIOX. 

plenitude  normale ;  trois  ei  demi,  moitie  de  sept  (et  peut-^tre  six  =  sept  moins 
un)  significra  quelque  chose  de  precaire  et  decourte;  dix,  une  quantite  qui 
n'est  pas  a  dedaigner,  sans  etre  tres  grande;  ηιΐίΐβ,  au  contraire,  une  multitude 
quasi  indefinie.  A'^oila  du  moins  ce  que  Ton  pent  croire  quand  on  les  rencontre 
isoles,  sans  que  le  contexte,  ou  Tobjet  de  la  narration  determine,  comme  sou- 
vent  il  arrive  dans  les  apocryphes,  qu'ils  sont  a  prendre  a  la  lettre.  Les  chiffres 
n'ont  done  pas  de  valeur  morale  et  mystique  comme  dans  la  philosophie  pytha- 
goricienne;  ils  indiquent  bien  diverses  multiplicites,  non  des  qualites  myst^- 
rieuses.  Toutefois,  ils  ne  servent  pas  uniquement  a  compter,  selon  leur  destina- 
tion naturelle,  mais  encore  a  designer  tel  objet  ou  tel  personnage,  dont  quelque 
motif  empeche  de  dire  le  nom  ouvertement.  C'est  le  procede  curieux  appele 
chez  les  rabbins,  qui  en  faisaient  un  frequent  usage,  gematria  (geometrie).  II  ne 
leur  etait  pas  propre,  d'ailleurs,  mais  connu,  semble-t-il,  dans  tout  le  monde 
antique,  puisqu'on  a  trouve  de  pareilles  devinettes  jusque  parmi  les  graffiti 
de  Pompei.  La  «  gematria  »  se  basait  sur  ce  que  les  lettres  ont  une  valeur  nume- 
rique  dans  la  plupart  des  anciens  alphabets,  notamment  le  grec  et  I'hebreu.  Au 
lieu  de  designer  quelqu'un  par  son  nom,  on  faisait  I'addition  des  lettres-chifTres 
de  ce  nom,  et  on  le  designait'  alors  par  son  «  chiffre  »,  afin  que  le  nom  put 
6tre  decouvert  seulement  par  les  habiles. 

Ce  procede  elementaire,  en  se  compliquant,  donna  naissance  a  une  veritable 
mystique  des  nombres,  d'origine  non-pythagoricienne.  Des  nombres  parfaitement 
homogenes,  comme  88S,  ou  666,  attirerent  I'attention,  et  cette  symetrie  due  au 
hasard  put  etre  prise  comme  une  harmonie  etablie  providentiellement  pour 
signifier  quelque  caractere  de  la  personne  dont  ils  etaient  le  chifTre.  On  connait 
avec  plus  de  certitude  encore  la  speculation  sur  les  chiffres  des  noms,  dite 
Isopsephie  (ίσος,  ψήφος).  L'egalite  de  deux  noms  en  valeur  numerique,  ou  d'un 
nom  propre  et  d'une  epithete,  passa  pour  le  signe  d'une  identite,  d'une  analogie, 
d'un  rapport  de  caractere  entre  ceux  qui  les  portaient,  ou  bien  d'une  predes- 
tination de  ces  personnages  a  jouer  tel  ou  tel  role.  La  gomatria,  sous  ses 
diverses  formes,  n'est  pas  rare,  surtout  dans  les  livres  sibyllins;  nous  aurons  a 
y  revenir  longuement  a  propos  du  chiffre  de  la  Bete,  au  commentaire  du  ch.  xiii 
de  I'Apocalypse  Johannique. 

Pour  en  revenir  a  la  mythologie  babylonienne,  elle  parait  done  avoir  fourni 
principalement  de  nombreux  traits  dans  les  descriptions  celestes,  puis  tout  un 
symbolisme  astral,  surtout  en  angelologie,  enfin  des  nombres  et  des  calculs. 
Ce  sera  elle  egalement,  a  moins  que,  pour  eviter  des  precisions  hasardeuses, 
nous  n'aimions  mieux  parler  ici  de  mythes  protosemitiques,  qui  aura  fourni  les 
montagnes  fantastiques,  les  metaux  et  pierres  precieuses,  I'image  de  Veau  de 
la  vie  (cfr  Adapa  et  Gilgatnesch),  et  la  premiere  idee  des  inonstres  symboliques 
arrives  a  representer  des  peuples  ou  des  personnages  historiques.  Noe  [Hen. 
eth.  65)  va  trouver  son  ancetre  Henoch  comme  Gilgamesch  s'en  fut  chercher 
Ut-Napistim.  Le  mythe  d'Apsou  et  de  Tiamat  a  pu  inspirer  I'idee  des  eaux  mas- 
culines et  feminines  du  deluge,  dans  les  Paraboles  d'Henoch,  54-58. 

II  est  plus  difficile  de  preciser  Tapport  de  la  mythologie  iranienne.  On  en  a 
beaucoup  abuse  en  ces  dernieres  annees.  11  est  possible  qu'elle  ait  exerce  une 
influence  sur  I'angelologie.  Qu'il  faille  du  moins  la  compter  au  nombre  des 
sources  secondaires  de  notre  symbolisme,  cela  parait  certain.  Donnons-en  seu- 


MATERIAUX  SYMBOLIQUES  DE  L  APOCALYPSE.  XXXV 

lement  deux  indices,  d'apres  le  livre,  aujourd'hui  perdu,  d'FJdad  et  Modad,  at  le 
Talmud  de  Babylone,  b.  Sanhedrin,  97''.  Le  premier  ecrit,  d'apres  le  Targum 
du  Pseudo-Jonathan  sur  le  livre  des  Nombres,  xi,  26  sqq.  disait  qu'apres  la 
defaite  du  roi  de  Magog  les  ressuscites  d'Israel  se  repaitront  avec  delices  du 
«  taureau  »  qui  a  ete  reserve  pour  eux  des  le  commencement.  On  ne  peut 
s'empecher  de  penser  au  taureau  de  Mithra,  et  a  la  deuxieme  immolation  de 
cet  animal  divin  au  benefice  des  elus  (v.  Cumont,  les  Mysteres  de  Mithra^ 
p.  121);  Ton  fera  aussitot  le  rapprochement  avec  la  fonction  nutritive  reservee 
dans  I'eternite  au  couple  Leviathan-Behemoth.  Dans  le  Talmud,  une  lettre  de 
Rabbi  Khanan  ben  Takhlifa  a  Rabbi  Joseph  parle  d'un  rouleau  «  trouve  dans  les 
cachettes  des  Perses  »  ou  il  etait  question  des  combats  apocalyptiques,  et 
des  7000  ans  de  la  duree  du  monde  (v.  Lagraxge,  Messianisme,  p.  208). 

Les  emprunts  directs  a  des  traditions  egyptiennes  nous  paraissent  beaucoup 
plus  douteux  dans  les  anciens  apocryphes.  Ce  n'est  pas  qu'il  manque  de  paral- 
leles;  mais  ces  traits-la  se  retrouvent  dans  les  mythes  d'autres  nations  (1). 
Les  influences  grecques  sont  plus  saisissables,  surtout  dans  les  descriptions 
du  monde  des  morts,  que  I'Orphisme  avait  si  soigneusement  elaborees.  Ainsi  les 
fleuves  infernaux  d'Henoch  lxxxvii,  6.  Les  «  phdnix  »  que  I'Henoch  slave  et  le 
Baruch  grec  piacent  parmi  les  creatures  celestes  decelent  aussi  la  meme 
source,  si  ces  figures  n'etaient  pas  plutot  d'origine  orientale.  Inutile  de  rappeler 
que  les  Sibyllins  sont  pleins,  comme  il  convenait,  de  mythologie  hellenique. 
On  a  meme  voulu  retrouver  dans  cette  idee  apocalyptique,  que  le  sort  final  du 
monde  repondra  a  ses  commencements,  une  transposition  des  periodes  stoi- 
ciennes ;  on  sait  qu'au  debut  de  chacune  I'univers,  apres  son  embrasement, 
ΓΙκπύρωσκ;,  doit  se  reconstituer,  et  reprendre  son  cours  jusqu'a  un  embrasement 
nouveau.  Mais  la  chose  est  peu  probable  :  car  la  «  palingenesie  »  des  Apoca- 
lypses repond  a  une  tout  autre  idee  :  ce  sera  la  constitution  du  monde  dans  un 
etat  definitif,  immuable,  et  non  le  recommencement  d'une  vie  destinee  aussi  a 
perir;  les  Juifs  n'avaient  pas  I'idee  du  «  Retour  eternel  ».  Quant  aux  periodes  a 
travers  lesquelles  le  monde  doit  s'acheminer  vers  s^i  fin,  elles  se  rapprocheraient 
plutot  des  diverses  phases  de  la  lutte  d'Ormuzd  et  d'Ahriman  dans  la  religion 
perse.  Mais  ce  peut  n'έtre  qu'une  coincidence ;  I'idee  de  la  division  de  I'histoire 
en  periodes  pouvait  germer  sur  plusieurs  points  tout  a  fait  spontanement.  Dans 
les  Apocryphes  juifs  et  Chretiens,  elle  esttres  souvent  calquee  sur  la  Semaine  de 
la  Creation  (cfr.  Hen.  si.  xxxiii,  1  sqq.). 

Cette  breve  esquisse  donnera  I'idee  de  la  couleur  generale  revetue  par  la  «  tra- 
dition apocalyptique  ».  Dans  le  commentaire,  nous  aurons  a  elucider  bien  des 
points  particuliers.  On  voit  deja  que  le  depart  des  diverses  influences  etrangeres 
n'est  pas  facile  a  faire  toujours;  d'autant  plus  que  le  syncretisme  des  traditions 
etait  deja  fort  avance  dans  toute  I'Asie  anterieure,  des  les  debuts  de  I'^poque 
hellenistique.  II  n'importe  que  relativement,  du  reste,  de  savoir  si  tels  symboles 
viennent  d'Egypte  plutot  que  de  Perse,  de  Grece  plutot  que  de  Chaldee. 
puisque  tous  nos  auteurs,  Juifs  tres  orthodoxes,  n'ont  pu  les  adopter  qu'en 
d^pouillant  ces  figures  de  tout  sens  incompatible  avec  I'enseignement  biblique 

(1)  Bien  entendu  qu  il  en  est  autretnent  dans  les  apocryphes  tardifs,  au  teinps  oCi  floris- 
salent  la  gnosc  et  I'lierraotisme. 


XXXVI  INTRODUCTION  . 

sur  I'unite  et  la  providence  toute-puissantedu  Dieu  de  leurs  peres.  Comrae  d'ail- 
leurs  ils  n'ont  guere  emprunte  directement,  Tepuration  avail  deja  dil  se  faire 
dans  les  gon^rations  anterieures  de  leur  race. 

§  III.  —  Essai  de  synthase  de  la  «  Tradition  apocalyptique  ». 

Nous  pouvons  maintenant  essayer  de  tracer  une  sorte  de  synthese  de  la 
tradition  apocalyptique,  en  reunissant  les  traits  gen^riques  epars  dans  les 
divers  ecrits.  Ils  donnent  des  revelations  sur  Dieu,  sur  le  monde  invisible,  tant 
celeste  qu'infernal,  sur  la  conduite  providentielle  de  I'histoire,  et  enfin  sur  Tescha- 
tologie. 

1.  Le  Monde  celeste. 

Au-dessus  de  la  terre  s'etagent  plusieurs  cieux,  generalement  sept^  d'apres 
la  cosmologie  courante  en  Orient.  Au  sommet  de  tons,  Dieu  trone  en  un  mer- 
veilleux  sdjour,  dans  I'eclat  des  flammes,  la  transparence  du  cristal,  et  I'etincel- 
lement  des  pierres  les  plus  precieuses.  L'aspect  du  Tres-Haut  est  parfois 
depeint  en  quelques  traits  fort  sobres  qui  expriment  sa  majeste  et  son  eternite. 
Mais  sa  demeure  est  longuement  decrite  dans  un  tres  grand  nombre  d'ouvrages 
[Henoch,  eth.,  xiv,  xxxix-sqq.,  lxxi;  Hen.  sL,  Bar.  syr.,  IV  Esd.,  Ap.  Ahra^ 
ham,  etc.).  Ce  sejour  de  splendour,  pour  Bousset  et  bien  d'autres  critiques, 
n'est  autre  que  la  «  ville  celeste  »  assyro-babylonienne,  posee  sur  les  eaux  supe- 
rieures,  rOcean  d'en  haut  (Te^^  Levi).  On  y  trouve  des  fleuves  (Voie  lactee?) 
ainsi  dans  Hen.  sL,  viii.  Varbrede  i'/eyfleurit  [Apoc.  Mo'ise  xxviiietc),  a  moins 
qu'il  ne  soit  laisse  dans  I'Eden  terrestre  [Hen.^  Test.  Levi^  Test.  Dan).  D'ailleurs 
on  remarque  une  analogic  frequente  entre  le  Paradis  de  la  Genese  et  le  ciel 
supreme.  I^a  subsistent  les  exemplaires,  ou  plutot  les  vraies  et  durables  realites 
des  choses  terrestres,  comme  le  Temple  [Test.  Levi;  Par.  Hen.,  liii  ;  Odes  de 
Salomon;  Talmud  et  Midraschim,  etc.),  le  ciel  et  la  terre  forment  comme 
deux  mondes  paralleles,  dont  le  deuxieme  est  I'imitation  tres  pale  de  I'autre 
[Hen.  si.  vjii;  Asc.-Is.,  vii,  10  etc.).  La  vraie  Jerusalem,  qui  a  eto  cr^ee  des 
le  principe,  y  etale  sa  splendeur,  pour  etre  revelee  aux  justes  en  son  temps 
[Hen.  xc,  29'f  Hen.  si.  lv;  Bar.  syr.  iw;  JV  Esd.  vii ;  Livre  d'Etie  hebraique, 
ΒένέΙαΙίοη  de  Simeon  ben  Jochai,  etc.).  Les  apocalyptiques  et  les  rabbins 
croyaient-ils  vraiment  a  cette  preexistence  et  a  ces  dedoublements,  et  leur  Ian- 
gage  realiste  materialise-t-il  de  bonne  foi  les  types  eternels  des  choses,  d'apres 
Γ  «  exemplaire  montre  a  Moise  sur  la  montagne  »  dans  le  Pentateuque?  ou  bien 
n'y  faut-il  voir,  au  moins  chez  la  plupart  d'entre  eux,  que  le  χοσμο;  νοητός  des 
Platoniciens  dont  Tinfluence  sur  ces  conceptions  n'est  guere  douteuse?  Au  moins 
dans  Bar.  syr.  c.iv,  la  Jerusalem  celeste  parait  bien  etre  materielle. 

Aupres  de  Dieu,  dans  les  Paraboles  d' Henoch,  siege  VElii  ou  le  Fils  de 
I'Homme  qui  jugera  un  jour  le  monde.  G'est  la  conception  la  plus  voisine  du 
christianisme,  elle  se  retrouve  aussi  dans  IV  Esdras,  et  derive  probablement  de 
la  vision  de  Daniel,  vii.  Cette  figure  est  celle  du  Messie,  mais  d'un  Messie  trans- 
cendant  et  cree  avant  le  monde. 

Dieu  est  environne  d'une  innombrable  multitude  d'Anges,  qui  lui  rendent 


I 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XXXVII 

leurs  services,  conime  dans  unecourorientale,  et  chantentseslouanges,  ou  atten- 
dant ses  ordres  pour  aller  les  accomplir  a  travers  le  monde.  A  la  tote  de  ces 
armees  sont  les  Archanges,  au  nombre  de  six  ou  de  sept,  ce  qui  a  fait  penser  aux 
Ameshas  Spentas  de  I'Avesta,  ou  aux  dieux  planetaires  de  Babylone.  Hen.  sL, 
XIX,  2,  les  met  bien  en  rapport  avec  les  etoiles.  La  chose  n'est  pas  invraisem- 
blable,  si  I'origine  de  ce  nombre  est  a  chercher  dans  Ezechiel,  ix,  puisque  ce 
prophete  prenait  force  images  dans  le  milieu  οΐι  il  vivait.  Us  sont  souvent 
designes  par  leurs  noms,  et  tous  enumeres  dans  Hen.  eth.,  xx,  cfr.  xc  :  Michel, 
Gabriel,  Raphael,  Uriel,  Raguel,  Saraqiel,  Remiel.  Les  Par.  Hen.  n'en  nom- 
ment  que  quatre  :  Michel,  Gabriel,  Raphael.  Phannuel ;  et  VHen.  si.  trois 
seulement  :  Michel,  Gabriel,  Prafuel  ou  Vretel.  Le  Pasteur  a'Hermas  en  comp- 
tera  six,  les  rabbins  six  ou  sept.  Le  premier  de  tous  est  Michel,  ministre  de 
Dieu  {Hen.  eth.  Hen.  sL,  Bar.  grec,  Asc.  Is.,  rabbins)  qui  est  I'Ange  gardien 
et  le  chef  d'Israel,  d'apres  Daniel,  χ  et  xii  [Hen.  eth.,  Test.  Levi,  Test.  Dan, 
rabbins).  Partiellement  identiques  aux  Archanges  sont  les  Faces,  ou  Anges  de 
la  Face,  qui  sont  les  quatre  nommes  dans  les  Par  Hen.  (cfr,  Jubiles,  Test. 
Levi.,  Test.  Juda,  etc.).  —  D'autres  categories  d'Anges  sont  les  Soraphins 
[Isaie,  vi)  les  Cherubins,  et  les  Ophannim  ou  «  Roues  ».  Ces  derniers,  qui  appa- 
raissent  pour  la  premiere  fois  dans  Ezechiel,  i,  15  sqq.,  x,  9  sqq.  entourent  le 
trone  de  Dieu.  lis  nedorment  jamais,  cfr.  les  Egregores  ou  Veilleurs  d'Honoch; 
les  yeux  toujours  ouverts  qui  remplissent  leur  corps  circulaire  indiquent  bien 
Torigine  astrale  de  cette  image.  Quant  aux  Cherubins,  ils  meritent  une  explica- 
tion un  peu  detaillee,  a  cause  du  chapitre  iv  de  notre  Apocalypse. 

On  connait  assez  les  Kirubi  assyriens,  ces  taureaux  ailes  a  face  humaine 
qui  gardaient  les  palais.  Le  propitiatoire  de  I'arche  d'alliance,  congu  comme 
le  trone  de  la  Majeste  de  Johovah,  etait  surmonte  de  deux  cherubins  aux  ailes 
etendues.  Aussi,  dans  les  descriptions  anthropomorphiques  de  la  poesie  he- 
brai'que,  cantiques  et  psaumes,  Dieu  est-il  souvent  represente  comme  porte  par  les 
Cherubins  aux  lieux  ou  il  veut  se  manifester  par  des  theophanies.  Ce  pourrait 
etre  une  personnification  poetique  des  vents  (1) :  «  Qui  facit  angelossuosspiritus, 
Ps.  CIV  (cm),  4  (dans  I'hebreu,  qui  fait  des  vents  ses  messagers) ;  noter  aussi  le 
parallelisme  du  Ps.  xviii  (xvii),  11  :  «  Ascendit  super  Cherubim  et  volavit  —  Vola- 
\it  super  pennas  ventorurn.  »  Ezechiel  decrivit  ces  cherubins  comme  une  com- 
binaison  des  divers  genies  ailes  dont  il  pouvait  admirer  a  Babylone  les  grandes 
figures  sculpturales  (c.  i,  cfr.  c.  ix,  3  le  Cherubin).  En  plagant  entre  eux  les 
«  Ophannim  »,  il  semble  que  sa  vision,  aussi  obscure  d'ailleurs  que  saisissante, 
lui  ait  montre  Jehovah  assis  sur  un  char  dont  les  Ophannim  sont  les  roues,  et 
que  les  Cherubins  tirent  a  travers  le  monde ;  c'est  toujours  I'ancienne  image, 
mais  enrichie  et  compliquee  de  symboles  babyloniens.  V Apocalypse  de  Mo'ise, 
ecrit  tardif,  il  est  vrai,  en  a  retenu  I'origine  quand  elle  parle  du  «  char  des 
Cherubins  »  (c.  22)  et  montre  le  Seigneur  raontant  sur  son  char,  tire  par  les 
vents  que  menent  les  Cherubins  (c.  38).  Enfin  on  connait  les  speculations  post^- 


(1)  La  classification  des  Anges,  dans  la  thoologie  catholique  (v.  S.  Thomas,  Sum.  I'  pars, 
q.  cviii)  n'esl  pas  solidaire  des  Apocryphes;  elle  ne  se  sert  que  des  noms  trouves  dans  la  Bible, 
et  explique  rationnellennont  les  distinctions  des  esprits  purs  par  leur  degro  d'inlelleclualito 
et  la  diversito  de  leurs  roles  possibles  d'agents  divins. 


XXXVIII  INTRODUCTION. 

rieures  de  la  Cabale,  sur  le  Char,  le  Merkabd  de  Dieu.  —  Ezechiel  avail  donne 
a  ses  Cherubins  le  nom  d'animaux,  niTl,  a  cause  de  leur  forme  symbolique.  Ce 

lerme  devint  technique  pour  designer  une  categorie  d'Anges  tres  eleves,  ceux-la 
momes  que  leur  fonction  rapproche  le  plus  de  la  Divinite,  et  la  mention  en  est 
frequente  dans  les  ecrits  des  rabbins  (1).  lis  apparaissent  dans  VHenoch  hebra'i- 
que,  et  beaucoup  d'autres  produits  de  la  meme  litterature;  Maimonide  et  beau- 
coup  d'autres  auteurs  juifs,  les  placeront  au  sommet  des  dix  ordres  angeliques. 
Puisqu'ils  tiraientle  char  de  Dieu,  on  peut  aussi  bien  les  concevoir  comme  soute- 
nant  son  trone  dans  limmobile  majeste  du  ciel.  L'Apocalypse  johannique  (c.  iv) 
les  representera  dans  ce  role;  mais  cette  figure  ne  lui  est  pas  propre,  et  devait 
etre  deja  traditionnelle,  car  on  la  trouve  aussi  dans  VApocalypse  d'Ahraham 
(c.  xviii)  qui  voit  dans  le  ciel  supreme  une  foule  d'hommes  aux  formes  chan- 
geantes,  quilouent  Dieu;  autour  du  trone,  des  creatures  aux  yeux  innombrables, 
qui  chantent;  et,  sous  le  trone,  quatre  animaux  de  feu,  ayant  respectivement 
quatre  faces  et  six  ailes,  et  qui  chantent  aussi;  dans  la  legende  grecque  de  Tilsr. 
y*.  il  est  question  des  ζώα  ύποΟρόνια  (2),  «  animaux  porte-trone  »,  au  cinquieme 
ciel. 

Parmi  ces  etres  superieurs,  il  en  est  qui  offrent  a  Dieu  [Test.  Levi,  al.)  les 
prieres  et  les  oblations  de  I'humanite,  remplissant  ainsi  le  role  d'intercesseurs. 
Dans  les  Paraboles  d'Henoch,  apparait  un  grand  esprit  qui  est  VAnge  de  la 
Paix;  de  meme  Test,  de  Dan.  D'autres,  repandus  dans  les  cieux  inferieurs,  et 
meme  sur  la  terre,  president  aux  divers  phenomenes  de  la  nature,  de  la  terre 
et  des  eaux  [Jub.,  Hen.,  Hen.  si.  al.),  mais  principalement  au  cours  des  astres. 
Les  etoiles  sont  mues  par  des  Anges ;  mais  souvent  elles  s'identifient  avec  les 
Anges  eux-meraes,  bons,  mauvais  [Hen.,  Hen.  si.,  Asc.  Is.  etc.).  Plus  d'une  fois 
les  Anges  punis  sont  representee  sous  cette  forme  Hen.  eth.  (xviii,  xxi,  lxxx); 
dans  le  Sib.  V,  et  le  Livre  d'Elie  hebraique,  on  voit  les  etoiles  se  livrer  entre 
elles  des  combats.  Le  caractere  babylonien  de  ces  fictions  nest  pas  douteux, 
quand  meme  ce  ne  seraient  que  des  tropes  poetiques. 

Dans  les  cieux  inferieurs,  les  prophetes  qui  ont  voyage  en  ces  hautes  regions 
ont  rencontre  beaucoup  d'autres  esprits  mythiques  ou  fantastiques  :  ainsi  le 
phenix  gros  comme  neuf  montagnes,  qui,  dans  le  Baruch  grec,  preside  au 
cours  du  soleil  (c.  iv,  v,  vi);  les  anges  qui,  sous  forme  d'agneaux  et  de  taureaux, 
menent  le  char  de  la  lune;  les  oiseaux,  qui,  au  iv^ciel,  chantent  les  louanges 
du  Createur  (ibid.,  cc.  ix,  x).  Ou  enfin  les  phenix  et  les  Chalcadres  (??)  qui, 
dans  VHenoch  slave,  completent  cette  menagerie  supra-terrestre.  Parfois  les 
voyageurs  y  trouvent  aussi  les  receptacles  des  ^mes  justes;  mais  au  firmament 
ils  rencontrent  ^galement  les  mauvais  esprits,  ces  «  spiritu^lia  nequitiae  quae 
sunt  in  coelestibus  »,  comme  dit  saint  Paul  aux  Ephesiens. 

2.  Le  Monde  infernal. 

On  pourrait  faire  sans  doute  ici  un  rapprochement  avec  ces  Archontes  cnnemis 
de  I'homme,  qui  furent  si  familiers  aux  gnostiques  comme  chefs  et  gardiens 

(1)  Voir  Weber,  Jiidische  Theologie,  pp.  168-suiv.,  174-205. 

(2)  Asc.  Isa'ie,  traduction  Tisserant,  p.  221.  Legende  grecque,  n,  20;  cfr.  Bar.  syr.,  ii,  11. 


JVIATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XXXIX 

des  spheres  siderales,  les  memes  peut-^tre  que  saint  Paul  deja,  sans  s'attarder 
a  contredire  le  point  de  vue  de  lecteurs  chez  qui  il  voulait  seulement  combattre 
le  faux  culte  des  puissances  angeliques,  identifiait  avec  les  esprits  damnes.  Et, 
si  Ton  remontait  aux  premieres  origines,  peut-etre  faudrait-il  parler  des  gar- 
diens  des  portes,  dans  la  «  Descente  d'lslitar  aux  enfers  »,  ces  etres  terribles 
ayant  graduellement  emigre  vers  les  spheres  d'en  haut  (1).  Mais  nous  n'enten- 
dons  point  disserter  la-dessus,  et  nous  constatons  simplement  que  cerlaines 
parties  des  cieux  sont  considerees,  dans  nos  Apocryphes,  comme  le  domaine, 
et  au  besoin  le  lieu  de  chatiment,  des  puissances  malfaisantes.  Entre  autres 
le  Baruch  grec  voit  au  troisieme  ciel  un  Dragon  prodigieux,  qui  n'a  pas  moins 
de  six  kilometres  de  long,  et  semble  une  figure  a  la  fois  cosmique  et  morale  : 
il  boit  les  eaux  de  la  mer,  devore  la  chair  des  impies,  et  son  ventre  est  lOrcus. 
Les  diables,  dans  le  Testament  de  Benjamin^  VHenoch  slave,  V Ascension  d'Isaie, 
habitent  le  firmament  sous  Ic  premier  ciel  et  meme  des  regions  plus  elevees 
[Asc.  Isa'ie]  d'ou  ils  tentent  les  hommes;  apres  le  grand  jugement,  ce  sont 
eux  qui  executeront  le  chatiment  des  coupables.  Leur  chef,  Satan,  appele  aussi 
Mastenia,  etc.  accuse  les  hommes  aupres  de  Dieu,  Jub.,  Par.  Henoch,  Talmud 
et  Midraschim.  11  est  encore  d'autres  categories  d'esprits  maudits  et  nefastes, 
les  Veilleurs  rebelles,  les  V^eilleurs  qui  out  fornique  avec  des  femmes  avant  le 
Deluge,  les  ames  des  Geants  qui  furent  engendres  de  cette  union,  les  Sirenes, 
epouses  des  Veilleurs,  les  etoiles  prevaricatrices.  On  en  trouve  la  mention  plus 
ou  moins  detaillee  dans  Henoch  ethiopien,  Jubiles,  Baruch  syriaque.  Des 
noms  propres  apparaissent,  comme  Azazel,  Semyaza  et  beaucoup  d'autres. 
Hen.,  Lxix,  en  tout  une  trentaine.  11  en  est  qui,  au  lieu  de  circuler  encore  libre- 
ment,  comme  les  esprits  de  Satan,  sont  deja  enchaines  dans  des  lieux  de  tor- 
tures, au  ciel,  sur  terre  ou  dans  I'Abime. 

L'origine  de  leur  malice  et  de  leur  damnation  est  souvent  indiquee,  ainsi 
pour  les  Veilleurs  et  les  etoiles;  car  il  ne  semble  pas  qu'aucun  de  ces  etres, 
creatures  de  Dieu,  soil  mauvais  par  nature.  Henoch  slave  (c.  29)  parle  de  la 
chute  d'un  Archange,  qui  doit  etre  Satan  en  personne  :  avec  I'ordre  angelique 
auquel  il  commandait,  il  s'est  revolte,  voulant  follement  elever  son  trone  au-dessus 
des  nuees,  et  jaloux  de  la  puissance  de  Dieu.  Mais  il  a  ete  precipite  en  has 
avec  ses  Anges,  et  rode  continuellement  dans  I'atmosphere  inferieure. 

Enfin,  dans  certains  cieux  ou  dans  les  enfers  se  trouvent  les  prisons  des 
hommes  damnes.  Henoch  y  voit  des  fleuves  de  feu  qui  rappellent  ceux  du  Tar- 
tare  des  Grecs. 

3.  La  terre,  et  les  evenements  terrestres. 

Tous  les  evenements  terrestres,  et  meme  le  sort  de  chaque  individu,  sont  fixes 
de  toute  eternite  au  ciel.  La  se  trouvent  des  livres,  —  comparablcs  aux  tablettes 
babyloniennes  passees  d'Anou  a  Mardouk  dans  le  Poeme  de  la  Creation  —  ou 
tous  les  destins  sont  consignes.  Les  uns  contiennent  le  cours  general  du  monde 
et  de  I'histoire  humaine  [Henoch  elh..  Hen.  si.,  Jub.,   Test.  Levi,  Test.  Aser, 

(1)  Gfr.  le  recit  de  la  descente  du  Christ  a  travers  les  cieux,  Irompant  chaque  fois  les  Angcs 
pr^posos  a  leur  garde,  dans  Υ  Asc.  d'lsa'ie,  ch.  x. 


XL  INTRODUCTION. 

Asc.  Is.,  etc.),  d'autres  les  decrets  concernant  le  salut  ou  la  damnation  des 
individus  (momes  livres,  Baruchy  plus  tard  Testament  d'Abraham,  Apocalypse 
de  Paul,  Pirke  Aboth,  rabbins,  Hennas'). 

La  direction  des  peuples  a  ete  confiee  a  des  Anges,  au  nombre  de  soixante-dix 
(les  70  Pasteurs),  d'apres  Henoch,  Jab.,  Test.  Nephthali  hebreu,  les  Targitms, 
les  Midraschim,  etc.  Dans  Henoch,  Lwre  des  Songes,  cc.  lxxxix  et  xc,  Israel 
lui-meme  est  livre  a  ces  Pasteurs,  qui  le  gouvernent  mal  et  le  font  detruire 
par  les  betes  sauvages,  ce  pourquoi  ils  seront  jetes  dans  le  feu  eternel.  Deja 
le  livre  canonique  de  Daniel  avait  parle  de  I'Ange  des  Perses  (x,  13)  en  contes- 
tation avec  le  protecteur  du  peuple  elu,  et  de  I'Ange  des  Grecs. 

Le  cours  du  monde  est  divise  en  perioies,  dont  le  plus  grand  nombre  sc 
sont  deja  ecoulees  au  temps  de  Fauteur  reel.  Dans  les  anciens  apocryphes,  elles 
sont  au  nombre  de  dix,  de  douze,  de  quatorze  (7  X  2),  mais,  vers  le  temps 
de  I'Apocalypse,  c'est  la  division  en  sept  4ges,  d'apres  I'Heptameron  de  la 
Gen6se,  qui  semble  avoir  domine  (//ewocA  s  «ce,  peut-^tre  IV  Esdras,  vii,  plus 
tard  Epttre  de  Barnabe,  Testament  d'Abraham,  Livre  d'Adam  armenien, 
anciens  Peres).  II  faut  les  entendre  comme  six  milliers  d'annees,  suivis  du 
sabbat  du  monde,  I'Age  messianique.  Hen.  si.  et  Barnabe  en  ajoutent  un  liui- 
tieme,  indefini,  qui  est  la  vie  future.  D'une  fagon  plus  generale,  il  faut  distinguer 
aeuxdges  ou  slides  :  le  r\^r\  oSiyn,  et  le  xan  diVT]  des  rabbins.  Tous  les  apo- 
cryphes, mome  les  plus  anciens,  enseignent  que  le  monde  present  sera  detruit 
ou  Iransforme;  ceux  du  premier  et  du  second  siecle,  qui  sont  franchement 
pessimistes,  distinguent  les  deux  ^ges,  ou  eons,  en  termes  explicites,  et  meltent 
entre  eux  I'opposition  la  plus  violente.  D'ailleurs  tous  considerent  VAge  present, 
dans  la  plupart  de  ses  periodes,  comme  le  temps  du  crime  et  de  la  douleur. 
Le  peuple  de  Dieu  doit  s'y  defendre  contre  les  Gentils  au  prix  des  luttes  les 
plus  sanglantes,  il  est  generalement  opprime  par  eux;  et  meme,  au  sein  de  ce 
peuple,  les  mauvais  pasteurs  et  les  mauvaises  brebis  persecutent  le  troupeau 
fidele  {Henoch,  Livre  des  Songes,  al.).  Une  tendance  assez  commune  est  de 
representer  les  peuples,  surtout  les  peuples  hostiles,  sous  la  figure  aaniniaux, 
et  c'est  ici  le  lieu  d'expliquer  ce  symbolisme,  qui  tient  une  grande  place  dans 
FApocalypse  inspiree. 

Tantot  I'allegorie  sen  tient  a  des  metaphores  tres  naturelles;  ainsi,  dans 
le  livre  cite  de  I'llenocli  ethiopien,  les  nations  ennemies  sont  des  loups,  des 
pores  sauvages,  des  aigles,  des  eperviers,  des  corbeaux.  Mais  il  est  aussi  cer- 
taines  figures  de  monstres  hybrides  et  elTrayants,  dont  I'origine  est  certainement 
mythique,  et  oil  la  plupart  des  critiques  veulent  retrouver  le  Dragon  babylonien, 
ou  au  moins  la  posterite  de  cette  deite  malfaisante.  II  n'y  a  plus  qu'un  pas  a 
faire  pour  rendre  les  Apocryphes,  puis  I'Apocalypse  de  Jean,  suspects  de  syn- 
crelisme  religieux. 

La  chose  n'est  pas  si  claire,  cependant.  Qu'on  en  juge. 

La  poosie  biblique,  dans  les  Psaumes,  les  Prophetes,  le  livre  de  Job,  presente 
des  figures  qui  ont  certainement  de  I'analogie  avec  la  Tidmat  de  VEnuma  elis. 
Mais  il  faudrait  d'abord  s'entendre  sur  la  portee  et  la  diffusion  de  ce  mythe, 
puis  ne  pas  le  meler  a  dautres  qui  n'ont  rien  a  faire  avec  lui.  11  est  assez  evident 
que  la  monstrueuse  deesse  Ti4mat  (avec  son  epoux  Qingu)  represente,  non  pas 
les  intemperies  de  la  mauvaise  saison,  mais  la   mer  primitive  et  chaotique, 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XLI 

domptee  par  Mardouk,  le  lumineux  Demiurge.  Mais  le  mythe  du  Poeme  de  la 
Creation  est-il  primitif?  Sans  doute  des  bas-reliefs  et  des  cylindres  representent 
la  victoire  de  Bel  ou  de  Mardouk  remporlee  sur  divers  monstres,  dragons,  lions, 
griffons,  mais  tous.  contrairement  a  Tiamat,  sont  du  sexe  mascalin;  il  en  est  de 
m^me  du  musrussu  de  la  porte  d'Islitar  a  Babylone,  du  musmahha  a  sept  tetes 
mentionne  dans  un  hymne  a  Ninib  (Zimmern,  KA.T•^  504,  512),  et  d'autres 
figures  du  meme  genre  qu'on  n'a  aucune  raison  plausible  d'identifier  a  Tiamat, 
la  funeste  grand'mere  des  dieux.  11  faut  certainement  admettre  I'existence  en 
Babylonie  de  vieux  contes  narrant  la  victoire  remportee  par  quelque  dieu  bien- 
faisant  sur  un  mechant  dragon ;  ils  pouvaient  avoir  de  nombreuses  variantes,  et 
les  origines  etre  tres  diverses  d'une  localite  a  I'autre ;  mais  le  sens  cosmogonique 
donne  au  triomphe  de  Mardouk  dans  I'epopde  de  I'Enuma  Elis  peut  bien  n'otre, 
suivant  le  P.  Lagrange,  qu'une  allegorie  savante,  aussi  artificielle  que  la  theo- 
gonie  d'Hesiode  [Etudes  sur  les  religions  semitiques"^,  p.  377).  Dans  la  mytho- 
logie  ou  les  contes  populaires  de  tous  les  pays,  on  retrouve  des  traditions  sem- 
blables.  Elles  sont  parfois  arrivees  a  prendre  une  importante  valeur  religieuse, 
comme  le  mythe  d'Indra  et  de  Vrtra  dans  I'lnde,  de  R4  et  d'Apophi,  d'Horus 
et  de  Setli  en  Egypte,  pour  ne  parler  que  de  ceux-la,  qui  otaient  peut-etre 
naturistes  et  etiologiques  des  lOrigine;  mais  ils  ont  un  sens  tout  different  de 
celui  de  Mardouk-Tiamat,  et  ne  paraissent  nuUement  en  dependre  directement, 
ni  avoir  des  sources  communes.  Peut-etre  faut-il  en  dire  autant  des  figures  du 
mome  ordre  qui  apparaissent  dans  la  poesie  des  Hebreux. 

Le  Dinn  [abyssus  du  chap,  i"  de  la  Genese)  signifie  bien  la  mer  primitive, 
chaotique,  et  le  mot  Thehoni  est  identique  a  Tidrnat;  mais  le  recit  des  sept  jours 
n'a  aucune  couleur  de  mythologie ;  Elohim  n'est  pas  en  lutte  centre  les  elements 
primordiaux,  et  ceux-ci  ne  sont  pas  personnifies.  La  «  mer  primitive  »  peut  bien 
etre  une  conception  proto-semitique,  commune  aux  Babyloniens  et  aux  Hebreux; 
mais  elle  n'aurait  ete  personnifiee  sous  son  nom  propre  de  Ti^mtu  que  par  les 
premiers.  D'autres  monstres  de  la  tradition  hebraique  apparaissent  dans  la 
Bible,  qui  ont  plus  de  rapports  avec  la  mer  ou  les  eaux,  mais  qui  ne  portent  pas 
le  nom  de  la  deesse.  C'est  Rahah,  dans  Isa'ie,  li,  9-10;  Ps.  lxxxix,  10-15;  Job, 
IX,  13,  XXVI,  12-13;  Ps.  lxxxvii,  4;  Isaie,  xxx,  7  (lire  ηηϊΓΏΠ  nm  au  lieu  de 
n2U?  DH  2m  :  Rahab  assise,    qui  ne  fait  rien?),  ou   encore   Ps.  xl  (α>:3Πΐ  = 

idoles,  faux  dieux  consideres  comme  des  etres  monstrueux).  Puis  Leviathan 
fameux  dans  Job;  Ps.  lxxiv,  12-19,  il  a  plusieurs  tetes;  Ps.  civ,  25-26;  Job, 
XL-XLi,  crocodile  depeint  avec  des  traits  mythiques;  in,  8  (οΐι  il  fant  lire  Di, 
«  mer  »,  au  lieu  de  d1\  «  jour,  »  Gunkel);  Isaie,  xxvii,  1,  oii  il  represente  trois 
puissances  politiques.  Ensuite  Behemoth,  le  monstre  des  fleuves,  la  b6te  des 
roseaux  de  Job  xl,  cfr.  Ps.  lxviii,  31,  les  T\:i'p  ni^n,  image  expliquee  par  les 
mots  suivants  Qtay  iS!;2  anas,  (au  lieu  de  dIQ!;  iSayi)  «  les  forts,  dominateurs 
des  peuples  ».  Behemoth  forme  un  couple  avec  Leviathan.  II  y  a  encore  le  p^n,  ou 

dragon  personnification  des  thehomoth,  les  vagues  de  la  mer,  dans  Job,  vii,  12; 
Ezechiel,  xxix,  3-6;  xxxii,  2,  \e  serpent,  uJnJ  qui    mord    dans  la  mer,  Amos, 

IX,  2-3.  Rahab  est  un  monstre  marin  vaincu  par  Dieu,  et  image  de  I'Egypte; 
Leviathan  est  aussi  une  sorte  de  poisson  fabuleux,  qui  a  plusieurs  t^tes  et  paut 


XLII  INTRODUCTIOX. 

bouleverser  la  mer;  Dieu  I'a  egalement  ecrase  et  subjugue.  II  en  est  ainsi  du 
Thannin,  ou  Dragon.  Behemoth  semble  un  hippopotame  hyperbolique.  Tous  ces 
monstres  ont  certainement  une  orignie  mythique,  chez  les  ancetres  des  Hebreux; 
il  existait  sans  doute  un  mythe,  ou  plusieurs  mythes,  sur  le  «  serpent  de  mer  »  et 
les  monstres  des  fleuves.  Mais  ce  n'est  ni  la  mer  immense,  comme  Tiamat,  ni  les 
eaux  des  inondations  en  general.  Ce  mythe.  degrade  a  Tepoque  historique,  vide 
de  tout  sens  religieux  ou  cosmologique,  nous  le  trouvons  reduit  a  I'etat  soit  de 
conte  populaire,  comme  les  gros  animaux  de  Job,  soit  de  personnification  ροέ- 
tique  des  ilots  de  TOcean,  quand  il  s'agit  de  faire  ressortir  la  puissance  de  Dieu 
sur  la  nature,  soit  d'embleme  des  puissances  poliliques  orgueilleuses  et  cruelles, 
ennemies  ou  alliees  trompeuses  d'lsrael,  de  I'Egypte  principalement.  Ce  sont  des 
lieux  communs  litteraires,  qui  n'ont  aucune  portee  mythologique,  encore  moins 
religieuse,  et  n'offrent  que  des  analogies  bien  lointaines  avec  les  personnages 
du  «  Poeme  de  la  Creation  ». 

Quant  aux  aulres  monstres,  tels  que  le  serpent  Python  des  Grecs,  I'Azhi- 
Dahaka  de  la  mythologie  pehlvie,  Loki  ou  le  serpent  Midgard  des  Scandinaves, 
nous  en  parlerons  en  temps  et  lieu.  lis  ont  encore  moins  de  rapports  que  Tiamat 
avec  le  folklore  hebraique. 

Ces  considerations  un  peu  longues  ont  pour  but  de  nous  mettre  a  meme  d'ap- 
precier  justement  la  zoologie  symbolique  des  Apocryphes.  Rien  ne  demontre 
qu'elle  soit  plus  mythologique,  dans  sa  signification  actuelle,  que  les  images 
bibliques  expliquees  ci-dessus.  Le  Dragon  celeste  du  Baruch  grec  pourrait  etre 
cosmique,  par  exception;  mais  il  parait  surtout  jouer  un  role  moral,  pour  la 
punition  des  impies  :  c'est  I'enfer,  ou  le  diable,  a  cause  du  serpent  de  la  Genese. 
Le  Dragon  a  sept  tetes  de  VOde  de  Salomon  xxii,  qui  rappelle  a  la  fois  le  mus- 
mahhu,  le  Thaunin  et  Leviathan,  est  certainement  le  chef  des  esprits  mauvais,  en 
un  sens  qui  n'a  rien  de  paien,  Ailleurs,  dans  le  //*  Psaume  de  Salomon,  le  dragon 
represente  Pompee,  qui  avait  pris  Jerusalem ;  ceci  se  rattache  tout  a  fait  a  I'ha- 
bitude  biblique  de  personnifier  les  puissances  hosliles  en  Rahab,  Thannin  ou 
Leviathan.  Quant  a  ^'^i^/'e  fantastique  de  IV  Esdras,  c.  xi,  qui  represente  sans 
aucune  equivoque  I'Empire  romain,  c'est  une  figure  construite  de  toutes  pieces 
pour  Tallegorie,  a  I'image  d'Ezechiel  XVII,  et  probablement  a  tete  reposee;  elle 
part  dime  metaphore  toute  designee,  a  cause  des  «  aigles  romaines  ». 

Une  observation  s'impose  done  :  la  tradition  des  monstres  cosmiques,  a  cou- 
leur  babylonienne,  a  laisse  des  traces  plus  pauvres  encore  dans  FApocalyplique 
juive  que  dans  la  Bible.  11  est  par  consequent  impossible  de  la  suivre  ininter- 
rompue  depuis  VEnuma  ^//s  jusqu'a  I'Apocalypse  de  saint  Jean.  Celle-ci,  en  plus 
du  Dragon,  representera  bien  I'Antechrist  et  le  faux  prophete  sous  la  forme  d'ani- 
maux  fabuleux  (c.  xiii).  Mais  le  prototype  de  cette  vision  est  difiicile  a  chercher 
plus  haut  que  Daniel,  chap,  vii,  ou  les  empires  paiens,  qui  doivent  faire  place  au 
Fiis  de  rhomme  (le  Messie  et  la  domination  des  saints),  apparaissent  comme  des 
animaux  effroyables  et  composites ;  pourtant,  par  leurs  traits  fondamentaux,  ils 
ressortissent  encore  du  symbolisme  animal  tout  ordinaire  et  naturel,  tel  qu'on 
le  trouve  au  chapitre  xc  d'Henoch;  leur  caractere  composite  pent  tres  bien  s'etre 
form^  pour  la  premiere  fois  dans  I'esprit  de  I'auteur  sacre,  peut-etre  par  analogic 
avec  des  representations  figurees  qu'il  aurait  vues. 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XLIII 

4.  L'Eschatologie. 

Le  passage  du  siecle  present  au  siecle  futur  sera  precede  de  signes,  de  mani- 
feetations  de  la  colere  de  Dieu,  avec  les  anges  ordinairement  pour  executeurs. 
Dans  I'ensemble,  si  emphatique  qu'en  soil  la  description,  elles  ne  sortent 
guere  des  lieux  communs  que  Ton  trouvait  deja,  mais  traites  avec  iin  talent 
plus  sobre  et  plus  vrai,  chez  les  Prophetes  :  la  guerre,  la  peste,  la  famine, 
les  tremblements  de  terre,  la  secheresse,  I'obscurcissement  ou  la  chute  des  lumi- 
naires  celestes.  Certains  apocryphes,  voulant  rencherir  et  renouveler  le  sujet, 
y  ont  joint  des  traits  fantaisistes  qui  ne  renforcent  pas  beaucoup  I'impression  : 
le  soleil  apparaissant  la  nuit,  et  les  etoiles  le  jour,  les  pierres  qui  suent  du  sang, 
les  enfants  qui  naissent  avec  des  cheveux  blancs,  des  glaives  dans  le  ciel  qui  ne 
sont  que  des  cometes,  etc.  Le  trait  le  plus  notable,  ce  sont  les  persecutions  des 
justes  et  la  fuite  au  desert  [Ass.  Mo'ise,  Elie  copte,  rabbins,  etc.). 

Dans  tout  I'exposo  de  la  matiere  precedente,  nous  pouvions  reconnaitre,  sous 
toutes  les  variantes,  une  certaine  unite  de  tradition,  due'  partie  aux  origines  bibli- 
ques,  partie  au  folklore  asiatique,  source  commune  ou  tons  les  Apocryphes 
puisaient  plus  ou  moins.  11  n'en  va  plus  de  mdme  quand  on  arrive  a  la  ruine  ou 
a  la  transformation  du  monde,  et  aux  conditioas  de  la  vie  future.  C'est  qu'ici  la 
Bible  donnait  peu  de  renseignements,  et  les  religions  paiennes  encore  moins. 
Desormais  nous  avons  affaire  a  des  traditions  d'ecoles,  divergentes,  souvent 
inconciliables,  qu'on  trouve  pourtant  juxtaposees,  non  seulement  dans  les  com- 
pilations de  documents  d'ages  divers,  telles  qu'Henoch,  mais  chez  des  ecrivains 
reflechis  comme  I'auteur  de  IV  Esdras,  qui,  ne  sachant  trop  laquelle  etait  la 
meilleure,  a  pris  le  parti  d'en  presenter  plusieurs  heterogenes. 

Ainsi,  malgre  la  forte  tradition  messianique  des  Prophetes,  le  Messianisme 
reste  tres  diversement  compris.  Tous  s'accordent  a  attendre  la  renovation  du 
monde  promise  par  le  Dieu  de  leurs  peres.  lis  croient  aussi  que  FUnivers,  pour 
arriver  a  la  felicite  derniere,  passera  par  une  seriede  dures  epreuves,  les  douleurs 
d'enfantement  du  siecle  futur  (ώδϊνες  του  Μεσσίου,  les  ΝΙΤΊΓΏ"  iSnn  du  rabbinisme). 
Ces  Ueaux,  chose  a  noter,  epargneront  parfois  les  Juifs  et  les  justes  (ainsi  Bar. 
syr.  XXIX,  2;  lxxi,  1).  Quant  a  la  personne  meme  du  Messie,  elle  est  presentee 
sous  des  aspects  tres  divers,  ainsi  que  son  role.  II  est  des  Apocalypses  qui  se 
passent  de  lui  jusqu'a  ne  pas  le  mentionner  :  ainsi  la  premiere  partie  ^'Henoch 
[Introduction  et  Lwre  angehlogique,  1,  xxxvi,);  de  meme,  dans  Henoch,  la 
partie  appel^e  Lwre  de  VExhortation  et  de  la  malediction  (Martin)  ou  Livre  de 
la  Sagesse  d' Henoch  (Lagrange).  Par  contre,  il  est  transcendant  a  I'humanile,  et 
existe  deja  au  ciel,  aupres  de  Dieu  (qui  va  jusqu'a  I'appeler  «  mon  Fils  »,  dans 
IV  Esdras,  xiii,  32,  37,  52;  xiv,  9;  vii,  28,  29).  Par.  Hen.,  IV  Esd.,  sans  doute 
Assumption  de  Moise,  x,  2;  et  V  Sib.  au  vers  414;  mais,  s'il  doit  descendre  sur 
la  terre,  il  n'y  prendra  pas  une  autre  nature,  il  n'est  question  jamais  d'«  incarna- 
tion ».  La  figure  du  Messie,  au  contraire,  est  tres  effacee  dans  le  livre  des  Jubi' 
las,  qui,  par  exception,  etant  ecrit  au  temps  le  plus  florissant  des  Asmoneens, 
est  optimiste  et  semble  croire  Tage  messianique  commence  des  son  epoque;  on 
dirait  une  simple  concession  a  la  prophetic  ancicnne.  Les  Testaments,  dontlefond 
remonte  a  la  meme  date,  s'occupent  surtout  de  gloriiier  Ldvi;  le  Messie  dc  la 


XLIV  INTRODUCTION. 

tribu  de  Juda,  qui  semble  n'avoir  rien  de  transcendant  dans  sa  nature  (v.  Testa- 
ment de  Joseph,  et  ailleurs,  passim),  y  est  bien  eclipse  par  les  grands  pr6tres 
levitiques  (1).  Le  Messie  des  chapitres  Hen.  eth.  lxxx-xc  [Lwre  des  Songes),  le 
«  taureau  blanc  »  qui  assure  le  triomphe  des  brebis  fideles,  ne  vient  pas  du  ciel 
davantage.  Pour  Sib.  Ill,  c'estun  roi  qui  vient  dusoleil  άπ'  ήελίοιο,  cad.  de  I'Orient 
(au  vers  652).  Dans  les  Psaumes  de  Salomon,  xvii  et  xviii,  c'est  un  roi  humain, 
fils  de  David,  plein  des  dons  surnaturels  de  Dieu,  et  dont  la  puissance  pacifique 
et  spirituelle  s'exerce  dans  le  monde  entier,  jusqu'au  fond  des  consciences  (2). 

Au  milieu  des  temps  d'angoisse  qui  precederont  le  triomphe  messianique,  plu- 
sieurs  apocryplies,  tant  juifs  que  Chretiens,  mettent  en  scene  deux  personnages 
qui  se  sont  enracines  dans  la  tradition  ulterieure  :  V Antechrist  et  le  Prophete 
Elie.  Le  premier,  dont  nous  disserterons  a  loisir  dans  des  excursus  du  com- 
mentaire,  est  designe  sous  ce  nom  a  cause  de  la  P*  epitre  de  saint  Jean,  ii,  18; 
IV,  3.  «  Vous  avez  entendu  dire  qu'il  vient  un  Antechrist  »,  quoique  I'Apotre  I'in- 
terprete  tout  autrement  que  d'un  Antechrist  personnel.  Dans  nos  Apocryphes, 
il  apparait,  sous  diverses  formes  :  ou  bien  comme  le  Diable  lui-m^me  operant 
sous  une  forme  visible  au  milieu  des  hommes,  sous  le  nom  de  Belial  [Beliar, 
Berial).  qui  lui  est  donne  en  tant  qu'il  seduit  et  egare  iJubiles,  i,  20;  Test.  Lovi, 
III,  3;  xviii,  12;  cf.  Henoch  si.  xviii,  xxix,  xxxi  :  Martrjre  d'Isa'ie,  Sib.  in, 
v,  175,  sq,  ;  peut-etre  IV  Esd.  v,  6),  et  que  Charles  veut  mettre,  sans  raison 
suffisante,  croyons-nous,  en  rapport  avec  le  Dragon  babylonien.  Ou  bien  c'est  un 
prince  paien,  ennemi  de  Dieu  et  des  fideles,  dont  le  prototype  est  a  chercher  dans 
Antiochus  Epiphane  (Daniel,  viii  et  xi) ;  ainsi  apparait-il  dans  les  Psaumes  de 
Salomon,  η  et  xvii,  dans  Baruch  syriaque,  xxxvi  et  xl;  apres  le  regne  sinistre 
de  Neron,  la  legende  de  sa  survie  et  de  son  retour  futur  fit  considerer  cet  empe- 
reur  comme  I'Antechrist  a  venir,  ainsi  dans  les  Sibyllins  IV  et  V  qui  execrent 
Rome,  appelee  «  Babylone  »  au  livre  V.  Le  Diable  devait  meme  s'incarner  en  lui, 
soit  qu'il  Teut  ramene  d'au  dela  de  lEuphrate  (dans  linterpolation  de  Sib.  Ill,  au 
vers  63)  soit  qu'il  I'eut  ressuscite  [Asc.  Is.  ly,  2-4;  Sib.  \,  aux  vers  28-sqq., 
214-sqq;  Sib.  VIII,  vers  88,  157).  Les  Peres  qui  ont  re?u  cette  tradition  juive  le 
considerent  comme  un  faux  Messie  instrument  du  diable,  qu'il  soit  juif 
[Irenee,  Hippolyte,  Jerome,  Theodoret),  ou  un  empereur  romain,  encore  le  Neron• 
redivivus  [Victorin  de  Petau,  Cyrille  de  Jerusalem).  Certains  Chretiens  le 
dedoubleront  en  empereur  romain  et  Antechrist  juif  de  la  tribu  de  Dan.  [Com- 
modien,  Lactance).  Des  Juifs  en  feront  plus  tard  le  fils  du  diable  et  d'une  femme, 
Simeon  ben  Jocha'i,  Apocalypse  de  Daniel  (3). 

L'Antechrist,  avant  d'etre  vaincu  definitivement  par  Tapparition  de  Dieu  ou  du 
Messie,  trouvera  un  adversaire  dans  Elie  reapparu  au  milieu  des  hommes.  Nous 
etudierons  ce  point  au  commentaire  du  chapitre  xi.  Cette  tradition,  qui  se  rattachc 
a  la  prophetic  de  Malachie  comprise  au  sens  materiel,  parait  avoir  ete  tres 
repandue  dans  le  monde  juif  aux  environs  de  notre  ere,  de  la  elie  passa  aux 
Chretiens.  Hen.  xc,  31  I'insinue;  IV  Esdras,  vi,  26  semble  y  faire  allusion;  le 


(1)  Nous  suivons  ici  I'autonte  du  P.  Lagrange,  Messianisine,  p.  69-suiv.,  contre  Charles, 
dans  la  question  du  messie  personnel  fils  de  Levi. 

(2)  Le  «  Messie  ben  Josepii  »  n'est  qu'une  creation  postorieure  du  rabbinisme. 

(3)  Voir  BoussET,  Der  Antichrist. 


MAIERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XLV 

Dialogue  de  Justin  avec  Tryphon  (viii,  4,  al.)  raffirme.  Le  Talmud,  les  Midras- 
chim,  et  un  grand  nombre  de  rabbins  d'Age  plus  recent  y  adherent.  Beaucoup 
d'auteurs  donnent  a  Elie  un  compagnon,  qui  est  ordinairement  Henoch,  quel- 
quefois  Jeremie  ou  Moi'se  (1);  mais  Tryphon,  le  11^  Sibyllin,  Lactance  nomment 
Elie  tout  seul.  Cette  tradition  est  attestee  par  la  question  des  disciples  au  Sauveur, 
dans  les  Evangiles  synoptiques,  apres  la  Transfiguration;  Jesus  leur  dit  dans 
quel  sens  figure  il  fallait  prendre  la  prophetie  ancienne,  mais  ce  passage  de 
I'Evangile  ne  fut  guere  compris  aux  premiers  siecles. 

L'apparition  du  Messie  mettra  fin  au  siecle  present,  ou  bien  marquera  seule- 
ment  la  transition  entre  le  Regno  du  Mai  et  le  siecle  futur.  Ici  nous  pourrions 
deja  parler  du  Millenarisme ;  mais  il  vaut  mieux  reserver  au  Commentaire  cette 
question,  qui  demande  a  etre  exposee  et  discutee  avec  le  plus  grand  soin.  Disons 
seulement  que  cette  fameuse  theorie  apparait  Henoch,  xci.  Bar,  syr.  xxix,  xl,  et 
IV  Esdras  vii,  xii,  par-ci  par-la  dans  le  Talmud,  et  chez  les  rabbins  du  Moyen 
Age.  La  duree  de  ce  regne  intermediaire,  prelude  do  la  vie  bienheureuse,  est  tres 
variable;  elie  flotte  de  40  ans  [livre  hehreu  d'Elie),  ou  400  {IV  Esdras,  vii),  ou 
1000  [Apocalypse  d'Elie  copte,  chretiens  chiliastes)  jusqu'a  des  centaines  et  des 
milliers  de  siecles  chez  certains  rabbins.  Plusieurs  apocryphes  parlentde  I'attaque 
que  le  royaume  aura  a  subir  de  la  part  de  Gog,  roi  de  Magog  (ailleurs  Gog  et 
Magog),  ce  dernier  ennemi  eschatologique  qu'avait  predit  Ezechiel,  ch.  xxxviii, 
image  peut-etre  inspiree  du  souvenir  de  I'invasion  cimmerienne  en  Asie  Mineure 
et  en  Syrie,  mais  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  mythologique  (2)  [Sib.  Ill,  315  sqq, 
Eldad  et  Modad,  livre  d'Elie  hebraique;  cfr.  Par.  Hen.  au  ch.  lvi,  «  les  Medes 
et  les  Parthes  »,  Bar.  syr.  lxx,  «  les  nations  prepare  es  par  Dieu  »  et  Esd. 
c.  XIII.)  Cette  tradition  se  generalise  dans  le  rabbinisme. 

Le  role  du  Messie  n'est  pas  uniforme.  Dans  certains  apocryphes,  il  est  laisse 
dans  I'ombre,  et  sa  venue  parait  co'incider  seulement  avec  I'amelioration  definitive 
du  monde.  Mais  en  general  il  vient  pour  exercer  lui-meme  le  jugement  de  Dieu 
contre  les  Gentils  et  les  impies,  et  etablir  la  domination  du  peuple  juste.  Quel- 
quefois,  ainsi  dans  la  premiere  partie  a' Hen.  eth.,  c'est  Dieu  lui-meme,  et  tout 
seul,  qui  viendra  ici-bas  perdre  les  mediants,  et  assurer  aux  justcsun  bonheur 
soit  temporel  [Hen.  i-v,  et  vi-xi),  soit  spirituel  et  plus  ou  moins  transcendant, 
sur  la  terre  renouvelee,  dans  Jerusalem  [Hen.  xu-xxxvi).  Les  Jubiles  ne  concoivent 
qu'un  bonheur  terrestre,  dans  les  conditions  actuelles  ameliorees;  les  ames  des 
justes  continueront  a  trouver  le  bonheur  dans  I'Au-dela,  celles  des  impies  a  tomber 
au  Sheol.  Memo  conception,  ou  pen  s'en  faut,  dans  le  corps  des  Testaments; 
les  saints  mangeront  de  Tarbre  de  vie  ( Test.  Levi,  x,  11) :  Dieu  habitera  au  milieu 
d'Israel  [Test.  Levi,  v,  2)  Le  III'^  Sibyllin  ne  parle  ni  du  jugement  dernier,  ni  des 
sanctions  eternelles,  et  le  Messie  n'apportera  a  Israel  que  la  victoire  et  la  paix 
terrestres.  Dans  VAssomption  de  Mo'ise  et  les  Paraboles  d'Henoch,  le  Messie 
donnera  le  ciel  a  Israel,  mais  n'aura  pas  de  regne  terrestre;  dans  ce  dernier 
livre,  c'est  Γ  «  Elu,  »  ou  le  «  Fils  de  I'homme  »  qui  presidera  au  jugement 
dernier,  accompagne  de  la  resurrection  generate.  Son  role  continuera  au  ciel; 

(1)  Noter  toutefoisque,  pour  IV  Esd.,  ii,  18,  les  deux  prophetes  eschatologiques  sont  Isaie 
et  Jeromie. 

(2)  Contre  Gressm.vnn,  Ursprung,  p.  17'i-192. 


XLVI  IXTRODUCTIOX. 

mais,  sur  terre,  il  se  borne  a  cela;  le  Mcssianisme  ancien  est  comme  oublie. 

La  oil  il  est  question  du  regne  intermediaire,  les  trails  qui  y  dominent  sont  ceux 
de  la  felicite  temporelle.  Les  saints  descendront  du  ciel  avec  le  Messie  ct  regneront 
avec  lui  [IV  Esdras,  vii,  28;  Asc.  Isa'ie,  livres  a'EIie)  sur  les  justes  qui  seront 
heureux,  et  se  nourriront  des  chairs  de  Behemoth  et  de  Leviathan  tombos, 
peut-etre  sous  des  influences  perses,  a  ce  role  comestible  (IV  Esd.  vi ;  Bar. 
syr..^  xxix),  ainsi  que  de  la  manne  du  ciel  [Bar.].  La  Jerusalem  celeste,  descendue 
sur  la  terre,  leur  servira  de  lieu  d'habitation  [Esd.,  Bar.  etc.).  Quand  ce  bonheur 
prendra  fm,  par  I'invasion  de  Gog  et  de  Magog  (vide  supra),  ou  meme  la  mort  du 
Messie  et  de  tous  les  hommes  {IV  Esd.  vii),  alors  aura  lieu  le  grand  jugement 
et  la  resurrection. 

La  plupart  des  Apocryphes,  avant  Ic  chiliasme  chretien,  ne  counaissent 
cependant  qu'un  regne  de  Dieu,  soit  terrestre  comme  dans  les  Jubiles,  soit  celeste- 
Quant  a  la  resui-rection,  I'opinion  la  plus  ancienne  n'en  admettait  qu'une,  qu'elle 
fut  pour  les  justes  seuls  (opinion  des  Pharisiens  d'apres  Flavius  Josephe)  ou  bien 
pour  tous  les  hommes.  Mais  Tidee  du  regne  intermediaire  amena  quelques  auteurs, 
comme  nous  le  verrons  plus  tard,  a  en  admettre  deux,  celle  des  justes,  coincidant 
avec  la  descente  du  Messie,  et  I'universelle. 

La  resurrection  genera.le  se  fera  au  son  de  la  trompette  [Apoc.  Abraham, 
cfr.  IV  Esd.  VI,)  Les  Iwres  du  ciel  seront  ouverts  et  consultes  {Henoch,  xc,  Par. 
Hen.,  IV Esd.  vii) ;  les  anges  mauvais  et  les  impies  seront  jetes  dans  la  gehenne 
que  Henoch  nomme  I'abinie  de  feu  ;  les  justes  jouiront  du  bonheur  eternel  dans  le 
ciel,  oudans  la  Jerusalem  nouvelle,  qui  se  presente  souvent  sous  les  momes  traits 
que  le  Paradis  de  la  Genese.  Nous  reviendrons  la-dessus  dans  notre  Commentaire. 

Kappelons  toutefois  qu'un  certain  nombre  d'Apocalypses  ne  pensent  qu'a  un 
bonheur  terrestre  dans  ce  monde  ameliore;  les  Jubiles  xxiii  nient  mέme  la 
resurrection. 

Nous  pourrions  parler  encore  des  speculations  astronomiques,  cosmogra- 
phiques,  comme  celles  d'Henoch  ethiopien;  mais  elles  n'ont  pas  de  portee 
religieuse,  malgre  leur  insertion  dans  un  livre  de  revelations,  et  n'interessent 
que  I'histoire  des  idees  scientifiques  populaires.  II  paraitrait  plus  indique  de 
parler  du  caractere  moral  des  Apocryphes ;  mais  ils  n'ont  rien  de  bien  particulier 
a  ce  point  de  vue;  si  quelques-uns,  fideles  a  lesprit  des  prophetes,  font  place 
aux  Gentils  dans  la  Jerusalem  nouvelle,  cette  place  sera  toujours  bien  restreinte, 
et,  naturellement,  dependra  de  leur  soumission  prealable  aux  Juifs.  Leur  Messie 
est  un  juge,  mais  n'a  guere  I'aspect  dun  Sauveur.  Son  action  est  exterieure 
avant  tout.  Les  Apocalypses  ne  marquent  aucun  progres,  loin  de  la,  de  la  religion 
universaliste  et  interieure,  de  la  foi  qui  agit  par  I'amour.  Toute  leur  exuberance 
est  de  surface,  et  le  fond  religieux  en  reste  glace.  Le  P.  Lagrange  a  raison  de 
dire  :  «  Entre  la  seve  religieuse  des  Ecritures  inspirees  et  le  naturalisme  sense  des 
Grecs,  les  apocalypses  appiraissent  comme  un  genre  faux,  dont  les  ardeurs 
surchauifees  nepeuvent  emouvoir  les  gens  de  sang-froid.  Elles  ont  voulu  se  placer 
entre  ciel  et  terre;  elles  n'ont  ni  I'inspiration  den  haut,  ni  I'attrait  de  la  nature 
et  de  la  vie.  »  {Messianisme,  p.  135.) 

II.  COMPAR.VISON  DES  SY.MBOLES  DE  l'aPOCALYPSE  DE  SAINT  JeAX  AVEC  LA  TRA- 
DITION APOCALYPTIQUE  GENEUALE.  —  Lc  long  apcrQU  quc  nous  venons  de  donner 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XLVH 

etait  utile  et  presque  necessaire,  pour  nous  permettre  d'apprecier  comme  il  con- 
vient  le  symbolisme  de  I'Apocalypse  inspiree.  Ce  livre  a  en  effet  puise  un  grand 
nombre  de  ses  images  au  meme  stock  que  les  autres.  Comme  oeuvre  litteraire, 
on  ne  pent  pretendre  qu'il  soit  tout  a  fait  exempt  des  defauts  du  genre.  Mais  il  a 
mis  cette  imagerie  au  service  d'un  tout  autre  enseignement ;  etnul  de  ceux  qui, 
le  lisant  sans  preventions,  le  comparent  a  I'ensemble  de  cette  litterature,  ne 
peut  meconnaitre  combien  il  est,  au  point  de  vue  humain  et  artistique,  supe- 
rieur  aux  plus  beaux,  fut-ce  a  Esdras.  Pour  ce  qui  est  de  la  valeur  religieuse, 
tout  le  monde  doit  avouer  qu'il  leur  est  simplement  incommensurable,  comme  le 
judaisme  vieilli  Test  au  christianisme  dans  sa  premiere  ferveur.  Si  on  le  compare 
enfm  aux  apocalypses  chretiennes  qui  I'ont  suivi,  on  saisit  toule  la  difference 
qu'il  y  a  entre  le  genie  naturel  sureleve  par  linspiration  divine,  et  I'exaltation 
imaginative  de  «  propheles  »  qui  n'ont  regu  mission  que  d'eux-memes,  ou  d'au- 
teurs  qui  copient  servilement  des  traditions. 

Ce  serait  empieter  sur  le  terrain  du  Commentaire  que  d'enumerer  et  d'expli- 
quer  des  a  present  tons  les  symboles  johanniques.  Nous  ne  voulons  en  donner 
qu'une  vue  d'ensemble,  pour  en  indiquer  les  sources  generales.  Nous  distingue- 
rons  ceux  qui  s.e  rattaclient  soit  a  la  tradition  apocalyptique  commune,  soit  a  la 
Bible,  et  ceux  qui  paraissent  avoir  ate  crees  dans  I'esprit  de  Jean.  Nous  insiste- 
rons  aussi  sur  ce  qui  fait  I'originalite  de  notre  auteur,  dans  I'usage  ou  I'omission 
de  symboles  traditionnels. 

§  I.  —  Jean  et  TApocalyptique  traditionnelle. 

Ce  n'est  pas  seulement  I'emploi  frequent  des  memes  images  qui  montre  que 
I'auteur  de  I'Apocalypse  a  connu  la  tradition  consignee  dans  les  ouvrages  ci-des- 
sus  etudies ;  mais  encore  tel  ou  tel  trait,  qui  ne  se  rovele  qu'a  la  lecture  attentive 
du  texte  original,  peut  s'expliquer  seulement  comme  une  reference  a  des  sym- 
boles consacres  que  nous  ne  retrouvons  cependant  pas  dans  les  autres  ecrits  du 
genre  :  ainsi,  au  c.  xii,  14,  les  «  ailes  du  grand  Aigle  »,  dont  il  n'a  pas  ete  ques- 
tion auparavant;  auc.  x,  3,  «  les  sept  tonnerres  »  qui  font  entendre  leur  voix.  Cet 
aigle  et  ces  tonnerres  sont  determines  par  I'article.  Cetaient  done  des  figures 
deja  connues,  dans  la  tradition  apocalyptique  evidemment. 

La  meilleure  methode,  pour  bien  saisir  similitudes  et  divergences,  c'est  de 
suivre  le  meme  ordre  que  dans  I'etude  precedente,  et  d'examiner  successivement 
les  ensembles  principaux  de  representations  figurees,  relatives  au  monde  celeste, 
infernal,  terrestre,  a  I'eschatologie  et  au  monde  futur. 

1.  Dieu,  la  cour  celeste  et  les  Anges.  —  La  description  de  Dieu  sur  son  trone, 
au  chap,  iv,  est  analogue  a  d'assez  nombreux  tableau.^  a'Henoch,  de  V Apoca- 
lypse d'Abraham,  et  d'autres  ecrits.  Les  quatre  «  Animaux  »  (Cherubins, 
quoique  le  terme  ne  soit  pas  employe),  qui  supportent  le  trone,  peuvent  etre  un 
emprunt  direct,  mais  tres  libre,  au  propliete  Ezechiel.  La  «  mer  de  cristal  »  qui 
s'etend  autour  du  trone,  et  est  melee  de  feu  (xv,  2)  est,  comme  dans  les  autres 
apocalypses,  le  ciel  empyree  des  anciens.  Dans  cet  empyree  se  trouvent  un 
sancluaire  (viu,  15;  xi,  19;  xiv,  15-17;  xv,  5-8);  I'arche  d' alliance  [\i,  19):  un  ou 
deux  autels  (vi,  9;  vm,  3,5;  ix,  13).  La  «  Nouvelle  Jerusalem  »  existe  deja  au  ciel, 
d'ou  elle  doit  descendre  sur  la  terre  (xxi,  10  sq.).  Mais  plusieurs  traits  indiquent 


XLVIII  INTRODUCTION. 

que  cette  ville,  «  Epouse  de  TAgneau,  »  existe  deja  aussi  sur  la  terre;  ainsi  le 
verset  17  du  ch.  xxii  :  «  V Esprit  et  I' Epouse  disent:  Viens!  »  ou  il  s'agit  certai- 
nement  de  TEglise  terrestre.  Les  fideles,  en  maints  passages,  ιηέΓηο  les  fideles 
vivants,  sont  representes  comme  habitant  au  ciel  et  sur  la  terre  a  la  fois ;  on  peut 
dire  que  c'est  Tune  des  idees  maitresses  du  livre.  Par  consequent,  la  localisation 
d'une  ville  au  ciel  est  purement  allegorique,  comnie  la  ville  elle-m^me.  Quand 
elle  sera  descendue  sur  la  terre  (chap,  xxi-xxii),  le  trone  de  Dieu  s'y  trouvera 
encore  (xxii,  3],  quoique  Dieu  n'ait  sans  doute  pas  quitte  le  ciel.  II  n'y  a  done  la 
que  des  diiTerences  de  points  de  vue,  d'autant  plus  que  la  Jerusalem  celeste 
represente  a  la  fois  I'Eglise  triomphante  et  militante  (voir  xxi.  24-27,  et  notre 
commentaire),  tandis  que  la  Femme  du  chap,  xii  ne  figure  I'Eglise  que  dans  son 
etat  militant.  Ainsi  Dieu  est  partout  et  agit  partout.  11  n'est  plus  le  terrifiant 
Isole  du  judaisme  tardif.  Son  action  continue  dans  le  monde  est  figuree  par  les 
7  esprits  qui  se  tiennent  devant  le  trone  (i,  4;  iv,  5)  et  qui  appartiennent  egale- 
ment  a  I'Agneau  (iv,  6).  On  doit  y  voir  sans  doute  le  Saint-Esprit  personnel,  et 
non  les  sept  Archanges  de  la  tradition. 

L'Angelologie  juive  a  ete  extremement  simplifiee,  et  depouillee  de  tout  cet 
aspect  mythologique  qu'elle  avait  pris  aux  derniers  siecles,  sous  des  influences 
etrangeres.  Un  seul  Ange  est  appele  de  son  nom  propre,  Michel,  comme  vain- 
queur  du  Dragon  au  chapitre  xii :  on  n'y  trouve  meme  ni  Gabriel  ni  Raphael.  Des 
myriades  et  des  myriades  d'esprits  bienheureux  entourent  le  trone  de  Dieu. 
Certains  president  aux  phenomenes  de  la  nature,  ont  pouvoir  sur  le  feu  (xiv,  18), 
sur  les  eaux  (xvi,  5) ;  mais  il  n'est  indique  nulle  part  que  les  bons  Anges  aient 
un  rapport  special  avec  les  astres ;  seulement  les  «  7  etoiles  »  (i,  20)  represen- 
tent  allegoriquement  les  Anges  des  7  eglises.  Que  le  «  tiers  des  6toiles  »  du  ciel 
soientbalayeesparla  queue  du  Dragon  (c.  xii),  ce  n'est  pas  une  allusion  si  certaine 
a  la  chute  des  Anges.  Des  esprits  celestes  offrent  a  Dieu  les  desirs  et  les  priere& 
des  hommes  (v,  8;  viii,  3)  :  d'autres  sont  les  agents  du  gouvernement  divin,  et 
les  executeurs  ordinaires,  mais  non  exclusifs,  des  jugements  portes  par  le  Tres- 
Haut  sur  le  monde  et  I'humanite  (les  Anges  des  sept  trompettes,  des  sept 
coupes,  etc.).  11  en  est  enfin  qui  remplissent  les  fonctions  de  guides  et  gardiens 
de  certains  groupes;  car,  en  admettant  que  les  «  Anges  »  d'Ephese  et  des  autres 
eglises  soient  des  personnifications  de  la  communaute  plutot  que  des  personnes, 
angoliques  ou  humaines,  le  nom  qui  les  designe  implique  I'existence,  puis 
I'extension  figuree,  de  la  notion  des  Anges  gardiens. 

On  distingue  dans  leur  armee  les  traces  d'une  hierarchic  de  dignile  et  de  fonc- 
tions. 11  en  est  un,  celui  qui  apporte  au  prophete  le  «  petit  livre  »  contenant 
les  revelations  des  chapitres  xii  et  suivants,  dont  la  description  est  dune  telle 
splendeur  que  son  aspect  est  presque  divin  (c.  x).  Pourtant  ce  ne  sont  tons  que 
de  simples  creatures,  les  «  compagnons  de  service  »  σύνδουλοι,  des  prophetes  et  de 
tous  les  disciples  fideles  de  Jesus  (xix,  10;  xxii,  9).  Jean  mentionne  «  les  7  qui  se 
tiennent  devant  Dieuy»  (viii,  2)  et  qui  recevront  les  trompettes  du  jugement;  ce 
sont  les  Archanges  de  la  tradition.  Deux  autres  categories  de  figures  colestes 
restent  a  demeure  aupres  du  Tres-Haut  :  d'abord  «  les  quatre  Animaux  »  qui 
portent  le  trone.  11  est  evident  qu'ils  repondent,  au  moins  par  leur  origine,  aux 
Cherubins;  mais  on  peut  douter  que,  dans  le  sens  propre  a  Jean,  cette  figure 
represente  des  pcrsonnalites  angeliques;  elle  peut  n'etre  qu'une  personnification 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  XLIX 

des  operations  de  Dieu  ad  extra,  qui  s'exercent  aux  quatre  points  cardinaux, 
c'est-a-dire  dans  I'univers  entier.  L'autre  categorie  est  celle  des  «  2k  vieillards  » 
porteurs  de  couronnes  et  de  coupes,  qui  entourent,  assis  en  cercle,  le  trone  de 
Dieu,  et  entonnent  des  cantiques  a  chaque  grand  deploiement  de  sa  puissance 
surl'humanite.  Comme  ils  lui  offrent  aussi  des  «  parfums,  qui  sont  les  prieres 
des  saints  »  (v,  8),  ils  jouent  le  rolede  representants  des  hommes  aupres  de  Dieu  ; 
mais,  a  notre  avis,  ce  sont  bien  des  Anges,  et  non,  comme  le  veulent  certains 
critiques,  Thumanite  ideale.  On  ne  trouve  rien  qui  corresponde  a  cette  figure 
dans  les  apocryphes  que  nous  possedons.  Elle  doit  pourtant  etre  traditionnelle, 
parce  qu'il  est  question   du   conseil    des   Anciens,  assesseurs   de   Dieu,   dans 
Isaie,  xxiv,  23,  et  que  Daniel  vii,9(«  onapportades  trones  »)  y  fait,  semble-t-il 
allusion.  Quant  au  nombre  24  =  12  X  2,  nombre  de  critiques  actuels  esti- 
ment,   non    sans  probability,  qu'il  est   d'origine  astrale,  d'apres  un  texte    de 
Diodore  de  Sicile  nous  apprenant  que  les    Babyloniens  avaient  fait  cette  divi- 
sion en  rapport  avec  le  cercle  zodiacal  (Commentaire,  ad  loc).  On  peut  done 
regarder  ces  «  Vieillards  »  comme  des  Anges  qui  president  au  deroulement  du 
temps,  aux  diverses  phases  de  I'histoire  humaine.  Et  comme  Jean  ne  sera  pas 
alle  prendre  cette  image  a  Babylone,  ni  dans  des  ocrits  paiens,  nous  pouvons 
admettre,  sous  benefice  d'inventaire,  qu'elle  etait  dans  la  tradition  apocalyptique. 
Cette  tradition  a  done  laisse  des  traces  sensibles  dans  Tangelologie  johannique, 
ainsi  que  dans  tout  ce  que  notre  Apocalypse  nous  montre  du  ciel.  G'est  un  decor 
et  un  scenario  auxquels  il  faut  nous  habituer.  S'ils  surprennent  au  premier  abord 
ceux  qui  ne  connaissent  pas  autrement  le  genre  apocalyptique,  s'ils  leur  paraissent 
introduire  trop  de  precisions  et  de  materialite  dans  le  monde  spirituel,  tout  autre 
est  Teffet  qu'ils  produisent  a  qui  sait  faire  la  comparaison  avec  les  Apocryphes. 
On  admire  alors  la  sobriete  du  prophete  inspire.  11  n'a  pas  confondu  le  domaine 
physique  avec  le  domaine  moral  et  transcendant.  La  presence  d'une  ville  au  ciel, 
le  sanctuaire,  I'arche  d'alliance,  les  autels  ne  sont  certainement  pour  lui  que  des 
images  allegoriques.  Appele  au  ciel  par  la  voix  du  c.  iv,  i,  comme  d'autres 
apocalyptiques,  lui,   du    moins,   est  transporte  du  coup  en  presence  de  Dieu, 
sans  faire  de  cosmologie  sur  la  route;  il  ne  parle  point  de  plusieurs  cieux,  ses 
descriptions  n'ont  jamais  pour  but  de  faire  de  la  science,  ni  de  satisfaire  la 
curiosite  siir  aucun  sujet  etranger  au  salut.  11  ne  trouve  la-haut  ni  phenix,  ni 
anges  de  la  lune,  ni  oiseaux  chanteurs.  Son  Angelologie  n'a  rien  do  mythique, 
elle  n'est  qu'un  developpement,  ou  une  application,  des  donnees  de  la  Bible,  qui 
nous  apprend  que  les  Anges  sont  les  agents  de  Dieu  dans  la  Creation,  et  le 
gouvernement  des  hommes.    Non  seulement  il  evite  les  noms  propres  et  les 
classifications  curieuses,  mais  il  ne  reproduit  meme  pas  la  terminologie  dont  a 
use  saint  Paul  pour  designer  les  puissances  supra-terrestres  {Col.  r,  16;  Eph.  r, 
21,  al.).  S'il  fait  intervenir  partout  les  Anges,   conformement   a   la  tradition 
apocalyptique,  du  moins  Faction  de  ces   esprits  ne  supprime-t-clle  pas  celle  des 
hommes,  et  n'est-elle  pas  un  intermediaire  necessaire  de  celle  de  Dieu.  On  pent 
done  croire  qu'il  n'a  pas  attache  une  bien  grande  importance  aux  anciennes 
precisions;  aussi  lorsque  Charles  (1),  par  exemple,  entame  une  discussion  pour 
savoir  si  I'Ange  de  viii,  3  est  Γ«  Ange  de  la  Paix  »  ou  tel  autre,  nous  nous 

(1)  Studies  on  the  Apocalypse,  pp.  158-161. 

APOCALYPSE    DE   SAINT  JEAN.  d 


INTRODUCTION. 


etonnons  qu'il  se  donne  cette  peine,  puisque  nous  ne  savons  meme  pas  si  Jean 
a  jamais  pense  a  Γ«  Ange  de  la  Paix  ».  Ces  classifications  trop  nettes  n'etaient 
pas  dans  Tesprit  de  sa  revelation. 

2.  Le  Messie.  —  II  n'y  a  naturellement  guere  de  comparaison  possible  entre  le 
role  futur,  transitoire,  exterieur  et  plus  ou  moins  abstrait,  assigne  par  les  Apo- 
cryphes  a  leur  Messie,  et  celui  que  remplit  dans  TApocalypse,  Jesus,  THomme- 
Dieu,  le  tout-puissant  Seigneur  et  Redempteur  qui  actuellement  deja  dirige  tout, 
et  au  ciel,  et  sur  la  terre.  II  est  trois  formes  sous  lesquelles  Jean  le  contemple 
tour  a  tour  :  d'abord  FEtre  pareil  a  un  «  Fils  d'homme  »  qui  lui  donne  sa  mission 
(i,  13-suiv.,  cfr.  xiv,  14),  puis  Γ  «  Agneau  »  immole  qui,  au  ciel,  entre  en  pos- 
session du  livre  des  decrets  divins  (c.  v),  qui  siege  dans  Sion  au  milieu  des  saints 
(c.  XV,  cfr.  xx),  et  qui,  dans  la  Jerusalem  nouvelle,  s'asseoit  sur  le  trone  meme 
de  Dieu  (c.  xxii);  enfin  le  «  Cavalier  »  royal  victorieux  de  tous  les  ennemis 
terrestres  et  infernaux  (c.  xix,  cfr.  vi,  1).  Naturellement  la  deuxieme,  qui  sym- 
bolise la  Redemption  par  la  Croix,  ne  trouve  aucun  parallele  dans  les  Apocryphes. 
La  premiere  rappelle  le  Bar  nashd  de  Daniel  et  le  «  Fils  de  PHomme  »  des 
Synoptiques,  mais  n'a  qu'un  rapport  bien  douteux  avec  le  «  Fils  de  I'Homme  » 
des  Paraboles  d'llenoch;  certains  traits  pourtant  se  retrouvent  ailleurs;  ainsi  la 
blancheur  de  la  chevelure  a  son  prototype  dans  Henoch  (xlvi,  1);  seulement 
I'Apocryphe  la  reservaita  Dieu,  la  «  tete  des  Jours  »  (cfr.  Γ  «  Ancien  des  Jours  », 
de  Daniel),  comm.e  symbole  de  son  eternite,  et  Jean  I'a  transportee  du  Pere  au 
Fils  qui  a  aussi  la  nature  divine.  La  troisieme  figure  repond  au  role  de  Juge  et  de 
Vengeur  que  les  Apocryphes  assignaient  tantot  a  Dieu,  tantot  au  Messie.  La 
ressemblance  n'est  que  gondrique,  et  peut  s'expliquer  sans  emprunt,  par  les 
descriptions  bibliques  qui  sont  la  source  commune.  D'ailleurs  le  sens  de  la  vision 
est  bien  plus  etendu  et  bien  plus  spirituel  dans  notre  Apocalypse. 

3.  Le  monde  des  esprits  mauvais.  —  Ici  encore  rien  ne  rappelle  la  fantasma- 
gorie  inutile  que  nous  avons  exposee  :  ni  noms  propres,  ni  classifications,  ni 
legendes  sur  les  fautes  des  esprits  dechus.  Jean  a  garde  de  la  tradition  Timage  du 
Dragon  (c.  xii,  xvi)  pour  signifier  le  Diable,  Satan;  il  lidentifie  en  termes  expli- 
cites  au  serpent  ancien  de  la  Genese.  II  n'a  certainement  plus  rien  d'un  monstre 
cosmique;  c'est  le  chef  d'une  armee  d'Anges,  mauvais  comme  lui  (xii,  7,  9). 
Peut:etre  n'a-t-il  meme  aucun  rapport  avec  le  Thannin,  et  le  nom  de  Dragon  ne  lui 
est-il  donne  que  comme  synonyme  de  serpent.  Ses  «  sept  tetes  »  font  bien  penser 
au  Musmahhu  et  a  Leviathan ;  mais  elles  ne  sont  peut-etre  qu'un  symbole.  cree 
cliez  Jean  lui-meme,  des  «  sept  esprits  de  Beliar  »  [Test.  Ruben,  ch.  ii),  puissance 
d'egarement  et  d'oppression,  contre-partie  des  sept  esprits  de  Dieu  et  de  I'Agneau. 
Un  rapprochement  avec  Υ Angro-Mainyu  des  Perses  serait  plus  soutenable;  mais 
ce  n'est  qu'un  parallele  accidentel.  11  n'est  rien  dit  sur  I'origine  de  la  malice  et 
de  la  chute  des  demons.  Seulement,  apres  le  triomphe  du  Christ,  le  Dragon  a  ele 
precipite  du  firmament  sur  la  terre  par  Michel  (c.  xii),  c'est-a-dire  qu'il  a  perdu 
sa  domination,  naguere  si  considerable,  de  Prince  du  monde;  il  est  vaincu  et 
ne  peut  plus  accuser  si  facilement  les  hommes,  que  le  sang  du  Christ  a  justifies. 
En  tout  cela  I'allegorie  est  visible  et  transparente.  Si  le  Dragon  etait  d'abord  au 
ciel  _  ou  bien  dans  I'air,  sous  le  firmament  —  c'est  la  une  image  empruntee  a  la 
tradition  apocalyptique,  mais  qui  ne  couvre  plus  qu'un  sens  moral.  Au  mom.ent 
oil  Jean  ecrit  ses  Revelations,  le  Demon  est  sur  la  terre,  ou  il  souleve  contre 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  LI 

FEglise  la  puissance  politique  et  spirituelle  du  paganisme,  les  Deux  Betes ;  mais 
il  y  est  invisible,  c'est  un  Esprit. 

Les  agents  du  Diable,  ce  sont  d'abord  ces  Deux  Betes,  representant  toutes 
deux  des  collectivites  humaines;  ensuite  des  figures  d'aspect  plus  mythologique. 
Telles  sont  les  «  etoiles  tombees  »  des  chapitres  viii  et  ix.  Ici  nous  trouvons  une 
des  rares  traces  de  Tancienne  identification  des  astres  avec  des  esprits ;  I'ensemble 
du  livre  montre  assez  qu'il  n'y  faut  pas  voir  plus  qu'un  symbole.  Les  sauterelles 
etranges  et  les  monstrueux  cavalier's  du  chapitre  ix  representent  certainement 
aussi  des  puissances  infernales.  Dans  leur  description  si  chargee,  mais  pourtant 
terrifiante,  faut-il  voir  des  personnages  preternaturels,  ou  bien  seulement  des 
personnifications  de  Taction  du  diable,  des  vices,  des  remords,  des  discordes  et 
des  guerres  qu'elle  excite  dans  le  monde?  Nous  etudierons  plus  tard  la  question. 
En  tout  cas,  nous  pouvons  dire  que  ces  traits  fabuleux,  dont  le  sens  nous  echappa 
parfois  dans  le  detail,  sont  encore  de  I'allegorie  et  de  I'hyperbole,  et  que  Jean 
no  s'attend  pas  a  ce  que  les  hommes  voient  jamais  de  leurs  yeux  de  chair  des 
apparitions  aussi  fantastiques.  Les  trois  demons-grenouilles  du  chapitre  xvi,  13, 
doivent  etre  interpretes  dans  le  meme  sens,  d'autant  plus  que  le  Dragon,  la 
Bote  et  le  Faux  Prophete  de  la  bouche  desquels  ils  sortiront,  sont  un  esprit 
invisible,  et  de  simples  images  des  puissances  humaines  inspirees  par  lui. 
Quant  aux  trois  derniers  cavaliers  du  ch.  vi,  nul  ne  doutera  que  ce  soient  de 
pures  personnifications  des  fleaux  typiques,  Guerre,  Famine,  et  Peste;  I'Hades 
qui  leur  est  associe  nest  pas  plus  personnel. 

Bref  ce  que  Jean  nous  revele  du  monde  diabolique  est  extremement  sobre, 
et  ne  montre  aucune  accointance  avec  la  mythologie  des  Apocryphes.  D'image 
commune  avec  eux,  il  n'y  a  que  le  Dragon,  avec  la  mention  de  son  ancienne 
place  au  ciel,  et  I'etoile  qui  ouvre  le  puits  de  I'abime,  au  chap.  ix.  D'autres, 
comme  les  sauterelles  et  la  premiere  Bete,  viennent  de  la  Bible,  mais  fort 
amplifiees  et  dramatisees.  Le  reste  a  pu  etre  cree  de  toutes  pieces  dans  I'esprit 
du  Voyant. 

4.  Le  monde  lerrestre,  Vhistoire  future,  et  les  signes  de  la  fin.  —  Jean  qui 
n'a  pas  eu  besoin,  comme  ses  devanciers  non  inspires,  de  faire  remonter  son 
livre,  par  une  fiction,  au  temps  d'un  ancien  patriarche  ou  prophete,  ne  s'occupe 
nulle  part  de  I'histoire  passee  du  monde;  sa  revelation  ne  concerne  que  les 
temps  commences  a  la  naissance  de  Jesus  (c.xii),  pour  s'etendre  jusqu'au  Juge- 
ment  general.  A-t-il,  suivant  lexemple  ancien,  partage  la  vie  du  monde  en 
periodes?  On  pourrait  le  croire  a  premiere  vue,  a  cause  des  sept  trompettes 
ice.  VIII  et  ix),  au  son  desquelles  sept  categories  de  fleaux  fondront  sur  I'univers, 
et  des  sept  coupes  de  la  colere  de  Dieu  que  des  Anges  repandent  au  ch.  xvi. 
Ensuite  viendrait  le  Millenaire  heureux  (c.xx),  finissant  a  I'invasion  de  Goo•  et 
Magog,  puis  le  Jugement.  II  y  aurait  done  quatorze  Eons  funestes,  sept  avant 
Tapparition  de  I'Antechrist,  et  sept  apres,  puis  une  quinziemc  epoque,  heureuse 
celle-ci,  repondant  au  Regne  intermediaire  du  Messie  Juif.  Mais  ce  serait  inter- 
preter I'Apocalypse,  nous  le  verrons,  d'une  maniere  beaucoup  trop  materielle 
D  abord  I'effusion  des  sept  coupes  repond,  en  tout  ou  en  partie,  a  I'histoire  deja 
comprise  dans  la  vision  des  sept  trompettes,  puisque  la  septieme  trompette 
doit  annoncer  la  fin  du  monde  (c.xi).  Ensuite,  il  n'est  pas  sur  que  les  trompettes 
elles-memes  sonnent  les  heures  diverses  de  I'histoire.  Beaucoup  de  commenta- 


LII     ,  INTRODUCTION. 

teurs  —  a  tort,  d'ailleurs,  selon  nous  —  veulent  quelles  ne  retentissent  toutes 
que  peu  avant  le  Jugement.  Pour  nous,  qui  chercherons  a  etablir  que  leur 
sonnerie  occupe  toute  I'histoire,  depuis  le  premier  siecle  de  notre  ere  jusqu'a 
la  fin  du  monde,  nous  jugeons  tr6s  difficile  de  croire  qu'elles  repondent  a  une 
vrnie  succession  d'evenements  futurs.  C'est  plutot  une  division  symbolique  et 
logique  de  fleaux  qui  peuvent  etre  aussi  bien  simultanes,  et  qui  se  reproduisent 
plus  ou  moins  a  toute  epoque.  Quant  au  Millenaire,  nous  montrerons  qu  il  coin- 
cide avec  rage  des  fleaux.  Notre  avis  est  done  que  Jean  n'a  pas  divise  I'histoire 
en  ages  successifs.  Si  la  vieille  idee  des  periodes  a  influe  sur  sa  representation 
des  malheurs  par  series  de  sept,  c'est  la  une  influence  purement  materielle,  car 
il  a  change  le  sens  de  ces  «  successions  »,  en  faisant  de  la  succession  elle-meme 
une  simple  maniere  de  distinguer  des  realites  qui  ne  sont  pas  soumises  a  cet 
ordre  rigoureux.  Disons  done  que,  dans  I'Apocalypse  de  Jean,  il  n'y  a  pas  de 
periodes. 

Tons  les  evenements  futurs  ne  sont  cependant  pas  confondus,  comme  s'ils 
devaient  s'accumuler  dans  I'espace  de  quelques  mois  ou  de  quelques  annees.  Le 
chapitre  xvii  et  les  suivants  expriment  clairement  cette  vue  prophetique  que 
I'empire  de  Rome  —  la  grande  ennemie  actuelle,  appelee  «  Babylone  »  comme 
dans  la  I''  Petri  et  les  Sibyllins  —  ne  doit  pas  durer  jusqu'a  la  consommation,  et 
que  d'autres  incorporations  de  la  Bete  doivent  lui  succedcr,  pour  un  temps  tres 
long  encore,  puisqu'il  est,  nous  Tetablirons,  coextensif  au  Millenium.  Mais 
ce  point  de  partage  de  I'avenir  n'a  rien  de  commun  avec  la  theorie  des  periodes 
apocalyptiques.  Celles-ci,  malgre  une  certaine  latitude  d'interpretafion  dont 
nous  avons  cru  voir  le  principe  implicitement  indique  dans  un  passage  de 
Barucli,  n'en  sont  pas  moins,  en  regie  generale,  congues  comme  de  vraies  divi- 
sions successives  de  la  duree ;  car  celles  de  Tavenir  ne  sont  que  la  continuation 
tout  a  fait  homogene  de  periodes  du  passe  (du  passe  par  rapport  a  I'auteur 
reel,  non  a  I'auteur  fictif),  qui  repondent,  elles,  a  des  epoques  historiques  bien 
reelles  et  bien  distinctes.  Les  Apocryphes  n'indiquent  pas,  et  ils  ne  sauraient  le 
faire  sans  se  trahir,  qu'ils  prennent  les  p6riodes  futures  dans  un  autre  sens.  Ils 
les  donnent  seulement  comme  moins  nombreuses,  estimant  que  ce  monde  de 
peche  et  de  douleur  approche  de  sa  fin.  Jean,  au  contraire,  n'insinue  pas  qu'il 
finira  de  sitot. 

Les  noinbres  dont  il  use,  en  efTet,  suivant  en  cela  Tusage  du  genre,  ne  doivent 
pas  faire  illusion  sur  ce  point.  Nous  pouvons  affirmer  qu'il  n'a  jamais  donne 
qu'une  valeur  symbolique,  ou,  plus  rarement,  une  valeur  de  compte  approximatif 
(ainsi  pour  les  7  tdtes  de  la  Bete,  xvii),  aux  nombres  consacres  par  la  tradition. 
L'esprit  de  la  vraie  prophetie  seloigne  beaucoup,  surtout  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment, de  ces  precisions  trop  assurees  des  donnees  contingentes,  qui  auraient 
affaibli  la  portee  de  la  parole  du  Christ  :  «  Veillez  et  priez,  car  vous  ne  savez 
pas  quand  le  Fils  del'Homme  viendra  »  [Mat.  xxv,  42).  Ainsi  trois,  quatre,  sept, 
dix,  douze,  inille  (et  les  multiples  24,  12.000,  144.000),  n'apparaissent  qu'avec 
le  sens  figure  le  plus  general  qu'il  soit  possible  de  leur  donner.  Le  Commentaire 
montrera  que  Jean  est  sujet  a  les  echanger  sans  scrupule,  suivant  la  nature  des 
symboles  divers  qu'il  a  choisis  pour  exprimer  une  seule  et  meme  serie  de 
faits;  ainsi  le  rapprochement  des  chapitres  vi,  et  viii-ix,  montre  que  3  cavaliers 
=  4  vents  =  7  fleaux.  Tous  ces  chiiTres  sont  choisis.  dans  une  meme  vision,  ou 


d 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    L  APOCALYPSE.  LIII 

dans  des  visions  connexes,  chacun  pour  soi,  c'est-a-dire  sans  aucune  conside- 
ration de  leur  rapport  arithmetique.  L'Apocalypse  fait  si  peu  de  cas  de  I'exac- 
titude  materielle  du  calcul  que  nous  pourrons  etablir  —  ou  du  moins  nous 
chercherons  a  le  faire,  et  appuye,  pensons-nous,  sur  de  bonnes  raisons  —  une 
egalite  de  duree  reelle  entre  les  3  ans  1/2  (les  42  mois,  les  1260  jours)  du 
Regne  de  la  Bete  et  les  1000  ans  du  Regne  de  Jesus. 

Les  nombres  qui  ont  le  plus  attire  I'attention  sont  precisement  ces  trois  ans 
el  demi  ou  quaranie-deux  mois,  dont  I'origine  est  biblique,  non  apocalyptique, 
et  le  fameux  chifTre  de  la  Bete,  666  (pour  d'autres  616),  qui  est  bien  plus  difficile 
a  interpreter  que  les  «  Gematrias  »  des  Sibyllins  ou  du  rabbinisme ;  on  ne  deter- 
minera  peut-etre  jamais  avec  une  entiere  certitude  si  c'est  une  Gematria  ordi- 
naire, une  Gematria  compliquee  d'isopsephie,  ou  tout  simplement,  a  la  maniere 
pythagoricienne,  lexpression  symbolique  d'une  realite  morale.  Mais  ce  n'est  pas 
ici  le  lieu  d'en  discuter. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  tous  ces  chiflres,  le  monde  present,  oil  Satan  est  encore 
en  lutte  contre  le  Christ,  est  condamne  a  perir  un  jour  ou  I'autre,  quand  la 
mort  sera  absorbee  dans  la  Victoire,  ou,  comme  dit  Jean,  «  jetee  dans  I'etang 
de  feu  »,  avec  le  diable  et  les  Betes.  Un  grand  nombre  ae  fleaux,  que  Ton  pent 
considerer  comme  des  jugements  partiels  de  Dieu,  precederont,  et  annonceront 
d'une  certaine  facon,  le  Jugement  defmitif. 

Pour  les  decrire,  I'Apocalypse  s'est  visiblement  inspiree  de  la  tradition  du 
genre.  Elle  a  cree  peu  de  nouveau.  Ce  sont  toujours  les  memes  dechaine- 
ments,  d'auleurs  trop  verifies  par  I'histoire,  du  funeste  trio  «  Guerre,  Peste,  et 
Famine  »,  les  tremblements  de  terre,  les  incendies,  les  chutes  d'etoiles,  etc. 
Remarquons  toutefois  que  les  plus  excentriques  de  ces  signes  de  la  colere  divine, 
ceux  qui  ne  peuvent  repondre,  malgre  les  licences  de  Tallegorie,  a  aucune  rea- 
lite, comme  le  soleil  qui  se  leve  pendant  la  nuit,  les  rochers  qui  suent  du  sang,  les 
enfants  qui  parlent  presque  a  leur  naissance  [IV  Esdras,  al.)  ont  ete  soigneu- 
sement  evites  par  le  Prophete.  Pour  ceux  qu'il  a  conserves,  il  a  su  rehausser 
leur  caractere  de  lieux  communs,  grace  a  une  mise  en  scene  parfois  artistique, 
et  la  plupart  du  temps  fort  saisissante.  II  a  bien  admis  quelques  descriptions 
tres  fantastiques,  comme  celle  des  sauterelles  et  de  la  cavalerie  du  chapitre  ix. 
Le  gout  moderne  peut  les  trouver  trop  touiTues,  et  nous  avons  peine  a  saisir  la 
valeur  symbolique  de  quelques-uns  de  leurs  traits,  dont  on  peut  croire  que 
lunique  but  est  de  renforcer  limpression  terrifiante  du  tout;  mais  ils  sont  du 
moins  exempts  de  banalite;  ils  frappent  I'imagination,•  ils  font  trembler  et 
reflechir,  ce  qui  n'est  pas  souvent  le  cas  des  modeles  traditionnels.  —  Remar- 
quons enfin,  ce  qui  sera  a  prouver  ulterieurement,  qu'il  n'est  question  ni  de  la 
venue  d'Elie,  ni  d'Antechrist  personnel. 

5.  L'Eschatologie.  —  Pour  nous,  TApocalypse  est  unlivre  essentiellenent  escha- 
tologique,  sauf  aux  chapitres  i-ni.  Et  son  eschatologie  a  des  points  de  contact 
materiel  tout  a  fait  nombreux  avec  celle  des  Apocryphes.  On  y  retrouve  le  Regne 
intennediaire  du  Messie,  VAntechrist,  Gog  et  Magog,  la  grande  bataille  finale, 
enfin,  apres  le  Jugement,  la  Beatitude  congue  comme  le  sejour  eternel  dans  la 
Jerusalem  nouvelle  qui  descend  du  ciel,  et  qui  ressemble  au  Paradis  terrestre, 
avec  son  fleuve  etles  arbres  de  vie. 

Mais  cette  eschatologie,  nous  le  verrons,  n'a  guere  de  commun  avec  I'an- 


LIV  INTRODUCTION. 

cienne  que  des  images.  La  difference  ne  tient  pas  uniquement  a  ce  quelle  est 
celle  du  Nouveau  Testament.  Nous  aurons  de  nombreuses  occasions  de  demon- 
trer  que  Jean  n'entend  pas  les  «  derniers  temps  »  comme  la  courte  periode  qui 
verra  les  convulsions  finales.  En  fait,  c'est  toute  la  duree  du  monde  actuel, 
quelque  longue  qu'elle  puisse  etre,  depuis  I'lncarnation.  Le  Regne  intermediaire, 
le  Millenium,  coincide  avec  les  assauts  de  rAntechrist,  de  la  Bete,  dont  Gog 
et  Magog  paraissent  bien  n'etre  qu'une  variante.  La  Jerusalem  nouvelle  est  une 
realite  actuelle,  et  les  fideles  du  Christ,  vivants  ou  morts,  la  peuplent  deja  : 
comparez  la  fin  du  chapitre  vii  ou  le  commencement  du  ch.  xiv  aux  chapitres 
xxi-xxii.  L'Agneau,  qui  regne  au  ciel  et  dans  la  cite  celeste,  est  aussi  present 
sur  la  terre,  dans  la  Sion  terrestre  qui  est  lEglise  militante;  il  donne  des  ici-bas 
a  ceux  qui  croient  en  lui  les  fruits  de  Farbre  de  vie,  les  eaux  de  la  vie,  la  manne, 
qui  sont  la  grace  et  ses  instruments,  en  attendant  de  devenir  la  gloire  :  com- 
parez les  promesses  de  la  fin  des  lettres,  chap,  ii  et  iii,  aux  descriptions  du 
ciel.  Nous  reviendrons  tout  a  Theure  sur  ce  caractere  synthetique  tres  remar- 
quable  de  Teschatologie  Johannique.  C'est  le  «  Regne  de  Dieu  »  inaugure  par 
I'lncarnation;  il  a  bien  deux  phases,  mais  ces  deux  phases  sont  souvent  pre- 
sentees en  un  meme  tableau,  sinon  sous  une  seule  image.  Des  apocryphes  de 
lepoque  brillante  des  Asmoneens  avaient  ainsi,  apres  les  Prophetes,  embrasse 
tout  Tavenir  heureux  dans  une  perspective  unique ;  mais  leurs  pensees  restaient 
fixees  a  la  terre  et  au  bonheur  terrestre,  grandi  seulement  et  ennobli  par  un 
reflet  de  la  paix  eternelle.  Dans  I'Apocalypse  de  Jean,  les  joies  temporelles  sont 
tout  k  fait  oubliees;  mais,  au  milieu  des  epreuves,  I'ame  des  fideles  peut  deja 
habiter  le  ciel,  ils  ont  des  jouissances  secretes,  et  un  «  nom  »  mysterieux  que 
connait  seul  celui  qui  le  possede  (n,  17).  Marques  au  front  du  signe  de  Dieu, 
ils  sont  preserves  de  la  tribulation  qui  inonde  le  monde;  mais  cette  promesse 
de  preservation,  jointe  a  lannonce  d'epreuves  nombreuses,  est  a  prendre  en  un 
sens  tout  spirituel;  elle  signifie  que  ni  les  calamites  cosmiques  ou  historiques, 
ni  les  persecutions  des  Betes  et  du  Dragon,  ne  sauraient  faire  perdre  aux  per- 
severants  leur  vie  interieure  dans  I'union  a  Jesus.  11  n'est  nulle  part  question 
de  bonheur  materiel,  de  longevite  de  mille  ans  comme  dans  les  Jubiles,  ni  d'une 
fecondite  fabuleuse  de  la  terre  comme  dans  la  tradition  qu'on  decouvre,  par 
exemple,  chez  Baruchy  et  qui  passa  a  Papias  et  aux  chiliastes.  Encore  bien 
moins  Behemoth  et  Leviathan  auront-ils  rien  a  faire  avec  le  festin  qu'offre  le 
Christ  (hi,  20).  Toutes  les  promesses  trop  materielles,  ne  le  fussent-elles  qu'en 
figure,  sont  absentee  de  I'oeuvre  de  Jean.  Les  images  sont  meme  plus  spiritua- 
lisees  que  celles  des  Synoptiques  sur  le  festin  celeste.  On  ne  peut  les  interpreter 
adequatement,  dans  toute  leur  profondeur,  que  par  les  passages  les  plus  mys- 
tiques de  saint  Paul  et  du  quatrieme  Evangile. 

La  meme  sobriete  grandiose,  que  nous  avons  ailleurs  notee,  se  retrouve  dans 
la  mention  du  Jugement  universel,  et  surtout  dans  celle  des  chatiments  de 
I'autre  vie.  Les  «  livres  »  traditionnels  seront  ouverts  :  et  chacun  ira  a  son 
destin  eternel.  L'enfer  n'est  pas  decrit.  Un  seul  mot  le  caracterise  :  la  seconde 
mort,  I'etang  de  feu.  Jean  s'eloigne  autant  ici  d'Henoch  que  de  lApocalypse 
de  Pierre;  chez  lui  on  ne  saurait  relever  aucune  trace  d'orphisme. 

D'un  mot,  pour  resumer  cette  comparaison  generale  avec  les  ecrits  du  meme 
genre  symbolique,  nous  pouvons  dire  que  Jean,  tout   en  se  conformant  a  la 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    l'aPOCALYPSE.  LV 

tradition  des  Apocalypses,  n'en  a  cependant  rieu  pris  de  ce  qui  etait  pueril 
ou  choquant,  rien  qui  repondit  a  la  curiosite  oiseuse  de  mysteres  indifferents, 
qui  fut  trop  excentrique  ou  sentit  encore  la  mythologie  et  la  legende.  Jamais 
ses  visions  ne  s'y  sont  pliees  servilement,  elles  ont  grandi  et  spiritualise  le  sens 
de  presque  tout  ce  qu'elles  empruntaient. 

§  II.  Les  symboles  de  TApocalypse  Johannique  et  rAncien  Testament. 

Nous  devions  insister  avant  tout  sur  la  comparaison  precedente,  d'abord  parce 
que  ces  rapprochements  sont  instructifs,  et  encore  plus  peut-etre  pour  cette 
raison  que,  operes  sans  vue  d'ensemble  et  sans  methode,  ils  peuvent  causer  de 
graves  meprises  en  exegese.  Mais  la  tradition  apocalyptique  est  loin  d'etre 
lunique  source  du  symbolisme  de  Jean.  On  ne  doit  meme  pas  la  considerer 
comme  la  principale,  a  moins  qu'on  ne  veuille  y  englober  les  visions  d'auteurs 
canoniques,  comme  Ezechiel,  Zacharie  et  Daniel.  Car  c'est  la  surtout,  c'est 
dans  les  dernieres  propheties  de  I'Ancien  Testament,  qu'on  peut  trouver  I'origine 
immediate  des  symboles  johanniques  les  plus  importants.  (Je  dis  «  I'origine 
immediate  »,  parce  qu'il  est  possible,  dans  certains  cas,  que  les  Prophetes 
eux-memes  eussent  regu  ces  images  d'une  tradition  anterieure  propre  ou  non 
a  Israel.)  Nous  avons  deja,  ci-dessus,  releve  I'une  ou  I'autre,  et  le  commentaire 
donnera  le  detail  de  ces  rapprochements.  Notons  seulement  ici  que  le  Penta- 
teuque  a  fourni  plus  d'un  trait  pour  exprimer  la  beatitude  spirituelle  ou  celeste 
[I'arbre  de  vie,  etc.).  Egalement  dans  la  description  des  fleaux,  dont  certains 
rappellent  les  plaies  d'Egypte  [eaux  changees  en  sang,  etc.).  L'histoire  d'Elie, 
dans  le  II*  livre  des  Rois,  a  concouru  avec  celle  de  Moi'se  pour  symboliser  la 
puissance  des  «  Deux  temoins  »  du  chapitre  xi,  lesquels  ne  spnt  d'ailleurs  pas 
plus  Moise  et  Elie  qu'Elie  et  Henoch,  mais  une  personnification  des  ouvriers 
du  Regne  de  Dieu,  rapportee,  par  une  reference  explicite,  au  prophete  Zacharie, 
dans  la  vision  ou  celui-ci  voit  les  deux  chefs  du  peuple  Israelite  au  retour  de  la 
captivite,  Zorobabel  et  le  pretre  Jesus.  A  Zacharie  egalement,  a  sa  vision  des 
chars  angeliques  (ch.  vi),  a  ete  empruntee  celle  des  quatre  «  cavaliers  «  celestes 
du  chapitre  vi ;  de  meme,  a  lui  ou  a  Ezechiel,  I'Ange  qui  fait  mesurer  le  temple 
au  chapitre  xi,  et  la  ville  au  ch.  xxi.  La  peinture  du  ciel,  du  trone  de  Dieu,  des 
quatre  animaux  qui  le  supportent,  a  un  rapport  indeniable  avec  I'apparition  du 
char  divin  dans  Ezechiel,  cc.  i  et  ix-x.  Jean  s'en  sera  sans  doute  directement 
inspire.  Le  temple  eschatologique  du  meme  prophete  (cc.  xL-suivants)  s'est 
combine  avec  I'idee,  si  frequente  dans  I'Apocalyptique,  de  la  Jerusalem  celeste 
preexistante,  pour  la  description  du  sejour  des  saints  (cc.  xxi-xxii).  L'inspira- 
tion  d'Ezechiel  est  encore  visible  dans  les  lamentations  sur  la  mine  de  Rome 
(c.  xviii),  imitees  de  la  complainte  sur  la  ruine  de  Tyr  {Ezechiel,  c.  xxvii),  le 
livre  de  propheties  mange  par  Jean  au  chap,  x,  c'est  une  adaptation  d'Ezechiel, 
c.  Ill,  1-3,  ainsi  que  la  guerre  de  Gog  et  de  Magog  (chap.  xx).  La  «  femme  »  du 
chapitre  xii  qui  represente  I'Eglise,  la  Sion  spirituelle,  rentre  dans  les  person- 
nifications  bibliques  les  plus  courantes  de  peuples  et  de  cites  [Osee,  et  ailleurs). 
La  description  du  «  Fils  d'hommc  »  au  chapitre  i"  est  composee  de  traits 
qui  peuvent  se  ramener  la  plupart  a  divers  passages  de  I'Ancien  Testament, 
ou  ils  signifient  le  pouvoir  royal,  sacerdotal,  ou  la  puissance  de  la  parole  du 


LVI  INTRODUCTION. 

Messie.  —  Quant  au  Dragon,  idenlifie  au  serpent  de  la  Genese,  il  n'est  pas 
sans  rapport  avec  le  Leviathan  ou  le  Thannin  des  Psaumes,  ou  Jean  aura 
trouve  cette  figure  plutot  que  dans  les  Apocryphes.  La  Premiere  ΒέΙο  du  cha- 
pitre  XIII  est  une  combinaison  des  quatre  monstres  qui  dans  Daniel,  c.  viii, 
representent  la  succession  de  quatre  empires  pa'iens,  Les  «  sauterelles  »  du 
chapitre  viii  sont  une  copie  dramatisoe.  et  tournee  a  I'allegorie  morale,  des 
sauterelles  du  prophete  Joel.  Nous  trouverons  encore  bien  d'autres  rapproche- 
ments; mais  ceux-la  sont  les  principaux.  Leur  grand  nombre  doit  nous  faire 
declarer  que  la  principale  source  directe  du  symbolisme  johannique,  c'est  FAncien 
Testament  lui-meme.  Mais,  la  encore,  lo  Prophete  chretien  n'a  pas  ete  un 
copiste.  Toutes  les  images  qu'il  emprunte  sont  transformees,  et  marquees  a  la 
puissante  originalite  de  son  esprit.  II  egale  ses  modeles,  et  quelquefois  les  depasse. 
Ainsi  la  vision  des  Cavaliers  fait  bien  plus  d'impression  que  celle  des  attelages 
de  Zacharie;  et  la  description  du  trone  de  Dieu  apparait  fort  allegee,  plus  intel- 
ligible, et  embellie,  a  notre  gout  du  moins,  si  on  la  compare  a  celle  du  char 
divin  d'Ezechiel.  Inutile  de  dire  que  ses  tableaux  sont  bien  plus  acheves  et 
esthetiques  que  ceux  des  Apocryphes,  malgre  les  reserves  que  nous  aurons  a 
faire  sur  I'un  ou  Tautre. 

§  III.  —  Les  symboles  johanniques  et  le  Nouveau  Testament. 

Autant  est  frappante  la  parfaite  identite  de  doctrine  entre  I'ensemble  du  Nou- 
veau Testament  et  TApocalypse,  qui  en  est  un  des  livres  les  plus  remarquables, 
autant  Ton  a  vite  fait  de  relever  le  petit  nombre  de  traits  symboliques  qui  puis- 
sent  etre  empruntes  a  d'autres  ecrivains  neo-testamentaires.  Des  traces  du 
langage  des  Synoptiques  seretrouventcependant,  ne  fut-ce  que  la  designation  de 
«  Fils  d'Homme  »  appliquee  a  Jesus,  ou  la  parole :  «  Voici  que  je  viens  comrae 
un  voleur  »  [Ap.  xvi,  15;  I  Thess.  v,  2 ;  cf.  Synopt.).  II  n'y  a  que  des  rapports  de 
fond,  non  de  formule,  entre  les  passages  eschatologiques  des  epitres  pauli- 
niennes,  et  notre  Apocalypse,  Les  «  trompettes  »  du  jugement,  I'analogie 
entre  les  Betes  des  chapitres  xiii  et  xvii  et  Γάνομο;  de  II  Thess.  offrent  des 
rapprochements  assez  frappants,  mais  on  ne  saurait  affirmer  qu'il  y  ait  depen- 
dance  litteraire  :  il  suffit  de  remonter  a  la  source  commune,  qui  est  la  tradition 
apocalyptique  ou  le  livre  de  Daniel.  On  pent  etre  meme  assez  surpris  que,  dans 
les  sobres  scenes  du  jugement  dernier,  aux  chapitres  xi  et  xx,  rien  ne  rappelle  le 
role  de  Juge  du  Fils  de  I'Homme  et  la  belle  mise  en  scene  des  Synoptiques 
[Mat.  XXV,  3i-suiv.,  et  parall.).  Mais  Jesus  apparait  au  ciel  et  sur  la  terre, 
sous  forme  d'Agneau  egorge;  c'est  I'image  de  I  Pet.  et  du  quatrieme  Evangile. 
Dans  les  lettres  du  debut,  il  est  appele  «  le  premier-ne  d'entre  les  morts  », 
expression  de  saint  Paul  [Col.  i,  18).  En  somme,  on  pent  dire  que  les  livres  du 
Nouveau  Testament,  bien  que  I'auteur  dut  les  connaitre  pour  la  plupart,  ont  eu 
tres  peu  d'iniluence  sur  son  symbolisme.  C'est  que  ce  symbolisme  etait  deja  regi 
par  des  habitudes  traditionnelles  plus  antiques.  L'Apocalypse  johannique  ren- 
trait  dans  un  genre  litteraire  bien  determine,  et,  la  m6me  ou  I'esprit  de  Jean  a 
ele  createur,  —  c'est-a-dire  oii  I'inspiration  lui  a  montre  des  symboles  inedits, 
—  il  s'est  encore  adapte  au  genre  du  symbolisme  ancien. 


MATERIAUX    SYMBOLIQUES    DE    l'aPOCALYPSE.  LVIl 

§  IV.  —  Symboles  propres  k  Jean. 

II  ne  faudrait  pas  croire,  en  effet,  qu  un  Voyant  chez  qui  line  personnalite  si 
puissante  et  si  independante    se  devoile    dans  I'usage  qu'il  fait  des   symboles 
usuels,  en  ful  reduit  a  la  matiere  commune  pour  tant  d'idees  nouvelles  qu'il  avait 
a  exprimer.  Sans  doute  il  est  diflicile  de  dire  avec  certitude  quelles  images  lui 
sont  strictement  personnelles ;  on  doit  en  regie  generale  reserver  Texistence 
possible  d'une  partie  de  la  tradition  symbolique  qui  n'aurait  ete  consignee  ni 
dans  la  Bible  ni  dans  les  Apocryphes  anciens  parvenus  jusqu'a  nous ;  telle  figure 
apocalyptique,  commune  seulement  a  Jean  et  aux  Apocalyptiques  posti^rieurs, 
pent  n'etre  pas  empruntee  a  notre  Apocalypse,  mais  remonter  a  une  ancienne 
source  ignoree.  Cependant  il  est  au  moins  dans  I'Apocalypse  une  personnifica- 
tion,  a  compter  parmi  les  plus  importantes,  de  laquelle  les  documents  anterieurs 
n'offrent  aucun  prototype  vraisemblable,  en  depit  de  toutes  les  theories  des  exe- 
getes  qui  voudraient  la  retrouver  a  Babylone  ou  autre  part.  C'est  la  Deuxieme 
Bete,  le  Faux  Prophete  du  chapitre  xiii  et  suivants,  le  Pseudo-Agneau  «  qui  a 
des  cornes  comme  un  agneau,  etqui  parle  comme  un  dragon  ».  Elle  parait  abso- 
lument  originale;  on  aura  beau  rappeler  que  Tidmat  avait  un  epoux,  qu'a  Levia- 
than s'associe  Behemoth,  aucun  de  ces  vieux  monstres  n'a  de  ressemblance  avec 
le  Faux  Prophete.  Ce  symbole  a  ete,  nous  n'en  doutons  pas,  cree  de  toutes 
pieces  dans  la  vision  apocalyptique,  pour  representer  certaines  forces  morales  du 
paganisme  et  de  Theresie  que  Jean  voyait  deja  a  Toeuvre  en  Asie  Mineure,  et 
dont  son  esprit  prophetique  lui  revelait  le  role  preponderant  et  nefaste  dans 
I'avenir,  Pour  nous,  le  Pseudo-Agneau  n'a  aucune  attache  avec  les  traditions 
mythiques  (1).  L'incarceration  du  Diable  et  la  lutte  finale  contre  le  Christ  (c.  xx) 
ne  doit  pas  en  avoir  non  plus ;  ici,  il  est  vrai,  il  y  a  des  paralleles ;  mais,  en  fai- 
sant  abstraction  des  ouvrages  chretiens  inspires  de  I'Apocalypse  elIe-mέme,  il 
faut  descendre  pour  les  trouver  jusqu'au  Bahman-Yasht  et  au  Crepuscule  des 
dieux,  si  posterieurs,  et  tres  probablement  influences  par  le  christianisme.  Aucun 
panbabyloniste  n"a  encore  reussi  a  prouver  que  Tiamat  n'etait  pas  bien  tuee,  et 
qu'elle  dut  jamais  recommencer  la  guerre  contre  Mardouk. 

S'il  fallait  relever  les  autres  traits  speciaux  de  Jean,  nous  penserions  d'abord 
au  gout  que,  comme  Ezechiel,  il  semble  avoir,  lui  Juif  vivant  dans  les  luxueuses 
cites  d'Asie,  pour  I'eclat  des  pierres  precieuses,  dont  il  sait  grouper  les  couleurs 
avecbeaucoup  d'harmonie  afin  de  rendre  I'eclat  de  la  celeste  Jerusalem  (2;.  L'his- 
toire  ancienne  ou  recente  de  ces  villes,  ainsi  que  les  usages  greco-romains,  lui 
ont  fourni  encore  plus  d'un  trait  symbolique  dans  les  7  lettres  qu'il  leur  ecrit. 
Peut-6tre  meme  les  oeuvres  d'art  qu'il  voyait  dans  les  rues,  dans  les  bains,  ou  a 
la  fagadc  des  temples,  ont-elle  servia  colorer  quelques-unes  de  ses  visions.  Nous 
admeltrions  volontiers  que  des  statues  d'Apollon  (ou  de  Mithra?)  ont  fourni 
des  traits  a  la  peinture  du  cavalier  victorieux  des  chapitres  vi  el  xix ;  meme,  a 
lextrome  rigueur,  qu'une  peinture,  un  bas-relief,  une  medaille,  rcpresentant  la 
fuite  de  Leto,  mere  d'Apollon,  devant  le  serpent  Python,  a  pu  influer  sur  la 

(1)  Le  double  Antichrist  des  chroliens  posterieurs,  le  grand  Pr6lre  de  TAnlochrisl  chez 
Ilippolyte,  ne  peuvent  gTifere  avoir  d'aulre  origine  que  I'Apocalypse  elle-mdme. 

(2)  Elles  ont,  daulre  part,  une  analogic  avec  celles  du  pectoral  d'Aaron  dans  le  Penlateuque 


LVIII  INTRODUCTION. 


description  de  lafuite  de  la  Femme  devant  le  Dragon,  au  chapitre  xu.  L'Anato- 
lie  etait  un  pays  ού  flearissaient  les  representations  symboliques,  sans  parler 
d'oeuvres  d'art  saisissantes  comme  la  Gigantomachie  de  I'autel  de  Pergame. 
Ainsi  qu'Ezechiel  a  Babylone,  Jean  aurait  pu  garder  dans  son  esprit  telle  ou  telle 
de  ces  representations,  dont  I'inspiration  divine  serait  venue  faire  des  symboles, 
Ramsay  observe  d'ailleurs,  avec  sa  haute  competence,  que  «  les  cistophores  »  ou 
autres  objets  semblables  «  revelent  la  forte  tendance  de  I'esprit  asiatique  a 
exprimer  ses  idees  et  ses  ideals,  aussi  bien  politiques  que  religieux,  au  moyen 
de  symboles  et  de  types ;  et  ils  prouvent  que  les  lecteurs  convertis  du  paganisme, 
pour  qui  I'Apocalypse  fut  originairement  ecrite,  etaient  disposes  par  leur  educa- 
tion et  par  tout  I'esprit  de  la  societe  contemporaine,  a  regarder  les  formes 
visuelles  d'animaux,  de  figures  humaines,  de  monstres  composites,  d'objets  de 
la  nature,  ou  d'articles  de  I'industrie  humaine,  quand  ils  etaient  mentionnes  dans 
un  livre  de  cette  classe,  comme  des  symboles  revelateurs  d'idees  religieuses  ». 
[Letters,  p,  288).  De  plus,  des  etudes  comme  celle  de  F.  Boll  [i>id.  infra) 
doivent  nous  faire  admettre  que  Jean  a  utilise  plus  d'une  image  repandue  par 
I'astrologie  hellenistique.  L'Apocalypse  est  done  moins  juive,  et  plus  grecque, 
que  Tancienne  exegese  ne  le  croyait.  Mais  ce  n'est  pas  a  dire  que  la  religion 
grecque  ait  aucunement  agi  sur  les  jdees  de  Jean,  pas  plus  que  celles  de 
TEgypte  ou  de  Babylone.  Laissons  encore  la  parole  a  Ramsay,  a  propos  des 
commentateurs  qui  pretendraient  y  relever  des  traces  de  syncretisme  :  «  A 
ceux  qui  se  font  les  avocats  de  telles  theories,  il  manque  de  saisir  lesprit  qui 
penetre  le  document  chretien  considere  comme  un  tout.  Le  tout,  en  litterature, 
est  beaucoup  plus  que  la  somme  des  parties  separees ;  il  y  a  I'lime,  la  vie, 
Tesprit  qui  donne  de  la  vitalite  et  de  I'unite  aux  parties.  Oublier  ce  caractere 
dans  un  tel  document,  c'est  oublier  ce  qui  le  fait  chretien.  Et  n'y  pas  voir 
cela,  c'est  n'y  rien  voir  du  tout.  »  [Letters,  p.  309  . 


CHAPiTRE  VI 


LES   RAPPORTS    WUTUELS    DES    SYMBOLES    DANS    L  APOCALYPSE    JOHAXXIQUE. 

II  nous  a  fallu,  dans  I'etude  precedente,  nous  contenter  maintes  fois  d'affirma- 
tions  dont  le  commentaire  seul  pourra  fournir  toutes  les  preuves.  II  n'est  pour 
ainsi  dire  pas  une  seule  ligne  de  TApocalypse  qui  ne  contienne  un  syrabole  pre- 
sentant,  au  lecteur  non  initie,  quelque  difficulte  speciale.  Le  travail  d'interpre- 
tation  est  encore  loin  d'etre  acheve  lorsqu'on  a  releve  de  multiples  paralleles,  puis 
reconnu,  au  moins  approximativement,  Torigine  de  Timage,  et  determine  le  sens 
qui  se  cache  generalement  sous  ce  genre  de  figures  ;  car  il  reste  a  fixer  la  signi- 
fication precise  que  chaque  symbole  prend  dans  le  contexte,  par  rapport  aux 
idees  specifiquement  chretiennes  de  I'auteur ;  on  ne  pent  transporter  sans  plus 
de  fa(;on  une  idee  d'Henoch  ou  de  Baruch  dans  Γ  Apocalypse,  les  expressions 
materielles  fussent-elles  exactement  les  memes.  Jean,  en  effet,  a  use  des  mate- 
riaux  les  plus  traditionnels  avec  une  independance  et  une  originalite  entieres. 
Bien  plus,  il  a  exerce  la  meme  independance,  dans  une  partie  donnee  de  son 
livre,  vis-a-vis  du  langage  symbolique  qu'il  avait  adopte  dans  une  autre.  Meme 
au  cours  d'une  seule  vision,  il  ne  reste  pas  constant  avec  lui-meme  dans  le  choix 
des  expressions  figurees.  C'est  un  defaut,  ou  du  moins  une  singularite  litteraire, 
qui  complique  assez  la  besogne  des  commentateurs.  II  traite  bon  nombre  de  ses 
symboles  comme  s'il  attachait  peu  d'importance  a  la  figure  elle-meme,  et  a  sa 
valeur  representative  ou  esthetique,  comme  s'il  etait  uniquement  preoccupe  du 
sens,  ne  regardant  les  images  sensibles  que  comme  des  mots  conventionnels, 
que  Ton  pent  sans  scrupule  interchanger  quand  ils  sont  synonymes.  II  en  resulte, 
par-ci  par-la,  une  premiere  impression  qui  est  presque  celle  dun  chaos.  Beau- 
coup  d'interpretes  tachent  aujourd'hui  d'expliquer  ce  fait  par  la  diversite  de 
sources  que  le  redacteur  de  I'Apocalypse  eut  juxtaposees  dans  leur  teneur  brute, 
sans  souci  aucun  d'harmonisation  ;  mais  cette  theorie,  quand  elle  pourrait  suffire 
a  expliquer  I'instabilite  du  symbolisme  dans  des  visions  difTerentes,  quoique 
analogues,  ne  saurait  rendre  compte  do  cette  instabilite  dans  I'interieur  d'un  seul 
et  meme  tableau;  et  c'est  pourtant  la  un  cas  qui  se  presente. 

Pour  nous,  qui  nous  plagons  resolument  dans  I'hypothese,  que  nous  demon- 
trerons  plus  tard  etre  la  verite,  de  I'unite  tres  complete,  et  meme  tres  systema- 
tique,  de  louvrage,  nous  devons  chercher  d'autres  explications.  Avant  d'etudier 
la  structure  litteraire  de  I'Apocalypse,  et  d'en  analyser  le  contenu,  il  est  done 
indispensable  de  connaitre  le  traitement  tres  particulier  que  I'auteur  a  fait  subir 
aux  expressions  symboliques  de  ses  idees  religieuses. 

Inutile,  d'abord,  d'insister  sur  le  fait  que  le  symbolisme  s'etend  a  tons  les 
tableaux,  et  a  presque  tous  leurs  traits  conslitutifs.  11  ne  faut  done  prendre  a  la 
lettre  ni  la  description  d'une  demcure  materielle  de  Dieu,  ni  les  murs  et  les  rues 
de  la  Jerusalem  celeste,  ni  certaines  eiTrayantes  calamites  cosmiques,  qui  ren- 


LX  INTRODUCTION. 

trent  dans  les  lieux  communs  de  lallegorie  pour  representer  surtout  des  troubles 
moraux  et  sociaux.  Nous  avons  fait  cette  observation  quand  nous  parlions  du 
genre  apocalyptique  en  general;  si  elle  s'applique  aux  apocryphes,  a  plus  forte 
raison  convient-elle  a  notre  livre  inspire,  de  si  liaute  portee  spirituelle.  De  plus, 
les  nombres  et  les  successions  memes,  comme  nous  aurons  plus  d'une  occasion 
de  le  demontrer,  doivent  souvent  aussi  etre  compris  autrement  qu'au  sens  litte- 
ral.  Ce  qui  est  represente  sous  forme  de  membres  successifs  d'une  serie,  n'im- 
plique  pas  necessairement  une  suite  chronologique ;  ce  peut  n'etre  parfois  qu'une 
distinction  en  categories,  de  caractere  plutot  logique,  une  classification  d'evene- 
ments  et  d'operations  providentiels,  qui  peuvent  aussi  bien  6tre  simultanes  ou 
enchevetres.  Nous  Tetablirons  quand  il  faudra  etudier  les  7  trompettes,  et  la 
3^  «  malediction  ».  11  est  pen  de  livres  ou  Tallegorie  s'etende  aussi  universelle- 
ment,  a  presque  tons  les  elements,  et  aux  cadres  memes  qui  les  contiennent. 
Quand  I'auteur  semble  affirmer  expressement  un  rapport  chronologique  (ainsi 
pour  les  7  coupes  qui  sont  appelees  «  les  derniers  fleaux  «),  il  y  a  des  raisons  de 
croire  que  ce  n'est  la  encore  qu'un  effet  de  perspective  litteraire. 

Mais  voici  le  point  le  plus  remarquable  :  les  visions,  dans  leur  terminologie 
symbolique,  sont  independantes  les  unes  des  autres;  a  une  distance  de  quelques 
lignes,  le  systeme  des  images,  sans  cesser  pourtant  de  se  rapporter  aux  memes 
realites,  peut  se  transformer  en  grande  partie.  Ainsi  les  fleaux  des  Sept  Trom- 
pettes (c.  viii-ix)  n'ont  a  pen  pres  rien  de  commun,  dans  leur  forme  visuelle, 
avec  ceux  de  la  vision  des  Sceaux  (c.  vi).  Ce  sont  pourtant  bien  les  memes 
calamites,  d'abord  prevues,  et  ensuite  vues.  Et  cependant  ces  visions  hetero- 
genes  sont  solidement  soudees  ensemble  dans  un  mέme  cadre  plus  vaste, 
reliees  par  un  petit  nombre  de  symboles  constants,  qui  les  traversent  comme 
des  fils  continus,  et  montrent  I'unite  de  plan  et  d'inspiration ;  c'est  au  point 
qu'il  serait  fort  difficile  de  les  comprendre  sans  les  comparer. 

Ces  figures  maitresses  sont  celles  des  principaux  personnages  que  met  aux 
prises  la  lutte  pour  le  regne  de  Dieu.  Nous  pouvons  les  enumerer  comme  suit  : 

1°  \JAgneau^  qui  est  le  Christ  Redemnteur.  II  a  ete  intronise  au  ciel,  a  cote  de 
Dieu  (c.  v),  et  se  retrouve  sur  la  terre,  regnant  dans  Sion  (c.  xiv  et  xvii). 

2°  Le  Dragon^  son  ennemi,  qui  mene,  d'une  fagon  ouverte  ou  cachee,  tous  les 
combats  livres  a  I'Agneau  et  aux  Saints. 

3°  La  Femme,  du  chapitre  xii,  qui  est  I'Eglise  de  TAncienne  et  de  la  Nouvelle 
Loi,  mere  du  Christ  (c.  xii)  en  tant  qu'elle  represente  la  communaute  juive,  et, 
lorsqu'on  arrive  aux  tableaux  de  la  fin,  se  trouve  transformee  en  une  ViLle,  la  cite 
celeste,  comme  dans  la  vision  de  IV  Esdras,  chap.  xiii.  La  Jerusalem  nouvelle 
est  couQue  en  effet  comme  une  cite  et  comme  une  personne  a  la  fois,  puisqu'elle 
est  la  Fiancee  de  TAgneau  (c.  xxi,  2  cf.  xix,  7 ;  xxir,  i7). 

4°  Les  Betes,  qui  sont  les  agents  visibles  et  temporels  du  Dragon,  du  cha- 
pitre XIII  au  chapitre  xx.  La  premiere  et  la  principale  apparait  deja  au  chap.  xi. 
Toutes  deux  ensemble  font  la  contre-partic  de  I'Agneau  sur  terre. 

b°  Babylone  (c.  xvii,  apparait  deja  xvi)  qui  est  a  la  fois,  comme  Jerusalem,  une 
femme  et  une  ville,  mais  qui  n'est  decrite  que  sous  la  premiere  forme.  C'est  la 
Rome  pa'ienne,  la  grande  ennemie  de  I'Eglise  dalors,  la  premiere  incarnation  du 
pouvoir  de  la  Bete.  Si  Jerusalem  est  la  fiancee  de  I'Agneau,  Babylone,  sa  contre- 
partie,  est  une  courtisane  abandonnee  aux  rois  de  la  terre,  vassaux  de  la  Bete. 


RAPPORTS    MUTUELS    DES    SYMBOLES.  LXI 

Les  tableaux  ού  ces  personnages  apparaissent  sont  d'une  grandeur  et  d'une 
inspiration  mysterieuse  qui  les  rend  incomparables  a  tous  ceux  des  Apocryphes. 
lis  sont  repartis  ineg-alement  dans  le  livre ;  presque  tous  se  trouvent  dans  la 
deuxieme  partie,  la  plus  detaillee  et  la  plus  prophetique,  qui  commence  au 
chapitre  xii.  Mais  la  figure  qui  domine  tout,  est  celle  de  I'Agneau,  qui  semble 
etre  toujours  present  aux  yeux  du  Prophete,  meme  quand  Jean  ne  parle  pas  de 
lui,  depuis  le  moment  oii  il  lui  est  apparu  au  ciel  (c.  v). 

Le  Christ  est  encore  represente  sous  d'autres  formes,  repondant  a  d'autres 
aspects.  Mais  c'est  un  symbolisme  qui  n'a  pas  la  continuite  de  celui  del'Agneau, 
et  qui  ne  sert  qu'a  des  scenes  particulieres  :  la  vision  du  «  Fils  d'Homme  »  qui 
donne  a  Jean  sa  mission  prophetique  (c.  i^""),  plus  ou  moins  semblable  au  «  Fils 
d'Homme  »  qui  coupe  la  moisson  delaterre  (c.  xiv) ;  et  celle  du  Cavalier  invin- 
cible qui  exerce  le  jugement  contre  les  Betes  et  leurs  armees  (c.  xix,  cfr.  vi,  1-2). 

Dans  ces  descriptions,  il  serait  difiicile  de  relever  un  trait  oiseux  sous  le  rap- 
port de  la  signification  allegorique.  Chaque  detail  a  sa  portee  speciale,  qu'elle 
soit  aisee  ou  noa  a  decouvrir.  Mais  en  quelques  autres  tableaux,  par  exemple 
dans  les  calamites,  en  partie  traditionnelles  et  stereotypees,  qui  suivent  la 
sonnerie  des  sept  trompettes  et  Teffusion  des  sept  coupes,  tel  ou  tel  trait  des- 
criptif  ne  semble  destine  qu'a  frapper  I'imagination,  et  a  augmenter  I'impression 
d'effroi,  sans  rien  ajouter  a  I'idee.  Ces  traits-la  sont  neanmoins  les  plus  rares ; 
dansl'ensemble,  le  symbolisme  johannique  porte  au  plus  haut  degre  un  carac- 
tere  intellectuel. 

Ce  caraclere  est  meme  si  accuse  que  le  cote  plastique  et  esthetique  des  repre- 
sentations visuelles  ne  sera  pas  sans  en  souffrir.  II  est  par  exemple  difficile  de  se 
figurer  avec  plaisir  un  Agneau  qui  a  sept  cornes  et  sept  yeux  pour  une  seule 
tete,  ou  une  ville  qui  a  la  forme  d'un  cube  (?)  de  12.000  stades  de  cote.  Quant  a 
la  Bete-Antechrist,  on  ne  s'etonnera  pas  qu'elle  soit  difTorme;  mais  elle  Test 
a  tel  point  qu'on  ne  saurait  la  peindre  sur  une  toile.  Elle  a  sept  tetes,  et  dix 
cornes.  Sept  et  dix  sont  des  nombres  premiers  entre  eux.  Comment  done  faudra- 
t-il  ropartir  les  cornes  sur  les  tetes? 

De  pareilles  singularites  au  point  de  vue  de  I'art  porteraient  a  croire  que  telle 
ou  telle  scene  de  I'Apocalypse  a  ete  plus  pensee  que  t^ue;  qu'une  vision  intel- 
lectuelle  d'une  tres  ample  signification  a  ete  traduite  ensuite  en  termes  sensibles 
que  I'auteur  a  puises  dans  I'arsenal  de  la  tradition,  sans  se  soucier  toujours  de 
les  combiner  avec  une  harmonic  suffisante.  Quoi  qu'il  en  soit,  son  but  n'etait 
certes  point  de  faire  de  belles  descriptions,  capables  de  ravir  le  gout  d'un  Grec. 
Au  milieu  de  scenes  d'une  unite  grandiose,  —  car  ses  principales  descriptions  et 
ses  cadres  generaux  ont  une  remarquable  majeste  de  lignes,  —  se  sont  intro- 
duits  des  symboles  disparates,  qui  gatent  un  peu  Timpression  sensible,  parce 
qu'ils  en  troublent  I'unite.  L'unite,  en  substance,  est  pourtant  bien  sauvcgardee 
par  la  continuite,  tantot  tres  apparente,  tantot  plus  ou  moins  voile'e,  de  ce  que 
j'appellerai  les  «  symboles  majeurs  ».  .Elle  Test  encore,  au  milieu  de  la  masse 
des  details,  par  la  predilection  constante  que  I'auteur  montre  pour  certains 
nombres,  et  par  un  certain  coloris  tres  lumineux,  tres  caracterise,  qu'il  sait 
etendre  avec  beaucoup  d'harmonie  sur  ses  scenes  principales  :  ainsi  les  velc- 
ments  blancs  des  Anges  et  des  fideles  du  Christ,  les  nuances  admirablem.ent 
choisies  despierres  precieuses  et  des  autres  matoriaux  et  objetsqui  remplissent  le 


LXII  INTRODUCTION. 

Ciel  et  Jerusalem,  font  voir  que  le  Prophete  n'etait  pas  plus  denue  de  delica- 
tesse  artistique  que  de  vigoureuse  energie  dans  le  trace  des  grandes  lignes.  Si 
Ton  pouvait  reproduire  par  le  pinceau  I'ensemble  de  ses  principales  visions,  on 
serait  surpris  de  voir  cette  prophetie,  si  pleine  de  sombres  menaces  ct  de 
drames  tumultueux,  baignee  cependant,  suivant  les  indications  memes  de  I'au- 
teur,  dans  une  lumiere  nette,  fraiche  et  apaisante  comme  les  tableaux  des  meil- 
leurs  Primitifs.  La  splendeur  du  trone  de  Dieu,  le  vol  radieux  des  Anges,  les 
blanches  theories  des  elus,  I'aube  attendrie  de  la  Jerusalem  celeste  a  Thorizon, 
eclairerait  tout.  L'auteur  qui  a  depeint  de  la  sorte  le  present  et  I'avenir,  en  depit 
des  figures  monstrueuses  qu'il  y  voyait  grouiller,  respirait  une  atmosphere  de 
confiance  et  de  joie.  II  etait  amoureux  de  la  lumiere,  comme  un  habitant  de 
riieureuse  Asie,  qui  voyait  dans  les  jeux  du  soleil  et  de  la  mer,  ou  dans  la  trans- 
parence des  nuits  bleues,  une  image  de  la  serenite  du  monde  divin,  dans  Icquel 
notre  terre  est  baignee.  Mais,  par  malheur,  il  est  presque  impossible  de  recons- 
tituer  avec  exactitude  de  tels  tableaux,  a  cause  de  I'instabilite  des  symboles  se- 
condaires  qui  glissent,  qui  se  fondent,  qui  se  chassent  Tun  I'autre  au  cours  d'une 
meme  vision.  II  faut  done  reconnaitre  en  fin  de  compte  que,  malgre  sa  puissance 
visuelle,  et  ses  grandes  qualites  artistiques,  le  Prophete  de  I'Apocalypse  n'etait 
pas  peintre,  ni  ecrivain  assez  cultive  pour  atteindre  toujours  a  I'harmonie 
descriptive;  du  reste  il  ne  s'en  est  guere  preoccupe,  parce  que  I'idee  labsorbait 
souvent  au  point  de  lui  faire  negliger  I'ordre  et  I'heureuse  combinaison  des 
expression  symboliques. 

Nous  devons  essayer  pourtant  de  trouver  un  fil  conducteur  a  travers  ce  desordre 
partiel,  et  de  reconnaitre  scientifiquement,  s'il  est  possible,  les  formules  gene- 
rales  de  ces  variations  qui  deconcertent.  Une  etude  attentive  nous  montrera 
qu'elles  ne  sont  pas  livrees  au  seul  hasard,  ni  aux  sautes  capricieuses  d'une 
imagination  que  bouleversent  des  revelations  surhumaines. 

LatSiche  est  assez  ardue,  car  notre  formation  litteraire,  renouvelee  ou  conti- 
nuee  des  Grecs,  nous  met  mal  a  I'aise  en  face  des  productions  de  I'esprit 
oriental.  Quand  il  s'agit  d'oeuvres  symboliques,  nos  difficultes  vont  s'aggravant. 
L' Apocalypse,  qui  est  I'ecrit  le  plus  mysterieux  et  le  plus  oriental  du  Nouveau 
Testament,  a  souffert  d'une  maniere  inouie,  chez  les  critiques  protestants,  de 
ces  exigences  de  I'esprit  humaniste,  sur  les  lits  de  Procuste  ού  les  «  Literar- 
kritiker  »  Tont  depecee  a  I'envi,  sans  arriver  a  en  faciliter  beaucoup  Tintelli- 
gence. 

De  fait,  —  a  moins  que  nous  n'appartenions  a  certaines  ecoles  ultra-modernes, 
plus  musicales  que  litteraires,  qui  usent  de  procedes  avec  lesquels  la  majorite 
des  critiques  bibliques  n'ont  pas  I'air  d'etre  familiers,  —  notre  culte  de  la  preci- 
sion nos  idees  sur  la  correspondance  du  signe  au  signifie,  nous  portent  a  nous 
astreindre,  nous,  aux  conditions  qui  suivent,  meme  dans  le  genre  litteraire  de 
I'allure  la  plus  libre,  dans  I'allegorie. 

Soit  une  serie  de  realites  ou  de  pensees  que  nous  entreprenons  de  representer 
allegoriquement.  Je  les  designe  par  A,  B,  C,...  etc.  Nous  leur  attacherons  a 
chacune  leur  symbole,  qui  leur  demeurera  fixe  indissolublement,  une  fois  pour 
toutes,  dans  le  cours  de  I'ceuvre  :  soit  a,  β,  γ,...  etc.  Une  fois  constitues  les 
groupes  aussi  naturels  et  logiques  que  possible,  A-a,  Β-β,  C-γ,...  etc.,  nous 
n'irons  pas  introdaire  ex  abrupto  un  groupe  Α-β,  ou  B-a,  quand  meme  A  et  B, 


RAPPORTS    MUTUELS    DES    SYMBOLES.  LXIII 

α  et  β  seraient  des  idees  assez  voisines,  ou  des  signes  assez  voisins.  II  serait  mal- 
seant,  suivant  notre  commune  maniere  de  voir,  d'ouvrir  cette  porte  aux  confu- 
sions. 

Mais  I'auteur  de  I'Apocalypse  avail  d'autres  mceurs  litteraires,  voulues  on 
non.  Impossible,  tant  qu'on  ne  les  a  pas  comprises,  d'apprecier  critiquement  et 
scientifiquement  son  oeuvre. 

Prenons  nos  deux  series  A,  B,  C,...  et  a,  β,  γ,...  Supposons  les  realites  A  et 
Β  liees  entre  elles  par  quelque  analogic,  de  fond  ou  de  surface,  qui,  dans  tel  cas, 
pent  se  reduire  a  la  communaute  d'un  seul  detail.  Non  seulement  nous  trouve- 
rons  chez  TApocalyptique  les  groupes  quasi-naturels  A-a  et  B-3,  mais  toutes 
les  combinaisons  que  voici  : 

A  - .         -^\;         A  -  3, 

ou  encore 

α  —  A  α   '  α  —  Β. 

'    Β 

Parfois,  voulons-nous  dire,  une  seule  et  meme  realite,  signiilee  deja  par  son 
propre  symbole,  s'en  detachera  pour  s'introduire  momentanement  sous  le  sym- 
bole  d  une  realite  voisine ;  ou  bien,  inversement,  un  seul  et  meme  symbole  ser- 
vira  successivement  a  representer  deux  ou  plusieurs  realites,  reliees  par  quelque 
association  d'idees  qui  peut  etre  lointaine.  Ces  extensions  et  ces  «  glissements  » 
ne  paraissent  soumis  a  aucune  regie  determinable.  Ce  n'est  peut-etre  point  de  la 
pure  fantaisie ;  il  se  peut  qu'une  logique  profonde  rythme  ces  fluctuations ; 
pourtant,  un  observateur  presse  jugera  ce  symbolisme,  par  endroits,  flottant 
comme  les  attributions  qu'on  fait  aux  personnages  des  drames  qui  se  jouent  dans 
les  reves. 

Je  justifie  cette  premiere  remarque  par  quelques  exemples  frappants. 

D'abord  une  seule  et  meme  realite  representee,  en  raison  de  ses  differents 
aspects,  par  differents  symboles,  dans  des  visions  simultanees,  ou  du  moins 
etroitement  connexes  : 

Aux  premiers  chapitres,  nous  verrons  Jesus  apparaitre  en  «  Fils  d'homme  » 
porteur  d'emblemes  divins,  et  donner  au  Voyant  le  message  pour  les  sept 
eglises.  Aucbap.  iv,  une  voix,  sa  voix  (IV,  i  cf.  i,  10)  appelle  le  prophete  a  une 
vision  du  ciel.  La  se  deroule  la  scene  sublime  de  la  grande  liturgie  autour  du 
trone  de  Dieu.  Jesus  n'y  est  point  d'abord  visible ;  le  «  Fils  d'homme  »  ne  repa- 
raitra  que  dans  un  fragment  du  chap.  xiv.  Mais  quand  il  s'agit  d'ouvrir  le  livre 
aux  sept  Sceaux,  le  Sauveur  surgit  sous  la  forme,  toute  differente,  de  I'Agneau 
«  comme  immole  »,  aux  sept  cornes  et  aux  sept  yeux.  Le  Fils  de  I'Homme  est-il 
encore  dans  le  fond  du  tableau?  —  Ce  n'est  pas  tout.  Quand  I'Agneau  a  rompu 
le  premier  sceau  du  livre,  apparait  un  Cavalier  sur  un  cheval  blanc,  avec  son 
arc  et  sa  couronne.  II  y  a  d'excellentes  raisons  de  croire  que  ce  cavalier  est  le 
mέme,  sauf  une  nuance  d'impersonnalite,  que  celui  du  chapitre  xix,  c'est-a- 
dire  le  Verbe  de  Dieu,  encore  Jesus  (Ij.  Ainsi  voila  une  personne  unique, 
Jesus  ou  le  Verbe,  apparaissant  simultanement  sous  trois  formes  qui  semblent 

(1)  Voir  Texcursus  au  chap,  vi  :  χ  Le  premier  cavalier  du  chapitre  vi  de  I'Apocalypse  ». 


LXIV  INTRODUCTION. 

absolument  independantes  et  irreductibles.  La  premiere,  il  est  vrai  (le  Fils 
d'homme)  s'efTace  momentanement  dans  la  penombre;  une  autre,  I'Agneau 
immole,  occupe  le  centre  du  tableau;  la  troisieme,  I'Archer  royal,  se  dresse 
devant  I'Agneau  et  le  Voyant  a  la  fois.  Ainsi  une  realite  indivisible,  mais  mul- 
tiple d'aspects,  la  divine  personne  du  Sauveur,  se  presente  a  nous  sous  le 
voile  d'un  triple  symbolisme,  suivant  qu'il  est  le  Revelateur  divin,  le  Redemp- 

β 

γ• 

Voyons  la  contre-partie,  c'est-a-dire  des  symboles  identiques  en  tout  ou  en 

partie  (par  exemple  un  animal  et  un  membre  de  cet  animal),  qui  servent  indif- 

feremment  pour  la  representation  de  realites  diverses,  mais  connexes,  chaque 

realite    pourtant   ayanl   eu    originairement    son  symbole   propre.    Ge  sera   la 

(  A 
formule  α  (a')  s 

Aux  chap.  XIII  et  xvii,  la  Bete  qui  raonte  de  la  mer,  avec  ses  sept  tetes  et  ses 
dix  cornes,  represente  I'empire  paien  de  Rome.  Les  tetes  sont  primo  et  per 
se,  des  empereurs.  Cependant,  au  chapitre  xvii,  ce  seront  «  des  coUines  aussi  »  : 

α  ^       Cette  dualite  de  signification  meltra  mieux  en  relief  lunion  etroite  de  la 

Bete  maudite  avec  la  courtisane  Babylone,  la  Rome  des  sept  collines.  Mais  le 
lien  des  rois  et  des  collines  est  on  ne  pent  plus  accidentel. 

Les  tetes,  disons-nous,  representent  respectivement  des  empereurs.  Mais, 
parmi  les  empereurs,  Neron  a  paru  comme  une  incarnation  veritable  de  I'essence 
diaboliquedu  monstre  aux  sept  tetes.  II  resulte  de  cela  une  continuelle  equiva- 
lence symbolique  entre  Neron  et  I'empire  paien.. La  Bete  (a)  sera  I'empire 
paien  (A)  ou  Neron  (B).  Meme  leurs  symboles  respectifs  s'arracheront  leurs 
attributs. 
Ainsi  : 

au  c.  XIII,  la  tete  a  ete  blessee  a  mort,  puis  guerie; 
au  c.  XVII,  c'est  la  Bete  elle-meme  qui  est  ressuscitee  (xvii,  8,. 
La  Bete  a  un  nom,  exprime  par  le  chiffre  666.  Ce  nombre,  suivant  I'interpreta- 
tion  la  plus  plausible,  s'ecrit  en  lettres  \ΛΛ2  TDp,  Neron  Cesar.  Ainsi  Neron  n'est 
qu'une  tete  de  la  Bete,  et  pourtant  la  Bete  tout  entiere,  qui  est  I'empire,  et  autre 
chose  encore,  s'appellera  Neron  de  son  nom  propre.  (Neron  est  en  partie  le  Neron 
historique,  en  partie  un  Neron  typique ;  I'historique  n'intervient  que  parce  qu'il 
pouvait  servir  de  type).  De  la  sorte,  un  membre   du  corps,  une  tete,  devient  le 
type  de  tout  le  corps,  et  de  ce  qui  est  symbolise  par  le  corps.  Cette  tete  a  d'abord 
symbolise  directement  un  empereur ;  mais  comme  cet  empereur  represente  emi- 
nemment  ce  qu'il  y  a  d'horrible  dans  le  corps  entier,  son  symbole,  la  tete,  repre- 
sente aussi  le  corps  entier  et  les  attributions  symboliques  de  la  tete  passeront  au 
corps.  Parce  que  c'est  la  meme  realite  fonciere  que  corps  et  tete  representent,  la 
domination  politique  du  Dragon,  qui  ne  sera  aneantie  qu'a  la  grande  victoire  du 
Verbe. 

Ceci  nous  amene  a  une  deuxieme  remarque.  La  confusion  de  Neron  et  de  I'em- 
pire, de  la  Bete  et  d'une  de  ses  tetes,  nous  offre  un  bel  exemple  de  symboles  qui 
ne  sont  pas  seulement  flottants,  mais  qui  se  symbolisent  les  uns  les  autres,  d'un 


RAPPORTS    MUTUELS    DBS    SYMBOLES.  LXV 

symbolisme  a  plusieurs  etages,  pour  ainsi  parler.  On  trouvera  le  meme  pheno- 
mene  des  les  premieres  pages  du  livre.  II  s'agit  des  Anges  dessept  eglises. 

Jesus  commande  a  Jean  d'ecrire  a  ces  sept  Anges  qui,  dans  la  vision  d'intro- 
duction,  sont  dits  representee  par  les  sept  etoiles  que  le  Fils  de  I'Homme  tient  en 
sa  main. 

Des  esprits  bienheureux  ne  peuvent  guere  etre  I'objet  des  reproches,  parfois 
assez  vchements,  et  des  menaces  que  le  Voyant,  au  nom  de  Jesus,  adresse  a  ces 
Anges.  II  serait,  en  eflfet,  gratuit  d'attribuer  a  I'auteur  de  I'Apocalypse  les  memes 
idees  qu'a  I'auteur  du  Livre  des  Songes  d'Henoch  sur  la  responsabilite  des 
Anges  proposes  par  Dieu  a  la  garde  des  hommes.  Tout  au  plus  a-t-on  le  droit  de 
croire  que  les  «  soixante-dix  pasteurs  »  de  cet  apocryphe  et  les  «  sept  Anges  » 
du  livre  inspire  ressortissent  du  meme  symbolisme.  Dans  I'Apocalypse,  ces 
Anges  sont  done  la  figure  de  quelque  chose  ou  de  quelqu'un ;  il  s'agissait  pour 
I'auteur  d'exhorter  des  freres,  et  non  de  speculer  sur  les  fautes  des  etres  celestes, 
comme  I'a  fait  rapocryphe,pour  rejeter  sur  leur  dos  la  responsabilite  des  fautes  et 
des  malheurs  humains.  Aussi  voit-on  souvent  dans  ces  Anges  les  «  chefs  »  des 
Eglises.  Pourtant  le  ton  et  la  teneur  des  louanges  et  des  reproches,  des  menaces 
et  des  promesses,  convient  bipn  mieux  si  tons  ces  avertissements  sont  adresses  a 
des  collectivites  que  s'ilsl'etaient  a  des  individus,  car  unprelat,  en  bonne  justice, 
ne  peut  etre  que  par  une  fiction  litteraire  tenu  pour  strictement  responsable  de 
tout  ce  qui  se  passe  dans  son  eglise.  Les  prelats,  si  prelats  il  y  a,  sont  done 
identifies  a  la  communaute;  si  le  Voyant  leur  parle,  c'est  pour  que  la  commu- 
naute  entende.  Nous  trouvons  done  un  symbolisme  qui  descend  ainsi  par  degres 
successifs. 

Etoiles  —  ANGES 

1 

Prelats  (Symbole  latent,  sous-entendu). 
EGLISES. 

En  fin  de  compte,  les  etoiles  representent  :  au  ciel  les  «  esprits  de  Dieu  »,  sur 
terre  les  sept  eglises  d'Asie.  —  De  meme,  I'Eglise  et  le  monde  impie  sont  sym- 
bolises respectivement  par  deux  cites,  elles-memes  representees  par  des  femmes. 
Et  ily  a  d'autres  exemples,  moins  notables,  d'un  pareil  etagement  de  symboles. 

Ce  manque  de  fixite  et  ^immediation  dans  les  symboles  cree,  a  coup  sur,  de 
multiples  difficultes  d'exegese.  II  ne  faut  pas  s'etonner  si  des  esprits  trop  geome- 
triques  ont  de  la  peine  a  s'y  reconnaitre. 

C'est  en  cela  que  les  «  critiques  litteraires  »  trouvent  leur  grand  argument 
pour  soutenir  que  I'Apocalypse  Johannique  est  une  compilation,  a  peu  pres 
comme  le  livre  d'Henoch;  compilation  (faite  avec  imperitie,  il  faut  bien  le  dire), 
d'dlements  deja  cristallises  qu'un  «  redacteur  »  aurait  collectionnes  partout;  puis, 
il  eut  cherche  a  y  mettre  mecaniquement  une  espece  d'unite,  en  les  agglutinant 
au  moyen  de  quelques  gloses  ou  notes  redactionnelles.  L'execution,  du  reste,  eut 
trahi  Tintention,  car  toutes  ces  retouches  ou  ligatures  n'arriveraient  qu'a  donner 
I'impression  d'une  plus  grande  heterogeneite  et  d'un  plus  grand  desordre. 
Faut-il  cntrer  dans  les  sentiers,  tres  peu  convergents  d'ailleurs,  que  ces  critiques 
nous  ont  traces? 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  β 


LXVI  INTRODUCTION. 

Non,  pour  cette  raison  tres  suffisante  que  la  theorie  de  la  compilation  ne  fournit 
du  genre  de  fluctuations  ci-dessus  analyse  aucune  explication  qui  puisse  nous 
satisfaire.  D'abord  il  n'y  a  pas,  bien  entendu,  a  tenir  compte  de  I'opinion  de  ces 
philologues  qu\me  certaine  materialite  de  vues  ou  de  culture,  jointe  a  la  mania 
du  decoupage,  empeche  de  remarquer  Tunite  d'inspiration,  de  doctrine,  de 
langue  et  de  cadres,  de  «  scenario  »,  qui  s'affirme  a  travers  les  vingt-deux  cha- 
pitres  du  livre.  Meme  dans  I'hypothese  —  sur  laquelle  nous  faisons  d'ores  et 
deja  toutes  nos  reserves  —  οΐι  I'auteur  aurait  continuellement  utilise  des  sources, 
il  faudrait  reconnaitre  qu'il  les  a  elaborees,  et  elaborees  profondement,  pour  les 
faire  servir  au  but  de  son  enseignement  bien  un  et  bien  defini.  C'est  un  auteur^ 
pas  un  redacteur.  II  se  montrait  parfaitement  capable  d'unifier  tout  ce  que,  dans 
I'hypothese,  il  aurait  emprunte.  Mais  s'il  n'a  pas  voulu  mettre  plus  d'unite 
entre  les  elements  qu'il  aurait  groupes  ainsi,  cela  revele  chez  lui  une  trempe 
d'esprit  toute  particuliere  (1).  Or,  quand  un  homme  sait  faire  de  I'unite,  et  que 
pourtant  il  a  eu  si  peu  cure  d'en  mettre  une  parfaite  dans  le  detail  de  son  sym- 
bolisme,  sera-t-il  invraisemblable  de  supposer  que  cette  variabilite  est  bien  con- 
forme  aux  tendances  naturelles  de  son  esprit  et  qu'elle  s'introduira  spontane- 
ment  dans  ce  qu'il  aura  imagine,  ou  apergu  en  vision,  le  detail  materiel  des 
visions,  meme  divines,  dependant  naturellement  des  habitudes  imaginatives  de 
celui  qui  les  eprouve?  Ainsi  il  n'y  aurait  nul  besoin  de  recourir,  pour  expliquer 
certaines  «  incoherences  »  du  symbolisme,  a  I'hypothese  qu'il  a  juxtapose  peni- 
blement  des  sources  disparates. 

Mais  ceci  n'est  qu'un  argument  ad  hominem.  Car  nous  estimons  qu'il  ne  fau- 
drait pas  tant  parler  de  Γ  «  incoherence  »  de  ces  images  apocalyptiques.  Un 
prophete  chretien  du  i"  siecle,  de  culture  presque  exclusivement  juive,  aurait-il 
du  partager  les  gouts  et  les  repugnances  dont  nous  a  doues  la  culture  huma- 
niste  ?  Les  visions,  puisqu'en  realite  c'est  de  visions  qu'il  s'agit,  doivent-elles  se 
plier  a  laregularite  logique  de  notre  esthetique?  II  serait  audacieux  de  poser  ces 
postulate.  En  fait,  il  y  a  toujours,  sous  les  symboles  les  plus  changeants  qui  se 
presentent  a  son  esprit  et  sous  sa  plume,  une  realite  fonciere  qui  etablit  une 
aifinite  entre  toutes  ces  figures,  dont  chacune  la  represente  sous  un  aspect  spe- 
cial. Get  ultimum  quid  est  un  «  tout  potentiel  »,  comme  un  scolastique  dirait. 
Dans  les  exemples  ci-dessus  analyses,  c'est  Jesus,  roi  de  I'Univers,  ou  bien  le 
Pouvoir  terrestre  et  diabolique. 

On  pent  insister,  et  declarer  que  pourtant  cette  liberie  un  peu  fantaisiste  dans 
I'usage  des  symboles  est  quelque  chose  de  rare,  de  peu  naturel.  Je  consens  a  n'y 
voir  pas  uniquement  un  trait  de  race  (quoique  dans  les  prophetes,  notamment 
dans  la  seconde  partie  dlsaie,  on  put  relever  des  phenomenes  analogues),  mais 
la  note  d'un  esprit  individuel.  Mais  le  cas  de  cet  auteur,  ainsi  expose,  serait-il 

(1)  On  pourrait  objecter  que  IV  Esdras  est  aussi  une  oeuvre  une  et  personnelle,  de 
I'avis  de  critiques  comme  Schurer,  Gunkel  et  autres,  qui  nous  semblent  avoir  parfaitement 
raison,  et  cependant  cette  belle  Apocalypse  reste  pleine  d'incoh^rences,  mome  doctrinales. 
Oui,  mais  son  auteur,  a  la  difference  de  Jean,  n'a  guere  montro  I'intention  d'unifier  les 
diverses  traditions  qu'il  trouvait  dans  ses  sources.  Son  respect  de  la  tradition  I'a  empoch^  de 
faire  autre  chose  que  les  «  enchasser  »  dans  son  oeuvre  propre,  comme  dans  une  monture 
beaucoup  plus  precieuse,  en  fail,  que  les  pierreries  dont  il  I'ornait.  Pour  Jean,  c'est  autre 
chose ;  il  avail  sa  doctrine  et  entendait  bien  y  ramener  tout  ce  qu'il  a  pu  emprunter  ailleurs. 


RAPPORTS    MUTUELS    DES    SYMBOLES.  LXVII 

lellement  artificiel,  tellement  unique  en  son  genre,  qu'on  dut  n'y  voir  que  la 
«  construction  »  d'une  exegese  trop  complaisante  pour  la  tradition? 

Je  ne  le  pense  pas,  car  ailleurs,  dans  le  Nouveau  Testament,  on  trouve  des 
examples  presque  aussi  frappants  de  virtualisme  de  style.  Et  c'est  principale- 
ment  dans  un  livre  dont  on  ne  peut  serieuseraent  contester  I'unite,  a  aucun  point 
de  vue  (1).  Je  veux  dire  le  Quatrieme  Evangile.  Nous  ferons  plus  tard  cette 
comparaison  instructive, 

Ces  considerations  suffisent  a  caracteriser  le  traitement,  un  peu  deconcertant 
a  premiere  vue,  que  Jean  fait  subir  a  ses  symboles.  De  la  resulte  une  des 
deux  grosses  difficultes  de  I'interpretation ;  elle  n'est  pas  toutefois  insoluble.  La 
deuxieme,  qu'on  pourrait  donner  comme  le  principal  defaut  litteraire  d'un 
ouvrage  d'ailleurs  sublime,  c'est  un  certain  desordre  apparent,  un  enchevetre- 
ment  dans  la  suite  des  tableaux  eux-memes,  qui  empeche  de  reconnaitre  sans 
travail  les  divisions  du  livre,  et  le  progres  de  I'idee  prophetique.  Pour  arriver 
a  la  resoudre,  il  est  necessaire  d'en  etudier  les  precedes  de  composition.  Ce 
n'est  qu'apres  cela  que  nous  pourrons  en  decrire  le  contenu,  suivant  un  plan 
raisonne. 

(1)  Car  Wendt,  Spitta  ou  Wellhausen  n'ont  vraiment  pas  bien  reussi  dans  cette  entreprise. 


CHAPITRE  VII 


LES    PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE    DE    L  APOCALYPSE. 

De  nombreux  travaux  recents  traitent  —  parfois  au  petit  bonheur  —  des 
sources  litteraires  de  TApocalypse,  de  ses  particularites  linguistiques,  des 
preoccupations  doctrinales  du  milieu  ou  cette  Revelation  a  paru,  des  attaches 
juives,  orientales  ou  hellenistiques  de  son  imagerie,  enfin  des  pretendues  «  cles 
historiques  »  des  visions  ou  symboles  etudies  un  a  un;  je  ne  sais  s'ils  sont 
entierement  de  nature  a  rendre  I'Apocalypse  plus  populaire  cliez  cette  nom- 
breuse  fraction  des  croyants,  douos  d'un  sens  rassis  mais  etroit,  qui  la  consi- 
derent  encore  comme  un  livre  presque  incomprehensible,  un  livre  dont  Tetude 
detaillee  est  un  peu  dangereuse,  et  ne  saurait  attirer  que  des  fantaisistes.  En 
depit  du  caractere  sacre  que  la  foi  les  oblige  pourtant  de  reconnaitre  a  cet 
epilogue  du  Nouveau  Testament,  beaucoup  partagent  encore,  sans  se  Tavouer, 
les  apprehensions  ou  les  repugnances  que  trahissait  autrefois  saint  Denys 
d'Alexandrie,  quand  il  n'osait  I'attribuer  a  un  Apotre. 

Si  tant  de  recherches  savantes,  et  parfois  fort  meritoires,  n'ont  pas  encore 
abouti  aux  resultats  qu'on  aurait  pu  en  esperer,  cela  pent  tenir  au  fait  que  la 
plupart  ont  eu  un  caractere  trop  fragmentaire  ou  trop  special.  1/abus  de  la 
methode  analytique  a  ete  particulierement  funeste  a  ce  livre.  Avant  d'etudier 
cette  ceuvre  si  vivante,  les  critiques  independants,  —  lesquels  ont  trop  reussi 
a  donner  le  ton  aux  orthodoxes,  —  ont  pose  en  principe  indiscutable  qu'elle 
n'etait  qu'une  compilation ;  ils  se  sont  crus  autorises  alors  a  la  debiter  en  tout 
petits  morceaux,  dont  ils  cherchaient  partout  la  provenance,  en  consultant  tons 
les  documents  possibles,  excepte  justement  Vensemble  d'ou  le  fragment  avait 
ete  arrache  par  eux.  Or,  un  symbole  isole,  une  vision  isolee,  peuvent  souvent 
prendre  une  multitude  de  sens,  qui  se  diversifient  suivant  Tunique  norme  des 
preoccupations,  et  du  degre  dlngeniosite,  de  Tinterprete.  Celui-ci  pent  se  laisser 
eno-ao-er  dans  des  voies  completement  fallacieuses  par  une  analogie  lointaine 
entre  telle  image  du  texte  sacre,  et  tel  element  d'un  mythe  etranger,  ou  tel  fait 
materiel  du  premier  siecle.  Si  Ton  avait,  au  contraire,  examine  d'abord  chaque 
symbole  en  fonction  de  toute  la  vision  a  laquelle  il  se  rattache,  puis  chaque 
vision  en  fonction  de  toutes  les  autres,  si  Ton  etait  ainsi  arrive  k  decouvrir  par 
quels  procedes  litteraires  sont  amenes  les  motifs  les  plus  caracteristiques,  et 
quelle  en  est  la  valeur  respective  dans  I'ensemble,  alors  il  est  certain  qu'a  chaque 
element  s'attacherait  un  sens  beaucoup  plus  determine,  et  plus  interessant 
Deut-etre:  le  peril  des  fantaisies  exegetiques  deviendrait  beaucoup  moins  mena- 
gant,  a  coup  sur. 

Voila  pourquoi  nous  devons  attacher  une  importance  capitale  a  I'etude  propre- 
ment  litternire  de  ce  livre,  a  la  consideration  de  Fensemble,  et,  avant  tout, 
de  ses  procedes  de  composition;  ce  n'est  qu'apres  avoir  essaye  de  cette  methode 


PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXIX 

avec  loyaute,  patience,  et  grande  attention,  qu'on  pourra  decider  si  I'Apo- 
calypse  est,  oui  ou  non,  composee  de  pieces  et  de  morceaux,  ou  bien,  au 
contraire,  un  livre  dune  seule  et  magnifique  venue.  Le  sens  qu'on  lui  donnera 
depend,  en  grande  partie,  du  jugement  qu'on  aura  porte  sur  son  homogeneite. 

§1 

Essayons  d'abord  de  nous  figurer  I'impression  qu'un  helleniste  moderne, 
double  si  Ton  veut  d'un  orientaliste,  mais  ignorant  ou  insoucieux  des  theories 
critiques  allemaades,  eprouverait  en  abordant  naivement,  et  pour  la  premiere 
fois,  la  lecture  de  ce  livre.  II  aurait  peut-etre  a  surmonter  d'abord  I'impression 
de  chaos,  qui  est  produite  par  la  profusion  des  images  eclatantes,  peu  nettement 
coordonnees,  et,  a  premiere  vue,  extraordinairement  instables.  Cela  s'aggrave- 
rait  encore  par  le  contraste  qu'il  peut  remarquer  entre  une  syntaxe  barbare 
et  un  vocabulaire  qui  a  sa  richesse  et  son  raffinement.  Mais  aussi,  il  aura  vite 
le  sentiment  d'un  rythme  tres  ample  et  tres  grandiose  qui,  d'un  bout  a  Tautre 
du  livre,  vous  emporte,  comme  par  rafales  harmoniques,  a  travers  les  tonalites 
les  plus  riches  et  les  plus  diverses,  depuis  le  murmure  intime  de  la  tendresse 
mystique  jusqu'aux  terreurs  presque  physiques  des  tonnerres  et  des  ouragans  ; 
derriere  tout  cela,  il  y  a  I'accompagnement  d'une  musique  grave  et  toujours 
triomphale,  qui  vient  du  ciel,  des  alentours  du  trone  de  Dieu,  et  domine 
completement,  a  des  instants  periodiques,  les  bruits  tumultueux  de  la  scene 
terrestre.  Seulement,  la  formule  de  ce  rythme  est  d'abord  tres  difficile  a  saisir. 
Au  moment  ou  Ton  croirait  I'avoir  presque  fixee,  le  rythme  vous  echappe,  et 
semble  se  noyer  dans  un  pur  vacarme,  un  tourbillon  ou  se  heurtent  et  claquent, 
au  vent  d'une  inspiration  desordonnee,  des  lambeaux  de  melodies  disparates. 
Cela  toutefois  n'est  qu'apparent.  Si  Ton  persiste  a  bien  lire  et  a  bien  ecouter, 
I'ordre  reprend,  et  s'affirme  plus  net  que  jamais,  aux  yeux  et  aux  oreilles. 

Des  cette  premiere  prise  de  contact,  voici  ce  qu'il  aura  ete  impossible  de  ne 
pas  remarquer. 

Notre  lecteur  percevra  d'abord,  comme  tout  le  monde  I'a  fait  avant  lui,  que 
le  livre  est  divise  en  grandes  sections  bien  tranchees,  dont  chacune,  a  sa 
maniere,  forme  un  tout.  C'est  :  (a)  Un  titre,  une  introduction  epistolaire,  et  une 
vision  oil  le  «  Fils  d'Homme  »  donne  mission  au  Voyant  de  Patmos  d'ecrire 
ce  qu'il  a  vu,  c'est-a-dire  des  revelations  concernant  d'abord  certaines  realites 
presentes  (δ  εϊσίν),  ensuite  des  realites  encore  a  venir  (ά  μέλλει  γενέσθαι  μετά  τοΰτα), 
comme  il  est  clairement  dit  au  c.  i",  v.  19.  Cette  introduction  comprend  tout 
le  i'^''  chapitre.  (β)  Viennent  ensuite  sept  lettres  dictees  par  le  Revelateur  pour 
sept  eglises  contemporaines  d'Asie  Mineure.  C'est  la  sans  doute  I'accomplis- 
sement  de  la  premiere  partie  de  la  mission  relative  aux  evenements  actuels, 
ά  εϊσίν,  et  a  leurs  consequences  immediates.  Elle  s'etend  sur  les  chapitres  ii  et 
III.  (γ)  Du  chapitre  iv  au  chapitre  xx,  v.  11,  se  deroule  une  longue  serie  de 
visions  tres  varices,  et  tres  difficiles  a  comprendre  et  a  classer,  mais  qui  se 
rapportent  toutes  principalement,  on  n'en  peut  douter,  aux  choses  de  I'avenir, 
δ  μέλλει  γενέσθαι  μετά  ταυτο(,  quoique  lunc  OU  I'autre  puisse  reposer  sur  I'inter- 
pretation  spirituelle  de  quelque  fait  present,  (oj  Enfin  les  derniers  chapitres, 
XX,  11-xxii,  decrivent  la  consommation  du  siecle  present  et  I'etablissement  du 


LXX  INTRODUCTION. 

siecle  futur  (1;.  Cette  partie  contient  aussi  des  recommandations  directes  au 
lecteur,  et  se  termine  sur  une  formule  epistolaire,  repondant  a  celle  du  debut. 
II  faut  remarquer  aussi  que  les  images  de  cette  section  finale  sont  les  memes, 
pour  la  plupart,  que  celles  des  deux  premieres.  Par  la  le  livre  entier  apparait 
comme  un  cercle  qui  se  fermerait. 

Le  lecteur  notera  ensuite  les  caracteres  communs  les  plus  visibles  du  contenu 
de  ces  diverses  sections.  Avant  tout,  Femploi  des  nombres,  de  nombres  consa- 
cres  et  symboliques,  comme  trois,  quatre,  sept,  douze  et  ses  multiples.  Ce  qu'il 
y  a  de  plus  remarquable  a  ce  titre,  ce  sont  les  series  septenaires  qui  forment 
la  trame  principale  du  drame  apocalyptique  :  sept  lettres  (ii-iii),  sept  sceaux 
au  livre  des  destinees  (v-viii),  sept  trompettes  (viii-xi)  et  sept  coupes  (xv-xvi) 
aux  mains  des  Anges  executeurs  des  jugements  divins.  —  On  sera  frappe  aussi, 
au  milieu  de  la  variabilite  des  images  symboliques,  de  la  tenacite  de  certaines 
d'entre  elles,  ainsi  de  la  couleur  blanche  attribuee  soit  a  des  vetements,  soit 
a  d'autres  objets  (i,  14;  ii,  17;  m,  4,  5,  18;  iv,  4;  vi,  2,  11;  vii,  9,  13;  xiv,  14; 
XIX,  11,  14;  XX,  11),  laquelle  couleur,  dans  les  moins  obscurs  de  ces  passages, 
symbolise  evidemment  I'idee  de  triomphe.  Enfin  beaucoup  de  developpements  ou 
de  tableaux  sont  paralleles  deux  a  deux,  par  mode  de  similitude  ou  d'antithese ; 
beaucoup  de  figures  individuelles  aussi  sont  antithetiques,  et  vont  s'opposant 
deux  a  deux,  soit  dans  I'interieur  d'une  meme  serie,  soit  meme  en  demeurant 
situees  respectivement  en  des  series  diverses.  Je  ne  pourrai  en  donner  I'enume- 
ration  que  dans  le  commentaire  detaille.  Certains  tableaux  antithetiques  ont 
d'ailleurs  exactement  la  meme  entree  en  matiere  :  ainsi  c'est  un  des  Anges  aux 
sept  coupes  qui  montre  au  Voyant  la  Prostituee  Babylone  (xvii,  1  seq.),  et 
encore  un  de  ces  memes  Anges  qui  lui  fait  voir  la  Jerusalem  nouvelle,  fiancee  de 
I'Agneau  (xxr,  9  seq.).  Avec  cela,  beaucoup  d'anticipations,  de  repetitions  au 
moins  apparentes,  de  figures  ou  de  scenes  entieres  qui  semblent  d'abord  faire 
double  emploi. 

En  outre  de  ces  observations  formelles  et  generates ,  il  est  certaines  parti- 
cularites  frappantes  du  contenu  qui  ne  peuvent  echapper  au  lecteur  intelligent 
et  attentif.  Ainsi  la  section  γ  (iv-xx),  qui  est  comme  le  corps  de  la  prophetie, 
n'est  pas  aussi  homogene  que  les  autres  :  elle  doit  se  diviser,  a  ce  qu'il  semble, 
au  moins  en  deux  parties  caracterisees  respectivement  par  les  deux  series 
apparemment  equivalentes  des  sept  trompettes  et  des  sept  coupes.  Ces  deux 
parties  sont  d'ailleurs  tellement  liees  qu'il  est  extremement  difficile  d'en  trouver 
le  point  de  suture.  Pourtant  elles  doivent  avoir  chacune  leur  role  particulier 
dans  la  Revelation,  car  on  voit  tout  de  suite  que  c'est  la  derniere  partie  de  la 
section  qui  contient  les  propheties  les  plus  saillantes,  les  plus  originales,  les 
plus  developpees  et  les  plus  precises  dans  leur  detail.  Cela  n'empeche  que 
les  deux  parties  ont,  pourrait-on  dire,  un  fond  de  scene  commun  :  c'est  le 
decor  celeste  qui  a  ete  decrit  au  chapitre  iv,  le  trone  de  Dieu,  les  quatre  Ani- 
maux  symboliques,  I'ocean  de  cristal,  les  vingt-quatre  Vieillards,  le  chceur  des 
Anges.  C'est  de  la  que  partent,  avant  ou  apres  chaque  grand  deploiement  de  la 
puissance  divine  sur  la  terre,  ces  chceurs  de  voix  triomphales  dont  nous  avons 

(1)  Dans  une  analyse  plus  rigoureuse  que  nous  ferons  au  chapitre  viii,  nous  montrerons 
que  XX,  11-xxt,  1-8,  est  en  roalite  encore  une  partie  de  la  section  precodente. 


PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXXI 

parle  (iv,  1-11;  v,  8-14;  vii,  11-12;  xi,  15-18;  xii,  10-12;  xv,  2-4;  xix,  1-8).  Le 
«  drame  »  —  nous  continuons  a  nous  servir  de  cette  comparaison  parce  qu'elle 
est,  en  somme,  la  plus  commode  —  se  deroule  done  sur  une  scene  qui  a  comme 
deux  plans,  deux  etages  :  Tun  terrestre,  rempli  dune  action  bruyante  et  infmi- 
ment  variee,  I'autre  celeste,  ou  les  principaux  personnages  restent  toujours  en 
place.  Le  voyant  se  donne  comme  le  spectateur  de  cette  double  action,  et  il 
semble  que  les  peripeties  de  I'avant-scene,  si  tumultueuses  qu'elles  soient,  ne 
lui  cachent  jamais  ce  plan  superieur,  cette  espece  de  voute  animee  d'ou  des- 
cendent  les  messagers  des  decrets  qui  s'executeront  au  premier  plan.  Pour 
mieux  faire  saisir  cette  disposition  continue,  je  la  comparerais  volontiers  a  celle 
des  theatres  oii  Ton  representait  au  Moyen  Age  les  Mysteres,  ou  a  la  situation 
respective  de  Forchestre  et  du  proscenium  dans  les  tragedies  grecques. 

Si  Ton  passe  au  style,  on  remarquera,  au  milieu  des  semitismes  et  des  incor- 
rections  de  toute  sorte  du  vocabulaire  et  de  la  syntaxe,  que  Tauteur  a  indique, 
par-ci  par-la,  une  distinction  assez  nette,  au  cours  dune  meme  vision,  entre  la 
partie  narratwe,  ou  il  decrit  une  serie  d'images  qui  passent  devant  ses  yeux,  et 
une  partie  prophetique,  marquee  par  I'usage  du  temps  futur,  ou  il  annonce  seu- 
lement  ce  que  I'apparition  de  ces  images  fait  connaitre  a  son  esprit  touchant 
I'avenir.  Cette  distinction  est  meme  peut-etre  bcaucoup  plus  frequente  qu'on  ne 
le  signale  d'habitude  dans  les  commentaires.  Seulement  il  est  tres  delicat  de 
I'appliquer  :  les  nombreuses  variantes  qu'offrent  a  ce  point  de  vue  les  manus- 
crits,  le  peu  d'exactitude  qu'apporte  I'auteur  dans  Temploi  des  temps  du  verbe 
grec,  empecheront  souvent  d'y  voir  clair,  et  pourront  desesperer  Thelleniste  qui 
n'est  qu'helleniste,  loin  de  I'engager  a  pousser  a  fond  I'analyse  par  laquelle  il 
separerait  tout  ce  qui  est  narration,  description  d'un  fait  present  ou  passe, 
historique  ou  visionnel,  de  ce  qui  esi  prophetie ,  toute  relative  a  I'avenir. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cet  ensemble  d'observations  formelles,  que  je  crois  tout 
homme  instruit  et  exerce  capable  de  faire  s'il  le  veut,  ne  laisse  pas  d'etre  de  la 
plus  haute  importance;  et  il  est  trop  rare,  a  mon  avis,  que  les  interpretes  insis- 
tent assez  la-dessus.  Ces  cadres  et  ces  caracteres  generaux  ont  beaucoup  de  relief 
et  de  fixite ;  si  Ton  s'attache  d'abord  a  bien  les  considerer,  au  lieu  d'accrocher 
du  premier  coup  son  esprit  critique  a  de  minimes  details,  pareils  a  des  buissons 
qui  distrairaient  de  regarder  les  arbres  et  la  forot,  on  se  sentira  beaucoup  plus 
d'assurance  et  de  courage  pour  creuser  tout  ce  symbolisme  et  cette  symetrie  que 
Ton  a  entrevus  en  gros,  et  pour  chercher  s'ils  ne  sont  pas  soumis  a  des  lois  fixes 
dont  la  connaissance  aiderait  a  penetrer  le  sens  de  bien  des  textes  qui  demeurent 
desesperement  obscurs  ou  fuyants  quand  on  les  examine  isolement,  en  dehors  de 
ces  grands  cadres. 

Pour  pousser  I'analyse  plus  avant,  il  faut  d'ailleurs  etre  un  specialiste  des 
etudes  neo-testamentaires.  D'assez  minutieuses  observations  philologiques,  une 
connaissance  approfondie  du  reste  du  Nouveau  Testament,  et  aussi  de  I'Apoca- 
lyptique  juive,  des  notions  etendues  sur  I'orientalisme  et  riiellenisme,  de  fre- 
quents recours  a  la  tradition  exegetique  des  premiers  siecles,  enfin,  par-dessus 
tout,  une  grande  attention,  seront  necessaires  pour  entretenir  quelque  esperance 
de  mener  Toeuvre  a  bien.  Moyennant  cela,  des  rapprochements  suggestifs  surgi- 
ront  presque  a  chaque  ligne.  Mais  il  y  en  a  trop;  leur  abondance  meme  est  un 
obstacle  a  la  stlrete  de  I'interpretation,  et  un  triage  severe  s'imposera.  Les  inter- 


LXXn  INTRODUCTION. 

pretations  particulieres  ou  generales  qui  affluent  a  Tesprit,  en  Tabsence  d'une 
tradition  ferme  et  unique,  ne  se  presentent  d'abord  que  sous  I'aspect  d'hypotheses 
tres  conjecturales,  simplement  possibles,  et  ce  n'est  qu'au  prix  d'une  longue 
patience,  d'un  veritable  travail  a  la  loupe,  que  Ton  peut  arriver  a  etayer  un  sys- 
teme  quelconque,  d'arguments  capables  de  produire  la  conviction.  Onn'y  arrivera 
surement  jamais  si  Ton  n'opere  un  retour  continuel  de  la  consideration  de  chaque 
parcelle  a  celle  que  Ton  possede  deja  du  toμt ;  et  la  premiere  condition  pour  le 
faire  est  de  garder  constamment  presentes  a  I'esprit  les  quelques  conclusions, 
purement  formelles,  qu'a  pu  fournir  Tebauche  d'analyse  qui  precede. 

§  Π 

G'est  que,  dans  I'Apocalypse,  la  forme  peut  etre  etudiee  independamment  de 
la  matiere,  vq  qu'elle  est  bien  plus  aisement  saisissable  que  celle-ci;  et  certaine- 
ment  les  procedes  litteraires  une  fois  definis  eclairent  la  signification  de  chaque 
vision,  ou  meme  de  chaque  symbole,  ne  fut-ce  qu'en  restreignant,  par  les  rappro- 
chements que  cette  connaissance  impose,  le  champ  trop  vaste  des  explications  qui 
s'offriraient  pour  chaque  element  pris  a  part.  11  en  va  ainsi,  je  crois,  dans  toute 
exegese,  mais  particulierement  dans  I'exegese  d'un  livre  allegorique,  rempli 
de  figures  qui  ne  repondent  plus  aux  tendances  actuelles  de  notre  imagination. 

Continuous  done  I'analyse  commencee,  et  tachons  de  preciser  ce  que  nous 
n'avons  encore  fait  qu'entrevoir. 

Une  forte  objection  a  Tadmission  d'un  plan  regulier  et  d'un  ordre  rationnel 
dans  I'Apocalypse,  surgit  du  fait  des  redites  apparentes,  ainsi  que  de  la  presence 
de  certains  morceaux  qui  troublent  le  rythme  presume,  et  qu'on  ne  sait  comment 
rattacher  a  ceux  qui  les  precedent  ou  qui  les  suivent.  Nombre  de  critiques  s'ap- 
puient  la-dessus  pour  decreter  que  I'Apocalypse  n'est  qu'une  compilation,  parfois 
indigeste.  Je  veux  indiquer  comment  cette  grosse  diificulte  s'amincit  jusqu'a 
disparaitre,  si  Ton  sait  reconnaitre  certains  procedes  de  developpement  speciaux 
a  notre  auteur. 

1.  Le  premier  est  ce  que  j'appellerai  la  loi  de  I'emhoUement.  Qu'on  veuille  bien 
me  passer  cette  expression  un  peu  grotesque,  je  n'en  ai  pas  trouve  qui  rende  ma 
pensee  d'une  fagon  plus  simple  et  plus  concrete.  Voici  en  quoi  elle  consiste  : 

Nous  avons  dit  que  la  section  γ  (du  chap,  iv  au  chap,  xx,  v.  11)  se  divise  en 
deux  grandes  series.  On  ne  peut  se  dissimuler,  apres  avoir  depasse  la  fin  du 
chapitrexi,  qu'on  se  trouve  transporte  dans  un  milieu  nouveau  d'images,  repon- 
dant  sans  doute  a  de  nouvelles  pensees.  G'est  la  vision  de  la  Femme  et  du 
Dragon,  celle  des  Betes,  de  la  Courtisane,  du  Verbe  victorieux,  et  beaucoup 
d'autres  qui  s'y  rattachent.  Elles  ont  beaucoup  plus  de  couleur  individuelle  que 
les  precedentes,  et  le  Voyant  parait  s'attacher  a  attirer  sur  elles,  d'une  fagon 
toute  speciale,  I'attention  de  ses  lecteurs,  comme  sur  des  propheties  qui  les  tou- 
cheraient  de  plus  pres.  Jusque-la,  avec  les  sept  sceaux  et  les  sept  trompettes, 
nous  restions  la  plupart  du  temps  dans  leslieux  communs  apocalyptiques.  trem- 
blements  de  terre,  invasions,  chutes  d'etoiles,  etc.,  assurement  tres  grandioses, 
mais  ne  comportant  pas  d'explication  trop  determinee,  vu  I'extreme  variete  des 
conditions  de  temps  et  de  lieu  ou  ils  peuvent  s'appliquer.  Tout  cela  representait 
I'execution  des  decrets  contenus  dans  le  «  livre  scelle  »  Ισφραγισμένος,  du  chapitre  v. 


PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXXIH 

Quand  on  atteint  lechapitre  xii,  ce  livre,  au  contenuuniversel,  a  certainement  ete 
lu  en  entier,  toutes  ses  dispositions  ont  ete  realisees,  autrement  dit  ce  monde  tran- 
sitoire  est  arrive  a  sa  consommation.  La  chose  est  certaine  :  et,  d'apres  les  termes 
memes  qui  closent  cette  serie  (xi,  15-19)  et  annoncent  I'execution  du  jugement 
dernier;  et  d'apres  les  paroles  de  TAng-e  imposant  da  chapitre  χ  «  qui  jura  par 

Celui  qui  vit  aux  siecles  des  siecles qu'aux  jours  de  la  voix  du  septieme  Ange 

(dr.  ch.  XI,  15)  quand  celui-ci  sonnerait,  le  Mystere  de  Dieu  s'accomplirait,  ainsi 
qu'il  I'a  annonce  a  ses  serviteurs  les  Prophetes  »  (x,  6,  7).  Cependant,  apres  cette 
septieme  trompette,  le  chapitre  xii  et  les  suivants  nous  ramenent  au  siecle  pre- 
sent, comme  si  rien  encore  n'avait  ete  execute.  On  en  a  conclu  que  la  vision  de  la 
Femme  et  du  Dragon  marquait  le  commencement  d'une  nouvelle  Apocalypse, 
d'une  origine  documentaire  tout  a  fait  differente  de  celle  de  la  precedente  (iv-xi), 
quoique  equivalente  pour  la  signification,  et  juxtaposee  tant  bien  que  mal  a  la 
premiere  par  un  artifice  du  redacteur.  Cela,  nous  ne  I'admettons  pas ;  I'impres- 
sion  est  tres  forte,  en  eifet,  que  la  difference  de  ces  deux  parties  est  plus  que 
materielle;  de  Tune  a  I'autre,  il  y  a  progres  evident,  pour  I'ampleur,  pour  la  pre- 
cision. La  seconde  doit  avoir  au  moins  une  valeur  explicative  vis-a-vis  de  la  pre- 
miere. Mais  qu'elle  se  rapporte  a  un  avenir  ulterieur^  nous  ne  pouvons  non  plus 
le  croire  attendu  que  le  livre  aux  sept  sceaux,  dont  le  contenu  s'est  realise  de  vi 
a  XI,  embrassait  bien  tout  I'avenir. 

II  faut  done  chercher  a  preciser  le  rapport  de  ces  deux  parties,  et  pour  cela 
bien  determiner  le  point  de  depart  de  la  serie  xii-xx.  Or,  si  le  contenu  du  livre 
du  chapitre  ν  a  ete  epuise,  il  a  ete  fait  mention  d'un  autre  livre  :  c'est  le  βιβλα- 
ρίδιον  que  tenait  dans  sa  main  le  grand  Ange  du  chapitre  x.  La  formule  diminu- 
tive suggere  que  le  contenu  devait  en  etre  plus  restreint  que  celui  du  premier,  il 
diifere  encore  de  celui-ci  en  ce  qu'il  n'est  pas,  lui,  Ισφραγισίλένος,  mais  ouvert,  ήνεωγ- 
μένον.  Ce  trait  signifie  le  plus  naturellement  qu'il  est  d'une  interpretation  plus 
accessible  au  Voyant  et  a  ses  lecteurs  que  le  premier,  peut-etre  parce  qu'il  se 
rapporte  a  des  evenements  plus  prochains.  Mais  quel  en  est  au  juste  le  contenu? 
II  est  vaste  encore;  car,  apres  que  le  Voyant  a  mange  ce  livre  (symbole  etrange 
pour  nous,  mais  renouvele  d'Ezechiel),  il  se  trouve  en  mesure  de  «  prophetiser 
encore  sur  des  peuples,  et  des  races,  et  des  langues,  et  des  rois  nombreux  » 
(x,  11).  D'autre  part,  le  contenu  de  ce  livre  doit  etre  moins  general,  a  quelque 
point  de  vue,  que  celui  du  livre  ouvert  par  I'Agneau  lui-meme,  car  le  Voyant  se 
tait  volontairement  sur  une  partie  au  moins  de  I'avenir,  celle  que  lui  a  revelee, 
dans  la  m6me  vision,  le  grondementdes  sept  tonnerres  (x,  3-4).  On  est  naturelle- 
ment porte  a  croire  que  ces  propheties  sur  des  peuples  nombreux  —  lesquelles  ne 
peuvent  etre  seulement  la  vision  schomatique  de  xi,  1-14,  ou  des  Deux  Temoins, 
—  sont  precisement  les  visions  qui  s'ouvrent  par  celle  de  la  Femme  et  du  Dragon. 
Jusqu'ici  rien  que  de  plausible.  Mais  voici  une  grosse  difficulte,  qui  semble 
miner  toute  cette  construction.  Cette  serie  de  visions,  xii-xx,  n'est  aucunement 
rattachee  litterairement  au  petit  livre  du  chapitre  x.  Au  contraire,  elle  en  est 
separee  par  toute  la  fin  de  la  premiere  Apocalypse.  Quand  le  Voyant  mange  ce 
nouvel  instrument  de  prophetic,  la  septieme  trompette  n'a  pas  encore  sonne,  le 
troisieme  Vae  n'a  pas  encore  regu  son  accomplissement,  et  tout  le  chapitre  xi 
qui  va  suivre,  y  compris  la  scene  des  deux  Temoins,  fait  encore  partie  de  la 
serie  precedente.  Loin  de  nous  aider  a  decouvrir  un  ordre  rationnel  dans  I'Apo- 


LXXIV  INTRODUCTION'. 

calypse  et  un  lien  entre  ses  parties,  le  «  petit  livre  »  n'a  done  fait  qu'ajouter 
une  obscurite  ou  une  incoherence  de  plus.  II  fournit  un  des  forts  arguments 
tendant  a  prouver  que  TApocalypse  n'est  qu'une  combinaison  de  morceaux  de 
provenance  disparate,  et  soudes  au  hasard,  mecaniquement,  avec  des  conclu- 
sions qui  n'ont  pas  eu  de  premisses,  et  des  entrees  en  matiere  qui  n'ont  aucune 
matiere  a  les  suivre.  Car  si  veritablement  x,  2,  8-11,  se  rapportait  a  xii  sq., 
pourquoi  ce  petit  morceau  se  trouverait-il  a  cette  place,  mis  ainsi  en  vedette 
dans  un  ensemble  absolument  different,  ou  il  a  I'air  d'un  bloc  erratique,  et  ne 
servirait  qu'a  mettre  en  relief  le  desordre  du  redacteur? 

Voila  la  difficulte;  et  voici  la  reponse.  II  faudrait  se  rendre  aux  raisons 
ci-dessus  exposees,  si  nous  avions  la  I'unique  exemplaire  de  ces  pretendus 
«  blocs  erratiques  »,  ou  si  de  pareils  blocs  se  trouvaient  disperses  complete- 
ment  au  hasard  a  travers  le  livre.  Mais  il  n'en  est  pas  ainsi.  Nous  pouvons 
affirmer  que  le  βιβλαρίδιον  de  x,  2,  8-11  est  bien  en  rapport  avec  la  serie  xii  s. ; 
et  que,  s'il  nous  est  apparu  comme  incruste  dans  la  serie  precedente,  ou  il 
semblait  n'avoir  rien  a  faire,  ce  nest  point  le  fait  d'un  hasard,  ou  d'une  mala- 
dresse  redactionnelle,  mais  cast  bel  et  bien  en  vertu  d'une  intention,  et  meme 
d'une  intention  profonde. 

La  preuve  de  cette  double  affirmation  est  fournie  par  I'examen  attentif  des 
chapitres  qui  suivent.  Nous  y  trouvons  en  efTet  des  emboitements  tout  pareils  a 
celui  que  nous  avons  presume;  et  ce  sont  des  anticipations  faites  en  propres 
termes  de  quelque  scene  qui  suivra,  en  sorte  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  douter  du 
lien  intentionnel;  et  ils  se  presentent  toujours  a  des  places  analogues,  de  sorte 
quon  ne  pent  douter  qu'il  y  ait  la  un  procede  constant  de  composition. 
'  Au  reste,  les  voici  enumeres  : 

1°  La  prophetic  des  deux  Temoins,  au  chapitre  xi,  contient  deja  (v.  7)  la  men- 
tion de  la  «  Bete  qui  monte  de  I'abime  »,  laquelle  ne  montera  pourtant  quau 
chapitre  xiii.  C'est  la  un  signe  que  la  deuxieme  partie  est  deja  contenue  dans 
la  premiere,  par  une  espece  d'involution ; 

2°  La  chute  de  Babylone,  qui  sera  racontee  seulement  aux  chapitres  xvii-xix, 
est  deja  annoncee  au  chapitre  xiv,  8,  dans  la  vision  d'Anges  preparatoire  a  celle 
de  I'effusion  des  sept  coupes;  puis  signalee  comme  deja  faite  au  chapitre  xvi,  19, 
c'est-a-dire  avant  la  fin,  dans  le  resume  des  bouleversements  qui  suivent  I'ef- 
fusion de  la  septieme  coupe.  Ceci  pent  nous  aider  a  deviner  la  raison  de  ces 
anticipations  plus  ou  moins  lointaines.  Elles  concernent  surtout  les  evenements 
qui  interessent  le  plus  le  lecteur  chretien  du  premier  siecle  :  Babylone,  ou 
Rome  paienne,  etait  la  grande  ennemie,  I'implacable  persecutrice,  qui  avait 
donne  lieu  ace  culte  impie  des  empereurs,  auquel  tout  le  livre  est  plein  d'allu- 
sions.  L'auteur  sacre  deploie  un  veritable  luxe  d'avertissements  pour  convaincre 
les  fideles  qu'ils  en  seront  delivres  un  jour.  11  y  en  a  encore  au  chapitre  xviii, 
1-3  et  21-24. 

3°  L'eiTusion  des  sept  coupes,  qui  sont  les  chatiments  repandus  sur  le  siecle 
mauvais,  aux  chapitres  xv-xvi,  est  deja  presagee  par  une  allusion  au  cha- 
pitre XIV,  V.  10,  dans  la  bouche  d'un  Ange  annonciateur. 

4"  L'effusion  de  la  sixieme  coupe  (xvi,  12-16)  a  pour  effet  le  rassemblement 
des  ennemis  de  Dieu,  les  rois  de  I'Orient  (les  Parthes,  ennemis  de  I'empire 
romain,  ont  ete  pris  pour  symbole;  cf.  ch.  ix,  13-19,  apres  le  son  de  la  sixieme 


I 


PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXXV 

trompette),  mais  on  ne  dit  rien  de  la  bataille  qu'ils  livrent,  ou  de  leur  defaite, 
tout  cela  etant  reserve  au  chapitre  xix,  17-21,  ou  il  s'agit  presque  surement  des 
memes  ennemis. 

o"  Les  «  noces  de  I'Agneau  »  et  de  son  epouse,  la  Femme-Jerusalem,  qui 
feront  le  sujet  des  chapitres  de  la  derniere  section,  xxi-xxii,  sont  annoncees 
dans  un  cantique  celeste,  au  chapitre  xix,  7-9.  —  C'est-a-dire  par  une  anticipa- 
tion absolument  analogue  a  celle  que  nous  sommes,  avec  tous  ces  exemples,  en 
train  de  prouver. 

Que  conclure  de  tout  cela?  Pour  nous,  une  affirmation  de  critique  litteraire 
s'impose  ici  :  nous  avons  trouve,  en  douze  chapitres,  six  exemples  d'anticipa- 
tions  frappantes,  en  des  places  sensiblement  analogues.  Le  fait  est  si  constant 
qu'il  ne  pent  etre  un  effet  du  hasard.  II  est  voulu,  c'est  un  procede  litteraire. 
Ce  procede  ressemble  a  celui  qu'on  nomme,  en  poetique  savante,  la  concate- 
natio;  pourtant  il  n'est  pas  tout  a  fait  le  meme,  etvoilapourquoinous  avons  mieux 
aime  le  designer  par  un  terme  pittoresque  que  par  une  expression  technique  qui 
pourrait  tromper.  Nous  Fappelons  «  la  loi  des  embottements  ».  Au  cours  d'une 
revelation,  generalement  vers  la  fin,  le  Voyant  pose  comme  une  pierre  d'attente 
pour  y  elever  plus  tard  I'edifice  d'une  revelation  nouvelle.  Revelation  nouvelle, 
ai-je  dit;  c'est  plutot  I'explication  d'un  point  de  la  revelation  precedente  et 
generale,  celui  qui  touche  le  lecteur  de  plus  pres.  Un  coup  est  ainsi  frappe  sur 
son  imagination.  II  est  tenu  en  haleine.  dans  une  attente  vibrante  d'emotion, 
jusqu'a  ce  que  Dieu  et  le  Prophete  s'expliquent  davantage.  Ainsi  les  decrets 
divins  forment  comme  des  spirales  qui  tournent  autour  d'un  point  oil  son  ceil 
reste  fixe,  et  vont  se  resserrant  toujours,  tant  qu'enfin  la  foudre  en  sort  et 
frappe  la  ou  son  interet  demeurait  suspendu.  Procede  rare  et  bien  recherche,  si 
Ton  veut.  Je  ne  sais  s'il  a  toujours  ete  aussi  conscient  que  j'ai  Fair  de  le  dire. 
Toujours  est-il  qu'il  existe  reellement,  et  qu'il  est  etrangement  dramatique.  Si 
nous  nous  meltions  a  la  place  des  Chretiens  de  I'Asie  Mineure,  en  ces  dernieres 
annees  du  1*"'  siecle,  apres  leur  experience  des  premieres  persecutions ;  si  nous 
nous  rendions  compte  de  leur  anxiete,  et  de  la  foi  avec  laquelle  ils  attendaient  la 
lumiere  que  la  revelation  prophetique  pouvait  jeter  sur  leur  avenir  inquietant, 
alors  nous  serious  moins  surpris  de  ces  precedes  expressifs  et  nous  les  com- 
prendrions  mieux. 

Voila  done  la  repetition  d'une  anomalie,  d'un  meme  desordre  apparent,  qui 
nous  a  fait  decouvrir  un  ordre  superieur,  parce  que  plus  varie.  Ces  «  emboite- 
ments  «  sont  loin  d'affaiblir  I'impression  de  I'unite  de  I'Apocalypse. 

II.  II  existe  une  autre  grave  objection  contre  I'homogeneito  du  livre.  C'est  le 
fait  des  redites  nombreuses  qui  le  remplissent,  et  qui  seraient,  pense-t-on,  tout 
a  fait  inutiles  si  le  tout  emanait  d'un  ecrivain  spontane,  et  non  d'un  redacteur 
qui  coud  ensemble  tant  bien  que  mal  un  bien  ramasse  un  peu  partout  et  dont  il 
ne  veut  pas  laisser  perdre  une  parcelle.  Dans  le  commentaire,  je  montrerai 
qu'il  n'en  est  pas  ainsi.  En  examinant,  par  exemple,  le  chapitre  xii,  ou  ces 
redites  sont  tres  visibles,  nous  verrons  qu'il  n'y  a  pas  la  simple  juxtaposition  de 
sources  analogues,  mais  que  plutot,  dans  Vinterieur  d'une  meme  serie,  une 
vision  schematique,  qui  contient  deja  toute  la  revelation  visee,  s'explicite  en- 
suite  en  divisions  plus  amples  qu'elle,  identiques  a  la  premiere  pour  le  fond, 
mais  y  apportant  chacune  une  precision  et  une  clarte  nouvelle.  C'est  comme  un 


LXXVl  INTRODUCTION. 

developpement  en  volutes,  ou  mieux  en  «  ondes  concentriques  ».  Ce  precede 
esttres  caracteristique  de  I'Apocalypse,  il  ne  dit  rien  contre  Tunite.  Je  I'appel- 
lerai  la  «  loi  des  ondulations  ». 

III.  Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  ne  concerne  encore  que  le  mode  de  pre- 
sentation le  plus  exterieur  des  propheties.  Si  maintenant  nous  examinons  leur 
contenu,  si  surprenant  d'abord  par  sa  diversite  et  son  apparente  confusion,  nous 
decouvrirons  sans  trop  de  peine  plus  dun  nouveau  fil  conducteur. 

Le  premier  est  ce  que  j'appellerai,  si  Ton  veut,  la  loi  de  perpetuite  de  I'anti- 
these. 

Qu'il  y  ait  des  figures  ou  des  phrases  antithetiques  a  I'interieur  de  chaque 
serie,  et  presque  de  chaque  tableau,  le  lecteur  le  plus  superficiel  le  remarquera 
par  ses  propres  moyens.  Mais  il  y  en  a  trop.  Que  signifisnt-elles?  Se  groupent- 
elles  autour  d'une  idee  centrale,  antithetique  egalement,  dont  chacune  ne  re- 
presenterait  qu'une  des  realisations  partielles  en  des  temps  ou  des  lieux 
divers,  ou  bien  encore  un  aspect  partial,  mais  qui  pent  se  retrouver  dans  tous 
les  cas  de  realisation?  Ces  problemes  ne  peuvent  etre  resolus  que  par  i'etude 
detaillee  du  texte.  Toutefois  nous  pouvons  deja  dire  que  cette  complexite,  quand 
on  arrive  a  la  saisir  d  un  seul  regard,  se  simplifie  beaucoup.  Si  variees  que 
soient  les  images,  elles  se  trouvent  reliees  entre  elles  par  de  telles  analogies, 
qu'on  est  vite  porte  a  croire  a  la  quasi-identite  de  beaucoup  des  choses  qu'elles 
representent.  Υ  a-t-il,  au  fond,  autre  chose  que  I'opposition  de  deux  societes,  de 
deux  citesy  comme  dira  saint  Augustin,  celle  des  amis  de  Dieu,  la  vraie  Jeru- 
salem, gouvernee  par  I'Agneau,  et  celle  de  ses  ennemis,  Babylone,  ou  com- 
mande  le  Dragon?  L'une  reservee  aux  epreuves  passageres,  qui  n'empechent 
pas  la  joie  interieure,  enfm  au  triomphe  final,  absolu;  Tautre  a  I'exercice  d'une 
domination  despotique,  mais  transitoire,  qui  ne  Fempeche  pas  de  sentir  con- 
tinuellement  la  main  vengeresse  de  la  Providence,  toute  plongee  qu'elle  est 
dans  la  θλίψις  μεγάλη,  la  tribulation  de  ce  monde,  jusqu'au  jour  ou  Dieu  I'ecrasera 
dans  la  honte  eternelle  de  la  «  Seconde  Mort  »?  Cette  simplicite  de  I'antithese 
fondamentale  ressort  surtout  dans  la  deaxieme  partie  de  la  section  γ,  tout  en- 
tiere  dominee  par  I'opposition  des  deux  Femmes-Cites.  Les  Betes,  les  rois  et 
leurs  armees,  Gog  et  Magog,  semblent  bien  representor  les  memes  realites 
complexes,  continues  a  travers  I'histoire  du  monde.  Cite  du  Dragon;  de  meme 
1  armee  du  Logos,  les  cent  quarante-quatre  mille,  le  camp  des  saints,  semblent 
plus  ou  moins  s'identifier.  On  ne  pent  croire,  en  tout  cas,  que  les  successions  de 
tableaux  ou  ces  figures  typiques  apparaissent  repondent  toujours  a  une  succes- 
sion historique,  dans  I'avenir,  d'evenements  nettement  separes.  Ce  sferait  faire 
de  I'Apocalypse  le  livre  le  plus  incoherent  et  le  plus  incomprehensible  qui  soit,  et 
tomberdans  toutesles  rέveriesdes  Joachimites  ou  de  Nicolas  de  Lyre.  Seul  I'usage 
modere  de  la  «  theorie  de  la  recapitulation  »  fait  aboutir  a  un  sens  satisfaisant. 

Si  Tantithese  fondamentale  est  particulierement  nette  dans  la  section  susdite, 
on  pent  dire  qu'elle  commande  tout  le  livre. 

Mais  il  est  des  places  consacrees,  dans  les  series,  ou  elle  s'exprime  avec  plus 
de  nettete.  II  y  a  des  tableaux  destines  exclusivement  a  faire  ressortir  cette  anti- 
Ihese  generale.  Cette  observation  est  des  plus  importantes.  Et  ces  tableaux  se 
trouvent  en  regie  ordinaire  situes  a  des  places  fixes.  C'est  ce  qu'on  peut 
nommer  «  la  loi  de  periodicite  dans  la  position  de  I'antithese  ». 


PROCBDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXXVII 

1°  A  la  fin  des  visions  preparatoires  qui  precedent  les  septenaires ; 

2°  A  chaque  sixieme  moment  des  septenaires  (celui  des  lettres  excepte). 

1°  Ce  que  nous  appelons  ainsi  «  visions  preparatoires  «,  c'est  d'abord  la  serie 
qui  va  de  vi,  la  viii,  avant  la  destruction  du  siecle  present  au  son  des  sept 
trompettes  angeliques  ;  ensuite  la  serie  qui  va  de  xiv,  6  a  xv,  5,  avant  I'effusion 
des  coupes,  laquelle  correspond  a  la  serie  des  trompettes,  avec  cette  principale 
difference  qu'elle  est  rapportee  a  la  vision  precedente  des  Betes  au  cha- 
pitre  xiii. 

Dans  la  premiere  serie  (vi-vii),  nous  voyons  d'abord  des  cavaliers,  qui  appa- 
raissent  dans  le  ciel  a  la  voix  des  quatre  animaux  symboliques,  et  se  rangent 
devant  le  trone  de  Dieu,  attendant  le  moment  d'executer  ses  ordres.  Ensuite, 
pendant  que  I'Agneau  acheve  de  rompre  les  sceaux  du  livre  pour  que  le  con- 
tenu  en  devienne  executoire,  les  preparatifs  de  la  destruction  s'achevent;  les 
prieres  des  saints  «  immoles  pour  la  parole  de  Dieu  »  produisent  au  ciel 
comme  une  tension  de  la  justice  vindicative  qui  va  eclater.  Quand  le  sixieme 
sceau  est  rompu,  le  Voyant  peut  considerer,  dans  une  vision  anticipe'e,  quel 
sera  le  resultat  de  I'accomplissement  des  ordres  du  livre  :  un  cataclysme  uni- 
versel,  decrit  dans  le  style  apocalyptique  commun,  epouvante  les  rois  de  la 
terre,  etc.,  c'est-a-dire  les  impies  et  leurs  chefs,  et  leur  fait  dire  aux  mon- 
tagnes  :  Tombez  sur  nous!  C'est  la  le  premier  membre  de  I'antithese  signalee 
(vi,  12-17).  Au  contraire,  les  «  serviteurs  de  Dieu  »  que  des  Anges  ont  marques 
au  front  avant  le  dechainement  de  la  colere,  pour  que  les  calamites  des  Anges 
exterminateurs  passent  a  cote  d'eux  sans  les  atteindre,  chantent  les  louanges  de 
Dieu  devant  son  trone  (vii,  1-17).  Leur  attitude  forme  un  contraste  absolu  avec 
celle  des  mondains  mechants.  Cette  vision  d'ensemble,  anticipee,  qui  apparait 
au  Voyant  au  terme  des  preparatifs  qui  se  font  au  ciel  pour  la  destruction  du 
monde,  lui  resume  deja  tout  ce  qui  va  s'accomplir  au  son  des  trompettes,  et  lui 
en  devoile  le  vrai  sens,  le  vrai  but. 

L'autre  serie  (xiv,  6-xv,  5)  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  qui  precede.  II  se 
fait  encore  des  preparatifs  ,au  ciel  avant  I'effusion  des  sept  coupes  pleines  de  la 
colere  de  Dieu.  Trois  Anges  qui  font  des  proclamations  (xiv,  6-11)  re'pondent 
aux  quatre  Cavaliers  du  chapitre  vi.  Comme  le  premier  des  Cavaliers  etait 
designe  par  les  traits  memes  de  sa  description  —  ainsi  que  nous  le  demon- 
trerons  en  son  lieu  —  comme  agent  symbolique  des  conquetes  spirituelles  du 
Verbe  et  de  I'Evangile,  tandis  que  les  trois  autres  symbolisaient  la  preparation 
des  vengeances,  ainsi  le  premier  Ange  (xiv,  6-7)  remplit  un  role  bi'^nfaisant,  lui 
qui  α  porte  un  Evangile  eternel  pour  etre  annonce  aux  habitants  de  la  terre  «, 
et  proclame  la  prochaine  victoire  de  Dieu ;  les  deux  autres  au  contraire  an- 
noncent  des  malheurs.  Le  parallelisme  ne  s'arrete  pas  la,  et  la  fameuse  anti- 
these  ressort  d'une  fagon  encore  plus  nette  dans  la  vision  qui  suit,  de  la 
moisson  et  de  la  vendange.  La  «  moisson  »,  qui,  d'apres  la  terminologie  de 
I'Ancien  Testament,  est  une  image  essentiellement  joyeuse,  est  faite  par  un 
personnage  qui  est  «  comme  un  Fils  d'homme  »,  c'est-a-dire  par  le  Christ  lui- 
meme  qui  recueille  les  elus  (14-16);  la  «  vendange  »,  qui,  dans  la  meme  ter- 
minologie, signifie  ordinairement  I'ecrasement  des  ennemis,  foules  aux  pieds 
comme  des  grappes  dont  le  sang  jaillit,  est  accomplie  par  un  esprit  subor- 
donne,  par  un  Ange  (17-20).  La  cuve  de  vengeance  est  foulee;  mais  les  amis  de 


LXXVIII  IB^m.mM^  INTRODUCTION. 

Dieu,  les  vainqueurs  de  la  Bete  (xv,  2-4)  chantent  devant  le  Tout-Puissant  le 
cantique  triomphal  de  Moise  (1).  Ces  scenes  rappellent  tout  a  fait  celles  du 
chapitre  \i  et  du  chapitre  vii,  bien  que  le  parallelisme  soit  dans  le  fond  plus 
que  dans  la  forme.  Elles  sont  destinees,  elles  aussi,  a  montrer  le  but  et  le  re- 
sultat  de  Teffusion  des  coupes  qui  va  suivre,  au  chapitre  xvi. 

2°  J'ai  dit  que  la  meme  antithese  apparait  encore  nettement  a  un  point  fixe 
des  septenaires,  c'est-a-dire  a  leur  sixieme  et  avant-dernier  moment.  La  elle  a 
pour  but  de  resumer  les  resultats  du  processus  de  destruction,  comme  les 
visions  preparatoires  les  avaient  presages.  Nous  avons  deja  vu  ce  qui  se  pro- 
duit  a  la  rupture  du  sixieme  sceau.  Au  son  de  la  sixieme  trompette,  voici,  d'une 
part,  I'infernale  chevauchee  qui  massacre  le  tiers  des  hommes  impies,  sans 
convertir  les  autres  (xi,  13-21),  mais  aussi,  d'autre  part  (apres  I'intermede  du 
διβλαρι'διον^  dont  nous  avons  vu  la  haute  portee),  voici  le  tableau  des  Deux  Te- 
moins  (xi,  1-14),  qui  represente  la  continuite  du  pouvoir  du  Bien  sur  la  terre, 
resistant  a  toutes  les  persecutions,  meme  a  la  mort,  et  ressuscitant  toujours 
quand  on  croit  Tavoir  detruit,  pour  le  plus  grand  bien  des  habitants  du  monde, 
qui,  devant  un  tel  spectacle,  finissent  par  «  rendre  gloire  au  Dieu  du  ciel  »  (11- 
13).  Alors  la  septieme  trompette,  celle  de  la  consommation,  n'a  plus  qu'a 
sonner. 

Avec  I'eiTusion  de  la  sixieme  coupe,  a  lieu  le  rassemblement  des  rois  de  la 
terre  «  pour  la  bataille  de  ce  grand  Jour  du  Dieu  tout-puissant  »  (xvi,  14).  Le 
sort  des  elus  est  vaguement  indique  par  la  phrase  :  κ  Heureux  qui  veille  et  qui 
garde  ses  vetements  ».  Ici  I'antithese,  il  est  vrai,  n'est  pas  developpee,  mais  cette 
scene  amorce  le  chapitre  xix,  oii  elle  le  sera  tres  amplement. 

L'antithese  fondamentale  se  retrouve  encore  en  de  nombreux  passages  que 
nous  ne  pouvons  citer  ici.  Nous  voulions  simplement  montrer  qu'elle  se  trouve 
principalement  situee  en  des  points  correspondants  de  developpements  divers 
entre  eux,  et  c'est  la  un  fait  hautement  significatif,  en  ce  qui  touche  a  la  compo- 
sition du  livre. 

IV.  Une  observation  d  un  autre  ordre  se  rapporte  a  un  caractere  particulier 
de  Tun  des  deux  membres  de  l'antithese,  les  amis  de  Dieu,  la  Cite  de  Dieu. 
Cette  collectivite  est  constamment  representee  dans  un  double  etat  :  I'un  de 
persecutions  et  depreuves,  I'autre  de  securite  interieure  sur  terre  et  de  triomphe 
au  ciel.  Ce  dernier  etat  reponJ  aux  deux  phases  du  «  Regne  de  Dieu  »,  tel  qu'il 
est  represente  dans  les  Evangiles.  Deux  phases  nettement  distinguees  dans  les 
pericopes  qui  mettent  en  scene  la  Femme-Jerusalem,  mere  du  Christ  passible  et 
mystique  (c.  xii),  et  epouse  du  Christ  personnel  et  glorieux  (c.  xx,  seq.).  Dans 
le  premier  etat,  celui  d'Eglise  militante,  elle  vit  sur  la  terre,  obsedee  par  le 
Dragon,  mais  gardant  cependant  la  securite  et  la  paix  dans  le  desert  ού  elle  est 
refugiee  (c.  xii);  dans  le  deaxieme,  elle  apparait  comme  descendant  du  ciel. 
L'auteur  insiste  beaucoup  sur  la  securite  interieure  de  TEglise  militante.  Dans 
les  visions  preparatoires  que  j'ai  analysees  ci-dessus,  le  Prophete  use  du  temps 
present  pour  signifier  ce  qu'il  voit ;  ce  sont  toujours  des  images  de  la  beatitude 
spirituelle,  qui  pent  exister  meme  au  milieu  des  persecutions,  comme  Tindi- 

(1)  Plus  exactement  encore,  ces  derniers  versets  font  parlie  d'une  preface  a  la  section  xv- 
XIX  (v.  eh.  Yiii  de  I'lntroduction). 


PROC£DES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXXIX 

quent  les  promesses  des  lettres  aux  sept  eglises,  notamment  a  celles  de  Phila- 
delphie  (m,  10)  et  de  Laodicee  (iii,  20),  promesses  toutes  susceptibles,  d'abord, 
d'un  accomplissement  actuel  et  terrestre,  mais  interieur.  Cast  de  la  meme 
fagon  que  nous  croyons  qu'il  faut  interpreter  le  passage  du  chapitre  vii,  9  et 
suivants  :  «  Ceux  qui  sont  revetus  des  tuniques  blanches,.,,  ce  sent  ceux  qui 
viennent  (οί  ερχόμενοι)  de  la  grande  tribulation;...  ils  sont  (εϊσιν)  devant  le  trone 
de  Dieu,  et  ils  I'adorent  (λατρεύουσιν)  jour  et  nuit  dans  son  temple  j)  (13,  14,  15). 
Cast  un  present.  Puis  viennent  des  verbes  au  futur  qui  doivent  se  rapporter  a 
la  phase  derniere  qui  suivra  le  Jugement  :  «  Et  Celui  qui  est  assis  sur  le  trone 
deploiera  sur  eux  sa  tente  (σχηνώσει  Ιπ'  αυτούς).  Ils  n'auront  plus  faim,  et  ils 
n'auront  plus  soif...  I'Agneau...  sera  leur  pasteur  (ποιμανεΐ)  et  les  menera  aux 
sources  des  eaux  de  la  vie,  et  Dieu  essiiiera  toute  larme  de  leurs  yeux  »  (15,  16, 
17).  II  s'agit  surement,  en  ces  derniers  passages,  de  la  consommation  du  regne 
de  Dieu  au  ciel,  et  il  est  au  moins  remarquable  que  Temploi  du  futur  les  separe 
nettement  des  passages  precedents,  lesquels  peuvent  s'appliquer,  comme  les 
promesses  des  lettres,  a  la  phase  initiale  du  Regne  de  Dieu,  celle  de  la  grace 
terrestre.  Plusieurs  aulres  passages  du  livre,  que  nous  noterons  a  mesure, 
pourraient  etre  rapproches  de  celui-la.  Ainsi  les  Betes  et  leurs  seides  se  pre- 
sentent  aussi  dans  un  double  etat  :  un  triomphe  tapageur  et  superficiel  qui  coin- 
cide avec  retTusion  sur  leur  tete  de  tous  les  rleaux,  en  attendant  la  defaite  qui 
les  precipitera  dans  Γ  «  etang  de  feu  ».  C'est  ce  que  j'appellerais  —  si  je  ne 
craignais,  a  la  fin,  d'avoir  Fair  pedant  —  la  «  Ιοί  des  deux  phases  ».  —  II  y  a 
encore  une  autre  loi,  celle  du  «  rythme  ternaire  »,  que  nous  decouvrirons  apres 
une  analyse  plus  detaillee  (v.  ch.  suivant). 

Toute  cette  unite  de  symetrie  se  complete  enfin  par  celle  des  divers  cantiques 
qui  celebrent  periodiquement,  sur  la  scene  celeste,  les  grandes  victoires  de 
Dieu. 

Get  ensemble  de  procedes  constitue  comme  larchitecture  savante  du  livre. 
Toute  cette  symetrie  et  ces  antitheses  sont  voulues.  Dirai-je  cependant  quelles 
sont  voulues  systematiquement  comme  procede  artistique?  Je  n'irai  pas 
jusque-la;  parce  que,  si  les  cadres  exterieurs  sont  nets,  la  matiere  qui  les  rem- 
plit  n'est  pas  toujours  organisee  avec  beaucoup  d'art  ni  d'equilibre;  il  y  a  de 
singuliers  glissements  et  eclatements  de  symboles,  qui  font  passer  une  meme 
image  d'une  idee  sur  I'autre,  ou  une  meme  idee  d'une  image  sous  I'autre  [i'ide 
supra).  II  y  a  encore,  dans  les  memes  tableaux  antilhetiques,  une  telle  absence 
de  parallelisme  detaille  entre  les  deux  membres  de  I'opposition,  qu'on  peut 
croire  que  ces  visions,  quand  le  Prophete  les  a  eues  de  fait,  netaient  pas  encore 
associees  ou  que,  si  elles  ont  des  sources  litteraires,  ces  sources  n'etaient  pas 
les  memes.  Seulement,  quand  il  a  fallu  ecrire  son  livre,  I'auteur  a  organise  ses 
souvenirs  et  ses  emprunts,  en  respectant  Tindividualite  de  chacun,  dans  une 
disposition  tout  a  fait  harmonique  quant  a  I'idee.  C'est  pour  cela  qu'il  a  etabli 
ces  grands  cadres  si  nets.  Mais  dans  ces  cadres,  I'inspiration  et  le  souvenir  se 
jouent  encore  avec  une  grande  liberie,  sans  aucun  souci  d'harmoniser  les  details, 
quant  a  la  forme  litteraire.  La  constatalion  de  ce  double  fait  empeche  de  croire 
que  I'Apocalypse  soit  Foeuvre  d'un  compilateur,  et  en  meme  temps  de  considerer 
son  auteur  comme  un  artiste  de  la  plume,  un  ecrivain  professionnel.  C'est  un 
esprit  spontane,  qui  saisit  puissammcnt,  retient  et  organise  de  meme,  mais  qui 


LXXX  INTRODUCTION. 

reste  bien  etranger  aux  regies  grecques  de  Part  d'ecrire,  —  comme  sa  langue 
toute  seule  sufTirait  a  le  montrer. 

Ill 

Nous  ne  sommes  pas  encore  au  bout  de  I'analyse  qui  peut  nous  devoiler, 
avec  les  procedes  de  composition  de  I'auteur,  sa  psychologie  d'ecrivain.  Nous 
avons  vu  comment  la  nettete  de  ses  cadres,  et  leurs  correspondances  voulues, 
n'empeclie  pas  la  matiere  ardente,  qui  y  est  versee  tout  en  fusion,  d'echapper 
maintes  fois  aux  lois  du  parallelisme  general  qu'il  s'est  impose.  En  face  de  cela. 
nous  pouvons  noter  le  phenomene  inverse. :  un  parallelisme  qui  semble  presque 
inconscient,  en  tout  cas  non  cherche,  entre  des  idees  ou  des  figures  eparpillees 
dans  des  cadres  tout  a  fait  distincts  ou  distants  les  uns  des  autres. 

C'est,  par  exemple,  la  repetition  d'une  image  qui  revient  en  des  scenes  abso- 
lument  differentes,  pour  eveiller  partout  la  meme  impression.  Ainsi  en  est-il 
des  vetements  blancs,  ou  de  la  couleur  blanche  en  general.  Ce  trait  revient  une 
douzaine  de  fois  dans  le  livre,  sans  parler  des  images  similaires.  II  appartient 
a  Taspect  de  Dieu  et  de  son  trone,  au  Logos,  aux  elus.  Dans  le  chapitre  vii, 
V.  9  et  13,  c'est  de  toute  evidence  le  signe  de  la  purete,  de  la  joie  et  de  la  victoire. 
Ainsi  en  est-il  encore  dans  les  leltres  du  commencement  (ii,  17;  iii,  4,  5,  18j. 
Cela  montre  comment  il  faut  I'interpreter  dans  les  passages  en  soi  moins  clairs. 
Ainsi  le  cheval  blanc  du  premier  cavalier,  au  chapitre  vi,  2  (cfr.  xix,  11),  ne 
peut  etre  que  la  monture  dun  triomphateur  divin  et  bienfaisant,  par  opposition 
a  celles  des  autres  cavaliers;  et  la  «  nuee  blanche  »  sur  laquelle  apparait  le  Fils 
d'homme  du  chapitre  xiv,  rapprochee  de  I'image  de  la  «  moisson  »,  opposee  a 
celle  de  la  «  vendange  »,  indique  qu'il  s'agit  de  I'appel  des  elus,  et  non  de  la 
punition  des  reprouves. 

C'est  encore,  en  deux  sections  d'une  tonalite  differente,  le  retour  de  toute 
une  serie  des  m6mes  images  avec  le  meme  sens  fundamental.  Ainsi  le  Iwre  de 
vie,  I'arbre  de  vie,  Vetoile  du  matin,  etc.,  se  trouvent  a  la  fois  dans  les  pro- 
messes  faites  aux  fideles  d'Asie,  a  la  fin  des  lettres  de  la  deuxieme  section,  et 
dans  la  derniere  section,  la  plus  eschatologique  de  toutes,  relative  a  la  Jeru- 
salem celeste. 

Bien  plus,  il  y  a  des  traits  specifiques  d'une  scene  donnee  qui  apparaissent 
subitement,  a  I'etat  isole,  dans  une  autre  scene  n'ayant  avec  celle-la  aucun 
rapport  litteraire  direct,  ni  aucun  autre  parallelisme  de  details.  Nous  I'avons 
deja  vu  a  propos  des  «  emboitements  » ;  mais  la  meme  chose  se  reproduit  un 
peu  partout.  II  ne  faut  pas  chercher  a  I'expliquer  par  Tindigence  imaginative 
de  I'auteur,  dont  les  images,  au  contraire,  sont  plus  variees  que  chez  nul  autre 
ecrivain  d'apocalypses.  Et,  notons-le,  ce  sont  generalement  des  traits  qui  lui 
sont  propres,  au  lieu  de  rentrer  dans  les  lieux  communs  apocalyptiques  du 
genre  tremblements  de  terre,  invasions,  etoiles  qui  tombent,  etc.  Ainsi  on  ne 
saurait  affirmer  qu'il  y  ait  aucun  parallelisme  voulu  entre  les  Deux  Teinoins  du 
chapitre  xi  et  les  Deux  Betes  du  chapitre  xiv.  Leur  mention  appartient  a  des 
parties  differentes  du  livre.  Leur  origine  ne  remonte  pas  aux  memos  sources. 
Les  Betes,  ou  du  moins  la  premiere,  celle  qui  monte  de  la  mer,  se  rattachent 
ausymbolisme  de  Daniel,  des  parties  poetiques  de  TAncien  Testament;  elle  pro- 


PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAinE.  LXXXI 

vient  sans  doute  d'un  fond  de  traditions  proto-semitiques,  sinon  semito- 
aryennes.  Les  Deux  Temoins,  au  contraire,  ont  des  traits  empruntes  aux  person- 
nages  historiques  Moise,  Aaron  et  Elie,  et  se  rattachent  surement,  du  point 
de  vue  litteraire,  a  la  vision  du  prophete  Zacharie  (ch.  iii-iv),  c'est-a-dire  au 
grand-pretre  Jesus  et  a  Zorobabel,  types  du  pouvoir  sacerdotal  et  du  pouvoir 
laique  dans  le  peuple  elu.  Par  la  ils  ont  leur  contre-partie  dans  les  Deux  Betes 
qui  representent  de  leur  cote  le  pouvoir  politique  et  le  pouvoir  intellectuel 
de  TAntechrist.  Mais  c'est  un  parallelisme  d'idees  seulement,  transcendant 
a  toutes  les  formes  litteraires  un  peu  compliquees  dont  I'auteur  a  coutume  d'user. 

De  meme,  les  hommes  qui  ont  regu  la  «  marque  de  la  Bete  »  au  chapitre  xiii, 
et  qui  sont  destines  a  «  boire  du  vin  de  la  colere  de  Dieu  »  (xiv,  10),  s'opposent 
manifestement  a  ceux  qui  ont  ete  marques  du  eigne  de  Dieu  au  chapitre  vii,  afin 
d'etre  epargnes  par  la  colere,  et  a  ceux  qui  ont  le  sceau  de  I'Agneau  et  le  nom  de 
son  Pere  imprimes  sur  leurs  fronts  (xiv,  1), 

Encore  ceci  :  la  B^te  de  I'Abime  semble  avoir  ete  frappee  a  mort,  puis  avoir 
gueri  ou  etre  ressuscitee,  aux  chapitres  xin,  3,  14,  et  xvii,  8,  11.  De  meme  les 
Deux  Temoins,  representants  terrestres  du  pouvoir  du  Christ  mort  et  ressus- 
cite,  sont  eux-memes  immoles,  puis  ressuscitent  (xi,  7,  12). 

Tous  ces  traits  semblables  se  trouvent  a  une  distance  beaucoup  trop  grande 
les  uns  des  autres,  et  sont  entoures  de  contextes  beaucoup  trop  divers,  pour 
frapper  immediatement  le  lecteur,  II  faut  admettre  qu'ils  n'etaient  pas  destines 
a  produire  un  effet  litteraire;  un  pareil  effet  a  ete  si  peu  cherche,  que  leur 
apparition  deconcerterait  plutot  les  amateurs  de  compositions  bien  equilibrees. 
Pour  les  remarquer,  il  faut  avoir  penetre  dans  la  pensee  la  plus  profonde  de 
I'auteur  par  une  longue  habitude  du  texte.  Que  nous  apprennent-ils  done?  Rien 
de  plus  —  et  c'est  assez  —  que  la  simplicite  grandiose  de  son  idee  fondamen- 
tale  s'exprimant  spontanement,  sans  intention  d'art,  mais  suivant  le  rythme  et 
I'antithese  qui  forment  comme  la  substance  meme  de  son  imagination  et  de  sa 
conviction  :  il  voit  dans  le  regne  du  Mai  une  contrefagon  perpetuelle  de  celui 
du  Bien,  dans  I'Antechrist  une  caricature  du  Christ.  Toutes  ces  images  s'envo- 
lent  du  meme  tresor  de  sa  pensee,  sans  recherche  consciente,  au  souffle  d'une 
puissante  inspiration  qui  deborde  de  beaucoup  son  art  conscient  d'ecrivain ;  et 
cela  nous  montre  d'une  fagon  palpable  combien  toutes  les  visions  consignees 
dans  son  livre  formaient  une  unite  dans  son  esprit. 

Voici  un  dernier  trait  curieux  que  nous  pouvons  noter,  sans  d'ailleurs  que 
je  veuille  y  insister  plus  que  de  raison.  Tous  les  septenaires  sont  separes  en 
deux  series,  I'une  de  trois,  Vautre  de  quatre  memhres.  Ainsi  la  rupture  des 
quatre  premiers  sceaux  (ch.  vi)  amene  des  eifets  du  meme  ordre,  I'apparition 
des  quatre  cavaliers;  et  celle  des  trois  derniers  (vi,  9-viii,  5)  amene  des  scenes 
bien  plus  developpees,  supplication  des  martyrs,  vision  anticipee  des  resultats, 
preparatifs  des  sept  Anges  exterminateurs,  sans  ressemblance  litteraire  avec  les 
precedentes.  Meme  chose  pour  les  sept  trompettes  :  le  son  des  quatre  premieres 
amene  des  cataclysmes  schematiquement  exposes,  sur  la  terre,  la  mer,  les 
fleuves  et  les  astres  (vn,  7-12),  tandis  que  les  trois  dernieres  amenent  les  trois 
«  Vae  »  fondant  directement  sur  les  hommes,  annonces  a  part  par  un  aigle  qui 
vole  au  milieu  du  ciel  (vni,  13),  et  developpes  dans  les  scenes  extraordinaire- 
ment  colorees  et  fantastiques  des  sauterelles,  de  la  chevauchee  infernale,  avec 

APOCALYPSE   DE    SAINT  JEAN.  f 


LXXXII  INTRODUCTION. 


la  vision  des  resultats  au  chapitre  xi,  apres  quoi  vient  la  consommation.  La 
vision  des  sept  coupes  peut  etre  aussi,  a  ce  point  de  vue,  mise  en  parallele 
avec  celle  des  trompettes,  car  TefTusion  des  quatre  premieres  (xvi,  2-9)  atteint 
aussi  directement  la  terre,  la  mer,  les  fleuves  et  le  soleil,  tandis  que  celle  des 
trois  dernieres  a  des  effets  plus  speciaux  en  rapport  plus  etroit  avec  les  parti- 
cularites  de  cette  partie  du  livre. 

On  interprete  souvent  cette  division  des  septenaires  en  4  -|-  3  par  une  dualite 
de  sources  :  la  tradition  apocalyptique  commune  aurait  fourni  les  quatre  pre- 
miers membres,  qui  sont  des  lieux  communs  :  guerre,  famine,  peste,  et  (?)  betes 
sauvages  pour  les  cavaliers;  perturbations  dans  le  del,  la  terre,  la  mer  ei  les 
eaux  douces  pour  les  trompettes  et  les  coupes.  L'auteur  aurait,  de  son  propre 
chef,  transforme  ce  quaternaire  en  septenaire  par  I'addition  de  trois  visions, 
plus  speciales,  a  chaque  serie.  Nous  ne  contestons  pas  la  possibilite  de  la  chose, 
mais  cette  theorie  ne  rend  pas  compte  de  tout,  par  exemple  du  caractere  special 
du  premier  cavalier,  ni  du  renvoi  des  troubles  de  Vair  jusqu'a  la  septieme  coupe 
(xvi,  17  seq.).  Puis  cette  dualite  est  inadmissible  dans  la  serie  des  lettres  aux 
sept  eglises,  qui  sont  tres  homogenes  et  toutes  pareilles  d'inspiration  les  unes 
:aux  autres.  Or,  la  aussi,  nous  trouvons  la  meme  division  du  septenaire  en  trois 
et  quatre.  Dans  les  trois  premieres,  a  Ephese,  a  Smyrne,  a  Pergame  (ii,  1-17), 
il  y  a  un  detail  de  composition  caracteristique  :  I'admonition  :  «  Que  celui  qui  a 
des  oreilles  entende  ce  que  Γ  Esprit  dit  aux  Eglises  »,  precede  les  promesses 
faites  au  «  vainqueur  «.  Dans  les  quatre  dernieres,  a  Thyatire,  a  Sardes,  a 
Philadelphie  et  a  Laodicee  (ii,  I8-111,  22),  la  caracteristique  est  inverse  et 
I'admonition  suit  la  promesse.  C'est  pen  de  chose;  mais  ce  peu  de  chose  est 
tres  significatif.  II  nous  devoile  chez  l'auteur  un  gout,  un  instinct,  un  je  ne  sais 
quoi  de  peu  explicable  pour  nous,  qui  le  fait  diviser  de  la  meme  fagon  toutes 
les  series  de  sept,  que  le  contenu  lui  fournisse  pour  cela  des  raisons,  ou  qu'il 
ne  lui  en  fournisse  pas.  C'est  un  trait  individuel  que  je  ne  me  charge  pas 
d'expliquer  et  ou  je  n'ai  aucune  envie  de  chercher  un  sens  mystique,  —  bien  que 
tout  soit  possible  avec  la  «  Gematria  »  qui  etait  alors  en  honneur.  Mais  ce  trait, 
on  ne  peut  pas  le  negliger,  et  sa  tenacite,  jusque  dans  les  sept  Lettres,  diminue 
beaucoup  la  vraisemblance  de  la  theorie  dualiste. 

De  pareilles  observations,  qui  iront  se  multipliant  et  se  precisant  dans  I'etude 
du  texte,  tendent  a  un  double  but  :  faciliter  I'intelligence  du  livre  mysterieux, 
par  la  mise  en  relief  des  lois  qui  ont  preside  a  sa  composition  litteraire;  —  en 
faire  ressortir  I'homogeneite,  indice  d'unite,  nioe  par  tant  de  critiques  a  contre- 
sens.  La  determination  de  I'origine  et  du  sens  de  chaque  symbole  pris  a  part 
peut  nous  couter  des  etudes  longues  et  fastidieuses ;  mais  elles  auront  beaucoup 
plus  de  chance  d'aboutir  a  un  resultat  serieux  apres  que  cette  etude  de  la  struc- 
ture litteraire,  qui  revele  deja  le  sens  general  du  livre,  nous  aura  orientes  dans 
nos  recherches. 

L'Apocalypse  nous  apparait  done  deja,  non  comme  une  compilation  chaotique 
et  echevelee,  mais  comme  une  ceuvre  d'art  spontane,  d'une  magnifique  venue. 
Le  rythme,  malgre  les  atteintes  partielles  au  parallelisme,  en  est  tres  nettement 
marque.  Les  developpements  en  volutes  et  le  glissement  des  symboles  ne  nuisent 
pas  a  la  regularite  symetrique  des  pensees.  C'est  une  ceuvre  d'art  qui  nous 
deroute  d'abord,  il  est  vrai,  mais  qu'on  admire  toujours  plus  a  mesure  qu'on 


PROCEDES    DE    COMPOSITION    LITTERAIRE.  LXXXIII 

la  penetre  mieux.  On  comprend  qu'elle  ait  pu  jaillir  briilante,  et  comme  un  tout 
indivisible,  de  la  memoire  et  du  coeur  du  Voyant.  On  comprend  aussi  qu'elle 
repugnait  aux  interpolations,  et  que  les  graves  menaces  de  la  fin  du  livre  centre 
les  interpolateurs  (xxii,  18-19),  n'etaient  pas  des  paroles  en  Fair.  D'ailleurs,  il 
n'dtait  pas  si  facile  de  I'interpoler  :  sa  forte  structure  a  elle  seule  devait  lui 
assurer  un  respect  qui  etait  rarement  accorde  aux  Apocalypses  en  general  —  par 
exemple  a  Henoch  —  a  cause  de  leur  caractere  originel  de  compilations.  Joignez 
a  cette  unite  de  pensee  I'unite  de  langue  dont  nous  parlerons.  Toute  cette 
regularite  de  forme  imposee  a  une  matiere  exuberante  fait  voir  combien  simple 
et  grandiose  etait,  dans  la  pensee  de  Jean,  ce  poeme  prophetique  de  courage  et 
de  confiance  surnaturelle. 


CHAPITRE  VIII 

LE    CONTENU    ET    LE    PLAN    DE    l'aPOCALYPSE.    —    SOX    CARACTERE    SYNTHETIQUE. 

II  n'est  plus  tres  difficile  desormais  d'exposer  le  plan  detaille  de  I'Apocalypse. 
La  plus  ancienne  division  du  texte  que  nous  connaissions  est  celle  du  com- 
mentateur  grec  Andre  de  Cesaree  (vi'^siecle)  en  72  κεφάλαια.  Elle  est  faite  avec 
une  exacte  attention,  mais  on  pourrait  facilement  la  reduire  a  70,  en  mettant  dans 
le  mome  κεφάλαιον,  par  exemple,  les  numeros  60,  61  et  62  (xx  1-3;  4;  5-6)  qui 
constituent  un  tout,  le  Regne  millenaire.  Andre  a  de  plus  voulu  grouper  ces 
72  pericopes  trois  par  trois,  de  fagon  a  trouver  24  λόγοι,  correspondant  aux 
24  vieillards.  Ces  λόγοι  sont  tout  a  fait  arbitraires,  et  divisent  le  texte  a  contre 
temps.  Mais  il  faut  remarquer  le  nombre  72  (70)  qui  est  mystique;  il  n'est 
nullement  impossible  que  Jean,  qui  s'est  tant  servi  des  nombres  apocalyptiques, 
Tait  choisi  intentionnellement. 

Le  Codex  Amiatiniis  et  le  Codex  Fuldensis  partagent  le  livre  en  25  chapitres; 
Primasius  en  trouvait  20;  certains  manuscrits  latins  en  trouvent  de  22  a  48. 
Nous  n'en  parlous  que  pour  memoire. 

Notre  repartition  actuelle  en  22  chapitres  est  celle  de  Stephen  Langton,  usitee 
depuis  le  xiii^  siecle,  comme  pour  tout  le  reste  du  Nouveau  Testament.  Dans 
I'Apocalypse,  elle  est  bien  faite  en  general, 

Mais  toutes  ces  coupures  sont  materielles,  et,  malgre  leur  plus  ou  moins 
grande  exactitude,  elles  ne  font  pas  ressortir  les  groupements  naturels  des 
visions,  et  la  marche  de  la  revelation  prophetique.  Les  modernes  en  ont  pro- 
pose d'autres  qui  repondissent  mieux  a  un  plan  rationnel.  Ainsi  la  plupart  des 
commentateurs,  depuis  Bede,  y  compris  Ewald,  trouvent  dans  le  livre  sept  par- 
ties, Moffatt  six  (quatre  septenaires,  et  deux  visions,  du  jugement  et  de  la  con- 
summation;, Zahn  huit  visions  successives.  Une  repartition  tres  remarquable 
est  celle  que  propose  Swete  :  42  petites  sections,  se  ramenant  a  14  plus  larges. 
Elle  a  quelque  chose  de  tentant,  quand  on  pause  que  14  est  le  double  de  sept, 
et  que  le  chiflfre  42  joue  un  role  important  dans  I'Apocalypse,  ou  il  est  proba- 
blement  messianique. 

La  division  rationnelle  la  plus  large,  qui  est  assez  generalement  admise 
aujourd'hui,  et  a  ete  introduite  par  Bengel,  reconnait  trois  parties  bien  dis- 
tinctes  :  i-iii  (Introduction  et  lettres  aux  eglises);  iv-xxii,  5  (le  corps  des 
^ropheties);  xxii,  6-21  ila  conclusion).  Le  commentateur  Henten,  au  xvi^  siecle, 
s'est  apergu  que  la  partie  prophetique  etait  nettement  scindee  entre  le  chapitre  xi 
et  le  chapitre  xii,  en  deux  sections  a  peu  pres  egales.  Swete  et  d'autres  exegetesj 
reconnaissent  le  bien-fonde  de  cette  vue.  J'ai  montre  au  chapitre  precedent  que 
je  suis  du  nombre.  Voici,  selon  nous,  la  division  la  plus  rationnelle  et  le 
plan  de  I'Apocalypse. 


PLAN    DE    L  APOCALYPSE.  LXXXV 

PLAN  ET  RESUME  DE  L'APOCALYPSE 

(Les  grandes  idees  et  les  symboles  raajeurs  sont  iinprimes  en  majuscules  Le  detail  des  idees 
et  les  symboles  secondaires  en  italiques;  les  explications  et  les  renvois  sont  entre  paren- 
thoses;  les  observations  sur  la  structure,  en  marge.) 

PROLOGUE  GENERAL  (GH.  I«^  1-9). 

II  comprend  :  1°  un  titre  developpe,  affirmant  I'origine  divine  de  cette  Apocalypse 
apportee  par  un  Axge  (i,  1-3);  2ola  salutation  de  Jeax  aux  sept 'eglises  qui  soivt  ex 
AsiE  (i,  4-5);  3°  une  doxologie  au  Christ  redempteur,  un  elan  prophetique,  et  une 
declaration  de  Dieu  qu'il  est  Υ  Alpha  et  VOmega  (i,  6-9). 

PREMIERE  PARTIE 

REVELATION   AUX    SEPT   EGLISES    d'aSIE    SUR   LEUR   ETAT    SPIRITUEL    (l,    9-ΙΠ). 
,  (α  εισίν  de  I,   19). 

\.  —Vision  d'i.\troduction'  au  livre  entier  (i,  9-20).  —  Jesus  apparait  a  Jean,  dans 
son  exil  de  Patmos,  pareil  a  un  «  Fils  d'homme  »  sous  un  aspect  qui  montre 
son  caractere  royal,  sacerdotal  et  divin.  II  lui  commande  d'ecrire  a  sept  eglises 
d'Asie,  pour  leur  devoiler  des  choses  presentes,  leur  otat  de  merite  ou  de 
demerite),  α  είιίν,  et  ensuite  tout  iavenir  (du  monde  et  de  I'Eglise),  α  ijisXXit 
γενέσθαι  μετά  ταύτα  ι,  19. 

II.  —  Les  sept  lettres  (ii-iii)  que  le  Christ  dicte  a  Jean  pour  les  A^tges  des  Eglises 
(c'est-a-dire  les  sept  eglises  elles-memes).  Elles  contiennent  un  jugement  de 
louange  ou  de  bl^me,  des  menaces  et  des  promesses  temporelles  et  spiri- 
tuelles,  formulees  a  la  fin  de  chacune  par  I'Esprit. 

R6partition  A.  Lettre  a  Ephese  (ii,  1-9). 

B.  Lettre  a  Smyrne  (ii,  8-11). 
G.  Lettre  a  Pergame  (ii,  12-17). 
D,  Lettre  a  Thyatire  (ii,  18-29). 
Ε.  Lettre  a  Sardes  (in,  1-6). 
3-1-4  F.  Lettre  a  Philadelphie  (in,  7-13). 

G.  Lettre  a  Laodicee  (in,  14-22). 

DEUXIEME  PARTIE 

REVELATION   PROPHETIQUE    DE    TOUT   l'AVEXIR   DU   MONDE    ET    DE    l'eGLISE,   A   PARTIR 
DE   LA   GLORIFICATION    DU   CHRIST   JUSQu'aU   DERNIER   JUGEMENT   (IV-XXI,    8). 

(«  μέλλει  γενέσθαι  ;ιετα  ταύτα  de  I,   19). 

*•  Vision  d'introduction  gknerale  a  la  partie  prophetique  (iv-v).  —  Jean,  trans• 
porti  au  del,  y  voit  le  Trone  de  Dieu  et  la  cour  celeste,  puis  I'intronisation 
de  Jesus  Redempteur,  sous  la  figure  d'un  Agneau  «  comme  egorg^  »  qui  prend 
en  main  le  livre  des  decrets  divins  relatifs  au  monde  entier,  envisage  dans 
toute  son   etendue  et  sa  duroe,  pour  I'ouvrir  et  en  diriger  I'execution.  (Ge 


LXXXVl 


INTRODUCTION. 


decor  celeste  demeure  en  vue,  dominant  ragitation  de  la  terre,  jusqu'au  bout 
de  la  II«  Partie). 

A.  Vision  du  Τκολέ  de  Dieu,  des  4  Animaux,  des  24  Vieillards  et  de  la  cour 
CELESTE.  Glorification  de  Dieu  crealeur  (c.  iv). 

B.  Apparition  de  I'Agneau  «  comme  egorge  »,  qui  re?oit  le  Livre  aux  sept 
SCEAUX,  et  qui  est  a  son  tour  glorifie  par  la  Cour  celeste  comme  Redemp• 
teur  et  maitre  de  I'humanite  (c.  v). 

II.  —  I'e  Section  des  Propheties  (vi-xi,  18),  ou  execution  des  docrets  du  Livre  aux 

SEPT  SCEAUX  (relatifs  a  I'ensemble  du  monde). 

A.  Ouverture  du  livre  aux  sept  SCEAUX  (vision  de  preparation).  A  chaque 

sceau  rompu  par  I'Agneau,  il  se  fait  des  preparatifs  au  ciel  pour  I'exocu- 

tion  des  jugements  de  Dieu  sur  le  monde  profane.  (Jean  voit  idoalement 

au  ciel  ce  qui  se  passera  reellement  sur  la  terre)  (vi-viii,  1). 


Remarquer 


la 


disposition 


4  +  3 


1°  Rupture  du  1^^  sceau.  Apparition  d'un  Cavalier  au  cheval  blanc, 
image  des  victoires  du  Christ  dans  le  monde  (vi,  1-2). 

2°  Rupture  des  2«,  5',  4•=  sceaux.  Apparition  de  trois  cavaliers 
sinistres,  represeniant  en  general  les  fl^aux  instruments  de  la 
vengeance  divine.  Guerre,  Famine  et  Peste  (vi,  3-8). 

3°  Rupture  du  5'^  sceau.  Jean  entend  les  prieres  des  Martyrs,  qui 
pressent  les  retributions  de  Dieu  (vi,  9-Jl). 

4°  Rupture  du  6^ sceau.  Jean  per^oit  (dune  maniere  anticipee) 
quels  seront  les  resultats  des  ordres  divins  (vi,  12-vii). 

a.  Bouleverseinent  du  monde  impie  (vi,  12-17). 

b.  Preservation  des  justes  au  milieu  des  fleaux.  Leur 
bonheur  present  et  futur  (vii,  1-17)  : 

a.  Des  Anges  marquent  au  front  les  elus  des  tri- 

bus  d'Israel,  au  nombre  de  lid.OOO  (vn,  1-8). 
[i.  Jean  voit  une  foule  immense  qui  s'assemble  au 

ciel  (vii,  9-12). 
γ.  Un  des  Vieillards  lui  explique  que  ce  sont 
les  rachetes  de  la  «  grande  tribulation  »,  qui 
arrivent  en  procession  jusqu'au  ciel  (temps 
present).  II  lui  prodit  que,  dans  la  vie  future, 
leur  bonheur  sera  complet  (temps  au  futur) 
(vii,  13-17). 

5°  Rupture  du  7^  et  dernier  sceau  (Le  livre  etant  ouvert,  I'execu- 
tion  peut  commencer).  Un  silence  d'une  demi-heure  au  ciel 
marque  la  solennite  terrible  du  moment  (viii,  1). 


Anti- 
t/iese 


6' 


moment 


B.  Visions  des  7  trompettes.  Jean,  du  haut  du  ciel,  regarde  s'effectuer, 
dans  le  monde  terrestre,  les  decrets  du  livre  aux  sept  sceaux.  La  suc- 
cession des  fleaux,  qui,  pour  I'origine  symbolique,  repond  sans  doute  aux 
sept  millonaires  apocalyptiques,  ne  signifie  pourtant  pas  reellement  des 
periodes.  Tout  commence  a  I'Ascension  de  I'Agneau  egorgo  (c.  v),  et 
s'etend  jusqu'au  jugement  dernier,  au  son  de  la  derniere  trompette. 

G'est  tout  I'avenir  du  monde,  mais  interessant  plus  specialement  le 
monde  profane.  Le  sort  religieux  des  justes  a  ete  presage  a  la  rupture  du 
l^•",  du  5«  et  du  6«  sceaux,  et  la  vie  de  I'Kglise  au  milieu  de  ces  calamitos 
sera  decrite  symboliquement  au  chap,  xi  (viii,  2-xi,  18). 


PLAN    DE    L  APOCALYPSE. 


LXXXVII 


Remarquer 

encore 

la 

disposition 


4  +  3 


1°  Les  1  Archanges  re?oivent  7  trompettes.  Un  autre  Ange  offre 
a  Dieu  le  parfum  des  prieres  des  saints,  puis,  jetant  V encensoir 
enflarame  sur  la  terre,  il  la  voue  au  chatiment  (viii,  2-6)  (c'est 
comme  une  pro  face  de  ce  qui  va  suivre  jusqu'a  xi). 

2°  La  sonnerie  des  4  premieres  trompettes  suscite  des  calamites 
cosmiques,  qui  atteignent  la  terre  et  la  vogetation  (vin,  7) ;  la 
mer  (viii,  8-9);  les  eaux  douces  (viii,  10-11);  les  astres  (viii,  12), 

3°  Un  Aigle  annonce  3  «  MaledictiOiNs  »  qui  vont  fondre  directe- 
ment  sur  rhumanil^  au  son  des  dernieres  trompettes  (vin,  13). 

4°  La  5*  trompette  —  l'^  malediction  —  amene  I'ouverture  du  puits 
infernal,  d'ou  s'elancent  des  nuees  de  sauterelles  diaboliques, 
conduites  par  VAnge  de  I'Abime,  pour  tourmenter  (moralement) 
les  hommes  sans  les  faire  mourir  (Image  des  peches  et  de& 
remords).  Les  hommes  marques  au  front  en  sont  preserves  (ix, 
1-12). 

5°  La  6®  trompette  —  2®  malediction  —  (met  le  comble  aux  calamites 
temporelles,  auxquelles  va  s'opposer  le  spectacle  de  la  preser- 
vation spirituelle  de  I'Eglise,  et  du  succes  des  predicateurs 
evangeliques,  qui  convertissent  le  monde  malgre  I'Antechrist) 
(ix,  13-xi,  14). 

a.  Des  Cavaliers  diaboliques,  venus  par  centaines  de 
myriades  d'au  dela  de  CEuphrate,  et  raenos  par 
4  Anges  du  chatiment,  massacrent  un  tiers  de  I'hu- 
manite;  le  reste  ne  se  convertit  pas  (ix,  13-21). 

Jean  (qui  se  trouve  peut-etre  redescendu 
sur  terre)  voit  alors  un  Ange  puissant 
descendre  du  ciel,   porteur   d'un    petit 
livre  ouvert.  Get  Ange  proclame  que  la 
[emboi-         fin  des  malheurs,  ou  I'accomplissement 
tement)  du  «  Mystere  de  Dieu  » ,  arrivera  surement 

au  son  de  la  7^  trompette.  II  confie  a  Jean 
une  nouvelle  mission  prop/ietique,  en  lui 
donnant  a  manger  le  petit  livre  (qui  con- 
tient  les  propheties  des  chap,  xii-xx)  (x). 

b.  Vision  des  2  temoins.  Jean  voit  Jerusalem  (figure 
du  monde),  et  le  temple  (figure  de  I'Eglise).  Un 
Ange  mesure  le  parvis  interieur  (etat  spirituel  de 
I'Eglise),  qui  sera  preserve,  tandis  que  les  parvis 
exterieurs  (etat  temporel)  seront  foules  aux  pieds 
par  les  gentils.  Les  Deux  temoins  du  Christ  luttent 
pendant  42  mois  contre  la  Bete  (Antechrist,  annonce 
du  chap.  XIII  et  sq. ,  emboitement),  sont  tuespar  elle, 
ressuscitent,  montent  au  ciel,  spectacle  qui  decide 
les  hommes  a  rendre  gloire  a  Dieu  (xi,  1-14). 

6*  La  7•  et  derniere  trompette  sonne.  Elle  amene  I'etablissement 
complet  du  Regne  de  Dieu,  comme  le  proclame  le  ch(eur  des 
24  Vieillards,  qui  celebrent  le  jugement  definitivement  accompli 
(noter  pourtant  que  la  3«  «  malediction  »  n'a  pas  βΙέ  decrite) 
(xi,  15-18). 


Encore 


I'Anti- 


these 


6^ 


moment 


III.   —  Deuxieme  Section  des  Propheties  (xi,  19-xxi,  8),  ou  execution  des  decrets 
du  Petit  livre  ouvert  que  Jean  a  regu  de  la  main  de  I'Ange  (c.  x).   (Elles 


LXXXVIII 


IXTRODUCTION. 


embrassent  encore  toute  l'histoire  humaine,  depuis  la  naissance  du  Christ 
jusqu'au  Jugemeat  general;  mais  tout  y  est  envisage  par  rapport  a  l'Eglise. 
Le  Dragon  invisible,  accompagne  de  ses  Anges,  opere  au  moyen  de  ses  suppots 
humains  collectifs,  les  Deux  Betes,  et  du  pouvoir  politique  qui  represeate 
eminemment  la  l••^  Bete  au  temps  de  Jean,  c'est-a-dire  Rome  paienne,  Babylone 
LA  Courtisane;  le  Diable  lutte  ainsi  contre  la  Femme  qui  est  l'Eglise  militante 
de  tous  les  temps,  contre  son  Fils  le  Christ  ravi  au  ciel,  contre  Michel  et 
ses  Anges,  et  contre  les  Saints  de  la  terre,  au  milieu  desquels  le  Christ  est 
present  comme  Agneau,  puis  comme  un  Cavalier  qui  est  le  Roi  des  Rois  et 
le  Verse  triomphateur.  La  resistance  du  Dragon  semble,  d'apres  xii,  12,  etre 
la  3•=  «  Malediction  »  annoncee  dans  la  section  precedente.  Les  puissances 
hostiles  sont  defaites  dans  I'ordre  inverse  de  leur  apparition,  en  allant  du 
particulier  au  general,  d'abord  Babylone,  puis  les  Betes,  puis  Satan  lui-meme. 
Enfin  a  lieu  le  Jugement  universel). 

Petit  Prologue,  indiquant  le  caractere  eschatologique  de  toutes  les 
visions  qui  vont  suivre.  II  montre  que  tout  est  ordonne  a  la  misericorde, 
par  I'ouverture  du  sanctuaire  au  Ciel  et  I'apparition  de  I'Arche  d'Alliance 
(XI,  19). 
A.  La  Femme  et  le  Dragon  (vision  qui  donne  a  Jean  le  sens  de  toutes  les 
luttes  qui  vont  etre  decrites.  C'est  comme  une  preface  grandiose  de  toute 
la  section;  elle  montre  que  l'Eglise  n'est  persecutee  que  par  un  Adver- 
saire  qui  se  salt  deja  ecrase).  Une  Femme  celeste  (l'Eglise  depuis  les 
patriarches)  met  au  monde  un  Fas  (le  Christ)  que  le  Dragon  a  sept  tetes, 
I'ancien  serpent  (de  la  Genese)  veut  engloutir,  mais  qui  est  ravi  au  ciel. 
Le  Dragon  est  precipite  alors  sur  la  terre  par  Michel  et  ses  Anges.  // 
poursuit  vainenient  la  Femme,  qui  se  refugie  au  desert  pour  3  ans  et  demi 
=  1260  jours  =  (42  mois).  Le  chceur  celeste  a  chante  la  chute  du  Dragon 
comme  I'etablissement  du  Regne  de  Dieu  et  du  Christ  (xii,  1-17). 
Β.  Vision  d'Introduction  (1)  (a  la  lutte  du  Christ  et  du  Diable,  telle  qu'elle 
va  se  derouler  visiblement  dans  l'histoire.  Les  forces  qui  vont  agir  sont 
mises  en  presence,  d'une  maniere  assez  analogue  a  ce  qu'on  a  vu  aux 
chapitres  iv  et  v,  en  cette  description  des  Puissances  celestes  qui  du  reste 
demeurent  toujours  dans  le  champ  visuel  du  Prophete.  Seulement  la  scene 
est  transportee  sur  terre,  ou  coexistent  la  cite  de  Dieu  et  la  cite  du  Diable) 
(xii,  18-xiv,  5). 


i 


Remarquer 

V 

antithese 


l"  Le  Dragon,  pour  avoir  raison  de  l'Eglise,  appelle  ses  represen- 
tants  humains,  sous  le  couvert  desquels  il  va  engager  le  combat 
(xii,  18-xiii). 

a.  II  fait  monter  dela  mer  (de  I'occident)  la  Bete  a  sept  tetes, 
orgueilleuse  et  blasphematrice,  qui  va  dominer  I'Univers 
entier  pendant  quarante-deux  mois  et  persecuter  les  saints 
(C'est  le  pouvoir  politique  et  oppresseur  de  I'Antechrist, 
dans  tous  les  ages)  (xii,  18-xin,  10). 

b.  Une  Deuxieme  Bete  monte  de  la  terre  (d'Asie)  pour  porter 
les  hommes,  par  persuasion,  a  adorer  la  premiere,  et  les 
MARQUER  DU  siGNE  DE  LA  Bete,  faute  dc  quol  ils  seront  exclus 
de  la  soci^te  humaine  et  mis  a  mort.  Nombre  de  la  Bete  : 


(1)  On  pourrait  aussi  bien  dire  :  de  «  presentation  »  des  forces   opposi:es   dans  la  lutte 
visible. 


PLAN    DE    l'aPOCALYPSE.  LXXXIX 

666  (XIII,  11-18).  (Remarquer  que  ces  deux  Betes,  dont  I'une 
survit  a  une  blessure  mortelle,  et  dont  I'autre  contrefait  I'A- 
gneau,  forment  a  elles  deux  Taxtithese  de  l'Agxeau  egorge, 
et  sont  aussi,  comme  vicaires  de  Satan,  la  contre-partie  des 
Delx  temoixs  du  Christ. 
2°  (En  face  de  la  Bete  et  de  ses  adorateursi,  TAoeal•  est  etabli  sur 
la  MoxTAGXE  DE  SioN,  avec  144.000  hommes  merges  ses  pre- 
mices,  marques  au  froxt  (comme  les  144.000  du  chap,  vii) 
(xiv,  1-5). 

G.  Visioxs  de  ρκερλκατιοχ  a  la  lutte  des  forces  ainsi  raises  en  presence.  (Les 
intentions  divines  sont  annoncees,  dune  maniere  qui  n'est  pas  sans  ana- 
logie  avec  les  indications  celestes  de  la  vision  dessceaux  (c.  vi).  Seule- 
ment,  cette  fois,  ce  sont  des  proclamations  angeliques  adressees  a  toute 
I'humanite)  (xiv,  6-20). 

1•^  Apparition  de  3  Anges,  qui  predisent  la  victoire  et  les  vengeances  de 
Dieu  Icfr.  les  4  cavaliers)  (xiv,  6-13). 

a.  UAnge  qui  porte  VEvangile  eternel  (cfr.  l^r  cavalier)  (xiv,  6-7). 

b.  VAnge  qui  predit  [emhoitement)  la  chute  de  Babylo^e  (et  pre- 
pare ainsi  les  ch.  xvii-xviii)  (xiv,  8). 

c.  h'Ange  qui  menace  de  damnation  les  Adorateurs  de  la  Bete  (xiv, 
9-11). 

20  Exhortation  des  saints  a  la  patience,  prediction  de  leur  bonheur  eter- 
nel (analogue  au  5^  sceau  du  chap,  vi)  (xiv,  12-13). 

S'J  Vision  du  Jiigement  (anticipee,  et  pour  Jean  tout  seul),  qui  sera  le 
resultat  de  la  lutte  (cfr.  6^  sceau  du  chap,  vi-viii).  Le  «  Fils  d'Homme  » 
fait  la  moisson  des  elus;  et  un  Ange,  la  vendange  des  reproiivis  (plus  ou 
moins  confondue  avec  une  bataille  sanglante,  presage  des  chapitres 
XIX  et  XX)  (xiv,  14-20). 

D.  ExECUTiox  des  vexge.vxces  diyixes  sur  les  Betes  et  Babyloxe  (xv-xix). 

1*  Vision  de  ΙΈρρυβιοχ  des  sept  coupes  (cfr.  les  7  trompettes  des  chapitres 
viii-ix)  (xv-xvi). 

a.  Encore  une  preface.  Jean  voit  au  del  sept  Axges  tenant  les  7  der- 
?iiERE3  plaies,  ct,  debout  sur  lOcean  celeste,  les  vaixqueurs  de  la 
Bete,  qui,  chantant  le  Cantique  de  Moi'se  et  de  lAgneau  (deli- 
vrance  et  redemption),  celebrentla  conversion  du  monde  qui  resul- 

•tera  des  jugements  divins  (xv,  1-4).  Cfr.  viii,  2-6. 

b.  Du  sanctuaire  du  del  qui  s'est  ouvert  (cfr.  xi,  19)  sortent  les  7  Anges 
des  dermeres  plaies  (identiques  probablement  aux  archanges  des 
trompettes).  lis  regoivent  de  la  main  d'un  des  4  A.mmauk,  les  sept 
coupes  d'or  pleines  de  la  colere  de  Dieu.  Une  voix  du  sanctuaire 
leur  commande  de  les  verser  sur  la  terre  (cfr.  viii,  2-6)  (xv,  5- 
xvi,  1). 

c.  Les  AxGEs  verse.\t  leurs  coupes  (cfr.  les  sonneries  des  trompettes, 
chap,  viii-xi.  Cette  nouvelle  serie  de  fleaux  differe  de  celle  des 
trompettes  en  ce  que  les  calamites  cosmiques  et  historiques  sont 
moins  strictement  distinguees.  Cependant  il  y  a  encore  des  traces 
dune  division  en  4  -{-  3 ;  la  derniere  n'amene  pas  encore  le  juge- 
ment  general)  iwi,  2-21). 

a.  Premiere  coupe,  versee  sur  la  terre.  Un  ulcere  malin  frappe 


xc 


INTRODUCTION. 


les  ADORATEURS  DE  LA  Bete,  qui  porlent  sa  marque  (quelque  ana- 
logie  avec  le  fleau  de  la  5^  trompette;  cfr.  aussi  la  l'«)  (xvi,  2). 

β.  Deuxieme  coupe,  sur  la  mer,  changee  en  sang  (cfr.  2^  trom- 
pette) (xvi,  3). 

γ.  Troisieme  coupe,  sur  les  eaux  douces  (cfr.  3^  trompette). 
VAnge  des  eaux  approuve  ce  jugment  (xvi,  4-7). 

0.  Quatrieme  coupe,  sur  le  soleil  (cfr.  4*  trompette)  (xvi,  8-9). 

ε.  Cinquieme  coupe,  sur  le  trone  de  la  Bete.  Tenebres,  blas- 
phemes DES  HOMMES  (XVI,  10-11). 

ς.  Sixieme  coupe  sur  VEuphrate  (cfr,  6•^  trompette).  Des  demons- 
Remarquer  grenouilles ,  sortis  de  la  Bouche  du  Dragon  et  des  Deux  Betes 

assemblent 

les  rois  de  la  terre,  pour   combattre  le  Dieu    tout- 

emboi-  puissant,  en  un  lieu  dont  le  nom  seul  Armagedon, 

antithese  tement  signifie    deja   leur    ecrasement    (ceci   prepare   les 

chapitres  xix  et  xx). 
au  6^  En  mome  temps,  le  Christ  annonce  sa  venue  subite,  et  promet 

le  bonheur  a  ceux  qui  veillent,  et  gardent  leurs  vetements  (xvi, 
moment  12-16). 

ζ.  Septieme  coupe  versee  dans  Vair.  Bouleversement  du  monde 
entier  (cfr,  la  rupture  du  6*  sceau).  La  «  grande  Cite  »  Baby- 
lone,  s'ecroule  (ce  qui  annonce  comme  accomplies  les  prophe- 
ties  des  chapitres  xvii-xviii).  Les  hommes  continuent  a  blasphe- 
mer (xvi,  17-21), 
2o  Sort  de  Babylone  (Rome),  (La  mine  de  la  ville  a  doja  ete  annoncee,  par 
emboitement,  au  chap,  xiv,  8,  et  elle  a  deja  ete  effectuoe  par  la  7^  coupe. 
Ces  chapitres  ne  sont  done  que  le  developpement  dune  partie  de  la 
vision  des  coupes.  Le  dernier  adversaire  presente,  I'ennemi  historique 
contemporain,  est  done  detruit  le  premier)  (xvii-xix,  10), 

a.  Un  des  Anges  des  7  coupes  montre  a  Jean  Babylone  la  Prostituee 
dans  sa  magnificence.  (Ainsi  il  a  vu  d'abord  le  Dragon  et  les  Betes 
dans  une  attitude  d'offensive  ou  de  triomphe).  G'est  une  Femme 
assise  sur  la  Bete  aux  7  tetes,  et  ivre  du  sang  des  martyrs  (xvii,  1-6). 
L'Ange  explique  la  vision,  a  mots  couverts.  II  fait  comprendre  que 
Babylone  est  Rome;  les  totes  de  la  B4te  sont  des  empereurs,  les 
coRNEs  de  la  Bete  des  rois  qui  viendront  apres  les  empereurs.  — 
La  Bete  et  les  10  cornes,  d'abord  aneantiront  Babylone,  ensuile 
feront  la  guerre  a  I'Agneau,  qui  les  vaincra  (ceci  prepare  toutes 
les  visions  de  xviii  a  xx)  (xvii,  7-18). 

b.  Proclamations  angeliques  contre  Babylone  (analogues  a  la  vision 
preparatoire  des  Sceaux,  et  aux  proclamations  qui  precedent 
Υ  effusion  des  coupes)  (xviii,  1-8). 

«.  Un  Ange  annonce  (au  passe  prophetique),  la  destruction  de  la 

Cite  impie  (xviii,  1-3). 
β.  Une  autre  voix  commande  au  peuple  de  Dieu  de  separer  son 

sort  de  celui  de  Babylone  et  excite  les  destructeurs  (xviii,  4-8). 

c.  Description  de  la  ruine  de  Babylone.  (Cette  description  n'est  pas 
directe  mais  donnee  prophetiquement  sous  forme  de  lamentations 
poussees  par  ceux  qui  vivaient  de  sa  puissance  et  de  son  luxe 
(xvni,  9-19),  puis  de  Facte  symbolique  d'un  Ange  (xviii,  21-24),  et 
d'un  cantique  celeste  triomphal  (xix,  1-8)  (xviii,  9-xix,  8). 


PLAN    DE    L  APOCALYPSE. 


XCl 


anti- 

these 


anti- 
thise 


a.  Lamentation  des  rois  de  ία  terre  (xviii,  9-10)  —  des  marchands 
(11-I6);  —  des  marins  (17-19);  —  tandis  que  le  del  et  les  saints 
de  la  terra  sont  invites  a  se  rejouir  de  la  justice  faite  (20). 

β.  Action  prophetique  d'lin  Ange  qui  lance  une  pierre  dans  la  mer, 
en  decrivant  (au  futur)  la  desolation  de  Babylone  (xviii,  21-24). 

γ.  La  FouLE  IMMENSE  Du  CiEL,  avoc  les  ViEiLLARDs,  et  les  Animaux 
glorifient  Dieu  pour  la  ruine  de  la  Px'ostituee  et  pour  les  noces  que 
emboi-  1  I'Agneau  va  c^lebrer  avec  son  epouse  (Jerusalem.  Geci 
tement     \    prepare  les  chapitres  xxi  et  xxii)  (xix,  1-8). 

d.  Epilogue.  L'Ange  (qui  a  montre  a  Jean  la  Prostituoe)  proclame 
heureux  ceux  qui  seront  invites  a  ces  noees.  Le  Prophete,  dans  son 
enthousiasme,  veut  Vadorer;  mais  I'Ange  I'en  empiche  (xix,  9-10). 

3'  (Apres  les  propheties  sur  Babylone,  qui  est  I'incarnation  actuelle  de  la 
Bete),  Jean  voit  la  ruine  des  Betes  elles-momes  (xix,  11-21). 

a.  Du  ciel  ouvert  descend  le  Verbe  de  Dieu,  sous  la  figure  du  cava- 
lier AU  cheval  BLANC  (cfr.  VI,  1),  suivi  de  cavaliers  celestes.  II  est 
le  Roi  DES  Rois  et  le  Seigneur  des  Seigneurs  (xix,  11-16). 

b.  Un  Ange  proclame  I'ecrasement  des  ennemis  du  Verbe  (xix,  17-18). 

c.  La  Bete  et  les  rois  rassemblent  leur  armee  pour  la  resistance 
(cfr.  xvi,  12-16).  L'armee  est  exterminee  par  le  glaive  qui  sort  de 
la  bouche  du  Verbe.  Les  Deux  Betes  sont  faites  prisonnieres  et 
jetees  dans  Vetang  de  feu  (xix,  19-21). 

(Remarquer  qu'il  y  a  encore  ici  :  presentation ;  —  annonce;  — 
execution). 

E,  Execution  de    la    vengeance  divine  (en  deux   phases)  sur  le  Dragon   (qui 
est  le  chef  et  I'inspirateur  invisible  des  Betes  et  de  Babylone)  (xx,  1-10). 

1»  Le  Dragon  incarcere,  par  un  Ange,  pour  Mille  Ans  (image  qui  semble 
correspondre  a  sa  defaite  par  Michel,  et  k  sa  chute  sur  la  terre,  au 
chap.  XII)  (xx,  1-3). 

2°  Pendant  les  Mille  Ans,  le  Christ  et  les  saints  regnent  sur  la  terre; 
c'est  la  Premiere  resurrection  (Millenium  :  cfr.  resurrection  des  Te- 
moins  au  chap,  xi;  VAgneau  et  les  lii.OOO  vierges  de  xiv,  1-5,  etc.) 
(XX,  4-6). 

3°  Au  bout  des  Mille  Ans,  Satan  delie  lance  Gog  et  Magog  contre  la  Cite 
bien-aimee  (cfr.  Sion  de  xiv,  1-5)  et  le  camp  des  saints.  Le  feu  du  ciel 
d^vore  ces  derniers  ennemis,  et  le  Diable  est  jete  pour  I'eternite  dans 
Vetang  defeu,  en  compagnie  des  Deux  Betes  (xx,  7-10). 

(C'est  encore  une  vision,  qui,  comme  A,  chap,  xii,  resume  I'ensemble 
des  luttes  de  I'Eglise  contre  le  Diable,  mais  en  y  ajoutant  le  resultat 
final;  cfr.  xi,  1-14,  rapproche  de  vi,  1). 

F.  Le  JuGEMENT  DERNIER  devaut  le  trone  de  Dieu  (xx,.  11-xxi,  4). 

1°  Resurrection  generale.  Les  livres  sont  ouverts,  et  chacun  juge  selon 

ses  oeuvres,  pour  son  sort  definitif  (xx,  11-13). 
2°  Damnation  de  ceux  qui  ne  sont  pas  inscrits  au  livre  de  vie,  jetos  dans 

Vetang  de  feu,  avec  la  Mort  et  I'Hades  (xx,  14-15). 
3°  Ciel  nouveau  et  terre  nouvelle.  Nouvelle  Jerusalem  (ce  qui  annonce 

la  3«  partie  du  livre)  Beatitude  des  6lus  (xxi,  1-4). 


IV.  —  Conclusion  de  toute  la  2«  partie  (xxi,  5-8).  Celui  qui  est  assis  sur  le  trone 


XCII  INTRODUCTION. 


parle  lui-mome  au  Prophete,  lui  ordonne  d'ecrire,  et  renouvelle  ses  promesses  et 
ses  menaces  pour  I'ensemble  des  hommes  (xxi,  5-8). 

TROISIEME  PARTIE 

Vision  de  la  Jerusalem  celeste,  epouse  de  l'Agneau  (xxi,  9-xxii,  5).  (Gette  ville  qui 
descend  du  ciel  est  le  lieu  de  tous  les  biens  spirituels  promis  dans  las  lettres  aux  sept 
eglises  et  dans  les  parties  prophetiques  de  la  Revelation.  C'est  la  cite  de  Dieu,  qui 
s'oppose  a  Babylone  la  prostituee,  la  principals  cite  du  Diable.  Elle  est  identique, 
d'une  part,  au  sanctuaire  celeste  (vii,  15;  xi,  19;  xvi,  5,  17)  et  de  I'autre  au  Temple  du 
chap.  XI,  a  la  Femme  du  cliapitre  xii,  a  la  montagne  de  Sion  du  chap,  xiv,  a  la  Cite 
bien-aimee  du  chap.  xx.  Seulement  elle  n'est  consideree  ici  que  dans  sa  joie  triom- 
phante,  commencee  des  ici-bas  pour  s'epanouir  dans  I'eternito.  C'est  done  une 
image  TRANscENDAiVTE  DE  l'Eglise,  aussi  bieu  sur  la  terre  que  dans  le  ciel,  aussi  bien 
sous  le  regime  de  la  grace  que  dans  la  gloire,  dans  le  temps  que  dans  I'eternite; 
mais  c'est  la  gloire  de  son  etat  definitif  dans  I'eternite  qui  jette  sa  lumiere  sur  toute 
la  description,  contrairement  aux  scenes  des  chapitres  xi  et  xii,  ou  l'Eglise  etait 
exclusivement  representee  dans  son  etat  militant). 

I.~ —  UiN  AiXGE  poRTEuR  d'ui>e  DES  SEPT  COUPES  (xxi,  9-10)  trausporte  Jean  sur  une 
haute  montagne,  d'ou  11  lui  montre,  descendant  du  ciel,  la  Jerusalem,  epouse 
DE  l'Agneau  (cfr.  I'Ange  qui  lui  a  montre  Babylone,  au  chap.  xvii). 

II.  —  Description  de  la  Jerusalem  nouvelle  (xxi,  11-23). 

1°  Son  eclat  (xxi,  11). 

2°  Sa  muraille  et  ses  douze  partes  (12-14). 

3°  Ses  dimensions,  mesurees  par  I'Ange  revelateur  (cfr.  la  mesure  du  temple  au 

chap.  XI)  (15-18). 
4°  Les  materiaux precieux  de  sa  construction  (19-21). 
5"  Dieu  et  I'Agneau  en  sont  eux-memes  le  Temple  et  le  luminaire  (22-23). 

III.  —  Ce  que  cette  Jerusalem  est  pour  les  hommes  (xxi,  24-xxii,  5),  soit  dans  la  vie 
terrestre,  soit  dans  la  vie  future,  et  pour  toute  I'eternite. 

1°  Entree  libre  des  rois  et  des  nations  dans  cette  cite  (au  cours  evidemment  de 

la  vie  temporelle)  (xxi,  24-27). 
2°  Fleuve  et  arbres  de  vie  pour  la  purification  des  hommes  (xxii,  1-2). 
3°  Bonheur  parfait  et  vision  beatifique  pour  tous  ses  habitants  (dans  I'avenir, 

verbes  au  futur)  (xxii,  3-5). 

CONCLUSION  ET  EPILOGUE  DE  TOUT  LE  LIVRE  (XXII,  6-21). 

I.  —  Triple  attestation,  de  l'Ange,  du  Christ  et  du  Prophete  (xxii,  6-9). 

I''  Attestation  de  I'Ange  revelateur,  concernant  la  verite  du  livre  (xxii,  6). 
2°  Attestation  du  Christ  lui-meme,  jointe  a  la  promesse  de  venir  bientot  (xxii,  7). 
3°  Attestation  de  Jean  (dont  I'Ange  refuse  les  marques  d'adoration  comme  celui 
qui  avait  montro  la  ruine  de  Babylone,  xix,  10)  (xxii,  8-9). 

II.  —  Paroles  du  Christ  (xxii,  10-16)  (adressees  a  Jean,  a  l'Eglise,  et  a  toute  I'huma- 
nite  en  general). 

1°  Le  Christ  commande  de  publier  le  livre,  quelle  que  soit  la  maniere  dont  on 

I'accueillera  (xxii,  10-11). 
2°  «  II  vient  bientot  «.  II  renouvelle  ses  promesses  et  ses  menaces,  et  aflirme  que 


Ί 


I 


PLAN    DE    L  APOCALYPSE.  XCIU 

c'est  lui  qui  a  envoye  I'Ange  porter  cette  revelation  aux  Eglises  (les  7  eglises 
d'Asie)  (XXII,  12-17). 
30  L'EspRiT  et  I'Epouse  (xxii,  17)  (I'Eglise  terrestre)  lui  repondent,  par  un  appel 
amoureux  et  pressant.  Que  I'auditeur  de  I'Apocalypse  s'associe  a  cet  appel  et 
que  tous  viennenl  puiser  aux  sources  de  la  vie. 

III,  —  Jean  (xxii,  18-19)  defend  soverement  d'alterer  d'aucune  maniere  son  Uvre  pro- 
phetique. 

IV.  —  Jesus  (xxii,  20)  atteste  encore  sa  venue  prochaine.  Le  prophete  a  son  tour  le 
supplie  de  venir. 

Clausule  epistolaire  en  forme  de  benediction  (xxii,  21), 


J'ai  voulu  faire  cette  analyse  aussi  dctaillee  que  possible;  le  commentaire  la 
justifiera  par  I'etude  des  particularites.  On  ne  pent  dire  que  I'Apocalypse  soit 
una  oeuvre  d'art  irreprochable,  tant  au  point  de  vue  de  I'equilibre  parfait  des 
matieres  qu'a  celui  de  la  nettete  allegorique.  Rappelons-nous  toutefois,  pour  ce 
dernier  point,  que  les  materiaux  etaient  fournis  a  I'esprit  de  Jean  par  une  tradi- 
tion consacree;  c'est  celle-ci  qu'il  faut  rendre  en  premier  lieu  responsable  de 
bien  des  obscurites.  Quant  a  la  suite  des  visions,  nous  I'avons  eclaircie  de  notre 
mieux ;  les  «  incoherences  »  pretendues  diminuent  beaucoup  quand  on  y  regarde 
de  pres.  Toutes  les  parties  sont  emboitees  solidement  les  unes  dans  les  autres, 
et  I'impression  de  I'unite  est  beaucoup  plus  forte  que  celle  des  disparates.  En 
dehors  des  septenaires  qui  s'echelonnent  a  travers  le  livre,  chaque  serie  princi- 
pale  obeit  encore  a  un  rythme  ternaire  assez  nettement  accuse.  Chacune  des 
revelations  d'ensemble  se  fait  en  trois  grands  mouvements  :  a)  une  Introduction^ 
ou  le  Prophete  presente  les  personnages  ou  les  forces  qui  vont  entrer  en  action ; 
—  b)  une  Vision  preparatoire,  ou  il  connait  par  prolepse  la  nature  des  evene- 
ments  qui  doivent  s'accomplir ;  enfin  c)  la  Vision  des  realisations,  oii  il  assiste  a 
I'execution  symbolique  de  ce  qui  a  ete  annonce.  Cette  disposition  est  continue; 
elle  n'apparait  qu'a  I'etat  de  vestige  dans  les  Lettres  oh.  la  prediction  tient  moins 
de  place,  mais  elle  devient  tres  nette  dans  la  2"  parlie  :  a)  chap,  iv-v ;  b) 
chap,  vi-vn;  c)  chap,  viii-xi  pour  la  1"^  section;  —  puis  a)  chap,  xii,  18-xiv, 
5;  b)  chap,  xiv,  6-20;  c)  chap,  xv-xvi ;  et  a)  chap,  xvii  ;  b)  chap,  xviii,  1-8;  c) 
chap,  xviii,  9-xix,  8,  et  encore  a)  chap,  xix,  11-16;  b)  17-18;  c)  19-21  dans  la 
2*  section  prophetique.  De  plus,  le  livre  entier  et  chaque  grande  division  sont 
precedes  d'un  prologue,  ou  meme  d'une  sorte  de  preface  symbolique,  plus  ou 
moins  longue;  il  y  a  aussi  des  epilogues  partiels.  C'est  encore  la  comme  une 
loi,  celle  du  «  rythme  ternaire  »  que  nous  pouvons  joindre  a  celles  que  nous 
avons  expliquees  au  chapitre  precedent,  ou  nous  ne  devious  pas  en  parler 
encore,  car  on  ne  la  reconnait  qu'au  bout  d'une  analyse  detaillee. 

Peut-etre  y  a-t-il  encore  d'autres  septenaires  que  ceux  qui  apparaissent  a  pre- 
miere vue.  Ainsi  I'onpouvait  repartir  la  2^  section  prophetique,  depuis  la  Femme 
et  le  Dragon  jusqu'a  refusion  des  coupes  (dont  les  visions  suivantes,  jusqu'a  la 
defaite  des  Betes,  ne  sont  qu'unc  explication)  en  sept  signes  (σημεία),  distingues 


XCIV  INTRODUCTION. 

par  les  expressions  :  Je  vis  un  autre  signe;  —  Apres  cela  je  vis;...  —  Apres 
cela  je  regardai  et  void  :  ...  Les  commentateurs  ont  remarque  encore  que  les 
formules  de  benediction  qui  s'adressent  a  Dieu  createur  sont  a  quatre  membres, 
tandis  que  celles  qui  ont  pour  objet  le  Christ  Redempteur  en  ont  sept.  Les 
Agents  de  Dieu  dans  la  nature  ou  riiumanite  prise  en  general  sont  nombres  par 
quatre  ou  ses  multiples  (les  4  Animaux,  les  24  =  4  X  6  Vieillards,  les  4  Fleaux 
des  Cavaliers,  les  4  Trompettes  qui  amenent  des  calamites  cosmiques,  les  4  Anges 
del'Euphrate)\  sans  doute  a  cause  des  quatre  points  cardinaux,  ou  des  quatre 
parties  de  FUnivers;  tandis  que  les  Agents  de  la  nouvelle  economic  etablie  par 
rincarnation  sont  toujours  sept,  cliiffre  de  la  plenitude,  de  la  creation  nouvelle 
et  parfaite  :  (Ainsi  les  7  esprits  de  Dieu,  les  7  Eglises,  reprosentant  TEglise 
universelle,  les  7  Aiiges  des  trompettes  et  des  coupes  qui  executent  les  ordres 
de  I'Agneau  Roi  et  Juge).  Par  contrefaQon,  les  adversaires  du  nouvel  ordre,  le 
Dragon  et  la  1"'^  Bete,  ont  aussi  sept  tetes.  Les  visions'  relatives  a  I'Eglise 
triomphante  ou  a  la  vie  celeste  de  la  grace  et  de  la  gloire,  presentent  un  autre 
chifTre  de  la  plenitude,  a  savoir  douze  (les  douze  portes  de  la  Jerusalem  celeste, 
les  144.000  =  12  χ  12  χ  1000  hommes  des  chap,  vii  et  xiv  et  aussi,  si  Ton 
veut,  les  24  =  12  χ  2  Vieillards,  Anges  qui  sont  les  intercesseurs  d'oifice  pour 
I'humanite  rachetee).  Ce  chiffre  de  douze  (4  χ  3)  pent  signifier  la  nature  restau- 
ree  et  arrivee  a  son  integrite.  II  y  avait  sans  doute  des  causes  occasionnelles 
(p.  ex.  les  douze  tribus,  les  douze  apotres)  pour  le  choix  de  ce  dernier  chiffre; 
pourtant  on  pent  dire,  sans  crainte  de  se  tromper,  qu'il  n'est  guere  un  seul  nom- 
bre  (y  compris  le  mysterieux  666),  qui  ne  soit  tout  impregne  de  sens  mystique. 

Dans  I'etude  consacree  au  style  de  Γ  Apocalypse  [vide  infra,  c.  x),  nous  expli- 
querons  un  caractere  tres  particulier  des  developpements,  que  I'analyse  nous 
permet  de  signaler  deja  (V.  supra,  ch.  vii).  Jean  ne  donne  presque  jamais 
toute  sa  pensee  d'un  seul  jet,  ni  en  une  seule  vision.  11  en  presente  tout 
d'abord  une  indication,  un  resume;  puis  il  Tamplifie  et  la  precise  en  des  descrip- 
tions beaucoup  plus  vastes,  qui  forment  comme  des  volutes  s'elargissant  tou- 
jours. Ce  precede  est  surtout  remarquable  dans  les  chapitres  xii  et  suivants,  au 
commentaire  desquels  nous  I'etudierons  en  detail.  L'auteur  aime  a  «  recapitu• 
ler  »,  (pour  nous  servir  de  I'expression  plus  ou  moins  exacte  devenue  celebre 
dans  I'histoire  de  Finterpretation  apocalyptique),  et  a  revenir  sur  sa  pensee  afin 
de  lui  donner  des  formes  nouvelles,  comme  si  les  premieres  visions  n'avaient  eu 
qu'une  valeur  d'essai  ou  d'ebauche. 

Mais  ces  observations  qui  completent  I'etude  precedente  sur  les  precedes  de 
composition  de  notre  livre,  ne  sont  pas  les  plus  interessantes  que  puisse  nous 
suggerer  le  resume  ci-dessus.  Les  involutions,  les  emboitements,  tous  les  autres 
signes  d'unite  litteraire  que  nous  avons  reconnus,  sont  comme  le  reflet  d'une 
unite  synthetique  merveilleuse  dans  Tidee  (1).  Voici,  en  effet,  quelles  sont  les 
pensees  maitresses  de  I'Apocalypse  : 

1°  Le  ciel  et  la  terre  forment  comme  un  seul  monde,  que  Dieu  gouverne  du 
haut  de  son  trone,  ordonnant  toutes  choses  au  bien  des  elus.  Tout  ce  qui  arrive 
en  has  a  ete  determine  en  haut.  La  liberte  humaine  n'en  est  cependant  nullement 

(1)  Nous  donnerons  un  resume  synthotique  dofinitif  dans  le  Commentaire,  a  I'lntroduction 
speciale  de  la  derniere  partie,  xxi,  9-xxii,  5. 


PLAN    DE    L  APOCALYPSE.  XCV 

diminuee,  car  les  hommes  sont  avec  Dieu  les  auteurs  de  leur  salut,  comme  le 
prouvent  les  exhortations  des  Sept  Lettres,  et  les  autres  qui  sont  eparses  dans 
le  livre.  Les  creatures  celestes  s'interessent  a  tous  les  evenements  qui  se  pres- 
sent  sur  le  champ  de  bataille  du  monde  transitoire.  L'enfer  ne  s'ouvre,  le  diable 
n'est  delie  en  vue  du  chatiment  des  rebelles  obstines  et  de  Tepreuve  qui  perfec- 
tionnera  les  justes,  que  sur  le  signal  donne  par  des  esprits  bienheureux.  Des 
choeurs  angeliques  celebrent  par  leurs  chants  d'allegresse  les  divers  stades  de  la 
lutte,  et  de  la  victoire  infaillible  du  Bien. 

2"  Le  Christ,  dans  son  humanite,  regne  avec  Dieu  dans  le  ciel,  depuis  qu'il 
a  rachete  les  hommes  par  sa  mort.  Mais  Γ  «  Agneau  comme  egorge  »,  qui  fait 
sonner  au  firmament  les  trompettes  du  jugement,  est  egalement  present  sur  notre 
terre.  Le  Dragon  et  ses  Deux  Betes,  qui  sevissent  ici-bas,  le  trouvent  debout 
en  face  d'eux,  sur  I'inexpugnable  montagne  de  Sion,  quoique  le  «  Fils  »  de  la 
Femme  ait  ete  enleve  au  ciel.  II  est  present,  comme  «  Fils  d'Homme  ».  au  milieu 
des  sept  eglises  d'Asie,  qu'il  tient  dans  sa  main  droite.  II  parcourtle  monde,  pour 
le  convertir  k  son  Evangile,  sous  la  forme  d'un  Cavalier  invincible,  qui,  un  jour, 
par  le  «  glaive  de  sa  bouche  »  aneantira  toute  la  puissance  de  ses  ennemis. 

3°  Le  Dragon  a  ete  vaincu  des  le  jour  de  I'enlevement  du  Christ  au  ciel,  de 
sa  glorification.  II  le  sait  bien,  et  ne  cherche  qu'a  profiter  du  court  repit  qui  lui 
est  accorde  encore  pour  completer,  en  fait,  le  nombre  de  ses  vainqueurs,  des 
martyrs  et  des  confesseurs.  11  suscite  contre  I'Eglise  ses  Deux  Betes,  le  Double 
Antechrist  (contrefagon  du  Christ)  qui  parait  devoir  resister  a  toute  blessure 
mortelle.  Mais,  s'il  a  des  avantages  momentanes  sur  les  saints,  les  deux  Temoins 
du  Christ  et  de  I'Eglise  ressuscitent  aussi  toujours,  et  ce  spectacle  finira  par 
convertir  les  hommes,  qui  s'etaient  endurcis  contre  la  -justice  vindicative  des 
fleaux.  Ces  fleaux  ruinent  la  cite  du  Diable,  son  pouvoir  exterieur.  Par  la  guerre, 
les  agents  du  demon  se  detruisent  mutuellement  :  la  Bete  avec  les  rois,  ses  dix 
cornes,  detruit  la  Courtisane  Babylone.  Et  il  en  sera  sans  doute  toujours  ainsi, 
jusqu'a  ce  que  le  «  glaive  «  du  «  Verbe  »  ait  aneanti  toute  opposition. 

4^  C'est  que  Γ  humanite  a  atteint  les  «  derniers  temps  »,  predits  et  ardem- 
ments  souhaites  par  les  Prophetes,  ceux  de  la  victoire  de  Dieu.  lis  s'ouvrent  a 
rincarnation.  Le  Jugement  du  monde  a  commence,  au  son  des  trompettes 
angeliques,  des  que  le  Christ  a  ete  glorifie  et  a  pris  possession  du  livre  des 
Destinees.  Des  signes  eschatologiques,  comme  la  «  troisieme  malediction  »,  ou 
chute  du  Dragon  sur  la  terre  (c-xii),  et  I'Apparition  de  la  Bete  qui  se  fait  adorer, 
ont  deja  precede  d'un  certain  nombre  d'annees  les  visions  de  Patmos.  Jean  n'a 
done  pas  hesile  a  inserer  dans  un  bloc  eschatologique,  au  moins  pour  ce  qui 
est  de  ces  deux  passages,  des  visions  relatives  au  passe.  Le  genre  apocalyptique 
le  permettait,  puisque,  dans  Baruch  syriaque  (chap.  53  et  suivants),  la  vision  du 
nuage  montant  de  la  mer  et  des  treize  averses  qui  en  tombent,  nous  fait  remonter 
en  dega  du  temps  de  I'auteur  fictif,  jusqu'aux  jours  d'Adam.  Mais,  chez  Jean, 
ce  n'est  pas  un  resume  des  periodes  du  monde.  Π  ne  s'agit  que  des  clges  qui 
ont  commence  au  Christ,  et  tout  y  est  emhrasse  dans  la  meme  perspective 
eschatologique,  du  Jour  du  Jugement,  du  jour  des  chatiments  et  du  salut.  Ce 
jour-la  pourra  durer  mille  annees  et  plus;  mais  peu  importe  la  duree,  il  n'y  a 
plus  qu'un  seul  grand  Evenement  qui  se  deroule,  la  Venue  du  Messie  et  de  Dieu, 
terme  de  toutes  les  aspirations  prophetiques. 


XCVI  INTRODUCTION. 

5°  Deja,  en  effet,  la  Jerusalem  nouvelle  est  une  realite  actuelle.  Ceux  qui  ont 
lave  leurs  vetements  dans  le  sang  de  I'Agneau,  qui  ont  re^u  sur  leurs  fronts  le 
eigne  de  Dieu,  y  ont  acces  des  apres  leur  mort,  sans  attendre  la  Parousie  finale 
(μακάριοι  οι  νεκροί  οί  εν  κυρίω  αποθνήσκοντες  άπάρτι,  χΐν,  13).  Bien  plus,  ils  y  resident 
deja,  par  leur  vie  interieure,  durant  cette  existence,  comme  on  le  voit  par  les 
promesses  des  lettres,  la  description  de  la  «  Foule  immense  »  du  chap,  vii,  les 
versets  qui  closent  le  chap,  xxi  et  ouvrent  le  chap,  xxii,  et  d'autres  passages 
encore.  C'est  peut-etre  la  Taspect  le  plus  saisissant  et  le  plus  divin  de  toute  la 
synthese  apocalyptique.  Comme  le  dira  un  autre  livre  du  Nouveau  Testament, 
le  IV^  Evangile,  les  fideles  sent  deja  transportes  dans  la  «  vie  eternelle  »  ;  ou 
bien,  pour  rappeler  une  expression  de  saint  Paul  «  leur  vie  civique  (πολίτευμα) 
est  au  ciel  »,  dans  la  Cite  du  Ciel  {Phil.,  iii,  20). 

D'un  mot,  nous  pouvons  dire  que  toute  I'Apocalypse  est  une  eschatologie  (si 
Ton  ne  prend  pas  ce  mot  dans  un  sens  trop  materiel),  bien  qu'elle  parle  de  faits 
contemporains.  Les  derniers  temps,  le  Jugement,  ont  commence  avant  que  Jean 
se  mette  a  ecrire.  Ce  qui  lui  est  montre  dans  son  exil  de  Patmos,  c'est  I'actua- 
lite  du  Regne  de  Dieu  et  du  Christ,  qui  surmonte  les  dernieres  resistances  de 
VEnnemi  vaincu.  Le  Ciel  a  penetre  la  terre,  et  Thumanite  est  montee  jusqu'au 
ciel;  les  fideles  du  Christ  n'ont  rien  a  craindre  de  la  «  grande  tribulation  », 
rien  que  de  s'y  montrer  laches;  car,  quoi  que  fasse  contre  euxl'Ennemi,  celui 
qui  le  veut  pent  «  prendre  gratuitement  de  I'eau  de  la  vie  »  (xxii,  17),  au  ileuve 
de  la  Jerusalem  celeste. 

11  y  a  done  un  abime  entre  cette  Apocalypse,  et  celles  dont  elle  a  emprunte 
en  partie  le  symbolisme  et  les  procedes  litteraires.  C'est  bien,  nous  le  repetons, 
un  livre  d'un  optimisme  triomphal,  une  branche  de  ee  fleuve  rafraichissant  de 
la  vie  qui  coule  du  ciel  sur  la  terre  brulante  et  bouleversee.  Jean  dit  a  ses 
lecteurs,  que  menace  la  Bete  :  «  Courage,  I'Agneau  a  deja  vaincu  le  monde; 
vous  otes  au  ciel,  si  vous  le  voulez,  et  rien  ne  pourra  vous  en  faire  tomber,  dans 
toutes  les  convulsions  dun  monde  auquel  vous  n'appartenez  plus  ». 


CHAPITRE  IX 

l' APOCALYPSE    ET    LES    AUTRES    LIVRES    DV     NOUVEAU    TESTAMENT    COMPARES    SURTOUT 
Αυ    POINT    DE    VUE    DE    l'eSCHATOLOGIE. 

L'Apocalypse,  jusqu'ici,  a  ete  trop  envisagee  par  les  critiques  comme  un  livre 
isole  dans  le  Nouveau  Testament.  Les  etudes  precedentes  suffisent  pourtant  a 
montrer  comme  ce  livre  tient  intimement  a  I'ensemble  des  enseignements  du 
Christ  et  des  Apotres.  Ce  n'est  pas,  sans  doute,  un  ecrit  destine  a  Tenseignement 
doctrinal;  il  ne  pretend  qu'a  exliorter  et  a  fortifier  les  Chretiens  en  leur  rap- 
pelant  ou  Dieu  les  mene  a  travers  les  crises  douloureuses  de  ce  monde,  Aussi 
n'apporte-t-il  aucun  enrichissement  substantiel  au  Credo  de  I'Eglise  primitive, 
Mais  il  suppose  et  confirme  tout  entiere  la  dogmatique  tres  developpee  des 
epitres  pauliniennes ;  il  presage  deja,  par  sa  fameuse  mention  du  «  Verbe  de 
Dieu  »,  au  chap,  xix,  la  derniere  expression  qui  sera  donnee  a  la  Christologie 
par  le  IV^  Evangile.  Dans  le  ii'^  chapitre  de  cette  Introduction,  nous  avons  releve 
les  doctrines  principales  de  Jean.  Elles  embrassent,  tres  reconnaissables  sous  le 
va-et-vient  des  symboles,  les  principaux  enseignements  sur  la  Trinite,  y  compris 
la  troisieme  Personne.  sur  Tlncarnation,  la  Divinite  du  Christ,  la  Redemption, 
sur  TAngelologie,  la  predestination,  le  regne  de  Dieu,  la  vie  de  la  grace,  I'Eu- 
charistie,  I'Eglise,  le  Jugement,  le  Paradis  et  FEnfer.  Sans  etre  done,  a  propre- 
ment  parler,  un  livre  didactique,  I'Apocalypse  apporte  le  plus  precieux  temoi- 
gnage,  un  temoignage  a  peu  pres  universel,  touchant  les  croyances  de  la 
chretiente  a  la  fin  de  I'age  apostolique. 

Une  assez  nombreuse  ecole  de  critiques  a  reconnu,  depuis  une  vingtaine 
d'annees,  I'importance  qu'a  I'etude  de  cette  Revelation  pour  la  connaissance  des 
origines  chretiennes.  lis  Font  meme  exageree,  dans  I'interet  de  leur  philosophic 
religieuse,  et  essaye  de  demontrer,  en  analysant  historiquement  le  caractere  des 
symboles,  que  le  syteme  dogmatique  qui  transparait  partout  dans  les  visions 
johanniques,  et  qu'ils  sontbien  obliges  de  faire  remonter  au  raoins  a  saint  Paul, 
n'etait  qu'une  combinaison  syncretique  du  pur  enseignement  de  Jesus  avec  les 
idees  religieuses  de  Thellenisme  contemporain,  derivees  elles-memes  pour  une 
grande  part  des  vieux  cultes  orientaux.  Giinkel,  le  premier  coryphee  de  cette 
ecole  «  de  I'histoire  des  religions  »  ou  «  des  traditions  »,  declare  nettement  : 
«  Le  Christianisme  est  une  religion  syncretique...  La  note  vraiment  caracteris- 
tique,  nous  pouvons  direprovidentielle,  dans  le  Christianisme,  c'estqu'il  a  connu 
son  epoque  classique  a  cette  heure  importante  pour  I'histoire  du  monde,  ou  il  a 
passe  de  I'Orient  en  Grece.  Par  la  il  tient  a  deux  mondcs...  Destine  a  etre  preche 
a  des  peuples  nombreux,  il  ne  fut  pas  lui-meme  le  produit  d'un  seul  peuple, 
mais  il  estne  de  la  grande  histoire,  tres  entrem^lee,  de  beaucoup  de  peuples.  — 
Le  judaisme  (dit  Bousset),  fut  la  cornue  ou  les  divers  elements  s'assemblerent... 
C'est  la,  disons  nous  avec  Plleiderer,  la  plus  grandiose  et  plus  solide  apologie  du 

APOCALYPSE  DE    SAINT  JEAN.  ■  fr 


XCTIII  INTRODUCTION. 

Christianisme  que  Ton  puisse  concevoir  (sur  le  terrain  historique).  Car  Γοη  voit 
que  ce  n'a  pas  ete  un  hasard,  si  cette  foi  a  vaincu  le  monde  et  introduit  une  nou- 
velle  epoque  dans  rhistoire  de  Thumanite,  mais  qu'en  cela  c'est  une  plus  haute 
necessite  historique  qui  se  manifeste.  »  Zum  religionsgeschichtlichen  Vers- 
tdndnis  des  Neuen  Testaments,  pp.  95-96,  1903).  Bousset,  qui  a  ecrit  un  remar- 
quable  commentaire  de  notre  Apocalypse  se  rallie  aux  memes  idees  en  les 
mitigeant  un  pen.  Les  auteurs  de  cette  ecole  trouvent  des  points  d'appui  pour 
leur  these  dans  I'histoire  evangelique  de  I'Enfance  du  Christ,  la  doctrine  sacra- 
mentelle  et  la  christologie  de  Paul,  ailleurs  encore,  mais  principalement  dans 
I'Apocalypse,  parce  que  ce  livre,  en  eifet,  a  visiblement  puise  aux  traditions 
orientales.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  aulecteur  croyant  comment  cette  apologe- 
tique-la  doit  etre  jugee.  Mais  j'en  ai  dit  assez,  au  chapitre  ou  nous  etudiions  les 
symboles  apocalyptiques,  pour  faire  comprendre  que  le  role  des  traditions  etran- 
geres,  d'ailleurs  beaucoup  plus  restreint  qu'on  le  pretend,  a  ete  purement  mate- 
riel. Elles  ont  pu  seulement  fournir  la  un  revetement  d'images  a  des  idees  exclu- 
sivement  chretiennes.  Nous  le  demontrerons  en  detail  dans  plusieurs  chapitres 
du  commentaire,  notamment  a  la  vision  de  la  Femme  et  du  Dragon,  qui  est  capi- 
tale  a  ce  point  de  vue.  Du  reste,  n'oublions  pas  qu'en  passant  par  la  «  cornue  » 
du  judaisme,  ces  images  avaient  vu  se  \^olatiliser  tout  leur  contenu  religieux 
paien  incompatible  avec  la  revolation  mosaique.  Justifier  I'Apocalypse  de  toute 
accointance  doctrinale  avec  le  paganisme  babylonien,  parsi  ou  grec,  c'est  done 
detruire  le  plus  fort  argument  historique  oppose  aujourd'hui  a  la  nouveaute  et  a 
la  transcendance  du  Nouveau  Testament  pris  en  bloc. 

Mais  une  etude  comparee  de  I'Apocalypse  et  des  autres  ecrits  apostoliques  se 
recommande  a  un  tout  autre  point  de  vue  a  I'apologiste  historien.  II  ne  s'agit  plus 
de  rofuter  les  conceptions  subjectivistes  de  I'ecole  «  religionsgeschichtlich  », 
mais  d'etudier  une  des  questions  les  plus  brulantes  et  les  plus  obscures  de  nos 
origines  religieuses,.  a  savoir  la  croyance  des  Apotres  et  des  premiers  Chretiens 
touchant  I'eschatologie  et  la  date  du  second  Avenement  du  Christ. 


l'eschatologie  de   l'apocalypse  et  celle  des  autres  ecrits  neotesta- 
mentaires,  dans  sa  conception  generale. 

Ce  qu'enseigne  aujourd'hui  I'Eglise  touchant  les  fins  dernieres,  c'etait  deja  la 
croyance  des  premieres  generations  chretiennes.  Mais  bien  plus  presente  a 
toutes  les  pensees  et  bien  plus  vivante  dans  tons  les  coeurs  etait  alors  I'idee  du 
glorieux  Avenement  de  Jesus-Christ,  de  la  Parousie.  Ce  jour-la,  tous  I'atten- 
daient  avec  une  joyeuse  ardeur  qui  eclate  presque  a  chaque  page  des  ecrits 
apostoliques  ou  de  ceux  des  premiers  Peres.  La  critique,  apres  avoir  bien  etabli 
ce  fait  d'ailleurs  indeniable,  est  allee  beaucoup  plus  loin,  et  elle  entend  de- 
montrer  aussi  que  les  disciples  des  Apotres  vivaient  dans  I'inebranlable  con- 
viction que  la  Parousie  aurait  lieu  avant  que  leur  genoration  ne  fut  disparue. 
Cette  prevision,  que  la  marche  de  I'histoire  aurait  eu  si  vite  fait  de  dementir, 
est  attribute  par  une  nombreuse  ecole  rationaliste  a  Notre-Seigneur  lui-meme ; 


J 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  XdX 

la  plupart  des  protestants,  suivis  de  quelques  catholiques  (1),  ne  doutent  pas 
au  moins  que  saint  Paul,  et  les  autres  apotres  avant  lui,  aient  partage  I'erreur 
de  leurs  contemporains.  Et  si  I'unanimite  d'une  telle  croyance  parait  difficile  a 
concilier  avec  renseignement  si  net  du  Christ  touchant  I'incertitude  «  du  jour 
et  de  I'heure  »,  ces  critiques  pensent  se  tirer  de  la  difficulte  en  disant  que  ces 
paroles  du  Sauveur  etaient  bien  comprises  comma  un  refus  de  determiner 
I'annee,  le  mois  ou  le  jour  exact,  mais  qu'on  ne  les  jugeait  nullement  contraires 
a  la  certitude  que  la  Parousie  aurait  lieu  sans  trop  tarder.  Nul  nignore  les 
controverses  suscitees  par  cette  nouvelle  theorie,  controverses  qui  ne  sem- 
blent  pas  pres  de  finir. 

Pourtant  on  trouve  jusqu'a  des  critiques  «  eschatologistes  »  qui  entrevoient 
au  moins  le  principe  d'une  solution  moins  rigide  de  ce  grand  probleme  histo- 
rique  et  doctrinal.  Ecoutons  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribue  a  repandre  le 
nouveau  dogme  exegetique.  Chez  les  premiers  Chretiens,  dit  Johannes  Weiss 
«  que  le  delai  dut  έtre  un  peu  plus  long  ou  un  peu  plus  court,  on  ne  peut  du 
moins  plus  douter  de  la  venue  du  Regne  (de  Dieu),  car  I'histoire  a  fait  en  avant 
un  pas  decisif ;  I'avenir  est  assure  du  fait  que  des  a  present  I'EIu  est  monte  a 
son  trone;  la  «  domination  du  Messie  »,  la  premiere  periode  des  temps   du 
salut,  a  commence  (2).  A  la  verite,  il  y  a  encore  le  dernier  combat,  le  decisif 
centre  les  Dominations  et  les  Puissances  qui  resistent  a  la  domination  univer- 
selle  de   Dieu;    mais  le   Yainqueur   omnipotent   est  la    deja  (I   Cor.  xv.  24- 
suiv.)  (3)  ».  L'exegote  independant  emploie  la  des  termes  entramant  la  recon- 
naissance   implicite   d'une    verite    que,    nous    catholiques,    nous   tenons    pour 
essentielle  dans  la  controverse  eschatologique  :  I'Homme-Dieu  regne  deia  sur 
notre   monde   comme    Messie,    «    oportet  autem   ilium   regnare  donee  ponat 
omnes  inimicos  sub  pedibus  ejus  »,  comme  dit  saint  Paul  au  passage  indioue 
Sa  domination  n'etant  pas  differee  jusqu'a  la  Parousie,  on  devrait  en  deduire 
logiquement  ceci  :  c'est  qu'il  devient  d'un  interet  assez  secondaire  pour   ses 
disciples  de  savoir  combien  de  temps  dureront  ces  dernieres  luttes,  qui  doivent 
έtre  necessairement  victorieuses.  Par  consequent,  le  jour  de  la  Parousie  elle- 
m^me,  quoique  la  venue  en  soit  ardemment  souhaitee,  n'a  pas  aux  yeux  des 
premiers  Chretiens  cette  valeur  unique,  cette  importance  absorbante,  que  beau- 
coup  d'exegetes  se  figurent.   Si  le  Deuxieme   Avenement   doit  mettre,  pour 
toute  I'eternite,  le  sceau  a  la  victoire,  il  n'amenera  pas  I'apparition  de  nouvelles 
forces  divines,  creant  une  economic  nouvelle  pour  I'humanite.  Non    I'univers 
est  deja  entre,  par  la  glorification  du  Fils  de  Dieu,  dans  son  dernier  etat  spe- 
cifique,  dans  cet  Eon  futur  (Γα'ων  δ  μέλλων)  oppose  a  toutes  les  epoques  ante- 

(1)  Un  catholique  ne  peut  ovidemnient  soutenir  que  les  Apotres  aienl  enseigne  comme 
roveloe  une  pareille  erreur  dans  leurs  ecrits  inspiros;  mais  plusieurs  protendent  qu'ils  I'ont 
donnee  comme  leur  propre  opinion  humaine.  Voir  Tillmann,  Die  Wiederkunft  Christi  nach 
den  paulinischen  Briefen,  passim. 

(2)  Sous  la  plume  des  exegetes  independants,  cette  expression  a  quelque  chose  de 
suspect,  en  ce  qu'ils  peuvent  vouloir  ainsi  distinguer  la  domination  du  Messie  de  celle  de 
Dieu,  a  la  fagon  des  apocryplies  juifs.  Un  catholique  se  souviendra  toujours  que  la  domina- 
tion du  Messie  est  celle  de  THomme-Dieu,  done  celle  de  Dieu,  qui  ne  finira  jamais. 

(3)  J.   Weiss,  Das  Problem  der  Entstehung  des  Christenfums,  ARW,  sept.  1913    ρ   478 
Cfr.  Das  Urchristentum,  1917,  pp.  24-25.  '  >  i*•        • 


INTRODUCTION. 


rieures  prises  en  bloc.  Ce  n'est  pas  que  I'etat  actuel  du  Regne  de  Dieu,  qui  va 
s"otablissant,  ne  soit  distinct  de  celui  ou  il  se  revelera  a  tous  comma  parfaite- 
ment  etabli.  Mais  cette  difference  est  de  degre,  non  de  nature.  Les  deux  phases 
sont  en  parfaite  continuite.  Si  solennellement  triumphant  que  doive  etre  le  der- 
nier acte,  il  namenera  pas  de  changement  radical,  car  il  ne  sera  que  la  der- 
niere  consequence  du  grand  changement  deja  produit  par  I'lncarnation.  Aussi 
les  deux  phases  peuvent-elles  se  confondre  dans  une  meme  perspective,  comme 
les  «  dies  novissimi  »  des  prophetes  de  I'Ancien  Testament,  comme  I'aurore  et 
le  jour  qui  ne  font  quun  dans  leur  opposition  a  la  nuit  qui  les  a  precedes,  ou 
comme  la.croissance  et  lepanouissement  definitif  du  grand  arbre  seme  par 
Dieu.  Reste  a  savoir  toutefois  si  I'epanouissement  certain  est  prochain  ou 
eloigne  encore. 

Or,  Job.  Weiss  continue  (1)  :  «  Nulle  part  cette  tournure  des  idees  du  chris- 
tianisme  primitif  ne  se  reflele  d'une  maniere  plus  significative  que  dans  le 
xii^  chapitre  de  lApocalypse  de  Jean.  Satan  a  ete  precipite  sur  la•  terre,  et  il 
halete  de  fureur,  car  il  sait  qu'il  n'a  plus  qu'un  court  repit.  Mais,  pour  les  Chre- 
tiens, c'est  la  une  occasion  d'allegresse  jubilante...  Le  nouvel  Eon  est  deja 
entame,  et  la  consommation  est  certaine  ».  Voila  done  signalee,  par  un  com- 
mentateur  de  I'Apocalypse,  limportance  de  ce  livre  comme  temoin  de  la  conti- 
nuite saisie  par  la  pensee  chretienne  entre  les  debμts  de  I'age  messianique  et 
lavenir  eternel.  L'idee  est  fort  juste,  et  parait  toute  naturelle;  cependant  on 
nen  a  pas  assez  tire  parti  pour  resoudre  les  points  les  plus  epineux  du  pro- 
bleme  de  la  Parousie  et  de  sa  date.  On  a  neglige  I'Apocalypse.  Pour  determiner 
lidee  exacte  que  se  faisaient  nos  premiers  peres  sur  la  pretendue  proximite  de 
la  Parousie,  on  scrute  les  Synoptiques,  saint  Paul,  les  Epitres  catholiques,  qui 
ne  traitent  du  probleme  qu'en  passant,  ou  par  allusions;  et  on  fait  a  peine 
entrer  dans  la  discussion  I'exegese  du  livre  prophetique  qui  traite  tout  entier, 
ex  professo,  des  fins  dernieres.  Comment  expliquer  une  methode  si  fautive? 
On  dira  que  I'Apocalypse,  outre  la  diificulte  d'en  faire  I'exegese,  est  un  ecrit 
trop  tardif,  ne  donnant  que  la  doctrine  personnelle  d'un  prophete?  Mais,  de  fait, 
il  est  parfaitement  d'accord,  pour  toute  sa  theologie,  avec  le  reste  du  Nouveau 
Testament;  il  n'est  posterieur  que  d'une  trentaine  d'annees  aux  derniers  ecrits 
de  saint  Paul ;  il  est  adresse  a  des  eglises  groupees  autour  d'Ephese,  et  nour- 
ries  de  Tenseignement  de  TApotre  des  gentils;  et  s'il  a  bien  pour  auteur  ce 
meme  Jean  fils  de  Zebedee,  qui  fut  des  les  premiers  jours  I'ami  etle  collabora- 
teur  de  Pierre,  comme  il  avail  ete  le  disciple  bien-aime  du  Maitre? 

J'ai  deja  indique  au  chapitre  precedent  comment  I'Apocalypse  embrasse  dans 
jne  meme  perspective  synthetique  toute  la  duree  des  temps  messianiques  ter- 
/■estres  et  Teternite  du  siecle  futur. 

C'est  une  conception  tout  a  fait  biblique,  celle  meme  des  Prophetes  de 
TAncien  Testament.  Elle  s'oppose  a  celle  des  Apocryphes  judaiques  tardifs 
qui  distinguaient  soigneusement  «  les  Jours  du  Messie  »  du  «  Siecle  a  venir  ». 
Seulement,  ce  que  les  Prophetes  entrevoyaient  dans  I'avenir.  Jean  le  con- 
temple  deja  dans  le  present.  II  voit  le  Regne  actualise,  comme  les  Ju- 
biles,  etc.,  mais  dans  un  tout  autre  sens;  c'est  un  regne  qui  ne  changera  plus 

{X)  Ibidem,  p.  478. 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CI 

de  nature,  mais  qui  s'affermira  et  s'etendra  toujours  davantage,  jusqu'a  ce  que 
tout  lui  soit  soumis.  Dans  le  prolongement  de  la  phase  actuelle,  ou  les  adver- 
saires  resistent  encore,  ou  les  fideles  ont  encore  a  souffrir,  il  aper^oit  Veternite, 
ou  tout  ennemi  sera  reduit  a  Timpuissance,  ou  les  saints  verront  toutes  les 
larmes  essuyees  de  leurs  yeux.  Les  rayons  du  Grand  Jour  percent  deja  de  tous 
cotes  les  ombres  actuelles.  L'instant  du  Jugement,  disons  de  la  Parousie,  sepa- 
rera  bien  les  deux  phases  de  ce  Regne  de  Dieu;  mais  on  ne  saurait  trouver  une 
vision  integrate  qui  se  rapporte  exclusivement  a  la  phase  ultime ;  partout, 
m6me  aux  chapitres  xxi  et  xxii,  c'est  la  meme  vue  synthetique,  embrassant  a  la 
fois  les  debuts  de  Regne  et  sa  consommation. 

La  terre  est  done  deja  le  Royaume  du  Christ,  bien  que  Satan  et  ses  suppots 
n'en  soient  pas  encore  expulses.  Le  chapitre  xii  determine  encore  mieux  le 
moment  ou  cet  etat  de  choses  a  commence,  le  «  tournant  de  I'histoire  »  de  I'uni- 
vers,  I'arrivee  de  ΙΈοη  definitif.  C'est  quand  le  Dragon  et  ses  Anges  ont  ete 
precipites  sur  la  terre  par  les  armees  de  Michel  (xii,  7-9),  et  cette  bataille 
parait  otre  le  resultat  immediat  du  ravissement  du  Messie  au  ciel  (xii,  5).  Le 
cantique  des  habitants  du  ciel  (xii,  10)  place  a  cet  instant  meme  de  la  chute 
de  Satan  I'entree  en  exercice  du  gouvernement  de  Jesus  (άρτι  Ιγένετο...  ή  βασιλεία 
του  Θεού  ήαών  και  ή  εξουσία  του  χριστού  αύτου,  οτι  εβλήθη  δ  κατηγοίΰ,,  κτλ.)  C'est  le 
debut  des  temps  que,  dans  une  perspective  large,  on  pent  appeler  «  eschato- 
logiques  ».  Et  en  eifet,  (si  xi,  19  doit  se  rattacher,  comme  nous  le  croyons 
apres  Andre  de  Cesaree,  avec  H.  Holtzmann  et  d'autres,  aux  chapitres  xii  et 
suivants,  auxquels  il  servirait  d'introduction),  I'apparition  de  I'arche  d'alliance, 
qui  est  un  signe  eschatologique  traditionnel,  caracterise  toutes  les  descriptions 
qui  vont  suivre,  et  qui  partent  de  la  naissance  du  Christ,  comme  se  referant 
aux  «  derniers  temps  ». 

Certes,  le  Prophete  n'a  pas  perdu  de  vue,  dans  cette  perspective  synthetique, 
la  Parousie  ou  plutot  le  Jugement  des  morts,  'qui  separera  les  deux  phases  du 
Regne  de  Dieu.  11  en  parle  explicitement  au  chapitre  xi,  apres  la  septieme 
trompette,  et  au  chapitre  xx,  apres  la  defaite  derniere  de  Satan.  Mais  cela 
n'empeche  pas  les  deux  phases  de  se  fondre  Tune  dans  I'autre  en  ses  visions,  sou? 
les  traits  d'une  meme  allegoric.  Au  chapitre  vii,  il  contemple  I'Eglise  militantt 
comme  une  procession  analogue  a  celle  du  jour  des  Rameaux,  comme  un  fleuve 
qui  deverse  continuellement  au  temple  du  ciel  (Ιρ/ο'μενοι,  au  present,  v.  14)  des 
flots  d'adorateurs  (encore  λατρεύουσιν  au  present,  v.  15)  qui  attendent,  en  servant 
Dieu,  le  jour  ou  ils  n'auront  plus  faim,  plus  soif,  oii  les  larmes  secheront  dans 
leurs  yeux,  c'est-a-dire  le  jour  de  I'eternite  bienheureuse,  qui  n'est  encore 
qu'entrevu,  quoiqu'ils  soient  deja  presents  allegoriquement  au  ciel,  mais 
entrevu  comme  une  continuation  de  la  vie  spirituelle  deja  connue  sur  terre.  Par 
contre,  aux  chapitres  xxi  et  xxii,  il  s'agit  directement  de  la  Jerusalem  celeste, 
c'est-a-dire  de  I'Eglise  glorifiee,  ainsi  du  triomphe  definitif;  or  la  cite  celeste  a 
encore  des  traits  epars  qui  ne  conviennent  qu'a  I'Eglise  militante  :  les  nations 
marchent  a  sa  lumiere,  les  rois  de  la  terre  y  apportent  leur.gloire,  ses  portes 
sont  toujours  ouvertes  pour  qu'on  y  entre  (xxi,  24-27),  elle  est  plantee  d'une 
foret  darbres  de  vie  «  pour  la  guerison  des  nations  »  (xxii,  3).  Cette  Jerusalem 
est  done  I'Eglise  vue  sous  des  traits  simultanement  combines,  lesquels  en 
realite  conviennent  a  deux  etats  qui,  chronologiquement,  seront  successifs  :  le 


CII  INTRODUCTION. 

temps  des  conquetes,  et  le  temps  de  la  gloire  consommee.  Ou  bien  on  peut  dire 
que  deja  TEglise  est  au  ciel,  par  ceux  de  ses  membres  qui  jouissent  de  la  vue 
de  Dieu,  tandis  qu'elle  reste  sur  la  terre,  par  ceux  qui  luttent  encore;  le 
moment  de  la  consommation,  la  Parousie,  ne  changera  pas  substantiellement 
son  etat,  il  I'elevera  seulement  a  la  perfection  d'un  bonheur  et  d'une  gloire  que 
deja  elle  possede  en  partie.  En  tout  cas,  on  voit  bien  par  ces  deux  exemples 
Funite  de  la  perspective  dans  laquelle  Jean  embrasse  le  Regne  et  la  Cite  de 
Dieu,  sans  distinction  absolument  nette  de  leurs  phases  initiale  et  finale. 

Ainsi  se  trouve  justifiee  notre  premiere  these.  Le  moment  ou  se  fait  la  dis- 
tinction essentielle  entre  les  ages  de  I'univers,  entre  les  deux  Eons,  ce  n'est  pas 
la  Parousie  future,  c'est  un  evenement  du  passe,  la  glorification  du  Christ 
mort  et  ressuscite.  Get  evenement  marque  la  fin  des  temps  de  preparation, 
le  debut  de  ceux  qui  ne  changeront  plus  de  nature.  Comme  le  disait  Paul 
(II  Cor.  V,  17)  :  τα  άρχαϊα  παρήλθεν,  ίοου  γεγονεν  καινά.  Virtuellement  Tancien  monde 
est  deja  aneanti;  c'est  la  fin  des  temps  τα  τε'λη  των  αιώνων  (I  Cor.  χ,  11);  vir- 
tuellement aussi  I'economie  definitive  est  deja  etablie  :  le  Christ  regne  sur 
terre,  quoique  d'un  regne  non  encore  inconteste,  et  la  Jerusalem  celeste,  quoique 
encore  invisible  aux  yeux  mortels,  brille  deja  dans  sa  splendeur.  Les  fideles, 
s'ils  ne  possedent  pas  encore  le  Christ  comme  un  soleil  dans  son  plein,  le 
voient  poindre,  ou  memo  le  possedent  dans  leurs  coeurs,  comme  I'etoile  du 
matin  (ii,  28;  cfr.  xxii,  16).  La  vie  presente  de  I'Eglise,  depuis  I'lncarnation, 
est  comme  une  aurore  ou  les  tenebres  qui  reculent  luttent  centre  le  Jour  qui 
s'avance  en  irresistible  conquerant. 

Ainsi  les  epoques  que  la  tradition  judaique  tardive  avait  nettement  distin- 
guees,  ne  sont  plus  tranchees  de  la  meme  maniere  dans  I'Apocalypse.  Non 
seulement  les  Jours  du  Messie  s'unissent  dans  une  meme  perspective  avec 
leternite  bienheureuse  qui  n'en  est  que  la  prolongation,  I'epanouissement 
complet,  mais  encore  le  siecle  present  et  le  siecle  futur,  les  deux  «  Eons  »  — 
si  Ton  continue  a  nous  passer  cette  expression  technique  de  I'Apocalyptique 
juive,  bien  qu'elle  soit  etrangere  a  saint  Jean  (1),  —  les  deux  Eons,  dis-je,  se 
melent  et  se  compenetrent  pour  un  certain  temps  apres  I'lncarnation.  Les 
debuts  du  deuxieme,  qui  est  le  Regne  de  Dieu,  coincident  avec  la  fin  du  pre- 
mier, qui  etait  le  Regne  de  Satan.  Dos  que  le  Christ  glorieux  a  pris  en  main  sa 
royaute,  le  monde  profane  et  pecheur,  condamne  irremissiblement,  virtuelle- 
ment aneanti,  commence  a  s'ecrouler  au  son  des  sept  trompettes  apocalyptiques, 
car  celles-ci  se  mettent  a  retentir  des  que  le  septieme  sceau  du  livre  est  rompu 
(c.  viii);  il  ne  faut  done  pas  rejeter  toutes  ces  catastrophes  a  un  avenir  tres 
eloigne.  Le  parallelisme  de  «  recapitulation  »  qui  existe  entre  les  deux  sec- 
tions iv-xi  et  xii-xx  montre  au  contraire  que  les  executions  divines  ont  com- 
mence des  la  chute  du  Dragon  sur  la  terre  (c.  xii) ;  et  cette  chute  qui,  au 
moment  ou  Jean  ecrit,  a  deja  eu  ses  eifets  dans  I'histoire  (2),  parait,  d'apres  xii, 
[Vae  terrae  et  mari)  n'etre  autre  chose  que  le  troisieme  «  Vae  »,  la  troisieme 
malediction  annoncee  viii,  13,  ix,  12  et  xi,  14,  c'est-a-dire  le  dernier  des  sept 


(1)  Noter  pourtant  que  I'emploi  du  mot  κόσμος,  dans  TEvangile  et  les  Epitres  de  Jean,  a 
quelque  chose  d'^quivalent. 

(2)  Ainsi  I'apparition  de  la  Bote  du  ch.  xiii,  des  le  temps  de  ΝέΓοη. 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CIII 

fleaux,  qui  sont  classes  comme  des  types,  et  non  suivant  une  succession  pro- 
prement  chronologique  (voir  plus  loin).  Certains  evenements  considerables, 
comme  la  chute  de  Rome,  sont  prophetises,  a  la  fagon  de  la  ruine  de  Jerusalem 
dans  les  Synoptiques,  comme  une  manifestation  exterieure  du  Regne  de  Dieu 
deja  en  acte  (xix,  6) ;  les  habitants  du  ciel  qui  la  celebrent  dans  un  de  leurs 
cantiques  entrevoient  meme  a  cette  occasion  les  «  noces  de  I'Agneau  »,  c'est-a- 
dire  le  salut  definitif  a  la  Parousie.  Ainsi  le  siecle  present,  le  monde  coupable, 
est  en  train  de  s'evanouir  sous  les  coups  du  Roi  de  TUnivers,  qui  fait  sonner 
les  trompettes  et  repandre  les  coupes  de  sa  colere.  Mais  combien  d'annees  ou 
de  siecles  occupera  la  progression  de  cette  ruine?  Le  soleil  a  deja  perce  les 
ombres;  combien  de  temps  mettra-t-il  a  les  dissiper  tout  a  fait,  jusqu'a  ce  que, 
au  grand  Jour  de  la  Parousie,  les  dernieres  armees  du  Prince  des  tenebres  se 
precipitent  d'une  course  affolee  au  fond  des  abimes? 

L'Apocalypse  aura  une  reponse  a  cette  grande  question.  Mais  ce  qu'il  nous 
faut  constater  d'abord,  c'est  que  sa  conception  synthetique  des  temps  eschatolo- 
giques  correspond  exactement  a  celle  que  nous  revelent  les  Evangiles,  les  Actes 
et  les  Epitres. 

Dans  les  Synoptiques,  Notre-Seigneur  parle  plus  d'une  fois  du  Regne  de  Dieu 
comme  inaugure  deja  par  son  activite  miraculeuse,  et  surtout  ses  victoires  sur 
Satan,  dans  la  guerison  des  demoniaques  (voir  notamment  Luc,  xi,  20) ;  dans 
une  foule  de  logia,  la  venue  de  ce  Regne  est  au  moins  annoncee  comme  immi- 
nente,  et  les  Paraboles  indiquent  clairement  qu'il  s'agit  de  I'Eglise.  D'apres  le 
discours  eschatologique  de  Marc,  xiii.  Mat.  xxiv,  Luc,  xxi  (avec  les  paralleles), 
les  ωδΤνες,  ou  douleurs  d'enfantement  des  temps  nouveaux,  comprenant  la  ruine 
de  Jerusalem,  et  autres  deploiements  de  la  puissance  du  Fils  de  I'Homme,  pour 
le  chatiment  ou  le  salut,  doivent  commencer  des  la  generation  presente, 
qui  verra  egalement  le  Regne  de  Dieu  [Luc,  ix,  27),  venu  dans  la  puissance 
[Marc,  IX,  1),  le  Fils  de  I'Homme  venant  avec  son  pouvoir  royal  [Mat.  xvi,  28). 
Ces  sortes  d'avenements  partiels  sont  comme  les  prodromes  ou  un  commencement 
de  la  Parousie  qu'ils  annoncent.  lis  sont  englobes  dans  la  meme  perspective  que 
la  consommation,  quoique  la  date  du  grand  jour  soit  laissee  volontairement  par 
le  Christ  dans  une  ombre  impenetrable,  pour  que  les  disciples  songent  a  veiller, 
et  a  etre  toujours  prets.  On  peut  done  dire  que,  pour  les  E^>angiles,  tout  ce  qui 
suit  la  vie  terrestre  de  Jesus  est  une  eschatologie. 

Les  Apotres  et  leurs  convertis  obeirent  a  ce  precepte  de  vigilance  et  ils  pense- 
rent  toujours  avec  une  grande  ferveur,  un  sentiment  presque  dimpatience,  au 
retour  glorieux  du  Maitre  temporairement  cache  a  leur  vue.  L'age  messianique 
ou  ils  sont  entres  n'est  a  leurs  yeux  que  le  debut  d'un  monde  nouveau  qui  est 
celui  de  Tavenir  etde  Teternite.  Tout  ce  qui  pourra  se  succeder  de  la  Resurrec- 
tion jusqu'a  la  Parousie,  ils  ne  le  considerent  que  comme  une  transition.  Des  son 
premier  discours  a  Jerusalem,  saint  Pierre  fait  voir  dans  les  merveilles  de  la 
Pentecote  I'accomplissement  d'une  prophetic  eschatologique  de  Joel.  Les  Apotres 
qui,  immediatement  avant  I'Ascension,  parlaient  encore  avec  impatience  du  reta- 
blissement  du  Royaume  d'lsrael  [Actes,  i,  6),  ont  vu  leur  Maitre  s'en  aller  au 
ciel.  Peu  de  jours  apres,  I'EspriC  descendu  en  eux  leur  a  fait  comprendre  —  et  ce 
fut  une  merveilleuse  revolution  dans  leurs  idees  —  que  les  temps  nouveaux  et 
definitifs  [Actes,  ii,  17,  dv  εσχάταις  ήαε'ραις)  debutaient  a  la  Pentecote.  Pendant  que 


CIV  INTRODUCTION. 


le  monde  va  commencera  s'ebranler  dans  les  convulsions  predites  par  Joel,  I'hu- 
manite  va  aussi  avoir  acces  au  salut  par  I'lnvocation  du  nom  du  Christ  (ii,  21), 
d'abord  les  fils  d'Abraham,  puis  «  ceux  qui  sont  loin  »  (ii,  39),  toutes  les  families 
de  la  terre  qui  recevront  a  leur  tour  I'Evan^ile  (iii,  25).  Le  monde  est  deja 
plonge  dans  les  ώδΤνες,  ces  «  douleurs  du  Messie  »,  que  la  tradition  juive  (comiue 
I'Apocalypse  au  chapitre  xii)  fait  preceder  la  naissance  du  Messie,  mais  qui, 
par  une  extension  et  une  transposition  naturelle,  signifient,  maintenant  que  le 
Messie  est  venu,  I'enfantement  laborieux  du  salut  definitif  (1).  C'est  la  detresse 
du  monde  qui  va  vers  sa  fin,  Γάνάγκη  Ινεστώσα,  qui,  pour  saint  Paul,  I  Cor.  vii,  26, 
marque  au  moins  le  debut  des  grandes  commotions  qui  doivent  effacer  la  figure 
passagere  du  siecle  present.  La  periode  presente  pent  deja  s'appeler  «  les  der- 
niers  jours  »  Ισχάται  ήμέραι;  de  fait,  cette  expression  designe,  dans  Heb.  i,  2, 
I  Pet.  I,  20,  Jude  18,  et  peut-etre  ailleurs,  conformement  a  la  perspective 
biblique,  tout  le  temps  qui  s'ecoulera  depuis  I'incarnation  de  Dieu  jusqu'a  la 
consommation.  C'est  «  la  fin  des  siecles  λ  τά  τέλη  τών  α'κόνων,  en  prenant  τέλη  dans 
le  double  sens  de  point  d'aboutissement  chronologique,  et  de  but,  d'epanouisse- 
ment  du  fruit  des  ages  anterieurs,  vis-a-vis  de  quoi  tout  ce  qui  a  precede  avait 
raison  de  preparation  ou  de  presage.  En  parlant  des  6venements  del'Exode  israe- 
lite,  saint  Paul  s'exprime  ainsi  I  Cor.  x,  H  :  «  Tout  cela  arrivait  a  ceux-la  en 
figure,  mais  a  ete  ecrit  pour  notre  avertissement,  a  nous  que  la  fin  des  nges  a 
atteints  »  (εΙς  ούς  τά  τέλη  τών  αιώνων  κχτηντηκεν).  Maintenant  I'humanite  est  arrivee 
au  crepuscule  matinal  du  Grand  Jour  :  «  C'est  deja  I'heure  de  s'eveiller  du  som- 
meil:  car  a  present  notre  salut  est  plus  proclie  que  lorsque  nous  avons  commence 
a  croire.  La  nuit  est  avancee,  le  jour  s'est  approche.  Rejetons  done  les  ceuvres 
destenebres,  et  revetons-nous  des  armes  de  la  lumiere  »  [Rom.  xiii,  11-12).  La 
comparaison  de  TApotre  porte-t-elle  a  la  fois  sur  la  nature  du  crepuscule  et  sur 
sa  duree,  toujours  breve,  ou  bien  sur  sa  nature  seulement,  sur  le  melange  qu'il 
presente  de  nuit  finissante  et  de  jour  commengant?  Ou  encore  ce  crepuscule  ne 
serait-il  pour  chaque  chretien  que  la  duree  de  sa  vie  mortelle?  Tout  cela  est 
possible  en  soi,  et  nous  ne  pouvons  encore  decider.  Toujours  est-il  que,  pour 
Paul,  comme  pour  les  autres  Apotres,  I'^ge  messianiqae  terrestre  n'est  qu'une 
periode  de  transition,  I'aube  du  jour  de  I'^ternite.  C'est  exactement  la  concep- 
tion que  nous  avons  notee  dans  I'Apocalypse. 


LA  DUREE  DU  TEMPS  MESSIANIQUE  DANS  L  APOCALYPSE  ET  LES  AUTRES  ECRITS 

DU  NOUVEAU  TESTAMENT. 

Voici  maintenant  qu'une  question  plus  difficile  se  pose.  L'Apocalypse  est-elle 
aussi  d'accord  avec  les  autres  ecrits  neotestamentaires  sur  la  duree  du  temps  de 
transition  que  le  Christ  emploiera  a  detruire  la  puissance  du  Mai,  avant  la 
Parousie,  et  le  Jour  ou  Dieu  sera  enfin  «  tout  en  tous  »  ? 

(1)  Quoique  le  terme  θλίψις,  tribulation,  soit  fort  commun  au  sens  le  plus  gonoral,  surtout 
chez  Paul,  nous  serious  tentes,  apres  d'autres,  de  lui  reconnaitre  un  sens  technique  Equi- 
valent a  celui  des  ώίϊνες,  en  divers  passages,  tels  que  Mat.  xxiv,  21,  29;  Marc,  xiii,  19,  24; 
Apoc.  I,  9;  n,  22;  vn,  14. 


LES    AUTRES    HVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CV 

Resumons  d'abord  lenseig'nement  de  Jean  sar  ce  point.  (La  demonstration  de 
nos  assertions  doit  etre  remise  necessairement  au  Commentaire.) 

1"  Les  expressions  apocalyptiques  qui  sembleraient  indiquer  la  proximite  de  la 
Parousie  (έρχομαι  i^/Jt,  etc.)  ont  en  realite  des  sens  variables;  beaucoup  d'entre 
elles  n'ont  pas  de  rapport  immediat  au  dernier  Avenement,  et  celles  qui  en  ont 
un  ne  determinent  pas  a  elles  seules  I'epoque  de  cet  Avenement. 

2°  La  nature  des  evenements  prophetises  comme  s'interposant  entre  le  temps 
de  I'Apocalypse  et  la  fin  du  monde,  bien  loin  d'obliger  a  croire  la  Parousie  pro- 
chaine,  la  recule  necessairement  dans  un  lointain  indefini.  En  effet  : 

a.  Le  temps  assigne  au  Regne  de  I'Antechrist  se  prete  a  un  tres  long  ajourne- 
ment  de  la  Parousie.  Car  les  Irois  ans  et  deini  qu'il  doit  se  prolonger  (c.  xiii,  15) 
ne  sont  pas  une  duree  litterale,  mais  symbolique.  lis  mesurent  toute  la  duree  de 
I'activite  des  Betes,  et  le  deroulement  des  evenements  ainsi  mesures  suppose  une 
plus  longue,  meme  une  tres  longue  duree.  Cela  ressort :  a)  de  ce  que  dans  ce  cadre 
doivent  trouver  place  les  regnes  de  cinq  empereurs  passes,  et  une  partie  du 
regne  d'un  sixieme  (v.  ch.  xvu) ;  β)  ce  laps  de  temps  defalque,  il  doit  rester  assez 
de  duree  encore  pour  que  le  sixieme  finisse  son  regne,  et  qu'un  septieme  regne 
apres  lui.  Mais  ce  schema  de  7,  qui  a  ete  clioisi  principalement  pour  des  raisons 
de  symbolisme,  sans  doute  pour  signifier  que  I'Empire  romain  aurait  son  derou- 
lement normal,  n'epuise  pas  le  nombre  des  empereurs;  il  y  aura  encore  un 
huitieme  membra,  lequel  signifie  peut-etre,  ainsi  que  nous  le  verrons,  une  serie 
prolongee,  ou  en  tout  cas,  s'il  n'est  qu'un  individu,  peut  aussi  avoir  des  suc- 
cesseurs  ;  γ)  quand  il  n'y  aura  plus  d'empereurs  romains,  apres  la  ruine  de  Baby- 
lone  par  la  Bete  et  ses  cornes  (c.  xvii),  commencera  une  serie,  en  nombre  rond, 
de  dix  rois,  qui  peut  aussi  bien  comprendre  des  royaumes  successifs.  Alors,  mais 
alors  seulement,  Jesus  viendra  dans  son  triomphe  (c.  xix). 

b.  La  pericope  du  Millenaire  (xx,  1-10)  donne  enfin  a  la  pensee  de  Jean  sur  le 
grand  eloignement  de  la  Parousie  une  evidence  eclatante.  Ce  difficile  passage 
fera  I'objet  d'une  longue  dissertation  en  temps  et  lieu.  Indiquons-en  ici  les  resul- 
tats  :  Le  Regne  de  mille  ans  (d'une  duree  indeiinie,  en  tout  cas  tres  longue),  se 
confond  avec  toute  la  phase  terrestre  du  Regne  de  Dieu  etabli  a  la  glorification 
du  Christ.  II  n'aen  effet  qu'un  caractere  spirituel,  la  «  premiere  resurrection  » 
est  la  vie  de  la  gr^ce  ou  de  la  gloire  dans  la  Jerusalem  nouvelle  qui  est  I'Eglise, 
meme  consideree  en  son  etat  militant.  II  ne  s'etend  pas  a  toute  I'humanite  et 
I'incarceration  de  Satan  n'est  nullement  absolue;  enfin  il  n'y  a  pas  proprement 
rapport  de  succession  chronologique,  mais  plutot  simultaneite,  entre  les  realites 
du  Millenaire  et  celles  des  visions  precedentes  xii-xix  (ainsi  que  viii-xi).  Le 
Regne  de  Mille  Ans  coexistera  avec  I'Empire  des  Betes.  Ainsi  la  Parousie  doit 
etre  reculee  a  une  epoque  tres  lointaine,  figuree  par  un  chiffre  rond  et  symbo- 
lique tres  considerable. 

S'il  en  est  ainsi  dans  la  Revelation  apocalyptique,  ne  faut-il  pas  admettre  par 
contre  que  tous  les  autres  ecrivains  du  Nouveau  Testament  ont  cru  la  Parousie 
tres  rapprochee  de  leur  epoque  ? 

L'eschatologie  des  Synoptiques  (1)  n'est  pas  ici  en  question.  Jesus  na  voulu 

(1)  Sur  cette  question,  voir  le  P.  L.vgrange,  EvangUe  selon  S.  Marc,  au  commentaire  du 
chapitre  xiii,  et  passim. 


CVI  IXTRODUCTION. 

reveler  ni  le  jour  ni  Iheure.  II  a  predit  que  la  generation  contemporaine  vcrrait 
le  «  Regne  de  Dieu  venu  dans  sa  puissance  »,  que  Jerusalem  serait  delruite, 
mais  que  les  guerres  et  les  fleaux  imminents  η  elaient  pas  encore  la  consom- 
niation,  seulement  «  le  commencement  des  douleurs  »  (ώδίνων).  II  faudra,  avant 
son  retour,  que  le  Regne  de  Dieu  se  developpe,  et  que  I'Evangile  soit  porte  par 
toutelaterre.  Du  temps  qu'exigera  ce  processus,  le  Sauveur  a  refuse  de  rien  dire. 

Mais,  a  partir  du  discours  de  Pierre  au  chap,  ii  des  Actes,  jusqu'aux  epitres 
jolianniques,  on  dirait,  sur  la  premiere  impression  que  donne  la  lecture,  que, 
soit  la  Parousie  elle-meme,  soit  les  ultimes  signes  precurseurs,  sont  envisages 
paries  ecrivains  sacres  dans  un  avenir  assez  immediat.  L'etendue  et  la  variete 
des  textes  de  saint  Paul  rend  plus  facile  a  determiner  chez  lui  la  portee  des 
expressions  a  tournure  eschatologique.  Commengons  done  par  une  breve  revue 
de  ses  Epitres,  qui  nous  permettra  d'interpreter  plus  rapidement  et  plus  sure- 
ment  les  indications  des  autres  ecrits  inspires. 

Paul  a  toujours  eu,  semble-t-il,  la  Parousie  a  Thorizon  de  sa  pensee.  II  I'a  tou- 
jours  invoquee  parmi  les  plus  puissants  motifs  de  ses  exhortations  a  la  foi  et  aux 
vertus  chretiennes,quoique  un  peu  moins  souvent  et  clairement  dans  les  Lettres 
de  la  premiere  captivite.  On  ne  peut  dire  qu'il  y  ait  eu  sur  ce  point  aucun  chan- 
gement,  ni  meme  aucune  evolution  visible  dans  sa  pensee.  Depuis  les  epitres 
aux  Thessaloniciens  jusqu'a  la  deuxieme  a  Timothee,  il  ne  cesse  de  faire  des 
allusions  au  retour  du  Christ,  qu'il  a  vu  dans  sa  gloire  au  chemin  de  Damas.  II 
vit  de  lattente  de  son  triomphe  entier  et  eclatant,  et  nulle  idee  n'est  plus  actuelle 
ni  plus  agissante  dans  lesprit  et  le  coeur  du  grand  Apotre.  C'est  par  la  qu'il  for- 
tifie  ses  disciples  contre  les  tentations  du  dehors  et  du  dedans,  qu'il  les  encou- 
rage et  les  admoneste,  qu'il  se  console  lui-meme,  par  la  vue  anticipee  de  la 
recompense  qui  lattend  «  en  ce  jour-la  »,  des  difficultes  et  des  tristesses  de  son 
labeur  apostolique  (I  Thess.  i,  3  suiv.;  ii,  19;  I  Cor.  i,  8-9;  vii,  26;  x,  11;  xvi,  22 
(marana  thai);  Rom.  xiii,  11-12;  Philippiens.  i,  1,  6,  9;  ii,  12-16;  iv,  δ;  Eph.  iv, 
30;  6Ό/.  Ill,  14;  I  Tim.  vi,  14:  II  Tim.  i,  12,  18;  iv,  \,  8;  Tit.  n,  13;  Ileb.  x,  25, 
37;  et  nous  en  omettons).  Si  tel  ou  tel  de  ces  passages  peut  s'appliquer  ogale- 
ment  au  progres  du  Regne  du  Christ  sur  la  terre,  il  s'agit  pourtant  d'abord  et 
principalement,  en  presque  tons,  du  grand  Jour  ou  chacun  recevra  suivant  ses 
oeuvres,  ou  le  Christ  sera  tout  en  tous,  oii  ses  derniers  ennemis,  jusqu'a  la  Mort 
elle-meme,  seront  ecrases  a  jamais. 

Mais  I'Apotre  etait-il  encore  anime  dans  cette  attente  par  la  conviction  que  la 
Parousie  aurait  lieu  de  son  vivant  meme,  ou  relativement  peu  de  temps  apres  sa 
mort  ? 

Qu'il  y  eut  des  hommes  qui  dussent  assister  vivants  a  la  Parousie,  en  sorte 
que  leur  corps  serait  seulement  transforme,  sans  avoir  besoin  d'etre  ressuscite, 
c'est  une  part  aujourd'hui  indiscutee  de  son  enseignement  eschatologique 
(I  Cor.  XV,  51-53,  avec  la  legon  certaine  :  πάντες  ου  κοιμηθησόμεθα,  πάντες  δέ  άλλα- 
γησόμεθα).  Que  ce  sort  lui  parut  enviable  en  soi,  c'est  ce  qui  resulte  avec  evidence 
de  II  Cor.  v,  1-10.  oil  il  exprime  la  repugnance  naturelle  a  tout  homme,  et  a  lui- 
mSme,  devant  la  perspective  d'etre  depouille  de  son  corps;  il  etait  plus  humain 
que  les  spiritualistes  a  la  Platon  (oO  θέλοαεν  Ιχδΰσασθαι,  άλλ'  επενδυσασΟοι,  ινα  χαταποθη 
το  Ονητον  υπο  -ης  ζοιης  .  Mais  c'cst  la  constater  seulement  un  fait  psychologique  nor- 
mal et  general,  et  de  ce  seul  passage  il  ne  sensuit  pas  que  I'Apotre  ait  regarde 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CVIi 

concretement  comme  probable  ou  possible  qu'il  serait  vivant  a  la  Parousie;  il  ne 
fait  qu'envisager  theoriquement  la  double  hypothese,  comme  nous  pourrions  le 
faire  nous-memes,  nous  Chretiens  qui  n'avons  guere  d'espoir  d'assister  vivants 
au  retour  du  Seigneur.  Nous  pouvons  done  laisser  ce  texte-la  de  cote,  comme 
trop  peu  instructif  pour  notre  sujet.  Examinons  les  autres,  qui  sont  nombreux,  et 
que  Ton  peut  partager  en  deux  classes,  sans  nous  occuper  pour  Tinstant  de  leur 
ordre  chronologique  :  1°  les  uns  n'ont  qu'une  valeur  d'indication  donnee  en  pas- 
sant, au  cours  d'instructions  qui  ne  traitent  pas  specialement  d'eschatologie ; 
2^•  les  autres  en  traitent  directement  et  formellement.  Ce  sont  :  a  deux  passages 
des  letlres  aux  Thessaloniciens ;  b  le  chapitre  xi  de  I'Epitre  aux  Remains;  c  la 
description  de  I'etat  religieux  des  derniers  temps  dans  les  Epitres  pastorales. 

I.  Textes  oii  Paul  parte  d'eschatologie  per  transennam.  — Nous  avons  le  droit 
de  faire  abstraction  de  leur  ordre  chronologique,  car,  en  fait,  le  meme  melange 
de  perspectives  ou  de  points  de  vue  se  retrouve  dans  les  epitres  de  toutes  les 
epoques. 

Deja  beaucoup  d'allusions  au  jour  du  Seigneur  ont  ete  notees  ci-dessus.  Rele- 
vons  seulement  ici  les  plus  significatives. 

Au  cours  de  son  instruction  sur  la  virginite  et  le  celibat,  I  Cor.  vii,  v.  26  sui- 
vants,  Paul  conseille  cet  etat  non  seulement  a  cause  de  la  plus  grande  liberte 
qu'il  donne,  en  tout  etat,  pour  s'occuper  de  Dieu,  mais  a  cause  de  la  condition 
du  monde,  qui  est  sur  son  declin.  II  invoque  comme  motif  «  la  necessite  presente  » 
—  ou  imminente  —  (δια  τήν  Ινεστωσαν  ανάγκην,  v.  26) ;  1θ  fait  que  le  temps  —  ou  le 
temps  propice  —  s'est  resserre  (6  καιρός  συνεσταλμένος  εστίν,  v.  29) ;  la  tribulation 
dont  la  menace  est  suspendue  sur  les  affections  terrestres  (ίιλίψιν  δέ  'τ7,  σαρχι  εξουσιν 
οι  τοιούτοι,  ν.  28);  et  il  affirme  que  la  forme,  la  disposition  actuelle  du  monde  est  en 
voie  de  disparition  (παράγει  γαρ  το  σχηαα  του  κόσμου  τούτου,  ν.  31).  II  se  juge  donc  au 
moins  aux  debuts  de  ce  processus  de  destruction.  Mais  nous  avons  vu  qu'il  en 
etait  de  m^me  pour  Tauteur  de  I'Apocalypse. 

Dans  la  meme  epitre,  xv,  v.  51  et  suivants,  I'Apotre  decrit  la  resurrection  des 
fideles,  au  jour  de  la  Parousie  :  «  Voici  que  je  vous  dis  un  mystere  :  Nous  ne  dor- 
mirons  pas  tous;  mais  tous  nous  serons  transformes,  en  un  instant,  en  un  clin 
d'oeil,  a  la  derniere  trompette;  car  la  trompette  sonnera;  et  les  morts  ressusci- 
teront  incorruptibles,  et  nous  serons  transformes  «.  On  en  a  conclu  que  saint 
Paul,  se  rangeant  dans  la  categoric  de  ceux  qui  seront  seulement  transformes, 
se  met  par  la  en  dehors  de  la  categorie  de  ceux  qui  ressusciteront  (καΙ  οί  νεκροί 
εγερθησονται  άφθαρτοι  καΐ  ήμεϊς  άλλαγησόμεθα)  ;  donc  il  ne  sera  pas  mort,  selon  SBS 
previsions,  aujour  du  Seigneur.  Le  texte  donne  en  effet  cette  impression  a  pre- 
miere vue;  pourtant  il  est  moins  categorique  qu'il  en  a  I'air.  On  part  en  effet  de 
cette  idee  que  la  transformation  (άλλ-χγ-ζίσόμεΟα),  s'oppose  irreductiblement  a  la 
resurrection  (έγερθησόνται).  Or  il  n'en  est  rien;  car,  au  verset  precedent,  saint  Paul 
attribue  cette  transformation  a  tous  sans  exception,  y  compris  par  consequent  a 
ceux  qui,  etant  morts,  devront  ressusciter,  non  moins  qu'a  ceux  dont  le  corps 
corruptible  vivant  passera  subitement  a  lincorrupti-bilite  (πάντες  ού  κοιμηθησόμεθα, 
πάντες  δε  άλλαγησόμεθα). Aussi  n'cst-il  pas  impossible  de  comprendre  ainsi  le  ver- 
set 52  :  «  Les  morts  —  c'est-a-dire  ceux  qui  sont  morts  a  Fheure  qu'il  est,  au 
moment  oii  je  vous  ecris  —  ressusciteront  incorruptibles,  et  nous  —  nous  qui 
ne  sommes  pas  morts  encore,  —  nous  serons  transformes  —  transformes,  cela 


CVUl  INTRODUCTION. 

va  sans  dire,  de  la  maniere  qui  conviendra  a  notre  etat,  laquelle  maniere  pourra 
etre  une  resurrection,  ou  autre  chose.  »  II  faut  noter  en  effet,  comme  1  ont  releve 
a  tres  bon  droit  Cornely  et  d'autres  conservateurs,  que  saint  Paul  se  place  tout 
aussi  bien,  dans  cette  meme  epitre  aux  Corinthiens,  parmi  ceux  qui  seront  res- 
SUScites  (vi,  14  :  δ  δε  θεός  και  τον  κύριον  ήγειρεν,  και  ήι/α;  έζεγερεϊ)  Et  dans  II  Cor.  IV,  14, 
nous  lisons  :  Celui  qui  a  ressuscite  le  Seigneur  Jesus  nous  ressuscitera  aussi 
avec  Jesus  ». 

Dans  I'Epitre  aux  Philippiens,  ecrite  durant  la  captivite  romaine,  lorsque, 
suivant  la  plupart  des  exegetes,  les  idees  de  Paul  auraient  subi  une  evolution 
sur  ce  point-la,  nous  retrouvons  pourtant  i,  6,  10,  et  surtout  iv,  5  (δ  κύριος  'εγγύς  cfr 
le  Maranatha  de  I  Cor.  xvi)  autant  d'insistance  sur  la  preparation  au  Jour  du 
Seigneur  que  dans  les  epitres  aux  Thessaloniciens  elles-memes.  L'apotre  y 
parle,  au  chapitre  ni,  11,  de  sa  resurrection  souhaitee  (ει  πως  καταντήσοι  είς  τήν 
εξανάστασιν  την  εκ  νεκρών),  quoiqu'il  ait  suiTisamment  indique  auparavant  qu'il  ne 
croyait  pas  que  son  jugement  dut  aboutir  a  une  sentence  capitale,  et  qu'il  ne 
fut  pas  arrive  a  I'extreme  vieillesse,  qui  ouvre  des  perspectives  de  mort  pro- 
chaine.  Neuf  versets  plus  bas  (iii,  20-21),  il  revient  a  I'attente  de  la  Parousie,  et 
d'une  «  transformation  »  dont  lui  aussi  sera  beneficiaire  :  «  Notre  vie  de  citoyens 
est  dans  les  cieux,  d'ou  aussi  nous  attendons  comme  Sauveur  le  Seigneur 
Jesus-Christ,  qui  transformera  (κατασχηαατίσει,  verbe  apparemment  synonyme  de 
Γάλλάττειν  des  Corinthiens)  le  corps  de  notre  humiliation  en  le  configurant  au 
corps  de  sa  gloire.  » 

Ainsi  Paul  dit  indifferemment  de  lui-meme,  comme  de  ceux  au  nombre  des- 
quels  il  se  place,  ou  bien  qu'il  ressuscitera,  ou  bien  qu'il  sera  transforme,  au 
Jour  de  la  Parousie.  C'est  done,  ou  qu'il  n'oppose  pas  strictement  la  resurrec- 
tion a  la  transformation  (celle-ci  serait  le  genre  et  I'autre  une  espece  de  ce 
genre:  nous  tenons  cette  hypothese  pour  possible).  Ou  bien,  si  nous  concedons 
qu'il  les  oppose  i'ormellement,  s'il  distingue  deux  categories,  les  «  ressuscites  » 
et  les  «  transformes  »,  il  se  place  lui-meme,  suivant  les  cas,  dans  I'une  ou  dans 
I'autre.  C'est  done  que  le  pronom  nous,  ήμεϊς,  signifierait  au  fond  dans  ces 
passages  :  ceux  d'entre  nous,  les  uns  parmi  nous.  Paul  envisageait  comme  un 
tout  I'ensemble  des  Chretiens,  et  il  n'est  pas  necessaire  de  restreindre  cette  col- 
lectivite  «  nous  »  aux  chretiens  presents,  elle  pent  fort  bien  embrasser  les  fideles 
du  passe,  du  present  et  de  I'avenir.  Tres  surprenante  est  lObjection  qui  pretend 
qu'une  telle  maniere  de  parler  eut  ete  incomprehensible  dans  les  premieres 
epitres,  parce  que  leurs  destinataires  n'auraient  pas  connu  la  doctrine  de 
I'Epitre  aux  Ephesiens  sur  I'unite  de  TEglise,  consideree  comme  un  seul  corps. 
Mais  cette  incorporation  des  fideles  au  Christ,  qui  fait  I'unite  du  chef  avec  les 
membres,  et  des  membres  entre  eux,  n'etait-ce  pas,  des  le  jour  de  la  conversion 
sur  le  chemin  de  Damas,  devenu  I'idee  maitresse  de  TApotre  des  Gentils? 
Pouvait-il  la  laisser  ignorer  a  ses  neophytes?  N'en  parle-t-il  pas  deja,  de  cette 
unite,  dans  la  Premiere  aux  Corinthiens,  et  s'est-il  ecoule  seulement  dix  ans 
entre  les  lettres  a  Thessalonique  et  I'epitre  aux  Ephesiens  ? 

Toute  cette  premiere  categorie  de  textes  ne  peut  done  a  elle  seule  trancher 
la  question  de  savoir  si  Paul,  qui,  a  toute  epoque  de  sa  carriere,  a  eu  I'dme 
remp'ie  par  I'attente  du  retour  triomphal  de  Jesus,  a  juge  que  ce  retour  aurait 
lieu  de  son  i>ivant. 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CIX 

Nous  reconnaissons  bien  que  Γάλλαγησόμεθα,  le  καιρός  συνεσταλμένος,  ont  Tair  de 
faire  pencher  la  balance  du  cote  de  la  proximite  de  la  Parousie ;  mais  peut-etre 
n'en  ont-ils  que  Tair.  II  faut  reserver  la  possibilite  d'un  autre  sens.  Pour  juger 
de  la  veritable  perspective  de  I'Apotre,  nous  devrons  voir  quelle  signification  il 
convient  de  donner  a  ces  textes  douteux  pour  qu'ils  s'accordent  avec  les  pre- 
dictions escliatologiques  faites  ex  professo  dans  certaines  epitres. 

II.  Les  eiiseignements  eschatologiques  formels. 

Les  premiers  en  date  et  en  importance  se  trouvent  dans  les  epitres  aux  Thes- 
saloniciens  (1). 

a.  I  Thess.  IV,  13- V,  11.  —  II  Thessal.  II,  1-13.  —  Ces  deux  peri- 
copes  sont  inlimement  jointes,  et  Ton  ne  pent  avoir  la  pleine  intelligence  de  la 
premiere  qu'en  function  de  la  seconde, 

Celle  de  I  Thessal.  fournit  leur  argument  le  plus  fort  a  ceux  qui  veulent 
trouver  dans  saint  Paul  raffirmation  de  la  proximite  de  la  Parousie.  Mais  il  faut 
bien  comprendre  de  quoi  saint  Paul  voulait  instruire  les  Thessaloniciens. 

Etait-ce  de  la  date  de  la  Parousie?  Nullement,  et  pas  meme  en  passant. 
L'Apotre  resout  une  question  theorique  universelle,  sur  la  parite  des  morts  et 
des  vivants  au  point  de  vue  du  bonheur  consomme  que  I'Avenement  inau- 
gurera.  Les  fideles  de  Thessalonique,  ayant  vu  mourir  quelques-uns  des  leurs 
depuis  I'evangelisation  de  leur  ville,  se  demandaient  avec  inquietude  dans 
quelle  mesure  ceux-la,  qui  etaient  deja  dans  les  tombeaux,  participeraient  aux 
bienfails  et  aux  joies  du  jour  du  Seigneur.  Ce  qui  les  preoccupait,  c'etait  le 
sort  de  leurs  morts,  d'individus  defunts  bien  connus  d'eux,  et  en  nombre 
determine.  Que  cette  iiste  funeraire  put  encore  s'allonger  avant  la  Parousie, 
ils  n'en  doutaient  sans  doute  pas,  si  rapproche  qu'ils  en  crussent  le  jour.  Mais 
enfin,  eux  n'etaient  pas  encore  de  la  categoric  des  morts,  et,  quoique  le  meme 
probleme  put  un  jour  se  poser  pour  eux,  c'etait  a  lews  morts,  non  a  eux- 
m^mes,  qu'ils  pensaient,  c'etait  sur  des  personnes  connues  qu'ils  gemissaient, 
que  cela  leur  inspirat  ou  non  un  retour  sur  leur  propre  sort  personnel.  Voila 
comme  se  posait  la  question.  Paul  les  rassure  sur  leurs  morts,  mais  en  posant 
des  principes  valables  pour  tous  les  fideles,  quels  qu'ils  soient,  qui  s'endormi- 
ront  dans  le  Seigneur  avant  la  Parousie.  Ils  ne  seront  pas  moins  favorises,  de 
06  chef,  que  les  fideles  trouves  alors  en  vie  par  le  Seigneur;  car  tous,  ressus- 
cites  ou  transformes,  seront  ravis  en  meme  temps  au  devant  du  Seigneur, 
pour  demeurer  toujours  avec  lui. 

C'etait  une  reponse  absolument  universelle;  dans  le  cas  d'une  prolongation 
de  ce  monde  transitoire,  il  n'y  avait  qu'a  Fappliquer  a  plus  d'individus,  a  des 
milliers  ou  a  des  millions  de  pius,  voila  tout.  Et  c'est  ce  principe  seul  qui 
importait,  c'est  le  seul  enseignement  doctrinal,  la  seule  affirmation,  que  Paul 
ait  voulu  donner  dans  ce  passage.  Ce  serait  se  meprendre  etrangemcnt  que  de 
croire  y  trouver  I'intention  d'enseigner  ou  d'affirmer  quelque  chose  sur  I'immi- 
nence  ou  la  non-imminence  de  la  consommation.  La  question  etait  etrangere 
au  debat  et  I'attention  de  Paul  ne  s'est  pas  portee  sur  elle,  absorbee  qu'elle 
etait  tout  entiere  par  celle  de  la  parite  des  morts  et  des  vivants  en  face  du  juge- 
ment  du  Christ.  II  en  louche  bien  un  mot  un  peu  plus  loin;  mais  c'est  pour 

(1)  Voir  VOSTE,  Ep.  Thessal.,  ad  loc. 


βχ  INTRODUCTION, 

rappeler,  d'apres  les  paroles  du  Christ,  que  cette  question  est  inutile,  etant 
insoluble;  il  est  oiseux  de  vouloir  calculer  soit  les  epoques,  soit  les  moments 
(περί  δε  των  γρόνων  και  των  καιρών,  αδελφοί,  ου  χρείαν  ε/ετε  υμϊν  γράφεσθαι.  Ι  T/iess.  ν,  1). 
II  faut  seulement  se  tenir  toujours  prets,  de  fagon  a  ce  que,  soit  vivants,  soit 
morts  —  tel  est  le  sens,  d'apres  le  contexte,  des  mots  de  v,  10  :  εϊτε  γρηγορωμεν 
είτε  καθεύδωμεν  —  nous  puissions  vivre  avec  le  Christ. 

La  question  est  resolue,  pour  ainsi  dire,  in  abstracto,  et  en  toute  hypothese. 
Toute  discussion  sur  la  survivance  possible  des  membres  de  la  communaute 
thessalonicienne  jusqu'a  TAvenement,  est  done  ainsi  ecartee.  Les  fideles  ne 
doivent  pas  s'en  tourmenter,  puisqu'ils  savent  desormais  qu'ils  ne  perdront 
rien  en  definitive  a  mourir  avant  ce  jour-la. 

Mais  pourquoi  alors  TApotre,  au  cours  de  cette  instruction  si  belle  et  si 
sobre,  qui  fixe  un  point  de  theologie  bien  plus  qu'elle  ne  prophetise,  a-t-il 
employe  deux  fois  (iV,  15  et  17)  I'expression  ήμεϊς  οί  ζώντες  οί  περιλειπόμενοι  (εΙς  την 
παρουσίαν  του  κυρίου),  «  nous,  les  vivants,  qui  sommes  lalsses  jusqu'a  [ou pour)  la 
Parousie  da  Seigneur?  »  C'est  ici  le  fort  des  eschatologistes.  L'Apotre, 
disent-ils,  quoique  se  refusant,  a  cause  des  declarations  du  Christ,  a  rien  dire 
sur  le  temps  exact  de  I'Avenement,  n'en  partage  pas  moins  pleinement  la  con- 
viction humaine  de  ses  fideles,  qu'il  aura  lieu  au  cours  de  la  generation  contem- 
poraine.  11  entre  sans  aucune  reserve  dans  leur  hypothese,  que  les  faits  n'ont 
pas  verifiee.  Nous  pourrions  tout  de  suite  leur  objecter  que  saint  Paul  ne  se 
refuse  pas  moins  a  la  determination  d'une  epoque  qu'a  celle  d'un  moment 
exact;  c'est  pour  cela  qu'il  a  oppose  χρόνοι  a  καιροί.  Quant  au  ήμεις  οί  ζώντες  οί 
περιλειπόμενοι,  nous  ne  croyons  pas  que  la  grammaire  oblige  a  y  voir  raffirma- 
tion  que  lui,  Paul,  juge  devoir  etre  de  ces  vivants  laisses  pour  la  Parousie; 
autrement,  comme  I'a  insinue  la  Commission  biblique  (1),  saint  Jean  Chry- 
sostome  et  les  autres  commentateurs  grecs  s'en  seraient  bien  apergus,  et 
auraient  cherche  de  quelque  maniere  a  expliquer  cette  difficulte.  Ce  n'est  pas  une 
question  de  grammaire,  cepeut  n'etre  qu'une  figure  de  style.  Sans  doute  «  nous  qui 
sommes  laisses  »  n'est  pas  litteralement  la  meme  chose  que  «  nous  qui  serons 
laisses  »,  ou  «  ceux  d'entre  nous,  Chretiens,  qui  seront  laisses  «.  Mais  il  n'est 
certes  pas  impossible,  ou  que  saint  Paul  ait  parle  ainsi  par  hypothese,  jugeant 
avoir  alors  autre  chose  a  fair'e  qu'a  critiquer  cette  idee  des  Thessaloniciens,  ou 
que,  comme  nous  I'avons  dit  a  propos  de  Γάλλαγησο'μεΟα  et  de  Γεξεγερεΐ  de  I  Cor. 
il  se  soit  mis  momentanement  a  la  place  de  la  categorie  des  Chretiens  — 
peut-etre  presents,  mais  aussi  bien  futurs,  —  que  le  Seigneur  trouverait 
vivants.  On  pourrait  tout  au  plus  en  inferer  comme  probable  que  I'hypothese 
d'etre  du  nombre  ne  lui  repugnait  pas  au  moment  oii  il  ecrivait  cette  lettre.  Au 
reste,  je  reconnais  bien  que,  a  part  notre  distinction  de  χρο'νοι  et  de  καιροί,  dont 
on  contestera  peut-έtre  la  portee,  toute  la  pericope  demeure  tres  obscure   et 

(1)  Decrel  du  18  juin  1915,  De  Parousia  seu  de  secundo  Adventu  Domini  nosiri  Jesa  Christi, 
in  epistolis  SancU  Pauli  Apostoli,  a  la  troisifeme  roponse,  d'apres  laquelle  I'interprota- 
tion  catholique  Iraditionnelle  du  «  ήμεΐς  ol  ζώντες  οί  περιλειπόμενοι  »  ne  peut  etre  licitement 
rejetee  «  tanquam  longius  pelitam  et  solido  fundamento  destitutam  »,  et  tout  le  passage 
I  Thess.  IV,  15-17,  doil  otre  expliquo  a  la  fagon  des  Peres  «  quin  ullo  modo  involvat  afTirma- 
tionem  Parousiae  tam  proximae  ut  Apostolus  seipsum  suosque  lectores  annumeret  fldelibus 
illis  qui  superstites  ituri  sunt  obviam  Christo  ». 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CXI 

equivoque  au  point  de  vue  du  sujet  que  nous  traitons.  Aussi  avons-nous  dit 
que,  pour  bien  comprendre  la  position  de  Paul,  il  ne  fallait  pas  tirer  de  con- 
clusion de  cette  pericope  avant  d'avoir  examine  le  chapitre  ii  de  la  seconde 
epitre  adressee  aux  memes  fideles. 

II  Thessal.  II,  1-13.  —  Le  point  neglige  dans  la  premiere  epitre  avait  pris 
de  I'importance  quand  saint  Paul,  quelques  mois  apres,  ecrivit  la  seconde.  Car 
I'attente  de  la  Parousie  prochaine,  qui  pretendait  s'appuyer  sur  des  declara- 
tions de  I'Apotre  lui-meme,  jetait  du  trouble  dans  les  moeurs  de  la  commu- 
naute,  flaneries,  exploitation  de  la  charite  d'autrui,  ch.  in,  6-16.  Alors,  cette 
fois,  saint  Paul  dit  nettement : 

1.  Nous  vous  demandons,  freres,  concernant  la  Parousie  de  Notre-Seigneur  Jesus- 
Christ  et  notre  reunion  k  lui,  2.  de  ne  pas  etre  trop  vite  jetos  hors  de  sens  ni  epou- 
vantes  (εΐς  το  μ.ή  τα/ έως  σαλευθηναι  υρ,ας  cnth  του  νοο;  ιχηδε  θροεΓσθαι),  ni  par  un  esprit,  ni 
par  une  parole,  ni  par  une  lettre  censee  venir  de  nous  (αητε  δι'  Ι-ι^τολης  ώ;  δι'  ή,αων), 
COmme  si  le  jour  du  Seigneur  etait  deja  la  (ώς  8τι  ένε'στηκεν  ή  ήαε'ρα  τοΰ  κυρίου). 

Les  termes  sont  forts.  Deja,  lors  de  la  premiere  lettre,  les  Thessaloniciens 
croyaient  la  Parousie  assez  prochaine ;  mais  on  ne  sail  quel  incident  avait  fait 
juger  a  certains  d'entre  eux  qu'elle  etait  non  seulement  proche,  mais  iinini- 
nente.  C'est  cela  seulement  que  pent  signifier  Ινέστηχεν  ή  ήμε'ρα  του  κυρίου.  Le 
parfait  Ινέστηχεν,  dans  I'usage  grec,  a  la  valeur  d'un  present  qui  dure;  mais  la 
grammaire  n'oblige  pas  d'admettre  qu'il  s'agisse  ici  d'un  present  parfaitement 
actuel;  le  jour  du  Seigneur  n'est  pas  tout  a  fait  venu,  mais  «  il  est  la  »,  il  est 
tout  proche.  Un  present,  selon  le  contexte,  peut  toujours  aussi  signifier  un 
futur  immediat.  Si  Terreur  eut  ete  semblable  a  celles  que  voulurent  propager 
plus  tard  a  Ephese  Hymenee  et  Philete  (II  Tim.  ii,  17-18)  en  pretendant  que 
la  resurrection  etait  une  chose  faite,  autrement  dit  qu'il  n'y  avait  a  attendre  de 
resurrection  qu'au  sens  spirituel,  on  ne  voit  pas  bien,  d'abord,  comment  cette 
heresie  froide  et  rationaliste  aurait  pu  produire  cet  affolement,  cette  epouvante, 
marques  par  les  mots  σαλευθηναι  άπο  τοΰ  νοο'ς  et  θροεΐσθαι.  Ce  qui  est  encore  plus 
probant,  c'est  que  I'erreur  des  Thessaloniciens  devait  etre  de  telle  nature  qu'elle 
put  pretendre  s'appuyer  sur  saint  Paul  lui-meme.  Or.  on  n'aurait  pu  interpreter 
dans  ce  sens  rationaliste  la  premiere  epitre  qui  parlait  avec  tant  de  conviction 
etau  sens  le  plus  litteral,  de  I'Avenement  visible  du  Seigneur.  Si  c'etait  une  lettre 
falsifiee,  ou  une  pretendue  revelation  spirituelle  qui  avait  donne  lieu  a  cette 
agitation,  il  fallait  du  moins  que  leurs  dires  pussent  se  concilier  avec  I'ensei- 
gnement  connu  de  Paul.  Une  seule  explication  reste  done  :  comme  la  premiere 
epitre  n'avait  pas  dit  que  la  Parousie  etait  eloignee,  quelquc  incident  survenu 
ensuite  avait  fait  conclure  qu'elle  etait  imminente.  Or,  c'est  bien  cette  imminence 
que  Paul  va  nier  categoriquement. 

La  Parousie,  dit-il,  n'est  pas  si  proche,  car  les  signes  qui  doivent  la  preceder 
n'ont  pas  encore  paru.  Ces  signes,  dont  Paul  va  parler,  nous  verrons  que  ce 
sont  des  signes  qu'on  pout  prendre  pour  negatifs,  des  signes  ante  quae  non. 
lis  n'enlevent  done  pas  lincertitude  qui,  dapr^s  les  Synoptiques  et  I  Thess. 
doit  durer  jusqua  la  fin  touchant  la  date  du  grand  jour.  Notre-Seigneur  lui-meme 
avait  dit  que,  avant  son  Avenement,  aurait  lieu  la  chute  de  Jerusalem  et  I'evan- 


CXII  INTRODUCTION. 

gelisation  de  tous  les   peuples,   sans  dire  de  combien  de  temps   la  Parousie 
devait  les  suivre. 

Saint  Paul  continue  done  ainsi  : 

3.  Que  personne  ne  vous  egare  en  aucune  maniere.  Car  si  I'apostasie  ne  s'esl  pas 
produite  d'abord  (1),  at  si  I'homme  du  pec/ie  ne  s'est  pas  manifeste  (και  άποκαλυοθτί 
δ  άνθρωπος  της  άνο,αίας),  1β  fils  de  la  perdition,  4,  celui  qui  s'oppose,  et  qui  s'eleve 
au-dessus  de  tout  ce  qui  s'appelle  dieu  ou  chose  sainte  ίυ-εραφόμενος  έπΙ  πάντα  λεγόμενον 
θεον  η  σέβασιια),  jusqu'a  s'asseoir  Iui-m6me  daos  le  temple  de  Dieu,  pretendant  lui- 
ιηέπιβ  6tre  dieu... 

5.  Ne  vous  souvenez-vous  pas  qu'etant  encore  avec  vous  je  vous  ai  dit  ces  choses? 
6.  Et  maintenant,  ce  qui  le  retient,  vous  le  savez  (χαί  νΰν  τό  κάτε/ον  οΐ'δατε),  pour  qu'il 
n'entre  en  scene  (εις  τό  αποχαλυφθηναι  αυτόν  :  pour  qu'il  ne  soit  manifeste)  qu'en  son  temps 
a  lui.  7.  Car  le  mystere  d'iniquite  est  deja  en  activite  (το  γαρ  αυστήριον  ηδη  ένεργεΤται 
της  άνοιχίας).  Que  seulement  ce  qui  le  retient  (6  κατέ/ων,  celui  qui  le  retient)  jusqu'a 
present  soit  ecarte,  8  et  alors  se  manifestera  I'impie,  que  le  Seigneur  doit  detruire 
(ανολεϊ)  du  souffle  de  sa  bouche,  et  aneantir  par  I'eclat  de  son  avenement  (και  καταργτ5σει 
τη  επιφάνεια  της  παρουσίας  αύτοΰ). 

9.  (lui)  dont  I  apparition  (ή  παρουσία)  se  produit  selon  taction  de  Satan,  parmi  toutes 
sortes  de  miracles,  de  signes  et  de  prodiges  menteurs,  10,  et  avec  toute  la  puissance 
de  seduction  de  I'iniquite  pour  ceux  qui  se  perdent  parce  qu'ils  n'ont  pas  regu  I'amour 
de  la  verite  pour  leur  salut,  11.  Et,  a  cause  de  cela,  Dieu  leur  envoie  (πέμπει,  au 
present)  une  force  agissante  de  seduction  pour  qu'ils  croient  au  mensonge,  12,  afinque 
soient  juges  tous  ceux  qui  n'ont  pas  cru  a  la  verite,  mais  qui  se  sont  complu  dans 
I'injustice. 

13.  Quant  a  nous,  nous  avons  le  devoir  de  rendre  graces  a  Dieu  en  tout  temps, 
a  votre  sujet,  freres  que  le  Seigneur  aime,  de  ce  que  Dieu  vous  a  choisis,  des  le 
commencement  (ou  comme  premices,  suivant  qu'on  lit  in  άρχης  ou  άπαρ/ην)  pour  le 
salut  par  la  sanctification  de  I'Esprit  et  par  la  foi  a  la  verite,  etc.  (2). 

L'Apotre  nous  apprend,  dans  ce  fameux  passage,  qu'avant  le  jour  du 
Seigneur  le  monde  verra  d'abord  une  «  apostasie  »,  accompagnee  ou  suivie 
du  Jour  de  I'Antechrist.  Car  c'est  bien  la  figure  sinistre  de  TAdversaire  (δ  αντικεί- 
μενος, V.  4),  de  Belial  ou  du  roi  impie  et  persecuteur  de  la  tradition  judaique, 
qu'il  faut  ici  reconnaitre  dans  cet  «  homme  de  peche  ».  L'apostasie  future  lui 
donnera  I'occasion  de  se  reveler  (άποκαλυ-^θη,  etc.,  vv.  3,  6,  8).  II  est  dit  qu'il  se 
«  revelera  »,  non  qu'il  commencera  d'etre  alors.  Car  deja,  au  moment  ou  saint 
Paul  ecrit,  le  «  mj'stere  d'iniquite  »  opere  dans  le  monde  (τδ  μυστζ-^ριον  της  ανομίας, 
comparer  δ  άνθρωπος  της  ανομίας  et  δ  άνομος).  C'est  une  force  malfaisante  qui  agit 
jusqu'alors  d'une  fa^on  relativement  voilee  (μυστηριον),  et  qui  prepare  I'Ante- 
christ, peut-etre  est-ce  deja  Taction  de  Γ  «  homme  d'iniquite  »  lui-meme;  il 
pourrait  deja  apparaitre  au  grand  jour,  mais  il  ne  le  fait  pas  encore,  parce 
qu'il  y  a  quelque  chose  (τδ  γ.άτε/ο^,  au  neutre),  une  force,  ou  une  institution,  ou 

(1)  La  legon  αποστάτης  (au  lieu  ά'άποστασι'α,)  qu'on  ne  lit  dans  aucun  manuscrit  grec,  mais 
dont  on  peut  supposer  I'existence  d'apres  une  citation  de  S.  Augustin,  Cite  de  Dieu,  xx,  19  : 
«  quoniam  nisi  venerit  refuga  primum  et  revelatus  fuerit  homo  peccati  «,  ne  peut  etre 
authentique,  elle  aurait  ete  due  au  desir  de  ramener  tous  les  details  de  la  pericope  a  I'An- 
techrist personnel. 

(2)  Trad.  Lemonnyer. 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CXIII 

une  doctrine,  et  quelqu'un  (δ  xarf/ojv,  au  masculin)  qui  arretent  jusqu'ici  cette 
manifestation.  Mais  un  jour  viendra  oii  cat  ag-ent  personnel,  et  par  consequent 
aussi  cette  force  impersonnelle,  seront  ecartes  (έως  Ix  μέσου  γένηται  a  certaine- 
ment  ce  sens).  Alors  (το'τε)  Timpie  se  revelera,  et  il  se  mettra  d'emblee  au-dessus 
de  tout  objet  d'adoration,  de  tout  dieu,  vrai  ou  faux  (πάντα  λεγόμενον  θεόν.)  II 
s'assoira  dans  le  Temple  de  Dieu,  temple  qui  peut  etre  une  figure  comme  dans 
I'Apocalypse  chapitre  xi  (1).  L'autorite  de  cet  imposteur  sera  etablie  aux  yeux 
des  liommes  infideles  par  toute  espece  de  prodiges  mensongers.  Ce  sera  ime 
veritable  Parousie  (v.  9),  contrefagon  de  celle  du  Fils  de  Dieu.  Mais  celui-ci 
le  detruira  par  le  souffle  de  sa  bouche  —  image  a  laquelle  nous  sommes  habitues, 
et  qui  signifie  la  force  de  la  parole  divine,  n'entrainant  done  pas  necessairement 
d'action  subite  et  miraculeuse  —  et  il  finira  par  abolir  tout  a  fait  la  puissance 
de  I'Adversaire,  par  I'aneantir  (καταργήσει)  a  Tapparition  de  sa  Presence  (τη  επιφά- 
νεια της  παρουσίας  αύτοΰ),  c'est-a-dire  par  sa  Parousie  eschatologique. 

Quest-ce  que  cet  «  homme  de  peche  »  ? 
■  Notons  avant  tout  qu'il  ne  semble  pas  etre,  purement  et  simplement,  une 
figure  de  Favenir.  En  effet,  il  y  a  correspondance  membre  a  membre  entre  les 
agents  de  I'iniquite  et  les  agents  qui  en  contiennent  encore  le  debordement. 
Au  neutre  το  μυστηριον  της  ανομίας  repond  le  neutre  το  κάτεχον  ;  au  masculin  δ  άνθρωπος 
της  ανομίας  repond  le  masculin  δ  κατε'/ων.  On  ne  peut  passer  negligemment  sur 
ce  parallelisme.  Or,  cet  agent  personnel,  ce  χατέ/ων,  agit  et  opere  deja  (δ  κατέ;(ων 
άρτι)  il  met  en  action  le  χάτεχον;  de  meme,  on  peut  supposer  que  Γ  «  homme 
d'iniquite  »  est  deja  present,  d'une  maniere  latente,  sous  le  «  mystere  d'ini- 
quite  »  qui  travaille  a  I'heure  qu'il  est.  Force  s'oppose  a  force,  et  personnalite 
a  personnalite  pour  diriger  ces  forces. 

Suivant  toute  apparence,  cet  homme  d'iniquite  est  done  la,  au  milieu  du 
i*""  siecle  de  notre  ere,  preparant  dans  I'ombre  sa  Parousie.  II  n'y  a  pas  a  douter 
que  ce  soit  un  agent  personnel.  Mais  est-ce  bien  une  personne  indwiduelle, 
ou  une  collectivite  personnifiee?  Pour  le  sujet  qui  nous  occupe,  les  conse- 
quences seraient  toutes  differentes  dans  I'un  ou  dans  I'autre  cas.  Si  c'est  une 
personne  individuelle,  qui  doive  etre  aneantie  seulement  a  I'Avenement  du 
Christ,  alors  il  faudra  bien  que  la  Parousie  ait  lieu  avant  que  le  temps  d'une 
vie  d'homme,  et  de  la  vie  d'un  homme  deja  en  age  d'exercer  une  action  puis- 
sante  et  secrete,  se  soit  ecoule;  si  c'est  au  contraire  la  personnification  d'une 
collectivite,  son  action  peut  se  prolonger,  malgre  la  disparition  de  ses  membres 
successifs,  pendant  une  periode  qui  ne  sera  pas  necessairement  courte;  le 
souffle  de  la  bouche  du  Christ,  sa  Parole,  pourra  mettre  du  temps  a  la  detruire 
(άνελει),  jusqu'au  jour  ou  la  Parousie  achevera  cette  destruction  (καταργήσει).  Nous 
touchons,  on  le  voit,  a  un  point  tres  sensible  de  notre  enquete. 

Les  exegetes,  pour  identifier  cet  «  homme  d'iniquite  »,  sont  tres  embarrasses 
par  la  penurie  des  paralleles,  II  y  a  bien  les  paralleles  juifs  sur  I'Antechrist, 
qui  ont  certainement  conditionne  la  forme  exterieure  de  cette  prophetie ;  mais 
on  ne  peut  les  transporter  tels  quels,  avec  leur  sens  non  inspire,  dans  une 

(1)  Nous  rcviendrons  la-dessus  plu<i  loin.  CeLle  intrusion  dans  le  temple  signifie  que 
I'Antochrist  tachera  d'exclure  le  vrai  Dieu  lui-meme,  et  de  supprimer,  au  profit  de  son 
orgueil,  I'idee  du  Tout-Puissant  invisible. 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  A 


CXiv  IXTRODUCTIOX. 

prediction  du  Nouveau  Testament.  Par  ailleurs,  dans  les  ecrits  inspires,  on  n'a 
o-uere  pense  qu'a  la  «  petite  corne  »  du  monstre  de  Daniel  [Dan.  vn,  8  suiv. 
20  suiv.  cfr.  tiiiL  dont  rinierpretation  totale  n'est  pas  plus  facile  que  celle  de 
notre  passage. 

Mais  il  y  a  pourtant  un  autre  parallele,  et  un  parallele  beaucoup  plus  proche, 
et  encore  un  parallele  inspire.  II  est  dans  lApocalypse  :  C'est  la  Bete  des 
chapitres  xi,  xiu,  et  xvii.  Cette  Bete,  apres  etre  montee  de  la  Mer  ou  de  TAbime, 
seduit  les  hommes,  et  fait  apostasier  un  certain  nombre  de  Chretiens,  les  laches, 
les  δειλοί  du  c.  xxi,  8;  comparez  Γ  «  apostasie  »  de  notre  chapitre.  Par  le  faux 
miracle  de  sa  resurrection,  et  par  les  prestiges  de  la  seconde  Bete  ou  Faux 
Prophete  (c.  xm),  elle  se  fait  rendre  des  honneurs  divins;  comparez  cette 
surdivinite  de  lAntechrist,  dont  il  persuade  les  hommes  au  moyen  de  prestiges 
diaboliques.  La  Bete  est  d'abord  contrariee  et  maintenue,  durant  les  trois  ans 
et  demi,  par  Tactivite  des  Temoins  (c.  xi);  comparez  le  χάτε/ον  et  le  κατέχων. 
Mais  elle  finit  par  les  vaincre,  au  moins  en  apparence;  comparez  le  «  έως  Ικ  }Αεσου 
γενηται  ».  Pour  la  Bete  il  y  a  alors  un  progres  dans  la  manifestation,  une  apogee, 
une  Parousie  (πάρεσται  de  xvii,  8);  comparez  la  Parousie  de  I'homme  d'iniquite. 
Enfin,  quand  la  Bete  a  seduit  a  peu  pres  toute  la  terre,  le  Christ,  apparaissant 
comme  Verbe  de  Dieu,  c'est-a-dire  agissant  principalement  par  sa  parole,  la 
saisit  et  la  jette  dans  Tetang  de  feu  (c.  xix);  comparez-y  Taction  du  souffle 
de  la  bouche  du  Seigneur  centre  TAntechrist,  et  I'aneantissement  de  celui-ci 
a  la  Parousie. 

Ce  parallelisme  est  done  beaucoup  plus  marque  quon  ne  le  pense  d  ordinaire. 
Mais  la  Bete  est  une  collectivite  politique:  mais  les  Deux  Temoins  du  Christ 
opposes  aux  Deux  Betes  temoins  de  Satan,  sont  aussi  la  collectivite  des  instru- 
ments de  Dieu,  agissant  par  la  predication  appuyee  de  miracles.  Ne  peut-on 
penser  qu'il  en  est  de  meme  de  Γ"  homme  d'iniquite  »  et  du  «  χ«τε'/ων  »?  Cette 
interpretation  n'est  d'ailleurs  nullement  incompatible  avec  celle  des  Peres  qui 
ont  vu  dans  Γανομος  un  Antechrist  personnel;  car,  de  meme  que  pour  la  Bete, 
rien  n'empeche  de  croire  que  lapogee,  la  «  Parousie  »  de  cette  puissance  mal- 
faisante  soit  due  a  raction  personnelle  d'un  homme  futur,  qui  incarnera  par 
excellence  toutes  les  forces  de  I'iniquite  (1). 

Admettre  que  saint  Paul  a  parle  ici  un  langage  figure,  je  sais  bien  que  c'est 
contredire  le  grand  nombre  des  exegetes,  anciens  et  modernes,  et  remonter  un 
courant  presque  unique.  Mais  peu  importe,  s'il  est  certain  par  ailleurs  que  pareil 
langage  apocalyptique  n'etait  pas  etranger  a  saint  Paul,  quand  il  parlait  descha- 
tologie.  Or,  nous  en  avons  la  preuve  dans  cette  description  meme  de  I'Avenement 
du  Christ  qu'il  fait  I  Thess.  in  et  I  Cor.  xv.  II  y  parle  de  la  «  voix  de  I'Archange  w, 
de  la  «  derniere  »  trorapette,  ce  qui  laisse  supposer  qu'il  connaissait  une  tradition 
eschatoloo-ique  sur  plusieurs  trompettes,  peut-etre  celle-la  meme  qui  devait 
donner  leur  cadre  aux  visions  de  Jean,  Apoc.  \ni-xi.  Non  seulement  cela,  mais 
Paul  etait  porte  a  user  du  langage  apocalyptique  la  meme  ou  11  ne  s'agissait  pas  a 
proprement  parler  d'eschatologie.  C'est  ainsi  que,  Rom.  i,  18,  il  dramatise  I'aban- 

(1)  Saint  Augustin  connaissait  deja,  sans  la  rejeter,  une  intei'pretation  de  I'Antechrist  comnae 
representant  non  seulement  un  homme,  mais  une  multitude  constituant  un  corps  dont  il  serait 
le  chef  [Cite  de  Dieu,  xx,  19). 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    XOUVEAU    TESTAMENT.  CXV 

don  divinqui  se  manileste  dans  le  dereglement  et  Taveuglement  des  gentils,  en 
disant  que  «  la  colere  de  Dieu  se  revele  du  haut  des  cieux  »,  αποκαλύπτεται  γαρ 
οργή  θεοΰ  απ'  ουρανού,  style  dont  οπ  s'explique  mieux  la  couleur  si  Ton  songe  que 
pour  TApotre  aussi,  les  derniers  temps,  έσ/άτχι  ήμ^έραι,  pouvaient  avoir  com- 
mence. Si  jusqu'a  des  faits  moraux  et  continus  de  I'epoque  revetaient  a  ses  yeux 
et  dans  son  style  quelqne  teinte  apocalyptique,  a  fortiori  a-t-il  du  user  de  ce  style 
quand  il  parlait  formellement  de  la  Parousie  et  de  ce  qui  la  precedera.  Car  tel 
etait  depuis  longtemps  Tusage,  et  ce  n'est  pas  saint  Jean  qui  a  cree  le  style  apo- 
calyptique avec  ies  personnifications  qu'il  entraine. 

Nous  pouvons  en  conclure  qu'iV  est  possible  a  priori,  que  saint  Paul  ait  use, 
dans  la  pericope  II  Tltess.  iii,  1-13,  des  personnifications  du  style  apocalyp- 
tique; et  que  le  parallelisme  assez  etroit  existant  entre  cette  pericope  etle  drame 
des  Betes  dans  I'Apocalypse  Johannique,  rend  vraisemhlahle  qu'il  en  cat  use. 

En  ce  cas,  Γ«  homme  d'iniquite  »  pent  etre  une  serie  courte  ou  longue,  on  ne 
sait,  d'agents  personnels  travaillant  pour  Satan,  laquelle  aboutit  peut-etre  a  un 
personnage  principal,  d'apres  lequel  toute  la  serie  serait   nommee;  le  κατεχοί 
serait  une  personnification  des  instruments  de  la  propagande  evangelique,  com- 
parable aux  Deux  Temoins,  ou,  pour  prendre  une  figure  non  dedoublee,  au  pre- 
mier cavalier  du  cliapitre  vi  de  I'Apocalypse.  Dans  cette  lutte,  lAntechrist  aurait 
un  jour  le  dessus,  ce  qui  lui  permettrait  de  se  manifester  pleinement;  non  que 
jamais  les  portes  de  Tenfer  puissent  prevaloir  centre  I'Eglise,  mais  parce  que  de 
bien  des  mani^res  elle  pent  etre  enCermee  aux  catacombes,  et  son  epanouisse- 
ment  en  oeuvres  exterieures  arrete.  Enfin  ces  evenements  peuvent  etre  differes 
jusqu'a  une  cpoque  bien  posterieure  a  la  generation  actuelle  des  Thessaloniciens. 
C'est  pour  cela  que  Paul,  en  les  lelicitant  de  leur  election,  les  caracterise  comme 
ayant  ete  choisis  des  le  commencement  ou  en  premices.  Les  manuscrits  et  meme 
les  editions  critiques  se  partagant  entre  les  legons  απ'  αρ/ης  et  άπαρ/ην,  mais  cela 
revient  au  meme.  Ces  termes  sont  relatifs  essentiellement.  Relatifs  a  quoi?  lis 
ne  conviennent  pas  a  I'Eglise  de  Thessalonique  par  rapport  a  I'ensemble  des 
eglises  chretiennes  du  premier  siecle,  car  il  y  avait  deja  bien  des  pays  evangeli- 
ses avant  la  Macedoine;  ni  meme  tout  a  fait  par  rapport  aux  eglises  pauliniennes, 
car  celles  de  Tx^natolie   meridionale  auraient  mieux  merite  alors  d'etre  desi- 
gnees comme  premices,  ou  fondees  au  commencement.  L'Eglise  de  Thessalonique 
a  done  beneficie  des  debuts  de  I'evangelisation,  en  ce  sens  que  cette  periode  de 
I'evangelisation  du  monde,  commencee  a  la  fondation  de  I'eglise  de  Jerusalem 
par  les  Douze,  ne  peut  etre  consideree  que  comme  le  commencement  d'un  mou- 
vement  destine,  semble-t-il  d'apres  cela,  a   se  prolonger  long-temps,  bien  plus 
longtemps  que  la  durce  d'une  vie  d'homme. 

Nous  navons  parle  que  de  possibilite  ou  de  probabilito  jusquici.  Cette  proba- 
bilile  peut-elle  se  transformer  en  certitude?  Oui,  si  Ton  considere  d'autres  pro- 
pheties  pauliniennes  qui  doivent  se  realiscr  avant  1'  «  apostasie  »  et  avant  la 
«  manifestation  »  de  I'Antechrist.  Leur  etude  va  nous  montrer,  dabord  que 
I'hypothese  presentee  ci-dessus  est  la  veritable,  et  ensuite,  par  de  nouveaux  argu- 
ments, que  la  Parousie,  dans  I'idee  meme  de  Paul,  doit  etre  reculee  dans  un 
loinlain  pen  defmi. 

b.  Rom.  XI,  25,  suivants,  cfr,  XI,  11-12;  15. 

Dans  ce  passage,  saint  Paul  apprend  a  ses  lecleurs  que  la  reprobation  d'IsraOl, 


CXVI  INTHODUCTIOX. 

sur  laquelle  il  s'est  longuement  etendu,  n'est  que  temporaire.  Un  beau  jour,  le 
peuple  des  patriarclies  se  piquera  d'emulation  en  voyant  les  gentils  appeles  au 
salut  (xi,  11).  La  chose  n'arrivera  que  quand  la  plenitude  des  nations  sera  entree 
dans  la  chretiente  (xi,  25,  πο^ρωσις  άπο  μέρους  τω 'Ισραήλ  γέγονεν  ά/ριο&το  πληρωμάτων 
εθνοίν  εϊσέλθ/,).  La  conversion  d'Israel  sera  alors  complete ;  il  sera  sauve  comme 
nation  (xi,  26  :  Και  ουτοις  πα;  'Ισραήλ  σωΟήσίται).  Et  ce  sera  alors  un  tel  dpanouisse- 
ment  de  vie  spirituelle  qu'il  pourra  etre  compare  a  un  retour  des  morts  a  la  vie 
(xi,  12;  XI,  15  :  τίςή  προ'σλημψις  εΙ  μη  ζωή  εκ  νεκρών.) 

Nous  allons  chercher  a  fixer  la  portee  de  cette  prophetic  en  fonction  de  celles 
que  nous  avons  deja  vues  dans  les  epitres  aux  Thessaloniciens.  En  avons-nous  le 
droit?  Nous  le  pensons,  car  rien  n'oblige  a  supposer  que  Paul  ait  modifie  ses 
previsions  eschatologiques  entre  les  annees  51-52,  oil  il  ecrivit  a  Thessalonique, 
etl'an  58,  date  de  I'epitre  aux  Romains.  Le  pretendu  changement  de  perspective 
que  certains  veulent  saisir  entre  la  premiere  et  la  deuxieme  aux  Corinthiens, 
quand  saint  Paul  eut  commence  a  envisager  sa  mort  comme  possible,  n'est  pas 
fonde  (i),  ainsi  que  nous  Tavons  deja  fait  sentir.  Sil  avait  decouvert  alors  des 
conditions  nouvelles  de  la  Parousie,  qui  eussent  transforme  ses  vues  anterieures, 
I'obligeant  ainsi  a  en  rectifier  Texpression,  n'en  aurait-il  pas  donne  quelque  signe 
un  pen  plus  perceptible?  Non,  il  est  bien  plus  naturel  de  supposer  que  les 
diverses  parties  de  ses  conceptions  eschatologiques,  quoique  ne  nous  ayant  ete 
livrees  que  comme  des  disjecta  membra,  formaient  un  tout  coherent  dans  son 
esprit  des  I'epoque  ou  la  predication  de  la  Parousie  tenait  une  place  preponderante 
dans  son  enseignement. 

En  nous  plagant  dans  cette  hypothese  justifiee,  nous  cherchons  ce  que  pent 
nous  enseigner,  sur  la  date  jusqu'ici  indeterminee  de  la  Parousie  de  TAntechrist, 
et  consequemment  sur  celle  du  Christ,  qui  ne  pent  avoir  lieu  qu'apres,  la  pro- 
phetic de  la  conversion  d'Israel.  Etablissons  encore  une  serie  de  propositions 
avec  leurs  preuves. 

1°  Pauln'affirmepas  que  la  conversion  desJuifs  precedera  immediatement  ία 
resurrection  generate. 

«  Si  leur  rejet,  dit-il  xi,  15,  a  ete  la  reconciliation  du  monde,  que  sera  leur  rein- 
tegration, sinon  un  retour  des  morts  a  la  vie!  »  L'absence  d'article,  pour  con- 
forme  qu'elle  soit  a  la  grammaire,  permet  cependant  de  comprendre  les  mots 
ζωή  εκ  νεκρών  au  sens  ά' une  resurrection  quelconque,  auss-i  bien  que  de  la  Resur- 
rection generale.  Nous  savons  d'ailleurs  que  la  resurrection  des  morts  est  souvent 
prise,  dans  le  Nouveau  Testament,  en  un  sens  figure  [Apoc.  xi  et  xx,  Paul, 
passim;  Jean,  v).  II  peut  en  etre  de  meme  ici.  Trois  versets  plus  haut,  lauteur 
sacre  a  dit  que  cette  conversion  augmenterait  les  richesses  spirituelles  deja 
octroyees  aux  nations  a  I'occasion  de  I'infidelite  d'Israel  (xi,  12  :  ει  οέ  το  παράπτωμα 
αυτών  πλούτος  κόσμου  και  το  ηττημα  αυτών  πλούτος  εθνών,  ποσω  μάλλον  το  πληριομα  αυτών;)  Nous 
serions  tentes  de  faire  un  rapprochement  avecle  millenium  d'Apocalypse,  xx,  :  le 
monde,  apres  cette  conversion  des  Juifs,  participera  dune  maniereplus  pleine  et 


(1)  La  maladie  qui  aurait  donne  a  Paul  des  inquiotudes  pour  sa  vie,  entre  son  depart  d'Epliese 
et  renvoi  de  II  Corinthiens  (II  Cor.  i,  8-suiv.),  peut  fort  bien  avoir  port6  I'Apotre  a  penser 
davantage  a  la  mort  et  a  en  parler,  sans  pour  cela  lui  avoir  fait  croire  pour  la  premiere 
que  cetle  mort  otait  possible  avant  la  Parousie.  Toute  theorie  basee  sur  ce  pretendu  change 
ment  de  perspective  et  d'opinion  de  I'Apotre  est  fort  caduque. 


fois  Λ 

ge-  m 

m 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CXVII 

plus  eclatante  a  la  «  resurrection  premiere  »  des  mille  ans,  qui  est  la  vie  de  la 
grdce. 

2°  Cette  conversion  est  presentee  de  telle  maniere  qu'elle  doit  preceder  I'apos- 
tasie  des  temps  de  VAntechrist. 

Disons  d'abord  entre  parentheses  qu'elle  ne  saurait  avoir  lieu  qu'apres  le  chati- 
ment  complet  d'lsrael  infidele,  entrainant  cette  ruine  du  temple  predite  par 
Notre-Seigneur.  Saint  Paul  parait  faire  allusion  a  cet  evenement  I  Thess.  n,  16, 
quand  il  declare  :  «  La  colere  (de  Dieu)  s'est  hatee,  precipitee  sur  eux,  jusqu'au 
terme  »  (εφθασεν  o£  cV  αυτούς  ή  οργή  εις  τελος).  Et  s'il  fait  allusion  a  la  mine  pre- 
dite, qu'il  ne  pouvait  ignorer,  alors  dans  quelque  temps  Thomme  d'iniquite  ne 
trouvera  plus  de  «  temple  de  Dieu  »  materiel  pour  s'y  installer;  ce  temple  de 
II  Thess.  II,  4,  pourraitdonc  bien  etre  aussi  metaphorique  que  celui  a'Apoc.  xi. 
Mais  nous  faisons  la  une  digression,  d'ailleurs  utile  a  notre  sujet.  Revenons  au 
point  principal, 

Les  temps  de  la  manifestation  de  TAntechrist  seront  des  temps  a'apostasie 
(II  Thess.  Ill,  1).  Qui  dit  d'un  liomme  ou  d'un  peuple  qu'il  est  apostat  dit  qu'il  a 
d'abord  ete  croyant.  II  s'agit  done  d'une  apostasie  des  chretiens.  Cen'est  certai- 
nement  pas  alors,  quand  une  grande  partie  du  monde  aura  apostasie,  ou  sera  en 
train  de  le  faire,  que  I'exemple  du  salut  des  gentils  pourra  donner  de  Temula- 
tion  aux  Juifs,  et  les  stimuler  a  embrasser  eux-memes  la  foi.  II  faut  done  croire 
que  la  conversion  d'Israel  aura  lieu  plutot  avant  qu'apres  la  manifestation  de 
Γ  «  homme  depeche  »,  avant  cette  decadence  qui  lui  permettra  de  se  manifester. 

3°  Paul  n'a  pas  cru  ni  espere  que  la  conversion  d'Israel,  comme  peuple^ 
aurait  lieu  de  son  vivant. 

En  efifet,  au  milieu  des  sublimes  efforts  qu'il  faisait  pour  sauver  ses  freres  de 
race,  qu'ambitionnait-il  comme  resultat  de  son  travail  personnel  en  leur  faveur? 
D'en  sauver  quelques-uns,  τινας.  «  Je  vous  le  dis,  a  vous  Gentils  :  pour  aussi  long- 
temps  que  je  suis  apotre  des  Gentils,  je  rendrai  glorieux  mon  ministere,  si  (par 
la)  en  quelque  maniere  (j'arrive  a)  exciter  I'emulation  de  (ceux  qui  sont)  ma  chair, 
eta  en  sauver  quelques-uns  »  [Rom.  xi,  13-14).  L'entree  en  masse  de  son  peuple, 
de  «  sa  chair  »,  dans  I'Eglise  ne  pouvait  done  lui  apparaitre  que  comme  un  fait 
qu'il  preparait  de  loin,  lui  qui,  dans  la  2^  Epitre  aux  Corinthiens,  dans  la  lettre 
aux  Philippiens.  dans  les  Pastorales,  a  entrevu  sa  mort  si  clairement, 

4"  Cette  conversion  des  Juifs,  en  effet,  doit  etre  precedes  de  la  conversion  des 
nations  (1), 

Israel  a  ete  aveugle  en  partie,  et  cela  doit  durer  «  jusqu'a  l'entree  de  la  pleni- 
tude des  Gentils  »  (ά/ρι  ου  το  -ληρωμα  των  εθνών  ε'ισελθτ,,  Rom.  XI,  25).  Que  faut-il 
entendre  par  cette  «  plenitude  »  ?  Certainemcnt,  pour  parler  ainsi,  I'universaliste 
qu'etait  saint  Paul  ne  pouvait  pas  songer  uniquement  aux  peuples  de  Tempire,  de 
Γο'κουμένΓ,  romaine,  les  seuls  qui  eussent  entendu  'I'Evangile  jusque-la.  N'est-ce 
pas  lui  qui  a  dit,  Col.  in,  11,  qu'aupres  de  Dieu  il  n'y  a  ni  Gentil  ni  Juif,  ni  Scythe, 
nibarbare?  Et  qu'est-ce  que  cette  «  entree  »  dans  rEglisc?  Ceserait  faire  injure 
au  grand  Apotre  que  de  supposer  qu'il  se  contentait  de  la  perspective  d'un  chris- 
tianisme  professe  superficiellement  par  quelques  individus  pris  dans  la  genera- 
lite  des  peuples,  ou  qu'il  eut  appele  «  entree  de  la  plenitude  »  le  seul  fait  que 

(1)  Voir  Laorance,  ipitre  anx  Romains,  au  ch.  xi. 


CXVIII  IXTHODUCTIOX. 

rcnsemble  des  Genills SLnraienl  entenduL•  predication  de  I'Evangile,  sans  y  adhe- 
rer. II  ne  peut  s'agir  que  d'une  transformation  de  lenscmble  des  Gentils  par  la 
grace  de  la  vie  chretienne  serieusement  professee.  Qu'il  doive  rester,  pour  user 
des  termes  de  Jean,  des  Gog  ct  Magog,  cela  ne  change  pas  la  perspective. 
D'abord,  Paul  n'en  dit  rien;  puis,  s'il  y  avait  pcnse,  il  aurait  pu  les  considerer 
comme  des  exceptions,  ou  comme  la  masse  des  individus  ou  des  peuples  «  apos- 
tate ». 

5"  Mais  Paul  n'esperait  pas  mener  lai-meme  a  terme^  avant  sa  morty  la  con- 
version des  Gentils. 

On  peutau  moins  le  conjecturer  d'apres  ce  qu'il  declare  aux  Romains,  xv,  23. 
II  a,  dit-il,  porte  partout  I'Evangile  en  Orient,  depuis  Jerusalem  jusqu'a  I'lllyri- 
cum;  maintenant  il  veut,  en  passant  par  Rome,  s'en  aller  en  Espagnepour  evan- 
gcliser  les  pays  neufs  d'Occident.  Et  la  raison  qu'il  en  donne,  c'est  qu'il  ne 
«  trouve  plus  de  place  »,  sous-entendu  a  evangeliser,  dans  ces  regions  orientales, 
ou  bien  encore  qu'il  «  n'a  plus  d'occasion  »  d'y  faire  ([uelque  chose  ίμηχέτι  τόπον 
ε/ων  εν  τοις  κλίμασί  τούτοις).  II  jugeait  alors  en  gros ;  pendant  et  apres  sa  premiere 
captivite,  il  s'apergut  qu'il  lui  restait  encore  quelque  chose  a  faire  la-bas.  Cette 
confidence  nous  montre  bien  touteiois  en  quoi  consistait  aux  yeux  de  Paul  la  mis- 
sion personnelle  qu'il  avait  a  remplir  durant  sa  vie.  II  ne  pouvait  se;;faire  I'illusion 
de  croire  que  I'Orient  etait  deja  a  peu  pres  converti,  et  qu'il  sufQrait  d'un  court 
travail  de  ses  disciples  pour  le  christianiser  rapidemeiit  en  masse;  on  ne  se  fera 
pas  une  pareille  idee  de  la  perspicacite  d'un  tel  homme.  Non ;  mais  ce  qu'il  avait 
a  y  faire,  avant  d'aller  rejoindre  le  Christ,  il  estimait  I'avoir  deja  fait;  sa  mission 
n'etait  done  que  de  fonder  quehjues  eglises,  qui  seraicnt  comme  les  cellules-meres 
des  autres,  de  semer  des  germes  que  le  temps  et  le  travail  d'autres  apotres  feraient 
croitre  et  se  multiplier.  Et  quand  viendrait  la  plenitude  de  la  moisson?  Ne  devait- 
elle  pas  etre  encore  assez  eloignee  ? 

Ainsi  Paul  n'a  certainement  pas  espere  qu'il  menerait  personnellement  a  son 
t(,rme  I'oeuvre  de  la  conversion  des  Gentils  annoncee  dans  la  meme  epitre,  au 
chapitre  xi,  et  il  n'a  pas  cru  sans  doute  qu'elle  put  etre  achevee  en  quelques 
annees  apres  sa  mort.  Cependant  il  faut  que  la  plenitude  des  nations  soit  entree 
dansl'Eglise  avant  le  retour  d'Israel.  Ce  n'est  pas  encore  tout. 

6°  Entre  la  conversion  des  Gentils  et  des  Juifs  et  la  pleine  manifestation  de 
I'Antechrist  doit  trouver  place  V  «  Apostasie  ». 

Cette  apostasie  ne  peut  etre  seulemcnt  celle  d'un  chretien  destine  a  devenir 
ensuite  «  I'homme  de  peche  ».  La  legon  de  II  Thess.  iii,  1,  est  bien  αποστασία,  et 
non  αποστάτης.  Rien  n'autorise  a  restreindre  cette  defection  a  une  seule  per- 
sonne,  oua  quelques-unes.  Au  contraire,  il  semble  bien,  par  toutle  coulexte,  (jue 
cette  apostasie  doive  etre  le  resultat  general  de  I'operation  du  «  mystere  dini- 
quite  »  qui  est  d'ores  et  deja  a  I'oeuvre.  Ce  «  mystere  »  malfaisant,  quand  ecrit  Paul, 
op^re  surtouthors  de  I'Eglise,  paries  ennemis  du  Chris.t  juifs  ou  paiens.  Les  neo- 
convertis  ne  sont  pas  sur  la  voie  de  I'apostasie,  c'est  au  contraire  une  periode  de 
joie,  d'ardeur,  de  conquetes.  L'  «  apostasie  »  suppose  une  epoque  toute  differente 
de  celle  de  I'age  apostolique.  Elle  se  produira  quand  Gentils  et  Juifs  auront  regu 
I'Evangile,  et  auront  eu  le  temps  de  se  refroidir,  de  lomher  en  decadence.  On 
peut  invoquer  comme  parallele  le  passage  des  Synoptiques,  Mat.  xxiv,  12.  oil 
Notre-Seigneur  annonce  que  «  a  cause  de  la  multiplication  du  peche,  lacharite  du 


l.KS    AUTRES    LIVRES    DV    NOUVEAU    TESTAMENT.  CXIX 

g-rand  nombre  (των  πολλών]  se  refroidira  >>.  Le  mystere  d'iniquite,  qui,  avant  meme 
la  fin  de  la  conqaete  evangelique,  avail  pu  s'insinuer  ^a  et  la  dans  les  commu- 
nautes,  y  fera  un  jour,  a  la  faveur  du  relachement  des  moeurs  chretiennes,  une 
invasion  debordante.  Alors  les  temps  seront  murs  pour  la  Parousio  de  TAnte- 
christ.  Mais,  pour  qu'il  se  produise  une  pareille  decadence,  il  faut  du  temps. 
Done  une  periode  qui  peat  elre  longue,  separera  encore  la  coin>ersion  des  Gen- 
tils  et  des  Juifs  des  succes  derniers  de  I'Antechrist. 

7°  UAnteckrist  apparaitra  alors,  dans  le  temps  qui  lui  est  marque  par  Dieu 
(£v  τω  αύτοΰ  καιρώ,  11  Thess.  III).  Le  Christ  luttera  centre  lui,  et  le  vaincra  —  peut- 
etre  d'un  seul  coup,  mais  peut-^tre  aussi  au  bout  d'une  periode  de  luttes,  au 
moyen  des  instruments  de  sa  parole.  Enfin  il  le  detruira  tout  a  fait,  et 

8°  La  mine  definitive  de  I'Antechrist  (xa-ap-f/icet)  co'incidera  avec  la  Parousie 
du  Christ,  apparaissant  (τ-7,  ετη^ανεία  της  παρουσίας  αύτου)  pour  juger  les  vivants  et 
les  morts. 

De  I'ensemble  de  cette  discussion  des  textcs  eschatologiques  formels,  voici 
doncce  qui  resulte  en  resume  : 

Saint  Paul,  dans  I  Thess.,  n'a  traite  qu'une  question  theorique  et  universelle 
sur  la  parite  des  vivants  et  des  morts  au  jour  de  la  Parousie;  il  n'a  pas  juge  alors 
utile  de  rien  dire  sur  I'epoqae  de  cet  evenement,  tout  en  rappelant  que  cette 
lipoque  etait  inconnue,  —  et  il  a  meme,  implicitement,  donne  un  transeat  a  I'idee 
que  se  faisaient  les  Thessaloniciens  de  sa  proximite.  Mais  il  s'est  aper^u  peu 
apres  que  ce  manque  d'aiBrmation  avait  des  inconvenients.  Alors,  dans  II  Thess., 
il  a  declare  nettement  que  la  Parousie  n'etait  pas  imminente.  C'est  qu'elle  ne 
pourra  arriver  qu'apres  des  evenements  qui  n'ont  pas  encore  pu  se  produire,  une 
apostasie  des  fideles,  et  la  manifestation  de  Γ  «  homme  de  peche  »,  le  grand 
Adversaire  de  Dieu  connu  par  la  tradition  judaique.  II  ne  determine  pas  si  cet 
adversaire  est  un  individu  ou  une  collectivite ;  mais  les  termes  dont  il  use,  et  le 
parallele  qu'on  trouvera  plus  tard  dans  I'Apocalypse,  montrent  deja  que  le  sens 
de  collectivite  est  vraisemblable.  Quelques  annees  plus  tard,  saint  Paul,  ecrivant 
aux  Remains,  ne  transforme  pas,  mais  complete,  son  enseignement  eschatolo- 
gique.  II  leur  predit  la  conversion  d'Israel  comme  peuple,  avant  la  fin  des  temps. 
11  n'afiirme  pas  d'ailleurs  que  cette  conversion  doive  etre  immediatement  suivie 
de  la  resurrection  generale.  Ce  qui  est  indubitable,  c'est  qu'il  ne  s'attend  pas  a 
etre  personnellement  I'lieureux  temoin  de  ce  retour  de  son  peuple.  D'autant 
moins  que  cette  conversion  des  Juifs  doit  etre  precedee  de  I'entree  en  masse  des 
nations  dans  TEglise,  et  que  TApotre  ne  croit  nullement  etre  appele,  avant  sa 
mort,  a  completer  cette  conversion,  ni  meme  a  pousser  cette  oeuvre  jusqu'a  un 
point  tel  qu'il  ne  faudrait  plus  que  peu  d'annees  pour  la  mener  a  terme.  En 
rapprocliant  cette  nouvelle  revelation  de  ce  qui  a  ete  predit  II  Thess.,  il  appert 
(}ue  cette  christianisation  du  monde,  deja  reculee  elle-memc  dans  le  loiiitain, 
precederadassezlongtemps  la  pleine  manifestation  do  I'Antechrist;  car  il  faudra 
(jue  le  «  Mystere  d'iniquite  »  ait  eu  le  temps  de  corrompre  les  Chretiens  par  son 
action  progressive,  et  de  les  entrainer  dans  une  decadence  qui  aboutira  a 
Γ  «  Apostasie»  de  grandes  masses.  Done  cet  «  homme  d'iniquite  »,  toujours  pre- 
sent sous  le  «  Mystere  d'iniquite  »,  est  principalement  une  collectivite,  une  serie 
d'advcrsaires,  qui  pout  se  prolongor  fort  longtemps,  indefiniment  presquc,  et  la 
«  Parousie  »  dernicre  de  TAnlechrist  est  a  reculer  dans  les  regfions  lointaines 


CXX  INTRODUCTION, 

de  Tavenir.  II  en  est  de  meme,  a  fortiori,  de  la  Parousie  du  Christ,  qu'une 
periode  de  luttes  plus  ou  moins  prolongees  pent  du  reste  aussi  separer  de  celle 
de  son  Adversaire. 

Conclusion  :  Saint  Paul  n'a  jamais  affirme,  pas  meme  qnand  il  ecrivait  aux 
Thessaloniciens,  que  la  Parousie  diit  ai-rii^er,  ni pendant  sa  vie,  ni  au  bout  d'un 
temps  etroitement  limite  qui  suicrait  sa  mort.  Entraine  par  I'ardeur  de  son  espe- 
rance,  il  a  bien  pu  croire,  d'une  opinion  humaine,  et  sans  rien  afiirmer  ni  insi- 
nuer  la-dessus,  que  le  cours  des  evenements  futurs  intermediaires,  conversion 
des  Gentils,  conversion  des  Juifs,  seduction  des  fideles,  serait  beaucoup  plus 
rapide  qu'il  ne  devait  I'etre  en  realite.  Mais  cela  meme  n'est  pas  certain  ;  et  tou- 
jours  est-il  qu'en  I'an  58,  quand  il  ecrivit  aux  Romains,  la  consummation  avait 
recule  a  ses  yeux  dans  un  lointain  tout  a  fait  indefmi. 

II  nous  reste  a  voir  si  les  dernieres  epitres  ajoutent  ou  changent  quelque  chose 
a  cette  conclusion. 

c.  Les  Epitres  pastorales  doivent  nous  donner  I'idee  definitive  de  Paul 
sur  ce  sujet.  Nous  pouvons  y  joindre  lEpitre  aux  Hebreux,  que  I'Apotre, 
pensons-nous,  a  fait  rediger  par  quelqu'un  de  ses  disciples  de  culture  alexan- 
drine, en  I'an  63,  au  terme  de  la  premiere  captivite,  quand  il  etait  encore  en  Italie. 
Au  ch.  X,  25  et  37,  de  I'Epitre  aux  Hebreux,  I'Apotre  recommande  aux  Judeo- 
Chretiens  de  ne  pas  dolaisser  leurs  reunions,  mais  de  s'encourager  mutuellement 
«  et  d'autant  plus  que  vous  voyez  s'approcher  le  Jout' y)  (xa\  τοσουτω  μάλλον  οσω 
βλέπετε  Ιγγίζουσαν  την  ήμέραν).  Ce  «  Jour  )>  est  evidemment  le  Jour  du  Christ,  mais 
peut-etre  au  sens  large,  peut-etre,  puisquil  ecrit  a  des  «  Hebreux  »,  le  Jour  de  la 
grande  epreuve  prochaine,  la  mine  de  la  nation.  Plus  loin,  les  exhortant  a  la 
perseverance  :  «  Encore  un  peu,  bien  peu  (Ιτι  γαρ  μικρόν  δσον  δσον),  celui  qui  vient 
viendra,  et  il  ne  tardera  pas.  »  II  est  clair  quon  ne  pent  exclure  de  ce  passage 
I'idee  de  cette  venue  du  Christ  qu'attend  chaque  juste  au  terme  de  sa  vie,  de  ces 
«  Parousies  »  individuelles  par  lesquelles  le  Christ  apportera  a  chacun  sa  retri- 
bution. Nous  devons  meme  preferer  cette  interpretation,  eu  egard  aux  autres 
textes  etudies  ci-dessus. 

Dans  les  Epitres  pastorales,  on  attendrait,  pour  ce  qiii  regarde  I'eschatologie, 
des  formes  de  langage  categoriques,  homogenes,  et  degagees  de  toute  obscurite, 
II  n'en  est  pourtant  pas  ainsi.  Paul,  le  vieillard,  n'est  pas  moins  preoccupe  de  la 
Parousie  quil  le  fut  au  temps  de  sa  maturite.  Comme  autrefois,  elle  demeure 
I'objet  de  la  grande  aspiration  qui  entretient  la  vigueur  des  predicateurs  de 
I'Evangile.  L'Apotre  dit  a  Tite  [Tit.  ii,  13) :  «  Vivons  avec  justice  et  piete  dans  ce 
siecle,  attendant  la  hienheureuse  esperance  et  I'apparition  (επιφανείαν)  de  la 
gloire  de  notre  grand  Dieu  et  Sauveur  Jesus-Christ  ».  Et  si  cela  pent  s'interpre- 
ter  comme  une  attente  a  longue,  tres  longue  echeance,  que  les  predicateurs 
devront  entretenir  a  travers  des  generations  successives,  il  est  une  autre  parole 
de  I'Apotre,  a  Timothee  celle-ci,  qui  donne  au  premier  moment  une  impression 
semblable  a  celle  de  ces  textes  aux  Thessaloniciens  ou  aux  Corinthiens  ou  Ton 

aurait  cru  voir  Fannonce  de  I'Avenement  prochain  :  «  Je  te  recommande de 

garder  le  commandement  sans  tache,  sans  reproche  jusqu'a  I'apparition  de 
Notre-Seigneur  Jesus-Christ  με'/ρι  της  επιφανείας  του  κυρίου  ήμίον  Ίησοΰ  Χρίστου),  que 
fera  voir  en  son  temps  (καιρ&ις  Ίόίοις)  le  bienheureux  et  unique  Souverain...  » 
(I  Tim.  VI,  13-15).  C"est  comme  si  le  vieil  apotre,  n'esperant  pas  assister  vivant  a 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    XOUVEAU    TESTAMENT.  CXXI 

cette  «  Epiphanie  »,  mais  oublieux  un  moment  de  tout  ce  deroulement  d'evene- 
ments,  assez  vaste  pour  occuper  des  siecles,  qu'il  a  annonce  lui-meme  comme 
devant  preceder  le  grand  Jour,  se  rattachait  au  moins,  pour  se  consoler  de  n'etre 
pas  lui-meme  du  nombre  des  «  περιλειπο'αενοι  »,  a  Tespoir  vague  et  tremblant  qu'au 
moins  son  disciple  prefere  pourrait  en  etre.  Mais  il  ne  s'y  arrete  pas,  et  se  refu- 
gie,  plein  d'un  sentiment  dabandon  au  Dieu  Souverain,.dans  la  certitude  que 
Dieu  manifestera  le  triomphe  de  son  Christ  «  quand  il  le  faudra  »  καιροΤς  Ίοίοις. 
C'est  la  une  observation  tres  penetrante  de  Tillmann  1).  Seulement  il  ne  faudrait 
pas  conclure  du  ton  un  pen  melancolique  de  la  phrase  que  saint  Paul  eut  jamais 
pense  autrement,  et  du,  dans  sa  vieillesse,  renoncer  a  un  espoir  autrefois  ferme 
et  decide.  Ce  qui  avait  toujours  importe  a  I'Apotre,  c'etait  le  fait  meme  du 
triomphe  du  Christ,  non  les  conditions  ni  la  date  de  ce  fait,  deja  si  assure  qu'il  le 
voyait,  par  moments,  comme  present. 

Dans  ces  memes  epitres,  saint  Paul  montre  assez  qu'il  se  croit  aux  «  derniers 
temps  ».  I  Tim.  iv,  1  suivants  :  «  L'Esprit  dit  clairement  que,  dans  les  derniers 
temps  (Iv  δστέροις  χαιροΐς)  certains  se  detourneront  («ποστ-ζ-^σονται)  de  la  foi,  pour 
s'attacher  a  des  esprits  seducteurs,  etc.  »  et  I'enumeration  qui  suit  montre  assez 
que  I'Apotre  s'attaque  a  des  erreurs  et  des  vices  contemporains,  ceux-la  mi'mes 
qu'il  avait  deja  combattus,  dans  les  Epitres  de  la  captivite,  chez  les  protognos- 
tiques  d'Asie.  11  y  revient  II  Tim.  in,  1  suivants  :  «  Mais  sache  ceci,  qu'aux  der- 
niers jours  (Iv  Ισχάταις  ήμέραις)  viendront  des  moments  difficiles;  car  les  hommes 
seront  egoistes,  etc.  »  Qu'il  parle  encore  de  ses  contemporains,  la  chose  est  cer- 
taine  d'apres  le  verset  6  :  «  Et  de  tels  gens  eloigne-toi;  ceux-la  sont  du  nombre, 
qui  s'insinuent  dans  les  families,'  etc.  »  II  a  done  vu  dans  cette  perversion  de 
certains  milieux  d'Asie  une  infiltration  du  «  mystere  d'iniquite  »,  un  prodrome 
lointain  de  Γ  «  Apostasie  »  future  (άποστησονται,  I  Tim.  iv.  1),  Seulement,  le  contexte 
de  II  Tim.  iii  indique  bien  que  ce  ne  sera  pas  encore  le  grand  mouvement  d'apos- 
tasie  de  II  Thessaloniciens,  qui  doit  aboutir  a  la  manifestation  de  Γ  «  homme  de 
poche  ».  En  effet,  Paul  declare  aux  versets  8  et  9  que  ce  mal  interieur  des  eglises 
n'aura  pas  encore  de  suites  durables  :  «  A  la  maniere  dont  Jannes  et  Jambres  s'op- 
poserent  a  Moise,  ainsi  ceux-la  s'opposent  a  la  verite...;  mais  ils  ne  progresseront 
pas  davantage;  car  leur  insanite  sera  visible  a  tous,  comme  le  devint  celle  de  ces 
hommes-la.  »  L'apostasie  et  I'Anfechrist  ne  sont  done  pas  encore  tout  proches. 
Si  Paul  appelle  son  epoque  «  les  derniers  temps  »,  c'est  au  sens  tres  large  que 
nous  avons  explique  au  debut  de  cette  etude;  rien  n'indique  qu'il  se  croie  a  la 
fin  de  ces  «  derniers  temps  ». 

Les  epitres  pastorales,  comme  on  le  voit.  n'ajoutent  done  aucune  determina- 
tion aux  idees  eschatologiques  formulees  par  Paul  anterieurement.  Loin  de  la, 
leur  langage  renouvelle  ces  memes  equivoques  apparentes,  sur  la  date  de  la 
Parousie,  qui  ont  tant  embarrasse  les  commentateurs  des  premieres  epitres. 
C'est  un  fait  a  noter,  car  il  confirme  nos  explications  precedentes.  Dans  ces 
lettres  de  lafm  de  sa  vie,  il  est  impossible  qu'il  yeut  chez  Paul  aucune  equivoque 
de  pensee;  pourtant  le  langage  n'a  pas  varie.  II  y  a  Ιέ  un  nouvel  argument  pour 
nous  autoriser  a  croire  que  si  les  expressions  en  cause  nont  rien  d'afiirmatif, 

(1)  Fritz  Tillmann,  Die  Wiederhiinfl  Christi  nach  den  paulinischen  Briefen,  Fribourg-en- 
Brisgau,  1909,  page  19. 


IKTRODUCTIOX. 


malgre  leur  apparence,  dans  les  Epitres  pastorales,  les  expressions  similaires 
n'etaient  pas  affirmath^es  non  plus  dans  les  lettres  aux  Thessaloniciens  et  aux 
Corinthiens.  Si  elles  sont  compatibles  en  Fan  64  et  67  avec  lidee  dune  prolonga- 
tion considerable  des  temps  de  transition,  du  crepuscule  de  Teternite,  pourquoi 
ne  I'eussent-elles  pas  ete  egalement  una  douzaine  et  une  quinzaine  dannees 
plus  lot? 

Ainsi,  malgre  tons  les  passages,  dissemines  au  cours  de  presque  toutes  ses 
lettres,  oii  Paul  evoque  la  Parousie  comme  une  raison  tres  actuelle  de  vivre 
chretiennement,  malgre  les  difFicultes  toutes  particulieres  du  ήμεϊς  o't  περιλειπόμενοι 
et  du  ήΐΑΕίς  άλλαγησόμεδα,  il  faut  reconnaitre  que  les  passages  eschatologiques  les 
plus  detailjes  s'opposent  a  toute  certitude,  et  meme  a  toute  probabilite,  d'une 
Parousie  prochaine.  Et  on  ne  saurait  demontrer  que  la  pensee  de  Paul  ait  subi 
aucune  evolution  sur  ce  point.  Par  consequent,  il  faut  se  resigner  a  admettre 
que  I'expression  equivoque  «  nous  qui  sommes  laisses  «,  equivalait  a  «  nous, 
a  suppose/•  que  nous  soyons  laisses  ».  ou  bien  a  «  nous,  c'est-a-dire  ceux  d'entre 
nous,  Chretiens,  qui  seront  laisses  ».  Si,  par  moments,  la  vivacite  et  la  certitude 
de  son  attente  masquait  aux  yeux  de  Paul  la  longue  serie  d'evenements  qui 
devait  preceder  I'Avenement  du  Seigneur,  de  maniere  a  le  lui  faire  parsutre 
comme  presque  present,  il  se  ressaisissait  quand  il  fallait  affirmer  explicitement 
cjuelque  chose  sur  la  mai'che  des  evenements  futurs,  et,  de  fait,  il  ouvre  une 
perspective  qui,  si  elle  n'est  pas  explicite  comme  les  «  mille  ans  »  de  ΓΑρο- 
calypse,  pent  du  raoins  tres  bien  se  concilier  avec  une  duree  aussi  considerable 
de  la  vie  de  I'Eglise  militante. 


C'est  peu  de  chose  que  d'interpreter  les  epitres  catholiques,  apres  toutes  les 
difTicultes  des  epitres  pauliniennes.  Sauf  la  1"-  epitre  de  saint  Pierre,  elles  apportent 
peu  de  nouveau.  Nous  y  retrouvons  les  expressions  avec  lesquelles  nous  sommes 
deja  familiarises. 

L'attente  des  recompenses  ou  la  crainte  des  chatiraents  de  la  Parousie  sort 
encore  de  puissant  stimulant  pour  les  fideles  (^Pei.,  i,  7,  13,  iv,  13;  I  Joh. 
II,  28).  Aucun  de  ces  premiers  textes  nen  entraine  la  proximite.  Mais  la  periode 
presente  de  Ihistoire  est  encore  caracterisee  comme  etant  «  les  derniers  jours  ». 
Ainsi  I  Pet.,  i,  20,  ou  il  s'agit  de  lapparition  historiquc  du  Christ  έπ'  Ισ/άτου 
των  χρόνων,  «  ά  la  derniere  des  epoques  » ;  Jude  18,  les  heretiques  de  son  temps 
etaient  predits  comme  devant  yenir  au  cours  de  la  derniere  epoque  :  Ιπ  εσχάτου 
του  χρόνου,  et  II  Pet.,  πι,  3,  επ'  εσχάτων  των  ήμερων  des  derniers  jours;  Jean  appelle 
meme  son  epoque  «  la  derniere  heure  »  πΕίόία,  la/ixr^  ωρκ  εατίν  (I  Joh.  ii,  18.) 
Et  on  croirait  quil  se  juge  a  I'extreme  limite  des  temps,  si  Ton  ne  savart 
par  son  Apocalypse  dans  quel  sens  tres  large  il  faut  prendre  une  pareille 
expression.  II  declare  au  moins,  I  Joh.,  ii,  17,  comme  Paul  I  Cor.,  vii,  que 
«  le  monde  est  en  train  de  passer  (δ  κόσμος  παράγεται)  avec  sa  concupiscence  », 
texte  qui  peut  se  rapporter,  soit  in  abstracto  au  caractere  transitoire  de  toute 
chose  purement  lerreslre,  soit  a  la  marche  de  la  destruction  dont  le  processus 
est  commence.  Auparavant  saint  Pierre  avait  dit,  en  termes  plus  forts  :  Πάντων 
δέ  το  τί'λος  ηγγικίν  α  La  fin  de  toutes  choses  s'est  rapprochee  »  (i  Pet.,  iv,  7),  et 


LES    AUTRES    LIVUES    DU    KOUVEAU    TESTAMENT.  CXXIII 

Jacques,  apres  s'etre  indigne  contre  les  riches  qui  thesaurisent  aux  derniers 
jours  [Jac,  v,  3),  apres  avoir  exhorte  les  freres  a  la  patience  <ijusqu'a  la  Parousie 
du  Seigneur  »  (λ'",  7),  declare  aussi  que  cette  Parousie  s'approche  (ή  παρουσία  τοϋ 
κυρίου  ηγγικεν)  Jac,  V,  8.  La  menace  de  I'universel  jugement  est  toujours  sus- 
pendue  sur  les  tetes  (I  Pet.,  iv,  5  :  τω  Ιτοίαως  i/ov-n  κρΐναι  ζώντας  και  νεχρούς).  Un 
commencement  de  ce  jugement,  ou  plutot  un  prodrome,  un  avant-gout  du  juge- 
ment  universel,  destine  d'ailleurs  a  purifier  les  fideles,  c'est  la  persecution 
romaine  qui  s'annonce  sous  Neron  :  «  Cest  le  moment  oii  le  jugement  commence 
par  la  maison  de  Dieu  »  (I  Pet.,  iv,  17).  Nous  saAOns  par  Γ  Apocalypse,  et  meme 
par  les  Evangiles,  que  les  jugements  du  Christ,  qu'on  pent  reunir  sous  la  desi- 
gnation unique  du  «  Jugement  »  a  plusieurs  phases,  s'etendent  sur  tous  les 
temps  messianiques. 

Ces  textes  ne  disent  pas  avec  quelle  rapidite  la  fin,  que  Ton  voit  s'approcher 
a  I'horizon,  surviendra;  mais  elle  est  en  marche,  annoncee  par  ses  signes  pre- 
curseurs.  Jean  insiste,  non  sur  les  persecutions,  mais  sur  les  heretiques  :  ceux-ci 
sent  I'Antechrist,  cet  Antechrist  dont  les  Chretiens  ont  appris,  par  la  tradition 
juive,  la  catechese,  Paul  ou  I'Apocalypse  elle-meme,  qu'il  viendra  (ηχούσατε  δτι 
αντίχριστος  ερ/εται,  I  Joh.,  ii,  18;  cfr.  iv,  .3).  Mais  saint  Jean,  qui  n'a  parle,  lui, 
d'Antechrist  qu'au  sens  collectif,  dit  qu'il  est  deja  dans  le  monde,  sous  forme 
multiple  (και  νΰν  αντίχριστοι  πολλοί  γεγο'νασιν,  Ι  Joh.,  II,  18;  cfr.  ΐν,  3;  ιι,  22;  Π  Joh., 
7).  C'est  un  signe  que  le  monde  est  arrive  a  sa  derniere  heure  (I  Joh.,  ii,  18). 

Tous  ces  textes,  si  Ton  avait  le  droit  de  les  pressor,  importeraient  la  proximite 
de  la  Parousie;  mais  Jean  lui-meme,  dans  un  livre  anterieur  a  ses  epitres, 
nous  a  sulfisamment  montre  le  sens  large  qu'on  pent  leur  donner.  II  n'en  restait 
pas  moins,  dans  I'ensemble  de  la  societe  chretienne,  ou  le  Ires  grand  nombre 
pouvait  ignorer  le  programme  d'avenir  trace  par  Paul,  une  tendance  a  prendre 
a  la  lettre  toute  declaration  qui  paraissait  hater  la  consommation ;  ce  que  nous 
avons  vu  a  Thessalonique  devait  etre  a  peu  pres  general.  De  la  un  malaise, 
et  comme  une  tentation  de  decouragement,  a  constater  d'annee  en  annee  que 
le  Christ  ne  venait  pas.  C'est  pourquoi  saint  Pierre  fut  oblige  de  parler  ainsi 
dans  sa  deuxieme  epitre  : 

II  Pet.  III.  Sachez  d'abord  «  3  qu'il  viendra  aux  derniers  jours  des  railleurs 
pleins  de  raillerie...  disant  :  4  Ou  est  la  promesse  de  sa  Parousie?  car  depuis 
que  les  ancetres  so  sont  endormis,  toutes  choses  durent  comme  depuis  le  com- 
mencement de  la  creation...  8  Mais  il  est  une  chose  qui  ne  doit  pas  vous  echapper, 
bien-aimes,  c'est  quun  jour  en  face  du  Seigneur  est  comme  mille  ans  et  mille 
ans  sont  comme  un  jour.  9  Le  Seigneur  ne  retarde  pas  sa  promesse...  seule- 
ment  il  agit  patiemment  a  cause  de  vous...  10  Mais  le  jour  du  Seigneur  viendra 
comme  un  voleur,  etc.  » 

Le  principe  universel  d'interpretation,  pour  toutes  ces  propheties  qui  faisaient 
paraitre  la  Parousie  si  proche,  est  enfin  donnci  par  un  auteur  inspire.  11  faut 
juger  de  la  brievete  ou  de  la  longueur  du  temps  et  des  delais  suivant  la  mesure 
de  Dieu,  non  suivant  celle  des  hommes,  car  devant  le  Seigneur,  mille  ans  sont 
cnmme  un  jour.  L'Apocalypse  pouvail  venir,  et  preciser  que,  en  effet,  le  delai 
serait  de  mille  annees  et  davantage ;  lenseignement  eschatologique  de  Paul  et 
de  Pierre  avait  deja  assez  prepare  cette  ultime  revelation  pour  qu'elle  ne  caus4t 
plus  ni  deception  ni  surprise. 


CXXIV  IXTRODUCTIOX. 


Le  resultat  auquel  aboutit  cette  etude  est  sans  doute  des  plus  importants, 
pour  toute  Texegese  du  Nouveau  Testament.  On  pent  le  contester,  mais  nous 
doutons  qu'on  puisse  le  renverser.  L'eschatologie  du  Nouveau  Testament  est 
pour  nous  absolument  une,  et  I'Apocalypse  en  fournit  I'expression  la  plus 
nette,  comme  il  convient  a  un  livre  qui  traite  la  question  ex  professo.  Mais  les 
propositions  neo-testamentaires  que  Tecole  eschatologiste  repute  etre  des 
affirmations  de  I'Avenement  prochain  du  Christ,  ces  propositions-la  sont  aussi 
frequentes,  aussi  caracteristiques  dans  rx\pocalypse  que  partout  ailleurs. 
Cependant,  dans  I'Apocalypse,  il  est  impossible  de  les  prendre  a  la  lettre,  car 
ce  livre  (dont  la  doctrine,  pour  nous,  est  parfaitement  coherente)  rejette  la 
Parousie  a  mille  ans,  en  nombre  rond.  Par  consequent  on  pent  douter  que, 
ailleurs  aussi,  ces  expressions,  si  categoriques  d'apparence,  puissentetre  prises 
a  la  lettre.  Si  Ion  examine  de  pres  les  vues  eschatologiques  de  saint  Paul,  celles 
qui  paraitraient  les  plus  opposees  a  I'admission  d'un  si  long  delai,  on  s'aperQoit 
que,  loin  de  contredire  celles  de  Jean,  elles  s'y  accommodent  au  mieux  et  ont 
tout  Tair  demaner  d'une  meme  revelation  :  elles  ouvrent  deja  sur  Tavenir  de 
I'Eglise  de  vastes  perspectives,  que  la  prophetic  du  Millenium  johannique 
vient  seulement  preciser. 

Se  ranger  a  nos  \Ties,  ce  n'est  rien  autre  que  prevoir  la  ruine  future  de  Tecole 
eschatologiste,  —  chose  hautement  desirable,  a  mon  sens. 

Mais  TApocalypse  ne  complete  pas  uniquement  l'eschatologie  neo-testamen- 
taire  en  detruisant  une  tres  grave  equivoque ;  elle  la  precise  par  des  propheties 
speciales  fort  nettes  dont  I'histoire  a  deja  vu  I'accomplissement. 

Les  Propheties  speciales  de  l'Apocalypse.  Les  Synoptiques  n'ont  dessine 
Tavenir  que  sous  les  traits  les  plus  generaux  :  persecutions  a  subir  de  la  part 
des  Juifs  et  des  Gentils,  mine  de  Jerusalem  et  du  peuple  juif  dans  un  avenir 
prochain,  et  diffusion  de  la  doctrinef-du  salut  a  travers  le  monde  entier.  Nous 
n'avons  pas  a  examiner  ici  si  le  «  Βδέλυγμα  τϊίς  Ιρηι^ιόσεο^ς  »,  Γ  «  abomination  de 
la  desolation  »,  aoxisMat.  xxiv,  15,  Majc,  xiii,  4,  d'apres  DanieljXu,  ii,  contient 
une  allusion  a  la  tradition  judaique  de  I'Antechrist.  Le  texte  sacre  lui-meme 
[Luc J  XXI,  20)  sert  a  interpreter  ces  mots  de  I'irruption  des  ennemis  paiens  dans 
le  sanctuaire,  et  la  question  n'est  pas  d'une  importance  capitale. 

Le  IV^  Evangile,  les  Actes,  et  les  Epitres  catholiqucs  ne  precisent  rien  con- 
cernant  Lavenir  du  monde  profane,  ou  les  phases  de  la  lutte  exterieure  au 
travers  desquelles  le  Regne  de  Dieu  s'etablira. 

Saint  Paul,  dans  les  Epitres  aux  Thessaloniciens  et  aux  Romains,  apporte 
deja  quelques  specifications.  La  conversion  des  gentils  sera  suivie  —  et  non 
precedee  —  de  celle  des  Juifs.  Puis  le  monde  se  refroidira,  tombera  dans 
1"  «  apostasie  »,  qui  permettra  au  «  Mystere  d'iniquite  »,  toujours  a  I'oeuvre 
des  les  premiers  temps,  mais  comprime  par  les  forces  divines,  de  s'etaler  dans 
toute  sa  perversite  et  sa  seduction.  L"  «  homme  de  peche  »  aura  sa  Parousie ; 
il  tronera  dans  le  temple  (symbolique),  et  tentera  de  supprimer  a  son  profit 
tout  culte  des  puissances  invisibles.  Alors  le  Christ  viendra  I'aneantir.  Le 
Grand  Apotre  na  fait  que  de  rares  et  obscures  allusions  au  sort  temporel  de  la 
nation  juive.  11  na  rien  dit  non  plus  de  celui  des  puissances  pai'ennes.  C'etait 


LES    AUTRES    LIVRES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CXXV 

un  citoyen  romain  loyaliste,  et  Dieu  ne  lui  avail  sans  doute  rien  revele  sur 
Favenir  de  rEmpire.  iVussi  ses  proplieties  ont-elles  un  caractere  exclusive- 
ment  religieux,  ne  se  rapportant  qu'au  conflit  des  forces  spirituelles. 

Le  temps  arriva,  dans  la  vie  de  la  jeune  Eglise,  oii  ces  proplieties  generales 
pouvaient  ne  plus  suffire  a  entretenir  le  courage  et  I'assurance  des  ames  ou 
des  communautes  tentees.  Connaitre,  revelee  par  Dieu,  la  strategic  positive 
de  TEnnemi;  prevoir  la  forme  des  epreuves  futures,  pour  n'en  etre  pas  surpris 
ni  deconcerte;  savoir  enfm  ce  que  deviendrait  cette  Puissance  politique  mon- 
diale  qui  s'etait  actuellement  tournee  d'une  fagon  ouverte  contre  TEvangile ; 
tout  cela  devait  guider  et  fortifier  les  fideles  dans  la  guerre  terrible  qu'on  leur 
avait  declaree.  Tel  fut  le  but  de  la  Revelation  de  Patmos  :  elle  concretisa  les 
propheties  evangeliques  et  pauliniennes.  en  determinant  le  mode  historique 
da  combat  perpetuel  entre  Satan  et  le  Christ,  et  en  annongant,  d'une  fagon 
suffisamment  claire,  Tissue  de  la  lutte  actuellement  engagee,  type  de  toutes 
celles  qui  pourraient  la  suivre  dans  le  long  avenir. 

Jean  n'avait  pas  a  s'occuper  des  Juifs;  la  mine  de  leur  nation  etait  con- 
sommee  deja,  et  le  peril  judaisant  ecarte  de  TEglise,  11  note  seulement  qu'a 
Smyrne,  a  Philadelphie,  les  Juifs  se  font  les  complices  des  paiens.  Quant  a  la 
conversion  des  nations,  ce  point  capital  des  proplieties  cliretiennes,  il  n'y  con- 
sacre  pas  de  prediction  particuliere,  puisqu'il  etait  certain,  pour  lui  et  pour 
tous  les  fideles  du  Christ,  qu'elle  aurait  lieu  un  jour.  11  la  suppose  toujours  en 
voie  de  s'accomplir,  par  les  victoires  du  Premier  Cavalier  (vi,  1-2),  la  description 
de  la  «  foule  immense  »  du  chap,  vii,  la  conclusion  de  la  vision  des  Temoins 
(xi,  14),  le  millenaire  (c.  xx)  et  I'ouverture  des  portes  de  la  Jerusalem  celeste 
(xxi,  24-26).  Mais  comment  pourrait-elle  s'accomplir,  au  milieu  d'obstacles  qui 
s'accumulaient  et  devenaient  de  plus  en  plus  graves?  C'est  sur  ce  point  qu'il 
fallait  instruire  les  fideles,  pour  premunir  leur  foi  contre  toute  surprise  et  tout 
decouragement. 

Jean,  en  dehors  des  propheties  de  portee  tout  a  fait  generale  qui  occupent  la 
section  vm-xi,  a  done  entrepris,  sous  I'inspiration  divine,  de  demasquer  et  de 
stigmatiser  les  adversaires  du  salut.  II  va  droit  au  fond  des  choses,  comme 
saint  Paul  quand  il  disait  aux  memes  chretientes  :  «  Nous  n'avons  pas  a  soutenir 
la  guerre  contre  du  sang  et  de  la  chair  (c"est-a-dire  des  forces  humaines),  mais 
contre  les  Principes,  contre  les  Puissances,  contre  les  Dominateurs  de  cemonde 
de  tenebres,  contre  les  forces  spirituelles  du  Mai  (qui  resident)  dans  les  espaces 
celestes  »  [Eph,  vr,  12).  Ainsi,  dans  I'Apocalypse,  I'Adversaire  qui  dirige  et 
excite  tous  les  autres,  c'est  le  Dragon,  I'Antique  Serpent  qui,  des  le  Paradis 
terrestre,  a  attaque  I'humanite  naissante,  et  qui,  n'ayant  pu  devorer  le  Christ 
(xii,  4,  5)  veut  s'en  dedommager  en  persecutant  les  freres  du  Christ,  les  «  autres 
fils  »  de  la  Femme.  La  nature  vraie  des  combats  est  ainsi  devoilee.  Les  Chre- 
tiens ont  affaire  au  Diable,  deja  virtuellement  ecrase.  Mais  Satan  n'opere  pas  a 
visage  decouvert. 

II  se  procure  dans  I'humanite  deux  lieutenants  visibles,  les  Deux  Betes 
(c.  xiii)  qui  sont  TAntechrist  perpetuel,  sous  ses  deux  aspects.  La  premiere 
represente  la  puissance  politique,  actuellement  exercee  par  Rome,  ou  Babylone 
la  Prostituee;  la  seconde,  ce  sont  les  diverses  puissances  de  persuasion  et 
d'egareraent,    qui  travaillent  dans    le   domaine    intellectuel   et   religieux.  Car 


CXXVI  INTRODUCTIOX. 

I'Antechrist  personnel  des  Juifs  n'apparait  nulle  part  dans  notre  livre  inspire. 

Or,  dans  ces  visions  des  chapitrcs  xiii  et  xvii,  Jean  a  si  bien  devine  lavenir 
concret,  que  cette  conception  des  Deux  Betes  suffirait  a  eile  seule  a  le  mettre  a 
la  t^te  des  proplietes  les  plus  clairvoyants;  les  exegetes  les  plus  rationalistes 
devraient  au  moins  lui  reconnaitre  une  surete  extraordinaire  dans  les  pro- 
nostics  historiques,  un  puissant  et  divin  genie  de  prevision. 

S'il  a  attaque  la  Bote  politique,  ce  nest  pas  en  effet  a  la  maniere  d'un  Juif 
entraine  par  le  fanatisme  national;  laissons  ces  reveries  historiques  a  Renan.  Le 
ton  sympliatique  avec  lequoi  il  fait  allusion,  en  ecrivant  aux  cites  d'Asie,  aux 
gloires  de  leur  present  et  de  lour  passe,  revele  chez  lui  un  tout  autre  caractere. 
Non,  c'cst  qu'il  a  vu  dans  TEmpire,  mieux  que  les  Apotres  ses  devanciers,  I'en- 
nemi  Ic  plus  dangereux,  le  plus  irreductible  de  la  societe  chrelienne,  qui  impose- 
rait  aux  fideles,  sous  peine  detre  mis  hors  la  loi,  la  «  marque  de  la  Bete  », 
opposee  au  signe  de  Dieu.  Est-ce  que  Texperience  des  persecutions  commencees 
sous  Neron  suffisait  a  faire  deviner  a  tout  chretien  perspicace  cette  marche  des 
evenements  futurs?  Mais  ce  n'est  pas  au  nom  du  culte  des  empereurs  que  Neron 
avait  persecute  I'Eglise.  Ce  culte  existait  bien  en  Asie  depuis  plus  d'un  siecle,  se 
repandant  de  Pergame,  «  la  oii  Satan  a  son  trone  »,  sur  le  reste  de  la  province. 
Mais  il  n'apparait  pas  qu'on  en  eut  fait  encore  le  criterium  du  loyalisrae  romain; 
les  auteurs  qui  le  presument  ne  s'appuient  que  sur  leur  propre  interpretation  du 
chapitre  xiii  de  TApocalypse,  ou  ils  veulent  lire  une  description  d'evenements 
presents,  malgre  le  temps  futur  (προσκυνησουσιν)  du  verset  8.  Nous  verrons  plus 
tard,  dans  une  dissertation  du  commentaire,  les  grandes  lignes  de  revolution  du 
culte  imperial.  Toujours  est-ilque  ni  la  folie  de  Caligula,  ni  lespitreries  de  Neron, 
ni  meme  la  pretention  de  Domitien  a  se  faire  appeler  dans  les  actes  de  sa 
cliancellerie  «  Dominus  et  Deus  noster  »,  n'avaient  encore  reussi  a  eriger  en 
dogme  universel  la  divinite  de  I'empereur  vivant.  Cela  n'arrive  qu'au  ii*  siecle,  et 
surtout  au  iii%  aux  temps  de  Septime-Severe,  de  Dece,  d'Aurelien,  de  Diocle- 
tien.  La  prophetie  de  Jean  s'applique  bien  mieux  a  cette  epoque  future  qu'aux 
conditions  religieuses  de  son  age,  telles  qu'elles  nous  sont  connues  jusqu'a  pre- 
sent par  tous  les  autres  documents  il). 

11  fallait,  en  effet,  que  la  «  Deuxieme  Bete  »  eut  eu  le  lemps  de  faire  son 
oeuvre.  Jean  I'avait  vue  sous  une  apparence  qui  rappelait  vaguement  celle  d'un 
Agneau,  mais  1  avait  entendu  parler  corarae  un  dragon.  C'est  pai-  la  persuasion 
qu  elle  opere,  et  elle  s'attache  a  faire  adorer  la  Bete  politique.  Elle  a  un  caractere 
tout  a  fait  general;  on  ne  pent  y  voir,  commo  beaucoup  dauteurs,  les  proconsuls 
d'Asie,  ni  les  άp/•.εpεΐςdu  culte  imperial,  ni  tel  ou  tel  magicien  de  I'epoque,  puis- 
qu'elle  subsiste  encore  apres  la  chute  de  Rome,  et  ne  sera  vaincue  qu'aux  der- 
niers  temps,  avec  le  monstre  (]u"elle  sert  et  qui  la  patronne  (c.  xix,  20;.  Elle  est 
evidemment  de  nature  philosopliique  et  religieuse.  Cela  convient-il  bien  encore 
au  temps  de  TApocalypse?  Sans  doute,  la  mentalite  asiatique  etait  fort  inclinee 
a  la  deification  du  pouvoir,  mais  les  guides  de  rintelligence,  qui  etaient  alors 
surtout  les  stoiciens,  se  montraient  plutot  froids  a  I'egard  des  empereurs.  Apol- 
lonius  de  Tyane  lui-meme,  a  en  civDire  Philostrate,  aurait  resiste  courageusement 

(1)  Ajoutons  que  les  lolti-es  aux  Eglises  ne  font  nullement  supposer  que  les  choses  en  fussent 
doja  arrivies  la. 


LES    AUTRES    LIVKES    DU    NOUVEAU    TESTAMENT.  CXXVH 

a  Neron,  Domitien  persecuta  les  philosophes,  en  qui  il  soup^onnait  de  dangereux 
opposants  a  I'absolutisme.  Ni  les  protognostiques,  ni  probableraent  les  herme- 
tistes  et  les  mystes  paiens  n'avaient  encore  de  culte  special  pour  le  Maitre.  II  en 
fut  tout  autrement  a  partir  de  la  fin  du  ii'^  siecle.  La  diffusion  de  la  religion 
egyptienne,  qui  avait  deifie  naguere  Pharaons  et  Ptolemees,  celle  du  mithraismo, 
avec  sa  conception  de  la  «  gloire  »  divine  [Hvareno]  qui  transformait  I'ame  des 
souverains,  les  cultes  semitiques  astraux,  qui  firent  de  I'empereur  une  soi^te 
d'incarnation  du  soleil,  altererent  profondement  Fancienne  religion  polytheiste,  en 
la  penetrant  d'une  part  d'un  caractere  mystique,  en  lui  donnant  un  air  d'  «  agneau  » 
qu'elle  n'avait  guere  eu  jusque-la,  et,  d'autre  part,  en  elevant  au  rang  des  dieux  le 
chef  couronne.  Le  neo-platonisme,  et  toutes  les  sectes  philosophico-theurgiques, 
appuyerent  de  tout  leur  pouvoir  ce  nouveau  mouvement  religieux.  Rome  donna 
alors  le  dernier  mot  au  paganisme  pantheistique.  Cette  confusion  du  pouvoir 
divin  et  du  pouvoir  civil,  ordinaire  dans  les  societes  primitives,  ct  maintenue 
obscurement  dans  quelques  religions  locales,  c'est  Rome,  au  iii^  siecle,  qui  a 
voulu  I'eriger  en  systeme  universel,  religieux,  philosophique  et  juridique  pour  le 
monde  entier.  Le  paganisme  a  son  declin  est  alors  retourne  a  ses  commence- 
ments, par  la  confluence  de  forces  qui,  au  cours  de  revolution  humaine,  s'etaient 
distinguees,  et  opposees  souvent,  Atheisme  et  pantheisme,  ciel  et  terre,  pliiloso- 
phie  et  superstition,  politique  et  mysticisme  se  sont  donne  la  main.  Rome  fut 
vraiment  alors  la  courtisane  qui  enivra  du  vin  de  sa  prostitution  toutes  les  nations 
de  la  terre  (c.  xviri,  3).  II  y  eut  opposition  de  principes  absolue  entre  le  monde 
et  le  christianisme,  opposition  qui  n'excluait  pas  toutefois  certaiues  ressem- 
blances  superficielles  et  fallacieuses.  Et  c'est  cela  que  Jean  voyait  quand  il  a  fait 
paraitre  le  Faux  Prophete,  le  Pseudo- Agneau;  et  c'est  le  Pseudo-Agneau  qui  a 
donne  au  culte  des  empereurs  cette  universalite  obligatoire  que  Jean  a  predite 
dans  sa  vision  du  chapitre  xm.  Tout  cela  ne  se  realisa  formellement  que 
longtemps  apres  lui,  lorsque  le  Dragon,  devant  les  progres  du  christianisme, 
sentit  quil  allait  eprouver  sa  plus  grave  defaite  de  toute  Thistoire. 

S'il  est  aucune  vision  prophetique,  au  plain  sens  du  mot,  celle-la  Test  bien 
entre  toutes.  Nous  ne  voyons  pas  comment  aucun  croyant  au  surnaturel,  sufli- 
samment  instruit  de  I'antiquite,  pourrait  le  contester. 

Mais  ce  n'est  pas  I'unique  prophetic  claire,  verifiee  par  I'evenement,  que  nous 
rencontrions  dans  la  section  xii-xx  de  I'Apocalypse.  Le  regard  de  Jean  porte 
beaucoup  plus  loin  que  les  destinees  de  I'Eglise  sous  la  domination  romaine. 
II  a  vu  —  ce  que  ne  pouvaient  encore  concevoir  les  Peres  du  iv^  siecle,  —  que  la 
Ville  Eternelle  devait  s'ecrouler,  au  moins  comme  puissance  mondiale,  et  cela 
sous  les  coups  memes  de  la  Bete  et  de  ses  dix  cornes,  les  rois  de  la  terre,  autres 
puissances  politiques.  Il  I'a  aflirme  avec  la  plus  parfaite  assurance,  et  a  attache 
une  importance  toute  speciale  a  cette  prophetie. 

II  a  vu  par  consequent  aussi  que  la  mine  de  Rome  namenerait  pas  la  fin  des 
persecutions  ni  la  mine  des  Betes.  Sa  contemplation  du  Millenaire  ne  lui  a  pas 
fait  illusion  :  Jusqu'a  la  fin,  il  y  aura  quelque  part  des  Gog  et  des  Magog.  La  Bete 
et  le  Faux  Prophete  ne  seront  tout  a  fait  vaincus  qua  la  Parousie.  Seulement  il 
n'a  pas  precise  les  conditions  de  ces  luttes  futures  comme  il  Ta  fait  pour  les  per- 
socutions  romaines.Celles-ci,  etant  d'un  interet  bien  plus  actuel  pour  les  destina- 
taires  de  I'Apocalypse,  lui  ont  servi  de  type  et  de  point  de  depart  pour  decrirc 


CXXVIII  INTKODUCTION. 

tout  I'avenir  a  larges  traits,  toute  la  lutte  de  la  Cite  de  Dieu  contre  celle  du 
Diable.  Laverite  de  ces  propheties,  dont  le  monde  devait  voir,  au  bout  de  trois 
ou  quatre  siecles,  la  realisation,  est  la  garantie  de  la  verite  de  ses  vues  generales 
sur  le  sort  du  monde  et  de  TEglise. 

Si  un  croyant  s'ctonnait  de  ne  pas  trouver  de  predictions  tres  specifiees  en 
dehors  de  ces  deux-la,  il  doit  se  rappeler  qu'il  n'en  est  pas  du  Deuxieme  Ave- 
nement  du  Christ  comme  du  Premier  annonce  par  les  prophetes  de  I'Ancien 
Testament.  Des  traits  particuliers  de  la  vie  terrestre  de  Jesus  ont  pu  etre  sur- 
naturellement  predits,  aussi  bien  que  Jeremie  a  pu  annoncer  la  restauration 
de  Jerusalem,  image  de  la  Sion  spirituelle.  Mais  toute  prophetie  qui  aurait 
pretendu  annoncer  les  circonstances  exactes  et  le  moment  exact  de  la  fin  du 
monde,  ou  permis  de  les  calculer  par  une  succession  claire  et  detaillee  d'evene- 
ments  futurs  de  I'histoire,  se  fut  trouvee  en  contradiction  avec  la  parole  absolue 
de  Jesus,  qu  on  ne  pent  connaitre  ni  le  jour  ni  I'heure. 

En  attendant  ce  jour  et  cette  heure,  I'Esprit  et  I'Epouse  prient  toujours  pour 
le  triomphe,  et  pour  que  ce  triomphe  ne  tarde  pas.  II  arrivera  surement;  que 
nul  Chretien  ne  soit  defiant  et  lache!  Mais  il  arrive  deja,  il  se  realise  chaque  jour 
sous  mille  formes  partielles  ou  secretes  :  le  Fils  de  I'Homme  commence  a  venir 
dans  sa  puissance,  εν  δυνάμει.  II  punit  et  recompense,  il  frappe  a  la  porte  des 
coeurs.  et  s'assied  a  la  table  de  qui  le  revolt.  L'Esprit  et  TEpouse  qui  repetent  : 
«  Viens,  Seigneur  Jesus  » !  sont  a  toute  heure  exaucos. 

L'Apocalypse,  qui  met  le  sceau  a  la  Revelation  des  fins  dernieres,  est  bien 
la  plus  grande,  la  plus  complete,  la  plus  spirituelle  de  toutes  les  propheties, 
digne  d'en  clore  la  serie  totale. 


CHAPITRE  Χ 


LA    LANGUE    DE    L  APOCALYPSE. 


L'auteur  de  TApocalypse  est  loin  d'etre  un  parfait  artiste;  mais  c'est  un 
ecrivain  genial,  qui,  malgre  tous  les  defauts  deja  signales,  possede  une  rare 
puissance  d'evocation.  Les  singularites  relevees  dans  le  traitement  des  symboles 
et  dans  la  structure  du  livre  n'egalent  pourtant  pas  encord"  celles  de  la  langue. 
Elle  est  deconcertante.  Aucun  autre  document  litteraire,  declare  justement 
Charles,  ni  les  Septante  ou  les  autres  versions  de  I'Ancien  Testament,  ni  I'Evan- 
gile  de  Marc,  ni  les  Apocryphes  grecs,  ni  les  papyrus,  ne  presentent  autant 
de  solecismes  et  de  bizarreries.  On  pourrait  presque  poser  en  regie  que,  partout 
ou  deux  ou  trois  manuscrits  etalent  une  faute  bien  invraisemblable,  cette  faute 
a  chance  d'etre  authentique,  due,  non  pas  a  un  copiste,  mais  a  la  plume  de 
Jean  lui-meme. 

L'Apocalypse  meriterait  presque  qu'on  ecrivit  une  grammaire  pour  elle  seule. 
Jusqu'ici  c'est  Bousset,  dans  I'lntroduction  a  son  Commentaire  (Off.  pp.  159- 
179)  qui  I'a  etudiee  avec  le  soin  le  plus  minutieux.  Nous  ne  reproduirons  pas  ici 
toutes  ses  observations,  mais  nous  releverons  les  traits  les  plus  caracteristiques 
de  cette  langue,  en  nous  aidant  encore  de  Blass  [Debrunner,]  de  Swete,  de 
Moulton,  et  d'autres  philologues.  Nous  n'examinerons  que  les  particularites 
linguistiques  qui  sont  le  mieux  attestees,  et  revues  en  general  dans  les  editions 
critiques,  nous  reservant  de  discuter  les  autres,  si  elles  en  valent  la  peine,  dans 
Tappareil  du  Commentaire. 

Jean,  comme  les  autres  auteurs  du  Nouveau  Testament,  et,  avant  eux,  les 
traducteurs  grecs  de  I'Ancien,  s'est  servi  de  la  κοινή,  en  usage  depuis  I'helle- 
nisation  de  I'Orient  par  Alexandre.  Cette  langue  commune  de  la  conversation, 
et,  sous  ses  formes  les  plus  epurees,  de  la  litterature  alexandrine  et  imperiale, 
resulte  «  d'une  transformation  des  parlors  locaux,  et  surtout  de  I'ionien,  sous 
Tinfluence  de  I'attique  »  {Metllet).  Le  meme  philologue  note  que  «  dans  le  resultat 
obtenu,  il  faut  tenir  compte  de  la  reaction  de  I'ensemble  de  ces  parlers  autant 
que  de  Taction  du  modele.  On  doit  tenir  compte  aussi  de  ce  que  la  χοινη  est, 
pour  une  large  part,  du  grec  parle  par  des  etrangers,  et  par  suite  normalise 
autant  que  possible  et  qui  tend  a  perdre  et  ses  nuances  delicates,  et  les  difficultes 
de  sa  flexion,  et  les  subtilites  de  sa  syntaxe ;  les  archaismes  et  les  delicatesses 
de  I'attique  n'avaient  pas  de  place  dans  la  langue  des  affaires  de  gens  dont 
bcaucoup  n'etaient  pas  meme  des  Hellenes  (1).  »  lis  n'en  avaient  guere  davan- 
tage  dans  la  langue  des  ecrivains  neo-testamcntaires.  Toutefois  il  y  a  de  grandes 
differences  entre  eux  :  si  le  redacteur  de  I'Epitre  aux  Hebreux,  et  Luc,  et 
ensuite  Paul,  tiennent  les  premiers  rangs  au  point  do  vue  de  la  purete  helle- 

(1)  A.  Meillet,  Aper^u  dune  hisloire  de  la  langue  grecque,  1913,  pp.  243-244. 

APOCALYPSE   DE    SAINT  JEAN.  t 


CXXX  INTRODUCTION. 

nique,  il  faut,  sans  contredit,  mettre  le  Prophete  de  I'Apocalypse  au  dernier. 
La  plupart  des  grammairiens  expliquent  cette  inferiorite  du  fait  qu'il  ne  pensait 
qu'en  arameen.  Moulton  pourtant  n'est  pas  de  cet  avis.  «  II  ne  convient  pas, 
dit-il,  d'en  appeler  a  la  grammaire,  pour  demontrer  que  I'auteur  est  un  Juif; 
pour  autant  que  la  grammaire  pent  nous  renseigner,  il  aurait  lout  aussi  bien 
pu  etre  un  paysan  du  Fayoum.  »  Nous  discuterons  cette  question-la  plus  loin  (1). 
Voyons  dabord  ce  qui  caracterise  I'Apocalypse  au  point  de  vue  du  vocabulaire, 
«t  de  la  grammaire,  —  et  ensuite  du  style. 

I.  —  Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  de,  I'Apocalypse  est  assez  fourni,  puisqu'il  ne  contient  pas 
moins  de  913  mots  pour  les  1400  στί/οι  qu'y  a  comptes  Nicephore.  On  a  I'im- 
pression  que  I'auteur  possedait  assez  I'usage  du  grec  pour  n'etre  pas  a  court 
d'expressions  spontanees,  quoi  qu'il  voulut  exprimer.  Swele  juge  meme  que  ses 
mots  sembleut  choisis  avec  soin  [Introd.  p.  cxxiii).  Si  de  ces  913  vocables  nous 
en  otons  42  qui  sont  des  noms  propres,  sur  les  871  qui  restent  il  en  est  108 
qu'on  ne  retrouve  pas  dans  le  reste  du  Nouveau  Testament,  et  98  qui  n'y  appa- 
raissent  ou  qu'une  fois,  ou  que  chez  un  seul  autre  ecrivain  (d'apres  le  calcul  de 
Swete).  Seulement  159  sur  ces  206  se  retrouvent  chez  les  LXX  et  appartiennent 
pour  la  plupart  a  la  langue  ordinaire.  L'auteur,  dans  I'enumeration  des  marchan- 
dises  qu'il  donne  dans  le  threne  sur  la  ruine  de  Rome,  et  des  pierres  precieuses 
qui  ornent  la  Jerusalem  celeste,  n'a  pas  moins  de  7  mots  qui  lui  sont  propres 
dans  toute  la  Bible,  a  quoi  on  peut  joindre  le  χαλχολίβανο;  de  i,  15;  ii,  18,  ce  qui 
fait  8;  il  semble  assez  familier  avec  la  langue  commerciale,  comme  un  homme 
qui  a  souvent  passe  dans  les  bazars  et  sur  le  quai  des  ports  asiatiques,  ct  s'est 
arrete  plus  d'une  fois  devant  les  boutiques  des  joailliers.  11  a  meme  un  certain 
gout  pour  la  somptuosite.  Le  nombre  des  mots  qui,  par  ailleurs,  ne  se  trouvent 
que  dans  saint  Paul  ou  dans  saint  Luc  est  tres  considerable  (33  chez  Paul,  30 
chez  Luc,  Evangile  et  Actes),  proportion  beaucoup  plus  forte  que  celle  que 
revele  la  comparaison  avec  les  autres  livres,  meme  avec  le  IV^  Evangile  et  les 
Epitres  Johanniques,  ou  le  nombre  se  reduit  a  8.  II  n'y  a  que  cinq  mots  de  par- 
ticuliers  a  Marc  et  a  I'xVpocalypse. 

Les  mots  qui  reviennent  le  plus  souvent  sont  les  suivants  : 

Substanlifs  :  άγγελος,  76  fois,  a  peu  pres  dans  tous  les  chapitres;  —  άβυσσος, 
sept  fois,  du  ch.  ix  au  chap,  xx;  —  αίμα,  19  fois;  —  αιών,  26  fois,  toujours  dans 
I'expression  αιώνες  τών  a'lcovojv;  il  manque  dans  les  Lettres,  dans  les  chapitres  vi, 
viii-ix,  XI,  1-13,  xii-xiii,  xvi-xvni  et  xxi;  —  άνθρωπος,  25  fois,  dont  8  au  seul 
chapitre  ix;  —  άρνίον  (et  jamais  αμνός),  29  fois ;  —  αριθμός,  10  fois ;  —  άστηρ,  14  fois ; 
—  βασιλεία,  9  fois ;  —  βασιλεύς,  21  fois;  (βασίλισσα,  une  fois) ;  —  βιβλίον,  23  fois, 
(centre  βίβλος,  2  fois  seulement);  —  βλασφημία,  5  fois  (4  fois  βλασφημείν) ;  —  βροντή, 
10  fois;  — γλώσσα,  8  fois ;  — γυνή,  19  fois  ;  — γη,  82  fois,  a  peu  pres  dans  tous 
les  chapitres;  —  δούλος,  14  fois;  —  δόξα,  17  fois;  —  δράκων,  13  fois,  des  chapp.  xii 

(1)  J.  H.  Moulton,  A  grammar  of  new  Testament  greek,  vol.  I,  Proleg.  1906,  ch.  i",  Apoca- 
IjTise,  note.  (Nous  nous  sommes  serΛ'is  de  la  traduction  allemande  faite  sur  la  3•  odition 
anglaise,  1911.) 


LANGUE  DE  L  APOCALYPSE,  CXXXI 

a  XX,  dont  8  fois  au  ch.  xii;  —  δυν^μις,  12  fois;  —  έθνος,  23  fois,  tres  e^alement 
reparti,  sauf  dans  les  chapitres  viii-ix;  i,  in,  iv  et  vi;  — εικοόν,  10  fois,  du  ch.  xiii 
au  ch.  XX ;  —  εκκλησία,  20  fois;  —  εξουσία,  20  fois,  un  peu  partout,  surtout  aux 
chapp.  IX  et  xiii;  —  ^p'foy,  22  fois,  surtout  dans  les  lettres;  —  ζωη,  17  fois;  — 
ζωον,  19  fois;  —  ήλιος,  13  fois ;  —  ήμερ"'  21  fois;  —  θάλασσα,  26  fois,  toujours  dans 
la  2^  partie,  excepte  xxi,  1;  —  θάνατος,  20  fois;  —  θείον,  6  fois,  du  ch.  ix  au 
chap,  xxi;  —  θεο'ς,  una  centaine  defois,  naturellement  partout;  —  θηρίον,  38  fois, 
de  XIII  a  xx,  sauf  deux  fois,  vi,  8  et  xi,  7 ;  c'est  presque  un  nom  propre,  sauf  au 
chapitre  vi;  —  θλίψις,  rare,  mais  caracteristique,  5  fois.  de  i  a  vii;  —  θρο'νος, 
46  fois,  a  peu  pres  partout;  —  θυμο'ς,  10  fois;  —  θυσιαστηριον,  8  fois;  —  ίππος, 
16  fois  ;  —  ίαάτιον,  7  fois  ;  —  Ίησοΰς,  14  fois  ;  —  καπνο'ς,  12  fois  ;  —  καιρός,  7  fois  ;  — 
κέρας,  10  fois;  —  κεφαλή,  19  fois;  —  κλείς,  4  fois  (κλείειν,  6  fois) ;  —  κιθάρα,  3  fois 
(κιθαρίζειν,  1  fois  ;  κιθαρωδός,  2  fois)  ;  —  κύριος,  23  fois ;  —  λαός,  9  fois  ;  —  λόγος,  18  fois ; 
—  λίθος,  8  fois;  —  λε'ων,  6  fois;  —  μαρτυρία,  9  fois ;  —  μέτωπον,  8  fois;  —  ναός, 
16  fois;  —  νεκρός,  13  fois;  —  νεφέλη,  7  fois  ;  — νυαφη,  4  fois;  —  νύξ,  8  fois ;  —  ξύλον, 

7  fois;  —  οίνος,  8  fois;  —  όνομα,  37  fois,  assez  egalement  reparti;  —  όργη',  6  fois; 
(οργίζεσθαι,  2  fois) ;  —  Ορος,  8  fois;  —  ουρανός,  52  fois,  a  peu  pres  partout;  — 
οφθαλμός,  10  fois ;  —  παντοκράτο)ρ,  9  fois ;  —  πίστις,  4  fois,  (et  πιστός,  8  fois) ;  — πληγή, 
16  fois;  —  πνεύμα,  24  fois;  —  πόλεμος,  9  fois ;  (πολεμεΤν,  6  fois^  ;  —  πόλις,  26  fois ;  — 
πορνεία,  7  fois,  et  πόρνη,  5  fois ;  —  ποταμός,  8  fois ;  —  πους,  11  fois;  —  πρεσβύτερος, 
12  fois  ;  —  πρόσωπον,  10  fois ;  —  προφητεία,  7  fois  et  προφήτης  8  fois  (1  fois  προφητις 
et  2  fois  προφητεύειν) ;  —  πυλών,  11  fois  dans  la  3^  partie;  —  πύρ,  26  fois;  —  σαλπίγξ, 

6  fois  (10  fois  σαλπίζειν);  —  σατανάς,  8  fois ;  —  σεισμός,  7  fois ;  —  σημεΐον,  7  fois ;  — 
στέφανος,  8  fois;  —  στόμα,  22  fois;   —  σφραγίς,   13  fois;  (σφραγίζειν,  8  fois) ;   —  τόπος, 

8  fois;  —  ύδωρ,  18  fois,  un  peu  partout;  —  υίός,  8  fois ;  —  υπομονή,  7  fois;  —  φιάλη, 
12  fois;  —  φυλή,  21  fois;  —  φωνή,  53  fois,  reparti  tres  egalement;  —  φίος,  3  fois 
seulement,  a  partir  du  chap,  xviii;  (mais  φωστη'ρ,  1  fois,  φωτίζειν  3  fois,  λαμπάς, 
2  fois,  λυ/νία  7  fois  aux  chap,  i,  ii,  xi  et  λύ/νος,  3  fois,  aux  chapp.  xviii,  xxi, 
xxii);  —  χάραγμα,  7  fois,  de  xiii  a  xx;  —  χείρ,  16  fois;  —  χριστός,  7  fois;  — 
χρυσίον,  5  fois;  (χρυσός  2  fois,  χρυσουν  2  fois,  χρυσούς  15  fois,  le  tout  reparti  tres 
egalement)  ;  —  ψευδοπροφητης,  3  fois,  de  xvi  a  xx  (maisψ^υδεσθαι  1  fois,  ψευδός  3  fois, 
ψευδής  2  fois) ;  —  ψυχή',  7  fois ;  —  ώδη,  5  fois ;  —  ώρα,  10  fois. 

Adjectifs  qualificatifs.  —  'Αληθινός,  10  fois,  dans  toutes  les  parties;  —  άξιος, 

7  fois;  —  βύσσινος,  5  fois,  XVIII  et  xix;  —  δεξιός,  9  fois;  —  δίκαιος,  5  fois  (2  fois 
δικαιοσύνη.   2  fois  δικαίωμα);  —  'σχυρός,  9  fois ;  —  καθαρός,  6  fois ;  —  καινός,  9  fois; 

—  λευκός,  16  fois ;  —  λοιπός,  8  fois ;  —  μακάριος,  7  fois ;  —  με'γα?»  80  fois,  presque 
partout;  —  με'σος,  8  fois;  —  μικρός,  8  fois ;  —  όλος,  5  fois;  —  όμοιος,  20  fois;  — 
δξύς,  7  fois;  —  πιστός,  8  fois ;   —  πλούσιος,  4  fois  (πλουτεΐν,  5  fois,  et  πλούτος,  2  fois) ; 

'  —  πολύς,  14  fois;  —  χρυσούς,  15  fois,  a  peu  pres  partout. 

Verbes.  —  Ειμί,  partout;  —  άγοοάζειν,  6  fois;  —  άδικεϊν,  11  fois;  (αδίκημα,  1  fois); 

—  άκουειν,  46  fois,  partout;  —  άναβαίνειν,  13  fois,  dans  toute  la  2*=  partie;  — 
άνοίγειν,  27  fois;  —  άπε'ρχεσθαι,  8  fois ;  —  άποθνησκειν,  6  fois;  —  άποκτείνειν,  15  fois 

—  βάλλειν,  28  fois;  —  βασανίζειν,  5  fois  (βασανισμός,  0  fois)  ;  —  βασιλευειν,  7  fois  ;  — 
βλε'πειν,  13  fois  ;  —  γέμειν,7  fois  ;  —  γίνεσθαι,  38  fois ;  —  γράφειν,  29fois;  —  δεϊ,  10  fois ; 

—  δεικνύειν,  8  fois;  —  διδόναι,  57  fois;  —  δυνασθαι,  10  fois:  —  ειπείν,  6  fois,  et  λε'γειν, 
94  fois  ;  —  εξε'ρχεσθαι,  14  fois  ;  —  £>/εσθαι,  36  fois  ;  —  εσθίειν,  6  fois  et  κατεσθίειν,  5  fois  ; 

—  Ιτοιμάζειν,  7  fois;  —  ευρίσκειν,  13  fois;  —  εχειν,   100  fois  ;  —  ζην,  13  fois ;  —  ιδεΐν, 


CXXXII  INTRODUCTION. 

68  fois,  et  δραν,  7  fois;  —  ίστάναι,  21  fois;  —  χαθησθαι,  33  fois  ;  —  χαλεΤν,  7  fois;  — 
χαταβαίνειν,  10  fois ;  —  χατοιχεΐν,  13  fois;  —  χλαίειν,  6  fois  ;  —  χράζειν,  11  fois ;  — 
κρατεΐν,  8  fois ;  —  κρίνειν,  9  fois  (χρίσις,  4  fois  et  xpiV«»  3  fois) ;  —  λαλεϊν,  12  fois;  — 
Λαμβάνειν,  23  fois  ;  —  λύειν,  6  fois ;  — μαρτυρεΐν,  4  fois  (μάρτυς,  δ  fois  ;  μαρτυρία,  9  fois, 
μαρτύριον,  1  I'ois)  ;  —  μετανοείν,  11  fois ;  —  μετρεΐν,  ο  fois  ;  (με'τρον,  2  fois)  ;  — νιχαν, 
17  fois;  —  περιβάλλειν,  12  fois  ;  —  ττεριπατεϊν,  5  fois ;  —  πέτεσθαι,  5  fois  ;  —  ττίπτειν, 
23  fois;  —  πλαναν,  8  fois  ;  —  ποιεϊν,  30  fois,  dont  10  fois  un  chap,  xiii ;  —  πολεμεϊν, 
6  fois;  —  πορνευειν,  δ  fois  (πορνεία,  7  fois  et  πόρνη,  δ  fois) ;  —  προσχυνεϊν,  24  fois;  — 
σαλπίζειν,  10  fois  (σάλπιγς,  6  fois) ;  —  σχηνουν,  4  fois  (σκηνή,  3  fois) ;  —  σφάζειν,  8  fois  ; 
—  τελεϊν,  8  fois  (τέλος,  3  fois) ;  • —  τηρεΐν,  11  fois ;  —  ύπάγειν,  6  fois  ;  —  φοβεΐσθαι, 
6  fois  (φο'βος,  3  fois), 

Pronoms  personnels,  re/lechis,  demonstratifs.  —  Έγώ,  18  fois  au  nominatif, 
dans  le  prologue,  les  lettres,  et  les  derniers  chapitres ;  en  plus  xvii,  7;  —  ήμεΐς, 
4  fois  seulement,  au  chapitre  i";  —  σύ,  4  fois  au  nominatif,  de  ii  a  vii ;  —  υμεΐς, 
3  fois,  dans  les  deux  premiers  chapitres.  —  μου,  σου,  αύτοϊί  possessifs,  tres  fre- 
quents. 

εαυτού,  8  fois  :  —  αυτοΰ,  2  fois  (?),  viii,  6  et  (?)  xviii,  7. 
αυτο'ς  [projiom],  au  nominatif,  11  fois;  tres  frequent  aux  autres  cas. 
δδε  (τάοε),  7  fois,  en  tete  des  7  lettres;  —  ούτος  [pronom)  au  nominatif  pluriel, 
avec  emphase,  10  fois,  aux    chap,  vii,  xi,  χιλ•,    xvii;  autres  cas,    21  fois  (μετά 
τούτο,  ταΰτα,  etc.). 

Adjectifs  et  pronoms  indefinis  — "Αλλος,  18  fois  ;  —  δσος,  7  fois;  όστις,  9  fois,  les 
deux  assez  egaleraent  repartis;  —  ουδείς  12  fois  (μηδείς  et  μηδέν,  une  fois  chacun, 
II,  10,  et  III,  11) ;  —  πας,  δ8  fois,  surtout  aux  chap,  vii,  xiii,  xviii,  xix  et  xxi;  — 
τις,  [pronom]  12  fois  ;  —  έκαστος,  7  i'ois. 

Adjectifs  demonstratifs.  —  Οδτος,  lo  fois,  dont  8  au  dernier  chapitre. 
Relatifs  et  interrogatifs.  —  "Ος,  68  fois,  manque  aux  chapitres  xi  et  xv;  — 
τίς,  lo  fois. 
]\Oms  de  nomhre.  —  Λύο,  10  fois  dont  2  fois  sous  le  chiffre  42;  δεύτερος,  13  fois; 

—  εΤς,  24  fois  (=  τις)  ;  πρώτος,  17  fois ;  —  εχτος,  δ  fois  (εξ,  2  fois);  —  Ιπτά,  δ4  fois ; 
έβδομος,  δ  fois;  —  δώδεκα,  23  fois  (1  fois  δωδε'κατος) ;  —  πέμπτος,  4  fois  (πέντε,  3  fois)  ; 

—  τέσσαρες,  28  fois  (dont  6  fois  apres  είκοσι)  ;  τέταρτος,  7  fois  ;  —  τεσσεράχοντα,  6  fois 
dont  2  fois  dans  le  chiifre  42,  3  fois  dans  144.000) ;  —  τρεις  11  fois ;  τρίτος,  24  fois ; 

—  χίλιοι,  9  fois  (6  fois  seul,  au  chap,  xx,  ailleurs  engage  dans  les  nombres  1260 

et  144.000)  ;  /ιλιάς,  19  fois.  —  δέκα,  9  fois  (δέκατος,  2  fois). 

Adverbes.  —  Άρτι  (άπ'  άρτι),  2  fois;  —  δεΰρο,δεΰτε,  3  fois  ;  —  εγγύς,  2  fois,  aux 
chap.  I  et  XXll  ;  —  Ικεΐ,  δ  fois  (1  fois  εκείθεν  et  ε'ντευθεν,  1  fois) ;  —  εξω,  2  fois,  aux 
chap.  Ill  et  xxii,  et  εςoJOεv,  1  fois,  ch.  xi;  —  εσοίθεν,  2  fois  (chap,  iv  et  v) ;  —  ιδού, 
27  fois,  a  travers  toutes  les  parties  du  livre;  —  μακρόθεν,  3  fois  au  chap,  xviii; 

—  ναί,  4  fois,  aux  chap,  i,  xiv,  xvi,  xxii;  —  ου(κ),  δ3  fois,  et  μη,  29  fois;  la  com- 
binaison  ού  μη,  16  fois,  aux  chap,  ii,  in,  ix,  xv,  xviii  (8  fois)  et  xxi;  μή  apres  iva, 
12  fois;  μη  apres  εί,  8  fois;  —  ουτω(ς),  7  fois;  —  οπού,  8  fois;  — πάλιν,  2  fois,  au 
ch.  x;  —  ταχύ,  6  fois  ;  —  ύποκάτω,  4  fois ;  —  ώδε,  6  fois  ;  —  ετι,  21  fois;  —  μην, 
6  fois;  —  μήτε  (jamais  μηδέ),  4  fois  aux  premiers  versets  du  chap.  vii. 

Particules  de  liaison.  —  Propositions  :  ανά  avec  I'accusatif,  1  fois  seulement 
(ανά,  adverbe  distributif  2  fois);  —  άπό,  36  i'ois;  —  άχρι,  11  fois;  —  διά  avec  le 
genitif,  deux  fois  seulement,  i  et  xxi;  avec  I'accusatif,  16  fois ;  —  εις,  79  fois;  — 


LA.NGUE    DE    L  APOCALYPSE.  CXXXIII 

εκ,  ες,  127  fois;  —  εν,  163  fois ;  —  ε'νώπιον,  32  fois,  dans  toutes  les  parties,  excepte 
la  derniere;  —  επί,  avec  le  genitif,  57  fois;  avec  le  datif,  13  fois;  avec  I'accusatif, 
74  fois;  —  κατά,  avec  le  g^enitif,  3  fois;  avec  I'accusatif,  6  fois;  —  μιετά,  avec  le 
genitif, -40  fois;  avec  I'accusatif,  11  fois;  —  οπίσω,  3  fois;  —  προς,  une  seule  fois 
avec  le  datif  i,  13;  6  fois  avec  I'accusatif;  =  Conjonctions  :  'Αλλά,  13  fois,  dont  8 
dans  les  lettres;  — γάρ,  16  fois;  —  U,  6  fois  seulement,  i,  14;  ii,  5,  24;  x,  2;  xix, 
12;  XXI,  8;  —  εάν,  10  fois,  dont  4  fois  suivi  de  μνί  (άν  deux  fois  seulement,  ch.  ii  et 
xiv);  —  ει,  toμjours  suivi  de  μη,  8  fois,  ou  de  τις,  8  fois;  —  ή,  5  fois  (sens  de  «  ou 
bien) ;  —  iva,  44  fois,  dont  12  fois  dans  iva  μη ;  —  καί,  innombrable,  et  plus  que 
partout  ailleurs;  —  όταν,  9  fois,  et  οτε,  13  fois;  —  οτι,  63  fois;  —  ούδε',  12  fois,  et 
ούτε,  14  fois;  —  ουν,  6  fois,  et  seulement  dans  les  lettres;  — ώς,  72  fois  (ώσπερ 
1  seule  fois,  x,  3,  ώσεί  jamais). 

Interjections.  —  Άλληλουϊά,  4  fois,  au  ch.  xix ;  —  «μην,  8  fois  ;  —  ούαί,  14  fois, 
avec  I'accusatif,  le  nominatif,  ou  employe  substantivement ;  —  οφελον,  une  fois, 
III,  15. 

Ce  vocabulaire,  largement  sufTisant,  est  sans  excentricite  et  a  peu  pres  sans 
barbarismes.  Les  mots  etrangers  au  reste  du  Nouveau  Testament,  et  a  toute 
la  Bible  grecque  : 

άλφα,  άμωμον,  άψινθος,  διαυγής,  διπλούν,  δισμυριάς.  Ελληνικός,  ενδώμησις,  ζεστο'ς, 
ζηλεύειν,  θειώδης,  θυϊνον,  κιθαρωδο'ς,  κρυσταλλίζειν,  μεσουράνημα,  μύλινος,  ορμημα, 
πελεΛίζειν,  ^έδη,  ρυπαίνεσθαι,  σαλπιστης,  σαρδο'νυξ,  σιρικο'ς,  ταλαντιαϊος,  τιμιότης,  υάλινος, 
/αλκηδών,    χλιαρός,    χρυσόπρασος, 

sont  tout  a  fait  de  la  langue  courante,  comme  le  verbe  διπλο'ω,  I'adjectif  χλιαρο'ς, 
ou  bien  poetique,  comme  διαυγής,  ou  des  termes  hellenistiques  communs  comme 
άψινθος  (pour  άψίνΟιον),  ou  bien  appartiennent  a  la  langue  du  commerce  et  des 
metiers.  En  fait  dihapax  legomena  (a  part  les  noms  propres  Άβαδδών,  Άπολλύων, 
Άρμαγεδών,  Νικολαιτης),  il  y  a  seulement  six  mots  dont  Γ  Apocalypse  soit  le  premier 
ou  I'unique  temoin  : 

ήμίωρον  (demi-heure),  viii,  1,  qui  est  une  faute,  ou  une  forme  vulgaire  de 
ήμιώριον; 

κατάθεμα  (malediction,  objet  maudit),  xxii,  3,  qui  doit  etre  de  la  langue  reli- 
gieuse  juive ; 

βιβλαρίδιον  (petit  livre),  x,  2,  8sqq.,  qui  reparait  dans  le  Pasteur  d'Hermas,  sans 
doute  un  vulgarisme;  certains  textes  ont  :  βιολιδάριον,  double  diminutif,  de  forme 
cependant  plus  reguliere,  comme  παίδαρων. 

κατηγωρ  (pour  κατήγορος  accusateur),  xii,  20,  qui  est  admis  generalement  des 
critiques  (excepte  Soden],  et  qu'on  a  pris  longtemps  pour  une  forme  semitisee 
(liiiOp)  de  I'hebreu  rabbinique;  on  I'a  retrouve  —  ce  qui  du  reste  n'infirme 
peut-etre  pas  cette  origine,  — •  dans  une  formule  magique  du  iv°  ou  v*^  siecle  de 
notre  ere  :  ποιεϊ  γαρ  ποος  ε/θρου;  και  κατηγοράς  (Papyrus  grecs  du  British 
Museum  ed.  Kenyon,  vol.  I,  Papyrus  124,  p.  122,  1893;  Deissniann,  Licht  von 
Osten,  pp.  61-62). 

ποταμοΌορητος  (entraine  par  un  fleuve),  xii,  15,  compose  forme  comme  d'autres 
plus  connus  (άνεμοφόρητος,  υδατοφόρητος,  cn  poesie),  et  qu'Hcsychius  donne  comme 
interpretation  du  mot  homerique  άποε'ρσεν  (d'άπoε'ppω),  lliade,  vi,  348. 

Χαλκολίβανος  ou  -ov  (i,  15;  ii,  18),  forme  de  Χαλκο'ς  cuivre,  bronze,  et  de  λίβανος, 
encens,  nom  d'un  precieux  alliage  metallique  sur  la  nature  duquel  on  discute 


CXXXIV  INTRODUCTION. 

indeiiniment,  mais  qui  devait  etre  bien  connu  en  Asie  Mineure  (peut-etre  fabri- 
que  a  Thyatire'?). 

En  somme,  notre  vocabulaire  apocalyptique  —  a  part  la  repetition  frequente 
do  certains  noms,  adjectifs,  ou  verbes  que  le  sujet  rendait  necessaires,  ou  qui 
repondaient  a  des  images  plus  affectionnees  de  Tauteur  —  n'a  guere  que  deux 
traits  qui  le  distinguent.  Ce  sont  d'abord  les  mots  qui  lui  manquent,  ensuite  la 
modification  qu'ii  a  fait  subir  au  sens  regulier  de  certains  mots  usuels. 

Premierement,  Ton  est  surpris  de  I'absence  de  particules  tres  usitees.  Si  Ion 
ne  rencontre  jamais  ni  άνευ,  ni  χωρίς,  ni  αντί,  etc.,  c'est  peut-etre  que  I'occasion  de 
les  employer  a  manque  a  Tauteur.  Par  centre,  on  s'explique  moins  Tabsence  de 
όπως,  de  γε,  de  άρα,  de   έ'νεκα,  de  υπε'ρ,    d'άμφί,  de  πρό,  de  περί  avec  le  genitif,    de  υπό 
avec  Taccusatif,  de  συν,  si  frequent  partout  ailleurs  (excepte  dans  Matthieu  et 
Marc,)  et  qui,  dans  I'Apocalypse,  laisse  toujours  la  place  a  [χετά;  με'χρι  fait  egale- 
ment  defaut,  et  cede  a  άχρι.  Λΐε'ν,  si  commun  dans  la  langue  grecque,  est  totale- 
ment  absent  de  notre  ouvrage;  δε,  qui  parait  des  centaines  et   des  centaines  de 
fois  dans  tout  le  Nouveau  Testament,  n'y  est  employe  que  six  fois ;  ουν  ne  se 
rencontre  que  dans  les  Lettres.  D'autres  particules,  des  plus  usuelles,  sont  tres 
rares  ici.  Ainsi :  πλην  (une  fois),  άνά  avec  Taccusatif  (1  fois),  διά  avec  le   genitif 
(2  fois),  κατά  avec  I'accusatif  (G  fois),  παρά  avec  le  genitif  (2  fois),  avec  le  datif 
(i  fois),  avec  I'accusatif  jamais;  περί  avec  I'accusatif  (1  fois),  προς  avec  le  datif 
(1  fois  seulement  comme  dans  Marc).  Jamais  d'enclitiques  που,  ποτέ,  πως.  Τε    ne 
se  rencontre  qu'une  seule  fois,  xix,  18,  tandis  que  καί,  par  sa  frequence  allant 
jusqu'a  Tabus,  donne   une    couleur  toute  particuliere   au    style.  "Οπως  et  ώστε 
s'eft'acent  totalement  devantl'va.  Άν,  si  grec,  n'apparait  que  deux  fois;  ει,  excepte 
dans  les  locutions  εϊ  τις,  εί  μτί,  cede  toujours  devant  ε'άν.  On  ne  rencontre  que  deux 
fois  έ'ως,  au  chap,  vi;  deux  fois  υπό  avec  le  genitif,  au  meme  chapitre.  "Ετερος,  qui 
aurait  bien  trouve  son  emploi,  est  toujours  remplace  par  άλλος;  τις  adjectifinde- 
fini,  manque  egalement;  εκείνος  apparait  deux  fois  seulement,  et  comme  adjectif. 
Μεταξύ,  d'ailleurs  rare  dans  le  N.  T.,  aurait  ete  commode  dans  certaines  descrip- 
tions du  chap.  V,  oil  Jean  use,  a  la  place,  d'une  tournure  assez  embarrassee.  On 
ne  lit  qu'une  seule  fois  le  possessif  ίμός  (ii,  20),  jamais  σός,  ni  ημέτερος,  υμε'τερος, 
mais  toujours  les  pronoms  μου,   σου,  etc.   "Ιδιος  n'apparait  pas  non  plus.   En 
revanche,  Jean  prodigue  les  termes  άπό,  εκ,  εν,  επί,  ενώπιον  (lequel,  bien  qu'helle- 
nistique,  et  frequent  chez  Luc,  a  une  saveur  d'hebraisme),  Ιδού,  ϊνα,  πας,  ως.  Dans 
le  meme  ordre  d'idees,  on  peut  encore  etre  frappe  de  I'absence  ou  de  la  rarete  de 
certains  noms  et  verbes  qui  font  partie    du  vocabulaire  consacre  du  Nouveau 
Testament.  Tels  sont  αγάπη  (2  fois  seulement,  au  ch.  ii),  et  αγαπάν  (4  fois);  άπο- 
κάλυψις,  seulement  au  premier  verset,  chose  assez  etrange,  et  nulic  part  αποκαλύ- 
πτω; ελπίς,  ε'λπίζω,  nulle  part;  σοηηρία,  3  fois,  mais  jamais   σωτηρ;   1  fois  σταυροΰν, 
mais  pas  σταυρός;  1  fois  σκοτίζειν  et  2  fois  σχοτοϋν,  mais  jamais  σκότος,  ni  σκοτία; 
χάρις,  seulement  2  fois,  i  et  xxii,  dans  les  formules  episfolaires.  Cependant  les 
idees  qui  repondent  a  ces  expressions  impregnent  toutes  les  visions. 

En  second  lieu,  nous  devons  noter  les  modifications  apportees  au  sens  de  cer- 
tains mots.  Charles  a  justement  observe  (1)  que,  a  la  fin  du  verset  x,  i  :  oi  πόδες 
αύτου  ως  στύλοι  πυρός,  le  mot  πόδες  ne    pouvait  signifier  «  pieds  »,  mais   plutot 

(1)  Charles,  Studies  on  the  Apocalypse,  1913,  pp.  97-98. 


LAXGUE  DE  L  APOCALYPSE.  CXXXV 

«  jambes  »,  puisque  la  comparaison  se  fait  avec  des  «  colonnes  ».  C'est,  expli- 
que-t-il,  un  hebraisme,  I'hebreu  Sai,  qui  normalement  veut  dire  «  pied  »,  pou- 

vant  aussi  signifier  «  jambe  »;  il  cite  comme  exemples  Τ  Sam.  xvir,  6;  Deut. 
XXVIII,  57;  Isa'ie,  vii,  lO-^Ezechiel,  i,  7,  xvi,  25.  Noter  aussi  δνομα  dans  le  sens  de 
personne,  individu  (ii,  4;  xi,  13)  comme  Act.  i,  15;  θάνατος,  vi,  8,  signifie  «  peste  ». 
Mais  il  importe  bien  plus  de  remarquer  I'extension  et  la  deformation  du  sens 
de  certaines  particules,  εκ,  εν,  et  ινα,  qui,  pouretre  des  vulgarismes  hellenistiques, 
n'en  sont  pas  moins  remarquables  dans  TApocalypse  plus  qu'en  aucun  autre 
ouvrage  neo-testamentaire ;  I'emploi  (constant)  de  εΤς  pour  τις;  de  ij.t«  pour  πρώτη, 
IX,  12  (pas  VI,  i,  voir  le  commentaire),  de  meme  I'emploi  tres  special  des  verbes 
Siiovaiet  ποιεΐν.  Mais  ces  considorations  trouvent  mieux  leur  place  dans  I'etude 
de  la  grammaire. 

II.  —  Grammaire. 

A.  Formes  rares  ou  irregulieres. 

Nous  negligeons  tous  les  phenomenes  d'«  itacisme  »  qui  se  trouvent  en  de 
nombreux  manuscrits,  parce  qu'il  va  de  soi  qu'on  pent  les  attribuer  aux  scribes, 
et  peut-etre  a  plus  juste  titre  qu'a  I'auteur.  Mais,  en  dehors  de  cet  accident  ortho- 
graphique,  lApocalypse  presente  assez  de  particularites  de  formes,  dontl'authen- 
ticite  est  reconnue. 

1"  Declinaison.  —  On  constate  des  formes  ioniennes,  comme  d'ailleurs  tres  fre- 
quemment  dans  les  LXX  et  les  papyrus;  ainsi,  au  chap,  xiii,  10  et  14,  il  est 
permis  de  lire  μαχαίργι  et  μαχαίρης,  avec  A  et  d'autres  bons  manuscrits,  au  lieu  de 
—  pa  —  ρας  [Westcott-Hort,  Bousset,  Blass,  qui  en  fait  une  regie,  dans  le  N.-T., 
pour  les  mots  en  -pa  et  en  -νια).  L'absence  de  contractions  est  plus  douteuse,  car 
tres  souvent  Jean  use  des  formes  regulieres  contractes;  Bousset  admet  βαΟ^α 
pour  βάθη,  II,  24,  quoi  qu'il  faille  penser  de  χρυσεΌν;  ii,  1,  χρυσεο^ς  iv,  4,  χρυσε'ας 
V,  8,  et  de  la  contraction  irreguliere/puaSv  i,  13  (d'apres  A,  etc.  W-H),  formes  qui 
sont  moins  bien  attestees.  —  Le  nombre  τε'σσαρες  (ordinairement  sous  la  forme 
ionienne  τέσσερα,  etc.  ;  cependant  Radermacher  prefere  τέσσαρα  forme  commune) 
avait  dans  le  grec  du  N.  0,  le  dialecte  appele  parfois  acheen,  un  accusatif 
masculin  et  feminin  semblable  au  nominatif,  qui  devint  dominant  dans  les  pa- 
pyrus iMoulion).  Or,  les  manuscrits  A  au  chap,  iv,  4,  κ  a  ix,  14,  A  etPa  vii,  1, 
donnent  τέσσαρες  pour  τεσσάρας.  Westcott- Hort,  Weymouth ,  Moulton  admet- 
tent  cette  forme;  egalement  i,  16,  dans  A  et  le  cursif  41,  on  a  αστέρες  pour 
αστέρας.  • 

2"  Cotijugaison.  —  Jean  obeit  a  la  tendance  hellenistique  qui  etait  d'unifier  les 
formes  dela  conjugaison;  ainsi  de  substituer  aux  formes  en  -μι  des  formes  en  -ω  : 
XVII,  8,  του  δεικνύοντος,  de  δεικνύ-ω.  —  III,  9  διδίο  pour  διδωμι,  dans  A,  C,  admis,  mal- 
gre  sa  singularite,  de  W-H.,  Swete,  Nestle,  Bousset,  Moulton.  —  ά(ρίουσιν  de 
XI,  9,  suppose  une  forme  άφίω  pour  άφίημι  [Thackeray,  Gramm.  p.  250  sq.  admet, 
dit  Moulton,  la  possibilite  d'une  forme  contracte  άφ-ιέ-ι»  =  άφιώ  qui  serait  plus 
conforme  a  la  racine);  άφεΐς,  indicatif  singulier  2*"  personne,  ii,  20,  est  une  con- 
traction pour  άφίεις,  sans  qu'il  soit  necessaire  de  supposer,  avec  Winer-Schmie- 
del,  une  forme  barbare  άφω  (derivee  du  futur  άφησω),  dont  on  ne  trouve  d'exemple 


CXXXVI  ,  INTRODUCTION. 

que  dans  une  inscription  nubienne  du  vi*  siecle  do  notre  ere;  on  trouve  άφίομεν 
dans  Luc,  xv,  4.  (Voir  Moulton-Milligan  les  nombreuses  formes  irregulieres  de 
ce  verbe  dans  le  N.  T). 

Les  formes  de  la  3"  personne  plurielle  de  I'aoriste,  en  -αν,  s'etaient,  dans  la 
periode  alexandrine,  introduites  en  d'autres  temps.  On  a,  a  I'imparfait,  ήξίουσαν 
pour  ήξίουν  dans  une  inscription  de  Magnesie  du  ii"  siecle  avant  J.-C,  et,  dans  le 
IV*  Evangile,  xv,  22,  ει/οσαν  pour  et/ov.  Thumb  (Die  grieschische  Spraclie  im 
Zeitalter  des  Hellenismus,  1901)  remarque,  malgre  Sextus  Empiricus,  que  la 
terminaison  -αν  pour  -ασι,  au  parfait,  n'etait  pas  seulement  alexandrine,  mais 
qu'on  la  trouve  en  Crete,  en  Laconic,  en  Asie  Mineure.  Mayser  (Grammatik  der 
grieschischen  Papyri  aus  der  Ptolemaerzeit,  pp.  323-324)  en  donne  de  nombreux 
exemples  pour  les  ii^-i'"''  siecles  avant  notre  ere,  a  cote  de  formes  regulieres  en 
-ασι.  La  meme  indecision  se  montre  chez  Jean.  II  ecrit  regulierement  Ιστηκασι, 
viii,  2  ;  mais  ειρηκαν,  XIX,  3,  et  γε'γοναν  (non  γε'γονα,  qui  n'aurait  pas  de  sens,  contre 
von  Soden),  xxi,  6;  πε'πο)καν,  xviii,  3.  (Cfr,  Luc  ix,  36;  Act,  xvi,  36;  Rom.  xvi,  7; 
Col.  II,  1).  On  trouve  mome  I'imparfait  ει/αν  pour  ειχον,  ch.  ix,  8,  atteste  par  Λ  et 
ii]  seuls  Β  Weiss  et  von  Soden  le  rejettent;  Westcott-Hoj-t  I'admettent  encore 
au  verset  suivant. 

'La  2*  personne  singulier  du  parfait  regoit  des  formes  en  -ες  au  lieu  de  -ας  : 
κεκοπίαχες,  π,  3;  πε'πτωκες,  ιι,  5  (?) ;  εϊληφες  χι,  17.  ΙΙ,  4,  οη  trouve  I'aoriste  άφηκες 
pour  άφήκας,  d'apres  Ν  et  C.  Bousset  ne  decide  pas  s'il  faut  attribuer  ces  irre- 
gularites  a  Pauteur  ou  aux  copistes ;  Moulton  admet  que  cette  forme,  qu'on  ne 
trouve  nulle  part  ailleurs  dans  un  ecrit  litteraire  (excepte  Mat.  xi,  25  dans  D,  et 
Act.  XXI,  22  dans  B),  peut  έίτβ  authentique,  et  serait  un  bon  signe  de  I'impar- 
faite  connaissance  que  notre  auteur  avait  du  grec.  Mayser,  du  reste  (p.  321), 
signale  une  fois  cette  forme  chez  I'orateur  classique  Hyperide,  et  releve  dans 
la  syntaxe  d'Apollonius  d'Alexandrie  (ii^  siecle  av.  J.-G.)  le  temoignage  des 
formes  ειρηκες,  έγραφες,  γραψέτω.  Les  exemples  s'en  rencontrent  surtout  hors  de 
I'Egypte  et  a  I'epoque  romaine. 

Un  bon  nombre  de  manuscrits,  entre  autres  TAlexandrinus,  qui  inspire  gene- 
ralement  confiance,  donnent  plusieurs  formes  d'aoriste  2  en  -a,  au  lieu  de  -ov, 
comme,  dans  le  grec  classique,  on  avait  a  la  fois  εΤπον,  et  εΐπας  a  la  2®  personne, 
ηνεγκον  et  ηνεγκας;  ainsi  :  απήλθα,  χ,  9;  xi,  4;  (?)  ιδα  (pour  είδα),  xvil,  3,  d'apres  A 
et  Hippolyle;  είδα  encore  xvii,  6,  d'apres  ϊ<  et  A,  admis  de  Weymouth  et  de 
Tischendorf.  Enfin,  dans  C,  se  lit  le  tres  douteux  έβαλαν  pour  εβαλον,  xviii,  19. 
L'aoriste  poetique  έπεσα  est  employe  partout  d'apres  les  meilleurs  manuscrits, 
XXII,  8;  XIX,  4  et  10;  xi,  16;  vii,  11;  v,  14;  vi,  13  i,  17,  excepte  vi,  16,  ou  Ton 
trouve  I'imperatif  πέσετε;  mais  W-H.  et  Bernhard  Weiss  (1)  veulent  πε'σατε. 

Pour  en  finir,  mentionnons  les  contractions  νικουντι  et  νιχουντας,  ii,  7,  17;  xv,  2', 
qui  supposeraientune  forme  dorienne  ou  ionienne  νικε'ω  pour  vixaoj,  dans  Λ  et  dans 
C.  Enfin  I'extraordinaire  aoriste  subjonctif  δώσοισιν  de  xiv,  9,  que  Schmiedel  veut 
admettre  d'apres  10  manuscrits,  dont  Ν  et  Q,  et  qui  viendrait  du  barbarisme 
έδωσα  pour  εδοίκα.  Mayser,  qui  constate,  des  I'epoque  ptolemaique,  la  disparition 
de  I'aoriste  fort  pour  faire  place  a  des  formes  en  -σα,  n'apporte  aucun  exemple 
du  meme  fait  pour  les  aoristes  1  en  -κα  ;  mais  on  trouve  έδωσα  a  I'opoque  imperiale. 

(l;  Dans  sa  1"  edition  de  Das  Neue  Testament. 


LANGUE  DE  L  APOCALYPSE.  CXXXVII 

(ainsi  que  εΟησα,  άφησα),  et  il  a  passe  en  grec  moderne  [Meillet,  op.  laud.  p.  31G). 
Ces  dernieres  irregularites  sont  douteuses,  mais  non  impossibles  a  admettre. 

B.  L'Article. 

Jean  aime  a  accumuler  les  articles.  II  est  cependant  des  cas  ou  ils  font  defaut 
la  oil  on  pourrait  les  attendre. 

C'est  ainsi  qu'ils  manquent  de  temps  a  autre  devant  les  noms  suivis  d'un 
genitif;  plusieurs  grammairiens  veulent  voir  dans  ce  fait  la  trace  d'un  «  etat 
construit  »  semitique  {nd.  infra).  II  n'y  en  a  pas  devant  les  noms  propres, 
meme  indeclinables  et  a  des  cas  obliques,  comme  Ίσραηλ  (excepte  τω  Βάλακ,  ii,  14 
et  δ  Μι/αηλ,  XII,  7;  xx,  6  τον  Γώγ).  Si  on  trouve  toujours  I'article  devant  Σατανάς, 
c'est  sans  doute  que  «  Satan  »  est  ici  un  nom  commun,  Γ  «  Adversaire  », 
Γ  «  Opposant  »  par  excellence.  Generalement  il  manque  devant  κύριος,  employe 
seul,  ou  dans  I'expression  «  κύριος  δ  θεο'ς  ».  II  manque  aussi  dans  certaines 
expressions  comme  άχρι  θανάτου,  ε?ς  φυλακήν,  ιι,  10,  εις  πόλεμον,  ιχ,  7,  9,  etc., 
sept  ou  neuf  en  tout,  sans  que  d'ailleurs  I'usage  soit  constant;  et,  sans  raisons 
assignables,  devant  άγγε'λων,  xiv,  10;  devant  αιώνας,  xiv,  11;  αίμα  αγίων,  xvi,  16, 
σάρκας  βασιλε'οιν  κτλ.  χιχ,  18,  etc.  Mais  le  plus  remarquable,  c'est  son  absence 
devant  les  infmitifs  employes  dans  un  sens  consecutif,  final,  ou  explicatif.  Get 
usage,  si  grec,  et  tres  repandu  dans  le  N.T.  ^surtout  dans  Luc,  mais  encore 
ailleurs),  parait  ignore  de  Jean.  Un  seul  passage,  et  encore  tres  difficile  a  tra- 
duire,  au  ch.  xii,  7  :  Και  εγένετο  πόλεμος  ε'ν  τίο  ούρανω,  δ  Μιχαήλ  και  οί  άγγελοι  αύτοΰ 
τοΐ!  πολεμησαι  αετι^  του  δράκοντος,  presente  un  infinitif  avec  I'article,  au  genitif; 
c'est,  pensons-nous  avec  Moulton,  un  infinitif  epexegetique,  qu'il  faut  rattacher 
a  πόλεμος  qu'il  explique  (Gf.  Rom.  I,  24  :  παρε'δωκεν  αύτοΰς  δ  θεός..;,  εις  άκαθαρσίαν 
του  άτιμάζεσθαι  τα  σώματα  αυτών  εν  αύτοις).  Je  traduirai  :  «  Et  il  y  eut  guerre  au 
ciel  —  Michel  et  ses  anges  —  (nominatif  detache  du  contexte,  comme  une 
sorte  de  parenthese,  irregularite  qu'on  trouve  ailleurs  dans  I'Apocalypse, 
V.  infra),  en  sorte  quiis  guerroyerent  axec  le  dragon.  »  Partout  ailleurs,  I'infi- 
nitif  consecutif  ou  final  demeure  sans  article.  Le  cas  est  assez  frequent,  mais 
beaucoup  moins  que  les  propositions  a  verbe  fini  commengant  par  iva  {i>id. 
infra).  —  A  part  ces  anomalies,  nous  pouvons  croire  que  I'omission  de  I'article 
est  toujours  justifiee  et  intentionnelle. 

Sa  frequence  exageree  est  du  reste  beaucoup  plus  remarquable  que  ces 
omissions.  C'est  ainsi  qu'il  se  rencontre  presque  immanquablement  devant  des 
mots  qui  pourraient  s'en  passer,  comme  γνί,  θάλασσα,  ήλιος  (exc.  vii,  7;  xiv,  7  et 
xxu,  5).  II  precede  des  nominatifs  mis  a  la  place  de  vocatifs.  Un  des  usages  les 
plus  constants  de  I'Apocalypse  est  de  repeter  I'article,  en  certains  cas  jusqu'a 
deux  et  Irois  fois,  devant  I'adjectif,  le  participe,  ou  la  locution  prepositionnelle 
qui  suit  un  nom  determine  lui-meme  par  I'article.  Dans  le  grec  ordinaire, 
cette  maniere  de  parler  etait  frequente,  mais  toujours  intentionnelle,  et  destinee 
a  attire r  I'attention  sur  I'adjectif.  II  semble,  au  contraire,  que  Jean,  la  plupart 
du  temps,  en  use  d'une  maniere  mecanique,  a  moins  qu'il  ne  veuille  par  la 
donner  plus  de  solennite  a  son  style;  au  ch.  vi,  par  exemple,  il  melera  tres 
indifferemment  τήν  σφραγίδα  τήν  δευτε'ραν...  etc.,  jusqu'a  τήν  τετάρτην,  a  τήν  πε'μπτην 
Σφραγίδα...  II  met  encore  parfois  I'article,  sans  visible  necessite,  devant  le  sub- 


CXXXVIII  INTRODUCTION. 

stantif  ou  I'adjectif  predicat.  Exemples  :  συ  ει  δ  ταΛαίπο)ρος,  etc.  πι,  17;  χα!  το  όνομα 
του  αστέρος  λέγεται  δ  "ΑψινΟος,  Λτιι,  11  (passage  οΰ,  de  plus,  cest  le  leminin  ή 
qu'il  aurait  fallu).  Get  usage  de  I'article  contribue  beaucoup  a  donner  au  style 
de  I'Apocalypse  sa  couleur  speciale. 

C.  Adjectifs pronominaux. 

1°  Indefinis.  —  Τις  enclitique  n'est  jamais  employe  qu'apres  ει,  εάν,  ?να  μη. 
Comme  adjectif  ou  article  indefini,  il  est  toujour s  remplace  par  le  numeral  εΤς, 
7  fois  en  tout  (viii,  13;  xviii,  21;  xix,  17;  ix,  13). 

Πας  est  tres  usite,  et  contribue  au  coloris  general.  On  le  trouve  devant  les 
substantifs,  les  adjectifs,  les  parlicipes,  tantot  seul,  tantot  avec  Farticle.  δ  fois 
on  le  trouve  avec  ουοέ,  μη,  ουκ,  remplagant  ουδείς  ou  μηοείς,  qui  sont  toujours 
pronoms  (cfr.  I'heb.  Si  nS). 

2°  Numeraux.  —  Μία  est  employe  pour  πρύ)τη  au  cliapitre  ix,  12  :  ή  ούαι  ή  μία. 
(Audi.  VI,  1,  μιαν  garde  son  sens  ordinaire.  Voir  Commentaire). 

3°  Possessifs.  —  Nulle  part  ne  se  rencontre  dadjectif  possessif,  excepte  ii,  20  : 
πλάνα  τους  εμους  δούλους.  Partout  aiUeurs,  c'est  le  genitif  du  pronom  personnel, 
μου,  σου  enclitiques,  ημών,  etc. 

4°  Demonstratifs .  —  Presque  partout  ο5τος,  et  deux  fois  seulement  έκεϊνος. 

D.  Pronoms. 

L'emploi  assez  frequent  des  nominatifs  εγώ,  σύ,  αυτός,  ούτος,  est  affaire  de  style, 
et  toujours  intentionnel.  Comme  la  voix  moyenne  des  verbes,  au  sens  reflechi, 
n'apparait  presque  nulle  part  (si  ce  n'est  i.  7,  in,  δ  et  peut-etre  a  certains  parti- 
cipes  parfaits,  ix,  1δ  et  xxi,  2),  I'auteur  emploie  εαυτούς,  -την,  avec  la  voix  active. 

—  Pour  les  pleonasmes,  v.  infra  «  Construction  ». 

Είς  ou  μία  remplacent  toujours  le  pronom  τις,  sauf  dans  les  cas  notes  ci-dessus. 

—  11  ny  a  qu'une  seule  fois  (xviii,  6)  attraction  du  pronom  relatif. 

E.    Verbes. 

1°  Modes.  —  Nous  avons  vu  plus  haut  Tusage  de  Yinfinitif,  sans  article,  pour 
signifier  la  fin  ou  la  consequence ;  il  est  d'ailleurs  relativement  restreint.  II  faut 
remarquer  que  Tinfinitif  present  est  tres  rare  comparativcment  a  I'aoriste. 
Notons  le  meme  fait  a  Yimperatif,  qui  n'est  au  present  que  21  ou  22  fois  (dont 
9  dans  ies  lettres).  —  Voir  Boussetj  p.  170. 

Le  participe  donne  lieu  a  d'interessantes  observations.  II  est  naturel  de  ne 
pas  le  rencontrer  a  I'accusatif  absolu,  comme  δέον,  εξόν,  car  cette  tournure  clas- 
sique  est  etrangere  au  Nouveau  Testament;  mais  il  Test  beaucoup  moins  de  ne 
pas  rencontrer  ces  genitifs  absolus,  si  frequents  dans  les  autres  livres,  d'autant 
plus  que  Tusage  s'en  etait  etendu  dans  la  langue  hellenistique  a  bien  des  cas 
ou  le  grec  classique  ne  I'eut  pas  tolere  (v.  Blass-Debrunner,  §  423).  Jean  aurait 
eu  maintes  occasions  de  s'en  servir.  Pourtant  il  ne  I'a  pas  fait  une  seule  fois, 
sen  tenant  toujours  aux  parataxes,  ou  aux  propositions  circonstancielles  a 
verbe  fini.  11  faut  dire,  d'ailleurs,  qu'il  semble  ne  connaitre  que  deux  temps  au 


LANGUE  DE  L APOCALYPSE.  CXXXIX 


participe  :  le  present  et  le  parfait.  Chose  encore  plus  importante  a  noter,  il  est 
impossible  de  traduire  un  certain  nombre  de  passages  sans  donner  a  un  parti- 
cipe au  nominatif,  que  ne  suit  ni  ne  precede  aucune  copule,  lavaleur  d'unverbe 
fini  (v.  infra,  «  Construction  »).  C'estun  usage  hebraique,  et  surtout  arameen, 

Le  subjonctif  est  frequent,  ordinairement  a  I'aoriste,  quelquefois  au  present, 
et  I'emploi  en  est  regulier.  Quant  a  Voptatif,  qui  tombait  rapidement  en  desue- 
tude dans  la  κοινή,  il  est  totalement  absent  de  I'Apocalypse. 

2°  Temps.  —  C'est  peut-etre  I'usage  des  temps  qui  cree  le  plus  de  diificultes 
au  traducteur  de  notre  livre.  Je  taclierai  de  fixer  plus  has  quelques  regies, 
en  traitant  du  «  style  ».  Signalons  ici  ce  qui  ne  releve  que  de  la  pure  gram- 
maire. 

Pour  les  modes  autres  que  I'indicatif,  les  temps,  comme  nous  I'avons  vu,  sont 
tres  simplifies. 

A  Tindicatif,  Jean  parait  avoir  un  sentiment  net,  et  assez  fin,  de  la  valeur 
de  Vimparfait,  qu'il  emploie  d'ailleurs  assez  peu  (9  fois).  II  comprend  bien  aussi 
le  sens  du  parfait,  temps  d'une  action  passee  qui  a  produit  un  etat  se  prolon- 
geant  dans  le  present;  on  le  remarque  bien  dans  lusage  irreprochable  qu'il  fait 
du  participe  parfait.  Mais  a  I'indicatif,  il  parait,  la  plupart  du  temps,  n'avoir 
pas  la  notion  nette  de  la  distinction  du  parfait  et  de  I'aoriste.  Les  deux  temps 
se  suivent  dans  la  meme  phrase  sans  aucun  ordre,  pour  marquer  des  actions 
egalement  transitoires  (in,  3;  v,  7;  viir,  5).  L'ecrivain  affectionne  surtout  ειληφα 
(5  fois  centre  4  fois  ελαβον),  et  ειρηχα,  2  fois,  tandis  que  εΤπον  ne  se  rencontre 
pas  plus  de  5  fois  (et  1  fois  a  I'imperatif.)  Mais  des  parfaits  comme  κεχοπίακες, 
et  πε'πτωκες,  π,  3,  5,  γε'γονεν,  xvi,  17,  etc.  sont  certainement  tout  a  fait  a  ieur 
place. 

Le  fiUur,  dans  les  propositions  principales,  est  souvent  mele  a  I'aoriste  et 
au  present;  a  notre  avis,  contre  Bousset  (pp.  168-169),  ce  n'est  pas  sans  inten- 
tion, et  nous  chercherons  a  le  demontrer. 

La  locution  ού  μη,  qui,  regulierement,  dans  la  κοινή,  exige  apres  elle  le  sub- 
jonctif aoriste,  le  remplace  2  fois  par  le  futiir  indicatif  dans  I'Apocalypse, 
IX,  6  et  XVIII,  14  (cas  qui  ne  se  presente  que  8  fois  dans  le  N.  T.,  contre  74  fois 
avec  le  subj.  aor.  Moulton),  Si  Ton  ne  veut  pas  lire  le  barbarisme  δώσοισιν  au 
chap.  IV,  9,  alors,  avec  la  plupart  des  manuscrits,  on  admettra  όταν  δώσουσιν, 
un  futur  indicatif  au  lieu  du  subjonctif  requis;  de  meme  on  lit  viii,  1,  δταν  τ,νοιξεν, 
aor.  indicatif,  au  lieu  de  άνοιξ?];  ici  όταν  equivaut  a  οτε;  la  Ιβςοη  de  xiv,  4,  οπού  άν 
υπάγει  (pour  υπαγγ])  est  plus  douteuse.  C'est  surtout  apres  ίνα  et  iva  μη  qu'on 
trouve  I'emploi  irregulier  du  futur  indicatif,  plus  souvent  encore  que  dans  le 
reste  du  Nouveau  Testament.  Blass  en  signale  12  exemples  (p.  207);  il  alterne 
encore  avec  le  subjonctif  aoriste. 

Dans  les  recits  de  visions,  I'aoriste  et  le  present  se  melent  d'une  maniere 
qui  est,  a  premiere  vue,  inextricable,  mais  qui  s'explique  pourtant  par  le  mou- 
vement  de  la  pensee  (v.  infra).  L'auteur  fait  plus  d'une  fois  usage  de  Γ  «  aoriste 
de  constatation  »,  qui  ne  marque  pas  le  temps,  ou  equivaut  au  «  passe  prophe- 
tique  »  de  I'A.  T.  Ex  :  xvill,  2  έ'πεσεν,  επεσεν  βαβυλών  ή  μΞγάλη,  etc.  On  peut 
comparer  le  IV''  Evangile,  xv,  6  εβλήθη,  εξηράνθη,  ou  des  passages  classiques, 
comme  le  vers  386  de  VAlceste  d'Euripide,  cite  par  Moulton  :  Άπωλόμην  αρ',  ει  μι 
δή  λείψεις,  γύναι. 


CXL  INTRODUCTION. 

La  forme  du  plus-que-parfait  n'apparait  que  dans  είστηκεισαν  de  vii,  11,  qui 
est  equivalent  a  un  imparfait. 

3°  Voix  des  verbes.  —  La  forme  moyenne,  au  sens  reflechi,  n'apparait  guere, 
et  douteusement  encore,  que  dans  quelques  participes  parfaits  (v.  supra).  Cepen- 
dant  on  trouve  κόψονται,  l,  7  et  XVIII,  9;  περιβάλλεται  ( —  λεΐται),  III,  5. 

Le  passifest  assez  frequent,  et  plusieurs  fois  au  sens  impersonnel  (Ιδοθ•/) ...  ινα), 
mais  Jean  n'en  abuse  pas  comme  les  Apocryphes.  Aux  chap,  x,  7,  et  xiv,  6,  le 
verbe  «  evangeliser  «  apparait  avecune  forme  active,  εύαγγελίζειν,  ce  qui  est  unique 
dans  le  N.  T. 

4°  Nombre  dans  les  verbes.  —  Le  duel  a  naturellement  disparu,  ainsi  que 
pour  les  substantifs,  dans  tout  le  Nouvcau  Testament.  Apres  un  sujet  au  pluriel 
neutre,  I'ecrivain  emploie  tantot  le  verbe  singulier,  conformement  a  la  regie, 
(7  ou  8  fois  seulement)  tantot  le  pluriel,  et  ceci  beaucoup  plus  souvent  que  dans 
le  grec  classique.  Par  centre,  il  se  trouve  un  exemple  de  ce  qu'on  appelle  la 
«  construction  pindarique  »,  c'est-a-dire  un  verbe  au  singulier  precedant  son 
sujet  au  pluriel  masculin  ou  feminin  :  ix,  12,  ερ/εται  Ιτι  δύο  ού«\,  tournure  qui  se 
retrouve  dans  Mat.,  Mar-c,  et  II  Cor.  —  H  y  a  aussi  un  exemple,  et  peut-etre 
deux,  de  pluriel  impersonnel  (aramai'sme?),  xii,  6,  ινα  τρέφωσιν,  «  pour  qu'on 
nourrisse  »,  et  ii,  24,  ώς  λέγουσιν,  «  comme  on  dit  »  (ζ*) 

F.  Regime  des  verbes. 

1°  Regime  sans  preposition.  —  Un  cas  assez  curieux  est  celui  du  verbe  προσχυνεοι 
(litt.  baiser  [la  terre],  se  proslerner  devant  quelqu'un,  et,  par  extension,  adorer], 
qui,  dans  le  grec  classique,  gouverne  toujours  I'accusatif  (1),  mais  qui,  dans 
I'Apocalypse,  regit  le  datif  aussi  souvent.  Les  deux  cas  s'emploient  aussi  bien  (2) 
quand  I'objet  est  le  vrai  Dieu  que  lorsqu'il  s'agit  de  la  Bete  ou  de  son  image 
(ch.  xiii  et  xvii,  et  ailleurs).  J'examinerai  dans  le  Commentaire  (ch.  xiii, 
A,  B.  4)  s'il  n'y  a  pas  la  une  nuance,  si  προσκυνεοι  avec  le  datif  ne  signifie  pas 
plutot  Facte  materiel  de  prosternement,  et,  avec  I'accusatif,  une  veritable  adora- 
tion religieuse,  comme  le  verbe  λατρεύω.  —  Άκούειν  semble  suivi  indifferemment 
de  φωνής  et  φωνην. 

Έρ/οααί  σοι  (au  lieu  de  προς  σε'),  ii,  5,  16,  doit  etre  un  datii>us  incommodi :  «  Je 
viendrai  surtoi,  contre  toi  ».  On  en  trouve  quelques  rares  exemples  dans  la  litte- 
rature,  ou  les  documents  de  la  langue  vulgaire.  Au  chap,  viii,  4  et  (3),  άνε'βη  δ 
καπνός  των  θυμια[Λάτων  ταϊς  προσευχαϊς  των  άγίοιν,  et  (θυίΛΐάαατα  πολλά  ινα  δίόσει  ταΐς 
προσευχαΐς,),  Moulton  comprend,  avec  raison  sans  doute,  ce  ταΐς  προσευχαΐς  comme 
une  sorte  de  datif  instrumental,,  marquant  I'association  :  «  La  fumee  des  parfums 
monta  avec  les  prieres  des  saints.  »  —  «  II  lui  fut  donne  des  parfums  nombreux, 
pour  les  donner  (offrir)  avec  les  prieres  de  tous  les  saints  sur  I'autel.  »  —  Remar- 
quons  encore  le  datif  [qm  lieu  de  I'accusatif)  apres  εδίδασκεν,  ii,  14,  etαίvεϊτε,  xix,  5. 

Les  verbes  qui  expriment  Faction  de  «  remplir  »,  regissent  le  genitif  simple, 
ce  qui  est  la  regie,  ou  le  genitif  avec  laparticule  εκ,  mais  aussi  I'accusatif,  xvii,  3 
γε'μον(τα)  ονόματα  βλασφημίας.  C'est  un  vulgarisme  qui,  en  d'autres  livres  du  N.-T. 

(1)  Voir  Kiihner-Blass.  pp.  293  et  294,  i. 

(2)  Cfr.  BousSET,  p.  163. 


LANGUE    DE    L  APOCALYPSE.  CXLI 

se  retrouve  avec  πληρόω  [Phil,  i,  11,  Act.  ii,  28).  Comme  il  est  devenu  regulier  en 
grec  moderne,  il  n'y  a  pas  lieu  sans  doute  d'y  λ^οϊγ  un  semitisme. 

Dans  les  complements  circonstanciels  de  temps,  on  trouve  parfois  V accusatif 
(au  lieu  du  datif),  pour  marquerle  moment,  et  non  la  duree  :  in,  3,  ποίαν  ωρανίίξω 
επΙ  ffs;  anomalie  qui  se  presente  aussi  Act.  xx,  16,  et  Joh.  iv,  52,  ainsi  que  quel- 
quefois  dans  les  papyrus.  On  en  trouve  du  reste  quelques  exemples  des  I'epoque 
classique. 

2°  Regime  avec  preposition.  —  Les  verbes  λαλειν,  qui  veut  regulierement  son 
regime  au  datif,  ou  a  raccusatif  avec  προς,  et  πολεμεϊν,  qui  demanderait  I'accusatif 
oule  datif,  ont  toujours,  dansl'Apocalypse,  μετά  avec  le  genitif,  dememe  άκολουθεΐν 
μετ'  αύτου,  αυτών,  νι,  8,  et  xiv,  13,  tandis  qu'entrois  autres  passages  ce  verbe  est 
suivi  du  datif,  regulierement. 

^ατοιχεΤν  est  toujours  suivi  de  Ιπι  της  γης  (9  OU  10  fois),  excepte  xvii,  2  ol  κατοι- 
κΰοντες  τήν  γην,  et  xii,  12,  idem.  Le  datif  avec  Iv,  ou  le  simple  accusatif,  serait 
plus  regulier;  mais  on  ne  trouve  qu'une  fois,  xiii,  12,  τους  Iv  αύτη  κατοικουντας,  et, 
deux  versets  .plus  has,  encore  Ιπί  et  le  genitif. 

Le  cas  qui  suit  χαθ/,μενος  επί  depend  du  cas  de  καθήμενος.  Si  le  participe  est  au 
nominatif,  on  trouve  επί  suivi  des  trois  cas,  mais  surtout  de  Taccusatif;  s'il  est  a 
I'accusatif,  Ιπί  gouvernera  I'accusatif  aussi,  4  fois  contre  1  (ix,  17,  επ'  αυτών); 
s'il  est  au  genitif,  c'est  le  genitif  que  gouverne  επί,  8  fois  sans  exception;  s'il 
est  au  datif,  le  datif  suit  encore  la  preposition,  excepte  2  fois  (vi,  4  επ'  αυτο'ν  et 
XIV,  15  επί  της  νεφε'λης).  Cette  assimilation,  qui  n'a  pas  de  raisons  grammaticales, 
est  curieuse;  elle  montre  que  Jean  avait  des  habitudes  de  langage  tres  fixes,  et 
c'est  bien  I'un  des  cas  ou  Ion  pent  decouvrir  chez  lui  une  «  Grammar  of  Ungram- 
mar  »,  suivant  I'expression  de  I'archeveque  anglican  Benson  dans  son  Apoca- 
lypse, Essay  V. 

G.  Particules  de  liaison. 

J'ai  signale  plus  haut,  a  propos  du  vocabulaire,  les  particules  qui  manquent 
ou  qui  sont  rares,  plus  que  dans  le  reste  du  Nouveau  Testament.  Parlons  de  celles 
que  Jean  affectionne,  et  dont  il  etend  I'usage  plus  qu'aucun  autre  ecrivain. 

1"  Prepositions.  —  Έν  (160  fois  environ)  n'est  jamais  employe  pour  εΙς, 
excepte  xi,  11  :  είσηλθεν  Iv  αύτοΐς.  Ce  fait  est  assez  remarquable,  car  de  meilleurs 
ecrivains,  comme  saint  Luc,  se  montrent  moins  scrupuleux  a  cet  egard. 
Cette  preposition  est  d'usage  ordinaire  pour  les  designations  de  temps  (i,  10; 
II,  13;  IX,  6;  X,  7;  xi,  13;  xviii,  8).  Mais,  ce  qu'il  faut  signaler  par-dessus  tout, 
c'est  I'abus  que  Jean  fait  partout  du  Iv  instrumental.  Cet  usage  est  frequent,  sans 
doute,  dans  tout  le  Nouveau  Testament;  il  a  une  forte  saveur  d'liebraisme  (2), 
quoiqu'il  ne  soit  pas  etranger  a  la  langue  hellenistique,  en  dehors  de  la  Bible. 
Ainsi  les  Papyrus  do  Tebtunis  (1),  et  d'autres,  en  ofTrent  des  exemples,  et,  dans 
la  lilterature  classique,  on  lit  chez  Ilomere  lui-meme,  Iliade,  chant  xxiv,  v.  38;  Iv 
πυρί  καίειν.  Mais,  chez  Jean,  pour  13  exemples  du  datif  instrumental  regulier  (v,  1, 
12;  VI,  10;  vii,  2,  10;  viii,  8,  13;  x,  3;xv,  2;  xvii,4;  xviii,  21;  xix,  13;xxi,  8),ily 
en  a  plus  de  trente  avec  I  v.  Par-ci  par-la  la  preposition  Ικ  remplace  ce  meme 

(1)  VoirMouLTON  (op.  laud.  trad,  allem.  p.  15). 


CXLii  INTRODUCTION. 

datif.  Ex.    II,  11  :  ού  [-'•■'l  «διχηθη  Ικ  του  θανάτου   του  δευτέρου.  .  Encore   III,  8;  νιιΐ,  11; 
IX,  2,  18,  XVIII,  1. 

Cette  preposition  I/,  n'apparait  pas  moins  de  125  fois,  sa  frequence,  pour 
marquer  I'origine  ou  Teloignement,  Temportant  de  beaucoup  sur  celle  de  άπο'. 
Elle  suit,  au  lieu  du  simple  genitif,  les  verbes  qui  signifient  remplir,  rassa- 
sier,  manger,  boire  (7  ou  8  fois).  Pourtant  il  faut  noter  une  fois,  dans  les 
lettres,  la  tournure  δώσο)  του  μάννα  του  κεκρυμαενου,  sans  εκ,  qui  est  du  grec  excel- 
lent. La  particularite  la  plus  notable  de  cette  preposition,  c'est  de  remplacer 
le  genitif  partitif  :  toujours  apres  εΤς  ou  μία  (8  fois,  dans  toutes  les  parties) ;  elle 
est  meme  employee  d'une  fagon  absolue,  comme  regime  direct  avec  un  sens  par- 
titif, dans  quatre  passages;  li,  10,  με'λλει  βάλλειν  ό  διάβολος  Ιξυμών  εις  φυλακην;  ιιι,  9, 
διδώ  εκ  της  συναγοιγης  του  σατανά;  ν,  9,  ήγο'ρασας  Ικ  πάσης  φυλής;  XXI,  6,  δώσω  εκ  της 
πηγής.  Bien  plus,  XI,  9,  βλέπουσιν  Ικ  των  λαών  φυλών...  το  πτώμα  αυτών,  I'expression 
εκ  τών  λαών,  etc.  est  sujet  de  βλέπουσιν. 

Άπο  (36  fois)  s'est  efface  devant  εκ.  Au  ch.  xii,  6,  il  tient  lieu  de  υπό  :  ήτοιμασ- 
με'νον  άπο  του  θεοΰ.  On  le  trouve  une  fois,  a  la  place  du  datif  instrumental,  ix,  18  : 
άπο  τών  τριών  πληγών  τουτών  άπεκτάνΟησαν ;  ensuite  vient  une  enumeration  de  detail 
avec  έκ.  II  s'emploie  pour  marquer  les  distances  (xiv,  20),  comme  dans  le 
IV"^  Evangile  (et  chez  Diodore  et  Plutargue),  ainsi  que  les  orientations  (άπο 
βορρά,  etc.,  au  chap.  xxi). 

'Επί  est  employe  a  tous  les  cas  obliques,  comme  nous  I'avons  vu,  et  cela  tres 
souvent.  II  pourrait  plus  d'une  fois  etre  remplace  avantageusement  par  Iv,  εις,  ou 
par  περί.  Nous  avons  note  la  regularite  bizarre  de  I'emploi  des  cas  qui  le  sui- 
vent  apres  καθήμενος.  De  plus,  Jean  dit  toujours,  sans  que  ce  choix  lui  soit 
impose  par  le  verbe  regent,  έπι  το  μί'τ(>)πον,  ace.  (exc.  xiv,  9,  Ιτά  του  μετώπου), et 
επι  τών  μετοίπων  ;  —  επι  την  κεφαλήν,  0U  τάς  κεφάλας,  excepte  χΐι,  1  (κεφαλής) ;  —  επι  την 
νεΐρα,  exc.  ΧΙΠ,  16,  επι  της  χειρός;  —  επι  της  γης,  9  fois,  COntre  un  accusatif  εβαλεν 
επι  την  γην,  XIV,  6;  etc.  II  tient  tant  a  ces  usages  personnels,  qu'il  maintiendra, 
par  exemple,  επι  της  γης,  lorsque,  dans  la  meme  enumeration,  il  emploie  I'accusa- 
tif  pour  un  autre  substantif  :  Vll,  2,  πνε?)  άνεμος  επι  της  γης  μήτε  ε'πι  της  θαλάσσης 
μήτε  επι  παν  δε'νδρον.  Toujours  la  «  Grammar  of  Ungrammar ». 

Nous  avons  vu  la  rarete  de  παρά,  περί,  προς,  υπό.  Cette  derniere  particule  ne  se 
trouve  qu'une  seule  fois  apres  le  passif  :  vi,  13,  υπο  άνε'μου  μεγάλου  σειομε'νη  (encore 
est-elle  douteuse;  χ,  14,  31,  ont  a  sa  place  un  από  instrumental),  et  une  fois, 
VI,  8,  comme  instrumental  apres  une  enumeration  en  εν  :  άποκτεϊναι  Iv  ^ομφαία  και 
εν  λιμώ  και  εν  θανάτω  και  υπο  τών  θηρίιον  της  γης. 

Διά  avec  I'accusatif  remplace  trois  fois  le  datif  instrumental  (iv,  11;  χιι,ΙΙ,  bis). 
2°  Conjonctions.  —  'Εάν,  assez  frequent  dans  εάν  τις,  lav  μή,  sert  aussi  de  parti- 
cule marquant  I'eventualite,  3  fois  (iii,  19:  xi,  6;  xiii,  15)^  contre  άν,  particule 
adverbiale,  deux  fois  seulement  (ii,  25  et  xiv,  4). 

"Οπως,  et  ώστε  avec  rinfinitif,  sont  toujours  remplaces  par  Ίνα,  avec  le  futur 
indicatif  ou  le  subjonctif  aoriste  (v.  supra).  Ce  iva,  non  final,  mais  consecutif, 
mis  au  lieu  de  Finfinitif  avec  ou  sans  ώστε,  se  rencontre  plusieurs  fois  dans  le 
Nouveau  Testament.  Blass  le  signale  chez  Epictete,  ii,  2,  16  ούτω  μωρός-  ήν  ινα  μή 
ιδ-/"!  «  il  etait  assez  fou  pour  ne  pas  voir.  »  Aux  deux  passages  vi,  11,  Ιρρε'θη  αυτοΤς 

ινα   άναπαύσοίνται  et  XIV,  13,  Μακάριοι ναι,   λέγει  το   πνεύμα,   ΐνα  άναπαησονται  εκ   τών 

κόποιν  αυτών,  il  pent  equivaloir  a  οτι  {Bousset,  Swete)  «  Heureux  ceux  qui  meurent 


LANGUE    DE    l'aPOCALYPSE.  CXLIII 

dans  le  Seigneur...  Qui,  dit  I'Esprit,  (heureux  sont-ils)  en  ce  qu'ils  se  repose- 
ront.  »  Ou  bien,  avec  Moulton,  on  peut  y  voir  un  commandement,  une  promesse 
de  Dieu  et  de  I'Esprit,  un  «  Requiescant  in  pace  ».  "Ινα  suit  plusieurs  fois  (avec 
le  futur  indicatif)  les  verbes  διδο'ναι  ou  ποιεΐν.  «  Je  leur  donnerai  de,  il  leur  fat 
donne  de  faire  ceci  ou  cela  ».  —  Je  leur  ferai  faire  telle  ou  telle  chose  ».  Une 
fois,  nous  lisons  «  Je  donnerai...  et  ils...  »  (xi,  3);  parataxe  qui  remplace  iva  de 
fagon  singuliere. 

Ού  μ.η  parait  devoir  sa  frequence  (16  fois),  d'apres  Moulton,  a  la  solennite  du 
style.  En  effet,  en  dehors  des  Evangiles,  I'Apocalypse  est  le  seul  ouvrag-e  du 
Nouveau  Testament  qui  use  habituellement  de  cette  locution  negative.  Ailleurs, 
en  dehors  des  citations  de  ΓΑ.  T.,  on  ne  la  trouve  que  4  fois  chez  Paul,  et 
1  fois  \\^  Pet.  II  y  en  a  quatre  exemples  dans  les  Lettres,  ou  c'est  le  Christ  qui 
parle;  partout  ailleurs,  sauf  xviii,  14,  ce  sont  des  reminiscences  de  I'Ancien  Tes- 
tament. Ainsi  xviii,  22,  cfr.  Ezechiel,  xxvi,  13.  En  tout,  dans  le  N.  T.,  90  fois 
sur  100,  cette  locution  est  placee  dans  la  bouche  de  N.-S.  ou  dans  des  citations 
bibliques;  par  ailleurs,  elle  est  aussi  rare  que  dans  les  papyrus.  II  faut  done 
y  voir  une  sorte  d'usage  sacre,  comme  ailleurs  dans  I'emploi  de  άμην. 

Quant  a  la  rarete  de  certaines  conjonctions,  vid.  supra. 

H.  Usage  des  cas  (en  dehors  des  regimes). 

Le  poca ii/" a  presque  completement  disparu,  au  profit  du  nominatif  precede  de 
I'article  (iv,  11;  vi,  10;  xv,  3;  xvi,  5;  xviii,  4;  10,  16,  19).  On  ne  le  trouve  que 
dans  I'expression  κύριε  δ  θεός,  χι,  17;  xv,  3;  χνι,  7;  avec  ουρανός,  une  fois  au  singu- 
lier,  XVIII,  20,  εύφράνθητι  ουρανέ  (mais  suivi  aussitot  de  και  οί  άγιοι),  et  une  fois,  peut- 
etre,  au  pluriel  xii,  12,  εύφραίνεσθε  ουρανοί;  mais  A  et  de  nombreux  manuscrits 
lisent  οί  ουρανοί.  Trois  fois  le  nominatif  (pour  un  vocatif)  suit  ούαί  :  xviii,  10,  16,  19 
ούα\  ή  πόλις ;  mais  on  trouve  viii,  13,  cette  interjection  avec  I'accusatif,  ce  qui  est 
bien  plus  irregulier  Ούαί...  τους  κατοικοΰντας  επϊ  της  γης. 

Ι.  Regime  des  adjectifs. 

Une  singuliere  etrangete,  c'est  I'expression  ομοιον  υίον  ανθρώπου,  ι,  13  et  χιν,  14, 
attestee  par  les  meilleurs  manuscrits,  au  lieu  de  ομοως  υίω.  Jean  savait  pourtant 
bien  quel  cas  gouvernait  όμοιος,  car  partout  ailleurs,  18  fois,  il  I'emploie  avec  le 
datif. 

K.  Construction. 

Deja  cette  langue  nous  a  presente  suffisamment  de  particularites  ;  mais  c'est  le 
chapitre  de  la  construction  qui  reserve  le  plus  d'etonnementsa  I'helleniste. 

Cette  construction,  dans  ses  grandes  lignes,  et  telle  qu'ont  pu  la  rendre,  par 
exemple,  les  traductions  latines,  parait  tres  reguliere  dans  sa  simplicile.  II  n'y  a 
pas  de  periodes;  les  idees  sont  juxtaposees  par  parataxe,  avec  la  copule  καί; 
celle-ci  se  rencontre  meme  trois  fois  a  I'apodose,  apres  une  proposition  subor- 
donnee  (in,  20;  x,  7;  xiv,  9  suiv.). 

Le  genitif  suit  le  substantif  dont  il  depend;  presque  jamais  il  ne  le  precede. 
A  650  cas  environ,  on  peut  en  opposer  une  quinzaine  tout  au  plus.  Encore  ces 


CXLIV  INTRODUCTION. 

genitifs  preposes  sont-ils  les  pronoms  μου,  σου,  places  devant  I'article  du  verbum 
regens,  αύτης,  Ιαυτων.  Sept  fois  aussi,  la  designation  de  la  ville,  avec  εν,  precede 
le  mot  εκκλησίας  dans  I'en-tete  des  Lettres.  C'est  la  la  regie  la  plus  fixe  de  la 
construction  apocalyplique.  D'habitude  meme,  σου  et  μου  sont  postposes.  L'au- 
teur  netait  done  pas  porte  a  user  de  la  latitude  laissee  sur  ce  point  par  le  grec; 
et  on  peut  bien  y  voir  une  habitude  semitique. 

L'adjectif,  d'ordinaire,  suit  le  substantif ;  de  meme  les  locutions  preposition- 
nelles  comme  δ  ε'ν.,.,το  i\,  etc.  qui  tenaient  si  facilement  lieu  dadjectif  ou  de 
participe  en  grec.  Quand  1  adjectif  vient  le  premier,  ce  qui  arrive  moins  de 
200  fois  (contre  a  peu  pres  300),  c'est  ordinairement  un  numeral,  ou  un  adjectif 
indefini,  πας,  άλλος,  plus  de  trois  fois  sur  quatre.  Sur  ce  point,  la  proportion  ne 
varie  guere  d'un  chapitre  a  Tautre ;  il  y  a  pourtant  beaucoup  de  pericopes  oii  pas 
une  seule  fois  I'epithete  n'est  preposee.  Une  trentaine  de  fois,  le  numeral  suit  le 
substantif;  Tauteur  parait  le  faire  sans  regie  fixe,  ainsi  pour  les  plus  frequents, 
επτά  et  διόδεκα ;  nous  ne  croyons  done  pas,  contre  Charles  (Studies,  p.  70)  que  la 
position  des  numeraux  puisse  aider  a  distinguer  des  sources  ;  πας  n'est  que  deux 
fois  postpose,  aux  chap,  viii  etxiii.  —  Dans  la  plupart  des  cas  oil  le  substantif 
ou  le  participe  est  determine,  I'article  est  repete  devant  Tepithete  (voir  ci-des- 
sus,  B),  environ  110  fois.  Dans  la  traduction,  nous  distinguerons  les  cas  —  tres 
pares  —  ou  I'auteur  semble  avoir  employe  cette  tournure  avec  une  intention 
speciale.  Ce  n'est  que  dans  la  pericope  vii,  1-8,  qu'on  ne  la  rencontre  pas. 

Le  predicat  suit  presque  toujours  le  verbe ;  il  precede  le  verbe  είναι  une  qua- 
rantaine  de  fois  environ  (dans  les  macarismes,  le  predicat  precede  naturelle- 
ment  le  substantif,  question  de  style).  Par  ailleurs,  le  predicat  est  prepose  sur- 
tout  dans  les  Lettres,  aux  chap,  xvi-xix  et  xxii,  en  general  avec  une  intention 
d'emphase  reconnaissable. 

Le  verbe  tantot  precede  le  sujet,  et  tantot  il  le  suit  (170  fois  environ  apres; 
avant,  environ  220  fois).  Je  ne  comprends  done  point  pourquoi  plusieurs  criti- 
ques, meme  Bousset,  font  du  verbe  prepose  une  regie  de  la  construction  apoca- 
lyplique. II  est  vrai  que  dans  les  locutions  comme  εϊ  τις,  etc.,  le  sujet  devait 
necessairement  venir  en  premier  lieu.  De  meme  εγιό,  ούτος  sont  plus  d'une  fois 
preposes  a  cause  de  la  solennite  des  declarations.  Mais,  en  defalquant  ces  cas-la, 
les  nombres  respectifs  des  deux  constructions  ne  sont  pas  encore  si  dispropor- 
tionnes.  Notons  toutefois  que  le  sujet  precede  plus  souvent  le  verbe  dans  les 
Lettres,  etaux  chapitres  v;  vi,  a  partir  du6*  sceau;  xi,  1-13  ;  xiv,  1-13  ;  et  xvi-xix, 
xxi-xxii.  Le  contraire  a  lieu  aux  chap,  iv,  ix  (ou  cette  disposition  est  presque 
exclusive)  xiv,  14-20.  Ailleurs,  les  nombres  se  balancent.  Nous  verrons  si  Ton 
peut  trouver  dans  ce  fait  des  indications  pour  la  distinction  des  sources. 

Tres  rarement  Tobjet  precede  le  verbe,  a  moins,  naturellement,  que  ce  ne  soit 
un  pronom  relatif,  ou  les  demonstratifs  τοΰτο,  τάδε,  les  pronoms  personnels,  comme 
σε',  de  courts  complements  comme  μηδε'ν  ou  le  mot  όνομα  dans  I'expression  όνομα 
έχει.  En  tout,  du  reste,  je  n'ai  pu  relever  qu'une  soixantaine  de  ces  cas,  contre  400. 
(Le  demonstratif  αύτον,  —  την,  —  το,  est  tantot  prepose,  tantot  postpose.)  Cest, 
avec  la  place  du  genitif,  la  regie  la  plus  constante  de  I'Apocalypse.  Seulement 
au  chapitre  xi,  1-13,  on  trouve  I'objet  prepose  14  fois  (dont  1  fois  αυτήν), 
contre  11 ;  le  plus  qu'on  le  trouve  ensuite,  c'est  6  fois  contre  22  au  chapitre  xvii, 
et  4  fois  contre  16  au  chapitre  xviii.  Quand  Tobjet  precede,  c'est  dans  bien  des 


LANGUE    DE    L  APOCALYPSE.  CXLV 

ces  pour  attirer  rattention.  Nous  verrons  si  c'est  ainsi  qu'il  faut  expliquer  cette 
particularite  de  xi,  1-13,  ou  si  c'est  le  signe  dune  source  distincte,  comme  le 
veulent  beaucoup  de  critiques. 

Arrivons  aux  irregularites  notoires  et  aux  «  solecismes  ». 

l"  Propositions  sans  copule.  —  Distinguons  les  propositions  qui  manquent 
totalement  de  verbe,  et  celles  ou  le  participe  joue  le  role  dun  verbe  fini. 

a.  Propositions  sans  aucun  t>erbe.  —  II  est  naturel  que  le  verbe  «  etre  »  fasse 
defaut  dans  les  doxologies  ou  les  beatitudes  (Μακάριοι  οί...),  qui  sont  de  part  et 
d'autre  au  nombre  de  sept.  Mais  en  dehors  de  ces  quatorze  cas,  auxquels  il  faut 
joindre  la  salutation  de  la  fin  du  chap,  xxii,  nous  en  trouvons  encore  92  ou  I'ab- 
sence  de  verbe  se  justifie  moias.  Les  seules  parties  qui  soient  indemnes  de  cette 
singularite  sont  les  chapitres  iii;  vii,  1-8;  viii;  xi,  15-19.  L'expression  δίκαιαι  και 
άληθιναί  (3  fois,  XV,  3;  XVI,  7;  xix,  2)  n'a  jamais  la  copule,  a  cause  de  la  solennite 
de  raffirmation  qui  sort  de  la  bouche  des  etres  celestes,  et  est  analogue  aux 
doxologies  et  aux  macarismes;  il  en  est  de  meme,  2  fois  sur  3,  des  mots  πιστός 
(-οί)  και  άληθινο'ς  (-οί),  χιχ,  11  et  χχιι,  6,  contre  χχι,  5.  La  particularite  en  question 
est  surtoul  notable  au  ch.  i  (8  fois),  xv  (11  fois),  ix  (10  fois),  xiii,  xix  et  xxii 
(respect.  4  fois),  et  surtout  xxi  (24  fois),  dont  douze  fois  dans  les  propositions 
relatives  a  la  matiere  des  douze  fondemeuts  de  Jerusalem  celeste.  II  se  pent  que, 
dans  notre  enumeration,  nous  ayons  fait  entrer  quelques  cas  ou  Ton  pourrait 
retrouver  la  copule,  ou  un  terme  qui  lui  equivaut,  dans  le  premier  membre  d'une 
serie  coordonnee  dont  ces  propositions  font  partie ;  ou  bien  encore,  que  ce  que 
nous  prenons  pour  des  propositions  independantes  ne  soit  parfois  qu'un  regime 
direct  suivi  de  son  epithete,  mis  au  nominatif  par  un  solecisme  frequent  chez 
notre  auteur.  Meme  en  defalquant  ces  cas  douteux,  le  nombre  des  propositions 
sans  copule  demeure  tres  considerable.  Plusieurs  fois  meme  la  copule  est  restee 
sous-entendue  apres  un  pronom  relatif  sujet  (i,  4,  άπο  των  έπτα  πνιυμάτων  St  Ινώπιον 

του  θρόνου  αύτοΰ  ;  ν,  13,  παν  κτίσμα  ο  εν  τω  ούρανω),  0U  apres  δπου  (ΐΐ,  13;  XX,  10),  0U 
apres  τίς  (ν,  2),  c'est-a-dire  en  des  cas  οΰ  la  construction  n'a  rien  de  douteux,  et 
qui  montrent  assez  les  habitudes  de  Tecrivain. 

b.  Propositions  ou  un  participe  remplace  un  verbe  fini.  —  Ici  la  remarque  faite 
ci-dessus  est  encore  de  mise;  ce  peuvent  etre  parfois  des  regimes  qualifies,  mis, 
par  faute  ou  distraction,  au  nominatif.  Mais,  en  plus  d'un  verset,  cette  explication 
n'est  pas  possible,  II  y  a  en  tout  une  quinzaine,  ou  peut-etre  une  vingtaine,  de 
ces  locutions  participiales.  En  des  passages  au  moins  comme  xxi,  14  καΐ  τό  τείχος 
της  πόλεως  ε/ων  (sic)  θεμέλιους  δώδεκα  (mais  ηοη  χ,  2;  χιι,  2  et  χχι,  12,  COntre 
Charles),  il^est  fort  difficile  de  mettre  τεΤ/ος  en  dependance  de  rien  qui  precede. 
Latournure  n'etail  pas  absolument  etrangere  au  grec  hellenistique;  toutefois  elle 
est  plutot  semitique,  hebraique  et  surtout  arameenne.  On  la  trouve  egalement, 
mais  beaucoup  plus  rare,  dans  Paul  et  TEpitre  aux  Hebreux  [Horn,  v,  ii;  xii,  6; 
II  Cor.  V,  12;  vii,  5;  Heb.  viii,  10;  x,  16).  Dans  i-ii  Pet.,  le  participe  remplace 
quelquefois  limperatif. 

c.  II  se  rencontre  enfin  des  propositions  nominates,  tout  a  fait  a  Ihebraique  : 
VI,  8  :  καΐ  6  καθήμενος  επάνοι  αύτοΰ  όνομα  αύτω  δ  θάνατος.  IX,  11  est  plus  douteux  :  ε/ουσιν... 
βασιλέα  τον  οίγγελον  της  αβύσσου,  όνομα  αύτω...  Άβαδδών,  car  on  peut  y  voir  une  simple 
parenthese.  vi,  8,  nous  ofl're  un  cas  particulier  de  ces  «  nominatifs  pendants  »,  que 
nous  etudierons  plus  loin. 

APOCALYI'SE   DE   SAINT  JEAN.  j 


CXLVI  INTRODUCTION. 

2°  Defauts  de  concordance.  —  lis  sent  si  nombreux,  qu'ils  finissent  par  donner 
a  la  langue  de  Γ  Apocalypse  una  couleur  barbare ;  les  manuscrits  de  la  recension 
commune  (K  de  von  Soden ;  aussi  Andre),  les  ont  corrigos  autant  qu'ils  ont  pu; 
par  malheur,  la  comparaison  avec  les  meilleurs  temoins  du  texte  rend  ces  correc- 
tions evidentes. 

a.  Le  premier  et  le  plus  frequent  est  le  passage  indu  d'un  cas  oblique  au  nomi- 
natif,  soit  dans  les  appositions,  soit  pour  les  participes  et  les  epithetes.  Dans  les 
appositions,  c'est  presque  une  regie,  de  «  Grammaire  anti-grammalicale  ». 
Ainsi  I,  5  :  άπο  'ΐΓ,σοΰ  χριστού  δ  μάρτυς  δ  πιστός  κτλ.;  νιι,  4  :  τυχούσα  τον  αριθμόν... 
Ικατον  τεσσεράκοντα  τέσσαρες  χιλιάδες;  (νιιι,  9  :  το  τρίτον  των  κτισμάτίον...  τλίχοντα 
ψυχάς  est  douteux,  car  τα  έχοντα  peut  etre  une  apposition,  non  a  κτισμ',  mais  a 
τρίτον);  IX,  14  :  τω  έ'κτω  άγγε'λω,  δ  έχων  τ^  σάλπιγγα;  Χΐν,  12  :  ή  υπομονή  των  αγίων  Ιστίν, 
οί  τηροΰντες  τ^ς  εντολάς;  Χΐν,  14  :  ό'μοιον  υΐον  άνθρο^που,  Ιχων;  ibid.  6  sq.  :  Και 
είδον  άλλον  άγγελον...  έχοντα...  λε'γοιν;  χχ,  2  :  κ«1  ^κράτησεν  τον  δράκοντα  δ  οφιςδ 
αρχαίος;  χΐχ,  6  :  ως  φωνήν  όχλου  πολλού  ., .λέγοντες.  Joignons  encore  a  ces 
examples  ll,  20  :  ίφεϊς  τήν  γυναίκα  Ίεζάβελ,  ή  λέγουσα  Ιαυτήν  προφητιν  et  ιιι,  12  : 
της  καινής  'Ιερουσαλήμ  ή  κατά  β  αινούσα  εκ  του  ουρανού,  ού  il  est  tres  invraisemblable 
de  prendre  η  pour  le  ralatif  η,  et  non  pour  I'article.  Au  fameux  verset  xii,  7  :  και 
εγένετο  πόλεμος  εν  τφ  ούρανω,  δ  Μιχαήλ  και  οί  άγγελοι  αυτοΰ  του  πολεμησαι  μετά  του 
δράκοντος,  les  mots  Μιχαήλ  et  άγγελοι,  s'ils  sont  sujets  de  Tinfinilif  πολεμησαι, 
devaient  etre  a  I'accusatif.  II  est  vrai  qua  Moulton  signale  une  irregularite  a  peu 
pres  semblable  dans  Virgile  : 

Et  certamen  erat,  Corydon  cum  Thyrside,  magnum  (Egl.  vii,  v.  16). 

Mais  Jean  en  est  plus    coutumier  que  Virgile.  Le  cas  le  plus  etrange  se 
trouve   dans   les   Lettres,    ii,    13    :    ουκ  ήρνήσω    τήν    πίστιν   μου    κα\    Ιν   ταΐς    ήμέραις 
Άντίπας  δ  μάρτυς  μου  δ  πιστός  μου,  βς  άπεκτάνθη  παρ'  υμϊν,  ού  le  nominatif  Άντίπας, 
suivi  d'autres  nominatifs,  joue  le  role  dun  genitif.  Nous  croyons  cette  legon 
certaine,  car  on  la  trouve  non  seulement  A  et  C,   mais  elle  a  passe  dans  la 
Vulgate,  Primasius,  le  copte  et  le  syriaque   (voir    Commentaire,  ad  locum] 
Inversement,  on  trouve  ch.  x,  8,  le  nominatif  passant  subitament  a  Taccusatif, 
sans  qu'^on  en  sache  la  raison  (a  moins  qu'il  ne  faille  sous-entendre  un  deuxieme 
ήκουσα)  :  ή  φωνή  ην  ήκουσα  εκ  του  ουρανού,   πάλιν  λαλούσαν  μετ'  έμοΰ  και  λέγουσαν.  L'aC- 
cusatif  et  le  genitif  alternent  tout  a  fait  arbitrairement  dans  I'enumeration  des 
denrees  du  chap,  xviil,  11-13  :  τον  γόμον  αυτών  ούδε\ς   αγοράζει  ούκέτι,  χρυσού  κα\... 
(sept  genitifs)  κα\  παν  ςύλον  θύϊον  και...  (3  accusatifs ;  peut-etre  direct^ment  gou- 
varnes  par  άγοράζβι?)  καΐ  χαλκού  καϊ...  (2  genitifs),  κα\  κιννάμωμον  κα\...  (10  ac- 
cusatifs)  καΐ  ϊππων   καΐ...   (2    genitifs)   και   ψυχάς   ανθρώπων.   Meme  fait   χνΐΐ,    4   : 
ποτήριον  γέμων  [sic]  βδελυγμάτων  και  τα  ακάθαρτα  (a  moins  que  άκαθ'  depende,  non  de 
γέμων,  mais  de  έχουσα  qui  precede).. xxi,  9  d'apres  les  meilleurs  temoins  presante 
un  genitif  pour  un    aCCUSatif   :   των   Ιχόντο^ν   τάς    Ιπτά    φιάλας   των    γεμόντο^ν    των    επτά 
πληγών;  χνΐι,  8,  un  genitif  pour  un  nominatif  :  κατοικοΰντες...  βλεπόντων). 

En  general,  il  n'est  done  pas  trop  ose  d'affirmer  que  Jean  se  souciait  fort 
peu  de  i'exactitude  des  cas ;  il  avait  une  tendance  surtout  a  retourner  toujours 
au  nominatif.  Charles  a  releve  des  irregularites  semblables  dans  les  LXX, 
notamment  Ezechiel,  xxili,  12;  τοί»ς  υίους  των   ΆσσυρίωΛ..  ίππεΤς  Ίππαζόμενοι  εφ'  ΐππων. 


Ι 


LANGUE  DE  L  APOCALYPSE.  CXLVII 

Marc  non  plus  n'en  est  pas  exempt;  mais  nulle  part  on  n'en  trouve  la  m^me 
surabondance  que  dans  I'Apocalypse.  G'est  surtout  au  mot  λέγων  (λέγοντες)  que 
se  remarque  cette  bizarrerie.  On  dirait  que  I'ecrivain  en  fait  presque  un  mot 
indeclinable;  aussi  plus  d'un  critique  pense  a  cette  occasion  a  I'hebreu  IIOnS; 
on  trouve  xiv,  6-7,  λέγοιν  suivant  deux  adjectifs  a  I'accusatif.  Cfr.  iv,  1  :  ή  φωνή... 
λέγων;  XI,  15  φοιναί  μεγάλαι...  λέγοντες;  et  (peut-Otre)  ΧΙΧ,  6  :  ως  φωνήν  βροντών... 
λέγοντες.  Cfr.  surtout  I'extraordinaire  expression  de  xi,  1  :  εδόθη  αοι  κάλαμος 
δίμοιος  ^άβδω,  λέγων  (grammaticalement,  il  faudrait  comprendre  que  c'est  le  roseau, 
χάλαμος,  qui  «  dit  »,  tandis  que,  pour  le  sens,  λέγων  ne  pent  se  rapporter  qu'au 
personnage  qui  a  donne  le  roseau). 

b.  Les  exemples  ci-dessus  (iv,  1  et  xi,  15)  nous  amenent  a  parler  d'une 
deuxieme  categorie  de  solecismes,  a  savoir  I'emploi  du  masculin  a  I'epithete  ou 
au  participe  qui  se  rapporte  a  un  nom  feminin  ou  neutre.  On  peut  parler  d'un 
accord  ad  sensum,  comme  I'admet  assez  genereusement  Bousset  (p.  160-161), 
apres  des  mots  tels  que  ζώον,  άρνίον,  θηρίον,  qui  signifient  figurativement  des  etres 
doues  d'intelligence;  ou  meme  apres  φωνή,  en  pensant  a  celui  de  qui  emane  la 
voix  (iv,  7  :  ζωον..  Ιχ^ων;  8,  τα  τετσερα  ζωα  Sv  καθ'  Iv  αύτων  εχών  άνα  πτέρυγας  έ'ζ... 
και  άνάπαυσιν  ουκ  εχουσιν  ...λέγοντες;  χιΐι,  14,  tres  bien  atteste  :  τω  θηρίω  δς  έχει; 
XVII,  3  θηριον  γέμοντα  ...ε/οντα;  [Α  et  autres,  έχων];  χνΐι,  11,  το  θηριον...  αύτος 
βγδοός  εστίν;  χνιι,  16  τα  δε'κα  κέρατα...  και  το  θηριον  οδτοι  μισησουσιν ;  ν,  6  άρνίον 
Ιστηκώς,  bien  atteste;  ν,  12;  άξιος  το  άρνίον,  d'apres  Α;  ιν,  1  φωνή...  λέγων, 
IX,  13-14  φι»)νήν...  λέγοντα;  χι,  15  φο)ναι...  λέγοντες;  a  la  rigueur,  pour  2  fois  ou 
3  fois  αύτοΐς  se  rapportant  a  ακρίδες  feminin,  parce  que  ces  «  sauterelles  »  peuvent 
etre  des  demons  :  ix,  4,  5,  et  (?)  ix,  3,  ou  encore  le  δνο'ματα  ol'  de  in,  4,  douteux, 
le  στρατεύματα  ενδεδυμενοι  de  xix,  et  le  πνεύματα...  απεσταλμένοι  de  V,  6,  A.  Mais  une 
constructio  ad  sensum  expliquerait  plus  diificilement  le  masculin  apres  χιλιάδες, 
de  VII,  4  (xiv,  3  peut  s'expliquer  par  une  apposition) ;  et  il  est  impossible  d'y 
recourir  aux  passages  suivants  :  ix,  7  :  τα  δμοιιόματα...  όμοιοι;  χι,  4  :  αί  δυο 
λυχνίαι  «ί  Ιστίϋτες  (!);  ΧΧΙ,  14  :  το  τείχος  της  πόλεοις  έχων,  XXII,  2  :  ξυλον  ζοιης  ποιών  ; 
etxiv,  19  :  τήν  ληνον  τοϊ3  θυμού  του  θεού   τον  μέγα  ν. 

3**  Nominatifs  ahsolus.  —  On  rencontre  plusieurs  fois  dans  I'Apocalypse  un 
nominatif  qui  nest  sujet  ni  predicat  d'aucun  verbe,  mais  I'etre  qu'il  design» 
reparaitra  dans  la  phrase,  designe  cette  seconde  fois  par  un  pronom  regime. 
C'est  ce  que  les  grammairiens  appellent  «  nominativus  pendens  ».  C'est  une 
sorte  d'anacoluthe,  ou  parfois  d'exclamation,  qu'on  trouve  en  toutes  les  langues, 
dans  le  langage  familier  ou  I'eloquence  saccadee,  mais  qui  ne  produisait  pas  en 
hebreu,  ou  il  n'y  a  point,  comme  on  salt,  de  declinaison,  la  meme  impression 
d'irregularite  qu'en  latin  ou  en  grec;  aussi  y  est-elle  admise  (1).  —  Exemples 
dans  I'Apocalypse  :  δ  νικών,  δώσω  αύτω  II,  26;  III,  12,  21;  cfr.  xvi,  19  :  βαβυλών... 
εμνησθη  δούναι  αύτη.  Blass  [Debrunner),  p.  275,  signale  plusieurs  tournures  simi- 
laires  dans  la  Bible  grecque,  le  Nouveau  Testament,  les  papyrus  et  meme  le 
grec  classique.  Aux  chapitres  ii,  7,  17  et  vi,  4  et  xxi,  6,  ce  n'est  plus  un  nomi- 
natif absolu,  mais  on  lit  τω  νικώντι  δώσω  αύτίο;  —  xw  καθημένω...  έδο'θη  αύτω,  — 
Ιγώ  τω  διψώντι  δώσω  αύτο>,  ce  qui  constitue  un  simple  pleonasme.j 

(I)  Ainsi  Nahum,  i,  3  :  '■^^M  nS1D2  ΓΧ^Π'^  :  Jehovah,  son  chemin  est  dans  la  tempSte,  et 
ailleurs.  Gesenius-Kautzsch,  26*  Edition,  §  143,  p.  451. 


CXLVIII  INTRODUCTION. 

k°  Pleonasmes  du  pronom  ou  de  I'adverbe.  —  La  meme  irregularite  se  ren- 
contre bien  ailleurs  que  dans  les  trois  cas  cites  ci-dessus.  Elle  ne  donnerait 
peut-etre  pas  lieu  a  des  observations  particulieres,  et  on  pourrait  n'y  voir  qu'une 
pure  affaire  de  style,  si  le  pronom  demonstratif  n'etait  pas  repete  tres  Indument 
dans  une  proposition  commenQant  par  un  pronom  relatif  rapporte  au  meme 
SUJet  :  III,  8  :  ην  ούδίΐς  δύναται  κλεΐσαι  αύτην.  Idem  VII,  2,  9;  ΧΙΙΙ,   8,  12;  XX,  8.  Une 

tournure  semblable  est  en  usage  avec  les  adverbes  de  lieu  xii,  6  :  οπού  ε/ει  Ικεΐ. 
Idem  XII,  14  et  xvii,  9.  C'est  un  gros  solecisme  en  grec,  mais  une  tournure 
necessaire  en  hebreu  :  is..  I^n,  d^..  "lUh^.  S'il  y  a  des  paralleles  en  grec  ancien 
vulgaire,  ils  sont  tres  rares. 

5°  Coordination  du  participe,  meme  a  un  cas  oblique,  avec  un  verbe  fini.  — 
Get  idiotisme,  qui  est  frequent  en  hebreu  [Driver,  Moods  and  tenses  163,  cite 
par  Charles,  p.  90),  n'apparait  pas  moins  de  six  fois  dans  I'Apocalypse.  i,  5-6  : 
τώ  άγαπώντι  ήμας  και  λύιαντι  (λούσαντι?)  ...  και  ε'ποίησεν  ήμας  βασιλείαν;  idem  II,  9,  (20)  ; 
III,  7,  bis;  δ  avotyojv  και  ουδείς  κλείσει,  και  κλείοιν  και  ουδείς  ανοίγει;  ιιι,  9  τΰν 
λεγο'ντων  εαυτούς  'Ιουδαίους  εϊναι,  κα\  ουκ  ε'ισίν.  (Au  chap,  νιι,  14,  ce  n'est  pas  la 
meme  chose,  car  έπλυναν  se  rattache  directement,  comme  ε'ισι,  a  ο&τοι  qui  n'est  pas 
repete).  On  pent,  a  la  rigueur,  et  nous  le  ferons  dans  notre  traduction,  isoler 
le  verbe  fini  du  participe  en  plusieurs  de  ces  cas,  pour  en  faire  une  parenthese 
energique  :  «  de  ceux  qui  se  disent  Juifs...  —  et  ils  ne  le  sont  pas!  »  Mais  cela 
serait  bien  difficile,  par  exemple,  au  chap,  ii,  20  άρεις  τήν  γυναίκα  Ίεζάβελ,  ή  λέγουσα 
Ιαυτήν  προφητιν  και  διδάσκει,  οΰ  d'ailleurs  le  participe  n'est  pas  a  un  cas  oblique; 
il  faut  traduire  :  «  celle  qui  se  dit  prophetesse  et  qui  enseigne...  »  Nous  aurons, 
dans  un  autre  chapitre,  Toccasion  de  discuter  sur  les  paralleles  vrais  ou  sup- 
poses qu'oflfre  le  Nouveau  Testament  a  cette  tournure. 

6°  Bizarreries  et  solecismes  notoires.  —  Signalons,  pour  finir,  un  certain 
nombre  de  fautes  ou  d'etrangetes  que,  avec  la  meilleure  volonte,  on  ne  saurait 
expliquer  ni  comme  des  hebraismes,  ni  comme  des  accords  ad  sensum,  ni  par 
la  grammaire  d'aucun  idiome  vulgaire.  Ce  sont  d'abord  les  confusions  de  genre 
deja  rencontrees  :  h  Άψ-νθος  pour  ή  Άψ';  le  masculin  pour  le  feminin,  et  surtout 
pour  le  neutre,  meme  quand  il  s'agit  d'objets  inanimes ;  la  grossiere  erreur  at 
έστίοτες  pour  έστωσαι  du  ch.  XI ;  le  την  ληνον  τον  με'γαν  du  ch.  xiv ;  enfin,  plus 
singulier  encore,  mais  bien  atteste  (par  ν  A  Ρ  81),  le  τήν  λίμνην  του  ττυρος  της 
καιομε'νης  I'etang  «  du  feu  brulante  »,  xix,  20.  —  Ou  encore  ομοιον  υίον  άνθροίπου, 
repete  deux  fois,  en  deux  passages  tres  dififerents,  i  et  xiv.  —  Mais  surtout  une 
expression,  epithete  divine,  que  lecrivain  affectionae,  car  il  la  reproduit  5  fois, 
trois  fois  entierement  6  ών  καΐ  δ  ήν  και  δ  ε'ρ/οαενος,  Ι,  4,  8;  ιν,  8,  et  deux  fois 
partiellement  δ  ών  και  δ  ην.  Elle  n'est  jamais  qu'au  nominatif,  mome  apres  άπο 
(i,  4  άπο  δ  ών),  comme  si  c'etait  un  nom  indivisible  el  indeclinable.  L'article  δ 
s'y  trouve  place  deux  fois  devant  un  participe,  mais,  entre  ces  participes,  il  se 
trouve  aussi  devant  un  verbe  fini,  I'imparfait  ήν.  Comment  traduire?  Le  mieux, 
apres  Bousset  et  d'autres,  est  de  croire  que  I'auteur  s'est  permis  celte  bizarrerie 
dans  I'intention  de  relever  le  hieratisme  de  I'epithete;  on  ne  pent  vraiment 
parler  d'ignorance,  pour  άπο  δ  ών  ;  ni  de  distraction  pour  δ  ήν,  puisque  cinq  fois 
la  chose  se  repete.  II  n'avait  pas  de  participe  preterit  a  sa  disposition,  au  verbe 
είναι;  pour  sauvegarder  la  symetrie  de  I'expression  solennelle,  il  a  substantifie 
ou  «  participle  »  I'imparfait.  Ainsi  il  a  donne  comme  un  developpement  du  nom 


LANGUE    DE    L  APOCALYPSE.  CXLIX 

de  Jaliweh  «  Celui  qui  est  » .  Mais  un  homme  sachant  vraiment  parler  grec  eut 
^te  arrete  par  le  caractere  barbare  d'une  telle  tournure.  Nous  traduirons,  vaille 
que  vaille  :  «  de  la  part  de  [celui  qui  a  nom)  :  il  est,  il  etait,  il  vient  «. 


Que  conclure  de  cette  revue,  encore  imparfaite,  de  la  grammaire  apocalyp- 
tique  ? 

Notons  d'abord  qu'elle  est  tres  homogene.  Les  particularites  signalees  sent 
assez  egalement  reparties  a  travers  le  livre  entier,  sans  distinction  des  trois 
parties,  ni  des  deux  sections  de  la  partie  prophetique.  Le  vocabulaire  aussi, 
sauf  la  diversite  des  sujets  traites,  est  bien  d'une  seule  venue.  Nous  pouvons 
done  parler  de  I'Apocalypse  comme  d'un  livre  du  a  un  seul  auteur  (ou,  pour 
ne  pas  etre  trop  affirmatif  avant  le  temps,  a  un  seul  redacteur),  quitte  a  demontrer 
plus  tard  ex  pj-ofesso  cette  unite  de  main. 

Les  irregularites  de  cette  langue  doivent-elles  s'expliquer  par  le  fait  que 
Tauteur  etait  un  Semite,  un  «  Hebreu  »?  Les  avis  des  critiques  sent  partages. 

Les  uns,  et  les  plus  nombreux  de  beaucoup  [Boiisset,  Blass,  Viteau,  Jacquier, 
Swete,  Charles,  etc.)  n'ont  pas  de  peine  a  trouver  de  nombreuses  particularites 
qu'on  peut  faire  valoir  comme  des  hebraismes.  Tels  sent  le  mot  κατηγωρ,  I'emploi 
particulier  de  διδοναι,  la  frequence  de  IvoWiov  et  de  Ίδου,  le  ιτόδίς...  ώς  στύλοι,  les 
traces  probables  d'  «  etat  construit  »,  la  repetition  usuelle  de  I'article  devant 
I'epithete,  la  frequence  de  πας,  suivant  parfois  une  negation,  I'usage  presque 
exclusif  des  pronoms  pour  le  possessif,  la  confusion  des  temps,  I'absence  de 
beaucoup  de  particules  tres  frequentes  en  grec  (meme  hellenistique),  certaines 
irregularites  au  regime  des  verbes,  Tabus  de  έν  instrumental,  de  καΐ  (employe 
meme  trois  fois  a  I'apodose),  le  genitif  suivant  toujours  le  nom,  la  frequence 
du  verbe  prepose  a  son  sujet,  les  propositions  nominales,  le  participe  pour  un 
verbe  fmi,  les  pleonasmes  de  pronom  ou  d'adverbe,  le  retour  instinctif  au  nomi- 
natif  et  au  genre  masculin  (surtout  apres  le  neutre,  genre  qui  n'existe  pas 
dans  les  langues  semitiques),  les  «  nominatifs  pendants  »,  la  coordination  d'un 
verbe  fini  avec  un  participe;  enfin  les  fautes  frequentes  et  les  constructions  dures 
ou  singulieres,  qui  montrent  un  ecrivain  ayant  peu  de  facilite  a  manier  la  langue 
grecque.  II  est  hors  de  doute  que  cet  ensemble  est  impressionnant. 

Gependant  un  certain  nombre  de  philologues,  verses  dans  I'etude  des  papyrus 
greco-egyptiens  et  des  ostraka,  sont  portes  a  restreindre  considerablement  ces 
influences  presumees  de  I'hebreu  et  de  I'arameen.  Moulton,  notamment,  affirme 
que,  si  Ton  abstrait  des  passages  ou  I'auteur  aurait  traduit  expressement  un 
document  semitique  (?),  sa  grammaire  pourrait  tout  aussi  bien  6tre  celle  d'un 
paysan  egyptien  du  Fayoum,  ou  d'un  natif  d'Oxyrinchus  qui  aurait  pousse 
jusqu'au  meme  point  son  etude  du  grec.  II  note  que  beaucoup  des  irregularites 
mentionnees  ne  sont  pas  sans  exemple  dans  le  grec  vulgaire  de  I'epoque.  II  est 
certaines  de  ces  fautes  que  les  gens  du  peuple  commettent  dans  toutes  les  langues. 
M^me  le  «  semitisme  »  le  plus  typique,  le  pronom  demonstratif  faisant  pleo- 
nasme  avec  le  relatif,  ne  semble  pas  en  soi  une  suflisante  piece  a  conviction. 
Et  Moulton  appuie  ses  objections  d'observations  tres  amusantes,  comme  cellc-ci : 
Quand  la  Sarah  Gamp  de  Martin  Chuzzlemt  s'exprime  ainsi  :  Which  her  name 


CL  INTRODUCTION. 

is  Mistress  Harris,  nul  ne  songera  que  Dickens  ait  voulu  rendre  sa  fameuse 
garde-malade  suspecte  d'  «  hebraiser  ». 

La  these  peut  sans  doute  se  defendre,  avec  ou  sans  humour.  Cependant  il 
y  a  tant  et  tant  de  ces  irregularites  grecques  qui  concordent  parfaitement 
avec  I'usage  semitique  le  plus  regulier,  que  nous  aurions  peine  a  refuser  notre 
assentiment  a  cette  remarque  si  judicieuse  do  Swete  (Apoc.  p.  cxxv,  n.  1)  '. 
«  Les  faits,  jusqu'a  present,  ne  paraissent  pas  suiTisants  pour  garantir  cette 
conclusion  (de  Moulton).  II  est  hasardeux  de  comparer  un  document  litt^raire 
avec  une  collection  de  lettres  personnelles,  de  leltres  d'affaires,  de  factures,  et 
autres  ecrits  ephemeres  (tels  que  sent  la  plupart  du  temps  les  papyrus);  des 
bevues  dans  la  formation  des  mots  ou  dans  la  syntaxe,  qu'il  y  a  tout  lieu  de 
s'attendre  a  trouver  dans  ces  derniers,  sont  des  phenomenes  exceptionnels  dans 
les  documents  de  la  premiere  categoric ;  et  si  elles  y  trouvent  place,  on  ne  peut 
i'attribuer  qu'a  des  habitudes  de  pensee  longues  comme  la  vie.  De  plus,  il  reste 
a  considerer  dans  quelle  mesure  les  termes  de  conversation  quasi-semitiques 
des  papyrus  peuvent  etre  dus  eux-memes  a  la  nombreuse  population  des  Juifs 
parlant  grec  dans  le  Delta  du  Nil.  » 

II  faut  nous  rendre  a  cette  consideration,  et  nous  ranger  a  I'opinion  commune. 
Nous  admettrons  sans  difiiculte,  avec  Swete,  Charles  et  les  autres,  que  Jean, 
qui  a  un  style  plus  «  hebraique  »  que  celui  des  Septante,  qui  sait  si  peu  user 
des  particules  pour  nuancer  ses  phrases,  n'a  pas  domine  I'idiome  grec,  meme 
celui  de  sa  propre  periode,  et  cela  en  depit  de  la  richesse  d'un  vocabulaire 
acquis  seulement  par  la  conversation.  Comme  il  avait  parle  arameen  la  plus 
grande  partie  de  sa  vie,  il  pensait  encore  en  arameen. 

HI.  —  Style. 

L'etude  du  style  ne  fera  que  corroborer  cette  conclusion. 

Deja  nous  avons  fourni  certaines  indications  a  ce  sujet.  La  premiere  carac- 
teristique  de  ce  style,  c'est  de  n'avoir  aucune  repugnance  pour  les  repetitions. 

1°  Jean  a  certaines  expressions  favorites  qui  reapparaissent  a  travers  les  cha- 
pitres  censes  avoir  I'origine  la  plus  differente,  d'apres  les  speculations  des 
«  Literarkritiker  ».  11  nous  suffit  de  transcrire  et  de  preciser  la  liste  qu'en  a 
etablie  Bousset  (pp.  176-177)  : 

λόγος  του  θεοΰ  κ«1  μαρτυρία  Ίησοΰ  (ι,  2,  9;  νι,  9;  χιι,  11;  χχ,  4;  cfr.  χι,  7,  ττ,ν 
μαρτυρίαν  αυτών;  χιι,  17  :  τήν  μαρτυρίαν  Ίησοΰ;  XIX,  10,  idem.). 

κύριος  δ  θεός  δ  παντοκράτο^ρ  (ι,  8;  ιν,  8;  χι,  17;  XV,  3;  XVI,  7;  χιχ,  6,  15;  χχι,  22; 
cfr.  XVI,  14  :  του  θεοΰ  του  παντοκράτορος). 

ζων  εις  τους  αιώνας  των  αιώνων  (ι,  18;  IV,  9,  10;  Χ,  6;  XV,  7;  cfr.  ν,  13  ή  ευλογία,... 
εις  τους  αιώνας  τών  αίο^νων;  χιν,  11  :  εις  αιώνας  αιιόνων  αναβαίνει). 

φυλαΐ  γλώσσαι  λαο\  έθνη  (ν,  9;  νΐΐ,  9;  XI,  9;  XIII,  7;  XIV,  6;  cfr.  χ,  11  :  επΙ  λαοϊς  καΐ 
εθνεσιν  και  γλώσσαις  καΐ  βασιλεΰσιν;  et  χνΐΐ,  15  :  λαοί  καΐ  όχλοι...  και  έθνη  και  γλώσσαι). 

βίβλος  (βιβλίον)  της  ζωής  (ιιι,  5;  XIII,  8;  χνΐΓ,  8;  XX,  15  :  χχι,  27). 

I'adjectif  άληθινο'ς,  joint  a  quelque  autre  epithete,  άγιος,  πιστός,  δίκαιος  (in,  7,  14; 
VI,  10;  XV,  3;  χνι,  7;  χιχ,  2,  11;  χχι,  5;  χχιι,  6),  excepte  χιχ,  9,  ού  il  est  seul. 

μακάριο;...,  ouvrant  une  «  beatitude  »  qui  ressemble  pour  la  forme  a  celles  de 


LANGUE    DE    l'aPOCALYPSE.  CLI 

Luc  (et  de  Matthieu)  ;  (i,  3;  xiv,  13;  xvi,  15;  xix,  9;  xx,  6;  xxii,  7,  14).  —  De 
m^me  sept  (ou  huit)  doxologies. 

τηρίΐν,  au  sens  d'obseri^er,  pratique/•  (λόγον,  λογουί,  έργα,  γεγρ«(Λμενα,  εντολάς)  (ι,  3; 
II,  26;  in,  3,  8,  10;  χιι,  17;  χιν,  12;  χχιτ,  7,  9);  au  sens  de  cowse/ver  (πι,  10; 
XVI,  15). 

ήλΟεν  ή  ήμε'ρα  (οργή,  ώρα)  (νι,  17;  XI,  18;  χιν,  7,  15;  XVIII,  10;  χιχ,  7). 

βρονται  φωναι  άστραπαι  (σεισμός)  (ΐν,  5;  νηΐ,  5;  Χΐ,  19;  χνι,  18). 

πηγαι  δδάτων  (νΐΐ,  17  :  ζωής  π.  υ.  ;  VIII,  10  ;  XIV,  7  ;  XVI,  4  ;  cfr.  XXI,  6  :  της  πηγής  του 
ύδατος  της  ζο^ης;  χχπ,  1  :  ποταμον  ύδατος  ζωής;  ΧΧΙΙ,  17  :  υδθ)ρ  ζο^ης) 

δ  ων  χαΐ  δ  ήν  (και  δ  ερχ<ίμενος)  (ι,  4,  8;  ΐν,  8  ;  Χΐ,  17  ;  χνΐ,  5). 

ουρανός,  γη,  υποκάτω  της  γης  (ν,  3,  13;  cfr.  Χ,  6  :  τον  ούρανον  και  τα  εν  αυτω  καΐ  τήν 
γην  καΐ  τα...  και  τήν  θάλασσαν  καΐ  τα....;  χιν,  7  :  τον  ούρανον  καΐ  τήν  γήν  κα\  θάλασσαν  και 
πηγάς  υδάτων)  ; 

enfin  des  enumerations  de  classes  d'hommes  tres  similaires,  ou  il  faut  surtout 
remarquer  μικροί  και  μεγάλοι  (vi,  15;  XI,  18;  xiii,  16;  xix,  5,  18;  xx,  12)  —  προ- 
φήται-αγιοι  (xi,  18;  XVI,  6;  xviii,  24;  cfr.  xviii,  20  :  ουρανέ  και  ot  οίγιοι  κα\  οί  απόστολοι 
οι  προφήται). 

D'autres  expressions,  plus  rares,  sont  caracteristiques  de  certaines  parties, 
dans  lesquelles  se  trouvent  d'ailleurs  nombre  des  expressions  ci-dessus.  Ainsi 

δ  μάρτυς  δ  πιστός  dans  les  lettres  (i,  5 ;  II,  13  ;  in,  14) ; 

περιβάλλειν  (-εσθαι)  στόλας  λευκάς,  ίμάτια  λευκά,  εν  ίμ.  λευκοΐς  [passim,  de  ΐ  a  νιΐ); 

οΤνος  του  θυμοΰ  της  όργης  (της  πορνε(ας)  (χΐν,  8,  10;  XVI,  19;  χνΐΐ,  2;  XVIII,  3;  XIX, 
15),  dans  la  2^  section  de  la  partie  prophetique. 

εκ  του  ουρανού  άπο  του  θεοΰ  (χχ,  9;  χχι,  2,  10;  mais  aussi  une  fois  dans  les  Letlres, 
in,  12). 

λίμνη  του  πυρός  (καί  θείου)  (χΐχ-χχι,  6  fois). 

2°  Parmi  les  formules  de  transition,  extr^mement  peu  variees,  la  plus  fre- 
quente  est  μετά  ταΰτα  είδον  (iv,  1;  VII,  1,  9;  xv,  5;  xviii,  1;  xix,  1;)  ou  bien  και 
εΤδον  και  Ιδου  (νι,  ter;  νιι,  9  :  μετά  ταΐ3τα  εΤδον  καΐ  ϊδου ;  χιν,  1,  14);  0U  bien  και  είδον  et 
και  ιδού  (passim.).  II  en  resulte,  ainsi  que  de  la  pauvrete  des  particules  de  rela- 
tion entre  les  propositions,  de  I'absence  absolue  de  periodes,  de  la  continuelle 
parataxe  avec  και,  un  certain  caractere  de  monotonie  et  de  mecanisme  qui 
s'etend  a  tout  le  livre,  et  que  I'ecrivain  n'a  sans  doute  pu  eviter,  a  cause  de  sa 
connaissance  toute  populaire  du  grec. 

3°  Cette  impression  est  aggravee  par  la  repetition-  contifiuelle  des  memes 
mots,  ainsi,  assez  souvent,  celle  des  articles  et  des  prepositions  devant  plusieurs 
substantil's  coordonnes,  ou  meme  du  i'erbum  regens  devant  plusieurs  genitifs 
ou  expressions  qui  le  determinent.  De  meme  par  les  repetitions,  souvent  peu 
significatives,  de  I'article  devant  les  epithetes  ou  les  participes  [yid.  supra). 
11  est  vrai  que  I'auteur  a  bien  plus  vise  a  la  solennite  qu'il  n'a  fui  la  redondance; 
aucun  souci  de  concision  n'apparait  dans  son  ouvrage. 

4°  II  n'est  pas  besoin  de  revenir  sur  cc  que  nous  avons  longuement  explique 
a  propos  de  la  symetrie  imposee  aux  idees  d'un  bout  a  I'autre  de  la  Revelation. 
Notons  seulement  quelques  traits  de  parallelisme,  secondaires,  qui  ont  parfois 
encore  une  couleur  hebraique.  Toutes  les  series  septenaires,  lettres,  sceaux, 
trompettes,  coupes,  ont  des  formules  identiquement  construites  au  commence- 
ment —  et  a  la  fin,  pour  les  Letlres,  —  de  chacun  de  leurs  sept  membres  :.  K«l 


cm  INTRODUCTION. 

τω  άγγίλω...   γράψον   :  rotSe  λί'γει  ό Ό  νικών  (τω  νικώντι)....    (δώσο)   αΰτω )   Ό 

εχοιν  ους  άκουσάτοί  τί  το  πνεύμα  λέγει  ταϊς    'εκκλησίαις  —  (°Ότε  ηνοιςεν  το  άρνίον) ;   χ«1  οτε 

ψού,ι^ —  Και  δ  πρώτος  (δ  δεύτερος  άγγελος,  etc.)  ε'σάλπισεν  —  (Και  άπηλθεν  δ  πρώτος 

καΐ  ε'ξεχεεν..);  και  δ  δίυτβρος,  etc....  δ  ε|3δο|χος  ίξε'χεβν  :  Charles  veut  reconnaitre  une 
division  en  stances  de  trois  ou  quatre  lignes  dans  la  description  celeste  iv,  2-8. 
Le  parallelisme  est  encore  beaucoup  plus  marque  pour  I'apparition  des  quatre 
Cavaliers  k  la  rupture  des  quatre  premiers  sceaux.  Enfin,  il  arrive  ca  et  la  que 
la  meme  idee  est  exprimee  deux  fois  coup  sur  coup,  sous  une  forme  positive 
et  une  forme  negative,  comme  dans  les  Psaumes  (Ex  :  iii,  16;  x,  4.)  —  Le 
parallelisme  du  reste,  au  moins  entre  les  idees  et  les  figures,  est  comme  une  loi 
de  ce  style,  nous  I'avons  explique. 

5°  Nous  avons  iiote  aussi  la  singuliere  instabilite  de  certaines  images,  et 
cherche  k  en  decouvrir  la  raison  (chapitre  vi  de  cette  Introduction).  Jean  lui- 
m^me  (comme  d'autres  Apocalyptiques)  semble  vouloir  insinuer  le  manque 
d'adequation  qu'il  reconnaissait  entre  cette  imagerie  et  ce  qu'il  avait  veritable- 
ment  eprouve  dans  ses  visions,  en  multipliant  la  conjonction  ώς,  comme,  laquelle, 
au  moins  une  quinzaine  de  fois,  n'indique  pas  une  pure  comparaison,  mais 
plutot  une  approximation  (v.  Commentaire). 

6°  Dans  I'usage  des  temps,  on  a  remarque  la  fluctuation  que  les  visions 
presentent  entre  le  present,  le  futur,  et  I'aoriste  (ou  parfait).  A  notre  avis,  ce 
n'est  pas  une  negligence  de  style,  ni  I'effet  du  manque  de  familiarite  avec  la 
langue  grecque;  c'est  le  mouvement  de  la  pensee,  extremement  rapide  et 
vivante,  qui  explique  tout.  Voici  un  specimen  tres  caracteristique,  au  cha- 
pitre XI.  II  s'agit  de  la  vision  des  Deux  Temoins.  Jesus,  qui  a  commande  a  son 
prophete  de  mesurer  le  Temple,  lui  decrit  leur  venue  et  leur  action;  les  lui  fait-il 
percevoir  par  des  images  visuelles?  Le  texte  ne  le  dit  pas  expressement  : 
«  2-13.  II  a  ete  donne  (εδόθη)  aux  nations  (le  parvis  exterieur) ;  et  la  ville  sainte, 
elles  (la)  fouleront  aux  pieds  (πατνίσουτιν)  quarante-deux  mois.  Et  je  donnerai  a 
mes  deux  Temoins  (sic),  et  ils  prophetiseront  (προ,ρητεύσουσιν)  douze  cent  soixante 
jours  (=  42  mois)....  Ceux-la  sont  les  deux  oliviers  et  les  deux  flambeaux.... 
Et  si  quelqu'un  veut  leur  nuire,  du  feu  sort  (εκπορεύεται)  de  leur  bouche  et  devore 
(χατεσθίει)  leurs  ennemis....  Ceux-la  out  (εχουσιν)  le  pouvoir  de  former  le  ciel,...  Et 
quand  ils  auront  complete  leur  temoignage,  la  Bete  qui  monte  de  I'Abime  (δ 
άναβαίνων..)  guerroiera  avec  eux  (ποιήσει  πόλεμον)  et  les  vaincra  (νικήσει),  et  les  tuera 
(άποκτενεϊ).  Et  leur  cadavre  (demeure,  git)  sur  la  place  de  la  grande  ville.....  Et 
(ils)  regardent  (βλε'πουσιν)  (ceux)  des  peuples,  et  tribus,  et  langues  et  nations, 
leur  cadavre  trois  jours  et  demi;  et  leurs  cadavres  ils  ne  permettent  pas  (ούκ 
άφ(ουσιν)  de  (les)  mettre  au  tombeau.  Et  ceux  qui  habitent  sur  la  terre  se  rejouis- 
sent  (/αίρουσιν)  a  propos  d'eux,...  et  ils  s'enverront  (πε'μψουσιν)  des  cadeaux  les 
uns  aux  autres,  car  ces  deux  prophetes  tourmenterent  (έβασάνισαν)  ceux  qui 
habitent  sur  la  terre.  Et  apros  les  trois  jours  et  demi,  un  esprit  de  vie  (venant) 
de  Dieu  entra  en  eux  (εισήλθεν  h  αύτοΐς),  et  ils  se  tinrent  debout  (έστησαν)  sur  leurs 
pieds,  et  une  grande  crainte  tomha  (επεπεσεν)  sur  ceux  qui  les  consideraient.  Et 

ils  entendirent  (τ^κουσαν)  une  grande  voix Et  ils  monterent  dans  le  ciel,  et 

leurs  ennemis  les  considererent  (άνε'βησαν,  έΟειόρησαν),  etc.  »,  plus  rien  que  des 
aoristes. 

Voici  comme  je  pense  qu'il  faut  expliquer  ces  apparentes  anomalies.  La  pr^- 


LANGUE    DE    L  APOCALYPSE.  CLIII 

diction  deg  «  Temoins  »,  qui  n'avait  peut-6tre  ete  d'abord  qu'une  communication 
intellectuelle,  intercalee  dans  la  vision  imaginative  de  la  mesure  du  Temple  (ver- 
sets  1-2),  frappe  assez  vivementle  Prophete  pour  devenir  visible  aux  yeux  de  son 
corps  ou  de  son  esprit.  II  {Oit  le  feu  sortir  de  leur  bouche,  il  les  co/i  fermer  le 
ciel,  et,  comprenant  le  sens  clair  de  ce  qui  lui  est  ainsi  revele  en  figures,  se  rend 
compte  que  c'est  une  realite  presente  et  perpetuelle,  la  defense  de  I'Eglise  par 
la  predication  et  les  miracles.  II  salt,  d'autre  part,  que  la  persecution  aura  raison, 
au  moins  pour  un  temps,  de  cette  action  exterieure;  alors  il  parle  au  futur  de  la 
mort  des  temoins.  Mais  alors  son  esprit  se  transporte  dans  I'avenir  (peut-etre 
une  vision  se  peint-elle  meme  dans  son  imagination),  il  voit,  avec  une  actualite 
qui  est  celle  de  la  vision,  et  non  du  fait  figure,  ces  cadavres  abandonnes  et  insul- 
tes,  il  e/?ie/?(i  I'expression  de  la  joie  des  persecuteurs ;  cependant  il  garde  cons- 
cience du  caractere  futur  de  ces  evenements,  et  c'est  pour  cela  qu'il  retourne 
subitement,  pour  un  instant,  au  temps  futur  (π=νψο'^σιν).  Mais  immediatement  il 
revient  a  la  sensation  surnaturelle  qui  I'a  absorbe,  et  raconte  alors  a  ses  lecteurs, 
les  images  qui  ont  defile  devant  ses  yeux  ou  son  esprit,  avec  les  aoristes  Ιβα- 
σάνισαν,  ίίσηλθεν,  etc.  Le  mouvement  de  la  pensee  et  du  recit  explique  assez 
bien  ces  fluctuations,  pour  qu'il  ne  soit  pas  besoin  de  recourir  a  des  confusions 
grammaticales.  Les  recits  du  prophete  sont  toujours  passionnes.  II  sait  qu'il 
rapporte  une  vision  passee,  qui  a  trait  au  present  et  a  I'avenir  a  la  fois ;  mais,  par 
instants,  tout  se  met  a  vivre  devant  ses  yeux  a  mesure  qu'il  ecrit.  Ce  pheno- 
mene  n'est  pas  moins  sensible  en  plusieurs  autres  visions. 

11  faut  noter  un  point  fort  important  pour  I'exegese  et  que  nous  aurons  plus 
d'une  occasion  d'etablir  au  cours  du  commentaire;  si  ce  va-et-vient  de  la  memoire 
et  de  I'imagination  porte  le  Voyant  a  meler  le  present  et  les  temps  passes,  si 
parfois  le  caractere  visionnel  de  ces  descriptions  lui  fait  employer  un  present  ou 
un  aoriste  pour  des  evenements  futurs,  nulle  part  on  ne  saurait  prouver  que  I'in- 
verse  se  realise  :  il  ne  parle  au  futur  que  lorsqu'il  a  conscience  de  narrer  des  faits 
qui  se  realiseront  seulement  dans  I'avenir,  ou  qui,  s'ils  ont  deja  commence,  ont 
encore  a  poursuivre  leur  developpement.  Cette  observation  est  essentielle  pour 
comprendre  I'economie  de  sa  Revelation.  Bousset,  et  d'autres,  ne  I'ont  pas  tou- 
jours bien  saisi.  Cependant  Bousset  reeonnait  qu'il  savait  user  des  temps  — 
ainsi  de  I'imparfait  —  avec  exactitude  et  finesse.  Alors  pourquoi.se  serait-il  servi 
d'une  maniere  moins  juste  du  futur?  Qu'on  se  reporte  a  ce  que  nous  avons  ditdes 
scenes  de  pure  description,  et  des  phrases  ou  pericopes  purement  prophetiques. 
Jean  sait  au  moins  mettre  une  distinction  tres  nette  entre  ce  qui  lui  etait  montre 
comme  present,  figure  actuellement  par  des  images,  et  ce  qui  lui  etait  predit, 
seulement  revele  a  ses  oreilles  ou  a  son  intelligence,  comme  devant  snwre  les 
realites  presentees  figurativement  a  ses  sens  externes  ou  internes. 

7'  La  remarque  qui  a  la  plus  d'importance  apres  cette  derniere,  a  trait  a  la 
fagon  qu'il  a  de  developper  les  idees  congues  ou  les  scenes  contemplees.  II  est 
rare  que,  d'une  seule  haleine,  il  dise  tout  ce  qu'il  veut  dire.  Le  meme  procede 
d'exposition  apparait  a  travers  tout  le  livre,  et  il  est  particulierement  sensible 
aux  chapitres  xii  et  suivants,  puis  a  la  vision  des  Anges  des  coupes,  et  a  celle  de 
la  Jerusalem  celeste  (voir  Commentaire).  Une  vision  condensee,  une  breve  indi- 
cation, montre  d'abord  d'un  seul  coup,  comme  un  sommaire,  le  sujet  qu'il  va 
traiter;  puis  I'ocrivain  revient  sur  telle  ou  telle  partie  de  cet  ensemble,  pour  la 


INTRODUCTION. 


developper  avec  de  longs  details,  et  une  mise  en  scene  particuliere,  en  usant 
de  symboles  qui  peuvent  etre  nouveaux,  sans  que  d'ailleurs  Tidee  ait  varie;  ils  ne 
servant  qu'a  en  accentuer  les  grandes  lignes,  a  developper  des  virtualites  deja 
pressenties.  Ce  n'est  pas,  aproprement  parler,  uhe  progression  dans  la  connais- 
sance  de  I'avenir,  mais  un  developpement  plus  precis,  sous  forme  de  visions 
nouvelles,  mises  en  relation,  par  quelques-uns  de  leurs  traits,  avec  les  prece- 
dentes.  II  n'y  a  en  fait  dans  le  livre  que  trois  ou  quatre  ideas  generales,  que 
nous  pourrions  appeler  les  «  accords  fondamentaux  » ;  chacune  d'elles  se  pro- 
longe  an  harmoniques  des  sons  primitifs,  en  spirales,  en  volutes,  en  ondes  con- 
cantriques ;  — je  suis  bien  oblige  d'employar  de  telles  metaphores,  la  technique  lit- 
teraire  n'offrantpas  de  termespropres  pour  nommerun  pareil  processus,  a  la  fois 
si  simple  et  si  raffine,  qui  rentre  pourtant  dans  la  notion  generale  du  «  paralle- 
lisme  »,  forme  naturelle  de  la  pensee  semitique.  Nous  verrons  quel  parti  on  peut 
tirer  de  cette  observation  pour  determiner,  par  des  comparaisons  avec  d'autres 
livres  du  Nouveau  Testament,  I'identite  de  notra  Prophete. 

Nous  faudrait-il  maintenant  formuler  quelque  appreciation  d'ensemble? 

A  tout  prendre,  ce  style,  si  peu  classique,  si  peu  grec,  dont  nous  n'avons  guera 
cherche  a  dissimuler  les  defauts,  est  de  Teffet  le  plus  saisissant.  D'abord  il  est 
assez  nerveux,  le  nombra  das  substantifs  at  des  verbes  depassant  de-beaucoup 
celui  des  epithetes.  Jamais  Jean  n'est  long  ni  ennuyeux  comme  d'autres  Apoca- 
lyptiques.  On  oublie  vita  tout  ce  qu'il  y  a  de  rechercho  dans  la  solennite  du  Ian- 
gage;  on  n'an  remarque  plus  la  monotonie  grammaticale.  Tout  ce  parallelisme, 
ces  repetitions  de  mots,  ces  phrases  si  uniformement  construites,  ces  accumula- 
tions somptueuses,  frappent  I'esprit  et  I'imagination  comme  un  marteau  qui  bat 
le  metal,  et  y  creuse  des  empreintes  ineffaQables ;  ainsi  la  plume  de  Jean  grave 
dans  la  memoira  das  images  d'une  magnificence  eifrayante,  mais  pour  nous  pre- 
parer a  jouir  davantage  des  assurances  douces  et  des  propheties  radieuses,  de 
Tencouragement  spirituel  qui  est  le  vrai  but  ou  tandant  ces  visions  terribles.  Ce 
barbare  ecrivain  est,  dans  son  genre,  un  artiste  conscient  —  et  surtout  un  auteur 
de  genie. 


CHAPITRE  XI 


UNITE    DE    L  APOCALYPSE. 


II  nous  semble  que  les  etudes  precedentes,  sur  le  symbolisme,  le  plan  et  la 
langue,  creent  au  moins  una  tres  forte  presomption,  sinon  une  certitude,  en 
faveur  de  I'unite  de  I'Apocalypse  :  unite  de  but,  unite  de  doctrine,  unite  de  proce- 
des  littoraires,  done  unite  de  main.  Les  singularites  elles-memes  confirraent 
cette  impression,  car  il  est  difficile  d'imaginer  que  plusieurs  auteurs  differents  se 
soient  rencontres  en  certaines  bizarreries  de  composition  ou  de  langage  qui  ne  se 
trouvent  en  aucun  autre  document  litteraire;  il  aurait  fallu  qu'ils  le  fissent  expres. 
Puisqu'on  ne  peut  serieusement  admettre  une  hypothese  aussi  etrange,  il  faut 
bien  conceder  au  minimum  qu'il  est  venu,  apres  les  divers  auteurs  qu'on  se 
figure,  un  redacteur  dernier  qui  aurait  traite  fort  librement  ses  documents,  et 
imprime  sur  tons  son  cachet  personnel. 

Pendant  de  longues  annees,  les  «  Literarkritiker  »  ont  exerce  leur  ingeniosite 
sur  I'Apocalypse,  lui  assignant,  avec  un  grand  etalage  d'erudition,  toutes  les  ori- 
gines  disparates  qu'il  leur  plaisait.  Aujourd'hui  la  critique  semble  devenir  plus 
raisonnable;  et  il  se  pourrait  que,  pour  I'Apocalypse  comme  pour  tant  d'autres 
ouvrages,  le  regne  de  ces  doctes  enfants  terribles  fut  arrive  a  son  declin.  En 
effet,  les  derniers  commentaires  les  plus  remarquables  des  critiques  indepen- 
dants  rendent  un  juste  hommage  a  la  grandeur  de  I'ecrivain,  quand  meme  il  ne 
serait  a  leurs  yeux  qu'un  «  editeur  »  ou  un  «  Apocalyptique  de  derniere  main  ». 
Bousset,  qui  croit  a  I'utilisation  d'assez  nomtreuses  sources,  admet  au  moins 
que  I'auteur  les  a  profondement  remaniees,  qu'il  y  a  mis  partout  I'empreinte 
de  son  genie  propre,  ainsi  que  de  son  langage.  Joh.  Weiss,  qui  suppose  une 
Apocalypse  anterieure,  de  la  main  de  Jean  d'Asie,  combinee  avec  une  autre 
source  etendue  par  la  main  d'un  troisieme  ecrivain,  proclame  que  ce  dernier  etait 
un  auteur  mystique  de  grande  envergure,  et  non  un  recouseur  de  textes,  un 
scribe  materiel  comme,  par  exemple,  ceux  qui  ont  compile  Henoch. 

Et  c'est  bien  Ici  un  minimum  qu'il  faut  conceder,  pour  peu  que  I'on  ait  d'intel- 
ligence  religieuse  et  de  sentiment  litteraire.  Les  theories  qui  font  de  I'Apocalypse 
une  compilation  ne  meriteraient  pas,  en  soi,  une  refutation,  mais  elles  n'ont  pas 
tout  a  fait  fini  d'encombrer  la  scene  de  la  critique.  Nous  devons  done  exposer  les 
principales,  pour  les  discuter  ensuite  en  bloc.  Ilatons-nous  de  dire  qu'il  en  est 
de  moins  fantaisistes  que  d'autres.  On  comprend  par  exemple  sans  trop  de  peine 
que  Vischer  ait  pense  trouver  dans  I'Apocalypse  un  ecrit  juif  remanie  par  un 
Chretien,  qui  y  aurait  introduit  tout  ce  qui  tient  specifiquement  a  I'Evangile, 
L'hypothese  n'est  nullement  absurde  en  soi,  et  I'analogic  du  symbolisme  avec 
celui  des  Apocalypses  anciennes  pouvait  assez  facilement  preter  a  I'illusion.  II  a 
manque  a  ce  critique  de  faire  une  reflexion  :  c'est  que  I'auteur  de  I'Apocalypse 
etant  le  premier  chretien  a  composer  un  ecrit  de  ce  genre,  il  lui  etait  naturel. 


CLVI 


INTRODUCTION. 


psychologiquement,  surtout  s'il  etait  juif  d'origine,  d'emprunter  un  style  con- 
sacre  par  une  longue  tradition  pour  les  ouvrages  de  ce  genre,  plutot  que  de  creer 
de  toutes  pieces  un  symbolisme  nouveau.  C'eut  ete  autrement  un  miracle  psycho- 
logique ;  certains  critiques  admettent  bien  en  litterature  ces  generations  spon- 
tanees;  nous  devons,  nous,  etre  plus  difTiciles.  Quant  aux  decouvertes  de  sources 
dont  nous  sommes  redevables  a  Volter,  par  exemple,  ou  a  Spitta,  ou  a  Erbes, 
distinguees  dans  leurs  moindres  nuances,  datees,  attribuees  meme  a  des  auteurs 
appeles  de  leurs  noms  propres,  cela  releve  de  la  haute  fantaisie  scientifique,  et 
ces  speculations  erudites  sont  capables  de  convaincre  —  tout  au  plus  —  ceux  a 
qui  elles  doivent  le  jour. 

Procedons  par  ordre  chronologique.  Bien  que  deja  Hugo  Grotius  (a.  D.  1644) 
eut  exprime  I'idee  que  I'Apocalypse  est  composee  de  visions  eprouvees  et  ecrites 
a  differentes  epoques,  —  opinion  oil  il  y  a  certainement  une  part  de  verite,  — 
du  moins  attribuait-il  tous  les  divers  morceaux  a  Jean  lui-meme.  Vogel  (1811- 
1816)  divisa  le  premier  I'Apocalypse  en  quatre  pieces  differentes  (Ί,  1-8;  —  i,  9- 
III,  22;  —  iv-xi;  —  xii-xxii),  qui  eussent  ete  juxtaposees  par  Jeaji  le  Presbytre. 
Mais  I'ensemble  des  critiques  independants,  y  compris  Rexan,  reste  encore  favo- 
rable, pendant  plus  d'un  demi-siecle,  aFunite  d'auteur.  Weizsacker,  en  1882  (1), 
jugea  que  I'auteur  avait  pu  faire  usage  de  materiaux  anciens.  Et  Volter,  son 
eleve,  dans  une  serie  de  travaux  publies  de  1882  a  1904,  est  arrive,  apres  des 
tatonnements  nombreux,  a  construire  une  theorie  tres  originale.  Remarquant 
que  la  scene  du  jugement  xiv,  14-20,  pouvait  etre  la  fin  d'un  Apocalypse,  que 
X,  1-xi,  13  interrompt  d'une  fa^on  inattendue  la  serie  des  trompettes,  que  la 
christologie  du  chap,  xii  est  «  cerinthienne  »,  que  666,  au  chapitre  xiii,  peut 
repondre  a  imn  ::=  Trajan,  etc.,  il  a  fini  par  distinguer  deux  apocalypses  diverses, 
Tune  de  yean  (c'est-a-dire  Jean  Marc),  datant  de  Tan  65,  I'autre  de  I'heretique 
Cerinthe,  de  70,  combinees  par  un  redacteur  du  temps  de  Trajan,  et  retouchees 
par  un  ecrivain  vivant  sous  I'empereur  Hadrien.  En  plus,  il  y  aurait  a  peu  pres 
une  vingtaine  d'interpolations  en  divers  versets. 


Jeax-Marc 

(62  ap.  J.-C.) 

ΟέΚΙΝΤΠΕ 

(70  ap.  J.-C.) 

EDITEUR 

SOUS  Trajan 

Reviseur  (2) 
sous  Hadrieu 

Ch.  I  vv.   4-6 

7-8 

1-3;  9-fin 

II 

Tout 

Ill 

Tout 

IV    Tout  (sauf.  interp. 
au  V.  1.) 

V      1-6•;   7-8 

e*•;  9-10;   11-14.  .  .  . 

VI    Tout 

VII    1-8 

9-17 

VIII  Tout 

IX     Tout 

X 

Tout  (XVII,  1-18,  apros 
11)    .  .  .               .      . 

XI      14-19 

1-13 

8*,  15*,  18"^. 

(1)  Theologische  Literaturseitung,  1882,  p.  78  et  suiv. 

(2)  Nous  avons  trouve  la  plupart  de  ces  tableaux  tout  faits  dans  les  ecrits  de  Bousset,  de 
Charles  et  de  Jacquier.  Les  astorisques  indiquent  les  versets  qui  seraient  en  partie  interpol^s 
ou  remanies. 


UNITE    DE    L  APOCALYPSE. 


CLVII 


Jean-Marc 
(62  ap.  J.-C.) 


XII 

XIII 

XIV  1-3;  6-7;  14-20,  a 
mettre  apres  XIX,  4. 

XV 

XVI 


XVII 


XVIII  Tout 

XIX  1-4;  (Xn^  14-20) 

5-10» 

XX 

XXI 

XXII 


Cerintbe 
(70  ap.  J.-C.) 


1-10;  12-16. 


5-6,  8  

Le  tout;  interp.  2*,  3*, 
etc 

1-18  (a  mettre  apres  X, 
1-11) 


11-fin 


Tout.  .  .  . 
1-13;  15-21 
3» ;  4-6.  .  . 


Editeur 
sous  Trajean 


11  ;1  7-fin. 
Tout.  .  .  , 
4-5;  9-12  . 


1-4;  7  .  .  . 
2>>;  13;  \d^ 


6*,  14,  16,  17 


20' 


10*.  .  .  . 
14;  22-27 
1-2;  8-9. 


REVISEIR 

SOUS  Hadrien 


13 


15 


lO*•. 


7 ;  10-20 


En  1886,  Vischer  se  plagant  a  un  tout  autre  point  de  vue,  jugea  que  les  cha- 
pitres  xi  et  xii  ne  pouvaient  appartenir  originairement  a  une  main  chretienne. 
II  pourrait,  en  effet,  en  etre  ainsi,  au  moins  pour  le  chap,  xi,  s'il  fallait  prendre 
trop  a  la  lettre  la  metaphore  du  Temple  (voir  Commentaire).  Partant  de  la,  il  en 
vint  a  reconnaitre  dans  le  livre  entier  un  ecrit  juif,  transforme  par  un  Chretien, 
qui  eut  ajoute  les  trois  premiers  chapitres,  et  intercale,  en  tout  ou  en  partie,  les 
versets  suivants  : 

V,  6*,  8*(un  mot),  9-14;  —  vi,  1*,  16*;  —  vii,  9-17;  —  ix,  11*;  —  xi,  8  b  c;  15*; 
—  XII,  11;  17*  (un  mot);  —  xiii,  8*;  9-10;  —  xiv,  1-5;  10*;  12-13;  —  xv,  3*;  — 
XVI,  15,  16*;  —  xvii,  6*,  14;  —  xviii,  20*;  —  xix,  7*;  9-10;  11*;  13  b;  —  xx,  4-5*; 
6;  —XXI,  5b-8,  9*;  14  b;  22*;  23*;  27*;  —  xxii,  3*;  6-21. 

Weizsacker,  de  nouveau,  dont  la  theorie  a  ete  admise  en  partie  par  Bousset, 
considere,  dans  son  Apostolische  Zeitalter  (1886  et  1892)  toutes  les  anticipations, 
les  doublets,  etc.,  comme  des  materiaux  anciens  utilises,  remontant  aux  temps 
de  Neron,  de  Vespasien,  deDomitien.  Ainsi  il  distingue  du  corps  du  livre  : 

VII,  1-8  (de  Ian  64-66);  —  xi,  1-13  (des  debuts  de  la  guerre  juive) ;  —  xii,  1-10 
(du  si6ge  de  Jerusalem,  quand  les  Chretiens  eurent  quitte  la  ville);  —  xiii,  sous 
Vespasien;  —  xvii,  sous  Domitien;  —  enfin  les  Lettres,  c.  ii-iii,  qui  seraient  le 
morceau  le  plus  tardif. 

En  1888,  le  Hollandais  Weyland  distingue  trois  Apocalypses  combinees;  I'une 
juive,  du  temps  de  Titus,  designee  par  n;  I'autre,  juive  egalement,  du  regne  de 
Neron,  3  ;  puis  I'ecrit  d  un  editeur  chretien. 


κ 

Juif,  sous  Tilus 


C.  I 

II 

Ill 

IV  Tout  (—  5').  . 

V  Tout   (-  6-14) 


Juif,  sous  ΝέΓοη,  aprfes  la  defaile 
de  Ccstius  Callus 


Editeur  chrolien 

Tout 
Tout 
Tout 
5».  . 

(—  qqs  vv.) 

6-14 

CLVIII 


INTRODUCTION. 


Juif,  sous  Titus 


VI  Tout  (—  16") 

VII  Tout  (—  14») 

VIII  Tout 

IX  Tout  (—  18). 

X 

XI         14-19 

XII 

XIII 

XIV  2-3;  14-20.  . 

XV  δ 

XVI 

XVII 

XVIII 

XIX 

XX 

XXI  9''-27  (—  14b) 

XXII  1-11;  14-15. 


Juif,  sous  Neron,  apres  la  defaite 
de  Cestius  Callus 


17S  20. 
Tout  (- 
Tout.  . 
1-6  .  . 


14) 


Tout  (—7) 

1-13  (—  StJ) 

1-10;  12-flii  (—17=). 

Tout 

6-11 

2-4 

13-14 


11-21  (—  IS"•) 

Tout 

1-8 


Editeur  chrotien 


16• 
14' 


18. 

7  . 
8\ 
11; 


17°, 


I 


12-13 


1;  4-5; 

1 ;  6-8 

1-12;  15,  17•;  21 
14 


7-10;  IS••. 


141. 


7•;  12-13;  16-21 


En  plus,  mots  et  membres  de  phrase  daas  vi,  1;  vii;  9,  10,  17;  ix,  15;  x,  1,  11;  xiii,  8  ; 
XV,  3;  XVII,  6;  xviii,  20;  xx,  4;  xxr,  27;  xxii,  1,  3  attribuables  a  I'editeur  chrotien. 

A  peu  pres  en  πιέιηβ  temps,  1887  et  1888,  les  deux  protestants  frangais 
ScH(EN  et  Aug.  Sabatier  proposaient  une  theorie  beaucoup  plus  moderee,  qui  a 
du  rapport  avec  celle  de  Weizsacker.  Tous  deux  professent  une  grande  estime 
pour  le  merite  de  I'ouvrage.  Schcen  en  attribue  I'ensemble  a  un  chretien  vivant 
sous  Domitien;  seulement 

XI,  1-13  —  XII,  sauf  interpolation;  —  id.  xiii;  —  xviii,  sauf  le  v.  20,  vien- 
draient  des  sources  juives,  et  un  editeur  chretien  aurait  encore  ajoute  : 

X,  en  entier;  — xii,  10-12;  18;  —  xiii,  8-10;  — xiv,  9-10;  —  xvi,  13-16;  —  xvii, 
entier;  —  xviii,  20;  —  refondu  xix ;  —  xx,  1-6;  7-15;  —  xxi,  9-fin  ;  xxii,  1-5. 

A.  Sabatier  reconnait  que  le  livre  est  homogene,  mais  que  Tauteur  y  a  inter- 
cale  les  morceaux  suivants,  d'origine  juive  : 

XI,  1-13;  — XII ;  — xiii;  —  xiv,  6-20;  —  xvi,  13,  14,  16;  —  xvii;  —  xviii;  — 
xix,  1-2;  11  fin;  —  xx,  1-10;  —  xxi,  9-fin;  —  xxii,  1-5, 

en  ajoutant  le  chapitre  χ  pour  servir  de  liaison  entre  xi,  1-13  et  le  contexte. 

Spitta  (1889)  depasse  encore  Volter  et  Weyland  en  fait  d'acribie.  II  distingue 
trois  livres  independants  :  U,  une  apocalypse  chretienne  primitive,  ecrite  apres 
I'an  60;  J',  apocalypse  des  trompettes,  juive  du  temps  de  Caligula  (il  lit  au 
ch.  XIII  le  chiffre  616  au  lieu  de  660,  et  I'interprete  Γαίος  καΐσαρ) ;  J^,  apocal.  des 
coupes,  ecrit  y«i/"  egalement,  mais  remontent  a  I'epoque  de  Pompee;  enfin  un 
editeur  chretien,  R,  au  temps  de  Trajan,  aurait  fait  de  tout  cela  un  ensemble. 


υ 

(chrotien,  ap.  60) 


C.  I 
II 


4-6;  9-19  .  .  .  . 

1-6;  8-10;  12-16; 

18-25  


Ji 
(juif,  sous  Caligula) 


J2 

Juif,  au  temps  de  Pompoe 


R 

ed.  chr.  sous  Trajan 


1-3 ;  5* ;  7-8 ;  20  . 
7;  11;  17;  26-29. 


UNITE    DE    L  APOCALYPSE. 


CLIX 


U 
(Chretien,  ap.  60) 

III  1-4;  7-11;  14-20• 

IV  Tout.  ..:... 

V  Presque  tout .  . 

VI  Tout 

VII  θ^•",  10-17  .  .  .  . 

VIII  1 

IX 

X  .  .  . 

XI 

XII 

XIII 


XIV. 


XV.  .  .  , 

XVI.  .  , 
XVIL  . 
XVIII.  . 
XIX     θ•• 


10 


XX. 

XXI, 


XXII  8;  10-13;  16";  17; 
18•;  20»-;  21.  .  . 


Ji 
(juif,  sous  Caligula) 


1-8 

2.  fin 

1-11;  13;  IS•";  16-21;  15" 
1»;  2'•;  3;  5-7.  .  .  •  .  . 

15;  19 

Presque  tout 

1-8;  11-18 


1-2»;  4'>-7;  9;  10•>;   11=• 
13;  14;  16;  17'•-20  .  .   . 


11-21. 


1-3;  8-15 
1;  5^  6\ 


Juif,  au  temps  de  Pompee 


lb;  2•;  8";  9^;  10-11. 
1-13;  16-18 


14-20 


2-6;  8.  , 
1-12;  17' 
1-6*  .  . 
1-23  .  . 
1-3 ;  5-8 , 


21 


9-nn,  . 
13";  15 


R 

ed.  clir.  sous  Trajan 


5-6;  12-13;  21-22. 

1* 

5* ;  6* ;  8* ;  10*  .  . 

16* 

9"= 


12;  14*;  15* 

4;  5*;  7»* 

14 

6;  9*;  11;  13*;  17*.  .  . 
3»;  4'•;  51";  7»;  8*;  9-10; 

14*;  17'-18 

2b_4a.  4b*.  6»;  8;  10•; 

11•;11'=-13;17  .  .  .  . 

1;  2*;  3*;  5^;  7 

1*;  2*;  10*; 15 

3'';  6»;  7-18 

24 ,  . 

4;    6*;  7*;  8'•-9»;  10*; 

11M2";  13'';  15;  21.  . 

2*;  4-7;  12* 

2-4;  5\  6>•-8;  9*;  14*; 

22*;  23*;  27•" 

1*;    3"•;   7-9;   14;  leb; 

18''-20 


Erbes  (1891)  decouvre  Toeuvre  de  deux  auteurs  apocalyptiques  chretiens,  Tun 
de  I'an  62,  Tautre  de  Tan  80,  et  en  plus  une  Apocalypse  du  temps  de  Caligula. 


Du  temps  de  Caligula 


C.  I  .  .  .  . 

II 

Ill 

IV 

V 

VI 

VII 

VIII  .  .  .  . 

IX 

X 

XI 

XII  Tout. 

XIII  Tout. 
XIV^9''-12. 
XV. . . . . 
XVI  .  .  .  . 
XVII.  .  .  . 

XVIII  .  .  . 

XIX  .  .  .  . 

XX 

XXI  .  .  .  . 
XXII.  .  .  . 


Apoc.  de  I'an  G-2. 


4-19 

1-6;  8-10;  12-16;  18-25.  .  . 

1-4;  7-11;  14-22 

Tout 

1-10;  (11-14  a  transposer). 

Tout 

1-3;  9-12 

Tout 

Tout  (—12) 

Tout 

Tout  (—14) 


1-7;  13-20 

2-4  (-H  11-14  du  chap,  V; 


5*-9• 
11-15 
1-Ί  . 
3-21 


Apoc.  de  I'an 


1-3;  20 

7;  11;  17;  26-29. 
5-6;  12-13  .  .  .  . 


4-8;  1.3-17 

12 

14 


4*;  8;  9•.  .  . 
1*;  2*;  5-fin. 

Tout 

Tout 

Tout 

1-4;  9''-Πη  .  . 
1-10;  14*.  .  . 

5-fin 

1-2;  (18-19?). 


CLX 


INTRODUCTION. 


Ο.  HoLTZMANN  [Geschichte  des  Volkes  Israel,  II,  2*  edition,  p.  658-664)  admet 
lui  aussi  616  =  Γαίος  χ«ϊσ«ρ,  et  croit  qu'une  Apocalypse  du  temps  de  Caligula, 
contenant  xiii;  xiv,  6-13,  a  ete  incorporec  dans  un  ecrit  juif,  compose  vers 
I'epoque  de  la  mort  de  Neron;  le  tout  revise. 

Schmidt  (1891)  trouve  une  compilation  de  trois  morceaux  principaux  (iv-vii, 
8;  —  VIII,  2-xi,  15;  —  xii,  1-xxii,  5)  ou  se  seraient  intercales  x,  1-xi,  13;  — 
XIV,  6-20;  —  xvii,  1-xix,  5). 

L'Americain  Briggs  [The  Messiah  of  the  Apostles,  1895)  decouvre  six  apoca- 
lypses diverses,  qui  ont  ete  unies  en  quatre  redactions  successives.  C'est  : 
1"  I'Apocalypse  des  Sceaux;  2°  celle  des  Trompettes;  3°  des  Coupes;  4°  les 
Lett  res;  5°  I'Apoc.  de  la  Bete;  6»  celle  du  Dragon;  plus  des  additions 
nombreuses. 

Bruston,  en  France,  dans  ses  nombreuses  etudes  sur  I'Apocalypse  publiees 
de  1888  a  1908,  admet  la  composition  d'une  premiere  Apocalypse  sous  Neron, 
combinee  avec  une  deuxieme,  ecrite  vers  la  fin  du  i"  siecle,  par  un  disciple  de 
Jean,  d'apres  des  souvenirs  oraux  de  Patmos,  enfin  un  redacteur. 


Ap.  du  temps  de  Neron 
ceuvre  chretienne  Ecrite  en  hebreu 


C.  I. 
II.  . 


Ill 
IV 
V. 


VI  . 

VII. 

VIII 

IX  . 

X 

XI 

XII 

XIII 

XIV 

XV 

XVI 

XVII 


2•;  8-11 

1-13;  19•.  . 

Tout 

Tout 

Tout  ( —  qqs  versets) 

2-4 

13-16;  \^^ 

Tout 

XVIII  Tout 

XIX  1-3  ;  11-fin 

XX  Tout 

XXI 

XXII 


Disciple  de  Jean. 


4-fin. 

Tout 

Tout 

Tout 

Tout 

Tout 

Tout 

Tout 

Tout 

1;  2''- 

15-19 


2-5  (12-13) 


4-10. 


1-8 

6-13;  16-17;  20-21. 


Redacteur 


(1-3)1 


1;  5-8;.  .  , 
1-12;  17-21, 


9-fin 

1-5;  (14-15;  18-19)?. 


Johannes  Weiss  (1904  et  1908)  a  fait  paraitre  un  commentaire  plein  de  merite 
a  certains  egards,  mais  ou  il  reconnait,  lui  aussi,  une  triple  origine  au  texte  : 
une  Apocalypse  de  Jean^  ecrite  avant  70,  une  Apocalypse^'/iiVe  ecrite  pendant  le 
si6ge  de  Jerusalem,  et  composee  d'ailleurs  de  fragments  (a  cause  du  chap,  xi,  1- 
13);  enfin,  Tceuvre  d'un  redacteur  personnel  et  habile,  de  95  environ  ap.  J.-C, 
qui  aurait  combine  les  deux  precedentes,  en  mettant  partout  I'empreinte  de  son 
esprit  et  de  son  style. 


UNITE    DE    L  APOCALYPSE. 


Apoc.  de  Jean  (av.  70) 


4-6;  9-15;  17 

1-5;  8-10;  12-16;  18-25. 

1-4;  7-11;  14-20 

1-8  (—  qqs  phrases).  . 

l-6'';7-8;  11-14 

1-8;  12-17  

l'^-8*.  . 

1,   3-5%  13 

Tout  ...  


C.  I 

II 

III 

IV 

V 

VI 

VII 

VIII 

IX 

X.  . 

XI 

XII 

XIII 

XIV 

XV. . . . 

XVI  .  .  . 

XVII.  .  . 

XVIII  .  . 

XIX  .  .  . 

XX  1-4 

XXI  1-4*.  .  . 

XXII  3-5,  (8-9) 


14.  , 
7-12. 


1-7;   14-20 


6-14. 


Q  (source  Juive) 


R6dacteur. 


1-3;  7-8;  16?;  19?  —  20 
6?  7;  lOo-ll;  17;  26-29. 
5-6;  12-13;  21-22  .... 

δ»-;  9-11 

6*;  8*  

9-11.   

9M7* 

2;  5''-12 


.  1-9 I  ...  7*;  10-11 

.  1-13 j  .  .  .  8»;  15-fin 

._l-6;  13-17 ...  3*;  11 

.  1-2" :  3-6  .  • 


Le  tout? 

1-8;  O^-Vi;  15-18 
1-19;  21-23.  .  .  . 
11-21  


9-13;  15-fin. 
1-2 


2'•;  7-10;  11M8*  . 

8-12 

1-4;  6-7  

(5-7;  13-15)?.  .  .  . 

9»;  14 

20;  24 

1-10 

4b-5;  10*,  12*,  15. 

4*-8 ;  14  

6-7;  10-21 


Jean  Weiss,  meilleur  critique  que  d'autres,  a  bien  ga  et  la  quelques  hesitations. 
II  reconnaitra,  par  exemple,  qu'on  ne  peut  rigoureusement  distinguer  la  part  de 
«  Jean  »  et  celle  de  I'editeur  dans  des  passages  tels  que  le  chapitre  vii,  en  ses 
deux  parties,  ou  une  partie  du  chapitre  xiii. 

BoussET,  dans  son  remarquable  Commentairc  (plusieurs  editions,  de  1896 
a  1906)  est  entre  dans  la  ligne  de  Weizsacker  et  de  Sabatier.  Pfleiderer,  dans 
la  2®  edition  de  son  Urchristentum  (1902)  s'est  range  a  peu  pres  aux  memes 
opinions,  et  admettrait,  pour  les  chapitres  qui  se  suivent  de  xi  a  xviii,  une  source 
qui  pourrait  etre  juive  et  continue,  remontant  au  temps  de  Caligula,  incorporee 
et  completee  par  I'auteur  meme  du  livre;  meme  chose  pour  xxi,  9-xxii,  5.  Jiin- 
CHER  [Einleitung,  ^"^,  1906)  est  beaucoup  plus  reserve  sur  la  question  de  pareilles 
distinctions.  H.  J.  Holtzmann,  dans  son  Handcommentar ,  suit  la  meme  tendance 
de  critique  litteraire.  Elle  est  egalement  celle  du  Hollandais  Baljox  (1908)  et 
de  quelques  critiques  de  langue  anglaise,  Porter,  Scott,  Moffatt,  Charles 
{Studies  on  the  Apocalypse,  1913),  dont  le  Commentaire,  annonce  pour  1914, 
n'a  pas  encore  paru,  que  nous  sachions.  Le  commentateur  catholique  Calmes 
(1905)  voit  aussi,  surtout  depuis  V'l  jusqu'a  XVIII,  une  combinaison  de  docu- 
ments d'origine  diverse,  opcrce  par  Jean.  Nous  aurons  lieu  de  discuter  ces 
opinions  dans  notre  prochain  chapitre,  et  plus  tard  en  commentant  les  chapitres 
VII,  1-8;  XI,  1-13;  xii-xiii;  xvii-xviii;  xxi-xxii. 

Pour  ce  qui  est  des  deux  courants  emanes  de  Volter  et  de  Vischer,  je  ne  vois 
guere  la  necessite  d'en  entreprendre  une  critique  scrree,  apres  les  chapitres 
que  nous  avons  consacres  k  la  composition  de  TApocalypse  et  au  (raitement 
des  symbolcs.  Pour  nous,  ces  systomes  derivent  uniquement,  ou  peu  s'en  faut, 
d'un  defaut  de  penetration  dans  Tcsprit  et  dans  la  maniore  johannique.  Tous 


APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN. 


CLXII  ίΝτκοουοτιοχ. 

ces  auteurs  ,  extremement  ingenieux  sans  contredit,  η  ont  pas  compris  grand 
chose  a  la  structure  solide  de  notre  Revelation.  S'ils  parlent  d'incoherences 
et  de  contradictions  dans  le  symbolisme  ou  les  idees  (car  tel  est  leur  principal 
argument),  c'est  qu'il  leur  a  manque  de  saisir  la  virtualite  presque  indefmie 
de  ces  symboles,  et  de  sympathiser  avec  un  Voyant  qui,  tout  domine  par  I'idee, 
attachait  assez  peu  d'importance,  relativement,  a  chaque  image  individuelle. 
L'ecole  d'interpretation  «  Zeitgescliichtlich  »  —  dont  nous  parlerons  plus  tard 
—  a  beaucoup  contribue  a  les  induire  en  erreur,  par  ce  jugement  precongu  que 
chaque  symbole  determine  devait  repondre  a  quelque  realite  aussi  determinee 
que  lui,  une  realite  de  I'histoire  du  temps,  souvent  etroite  et  mesquine  (voir  par 
exemple  VAntechrist  de  Renan),  en  tout  cas  pas  assez  elastique,  ni  spirituelle, 
ni  universelle.  lis  ne  comprennent  pas  le  livre  de  Jean,  parce  qu'ils  ne  se  sont 
pas  oleves  jusqu'a  I'esprit  de  Jean.  Alors  lis  ont  rompu  des  cadres  tres  solides, 
et  d'une  remarquable  unite,  pour  nous  presenter  a  la  place  diverses  formes 
de  compilations  assez  mal  digerees.  Jiilicher  n'est  pas  trop  severe,  quand  il 
leur  reproche  d'arriver  avec  leurs  decoupages  arbitraires,  au  resultat  que  «  les 
profanes  y  gagnent  simplement  cette  impression  que,  sur  le  terrain  des  recherches 
neotestamentaires,  il  n'y  a  rien  du  tout,  et  que  personne  n'est  sur  de  rien 
du  tout  (1)  ».  Et  nous  pouvons  nous  demander  avec  Swete,  aux  yeux  de  qui 
ces  «  hypotheses...  ignorent  les  conditions  fondamentales  du  probleme  »,  si  la 
«  conviction  (que  I'Apocalypse  est  un  ecrit  composite)  repose  sur  autre  chose 
que  les  assertions  reiterees  d'ecrivains  qui  ont  trouve  dans  I'analyse  du  livre 
un  champ  rempli  de  fascinations  pour  leurs  exercices  intellectuels  (2)  ». 

Au  moins  leur  fallait-il  bien  reconnaitre  Tunite  d'inspiration  generale,  et 
I'unite  de  la  langue.  Suifit-il,  pour  rendre  compte  de  la  premiere,  de  considerer, 
avec  Vischer,  comme  des  additions  chretiennes  tout  ce  qui  porte  la  marque  de 
croyances  evangeliques?  Mais  ces  passages  sont  tellement  fondus  avec  le  reste 
que,  en  les  supprimant,  on  retranche  tout  ce  qui  fait  Toriginalite  et  Γίnterέt 
de  TApocalypse.  Lhypothese  du  «  redacteur  »  est  aussi  faible  pour  expliquer 
I'homogeneite  de  la  langue.  Presque  toutes  les  singularites  grammaticales  les 
plus  marquantes  se  retrouvent  en  divers  endroits  du  livre,  auxquels  les  critiques 
assignent  pourtant  des  sources  differentes  (voir  au  ch.  precedent).  Singulier 
redacteur,  et  compilateur  vraiment  extraordinaire,  que  celui  qui  eut  pris  ainsi 
a  t^che  de  deformer  d'une  maniere  uniforme  la  langue  de  ses  sources !  Certains 
recourront  a  Thypothese  qu'il  les  avait  traduites  de  Ihebreu,  de  sa  propre  main; 
mais  la  plupart  trouvent  aussi  des  sources  grecques.  II  faudrait  done  au  moins 
admettre  qu'il  les  a  refondues  expres  —  ou  mieux  encore,  qu'il  n'avait  pas  ces 
sources  ecrites  sous  les  yeux;  mais  alors,  s'il  etait  oblige  de  chercher  toute 
cette  matiere  dans  sa  memoire,  un  homme  a  I'imagination  puissante  comme 
devait  etre  ce  «  redacteur  »,  un  homme  qui  se  croyait  inspire  lui-meme,  n'a  pu 
manquer  de  mettre  partout  du  sien,  de  plier  les  vieux  materiaux  a  ses  idees 
comme  a  sa  langue.  Et  la  theorie  des  sources  ne  signifie  plus  alors  grand'chose  : 
ce  ne  seraient  que  des  reminiscences,  utilisees  en  vue  d'un  enseignement  tout 
a  fait  personnel. 

(1)  EM.  δ-G,  p.  24G. 

(2)  The  Apocalypse  of  St.  John,  p.  1,  lii. 


UNITE    DE    L  APOCALYPSE.  CLXIII 

Parmi  les  fines  et  judicieuses  observations  que  Sivete  multiplie  sur  le  sujet 
qui  nous  occupe,  il  nous  plait  surtout  de  traduire  celle-ci  : 

Comment  Jean  pouvait-il  se  comporter  a  I'egard  des  ouvrages  d'apocalyptiques 
plus  anciens?  «  11  se  refere  au  livre  de  Daniel  a  peu  pres  en  quarante-cinq  pas- 
sages... et  les  livres  d'Isaie,  d'Ezechiel  et  de  Zacharie  lui  servent  presque  aussi 
frequemment,  tandis  que  les  autres  Prophetes,  le  Psautier  et  le^  Pentateuque 
sont  souvent  en  vue.  Aucun  livre  dans  le  Nouveau  Testament  n'est  si  impregno 
jusqu'au  fond  de  la  pensee  et  de  I'imagerie  des  Ecritures  hebraiques.  Et  pour- 
tant  I'ecrivain  n'a  pas  cite  une  seule  fois  I'Ancien  Testament,  et  il  en  emploie 
rarement  les  ipsissima  verba.  II  est  rare  qu'il  y  emprunte  une  scene  on  la  sug- 
gestion d'une  vision  sans  en  modifier  les  details,  sans  s'ecarter  de  I'original 
avec  la  plus  entiere  liberte,  ou  combiner  des  traits  qui  ont  ete  rapproches  de 
contextes  diiTerents.  Cette  maniere  d'user  des  materiaux  de  I'Ancien  Testament 
a  cours  d'un  bout  a  I'autre  de  I'Apocalypse,  et  elle  est  caracteristique  du  livre. 
Que  Tecrivain  soit  redevable  de  quelque  chose  a  des  apocalypses  non-cano- 
niques,  c'est  moins  certain;  mais,  s'il  Test,  il  aura  toujours  suivi  le  meme  prin- 
cipe...  Les  coincidences  entre  I'oeuvre  de  Jean  et  les  livres  juifs  qui  existent 
encore  sont  a  peu  pres  limitees  a  des  points  secondaires,  en  rapport  avec  la 
maniere  de  peindre  et  de  parler.  Dans  ces  conditions-la,  il  est  plus  que  hasardeux 
de  postuler  des  sources  dont  rien  ne  nous  est  connu  »  [op.  laud.  p.  liii). 

Le  m^me  Swete  etaie  d'ailleurs  son  opinion  d'arguments  tres  positifs,  notam- 
ment  quand  il  s'agit  de  la  langue.  II  releve  I'identite  d'expressions  tres  carac- 
teristiques,  au  nombre  de  onze,  entre  les  Lettres  et  les  deux  derniers  chapitres; 
au  nombre  de  deux,  entre  le  chap,  iv  et  le  chap,  i";  d'une  entre  le  c.  ν  et  le 
chap.  XXII,  ou  entre  ν  et  i;  d'une  entre  ix  et  xx;  d'une  entre  xi  et  xxi,  entre 
XVI  et  III,  etc.  Le  lecteur  les  trouvera  toutes  signalees,  et  d'autres  encore,  dans 
notre  commentaire ;  il  nous  suffit,  pour  I'instant,  de  le  renvoyer  au  beau  travail 
du  savant  Anglais  (pp.  xlvi-xlix). 

L'Apocalypse  est  done  certainement  d'une  seule  main,  et  construite  sur  un 
plan  rigoureux,  ecrite  dans  un  langage  remarquable,  unique  dans  toute  la  litte- 
rature.  Le  style  est  peut-etre  plus  soigne  en  certains  passages,  ainsi  dans  les 
Lettres,  ici  plus  simple,  la  plus  emphatique.  Mais  il  n'y  a  aucune  diversite 
essentielle  entre  ces  differents  endroits,  ni  pour  I'inspiration,  ni  pour  le  traite- 
ment  des  symboles,  ni  pour  la  langue;  done  rien  ne  nous  donne  le  droit  de  les 
attribuer  a  differents  auteurs.  Nous  chercherons  dans  le  chapitre  qui  va  suivre, 
si  Jean  s'est  inspire  de  sources  non  canoniques,  s'il  en  a  eu  de  longues  reminis- 
cences, capables  de  donner  une  tournure  particuliere  a  I'ensemble  de  quelques 
visions.  La  question  est  tout  autre  que  celle  qui  vient  de  nous  occuper;  de 
quelque  fagon  qu'on  y  reponde,  I'unite  d'auteur  est  un  fait  acquis  a  la  vraie 
critique  objective. 

Car  les  theories  que  nous  venons  de  critiquer  ont  heureusement  deja  vieilli. 
Jiilicher  —  une  autorite  peu  suspecte  de  traditionalisme  —  a  bien  raison  de  dire  : 
«  Une  critique  sens6e  doit  renoncer  en  prineipe  a  resoudre  la  question  du 
nombre  des  sources,  et  renoncer  absolument  a  reconstituer  celles-ci;  ...I'auteur 
a  traite  avec  trop  de  souveraine  maitrise  tout  ce  qu'ont  pu  lui  fournir  des 
couches  anterieures  »  [Einl.  p.  250). 


CHAPITRE  XII 


AUTHENTICITE    DES    VISIONS    DE    L  APOCALYPSE.    QUESTION     DES    SOURCES. 

Puisque,  dans  I'Apocalypse  tout  entiere,  nous  avons  reconnu  I'oeuvre  originale 
d'une  puissante  personnalite,  il  est  temps  d'aborder  une  question  haute  et  deli- 
cate, qui  nous  transporte  bien  au-dessus  des  minuties  de  la  critique.  Est-ce  que 
Jean  —  inspire  de  Dieu  —  a  reellement  eprouve  les  visions  qu'il  decrit,  et  ces 
visions  se  sont-elles  bien  succede  dans  I'ordre  qu'il  leur  donne?  Ou  bien  a-t-il 
donne  simplement  au  fruit  de  ses  reflexions  sur  le  present  et  sur  I'avenir, 
reflexions  qu'il  sentait  et  jugeait  dirigees  par  une  illumination  interieure,  la 
forme  conventionnelle  de  visions  construites  avec  les  materiaux  courants  que 
lui  fournissait  sa  connaissance  de  la  Bible  et  des  Apocryphes,  afin  de  saisir  de  son 
grave  enseignement  les  esprits  populaires,  qui  devaient  mieux  I'assimiler  et  le 
retenir  enveloppe  d'un  brillant  vetement  d'images  conformes  aux  gouts  de  ce 
temps-la? 

La  question  peut  certainement  se  poser,  en  soi,  sans  porter  prejudice  a  Tins- 
piration  divine.  II  semblerait,  a  premiere  vue,  qu'il  y  eut  des  arguments  en  faveur 
de  I'une  et  de  I'autre  hypothese,  par  consequent  aussi  des  diflicultes  dans  chacune 
d'elles.  Nous  devons  nous  garder  de  resoudre  le  probleme  par  de  purs  a  priori. 

Dans  le  second  cas,  le  Prophete  de  Patmos  eut,  materiellement,  fait  un  travail 
semblable  a  celui  de  ses  devanciers  non  inspires  (mais  sans  prendre  comme  eux 
un  visage  d'emprunt) ;  il  eut  bati  a  tete  reposee,  avec  le  meme  genre  de  mate- 
riaux, mais  disposes  de  maniere  a  enseigner  des  verites  nouvelles,  et  d'origine 
vraiment  celeste.  Si  nous  nous  trouvions  en  face  d'un  livre  de  visions  que  I'Eglise 
n'eut  pas  reconnu  comme  inspire,  —  qu'il  se  donnat  comme  d'origine  surnaturelle 
ou  non,  peu  importe  ici,  —  nous  ne  serious  nuUement  obliges  d'admettre  a  priori 
que  I'auteur  en  ait  trouve  les  elements  dans  des  extases  personnelles.  Ce  pourrait 
etre  soit  une  fraude,  soit  une  forme  litteraire,  choisie  de  sang-froid,  apres  deli- 
beration. Et  comme  il  ne  faut  pas  pretendre  que  cette  forme  est  necessairement 
illegitime,  car  c'est  une  maniere  aussi  admissible  qu'une  autre  de  presenter  poe- 
tiquement  ce  qu'on  croit  etre  la  verite,  il  n'est  done  pas  impossible  a  priori  qu'une 
pareille  convention  se  retrouv^t  dans  un  livre  inspire.  Forme  conventionnelle  ne 
dit  pas  mensonge. 

Mais,  anotre  avis,  il  n'est  pas  possible  de  concevoir  ainsi  I'origine  de  I'Apoca- 
lypse Johannique.  Nous  ferons  plus  loin  la  part  de  ce  qu'elle  peut  contenir  d'ar- 
tistique  ou  d'artificiel  dans  I'arrangement  des  materiaux.  Mais  nous  devons 
declarer  que  pour  tout  cc  qui  en  fait  le  fond,  la  substance,  elle  precede  de  visions 
eprouvees  en  toute  verite. 

Je  crois  qu'on  peut  le  demontrer  meme  en  abstrayant  momentanement  de  son 
caractere  d'inspiration  divine.  Aujourd'hui,  le  moindre  etudiant  en  psychologie 


AUTHENTICITE    DES    VISIONS    DE    L  APOCALYPSE.  CLXV 

connait  la  realite  des  phenomenes  extatiques,  que  les  rationalistes  anciens  con- 
sideraient  comme  de  pures  simulations,  ou  des  signes  de  derangement  cerebral. 
Bousset,  ecrivain  intelligent  qui  atteint  a  toute  la  largeur  d'esprit  compatible 
avec  sa  «  Weltanschanung  »  liberale,  ne  ferait  pas  trop  de  difficultes  pour 
admettre  que  certains  apocalyptiques  juifs  ont  vraiment  connu  ces  etats  men- 
taux.  «  Ce  sont  la  des  questions  »,  dit-il,  «  auxquelles  il  n'est  pas  simple  de 
repondre  par  un  oui  ou  par  un  non.  D'une  faQon  generale,  on  ne  saurait  nier 
la  possibilite  d'experiences  extatiques  veritables.  On  ne  pent  faire  valoir  contre 
cela  la  contexture  souvent  tres  fine  et  tres  minutieuse  des  visions,  pour  soulever  la 
question  de  savoir  comment  I'Apocalyptique  aurait  pu,  de  son  songe  ou  de  son 
extase,  retenir  dans  sa  memoire  un  nombre  si  enorme  de  particularites.  Mieux 
vaut  distinguer.  On  peut  tres  bien  admettre  que  des  elements  donnas  dans  le 
songe  ou  dans  la  vision  n'ont  ete  pousses  jusqu'a  ces  particularites  et  a  ces 
finesses  que  par  le  fait  du  travail  litteraire.  II  est  difficile  aussi  de  faire  valoir 
contre  la  realite  d'une  experience  visionnelle  cette  consideration  que  I'Apocalyp- 
tique subit  manifestement  I'influence  de  materiaux  etrangers  deja  monnayes,  ou 
meme,  dans  I'ensemble,  d'autres  ecrits  apocalyptiques  que  nous  avons  encore  sous 
la  main.  On  a,  au  contraire,  le  droit  tout  naturel  d'admettre  que  le  visionnaire  s'est 
forme  son  monde  de  representations  a  la  lecture  des  ecrits  sacres  de  la  Revela- 
tion, ou  d'apres  le  reste  de  la  tradition  eschatologique,  et  que  ce  monde  de  repre- 
sentations I'a  suivi  dans  sa  vie  de  songes  et  de  visions.  Le  songe...  est  tissu  des 
experiences  et  des  impressions  de  I'etat  de  veille.  Et  ce  qui  est  vrai  du  songe, 
Test  aussi  des  visions  »  [Off.  p.  13). 

Mais,  si  les  auteurs  de  certains  apocryphes  ont  pu,  a  larigaeur,  passer  par  des 
etats  extatiques,  naturels  et  non  divins,  —  ce  que  nous  ne  serious  pas  d'ailleurs 
aussi  disposes  que  Bousset  a  attribuer  a  ces  personnages  «  livresques  »,  —  a 
combien  plus  forte  raison  pouvons-nous  croire  que  Jean  a  vdcu  en  pleine  expe- 
rience mystique!  La  caractere  de  profonde  sincerite,  I'emotion  ardente  et  com- 
municative qui  remplit  et  souleve  tout  son  livre,  rend  deja  fort  invraisemblable 
qu'il  n'y  ait  la  qu'une  sorte  de  travail  de  cabinet,  destine  a  donner  artificiellement 
une  forme  plus  dramatique  aux  reflexions  et  aux  previsions  que  lui  inspirait 
I'Esprit.  Mais  il  y  a  plus.  Get  ecrivain  sublime,  dont  un  croyant  ne  revoquera 
jamais  les  declarations  en  doute,  affirme  categoriquement  des  les  premieres 
lignes  qu'il  s'est  trouve  sous  une  influence  surnaturelle  sensible.  II  a  «  vu  », 
«  entendu  »,  un  Ange  lui  a  ete  envoye  (i,  1).  II  fixe  le  lieu  et  le  jour;  c'est  a 
Patmos,  un  dimanche,  qu'il  a  ete  enleve  par  I'esprit  (Ιγενόμην  εν  πνευματι,  ι,  9).  II 
s'est  senti  ravi  au  ciel  (iv).  Π  a  une  pleine  conviction  de  donner  la  parole  de  Dieu 
elle-meme,  et  de  n'y  avoir  pas  volontairement  mele  du  sien.  La  preuve,  c'est  I'a- 
vertissement  tres  fort  qu'il  donne  aux  lecteurs  de  son  Apocalypse  :  «  J'atteste  a 
quiconque  entend  les  paroles  de  la  prophetic  de  ce  livre  :  si  quelqu'un  y  fait  une 
addition,  Dieu  additionnera  sur  lui-les  fleaux  decrits...  Et  si  quelqu'un  retranche 
(rien)  aux  paroles  du  livre...,  Dieu  retranchera  sa  part  de  I'arbre  de  vie...  » 
(xxii,  18-19).  Aurait-il  pu  parler  de  la  sorte  s'il  s'etait  rendu  compte  qu'il  ne  fai- 
sait  que  speculer,  en  inventant  des  allegories,  sur  quelques  idees  inspirees  de 
Dieu?  Saqualitedeprophete,  ou  meme  d'Apotre,  —  en  admettant  que  ce  fut  Jean 
fils  de  Zebedee,  — aurait- elle  suffi  a  lui  donner  cette  assurance?  Saint  Paul,  qui  se 
sivait  inspire,  et  qui  etait  pourtant  sur  de  lui,  a  soin  de  distinguer  ce  qu'il  tient 


CLXVI  INTRODUCTION. 

de  la  revelation,  commune  ou  personnelle,  et  les  conclusions  qu'il  en  tire  par  son 
propre  jugement  :  «  Aux  gens  maries  je  prescris,  non  pas  moi,  mais  le  Sei- 
gneur... ;  quant  aux  autres,  je  leur  dis,  moi,  mais  non  pas  le  Seigneur...  »  (I  Cor. 
VII,  10,  12).  Le  Prophete  Jean  se  fut-il  done  senti  comme  constructeur  d'allego- 
ries,  plus  infaillible  que  Paul  comme  moraliste,  plus  surement  dirige  par  I'esprit 
divin?  C'est  que,  alors,  il  savait  bien  n'avoir  rien  altere,  par  un  melange  humain, 
de  toute  sa  Revelation.  La  forme  qu'il  lui  donnait  etait  absolument  garantie  a  ses 
yeux  de  prophete;  comment  Texpliquer  mieux  que  par  la  conscience  qu'il  avait 
de  communiquer  aux  eglises  non  pas  simplement  le  resultat  d'un  travail  dirige  par 
un  sourd  instinct  prophetique,  mais  le  souvenir  d'illuminationsfulgurantes,  indu- 
bitables,  qui  avaient  devoile  a  sa  vue  le  monde  des  mysteres  surhumains? 

Et  cependant,  son  livre  sc  presente  sous  une  forme  telle,  qu'on  y  decouvre  un 
travail  intense  de  reflexion.  Nous  avons  vu  combien  les  parties  en  sont  solide- 
ment  liees.  II  n'y  a,  a  vrai  dire,  qu'une  seule  vision,  un  drame  aux  actes  succes- 
sifs,  au  moins  depuis  le  chapitre  iv  jusqu'a  la  fin.  Le  meme  decor  celeste,  avec 
ses  choeurs  periodiques,  s'etale  toujours  au-dessus  du  flux  des  visions  chan- 
geantes;  puis,  aux  derniers  chapitres,  il  se  fond  avec  la  terre  ou  plutot  il  I'absorbe 
en  lui.  L'unite  vaut  celle  d'une  tragedie  grecque.  Tout  ce  qui  change  et  se  deve- 
loppe  suit  les  courbes  d'un  rythme  tres  savant,  tres  rafTine,  s'il  est  bien  celni 
que  nous  avons  cru  decouvrir  :  ces  trois  moments,  ces  septenaires,  cet  epanouis- 
sement  de  I'idee,  a  des  instants  periodiques,-  en  double  fleur  d'antithese,  tout 
cela  revele  un  travail  artistique  fort  conscient,  bien  qu'encore  imparfait.  Est-il 
compatible  avec  le  caractere  de  visions  surnaturelles  qui  arrachent  Tame  a 
elle-meme,  et  se  deroulent  devant  I'intelligence  passive,  qui  ne  pent  les  diriger, 
et  a  meme  de  la  peine  a  les  saisir  dans  leur  ampleur? 

II  serait  temeraire  a  un  critique  de  prejuger  des  operations  de  Dieu  dans  I'es- 
prit de  ses  saints,  et  de  leur  assignera  priori  telle  ou  telle  forme.  N'avons-nous 
pas,  parmi  les  revelations  que  I'Eglise  traite  avec  honneur,  le  Dialogue  de 
sainte  Catherine  de  Sienne,  qui,  d'apres  I'afTirmation  de  temoins  surs,  aurait  ete 
dicte  par  la  sainte  en  plein  etat  d'extase?  11  fait  pourtant  un  livre  tres  coherent. 
II  est  vrai  toutefois  que  les  visions  divines,  telles  que  nous  les  decrivent  ceux  qui 
en  ont  ete  favorises,  ne  se  deroulent  pas  generalcment  ainsi.  Meme  quand  elles 
sont  «  imaginatives  )),usant  de  couleurs  et  de  sons,  elles  sont  simples  et  d'ordi- 
naire  durent  peu;  mais  elles  laissent  une  impression  tres  profonde,  qui  se  pro- 
longe  longtemps,  et  le  peu  de  traits  qui  les  constituent  est  d'une  virlualite  de 
signification  si  etendue,  qu'il  est  difficile  de  les  rendre  par  des  mots  humains. 
Plus  elles  ont  ete  hautes,  plus  les  traces  qu'elles  laisseront  dans  la  memoire  sen- 
sible seront  confuses,  quoique  indelebiles.  Aussi,  quand  le  Voyant  voudra  les 
decrire,  surtout  s'il  laisse  un  certain  temps  s'ecouler  depuis  leur  apparition,  il 
sera  oblige  de  se  livrer  a  un  travail  humain  (humain  au  moins,  dans  son  mode, 
car  ilpeut  etre  dirige  lui  aussi  par  le  charisme  de  I'inspiration) ;  comme  ecrivain, 
le  Prophete  dont  les  visions  se  sont  evanouies,  devra  chercher,  parmi  les  images 
pour  lesquelles  il  possede  des  paroles,  celles  qui  se  rapprocheront  le  plus  de  ce 
qui  lui  a  ete  montre  quand  il  etait  sous  Taction  de  I'Esprit  revelateur;  en  sorte 
que  I'expression  parlee  ou  ocrite  d'une  vision  d'extase  sera  une  transposition, 
une  traduction  dans  une  langue  dont  sa  memoire  claire  lui  fournira  les  termes. 
Souvent  ces  termes  seront  insuflisants  pour  rendre  adequatement  des  impres- 


AUTHENTICITE    DES    VISIONS    DE    L  APOCALYPSE.  CLXVIl 

sions  indicibles;  il  faudra  done  les  multiplier  pour  egaler  autant  que  possible  la 
virtualite  des  images  de  la  vision ;  et  I'ecrivain  mystique  n'arrivera  pas  toujours 
a  se  satisfaire,  il  se  rendra  compte  qu'il  ne  donne  que  des  reflets,  des  approxi- 
mations de  quelque  chose  d'indescriptible  ou  d'ineiTable;  il  dira  :  «  G'etait  a  peu 
pres  comme  ceci  :  ώς  »,  cette  particule  dont  les  Apocalyptiques  font  un  si  grand 
usage. 

S'il  s'agit  de  visions,  non  plus  «  imaginatives  »,  mais  «  intellectuelles  »  la 
difficulte  sera  encore  bien  plus  grande  a  les  rendre  en  mots  humains.  Or,  la 
vision  purement  intellectuelle,  d'apres  saint  Thomas,  est  la  plus  haute  et  la  plus 
parfaite  de  toutes  (Il-ll•^,  clxxiv,  2).  Les  sens  et  I'imagination  n'y  exercent  que 
le  role  necessaire  qu'ils  ont  dans  toutes  les  pensees  humaines,  sans  que  Dieu  ait 
imprime  directement  d'images  nouvelles  dans  I'esprit  du  prophete  [ibid.,  ad  4""°). 
L'illumination  divine  a  bien  pu  ne  mettre  en  jeu  que  des  images  qui  peuplaient 
deja  la  memoire;  et  cela  meme  aussi  dans  les  visions  proprement  «  imagina- 
tives ».  Ce  qui  sera  surnaturel,  alors,  ce  ne  sera  pas  la  presence  de  ces  images 
dans  I'esprit,  mais  la  disposition,  I'ordre  dans  lequel  elles  se  derouleront  de 
fa^on  a  representer  des  verites  depassant  la  portee  naturelle  de  Tintellect  humain 
(ccLxxiii,  2,  ad  2""',  ad  3"").  C'est  d'ailleurs  chose  indifferente  a  la  prophetie,  en 
soi,  que  les  apparences  ou  les  images  sensibles  sous  lesquelles  I'idee  prophe- 
tique  s'exprimera :  comme  le  dit  la  Glossa  sur  Amos  :  «  II  est  naturel  que  ceux 
qui  veulent  comparer  un  objet  a  un  autre  cherchent  leurs  comparaisons  parmi 
les  objets  dont  ils  ont  I'experience,  et  au  milieu  desquels  ils  ont  ete  eleves;  par 
exemple,  des  marins  compareront  leurs  ennemis  aux  tempotes,  la  perte  au  nau- 
frage;  c'est  ainsi  qu'Amos,  qui  fut  berger,  assimile  la  crainte  inspiree  par  Dieu 
au  rugissement  dulion  »  (clxxii,  3). 

Si  I'esprit  humain  travaille  ainsi  suivant  ses  lois  naturelles  pour  fournir  une 
expression  a  la  revelation  prophetique  ordinaire,  il  en  pent  encore  etre  de  meme 
lorsque  l'illumination  a  pris  la  forme  d'une  vision,  soit  d'une  vision  intellectuelle, 
usant  d'un  minimum  de  «  phantasmes  »,trop  inadequats  a  I'idee  pour  en  exprimer 
la  richesse,  soit  meme  dune  vision  «  imaginative  »  trop  haute  ou  trop  abstraite 
pour  que  les  simples  mots  du  langage  habituel  qui  y  correspondent  de  loin  puis- 
sent  dire  ce  qu'elle  etait  vraiment.  On  pent  appliquer  a  certaines  revelations, 
mSme  sensibles,  et  toute  proportion  gardee,  ce  que  le  Docteur  Angelique  dit  a 
propos  du  «  rapt  »  de  saint  Paul,  qui  se  souvenait  d'y  avoir  entendu  «  des 
paroles  indicibles,  dont  il  n'est  pas  permis  a  I'homme  de  parler  »  (II  Co}\  xii,  4) 
«  Memor  fuit  illorum,  quae  in  ilia  visione  cognoverat,  per  aliquas  species  intel- 
ligibiles  habitualiter  ex  hoc  in  ejus  intellectu  relictas;  ...  unde  nee  totam  illam 
co'^nitionem  ant  cogitare  potei'at,  aut  verbis  exprimere  »  (clxxv,  4,  ad  3"™).  En 
d'autres  termes,  certaines  visions  d'un  caractere  tres  transcendant  se  sont  pro- 
fondement  gravees  dans  I'esprit;  mais  ellcs  le  debordent.  Elles  ont  eveille  de 
profondes  resonnances  dans  la  masse  des  idees  et  des  images  qui  y  ^taient 
accumuloes  deja ;  mais  I'esprit,  quand  il  entend  s'y  reporter  et  les  revivre,  ne  les 
saisit  plus  que  dans  ces  resonnances  accessoires,  et  celles-ci  seulement  sont 
capables  de  rccevoirune  expression  verbale. 

Je  ne  pretends  pas  expliquer  a  fond,  avec  ces  considerations,  le  mecanisme 
divin  des  visions  Johanniques,  ni  leur  rapport  exact  avec  les  descriptions  que  le 
Prophete  nous  en  a  laissees.  Que  des  theologiens  et  des  psychologues  plus  auto- 


CLXVUI  INTRODUCTION. 

rises  tranchent  la  question  —  si  elle  peut  etre  trancliee.  Mais  les  principes  ci- 
dessus  m'autorisent  au  moins  a  suggerer  quelques  hypotheses  de  nature  a  eclai- 
rer  la  question  que  nous  nous  sommes  posee. 

Les  visions  de  Jean  etaient-elles  intellectuelles  ou  «  imaginaires  »,  au  sens 
Iheologique  du  mot?  Cast  ce  que  nous  ne  saurions  dire  avec  certitude.  II  est 
assez  vraisemblable  qu'il  en  ait  eprouve  des  deux  sortes.  Le  caractere  intellec- 
tuel  que  nous  avons  constate  chez  lui,  la  transcendance  de  ses  vues,  et  jusqu'a 
la  negligence  qu'on  releve  par-ci  par-la  dans  Temploi  des  symboles,  la  difficulte 
a  en  donner  parfois  une  representation  plastique,  nous  porteraient  a  supposer 
qu'elles  ont  ete  surtout  intellectuelles,  sans  I'etre  exclusivement.  En  tout  cas,  il 
n'a  pas  voulu  —  ou  peut-etre  pas  pu  —  dire  tout  ce  qui  lui  avait  ete  revele;  tel 
est  le  sens  de  I'interdiction  d'ecrire  ce  qu'avaient  dit  α  les  7  tonnerres  »  (x,  4). 
Sans  doute  ces  idees  etaient-elles  trop  hautes,  et  ces  images  elles-memes  trop 
epurees,  dans  leur  simplicite  et  leur  virlualite  immense,  pour  se  trouver  des 
moyens  d'expression  entierement  sufTisants  dans  le  langage  humain.  Mais  elles 
avaient  eveille  en  lui  la  memoire  de  visions  pareilles  qu'il  avait  lues  dans  les  Pro- 
plietes;  certains  traits,  certaines  paroles  semblables  avaient  pu  impressionner, 
dans  I'extase,  ses  yeux,  ses  oreilles  ou  ses  sens  interieurs.  Par  association 
d'idees,  elles  avaient  declanche  le  souvenir  de  toute  I'imagerie  apocalyptique 
qu'il  possedait  dans  sa  memoire.  Get  eveil,  dans  certains  cas,  pouvait  preceder 
la  vision,  d'autres  fois  I'accompagner  et  lui  fournir  des  phantasmes  oil  il  lisait 
I'idee  divine,  d'autres  fois  la  suivre.  En  tout  cas,  quand  il  a  voulu  transmeltre 
aux  autres  ce  qu'il  avait  vu,  il  lui  etait  naturel,  les  limites  du  discours  humain 
s'opposant  a  ce  qu'il  fit  mieux,  de  se  servir  du  style  et  des  images  devenus  familiers 
dans  son  milieu  pour  ce  genre  de  communications.  Alors  il  a  pu  faire  un  travail 
humain  de  memoire,  d'imagination,  de  combinaison,  de  style.  Ce  travail  etait 
d'ailleurs  dirige  par  I'inspiration  divine;  mais  il  ne  fournissait  parfois  que  des 
equivalences  approximatives,  et  c'est  pour  cela  que  I'auteur,  qui  en  avait  cons- 
cience, use  si  volontiers  de  la  particule  ώς,  qui  pourrait  ga  et  la  se  traduire  :  «  a 
peu  pres  comme  ». 

En  un  mot,  nous  ne  devons  pas  hesiter  a  croire,  avec  tous  les  Peres  et  les 
anciens  commentateurs,  que  Jean  repete  uniquement  —  mais  en  I'appropriant 
par  endroits,  en  le  traduisant  dans  un  langage  dont  il  n'etait  pas  le  createur 
—  ce  qui  lui  a  ete  montre  dans  de  reelles  et  divines  extases.  Parler  d'un  simple 
«  instinct  prophetique  »,  si  surnaturel  et  si  conscient  qu'il  fut,  ne  semble  pas 
repondre  aux  exigences  de  ses  affirmations,  ni  a  I'impression  invincible  de 
«  chose  vue  »  que  produit  sa  lecture. 

Seulement  nous  pouvons  nous  demander  encore  sur  quels  points  le  travail 
humain  de  son  esprit  decrivain  a  principalement  porte. 

Sera-t-on  oblige  de  croire  que  Jean  a  vu  se  derouler  toutes  ces  scenes  au 
cours  d'une  seule  ample  vision,  comme  la  structure  du  livre,  et  les  fils  qui  en 
unissent  les  parties,  semblent  I'indiquer  au  premier  abord? 

Nous  ne  le  pensons  point.  Sans  doute  rien  n'est  impossible  a  Taction  divine. 
Surtout  si  la  vision  etait  intellectuelle,  Jean  aurait  pu  y  voir,  meme  en  un  clin 
d'oeil,  la  substance  de  toutes  ces  revelations  qui  prennent  tant  de  temps  a  ima- 
giner  I'une  apres  I'autre,  et  a  revetir  d'une  expression  verbale.  Ce  qui  lui  fut 
montre  pouvait  etre,  dans  sa  riche  mais  simple  transcendance,  beaucoup  moins 


AUTHEXTICITE    DES    VISIONS    DE    L  APOCALYPSE.  CLXIX 

complique  comme  representation  que  la  traduction  qu'il  a  fallu  en  donner  en 
images  et  en  mots  humains.  Pourtant,  il  est  aussi  fort  possible,  et  vraisemblable 
selon  nous,  que  Jean,  pour  integrer  la  connaissance  surnaturelle  qui  lui  fut 
donnee  a  Patmos,  au  jour  du  Seigneur,  ait  fait  appel  a  d'autres  visions  qu'il  avait 
eues  en  des  temps  divers,  peut-etre  anciens,  et  dont  chacune  prise  a  part  lui 
parut  devoir  bien  rendre  un  aspect  ou  une  partie  des  verites  qu'il  avait  pergues 
en  cette  grande  circonstance.  II  est  possible  aussi  qu'il  ait  eu  plusieurs  visions 
successives,  dans  son  exil  de  Patmos,  apres  I'apparition  du  «  Fils  d'Homme  ». 
Separees  peut-etre  par  des  intervalles  plus  ou  moins  longs,  et  sans  continuite 
psycliologiqae,  elles  demeuraient  en  continuite  objective,  chacune  projetant  une 
lumiere  nouvelle  sur  les  precedenles.  Enfin  rien  n'empeche  non  plus  d'admettre 
que  Jean,  au  lieu  de  creer  toujours  ses  expressions  figurees,  se  soit  servi  de 
temps  a  autre  de  fragments  d'apocalypses  ecrites  par  d'autres,  et  non  inspirees, 
qu'il  jugeait  aptes,  en  en  modifiant  le  sens  par  le  contexte  oii  il  les  introduisait, 
a  bien  rendre  ce  qu'il  avait  vu  et  entendu  lui-meme.  Nous  touchons  ici  a  la 
question  des  «  Sources  ». 

Tous  ces  elements,  personnels  ou  empruntes  —  empruntes  seulement  dans 
leur  forme  materielle,  non  dans  leur  idee  —  il  les  aurait,  par  un  travail  de 
reflexion  et  de  style,  juxtaposes  et  combines.  Afin  d'en  constituer  un  tout  repon- 
dant  bien  a  I'ampleur  de  sa  vision,  il  eut  cree  ces  cadres,  ces  correspondances, 
ces  jeux  de  succession,  d'emboitement  et  dantithese,  qui  font  de  I'Apocalypse 
un  livre  si  calcule  et  si  reflechi,  disons  le  mot,  si  artistique,  en  depit  de  sa 
spontaneite  ardente,  de  ses  negligences,  et  de  son  defaut  frequent  d'harmo- 
nisation  plastique.  Cela  montre  deux  choses  :  d'abord,  que  I'autcur  a  ete  plus 
dirige  par  le  souci  de  I'idee  que  par  celui  de  la  description;  ensuite,  qu'il  n'a 
pas  songe  a  eifacer  completement  la  trace  des  origines  variees  de  ses  diverses 
scenes,  tout  en  les  appropriant  soigneusement  aux  circonstances  actuelles,  et 
au  but  qu'il  poursuivait  pour  I'instruction  des  eglises  d'Asie,  pendant  son 
exil  a  Patmos. 

Grotius  (voir  ci-dessus,  chapitre  precedent)  fut  le  premier  a  exprimer  cette 
idee  que  les  visions  de  Jean,  a  I'origine,  et  avant  d'etre  ecrites  ensemble,  ne 
formaient  pas  un  tout  continu.  II  voulut  preciser,  et  reconnaitre  a  leur  imagerie 
que  les  unes  dataient  du  regno  de  Claude,  d'autres  de  la  guerre  juive,  ou  du 
regne  de  Vespasien,  ou  de  Domitien.  Ces  determinations  etaient  poussees  trop 
loin,  et  reposent  en  partie  sur  des  erreurs  d'exegese,  ou  sur  une  fausse  date 
assignee  a  I'exil  de  Patmos  (vide  infra,  chap.  xiii^.  Nous  croyons  pourtant  qu'il 
avait  vu  juste  en  principe.  Schleierrmcher  a  remis  cette  theorie  en  honneur, 
mais  il  est  alle  trop  loin,  car  il  ne  reconnait  aucun  lien  entre  les  visions  [Einl. 
in  d.  N.  T.,  1845). 

Pour  ce  qui  est  des  «  sources  »,  nous  en  admettons  bien  theoriquement,  et 
sous  les  reserves  indiquees  ci-dessus,  la  possibilite.  Nous  reservons  au  com- 
mentaire  la  discussion  des  principaux  passages  que  les  critiques  considerent 
comme  empruntes  a  des  ecrits  anterieurs.  Disons  seulement  ici  qu'il  est  impos- 
sible de  demontrer  apodictiquement  aucun  de  ces  ernprunts.  Nous  ne  sommes 
pour  notre  part  nuUement  convaincus  que  les  chapitres  vu,  1-8,  ni  xi,  1-13, 
et  encore  bien  moins  certains  passages  de  xxi-xxii,  ou  xii-xni  et  xvii-xvni  se 
soient  jamais  trouves  rediges  dans  des  ecrits  anterieurs.  Les  arguments  tires 


CLXX  INTRODUCTION. 

de  la  langue,  comme  ceux  qui  reposent  sur  une  pretendue  diversite  de  pensee, 
sur  une  incompatibilite  d'epoques  ou  de  points  de  vue,  nous  semblent  fort 
grossis,  et  la  plupart  controuves.  II  n'y  a  guere  que  xiv,  14-20,  la  scene  de  la 
«  moisson  »  et  de  la  «  vendange  »,  avec  son  coloris  et  sa  structure  tout  a  fait 
hebraique,  qui  nous  inspire  quelques  doutes  serieux,  Au  total,  nous  nous  jugeons 
en  droit  d'affirmer  qu'il  n'y  a  pas  dans  tout  le  livre  une  pericope  entiere  — 
sauf  peut-etre  celle-la  —  qui  ait  le  caractere  d'un  bien  emprunte,  d'une  adap- 
tation de  document  anterieur.  A  preuve  le  grand  nombre  de  mots,  de  tournures, 
et  de  figures  caracteristiques  de  Tauteur  qui  se  retrouvent  en  toutes,  d'un  bout  a 
Tautre  du  livre,  et  qu'on  ne  saurait  en  eflPacer  sans  faire  de  violentes  mutilations . 


I 


CHAPITRE  XIU 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,  AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE.   DATE    DE    LA    COMPOSITION, 

Maintenant  que  le  lecteur  possede  des  informations  suffisantes  sur  le  caractere 
et  I'esprit  de  I'auteur  de  I'Apocalypse,  son  but,  ses  procedes,  sa  culture,  sa 
langue  et  son  style,  nous  pouvons  aborder  la  grande  question,  si  debattue  aux 
iii*et  iv^siecles,  et  qui  Test  encore  davantage  de  nos  jours  :  Qui  etait  ce  Pno- 
phete  Jean  ? 

La  tradition  est  ferme.  Elle  repond  :  c'est  Jean,  I'Apotre,  le  fils  de  Zebedee 
et  le  frere  de  Jacques,  celui-la  meme  qui  a  ecrit  le  dernier  Evangile,  I'Evangile 
«  pneumatique  «.  Pourtant,  a  une  certaine  epoque,  et  dans  nombre  d'eglises  de 
I'antiquite,  elle  a  subi  des  flottements.  Puis,  la  comparaison  des  deux  ecrits, 
I'Evangile  et  I'Apocalypse,  rend  incroyable  a  nombre  de  critiques  qu'ils  puissent 
avoir  le  meme  auteur.  Saint  Denys  d'Alexandrie  faisait  deja  ressortir  leurs 
profondes  divergences,  pour  attribuer  I'Apocalypse  a  «  un  autre  Jean  ». 

Serait-ce  Jean-Marc?  Jean  le  Presbytre?  quelque  homonyme  encore  plus 
inconnu  que  ce  dernier?  Pour  Jean-Marc,  auteur  du  Deuxieme  Evangile,  la 
question  ne  peut  serieusement  se  poser.  Sauf  la  tournure  hebraisante  de  leur 
style,  et  les  liberies  qu'ils  prennent  a  Tegard  de  la  grammaire,  —  encore  sont- 
elles  bien  moins  audacieuses  chez  Marc,  —  I'auteur  du  second  Evangile  et  celui 
de  I'Apocalypse  n'ont  a  peu  pres  rien  de  commun,  ni  dans  le  caractere,  ni  dans 
le  style,  si  ce  n'est  I'attachement  a  la  meme  Verite.  Quant  a  Jean  le  Pres- 
bytre, nous  voulons  bien  croire  qu'il  a  existe,  a  cause  du  texte  de  Papias  qu'Eusebe 
nous  semble  interpreter  de  la  seule  maniere  plausible  (i).  Mais  je  pense  aussi 
que  nous  ignorons  tout  de  lui,  a  part  son  existence,  et  ses  relations  avec  Papias ; 
il  ne  s'est  introduit  dans  I'histoire  litteraire,  pour  se  faire  attribuer  I'Apocalypse, 
que  comme  un  postulat,  ou  une  sorte  de  dens  ex  machina  bon  a  tirer  d'embarras 
des  docteurs  qui  savaient  fort  bien  que  la  tradition  designait  Jean  I'Apotre 
comme  I'auteur  de  cette  Revelation,  mais  qui  continuaient  a  subir  les  conse- 
quences de  prejuges  doctrinaux  developpes  jadis  chez  certains  orthodoxes  par 
la  polemique  anti-millenariste  (2).  11  est  d'ailleurs  assez  remarquable  que  le  plus 
ancien  adversaire  connu  de  I'Apocalypse,  le  Remain  Cains,  ait  voulu  I'attribuer, 
non  pas  a  un  Jean  quelconque,  mais  a  I'heretique  Cerinthe  qui  aurait  pris  le 
masque  d'  «  un  apotre  »,  —  de  I'apotre  Jean,  il  va  sans  dire. 

Mais  voyons  d'abord  les  textes;  ensuite  nous  pourrons,  s'ils  ne  paraissent 
pas  sufTisamment  decisifs,  recourir  aux  criteres  internes  d'ou  pourra  sortir 
quelque  lumiere. 

(1)  //.  E.  Ill,  39. 

(2)  Denys  d'Alexandrie  lui-meme  pourrail  tomber  sous  un  pareil  jugement,  comme  nous 
le  montrerons  plus  bas. 


CLXXII  INTRODUCTION. 


Temoignages  traditionnels.  —  lis  se  presentent  en  notnbre  imposant,  et  il 
suffira  de  signaler,  en  les  discutant  si  besoin  est,  les  plus  anciens.  Pour  autant 
d'ailleurs  qu'ils  sont  proprement  «  traditionnels  »,  ils  convergent.  Davidson  (1) 
declarait  justement  :  «  Let  it  not  be  urged  that  the  patristic  tradition  is  not 
unanimous...  The  historical  tradition  relative  to  the  Apocalypse  seems  to  have 
been  interrupted  by  doctrinal  views  alone.  Had  no  Montanism  or  millenarianism 
appeared,  we  should  have  heard  of  no  voice  raised  against  John's  authorship... 
the  basis  of  the  tradition  cannot  be  explained  away  without  violating  the  prin- 
ciples of  historical  evidence.  » 

Le  premier  en  date  (2),  et  peut-etre  le  plus  important  des  temoignages,  que 
nous  possedons  c'est  la  phrase  de  saint  Justin,  dans  son  Dialogue  avec  Tryphon, 
C.  LXXXI,  4  :  Και  έπειτα  και  παρ'  ήμϊν  άνηρ  τις,  φ  ονουια  'Ιωάννης,  εΤς  των  αποστολών 
του  χριστού,  εν  αποκαλύψει  γενομέντ,  αύτω  /ίλια  ετη  ποιησειν  εν  'Ιερουσαλήμ  τους  τω 
ήμετε'ρω  χριστώ  πιστεύσαντας  προε;ρητευσε,  και  μετλ  ταύτα  την  καθολικήν  και,  συνέλοντι  φάναι, 
α'ιωνίαν  ομοθυμαδόν  αμα  πάντο^ν  άνάστασιν  γενησεσθαι  κα\  κρίσιν.  C'est  la  plus  claire  des 
references  au  chapitre  xx  de  notre  Apocalypse,  d'ailleurs  mal  compris.  II  faut 
se  souvenir  que  Justin  avait  frequente  Ephese,  oil  il  se  convertit  sous  Hadrien, 
vers  135,  c'est-a-dire  une  quarantaine  d'annees  seulement  apres  la  date  gene- 
ralement  assignee  a  I'Apocalypse. 

Nous  savons  indirectement  que,  vers  la  meme  epoque,  Meliton,   eveque  de 

Sardes,  a  ecrit  sur  Γ  «  Apocalypse  de  Jean  »  :  Μελίτο^νος,  τά  περί  του  πάτχα  δυο  και 

τα  περί  του  διαβόλου  και  της  ΆποκαλύψεοΗ  Ίοιάννου  (Eusebe,  Η.  Ε.  XXVI,  2). 
Denys  de  Corinthe  (166-175),  se  plaigcant  que  ses  lettres  aient  ete  falsifiees, 
emprunte,  semble-t-il,  intentionnellement,  des  termes  d'A/JOc.  xxii,  18-19, 
et  IX-XI  :  ΚαΙ  ταύτας  οί  του  διαβόλου  απόστολο»  ζιζανίων  γεγέμικαν  [Mat.  XIII,  25)  &  μεν 
εξαιροΰντες,  ά  δέ  προστιθε'ντες  •  οίς  το  ούαι  κείται  (Eus.  Η.  Ε.,  ΧΧΙΙΙ,  12).  Dans  le 
Pasteur  d'Hermas,  ecrit  remain,  relevons  ces  images  :  la  «  Bete  »  marine  de 
Vis.  IV,  1  (?),  les  «  vetements  blancs  »  de  Sim.  viii,  2,  3,  et,  plus  surement 
encore.  Vis.  IV,  2  :  υπαντα  μοι  παρθένος  κεχοσμημένη  ως  ε'κ  νυμφώνος  εκπορευομένη 
{Ps.  XVIII,  6.  mais  aussi  Apoc,  xxi,  2),  o>.yi  Iv  λευχοΐς  (Apoc.  passim).  Chez  ces 
deux  auteurs,  il  est  vrai,  ce  ne  sont  la  que  des  allusions,  qui  ne  disent  rien  sur 
I'auteur,  mais  montrent  au  moins  la  consideration  dont  jouissait  deja  I'Apoca- 
lypse. Expresse  est  I'affirmation  du  commentateur  Andre  de  Cesaree  touchant 
Papias,  le  vieil  eveque  d'Hierapolis,  anterieur  a  Justin  :  Περί  μεντοι  του  θεοπνευστου 
της  βίβλου  (c'est-a-dire  de  Γ  Apocalypse  de  Jean)  περιττον  μηκύνειν  ■io^'ko-^o^  ηγούμεθα, 

τίϋν  μακαρίων  Γρηγορίου προσέτι  δε  και  των  άρχαιοτέριον  Παππίου,  Ειρηναίου,  Μεθοδίου 

και  Ιππολύτου  ταύττι  προσμαρτυρούντων  το  άξιόπιστον  (Preface  du  Comm.  P.  G., 
106,  217).  Or  Andre  n'avait  aucun  doute  sur  I'identite  de  Jean. 

Polycarpey  le  disciple  de  Jean,  martyrise  a  Smyrne  (155-156?)  se  sert  tres 
vraisemblablement  d'une  expression  qu'il  avait  lue  maintes  fois  dans  I'Apoca- 
lypse, quand,  avant  de  mourir,  il  s'adresse  a  Dieu  en  ces  termes  :  Κύριε  δ  6εος 

il)  Introduction,  i,  p.  319,  cito  par  Gornely,  Introductio,  iii,  1886,  p.  693. 
(2)  Les  traces  qu'on  a  cru  retrouver  de  TApocalypse  dans  les  lettres  de  saint  Ignace  d'An- 
tioche,  Eph.  15  et  Philad  6,  nous  paraissent  a  tout  le  moins  douteuses. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    )) ,    AUTEUR    DE    l'aPOCALYPSE.  CLXXIII 

δ  παντοχράτοιρ,  qui  se  retrouvent  litteralement,  avec  leur  irregularite  gramma- 
ticale  Apoc,  iv,  8;  xi,  17;  xv,  3;  xvi,  7;  xxi,  22  (Martyre  de  Polycarpe,  xiv). 
Theophile,  qui  fut  entre  169^et  177  eveque  d'Antioche  —  c'est-a-dire  d'une  eglise 
en  relations  etroites  avec  celles  de  I'Asie  Mineure  —  dans  son  προς  τήν  αιρεσιν 
ΈρίΛογενους,  ecrit  aujourd'hui  perdu,  s'est  servi,  d'apres  Eusebe,  //.  E.  iv,  24 
«  de  temoignages  tires  de  Υ  Apocalypse  de  Jean  w.  Ajoutons  le  temoignage  du 
Canon  de  Muratori  (Rome,  entre  155  et  200),  aux  lignes  57-58  :  Et  Johannis 
eni  in  a\pocalebsy  licet  septe  eccleseis  scribat  tamen  omnibus  dicit,  puis  1.  71-72  : 
...  apocalypse  etiani  johanis  et  pejtri  tantum  recipimus  quam  quidam  ex  nos 
tris  legi  in  ecclesia  nolunt  (1).  Enfin,  dans  la  Lettre  des  eglises  de  Lyon  et  de 
Vienna,  sans  doute  redigee  par  Irenee,  en  la  dix-septieme  annee  de  Marc-Aurele 
(177-178),  nous  lisons  :  ήν  γαρ  και  εστίν  γνήσιος  χριστού  μαθητ/'ς,  ακολουθών  τ^  άρνίω 
οπού  2tv  ϋπάγν•,  =  Apoc,  χιν,  4,  et  plus  loin  :  ινα  ή  γραφή  πληpoJOη.  «  Ό  άνομος 
άνομησάτω  ετι,  και  ό  δίκαιος  δικαιωΟη toj  ετι  »  ζ=  Apoc.,  χχΐι,  11,  appelee 
«  Ecriture,  γραφή.  »  (Eus.  Η.  Ε.  ν,  1.,  10  et  58). 

Apollonius  (d'Ephese?)  combattit  Montan  et  ses  prophetesses,  vers  Tan  200, 
en  se  servant,  d'apres  Eus.  H.  E.  v,  xviii,  14  «  μαρτυρίαις  άπο  της  Ίωάννο!> 
Ά.ποκαλύψεοις  »,  et  «  il  raconte  qu'un  mort,  au  moyen  d'une  vertu  divine,  fut 
ressuscite  par  le  meme  Jean  a  Ephese  »  (ibid'. 

En  resumant  ces  premiers  temoignages,  nous  constatons  que  I'Apocalypse 
etait  connue  dans  la  generality  des  eglises  au  ii^  siecle,  et  qu'on  la  considerait 
comme  une  ecriture  divine  {Papias  d'apres  Andre,  Can.  Mar,  Lyonnais).  Le 
nom  de  son  auteur,  chaque  fois  qu'il  est  cite,  est  Jean  [Justin,  Meliton,  Theo•^ 
phile,  Apollonius);  ce  Jean  est  le  Jean  a' Ephese  [Apollonius);  enfin  le  texte 
de  Justin,  le  plus  ancien  que  nous  possedions,  range  ce  Jean  parmi  «  les  Apotres 
du  Christ ».  11  en  est  de  meme,  certainement,  pour  le  Muratorianum.  «  Plusieurs 
...attribuent  simplement  I'Apocalypse  a  Jean,  sans  mentionner  que  c'est  de 
I'apotre  qu'ils  parlent.  On  ne  pent  douter  pourtant  que  c'est  bien  lui  qu'ils 
visent,  car  la  tradition  ecclesiastique,  en  dehors  de  Papias,  de  Denys,  d'Eusebe, 
et  de  quelques  autres,  n'a  pas  connu  d'autre  Jean,  vivant  a  Ephese,  a  la  fin 
du  I*'  siecle  »  [Jacquier,  Hist,  des  livres  du  N.  T.  iV,  p.  322). 

Ccs  temoignages  sont  couronnes  par  ceux  dJrenee,  de  Clement  d'Alexandrie 
et  de  Tertullien.  Ceux  du  premier  ont  la  valeur  toute  speciale  qui  s'attache  au 
nom  d'irenee  dans  la  question  Johannique ;  I'Alexandrin  et  I'Africain  le  confirment. 
Tous  sont  aussi  explicites  qu'on  peut  le  desirer.  Irenee  s'est  beaucoup  occupe 
de  notre  livre  (vide  infra,  chapitre  prochain),  et  il  a  ete  le  devancier  des  com- 
mentateurs  (Acf^.  Haeresesj  iv,  20;  21;  v,  30;.  35,  et  ailleurs).  Pour  lui,  elle 
est  de  Jean,  «  le  disciple  du  Seigneur  »  [Adv.  Haer.  iv,  21,  11;  v,  26,  1), 
lequel  n'est  autre  que  lApotre  [Adv.  Haer.  ii,  22,  5).  Clement  d'Alexandrie 
en  parle  dans  le  Τις  δ  σο^ζόμενος  πλούσιος,  42;  dans  le  Παιδαγίογος,  II,  10,  12;  dans 
les  Στρωματεΐς  iv,  25;  ν,  6;  vi,  13  comme  d'un  ecrit  apostolique;  et  on  sait  qu'il 
avait  recueilli  de  belles  traditions  sur  le  sejour  de  I'Apotre  Jean  a  Ephese. 

(1)  On  sail  que  Zahn  (Gesch.  des  neulest.  Kanons,  II,  p.  142,  1890)  croit  le  texle  corrompu, 
et  propose  celui-ci  pour  I'original  prosume  :  ΚαΙ  ή  άποκάλ•..ψις  δε  Ίωάννο-j  χαΐ  πε'τρου  [επιστολή 
μία  ήν]  μόνην  άπεχδεχίμεθα  •  [Ιστι  δε  χαΐ  έτερα]  ήν  τίνες  των  ήμετε'ρων  άναγινώσκεσθαι  έν  έχχ/ησία  ον 
6ί),ον»σιν. 


CLXXIV  INTRODUCTION. 

Quant  a  Tertullien,  il  defend  rauthenticite  de  I'Apocalypse  centre  Marcion  {Ad^>. 
Marcionem,  iii,  14:  24;  iv,  5).  II  dit,  dans  le  Da  resurrectione  carnis,  27, 
α  Apostolus  Johannes  in  Apocalypsi  ensem  describit  ex  ore  Dei  prodeuntem  »  ; 
d'ailleurs  il  s'en  sert  avec  profusion. 

Ainsi,  jusque  dans  les  premieres  annees  du  iii^  siecle,  on  pent  parler  d'une 
unanimite  de  la  tradition  concernant  I'auteur  de  notre  livre.  L'heretique  Marcion, 
il  est  vrai,  ne  Tadmettait  pas  plus  que  la  majeure  partie  du  Nouveau  Testament; 
mais  son  opinion  n'a  aucun  poids  devant  la  critique;  d'ailleurs  nous  ne  savons 
pas  absolument  s'il  lui  refusait  une  origine  apostolique;  ce  n'etait  pas  la  le  cri- 
tere  de  son  canon. 

Au  iii^  siecle,  tandis  qu'elle  est  pleinement  acceptee  comme  johannique  et 
apostolique  par  Origene,  qui  semble  ne  connaitre  aucune  discussion  sur  ce 
point-la  [In  Joh.  i,  1,  2,  6,  14;  v,  3;  in  Mat.  xvi,  6)  (1),  et  par  saint  Hippolyte, 
qui  s'en  est  encore  plus  occupe  qu'lrenee  [De  Christo  et  Antichj-isto,  ed.  Lagarde, 
p.  17  :  Λε'γε  μοι,  μακάριε  Ίωάνντ,,  απόστολε  και  μαθητα  του  Κυρίου,  τι  είδες 
και  ηχουίας  περΊ  Βαβυλωνος,  voir  Apoc.  χνιι),  en  Afrique  par  S.  Cypj-ien  (Ep.  xxvi, 
4;  De  bono  patientiae  24,  et  ailleurs),  et  enfin  qu'on  la  voit  paraitre  dans  les 
vieilles  versions  latines,  les  difficultes  commencent  avec  le  pretre  romain  Cams, 
puis  le  grand  eveque  S.  Denys  d'Alexandrie. 

Calus,  precurseur  de  Volter,  Fattribue  tout  simplement  a  Cerinthe,  ce  gnos- 
tique  ancien  centre  qui,  suivant  certaines  traditions,  I'apotre  Jean  aurait  eu  a 
lutter  a  Ephese,  et  meme,  suivant  des  anciens,  aurait  ecrit  son  Evangile  et  la 
l""*  epitre.  Le  texte  de  Caius,  conserve  par  Eusebe  (iii,  xxviii,  2)  vaut  la  peine 
d'etre  cite  et  traduit : 

Άλλα  και  Κηρινθος  δ  δι'  αποκαλύψεων  ώς  υπο  άποστο'λου  μεγάλου  γεγραμμένοιν 
τερατολογίας  ήμΐν  ώς  δΓ  αγγέλων  αύτω  δεδειγμένας  ψευδόμενος  επεισάγει,  λε'γων  μετά 
την  άνάστασιν  επίγειον  είναι  το  βασίλειον  του  Χρίστου  και  πάλιν  επιθυμίαις  κ«\  ήδοναΐς  εν 
'Ιερουσαλήμ  την  σάρκα  πολιτευομένην  δουλευειν.  Και  εχθρός  δπάρχων  ταΐς  γραφαΐς  του  θεοΐί, 
αριθμόν  χιλιονταετίας   εν   γάμω   εορτής,  θέλων   πλαναν,   λέγει  γίνεσθαι. 

«  Mais  Cerinthe,  au  moyen  de  revelations  (apocalypses)  censees  ecrites  par  un 
grand  apotre,  nous  presente  mensongerement  des  recits  de  merveilles  que  des 
anges  lui  auraient  montrees  (cfr.  Apoc.  i,  2  ;  xxii,  8).  11  dit  que,  apres  la  resur- 
rection, la  royaute  du  Christ  sera  terrestre ;  que  la  chair,  de  nouveau,  organisee 
en  6tat  a  Jerusalem  (cfr.  Apoc.  xx),  se  mettra  sous  la  servitude  des  passions  et 
des  plaisirs;  et,  comme  il  est  ennemi  des  Ecritures  de  Dieu,  il  dit,  voulant 
egarer,  qu'il  y  aura  mille  ans  de  fetes  nuptiales  ». 

Quelques  auteurs  catholiques  ont  cherche  a  innocenter  Caius ;  mais  il  n'est 
vraiment  pas  tres  grammatical  de  traduire  ώς  υπό  αποστόλου  μεγάλου  γεγραμμένων 
«  comme  [les  revelations)  qui  ont  ete  ecrites  par  un  grand  apotre  »,  puisque  I'ar- 
ticle  manque  devant  le  participe.  Puis,  ce  qui  est  tout  a  fait  decisif,  c'est  que 
Denys  d'Alexandrie  (cite  par  Eusebe,  vii,  xxv,  1  sqq.),  en  traitant  de  TApoca- 

(1)  Ce  dernier  texte  est  a  signaler  particulierement  :  «  Calicem  biberunt  el  baptismo  bap- 
tizati  sund  Zebedaei  fllii,  quoniam...  ό  δέ  Ρωμαίων  βασιλεύς,  ώ;  ή  παράδοσις  διδάσχε•.,  κατεδίκασε 
τον  Ίωάννην  μαρτυροϋ ντα.,.  εΙς  Πάτμον  τήν  νησον.  Ipse  tradit  in  Apocalypsi  liis  ver- 
bis :  Ego  Johannes  frater  vester,  etc.  ».  Voir  Apoc.  c.  V.  — Si  I'opuscule  publie  par  Harnack 
et  Dobionoutis  est  vraiment  un  commentaire  d'Origene  sur  I'Apocalypse  (vid.  infra,  chap,  xv), 
comme  nous  I'admettons,  on  voit  assez  quelle  foi  avail  le  grand  Alexandrin  dans  eel  ouvrage. 


IDENTIFICATIOX  DE  «  JEAN  )> ,  AUTEUR  DE  L  APOCALYPSE.        CLXXV 

lypse,  fait  une  allusion  claire  a  une  opinion  qui  coincide  du  tout  au  tout  avec 
celle  de  Caius,  telle  que  nous  venons  de  la  traduire  :  «  Τίνες  μεν  ouv  των  προ  ήμίον 

άθετηταν  και  άνεσκεύασαν  πάντγ)  το  βιβλίον   (i.  θ.  την  Άποκάλυψιν), Ίωάννην   γαρ  ουκ 

είναι  λε'γουσιν,  αλλ'  ούδ'  άποκάλυψιν  είναι  την  σφόδρα  και  παχεΐ  νεκαλυμμένην  τω  της 
άγνοιας  παραπετάσματι,  και  ούχ  όπως  των  αποστόλων  τινά,  άλλ'  ουδ'  δλως  των 
άγ(ων  η  των  άπο  της  εκκλησίας  τούτου  γεγονέναι  ποιητήν  του  γράμματος,  Κηρινθον 
δέ  τον  και  την  άπ'  ε'κείνου   κληΟεΐσαν  κηρινΟιακήν  συστησάμενον   α?ρεσιν,    άςιόπιστον   Ιπιφημισβΐ 

θελησαντα  τω   εαυτού  πλάσματι  όνομα 'Εγώ    δε   άθετησαι    μεν    ουκ    αν   τολμησαιμι   το 

βιβλιον...  »   «  Quelques-uns  de  ceux  qui  nous  onl  precedes  ont  entierement  rejete 

et  recuse  ce  livre  [I'Apocalypse) lis  disent  en  effet  qu'il  n'est  pas  de  Jean, 

que  ce  n'est  meme  pas  une  Apocalypse  [c'est-a-dire  une  Revelation),  enveloppe 
qu'il  est  tout  a  fait  du  voile  epais  de  I'inconnaissable ;  que  non  seulement  aucun 
des  apotres,  niais  d'aucune  facon  un  des  saints  ou  des  meinbres  de  I'Eglise,  n'a 
ete  I'auteur  de  cet  ecrit;  que  c'est  Cerinthe,  celui  qui  fonda  inome  I'heresie  appe~ 
lee  de  son  nom,  Cerinthienne,  qui  a  voulu  mettre  sa  propre  composition  sous  un 

nom  qui  lui  valilt  credit Pour  moi,  je  n'aurais  pas  I'audace  de  rejeter  le 

livre »  Denys  parle  certainement  des  «  Aloges  »  ;  mais  Cams  etait  du  nombre. 

La  decouverte  de  fragments  syriaques  des  Κεφάλαια  κατά  Γαίου  d'Hippolyte  le 
demontre  (1).  C'est  peut-etre  aussi  contre  Caius  et  consorts  qu'Hippolyte  avait 
ecrit  le  'Γπέρ  του  κατά  Ίωάννην  ευαγγελίου  κα\  άποκαλύψεο)ς  (2),  mentionne  sur  le  siege 
de  sa  statue  du  Latran. 

Q'etait-ce  que  ce  Caius,  et  comment  avait-il  ete  amene  a  un  jugement  si  con- 
traire  a  la  tradition,  si  inintelligent  meme  dans  son  outrance  et  son  injustice, 
qu'on  ne  pent  Texpliquer  que  par  I'aveuglement  de  la  passion?  C'etait  un  ortho- 
doxe  et  un  pretre,  puisqu'Eusebe  I'appelle  ε'κκλησιαστικος  άνηρ  (II,  xxv,  6).  Au 
temps  du  pape  Zephyrin  (199-217),  il  ecrivit  un  ouvrage  de  polemique,  le  Προς 
Πρόκλον,  contre  un  chef  des  Montanistes.  On  sait  que  ces  fanatiques,  avec  I'abus 
qu'ilis  faisaient  du  Paraelet  et  du  prophetisme,  avaient  excite  dans  certains  cercles 
ecclesiastiques,  les  «  Aloges  »,  une  violente  reaction  contre  les  ecrits  johanniques 
en  general.  Elle  existait  dcja  au  temps  d'Irenee,  puisque  celui-ci  [Adv.  Haer.  in, 
11,  9)  parle  deja  d'adversaires  du  IV'' Evangile.  Mais  on  ne  trouve  ensuite  de 
renseignements  les  concernant  que  chez  saint  Epiphane  dans  son  Πανάριον,  li,  oil 
il  les  baptiste  «  Aloges  »  par  sarcasme  (α-λόγος,),  et  chez  Philastre  de  Brescia, 
Haer.  lx.  Leurs  noms,  leur  degre  d'autorite,  qui  a  du  etre  assez  modique,  les 
formes  de  leur  activite,  tout  cela  demeure  profondement  ignore.  En  tout  cas,  les 
«  Aloges  »  n'aimaient  pas  les  allegories,  et  ne  se  creusaient  pas  la  tete  pour  les 
comprendre  :  «  A  quoi  me  sert,  »  disaient-ils,  «  I'Apocalypse  de  Jean,  quand  elle 
me  parle  de  sept  Anges  et  de  sept  trompettes?  »  (Epiphane,  xxxii).  Ces  gens  trop 

(1)  Cinq  fragments  Iraduits  par  Owyn  d'un  comnoentaire  de  Denys  Bar-Salibi  f  1171  sur 
Apocal.  ms.  syriaque  7185  du  British,  Museum.  Hippolytus  and  his  heads  against  Caias. 
dans  Uermathena,  Dublin,  1888.  On  y  trouve  les  objections  que  Caius  faisait  k  divers  pas- 
sages de  I'Apocalypse. 

(2)  En  effet,  Caius  rejetait  aussi  le  IV"  livangile;  on  le  sail  par  Denys  Bar-Salibi,  dans  le 
ni4me  Commentaire  (Corp.  script,  christ.  orient.  Parisiis  Lipsiae,  1010,  t.  CI,  p.  1.)  —  Ebedjesu 
(f  1318)  scmble  le  confirmer.  (Assemani,  Bibl.  or.  Scriptor.  nesloriani),  I.  Ill,  pars  I,  1725, 
p.  15.  —  Sur  les  diflicultos  de  cetle  question,  voir  Labriolle,  la  Crise  monlanisie.  1912,  p.  281 
suiv. 


CLXXVI  INTRODUCTION. 

raisonnables  inlitulaient  pourtant  le  livre  «  Apocalypse  de  Jean  »,  parce  que  tout 
le  monde  —  bien  qu'a  tort  selon  eux  —  I'appelait  ainsi;  et  Caius  aussi  nous  est 
temoin  que  les  chretiens  moins  inform^s  le  prenaient  pour  Toeuvre  d'  «  un  grand 
apotrc  »  «  (5)ς  υπο  αποστόλου  με^άΙοΌ  γεγραμίΛενοιν  ».  C'est  ainsi  que,  a  leur  COrps 
defendant,  ils  sont  pour  nous  des  temoins  de  la  tradition;  on  n'avait  pas  encore 
decouvert  «  I'autre  Jean  ».  Etles  deux  ecrits  demeuraient  toujours  associes  dans 
la  confiance  ou  la  defaveur. 

C'est  saint  Denys  d'Alexandrie  (eveque  de  248  a  264)  qui  a  le  premier,  a  ce  qu'il 
semble,  postule  ce  personnage.  Dans  son  fameux  texte  que  nous  etudierons  plus 
loin,  et  qu'Eusebe  encore  nous  a  transmis  (//.  E.  VII,  xxv),  il  scrute  le  probleme 
en  pur  critique,  sans  faire  appel,  notons-le  bien,  a  une  tradition  quelconque.  II 
est  visible  que  I'Apocalypse  eflarouchait  son  intellectualisme  alexandrin ;  il  la  gou- 
tait  d'autant  moins  qu'il  avait  eu  a  combattre  le  millenarisme  litteral  de  I'eveque 
Nepos.  Aussi,  dans  son  livre  περί  επαγγελιών,  II,  entama-t-il  une  discussion  serree 
pour  demontrer  qn'elle  n'est  pas  d'origine  apostolique.  Tout  en  rejetant  I'opinion 
radicale  de  quelques  docteurs  anterieurs  (de  Caius?),  et  en  continuant  a  admettre 
que  le  livre  est  d'un  auteur  inspire,  qui  s'appelait  veritablement  «  Jean  »,  il  ne 
croit  pas  que  ce  Jean  puisse  etre  le  fils  de  Zebedee,  auteur  du  IV*^  Evangile.  11 
s'exprime  ainsi,  avec  une  modestie  dont  I'ironie,  sans  doute,  n'est  pas  absente  : 
«  Pour  moi,  je  n'aurai  pas  I'audace  de  rejeter  ce  livre,  un  grand  nombre  de  freres 
I'ayant  en  faveur;  je  trouve  bien  que  la  pensee  depasse  en  lui  ma  force  de  con- 
ception, mais  je  conjecture  qu'il  y  a  en  chaque  passage  un  sens  cache  et  tres 
admirable.  Car,  au  reste,  si  je  ne  le  comprends  pas,  je  soupgonne  du  moins  qu'il 
y  a  dans  les  mots  une  signification  tres  profonde ;  je  ne  mesure  ni  n'apprecie  ces 
choses  avec  monproprejugement,  mais  je  donne  la  preference  a  la  foi  et  je  pense 
qu'elles  sont  trop  elevees  pour  que  je  puisse  les  saisir.  De  plus  je  ne  rejette  pas 
ce  que  je  n'ai  pas  embrasse  du  regard,  mais  je  I'admire  d'autant  plus  que  je  ne  le 
vols  pas.  »  Cette  admiration  etait  pour  le  moins  un  peu  froide,  et  nous  nous 
expliquons  que  I'illustre  docteur  ait  cherche  des  arguments  contre  I'apostolicite. 
«  A  la  fin  detoute  la  prophetic...,  »  continue-t-il,  «  le  prophete  proclame  bienheu- 
reux  ceux  qui  la  garderont  et  aussi  lui-meme  :  Bienheureujc,  dit-il  en  effet,  celui 
qui  garde  les  paroles  de  prophetie  de  ce  Iwre  ainsi  que  moi  Jean  qui  vois 
etentends  ces  choses  [Apoc.  xxii,  7-8,  avec  une  mauvaise  coupure).  Que  Jean  soit 
done  son  nom  et  que  cet  ecrit  soit  de  Jean,  je  n'y  contredis  pas,  et  j'accorde  quil 
est  d'un  homme  saint  et  inspire  de  Dieu  (άγ(ου  μεν  γαρ  είναι  τίνος  και  θεοπνεύστου 
συναινώ).  Cependantje  ne  serais  pas  facilement  de  I'avis  que  celui-ci  est  ίΆρό~ 
tre,  le  fils  de  Zebedee,  le  frere  de  Jacques,  qui  est  I'auteur  de  lEvangile  intitule 
Evano-ile  de  Jean  et  de  I'Epitre  catholique.  Je  conjecture,  en  effet  (τεχίΛαίρομαι), 
d'apres  le  caractere  de  I'un  et  de  I'autre,  I'aspect  des  discours,  et  ce  qu'on  appelle 
la  conduite  du  livre,  que  I'auteur  n'est  pas  le  meme  ».  Suivent  des  arguments  de 
critique  interne,  sur  lesquels  il  faudra  revenir,  mais  pas  un  seul  temoignage 
d'auteur  plus  ancien.  Denys  continue  :  «  Que  ce  soit  done  Jean  qui  ait  ecrit  cela, 
il  faut  le  croire  sur  parole  (αύτώ  λε'γοντι  πιστευτεον);  mais  quel  est  ce  Jean?  On  ne 
sait  pas...  Je  sais  que  les  homonymes  de  I'apotre  Jean  sont  nombreux...  11  y  a 
bien  aussi  un  autre  Jean  dans  les  Actes  des  Apotres,  qui  est  surnomme  Marc. 
...  Est-ce  lui  qui  a  compose  Γ  Apocalypse?  II  n'y  parait  pas,  car  il  n'est  pas  ecrit 
qu'il  eut  passe  avec  eux  (Paul  et  Barnabe)  en  Asie...  Je   pense  que  I'auteur  du 


I 


I 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUK    DE    L  APOCALYPSE.  CLXXVII 

livre  en  question  est  quelqu'un  de  ceux  qui  etaient  en  Asie ;  on  dit  en  effet  qu'a 
Ephese  il  y  avail  deux  tonibeaux,  et  que  I'un  et  V autre  etaient  de  Jean  (ΙπεΙ  και 
δύο  φασι'ν  εν  Έφεσω  γενέσθαι  μνήματα  κα\  Ιχάτερον  'Ιωάννου  λέγεσθαι  (1)  ».  C'est  unique- 
ment  sur  cet  on-dit  —  explicable  de  tant  de  manieres  —  que  Denys  s'appuie  pour 
admettre  la  dualite  des  Jean.  II  ne  pensait  d'ailleurs  pas  a  «  Jean  le  Presbytre  », 
qu'il  etait  reserve  a  Eusebe  de  decouvrir.  La  preuve  en  est  que,  auparavant 
(xxv,  ill,  il  oppose  les  petites  epitres  johanniques  a  I'Apocalypse  parce  que  I'au- 
teur  ne  s'y  nomme  pas  par  son  nom,  mais  seulement  le  «  Presbytre  »  :  Άλλ'  ούδε' 
εν  τ?)  δευτε'ρα  φεροαέν/)  'Ιωάννου  καΐ  τρίτνι,  καίτοι  βραχείαις  ουσαις  επιστολαΤς,  δ  'Ιωάννης 
ονομαστι  πρόκειται,  αλλά  άνωνυμως  δ  πρεσβύτερος  γεγραπται. 

Ce  que  valaient  les  arguments  critiques,  assez  specieux,  de  Denys,  nous  le 
verrons  plus  tard.  II  nous  suflit  d'avoir  montre  que  son  scepticisme  lui  etait  pure- 
ment  personnel,  sans  QMCWHQbase  historique.  Les  discussions  provoquees  paries 
Millenari.stcs  et  les  Aloges  leurs  adversaires,  avaient  prepare  ces  doutes  dans  son 
esprit;  mais  il  n'adopte  pas  les  opinions  de  ses  predecesseurs,  et  c'est  une  infe- 
rence tout  a  fait  originale  qui  Ta  fait  croire  a  cet  «  autre  Jean  »,  dont  la  tradition, 
comme  auteur  de  I'Apocalypse,  ne  parlait  pas  plus  que  de  Cerinthe. 

Ces  preventions  contre  le  contenu  de  I'Apocalypse  durerent  longtemps  apres 
qu'il  ne  fut  plus  question  des  «  Aloges  »,  principalement  dans  I'ecole  d'Antioche, 
qui  ne  I'admettait  pas  au  Canon.  Mais  presque  toutes  les  eglises,  meme  celle  de 
Denys,  Alexandrie,  continuaient  a  la  tenir  pour  inspiree  et  apostolique  [vid. 
infra).  Les  avis  sur  I'origine  et  la  valeur  de  ce  livre  etaient  radicalement  tran- 
ches. C'est  pour  cela  qu'Eusebe,  dans  son  enumeration  des  ecrits  neotestamen- 
taires,  ne  songe  pas  a  la  placer  dans  la  classe  intermediaire  des  άντιλεγο'μενα,  en 
ecrits  contestes.  II  dit  qu'on  pent  I'ajouter,  «  si  Ton  veut  »  aux  incontestes,  aux 
homologoumenes  (Evangiles,  Actes,  Paul,  P^  de  Jean  et  Ρ''  de  Pierre)  :  Ιπι  τούτοις 
τακτε'ον,  ει  γ  ε  φα  ν  ει  η,  την  Άποκάλυψιν  'lojv.vvou,  et,  peu  apres,  il  admet  qu'on 
puisse  aussi  bien  la  ranger  parmi  les  Apocryphes,  νόθα,  avec  les  Actes  de  Paul, 
VApocalypse  de  Pierre,  etc  :  ετι  τε,  ώς  Ιφην,  ή  'Ιωάννου  Άποκάλυψις,  ει  φανείη,  ην  τίνες, 
ώς  εφην,  άθετουσιν,  έτεροι  δέ  Ιγκρίνουσιν  τοις  δμολογουμενοις  (2).  Ce  langage,  qui  parait 
d'abord  si  inconsistant,  peut  s'expliquer  seulement  par  le  fait  qu'il  n"y  avait  guere 
d'opinion  moyenne  sur  I'Apocalypse  :  on  la  venerait  pleinement,  a  I'egal  des 
autres  ecrits  du  Nouveau  Testament,  ou  bien  on  la  rejetait,  non  plus,  ainsi  qu'au 
temps  de  Caius,  comme  une  elucubration  heretique,  mais  probablement  comme 
un  ouvrage  pseudonyme  (3).  Qu'en  pensait  Eusebe  lui-meme?  Son  opinion,  qu'il 
n'indique  qu'avec  reserve,  a  quelque  analogic  avec  celle  de  saint  Denys.  Le 
fameux  texte  de  Papias  lui  ayant  appris  I'existence  de  «  Jean  le  Presbytre  »,  dis- 
tinct de  Jean  I'Apotre,  il  en  conclut  que  le  premier  pourrait  bien  etre  I'auteur  de 
I'Apocalypse  :  «  Ainsi  se  trouverait  confirmee  I'assertion  de  ceux  qui  affirment 
qu'il  y  aurait  eu  deux  hommes  de  ce  nom  en  Asie  et  qu'il  existe  aussi  a  Ephese 
deux  tombeaux  portant  encore  maintenant  le  nom  de  Jean  (notcr  qu'il  n'en  parle 
que  par  oui  dire,  comme  Denys).  II  est  indispensable  de  faire  attention  a  ceci; 

(1)  Eusebe,  H.  E.  traduction  Grapin. 

(2)  H.  E.  Ill,  XXV,  2  et  4. 

(3)  C'est  ce  qu'on  peut  deduire  du  fait  qu'elle  est  mise  sur  le  rang  des  Acles  de  Paul  el  de 
I'Apocalypse  de  Pierre  —  sans  parler  du  Pasteur,  de  la  Didache  et  de  I'Evangile  selon  les 
Hobreux. 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  I 


CLXXVIII  INTRODUCTION. 

car,  si  I'on  refuse  de  I'admettre  du  premier  (Jean  TApotre),  il  serait  vraisem- 
blable  que  ce  soit  le  second  qui  ait  contemple  la  Revelation  altribuee  a  Jean 
εικός  γαρ  τον  δεύτερον,  ει  μη  τις  εθέλοι  τον  πρώτον,  την  επ'  ονόματος  φερομενην  Ί(οάννου  Άποχά- 
λυψιν  έορακε'ναι)  (111,  XXXIX,  7,  tr.  Grapin). 

Cette  attribution  au  mysterieux  «  Jean  le  Presbytre  »  eut  quelque  succes 
aupres  de  ceux  qui  ne  goutaient  pas  suffisamment  I'Apocalypse.  Elle  parut  si 
commode  pour  resoudre  toute  difficulte  soulevee  autour  du  nom  de  Jean,  qu'on 
I'etendit  aux  deux  petits  antilegomenes,  la  IP  et  la  111^  epitre  de  Jean.  Saint 
Jerome  en  est  temoin  {De  viris  illustribus,  9,  18).  Ce  precede  etait  assez  natu- 
rel,  puisque  ces  deux  lettres  commencent  par  δ  πρεσβύτερος.  Pourtant  il  pechait 
contrela  logique  critique.  Les  deux  petites  epitres,  en  effet,  avaient  ete  opposees 
par  saint  Denys  d'Alexandrie  (v.  ci-dessus)  a  I'Apocalypse,  avec  laquelle  elles  ne 
presentent,du  reste,  aucune  affinite  plus  particuliere  que  les  autres  ecrits  johanni- 
ques,  tandis  qu'elles  ont  des  rapports  etroits  avec  la  P^  epitre,  done  avec  I'Evan- 
gile.  Cela  montre  assez  combien  fut  artificielle  la  popularite  relative  dont 
I'hypothese  du  «  Presbytre  »  a  pu  jouir  dans  Tantiquite.  Ce  n'est  que  chez  les 
critiques  modernes  qu'elle  est  arrivoe  a  s'etayer  d'un  systerae  d'arguments  assez 
specieux.  Elle  n'avait  aucune  attache  avec  la  tradition ;  elle  se  presente  comme 
une  pure  induction,  ou,  disons  mieux,  une  divination  critique,  dont  nous  avons 
pu  noter  le  progres  de  Denys  a  Eusebe. 

Est-ce  a  cause  de  cette  decouverte,  ou  seulement  par  suite  d'une  habitude  de 
mefiance  remontant  aux  Aloges,  et  a  la  reaction  anti-montaniste,  que  I'Apoca- 
lypse fut  exclue  de  certains  canons?  On  ne  la  trouve  pas  en  effet  dans  la  Syrie 
arameenne,  ni  chez  Aphraates,  ni  dans  la  Psitta,  ni  dans  la  version  philoxenienne ; 
saint  Cyrille  de  Jerusalem  ne  la  nomme  pas  non  plus  dans  sa  Catechese  (iv,  36), 
ou  il  enumere  les  ecrits  du  Nouveau  Testament.  Les  Peres  de  I'ecole  d'Antioche, 
saint  Jean  Chrysostome  et  Theodoret,  ne  s'en  servent  jamais.  Parmi  les  Cappa- 
dociens,  saint  Gregoire  de  Nazianze,  bien  qu'il  en  ait  fait  ailleurs  usage,  s'abs- 
tient  de  la  nommer  dans  son  Poeme  sur  les  vraies  Ecritures,  et  Amphiloque  dit  : 
«  Certains  (τίνες)  admettent  bien  I'Apocalypse  de  Jean,  mais  le  plus  grand  nombrc 
(oi  πλείονες)  assurent  qu'elle est  apocryphe  » (Ad  Seleuc,  P.  G.  XXXVll,  col.  1597). 
11  ne  parlait  sans  doute  que  pour  son  pays;  memes  jugements  entachos  d'exage- 
ration  chez  Junilius  [De  Partitione  divinarum  legum,  P.  L.  LXA'^III,  18),  et 
chez  saint  Jerome  (1)  (ep.  129),  quand  ils  avancent.  Tun,  que  I'Apocalypse  «  est 
tout  a  fait  revoquee  en  doute  chez  les  Orientaux  »,  I'autre  que  «  les  Eglises  des 
Grecs  ne  regoivent  pas  I'Apocalypse  ». 

On  ne  peut  croire  en  effet  que  la  situation  fut  si  defavorable  pour  I'ceuvre  de 
Jean  a  la  fin  du  iv^  siecle  et  au  v^  Tout  I'Occident  I'admet,  depuis  le  ii^  siecle; 
saint  Athanase,  saint  Cyrille  d'Alexandrie  et  Didyme,  Methodius  d'Olympe, 
saint  Epiphane^  ne  sent  pas  moins  decides  que  les  Latins  [nd.  infra).  Qui  plus 
est,  les  Peres  cappadociens,  saint  Basile  et  saint  Gregoire  de  Nysse  (2)  en  par- 
lent,  le  premier,  comme  d'une  oeuvre  de  Γ  «  Evangeliste  »  (c.  Eunomius  ii,  14), 
et  I'autre  comme  d'une  «  Ecriture  »  (c.  Apollinaire,  37).  Enfin,  en  Syrie  ara- 
meenne, malgre  son  absence  du  canon,  saint  Ephrem  en  attribuait  des  passages 

(1)  V.  JACQUIER,  p.  315. 

(2)  V.  Jacquier,  p.  295. 


I 


IDEN'IIFJCATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE,  CLXXIX 

a  «  Jean  le  Theologien  »,  a  Γ  «  Apotre  »  {(Euvres  grecques,  ii,  194  ;  248).  Aussi  ne 
faut-il  pas  s'etonner  si  les  Orientaux  les  plus  refractaires  finirent  par  embrasser 
la  conviction  del'Eglise  universelle ;  on  fit  des  versions  syriaques  de  FApocalypse, 
qui  est  aujourd'hui  au  canon  des  Monophysites  comme  a  celui  des  catholiques 
(c.  chap.  A'F,  infra).  Andre,  eveque  de  Cesaree,  en  ecrit  un  commentaire  remar- 
quable  au  vi•^  siecle.  Et  le  concilem  Trullo  I'admet  implicitement  au  nombre  des 
ecrits  du  Nouveau  Testament. 

La  tradition  avail  done  repris  ses  droits,  malgre  une  eclipse  partielle  et  tem- 
poraire  de  plus  d'un  siecle.  C'est  qu'on  n'avait  trouve  aucune  «  contre-tradi- 
tion  »  a  mettre  en  face.  Toute  cette  opposition  ne  provenait  que  des  prejuges 
doctrinaux  d'une  periode  de  luttes  intenses,  ou  certains  orthodoxes  n'avaient  pas 
compris  I'Apocalypse.  Elle  se  continua  dans  Tecole  d'Antioche,  par  vitesse 
acquise,  peut-on  dire,  et  en  raison  peut-elre  de  la  decouverte  opportune  de  «  Jean 
le  Presbytre  ».  Mais  Fhistoire  des  lemoignages  etait  contre,  et  elle  finit  par  Tern- 
porter  partout. 

Nous  concluons  done  que  la  tradition,  tres  etendue,  ne  connait  qu'un  seul  nom 
et  un  seul  personnage  pour  I'auteur  de  I'Apocalypse  :  c'est  Jean,  Γ  Apotre,  le  fils 
de  Zebedee.  Les  raisonnements  de  la  critique  moderne  ont  pu  paraitre,  un  cer- 
tain temps,  dissoudre  Tautorite  de  cette  tradition.  Pour  Tancienne  ecole  de 
Tubingue,  I'Apocalypse  representait  le  judeo-christianisme  primitif,  et  elle  etait 
bien  de  Fapotre  Jean,  auquel  on  refusait,  naturellement,  la  paternite  du  IV*  Evan- 
gile  et  des  Epitres.  A  cote  des  Tubingiens,  de  Baur  a  Hilgenfeld,  beaucoup  d'au- 
tres  critiques  protestants  ont  cru  que,  si  Fapotre  Jean  est  Fauteur  de  FEvangile  et 
des  Epitres,  il  ne  pent  Fetre  de  I'Apocalypse,  ni  vice  versa,  tant  la  critique 
interne  certifierait  d'incompatibilite  d'esprit  ct-de  culture  entrc  FEvangeliste  et 
le  Prophete:  Ainsi  de  Wette,  Liicke,  Bleek,  Ewald,  Reuss,  Diisterdieck,  H.  J. 
Holtzmann,  etc.,  qui  reservent  FApocalypse  a  Jean  F Apotre.  D'autres  ont  pris  la 
position  inverse.  Mais  une  forte  reaction  se  dessine  depuis  vingt  ans.  Pour  Jiili- 
cher  (1906),  ce  nest  rien  quun  «  Jean  «  quelconque,  estime  comme  prophete  en 
Asie  Mineure,  et  certainement  different  de  Fauteur  du  IV"  Evangile,  malgre  cer- 
tains rapports  accidentels  de  pensee  ou  de  langagc  dus  a  ce  que  lours  ecrits  ont 
vu  le  jour  dans  le  meme  pays.  Jean  Reville  (1)  aussi  voulait  deux  auteurs,  tons 
deux  distincts  de  Jean  FApotre.  Mais  d'autres  critiques  de  memes  tendances  phi- 
losophiques,  sans  aller  jusqu'a  reconnaitre  avec  les  catholiques  et  des  protes- 
tants orthodoxes  (comme  Hug,  Hase,  Godet,  Westcott  et  Pressense  autrefois,  de 
nos  jours  Bernhard  Weiss  et  Zahn,)  Jean  de  Zebedee  pour  Fauteur  commun, 
admettent  cependant  que  cet  auteur  est  unique,  et  qu'il  est  bien  «  Jean  d'Asie  », 
c'est-a-dire  le  «  Presbytre  »  de  Papias,  celui  qui  s'intitule  ο  πρεσβύτερος  dans  II  et  III 
Job.  Harnack,  qui  patronne  la  theorie  de  Vischer  (v.  ci-dessus,  chap,  xi),  n'a  pas 
hesite  a  ecrire  il  y  a  vingt  ans  :  «  Ich  bekenne  mich  zu  der  kritischcn  Ketze- 
rei,  die  Apokalypse  und  das  Evangelium  auf  cinen  Verfasser  zunickfuhrt...  Je 
professe  I'heresie  critique  qui  rapporle  Γ  Apocalypse  et  VEvangile  a  un  seul 
auteur,  toutefois  dans  la  supposition  qu'on  admcttra  de  voir  dans  FApocalypse 
le  remaniement  chretien  d'une  Apocalypse  juive...  J'y  vois  (dans  les  parties  chre- 
tiennes)  le  meme  esprit  et  la  memo  main  qui  nous  ont  donno  FEvangile.  »  {Die 

(1)  Dans  «  Le  IV'  Evangile  »,  1901, 


CLXXX  INTRODUCTION. 

Altchristliche  Litteratur,  Chronologie  7,  p.  615,  n.  1,  1897).  Harnack,  on  le  sait, 
croit  que  son  Jean  le  Presbytre,  auteur  de  I'Evangile,  a  subi  grandement  Γίη- 
fluence  de  la  personne,  sinon  de  la  doctrine,  de  Jean  TApotre.  Bousset,  qui 
s'evertue  a  faire  valoir  tous  les  arguments  en  vertu  desquels  Jean  I'Apotre  eut 
ete  martyrise  longtemps  avant  la  composition  de  I'Apocalypse,  croit  devoir 
attribuer  celle-ci  «  vraisemblablement  »  au  Presbytre  Jean  de  Papias,  lequel 
ne  serait  autre  que  «  le  vieux  disciple  »  du  IV®  Evangile  c.  xxi,  le  πρεσβύτερος 
de  II  et  III  Job,  le  «  temoin  »  du  IV*  Evangile,  et  le  maitre  de  Polycarpe,  dont 
parle  Irenee  dans  sa  lettre  a  Florinus ;  quoiqu'il  n'eut  pas  compose  lui-meme  le 
IV*  Evangile,  celui-ci  serait  du  moins  inspire  de  son  souvenir  et  de  son  enseigne- 
ment ;  en  sorte  que  I'Apocalypse  et  le  IV*'  Evangile  seraient  deux  ecrits  de  la  meme 
«  ecole  Jobannique  ».  Von  Soden  a  une  opinion  assez  voisine  :  I'Apocalypse  et  les 
epitres  seraient  de  Jean  le  Presbytre,  I'Evangile  d'un  disciple  de  celui-ci.  Cette 
distinction  n'est  pas  tres  consequente;  car  pourquoi  rattacher  les  Epitres  a 
FApocalypse  plutot  qu'a  I'Evangile,  dont  elles  sont  beaucoup  plus  proches  a  tout 
point  de  vue?  Quant  a  Johannes  Weiss  (1904),  il  reconnait  aussi  Jean  le  Presbytre 
comme  I'auteur  de  son  Apocalypse  fondamentale  (voir  au  chap,  xi,  ci-dessus). 

Nous  pouvons  arreter  ici  la  liste  des  opinions.  Les  dernieres  signalees  mon- 
trent  que  les  maitres  actuels  de  la  «  critique  independante  »  ont  presque  tous 
une  tendance  a  faire  droit  a  la  tradition  qui  affirme  I'unite  d'auteur  de  I'Apoca- 
lypse et  de  I'Evangile.  lis  se  rangent,  plus  ou  moins  timidement,  a  Γ  «  beresie  » 
professee  par  Harnack.  Le  vieux  dogme  defendu  jusqu'a  Holtzmann  tombe  done 
en  ruines.  Jean  le  Presbytre  arrive  encore  bien  opportunement,  comme  au  temps 
d'Eusebe,  mais  avec  des  fonctions  plus  ^tendues,  pour  les  dispenser  de  recourir 
a  Jean  I'Apotre,  qui,  d'apres  leur  opinion  generale,  n'aurait  jamais  paru  en  Asie, 
ayant  ete  martyrise  en  Palestine  bien  des  annoes  avant  Domitien. 

Est-ce  que  cette  tradition  unanime^  et  qui  regagne  de  nos  jours  tant  de  ter- 
rain, serait  completement  erronee,  tant  pour  ce  qui  touche  a  I'unite  d'auteur 
qu'a  I'identification  du  Prophete  d'Asie  avec  I'Apotre  ? 

II  faut,  pour  resoudre  la  question,  etablir  une  comparaison  soigneuse  entre  le 
IV^  Evangile  et  les  Epitres  d'une  part,  et  I'Apocalypse  de  I'autre,  au  point  de 
vue  de  la  langue,  du  style,  de  I'esprit,  de  la  doctrine.  Si  cette  etude  comparee 
nous  fait  "conclure  a  I'unite  d'auteur,  alors  nous  croirons  aussi  que  la  tradition  a 
raison  sur  toute  la  ligne,  et  non  seulement  sur  ce  point-la.  Car  nous  ne  saurions 
reprendre  ici  toute  I'etude  de  la  grosse  «  question  Jobannique  » ;  mais  nous  te- 
nons pour  mise  absolument  hors  de  doute,  par  les  controversistes  qui  ont  refute 
Loisy,  I'origine  pleinement  apostolique  du  quatrieme  Evangile.  Si  I'Apocalypse 
est  du  meme  auteur,  alors  le  Prophete  Jean  est  le  disciple  bien-aime,  le  fils  de 
Zebedee  (i). 

(1)  Nous  renvoyons  le  lecteur  aux  Merits  de  Sanday,  The  crilicism  of  the  Fourth  Gospel, 
Oxford,  1905;  de  Jacquier,  H.  L.  N.  T.  iv.  1905,  Paris;  de  LEPin,  La  valeur  historique  du  qua- 
trieme Evangile,  Paris,  1910;  il  peut  se  reporter  aussi  a  J.  Drummond,  The  Character  and 
Authorship  of  the  Fourth  Gospel,  1904,  et  a  I'Introduction  de  Vtlvangile  selon  saint  Jean,  de 
Th.  Galmes,  paru  la  m^me  annee  dans  cette  collection  des  «  Eludes  Bibliques  »  ou  a  VEinlei- 
tung  in  das  Neue  Testament  de  Schafer-meinertz,  1914,  ainsi  qu'au  manuel  de  Brassac.  Et 
bien  d'autres  ouvrages  pourraient  etre  cil6s.  Pour  nous,  la  «  question  Jobannique  »,  en  ce  qui 
concerne  au  moins  le  IV•  Evangile  et  les   Epitres,  est  aujourd'hui  vidoe.  Et  voici,  il  nous 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    DE    LAPOCALYPSE.  CLXXXl 


LA    THESE    DE    L  UNITE    D  AUTEUR    DES    ECRITS    JOHANNIQUES 
DEVANT    LA    CRITK^UE    INTERNE. 

La  comparaison  doit  d'abord  porter  sur  Telement  le  plus  materiel  et  le  plus 
saisissable,  c'est-a-dire  la  langue. 

semble,  les  resultats  qui  s'imposent  a  la  bonne  critique,  a  celle  qui  tient  compte  de  tous  les 
fails  : 

1»  L'Evangile  a  bien  ete  compost  (et  intogralement,  c'est-a-dire  y  compris  le  chap,  xxi,  en 
reservant  seulement  la  question  de  I'origine  litteraire  de  vm,  l-ii,  et  d'une  ou  deux  gloses), 
par  Jean,  fils  de  Zebedee,  en  Asie,  dans  ces  dernieres  annoes  du  i"  siecle  ou  les  premieres  du 
lie.  Les  Epitres  ont  vu  le  jour  dans  le  meme  lieu  et  la  ni6me  periode.  Gar  ce  n'est  pas  en 
s'appuyant  sur  un  temoignage  tres  douteux  de  Papias,  auquel  ni  Philippe  de  Side,  ni 
Georgios  Hamartolos  n'ont  donne  d'ailleurs  la  portee  que  lui  donne  aujourd'hui  la  critique 
radicale,  qu'on  arrivera  jamais  a  rendre  vraisemblable,  contre  le  temoignage  de  toute  la  tra- 
dition, que  I'Apotre  Jean  a  ete  mis  a  mort  par  les  Juifs,  et  en  Palestine,  a  une  epoque  ante- 
rieure.  Ici,  meme  I'argument  e  silentio  a  beaucoup  de  poids. 

2°  L'Apotre  Jean  voulait  bien  6crire  un  ouvrage  historique,  et  rapporter  fidelement  des 
actions  et  des  discours  de  Jesus.  Son  exactitude  dans  une  foule  de  details  concrets  qui  ne 
sont  susceptibles  d'aucune  interpretation  syrabolique,  son  amour  de  la  precision  dans  les  recits, 
la  vie,  le  mouvement,  la  psychologie  tres  profonde  et  trns  reelle  de  quelques-uns  d'entre  eux, 
ainsi  que  son  souci  de  la  chronologie,  fort  superieur  a  celui  des  Synoptiques,  en  font  sufFisam- 
raent  foi. 

3°  D'autre  part,  il  a  voulu  que  de  chaque  rocit  sortit  un  enseignement  spirituel.  Ainsi 
presque  chaque  evenement  concret,  considore  dans  son  ensemble,  a  6te  choisi  parmi  les  sou- 
venirs reels  de  la  vie  de  Jesus  en  raison  de  la  valeur  symbolique  que  I'intelligence  contem- 
plative pouvait  y  decouvrir.  C'est  ΓΕύαγγέλιον  πνευματικόν.  L'histoire  est  la,  toujours  et  partout; 
mais  elle  est  la  pour  la  doctrine  plus  que  pour  elle-meme. 

4°  On  comprend  par  la  aussi  la  maniere  dont  il  a  traite  les  paroles  du  Seigneur.  II  a  delibe- 
roraent  choisi  celles  qui  fournissaient  le  meilleur  objet  a  ses  hautes  meditations  spirituelles 
et  presque  abstraites;  il  a  reproduit  les  discours  qui  les  suivaient  dans  son  propre  style 
rythmique  et  transcendant,  en  sorte  qu'on  ne  pent  facilement  decouvrir,  en  certains  passages, 
oil  finit  la  teneur  ou  le  resume  des  paroles  de  Jesus,  et  ou  commence  le  commentaire  inspiro 
de  I'Evangollste.  Car  les  mots,  les  tournures,  sont  exactement  les  memes  dans  les  roflexions 
de  I'auteur,  et  dans  les  sentences  du  Christ,  et  mSrae  de  Jean-Baptiste.  Le  sage  exogete  con- 
servateur  qu'otait  le  P.  Corluy  disait  doja  a  ce  sujet :  «  Quaeri...  potest  utrum  evangelista 
retulerit  sermones  Jesu  iisdem  omnino  verbis  quibus•  ex  ore  Magistri  prodierint,  an  vero 
eorum  generalera  tantum  sensum  sive  compendium  tradiderit.  Respondendum  videtur,  in  hac 
re  dislinguendum  esse  inter  eas  propositiones  quae  quasi  capita  doctrinae  apparent  et  eas 
quae  magis  ad  horum  capitum  evolutionem  pertinent.  lUas  ad  verbum  referri  admittendum 
putamus...;  horum  vero  compendiosam  tantum  relationem  tradi  ex  sequentibus  argumentis 
ostenditur  :  a)...;  d)  Ratio  scribendi  S.  Joannis  in  sermonibus  Jesu  et  in  sua  epistola  prima 
adeo  concordat,  ut  vel  discipulus  modum  loquendi  magistri  sui  sibi  omnino  proprium  fecerit, 
vel  magistri  sermones  suo  proprio  modo  expresserit.  Hoc  alterum  et  in  se  est  probabilius  et 
confirmatur  ex  dicendi  similitudine  inter  evangelistam  et  Joannem  Baptistam  iis  in  locis  ubi 
Praecursor  loquens  iuducitur  »  [Cuiument.  in  Ευ.  S.  Johannis  ^,  1889,  pp.  19-20). 
M.  Lepin  s'exprime  avec  la  m6me  nettete  : 

Les  particularitos  litteraires  des  narrations  du  quatriemo  evangile,  qui  pourraient  repro- 
duirc  plus  directement  la  maniere  propre  du  redacteur,  «  on  les  rencontre  aussi  bien  dans  les 
discours  qui  sont  places  dans  la  bouche  du  Christ,  et  dans  ceux  qui  sont  atlribuos  a  Jean- 
Baptiste.  Certaines...  peuvent,  dans  une  certaine  mesure,  se  mettre  au  compte  du  genie  de  la 
langue  scmitique,  et  Ton  congoit  qu'ellcs  se  presentent  semblables  dans  les  discours  du 
Christ,  dans  ceux  de  son  precurseur,  et  dans  ceux  de  levangeliste.  Mais  les  autres  sont  telle- 


CLXXXII  INTRODUCTION. 


§  I.  —  Comparaison  au  point  de  vue  de  la  langue. 

i.  Vocabulaire.  —  Nous  avons  note,  au  chapitre  de  la  «  Langue  »,  que  I'Apoca- 
lypse,  qui  presente  tant  d'  «  liapaxlegomenes  »  relatifs,  n'en  a  que  huit  communs 
avec  I'Evangile  : 

άρνίον,  Έβραϊστι,  εκχεντεϊν,  (χυχλεύειν),  δψις,  πορφυρούς,  σχηνοΰν  et  φοίνιξ. 

C'est  peu,  si  Γοη  songe  aux  33  communs  avec  saint  Paul,  ou  aux  30  avec  saint 
Luc;  il  y  en  a  meme  un  de  moins  qu'avec  saint  Matthieu.  Et  encore,  parmi  ces 
mots  communs,  άρνίον,  toujours  employe  dans  Γ  Apocalypse  pour  «  agneau  »,  n'ap- 
parait  qu'une  seule  fois  dans  I'Evangile,  a  I'Appendice  (xxi,  15),  contre  deux  fois 
άίλνο'ς.  L'adverbe  iSpataxiest  plus  caracteristique,  carl'Evangile  use  d'autres  expres- 
sions similaires,  ^ωμαίστί,  ελληνιστί.  Mais  ε'χκεντεϊν  merite  une  mention  tres  speciale.  II 
apparait  dans  I'Evangile,  xix,  37,  οψονται  εις  δν  Ιξεχεντησαν  «  videhuntin  quern  trans- 
fixerunt  »,  citation  de  Zacharie^  xii,  10,  pour  traduire  I'hebreu  lipT.  Dansl'Apo- 
calypse  l,  7,  on   lit   οψεται  αύτον    πας   οφΟαλίΛος   χαι    οιτινες  αύτον   έςεκέντησαν,  ce 

qui  est  une  allusion  evidente  au  meme  fait  du  coup  de  lance,  et  au  meme  pas- 
sage de  ΓΑ.  T.  Or,  ce  n'est  pas  Ικχεντέω  qui  rend  ηρτ  dans  les  LXX,  mais  on  y 
lit  :  και  επιβλε'ψονται  προς  με  άνθ'  δν  κατωρχησαντο.  Pareille  rencontre  d'idees  et  de 
termes  entre  les  deux  livres  « johanniques  » ,  rencontre  dont  on  ne  trouve  pas 
lOrigine  dans  un  texte  plus  ancien  (1),  est  assurement  remarquable.  Quant  a  la 
communaute  des  autres  liapaxlegomenes,  elle  pourrait  etre  en  soi  un  pur  effet 
du  hasard;  I'un  d'eux,  κυκλευειν,  Joli.  x,  24,  ne  se  trouve  m^me  que  dans  le  Codex 
Vaticanus. 

Denys  d'Alexandrie,  a  comparer  les  deux  vocabulaires  dans  leur  ensemble, 
etait  frappe  de  leur  diversite  :  «  Les  pensees  et  les  expressions  ainsi  que  leur 
arrangement  feront  aussi  a  bon  droit  penser  que  celui-ci  n'est  pas  le  meme  que 
celui-la  (II  parle  des  deux  Jean).  II  y  a  en  effet  concordance  entre  TEvangile  et 

I'Epitre II  (I'auteur  des  deux)  se  sert  des  memos  pensees  principales  et  des 

m^mes  termes  pour  toute  son  exposition ;  nous  en  citerons  brievement  quelque 

meiit  speciales,  elles  indiquent  une  tournure  d'esprit,  un  mode  de  penser  et  de  s'expi'imer,  si 
personnels,  qu  elles  ne  peuvenl  vraiment  proceder  que  d'une  source  unique.  II  faut  done 
penser  que  les  diseours  de  J6sus  et  du  Precurseur,  relates  dans  le  quatrieme  Evangile,  ont 
quelque  chose  de  I'evangeliste  dans  leur  forme  litteraire,  qu'ils  portent  son  cachet  individuel 
dans  la  construction  des  phrases,  la  connexion  des  propositions,  le  groupement  des  pensees, 
I'arrangement  general  de  leurs  divers  Elements.  »  L'auteur  observe  ensuite  que  les  synoptiques 
eux-m6mes  groupent  a  leur  maniere  des  paroles  ou  des  fragments  de  diseours  du  Christ. 
«  II  n'y  a  done  pas  lieu  de  s'etonner,  continue-t-il,  que  la  maniere  dont  le  quatrieme  Evangeliste 
combine  les  diverses  sentences  altribu6es  a  Jesus,  la  fagon  dont  il  les  relie  entre  elles,  la  tour- 
nure qu'il  donne  a  ses  phrases  et  a  ses  arguments,  reflotent  sa  tournure  d'esprit  personnelle. 
Gela  n'erap^che  pas  nocessairement  que  les  doclarations  mises  dans  la  bouche  du  Sauveur 
aient  ete  reellement  prononcees  par  lui.  »  {La  Valeur  historique  du  quatrieme  Evangile, 
II,  pp.  96-98.) 

C'est  bien  le  principe  qu'il  faut  tenir  toujours  present  a  1 'esprit  dans  I'interpretation  histo- 
rique du  IVc  Evangile,  en  admettant  encore  cecl,  que  certaines  phrases,  qui  paraissent  de 
prime  abord  faire  corps  avec  les  diseours,  peuvent  6tre  en  realite  de  brefs  commentaires 
du  narrateur,  qui,  ςά  et  la,  pourraient  facilement  se  detacher  et  se  mettre  entre  parentheses, 

(1)  On  trouve  le  mot  plus  tard  chez  saint  Justin  (DiaL.xiv,  8;  xxxii,  2;  lxiv,  7:  cvviii,  3,ave?•. 
relation  erronee  a  usee),  mais  ces  passages  derivent  a  peu  pres  surement  de  I'Apocalypse. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE.  CLXXXIII 

chose;  d'autre  part,  celui  qui  y  regardera  avec  soin  trouvera  souvent  dans  Tun  et 
dans  I'autre  ecrit  la  vie,  la  lumiere  qui  met  en  fuite  les  tenebresj  constamment  la 
i>erite,  la  gi-dce,  la  joie,  la  chair  et  le  sang  du  Sauveur,  lejugement,  le  pardon 
des  fautes,  Vamour  de  Dieu  pour  nous,  le  precepte  de  I'amour  envers  chacun  de 
nous,  I'obligation  de^ariier  tous  les  commandements  (etc.)...  Et,  pour  tout  dire 
d'un  mot,  a  ceux  qui  notent  d'un  bout  a  I'autre  les  caracteres  de  I'Evangile  et  de 
I'Epitre,  il  est  facile  de  voir  clairement  qu'ils  ont  une  seule  et  mome  couleur. 
L'Apocalypse  est  tout  a  fait  differente  de  ceux-la  et  lear  est  etrangere;  elle  ne  se 
rattache  a  aucun  d'eux  et  ne  s'en  rapproche  pas ;  c'est  a  peine,  pour  ainsi  dire, 
s'il  y  a  entre  eux  une  syllabe  de  commune  σχεδόν,  ώς  ειπείν,  [χηδ;  συλλαβήν  προς  αύτα 
καινήν  έχουσα.  »  (Eus.  Η.  Ε.  VII,  XXX,  17-22  tr.  Grapin;  nous  avons  souligne). 

Le  docte  eveque  d'Alexandrie  y  avait-il  regarde  d'assez  pres?  II  est  etonnant, 
au  moins,  que  la  communaute  des  mots  et  des  idees  de  ζ(οη,  vie^  d'aXviOtia 
(αληθινός),  de  commandements  (Ιντολαί)  a  garder,  de  jugement,  lui  ait  echappe. 
Mais  regardons-y  nous-memes. 

Pour  ce  qui  est  des  substantifs,  adjectifs,  verbes  et  adverbes,  il  est  tout  natu- 
ral que  la  grande  diversitedu  sujet  entraine  une  egale  diversite  dans  les  termes; 
416  mots  seulement,  sur  913,  se  retrouvent  dans  I'Apocalypse  et  I'Evangile  (1). 
Les  termes  evangeliques  ou  epistolaires  qui  manquent  ou  qui  sont  rares  dans  la 
Prophetic,  c'est  principalement  ίδιος  (15  fois  dans  lEv.),  pour  le  possessif;  la  par- 
ticule  με'ντοι;  σκοτία,  tenebres;  φως,  lumiere,  au  sens  spirituel,  excepte  xxi,  24; 
■/i^i(„ grace,  excepte  au  debut  et  dans  la  formule  finale;  yjx^a,  joie;  αγαπ•*ί,  qu'on  ne 
trouve  que  deux  fois,  au  ch.  ii,  exclusivement  au  sens  d'amour  de  I'homme  pour 
Dieu;  είναι  εκ  OU  μένειν  εν...,  au  sens  moral;  κόσμος,  qui  n'apparait  que  trois  fois 
dans  I'Apocalypse,  au  simple  sens  d'  «  univers  »  ;  τε'κνα  (τοΐί  θεοΰ,  τ.  διαβόλου),  enfants 
(de  DieUjdu  diable);  θεωρεϊν,  qui  n'apparait  qvCApoc.  xi,  11-12  et  encore  quelques 
autres.  Par  contra,  quelques  termes  (usucls  et  non  visionnels)  de  I'Apocalypse, 
comme  οικουαε'νη  (monde  habite),  εύαγγελίζίΐν  (-ζεσθαι),  μ,ετανοεΤν  (se  convertir)  sont 
absents  de  I'Evangile. — Les  critiques  remarquent  encore  qu'entre  deux  syno- 
nymes,  I'Evangile  et  I'Apocalypse  ne  choisissent  pas  le  meme  :  tels  apviovet  αμνός, 
ψευδής  dans  I'Apoc,  ψεύστης  chez  I'Evangeliste ;  Ιερουσαλήμ  dans  la  Prophetie, 
Ιεροσόλυμα  dans  lautre  ecrit;  ϊδού  dans  notre  livre,  ιδε  dans  I'Evangile. 

Cela  n'empeche  pas  qu'un  certain  nombre  de  termes,  tres  caracteristiques  et 
tres  johanniques,  ne  soient  communs  a  I'un  et  a  I'autre  (ainsi  qu'aux  Epitres). 
Les  plus  notables  sont  αληθινός  (10  fois  dans  I'Apoc,  9  fois  dans  ΓΕν.,  4  fois  dans 
les  Epp.,  ailleurs  6  fois  seulement);  δείκνυμι  (au  sens  de  «  reveler  »,  8  fois  dans 
I'Apoc,  5  fois  dans  I'Evang.);  εβραϊστί  (2  fois  Apoc,  5  fois  Evang.);  μαρτυρεϊν 
(33  fois  Evang.,  7  fois  I  Joh.,  4  fois  III  Joh.,  4  fois  Apoc),  et  μαρτυρία  (14  fois 
Evang.,  δ  fois  I  Job.,  1  fois  III  Joh.,  9  fois  Apoc),  qui  sont  les  mots  johanniques 
par  excellence;  vixav,  vaincre^  au  sens  moral,  plus  rare,  mais  tout  a  fait  caracte- 
ristique  des  idees  de  Jean;  τηρεΤν  (τον  λόγον,  τας  Ιντολάς,  etc.  6  fois  dans  I'Apoca- 
lypse, 17  fois  dans  les  autres  ecrits) ;  οψις  ne  se  trouve  que  dans  TEvangile,  2  fois, 
et  I'Apocalypse,  1  fois.  Qu'on  y  ajoute  ζωη,  θάνατος,  διψαν,  νύμφη,  δόξα,  en  des  sens 

(1)  Le  IV•  Evangile,  dit  Abbott,  omet  les  mots  qui  n'ont  qu'un  intorot  local  et  temporaire, 
et  fait  des  variations  sur  un  petit  nombre  de  mots  olcmentaires  avec  leurs  synonymes.  —  Ii 
n'en  saurait  6tre  ainsi,  naturellcment,  dans  un  livre  df^  visions  concretes. 


CLXXXIV  INTRODUCTION. 

metaphoriques  et  spirituels.  Nous  negligeons  quelques  autres  mots,  moins  signi- 
ficatifs,  qu'a  notes  Bousset  (p.  179).  Les  rapprochements  indiques  suffisent  a 
donner  au  vocabulaire  apocalyptique  une  «  couleur  johannique  »  assez  accusee. 

Le  releve  des  particules  est  assez  instructif  aussi. 

II  y  a  des  prepositions  tres  communes,  frequentes  dans  les  ecrits  johanniques, 
qui  manquent  tout  a  fait  dans  I'Apocalypse.  Ainsi  πρό  (9  fois) ;  υπε'ρ  avec  le  genitif 
(13  fois);  et  surtout  περί  avec  le  genitif  (66  fois  Ev'.,  8  fois  1  Joh.  2  fois  III  Joh. 
Inversement,  ά'/ρι  ne  se  trouve  que  dans  I'Apocalypse  (11  fois).  —  'Εγγύς,  adverbe 
ou  preposition,  qui  apparait  11  fois  dans  I'Evangile,  n'est  employe  que  2  fois 
dans  I'Apoc,  ct  comme  adverbe.  Παρά  avec  le  genitif  (Apoc,  2  fois)  ou  avec  le 
datif  (Apoc,  1  fois)  est  bien  plus  frequent  dans  les  autres  ecrits;  de  meme  διά 
avec  le  genitif  (Apoc.  2  fois  seulement);  προς  avec  I'accusatif  (8  fois).  Par  contre, 
ενώπιον,  si  frequent  dans  I'Apocalypse  comme  dans  Luc,  ne  se  trouve  qu'une  fois 
dans  le  IV^  Evangile,  une  fois  I  Joh.  iii,  23  et  1  fois  Hi  Joh.  6.  Cette  particule, 
d'ailleurs  rare  chez  Paul,  et  tout  a  fait  absente  de  Matthieu  et  de  Marc,  peut  etre 
si  frequemment  usitee  dans  les  visions  de  notre  livre  a  cause  de  leur  caractere 
dramatique,  et  signifier  a  la  lettre,  la  plupart  du  temps,  «  sous  les  yeux  de  » ; 
cependant  on  trouve  ενοόπιον  των  πόδων,  ενώπιον  του  θρόνου,  etc.  Plus  remarquable 
encore  est  I'extreme  rarete  dans  I'Evangile  du  Iv  instrumental,  qui  fait  dans 
I'Apocalypse  comme  une  regie  de  style;  il  n'y  a  pas  d'autre  exemple,  et  encore 
douteux,  que  βαπτίζειν  εν  υδατι,  πνεύματι  (Joh.  I,  26)  (1).  Enfin  επί  avec  le  genitif 
ou  I'accusatif  est  bien  plus  ordinaire  dans  I'Apocalypse. 

Les  divergences  sont  done  nombreuses,  et  notables,  surtout  pour  κερί,  Ινώπιον 
et  έν  instrumental.  Mais  les  ressemblances  I'emportent.  Mi^pi,  παρά  avec  raccu- 
satif  et  £νεκα  manquent  egalement  dans  tous  les  ecrits  johanniques  (cette 
derniere  aussi  dans  les  Epitres  catholiques) ;  σύν,  particule  si  usuelle,  qui  manque 
totalement  dans  I'Apocalypse,  ne  se  rencontre  que  3  fois  ailleurs  chez  Jean; 
αντί,  absent  de  I'Apoc,  ne  se  trouve  qu'une  fois  ailleurs,  IV  Evang.,  i,  16;  χώρις, 
qui  parait  trois  fois  seulement  dans  le  IV^  Evangile,  est  absent  de  I'Apocalypse 
et  des  Epitres,  comme  d'ailleurs  de  Pierre  et  de  Jude;  ανά  avec  I'accusatif  (rare), 
qui  manque  dans  Joh.,  ne  se  trouve  qu'une  fois  dans  I'Apocalypse;  tous  deux 
font  usage  (comme  aussi  les  Synoptiques)  de  άνά  distributif  (Joh.  1  fois,  Apoc. 
2  fois) ;  υπό,  avec  I'accusatif,  assez  frequent  ailleurs,  qui  manque  dans  I'Apo- 
calypse, ne  se  trouve  qu'une  seule  fois  /οΛ.,  i,  48;  υπέρ  avec  I'accusatif 
manque  dans  les  deux  et  chez  Marc  —  Πλην  se  trouve  une  seule  fois  respecti- 
vement  dans  Joh.  et  dans  I'Apoc,  &πό  avec  le  genitif  [par  ou  par  le  inoyen  de) 
n'apparait  que  3  fois  dans  I'Evangile,  1  fois  dans  III  Joh.  et  3  fois  dans  I'Apo- 
calypse; περί  avec  I'accusatif  (rare  chez  Paul),  1  fois  respectiΛfement  Apocalypse 
et  Evangile;  κατά  avec  I'accusatif,  si  commun,  ne  se  rencontre  que  8  fois  dans 
le  IV'  Evangile,  1  fois  dans  chaque  epitre,  6  fois  dans  I'Apocalypse.  La  frequence 
et  I'emploi  particulier  de  la  preposition  εκ,  εξ,  caracterise  toute  la  litterature 
johannique  indistinctement  (vid.  infra).  La  formule  de  transition  μέτα  ταΰτα  (τοΰτο), 


(1)  θα  peut  toutefois,  avec  Abbott,  Joh.  Grammar,  g  2332,  parler  d'un  εν  «  quasi-instru- 
mental »,  dans  les  expressions  έν  τω  όνόαα-ι,  άγιάζβιν  εν  τη  άληθεία,  έν  τούτφ  γινώσκειν;  mais 
ce  sont  plutot  des  exemples  de  cette  «  localisation  spirituelle  »  qui  caractorise  le  style  du 
IV•  Evangile. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    )) ,    AXJTEUR    DE    l'aPOCALYPSE.  CLXXXV 

rare  ailleurs,  est  habituelle  dans  les  deux  (Job.  12  fois,  Apoc.  10  fois,  Luc  4  fois). 

Vemploi  des  conjonctions  donne  lieu  a  des  observations  semblables.  Γάρ, 
qui  remplit  le  Nouveau  Testament,  est  relativement  rare  dans  le  IV^Evangile, 
plus  encore  dans  Γ  Apocalypse,  et  tout  a  fait  absent  des  trois  Epitres.  Le  IV''  Evan- 
gile,apres  rApocalypse,estrecritqui  se  sert  le  plus  volontiersdeώς  pour  marquer 
I'approximation.  Msv,  frequent  chez  Luc  et  Paul  (excepte  II  Thess,  I  Tim.  et 
Tite,  ou  il  fait  defaut),  beaucoup  moins  chez  Matthieu  et  Marc,  ne  se  lit  que 
8  fois  dans  le  IV°  Evangile,  et  manque  totalement  dans  I'Apocalypse  et  les 
Epitres  (ainsi  du  reste  que  II  Pet.).  Δε  remplit  le  IV^  Evangile;  mais,  s'il  η  apparait 
que  6  fois  dans  I'Apocalypse,  il  fait  entiereraent  defaut  dans  la  II^Epitre.  Τε, 
affectionne  surtout  de  Luc,  n'apparait  que  deux  (ou  trois)  fois  dans  I'Evangile, 
et  une  seule  fois  dans  I'Apocalypse  (comme  dans  Marc).  Le  plus  curieux  —  et 
c'est  encore  un  trait  commun  a  tons  les  ecrits  johanniques  —  c'est  la  predi- 
lection pour  tva,  qui  remplace  parfois  5ri,  et  toujours  δπως;  cette  derniere  parti- 
cule  ne  se  lit  nulle  part  dans  I'Apocalypse,  et  une  seule  fois  seulement  dans 
I'Evangile,  xi,  59,  ou  elle  est  destinee  a  eviter  la  repetition  de  tva,  —  Seulement 
αλλά,  qui  est  aussi  caracteristique  du  style  de  I'Evangile  et  des  Epitres  que  de 
celui  de  Paul,  n'apparait  que  13  fois  dans  I'Apocalypse.  De  meme  oSv,  qu'on  lit 
a  peu  pres  deux  cents  fois  dans  I'Evangile,  ne  se  trouve  que  6  fois  dans  I'Apo- 
calypse, aux  trois  premiers  cbapitres;  il  est  vrai  qu'il  est  absent  de  II  Job, 
douteux  dans  les  deux  passages  de  I  Job.  (n,  24;  iv,  19)  ou  on  le  signale,  et 
present  seulement  une  fois  dans  III  Job.  (v.  8).  On  peut  done  croire  que  sa  fre- 
quence dans  I'Evangile  tient  uniquement  au  fait  des  nombreuses  argumentations 
developpees  ou  sous-entendues  dans  cet  ecrit  tbeologique  (1). 

Comme  on  le  voit,  le  vocabulaire  presente  dans  I'Apocalypse  et  les  autres 
ecrits  johanniques  des  ressemblances  remarquables,  a  cote  de  divergences 
qui  ne  le  sont  pas  moins.  L'etude  du  vocabulaire,  a  elle  seule,  ne  jette  pas  de 
lumiere  decisive  sur  la  question  de  I'unite  d'auteur.  Tout  au  plus  peut-on  dire 
que  la  Prophetic,  a  ce  point  de  vue,  presente  plus  d'affmite  d'ensemble  avec  la 
litterature  jobannique  qu'avec  le  reste  du  Nouveau  Testament. 

II.  Grammaire.  —  «  La  forme  du  discours  »,  continue  Denys,  «  peut  encore 
aussi  servir  a  determiner  la  difference  de  I'Evangile  et  de  I'Epitre  avec  I'Apo- 
calypse. D'un  cote,  en  effet,  non  seulement  le  grec  est  sans  faute,  mais  I'auteur 
ecrit  son  exposition  d'une  fagon  tout  a  fait  savante  pour  ce  qui  est  de  la  langue, 
du  raisonnement  et  de  la  composition ;  on  y  chercherait  en  vain  un  terme  barbare 
ou  un  solecisme,  ou  meme  un  provincialisme  (ιδιωτισμιόν) ;  il  possedait  en  effet, 
a  ce  qu'il  semble,  I'un  et  I'autre  verbe ;  le  Seigneur  I'avait  gratiiie  de  tons  les 
deux,  du  verbe  de  la  science  et  du  verbe  de  I'expression.  Au  contraire,  pour 
I'auteur  de  I'Apocalypse,  qu'il  ait  eu  des  revelations,  qu'il  ait  regu  science  et 
prophetic,  jc  n'y  contredis  pas;  cependant  je  vois  que  son  dialecte  et  sa  langue 
ne  sont  pas  tout  a  fait  grecs,  mais  qu'il  se  sert  de  termes  fautifs  et  de  barba- 
rismes,  et  qu'il  commet  quelquefois  des  solecismes;  il  n'est  pas  necessaire  d'en 
faire  presentement  la  liste,  car  je  ne  dis  point  ceci  pour  raillcr,  qu'on  n'aille 

(1)  Noter  encore  que  I'adjectif  έτερος,  toujours  remplace  par  άλλο;  dans  rApoc,  et  manquant 
aussi  dans  Pierre  et  dans  Marc  (exc.  xvi,  2)  ne  se  renconlic  qu'uiie  I'ois  dans  Jean,  iix,  37 
centre  a  peu  pres  35  fois  άλλος. 


CLXXXVI  INTRODUCTION. 

pas  le  penser,  mais  seulement  pour  etablir  la  dissemblance  de  ces  ecrits  ».  (Eus. 
H.  E.  VII,  XXV,  24-27,  Grapin.) 

La  grande  difference  au  point  de  vue  de  la  purete  grammaticale  saute  en  effet 
aux  yeux  les  plus  myopes.  Cependant  il  faut  un  peu  en  rabattre  des  eloges 
decernes  par  le  docteur  alexandrin  au  grec  du  IV^Evangile  et  des  epitres.  Ce 
grec  est  ires  loin  d'etre  classique,  et  ne  pent  etre  mis  au  niveau  de  Luc,  de 
I'Epitre  aux  Hebreux,  ni  meme  de  Paul.  La  correction  materielle  des  formes, 
des  accords  et  des  constructions  est  sans  doute  assez  parfaite;  toutefois  la 
grande  generalite  des  philologues  estime  encore  (centre  Wellhausen,  Das  Evan- 
gelium  Johannis,  pp.  133-suivantes),  que  ces  ecrits  sont  penses,  non  en  grec, 
mais  en  arameen.  L'extreme  simplicite  de  la  phrase,  la  preference  des  verbes 
simples  aux  composes,  centre  I'usage  de  Paul  et  du  grec  en  general,  I'habitude 
de  juxtaposer  les  propositions  par  simple  parataxe  (χαί...  καί...),  quoique  moins 
universelle  que  dans  TApocalypse  ou  chez  Marc,  suifisent  a  I'etablir.  A  tout 
prendre,  la  grammaire  de  I'Evangile  montre  un  niveau  de  culture  superieur  a 
celle  de  I'Apocalypse.  Mais  il  ne  faut  pas  s'entenira  cette  constatation  generale; 
car  la  comparaison  des  details  pourra  influer  beaucoup  sur  le  jugement  dcfinitif. 

Nous  allons  proceder  dans  I'ordre  qui  a  servi  pour  I'etude  de  la  grammaire 
de  I'Apocalypse  (c.  x,  ci-dessus)  (1). 

Dans  la  conjugaison,  les  formes  hellonistiques  en  — αν  sont  assez  frequentes. 
La  plus  curieuse  est  I'imparfait  ειχοσανροηΓ  εϊ/ον,  Job.,  xv,  22-24.  Elles  se  pre- 
sentent  plus  souvent  encore  que  dans  I'Apocalypse.  Mais,  cl  cette  epoque,  la 
chose  est  peu  significative.  Job.  connait  aussi  -αν  pour  -ασι,  mais  non  -ες  pour  -ας. 

U article,  qui  est  omis  devant  Ίησοΰς  dans  I'Apocalypse  et  les  Epitres,  Test 
plusieurs  fois  aussi  dans  le  IV*  Evangile ;  pour  les  autres  noms  propres,  I'usage 
est  fluctuant.  —  II  est  digne  de  remarque  que  I'article  devant  I'infinitif,  qui 
n'apparait,  on  le  sait,  qu'une  fois  dans  I'Apocalypse  (xii,  7),  ne  se  trouve  que 
4  fois  dans  I'Evangile  (24  fois  Mat.,  15  fois  Marc,  70  fois  Luc,  Jacquier).  — 
La  repetition  de  I'article  devant  I'epithete  postposee  est  beaucoup  moins  fre- 
quente  que  dans  I'Apocalypse;  toutefois  il  faut  remarquer  que,  seul  dans  le 
N.  T.j  I'evangeliste  interpose  I'article,  dans  les  quatre  cinquiemes  des  cas, 
entre  le  nom  et  I'adjectif  possessif  :  ή  χαρά  ή  Ιμη,  in,  29,  etc.  Ahhott  q,vQ)\\  qu'il 
le  fait  avec  une  intention  d'emphase  :  «  Cette  joie  qui  est  la  mienne  »,  etc.  II 
serait  diflicile  de  le  demontrer  pour  tons  les  cas.  L'emphase  est  tres  naturelle 
par  exemple  dans  δ  ποιμήν  δ  χαλο'ς  du  chap,  χ;  mais  en  quoi  serait-elle  justifiee 
dans  I'expression  των  πέντε  άρτων  των  κρίθινων,  «  les  cinq  pains  d'orge  »  de  vi,  13? 
Cette  habitude  d'insister  ainsi  sur  le  sens  determinatif,  quoique  plus  moderee 
que  dans  la  Prophetie,  doit  pourtant  s'y  expliquer  de  la  meme  fagon,  par  une 
recherche  de  solennite  dans  le  style,  devenue  presque  mecanique. 

Dans  les  substantifs,  il  est  possible  que  I'Evangile  aussi  offre  un  exemple  de 
nominatif  avec  I'article  pour  un  vocatif.  II  se  trouve  a  la  celebre  confession  de 
Thomas  :  «  Mon  Seigneur  et  mon  Dieul  h  κύριος  μου  και  δ  θεο'ς  μου  »,  χχ,  58.  11  est 
vrai  qu'on  pourrait  sous-entendre  un  verbe  :  «  [Tu  es]  mon  Seigneur  et  mon 

(1)  Pour  une  etude  plus  coraplote,  voir  .Tacquier,  HLNT,  iy,  pp.  261-273;  Welhausen, 
Das  Evangelium  Johannis,  pp.  133-146.  —  Pour  une  etude  exhaustive,  Abbott,  Johannine 
Vocabalary  et  Johannine  Grammar. 


I 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE.  CLXXXVII 

Dieu.  »  —  L'accusatif  pour  la  designation  du  moment,  non  de  la  duree,  se  ren- 
contre fok.  IV,  52,  cfr.  Apoc.  in,  3  (et  Actes,   xx,  16). 

Les  ad/ectifs  possessifs,  Ιμο'ς,  σος,  etc.,  contrairement  a  I'usage  apocalyptique, 
sont  tres  repandus.  Mais  I'auteur  fait  aussi  assez  souvent  usage  des  enclitiques 
μου,  σου,  avec  une  particularite  que  nous  noterons  plus  loin.  —  Pour  enlever 
rindetermination  d'un  substantif,  I'evangeliste  use  regulierement  de  τις  (et  non 
de  εΤς,  Apoc). —  Πας  est  egalement  un  terme  tres  usite,  et  souvent  il  precede  au 
singulier  un  article  et  un  participe  (πας  5  ποιων,  etc.),  13  fois  dans  I'Evangile, 
14  fois  dans  ί  Job,  1  fois  dans  II  Job.  Cette  tournure,  frequente  aussi  d'ail- 
leurs  cbez  Mattbieu  et  Paul,  apparait  trois  fois  dans  I'Apocalypse,  xviii,  17, 
XXII,  15  (πας  φιλών  χαι  ποιών  <ί^ζΖθο^^  cfr.  I  Job.  πας  δ  ποιών  την  δικαιοσύνην,  την  άμαρτίαν, 
et  beaucoup  d'expressions  similaires)  et  xxii,  18. 

Les  pronoms  personnels  au  nominatif,  ίγώ,  σύ,  mis  par  empbase  en  tέte  d'une 
proposition,  ainsi  que  les  demonstratifs  de  la  3*  personne,  αυτός,  οϋτος,  Ικεΐνος, 
employes  de  la  sorte  ou  bien  places,  dans  la  m^me  intention,  apres  un  participe 
ou  une  proposition  relative  qui  se  rapporte  au  meme  sujet,  sont  encore  plus 
nombreux  que  dans  TApocalypse. 

Pour  ce  qui  est  des  vei^bes,  Yoptatif,  comme  dans  I'Apocalypse,  n'est  jamais 
employe.  L'aoriste  et  le  parfait  pourraient,  ici  aussi,  s'equivaloir  en  quelques 
passages;  ainsi  Job.  in,  32,  έώρακεν  καιήκουσεν;  ce  qui  est  plus  net,  c'est  I'emploi 
du  present  pour  le  futur.  Ex  :  XVI,  15  Ικ  του  εμοΰ  λαμβάνει,  κα\  άναγγελεϊ  υμϊν.  Mais 
11  peut  y  avoir  la  de  fines  nuances  de  sens,  comme  dans  I'Apocalypse.  Les 
temps  des  participes  sont  plus  varies  que  dans  la  Prophetic.  Apres  iva,  on  trouve 
le  futur  indicatif;  ainsi  vii,  3  iva  θεωρησουσιν,  ou  ra^me  xv,  8,  la  coordination 
d'un  present  subjonctif  et  d'un  futur  indicatif  φέρητε  και  γενησεσθε  (W-H)  comme 
dans  TApocalypse  celle  de  l'aoriste  et  du  futur. 

Le  j^egime  des  verbes  presente  dans  trois  ou  quatre  cas  les  memes  particu- 
larites  que  dans  I'Apocalypse.  Ainsi  :  θαυμάζειν  διά  accus.  (au  lieu  d'accus. 
simple,  de  Ιπί,  περ()  Apoc.  xvii,  7;  Joh.  vii,  21,  cfr.  Marc,  vi,  6;  — λαλεΤν  μετά  gen 
(au  lieu  du  datif,  ou  de  προς  accus.)  Joh.  iv,  27;  ix,  37;  xiv,  30;  Apoc.  i,  12;  iv, 
1;  X,  8;  xvn,  1;  xxi,  9,  15;  —  προσκυνεϊν  admet  le  datif  et  l'accusatif,  au  lieu  du 
seul  accusatif,  comme  ailleurs.  —  Enfin,  apres  άκούειν,  Fusage  du  genitif  ou  de 
l'accusatif  parait  indifferent,  X,  16  φωνής  άκουειν;  xix,  13  άκουσαντες  τών  λο'γων;  in, 
8  την  φωνήν  αύτοΰ  άχουεις,  etC. 

Pour  les  \Όίχ  des  verbes,  elles  sont  employees  assez  regulierement.  Le  passif 
est  rare  (contrairement  a  I'Apoc).  Mais,  comme  dans  I'Apocalypse,  le  moyen 
est  quelquefois  remplace  par  I'actif  avec  le  pronom  reflecbi  ainsi  Joh.  xni,  4.  On 
rencontre  encore  dans  TEvangile  la  troisieme  personne  du  pluriel  au  sens 
impersonnel  de  «  on  »  (xv,  6,  συνάγουσιν,  ράλλουσιν;  xx,  2,  ήραν;  cfr.  Apoc.  xii,  6 
et  II,  24),  tournure  qui  se  trouve  aussi  respectivement  une  fois  dans  cbacun  des 
trois  synoptiques  {Mat.  vii,  16;  Marc,  x,  13;  Luc,  xvn,  23). 

L'emploi  des  particides  offre  des  singalaritcs  communes,  qui  sont  tres 
remarquables.  Ainsi  I'Evangeliste  aifectionne  Vva,  qui  tient  souvent  la  place  de 
on,  de  ώστε,  de  οποις.  [Joh.  IX,  2  τίς  ή'μαρτεν....  ι'να  τυφλός  γεννηθη;  Ι  Joh.  Ι,  9  πιστο'ς 
£στιν  και  δίκαιος,  ι'να  άφη. . .  cfr.  Apoc.  ix,  20  ούδε  μετενόησαν....  ϊνα  μη  προσκυνησουσιν..  etc.). 
On  pourrait  multiplier  les  exemples  de  cettc  anomalie;  Bousset  en  signale  une 
dizaine.  Le  plus  remarquable  est  Joh.  vni,  56  :  ήγαλλιάσατο  Ι'να  ιδη  την  ήμέραν  τήν 


CLXXXVIII  INTRODUCTION. 

εμην,  que  Swete  rapproche  d'Apoc.  xiv,  13  (1).  —  On  trouve  άπο  pour  marquer 
les  distances  [Joh.  xi,  18;  xxi,  8,  cfr.  Apoc.  xiv,  20).  —  Mais  il  faut  noter  sur- 
tout  remploi  de  Ικ  partitif  {Joh.  i,  35,  41;  in,  1;  xii,  21,  23;  xiii,  4;  xx,  24; 
XXI,  2,  et  specialement  Ικ  tenant  lieu  de  sujet  xvi,  17  :  εΤπον  oOv  εκ  των  μαθητών, 
cfr.  Apoc.  XI,  9,  βλέπουσιν  Ικ  των  λαών).  —  Par  contre,  εις  est  confondu  plus  d'une 
fois  avec  ev,  selon  I'usage  hellenistique,  ce  qui  n'arrive  pas  dans  Γ  Apocalypse, 
ou  on  trouve  une  fois  seulement  εν  pour  εις  [Apoc.  xi,  11)  et  jamais  I'inverse  (2). 
D'ailleurs,  dans  Tensemble,  de  tous  les  ecrivains  du  Nouveau  Testament,  c'est 
Jean  qui  evite  le  plus  cette  confusion,  les  Epitres  ne  la  commettant  pas  une  seule 
fois,  tandis  qu'elle  est  tres  frequente  chez  Luc. 

Passons  a  la  construction  des  propositions  et  des  phrases.  Elle  ne  presente 
aucune  de  ces  grosses  irregularites  qui  distinguent  celle  de  I'Apocalypse.  On 
ne  trouvera  point,  par  exemple,  le  pleonasme  hebraisant  du  pronom  personnel 
avec  un  relatif,  non  plus  que  le  defaut  d'accord  dans  le  genre  et  le  cas  du  subs- 
tantif  et  de  I'epithete  ou  de  I'apposition  (παιοάριον  δς  έχει  de  vi,  9  est  un  accord 
ad  sensum).  Les  genitifs  absolus  abondent.  De  plus,  il  arrive  tres  souvent  que 
le  genitif  precede  le  nom  qu'il  determine,  ou  le  complement  direct  le  verbe  qui 
le  r^git.  II  n'y  a  aucune  trace  d'  «  etat  construit  ».  Ce  sont  la  les  principales  dif- 
ferences a  noter. 

D'autre  part,  comme  dans  I'Apocalypse,  la  construction  est  uniformement 
simple,  plus  simple  que  dans  Tensemble  du  Nouveau  Testament.  Elle  est  aussi 
basee  essentiellement  sur  laparataxe;  dans  tout  le  IV*  Evangile,  il  ne  se  trouve 
qu'une  seule  periode  (xiii,  1-3).  II  n'est  pas  jusqu'aux  pensees  de  comparaison 
que  I'auteur  n'exprime  au  moyen  de  deux  propositions  unies  par  καΐ;  ν,  17  :  δ 
πατήρ  μου  εως  άρτι  εργάζεται,  κάγώ  εργάζομαι.  Assez  SOUvent  des  propositions 
dont  I'une  est  subordonnee  dans  la  pensee,  sont  dans  Texpression  coordonnees 
(voir,  p.  ex.,  Joh.  vi,  50;  vii,  4;  xiv,  16).  Au  chapitre  xviii,  16,  pour  signifier  : 
«  //  dit  a  la  portiere  d'introduire  Pierre  »,  le  grec  portera:  και  εΤπεν  τν^  θυρωρω, 
και  εισηγαγεν  τον  Πε'τρον.  On  reconnait  bien  la  la  meme  habitude  de  composition 
qui  se  manifeste  d'une  fagon  si  curieuse  dans  I'Apocalypse,  xi,  3  :  και  δοισο)  τοΤς 
ουσΐν  μάρτυσίν  μου,  και  προφητευσουσιν,  et  dans  la  lettre  a  Philadelphie,  III,  9  : 
ιοου  οιόώ  εκ  τν-ς  συναγο^γγ-ς  του  σατανά ιοου  ποιήσω  αυτούς  ινα  ηςουσιν. 

Nous  avons  parle  plus  haut  de  la  repetition  de  Tarticle  devant  I'epithete,  plus 
mecanique  chez  Jean  qu'ailleurs,  et  qui  triomphe  dans  TApocalypse.  Egalement 
de  la  quantite  innombrable  des  pronoms  sujets,  ΙγοΊ,  σύ,  υμεΐς,  habitude  visible 
aussi  dans  la  Revelation.  Non  moins  caracteristique  de  I'un  que  de  I'autre 
ecrit  est  la  frequence  des  pronoms  demonstratifs,  αυτός,  οδτος,  εκείνος  rappelant 
un  substantif,  un  participe,  un  pronom  relatif  places  precedemment.  II  arrive 
assez  souvent  que  le  pronom  regime  possessif,  quand  il  precede  le  substantif 
possesseur,  en  soit  separe  par  Particle;  par  exemple  Joh.  ix,  10  :  πίος  oOv  rcitwy- 
θησάν  σου  οι  οφθαλμοί;  11,  επε'/ρισε'ν  μου  τους  οφθαλμούς;  III  Joh.  2,  σου  ή  ψυχή,  10  αυτοϋ 
τα  έργα.  Comparez  plusieurs  cas  semblables  dans  I'Apocalypse  :  x,  9,  πικρανεϊ 
σου  τήν  κοιλίαν,  etc.,  etc.    Cette   forme,  d'apres   Abbott    Johannine   Grammar, 

(1)  Voir  Wellhausen,  op.  cit.,  pp.  136-137. 

'2)  Nous  excluons  de  ces  confusions  ό  ών  εις  τόν  κόλπον  τοϋ  πατ&ό;  de  Joh.  ι,  18,  qui  signifie 
une  relation  active  du  Verbe  au  Pere,  comme  i,  2,  ήν  προς  τον  θεο'ν- 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    OE    l'aPOCALYPSE.  CLXXXIX 

^  2784)  «  est  caracteristique  d'Aristophane,  de  Paul,  d'Epictete,  et,  generale- 
ment,  de  ce  qu'on  peut  appeler  le  grec  parle  ».  Quoique  assez  frequente  dans 
le  N.T.,  I'usage  en  est  surtout  notable  dans  Paul  et  dans  tous  les  ecrits  «  johan- 
niques  ».  —  Notons  encore  I'emploi  semblable  de  «  nominatifs  pendants  », 
Joh.  vii,  38;  xv,  2  etc.,  cfr.  Apoc.  ii,  26;  iii,  12,  etc.  Joh.  xvii,  2  ίνα  παν  ο 
δέδωχας  αύτω  δώσγι  αυτοί  ς  ζοιήν  αϊώνιον,  offre  deux  ressemblances  frappantes  avec 
le  style  de  la  Prophetie,  le  nominatif  absolu,  et  le  changement  de  genre  et  de 
nombre  (αΟτοϊς)  par  un  accord  ad  sensum.  De  pareils  changements  de  cons- 
truction apparaissent  encore  vi,  39,  vii,  38.  —  Enfin  le  verbe,  dans  TEvangile 
comme  dans  I'Apocalypse,  precede  le  plus  souvent  son  sujet. 

La  tournure  apocalyptique  singuliere  qui  coordonne  un  participe,  fut-ce  a  un 
cas  oblique,  avec  un  verbe  fini  (6  fois  dans  I'Apocalypse,  par  exemple  i,  5-6.  τω 
άγαπώντιήμας...  και  εποίησεν  ήμοΕς  βασιλείαν),  que  Charlies  considere  comme  hebraique 
et  etrangere  au  gi-ec  le  plus  vulgaire,  se  trouverait  quelques  paralleles  dans  le 
Nouveau  Testament.  On  cite  Coloss.  I,  26:  πληρωσαι  τον  λόγον  του  θεού,  το  μυστν^ριον 
το  άποκεκρυαμένον...  —  νϊ3ν  οέ  Ι:ρανερώθη  τοΤς  άγίοις  αυτοΰ ;  Ι  Cor.  νΐΐ,  13  (sim- 
plement  analogue)  :  και  γυνή  ή'τις  ε/ει  άνορα  απιστον,  και  ο&τος  συνευδοκεϊ  οίκειν 
μετ'  αυτή;,  μη  άφιέτω  τον  άνδρα;  Heb.  νιιΐ,  10  :  δ  ιδού  ς  νόμους  μου  εις  την  διάνοιαν  αύτίον, 
και  Ιπι  καρδίας  αύτίον  Ιπιγράψω  αυτούς;  χ,  16  meme  texte.  Mais,  dans  le  texte  de 
Colossiens,  il  n'y  a  pas  proprement  coordination ;  c'est  plutot  une  nouvelle  idee, 
le  commencement  d'une  phrase  nouvelle;  celui  de  I  Cor.,  qui  n'offre  qu'une 
ressemblance  generique,  peut  etre  considere  comme  une  simple  parenthese,  ou 
anacoluthe  du  style  paulinien;  enfin,  celui  de  ad  Heb.  n'est  qu'une  traduction 
de  TAncien  Testament  [Jeremie,  xxxi  [Septante  xxxviii],  33).  Ce  ne  sont  done 
pas  de  vrais  paralleles.  Disons  la  meme  chose  de  Joh.  i,  32  :  και  εμεινεν  est 
coordonne  au  verbe  fini  τεθε'αμαι,  et  non  au  participe  χαταβαϊνον.  Mais,  dans  la 
IP  epltre  de  Jean,  v.  2,  nous  lisons  :  ..  (ους  εγώ  αγαπώ...)  δια  την  άλη'θειαν  την 
μένουσαν  εν  ήμΐν,  και  μεθ'  ημών  εσται  εις  τον  αιώνα.  Ici  le  parallele  a  uApoc.  i,  5- 
6,  etc.  est  parfait,  et  ce  parallele,  unique  dans  le  Nouveau  Testament,  se  trouve 
dans  un  ecrit  johannique  (1). 

Nous  pourrions  continuer  ces  comparaisons.  Mais  les  precedentes  suffisent. 
Quelle  conclusion  devra-t-on  en  tirer?  Assarement  la  langue  de  I'Evangile  (et 
des  Epitres)  est  bien  plus  soignee  que  celle  de  I'Apocalypse.  Ni  le  vocabulaire, 
ni  la  grammaire  n'autoriseraient  a  eux  seuls  a  proclamer  I'unite  d'auteur.  Tou- 
tefois  ils  presentent  bien  entre  eux  un  air  de  parente,  et  quelques  concordances 
surprenantes.  On  voit  done  combien  etait  precipite  le  jugement  de  Denys  affir- 
mant qu'il  n'y  a  guere  entre  ces  ecrits  «  une  syllabe  de  commune  ».  II 
faudrait  conclure,  au  juoins,  avec  Bousset  (p.  179)  :  «  Les  paralleles  linguis- 
tiques  semblent  autoriser  I'hypothese,  que  le  cycle  total  des  ecrits  johanniques 
precede  decerclesqui  se  trouvaient  sous  I'influence  du  Jean  d'Asie  Mineure... 
Et  si  recemment  on  a  exprime  Fhypothese  (von  der  Goltz,  Texte  und  Untersu- 
chungen,  xii,  pp.  118-144)  qu'il  y  a  eu  en  Asie  Mineure  une  ecole  de  langage 
johannique  determinee,  Tetat  de  choses  qui  se  raontre  dans  I'Apocalypse  me 
semble  confirmer  cette  hypothese  (2).  » 

(1)  Cfr.  Charles,  Studies,  pp.  89-sqq. 

(2)  C'est  nous  qui  avons  souligno  plusieurs  termes. 


CXC  INTRODUCTION. 

§  II.  —  Comparaison  au  point  de  vue  de  la  doctrine. 

Jean  Renlle,  dans  son  ouvrage  sur  «  le  /P  Evangile,  son  origine  et  sa  valeur 
historique  «,  1901,  s'etait  eiforce  de  prouver  que  la  christologie  de  TEvangile  et 
celle  de  lApocalypse  relevent  d'esprits  tout  a  fait  differents.  Pour  ce  qui  est  de 
la  presentation  exterieure  de  Jesus,  il  ne  pouvait  cependant  s'attendre  a  voir 
peindre  exactement  sous  les  raemes  traits  le  Christ  mortal,  dans  un  ouvrage  his- 
torique, et  le  Christ  glorifie,  entre  en  possession  de  toute  sa  puissance  et  de  toute 
sa  gloire,  dans  un  ecrit  allegorique.  Nous  avons  deja  parle  (chapitre  ii)  de  la 
doctrine  de  lApocalypse ;  il  n'y  a  pas  lieu  d'y  revenir  trop  longuement.  Les  deux 
ecrits  enseignent  dans  les  termes  les  plus  expres  la  divinite  de  Jesus,  comme 
les  «  Epitres  de  la  captivite  »  de  Paul.  Dans  Tun  comme  dans  I'autre,  c'est  Lui 
qui  donne  la  vie  a  ses  elus  (IV*^  Evang.  passim),  et  qui  « les  conduiraaux  sources 
des  eaux  de  la  vie  »  [Apoc.  vii,  17),  qui  leur  distribue  tous  les  biens  spirituels  et 
celestes  (fins  des  Lettres),  qui  sera  le  flambeau  de  la  Jerusalem  celeste  [Apoc. 
XXI,  23),  comme  il  est  la  «  Lumiere  »  dans  TEvangile.  II  est  et  sera  leur  pasteur 
(ποιμανεϊ,  Apoc.  vii,  17;  —  δ  ποιμήν  δ  καλός  Joh.  χ);  et,  de  part  et  d'autre,  il  est 
Γ  «  Agneau  »  ;  peu  importe  la  difference  toute  materielle  des  termes  άρνίον  et  αμνός. 
Mais,  bien  plus,  en  dehors  du  IV*  Evangile  et  de  la  V"  Epitre,  I'Apocalypse  est  le 
seul  ecrit  du  Nouveau  Testament  ού  le  Christ  soit  appele  «  le  Verbe  »,  Λόγος. 
Cette  grande  expression,  dans  VApoc.  xix,  13,  apparait  tout  a  fait  isolee,  sans 
rien  qui  la  prepare  ou  I'explique,  si  ce  n'est  le  «  glaive  sortant  de  la  bouche  », 
image  de  la  Parole  toute-puissante,  penetrahilior  onini  gladio  ancipiti  [Heb.]. 
Pourtant,  contre  J.  Reville,  ce  n'est  certainement  pas  une  glose.  Au  lieu  d'έtre 
appele  simplement  Λόγος,  Jesus  est  ici  δ  Λόγος  του  θεού.  Mais  pour  tous  les 
auteurs,  paiens  ou  juifs,  qui  ont  parle  du  Logos,  c'etait  toujours  le  Verbe  divin; 
d'ailleurs,  dans  la  I"  Epitre,  il  est  egalement  qualifie  par  un  genitif,  δ  Λόγος 
τηςζοίης,  sans  qu'oa  songe  pour  cela  a  le  distinguer  de  celui  de  I'Evangile;  on 
pent  comparer,  inversement,  Γ'Λρνίον  apocalyptique  et  Γάμνος  του  θεοΰ  evange- 
lique.  «  Verbe  de  Dieu»,  c'est  la  son  nom  secret  «  que  personne  ne  connait  (oToev, 
penetre]  si  ce  nest  lui-meme  »,  et  que  Γ  «  Evangile  spirituel  «  fera  comprendre 
aux  hommes  elus,  pour  autant  qu'ils  en  sont  capables  ici-bas.  Inutile  de  chercher 
deux  origines  differentes,  pour  cette  expression  identique;  quand  meme  le 
«  Prophete  »  aurait  pense  seulement  au  Meinrd  palestinien,  et  I'Evangeliste  au 
Logos  philonien  ou  stoicien,  ces  deux  ou  ces  trois  idees  presentaient  une  ana- 
logic assez  etroite  pour  s'identifier  pleinement  quand  elles'  etaient  elevees  a  leur 
plus  haute  puissance,  a  la  transcendance  divine  dans  un  monotheisme  parfait;  si 
c'est  I'idee  du  «  Memra  »  qui  a  inspire  Texpression  du  Prophete,  le  choix  du  mot 
montre  cependant  que  I'auteur  etait  tout  dispose  a  adopter,  en  I'epurant  et  le 
sublimisant,  le  terme  des  stoiciens,  pour  presenter  la  personnalite  transcen- 
dante  du  Christ  sous  un  aspect  inedit,  plus  precis  et  plus  philosophique  encore 
que  ceux  de  saint  Paul.  Pareille  coincidence  est  tout  a  fait  remarquable,  etTem- 
porterait  a  elle  seule  sur  une  quantite  de  divergences  supposees. 

Nous  avons  vu  qu'il  faut  toujours  prendre  au  sens  spirituel  le  plus  eleve  les 
promesses  des  Lettres,  le  Regne  millenaire,  la  presence  au  ciel  des  fideles  (c.  vii). 
Cette  «  vieau  ciel  »,  comme  on  pourrait  I'appeler,  commencee  des  avant  la  mort, 
correspond  parfaitement  a  la  notion  de  la  «  Vie  eternelle  »  du  IV*  Evangile.  C'est 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    )),    AUTEUR    DE    l'apOCALYPSE.  CXCI 

la  gr^ice,  dont  Paul  avait  ete  le  theologien  inspire,  la  grkce  germe  de  la  gloire. 

Faut-il  voir  dans  le  caractere  presque  exclusivement  eschatologique  de  I'Apo- 
calypse  una  opposition  par  rapport  au  IV"^  Evangile,  qui  ecarte  si  soigneusement 
toutes  les  conceptions  materielles  des  Juifs  sur  le  «  siecle  futur  »?  II  y  aurait 
opposition,  sans  doute,  si  le  Prophete  de  Patmos  avait  admis  telles  quelles  ces 
idees  juives ;  mais  il  ne  s'en  est  jamais  servi  que  comme  d'expressions  symbo- 
liques,  dont  il  a  profondement  transforme  le  sens.  Que  trouve-t-on  dans  son 
eschatologie,  sinon  le  developpement  image,  et,  dans  la  deuxieme  section  pro- 
phetique,  mis  en  rapport  avec  les  circonstances  historiques  de  I'epoque  imperiale, 
d'idees  qui  impregnent,  dans  le  IV°  Evangile,  le  long  discours  de  la  Nuit 
supreme  :  «  Je  vais  vous  preparer  une  place;...  Je  viens  de  nouveau,  et  je  vous 
prendrai  a  moi,  afin  qu'ou  moi  je  suis,  vous  aussi  vous  soyez...  Celui  qui 
m'aime...  je  me  manifesterai  a  lui  (cfr.  Lettre  a  Laodicee)...  S'ils  m'ont  per- 
secute, ils  vous  persecuteront  aussi...  Le  prince  de  ce  monde  est  deja  juge  (cfr. 
chap.  xii)...  Dans  le  monde  vous  aurez  de  la  tribulation;  mais  ayez  confiance, 
moi  j'ai  vaincii  le  monde.  »  Enfin  la  P^  Epitre,  qui  est  un  peu  plus  eschatologique 
que  TEvangile,  puisqu  elle  entrevoit  la  fin  des  temps  (ii,  17-18),  presente  avec 
I'Apocalypse  une  ressemblance  negative  qu'il  ne  faut  pas  negliger.  Elle  nomme 
—  seule  dans  le  N.  T.  —  V Antechrist,  mais  sans  en  faire  une  personnalite  unique 
et  future,  comme  dans  I'attente  juive  :  «  Petits  enfants,  c'estla  derniere  heure;  et, 
comme  vous  avez  entendu  qu'il  vient  un  Antechrist,  maintenant  beaucoup  sont 
devenus  Antechrists;  d'oii  nous  savons  que  c'est  la  derniere  heure...  Qui  est  le 
menteur,  sinon  celui  qui  nie  que  Jesus  est  le  Christ?  Celui-la  est  Γ  Antechrist, 
qui  nie  le  Pere  et  le  Fils  (ii,  18;  22;  cfr.  II  J  oh.)  Beaucoup  de  faux  prophetes  sont 
arrives  dans  le  monde...  Et  tout  esprit,  qui  ne  confesse  pas  [ou  «  quidissout  » 
λύει),  le  Christ,  n'est  pas  de  Dieu;  et  c'est  celui  de  I'Antechrist,  dont  vous  avez 
entendu  qu'il  vient;  et  maintenant  deja  il  est  dans  le  monde  (iv,  1-4)  ».  On  ne  sau- 
rait  spiritualiser  davantage  la  vieille  conception  judaique.  Or,  dans  I'Apocalypse, 
I'Antechrist  —  qui  n'est  point  nomme  de  ce  nom,  —  est  aussi  une  collectivite,  et 
une  puissance  impersonnelle,  deja  partiellement  presente  :  ce  sont  les  Deux 
Betes,  couple  auquel  le  Pseudo-Agneau,  ou  «  Faux  Prophete  »  donne  aussi  un 
caractere  spirituel.  Pour  nous,  cette  similitude  est  tout  a  fait  frappante. 

II  importe  encore  de  noter  ceci  :  I'idee  du  Christ-Juge  remplit  tout  le  Nouveau 
Testament.  Jesus  juge  le  monde  au  cours  du  siecle  present  (manifestations  du 
«  Fils  de  THomme  »  annoncees  dans  les  Synoptiques),  et  tiendra  des  assises 
solennelles  a  sa  Parousie,  pour  fixer  eternellement  le  sort  des  vivants  et  des  morts. 
Mais  les  Synoptiques  et  Paul  insistent  surtout  sur  ce  jugement  universel;  I'autre 
demeure  dans  I'ombre.  11  en  va  tout  autrement,  et  dans  I'Evangile,  et  dans  I'A- 
pocalypse. Dans  I'Evangile,  le  jugement,  la  κρίσις,  commence  a  s'exercer  dans 
linterieur  des  ames,  des  que  le  Verbe  parait  et  que  sa  parole  les  atteint.  II  sexer- 
cera  par  le  Paraclet.  Les  assises  solennelles,  annoncees  brievement  (v,  28-29)  ne 
sont  decrites  nulle  part.  L'Apocalypse  aussi  decrit  avec  beaucoup  d'ampleur  les 
jugements  historiques  et  continus,  ou  la  presence  du  juge  est  voilee,  ce  n'est 
m^me  pas  autrement  qu'il  faut  comprendre  celui  du  Millenaire.  Son  texte  meme 
est  une  sentence  portee  par  le  Christ  et  TEsprit  sur  les  Eglises  (Lettres) ;  mais  le 
jugement  universel  n'y  apparait  que  tres  discretement  (xi  et  xx),  comme  un  acte 
final  que  tout  a  prepare,  et  qui,  etant  en  parfaite  continuity  avec  I'histoire,  ne  fait 


CXCII  INTRODUCTION. 

pour  ainsi  dire  que  consacrer  une  situation  acquise  deja;  chose  etrange,  la  per- 
sonne  et  la  sentence  du  Christ  ne  sont  meme  pas  mises  en  relief  dans  ce  dernier 
acte.  C'est  une  maniere  tree  speciale,  de  presenter  le  jugement;  c'est  la  «  maniere 
johannique  »,  transcendante  a  toutes  les  phases  temporaires  et  a  toutes  les  con- 
ditions materielles. 

Nous  pouvons  conclure  en  affirmant  hardiment  ce  paradoxe  :  il  n'y  a  pas  deux 
systematisations  de  la  doctrine  evangelique,  meme  pour  I'eschatologie,  plus  voi- 
sines,  disons  plus  identiques,  que  celles  du  IV^  Evangile  et  des  Epitres  Johan- 
niques,  d'une  part,  et  de  FApocalypse  d'autre  part. 

§  III.  —  Gomparaison  de  I'esprit  des  deux  livres, 

Une  meme  mise  en  systeme  de  la  commune  doctrine  s'expliquerait  suffisam- 
ment,  en  soi,  par  Tunite  d'ecole.  Plus  d'un  critique,  qui  nous  aura  volontiers  suivi 
jusqu'ici,  nevoudra  pas  qu'on  aille  plus  loin.  L'Evangeliste  et  Jean  le  Prophete 
ont  deux  caracteres,  deux  psychologies  individuelles,  trop  irreductibles,  dira-t-il, 
pour  que  nous  osions  en  faire  une  seule  et  meme  personne 

Cette  assertion  nous  semble  resulter  d'une  etude  superficielle,  ou  plutot  d'une 
espece  de  tradition  critique  mal  fondee  qui  se  transmet  automatiquement  d'un 
ecrivain  a  I'autre;  elle  a  encore  beaucoup  moins  de  poids  que  les  objections  tirees 
de  la  langue. 

Tout  d'abord,  ceux  qui  croient  a  la  theorie  de  Vischer  ne  devraient  avoir  aucune 
peine  a  admettre,  apres  Harnack,  I'identite.  En  effet,  ce  n'est  pas  le  «  fond  juif  » 
de  I'Apocalypse,  mais  les  «  additions  »  de  I'elaborateur  chretien,  qui  devraient  le 
mieux  nous  renseigner  sur  la  psychologie  de  Jean.  Or,  toutes  ces  «  additions  » 
sont  eminemment  «  johanniques  ». 

Mais,  pour  nous,  il  n'y  a  pas,  a  proprement  parler,  de  fond  ni  d'emprunts  juifs, 
sauf  dans  I'imagerie,  que  Vauteur  a  encore  profondement  transformee.  Nous 
admettons  done  que  les  visions  sont  toutes  bien  a  lui,  et  ne  saisissons  pas  en 
vertu  de  quel  apriorisme  I'homme  qui  ecrivit  Γ  «  Evangile  spirituel  »  n'aurait  pu 
connaitre,  et  connaitre  sous  cette  forme-la,  de  telles  experiences  mystiques. 
Paul  avait  aussi  des  visions  (II  Cor.  xii,  1-4);  il  etait  «  prophete  »  Act.  xiii,  1)  et 
meme  glossolale  (1  Co?•,  xiv,  18).  S'il  avait  cherche  a  decrire  ce  qu'il  vit  «  au 
troisieme  ciel  »,  il  se  serait  probablement  servi  de  syinboles  de  meme  genre  que 
Jean  (cfr.  I  Thess.  iv,  16  ssq.;  II  Thess.  ii,  1-12;  I  Cor.  xv,  52),  et  les  critiques 
auraient  eu  a  noter  des  differences  aussi  tranchees  entre  son  «  Apocalypse  »  et 
ses  epitres  qu'entre  I'Evangile  johannique  et  I'Apocalypse  de  Jean.  D'ailleurs  n'y 
a-t-il  pas  des  differences  enormes  deja,  suivantle  caractere  des  lecteurs,  et  le  but 
vise,  entre  telle  et  telle  page  de  ses  oeuvres,  par  exemple  entre  les  chapitres  de 
I  Cor.  sur  les  dons  spirituels  et  I'Epitre  aux  Ephesiens?  L'argument  psycholo- - 
gique,  dans  les  questions  d'attribution  litteraire,  est  assez  delicat  a  manier.  11 
exige  une  culture  que  ne  possedent  pas  tous  les  philologues,  en  Allemagne  ni 
ailleurs.  II  faut  pourtant  bien  admettre  que  la  nature  de  ces  fondateurs  du  chris- 
tianisme  avait  des  virtualites  assez  multiples  et  assez  riches  pour  qu'une  psycho- 
logie moyenne  et  mecanique  eprouve  quelque  peine  a  les  concilier,  la  psycho- 
logie moyenne  etant  faite  pour  les  hommes  moyens,  et  non  pour  ces  genies 
inspires  de  Dieu.  Au  reste,  on  n'a  pas  le  droit  d'oublier  cette  consideration  de 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    )),    AUTEUR    DE    LAPUCALYPSE.  CXCIIl 

toute  evidence  :  le  meme  auteur,  s'il  est  historien  et  prophete  a  la  fois,  n'ecrira 
pas,  a  moins  d'etre  singulierement  borne  dans  ses  moyens  artistiques,  I'histoire 
comme  une  prophetie,  ni  la  prophetie  comme  une  histoire.  Le  IV^  Evano-ile 
rapporte  I'Avenement  de  Jesus  dans  rhumilite,  le  mystere  et  la  douceur  :  il  etait 
naturel  qu'il  preferat  aux  images  violentes  et  aux  tableaux  grandioses,  qui  n'eus- 
sent  pas  ete  de  saison,  un  style  uni,  des  metapliores  rares  et  peu  risquees;  mais, 
dans  I'Apocalypse,  il  ne  s'agit  plus  d'humbles  predications  en  Palestine  dans  un 
cercle  d'amis  intimes,  ou  devant  une  foule  restreinte ;  c'est  toute  la  destinee  qui  se 
deroule,  ce  sont  toutes  les  puissances  celestes  et  infernales  qu'il  faut  montrer  en 
lutte,  a  visage  decouvert;  c'est  le  triomphe  da  Christ,  son  avenement  dans  la 
puissance  et  la  gloire ;  c'est  tout  ce  que  les  disciples  «  n'auraient  pu  supporter 
encore  »  [lY  E^f.  xvi,  12),  quand  Jesus  vivait  au  milieu  deux,  comme  I'un  d'entre 
eux.  Le  ton  tout  different  ne  prouve  pas  une  difference  de  personnalite ;  mais, 
dans  I'hypothese  d'un  auteur  unique,  il  nous  revelera  simplement  la  souplesse  et 
I'exactitude  d'adaptation  de  son  esprit. 

Ce  n'est  pas  assez,  dans  la  question  qai  nous  occupe,  d'invoquer  ces  conside- 
rations generales.  Nous  avancerons  sans  hesiter  que  TEvangile,  les  Epitres  et 
TApocalypse  revelent,  egalement,  une  mentalite  tres  caracterisee,  unique,  qu'on 
peut  appeler  «  I'imagination  johannique  ». 

La  part  des  dissemblances  est  aisee  a  faire  :  I'auteur,  s'il  est  unique,  se  trou- 
vait  en  deux  etats  mentaux  tout  a  fait  tranches  quand  ont  ete  composes  le  recit 
historique  et  la  Revelation ;  ce  n'est  pas  la  meme  chose  d'avoir  eu  des  extases, 
et  de  chercher  a  en  rendre  la  profonde  impression,  ou  bien  de  travailler  dans  le 
calme,  avec  son  coeur  mais  aussi  avec  toute  la  maitrise  de  son  intelligence,  sur 
des  souvenirs  qui,  malgre  leur  grandeur,  furent  de  la  vie  terrestre  et  quoti- 
dienne.  Dans  ce  dernier  cas,  I'auteur  se  montrera  pleinement  lui-meme,  avec  sa 
mentalite  de  tons  les  jours;  dans  le  premier,  convaincu  de  I'insuffisance  des 
termes  ordinaires,  il  faudra  bien  qu'il  fasse  appel  a  des  moyens  dexpression 
exceptionnels.  L"Apocalyptique  juive,  et  le  souvenir  de  ses  propres  experiences 
extraordinaires,  les  fournissaient  au  Prophete  de  Patmos. 

Mais  FApocalypse  et  I'Evangile  ont  toujours  de  commun  dabord  leur  caractere 
essentiellement  drainatique.  Si  I'histoire  du  monde  est  presentee  comme  une 
lutte  perpetuelle  entre  des  puissances  contraires,  Ciel  et  Enfer,  cite  de  Dieu  et  du 
Diable,  Agneau  et  Dragon,  celle  du  Christ  dans  TEvangile  n'est  de  meme  que  le 
conflit  entre  « la  lumiere  qui  luit  dans  les  tenebres  »,  et  les  tenebres  du  monde, 
du  κόσμος,  qui  cherchent  en  vain  a  letouffer ;  car  tout  ce  qui  est  dans  le  monde, 
dira  la  P^  Epitre,  est  «  concupiscence  de  la  chair,  concupiscence  des  yeux  et 
orgueil  de  la  vie  »,  et  le  ministere  du  Christ  est  la  tragique  illustration  de  cette 
irreductibilite.  De  part  et  dautre,  il  s'agit  en  premier  lieu  d'un  conflit  de  groupes 
humains,  de  personnalites,  non  dune  lutte  interieure  psychologique,  comme 
dans  Paul  entre  la  «  chair  »  et  «  lesprit  ».  L'antithese  est  une  loi  de  I'Evangile 
comme  de  I'Apocalyse;  nulla  part,  meme  chez  Paul,  elle  n'est  si  continue.  Le 
style  en  prend  tout  entier  une  couleur  particuliere,  meme  ou  il  ne  sagit  pas  de 
combats  :  ού...  άλλα  est  dune  tres  grande  frequence;  et  la  particule  negative  ού 
est  plus  repandue  dans  le  seul  Evangile  que  dans  Marc  et  dans  Luc  pris  ensemble 
(Abbott).  L'Evangeliste  congoit  tout  par  mode  de  conflit  et  dopposition ;  son  ame 
de  «  mystique  »  est  aussi  bien  celle  dun  lutteur,  dun  «  Boanerges  ». 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAX.  m 


CXCIV  INTnODUCTION. 

Mais  il  y  a  son  elevation  sereine,  sa  tendresse.  Est-ce  que  ces  qualites 
aimables  seraient  absentee  de  TApocalypse?  Qu'on  lise  seulement  la  fin  du 
chapitre  vii,  ou  les  descriptions  de  la  Jerusalem  nouvelle.  II  est  vrai  que  la  joie 
y  est  guerriere;  elle  apparait  comme  le  rosultat  d'une  victoire  cherement  disputee. 
Mais  il  en  est  ainsi  de  celle  de  I'Evangile,  qui  n'est  promise  qu'apres  des  douleurs 
d'enfantement  (xvii,  20-22)  et  la  «  victoire  »  du  Christ  sur  le  monde,  par  la 
souffrauce  :  Θαρσεϊτε,  εγώ  νενίκηκα  τον  κόσαον  (χνιι,  33).  L'Apocalypse,  elle,  voit  doja 
presents  les  resultats  de  cette  victoire;  la  prophetic  s'en  delecte  et  s'y  plonge, 
au  point  que  le  verbe  «  vaincre  »,  νικαν,  est  devenu  un  de  ses  mots-cles,  comme 
dans  la  P^  Epitre  de  Jean;  le  chretien  fidele  s'appelle  «  le  Yainqueur  »  (fin  des 
Lettres).  Ceux  qui  sont  «  marques  au  front  »  du  signe  de  Dieu  s'opposent  aux 
seides  du  dragon,  comme  s'opposent  au  «  monde  »  les  regeneres  «  qui  sont  de 
Dieu  »,  «  qui  sont  nes  de  Dieu  ». 

L'Evangile  et  I'Apocalypse  ont  encore  de  commun,  pour  le  fond,  d'etre  deux 
livres  essentiellement  «  spirituels  ».  La  materialite  des  evenements,  ainsi  que 
les  details  visuels  des  apparitions,  qui  sont  fluctuants  comme  nous  I'avons  vu 
ailleurs,  n'ont  de  part  et  d'autre  qu'une  importance  accessoire;  je  veux  dire 
que  le  fait  visible  d'un  cote  comme  la  perception  imaginative  de  I'autre,  sont 
apprecics  surtout  au  point  de  vue  de  Tinterpretation  inteliectuelle  a  laquelle  ils 
donnent  occasion;  leur  utilite  est  de  nous  introduire  dans  le  monde  supra- 
sensible.  «  C'est  Vesprit  (c'est-a-dire  la  lumiere  surnaturelle  donnee  parl'Esprit- 
Saint)  qui  vivifie;  la  chair  (les  connaissances  et  les  idees  terrestres,  qui  ne  se 
depasseraient  pas  elles-memes)  ne  sert  de  rien  »  [Joh.  vi,  63).  L'Evangile  dit  que 
c'est  I'Esprit  qui  nous  introduira  dans  toute  verite  [Joh.  xvi,  13).  Apres  la  glori- 
fication du  Christ,  I'Esprit  elait  descendu;  il  se  manifestait  de  mille  manieres, 
realisant  les  promesse's  du  discours  apres  la  Cene.  De  la  vient  I'estime  singuliere 
que  le  Voyant  de  Patmos  manifeste  pour  le  don  de  prophetie,  au  sens  neo-tes- 
tamentaire. 

L'auteur  de  I'Evangile  se  meut  aussi,  a  peu  pres  exclusivement,  dans  le  monde 
de  I'Esprit.  Sans  doute,  il  a  voulu  ecrire  vraiment  Vhistoire  de  Jesus;  et  cette 
histoire  est  consciencieuse,  rigoureuse,  il  n'a  pas,  malgre  Loisy  et  les  alle- 
goristes,  invente  ni  idealise  un  seul  evenement  de  la  vie  du  Sauveur.  Son  souci 
d'exactitude,  dans  le  peu  de  narrations  qu'il  nous  a  donnees,  etait  meme  plus 
grand  que  celui  des  Synoptiques.  II  aimait  davantage  la  precision,  ce  mystique 
«  abstrait  » ;  lui  seul  nous  instruit  suffisamment  sur  la  chronologie  du  ministere 
public  de  Jesus.  11  note  bien  la  succession  des  evenements,  les  distances  locales, 
les  donnees  topographiques,  tons  les  chilTres.  C'etait  un  liomme  pratique,  quoi 
qu'on  en  disc,  et,  malgre  ce  que  raffirmation  a  de  paradoxal,  un  esprit  tres  bien 
done  pour  saisir  les  nuances  concretes.  Comme  il  sait  peindre  les  mouvements 
d'opinion  des  foules,  quelle  vie,  entre  ses  resumes  de  doctrine  et  ses  commen- 
taires  mystiques,  il  apporte  dans  les  questions  et  les  repliques,  comme  il  saisit 
sur  le  vif  des  situations  originales!  Le  debat,  par  exemple,  qui  suit  la  guerison 
de  I'aveugle-ne  (ix,  8-34)  est  interessant  et  vecu  comme  la  plus  exacte  comedie 
de  caractere,  si  Ton  veut  bien  me  passer  une  telle  comparaison.  Mais,  a  cote 
de  son  talent  de  peintre  et  de  narrateur,  le  gout  de  Vallegorie  est  encore  plus 
marque;  et  d'une  soi^te  d'allegorie  qui  presente  la  plus  granclc  affinite  avec  le 
symholisine  de  I'Apocalypse. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE.  CXCV 

11  est  clair  d'abord  que  la  plupart  des  miracles  racontes  (au  moins  quatre  sur 
sept)  ont  ete  choisis,  parmi  beau  coup  d'autres,  a  cause  du  sens  symbolique 
qu'on  pouvait  lire  dans  les  conditions  materielles  de  leur  accomplissement.  La 
guerison  du  paralytique  a  la  piscine,  la  multiplication  des  pains,  la  cure  de 
i'aveugle-ne,  la  resurrection  de  Lazare,  fournissent  tres  directement  matiere  a 
des  enseignements  sur  la  «  Vie  »  et  la  «  Lumiere  »  qui  sont  dans  le  Verbe,  sur 
le  bapteme  qui  donne  les  deux  aux  hommes,  et  sur  le  pain  du  ciel  qui  les  entre- 
tient.  Peut-etre  le  miracle  des  noces  de  Cana,  et  surtout  la  guerison  du  fils  de 
I'officier  royal,  et  la  marche  sur  les  eaux,  n'ont-ils  pas  la  meme  portee,  destines 
qu'ils  sont  avant  tout  a  montrer  la  puissance  divine  de  Jesus.  Mais  un  fait  bien 
significatif,  c'est  que  Jean,  qui  aurait  pu  raconter  bien  d'autres  merveilles,  en 
ait  clioisi  exactement  sept. 

Ce  n'est  certes  pas  un  pur  hasard.  Abbott^  dont  la  subtilite  est  parfois  trop 
ingenieuse,  a  raison  ici  d'affirmer  que  «  I'Evangile  est  penetre  dans  toute  sa 
structure  de  I'idee  de  «  Sept  »  (permeated  structurally  with  the  idea  of  «  seven  »), 
comme  on  pouvait  s'y  attendre  de  la  part  d'un  homme  acceptant  la  tradition 
des  «  Sept  Esprits  de  Dieu  »  Apocalypse,  in,  1  ».  Le  meme  critique  releve  encore 
les  traits  suivants  :  les  mots  «  Je  suis  »  surviennent  sept  fois  pour  I'expression 
des  rapports  du  Christ  a  Thumanite  (vi,  35;  viii,  12;  x,  7,  11;  xi,  25;  xiv,  6; 
XV,  1).  Sept  fois,  de  xiv  a  xvi,  revient  I'expression  ταΰτα  λελάληχα  ύμΤν.  De  meme, 
sept  fois  «  En  mon  nom  » ;  sept  fois  έ'ν,  unum,  pour  I'unite  avec  Dieu ;  sept  fois 
αγάπη,  amour,  un  des  mots-cles;  dans  la  I*  Joh,  sept  fois  φανερουν,  manifestei\ 
applique  au  Pere  ou  au  Fils  [Joh.  Grammar,  §§  2624-2627).  D'apres  Westcott 
[Abbott,  §  2624  a),  le  Christ  fait  appel  a  sept  genres  de  temoignages  :  1°  celui 
du  Pere;  2''le  sien  propre;  3°celui  de  ses  ceuvres;  4°celui  des  Ecritures;  5°celui 
du  Precurseur;  6°celui  des  disciples;  7°celui  de  I'Esprit.  Qu'on  y  joigne,  dans 
la  bouche  de  N.-S.,  la  triple  repetition  de  certains  termes  caracteristiques  : 
le  hon  pasteur  (c.  x),  la  vigne  (xv),  la  porte  (x),  la  lumiere  du  monde  [win,  12; 
IX,  5;  XII,  46)  etc.  Abbott.,  §§  2608-sqq.  Le  «  Paraclet  »  est  nomme  quatre  fois 
(parce  qu'il  remplira  les  quatre  parties  du  monde?),  la  «  Loi  »  mentionnee 
six  fois  (plenitude  incomplete  ?)  On  hesite  a  la  fin  a  suivre  Abbott  ou  Westcott 
dans  cette  recherche  des  «  intentions  »  johanniques,  on  craint  qu'ils  n'exagerent 
tendancieusement,  au  moins  Abbott,  I'auteur  de  From  Letter  to  Spirit.  Mais  on 
pent,  dans  I'ensemble,  souscrire  a  ce  jugement  :  «  toutes  reserves  faites  sur  les 
cas  douteux,  et  la  difference  des  aspects,  nous  en  trouvons  assezpour  etre 
assures  que  I'auteur  de  cet  Evangile  subissait  largement  I'influence  d'une  habi- 
tude de  faire  des  groupements  par  sept,  qui  a  affecte  aussi  bien  I'ensemble  de 
son  recit  que  des  mots  ou  des  phrases  particulieres  »  (§  2627).  11  faut  reconnaitre 
«  I'arrangement  delibere  et  poetique  de  larges  portions  du  IV°  Evangile,  la 
valeur  et  la  signification  mystique  attachees  par  I'auteur  a  certaines  paroles,  et 
indiquees  par  lui  au  moyen  de  doubles,  de  triples  et  de  septuples  repetitions  » 
(§  2587). 

Quelle  raison  pouvait  porter  I'Evangeliste  k  rechercher  ces  dispositions  arti- 
ficielles,  que  ne  lui  imposait  ni  la  fidelite  historique,  ni  la  nature  de  son  ouvrage, 
ni  son  but  doctrinal?  Quelle  raison,  si  ce  n'est  I'habitude  d'attacher  de  I'impor- 
tance  a  la  symbolique  des  nombres,  au  point  d'en  user,  par  gout,  dans  un  sujet 
qui  ne  I'exigeait  nuUement?  Si,  par  hasard,  il  avait  ecrit  un  livre  d'allegories, 


CXCVI  INTRODUCTION. 

les  septenaires,  et  les  autres  groupements  par  chiffres,  devaient  surement  le 
remplir.  Or,  voyez  I'Apocalypse.  Abbott  (§  2625)  nous  dit  que  «  le  Quatrieme 
Evangile  fut  probablement  ecrit  par  quelqu'un  qui  avait  des  liens  avec  I'auteur 
de  la  Revelation  ».  On  pent  raisonnablement  aller  plus  loin. 

Et  Ton  n'hesitera  pas  a  le  faire  si  Ton  veut  bien  examiner  de  pres  la  nature 
des  symboles  de  TEvangile,  et  la  maniere  tres  libre  et  tres  variable  dont  ces 
symboles  sont  employes. 

II  est  reconnu  de  tous,  et  il  ne  faut  pas  pour  cela  beaucoup  de  penetration, 
que  FEvangeliste  affectionne  les  termes  abstraits,  presque  vagues,  tandis  que 
I'Apocalyptique  recherche  ceux  qui  sont  les  plus  hauts  en  couleur.  Mais  cela 
devait  etre,  I'auteur  fiit-il  unique,  en  raison  de  la  difference  du  sujet,  du  but, 
et  de  I'etat  mental.  Le  Voyant  qui  penetrait  les  secrets  du  Ciel,  de  I'Enfer,  et 
de  toute  Fhistoire  future,  avait  evidemment  besoin  d'autres  images  qu'un  narra- 
teur  qui  repetait  les  paroles  temperees  de  son  Maitre,  et  etait  tenu  d'observer 
la  couleur  locale  et  terrestre. 

On  pent,  d'apres  nos  etudes  precedentes,  distinguer  deux  classes  parmi  ses 
symboles  :  la  premiere,  et  la  plus  nombreuse,  est  celle  des  lieux  communs  qui 
lui  etaient  transmis  par  la  tradition  biblique  ou  apocalyptique ;  la  seconde,  celle 
des  symboles  qui  lui  sont  propres,  —  ou  du  moins  dont  il  fait  un  usage  bien  plus 
caracteristique  que  ses  predecesseurs.  —  Or,  cette  seconde  categorie  ressemble 
extremement  aux  metaphores  et  aux  mots-cles  de  TEvangile. 

Nous  avons  releve  dans  cet  ordre  Timage  du  Messie-Agneau,  et  sa  contre- 
fagon,  le  Faux  Prophete.  Comparez  Γ  «  Agneau  de  Dieu  »  de  I'Evangile.  C'est 
encore  le  nom  mysterieux  Λόγος  του  Θεού;  c'est  «  Feau  de  la  vie  »,  qui  peut  bien 
venir  de  Babylone  ou  de  TEgypte,  par  les  Prophetes,  mais  qui  n'en  carac- 
terise  pas  moins  et  le  IV"  Evangile  (le  bapteme,  rillumination,  la  grice),  et 
I'Apocalypse,  ou  elle  a  le  meme  sens  de  vie  spirituelle  et  eternelle  (ΰδωρ  ζων, 
I'eau  vwante,  Joh.  IV,  10-11;  vii,  38;  πηγή  ύδατος  IV,  14,  ποταμοί  ύδατος,  vil,  38  — 
cfr.  Apoc.  uSojp  ζωής,  πηγαι  υδάτων,  viii,  10;  vii,  18;  xxi,  6;  xxii,  17,  etc.).  La  meta- 
phore  de  la  «  Femme  »  [Apoc.  xii)  pour  designer  I'Eglise,  se  retrouve  dans  la 
κυρία  εκλεκτή  a  laquelle  est  adressee  la  11*^  epitre  de  Jean,  comme  si  Γ  «  Ancien  » 
avait  eu  un  gout  particulier  pour  cette  personnification  biblique.  Enfin  Timage  du 
«  Pasteur  »  appliquee  au  Christ  ou  a  Pierre  son  vicaire  [Joh.  x,  1  suivants,  27, 
28,  XXI,  16  et  suivants)  apparait  aussi  Apocalypse,  vii,  17,  appliquee  a  I'Agneau  : 
«  I'Agneau  qui  est  au  milieu  du  trone  les  fera  paitre  et  les  menera  aux  sources 
des  eaux  de  la  vie  ».  —  Qu'on  se  reporte  aux  termes  communs  du  vocabulaire 
que  nous  avons  signales,  et  qu'on  se  rappelle  aussi  combien  la  metaphore  de 
la  Lumiere,  sous  d'autres  expressions  plus  concretes  (flambeaux,  etc.)  est  fami- 
liere  a  I'Apocalypse,  si  pleine  de  tableaux  lumineux,  et  de  processions  en  vete- 
ments  eclatants  de  blancheur.  Le  sejour  de  Dieu,  ou  du  Verbc  incarne  parmi 
les  liommes,  est  exprime  par  le  meme  mot  σκηνοΰν,  ce  qui  est  peut-etre  une 
allusion  au  Tabernacle  de  I'Ancienne  Alliance,  contenant  le  Saint  des  Saints 
[Joh.  I,  14;  _  Apoc.  VII,  15;  xxi,  3;  cfr.  xii,  12;  xiii,  6;  σκηνή,  Apoc.  xiii,  6;  xv, 
5;  XXI,  3). 

Notons  encore  que  le  IV*^  Evangile,  si  «  abstrait  »  qu'il  puisse  etre,  dramatise 
et,  pour  ainsi  dire,  «  concretise  »  dans  I'abstraction.  La  Lumiere,  TAmour,  sont 
comme  des  lieux,  des  regions  oil  Ton  entre,  oii  Ton  demeure.  De  la  I'usage  du 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    )),    AUTEI'R    DE    L  APOCALYPSE.  CXCVII 

εν  «  quasi  instrumental  ».  C'est  un  autre  monde,  oppose  a  celui  des  tenebres  et 
du  peche.  Et  ce  trait  est  au  moins  fort  analogue  a  la  conception  generalede 
lApocalypse. 

L'  «  imagination  johannique  »  a  une  autre  note  particuliere.  Si  elle  concretise 
fortement,  par  le  mouvement,  les  idees  les  plus  immaterielles,  elle  n'assigne  pas 
de  sens  immuable  a  ses  metaphores,  et  fait  alentour  toutes  les  variations  pos- 
sibles. II  n'est  pas  dans  les  habitudes  de  I'Evangeliste  de  preciser  une  fois  pour 
toutes  la  valeur  de  ses  termes,  quand  ils  peuvent  signifier  plusieurs  realites  voi- 
sines.  C'est  ainsi  que  meme  κόσμος  ne  signifie  point  partout  le  monde  hostile.  En 
somme,  presque  tons  ses  concepts  et  ses  mots-cles  sont  «  analogiques  » ;  avec  le 
meme  mot,  il  passe  sans  cesse  du  sens  materiel  au  sens  spirituel,  et  nee  versa;  Ζωτ', 
par  exemple,  au  chapitre  v,  signifiera  tour  a  tour  la  vie  physique,  la  vie  de  la 
gr&ce,  le  bonheur  eternel,  la  vie  ressuscitee,  sans  ordre  apparent,  d'une  fagon  que 
determine  parfois  le  seul  contexte  (cfr.  versets  21,  24,  25,  26,  28,  29).  De  meme  vi, 
ou  I'idee  de  I'Eucharistie,  du  «  pain  du  ciel  »  commande  le  choix  de  toutes  les 
images,  allusions  a  la  manne,  expressions  fortes  et  realistes  telles  que  σαρξ,  τρώγων; 
I'Evangeliste,  sans  perdre  de  vue  un  seul  instant  I'idee  de  la  communion  sacra- 
mentelle,  passe  du  sacrement  a  rincarnation,  a  la  Passion,  du  tout  aux  parties 
potentielles,  du  general  au  particulier,  de  la  grace  invisible  a  la  matiere  sensible; 
et  il  faut  beaucoup  d'attention  pour  s'y  reconnaitre  parmi  tous  ces  aspects  de 
«  pain  du  ciel  »  dont  la  manne  et  les  pains  multiplies  au  desert  furent  la  figure. 
Or,  les  symboles  de  I'Apocalypse,  si  variables  et  si  fluctuants  sous  leurs  materia- 
lite  apparente,  presentent  tout  a  fait  la  meme  virtualite  conceptuelle.  lis  sont 
sujets  aux  memes  glissements.  Nous  citions  tout  a  I'heure  VAgneau  du  chap,  vii 
de  I'Apoc.  qui  devient  subitement  un  berger;  et  il  y  a  bien  d'autres  exemples 
de  faits  semblables;  de  meme,  au  chapitre  χ  de  TEvangile,  Jesus  est  d'abord 
le  berger  qui  entre  par  la  porte  (x,  2),  puis  il  devient  lui-meme,  dans  une 
παροιμία  qui  suit  sans  intervalle,  la  porte  par  laquelle  entrent  et  sortent  les 
brebis  (v.  7);  ensuite  il  declare  qu'il  est  «  le  bon  Pasteur  »  (vv.  11,  14),  et  s'arrete 
defmitivement  a  cette  allegorie.  On  salt  que,  dans  I'arrangement  des  idees  du 
Seigneur,  I'auteur  lui-meme  a  pu  avoir  une  part  (v.  ci-dessus). 

Ainsi  les  deux  ecrits  nous  offrent  les  memes  alternances  de  symboles.  Un  trait 
analogue  qu'il  faut  relever  dans  I'Evangile,  c'est  le  choix  d'un  seul  et  mdme  mot 
qui  ne  varie  pas  avec  la  realite  qu'il  represente  suivant  les  diverses  phases  de  la 
progression  do  celle-ci.  Jean  ne  distingue  pas,  dans  son  style,  entre  le  germe  et 
I'epanouissement.  Ainsi  I'unique  expression  πιστεύειν,  croire,  sert  a  marquer  tous 
les  divers  degres  de  foi  qu'eurent  en  Jesus  ses  disciples  et  ses  auditeurs,  depuis 
lintuition  confiante  du  chapitre  i^'"  jusqu'a  la  reconnaissance  de  son  origine 
celeste  et  de  sa  divinite.  Nathanael  —  et  les  autres  de  meme,  —  ont  cru  des  leur 
premier  appel  (i,  35,  51) ;  c'est  le  miracle  de  Cana  qui  les  fait  commencer  a 
croire  (ii,  11).  11  est  evident  que  cette  foi  s'integrait  lentement,  par  des  determi- 
nations successives  qui  en  elevaient  et  en  approfondissaient  I'objet;  les  Synop- 
tiques  montrent  assez  bien  cette  evolution ;  mais,  chez  Jean,  il  faut  mediter  sur 
un  contexte  etendu  pour  saisir  ces  nuances  que  les  mots  ne  distinguent  pas; 
πιστεύω  est  un  «  analogue  »  dont  le  sens  se  proportionne  aux  personnes,  aux  cir- 
constances.  —  Ainsi  les  visions  de  I'Apocalypse  sont  presque  toutes  des  schemes 
generaux  de  situations  futures,  qui  se  succedent  sans  progression  chronologique. 


CXCVm  INTUODUCTION. 

sous  I'oeil  d'aigle  d'un  prophete  qui  voyait  le  tout  dans  les  parties,  et  la  fin  dans 
le  commencement. 

Enfin  TEvangeliste  etle  Prophete,  dans  leurs  passages  les  plus  concrete,  gar- 
dent  le  gout  du  mystere.  Qu'est-ce  quietait  arrive  a  Nathanael "  sous  le  figuier  »  V 
[Joh.  I,  48;.  Quest-ce  qu'avaient  dit  les  «  sept  tonnerres  »?  Apoc.  x,  3-4;. 
L'un  et  I'autre  eveillent  la  une  curiosite  qu'ils  ne  pouvaient  ou  ne  voulaient  satis- 
faire;  et  pourtant  ils  ont  tenu  a  conserver  ces  allusions  mysterieuses,  que  des 
ecrivains  comme  les  Synoptiques  auraient  probablement  negligees. 

Que  resulte-t-il  de  cet  ensemble  de  rapprochements?  Que  la  m^me  tournure 
d'imagination  et  de  conceplion  se  revele  a  chaque  page  de  lApoealypse  et  de 
I'Evangile,  dans  une  unite  que  voile  seulement  la  diilerence  des  sujets, 
entrainant  celle  des  vocabulaires.  L'«  imagination  Johannique  »  est  homo- 
gene,  et,  de  plus,  parfaitement  caracteristique  et  individuetle. 

V.  —  Comparaison  au  point  de  vue  du  style  et  des  proc6des  de  composition. 

La  solennite  du  style  iqui  n'exclut  cependant  point  la  vivacitc,  meme 
lironie,  une  espece  d'humour,  de  certaines  scenes  du  IV'  Evangile)  se  retrouve 
encore  plus  tendue,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  dans  les  visions  apocalyp- 
tiques.  Une  ressemblance  encore  bien  plus  significative,  c'est  que  la  composi- 
tion des  deux  ecrits  obeit  aux  formules  d'un  art  tres  special  que  nous  pouvons 
appeler  Γαπτ  jouanniqie. 

Notons  au  prealable  que  la  m^me  agilito  de  pensee  produit  de  part  et  d'autre 
une  pareille  alteraance,  un  semblable  enchevotrement  des  temps  des  verbes,  au 
cours  d'un  developpement  unique.  Ce  phenomene  nest  pas  moins  remarquable 
par  exemple  dans  I'entretien  avec  Nicodeme  'Joh.  ni,  aux  vv.  16-21)  que  dans 
\  Apocalypse  vii,  9-19,  ou  xi,  1,  13,  ou  nous  montrions  ailleurs  que  la  precision 
des  nuances,  et  non  Timperitic  grammaticale,  doit  expliquer  cet  apparent 
desordre.  C'est  aussi  partout  le  meme  caracterc  synthetique,  la  mentalite  de 
TEvangeliste  le  portant  a  condenser  dans  une  notion  generique,  et  sous  une  seule 
expression,  des  idees  connexes  qu'il  developpe  ensuite  chacunesous  son  propre 
aspect.  Or,  c'est  bien  encore  le  meme  principe  qui  commando  la  succession  des 
pericopc'S,  ot  toute  la  marche  du  livre. 

Le  fondement  do  lart  johannique  est  trus  hebraique  :  c'est  le  parallelisme 
continu.  De  mome  qu'un  petit  nombre  de  figures  principales,  les  «  symboles 
majeurs  »,  cour  celeste,  Agneau,  Dragon,  Betes,  Femmes,  relient  entre  eux 
les  developpements  apocalypliques  les  plus  disparates  a  premiere  vue,  ainsi, 
dans  I'Evangile,  deux  ou  trois  idees  de  tres  ample  virtualite,  lumiere,  vie, 
tenebres,  temoignage,  tantot  expresses,  tantot  latentes,  font  Tame  de  toutes  les 
narrations  et  de  tous  les  discours.  La  force  et  I'unite  de  conception  du  recit 
egalent  celles  de  I'Apocalypse,  si  elles  ne  les  depassent.  Meme  goilt  des  repe- 
titions, meme  jeu  d'antithese.  Quand  le  parallelisme  n'est  pas  dans  les  mots 
de  I'Evangile,  —  ou  dans  les  symboles  materiels  de  la  Revelation,  —  il  n'en 
subsiste  pas  moins  toujours  dans  I'idee.  Tout  TEvangile  n'est  que  la  lutte  et  le 
triomphe  du  Verbe  a  qui  resiste  le  monde  des  tenebres.  Si  I'Apocalypse  tout 
entiere,  dans  son  eschatologie,  n'a  d'autre  but  que  de  faire  voir,  par  des  pro- 
pheties  concretes,  comment  Ic  seul  «  Agneau   >',    avec  son  Pere,  est  devenu 


IDENTIFICATION    DE    «   JEAN    »,    AUTEUR    DE    l'aPOCALYPSE.  CXCIX 

maitre  du  «  livre  scelle  »  des  destinees  (iv-v),  I'Evangile,  lui,  ne  fait  que  jus- 
tifier,  par  des  evenements  choisis  dans  la  vie  du  Christ,  les  affirmations  de 
son  Prologue,  se  ramenant  a  celle-ci,  qui,  placee  en  tete,  les  resume  toutes  : 
«  La  lumiere  luit  dans  les  tenebres  —  Et  les  tenebres  ne  I'ont  point  arretee  » 
(i,  5).  Car,  d'apres  le  parallele  de  xii,  35,  nous  ne  doutons  pas  qu'il  faille  tra- 
duire  χαταλαι^-βάνειν,  par  «  saisir,  etouffer,  arreter  »,  et  non  par  «  com- 
prendre  (1)  ».  Ge  terme  est  au  passe,  κχτελαβεν,  parce  que  le  triomphe  du  Verbe 
est  deja  assure  par  rincarnation  et  la  glorification  de  Jesus;  de  meme  I'Apo- 
calypse  represente  comme  un  evenement  passe  la  defaite  essentielle  du  Dragon, 
due  aux  memes  causes  (c.xii),  et  dont  les  consequences  seulement  se  develop- 
pent  a  travers  les  ages. 

La  marche  des  deux  livres  presente  le  meme  genre  de  progression.  Ainsi  le 
Prophete  insiste  sur  les  preparations  (visions  preparatoires  de  vi,  de  xiv,  etc.), 
et  ne  decrit  que  brievement  le  terme ;  la  Parousie  et  le  jugement  final  (xi  fin 
et  xx)  sont  loin  d'offrir  le  meme  luxe  de  details  que  tel  ou  tel  fleau  historique. 
L'Evangeliste  aussi,  qui  s'est  tant  etendu  sur  le  role  du  Precurseur,  ne  parlera 
du  bapteme  du  Christ  au  Jourdain  que  par  allusion  (i,  32-33);  apres  le  long  dis- 
cours  sur  I'Eucharistie  au  chapitre  vi,  il  omettra  le  recit  de  la  Derniere  Cene 
et  I'institution  du  Sacrement,  qui  ne  semble  qu'obscurement  indiquee  par  les 
mots  :  «  II  les  aima  jusqu'au  bout  »  (xiii,  1).  Puis  la  progression  va  toujours 
du  general  au  particulier.  Par  des  considerations  plus  abstraites  ou  plus  uni« 
verselles,  il  prepare  le  mot  saisissant  ou  souverain  qui  va  eclairer  et  justifier 
ses  speculations  prealables.  Tout  ce  qu'il  a  dit  de  I'activite  du  λόγος  aux  pre- 
miers versets  du  Prologue  aboutit  au  «  Verbum  caro  factum  est  ».  Dans  le 
discours  apres  la  multiplication  des  pains,  Jesus  precede  de  meme  par  approches 
successives,  parlant  de  la  nourriturc  spirituelle  en  general  avant  de  dire  : 
«  Ma  chair  est  veritablement  une  nourriture,  etc.  »  Dans  I'Apocalypse,  les 
«  emboitements  »  menagent  des  eifets  semblables.  Et  il  n'est  pas  jusqu'a 
cette  repetition  des  mots  de  valeur,  qui  sont  successivement  predicate  d'une 
premiere  phrase,  puis  sujets  de  la  suivante  (Prologue,  λόγος,  φως,  etc.),  qui  n'oifre 
quelque  analogic  large  avec  ce  precede  puisqu'elle  manifeste  le  meme  besoin 
de  mettre  toujours  une  idee  en  vedette  avant  d'en  preciser  le  contenu.  Toujours 
I'auteur  prepare,  et  d'assez  loin,  ses  declarations  nettes,  comme  Γ  «  autre  » 
Jean  ses  scenes  capitales. 

Jean  integre  lentement  son  idee.  II  la  donne  d'abord  en  bloc,  puis  il  I'analyse, 
en  variant  a  peine,  ou  pas  du  tout,  ses  expressions.  On  dirait  que  I'Evange- 
liste  n'a  jamais  epuise  ses  concepts,  tant  ils  sont  vastes,  et  tant  ses  moyens 
d'expression  sont  restreints.  Ainsi  les  symboles  de  I'Apocalypse  servent  faci- 
lement  a  plusieurs  eifets,  qui  varient  avec  le  contexte.  Mais  voici  le  rappro- 
chement le  plus  curieux, 

L'Apocalypse,  comme  nous  I'avons  vu,  contient  un  genre  de  developpement 
tres  particulier,  une  espece  d'ordonnance  «  musicale  »,  des  themes  qui  vont 


(I)  Si  les  i(  teuebres  »  sont  le  rnal  abstrait,  il  est  evident  qu'elles  ne  peuvent  comprendre 
le  Bien,  se  I'assirailer,  mais  seulement  lui  coder  la  place  en  disparaissant;  si  elles  ^ignifieut 
«  le  luonde  livre  au  mal  »,  rEvangilc  est  justemenl  I'histoire  de  la  dolivrance  virtuelle  du 
mondc. 


CC  INTRODUCTION. 

s'amplifiant  comme  en  ondes,  en  volutes;  ce  n'est  qu'au  bout  de  deux  ou  trois 
reprises  que  le  sujet  s'epanouit  dans  toute  son  ampleur  (V.  On  ne  trouve  guere 
de  pareils  exemples  en  litterature,  meme  dans  les  ouvrages  rythmiques,  com- 
poses de  strophes,  a  moins  que  ce  ne  soit  cliez  certains  prophetes  bibliques, 
comme  dans  la  seconde  partie  du  livre  d'Isaie.  C'est  un  procede  etranger  au 
moins  a  tons  les  ecrits  non  johanniques  du  Nouveau  Testament.  II  contraste 
absolument  avec  celui  de  Luc,  qui,  lorsquil  introduit  un  personnage  ou  un 
sujet  nouveau,  se  plait  a  epuiser  d'un  coup  tout  ce  qu'il  veut  en  dire.  Ailleurs, 
comme  chez  Paul  (ainsi /?o/n.  i,  lG-17,  et  in,  21-31),  on  trouvera  bien  Tenonce, 
le  sommaire  d'une  these  dans  tous  ses  chefs,  que  developpera  ensuite  le  corps 
de  I'ecrit.  Mais  ce  procede  Jogique  et  naturel,  TApocalypse  le  systematise  en 
series  rythmiques.  Elle  reprend  deux  fois,  trois  fois,  une  meme  idee,  divisee  en 
moments  ou  en  aspects  qui  reviennent  toujours  dans  le  meme  ordre.  En  desi- 
gnant  ces  moments  par  des  lettres,  et  leurs  variations  par  des  indices  sura- 
joutes,  on  pourrait  ainsi  figurer  schematiquement  ce  procede  : 

1°    a    b     c     ;  —  2°  a,     b,     c^ ; — N.     an     b„     c,„ 

le  dernier  groupe  etant  toujours  le  plus  developpe,  et  les  autres  servant  a  le 
preparer  (2).  C'est  comme  le  bruit  des  volontes  divines  en  marche,  un  tonnerre 
dont  les  roulements  parlent,  vagues  ou  assourdis,  d'un  lointain  horizon,  pour 
venir  enfin  eclater  au-dessus  de  nos  tetes.  Or,  malgre  la  diversite  de  sujet  et  de 
but,  on  constatera  quelque  chose  de  tout  a  fait  semblable  dans  le  YV^  Evangile. 
Ainsi  le  Prologue  contient  trois  idees  :  I'activite  eternelle  et  purement  divine 
du  Verbe  Divin,  son  action  theandrique  parmi  les  hommes  dont  il  fait  des  fils  de 
Dieu,  et  le  temoignage  que  lui  rend  Jean-Baptiste.  Elles  se  succedent  a  trois 
reprises  dans  la  disposition  suivante  : 

1°  a.  Origine  et  activite  purement  divine  du  Verba  (/,  1-3),  Dieu,  eternel,  creaieur. 

b.  II  est  la  lumiere  et  la  iv'e.qui  (par  I'lncarnation)  ont  triomphe  des  tenebres 

(/,  4-5). 

c.  Mission  de  Jean  (/,  6-8). 

2•'  a)  Le  Verbe  etait  dans  le  monde,  qu'il  a  cree,  et  sur  le  point  d'y  venir  d'une  fa^on 

plus  manifeste  (ην...  έρ-/_όαενον)  (P-iO  a  b). 
b,  11  est  venu,  a  eu  a  lutter  centre  I'hostilite  des  siens  (les  Israelites),  mais.  par 

une  nouvelle  [naissance  (Lumiere  du  bapteme,  Vie  de  reucharistie),  a  fait 

enfants  de  Dieu  ceux  qui  I'ont  recu.  II  s'est  fait  chair,  et  nous  avons  vu  sa 

gloire  [10  c-li). 
c<  Temoignage  de  Jean  (i5). 
3"       (Ici  il  y  a  interversion  et  entrelacement  entre  a  et  b). 

Ά2  {h.2)  Nous  avons  tous  recu  de  sa  plenitude,  grace  sur  grace,  la  loi  par  I'inter- 

mediaire  de  Moise,  la  grace  et  la  verite  par  Jesus-Christ  directement  {16-17). 
(ά2)  ^2  Le  Fils  unique  qui  est  dans  le  sein  du  Pere  (a),  nous  I'a  fait  connaitre  (b) 

m). 

Co  Temoignage  detaille  de  Jean  {19-3Ί),  qui  fait  la  transition  au  corps  de  I'Evan- 
gile. 

(1)  Voir  ci-dessus,  ch.  x. 

(2)  L'exemple  le  plus  frappant  se  trouve  aux  chapitres  xii  et  suivants,  jusqu'a  la  fin  de  la 
deuxieme  section  prophelique. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    ».    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE,  CCl 

Et  il  faut  remarquer  que  cet  accord  fundamental  se  prolonge  a  travers  tout 
TEvangile  :  Unite  de  Jesus  avec  le  Pere  (passim)  —  Lumiere,  seconde  naissance, 
vie  (Nicodeme,  Samaritaine,  aveugle-ne;  —  paralytique  de  Bethzatha,  Pain  de 
vie,  Lazare);  —  Temoignages  (de  Jean,  in,  22-36,  auquel  se  joint  celui  des 
miracles,  etc.,  passim). 

Pour  ne  considerer  qu  un  seul  autre  passage,  voyons  la  disposition  des  idees 
dans  le  Discours  apres  la  Gene  (d'apres  I'analyse  donnee  par  le  commentateur 
Heitmiiller  (1),  que  nous  resumons).  Tout  roule  autour  de  trois  idees,  Vamonr, 
la  consolation,  Yunion. 

1°  a.  Precepte  de  Vamour  (XIU,  54-35); 

b.  Jesus  consolera  las  siens  de  son  depart,  en  les  attirant  apres  lui  au  Fere,  en 

revenant  en  eux  et  au  milieu  d'eux,  en  leur  envoyant  I'Esprit  [XIV,  1-31) ; 

c.  L' union  de  Jesus  et  des  croyants,  sous  la  figure  de  la  vigne  et  des  sarments 

(XV,  1-11) ; 
2°  a)  Communion  d'amour  des  disciples  entre  eux,  opposee  a  la  haine  du  monde 

{XV,  12-XVI,  4). 
b^  La  consolation  des  disciples,  par  I'Esprit,  le  Paraclet  qui  viendra.  Office  du 

Saint-Esprit.  Les  disciples,  apres  Jesus,  seront  vainqueurs  du  monde  {XVI, 

5-33). 
c<  Priere  sacerdotale,  pour  la  consommation   de  I'unite  parfaite  de  Dieu  et   du 

Christ  avec  les  croyants  {XVII). 

Nous  pourrions  apporter  d'autres  examples ;  ceux-Ia  suffisent  bien  a  cc  que 
nous  voulions  demontrer.  11  y  a  dans  ce  rytlime  —  ordinairement  ternaire  —  des 
developpements,  et  dans  ces  ondulations  regulieres,  ces  accords  et  ces  harmo- 
niques,  ce  renforcement  progressif  de  I'idee,  une  loi  qui  est  la  formule  meme  de 
V Art  johannique.  La  l""^  epitre,  si  elle  est  moins  clairement  ordonnee,  en  offre 
pourtant  des  traces  fort  reconnaissables,  avec  ses  refrains  alternants  sur  la 
purete  des  oeuvres,  la  foi  et  I'amour.  Et  cette  loi,  qui,  a  notre  avis,  caracterise 
absoliunent  une  personnalite  litteraire,  est  appliquee  egaleraent  et  dans  I'Apo- 
calypse  et  dans  TEvangile. 

§  V.  —  Quelques  autres  traits  personnels  communs. 

Est-il  besoin  d'en  dire  plus  pour  eclairer  la  question?  Quels  personnages,  par 
exemple,  etaient  respectivement  aux  yeux  des  Eglises  le  Prophete  et  I'Evange- 
liste?  Sur  ce  point  encore,  il  est  facile  de  relever  des  similitudes.  Ni  I'un  ni 
I'autre  ne  se  donne  de  titre  hierarchique  ou  ofTiciel,  tel  qvCapotre.  L'auteur  de 
I'Evangile  se  tient  dans  I'anonymat,  et  se  designc  seulement  a  la  troisieme  per- 
sonne,  comme  «  le  disciple  que  Jesus  aimait  » ;  dans  la  1'''=  epitre,  il  invoque 
seulement,  toujours  anonyme,  sa  qualite  de  temoin  de  la  vie  de  Jesus ;  dans  les 
deux  petites  Lcttres,  il  est  «  δ  πρεσβύτερος  »,  Γ  «  Ancien  »  ou  le  «  Vieillard  »  par 
excellence;  dans  I'Apocalypse,  l'auteur  se  nomme  bien,  mais  ne  se  reclame  d'au- 
cun  titre  autre  que  «  servitcar  du  Christ  »,  et  montre  par  son  recit  qu'il  est 
«  Prophete  ».  Ainsi,  dans  tous  ces  ecrits,  Fauteur  se  recommande,  non  d'une 
charge,  mais  dune  qualite  personnelle ;  car  πρεσβύτερος  meme  n'indique  pas  ici 

(1)  Dans  Die  Schriflcn  da^  Xcven  Testaments  de  J.  Weiis,  Band  II,  Abschnitt  3  pp.  283-sv. 


ecu  INTRODUCTION. 


une  fonction  hierarchique.  Cependant  il  est  clair  que  le  Propliete  de  Patmos 
exerce  sur  les  eglises  d'Asie  une  autorite  incontestee,  qu'il  n'a  pas  besoin  de  jus- 
tifier,  et  qui  assure  la  foi  a  sa  Pievelation;  le  «  Presbytre  »  de  la  IIP  Johannis 
parle  de  Diotrephes  (qui,  de  I'avis  eommun,  doit  etre  le  chef  local  d'une  eglise), 
en  superieur  qui  a  droit  de  blamer,  de  punir  toute  mauvaise  volonte,  et  de  repri- 
mer  toute  resistance;  dans  la  1'^  epitre,  c'est  un  Pere  venere  universellement  qui 
s'adresse  a  ses  petits  enfants,  τεκνία.  En  tons  ces  ecrits,  le  ton  est  le  meme  :  celui 
d'un  personnage  d'un  tel  ascendant,  que  les  Apotres  n'en  avaient  pas  davantage. 
Jacques  non  plus,  ni  Jude,  ni  Paul  dans  ses  lettres  les  plus  intimes  [Philippiens, 
Philemon),  ou  dans  celles  qui  furent  ecrites  avant  qu'on  eut  commence  a  contester 
son  apostolat  (/-//  Thessaloniciens)  ne  se  donnent  leur  titre  le  plus  haut,  sous 
lequel  ils  exergaient  leur  autorite.  Ainsi  I'auteur  de  I'Apocalypse  pouvait  bien 
etre  un  apotre  sans  etre  oblige  de  le  dire.  Denys,  parmi  ses  objections,  insiste 
sur  le  fait  qu'il  se  nomme  par  son  nom,  ce  que  n'a  point  fait,  dans  I'Evangile  et 
I'Epitre,  le  fils  de  Zebedee ;  mais  il  etait  a  Patmos,  ses  lecteurs  sur  le  continent, 
il  leur  ecrivait  pour  la  premiere  fois  sans  doute,  afin  de  leur  reveler  des  choses 
extraordinaires ;  il  fallait  bien  que  les  Asiates  connussent  avec  toute  la  certitude 
possible  de  qui  la  lettre  prophetique  emanait.  Du  moment  qu'il  s'y  nomme  Jean 
tout  simplement,  c'est  qu'il  n'y  avait  pas,  vivant  dans  le  meme  pays,  d'autre  Jean 
d'egale  renommee  et  autorite,  avec  lequel  on  put  le  confondre.  S'il  etait  Jean  de 
Zebedee,  aurait-il  du  se  designer,  au  moins  par  allusion,  comme  «  le  disciple 
que  Jesus  aimait»?  Mais,  devant  la  grandeur  des  secrets  celestes  qui  lui  sont 
reveles  sur  le  «  Fils  d'Homme  »  etl'  «  Agneau  »,  la  vie  terrestre  du  Christ  ne  lui 
apparait  plus  que  comme  un  commencement,  une  enfance  (voir  Comment,  du 
chap,  xii),  le  Prophete  s'oublie  completement  lui-meme,  il  s'abime  dans  son 
humilite,  et,  eut-il  ete  I'ami,  se  rappelle  seulement,  —  c'est  deja  un  titre  assez 
haut  et  assez  rassurant,  —  qu'il  est  le  «  serviteur  »  de  Celui  qui  lui  est  apparu 
dans  sa  Majeste  de  «  Roi  des  Rois  »  et  de  «  Seigneur  des  Seigneurs  »  (c.  xix). 

Rien,  de  ce  chef,  ne  s'oppose  done  a  ce  qu'il  soit  le  meme  que  I'Evangeliste  et 
I'auteur  des  lettres ;  tout  contribue  au  contraire  a  faciliter  le  rapprochement,  leur 
effacement  volontaire,  leur  autorite  sur  les  memos  eglises  d'Asie,  leur  assurance 
aussi  ferme  que  modeste. 

Concluons  : 

L'auteur  de  I'Apocalypse  est  bien  le  meme  que  celui  de  I'Evangile  et  des 
Epltres,  c'est-a-dire  I' Apotre  Jean,  filsde  Zebedee. 

La  tradition  est  moralement  unanime  a  I'affirmer.  La  critique  interne  la  con- 
firme.  Car  la  philologie,  en  depit  d'un  certain  nombre  de  particularites  diver- 
gentes  dans  la  grammaire,  et  le  vocabulaire  surtout,  etablit  lexistence  d'une 
«  langue  Johannique  »  commune;  la  comparaison  des  doctrines  (Logos,  points 
de  vue  synthetiques,  transcendance  de  I'eschatologie),  revele  au  moins  une 
ocole  de  pensee  johannique.  La  critique  proprement  «  litteraire  »  nous  mene 
plus  loin ;  elle  nous  fait  decouvrir  une  «  imagination  johannique  »  spontanee,  et 
un  «  art  johannique  »  reflechi,  tellement  uns,  tellement  personnels,  qu'elle  acheve 
de  rendre  tout  a  fait  invraisemblable  I'attribution  des  divers  ecrits  johanniques  a 
deux  homonymes.  A  I'oeuvre  on  connait  Touvrier;  cet  ouvrier  est  unique,  c'est 
celui  que  la  tradition  a  designe  toujours,  quand  des  prejuges  doctrinaux  ne  la 
faisaient  pas  devier  de  sa  ligne  antique. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    )),    AUTEUR    DE    l'aPOCALYPSE.  CCIII 

Cependant,  I'identite  d'auteur  une  fois  reconnue,  il  reste  encore  un  gros 
probleme  a  resoudre.  Le  groupe  de  TEvangile  et  des  Lettres  montre  un  art 
beaucoup  plus  avance  dans  la  meme  ligne,  et  beaucoup  plus  stir  de  lui-meme 
que  n'est  celui  de  I'Apocalypse.  Si  le  meme  genre  de  symbolisme  I'impregne, 
il  y  demeure  beaucoup  plus  discret,  et  meme  dissimule;  ainsi,  malgre  ses  septe- 
naires,  I'Evangeliste  n'ecrit  pas  une  seule  fois  le  mot  Ιπτά.  Si  I'ordonnance  est 
analogue,  elle  y  est  beaucoup  plus  difficile  a  reconnaitre;  le  parallelisme,  qui 
y  regit  a  peu  pres  toutes  les  idees,  s'etale  beaucoup  moins  dans  la  forme  exte- 
rieure.  Les  deux  ecrits  sont  profondement  reflechis,  calcules,  dans  leurs  moindres 
details  d'expression  et  de  structure.  Mais  I'Evangile  est  bien  plus  soigno  au 
point  de  vue  de  la  composition ;  les  elements  divers  y  sont  intimement  fondus 
et  unifies  (1),  tandis  que  dans  I'Apocalypse  il  y  a  des  desordres  apparents,  des 
juxtapositions  materielles  qui  donnent  une  impression  de  heurte,  de  disparate. 
Et  ce  n'est  pas  encore  la  le  principal  :  la  langue,  malgre  son  individualite 
α  johannique  »  continue,  est  arrivee  a  un  etat  beaucoup  plus  parfait  de  bonne 
grecite  dans  I'Evangile  et  les  Epitres. 

Plusieurs  des  critiques,  qui  attribuent  le  tout  a  un  seul  Jean,  ont  une  tendance 
a  resoudre  ce  probleme  en  mettant  un  long  intervalle  de  temps  entre  I'exil  a 
Patmos  et  la  redaction  de  I'Evangile  a  Ephese  :  ainsi  I'Apotre  aurait  eu  le  loisir 
de  se  familiariser  avec  I'usage  du  grec,  et  de  perfectionner  ses  moyens  litto- 
raires.  II  nous  faut  done  etudier  une  question  qui  est  solidaire  de  la  precedente  : 
celle  de  la  date  de  I'Apocalypse.  Nous  ne  pourrons  donner  qu'apres  ce  travail 
notre  solution  complete. 


DATE    DE    COMPOSITION    DE    L  APOCALYPSE. 

L'Apotre  nous  apprend  lui-meme  qu'il  a  eu  sa  revelation  dans  Tile  de  Patmos 
(i,  9).  Tout  porte  a  croire  qu'il  a  redige  son  Apocalypse  sur  place,  et  I'a  envoyee 
aux  Eglises  avant  de  les  revoir  lui-meme.  La  raison  de  ce  sejour  a  Patmos, 
cest,  pour  toute  la  tradition,  une  deportation  ou  un  exil;  et  cela  ressort  avec 
clarte,  quoi  qu'en  dise  Bousset,  des  termes  :  εγενο[Λην  Iv...  Πάτμω  δία  τον  λόγον  τοΰ 
θεοΰ  χαι  την  μαρτυρίαν  Ίησοΰ.  Α  quelle  epoque  de  la  vie  de  Jean  placer  ces 
evenements  ? 

Justin  n'a  rien  dit  du  lieu,  des  circonstances,  ni  de  la  date  de  I'Apocalypse. 
Mais  Irenee,  qui  devait  etre  bien  renseigne,  a  un  texte  formel  sur  I'epoque 
[Adv.  Haer,  v,  30),  a  propos  du  chiffre  de  la  Bete  et  du  nom  de  I'Antechrist  : 

ΗμεΤς  ουν   ουκ  άποκινδυνεύομεν  περί  τοΰ  ονο'ματος  τοΰ  'Αντίχριστου    αποφαινόμενοι  βεβαιω- 
τιχώς.  Ει  γαρ  εοει  αναφανδόν  τω  νΰν  χαίρω  χηούττεσθαι  τουνομα  αύτοΰ,  δι'  εκείνου  αν  ερρε'Οη 

(1)  Cependant  toute  imperfection  accidentelle  n'est  pas  absente  du  groupement  des  mato- 
riaux  6vang61iques.  Ainsi  Ic  «  Siirgite,  eainus  hinc  »  qui  clot  le  chapitre  xiv,  ne  parait  pas 
etre  a  sa  place ;  il  est  difficile  d'imaginer  que  la  «  Priore  sacerdotale  «  ait  eto  prononcoe, 
non  au  Cenacic,  mais  dans  la  marche  au  mont  des  Oliviers  (voir  Lepin,  Val.  hist.,  ii,  p.  100). 
L'Evangolistc,  commc  le  Prophelc,  a  done  pu  quclqucfois  nogligcr  la  syslemalisalion  complete 
d'un  recit  ou  d'un  discours  eu  y  melant  des  trails  que  lui  rappelaient  les  associations  de 
ses  souvenirs,  sans  les  adapter  a  la  disposition  gcnorale  du  contexte• 


CCIV  INTRODUCTIOX. 

του  και  την   Άποκάλυψιν  Ιοιρακότος.  Ουδέ  γαρ  προ  πολλού  χρόνου  Ιωράθη,  άλλίι 
σχεδόν  επί  της  ημέτερα;  γενεάς  προς  τω  τέλει  της  Δομετιανου  άρχης.  ...  «  S'il 
eut  fallu  ouvertement  de  notre  temps  proclamer  son  nom  (de  TAntechrist),  ίΐ 
eiit  ete  dit  par  celui-la  meme  qui  a  vu  I'Apocalypse.  Car  il  ny  a  pas  si  long- 
temps  qu'elle  a  ete  vue,  mais  presque  en  notre  generation,  vers  la  fin  du  regne 
de  Domitien  ».  Le  traducteur  latin  a  rendu  le  mot  έωράθη  par  «.  visum  est  »,  au 
neutre,  et  non  par  visa  est,  feminin.  C'est  qu'il  rapporte  sans  doute  ce  verbe 
a  «  la  Bete  »  θηρίον  (1),  ce  que  permettait  a  la  rigueur  le  contexte.  L'affirmation 
n'en  perd  rien  de  sa  force.  11  est  vrai  que  quelques   auteurs,   notamment  le 
D'F.  H.  Chase,  evique  anglican  d'Ely,  veulent  faire  se  rapporter  Ιωράθη,  non 
pas  a  Fobjet  de  la  vision,  mais  a  Jean  lui-meme  :  Irenee  dirait  tout  simplement 
qu'on  a  pu  voir  Jean,  c'est-a-dire  que  Jean  a  vecu,  jusque  vers  la  fin  du  regne 
de  Domitien,  et  ainsi  n'affirmerait  rien  sur  la  date  de  FApocalypse  (2).  Et,  en 
effet  α  les  defenseurs  de  cette  idee  ont  fait  remarquer  que  I'expression  avoir  vu 
Jean,  dans  le  sens  de  avoir  connu  Jean,  est  familiere  a  Irenee  »  [Bovon).  Mais, 
comme  I'objet  de  Ιο^ρακότος  est  I'Apocalypse,  Irenee  aurait  ete  singulierement 
negligent  en  fait  de  style  s'il  avait  donne  un  autre  objet  au  meme  verbe  έωράθη, 
qui  n'en  est  separe  que  par  cinq  mots.  En  outre  —  et  ceci  est  decisif,  il  me 
semble,  —  Irenee,  s'il  avait  voulu  parler  seulement  de  la  mort  relativement 
recente  de  Jean,  n'aurait  pas  ecrit  qu'  «  il  a  ete  vu...  vers  la  fin  du  regne  de 
Domitien  »,  puisque  ailleurs  il  dit  expressement  qu'il  a  vecu  encore  plus  tard, 
jusque  sous  le  regne  de  Trajan  [Adv.  Haer.  ii,  22;  in,  3). 

Ainsi,  dapres  le  temoignage  le  plus  ancien,  lequel  est  de  toute  premiere 

valeur,  et  sans  ambiguite,  c'est  sous  Domitien  que  Jean  a  contemple  I'Apocalypse. 

Des  temoignages  plus  complets  se  produisent  au  iv^  siecle.  Victorin  de  Pettau, 

dans  son  commentaire,  dit  que  Jean  fut  condamne  par  Domitien  aux  mines, 

a  Patmos,  assertion  repetee  plus  tard  par  le  commentateur  Primasius.  Eusebe 

(H.  E.  Ill,  XX,  9),  parlant  de  I'abolition  des  actes  de  Domitien  sous  son  suc- 

cesseur  Nerva,  dit  que,  dapres  la  tradition,  c'est  alors  que  I'apotre  Jean  quitta 

File  pour  Ephese  :  Τότε  δή  oOv  καΐ  τον  άπόστολον  Ίωάννην  άπο  της  κατά  τήν  νησον  φυγής 

τήν  έπι  της  'Εφέσου  οιατοιβήν  άπειληφίναι  δ  των  παρ'  ήαΐν  άρχαίοίν  παραδίδωσι  λόγος.  Eusebe 

parle  avec  une  certaine  reserve  («  le  dire  des  anciens  de  chez  nous  »),  bien 

naturelle  a  qui  doutait  comme  lui  de  Fapostolicite  de  FApocalypse,  que  cette 

tradition  confirmait.  Mais  της  κατά  τήν  νησον  φυγής  signifie,  non  une  fuite  volontaire 

dans  une  ile  quelconque  (τήν  νησον  «  File  »,  Eusebe  evite  peut-etre  intentionnelle- 

ment  de  nommer  Patmos,  a  cause  de  I'Apocalypse,  sur  laquelle  il  n'entend  pas 

discuter  en  cetendroit),  mais  bien  d'un  exil  impose,  suivant  un  des  sens  courants 

de  φυγή;  car,  dans  la  Demonstration  Evangelique,  iii,  5,  le  meme  historien  rap- 

proche  ce  sejour  force  dans  une  ile  du  supplice  de  Pierre  et  de  Paul  :  και  Πε'τρος 

δέ  επι  'Ρόψγ^ς  κατά  κεφαλής  σταυροΰται,  Παΰλός   τε   άποτε'^ανεται,   Ιωάννης   τε  νήσω  παρα- 

δίδοται.  Et,  qui  plus  est,  dans  sa  Chronique,  il  place  le  bannissement  a  Patmos 

et  la  composition  de  FApocalypse  a  la  quatorzieme  annee  (94  ou  95)  de  Domitien. 


(1)  J.  Bovon,  VHypolhese  de  M.  Vischer  sur  I'origine  de  I'Apocalypse,  Revue  de  theologie 
et  de  philosophie,  Lausanne,  1887 ;  cite  par  Sanday  dans  redition  de  Hort. 

(2)  Chase,  The  date  of  the  Apocalypse;  the  evidence  of  Irenaeus,  the  Journal  of  theological 
studies,  p.  431,  Londres,  1907. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    ».    AUTEUR    UE    LAPOCALYPSE.  CCV 

Saint  Jerome  a  copie  ces  donnees  dans  le  De  Viris  illustribus,  9  :  persecution 
do  Domitien  en  sa  quatorzieme  annee,  relegation  dans  lile  de  Patmos,  com- 
position de  V Apocalypse,  rescision  des  actes  de  Domitien  par  le  Senat,  retour 
de  Jean  a  Ephese  sous  Nerva.  Le  grand  exegete  parle  encore  de  I'Apocalypse, 
avec  le  temps,  le  lieu,  et  I'exil  par  ordre  de  Domitien,  dans  son  P''livre  contre 
Jovinien,  ch.  26.  Le  temoignage  de  Sidpice-Severe,  Chron.,  ii,  31,  est  concor- 
dant. Puis  les  ecrivains  ecclesiastiques  suivent  Eusebe  et  Jerome. 

L'ensemble  de  la  tradition,  quant  au  lieu,  a  Foccasion  et  a  la  date,  parait  done 
solide.  Entre  Irenee  et  Eusebe,  I'exil  de  Jean  a  Patmos  est  confirme  par  Clement 
d'Alexandrie  et  Origene  (Clem.  Al.  Τίς  δ  σοιζοαενος  πλούσιος,  42;  Orig.  Comm. 
sur  Matthieu  xx,  22-seq.).  Le  premier  parle  du  depart  de  FApotre  pour  Ephese 
«  apres  la  mort  du  tyran  »  του  τυράννου  τελευτησαντος,  le  second  de  la  condamnation 
portee,  d'apres  la  tradition,  par  «  Fempereur  des  Romains  »,  δ  δέ  'Ρωμαίων 
βασιλεύς,  ως  ή  παράδοσις  διοάσκει,  κατεδίχασε.  Ni  Fun  ni  Fautre,  toutefois,  ne  nomme 
Domitien ;  mais,  d'apres  Clement,  qui  raconte  tout  de  suite  apres  la  touchante 
histoire  de  la  conversion  du  jeune  brigand  operee  par  Jean  dans  sa  vieillesse 
(τον  γε'ροντα),  il  semble  que  cet  exil  a  du  avoir  lieu  dans  les  dernieres  annees 
du  i^•"  siecle. 

Mais  au  souvenir  de  Fexil  se  mele  un  autre  recit  qui,  s'il  parait  d'abord  com- 
pleter la  tradition,  complique  en  realite  Fetat  du  probleme,  celui  du  martyre 
effectif  que  Jean  aurait  subi,  pour  y  echapper  d'ailleurs  miraculeusement.  Nous 
n'avons  pas  a  en  apprecier  ici  la  valeur  historique,  mais  seulement  a  voir  en  quel 
rapport  il  se  trouve  avec  la  tradition  de  Fexil  a  Patmos,  sous  Domitien.  Tertullien 
[De  Praescriptione  Haereticorum,  36)  en  fait  mention  le  premier  :  «  Ista  quam 
felix  ecclesia  (scil.  romana)...  ubi  Petrus  passioni  dominicae  adaequatur,  ubi 
Paulus  Johannis  exitu  coronatur,  uhi  Apostolus  Johannes^  posteaquam  in 
oleum  igneum  demersus  nihil  passus  est,  in  insulam  relegatiw  I  »  Tertullien 
place  bien  la  scene  a  Piome,  et  semble  en  indiquer  la  relegation  dans  une  ile 
comme  une  consequence ;  il  ne  dit  pas  sous  quel  empereur,  et  le  rapprochement 
avec  les  martyrs  de  Pierre  et  de  Paul  pourrait  porter  a  croire  que  le  tout  aurait 
eu  lieu  sous  Neron  (1).  S.  Jerome,  dans  le  passage  indique  de  I  Adv.  Jov.  a  un 
texte  dont  la  lecture  est  douteuse,  mais  ού  la  plupart  des  manuscrits  mention- 
nent  Neron  :  «  Refert  autem  Tertullianus  quod  Romae  (ailleurs  a  Nerone)  mis- 
sus in  ferventis  olei  dolium  purior  et  vegetior  exiverit  quam  intraverit  »  (2).  Plus 
tard,  la  version  syriaque  de  I'Apocalypse  editee  par  de  Dieu  s'intitulera  :  «  Revo- 
lation  qui  a  ete  faite  a  Jean  FEvangeliste  par  Dieu  dans  File  de  Patmos,  dans 
laquelle  il  fat  j ete  par  Neron  Cesar  ».  Les  «  Actes  de  Jean  »  (ii•^  si6cle)  pla- 
gaient  deja  le  sejour  a  Ephese,  etFexil,  au  temps  de  Neron  (3) ;  le  Canon  de  Mura- 
iorilui-meme  en  nommant  Jean  «  le  predecesseur  de  Paul  »  (1.  47),  semble  bien 
le  designer  ainsi  a  titre  d'auteur  de  sept  lettres•,.  ce  qui  ferait  allusion  aux  chapi- 
tres  II  et  in  de  I'Apocalypse  :  «  Cum  ipse  beatus  apostulus  Paulus  sequens  pro- 
decessuris  suis  Johannis  ordine  non  nisi  domenati  semptx  eccleses  scribat  ».  11 

(1)  Abdias  (vr  siecle.  aucune  autorite)  altribue  les  fails  au  proconsul  d'Ephese. 

(2)  .lorome  parle  encore  de  ce  martyre  dans  son  comm.  sur  Matthieu,  xx,  23. 

(3)  Le  recit  du  martyre  se  trouvait-il  originaiiement  dans  ces  «  Actes  »?  Alors  il  faudrait 
supposer  une  lacunedans  le  ch.  118,  οϊι  il  aurait  du  etre  mentionnc  (Voir  Hennecke.  Neutes- 
lameniliclie  Apokryphen,  p.  Ί29). 


CCVI  INTRODUCTION, 

faut  done  croire  qu'une  tradition  secondaire,  melee  du  reste  a  des  legendes, 
plagait  les  visions  deFApocalypse,  non  sous  Domitien,  mais  sous  Neron.  Jean  las 
eut  redigees  au  plus  tard,  en  ce  cas,  pendant  I'lnterregne  ou  sous  Vespasien. 

Enfin  S.  Epiphaiie  a  une  assertion  etonnante.  D'apres  lui,  TApocalypse  aurait 
ete  ecrite  sous  Tempereur  Claude  —  mort  en  54,  avant  que  Paul  eut  evangelise 
Ephese!  Dans  son  ouvrage  contre  les  heresies  (li,  12  et  33),  il  avance  que  Jean 
revint  de  Patmos  sous  Claude  Cesar,  et,  un  certain  nombre  d'annees  (κατά  ετνι) 
plus  tard,  fut  contraint  par  I'Esprit  de  composer  I'Evangile,  a  Tage  de  90  ans; 
plus  loin,  il  parle  de  I'Apocalypse  comme  d'une  prophetie  sortie  de  la  bouche  de 
Jean  προ  χοσιχησεως  αυτοΰ,  avant  sa  mort,  TApotre  ayant  prophetise  aux  temps  de 
Claude  Cesar,  et  deja  auparavant,  quand  il  etaitdans  Tile  de  Patmos.  Que  peu- 
vent  vouloir  dire  ces  textes?  Est-ce  pure  confusion  ou  distraction^  de  I'erudit 
embrouille  qu'etait  Epiphane?  Aurait-il  pense  que  Claude  regnait  a  la  fin  de  la 
vie  de  Jean,  qui  a  depasse  les  quatre-vingt-dix  ans  ?  Υ  a-t-il  eu  corruption  du 
texte?  L'ecrivain  a-t-il  appele  Neron  [Nero  Claudius  Caesar)  du  nom  de  Clau- 
dius Cesar?  En  tout  cas  ces  assertions,  dont  la  deuxieme  parait  d'ailleurs  contre- 
dire  la  premiere,  ne  meritent  pas  la  discussion.  Claude  n'a  jamais  eu  affaire  a 
Jean,  a  moins  qu'on  ne  suppose  —  tres  gratuitement —  que  I'Apotre,  se  trouvant 
a  Rome  vers  Tan  50,  en  eut  ete  expulse  avec  les  Juifs  [Act.  xviii,  2);  ou  encore 
que  Jean  ayant  ete  martyrise  par  Herode  Agrippa  avec  son  frere  Jacques,  sous 
Claude,  vers  43,  le  souvenir  confus  de  cet  evenement  se  fut  combine  avec  I'autre 
tradition,  celle  de  son  exil.  Mais  cette  hypothese,  nous  I'avons  dit,  est  artificielle, 
pour  ne  pas  dire  absurde,  et  va  contre  tout  ce  qui  a  ete  le  mieux  etabli  par  la 
contro verse  johannique  (1). 

En  fin  de  compte,  il  faut  choisir  pour  I'exil  a  Patmos  entre  I'epoque  de  Neron 
et  celle  de  Domitien  (2).  Le  texte  formel  d'Irenee,  et  I'autorite  d'Eusebe 
et  de  saint  Jerome,  temoins  critiques  des  plus  anciennes  traditions,  font  certaine- 
ment  pencher  la  balance  du  cote  du  second.  De  plus,  il  n'est  pas  tres  sur  que 
Tertullien  ait  voulu  mettre  en  relation  chronologique  etroite  le  martyre  a  la  Porte 
Latine  et  le  bannissementdans  une  ile;  ces  deux  faits,  a  I'origine,  pouvaient  etre 
regardes  comme  independants  et  assignes  a  differentes  epoques.  La  critique 
interne  decidera  peut-etre  :  voyons  quel  temps  convient  le  mieux  aux  conditions 
historiques  indiquees  par  I'Apocalypse  elle-meme. 


(1)  Cette  date  de  Claude  se  retrouve  chez  les  commentateurs  Apringius  (vr  siecle),  ZUllig 
(1834-1840) ;  —  Grotius  I'admettait  seulement  pour  une  partie  des  propheties,  censoes  relatives 
aux  Juifs. 

(2)  II  y  a  eu  encore  quelques  opinions  aberrantes  chez  les  anciens.  Ainsi  Dorothoe  (?)  Syno- 
psis de  vita  et  morte  prophetarum  (iii'  siecle)  prefere  le  temps  de  Trajan  a  celui  de  Domitien; 
Theophylacte  plsLce  I'exil  a  Patmos,  successivement,  au  temps  de  Trajan  et  au  temps  de  ΝέΓοη. 
(Jacquier).  —  Parmi  les  modernes  qui  acceptent  I'unito  de  I'Apocalypse,  Linder,  seul,  croit 
le  livre  compost  sous  Claude,  ou  peut-6tre  avant;  Baiw,  Ililgenfeld,  Beyschlag,  Lucke 
Lightfoot,  Westcott,  Hort,  et  d'autres,  le  reculent  vers  I'age  de  Neron  ou  aux  premieres 
ann^es  de  Vespasien,  quelques-uns,  comme  Hort,  sans  beaucoup  d'assurance;  Reuss  et  Renan 
le  mettent  sous  Galba;  Z)Msie7'diec/i^  B,  Weiss,  H.  J.  HoUzmann,  sous  Vespasien;  Swete  ei 
Milligan,  ainsi  que  les  catlioliques  generalement,  sous  Domitien.  Harnack  Ghronol.  i,  p.  245 
Bousset  et  Jitiic/ie?•  defendent  aussi  cette  date,  mais  pour  des  raisons  qui  ne  sont  pas  toutes 
egalement  convaincantes.  —  Quant  aux  autres  critiques  qui  y  voient  un  ecrit  composite,,  nous 
avons  expose  ieurs  opinions  au  chapitre  xi. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAX    »,    AUTEUR    DE    l'aPOCALYPSE.  CCVII 

11  faut  considerer  avant  tout  ce  que  nous  apprennent  les  Sept  Lettres,  car  elles 
font  corps  avecle  reste  du  livre;  les  parties  prophetiques  n'ont  certainement  pas 
ete  publiees  anterieurement,  et,  meme  au  cas  tres  douteux  ού  elles  se  seraient 
inspirees  de  visions  plus  anciennes,  le  commentaire   etablira  qu'elles   auraient 
alors  6te  ramenees  aux  perspectives  de  Patmos.  Or,  lorsque  Jean    ecrivit  les 
Lettres,  certaines  conditions  sont  faciles  a  constater.  Le  peril  judaisant  etait  deja 
oublie,  puisqu'il  n'y  est  pas  fait  une  seule  allusion,  et  les  Juifs  n'etaient  plus  que 
des  ennemis  du  dehors,  comme  les  paiens.  Ceux-ci  avaient  certainement  deja 
commence  leurs  persecutions  sanglantes,  au  moins  a  Pergame  (martyre  ^'Anti- 
pas);  et  le  cinquieme  sceau  du  chapitre  vi,  ainsi  que  la  description  de  Rome, 
i{>re  du  sang  des  martyrs  (xvii,  6),  montre  qu'il  y  avait  eu  beaucoup  de  morts 
violentes,  sans  determiner  si  I'Asie  aussi   en  avait  ete  le    theatre.  Plusieurs 
eglises,  Laodicee,  Sardes,  se  sont  rel^chees  de  leur  ferveur  primitive,  pour  des 
raisons  interieures,  semble-t-il,  plutot  encore  qu'en  raison  de  menaces  du  dehors ; 
attendu  que  les  Lettres,  si  elles  supposent  des  vexations  actuelles  de  la  part  des 
Juifs  et  des  paiens,  n'indiquent  pas  que  les  Chretiens,  d'une  fagon  legale  et  gene- 
rale,  soient  deja  mis  en  demeure  de  renoncer  a  leur  foi,  quoique  ce  soit  bien  1Έ- 
vangile  (la  parole  de  Dieu  et  le  temoignage  de  Jesus)  qui  ait  ete  cause  de  I'exil  du 
Prophete.  Celui-ci  prevoit  seulement  que  des  accusations  juridiques  sont  immi- 
nentesa  Smyrne  (ii,  10),  etqu'une  grande  tentation  (πειρασμός,  in,  10)  va  fondresur 
le  monde  entier.Jl  est  facile,  par  la  comparaison  avec  le  chapitre  xiii,  de  deter- 
miner le  caractere  principal  de  ce  πειρασμός,  de  cette  θλίψις  :  ce  sera  le  comman- 
dement  d'adorer  la  Bete,  c'est-a-dire  que  la  generalisation   du  culte  imperial 
apparait  comme  un  danger  effroyable  a  I'horizon  prophetique ;  mais  rien  n'in- 
dique  qu'il  ait  deja  fondu  sur  les  iideles.  En  resume,  il  y  a  eu  deja  une  persecution 
sanglante  et  terrible,  en  Asie  ou  ailleurs  ;  elle  a  cesse  ou  s'est  adoucie,  au  point 
que  les  Eglises  n'y  pensent  plus  assez,  mais  elle  reprendra  plus  grave  que  jamais, 
et  n'cpargnera  pas  les  Asiatiques  :  la  Bete  qui  etait,  n'estplus,  mais  doit  remon- 
ter  de  I'Abime  (xvii,  8;  cfr.  11)  pour  avoir  sa  Parousie  (παρεσται).  Enfin  I'auteur 
semble  s'etre  servi,  pour  son  symbolisme,  de  la  croyance  populaire  au  retour  de 
Neron  (xiii  et  xvii).  Un  dernier  trait  a  rappeler  :  il  connait  a  fond  I'etat  materiel 
et  moral  des  cites  d'Asie,  et  fait  des  allusions  a  leur  histoire  :  pourtant  il  n'en  a 
pas  une  au  fameux  tremblement  de  terre  qui  detruisit  Laodicee  en  Pan  60  (Tacite). 
Les  auteurs  qui  tiennent  pour  une  date    de  composition  anterieure  k  70  font 
valoir  comme  arguments  le  calcul  des  tetes  de  la  Bete  (xvii),  le  chiffre  de  son 
nom  (xiii,  IS),  la  vive  preoccupation  du  retour  de  Neron,  qui  ferait  supposer 
que  sa  chute  est  recente,  le  chapitre  xi  qui  indiquerait  que  le  Temple  de  Jerusa- 
lem subsiste  encore;  mais  leurs  interpretations,  ou  sont  trop  exclusives  et  «  zeit- 
geschichtlich  »,  ou  ne  tiennent  pas  assez  compte  du  caractere  symbolique  de  tout 
cela.  On  pourrait  aussi  faire  valoir  plusieurs  de  ces  traits  en  sens  contraire,  et 
on  I'a  fait.  Nous  n'insisterons  pas  sur  ces  points-la  dans  notre  enquete ;  Hort, 
qui  penche  personnellement  vers  la  date  la  plus  ancienne,  garde  au  moins  une 
reserve  que  ne  connait  pas  I'imagination  subjectiviste  des  critiques  germaniques 
et  de  leurs  imitateurs,  et  concede  que  tous  ces  passages  n'ont  pas  une  valeur 
bien  determinante  dans  la  question  debattue.  II  faut  en  effet  les  interpreter  par 
ce  qui  est  plus  clair,  notamment  par  les  Lettres;  c'est  ce  que  nous  ferons. 
Quel  temps,  d'apres  I'histoire  generale,  convient  done  le  mieux  aux  condi- 


CCVIII  IXTRODUCTIOX. 

tions  historiques  enoncees?  Est-ce  celui  qui  va  des  dernieres  annees  de  Neron 
aux  premieres  de  Vespasien,  de  64  a  70,  ou  bien  la  fin  de  la  dynastie  flavienne, 
a  partir  de  la  quatorzieme  annee  de  Domitien  (94-96)  ? 

La  persecution  neronienne  qui  se  dechaina  a  Rome,  en  64,  comme  un  ouragan, 
est  assez  connue.  Elle  fit  beaucoup  de  victimes,  et  ne  cessa  pas  completement 
avant  la  mort  de  I'empereur,  puisque  Pierre  et  Paul,  suivant  la  tradition,  subi- 
rent  le  martyre  en  Pan  67  (1).  Mais  on  ne  peut  savoir  avec  certitude,  faute  de 
documents,  si  elle  s'etendit  en  dehors  de  Rome,  et  gagna  les  provinces.  Paul 
Allard  (2)  le  croit,  s'appuyant  sur  ce  que  les  Chretiens,  d'apres  Suetone,  Nero,  16, 
etaient  consideres  comme  des  hommes  «  d'une  superstition  nouvelle  et  malfai- 
sante  »,  ce  qui  rendait  naturel  de  les  poursuivre  partout;  de  plus,  la  l'^  epitre 
de  Pierre,  envoyee  de  Rome  vers  cette  epoque  aux  Chretiens  d'Asie,  montre 
que  ceux-ci  egalement  etaient  deja  persecutes  pour  leur  nom.  Nous  ne  croyons 
pas  que  cette  induction  s'impose;  le  chef  des  Apotres,  selon  nous,  pressentant 
tres  justement,  au  spectacle  de  la  haine  du  peuple,  que  des  violences  allaient 
bientot  eclater  a  Rome  (καιρός  του  άρςασΟαι  το  κρίμα  άπο  του  οίκου  του  θεοΰ,  Ι  Pet.  IV, 
17),  voulut  seulement  mettre  en  garde  ses  lointains  lecteurs  contre  un  pareil 
sort;  du  moins  on  ne  peut  du  texte  conclure  davantage.  Mais  I'exemple  de 
Rome,  le  renom  qu'avaient  les  fideles  d'etre  «  ennemis  du  genre  humain  »  et 
adonnes  a  une  «  superstition  malfaisante  »  {Tacite  et  Suetone),  rendent  fort 
vraisemblable  que,  dans  les  provinces  aussi,  leur  sort  s'aggraya  depuis  Neron, 
et  que  les  autorites  ou  la  populace  firent  au  moins  qaelques  martyrs  isoles. 
Tertullien,  Adv.  Nationes,  i,  7,  dit  que  «  permansit,  erasis  omnibus,  hoc  solum 
institutum  neronianum  »,  Mais,  en  somme^  on  est  reduit  aux  conjectures. 

Apres  une  periode  de  tranquillite  relative,  il  est  certain  que  la  persecution 
reprit  a  Rome,  sous  Domitien  [portio  Neronis  de  crudelitate,  Tertullien).  Mais 
nous  savons  peu  de  chose  sur  ses  vraies  causes,  et  surtout  sur  son  extension. 
Meliton  (Eus.  H.E.  iv,  26,  9),  Tertullien  (Apol.  5),  Lactance  (De  morte 
persec,  3],  Eusebe  (H.E,  in,  18)  Sulpice-Severe  (Chronique,  ii,  31)  et  Orose 
(vii,  10]  rangent  Domitien  parmi  les  persecuteurs.  D'ailleurs  nous  avons  la 
lettre  de  Clement  de  Rome  (96  ,  qui,  au  chap.  1",  parle  «  des  malheurs,  des 
catastrophes  qui  nous  sont  survenus  a  I'improviste  et  Pun  sur  Pautre  »,  ce  qui 
est  une  allusion  assez  claire.  Dio?i  Cassius  (Xiphilin,  lxvii,  14),  confirme  par 
Suetone,  a  relate  la  mort  des  consulaires  Flavins'  Clemens  et  Acilius  Glabrio, 
lesquels  etaient  accuses  d'atheisme  (άθεότης),  et  de  «  vivre  a  la  juive  »,  le  second 
d'etre  un  «  molitor  novarum  rerum  »  [Suetone,  Domitien,  15).  Dion  Cassius 
(lxviii,  1)  nous  apprend  encore  que  Nerva  fit  cesser  les  poursuites  contre 
ceux  qui  etaient  accuses  a'impiete  (άσεβεία),  rappeler  les  bannis,  et  qu'il  defendit 
aux  esclaves  et  aux  affranchis  d'accuser  personne  «  d'impiete  ou  de  vie  a  la 
juive  ».  Ces  deux  termes  d'  «  atheisme  et  d'impiete  »,  rapproches  egalement  de 
Paccusation  de  judaiser,  doivent  s'equivaloir.  Mais,  comme  la  religion  juive,  en 

(1)  Si  toutefois  le  martyre  des  deux  grands  apotres  eut  lieu  la  meme  annoe,  ce  qui  n'est  pas 
I'avis  de  W'  Duchesne  ni  de  plusieurs  autres. 

(2)  Voir  Paul  Allard,  le  Christianisme  et  I'empire  remain  de  Neron  a  Theodose.  p.  18-sv, 
8•  edit.,  1908.  D'autres  historiens  encore,  Ms'  Baliffol  par  exemple,  sont  convaincus  que  la 
religion  chretienne  a  eto  prohibee  d6ja  comrae  telle  sous  Noron,  des  qu'elle  fut  nettement 
distinguee  du  judaisrae. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    UE    l'aPOCALYPSE.  CCIX 

soi,  n'etait  pas  consideree  comme  un  atheisme  et  qu'il  est  certain,  par  ailleurs, 
que  la  famille  de  Flavius  Clemens  (les  deux  Domitilla),  et  aussi  des  membres 
de  la  gens  Acilia  (puisqu'ils  donnerent  aux  chretiens  une  catacombe),  etaient 
alors  Chretiens,  «  moeurs  juives  »  ne  peut  signifier  ici  pour  ces  personnages 
que  «  christianisme  ».  D'apres  Dion  Cassius,  beaucoup  d'autres  que  ces 
illustres  patriciens  furent  punis  pour  le  meme  crime  (lxvii,  4  .  Eusebe 
dans  sa  Chronique,  ad  annum  Ahrahami  2110,  affirme,  d'apres  un  certain 
chronographe  paien,  Bruttius,  que  beaucoup  de  chretiens  souffrirent  pour  leur 
foi  en  la  quinzieme  annee  de  Domitien  (95-96).  On  ne  peut  done  aflirmer  que 
la  persecution  se  borna  a  Taristocratie  chretienne,  ni  a  la  ville  de  Rome.  Tou- 
tefois,  on  n'a  pas  de  preuves,  en  dehors  de  I'Apocalypse  elle-raome,  qu'elle  ait 
sevi  jusqu'en  Asie  Mineure;  et  il  ne  faut  pas  invoquer  a  cet  effet  le  temoignage 
du  chapitre  xiii,  car  la  mise  hors  la  loi  des  fideles  qui  refuseront  d'adorer  la 
Bete,  c'est-a-dire  de  pratiquer  le  culte  imperial,  se  rapporte  a  Tavenir  plus 
qu'au  present  (1).  11  faut  pourtant  se  rappeler  que  Domitien  a  fait  des  efforts 
pour  etre  reconnu  dieu  de  son  vivant,  et  se  fit  appeler  par  sa  chancellerie 
«  dominus  etdeus  noster  »;  dans  I'Asie  servile,  ces  efforts  auraient  pu  avoir  un 
succes  particulier,  et  eveiller  ainsi  les  vues  prophetiques  de  saint  Jean,  qui  n'en 
demeuraient  pas  moins  prophetiques. 

C'est  bien  la  un  argument  d'un  certain  poids  en  faveur  de  Tepoque  de  Domi- 
tien. De  mime,  s'il  s'est  montre  un  faux  Neron  des  I'an  69,  ce  n'est  qu'une 
vingtaine  d'annees  plus  tard,  a  partir  de  Tan  88  et  presque  sous  Trajan,  que 
I'imagination  populaire  s'est  preoccupee  vivement  de  son  retour  d'au  dela  de 
I'Euphrate,  a  la  tite  de  I'armee  des  Parthes  (v.  Comment,  au  chap,  xvn);  il  est 
peu  probable  qu'aux  debuts  de  Vespasien  la  legende  eut  deja  pris  cette  forme  et 
cette  consistance.  En  outre,  la  mention  du  Temple  au  chap,  xi  n'indique  pas 
que  Jerusalem  fut  encore  debout,  car  c'est  un  temple  ideal,  image  de  I'Eglise, 
et  la  «  &"  tete  »  de  xvn,  5,  cet  empereur  contemporain,  ne  devrait  etre  Ves- 
pasien que  si  Ton  ajoute  foi  au  calcul  penible  qui  compte  les  tetes  a  partir  d'Au- 
guste,  tandis  qu'il  est  bien  plus  en  situation  de  faire  coincider  la  montee  de  la 
B6te  a  sept  tetes  avec  le  commencement  des  persecutions  romaines  (v.  Com- 
mentaire).  Mais  il  y  a  des  arguments  plus  ddcisifs  a  mon  avis  : 

1°  Tout  d'abord,  la  situation  indiquee  par  les  lettres  (rapprochoes  du 
5"  sceau,  etc.  voir  ci-dessus),  s'accorde  mieux  avec  la  fin  de  la  dynastie  fla- 
vienne.  Elles  supposent  le  souvenir,  non  Tactualite,  d'une  persecution  tres 
sanglante,  suivie  d'un  apaisement  relatif,  que  de  nouvelles  menaces  viennent 
troubler,  menaces  qui  font  presager  a  un  prophete  de  Dieu  le  terrible  danger 
du  culte  imperial.  La  persecution,  qui  n'a  peut-etre  jamais  entierement  cesse, 
a  deja  un  reveil  puisque,Jean  a  ete  exile  a  Patmos,  et  que  bientot  des  Smyr- 
niotes  seront  incarccres;  cependant  elle  ne  parait  encore  ni  tres  systematique, 
ni  tres  sanglante,  au  moins  en  Asie.  —  Or,  la  seconde  persecution,  sur  laquelle 
on  a  si  peu  de  documents,  semble  avoir  eu  ce  caractere-la,  tout  en  precisant  les 

(1)  Unc  tradition*  dit  ψχΆηϋραε,  martyre  do  Pergame  (Ap.  ii,  13),  etait  evoque  de  cette 
ville,  et  fut  briilo  dans  un  taureau  d'airain,  sous  Domitien  (Motaphraste:  Bollandistes 
11  avril;  Andro  de  Gosaree  dit  avoir  hi  ses  actes;  TertuUien  Scorpiace,  12,  repete  tout  sira- 
plemenl  les  mots  de  I'Apocalypse).  ο 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  ji 


CCX  INTRODUCTION. 

griefs  religieux  souleves  contre  les  Chretiens  mieux  qu'au  t.eraps  de  Neron,  at 
en  faisant  naitre  de  plus  sombres  perspectives  encore,  en  raison  de  I'ambition 
divine  affichee  deja  par  I'empereur. 

2°  Certains  traits  relatifs  a  I'histoire  locale  portent  a.  conclure  dans  le  ιηέπιβ 
sens.  Nous  ne  faisons  pas  grand  fond  sur  I'article  de  Salomon  Reinach  (1)  qui 
decouvre  un  rapport  explicite  entre  le  3''  Cavalier  du  chapitre  vi  ct  le  decret 
de  Domitien  a  propos  de  la  mevente  des  vins  en  I'an  93.  Mais,  si  I'Apo- 
calypse  avait  ete  ecrite  quelques  annees  seulement  apres  Tan  60,  saint  Jean, 
dans  sa  lettre  menagante  a  Laodicee,  n'eut  sans  doute  pas  manque  de  faire  allu- 
sion au  tremblement  de  terre  qui  renversa  la  ville  a  cette  date;  il  avait  du 
s'ecouler  assez  de  temps  pour  que  les  insouciants  Laodiceens  eussent  oublie  la 
catastrophe. 

30  Enfin,  nous  concedons  bien  que  les  sept  eglises  d'Asie  pouvaient  exister 
toutes  vers  la  fin  du  regne  de  Neron.  Quand  Paul  avait  evangelise  Ephese  pen- 
dant trois  ans,  le  christianisme  s'etait  ropandu  dans  toute  la  province  [Act.  xix,  10, 
et  Epitre  aux  Colossiens).  Mais  les  Lettres  montrent  que  ces  eglises  ont  un 
assez  long  passe  derriere  elles  pour  que  la  charite  et  la  foi  y  aient  perdu  de  leur 
premiere  fraicheur,  et  beaucoup  plus,  semble-t-il,  qu'au  temps  des  Epitres  de 
la  captivite  et  des  Pastorales.  Saint  Jean  connait  a  fond  ces  eglises;  il  a  done  du 
les  frequenter  un  certain  nombre  d'annees.  Or,  quand  Jean  a-t-il  pu  commencer 
son  ministere  a  Ephese?  Ce  n'est  pas  avant  67;  jusque-la  Paul,  puis  Timothee, 
avaient  ete  les  apotres  et  les  chefs  religieux  de  I'Asie,  et  on  n'admettra  guere 
qu'un  des  Douze  ait  travaille  a  cote  d'eux,  sans  que  les  Actes  en  fassent  men- 
tion. Saint  Jean  n'a  pu  s'etablir  en  Asie  qu'apres  la  mort  de  I'Apotre  des  gentils. 
Comme,  dans  ses  Lettres,.  il  se  montre  tres  familiarise  avec  I'esprit  et  Thistoire 
de  chaque  ville,  on  concedera  bien  qu'il  lui  avait  fallu  pour  cela  un  certain 
nombre  d'annees  d'experience;  et  cela  nous  eloigne  assez  du  temps  de  la 
mort  de  saint  Paul,  qui  preceda  d'assez  peu  celle  de  Neron. 

Ainsi  nous  croyons  que  le  critique  interne  corrobore  le  temoignage  d'Irenee, 
et  la  tradition  commune;  que,  par  consequent,  I'exil  a  Patmos  et  la  compo- 
sition de  VApocalypse  ont  eu  lieu  au  cours  des  deux  dernieres  annees  de 
Domitien. 


S'il  en  est  ainsi,  le  probleme  de  la  distance  qui  separc  I'Apocalypse  de 
I'Evangile,  au  point  de  vue  grecite,  devient  vraiment  ardu.  Car  on  ne  saurait 
mettre  au  maximum  qu'une  dizaine  d'annees  entre  les  deux  ecrits.  II  faut 
renoncer  a  I'hypothese  d'un  long  intervalle  qui  eut  permis  a  I'auteur,  entre 
deux  epoques  de  sa  vie,  de  perfectionner  sa  connaissance  du  grec;  c'etait  la 
solution,  helas!  la  plus  commode.  Mais  si  saint  Jean,  en  95,  ne  savait  pas 
encore  bien  manier  cette  langue  apres  un  sejour  deja  long  dans  des  villes  ou  on 
ne  parlait  qu'elle,  ce  n'est  pas  en  quelques  annees  de  plus,  a  son  Age,  qu'il  pou- 
vait  perfectionner  beaucoup  ses  connaissances  linguistiques.  Ceux-la  ne  me 
contrediront  pas  qui  connaissent  les  milieux  bilingues  ou  polygl^ttes. 

(1)  Revue  uvcheologique^  1901,  nov.-d^c,  et  Ciiltes,  Mylhes  el  Religions,  11,  pp.  356-380. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    « ,    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE.  CGXI 

Mais  d'autres  solutions  demeurent.  Nous  pouvons  en  imaginer  deux. 
L'une  est  que  saint  Jean  n'aurait  pas  su  beaucoup  mieux  la  grammaire 
grecque  quand  il  composa  I'Evangile  et  les  Epitres  qu'au  temps  ou  11  ecrivit 
I'Apocalypse.  Seulement,  vivant  tranquille  a  Ephese,  il  y  aurait  trouve  le  secre- 
taire, qui  lui  manquait  a  Patmos,  dont  le  calame  eut  corrige  les  principales 
incorrections  sortant  de  la  bouche  du  maitre  qui  faisait  la  dictee.  Ainsi  la 
Ρ  Petri  a  ete  ecrite  elegamment  par  Sylvanus.  Gette  solution  n'a  rien  d'artificiel 
^tant  donne  les  usages  de  lepoque.  Plusieurs  auteurs  I'indiquent  aujourd'hui 
comme  une  possibility.  Ainsi  Swete  (pp.  clxxxiii-clxxxiv).  «  Early  tradition 
clxxxiii-clxxxiv.  explicitly  states  that  the  Gospel  was  written  from  dictation,  and 
underwent  some  kind  of  revision  at  the  hands  of  those  Λvho  received  it  »,  et  il 
cite  le  prologue  du  Codex  toletanus  et  un  anonyme  grec  de  la  Catena  de 
Corderius  qui  nommenttous  deuxPapias  lui-meme  comme  ce  secretaire.  Moulton 
croirait  pour  sa  part  a  la  dualite  d'auteurs;  pourtant  il  pose  cette  alternative, 
au  cas   ou    I'auteur   serait  unique  :    «  Ou  bien  il  nous   faudra  accepter  pour 

I'Apocalypse  la  date  la  plus   ancienne ,    ou    bien   admettre    que  quelqu'un 

(mettons  I'auteur  de  Joh.  xxi,  24)  a  corrige  pour  lui  sa  grammaire  tout  le  long 
de  I'Evangile.  »  (Introd.  a  la  langue  du  Nouveau  Testament,  c.  l•^""  Apocalypse, 
note).  Jacquier  (H  L  Ν  T.  iv,  p.  18)  :  «  Peut-etre  les  deux  ecrits  n'ont  pas  ete 
rediges  par  le  meme  secretaire,  auquel  il  faudrait  attribuer  une  certaine 
influence  dans  la  facture  du  style.  »  Radennacher  (Neutestamentliche  Gram- 
matik  183  A  1,  cite  avec  faveur  par  Meinertz  (Einl.,  p.  457,  note  i,  1913)  :  La 
superiorite  de  TEvangile  pourrait  «  durch  eine  literarische  Beihilfe  erklart 
werden  »,  «  s'expliquer  par  une  aide  litteraire  ». 

Une•  autre  conjecture  est  celle-ci  :  Saint  Jean,  quoique  pensant  en  arameen, 
aurait  ete  capable  depuis  de  longues  annees  d'ecrire  en  assez  bon  grec  (bien 
qu  «  illettre  »  άγράααατος,  Act.  IV,  31,  il  pouvait  avoir  acquis  quelque  connais- 
sance  de  cette  langue,  des  sa  jeunesse,  en  Galilee,  et  I'avoir  developpee  plus 
tard);  mais  il  ne  parlait  spontanement  qu'un  grec  populaire,  mele  de  semi- 
tismes,  et,  pour  rendre  litteraire  son  elocution,  il  lui  eut  fallu  de  la  reflexion 
et  des  loisirs.  II  les  trouva  a  Ephese  pour  copiposer  I'Evangile;  il  ne  les  avait 
point  a  Patmos,  d'ou  il  dut  envoyer  aux  eglises  d'Asie  un  ecrit  redio-e  a  la 
hate,  a  peine  relu,  imparfait  pour  la  composition  comme  pour  la  langue,  et 
que,  n'ayant  pas  Γ  amour-propre  d'un  homme  de  lettres,  il  n'a  pas  juge  neces- 
saire  de  corriger  plus  tard. 

Quel  pouvait  etre,  en  effet,  le  genre  d'existence  que  lui  faisait  son  «  exil  »  ? 
Dans  quelles  conditions  lui  etait-il  permis  de  travailler?  Les  idees  de  Ramsay  (1) 
sur  ce  point-la  paraissent  fort  plausibles;  nous  n'avons  qu'a  nous  en  inspirer  (2). 

Patmos  a  bien  pu  servir  de  lieu  d'exil,  ainsi  que  d'autres  iles  de  la  mer  Egoe. 
La  p^nalit^  romaine  de  la  dcportatio  in  insalain  avait  ete  frequemment  appli- 
quee   sous   Domitien   a    des  Chretiens   :    ainsi   aux  deux  Domitillcs,   —  et  a 

(1)  Λν.  Ramsay,  The  I.eUers  to  the  Seven  Churches,  1909,  c.  vrir;  I'auteur  s'appnie  lui-mgmc 
sur  MOMMSEN,  Riimisches  Strafrecht,  1899. 

(2)  Rapprocher  lavis  du  grammairien  A.  T.  Robertson,  cilo  R.  B.  1915,  p.  589  :  «  L'Apoca- 
lypse  a  έΐό  composoe  a  Patmos  sous  I'influenco  d'unc  certaine  excitation,  et  peut-otre  aussi 
u'a-t-elle  pas  616  revisoe  avec  soin,  lundis  que  I'ovangilc  et  la  premiere  epilre  onl  probable- 
ment  recu  les  soins  et  I'assistance  d'amis  cullives  ». 


rrxii  INTRODUCTIOX. 


d'autres  fideles  encore,  d'apres  notre  interpretation  du  texte  de  Dion  Cassius). 
Elle  n'entrainait  point,  par  ailleurs,  de  contraintes  personnelles  trop  dures. 
Mais  cet  exil  pur  et  simple,  avec  confiscation  des  biens,  otait  reserve  a  des 
personnages  de  marque,  tels  que  ces  parents  de  lempereur,  des  patriciens,  des 
citoyens  notables ;  Paul,  a  la  rigueur,  aurait  pu  etre  condamne  a  une  penalite  de 
ce  genre,  mais  saint  Jean,  auxyeux  des  autorites,  netaitqu'un  Juif  obscur.  Or,  la 
deportation  des  «  humiliores  »  avait,  dans  le  droit  penal  romain,  un  caractere 
beaucoup  plus  rigoureux.  Cetaient  les  travaux  forces,  notamment  dans  les  car- 
ri^res  et  les  districts  miniers,  ou  tant  de  chretiens  furent  enfermes  au  cours  des 
persecutions  ulterieures;  ils  entrainaient  la  flagellation  prealable,  les  chaines,  le 
logement  dans  une  prison  commune,  la  surveillance  de  gardes-chiourme  pendant 
le  travail.  II  est  vrai  qu'il  n'y  avait  pas  de  mines  a  Patmos,  et  que  Ton  ne  sait 
pas  si  Ton  y  envoyait  des  forgats  pour  y  exploiter  par  exemple  des  carrieres. 
Cependant,  croyons-nous,  Taflirmation  de  Victorin  et  de  Primasius,  que  Jean 
etait  condamne  ad  metalla,  peut  etre  Techo  deforme  d'une  tradition  vraie. 
11  γ  avait,  dit  Ramsay,  bien  des  formes  de  hai^d  labour  parmi  les  penalites 
romaines  et  d'ailleurs  nous  connaissons  tres  pen  de  chose  au  sujet  des  lieux 
destines  specialement  a  ces  penalites;  Patmos,  ilot  sans  importance,  pouvait 
etre  du  nombre  (p.  85). 

Mais  si  saint  Jean,  pour  avoir  rendu  temoignage  au  Christ,  avait  ete  ainsi 
condamne  par  quelque  proconsul  (car  il  est  pen  probable  que  Cesar  se  soit  jamais 
occupe  directement  de  lui)  a  I'etat  de  forgat,  comment  eut-il  pu  composer  un 
parfait  ouvrage  de  style,  meme  faire  aussi  bien  que  pour  TEvangile?  Ecrivant  en 
de  rares  moments  derobes  au  labeur,  en  proie  a  la  fois  a  I'eniotion  violente  des 
revelations  surhumaines,  et  aux  peines,  aux  craintes  du  dehors,  oblige  peut-etre 
de  profiter  de  la  premiere  occasion  pour  envoyer  son  livre  en  cachette  a  fiphese, 
comment  aurait-il fait  a  soigner  sa  diction?  II  faudrait  plutot  admirer  ce  qu'il  apu 
γ  mettre  d'art,  dans  des  circonstances  si  defavorables  pour  un  ecrivain ;  nous  ne 
iuoerons  pas  qu'il  ne  pouvait  faire  mieux  s'il  avait  travaille  en  liberte  et  en  repos. 

Pour  notre  part,  c'est  vers  cette  seconde  conjecture  que  nous  inclinerions. 
L'Apocalypse,  en  effet,  avec  la  part  d'incoherence,  ou  du  moins  d'imparfaite  har- 
monic qu'il  faut  reconnaitre  dans  son  symbolisme,  avec  ses  jgrossieres  fautes 
grammaticales,  qui  ne  peuvent  cependant  masquer  sa  puissance  d'evocation  et 
de  structure,  ni  la  finesse  de  quelques-unes  de  ses  nuances,  ni  la  bonne  grecite  de 
certains  passages,  est  une  ceuvre  litteraire  si  extraordinaire,  elle  offre  des  aspects 
si  contradictoires  qu'on  ne  peut  la  croire  sortie  dun  travail  accompli  dans  des 
conditions  normales.  L'ignorance,  ou  Finexperience  litteraire,  ne  suffisent  pas  a 
rendre  compte  de  ses  defauts,  puisqu'aucune  faute  n'est  constante,  et  que  sa 
structure  est  a  la  fois  si  subtile  et  si  ferme.  Elle  porte  des  traces  de  gene,  de  pre- 
cipitation par-ci  par-la  meme  de  veritables  distractions,  dans  le  desaccord  des 
genres  et  des  cas.  C'est  I'oeuvre  d'un  genie  contrarie,  que  des  circonstances 
exterieures  ont  contraint  a  livrer  a  la  publicite,  pour  ainsi  dire,  son  brouillon. 

Quand  Nerva  eut  fait  casser  par  le  senat  les  actes  du  tyran,  saint  Jean,  avec 
les  autres  bannis,  put  retourner  a  sa  residence.  Dans  ses  cheres  eglises,  il  trouva 
son  Apocalypse  deja  lue  en  public.  Son  genie  a  la  fois  systematique  et  fougueux 
les  avait  dotees,  sous  I'inspiration  d'en  haut,  d'une  oeuvre  imparfaite  si  on  la 
considere  en  critique  litteraire,  mais  admirable  au  point  de  vue  religieux,  le  plus 


IDENTIFICATIOX    DE    «    JEAX    »,    AUTEUR    DE    L  APOCALYPSE.  CCXIII 

puissant  manifeste  de  guerre  a  Satan  et  d'incoercible  esperance  ou  I'Eglise  put 
py.tser  la  certitude  de  sa  victoire  sur  le  monde.  Rentre  dans  una  existence  nor- 
male,  et,  comme  a  su  bien  Texprimer  Ramsay,  muri  definitivement  parl'epreuve, 
eleve  a  la  plus  haute  serenite  de  contemplation  par  les  douleurs  et  les  visions  de 
I'exil,  le  disciple  bien-aime^devait,  peu  d'annees  apres,  donner  a  I'Eglise  et  au 
monde  une  oeuvre  plus  sublime  encore,  son  Evangile. 


l'apocalypse  et  le  canon. 

Comme  appendice  a  cette  discussion,  il  est  juste  de  tracer  brieveraent  I'histoire 
des  peripeties  que  traversa  I'Apocalypse  avant  d'etre  admise  universellement  dans 
le  canon  des  ecritures  inspirees  (1).  Nous  en  avons  donne  ci-dessus  le  plus 
important,  a  propos  de  I'apostolicite  du  livre,  qui  entrainait  la  reconnaissance  de 
son  inspiration.  Les  objections  de  Caius,  refutees  par  saint  Hippolyte,  n'eurent  pas 
de  succes  en  Occident,  ou  TApocalypse  fut  toujours  admise  comme  inspiree  dans 
toutes  les  Eglises.  Apres  le  Canon  de  Muratori,  ce  temoignage  romain  du 
II*  siecle,  tous  les  auteurs  ecclesiastiques  qui  eurent  a  en  parler,  la  catalogue 
Mommseniaiius  (359?  temoignage  probablement  africain),  le  ClaromontanuSy 
les  conciles  d'Hippone  (393)  et  de  Carthage  (397  et  419),  la  lettre  d'Innocent  I" 
a  Exupere  (405),  et  le  fameux  decret  de  Damase-Gelase  sont  tous  d'accord. 

II  n'en  etait  plus  de  meme  en  Orient.  Si  I'eglise  d'Alexandrie,  malgre  les  cri- 
tiques et  les  doutes  de  saint  Denys,  a  toujours  retenu  I'Apocalypse  dans  son 
canon,  nous  avons  vu  que  les  ecrivains  d'Antioche,  saint  Jean  Chrysostome,  Theo- 
dore de  Mopsueste  et  Theodoret,  ne  la  citent  point.  Ainsi  en  fut-il  de  saint  Cyrille 
de  Jerusalem,  de  saint  Gregoire  de  Nazianze,  qui  I'omet  dans  son  poeme,  de 
saint  Amphiloque,  qui  dit  dans  ses  lambes  a  Seleucus  que  la  plupartla  regardent 
comme  apocryphe,  vdOov ;  parmi  les  autres  Cappadociens,  saint  Basile  et  saint 
Gregoire  de  Nysse  I'admettent;  si  ce  dernier  (Oratio  in  ordinationem  suam),  en 
citant  un  passage,  dit  qu'ill'a  appris  Iv  άποχρύ.ροις...  δι'  αινίγματος,  le  mot  άποχρύφ οις 
signifie  sans  doute  «  paroles  au  sens  cache  ».  On  sait  les  doutes  et  I'embarras 
d'Eusebe.  Le  canon  du  concile  de  Laodicee  en  Phrygie,  vers  360  (s'il  est  authen- 
tique),  etle  85*  canon  des  Constitutions  apostoliques  n'en  parlent  pas  davantage. 
Dans  la  Syrie  Euphrateenne,  il  est  certain  que  I'Apocalypse  n'est  entree  que 
tardivement  au  canon  des  Ecritures  :  la  Doctrine  d'Addai  (iii*  ou  iv*  siecle), 
Aphraates  (337-345)  I'ignorent,  ainsi  que  toutes  les  epitres  catholiques,  et  saint 
Ephrem  [■\-  373)  ne  la  cite  qu'une  seule  fois,  v,  1,  dans  ses  oeuvres  dont  le  texte 
syriaque  nous  est  parvenu.  La  version  Psitta,  ofTicielle  dans  I'Eglise  syrienne,  ne 
la  possedait  pas,  non  plus  que  la  version  armenienne  faite  au  v*  siecle.  Ce  n'est 
que  dans  la  version  philoxenienne,  probablement  (vi*  s.),  qu'elle  s'introduisit  dans 
le  syriaque  et  elle  ne  fut  traduite  qu'au  x*  siocle  en  armenien.  Au  Moyen  Age, 

(1)  N'ayant  pas  cru  necessaire  d'enlrer  dans  aucun  dotail  de  celte  histoire,  ni  mome  d'indi- 
quer  les  sources  dans  un  si  bref  rosume,  nous  renvoyons  le  lecteur  aux  ouvrages  qui  traitenl 
ces  questions  et  particulifereraent  ά /«((/«ίβ/•,  LeN.  Τ.  dans  I'Eglise  chrotienne,  1. 1",  1911,  sec- 
tion iii-vii,  et,  surtout  pour  ce  qui  concerne  les  protestants,  a  Boussel,  Offenb.e,  pp.  19-34 


<:CX1V  INTRODUCTION. 

les  Nfistoriens  s'en  sont  tenus  au  canom  d'Antioclie  et  au  contenu  de  la  Psitta 
Ebed  Jesu  de  Nisibe  [■\•  1318)  ne  mentionne  pas  FApocalypse  au  catalogue  des 
Livres  Saints.  Mais,  chez  les  Monophysites,  Denijs  har-Salibi  [-γ  1171)  I'a  com- 
mentee,  etpartage  a  son  sujet  lOpinion  de  saint  Hip  pal  rte ;  Bar-Hebraeus  (-j-  1286j 
a  le  canon  complet  du  Nouveau  Testament.  —  Les  Armeniens  aussi  possedent 
tous  nos  livres,  quoique  Mechilhar  dAiravank  (vers  1290),  ne  considere  encore 
TApocalypse  que  comme  un  antilegomene  que  Ton  pout  laisser  passer. 

L'Eglise  grecque,  dans  son  ensemble,  fut  assez  lente  a  se  determiner.  La 
Synapse  dite  de  saint  Atlianase  (vi*'  s.?)  reconnait,  d'apres  les  Peres,  la  canoni- 
cite  de  FApocalypse.  Mais  en  Egypte,  a  la  meme  epoque,  le  bon  Cosmas  Indi- 
copleustes,  cet  ancien  marchand  et  voyageur  aussi  severe  en  fait  de  canonicite 
qu'hostile  a  la  science  d'origine  profane,  I'exclut  ainsi  que  toutes  les  epitres 
catboliques ;  ce  devait  etre  un  cas  individuel;  pourtant  le  diacre  alexandrin 
Euthalius  a  neglige  d'en  divisor  le  texte  en  chapitres,  ce  qu'il  a  fait  pour  tous  les 
livres  du  N.  T.  autres  que  les  Evangiles;  Anastase  le  SinaUe  omet  aussi  bien 
lApocalypse  dans  le  canon  des  livres  saints  que  dans  la  liste  des  apocryphes.  Les 
doutes  orientaux  avaient  done  du  se  communiquer  a  certains  milieux  egyptiens, 
—  Par  ailleurs,  le  livre  de  Sectis  (fin  du  vi^  s.)  admet  lApocalypse  au  catalogue 
des  livres  canoniques ;  reveque^/zi//-e  de  Cesaree  en  Cappadoce  Favait  commentee 
avec  beaucoup  de  piete  un  demi-siecle  auparavant ;  il  fut  suivi  dans  cette  voie 
par  (Ecumenius  (1)  (vers  600)  et  Arethas  de  Cesaree  (vers  901-940).  Enfin  le  con- 
cile  in  Trullo  (691-692)  Fadmet,  puisqu'il  reconnait,  a  cote  des  canons  de 
Laodicee  et  d  Amphiloque,  et  du  85*^  canon  apostolique,  I'autorite  de  ceux  d  Atlia- 
nase et  de  Cartbage.  Saint  Jean  Damascene  (f  750)  la  regoit  aussi ;  si  dans  le  cata- 
logue ajoute  a  la  Chronographie  de  Nicephore  de  Constantinople  {-γ  828),  FApo- 
calypse est  rangee  parmi  les  «  antilegomenes  »  avec  celle  de  Pierre,  etc.,  ce  pent 
bien  etre  une  interpolation  dans  une  liste  plus  ancienne.  Photius  (vers  870)  ne 
Finscrit  cependantpas  dans  son  Nomocanon;  les  canonistes  grecs,  apres  lui,  conti- 
nuent  a  manifester  quelques  hesitations.  Enfin  Nicephore  Calliste  (xiv^  s.)  donne 
une  codification  definitiA'e  (Histoire  ecclesiastique  45,  Migne  P.  G.  cxlv,  col.  880- 
885),  ού  FApocalypse  tient  la  place  qui  lui  est  due.  Et,  au  xvii*^  siecle,  la  profes- 
sion de  foi  du  patriarche  de  Constantinople  Cyrille  Lukaris  la  range  dans  le 
Nouveau  Testament  comme  F  «  Apocalypse  du  Bien-aime  ».  L'Eglise  grecque, 
malgre  des  hesitations  qui  se  prolongerent,  s'etait  done  mise  peu  a  peu  d'accord 
Avec  les  Latins . 

En  Occident,  au  IMoyen  Age,  on  ne  trouve  pas  trace  de  doute  ni  de  discussion. 
Au  xv^  siecle,  la  BuUe  d'union  avec  les  Grecs  d'Eugene  IV,  et  le  Canon  du  con- 
cile  de  Florence,  contiennent  toiis  les  ecrits  du  Nouveau  Testament.  Mais,  a  la 
Renaissance,  le  souvenir  des  anciennes  contestations  se  reveilla.  Le  cardinal 
Cajetan  n'ose  rieii  dire  contre  FApocalypse,  tout  en  avouant  ne  pas  en  penetrer 
le  sens  litteral.  Erasme,  lui  (-|-1536),  reprend  les  objections  d'autrefois,  et  veut 
distinguer  «  Jean  le  Theologien  »,  ainsi  que  le  prophete  de  Patmos  est  nomme  en 
tete  de  certains  manuscrits,  de  «  Jean  FEvangeliste  »  ;  il  ne  voudrait  accorder  a 
FApocalypse,  ainsi  qu'a  d'autres  deutero-canoniques,  qu'une  canonicite  de 
second  ordre.  Les  refutations  d'Erasme  ne  firent  pas  defaut. 

(1)  A  XBoins qu'fficumenhie  ne  soit  le  premier  en  date;  voir  au  chap,  suivanl. 


IDENTIFICATION    DE    «    JEAN    »,    AUTEUR    DE    l'aPOCALYPSE.  CCXV 

Les  premiers  protestants  furent  divises.  Luther,  dont  le  criterium  de  canoni- 
cite  etait  plus  subjectif  qu'historique  et  traditionnel,  exclut  du  Canon  Γ  Apocalypse 
—  qu'il  a  pourtant  traduite  et  commentee  dans  un  sens  anti-papal  —  ainsi  que 
Heb.,  Jud.  et  Jacques.  Les  eglises  et  les  theologiens  lutheriens,  en  grande  partie, 
suivirent  les  m^mes  errements  touchant  Γ  Apocalypse,  ainsi  que  Zwingli.  Mais 
Calvin  la  tient  pour  une  ecriture  inspiree,  ainsi  que  Theodore  de  Beze  (qui  croit 
qu'elle  pourrait  etre  de  Jean-Marc) ;  de  meme  apres  eux  I'Eglise  calviniste, 
I'Eglise  arminienne  [Grotius]  et  I'Eglise  anglicane.  Au  xvii"  siecle,  Tensemble 
des  lutheriens  eux-memes  s'etait  range  a  I'opinion  commune,  Au  xviii^  siecle, 
avec  Abauzit  (1770),  Hermann  Oeder  et  Semler  qui  I'edita  (1769),  les  discussions 
reprirent,  puis  la  naissance  du  protestantisme  liberal  vint  repousser  dans 
I'ombre  les  questions  de  canonicite.  Quoi  qu'il  en  soit,  I'Apocalypse  n'est  exclue 
d'aucune  Bible  protestante. 

Les  debuts  du  protestantisme,  et  les  doutes  d'erudits  tels  qu'Erasme,  avaient 
rendu  necessaire  a  I'Eglise  de  definir  solennellement  I'extension  du  Canon, 
comme  une  verite  de  foi  que  nous  devons  admettre  sous  peine  d'anatheme.  Cast 
ce  qu'a  fait  le  Concile  de  Trente,  dans  son  Decretum  de  Canonicis  scripturis 
(Sess.  IV,promulgue  le  8  avril  1546).  L'Apocalypse  y  est  nettement  appelee 
«  Apocalypsis  Johannis  Apostoli  d . 

L'histoire  de  I'Apocalypse,  on  le  voit,  fut  mouveraentee,  a  cause  de  I'obscurite 
de  ses  propheties,  et  des  interpretations  fausses  ou  extravagantes  de  certains 
commentateurs.  En  considerant  toutes  les  discussions  passionnees  qui  ont 
entouro  ce  livre,  on  doit  conclure  ceci  :  il  fallait  que  la  croyance  a  son  origine 
johannique  fut  bien  ancree  dans  la  conscience  chretienne,  pour  que  sa  canonicite 
ait  pu,  mome  dans  les  eglises  separees,  s'affirmer  malgre  la  defaveur  immeritee 
qui  I'a  poursuivi  en  tant  de  lieux. 


CMAPITRE  ΧΙΥ 


LES    COMMEXTATEURS    DE    L  APOCALYPSE. 


Pas  un  livre  au  monde  n'a  ete  plus  commente  que  I'Apocalypse,  mais  en  des 
sens  si  divers  qu'on  ne  peut,  sans  faire  une  certaine  provision  de  courage,  se 
mettre  a  tracer  I'historique  dei  interpretations. 

II  fallait,  evidemment,  que  le  symbolisme  et  les  principales  idees  en  fussent, 
avec  quelques  explications  orales  de  I'anagnoste,  intelligibles  aux  Chretiens 
d'Asie,  ses  premiers  lecteurs  (1).  Autrement  la  Revelation  n'eut  pas  atteint  son 
but;  carl'auteur  n'entendait  pas  seulement  tracer  les  grandes  lignes  de  I'histoire 
future,  convergeant  toutes  vers  le  triomphe  final  de  I'Eglise ;  il  voulait  en  premier 
lieu  fournir  a  des  communautes  determinees  les  indications  divines  propres  a 
orienter  leur  conduite  au  milieu  de  difficultes  actuelles.  Cela  est  vrai  non  seule- 
ment des  Lettres,  mais  de  la  deuxieme  section  prophetique  en  general  :  ainsi  le 
fameux  chiffre  de  la  Bete  (xiii,  18),  a  voir  la  fagon  pleine  a  la  fois  de  mystere  et 
d'insistance  dont  il  est  amene,  devait  evidemment  leur  apprendre,  sans  donner 
prise  centre  eux  aux  ennemis  entre  les  mains  de  qui  le  livre  aurait  pu  tomber, 
quel  etait,  parmi  les  realites  presentes  et  futures,  le  grand  adversaire  auquel  il 
leur  fallait  resister.  Mais  si  I'Apocalypse  etait  relativement  claire  (v.  le  «  livre 
ouvert»de  x,  2)  pour  les  premiers  destinataires,  dont  les  besoins  spirituels  en 
avaient  rendu  la  publication  urgente,  le  sens  s'en  obscurcit  bien  vite,  la  oii  les 
circonstances  n'etaient  pas  les  memes,  et  ou  les  fideles  n'avaient  pas  la  cle  des 
symboles,  faute  d'un  commentaire  autorise  qui  eut  ete  transmis  de  vive  voix  ou 
consigne  par  ecrit  pour  eclairer  la  lecture  des  Chretiens  aux  siecles  suivants. 

Quand  un  enseignement,  en  effet,  revet  cettQ  forme  ailegorique,  chacun  est 
porte  a  en  interpreter  les  details  suivant  ses  preoccupations  personnelles,  ou  les 
idees  qui  ont  eu  cours  jusque-la  dans  son  milieu.  L'Apocalypse  est  un  ecrit  pas- 
sionnant,  qui  devait  surexciter  les  esprits  portes  a  Texaltation;  I'imagination  des 
commentateurs,  qu'aucune  explication  officielle  n'etait  la  pourguider,  s'est  done 
donne  assez  librement  carriere  au  cours  des  ages,  depuis  les  millenaristes  jus- 
qu'aux  sectaires  illumines  de  nos  jours;  et  plus  dun  exegete,  mome  orthodoxe, 
parait  avoir  ete  lui-meme  une  sorte  d'Apocalyptique  —  non  inspire  —  a  qui  les 
visions  de  saint  Jean  fournissaient  un  bon  pretexte  pour  exposer  les  siennes 
propres.  De  fait,  on  reconnait  trois  ou  quatre  systemes  d'explication,  absolument 
divergents  et  meles  de  subjectivisme,  qui  se  prolongent  depuis  des  siecles;  au 
milieu  de  cet  amas  confus  de  paille  et  d'or,  il  est  bien  dilTicile  d'isoler  les  ele- 
ments d'une  veritable  «  tradition  »  explicative.  Elle  existe  pourtant,  mais  a  I'etat 
de  «  disjecta  membra  ». 

(1)  Ainsi  le<  Thessalonlciens  etaient  au  courant  de  I'eschatologie  non  έοπίβ  de  saint  Paul, 
II  Thess.  II,  5-6. 


LES    COMMEXTATEUnS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXVII 

Quelques  raisons  faciles  a  saisir  rendent  compte  de  cet  etat  chaotique  de 
lexegese  : 

1°  Ce  sont  d'abord  les  conditions  intellectuelles  du  milieu  primitif.  L'Apo- 
calypse  johannique  n'etait  pas  le  premier  ecrit  du  genre.  L'Eglise  possedait  le 
livre  de  Daniel,  qui  etait  en  grand  honneur,  et  de  plus  les  Chretiens  faisaient 
grand  cas  de  quelques  apocalypses  apocryphes;  nous  n'en  chercherons  pas  ici 
d'autre  preuve  que  la  faveur  accordee  a  Henoch,  et  a  V Assomption  de  Mo'ise 
(ou  a  quelque  autre  recit  legendaire  sur  le  legislateur)  dans  I'Epitre  de  saint  Jude 
elle-meme.  Des  que  le  sens  de  TApocalypse  se  sera  un  pen  obscurci,  par  le  fait 
du  temps  ou  de  la  distance,  —  car  il  s'est  ecoule  environ  soixante  ans  entre  sa 
composition  et  la  premiere  mention  que  Ton  trouve  d'elle,  chez  saint  Justin,  — 
il  sera  assez  naturel  de  la  faire  rentrer  dans  le  courant  de  Tescliatologie  populaire 
tres  vivace  qui  avait  occupe  les  esprits  avant  elle,  d'attenuer  ou  d'oublier  ce  qui 
Ten  distingue,  et  de  I'interpreter  soit  au  moyen  des  chapitres  vii  et  xi  de  Daniel, 
que  I'on  appliquait  exclusivement  a  la  fm  des  temps,  soit  des  traditions  extra- 
canoniques  sur  le  Millenium,  Elie  et  Henoch,  TAntechrist,  etc.  II  est  certain, 
par  exemple,  que  le  chiliasme  s'etait  introduit  dans  les  communautes  chre- 
tiennes  vers  le  tournant  du  i"  et  du  ii•  siecles.  Ce  n'est  pas  seulement  I'here- 
siarque  Cerinthe  qui  attendait  un  Millenium  materiel,  mais  Papias,  avec  cet 
esprit  peu  exigeant  que  lui  reproche  Eusebe,  disait  tenir  de  traditions  orales 
la  revelation  du  Millenarisnie  (ώ?  Ικ  παραδόσεως  «γράφου  εις  αυτόν  ηκοντα...  καί 
τίνα  άλλα  μυθικώτερα,  εν  οΤ-  και  /ιλιάδα  τινά  φτ,σιν  Ιτων  Ισεσθαι  μετά  τήν  εκ  νεκρών  άνάστασιν, 
σωματικίος  της  χριστού  βασιλείας  επι  ταυτησί  της  γης  υποστησοίΛϊ'νης.  Eus.  Ill,  XXXIX,  11-12), 
Eusebe  pense  qu'il  avait  mal  compris  les  recits  et  les  metaphores  des  apotres, 
mais  ne  met  pas  cette  illusion  du  vieil  eveque  d'Hierapolis  en  rapport  avec 
I'Apocalypse ;  il  est  plus  probable  qu'elle  venait  tout  simplement  d'une  tradition 
juive.  Plus  tard,  saint  Hippolyte  (Περί  του  Άντι/ρίσ-ου,  ch.  15  et  54)  decrira  I'acti- 
vite  de  I'Antechrist  d'apres  une'  source  extracanonique  completement  inconnue 
qu'il  appelle  «  un  autre  prophete  ».  On  pourrait  multiplier  ces  exemples  (1); 
lis  etablissent  sufTisamment  que  d'anciens  ecrivains  ecclesiastiques  cherchaient 
I'explication  des  obscurites  de  I'Apocalypse,  soit  dans  des  passages  de  Daniel 
qui  n'ont  avec  elle  quune  ressemblance  generique,  soit  en  des  ecrits  nullement 
inspires. 

2°  La  Revelation  johannique,  etant  destinee  d'abord  aux  contemporains, 
contenait  naturellement  un  certain  nombre  de  traits  ou  d'allusions  relatifs  a 
I'histoire  de  I'^poque,  k  Rome,  a  ses  ennemis  les  Parthes,  aux  persecutions 
recentes  ou  actuelles,  independamment  de  la  grande  prophetic  spirituelle  et 
universelle.  Les  lecteurs,  sans  faire  les  distinctions  dues,  prirent  I'habitude  de 
rapporter  le  tout  a  des  evenements  imminents,  ou  du  moins  prochains,  ce  qui 
etait  d'autant  plus  facile  que  les  indications  chronologiques  pour  I'avenir  y 
faisaient  defaut,  et  que  I'attente  de  la  Parousie  prochaine  n'etait  pas  encore 
tout  a  fait  decouragee.  Les  generations  posterieures  continuerent  dans  la  m6me 
voie,  et  chercherent  aussi  Taccomplissement  des  propheties  de  saint  Jean  dans  la 
succession  des  ovenements  particuliers  qui  s'etaient  deroules  jusqu'a  leur  opoquc, 
remettant  seulement  a  I'avenir  la  venue  de  TAntcchrist  et  la  consommation. 

(1)  Voir  BOL'SSET,  Der  AiUichrisf,  189,'),  pp.  15  el  iuivanles. 


CCXVni  .     INTRODUCTIOTV. 

3°  Enfin,  par  reaction,  dautres  auteurs,  envisageant  lindeniable  caractere 
eschatologiquc  et  spirituel  de  I'Apocalypse.  en  vinrent  a  oublier  que  c'etaient 
les  circonstances  d'une  epoque  determinee  qui  lui  avaicnt  donne  occasion.  Les 
uns  rejeterent  aux  dernieres  annees  du  nionde  I'accomplissement  de  tout  ce  qui 
y  etait  predit,  d'autres  allerent  jusqu'a  ramener  I'ensemble  des  visions  a  de  puree 
allegories  morales,  ne  faisant  plus  qu'une  part  aussi  parcimonieuse  que  possible 
a  I'annonce  d'evenements  particuliers. 

Ces  diverses  tendances,  parfois  combinees  dans  un  βηοΙιβνέΐΓβηίθηΙ  inextri- 
cable, expliquent  les  divergences  irreductibles  qui  ont  separe  les  plus  venerables 
interpretes  dans  I'Eglise  catholique,  et  les  fantaisies  echevelees  qui  remplissent 
maint  commenlaire  des  heterodoxes. 

I.    —    LES    PREMIEKS   AUTEUItS    QUI    Sli    SONT    OCCUPES    DE    l'aPOCALYPSE. 

Les  plus  anciens  auteurs  ecclesiastiques  qui  ont  donne  des  explications  sur 
I'Apocalypse  avaient  garde  tres  net  le  sentiment  que  ce  livre  devoilait  les  secrets 
des  derniers  temps.  Mais  ces  derniers  temps  pour  eux  n'embrassaient  que  la 
periode  des  luttes  ultimes,  aussi  n'onl-ils  guere  mis  en  rapport  les  visions 
prophetiques  avec  des  evenements  precis  de  leur  epoque.  Les  premiers  6taient 
cliiliastes  (par  la  faute  sans  doute  des  «traditions  »  dont  s'inspira  Papias),  et 
ils  ne  se  croyaient  pas  separes  par  un  Men  long  intervalle  de  ce  MUlenium, 
debut  des  ages  bienheureux.  Ils  etaient  tributaires  aussi  de  la  tradition  juive 
sur  rAntechrist  personnel ;  ils  combinent  les  donnees  des  chapitres  xiii  et  xvii 
avec  des  predictions  apocryphes  et  le  livre  de  Daniel,  dont  les  passages  relatifs 
a  Antioclius  Epiphane,  aux  cliapp.  vn  et  xi,  sont  compris  comme  une  pure 
eschatologie  de  rAntechrist,  au  sens  litteral  et  non  typique.  Malgre  tout,  ils 
gardent  le  sentiment  de  I'elasticite  de  certains  symboles,  et  font  une  assez  large 
part  a  I'alle'gorie  spirituelle.  Ce  melange  de  principes  vrais  et  de  systemes 
etrangers  au  Nouveau  Testament  donne  une  impression  assez  confuse;  on  peut 
appliquer  aussi  a  leurs  interpretations  ce  que  dit  joliment  le  P.  Lagrange  k 
propos  des  apocryphes  juifs,  qu'elles  ont  I'air  d'un  cliche  photographique  tir^ 
plusieurs  fois.  Mais,  un  peu  plus  tard,  I'influence  de  I'allegorisme  alexandrin 
se  fait  sentir,  et  donne  au  contraire  a  TApocalypse  un  sens  trop  abstrait.  Nons 
allons  nommer  ces  auteurs  par  ordre  de  date,  en  indiquant  tres  brievement 
leurs  idees  principales. 

Saint  Justin  Martyr  (f  163).  Dans  son  Dialoi^iie  avec  Tryphoriy  81,  il 
attribue  le  niillenarisme  a  saint  Jean.  C'est  sans  doute  a  cause  de 
oela  seulement  que  saint  Jerome,  De  Vir.  ill.  9,  et  Chronique,  le 
range  parmi  les  interpretes  de  TApocalypse ;  car  il  n'y  a  pas  trace 
dun  commentaire  ecrit  par  lui. 

Saint  [ηενεε  (fin  du  ii^s.).  Adv.  Haer.  On  ne  peut.  lui  non  plus,  Tappeler, 
avec  saint  Jerome,  un  commentateur ;  toutefois,  surtout  au  1.  V, 
il  interprete  beaucoup  de  pasijages.  —  Les  4  Animaux  expliques 
au  sens  mystique  d'attributs  du  Christ,  ou  des  4  Evangelistes.  — 
L'Antechrist  sera  Juif,  de  la  tribu  de  Dan.  —  Le  nombre  666  defendu 
contre  616,  dapres  les  manuscrits;  le  sens  en  est  perdu;  saint 


LES    COMMEXTATEUiiS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXIX 

Irenee  propose,  entre  autres  possibles,  les  mots  τειτάν  et  ΛατΕΪνος; 
le  dernier  indique  qu'il  comprenait  la  portee  de  la  lutte  entre 
I'Eglise  et  I'Empire  remain.  —  Les  «  10  rois  »  de  xvii  apparaitront 
a  la  fm  des  temps;  par  une  combinaison  avec  Daniel,  irenee 
•explique  que  I'Antechrist  en  aneantira  trois,  et  regnera  avec  les 
7  autres  comme  huitieme;  il  brouille  ainsi  la  perspective  apoca- 
lyptique.  —  Le  Millenium  arrivera,  comme  sabbat  du  monde,  quand 
cet  univers  aura  dure  six  milliers  d'annees,  par  analogie  aux  six 
jours  de  la  creation. 

Meliton  de  Sardes  (vers  170-180)  composa  un  traite  (dont  le  titre  est  peut- 
etre  a  dedoubler)  intitule  περί  του  διάβολου  και  της  άττοκαλύψεως  'Ιωάννου. 
Le  fait  nous  est  connu  par  Eus.  iv,  26,  mais  on  ignore  le  contenu 
de  ce  livre. 

Saint  Hippoltte  {■\-  apres  235).  II  avait  ecrit  un  Commeniaire  sur  I'Apoca- 
lypse,  qTii  est  perdu  [S.  Jer.  De  Vir.  ill.  61) ;  on  a  cru  en  retrouver 
des  fragments  dans  un  commentaire  arabe  de  la  Bibliotheque 
uationale;  cette  identification  est  tres  douteuse.  Mais  il  donne  des 
apergus  et  des  explications  partielles  de  I'Apocalypse  en  plusieurs 
de  ses  OUVrages  :  1°  Άπόδειξις  εκ  των  αγίων  γράφων  περί  του  χριστού  και 
περ\  τοΐί  'Αντίχριστου ;  2°  dans  son  Commentaire  sur  Daniel;  3°  dans 
ses  κεφάλαια  κατά  Γαιου,  fragments  dans  Bar-Salibi,  publies  par 
Gwyn  en  1888 ;  4°  «  υπέρ  του  κτχτα  'Jo)avvr,v  ευαγγελίου  κα\  άποκαλύψεως  » 
est  perdu  (1). 

Hippolyte  aussi  est  millenariste ;  le  monde  attend  son  sabbat 
apres  6.000  ans  d'existence.  —  L'Antechrist  apparaitra  a  la  fin  du 
6*  millenaire ;  les  «  7  tetes  »  et  les  «  10  rois  »  sont  compris,  comme 
chez  Irenee,  par  une  combinaison  avec  Daniel;  cet  Antechrist  est 
la  2*  Bete,  non  la  1".  —  Les  «  Deux  temoins  »  seront  Elie  et  Henoch. 
—  L'Antechrist  sera  de  la  tribu  de  Dan,  il  guerira  la  blessure 
de  la  I'^Bete  (c.  xiii),  laquelle  blessure  est  le  partage  futiir  de 
Γ  Empire  romain  en  dix  royaumcs.  —  Hippolj'te  comprenait  done 
la  relation  de  I'Apocalypse  a  I'Empire  romain ;  juste  aussi  est  son 
interpretation  de  la  «  Femme  »  du  chap,  xii,  oli  il  voit  I'Eglise  qui 
engendre  sans  cesse  des  /ils  a  Dieu, 

Tertullten  (f  apres  220)  a  cite  beauooup  I'Apocalypse.  D'apres  in  Adv. 
Marcionem,  24,  il  y  trouvait  le  Millenarisme,  Ibid.  13,  Babylone 
represente  Rome;  la  Bete  de  la  mer  est  I'Antechrist  [De  res. 
carnis,  25)  etc.  —  Peut-etre  idee  de  la  «  Recapitulation  »,  en 
germe.  Z'^ 

Clement  d'Alexandrie  [\  avant  215)  a  peut-etre  donne  une  explication  de 
I'Apocalypse  dans  ses  Hypotyposes  {Eus.  H.  E.  vi,  14).  11  est 
probable  qu'il  la  comprenait  a  I'alexandrine,  dans  un  sens  pure- 
ment  spirituel.  Du  moins  c'est  de  la  sorte  qu'il  interprete  ailleurs 
les  «  24  vieillards  »,  les  «  sauterelles  »,  etc, 

(1)  Swetc  suppose  que  c'otail  la  le  «  Commentaire  »  donl  paile  saint  Jorome;  en  tout  cas 
le  mot  υπέρ  roontie  que  c'otait  d'abord  une  apologie,  un  ouvrage  polomique. 


CCXX  INTRODUCTIOX. 

OniGENE  (185? -253)  qui  se  proposail  d'ecrire  un  commentaire  sur  ΓΑρο- 
calypse  (fragment  latin  du  Comm.  sur  Matthieu  xxiv),  a  sans  doute 
realise  son  intention;  Harnack  a  publie  en  1911  un  petit  commen- 
taire grec,  sans  nom  d'auteur,  trouve  par  Diohouniotis  dans  un 
manuscrit  du  cloitre  de  Meteoron,  oii  il  reconnait  la  main  du  grand 
Alexandrin.  [Der  Scholien-Kommentar  des  Origenes  zur  Apoka- 
lypse  Johannis,  Leipzig,  Hinrichs).  II  ne  s'etend  que  jusqu'au  cha- 
pitre  XIV  et  se  borne  a  expliquer  dans  des  scholies  le  sens  spirituel. 
A  propos  de  I'Antechrist  et  du  chiffre  de  la  Bete  il  cite  saint 
irenee.  Origene  n'est  plus  millenariste. 

Methodius  dOlympe  (f  vers  311)  dans  son  Συαπόσιον  των  δέκα  παρθένων  ή  ττερί 
άγνείας,  dialogue  a  la  Platon,  explique  quelques  passages  de  ΓΑρο- 
calypse  dans  un  sens  purement  spirituel.  Les  «  7  t^tes  »  du  Dragon 
sont  les  peches  capitaux,  les  «  dix  cornes  »  I'antithese  des  dix 
commandements  divins,  la  «  Femme  »  est  I'Eglise  qui,  jusqu'a  ce 
que  soit  entree  la  plenitude  des  nations,  est  en  travail  pour  enfanter 
les  hommes  psychiques  a  la  vie  de  I'esprit  [Symp.  viii,  6,  13;  etc.). 
II  resta  pourtant  millenariste,  ix,  1,  5,  comme  Irenee. 

Ces  derniers  auteurs,  qu'ils  aient  cru  ou  non  a  des  realisations 
historiques  des  propheties  de  Jean,  ont  au  moins  ete  peu  enclins 
a  les  preciser.  Quant  aux  premiers,  Irenee,  Hippolyte,  ils  offrent 
bien  de  precieuses  indications,  melees  d'erreurs,  mais  n'exposent 
pas  de  systeme  general  d'interpretation. 

II.    —    PREMIERS    CO.MMENTATEURS    PROPREMENT    DITS,    DE    VICTORIN 
A    SAINT    AUGUSTIN. 

Si  nous  faisons  abstraction  des  ouvrages  perdus  de  Meliton  et  de  saint  Hippo- 
lyte, il  faut  descendre  jusqu'au  iv^siecle  pour  rencontrer  des  commentaires  suivis 
de  I'Apocalypse,  ceux  de  Victorin  et  de  Tyconius.  lis  furent  rediges  en  Occident, 
et  en  latin.  lis  offrent  un  principe  d'interpretation  scientifique  :  c'est  la  Theorie 
de  la  recapitulation.  Le  millenarisme,  encore  maintenu  chez  Victorin,  est  defini- 
tivement  rejete  par  Tyconius,  saint  Jerome  et  saint  Augustin.  Ge  dernier  Pere, 
sans  etre  a  proprement  parler  un  commentateur,  a  compris  cependant  d'une 
maniere  exacte  et  profonde  Tesprit  general  de  I'Apocalypse,  et  etabli  les  lignes 
les  plus  sures  de  I'exegese  catliolique. 

Victorin  (eveque  de  Pettau  en  Styrie.  mort  martyr  sous  Diocletien).  II  a 
ecrit  un  commentaire  de  I'Apocalypse,  edite  au  xvi*siecle  en  deux 
recensions,  I'une  plus  courte,  qui  est  un  remaniement  opord  par 
saint  Jerome,  I'autre  plus  etendue  et  basee  sur  la  precedente  [Migne, 
P.  L.  V,  281-344;  Gallandi,  Bibl.  vet.  Pat.,  iv,  49-64).  Une  partie 
du  texte  original  a  ete  publiee  en  1895  par  Haussleiter,  dans  le 
Theologisches  Litter atarhlatt,  192-199.  Le  meme  savant  croit  avoir 
retrouve  I'original  a  peu  pres  pur  (1)  et  I'a  publie  en  1916  dans  le 
Corpus  de  Vienne,  xxxix. 

(1)  Dans  le  Codex  ottobonianus  latin  3288  A  du  Vatican.  —  Corpus,  1916. 


LES    COMMENTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXXI 

Victorin  etait  chiliaste;  mais  saint  Jerome  Favait  corrige.  Son 
commentaire  est  remarquable  en  deux  points.  D'abord  il  interprete 
la  Bete  par  Neron,  lequel  sera  le  8^  roi  de  xvii  (les  7  premiers 
sent  comptes  de  Galba  a  Nerva,  Domitien,  sous  lequel  Jean  a  ecrit, 
etant  le  6*) ;  Dieu  le  ressuscitera  pour  le  laisser  reparaitre,  sous  un 
faux  nom,  comme  Antechn'st  et  roi  des  Jaifs  —  naturellement  des 
siecles  apres  le  7',  Nerva.  Cette  interpretation  est  fort  intdressante  : 
elle  mele  la  legende  juive  avec  la  tradition  du  Nero  redwivus.  Vic- 
torin n'a  guere  pu  inventer  cela  de  lui-meme ;  il  restait  done  un 
souvenir  traditionnel  que  la  1"^  Bete  ai^ait  quelque  chose  a  faire 
avec  Neron.  Au  reste,  il  n'avait  pas  interprete  le  chiffre  :  rexplica- 
tion  par  'Λντεμος,  Γενσηρικος  et  DICLVX  de  la  recension,  ne  pouvant 
etre  que  posterieure. 

Ceci  est  plus  important  encore.  Victorin,  le  premier,  a  explique 
la  theorie  de  la  recapitulation  d'apres  laquelle  TApocalypse  unex- 
pose pas  une  seule  serie  continue  d'evenements  futurs,  mais  repete 
les  memes  successions  d'evenements  sous  diverses  formes.  Ainsi 
les  «  coupes  »  ne  font  que  completer  ce  qui  a  deja  ete  revele  par 
les  «  trompettes  »  :  «  Licet  repetat  per  phialas  non  quasi  bis  fac- 
tum dicitur...  Nee  aspiciendus  est  ordo  dictorum,  quoniam  saepe 
Spiritus  Sanctus,  ubi  ad  novissimi  temporis  finem  percucurrerit, 
rursus  ad  eadem  tempora  cedit  et  supplet  ea  quae  minus  dixit.  Nee 
requirendus  est  ordo  in  Apocalypsi,  sed  intellectus.  »  —  Ce  prin- 
cipe,  qui  est  juste  et  tres  fecond  pourvu  qu'on  I'applique  avec 
discretion,  n'a  pas  ete  invente  non  plus  par  Victorin;  Tertul- 
lien  I'enonce  pout- etre  en  termes  plus  vagues,  quand  il  dit  [De 
Resurrectione  carnis,  25)  :  in  Apocalypsi  Joannis  ordo  tempo- 
rum  sternitur.  Car  Victorin ,  chiliaste ,  parait  s'etre  attache 
a  d'anciens  modeles;  ainsi  pour  lui  les  Animaux  designent  les 
Evangelistes,  comme  dans  Irenee;  les  «  2  Temoins  »  sont  Elie  et 
Jeremie,  etc. 

CoMMODiEN  (Africain,  251-258,  done  anterieur  a  .Victorin)  n'a  pas  expliqud 
I'Apocalypse,  mais,  dans  son  violent  Carmen  Apologeticum,  le 
poete  Chretien  donne  une  terrible  eschatologie  qui  est  un  melange 
des  traditions  sibyllines  et  d'autres  apocryphes.  II  est  d'une  utilite 
a  peu  pres  nulle  pour  I'exegese,  et  n'interesse  que  I'histoire  des 
idecs. 

Lactance  (sous  Constantin),  au  livre  VII  de  ses  Instiluliones  divinae,  emploie 
les  memcs  sources  et  I'Apocalypse ;  son  eschatologie  est  tout  a  fait 
fantastique,  mais  il  conserve  quelques  points  de  contact  avec  Irenee 
et  Hippolyte.  —  11  est  chiliaste  (les  6000  ans  et  le  sabbat).  —  Signes 
de  la  fin  :  .chute  de  I'empire  remain,  les  dix  rois,  I'Antechrist  qui 
sera  unroi  du  Nord,  et  voudradetruire  le  «  Temple  deDieu»,  lequel 

est  evidemment  un  temple  «//e^on^ri/e,  comme  chez  saint  Jean.  

Gommodien  et  Lactance  marquent  Tapogee  du  melange  des  tradi- 
tions. Apres  eux,  I'exegese  apocalyptique  se  purifiera  en  grande 
partie  des  scories  judaiques. 


Ccxxil  INTRODLCTIOX. 

*  Tyconius  (1)  (vers  380?  le  nom  est  d'orthographe  incertaine).  II  a  ecrit  un 
commentaire  fort  important,  qui  malheureuscment  ne  nous  est  pas 
parvenu  dans  le  texte  original.  Mais  il  pent  etre  reconstitue,  gr^ce 
aux  exegetes  posterieurs  qui  I'ont  pris  comme  guide,  notamment 
Primasius,  Beoius,  les  Lomelies  pseudo-augustiniennes  de  Migne 
P.L.  XXXV  [Homiliae  in  Apocalypsi?n  BealiJohannis),  ainsi  qu'au 
moyen  de  citations  chez  Bede  et  Anshert.  Recension  catholicisee 
dans  la  Spicilegium  Casinense,  III.  1,  sous  le  titre  Tyconii  Afri 
fragmenta  Commentarii  in  Apocalypsim  ex  codice  Taurinensi. 

Tyconius  etait  un  Africain  donatiste,  et  m^me  assez  sectaire;  il 
applique  a  son  eglise  schismatique  tout  ce  que  dit  saint  Jean  de 
I'Eglise  veritable,  qu'il  considere  comme  I'alliee  de  la  Bete.  Pour- 
tant  des  autorites  calholiques,  telles  que  le  Venerable  Bede,  lui  ont 
decerne  de  vifs  eloges  pour  son  intelligence  et  sa  penetration,  une 
fois  ecartees  les  applications  polemiques  que  son  schisme  lui  dictait. 
Aussi  il  a  fait  autorite  dans  Texegese  latine. 

Tyconius  a  tout  a  fait  rompu  avec  le  Millenarisme;  il  interprete 
Apoc.  XX,  1-suivants  par  la  victoire  du  Christ  des  I'lncarnation 
(Mat.  XII,  29,  «  Le  Fort  lie  »).  Les  «  2  Temoins  »  c'est  I'Eglise 
munie  des  Deux  Testaments,  et  non  despersonnalites.  Les  «  7  tetes  » 
et  les  «  40  cornes  w  sont  t&us  les  rois  et  tous  les  royaumes  ennemis 
du  Christ,  le  «  huitieme  »  de  XVIi  est  le  sacerdoce  mondain.  Sa 
methode  est  done  spiritualisante,  et  m6me  a  I'exces.  Cependant  11 
voit  une  prophetic  tres  precise  dans  Apoc.  xi  :  le  jugement  final 
aura  lieu  3  ans  1/2  =  350  ans  apres  la  Passion  du  Sauveur.  II  en 
etait  done  tout  proche,  et  contemporain  de  I'ultime  persecution. 
L'Antechrist  (pour  qui  il  admet  le  chiffre  610,  et  non  666)  est  I'en- 
semble  des  pouvoirs  hosUles  au  christianisme,  qui  vont  se  conden- 
ser dans  un  «  dernier  roi  »  de  la  «  Cite  du  Diable  »  suscite  par  Satan. 
—  II  pose  sept  regies  d'interpretation,  suivies  plus  tard  par  Bede,  etc. 
et  donne  une  forme  tres  precise  a  la  «  theorie  de  la  recapitulation  » 
«  Advertendum  praeterea  est  et  ante  oculos  cordis  habendum  nar- 
rationis  genus,  quod  spiritus  sanctus  in  isto  libro  in  omni  periocho 
servavit ;  usque  ad   sextum   enim    numerum   ordinem  custodivit; 

et  praetermisso  sepiimo  recapitulal  sed  ipsa  recapitulatio  pro 

locis  intelligenda  est Tamen  fixum  servat,  ut  a  sexto  recapitu- 

let »  (d'apres  Bede,  ep.  ad  Eusebium,  en  tete  de  son  commentaire, 
Beatus,  314,  cfr.  Primasius).  Cette  recapitulation  n'aurait  d'ailleurs 
pas  toujours  le  meme  point  de  depart.  11 1'etend  d'une  fagon  trop 
generate,  ct  en  eherche  des  applications  compliquees  et  arbitraires. 
II  a  tres  bien  saisi  un  caractere  essentiel  du  symbolisme  johannique  : 
«  In  speciem  genus  abscondens  (spiritus  sanctus)...  dum...  speciem 
narrat,  ita  in  genus  transit  ut  transitus  non  statim  liquido  appa- 
reat  »  :  ainsi  passage  de  «  Babylone  »  au  monde  hostile,  etc.  [Bur- 
kitt,  Regulae.  p.  xv,  31,  cite  par  Swete,  p.  ccxj. 

(1)  Nous  faisons  proceder  dune  astorisque  le  nom  des  conimentateiu's  hetorodoxes. 


LES    COMMEXTATi.LiiS    DK    L  APOCALYPSE.  CCXXIII 

Saint  Jerome  (331-420)  n"a  pas  commente  personnellement  I'Apocalypse  malgre 
son  intention,  ou  bien  son  ouvrage  est  perdu.  Mais  il  a  retravaille 
Victorin  qu'il  a  fait  preceder  d'un  Prologue,  et  dont  il  a  transforme 
la  conclusion  pour  en  exclure  le  millenarisme  (v.  ci-dessus). 

Les  opinions  personnelles  du  grand  Docteur  se  trouvent  disper- 
sees  a  travers  ses  oeuvres.  II  faisait  grand  cas  de  Γ  Apocalypse  : 
«  Tot  habet  sacramenta  quot  verba.  Parum  dixi  pro  merito  volumi- 
nis.  Laus  omnis  inferior  est;  in  verbis  singulis  multiplices  latent 
intelligentiae  »  (Ep,  liii  ad  Pauliniim,  8).  II  tendait  certainement 
lui-meme  a  cette  interpretation  spirituelle  dont  ses  grandes  dis- 
ciples Paula  et  Euslochium  donnent  des  specimens  (parmi  les  Let- 
tres  de  Jerome,  Ep.  xlvi).  II  expose  d'ailleurs  assez  ouvertement 
ses  preferences  dans  I'lntroduction  au  livre  XVIII  de  son  Commen- 
taire  sur  Isaie  [Migne,  P.  L.  XXIV,  651)  :  «  Nee  ignoro  quanta  inter 
homines  sententiarum  diversitas  sit.  Non  dieo  de  mysterio  trinita- 
tis...  sed  de  aliis  ecclesiasticis  dogmatibus...  et  qua  ratione  intel- 
ligenda  sit  Apocalypsis  Johannis,  quam,  si  juxta  litteram  accipi- 
mus,  judaizandum  est;  si  spir'itualiter,  iit  scripta  est,  disserimus, 
multorum  veterum  videhimur  opinionibus  contraire;  Latinorum. 
Tertulliani,  Victorini,  Lactantii ;  Graecorum...  Irenaei,  etc.  »  II  con- 
siderait  done  les  anciens  auteurs  comme  ayant  «  judai'se  »,  ce  qui 
est  vrai  dans  une  certaine  mesure.  —  Saint  Jerome  rejette  ahsolu- 
ment  le  Millenium  comme  une  «  fabula  »  {in  Danielem  VII,  17), 
ainsi  que  I'explication  neronienne  [ibid,  xi,  30).  Pour  les  «  2  Te- 
moins  »,  il  flotte  entre  Elie-Henocli  et  les  Deux  Testaments  [in 
Zach.  IV,  11  s.;  in  Amos  ix,  2  s.). 
Saint  Augustix  (354-430)  s'est  occupe  particulierement  de  I'Apocalypse  dans  le 
livre  XX  de  la  Cite  de  Dieu,  ou  il  traite  du  dernier  Jugement. 

II  reste  fidele  a  la  tradition  de  I'Antechrist  personnel,  a  cause 
surtout,  semble-t-il,  de  II  Thess.  ii,  ou  il  lit  refuga,  αποστάτης,  au 
V.  3,  au  lieu  de  αποστασία.  Ce  seral'impie  par  excellence,  en  rapport 
avec  la  4•=  Bete  dc  Daniel;  il  regnera  3  ans  1/2.  Augustin  rejette  les 
reveries  de  ceux  qui  Tattendent  comme  Neron  ressuscite.  W  penche, 
a  cause  de  Malachie,  a  admettre  le  retour  personnel  d'Elie,  qui  con- 
vertira  les  Juifs  :  «  Non  immerito  speratur  esse  venturus,  quia  etiam 
nunc  vivere  non  immerito  creditur  »  [Civ.  xx,  29).  —  Mais  il  faut 
remarquer  qu'il  ne  fonde  ces  opinions  sur'aucun  passage  dc  I'xVpo- 
calypse,  ni  sur  les  chapitres  xiii  et  xvii,  ni  sur  le  chapitre  xi.  Et  il 
ne  prend  pas  Daniel  a  la  lettre  a  la  fagon  d'Irenee  ou  d'Hippolyte. 
En  parlant  des  «  10  rois  »  de  ce  prophete,  qui  sait,  dit-il,  si  ces 
10  rois  ne  sont  pas  tons  les  rois  qui  doivent  preceder  I'avenement 
de  TAntechrist?  (23). 

C'est  que  la  Bite  ύΐ Apoc.  xiii  et  xvii  a  une  signification  tres 
vaste;  elle  repr^scntc  toute  la  Cite  du  Diable,  j  compris  les 
mauvais  Chretiens  (9,  §  3;,  et  Gog  et  Magog  ne  sont  pas  des 
peuples  d(5termines,  raais  toutes  les  nations  infideles  qui  en  font 
partie  (11). 


CCXXIV  INTRODUCTION. 

L'Apocalypse  decrit  la  lutte  des  Deux  Cites.  Autrefois,  Augustin 
attendait  le  millenaire  sabbatique  {Sermon  259),  mais  il  se  retracte 
dans  la  Cite  de  Dieu,  7,  §  1,  et  traite  le  chiliasme  de  «  fables  ridi- 
cules ».  Desormais,  11  interprete  la  «  Premiere  rosurrection  «  par 
Jean  v,  25-20  {Civ.  6).  Les  «  Mille  Arts  »  correspondent  en  chiffre 
rond  au  regne  spirituel  de  I'Eglise,  inaugure  par  le  Premier  Ave- 
nement  du  Sauveur.  Les  «  trones  »  a'Apoc.  xx,  sont  ceux  des  chefs 
qui  gOuvernent  I'Eglise,  car  les  saints  regnent  deja,  sans  quoi 
TEglise  ne  serait  pas  appeloe  le  «  Royaume  des  cieux  ».  Ceux  «  qui 
n'ont  pas  adore  la  Bete  »  sont  tons  les  vrais  fideles,  vivants  aussi 
Men  que  morts.  Satan  est  enchaine  dans  «  TAbime  »,  c'est-k-dire 
dans  les  coeurs  des  infideles,  parce  qu'il  ne  peut  plus  seduire  les 
nations  catholiques.  II  sera  dechaine  a  la  fin  pour  un  temps  tres 
court,  3  ans  1/2,  qui  font  partie  encore  des  Mille  Ans  {Civ.  xx,  8,  9, 
11,  13).  La  Jerusalem  celeste,  ou  Cite  de  Dieu.,  etablie  par  la 
grace,  est  descendue  du  del  des  que  le  Saint-Esprit  en  a  ete 
envoi/e;  le  bapteme  augmente  de  jour  en  jour  le  nombre  de  ses 
citoyens,  jusqu'a  ce  qu'elle  soit  parfaitement  glorifiee  apres  le 
Dernier  Jugcment  (17;. 

Enfin  saint  Augustin  admet  en  gros  la  «  Recapitulation  »  :  «  Sic 
eadem  multis  modis  repetit,  ut  alia  atque  alia  dicere  videatur,  cum 
aliter  atque  aliter  haec  ipsa  dicere  vestigatur  »  {Civ.  17). 

Ainsi  le  plus  illustre  des  Docteurs  de  I'Eglise  n'a  explique 
que  certains  points  de  I'Apocalypse,  les  principales  figures  de  la 
Deuxieme  section  prophetique  et  de  la  3^  partie.  Mais  ce  sont  juste- 
ment  les  principales  du  livre,  cellos  qui  en  doterminent  I'esprit. 
Ce  qui  peut  rester  chez  lui  de  litteralisme  contestable,  ce  n'est 
pas  dans  I'etude  meme  de  I'Apocalypse  quil  I'a  puise. 

Ill,    —    DU    V"^    SliiCLE    AUX    GRANDS    SCOLASTIQUES. 

Apres  la  grande  epoque  patristique,  I'exegese  de  I'Apocalypse  paraissait  a 
jamais  etablie  sur  ses  vraies  bases.  Quel  que  fut  le  detail  des  interpretations,  les 
o-randes  lignes  au  moins  etaient  tracees  d'une  main  ferme.  Gr4ce  a  Tyconius,  a 
saint  Jerome,  et  surtout  a  saint  Augustin,  les  reveries  millenaristes  etaient 
ruinees.  II  otait  reconnu  que  la  Prophetic  a  pour  principal  objet  la  lutte  perpe- 
tuelle  de  I'Eglise  et  du  Monde,  plutot  que  la  prediction  curieuse  des  contingences 
sous  lesquelles  elle  se  developpera;  il  manquait  seulement  a  ces  auteurs  le  recul 
historique  suiTisant  pour  bien  saisir  I'importance  accordee  par  saint  Jean  a  la 
premiere  phase  de  cette  lutte,  centre  I'empire  de  Rome  et  le  culte  imperial.  De 
plus,  un  principe  litteraire  exact  d'interpretation  etait  fixe  dans  la  theorie  de  la 
Recapitulation.  Aussi  I'epoque  qui  suit,  jusquaux  grands  scolastiques  inclusi- 
vemcnt,  fut-elle,  au  moins  dans  I'Eglise  latine,  la  plus  saine  periode,  au  point  de 
vue  essentiel,  de  I'exegese  apocalyptique.  Par  malheur,  des  tendances  imagina- 
tives  nouvelles  allaient  peu  a  peu  se  faire  jour,  lesquelles,  aboutissant  a  Joachim 
de  Flore  et  a  Nicolas  de  Lyre,  devaient  faire  devier  le  courant  de  I'interpretation, 


LES    COMMENTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXXV 

Dans  la  suite  de  notre  expose,  nous  devons  encore  separer  I'Orient  et  lOc- 
cident. 

1°  Eglise  grecque.  —  Les  premiers  commentaires  grecs  proprement  dits  ne 
remontant  pas  plus  haut  que  le  vi*  siecle ;  cela  vient  sans  doute  de  ce  que  ΓΑρο- 
calypse  ne  jouissait  pas  dune  faveur  assuree  comme  chez  les  Latins.  Mais  elle 
fut  rendue  Ires  populaire  par  Andre,  eveque  de  Cesaree  en  Cappadoce. 

Andre  de  Cesaree  (vi^ou  vii^  siecle)  Έρ;Λ•/•,νε(α  εις  τήν  Άπο/.άλυψιν  [Migne,  P.  G. 
CVI).  Comme  cet  ouvrage  cite  le  Pseudo-Denys  lAreopagite  et  ne 
fait  aucune  allusion  aux  conquetes  de  I'lslam,  il  n'a  pu  etre  compose 
qu'entre  les  annees  476  et  637 ;  il  est  difficile  d'en  micux  determiner 
la  date.  Plusieurs  critiques,  a  cause  d'une  mention  des  Huns  =: 
Gog  et  Magog,  le  placeraient  vers  I'annee  515,  qui  vit  une  grande 
invasion  de  ces  barbares;  d'autre  part,  on  releve  des  indices  qui 
feraient  croire  qu'il  discute  certaines  opinions  personnelles  a'CEcu- 
menius  (v.  ci-dessous),  ce  qui  le  reporterait  au  vii^  siecle. 

Ce  commentaire  est  fameux,  et  tros  precieux  pour  les  exegetes. 
Non  qu'il  ait  une  grande  originalite,  ni  une  particuliere  penetra- 
tion;  mais  il  fait  connaitre  beaucoup  d'opinions  anciennes,  ce  qui 
en  rend  la  lecture  instructive,  outre  qu'elle  est  tres  edifiante,  grlLce 
a  rimportance  qu'attache  Andre  au  sens  spirituel,  qu'il  salt  rendre 
avec  charme,  parfois  avec  profondeur.  La  metliode  en  est  eclectique; 
sur  un  meme  point  il  enoncera  plusieurs  interpretations,  sans 
toujours  choisir  entre  elles.  II  s'attache  cependant  principalement 
aux  idees  d'Irenee  et  d'Hippolyte,  mais  sans  millenarisme  (Ante- 
christ  de  la  tribu  de  Dan,  etc.).  II  use  de  la  «  Recapitulation  » 
par  endroits,  ainsi  pour  les  TrompetteS  et  les  Coupes.  Les  «  7  tetes  » 
sont  sept  empires  mondiaux,  dont  les  derniers  sont  Rome  et  Cons- 
tantinople; Andre  croit  done  aussi  a  I'approche  de  la  fin  des  temps. 
La  popularite  de  ce  commentaire  se  revele  par  la  grande  influence 
qu'a  eue  son  texte  de  I'Apocalypse  sur  celui  des  manuscrits  pos- 
terieurs  (v.  infra,  cli.  xv).  C'est  en  somme  une  utile  compilation, 
pleine  de  meditations  justes  et  belles,  mais  il  ne  vaut  pas,  au  point 
de  vue  proprement  exegetique,  les  commentaires  latins  de  la  meme 
epoque. 

CEcuMENius  (vers  600).  Cet  eveque  de  Tricca  (Thessalie),  tres  connu  dans 
I'histoire  de  I'exegese,  publia  une  Ερμηνεία  τη;  Ά-οκαλυψειος  του  θεσπέ- 
σιου και  εύαγγελίστου  και  θίολο'γου  Ίοχχννου.  Le  texte  COmplet  en  a  ete 
trouve  par  Diekanip,  (1901)  dans  un  manuscrit  de  Messine  (cod. 
San  Salvatored^,  146  de  Gregory].  I/auteur  est  nomme  en  tete;  il 
dit  avoir  compose  son  ouvrage  plus  de  cinq  cents  ans  apres  les 
visions  de  Jean.  Des  textes  partiels,  ou  manquent  les  ch.  ii-xiv 
d'Apoc,  existent  dans  des  manuscrits  de  Rome  et  de  Turin,  etune 
citation  s'en  trouve  dans  un  ^crit  syriaque  du  vii*^  siecle,  au  British 
Museum.  — II  n'est  pas  encore  publie;  c'est  une  question  toujours 
debattue  de  savoir  s'il  est  anterieur  ou  postiirieur  a  Andr^. 

Arethas  de  Cesaree  (vers  900).  Arethas  occupa  le  meme   siege   episcopal 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAX.  0 


CCXXA'I  INTRODUCTION. 

qu'Andre,  dont  il  s'est  principalement  inspire  dans  sa  compilation 
Συλλογή  εξηγησεως  εκ  διαφόρο^ν  άγιων  ανδρών  [Migne,  Ρ.  G.  CV1). 

Dans  la  Catena  de  Cramer  se  trouve  encore  (viii,  497-582)  un 
abrege  d'Andre,  jadis  attribue  a  CEcumenius  (v.  Sivete,  p.  cc). 

2"  Eglises  syriexxrs.  —  L'Apocalypse  a  ete  peu  commentee  chez  les  Nes- 
toriens  et  les  Monophysites,  car,  comme  nous  le  savons,  elie  ne  figurait  pas 
dans  la  Psitta.  Nous  ne  connaissons  a  mentionner  que 

*  Denys  bar  Salibi  (f  1171),  dont  le  commentaire,  decouvert  par  Gwyn  au 
British  Museum  (v.  chap,  precedent),  a  fourni  quelques  fragments 
des  Κεφάλαια  κατά  Γαίου  de  saint  Hippolyte.  II  a  ete  publie  en  1910 
dans  le  Corpus  Scriptorum  christinnorum  orientalium,  script,  syr. 
(Rome-Paris-Leipzig),  t.  ci,  pp.  1-22,  par  Sedlacek  (1).  Notes  assez 
sobres,  inspirees  surtout  d'Hippolyte;  interessant  a  cause  de  Caius. 

II  est  'probable  que  beaucoup  d'autres  commentaires  furent  publies  dans  cette 
periode  par  les  Grecs  et  les  Orientaux.  Mais  ils  sont  ignores  ou  perdus. 

3°  Eglise  latine.  —  Les  Occidentaux  avaient  desormais  de  trop  bons  modeles 
pour  s'en  ecarter  dans  les  grandes  lignes.  Chez  plusieurs  se  manifeste  bien 
la  tendance  naturelle  a  chercher  sous  les  visions  de  I'Apocalypse  la  description 
de  telle  epoque  historique,  mais  ils  n'y  voientpas  la  prediction  detaillee  d'evene- 
ments  intermediaires  entre  les  debuts  du  christianisme  et  la  fin  du  monde  :  dans 
Tenaemble,  ils  demeurent  fideles  aux  principes  de  Tyconius  et  de  saint  Augustin. 

Primasius  (vers  540).  Eveque  d*Hadrumete  en  Afrique.  il  a  fait  en  cinq  livres 
une  exposition  de  I'Apocalypse  [Migne,  P.  L.  LXVIII),  pour  laquelle 
il  s'attache  a  saint  Augustin  et  a  Tyconius,  qui  est  «  un  joyau 
au  milieu  du  fumier  »  donatiste.  II  fait  aussi  quelque  usage  de 
Victorin.  —  Recapitulation  tres  elaboree.  —  Elie  et  Henoch  — 
Antechrist  personnel,  roi  des  Juifs.  —  ^Mais  Tensemble  de  son 
interpretation  est  spiritualisante  comme  celle  de  ses  modeles. 

Cassiodore  (apres  540)  Complexiones  in  epistolas  et  acta  apostoloruin  et 
Apocalypsim  [Migne,  P.  L.  LXX).  (^e  sont  des  notes  breves,  basees 
encore  sur  Tyconius  et  saint  Augustin.  —  Memes  particularites 
que  Primasius,  qu'il  connaissait.  —  Bahylone  est  Rome. 

Apringius  (vi^  siecle).  Contemporain  des  precedents  et  eveque  de  Pax  (Beja  ou 
Badajoz).  Dom  Ferotin  (Paris,  1900  Bibl.  patrol.  d'U.  Chevalier)  a 
publie  ce  qui  subsiste  de  son  commentaire  Apoc.  r-v,  7;  xviir,  6- 
xxii);  le  vide  est  rempli  par  des  scholies  de  saint  Jerome,  c'est-a- 
dire  de  Victorin.  Π  croit  Γ  Apocalypse  ecrite  sous  Claude. 

PsEUDO-AuGusTiN  (vi*^-vii®  s.?)  —  HomiUae  in  Apocalypsim  Beati  Johannis 
[Migne,  P.  L.  XXXV).  Extraits  de  Tyconius  expurge  dans  le  sens 
catholique,  avec  influence  de  saint  Augustin  et  de  Victorin. 

Bede  le  Venerable  (672-735)  Explanatio  Apocalypsis  [Migne,  P.  L.  XCIII). 
II  divise  I'Apocalypse  en  sept  livres,  ce  qui  a  fait  loi  pour  beaucoup 

fl)  Swete  signale  de  plus,  p.  cc,  un  commentaire  syriaque  anonyme  de  date  ignoree,  dans 
un  ms.  de  British  Museum,  Add.  17127,  et.  un  commentaire  nestorien  du  xviir  siecle,  a 
Cambridge. 


L£S    COMMENTATEUnS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXXVII 

de  ses  successenrs.  II  cite  Tyconius,  dont  il  fait  grand  cas  et 
applique  les  sept  regies,  et  Primasias,  qu'il  suit  de  preference, 
tout  en  enongant  aussi  d'autres  opinions  des  Peres  de  TEglise.  — 
Recapitulation.  Les  sceaux,  comme  les  trompettes,  aboutissent  a 
la  fin  du  monde.  La  septieme  trompette  ^menelQ  jour dujugement, 
le  septieme  sceau  «  initium  quietis  aeternae  ».  Les  septenaires 
expriment  les  divers  aspects  de  la  vie  de  TEglise,  avec  un  rapport 
special  au  temps  de  I'Ajitechrist,  surtout  pour  les  Coupes.  Les  sept 
livres  sont  :  i-iii ;  —  iv-vi;  —  vii-xi;  —  xii-xiv;  —  χν-χγι;  — 
xvii-xx;  — xxi-xxii. 

Ambfoise  Axsbert  (sous  le  pape  Etienne  IH,  768-772  .  Ambrosii  Ansberti 
in  sancti  Johannis  Apocalypsim  libf^i  X  {Q'lhlioi.  Patrum,  Cologne, 
1618,  ix).  11  s'inspire  de  ses  predecesseurs  latins,  surtout  de  Pri- 
masius,  et  de  saint  Gregoire  le  Grand,  et  donne  un  historique 
de  I'interpretation.  —  Recapitulation.  —  Rejette  linterpretation 
neronienne,  et  celle  des  «  2  Temoins  »  parElie-Jeremie.  —  Influence 
aussi  de  saint  Hippolyte  fpour  les  «  Tetes  »).  —  Les«  4  Animaux  » 
representent  des  aspects  du  Christ. 

Beatus  de  Liebana  (776),  auteur  d'une  compilation  qui  n'a  encore  ete  imprimee 
qu'au  xviii^  siecle,  en  Espagne.  S.  Beati  Preshyteri  in  Apoca- 
lypsim, Florez,  Madrid,  1770.  II  a  incorpore  en  grande  partie 
Victorin,  Tyconius  et  Apringius,  et  nous  fait  connaitre  beaucoup 
d'anciennes  opinions  sur  la  date  de  I'Apocalypse  (Claude  —  Neron 

—  Domitien).  II  connait  I'interpretation  neronienne  et  compte  les 
empereurs  depuis  Jules  Cesar.  —  II  se  croit  tout  proche  des  der- 
niers  temps,  14  ans  seulement  le  separant  de  la  fin  du  6®  millenaire 
(v.  Bousset,  Offenb.  p.  68-69).  —  Beatus  est  le  moine  Benedictin 
qui   combattit  avec    I'eveque    Etherius  Tadoptianisme   d'Elipand. 

—  II  ne  nous  est  pas  accessible,  et,  quand  nous  le  citons,  c'est 
d'apres  Swete. 

Alcuin  (725-804),  Cominentarioruin  libri  qainque  {Migne,  P.  L.  C),  admet 
les  recapitulations  de  Tyconius,  entrecoupees  d'intermedes  qui  ont 
rapport  a  d'autres  evenements.  II  resume  Ansbert. 

Η-ΑΤΛΙΟΝ  d'Halberstadt  (8431  Expositio  in  Apocalypsim  [Migne,  P.  L.  CXVII) 
suit  Ansbert  et  cite  Bede.  —  Les  «  4  Animaux  »,  aspects  du  Clirist. 

—  Divisions  de  I'Apoc.  en  7  livres. 

Walafrid  Strabox  ("j-  849)  Glossa  ordinaria  [Migne,  P.  L.  CXIV).  —  Divise 
I'Apocalypse  comme  Bede  en  sept  visions.  —  Recapitulation  entre 
les  «  sceaux  »  et  les  «  trompettes  » ;  les  «  Coupes  »  se  rapportent  a 
I'dge  de  I'Antechrist.  —  Influences  de  Primasius  (les  «  2  Temoins  »). 

—  Les  «  4  Animaux  »  aspects  du  Christ. 

Befengaud  (ix^  s.)  a  ecrit,  apres  la  chute  des  Lombards,  un  commentaire 
original  fort  estimc  du  grand  Bossuet  :  Expositio  super  septeni 
f'isiones  libri  Apocal.  [Migne,  P.  L.  XVII,  parmi  les  oeuvres  de 
saint  Ambroise).  —  Bcrengaud,  quoique  adoptant  une  division 
analogue  a  celles  de  Bede  et  d 'Ansbert,  est  independant.  —  Reca- 
pitulation entre  les  «  Sceaux  »  ct  les  «  Trompettes  »,  qui  repre- 


CcxxviII  INTRODUCTION. 

sentent  egalement  les  ages  du  monde,  au  point  de  vue  religieux, 
depuis  Adam  jusqu'au  catholicisme.  —  Au  Τ  moment  vient  ΓΑη- 
lechrist.  —  Les  «  Tetes  »  de  la  Bete  sont  tous  les  reprouves, 
jusqua  FAntechrist,  qui  est  la  septieme;  les  «  Cornes  »  sont  les 
barbares  qui  out  detruit  Rome. 

Anselme  de  Laox  (eveque  de  Havelberg,  au  xii''  siecle)  Enarrationes  in  Apo~ 
calypsim  [Migne,  P.  L.  CLXII)  depend  de  Walafrid  Strabo. 

Bruno  d'Asti  (xi'-xii"  s.)•  Expositio  in  Apocalypsim  [Migne,  P.  L.  CLXV), 
depend  surtout  de  Haymon  d'Halberstadt  —  Sept  visions,  comme 
dans  Bede  et  dans  Ansbert;  quarum  etsi  verba  diversa,  sententia 
tamen  paene  eadem  esse  videtur.  Toutes  recapitulent  les  perse- 
cutions subics  par  I'Eglise  jusqu'a  la  Jerusalem  celeste;  meme  les 
Lettres  aux  sept  eglises  rentrent  dans  ce  systeme.  —  Antechrist 
personnel  —  Elie  et  Henoch. 

Rupert  de  Deutz  (1120)  Comment,  in  Apocahjpsim  [Migne,  P.  L.  CLXIX).  — 
II  inlerprete  les  «  Sceaux  »  des  diverses  actions  du  Christ,  et  les 
«  Trompettes  »;  comme  Berengaud,  le  font  remonter  a  I'Ancien 
Testament. 

Richard  de  Saint-Victor  (xii*  s.).  In  Apocalypsim  Johannis  libri  septeni 
[Migne  P.  L.  CXCVI)  toujours  dans  la  ligne  de  la  «  glosse  ordi- 
naire »,  ainsi  que 

x\lbert  le  grand  (1260)  Enarrationes  in  Apocalypsim  (Opera,  Paris,  1899, 
xxxviii).  Commentaire  tres  soigne  et  tres  systematique,  avec 
beaucoup  de  rapprochements  bibliques. 

Hugues  de  Saint-Cher  (f  1263)  Poslilla  in  universa  Biblia  VII  (Cologne, 
1620)  Grande  affinite  avec  le  precedent,  et  sentiment  tres  exact 
du  sens  religieux. 

Martin  de  Lkon  (f  1203)  Expositio  lib.  Apoc.  [Migne,  P.  L.  CCIX). 

Denys  le  Chartreux  (1402-1471)  Comment,  in  universos  Scripturae  Sacrae 
libros  (Cologne,  1533),  fidele  aux  principes  de  ses  predecesseurs, 
a  combattu  la  nouvelle  ecole  de  Nicolas  de  Lyre.  Grande  erudition 
patristique. 

Tous  ces  ecrivains  latins,  malgre  leurs  divergences,  ont  bien  saisi  au  raoins 
I'esprit  general  et  la  portce  de  I'Apocalypse.  lis  aident  done  a  la  comprendre, 
bien  qu'il  ne  faille  naturellement  pas  chercher  chez  eux  Pexplication  historique 
des  symboles  particuliers.  Sauf  Berengaud  et  Rupert  de  Deutz,  ils  coincident 
dans  les  lignes  principales,  et  forment  la  lignee  de  Tyconius  et  de  saint  Augus- 
tin,  malgre  les  interpretations  archaiques  qu'ils  ont  laisse  reparaitre. 

IV.  —  JOACHIM  DE  FLORE  ET  SON  ECOLE. 

Deja,  a  la  fin  du  xii*  siecle,  le  celebre  abbe  Joachim,  de  Flore  en  Calabre, 
avait  ouvert  a  Texegese  une  voie  toute  nouvelle.  Done  d'une  rare  erudition, 
d'esprit  systematique  et  critique  a  sa  maniere,  tres  saint  dans  sa  vie  person- 
nelle,  il  fut  lui-m6me  une  sorte  de  prophete  que  ses  disciples,  malgre  sa  reserve 
de  moine  irreprochablement  soumis  a  I'Eglise,  considererent  comme  inspire. 


LES    COMMEXTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXXIX 

Joachim  a  fait  la  synthese  des  principaux  systemes  anterieurs  :  theories  du 
millenarisme,  des  sept  visions,  de  I'Antechrist,  de  la  i-ecapitulation,  se  com- 
binerent  dans  son  oeuvre  avec  une  apparence  de  profondeur  et  de  logique  qui 
lui  assura  un  grand  succes  populaire;  mais  ee  fut  an  detriment  de  la  saine 
intelligence  de  I'Apocalypse,  et,  par  contre-coup,  de  la  chretiente;  car  il  a, 
sans  s'en  douter,  fourni  des  armes  aux  precurseurs  de  la  Reforme. 

L'Abbe  de  Flore,  dans  I'ensemble  de  ses  ouvrages,  considerait  la  vie  religieuse, 
depuis  les  promesses  faites  par  Dieu  a  Abraham,  comme  divisee  en  trois 
periodes  :  I'Ancien  Testament,  qui  avait  dure  42  generations  (Mat.  i) ;  — .  la 
premiere  phase  du  Nouveau  Testament,  qui  dei'ait  durer  aussi  k2  generations^ 
I'autorite  appartenant,  non  plus  aux  gens  maries,  mais  au  clerge;  —  enfin  une 
epoque  de  plenitude,  le  Millenaire,  qui,  d'apres  ce  calcul,  devait  commencer 
vers  1260  ( Apoc.  les  1260  jours),  et  ou  le  Christ  reparu  sur  la  terre,  en  vain- 
queur  de  I'Antechrist,  amenerait  tons  les  fideles  a  la  vie  contemplative,  qui  leur 
donnerait  une  intelligence  parfaite  des  Deux  Testaments.  Rnsuite  viendrait 
I'assaut  final  des  forces  diaboliques,  le  Jugement,  et  le  regno  de  I'eternite. 

Joachim  de  Flore  (f  1202).  E.rpositio  in  Apocalypsim  (Venise,  1527). 
L'Apocalypse  decrit  en  huit  visions  les  sept  ages  de  I'Eglise 
(cfr.  Bede,  etc.),  puis  la  consommation.  Ces  sept  epoques  sont 
celles  :  1"  des  Apotres,  persecutes  par  les  Juifs,  Apoc.  chap,  ii-iii; 
2''  des  Martyrs,  de  Neron  a  Diocletien,  Apoc.  iv-vii ;  3"*  des  Docteurs 
de  FEglise,  avec  les  Ariens  (Byzantins,  Vandales,  Goths,  Lom- 
bards) comme  principaux  adversaires.  Apoc.  viii-xi,  18;  4°  des 
Vierges  (contemplatifs,  ascetes),  dont  I'institution  est  attaquee 
par  le  Mahometisme,  Apoc.  xi,  19-xiv;  5°  de  la  lutte  de  I'Eglise 
centre  Babylone,  qui  represente  le  Saint -Empire  degenere, 
Apoc.  xv-xviii;  c'est  I'epoque  oil  vit  Joachim;  6"  de  FAntechrist, 
que  le  Christ  viendra  personnellement  aneantir,  Apoc.  xix; 
7°du  Millenium  qui  suivra,  jusqu'au  dernier  effort  des  armees  de 
Satan.  —  8"  Enfm  aura  lieu  le  jugement  general,  et  les  saints 
verront  Dieu  eternellement. 

Joachim  a  pousse  au  dernier  degre,  et  d'une  maniere  absolu- 
ment  artificielle,  le  systeme  de  la  recapitulation  :  les  cinq  pre- 
mieres sections,  en  plus  de  leur  objet  principal,  resument  chacune 
toutes  les  luttes  de  I'Eglise  jusqu'au  triomphe.  —  De  plus,  elles 
sont  respectivement  divist§es  en  sept  parties,  qui  se  repondent 
membre  a  membre;  mais  la  sixieme  section  n'a  que  trois  divi- 
sions, les  deux  dernieres  n'en  ont  pas  besoin. 

Ainsi  I'interpretation  de  tous  les  symboles  est  historique;  dans 
le  detail,  la  precision  n'a  d'egale  que  la  fantaisie.  La  1"  Bete  est 
rislam,  dont  la  blessure  (les  Croisades)  a  ete  guerie  quand  Jeru- 
salem a  ete  reprise  par  le  sultan  Saladin ;  la  2•=  Bete,  ce  sont  les 
heretiques  Patarins,  suspects  de  connivence  avec  les  Musulmans. 
[Apoc.  xiii).  Mais,  au  chap,  xvii,  la  Bete  devient  le  Diable,  et  ses 
«  tetes  »  la  succession  des  empires  paiens,  heretiques,  infideles,  ou 
mauvais  catholiques;  la  «  sixieme  «,  contemporaine  de  Joachim, 


CCXXX  INTHODLCIIOX. 

(on  dirait  ainsi  que  saint  Jean  a  ocrit  sa  Revelation  tout  entiere 
du  point  de  vue  du  xii*^  siecle!)  semble  etre  I'ensemble  des  poten- 
tats  asiatiques  iequivalant  aux  10  cornes)  qui  va  venir  detruire 
I'empire  germanique,  I'Euphrate,  cette  barriere,  elantdeja  desseche 
par  la  destruction  de  I'armee  de  Frederic  Barberousse  au  debut 
de  la  3*^  croisade.  Alors  surgira  un  ordre  de  moines  contempla- 
tifs  qui  defendra  I'Eglise  contre  les  envahisseurs,  en  attendant 
I'iVnteciirist,  sa  defaite  et  le  Millenium. 

Cette  fantasmagorie  si  soigneusement  elaboree,  jointe  aux  autres  ecrits  du 
grand  Abbe,  constitua  pour  ses  disciples  «  TEvangik  eternel  »  annonce  dans 
lApocalypse,  xiv,  6-7;  Joachim  lui-meme  aurait  ete  proplietise  par  saint  Jean, 
comme  FAnge  qui  devait  le  promulguer.  L'Eglise,  par  estime  pour  la  vie  et  la 
foi  de  cet  ecrivain,  s'abstint  d'infliger  aucune  note  theologique  a  ses  ouvrages, 
malgre  la  vive  agitation  qu'ils  causaient,  surtout  dans  cette  fraction  des  Fran- 
ciscains  Spirituels  qui  s'etaient  mis  en  revolte  contre  Rome,  et  qui  voulaient 
reconnaitre  leur  ordre  dans  les  moines  prophetises  pour  la  sixieme  opoque. 
Mais  elle  a  condamne  plusieurs  des  exegetes  disciples  de  Joachim,  apres 
avoir  fait  bi'uler  leur  Liber  Introductionis  a  Γ  «  Evangile  eternel  »  (1255,  sous 
Alexandre  IV). 

On  pent  mentionner  d'abord,  comme  se  rattachant  de  loin  a  cette  ecole    : 

Pseudo-Thomas  dAquin.  Expositio  in  Apocalypsim,  oeuvre  d'un  certain 
Thomas  d'Angleterre,  qui  s'est  introduite  sous  une  double  forme 
dans  I'oeuvre  du  Docteur  Angelique  (edition  Vives,  tomes  xxxi 
et  xxxii)  —  Ce  commentaire  est  orthodoxe  et  n'a  jamais  ete  con- 
damne. L'importance  qu'il  attache  aux  Ordres  mendiants,  qu'il 
trouve  plusieurs  fois  annonces  par  saint  Jean,  revele  I'influence 
de  Γ  Abbe  Joachim,  lequel  est  d'ailleurs  expressement  cite  comme 
une  autorite.  L'ouvrage  doit  etre  du  xm''  siecle. 

Parmi  les  commentateurs  «  spirituels  «  rebelles  et  heretiques,  il  faut  men- 
tionner. 

*  Pierre  Jean  Oliva  (-|-   1297)   Postilla   super  Apocalypsi,    condamne    par 

Jean  XXII  en  1323.  Des  extraits  en  ont  ete  publies  par  Baluze  et 
Dollinger.  —  L'Antechrist  est  la  Papaute  et  Frederic  11.  —  II  n'y  a 
pas  toutefois  de  Millenium  avec  presence  corporelle  du  Christ;  les 
«  spirituels  ^)  parus  au  6*  age  le  remplacent.  Citons  encore  : 

*  Ubertin  de  Casale  (xiv**  s.).  Arbor  vilae  crucifixae  F  (Venise,  1485).  —  Les 

Deux  Betes  sont  les  papes  Boniface  VIII  et  Benoit  XI  (Βενεδίκτο; 
=  666). 

Ces  commentaires  revolutionnaires  et  delirants.  qui  a.ttendaient  I'arrivee  pro- 
chaine  d'un  age  d'or,  repandaient  leurs  idees  dans  les  couches  populaires,  par 
des  sectes  comme  celle  des  Begards.  Les  preeurseurs  plus  immediats  du  protes- 
tantisme,  Wicleffites,  Hussites,  utiliserent  ces  divagations  anti-romaines  au  profit 
de  leur  lai'cisme. 


LES    COMMEXTATEURS    DE    l'aPOCALYPSE.  CCXXXI 

*  WicLEFF  (1324-1389  Dialogus,  et  ailleurs).  —  Satan  a  ete  dechaine  1000  ans 

apres  rincarnation.  —  Un  commentaire  d'un  de  ses  disciples 
(*  J.PuRVAEUs?  1390),  edite  par  Luther  (Wittenberg,  1528)  pro- 
clame  que  la  Papaute  est  devenue  I'Antechrist  apres  Van  1000. 

Beaucoup  des  premiers  protestants  pousserent  dans  la  meme  direction  joa- 
chimite,  en  s'attachant  aussi  an  dogme  que  le  Pape  est  I'Antechrist.  Leurs  ecrits, 
de  meme  que  les  precedents,  n'apportent,  dans  I'ensemble,  a  peu  pres  aucune 
contribution  a  I'exegese  scientifique  et  raisonnable  (1).  Cependanl  il  en  est  deux 
ou  trois  qui  meritent  d'etre  mentionnes  ;  ils  ont  abandonne  le  chiliasme. 

*  Nicolas  Collado  (1581)  Methodiis  facillima  ad  explicationeni  sacrosanctae 

Apocalypseos,  —  Recapitulation,  et  parallelisme  parfait  entre  les 
Sceaux,  les  Trompettes,  et  les  Coupes.  Le  fragment  d'Apoc.  X-XIy  14 
est  compris  sous  la  6"^  trompeite,  idee  juaste  et  rare.  —  Par  ailleurs, 
antipapisme  de  Liither. 

*  David  Paraeus  (1618).  in  dinnam  Apocalypsim  fohanms  Comment.  (Geneve, 

1642-1650).  —  Tres  erudit.  —  Influences  de  Collado  et  du  catho- 
lique  Alcazar  [vide  infra,  §  vi).  —  II  reconnait  qu'une  twiivelle  sec- 
tion commence  au  chap.  XII.  —  Antipapisme,  et  polemique  contre 
Akazar,  dont  il  a  pourtant  profile, 
*JoBANNES  CoccEWS  (1668).  Cogitutiones  de  Apocalypsi  S.  Jo  ha  nnis  {Lejde]. 
—  Sept  periodes  de  la  vie  de  TEglise ;  la  guerre  de  Trente  ans 
constitue  la  sixieme.  —  Recapitulation  et  parallelisme  strict  entre 
tons  les  septenaires,  meme  celui  des  Lettres.  —  Cocceius  a  fait  ecole. 

Les  idees  chiliastes  de  Joachim  ont  subsiste  du  reste  jusqu'a  nos  jours,  et 
inspirent  encore  des  sectes  obscures.  Elles  furent  particulierement  en  vogue 
dans  les  cercles  pietistes  d'Allemagne  et  des  pays  voisins. 

V.    NICOLAS    DE    LYRE    ET    SON    ECOLE. 

Berengaud  et  Rupert  avaient  vu  dans  I'Apocalypse  la  description  d'epoques 
distinctes,  mais  qui  n'allaient  pas  plus  loin  que  la  conversion  des  gentils;  Joa- 
chim et  ses  successeurs  avaient  trouve,  dans  chacun  des  membres  de  leur  reca- 
pitulation, des  images  des  grands  evenements  de  I'histoire  de  I'Eglise,  mais 
sans  trop  entrer  dans  le  detail.  A  partir  d'Aureolus  et  de  Nicolas  de  Lyre,  nom- 
bre  d'exegetes,  et  jusqu'a  nos  jours,  ont  considere  I'Apocalypse  comme  une  pro- 
phetie  complete  de  I'histoire  universelle.,  ou  plutot  de  Thistoire  ecclesiastique, 
depuis  le  temps  de  saint  Jean  jusqu'a  la  fin  du  monde.  Pour  y  reconnaitre  tant  de 
details,  il  fallait  bien  renoncer  aux  grandes  vues  concises  compatibles  avec  la 
theorie  de  la  recapitulation ;  la  Prophetie  fut  done  pour  eax  un  expose  suivi, 
chronologique  et  sans  repetitions,  des  evenements  de  I'avenir.  Cette  seconde 
forme  de  decadence  n'a  guere  ete  moins  funeste  a  I'exegese  que  I'apocalyptisme 
de  Joachim;  clle  a  entraine  tant  de  confusions  dans  Γ  interpretation,  tant  de  fana• 

(1)  Pour  tous  ces  ocrivains,  voir  Boispet.  — Une  vie  d'homme  ne  suflirait  pas  a  lire  tous  les 
commenlaires  dc  I'Apocalypse;  mais  les  Irois  quarts  ne  valcnt  pas  la  peine  qu'on  les  use. 


CCXXXII  -  INTRODUCTION, 

tisme  cliez  les  Protestants  qui  s'emparerent  de  la  methode  pour  la  tourner  contre 
I'Eglise  romaine,  que  lApocalypse  parut  a  beaucoup  d'esprits  serieux  comme  un 
livre  qu'oa  ne  peut  chercher  a  expliquer  sans  courir  de  divagations  en  divaga- 
tions. Comely  caracterise  tres  justement  ce  systemc  du  point  de  vue  religieux 
[Inlrod.  Ill,  p.  728-729)  :  «  Non  satis  intelligimus  quern  finem  Deus  in  aenigma- 
tica  hac  factorum  Ecclesiae  praedictione  habuerit  aut  habere  potuerit.  Etenim  si 
in  V.  T.  totaMessiae  vitaet  praecipua  regni  messianici  Ijona  per  Prophetas  mani 
festatasunt,  statim  apparet  illis  praeparatum  et  incitatum  esse  populuai  electum, 
ut  redemptoris  sui  adventum  desideraret  advenientcmque  cognosceret;  ad  quid 
autem  haec,  quae  supponitur,  tribulationum  et  persecutionum  revelatio,  quae 
cognosci  nequeunt  praedictae,  nisi  postquam  jam  diu  praeterierunt?  Accedit  autem 
quod  ejusmodi  revelatio  vanam  quamdam  nocivamque  curiositatem  provocare  et 
alere  videatur.  Interrogantibus  discipulis,  quandonam  filius  liominis  ad  judicium 
sit  venturus,  respondit  Dominus  :  «  De  die  autem  illo  vel  hora  nemo  scit  »  (etc.) 
«  videte,  vigilate  et  orate,  nescitis  enim,  quando  tempus  sit  ».  lam  difficile  nobis 
persuademus  Deum  nobis  postea  Apocalypsin  dedisse,  ut  non  tantum  sciremus, 
quot  aetates  adhuc  ante  judicis  adventum  praeteriturae  assent,  sed  ipsum  annum 
adventus  Domini  definiremus,  Num  forte  solis  Apostolis  et  primis  Christianis 
erat  vigilandum?  Experientia  demum  docet  omnes  illos  interpretes,  qui  hucus- 
que  systema  illud  adhibuerunt,  ab  erroneo  profectos  esse  principle ;  immo  nisi 
prorsus  incertum  principium  supponatur,  non  videtur  posse  adhiberi,  Omnes 
enim  supposuerunt  se  ultima  jam  aetate  Ecclesiae  degere...  Unum  illud  certo 
scimus,  Dominum  dixisse  :  «  De  die  illo  et  Jiora  nemo  scit,  nisi  Pater;  vigilate  et 
orate  » ;  reliqua  omnia  nobis  sunt  incerta.  »  On  ne  saurait  mieux  dire,  et  il  est 
bien  vrai  que,  de  tous  les  systemes  exegetiques,  c'est  celui  dont  nous  parlous 
qui  meconnait  au  plus  haut  degre  le  but  et  Fesprit  de  saint  Jean.  II  a  commence 
avec 

Petrus  Aureolus  (Oriol  f  1322)  Breviarium  Bihliorum,  et  un  autre  celebre 
docteur  franciscain, 

Nicolas  de  Lyre  (1329).  Postillae  perpetuae,  sii>e  praevia  Comm.  in  univ. 
Biblia  (Rome,  1471-72).  —  11  conserve  la  vieille  division  en  sept 
ages,  et  fait  commcncer  au  ch.  iv  Ihistoire  de  TEglise  depuis  sa 
fondation  jusqu'a  la  fin  des  temps  :  1°  les  7  sceaux,  de  Jesus-Christ 
a  Julien  I'Apostat;  2°  les  7  trompettes,  de  Julien  jusqu'a  Ghosroes  et 
Mahomet;  3°  de  Maurice  a  Charlemagne,  le  Dragon  et  TEglise, 
4°  de  Charlemagne  a  Henri  IV  de  Germanie,  les  7  coupes ;  5"*  de  la 
querclle  des  investiteurs  a  I'Antechrist;  6°  I'Antechrist;  7°  le  juge- 
ment  et  la  vie  future,  ou  encore  I'age  de  I'Antechrist,  car  il  ne  se 
sent  pas  done  lui-meme  d'esprit  de  prophetie  pour  tout  bien  distin- 
guer;  plut  a  Dieu  que  tous  ses  successeurs  eussent  imite  cette 
reserve!  —  Le  chapitre  xii  est  relatif  a  la  guerre  de  Chosroes  et 
d'lloraclius.  —  La  1'"''  Bete  est  le  fils  de  Chosroes,  la  2*  Mahomet. 
—  Le  ch.  XIV  se  rapporte  a  Pepin  et  a  Charlemagne.  —  xix  1  sq., 
la  fondation  du  royaume  chretien  de  Jerusalem.  —  Le  Millenium 
commence  avec  la  fondation  des  ordres  mendiants.  —  L'Ange  de  xx 
est  Innocent  III;  Babylone  est  I'Islam;  et  les  coupes,  les  croisades; 


LES    COM.ME.NTATEUUS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXXXIII 

xvii-xviii  sont  Texplication  de  la  septieme  coupe.  II  admet  cepen- 
dant  que,  a  partir  de  xvii,  il  peut  s'agir  d'evenements  non  accomplis, 
qu'il  n'explique  pas,  n'etant  point  prophete.  Admettant  le  double 
sens  litteral,  il  laisse  libre  de  comprendre  les  2  temoins  par  le 
pape  Sylvere  et  le  patriarche  Mennas  ou  par  Elie-Henoch.  Meme 
genre  d'explications  chez  Ederus,  Lizarazus,  Coelius  Panno- 
Nius,  etc.  Celte  methode  eut  un  grand  succes  chez  les  prolestants 
qui  Tadapterent  a  leurs  vues.  Parmi  les  catholiques,  elle  futcritiquee 
par  Paul  de  Burgos  (1434).  Additiones  ad  Nic.  Lyrae  postillas, 
mais  reprise  par 
Bart.  Holzuauser  (1613-1658).  Inlerpretation  de  I'Apocalifpse  (Bamberg, 
1784;  —  Vienne,  1850),  qui  sarrete  au  chap,  xv,  4;  traduite  en 
frangais  et  continuee  par  le  chanoine  de  λΥυιιχΕηΕτ  (Paris,  1857). 
—  Les  7  Ages  de  I'Eglise,  decrits  en  detail  jusqu  a  la  consomma- 
tion,  a  partir  du  chapitre  iv,  mais  deja  representee  dans  leur  ordre 
par  les  Anges  des  7  lettres.  —  Pas  de  chiliasme.  —  L'Antechrist 
devait  naitre  en  1855  et  mourir  en  1911.  —  A  partir  du  cha- 
pitre XII,  il  y  a  line  certaine  recapitulation,  concernant  llsla- 
misme  et  TAntechrist.  —  Ce  commentaire,  dont  I'auteur  a  ete 
declare  Venerable,  et  fut  considere  comme  doue  lui-meme  de 
I'esprit  prophetique,  a  son  utilite  au  point  de  vue  de  Fexplication 
du  sens  spirituel;  la  methode  est  un  peu  moins  systematique  et 
etroite  que  celle  de  Nicolas.  —  De  la  Chetardie  (1692)  Expli 
cation  de  I'Apocalypse,  Bourges,  s'en  tient  aussi  aux  sept  ages 
de  TEglise. 

Nous  verrons  plus  loin  les  catholiques  dont  les  commentaires  sont  demeures 
dans  cette  ligne.  Ceux  des  protestants  ont  ete  bien  plus  nombreux  : 

*  Luther,  qui,  en  1522,  ne  reconnaissait  pas  TApocalypse  pour  une  prophetie 

aulhehtique,  se  mit  a  cstimer  ce  livre  quand  il  crut  pouvoir  Tin- 
terproter  contre  le  Pape.  En  outre  de  son  edition  de  Purvaeiis 
(1528,  vid.  supra),  il  a,  dans  sa  preface  au  Nouveau  Testament  de 
1534,  explique  a  la  fagon  de  Nicolas  de  Lyre,  les  7  trompettes 
(la  5%  Ariens;  la  6*,  Sarrasins)  —  Gog  et  Magog  sont  les  Turcs.  — 
La  Papaute  et  I'Empire  allies  sont  les  Deux  Betes,  car  le  Pape, 
avec  Charlemagne,  a  gueri  la  blessure  qui  avait  emporte  I'ancien 
empire  paien. 

Les   lutlieriens,    en    general,    suivirent    les    memes   errements. 
Mentionnons  : 
*Osiandeh  (1580).  Sacroruni  Bihliorum,  p.  in,  beaucoup  plus  detaille.  —  La 
Bete,  au  c.  xvn,  reprcsente  toute  I'anciennc  histoire  romaine  — 
666  signifie  εκκλησία  ιταλική. 

*  ΠοΕ    VON    HoENEGG    (1590).    Trcs    volumineux    commentaire.    Commenta- 

riorum  in  Johannis  Apocalypsini  libri  Vlll,  crudit.  —  Contre  le 
Pape  et  les  Jesuites. 
*Calovius  (1674).  Biblia  illustrata,  t.  iv,  s'attache  etroitement  a  Luther,  mais 


ccxxxiv  ix'rr,(iDUCTio.\. 

il  a  profile,  tout  en  les  combattant,  de    Grotius  et  des   Josuites 
espagnols  (*'.  infra). 
*J.  Map.ckius  (1699).  In  Apocalypsim  commentarius,  Utrecht.  —  11  combat 
Cocoeius. 

Les  protestants  anglais  ou  ecossais,  en  general,  exagererent  encore  I'apoca- 
iypiisme  et  I'antipapismo  df^  leiirs  coreligionnaires. 

Les  principaux,  au  xvi*^  siecle,  furent  *J.  Foxe,  Meditations  on 
the  Apocalypse  (1587)  et  *J.  Napier,  A  plain  discovery  of  the 
whole  Revelation  (1593).  —  Puis 
*Th.  Brightmax  (1616).  The  Revelation  of  saint  John  illustrated,  Londres. 
—  II  poursuit  Bellarmin  et  les  Jesuites,  auxquels  se  rapporte- 
raient  les  derniers  fleaux  apocalyptiques.  —  Apoc.  Xl-XIV  est 
line  recapitulation  de  I-X,  d'un  point  de  vue  different.  —  L'auteur 
A'it  au  temps  de  la  3*"  Coupe. 

*  Joseph  Mede  (1627).  Claris  Apoc.  una  cum  Commentario,  Cambridge  — 

L'auteur  vit  au  temps  de  la  k"  coupe  versee  sur  le  Papisme  (vic- 
loires  de  Gustave-Adolphe).  —  Les  6  sceaux  se  rapportenl  a 
lEmpire  romain  jusqu  a  Constantin,  dont  la  victoire  sur  le  paga- 
nisme  estlobjet  du  chap.  xii.  —  Qiiliasme.  Les  Trompettes  vont 
jusquaux  Ottomans.  —  Au  chap,  χ  (la  Reforme)  commence  une 
nouvelle  revelation,  plus  etendue  que  la  precedente,  car  elle  com- 
prend  I'histoii'e  passee  et  future  de  la  Papaute.  —  La  premiere 
' partie  s'occupe  de  I'Empire,  la  seconde  de  I'Eglise.  —  Mede  a 
ete  frequemment  refute  par  Bossuct. 
"Isaac  Newtox  (1732;.  Observations  upon  ihe  prophecies  of  Daniel  and 
the  Apocalypse,  Londres.  —  Ce  grand  homme  a  eu  la  faiblesse 
de  commenter  I'Apocalypse  a  la  fagon  de  Mede  et  des  autres.  — 
Mais  il  est  beaucoup  plus  reserve.  —  Les  «  Coupes  »  recapitulent 
les  «  Trompettes  ».  —  L'Apocalypse  a  ete  ecrite  sous  Neron. 

*  William   Whistox    (1706).    Essay   on  the  Revelation  of  saint  John,  Cam- 

bridge. —  11  suit  ^Nlede  :  il  a  ilotte  pour  la  date  d'ouverture  du 

Millenium  entre  1715,  1734  et  1866. 
Parmi  les  protestants  frangais  citons  comme  appartenant  a  la  meme  ecole  : 
*PiERRE  JuRiEU  (1686).  L'AccompHssenient  des  Propheties,  ou  la  delivrance 

prochaine  de  lEglise,  Rotterdam. 

VI.    —    REACTIOX    SCIEXTIFIQUE    AU    TEMPS    DE    LA    i'.EXAISSAXCE    ET    AU 

XVn"    SIECLE 

Ces  dechainements  de  fantaisie  et  de  fanatisme,  οΐι  se  melait  I'exaltation  des 
joachimites  devoyes  aA^ec  la  methode  fausse  et  arbitraire  de  Nicolas  de  Lyre, 
devaient  provoquer  une  utile  reaction.  Elle  fut  dabord  limide  chez  les  Protes- 
tants. Ca.merarics,  Thedore  de  Beze,  Castell'.o,  L.  de  Dieu,  Drusius,  et 
d'autres  ecrivains  du  xvi^  et  du  xvii•^  siecle,  desesperant,  oxi  a  peu  pres, 
d'elucider  le  sens  de  lApocalypse,  se  bornerent  a  Tetudier  du  point  de  vue  de 


LES    COMMENTAXaURS    DE    Ε  APOCALYPSE.  CCXXXV 

la  philologie.  Calvin  n'a  pas  ose  y  toucher,  ce  dont  la  feiicite  Scaliger.  Pour- 
tant  un  exegete  non  catholique  fit  un  effort  serieux,  des  les  premiers  temps  de 
la  Reforme,  pour  comprendre  la  Revelation  en  la  replagant  dans  le  milieu  oil 
elle  fut  ecrite.  C'est  : 

*BiBLiAXDER  (1549)  DUigens  atque  erudita  enarratio  lihri  Apocalypsis 
Johannis,  Bale.  —  Les  «  sceaux  »  representent  Thistoire  entiere 
du  monde,  que  recapitulent  les  trompettes.  —  Sil  voit  dans  la 
Deuxieme  Bete,  qui  ressuscite  FEmpire  antichretien,  et  dans  les 
«  Coupes  »  rhistoire  des  siecles  recents,  en  un  sens  anticatliolique, 
du  moins  comprend-il  que  le  chap,  xii  se  rapporte  aux  persecu- 
tions de  TEglise  par  les  Juifs  et  les  paiens;  la  i""®  Bele  est  I'Empii-e 
romain,  sa  blessure  ία  mort  de  Neron,  sa  guerison  le  regne  de 
Vespasien,  et  les  «  Tetes  »,  les  empereurs  de  Galha  a  Ner^a 
(cfr.  Mctorin),  la  huitieme  etant  Trajan.  —  De  Bibliander  se  rap- 
proche  *Artopaeus  (i549;  et  *  Bellinger  (1557),  tres  erudit. 
"     D'autres,    *Lambertus    (1528,   traces   de   chiliasme),    *M.    Hoffmann    (1530), 

*Seb.  Meyer  (1534),  melangent  I'antipapisme  a  des  interpretations  ancienncs, 
surtout  a  celles  du  Haut  Moyen-Age,  Bede,  Strabon,  etc. 

L'activite  des  commentateurs  catholiques  fut  tres  grande  a  la  Renaissance 
et  au  xvn^  siecle.  A  cote  de  ceux  qui  se  contenterent  de  courtes  notices,  parmi 
lesquels  il  convient  de  citer 

Erasme  (1516)  Adnotationes  in  Novum  Testamentum,  Bale, 

de  nouvelles  directions,  dues  a  des  Jesuites  espagnols,  donΉerent  aux  etudes 
apocalyptiqucs  une  impulsion  feconde,  qui  a  contribue  a  les  ramener  dans  la 
voie  scientifique.  Bousset  declare  nettement  que,  compares  aux  leurs,  les  travaux 
des  protestants  de  la  meme  epoque  apparaissent,  en  moyenne,  comma  enfantins 
[Offenh.  p.  91;.  Dans  ce  mouvement,  il  faut  distinguer  deux  courants.  L\m  et 
I'autre  repoussent  tout  a  fait  le  systeme  d'histoire  ecclesiastique  de  Nicolas  de 
Lyre;  ils  s'accordent  encore  pour  reconnaitre  que,  pavmi  les  evenements  histo- 
riques  da  passe,  I'Apocalypse  ne  contient  d' allusions  precises  qua  ceux  des 
debuts  de  I'Eglise.  Mais  : 

1°  Les  uns  rapportent  tout  le  reste  aux  dernier s  temps  de  I'Eglise  et  du 
monde,  de  sorte  que  les  principales  propheties  de  I'Apocalypse  ne  se  seraient 
nullement  encore  realisees.  Ils  laissent  done  une  vaste  lacune  entre  le  temps 
des  persecutions  romaines,  au  milieu  desquelles  TEglise  s'est  aifermie  a 
travers  le  monde,  et  I'agc  futur  et  indetermine  de  lAntechrist.  lis  rcmettent  en 
honneur  les  auto  rites  anterieures  a  Tyconius. 

RiBEiRA  S.  J.  (1591).  Commentarius  in  sacram  heati  Joannis  Apocalypsim, 
Salaman<{ue.  —  Les  cinq  premiers  sceaux  decrivent  retablissemcnt 
de  TEglise  depuis  la  predication  des  Apotres  (1^'sccau)  jusqu'a 
Trajan;  avec  le  6%  et  jusqu'a  la  fin  du  livre,  on  passe  a  I'cscha- 
tologie.  —  Deux  parties  dans  I'Apocahjpse  :  les  chapp.    i-xi   se 


CCXXXVI  INTHODUCTION. 

rapportent  a  I'histoire  de  I'Eglise  jusqu'a  rAutechrist ;  les  chapp. 
xii-xx  decrivent  le  regne  de  TAntechrist  et  les  epreuves  ultiines. 
—  Pas  de  recapitulation.  Ribeira  rcjettc  Tinterpretalion  neronienne 
de  Victorin;  la  blessure  guerie  de  la  Bele,  c'est  une  parodie  de  la 
resurrection  du  Christ,  operee  par  I'Antechrist.  —  Celui-ci  sera 
de  la  tribu  de  Dan  (Irenee,  etc.);  Elie  et  Henoch:  Babylone  de  xvii 
sera  Rome  en  rupture  avec  le  si6g-e  apostolique,  etc.  Bellar.min 
(-j-  1621)  a  suivi  Ribeira  dans  son  De  Aniichristo. 

Ρεβευπα  S.  J.  (1606)  Selectarum  disputationum  in  sacram  scripturam  conli- 
nens  CLXXXllI  disputaliones  super  lihro  Apocal.  B.  Joannis 
Apost.  Lyon.  —  Exposition  suivie  jusqu'au  1"-  chapitre.  —  Recapi- 
tulation continue,  comme  dans  Joachim,  mais,  quoique  influence 
par  les  idees  chiliastes,  Pereyra  ecarte  les  extravagances  et  les 
divisions  trop  minutieuses  du  celebre  Abbe.  —  A  partir  de  chaque 
sixieme  moment  des  septenaires  il  ne  s'agit  plus  que  de  I'avenir 
eloigne. 

ViEGAS.  S.  J.  (1601  et  1613).  In  Apoc.  Joannis  apostoli  commenlarii  exegetici, 
York  et  Cologne.  —  Plus  eclectique  que  Ribeira,  a  qui  il  reproche 
d'etre  un  peu  trop  esclave  de  la  lettre,  il  le  suit  pourtant  pour  la 
seconde  partie.  —  De  plus,  s'attache  aux  interpretations  patris- 
tiques. 

Cornelius  a  Lapide  S.  J.  (1625)  Comnientaria  in  Apocalypsim,  Anvers  et 
Lyon,  fait  commencer  a  vi,  12,  la  description  des  temps  de  I'Ante- 
christ. II  suit  Pereyra,  Ribeira  et  Viegas. 

Mexochius,  S.  J.  (1630)  Brens  explicatio  sensus  litteralis  sanctae  Scripturae 
Cologne,  suit  aussi  Ribeira,  mais  explique  les  six  premiers  cha- 
pitres  d'apres  Bede  et  W.  Strabo. 

Citons  encore,  dans  la  meme  ligne,  Escobar  υ  Mendoza  (1652) 
et  Sylveira  (1663),  auteur  d'un  commentaire  tres  volumineux. 

2°  Une  autre  classe  d'exegetes  diifere  des  precedents  en  ce  que,  au  lieu  de 
rapporter  la  masse  des  propheties  apocalyptiques  a  la  iin  des  temps,  ils  y 
reconnaissent  I'histoire  du  double  conflit  que  I'Eglise  naissanle  eut  a  soutenir 
d'abord  conire  le  judaisine,  puis  contre  les  patens. 

Hentex  S.  J.  (1547)  dans  sa  Preface  a  Tedition  du  commenlateur  Arethas 
jointe  aux  ouvrages  d'OEcumenius,  Paris,  a  le  premier  reconnu 
clairement  que  la  partie  prophetique  Vl-XX  est  dii'isee  en  deux 
sections  {V/-XI  et  XII-XX).  II  considere  la  premiere  comme  rela- 
tive a  la  chute  de  la  Synagogue;  le  chapitre  xi  decrit  la  ruine  de 
Jerusalem.  —  La  dcuxieme  section  se  rapporte  a  la  destruction 
du  paganisme,  sous  la  figure  de  Babylone.  —  L'Apocalypse  a  ete 
ecrite  sous  Neron.  —  Le  chap,  xni  prophetise  pourtant  Mahomet. 

Salmeron  S.  J.  (1614).  In  Johannis  Apocalypsim  praeludia,  Cologne,  place 
I'Apocalypse  a  la  meme  epoque,  et  I'interprete  de  la  m6me  mauiere. 

Alcazar  S.  J.  (1614  et  1619).  Vestigatio  sensus  Apocalypsis,  Anvers.  — 
Alcazar  est  un  des  plus  celebres  et  des  plus  influents  commenta- 


LES    COMMENTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXXXVII 

ieurs  de  I'Apocalypse.  Son  travail,  tres  informe,  est  plein  d'idees 
justes;  le  cote  faible  est  que,  pour  certaines  figures,  il  se  contente 
trop  facilement  d'un  pur  allegorisme  moral,  et  que,  comme  las 
precedents,  il  rapporte  artificiellement  aux  seules  luttes  contre  la 
synagogue  (dont  le  Prophete,  en  realite,  sest  occupe  fort  peu),  la  . 
premiere  section  prophetique  vi-xi ;  cependant  il  ne  recule  pas 
I'Apocalypse  avant  Tan  70.  —  Les  4  premiers  «  Sceaux  »  repre- 
sentent  les  victoires  de  I'Evangile  au  debut,  le  6•=  correspond  au 
siege  de  Jerusalem.  —  Le  ch.  vii  est  la  delivrance  des  Chretiens; 
VIII  et  IX,  les  malheurs  des  Juifs  dans  la  guerre  contre  les  Romains. 

—  Au  chap.  X,  I'Evangile  passe  des  Juifs  aux  Gentils.  —  XI  est 
la  ruine  de  la  cite  deicide,  et  les  2  Temoins,  le  christianisme  qui 
se  releve  a\>ec  une  nouvelle  magnificence,  et  convertit  une  partie 
de  la  nation  juive.  —  La  Femme  de  xii  est  la  communaute  juive  qui 
engendre  I'Eglise  des  gentils,  idee  qui  devient  juste  si  on  I'elargit. 

—  La  i"^  Bete  est  V Empire  romain;  la  tete  guerie  de  sa  blessure 
represente  Domitien,  qui  a  reincarne  I'esprit  de  Neron.  —  L'ef- 
fusion  des  7  Coupes  symbolise  le  triomphe  progressif  de  I'Evan- 
gile sur  le  paganisme  romain;  Baby  lone  est  Rome  pa'ienne.  —  Au 
chap.  XIX,  11  seq,  on  assiste  au  dernier  grand  conflit  des  persecutions 
et  a  la  conversion  de  I'Empire.  —  L'Ange  qui  lie  Satan  est  Constan- 
tin,  au  regne  duquel  commence  le  Millenium,  temps  de  tranquillite 
relative  do  I'Eglise.  pour  durer  jusqu'a  la  fin  du  monde.  —  On  le 
voit,  Alcazar  n'use  pas  de  la  theorie  de  la  recapitulation.  —  //  ne 
parte  point  d'Antechrist personnel,  ni  d'Elie-Henoch;  allegorisme 
moral  pour  la  2^  Bete,  le  chiffre  666,  les  teles  et  les  cornes.  — 
Nulle  part  ilne  voit  d'ailleurs  de  prediction  materielle  trop  precise; 
il  se  contente  de  reconnaitre  la  prophetic  des  grandes  lignes  de  la 
vie  de  I'Eglise,  principalement  de  son  etablissement  au  milieu  des 
persecutions  des  premiers  siecles. 

L'influence  heureuse  d'Alcazar  se  fit  sentir  et  chez  les  catholiques  et  chez  les 
protestants.  Son  ouvrage  fut  beaucoup  lu  et  beaucoup  discute.  De  lui  s'ins- 
pirerent 

*  Grotius  (1644).  Adnotationes  in  Novum  Testamentum,  Paris.  —  Ce  savant 
eut  d'abord  le  merite  de  rompre  avec  I'exegese  anti-papale;  puis 
il  a  ouvert  sur  la  composition  de  I'Apocalypse  des  apergus  interes- 
sants,  qui  ne  demandent  qu'a  etre  mis  au  point  (vid.  supra,  c.  xiii). 

—  Memo  division  qu'Alcazar;  les  chapp.  xx-xxii  represent  la  con- 
dition temporelle  et  eternelle  de  I'Eglise,  depuis  la  paix  de  Cons- 
tanlin.  —  Malheureusement,  surtout  dans  la  parlie  consacree  selon 
lui  au  jugement  des  Juifs  (vi-xi),  il  montre  autant  d'arbitraire  que 
I'ecole  de  I'histoire  ecclesiastique;  ainsi  il  dccouvre  la  revolte  de 
Barcochebas  au  chap,  xi,  Simon  le  Magicien  au  chapitre  xii,  etc. 

—  Les  «  7  tetes  »  sont  les  empcreurs  romains  comptes  de  Claude 
a  Titus;  la  guerison  de  la  blessure  est  I' intronisation  de  Vespasien. 


CCXXXVIII  IXTRODUCTIOX. 

—  La  2^ Bete,  ce  sont  les  magiciens,  tcls  qn'ApoUoniiis  de  Tyane, 
idee  juste  qaoiqiie  incomplete.  —  Le  chiffre  ΰ66  se  rapporte  a 
Trajan  (Ουλπιος);  —  xvii,  11,  il  sagit  de  Domitien,  reedition  de 
Neron.  —  Pour  Grotius,  les  proplieties  relatives  aux  Juifs  auraient 
(ite  ecrites  sous  Claude  (d'apres  Epiphane),  les  aulres  sous  Vespa- 
sien,  a  cause  de  xvii,  10. 

*  Hammoxd  (1653)  Paraphrase  and  annotations  upon  the  New  Testament, 
Londres,  introduisit  en  Angleterre  la  methode  et  les  conclusions 
de  Grotius',  centre  lexegese  de  Brig-htman  et  consorts. 

Herve  (1684)  Apocalypsis  Joannis  ApostoU  explanatio  historica,  Lyon.  — 
L'Apocalypse  predit  Thistoire  de  lEmpire  romain  jusqu  a  Theodose. 

—  Les  7  empereurs  sont  comptes  de  Galha  a  Domitien,  et  Domitien 
est  Nero  redivivus. 

BossuET  (1689).  L'Apocalypse  a\>ec  une  explication,  Paris,  a  critique  toutes 
les  methodes  anterieures  pour  donner  sa  preference  a  celle  d'Alca- 
zar.  —  L'Apocalypse  comprend  :  1°  des  avertissements  spirituels 
chapp.  i-iii;  2*^  des  predictions,  iv-xx,  qui  se  subdivisent  :  a)  en  pro- 
plieties contre  les  Juifs  :  preparation  de  la  vengeance,  a  la  vision 
des  sceaux;  guerres  juives  sous  Trajan  et  Hadrien  (premieres  trom- 
pettes);  heresies  judaisantes  (sauterelles) ;  b)  mine  de  FEmpire 
romain,  de  xiii,  15  a  xx,  15,  commengant  a  la  defaite  de  Valerien 
par  les  Perses  (6Mrompette),  jusqua  Alaric  et  Attila.  La  Bete  est 
Diocletien  (666  =  DIGLVX,  DIoCLes  aVgVstVs);  les  10  cornes 
sont  les  rois  barbares  destructeurs  de  V Empire.  —  Les  Coupes  sym- 
bolisent  la  ruine  progressive  de  Rome  depuis  Valerien.  —  Les 
Temoins  ne  sont  pas  Elie  et  Henoch,  mais  des  for  ces  da  christia- 
nisme.  —  L'avenir  seul  fera  bien  comprendre  ce  que  signifie  le 
millenaire. 

Bossuet,  au  pur  point  de  Λτιβ  exegelique,  n'egale  pas  Alcazar 
son  principal  modele;  il  merite,  doctrine  a  part,  le  meme  genre 
de  critiques  et  d'eloges  que  Grotius,  ayant  clierche,  lui  aussi,  trop 
de  details  materiels  precis  dans  les  propheties.  Mais  Tautorite  de 
Tillustre  eveque  s'est  imposee  a  toute  une  serie  de  ses  successeurs. 
Bossuet  fut  suivi  dans  les  grandes  lignes  par 

AuBERT  DE  Verse  (1703).  La  clef  de  I'Apocalypse,  Paris.  —  La  tete  blessee 
est  Caligula,  la  2•^  Bete  le  sacerdoce  paien,  les  «  tetes  »  sont  cooiiptees 
de  Jules  Cesar  a  Galba,  la  huitieme  represente  tous  les  empereurs 
romains  futurs.  —  L'Apoc.  a  ete  ecrite  sous  Neron. 

DupiN  (1712).  Analyse  de  I'Apocalypse,  Paris. 

Calmet  O.  S.  B.  (1726).  Commentaire  litter al,  t.  VIIl,  Paris. 

Lallemaxt  (1725).  Reflexions  morales  a\>ec  des  notes  sur  le  N.  T.  t.  XII, 
Paris.  Ce  genre  d'interpretation  est  demeure  en  honneur  jusqu'au 
dix-neuvieme  siecle  {t^id.  infra). 

II  y  a  un  tres  grand  profit  a  lirer  de  la  serie  de  commenlaires  mentionnes  dans 
ce  paragraphe.  Nous  devons  en  citer  encore  un,  plein  d'interet,  qui,  par  son  ori- 
ginalite,  se  place  en  dehors  des  deux  courants  indiques.  C'est  celui  de 


LES    COiMMEXTA'lEUnS    DE    L  APOCALYPSE,  CCXXXIX 

Mariana,  S.  J.  (1019,  1620,  1624).  Scholia  in  Vet.  et  Nov.  Test.,  Madrid, 
Paris,  Anvers.  — 11  suit  la  melhode  d'liistoire  ecclesiastique  pour 
les  trompettes.  ού  il  voit  les  principales  heresies.  —  Le  ch.  xi  re- 
presente  la  persecution  neronienne,  et  les  Deux  Temoi'ns  sont 
Pierre  et  Paul.  —  Leckap.  XII  reprend  les  evenements  a  la  nais- 
sance  du  Christ;  —  Les  7  tetes  sont  les  empereurs  de  Caligula 
a  Nen^a,  parce  que  Caligula  persecuta  les  Juifs,  avec  lesquels 
etaient  en<Ore  plus  ou  moins  confondus  les  Chretiens.  —  La  «  bles• 
sure  »  de  la  Bete  est  le  suicide  de  Neron,  et  bq.  giierison  spiritualise 
la  croyance  an  retour  de  Neron.  —  Mariana  est  le  premier  auteur 
moderne  qui  ait  repris  ce  principe  d'interpretation  historique. 

Vn.    —    DU    XVin'^>    SIECLE    A    l'ePOQUE    DE    LA    «    CRITIQUE    LITTERAIRE    ». 

J  usque  vers  le  milieu  du  xix**  siecle,  nous  ne  rencontrons  plus  guere  que  des 
epigones. 

Le  millenarisme  relleurit,  combine  avec  le  «  lyranisme  »,  surtout  parmi  les 
protestants.  Nommoiis 

*  ViTRiNGA  (1705).    Άνάχρισις   apocalypseos  Joannis    Apostoli,  Franecker.   — 

Influences  combinees  de  IMede  et  de  Cocceius. 

*  J.  Abbadie  (1721).  L'ouverture  des  sept  sceaux  par  le  Fils  de  Dieu,  Amster- 

dam. —  Enorme  ouvrage,  ou  nous  releverons  ceci  seulement,  que 
toute  I'Apocalypse,  a  partir  de  vii,  est  consideree  comme  le  deve- 
loppement  du  V  sceau. 

*  Bexgel  (4  editions,  de  1740  a  1834).  Erklarte  Offenbarnng  Johannis.  —  Le 

plus  systematique  et  le  plus  fantaisiste  des  millenaristes.  II  a  fait 
ecole  cliez  les  protestants,  principalement  chez  les  methodistes, 
grace  a  une  traduction  de  Wesley.  Pour  lui,  il  y  aura  deux  Mille- 
naires  :  I'un  (Satan  lie),  de  Pan  1836  a  2836,  I'autre  'regne  du 
Christ)  de  2836  a  3836,  date  du  jugement  general. 

Une  autre  ecole  qui  a  lair  dun  rcjetou  degenere  de  celle  de  Grotius-Bossuet, 
ramene  I'Apocalypse  entiere  a  la  description  figuree  du  sort  de  Jerusalem  et  de 
la  nation  juive.  Tons  croient  I'Apocalypse  ecrite  avant  70. 

*Abauzit  (edite  1770).  —  Essai  sur  I'Apocalypse,  Geneve.  —  Babylone  est 

Jerusalem,  la  Bete  est  le  sanhedrin,  les  «  tetes  »  sont  les  grands 

pretres. 
Hajiduin  S.  J.  (1741).  Conimentarius  in^Nov.  Tesiam.,  la  Haye.  —  Les  Lettres 

meme  sont  adressees  a  la  chretiente  de  Jerusalem,  mais  les  tetes 

sont  des  empereurs. 

*  Wetstein  (1752).  Novum  testamerUuni  graecum,  Amsterdam.  —  La  Bete  est 

I'Empire  remain. 

*  Hajuenberg    (175-9).   Erkldrang  der  O/fenbarung  Johannis,  Brunswick.    — 

Becapitulalion.  Le  Millenaire  est  spirituel  et  commence  a  la  ruine  de 
Jerusalem. 

*  Herder  (1779).  Μαραν  ά6ά,  Riga. 


CCXL  XXTRODUCTION. 

*  ZiiLLiG  (1834-1840).  Offeiiharung  Johannis,  Stuttgart.  —  L'Apocalypse  a  6te 

ecrite  entre  44  et  47,  car  la  6*  tcte  est...  ilerode  de  Clialcis! 

Une  serie  d'ecrivains  protestants  assez  notables  a  fixe  I'interpretation  de  I'Apo- 
calypse  qui  continue  a  etre  celle  des  rationalistes  jusqu'a  nos  jours.  lis  recon- 
naissent  justement  que  le  principal  adversaire  vise  par  Jean  est  I'Empire  romain  ; 
mais  tons  croient  qu'il  enseigue  le  millenarisme  au  chap,  xx,  et,  jugeant  faus- 
sement  la  plupart  que  le  chapitre  xi  se  rapporte  a  Jerusalem  et  a  son  temple  au 
sens  litteral,  placent  la  composition  de  I'Apocalypse  au  moins  en  partie  avant  70. 

*CoRnoDi  (1780).  Geschichte  des  ChiUasmus,  cxplique  I'Apoc.  par  les  ecrits 
rabbiniques. 

*  HERRENScHXEiDEn  (1786).  Teiitameii  Apocalypseos,  Strasbourg;  *  Eichhorn 

(1791)  Commentarius  in  Apocal  ,  Goettingen. 
*Bleek.  Articles  et  ouvrages  de  critique,  jusqu'a  Tecrit  poslhume  Vorlesungen 
i'lber  die  Apokalypse,  de  1820  a  1862;  *  Ελυαεο,  Comment,  in  Apo- 
cal. Joannis,  1828,  et  Die  Johanneischen  Schriften,  vol.  II,  1862, 
Goettingen  ,  *  De  Wette,  Kurze  Erkldrungder  Offenbariuig  Johan- 
nis,  Leipzig,  trois  editions,  de  1848  a  1862,  qui  montre  fort  bien 
que  TApocalypse  n'a  rien  a  faire  avec  la  ruine  de  Jerusalem,  et 
qu'elle  attaque  le  systeme  religieux  romain;  par  malheur,  il  fait 
partager  a  Jean  la  croyance  populaire  au  Nei-o  redivi^'us  qui  sera 
FAnteclirist,  tandis  qu'Eicliliorn  avait  fort  bien  vu  que  Jean  n'avait 
pris  Neron  que  comrae  un  type;  *Lucke  (1832  et  1852)  Versuch 
einer  volhtandigen  Einleitang  in  die  Offenh.  Joh.  a  mis  en  honneur 
les  comparaisons  avec  les  Apocrypbes  *  Volkmar,  (1862)  Kom- 
mentar  zur  Offenb.  Joh.,  Zurich;  *  Dusterdieck  (4  edit,  de  1852 
a  1887)  Handbuch  uber  die  Offenbariuig,  Gottingen,  rejette  le  Nero 
redivi\nis  et  contient  d'excellentes  observations. 

Quatre  auteurs,  entre  1830  et  1840,  ont  donne  independamment  les  uns  des 
autres  une  interpretation  du  chilTre  666  de  la  Bete  qui  fut  appelee  a  un  grand 
succes,  car  elle  est  en  eifet  la  plus  plausible  (v.  Comment,  ch.  xiii,  18)  :  Q^  sar 
Neron,  ecrit  en  lettres  hebrai'ques  "|ii;  lop.  C'est 

*  Fritzche.  Annalen  der  gesamten  theologischen  Lilteratur  III,  1831 ;  *  Denary 

Bruno Bauers Zeitschrift  fi'ir  speknlative  Th'^ologiel,  1836;  *Hitzig, 
Ostern  und  Pfingsten,  1837;  *Reuss,  Haller  allgemeine  Litlera- 
turzeitung^  1837,  etailleurs. 

Ces  auteurs  admettent  encore  Γ  unite  d'inspiration  et  de  composition  de  I'Apo- 
calypse ;  mais  deja 

*  VoGEL  (1811-1816)  Commeniationes  VII  der  Apoc.  Joh.,  Erlangen,  considere 

I'Apocalypse  comme  composee  de  quatre  grands  morceaux  sondes 
par  Jean  le  Presbytre.  Bleek,  en  le  refutant,  avanga  que  les 
chap,  iv-xifurent  composes  avant  la  ruine  de  Jerusalem,  etxn-suiv., 
apres  (d'apres  Bousset,  p.  108).  *  Schleiermacher  [Einl.  1845)  trouve 
une  compilation  de  visions  eprouvees  en  des  temps  et  des  lieux  divers. 


r 


LES    COMMEXTATEUHS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXLI 

Les  methodes  les  plus  vieillies  dapplication  detaillee  a  Thistoire  universelle 
ont  encore  des  representants  notables  : 

*  Hengstenberg  (1849-1851).  Die  Offenharung  Joh.  erlaatert,  Berlin,  fait  com- 

mencer  le  Millenaire  a  la  conversion  des  Germains,  et  decouvre 
Gog  et  Magog  dans  les  revolutionnaires  de  1848. 

*  Elliott  (1851)  Horae  apocalypticae,  Londres,  violemment  antipapal,  a  la 

vieille  maniere,  tandis  que 

*  AuBERLEN  (1854-1874)  Der  Prophet  Daniel  and  die  Offenh.  Joh.,  Bale,  suivi 

d'un  certain  nombre  d'autres  protestants  positifs  (v.  Bousset,  p.  107), 
combat  toute  application  trop  detaillee  pour  voir  seulement  dans  la 
Revelation  les  grands  tournants  de  Texistence  de  I'Eglise. 

G^est  a  la  fin  du  xviii*=  siecle  qu'apparut  en  France  I'ouvrage  fameux  du  pere  de 
«  ecole  astronomique  »,  precurseur  des  panbabylonistes  de  nos  jours, 

*E.  Dupuis  (1795)  L'Origine  de  tons  les  cultes,  Paris.  —  Toutes  les  scenes  de 
I'Apocalypse  sont  des  mythes  astraux.  Dupuis  avait  eu  d'obscurs 
predecesseurs,  tels  que  Tanonyme  qui  a  ecrit  Horns  en  1783 
(Charles). 

Les  catholiques  qui  ont  commente  I'Apocalypse  dans  cette  periode  sont  gene- 
ralement  demeures  dans  la  ligne  Alcazar-Grotius-Bossuet,  avec  des  variantes  de 
detail.  Citons  : 

GuYAux  <Ί781)  Comment,  in  Apocalypsim,  Louvain ;  de  Bovet  (1840),  I'Es- 
prit  de  V Apocalypse,  Paris;  Beelen,  dans  sa  traduction  flamande 
de  la  Bible  (1859-18(39);  Allioli,  dans  sa  traduction  allemande 
(1"  ed.  Nuremberg,  1830-1835)  traduite  en  frangais  par  Gimarey 
(1853-1854),  Paris.  Allioli  voit  dans  le  Millenium  la  paix  de  I'Eglise 
apres  les  persecutions,  laquelle  doit  cesser  a  I'age  de  I'Ante- 
christ. 

Le  lyranisme  trouva  un  defenseur  convaincu  dans 

De  Wuilleret  (1857).  Interpretation  de  I'Apocalypse,  Paris.  —  L'auteur  a 
traduit  I'ouvrage  de  liolzhauser  [supra)  et  I'a  continue  dans  le 
meme  esprit  apres  le  chap,  xv,  4.  —  Sept  ages  de  I'Eglise,  et 
partout  recapitulation.  —  Meme  note  chez  Verschraege  (1855), 
Clarae  simplicesque  explicationes  Uhri  Apocal.,  Tournai. 

Yill.  —  LES  commextateurs  a  partir  du  milieu  du  xix°  siecle. 

Dans  les  soixante  ou  quatre-vingts  dernieres  anaees,  la  critique  litteraire  a 
profondement  complique  les  problemes,  sans  toutefois  modifier  k  fond  le  plus 
essentiel,  qui  est  celui  des  principes  d'interpretation.  Un  certain  nombre  d'exe- 
getes  se  sont  pourtant  contentes  de  suivre  les  errements  anciens. 

La  mothode  «  eschatologique  »,  qui  rapporte  I'ensemble  de  la  prophetie  aux 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  .  η 


CCXLII  INTRODUCTION•. 

demiers  jours,  non  pas  au  sens  large,  mais  aux  jours  qui  seront  reellement 
les  derniers  du  monde  (Anciens,  Ribeira,  Corn,  a  Lap.,  etc.),  a  un  nombre  con- 
siderable de  representants.  tant  cliez  les  protestants  que  chez  les  catholiques. 

Stern  (1854),  Commentar  iiber  die  OfJ'enharung,  Schaffouse;  Bisping  (1876), 
Erkldrung  der  Apokalypse,  Miinster,  interprete  I'Apocalypse  par 
un  rapprochement  avec  les  70  semaines  de  Daniel,  comprises  d'une 
fagon  tres  personnelle;  Millenium  spirituel;  Krementz,  archeveque 
de  Cologne  (1883),  Z)/e  Offenhnrungdes  heiligen  Johannes,  Fribpurg- 
en-Brisgau.  combine  la  theorie  eschatologiste  avec  celle  des  sept 
periodes ;  I'Apocalypse  nous  presente  lassimilation  de  la  vie  de 
lEglise  a  celle  du  Christ  glorifie  comme  docteur,  pretre,  et  vain- 
qneur;  Memaix  (1898),  L'Apoc.  de  saint  Jean  et  le  VII*  chap,  de 
Daniel  avec  leiir  interpretation,  Paris;  Sales,  0.  P.  (1914),  Sacra 
Biblia.  II  Nuovo  testamento  II,  Turin,  fait  connaitre  avec  soin  les 
opinions  dominantes  dans  I'exegese  catholique,  et  choisit  les  plus 
moderees;.  enfin  Kaulen,  Cobxely,  etc.  dans  leurs  Introductions. 
*  Kliefoth  '/i874),  Die  Ojfenharung  Johannes,  rejette  tout  chiliasme;  *  Zahx, 
Einleitung,  II,  1889  et  Apokalyptische  Studien  (1885-1886),  articles 
ecrits  dans  la  Zeitschrift  fur  Kirchliche  Wiss.  und  Kirchliches 
Leben. 

Chez  d'autres  dominent  diverses  combinaisons  entre  le  systeme  eschatolo- 
gique  et  ceux  de  Holzhauser  ou  de  Grotius-Bossuet. 

Lafont-Sentenac  Ί872).  Le  Plan  de  Γ  Apocalypse,  et  la  signification  des 
propheties  quelle  contient,  Foix;  et  Drach  (1879),  Apocalypse  de 
saint  Jean,  Paris,  suivent  Holzhauser,  le  premier  surtout;  Drach 
n'insiste  pas  sur  I'application  a  des  faits  particuliers;  Waller 
(1882),  Die  Offenb.  des  heil.  Joh.,  Rixheim. 

Gallois.  0.  p.  (1895),  L  Apocalypse  de  saint  Jean,  extrait  de  la  Revue  Biblique, 
Paris,  rejette  toute  recapitulation,  et  voit  dans  la  Prophetic  le 
developpement  continu  des  grandes  lignes  de  I'histoire  eccl^sias- 
tique,  mais,  a  partir  du  ch.  χ  et  des  DeuxTemoins  (Elie  et  Henoch), 
rapporte  tout  a  I'age  futur  de  I'Antechrist :  I'cnfant  de  la  «  Femme  », 
ch.  XII,  sera  le  Pontife  romain  d'alors.  Puis  ^ullenium  spirituel, 
conversion  des  Juifs.  etc. 

Eyzaguirre  1911),  Apocalypseos  interpretatio  litteralis,  Rome,  dans  les 
premiers  chapitres  voit  aussi  des  allegories  spirituelles,  ou  des 
propheties  historiques  realisees  dans  Thistoire  ecclesiastique;  il 
incline  a  voir  dans  I'Antechrist  surtout  une  collectivite  permanente: 
apres  la  ruine  de  cet  ennemi,  Tauteur  entreprend  de  prouver,  en 
faisant  grand  nsage  de  texles  bibliques  et  patristiques,  que  le 
Millenium  se  realisera  a  la  lettre,  avec  une  premiere  resurrection 
corporelle.  Le  fait  vaut  d'etre  note,  car  les  millenaristes  catholiques 
sont  heureusement  devenus  tres  rares,  tandis  qu'ils  demeurent 
nombreux  parmi  les  sectaires  protestants  et  russes. 


LES    COMiMENTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXLIII 

Bacuez,  άΆΆ&  son  Manuel  Biblique,  et  Schaefer  (Meenertz),  Einleitung,  1913, 
trouvent  dans  TApoc,  comme  Bossuet,  une  partie  relative  aux 
Juifs  et  I'autre  aux  Gentils;  Belshr  [Einleitang,  1901)  y  voitaussi 
predit  le  sort  de  Jerusalem  et  de  Rome,  mais  reconnait  que  la  Bete 
deborde  Rome  de  beaucoup,  representant  I'ennemi  perpetuel  de 
TEglise,  les  «  tetes  »  etant  les  phases  de  cette  «  Weltmonarchie  >'. 

Quelques  exegetes  protestants,  a  la  suite  d'Aitberlen  (supra),  evitent  les 
applications  historiques  detaillees  pour  ne  voir  predites  que  les  grandes  lignes 
des  luttes  de  la  verite  contra  I'erreur;  c'est  le  systeme  «  symbolico-historique  », 
qui  contient  une  grande  part  de  ju&tesse.  Nommons  : 

"  MiLLiGAN  (1889),  The  Book  of  Revelation^  Londres,  et  *  Benson  (1900), 
archeveque  anglican  de  Canterbury,  The  ApocalypsCy  an  intro- 
ductory study y  Londres,  —  tandis  que 

*  J.  C.  von  Hoffmann  (1844),  Weissagung  and  Erfidlungy  suivi  plus  tard  de 

*  von  LoREXTz  (1874),  et  d'autres  ayant  egaleraent  une  tendance 
au  chiliasme,  flottent  entre  ce  symbolisme  et  le  systeme  detaille 
d'histoire  ecclesiastique.  Le  plus  connu  est.  *  Alford  (1861),  The 
Greek  Teslament.  voL  IV,  Cambridge,  avec  millenarisme  et  reca- 
pitulation. La  l'*"  Bete  est  Tensemble  de  I'Empire  Romain,  mais 
la  2*^  est  la  Papaute. 

Pour 

*  Reuss  (1878),  L'Apocalypse,  Paris,  tout  le  livre  n'est  qu'une  synthese,  sans 

aucune  recapitulation,  des  idees  apocalyptiques  juives  et  judeo- 
chretiennes,  se  realisant  dans  un  avenir  rapproche. 

Les  critiques  «  independants  »  ne  voient  plus  generalement  dans  I'Apocalypse 
qu'une  histoire  symbolique  des  evenements  contemporains  de  Jean,  echauffee  par 
I'attente  imminente  de  bouleversements  merveilleux  annonces  depuis  longtemps 
par  I'Apocalyptique  juive,  mais  tournant  desormais  a  la  gloire  du  Christ  et  des 
Chretiens.  C'est  ce  que  les  Allemands  appellent  le  «  systeme  de  I'histoire 
de  I'epoque  »,  zeitgeschiehtlich.  Nul  ne  I'a  pousse  peut-^tre  a  de  telles  minuties 
que  le  grand  virtuose 

*  Renan  (1871)  dans  son  Antechrist,  Paris.  —  L'Apoc.  a  ete  ecrite  sous  Galba, 

apres  le  regne  duquel  le  Prophete  attend  le  retour  de  Neron. 
Toutes  les  «  trompettes  »  ne  font  qu'amplifier  des  phenomenes 
naturels  arrives  exactement  en  I'an  68;  la  «  montagne  brulante  » 
est  le  volcan  de  Thera,  Γ  «  Absinthe  »  un  bolide  dont  la  chute 
dtit  έΐΓβ  suivie  d'une  epidemie;  I'idee  du  «  puits  de  I'abime  »  a 
ete  inspiree  par  une  solfatare  de  Pouzzoles;  la  2«  Bete  est  quelque 
neronien  zele  qui  aura  voulu  faire  adorer  la  statue  de  cet  empereur, 
ou  le  procurateur  de  Judee  Tibere  Alexandre,  ou  quelque  imposteur 
d'Ephese,  etc. ;  les  2  Temoins  sont  deux  personnages  importants 
de  I'age  apostolique;  les  «  Tetes  »  sont  les  enipcreurs,  de  Jules 


CCXLIV  INTRODUCTION. 

Cesar  a  Galba;  les  «  10  cornes  »  de  xvii,  des  proconsuls  qui  Immi- 
lieront  Rome,  apres  les  Parthes,  quand  les  provinces  imposeront 
des  empereurs,  etc.  etc.  Rome  va  tomber  apres  le  retour  de  Neron, 
puis  le  Christ  etablira  le  Millenium,  comme  un  petit  paradis  au 
milieu  de  la  terre,  avec  Jerusalem  pour  capitale,  en  attendant  Gog 
et  Magog,  personnifxcation  mythologique  d'invasions  barbares. 
Tout  le  livre  est  congu  dans  un  esprit  strictement  judeo-chretien 
(systeme  de  Tubingue).  —  D'ailleurs  nombre  d'observations  fines 
et  justes  egarees  au  milieu  de  divinations  si  mesquines  qu'elles 
font  sourire. 

*  H.  J.  HoLTZMANN  (1891),  Die  Offenharung  Johannis,  Fribourg-en-Brisgau. 

—  Neron,  Parthes,  chiliasme,  etc.,  mais  moins  de  subjectivisme 
que  Renan  et  grande  autorite  d'erudition. 

La  methode  «  zeitgeschichtlich  »  devait  naturellement  porter  les  exegetes 
divinateurs  a  fixer  la  date  exacte  ou  approximative  de  chaque  scene  apocalyp- 
tique,  d'apres  le  sens  des  symboles  qui  y  sont  employes.  Cela  en  a  amene  un 
grand  nombre  a  considerer  I'Apocalypse  comme  un  ouvrage  composite,  ou  du 
moins  a  en  attribuer  lunite  a  un  «  redacteur  »  plutot  qu'a  un  auteur  proprement 
dit.  Dans  notre  chapitre  xi.  Unite  de  I'Apocalypse,  nous  avons  detaille  et  critique 
ces  theories  litteraires.  11  suffira  de  donner  ici  la  liste  de  leurs  ecrits,  avec  une 
classification  —  un  peu  approximative  d'ailleurs  —  dont  nous  empruntons  le 
cadre  a  Charles  [Studies,  pp.  o9-78)  (1). 

Apres  Grotius-Hammond,  Vogel,  Schleiermacher  et  Bleek,  qui  avaient  reconnu 
dans  la  Revelation  des  sections  d'ages  divers,  trois  hypotheses  goneriques  ont 
partage  les  critiques  depuis  une  trentaine  d'annees. 

1°  HvpoTHESE  REDACTioNNELLE.  L'Apocalypse  consiste  en  un  ecrit  fondamental, 
vetravaille  par  un  editeur  ou  plusieurs. 

*  VoLTER  (1882-1885),  Die  Entstehung  de?•  Apocalypse  '-'-.  Fribourg-en-Bris- 

gau. 
(1886-1891),  Die  Offenh.  Joh.  keine  laspri'inglich  jiidische  Apoka- 

lypse  [Theol.  Tijdschrift,  1886  et  1891,  Protestantische  Kirchen- 

zeitang  1886),  contre  Harnack  et  Vischer. 
(1893),  Das  Problem  de?•  Apok.,  Frib.-en-Br. 
(1904),  Die  Offenha?'ung  Johannis,  Strasbourg.  —  Volter  a  passe 

a   I'hypothese    de  deux  sources,  Jean-Marc   et   Cerinthe,    avec 

redaction  et  remaniement  sous  Trajan  et  Hadrien. 

*  Vischer  (1886-1895),  Die  Offeiib.  Joh.  eine  Jiidische  Apokalypse  in  ch?-ist- 

lichen  Bea?^beitung^-^,  Leipzig.  —  Approuve  par  Harnack. 

*  Weyland  (1886),  Theol.  Tijdsch?^ift,  p.  454-470. 

(1888),  0?nwe?^kings  en  Co?npilatie-Hypothesen  toegepast  op  de 
Apocalypse  van  Jo.  Groningue.  —  Deux  sources  juives  fondues  par 
un  redacleur  chretien. 

*  Erbes  (1891),  Die  Offenharung  Johannis,  Gotha.  —  Ecrit  fondamental  chre- 

(1)  Jacquier  et  Bousset  donnent  des  classifications  un  peu  difTerentes  et  aussi  bien  fondoes. 


LES    COMMEXTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  •  CCXLV 

tien  de  62,  auquel  s'est  jointe  une  courte  apocalypse  du  temps  de 
Caligula ;  remaniement  vers  SO  —  ou  peul-cHre,  d'apres  un  article  de 
meme  auteur,  au  commencement  de  Vespasien, 

*  Hermann   von  Sodex   (1905),    UrchristUche   Literaturgeschichte^  Berlin.  — 

Ecrit  fondamental  juif,  complete  par  lexile  de  Patmos  les  lettres 
et  les  sccaux),  et  edite  finalement  par  un  autre  ecrivain. 
*JoHAXxEs  Weiss  (1904),  Die  Offenharung  Johannis,  Goettingue. 

(1908),  Die  Schriften  des  Neuen  Testaments,  II,  ibid.  —  Sources 
chretienne  de  60,  juive  de  70,  combinees  par  un  tres  hal)ile  ettres 
profond  mystique  Chretien. 

*  0.  IIoLTzjiANN,  Geschichte  des   Volks  Isrceel,  II,  2,  Leipzig.  —  Apocalypse 

juive  du  temps  de  Neron,  ou  s'est  fondue  une  autre  du  temps  de 
Caligula,  puis  redaction  chretienne. 

2"  Hypothese  des  sources.  L'Apocalypse  est  composee  de  divers  ecrits  com- 
plets  en  soi,  dimportance  a  peu  pres  egale,  plus  juxtaposes  que  fondus.  Les 
auteurs  qui  s'attachent  a  ce  systeme  la  considerent,  a  la  difference  des  prece- 
dents, comme  une  espece  de  compilation,  genre  Henoch  (Volter  et  Weyland,  et 
meme  Erbes  pourraient  aussi  trouver  leur  place  ici). 

*  Spitta  (1889),  Offenharung  des  Johannes,  Halle.  — Trois  sources  :  une  Apo- 

calypse de  Jean-Marc  en  60,  deux  Apocalypses  juives,  respective- 
ment  des  temps  de  Pompee  et  de  Caligula,  le  tout  compile  sous 
Trajan. 

*  Briggs  (1895),  The  Messiah  of  the  Apostles,  New-York.  —  Six  apocalypses 

primitives,  ecrites  depuis  Caligula  jusqu'a  Neron  ou  Domitien, 
presque  toutes  en  hebreu,  avec  quatre  redactions  successives. 

*  Schmidt  [i^^l],.  Anmerkungen  i'lber  die  Komposition  der  Offenh.  Joh.,¥v\- 

bourg-en-Brisgau.  —  Trois  ou  cinq  morceaux  independants,  juxta- 
poses par  I'auteur  chretien  des  Lettres. 

*  Rauch  (1894),  Die  Offenh.  des  Johannes  untersucht  nach  ihrer  Zusammen- 

setzung  und  die  Zeit  ihrer  Rntstehiuig.  Haarlem.  —  Un  Juif  de  62 
a  fait  lui-meme  une  compilation,  qu'un  redacteur  sous  Titus  a  chris- 
tianisee,  et  completee  par  les  Lettres.  —  Bousset  juge  que  Rauch 
lui-memena  fait  qu'une  compilation  dautres  opinions. 

3°  Hypothese  des  fragments.  L'Apocalypse  est  bien  dune  seule  main,  et 
d'une  seule  inspiration,  mais  son  auteur  y  a  incorpore  intentionnellement  des 
fragments  reconnaissables  d'ecrits  plus  anciens,  juifs  ordinairement. 

*  Weizsacker  (1886-J892),  Das  apostolische  Zeitalter  der  christlichen  Kirche, 

Fribourgen-Br.  (vid.  supra,  ch.  xi). 

*  A.  Sabatier  (1888),  Les  origines  lilteraires  et  la  composition  de  V Apocalypse 

de  saint  Jean,  Paris  (v.  ch.  xi),  precede  en  1887  dun  article  dans 
la  fieviie  de  theologie  el  de  philosophie,  p.  553  suiv. 

*  ScHOvx   1887),  L'origine  de  I'Apocalypse  de  saint  Jean,  Paris  (v.  ch.  xi). 

*  Bousset  [1896,  1906).  Die  Offenharung  Johannis  '-^  Goettingue.  —  Le  meil- 


CCXLVI  •  INTUODUCTIOX. 

leur  de  beaucoup  des  commentateurs  «  independants  ».  Nous  aurons 
souvent  a  nous  en  occuper. 

*Bruston  (1888),  Les  Origines  de  rApocalypse,  Paris, 

(1896,  1908),  Etudes  sur  Daniel  et  Γ  Apocalypse  ^-^•  Paris,  plus  un 
certain  nombre  darticles  de  revue.  Deux  apocalypses  chretiennes, 
Tune  hebraique,  I'autre  grecque,  respectivement  sous  Neron  et 
Domitien,  plus  tard  fondues.  —  B.  se  rapproche  davantage  de  la 
theorie  des  sources  (v.  ch.  xi). 

*  MoFFATT,  dans  \ Expositor's  greek  Testament,  *  Anderson  Scott  dans  la 
Century  Bible,  *  Porter  dans  les  Messages  of  the  Apocalyptical 
Writers  (1905,  Londres)  et  dans  la  Bible  Dictionary  de  Hastings, 

*  Pfleiderer,  qui,  dans  les  dernieres  editions  de  son  Urchris- 
tentuni,  a  passe  de  la  theorie  des  sources  a  celle  des  fragments; 
*Sanday,   dans  le  Journal  of  Theological  Studies,  juillet   1907; 

*  Charles  (1913  i,  Studies  in  the  Apocal.,  Edimbourg;  *Julicher 
(1906),  Einl.  in  das  N.  Test.  ^-^-,  Baljon  (1908),  Commentaar  op 
de  Openbaring. 

Calmes  (1907),  TJ Apocalypse  devant  la  tradition  et  devant  la  critique,  Paris; 
(id.),  Les  EpUres  catholiques  et  Γ  Apocalypse,  Paris.  —  Ilreconnait 
I'unite  d'inspiration  et  de  style  dun  ecrivain  sacre  qui  a  utilise  un 
ensemble  considerable  de  documents  anterieurs. 

Cette  ecole  qui  reunit,  malgre  leurs  divergences  d'interpretation,  des  indepen  - 
dants,  des  protestants  positifs  et  des  catholiques,  est,  dans  Fensemble,  beaucoup 
plus  objective  que  les  precedentes,  pour  autant  du  moins  qu'il  s'agit  de  I'origine 
des  symboles,  et  de  la  composition.  Cette  superiorite  tient  a  ce  que,  renongant  a 
Tabus  des  precisions  «  zeitgeschichllich  »,  parfois  si  pueriles,  les  exegetes  pre- 
cites  ont  cherche  I'explication  des  figures  dans  le  milieu  biblique  et  apocalyp- 
tique  traditionnel.  Or  les  etudes  sur  le  milieu  apocalyptique  ont  rcQu  une  vive 
impulsion  du  fait  que  riiistoire  des  ambiances  paiennes  de  I'Asie  anterieure,  reli- 
gions semitiques,  egyptiennes,  iraniennes,  hellenistiques,  a  progresse  considera- 
blement  en  ces  dernieres  annees.  Par  la  meme  on  a  ete  moins  porte  a  inter- 
preter les  scenes  de  FApocalypse  par  de  menus  incidents  historiques,  ce  qui  a 
renverse  la  principale  raison  pour  laquelle  on  depegait  ce  beau  livre  entre 
diverses  epoques  et  divers  auteurs.  Malheureusement,  la  critique  independante 
y  a  saisi  I'occasion  de  lancer  de  nouveaux  systemes  qui,  forgant  I'Apocalypse 
de  saint  Jean  a  entrer  dans  la  ligne  des  traditions  paiennes,  en  meconnaissent 
completement  Fesprit,  la  portee  et  le  caractere  specifique,  et  ne  sont  pas  moins 
arbitraires  que  les  divagations  des  «  Literarkritiker  ». 
L'auteur  qui  en  est  le  premier  responsable  est 

*  GuNKBL  (1895),  Schopfung  und  Chaos,  in  Urzeit  und  Endzeil,  Gcettingue; 
(1903).  Zum  religionsgeschichtlichen  Verstdndnis  des  Neuen  Testa- 
ments,  ibid.  — II  a  voulu  interpreter  Genese  I,  Apocalypse  Xll,  et 
beaucoup  dautres  passages  de  I'Evangile  etde  la  Revelation  paries 
cosmogonies  asiatiques,  principalement  par  le  mythe  de  Mardouk  et 
de  Tiamat  dans  YEnuma  elis  babylonien,  dont  Jean,  force  par  la 


LES    COMMENTATEURS    DE    L  APOCALYPSE.  CCXLVII 

tradition,  aarait  applique  servilemeiit  les  doanees,  sans  oser  a  pein€ 
les  transformer,  a  la  victoire  du  Christ  sur  I'enfer,  —  Apres  lui 

*Jeremias  {1905),  Babi/lonisches  im  Neiien  Testament,  Leipzig,  a  repris  les 
memes  donnees,  avec  beaucoup  plus  de  precision  et  de  fantaisie 
encore,  mais  en  y  trouvant  I'allegorie  de  verites  revelees,  car  c'est 
un  pasteur  qui  demeure  croyant  positif . 

*Gbessmann  (1905),  Urspriing  der  isT-oelitisch-judkchen  Eschatologie,  Goet- 
tingue. 

Les  cultes  astraux  des  Babyloniens  ont  ete  surtout  invoques  pour  elucider  le 
symbolisme  apocalyptique,  ce  qui  est  legitime  en  certains  cas,  mais  aussi  pour 
determiner  les  idees  religieuses  de  Jean,  ce  qui  est  une  confusion  tendancieuse.  II 
sest  done  fonde  un  «  systeme  astronomique  »,  qui  se  rattache  assez  directement 
axi  vieil  auteur  de  1'  «  Origine  de  tons  les  cultes  » :  c'est  da  Dupuis  rajeuni,  chez 
les  plus  avances  de  ces  exegetes. 

*  BojLL  [idik),  Alts  der  O^enbarung  Johannis,  helletiitische  Studien  zuin  Welt- 

hild  der  Apokalpse,  Σ1Ό1ΧΚΙΑ,  Leipzig-Berlin,  interprete  a  peu 
pres  toutes  les  images  de  TApocalypse  comme  etant  du  monde  stel- 
laire.  notamment  la  «  Femme  »  du  ch.  xri,  qui  serait  la  «  Reine  du 
Ciel  ». 

*  HowMEL  (1909),  Reformation  VIII,  preoonise  en  Allemagne  une  interpretation 

zodiacale,  tandis  que  *  Ramsay,  traduisant  et  approuvant  *  Lepsius 
en  1911  dans  VExpositor,  admet  avec  quelque  exageration  que  le 
symbolisme  est  perpetuellement  astronomique  (v.  Charles,  Studies). 

*  Nicolas  Morosow  (1907,  trad,  du  russe  en  allemand  1912),  Die  Offenb.  Joh., 

eine  astronomische-historinche  Untersuchung,  que  nous  mention- 
nons,  d'apres  Charles,  a  titre  de  curiosite,  a  m^me  decouvert  que 
lApocalypse  etait  une  description  symbolique  de  Fetat  du  ciel,  vu 
de  Tile  de  Patmos,  le  30  septembre  395,  ecrite  par  saint  Jean  Cliry- 
sostome.  *  Drews \m  a  fait  Plionneur  d'une  introduction. 
*BoussET,  dans  son  Commentaire  ivid.  supra)  et 

*  Clemen   (1909),  Religions geschichtliche  Erkldrung  des  Neaen   Testaments, 

Giessen,  ont  cherche  a  mettre  a  peu  pres  au  point  I'usage  exege- 
tique  des  traditions  etrajigeres-  lis  y  ont  reussi  dans  une  certaine 
mesure,  qui  pourtant,  a  notro  avis,  est  encore  loin  d'etre  complete. 

Parmi  les  defenseurs  de  Γ  unite  de  I'Apocalypse,  contre  les  «  Literarkritiker  », 
citons 

*BEnNHARD  Wetss  (1891),  Die  Jokannesapokalypse,  Texte  und  Unters.  vii,  1, 

Leipzig,  et  le  catholique 
KoHLHOFER  (1902),  Die  Einheit  der  Apokalypse,  Biblische  Studien  de  Bar- 

denhewer,  Frib.-en-Br.  —  ainsi  que  Jacquier  dans  son  Hist,  des 

livres  du  N.T,  t.  iv,  Brassac  dams  son  Manuel  Biblique,  Belser 

et  Meinertz  dans  leurs  Introductions,  etc. 

11  est  enfin   trois   ecrivains  anglais  croyanls  dont  les  ouvrag^es  fort  remar- 


CCXLVIII  IXTliODUCTIOX. 

quables  repoussent  tout  esprit  de  systeme;  ils  n'en  sont  que  plus  utiles  a  I'exe- 
gese  a  la  fois  chretienne  et  scientifique. 

*HoRT  (1908),  The  Apocalypse  of  saint  John,  r-iii,  Londres.  —  Cest  un 
commentaire  soigne  des  Lettres  seules,  d'api'es  les  notes  de  con- 
ferences donnees  par  Hort  en  1879,  et  editees  ensuite  par  Sanday. 

*  SwETE  (1909),    The  Apocalypse  of  saint  John,  Londres.  —  Commentateur 

profond,  erudit  et  pieux,  qui  se  fait  une  juste  idee  de  I'esprit  de 
Jean  et  de  son  but,  le  regrette  professeur  de  Cambridge  enleve  en 
1916  au  monde  savant,  apres  une  si  longue  et  feconde  carriere,  est 
peut-έtre  I'auteur  qui  a  le  mieux  use  des  decouvertes  recentes 
et  de  la  tradition  pour  penetrer  le  sens  du  livre  scelle.  Son 
ouvrage,  qui  pourrait  presque  etre  signe  d'un  catholique,  est  celui 
auquel  nous  devons  le  plus  pour  notre  commentaire.  —  Notons 
encore 

*  Ramsay  (1909),  dans  son  ouvrage   The   Letters   to    the   Se^>en  Churches  of 

Asia,  and  their  place  in  the  plan  of  the  Apocalypse,  Londres, 
livre  tres  savant  et  plein  d'apergus  vivants  et  suggestifs. 

Sans  parler  des  etudes  accessoires,  et  des  innombrables  articles  d'Ency- 
clopedies,  de  Revues,  nous  pourrions  encore  nommer  une  centaine  d'autres 
commentateurs  de  I'Apocalypse ;  mais  I'enumeration  precedente  doit  suffire. 

IX.    —    NOTE    METHODE    d'iNTERPRETATION. 

Dans  ce  chaos  d'opinions,  souvent  fantaisistes  et  cadnques,  il  nous  semble 
malgre  tout  qu'on  pent  demeler  les  fils  souvent  rompus  ou  emmoles  d'une  tra- 
dition exegetique,  de  deux  traditions  plutot,  Tune  qui  serait  purement  juive,  et 
qu'on  pent  mettre  de  cote  comme  une  intruse,  I'autre  qui  est  la  vraie.  la  Johan- 
nique,  et  plonge  ses  plus  profondes  racines  dans  la  Bible,  Ancien  et  Nouveau 
Testament.  II  n'est  pas  d'ecole  d'interpretation  si  extravagante  qui  n'en  ait  encore 
reflete  quelques  traits. 

Tous  les  systemes  orthodoxes,  d'abord,  sont  d'accord  en  ceci,  que  I'Apocalypse 
represente  les  dernieres  phases  de  la  lutte  du  Bien  contre  le  Mai,  apres  I'lncar- 
nation,  aboutissant  au  triomphe  eternel  du  Christ  et  de  I'Eglise.  Tyconius,  abs- 
traction faite  de  son  donatisme,  saint  Augustin,  avec  son  opposition  perpetuelle 
des  Deux  Cites,  et  les  interpretes  latins  ou  medievaux  qui  les  ont  suivis,  sont 
ceux  qui  en  ont  le  mieux  donne  la  formule.  En  mέme  temps  I'Apocalypse  est  un 
livre  d'enseignement  spirituel,  comme  les  premiers  Peres  (Irenee,  etc.),  puis 
Andre  de  Cesaree,  et  la  plupart  des  interpretes  catholiques  ont  su  le  faire  res- 
sortir,  avec  plus  ou  moins  delDonheur,  dans  nombre  de  leurs  explications. 

Elle  est  essentiellement  eschatologique.  Les  plus  anciens  auteurs,  Irenee, 
Hippolyte,  I'avaient  fort  bien  saisi,  et  compris  que  les  derniers  temps  etaient  en 
continuite  avec  leur  epoque,  c'est-a-dire  avec  I'age  de  lEmpire  romain.  lis  se 
trompaient  sans  doute  en  croyant  la  fin  rapprochee,  et  en  rejetant  le  Millenium, 
compris  trop  litteralement,  apres  la  defaite  totale  de  I'Antechrist;  mais  leur 
conception,  a  part  le  chiliasme,  etait  plus  juste  en  substance  que  celle  des  mo- 


LES    COMMENTATEUHS    DE    L  APOCALYPSE. 


dernes  qui  veulent  que  saint  Jean  ait  neglige  tout  le  long  intervalle  devant 
separer  sa  propre  epoque  des  dernieres  annees  du  monde.  Pour  nous,  toute 
riiistoire  de  I'Eglise  est  comprise  par  saint  Jean,  suivant  Tanalogie  du  style 
prophetique  et  neotestamentaire,  comme  constituant  les  «  derniers  temps  », 
c'est-a-dire  la  derniere  periode  du  pelerinage  de  I'humanite  sur  la  terre.  Si  elle 
semble  dominee  par  la  puissance  des  Betes  [tete  blessee  et  guerie,  les  comes 
apres  Baby  lone],  en  realite  c'est  le  Christ  qui  y  regne  (Millenium).  Les  Betes 
et  les  cornes  sont  les  agents  perpetuels  du  Dragon  deja  virtuellement  vaincu  et 
lie,  comme  I'a  expose  saint  Augustin,  et  comme  la  generality  des  exegetes 
croyants  est  de  plus  en  plus  disposee  a  le  reconnaitre. 

Ce  n'est  pas  a  dire  que  la  Revelation  ne  contienrie  aucune  prophetie  precise, 
et  que  tout  s'y  reduise  a  des  types.  II  n'y  faut  sans  doute  pas  voir,  avec  Nicolas 
de  Lyre,  Cocceius,  Holzhauser,  etc.,  une  histoire  imagee  des  peripeties  que  tra- 
verse I'Eglise  aux  diverses  epoques,  car  le  livre  est  avant  tout  une  «  philosophic 
de  I'histoire  religieuse  »  pour  tous  les  temps ;  mais  Jean  a  predit  claireraent  le 
caractere  et  les  phases  de  la  lutte  commencee  de  son  temps,  et  la  chute  de  TEm- 
pire  pai'en,  la  ruine  de  Rome  persecutrice,  type  de  tout  pouvoir  qui,  apres  elle, 
s'opposera  au  Christ.  C'est  ce  qui  fait,  apres  que  les  anciens  I'avaient  deja 
pressenti,  la  valeur  speciale  des  commentaires  d'Alcazar  et  de  Bossuet,  diminuee 
seulement  du  fait  qu'ils  ont  trop  voulu  preciser,  et  y  ont  mele  arbitrairement  des 
predictions  sur  la  nation  juive,  dont  Jean,  voyant  Jerusalem  detruite,  s'est  fort 
peu  occupe,  les  Juifs  etant  desormais  confondus  a  ses  yeux  dans  la  masse  des 
infideles,  dont  ils  partageraient  les  chatiments  et  la  conversion.  Le  pire  des 
empereurs  remains,  Neron,  a  ete  pour  lui  le  type  meme  de  I'Antechrist;  il  y  a 
tout  lieu  de  croire  que  Victorin  suivait  sur  ce  point  une  tradition  (qu'il  a  com- 
prise d'une  maniere  trop  litterale),  et  que  Mariana  et  les  modernes  ont  retrouve 
la  une  vraie  cle  d'interpretation.  —  Mais  voila  a  peu  pres  tout  ce  que  Ton  peut 
conceder  a  I'ecole  «  zeitgeschichtlich  ». 

Enfin,  pour  comprendre  la  suite  des  scenes  apocalyptiques,  il  est  bon  de  ne 
pas  trop  dedal gner  la  «  theorie  de  la  recapitulation  »  de  Victorin  et  Tyconius, 
admisc  de  saint  Augustin.  Elle  peut  etre  aussi  transmise  par  tradition  authen- 
tique,  quoique  les  deux  premiers,  et  surtout  les  Joachimites,  I'aient  faussee  en 
la  systematisant  trop  et  voulant  Fappliquer  partout.  Depuis  que  Henten  a  bien 
determine  la  separation  de  deux  sections  prophetiques  entre  les  chapitres  xi 
et  XII,  il  parait  certain  que  Jean  reprend  dans  la  deuxieme,  a  un  autre  point 
de  vue,  —  ce  qui  fait  que  cette  recapitulation  n'est  pas  oiseuse,  —  et  toutefois 
avec  un  parallelisme  tres  marque  dans  la  forme  (visions  preparatoires  :  sceaux ; 
anges  annonciateurs ;  —  Sept  trompettes,  sept  coupes),  les  evenemcnts  deja 
prophetiscs  d'une  maniere  plus  generale  et  plus  schematique  dans  la  pre- 
miere. En  etendant  et  purifiant  une  conception  dabord  pressentie  par  Bright- 
man  et  par  Mede,  on  peut  tenir  pour  certain  que,  dans  la  premiere  section  pro- 
phetique, saint  Jean  envisage  les  evenements  de  I'avenir  par  rapport  a 
I'ensemble  du  monde,  dans  la  seconde,  par  rapport  a  TEglise  plus  speciale- 
ment;  ce  n'en  sont  pas  moins  les  memes  evenements. 

il  faut  en  dernier  lieu  faire  aussi  leur  part  aux  exegetes  qui,  avec  et  apres 
Gunkel,  se  sont  attaches  aux  systemes  de  «  I'histoire  des  traditions  »  et  de 
«  rhistoire  des  religions  »,  meme  aux  «  astronomistes  ».  Malgre  le  subjecti- 


CCXL  ΙΛΤΚΟΟυΟΤΙΟΛ". 

visme  forcene  de  nombre  d'entre  eux,  ils  ont  ga  et  la  mis  sur  une  bonne  voie 
pour  I'intelligence  de  plus  d'un  symbole,  au  moins  dans  ses  origines  mate- 
rielles  et  historiques. 

Voila  les  principes  qui  nous  dirigeront  dans  notre  Commentaire.  Nous  avons 
cetle  confiance  qu'ils  se  montreront  justifies  partout  par  la  critique  interne. 

NoTA.  —  Pendant  la  correction  des  opreuves,  nous  avons  recu  le  dernier  commentaire 
paru,  ^IsBOK  T.  Beckwith,  The  Apocalypse  Of  John,  studies  in  introduction  -with  a  com- 
mentary, New-Yorli,  Macmillan,  1919.  Ouvrage  6rudit  et  consciencieux  d'un  protestant  croyant, 
donl  les  opinions  sur  Tunite,  I'auteur,  la  date  sont  conformes  a  la  tradition;  malheureusement 
11  n'a  pas,  dodaignant  tout  emploi  de  la  «  recapitulation  »,  saisi  le  parallelisme  des  sections ; 
11  attrlbue  a  Jean  le  Millenarisme  au  sens  littoral,  et  lie  ses  interpretations  a  I'eschatolo- 
gisme  extrfime. 


CHAPITRE  XV 


LE    TEXTE    DE    L  APOCALYPSE. 


On  ne  connait  jusqu'ici  que  250  manuscrits  environ  du  texte  original  de 
I'Apocalypse;  tres  pen  sont  anlerieurs  au  x*  siecle  (sept  [ou  8]  onciaux  et  un 
ou  deux  minuscules)  et  les  derniers  sont  du  xvn''  siecle.  La  modicite  relative  de 
ce  chiffre  s'explique  naturellement  par  toutes  les  discussions  qui  se  prolongerent 
dans  I'Eglise  grecque  au  sujet  de  la  canonicite  du  livre.  II  existe  aussi  quelques 
fragments  sur  papyrus,  et  des  citations  des  anciens  Peres,  Origene,  Hippo- 
lyte  et  Methodius.  II  est  difTicile,  d'apres  Bousset,  d'apprecier  la  valeur  de 
celles  d'Irenee,  qu'elles  se  trouvent  dans  la  traduction  latine,  ou  a  la  fois  dans 
le  grec  et  le  latin,  car  en  ce  cas  elles  ne  concordent  pas  toujours  (Ij. 

TEXTE    GREC. 

I.  Citations  ancienxes. 

Origene.  —  Apoc.  in,  7.  suiv.;  v,  1-6;  vii,  2-5 :  xiv,  1-7;  xix,  11-16;  xxii, 

13,  et  d'autres.  En  tout  165  d'apres  Biirgon   {Jacquier,  le  N.T. 

dans  I'Eglise  chretienne,  ir,  p.  309). 
HiPPOLYTE.  — De  Antichristo,  chap.  43,  47,  61  :  Apoc.  xi,  3,  7;  ch.  60-sv  : 

Apoc.  xii,  1-6;  13-17;  ch.  48-sv  :  Apoc.  xin,   11-18:   ch.   36  sui- 

vants  :  Apoc.  χυπ-χλίγι;  ch.  65  :  Apoc.  xx,  6,  14;  xxii,  15. 

Comm.  sur  Daniel  iy,  34  :  Apoc.  in,  7;  v,  1-10;  —  in,  9  :  Apoc. 

VI,  9-11;  —  IY,  50  :  Apoc.  xi,  3;  —  iy,  23  :  Apoc.  xyii,  10. 

Contra  Noetnni  :  Apoc,  xix,  11-13.  En  tout  188. 

Methodius.    —    Symposion   :    Apoc.    xii,    premiers   versets,    et   quelques 

autres.  De  plus,  3   citations  dans  Justin,  11    dans   Clem,  Alex, 

27  dans  Eusebe  (Burgon). 

II.  Papykus. 

Papyrus  dOxynnchns,  n°  848  (Gregory  0163;,  v^  siecle,  con- 
tient  Apoc.  xvi-xx. 

Muni  a  public  encore  dans  les  Oxyrinchus  Papyri,  viii  (1911) 
deux  fragments  i^Apoc.  i,  4-7  (Pap.  1079,  Soden  α  1074)  et  lu,  19- 
jv,  3  (Pap.  1080,  Soden,  «  1075). 

III.  Manuscuits  (avec  la  triple  notation  de  γολ  Soden,  Tischendorf  {on  Scri^ 

i'ene?']  et  Gregory  (2). 

(1)  LeProf.  Saorlay  a  promis  un  travail  sur  les  citations  nSoteslamenlaires  de  saint  ΐΓέηόβ. 

(2)  Nous  mettons  la  premiere  la  uolatioTi  de  ΠεηΜΑΐΤΝ  von  Soden  (7>ie  Schriflen  des  Neuen 


CCLII  -  INTRODLCnoX. 

Du  IV^  (III  IX''  siecle  : 

8-  —  s  —  01  (Codex  Sinaiticus,  Petrograd).  iv'=  s. 

33  _  c  —  04  (Cod.  Ephraemi,  Paris,  Bibl.  nat.  —  Manque  de  I'Apoc.  i,   1; 

III,   19-v,   14;   vii,' 14-17;   viii,  5-ix,  16;  x,   10-xi,   3;  xvi,    13- 

xvui,  2;  XIX,  9-xxii,  27).  v'•  s. 
δ*  —  A  —  02  (Cod.  Alexandrinus,  Londres,  British  Museum)  v''  s. 
§30  —  .  je  Scrivener  —  1424  (Kosinitzai,  ix''  siecle. 

£35  _  Ε  _  07  (Bale,  Universitatsbibliothek,  fragment  d'Apoc.  a  la  fin)  viii«  s. 
«3  —  Ρ  —  025  (Codex  Porphyrianus  Petrograd,  lacunes  dans  Apoc.  xvi,  12- 

XVII,  1;  XIX,  21-29;  xxii,  6-finj.  ix^  s. 
«47  —  ρ  127-1841  i  Mytilene)  ix*  ou  x^  siecle. 
«1070  _  B2  (ou  Q^  Tregelles)  —  046  (Vatican,  contient  VApoc.  et  des  ecrits 

des  Peres)  viu'  s. 
0    —     E•"  —  051  (Mont  Athos,  fragments  d'Apoc.  xi,  1δ-χιιι,  1;  xiii,  3-xxii, 

7;  XXII,  15-21,  avec  comm.  d'Andre   ix•"  ou  x•-' siecle. 

Du  A'"^  siecle. 

§93  _  r  20  —  175  (Rome,  Vatican)  x«  s.  ou  xi«? 

«5»  _  Γ 19  —  93  (Paris,  Bibl.  nat.). 

«S2  __  r75  _  456  (Florence). 

aS3  —  Γ 24  —  627  (Rome,  Vat.,  lacunes  dans  VApoc.^. 

«05  _  J.  126  (Scrivener  208)  —  920   Escurial). 

a^^  —  r  133  —  1870  (Chalcis). 

ao6  _  ri42  —  2004  (Madrid  Bib.  nac.  et  Escurial). 

0     —  E*""  —  052  (Mont  Athos,  fragments  dWpoc.  vii,  16-viii,  12,  comm. 

d'Andre). 
«^0^2  (Meteoron,  Apoc.  i,  1-xiv,  5),  x'^  ou  xi''  siecle. 
«1073  (dans  le  meme  codex  que  le  precedent). 

Du  Xl•  siecle  : 

aioi  _  Γ  26  —  506  (Oxford,  Christ  Church). 
aio3  _  Γ  107  (Scr.  104)  —  680  (Cheltenham). 

Testaments,  1,  I,  Berlin,  1902),  parce  quelle  a  luvanlage  d'indiquer  a  la  fois  le  conlenu  et 
I'age  du  manuscrit  (δ  =  tout  le  N.  T:  α  suivi  de  trois  chiffres,  ecrits  apostoliques  y  compris 
I'Apocalypse;  suivi  de  quatre  chiffres,  ms.  de  I'Apocalypse  seule).  Le  second  sigle  est 
celui  de  la  notation  de  Wetstein,  qui  est  toujours  classique,  complotee  jusqu'a  Tischendof 
et  autres  critiques  du  xix'  siocle  jusqu'a  Nestle;  r  minuscule  signifie  ?•ένέΙαΙίοη,  parce  que 
les  codex  cursifs  en  question  portent  presque  tous  d'autres  chiffres  pour  les  autres  livres  du  N.T. 
qu'ils  contiennent;  quand  le  sigle  de  Scrivener  est  different,  nous  I'avons  ajoute  entre 
parentheses.  Enfin  le  troisieme  sigle  est  celui  de  Gregory,  qui  designe  les  onciaux  par  des 
chiffres  gras  proced^s  d'un  zero,  et  les  minuscules  par  un  nombre  en  caracteres  ordinaires. 
Pour  la  description  exacte  des  manuscrits,  les  bibliotheques  oii  ils  se  trouvent,  leur  num6- 
rotage  dans  ces  bibliotheques,  nous  ren\Oyons  le  lecteur  a  Gregory,  Die  griechischen 
Handschriften  des  Neiien  Testaments,  Leipzig,  1908,  et  surlout  a  Soden,  op.  (it.,  i,  liste  iv, 
pp.  102-289.  Voir  aussi  Jacquier,  Le  Nouveaii  Testamenf  dans  Vtlglise  chrelienne,  t.  il,  Paris, 
1913.  —  Un  z^ro  (0)  indique  que  le  manuscrit  n'a  pas  6to  d6sign6  dans  cette  nomenclature. 


LE    ΤΕΧΤΕ    DE    L  APOCALYPSE.  CCLIII 

5i04  _  r  108  (Scr.  271)  —  699  (Loiidrcs,  Brit.  Mus.)• 
§100  _    ο     ~  1384  (Andros). 

5(101 ri3  —  42  (Francfort-sur-lOder,  manque  Apoc.  xviii,  3-13j. 

(χΐο3 V  7  —  104  (Londres,  Brit.  Mus.;. 

«106  _  r82  —  177  (Munich). 

«m  _  γ9  —  32δ  (Oxford,  Bodleiana). 

α^04  _  r45  _  459  (Florence). 

«113  _  Γ  125  (Scr.  207)  —  919  (Escurial,  manque  Apoc.  xix,  6-fin). 

«no  _  Γ  128  —  1849  (Venise). 

«Hi  _  r  129  —  1852  (Upsal). 

«us  _  J.  130  —  1854  (Mont  Athos). 

«118  _  r495  __  1888  (Jerusalem,  Bibl.  patriarch,  grecque). 

«117  _r500  —  1893  (ibid.). 

«119  _  r93  —  1955  (Londres,  Lambethj. 

«116  _     0     —  2138  (Moscou). 

«194  _  r  185  —  1277  (Cambridge,  Univ.). 

«1174  _     ο     —  1006  (Mont  Athos). 

«1172  _  1-140  —  2048  (Paris,  Bibl.  nat.). 

Du  XIP  siecle. 

§206  _  1.48  —  242  (Moscou). 

§203  _  1-112  _  808  (Athenes). 

§200  _  r  116  —  922  (Mont  Athos). 

«200  _  γ99  _  88  (Naples;  manque  Apoc.  iii,  14-fin). 

«201  _  γ22  —  632  (Rome,  Vallicell.). 

«202 J.  124  —  1828  (Athenes;  manque  Apoc.  xviii,  22-fin). 

«203  _  γ81  —  203  (Londres,  Brit.  Mus.). 

«204  __  r8  —  110  (Londres,  Brit.  Mus.). 

«203  _  γ52  —  337  (Paris,  Bibl.  nat.),  manque  Apoc.  x,  4-xi,  1;  xxii,  17-fin). 

«206  _  r42  _  452  (Rome,  Vat.). 

«207  _  r  180  —  620  (Florence),  grec  et  latin. 

«208  _  rl05  —  1611  (Athenes). 

«2o:t  _  rl34  —  1872  (Chalcis). 

«21  i  _  r27  (Scr.  503)  —  517  (Oxford,  Christ  Church). 

«21  ο  —    0     —  1795  (Kosinitzaj. 

«216  _  1.102  (Scr.  109)  —  256  (Piiris,  Bibl.  nat.,  grec-armenien;  manque  Apoc. 

XIX,  16-Γιη). 
«1271  _  1-90  _  2039  (Dresde). 
«1272  _  rOo  —  2030  (Moscou). 
«1273  _  1-143  _  2050  (Escurial;  manque  Apoc.  chapp.  vi-xtx). 

Da  Kill•  siecle. 

§300  _  1-33  _  218  (Vienne,  ancienne  kaiserl.  Bibl.;  manque  Apoc.  xiii,  5-xiv, 

8;  XV,  7-xvii,  2;  xvni,  lO-xix,  15;  xx,  7-Γιη). 
§303  _  I-  83  _  339  (Turin). 


CCLIV  INTRODUCTION. 

a304  _  riio  (Scr.  146)  —  757  (Athenes).      ■ 

3307  _  ri20  —  1094  (Mont  Athos). 

§309  _  i>i7  _  35  (Paris,  Bibl.  nat.). 

S3ct  _     0     —935  (Mont  Athos). 

§396  _     ο    —  1352  (Jerusalem,  Pair.). 

gSbi  —  i-go  (Scr.  561)  —  713  (Wisbech,  Cambridgeshire,  propriete  privee; 

contient  Ενν.  et  Apoc). 
a38o  _  rsgo  —  1865  [Mont  Athos). 
0(1370  _     ο     _  1685  (Serres). 
„i373  __  i,i77  _  2079  (Mont  Athos). 

5(1374  —  yqi  —  2027  'Paris,  Bibl.  nat.,  avec  ecrits  patristiques). 
0(1373  —  j,xj[4  —  8(jQ  (Piome,  Vat.,  grec-latin,  manque  Apoc.  i,  1-vi,  17;  xiii, 

2-fin;. 
0(300  _  r44  _  180  (Piome,  Propagande). 

Du  A7P  siecle. 

δ'.οο_  ρ 23  —  367  (Florence). 

δ '.01  _  rvo  _  386  (Rome,  Vat.). 

3^02  _  γ97  (Scr.  67)  —  498  (Londres,  Brit.  Mus.). 

δ^ο3  _  r94  —  201  (Londres,  Brit.  Mus.). 

8^04  _  rii3  ^scr,  no)  _  824  (Grottaferrata). 

gios  —     Q     —  1785  (Kosinitza). 

δ!06  _  J.  118  _  1072  (Mont  Athos). 

§407  _  J.  119  _  1075  (Mont  Athos). 

S'.os  _  γ4ο_  141  (Rome,  Vat.). 

§410  _  rioa  (Scr.  102)  —  582  (Ferrare). 

δ''^^  —  Γ 51  —  18  (Paris,  Bibl.  nat.). 

0(400  —  yQq  —  028  (Rome  Vat.  manque  Apoc.  xviii,  22-fin,  grec-latin). 

a^oa  _  Γ 371  —  1859  (Mont  Athos). 

0(403  —  J.  39  —  1918  (Rome  Vat.  manque  Apoc.  i,  l-iii,  17;  vi,  18-xiir,  11). 

0(104    _  r87  —  172  (Berlin,  Kon.  Bibl.,  manque  Apoc.  xrv,  4-14;  xxj,  12-fin). 

α•'.05  _     ο     _  1732  (Mont  Athos). 

0(406  _  rl78  —  2080  (Patmos). 

a''"'  _     0     —  1746  (Mont  Athos). 

aM7o  —     ο     —  1328  (Jerusalem,  Patr.). 

a»-47i  _  γ30  _  429  ^WolfenJDiittel). 

«1472  _     0     _  1806  (Trebizonde^ 

oii4T3  _  p22  —  632  (Rome,  Vallicell.). 

0(1475  _  r96  —  2041  (Londres,  Brit.  Mus.). 


Du  XV  siecle. 


§500  _  γ88  —  205  (Venise) 
§voi  _  rio9  -_  205•=°»'^  (Venise). 
§502  _  rioo  _  004  (Zittau). 
§o03  _  1-25  —  149  (Rome  Vat.), 


I. Ε    ΤΕΧΤΕ    DE    L  APOCALYPSE.  CCLV 

C9  I  Leicester. 

-  1075  (Mont  Atlios). 
241  (Dresde). 

-  986  (xMont  Atlios). 
336    Hambourg). 
432  (Rome,  Vat.). 
467  (Paris,  Bibl.  nat.). 

-  616  (Milan,  Ambrosienne). 

-  1876  (Sinai,  manque  Apoc.  xxi,  27-fin). 

1948  (Rome,  Vat.'. 

385  (Londres,  Brit.  ^Mus.,  manque  Apoc.  xxii,  2-fin), 
■  2195  (Mont  Athos). 

-  2076  (Mont  Atlios). 

-  368  (Florence). 
2021  (Rome,  Vatican). 
2020  (Rome,  Vat.,  avec  ecrits  patristiques). 

-  1957  (Rome,  Vat.). 

-  792  (Athenes). 

-  2057  (Rome,  AngeL). 

-  2256  (Athenes). 
181  (Rome,  Vat.). 

2016  (Londres,  Brit.  Mas.,  avec  ceuvres  de  Denys  I'Areopagite). 
2015  (Oxford,  Bodl.,  avec  ecrits  patristiques). 

-  209  (Venise). 

2017  (Dresde). 
2087  (B41e,  Univ.). 

2024  (Moscou). 

-  1897  (Jerusalem,  Patr.). 

-  2084  (Constantinople,  avec  ecrits  patristiques). 

-  1857  (Mont  Athos).  « 

-  2061  (Rome,  Vat.,  avec  lectionnaire  et  vies  des  saints). 

2025  Paris,  Bibl.  nat.  avec  Job  et  Cohort,  de  Ps.  Justin). 
60  'Cambrido-e  Univ.). 


Du  X  VI^  siecle  : 

§600  _  r57  _  296  Paris,  Bibl.  nat.). 

Sco2  _  1.93  ^scr.  488)  —  522  (Oxford.  Bodleian,  manque  Apoc.  11,  11-23). 

§603  _  1.92  _  01    Dublin,  Trinity  College). 

360 ;  —     Q     (Mont  Atlios,  manque  Apoc.  i,  3-fin\ 

δ««^—    ο     (Mont  Athos). 

«1670  _  j.-(,^  _  ^39,^  (Jerusalem  Pair.). 

j,u82  _  J.  i82  —  2082  (Dresde). 

(χΐ68Α  —  Γ 141  —  2049  (Athenes,  avec  ecrits  patristiques  et  vies  de  saints). 

α•686  _  ri76  —  2078  (Mont  Athos). 

a<687  —     Q     —  2196  (Mont  Athos,  avec  ecrits  de  saint  Jean  Damascene). 


§505 

r  14  — 

^306 

rll9- 

§507 

r47  — 

§508 

— 

r  117  - 

jjOOO 

— 

rl6  — 

(χόΟ) 

— 

r.37  — 

„502 

— 

Γ  53  — 

«503^ 

— 

rl56  - 

„504 

— 

r  135  — 

«oOo 

— 

Γ78  — 

a»06 

— 

r29  — 

j,508 

— 

0     — 

«1570 

-  r 172  - 

a'-' 

-  r84  — 

„1o-2 

-  r  41  - 

^^\o^^ 

-Γ38  — 

a'3" 

-  Γ  91  - 

„to7o 

— 

-  rlll- 

„1376 

■  rl50- 

„lb77 

-     0     - 

„4578 

rl2  — 

„1S79 

rSl  — 

,χίοβΟ 

γ28  — 

β,Ι.581 

r46  — 

α<.^82 

— 

p32  — 

5^<o83 

— 

rl5  — 

«♦3&.» 

— 

r50  — 

5j1o85 

— 

r  504  - 

«1386 

— 

Γ  506  - 

«1387 

— 

r  131  - 

«)388 

— 

r  154  - 

«1392  . 

— 

γ58  — 

«139'. 

— 

r  10  — 

CCLAI  INTRODUCTiOX. 

Du  XV J l•  siecle  : 

g7oo  _     ο     —  2136  (Moscou), 
ct<"o  _    ο     —  2258  (Mont  Athos). 

Ajoutons  a  celte  liste  : 

1°  Aulres  Manuscrits  catalogues  par'  Gregory. 

10Θ4  (Evangiles,  Apoc.)  Athos;  —  1424  (N.  T.  entier),  Kosinitza;  —  mss.  du 
moni  Athos  contenant  tout  le  N.  T.  :  1597,  1617,  1626,  1652,  1668,  1678,  1704; 
—  contenant  tout,  excepte  les  Evangiles  :  1719,  1728,  1733,  1734,  1740,  1745, 
1746,  1864  (r327;  et  1903  (r513),  —  contenant  Paul  et  TApocalypse  :  1771;  — 
I'Apocalypse  seule  :  1773,  1774,  1775,  1776;  —  a  Serres,  1685  (Evang.  Apoc.) 
et  1760  (N.  T.  moins  I'Evang.);  —  a  Lesbos,  1Ί5Ί  (N.  T.  —  Evang.)  —  a  Salo- 
nique  1778  (Apoc.  seule).  —  Nous  ne  savons  d'ailleurs  quel  sort  auront  eu 
dans  la  guerre  les  manuscrits  de  Macedoine. 

2°  Les  Textes  de  Γ  Apocalypse  qui  se  trouvent  dans  des  manuscrits 
de  commentateurs . 

Ces  commentaires  sont  ceux  ^ Andre  (Av),  a' CEcumenius  (0  dans  un  com- 
raentaire  general  des  ecrits  apostoliques ;  θα  pour  TApoc.  seule ;  0Θ,  quand  ils 
se  trouvent  dans  un  manuscrit  d'oeuvres  de  Theophylacte,  Θ) ;  d'Arethas  (Ap) ; 
entin  nous  avons  donne  une  place  a  trois  manuscrits  tres  tardifs,  signales  par 
von  Soden,  qui  portent  le  nom  de  Μάξιμος  (Μ),  (avec  un  commentaire  qui  pour- 
rait  bien  ne  consister  qu'en  excerpta  fait  pour  I'usage  d'un  particulier),  quoique 
deux  d'entre  eux  soient  en  grec  moderne.  Nous  donnons,  comme  precedem- 
ment,  la  triple  notation,  quand  elle  existe. 

«  Du  IV^  au  X^  siecle. 

O'  —  γ2  —  82  (Paris,  Bibl.  nat.). 

Av'  —  r  170  —  2074  (Mont  Athos,  probablement  du  x-  siecle). 

Du  XI"  siecle. 

Qio  _  Γ  121  —  250  (Paris,  Bibl.  nat.j. 

0'^  —  r6  — 314  (Oxford.  Bodl.,  manque  Apoc.  i,  10-10:  ix.ll-  17;  xvii,  10- 

xviii,  8;  XX,  1-fin). 
012  _  r34  _  424  (Vienne,  K.  K.  Bibl.). 
0'3  _r74  — 217  (Venise). 
0'^  —  r  4  —  91  (Paris,  Bibl.  nat.;. 

Qis  —  r64  —  1934  (Paris,  Bibl.  nat.  contient  Paul  et  lApocal.). 
Av'o  —  r  152  —  2059  (Rome,  Vat.), 
Av*'  (Ap**')  _  Γ68  —  2032  (Rome,  Vat.,  manque  Apoc.  ii,  21-iii,  16;  vi,  10-vii, 

17;  IX,  5-xxi,  18). 
Av*-  —     ο    —  2259  (Mont  Athos,  contient  Apoc.  xni,  14-xiv,  15), 
Ap*'  —  r95  —  2040  (Londres,  British  Museum). 


LE  ΤΕΧΤΕ  DE  L  APOCALYPSE.  CCLXIII 

152  (Av'"  —  2059);  170  (Av'  —  2074);  le  ms.  d'CEcumenius  0*^-6-314;  du  type 
K,  lesmss.  Q  (B"^),  a'-»  —  31  —2016,  α'<ί»— 93  —  1955,  etc. 

Bousset  propose  les  regies  de  critique  suivantes  : 
Les  meilleurs  temoins  sont  A,  C,  vulg.,  95. 

Mais  si  Ρ  et  le  texte  d' Andre  s'accordent  avec  Q  (B-),  comme  ils  sont 
d'origine  tres  differente,  ils  meritent  d'etre  preferes  a  x-A-C-vulg.,  surtout  si 
leur  Ιβςοη  est  appuyee  par  Origene,  Hippolyte  et  Primasius. 

En  cas  de  desaccord  d'A,  C,  x,  la  Ιβςοη  pent  se  determiner  par  des  temoins 
secondaires  : 

la  concordance  de  A-C-vulg.  avec  Q  a  un  grand  poids ;  ensuite 
rient,  comme  autorite,  la  concordance  d'x  avec  Q;  celle  de  A-G 
avec  Andre  Femporte  sur  celle  d'N-Andre. 

Quand  A,  C,  x,  95,  Vulg.  et  Primasius  sont  d'accord,  la  legon  est 
presque  certaine. 


Pour  etablir  notre  texte  grec,  nous  suivrons  a  peu  pres  ces  regies,  sans 
jamais  oublier  le  principe  qu'une  faute  d'espece  rare,  qui  se  retrouve  dans  plu- 
sieurs  bons  manuscrits,  a  toute  chance  d'etre  authentique.  Le  nouveau  texte 
critique  de  von  Soden  ne  nous  parait  pas  tenir  suffisamment  compte  de  cette 
regie;  nous  avons  done  prefere  suivre  en  gros  Westcott-Hort  (et,  occasion- 
nellement,  Tischendorf,  Nestle,  Bousset,  Soden). 

Les  proportions  de  ce  volume,  ou  I'lntroduction  a  deja  du  prendre  tant  de 
place,  n'etant  pas  extensibles  a  I'infmi,  nous  avons  reduit  I'appareil  de  critique 
textuelle  a  I'essentiel;  pour  le  completer,  on  n'aura  qu'a  se  reporter  a  celui 
de  Soden.  Nous  n'avons  pas  note  les  graphics  qui  sont  des  fautes  courantes 
parmi  les  scribes,  telles  que  les  itacismes,  ni,  du  moins  en  detail,  ce  qui  a  un 
caractere  d'erreur  evidente,  comme  les  nombreuses  haplographies  de  n,  ni  les 
additions  qui  proviennent  du  commentaire  d'Andre.  En  regie  generale.  il  a 
fallu  nous  contenter  de  noter  et  de  discuter  les  variantes  qui  ont  quelque 
importance  au  point  de  vue  du  sens,  ou  servent  a  mieux  comprendre  le  degre  de 
culture  de  I'auteur,  sa  grammaire,  et  les  conditions  oil  I'Apocalypse  fut  ecrite. 

Dans  notre  traduction,  nous  avons  cherche  a  suivre  d'aussi  pres  que  pos- 
sible le  mouvement  de  la  phrase  johannique;  pour  peu  que  le  frangais  s'y 
prete,  nous  avons  reproduit  jusquaux  anacoluthes,  quitte  a  paraitre  servile  et 
presque  barbare;  ce  n'est  pas  une  oeuvre  d'art  que  nous  entendions  faire. 
Quand  un  vulgarisme  fran^ais  correspond  a  peu  pres  a  I'irregularite  du  grec, 
nous  nous  sommes  cru  permis  d'en  user,  comptant  sur  I'indulgence  du  lecteur 
pour  notre  scrupule  d'exactitude.  II  est  toutefois  des  fautes  qui  auraient  paru 
trop  choquantes  dans  notre  langue,  comme  les  pleonasmes  de  pronoms  ou 
d'adverbes  de  lieu  apres  le  conjonctil';  il  sulTisait  de  noter  ceux-la  dans  I'appa- 
ratus.  Nous  aurions  voulu  trouver  autant  de  synonymes  frangais  que  de  syno- 
nymes  grecs,  et  des  correspondants  respectifs  invariables  a  des  mots  comme 
γίνομαι,  εξουσία,  δυναμις,  ενιόπιον,  etc.   Nous  n'avons  pu  y  arriver    d'une   maniere 


IXTRODUCTIOX. 


constante ;  mais  1  appareil  suppleera  a  ce  defaut.  Nous  avons  note  d'une  asterisque, 
a  chaque  verset,  les  mots  grecs  qui  donnent  lieu  a  une  remarque  textuelle ;  dans 
la  traduction,  nous  avons  ecrit  entre  crochets  les  mots  qu'il  a  fallu  ajouter  pour 
que  la  phrase  prenne  son  vrai  sens,  ou  soit  dun  francais  tolerable. 

Pour  la  designation  des  manuscrits,  nous  nous  sommes  servis  de  la  triple 
notation  Tischendorf-Soden-Gregory,  a  moins  quil  ne  s'agisse  d"un  temoin 
trop  connu.  Celle  de  Soden,  rappelons-le,  a  Tavantage  de  faire  connaitre  Tage 
du  codex,  son  contenu  total,  et.  quand  cost  un  commentaire,  son  origine. 


1 


LE    ΤΕΧΤΕ    DE    l'aPOCALYPSE.  CCLXI 


Les  problemes  que  souleve  le  texte  de  TApocalypse  sont  assez  compliques. 
La  langue,  nous  I'avons  vu,  est,  chez  la  plupart  des  temoins  de  marque,  la 
plus  incorrecte  qui  soit  dans  le  Nouveau  Testament,  et  dans  tout  ecrit  propre- 
ment  «  litteraire  »  compose  en  grec.  Mettre  I'ensemble  de  ces  incorrections 
sur  le  dos  des  scribes  ne  serait  qu'un  mauvais  expedient;  car  pourquoi  les 
autres  livres,  copies  de  la  meme  main  dans  le  meme  manuscrit,  auraient-ils 
ete  beaucoup  raoins  maltraites?  De  la  est  resulte  d'abord  qu'on  I'a  corrigee  plus 
que  tout  autre  ouvrage,  et  que  le  tres  grand  nombre  des  temoins,  on  pent  le 
dire  presque  a  priori,  ne  nous  offrent  qu'un  texte  amende;  ensuite,  que  les 
versions  sont  moins  utiles  qu'a  I'ordinaire  pour  faire  decouvrir  les  legons 
originales,  attendu  que  leurs  auteurs  ne  pouvaient  certainement  se  preoccuper 
de  creer  un  latin  ou  un  syriaque  fautif  pour  rendre  equivalemment  les  irre- 
gularites  du  grec. 

Les  critiques  reconnaissent  que  les  manuscrits  peuvent  se  classer  en  trois 
ou  quatre  families,  qui,  en  gros,  se  correspondent  chez  tous,  malgre  les 
divergences  qui  naissent  quand  il  faut  determiner  leurs  limites  exactes,  leur 
origine,  et  leur  valeur  relative.  Une  des  difficultes  principales  provient  de  ce 
que  deux  des  recensions-types,  la  Κοινή  et  celle  d'Andre,  ont  reagi  Tune  sur 
I'autre  dans  des  proportions  tres  variables. 

Westcott-Hort  ont  considere  I'Alexandrinus  A  (δ'*  —  02)  comme  un  texte  de 
type  neutre,  relativement  parfait.  Bernhard  Weiss  met  aussi  ce  codex  au-dessus 
de  tous  les  autres,  et  estime  que  le  groupe  ν  (o"^  —  01),  A  et  C  (δ^  —  04)  n'oifre 
pas  trace  d'une  revision  intentionnelle  du  texte  primitif.  Mais  Bousset,  et  la 
generalite  des  critiques  actuels,  jugent  qu'il  n'y  a  pas  de  «  texte  neutre  » 
parvenu  jusqu'a  nous.  Von  Soden  croit  le  texte  ancien  le  plus  pur  qu'on 
puisse  atteindre  (son  I-H-K)  represente  par  les  citations  les  plus  antiques, 
celles  d'Origene,  de  Tertullien,  d'Hippolyte  dans  le  Comment,  de  Daniel, 
ainsi  que  par  les  vieilles  versions  latines  et  la  syriaque  Gwyn,  et  il  a  cherche 
a  le  reconstruire,  mais  sans  avoir  toujours  abouti,  nous  semble-t-il,  a  un 
resultat  qui  s'impose. 

Les  families  sont  les  suivantes;  nous  les  designons  par  les  sigles  de  Soden. 

H.  (recension  a'Hesychius,  Egypte,  iv•^  siecle  x.  A,  C,  al.).  Elle  serait  rela- 
tivement la  plus  pure,  quoique  certains  de  ses  representants,  et  tout  d'abord 
s,  aient  donne  des  textes  assez  fortement  corriges;  d'autres,  qu'y  range 
Bousset,  comme  le  cursif  38  (a' ^^^-2020)  ont  ete  influences  par  Andre  ou  le 
Κοινή.  Tres  peu  nombreux. 

K.  (Κοινή,  originaire  d'Antio.che).  Elle  se  partage  avec  la  suivante  la  masse 
des  manuscrits;  le  cursif  95  (Ap^^-2040)  y  appartiendrait  (von  Soden),  ainsi 
qu'une  partie  des  textes  des  mss.  d'Qicumenius.  D'ailleurs  tres  variee  et  tres 
melee,  moins  cependant  que  pour  les  autres  livres  du  N.T.  Le  majuscule 
Q  (B2)-a  1070-046  du  νιιι•=  siecle  en  est  le  plus  ancien  representant,  le  type ; 
aussi  Bousset  designe-t-il  cette  classe  par  le  sigle  Q-Rel  (iqui).  Elle  se 
distingue  specialement  en  ce  quelle  a  corrigo  et  uniformise  les  temps  des 
verbes. 


CCLXII  INTRODUCTION. 

Αν.  (texte  qu'on  lit  dans  les  commentaires  a' Andre,  et  dont  cet  exegete,  de 
I'avis  de  Soden,  serait  lui-meme  Tauteur.)  En  plus  des  commentaires,  la  famille 
contient  un  certain  nombre  de  purs  manuscrits,  tous  posterieurs  au  temps 
d'Andre.  Ρ  («^  —  025)  ferait  partie  du  nombre,  a  moins  qu'il  ne  faille  le  rat- 
tacher,  avec  Soden,  a  la  recension  d'Hesychius;  Bousset  en  rapproche  encore 
larmenien,  lethiopien  et  Tyconius,  et  fait  remonter  cette  serie  aux  travaux  de 
I'ecole  origeniste  de  Cesaree.  Dans  I'ensemble,  la  classe  se  rapproche  plus 
de  Η  que  de  K,  mais  elle  offre  un  bien  plus  grand  nombre  de  lectures  parti- 
culieres  que  les  deux  autres,  des  corrections,  des  gloses,  souvent  provenant 
du  texte  meme  d'Andre  en  son  commentaire.  Une  partie  des  textes  d'CEcume- 
nius  s'y  rattache  aussi. 

En  dernier  lieu  viennent  les  textes  «  occidentaux  »,  ^S".  Cyprien,  le  palimp- 
seste  de  Fleury  (Λ  ou  /"),  Primasius,  qui  representent  la  version  africaine  [af.], 
le  Gigas  holmensis  {g),  et  le  sessorianus  {m),  europeens  La  syriaque  Gwyn, 
la  sahidique,  les  citations  a'Hippolyte  y  seraient  apparentees.  Bousset  note 
des  rapports  entre  Prim,  et  le  Sinaiticus.  Ce  groupe  a  certainement  de  la 
valeur. 

Sans  entrer  dans  le  detail  et  la  discussion  des  opinions  critiques,  nous  nous 
contenterons  de  relever  les  points  sur  lesquels  il  y  a  unanimite  suffisante  pour 
qu'on  s'y  repose  surement. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  preservation  d'un  type  neutre,  qui  parait  desormais 
peu  probable,  il  est  certains  temoins  (en  dehors  des  citations  anciennes),  qui 
ont  une  autorite  toute  particuliere.  C'est 

VAlexandrinus  (A  —  o^  —  02),  le  fameux  oncial  du  British  Museum,  Royal 
library,  1,  D  V-VIII,  edite  par  Thompson,  en  1879.  Malgre  sa 
celebrite,  il  offre  trop  de  traces  de  reflexion  ou  de  fantaisie, 
voire  de  distraction,  pour  qu'on  puisse  tenir  son  auteur  pour  un 
scribe  irreprochable.  Tres  proche  de  lui  est 

VEphraemi  rescriptus  (C  —  Ρ  —  04),  oncial  de  Paris,  Bibliotheque  natio- 
nale,  9,  malheureusement  incomplet.  —  Le  Sinaiticus,  avec  ses 
fautes  et  ses  alterations,  ainsi  que  les  autres  manuscrits  H,  offrent 
un  texte  beaucoup  moins  sur.  Mais,  d'apres  Bousset, 

la  Vulgate  hieronymienne,  qui  est  Yitala  corrigee,  surtout  avec  ses  deux 
precieux  mss,  V Amiatinus  et  le  Fuldensis,  se  rattacherait  aussi  au 
type  egyptien,  et  aurait  une  tres  haute  valeur.  Ensuite  vient 

le  min.  95  (Ap'*  —  2040),  du  xi'^  siecle,  a  Londres,  Brit.  Mus.  Curzon,  82,  17. 
II  appartient  au  type  K,  mais  aurait  une  autorite,  pour  bien  des 
cas,  presque  egale  aux  precedentes,  si  Ton  en  ecarte  de  visibles 
corrections  (ainsi  προσκυνέω  toujours  suivi  du  datif). 

Ce  dernier  codex  est  apparente  a  A  [Nestle],  ainsi  que  les  mss. 

36  (Av3o  —  2019),  a  Vienne,  K.K.  Bibl.  Suppl.  gr.  93;  et 

68  (Av^^  —  2032),  Rome,  Bibl.  Yaticane,  gr.  1904,  et 

38  (α•"3  _  2020),  Rome,  Bibl.  Vat.  gr.  579,  apparente  a  A  et  a  C. 

Divers  manuscrits  de  la  classe  Andre  meritent  done  de  la  consideration. 
On  peut  y  joindre  1  (Av^o  —  l••),  qui  contient  d'anciens  elements  excellents 
(Soden)•   7  (a^o^  _  io4) ;  12  (a^^'^^  —  181);    14  (S^os  _  59);    130  (a^<«  —  1854); 


LE    ΤΕΧΤΕ    DE    L  APOCALYPSE.  CCLIX 

Gyp.  —  Citations  de  FApocalypse  dans  les  ecrits  de  saint  Cyprien.  Ce  sont 
ies  passages  suivants  :  ii,  5,  7,  10,  20-23,  27;  iii,  11,  17-19;  v,  1-10;  vi, 
9-10;  VII,  9-10,  13-17;  xiv,  1,  4,  6-7,  9-11;  xvi,  15;  xvii,  1-4,  15;  xviii, 
4-9;  XIX,  (i-7,  11-16;  xx,  4;  xxi,  6-7,  9  11,  16;  xxii,  9-14.  Egalement  texte 
africain  precieux. 

Prim.  —  Texte  joint  au  commentaire  de  Primasius  (Ed.  Haussleiter,  1891, 
dans  les  Forschungen  de  Zahn,  IV).  Africain. 

Tert.  —  Les  nombreuses  citations  chez  Tertullien,  d'apres  von  Soden,  repon- 
draient  assez  exactement  au  texte  primitif  de  I'Apocalypse. 

m.  Codex  sessorianus  manuscrit  du  Speculum  de  Ps.-Augustin  (?  Bachia 
rius,  400),  texte  «  eut'opeen  »,  espagnol?  Extraits  de  la  plupart  des 
livres  du  N.  T.,  y  compris  V Apocalypse.  Ed.  Mai  (Rome)  Weihrich 
(Vienne),  Belsheim  (Christiania).  Rome,  viii"  ou  ix^  siecle. 

g.  Codex gigas.  Toute  la  Bible ;  V Apocalypse,  comme  les  Actes  des  Apotres,  est 
vieille  latine  «( texle  europeen  »,  italien?  Stockholm,  xiii''  siecle.  — En  outre, 
citations  de  S.  Augustin,  de  S.  Fulgence,  texte  de  Victorin,  de  Tyconius. 

B.  Vulgate. 

A  ou  am.  [Codex  Amiatinus),  manuscrit  northumbrien,  le  meilleur  repre- 

sentant  de  la  Vulgate.  Florence,  Bibl.  Laurentienne,  vii•^  siecle. 
F  onfuld.  [Codex  Fuldensis),  italien  apparente  au  precedent.  Abbaye  de 

Fulda,  execute  en  541-546,  par  ordre  de  I'eveque  de  Capoue,  Victor. 
C  [Codex  Cavensis),   manuscrit  espagnol,  Corpo  di  Cava,  pres  Salerne, 

IX*  siecle. 
D  [Cod.  Dublinensis,  Book  of  Armagh)  ms.  irlandais,  Dublin,  ix•^  siecle. 
Τ  [Cod.  toletajius^  espagnol.  —  Madrid,  viii^  siecle. 
G  [Cod.  Sanger manensis)  Paris,  viii*'  ou  ix*^  siecle.  Bon  texte.   . 
Ί?  [Cod.  harleiensis  //).  Le  t-exte,  d'apres  Westcott,  pourrait  etre  vicux- 

latin.  British  Museum,  Londres,  viii''  siecle. 
R  [Bible  de  Rosas),  ms.  espagnol,  Paris,  x*^  siecle. 
Codex  demidovianus,  perdu,  mais  V Apocalypse,  avec  Act.  et  Epp.  a  ete 

publiee  par  Matthai,  1782-1788,  xii*  ou  xiii*'  siecle. 
Codex  Colbertinus,  Paris,  xii*  ou  xiii"  siecle.  hWpoc.  est  de  la  Vulgate. 
Codex  perpinianuSy  Paris,  xiii^  siecle. 
Indiquons  encore  :  de  la  recension  d'Alcuin  : 
V.  [cod.  vallicellianus).,  Rome,  ix''  siecle. 

Y^[cod.  carolinus,  ou  Bible  de  Granval),  Londres,  Brit.  Mus.,  ix-  siecle; 
Et  de  la  recension  de  Theodulfe  : 

θ  [cod.  theodul/ianus),  Paris,  ix*  siecle. 

Η  {cod.  Hubertianus),  British  Mus.,  Londres. 

W  [cod.  Wilhelnii  de  Hales),  ibid. 

I  [cod.  Juveniani  vallicellanus),  Rome,  ix''  ou  xi'^  siecle. 

M^  [cod.  monacensis),  Munich,  viii®  ou  ix"  siecle. 

S^  [cod.  sangallensis],  Saint-Gall,  χπι•"  siecle. 

U^  [cod  ulmensis),  Londres,  Brit.  Mus.,  ix'^  siecle. 

Vulg''.  —  Temoins  de  la  Vulgate  Clementine. 


CCLX  INI KOUUCTIOX. 

II.  Versions  syriaques. 

On  sait  que  I'Apocalypse  n'a  pas  ete  traduite  dans  la  Psitta  (pas  plus  que 
dans  la  Bible  gothique  d'Ulfilas  qui  dependait  egalement  des  Peres  d'Antioche). 
-Mais  plus  tard  apparurent  deux  versions  syriaques  : 

Syr^^"•  ou  S\  Editee  en  1897  par  le  D''  Gwyn,  d'apres  un  manuscrit  du 
xii^  siecle,  appartenant  au  comte  de  Crawford.  L'editeur  estime  qu'elle 
fait  partie  de  la  version  philoxenienne,  w"  siecle. 
Syr^^™  ou  S'•^.  Publiee  par  de  Dieu,  1627,  et  mise  a  la  suite  de  la  Psitta  par 
Leusden  et  Schaaf,  Leyde,  1708,  1717,  elle  fait  partie  de  la  version  de 
Thomas  de  Harkel  (616).  D'apres  Gregory,  on  possede  treize  manus- 
crits  harkleens. 

III.  Versions  coptes. 

Sah.  —  De  la  version  sahidique,  ou  de  la  Haute-Egypte,  ont  ete  conserves 
des  fragments  de  I'Apocalypse,  qui  ont  ete  recueillis  par  Amelineau 
(1888),  Goussen  (1895),  Delaporte  (1906).  Dans  la  collection  de  ce  der- 
nier [Fragments  sahidiques  du  N.  Test.,  Paris)  ne  manquent  plus  que 
I.  1-6,  8-12;  x,  2-3;  xvi,  20-21;  xix,  3-5;  xxi,  11-23. 

boh.  ou  me.  —  La  version  bohairique  ou  memphitique  contient  I'Apoca- 
lypse dans  dix-sept  manuscrits  (d'apres  Gregory).  Le  texte  a  ete 
imprime  par  Horner  (1898-1905),  Oxford,  d'apres  le  ms.  copte-arabe 
Curzon  128,  avec  variantes  de  10  mss. 

L' Apocalypse  a  du  manquer  a  I'origine  aux  deux  versions  coptes,  car  elle  ne 
se  trouve  guere  qu'en  des  manuscrits  separes  de  la  bohairique.  La  traduction 
pent  dater  du  iii^  siecle. 

IV.  Version  armenienne 

arm.  —  Zohrab  (1789,  1805)  estimait  que  VApoc.  n'a  pas  ete  traduite  en 
armenien  avant  le  viii""  siecle.  Goussen  (Studia  theologica)  croit 
qu'il  a  existe  un  texte  tres  ancien,  mais  que  le  texte  courant  est  du 
xii«  siecle  seulement,  ou,  d'apres  Gonybeare,  qui  a  edite  VApoc.  arme- 
nienne d'apres  4  mss.  du  xu*^  au  xiv^  siecle,  elle  eut  ete  admise  dans 
le  canon  sous  I'influence  de  Nerses. 

V.  AuTREs  versions 

Mentionnons  encore  : 
elk.  —  La  version  ethiopienne,  edit,   romaine  de    1548,  Piatt  1826-1830 

(1874).    Comme   la    precedente,    elle    se   rattacherait   au   texte   grec 

d'Andre. 
ar.  —  Versions  arabes,  dont  le  texte  est  tres  divers,  avec  influences  du 

copte  et  du  syriaque. 

Π  existe  encore  des  versions  slavone,  dont  le  plus  ancien  manuscrit  est  du 
xiii^  siecle;  francaises  (anglo-normandes)  et  anglaises,  du  xii"  au  xiv"^  siecle, 
jusqua  celle  de  Wicleff,  traduite  du  frangais. 


LE    ΤΕΧΤΕ    DE    L  APOCALYPSE.  CCLVII 

Du  XI l•  siecle  : 

0-'  —  r  132  —  1862  (Mont  Atlios). 

Av^o  —  r  1  —  i"•  (Mayhingen,  manque  Apoc.  xxii,  IG-fin). 

Λν2•  _  r  179  _  2081  (Patmos). 

Av-2  _    ο     —  2286  (Mont  Athos). 

Av23  _     0     —  2186  (Mont  Athos). 

Av2'  _  r  18  —  94  (Paris,  Bibl.  nat.). 

Du  XIII''  siecle  : 

Qso  —  j>  55  _  4(33  (Paris,  Bibl.  nat.  manque  Apoc.  xix,  18-xxii,  17). 

0="  —  rl8  —  94  (Paris,  Bibl.  nat.  relie  avec  Av^*).  • 

Ο  ■5•' —  Γίδδ  —  2062  (Rome,  Vat.). 

0":^'  _  r  146  —  2053  (Messine). 

Av3••  —  r36  —  2019  (Vienne,  K.  K.  Bibl.). 

Av3'  —  (Scr.  466)  —  598  (Venise). 

Da  XI V  siecle  : 

0  ''"  —  rl51  —  2058  (Rome,  Chigi). 

Ο  '•'  —     ο     —  1778  (Salonique). 

0Θ''-  —  rl22  —  254  (Athenes). 

0013  _  r3g5  _  1769  (Mont  Athos,  manque  Apoc.  i,  17-fm). 

Av''"  _  r  79  —  2036  (Rome,  Vat.). 

Av'*'  —  Γ 67  —  2031  (Rome,  Vat.  manque  Apoc.  viii,  13-ix,  3;  xxi,  23-xxn,  3; 

XXII,  14-17). 
Av"  —  r  153  —  2060  (Rome,  Vat.). 
Av^3  _  ,.  123  (Scr.  738)  —  743  (Paris,  Bibl.  nat.). 
Av'-'  —  r  80  —  2037  (Munich). 
Av'-c  —  r35  —  2018  (Vienne,  Kais.  Kon.  Bibl.). 
Av''"  —  r  169  —  2073  (Mont  Athos). 

Av's  —  r  171  —  2075  (Mont  Athos;  mutile  au  commencement  et  a  la  fin). 
Av^«  —  r  149  —  2056  (Rome,  Angel.). 
Av'•""  —  r  100  —  2042  (Naples). 

Av''"'  — ^  r43  —  2022  (Rome,  Barberini;  contient  seulement  xiv,  17-xviii,  20). 
Av^"2  _     ο     —  1678  (Mont  Athos). 
Av«>3  _  r  164  —  2070  (Mont  Athos). 

Du  XV^  siecle  : 

0-36  —  Yi\-i  (Scr.  698)  —  886  (Rome,  Vat.,  contient,  apres  un  comment,  de 

Theophylacte  sur  saint  Paul,  VApoc.  xxii,  1-2,  avec  comment.). 
Av^"  —  r  73  —  2034  (Rome,  Corsini). 
Av•''  —  r21  —  2014  (Rome,  Vallicell.). 
Av-'2  —  r  161  —  2067  (Rom.  Vat.). 
Αν••3  —  rl48  —  2055  (Modene). 
Av^^  _  r62  —  2028  (Paris,  Bibl.  nat.). 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  q 


CLVIII  INTRODUCTION. 

X^ob  _  r  137  __  2045  (Vienne,  K.  K.  Bibl.)• 

Av^e  _  r  49  —  2023  (Moscou). 

Av•"^^  —  Γ 101  —  2043  (Petrograd,  ancienne  Bibl.  imp.). 

Αν•'8  _  r  138  —  2046  (Vienne,  K.  K.  Bibl.). 

Av59  _  r  163  _  2069  (Venise). 

Av^oo  _  r  147  —  2054  (Modene). 

Av^oi  —  ρ  59  —  2026  (Paris,  Bibl.  nat.,  manque  une  feuille  avec  lin  du  Prol.  et 

comm.  a  i,  1). 
Av-^02  _  r  511  —  2091  (Athenes). 
Αν^ο3  _  r  159  —  2065  (Rome.  A^at.). 

Du  XVI'  siecle. 

u«ci  _    0    —  1824  (Rome,  Vatican). 

Av6''  _  Γ  72  —  2033  (Rome,  Chigi). 

Av6'  _  rl57  —  2063  (Rome,  Vatican). 

Av62  _  ri58  _  2064  (Rome,  Vat.). 

Av63  _  r  160  —  2066  (Rome,  Vat.). 

Av•^^  —  rl45  —  2052  (Florence,  ne  contient  que  i.  1-vri,  5). 

Av6•^  _  r  162  —  2068  (Venise> 

Av«6  —  r  63  —  2029  (Paris,  Bibl.  nat.). 

Av6'  _  rl39  —  2047  (Paris,  Bibl.  nat.). 

Av«s  —  Γ 144  —  2051  (Madrid,  Bibl.  nac). 

Av69  _  r  79^  —  2036 '^'•1''^•  (Munich). 

Αν•5οο  _  γ81  —  2038  (Munich). 

Av^o'  _rl36  —  2044  (Vienne,  K.  K.  Bibl.). 

Av602  _  r  184  —  2083  ( Leyde) . 

Av603  —  J.  175  —  (au  mont  Athos,  mais  disparu). 

Avf'O-i  _     0     —  2254  (mont  Athos). 

Av^o-  _  r  77  _  2035  (Florence). 

Des  XVIl•  et  XV III•  siedes  : 

Av'"  —  r  167  —  2071  (Mont  Athos). 

Av"^  —  r  174  —  2077  (Monl  Athos). 

Ap'"  —     0     —  2116  (Athenes,  propriete  privee). 

M""  (en  grec  vulgaire,  άπλη  γλωσσά)  (Mont  Athos). 

M^'  —    ο     —  2114  (Athenes). 

Avso  _  r  168  —  2072  (iMont  Athos). 

M^"  (x\thos;  en  grec  vulgaire,  comme  M^"). 

Versions. 

Versions  latines.  A.  Versions  anciennes. 

h.  Codex  Floriacensis  estime  generalement  comme  un  temoin  tres  pur 
du  texte  africain.  II  contient  de  V Apocalypse,  i,  1-24;  viii,  7-ix,  12;  xi, 
16-xii,  14;  xiv,  15-xvi,  5.  Edite  par  Belsheim  (Christiania),  Samuel  Berger 
(Paris),  Buchanan  (Oxford).  Paris,  du  vi*"  ou  vii''  siecle. 


BIBLIOGRiPHIE  (1) 

(Les  sigles  et  abreviations  sont  entre  parentheses. 


TEXTE 


Textes  originaux  et  versions.  —  Voirau  chapitre  xv,  ou  les  sigles  sont  donnes. 

TiscHENDORF,  Novum  Testanientum  graece,  editio  octava  critica  major,  Leip- 
zig, 1872  [Tisch.) 

Westcott  et  HoRT.  The  New  Testament  in  the  original  Greek,  Cambridge  et 
Londres,  1892  (Π-^). 

Bernhard  Weiss.  Das  Neue  Testament.  Textkritische  Untersuchungen  und 
Textherstellung.  Erster  Theil,  Leipzig,  1894  [B.  Weiss). 

Nestle.  Novum  Testamentum  graece  et  latine,  Stuttgart,  1906  [Nestle). 

Wordsworth  et  White.  Novum  Testamentum  latine,  Oxford,  1911. 

Gregory.  Textkritik  des  Neuen  Testaments,  Leipzig,  1900-1909  [Gregory). 

Hermann  von  Soden.  Die  Schriften  des  Neuen  Testaments^  Berlin-Gottingen, 
1902-1913  [Soden). 

Jacquier.  Le  Nouveau  Testament  dans  I'Eglise  chretienne,  i.  11,  Paris,  1913. 

PHILOLOGIE 

Kuhner.  Grammatik  der  griechischen  Sprache. 

I,  besorgt  von  F.  Blass,  Hannover,  1890  [Kuhner-Blass) ; 

II,  besorgt  von    B.   Gerth,  Hannover  und  Leipzig,   1898  et  1904 
[Kiihner-  Gerth) . 

Meillet.  Apercu  d'une  histoire  de  la  langue  grecque,  Paris,  1913  [Meillet). 

A.  Croiset  et  Petitjean.  Grammaire  grecque,  5°  edit.  Paris,  1914. 

Thumb.  Handbuch  der  griechischen  Dialekte,  Heidelberg,  1909. 

Mayser.  Grammatik  der  griechischen  Papyri  aus  der  Ptolemderzeit,  Leipzig, 

1906  [Mayser). 
Grenfell  et  Hunt,  The  Oxyrinchos-Papyri,  Londres,  1908-suiv. 
Les  memes  et  S.myly.  The  Tehtunis-Papyri,  t.  1 ;  —  GR.,  Η.,  etGooDSPEEo,  t.  II, 

Londres;  1902  et  1907. 
ViTEAu.  Etude  sur  le grec  du  Nouveau  Testament,  Paris,  1893  et  1897  [Viteau). 
Deissmann.    Bibelstudien;    —    Neue    Bibelstudien,    Marburg,    1895    et    1897 

[Deissm.). 

(1)  Je  ne  mentionne  que  les  ouvrages  les  plus  imporlanls,  ou  ceux  qui  m'ont  le  plus  servi 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  /■ 


CCLXVI  BIBLIOGRAPHIE. 

ScMiEDEL.  Winer's  Gratnmatik  des  neutestamentlichen  Sprachidionis,  Gottin- 

gen,  1897  [Winer-Schitiiedel). 
Thumb.  Die  griechische  Sprache  im  Zeitalter  des  Hellenismus ,  Strassburg,  1901. 
Blass.  Grammatik  des  neutestamenilichen  Griechisch,  k^^  Auflage,  besorgt  von 

A.  Debrunner,  Goltingen,  1913  {Blass-Deb.). 
Radermacher.  Neutestatnentliche  Grammatik^  Tubingen,  1911. 

J.  H.  MouLTON.  A  Grammar  of  New  Testament  Greek,  I,  Prolegomena,  Edin- 
burgh, 1906.  —  Nous  avons  cite  d'apres  la  traduction  allemande  revue 
et  completee,  Einleitung  in  die  Sprache  des  Neuen  Testaments,  Heidel- 
berg, 1911  [Moulton). 

A.  T.  Robertson.  A  Grammar  of  the  greek  New  Testament  in  the  light  of  the 
historical  Research,  Londres,  1915.  — ^  Je  n'ai  pu  consulter  directement 
cet  ouvrage  tres  important. 

E.  A.  Abbott.  Johannine  Vocabulary,  Londres,  1905.  — Johannine  Grammar, 
Londres,  1906  [Abbott). 

Preuschen.  Vollstcindige  Griechisch-Deutsches  Handworterbuch  zu  der  Schrif- 
ten  des  Neuen  Testaments  und  der  iibrigen  urchristlichen  Literatur, 
Giessen,  1910. 

J.  IL  MouLTox  et  G.  Milligax.  The  Vocabulary  of  the  Greek  Testament  illus- 
trated from  the  Papyri  and  other  non-literary  sources,  I-II  (άβαρης- 
δο^ροφορία);  London,  New- York,  Toronto,  1914-1915  [Moulton-Milligan). 
Etc. 

QUESTIONS  GENERALES  —  ETUDES  SUR  LES  APOCRYPHES, 
LE  RABBINISME,  LE  PAGANISME 

ScHURER.  Geschichte  des  Ji'idischen  Volkes  im  Zeitalter  Jesu  Christi,  3  Aullage, 

B.  Ill,  pp.  181-273,  Leipzig,  1898. 

Talmud  de  Jerusalem  (on  le  cite  ordinairement  d'apres  le  traite,  le  chapitre, 

la  page  et  la  colonne  de  I'edition  de  Cracovie). 
Talmud  de  Babylone  (d'apres  le  traite,  la  feuille  et  la  page  de  I'edition  de  Venise 

1548). 
Targums  (cites  par  reference  aux  passages  bibliques).  jMidraschim,  etc. 
Weber.  Jildische  Theologie,  2  Auflage,  Leipzig,  1897  (Weber). 
Gressmann.  Der  Ursprung  der  israelitisch-jildischen  Eschatologie,  Gottingen, 

1905.  [Ursprung). 
VoLz.  Jildische  Eschatologie   von  Daniel  -bis  Akiba,  Tiibingen-Leipzig,  1903 

[Volz). 
Gunkel.  Schopfung  und  Chaos,  Gottingen,  1895  [Schopf.,  Sch.  u.  Ch.) 
Bousset.  Die  Religion  des  Judentums,  2  Auflage,  Berlin,  1906  [Rel.  Jud.) 
Lagrange.  Le  Messianisme  chez  les  Juifs,  Paris,  1909  [Messianisme,  Mess.) 
Szekely.  Bibliotheca  apocrypha,  I,  Fribourg-en-Br.,  1903  [Szekely). 
Kautzsch.  Die  Apokryphen  und  Pseudepigraphen  des  Alten  Testaments,  B.  II, 

Die  Pseudepigraphen,  Tubingen,  1900  [Kautzsch). 
Sibyllins  iSib.). 
Jubiles  [Jub.). 
Psaumes  de  Salomon  [Ps.  Sal.). 


BIBLIOGRAPHIE.  CCLXVIi 

Henoch  ethiopien  [Hen.,  Hen.  eth.). 

Assomption  de  Moise  [Ass.  Mos.]. 

IV^  Livre  d'Esdras  [IV  Esd.). 

Apocalypse  syriaque  de  Baruch  [Bar.  syr.). 

Apocalypse  grecque  de  Baruch  [Bar.  gr.). 

Testaments   des  12  Patriarches   [Testaments;   Test.    Levi;    Test. 

Nephthali,  etc.)• 
Vie  d'Adam  et  d'Eve  (  Vita  Ad.  et  Ev.). 
F.  Martin,  Le  livre  d'Henoch,  Paris, '1906  [Hen.  eth). 
Gry.  Les  Paraboles  d'Henoch,  Paris,  1910. 
MoRFiLL  et  Charles.  The  book  of  the  Secrets  of  Enoch,  Oxford,  1896  [Henoch 

slave,  Hen.  si.). 
ViTEAu.  Les  Psaumes  de  Salomon,  Paris,  1911  Ps.  Sal.). 

Vagaxay.  Le  Probleme  eschatologique  dans  le  IV^  livre  d'Esdras,  Paris,  1906. 
BoNWETscH.  Die  Apokalypse  des  Abraham,  Studien  zur  Geschichte  der  Theolo- 

gie  und  der  Ivirche,  i,  1,  Leipzig,  1897  [Apoc.  Abr.). 
TissERANT.  Ascension  d'Isaie,  Paris,  1909  {Asc.  Is.). 
Gry.  Sejours  et  habitats  divins  d'apres  les  Apocryphes  de  I'Ancien  Testament, 

Paris,  1910. 
Labourt  et  Batiffol.  Les  Odes  de  Salomon,  Paris,  1911  [Od.  Sal.). 
Jacquier.  Histoire  des  livres  du  Nouveau  Testament,  t.  IV,  Paris,  1908  [HLNT). 
Hexnecke.  Neutestamentliche  Apokryphen,  Tubingen-Leipzig,  1904. 
Apocalypse  de  Pierre  [Apoc.  Pet.]. 
Pasteur  d'Hermas  [Hennas). 
V«  et  Vie  livres  d'Esdras  [V Esd.,  —  VI  Esd.). 
Ascension  dlsaie  [Asc.  Is.). 
Sibyllins  chetiens  [Sib.]. 
Clemex.  Religionsgeschichtliche   ErkLurang  des  Neuen    Testaments,  Giessen, 

1909  [Clemen). 
Jeremias.  Babylonisches  im  Neuen  Testament.  Leipzig,  1905  (BNT). 
BoussET.  Der  Antichrist,  Gottingen,  1895  [Antichrist). 
GuNKEL.  Zum  religionsgeschichtlichen    Verstdndnis    des    Neuen    Testaments. 

Gottingen,  1903  [Verst.). 
Gry,  Le  Millenarisme  dans  ses   origines  et  son  developpement,  Paris,  1904, 
TiLLMANX.  Die  Wiederkunft  Christi  nach  den  paulinischen  Briefen,  Fribourg- 

en-Brisgau,  1909. 
Billot  (O').  La  Parousie,  Paris,  1920. 

Lagraxge,  Etudes  sur  les  religions  semitiques,  1^  edit.  Paris,  1905  [ERS^). 
Gressmaxx,  Altor'ientalische  Texte  und  Bilder  zum  Alten  Testament,  Tubingen, 

1909  [AOTB). 
Wixckler-zimmern,  Keilinschriften  und  Altes  Testament'^,  Berlin  1902  {ΚΑΤ). 
Deissmaxx,  Licht  vom  Osten,  2-3  Auflage,  Tubingen,  1909  (LO). 
Amelixeau,  Pistis  Sophia,  Paris,  1895. 
CuMOXT.  Les  Mysteres  de  Mithra,  Bruxelles,  1902. 

Id,       Testes  et  monuments  figures  relatifs  aux  mysteres  de  Mithra,  Β  ruxellcs, 
t,  I,  1899;  t.  II,  1896  [Testes  et  Mon.). 
DiETERicH.  Eine  Mithrasliturgie,  2  Auflage,  Leipzig,  1910, 


CCLXVIII  BIBLIOGRAPHIE. 

Reitzenstein.  Poimandres,  Leipzig,  1904, 

Darmesteter;  Mills.  Zend-Avesta,  vol.  IV,  XXIil  et  XXXI  des  «  Sacred  Books 

of  the  East  »,  Oxford. 
West.  Pahlavi   Texts,   Part    I,  vol.  V    des    «  Sacred   Books    of  the    East  », 

Oxford. 
Boissier.  La  religion  romaine  d'Auguste  aux  Antonins,  Paris,  1906. 
.1.   Reville.  La  religion  a  Rome  sous  les  Severes,  Paris,  1886. 
MiGNE.  Patrologie  grecque  [P.  G.,  avec  le  numero  du  volume  et  la  colonne). 

Id.     Patrologie  latine  {P.L.,  vol.  et  col.)•. 
Revue  Biblique  [RB). 

Revue  des  sciences  Philosophiques  et  Theologiques  [R.  Sc.  Ph.  Th.). 
Zeitschi'ift  filr  die  neutestamentliche  Wissenschaft  [ZNW). 
Archiv  fur  Religionswissenscliaft  [ARW). 
Zeitschrifl  filr  wissenschaftliche  Theologie  [ZWT). 

Etc. 

COMMENTAIRES 

Voir  renumeration,  avec  le  signalement  de  chacun,  au  chapitre  xiv,  ci-dessus. 
Les  plus  frequemment  cites  ou  discutes  sont  les  suivants  : 

Origene  (Ori)"'.  =  ecrits  divers;  Bossuet 

Orig.    Sch.    =    Scholienkommentar).  *  Renan 

HippoLYTE  [Hipp.)  *  Dusterdieck  {Diist.) 

VicTORiN  [Vict.)  *  IL  J.  Holtzmann  [Holtzm.) 

*  Tyconius  [Tyc.)  *  Spitta 

S.  AuGusTiN  {Aug.;  Civ.  Dei;  Civ.)  *  Bousset  [Offenb^;  Off.) 

Andre  de  cesaree  [And.)  *  J.  Weiss  [Offenh.  —  Schrift.) 
Primasius  [Prim.)  Galmes 

Bede  le  venerable  (Bede)  *  Hort 

Joachim  de  flore  *  Swete 

Albert  le  grand  [Albert;  Alb.)  *  Charles  [Studies] 

Nicolas  de  lyre  [Lyr.)  *  Ramsay  [Letters) 

Alcazar  *  Boll 


APOCALYPSE  DE  JEAN 

TRADUCTION  ET  GOMMENTAIRE 

[Ghaque  section  sera  procedoe  d'une  introduction  speciale,  en  italiques.  Le  texte  est  suivi 
de  trois  appareils;  le  premier  (A)  contient  les  observations  de  critique  textuelle  et  de 
philologie;  le  deuxieme  (B),  les  paralleles;  le  troisieme  (C)  est  proprement  le  commentaire 
exogotique.  Les  chifTres  en  tote  de  chaque  appareil  sont  ceux  des  versets]. 


Le  TiTRE.  —  La  forme  la  plus  ancienne  du  titre,  que  Ton  peut  faire  remonter  au 

ii«siecle,doitetre  ΆΠΟΚΑΛΥΫΙΣ  'ΙΩΑΝΝΟΥ,  (ou  ΊΩΑΝΟΥ)  telle  qu'on  la  trouve 
dans  }<-o--01,  C-53-04,  Α-δ^-02  (a  la  fin,  car  I'en-tete  a  peri),  dans  le  min.  95- 
Api<-2040,  et  quelques  autres  (Tisc/t.,  W-H,  Nestle,  Weymoiitli,  Weiss,  Soden,  etc.). 
Autres  :  -ou  άγιου  'Ιωάννου  dans  une  cinquantaine  de  minusc,  syr^^'•.,  fuld.,  am.,  boh.; 
«  de  saint  Jean  evangeliste  «,  syr  ^'^  ''''='';  «  A.  beati  Joannis  apostoli  »,  vulg.  en 
general;  Άπ.  τοΰ  αγίου  Ίωίίννου  εϋαγγελίστου,  dans  Ρ-α^-025,  42-a*"*-452.  —  L'addition 
du  mot  θεολόγου,  ou  les  amplifications  qui  se  rencontrent  dans  syr  ^^  "'C"  (v.  L\trod. 
ch.  xv),  et  ailleurs,  ne  peuvent  ^tre  que  tardives. 

PROLOGUE  ET  SALUTATION 

(c.  I,  1-8). 

Introduction.  —  Saint  Jean  debute  par  une  suscription,  qui  indique  la  nature  du 
livre  [I,  1-3).  Ces  versets  sont  consideres,  par  tous  les  critiques  qui  nient  I'unito  de 
main,  comme  I'ce.uvre  du  dernier  redacteur  (Introd.  c.  xi).  Mais  la  couleur  johannique 
de  plusieurs  tcrmes  est  un  bon  temoignage  d'aut/ienticite  (Bousset,  aliil. 

Puis  vicnt  la  salutation  epistolaire,  tres  deceloppee,  aux  Sept  Eglises  d'Asie  [i-6a), 
suivie  d'unc  doxologie  au  Christ  {6b),  d'une  annonce  du  jugement  general  (7),  et  d'une 
affirmation  solennelle  de  Dieu  quil  est  le  principe  et  la  fin  (8).  La  langue  est  tellement 
semblable  a  celle  de  tout  le  livre,  meme  dans  ses  irregularites  les  plus  notoires 
(0  ών  Ύ.%\  ο  Y)v/.a\  ό  έρ•/ό[Αενος,  2  fois),  qu'on  ne  peut  separer  ce  prologue  du  reste 
{Gfr.  Volter  :  !i-6  de  Jean-Marc,  7-8  de  I'avant-dernier  editeur,  sous  Trajan;  — 
Erbes  :  Apoc.  de  Ian  62;  —  Spitta  :  i-6,  de  U,  chretien  apres  60;  7-8  de  R  sous 
Trajan;  —  Bruston  :  Vauteur  est  un  disciple  de  Jean  qui  a  tout  ecrit  d'un  traitjusqua 
la  fin  du  chap.  IX;  —  Joh.  Weiss  :  i-6  de  Jean,  avant  70;  7-8  du  redacteur;  — 
Vischer  et  Weyland  :  oeuvre  de  I'editeur  chretien,  comme  tout  Vensemble  des  trois 
premiers  chapitres.  Voir  In'trod,  c.  xi  et  xiv).  Nous  concevons  difficilement  qu'on  ait 
pu  separer  7-8  de  i-6,  et  nous  dirons  bientot  pourquoi. 

Le  tout  forme  un  prologue  general,  qui  proclanie  avec  des  elans  lyriques  la  menace 

du  jugement  inevitable,  et  la  sScurite  des  fidelcs  devant  I'approche  du  Juge  qui  est  leur 

Sauveur.  Si  la  forme  en  est  quelque  peu  heurtoe  et  decousue,  c'est  que  le  Prophets, 

en  annoncant  une  telle  revelation,  obeit  d'abord  a  la  seule  logique  de  son  enthousiasme. 

apocalypse  de  saint  jean.  1 


2  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

L'epilo^ue  [XXII,  10-21)  presentera  le  menie  desordre  apparent,  quand  I'ecrivain, 
arrive  au  bout  de  sa  tdche,  I'dme  plongee  dans  la  screnite  de  la  Jerusalem  celeste, 
sentira  pourtant  flechir  en  lui  I'esprit  humain,  celui  qui  ordonne  et  combine,  sous  le 
fardeau  surhumain  des  terreurs  et  des  joies  qui  Vont  traverse  pour  se  repandre  sur 
les  Eglises. 

Ch^  jer  —  \^  Ά'Τΐοκάλυψις  Ίησου  Χριστοί,  *ήν  εοωκεν  αυτω  ό  θεός  οεϊςαι  τοις 
δούλοις  *αΰτοΰ,  *α  οεΐ  γενέσθαι  έν  τάχει,  καΐ  *έσήμανεν  άποστείλας  οιά  του  *άγγέλου 
*αύτοΰ,  τω  δουλω  *αϋτΰΰ  Ίωάνγ],  2.  ος  *έμαρτύργ]σεν  τον  λόγον  του  θεοΰ  και  τήν 
*μαρτυρίαν  Ίησου  Χριστοί),  οσα  ειδεν.  3.  Μακάριος  ό  άναγινώσκων  καΐ  ο•.  άκούοντες 
τους  λόγους  της  -κροΦητειας  και  *τηρουντες  τα  έν  αυτί)  γεγραμμ,ένα  *ο  γαρ  καίριος 
εγγύς. 

Δ.  1-2-3.  ήν  doit  etre  regi  a  la  fois  par  ε8ω•/.εν  et  δεϊξαι,  cet  infinitif  eqnivalant  au 
verbe  fini  avec  ϊνα,  cfr.  Mat.  iv,  1,  I  Cor.  xvi,  3  τούτους  -έ(χψω  άπενεγκειν;  etc  C'est 
I'avis  de  Hort,  qui  nous  semble  bien  fonde.  Voir  Blass-Deb.  §  390.  Par  suite,  δ  οεΓ... 
doit  etre  considere  comme  une  apposition  a  ήν.  Cette  construction  pent  paraitre  dure; 
mais  elle  se  retrouve  au  verset  suivant,  ou  '6q%  est  en  apposition  a  λόγον  et  μαρτυρίαν. 
Le  pronom  ήν  est  encore  regime  de  εσ^μανεν,  qui  a  pour  sujet,  non  plus  6  θεός,  comme 
Ιδωχεν,  mais  Jesus-Christ,  comme  le  montrera  le  contexte  presque  immodiat  {Bous- 
set,  etc.);  par  consequent  αυτοΰ-. ^  se  rapporte  au  Christ,  non  a  Dieu,  et  sans  doute 
aussi  αύτοΰΐ;  style  neglige.  —  Ευαγγελίου  p.  αγγέλου  est  une  faute  evidente  de  P-a'-025 
et  de  41-al572-2021.  —  Prim.,  qui  a  «  nuntianda  significavit  »,  a  du  lire  έιη'μανεν 
άτ:οστεΐλαι.  —  Au  v.  3,  τηροΰντες,  mot  johannique,  doit  etre  maintenu  centre  πληρουντες 
de  quelques  manuscrits.  Nous  traduisons  έ|ΐΛρτύρησεν  par  le  present,  parce  que  c'est 
un  aoriste  epistolaire  (Bousset,  Swete,  etc.). 

B.  1-2-3.  άποκάλυψις  cfr.  Rom.  ii,  5;  viii,  19;  xvi,  25;  I  Cor.  i,  7;  Gal,  i,  12; 
II  Thess.  I,  7 ;  I  Pet.  i,  7,  13;  iv,  13,  ou  partout  le  genitif  qui  suit  designe  Vobjet  de 
la  revelation,  peut-etre  meme  Gal.  i,  12,  pourvu  qu'on  le  rapproche  de  i,  16  :  άττοκαλύψαι 
τον  υίον  αύτοΰ  εν  ερί  cfr.  Luc.  χνιΐ,  30.  Ailleurs,  II  Cor.  χιι,  1  αποκ.  Κυρίου,  le  genitif 
dosigne  I'auteur;  Luc  π,  32,  le  beneficiaire,  les  peuples  qu'on  delivre  du  voile  de  leur 
ignorance.  Sens  general  de  revelation  charismatique,  I  Cor.  xiv,  6,  26;  II  Cor.  xii,  7; 
Gal,  II,  2;  Eph.  i,  17;  m,  3.  C'est  un  mot  du  vocabulaire  paulinien,  qui  n'apparait 
qu'ici  dans  les  ecrits  johanniques.  —  δεΤξαι  :  δείκνυμι  (-ω)  au  sens  de  «  revelation 
divine  »,  mot  johannique  :  Apoc.  8  fois,  cfr.  surtout  iv,  1;  xvii,  1;  xxi,  9;  xxii,  6; 
Joh.,  7  fois,  specialement  v,  20;  xiv,  8,  9.  —  Ίησοΰς  Χριστός,  frequent  dans  Act.  et 
Paul,  n'apparait  dans  I'Apocalypse  qu'en  ce  chapitre  (5  fois),  et  dans  la  salutation 
finale,  xxii,  21;  7  fois  I  Joh.,  2  fois  II  Joh.,  et  2  fois  seulement  dans  I'Evangile,  en 
des  passages  tree  solennels  du  Prologue,  i,  17,  et  de  la  priere  sacerdotale,  xvii,  3 

—  δον3λος,  titre  frequent  au  sens  religieux  dans  I'Apoc.  :  serviteur  de  Dieu,  vii,  3;  x,  7; 
XI,  18;  XV,  3;  xix,  25;  xxii,  3,  6,  il  s'agit  tantot  des  «  prophetes  »,  tantot  de  tous  les 
fideles;  serviteur  du  Christ,  ii,  20,  cfr.  Rom.  i,  1 ;  I  Cor.  vn,  22;  II  Cor.  x,  7;  Gal. 
I,  10;  Eph.  VI,  6;  Phil,  i,  1;  Col.  iv,  12;  II  Tim.  ii,  24;  Tit,  i,  1;  Jac.  i,  1;  II  Pet.  i,  1; 
Jude,  1 ;  mot  affectionne  de  Jesus  dans  les  Paraboles  synoptiques,  et  applique  par  lui 
aux  apotres,  Joh.  xiii,  16;  xv,  15,  20.  —  α  δεΓ γενέσθαι,  cfr.  iv,  1;  xxii,  6;  Dan.  u,  28-29; 

—  έν  τά/ει,  cfr.  XXII,  6;  τα/ύ,  η,  5,  16;  in,  11;  xxii,  7,  12,  20,  pour  similitude  de  sens; 

—  σημαίνω,  mot  johannique,  Joh.  xii,  33,  xvni,  32;  xxi,  19,  toujours  pour  une  revelation 
divine  (cfr.  σημεΓον),  et  qui  n'apparait  ailleurs  que  Act.  xi,  28  (prophetie)  et  xxv,  27. 

—  ίγγελος,  76  fois  dans  Apoc,  cfr.  surtout  x,  9-suivants;  xvii,  1;  xxi,  9;  xxii,  6,  16, 
ou  il  s'agit  d'Anges  revelateurs,  comme  dans  Zacharie,  Daniel,  et  dans  la  gcneralite 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  3 

1.  Apocalypse  de  Jesus-Christ,  que  lui  a  donnee  Dieu  a  montrer  k  ses 
serviteurs,  [les  choses]  qu'il  faut  qu'il  arrive  promptement  {litt.  en  promp- 
titude), et  [qu'j  il  {Jesus)  a  notifiee,  ayant  envoye  le  message  par  son  ange, 
a  son  serviteur  Jean,  2,  lequel  atteste  la  parole  de  Dieu  et  le  temoignage 
de  Jesus-Christ,  tout  ee  qu'il  a  vu.  3.  Heureux  celui  qui  lit  et  ceux  qui 
ecoutent  les  paroles  de  la  Prophetic,  et  observent  les  [choses]  qui  y  sont 
ecrites;  car  le  temps  [est]  proche. 

des  Apocryphes.  —  ιιαρτυρία,  μαρτυρέω,  mots  johanniques  (Introd.  c.  xiii);  (i.apxupia  Ίησοΰ, 
cfr.  I,  9;  xii,  17;  xix,  10;  xx,  4;  cfr.  pour  V idee  Jo ίι.  in,  11,  32,  33;  viii,  14,  etc.,  et 
I  Tim.  VI,  13.  —  μακάριος,  sept  macarismes  dans  Apoc.  i,  3;  xiv,  13;  xvi,  15;  xix,  9; 
XX,  6;  XXI,  7,  14;  le  mot  rappelle  le  Discours  sur  la  Montagne.  —  ό  γαρ  καφος  έγγύ;, 
XXII,  10;  εγγύς  est  surtout  frequent  chez  Jean,  dans  I'Evangile. 

C.  1-3-3.  Cette  «  Apocalypse  de  J.-C.  »  est-elle  une  revelation  recue  de  Jesus- 
Christ,  ou  bien  une  revelation  qui  a  Jesus-Christ  pour  objet?  Les  deux  interpreta- 
tions sont  possibles  a  priori,  si  Ton  consulte  I'usage  du  N.  T.  La  premiere,  qui  est 
communement  admise,  a  pour  elle  le  contexte  immediat,  ainsi  que  la  vision  d'ln- 
troduction  (i,  9-fin),  et  les  Lettres  (ii-iii),  ou  le  Christ  en  personne  apparait  comme 
Revelateur.  Cependant  la  deuxieme  est  defendue  par  No?^t  pour  d'excellentes  raisons, 
dont  la  plus  frappante  est  le  rappel  des  passages  de  Paul,  Gal.  i,  12,  de  ceux  de  I  Pet. 
ou  άποκάλυύις  equivaut  a  «  Parousie  »  (supra,  B),  et  beaucoup  d'autres  du  N.  T.,  notam- 
ment  de  Luc,  xvii,  30  r,  ήμερα  δ  υίος  τοίί  άνθρώ-ου  αποκαλύπτεται;  d'ailleurs  άποκάλοψις  est  Ιβ 
plus  souvent  suivi  d'un  genitif  d'objet.  Les  deux  opinions  s'accordent  bien  avec  le 
sensdu  livre  :  si  J.-C.  donne  la  Revelation  soit  par  lui-meme,  soit  «  par  son  Ano-e  », 
ce  qu'il  revele,  ce  sont  ses  jugements  (v.  Comment,  des  Lettres  et  du  ch.  v).  De  meme 
qu'il  se  revela  a  Paul,  sur  le  chemin  de  Damas,  comme  vivant  et  Fils  de  Dieu,  ainsi 
dans  I'Apocalypse  Johannique  II  revele  a  son  prophete,  dans  des  visions  successives, 
les  divers  «  Jours  du  Fils  de  FHomme  »,  jusqu'au  jugement  dernier,  ce  qu'il  est 
comme  chef  des  Eglises,  maitre  de  I'Histoire,  Roi  des  rois  de  ce  monde  et  vainqueur 
de  toutes  les  puissances  terrestres  et  diaboliques.  C'est  une  «  Revelation  de  Jesus- 
Christ  sur  Jesus-Christ  »,  les  evenements  qui  en  sont  Fobjet  immediat  etant  tous  rap- 
portes  a  Lui,  qui  tient  dans  sa  main  les  sept  Eglises,  et  a  ouvert  au  ciel  le  livre  des 
decrets  divins.  «  Apocalypse  de  J.-C.  »  pent  vouloir  dire  tout  cela  a  la  fois. 

Dieu  u  la  lui  a  donnee  a  montrer  a  ses  serviteurs  ».  Si  ψ  («  Apocalypse  »)  n'etait 
pas  aussi  un  regime  de  δεϊξαι,  on  ne  verrait  pas  ce  que  signifierait  que  Dieu  F  «  a  don- 
nee a  J.-C  »,  comme  si  FHomme-Dieu  en  avait  eu  besoin  pour  lui-meme,  quitte  a  en 
devoiler  ensuite  ce  qu'il  veut  bien  a  ses  serviteurs  (οεΓξαι...  α  δει  γενέσθαι).  Aussi  sui- 
vons-nous  la  construction  de  Hort ;  δεϊςαι  equivaut  ici  a  un  verbe  fini  avec  Ί'να,  comme 
on  lit/o//.  V,  36,  et  surtout  xvii,  4,  et  nous  avons  alors  une  idee  tres  johannique,  a 
savoir  que  I'Homme-Dieu  a  reQu  de  son  Pere,  tient  de  son  Pere,  tout  ce  qu'il  commu- 
nique aux  hommes  en  fait  d'enseignement,  de  graces  et  de  bienfaits  ;  cfr.  Joh.  xvn,  8 
τα  p^ίtJΛτα  α  έδωκάς  μο'.  δέδο>κα  αύτοΓς,  ainsi  que  χιν,  10,  et  beaucoup  d'autres  passages, 
d'apres  le  principe  de  v,  30  :  ού  δύναμαι  εγώ  ποιεϊν  άπ'  έμαυτου  ουδέν;  la  science  et  Taction 
du  Fils  sont  en  efTet  celles  du  Pere,  de  qui  tout  ce  qu'est  et  tout  ce  que  possede  le 
Fils,  le  Logos,  tire  son  origine,  malgre  I'egalite  des  deux.  Qu'on  n'objecte  pas  que 
cette  theologie  serait  trop  developpee  pour  I'Apocalypse  :  Jean,  a  Patmos,  reconnais- 
sait  deja  le  Christ  comme  Λόγος  τοΰ  Οεου  (ch.  xix,  13),  et  I'Evangile  n'a  pu  otre  ecrit 
qu'assez  peu  d'annees  apres.  —  Le  contenu  de  cette  revelation,  c'est  «  ce  qu'il  faut  » 
(δει,  a  cause  de  rinfaillibilite  des  decrets  divins)  «  qu'il  arrive  Iv  τάχει  ».  Ges  derniers 
mots  n'indiquentpas  que  le  tout  soit  dune  realisation  imminente;  nous  traiterons  dans 


4  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

4.  Ιωάνης  ταϊς  έ-τχ  έκκλησίαις  ταϊς  εν  ττ)  Ασία*  χάρις  ύμίν  και  ειρήνη  άπο 
*ό  ών  και  ό  ην  και  ό  ερχόμενος,  και  άπο  των  επτά  πνευμάτων  *ά  *ένώπΐ3ν  τοΐ3 
θρόνου  αυτοΰ,  5.  και  άπο  Ίητου  Χρίστου,  *δ  μάρτυς  5  πιστός,  ό  πρωτότοκος  των 
νεκρών,  και  ό  άρχων  των  βασιλε'ων  της  γης  "τω  άγαπώντι  ημάς  και  *λύσαντι  ημάς 
έκ  των  αμαρτιών  ημών  *έν  τω  αϊματι  αΐιτοΰ,  6,  *καί  έποίησεν  *ήμάς  'βασΓλείαν, 
'ιερείς  τω  θεώ*  και  πατρί  αυτού,  αυτώ  ή  οόςα  και  το  κράτος  εις  τους  αιώνας  τών 
αιώνων"  αμήν, 

une  dissertation  speciale  de  la  perspective  du  Prophete  [infra,  Exc.  xiii,  et  supra, 
Introd.  c.  i\).  Qu'il  nous  suiTise  pour  le  moment  de  citer  ^niiire,  ad  loc.  :  το  δε  ϊν  riyst 
γενέσθαι  σημαίνει  τό  τίνα  μέν  αυτών  πάρα  πόδας  γενέσδχι  της  περ\  αυτών  προρρησεως,  και  τα  έπΐ 
συντελεία  δέ  μη  βραδύνειν*  δίοτι  /ίλια  ?τη  πάρα  θεω  ώ;  ημέρα  ή  ε-/θε;  ήτις  διήλθε  λελόγισται.  —  Les 
beneficiaires  de  cette  revelation,  qui  seront  d'abord  les  fideles  d'Asie,  et,  par  extension, 
tous  les  Chretiens,  sont  dits  «  serviteurs  de  Dieu  »  ou  «  du  Christ  »,  car  αύτοΰ,  d'apres 
I'usage  du  N.  T.  (v.  supra,  B)  et  I'analogie  du  contexte  (αΟτο5  2•3)^  pgut  aussi  bien 
representer  ici  Ίησοΰ;  que  δ  θεός.  —  Jesus  leur  a  envoye  ce  message  «  par  son  Ange  ». 
Cette  idee  surprend  un  peu,  car,  a  la  difference  des  apocalyptiques  juifs,  a  qui  Dieu 
ne  parlait  guere  que  par  intermediaire,  Jean  entend  directement  les  paroles  du  Christ 
aussi  bien  que  celles  des  envoyes  divins,  et  c'est  tout  a  I'heure  le  «  Fils  d'llomme  » 
qui  va  dieter  lui-meme  sa  reΛ'elation.  II  est  probable  (a  moins  qu'on  admette  que  la 
personne  du  «  Fils  d'llomme  »  a  ete  representee  par  un  Ange),  que  saint  Jean  pense  a 
I'Ange  du  ch.  x,  qui  lui  a  communique  les  propheties  qui  sont  du  plus  pressant  interet 
pour  ses  eglises,  et  aux  Anges  des  coupes  qui  lui  ont  montre  Babylone  et  la  nouvelle 
Jerusalem,  aux  derniers  chapitres  ;  ce  serait  un  signe  qu'il  avait  des  lors  en  vue  le 
contenu  integral  de  son  livre,  et  peut-etre  qu'il  n'a  ecrit  cet  en-tete  qu'apres  tout  le 
reste,  qualifiant  ainsi  son  Apocalypse  a  potiori parte  (Bousset).  Cet  Ange  est  I'Ange  de 
Jesus-Christ  (cfr.  xxii,  6  :  Έγοί  Ίησοΰ;  'ε'-εμψα  τον  αγγελόν  μου),  lequel  du  fait  meme  se  trouve 
place  au-dessus  des  creatures  celestes.  Quant  a  Jean,  I'intermediaire  purement  humain, 
il  ne  se  donne  pas  de  titre  plus  eleve  que  celui  de  «  serviteur  de  J.-C.  »  (Introd.  c.  ii). 
II  atteste  (Ιμαρτύρησεν)  le  «  temoignage  de  Jesus  »,  qui  n'est  autre  que]  «  la  parole  de 
Dieu  »,  c'est-a-dire  «  tout  ce  qu'il  a  vu  »  δσα  ειδεν,  tout  ce  qui.  lui  a  ete  dit  ou  montre 
dans  la  circonstance  {Orig.  sch.  II,  Andre,  etc.,  Bousset,  Calmes,  Swete,  etc.)  Ιησοΰ, 
apres  μαρτυρία,  est  un  genitif  de  sujet,  le  Christ,  dans  le  ciel,  a  rempli  encore  son  role 
de  temoin  des  volontes  de  son  Pere,  comme  durant  sa  vie  mortelle  [Apoc.  i,  5  :  Ιησ.  Xp. 
δ  μάρτυς  ό  πιστός;  IV^  Evangile,  passim,  et  Paul,  I  Tim.  vi,  13).  Ce  temoignage,  atteste 
par  Jean  a  son  tour,  n'est  done  pas  la  publication  du  IV"  Evangile,  qui  n'a  eu  lieu 
qu'apres,  ni,  comme  le  croit  Hort,  la  profession  de  foi  qui  eut  fait  exiler  Jean  a  Pat- 
mos ;  μάρτυς,  μαρτυρία,  n'avaient  pas  encore  le  sens  technique  de  «  martyr  »,  «  martyre  >>, 
qu'ils  ont  regu  plus  tard  sans  doute  en  partie  sous  I'influence  de  I'Apocalypse,  oix  les 
«  temoins  »  principaux  sont  ceux  qui  ont  verse  leur  sang  pour  le  Christ. 

Le  livre  est  qualifie  de  «  prophetic  »,  dans  tous  les  sens,  revelation,  prediction, 
exhortation  (Introd.,  c.  ii).  Son  auteur  le  place  d'emblee  sur  le  meme  rang  que  les 
propheties  de  ΓΑ.  T.,  puisqu'il  proclame  bienheureux  ceux  qui  I'entendront  avec 
obeissance ;  la  distinction  qu'il  fait  entre  Γάναγινώσκων,  Γ  «  anagnoste  »,  et  les  άκούοντες, 
la  communaute  qui  ecoutera,  montre  qu'il  le  destine,  comme  I'etaient  les  lettres  de 
Paul,  a  la  lecture  publique,  dans  les  assemblees  de  culte.  —  ό  γαρ  καφός  εγγύς  est  a 
comprendre  comme  έν  τά/ει,  supra.  Pourtant  Andre  I'entend  comme  le  temps  propice 
pour  profiter  du  macarisme,  ou  encore  destine  a  la  recompense  des  merites,  puisque 
toute  existence  est  breve,  comparee  a  I'eternite. 

I  A.  4.  Sur  I'expression  singuliere  ό  ών  ζαΐ  ό  ήν  κα"!  ό  ερ/όμενος,  \ο\τ  Ixtrod.,  ch.  χ, 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  t) 

h-.  Jean,  aux  Sept  Eglises  qui  [sont]  dans  I'Asie  :  A  vous  grace  et  paix, 
de  par  [Celui  qui  a  nom]  il  est,  il  etait,  il  vient,  et  de  par  les  Sept  Esprits 
qui  [sont]  en  face  de  son  trone,  5,  et  de  par  Jesus- Christ,  —  le  Temoin 
fidele,  le  Premier-ne  des  morts,  et  le  Chef  des  rois  de  la  terre!  —  A  celui 
qui  nous  aime,  et  nous  a  delies  de  nos  peches  dans  son  sang,  6.  —  et  il  a 
fait  de  nous  une  royaute,  des  pretres  pour  (son)  Dieu  et  son  Pere!  —  k  lui 
la  gloire  et  la  puissance  dans  les  siecles  des  siecles!  Amen. 

§  II;  le  cas  est  ici  encore  plus  etrange  qu'ailleurs,  car  il  faudrait  des  genitifs  apres 
από;  aussi  la  recension  antiochienne  a  ajoute  θεού  avant  ό  ών  (Q-al070-O46,  95-Ap^'- 
2040,  36-Av3'*-2019,  une  quarantaine  d'autres);  id.  Vict.,  Prim.;  d'autres  portent  τοΰ  δ 
ών.  Ce  sont  surement  des  corrections;  mais  aucun  ms.  n'a  ose  changer  la  formule  a 
I'interieur.  —  των  au  lieu  de  α  devant  πνευμάτων,  dans  le  rec.  H,  exc.  C-83-04,  et  135- 
«504-1876,  correction.  D'ailleurs  il  y  a  parfois,  meme  en  grec  classique,  omission  de 
la  copule  apres  le  relatif.  —  Ινώπιον,  v.  Introd.  ch.  x,  §  I. 

B.  4.  Pour  les  eglises  d'Asie,  cfr.  Act.  xx,  5  suivants;  II  Cor.  ii,  12;  Lettres 
d'lgnace.  —  /.άρις  κα'ι  ='ρηνη,  formule  de  salutation  de  Paul  (exc.  1  et  II  Tim.  oil  il 
ajoute  έλεος,  id.  II  Joh.),  et  de  Pierre  en  ses  deux  epitres.  —  ό  ών  χτλ.  se  retrouve 
Apoc.  I,  8;  IV,  8;  xi,  17;  xvi,  5,  deux  fois  sans  ό  Ιρχο'μενος;  cfr.  Exode,  in,  14  (LXX).  — 
«  Les  sept  esprits  »,  cfr.  iii,  1;  iv,  5;  v,  6;  Isai'e,  xi,  2;  Zach.  iii,  9  (?),  iv,  2,  10. 

A.  5-6.  Le  passage  au  nominatif  (δ  μάρ-υς  κτλ.)  est  une  faute  frequente  dans  I'Apo- 
ralypse  (Lntrod.,  ch.  x,  §  ii);  corrections  :  δς  πιστός  Ιστιν  μάρτυς  dans  quelques  mss. 
du  type  Andre  et  Vulg.  —  ος  ήγάπησεν,...  έλουσε  ν,  dans  la  meme  classe  de  mss.,  ou 
encore  τοΐ3  άγαπήσαντος,...  λούσαντος,  sont  des  corrections  apportees  pour  faire  une 
construction  reguliere  avec  χαΐ  Ir.o'.ii'jt'j  du  v.  6 ;  λούσαντι  (qui  nous  a  laves)  est,  pour 
λύσαντι,  la  Ιβςοη  du  type  Κ  et  d'Andre,  Vulg.,  Bolt.,  Arethas,  et/i.,  et  de  la  plupart  des 
minuscules.  —  έν  τω  αίματι,  datif  instrumental,  tres  usite  dans  VApoc.  (Lntrod,,  ch.  x, 
§  II),  a  moins  que,  disant  λούσαντι,  Jean  n'ait  represente  le  sang  comme  le  bain 
dans  lequel  Fame  se  lave  de  ses  peches.  —  κα\  εποίησεν,  changement  de  construction 
dont  nous  essayons  de  rendre  TeiTet  par  une  parenthese  (Introd.,  ch.  x,  §  II),  est  la 
lecture  commune,  et  il  faut  regarder  comme  une  correction  de  puriste  la  legon 
ποιησαντι  de  Q,  14-3505-69,  et  quelques  autres.  —  ημα?,  Ιοςοη  de  H,  a3-P-035,  Q,  Andre 
(Introd.,  ch.  xv),  les  deux  syriaques,  Vict.,  Prim.,  Arethas,  et  beaucoup  d'autres,  doit 
etre  prefere  a  ήμϊν  de  A  et  quelques  autres,  ou  a  ημών  de  C  {am.  fuld.  nostrum 
regnum).  {Tisch.,  Bousset,  Swete,  Nestle,  Soden).  —  βασιλείς  χα\  ιερείς  de  α3-Ρ-025, 
l-Av^'^-l•",  And.,  ou  βασίλειον  ίεράτευμα,  diOrig.,  Q,  al.,  d'apres  Exode  xix,  6,  dans  les 
LXX,  sont  des  corrections  inspirees  du  fait  que  βασιλείαν  ne  paraissait  pas  donner 
un  sens  satisfaisant  en  apposition  avec  ήμας.  —  ημών  apres  τω  θεω,  dans  Orig.  et  1072 
de  Soden  est  du  sans  doute  a  un  souci  dogmatique,  pour  ne  pas  dire  «  le  Dieu  du 
Christ ». 

B.  5-6.  μάρτυς,  applique  a  J.-C,  cfr.  Apoc.  in,  14,  ainsi  que  les  passages  μαρτυ- 
ρία Ίησοϊί  Χρίστου,  voir  au  V.  3;  Ps.  lxxxix  (lxxxviii),  38;  Isai'e,  lv,  4,  et  le  IV^  Evan- 
gile,  passim.  —  πρωτότοχος...  ίρ/ων,  cfr.  le  meme  psaume,  28;  πρωτοτ.  των  νεχρων,  I  Cor. 
XV,  20;  Col.  I,  18;  Apoc.  xix,  16  et  XVII,  14  :  βασιλεύς  βασιλέων,  κύριος  κυρίων.  —  Pour 
la  le^on  λούσανη,  voir  Apoc.  vii,  14,  Paul,  passim,  et,  dans  notre  livre,  les  passages  ou 
il  s'agit  de  vetements  blancs.  —  βασιλείαν  ίερεΐς,  cfr.  Exode,  xix,  6;  isa'ie,  lxi,  6;  I  Pet.  ii 
5,  9.  — Doxologie  au  Christ,  cfr.  Apoc.  v,  12-13;  les  autres  cinq  (en  tout  sept  dans  le 
livre)  s'adressent  ά  Dieu  le  Pere,  mais  I'Agneau,  dans  la  plupart,  lui  est  associe;  cfr. 
encore  Heb.  xiii,  21,  Jiom.  ix,  5,  II  Tim.  iv,  18,  I  Pet.  iv,  11,  II  Pet.  in,  18. 

C.  4-6.  L'Apocalypse  est  une   lettre  prophetique.  Apres  une   suscription  (i,  1-3) 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


7.  l8oj  έρχεται  *μ.ετ2  των   νεφελών,   y.ai  οψετχι  αυτόν  ττας  ΟΦθαλμ.ος  και  οϊτινες 
αυτό•)/  *έξε•/.έντησαν,  χ.αί*  κόψονται  έτ:'  αυτ^ν  χασαι  α•  φυλαί  της  γης.  Ναι  αμήν. 

8.  Εγώ  εϊμι  το  αλοα  και  το   ώ,  λ^γει  κύριος  ό  θεός,  ό  ών  ν.χΐ  ό   ην  και  ό  ερχό- 
μενος, ό  παντοκράτωρ. 


qui  offre  quelque  ressemblance  avec  I'en-tete  des  Ingres  prophetiques  de  ΓΑ.  T.,  saint 
Jean  ouvre  done  son  livre  par  une  formule  epistolaire,  de  teneur  paulinienne,  qui  rap- 
pelle  les  deux  biens  essentiels  promis  aux  fideles  du  Christ,  la  grace  et  la,  paix;  le 
mot  χάρις  n'apparait  qu'ici,  et  dans  la  formule  finale,  xxii,  21;  notons  que,  dans  le 
/r«  Evang,  on  ne  le  lit  que  dans  le  Prologue,  3  fois,  et  une  seule  fois,  a  la  salutation, 
dans  II  Joh.,  a  travers  toute  la  litterature  johannique ;  Jean  exprime  I'idee  de  «  grace  » 
par  d'autres  expressions,  la  «  Lumiere  )>,  la  «  Vie  »,  Γ«  Amour  »,  ou  des  figures 
qui  y  correspondent.  II  est  bon  que  les  Eglises  soient  assurees  des  le  debut  que  cette 
Apocalypse  est  un  message  de  paix!  —  II  y  άχάΜ  des  lors  plus  de  7  eglises  en 
Asie  (contre  Vdlter),  mais  I'article  ίταΐς  se  justifie  par  I'intention  de  I'auteur  de  n'ecrire 
qu'a  celles-la,  a  cause  du  caractere  sacre  du  nombre  sept,  qui  signifie  totalite,  pleni- 
tude; elles  representent  I'ensemble  des  chretientes  de  la  province  (voir  comm.  du  v. 
11,  infi-a,  et  rExctRsus  II).  Cette  grace  et  cette  paix  leur  viennent  de  Dieu,  et  leur 
sont  souhaitees  dc  la  part  de  Dieu,  qui  en  est  I'auteur  et  la  source  (a-o).  Mais  au  meme 
rang  que  Dieu  sont  mis  les  «  7  Esprits  qui  se  tiennent  devantson  trone  »,  anticipation 
de  la  description  de  la  cour  celeste  aux  chap,  iv-v,  et  «  J.-C,  le  temoin  fidele...  etc.  », 
cfr.  Rom.  i,  7,  et  presque  toutes  les  salutations  initiates  de  Paul.  La  formule  est  done 
trinilaire  et  suppose  meme  I'egalite  des  personnes  divines,  source  indivisible  de  la 
vie  et  du  bonheur.  Les  7  Esprits,  nommes  avant  le  Christ,  ne  sauraient  etre  que  I'Es- 
prit  septiforme  (voir  Exc.  i,  infra).  Aussi  ό  ών  κτλ.  designe-t-il  exclusivement  le  Pere, 
et  non  J.-C,  bien  que  lui  aussi  SOit  χθες  και  αηίΑερον  ό  αυτός  καί  ε?ς  τους  αιώνας  (I/eb,  ΧΠΙ, 
8);  contre  Orig.,  Prim.,  et  saint  Gregoire  le  t/teologien  (d'apres  Andre).  On  peut  voir 
dans  I'etrange  expression  une  sorte  de  nom  propre,  indeclinable  par  hieratisme, 
forme  par  developpement  du  nom  m.Ti  de  I'Exode  in,  14  {Viteau,  St^-ete,  Joli.  Weiss\  : 
εγώ  εϊμι  ό  ών,  dans  les  LXX.  Bousset  releve  la  meme  evolution  dans  le  Targ.  Hier.  sur 
ce  verset  («  qui  fuit,  est,  et  erit  »),  Targ.  Jonathan  sur  Deut.  xxxii,  39,  Scliemolli 
Rabba  in,  105i>,  Midrasch  Tefnllim  \\1^  et  Bereschith  Rabba  lxxxi.  (Introd.,  c.  x,  §  II). 
Dieu  est  nomme  δ  έρ/όμενος  et  non  6  Ισομενος,  ce  qui  serait  plus  symetrique,  parce  que 
le  livre  decrira  precisement  les  avcnements  de  Dieu  comme  juge  et  retributeur;  II 
vient  «  dans  et  avec  son  Messie  »  (Holtzmann).  Celui-ci  est  appele  «  le  temoin  fidele»; 
II  est  venu,  dira  le  IV«  Evangile,  «  pour  rendre  temoignage  a  la  Verite  »,  et  nous 
rapporter  ce  qu'll  a  vu  dans  le  sein  du  Pere ;  dans  notre  livre,  II  va  temoigner  des  des- 
seins  de  Dieu  sur  I'avenir.  L'idee  est  on  ne  peut  plus  «  johannique  »,  sans  etre  etran- 
gere  au  langage  de  Paul  (I  Tim.  vi,  13).  Absolument  paulinienne,  par  contre,  est 
l'idee  du  «  premier-ne  des  morts  »;  Jesus  est  le  premier  ressuscite,  le  premier  homme 
qui  soit  sorti,  pour  ne  plus  mourir,  du  sein  du  sheol;  cette  expression  n'a  rien  a  faire, 
quoi  qu'en  disent  certains  ecrivains  de  I'ecole  d'histoire  des  religions,  avec  Yama,  le 
premier  homme  des  mythes  persans,  ou  Γ"Ανθρω-ος  liellenistico-gnostique;  c'est  Paul 
qui  a  du  la  creer  {Col.  i,  18).  Le  Christ  est  tout-puissant  sur  la  terre,  la  prophetie  le 
montrera  assez,  et  II  nous  aime,  voila  ce  qu'il  faut  bien  retenir,  et  qui  ne  sera  pas 
repeto  en  termes  aussi  directs.  Que  nous  soyons  delies  ou  laifes  de  nos  pech^s  en  son 
sang  (les  deux  lectures  sont  presque  egalement  bien  attestees),  c'est  la  grande  verite 
qui  remplit  les  Merits  de  saint  Paul.  Aussi  a-t-il  fait  les  croyants  «  rois  et  pretres  » 
(βασιλείαν  est  I'abstrait  pour  le  concret),  lui  qui  est  le  Roi  et  le  Pretre  supreme,  «  pour 
son  Pere  et  son  Dieu  »,  Jesus  etant  considere  ici  dans  sa  nature  humaine,  a  la  fagon 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  / 

7,  Voici,  II  vient  avec  les  nuees,  et  le  verra  tout  oeil,  et  tous  ceux  qui 
lOnt  transperce,  et  a  son  sujet  se  frapperont  [la  poitrine]  toutes  les  tribus 
de  la  terre.  Oui.  Amen. 

8.  Je  suis,  moi,  I'Alpha  et  I'Omega,  dit  le  Seigneur  Dieu,  [qui  a  nom]  il 
EST,  IL  ΕΤΛΙΤ,  IL  TiENT,  le  Tout-Puissaut. 

de  Joh.  XX,  17  :  «  Je  monte  a  mon  pere  et  a  votre  Pere,  a  mon  Dieu  et  a  votre  Dieu  ». 
—  La  premiere  doxologie  du  livre,  a  deux  membres  seulement,  «  g-loire  et  puissance  «, 
lui  est  consacree  dans  un  elan  d'enthousiasme.  Άαην  est  la  terminaison  ordinaire  des 
doxologies,  et  sert  aussi  de  reponse  de  rhomme  aux  promesses  solennelles  de  Dieu, 
comme  dans  la  liturgie  {Didache,  Paul). 

L'Apocalyptique,  dans  ce  Prologue,  rappelle  ainsi  toutes  les  bases  doctrinales,  con- 
cernant  Dieu,  le  Christ,  et  la  Redemption,  sur  lesquelles  reposeront  ses  propheties;  ces 
bases  sont  eminemment  pauliniennes  et  «  johanniques  ».  Les  mots  έρ/όμενος,  οίρχων, 
βασιλεία,  ιερείς  indiquent  deja  les  idees  maitresses  du  livre  (Bousset). 

— —  A.  7.  C'est  par  erreur  que  boh.,  Prim,  et  arm.  ont  lu  δψονται  pour  κο'ψονται, 
forme  moyenne  a  peu  pres  unique  dans  le  livre,  cfr.  xviu,  9  (Intr.,  c.  x,  §  II).  L'auteur 
a  cherche,  peut-etre,  une  paronomase,  comme  dans  Mat.  xxiv,  30,  ce  qui  a  fait  lire  a 
X,  aux  syriaques,  a  Orig.,  a  And.,  δψονται  pour  δψεται. 

Β.  7.  [χετά  τών  νεφελών,  d'apres  Dan.  νιι,  13  dans  Theodotion,  les  LXX  ayant  επί, 
qui  a  passe  dans  C-S3-04;  cfr.  Ma.t.  xxiv,  30;  xxvi,  64;  Marc  xiv,  62;  IV  Esdras  xiii,  3, 
et  encore  Apoc.  xiv,  14-16  —  έ^εζέντησαν,  mome  mot  que  Joh.  xix,  34,  d'apres  I'hebreu 
de  Zach.  xii,  10,  contre  les  LXX  qui  ont  χα-ωρχήσαντο,  pour  avoir  lu  lp"i  au  lieu  de  "ipT 
(v.  Ιλτκοο.,  ch.  ΧΠΙ,  §  I);  Reminiscences  de  Zach.  xn,  10,  12,  14. 

A.  B.  8.  Encore  I'expression  δ  ών  κτλ,  comme  au  v.  4,  tout  a  fait  stereotypee.  — 
αρχή  καΐ  τελο;,  interpole  apres  το  ώ  (κ,  boh.,  g,  vulg.,  And.,  Orig.),  d'apres  xxi,  6;  xxii, 
13.  —  Pour  α  et  ω,  expression  dite  aussi  du  Christ,  xxii,  13,  cfr.  les  idees  d'/sa'ie 
XLi,  4;  XLiv,  6;  xlvih,  12;  —  λέγει  κύριος  δ  θεός,  frequent  dans  Ezechiel,  Κυρ.  δ  θ.  δ  -αντο- 
κράτωρ  se  trouve  9  fois  dans  Apoc,  i,  8;  iv,  8;  xi,  17;  xv,  3;  xvi,  7,  14;  xix,  6, 15;  xxi,  22; 
c'est  une  expression  commune  dans  la  litterature  judaique  tardive,  les  deux  premiers 
mots  repondent  a  .Jahweh-Elohim,  le  troisieme  rend  dans  les  LXX  les  mots 
Ιΐψ  ou  nixiS;  il  ne  se  trouve  ailleurs,  dans  le  N.  T.,  que  II  Cor.  vi,  18,  qui  est  une 

citation. 

C.  7-8.  .Jean,  dans  la  certitude  et  I'impatience  de  sa  foi,  voit  deja  comme  realisee 
la  Parousie,  bien  qu'en  realite  il  ne  fixe  aucune  epoque  pour  la  consommation  (Introd., 
ch.  ix);  car  tel  est  le  sens  a  peu  pres  certain  de  I'Avenement  «  sur  (ou  avec)  les 
nuees  »,  image  traditionnelle  provenant  de  la  vision  du  «  Fils  de  I'Homme  »  dans 
Daniel,  d'ou  elle  a  passe  jusque  dans  le  Pseudo-Esdras,  et  dont  N.-S.  lui-meme  se 
servit  devant  le  Grand  Pretre  pour  confesser  sa  messianite  et  son  triomphe  futur  sur 
ses  juges;  le  souvenir  de  cette  scene  de  la  Passion  est  surement  present  a  I'esprit 
du  Prophete  quand  il  parle  de  la  lerreur  que  produira  cette  vue  sur  «  ceux  qui  I'ont 
transperce  »;  il  pense  a  tous  les  supplices  de  la  Croix,  jusqu'au  coup  de  lance 
{Joli.  XIX,  34);  veut-il  dire,  comme  I'iiisinue  Bousset,  qu'il  croit  que  J.-G.  reparaitra 
avec  sa  croix?  du  moins  il  semble  dire  que  ses  plaies  seront  visibles;  or  saint  Jean  est 
I'evangeliste  qui  nous  a  dit  le  plus  explicitement  que  le  Sauveur  conservait  apres  la 
Resurrection  les  traces  de  son  supplice.  La  double  affirmation  Ναί,  ά[Ατίν,  grecque  et 
hebraique,  releve  la  solennite  et  la  conviction  de  cette  assurance  (cfr.  «  Abba,  Pater  » 
de  Rom.,  Gal.,  Marc).  —  On  voit  que  doja  I'antithese  fondamentale  du  livre,  entre  les 
Deux  Cites,  est  annoncee  dans  ce  Prologue  (5-6,  elus;  7,  reprouves).  —  Le  dernier 
verset,  8,  rejoint  le  v.  4  :  Dieu  lui-meme  (κύριος  δ  Οεο'ς  =  Jahweh-Elohiml,  el  non 


8  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

I'Homme-Dieu,  qui  n'est  jamais  ainsi  nomme,  declare  que,  par  ce  triomphe  de  son 
Christ,  toutes  choses  trouveronl  leur  consommation  en  Lui,  qui  en  est  la  fin  comme  le 
principe,  I'AIpha  et  lOmega.  Cette  designation,  qui  sera  ailleurs  appliquee  a  J.-C. 
lui-meme,  signifiant  ainsi  la  divinite  de  sa  Personne,  a  de  I'analogie  avec  le  symbole 
rabbinique  de  la  «  Shekinah  »,  n-N  ou  Π-Ό-Κ  {Schoettgen,  d'apres  Sii'ete);  mais  elle 
rappelle  de  plus  pres  encore  la  «  mystique  des  lettres  »  hellenistique ;  ainsi  la  serie 
αεηιουω,  dans  des  papyrus  magiques,  signifie  i'universalite  du  monde  et  la  Divinite 
{Reitzenstein,  Poimandres,  p.  286;  Boll,  p.  27).  C'est  un  indice  que  Jean  usait  volon- 
tiers  de  symboles familiers  aux  milieux d'Asie  Mineure,  mais  il  en  christianisait le  sens; 
n'est-ce  pas  lui  qui  a  choisi,  plutot  d'apres  les  Stoiciens  que  d'apres  Philon,  le  nom 
de  Λόγος  pour  exprimer  de  la  maniore  la  plus  adequate  I'etre  divin  de  Jesus  dans  sa 
relation  avec  le  Pere? 

EXCURSUS  I.  LES  SEPT  ESPBITS  (l,  4). 

Ce  premier  septenaire  pourrait  designer  soit  des  Anges  (Archanges,  Anges  de 
la  Face  dans  les  Apocryphes,  cfr.  Apoc.  les  sept  Anges  des  Eglises,  des  trom- 
pettes,  des  coupes),  soit  le  Saint-Esprit  {Tu  septiformis  munere)^  soit  les  forces 
et  activites  de  Dieu  operant  ad  extra  personnifiees,  comme  «  les  sept  yeux  de 
Jahweh  qui  parcourent  toute  la  terre  »  Zach.  iv,  10,  cfr.  Apoc.  v,  6,  les  yeux  de 
I'Agneau.  Ce  ne  peuvent  etre  des  Anges,  puisqu'ils  sont  mis  sur  le  meme  rang 
que  Dieu  et  Jesus-Christ,  et  meme  nommes  avant  celui-ci  (contre  Andre,  qui 
d'ailleurs  donne  une  autre  interpretation,  par  les  sept  energies  de  I'Esprit- 
Saint,  et  Arethas,  Bousset,  CalmesP);  du  reste,  πνεύματα  ne  designepas  ordinai- 
rement  les  Anges,  au  moins  les  bons,  dans  le  N.  T.  excepte  Beb.  i,  7,  14.  Ce  n'est 
pas  non  plus  une  simple  personnification  de  Tactivite  divine;  puisque  les  Eglises 
sont  saluees  en  leur  nom  comme  en  celui  de  Dieu  et  de  Jesus,  leur  caractere 
est  decidement  trop  personnel  pour  cela.  C'est  le  Saint-Esprit,  le  Saint-Esprit 
du  dogme  catholique,  et  non  pas  Γ  «  Esprit  de  Dieu  »  de  saint  Paul  qui  eut  ete 
identifie  aux  sept  Anges  principaux,  comme  le  voudrait  Joh.  Weiss,  qui  invente 
une  confusion  dont  il  n'y  a  trace  chez  aucun  ecrivain  neotestamentaire  [Andre, 
avec  doute,  Vict.,  Prim.,  Apringius,  Beatus,  etc.;  Hort,  Swete).  La  troisieme 
personne  de  la  Sainte  Trinite  est  representee  d'apres  sa  multiplicite  d'opera- 
tions  [Denys  bar  Salibi,  al.),  peut-etre  a  cause  des  sept  Eglises,  ou  plutot  de 
I'universalite  de  son  action  dans  I'ordre  de  la  grace  (1).  Beatus  :  «  unus  in 
nomine,  virtutibus  septiformis  ».  Nous  ne  nions  pas  que  la  tradition  des  «  Anges 
de  la  Face  »  ait  pu  influer  sur  cette  maniere  de  s'exprimer,  mais  le  senSj  comme 
maintes  autres  fois,  a  ete  profondement  transforme.  Le  plus  probable  est  que 
I'expression  tire  son  origine  des  esprits  sanctificateurs  qui  reposeront  sur  le 
Messie,  dans  Isaie  xi,  2,  dont  les  LXX,  par  I'addition  de  πνεύμα  φόβου  au  v.  3, 
avaient  eleve  le  nombre  de  6  a  7,  chiffre  sacre.  Ailleurs  du  reste  (fin  des  Lettres) 
le  Saint-Esprit  sera  nomme  au  singulier. 

Si  cependant  on  voulait  y  voir  des  Anges,  cela  n'aurait  pas  de  consequence 
dogmatique;  I'ordre  resulterait  d'une  formule  juive  stereotypee  «  Dieu  et  les  sept 

(1)  Et  ainsi  on  pourrait  concilier  la  2'  interprotation  avec  la  troisieme;  comme  saint  Irenie 
(D6monstration,  c.  9),  pour  qui  les  «  7  Esprits  »  sont  les  dons  de  I'unique  Saint-Esprit, 
qui  se  ropartissent  dans  les  sept  cieux  spirituels,  de  sagesse,  d'intelligence.  etc.,  d'apres 
Isaie  xi. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 


esprits  »  (suivant  une  supposition  de  Bousset) ;  et  Calmes  dit  tres  justement  qu'il 
«  n'a  pas  de  signification  hierarchique ;  il  est  determine  par  ce  fait  que  les  esprits 
sont  consideres  dans  leurs  rapports  avec  Dieu,  tandis  que  J.-G  est  considere  dans 
ses  rapports  avec  les  hommes  »,  comme  le  montre  le  contexte.  On  pent,  avec 
Bousset,  comparer  la  formule  trinitaire  de  Justin  Apol.  i,  6,  dans  laquelle  ce 
Pere  introduit  I'armee  des  Anges  qui  suivent  le  Fils  de  Dieu,  avant  de  nommer 
I'Esprit.  L'ecrivain,  qui,  dans  son  Evangile,  a  distingue  dans  le  monde  surnatu- 
rel  les  επουράνια  et  les  επίγεια,  nomme  les  personnes  purement  celestes  avant  celle 
qui,  s'etantfaite  hommeparmi  les  hommes,  est  de  la  terre  comme  ells  est  du  ciel. 

L'origine  premiere  de  ce  caractere  du  nombre  7  est  fort  incertaine  (Introd. 
ch.  v,  §  II).  Vient-il  des  sept  planetes,  et  des  sept  dieux  planetaires  de  la  theolo- 
gie  babylonienne,  qui  auraient  ete  groupes  a  Babylone  seulement  au  temps  des 
Diadoques,  cfr.  les  «  Ameshas-Spentas  »  avestiques?  {Bousset).  C'est  assez  peu 
probable,  et  en  tout  cas  Jean  n'a  pas  directement  emprunte  ce  chiffre  au  paga- 
nisme,  les  textes  de  Zacharie  et  les  sept  Archanges  traditionnels  le  prouvent. 
Sont-ce  les  sept  etoiles  de  la  Petite-Ourse  [Gunkel,  Verst.  p.  40)  autour  de  laquelle 
le  ciel  tourne,  ou  toute  autre  figure  cosmologique  ou  astronomique?  (voir  Boll, 
p.  22).  Peu  importe,  car  TApotre  ne  pensait  certainement  plus  a  cette  origine. 
Plus  hasardeux  encore  sont  les  rapprochements  avec  les  sept  Archontes,  les  sept 
Eons,  les  conceptions  tardives  des  mithriastes  ou  des  gnostiques. 

(Voir  SwETE,  The  Holy  Spirit  in  the  New  Testament,  1910,  p.  272-275.  —  Cf. 
Lebreton,  Origines  du  dogme  de  la  Trinite,  1910,  p.  507-510.) 


PREMIERE  PARTIE 

(I,  9-1II) 
Revelation  aux  Sept  Eglises  d'Asie  sw  leur  etai  apirituel. 

I.  VISION  D'INTRODUCTION 

(c.  I,  9-20). 

Introd.  —  Cette  pericope  est  inseparablement  unie  aux  chapitres  II  et  III,  qu'elle 
prepare  :  Jean  rccoit  du  «  Fils  de  I'Homme  »,  qui  lui  apparait  a  Patmos,  la  mission 
d'ecrire  aux  sept  eglises  d'Asic.  Mais  le  message  nest  pas  epuise  par  les  sept  lettres 
qui  suivront;  le  v.  19  indique  nssez  que  le  Prophete  aura  a  leur  predire  en  outre  une 
suite  indeterminee  d'evenements  futurs.  La  vision  sert  done  d' introduction  au  livre 
entier,  dans  ses  trois  parties;  on  pent  la  comparer  a  celles  de  la  vocation  d'lsa'ie, 
{Is.  w),  de  Jeremie  [Jer.  r),  d'Ezechiel  [Ezech.  i),  etc.  Les  [critiques,  a  cause  de 
son  lien  avec  les  1  lettres.  lui  ont  fait  subir  le  meme  sort  qua  celles-ci;  nous  ne 
discuterons  pas  en  detail  leurs  theories  (V.  I>trod.,  ch.  xi).  Volter  attribue  I,  9-III  au 
reviseur  contemporain  d'Hadrien,  comme  le  titre  I,  1-3 ;  pour  Vischer,  ΛΥβγΙβηά,  etc., 
les  trois  premiers  chapitres  sont  Vceuvre  de  leur  «.  editeur  chretien  »;  tandis  que 
Erbes,  Spitta  veulent  y  reconnattre  la  combinaison  de  deux  Apocalypses  chretiennes, 
et  Joh.  Weiss,  de  I'Apocnlypse  primitive  de  Jean  et  des  interpolations  d'un  redac- 
teur.  La  tendance  generate,  chez  tous  les  decouvreurs  de  sources,  est  d'attribuer  cette 
premiere  partie  a  VApocalyptiquc  de  derniere  main.  Mais  la  langue,  quoique  un  peu 
plus  litteraire  peut-etre,  est  tout  ci  fait  homogcne  dans  I'ensemble  a  celle  du  reste 
du  livre,  meme  pour  les  irregularites. 

I,  9.  Εγο3  Icoxv^c,  b  άδελοο;  ,ύ;Αών  7.α'.  οτυν/.ΐ',νωνος  έν  τη  θλίψει  κα'.  βασιλεία 
■/.α•  ■'Jr,0'^.ZΊf^  έν  Ίητ^ϋ,  έγενόμην  έν  τ^  νήσω  τ^  καλ5υμένγ;  Πάτμω,  δια  τον  λ6γον  του 
θεού  και  τήν  μαρτυρίαν  Ίησου.  10.  Έγενόμην  έν  πνεύματι  έν  ττ^  κυρ',ακ^^  ήμερα, 
και  ήκουσα  οπίσω  μου  φωνήν  μεγάλην  ώς  σάλ-ιγγος  *λεγόυσης* 

11.0  βλέπεις  γράψον  ε'.ς  βιβλίον  καΐ  πέμψον  ταις  επτά  έκκλησίαις,  εις  "Εοεσον  και 
ε'.ς  Σμύρναν  και  εΙς  Πέργαμον  και  ε'.ς  Θϋάτειρα  και  ε'.ς  Σάρδεις  και  εΙς  Φιλαδελφίαν 
και  ε'.ς  Λαοδικίαν.    12.    Και  επέστρεψα  *βλέπειν   τήν  οωνήν   *ήτις    έλάλει  μετ'   έμοΰ. 

Δ.  Β.  9.  συνκοινωνο;,  comma  συγκοινωνεΤν  (χνιιι,  4ι,  mots  pauliniens  (Rom.  χι,  17; 
I  Cor.  IX,  23;  Phil,  i,  7;  —  Eph.  v,  11;  Phil,  iv,  14).  —  θλΓψι?,  cfr.  Apoc.  vii,  14,  et 
Marc,  XIII,  19,  24;  II  Thess.  i,  6-7,  pourrait  avoir  un  sens  eschatologique;  frequent 
ailleurs  au  sens  ordinaire.  —  Βασιλεία  (om.  syr.);  cfr.  Apoc.  i,  6;  v,  10;  xx,  4,  6; 
XXII,  5;  et  Luc.  xii,  32;  xxn,  29;  I  Thess.  u,  12;  Jac.  ii,  5,  au  sens  de  communication 
de  la  royaute  de  Dieu  a  ses  fideles,  eschatologique  au  sens  large  ou  precis.  —  υπομοντί, 
mot  paulinien,  encore  Apoc.  ii,  2-sqq.,  19;  in,  10;  xiii,  10;  xiv,  2.  Les  trois  mots, 
θλ.  βασ.  et  υπ.  ont  tous  pour  complement  Jesus  (Hort,  contre  Bousset) ;  cfr.  pour  leur 
union  Rom.  viii,  25  ή  θλίψι;  όποαονην  κατεργάζεται,  κτλ;  II  Tim.  ιι,  12  :  ε?  υττομένομεν,  κα\ 
συμβασιλεύσομεν. 

C.  9.  Ici  commence  une  Λ-raie  vision  de  Jean,  qui  n'est  pas  une  fiction  litteraire, 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEA^•.  11 

Gomme  dans  les  Apocalypses  apocryphes,  mais  pourtant  stylisee,  d'apres  la  memoire 
de  I'auteur,  et  ie  gout  des  lecteurs  [Joh.  Weiss).  Le  mot  «  frere  »  n'implique  pas  une 
pleine  dgalite,  pas  plus  que  dans  les  epitres  des  apotres  Pierre  et  Paul.  La  «  patience  » 
fait  passer  de  la  «  tribulation  »  a  la  «  royaute  ».  II  n'est  pas  necessaire  de  leur  faire 
signifier  des  phases  diiferentes  de  la  vie  chretienne,  avant  et  apres  le  jugemcnt,  car 
actuellement  deja  les  fideles  regaent,  malgre  la  tribulation,  et  en  partie  a  cause  d'elle, 
c'est  une  idee  fonciere  du  livre.  Nous  traduisons  έγίνοι^ην  έν  τ^  ντ^σο)  :  «  Je  me  suis 
trouve  dans  File...  »  («  I  came  to  be  in  »..,  «  I  found  myself  in  »,  not  excluding  being 
there  still.  Hort),  parce  qu'il  ne  s'agit  pas  dune  epoque  passee,  comma  si  Jean  n'etait 
plus  a  Patmos  quand  il  ecrit  (centre  Bousset,  Calmes,  J.  Weiss,  autres).  Jean  se  trou- 
vait  la  en  exil,  a  cause  de  I'Evangile,  comme  il  le  dit  expressement,  et  non  par  un 
hasard  quelconque;  le  «  temoignage  de  Jesus  »  peut  s'entendre  ici  aux  deux  sens, 
subjectif  et  objectif.  Sur  cet  exil  a  Patmos,  v.  Introd.  ch.  π  et  xiii;  cfr.  Κελαν, 
Antechrist,  pp.  372  suiv. 

I  A.  B.  C.  10.  «  Je  me  trouvai  en  esprit  »,  c.-a-d.  saisi  par  I'inspiration  pro- 

phetique,  le  mot  πνεΰμ,α  a  plusieurs  fois  ce  sens  dans  saint  Paul  {I  Cor.  xiv,  12,  32,  al.), 
I  Joh.  IV,  1,  encore  Apoc.  xxii,  6.  —  La  χυριακή  ή;Αέρα  n'est  pas  le  grand  «  Jour  de 
Jahw^eh  »,  oii  le  Prophete  se  trouverait  transports  en  esprit,  comme  le  voudrait  Hort, 
mais  plut6t  le  dimanche,  jour  de  la  Resurrection  du  Seigneur  [Bousset,  Swete,  presque 
tous).  Rapprocher  [j.ta  σαββάτων^εί.  xx,  7,  πρώτη  σαβ βάτων  I  Cor.  xvi,  2,  Justin.  K^o\.  l,  67 
ή  του  ηλίου  λεγο[α.ένη  ή[Αέρα,  pour  le  jour  consacre  specialement  aux  reunions  chretiennes. 
Kupiay.r{  est  peut-etre  un  mot  emprunte  au  style  ofTiciel,  ou  il  se  rapportait  a  I'empereur 
{Deissmann,  L.  0^,  p.  268-269),  et  passe  au  veritable  Maitre,  au  Christ;  la  premiere 
attestation  de  ce  mot  pour  ie  dimanche,  en  dehors  du  N.  T.  se  trouve  Didache,  xiv,  1; 
Meliton  Π^ρΊ  χυριχκης  [Eus.  Η.  Ε.  iv,  26) ;  cfr.  encore  Ign.  Magnesiens,  9;  Evang.  Pet.,  9, 
11;  Barnabe,  xv,  9.  Le  jour  de  la  Resurrection  convenait  a  une  telle  revelation  de  la 
gloire  et  de  la  puissance  du  Christ,  d'autant  plus  que  les  chap,  iv  et  ν  nous  montreront 
une  veritable  liturgie  celeste.  —  «  J'entendis  derriere  moi  »,  cfr.  Ezech.  in,  12;  la 
«  trompette  »  retentit  souvent  dans  les  apocryphes  et  les  Merits  rabbiniques,  et  le  sens 

I,  9.  Moi,  Jean,  votre  frere  et  associe  dans  la  tribulation  et  la  royaute 
et  la  patience  en  Jesus,  je  me  suis  trouve  dans  File  qui  est  appelee  Patmos, 
a  cause  de  la  parole  de  Dieu  et  du  temoignage  de  Jesus,  Je  me  suis  trouve 
en  esprit  [c'est-a-dire  en  extase)  au  jour  du  Seigneur.  10.  Et  j'entendis 
derriere  moi  une  grande  voix,  comme  [celle]  d'une  trompette  disant  : 

II,  «  Ce  que  tu  regardes,  ecris-  [le]  dans  un  livre,  et  envoie-  [le]  aux  sept 
Eglises,  a  Ephese,  a  Smyrne,  a  Pergame,  a  Thyatire,  ci  Sardes,  k  Phila- 
delphie  et  a  Laodicoe.  12,  Et  je  me  retournai  pour  regarder  la  voix  qui 

en  est  eschatologique ;  nous  le  fixerons  plus  tard  (v.  Exc.  x\).  C'est  une  liypallage 
assez  etrange,  signe  certain  de  negligence  de  'style,  d'avoir  fait  accorder  le  participe 
λεγούσης  avec  la  «  trompette  »  et  non  avec  la  «  voix  »  ;  aussi  des  scribes  ont  ils  omis  ce 
mot,  ou  bien  I'ont  change  en  λέγουσαν  (o2<=-»s-01,  af.)  ou  φωνούσης  (α  1573-38-2020,  al.). 

A.  C.  11.  Jean  re^oit  I'ordre  d'ecrire  ce  qu'il  voit — et  ce  qu'il  entendra, 
a)toU£t;est  suppose  dans  boh.,  —  sur  un  rouleau  de  papyrus  (βιβλίον),  il  s'agit  de  ΓΑρο- 
calypse  entiere;  et  de  I'envoyer  aux  sept  eglises,  determinees.  Nous  verrons  dans  un 
prochain  excursus  pourquoi  ces  sept  ont  ete  choisies. 

■  A.  B.  12.  λαλεΐν  μ.ετά  (au  lieu  du  datifou  de  -ρός),  tournure  johannique  {Joh.  iv, 
27,  bis;  ix,  37;  xiv,  30,  centre  21  datifs),  constante  dans  I'Apocalypse,  semble  repondre 
al'hebreu  D'J  13"  (Introd.,  c.  x,  §  II).—  Remarquer  «  regarder  la  voix  » (!)  — ήτις  =  ή. 


12  APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN. 

13.  ΚαΙ  έζιστρέψΛς  siosv  ετττα  λυχνίας  χρυσας,  καΐ  έν  μ,έσω  των  λυχνιών  'όμοιον  *υίον 
ανθρώπου,  ένδεδυμένον  ποδήρη  και  περιεζωτμένον  προς  τοΤς  μαστοϊς  ζώνην  *γ_ρ\)σΛΊ. 

14.  ή  δε  κεβαλή  αυτού  καΐ  α•  τρίχες  λευκαΐ  ώς  εριον  λευκον  ώς  χιών,  καϊ  οΙ  οφθαλμοί 
αυτοΰ  ώς  φλοξ  πυρός,  15.  και  οί  πόδες  αυτού  'όμοιοι  χαλκολιβάνω  ώς  έν  καμ(νω 
*πεπυρωμε'νης,  και  ή  φο^νή  αύτου  ώς  φωνή  υδάτων  πολλών,  16.  κα;  *εχων  έν  τί] 
δεςία  χειρι  αϋτου  αστέρες  επτά,  και  έκ  του  στόματος  αΰτοΰ  ρομφαία  δίστομος  οξεία 
έκπορευομέν^;,    και  ή   όψις   αΰτοΰ    ώς    ό   ήλιος   φαίνει   έν   τη    δυνάμει  αυτού.    17.    Και 


Α.  Β.  13.  λυ•/νίας,  cfr.  Ι  Reg.  νιι,  49,  candelabres  da  sanctuaire,  et  Zach.  i\, 
2;  mais,  si  c'est  une  reminiscence,  I'auteur  modifie  tout  ce  qu'il  emprunte.  —  L' expres- 
sion δμοιον  aibv  άνθρώ-ου  se  retrouve  litteralement  Apoc.  xiv,  14;  malgre  C,  And.,  lai. 
qui  ont  υίω,  at  A  qui  a  όαοίωμα,  la  grande  majorite  des  mss.  I'a  admise,  avec  tous 
les  critiques,  car  la  curiosite  ιηέηιβ  de  cette  le^on  est  un  signe  de  son  authenticite : 
ailleurs  Jean  emploie  regulierement  δμοιος  avec  le  datif  (Introd.,  ch,  x,  §  II);  cfr.  Dan. 
VII,  17  U3N*"Q2,  le  «  Fils  de  rHomme  »  des  Ενν.,  des  Paraboles  d'Henoch,  xlvi,  al.  et, 
dans  IV  Esdras  xiii,  3,  texte  syrien  :  «  le  vent  faisait  monter  du  coeur  de  la  mer 
comme  la  ressemblance  d'un  homme  « ;  ethiopien,  arabe,  armenien  :  «  un  vent  sem- 
blable  aun  homme  ».  Pour  I'idee,  cfr.  encore  Phil,  ii,  7  h  όμοιώματι  ανθρο^-ων.  —  ποδτ|ρτ,ς, 
vestis  talaris,  cfr.  E.iode  xwin,  4,  pour  traduire  S''i?D,  parmi  les  vetements  du  grand 

prdtre;  Sap.  Sal.  xviii,  24,  costume  d'Aaron;  Zach.  in,  4,  robe  du  grand  pretre  Jesus 
(LXX);  Josephe,  Antiquites  juda'iques,  iii,  7,  2  τζοδήρης  /ίτων.  Den.  b.  Salibi  dit  que 
ce  mot  repond  en  syriaque  a  «  ephod  ».  C'est  done  un  vetement  sacerdotal.  —  ζώντ,ν 
■/ρυσαν,  remarquer  la  contraction  irreguliere  en  av  pour  ην  (Ν-δ2-01,  Α-δ^-03,  G-63-04), 
par  analogic  avec  άργυραν  [Blass,  Moulton).  Cfr.  Dan.  x,  5  et  dans  I  Mace,  x,  89, 
πόρπην  -/ρυσην,  «agrafe  d'or  »,  distinction  reservee  aux  princes  de  sang  royal,  et 
envoyee  par  le  roi  Alexandre  a  Jonathas. 

B.  14.  λευκαί  κτλ.,  t^te  et  chevelure,  cfr.  Dan.  vii,  9  et  Hen.  xlvi,  1,  attributs  de 
Dieu;  —  φλόξ  πυρός,  image  classique,  cfr.  Dan.  x,  6,  description  d'un  ange. 

A.  B.  15.  L'etrange  legon  πεπυρωμένης  se  trouve  A  et  C.  Nous  la  conservons, 
pour  sa  singularite  meme;  pour  I'expliquer,  le  cod.  1073  de  Soden  a  change  Iv  χαΐΑίν(;> 
(fern.)  en  h.  καμίνου.  Ainsi  Swete,  Nestle,  Westcott-Hovt,  quoique  W-H.  hesite 
entre  π...  ης  et  πεπυρωμένοι  (Ρ,  Q,  Orig.,  minusc.  nombreux,  Andre,  Arethas),  admis 
de  V.  Soden;  Bousset  et  Tisch.  veulent  -επυρωμένω,  avec  K,  α  500-16-336,  α  1581-46-209, 
al,  Prim.,  Cypr.,  Vict.,  la  vulg.  et  les  codd.  latins  en  general,  sah.,  boh.,  eth.  Ce  sont 
des  corrections,  et  les  versions,  surtout,  ne  pouvaient  faire  autrement  que  de  corriger 
cette  incongruence ;  Holtzmann,  Hort,  Swete,  Beckwith  estiment  que  le  mot  λίβανος 
etant  quelquefois  feminin  pourrait  expliquer  cette  inattention  singuliere.  —  -/αλκολι- 
βάνω  ..  πεπυρωμένης,  cfr.  descriptions  divines  ou  angeliques  d'Ezech.  i.  7;  viii,  2; 
Dan.  x,  2,  etc. 

A.  B.  16.  Κα\  'εχ,ων...  le  participe  remplace  un  verbe  fini.  (Introd.,  ch.  x,  §  II); 
y.ai  εΐχεν  se  lit  K,  α  1572-41-2021,  boh.,  vulg.  Par  contre  φαίνει  surprend  comme  une 
construction  dure,  et  Ton  aurait  plutot  attendu  le  participe  φαίνων,  comme  dans  des 
mss.  d'Andre;  ν  a  interverti  ώς  et  φαίνει;  A  a  supprime  και  'ε'χ_ων,  et  ecrit  αστέρες 
au  lieu  de  αστέρας,  ce  qui  est  tres  regulier;  mais  αστέρες,  meme  avec  εχ^ων,  peut 
etre  la  Ιβςοη  primitive,  comme  τέσσαρες  a  I'accusalif  (Iatrod.,  c.  x,  §  II,  et  Moulton), 
traces  du  dialecte  du  N.  O.  qui  a  influence  la  κοινή  apres  la  diffusion  passagere  de  la 
κοινή  etolienne.  Nous  avons  conserve  -ες,  comme  probable;  A  aurait  supprime  le 
verbe  pour  justifier  cette  forme  de-  nominatif.  —  ρομφαία,  large  epee  des  Thraces, 
cfr.  pour  cette  image  Isaie  xi,  4;  xlix,  2;  Sap.  Sal.  win,  15;  Eph.  vi,  17;  Heb.  iv,  12 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX.  13 

parlait  avec  moi.  13.  Et  m'etaiit  retourne,  je  vis  sept  flambeaux  en  or,  et  au 
milieu  des  flambeaux  [quelqu'un]  semblable  k  un  fils  d'homme,  revetu 
d'une  tunique  longue,  et  entoure  a  hauteur  des  seins  d'une  ceinture  en  or. 
14.  Et  sa  tete  et  ses  cheveux  [etaient]  blancs  comme  de  la  laine  blanche 
comme  neige,  et  ses  yeux  comme  une  flamme  de  feu,  15.  et  ses  pieds  sem- 
blables  k  de  Γ  (?)  airain,  comme  embrasee,  dans  une  fournaise  (sic)  et  sa 
voix  comme  la  voix  d'abondantes  eaux,  16.  et  il  avait  dans  sa  main  droite 
sept  etoiles,  et  de  sa  bouche  une  epee  a  deux  tranchants,  aigue,  sortait,  et 
son  aspect  [etait]  comme  apparait  le  soleil  dans  sa  force.  17.  Et  quand  je  le 

«  sermo  Dei...  penetrabilior  omni  yladio  ancipiti  ».  Ps.  de  Salomon  xvii,  39 ;  //e/i. 
etii.  Lxii,  2  ;  «  La  parole  de  sa  bouche  (de  I'EIu)  mit  a  mort  tous  les  pecheurs  » ; 
IV Esd.,  xiii,  «  Γ  «  Homme  »  enllamme  tout  par  sa  voix  »,  etc.,    Origene  (sch.  viii) 

en  rapproche  Mat.  X,  34  :  οϋχ  ηλθον   βαλε^ν   ειρηνην  έπ\  την    γην,  άλλα  ιαα.ί-χ'.ο-.'.'ΐ.  —  δψις,  mot 

johannique  exclusivement  dans  le  Ν.  Τ.,  (1  fois  ici,  2  fois  IV«  Evang.)  signifie  Joh.  vii, 
24,  «  apparence  »,  sens  classique;  Joh.  xi,  44,  «  visage  »  comme  dans  les  LXX.  Ici 
les  deux  sens  sont  possibles  I'un  comme  I'autre. 

G.   12-16.  Cette    apparition  de  Jesus   en    «   Fils  d'Homme   »    remet  en   memoire 
la  vision  de  Daniel,  du  Messie  triomphant  avec  son  peuple;  mais  I'expression  a  ete 
surement  choisie  parce  que  Jesus,  dans  I'Evangile,  s'appelle  le  «  Fils  de  I'Homme  ». 
Le  costume  et  tout  I'aspect  du  Seigneur  rappellent  une  foule  de  descriptions  apoca- 
lyptiques  d'^tres  celestes,  recouverts  du  «  vetement  des  Anges  de  lumiere  »,  comme 
dira  VApoc.  de  Pierre,  16.  On  pent  comparer  surtout,  dans  VApoc.  d'Abra/iam,  c.  xi, 
la  description  de  I'Ange  de  la  Revelation,  «  laoel  »,  qui  est  distinct  de  Dieu,  mais 
a  pouvoir  meme  sur  les  Quatre  Animaux  :  les  pieds  comme  le  saphir,  les  cheveux 
comme  la  neige,    etc.   Cette  imagerie    est  traditionnelle,   et  Gressmann  (Ursprung, 
p.  347)    en  voudrait  trouver  I'origine  dans  des    representations   figurees  de   dieux 
antiques;  les  flambeaux  (resp.  les  yeux)  le  font  penser  a  des  dieux  astraux,  Surya, 
Mitra,  Varuna  (p.   111).  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  inductions  souvent  aventureuses, 
['intention  de  Jean  est  des   plus  claires.  Jesus  lui  apparait  comme  pretre  (-οδ^ρη), 
comme  roi  (ζώνην  χρυσαν).   Ainsi  Bousset,   Hort,    Swete,    Calmes,   apres  les  anciens, 
Irence,  iv,  20,  11,  Victorin,  Andre,  Arethas,  etc.  La  blancheur  de  sa  tote  (a  Ancien 
des  Jours  »  de  Daniel,    «  Tete  des  Jours  »  ^Henoch,  cfr.  laoel,  qui  est  presque  divin) 
signifie  I'antiquite,  c'est-a-dire  la  preexistence  de  la  personne  de  Jesus  [Andre,  etc. 
jusqu'a  Joh.    Weiss,  qui  en  fait  une  objection  contre  I'attribution  de  ce  passage  a 
un  compagnon  de-la  vie  terrestre  de  Jesus).  Autrement  dit,  Jesus  est  Dieu  (infra, 
cfr.  Dan.  Hen.).  Les  yeux  sont  «  comme  une  flamme  de  feu  »,  c'est  le  regard  qu'on 
ne  pent  fuir,  la  penetration  de  sa  science  divine  qui  scrute  les  reins  et  les  coeurs, 
-ους  [λέν  άγιους  φωτίζονχες,  τους  ίε  βεβ»5λους  φλογίζοντες  [And.].  L'image  du  /^αλκολίβχνος  pour 
les  pieds  doit  signifier  la  force  et  la  stabilite,  contrastant  avec  les  pieds  d'argile 
de  la  statue  de  Nabuchodonosor,  la  puissance  profane  {Swete).  Cette  matiere  n'est 
pas  un  parfum  (contre  Andre),  mais,  d'apres  Suidas,  un  alliage  d'or  tres  precieux, 
et  le  latin  «  aurichalcum  »  semble  avoir  le  mome  sens;  ou  peut-otre  du  bronze  dor^ 
qui  pouvait  otre  un  produit  fabrique  a  Thyatire  (Ramsay).  Hon,  apros  Ewald,  pense 
a  I'ambre,  ou  a  quelque  metal  etincelant  compart  a  I'ambre.  L'epee  qui  sort  de  la 
bouche  est,  d'apres  tous  les  paralleles  connus,  l'image  de  la  puissance  de  la  parole 
<'  la  sentence  du  juge  qui  condamne,  ou  certainement  au  moins  le  glaive  de  I'esprit 
qui  circoncit  I'homme  interieur  »  (And.),  «  la  charite  par  laquelle  le  Seio-neur  nous 
a  blesses  »  (Orig.  sch.  v,  vi),  «  une  forte  expression  de  la  puissance  irresistible  de  ce 
Juge,  cependant  plus  spirituclle  que  materieile  »  (Joh.  ]Veiss).  Les  etoiles  sont-elles 


£4  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

δτε  είδον  αυτίν,  *ζ7:εσα  7:0^;  τ^ύς  rioa;  αυτοΰ  ώς  νεκρίς'  7.αΊ  'έθηκεν  τήν  οεξί^/  αυτοΰ 
έπ'  έμ.έ  λέγων' 

Μή  5c6oj"  έγοί  ε'.;/',  ό  πρώτος  ν.α•.  ζ  είτ/ατος  -/.αι  ί  ζών*  18.  και  έγενόμην  νεκρός, 
και  ίοού  ζών  είμ.ι  ε'.;  τους  α'.ώνας  των  α'.ώνων,  και  εχο)  τας  *κλεΐς  Τ3•>  θανάτου  χαι 
τοΰ  άοου.  19.  Γράψον  ουν  ά  *εί$ες  *και  *ά  είσιν  και  ά  μέλλει*  γίνεσθαι  μετά  ταΰτα. 
20.  Το  μυστήριον  των  έχτα  άίΓΓέρο)ν  ους  είδες  έτΰ  tyjc  οεςίας  μου,  και  *τας  έπτα 
λυχνίας  τάς  χρυσας'  ο•.  έ•:ττά  αστέρες  άγγελοι  των  έχτά  εκκλησιών  ε'.σίν,  και  «ί  λυ*/νιαι 
αί  έττά  έκκλησίαι  εΙσ•!ν. 


posees  sur  la  main  etendue  \Plumptre,  Hon)  ou  bien  pendues  en  chapelet  (Ramsay)? 
C'est  une  image  peu  plastique,  et  difficile  a  representer.  Mais  i'origine  de  I'idee, 
eminemment  semitique,  est  celle  des  astres  tenus  par  Dieu.  Bousset,  apres  Gunkel 
(Verst.  p.  40),  de  meme  Boll  (Aus  der  Off.  p.  21)  veulent  y  voir  la  Petite-Ourse, 
autour  de  laquelle  le  ciel  tourne.  Bousset  se  refere  a  un  paraUele  de  la  Mithrasliturgie 
editee  par  Dieterich,  oxi  Mithra  tient  dans  la  main  droite  I'epaule  d'un  taureau  »  δς 
έστίΜ  ίον.τοζ  ή  κινούσα  και  αντιστρέφου^α  το-;  ούρανόν.  Joh.  Weiss  s'y  refere  aussi,  mais  ajoute 
justement  que,  dans  I'idee  de  I'Apocalyptique,  les  etoiles  et  les  llambeaux  n'avaient 
rien  a  demeler  avec  Mithra  et  la  Petite-Ourse. 

I  A.  B.  17.  έπεσα,  v.  Inteod.  ch.  x,  §  II;  la  rec.  Κ  lit  I'aor.  2  classique  επεσον. 
Ainsi  tombent  Isa'ie,  (vi,  δ),  Ezechiel  i\,  28),  Daniel,  passim,  Henoch  xiv,  2i,  etc.  — 
μή  φοβοΰ  cfr.  Dan.  x,  12,  19,  et  les  paroles  de  N.  S.  dans  lΈΛ'angile  εγώ  ε?μι,  ;αή  φοβεΓσθε 
Mat.  XIV,  27,  et  parall. ;  Joli.  vi,  20;  al.  —  «  Premier  et  dernier  »  (cfr.  A  et  Ω),  encore 
dit  de  Jesus,  Apoc.  xxii,  13,  titre  eminemment  divin;  cfr.  Is.  xliv,  6;  xlviii,  12. 

A.   B.   18.  ώς  ou  ojsci   ajoute   devant   νεκρός   dans  1073    et    deux  mss.   du    xiv«  s. 

δ  ζών  a  ete  omis  g,  fuld,  Tyc.,  Prim,  v.ai  b  ζών...   α?ώνων   dans  Varm.  Mais  nous 

n'avons  qu'a  repeter  apres  Bousset  «  qu'on  doit  etre  tres  defiant  vis-a-\'is  de 
tons  les  raccourcissements  des  textes  latins  ».  Ό  ζό5ν,  titre  divin,  «  le  Vivant  »  par 
excellence,  par  essence,  repondant  a  mn"'  ^"^,  "iiK  \T  de  ΓΑ.  T.  passim:  dans  le  N.  T., 
attribut  de  D\qm  Mat.  xvi,  16;  xxvi,  63;  Act.  xiv,  15;  Rom.  ix,  26;  II  Cor.  iii,  3;  vi,  16; 
I  Thess.  I,  9;  I  Tim.  iii,  15;  iv,  10;  Heb.  iii,  12;  ix,  14;  x,  31;  I  Pet.  1.  23.  Dans  Joh. 
Iv  αυτώ  ζο)ή  ην,  dit  du  Verbe,  I,  4;  cfr.  xi,  25;  xiv,  6,  c'est  une  des  deux  idees  maitresses, 
avec  la  t  Lumiere  »,  du  IV'' Evangile.  —  τας  κλείς  (forme  attique  ressuscitee  dans  le 
N.  T.,  κλεϊοας  dans  la  rec.  K)  τοϋ  θανά-ον  και  τοΰ  δδου,  cfr.  Apoc.  ill,  7;  puis  IX,  1; 
XX,  1 ;  Job  XXXVIII,  17 ;  Mat.  xvi,  19 ;  voir  encore  Targ.  Hier.  a  Dealer,  xxviii,  12  et  tr. 
Sanhedrin,  US'»,  dit  respectivement  de  Dieu  et  de  son  envoye  Elie;  nombreux  autres 
textes  rabbiniques  dans  Wettstein.  Idee  eminemment  johannique;  cfr.  Joh.  v,  28. 

C.  17-18.  .lesus  rassure  le  prophete  epouvante,  comme  il  rassurait  ses  apo- 
tres  durant  sa  vie  mortelle,  ou  quand  il  apparut  ressuscite  aux  femmes,  Mat. 
xxvni,  10.  II  se  donne  nettement  comme  egal  a  Dieu.  Jehovah  etait  «  le  Dieu  vivant  », 
par  contraste  avec  les  dieux  morts  du  paganisrae;  pour  Jesus,  Γαρ/ηγό;  της  ζωής 
[Act.  Ill,  15),  a  I'idee  de  source  et  donateur  de  la  vie  (IV<=  Evang.  passimi,  se  joint 
celle  de  sa  resurrection  corporelle;  ε'.μί  s'oppose  a  Ιγε•/ό;Αην  (.Sweic).  II  a  «  les  cles 
de  la  Mort  et  de  I'Enfer  »,  consideres  ici  comme  des  localites,  et  personnifies  ailleurs 
(Apoc.  VI,  8,  et  d'autre  part  xx,  13),  parce  qu'il  a  puissance  sur  le  sheol  dont  il  fera 
sortir  les  morts  (IV*^  Evangile).  Ces  cles,  il  les  a  prises  quand  il  est  descendu  lui-meme 
aux  enfers;  mais  le  voyage  infernal  d'Ishtar  ou  d'autres  personnages  mythiques  n'a 
eu  aucune  influence,  centre  Bousset  et  autres,  sur  la  formation  de  cette  idee  ;  Jesus 
s'est  montre  le  dominateur  des  enfers  quand  il  en  est  sorti. 
— —  A.  C.  19.  Les  manuscrits  et  les  critiques  hesitent  entre  γίνεσθα•.  et  γενέσθαι; 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  i5 

vis,  je  tombai  k  ses  pieds  comme  mort;  et  il  posa  sa  droite  sur  moi,  disant  : 
«  Ne  crains  pas;  je  suis,  moi,  le  Premier  et  le  Dernier,  et  le  Vivant;  18.  et 
il  est  arrive  que  j'etais  mort,  et  voici  que  je  suis  vivant  dans  les  slides  des 
siecles,  et  j'ai  les  cles  de  la  Mort  et  de  I'Enfer.  19,  Ecris  done  ce  que  tu  as 
vu,  soit  les  choses  qui  sont  [presentement],  soit  celles  qui  doivent  arriver 
apres  cela.  20.  [Quantj  au  mystere  des  sept  etoiles  que  tu  as  vues  sur  ma 
[main]  droite,  et  aux  sept  flambeaux  en  or  :  les  sept  etoiles  sont  les  Anges 
des  sept  eglises,  et  les  sept  flambeaux  sont  sept  eglises.  » 

nous  avons  prefere  le  premier,  avec  IV-H,  Soden,  et  autres.  Ge  verset  est  extreme- 
ment  important,  car  I'ordre  du  Christ  fixe  a  Jean  toute  la  tache  qu'il  va  accomplir 
comme  Prophete,  et  il  y  distingue]  deux  parts.  "A  είδες  est  general ;  il  signifie  d'abord 
cette  vision  presente  du  Christ  glorifie,  mais  sans  doute  aussi  les  visions  qui  vont 
suivre,  et  equivaut  a  «  tout  ce  que  tu  auras  vu  »,  comme  une  sorte  d'aoriste  episto- 
laire;  ou  bien  meme  il  suppose  que  beaucoup  des  visions  consignees  dans  le  livre 
de  Jean  avaient  deja  eu  lieu  avant  celle-ci,  et  que,  le  commandement  une  fois  regu, 
il  les  a  seulement  ecrites  et  rangees  en  ordre  systematique  (Iistrod.  c.  xn).  J'ai  rendu 
dans  ma  traduction  καί...  xolI  par  «  soit...  soit  »,  pour  bien  faire  ressortir  le  sens; 
α  εισίν  ne  signifie  pas  en' eftet,  comme  le  voudrait  Jo/i.  Weiss,  «  Was  es  bedeutet  », 
mais,  avec  Bousset,  Swete,  etc.  nous  estimons  quil  s'agit  des  «  choses  du  present  » 
dont  traiteront  les  Lettres  (ch.  ii-iu),  opposees  «  a  celles  de  I'avenir  »  α  ιχέλλει  γίνε^θαι 
μετά  ταΰτα,  qui  ne  commenceront  qu'apres  le  chapitre  iv. 

_— —  A.  B.  20.  Au  lieu  de  τάς  λυ/νίας,  on  attendait  un  genitif  complement  de 
[jiua-TJpiov,  comme  άσ-^ρων.  Peut-§tre  cet  accusatif  est-il  une  faute  d'inatfention,  causee 
par  le  voisinage  de  ου;  [Moidton).  A  la  rigueur,  il  pourrait  se  justifier,  d'apres  des 
exemples  classiques,  comme    indiquant   la  direction    de   la  pensee  sur  son  objet  : 

«  Quant  au  mystere et  aux  sept  flambeaux...  ».  Μυστη'ριον  serait  alors  aussi  a  I'accu- 

satif.  Cf.  Rom.  viii,  3  et  II  Cor.  vi,  13  (Swete).  En  tout  cas,  ce  n'est  ni  un  regime  de 
γράψον,  ni  une  apposition  a  «  είσίν...  «  μέλλει.  —  Mu<rrj5piov,  cfr.  Apoc.  x,  7;  xvii,  5,7; 
cfr.  Dan.  ii,  47  (LXX),  le  «  mystere  du  Regne  de  Dieu  »  dans  les  Synopt.,  et  le  mot 
dans  Paul,  passim. 

C.  20.  «  Mystere  »,  comme  au  ch.  wii,  signifie  le  sens  intime  de  la  vision  sym- 
bolique.  Les  eglises  sont  des  flambeaux,  parce  qu'elles  participent  a  la  Lumiere  du 
Christ  {And.,  Orig.  sch.  ix,  x),  cfr.  Phil,  ii,  15,  φ(υστηρες  έ ν  κοσμώ.  Le  «  Fils  d'Homme  » 
est  present  au  milieu  d'elles  (v.  13);  leurs  «  Anges  »,  personnifications  qui  les  repre- 
sentent,  leur  idee,  I'esprit  qui  les  anime  et  qui  determinera  leur  sort,  sont  fenus  dans  la 
main  de  Jesus,  c'est-a-dire  sous  sa  dependance  absolue,  pour  I'instruction,  la  protec- 
tion, le  chatiment,  la  recompense  (voir  Excursus  III). 

EXC.    II.    LE    CHOIX    DES    SEPT    EGLISES,    I,     11. 

Les  sept  villas  nommees  au  v.  11  etaient  toutes  situees  a  Touest  et  au  centre 
de  la  province  proconsulaire  d'Asie,  ancien  royaume  de  Pergame.  Les  Actes 
(xviii,  19-21;  xix)  nous  font  connaitre  I'evangelisation  d'ltphese  par  saint  Paul. 
De  la,  TEvangilc  s'etait  repandu  dans  les  vallees  du  Meandre  et  du  Lyons,  et  il 
s'etait  fonde  des  chretientes  importantes  dans  les  trois  villes  phrygiennes  conti- 
gues  de  Colosses,  Hierapolis  et  Laodicce  [Col.  ii,  1;  iv,  13-16;  Eph.\  cfr.  Act. 
XIX,  10).  Smyrne,  Pergame,  Thyatire  et  Philadelphie  durent  recevoir  la  Bonne 
Nouvelle  vers  la  meme  epoque.  Mais  il  y  avait  d'autres  centres  Chretiens  dans  la 


16  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

province:  Troas  {Act.  xx,  5-6);  probablement  a  en  juger  d'apres  I  Pet.  i,  1, 
Cyzique,  au  N.,  port  tres  important  entre  I'Asie  et  la  Bithynie  ;  Tralles  et  Magne- 
sie  egalement,  dans  la  region  meme  d'Ephese,  car  les  lettres  de  saint  Ignace 
d'Antioche,  ecrites  vingt  ans  au  plus  apres  I'Apocalypse,  nous  y  montrent  des 
communautes  florissantes,  qui  ne  devaient  pas  dater  seulemen  t  de  la  veille. 
Pourquoi  Jean  a-t-il  neglige  toutes  ces  villes,  ainsi  que  Colosses  et  Hierapolis, 
sans  parler  de  Milet,  ού  il  semblerait  aussiy  avoir  eu  une  eglise, d'apres  Act.  xx, 
17-suiv,? 

Nous  resumons  Ramsay  (Letters,  ch.  xiv),  qui  a  bien  etudie  cette  question,  et 
y  a  apporte  la  reponse  qui  paraitla  plus  plausible.  Les  sept  cites  prises  ensemble, 
a  cause  du  sens  de  plenitude  qu'a  le  nombre  sacre  sept,  representaient  toute  la 
province,  et  celle-ci  toute  I'Eglise;  elles  repondaient,  par  leurs  caracteres 
respectifs,  a  sept  groupes  d'attributs  du  Fils  de  FHomme,  Mais  comment  s'est 
faite  la  selection?  Pour  faire  sept,  Fauteur  aurait  bien  pu  en  choisir  d'autres  que 
celles-la.  On  comprend  qu'il  n'ait  pas  laisse  de  cote  des  centres  extremement 
importants  comme  Ephese,  Smyrne  et  Pergame,  ni  encore  Sardes  et  Laodicee, 
chefs-lieux  administratifs  de  districts  [co/ipentus).  Mais  Thyatire  et  Philadelphie 
n'etaient  que  des  villes  secondaires  des  conventus  de  Pergame  et  de  Sardes. 
Est-ce  que  leurs  chretientes  etaient  plus  nombreuses,  ou  que  le  Prophete  les 
connaissait  mieux ■?  C'est  possible,  mais  conjectural. 

Le  choix  ne  repond  pas  non  plus  a  une  division  geographique  de  la  province  : 
le  Sud,  I'Est  et  le  Nord  sont  completement  negliges,  et  meme  toutes  les  villes 
de  rOuest  ne  sont  pas  nommees.  Mais  il  faut  remarquer  que  les  sept  cites  se  trou- 
vent  toutes  situees  sur  la  grande  route  circulaire  qui  joignait  les  parties  de  la  pro- 
vince les  plus  riches,  les  plus  influentes  et  les  plus  populeuses.  De  meme  que 
I  Pet.  I,  1  enumere  les  pays  dans  lordre  oil  les  rencontrerait  un  messager  debar- 
quant  au  point  le  plus  eloigne  de  Rome,  dans  le  Pont,  ainsi  les  Sept  Eglises  sont 
nommees  dans  I'ordre  suivant  lequel  pouvait  les  atteindre,  au  long  de  cette  route, 
un  messager  parti  de  Patmos  pour  le  continent.  II  debarquait  naturellement  au 
grand  port  d'Ephese,  pour  aller  au  nord,  par  Smyrne,  jusqu'a  Pergame,  le  long 
de  la  voie  la  premiere  construite  par  les  Remains,  lors  de  Forganisation  de  la 
province.  De  la,  tournant  au  S.  E.,  par  le  chemin  des  Postes  imperiales,  il  pas- 
sait  successivement  par  Thyatire,  Sardes,  Philadelphie  et  Laodicee,  d'ou,  par  la 
grande  route  centrale  de  FEmpire,  le  long  des  vallees  du  Meandre  et  du  Caistre, 
il  pouvait  rejoindre  Ephese,  laissant  a  chaque  eglise  une  copie  du  message 
johannique,  et  le  soin  de  le  divulguer  dans  les  eglises  avoisinantes.  Mais  d'ou 
vient  alors  Fomission  de  Hierapolis,  Tralles  et  Magnesie,  ces  deux-ci  plus  consi- 
derables que  Philadelphie  ou  Thyatire?  Ramsay  recourt  a  Fhypothese  que  FAsie 
aurait  ete  divisee,  des  avant  la  composition  de  I'Apocalypse,  en  sept  districts 
postaux,  oil  les  emissaires  des  grandes  compagnies  commerciales,  imitant  le 
service  postal  officiel  (qui  ne  servait  qu'a  F Administration),  auraient  depose  leurs 
messages.  Tres  vraisemblablement  alors,  chaque  district  devait  avoir  pour  centre 
une  de  nos  sept  cites  :  Pergame.  pour  tout  le  Nord,  Troas,  Adrumete  peut-otre 
et  Cyzique;  Thyatire  pour  un  district  interieur,  au  N.  E.;  Sardes,  pour  le  reste 
de  la  vallee  moyenne  de  FHermus;  Philadelphie,  pour  la  Lydie  superieure  et  la 
Phrygie  nord,  dont  elle  etait  «  une  porte  »  [Apoc.  in,  8) ;  Laodicee,  pour  la 
vallee  du  Lycus  et  la  Phrygie  centrale,  dont  elle  devint  la  metropole  chretienne;. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  17 

Ephese,  pour  le  bassin  du  Cai'stre,  les  rives  et  les  cotes  du  bas  Meandre 
Smyrne,  pour  la  vallee  du  bas  Hermus,  et  les  cotes  ioniennes  du  Nord.  Le  mes- 
sager  n'aurait  pu  aller  lui-mέme  a  Troas,  par  exemple,  sans  allonger  considera- 
blement  son  chemin;  mais  Troas  etait  sur  la  route  imperiale  de  Pergame  h 
Lampsaque.  Magnesie  et  Tralles  pouvaient  recevoir  la  lettre  d'Eph^se  directe- 
ment,  longtemps  avant  que  le  messager  suppose  les  traversal ;  quant  a  Colosses 
et  a  Hierapolis,  leur  voisinage  de  Laodicee  rendait  sufTisant  de  communiquer 
I'Apocalypse  a  cette  derniere.  Ainsi,  Ton  aurait  eu  tellement  I'habitude  de  penser 
a  ces  sept  villes  pour  le  circuit,  que  Jean  eut  tout  naturellement  nomme  celles-la 
et  dans  cet  ordre.  Cela  n'exclut  pas,  du  reste,  qu'il  y  ait  eu  plus  de  sept  districts 
et  que  Jean  ait  exclu  tel  ou  tel  nom  moins  important  pour  faire  juste  le  nombre 
sept.  L'hypothese,  seduisante,  et  admise  aussi  de  S^vete,  doitetre  necessairement 
completee  par  la  supposition  que  Γ  «  Ange  »  de  chaque  eglise  respective  pouvait 
otre  considore  comme  resumant  le  caractere  commun  de  toutes  les  eglises  de 
moindre  importance  qui  s'y  rattachaient  dans  la  meme  region. 

EXC.    III.    —    LA    SIGXIFICVTION    DES    «    A.NT.ES    »    DES   EGLISES.' 

Partout  ailleurs  οά  Jean  introduit  des  Anges  —  une  soixantaine  de  fois ce 

sont  des  etres  personnels,  des  esprits  celestes.  En  est-il  de  meme  en  ces  trois 
chapitres  ? 

lis  ne  sont  point,  en  tout  cas,  identiques  aux  «  sept  esprits  »  de  i,  4  ni  de  iii  1 
ni  de  v,  6  (voir  Comment,  ad  loc).  11  existe  cinq  especes  dinterpretations, 
classees  par  Bousset.  Ce  seraient  :  1°  ou  bien  des  messagers  (άγγελοι)  des  Eo-lises 
aupres  du  Proph^te,  soit  envoyes  reellement  [Spitta,  qui  a  cause  de  cela  est  gene 
par  le  symbolisme  des  «  etoiles  »  et  I'attribue  au  «  redacteur  »),  soit  imagines  en 
vision  [Ebrard);  2°  ou  bien  des  representants  des  communautes  respectives, 
comme  les  -|13S  •'.T'Su;  des  synagogues,  qui  n'etaient  toutefois  que  des  ministres 
inferieurs,  des  lecteurs  pour  la  priere  publique  ( Vitringa,  Schoettgen,  Bengel, 
Eichhorn,  Heinrici,  \oiv  Lightfoot,  Horae  hebraicae,  snv  Mat.  iv,  23) ;  S-^ou  bien 
des  anges  gardiens,  comme  les  «  Princes  »  (nniir)  de  Daniel  (x,  13;  xn,  i)^  et 
les  «  70  pasteurs  »  de  la  Vision  des  Animaux  dans  Hen.  eth.  c.  85-suiv.,  et  le 
Test.  Nephthali  heb.  c.  viii-suiv.  Ainsi  I'interprete  Origene,  qui  trouvait  naturel 
que  de  bons  Anges  pussent  s'attirer  des  bldmes  [Horn,  in  Num.  XI,  k ;  XX  3.  k  • 
horn,  in  Luc.  XXIII;  De  Oral.  II;  De  Princip.  I,  8).  Les  PP.  grecs,  en  general 
favorisent  ce  sens,  ainsi  Andre,  d'apres  S.  Gregoire  le  Theologien,  S.  Greo-oire 
de  Nazianze.  Or.  xlii,  9;  —  Lightfoot  (Comm.  sur  Ep.  aux  Phil.),  Volkmar, 
Hilgenfeld,  Di'isterdieck,  Alford,  Holtzmann,  Milligan,  Calmes;k''  ou  bien  des 
membres  dirigeants  de  la  communautd,  les  eveques  ou  lacollectivite  dupresbytd- 
rium,  interpretation  qui  pent  s'appuyer  sur  le  symbole  des  «  etoiles  »  pour  les 
docteurs  [Dan.  xii,  3),  et  sur  Malachie,  ii,  7;  Aggee,  i,  13  (Tj^Sa),  al.  Cette  expli- 
cation a  ete  surtout  en  vogue  chez  les  Latins,  depuis  S.  Augustin,  Prim.  Beds  ' 
ellc  est  soutenue  par  Ewald,  Joh.  Weiss  et  le  grand  nombre  des  exegetes• 
5'  en(in  Γ  «  Ange  »  pourrait  etre  la  communaule  elle-meme  personnifiee.  Ainsi 
Bousset,  qui  rappelle  Γ  «  Ange  «  de  Pierre  considere  comme  son  double  celeste, 
d'apres  Act.  xii,  15. 

APOCALYPSU    DE    SAINT  JEAN.  2 


j^g  APOCALYi>eE    I>E    SAINT   JEAN. 

Si  c'etaient  des  Anges  gardiens  (opinion  3),  ce  seraient  des  etree  celestes,  etdes 

«  etoiles  »  qui  soiit  siir  la  main  du  Giirist  seraient  leur  representation. directe,  'βΐ 

non  un  pur  symbole  comme  leB  «flambeaux  »  pour  les  eglises.  .Alors,.en  outre 

de  la  difficulte  qu'il  y  aurait  k  les  rendre  responsables  des  fautes  de  leurs  pro- 

teo-es  humains,  —  idee  moins  digne  de  Jean• que  d'Henoch,  —  comment  seferait-il 

que  le  Chrii^t  eut  besoin  de  Jean  pour  communiquer  avec  des  esprits  celestes? 

Cette  diffiottlte  n'a  pas  echappe  a  Holtzmcmn,  mais  il  y  repond  mal.  Le  contexte 

des'chapitres  it  et  iii  invite  done  ouvertement  a  voir  dans  cbs  «  Anges  ».q.uelque 

realite  humaine,  qui,  comme  les  eglises-flambeaux,  n'existe  dans  le'monde  divin 

que  par  son  idee,  son  symbole.  Mais  les  opinions  1  et  2  sont  artiiicielles  et-insuf- 

fisantes.  Ce  ne  peuvent  otre  non  -plus  les  «  apotres  des  eglises  »,car  «  άγγελος  τής 

Ικκλν,σίας ..  lie  pourrait  signifier  que  «  envoye  par  Teglise  »  et  non  «  a  I'eglise  ». 

Ilnoussemble  done  qu'il  faut  conclure  par  un  compromis  entre  les  opinions  3,  4 

et  5.  On  pent  prendre  Γ  «  Ange  »,  a\i  Hort,  daiis  son-sens  le  plus  obvie,  mais  en 

le  regardant  comme  un  simple  symbdle  :  ce  n'est  pas  I'Ange  gardien,  esprit 

independant  et  irresponsable  de  nos  fautes,  mais  «  Tesprit  des  eglises  personni- 

fie,  I'image  de  leur  vivante  unite  »  (Idem  Gebhaj'dt,.Swete,  et  ue.]kBeatus).  Cette 

vue  pent  se  preciser  en  la  combinant  avec  celle  des  Latins,  d'Eivald,  etc.  Cet 

esprit  est  comme  incarne  dans  Les  chefs,  les  eveques,  qui  sont  iuterpelles  aux 

cliap.  II  et  iii,  non  pour  leurs  fautes  ou  leurs  merites  personnels,  mais  comme 

representants   de  leurs  eglises  respectives.  C'est  parce  que  les  «  Anges  »  sont 

ainsi,  en  fin  de  compte,  quelque  chose  d'humain,   qu'ils  ont  seulement  leurs 

symboles  pres  du  Christ  glorifie,  au  lieu  d'y  sieger  en  personne.  Ces  symboles, 

ces  α  "doubles  »  celestes  des  choses  terrestres,  etaient  familiers  a  I'e&prit  anato- 

lien  (voir  Ramsay,  Letters,  ^^.Q2-63,  apropos  dun  bas-relief  de  Koloe  en  Lydie, 

de  I'an  .100  de  notre  ere).  Si  Jean  a  choisi  le  mot  «  d'Anges  »,  c'est  a  cause  de 

Lhabitude  apocalyptique  (cfr.  Daniel  et  Henoch),  ,mais   il  n'aurait  plus  pense 

qu'aux  realites  .figurecs  :sans  s'occuper  des  fLgures,  qui.n'etaient  que  des  figures, 

ni  chercher  a  rendre  le  contexte  coherent  avec  la  figure  choisie.  C'est  un  bel 

exemple  de  symbolisme  a  plusieurs  etages,  en  cascade,  pour  ainsi  dire  :  Etoile 

=  Ange  =  [Vrelat]  =  conimunaute  caracterisee  par  I'espril  qui  ij  prevaut,  le 

troisieme  membre  etant  seulement  implique  et  sous-entendu  dans  le  passage  du 

double  symbole,  Etoile  et  Ange,  a  ia  realite  symbolisee  (Introd.,  ch.  vi).  Ainsi 

que  le  dit  And,re,  «a  travers  I'Ange  le  Christ  s'adresse  a  I'Eglise,  comme  §ii 

παιδαγωγού  τω  τταιδαγοιγουαένω  »,  et  c'eSt  le  corrcctif  sous-eritendu  qu'il  faut  apporter 

a  I'opinion  3,  chez  la  plupart  des  Grecs. 


II.  LES  LETTRES  AUX  SEPT  EGUSES 

(c.   II-IIl). 

IjiTrod. —  Ces  deux  chapitres  contiennent  Vaccomplissemenl  de  la  mission  dejean, 
en  sa  premiere  partie  qui  est  de  reveler  aux  eglises  «  α  5Ϊσίν  »  (/,  19),  c'est^a-dire  sur- 
tout  leurs  merites  ou  demerites  actuels,  leurs  dangers  presents,  et  les  secours,  les  clia- 
timents,  les  recompenses  que  leur  prepare  le  Fils  de  I'Homme.  Avant  de  predire  les 
periL•  exterieurs  [ΙΎ-ΧΧ),  il  fallait  purifier  et  fortifierJes  ames.  Les  perspectives  esch a- 
tologiques  n'y  sont  pas  saillantes,  elles  sont  fondues  avec  les  proniesses  ou  les  menaces 
faites  pour  la  vie  d'ici-bas  icontre  la  plupart  des  liberaux,  €t  Fabre,  «  I'Ange  et  le 
Chandelier  de  I'Eglise  d'Ephese  »,  R.  B,  avril  1910).  Ces  chapitres  meritent  d'4tre 
egales  aux  plus  belles  pages  du  N,  T,:  la  jconscienee  de  I'dnspiration  divine  chez  celu 
qui  quizes  aJcriles  s'y  revele,  dit  Joh.  Wei&s,  «  a  tout  homme  capable  de  sentir  ». 

Plan  des  7  Lettres.  Toutes  sont  construites  sur  le  meme  plan,  et  la  symetrie  est  a 
peu  pres  parfaite.  Chacune  commence  par  «  Τάδελ^γ-ει  »,  ayant,pour  sujet  le  Christ, 
designe  par  un  de  ses  sept  allributs,  par  celui  qui,  semble-t-il,  est  le  mieux  en  rapport 
avec  la  condition  speciale  de  chaque  eglise.  Toutes  se  terminent  par  une  promes.se 
finale,  qui  repond  aus^i,  d'une  maniere  plus  ou  mains  directe,  a  I'atlnibut  proelame. 
Dans  le  corps  de  chaque  lettre,  I'ordre^st  encore  le  md me .  Les  paroles  du  divin  Auteur 
commencent  toujours  par  οίδα;  puis  il  enumere  les  merites  ou  les  fauies,  avec  I'eloge 
ou  le  blame  qui  convient:  ensuite  vient  un  avis  pour  le  present  ou  I'avenir  immediat. 
Dans  la  formule  finale,  c'est  Γ  «  Esprit  ^)  qui  parle,  το  πνε,ΰμα  au  singulier,  c'est-a- 
dire  le  Saint-Esprit  que  possede  Jesus  {V,  6);et  cette  reduction  au  singulier  eon firme 
Vinterpretation  que  nous  avons  donnee  des  Ι-τα  7:^zU[j..(x.toi  (./,  i),  lesquels  ne  sont  que 
I'Esprit  un  en  soi  ct  multiple  dans  ses  operations.  Cet  Esprit  apparait  ici  comme  une 
personne.  Ses  proniesses  s'adressent  chaque  fois  a  toutes  les  eglises  indistinctement, 
ταΤς  εκκλησία  ι  ς,  ce  qui  montre  bien  que  chacune  des  leltres  etait  destinee  a  toute 
I'Asie,  meme  a  I'Eglise  en  general,  done  quelles  n'ont  jamais  etc  separees.  Ces 
promesses  sont  toutes  soulignees  par  un  appel  de  tournure  eV«n^e7i</Me  δ  Ιχων.ους..., 
lequisl^hs  suit  dans  les  ij'ois  premieres  lettres,  el  les  precede  dans  les  quatre  aut?\es 
{3  -\~ύ,  liiTRQD.  ch.  VII).  Elles  s'adress.ent  tautes  au  .«  Vainqueur  »  ό  νιχώιν,  τω  νικώ  ν  τι, 
autrement  dit  a  tout  chrelien  fidele,  et  nan  seulement  aux  martyrs,  dont  il  est  peu 
question  dans  cette  partie  (contre  Joh.  Weiss). 

.Doctrine.  Elles  presentent  b.eaucoup  de  resscmblances  de  fond  et  d'expression  avec 
le  r-e&te  du  N.  T.  :  avec  la  tradition  synoptique,  avec  Col.  et  Thess,  sans  parler 
de  paralleles  remarquables  avec  Jac.  el  I•"»  Pet.  La  chri&tologie  suppose  celle  de 
saini  Paul;  Jean  depass.e  mdnie  celui-ci  dans  I'affirmation  claire  de  la  divinite  de 
Jesus,  et  Bousset  a  pu  dire  qui!  offre  la  christologie  la  plus  avancee  du  JV.  T.;  cela 
est  vrai  pour  I'expression,  en  exceptant,  bien  entendu,  le  Quatrieme  Evangile.  Ainsi 
quen  ce  dernier  ecr.it,  I'objet  principal  des  promesses  est  la  vie  de  la  grace,  la 
«  vie  elernelle  »  de  I'Evangile,  commencee  -des  ici-bas,  et  qui  ne  fera  que  s'cpanouir 
dans  sa  plenitude  apres  la  consommation.  L'  <.<.  anbre  de  vie  »,  la  «  manne  t,  le 
«  repas  »  font  penser  a  I'Eucharislie.  Jesus  se  donne  lui-meme  an  croyant  [V  «  etoile 
du  matin  »,  //,  28,  v.  ad  loc.)  et  tous  les  autres  dons  ne  sont  qn'une  forme,  un  aspect 
du  don  de  sa  personne.  —  Tout  indique  du  reste  que  iauteur  est  un  chretien  d'originc 
semitique;  en  plus  de  son  style,  il  y  a  ses  innombrnbles  reminiscences  de  I'A.  7., 
qui  ne  sont  pas  des  citations  a  praprement  parler,  mais  nwntrenl  un  homme  tellement 


20  APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN. 

A.  Lettre  a  Ephese  (ii,  1-9). 

Ch.  II    1.  Τω  οι^ρ(έΧ(ύ*  της  έν  Έφεσω  εκκλησίας  γράψον* 

Τάοε  λέγει  ό  κρατών  τους  έπτα  αστέρας  έν  τη  δεξία  αυτοΰ,  6  -Γτερ'.ττατόίν  έν  μέσω 
των  έπτα  λυχνιών  τών  χρυσών*  2.  Οιδα  τα  έ'ργα  σου  και  τον  κό-ον  και  την  ύζομονήν 
σου,  και  οτι  oj  δύνη  βαστάσαι  κακούς,  και  έπείρασας  τους  λέγοντας  έαυτοΰς  αποστόλους 
*καΙ  ουκ  ε'ισίν,  και  ευρες  αυτούς  ψευδείς.  3.  Και  ύπομονήν  έ'χεις,  και  έδάστασας  δια 
το  ονομά  μου,  και  οΰ  *κεκοπίακες.  4.    Άλλα  έ'χω  κατά  σου,  οτι  την  άγάπην  σου  την 


nourri  de  la  Bible  que  les  expressions  les  plus  caracteristiqi(es  en  i'ienncnt  tout  natu- 
rellement  sous  sa  plume;  ποιμανεΓ  (II,  27),  suppose  V usage  des  LXX. 

Circonstances  historiques.  Voir  Introd.  ch.  i  et  in.  Les  dangers  des  eglises  soni 
plutot  interieurs  qu'exterieurs  (v.  Excursus  xi  sur  les  «  Nicolaites  »).  //  n'y  a  encore 
qu'une  allusion  voilee  au  culte  des  empereurs,  el  la  persecution  est  plutot  future.  Nous 
avons  fait  voir  que  tout  indique  la  fin  du  L•^  siecle.  Jean  connail  parfailement  I'histoire 
de  ses  cites;  c'est  done  quily  avaitdeja  fait  un  long  sej'our.  Nous  admettons  i>olontiers 
que  la  personnificaiion  des  communautes  par  leurs  «  Anges  »  (v.  Exc.  in)  favorise 
I'idee  qu'il  y  avait  partout  un  episcopal  monarchique .  Ephese  ne  fait  pas  objection, 
car  cette  eglise  pouvait  acoir  un  die f  local  distinct  de  I'Apotre,  ou  du  mains  quelquun 
avait  du  y  remplacer  Jean  exile.  Cfr.  le  Diotrephes  de  III  Joh.  v.  9. 

Langue.  A  part  un  tres  petit  nombre  de  particularites  qui  s'expUqucnt  aisement 
parce  que  ce  sont  des  epitres,  et  nan  des  recits,  la  langue  a  une  grande  homogenaite 
avec  celle  du  reste  de  ΐ Apocalypse.  Bousset  la  parfaitement  etudiee.  Si  ces  cliapitres 
sont  dcrits,  comme  on  le  dit  souvent,  dans  un  grec  plus  uni  que  les  autres,  cependant 
il  s'y  rencontre  plus  dune  anomalie  caracteristique  qu'on  retrouvc  ailleurs.  Ainsi 
les  defauts  d'accord,  qu'on  peut  ordinairement  s'expliquer  comme  des  sortes  de 
parentheses  ou  d' exclamations  d'un  ecrit  pensc  et  ecrit  par  saccades,  pour  ainsi  dire, 
et  qui  n'a  pas  ete  corrige  (II,  18;  20,  etc.).  Les  anacoluthes  comme  II,  20,  les  nomi- 
natifs  absolus  (o  νικών  ...  δώσω  αύτω),  qu'explique  egalement  la  vivacite  de  la  pensee; 
I'absence  de  copules  (I,  4;  If,  13),  le  pleonasme  du  pronom  personnel  avec  le  relatif 
{III,  8),  qui  est  un  «  hebrai'sme  »,  au  t7wins  au  sens  large  (Introd,  ch.  X,  II), 
tout  cela  se  retrouve  ailleurs  dans  le  livrc.  Pour  la  construction,  presque  toujours  ici 
I'adjectif  est  muni  de  I'article  et  suit  le  substantif.  Les  places  respeclives  du  sujet 
et  du  verbe  varient;  le  regime  direct  substantif  precede  six  fois  le  verbe.  Notons  encore 
Ζ'έκ  pariitif  employe  comme  regime  direct,  et  un  emploi  singulier  du  verbe  δίδω  μι. 
Nous  verrons  plus  loin  les  particularites  du  vocabulaire.  Les  particules  sont^plus 
varices  qu'ailleurs  :  δέ  (5  fois),  kWi  [8  fois),  ουν  (6  fois,  absent  dans  le  reste  du  livre). 
L'auteur  choisit  les  temps  avec  une  assez  delicate  exactitude.  En  somme,  celte  langue 
est  peut-otre  un  peu  plus  soignee  que  dans  les  autres  parties,  quoique  la  derniere 
tnain  n'y  ait  pas  ete  mise;  mais  elle  demeure  foncierement  la  manie,  et  reproduit 
les  plus  notables  particularitos  \de  I'ensemble.  Cest  surtout  avec  la  derniere  partie 
(XXI-XXII)  qu'il  y  a  de  frappants  rapports  d'idee  et  d'expression. 

Origine;  sources?  Faut-il  atlribuer  a  ces  lettres  une  source  speciale?  les  observa- 
tions precedentes  suffsent  dej'a  a  dieter  une  reponse  negative.  Spilta  veut  les  consi- 
derer  comme  de  veritables  lettres,  envoy ees  respectivement,  avec  le  corps  de  I' ecrit, 
a  chacune  des  communautes ;  nous  ne  pouvons  I'admettre,  car  elles  forment  un  tout, 
intimement  lie  a  la  vision  d'introduction  I,  9-20.  De  plus,  il  regarde  toutes  les  pro- 
messes  de  I  Esprit  (II,  7;  11;  17;  26;  29;  III,  5-6;  12-13;  21-2-2)  comme  une  addition 
du  dernier  redacleur  a  I'Apocalypse  chreiienne  de  Ian  60;  Erbes  attribuc  les  mcmes 


I 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


21 


Ch.  II.  1.  Al'Ange  de  Teglise  [qui  estj  k  Eph^se,  ecris  : 
«  Voici  ce  que  dit  Celui  qui  tient  les  Sept  Etoiles  dans  sa  droite,  qui 
marche  au  milieu  des  sept  flambeaux  en  or  :  2.  Je  connais  tes  oeuvres,  et  ton 
travail  et  ta  patience,  et  que  tu  ne  peux  supporter  de  mediants;  et  tu  as 
eprouve  ceux  qui  se  disent  apotres  —  et  ils  ne  [le]  sont  pas!  —  et  tu  les  as 
trouves  menteurs.  3.  Et  tu  as  de  la  patience,  et  tu  as  eu  a  supporter  pour 
men  nom,  et  tu  ne  t'es  pas  lasse.  4.  Mais  j'ai  contre  toi  que  ta  charito  pre- 

i>ersets  {sauf  III  21-22)  a  sa  derniere  Apocalypse,  de  Ian  80.  Joh.  Weiss  a  suwi 
ces  auteurs  et  doiite  meme  du  caractere  primitif  de  I,  6,  sur  les  NicolaUes.  Ce  seraient 
la  des  additions  de  son  habile  «  redacteur  »  a  I'Apocalypse  ancienne  de  Jean;  en  effet, 
I'Esprit,  c'est-a-dire  I'ecrivain,  se  met  a  parler  a  la  place  de  Jesus;  il  s'adresse  a 
toutes  les  eglises,  et  non  plus  a  iine  seule;  il  ne  pense  plus  qu'aux  martyrs  (νικών, 
les  Chretiens  etant  vainqueurs  par  leur  mort  sangiante,  co>nme  le  Christ,  qui  a  ainsi 
vaincii  le  monde),  tandis  que  la  partie  primitive,  Johannique,  des  lettres,  n'aurait  pas 
parle  de  dangers  exterieurs.  II  faut,  pour  soutenir  une  pareille  opinion,  qu'il  neglige 
les  explicites  avertissemenls  a  Smyrne,  a  Pergame  et  a  Philadelphie.  Enfin  les  formules 
finales  sont  tout  a  fait  stereotypees,  tout  cela  indiquerait  une  dualite  de  sources. 

Les  autres  critiques  (Weizsacker,  Schmidl,  Volter,  Vischer,  Weyland),  respectent 
I'intogrite  des  lettres,  mais  les  attribuent  au  «  dernier  redacteur  »,  le  m4me  qui,  pour 
Weiszacker  et  Vischer,  a  ecrit  V epilogue  XXII,  6-21.  Briggs  les  fait  paraitre,  sous 
Galba,  ai'ec  la  triple  Apocalypse  des  Sceaux,  des  Trompettes  et  des  Coupes. 

A  tons,  et  particulierement  a  Joh.  Weiss  on  doit  repondre  avec  Bousset  :  i°)  la 
fin  des  lettres  n'est  pas  plus  stereotypee  que  leur  debut,  et  la  combinaison  3  +  4 
des  formules  finales  indique  simplement  que  la  meme  main  est  ici  a  I'oeuvre  que 
dans  les  chapitres  des  Sceaux  et  des  Trompettes  (Imtrod.  ch.  VII);  2°)  il  est  faux 
que  les  promesses  de  I'Esprit  n'aient  pas  de  rapport  au  contenu  precedent;  5°)  les 
nombreux  rapports  des  formules  finales  au  reste  du  livre  indiquent  que  le  reste  et 
les  Lettres  sont  d'une  meme  main;  4°)  dans  les  formules  d  introduction,  le  rapport 
a  ce  qui  suit  nest  pas  touj'ours  beaucoup  plus  clair  que  celui  des  finales;  il  faudrait 
done  nier  celles-la  aussi;  5°)  les  ressemblances  avec  les  Synoptiques  et  les  Merits 
johanniques  ne  sauraient  etre  une  objection,  elles  montrent  seulement  la  date  tardive 
de  la  composition;  6°)  enfin  I'extension  des  promesses  a  toutes  les  Eglises  ne  domontre 
qu'une  chose;  c'est  que,  malgre  Spitta,  les  lettres  ne  sont  pas  de  vraies  epitres  separees, 
mais  etaient  destinces  des  le  commencement  a  la  lecture  publique  dans  toutes  les 
eglises;  chacune,  en  effet,  represente  un  aspect  concret  des  mSmes  verites,  touj'ours 
typiques  pour  toute  I'Asie  chretienne.  Notre  commentaire  etablira  tous  ces  points. 

A.  1.  τω  έν  pour  της  Iv,  dans  A  et  G,  al.  syr.  grec  parait  a  W-H  etre  la  le?on 
originale  dans  les  sept  en-tetes  :  «  the  angel  that  is  in  Ephesus,  [the  angel]  of  a 
church  ))  {Ilort);  Swete  I'admet  ici  et  n,  8.  Avec  tous  les  autres  nous  conservons  της, 
beaucoup  mieux  atteste  et  plus  naturel;  voir  cependant  comm.  de  ii,  18,  A.  B.  — 
κρατών,  plus  fort  que  έχων. 

Β.  C.  1.  Cfr.  I,  1.3,  16,  20.  Jesus  va  se  manifester  k  chaque  oglise  avec  quelque 
attribut  de  la  vision  precedente.  Ici  il  se  donne  comme  present  personnellement  au 
milieu  des  oglises-ilambeaux  (ττίοιπατών),  comme  tenant  dans  sa  main  tous  leurs 
«  Anges  »,  leurs  esprits,  parce  que  Ephese  etait  la  premiere  et  la  plus  ancienne  de  ces 
Eglises,  en  quelque  sorte  une  metropole  qui  contenait  en  soi  toutes  les  autres  [Hort). 
Ainsi  chaque  attribut  semblera  choisi  pour  repondre  k  quelque  trait  de  I'eglise  en 
cause. 


22  APOCAL-iTSE    DE    SAIXT   JBAX. 

πρώτην  *άφ•^κες.  5.  Μνημόνευε  cuv  ττόΟεν  *x6-r:-o)/.=c,  κα'.  ίΛετο^νίν^τον,  και  τα  ττρώτα 
δργα  πείτ^σον.  Ε!  αέ;  μ,ή,.ερ^τίμ,αί*  70λ  καΐ  κινήσω  r/;v  λυχνίαν  σ^υ  έκ  τοΰ  τόπου  α!»της, 
έαν  μή  μεΓοκ/οή(Γ^ς^  6.  Άλλα  τσδτο' εχεες,.  στι.  μισείς-  τα  έργα  των  Νικ^λαϊτών,  ώς 
/«γώ  μισώ.  7ι.  Ό  έχων  ούς-άν,ζνσάνω  τι  το:  ττ-ιεΰμα  λέ^^ει  ταίς  έκκλ-ί'^σίαις"  Τω  νικώντι 
δώσω  αατω  φαγεϊν.  έκ  ταυ.  ξύλου,  της  ζωής:.,  ό  έστιν•έν•τω  παρ-αδ^ίσιο  τοο  θεοΰ. 


— ^—  Α.  Β.  2.  Οίδα,  au  lieu  de  γινώσχω  qui  n'est  jamais  dit  du  Christ  dans  VApoc., 
exprime  mieux  ie  caractere  absolu  de  sa  science  {Stveie);  cfr.  Abbott,  pour  les  deux 
mots  dans  le  I V^  Evaugile.  —  κόπος  e,t  ύποιχαντί  sont  les  deux  especes  d'k'pYa  [Bouseei), 
les  Λ-ertus  d'activite  et  d'endurance.  Pour  ces  deux  mots,  cfr.  L  These,  i,.  3.  — /.at  ούκ 
είσίν  est  plutot  une  garenthese  qu.'uue  anacoluUie;  3fr.  i,5-SLuiv.,  etd'autres  passagpes 
que.  nous  trouverons.  Pour  les  «  faux  apotres  »  cfr.  II  Cor.  xi,  5,  13;  Gal.  i,  Didache 
XI,  4-6. 

G.  2,  Ces  ((  faux  apotres  »  doivent  comprendre  lesi «  Xicolaites  »  duv.6.  Les  apitres 
a  Timothee  montraient  deja  des  essais  de  gnosticisme  (judaiaaat)  k  Ephese.  Ignace 
lone  aussi  cetle  eglise  d'avoii'  ferme  ses  oreilles  aux  faux  docteurs•  {Ign:  ad  Epii.  vii,  1; 
XIX,  1).  EUe  a  pu  «  supporter  le  fardeau  de  la  persecution  rjr:o;j.o,vr^,  ^ίάατασας.  du  v.  3), 
mais  non  celui  d'hommes  et, de.  freres  perver.tis  »  {FL•rt).  Pa.uL  s'etait  deja  attaque  a  de 
&emblables  gens;  il  n'y  a  done  ici,  contreLes  Tubiagiens  que  Volter  en  a  crus,  aucune 
trace  d'anti-paulinisme ;  Renan  s'est  passe  la  faotaisie  ebionite  d'identifier  «  Niftolas  » 
a  saint  Paul. 

— —  A.  3.  κεκο-ιαχες  (Introd.  ch.  x,  §  II)  a  ete.  corrige  en.  έκοπίασα^  dans  Orig.,  κ, 
la  rec.  K;  ailleurs  en  κίζοπίακαί.  Nous  admettons  cette  fautfr  vulgaire,  avec  Moidton, 
et  tous  les  critiques. 

— —  A.  G.  4.  άφηκες,  autre  vulgarisme,  S€  lit  η  et  G ;  nous-  le  coiiservonsy  quoique 
B..  Weiss  et  Soden  adoptent  la  correction  άφηκας.  Ce  qui  est  reproeha  par  le•  Chrisb, 
c'est  probablement  la.  baisse  de  L'eiitliousiasnie  religieux  {7o7/-  Weiss],  de  la  fraternite 
chretienne  [Hon). 

— — —  A•  C.  5.  πέπτο^κεί  de  ii  a  ete  corrige  en  πέπτωκας  ou.  Ικπέπιωκας  dans  les  autres 
mss.,  mais  il  est  admis  des  critiques,  excepte  Weymoui/i  et  B.  Weiss^  —  "Ερ/^ομαΙ  σοι, 
«  dativus  iacommodi  »  (Lntjiod..  ch.  x,.  |  II).  Orig.  et  And.  le  font  ssiivre  de  I'adverbe 
τα/ύ,  sans  doute  par  assimilatLon  a  ii,  16 ;  iii,  11,  et  au  chap.  xxii.  —  Le  deplacement  du 
flambeau  de  cette  eglise  qui  a  ete  nommee  la  premiere  de  touies>  signifie  que  la  com:- 
raunaute  dechoira  de  son  rang,  fauie  de  cliarite,  ouin.emedisparaitra  [Moltzinann)..Q' est 
d£  meme  une  menace  temporelle,  pour  la  plupart  des  exegetes;  Andre  y  voyait  ra^me 
une  prophetie  de  la  translation  de  la  primaute  a  Constantinople!  En  tout  caa,  c'est 
bien,  contre  Calmes,  le  Christ  qui  parle,  et  non  pas  Jean  qui  menacerait  Ephese  d'une 
sanction  disciplinaire,  de  transporter  ailleurs  le  siege  episcopal  (vid.  infra). 

•  B.  G.  Les  «  Nicolaites  »  sonLa  comparer  aux  Bileamites  et  a  Jezabel  des-lfit- 
tres  suivantes  (voir  Excursus  xi). 

,^___  A.  B.  7.  Remarquer  la  tournure  pleonastique  τω  νικώντχ  (νίΛοΰντι  dansi  A, 
Ikt.  g.  X,  p.  CLxxxvi)  δώσω  αύτω,,  qui  se.  retrouve  (resp.  6  νικών.  Ιλ-thod.,  ch.  x,  |  LL)  a  la 
fin  des  autres  lettres.  —  Ό  ε/ο^ν  οίζ  pent  6tre  une  reminiscence  des  appels  du  Seigneur 
dans  I'Evangile;  cfr.  Mat,  xi,  15;  xiii,.  9,  43;.  Mo/'c,  iv,  9,  23;  Luc,  viii,  8;  xiv,  35..  — 
To  πνεΰαα,,  cfr.  les  επτά  πνεύματα..  —  Le  mot  vixw,  employe  ici  au  sens  absolu,  peut 
repondre  a  Thebreu  Si*",  sL  Γολ  s,'en  rappjorte  a  v,  5.  II  est  specifiquement  johannique, 
(cfr.  Joh.  XVI,  33;  I  Jo/i.  n,  IS-suiv.;  iv,  4;  v.,  4r9uiΛ^)  et  reparaitra  a  la  fin  de  toutes 
les  lettres,  puis  v,  5;  xii,  11;  xv,  2.;  xvii,  14s  x^,  7.  —  εκ  του.  ζύλου  της.  ζω»??,  emploi 
de  έκ  pour  le  simple  genitif  partitif,  hellenistique  et  particulierement  johannique 
(IiSTROD.,  ch.  X,  §§  I  et  II);  «  I'arbre  de  vie  qui  est  dans  le  Paradis  de  Dieu  »,  cfr.  Gen. 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN. 


23 


miere,  tu  [V]  as  relaehee.  δ.  Souviens-toi  done  d'ou  tu  es  tombe,  et  convertisr 
toi;  et  les  premieres  oeuvres,  fais  [-lea  de  nouveau].  Sinon,  je  viens  έ,  toi; 
et  je  derangerai  ton  flambeau  de  sa  place,  si  tu  ne  te  conveutis.  6.  Mais  tu 
as  ceci  [pour  toi],  que  tu  hais  les  oeuvres  des  Nicolaites,  comme  moi  aussi 
jepes]  hais.  7.  Gelui  qui  a  des  oreilles,  qu'il  entende  ce  que  FEsprit  ditaux 
J^glises  :  Au  victorieux,  je  lui  donnerai  a  manger  de  FArbre  de  la  vie,  qui 
est  dans  le  paradis  de  Dieu.  » 

II,  9;  Ezech.  xxxi,  8;  idee  tres  frequente  dans  les  Apocryphes  :  Hen.  et/i.  xxiv,  17; 
XXV,  3-7;  cfr.  lxxvi-lxxvii;  Hen.  si.  viii-suiv.,  au  troisieme  del;  Apoc.  Pet.,  vv.  15-16; 
Vita  Adami  et  Evae,  c.  iv,  et  Apoc.  Moi'se,  ch.  xxvni;  mais  non  Ps.  Sal.  xiv,  2  τα 
^ύλα  της  ζωής  δσχοΐ  χύτοΰ,  οΰ  I'idee  est  tout  autre.  Voir  encore  Od.  Sal.  xx,  7-θ,  ού 
I'lmagO  est  rapportee,  comme  ici,  a  la  vie  spirituelle.  Reparait  Apoc.  xxii,  2. 

G.  7'.  L'Esprit  qui  parle  est  le  Saint-Esprit  personnel,  envoye  par  le  Christ,  et  non 
pas  seulemeut  Γ  «  esprit  »  communique  au  prophete,  puisquUl  s'attribue  I'oeuvre 
divine  de  la  retribution  :  «  Au  vainqueur, /e  lid  donnerai...  -/>  Selon  les  ideos  juivoa, 
attestees  dans  nombre  d'xVpocalypses  (Lnt.,  ch.  v,,,§  III),  le  Paradis  et  I'arbre  de  vie 
devaient  reparaiti-e  a  la  fin  des  temps,  pour  la  jouissance  des  elus.  Gressmann 
(Ursprung,  p.  220),  Bousset,  etc.,  y  voient  une  theorie  eschatologique  probablement 
elaboree  chez  un  peuple  etranger,  sans  doute  a  Babylone.  Dans  notre  verset,  le  sens 
eschatologique  n'est  pas  exclusif,  ni  meme  dominant.  Π  s'agit  bien  du  retour  au  Para- 
dis, mais  c'est  une  pure  image ;  et  des  ici-bas,  le  Christ  et  I'Esprit  nourriront  les  Chre- 
tiens fideles  de  I'aliment  qui  donne  la  vie  (cfr.  le  «  pain  de  vie  »  Joh.  vi)  et  reveillera  la 
charite  qui  s'etait  assoupie  a  Ephese.  Bede  :  «  Lignum  vitae  Christus  est  »  Andre  : 
c'est  la  \\e  eternelle,  laquelie  est  le  Christ.  Id.  Denys  bar  Salibi.  —  Ce  verset, 
comme  toutes  les  clausules  similaires,  fait  corps  avec  la  lettre,  et  n'est  pas  seulement 
un  commentaire  des  paroles  du  Christ  inspire  a  Jean.  Ce  qui  a  eto  dit  a  une  seule 
egli&e  est  etendu  et  generalise  pour  I'instruction  de  toutes  [Prim,  Bede.;  Swete  et  les 
autres  modernes  pour  la  plupartj.  Des  considerations  intrinseques,  aussi  bien  que 
I'analogie  des  six  autres  missives,  nous  empechent  de  voir  seulement  ici  des  biens 
eschatologiques  (cfr.  Fabre,  RB.  L'Ange  et  le  Chandelier  de  I'Eglise  d'Ephese,  avril 
1910).  Voir  Exc.  ci-dessous. 

EXC.    IV.    —    EPHESE    ET    l'eGLISE    d'ePHESE. 

11  nc  reste  plus  d'Ephese  que  le  village  d'Aya-Soluk  (αγ(ος  Οεόλογο;),  avec  de 
considerables  ruines  deblayees  par  rinstitut  archeologique  autrichien,  au  milieu 
desquelles  Wood,  en  1869,  a  decouvert  le  fameux  temple  d'Artemis.  C'etait 
pourtant  alors  la  ville  principale  de  TAsie  Mineure,  situee  au  bord  d'un  golfB, 
avec  un  port  considerable  qui  en  faisait  «  le  principal  marche  de  I'Asie  en  dega 
du  Taurus  »  (Strabon  xrv,  24).  Mais  les  alluvions  du  Gaistre  ensablaient  conti- 
ruellement  ce  golfe,  en  sorte  qne  la  cite,  qui,  depuis  sa  fondation  par  des  colons 
ioniens  ou  altiqnes,  vers  1100  av.  J.-C,  s'etait  deja  deplacee  plusieurs  fois,  et 
courait  apres  la  mer,  a  fini  par  s'arreter  an  milieu  de  la  plaine  grandissante,  et 
disparaitre.  Au  i"  siecle,  elle  formait  le  centre  des  grandes  communications 
inteniationales  entre  Fltalie,  Marseille,  la  Grece,  TEgyple  d'une  part,  I'Euphrate 
etlOrient  de  I'aulre.  Ses  industries  etaient  florissantes,  sa  civilisation  raifmee. 
Patric  du  philosoplie  Ileraclite,  qui,  le  premier  dans  Thistoire,  a  parlo  du  λόγος 
divin,  elle  complait  encore  nombre  de  philosophcs  et  de  rheteurs,  des  ecoles  de 


24  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAX. 

peinture  et  de  sculpture.  La  politique  municipale  y  etait  tres  vivante;  et  la  pre- 
sence d'  «  Asiarques  »,  au  temps  ou  saint  Paul  I'evangelisa  {Act.  xix,  31)  montre 
I'importance  qu'elle  avait  pour  le  Κοινόν,  ou  «  Commune  ->  d'Asie,  done  son 
influence  sur  le  gouvernement  de  toute  la  province.  S'il  n'est  pas  sur  que  le 
proconsul  y  residat  regulierement  avant  le  regne  d'Hadrien,  du  moins  elle  etait 
la  ville  la  plus  importante,  la  capitale  de  fait,  et  pouvait  disputer  a  Pergame  le 
titre  de  «  metropole  ». 

Mais  sa  celebrite  religieuse  etait  plus  grande  encore.  De  toute  antiquite,  et 
malgre  Fintroduction  d'Athene  par  les  Grecs,  Ephese  avait  ete  la  cite  d'Artemis 
—  une  Artemis  barbare.  anatolienne  ou  hittite,  qui  n'etait  quune  forme  de  la 
«  Grande  Deesse  »  commune  a  tons  ces  pays,  et  dont  les  images,  avec  leurs 
multiples  rangs  de  mamelles  et  la  gaine  qui  entourait  les  membres  inferieurs, 
n'etaient  pas  du  tout  helleniques.  Les  relations  commerciales  en  avaient  ropandu 
le  culte  jusquau  pays  de  la  Mediterranee  occidentale;  elle  etait  celle  «  que  toute 
I'Asie  et  le  monde  civilise  adorent  »  {Act.  xix,  27).  Ephese  etait  done  une  vraie 
metropole  religieuse;  son  Artemision,  une  des  d  7  merveilles  du  monde  » ;  de 
plus,  la  magie  y  florissait,  comme  Tindiquent  les  Actes  eux-memes  (ch.  xix,  19), 
et  les  formules  incantatoires,  dites  εφέσια  γράμαατα,  si  celebres  dans  toute  I'anti- 
quite.  Le  culte  imperial  y  avait  ete  etabli  des  les  premieres  annees  d'Auguste, 
par  un  autel  erige  a  I'empereur  dans  I'enceinte  meme  du  temple  d'Artemis,  fait 
qui  prouve  que  cette  nouvelle  religion,  loin  de  se  poser  en  rivale,  tendait,  la 
comme  ailleurs,  a  s'appuyer  sur  les  cultes  locaux.  Mais  ce  n'etait  encore  qu'un 
culte  municipal;  plus  tard  seulemenf,  sous  Claude  ou  Neron,  puis  sous  Hadrien, 
et  sous  Septime-Severe,  Ephese  eut  ses  temples  provinciaux  a  I'Empereur,  ce 
qui  la  fit  trois  fois  Λ'εοΊχορος. 

Saint  Paul  evangelisa  Ephese,  on  sail  avec  quel  retentissant  succes.  Saint  Jean 
dut  s'y  etablir  apres  la  mort  de  I'Apotre  et  le  depart  de  Timothee.  Dans  la  vision 
de  Patmos,  le  Christ  se  revele  a  cette  metropole,  tant  administrative  que  chre- 
tienne,  comme  Celui  qui  est  le  vrai  et  I'unique  Chef  de  toutes  les  eglises.  II  la 
loue  de  son  orthodoxie,  qui  est  attestee  aussi  par  la  lettre  d'Ignace;  en  effet, 
Ephese  avait  du  etre  particulierement  tentee,  car  sa  situation  faisait  que  beau- 
coup  de  predicateurs  itinerants,  «  apotres  »  suspects,  passaient  par  la,  pour 
combattre  I'oeuvre  de  Paul  ou  pretendre  la  perfectionner;  mais  les  Ephesiens 
avaient  su  les  juger  a  leur  juste  valeur.  D'un  autre  cute,  si  la  ferveur  diminue,  si 
1  enthousiasme  se  refroidit,  comme  on  en  a  deja  lindice  dans  les  lettres  a  Timo- 
thee, I'influence  d  Ephese,  comme  eglise-mere  de  I'Asie,  disparaitra;  le  ο  flam- 
beau »  ne  brillera  plus  au  premier  rang.  II  vaut  beaucoup  mieux  interpreter  ainsi 
la  menace,  que  de  la  traduire  avec  Grotius  et  Ramsay :  «  Je  deplacerai  encore 
ton  site,  je  ferai  ta  population  sen  aller  ailleurs  »,  malgre  la  possibilite  qui  sub- 
siste  d'une  allusion  ingenieuse  aux  deplacements  successifs  de  la  ville;  car  ce 
n'est  pas  la  une  peine  spirituelle  qui  eut  atteint  directement  I'Eglise.  Le  texte  ne 
parle  pas  non  plus  d'extinction  du  flambeau,  d'apostasie  ou  de  reprobation,  ce 
qui  paraitrait  disproportionne  a  la  faute.  Quant  a  la  promesse  des  fruits  de 
Γ  «  arbre  de  vie  »,  elle  est  doublement  bien  appropriee;  de  meme  que  I'humanite 
sauvee  trouvera  le  bonheur,  symbolise  par  le  retour  au  Paradis  de  la  Genese, 
ainsi  ceux  qui  ne  laisseront  pas  glacer  leur  ferveur  primitive,  qui  «  vaincront  »  la 
roideur  contagieuse  et  se  remettront  a  leurs  «  premieres  »  ojuvres,  goiiteront 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  25 

dans  toute  leur  deiice  les  fruits  de  Γ«  Arbre  de  vie  »,  symbole  de  la  nourriture 
spirituelle,  du  sacrement  de  la  charite  dont  ils  ont  apprecie  la  douceur  aux  pre- 
miers temps  de  leur  conversion.  Ajoutons  que  cette  image,  quoique  biblique, 
n'etait  nullement  incomprehensible  pour  des  Grecs  et  des  Anatoliens  :  les  mon- 
naies  memes  d'Ephese,  avant  Alexandre,  portent  un  arbre  sacre  associe  a  Arte- 
mis (Voir  Ramsay.  Letters,  ch.  xvii,  Ephesus  the  city  of  Change). 

B.  Lcttre  a  Smyme. 

A.  B.  C.  8.  Encore  τω  au  lieu  de  της  dans  A,  admis  ici  de  S^^'ete,  et  etendu  par 
W-H,  aux  sept  lettres;  —  άνέζησεν  pour  Ιζησεν,  correction  inutile  dans  Av56-49-2023, 
et  1073.  —  νεχρος...  εζησεν,  cfr.  i,  17;  Rom.  xiv,  9.  —  πρώτος  (πρωτότοκος  A)  /.α\  εσ/^ατος, 
voir  I,  8.  Ces  expressions  montrent  I'egalite  du  Christ  a  Dieu;  ?ζησεν  aoriste,  au 
lieu  de  1%  ζων  εατ:,  attire  I'attention  sur  le  fait  et  le  moment  de  la  resurrection 
(Bousset,  S(i'ele). 

^— —  A.  B,  9.  Ti  έργα  χα•....  apres  οΤδα,  dans  X,  Q,  And,  syr.,  arm.,  Arethas.  — 
Remarquer  les  deux  parentheses  energiques,  certaines  ici,  qui  montrent  le  style  de 
i'auteur,  et  peuvent  servir  a  interpreter  ailleurs  d'abrupts  changements  de  construc- 
tion, ainsi  ii,  2.  —  tjv.  τοΰ  Σ..,  cfr.  πι,  9  contraste  voulu  avec  la  συναγωγή  τοΰ  θεοΰ,  de 
Num.  XVI,  XX,  XXXI,  συν.  δσίων.  Ps.  Sal.  xvii,  16;  cfr.  pour  le  sens  Joh.  viii,  4.  Les 
«  vrais  Juifs  »  sont  les  Chretiens,  Rotn.  ii,  28 ;  Gal.  vi,  15.  —  «  Le  Premier  et  le 
Dernier  »  cfr.  xxii,  13  —  εκ  pour  le  genitif  de  sujet,  Ιλτκοο.  c.  x,  §  II. 

G.  9.  Le  Martyre  de  Polycarpe  revele  la  puissance  des  Juifs  a  Smyrne,  encore 
cinquante  annees  plus  tard.  Voir  Ign.  ad  Smyrn.,  Schiirer  iii,  pp.  11,  39,  54.  L'auteur 
estime  le  nom  de  Juif,  et  Bousset  a  tort  d'opposer  son  attitude  a  celle  du  IV^  Evangile. 
(Voir  Joh.  I,  4  :  «  les  siens  (c'est-a-dire  les  Juifs)  ne  I'ont  pas  regu  »  et  iv,  «  Le  salut 
vient  des  Juifs  ».  11  pent  y  avoir  rapport  entre  la  «  tribulation  »  et  Γ  «indigence  » 
qui  fait  que  I'Eglise  a  ainsi  plus  de  peine  a  se  defendre  des  persecuteurs.  Cette  lettre 
est  juste  I'inverse  de  celle  a  Laodicee. 

— ^  A.  B.  C.  10.  Mt5  au  lieu  de  ψφί-ι  :  A,  Q,  And.  al.  C'est  probablement  pour 
corriger  la  dure  construction,  qui  met  S  pluriel  en  accord  ad  sensiim  avec  μηδέν.  — 
έξ  υμών,  regime  direct,  tournure  johannique,  Ιχτ.  ch.  x,  §  II  —  δη  ajoute  apres  ίδού 
(Q  et  rec.  K),  serait  unique  dans  I'Apoc.  —  Le  present  ε•/ετε,  qui  modifie  le  sens, 
dans  C,  P,  Av20-rl-l••,  al578-12-181;  εχητε,  admis  de  Stvete,  dans  A,  Av  30-36-2019, 
α  203-81-203,  Prim.  —  διάβολος,  cfr.  κατη'γωρ  de  xii,  10.  —  στεφ.  της  ζωής,  cfr.  Jac.  I,  12  : 
I  Pet.  V,  4. 

C.  10.  /o/i.  Weiss  voudrait  attribuer  arbitrairement  ce  verset  au  «  redacteur  »,  car, 
selon  lui,  I'ecrit  primitii'de  Jean  ne  supposait  pas  rimminence  de  persecutions  violentes. 
Les  «  10  jours  »  signilient  une  courte  duree  {Arethas  :  εφη'μερος,  Bousset,  Calmes, 
Swete,  etc.)  Si\'ete  croit  cette  expression  inspiree  materielleinent  de  Dan.  i,  12,  14, 
quoiqu'il  s'y  agisse  de  tout  autre  chose.  La  courte  duree  doit  elle-m§me  etre  un 
symbole  de  Timpuissance  des  attaques  du  mauvais  (Introd.  ch.  v,  §  II).  Aussi  Bede 
I'entend  du  temps  entier  de  cette  vie  d'epreuve,  et  cherche  un  rapport  —  bien  detourno 
il  est  vrai  —  avec  les  Dix  Preceptes  du  Decalogue.  Beatus  :  les  10  persecutions.  — 
Les  calomnies  des  Juifs  (cfr.  Marl,  de  Polycarpe)  seront  cause  de  cette  persecution, 
qui  sera  sanglante,  car  lemprisonnemcnt  pent  tres  bien  presager  la  mort  (Ramsay). 
La  «  couronne  »,  ici,  est  signe,  non  de  royaute,  mais  de  f6te  ou  de  victoire.  C'est  une 
image  empruntee  aux  Jeux  publics  {Calmes),  mais  qui  peut  trfes  bien  avoir  un  rap- 
port topique,  comme  γίνου  πιστός,  avec  les  gloires  particulieres  de  Smyrne  (v.  E.vc.  V). 
— —  A.  B.  C.  11.  ού  μη,  formule  tres  solennelle  do  negation,  que  nous  avons 
rendue  par  ne..  jamais  (I\tuod.  ch.  x,  ii).  —  άδ•.κεΓν,  au  sens  transitif,  cfr.  Apoc.  vi,  6, 


26 


APOCALYPSE    ΓΤΕ    SAIXT    JEAX. 


C.    H.  8.  Και  τω  άγγέ/.ω  *ττ,ς  εν  Σμύρν/;  έλ/.λτ,σΐας  γρ2ψ:ν' 

Τάδε  λέγει  6  ■ττρώτος  •/.«'.  ό  έσχατος,  ic  έ"/•ε'νετο  νεκρός-  /α',  εζησεν'  9.  Οΐ5α  σου 
τήν  Ολιψιν  κα•  τήν  τ:το>'/είαν,  άλλα  ττλούσιος  εΐ,  καΙ  τήν  βλασ3••^;Λίαν  *έκ  των  λεγόντων 
Ιουδαίους,  είναι  εαυτούς,  κα-.  ουκ  ε'.σίν,  άλλα  συναγο)γή  του  Σατανά.  10.  *Μγ;δέν 
ψο&οο,  α  μέλλεις  πάσχειν.  Ίδου  μέλλει  βάλ/.ειν  ό  διάβολος  *ές  υμών  εις  φυ^.ακήν 
ινα  χειρασΟητε,  καΐ  *εςετε  Ολϊψιν  ήμερων  δέκα.  Γίνου  πιστός  άχρι  θανάτου,  και  δώσω 
σοι  τον  στέ&ανον  της  ζωής.  11.  Ό  έχων  ους  άκουσάτω  τί  το  πνεύμα  λέγει  ταΐς  έκκλη- 
σίαις"    Ο  νικών  *ού  μή  *άδικηθη  *έκ  του  θανάτου  του  δευτέρου. 

VII,  2,  etc.,  et  son  emploi  Άχι  passif,  sont  classiques;  le  sens  e&t  «  le&er  »,  Platon, 
Arisiophaiie,  Thucy elide,  Xenoplion.  —  έκ  signifiant  la  cause  ou  Tinstrument,  Iktrod., 
ch.  X,  §§•  i-ir.  —  La  «  Deuxieme  Mort  »,  cfr.  Apoc.  xx•,  6  signifie  la  perte  de  Tame, 
«  la  mort'dont  il  ny  a  pasde  resurrection  »  [Joh.  Weiss);  I'expression  se  trouve  Targ, 
in  Ps.  xLix,  11  et  Targ.  Hierus.  in  Deut.  xxxiii,  6,  au  m^me  sens ;  mais  les  passages 
de  Philon  et  de  Plutarque  cites  par  Hon  ont  un  sens  different.  Cette  «  Deuxieme 
Mort  »  dont  sera  preserve  le  Vainqneur  s'oppose  a  la  premiere  mort,  a  la  mort 
corporelle,  que  quelques-uns  des  Smyrni'otes  vont  peut-etre  bientot  subir  comme 
martyrs.  G'est  pourquoi  le  Christ  s'est  presente  a  cette  eglise  comme  le  principe  et 
la  fin  de  toute  vie  (ό  π-ρωτος  καΐ  ό  εσ/ατος),  comme  celui  qui  a  passe  par  la  mort  pour 
vivre  dans  la  gloire. 

EXC.    V.    SMYRNE    ET    LEGLISE    DE    S.MYP.XE. 

Le  grand  port  de  Smyrne,  qui  etait  alors  le  plus  important  apres  Ephese, 
est  situe  au  Nord  de  celle-ci,  au  pied  de  la  chaine  du  Tmolus.  C'est  un  des  plus 
seduisants  sites  du  nionde,  et,  entre  toutes  les  villes  d'Asie,  Smyrne  se  declarait 
sur  ses  medailles  «  la  premiere  pour  la  beaule  ».  C'etait,  d'apres  JElius  Aristide, 
TO  της  Άοίας  άγαλυ.α,  que  le  zepliyrc  eiitreteiiait  «  fraiclie  comme  un  bosquet  ». 
Rams^iy  etablit,  d'apres  les  discours  de  ce  rheteur,  et  d'Apollonius  de  Tyane, 
que  I'expression  «  la  couronne  de  Smyrne  »  dcvait  etre  courante  de  ce  temps-la 
pour  designer  les  magnifiques  constructions  entourant  la  hauteur  qui  domine 
la  cite  a  I'Est,  pareilles  a  une  guirlande  de  fleurs  posee  sur  le  front  de  Γάγαλμα, 
I'idole  de  I'Asie,  assise  comme  a  un  banquet  perpetuel. 

Smyrne  avait  connu  pourtant  des  vicissitudes.  Colonie  eolienne,  puis  ionicnne, 
fondjee  vers  I'an  1000,  et  patrie  traditionuelle  d'Homere,  elle  disparait  quelquc 
temps  de  Llustoire,  apres  sa  destruction  au,  debut,  du  vi*  siecle  par  Alyatte  et 
les  Lydiens.  Mais  les  diadoques  Antigone  et  Lysimaque  la  restaurerent,  et  la 
cite  ionienne,  redevenue  florissante  et  splendide,  s'unit  dune  alLance  etroite  el 
durable  avec  Rome  centre  les  Seleucides.  De  la  I'epithete  de  «  fidele  »,  quitenait 
fort  au  coiur  de  ses  citoyens. 

Cette  fidelite  se  traduisit,  malheureusement,  par  un  grand  zele  pour  le  culte 
imperial;  des  195  av.  J.-C,  au  temps  de  la  pleine  puissance  d'Antiochus  le 
Grand,  Smyrne  avait  erige  un  temple  a  la  «  Deesse  Rome  » ;  voila  pourquoi, 
en  20  de  notre  ere,  elle  fut  preferee  par  ses  maitres  a  Epliese  et  a  Pergame  pour 
Tereclion  d'un  Augusteum  a  Tibere,  a  Livie  et  au  Senat  (Γα(•Λβ,  Annales,  iv,  15). 
Le  Κοινόν  d'Asle  y  celebrait  des  fetes  periodiques  en  I'honneur  des  Augustes,  et 
c'est  a. cette•  occasion  que  saint  Polycarpe,  —  qui  peut-etre  en  etait  dej^i  I'eveque 


Al'OGALYPSE    DE    SATXT    JEAN.  27 

C.  II.  8.  Et  a  I'Ange  d«  TEglise  [qui  est]  a  Srmyrne,  ecris  : 
«  Voici  c.e  que  dit  le  Premier  ert'  le  Dernier,  qui  s-'est  trouve  mort  et  a 
[rftjvecu:.  &.  Je  connais  ta  tribulation  et  ton  indigence,  — mais  tu  es  riche! 
—  et  le  blaspheme  [proferej  par  ceux  qui  disent  6tre  Juifs^  —  et  ils  n&  le 
sont  pas,  mais  une  synag-ogne  de  Satan !  10.  Ne  crains  rien  [des  peine»] 
que  tu  es  pres>de  souffrir.  Voici  que  le  diable  est  pres  d'[eii]  jeter  d'entre 
vous  en  prison,  pour  que  vous  soyez  tentes;  et  vous  aurez  une  tribiilatiou 
de  dix  joura,  Troiive-toi  fidele  jusqu'ii  la  mort,  et  je  te  donnerai  la  couronne 
de  lavie.  11.  Geluiequica  des  oreilleSj  qu'il•  eutende  ce  quel'Esprit  dit  aux 
EgLbes  :  Le  victorieux  ne  sera  jamais  atteint  par  la^  S«conde  Mort.  » 


au  temps  de  Γ  Apocalypse,  car  il  est  mort  tres  vieux,  —  subit  le  martyre  pour 
avoir  refuse  de  dire  :  «  Cesar  est  Seigneur  ».  Les  Juifs  pousserent  le  peuple 
a  demander  sa  mort  [Mart.  Pol.  xii,  xm,  xvii,  xviii).  Par  ailleurs,  on  y  honorait 
specialement  un  Zeus,  la  «  Magna  Mater  »  anatolienne  sous  le  nom  de  Nemesis, 
et  Homere  comme  iieros  local. 

La.  «  couronne  de  vie  »  est  una  image  neotestamentaire,  tres  claire  en  soi, 
maisf-  qui  peut  contenir  une  allusion  a  la  «  couronne  de  Smyrne  » ;  de  meme 
Apollonius  de  Tyane  avail  souliaite  a  la  ville  «  une  couronne  de  citoy-ens  ver- 
tueux  »  plutot  que  de  b^timents  et  de  portiques.  Le  Γ(νου  πιστός,  fidele,  fidele 
jusqu'a  la  mort.  peut  etre  la  transformation  d'un  compliment  banal,  que  les 
Smyrniotes  altendaient  dans  toutes  les  allocutions  profanes,  en  un  merveilleux 
eloge  divin.  Un  chretien,  dit  justement  Ramsay,  pouvait  etre  un  patriote,  fier 
des  gloires  de  son  pays.  Ainsi  saint  Paul  se  glorifiait  de  Tarse  [Act.  xxi,  39). 
Ces  lettres,  ajpute  le  savant  ecossais,  montrent  mieux  le  caractere  de  Jean 
qu'aucune  autre  parlie  du  livre,  car  il  est  ici  plus  en  contact  avec  les  realites 
presentes.  —  Mais  ou  est  alors  le  Judeo-chretien  fanatique  de  Renan  et  d'autres 
exegetes  pretendus  psychologues,  le  Jean  n'ayant  qu'un  mepris  amer  et  sans 
nuances  pour  tout  ce  qui  est  aimable  ou  glorieux  dans  la  vie  terrestre,  et 
I'hist^ire  des  Gentils?  (Rams^^y,  Lettres,  cli.  xix-xx). 

G.  La  Let  ire  a  Per  game. 

A.  12'-1'3.  La  double  repetition  de  rarticle  (τήν  οξεϊαν  est  omis  g,  Prim.)  semble 
monti'cr  ici  une  intention  de  style;  aussi  avoiis-nous  repete  le  mot  «  epec  »,  —  τα 
'έργα  σου  /.at,  enti•^  οίδχ  et  ποί,  [Or.,  And.,  pier.),  absent  de  C,  A,  g,  vidg.,  syr.),  est 
possible  pour  p.  Soden,  rejete  de  Tisch,  W-H,  Nestle,  Swete.  —  Le  v.  13  presents 
des  lemons  fort  diverses  apres  -t'aitv  [a&u. 

a)  κα•.  h)  τ-χΓ;  ^•μ^χ'.;  ί»'«^ο•  '■'■  i'^  diebus  ilUs  »)  Άντί-ας  ό  [i.  ij.ou,  b  r.  αου,  δ;  άττίκτάνθη.. 
(A,  C,  Prim,  i'ulg,  etc.). 

b)  (manque  κα•  χ,  Q)  έν  τχΓς  ήυ..  έν  αΤς  (εν  ταϊς  Ν*  premiere  main,  οάς  Q,  I'CC.  Κ)  Άντί;;ας 
δ  μ.  μου  δ  r..   μου,  _ο;  (manque  δς  ΐ'ί</^••.'•ο'"'Ί««•,  syr  i^"',   ct/i.   at.)  irex.    (Κ,   Q,   rec.   K,  syr, 

pier.). 

Lai  diiTiculto  qui  a  cause  celle  fluctuation  du  texte  vienl  du  nominatit  'Avrtnoee, 
qui  est  une  erreur  pour  le  genitif  Άντιττϊ;  mais  pareille  faute  de  distraction  esl  fort 
admisaible  dans   TApocalypse;  non  seulement  Λ  et  C,  et  la  plupart   des    temoins 


28  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

C.  II.  12.  Και  τω  άγγέλω  τ'ής  εν  Περγάμω  εκκλησίας  γράψον 
Τάδε  λέγει  ο  έχων  τήν  ρομφαίαν  *τήν  δίστομον  *τήν  οξεϊαν*  13.  Οιδα  *πο•)  κατοικείς, 
οχου  ό  ^ροΊος  τοΰ  Σατανά.  Και  κρατείς  το  ονομά  μου,  και  ουκ  ήρνήσω  τήν  πιστιν  μου, 

και  έν  ταΐς  ήμέραις  *Άντίπας  *ό  μάρτυς  μου  ό  πιστός  *μου,  *ος  άπεκτάνθη  χαρ' 
ύμίν,  οπού  ό  Σατανάς  κατοικεί.  14.  Άλλ'  εχω  κατά  σου  ολίγα,  'ότι  έχεις  έκεϊ  κρα- 
τοΰντας  τήν  διδαχήν  Βαλαάμ,  ος  έδίδασκεν  *τω  Βαλάκ  βαλεΤν  σκάνδαλον  ενώπιον 
των  υίών  Ισραήλ,  ^^ίγεϊν  ειδοΛόθυτα  καΐ  πορνεΰσαι.  15.  ΟίΙτως  έχεις  και  συ  κρα- 
τουντας  τήν  διδαχήν  των  Νικολαϊτών  ομοίως.  16.   Μετανόησαν   ουν  ει  δε  μη,  έρχομαι 

σοι  ταχύ  και  πολεμήσο3  μετ'  αυτών  *έν  τη  ^ομφαία  του  στόματος  μου.  17.  Ό  έχων 
ους  ακουσάτω  τί  το  πνεύμα  λέγει  ταϊς  έκκλησίαις"  Τω*  νικώντι  δώσω  *αΰτω  *του  μάννα 
του  κεκρυμμένου,  και  δώσω  αϋτω  ψηφον  λευκήν,  και  έπι  τήν  ψή^ον  όνομα  καινον 
'γε'{ρ<χμμέ'^θ'),  ο  ουδείς  *οιδεν  ε'ι  μή  6  λαμβάνων. 

grecs  I'ont  conservee,  mais  les  versions  latines  la  confirment.  Inutile  de  supposer 
ςα'Άντίπας  ait  ete  traite  comme  indeclinable;  la  conjecture  de  Lachmann,  qui  pense 
que  le  texte  aurait  porte  (par  dittographie  de  o?)  ΑΝΤΙΠΑΟ  0  niGTOG,  etc.,  et  qu'on 
aurait  pris  le  premier  Omicron  pour  un  sigma,  est  ingenieuse,  mais  sans  aucun  appui 
dans  les  mss.  Bousset,  qui  admet  α?ς  et  δς,  juge  qu'il  faut  sous-entendre  la  copule 
apres  Άντίπας;  «  aux  jours  oil  [etait,  vivait)  Antipas,  mon  temoin..,.  qui  »;  v.  Sodcn 
considere  aussi  I'addition  du  relatif  comme  possible.  Mais  I'autorite  du  grand  nombre 
des  codex,  et  des  meilleurs,  et  I'influence  exercee  sur  les  versions,  nous  invitent 
plutot  a  rejeter  αΤς,  et  a  conserver  8ς,  avec  W-H,  Nestle  {Swete  a  corrigo  dans  son 
texte  Άντίπας  en  Άντιπα).  Les  scribes  auront  voulu  sauver  la  grammaire  en  ajou- 
tant  αΧς,  h  αΤς,  ou  en  suppriniant  8ς.  —  μου,  apres  πιστός,  dans  A,  G,  syr'^^'•',  al.,  est 
possible  pour  Soden,  et  admis  de  Tisch.  W-H,  Nestle,  Swete. 

B-C.  12-13.  Jesus  apparait  avec  I'epee  (cfr.  i,  16  et  comment.),  et  le  contexte  de 
la  lettre  indique  tres  clairement  qu'il  s'agit  ici  de  la  puissance  irresistible  de  la  parole 
divine.  C'est  peut-etre  chercher  bien  loin  que  de  la  mettre  en  rapport  avec  les 
cometes,  comme  Boll,  p.  55,  d'apres  une  analogic  tres  insuflisante  avec  VApoc.  de 
Daniel.  Pergame,  entre  toutes  ces  villes,  pouvait  otre  appelee  «  trone  de  Satan  », 
a  cause  de  la  renommee  des  mysteres  et  du  pelerinage  d'Asklepios,  dieu  dont  le 
serpent  etait  I'embleme,  puis  du  magnifique  autel  de  Zeus  Soter  qui  dominait  les 
vallees,  et  surtout  comme  centre  du  culte  imperial,  et  residence  possible  du  proconsul 
romain  (v.  Exc.  vi).  Pour  Antipas,  v.  Lmrod.  ch.  in  et  xiii.  Les  Chretiens  de  Pergame, 
dans  cette  citadelle  de  I'ennemi,  «  tenaient  le  nom  »  du  Fils  de  I'Homme,  c'est-a-dire 
le  nom  divin  de  «  Seigneur  »  applique  au  Ghrist,  non  a  I'empereur  {Si^'ete).  Antipas 
pouvait  avoir  ete  martyriso  pour  avoir  refuse  le  premier  le  culte  a  Gesar  [Holtzmann). 
Etait-il  jusque-la  le  seul  martyr,  ou  le  premier  d'une  serie?  Etait- ce  sous  Domitien, 
ou  deja  sous  Neron?  κα\  έν  ταίς  ήμεραις  suppose  plutot  une  epoque  passee.  Μάρτυς,  le 
m^me  titre  qui  est  donne  au  Ghrist,  le  Temoin  fidele  de  i,  5;  iii,  14,  en  est  arrive 
vite  a  prendre  la  signification  de  «  temoin  par  le  sang  » ;  mais,  au  temps  de  I'Apoca- 
lypse,  il  n'est  pas  si  restreint,  et,  en  d'autres  passages,  s'applique  aussi  bien  aux 
«  confesseurs  ». 

i  A.  B.  C.  14-15.  τω  Βαλάχ  corrige  en  τον  Β.  dans  Orig.  et  rec.  K,  supprime 
dans  Kv  Le  datif  a  certaine  couleur  d'hebraisme  (S  IdS),  pourtant  il  se  rencontre 
deux  fois  chez  Plutarque  apres  διδάσχω,  et  assez  souvent  plus  tard;  And.  a  Iv  τω 
Βαλαάμ  τόν  Βαλάκ.  Pour  ces  deux  noms,  voir  Num,  xxv  et  xxxi.  Symbolisme  de 
«  Balaam  «,  cfr.  Jude  11,  et  ii*  Pet,  n,  15.  Ces  Bil^amites,  d'apres  la  tournure  de  la 
menace,  appartenaient   encore,  d'une   maniere    lache,    a   la    communaute.    Nous   y 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAX.  29 

C.  II.  12.  Et  k  I'Ange  de  I'og-lise  qui  est  k  Pergame,  ecris  : 

((  Voici  ce  que  dit  Celui  qui  a  I'epee,  r[epee]  a  deux  tranchants,  Γ[έρββ] 

aigue  :  13.  Je  connais  ou  tu  habites,  [la  meine]  ou  [est]  le  trone  de  Satan. 

Et  tu  tiens  [ferme  k]  mon  nom,  et  tu  n'as  pas  renie  ma  foi,  meme  aux  jours 

d'Antipas,  mon  temoin,  mon  fidele,  qui  a  ete  tuo  chez  vous,  ou  Satan  habite. 

14,  Mais  j'ai  contre  toi  quelque  chose  :  [c'estj  que  tu  [en]  as  la  qui  tiennent 
la  doctrine  de  Balaam,  qui  enseig'nait  k  Balak  k  jeter  un  scandale  en  face 
des  ills   d'lsrael,   [pour  leur  faire]   mang-er  des  idolothytes  et  forniquer. 

15.  Ainsi  tu  [en]  as,  toi  aussi,  qui  tiennent  la  doctrine  des Nicolaitesde meme 
maniere.  16.  Convertis-toi  done;  sinon,  je  viens  k  toi  promptement,  et  je 
guerroirai  avec  eux  par  I'epee  de  ma  bouche.  17.  Celui  qui  a  des  oreilles, 
qu'il  entende  ce  que  I'Esprit  dit  aux  Eglises  :  Au  Victorieux  je  lui  donnerai 
de  la  Manne  qui  est  cachee,  et  je  lui  donnerai  una  petite  pierre  blanche,  et 
sur  la  petite  pierre  un  nom  nouveau  ccrit,  que  personne  ne  connait  sinon 
celui  qui  [le]  revolt.  » 


voyons,  avec  Holtzmann  et  la  plupart,  les  momes  que  las  Nicolaites  de  ii,  6. 
(Exc.  xi).  Leur  «  fornication  »  n'est  peut-etre  que  la  connivence  avec  I'idolatrie; 
mais  il  est  egalement  possible  de  la  prendre  au  sens  propre,  car  les  fetes  religieuses 
de  Pergame,  auxquelles  ils  prenaient  part,  n'etaient  pas  sans  entrainer  des  desordres 
moraux  {Si\'ete).  Joh.  Weiss,  avec  sa  theorie  precongue,  veut  attribuer  le  v.  15  au 
redacteur. 

— — —  A,  B.  16-17.  Ojv,  si  rare  dans  VApoc,  est  omis  N•,  al.,  g,  culg.,  syr.  Prim. 

—  Έρ/ομαί  σοι,  dativus  incommodi  —  αύτω  de  17  (pleonasme,  Lntrod.  x,  §  II)  omis  κ. 

—  νικοΰντι  dans  A,  C.  —  του  [χάννα,  partitif,  est  de  tres  bon  grec;  pourtant  on  lit  άπο 
του  μαννά  Ρ,  And,  syr'^^^^^^,  arm,  g,  Tyc.  —  «  Manne  »  cfr.  Joh.  vi,  surtout  31-32, 
49-suiv.  —  «  Manne  cachee  »,  cfr.  II  Mace,  ii,  4,  et  plutot  Exode  xvi,  23.  —  «  Nom 
nouveau  »  cfr.  Is.  lxii,  2;  lxv,  15;  Apoc.  in,  12  et  xix,  12.  Cette  «  manne  »,  nourriture 
du  paradis,  est  mentionnee  plus  d'une  fois,  dans  les  Apocryphes;  ainsi  III  Sih.  vers 
86  (prooemium  tardif)  :  «  le  doux  pain  du  ciel  etoile  » ;  Vita  Adami  et  Evae,  iv,  «  la 
nourriture  des  Anges  «,  d'apres  Ps.  lxxviii,  25;  de  meme  le  «  nom  nouveau  »  ou 
secret,  Hen.  eth.  lxix  (nom  du  «  Fils  de  I'Homme  »);  Asc.  is.  vn,  37;  viii,  7;  ix,  5 
(nom  du  «  Bien-Aime  »);  et  ailleurs. 

C.  16-17.  Peut-otre  I'allusion  a  Balaam  et  a  la  generation  du  desert  a-t-elle 
amene  ici  I'allusion  a  la  «  manne  «  (Jo/i.  Weiss).  La  plupart  des  commentateurs, 
pour  expliquer  I'epithete  de  «  cachee  «,  pensent  a  II  Mace,  u,  4,  d'apres  lequel  I'arche, 
contenant  la  manne,  eut  ete  cachee  sur  le  mont  Pisgah,  ainsi  qu'a  la  legende  juive 
predisant  qu'elle  serait  retrouvee  au  temps  du  royaume  messianique  (voir  Comm.  de 
XI,  19,  infra;  Baruch  syr,  xxix,  8;  Sib.  vii,  vers  148-suiv.,  passages  rabbiniques 
reunis  dans  Wettstein,  sur  cette  legende).  Nous  preferons,  avec  Hort  et  Si\'ete,  voir 
ici  une  simple  allusion  au  vase  plein  de  manne  contenu  dans  I'arche  Ex.  xvi,  23. 
Quant  au  sens  de  Jean,  il  se  refere  clairement  k  la  nourriture  spirituelle  qu'est 
I'Eucharistie  {Orig.,  sch.  xiv,  Prim.,  Bede,  Denys  etc.)  Andre  dit  tres  justement  :  μαννά 
δ:  χεκρυμαένον,  ό  άρτος  της  ζωής  δ  ουράνιος,  ούράνοθεν  δι'  ήμας  κατελθών,  χα\  βρώσιμος  γενόμενος- 
τροπικώς  δε  και  τα  μέλλοντα  αγαθά;  ainsi  c'est  I'Eucharistie  dans  le  temps,  gage  et  figure 
(τροπικές)  des  Mens  de  la  vie  future;  Vict.  :  I'immorlalile.  Ce  mets  celeste  s'oppose 
aux  viandes  sacrifiees  aux  idoles  [Arelhas  :  τω  νικώντι  οοΟηναι  φαγιΐν  τοΰ  μάννα  αντί  της 
άκαθίρτου  βρώσπως  {jtUt/cxo;  Hort,  Boiisset,  al.).  Seul  le  Vainqueur  peut  experimenter 


APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN. 

completement  Ic  goiVtde  I'liumauite  sacree  du  Christ  (.9ii'e/e)  ;  peut-etre  y  a-t-il  allusion 
aux  gouts  secrets  et  varies  de  la  maune,  dans  la  legende  rabbinique.  —  La  «  petite 
pierre  bla^Clie  »  et  le  «  nom  nouveau  «  ont  cause  aux  exegetes  de  grands  embarras. 
Le  blanc  est  'tout  simplement  la  couleur  de  bon  augure  {dies  albo  notanda  lapillo). 
Que  ce  caillou  soit  une  «  tessera  -honoris  »,  une  pierre  incrustee  dans  tm  amieau 
[Holtz.],  une  pierre  precieusecomme  celles  qui  etaient  tombees  avec  la  manne  (Weil- 
stein,  d'apres  le  Talmud,  Josue  &\,  une  houle  blanche  pour  I'acquittement  au  tribunal, 
pour  servir  de  billet  d'entree  au  spectacle,  etc.,  cela  importe  peu;  I'image  presfinte 
en  effet  de  I'analogie  avec  une  foule  d'usages  de  la  vie  antique.  L'important  est  le 
nom  qui  y  est  grave.  11  est  possible  que  I'image  soit  prise  des  amulettes  portant 
un  nam  magique  [Bousset,  d'apres  Heitmidler  Im  Namen  Jesu,  Joh.  Weiss,  Boll, 
p.  28,  Clemen,:^.  184,  etc.);  mais  ce  n'est  rien  de  plus  qu'un  symbole,  n'entrainant 
certes  aucune  idee  superstitieuse.  Ce  «  .nom  nouveau  »  designe  un  renouvellement 
de  la  nature,  I'essence  et  le  nom  etant  solidaires  d'a.pres  les  conventions  antiques. 
Que  ce  soit  un  nom  secret  de  Oieu  (/.  IVeiss),  ou  du  Christ  (cfr.  in,  12;  xix,  19), 
ou  bien  un  nom  exprimant  le  changement  apporte  dans  I'ame  du  Vainqueur  lui-meme, 
c'est  toujours  une  participation  plus  grande  a  la  nature  divine,  un  accroissement  de 
grace  que  peut  seul  comprendre  et  apprecier,  dans  I'intimite  de  son  ame,  celui  qui 
le  recoit.  C'est  bien  plus  que  ce  que  voudrait  Calines,  un  simple  billet  d'entree  pour 
prendre  part  aux  reunions  de  I'eglise  de  Pergame,  congue  comme  une  sorte  de 
societe  secrete;  mais  ce  n'est  pas  non  plus  purement.et  premierement  la  vision  et  1« 
bonheur  eschatologiques.  Dilsterdieck  I'exprime  parfaitement.  quoi  qu'en  pense.fioi/ssei : 
«  Ce  nom  donne  une  expression  a  la  gloire  nouvelle  des  enfants  de  Dieu,  qu'eux  seuls 
peuvent  voir,  et  dont  les  non  appeles  n'ont  aucun  soup^on  ».  II  est  evident  que  ce 
caractere  secret  (comme  la  manne  cachee],  ne  convient  qu'alla  vie  terrestre,  et  non 
au  ciel,  ou  toute  splendeur  eclatera  (voir  I  Joh.  in,  2,  et  I  Cor.  xiii,  9-12). 


EXC.  VI. PERGAME  ET  L  EGLISE  DE  PERGAME. 

Pergame,  aujourd'hui  Bergama,  localite  dc  peu  d'importance,  etait  alors  une 
ville  orgueilleiise  et  splendide,  aussi  fameuse  par  sa  puissance  politique  que 
par  ses  ceuvres  d'art,  sa  richesse  industrielle  due  a  la  fabrication  du  parchemin, 
sa  renommee  religieuse  et  son  iniluenee  pour  la  propagation  de  la  culture  helle- 
nique.  Son  site  meme,  le  roc  de  plus  de  300™,  contrefort  de  la  chaine  de  rHermos, 
d'ou  elle  dominait  la  plaine  assez  basse  du  Caicus,  eut  suffi  a  lui  imprimer  un 
caractere  de  force  et  de  majeste  royale.  Cette  «  cite  de  Tautorite  »  comme 
I'appetle  Ramsay,  dont  la  haute  fortune  datait  de  I'an  .282  (oii  elle  devint  capi- 
tale  du  royaume  des  Attalides),  possedait  une  certaine  hegemonie  sur  toute  la 
province  :  έχει  δε'  τίνα  ήγε.μ.ονίαν,  dit  Siraboii  xui,  4;  des  savants  comme  Ramsay 
(cfr.  Chapot,  .La  Provinoe  roinaine  .proconsulaire  .d'Asie  1904)  veulent  meme 
qu'elle  ait  ete,  plutot  qu'Ephese,  le  siege  du  proconsul  romain.  Quoi  qu'il  en 
soit,  elle  avait  une  grande  importance  dans  le  gom^emement,  car  c'est  la  que 
fut  eleve  le  premier  temple  du  culte  imperial  provincial,  dies  Tan  29  av.  J.-C. ; 
sous  Auguste,  les  monnaies  de  Pergame  portent  I'inscription  ΘΕΟΝ  CYNKAH- 
TON,  ΘΕΑΝ  ΡΩΜΗΝ,  ΘΕΌΝ  CEBACTON;  un  second  et  un  troisieme  furent 
consacres  en  I'honneur  de  Trajan  et  de  Septime-Severe.  Les  quatre  grandee 
divinites  poliades  etaient  Zeus  Soter,  Athena  iNicephore,  Asklepios  Soter  et 
Dionysos  Kathegcmon.  Les  pelerinages  des  malades  au  sanctuaire  d'Asklepios, 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX,  31 

(oil  se  pratiquait  I'inc-ubation  et  se  faisaient  des  guerisons  censees  miraciileuses), 
les  Mysteres  de  Dionysos  avec  la  confrerie  des  Βούκολοι,  surtout  le  colossal  autel 
enplein  air  de  Zeus  avec  sa  Gigantomachie,  frise  grandiose  ou  les  Grecs  avaient 
eternise  le  souvenir  glorieux  de  leur  resistance  a  liavasion  celtique  du  iii*^  siecle, 
et  qui,  sans  etre  place  au  point  culminant  de  la  cite  royale,  dominait  pourtant 
d'une  haute  terrasse  presque  tout.le  panorama,  tout  cela  lui  assurait  une  splen- 
deur  religieuse  incomparable.  Ces  divers  cultes  etaient  allies  et  plus  ou  moins 
fondus  entre  eux,  et  s'arrangeaient  fort  bien  avec  celui  dee  Cesars.  Le  pretre 
de  Zeus  Soter  etait  aussi  «  pretre  du  divin  Auguste  ».  Dionysos-taureau  fra- 
ternisait  avec  Asklepios-serpent;  les  mysteres  plirygiens  declaraient  que  «  le 
taureau  estpere  du  serpent,  et  le  serpent  pere  du  taureau  ».  Et  tout  cela  faisait 
bien  de  Perg'ame  «  le  trone  de  Satan  »,  car  nuUe  part  le  paganisme  n'etalait 
plus  orgueilkusement  sa  force.  Surtout  la  situation  de  I'autel  de  Zeus,  visible 
de  tres  loin  du  fond  de  la  plaine,  a  pu  amener  cette  meiapliore  [Deissmann, 
L.  0.^,  p.  210),  en  meme  temps  que  I'embleme  d'Asklepios,  pareil  au  Dragon, 
au  Serpent  de  la  Genese,  et  aussi  le  mysticisme  paien  de  la  religion  diony- 
siaque  («  Deuxieme  Bete  »  de  VApoc.  xiii),  et  Tantiquite  du  culte  imperial 
(«  Premiere  Bete  »).  Deja  les  rois  Attalidos  s'y  etaient  fait  adorer,  et  on  a 
retrouve  un  temple  ionique  ou  devait  etre  celebre  leur  culte.  C'etait  la  syntheee 
de  Satan,  de  TAnteclirist ;  aussi  semble-t-il  que  ce  soit  la  que  commencerent 
les  persecutions  en  Aeie  (Antipas).  Doerpfeld  et  Hepding  ont  explore  les  ruines 
de  cette  grandeur. 

Dans  la  lettre,  le  glaive  du  Christ,  pouvoir  spirituel  de  la  parole  divine,  est 
lerableme  de  Tautorile  absolue  du  vrai  Seigneur,  du  droit  de  vie  et  de  mort 
eternelles,  oppose  au  «  jus  gladii  »  de  Cesar  et  de  son  proconsul,  en  meme  temps 
qu'a  la  victoire  profane  celebree  par  la  Gigantomachie.  Les  Nicolaites,  ou  nous 
voyons  plus  que  des  laxistes  pratiques,  pouvaient  ceder  a  laientation  de  pacliser 
avec  Asklepios  ou  Dionysos;  pour  essayer  de  dissimuler  leur  crainte  du  glaive 
temporel,  ils  auraient  convert  leurs  err^urs  d'une  teinte  mystique  de  syncretieme 
doctrinal,  et  aifiche  des  pretentions  prophetiques  qui  expliqueraient  I'allusion  a 
Balaam.  Le  Christ  les  menace  du  glaive  bien  plus  dangereux  de  sa  parole  qui 
excommunie  ou  damne  pour  leternite.  Quant  aux  fideles  qui  resistenl  a  la  ten- 
tation,  la  «  manue  »  opposee  aux  mets  sacres  des  mysteres  et  des  banquets 
parens  (auxquels  les  laxistes  s'asseyaient  sans  doute  com  me  a  Corinthe  I  Cor. 
X,  20-21)  entretiendra  en  eux  la  vie  divine  par  les  vertus  secretes  de  lEucha- 
ristie,  et  transformera  de  plus  en  plus  leur  nature,  ce  qu'exprime  le  nom  nouveau. 
Toutes  ces  images  etaient  fort  intelligibles,  non  seulement  pour  un  Juif,  raais 
pour  un  paien  mystique  du  i*' siecle.  On  pent  du  reste  rappeler  qu'^Elius  Arie- 
tide  [Hymne  a  Asklepios,  ιΓιη)  a  Pergame  ;meme,  au  ii^  siecle,  dit  avoir  regu 
d'Esculape,  dans  une  incubation,  le  nom  nouveau  de  «  Theodoros  »,  avec  un 
objet  symbolique,  un  σύνΟευ.«,  dont  la  vue  lencourageait  dmvs  les  circonstances 
difliciles  (Ramsai/,  Letters,  p.  313).  Si  c'etait  la  un  fait  courant,  familier  aux 
miracules  du  dieu,  on  admirerait  encore  plus  I'appropriation  de  la  prophetie 
aux  habitudes  d'esprit  des  Pergameniens  (Ra.msav,  Letlers,  ch.  xxi-xxii;  Swete, 
Apoc.  p.  Ixii). 


32  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

D.  Lettre  «  Thyatire 

C.  II.  18.  KiJii  τω  Λ^-(έ\ω  *':ης  έν  ΘϋΛτεφοις  εκκλησίας  γράψ:ν' 
Τάοΐ  λέγει  c  υΓος  του  θεοΰ,  ό  έχων  τους  οφθαλμούς  *aj-o•)  ώς  φλόγα  τυρός,  και 
*c'.  πόδες  αυτοΰ  όμοιοι  χαλκολιβάνω"  19.  ΟΓδα  σου  τα  έ'ργα  και  τήν  άγάζην  και  τήν 
7:ίστιν  και  τήν  διακον(αν  και  τήν  ΰπομονήν  σου,  και  τα  ^ργα  σου  τα  έσχατα  ττλείονα 
των  πρώτων.  20.  Άλλα  εχω  κατά  σου  ότι  *άφείς  τήν  *γυναΤκα  Ίεζαβελ,  *ή  λέγουσα 
έαυτήν  προφητιν  *και  διδάσκει  και  πλάνα  τους  *έμους  δούλους  πορνευσαι  και  φαγείν 
είδωλόθυτα"  21.  και  έδωκα  αυτή  χρόνον  ί'να  μετανοήσγ;,  και  οΰ  θέλει  μετανοί5σαι  εκ 
τί^ς  πορνείας  αυτής.  22.  'Ιδού  βάλλω  αυτήν  ε'.ς  κλίντ,ν,  και  τους  μοιχεύοντας  μετ' 
αυτής  εις  θλΐψιν  μεγάλην,  εάν  μή  *μετανοήσουσιν  εκ  των  έργων  *αυτής.  23.  Και  τα 


Α.  Β.  18.  τω  pour  της  dans  Α,  qui  omet  de  plus  εκκλησίας;  της  omis  dans  C.  On  a 
pu  se  demander,  d'apres  cette  Ιβςοη  de  A,  si  le  texte  primitif  ne  portait  pas,  dans  les 
sept  lettres,  seulement  τω  Iv...,  et  si  εκκλησίας,  avec  ou  sans  i'article,  n'est  pas  un  mot 
explicatif  surajoute.  Corrections  :  φλόξροηΓ  φλόγα  (ν,  al.);  omission  de  αϋτοΰ,  pleonasme 
qui  sent  I'hebraisme  (A,  al,  g,  vulg.,  syr.,  Prim.) ;  τους  πόδας  όιχοίους  pour  o\  πόΚ^ς  (Αν  31- 
Scr.  466-598)  v.  Introd.,  ch.  x,  §  II).  —  Gfr.  i,  14,  15). 

C.  18.  Thyatire  etait  uneville  commer^ante,  avec  de  nombreuses  guildes  d'artisans; 
on  fabriquait  le  -/αλκολίβανος  pres  de  Sardes,  et  Thyatire  est  dans  la  meme  region 
(Exc.  Yii).  «  Fils  de  Dieu  »  ne  se  rencontre  litteralement  qu'ici  dans  toute  I'Apoca- 
lypse;  mais  I'idee  est  impliquee  i,  6;  n,  28;  in,  5,  21;  xiv,  1,  Les  κ  yeux  de  feu  »  per- 
cent les  tenebres  ou  veut  se  cacher  la  Jezabel,  ils  penetrent  les  «  profondeurs  de 
Satan  »;  les  «  pieds  d'airain  »  sont  prets  a  ecraser  tout  peche  [Jolt.  Weiss,  al.). 

.  B.  C.  19.  διακονία,  cfr.  Rom.   xv,  25,  31;  I  Cor.  xvi,  15;  II  Cor.  viii,  4;  ix,  1; 

lleb.  vi,  10;  mot  paulinien.  Ces  passages  en  determinent  le  sens;  πίστις,  ici,  d'apres  le 
contexte,  signifie  plutot  fidelite.  L'eloge  est  juste  I'im'erse  du  blame  a  Ephese. 

■i—^—  A.  B.  20.  άφηκας  pour  αφεϊς,  correction  a'Andre;  cet  if-i-oj  OU  άφ'.έω  pour 
αφίημι  repond  a  la  tendance  hellenistique  a  laisser  tomber  les  verbes  en  -ai  (Introd., 
ch.  X,  §  II,  et  Moulton-Milligan,  a  ce  mot;  cfr.  xi,  9  :  άφίουσιν)  —  σου  est  ajoute  apres 
γυναίκα  :  «  ta  femme  Jezabel  »,  A,  Orig.,  α  503-156-616,  al,  rec.  K;  ce  mot  est  douteux 
pour  W-H;  Hon,  dans  son  commentaire,  y  voit  une  interpolation;  Tisch.,  Nestle, 
Styete,  Bousset,  Soden  le  rejettent  deliberement;  au  contraire,  Zahn  le  juge  «  indubita- 
blement  authentique  »  et  Joh.  Weiss,  «  introuvable  »,  done  vrai.  Mais  Bousset  avance 
plus  justement  que  c'est  un  σου  ajoute  par  la  distraction  d'un  scribe  aux  nombreux 
σου  du  passage.  —  ή  λέγουσα,  anacoluthe  tres  irreguliere,  mais  d'un  genre  frequent  dans 
I'Apocalypse  (Introd.,  ch.  x,  §  II),  a  ete  corrige  en  ή  λέγει  (rec.  Κ,  Q,  al.  And.,  ou  την 

λέγουσαν,  j^corr^  p^  al.   Winer  \Q\xi  lire  ή,  λέγουσα  ...  κα\  πλάνα,  «  celle  qui,  se  disant , 

egare  aussi  «,  tournure  qui  ne  se  rencontre  pas  ailleurs  dans  notre  livre.  Bousset 
ne  juge  pas  impossible  que  η  soit  un  relatif,  la  copule  demeurant  sous-entendue, 
mais  il  prefere  I'anacoluthe;  et  nous  aussi  —  Remarquer  le  passage  du  participe 
au  verbe  fini  διδάσκει  (Ixtrod.,  ch.  x,  §  II).  —  «  Jezabel  »,  voir  Reg.  i  et  ii.  —  Le 
possessif  έαούς  ne  se  trouve  qu'ici  dans  le  livre  (I.ntrod.,  ch.  x,  §  L. 

G.  20.  «  Jezabel »  est  evidemment  un  nom  symbolique;  nous  pensons  qu'il  s'agit 
encore  des  erreurs  nicolai'tes;  n'y  aurait-il  pas  eu  pourtant  une  personnalite  concrete, 
une  femme,  dont  Faction  fortifiait  ce  parti  et  cette  tendance?  Mais,  comme  cette  femme 
appartient  evidemment  a  I'Eglise,  elle  ne  saurait  s'identifier,  contre  Schiirer  [T/ieolo- 
gische  Ahhandlungen,  dediees  a  Weizsiicker,  1892;  idem  Holizmann^,  a  la  pretresse  du 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  33 

C.  II.  18.  Et  a  I'Ange  de  FEglise  [qui  est]  k  Thyatirc,  ecris  : 
«  Void  ce  que  dit  le  Fils  de  Dieu,  [celui]  qui  a  ses  yeux  comnie  une 
flamme  de  feu;  et  ses  pieds  semblables  έ,  de  Γ  (?)  airain  :  19.  «  Je  connais 
tes  CEUvres  et  ta  charite  et  ta  foi  et  ton  service,  et  ta  patience,  et  tes  der- 
ni^res  oeuvres  plus  nombreuses  que  les  premieres.  20.  Mais  j'ai  contre  toi 
que  tu  laisses  faire  la  femme  Jezabel  —  celle  qui  se  dit  prophetesse  et  [quij 
enseigne,  et  egare  mes  serviteurs,  [jusqu'a]  forniquer  et  k  manger  des 
idolothytes.  21.  Et  je  lui  ai  donne  du  temps  pour  qu'elle  se  convertisse,  et 
ellene  veut  pas  se  convertir  de  sa  fornication.  22.  Voici  que  je  la  jette  sur 
un  lit;  et  ceux  qui  commettent  I'adultere  avec  elle,  en  grande  tribulation, 
s'ils  ne  se  convertissent  de  ses  oeuvres.  23.  Et  ses  enfants,  je  les  feraiperir 

sanctuaire  de  la  Sibylle  chaldeenne,  le  «  Sanibalheion  «  erige  a  Thyatire  (v.  Prologue 
des  Sibyll.,  Pausanias,  Periegese,  x,  12,  Justin,  Cohortatio  ad  Graecos,  37;  G.  I.  G. 
3509).  Comme  le  pronom  σου  n'a  aucune  garantie  d'authenticite,  il  n'y  a  pas  lieu  de 
suppose!'  que  ce  soil  I'epouse  de  I'eveque  (Ange)  de  Thyatire,  ni  I'epouse,  symbolique 
ou  non,  de  Γ  «  Ange  »  assimile  a  Achab  a  cause  de  sa  faiblesse  (contre  Grotius,  Zahn, 
J.  Weiss).  Ce  doit  6tre,  ou  un  pur  symbole  comme  Balaam  [Calmes,  avec  quelque  hesi- 
tation, apres  Orig.,  et  And.),  ou  une  fausse  prophetesse  inconnue,  qui  florissait  dans 
cette  ville  ou  il  y  eut  plus  tard  des  prophetesses  montanistes  (Bousset);  peut-etre  une 
femme  nicolaite  aurait-elle  voulu  rivaliser  avec  la  Sibylle  (Su'ete). 

—^~.  A.  C.  21.  L'aoriste  'έδωκα,  qui  n'a  pas  la  valeur  d'un  parfait,  montre  que  cette 
femme  ou  ce  parti  a  deja  ete  I'objet  d'une  reprimande  publique  (Bousset),  peut-^tre 
infligoe  par  Jean  lui-meme.  La  «  fornication  »  et  Γ  «  adultere  »  peuvent  non  seulement 
etre  des  figures  pour  la  connivence  avec  I'idolatrie,  mais  aussi  signifier  une  doctrine 
morale  laxiste  appuyee  de  pretendues  revelations,  et  faire  allusion  aux  desordres  qui 
eussent  accompagno  la  participation  des  Nicolaites  aux  banquets  paiens  des  asso- 
ciations ouvrieres. 

— ^—  A.  C.  22.  αετανοησωσιν  (C,  P,  Q,  minuscules)  pour  -σουσιν  (χ,  A)  Introd, 
ch.  X,  §  II;  —  αυτών  pour  αϋτης  A,  al,  afr.,  syr.,  semble  une  correction;  si  αΰΐης  est 
la  vraie  legon,  Jezabel  serait  done  plutot  une  coUectivite  personnifiee.  Jesus  la  menace 
de  la  «  Jeter  au  lit  »,  sur  le  lit  de  maladie,  contraste  sarcastique  avec  le  lit  de  I'adultere 
ou  le  triclinium  des  repas  sacres.  Mais  cette  maladie  elle-meme  est  une  fio-ure  et 
s'identifie  avec  I'ensemble  des  calamites  signifiees  par  θλίψις  [χεγάλη,  terme  presoue 
technique  dans  I'Apocalypse.  «  Ceux  qui  font  I'adultere  avec  elle  »  sont  tous  ceux 
qui  partagent  la  fausse  doctrine,  plutot  que  des  amants  au  sens  litteral  de  cette 
Jozabel ;  il  n'y  a  aucune  raison  de  les  distinguer  des  τέχνα  du  verset  suivant. 

A.  B.  G.  23.  έν  θανάτω;έν  instrumental,  et  pleonasme  qui  sent  encore  I'he- 
braisme,  quoiqu'il  ne  soit  pas  tout  a  fait  impossible  en  grec;  θάνατος,  en  efTet,  contre 
Hon,  signifie  ici  «  mort  »  et  non  «  peste  »  comme  vi,  8;  car  les  «  enfants  »,  ou  dis- 
ciples, —  les  memes,  a  un  autre  point  de  vue,  que  les  amants  de  22,  contre  Bousset  et 
Sivete,  —  sont  appeles  ainsi  a  cause  de  I'usage  symbolique  du  nom  de  Jezabel,  dont  les 
fils  furent  egorges  par  Jehu  (II  Reg.  x,  7).  Ainsi  Dieu  fera  sur  eux  un  exemple  pour 
toutes  les  eglises,  ce  qui  fait  supposer  que  Thyatire  avait  donne  un  grand  scandale. 
—  Ξραυνών,  legon  de  C,  et  A,  a  la  place  du  regulier  Ιρευνών,  est  une  forme  alexandrine 
attestee  dans  les  papyrus  depuis  le  i«'  siecle  de  notre  ere  [Moulton,  p.  67 ;  Blass- 
Dcb.,  p.  19);  elle  se  retrouve  Jo/i.  \,  39  et  vii,  52  dans  Ν  et  B,  mais  n'est  pas  admise 
de  Soden;  mot  johannique  et  paulinien.  Memo  image  Ps.  vii,  lo  (LXXi;  Jev.  χνπ  ΐο• 
XX,  12. 

APOCALYPSE   DE    SAINT  JEAN.  ο 


34  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAX. 

τέ/.νχ  αύτ-^c  ά-οκτενώ  *έν  *θχνάτω'  ν-αΐ  γνίόσονται  ττασχι  αϊ  έχκλησίαι  'ότι  εγώ  είμι  δ 
*έραϋνών  νεφρούς  και  καρΒίας,  καΐ  δώσω  ΟμΤν  έν.άστω  κατά  τα  έργα  υμών.  '24.  Τμϊν 
δε  λέγω  τοϊς  λοιχοΐς  τοις  εν  Θυατείροις,  όσοι  ουκ  εχουσιν  την  διδαχήν  ταύτην,  οιτινες 
οΰκ  έγνωσαν  τα  *βα^ε'α  του  σατανά,  ώς  *7.έγουσιν•  Οΰ  βάλλω  εφ'  ύμας  άλλο  βάρος. 
25.  Πλην,  ο  έχετε  κρατήσατε  άχρι  ου  αν  ήξω.  26.  Και  *ό  νικών  και  ό  Vr/ρών  άχρι 
τέ).ους  τα  εο^α  μου,  δώσο)  αυτώ  έςουσίαν  έττϊ  των  εθνών,  27.  και  ττοιμανεΐ  *αΰτούς 
*έν  ράδδω  σιδηρά,  ώς  τα  σκαύη  τα  κεραμικά  συντρίβεται,  28  ώς  κάγώ  εϊληΦα  -aphc. 
-ζου  -ιατρός  μου,  κα•  δώσω  αύτώ  τον  άστε'ρα  τον  ττρωϊνόν.  29.  Ό  έχων  ους  άκουσάτω 
τι  το  ττνευμα  λέγει  ταϊς  έκκλησίαις. 

-i—..  Α.  Β.  C.  24.  βαθέα,  sans  contraction  (Ιλτκοο.,  ch.  χ,  §  II)  dans  les  plus 
anciens  temoins,  sauf  N;  —  ώς  λέγουσιν  ;  nous  y  voyons  un  pluriel  impersonnel,  comme 
ailleurs  dans  I'Apoc.  (Ixtrod.,  ch.  x,  §  II),  plutot  que  de  supposer  avec  Hort  qne  les 
delinquants  designaient  ainsi  eux-memes  quelque  doctrine  secrete  du  genre  ophitique  .; 
il  s'agitpent-6tre  simplement  des  ceremonies  paiennes  icfr.  Bousset  et  Sn'ete).  —  Quant 
a  ...  άλλο  βάρος,  je  suis  porte  a  croire  avec  Hort  qu'il  n'y  a  la  qu'une  coincidence  acciden- 
telle  d' expression  avec  Act.  xv,  28,  quoique,  saint  Jean  ayant  pris  part  au  concile  de 
.Jerasalem,  le  sujet  des  idolothytes  eut  pu  lui  rappeler  cette  formule  du  decret  apos- 

tolique. 

_  C.  25.  Ό  Ι'χετε  κρατήσατε  ^cfr.  Ill,  11,  -/.patir  δ  k'/st;)  se  rapporte  aux  oeuvres 
louees  au  commencement  de  la  lettre,  plutot  qu'aux  clausules  du  decret  apostolique 
{Swete,  centre  de  Tiombreux  exegetes).  Jesus,  d'apres  Andre,  ne  demaade  pas  de 
refuter  ces  laxistes  doctrinaires  par  des  discours,  mais  seulement  de  tenir  ferme.  Lui- 
meme  «  %aendra  »  bientot,  pour  les  refuter  par  le  fait  du  chatiment,  de  la  θλίψις  ού  ils 
succomberont  avec  le  monde  profane. 

——A.  B.  C.  26.  °0  νικών,  «  nominatif  pendant  »  (Ιχτ.,  c.  x,  §  11);  —  τηρΰν,  mot 
iohannique.  —  δώσω...  εξ.  Ιπι  τών  έθν.,  cfr.  Ps.  ii,  8.  L'  «  autorite  sur  les  peuples  » 
est  letriomphe  des  croyants  dans  le  regne  messianique,  et  au  jugement;  impossible 
d'y  voir  avec  Calnies,  qui  pense  au  decret  de  Jerusalem,  I'idee  que  «  les  Judeo-clire- 
Liens  auront  le  pas  sur  les  Chretiens  issus  de  la  gentilite  »  •,  pareille  conception  est 
absolument  etrangere  a  Jean.  —  Remarquer  le  changement  d'ordre  entre  vtzSv  et 
7:v£uua  jusqu'a'la  fin  des  Lettres;  I'autenr  a  divise  intentionnellement  ce  septenaire,  en 
•λ  +  4,  comme  ceux  qui  suivront  en  4  -f  3  [Bousset,  v.  Iatrod.,  ch.  vti). 

_i.^_  A.  B.  C.  27.  αυτούς,  accord  ad  sensum;  εν  instrumental.  —  cfr.  Ps,  ii,  9.  — 
Si  Ton  se  rappelle  que  les  έθνη  designent  les  Gentils  irreductibles,  les  peuples  ennemis 
de  Dieu,  en  d'autres  termes  la  Cite  de  Satan,  on  verra  ici  le  triomphe  spirituel  de 
rEglise,'qui  se  eonsommera  a  la  Parousie,  et  non  pas  une  «  vengeance  sanglante  », 
comme  pretend  Renan,Joh.  Weiss  et  tons  ceux  qui  venlent  voir  dans  cette  fin  de 
lettre  un  esprit  judaique   qui  serait  en  parfaite  contradiction  avec  celui  qui  inspire 

I'ensemble  du  livre. 

__—  A.  B.  C.  28.  ειληφα  est  un  parfait  employe  dans  son  sens  le  plus  propre;  le 
Christ  reo-ne  deja  comme  Messie,  et  pour  toujours.  —  «  Je  lui  donnerai  I'etoile  du 
matin  »  s'^explique  adequatementpar  xsii,  16,  ού  Jesus  dit  :  εγώ  zlu...  ό  άσ-ήρ  δ  λα,ατΐρός 
δ  7:οωϊν6ς.  II  s'agit  donc  de  la  possession  du  Chris^t  lui-mcme,  ailleurs  promise  sous  ia 
foiTne  de  I'arbre  de  vie,  de  la  manne,  etc.  «  Christus  est  Stella  matutina,  qui  nocte 
steculi  transacta  lucem  vitiB  Sanctis  promittit  et  pandet  aelernam  »  [Bede;  id.  Beatus), 
et  c'est  par  la  participation  a  cette  lumiere  que  les  eglises  sont  des  λυ/νΐαι,  et  leurs 
Ano-es  des  αστέρες;  I'astre  du  matin  les  illumine  progressivement,  en  attendant  le  soleil 
dela  Parousie  [Swete].  L'image  entrainant  celle  du  crepuscule  se  refere  evidemment  a 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  35 

par  la  mort;  et  [elles]  saiiront,  toutes  les  eglises,  que  moi,  je  siiis  celui  qui 
sonde  reins  et  coeurs,  et  je  vous  donnerai  ci  vous,  k  cliacun,  selon  vos  oeuvres. 
■Ik.  Mais  a  vous  je  dis,  k  cenx  qui  restent  dans  Thyatire,  [a]  tous  ceux  qui 
n'ont  pas  cette  doctrine,  [a]  quiconque  n'a  pas  connu  les  «  profondeurs  de 
Satan  >>,  comma  on  dit  :  Je  ne  jette  pas  sur  vous  d'autre  fardeau.  25.  Seu- 
lement,  ce  que  vous  avez,  tenez-y,  jusqu'ci  ce  que.  je  vienne.  26.  Et  le 
Victorieux,  et  celui  qui  observe  jusqu'a  la  fin  mes  oeuvres,  je  lui  donnerai 
autorite  sur  les  nations ;  27.  Et  il  les  paltra  avec  une  verge  de  fer,  comme 
on  brise  les  vases  d'argile  ;  28  comme  moi  aussi  j'ai  recu  de  mon  pere.  Et 
je  lui  donnerai  I'Etoile  du  matin.  29.  Celui  qui  a  des  oreilles,  qu'il  entende 
ce  que  I'Esprit  dit  aux  eg-lises. 

la  vie  spirituelle  presente,  on  deja  le  fidele  possede  le  Christ,  suivant  une  doctrine 
chere  a  saint  Jean,  qui  en  remplit  son  Evangile  et  ses  epitres  :  «  Celui  qui  a  le  Fils  a 
la  vie  eternelle  »  I  Joh.  v,  12,  cfr.  u,  22.  On  ,peut  en  rapprocher  II  Pet.i,  19  ;  ...ε/ο[χεν... 
τον  προφητικον  λο'γον,ώ  καλ£3ς  ποιείτε  προσέχοντες  ώ^  λύ-^νω  φαίνοντι  Ιν  αΰ^μηρω  τοπω,  ϊωζ  ου  ήμεοα 
διαυγάστ).  καΙ  φωσφόρος  ανατείλτ,  έν  ταϊς  χαρδίαις  υμών;  And.  a  remarque  1θ  rapport;  de 
meme  Origene,  sell,  xvni  :  -ρωϊνος  αστι^ρ•  φως  ών  Ινεργοΰν  προ  άνατο'λης  του  της  δικαιοσύνης 
ηλίου.  Τούτω  καταλάμπονται  οι  αληθώς  δυνάμενοι  φάναι*  ή  νυξ  προεκοψεν,  ή  οϊ  ήμερα  ηγγικεν  [Rom. 
χπι,  12),  καί•  εξεγερθτ^σομαι  όρθρου  [Ps.  LVI,  9).  Aussi  peut-on  entendre  cette  figure,  secon- 
dairement,  de  la  «  premiere  resurrection  »,  avec  Vict.,  (mais  sans  chiliasme)  et  de  la 
magnificence  celeste  des  croyants,  avec  Dust,  et  Holtz.  Mais  avant  tout  il  s'agit  du  don 
du  Christ  en  persomie,  idee  si  emiaemment  johannique.  Les  exegetes  modernes,  sou- 
vent  par  manque  de  penetration  de  la  doctrine,  se  sont  fait  ici  des  embarras  pour  rien, 
comme  Bousset,  qui  pretend  que  cette  etoile  ne  saurait  etre  le  Christ,  malgre  xxji,  16 
—  qui  est  bien  pourtant  du  meme  auteur,  tous  a  peu  pres  le  concedent,  —  parce  que 
c'est  le  Christ  qui  la  donne.  And.  et  Arethas,  ont  pense  a  la  puissance  sur  le  demon 
(Lucifer);  mais  le  premier  a  propose  une  interpretation  meilleure  (vid.  supra);  Boll 
(p.  48-50),  egare  par  de  lointains  paralleles  paiens,  pense  a  la  promesse  dune  puis- 
sance magique,  qui  permettra,  par  des  conjurations,  de  metfre  au  service  du  Victo- 
rieux la  planete  Venus.  II  est  evident  que  cela  n'a  rien  a  faire  avec  notre  Apoca- 
lypse. II  ne  s'agit  du  reste  pas  en  premier  lieu  de  puissance  ni  de  royaute,  comme 
voudrait  Hort,  ou  Fabre  (R.  B.  av.  1910,  art.  laud.)  qui  rappelle  les  vertus  guerrieres 
de  I'etoile  du  matin  chez  les  Assyriens  et  les  Arabes.  C'est  une  image  tiree  de  I'obser- 
vation  de  la  nature,  pour  laquelle  il  est  tout  a  fait  superflu  de  recourir  a  la  mythologie 
ou  au  folk-lore.  Ajoutons  qu'elle  est  une  des  plus  poetiques,  des  plus  penetrantes, 
des  plus  specifiquement  chretiennes  de  toute  I'Apocalypse,  et  des  plus  claires  aussi, 
bien  que  Calmes  et  Jolt.  Weiss  disent  que  le  sens  leur  en  echappe. 

EXC.    Λ^ΙΙ.    THYATIRE    ET    l'eGLIBE    DE    THYATIRE. 

Thyatire,  bMie  par  Seleacus  i'"'  (anjourd'hui  Akhissar),  avait  ete  importante 
sous  les  Seleucides  et  les  rois  de  Pergame,  comme  ville  de  garnison ;  car,  mal- 
gre la  faiblesse  de  sa  situation  en  pleine  vallee,  entre  le  Caicus  et  ITIermus,  il 
lallait  defendre  cette  place  frontiere  entre  la  Mysie  et  la  Lydie.  Sous  les  Remains, 
ellc  ctait  dcvenue  tlorissante  par  Findustrie ;  les  inscriptions  y  signalent  de 
nombreuses  associations  ouvrieres  :  celles  des  boulangers,  des  teinturiers,  des 
corroyeurs,  des  confectionneurs,  des  potiers,  des  ouvriers  en  laine,  des  tisserands. 


36  APOCALYPSE    DE    SAINT    JF.AN. 

E.  Lettre  a  Sardes. 

C.  III.  1.  Και  τω  άγγέλω  της  έν  Σάροεσιν  εκκλησίας  γραψον' 
Τάδε  λέγει  6  έχων  τα  έπτα  πνεύματα  του  θεού  και  τους  έπτα  αστέρας*  ΟίΒά  σου  τα 
έργα,  'ότι  *ονομα  έχεις  ότι  ζης,  και  νεκρός  ει.  2.  Γίνου  γρήγορων,  και  στήρισον  τα 
λοιπά  ά  έμελλον  άποθανεΤν  ου  γαρ  ευρηκά  σου  *τα  έργα  Ξεπληρωμένα  ένο)πιον  του 
θεοΰ  *μου.  3.  Μνημόνευε  ουν  -ως  *εί'>.ηφας  και  ήκουσας,  και  *τήρει  κα\  μετανόησον. 
Έαν  ουν  μη  γρηγορήσης,  ήξω  ως  κλέπτης,  και  *ου  μή  γνως  *ποίαν  ώραν  ήξω  επί 
σέ.  k.  Άλλ'  έχεις  ολίγα  *ονόματα  έν  Σάροεσιν  ά  ουκ  έμόλυναν  τα  Ιμάτια  αυτών,  και 
περιπατήσουσιν  μετ'  έμου  έν  λευκοϊς,  ότι  άξιοι  ε'ισιν.  5.  Ό  νικών  *ουτος  *περφάλ- 
λεται  *έν  ξματιΌις  λευκοϊς,  και  *οΰ  μή  εξαλείψω  το  όνομα  αυτοΰ  έκ  της  βίβλου  της 
ζωής,  και  ομολογήσω  το  όνομα  αϋτοΰ  ενώπιον  του  πατρός  μου  και  ενώπιον  τών  αγγέλων 
αΰτοΰ.  6.    Ό  εχο)ν  ους  άκουσάτω  τί  το  Πνεύμα  λέγει  ταΐς  έκκλησίαις. 

des  bourreliers,  des  fondeurs,  des  ouvriers  en  airain;  on  devait  y  connaitre, 
peut-etre  y  fabriquer  le  χαλκολίβανος.  Elle  ne  possedait  pas  de  temple  imperial,  et 
la  religion  (culte  du  heros  Tyrimnos,  d'Apollon  Tyrimnien  et  d'Artemis  Boritena) 
n'avait  rien  de  particulier,  sauf  la  presence  du  «  Sambatheion  »,  sanctuaire  de 
la  Sibylle  orientale  (chaldeenne,  perse  ou  hebraique),  ce  qui  est  peut-etre  un 
indice  de  syncretisme  judeo-paien. 

La  lettre  ressemble  a  celle  de  Pergame,  sa  voisine.  A  cette  epoque,  toutes  les 
associations  sociales,  economiques,  ou  de  simple  assistance,  prenaient  une  forme 
religieuse.  Cc  devait  etre  un  fort  appui  pour  les  idees  nicolaites ;  car  il  netait  pas 
facile  a  un  commergant  ou  a  un  chef  d'atelier,  dit  Ramsay,  de  maintenir  ses 
affaires  sans  appartenir  a  la  guilde  de  son  metier;  or  les  banquets  de  sacrifices 
s'accompagnaient  de  rejouissances  peu  edifiantes^;  le  laxisme  qui  s'ensuivait  don- 
nait  protexte  a  la  propagande,  doctrinale  ou  non,  de  la  «  Jezabel  ».  Jesus  promet 
au  Victorieux,  a  celui  qui  n'a  pas  peur  des  paiens,  de  le  faire  dominer  sur  eux ; 
etr«  etoile  du  matin  »  adoucit  par  une  image  radieuse  ce  que  la  promesse  pre- 
cedente  avait  de  redoutable  (Ramsay,  Letters,  ch.  xxiii-xxiv;  Swete,  Apoc, 
p.  Ixiii-Ixiv). 

A.  B.  1.  τω  au  lieu  de  της,  est  suppose  par  syr.  Prim.  —  δν.  εχ.  est  une  expression 
qui  se  trouve  Herodote,  viii,  138;  οϋ'νομα  εΤχε  ώς  έπ'  ΆθτΙνας  Ιλαύνει  (cite  par  Dust., 
Hon,  Swete).  —  «  Sept  esprits  »  cfr.  i,  4;  v,  6;  «  Sept  astres  «,  i,  16. 

C.  1.  Le  rapprochement  des  «  7  Esprits  »  et  des  «  1  astres  »  parait  d'abord  sur- 
prenant,  car  ces  images  ne  repondent  pas  au  meme  ordre  de  realites  [vid.  supra). 
Mais    Origene    (Sch.    xix)    dit    fort   justement  que   les    7    Esprits    sonl    al    [Αετουσίαι 

του  Πνεύαατος Συμφώνως  τοίς  Ιπτ^  πνεύμασιν  έκλήψε:  καΐ  του;    επτά   αστέρας,    έκαστου  αστέρος 

σηααίνοντος  τόν  τίνος  εκκλησίας  φωτισμ(ίν.  Pour  nous,  qui  interpretons  les  Anges-etoiles 
de  I'esprit  qui  prevaut  dans  chaque  eglise,  nous  n'avons  pas  besoin  de  changer 
comma  Orig.  le  sens  du  syrabole.  Les  7  Esprits  sont  le  Saint-Esprit  (i,  4  et  Exc.  i); 
ici  il  appartient  au  Fils  —  comme  a  I'Agneau  v,  6,  —  car  Jesus  distribue  les  pouvoirs 
divers  du  πνεΰμα  ζωοποιουν,  de  qui  depend  la  vie  de  toutes  les  eglises  (cfr.  Act.  ii,  33 
Sivete,  et  Joh.  xvi,  14).  Le  caractere  chretien  de  chacune  d'entre  elles  (cfr.  φωτισμο'ς 
d'Orig.)  precede  de  ce  don  du  Christ;  a  I'Esprit  il  pent  rallumer  les  etoiles  qui, 
comme  celle  de  Sardes,  menacent  de  s'eteindre.   De  plus,   Jesus  apparait  a    cette 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  37 

C.  III.  1.  Et  ii  I'ange  de  Feg-lise  [qui  est]  a  Sardes,  ecris  : 
((  Voici  ce  que  dit  Gelui  qui  a  les  sept  esprits  de  Dieu  et  les  sept  etoiles  : 
Je  connais  tes  oeuvres,  que  tu  as  nom  de  vivant,  et  tu  es  mort!  2.  Deviens 
Λ'Ι^ΠθηΙ,  et  consolide  les  restes  qui  etaient  pres  de  perir;  car  je  n'ai  pas 
trouve  tes  oeuvres  bien  remplies  en  face  de  mon  Dieu.  3.  Rappelle-toi  done 
comment  tu  as  re^u  et  tu  entendis,  et  observe-[le],  et  convertis-toi.  Si  done 
tu  n'es  pas  vigilant,  je  viendrai  comme  un  voleur,  et  tu  ne  sauras  nuUe- 
menta  quelle  heure  je  viendrai  sur  toi.  4.  Mais  tu  as  quelque  peu  de  noms 
dans  Sardes  qui  n'ont  pas  souille  leurs  vetements,  et  ils  marcheront  avec 
moi  en  blanc,  car  ils  sont  dignes.  Le  Victorieux,  celui-la  s'enveloppe  de 
vetements  blancs,  et  jamais  je  n'efiacerai  son  nom  du  livre  de  la  vie,  et  je 
confesserai  son  nom  en  face  de  mon  Pere,  et  en  face  de  ses  anges.  6.  Celui 
qui  a  des  oreilles,  qu'il  entende  ce  que  I'Esprit  dit  aux  eglises. 

«  metropole  »  encore  orgueilleuse  comme  Celui  qui  a  tout  pouvoir  au  ciel  et  sur  la 
terre;  c'est  presque  sous  le  meme  aspect  qu'il  s'etait  raontre  a  Ephese,  I'Eglise- 
mere  (ii,  1.)  —  Verset  d'une  grande  vigueur. 

•^— —  A.  B.  2.  τά  manque  devant  έργα,  A,  C,  al;  mais,  a  cause  de  Vusus  loquendi 
d'Apoc,  nous  I'admettons  avec  Tischendorf-Gebhardt,  Weymouth,  Soden,  Bousset; 
—  πεπληρωαένα,  mot  johannique  (Joh.  xvn,  et  passim),  —  μου  manque  Av20-rl-l'',  et 
dans  le  texte  re§u. 

C.  2.  Le  conseil  de  veiller  convenait  particulierement  a  Sardes,  en  raison  des 
surprises  facheuses  de  son  histoire  (Exc.  viii).  Ses  oeuvres  pouvaient  etre  consi- 
d^rees  comme  «  pleines  »  au  point  de  λτιο  purement  humain,  mais  non  devant  Dieu; 
il  y  avait  contraste  entre  la  realite  spirituelle  et  la  reputation,  Γονομα,  dont  la 
Sardes  profane,  et  peut-etre  aussi  I'eglise  de  cette  cite,  pouvaient  jouir  encore  aux 
yeux  des  hommes.  II  est  tout  a  fait  peu  critique  de  voir  dans  θεού  μου,  avec  /.  Weiss 
et  autres,  la  rominiscence  d'une  christologie  primitive  qui  n'eut  pas  encore  reconnu 
Jesus  comme  Dieu.  Pareille  observation  ne  sert  qu'a  montrer  quels  projuges  domi- 
nent  la  critique  «  independante  »;  ne  trouve-t-on  pas  cette  expression  jusque  dans 
le  IVe  Evangile  [Joh.  xx,  17),  dont  I'auteur  aurait  bien  vu  si  elle  etait  contraire  a  sa 
these?  Disons  seulement  avec  iSiveie  que  le  «  Fils  de  Dieu  »  n'oublie  pas  qu  il  est 
aussi  «  Fils  de  I'Homme  ». 

^——m  A.  B.  C.  3.  Le  parfait  εΓληφα;  devant  un  aoriste  a  dCi  etre  choisi  intention- 
nellement  [Bousset),  car  les  suites  de  cette  reception  durent  dans  le  present,  tandis 
que  I'audition  est  du  passe;  il  faudrait  done  reconnaitre  quelque  finesse  d'helleniste 
a  un  ecrivain  d'ordinaire  si  neglige.  —  "i^p^',  niot  johannique  —  ου  μτ}  avec  le  sub- 
jonctif,  et  non  le  futur  indicatif  (Introd.,  ch.  x,  §  II).  —  «  Comme  un  voleur  »  cfr.  xvi, 
15;  I  Thess.  v,  2,  image  surement  derivee  de  la  tradition  synoptique,  Mat.  xxiv,  42-51, 
et  Luc,  36-40,  dans  la  parabole  du  serviteur  non  vigilant.  Ainsi  Sardes  avait  ete 
enlevee  par  surprise  sous  Cyrus  et  Antiochus.  And.  le  commente  ainsi  :  ώς  κλέπτης. 
Εικότως•  ό  τε  γίιρ  εκάστου  θάνατος  κα\  ή  κοινή  συντέλεια  πασιν  ίγνο^στος.  —  ποίαν,  accusatif  pOur 
marquer  le  moment,  Introh.,  c.  x,  §  II. 

— —  A.  B.  C.  4.  Όνο'ματα  au  sens  de  «  personnes  »  (cfr.  xi,  13  et  Act.  i,  15) 
n'est  pas  un  pur  hebraisme  (ΠΪΏΊΓ)•,  Deissmann,  dans  ses  Neue  Bibelstudien,  pp.  24-25, 
relove  plusieurs  exemples  de  cette  acception  dans  des  papyrus  des  ii-iii"  si6cles 
ap.  J.-C.  —  περιπατησουσιν  (noter  le  futur)  έν  λευκοϊς  pent  deja  pr6sager  la  victoire  du 
Christ  et  de  I'Eglise,  celeste  et  militante,  sur  les  Betes  et  leur  armee  au  ch.  xix 
[vid.  ad  locum).  —  έν  λευκοϊς,  v.  Exc.  xii. 


38  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX, 

F.  La  Leitre  a  Philadelphie . 

C.  III.  7.  Ivy},  τω  Λγγίλω  της  εν  Φ',λαοελφία  εκκλησίας  γράψον' 
Τάδε  λέγει  ο  άγιος,  5  αληθινός,  5  ε'χων  τήν  "/.λεϊν  *το•)  "Ααυείο,  ο  άνο'!γο)ν  και 
ουδείς  *^κλείσει,  και  κλείων  και  οΐίοείς  *άνοίγει'  8.  Οίδά  σου  τα  έργα.  Ίδου  *δέδωκα 
ένώτύΐόν  σου  θύραν  ήνεωγμένην,  ην  ουδείς  δύναται  κλεϊσαι  *αυτήν.  οτι  [λίκραν  έ'χεις 
δύναμ.ιν,  και  έτήρησάς  μου  τον  λόγον,  καΐ  ουκ  ήρνήσω  το  ονσμά  μου.  9.  Ίδου  *διδώ 
εκ  της  συναγωγής  τοϊ3  Σατανά,  των  λεγόντων  εαυτούς  Ιουδαίους  είναι,  καΙ  ουκ  είσίν, 
άλλα  ψεύδονται"    ϊδου   ^ττοιήσω   αΰτους  ίνα   *ήξουσιν   και  ';:ροσκυνήσου!^ιν  ενώπιον   των 

■  Α.  Β.  C.  5.  Α  cause  du  parallelisme  avec  les  autres  finales,  et  de  la  conti- 

nuite  du  style  de  VApoc,  je  conserve  ούτος,  avec  Soden,  contra  οΰτως  admis  de  Tisc/i. 
W-H,  Nestle,  etc.  et  qui  se  lit  C,  A,  1072,  1073,  al.  —  Nous  preferons  aussi  περιβάλ- 
λεται, present,  avec  C,  syrs^^  <•'«»•,  au  futur  περιβαλεΤται  des  autres  mss.  et  des  critiques, 
pour  deux  raisons  :  le  futur  moyen  est  inusite  dans  I'Apocalypse  (sauf  κόψονται,  r,  7 
et  xvin,  9),  et  le  sens  general  du  livre  incline  a  penser  qu;'il  s'agit  deja  d'une  roalite 
presente,  toujours  la  grace,  et  non  purement  eschatologique ;  cependaat  on  peut 
objecter  ceci,  que  les  promesses  similaires  ont  toutes  la  forme  du  futur,  bien  qu'elles 
soient  deja  accomplies,  du  moins  en  germe.  G'est  pour  cela  peut-etre  que  des  scribes 
auraient  ecrit  le  futur.  —  Iv  instrumental;  il  est  usite  dans  quelques  papyrus  \Pap. 
de  Tebtunis,  16  et  autres)  dans  un  sens  voisin,  celui  d'armement.  —  Nous  traiterons 
du  «  livre  de  vie  »  au  ch.  ν  et  Exc.  xvi  et  des  «  vetements  blancs  »  dans  ΓΕχο.  xii. 
«  Je  n'effacerai  pas  «...  monlre  que  le  Christ  dispose  lui-meme  de  ce  livre,  cfr,  v,  7, 
8,  9;  xin,  8;  Odes  Sal.  ix,  12.  Les  vrais  fideies  de  Sardes  seront  confesses,  reconnus 
par  le  Christ  au  jugement  dernier.  Mat.  x,  32,  cfr.  Luc  ix,  26,  encore  reminiscence 
des  Synoptiques.  And.  dit  qu'ils  seront  reconnus  ωτπερ  y.a1  οΐ  καλλίνικοι  μάρταρες;  ce  κ«ί 
indique  que,  pour  lui,  il  ne  s'agissait  pas  exclusivement  de  «  martyrs  »  dans  ces 
fins  de  lettres,  centre  I'erreur  future  de  Joh.  Weiss. 

EXC.    Vlli.    —    SARDES    ET    l'eGLISE    DE    SARDES. 

Sardes,  reduite  aujourd'hui  au  pauvre  village  de  Saj^t,  qui  n'en  occupe  meme 
pas  tout  a  fait  Γ  emplacement,  etait  deja  alors  una  puissance  du  passe.  Cette 
ancienne  capitale  de  la  belliqueuse  Lydie  affichait  pourtant  encore  des  preten- 
tions, elle  s'intitulait  μητρόπολις,  et  voulut  rivaliser  avec  Ephese,  Smyrne  et 
Pergame,  pour  I'erection  du  temple  en  I'an  26.  Elle  n'eut  son  neocorat  que 
beaucoup  plus  tard.  Sa  religion  etait  toujours  celle  de  la  Grande  Mere,  appelee 
chez  elle  Core  ou  Persephone,  avec,  sur  ses  monnaies,  une  singuliere  idole 
barbare  ressemblant  assez  a  I'Artemis  d'Ephese,  mais  voilee,  et  fruste  comme 
un  ξόανον  (v.  Radet,  VAi'temision  de  Sardes,  Rev.  des  etudes  anciennes,  Bordeaux, 
1904).  Un  «  Zeus  Lydios  »  lui  etait  associe.  Sardes  ayant  beaucoup  souffert 
d'un  tremblement  de  terre  en  Tan  17,  participa  aux  generosites  de  Tibere,  et 
prit  en  son  honneur  le  surnOm  de  «  Caesarea  » ;  une  medaille  frappee  a  cette 
occasion  montre  Livia  deifiee  avec  les  attribute  de  Demeter,  forme  hellenisee 
de  la  deesse  autoclitone;  c'est  un  nouvel  indice  de  I'union  du  culte  des  empe- 
reurs  avec  les  religions  locales. 

Le  site  de  Sardes,  sur  une  colline  qui  se  detache  du  Tmolus  vers  I'Hermus, 


APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAX.  3.9 

C.  III.  7.  Et  έ,  FAnge  de  TEglise  [qui  est]  a  Philadeiphic,  ecris  : 
<(  Voici  ce  que  dit  le  Saint,  le  Veritable,  Celni  qui  a  la  cle  de  David, 
Celui  qui  ouvre  et  personne  ne  fermera,  et  qui  ferme  et  personne  u'ouvre  : 

8.  Je  connais  tes  oeuvres.  Voici  que  j'ai  mis  [Litt.  donne)  en  face  de  toi  une 
porte  ouverte,  que  personne  ne  peut  fermer;  parce  que  petite  [est]  la  puis- 
sance [que]  tu  as,  et  tu  as  observe  ma  parole  et  tu  n'as  pas  renie  mon  nom. 

9.  Voici  que  je  donne  de  la  synagogue  de  Satan,,  de  ceux  qui  disent  eux- 
memes  qu'ils  sont  Juifs...  —  et  ils  ne  [le]  sont  pas,  mais  ils  m.entent!  — 
voici  que  je  ferai  qu'ils  viendront,  et  se  prosterneront  devant  tes  pieds,  et 

et  n'est  accessible  que  par  le  Sud,  paraissait  en  faire  une  place  inexpugnable; 
pourtant,  comme  elle  se  fiait  trop  a  sa  force  naturelle,  elle  avait  ete  surprise 
deux  fois,  par  Cyrus  dans  sa  guerre  contre  Cresus,  et  trois  siecles  plus  tard 
par  Antiochus  le  Grand;  I'ennemi  avait  escalade,  «  comme  un  voleur  dans  la 
nuit  »,  son  rempart  de  rochers  abrupts,  mais  effrites.  L'eglise  de  Sardes,  qui 
ne  fait  son  travail  qu'a  demi,  qui  manque  de  zele  et  de  vigilance,  s'expose  a  etre 
surprise  de  meme,  mais  cette  fois  par  le  Christ-Juge.  Le  ton  severe  du  reproche 
suppose  en  cette  eglise  des  fautes  graves,  peut-etre  une  rechute  au  niveau  des 
moears  paiennes.  La  lettre  a  quelque  analogic  avec  celle  d'Ephese,  deja  par  la 
forraule  du  debut  (Ramsay,  Letters,  ch.  xxv-xxvr). 

A.  B.  7.  κλείδα  pour  κλεΐν,  Orig.,  And.,  al.  —  του  manque  devant  Λαυειδ  ckez 
beaucoup  d'autorites,  mais  se  lit  n,  P,  Q,  And.  Aret.,  et  la  plupart  des  minusc.  — 
του  δικού  est  suppose  devant  Δαυ.  dans  boh.  —  όίδου  (d'apres  i,  18)  au.  lieu  de  Λαυ., 
And.,  Aret.,  al.,  ou  του  παραδείσου,  suppose  par  ann^°"-,  sont  des  corrections  pour 
augmenter  la  clarte  du  symbole.  —  Remarquer  le  present  ανοίγει  apres  le  fut.  χλείσει; 
quelques  manuscrits  ont  voulu  unifier,  par  deux  presents  ou  deux  futurs ;  ανοίξει  Iren. 
Orig.,,  rec  K,  N,  al.,  HippoL,  Prim,  g,  vulg.  —  άγιος  ne  sert  qu'ici  d'epithete  au  Christ; 
cfr.  Act.  Ill,  14;  iv,  27,  3Q;  ailleurs,  dans  VApoc,  il  n'est  dit  que  de  Dieu  *l/>oc.  iv,  8; 
VI,  10.  —  αληθινός,  mot  johannique,  qui  signifie  «  authentique,  ideal  »  προ^ς  άντιδιαστολ^ον 
σχιας  κα\  τύπου  /.αΐ  εικόνος  [Orig.  in  Job.  tr.  π,  6),  ou  «  vrai,  fidele  a  soi-meme  » 
[Hort);  encore  epithete  divine;  cfr.  Is.  lxv,  16  :  τον  θεον  τον  άληθινο'ν;  en  dehors  des 
ecrits  johanniques  (10  fois  Apoc,  9  fois  Ei>.,  4  fois  I  Joh.),  il  ne  se  trouve  dans  le 
N.  T.  que  4  fois  Heb.  et  1  fois  I  Thess.  i,  9.  —  «  Cle  (de  la  niaison)  de  David  », 
Is.  xxii,  22;  cfr.  Mat.  xvi,  19,  la  collation  des  cles  a  saint  Pierre. 

C.  7.  «  Avoir  la  cle  »  est  une  metaphore  biblique  et  rabbinique  qui  signifie  exercer 
tout  pouvoir  dans  une  demeux'e;  la  forme  de  rima.Jie  vient  d'Isaie,  mais  elle  equivaut 
pour  le  sens  a  I'attribut  que  revendique  le  Fils  de  I'Homme,  i,  18.  Comme  Messie 
et  comme  Dieu,  il  domine  le  peuple  elu,  et  possede  un  droit  sans  limites  dans  la 
«  nouvelle  Jerusalem  »  cite  de  la  resurrection  [Hort,  al.)  Orig.  el  Hipp,  pensent  a  la 
cle  des  ecritures  ou  de  la  science;  And.  donne  las  deux  interpretations.  Remarquer 
que,  dans  toute  cette  lettre,  les  figures  sont  tirees  du  meme  ordre  d'idees,  le  batiment; 
nous  en  verrons  la  raison. 

— —  A.  B.  8.  L'extension  du  sens  de  δεδωκα  [ici  :  «  j'ai  place  »)  rappelle  I'heb. 
inj.  —  La  grosse  faute  de  la  ropotition  de  αυτήν  apres  ήν  [And.  corrige  en  supprimant 
αυτήν  et  ecrivant  χαί  avant  ουδείς;  meme  omission  dans  Ν  et  Av  56-49-2023,  qui  omettent 
aussi  rjvi  et  vulg.  Prim,  arm.)  se  trouve  presque  partout,  et  VApoc.  en  oiTrira  d'autres 
exemples;  c'est  un  solecisme  populaire,  si  Ton  veut,  mais  bien  plus  naturel  a  un 


40  Al'OCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

ποδών  σου,  κα?  *γνώσιν  οτ'.  έγώ  ήγάπησά  σε.  10.  "Οτι  *έτήρτ,σας  τον  λόγον  τ^ς 
ύττομονης  μοΟ,  κάγό)  σε  τηρήσω*  εκ  τγ;ς  ώρας  του  ττειρασμοϋ  της  μελλούσης  'έρχεσ- 
Οχι  έτϊΐ  τν^ς  οικουμένης 'όλης,  '::εφάσ3:ι  τους  κατοικουντας  έχί  της  γης.  11.  "Ερχομαι 
ταχύ.  Κράτει  ο  έχεις,  ίνα  μηοείς  λάβη  τον  στέφανόν  σου.  12.  *Ό  νικών,  ποιήσω 
αϋτον  στυλον  εν  τω  ναώ  του  θεοΰ  μου,  και  έ'ξω  *ου  μή  έξέλθη  ετι,  και  φράψω  έπ' 
αϋτον  το  όνομα  τοΰ  θεού  μου  και  το  όνομα  της  πόλεως  του  θεοΰ  μου,  της  καινής 
Ιερουσαλήμ  *ή  καταβα(νουσα  *έκ  του  ουρανού  *άπο  του  θεού  μου,  και  τ^  ονομά  μου 
το  καινόν.  13.     Ο  έχων  ους  άκουσάτω  τί  το  πνεύμα  λέγει  ταΐς  έκκλησίαις. 

Semite  (Lntrod.,  c.  χ  §  II  at  IIIj.  —  «  Porte  ouverte  ».  cfr.  I  Cor.  xvi,  9;  II  Cor.  u,  12; 
Col.  IV,  3;  figure  paulinienne,  qui  signifie  «  faeilites  procurees  a  I'apostolat  ». 

C.  8.  La  «  cle  de  David  »  du  Messie  a  d'abord  ouvert  cette  porte,  qui  n'est  pas 
la  porte  du  salut  {Joh.  Weiss,  Calmes),  mais  les  faeilites  ouvertes  a  Philadelphie, 
la  «  cite  missionnaire  »  (Ramsay),  pour  la  propagande  chretienne  a  travers  la  Phrygie 
[And.,  al.;  de  Wette,  Ewald,  Diisterdieck,  Bousset,  Swete,  Hort,  etc.);  le  sens  est 
tout  a  fait  certain  d'apres  saint  Paul.  IMalgre  I'humilite  des  moyens  de  Philadelphie, 
qui  etait  une  petite  ville,  le  Christ,  ΓαληΟινό;,  le  Fidele,  lui  garantit  le  succes  de  ses 
efforts.  Tgnace  (Philad.  in,  1)  nous  apprend  aussi  que  cette  eglise  etait  florissante, 
malgro  Juifs  et  Judaisants. 

— ^—  A.  B,  9.  La  forme  δ;δώ  pour  δίδωμι  (Introd.  cli.,  x,  §  II)  est  attestee  par  A  et 
C;  N*  a  corrige  en  δέδο^κα.  —  Les  futurs  apres  ?va  (Introd.,  c.  x,  §  II)  ont  ete  transformes 
en  aor,  subjonctifs  par  Q,  al.,  Soden;  remarquer  qu'ils  sent  partout  suivis  de  I'aor. 
y^iaav/  (inconsequence  qui  n'a  rien  de  surprenant  dans  YApoc),  excepte  dans  N,  1072, 
δ^'>'-14-69,  Prim,  qui  lisent  κα\  γνώστ)  «  et  tu  sauras  »,  et  quelques  autres  qui  portent 
γνώσονται  «  ils  sauront  »<.  —  διδΰί  pent  efre  un  auxiliaire  causatif,  a  Thebraique,  ou  bien 
avoir  pour  regime  un  «  l•/.  'Ιουδαίων  »  sous-entendu  :  «  je  [te]  donnerai  des  Juifs  [comme 
convertis]  » ;  en  tout  cas,  il  y  a  anacoluthe.  —  χα\  ούκ  είσίν,  construction  deja  vue, 
pent  etre  une  parenthese;  cfr.  ii,  9,  ainsi  que  pour  la  «  Synagogue  de  Satan  ».  — 
«  Venir  et  se  prosterner  »  Is.  lx,  14. 

C.  9.  II  n'y  a  ici  allusion  a  aucune  persecution  paienne;  le  peril  vient  des  Juifs 
(cfr.  Ign.  Philad.  6,  encore  vingt  ans  apres).  Mais  le  Christ  promet  que  ces  Juifs 
eux-m^mes  echapperont  a  Satan ;  la  promesse  n'a  rien  d'eschatologique  (centre  Bousset) 
et  ne  repond  pas  a  la  conversion  en  masse  du  peuple  israelite  pr^dite  par  saint  Paul, 
Bom.  XI. 

— —  A.  B.  10.  τηρειν,  johannique;  τηρεΓν  έκ..  est  caracleristique,  car  il  ne  se 
trouve  ailleurs  que  dans  le  IV^  Evangile,  xvii,  15  —  χατ.  Ιπ\  της  γης,  locution  familiore 
a  VApoc;  cfr.  vi,  10;  viii,  13;  xi,  10;  xiii,  8,  14;  xvii,  8,  ainsi  dans  presque  toutes  les 
parties  du  livre ;  indice  de  I'unite  d'auteur.  —  Pour  la  preservation  du  πεφασιχός, 
cfr.  Bar.  syr.  c.  xxvin,  ou  Dieu  promet  de  proteger,  au  milieu  de  la  crise  qui  pre- 
cedera  le  jugement,  ceux  qui  habiteront  la  terre  d'Israel;  mais  ce  motif  apocalyp- 
tique,  si  e'en  est  un,  regoit  ici  une  tout  autre  application  (v.  Introd.,  ch.  v,  ii). 

C.  10.  υπομονής  μου;  ce  n'est  pas,  contre  Holtzmann,  I'attente  patiente  du  Christ 
qui  viendra,  mais  plutot  la  patience  du  Christ  que  I'enseignement  Chretien  porte  a 
imiter;  genitif  de  sujet.  (Bousset,  S(vete).  C'est  un  contresens,  d'apres  tous  les 
passages  similaires,  d'interpreter  οίκουμενη  et  les  «  habitants  de  la  terre  »,  des  seuls 
Chretiens  exposes  a  la  persecution;  il  ne  s'agit  meme  pas  des  humains  en  general, 
Chretiens  compris  (cfr.  Calmes  et  Bousset).  D'apres  vi,  10,  et  les  autres  passages 
indiques  ci-dessus,  ces  expressions  ne  designent  que  le  monde  incrodule.  Mais 
quelle  sera  cette  «  tentation  »  dont  Philadelphie  doit  etre  preservee?  Les  anciens, 
Tyconius,   Prim..  And.,   Ardthas,   Bede   I'entendent    des    persecutions    futures,    sOy^ 


APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN.  41 

qu'ils  sachent  que,  moi,  je  t'ai  aime.  10.  Parce  que  tu  as  garde  {litt. 
observe)  la  parole  do  ma  patience,  moi  aussi  je  te  garderai  de  Fheure  de 
la  tentation  qui  est  pres  de  venir  sur  tout  le  monde  habito,  pour  tenter  ceux 
qui  habitent  sur  la  terre.  11.  Je  viens  promptement.  Tiens  ce  que  tu  as, 
pour  que  personne  ne  prenne  ta  couronne.  12.  Le  Victorieux,  je  le  ferai 
colonne  dans  le  temple  de  mon  Dieu,  et  il  ne  sortira  plus  jamais  dehors,  et 
j'ecrirai  dessus  le  nom  de  mon  Dieu,  et  le  nom  de  la  ville  de  mon  Dieu,  de 
la  nouveUe  Jerusalem,  —  celle  qui  descend  du  ciel  d'aupres  de  mon  Dieu, 
—  et  mon  nom  nouveau.  13.  Celui  qui  a  des  oreilles,  qu'il  entende  ce  que 
I'Esprit  dit  aux  eglises. 

rAntechrist;  Boiisset,  du  grand  combat  sous  le  «  Nero  redivivus  » ;  Holtzmann,  de 
Γ  «  adoration  de  la  Bete  »  du  eh.  xiii.  Alcazar  et  Grotius  ont  pense  aux  persecutions 
generales  des  premiers  siecles.  Pour  Swete,  qui  se  refere  tres  justement  a  Joh.  xvii, 
11,  c'est  la  preservation  de  tons  les  troubles  qui  doivent  preceder  la  Parousie,  en 
general,  tons  les  temps  futurs  etant  confondus  dans  la  meme  perspective  prophe- 
tique.  Mais  il  faut  I'entendre  comme  Bede  :  «  non  quidem  ut  non  tenteris,  sed  ut 
non  vincaris  adversis  ».  Notre  opinion  est  encore  que  cette  promesse,  bien  que 
formulee  d'une  maniere  speciale  qui  s'adapte  aux  vertus  speciales  de  fidelite  et  de 
Constance  des  Philadelphiens,  s'adresse  pourtant  a  tous  les  chretiens  dignes  de  ce 
nom;  car  la  tentation  ou  tribulation  (πεφασαο'ς  =  θλϊψις)  dont  la  menace  remplit  toutes 
les  pages  du  livre  inspire,  ne  sera  qu'exterieure  pour  tous  les  croyants  bien  pre- 
pares (cfr.  VII,  3,  com.).  Joh.  Weiss  a  grand  tort  de  chercher  dans  ce  passage  un 
appui  pour  sa  theorie  que  le  premier  auteur,  contrairement  au  «  Redacteur  »,  n'at- 
tendait  pas  de  persecution  sanglante. 

— — —  B.  C.  11.  "Epyoaat  τα/ύ,  cfr.  II,  5,  16;  XXII,  7,  12,  20,  designe  ici,  non  la 
consommation,  mais  le  commencement  de  cette  arrivee  du  Fils  de  I'Homme,  comme 
juge,  qui  se  manifestera  par  des  calamites,  prodromes  de  la  ruine  du  monde  pecheur 
(voir  Exc.  XIII).  Les  persecutions  en  seront  une  partie.  Philadelphie,  comma  les 
autres  eglises,  subira  cette  tentation  exterieure;  aussi  le  Christ  lui  dit-il  de  tenir 
ferme,  pour  ne  pas  se  laisser  enlever  la  «  couronne  »  qu'elle  a  jusqu'alors  glorieu- 
sement  meritee;  cfr.  ii,  10,  dans  la  lettre  a  Smyrne,  avec  laquelle  celle-ci  offre  une 
grande  analogie. 

■  A.  B.  12.  Remarquer  le  «  nominatif  pendant  »,  et  ού  jxrj,  ainsi  que  la  forme 
'ΐΞοουσαλημ,  lorsque  les  autres  ecrits  johanniques  portent  invariablement  ΊΕροσ(5λυ(Αα ; 
mais  Mat.,  Luc,  et  Paul  emploient  egalement  les  deux  formes.  —  έκ  designe  le  lieu 
d'origine,  άπο  la  personne  qui  envoie.  —  Le  nominatif  ή  καταβαίνουσα  (faute  d'accord 
ou  parenthese)  est  une  irregularite  frequente  dans  le  livre;  And,  la  rec  K,  al.. 
Font  corrigee  en  y]  ■^.a.xa.^a.vm•,  mais  I'accord  des  principaux  temoins  subsiste.  — 
L'iraage  des  στΰλοι  provient  des  colonnes  du  Temple,  I  Reg.  vii,  II  Parol,  iii;  pour 
le  sens  figure.  Gal.  ii,  9.  —  της  καινής  Ίερ•  :  on  se  serait  plutot  attendu  a  trouver  ici, 
d'apres  I'usage  ordinaire  de  I'auteur,  της  Ίερ•  της  καινής;  le  sens  paraissait  I'exiger; 
c'est  un  signe  que  I'auteur  n'attachait  pas  grande  importance  a  la  place  de  I'adjectif 
ni  a  la  repetition  de  I'article  (Introd.,  ch.  x,  §  ii).  Pour  «  la  nouvelle  Jerusalem  » 
cfr.  xxi-xxii;  Swete  rappelle  ici  fort  a  propos  ή  ανω  Ίερουσαλτία  de  Gal.  iv,  26,  ainsi 
que  Heh.  xii,  22;  nomlDreux  paralleles  dans  les  Apocryphes,  Hen.  4th.  xc,  Hen.  si. 
LV,  Bar.  syr.  iv,  IV  Esd.  vii,  etc.  (voir  Exc.  au  chap,  xxi)  —  θεοΰ  μου,  voir  a  iii,  2.  — 
«  Le  nom  nouveau  »  cfr.  ii,  17;  xiv,  1;  xix,  12-13  et  Is,  lvi,  5;  lxii,  2;  lxv,  15; 
encore  Hen.  eth.  c.  69,  le  nom  secret  du  Fils  de  I'Homme;  Asc.  Is.  vii,  37,  viii,  7; 
IX,  5,  le  nom  inconnu  du  Bien-Aime. 


42  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAX. 

G.  La  Lettre  a  Laodicee. 

C.  III.  14.  Και  τω  άγγέλω  της  έν  Ααοδικεύζ  εκκλησίας  γράψον' 

Τάδε  λέγει  έ  αμήν,  ό  μάρτας  έ  πιστός  καΐ  αληθινός,  ή  αρχή  της  κτίσεως  του  θεοΰ. 

15.  Οίδά  σου  τά  έργα,  οτι  οΐίτε  ψυχρσς  ει  ούτε  ζεστός.  'Όφελον  ψυχρός  ης  ή  ζεστός. 

16.  Οΰτως  Οτι  *χλιαρσς  ει,  και  σΐΐτε  ζεστός  ούτε  ψυχρός,  μέλλω  σε  *έμέσαι.  εκ  του 
στόματος  μ;υ.  17.  Ότι  λέγεις  'ότι  πλούσιος  είμι  και  πεπλούτηκα,  και  *ουδεν  χρείαν 
εχω,  καΐ  ουκ  οίδας  'ότι  συ  ει  *ό  ταλαίπωρος  καί  ελεεινός  και  πτωχός  κοα  τυ.φλός  και 
γυμνός,  18.  συμβουλεύω  σοι  άγοράσαι  τταρ'  έμου  χρυσίον  χεπυρωμένον  *έκ  πυρός  ϊνα 

G.  12.  La  metaphore  de  la  «  colonne  »,  dont  Joh.  Weiss  Irouve  qu'on  n'a  pas 
suffisammeiit  encore  explique  lOrigine,  est  pourtant  bien  facile  a  expliquer  d'apres 
Gal.  n,  9.  Pour  nous,  comme  pour  Bousset  et  Swete  —  apres  Orig.,  And.,  etc.,  — 
elle  signifie  que  les  chretiens  de  Philadelphia  jouiront  d'une  grande  consideration, 
ou  d'un  pouvoir  surnaturel,  dans  I'Eglise,  qui  est  la  nouvelle  Jerusalem  (ή  Ικχλησία 
-οΰ  θεοΰ  τοΰ  ζώντος.  Orig.).  Le  «  nom  nouveau  »  est  un  nom  nouvellement  connu, 
qui  exprime  mieux  la  nature  ou  la  dignite;  peut-etre  est-ce  un  emprunt,  purement 
litteraire  du  reste,  a  la  croyance  populaire  au  pouvoir  des  noms  secrets  dans  les 
operations  magiques;  ici,  ce  «  nom  nouveau  »  de  Jesus,  comme  Calmes  I'a  fort 
bien  vu,  doit  etre  «  la  Parole  (Verbe)  de  Dieu  »,  comme  xix,  12-13.  Ge  nom  du 
Christ,  grave  sur  I'homme-colonne,  montre  que  celui-ci  participe  a  la  nature  du 
Seigneur,  du  Verbe  divin,  cfr.  ii,  17. 

EXC.    !X.    PHILADELPHIE    ET    LEGLISE    DE    PHILADEiPHIE. 

Aucune  de  ces  lettres,  si  ce  n'est  la  suivante,  nest  en  correspondance  plus 
frappante  avec  tout  ce  que  I'histoire  profane  nous  apprend  sur  la  ville  en 
cause.  Philadelphie  —  aujourd'hui  Alaclielier,  sur  le  chcmin  de  fer  de  Smyrne 
a  Kara-Hissar,  n'etait  quune  assez  petite  ville,  fondee  par  le  roi  de  Pergame 
Attale  II  (159-138),  pour  propag-er  la  culture  grecque  en  Lydie  et  en  Phrygie; 
elle  adorait  specialement  le  Dieu-Soleil  et  sans  doute  Asklepios.  Situee  dans 
la  contree  volcanique  dite  κατ^χΕκαυαενη ,  elle  etait  exposee  a  de  frequentes 
secousses  du  .sol.  En  Tan  17  de  notre  ere,  le  tremblement  de  terre  lui  fut 
desastreux,  au  point  que  la  terreur  durait  encore  des  annees  apres,  et  que 
beaucoup  d'habitants  s'etaient  decides  a  habiter  en  dehors  de  ses  murs  [Stra- 
bon,  XIII,  10).  A  cette  occasion,  elle  eprouva  la  liberalite  de  Tibere,  et,  non 
contente  d'etablir  le  culte  du  fils  adoptif  de  Tempereur,  considere  comme  son 
heritier  presomptif,  Germanicus,  qui  se  trouvait  alors  en  Asie,  elle  se  donna 
le  «  nom  nouveau  »  de  «  Neacesaree  » ;  cas  unique  parmi  ces  villas,  car  le 
«  Caesarea  »  de  Sardes  n'etait  qu'une  epithete.  Plus  tard,  sous  Vespasien,  elle 
y  ajouta  «  FlaAaa  » ;  elle  eut  son  neocorat  sous  le  regne  de  Caracalla  seule- 
ment,  entre  211  et  217. 

Cette  histoire  explique  assez  les  metaphores  de  la  lettre  :  la  «  porte  ouverte  », 
la  «  colonne  »,  erableme  de  stabilite,  le  «  έ'ξω  ού  μή  εξέλθνι  ετι  »,  le  «  nom  nou- 
veau »,  plus  glorieux  que  celui  de  Neocesaree,  la  preservation  de  la  «  tenta- 
tion  »,  des  calamites  futures,  beaucoup  plus  redoutables  que  les  tremblements 
de  terre  qui  inspiraient  tant  de  crainte  en  ce  pays  (Ramsay,  Letters,  ch.  xxvii- 
xxviii,  Lightfoot,  Lettres  d'ignace  aux  Philad;  Swete,  Introd.  p.  Ixiv). 


APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAX.  43 

C.  III.  14.  Et  a  I'Ange  de  Feglise  [qui  est]  a  Laodieee,  ecris  : 
«  Yoici  ce  que  dit  ΓΑιηεη.  le  temoin  fidele  et  veritable,  le  principe  de 
la  creation  de  Dieu;  15.  Je  connais  tes  (euvres,  que  tu  n'es  ni  froid  ni 
chaud.  Mieux  vaudrait  que  tu  fusses  froid  ou  chaud.  16.  Ainsi,  parce  que 
1u  es  ti6de,  et  ni  chaud  ni  froid,  je  suis  pres  de  te  vomir  de  ma  jjouche. 
17,  Parce  que  tu  dis  :  Je  suis  riche,  et  je  me  suis  enrichi,  et  je  n'ai  besoin 
de  rien  —  et  tu  ignores  que  c'est  toi  le  raalheureux,  pitoyable,  mendiant, 
aveugle  et  nu,  —  18  je  te  conseille  de  m'acheter  de  For  eprouve  au  feu, 


B.  C.  14.  Les  exegetes  rapprochent  ce  titre  <f  δ  ααη'ν  »,  d'/s.  lxv,  16  :  «  Qui  voudra  se 
benir  dans  le  pays  se  benira  7ΏΝ  I'^XZ  »,  que  les  LXX  rendent  τον  θεον  τον  άληΟινο'ν, 
et  Symmaque,  τον  θεον  apjv.  L' «  Amen  »,  formule  solennelle  d'affirmation,  si  usitee  par 
J.-C.  dans  TEvangile,  est  ici  personnifie;  il  represente,  en  contraste  avec  le  triste 
caractere  de  Laodieee,  I'Etre  qui  est  la  veracite  absolue,  le  type  meme  de  la  fldelite, 
qui  met  le  sceau  a  toute  verite  et  perfection,  celui  dont  la  nature  et  le  caractere  sont 
garants  de  son  temoignage,  et  qui  est  immuable  dans  ses  paroles  et  ses  oeuvres  [Hort, 
Bousset,  Swete,  al.);  le  «  temoin  fidele»,  Apoc.  \,  5,  et  «  αληθινός  »,  encore  cette  epithete 
johannique  de  Dieu  et  du  Christ,  cfr.  iii,  7;  vi,  10;  xix,  11.  —  ή  io/r,  της  κτίσεως  του 
θεοϋ  correspond  aux  expressions  pauliniennes  πρωτότοκος  κάσης  κτίσεως  et  άρ"/,η,  πρωτότοκος 
h.  των  νεκρών  de  Col.  I,  15,  18.  C'est  une  coincidence  remarquable,  observe  Bousset^ 
que  cela  se  lise  justement  dans  une  lettre  adressee  a  cette  eglise  de  Laodieee,  qui 
avait  du  lire  I'epitre  aux  Colossiens  {Col.  iv,  16).  Nous  A'oyqns  par  la  combien  le  choix 
de  ces  designations  etait  pen  laisse  au  hasard ;  c'est  un  signe  certain  qu'il  y  a  emprunt 
intentionnel  a  Paul,  done  que  la  christologie  de  Jean  est  paulinienne.  II  ne  faut  pas 
interpreter  ^ρ-/ή  της  κτίσεως  dans  le  sens  arien  de  «  premiere  creature  »,  axez  Ewald, 
Holtzmann,  et  meme  Bousset,  mais,  d'apres  tout  le  contexte  des  ecrits  johanniques,  et 
Paul,  et  Υ  Apocalypse  elle-mέme,  rapprocher  cette  expression  de  -ρώτος  καΙ  Ισ/ατος,  A 
7.λ\  ω,  άρ7ή  χα t  τέλος  (ι,  17;  ΐΓ,  8;  χχιι,  13;  ι,  8;  χχι,  6;  χχιι,  13),  qui  sont  dits,  tantot  de 
Dieu,  tantot  du  Christ;  c'est  done  encore  une  epithete  divine,  «  le  principe  de  la  crea- 
tion de  Dieu  »  cfr.  Joh.  i,  3.  L'idee  repond  a  celle  de  i,  17  «  Je  suis  le  Premier  et  le 

Dernier  «,  dans  la  vision  d'introduction.  Αηάνέ  :  άρ/τ) ώς  τών  κτ;σαάτων  δίσπόζουσα, 

Λρ-/ή  γαρ  κτίσεως  ή  προκαταρκτική  αιτία  και  άκτιστός. 

.  C.  15.  Sur  la  suffisance  de  Laodieee,  cause  d'un  org-ueil  et  d'une  tiedeur  qui 
repugnent  a  la  verite  divine  plus  que  des  fautes  graves,  mars  avouees,  voir  I'Exc.  x. 
Dupuis,  dans  VOr.  de  tons  lescultes,  avec  sa  geniale  theorie  astronomique,  disait  a  ce 
propos  :  «  Si  nous  passons  a  la  derniere  eglise  (in,  15)  et  a  son  genie  tutelaire,  nous  y 
reconnaitrons  presque  tous  les  traits  que  I'astrologie  donnait  au  Aaeux  Saturne,  vieil- 
lard  lent  et  glace  »  (cite  par  Clemen,  p.  67).  Ainsi  I'Ange  d'Ephese,  ville  de  Diane, 
etait  la  Lune,  celui  de  Thyatire  Venus,  etoile  du  matin,  etc.  Winckler  {Altorientalische 
Forsc/iungen,  ii,  38&,  1901),  e%  Jeremias  ne  sont  pas  restes  en  arriere.  Pour  ce  dernier 
(pp.  26-27),  les  sept  etoiles  (Anges)  que  tient  le  Christ  dans  sa  droite,  representent  le 
Sauveur  comme  le  Soleil,  Mardouk  avec  les  sept  Pleiades;  le  «  Premier  et  Dernier  », 
qui  etait  mort  et  qui  a  revecu,  comme  la  Lune,  a  cause  de  ses  phases;  le  «  Fils  de 
Dieu  »  comme  Nabou,  fils  de  Mardouk;  la  «  cle  de  David  »  rappelle  le  motif  Ishtar- 
Tammouz;  «  Amen  »  equivaut  a  Saturne,  Γ  «  Urgrund  ».  C'est  a  titre  de  pure  curio- 
site  que  nous  mentionnons  cette  scientifique  exegese. 

——  A.  B.  C.  16.  χλιαρά  est  un  hapax  legomfene  (Lvtrod.,  c.  x,  §  I)  —  ιχελλω  σε 
έμέσαι,  qui  repugnait  a  la  delicatesse  de  quelques  scribes,  a  ete  change  par  eux  en 
παύσε  (n),  en  Ιλέγ/ο;  σε  (1073).  La  menace  n'est  pas,  ici  encore,  purement  eschatologique 


44  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

πλουθήσης,  καΙ  ιμάτια  λευκά  ίνα  ττεριβάλν;  και  μή  φανερωθΫ]  ή  α'ισχύνγ)  της  γυμνέτη- 
T3C  σου,  και  κολλούριον  *εγχρ1'σαι  τους  οφθαλμούς  σου  Γνα  βλεπης.  19.  Έγώ  όσους 
έαν  φιλώ  ελέγχω  και  παιϊεύο)'  ζήλευε  ουν  καΐ  μ,ετανόησον.  20.  Ίδου  εστηκα  επΙ  τήν 
Οΰραν  καΐ  κρούο)*  εάν  τις  άκοΰσγ;  *της  φωνής  μου,  και  άνοίςη  τήν  6υραν,  *και  είσε- 
λεύσομαι  προς  αΰτον  και  δειπνήσω  μετ'  αϋτου  καΐ  αϋτος  μ,ετ'  έμου.  21.  Ό  νικών 
δώσω  αυτώ  καθίσαι  μετ'  έμοϋ  εν  τω  θρόνω  μου,  ως  κάγώ  ένίκησα  και  έκάθισα  μετά 
του  πατρός  μου  εν  τώ  Ορόνω  αυτού.  22.  Ό  έχων  ους  άκουσάτω  τι  το  πνεύμα  λέγει 
ταΤς  έκκλησίαις. 


(centre  Bousset,  al.).  Jesus  fait  entrevoir  a  ces  tiedes  la  soustraction  de  sa  grace,  qui 
laisserait  mourir  chez  eux  les  derniers  restes  de  foi  et  de  vie  chretienne.  Peut-etre 
[Sivete,  Ramsay,•  \.  Excursls  x),  y  a-t-il  une  allusion  locale  aux  sources  chaudes 
d'Hierapolis,  dont  les  eaux,  coulant  en  plaine,  devenaient  tiedes  et  impotables. 

— —  A.  B.  C.  17.  Nous  admettons  ουδέν,  de  A,  C,  α  1578-12-181,  α  203-181-203, 
avec  Tisch.^  ΛΥ-Η,  Nestle,  Bousset,  Swete,  centre  οΰδενο;,  plus  grammatical,  a'Orig.  et 
And.,  suivis  de  von  Soden;  —  πεπλούτη/.α,  cfr.  Osee  xii,  8,  reproche  a  Ephraim.  —  Les 
Laodiceens  etaient  infatues  d'eux-memes,  comme  les  Corinthiens  (I  Cor.  iv,  8).  «  Son 
bien-otre  materiel  ne  sert  a  I'eglise  de  Laodicee  qu'a  se  faire  illusion  sur  sa  pauvrete 
spirituelle  »  [Calmes).  Jesus  les  ramene  au  sens  de  la  realite  par  une  serie  d'epithetes 
d'une  rare  vigueur.  Remarquer  I'article  :  ό  ταλαίπωρος  :  tu  es  le  pauvre  entre  tous. 

— —  A.  β.  C.  18.  Nous  lisons  I'infin.  έγ/ρίσαι  avec  W-H.,  Bousset,  Soden,  al.,  et 
non  I'imperatif  εγχρισαι  de  Tisc/i.  [vulg.  «  inunge  »,  And.,  ερ/pwov),  car  ainsi  la  phrase 
est  aussi  reguliere  et  plus  suivie.  —  πεπ.  h.  πυρός.  Get  h.  πυρός  pent  tenir  lieu  dun  datif 
instrumental  (Introd.,  ch.  x,  §  II),  mais  aussi,  par  ellipse,  signifier  «  [sortant]  du  feu  »  ; 
cfr.  pour  I'image  Ps.  xvii  (xviii),  31;  Frov.  xxiv,  28  (xxx,  δ),  et  surtout  I  Pet.  i,  7,  ού 
elle  est  appliquee  a  la  foi,  ce  qui  doit  etre  encore  le  sens  ici.  Les  «  A^etements  blancs  » 
(cfr.  Apoc.,  passim.;  Exc.  xii)  pour  Andre,  representent  ici  les  vertus,  dont  la  grace  du 
Christ  est  la  source;  il  ne  s'agit  pas  encore  de  biens  eschatologiques;  cfr.  xix,  8.  Le 
tf  coUyre  »  rendra  I'acuite  a  leur  vue  spirituelle;  Andre  veut  y  voir  la  pauvrete,  qui 
dessillerait  les  yeux  de  ces  riches.  Partout  des  allusions  au  commerce  local  (Exc.  x). 
Contraste  avec  le  message  a  Philadelphie. 

— ^—  A.  B.  19.  εάν,  pour  αν.  est  hellenistique;  nombreux  exemples  dans  le  N.  T., 
les  LXX,  et  les  papyrus  [Blass-Deb.  p.  107);  I'emploi  de  la  particule  αν  (έάν),  en  ce 
sens,  est  d'ailleurs  tres  rare  dans  I'Apoc.,  contrairement  a  Jo/i.  et  a  I  Jo/i.  —  L'impe- 
ratif  present  ζήλευε  (non  ζηλωαον  ou  ζηλοΐ3,  d'H  et  quelques  autres),  suivi  de  I'aoriste 
[Αετανόησον,  marque  un  choix  delicat  du  temps  {Bousset),  digne  d'un  bon  helleniste  :  car 

le  zele  doit  etre  continu,  tandis  que  la  conversion  sera  un  acte  transitoire.  —  οδς 

ελέγ/ω,  cfr.  Prov.  iii,  2;  Jesus  parle  encore  comme  Dieu. 

C.  19.  Ce  verset  et  le  suivant  sont  parmi  les  plus  touchants  du  N.  T.;  I'auteur  de 
I'Apocalypse,  meme  en  ses  menaces  les  plus  severes,  n'oubliait  pas  que  «  Dieu  est 
amour  ».  Ramsay  a  grand  tort  de  croire  que  cette  explication  misericordieuse  s'ap- 
plique  seulement  a  I'ensemble  des  eglises,  tandis  que  Laodicee  serait  condamnee 
irrevocablement;  rien  n'indique  une  restriction  pareille,  au  contraire.  βαβαΐ  της  φιλαν- 
θρωπίας, s'ecrie  Andre,  omu  d'une  telle  bonte  divine. 

— —  A.  B.  20.  φωνής,  genitif;  aiUeurs,  I'Apoc.  (comme  Jo/i.)  emploie  I'accusatif 
φωντ;ν  apres  άκόυω,  sans  raison  visible  de  cette  difference,  ainsi  i,  10;  vi,  6,  al.;  toute- 
fois,  quand  le  regime  est  un  nom  de  personne,  il  le  met  constamment  au  genitif, 
sauf  v,  13.  —  Καί,  avant  έλεύσο,ααι,  est  un  hebraisme  demeure  assez  curieusement 
rec.  K.;  aussi  Tisch.  et  Bousset  font-ils  bien  de  le  conserver,  malgre  I'omission  des 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  45 

pour  que  tu  t'enrichisses,  et  des  vetements  biancs  pour  que  tu  t'enveloppes, 
et  que  n'apparaisse  pas  la  honte  de  ta  nudite,  et  un  coUyre  [pour]  oindre 
tes  yeux,  afin  quetu  regardes.  19.  Moi,  tous  ceux  que  j'aime  je  [les]  reprends 
et  [les]  corrige;  aie  done  du  zele,  et  convertis-toi.  20.  Voici  que  je  suis 
debout  h  la  porte,  et  je  frappe  :  si  quelqu'un  entend  ma  voix,  et  ouvre  la 
porte,  j'entrerai  chez  lui  et  je  souperai  avec  lui,  et  lui  avec  moi.  21.  Le 
Victorieux,  je  lui  donnerai  de  s'asseoir  avec  moi  sur  men  trone,  comme  moi 
aussi  j'ai  vaincu,  et  me  suis  assis  avec  mon  pere  sur  son  trone.  22.  Gelui  qui 
a  des  oreilles,  qu'il  entende  ce  que  I'Esprit  dit  aux  eglises. 


autres  mss.  —  έάν  τι;  άκ.,  cfr.  Jo/i.  χ,  3  Holtzinann).  —  «  Je  suis  debout  a  la  porte,  etc.  »  ; 
il  ne  faut  pas  trop  presser  le  parallelisme  qu'on  indique  avec  Mat.  xxiv,  33;  Luc  xii, 
36  eiJac.  v,  9,  ni  avec  Hen.  eth.  ch.  lxii,  14. 

C.  20.  Bousset  ne  veut  pas  qu'on  spiritualise  ici,  et  il  rapporte  cette  promesse  au 
regne  millenaire;  mais  ce  n'est  la  que  du  parti  pris,  du  a  sa  these  syncretiste. 
Jesus  se  tient  a  la  porte,  mais  secretement,  humblement,  «  a  la  porte  du  coeur  ». 
«  Son  avenement  est  sans  violence  »  {Arethas).  Dans  les  paralleles  indiques  ci- 
dessus,  il  s'agissait  de  la  venue  solennelle  du  Juge;  ici  le  Seigneur  change  le  sens 
de  I'image,  c'est  I'arrivee  d'un  ami  suppliant,  et  le  ton  est  plutot  celui  du  Gantique 
des  Gantiques  que  des  menaces  synoptiques.  Gar  c'est  I'homme  qui  doit  ouvrir  la 
porta  a  Jesus;  c'est  chez  I'homme  que  Jesus  entrera,  c'est  I'homme  qui  offrira  le 
repas.  Gette  image  du  repas,  dans  Luc  xiv,  15  et  en  de  nombreux  passages  bibliques 
{Is.  XXV,  6)  ou  apocryphes,  represente  la  beatitude  de  la  vie  future;  mais  alors  le 
repas  est  general,  et  ce  sont  les  hommes  qui  entrent  dans  le  palais  de  Dieu.  Dans 
notre  verset,  nous  voyons  justement  I'inverse.  II  s'agit  done  de  I'entree  secrete 
dans  le  coeur,  suivie  des  joies  de  la  grace,  et,  plus  specialement  sans  doute,  de 
I'Eucharistie.  II  n'est  aucune  image,  dans  toutes  ces  Lettres,  qui  ait  un  caractere 
plus  intime,  plus  individuel,  et  plus  touchant. 

—  A.  B.  21.  «  Nominatif  pendant  »,  et  pleonasme  de  αυτω.  —  καθ-'σαι  κτλ., 
cfr.  Mat.  XIX,  28;  Luc,  xxii,  29.  —  έκάθυα,  image  du  Ps.  ex,  1,  voir  ch.  v.  —  ένίκησβ, 
cfr.  Joh.  xvi,  33,  mot  johannique. 

C.  21.  Ici  seulement  la  promesse  devient  eschatologique ;  les  deux  perspectives, 
de  la  vie  presente  et  de  la  vie  future,  sont  ici  distinguees,  tandis  qu'elles  etaient 
fondues  a  la  fin  des  lettres  precedentes.  D'ailleurs  cette  royaute  promise  est  deja 
commencee  sur  terre  (i,  6;  al.).  Restreindre  ces  promesses  aux  martyrs  [Joh  Weiss), 
c'est  un  vrai  contresens;  le  Ghrist  a  bien  ete  definitivement  vainqueur  par  sa  mort 
et  sa  resurrection;  mais  aussi  grace  a  ce  «  quotidie  morior  »  qu'il  aurait  pu  dire 
avant  son  apotre  saint  Paul;  il  en  doit  etre  ainsi  pour  ses  fideles. 

EXC.    X.    LAODICEE    ET    l'eGLISE    DE    LAODICEE. 

Ce  dernier  message  couronne  dignement  le  premier  septenaire  et  la  serie 
«  des  choses  qui  sont  ».  II  est  le  plus  ample  de  tous,  peut-etre  le  plus  beau, 
pour  la  vigueur  et  la  tendresse.  Nous  pourrions  dire  qu'il  est  le  plus  pitto- 
resque  aussi,  car  les  allusions  aux  circonstances  locales  sont  plus  directes  et 
plus  transparentes  que  nulla  part  ailleurs, 

Laodicee  etait  una  importante  cite  d'industrie  et  de  commerce,  en  meme 
temps  quun  centre  d'enseignement  medical.  Fondee   par  Antiochus   ii   (261- 


46  APOCALYi'SE    DE    SAIAT    JEAN. 

246),  dans  la  valle  dii  Lycus,  en  face  d'Hierapolis,  dont  les  eaux  thermales, 
s'ecoulant  en  ruisseaux  par  la  vallee,  d^venaient  bientot  tiedes  et  impossibles 
a  boire,  elle  avait  cru  rapidement  sous  la  domination  romaine;  sa  prosperite, 
comme  le  montre  assez  la  lettre,  la  portait  a  une  bourgeoise  satisfaction 
d'elle-meme  ou  le  sentiment  religieux  ne  pouvait  que  s'attiedir.  Sa  fierte,  son 
sentiment  de  «  self-help  »  s'etaient  montres  une  trentaine  d'annees  auparavant 
par  un  trait  que  rapporte  Tacite^  Annales,  xiv,  29  :  «  Eodem  anno  (60)  Lao- 
dicea  tremore  terrae  prolapsa,  nullo  a  nobis  (i.e.  Romanis)  remedio  propriis 
viribus  revaluit.  »  Deja  alors  elle  disait  :  ουδέν  χρείαν  iyw.  Vers  cette  epoque, 
une  communaute  chretienne  y  avait  ete  fondee  par  les  disciples  de  Paul 
[Col.  II,  1;  IV,  13-16;  cfr.  Act.  xix,  10). 

La  ville  etait  pleine  de  banques  et  de  maisons  de  commerce ;  une  de  ses 
principales  industries  etait  la  preparation  de  laines  noires  lustrees,  avec  les- 
quelles  on  fabriquait  des  vetements  speciaux.  A  quelque  distance  s'elevait  le 
temple  de  Men  carien,  aulour  duquel  se  tenait  nn  marche  fameux.  Des  noms 
de  medecins  laodiceens  illustres  sont  inscrits,  au  temps  d'Auguste,  sur  les 
monnaies  locales.  lis  semblent  avoir  pratique  surtout  I'oculistique ;  Aristote 
parlait  deJa  de  la  «  poudre  phrygienne  »,  et  plus  tard  Galien  du  χολλούριον  {De 
Sanitate  tuenda,  vi,  12);  c'etait  un  cylindre  d'une  pierre  particuliere,  que  Ton 
reduisait  en  poudre  a  appliquer  sur  les  yeux,  et  qui  etait  exportee  dans  tout  le 
monde  romain. 

Le  Fils  de  I'Homme,  on  I'a  vu  deja  dans  la  lettre  a  Sardes,  est  surtout 
severe  pour  les  tiedes  qui  s'enorgueillissent  dans  leur  insuffisance.  II  montre 
le  contraste  choquant  qui  exisle  entre  ce  quest  Laodicee  a  ses  propres  yeux, 
et  ce  qu'elle  est  en  face  de  I'ideal  chretien.  L'or  de  ses  banquiers  n'est,  devant 
Dieu,  que  de  la  fausse  monnaie;  au  lieu  de  ses  laines  noires^  ell«  ferait  bien 
de  songer  a  acquerir  les  velements  blancs  de  la  purete  et  du  triomphe;  son 
collyre  n'est  pas  celui  qui  guerira  ses  yeux  aveugles  par  la  richesse.  Mais 
Jesus  s'etend  ensuite  d'autant  plus  sur  sa  misericorde,  qu'il  a  blame  en  termes 
plus  ironiques  et  plus  veliements;  il  adresse  aux  Laodiceens  le  plus  touchant 
de  ses  appels,  parce  que  ce  sont  des  coeurs  arides  que  Tegoi'sme,  I'interet, 
rhabitude  des  compromis,  a  rendus  plus  difficiles  a  atteindre  (cfr.  Ramsay, 
Letters,  cli.  xxix-xxx). 

■EXC.    XI.    LES    N'ICOLAJTES. 

Quatre  des  eglises  asiatiques,  sur  sept,  ont  a  subir  Tassaut  de  graves 
dangers  interieurs,  qui  s'attaquent  a  la  doctrine  et  aux  mceurs;  Ephese  y  a 
resiste,  quoique  reprehensible  sous  d'autres  rapports;  seules  Smyrne  et  Phi- 
ladelphie,  exposees  aux  vexations  des  Juifs,  n'ont  merite  que  des  eloges.  Ce 
peril  pouvait  revetir,  selon  les  villes,  des  modes  divers;  cependant,  I'unite 
assez  parfaite  d'interet,  de  culture,  d'esprit  et  de  religion,  qui  existait  dans 
toute  I'Asie  proconsulaire,  fait  presumer  qu'il  y  avait  un  fond  commun  a  ces 
erreurs,  et  qu'on  aurait  pu  les  comprendre  sous  une  denomination  generale. 

Deux  des  messages,  a  Pergame  et  a  Thyatire.  rapproches  de  la  lettre  a 
Ephese,  nous  aident  a  preciser  en  quoi  elles  consistaient.  En  ces  deux  pre- 
mieres villes,  les  tendances  difisolvantes  avaient  pris  la  forme  d'une  doctrine, 


Al'OCALYI'SE    DE    SAINT    JEAN.  47 

διδα/η  (ii,  14,   15;  20,   24).  Cenx  qui  la  professaient  se  croyaient  autorises   a 

«  forniquer  » ;  et  a  manger  des  idolothytes  non  seulement  dans  leurs  maisons 

sans  doute,  ce  qui  aurait  pu  etre  licite   (I   Cor.  x,  25  suiv.),  mais  dans  les 

temples  paiens.  Nous  avons  montre  comnnent  Fattrait  et  la  puissance  des  cultes 

de    Pergame,    ainsi   que   les    conditions   economiques   de   Thyatire,   pouvaient 

entrainer  des  Chretiens  pen  fervents  ou  pen  oourageiix  k  de  tels  compromis. 

C'est  pourquoi  ils  sont  stigmatises  des  noms  symboliques  de  Balaam  et  de 

Jezabel.  Mais  ils  allaient  encore  plus  loin ;  pour  justifier  leurs  pratiques  cou- 

pables,  ils  se  langaient  dans  des  speculations  qui  deiraient  consister,  du  moins 

a  Thyatire,  en  autre  chose  qu'en  antinomianisme,  ou  paulinisme  exagere;  cela 

s'appeiait,  sans  doute  dans  le  langage  indigne  des  vrais  croyants,  «  les  profon- 

deurs  de  Satan  »  (ii,  24).  Rien  n'est  plus  naturel  que  de  penser  a  q^uelque 

mysticisme  syncretiste,  snrtout  si  Ton  se  souvient  du  gnosticisme  qui  mena^ait 

d'envahir  ces  eglises  des  le  temps  de  Paul  [Col.;  Ephesiens ;  Pastorales),  et 

des  mysteres  qui  fleurissaient  a  Pergame.  Dans  les  lettres  a  Sardes  et  a  Lao- 

dicee,  il  ne  s'agit  expressement  que  de  degenerescence  morale;  mais  il  est  au 

moins  tres  vraisemblable  que  le  relacheraent  n'aurait  pas  atteint  ce  degre  sans 

kXv&  favorise  par  les  erreurs  des  cites  voisines,  ou  sans  leur  ouvrir  une  lare^e 

voie  de  penetration;  d'ailleurs,  Laodicee  etait  une  des  chretientes  visees  par 

I'Epitre  aux  Colossiens,  et  il  semble  qu'elle  n'avait  guere  progresse  depuis  lors. 

Or,  ces  doctrines  nefastes  portent  un  nom  propre  dans  la  lettre  a  Pergame  : 

ce  sont  celles  des  «   Nicolaites   «.  Cette  secte,  ou  cette  faction,  n'etait  pas 

chassee   de   I'Eglise,   puisque   certaines   communautes  paraissent   la  menager 

encore.  La  metropole  d'Ephese,  qui  les  connaissait  bien,  avait  su  pourtant  se 

premunir    contre    eux    avec    vigueur;    elle   avait   sainement   juge    les   «   faux 

apotres  »,  en  qui  11  est  tout  indique  de  voir,  entre  autres,  des  propagateurs 

du  <t  nicolaitisme  »  (ii,  2,  6).  On  comprend  par  ce  dernier  verset  que  ce  nom 

n'etait  pas  une  designation  locale  propre  a  Pergame,  mais  qu'il  etait  connu 

dans  tout  le  pays. 

Que  signifie-t-il  au  juste?  Heumann  et  Janus,  au  debut  du  xvm"  siecle, 
(1712,  1723,  V.  Bousset,  p.  207)  ont  emis  Fhypothese  que  α  Nicolas  »  etait 
aussi  symbolique  que  «  Balaam  »  :  Νιχο-λαο;  =  Ών-νΊζ;  mais  elle  est  bien  arti- 
ficielle,  car  vixaoj  et  ySa  n'ont  nuDement  le  meme  sens.  La  plupart  des  com- 
mentateurs  sont  done  d'avis  que  le  secte  s'appeiait  ainsi  parce  qu'elle  devait 
son  origine  aun  certain  Nicolas,  quelque  docteur  gnosticisant  d'Asie. 

Faut-il  infliger  cette  tare  a  «  Nicolas,  proselyte  d'Antioche  »,  I'un  des  sept 
diacres  dont  il  est  question  Act.  vi,  5?  II  semble  bien  que  des  laxistes  immo- 
raiix  se  soient  reclames  de  son  autorite,  et  Irenee  (Adv.  Haer,  I,  xxvi,  3), 
Hippoiyte  (Philosophoumcna  vii,  36),  ont  admis  la  verite  de  cette  filiation, 
on  ne  sait  sur  quelles  donnees.  La  chose  n'est  pourtant  pas  si  certaine.  Ter~ 
ticllien  [De  Praescriptioiie,  33),  donne  le  nom  de  «  Nicolaites  »  a  des  here- 
tiques  de  son  temps,  a  propos  justement  de  I'Apocalypse,  mais  ne  dit  rien  de 
leur  maitre.  Les  Constitutions  Apostoliques,  vii,  8,  paraissent  rejeter  leur 
origine  pretendue,  quand  elles  s'expriment  en  ces  termes  :  ot  νυν  ψευδώνυμοι 
Νιχολάϊται;  Victoria  (ad  loc),  et  les  interpolations  a'lgnace  (Trail.  11  et 
Philad.  6)  s'expriment  k  peu  pres  de  meme  maniere.  Saint  Epiphane  (Pana- 
rion,    xxv).    Philastre    (Haer.    xxxiii),    le     Pseudo-TertuUien   (Adv.     oranes 


48  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

haereses,  i,  traite  inspire  sans  doute  d'un  «  Syntagma  »  perdu  d'Hippolyte), 
mentionnent  bien  une  secte  gnostique  qui  se  rattachait  de  fait  au  nom  de 
Nicolas,  mais  ce  n'etait  peut-etre  que  par  suite  d'une  interpretation  de  I'Apo- 
calypse.  La  solution  du  probleme  pourrait  se  trouver  dans  Clem.  Alex. 
(Stromates,  in,  522-sq;  Eusebe  in,  29)  et  dans  Theodoret  [Haer.  fabulae, 
III,  1);  tout  en  parlant  favorablement  de  Nicolas  le  diacre,  ils  rapportent  une 
histoire  ou  une  legende  qui,  mal  interpretee,  aurait  pu  donner  lieu  plus  tard 
a  sa  reputation  d'heresiarque.  D'apres  Clement,  Nicolas  le  diacre  aurait 
declare  qu'il  faut  «  παρα/ρησθαι  τη  σαρχί  »,  c'est-a-dire  «  abuser  de  la  chair  »,  ou 
«  negliger  la  chair  »,  mais  dans  le  meme  sens  que  Tapotre  Mathias,  qui 
enseignait  aussi  qu'on  doit  «  σαρχ\  μέν  μάχ^εσθαι  και  παρα/ρησθαι  »,  autrement  dit 
la  combattre  et  I'asservir;  la  secte  aurait  plus  tard  interprete  dans  un  sens 
immoral  ce  terme  ambigu.  —  Malgre  tout,  la  question  n'est  pas  claire;  il 
reste  seulement  que  la  morale  et  le  dogme  Chretiens  couraient  dans  les  eglises 
d'Asie,  a  la  fin  du  i^''  siecle,  un  grand  danger  du  fait  de  sectaires  appeles 
«  Nicolaites  »,  qu'ils  dussent  leur  nom  au  diacre,  ou  a  quelque  autre  Nicolas, 
dent  nous  ne  savons  absolument  rien,  a  moins  que  ce  ne  fut  un  disciple  de 
Simon  le  Mage,  comme  I'avance  le  Pseudo-Dorothee  (περί  τών  ιβ'  αποστόλων, 
parmi  les  oeuvres  de  S.  Hippolyte,  P.G,  x,  p.  951  suiv.). 

EXC.    XII.    —    LA    COULEUR   BLANCHE    DANS    l'apoCALYPSE. 

Les  lettres  introduisent  un  des  symboles  les  plus  constants  de  I'Apocalypse, 
la  couleur  blanche,  pour  la  «  petite  pierre  »  (ii,  17),  les  vetements  promis  aux 
fideles  (in,  4,  5,  18);  c'est  aussi  la  couleur  de  la  tete  et  des  cheveux  du  Fils  de 
I'Homme  (i,  14). 

La  signification  symbolique  de  cette  couleur  etait  deja  chose  absolument  fixee 
a  I'epoque  et  dans  le  pays  ou  I'Apocalypse  a  paru. 

Gressmann  [Ursp?'un^  der  isr.-jiid.  Eschat.,  §  33)  entreprend  de  demontrer 
que  les  vέtements  blancs  sont  propres  aux  etres  celestes,  que  la  couleur  blanche 
est,  dans  lAncien  Testament,  un  succedane  de  Teclat  d'embrasement  metal- 
lique  attribue  au  corps  de  certains  dieux  anciens.  II  y  a  une  trop  forte  part  de 
conjecture  dans  sa  theorie;  mais,  si  Ton  ne  peut  etablir  que  le  blanc  ait  ete  la 
couleur  specifique  divine  et  angelique,  du  moins  est-il  certain  que,  dans  le  monde 
greco-romain,  et  dans  Tempire  voisin  des  Parthes,  c'etait  la  couleur  de  bon 
augure,  celle  qui  etait  la  plus  usitee  dans  les  rejouissances  religieuses,  et  en 
general  dans  les  solennites  consacrees  a  la  joie  publique;  aux  fetes  romaines, 
la  ville,  remplie  de  citoyens  en  toge  blanche,  pouvait  s'appeler  Candida  urbs. 
Cette  couleur  etait  le  signe  de  la  purete  rituelle ;  les  pretres  d'Isis  etaient  tous 
vetus  de  lin  blanc,  et  dans  les  autres  religions  paiennes,  en  Asie  comme  ailleurs, 
les  vetements  blancs  etaient  d'un  usage,  sinon  toujours  prescrit,  au  moins  tres 
habituel.  Cette  signification  joyeuse  et  sacree  explique  que  le  blanc  ait  ete  aussi 
la  couleur  du  triomphe,  de  la  victoire  remportee  avec  I'aide  des  Dieux,  et  ait 
eu  quelque  afiinite  avec  I'idee  de  dignite  supreme,  de  pouvoir  imperial.  Le 
general  remain  qui  recevait  les  honneurs  triomphaux  portait,  il  est  vrai,  comme 
Jupiter,  un  vetement  de  pourpre  orne  d'or,  et  il  n'etait  pas  a  cheval,  mais 
tronait  sur  un  char  a  quatre  chevaux.  Plutarque  signale  —  comme  exceptionnel 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  49 

cependant  et  comme  une  grande  marque  d'orgaeil  —  le  fait  que  Camille  eut 
dans  cette  circonstance  un  quadriga  de  chevaux  blancs,  honneur  reserve  jusque-la 
au  «  Pere  des  dieux  »  [Camille,  ch.  vii),  Jules  Cesar,  d'apres  Dion  Cassias 
xLiv,  14,  celebra  des  epinikia  «  sur  des  chevaux  blancs  et  avec  des  licteurs  » 
(cite  par  Sv^'ete,  p.  86).  Domitien  accompagna  sur  un  cheval  blanc  le  triomphe 
de  son  pere  et  de  son  frere  apres  la  guerre  de  Judee;  si  le  fait  a  paru  digne 
de  remarque  a  Suetone  (Domitien,  ii),  c'est  que  I'historien  a  voulu  noter,  comme 
le  contexte  le  suggere,  que,  n'ayant  pas  regu  dans  le  char  triomphal  une  place 
a  laquelle  il  n'avait  aucun  droit,  le  plus  jeune  fils  de  I'empereur  fut  cependant 
associe  de  tres  pres  au  triomphe  de  son  pere  et  de  son  frere  aine.  D'ailleurs, 
la  foule  qui  prenait  part  aux  ceremonies  de  ce  genre  etait  en  robes  blanches. 
Le  blanc,  les  chevaux  blancs,  signifiait  done  la  victoire.  Et  quand  Virgile  dit 
dans  VEneide,  III,  v.  537-538  : 

Quattuor  hie,  primum  omen,  equos  in  gramine  vidi 
Tondeates  campum  late  candore  nivali, 

Servius  explique  que  c'est  un  presage  de  succes  guerriers.  Au  Ill^livre  des 
Sibyllins,  v.  175-178, 1'extension  du  pouvoir  romain  en  Asia  est  ainsi  prophetise  : 

Mais  lorsque  viendra  le  commencement  d'un  autre  empire, 
Blanc  et  a  beaucoup  de  totes,  de  la  mer  occidentale, 
Qui  dominera  bien  des  pays,  en  fera  trembler  beaucoup, 
Et  excitera  la  crainte  chez  tous  les  rois,  etc. 

Jean,  pour  I'empire  romain,  sa  «  Bete  de  la  mer  »,  a  d'autres  couleurs  carac- 
teristiques  :  le  rouge  sang  et  la  pourpre;  mais  ce  passage  des  sibylles  montre 
par  quelle  transition  le  blanc,  symbole  de  victoire,  a  pu  en  venir  plus  tard  a 
signifier  aussi  la  domination  imperiale,  les  empereurs  etant  des  conquerants. 
On  pourrait  rappeler  ici  un  autre  passage  de  Suetone,  ou  Domitien,  trouvant 
fort  mauvais  que  le  gendre  de  son  frere  eut,  comme  lui,  des  esclaves  habilles 
de  blanc,  dit  :  «  II  n'est  pas  bon  qu'il  y  ait  plus  d'un  maitre  »  (Domitien,  xii). 
C'etait  avant  son  accession  a  I'empire;  mais  la  couleur  blanche  etait  pour  lui 
un  signe  de  souverainete,  au  moins  en  expectative. 

En  Asie,  comme  I'observe  Ramsay  (Letters,  p.  387,  388),  beaucoup  de  solen- 
nites  imperiales  etaient  modelees  sur  le  triomphe;  les  symboles  romains  pou- 
vaient  done  y  conserver  leur  signification. 

Chez  les  anciens  Perses,  et  leurs  heritiers  les  Parthes,  le  blanc  etait  couleur 
sacree,  Dans  Γ  A  vesta,  Mithra  et  Sraosha  parcourent  le  ciel  sur  des  chars  traines 
par  quatre  chevaux  blancs;  las  armees  etaient  accompagnees  d'etalons  sacros 
de  la  meme  robe. 

Tant  d'exemples  etablissent  suffisamment  que,  dans  I'empire  en  general,  et 
dans  le  pays  de  I'Apocalypse,  situe  entre  Rome  et  I'Orient,  I'idec  de  joie,  de 
succes  et  de  puissance  etait  bien  fixement  jointe  a  la  couleur  blanche  . 

II  parait  en  etre  alio  de  meme  pour  les  Apocalyptiques  juifs,  et  cette  tradition 
a  passe  aux  Chretiens.  Les  brebis  alien,  eth.,  ch.  xc,  sont  blanches,  c'est-a- 
dire  purcs  et  bonnes.  Nous  lisons  V  Esd.  ii,  40  :  «  Recipe,  Sion,  numerum  tuum, 
et  conclude  candidatos  tuos  qui  legem  Domini  compleverunt  »  cfr.  39  «  splen- 
didas  tunicas  »;  45  «  tunicam...  immortalem  sumpserunt  ».  Blancs  sans  doute 

APOCALYPSE   DE   SAINT  JEAN.  4 


50  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

aussi,  d'apres  I'analogie,  doivent  etre  les  votements  des  elus  dont  il  est  question 
Hen.  eth.  lxii,  15-16;  Hen.  si.  xxii,  8,  10;  et  si  souvent  dans  WAsc.  Is.,  iv,  16; 
vni,  26;  IX,  2,  9,  11,  18,  24-26;  xi,  40,  ou  ils  sont  deposes  au  septieme  ciel, 
cfr.  Π  Cor.  v,  3-4.  Les  justes  qui  entrent  dans  la  tour,  Past.  Hermas,  Sim. 
VIII,  II,  3,  ont  un  «  ίαατισμον  ...λευκον  ώσει  χιόνα  »  (cfr.  Gressmann,  supra,  loc.  cit. 
et  Bousset,  Rel.  Jud.  p.  265-suiv.).  On  peut  se  souvenir  encore  des  mentions 
de  la  couleur  blanche  trouvees  dans  les  Evangiles  et  les  ActeSy  pour  les  vete- 
raents  du  Christ  a  la  Transfiguration,  et  ceux  des  Anges  au  tombeau  vide  du 
Seigneur,  ou  apres  I'Ascension. 

Dans  notre  Apocalypse,  cette  image  revient  quinze  fois;  en  plus  des  passages 
deja  etudies,  le  blanc  est  la  couleur  du  vetement  des  24  Vieillards  celestes,  iv,  4; 
des  robes  donnees  aux  martyrs,  vi,  11;  du  costume  de  la  foule  innombrable  qui 
arrive  au  ciel,  vii,  9,  13;  des  chevaux  du  Verbe  et  de  son  armee,  ainsi  que  du 
vetement  des  combattants  celestes,  xix,  11  et  14  bis;  du  trone  de  Dieu  au  grand 
Jugement,  xx,  11;  enfin  du  premier  cheval  de  la  Vision  des  Sceaux,  vi,  1;  et 
de  la  «  nuee  »  sur  laquelle  apparait  le  Fils  de  THomme,  xiv,  14,  Ces  deux 
derniers  passages  offrent  des  difficultos  speciales,  que  nous  resoudrons  en  leur 
lieu;  disons  pourtant  deja  que,  la  aussi,  le  blanc  represente  la  victoire  du  Bien 
et  de  la  misericorde.  Partout  done,  dans  I'Apocalypse,  cette  couleur  n'apparait 
qu'en  des  passages  destines  a  inspirer  aux  fideles  de  purs  sentiments  de  respect 
religieux,  de  confiance  et  d'allegresse.  Swete  releve,  a  travers  I'Ancien  Tes- 
tament, quelques  paralleles  propres  a  integrer  le  sens  des  «  vetements  blancs  » 
a'Apoc.  in,  4,  et  des  autres  endroits  cites.  C'est,  en  plus  de  la  purete  :  l°la  joie 
des  fetes,  Eccl.  ix,  8;  2°  la  victoire,  II  Mace,  xi,  8;  3'^retat  coleste,  Dan.  vii,  9 
{Theodotion,  Vulg.).  Tons  ces  sens  s'unissent  dans  notre  ch.  iii;  et  ils  ne  se 
referent  pas  seulement  a  la  gloire  promise  aux  corps  ressuscites,  mais  a  toute 
ame  qui  sera  restee  fidele  a  la  loi  du  Christ,  pour  cette  vie  et  pour  I'Au-Dela ; 
la  preuve  en  est  in,  18. 

EXC.    XIII.    —   ΕΡΧΟΜΑΙ   ΤΑΧΥ. 

Plusieurs  fois  deja,  en  cette  premiere  partie,  ont  apparu  des  expressions 
qui  pourraient  faire  croire  imminente  la  Parousie  du  Christ.  Dans  notre  Introd., 
ch.  IX,  nous  avons  traite  de  cette  question  en  general,  et  nous  y  reviendrons 
k  propos  des  chapitres  xvii  et  xx.  Dans  les  Lettres,  ces  passages,  en  realite, 
ou  bien  n'ont  pas  de  rapport  immediat  au  Dernier  Avenement;  ou  bien,  s'ils  en 
ont  un,  ils  n'en  determinent  nullement  Tepoque. 

Ainsi  I,  7,  ϊδου  ερ/εται  μετίι  των  νεφελών  fait  bien  entrevoir  la  fin  des  temps;  mais 
il  pourrait  signifier  seulement  la  vision  presente  (Ιδού)  qu'a  le  Prophete,  par  une 
anticipation  de  sa  foi  ardente,  et  non  la  proximite  du  fait  predit  :  «  Voici  que 
deja  je  le  vols  qui  vient  avec  les  nuees  ».  D'ailleurs,  a  I'extrerae  rigueur,  comme 
cette  image  de  Daniel  repond  a  Tetablissement  du  regne  du  Messie  avec  les 
Saints,  sans  distinguer  inauguration  et  consommation,  on  pourrait  admettre  que 
Jean  a  en  vue  aussi  tous  les  actes  de  royaute  du  Christ  a  travers  les  temps  mes- 
sianiques. 

Ερχομαι  σοι  de  Π,  5,  έρχομαι'  σοι  ταχύ  de  π,  16,  ne  sont,  nous  I'avons  vu,  que  des 
menaces  conditionnelles  et  temporelles  aux  eglises  d'Ephese  et  de  Pergame. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  51 

Άχρι  o6  αν  yi;oj  de  ii,  25  peut,  aussi  bien  qu'au  jugement  final,  se  rapporter  au 
temps  ou  le  Christ  viendra  infliger  les  peines  temporelles  de  la  «  grande  tribu- 
lation »  a  la  Jezabel  de  Thyatire;  la  distinction  apportee  entre  les  deux  classes 
des  Chretiens  de  cette  ville  favorise  la  seconde  interpretation,  ainsi  que  I'image 
de  Γ  «  etoile  du  matin  »,  qui  convient  mieux  a  ce  crepuscule  de  la  vie  presente, 
oil  la  possession  de  Jesus  est  surtout  une  esperance.  "Ηξω  ΙπΙ  σί,  de  πι,  3,  est 
encore  conditionnel  et  temporel  {i>id.  ad  loc).  "Ερχομαι  ταχύ  de  in,  11,  peut  s'in- 
terpreter,  d'apres  le  contexte  (10-11),  de  I'approche  de  la  «  tentation  »  par 
laquelle  le  Fils  de  I'Homme  eprouvera  le  monde,  au  cours  meme  de  I'histoire, 
et  dont  I'eglise  si  meritante  de  Philadelphie  sera  preservee,  si  elle  persevere. 
Quant  a  Ίδου  έ'στηκα  επι  την  θύραν...  (ιιι,  20-suiv.),  nous  avons  vu  que  c'est  un 
veritable  contresens  de  I'interpreter  eschatologiquement. 

Plus  loin,  nous  etablirons  que  les  passages  vi,  11;  x,  7-suiv.,  xii,  12,  ne 
levent  nullement  cette  incertitude  du  temps  de  la  Parousie.  Ceux  de  la  derniere 
partie,  xxii,  6,  10,  12,  17,  20,  sont  a  interpreter  dans  un  sens  large,  sans 
epoque;  enfin  les  propheties  detaillees  des  Betes  (xiii,  xvii)  et  du  Millenaire 
(xx)  reculent  necessairement  dans  un  lointain  indefini  la  perspective  du  Jugement 
dernier. 


DEUIIEME  PARTIE 

(IV-XXI,  8) 

Prophetie  de  tout  I'aveni?'  du  monde  et  de  VEglise,  a  partir  de  la 
glorification  du  Christ  jusqu'au  dernier  jug ement. 

Int.  —  Cette parde,  quia  έΐέ  annoncce  I,  19  («  [χέλλει  γενέσθαι  μετά  ταΰτα),  com- 
prend  presque  tout  le  corps  du  livre.  Mais  elle  se  divise  en  deux  sections  bien  tran- 
chees  (sauf  un  emboitement),  VI-XI,  et  XII-XXI,  8.  La  premiere  se  rapporte  surtout 
au  monde  profane,  la  deuxieme  a  VEglisc.  Elles  sont  precedees  d'une  vision  d' intro- 
duction, iv-v. 

I.  —  VISION  D'INTRODUCTION  GENERALE  A  LA  PARTIE  PROPHETIQUE 

(CG.    IV   ET   V). 

Ιλτ.  —  Le  plan  de  ces  deux  cliapitres  est  aussi  clair  que  majestueux.  Jean,  avant  de 
plonger  ses  regards  dans  I'avenir,  voit  sur  son  trone  celeste,  environno  de  la  cour  des 
Anges,  Celui  qui  est  le  Maitre  tout-puissant  des  evenements  (c.  IV);  tandis  qu'il  gemit 
de  ne  pouvoir  penitrer  les  secrets  de  sa  Providence,  le  Christ,  immolS  pour  les  hommes, 
apparait;  il  est,  par  les  Anges,  reconnu  egal  a  Dieu,  et  prend  en  mains  la  conduite  de 
I'histoire,  qui  va  se  reveler  a  son  Prophete. 

Ce  decor  celeste  ne  s'efface  point  ensuite;  il  va  continuer  a  dominer  toute  la  partie 
prophetique,  jusqua  ce  qu'il  se  fonde  avec  la  vision  de  la  Jerusalem  celeste.  II  n' est 
pas  entierement  de  la  creation  de  Jean;  des  descriptions  assez  semblables  de  la 
demeure  de  Dicu  et  de  sa  cour  se  rencontrent  dans  beaucoup  d'apocryphes,  et  I'origine 
de  la  plupart  des  traits  syniboUques  qui  les  composent  parait  bien  remonter  a  I'as- 
tronomie  babyloniennc  (Int.  ch.  V,  1  §§  II-III).  Voir  surtout  Hen.  eth.  XIV,  XL,  LXX- 
LXXI;  Hen.  si.  XX-XXI;  les  deux  Baruch;  surtout  ZApoc.  d'Abrahara,  XVIII;  puis 
Hen.  heb.  et  les  diverses  descriptions  des  rabbins,  dans  Volz  et  Weber  et  Bousset, 
Rel,  Jud.  Articles  a  consulter  :  Gry,  Sejours  et  habitats  divins  d'apres  les  Apocryphes 
de  ΓΑ.  T.,  R.  Sc.  Ph.  Th.  1910,  pp.  694-722  et  Frey,  rAngelologie  juive  au  temps  de 
J.-C.  R.  S.  Ph.  Th.,  1911,  pp.  75-110.  Mais  saint  Jean,  comme  d'ordinaire,  a  trans- 
forme  ce  qu'il  empruntait;  il  a  affermi  et  simplifie  les  lignes  de  ces  descriptions  plus 
etincelantes  que  claires,  leur  donnant  ainsi  une  maj'este  et  une  nettete  dc  sens  religieux 
qu  elles  ne  possidaient  pas.  Puis,  il  a  introduit  au  del  I'Agneau  de  Dieu. 

La  langue,  comme  la  suite  des  idees,  demontre  assez  que  ces  chapitres  ne  doivent pas 
etre  attribues  a  une  autre  main  que  les  precedents  :  expressions  caracteristiques, 
absence  frequente  de  la  copule  (au  ch.  IV),  confusion  des  cas,  traces  de  declinaison 
anormale,  embarras  dans  I'emploi  des  particules,  defauts  d'accord,  expression  b  ών  και 
δ  ην...  [IV,  8)  (Voir  Bousset,  Offenb^  pp.  277  suiv.).  La  construction  est  assez  libre ; 
ainsi  le  verbe  est  place  plus  souvent  avant  quapres  son  suj'et  au  ch.  IV  (3  fois  contre 
une),  tandis  qu'au  ch,  V  on  a  I'inverse  (3  contre  5);  /7iais,  de  part  et  d' autre,  le  verbe 
precede  presque  toujours  le  rogime  [5  et  18  fois  contre  1  respectivement),  comme  dans 
Vensemble  de  I' Apocalypse.  A  tout  prendre,  la  langue  de  recits  et  de  description  qui 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  53 

commence  avec   ces  chapitres  est  aussi  homogene  que  possible  avec  la  langue  des 
lettres,  et  tout  a  fait  semblable  a  celle  du  chap.  I^^. 

C'est  done  bien  arbitrairement  que  Vischer  et  Weyland  veulent  y  reconnaitre  lew- 
source  juive  (sauf  V,  6*,  8*,  9-li  pour  Vischer,  a  cause  de  V  «  Agneau  »;  source  K,  du 
temps  de  Titus,  pour  Weyland,  sauf  IV,  5c  V,  β-ϋ).  Volter,  sans  plus  de  raison,  assigne 
le  tout  a  Jean  Marc  {62  ap.  J.-C.)  sauf  IV,  Γ;  V,  6  b,  9-10,  11-li,  qui  seraient  de 
I'editeur  sous  Trajan.  Erbes  range  ces  chapitres  dans  son  apocalypse  chrelienne  de 
Van  62,  comme  la  plus  grande  part  des  trois  premiers.  Spitta  et  Joh.  Weiss,  se  ren- 
dant  bien  compte  que  I'  «  Agneau  »  est  tout  a  fait  necessaire  a  cette  description,  car  il 
est  le  principal  personnage  en  vue  duquel  toute  la  scene  est  organisoe,  rattachent  cette 
section  a  leur  Apocalypse  primitive  (Sp.  :  U  de  60,  sauf  IV,  1*;  V,  5*,  0* ,  8*,  10*; 
Weiss  :  Jean,  excepte  IV,  5  b;  9-11;  V,  6*,  8*,  qui  seraient  du  redacteur,  car,  pour 
des  raisons  de  composition  et  de  symetrie  strophique,  il  nose  attribuer  silrement  a  Jean 
d'Asie  que  le  trone,  les  quatre  Animaux,  le  lion  et  /'Agneau;  mais,  dans  sa  traduction 
commentee,  il  est  plus  hesitant,  notamment  pour  les  24  vieillards,  et  c'est  un  progres, 
attendu  qu'il  est  bien  hasardeux  de  chercher  des  strophes  impeccables  dans  un  livre 
qui  semble  compose  tellement  a  la  hate,  et  qu'un  certain  defaut  d'ordre  s'explique 
suffsamment  par  une  negligence  de  I'ecrivain,  sans  quit  y  ait  lieu  de  recourir  a  une 
distinction  de  sources.) 

A.   Vision  du  trone  de  Dieu  et  ghrification  da  Createur.         ^ 

(c.  iv). 

A.  B.  1.  Remarquer  le  sens  absolu  de  εΐδον,  la  forme  ήνεωγμένη  (άνεωγ.  rec.  Κ.),  I'em- 
ploi  de  ήκουσα  au  sens  du  plus-que-parfait  fran^ais;  σαλπ,  λεγούσης,  meme  bizarrerie 
que  I,  10;  le  solecisme  λέγων,  qui  s'explique  par  une  distraction  (ou  par  i'heb.  "ibxS? 
Iloltzm.,  etc.) ;  naturellement  ces  deux  fautes  ont  ete  corrigees  par  les  scribes  de  diffe- 
rentes  manieres;  άναβα,  forme  poetique  pour  άνάβηθι;  en  general  le  N.  T.  conserve  les. 
formes  en  θι  (v.  Bousset,  p.  163).  —  ή  φωνή,  κτλ.  cfr.  10;  α  δει"  γενέσθαι  μετά  ταΰτα,  ι,  19; 
έγεν.  Ιν  πν.  Ι,  10;  signes  evidents  de  I'unite  de  main.  —  μ-ετλ  ταΰτα,  cfr.  vii,  1,  9;  xv,  5; 
XVIII,  1  (Int.  c.  x,  §  III).  Ainsi  s'ouvre  le  ciel  au  Υ oy άιϊΙ  Ezech.  i,  1;  Bar  syr.  xxii,  1; 
et  il  est  question  de  portes  des  cieux  a  franchir  Test.  Levi  v;  Bar.  grec  ii,  in,  xi. 

C.  1.  C'est  une  vision  nouvelle  par  rapport  a  i,  9-iin;  mais  elle  y  fait  suite,  organi- 
quement,  car  c'est  la  m^me  voix  qui  appelle  Jean  au  ciel  (comme  Ezechiel  et  Baruch). 
Έγενο'ΐΑην  εν  πνεύαατι  (non  έφερόιχην,  correction  arbitraire  de  Spitta)  veut-il  dire  qu'il  regoit 
simplement  une  nouvelle  lumiere  spirituelle,  lui  devoilant  le  monde  celeste  {de  Wette, 
Diisterdieck,  Hilgenfeld,  Holizmann),  ou  bien  est-ce  une  nouvelle  extase  qui  commence? 
La  premiere  solution  nous  semble  preferable,  du  seul  fait  qu'il  dit  auparavant  avoir  vu 
la  «  porte  ouverte  ».  II  etait  done  doja  en  etat  spirituel,  ou  plutot  il  se  represente  comme 
n'en  etant  pas  sorti  (cfr.  Ezech.  xi,  1  et  5).  Au  reste,  I'arrangement  des  visions  peut  bien 
etre  conventionnel  (Int.  c.  xii).  Desormais  Jean  va  voir  I'univers  entier,  ciel  et  terre; 
mais,  jusqu'au  ch.  x,  c'est  du  ciel  qu'il  contemple  en  esprit  ce  spectacle  universel. 
L'objet  de  la  vision  est  tres  different  de  celui  de  la  precedente ;  tout  y  est  rapporte  a 
I'avenir,  jusqu'a  la  fin  du  monde,  malgre  des  retours  frequents  a  des  evenements 
anterieurs  (cfr.  surtout  xii) ;  et  c'est  une  etrange  meprise  de  Calmes  d'afflrmer  que  S  δεΓ 
γενέσθαι  [Αετλ  ταΰτα  est  une  «  expression  consacree  qui  n'a  pas  d'importance  particuliere  ». 

— —  A.  6.  2.  Sur  le  choix  des  cas  apres  έπί,  voir  Int.  ch.  x,  §  II.  —  Pourle  « trone  » 
de  Dieu,  cfr.  I  Reg.  xxii,  19;  Ps.  xlvii,  9;  Ezech,  i,  26-28;  x,  1-suiv.;  puis  de  nombreux 
apocryphes.  Hen.  eth.  xiv,  18-suiv.;  xl;  lxx-lxxi;  lien.  si.  xxii;  Test.  Levi  v;  Vita  Ad. 
XXV-  XXVI  et  Apoc.  Mo'ise,  iv-suiv.;  Apoc.  Abraham,  xviii;  al. 


54  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

C.  IV.  1.  Μετά  ταΰτα  *εΙοον,  και  ιδού  θύρα  *ήνεωγμένη  εν  τω  οΰρανω,  και  ή 
φωνή  ή  πρώτη  ην  *ήκδυσα  ώς  σάλπιγγος  *λαλουσης  μ.ετ'  έμοΟ,  *λέγων•  *άνάβα  ωδε, 
και  δείξω  σοι  α  δεϊ  γενέσθαι  μετά  ταΰτα.  Ευθέο)ς  έγενόμην  εν  πνεΰματι.  2,  Και 
l^u  θρόνος  εκείτο  έν  τω  οΰρανω,  και  *έχΙ  τον  θρόνον  καθήμενος.  3.  Και  ό  καθήμενος 
όμοιος  *όράσει  λίθω  Ίάσπιδι  και  σαρ^ίΐά,  και  Τρις  κυκλόθεν  του  θρόνου  *ομοιος  όράσει 
*σμαραγδ(νω.  4.  Και  κυκλόθεν  τοΰ  θρόνου  *θρόνους  είκοσι  *τεσσαρες,  και  έπ'ι  τους 
θρόνους  είκοσι  τεσσάρας  πρεσβυτε'ρους  καθήμενους  περιβεβλημένους  *έν  ίματίοις  λευ- 

C.  1.  Pour  ajouter  a  I'impression  de  mystere,  Jean  evite  de  nommer  Celui  qui  est 
assis  sur  le  trone.  G'est  la  Divinite  dans  son  essence  invisible  qui  est  symbolisoe,  et 
sans  encore  aucun  trait  qui  montre  I'lncarnation  de  la  seconde  personne  (contre  Bede, 
Haymon,  Albert  le  Grand,  et  d'autres  medievaux,  qui  deja  ici  voyaient  le  Christ);  car 
autrement  toute  reconomie  de  la  vision  serait  troublee ;  le  Christ  n'apparaitra,  et  cela 
avec  un  puissant  effet  qu'il  fallait  menager,  qu'au  ch.  v. 

A.  B.  3.  Solecisme  du  masculin  δμοιος  avec  Τρις,  feminin;  And.  a  corrige  en 
δμοία,  Orig.  et  la  rec.  K.  en  δμοίως.  —  «  Arc-en-ciel  »  cfr.  Gen.  ix,  12-17  et  Ezech.  i,  27- 
suiv.  Les  pierres  nommees  se  retrouvent  dans  la  Bible  grecque,  par  exemple  dans  I'or- 
nement  des  habits  du  grand  pretre,  et  Ezech.  xxviii,  13  (le  roi  de  Tyr  compare  a  un  ange); 
elles  reparaitront  Apoc.  xxi.  —  Nous  avons  traduit  δράσει  non  «  pour  I'aspect  »,  mais 
«  en  vision  »,  d'apres  I'analogie  6! Apoc.  ix,  17  (v.  ad  loc);  le  mot  equivaut  a  δράμα  de 
Mat.  XVII,  9,  etde  Luc,  passim;  il  faudrait  ensuite  σμαραγδίντ),  puisque  δρασις  est  feminin. 

C.  3.  Gette  expression  d'8paai5,  interpretee  ainsi,  montre  que  Jean  avait  bien  cons- 
cience de  ne  voir  que  des  figures  de  realites  invisibles ;  il  evite  d'ailleurs,  encore  plus 
qu'Ezechiel,  toute  description  anthropomorphique  de  la  Divinite.  Ces  pierres  doivent 
etre  tres  precieuses ;  le  «  sardios  »  doit  ctre  la  carneole  rouge  {Holtzm.,  Bousset,  S(^'ete)•, 
le  «  jaspe  »  ne  saurait  etre  le  jaspe  ordinaire,  ni  le  diamant  (cfr.  Diist.,  Holtzm.),  mais 
peut-etre  le  jaspe  vert,  ce  qui  fait  une  grande  harmonie  de  couleurs.  «  La  nature  divine 
est  toujours  verdoyante  et  en  fleur  »  [And.).  Quant  au  symbolisme  de  Farc-en-ciel  (cfr. 
Ezech),  il  est  connu  par  la  Genese  et  signifie  la  misericorde.  Sans  doute  il  n'est  pas 
entierement  vert,  mais  baigne  dun  reflet  d'emeraude  :  σμαραγδίζουσα  [And.).  Bousset 
pense  a  ce  sujet  au  Hvarena  avestique.  Nous  ne  chercherons  pas,  comme  les  anciens, 
les  secretes  vertus  medicinales  de  ces  pierres  dans  les  idees  d'alors,  car  rien  n'indi- 
quc  qu'elles  entrent  dans  le  symbolisme  de  Jean;  seulement  le  Prophete,  ici  comme 
ailleurs,  se  montre  merveilleux  coloriste. 

A.  B.  4.  θρόνους  είκοσι  τέσσαρες,  cet  accusatif  surprend;  aussi  a-t-il  dte  corrige 
en  θρόνοι,  par  P,  A,  Orig.,  And.,  Arothas,  al. ;  mais  il  faut  le  conserver,  a  cause 
de  στεφάνους  qui  lui  est  coordonne  (Int.  ch.  x,  §  II).  Peut-etre  ces  manuscrits  ont-ils 
θρόνοι  simplement  a  cause  de  τέσσαρες,  forme  anormale  d'accusatif,  frequente  d'ailleurs 
dans  les  papyrus  (Int.,  ch.  x,  §  II),  laquelle  est  bien  appuyoe,  d'apres  W-II,  et  admise 
de  Swete,  car  elle  se  trouve  U,  A,  0*2-34-424,  Av  46-35-2018,  α  404-87-127,  O^"-121-250; 
ailleurs  correction  τεσσάρας  (τέσσερας).  Nous  gardons  la  forme  ionienne  τέσσερα,  partout  ού 
elle  est  admise  de  W- Η  Qi  Nestle,  d'apres  la  rec.  H.  —  εν  instr.  devant  ίματίοις  (Int., 
c.  x,  §  I-IIj;  pour  cette  image,  voir  Exc.  xii.  —  Pour  I'origine  et  la  fonction  des  Vieil- 
iards,  cfr.  peut-etre  Exode  xxiv,  9,  les  assistants  de  Moise,  et  surement  Is.  xxiv,  23  et 
Dan.  vii,  10;  le  nombre  de  24  :  cfr.  I  Chron.  xxiv,  7-19,  les  24  classes  de  pretres;  et 
mieux  Diodore  de  Sicile,  infra. 

C.  4.  Ces  Vieillards  ontdonne  matiere  a  beaucoup  de  discussions.  La  figure  esttra- 
ditionnelle,  et  repond  a  ce  «  senatde  Dieu  »  dont  parlent  Isaie  et  Daniel  (Introd.,  c.  v, 
II,  §  I,  p.  Lxxx)  cfr.  Tanchuma,  52•^,  cite  par  Spilta  et  Bousset.  Nous  y  avons  recouuu 
[ibid.)  des  Anges  qui  president  au  deroulement  du  temps,  aux  diverses  phases  par 


APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN.  55 

C.  IV.  1.  Apres  ces  choses,  j'eus  une  vision  [lilt,  j'ai  vu);  et  void  une 
porte  ouverte  dans  le  ciel,  et  la  voix,  la  premiere  que  j'avais  entendue, 
comma  [celle]  d'line  trompette  parlant  avec  moi,  qui  disait  :  «  Monte  ici, 
et  je  te  montrerai  ce  qu'il  faut  qu'il  arrive  apres  ces  choses  ».  Aussitot  je 
me  trouvai  en  esprit.  2.  Et  voici  :  un  trone  etait  dresse  dans  le  ciel,  et  sur  le 
trone  [quelqu'un]  d'assis.  3.  Et  Gelui  qui  oiait  assis  [etait]  semblable  en 
[ma]  vision  a  une  pierre  de  jaspe  et  de  sardonyx,  et  un  arc-en-ciel  aTentour 
du  trone,  semblable  h  une  vision  d'emeraude.  4.  Et  έι  I'entour  du  trone, 
vingt-quatre  trones,  et  sur  les  trones  vingt-quatre  Vieillards  assis,  enve- 


consequent  de  I'histoire  humaine.  Les  commentateurs  medievaux  y  ont  vu,  par  contra, 
des  representants  de  I'humanite,  sorlis  de  son  sein,  soit  les  12  tribus  (12  χ  2),  soit  les 
Patriarches  et  les  Apotres,  ou  les  Prophetes  d'Israel,  ou  la  race  elue  en  general  [Vict, 
And.  Alb.  :  «  universitas  sanctorum  V.  T.  et  N.  T.  >>,  etc.  [Holtzm.,  Swete).  Ce  pour- 
rait  6tre  done  I'Eglise  idealisee,  d'avant  et  d'apres  le  Christ  [Swete,  qui  compare 
Eph.  II,  6  :  ήsJ.α^..  συνε/.άθισεν  Iv  τοις  Ιπουρανίοις).  Ces  opinions  pourraient  s'appuyer  Sur 
I'interpretation  des  «  Anges  »  des  eglises,  et  des  passages  comme  le  ch.  \ii.  Mais  elles 
presentent  une  grande  difllculte,  qui  estde  troubler  I'ordre  logique  de  la  vision;  com- 
ment I'humanite  siege-t-elle  au  ciel  avant  que  I'Agneau  le  lui  ait  ouvert?  —  et  si,  par 
hasard,  il  ne  s'agissait  que  d'une  idealisation  qui  abstrait  de  I'ordre  des  temps,  com- 
ment saint  Jean  traite-t-il  avec  tant  de  reverence  un  de  ces  personnages  (vii,  14.  χύριε), 
si  lui-meme  otait  du  nombre?  Cette  juste  observation  est  de  Spitta,  qui  voit  dans  ces 
«  Vieillards  »  des  etres  angeliques,  ainsi  que  Bousset,  Calmes. 

Une  des  raisons  qui  nous  fait  nous  ranger  a  ce  dernier  avis,  c'est  precisement  le 
nombre  24.  Comme  les  Vieillards  ont  un  certain  role  sacerdotal  (v.  infra),  la  reference 
aux  classes  de  pr^tres  des  Paralipomenes  est  sans  doute  possible ;  mais  I'origine  astro- 
nomique  de  presque  toute  cette  description  nous  porte  a  adopter,  par  exception,  une 
idee  de  Gunkel,  qui  a  trouve  dans  la  religion  babylonienne  I'origine  de  ce  symbolisme, 
d'apres  Ζ>ίθίίο/•β  de  Sicile,  Bibl.  hist.  ii.  31  :  «  Μετά  δέ  τον  ζωδιαχον  κύκλον  εΐ'χοσιν  καΐ  τέττα- 
ρας  άφορίζουσιν  αστέρας,  ων  τους  ριΐν  ή[Αίσε•.ς  έν  τοις  βορείοις  [χέρεσι,  τους  δ'  ήμίσεις  έν  τοΓς  νοτείοις 
τετάχθαι  φασί,  και  τούτων  τους  [jlIv  όρωαένους  των  ζώντων  είναι  καταρίθμουσι,  τους  δ'  αφανείς  τοΐ'ς 
τ3τελητευκοσι  προσιορίσ9αι  νοιχίζουσιν,  ους  δικαστές  των  όλων  προσαγορεύουσιν.  »  Ces  deux  fois 
douze  dieux  stellaires  siegeant  au  nord  et  au  sud  du  zodiaque  nous  presentent  en  efi"(it 
le  seul  exemple  du  chiffre  de  24  —  sauf  Paral,  —  qui  soit  dans  la  tradition  religieuse. 
Bousset  pense  bien  encore  aux  24  «  Yazatas  »  des  Perses,  mais  ces  entiles  ne  sont  pas 
mentionnees  dans  les  Gathas,  et  la  encore  il  pourrait  y  avoir  une  influence  babylo- 
nienne; ce  serait,  toutau  plus,  un  parallele  a  I'Apocalypse,  laquelle,  bien  entendu,  en 
empruntant  cette  image,  sans  doute  a  quelque  apocryphe  perdu,  no  s'est  liee  a  aucune 
idee  mythologique. 

Ces  Anges  done  presideraient  au  cours  du  temps  et  aux  revolutions  du  monde, 
comme  minislres  du  Crcateur.  On  pent  les  identifier  aux  «  Trones  »  de  I'angelologie. 
C'est  ce  qui  est  symboliso  par  leurs  «  couronnes  »  qui  font  d'eux  des  rois  (cfr,  iv,  10), 
plutot  que  des  triomphateurs  dans  les  luttes  spirituelles,  comme  I'a  cru  Andre.  Ici 
στέφανος  =  διάδημα.  Mais  CCS  rois,  Spitta  I'a  bien  note,  sont  aussi  d'une  certaine  fagon 
des  pre'ircs,  car  on  les  verra,  iv,  10  et  v,  11,  remplir  un  role  sacerdotal  d'adorateurs 
et  d'intercesseurs  pour  les  hommes  dans  la  grande  liturgie  (contre  Bechvith).  A  ce 
litre,  on  pent  dire  —  ce  qui  donne  quelque  satisfaction  k  la  premiere  opinion,  — 
qu'ils  ont  un  rapport  special  avec  i'humanite  et  I'ordre  de  la  gr&ce,  comme  des  Anges 
gardiens  universels;  ils  sont  a  la  tote  de  I'F^glise  celeste,  ct  par  la  representeut  ideale- 


56  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

κοϊς,  και  έπΙ  τάς  κεφάλας  αυτών  στεφάνους  χρ\)σο^ς.  5.  Και  εκ  του  θρόνου  εκπο- 
ρεύονται άστραπαΐ  και  φωναί,  και  βρονταί*  και  επτά  λαμπάδες  πυρός  καιόμεναι  ενώπιον 
τοΰ  θρόνου,  ά  είσιν  τα  έπτα  πνεύματα  του  θεού.  6.  Και  ενώπιον  του  θρόνου  ως 
θάλασσα  υαλίνη  ομοία  κρυστάλλω'  και  *έν  μέσω  του  θρόνου  και  *κύκλω  του  θρόνου 
*τέσσερα  ζωα  γέμοντα  οφθαλμών  έμπροσθεν  και  όπισθεν.  7.  Και  *το  ζώον  το  πρώτον 
ομοιον  λε'οντι,  και  τb  δεύτερον  ζώον  ομοιον  *μόσχω,  και  το  τρίτον  ζώον  *εχων  το 
ποόσωπον  ώς  ανθρώπου,  και  το  τέταρτον  ζώον  ομοιον  άετώ  πετομένω.  8.  Και  τα 
τέσσερα  ζώα,  εν  καθ'  εν  αυτών  *έχων  *άνα  πτέρυγας  εξ,  κυκλόθεν  και  εσωθεν  γέμου- 


ment  I'humanite  rachet^e,  dont  ils  offrent  a  Dieu  les  prieres  (v,  8).  On  les  verra  s'asso- 
cier  sans  cesse  aux  evenements  de  la  terre  et  au  progres  du  Regne  de  Dieu  (vii,  13- 
suiv.;  XI,  16;  xiv,  3;  xix,  4).  Je  me  demanderais  meme  si  Jean  ne  les  a  pas  nommes 
πρεσβύτεροι  (Ancien,  mais  aussi  «  pr^tre  »,  cfr.  Pastorales)  en  partie  a  cause  de  cette 
fonction.  (Cfr.  Gunkel,  Sell.  pp.  302-308;  Bousset,  ad  loc. ;  Jercmias,  pp.  14-15;  Clemen, 
p.  73;  Boll,  p.  35). 

— ^—  A.  B.  5.  α  par  attraction;  oX  dans  le  rec.  K.  —  φωναί  αστραπαΐ  βρονταί  encore 
XI,  19;  XVI,   18;  viii,  5;  cfr.  parti ellement  Apoc.  x,   3-4  et  Exode,  xix,   16;    Ezech. 

I,  13;  Dan.  vii,  9-suiv. ;  al;  Hen.  eth.  xiv,  9-suiv. ;  Jub.  ii,  6.  —  «  Les  7  Lampes  », 
absolument  distinctes  des  Ivyyiai  de  i,  12  :  Ex.  xxv,  37  et  Zach.  iv,  2;  cfr.  Apoc.  i,  4; 
HI,  1;  V,  6,  les  «  7  Esprits  ». 

C.  5.  Gas  foudres,  etc.  sont  I'image  traditionnelle  de  la  voix  et  de  Taction  de  Dieu 
ad  extra,  surtout  dans  les  theophanies.  Dans  notre  livre,  la  terreur  entoure  le  trone 
de  Dieu;  mais  Celui  m^me  qui  siege  sur  le  trone  ne  resplendit  que  d'un  eclat 
attrayant  de  jeunesse  etde  misericorde;  tel  se  revele  I'esprit  du  prophete  evangelique. 

—  Les  7  Lampes  ou  esprits  de  Dieu  ne  sont  pas  des  Anges  {contre  Andre,  Corn,  a  Lap, 
Gallois,  al.),  quoique  ce  symbolisme  precede  peut-etre  de  celui  des  «  Anges  de  la 
Face  »  —  qui  toutefois  n'etaient  pas  sept,  mais  quatre.  C'est  le  Saint-Esprit  ou  «  la 
grace  de  I'Esprit  septiforme  »,  ce  qu'ont  bien  vu  les  auteurs  raedievaux;  Andre  propose 
aussi  d'ailleurs  «  les  energies  de  I'Esprit  vivifiant  ».  Le  Saint-Esprit,  ici  comme 
ailleurs,  est  represente  par  la  figure  multiple  de  ses  operations;  il  n'apparait  dans 
son  unite  qu'a  la  fin  des  Lettres  et  xxii,  1,  17.  Comme  saint  Jean  A^erra  I'Agneau 
en  dehors  de  Dieu,  quoiqu'il  soit  Dieu,  de  meme  la  Troisieme  personne  se  montre 
sous  une  figure  tout  a  fait  separee  de  celle  du  Pere;  la  vision  a  un  symbole  special 
pour  chacun  des  termes  de  I'indivisible  Trinite.  II  n'y  a  qu'un  rapprochement  de 
hasard  entre  ces  «  7  Lampes  »  et  les  7  flambeaux  des  Eglises.  Bien  plus,  le  Saint- 
Esprit  apparaitra  sous  deux  figures  a  la  fois  a  partir  de  v,  6.  (Int.,  c.  vi). 

——'—  A.  B.  6.  έν  μέσω  χαί  χύκλω  τοΰ  θρόνου  (κα\  κύκλω  manque  Prim.,  et  quelques  mss. 
du  type  Andre),  locution  embarrassee  due  a  I'inhabilete  de  I'auteur  a  se  servir  des 
particules  de  relation.  —  Le  verbe  γε'μειν,  rare  dans  la  Bible,  sept  fois  dans  VApoc. 

—  «La  mer  »  autour  ou  devant  le  trone  :  cfr.  Apoc.  xv,  2,  et  Gen.  i,  7  (eaux  supe- 
rieures),  Ex.  xxiv,  10  louvrage  de  saphirs  sous  les  pieds  de  Dieu),  Hen.  eth.  xiv,  9, 
Test.  Levi  ii,  5  et  surtout  Hen.  si.  iii,  2.  Pour  les  «  4  Animaux  »,  v.  Ι.\τ.  ch.  v,  i  §  III; 

II,  §  I;  cfr.  Ezech.  i,  ix,  \;  Hen.  eth.  xl,  2  (les  4  visages  aux  4  cotes  du  Seigneur  des 
Esprits),  surtout  Bar.  syr.  li,  11  (les  etres  vivants  qui  sont  sous  le  trone),  legende 
grecque  de  VAsc.  d'Is.  (ζωα  ύποθρόνια),  et  de  meme  Apoc.  Abr.  xviii  (sous  le  trone, 
4  Animaux  de  feu,  a  faces  de  lion,  d'homme,  de  taureau  et  d'aigle).  Etc.  Pour  les 
nlin  des  rabbins,  et  le  «  char  de  Dieu  »,  voir  Weber-,  pp.  Io8-suiv.,  174,  205,  282; 

speculations  sur  le  «  char  de  Zeus  »  chez  les  Mages  Dion  Chrysost,  Or.  36,  cite  par 
Bousset. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  57 

loppes  de  vetements  blancs,  et  sur  leurs  t6tes  descouronnes  en  or.  5.  Etdu 
trone  sortent  des  (Eclairs  et  des  voix  et  des  tonnerres  ;  et  sept  lampes  de  feu 
briilaient  en  face  du  trone,  qui  sont  les  sept  esprits  de  dieu.  6.  Et  en  face 
du  trone  [s'etenJ]  comme  une  mer  de  verre  semblable  a  du  cristal;  et  au 
milieu  du  trone  et  autour  du  trone,  quatre  animaux  remplis  d'yeux  en  avant 
et  en  arriere.  7,  Et  le  premier  Animal  [est]  semblable  a  un  lion,  et  le 
deuxieme  Animal  semblable  k  un  jeune  taureau,  et  le  troisieme  Animal  a  le 
visage  comme  [celui]  d'un  homme,  et  le  quatrieme  Animal  [est]  semblable 
a  un  aigle  qui  vole.  8.  Et  les  Quatre  Animaux,  chacun  d'eux  a  six  ailes,  a 
Tentour  et  par  dedans  ils  sont  remplis  d'yeux,  et  ils  n'ont  cesse,  jour  et 


— —  A.  7.  τό  ζ.  τό  πρώτον,  compare  a  το  δεύτερον  ζ.,  indique  une  fois  de  plus  que 
I'auteur  n'attachait  pas  ordinaireinent  de  sens  special  a  la  place  de  I'epithete  et  a  la 
repetition  de  I'article  —  μόσ/ος,  dans  les  lxx,  traduit  lit;  Ex.  xxix,  10  :  jeune  et  fort 
taureau.  —  ε/ων,  accord  ad  sensum  ou  solecisme,  dans  A,  Q,  et  beaucoup  d'autres 
rass,  Orig. 

— —  A.  B.  8.  ^"/,ων,  solecisme  ou  accord  ad  sensum,  dans  A,  Av  20-rl-l'',  0*-r2-82, 
al.  (ailleurs  ϊ•/οί  Q,  etc.  ?χοντα  Ρ,  εΐχον  κ,  al.)  —  Pour  ούκ  ε-/ουσιν,  I'imparfait  ούκ 
έιχοσαν  Ν,  g,  vulg.,  Vict.,  Prim.  —  λέγοντες  parfois  corrige  en  λέγοντα.  —  Le  nombre 
des  acclamations  δγιος  varie  de  neuf  et  huit  (x,  Q),  a  deux,  dans  une  trentaine  de 
mss.  —  δ  ην  και  ό  ων...  voir  I,  8  et  remarquer  I'interversion  des  deux  premiers  membres. 

—  «  Six  ailes  »  (άνα  distributif,  Lnt.,  ch.  x,  §1);  cfr.  seraphins  d'/s.  vi,  2;  —  Les 
«  yeux  »  :  cfr.  Ezech.  x,  12.  —  Le  «  Trisagion  »  :  cfr.  Is.  vi,  5;  Hen.  eth.  xxxix,  12; 
Hen.  si.  xx  et  suivants,  il  est  chante  par  des  etres  a  «  six  ailes  »  et  «  aux  yeux 
innombrables  ». 

G.  6-8.  II  n'y  a  pas  de  doute  sur  I'origine  de  la  figure  des  Animaux  :  ce  sont  les 
Gherubins  d'Ezechiel,  combines  avec  les  Ophannim  (roues)  du  meme  prophete  et  des 
Apocryphes  (a  cause  des  yeux),  avec  les  «  Egregores  »  ou  «  Vigilants  »  de  la  tradi- 
tion {Hen.  eth.  lxxi,  6-suiv.)  et  les  Seraphins  d'Isaie  (les  six  ailes,  le  Trisagion). 
Pour  les  origines  pootiques  et  plastiques  les  plus  lointaines,  vents,  Kirubi  de  Baby- 
lone,  char  de  Dieu,  voir  Int.  ch.  v,  §  II.  Le  «  char  de  Dieu  »  est  devenu  immobile  et 
s'est  transforme  en  trone,  ici,  Bar.  syr.,  Asc.  Is.  (leg.  grecque)  et  Apoc.  Abr.  —  Quant 
a  la  «  mer  de  verre  »  —  le  verre  etait  alors  une  matiere  precieuse,  cfr.  Job.  xxviii,  17 

—  c'est  evidemment  le  firmament,  les  «  eaux  superieures  »>,  I'Ocean  celeste  de  Test. 
Levi  d'apres  les  idees  cosmologiques  anciennes ;  elle  forme  comme  le  parquet  du 
temple  celeste  sur  lequel  repose  le  trone  de  Dieu.  Les  auteurs  anciens  (And.,  etc.) 
et  medievaux,  I'ont  interpretee  spirituellement  de  I'immense  armee  des  saints. 

La  position  des  Animaux  parait  difficile  a  comprondre  a  nombre  de  commentateurs. 
Zullig,  de  Wette,  Diist.,  Gunkcl  (Verst.  p.  43-suiv.),  Bousset  ont  pourtant  bien  saisi 
I'explication  la  plus  naturelle,  suggeree  par  les  paralleles  apocryphes  qui  mettent 
les  Animaux  sous  le  trone  :  ils  sont  places  «  au  milieu  »  et  «  autour  »,  parce  que 
chacun  d'eux  se  trouve  engage  au  milieu  de  chaque  cote  du  trone  ou  aux  angles,  s'il 
est  quadrangulaire,  ou  aux  extremites  de  diametres  perpendiculaires,  s'il  est  rend; 
disposes  ainsi  en  croix,  la  face  lournee  vers  le  dehors,  ils  peuveut  ainsi  montrcr  au 
Voyant,  a  la  fois,  I'un  son  visage,  I'autre  son  dos,  les  deux  autres  lours  ilancs;  tout 
cela  est  «  plein  d'yeux  »,  et  meme  «  a  I'interieur  »  εσωΟεν,  trait  oii  chacun  reconnaitra, 
comme  dans  les  Ophannim,  lOrigine  astrale  de  cette  figure. 

Or,  on  a  remarque  que  quatre  constellations,  a  90  degrcs  a  pen  pres  Tune  de  I'autre, 
sur  I'equateur   (que    les   Babyloniens   anciens   consideraieat  plus  que  I'ecliptique) , 


58  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

σιν  οφθαλμών,  καΐ  άνάπαυσιν  ουκ  Ιχουσιν  ήμέμας  και  νυκτίς  *λ£γοντες'  "Αγιος  άγιος 
άγιος  κύριος  6  θεός  ο  παντοκράτωρ,  *ό  -ζν  και  ό  ών  και  6  ερχόμενος.  9.  Και  όταν 
*$ώσωσιν  τα  ζώα  δόξαν  και  τιμήν  και  εΰχαριστίαν  τώ  καθημένω  έπί  τώ  θρόνω  τω  ζώντι 
εις  τους  αιώνας  τών  αιώνων,  10.  πεσοΰνται  οι  είκοσι  τέσσαρες  πρεσβύτεροι  ενώπιον 
του  καθήμενου  έπι,  του  Qpb'iOO,  και  προσκυνήσουσιν  *τώ  ζώντι  είς  τους  αιώνας  τών 
αιώνων,  και  *βαλοΰσιν  τους  στεφάνους  αυτών  ενώπιον  του  θρόνου,  λέγοντες*  11.  "Αξιος 
ει,  ό  κύριος  και  ό  θεός  ημών,  λαβείν  τήν  δόζαν  και  τήν  τιμήν  και  τήν  δύναμιν,  οτι  συ 
έκτισας  τα  πάντα,  και  δια  το  θέλημα  σου  *ήσαν  κα:  έκτισθησαν. 

toutes  d'ailleurs  contenant  quelque  etoile  qui  attire  les  yeux,  sont  le  Lion  et  le  Scor- 
pion, diametralement  opposes,  le  Taureau  et  Pegase.  Leurs  noms  sont  tree  antiques; 
le  Scorpion  etait  d'abord  un  Homme-Scorpion,  et  Pegase,  le  cheval  ailo,  pouvait 
eveiller  I'idee  de  I'Aigle,  d'autant  plus  qu'il  existe  une  autre  constellation  qui  porte 
ce  nom  doja  a  Babylone.  Nous  ne  prenons  pas  parti  dans  la  discussion  soulevee  entre 
Boll  et  Clemen  a  ce  sujet.  Mais  I'hypothese  meritait  cependant  d'etre  signalee.  Le 
«  trone  de  Dieu  »,  a  I'origine,  ce  serait  done  toutle  ciel,  entoure  par  I'equateur.  Seule- 
ment,  Jean  n'y  penserait  plus,  puisque  le  trone  lui  apparait  isolo  au  milieu  d'un  espace 
immense  (Voir,  apres  Dupuis,  (Origine  de  tons  les  cultes,  iii),  Zimmern  KAT.  632, 
Jeremias,  Das  A.  T.  im  Lichte  des  A.  0.,  582;  Guxkel,  Verst.  pp.  43.  Clemen,  p.  76; 
Boll  p.  37-38;  Bousset,  ad  loc). 

La  question  importante  est  de  savoir  le  sens  qu'a  attache  saint  Jean  a  cette  imagerie 
d'origine  probablement  astronomique.  On  sait  que  saint  Irenee,  Adv.  Haer.  in,  11,  8, 
a  fait  une  belle  application  spirituelle  des  4  Animaux  aux  4  Evangelistes ;  elle  est 
devenue  courante  dans  I'exegese  et  la  liturgie  ecclesiastiques;  et  les  commentateurs 
I'ont  etendue  ensuite  a  I'ensemble  des  prodicateurs  du  Verbe.  D'autres  y  ont  vu  les 
diverses  qualites  du  Christ,  roi,  pretre,  homme,  et  dispensateur  de  I'Esprit  vivifiant. 
Mais  Irenoe  lui-meme  pent  nous  faire  remonter  a  une  interpretation  plus  litlerale. 
Void  comme  il  s'exprime,  iii,  11,  8  :  «  Puisqu'il  existe  quatre  regions  du  monde  on 
nous  sommes,  et  quatre  vents  principaux,  que  TLglise  a  ete  disseminee  par  toute 
la  terre,  et  que  la  colonne  et  le  soutien  de  I'Eglise,  c'est  I'Evangile  et  I'Esprit  de  vie, 
il  convient  qu'elle  ait  quatre  colonnes...  D'ou  il  est  manifeste  que  I'artisan  de  I'Uni- 
vers,  le  Logos,  celui  qui  est  assis  sur  les  Cherubins...  nous  a  donne  I'Evangile  sous 
quatre  formes  »  {P.  G.,  vii,  885).  De  meme  Andre,  a  cote  de  ses  interpretations 
spirituelles,  explique  aussi  les  4  Animaux  par  «  la  formation  par  Dieu  des  4  στοιχεΤα 
(elements)  »,  ou  sa  domination  sur  les  4  parties  du  monde. 

Au  sens  premier,  les  4  Animaux  sont  done  des  Anges  associes  tres  etroitement 
au  Maitre  du  monde,  comme  les  Cherubins  du  propitiatoire  de  I'Arche.  Mais  leur 
aspect  et  leur  nombre  montrent  qu'ils  sont  plutot  en  rapport  avec  I'univers  mate- 
riel. Touz'nes  vers  les  quatre  points  cardinaux,  dominant  et  surveillant  les  quatre 
parties  du  ciel,  ils  gouvernent,  sous  Dieu,  la  Creation.  Sont-ce  meme  bien,  en  fin 
de  compte,  des  Anges  personnels,  ou  representent-ils,  comme  le  dit  Swete,  avec 
ces  formes  suggerant  ce  qu'il  y  a  de  plus  noble,  de  plus  fort,  de  plus  sage  et  de 
plus  rapide  dans  la  matiere  vivante,  I'ensemble  de  la  Creation,  avec  I'omnipre- 
sence  et  Taction  continue  de  Dieu  dans  la  nature?  Ne  serait-ce  pas  une  personni- 
fication  des  operations  ad  extra  de  Dieu  comme  createur,  conservateur  et  moteur? 
La  question  pent  se  poser,  mais  elle  est  de  peu  d'importance  pour  le  sens  general 
de  I'Apocalypse.  Nous  pouvons  bien  admettre  des  Anges  personnels,  puisquo 
saint  Jean  professait  certainement  la  doctrine  que  Dieu  se  sert  d'Anges  comme 
intermediaires  pour  la  direction  des  etres  et  des  lois  naturelles. 

■  A.  9-10-11.  ooiatoatv  (de  'έδωσα!  Lntrod.,  ch.  v,  §  II),  SB  lit       N,  Q,  δ50δ-14-69, 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  59 

nuit,  de  dire  :  «  Saint,  Saint,  Saint  [est]  le  Seigneur  Dieu,  le  Tout-Puissant, 
[celui  qui  a  nora]  il  etait,  il  est,  il  vient.  »  9.  Et  chaque  fois  que  les 
Animaux  rendront  [litt.  donnent)  gloire  et  honneur  et  actions  de  graces  έ, 
Celui  qui  est  siir  le  trone,  qui  vit  dans  les  siecles  des  siecles,  10  tomberont 
les  Vingt-quatre  Vieillards  en  face  de  Celui  qui  est  assis  sur  le  trone,  et  ils 
se  prosterneront  devant  Celui  qui  est  dans  les  siecles  des  siecles,  et  ils 
jetteront  leurs  couronncs  en  face  du  trone,  disant  :  11  «  Tu  es  digne,  notre 
Seigneur  et  notre  Dieu,  de  te  roserver  [litt.  de  prendre)  la  gloire  et  I'hon- 
neur  et  la  puissance,  car  c'est  toi  qui  as  cree  toutes  choses,  et  par  ta  volonte 
elles  exist^rent  et  furent  creoes.  » 


8603-92-61,  Orig.,  qqs  And.,  et  Bousset  I'admet.  Al.  ^ώσουσιν,  δώσιν,  εδωχαν.  Sur 
les  aoristes  anormaux  en-σα  a  I'epoque  romaine,  voir  Meillet,  p.  316.  —  δταν  signifie 
ici  «  toutes  les  fois  que  ».  —  έπΙ  τω  θρόνω  (non  το2  θρ.),  avee  rec  Η.  (Introd.,  c.  v, 
§  II)  —  βάλλουσιν  pour  βαλοΰσιν,  χ,  Q,  al.  — procidebant,  adorabant,  dans  vulg.,  cor- 
rections pour  echapper  a  la  difficulte  du  sens.  —  καί  introduit,  a  I'hebraique,  avant 
πεσοΰνται,  i\;  douteux.  —  προσχυνεΤν  ici  avec  le  datif,  —  ό  κύριος  pour  le  vocatif  (κύριε 
ajoute  devant  δ  κύρ.,  χ,  al.;  κύριε  seul  And.,  g,  vulg.,  arm.)  Introd.,  eh.  v,  §  II  — 
ήσαν  devant  έχτ.,  hysteron-proteron  du  a  la  negligence  du  style. 

C.  9-10-11.  Au  V.  8  a  commence  la  grande  liturgie  de  la  cour  celeste,  en  I'hon- 
neur  de  Dieu  createur  et  gouverneur  du  monde.  "Οταν,  qui  est  ici  frequentatif,  et 
les  verbes  au  futur,  montrent  que  I'auteur  prevoit  tous  les  developpements  et  les 
cantiques  qui  vont  suivre;  il  n'a  pas  ecrit  le  recit  de  cette  vision  avant  de  connaitre 
les  autres,  et  c'est  un  signe  tres  net  de  I'unite  de  son  plan.  Le  Trisagion  des 
Animaux  appelle  les  trois  termes  de  la  benediction  du  v.  9.  Les  24  Vieillards  qui 
sont  des  rois,  deposent  leur  couronne  alors  devant  le  trone  de  Dieu,  ce  qui,  d'apres 
I'usage  ancien,  est  un  signe  de  soumission  et  de  vassalite;  ainsi  fit  le  roi  d'Armenie 
Tiridate  devant  la  statue  de  I'empereur  {Tacite,  Annales,  xv,  28).  Les  rois  de  la 
terre  (xin,  xvii,  xix)  sont  les  ennemis  rebelles  de  Dieu  et  de  I'Agneau;  mais  ceux 
du  ciel  reconnaisscnt  que  Dieu  seul  leur  a  donne  ces  couronnes  de  royaute  et  de 
victoire  [And.  Arethas,  al.).  La  nature,  les  Anges,  et  I'humanite  fidele  —  dans  la 
mesure  oil  celle-ci  est  representee  par  les  Vieillards,  —  s'unissent  pour  louer  Dieu, 
glorifier  sa  saintete,  lui  dire  qu'il  est  seul  digne  de  se  reserver  (λαβείν,  Bousset) 
gloire,  honneur  et  puissance.  Si  cette  scene  ne  renferme  jusqu'ici  rien  de  speci- 
fiquement  chretien,  c'est  que  I'Agneau  n'a  pas  encore  paru;  bientot  il  va  etre 
associe,  avec  une  parfaite  ogalite,  a  la  gloire  de  son  Pere. 

EXC.    XIV.    —    LE    CIEL    ET    LA    COUR    CELESTE. 

Malgre  le  style  lliclie  et  extraordinairement  redondant  de  la  description, 
cette  peinture  du  trone  de  Dieu  et  de  la  cour  celeste  est  majestueuse  et  admi- 
rable, bien  superieure,  sous  le  rapport  do  I'art,  ΰ  la  vision  similaire  d'Eze- 
chiel,  et  surtout  a  celles  des  Apocryphes.  Elle  est  formee  pourtant  des  memes 
elements,  dont  I'originc  astrale  n'est  pas  douteuse.  Le  livre  d'Henoch  prou- 
verait  a  lui  tout  seul  combien  rastronomie  avail  penetre  la  tradition  apoca- 
lyptique.  La  maison  de  Dieu,  le  trone  do  Dieu,  c'est  le  ciel  constelle  d'etoiles. 
el  peuplc  d'intelligenccs  angeliques.  Sa  tranquille  magnificence  contraste  avec 
los  scenes  qui  vont  se  passer  en  dessous ;  mais  touto  loi  et  toutc  impulsion 


60  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

B.  Apparition  de  I'Agneau  Redempteur,  et  sa  glorification 
conwie  maitre  des  destines  (c.  v). 

C.  V.  1.  Και  sis;v  £-■  τήν  Ιι\\χΊ  tcj  καθήμενου  έζΐ  tcj  θρόνου  βιβλίον  γεγραμ- 
μένον  *εσωθ£ν  και  *lr.'.zHvi,  κατεσ5ραγυμε'νον  σίραγΐσιν  ϊ~~ί.  2  Και  ειΒον  αγγελον  ίσχυ- 
ρον  κηρύσσοντα  *έν  ^ων^  μεγάλη'  Τίς  άξιος  άνοϊξαι  το  βιδλι'ον  και  λΰσαι  τας  σοραγϊδας 
αΰτοΰ ;  3.  Και  ουδείς  έδυνατο  εν  τω  ουρανω  *ου7ε  έττι  τής  γης  ούτε  ύττοκάτω  τΫ;ς 
γης  άνοϊξαι  το  βιβλίον  ούτε  βλέζειν  αυτό.  4.  Και  εκλαιον  πολύ,  'ότι  ουδείς  άξιος 
εΰρε'θη  άνοϊξαι  το  βιβλίον  ούτε  βλεπειν  αυτό.  5.  Και  *εις  εκ  των  πρεσβυτέρων  λέγει 
μοΓ  μή  κλαίε,  ιδού  *ένίκησεν  ο  λε'ων  ό  εκ  της  οι^λης  Ίοΰδα,  ή  ^ίζα  Δαυείδ,  *άνοϊξαι 
το   βιβλίον  και   τας    έτττα   σοραγΤοας  αϋτοΰ.  6.    Και  ειδον  *έν    μέσω   του   θρόνου  και 


partent  de  la-haut;  les  fideles  peuvent  done  deja  se  rassurer.  Saint  Jean,  s'il 
fut  inspire  d'Ezechiel  et  des  Apocryphes,  a  beaucoup  simplifie  leurs  descrip- 
tions; tout  est  chez  lui  plus  intelligible  et  plus  plastique.  11  a  dedaigne 
la  topographie  et  la  fantasmagorie  des  livres  ^.'Henoch  ou  de  Baruch  grec, 
il  a  ote  aux  Cherubins  d'Ezechiel  leur  apparence  quadruple,  qui  deconcerte; 
en  fondant  ensemble  les  Cherubins  et  les  Seraphins,  les  Ophannim  et  les 
Egregores,  Jean  fuit  les  classifications  trop  precises  de  Tan^elologie  postexi- 
lienne;  il  reste  dans  la  ligne  des  deux  grands  prophetes,  Ezechiel  et  Isaie, 
dont  il  fait  meme  une  svnthese.  La  figure  des  Vieillards,  qui  lui  est  person- 
nelle,  au  moins  sous  cette  forme,  ajoute  aux  anciennes  visions  quelque  chose 
de  plus  spirituel,  de  plus  proche  de  Ihumanite;  et  la  douceur  simple  et  har- 
monieuse  de  I'apparition  divine,  au  milieu  de  ces  images  de  puissance,  au 
centre  meme  des  tonnerres,  montre  le  nouvel  esprit  qu'a  apporte  TEvangile. 
La  description  de  I'habilat  divin,  tel  qu'il  apparut  a  Jean,  n'est  cependant 
pas  complete;  nous  verrons  plus  loin  qu'il  faut  y  ajouter  un  autel  des  holo- 
caustes,  un  autel  des  parfums,  et  un  sanctuaire;  car  lecrivain  en  parlera 
sans  avoir  annonce  leur  apparition ;  rarement,  nous  le  savons,  il  donne  ses 
descriptions  ou  ses  propheties  dun  seul  coup.  Le  Temple  Celeste  est  ainsi 
comme  le  prototype,  Tidee  du  Temple  de  Jerusalem,  cet  «  exemplaire  qui  fut 
montre  »  a  Moise  «  sur  la  montagne  »  (Ex.  xxv,  40). 

A.  B.  1.  On  trouve  εαττροιθεν  pour  εσωθεν  (χ);  d'autres  ajoutent  v.%i  εαζροαθεν  et 
έξωθεν  pour  δπυθεν.  Bousset  prefere  la  Ιβςοη  έξωθεν  κα\  ό'-υθεν,  qui  est  celle  de  P, 
Q,  g,  vulg,  boh.,  syr.^,  arm.,  eth.,  Hipp,  Prim.,  Vict.,  Tyc,  Orig.^'^"^^^-,  et  de 
nombreux  minuscules;  mais  au  nombre  de  ces  autorites,  il  y  a  par  trop  de  versions; 
nous  gardens  εσωθεν  καΐ  δ-ι^θεν,  avec  Tisch.,  Nestle,  W-H,  Swete,  Soden;  Zahn 
(Einl.  II,  p.  596)  et  Nestle  (Text.  crit.  p.  333),  ainsi  que  Joh.  Weiss  dans  sa 
traduction,  veulent  rattacher  δ-υθεν  a  κατε^οραγισαε'νον.  —  «  Livre  scelle  »  cfr.  Is.  xxix, 
11;  Dan.  viii,  26;  xii,  4,  9;  aussi  Ezech.  ii,  9-10,  «  livre  roule  «. 

C.  1.  Ce  livre,  Dieu  le  tient  sur  sa  main  ouverte,  c'est-a-dire  qu'il  lOffre  a  qui 
pourra  le  prendre.  Ce  livre  se  presente  comme  un  rouleau  de  papyrus  [volumen], 
et  non  un  codex  relie;  il  est  «  ecrit  en  dedans  et  par  derriere  »,  autrement  dit  c'est 
un  rouleau  «  opistographe  ».  On  trouve  des  mentions  assez  frequentes  de  cette 
forme  de  rouleau  dans  lantiquite,  Ezech.   ii,   9-10,  Pline,  Martial,  Juvenal,  Lucien. 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  61 

C.  V.  1.  Et  je  λ-ΐΒ  SUP  la  [^mairij  droite  de  Celui  qui  etait  assis  sur  le  trone 
unlivre  ecrit  en  dedans  et  par  derri^re,  scelle  de  sept  sceaux.  2.  Et  je  vis 
un  ange  puissant,  qai  proclamait  d'une  grande  voix  :  «  Qui  [est]  digne 
d'ouvrir  le  livre  et  d'en  delier  les  sceaux?  »  3.  Et  personne  ne  pouvait, 
dans  le  ciel  ni  sur  la  terre,  ni  en  dessous  de  la  terre,  ouvrir  le  livre  ni  le 
regarder.  4.  Etje  pleurals  beaucoup,  parce  que  personne  n'avait  ete  trouve 
digne  d'ouvrir  le  livre  ni  de  le  regarder.  5.  Et  Tun  des  Vieillards  me  dit  : 
«  Ne  pleure  pas;  voici  qu'il  a  vaincu,  le  Lion  de  la  tribu  de  Juda,  la  Racine 
de  David,  pour  ouvrir  le  livre  et  ses  sept  sceaux.  »  6.  Et  je  vis  au  milieu  du 


Gen^ralement  on  n'ecrivait  que  sur  le  recto  de  la  longue  feuille;  mais  la  longueur 
du  texte  et  la  cherte  du  papyrus  obligeaient  parfois  a  couvrir  d'encre  les  deux 
faces.  Holizm,  Bousset,  Cal/nes,  Swete,  Fentendent  comme  nous;  d'ailleurs  cette 
forme  seule  explique  que  Jean  puisse  voir  qu'il  est  ecrit  aussi  sur  le  verso ;  cela 
η  aurait  pas  de  sens  avec  un  codex.  Les  sceaux  sont  disposes  sur  une  m^me  ligne 
longitudinale,  sur  le  bord  exterieur  de  la  feuille,  colle  ainsi  au  rouleau  :  de  sorte 
qu'on  ne  peut  en  commencer  la  lecture  avant  de  les  aA'oir  rompus  tous  les  sept 
(v.  Exc.  XVII.)  —  L'image  des  livres  celestes  est  tres  frequente  dans  la  Bible  et  les 
Apocalypses;  celui  de  notre  chapitre  contient  les  innombrables  decrets  de  Dieu 
sur  les  destinees  futures  du  monde,  3  μέλλει  γενέσθαι  μετά  ταύτα,  ι,  19.  (V,  Exc.  χνι) 
«  Liber  hie  praesentis  est  mundi  totius  creatura  »  (Apringius);  βιβλίον  τήν  ::άνσοοον 
τοΰ  θεού  μνήμην  νοοΰμεν...  y.xi  των  θείων  κριμάτων  τήν  άβυσσον  (And).  Cette  interpretation 
vaut  mieux  que  celle  dOrigene  (sch.  xxvii,  cfr.  Philoc.  ii,  1,  5),  qui  y  voit  les  eve- 
nements  predits  dans  I'Ancien  Testament,  lesquels  ne  sont  devenus  clairs  qu'apres 
la  resurrection  du  Seigneur.  C'est  plutot  toute  I'eschatologie,  comprenant  le  derou- 
lement  des  temps  messianiques  {And),  tous  les  secrets  du  plan  divin  de  notre 
salut.  Ainsi  Swete,  etc.  On  peut  I'appeler,  avec  Zahn  et  Joh.  Weiss,  le  «  testament 
divin  » ;  il  est  ferme  «  non  pas  tant  parce  que  nul  n'en  connait  le  contenu,  que 
parce  que  le  contenu  attend  encore  sa  realisation  »  [Zahn,  Einl.  ii,  p.  597). 

■I  A.  B.  2.  εν  instrum.,   corrige  par  P,  Hipp.,    Orig.,   And.,   al.,  lat.,  Prim. 

I'omet  toujours.  —  άνοΤξαι...  καταλυσαι,  hysteron-proteron  de  pensee.  —  Cfr.  I'autre 
«  άγγελος  h'/y^a^  »,  de  X,  1. 

C.  2.  L'Ange  invite  toute  la  Creation  a  penetrer  les  secrets  de  Dieu:  c'est  une 
maniere  dramatique  de  presenter  les  choses,  pour  faire  ressortir  tout  a  I'heure  la 
transcendance  divine  de  I'Agneau.  Son  role  a  de  I'analogie  avec  celui  de  I'Ange  de 
X,  1  (v.  ad  loc). 

— —  A.  B.  C.  3.  Les  mss.  hesitent  entre  ουδέ  et  ούτε.  Cette  division  tripartite 
du  monde  repond  a  la  cosmologie  des  anciens,  depuis  Babylone ;  Ο-οκάτω  ttJ;  γης 
signifie  I'empire  des  morts;  And.  et  Calmes  pensent  aux  ames  saintes  qui  ont  quitte 
leurs  corps,  mais  il  s'agit  plutot  des  demons  souterrains;  cfr.  P/iil.  ii,  10.  —  βλέ::ειν 
signifie-t-il  «  regarder  »  I'interieur  du  livre,  apres  I'avoir  ouvert,  ou  bien  fixer  le 
regard  sur  le  rouleau  scelle?;  ce  deuxieme  sens  nous  parait  le  plus  probable.  Toute 
la  creation  est  saisie  de  respect  ct  d'efTroi  devant  I'instrument  des  volontes  divines. 
■  A.  C.  4.  κα\  έγώ,  καγώ,  rcc  Κ  et  And.,  —  -ολλο;,  au  lieu  de  τιολύ,  change  le 
sens,  dans  Hipp,  et  qqs  mss.  —  Jean  pleure,  non  de  voir  I'ignorance  des  Anges 
(And.),  mais  a  cause  du  brulant  dosir  qu'il  a  lui-mlme  de  connaitre  les  projets 
divins,  inquiet  comme  il  Test  dans  son  exil  de  I'avenir  de  ses  communautes  et  de 
i'Eglise  persecutee. 

— —  A.  5.  εΤί  pour  τις  (Imrod.  c.   v,  §,§  I-II)  —  ενίκησεν άνοΓξαι  (ό  άνοίγων       Q, 


G2  APOCALYPSE    DE    SAlN'l'    JEAN. 

των  τεσσάρο)ν  ζώων  και  *έν  μέσω  των  πρεσβυτέρων  apvisv  *έστηκος  ώς  έσφαγμ,ένον, 
*εχων  κέρατα  έπτα  και  οφθαλμούς  έτττα,  οΓ  είσιν  τα  έπτα  πνεύματα  του  θεοΰ  "απεσταλ- 
μένοι εις  πασαν  τήν  γην.  7.  Και  ηλθεν  καΐ  *εϊληφεν  *έκ  τϊ^ς  οεξίας  του  καθήμενου 
έπιτοΰ  θρόνου.  8.  Και  οτε  ελαβεν  το  βιβλίον,  τα  *τέσσερα  ζώα  και  ο!  είκοσι  τέσσαρες 
πρεσβύτεροι  *επεσαν  ένίόπιον  του  άρνίου,  έχοντες  Ικαστος  κιθάραν  και  οιάλας  χρυσας 
γεμούσας  θυμιαμάτων,  *α'ί  είσιν  αί  προσευχαΐ  των  αγίων.  9.  Και  *ά'οουσιν  ώδήν  καινήν 
λέγοντες'  "Αξιος  ει  λαβείν  το  βιβλίον  και  άνοΐςαι  τας  σφραγίδας  αΰτοΰ,  'ότι  έσφάγης 
και  ήγόρασας  τω  θεώ  *έν  τώ  α'ίματί  σου  έκ  πάσης  φυλής  και  γλώσσης   και  λαοΰ  και 


rec.  Κ.,  Orig.)  pourrait  signifier  «  a  eu  la  force  d'ouvrir  »,  Ινίχησεν  equivalaat  alors 
a  ίσχυσεν,  cfr.  Ps.  Sal.  iv,  13  :  ένίκησεν...  σκορπΓσαι.  Mais,  d'apres  I'usage  johannique, 
il  vaut  mieux  prendre  le  sens  absolu  :  «  II  a  vaincu,  pour  ouvrir,  en  sorte  qu"\\ 
ouvrira  »  (Holtzmann,  Bousset,  Sivete,  etc.). 

B,  C.  5.  L'intervention  d'un  des  Vieillards,  pour  consoler  Jean,  montre  bien  un 
rapport  special  entre  ces  personnages  et  I'humanite.  Le  «  Lion  de  Juda  »,  cfr.  Gen. 
XLix,  9,  la  «  Racine  de  David  »  (id.  xxii,  16,  indice  d'unite  de  main  entre  cette 
partie-ci  et  la  derniere,  qui  est  incontestablement  de  I'auteur  des  Lettres;  cfr.  Is.  xi, 
10,  ή  ?(ζα  του  Ίεσσαί)  ouvrira  le  livre,  parce  qu'il  est  devenu  le  maitre  du  monde 
par  la  victoire  qu'il  a  remportee  sur  lui  (cfr.  Jo/i.  xvi,  33).  Spina  ne  veut  supprimer 
ce  mot  d'έvί)'.ησεv  que  parce  qu'il  est  trop  johannique;  Bousset  lui  replique  que  la 
reapparition  de  ce  mot,  certain  d'apres  toutes  les  autorit^s,  est  une  des  preuves  de 
I'unite  du  livre. 

Μ  Δ.  6.  έν  μέσω....  Iv  μέσω.,  est  une  tournure  embarrassee,  analogue  a  celle 

de  IV,  6,  qui  montre  encore  I'inhabilete  de  I'auteur  dans  I'emploi  des  prepositions 
servant  a  indiquer  les  relations  locales;  elle  repond  sans  doute  a  I'hebreu  ..]ΐ3ϊΐ..1"'2, 
Gen.  I,  7 ;  Lev.  xxviii,  2,  et  signifie  simplement  I'espace  intermediaire  entre  les  deux 
objets  nommes.  —  απεσταλιχένοι  est  un  solecisrae  assez  habituel,  ou  bien  est  appele 
par  le  genre  d'oyOaXjjid;  (A;  Tisch.  W-H,  Nestle,  Swete,  Soden;  (roc)  άπεσταλμ-ένα  >{, 
α1573-138-2020,  Av56-49-2023 ,  α115-30-1854,  boh.,  Hipp.;  (τα)  άποστελλό[χενα,  Q,  rec. 
Κ,  Orig.  And.,  syr.g^'",  al.,  suivis  par  Bousset;  &  pour  oi',  Hipp.,  rec.  K.  Double 
solecisme  Ιστη/.ώς,  au  nominatif  masculin,  (N,  Av20-rl-lr,  Av30-36-2019,  al.),  et  'εχιον, 
mieux  appuye  (n,  A,  Q,  al.). 

B.  6.  άρνίον  ώς  Ισφχγριε'νον  :  cfr.  Is.  nil,  7  (προ'βατον),  Jer.  xi,  19.  Le  mot  άρνίον 
apparait  dans  VApoc.  29  fois  en  12  chapitres;  il  se  retrouve  /οΛ.  xxi,  15  (excepte  D  : 
πρόβατα);  pour  le  Messie-Agneau,  cfr.  Test.  Joseph  xix,  6,  8,  associe  au  lion,  et  vain- 
queur;  cfr.  Test.  Benjamin  ui,  8  (interpolations  chretiennes) ;  pour  le  sens  (le  mot 
est  αμνός),  cfr.  Joh.  I,  29,  36;  xix,  33-37;  I  Cor.  v,  7;  I  Pet.  i,  19  (agneau  de  Dieu, 
agneau  pascal).  —  Les  7  yeux-esprits,  cfr.  i,  4;  iv,  5  (les  7  Esprits),  Zach.  in,  9-10 
et  IV,  10  (les  7  yeux  de  Jahweh),  et  les  «  yeux  »  des  4  Animaux.  —  Les  7  comes  : 
la  corne  est  le  symbole,  (A.T.,  passim)  de  la  force  secourable  ou  de  la  force  dynas- 
tique  (cfr.  particulierement  Zach.  i,  18-suiv. ;  Dan.  vii,  7-suiv.;  viii,  3-seq.;  Hen. 
eth.  xc,  37-suiv.,  ou  le  Messie  apparait  sous  forme  d'un  buflle  avec  deux  cornes 
noires).  Ailleurs  dans  VApoc.  xii,  3;  xiii,  1,  11;  xvn,  3-sq.,  les  cornes  appartien- 
nent  aux  ennemis  de  I'Agneau. 

C.  6.  Par  un  magnifique  contraste,  qu'ont  releve  Joh.  Weiss  et  d'autres,  le  Lion 
annonce  apparait  subitement  sous  forme  d'Agneau,  c'est-a-dire  d'Agneau  pascal 
(v.  paralleles,  ci-dessus),  portant  encore  au  cou  les  marques  du  sacrifice  ou  il  a  ete 
egorge,  mais  debout  a  cause  de  sa  resurrection,  de  sa  victoire.  II  a  ete  Lion  pour 
vaincre  la  mort,  mais  agneau  afin  de  soufTrir  pour  les  hommes  [Vict.).  II  n'apparait 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  63 

trone  et  des  quatre  Animaux  et  au  milieu  des  Vieillards  un  agkeau  se 
tenant  debout,  comme  egorge,  ayant  sept  comes  et  sept  yeux,  qui  sont  les 
SEPT  ESPRiTS  DE  DiEu,  euvoyes  par  toute  la  terre.  7.  Et  il  vint;  et  il  a  pris 
[le  livre]  de  la  droite  de  Celui  qui  est  assis  sur  le  trone.  8.  Et  lorsqu'il  eut 
pris  le  livre,  les  quatre  Animaux,  et  les  vingt-quatre  Vieillards  tomberent 
en  face  de  lAgneau,  ayant  chacun  une  cithare,  et  des  coupes  en  or  remplies 
de  parfums,  qui  sont  les  prieres  des  Saints.  9.  Et  ils  chantent  un  cantique 
nouveau,  disant  :  «  Tu  es  digne  de  prendre  le  livre  et  den  ouvrirles  sceaux, 
parce  que  tu  as  ete  egorge  et  tu  as  achete  pour  Dieu,  par  ton  sang,  [des 
hommes^  de  toute  tribu,  et  langue,  et  peuple  et  nation,  10  et  tu  en  as  fait 


cependant  que  «  comme  »  egorge,  puisque  maiatenant  il  est  vivant  (i,  18,  et 
Lettres).  Parmi  les  Evangelistes,  saint  Jean  est  celui  qui  a  parle  le  plus  expressement 
des  plaies  duRessuscite,  Joh.  xx,  31;  il  n'est  pas  permis  de  negliger  ce  rapprochement. 
L'Agneau  apparait  sur  la  mer  de  cristal,  entre  le  cercle  des  Vieillards  et  le  Trone 
porte  par  les  Animaux  {de  Weite,  al.),  et  non  dans  une  position  absolument  cen- 
trale  (cfr.  Bousset,  qui  se  refere  d'une  fa^on  erronoe  a  vii,  17),  puisque  bientot  on 
va  voir  qu'il  doit  s'approcher  du  trone  (τ,λθεν).  Ses  sept  yeux  et  ses  sept  cornes 
sont  une  image  bien  peu  plastique;  raais  il  n'y  a  que  le  sens  qui  importe.  Ils  expri- 
ment  la  plenitude  (Sept)  de  son  pouvoir  royal,  de  sa  force  et  de  son  omniscience 
[Holtzmann,  Swete,  Bousset,  etc.);  en  d'autres  termes  sa  divinite.  Car  «  les 
7  Esprits  de  Dieu  r,  sont  a  Lui.  II  les  possede ;  or  nous  savons  que  c'est  le  Saint- 
Esprit  personnel.  Ces  Esprits  sont  envoyes  —  par  I'Agneau  lui-mSme,  si  Ton  se 
refere  a  Act.  u,  33,  et  a  Joh.  xv,  26,  etc.;  xx,  22,  —  sur  toute  la  terre,  par  la  grace 
et  par  la  mission  universelle  de  I'apostolat  catholique.  L'image  des  vents  est  peut-otre 
impliquee  originellement  dans  ce  symbolisme  [Boll,  p.  22).  Et  cependant  ils  res- 
tent  au  front  de  I'Agneau;  bien  mieux,  ils  sont  presents,  dans  la  m^me  vision,  sous 
un  autre  symbole,  les  7  Lampes  (iv,  5),  qui  indique  leur  rapport  avec  le  Pere;  c'est 
qu'ils  appartiennent  egalement  au  Pere  et  au  Fils.  On  sent  quelle  profonde  theo- 
logie  —  et  combien  johannique!  —  se  cache  sous  I'apparence  un  peu  desordonnee 
de  toutes  ces  images.  Du  reste,  cette  double  representation  n'est  pas  une  raison  de 
supposer  une  dualite  de  mains  (centre  Jolt.  Weiss);  pourquoi,  dit  Bousset,  ne  pas 
attribuer  ces  dedoublements  a  I'auteur  lui-meme  aussi  bien  qu'au  fait  d'un  «  redac- 
teur  »  qui  se  serait  donne  a  tache  de  corriger?  N'aurait-il  pu,  en  effet,  corriger 
mieux?  (Voir  I.mrod.,  c.  vi  et  xi.  —  Pour  I'Agneau,  Exc.  xv). 

— ^—  Δ.  B.  C.  7.  «  To  βιβλίον  )>,  necessairement  sous-entendu  apres  ε'Ληφεν,  a  ete  ajoute 
[)ΆΓ  And.,  Ilippol.,  quelques  mss.  6! Andre,  et  I'ensemble  des  versions.  Le  passage  de 
I'aoriste  au  parfait  pourrait  etre  intentionnel  (Bousset,  J.  Weiss,  S^i'ete),  car  I'Agneau 
continue  depuis  lors  a  tenir  au  ciel  le  livre  qu'il  a  re?u.  Non  seulement  il  s'est  approche 
du  trone  de  Dieu,  mais  nous  verrons  vii,  17,  que  lui-mome  y  a  pris  place;  cette  introni- 
sation  est  supposee  d'ailleurs  par  tout  ce  qui  suit  dans  cette  pericope;  et  au  ch.  xxii,  1, 
3,  il  sera  question  du  «  trone  de  Dieu  et  de  I'Agneau  ».  Un  agneau  prenant  un  livre  et 
rompant  des  sceaux  a  trouble  certains  commentateurs,  qui  exagerent  le  souci  de  plier 
les  visions  aux  convenances  des  realites  terrestres.  Est-ce  la  un  motif  consacre,  et  Jean 
n'aurail-il  fait  qu'appliquer  au  Christ,  ressuscite  et  monte  au  ciel,  a  la  droite  de  son 
Pere,  le  theme  de  I'intronisation  d'un  dieu  nouveau,  qui  se  retrouve  dans  le  «  Pofemc 
dela  Creation  »,  quand  Mardouk  re^oit  de  la  main  de  Bel  les  tablettes  desdestinees? 
Gunkel  (Verst.  p.  62)  Bousset,  et  I'ecole  babyloniste  I'ont  cru;  mais  le  parallelisme, 
d'ailleurs  assez  lointain,  peut  aussi  bien  etre  du  au  hasard  (Exc.  xv). 


64  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

έθνους,  10.  και  έττοίησας  *αυτους  τω  θεω  ημών  *βασιλείίζν  καΐ  Ιερείς,  και  *βασ'-λεύουσιν 
έπΙ  της  γης.  11.  Και  είδον,  και  ήκουσα  *φωνήν  αγγέλων  ττολλών  κύκλω  του  θρόνου 
και  των  ζώων  και  των  πρεσβυτέρων,  και  ην  ό  αριθμός  αυτών  μυριάδες  μυριάδων  και 
χιλιάδες  χιλιάδων,  12  *λέγοντες  φωνϊ5  μεγάλη*  "Αξιον  έστιν  το  άρνίον  το  έσφαγμένον 
λαβείν  την  δύναμιν  και  πλουτον  και  σοφ(αν  και  Ίσχυν  και  τιμήν  και  δόςαν  και  ευλογίαν. 

13.  Και  πάν  κτίσμα,  ο  εν  τω  ουρανώ  και  έπΙ  της  γτ3ς  και  υποκάτω  της  γγ5ς  και  έπι 
ττ5ς  θαλάσσης*,  και  τα  εν  αΰτοΐς  πάντα  ήκουσα  *λέγοντας"  Τω  καθημένω  επί  τω  θρόνω 
και  τω  άρνίω  ή  ευλογία  και  ή  τιμή  και  ή  δόξα  και  το  γ,ράτος  ε'ις  τους  αιώνας  των  αιώνων. 

14.  Και  τα  τέσσερα  ζώα  έλεγον'  'Αμήν,  και  ο',  πρεσβύτεροι  *έπεσαν  και  προσεκύνησαν. 


— —  Α.  Β.  8.  Correction  επεσον  rec.  Ζ  (Int.  c.  ν,  §  Π);  —  οΆ  (attraction)  remplace 
par  α  κ,  Q.  —  ε/οντες  έκαστος  ne  se  rapporte  sans  doute  qu'aux  Vieiilards,  I'ambiguite  est 
due  a  la  negligence  du  style.  —  Meme  jeu  de  scene  vii,  11  et  xix,  4  (vid.  ad  loc);  allu- 
sion dans  Ϊ Apocalypse  de  Paul,  44.  —  «  Coupes  aparfums  »  :  cfr,  Ps.  cxli,  2;  cxlvii, 
7;  CL,  3;  Ezech.  viii,  11. 

C.  8.  Ainsi  les  etres  celestes  associes  a  la  royaute  de  Dieu  adorent  Jesus  glorifie 
par  la  resurrection  et  I'ascension.  lis  tiennent  a  la  main  des  coupes  :  ce  qui  suppose  la 
presence  au  ciel  d'un  «  autel  des  parfums  »,  dbnt  il  sera  fait  mention  expresse  viii,  3; 
toutes  ces  scenes  se  completent,  Jean  n'ayant  d'abord  decrit  que  dans  les  grandes 
lignes  I'habitat  de  Dieu.  Ces  parfums  symbolisent  les  prieres  de  I'Eglise,  destinees  a 
assurer  I'avenir  qui  va  se  devoiler;  les  Vieiilards  apparaissent  ici  tres  clairement 
comme  des  Anges  intercesseurs,  cfr.  vm,  3  (v.  ad  loc.)  et  rien  n'est  plus  naturel  que 
de  les  distinguer  des  «  saints  »  mortels  dont  lis  ofTrent  les  prieres.  L'auteur,  ou  le 
«  glossateur  »  n'a  pas  oublie  que  les  4  Animaux  portent  le  trone  (cfr.  Spitta,  Bousset) ; 
ils  peuvent  faire,  sans  I'^branler,  dans  une  vision  surtout,  leur  geste  de  prosterne- 
ment,  et,  si  TAgneau  n'a  pas  encore  pris  sa  place,  ils  peuvent  le  faire  en  face  de  lui ; 
d'ailleurs  ils  n'abaissent  point  par  la  la  majeste  du  Tres-Haut,  puisque  lAgneau  est 
legal  de  son  Pere.  Le  danger  pour  les  Vieiilards  de  renverser  leurs  coupes  impres- 
sionne  Spitta;  mais  ce  savant porle  trop,  dans  I'autre  monde,  les  craintes  domestiques 
d'ici-bas.  Rappelons-nous  d'ailleurs,  que  Jean  pense  ses  descriptions  encore  plus  qu'il 
ne  les  voit.  (Int.  c.  x,  §  III  et  XII). 

■  A.  9.  άδουσιν,  changement  de  temps  a  cause  de  la  vivacite  de  la  representation. 
—  Le  sens  devient  tout  different  dans  la  majorite  des  temoins,  qui  portent,  apres  τω 
θεω,  le  pronom  ήι^ας,  admis  de  Soden  (x,  P,  Q,  Hipp.,  Orig.,  ^nrf.,  la  masse  des  minus- 
cules, boh.,  syr.,  arm.,  lat.,  Cyp.  Prim) ;  alors  les  Vieiilards  seraient  necessairement  des 
hommes  rachetes;  mais  ήμας  manque  A-o''-02,  que  tous  reconnaissent  comme  un  des 
meilleurs  temoins,  et  α  300-44-1801  il  nous  est  done  permis  de  le  rejeter,  avec  I'en- 
semble  des  critiques.  D'abord  il  serait  difficile  k  concilier  avec  αύτοϋς  qui  suit  presque 
partout  au  verset  suivant,  quand  il  eut  ete  si  facile  et  naturel  de  repeter  ή;ιας;  mais  la 
Vulgate  seule,  avec  tres  peu  d'autres  temoins,  a  ete  consequente,  et  a  mis  partout  la 
premiere  personne  au  lieu  de  la  troisieme.  Souvenons-nous  d'ailleurs  qu'une  locution 
commengant  par  έχ.  peut  facilement  jouer  le  role  de  regime  direct  parti tif,  ou  m^me 
de  sujet,  dans  le  style  johannique  (Int.  c.  v,  §  II);  dans  notre  passage,  ανθρώπους  est 
sous-entendu, 

B.  C.  9.  Apres  avoir  celebre  le  Greateur,  les  etres  celestes,  avec  non  moins  do 
solennite,  chantent  le  Redempteur  des  hommes,  l'auteur  de  la  nouvelle  creation ;  cette 
correspondance  est  voulue  de  l'auteur,  pour  montrer  la  divinite  et  la  toute-puissance 
de  Jesus.  II  a  droit  de  se  reserver  (λαβείν,  au  sens  exclusif,  comme  iv,  1,  Hozlm,  equiva- 
lant  a  λαβέσθαι,  car  Jean  n'emploie  guere  la  voix  moyenne)  le  livre  et  son  contenu, 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  65 

pour  notre  Dieu  une  royauto  et  des  pretres,  et  ils  regnent  sur  la  terre.  »  11. 
Et  je  vis;  et  j'entendis  la  voix  de  beaucoup  d'Anges  autour  du  trone,  et  des 
Animaux  et  des  Vieillards,  et  leur  nombre  etait  des  myriades  de  myriades, 
et  des  milliers  de  milliers,  12  disant  d'une  grande  voix  :  «  Dig-ne  est 
FAgneau  qui  a  ete  egorge  de  prendre  [pour  lui]  la  puissance,  la  richesse,  la 
sagesse,  la  force,  rhonneur,  la  gloire  et  la  benediction.  »  13  Et  toute  crea- 
ture qui  [est]  dans  le  ciel,  et  sur  la  terre  et  en  dessous  de  la  terre  et  sur  la 
mer,  et  tous  les  [etres  qui  s']  y  [trouvent],  je  [les]  entendis  qui  disaient  : 
«  A  Celui  qui  est  assis  sur  le  trone,  et  k  I'Agneau,  [soient]  la  benediction, 
I'honneur,  la  gloire  et  la  domination  dans  les  siecles  des  siecles!  »  14.  Et  les 
Quatre  Animaux  disaient :  «  Amen!  »  Et  les  Vieillards  tomb^rent  et  ador^rent. 

e'est-a-dire  de  prendre  en  main  la  conduite  des  evenements  future,  d'abord  comme 
Dieu,  avec  son  Pere,  mais  aussi  comme  homme,  depuis  sa  passion ;  il  a  rachete 
I'humanitd  par  son  sang,  desormais  elle  appartient  a  I'Agneau.  Άγοράζειν,  pour  la 
Redemption  (encore  xiv,  3-suiv.),  est  un  mot  paulinien  I  Cor.  vi,  20;  vii,  23;  έξαγοράζειν 
Gal.  Ill,  13;  iv,  5,  aussi  II  Pet.  u,  1.  —  Έχ  πάσης  φυλής  κτλ,  expression  stereotypee, 
cfr.  VII,  9;  XI,  9;  xiii,  7;  xiv,  6,  analogies  dans  Dan.  passim  et  IV  Esd.  m,  7.  Le 
«  chant  nouveau  »  repond  au  «  nom  nouveau  »,  a  la  «  Jerusalem  nouvelle  »  [Swete), 
bref  il  celebre  toute  Teconomie  nouvellement  revelee  de  la  Redemption ;  cfr.  xiv,  3- 
seq.  Jean  lui-meme  I'a  entonne  au  debut  de  son  message,  i,  5-6.  Dans  ΓΑ.  T.,  passim., 
Γώδη  καιντ}  est  entonnee  dans  les  grandes  circonstances,  Is.  xlii,  10;  Ps.  xxxni;  xl, 
4;  xcvi,  1;  cxliv,  9. 

——  A.  B.  10.  Je  conserve  le  βασιλείαν  (memo  mot  et  mome  sens  que  i,  6),  de  A,  n, 
C,  1073,  Hipp.,  Orig.,  lat.,  syr.,  boh.  avec  Tiscli.,  Nestle,  W-H,  Swete,  Bousset,  centre 
βασιλείς  de  And.,  que  suit  Soden.  —  βασιλεύουσιν,  legon  de  A,  Q,  1073,  beaucoup  d'au- 
tres;  ailleurs  βασιλεύσουσιν  futur,  ou  βασΟεύσοιχεν,  δ  600-57-296,  Αν  66-63-2029,  Prim,  et 
aussi  Vulgate  (qui  a  nos  pour  αυτούς) ;  Hippolyte  s'est  tire  de  difficulte  en  laissant  de 
cote  ce  dernier  mot  (v.  supra  A.  9).  La  logon  βασιλεύουσιν  est  appuyee  par  le  God.  Alex 
Α.,  qui  a  montre  ici  meme  la  bonte  ordinaire  de  son  texte,  en  ce  qu'il  est  a  peu  pros  le 
seal  a  ne  pas  porter  ή[Αας  au  v.  9. 

G.  10.  Le  «  chant  nouveau  »  exalte  le  pouvoir  qu'a  le  Christ  depresider  au  cours  de 
tous  les  evenements,  particuUerement  des  evenements  spirituels  de  la  grace;  il  a  fait 
de  ses  rachetes  «  des  rois  et  des  pretres  » ;  eux  aussi  dominent  le  monde,  et  sont 
puissants  par  leur  intercession;  si  on  lisait  «  et  ils  regneront  »,  ce  serait  sans  doute 
une  allusion  au  Millenaire  du  ch.  xx,  ou  bien  ce  «  regno  sur  la  terre  nouvelle,  que  le 
Seigneur  a  promis  aux  doux  Mat.,  v,  5  »  [And.].  Mais  le  present  est  preferable,  carles 
saints  ont  deja  commence  a  regner  (spirituellement)  des  que  le  Christ  a  ete  glorifie; 
c'est  le  sens  de  toute  I'Apocalypse. 

— — ^  A.  B.  11-12.  Κα'ι  είδον,  stereotype;  —  [χυριάδες  μυριάδων,  qui  devrait  suivre 
plutot  que  preceder  χιλιάδες  /ιλιάδων,  est  omis  g,  vulg,  Prim.;  cfr.  Dan.  vn,  10;  Hen. 
ct/i.,  XL  et  Lxxxi.  —  λέγοντες,  solecisme,  ou  apposition  a  άρι9[ΑΟς  :  ailleurs  λεγούσαι,  ou 
λεγο'ντ'.ον,  a  cause  du  genre  de  ρρίας  et  /ιλίας.  —  Meme  doxologie  a  sept  membres,  vii, 
11. 

C.  12.  Des  myriades  d'Anges,  dont  il  n'avait  pas  encore  ete  parle,  so  joignent  aux 
Animaux  et  aux  Vieillards  pour  glorilicr  I'Agneau  egorge.  Des  termos  nouveaux, 
richesse,  sagesse,  force  et  benediction  s'ajoutent  a  la  doxologie  dont  Dieu  etait  I'objet 
comme  createur  (supra).  Gela  fait  sept,  c'est-a-dire  que  I'oeuvre  de  Dieu  et  sa  gloire, 
est  devenue  complete  par  la  Redemption,  grace  au  sacrifice  du  Christ  (Int.  c.  viii). 

APOCALYPSE    DE   SAINT  JEAN.  5 


6(3  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

_.^—  A.  13.  La  copule  έτυι,  apres  θαλάσσης,  manque  K,  α  1573-38-2020,  boh.,  syr, 
arm,  eth.;  mais  Κ  lit  πάν  κτίσ[Αα  xb...  —  τα  πάντα...  λέγοντας,  accord  ad  sensum,  ou  plutot 
solecisme;  corrections  πάντας  {rec.  K),  λέγοντα  (A,  al.),  ou  aiileurs  λεγο'ντων,  regime 
regulier  de  ή'/.ουσα,  avec  nominatif  absolu.  —  n,  al.,  ont  ΙπΙ  του  θρονοΰ. 

C.  13-14.  Cette  doxologie  est  a  quatre  membres;  la  precedente  en  avait  sept,  et 
ceile  de  iv,  9,  11,  trois.  Tout  cela  est  intentionnel  :  4  est  le  chiiTre  qui  est  propre  a  la 
Nature,  avec  ses  quatre  parties  [del,  terre,  enfers,  et  mer)  ou  ses  quatre  regions, 
(Nord,  Sud,  Est,  Quest),  quand  elle  ioue  son  Createur;  3  convient  a  la  louange  du 
ciel,  peut-etre  parce  que  la  Trinite  y  reside;  enfin  le  chiffre  7  est  reserve  a  la  louange 
du  Dieu  incarne,  qui  repare  et  complete  I'ceuvre  creee,  et  dispense  les  7  dons  de 
I'Esprit. 

Cette  scene  est  admirable  de  grandeur.  Le  Christ,  comme  homme  ou  Agneau,  vienl 
de  recevoir,  avec  le  Livre,  la  domination  de  la  Nature  entiere,  qui  le  Ioue  a  son  tour ; 
et  il  est  tres  significatif  que  cette  louange  s'adresse  a  Dieu  et  a  I'Agneau  indivisible- 
ment,  les  egalant  sans  restriction.  Les  Animaux,  qui  sont  dans  un  rapport  special  avec 
la  Nature,  confirment  par  leur  «  Amen  »  cette  doxologie ;  seuls  les  plus  eleves  des 
etres  celestes  peuvent  prononcer  cette  derniere  parole  [Holtzm).  Andre  exprime  ici 
une  belle  pensee  :  par  cette  association  des  Cherubins,  on  voit  qu'il  s'est  fait  des 
Anges  et  des  hommes  un  seul  troupeau  et  une  seule  Eglise,  grace  au  Christ-Dieu,  qui 
a  abattu  le  mur  de  separation  {Eph.  ii^  14). 

Holtz.  rappelle  ici  Phil,  ii,  10.  En  effet,  devant  Jesus  a  flechi  tout  genou  des  etres 
celestes,  terrestres,  et  souterrains;  tons  ont  confesse  ainsi  qu'il  est  leur  Seigneur,  leur 
Κύριος,  et  la  scene  se  clot  par  I'adoration  que  lui  rendent  les  plus  hautes  creatures  du 
ciel.  Les  croyants  qui  luttent  sur  la  terre  peuvent  maintenant  attendre  sans  trop 
d'anxiete  que  leur  avenir  se  devoile,  puisqu'il  est  en  de  si  misericordieuses  et  puis- 
santes  mains. 


EXC.    XV.    —    L     «    AGNEAU    »    DANS    L  APOCALYPSE. 

Les  panbabylonistes  ont  hkii  au  sujet  de  cet  Agneau  intronise  avec  Dieu  des 
theories  suivies  et  ingenieuses  comme  un  roman,  qu'ils  poursuivent  a  travers 
le  ch.  XII  (v.  ad  loc.)  et  la  derniere  partie,  les  «  noces  de  I'Agneau  ».  Le  Christ 
se  serait  approprie  I'histoire  de  Mardouk,  vainqueur  de  Ti^mat.  La  preuve  en 
est  sa  prise  de  possession  du  Livre  scelle;  et,  encore  plus,  ses  «  comes  »  et  ses 
«  yeux  »  qui  le  designent  comme  une  nouvelle  figure  stellaire,  la  constellation 
du  «  Belier  » ;  aussi,  au  lieu  d'ajxvo'g,  I'Apocalypse  emploie  un  autre  mot,  άρνίον. 

On  pent  voir  la-dessus  Jeremias,  BNT,  p.  16,  Boll,  p.  44,  et  les  auteurs 
auxquels  ils  se  referent;  il  ne  faut  pas  negliger  la  discussion  sensee  de  Clemen, 
pp.  80-81.  Nous  dirons  simplement,  pour  nous,  d'abord  que  άρνίον,  diminutif  de 
άρην,  signifie  «  agneau  »,  un  jeune  belier,  autant  que  αμνός;  cfr.  Luc  x,  3,  άρνας. 
Les  paralleles  bibliques  cites  ad  loc.  rapprochent  cette  figure  de  la  victime 
pascale,  qui  n'etait  pas,  croyons-nous,  un  belier.  L'origine  de  I'image  est  done 
historique,  non  mythique.  Ces  auteurs,  pour  soutenir  leur  theorie,  doivent 
au  moins  supprimer  έσφαγμένον,  car  ni  la  constellation,  ni  Mardouk,  n'ont  ete 
offerts  en  sacrifice.  Υ  aurait-il  dans  la  tradition  apocalyptique  une  figure  du 
Messie  plus  proche  de  notre  passage  que  I'agneau  pascal?  Ce  n'est  toujours 
pas  le  «  buffle  »,  creation  fantaisiste  et  plate  a'Hen.  xc,  encore  moins  les  Anges- 
taureaux  et  les  Anges-agneaux  qui  trainent,  dans  Baruch  grec  ix,  le  char  de  la 
Lune.  Quant  a  Γ  «  Agneau  »  des  Testaments  de  Joseph  et  de  Benjamin,  il  est 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  67 

arrive  la  par  une  interpolation  chretienne  inspiree  probablement  de  notre  Apo- 
calypse elle-m^me.  En  outre,  comme  I'Apocalypse  n'est  pas  d'un  autre  que 
saint  Jean,  I'auteur  du  IV^Evangile,  il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  que  I'Apotre  ait 
subi  ici  d'autres  influences  traditionnelles  que  lorsqu'il  met  dans  la  bouche  du 
Baptiste  la  mention  de  Γ  «  Agneau  de  Dieu  »,  expression  qui  provient  certaine- 
ment  de  I'Agneau  pascal,  d'Isaie,  de  Jeremie,  c'est-a-dire  de  faits  et  d'images 
bibliques  tout  a  fait  etrangers  a  la  mythologie ;  les  LXX  n'ont  pas  hesite  a  appeler 
aussi  άρνίον,  non  άμνος  «  I'agneau  inoffensif  mene  a  la  boucherie  »  de  Jer.  xi,  19, 
cfr.  Luc  IX,  2. 

Notre  «  άρνίον  »  a  bien  ceci  de  commun  avec  Mardouk,  c'est  qu'il  regoit  un 
livre,  comme  I'autre  des  tablettes.  ]Mais  nous  allons  montrer  qu'il  n'est  nulle- 
ment  necessaire  de  chercher  dans  la  mythologie  I'origine  de  ce  livre-la. 


EXC,    XVI,    —    LES    «    LIVRES    »    APOCALYPTIQUES. 

II  est  souvent  question  de  livres  mysterieux  ou  divins  dans  notre  Apocalypse  : 
1°)  ici  d'abord,  puis  au  ch.  χ  (le  βιβλαρίδιον),  ils  contiennent  I'ensemble  des  decrets 
de  Dieu  sur  le  monde  et  TEglise;  2°)  un  autre,  au  ciel,  contient  les  noms  des 
predestines  (βίβλος  ou  βιβλίον  της  ζωής)  III,  5;  XIII,  8;  xvii,  8;  xx,  12,  15;  xxi,  27; 
3^)  il  en  est  enfin  qui  contiennent  le  releve  des  actions  des  hommes,  d'apres 
lesquelles  leur  sort  sera  fixe  au  jugement,  xx,  12,  bis. 

Toutes  ces  categories  d'ecrits  celestes  sont  representees  dans  la  tradition 
apocalyptique  commune.  Ainsi,  dans  He?i.  eth.,  des  «  tablettes  celestes  »  con- 
tiennent, soit  toute  rhistoire  de  I'humanite  ecrite  a  I'avance  (cfr.  Apoc.  ν  et  x), 
soit  la  description  du  sort  reserve  aux  justes  (livre  de  vie,  ou  «  livre  des 
saints  »);  des  livres  contiennent  les  actions  des  hommes  (livres  des  vivants, 
xLvii,  3);  parfois  on  trouve  aussi  mention  des  «  livres  des  pecheurs  ».  De  tous 
ces  passages  d'Henoch  (xlvii,  3,  lxxxi,  1-4,  lxxxix,  62-77;  xc,  17-20;  xciii,  2; 
xcvii,  6;  xcviii,  7-suiv. ;  cm,  2;  civ,  1,  7;  cvi,  19;  cviii,  3,  7),  on  peut  en 
rapprocher  beaucoup  d'autres  parmi  les  Apocryphes,  tant  juifs  que  Chretiens, 
Bar.  syr.  xxi-xxv  (livres  des  peches),  IV  Esd.  vi,  20;  Test.  Levix,  4;  T.  Aser, 
II,  10;  Jub.  iii-vi,  xv-xvi;  xvm-xix;  xxiii-xxiv;  xxviii;  xxx-xxxiii;  xlix-l 
(tables  celestes,  ou  sont  ecrites  la  loi  eternelle  et  les  destinees);  xxx,  22  et 
xxxvi,  10  (livres  de  la  vie  et  de  la  mort);  xxx,  23;  xxxix,  6  (livre  des  merites 
et  des  demerites).  Memes  images  dans  Hen.  sL,  Asc.  Is.  ix,  Pirqe  Aboth, 
Testament  a'Abraham,  Hermas,  Apoc.  de  Paul,  etc.  ct  les  rabbins. 

Ces  «  livres  »  sont  d'origine  biblique.  Gelui  qui  contient  les  actions  des 
hommes,  et  decrit  aussi  leur  destinee,  est  mentionne  Ps.  xl  (xxxix  vulg.],  8; 
et  cxxxix  (cxxxviii  vulg.)  16;  cfr.  Mai.  in,  16;  al.  le  «  livre  de  vie  »  ou  «  des 
vivants  »  DiTl  lED,  d'oii  Ton  peut  etre  raye,  Ps.  lxix  (lxviii,  vulg.)  29,  cfr.  Ex. 
XXXII,  32,  33. 

Faut-il  vraiment  chercher  dans  le  babylonisme  Toriginc  de  ces  figures?  S'il 
est  question  dans  VEnuma  elis  des  «  tablettes  des  destinees  »,  en  quoi  cette 
mention  porte-t-elle  un  caractere  plus  primitif  que  les  images  bibliques  corres- 
pondantes?  Le  rapprochement  prouverait  tout  au  plus  que  les  Semites  avaient 
Tidee  d'ordre  necessaire,  soumis  a  un  calcul  exact;  mais,  sans  emprunts  litte- 


68  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

raires,  on  pouvait  bien,  sur  divers  points  du  monde  semitique,  arriver  tout  droit 
a  crder  cet  anthropomorphisme  tres  simple  que  la  Providence  consigne  ses 
operations  projetees,  tient  ses  comptes  et  prevoit  ses  paiements,  comme  tout 
bon  negociant  le  ferait  ici-bas.  Ni  dans  ΓΑ.  T.,  ni  dans  I'Apocalypse,  ni  meme 
dans  les  Apocryphes,  il  n'est  question  de  livres  doues  par  eux-memes  d'une 
force  magique,  comme  ce  pouvait  etre  le  cas  pour  les  «  tablettes  des  destinees  » 
a  Babylone  (cfr.  Gunkel,  Verst.  p.  60);  le  contenu  de  nos  livres,  et  sa  realisation, 
depend  de  la  volonte  libre  de  Dieu  et  de  la  volonte  libre  des  hommes.  Et  si  les 
Apocryphes  sent  parfois  suspects  d'un  certain  fatalisme,  I'Apocalypse,  au  moins, 
ne  Test  nullement. 


EXC.    XVII.    —    LA   FORME    DU    «    LIVRE    SCELLE    ». 

Nous  avons  montre,  au  comment,  du  v.  1,  que  ce  livre  doit  avoir  la  forme 
d'un  rouleau,  non  d'un  codex;  et  d'un  rouleau  «  opisthographe  ».  11  est  tres 
important  de  savoir  comment  les  7  sceaux  peuvent  etre  disposes ;  ce  n'est  pas 
une  question  de  pure  curiosite,  I'interpretation  des  deux  chapitres  suivants 
depend  dans  une  grande  mesure  de  la  solution  qu'on  y  apporte. 

Bousset,  Swete,  et  avant  eux  tous  les  auteurs  qui  croient  que  la  lecture  du 
livre  et  la  realisation  de  son  contenu  doit  commencer  des  la  rupture  du  premier 
sceau  (ch.  vi),  ne  sauraient  facilement  s'en  tirer.  Spitia,  apres  Grotius  et  autres, 
pense  que  le  livre  est  un  codex  contenant  sept  parties  ayant  chacune  son  propre 
sceau;  nous  avons  montre  que  cela  ne  repond  pas  aux  termes  du  texte.  Corn, 
a  Lap.,  puis  de  Wette,  imaginent  un  rouleau  unique,  mais  muni  de  sept  cordons 
inseres  a  sept  points  divers  de  I'interieur,  et  par  lesquels  seraient  ainsi  tenues 
sept  parties  distinctes,  un  sceau  etant  appose  sur  I'extremite  de  chaque  cordon; 
il  faut  alors  que  ces  cordons  soient  de  differentes  longueurs,  et  que  leur 
extremite  depasse  toujours  le  bord  extorieur  du  volume  une  fois  roule,  afin 
qu'on  puisse  y  apposer  le  sceau,  puisque  le  Prophete  compte  les  sceaux  avant 
la  rupture  du  premier.  Je  ne  vois  pas  I'utilite  qu'il  y  aurait  a  faire  un  volume 
ainsi  conditionne;  il  parait  qu'on  en  a  fait  un  de  la  sorte  pour  le  montrer  a 
Joh.  Weiss  ;  ne  I'ayant  pas  vu,  je  suppose  que  cette  disposition  n'est  ni  com- 
mode, ni  pratique.  Reste  done  notre  hypothese  (lancee  ^άτ  Hoffmann  le  premier, 
et  combattue  a  tort  par  Bousset)  d'apres  laquelle  le  contenu  du  livre  ne  pent 
etre  lu  qu'apres  la  rupture  du  septieme  et  dernier  sceau;  en  effet,  tant  que  le 
bord  de  la  feuille  tient  encore  par  un  seul  sceau,  il  est  impossible  de  derouler 
le  volume. 

Zahn  [Einl.  ii,  pp.  289  et  suivantes)  croit  aussi  qu'il  s'agit  d'un  codex.  Mais, 
se  referant  a  Huschke  [Das  Buck  mit  sieben  Siegeln,  1860),  il  etablit  que  les 
7  sceaux  seraient  la  marque  legale  d'un  testament  non  ouvert,  qui  ne  pent  done 
etre  lu  et  devenir  executoire  qu'apres  la  lecture  de  tous;  les  sceaux  corres- 
pondraient  au  nombre  de  temoins  requis  (cfr.  Marquardt,  Romisches  Privat- 
lehen  ^,  pp.  805-suiv.)  Le  livre  du  salut  futur  est  considere  comme  un  testament, 
διαθήκη,  suivant  le  terme  deja  usite  dans  le  N.  T.  [Sijnopt.  consecration  du  calice; 
1  Pet.  1,4)  et  qui  deviendra  courant. 

Sans  nous  referer  au  droit  remain,  nous  nous  croyons  obliges,  avec  Joh. 
Weiss f  d'admettre  d'apres  la  seule  teneur  de  notre  texte,  qu'il  s'agit  d'un  rouleau, 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  69 

et  meme  d'un  rouleau  qui  n'a  rien  de  particulier  dans  la  maniere  dont  il  est 
scelle  (1).  Une  fois  qu'il  est  roule,  le  rebord  de  la  feuille  est  tout  simplement  assujetti 
par  sept  sceaux  disposes  bien  visiblement  a  cote  Tun  de  I'autre,  sur  la  meme 
ligne,  cliacun  contribuant  a  coller  ce  rebord;  et  le  nombre  Sept  n'est  la  que 
pour  le  symbolisme,  pour  indiquer  que  le  contenu  du  livre  est  completement  et 
divinement  soustrait  a  Tatteinte  des  creatures. 

(1)  G'est  aussi  I'idee  du  recent  commentateur  Beckwith. 


π.  PREMIERE  SECTION  DES  PROPHETIES 

(vi-xi,  18). 

OU   EXECUTION    DES    DECRETS    DU    «    LIVRE    SCELLE    »    SUR   l'enSEMBLE   DU   MONDE. 

A.  Ouverture  du  Livre  aux  Sept  sceaux. 
(VI-VIII,  1). 


Int.  Ce  n'est  encore  qu'une  vision  preparatoire.  Pendant  que  I'Agneau  rompt  les  sceaux 
du  livre,  avec  une  solennelle  lenteur,  Jean  voit  idealement,  et  dune  maniere  encore 
generale  et  confuse,  se  preparer  au  ciel  les  jugements  divins,  avant  d'avoir  la  vision 
detaillee  de  leur  realisation  sur  la  terre  {VIII-XI).  A  la  rupture  des  quatre  premiers 
sceaux,  qui  forment  un  groupe  syinetrique,  apparaissent  les  symboles  :  1°)  des  victoires 
spirituelles  du  Christ;  2")  des  fleaux  qui  chdtieront  ses  ennemis.  Au  cinquieme,  les 
prieres  des  martyrs  pressent  les  retributions  de  Dieu.  Au  sixieme,  le  Prophete  percoit, 
d'une  maniere  anticipee,  quels  seront  les  resultats  des  futures  operations  divines;  les 
impies  seront  jetes  dans  la  terreur  [VI,  12-17),  tandis  que  les  justes,  preserves  et 
rachetes,  afflueront  continuellement  au  ciel,  oil  ils  vivent  deja  par  leur  ame,  et  oil,  dans 
la  vie  future,  leur  bonheur  deviendra  compiet  et  inalterable  {VII,  1-17).  Quand  le 
dernier  sceau  est  rompu  {VIII,  1),  un  silence  impressionnant  marque  la  solennite  du 
moment  oil  le  jugement  va  s'executer  visiblement.  —  Nous  trouvons  done  ici,  plus  nette 
encore  que  dans  les  Lettres,  la  division  dun  septenaire  en  deux  series  secondaires  de 
quatre  et  de  trois  membres, 

Le  caractere  preparatoire,  purement  ideal,  de  cette  vision,  doit  ^tre  necessairement 
reconnu  de  ceux  qui  adoptent  la  theorie  de  Huschke  et  de  Zahn  sur  le  livre  aux 
sept  sceaux  (Calmes,  Joh.  Weiss).  Mais  il  faut  I'etablir;  et  void  les  points  qu'on  doit 
considerer  a  cet  effet  : 

1°  Les  apparitions  de  cavaliers,  ainsi  que  les  scenes  qui  suivent  jusquau  cha- 
pitre  VIII,  ne  sont  pas  une  representation  visuelle  de  ce  qui  est  ecrit  dans  diverses 
parties  du  livre  correspondant  respectivement  aux  sept  sceaux  qui  sont  rompus;  car 
ce  rouleau  «  opisthographe  v,  ne  peut  se  derouler  tant  que  le  bord  exterieur  reste  fixe, 
ne  fdt-ce  que  par  un  seul  sceau,  les  cavaliers  ne  peuvent  commencer  a  executer  les 
decrets  du  livre  tant  que  ces  decrets  n'ont  pas  ete  lus. 

2°  Apres  les  cavaliers,  a  la  rupture  du  cinquibme  sceau,  les  dmes  des  martyrs  ne 
pourraient  se  plaindre  ainsi  du  delai  des  vengeances  s'ils  en  avaient  deja  vu  com- 
mencer V accomplissement.  C  est  done  que  les  cavaliers  sinistres  sont  encore  au  repos. 
D'ailleurs,  cette  scene  des  martyrs  ne  represente  rien  qui  se  passe  sur  la  terre,  et  qui 
soit  du  domaine  des  realisations  eschatologiques.  Or,  ce  livre,  pour  tout  le  nionde, 
est  forme  des  prescriptions  relatives  au  deroulement  d'evenements  terrestres. 

3°  Apres  la  rupture  de  I'avant-dernier  sceau,  aux  versets  1-3  du  chapitre  VII, 
Vexecution  η  a  pas  encore  commence,  puisque  les  «  quatre  vents  »  ne  peuvent  pas  nuire 
a  la  nature  —  ni  par  contre-coup  aux  hommes  —  avant  que  les  lii.OOO  elus  naient  ete 
marques  au  front  pour  etre  preserves  de   ces  Anges   erterminateurs.   Or,  ces  quatre 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  71 

vents  doivent  s'identifier,  sinon  aux  quatre  cavaliers,  du  mains  aujc  personnages  qui 
incarnent  la  Guerre,  la  Famine,  la  Peste  et  I'Hades  [vid.  ad  loc.). 

4°  Ce  nest  pas  tout.  Meme  quand  le  dernier  sceau  lui-meme  a  ete  rompu,  que  le 
livre  par  consequent  est  ouvert,  et  que  son  contenu  peui  etre  communique  en  instruc- 
tions precises  aux  ministres  divins,  il  faut  encore  qu'un  Ange  marque  le  monde  cou- 
pable  pour  la  malediction  divine  {VIII,  1-6).  Jusque-la,  rien  η  a  pu  commencer; 
Vorage  qui  s'accumulait  au  del  attendait,  pour  eclater,  ce  signal. 

5°  Alors,  comment  comprendre  ce  qui  se  produit  des  I'abord,  a  I'ouverture  du 
sixieme  sceau,  le  tremblement  de  terre  qui  epouvante  tous  les  hommes  impies,  ces 
astres  qui  tombent  du  del,  etc.?  Ce  n'est  qu'une  prolepse,  une  vision  qui  fait  con- 
naitre  a  Jean  par  avance  quelle  terreur  frappera  les  ennemis  de  Dieu  quand  ils 
commenceront  a  voir  I'execution  des  jugements.  Celle  qui  suit  immediatement  la  pro• 
servation  des  Hi. 000  et  le  defile  glorieux  des  ames  justes  qui  viennent  adorer  Dieu 
dans  la  joie  et  le  triomphe,  est  dans  sa  premiere  partie  [1-8)  antirieure  au  deroule- 
ment  des  fleaux;  la  seconde  (9-17)  montre  les  consequences  presentes  et  futures  de  la 
proservation  des  elus  par  le  sceau  divin  qui  leur  est  imprime.  La  symetrie  du  livre 
exige  done  que  la  premiere  scene  aussi  soit  contemplee  par  le  Voyant  avant  que 
I'execution  ait  commence.  Par  consequent,  c'est  une  prolepse,  une  vision  qui  resume 
le  resullat  (id  futur)  des  autres  visions  qui  la  precedent  dans  la  meme  serie,  comme 
il  arrive  au  meme  sixieme  moment  d' autres  septenaires  (Int.  c.  VII). 

5°  Nous  pouvons  juger  enfin  du  caractere  de  la  serie  des  sept  sceaux,  y  compris 
les  cavaliers,  par  le  parallelisme  qui  existe  entre  la  serie  des  trompettes  [chap.  VIII- 
XI)  et  la  serie  des  coupes  [ch.  XVI),  Cette  derniere  sera  precedee  de  V apparition  de 
trois  Anges  qui  donnent  des  avertissements,  rien  de  plus,  et  d'une  anticipation  de  la 
Parousie,  ensuite  d'une  description  sommaire  de  la  securitS  et  de  I'attente  joyeuse 
des  saints  [chap.  XIV  et  XV).  Malgre  leur  grand  developpement,  ces  visions  ne  sont 
que  preparatoires  au  jugement  de  Dieu  sur  Rome,  les  Bdtes  et  le  Dragon.  Comme  les 
grands  cadres  de  V Apocalypse  sont  d'une  symetrie  rigoureuse,  nous  trouvons  la  une 
raison  nouvelle  d'assigner  un  caractere  seulement  preparatoire  et  anticipe  aux  visions 
de  la  serie  des  sept  sceaux,  symetrique  a  XIV-XV. 

Toutes  ces  raisons  ont,  croyons-nous,  une  force  cumulative  qui  emporte  la  convic- 
tion. 

Par  consequent,  quand  les  fleaux  personnifies  dans  les  Cavaliers  apparaissent  a  Jean, 
il  ne  voit  encore  que  les  preparatifs  qui  se  font  au  del  pour  chdtier  le  monde  plus 
tard,  au  moment  voulu.  Cette  revelation  du  plan  divin  est  encore  tres  sommaire.  La 
guerre,  la  famine,  la  peste,  c'est  le  trio  consacre  qui  represente  V ensemble  des  fleaux 
naturels.  Un  disciple  du  C/trist,  et  les  habitants  des  deux,  savaient  bien  a  I'avance, 
avant  aucune  revelation  detaillee,  que  Dieu  userait  contre  les  impies  des  moyens 
visibles  et  ordinaires  de  sa  justice.  Comment,  dans  quelles  circonstances  ces  etres 
doivent-ils  agir?  It  ne  le  saura  que  quand,  au  son  des  trompettes  des  Anges,  il  abais- 
sera  ses  regards  sur  la  terre,  et  y  verra  en  acte  les  evenements  dont  il  n'a  vu  que  la 
preparation  au  del. 

l"-2°  Rupture  des  quaire  premiers  sceaux  :  les  quatre  cavaliers. 

(IV,  1-8). 

Int.  —  Tons  les  critiques  assignenl  a  cette  pericope  la  meme  origine  qu'aux  chapi- 
tres  IV-V;  c'est- a-dire  quelle  se  raltache  a  la  plus  ancienne  Apocalypse  chrelienne 
pour  Volter  et  Spitta,  Erbes,  Joh.  Weiss,  a  la  seconde  pour  Bruston,  a  l Apocalypse 
j'uive  pour  Weyland. 


72  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

1^1°)  C.  VI.  1.  Και  ειδον,  *οτε  ήνοιξεν  το  άρνίον  *μ{αν  έκ  τών  έτττα  σφραγίδων,  και 
ήλουσα  ένος  έκ  τών  τεσσάρων  ζίόοιν  λέγοντος  ώς  *φωνγ5  βροντάς"  "Ερχου*.  2.  Και 
ειδον,  και  Ιδού  ίππος  λευκός,  καΐ  δ  καθήμενος  έπ'  αυτόν  *έ'χων  τόςον,  και  εδόθη  αυτω 
στε'φανος,  και  έξηλθεν  *νικών  και  *ίνα  νικήση. 

(2°)  C.  VI.  3.  Και  δτε  ήνοιξεν  τήν  σφραγίδα  τήν  δευτέραν,  ήκουσα  του  δευτε'ρου 
ζώου  λε'γοντος"  "Ερχου*.  4.  *ΚαΙ  έξηλθεν  άλλος  ίπχος  πυρρός,  και  τω  καθημένω* 
έπ'  αΰτον  εδόθη  *αυτω  λαβείν  τήν  ειρήνην  έκ  της  γης  και  *ϊνα  αλλήλους  **σφάξουσιν, 
και  εδόθη  αΰτω  μάχαιρα  μεγάλη. 

Α.  1-2.  ειδον,  au  sens  absolu,  comme  aux  versets  suivants;  faute  de  I'avoir  compris, 
larec.  K.  a  charge  8τε  en  8τι;  — μίαν  au  sens  naturel,  et  non  de  πρώτην  (v.  infra)  — 
φων?ί,  datif  instrumental,  ici  sans  έν,  plutot  que  nominatif  (ailleurs  «covrjv,  χ,  al.,  g.  vulg, 
arm.,  admis  de  B.  Weiss,  W-H.  ou  φωνής  Ρ,  And.,  al.).  Apres  ερχ,ο")  additions  et  sous- 
tractions  variables  : 

1°  ΚαΓι'δε  (parfois  βλέπε)  κα\  ιδού...  Q  et  toute  la  rec.  K,  pi.  Vulg.^  al-,  Vict.  (Haussleiter); 

2°  Και  ?δε  χαΐ  ειδον  καΐ  (δού...  ί>{,  ρ1.  And.,  ρ1.  vulg.,  al.; 

S^Kal  Ιδού,  simplement,  Orig.,  et  quelques  minuscules. 

Fuld.  mele  irregulierement,  au  cours  des  trois  versets  2,  5,  8,  notre  legon  et  la  pre- 
miere variante;  les  »yr.,  la  2^,  la  3«  et  la  notre.  II  est  clair  que  la  variante  2  est  un 
texte  composite  {Bousset).  Le  notre,  celui  de  A,  C,  P,  arm.,  Amiatinus  al.,  est  certai- 
nement  primitif ;  mais,  faute  d'avoir  compris  le  sens  absolu  de  εΤδον,  et  interpretant 
faussement  ερχου  comme  un  appel  adresse  a  Jean,  des  scribes  ont  d'abord  change  εΤδον 
en  ?δε;  d'autres  ont  juxtaposo  les  deux  logons,  quelques-uns  enfin  ont  supprime  cette 
repetition  de  mots  de  meme  racine,  entre  lesquels  ils  ne  savaient  choisir.  —  έχων,  pro- 
position participiale.  Int.,  c.  v,  §  II.  —  ό  ajoute  devant  νιχών,  A,  sans  douto  sous  I'in- 
fluence  de  la  clausule  des  Lettres.  —  και  ϊνα  νικη'στ)  n'est  pas  une  repetition  oiseuse, 
car  il  s'agit  d'un  nouveau  developpement  de  la  victoire;  χα\  omis  α  1579-31-2016,  0  30- 
55-468,  Irenee,  g,  vulg.,  arm.,  κα\  ένίκησεν,  κ,  boh.,  cfr.  Joh.  x,  38  :  ίνα  γνώτε  κα\ 
γινώσχητε,  «  in  order  that  you  may  recognise  (γνωτε)  and  go  on  recognising...  »  (Abbott, 
Joh.  Gram.  2511). 

C.  1.  L'Agneau  commence  a  rompre  les  sceaux,  pour  que  les  decrets  du  livre  s'exd- 
cutent  quand  il  sera  deroulo.  II  commence  par  I'un  quelconque;  μία  ici  n'equivaut  pas 
a  πρώτη  (comme  le  μία  (των)  σαββάτων  de  Mat.,  xxviii,  1;  Marc  xvi,  2;  Luc  xxiv,  1);  il 
n'y  avait  pas  de  raison  de  rompre  d'abord  un  sceau  plutot  que  I'autre,  puisque,  nous 
I'avons  vu,  il  n'y  a  pas  de  parties  distinctes  du  -livre  correspondant  a  chaque  sceau 
respectivement ;  de  meme  rien  n'indique  qu'un  Animal  plutot  qu'un  autre  soit  vise 
determinement  k  chaque  verset,  contre  And.,  qui  veut  reconnaitre  ici  le  premier,  le 
Lion,  embleme  de  prudence  magnanime. 

L'appel  « Viens  »  ne  s'adresse  certainement  pas  au  Voyant  (contre  Apringius,  etc.  et 
tous  ceux  qui  ont  lu  ensuite  χα\  Ι'δε,  interpole  d'apres  une  fausse  interpretation  de 
ερχου,  vid.  supra);  pour  la  raison  peremptoire  qu'il  se  repetera  quatre  fois,  tandis 
qu'une  seule  aurait  bien  suffi  {Bousset).  A  quoi  bon  en  effet  imaginer  pareille  course  de 
saint  Jean  autour  du  trone?  Mais  plutot  le  quadruple  «  Viens  »!  des  Gherubins,  qui 
president  a  la  Nature,  s'adresse  a  divers  signes  precurseurs  de  la  victoire  du  Messie, 
et  repond,  d'apres  la  belle  interpretation  de  Swete,  a  Γαποκαραδοχία  της  κτίσεως,  a  cette 
«  attente  de  la  creation  »  dont  parlait  saint  Paul,  Rom.  vin,  19.  Get  appel  est  solennel 
et  eclatant,  φωνή  βροντής. 

Β.  2.  Pour  les  quatre  chevaux,  dont  le  premier  parait  ici,  et  leurs  couleurs  respec- 
tives,  cfr.  Zac/i.  i,  8-11,  surtout  vi,  1-7,  sauf  des  nuances  (v.  infra);  aussi  II  Mace,  ni, 
25;  \,  29.  —  «  Gheval  blanc  »  cfr.  xix,  11. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  73 

C.  VI.  1.  Et  je  vis,  —  quand  I'Agneau  ouvrit  I'un  des  Sept  Sceaux,  —  et 
j'entendis  I'un  des  Quatre  Animaux  disant  comme  d'une  voix  de  tonnerre  : 
«  Viens!  »  2.  Et  je  vis;  et  voici  un  Cheval  blanc,  et  celui  qui  etait  assis 
sur  lui  avait  un  arc,  et  il  lui  fut  donno  une  couronne,  et  il  s'en  alia  victo- 
rieux,  et  afm  de  vaincre  [encore]. 

G.  VI.  3.  Et  quand  il  ouvrit  le  deuxieme  sceau,  j'entendis  le  deuxieme 
Amiral  qui  disait  :  «  Viens!  ».  4.  Et  il  sortit  un  autre  cheval,  rouge,  et 
a  celui  qui  otait  assis  sur  lui,  il  lui  fut  donne  d'enlever  la  paix  de  la 
terre,  et  [de  faire]  qu'ils  s'egorgent  les  uns  les  autres,  et  il  lui  fut  donne 
une  grande  epee. 

G.  2.  Ce  Cavalier  au  cheval  blanc,  d'apres  une  opinion  qui  a  bien  droit  au  nom  de 
« traditionnelle  »,  est  le  meme  que  celui  qui  apparaitra  au  ch.  xix,  ού  il  s'appelle  « le 
Verbe  de  Dieu  »,  vainqueur  des  Betes  et  des  rois  de  la  terre.  Le  parallelisme  est,  en 
effet,  tres  etroit.  Nous  ^tablirons  cette  opinion,  et  discuterons  celles  qui  en  difFerent,  k 
I'exc.  XIX.  Pour  les  diverses  interpretations  de  la  vision  des  cavaliers  en  general,  I'ori- 
gine  de  ce  symbolisme,  etc.,  voir  I'exc.  xviii. 

Le  Premier  Cavalier,  s'il  n'est  pas  precisement  le  Verbe  personnel,  comme  au 
chap.  XIX,  represente  du  moins  le  cours  victorieux  de  I'Evangile  a  travers  le  monde, 
par  la  predication  des  Apotres  et  de  leurs  successeurs.  C'est  un  des  Animaux  qui 
I'appelle,  non  moins  que  les  autres,  parce  que  la  Providence  naturelle  de  Dieu,  dont  lis 
sont  les  agents  ou  les  symboles,  a  tout  dispose  dans  la  creation  pour  cette  victoire. 
Ainsi  ce  Cavalier  differe  beaucoup  des  autres,  qui  seront  des  fleaux.  II  apparait  sous 
des  traits  radieux  :  sa  monture  est  blanche  (exc.  xii);  sa  main  est  armoe  d'un  arc, 
parce  que  son  action  porte  au  loin,  pour  detruire  ses  ennemis  ou  atteindre  le  cceur  des 
hommes;  son  front,  a  lui  seul,  est  orne  d'une  couronne,  embleme  de  triomphe  et  de 
royaute.  Au  lieu  de  demeurer  au  ciel  comme  les  autres  (v.  infra),  en  attendant  le 
signal  des  Anges,  il  le  quitte  (Ιξηλθεν)  aussitot,  pour  commencer  a  subjuguer  le  monde; 
c'est  que  I'Evangile  etait  deja  en  pleine  expansion  a  I'epoque  de  I'Apocalypse;  ce  trait 
de  la  vision  est  retrospectif,  comme  d'autres  que  nous  trouverons  plus  tard,  notamment 
au  ch.  XII  (v.  ad  loc.)  M^me  chose  doit  ^tre  dite  du  participe  present  vizcSv :  des  qu'il  appa- 
rait a  la  cour  celeste  et  au  Prophete,  avant  de  descendre  du  ciel,  il  a  deja  remporte 
une  victoire,  la  victoire  essentielle,  par  la  Passion  et  la  Resurrection  du  Verbe 
incarne;  il  va  maintenant  poursuivre  indefiniment  cette  victoire  (κα\  ί'να  νικϋ^στ]).  La  vue 
du  triomphe  divin  precede  ainsi  celle  de  tous  les  jugements  de  colore,  pour  remplir  de 
s^curite  I'ame  de  Jean  et  celles  de  ses  lecteurs,  en  leur  faisant  compi'endre  le  but  pro- 
videntiel  des  chatiments  qui  vont  suivre  :  la  misericorde  et  le  salut  out  la  priorite  dans 
la  vision  —  comme  ils  auront  le  dernier  mot  au  ch.  vii  etau  ch.  xi,  parce  que  toutes  les 
rigueurs  divines  leur  sont  ordonnees.  Parmi  les  critiques,  Zahn  et  Joh.  Weiss  I'ont 
bien  compris  :  I'Apocalypse  chretienne  se  conforme  a  la  tradition  eschatologique  con- 
tenue  dans  les  Evangiles ;  or  «  I'Evangile  doit  etre  preche  a  tous  les  peuples  »  {Marc 
xiii,  10,  et  paralleles),  avant  que  vienne  la  consommation.  L'apparition  du  Cavalier  au 
cheval  blanc  en  tete  des  autres,  repond  done  a  une  idee  specifiquement  chretienne, 
celle  du  triomphe  du  christianisme  avant  et  pendant  les  malheurs  qui  annonceront  la  fin. 

— — —  A.  3-4.  Addition  de  και  ιδ'ε  (βλέπε),  apres  'ε'ρχο^,  comme  au  v.  2.  —  χα\εΐδον  κα\  ?δού 
manque  ici,  excepte  N,  quelques  autres,  c'est  I'analogie  des  autres  apparitions  qui  I'a  fait 
ajouter.  —  επ'  αυτόν,  accusatif,  exception  a  la  regie  de  έπί  dans  VApoc,  (Introd.  c.  x,  §  II). 
—  αύτω,  pleonasme,  cfr.  π  et  in.  —  Υνα  coordonne  avec  rinfinitif,  et  suivi  du  fut.  indie. 
Introd.  c,  X,  §  II ;  σφάξουσιν,  pluriel  impersonnel,  cfr.  ii,  24  et  xii,  6.  —  μάχαφα  (epee 
courte),  ici  synonyme  do  ^ojjL^a^a  du  v.  8. 


74  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

5.  Και  οτε  ήνοιξεν  την  σφραγίδα  την  τριτην,  ήκουσα  τοΰ  τρίτου  ζώου  λέγοντος" 
Έρχου*.  Και  ειδον,  και  ιδού  ίππος  μέλας,  και  ό  καθήμενος  έπ'  αΰτον  ^χων  ζυγον  έν 
τη  χειρι  *α•)τοΰ.  6.  Και  ήκουσα  *ώς  φωνήν  έν  μέσω  των  τεσσάρων  ζώων  λέγουσαν" 
Χοϊνιξ  σίτου  δηναρίου,  και  τρεις  χοίνικες  κριθών  δηναρίου  και  το  ^λαιον  και  tbv  οί'νον 
μη  *άδικήσης. 

7.  Και  δτε  ήνοιξεν  την  σφραγίδα  την  τετάρτην,  ήκουσα  *φωνήν  τοΰ  τετάρτου  ζώου 
λέγοντος'  Έρχου  .  8.  Και  ειδον,  και  ίδου  ίππος  χλωρός,  και  δ  καθήμενος  επάνω 
αυτού,    όνομα  αΰτω  *6  *θάνατος,  και  ό  αδης  ήκολούθει  *μετ'  αύτοΟ' 

Και  εδόθη  αυτοΐς  εξουσία  έπι  *το  τέταρτον  της  γης,  άποκτεΐναι  *έν  ρομφαία  και 
*έν  λιμω  και  *έν  θανάτω  και  *6πο  των  θηρίων  της  γί5ς. 


C.  3-4.  Ce  Deuxieme  Cavalier,  au  cheval  rouge  (πυρρός)  comme  le  sang,  reprosente 
le  fleau  de  la  guerre  en  general  (Sa'ete,  Calmes,  Bousset,  etc.)  et  non  les  persecu- 
tions des  Chretiens  {And.  al.)  «  Surget  gens  contra  gentem  »  disait  I'Evangile.  Lui  ne 
s'en  va  pas  a  la  fagon  du  Premier;  il  reste  devant  le  trone  a  attendre  les  ordres  divins. 
S'il  est  dit  qu'il  sortit  (Ιξηλθεν),  ce  mot  n'indique  que  son  apparition,  et  se  traduirait  : 
bien  « ii  surgit  » ;  il  sortit  du  trone,  ou  des  profondeurs  de  la  mer  de  cristal.  II  ne  regoit 
le  glaive  qu'apres  qu'on  lui  a  assigne  son  role,  signe  qu'il  n'est  pas  encore  entre  en 
action.  Ce  n'est  pas  un  simple  hysteron-proteron,  qui  serait  vraiment  ici  trop  extraordi- 
naire; on  n'arme  pas  les  soldats  apres  le  combat,  mais  avant  (Exc.  xix). 

— ^—  A-B.  5-Θ.  Add.  και  ϊδε,  comme  ci-dessus.  —  αυτού,  pleonasme.  —  ώς  omis 
rec.  K.  —  Image  de  la  «  balance  »  (litt.  le  fleau  de  la  balance),  cfr.  Ezech.  iv,  6;  v,  1. 
—  άδιχτ{σης;  cfr.  ii,  11;  vii,  2,  etc. 

C.  5-6.  C'est  maintenant  la  famine,  la  noire  famine,  le  fleau  qui  suit  toujours  la 
guerre,  exprim^e  par  une  hausse  enorme  du  prix  de  I'alimentation  la  plus  vulgaire.  La 
«  chonice  »,  ou  boisseau,  48«  partie  du  medirane,  equivalait  a  Athenes  a  1  litre  079; 
le  «  denier  »,  ou  la  drachme,  un  peu  moins  que  le  franc,  etait  a  cette  epoque  le  salaire 
moyen  d'un  ouvrier  {Mat.  xx,  2).  La  chenice,  d'apres  Athenee,  etait  a  peu  pres  la  ration 
journaliere  d'un  travailleur  des  gros  metiers ;  en  temps  normal,  nous  le  savons  par  les 
Verrines  de  Ciceron,  on  avait  bien  pour  un  denier  douze  mesures  de  fi'oment,  et  vingt- 
quatre  d'orge,  nourriture  des  pauvres  gens.  —  Beaucoup  croient  voir  ici  une  allusion 
a  une  circonstance  historique;  And.  lui-m^me  suppose  qu'il  put  y  avoir  une  grande 
famine  a  cette  epoque;  Erbes  pense  a  la  cherte  des  vivres  en  Fan  62.  De  meme  Renan, 
etc.  Mais  il  n'est  pas  necessaire  de  chercher  des  fails  si  precis  pour  motiver  le  rappel 
banal  et  generique  d'un  fleau  qui  s'etait  repete,  et  devait  se  repeter,  maintes  fois.  C'est 
la  «  Famine  »  en  general,  apres  la  «  Guerre  »  en  general.  Toutefois  la  recommanda- 
tion  d'epargner  I'huile  et  le  vin  est  difficile  a  expliquer.  Andre  suppose  qu'elle  est 
donnee  «  pour  ne  pas  supprimer  les  remedes  du  Christ  » ;  ce  serait  done  un  sens  spi- 
rituel,  la  promesse  que  les  sacrements  de  I'Eglise  pourront  toujours  s'administrer. 
Mais,  apres  Salomon  Reinach,  la  plupart  des  conteraporains,  Harnack,  Swete,  Bous- 
set, Joh.  Weiss,  rappellent  qu'en  I'an  92,  Domitien  avait  voulu  restreindre  la  culture 
de  la  vigne,  en  Italie  et  dans  les  provinces,  pour  rendre  des  terres  au  labourage;  son 
edit  se  heurta  d'ailleurs  a  une  si  vive  resistance  qu'il  ne  put  etre  execute  {Suetone, 
Domitien,  viii,  xiv).  Jean  aurait  pu  se  souvenir  de  ce  fait  recent,  et  alors  sa  vision 
prendrait  un  sens  sarcastique  :  cette  abondance  du  superflu,  lorsque  le  necessaire  man- 
que, serait  comme  un  trait  d'ironie  de  la  colere  divine.  «Sit'eie,  au  contraire,  pense  que 
la  «  Voix  »  est  une  protestation  de  la  nature  contre  I'horreur  de  la  disette,  et  qu'elle 
veut  fixer  un  «  maximum  »  et  sauver  au  moins  certains  produits  de  la  terre. 

Mais,  quelle  est  cette  «   Voix  »   qui  crie  les    prix    comme   les    commergants    au 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  76 

5.  Et  lorsqu'il  ouvrit  le  troisieme  sceau,  j'entendis  le  troisi^me  Animal 
qui  disait  :  u  Viens  ».  Et  je  vis,  et  voici  un  Cheval  noir,  et  celui  qui  etait 
assis  sur  lui  avait  une  balance  dans  sa  main.  6.  Et  j'entendis  comme  une 
voix  au  milieu  des  Quatre  Animaux,  qui  disait  :  «  Un  boisseau  de  froment 
pour  un  denier,  et  trois  boisseaux  d'orge  pour  un  denier !  mais  [litt.  et) 
I'huile  et  le  vin,  ne  [leur]  nuis  pas  ». 

7.  Et  lorsqu'il  ouvrit  le  quatri^me  sceau,  j'entendis  la  voix  du  quatrieme 
Animal,  qui  disait  :  «  Viens!  ».  8.  Et  je  vis,  et  voici  un  cheval  vert,  et 
celui  qui  etait  assis  sur  son  dos,  son  nom  est  la  «  Mort  »,  et  I'Hades  lui 
tenait  compagnie. 

Et  il  leur  fut  donne  autorite  sur  le  quart  de  la  terre,  [afin]  de  tuer  par 
I'epee,  et  par  la  famine,  et  par  la  c  Mort  »  (peste),  et  au  moyen  des  betes 
f^roces  de  la  terre. 


marche?  Le  Prophete  a  entendu  «  comme  »  une  voix;  il  montre  bien,  avec  ce 
«  comme  »,  qu'il  ne  pretendait  iendre  qu'approximativement  les  impressions  ou  les 
idees  regues  dans  ses  visions.  Est-ce  la  voix  des  Animaux,  agents  divins  en  relation 
avec  la  fecondito  de  la  Nature?  {Dust.,  B.  Weiss,  Swete).  II  est  vrai  qu'elle  ne  part 
pas  des  Animaux,  mais  «  du  milieu  d'eux  »  {Bousset);  cependant  I'auteur,  qui  n'est 
pas  si  soigneux,  a  bien  pu  vouloir  dire  ainsi  qu'elle  provient  de  tons  les  quatre,  sinon 
d'un  seul.  Mais  si  c'etait  la  voix  de  Dieu  lui-meme,  ou  bien  de  I'Agneau,  on  com- 
prendrait  encore  mieux  I'intention  de  misericorde  qu'y  croit  voir  St^'ete,  et  qui  appa- 
rait  beaucoup  plus  claire,  au  v.  8.  (Voir  Sal.  Reinach,  Rev.  Archeologique,  1901, 
nov-dec.  et  Cultes,  MytJies  et  Religions,  ii,  pp.  356-380;  Harnack  Theologische  Lite- 
raturzeitung,  1902,  xxii). 

— A.  7-8.  φωντ^ν  omis  C-S*-04  (ib  τέταρτον  ζιόον),  rec.  Κ,  boh.  —  addition  de  καΙ 

ϊδ$,  et  omission  de  χα\  εΤ^^ον  comme  ci-dessus.  —  Jean,  qui  a  toujours,  jusqu'ici, 
rep^to  I'article  apres  σφραγίδα,  tandis  qu'il  a  place  I'adjectif  avant  ζωον,  montre  par  la 
qu'il  n'attachait  pas  de  nuance  de  sens  a  cette  repetition;  au  v.  9,  il  dira  τήν  πέμπτην 
σφραγίδα.  —  ήκολούΟει  μετ'  αύτου,  johannique  (Introd.,  ch.  χιιι,  §  I),  corrige  en  ήκολ.... 
αύτω,  Ν  et  rec.  Κ.  —  Avec  tous  les  critiques,  excepte  Bousset,  il  faut  lire  apr^s  εδόθη, 
non  le  singulier  αυτω,  comme  s'il  ne  s'agissait  que  du  dernier  cavalier,  mais  αύτοΓς, 
logon  de  N,  A,  C,  P,  And.;  le  sens  I'exige.  —  Trois  έν  instrumentaux.  —  ύπό  avec 
I'actif  est  peu  ordinaire;  c'est  peut-etre  pour  cela  qu'on  lit  dans  A  το  τέταρτον  τών 
θηρίων,  ce  qui  change  le  sens.  —  Pour  τό  τετ.  της  γης,  la  Vulg.  a  lu  «  quatuor  partes 
terrae  »,  ce  qui  est  tout  different. 

B.  8.  «  Mort  »  et  «  Enfer  »  associes,  comme  i,  18;  xx,  13,  14,  cfr.  Prov.  v,  6.  έν 
ρομ-φαια,  cfr.  v.  4;  έν  λιμω,  cfr.  6;  έν  θανάτω,  cfr.  la  premiere  partie  du  verset.  —  Pour 
le  trio  des  calamites  «  Guerre,  Famine,  Peste  (θάνατος)  »,  cfr.  I'Ancien  Testament, 
passim  Is.  li,  19;  Jer.  xiv,  12;  Ezch.  v,  2,  etc.  θάνατος,  dans  les  LXX,  traduit  souvent 
■^21,  peste  :  Amos  iv,  10;  Jer.  xiv,  12;  xxiv,  10;  Ezech.  v,  12,  17;  vi,  11,  12,  etc.  Dans 
le  N.T.,  cfr.  Mat.  xxiv,  7;  Marc  xiii,  7-8;  Luc  xxi,  10-12.  —  Les  «  betes  feroces  » 
sont  ajoutees,  comme  Ezech.  v,  17;  xiv,  21;  Ps.  Sal.  xiii,  2-suiv,  etc.  —  «  Le  quart 
de  la  terre  »  cfr.  Apoc.  viii,  7-suivants. 

C.  7-8.  Apres  la  Guerre  et  la  Kaniino,  voici  ia  Peste  —  sur  un  cheval  vert  (ou 
vcrdatre,  livide),  realisme  presque  insoutonable  pour  notre  gout  :  c'est  la  couleur 
d'un  cadavre  avanco,  ou,  si  Ton  ainie  mieux,  d'un  visage  que  la  peur  decompose. 
Ainsi  le  trio  classique  des  fleaux  est  constitue:  car  θάνατος  ne  peut  signiiier  ici  quo 


76  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN, 

«  Peste  »,  d'apres  I'analogie  biblique;  s'il  s'agissait  de  la  Mort  en  general  {Bousset, 
Calmes),  ce  Quatrleme  Cavalier  n'aurait  aucun  signe  individuel,  et  son  apparition 
serait  plutut  oiseuse,  puisque  les  deux  precedents  faisaient  deja  sa  besogne.  Les 
«  betes  feroces  »  viennent  tout  naturellement,  comme  dans  Ezochiel,  a  la  suite  de  la 
depopulation  (v.  Deut,  vii,  22  et  π  Reg.  xvii,  25-26).  L'  «  Hades  ->,  I'Enfer,  suit  les 
Trois  fleaux  pour  engloutir  leurs  victimes.  On  ne  voit  pas  s'il  est  a  cheval,  en  croupe 
de  la  «  Mort  »,  ou  a  pied;  il  fait  un  certain  accroc  a  la  symotrie,  mais  c'est  une  solu- 
tion violente  de  voir  la  une  glose,  comme  Bousset  y  est  porte;  la  theorie  de  Joh. 
Weiss  (v.  infra)  expliquera  tres  bien  la  presence  de  ce  cinquieme  personnage. 

La  fin  du  verset  8  (avec  la  leQon  aOtot?)  resume  toute  I'oeuvre  des  fleaux,  qui 
re?oivent  pouvoir  —  pour  I'avenir,  dans  les  desseins  de  Dieu  —  sur  le  quart  de  la 
terre  seulement.  La  restriction  de  cette  expression  symbolique  fait  apparaitre  la 
misericorde.  L'imagination  du  prophete,  frappee  par  tous  les  malheurs  du  i<=""  sifecle, 
mauvaises  recoltes  depuis  44,  rencherissement  de  la  vie  sous  Neron,  grande  epidemic 
de  I'an  65  (Tacite,  Ann.  xvi,  13;  Suetone,  Neron,  39,  45),  guerres  civiles,  crainte 
des  Parthes,  tremblements  de  terre  en  Anatolic,  catastrophes  d'Herculanum  et  de 
Pompei,  etait  sans  doute  disposee  a  recevoir  ces  symboles  [Holtz.,  alii) ;  mais  Jean, 
au  milieu  de  la  prediction  de  tant  de  malheurs,  n'oubliait  pas  que  le  monde  continue 
toujours  sa  marche  a  pen  pres  normale;  car  il  s'agissait  de  I'histoire  agitee  du 
monde,  non  de  la  consommation. 

Ainsi,  pendant  que  le  Verbe  evangelique  marche  a  ses  conquetes,  les  instruments 
de  la  Justice  divine  apparaissent  ranges  au  Ciel  devant  le  Trone,  attendant  un  signal 
pour  s'elancer  sur  le  monde  qui  resiste  au  message  de  misericorde.  Maintenant  la 
serie  des  visions  va  prendre  une  autre  tournure  et  un  autre  sens.  C'est  toujours  la 
division  4  -f  3. 


EXC.    XVin.    —    LES    CHEVAUX   APOCALYPTIQUES. 

Cette  scene  est  une  des  plus  populaires  de  I'Apocalypse,  parce  qu'elle  est  plus 
plastique  que  d'autres;  elle  a  inspire  Durer  et  d'autres  celebres  artistes.  Mais, 
parmi  les  exegetes,  grandes  ont  toujours  ete  les  divergences  d'interpretation. 
Andre  y  voit  Page  des  grandes  persecutions.  Les  partisans  de  la  «  recapitula- 
tion »  ont  assimile  cette  vision  a  celles  des  «  Trompettes  »  (viii-xi),  pour  lui 
faire  representor  la  vie  entiere  de  I'Eglise  [Bede,  Walafrid  Strabo,  Albert  le 
Grand,  etc.,  Menochius)  ou  bien  du  monde,  depuis  Adam  jusqu'au  catholicisme 
[Berengaud)\  de  m§me  plus  tard  Collado,  Cocceius  et  d'autres.  Rupert  de 
Deutz  γ  voyait  les  diverses  actions  du  Christ;  Joachim  a  rapporte  speciale- 
ment  cette  vision  a  I'age  des  martyrs,  de  Neron  a  Diocletien.  Bibliander  y  a 
vu  I'histoire  ancienne  du  monde,  Corn,  a  Lap.  toute  la  vie  de  I'Eglise.  Pour 
Nicolas  de  Lyre,  c'est  la  periode  ecoulee  de  J.-C.  a  Julien  I'Apostat.  Ribeira 
trouve  dans  les  5  premiers  sceaux  Tetablissement  de  I'Eglise,  jusqu'a  Trajan, 
et  Alcazar,  les  victoires  de  I'Eglise  jusqu'a  la  chute  de  Jerusalem;  Grotius 
(qui  croit  la  pericope  ecrite  sous  Claude),  la  rapporte  au  jugement  des  Juifs,  et 
Bossuet,  a  la  preparation  de  la  vengeance  divine  contre  le  peuple  infidele.  — 
Mais,  a  I'encontre  des  non-recapitulants,  nous  croyons  avoir  etabli  par  notre 
analyse  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de  periodes  determinees,  faisant  nombre  avec 
celles  qui  suivront;  (1)  et,  contre  toutes  les  interpretations  mentionnees,  que  la 

(1)  Contre  Beckwith,  qui  y  voit  1'άρχή  ώδίνων. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  77 

vision  (exception  faite  pour  le  1^"'  Cavalier)  ne  decrit  encore  aucune  execution 
dejugements  divins. 

Les  critiques  independants  se  sont  evertuesi  a  y  decouvrir  quelque  origine  et 
quelque  sens  mythologiques.  Jereinias,  Das  Alte  Test,  im  Lichte  des  A.  0^, 
p.  370,  al,  et  B.N.T.  pp.  23-suiv.  reconnait  des  dieux  planetaires,  a  la  couleur 
des  chevaux;  Gunkel  [Sch.  p.  226-suiv.  et  Verst.  p.  53-suiv.)  des  periodes  du 
monde  avec  les  dieux  qui  y  president,  un  dieu  solaire,  un  dieu  de  la  guerre,  un 
dieu  des  moissons,  etc.,  Gressmann  p.  165,  quatre  empires  qui  se  partagent  la 
«  Grande  Annee  »  du  monde,  comme  Dan.  vii,  sous  la  domination  successive 
de  quatre  grands  dieux  ou  systemes  de  dieux.  Clemen  (p.  91),  tout  en  admet- 
tant  les  memes  principes,  a  au  moins  I'avantage  de  se  montrer  sceptique  sur  ces 
identifications  qu'on  pretend  tirer  des  idees  du  vieil  Orient.  Boll  (pp.  78-94), 
les  rejette  egalement,  mais  a  rccours  a  I'astronomie  hellenistique,  et  cherche  a 
expliquer  les  traits  typiques  de  chaque  cavalier  —  non  sans  en  negliger  quel- 
ques-uns  de  tres  importants  —  par  tons  les  Matthieu  de  la  Drome  des  premiers 
siecles  :  il  reconnait  dans  Fattirail  et  Paction  des  4  cavaliers  les  caracteristiques 
funestes  de  quatre  constellations  qui  se  suivent,  Lion,  Vierge,  Balance  et  Scor- 
pion, leurs  influences  sur  quatre  annees  successives  de  la  periode  consacree  de 
douze  ans  (Δοιδεχαετηρις)  qui  se  repete  toujours.  Sa  dissertation  est  interessante, 
elle  pent,  notamment  pour  la  Balance,  expliquer  quelques  elements  du  symbo- 
lisme;  mais  I'ensemble  est  bien  loin  d'etre  convaincant. 

Pour  ne  pas  nous  permettre  de  divination  peu  scientifique,  nous  ne  verrons 
rien  autre  chose  dans  nos  Cavaliers  que  ce  que  nous  apprend  le  contexte  lui- 
meme,  eclaire  par  un  parallele  biblique  tres  frappant.  Dans  ΓΑ.  T.,  des  cava- 
liers celestes  representent  plus  d'une  fois  les  agents  des  vengeances  divines  : 
tel  celui  qui  foule  aux  pieds  de  sa  monture  Heliodore  (II  Mace,  lu,  25),  ou  les  cinq 
qui  se  mettent  a  la  tete  de  Tarmee  de  Judas  Maccabee  [ibid,  x,  29).  Mais  notre 
scene  rappelle  surtout  deux  passages  de  Zacharie  i,  8,  10  et  vi,  1-8.  Dans  ce 
dernier,  le  v.  5  donne  justement  I'explication  du  symbolisme  des  chevaux  :  ce 
sont  les  quatre  vents  du  del,  personnifies,  —  absolument  comme  dans  ΓΑρο- 
calypse,  —  comme  des  etres  qui  se  tiennent  devant  Dieu  pour  executer,  quand  ils 
en  recevront  I'ordre,  les  decrets  de  sa  justice.  Les  vents  ont  beaucoup  occupe 
I'imagination  des  apocalyptiques ;  Hen.  eth.  leur  fait  jouer  un  grand  role  dans  sa 
cosmologie  revelee  (xviii,  2;  xxxiv,  xxxvi,  lxxvi,  etc.).  Ailleurs  ils  se  trouvent 
associes  aux  jugements  eschatologiques.  Ainsi,  dans  la  premiere  partie  de 
Sib.  VIII,  qui  est  certainement  juive  ou  elaboree  d'apres  des  sources  juives,  et 
date  au  plus  tard  de  la  fin  du  ii"  siecle  de  notre  ere,  il  est  question  d'un 
ouragan  qui  devastera  la  terre  et  sera  suivi  de  la  resurrection  des  morts 
(...πολλή  δε  τε  λαίλαπι  τύφων  |  Γαϊαν  ερημιώσει  νεκρών  δ'  επανάστασις  εσται,  vers  204- 
205).  Les  vents  tiennent  encore  une  grande  place  dans  les  apocalyptiques  pos- 
tericures,  telles  que  celle  du  Pseudo-Jean  et  VApoc.  syriaque  de  Pierre 
(v.  Bousset,  Off.,  sur  vii,  1).  Mais  deja,  dans  ΓΑ.  T.,  nous  les  voyons  dans  leur 
role  de  ministres  des  decrets  divins  sur  I'humanite  [Ps.  civ,  4,  d'apres  I'hebreu 
«  Dieu  fait  des  vents  ses  messagers  »).  Dans  Jer.  xlix,  36,  les  quatre  vents  du 
ciel  dispersent  la  nation  d'Elam;  dans  Ezech.  xxxvii,  9,  ils  font  soufiler  I'esprit 
de  vie  sur  la  plaine  couverte  d'os  dessechds,  image  de  la  resurrection  nationale 
d'Israel;  dans  Dan.  vii,  2-4,  en  fondant  sur  la  Grande  Mer,  ils  en  font  surgir 


78  APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN. 

les  Quatre  Betes  qui  symbolisent  les  empires  paiens.  Et,  en  tout  cela,  I'influence 
mythologique  n'apparait  pas  clairement;  il  peut  n'y  avoir,  comme  dans  le 
Psaume,  qu'une  image  poetique. 

Dans  Zacharie,  nous  avons  un  symbolisme  complexe,  a  deux  degres,  ou  des 
chevaux  —  sans  doute  a  cause  de  la  rapidite  de  leur  course  —  representent  les 
vents  du  ciel,  et  ou  ceux-ci,  a  cause  des  troubles  atmospheriques  qu'ils  ame- 
nent,  signifient  tout  naturellement  I'ensemble  des  fleaux  naturels,  et,  par 
extension,  les  calamites  historiques.  Ce  symbolisme  de  Zacharie  se  retrouve, 
d'une  faQon  latente,  a  la  base  de  la  vision  de  Jean.  En  effet,  au  debut  du 
oh.  VII,  il  va  etre  question  des  «  4  vents  de  la  terre  »,  retenus  par  4  Anges  aux 
4  points  cardinaux,  en  attendant  d'etre  laches  pour  ravager  I'univers.  Leur 
signification  est  etroitement  identique  a  celle  des  Cavaliers  —  sauf  pour  le 
premier  —  et  ces  repetitions  d'une  mέme  idee  sous  divers  symboles  sont  fre- 
quentes  dans  notre  livre  (Introd.,  c.  vi-vii).  Cela  admis,  le  rapport  de  Jean  a 
Zacharie  devient  encore  plus  evident.  La  couleur  des  chevaux,  et  I'ordre  dans 
lequel  ils  sont  mentionnes,  montre  une  reelle  dependance  vis-a-vis  de  ce  pro- 
phete,  ou  d'un  schema  traditionnel  qui  aurait  egalement  servi  aux  deux  visions. 
Le  rouge  precede  le  noir;  le  quatrieme  rang  est  occupe,  il  est  vrai,  chez 
Zacharie,  par  les  chevaux  pies  (ποικίλοι  ψαφοί),  chez  Jean  par  un  cheval  d'une 
couleur  indecise  et  sinistre,  χλο^ρο'ς;  malgre  ce  changement  de  la  derniere  cou- 
leur, motive  par  la  nature  du  dernier  cavalier,  la  «  Mort  »,  cette  similitude 
d'ordre  est  quelque  chose  de  frappant.  Si  Jean  a  mis  le  cheval  blanc  le  premier, 
et  non  le  troisieme  comme  Zacharie,  c'est  pour  une  raison  particuliere  dont 
I'explication  sera  de  la  plus  haute  importance.  Les  autres  divergences  sont 
secondaires.  En  produisant  quatre  chevaux  au  lieu  de  quatre  attelages 
(cfr.  Zach.,  i,  8-11),  la  vision  de  Jean  a  simplifie  le  «  modele  »,  et  a  gagne 
peut-etre  en  esthetique.  Des  simplifications  semblables  s'observent  au  cha- 
pitre  IV,  au  chapitre  xiii,  et  ailleurs. 

Mais  la  vision  apocalyptique  n'est-elle  que  cela?  Que  fait,  dans  ce  plan  de 
vengeances,  le  Premier  Cavalier? 

EXC.  XIX.  LE  CAVALIER  AU  CHEVAL  BLANC. 

L'interpretation  que  nous  avons  donnee  des  vv.  1-2  repose  sur  une  tradition 
exegetique  non  unanime,  mais  tres  serieuse.  Elle  apparait  chez  le  premier  Pere 
qui  ait  commente  certains  passages  de  I'Apocalypse,  saint  Irenee  [Adv.  Haer. 
IV,  21,  3  :  «  de  qui  (du  Seigneur)  Jean  dit  dans  I'ApoCcJypse  :  II  est  parti  vain- 
queur  pour  vaincre  »).  Puis  chez  Vict.,  pour  qui  le  Premier  Cavalier  est  «  la 
parole  de  la  predication,  lorsque  le  Saint-Esprit  a  parcouru  I'univers  ».  Andre, 
qui  a  developpe  pour  toute  la  vision  une  theorie  des  periodes,  a  du  moins  oppose 
cette  premiere  periode  aux  autres,  comme  caracterisee,  non  par  des  malheurs 
et  des  vengeances,  mais  par  la  joie  des  triomphes  apostoliques  :  «  Nous  admet- 
tons  ainsi,  dit-il,  que,  a  la  rupture  du  premier  sceau,  est  signifiee  la  generation 
des  Apotres ;  eux  qui,  se  servant  de  la  predication  evangelique  comme  d'un  arc 
tendu  centre  les  demons,  amenerent  au  Christ  ceux  qu'ils  avaient  blesses  des 
traits  du  salut.  lis  ont  regu  la  couronne  pour  avoir,  au  moyen  de  la  verite, 
vaincu  le  prince  de  I'erreur;  et  cela  dans  I'esperance  d'une  seconde  victoire, 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


celle  qui  consiste  a  confesser,  jusqu'a  la  mort  violente,  le  nom  du  Seigneur. 
C'est  pour  cela  qu'il  est  ecrit  :  «  II  s'en  alia  victorieux,  et  afin  de  vaincre...  » 
Une  premiere  victoire,  ce  fut  la  conversion  des  Gentils;  une  deuxieme,  leur 
sortie  volontaire  du  corps,  a  cause  d'elle,  parmi  les  tortures.  »  Des  interpreta- 
tions similaires,  par  les  succes  du  Christ  et  de  I'Eglise,  remplissent  les  commen- 
taires  du  Moyen  Age,  Bede,  Albert  le  Giand,  etc.  Cette  exegese  s'est  transmise 
a  beaucoup  de  modernes,  Ribeira,  Bossuet,  etc.  De  nos  jours  elle  a  ete  defendue 
par  beaucoup  de  critiques  de  marque,  catholiques  et  protestants  :  le  Cavalier 
est  pour  eux  soit  le  Messie  [Dfislerdieck),  soit  le  triomphe  de  la  cause  messia- 
nique  [B.  Weiss  dans  son  Introduction,  Hilgenfeldy  Z.W.  T.  1890,  p.  425; 
Zahriy  Einl.) ;  Joh.  Weiss,  en  ces  dernieres  annees,  a  apporte  en  sa  faveur  de 
nouveaux  arguments. 

Cependant  la  tres  grande  majorite,  on  le  pense  bien,  s'est  crue  obligee  de 
considerer  notre  Cavalier  comme  le  premier  membre  d'une  serie  aussi  homogene 
pour  le  sens  que  pour  la  figuration,  et.par  consequent  en  a  fait  dependre  la 
signification  de  celle  des  trois  autres.  Les  uns  (A),  de  meme  que  les  medievaux, 
veulent  trouver  dans  la  vision  des  Sceaux  I'allegorie  d'epoques  historiques  suc- 
cessives,  connues  de  Jean.  Le  Cavalier  royal  representerait  alors  Textension 
mondialedes  conquetes  romaines,  par  exemple  depuis  Pompee  et  Cesar  [Haweis, 
d'apres  Holtzmann),  ou  peut-etre,  suivant  Weizsdcker,  la  brillante  epoque  d'Au- 
guste.  D'autres  (B),  qui  sont  beaucoup  plus  nombreux  a  present,  trouvent  dans 
les  quatre  Cavaliers  egalement  quatre  personnifications  de  fleaux  qui  peuvent 
d'ailleurs  se  repeter  a  bien  des  epoques  de  Thistoire.  Le  Premier  serait  une 
image  de  la  Guerre  en  soi,  «  le  militarisme  triomphant  »  [Swete]^  que  Jean 
avait  sous  les  yeux  dans  les  empires  guerriers  des  Cesars  et  des  Arsacides. 
(Id.  Beckwith).  La  plupart  (C),  meme  sans  tenir  a  la  theorie  des  periodes, 
cherchent  dans  le  Premier  cavalier  I'image  d'une  realite  historique  determinee 
et  contemporaine  de  Γ  Apocalypse.  11  faut  que  ce  soit  une  monarchic  militaire, 
victorieuse  deja  ou  menagante  pour  I'avenir.  Mais  ils  ne  I'identifient  pas  de  la 
meme  maniere.  Pour  Spitta,  ce  sont  les  Romains ;  pour  Vitringa,  Holtzmann, 
Schmidt,  Erbes,  Volter  dans  sa  quatrieme  etude,  Ramsay,  ce  seraient  les 
Parthes,  a  cause  de  leurs  armees  d'archers  k  cheval.  Precisement  leur  roi  Volo- 
gese,  en  62,  avait  surmonte  les  forces  romaines  sur  le  Tigre,  et  pour  toute  I'Asie 
Mineure,  depuis  plus  de  deux  siecles,  la  crainte  d'une  invasion  orientale  etait 
un  perpetuel  cauchemar.  Bousset  aussi,  bien  que  repoussant  I'idee  d'un  vaticinium 
ex  eventu,  tire  de  quelque  fait  particulier  comme  la  victoire  de  Vologese,  croit 
pourtant  que  VApoc.  prophetise  ici  aux  Romains  une  invasion  triomphante  de 
leurs  ennemis  Arsacides.  Le  Premier  Cavalier,  avec  son  arc,  symboliserait  la 
puissance  des  Parthes,  le  Deuxieme,  avec  son  epee,  celle  des  Romains  [Holtz- 
mann).  Quelques  auteurs  [Swete,  Calmes,  encore  Holtzmann],  verraient  dans 
le  conquerant  au  cheval  blanc  le  cote  brillant  des  guerres  de  conquete,  dans 
le  sombre  cavalier  au  cheval  rouge  I'image  du  sang  repandu  et  des  horreurs 
de  la  guerre.  Renan,  (I'Antechrist '',  p.  385),  et  Bruston  font  signifier  au  Premier 
les  victoires  sur  les  etrangers,  au  Deuxieme  les  guerres  civiles,  comme  celles 
qui  ensanglanterent  Γ  Empire  apres  Noron. 

Nous  objecterons  simplement  cl  la  theorie  A  que  I'enumeration  des  fleaux 
Guerre,  Peste,  et  Famine  est  un  lieu  commun  de  la  litterature  biblique  et  pro- 


80  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

fane,  assez  impropre  a  distinguer  des  periodes  :  toutes  celles  de  notre  histoire, 
helas!  les  connaissent  trop;  ce  n'est  qu'en  spiritualisant  le  texte  a  I'exces  qu'on 
arrive  a  des  determinations  comrae  celle  d'Andre,  et,  plus  tard,  de  Joachim  ou 
de  Nicolas  de  Lyre.  —  La  theorie  Β  morite  plus  de  consideration;  mais,  si  elle 
se  justifie  pour  les  trois  derniers  cavaliers,  il  n'en  est  pas  de  meme  pour  le 
Premier.  En  effet,  s'il  representait  la  Guerre  ou  la  Conquote  en  soi,  il  formerait 
un  doublet  absolument  inutile  avec  le  2^  Jamais  ailleurs,  dans  une  seule  et 
meme  scene,  —  nous  ne  parlous  pas  ici  des  descriptions  successives  en  «  volutes  », 
—  I'auteur  de  I'Apocalypse,  malgre  son  style  redondant,  n'a  de  repetitions  sem- 
blables,  meme  pas  xiv,  14-20  [Vid.  ad  loc).  Quand  il  presente  une  meme  realito 
sous  divers  symboles,  c'est,  ou  bien  dans  deux  contextes  differents,  ou  bien, 
si  c'est  dans  le  meme  contexte  (ainsi  les  «  Esprits  de  Dieu  »,  iv,  5  et  v,  6)  sous 
deux  aspects  differents,  avec  des  nuances  qui  ont  leur  importance  pour  la 
doctrine.  Pourquoi,  ici,  aurait-il  dedoublo  la  Guerre  seulement,  et  surtout  per- 
sonnifie  en  deux  fleaux  ses  deux  aspects  inseparables?  Car  les  guerres  les  plus 
brillantes  ne  vont  pas  sans  massacres  ni  sans  horreurs,  Cela  n'est  pas  dans  sa 
maniere;  ses  visions,  a  moins  d'etre  influencees  par  un  modele  traditionnel, 
ce  qui  ne  serait  pas  le  cas  ici,  synthetisent  bien  plutot  que  d'analyser,  Ainsi 
la  theorie  Β  nous  parait  inadmissible.  —  La  theorie  C  semble  d'abord  plus 
soutenable  :  Tequipement  du  Premier  cavalier  fait  en  effet  penser  a  celui  des 
Parthes,  et  il  ne  manque  pas  d'allusions  aux  Parthes  dans  I'Apocalypse  (ix,  14; 
XVI,  12).  Nous  I'admettrions  done,  s'il  n'y  en  avait  une  meilleure,  celle  que  nous 
avons  donnee  dans  notre  commentaire. 

La  critique  interne  la  justifie,  disons  meme  qu'elle  la  necessite. 

D'abord  le  Premier  Cavalier  nous  apparait  comme  tres  different  des  trois 
autres.  II  ne  leur  ressemble  qu'en  deux  points  :  c'est  un  Cavalier,  et,  comme  eux, 
il  se  presente  a  I'appel  d'un  Cherubin.  Par  ailleurs,  il  offre  des  particularites 
frappantes.  Puis  il  n'est  rappele  ni  par  les  Quatre  Vents,  ni  par  les  fleaux  des 
Trompettes  (viii-xi).  Le  verset  vi,  8  b,  qui  resume  Taction  devastatrice  des  cava- 
liers, semble  Favoir  oublie;  il  y  est  question  de  Tepee  (2*  cavalier),  de  la  Famine 
(3°  cavalier),  de  la  peste  (4*  cavalier),  mais  ni  de  Tare,  ni  de  la  couronne,  ni 
de  la  victoire ;  et  si  Boll  met  en  relation  les  «  betes  sauvages  »  avec  la  figure 
en  question  (signe  du  Sagittaire  ou  du  Lion,  previsions  des  calendriers),  nous 
ne  pouvons  voir  la  que  de  la  haute  fantaisie.  Ne  serait-ce  pas  qu'elle  remplit  un 
role  tout  different  de  celui  des  autres,  et  ne  represente  nullement  un  fleau? 
Bousset  lui-meme,  malgre  son  interpretation  par  la  victoire  future  des  Parthes, 
reconnait  que  ce  role  n'est  pas  decrit  en  traits  stereotypes,  que  Tordre  de 
Zacharie  se  trouve  ici  modifie,  et  que  par  consequent  TApocalyptique  a  du 
vouloir  exprimer  ici  une  idee  qui  ne  lui  etait  pas  fournie  par  la  tradition  [Off. 
pp.  264-265). 

De  plus,  —  et  ceci  a  bien  plus  d'importance  encore,  —  la  scene  du  l*""  sceau 
offre  une  ressemblance  impossible  a  negliger  avec  la  description  d'un  autre 
cavalier  triomphant  qui  apparaitra  au  ch.  xix,  11-16,  ou  il  s'appelle  «  le  Verbe 
de  Dieu  »,  «  Roi  des  rois  et  Seigneur  des  seigneurs  ».  Plusieurs  traits  de  cette 
description  (v.  ad  loc.)  sont  renouveles  de  Tapparition  du  «  Fils  d'Homme  » 
aux  chapitres  i  et  xiv;  mais  les  caracteres  essentiels  sont  bien  ceux  du  Premier 
Cavalier  du  ch.  vi ;  on  dirait  une  combinaison  des  deux  figures.  Le  «  Verbe  » 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAX.  81 

de  XIX  a  seulement,  au  lieu  de  Tare,  ime  epee;  il  n'est  pas  seul,  mais  suivi  d'une 
armee  celeste;  il  porte,  en  guise  de  couronne  (στέφανος),  plusieurs  «  diademes  » 
(διαδήματα)  superposes.  Mais  ces  differences  n'alterent  pas  la  similitude  d'en- 
semble.  Des  la  premiere  lecture  nait  I'impression  que,  si  le  Cavalier  de  xix  est 
le  Verbe  divin,  celui  de  vi  ne  saurait  representer  qu'une  realite  du  meme  ordre. 

Gette  impression  so  transforme  en  certitude  si  Ton  considere  le  peu  de  fon- 
dement  des  objections  soulevees  contre  cette  identification. 

Le  Christ,  dira  Bousset,  a  ete  deja  represente  dans  la  meme  section  sous  la 
forme  de  TAgneau  qui  tient  le  livre;  comment  serait-il  en  meme  temps  un 
cavalier  qui  sort  de  ce  livre?  —  D'abord  il  ne  sort  pas  du  livre,  qui  est  encore 
roule;  puis,  s'il  en  sortait,  ce  serait  tout  comme.  II  faut  bien,  si  Ton  veut 
comprendre  quelque  chose  a  Γ  Apocalypse,  se  faire  a  cette  constatation  que 
Jean,  sans  aucun  scrupule,  represente,  dans  une  meme  vision,  divers  aspects 
de  la  meme  realite  par  divers  symboles.  Que  Bousset  se  rappelle  les  «  Esprits 
de  Dieu  »  aux  chap,  iv  et  v;  il  reconnait  leur  unite  sous  la  figure  des  «  lampes  » 
et  des  «  yeux  ».  D'ailleurs,  ici,  nous  le  verrons,  le  1*'' Cavalier  n'est  pas  preci- 
sement  la  «  personne  »  du  Verbe  comme  au  ch.  xix. 

II  est  difficile,  d'apres  Swete  et  d'autres,  d'admettre  que  le  Christ  apparaisse 
en  tete  d'une  serie  de  fleaux;  sans  cela,  Swete  admettraitTinterpretation  soutenue 
par  nous,  et  qu'il  trouve  «  bien  tentante  ».  Puis,  il  ne  pent  etre  represente  dans 
son  triomphe  avant  qu'aient  ete  decrites  les  «  douleurs  messianiques  »  qui  ne 
commenceraient  alors  quavec  le  Deuxieme  cavalier  [Holtzmann,  Bousset  encore, 
Bollj  al.).  —  Mais  que  le  Christ,  ou  le  succes  de  TEvangile,  soit  presente  aux 
fideles  avant  toute  prophetie  de  fleaux,  c'est  justement  la  ce  qui  revele  le  sens 
le  plus  profond  de  TApocalypse  (Int.  ch.  viii). 

Enfin,  dira  encore  Swete  —  que  nous.avons  rarement  Toccasion  de  contredire 
comme  ici,  —  les  deux  Cavaliers  de  vi  et  de  xix  n'ont  en  realite  que  deux  traits 
communs  :  le  cheval  hlanc,  et  la  victoire.  Tout  le  reste  de  leurs  attribute  differe  : 
στέφανος,  signe  de  victoire,  et  διαδήματα,  embleme  de  royaute;  «  arc  «  et  «  epee  » ; 
I'un  est  seul,  I'autre  a  la  tete  d'une  armee;  on  ne  saurait  done  les  identifier.  — 
Pourquoi  pas?  II  faut  bien  noter  plus  d'une  fois,  au  cours  du  livre,  et  pour 
quelque  figure  dont  on  ne  peut  serieusement  mettre  en  doute  Tidentite  perma- 
nente,  une  modification  des  attributs  accessoires  qui  vaut  bien  celle  qu'on 
signale  ici.  Ne  citons  que  I'exemple  de  la  fameuse  Bete  a  sept  tetes,  une  des 
figures  les  plus  importantes  du  livre  (xi,  7;  xiii;  xvii,  3,  cfr.  xiii,  1;  xvii,  8, 
cfr.  xiii,  1;  XIX,  19,  cfr.  xi  et  xiii.  v.  ad  loc).  Les  symboles  accessoires  ont  peu 
de  stabilite  dans  les  visions  de  Jean,  qui  n'etait  pas  un  ecrivain  de  profession 
peinant  a  sa  table  de  travail,  pour  appliquer  a  un  sujet  qui  ne  I'emeut  qua  demi 
les  regies  dune  allegorie  parfaite !  Un  arc  et  une  epee  peuvent  bien  appartenir, 
ensemble  ou  successivement,  au  meme  guerrier;  et  des  commentateurs  grecs, 
comxaQ  Andre ,  ont  pris  στέφανος  et  διάδημα  dans  un  sens  unique  (vid.  xix,  comm.). 

Ces  observations  sutllsent  peut-etre  a  deblayer  le  terrain  des  oppositions  faites 
a  priori  a  notre  these.  L'etude  des  mots  qui  peignent  les  attributs  du  Premier 
cavalier  en  etablissent  definitivement  la  solidite. 

Deux  d'entre  eux,  λευκός  et  νικών,  ont  une  signification  conventionnelle  bien 
determinee  dans  le  langage  johannique.  Nous  avons  montre  (Exc.  xii)  que  la 
couleur  blanche  a  toujours  un  sens  favorable  dans  I'Apocalypse.  11  en  est  de 

AiOCALYPSE    nE    SAINT  JEAN.  0 


82  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

meme  du  verbe  «  vaincre  »  dans  les  autres  ecrits  de  saint  Jean  [Joh.  xvi.  33; 
I  Joh.  II,  13,  14;  iv,  4;  v,  4,  5).  C'est  un  terme  «  johannique  »,  qui  n'apparait 
que  quatre  fois  dans  le  reste  du  Nouveau  Testament.  Dans  TApocalypse,  on  ne 
le  trouve  pas  moins  de  16  fois  :  a  la  fin  de  chacune  des  7  Lettres  (8  Ibis  en  tout, 
chap,  ii-ni) ;  quatre  fois  dans  la  propbetie  iv-xi,  trois  fois  dans  la  prophetie 
xii-xx,  et  une  fois  dans  la  derniere  partie  xxi-xxii.  Sur  ce  nombre,  il  est  deter- 
mine cinq  fois  seulement  par  un  regime,  et  se  rencontre  onze  fois  employe 
d'une  fagon  absolue,  avec  un  sens  pregnant,  comma  c'est  le  cas  dans  notre 
passage.  La  oii  il  est  determine,  il  est  employe  2  fois  pour  la  victoire  de  la  Bete 
(sur  les  «  Temoins  »  xi,  7,  et  sur  les  saints  xiii,  71;  deux  fois  pour  la  victoire 
des  saints  (sur  le  Dragon  xii,  11,  ou  sur  la  Bete  xv,  2);  une  fois  pour  la  victoire 
de  lAgneau  sur  les  «  Dix  Cornes  »,  qui  sont  dix  rois  (xvii,  14).  Quand  il  est 
sans  regime,  il  signifie,  dans  les  Lettres,  7  fois  la  victoire  du  chretien  sur  le 
monde  et  ses  tentations:  une  fois  (in,  21,  cfr.  v,  5)  la  victoire  du  Christ;  au 
chap.  XXI,  7;  c'est  encore  la  victoire  menant  au  ciel..Nous  voyons  done  que, 
treize  fois  sur  quinze,  il  signifie,  sans  aucune  obscurite,  le  triomphe  du  Bien, 
deux  fois  seulement  —  et  alors  il  a  un  regime,  —  c'est  un  succes  temporaire 
du  Mai.  Partout  d'ailleurs  ou  le  mot  «  vaincre  »  est  sans  regime,  il  faut  le 
prendre  au  sens  evident  de  victoire  divine.  Dans  notre  passage,  le  contexte 
peut  paraitre  plus  obscur;  mais  une  des  premieres  regies  de  I'hermeneutique 
est  d'interpreter  ce  qui  est  douteux  par  des  paralleles  clairs.  II  faudra  done, 
a  moins  que  des  arguments  positifs  ne  s'y  opposent,  considerer  la  «  victoire  » 
de  VI,  2,  comme  celle  de  Dieu  ou  des  saints.  Mais  de  tels  arguments,  je  n'en  ai 
pas  vu  de  convaincants  jusqu'ici.  L'addition  de  Tarticle  δ  devant  νιχων.  dans 
I'Alexandrinus,  un  des  meilleurs  temoins  du  texte,  semble,  quoique  fautive, 
montrer  Tidentification,  devinee  par  un  scribe  intelligent,  de  la  victoire  du 
cavalier  avec  celle  qui  est  exigee  du  chretien  a  la  fin  des  Lettres.  Λευκός  et  vucov 
sont  deux  termes  offrant  des  rapprochements  beaucoup  plus  directs  que  les  traits 
qui  ont  porte  Boll  a  voir  dans  notre  Cavalier  le  signe  funeste  du  Lion  ou 
du  Sagittaire.  Chacun  de  ces  deux  mots,  pris  a  part,  indique  une  apparition 
absolument  pure,  et  reconfortante  pour  les  fideles;  les  deux  reunis  rendent  le 
sens  indubitable. 

Restent  la  «  couronne  »  et  Γ  «  arc  »,  symboles  en  soi  peu  precis,  I'un  neutre, 
I'autre  inusite.  La  couronne  (ou  «  diademe  »)  est  attribuee  indifferemment,  dans 
TApocalypse,  a  des  personnalites  tres  opposees  :  aux  Chretiens,  qui  ont  un 
saccrdoce  royal  (ii,  10;  in,  11);  aux  24  vieillards  (iv,  4,  10);  aux  sauterelles 
infernales  (ix,  7);  a  la  «  Femme  »,  qui  represente  I'Eglise  (xii,  1);  au  Dragon 
(xii,  3);  a  la  Bete  de  la  mer  (xiii,  1);  au  Yerbe  victorieux  (xix,  2;  pour  ces  trois 
derniers,  διαδ/,ματα).  Quant  a  Γ  «  arc  »,  il  n'apparait  pas  ailleurs.  II  faut  done 
interpreter  ici  ces  deux  expressions  uniquement  en  fonction  de  νικαν  et  de  λευκός. 

II  est  clair  que  la  couronne  (de  victoire  ou  de  royaute),  peut  convenir  au 
Christ  ou  a  TEvangile  personnifie.  Quant  a  Γ  «  arc  »,  c'etait  bien  I'arme  carac- 
teristique  des  cavaliers  parthes. 

Insister  sur  ce  rapprochement,  comme  le  font  tous  les  exegetes  qui  voient  la 
«  terreur  parthique  »  dans  le  premier  Cavalier,  c'est  done  chose  plus  naturelle 
que  de  voir  dans  cet  arc,  avec  Joh.  Weiss,  un  instrument  echappe  de  la  main 
du  quatrieme  Cavalier  (la  Peste;  cfr.  I'epidemie  envoyee  par  larcher  Apollon, 


APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN.  83 

lliade,  chant  1),  et,  au  milieu  de  la  confusion  des  sources,  ramasse  par  le  dernier 
redacteur  de  I'Apocalypse  pour  etre  mis  aux  mains  du  Premier  Cavalier.  On 
pent  done  bien  admeltre  que  I'image  des  cavaliers  parthes,  de  leurs  incursions 
soudaines  et  souvent  irresistibles,  ait  ilotte  dans  I'esprit  du  voyant  assez  habi- 
tuellement  pour  que  la  revelation  divine  ait  utilise  ce  trait,  quand  elle  lui  a 
montre  un  Pouvoir  d'ordre  spirituel,  invincible  par  sa  force,  sa  rapidite  et  la 
surete  de  son  coup  d'oeil,  qui  devait  detruire  la  Bete,  image  de  Tempire  romain 
et  de  ceux  qui  lui  succederont  en  marchant  sur  ses  traces.  II  n'y  a  pas  non  plus 
de  repugnance  absolue  a  admettre  une  influence  de  la  figure  classique  d'Apollon 
identiiic  au  Soleil.  Les  representations  paiennes  de  son  entourage  pouvaient  se 
fixer  dans  I'imagination  de  Jean,  et,  quand  elles  etaient  honnetes  ou  indiiferentes, 
influer  sur  le  cote  plastique  et  esthetique  de  ses  visions  (Int.  ch.  v,  ii,  §  lY) 
mais  il  n'y  a  pas  plus  lieu  de  voir  ici  les  Parthes  qu'il  ne  I'y  aurait  de  trouver 
une  influence  des  idees  du  culte  apollinien,  ou  une  copie  consciente  du  fils 
de  Leto.  Larc  signifie  sans  doute  ce  qu'y  a  vu  Andre  de  Cesaree  (v.  supra). 
II  n'est  pas  incompatible  tuyQc  I'epee,  image  plus  usuelle  dans  les  descriptions 
du  Messie  et  de  la  Parole  [Is.  xi,  4,  cfr.  xlix,  2;  Sap.  Sal.  xviir,  15;  Eph.  vi, 
17:  Fleb.  iv,  12;  etc.). 

L'arc,  dans  la  mythologie  paienne  de  Tepoque,  n'appartient  d'ailleurs  qu'a 
des  divinites  bienfaisantes,  en  somme  :  a  Apollon,  le  Purificateur,  le  plus  bean 
desdieux,  qui,  avec  son  arme,  detourne  les  fleaux  plus  souvent  qu'il  ne  les  envoie; 
a  Artemis,  la  deesse  aux  «  douces  fleches  »;  a  Herakles  et  a  Eros;  a  Mithra, 
(dans  le  bas-relief  de  Mayence,  v.  Clmoxt,  Les  Myst.  de  Mithra,  p.  166  et 
Textes  et  Moji.,  p.  100),  dieu  qui  monte  aussi  un  cheval  blanc.  Par  ces  rappro- 
chements, nous  voulons  montrer  seulement  que  Γ  «  arc  »  n'avait  pas  un  sens 
necessairement  funeste,  et  non  expliquer,  comme  Guiikel  [Verst.  p.  53-sq.), 
notre  Cavalier  par  le  «  Sol  Inviclus  »  qui  n'avait  pas  encore  dans  lEmpire,  ni 
meme  en  Anatolic,  la  celebrite  qu'il  acquit  plus  tard.  Nous  invoquerions  plutot 
le  parallele  d'un  document  chretien  du  meme  age,  VOde  de  Salomon  xxm,  5  : 
α  Et  sa  pensee  fut  comme  une  lettre;  sa  volonte  descendit  du  Tres-Haut;  elle 
fut  envoyee  comme  une  fleche  d'un  arc  tire  avec  force  »  Origene  ei  Andre  ont 
bien  compris  Γ  «  arc  »  de  1" Apocalypse. 

Mais  pourquoi  le  premier  Cavalier  figure-t-il  dans  une  serie  dont  tous  les 
autrcs  membres  ont  un  aspect  lugubre  si  different  du  sien  ? 

La  genese  de  cette  vision  s'expliquerait  assez  bien  de  la  maniere  que  propose 
Joh.  Weiss;  nous  ne  rejetterons  pas  cette  h3φothese  avec  Bousset  en  la  traitant 
de  «  violente  ».  Jean  connaissait  le  trio  classique  de  la  Guerre,  de  la  Famine, 
de  la  Peste,  auquel  se  joignent  souvent,  chez  les  prophetes,  les  Tremblements 
de  terre;  il  connaissait  aussi  les  quatre  chars  de  Zacharie,  et  les  apparitions 
de  vengeurs  divins  sous  forme  de  cavaliers ;  le  nombre  quatre  de  Zacharie 
restait  aussi  fortement  imprime  dans  sa  mcmoire.  La  vision  a  combine  ces  divers 
elements.  Alais  elle  a  subordonne  tous  ces  materiaux  a  une  figure  absolument 
nouvelle  destinee  a  faire  contraste  avec  les  autres,  et  a  montrer  que  toutes  les 
calamites  que  Dieu  permet  n'ont  d'autre  but  que  de  hater  le  salut  du  monde. 
C'est  pour  cela  que  les  Cavaliers-Fleaux  sont  subordonnes,  en  quelque  sorte, 
a  la  figure  nouvelle  qui  represente  le  Verbe  en  personne,  ou  bien  son  oiuvre 
salutaire.  11  convenait  qu  elle  appanit  en  tete,  pour  reprdsenter  le  dessein  essen- 


34  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

tiel  de  Dieu  dans  le  gouvernement  providentiel  du  monde,  et  pour  rassurer  a 
Tavance  les  fideles  que  lers  autres  figures  auraient  pu  plonger  dans  Teffroi.  II 
convenait  qu'elle  apparut  avec  une  majeste  qui  ne  fut  pas  moindre  que  celle 
des  autres,  et  sous  une  forme  qui  montrat  le  lien  des  evenements  providentiels 
les  plus  facheux  en  apparence  avec  le  plan  du  salut.  C'est  pourquoi  la  Parole 
salutaire  parait  en  letc  de  la  serie,  elle  aussi  comme  un  Cavalier,  aussi  puissante, 
aussi  rapide  que  les  executeurs  des  vengeances,  et  qui  prend  mome  les  devants 
sur  eux.  Apres  qu'on  I'a  vue,  on  peut  attendre  les  autres  sans  emoi,  sachant 
que,  dans  les  desseins  d'En  Haut,  ils  vont  travailler  pour  elle. 

Pourtant,  le  schema  des  quatre  fleaux  (cfr.  les  quatre  vents  de  vii,  1)  est 
reste  tout  entier;  une  nouvelle  figure  a  done  du  y  combler  le  vide  qui  avait  ete 
fait  par  le  passage  du  Cavalier  au  cheval  blanc  a  un  ordre  si  different  de  pensee. 
A^oila  pourquoi,  dit  Joh.  Weiss,  a  I'ouverture  des  quatre  sceaux  repond  I'appa- 
rition,  non  pas  de  quatre,  mais  de  cinq  personnages.  Le  troisieme  fleau,  la  Peste, 
appelee  α  Mort  »,  evoquait  naturellement  I'idee  de  I'Enfer,  a  cause  du  couple 
connu  «  la  Mort  et  FHades  «.  On  aurait  pu  s'attendre  aussi  bien  a  voir  une 
personnification  du  «  Tremblement  de  terre  ».  Mais  cette  derniere  calamite 
etait  reservee  pour  un  autre  schema  symbolique,  la  vision  correspondant  au 
sixieme  sceau  (vi,  12).  D'ailleurs,  I'Hades,  I'habitation  des  demons,  le  reservoir 
des  peines  morales  qui  suivenl  le  peche  en  cette  vie  et  dans  Tautre,  completait 
plus  heureusement  une  serie  de  chatiments  qui  devait  etre  complete  generique- 
ment,  et  faire  presager  les  tableaux  des  sept  trompettes ;  sans  lui,  la  serie  eiit 
ete  trop  purement  «  naturiste  »,  trop  materielle. 

Nous  n'attachons  pas  a  ce  detail  de  notre  theorie  plus  de  valeur  qu'il  ne 
convient;  ce  n'est  qu'un  essai  d'explication  des  processus  tres  mysterieux  qui 
peuvent  se  derouler  dans  une  imagination  nourrie  de  la  Bible,  conservatrice  et 
combinatrice  a  la  fois  comme  celle  de  Jean  nous  apparait  toujours,  et  sous 
rinflux  de  I'inspiration  divine.  II  est  plus  facile  d'etablir  surement  la  place 
organique  que  tient  cette  vision  dans  Tensemble  majestueux,  et  tres  un,  quoi 
qu'on  en  disc,  de  I'Apocalypse. 

Le  parallele  avec  xix  nous  renseigne.  Dans  ce  chapitre,  il  s'agit  bien  de 
Jesus-Christ  en  personne,  mais  de  Jesus  designc,  non  seulement  comme  Roi 
des  Rois  et  Seigneur  des  Seigneurs,  mais  aussi  comme  Verbe,  ou  Parole.  Le 
Cavalier  de  xix  represente  done  a  la  fois  la  personne  de  I'Homme-Dieu  et  son 
activite  comme  Docteur  des  ames.  Dans  le  chapitre  vi,  il  nous  semble  que  c'est 
cet  aspect  de  I'activite  de  grace  qui  domine,  ou  qui  est  peut-etre  le  seul.  Le 
Cavalier  au  cheval  blanc  represente  I'evangelisation,  ou  meme,  si  Ton  veut, 
avec  Andre  et  les  medievaux,  les  Apotres  et  les  predicateurs  de  I'Evangile; 
attendu  que  le  parallelisme  qui  subsiste  malgre  tout  avec  les  trois  autres  cava- 
liers, lesquels  personnifient  des  evenements  amenes  ou  subis  par  des  collecti- 
vites,  porte  a  voir  plutot  aussi  dans  le  premier  un  evenement,  un  evenement  qui 
se  continue,  comme  les  autres  et  simultanement  aux  autres,  a  diverses  epoques. 
II  ne  faut  pas  etre  surpris  qu'une  seule  et  meme  figure  represente,  suivant  les 
diverses  places  ou  elle  apparait,  soit  une  personne,  soit  un  evenement  du  a  cette 
personne,  soit  la  personne  et  Fevenement  a  la  fois.  Nous  verrons  ailleurs,  au 
chapitre  xii,  que  I'Enfant  de  la  Femrae  represente,  successivement  ou  tout 
ensemble,  le  Christ  personnel  et  le  Christ  mystique.  Ce  precede  est  tout  a  fait 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  85 

dans  Tesprit  du  grand  Contemplatif  qui  a  ecrit  le  quatrieme  Evangile,  esprit  qui 
synthetise  toujours,  qui  ne  s'occupe  presque  jamais  de  fixer  les  etapes  d'une 
idee  ou  d'un  enseignement,  de  distinguer  les  phases  d'une  evolution  historique, 
mais  voit  dans  une  parole  ou  un  fait  isole  le  vaste  foyer  de  la  Lumiere  une  dont 
chacun  de  ces  traits  est  comme  une  echappee,  un  rayon  qui  fait  remonter  le 
regard  inspire  jusqu'a  sa  source  immense.  Dans  notre  Apocalypse,  par  une  ioi 
de  symetrie  parfaite,  toujours  une  image  de  misericorde  precede  les  descriptions 
de  la  colere;  le  regard  s'arrete  sur  cette  «  verdure  d'oasis  »  avant  de  plonger 
dans  le  semoun  des  chatiments.  Le  ch.  vi,  2,  a  montre  le  commencement  du 
cours  liberateur  de  I'Evangile;  le  ch.  xi,  le  dernier  de  la  section,  en  fera  pre- 
sager  le  succes  definitif  [nd.  ad  loc.) ;  le  ch.  xix  representera  ce  triomphe 
dans  toute  sa  splendeur. 

3°  Rupture  du  cinquicme  sceau  :  priere  des  martyrs. 
(VI,  9-11). 

Int.  —  Tous  les  critiques  rattachent  cette  scene  a  la  precedente,  sauf  Joh.  Weiss 
qui  y  voit  Voeuvre  de  Γ  «  editeur  »;  mais  c'est  uniquement  a  cause  des  «  martyrs  «, 
d'apres  sa  theorie.  Rien  au  contraire,  mieux  que  I' authenticite  indubitable  de  cette 
scene,  ne  prouve  coinbien  ladite  theorie  est  arbitraire. 


A.  B.  9.  την  τ:£α-την  σφρ.,  voir  supra,  A.  7-8.  —  (j.apTupiav,  sans  determination  excepte 
rec.  K,  And.,  Orig.,  syr.,  Cypr.,  Prim.,  arm.,  eth.  (τοΐ5  άρνίου,  *ίησοΰ,  Ίησ.,  yp.);  διά 
τον  λο'γον  χτλ.,  cfr.  ι,  9;  χιι,  11,  17;  χιχ,  10;  χχ,  4;  expression  stereotypee  :  c'est  le 
temoignage  re^u  de  Jesus,  et  possede  par  eux,  comme  Joh.  xiv,  21  (Bousset,  al.). 

C.  9.  L'Eglise,  que  le  l•^""  Cavalier  a  fait  voir  implicitement  dans  I'etat  de  progres 
conquerant,  apparait  maintenant  comme  persecutee.  Mais  cette  vision  du  cinquieme 
sceau  ne  repond  a  aucun  evenement  terrestre;  elle  montre  une  des  causes  secondes, 
dans  le  monde  invisible,  au  ciel,  des  ev^nements  qui  ont  ete  presages  par  I'appari- 
tion  des  Cavaliers,  et  dont  le  resultat  va  otre  resume  par  avance  au  6•'  sceau.  Elle  ne 
rentre  done  point  dans  le  contenu  du  Livre  scelle,  ce  qui  confirme  tout  a  fait  notre 
interpretation  generate  [Supra,  int.  a  A).  La  priere  des  martyrs  augmente  simplement 
au  ciel  la  tension  de  la  justice  vengeresse. 

II  apparait  un  «  autel  »,  dont  il  n'avait  pas  ete  question  jusqu'ici,  mais  qui  est, 
suppose  exister  au  ciel,  comme  si  la  chose  allait  de  soi  pour  la  celebration  de  cette 
grande  Liturgie.  Boll  (pp.  33-34)  pense  au  βωμός,  θυτηριον,  que  voyaient  les  astronomes 
grecs  dans  la  partie  S.  de  la  Voie  Lactee.  C'est  I'antitype  d'un  autel  terrestre,  qui  ne 
pent  etre  que  celui  des  holocaustes  (centre  Charles,  Studies,  p.  161-179;  cfr.  Ileb.  vni, 
5,  Swete).  Beaucoup  d'apocryphes  ont  ainsi  place  un  temple  au  ciel,  modele  de  celui 
d'ici-bas  (Par.  d Henoch,  53?,  Test.  Levi,  Od.  Sal.,  Talmud,  Midrashim,  etc.  v.  Sze- 
kely,  p.  30-suiv.).  Les  martyrs,  «  egorges  »  comme  I'Agneau,  sent  consideres  comme 
des  holocaustes  ofTerts  a  Dieu;  le  martyre  est  egalement  compare  a  un  sacrifice, 
Phil,  u,  17;  II  Tim.  iv,  6.  II  ne  s'agit  pas  de  martyrs  de  ΓΑ.Τ.,  comme  le  veulent 
les  auteurs  qui  cherclient  ici  une  source  juive,  mais  des  victimes  de  la  persecution 
passee  do  Neron;  au  cours  des  siecles,  d'autres  se  joindront  a  eux,  pour  implorer 
comme  eux.  C'est  une  idee  assez  bizarre  de  trouyer  ici  avec  Spitta  le  veritable  autel 
terrestre  de  Jerusalem,  et  de  croire  avec  plusieurs,  entre  autres  Calmes,  que  co 
morceau  se  fat  d'abord  applique  aux  zelotes  qui  se  defendirent  jusqu'a  la  mort  dans 
le  Temple  contre  les  soldals  de  Titus  (voir  Exc.  xxi). 


86  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

C.  ΛΊ.  9.  Kx:  CT£  ήνοιςεν  τήν  Γε'μζτην  ι^ρχγίοα,  εϊί^ν  ύττο/,άτω  t2j  θυσιαστηρίου 
τάς  ψυχάς  των  έσοαγμένων  δια  tsv  λόγον  tcu  θεοϋ  και  δια  τήν  μαρτυρίαν*  ην  ειχον. 
10.  Και  έκραξαν  φωντ^  μεγάλη  λέγοντες•  Έως  ζότε,  *ό  δεσπότης,  ό  ά'γι^ς  και  αληθινός, 
ου  κρίνεις  και  έκδικεΐς  το  αίμα  ημών  εκ  των  κατοικούντων  έχΐ  ττξς  γης;  11.  Και  εδόθη 
αυτοΐς  έκάστω  στολή  λευκή,  και  kppifir,  αΰτοΐς  ίνα*  άνα-αύσονται  ετι  χρόνον  μικρόν,  εως 
■::ληρωθώ7ΐν  *καί  ο•  συνδουλοι  αυτών  *και  οί  αδελφοί  αυτών  ο•.  μέλλοντες  ζ-οκτείνεσθαι 
ώς  και  αυτοί. 


Mais  pourquoi  les  ames  sont-elles  «  sous  lautel  »?  On  I'a  explique  par  I'idee 
biblique  que  Tame  est  dans  le  sang,  {Lei>.  xvi,  11),  et  parce  que  le  sang  coulait  au 
pied  de  I'autel  des  holocaustes  {Lev.  iv,  7);  ainsi  Holtz.,  Boussei,  Calmes,  Sivele. 
II  est  encore  une  autre  donnee  juive  qui  a  pu  influer  sur  cette  representation.  Le 
Talmud  (tr.  Schahhaih  152),  montre  les  ames  des  justes  gardees  sous  le  «  trone 
de  la  magnificence  »,  et,  dans  le  Debarim  rahha  xi,  Dieu  promet  cette  place  a  I'ame 
de  Moise  [Weber].  Car,  au  lieu  de  laisser  les  ames  dans  le  sheol,  une  autre  tradition 
juive  les  met  aussi  pres  que  possible  de  Dieu,  jouissant  deja  avant  la  resurrection 
des  arrhes  de  la  beatitude.  Dans  notre  livre,  la  representation  a  pu  §tre  influencee 
par  cette  idee;  on  pourrait  ajouter  d'apres  Boll  que  les  martyrs,  comme  «  lemoins  », 
se  trouventpres  de  I'autel  sur  lequel  ils  ont  prete  serment.  Mais  ici,  les  ames  jouissent 
deja  du  bonheur  essentiel,  symbolise  par  la  «  robe  blanche  »  du  verset  suivant.  11  n'est 
done  pas  question  de  Γ  «  etat  intermediaire  )>  qu'y  voyait  Andre,  et  qu'y  voit  encore 
Joli.  Weiss.  Ce  serait  inconciliable  avec  xiv,  13.  (v.  ad  loc).  D'ailleurs,  en  ces  eglises 
pauliniennes,  il  serait  etrange  de  trouver  une  conception  si  peu  d'accord  avec  celle 
de  I'Apotre  qui  disait  :  «  desiderium  habens  dissolvi  et  esse  cum  Christo  »  PJdl. 
I,  23. 

I  A.  B.   10.  εκραξον,  pour  έκραξαν   α3-Ρ-025,  ul.   g,   i'ldg.,  st/r.;  pas  de   iv  avanl 

φωντ|  —  ό  δεσπότης,  pour  1β  vocatif  (Introd.,  l.  x,  §  II),  repond  a  I'heb.  «  Adonai  w. 
—  εκ  {And.  άπο)  apres  κρίνειν  et  έκδικεΓν,  se  trouve  aussi  dans  les  LXX;  Boitsset  y  voit  le 
"JD  hebraique.  —  τών  κα-οικούντων  έπι  της  γη:,  expression  caracteristique  du  livre 
(IxTROD.,  c.  X,  §  III).  —  Pour  oe  cri  passionne,  cfr.  xviii,  20;  xix,  2;  Luc  xviii,  1-suiv. 
(Bousset),  et  le  ton  des  Apocryphes,  Hen.  eth.  ix,  1,  3,  9-11;  xxii,  5-8;  xlvii,  2;  xcvii, 
5;  IV  Esd.  IV,  35-37;  Bar.  syr,  in,  4;  reproduction  libre,  d'apres  Calmes,  de 
Ps.  Lxxxix,  10,  cfr.  Ps.  xiii,  2;  lxxx,  5;  Habacuc  i,  2. 

,  C.  10.  Si  les  martyrs  n'ont  pas  encore  le  sentiment  que  Dieu  commence  a  les 
venger,  c'est  done  que  les  Cavaliers  ne  sont  pas  encore  a  I'ouvrage.  II  faut  cora- 
prendre  leur  appel,  qui  parait  a  certains  plus  juif  que  chretien,  d'apres  I'ensemble 
du  livre,  et  I'esprit  general  du  Nouveau  Testament  :  «  Xon  haec  odio  inimicorum, 
pro  quibus  in  hoc  saeculo  rogaverunt.  orant,  sed  amore  aequitatis  »  (Bede),  et  pour 
le  triomphe  du  Christ. 

— —- i  A.  B.  11.  εδόθη  {Hipp.,  lat.  et  autres  versions  εδόθησαν).  —  άναπαύσωνται 
regulier,  au  lieu  du  futur  (χ,  C,  al.  And.,  Soden,  Nestle);  mais  notre  le?on  est  celle 
de  A,  P,  Q  {W-H,  Steele,  Bousset,  Holtzmann.)  —  -ληρωθώσιν,  avec  A,  C,  α,ϊΟβ- 
29-385,  syr.e^,  g,  Cyp.  Prim,  al.,  on  lit  ailleurs  πληροίσωσιν  ou  ττληρώσονται ;  —  καί.... 
χαι,  dans  le  sens  de  τε...  χαί;  si  Bousset  veut  traduire  le  premier  par  «  auch  »,  il 
semble  que  ce  soil  seulement  pour  une  raison  d'exegese.  Le  premier  καί  manque  dans 
Q,  vulg.,  bolt,  Cyp.,  arm.;  mais  Q  retablit  le  sens  en  ajoutant  καί  devant  ol  μέλλοντες.  — 
στολτί  λευκή,  v.  Exc.  xii,  cfr.  surlout  Asc.  Is.  iv,  6  et  ix,  9.  —  Martyrs  futurs,  cfr.  ii, 
10;  III,  10;  —  ζληοωθώσιν  κτλ,  cfr.  Hen.  eth.  xlvii,  2;  IV  Esd.  iv,  35-37;  Bar.  syr. 
XXX,  2  et  passim.  —  /povov  μικρόν,  cfr.  xx,  3  et  Exc.  xiii,  ΕΡΧΟΜΑΙ  ΤΑΧΥ. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX.  87 

C.  VI.  9.  Et  quantl  il  ouvrit  le  cinf{uieme  sceau,  je  vis  ea  dessous  de 
I'autel  les  ^mes  des  eg-org-es  k  cause  de  la  parole  de  Dieu,  et  a  cause  du 
temoignag'e  qii'ils  possedaient  [iitt.  avaient).  10.  Etils  crierent  d'une  grande 
voix,  disant  :  «  Jusqu'a  quand,  [toi]  le  Maitre,  le  Saint  et  Veritable,  ne 
juges-tu  pas,  et  ne  venges-tu  pas  notre  sang-  sup  ceux  qui  habitent  la 
terre  ))?  11.  Et  il  leur  fut  donne  h  chacun  une  robe  blanche,  et  il  leur  fut 
dit  de  se  tenir  en  repos  encore  un  pen  de  temps,  jusqa'a  ce  que  fussent 
au  complet  et  leurs  compagnons  de  service,  et  leurs  freres  qui  doivent  etre 
mis  k  mort  aussi  bien  queux. 


C.  11.  Cette  scene  rappelle  de  fort  pros  IV  Esd.  iv  35-37  ;  «  Ta  question,  les 
ames  des  justes  Tent  deja  posee  dans  leurs  receptacles  :  Combien  de  temps, 
disaient-elles,  devons-nous  encore  demeurer  ici?  Quand  apparaitront  enfin  les 
fruits  sur  I'aire  de  notre  recompense?  Mais  I'Archange  Jeremiel  leur  a  repondu  et 
dit  :  Lorsque  le  nombre  de  vos  pareils  sera  complet.  »  II  ne  saurait  y  avoir,  d'aucun 
cote,  emprunt  litteraire;  mais,  comme  des  traces  nombreuses  de  la  meme  idee  se 
trouA'ent  dans  les  apocryphes,  Paraboles  d' Henoch,  Baruch,  nous  pensons,  avec 
Bousset,  que  I'Apocalypse  et  Esdras  dependent  parallelement  d'une  soui-ce  ancienne, 
attestee  deja  par  le  plus  ancien  ecrit  de  ce  genre,  Hen.  et/i,  xlvii,  2-4,  ou  il  s'agit 
aussi  d'urie  priere  des  ames  pour  la  vengeance  du  sang  des  martyrs. 

Dans  Esd.  et  ailleurs,  il  etait  question  de  tous  les  justes,  et  pas  seulement  des 
martyrs.   Ici  egalement,  dans  le  nombre  des  justes  qui  doit  etre  complete,  il  faut 

distinguer  deux  categories,  distinguees  par  xaf καί...  et  la  repetition  de  oi...  αυτών  : 

les  martyrs  doivent  attendre  et  ceux  qui  rendront  le  meme  temoignage  sanglant, 
et  aussi  tous  leurs  auvSouXot,  tous  ceux  qui  servent  Dieu  et  seront  sauves  (Sfvete),  lis 
n'auront  a  attendre  qu'  «  un  peu  de  temps  »,  non  que  la  consommation  soit  prochaine 
d'apres  les  computs  humains,  mais  parce  que,  au  ciel,  les  annees  comptent  peu 
(IxTROD.,  ch.  IX,  et  Exc.  xiii).  La  robe  blanche  qui  leur  est  remise  ne  signifie  pas  leur 
corps  ressuscite  (cfr.  Clemen,  p.  135,  avec  ses  references  au  parsisme) ;  mais  c'est 
aussi  plus  qu'un  «  gage  »  de  felicite  future  (cfr.  Spitta,  Holtzmann,  Joh.  Weiss)\  ce 
sont  les  honneurs  de  la  victoire  (v.  Exc.  xu)  et  le  bonheur  essentiel,  qui  leur  sont 
dument  conferee,  quoique  la  retribution  totale  et  generale  doive  attendre  la  fin  des 
temps.  C'est  un  effet,  non  pas  de  la  rupture  d'un  sceau  du  livre,  mais  plut6t  de 
I'arrivee  de  I'Agneau  au  ciel,  —  ou,  dans  un  langage  sans  voiles,  de  la  resurrection 
et  de  I'ascension  da  Christ.  Nous  saisissons  ici  sur  le  vif  un  des  precedes  d'exposi- 
tion  de  Jean  dans  ses  visions  :  il  voit  dans  un  seul  fait  symbolique,  au  passe  (^δο'θη), 
ce  qui  est  une  loi  continue  de  la  justice  divine,  la  glorification  celeste  des  martyrs 
avant  meme  qu'ils  aient  retrouve  leurs  corps. 

La  satisfaction  promise  aux  martyrs  (laquelle  sera  en  partie  le  rdsultat  des  puni- 
tions  que  vont  commencer  a  inlliger  le.s  Cavaliers-fleaux,  mais  surtout  des  victoires 
du  Cavalier  au  cheval  blanc),  va  otre  maintenant  symbolisee,  sous  son  double  aspect, 
par  la  vision  du  6®  sceau.  Les  prieres  des  saints  ont  acc^lere  Taction  divine. 

A  titre  de  curiosity,  mentionnons  la  trouvaille  de  Jercmiai^  (B.N.T.  p.  26),  qui  a 
reconnu  dans  cette  scene  une  relation  a  la  planete  Venus  —  a  cause  de  la  descente 
d'Ishtar  aux  enfers! 


88  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

ϊ°  Rupture  du  sixieme  sceau,  Antithese  :  double  tableau  du  resultat  des 
jugemeiits  fulurs,  sur  les  ennemis  de  I'agneau,  et  sur  ses  fideles 

(vi,  12-vii). 

IxT.  —  Dans  les  pericopes  VI,  12-17,  et  VII  en  entier,  nous  avons  commc  les  deux 
volets  d'lin  diptyque  analogue  a  ceux  oil  les  anciens  maitres  peignaient  lEnfcr  et  le 
del.  line  faut  done  pas  croire  avec  Spitta  [id.  Schmidt)  que  les  derniers  versels  du 
ch.  VI  marquent  le  jugement  dernier  et  la  fin  d'une  apocalypse  originairement  inde- 
pendante.  II  ne  s'agit  que  des  prodromes  de  la  consommation,  maintes  fois  repetes, 
qui  montrent  que  le  monde  impie  finira  quand  Dieu  et  I'Agneau  voudront  deployer 
toute  leur  puissance.  De  doubles  tableaux  semblables  se  retrouceront  au  sixieme 
moment  des  autres  septenaires ;  c'est  la  «  loi  de  periodicite  de  Γ  antithese  »  (Ixtrod. 
ch.  Yii).  Ici  c'est  une  anticipation  (supra)  comme  le  prouve  le  caractere  general  de  la 
vision  des  Sceaux,  et  dirers  traits  que  nous  releverons  aux  eh.  VII  et  VIII. 

a.  Vision  anticipee  du  bouleversement  du  monde  impie  [\\,  12-17). 

C.  VI.  12.  ΚαΙ  είδον,  οτε  ήνΐ',ςεν  τήν  σ^ρ^γίοχ  τήν  εκττ,ν,  και  σεισμός  μέγα; 
έγενετι,  καΐ  ο  ήλιο;  έγένετο  μέλας  ως  σά/,κος  τρίχινος,  κα'ι  ή  σζ,κτ^τΓ,  ο'κτ^  έγένε-ο 
ώς  αψ,α_,  13.  Και  οί  αστέρες  -oj  οΰρανοΰ  *επεσαν  είς  τήν  γήν,  ώς  συκη  βάλλει  τους 
ολΰνθοϋς  αυτής*  υττο  ανέμου  μεγάλου  σειομένη,  14  και  ο  ουρανός  άτεχωρίσθη  ώς 
βιβλιον  έλισσόμενον  και  παν  ορός  και  νήσος  εκ  τών  τόπων  αυτών  έκινήθησαν.  15.  Και 
ο'.  βασιλεΤς  τής  γής  και  οί  μ.£γιστανες  και  ζΐ  χιλιαρχοι  και  οί  πλούσιοι  και  οί  Ισγρρο'. 
y-cc•.  πάς  οοϋλος  και  ελεύθερος  έκρυψαν  εαυτούς  ε'.ς  τά  σ-τ^Χοίκ-χ  και  εΙς  τάς  πέτρας  τών 
ορέων,  16  Και  *λέγουσιν  τοις  ορεσιν  και  ταΐς  πέτραις'  *Πέσετε  έο  ημάς  και  κρύψατε 
ημάς  άπο  προσοιπου  του  *καθημ,ένου  επι  *του  θρόνου  και  άπο  τής  οργής  του  άρνίου, 
17.  ότι  ήλθεν  ή  ήμερα  ή  μεγάλη  τής  οργής  *αϋτών,    και  τις  δύναται  σταθήναι; 


Α.  Β.  12.  «  Tremblement  de  terre  »,  lieu  commun  apocalyptique,  Apoc.  λίιι,  5; 
XI,  13;  XYi,  18  (4  fois),  cfr.  surtout  Aggee  ii,  6,  Apocryphes,  passim.  —  ή  σελήνη  χτλ, 
cfr.  Apoc.  VIII,  12;  pour  les  phenomenes  celestes  en  general.  Is.  xiii,  10;  l,  3;  Joel,  ii, 
31;  Ενν.  syn.  Marc,  xiii,  et  paralleles ;  Ass.  Mos.  x,  5,  et  presque  tous  les  apocryphes, 
passim.  —  εΐδον,  absolu. 

C.  12.  C'est  la  description  des  troubles  annonciateurs  de  la  fin  du  monde,  presentes 
dans  les  Evangiles  comme  devant  suivre  I'^y/ji  ώδίνων,  la  grande  θλΓψις  (Marc,  xiii, 
24-suiv.  et  paralleles).  And.  les  place  au  temps  de  Titus,  ou  preferablement  de 
lAntechrist;  mais  il  reconnait  leur  sens  figure  :  «  Par  le  tremblement  de  terre,  les 
Saintes  Lettres  signitient  partout  les  transformations  des  choses  >'.  h'Ecclesiaste  xii, 
2,  applique  de  telles  images  a  la  decrepitude  du  corps  humain;  le  Ps.  xlvii,  9,  a  la 
sortie  d'Egypte;  et  Aggee,  dans  le  passage  cite,  les  explique  par  la  phrase  :  «  Et  je 
bouleverserai  toutes  les  nations.  »  Le  v.  15  va  montrer  que  Jean  vise  surtout  les 
troubles  sociaux  (Introd.,  ch.  v.).  Ita  Bousset,  S^vete,  etc. 

I  A.  B.  13.  εττίσαν,  Introd.,  ch.  x,  §  II  (non  εττεσον  de  Q,  al.1.  —  i-o  pour 
υ-ό  qui  est  rare,  N,  al.  —  Cfr.  Is.  xxxiv,  4 ;  pour  I'image  eschatologique  du  figuier. 
Marc  xiii,  25  et  suivants,  et  les  paralleles. 

C.  13.  Les  etoiles,  pour  Andre,  sont  les  homnies  qu'on  croyait  ftre  les  luminaires 
du  monde.  La  chute  des  oXuvOot,  des  figues  qui  ne  murissent  pas,  se  produisait  a  la 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  89 

fin  de  I'hiver;  c'est  ici  un  signe  de  I'approchc  du  priniemps  eternel.  La  comparaison 
des  etoiles  avec  des  fi-uits  ressort  peut-etre  de  la  vieille  conception  cosmologique  de 
Γ  «  arbre  du  monde  ». 

— — —  B.  C.  14.  Le  ciel  roule  comme  un  volume  dont  les  astres  sont  les  carac- 
teres,  est  une  image  d'Isa'ie,  xxxiv,  4.  (Ps.  ci  (cii),  27,  c'est  un  «  vetement  »).  —  δρος, 
νήσο;,  κτλ,  Apoc.  xvi,  20,  cfr.  Nalnun  i,  5;  Jer.  iv,  24.  Ces  figures  sont  toutes  naturelles 
chez  I'exile  de  Patmos,  habitant  d'une  region  fort  sujette  aux  tremblements  de  terre. 
«  Mouvoir  les  montagnes  »  est  une  expression  proverbiale  pour  I'accomplissement 
de  choses  regardees  comme  impossibles,  ici  de  revolutions  inattendues  {Swete,  etc.). 

-^—  B.  C.  15.  L'un  ou  I'autre  membre  de  I'enumeration  est  omis  dans  certains 
manuscrits;  mais  11  faut  les  conserver  tous,  parce  qu'ils  sont  sept,  ce  qui  est  cer- 
tainement  intentionnel  (Introd.,  c.  viii);  Spitta  et  d'autres  I'ont  bien  remarque.  Le 
Prophete  enumere  toutes  les  classes  de  la  societe,  pour  montrer,  ainsi  que  par  le 
chifTre  choisi,  que  nul  ennemi  de  Dieu  n'echappera  a  ces  terreurs.  Quelques 
auteurs,    apres    Mommsen,    veulent    voir    dans    les    μεγιστάνες    (mot    d'emprunt)    les 

C.  v[,  12.  Et  je  vis,  quand  il  oiivrit  le  sixieme  Sceau,  et  iia  grand  trem- 
hlement  de  terre  arriva,  et  le  soleil  deΛύnt  noir  comme  iin  sac  de  crin,  et 
la  lune  entiere  devint  comme  du  sang,  13  et  les  etoiles  du  ciel  tomberent 
sur  la  terre,  comme  un  figuier  jelte  ses  figues  non  mures,  secoue  par  un 
grand  vent,  14  et  le  ciel  se  ret'ira  comme  un  livre  qu'on  roule,  et  toute 
montagne  et  ile  furent  deplacees  de  leur  lieu.  15.  Et  les  rois  de  la  terre 
et  les  grands  et  les  chiliarques  et  les  riches  et  les  puissants,  et  tout  esclave 
et  homme  libre  se  cacherent  dans  les  cavernes  et  dans  les  rochers  des 
montagnes,  16.  Et  ils  disent  aux  montagnes  et  aux  rochers  :  «  Tombez  siir 
nous,  et  cachez-nous  du  visage  de  celui  qui  est  assis  sur  le  trone,  et  de 
la  colere  de  I'Agneau!  17.  parce  qu'il  est  venu,  le  grand  jour  de  leur 
colere,  et  qui  pent  tenir  »? 

Part/ies  opposes  aux  yiX-'apyot  romains.  —  Ce  verset  confirme  notre  interpretation  des 
signes  cosmiques.  II  n'en  marque  pas  une  consequence,  mais  en  donne  I'explication. 

— —  A.  B.  16.  καΟηυ.ενου  έπ\  τοΰ  θρ.,  Introd.,  ch.  χ,  §  II.  {rec.  Κ  τω  θρο'νω).  —  πε'σατε 
(Introd.,  ch.  χ,  §  II)  est  la  le^on  de  A,  P-a3-025,  al.  {W-H,  B.  Weiss,  Swete,  al.), 
tandis  .que  la  correction  πίσετε  se  trouve  x,  C,  Q,  beaucoup  de  minusc,  And., 
Arethas    [Nestle,  Soden).  —  του  καθ της  όργης,  omis  sj/r.'•^"^'. 

C.  16.  La  «  colere  de  I'Agneau  »  est  certainement  une  expression  authentique, 
(Bousset)  centre  Visclier,  Spitta,  Volter,  Weyland,  qui  veulent,  chacun  pour  ses 
raisons  a  lui,  la•  supprimer,  et  Joh.  Weiss,  qui  y  voit  une  glose  de  I'cditeur. 
L'  «  Agneau  »,  pour  les  mechants,  est  rede  venu  le  «  Lion  »  ;  c'est  la  vue  du 
Redempteur  immole  qui  sera  la  plus  insupportable  a  I'humanite  ingrate  {Sivete) ; 
meme  idee  que  i,  7. 

^^—  A.  B.  17.  Au  lieu  de  αυτών,  on  trouve  αύτοΰ  A,  rec.  K,  P,  And.,  la  plupart 
des  minuscules  et  presque  toutes  les  versions.  —  σωΟηνα;  pour  σταθηναι,  Arothas. 
Pour  la  forme  σταθηναι,  voir  ch.  xii,  A  18;  id.  viii,  3.  —  «  Le  grand  jour  »,  dies  irae, 
cfr.  Is.  Lxiii,  4;  Joel  ii,  11,  31;  So/)/i.  i,  14;  15;  18;  ii,  3;  cfr.  Rom.  u,  5;  Jude,  6. 
Voir  Gressmann,  Ursprung,  pp.  141-159.  —  σταΟήναι,  cfr.  Ps.  xxxv  (xxxvi),  13;  Na/i.  i, 
6;  Mai.  in,  2;  surtout  Luc  xxi,  36  :  σταθηναι  Ι[Α7:ροσθεν  τοΟ  utou  του  ανθρώπου. 

C.  17.  La  vision  de  cette  pericope  anticipe  devant  les  yeux  du   Prophete  I'eiTet 


90  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

futur  de  la  desccnte  des  Cavaliers-fleaux  sur  la  terre,  et  tout  ce  qui  aura  lieu  apres 
la  rupture  du  7•^  sceau.  G'est  aussi  une  partie  de  la  reponse  a  la  priere  des  martyrs 
sous  I'autel.  Le  trait  essentiel  de  cettc  scene,  en  dehors  des  lieux  communs  apoca- 
lyptiques,  c'est  que  les  ennemis  de  Dieu  seront  obliges  de  reconnaitre,  a  diverses 
epoques  de  i'histoire,  des  signes  precurseurs  de  son  grand  Jugement,  et  de  cons- 
tater  qu'ils  ne  sauraient  toujours  echapper  a  sa  justice.  Jean  a  condense  ces  signes 
dans  le  «  tremblement  de  terre  »  que  lui  fournissait  la  tradition  des  prophetes  et  des 
Synoptiques,  mais  qui  n'avait  pas  trouve  place  dans  la  vision  des  Cavaliers.  Tout  ce 
dernier  morceau  est  compose  d'emprunts  bibliques,  mais  Jean  les  a  combines  avec 
un  grand  art,  comme  le  reconnait  Joh.  Weiss.  Son  origiualite  a  consiste  a  en  faire 
un  sobre  tableau  d'ensemble,  apte  a  rendre  limpression  de  sa  vision  reelle.  II  va 
de  soi  qu'il  n'a  pas  pris  a  la  lettre  les  catastrophes  cosmiques;  si  le  monde  devait, 
au  sens  litteral,  subir  de  tels  cataclysmes,  alors  I'humanite  eprouverait  autre  chose 
que  de  la  terreur,  et  n'aurait  pas  le  loisir  de  se  cacher  ni  de  donner  une  expression 
a  son  angoisse. 

b.   Vision  de  la  preservation  et  du  salut  des  fiddles  (vii,  1-17). 

Int.  —  Ce  chapitre  se  divise  netlement  en  deux  parties.  L%  premiere  (a,  1-S) 
represente  la  mesure  de  preservation  prise  pour  les  elus  des  douze  Tribus  d'lsrai-l, 
en  vue  des  catamites  qui  vont  se  dechaincr ;  la  deuxieme  (β,  9-17],  le  sort  spirituei 
present  et  futur  des  saints  de  toutes  les  nations,  rassembles  decant  le  trone  de  Dieu. 

La  plupart  des  exegetes  y  voient  un  «  intermede  » ;  mais  il  n'y  a  pas  a  propre- 
ment  parler  d'  «  intermede  »  dans  un  livre  si  fortement  construit.  Une  pareille  inter- 
ruption apparente  dans  la  trame  des  visions  se  retrouvera,  longue  ou  breve,  a 
I'avant-derniere  des  Trompettes  et  des  Coupes,  de  sorte  qu'on  peut  y  voir  un  precede 
intentionnel.  Tout  le  chapitre  VII  se  rattache  au  β^  sceau,  aussi  bien  que  VI,  12-17. 
C'est  la  seconde  partie  du  tableau  :  la  securite  et  le  triomphe  des  justes  s'oppose  a  la 
panique  des  ennemis  de  VAgneau.  C'est  la  reponse  au  cri  desespere  de  ceux-ci  : 
«  Qui  peut  tenir?  η  II  y  a  parallelisnie  dans  I'idee;  quant  aux  paralleles  de  detail, 
il  faut  les  chercher  surtout  dans  les  chapitres  XIV,  XV  et  XXI-XXII  el,  par  con- 
traste,  dans  le  chap.  XIII  [vid.  ad  loc).  Les  versets  VII,  1-3,  qui  introduisent  des 
Anges  parlant  de  desastrcs  et  de  salut,  sent  comme  la  cliarniere  qui  tient  reunis  les 
deux  volets  du  diptyque;  ils  j'ouent  le  meme  role  que  le  chapitre  X  entre  la  plaie 
de  la  Sirieme  Trompette  et  la  vision  des  «  Deux  Tcmoins  ». 

a.  Les  serviteurs  de  Dieu  sont  marques  au  front  avant  que  ne  commence 
I'execution  du  jugement  divin  (vii,  1-8). 

Int.  —  Comme  ce  morceau,  avec  ses  figures  des  Vents  destructeurs  et  des  Douze 
Tribus,  n'a  pas  eu  d'influence  litteraire  sur  le  reste  de  I'ouvrage,  la  plupart  des 
critiques  lui  assignent  une  source  juive,  et  le  mettent  en  opposition  avec  le  morceau 
suivant.  Spitta  Vattribue  a  J'  (Apoc.  des  Trompettes,  sous  Caligula);  Erbes  attribue 
1-3,  et  plus  loin  9-12,  a  son  Apoc.  chretienne  de  Ian  62,  tandis  que  4-8  et  13-17 
seraient  de  Van  80,  interpolcs  d'apres  une  source  juive.  Bousset  aussi  estime  que 
1-8  pourrait  Strc  un  fragment  transporte  d'ailleurs,  et  contenant  des  elements  juifs 
traditionnels,  sans  qu'on  puisse  affirmer  du  reste  que  Jean  ait  copie  un  modele 
ecrit.  Cfr.  AVeizsacker,  etc.  Joh.  Weiss  considere  tout  le  morceau  comme  etant  de 
Jean  d'Asie,  ecrivant  vers  CO;  seulement  il  aurait  ete  compris  par  V  «  editeur  » 
dans  un  sens  nouveau.  Charles  (Studies,  pp.  103-suiv.)  croit  le  lout  ecrit  de  la  main  de 
lauteur  de   VApocalypse,    mais    VII,   1-3   et   4-S    seraient   derives   de  sources  juives. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  91 

Volter,  Vischer,  Weyland,  cliacun  suicant  sa  t/ieoric  des  sources,  rattachenl  VII, 
1-8,  aux  chapitres  precedents.  II  est  possible  a  notre  ai'is  (siirtout  a  cause  de 
I'omission  de  Dan),  que  la  source  de  ce  morceau  soil  juive,  ?nais  c'est  une  source  au 
sens  large;  Jean   la  mis  en  parfaite  conlinuite  avec   cc  qui  precede  et  ce  qui  suit. 


A.  B.  1.  και  devant  μ.τ.  εΤδον,  excepte  A,  G,  1072,  g,  iuilg..  arm.  Prim.  —  -i  pour 
7:av  (G,  Q,  beaucoup  de  rainusc.)  n'est  guere  de  la  langue  de  Jean;  A  :  ir.•.  οένδοου 
(Iktrod.,  c.  X,  §  II);  [χη'τε  επι  παν  sent  I'^hebreu;  —  deux  fois  I'acc.  τέσσα^Ξς  dans  A  (Imrod., 
c.  X,  §  II).  —  Pour  «  les  4  Vents  »,  voir  Exc.  xviii,  les  paralleles. 

C.  1.  Ges  «  4  Vents  »  sont  identiques  aux  4  Fleaux  du  precedent  chapitre,  et  en 
relation  avec  les  4  Animaux  (Exc.  xvml,  de  meme  que  les  4  Anges  des  Vents.  G'est 
«  la  realite  mise  pour  I'iraage  »  [Jo/i.  ]Veiss,  OiTenb.  p.  72).  Jean  a  utilise  pour  son 
sj'mbolisme  I'idee  courante  des  esprits  elementaires,  comme  xiv,  18  et  xvi,  5, 
qui  etaient  des  Anges  pour  les  Juifs  (v.  Bousset,  Rel.  Jud.2  p.  317).  Ges  vents  ne 
reparailront  pas,  ou,  s'ils  reparaissent,  ce  sera  sous  une  forme  ditTerente,  celle  des 
Fleaux  des  Trompettes,  apres  le  cliap.  viii. 

^— —  A.  B.  2.  La  suppression  de  I'article  devant  ανατολή;,  σφραγίδα  (qui,  d'apres 
I'analogie,  doit  se  traduire  «  le  sceau  »  plutot  que  «  un  sceau  »),  et,  plus  bas,  devant 
υίών  et  toujours  devant  φυλή;,  serait  pour  quelques  philologues  une  trace  d'  «  etat 
construit  »  semitique.  —  εχ.ραζεν  pour  εζραίεν,  A,  quelques  And.  —  αύχοΤς,  «  hebraisme  », 
omis  dans  peu  de  mss;  cfr.  in,  8,  etc.  (Introd.,  c.  x,  §  II).  —  Conception  d'un 
«  sceau  »  divin  pour  les  elus  de  Dieu,  ou  les  Chretiens,  Ezech.  ix,  4;  II  Cor.  i,  22; 
Eph.  I,  13.  —  L'  «  Orient  »,  point  de  depart  des  manifestations  divines,  cfr.  Is.  xli,  2; 
Ezech.  XLiii,  2  ;  Luc  i,  78  (Oriens  ex  altol. 

C.  2.  Get  Ange  monte  de  I'Orient,  cote  de  la  Lumiere,  comme  il  sied  a  I'annon- 
ciateur  du  salut  [Ebrard,  Diisterdieck,  Holtzmann,  Bousset,  Calmes,  Swete,  Boll•.  II  a 
quelque  analogic  de  role  avec  le  Premier  Gavalier,  comme  les  4  autres  avec  les 
Cavaliers-fleaux ;  ces  parallelismes  latents  ne  sont  pas  rares. 

— ^—  B.  3.  «  Le  signe  sur  le  front  »,  cfr.  Ezech.  ix,  4,  i;  aussi  Is.  xliv,  5  (sur  la 
main).  Gontre-pariie  :  le  signe  de  la  Bete,  voir  xiii,  16-17,  etc;  cfr.  la  marque  de 
perdition  de  Ps.  Sal.  xv,  10.  Les  marques  du  «  sceau  »  divin  reparaissent  Apoc.  ix, 
4;  XIV,  1;  xx,  4.  —  «  Serviteur  »  de  Dieu  ou  du  Ghrist,  i,  1;  ii,  20;  xix,  2,  δ;  xxii,  3, 
6.  —  Pour  toute  la  scene,  cfr.  Bar.  syr.  vi. 

C.  3.  Les  anciens  (Orig.  And,  etc.)  avaient  deja  reconnu  que  ce  symbolisme  est 
derive  d'Ezechiel  ix,  ou  un  ange  imprime  la  marque  du  Tau  (-f  I  sur  le  front  des 
justes  de  Jerusalem  pour  les  preserver  du  massacre  prepare  par  quatre  autres 
Anges.  La  scene  rappelle  aussi  Bar.  st/r.  —  sans  doute  influence  par  Ezechiel,  — 
dans  lequel  quatre  Anges,  sur  le  point  de  mettre  le  feu  a  Jerusalem,  en  sont 
emp^ches  par  un  cinquieme,  tant  que  les  objets  du  Temple  ne  sont  pas  mis  en 
surete.  Le  mot  σφραγίζεσθαι  rappelle  la  terminologie  des  Mysteres  {Iloltzm,  al.),  et 
σφραγ(ς,  des  le  ii^  siecle,  a  ete  un  terme  technique  pour  le  sacrement  du  bapteme; 
peut-etre  y  a-t-il  done  deja  ici  allusion  au  bapteme  (ou  au  clireme).  Le  symbole  etait 
des  plus  intelligibles  pour  un  lecteur  du  i*••  siecle.  Ges  «  serviteurs  »  sont  ainsi 
marques  comme  la  propriete  de  Dieu  {Holtzm,  I.  Weiss,  etc.);  probablement  le 
sceau  leur  imprime-t-il,  d'apres  xiv,  1,  «  le  nom  de  Dieu  et  de  I'Agneau  ».  Ainsi 
etaient  marques  les  esclaves,  les  soldats.  II  n'existe  aucune  raison  plausible  de 
penser  avec  Bousset,  Joh.  Weiss,  que  Jean  se  soit  inspire  de  la  croyance  aux  amu- 
lettes  et  aux  charmes,  et  encore  moins,  a  la  suite  de  Hai'et,  de  voir  ici  aucune  allu- 
sion au  taurobole  ou  au  criobole,  cere  monies  fort  peu  goutees  dans  le  monde  grec, 
et  qui  ne  se  repandirent  dans  I'Empire  que  beaucoup  plus  tard.  Les  «  serviteurs  de 
Dieu  »  sont  marques  comme  les  maisons  des  Israelites  dans  I'Exode  avant  le  passage 


92  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

C.  VII.  1.  *Μετα  τοΰτο  sTBsv  *τέσσαρες  αγγέλους  έστώτας  έπΙ  τας  τέσσαρα;  γοινίας 
'^?  ϊ^ζ)  κρατουντας  τ:υς  *τέσσαρες  άνεμους  της  γγ5ς,  ίνα  μή  ζνέγ)  άνεμος  ετΛ  τ^ς 
γης  μήτε  έτυΐ  της  θαλάσσης  μήτε  έπΙ  *7:αν  οένΒρον.  2.  ΚαΙ  είδον  άλλον  άγγελον 
άναβαίνοντα  άπο  ανατολής  ήλιου,  έχοντα  *σ9ραγίδα  θεοΰ  ζώντο.ς,  και  εκραςεν  φωνή 
μεγάλη  τοις  τέσσαρσιν  άγγέλοις  Ο'.ς  εδόθη  *α^τοΤς  άδικήσαι  την  γήν  και  την  θάλασσαν, 
3.  λέγων  Μή  αδικήσατε  τήν  γ^ν  μήτε  την  θάλασσαν  μήτε  ιχ  δένδρα  άχρι  σφραγίσω- 
μεν  τους  δούλους  του  θεοΰ  ημών  έχΊ  των  μέτοχων  αϋτο)ν.  4.  Και  ήκουσα  τον  αριθμόν 


de  Tang-e  exterminateur;  ils  seront  preserves  comme  doivent  Tetre  les  habitants 
de  la  Terre  Sainte,  dans  Bar.  syr.  xxviii,  des  cataclysmes  de  la  fin.  Sur  quel  point 
portera  cette  preservation?  Nous  allons  le  discuter  bientot;  remarquons  seulement 
ici,  pour  I'interpretatioa  des  versets  suivants,  que  tons  les  serviteurs  de  Dieu  doi- 
vent aire  ainsi  marques  et  preserves;  ce  ne  seront  pas  seulement  ceux  qui  appar- 
tiennent  au  peuple  d'Israel,  comme  le  prouve  I'ordre  donne  sans  restriction,  et  la 
comparaison  avec  ix,  4;  xiv,  1;  et  xx,  4.  Pourquoi,  se  demanda  Holizmann,  ne  sont-ils 
pas  deja  marques  avant  la  rupture  du  6«  sceau,  qui  amene  la  fin  du  monde?  G'est 
que  ce  sixieme  sceau,  comme  tous  les  autres,  sauf  le  premier,  ne  correspond  encore 
a  aucun  evenementqui  se  passe  sur  terre;  I'execution  n'a  pas  encore  commence.  Et  la 
scene  presente  n'est  pas  la  preuve  la  moins  forte  de  notre  these. 

'  A.  B.  4.  ηκουσα  τον  άριθιχίίν,  cfr.  ix,  16.  Plusieurs  de  ces  expressions,  le 
"  sceau  »,  les  «  serviteurs  »,  celle-ci,  montreat  bien  I'unite  d'inspiration  de  cette 
pericope,  et  des  autres  parties  du  livre.  —  έσφραγισμένο-.,  sans  copule,  par  ού  W-H 
voudraient  faire  commencer  la  phrase,  se  rapportant  au  feminin  χιλιάδες,  est  plutot 
un  solecisme  ou  un  accord  ad  sensurn  qu'une  anacoluthe;  εσφραγισαένων,  correction 
de  rec.  K. 

C.  4.  Jean  ne  volt  pas  I'Ange  imprimer  le  sceau,  il  entend  seulement  le  nombre 
de  ceux  qui  I'ont  re?u,  parmi  les  «  fils  d'Israel  ».  L'identification  de  ces  144.000  —  le 
carre  de  12,  nombre  sacre,  multiplie  par  1.000.  «  sig-ae  de  solidite  »  [Orig. 
sch.  xxxii),  ou  d'extension  indefinie,  —  a  donne  lieu  a  beaucoup  de  discussions 
exegetiques. 

Sont-ce  les  memes  que  les  144.000  «  vierges  »  du  ch.  xiv?  Nous  ne  le  pensons 
pas.  Ou  les  memes  que  «  la  foule  nombreuse  »  qui  va  apparaitre  au  v.  9?  En  tout 
cas,  rien  n'indique,  cela  va  de  soi,  qu'ils  representent  seulement  les  martyrs,  ni,  en 
suivant  la  tradition  tardive,  le  nombre  des  fideles  qui  resisteront  aux  seductions  do 
I'Antechrist,  —  a  moins  qu'on  n'entende  par  I'Antechrist.tous  les  ennemis  du  Christ, 
en  tous  les  temps.  Ce  sont  les  Juifs  baptises,  pour  Victorinus,  Andre,  semble-t-il, 
Holtzmann,  Calmes,  Bousset,  etc.  Une  autre  tradition  exegetique,  Prim,  Bede. 
Beatus,  etc.,  de  nos  jours  Renan  (Antechrist,  p.  390),  Sa'ete,  γ  voit  I'lsrael  spiritue! 
(Gal.  VI,  16),  c'est-a-dire  toute  TEglise,  Juifs  et  Gentils.  Origene,  qui  les  identifie 
aux  144.000  du  ch.  xiv,  etait  deja  de  cette  opiaion.  Charles  (Studies,  pp.  103-sui- 
vantes)  croit  aussi  qu'il  faut  les  identifier  a  Γδχλος  πολύς  de  vii,  9-17,  et  que  ce  sont 
tous  les  Chretiens  contemporains  de  Jean,  mais  representes  ici  comme  militants  sur 
la  terre,  tandis  que  dans  la  pericope  suivante,  ils  apparaitront  triomphants  au  ciel. 
Job.  Weiss  a  une  opinion  compliquee  :  Jean  d'Asie  n'aurait  pense  qu'aux  Juifs  pre- 
destines a  la  conversion,  mais  son  editeur  les  eut  compris  comme  les  Douze  Tribu.- 
ideales,  les  ascetes  Chretiens  du  chap.  xiv. 

Nous^  estimons,  pour  noire  part,  (avec  Hohzm.,  Calmes,  Bousset,  etc.),  qu'il 
vaut  mieux  distinguer  ces  144.000  de  la  «  foule  »  du  v.  9,  puisque  celle-ci  est 
«  innombrable  «,  dit  I'auteur,  et  que  eux,  ils  sont  nombres;  Jean  a  fait  ressortir  lui- 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  <J3 

C.  VII.  1.  Apres  cela  je  vis  quatre  anges  qui  etaient  debout  sur  les 
qaatre  angles  de  la  terre,  [et]  tenaient  les  Quatre  \^ents  de  la  terra,  pour 
([uil  ne  souffle  pas  de  vent  sur  la  terre  ni  sur  la  mer,  ni  sur  aucun  arbre. 
2.  Et  je  vis  un  autre  ange  qui  montait  du  lever  du  soleil,  [et]  avait  le 
sceau  du  Dieu  viΛ'ant,  et  il  cria  d'une  grande  voix  aux  quatre  Anges  k  qui 
il  a  ete  donne  de  nuire  a  la  terre  et  a  la  mer,  3.  disant  :  «  Ne  nuisez  pas 
a  la  terre  ni  a  la  mer  ni  aux  arbres,  jusqu'^  ce  que  nous  ayons  marques 
du  sceau  les  serviteurs  de  notre  Dieu  sur  leurs  fronts  ».   i.  Et  j'eiitendis 


m§me  Topposition.  Tous  les  «  serviteurs  de  Dieu  »  ont  ete  marques  du  sceau  pre- 
servateur.  Parmi  eux,  le  Prophete,  —  qui  etait  Juif  de  naissance,  ne  I'oublions  pas, 
et  connaissait,  a  n'en  pas  douter,  la  tradition  eschatologique  du  retablissement  des 
Dix  Tribus  (v.  Weber  2,  p.  367,  Volz,  pp.  311-312),  —  a  la  joie  d'apprendre  qu'il  y  a 
un  grand  nombre  de  ses  concitoyens;  il  est  tout  naturel  qu'il  le  releve;  on  sait  le 
cas  qu'il  fait  du  nom  de  Juif.  144.000  est  un  chiffre  symbolique  de  plenitude  telle, 
que  Ton  peut  facilement  recounaitre  ici  I'espoir  de  la  conversion  generale,  dans  un 
avenir  distant,  du  peuple  d'Abraliam,  deja  exprime  par  saint  Paul  {Honi.  xi).  Les 
Judeo-chretiens  de  son  temps  y  sont  compris,  mais  I'elevation  du  chiti're  nous 
empeche  de  croire,  avec  Charles,  qu'il  s'agisse  d'eux  seulement.  Du  reste,  le  nombre 
limite  des  elus  d'Israel  se  perdra  dans  la  foule  innombrable  du  v.  9. 

De  quoi  ces  elus  doivent-ils  etre  preserves?  Certainement  pas  de  I'epreuve  du  mar- 
tyre,  suivantla  conception  bienpeu  johannique  que  Joh.  TFe/ssattribue  a  Γ  «  editeur  «. 
Jean  nepense  pas  specialement  au  marlyre,  mais,  comme  I'indique  assez  le  contexte, 
a  I'ensemble  des  calamites  dont  il  a  eu  la  prevision  aux  2^,  3^,  et  4•^  sceau,  et  que  vont 
bientot  decliainer  les  Vents  et  les  Anges.  Cela  ne  veut  pas  dire  qu'ils  ne  souffriront  pas 
des  malheurs  communs,  auxquels  se  joindra  la  persecution;  s'ils  ne  sont  pas  examples 
du  combat,  il  leur  est  garanli  qu'ils  n'y  succomberont  point  (cfr  la  Lettre  a  Philadel- 
phie,  III,  10,  et,  infra,  ix,  4).  lis  seront  preserves  de  I'apostasie  [Dusterdieck)  et  de 
toute  defaite  spirituelle,  proteges  contre  I'emprise  des  demons  {Charles).  En  cela  leur 
sort  ne  sera  pas  diflerent  de  celui  des  autres  vrais  fideles,  marques  du  merae  sceau; 
mais  saint  Jean  les  a  mis  a  part,  parce  que,  membres  du  peuple  choisi  qui  a  recu  le 
premier  I'Evangile,  ils  sont  des  premices,  comme  le  seront,  a  un  autre  titre,  les 
144.000  ascetes  de  xiv;  ceux-ci  sont  la  garde  du  corps  de  I'Agneau;  mais  eux,  ils  sont, 
par  le  sang,  les  freres  du  Verbe  incarne. 

— — —  A.  5-8.  Quelques  variantes  orthographiques  dans  les  noms  propres;  omis- 
sion faulive  de  quelques  tribus,  notamment  dans  n*.  —  I  σφραγισμένοι  (corrige  en  —  ναι, 
—  νων  rec.  Κ,  al.),  ne  se  trouve,  contre  la  Vulgate,  qu'au  commencement  et  a  la  fin  de 
I'enumeration.  —A  la  place  de  Γάδ,  on  lit  Λάν  seulement  dans  α  111-9-325,  α  107-13-42, 
α  115-130-1854;  Dan  a  la  place  de  Manasse  dans  boh.;  partout  ailleurs  manque  le  nom 
de  cette  tribu.  Spitta  et  d'autres  ont  suppose,  assez  arbitrarrement,  que  Dan  aurait 
d'abord  figure  au  v.  6  c,  et  qu'un  scribe,  par  erreur,  aurait  ecrit  Μάν,  qu'on  aurait  pris 
ensuite  pour  une  abreviation  de  Manasse  (celui-ci  serait  compris,  avec  Ephraim  qui 
n'est  pas  nomme  explicitement,  dans  la  tribu  de  Joseph);  mais  la  confusion  de  A  et  de 
Μ  n'est  pas  si  facile,  et  d'ailleurs  le  nom  de  Dan  etait  trop  conuu. 

C.  5-8.  Theoriquement  du  moins,  au  i«'•  siecle,  le  peuple  d'Israel  etait  cense  forme 
encore  de  doiize  tribus  (Volz,  p.  311).  Si  Dan  est  omis,  ce  n'est  done  pas  pour  la  seule 
raison  que  cette  tribu  aurait  ete  eteinlc  (contre  dc  Weiie,  DUsierdieck).  Une  forte  tra- 
dition exegetique,  suivie  de  presque  tous  les  anciens  et  de  presque  tous  les  modernes, 
juge  cette  omission  intentionnelle  :  Dan  ne  serait  pas  nomme,  parce  que  c'est  une 


94  AI'OCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

των  έσ^ραγ'.σμένων  εκατόν  τεσσαράκοντα  τέσσαρες  χιλ',άϊες  *έσφραγισμ-ένο'.  έκ  ιζοίστ,ς 
φυλ•ϊ5ς  *υιών  'Ισραήλ.  5  έκ  *ο'^\•ης  Ί:ύ3α  δώ3εκα  χιλιάδες  έσφραγ'-σ'Αενοι,  έκ  ουλί^ς 
'Ρουβήν  δώδεκα  χιλιάδες*,  έκ  o'Slt^c,  Γάδ  δώδεκα  χιλιάδες'  6  έκ  φυλής  Άσήρ 
δώδεκα  χιλιάδες,  έκ  οχΐ^κτ^ς  Νεφθαλείμ  δώδεκα  χιλιάδες,  έκ  ουλής  Μανασση  δώδεκα 
χιλιάδες,  7.  έκ  φυλής  Συ;Λεών  δώδεκα  χιλιάδες,  έκ  φυλής  Λευει  δώδεκα  χιλιάδες, 
έκ  φυλής  '113^7.-/7.^  δοίδεκα  χιλιάδες,  8  έκ  φυλής  Ζαβουλών  δοίδεκα  χιλιάδες,  έκ 
φυλής  Ίο^σήφ  δο^δεκα  χιλιάδες,    έκ   φυλής  Βενια;ΛεΙν   δο)δεκα  χιλιάδες  έσφράγισμένοι. 

tribu  reprouvee,  comme  devant  donuer  naissance  a  I'Antechrist.  Cette  idee  est  due 
peut-^tre  a  une  interpretation  de  Gen.  xlix,  17  (Dan  compare  a  un  serpent,  a  una 
vipere),  ou  au  recit  des  mefaits  de  cette  tribu  au  temps  des  Juges  {Jud.  xviii).  Toujours 
est-il  que,  dans  le  Testament  de  Dan,  5,  una  alliance  semble  etre  predite  antra  Dan  at 
Beliar,  et  que  dans  le  Talmud,  tr.  Schabbaih,  66,  Dan  a  son  nom  associe  aux  ideas 
d'idolatrie  et  d'apostasie  (v.  Boussel,  Antechr.  p.  112-suiv.  et  Sivete,  ad  loc).  Irenee 
(v,  30,  2)  donne  sous  une  forme  plus  precise  cette  tradition  :  «  Jeremie.. .  a  manifaste 
la  tribu  d'ou  viendra  I'Antechrist  (Jer.  viii,  16  — •  Irenee  n'a  pas  vu  qu'il  ne  s'agit  la 
que  de  la  position  geographique  de  Dan)...  at  c'est  pourquoi  cetta  tribu  n'est  pas 
comptee  dans  I'Apocalypse  avec  celles  qui  sont  sauveas.  »  Meme  interpretation  chez 
Hippolyte  [Antechr.  14),  And.,  Aret/ias,  Bede,  etc.  Notons  pourtant  qua  ca  serait  trop 
dire  :  UAntechrist  dut-il  sortir  de  Dan,  ce  ne  sarait  pas  une  raison  pour  qu'il  n'y  eut 
un  certain  nombra  de  Danitas  converlis  et  sauves.  II  est  possible  :  a)  ou  bien  que  catta 
omission  soit  accidentella  :  Jean,  qui  a  distingue  Manasse  de  Joseph,  aurait  sacrifie 
au  hasard  un  des  autres  noms,  pour  faire  exactement  douze,  an  consarvant  le  nom  de 
Levi,  auquel  il  tenait;  et  alors  I'opinion  exegetique  chrelienna,  dont  la  premier 
temoin  est  Irenee,  et  qui  est  beaucoup  plus  claire  que  les  passages  juifs  indiques,  ne 
serait  fondee  qua  sur  cette  omission;  b)  ou  bien  cetta  opinion,  ou  quelque  autre  sam- 
blable  defavorable  a  Dan  existait  deja  au  ler  siecla,  et,  a  cause  de  cetta  croyanca,  pour 
une  raison  de  symbolisme  traditionnel,  Jean  eut  evite  de  le  nommer.  Ca  pourrait  otra 
uu  sigue  qu'il  a  utilise  ici  una  source  juiva.  Mais  il  ne  faut  pas  an  tirer  trop  da  conse- 
quences; car  I'attente  d'un  Antechrist  personnel  lui  parait,  dans  tout  la  livre,  absolu- 
mant  etrangere. 

II  faut  ramarquer  an  outre  qua  Joseph  est  nomme  a  la  place  de  son  fils  Ephra'im; 
I'enumeration,  dont  I'ordre  ne  coincide  pas  avac  celui  das  listes  de  ΓΑ.  T.,  est  faite 
suivant  un  arrangement  qui  pent  etre  suggere  en  partie  par  I'ordre  de  naissance  des 
patriarclies,  en  partie  par  la  situation  geographique  des  tribus,  a  partir  du  Nord,  —  la 
tribu  de  Juda,  celle  du  Christ,  etant  cependant  placee  en  tete  (cfr.  Sivete,  ad  loc). 

β.  Jean  voit  le  sort  spiriluel  de  tons  les  elus,  en  celle  i<ie  el  dans  I'autre  (vii,  9-17). 

Int.  —  Jean  vient  iii'entendre  que  beaucoup  de  ses  freres  de  race  seront  sauves; 
maintenant  illes  \Q\i,  nan  pas  seals,  mais  perdus  dans  la  foule  innonibrable  des  elus, 
oil  il  n'y  a  plus  de  distinction  de  Juifs  et  de  gentils ;  peut-etre  celle  foule  est-elle 
concue  comme  la  posterite  spirituelle  d'Abraliam  (Swete),  a  cause  du  lien  des  deux 
scenes.  La  page  qui  va  suivreest  une  des  plus  belles  du  Nouveau  Testament;  elle  ogale 
les  Lettres  aux  sept  eglises,  et  soutient  la  comparaison  avec  le  IV^  Evangile,  dont  elle 
a  beaucoup  de  traits;  deja  elle  fait  presager  les  radieuses  descriptions  des  ch.  XXI- 
XXII.  Cette  scene  a  inspire  des  oeuvres  dart  admirables  comme  I  «  Adoration  de 
lAgneau  »  des  van  Eyck,  et  elle  reste  une  de  celles  que  le  cfiretien  ne  saurait  se 
lasser  de  relire  et  de  niediter,  dans  les  peines  et  les  anxietes  d'ici-bas. 

Volter,  Vischer,  Plleiderer,  Schmidt,  attribuent  'J-17  a  un  auteur  secondairc  ou  a  un 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  95 

le  nombre  des  marques  dii  sceau  :  cent  quaraate-quatre  niilliers  marques 
du  sceau,  de  toute  tribu  des  iils  d'Israel  :  5  de  la  tribu  de  Juda,  douze 
milliers  marques  du  sceau,  de  la  tribu  de  Ruben  douze  niilliers,  de  la 
tribu  de  Gad  douze  milliers,  6.  de  la  tribu  d'Aser  douze  milliers,  de  la 
tribu  de  Nephthali  douze  milliers,  de  la  tribu  de  Manasse  douze  milliers, 
7.  de  la  tribu  de  Simeon  douze  milliers,  de  la  tribu  de  Levi  douze  mil- 
liers, de  la  tribu  d'Issachar  douze  milliers,  8.  de  la  tribu  de  Zabulon 
douze  milliers,  de  la  tribu  de  Joseph  douze  milliers,  de  la  tribu  de  Benjamin 
douze  milliers  marques  du  sceau. 

redacteur,  conune  une  interpolation  purement  chreiienne  faite  dans  un  ecril  juif  ou 
judeo-cJivelicn;  ΛΥογΙαιιά,  par  centre,  considere  ces  versets  comme  Juifs  [source  N),  et 
en  suppriine  la  mention  dc  I'Agneau,  li  c,  tandis  (/«'Erbes  separe  9-12  de  13-11  et 
ecartc  tons  les  elements  juifs  de  ce  cliapitre.  Spitta  rattache  ces  i'ersets  a  son  Apoca- 
lypse primitice  chretienne,  comme  continuation  du  ch.  VI,  et,  les  combinant  avec  VIII, 
1  et  quelques passages  de  XXI-XXII,  ily  voit  la  conclusion  de  cette  Apocalypse.  Toules 
ces  repartitions,  possibles  in  abstracto,  se  lieurtent  malheureasement  au  pro  fond  carac- 
tere  d'unite  que  revele  I'analyse  e.vacte  et  minutieuse  du  livre;  elles  montrent  seulement 
que  loeuvre  de  Jean  est  assez  ric/ie  de  materiaux  pour  qu'on  put  y  trouver  la  niaticre 
de  plusieurs  Apocalypses  moins  completes.  La  pensee  y  est  d'une  ampleur  et  d'une 
complexite  d'aspects  a  troubler  beaucoup  les  amateurs  d'uni/ateralisme.  —  Joh.  Weiss 
i'oit  a  I'oeuvre,  a  travers  tout  le  chapitre,  la  double  main  de  Jean  et  de  son  «  editeur  ». 
C'est  une  suite  de  sa  fausse  conception  exegetique.  —  De  fait,  comme  Bousset  la  deja 
observe,  la  tournure  generale  de  la  langue  et  du  style,  et  certaines  expressions  carac- 
teristiques  ([χετα  ταΰτα  εΐ3ον  (/.α\  ιδού).  —  ΙπΙ  παν  δένδρον,  —  εκραξεν  φωνϊ)  μεγάλη,  —  οϊς 
εδόθη  αύτοΐί,  δν  αριΟμησαι  αυτόν,  —  η/.ουσα  τόν  αριθμόν,  —  /ιλιάδες  έσφραγισμενοί,  —  εθνου;  χαΐ 
φυλών  κτλ,  —  εατωτίς...  περιβεβλημένους,  —  les  doxologies  a  sept  membres,  —  les  vete- 
ments  blancs,  — καθ.  ίπ\  τω  θρο'νω,  —  κΰκλω  του  θρο'νου,  —  έπεσαν  Ινώπιον  του  θρ.  etc.),  ratta- 
chent,  soil  les  deux  morceaux  du  ch.  VII  entre  eux,  soit  le  chapitre  tout  entier  aux 
precedents  et  au  corps  du  livre.  A  part  les  «  etats  construits  »(?)  de  VII,  1-8,  il  n'y  a, 
dans  la  syntaxe  ni  dans  la  construction,  aucune  particularite  qui  decele  une  source 
transcrite,  nicine  pour  cette  premiere  pericope  (v.  supra). 

A.  9.  μετά  ταΰτα  εΐδον,  stereot.  —  Au  lieu  de  είδον  καΙ...  πολύς,  on  lit  είδον  δ/λον  πολύν  A, 
boh.,  lat.,  syr?''';  ιδού  omis  N».  —  αυτόν,  «  hebra'isme  »  (Ιλτ.  c.  x,  §  II)  omis  A7id,  rcc.  A"., 
δν  change  en  και  dans  A.  —  Remarquer  les  changements  de  nombre  a  φυλών  κτλ.  — 
Ιστώτες,  accord  ad  sensuni  (έστωτας  rec.  K,  al;  έστώτων  o'-G-04,  α  1573-38-2020,  Orig.) 
coordonne  avec  Taccus.  περιβεβλημένους  (-vot  n<=,  a^-P-OSS,  al.  Bed.  Orig.  Vict.  Vulg.) 
et  plus  loin  le  nomin.  φοίνικες  (-κας  κ,  rec.  Κ.  Orig.  Arethas)  :  Int.  c.  x,  §  II.  Ces  fluc- 
tuations entre  Taccusatif  et  le  nominatif,  meles  dans  plusieurs  mms.,  s'expliquent  sans 
doute  par  I'hesitation  de  la  tradition  textuelle  entre  εΐδον  et  ιδού. 

Β.  9.  εκ  παντός  έθνους  κτλ,  formule  usuelle,  ν,  9;  xi,  9;  χιιι,  7;  χιν,  6;  χνιι,  15,  c'est-a- 
dire  dans  presque  toutes  les  parties,  signe  d'unite  de  main  (Int.  ch.  x,  §  III).  — 
«  robes  blanches  »  cfr.  vi,  11;  in,  4-5,  etc.  —  φοίνικες,  cfr.  ZeV.  xxiii,  42;  II  Esd. 
xvni  (vui),  15;  II  Mace,  x,  7;  I  Mace,  xiii,  51;  surtout  Joh.  xii,  13.  —  Pour  tout  le 
morceau,  cfr.  xxi  et  xxii,  les  descriptions  du  bonheur  celeste. 

C.  9.  La  formule  μετά  ταΰτα  (τούτο)  εΤδον  (ιδού)  annonce  toujours  I'apparition  d'une 
nouvelle  scene  ou  de  nouveaux  personnagos,  mais  pas  necessairement  un  «  acte  >> 
nouveau  (cfr.  xii,  3  και  ώφθη  άλλο  σημεϊον).  Ici,  par  example,  la  pericope  qui  commence 
est  etroitemont  liee,  non  seulement  aux  chapilres  iv-vi,  par  I'ldentite  de  lieu  et  de 


96  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

C.  vii,  9.  Μετά  ταΟτα  είοον,  *κχΙ  Icob  όχλος  7:ολύς,  *ον  άριθμησαι  *αΰτον  ojcuq 
έούνατο,  εκ  τταντ^ς  έθνους  καΐ  *φυλών  και  λαών  κα\  γλωσσών,  *έστώτες  ενώτ'.ον  του 
θρόνου  καΐ  ένώττιον  του  αρνιού,  *7;εριβεβλημένους  στολας  λευκάς,  καΐ  *9θ{ν'.κες  έν 
ταΐς  χερσίν  αυτών"  10.  Και  *κράζουσιν  φοινη  μεγάλτ,  λέγοντες*  Ή  σωτηρία  τώ  θεώ 
ημών  τώ  καθ-^με'νω  *έτι  τώ  Ορόνω  και  τω  άρνίω.  11.  Και  -άντες  οί  άγγελοι  *εξστή- 
κεισαν  *κΰκλω  του  θρόνου  και  τών  πρεσβυτέρων  και  τών  τεσσάρων  ζώων,  και  *ε7:εσαν 
ενώπιον  του  θρόνου  έπί  τά  τζρόσίύ-ζα  αυτών,  και  προσεκΰνησαν  τώ  θεώ,  12.  λέγοντες" 
'Αμήν,  ή  ευλογία  και  ή  δόξα  και  ή  σοφία  και  ή  ευχαριστία  και  ή  τψ,ή  και  ή  ουναμις 
και  ή  Ισχυς  τώ  θεώ  ημών  εις  τους  αιώνας  τών  α'.ώνο)ν'  αμήν    13.  Και  *άπεκρίθη  εις  έκ 


decor,  mais  encore  au  morceau  vii,  1-8.  Cette  «  foule  nombreuse  »,  que  Jean  voit 
apparaitre,  s'oppose  aux  144.000  Juifs  dont  il  vient  d'entendre  parler;  ceux-ci  pou- 
vaient  encore  se  denombrer,  tandis  que  personne,  fut-ce  un  Ange,  ne  s'avisera  de 
chiffrer  cette  multitude  totale  des  elus  —  car  c'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  cette  foule, 
d'apres  le  v.  14,  v.  ad  loc.  —  Les  «  palmes  «  la  caracterisent  comme  un  cortege 
triomphal,  et  rappellent  la  solennite  des  Tabernacles  {Levitique),  ou  les  celebrations 
de  victoires  dont  paa^lent  les  livres  des  Macchabees,  ou  mieux  encore  les  palmes 
qu'on  agita  devant  Jesus  lors  de  son  entree  a  Jerusalem,  quand  il  fut  acclame  Messie 
(Joh.  XII,  13).  Ce  dernier  rapprochement  est  meme  bien  seduisant,  si  nous  sommes 
obliges  de  croire,  avec  Joh.  Weiss,  que  la  grande  foule  est  representee  en  mouvement 
(ερχόμενοι,  v.  14),  en  defile  processionnel.  Les  vetements  blancs  confirment  cette  idee 
de  triomphe  (v.  Exc.  xii).  Mais  quelles  sont  cette  victoire  et  ces  victorieux?  Pour 
Tertullien  (Scorpiace,  12),  ce  sont  les  A'ainqueurs  de  I'Antechrist;  pour  Andre,  etc., 
aujourd'hui  Bousset,  Calmes,  Joh.  Weiss,  les  martyrs,  deja  recompenses,  du  temps 
futur  ou  la  persecution  aura  pris  un  caractere  universel.  Joh.  Weiss  croit  bien  que, 
pour  le  premier  auteur,  c'etaient  les  Chretiens  de  lagentilite,  distfncts  des  144.000  Juifs, 
qui,  sur  la  terre  meme,  s'avan^aient  en  cortege  au-devant  de  leur  Roi  celeste;  mais 
Γ  «  editeur  »  aurait  change  le  sens  de  la  scene,  et,  a  cause  du  blanc  et  des  palmes, 
il  eut  compris  la  foule  des  martyrs  glorifies  au  ciel;  c'est  par  megarde  qu'il  aurait 
laisse  subsister  le  v.  14,  qui  combat  cette  restriction  aux  martyrs.  II  aurait  done 
modifie  dans  ce  sens,  d'apres  le  modele  de  xxi,  3-suiv.  et  xxii,  4-suiv.  (Jerusalem 
celeste),  la  conception  et  le  tableau  de  Jean  d'Asie;  il  aurait  represente  les  martyrs, 
et  eux  seuls,  comme  admis  des  I'heure  de  leur  mort  en  presence  de  Dieu,  pour  lui 
servir  de  pretres  au  ciel.  Mais  cette  theorie  est  completement  artificielle,  et  repose 
uniquement  sur  la  fausse  interpretation,  que  Joh.  Weiss  prete  a  Γ  «  editeur  »,  des 
symboles  de  «  robes  blanches  »  et  de  «  victoire  ». 

Que  faut-il  done  admeltre?  II  est  exact  que  les  «  vέtements  blancs  »  ne  designaient 
pas  le  martyre  originairement  (Exc.  xii).  lis  ont  les  deux  sens  de  «  purete  »  et  de 
'<  victoire  »,  —  de  victoire  en  general  sur  le  monde,  avec  ou  sans  martyre,  et  ce  sont 
deux  aspects  que  Ton  ne  saurait  separer.  Quant  aux  «  palmes  »,  elles  sont  devenues 
plus  tard,  il  est  vrai,  I'embleme  iconographique  du  martyre ;  mais  rien  n'indique 
que  leur  signification  ait  ete  si  restreinte  a  cette  epoque  primitive.  Inutile  de  citer 
tous  les  passages  d'auteurs  profanes  qui  en  etablissent  le  sens  inconteste  :  c'est 
toujours  la  joie  de  la  victoire,  le  triomphe  a  I'arrivee  d'un  general,  d'un  roi,  ou, 
dans  I'Evangile,  de  Jesus  reqn  comme  Messie.  Le  mot  σ•*.ψο)αει  du  v.  15  est  peut-etre 
une  allusion  a  la  fete  des  Tabernacles  dont  le  symbolisme  dominerait  toute  cette 
scene ;  ou  bien  encore  a  la «  Schekinah  »  :  pc  =  σκϊ)νόυν.  Mais  pourquoi  se  passe-t-elle 
au  ciel,  quand  ce  qui  I'a  precedee,  I'impression  du  sceau,  a  du  se  faire  sur  la  terre? 
Cette  localisation  n'est  encore  qu'un  symbole,  I'explication  des  versets  suivants  va 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  97 

C.  VII.  9.  Apres  ces  clioses  je  vis;  et  voici  une  foule  nombreuse,  que 
pcrsonne  ne  pouvait  compter,  de  toute  nation,  et  de  [toutes]  tribus,  peupies 
et  langues,  se  tenant  debout  en  face  du  trone  et  en  face  de  TAg-neau, 
enveloppes  de  robes  blanches,  et  des  palmes  dans  leurs  mains.  10.  Et  ils 
crient  d'uiie  graade  voix,  disant  :  «  Le  salut  [est,  ou  revienne]  k  notre 
Dieu,  qui  est  assis  sur  le  trone,  et  a  I'Agneau!  ».  11.  Et  tons  les  Anges  se 
tenaient  debout  autour  du  trone,  et  des  Vieillards  et  des  Quatre  Animaux, 
et  ils  tomberent  en  face  du  trone  sur  leurs  visages,  et  ils  se  prosternerent 
devant  Dieu,  12.  disant  :  «  Amen!  La  benέdiction,  la  gloire,  la  sagesse, 
Faction  de  graces,  I'honneur,  la  puissance  et  la  force  k  notre  Dieu,  dans 
les  siecles  des  siecles!  Amen  ».  13.  Et  I'un  des  Vieillards  prit  la  parole. 


I'etablir.  Saint  Jean  represente  sous  la  forme  d'une  procession  continue  vers  le  ciel 
(Ιρχόμενοι),  et  d'une  liturgie  celebree  au  ciel  (λατρεύουσιν,  v.  15),  la  vie  des  elus  qui, 
au  milieu  des  calamites  exterieures,  marchent  a  la  recompense  eternelle,  et  dont 
I'ame,  en  quelque  sorte,  est  deja  etablie  au  ciel,  grace  aux  arrhes  de  la  joie  et  du 
triomphe  qu'elle  possede,  pour  y  louer  Dieu  en  compagnie  des  Bienheureux.  Deja 
saint  Paul  disait  aux  Philippiens  :  «  Notre  vie  de  citoyens  est  au  ciel  »  {PJiil.  iii,  20). 
Swete  dit  avec  une  parfaite  justesse  :  «  Life  before  the  throne  of  God  is  life  wherever 
spent,  if  it  is  dominated  by  a  joyous  consciousness  of  the  Divine  presence  and  glory  ». 
Les  derniers  versets  decriront  leur  sort  futur,  dans  la  beatitude  consommee,  apres 
la  mort  et  le  jugement  (15c-17).  La  meme  conception  se  retrouvera  aux  chapitre,s 
XIV,  XV,  et  XX ;  elle  transparaissait  deja  dans  les  Lettres.  II  y  a  deux  ideas,  en  relation 
etroite  d'ailleurs  I'une  avec  I'autre,  mais  non  dualite  de  mains. 

A.  B.  10.  Pour  κράζουσιν,  present  qui  repond  bien  au  caractere  actuel,  intem- 

porel  (timeless,  Stseie),  de  la  scene,  on  lit  Ικραζον  (1073,  vulg.,  Cypr.,  Prim.,  arm.)  ou 
κράζοντες  {And.,  Arethas,  boh.)  —  Ir.l  του  θρ,  N'=,  Q,  al.  (ΓλΤ.  ch.  x,  §  II)  —  ή  σωτηρία 
κτλ.  cfr.  xii,  10;  xix,  1;  Ps.  in,  9  :  Π2;ϊΙΰ;ΐΠ  mnlS. 

C.  10.  Ces  fideles  attribuent  a  Dieu  et  a  I'Agneau,  indivisiblement,  leur  salut 
consomme  ou  en  expectative.  Dieu  est  appele  «  Sauveur  »  par  saint  Paul,  Tim.  alibi); 
ce  n'est  pas  I'empereur,  dit  Swete,  qui  merite  le  nom  de  Σ^οττ^ρ  qui  lui  donnait  alors 
la  flatterie.  Gette  exclamation  se  rapproche  de  Γ  «  Hosannah  »  de  Joh.  xii,  13,  ce 
qui  confirme  assez  notre  exegese.  Origene  (Sch.  xxxiii)  a  tres  bien  vu  qu'il  ne  s'agit 
pas  ici  des  seuls  martyrs;  cette  foule  est  sortie  de  la  Ql^i;  μεγάλη  «  par  le  martyr 
et  la  confession  »,  mais  δη'λον  8τι  κα\  τών  άλλων  περιστάσεο^ν  των  δίά  Χριστόν,  ας  Ιπάγουσιν 
τοΓς  Ίησοΰ  μαΘηταΐς  οί  πονηροί  ανθρο^οί  τε  καί  δχίμονες.  Gar  tous  ceux  qui  suivent  JesuS 
ont  a  souffrir  la  persecution  (saint  Paul,  II  Tim.  in,  12)  et  a  en  sortir  vainqueurs. 

■^— ^  A.  B.  G.  11.  Κύκλοι  του  θρ.  cfr.  IV,  6.  —  επεσον  pour  έπεσαν,  comme  ν,  8;  έπεσαν 
κτλ,  cfr.  IV,  10;  χι,  16.  «  Voyez,  dit  Andre,  il  se  fait  une  unique  eglise  des  Anges  et 
des  hommes  ». 

A.  B.  C.   12.  καΐ  ή  aocaia  maaque  dans  A,  mais  ces  mots  sont  certainement 

authentiques,  car  la  doxologie  est  encore  septuple.  Les  termes,  sans  raison  apparente, 
different  un  peu  de  ceux  de  toutes  les  autres;  mais  ils  se  retrouvent  un  a  un  dans• 
diverses  doxologies  bibliques.  —  <ii-i-^'>,  comme  i,  7;  v,  14;  xix,  \.  —  L'armee  des  Anges 
celeb  re  la  Redemption. 

— — —  A.  B.  C.  13.  άποκρίνεσθαι,  au  sens  de  «  prendi'e  la  parole  »  (njy)  est  employe 
dans  les  LXX  et  dans  les  Evangiles.  Dans  cette  question  (cfr.  IV  Esd.  u,  44,  et 
modeles  dans  Zac/i.  iv,  2,  5)  il  ne  faut  voir  aucun  symbolisme  special;  mais  elle  sert 

APOC.'VLYPSE    DE    SAINT  .ΙΕΛΝ.  7 


98  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

των  ■ττρεσβυτέρων  λέγων  μοΓ  Ou-ci  οί  ττεριβεβλ-ι^μένο'.  τας  ατολας  τας  λευ/.ας  τίνες 
είσΐν  και  πόθεν  ήλθον ;  14.  Και  *ειρη•/.α  αυτώ"  Κύριε  μ,ου,  συ  οιίας.  Και  ειχέν  μοι* 
Ουτο(  είσιν  ct  *έρ-/6μενοι  ε/,  της  θλί'^εως  της  μεγάλης,  και  έπλυναν  τας  στολας  αυτών 
χαι  έλεύκαναν  αΰτας  εν  τω  αι'ματι  τοΰ  άρνίου.  15.  Δια  τουτό  *ε'.σιν  ενο^πιον  του  θρόνου 
του  θεοΐ3,  καΐ  *λατρε•ύουσιν  αΰτω  ήμ.έρας  και  νυκτός  εν  τω  ναω  αυτοΰ,  και  ό  καθήμενος 
έπΙ  του  θρόνου  *σκηνο)σει  έπ'  αυτούς.  16.  Οΰ  πεινάσουσιν  *ετι  οϋοέ  οιψήσουσιν  *ετι. 
*ούδέ  μη  ζέση  έπ'  αϋτοΰς  δ  ήλιος  *οϋοέ  παν  *καΰμα,  17.  'ότι  το  άρνίον  το  *άνά  μέσον 
του  θρόνου  *ποιμανεΐ  αυτούς  και  *όδηγήσει  αϋτοΰς  επί  ζωής  πηγας  ΰδάτο)ν  και  εξαλεί- 
ψει ό  θεός  παν  δάκρυον  εκ  των  οφθαλμών  αΰτων. 

a  dramatiser  le  recit,  et  a  montrer  I'inleret  que  les  plus  hautes  creatures  angeliques 
portent  a  riiumanite  rachetee. 

•^—-^  A.  B.  14.  £ipr,xa  {rec.  K.,  al.  εΤπον)  est  authentique  et  employe  intention- 
nellement,  pour  rendre  la  scene  plus  presente  :  «  Et  [alors]  je  lui  ai  dit..  »  (Boussei, 
Sivete.  Int,  c.  x,  §  III)  —  άπό  pour  έκ  (Λ)  —  ή  6Xr|i?  ή  αεγάλη,  cfr.  ιι,  22  Mat.  χχΐν,  21, 
et  parall.,  et  pour  le  sens,  θλΐ"ψις  de  i,  9,  et  πειρασμός  de  vii,  10.  —  «  le  sang  de  I'A- 
gneau  »,  cfr.  xn,  1.  —  Bien  uoter  que  έρ/όμενοι  est  au  present,  et  que,  si  I'auteur  avait 
voulu  parler  d'une  arrivee  qui  ne  fut  pas  continuee  sous  ses  yeux,  il  aurait  ecrit 
έλθο'ντες ;  car  il  use  volontiers  du  participe  aoriste. 

C.  14.  Puisque  saint  Jean  appelle  ce  Vieillard  «  κύρ'.Ξ  »,  c'est  quil  n'est  pas  un 
simple  representant  de  I'Eglise  terrestre  (v.  au  c.  iv).  —  On  entend  generalement, 
a  cause  de  Mat.,  la  «  Grande  Tribulation  »  des  dernieres  persecutions,  du  temps  de 
I'Antechrist,  etc.  Passe,  pourvu  qu'on  se  souvienne  que  les  «  novissima  tempora  », 
ainsi  que  Taction  de  I'Antechrist,  coincident  avec  toute  la  vie  de  I'Eglise  (Int.  c.  viii- 
IX,  et  comment,  de  xxi-xxii).  Geux  qui  «  en  viennent  »  —  ce  participe  present  est 
tres  significatif!  —  sont,  pour  la  plupart  des  commentateurs,  des  martyrs.  [Bousset, 
Calmes,  Joh.  Weiss  pour  Γ  «  editeur  »,  etc.).  Mais  Holtzmann  a  fort  bien  vu  que  les 
termes  memes  de  ce  verset  etendent  la  signification  a  tous  les  pecheurs  convertis; 
et  Beatus  avait  deja  tranche  peremptoirement  la  question  :  «  Non,  ut  aliqui  putant, 
martyres  soli  sunt,  sed  omnis  ecclesia;  non  enim  »  in  sanguine  suo  «  lavari  dixit,  sed 
in  sanguine  Agni  »  (cite  par  S^fete;  cfr.  Orig.  supra).  Si,  xii,  11,  la  victoire  des 
martyrs  est  attribuee  au  sang  de  I'Agneau,  c'est  que  la  raort  de  Jesus  est  la  cause 
de  leur  Constance  comme  de  tout  autre  acte  de  vertu  surnaturelle;  il  ne  faut  jamais 
restreindre  le  sens  d'expressions  si  generates  quand  le  contexte  n'y  oblige  pas,  ce  qui 
n'est  point  le  cas  ici. 

— —  A.  B.  15.  Remarquer  soigneusement  les  presents  εϊσιν,  λχτρεύουσιν,  qui  se 
lisent  partout,  et  sont  partout  suivis  du  futur  σ/.ψώσει  (γινώσκει,  seulement  a).  — 
λατρεύουσιν,  cfr.  xxii,  3;  pour  I'idee,  i,  6;  v,  10;  xx,  6.  —  σκηνοΰν  rend  I'heb.  pu;  dans 
les  LXX;  c'est  un  mot  exclusivement  johannique  dans  le  N.  T.  Jo/i.  i,  14;  Apoc., 
encore  xn,  12;  xiii,  6;  xxi,  3;  d'apres  xii  et  xin,  il  ne  pent  signifier  une  habitation 
temporaire  (vid.  ad  loc).  —  «  Nuit  et  jour  »,  comme  les  Animaux,  iv,  8. 

C.  15.  La  felicite  de  cette  foule  revet  une  forme  liturgique,  dont  le  modele,  observe 
Holtzmann,  pourrait  ^tre  le  service  du  Temple  (εν  τω  νάω)  ού  residait  la  «  Schekinah  » : 
de  la  le  mot  σκηνώσει,  pour  signifier  la  presence  de  Dieu  comme  au  Saint  des  Saints, 
avec  allusion  possible  a  la  fete  des  Tabernacles  [Swete).  Le  «  temple  de  Dieu  «. 
c'est  aussi,  dit  Andre,  toute  creature  renouvelee  par  le  Saint-Esprit,  en  laquelle  Dieu 
fait  sa  demeure.  «  Nuit  et  jour  »,  avec  ce  commentateur,  pourrait  se  prendre  simple- 
ment  au  sens  figure  (comme  iv,  8),  pour  signifier  que  les  louanges  sont  ininter- 
rompues.  Mais  on  pourrait  observer  que,  dans  les  chapitres  xxi-xxii,  qui  ofTrent  tant 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  99 

me  disaiit  :  «  Ceux-ci,  qui  sont  enveloppes  dans  les  robes  blanches,  qui 
sont-ils,  et  d'ou  sont-ils  veniis?  »  li.  Et  je  lui  ai  dit  :  «  iMon  seigneur,  toi, 
tu  le  sais  ».  Et  il  me  dit  :  «  Ceux-ci  sont  ceux  qui  viennent  de  la  Grande 
Tribulation,  et  ils  ont  lave  leuis  robes,  et  ils  les  ont  blanchies  dans  ]e 
saug•  de  I'Agneau.  15.  A  cause  de  cela,  ils  sont  en  face  du  trone  de  Dieu, 
et  ils  lui  rerident  leur  culte  de  jour  et  de  nuit  dans  son  temple,  et  Celui 
qui  est  assis  sur  le  trone  etendra  sa  tente  sur  eux.  16.  Ils  n'auront  plus 
faim  et  ils  n'auront  plus  soif,  et  jamais  ne  tombera  sur  eux  le  soleil  ni 
aucune  ardeur  brulante,  17.  parce  que  FAgneau  qui  est  au  milieu  du  trone 
sera  leur  berger,  et  les  g'uidera  vers  les  sources  des  eaux  de  la  vie;  et 
Dieu  essuiera  toute  larme  de  leurs  yeux  ». 

d'analogies  avec  ce  morceau,  11  est  dit  formellement  qu'il  n'y  a  plus  de  temple  (xxi,  22\ 
ni  de  nuit  (xxi,  25;  xxii,  5).  N'y  aurait-il  done  pas  la  un  contraste  voulu  avec  la  scene 
presente?  G'est  que  la  ils'agitde  la  vue  future,  ici  de  la  «  vie  eternelle  »,  comme 
dirait  le  4«  Evangile,  de  la  vie  surnaturelle  sans  distinction  de  ses  deux  phases  de 
grace  et  de  gloire.  Quand  tout  sera  consomme,  il  n'y  aura  plus  lieu  a  intercession, 
plus  d'autel,  plus  de  sacrifice,  plus  d'alternance  de  lumiere  et  d'ombre,  tandis  que 
dans  I'etat  present  de  la  vie  sanctifiee,  que  figurent  cette  procession  et  cette  liturgie, 
la  priere  des  Anges  et  des  bienheureux  deja  couronnes  se  fond,  pour  ainsi  dire,  avec 
celles  de  la  terre,  ou  le  jour  et  la  nuit  se  combattent. 

A  la  fin  du  verset,  les  verbes  passent  au  futur,  pour  y  demeurer,  dans  tous  les 
meilleurs  temoins.  «  The  vision  becomes  a  prediction  »  {Swete).  Cela  n'indique  pas, 
comme  le  pretend  Cabnes,  que  tout  le  tableau  regarde  I'avenir;  mais  le  changement 
est  inlentionn.el,  et  tres  significatif  (Int.  c.  x,  §  III).  Les  verbes  au  present  se  rap- 
portent  a  I'etat  inlerieur  des  fideles,  commence  des  ici-bas;  le  passage  au  futur, 
accentue  encore  par  les  deux  ο•3...  ϊτι  du  verset  suivant,  montre  que  la  vision  du 
bonheur  intime  actuel  s'epanouit  en  une  prophetie  de  la  vie  bienheureuse  dont  jouiront 
les  elus,  apres  la  mort  et  le  jugement;  il  y  a  succession  ou  melange,  comme  ailleurs, 
des  α  εΐσίν  avec  les  α  [μέλλει  γίνειθα•.  μετά  ταύτα. 

— ^  Α.  Β.  C.  16.  ετι^  omis  Χ,  quelques  And.,  af.,  vnlg.,syr.,  δο//.;  ετ-.-  dans 
quelques  mss.  grecs  differents  des  precedents,  g,  boh;  ainsi  la  boha'irique  seule  omet 
les  deux.  —  καυαα,  synonyme  de  καύσων,  nom  du  sirocco.  La  nature  des  biens  promis, 
opposes  a  la  famine,  a  la  soif,  a  la  secheresse  du  desert,  eveille  des  reminiscences 
de  I'Exode  {Joh.  Weiss).  Le  style  est  tout  a  fait  «  johannique  »,  comme  au  verset 
suiA^aijit;  Joh.  iv,  14;  vi,  35;  vii,  37;  et  Ps.  xxni,  2;  Is.  xxv,  8;  xlix,  10.  Le  double  ε'τι, 
avec  les  futurs,  montre  assez  qu'il  s'agit  de  I'avenir  :  «  Et  [alors]  ils  n'auront  plus 
faim,  etc.  ». 

■■  A.  17.  ποιμαίνει  pour  ποιμανεί",  et  όδηγεϊ  pour  δδηγτ|σει  rec.  Κ  (sauf  Q),  quelques 

And.,  Grig.;  mais  tous  ont  le  futur  Ιξαλείψει  (εξελεΐ,  qqs.  And).  —  άνχ  με'σον  veut  dire 
ici,  non  pas  «  entre  »,  sens  habituel,  mais  «  au  milieu  de  »,  comme  έν  μέσο). 

Β,  C.  17.  ποιαανεΓ,  cfr.  Joh.  χ,  4,  et  Apoc.  xiv,  4,  pour  le  sens,  quoiqu'il  s'agisse 
lade  la  vie  spirituelle  sur  terrc;  mais,  comme  dit  Swete,  «  the  Divine  shepherding 
and  guidance  of  men  belongs  to  the  future  as  well  as  to  the  present  life,  and  in  the 
future  only  meets  with  a  full  response  >>.  Le  litre  de  «  pasteur  »  etait  donne  a  Jahweh 
Ps.  XXII  (xxiii),  1-suiv.,  Ps.  lxxix  (lxxx),  1;  Is.  xl,  11;  Ezech.  xxxiv,  23.  La  meme 
image  s'applique  ailleurs  au  Messie,  ii,  25;  xii,  5;  xix,  15,  mais  dans  un  tout  autre 
sens,  inspire  du  Ps.  ii,  9,  celui  de  la  domination  sur  ses  ennemis.  —  «  Et  Dieu 
essuiera  toute  larme  de  leurs  yeux  »,  assurement  dans  la  seule  vie  future,  cfr.  Is. 


100  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

XXV,  8.  Ces  figures  si  douccs  et  si  penetrantes  reparaitront  dans  les  deux  derniers 
cliapitres.  G'est  une  image  hardie  et  admirable,  que  celle  de  1'  «  Agneau  »  qui  deA'ient 
«  berger  >'.  L'Agaeau  est  un  berger-roi,  il  a  pris  possession  du  trone  de  Dieu  (ivi 
μ.εσον  τοΰ  Op.),  ce  qui  etait  deja  suppose  par  les  doxologies  du  ch.  v.  —  Les  «  eaux 
de  la  vie  »  (grace  et  gloire,  habitation  du  Saint-Esprit)  sont  une  image  babylonienne, 
egyptienne,  et  egalement  bibliqiie;  Dieu  est  «  la  fontaine  de  vie  )>  Ps.  xxxv  (xxxvi), 
10;  elle  est  surtout  johannique,  Joh.  iv,  10,  12,  14;  vii,  38  et  suiv.,  Apoc.  x\i,  6;  xxii, 
1,  17. 

5°  Rupture  du  7^  et  dernier  sceau  (viii,  1). 

Im.  —  Le  Ih're  se  trouvant  desormais  oui>ert.  I'execution  de  ses  decrets  va  pouvoir 
commencer  en  detail.  Aucun  critique  ne  separe  ce  verset  du  corps  des  chap.  VI  et  VII; 
mats  Spitta  le  place  avant  VII,  9-S'iii>.  qui  coimncnce  pour  lui  la  description  du  bon- 
heur  celeste,  fin  dune  apocalypse. 

C.  ΛΠΙΙ.  1.  Κα•  *ίτε  ήνο'-ςεν  τήν  σ^ρχγίιχ  τήν  έβοόμην,  έγίνετο  σιγή  έν  τω  ςυρανω 
ως  *r,;j.iojpcv, 

« 

C.  νπί.  1.  Et  lorsqu'il  eut  ouvert  le  septieme  sceau,  il  se  fit  un  silence 
au  ciel  comme  [d'    une  demi-heure. 

A-B  1.  —  0T£  de  x,  Q,  P,  Orig.  And.,  Aretlias,  tous  les  minuscules,  est  a  preferer, 
avec  Bousset,  a  όταν  de  A,  G  (Tisc/i.,  W-H,  Nestle,  Soden),  parce  que  όταν,  dans 
VApoc,  gouverne  regulierement  le  subjonctif.  —  ή;χ;ώρον,  hap.  leg.  (Ιχτ.  c.  x,  §  I) 
dans  A,  G,  est  admis  de  Tisch.  W-H,  Nestle,  Swete;  ailleurs,  ή,αιώρ-.ον,  forme  correcte, 
mais  peut-έtre  corrigee.  —  On  peut  comparer,  si  Ton  veut,  avec  Bousset.  le  silence 
de  Daniel  apres  le  songe  de  Nabuchodonosor  [Dan.  iv,  βώραν  μιίαν  Theodotion). 

C.  1.  Ce  silence  impressionnant  marque  I'attente  anxieuse  des  creatures  les  plus 
hautes  et  les  plus  spirituelles,  pendant  que  le  Livre  des  destinees,  maintenant  descelle, 
se  deroule.  Get  effet  dramatique  ne  se  juge  bien  que  si  Ton  admet  la  theorie  de  Zalin 
(Supra,  Exc.  xvii).  II  ne  faut  done  pas  voir  dans  ce  silence  I'incertitude  du  Deuxieme 
Avenement,  non  plus  qu'un  bref  intervalle  -de  repos  pour  I'Eglise  apres  I'Antechrist 
[And.,  Bede,  Albert,  medievaux),  ou  le  commencement  de  I'eternite,  avec  Vict,  et  de 
vieux  auteurs  qui  appliquaient  ici  la  «  recapitulation  ».  L'ouverture  du  7«  sceau  n'a 
rien  termine;  au  contraire,  elle  donne  au  jugement  la  faculte  de  commencer.  G'est 
pourquoi  elle  n'est  pas  suivie  d'une  vision  propre,  comme  les  precedentes  :  o'est  tout 
I'ensemble  de  I'Apocalypse,  et  d'abord  les  catamites  des  trompettes,  qui  va  sortir  en 
quelque  sorte  de  ce  dernier  sceau  rompu.  II  ne  faut  pas  dire  ici  que  «  notre  attente 
est  degue  »,  si  notre  attente  est  eclairee  par  une  exacte  conception  du  plan  de  I'auteur. 


Β.   VISIONS  DBS  SEPT  TROMPETTES 
viii,  2-xi,  18. 

Ikt.  —  Desormais  Jean,  d'line  maniere  prophetique,  va  voir  s'executer  effectivement 
Ics  decrets  du  Livre  scelle  sur  I'ensemble  de  I'Univers,  mais  principalement  sur  le 
nionde  ennemi  de  Dieu.  Λα  point  oil  nous  en  sommes,  Ics  agents  divins,  sous  la  double 
forme  de  cavaliers  ranges  devant  le  Trone,  ou  d'une  nieute  de  vents  tenus  en  laisse 
par  des  Anges,  demeurent  encore  immobiles,  dans  Vattente,  et,  pour  ainsi  dire,  sous 
pression.  Mais  le  Livre  est  deroule,  les  decrets  en  deviennent  executoires,  et  le  signal 
va  leur  etre  donne  de  selancer  sur  leur  champ  de  carnage,  par  Sept  Trompettes  dont 
la  derniere  sonne  la  fin  du  monde.  Quand  les  fieaux  s'clanceront,  ils  auront  change 
de  forme  symbolique ;  il  ne  sera  plus  question  de  chevaux  ni  de  vents,  mais  de  signes 
cosmiques,  de  chutes  d'etoiles  [P^-i^  trompettes),  de  sauterelles  fantastiques  (5<=  trom- 
pette),  dune  armee  diabolique  de  deux  cents  millions  de  cavaliers  [6^  trompette); 
transformations  moins  etranges  pour  I'imagination  orientate  que  pour  notre  gout 
d'Europcens  logiques.  Dans  les  visions  de  Jean,  ces  diverses  figures  se  remplacent 
comme  des  mots  synonymes  dans  une  phrase;  le  proccde  pent  s'etudier  sur  le  vif, 
dans  I'exemple  typique  du  chapitre  XIV,  lS-20'-  (v.  ad  loc). 

On  pent  relever  dans  la  vision  des  Trompettes  assez  de  traits  pour  ctablir  I'iden- 
tite  fonciere  des  fieaux  decrits  la  avec  ceux  que  le  Prophete  avait  vus  se  preparer  au 
del.  Si  les  calamites  des  4  premieres  trompettes  rappellent  d'abord  les  plaies  d'Egypte, 
cependant  a  la  P^{VIII,  7),  la  destruction  des  vegetaux  fait  naturellement penser  a  la 
famine  qui  doit  s'ensuivre  {3'^  cavalier).  I^es  eaux  changees  en  absinthe,  a  la  3°, 
qui  font  mourir  les  hommes  par  leur  amertume,  ne  sont  pas  sans  rapport  avec  le 
i^  cavalier,  /'Epidemie  {VIII,  10-11).  Les  bouleversements  cosmiques  de  la  4^  quils 
soient  a  prendre  au  sens  propre  ou  figure  {VIII,  12),  rappellent  tout  a  fait  ceux 
du  6°  sceau.  A  la  5^  I'invasion  des  sauterelles  sortant,  sous  la  conduite  de  I'Ange 
Abaddon,  de  lAbinie  =  I  Enfer,  {IX,  1-11),  pourrait  expliquer  partiellement  pourquoi 
I'  «  Hades  »  a  paru  avec  les  Cavaliers.  Enfin  le  carnage  de  la  Cavalerie  a  la 
6'^  trompette  realise  horriblement  la  vision  du  Cavalier  au  cheval  rouge.  Pour  la 
?e  trompette,  la  mer  changee  en  sang,  v.  ad  loc.  D'autre  part,  le  ch.  XI  representera  la 
conversion  des peuples,  autrement  dit  les  victoires salutaires  du  Cavalier  au  cheval  blanc. 

Mais,  siiivant  le  procede  ordinaire  {cfr.  ch.  VII,  1-3,  plus  bos  VIII,  13,  X,  etc.) 
une  vision  angelique  vient  encore  s'intercaler  entre  les  deux  sections  qui  se  joignent 
ici,  comme  pour  faire  la  transition  cntre  la  Vision  des  Sceaux  et  celle  des  Trom- 
pettes; ou  bien  c'est  un  prelude  aux  Trompettes,  comme  XV,  5-XVI,  1  aux  Coupes. 

1"  Les  Anges  aux  trompettes  et  I'Ange  a  VEncensoir;  derniere  preparation 
au  chdliment  du  monde  (viii,  2-6). 

Ιλτ.  —  Pour  Volter,  Weyland,  Erbes,  Bruston,  et  pour  Job.  ^^'eίss  aussi  {excepte 
VIII,  '2;  5b-12,  qui  seraient  de  Γ  «  editeur  »;  cfr.  Charles,  infra),  les  deux  chapitres 
VIII-IX  se  rattachent  (sauf,  aux  yeux  de  Vun  ou  de  I'autre,  quelques  rarcs  inter- 
polations, notamment  le  v.  12  de  VIII),  au  corps  des  chapitres  precedents  (Jean-Marc 
de  Volter;  Ν  de  Weyland;  «  Apoc.  de  62  »  d'Erbes;  «  le  disciple  »  de  Bruston;  Jean 
de  Joh.  Weiss).  Mais  Spitta  fait  commencer  ici  son  J*  [sous  Caligula),  Briggs  veut 
y  voir  une  apocalypse  anciennement  dctachee,  et  Schmidt,  jusqu'a  XI,  15,  un  des 
trois  grands  morceaux  de  sa  compilation ;  la  constatation  generale  de  l unite  de  langue 
suffit  a  ecarler  ccs  dernieres  theories. 


102  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

C.  VIII.  2.  Kx'i  ε1$ον  τους  έτττα  αγγίλνυς  οΐ  έν<')7:',:ν  του  Οεοΰ  έστήκασιν,  και 
*έΒίΟ•ί;σαν  αϋτοίς  έζτα  σάλττιγγες. 

3.  Κα;  άλλος  άγγελος  ήλΟεν  καΓ  έστάΟν;  έζΐ  ^ου  θυσιαστηρίου,  έ'/ο^ν  *λ'.βανωτον 
χρυσοΰν.  κα'.  έοόΟη  αϋτω  θυμιάματα  τολλά,  ϊνα  *οο')σε',  *ταΤς  ττροσευχαΐς  των  αγίων 
τάντων  έ-Ί  *το  θυσιαστήριον  το  χρυσοΰν  το  ένώττ'.ον  του  θρόνου.  4.  ΚαΙ  άνέβη  β  κα-νος 
των  θυμιαμάτων  *ταΤς  ττροσευχαΐς  των  άγ(ων  έκ  χειρός  του  αγγέλου  ένώττιον  του  θεού. 
5.  Και  *ε•λ•^Φεν  ο  ά'γγελος  τον  λιβανωτόν,  και  έγέμ',σεν  αΰτον  έκ  του  -ττυρος  του 
θυσιαστηρίου,  κα\  εβαλεν  ε'.ς  τήν  γην.  Κα';  έγένοντο  βρονται  και  φωναι  και  άστρα-αΐ 
και    σεισμός. 

6.  Κα'ι  οί  έ-τά  άγγελοι  οί  έχοντες  τάς  επτά  σάλ-ιγγας  ήτοι'μ.ασαν  αυτούς  ίνα 
σαλττίσωσιν. 


Α-Β.  2.  τους  επτά  ou  τους  omis  dans  tres  peu  de  mss.  (Av  20-r  l-l•',  al.)  —  εδόθη,  A,  al, 
«  construction  pindarique  «  pour  εδόθησαν.  —  A  ces  «  7  Anges  »  cfr.  Tobie  xn,  15  : 
«  les  sept  Anges  qui  marchent  devant  la  face  du  Saint  » ;  les  Archanges  au  nombre  de 
sept :  Hen.  etii.  xx,  xc,  Test.  Levi  viii,  rabbins ;  ou  de  six  :  Hermas  Vis.  in,  4  Targ,  Ps. 
Jon.  a  Deut.  xxxiv,  6,  rabbins;  ou  de  quatre  :  Hen.  eth.,  (Parab.)  xl,  liv,  lxxi;  al.;  ou 
de  trois  dans  Hen.  si.  Cfr.  les  «  Anges  de  la  Face  »  ou  «  de  la  Presence  »  dans  les 
Jubiles  surtout,  i,  ii,  xv,  xxxi,  puis  dans  Hen.  eth.  (Parab.),  Test.  etc.  —  Pour  les 
Trompettes,  v.  Exc.  xx,  infra. 

C.  2.  C'est  une  etrange  meprise  d'estimer  que  le  septieme  sceau  n'elait  la  «  que 
pour  faire  norabre  » ;  sa  rupture,  en  realite,  permet  seule  de  derouler  le  livre.  II  est 
naturellement  sous-entendu  que  I'Agneau  le  lit,  et  donne  ses  ordres  en  consequence 
aax  Anges  qui  sent  ses  agents.  Geux-ci,  avec  leurs  trompettes,  donneront  le  signal  aux 
executeurs  immediats  des  Λ-engeances,  cavaliers,  vents  funestes,  demons,  ou  autres 
figures  qui  s'effacent  pour  que  toute  I'attention  se  concentre  sur  le  resultat  de  leur 
action. 

Ces  Anges  sonl  des  figures  connues,  comme  le  montre  I'article  τους  devant  ϊ-τά.  Ce 
seniles  «  Anges  de  la  Face  »  ou  les  «  Anges  de  la  Presence  >>.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de 
discuter  ici  sur  le  rapport  possible  de  leur  nombre  avec  celui  des  AmesliasSpentas 
(six,  et  sept,  quand  on  compte  Aliura-Mazda  a  leur  tote);  car  un  emprunt  de  forme  a 
une  religion  etrangere  n'entrainerait  pas  un  emprunt  d'idees,  et  ne  nuirait  en  rien  a  la 
verite  des  croyances  juives  et  chretiennes  sur  un  ordre  hierarchique  des  Anges 
(v,  Lagraxge,  art.  Iran  dans  le  Diet.  Apol.  de  d\\les).  Leurs  «  trompettes  »  sont  une 
image  eschatologique  traditionnelle;  elles  sonnent  la  destruction  du  monde  profane, 
mais  sont,  par  leur  origine  meme,  une  masique  de  joie  et  de  delivrance  pour  les  elus 
(v.  Exc.  xx).  EUes  sont  sept,  comme  le  dit  Andre,  parce  qu'elles  conduisent  le  siecle 
present  a  son  «  sabbat  «,  qui  est  le  repos  des  saints.  Aux  chapp.  xv-sq.,  il  y  aura  de 
meme  sept  coupes  par  analogie. 

'  A.  B.  3.  Forme  έστάδη,  cfr.  vi,  17,  et  xii,  18  (v.  ad  loc.)  —  i-i  το  θ.  A,  al.  — 

ίνα  δώστί,  Orig.,  And,  rec.  K.  (Ιχτ.  c.  x,  §  II)  Bousset,  Soden.  —  ταϊς  προσευχαίς  (τας  πρ.  : 
mss.  du  type  Andre,  g;  vidg.  :  de  orationibus)  est  un  «  dativus  commodi  ».  —  λιβανωτο'ς 
n'a  pas  ici  son  sens  ordinaire  d'  «  encens  » ;  mais  d'instrument  pour  I'encensement 
(LXX  :  πυρείΌν,  Oubxn,  θυμιατνίριον) ;  il  servait  a  transporter  le  feu  de  I'autel  des  holo- 
causles  sur  I'autel  des  parfums  ou  se  faisait  I'oblation  de  I'encens;  voir  £'.r.  xxvii,  1-7 
et  XXX,  1-10.  —  Cfr.  pour  Taction  de  cet  Ange,  I'intercession  des  Anges  de  la  Face  qui 
sacrifient  et  ofTrent  de  I'encens  pour  les  saints  Test.  Levi  in,  5-7;  encore  xviii,  5;  Test. 
Juda,  XXV,  2;  intercession  de  I'Archange  Michel,  Bar.  grec,  xii-xiii,  etc.;  intercession 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


103 


C.  VIII.  2,  Et  je  vis  les  Sept  Ang'es  qui  sont  debout  en  face  de  Dieu,  et 
il  leur  fut  donne  sept  Trompettes. 

3.  Et  im  autre  Ange  Yint,et  il  se  tint  debout  sur  I'autel,  ayant  un  encen- 
soir  en  or,  et  il  lui  fut  donue  des  parfams  abondants,  afin  de  [les]  offrir 
{litt.  donner)  pour  les  prieres  de  tons  les  saints  sur  I'autel  en  or  qui  est  en 
face  du  trone.  k.  Et  la  funiee  des  parfums  monta  avec  la  priere  des  saints 
de  la  main  de  TAnge  en  face  de  Dieu.  5.  Et  I'Ange  a  pris  I'encensoir;  et  il 
le  remplit  du  feu  de  I'autel,  et  il  [le]  jeta  sur  la  terre.  Et  il  se  fit  des  ton- 
nerres  et  des  voix  et  des  eclairs  et  un  ebranlement. 

6.  Et  les  Sept  Anges  qui  avaient  les  sept  Trompettes  se  preparerent  k 
sonner  de  la  trompette. 

des  Anges,  en  general,  dans  la  Bible,  7.acli.  i,  12;  Tobie  xii,  12;  cfr.  Hen.  eth.  ix,  xv, 
XL,  CIV,  etc.  —  cfr.  les  coupes  de  parfums  des  Vieillards,  Apoc.  v,  8. 

G.  3.  Cet  Ange  est-il  Michel,  on  Γ  «  Ange  de  la  Paix  »,  comme  Charles  se  le 
demande?  (Studies,  pp.  158-161).  Jean  ne  nous  le  dit  pas,  et  n'a  sans  doute  point 
pense  a  ces  precisions  cheres  aux  apocryphes.  L'important,  ici,  c'est  la  doctrine  de 
I'intercession  des  Anges  pour  les  horames  ,  que  nous  avons  deja  notee  au  cli.  v.  II 
faut,  croyons-nous,  malgre  les  autorites  de  Si\'ete,  de  Calmes  et  de  Charles,  qui  n'ad- 
mettent  ici  qu'un  seul  aulel,  I'autel  d'or,  se  representer  cet  Ange  d'abord  debout  sur  le 
large  aulel  des  holocaustes  (vi,  9),  sous  lequel  on  a  vu  groupees  les  ames  des  mar- 
tyrs; s'il  s'agissait  du  petit  autel  des  parfums,  I'image  serait  plutot  bizarre  [Bousset). 
II  n'aA'ait  pas  plus  ete  question  jusqu'ici  d'un  autel  des  parfums  dans  le  ciel,  au 
moins  d'une  maniere  explicite,  que  d'un  autel  des  holocaustes  aΛ'ant  le  chapitre  vi.  C'est 
que  les  chapitres  iv  et  ν  ne  fournissaient  encore  que  I'essentiel  de  la  description  :  en 
realite  le  Prophete  voit  au  ciel  tout  un  decor  et  un  mobilier  de  temple  qu'on  ne  soup- 
Qonnait  pas,  avec  un  «  Saint  »  ou  est  I'autel  des  parfums  (que  les  «  coupes  »  des  Vieil- 
lards presupposaient  deja),  et  un  «  Saint  des  Saints  »  qui  s'ouvrira  plus  tard  (xi,  19; 
XIV,  17;  XV,  5-suiv.;  8;  xvi,  17  v.  ad  loc.).  Ce  temple  celeste  est  de  I'Apocalyptique  tra- 
ditionnelle,  7>si.  Levi,  Hen.  eth.  53,  Od.  Sal.,  Talm.,  Midrashim,  etc.  (Int.  c.  v,  i,  §  III). 

Peut-etre,  suivant  une  belle  idee  de  Charles,  le  silence  dramatique  de  viii,  1,  s'est-il 
fait,  en  partie  du  moins,  pour  qu'on  entende  au  ciel  monter  la  priere  des  saints  souf- 
frant  sur  la  terre,  oii  ils  implorent  la  justice  et  appellent  le  Regne  de  Dieu,  qui  va  se 
preparer  au  son  des  trompettes.  Ce  sont  les  prieres  de  «  tons  les  saints  »,  et  non  seu- 
lement  des  martyrs  deja  immoles  de  vi,  5,  qui  ont  etc  directement  regues  de  Dieu; 
mais  elies  tendent  au  meme  but.  Maintenant  leur  parfum  s'exhale  au  contact  des 
charbons  ardents  que  I'Ange  a  apportes  du  grand  autel.  Swete,  apres  Bede,  pense  ici 
au  sacrifice  du  Christ,  qui  donne  I'efiicacite  a  nos  supplications,  melangees  a  I'inter- 
cession continuelle  de  I'Homme-Dieu;  Γ  «  autel  d'or  »,  pour  Entire,  representait  le 
Christ.  Le  martyre  a  ete  ci-dessus  considere  a  part,  comme  un  sacrifice  ofTert  sur 
I'autel  des  holocaustes.  Mais  la  priere,  dans  la  Bible,  etait  deja  comparee  au  sacrifice 
non  sanglant  de  I'encens.  Ps.  cxli  (gxl)  2  :  «  Que  ma  priere  soil  devant  ta  face  comme 
I'encens  — etl'elevation  de  mes  mains  comme  ToiTrande  du  soir.  « 

— ^  A.  C.  4.  ταΓς  προσευ/αΓς  (της  προσευ/ης  α  1576-150-2057,  «  de  oralionibus  »  vulg.) 
doit-etre  ici,  selon  Moulton,  un  «  datif  associatif  »,  varieto  du  datif  instrumental  : 
«  avec  les  prieres  ».  — C-o3-04  a  ajoute  apres  του  θεού  les  mots  ημέρας  /ιλία^  διακοσίας 
Ιξτ^κοντα,  ce  qui  est  une  glose,  derivee  duch.  xi  (v.  ad  loc.),  etc.,  mais  une  glose  juste, 
car  ces  prieres  montent  en  eflfet  durant  tout  le  temps  de  la  grande  tribulation. 

'  A.  B.  5.  και  σε:σαο'ς  omis  chez  Arethas ;  nous  avons  traduit  «  ebranlement  » 


104  APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 


parce  qu'il  n'est  pas  sur  que  ce  soil  un  «  tremblement  de  terre  »,  les  voix,  les  ton- 
nerres,  etc.  retenlissant  surement  au  ciel,  autour  du  trone.  Ainsi,  dans  Tepopee 
tremble  lOlympe  quand  Zeus  engage  sa  volonte.  —  βρονταί...  φωναί..  κτλ.,  cfr.  en  tout 
ou  en  partie,  iv,  δ;  vi,  1;  x,  3-4  (les  7  tonnerres);  xi,  19;  xiv,  2;  xvi,  18;  xix,  6,  c'est-a- 
dire  des  passages  de  toute  la  section  prophetique.  —  Le  parfait  είληιρεν  peut  viser  un 
effet  dramatique. 

C.  5.  Les  versets  3-5  sont  un  prelude  a  la  sonnerie  des  trompettes,  comparable  a  xv, 
5-8,  prelude  de  reffusion  des  coupes  (v.  ad  loc).  L'ange  jette,  non  pas  I'encensoir, 
mais  son  contenu  (Holtzm.)  c'est-a-dire  ce  qui  reste  de  cliarbons  ardents  non  deposes 
sur  I'autel  d'or;  il  le  verse  sur  la  terre,  qui  revolt  ainsi  la  derniere  marque  pour  la 
malediction.  Alors  les  tonnerres,  signe  de  la  vengeance  imminente  de  Dieu,  rompent 
subitement  le  silence  d'une  demi-heure.  La  justice  symbolisee  par  ce  feu  va  fondre 
sur  le  monde  coupable  [Joh.  Weiss;  cfr.  Mat.  in,  10-11;  I  Cor.  iii,  13;  II  Tliess.  1,  8; 
II  Pet.  Ill,  12).  Cast  une  reminiscence  d'Ezec/i.  x,  2,  oii  un  Ange  prend  des  charbons 
du  temple  de  Jerusalem  pour  les  disperser  sur  la  ville  vouee  aux  calamites. 

Remarquons  la  double  action  du  meme  ange  intercesseur  :  le  meme  feu  sert  a 
degager  le  parfum  des  prieres  des  saints,  et  a  vouer  la  terre  au  chatiment.  Ce  sont, 
observe  Jo/i.  Weiss,  les  deux  grands  thfemes  des  exposes  qui  vont  suivre  :  Taction 
symbolique  preliminaire  doit  a  la  fois  rassurer  les  communautes  fideles  et  terrifier  les 
eunemis  de  Dieu  et  des  Chretiens.  II  y  a  un  lien,  signifie  par  I'usage  du  meme  instru- 
ment, entre  les  deux  actes  de  I'Ange,  et  les  prieres  des  martyrs  vi,  10,  des  hommes 
marques  du  sceau  vii,  9-17.  Des  exegetes  anciens  et  modernes,  a'Andro  a  Holtzmann, 
voient  en  effet  dans  le  chatiment  I'eiTet  des  prieres  des  saints.  Le  premier  note  bien  du 
reste  que  leur  but  dernier  est  la  conversion  des  pecheurs;  et  les  saiqts  eux-memes, 
ajoutent-ils,  desirent  la  souffrance  pour  expier  leurs  fautes  en  cette  vie.  S.  Augustin 
disait,  a  propos  de  vi,  10  :  «  Ipsa  est  sincera  et  plena  justitiae   et  misericordiae  vin- 

dicta  martyrum,  ut  evertatur  regnum  peccati Non  enim  contra  ipsos  homines,  sed 

contra  regnum  peccati...  petierunt,  quo  regnante  tanta  perpessi  sunt »  (De  serm.  Domini 
in  monte,  lib.  i,  77). 

Ce  rapport  du  feu  avec  la  priere  fait  deja  prevoir  que  les  fideles  du  ch.  vii  seront 
epargnes  (v.  viii,  4).  Mais  dans  quel  sens  et  dans  quelle  mesure?  II  y  a  deux  manieres 
d'interpreter  les  fleaux  des  trompettes;  ou  bien  on  les  prendra  au  sens  metaphorique, 
ce  seront  avant  tout  des  punitions  morales,  au  moins  directement  :  ainsi  I'absinthe,  les 
sauterelles,  I'inhumanite  des  Cavaliers,  Dieu  abandonnant  les  pecheurs  au  dechaine- 
ment  des  vices  et  des  remords;  et  Ton  pourrait  invoquer  en  faveur  de  cette  interpre- 
tation VEp.  aux  Romains.  chap,  i-ii,  qui  represente  apocalyptiquement  les  chatiments 
moraux,  les  vices  prives  et  publics,  comme  une  descente  de  la  colere  de  Dieu;  ou 
encore,  et  cela  est  plus  probable,  il  s'agit  bien,  en  general,  de  calamites  directement 
materielles  ;  les  justes  auront  comme  tous  les  hommes  leur  part  de  la  θλίψις,  mais  ils 
n'en  seront  pas  accables,  ils  y  acheveront  leur  purification,  et  en  sortiront  «  ΥΆ\η- 
queurs  ».  C'est  une  vue  plus  complete. 

—— —  A-C.  6.  σαλπίζω,  mot  de  basse  grecite  pour  σαλπίγγω.  —  Tout  est  pret  mainte- 
naat  pour  I'execution  des  jugements  divins;  I'ecrivain,  par  toutes  ces  scenes  prelimi- 
naires,  a  porte  a  une  haute  tension  I'attente  inquiete  dulecteur. 

EXC.  XX.  LE  SENS  DES  TROMPETTES  APOCALYPTIQUES. 

Le  son  des  trompettes  Immaines  et  angeliques  a  plus  d'un  effet  dramatique 
dans  ΓΑ.  T.  II  prelude  a  la  promulgation  de  la  Loi  sur  le  Sinai  [Ex.  xix,  16,  19) ; 
les  sept  trompeltes  des  pretres  font  crouler  les  murailles  de  Jericho  [Josue,  vi, 
13-20);  enfm,  JoUlu^  elles  annoncent  le  «  jour  de  Jahweli  ».  —  Dans  le  N.  T.,  les 


Η 


ArOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN,  105 

Anges,  avec  la  irompette,  rassembleront  les  elus  des  quatre  vents  [Mat.  xxiv, 
31).  Cfr.  I  Cor.  xv,  52  «  au  son  de  la  derniere  trompelte —  car  la  irompette 
retentira,  et  les  morts  ressusciteront  incorruptibles  »,  et  I  Thess.  iv,  16  :  «  a  la 
voix  de  TArchange,  au  son  de  la  trompette  divine,  le  Seigneur  lui-meme  des- 
cendra  du  ciel,  et  ceux  qui  sont  morts  dans  le  Christ  ressusciteront  d'abord  ».  ' 

II  est  certain  qu'on  a  affaire  a  une  tradition,  qui  se  trouve  largement  repre- 
sentee dans  les  Apocryphes.  Dans  YApoc.  Mo'ise,  22,  la  trompette  (de  Michel) 
convoque  les  Anges  au  jugement  d'Adam  apres  la  chute;  IV  Esd.  vi,  23  met  son 
retentissement  au  nombre  des  signes  precurseurs  de  la  fm  du  monde;  au  meme 
livre,  v,  4,  avant  I'apparition  de  (?)  TAntechrist,  quelques  mss.  latins  portent 
«  post  tertiam  tubam  »  (al.  turbatam,  d'autres  supposent  diem,  tempora).  Dans 
\  Apoc.  Abraham  xxxi,  Dieu  lui-meme  sonne  de  la  trompette  et  envoie  son  Elu 
grouper  son  peuple,  Cfr.  encore  Sib.  vm,  239;  la  Sibylle  citee  dans  Lactance 
Inst.  div.  VII,  16,  parmi  les  ouvrages  de  Bede  (P.  L.  xc,  1183),  et  divers  autres 
apocryphes  tardifs  mentionnes  par  Bousset  dans  son  Antechrist.  pp.  166-167.  En 
dehors  du  Judaismo  et  du  christianisme,  on  pent  meme,  avec  cet  auteur,  en 
rapprocher  le  cor  qu'embouclie  Heimdallr  dans  le  «  Crepuscule  des  Dieux  ». 

Tous  ces  derniers  lextes  joignent  la  trompette  au  jugement,  mais  pas  toujours  au 
jugement  pris  du  cote  menagant  et  lugubre.  Dans  ΓΑ.  T.,  excepte  Joel,  il  s'agit 
d'alliance  avec  Dieu,  puis  d'une  victoire  eclatante  d'Israel;  dans  Mat.^l  I  Thess.., 
la  sonnerie  annonce  le  rassemblem.ent  et  le  bonheur  definitif  des  elus;  de  meme 
dans  V Apocalypse  d' Abraham.  Dans  la  priere  Shmone  "Esre,  10,  les  Juifs  disent 
a  Dieu  :  «  Sonne  dans  la  grande  trompette  pour  notre  delivrance,  et  dresse  une 
banniere  pour  le  rassemblement  de  nos  exiles  »  ;  dans  le  Ps.  Sal.  XI,  1,  Jerusa- 
lem est  reveillee  par  la  trompette  pour  voir  ses  enfants  ramenes  par  le  Seigneur. 
Eliezer  benHyvkanos  et  Aqiba  [Talm.  Babyl.,  tr.  Rosch  haschana.,  11  b  et  16a) 
meltcnt.  Fun  les  sonneries  du  mois  de  Tischri  en  relation  avec  la  delivrance 
future,  qu'il  croit  devoir  se  faire  en  ce  mois,  Tautre  celles  de  la  nouvelle  annee 
avec  les  promesses  de  misericorde  qu'elles  rappellent  a  Dieu.  Aussi  Volz,  p.  310, 
dit-il  assez  justement  :  «  Le  son  de  la  trompette  est  destine  generalement  a 
reveiller  le  salut,  et  a  annoncer  que  Dieu  se  leve On  se  represente  la  deli- 
vrance prenant  vie  au  son  des  trompettes.  » 

II  nous  semble,  d'apres  cela,  qu'on  peut  bien  fixer  le  sens  general  des  trom- 
pettes de  notre  Apocalypse  :  en  dormant  le  signal  dc  la  destruction  du  monde 
impie,  elles  Iiatent  le  salut  et  la  recompense  des  justes,  la  consommation  du 
regne  de  Dieu;  elles  sonnent  le  triomphe  aiix  oreilles  des  elus. 

Le  passage  de  I  Cor.  (rapproche  du  problematique  IV  Esd.  v,  4  ou,  Volz  juge 
qu'on  pourrait  voir  «  vielleicht  eine  verstiimmelte  Trompetenapokalypse  »),  laisse 
presumer  qu'il  existait  une  tradition  sur  plusieurs  trompettes  eschatologiques, 
peut-etre  sept.  Comme  leur  retentissement,  ainsi  que  nous  I'allons  voir,  setcnd 
sur  tout  le  cours  de  Thistoire  terrestre,  depuis  la  glorification  du  Christ  jusqu'a 
la  fin  du  monde,  Jean  a  peut-etre  applique,  en  le  restreignant  a  ces  «  novissima 
tempora  »,  le  vieux  schema  des  sept  epoques ;  peut-etre  encore  la  repartition  des 
calamites  en  sept  groupes,  —  ce  qui  contraste  avec  les  Cavaliers  et  les  Vents,  quoi- 
qu'il  s'agisse  des  memes  realites,  —  lui  a-t-clle  ete  inspiree  uniquement  par  la 
tradition  des  sept  Archanges;  a  moins  que  ce  ne  soit  par  la  division  du  monde 
en  sept  parties,  chez  les  pythagoricienset  ailleurs;  il  no  manquait  pas  de  modeles 


106  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

de  ce  genre,  qu'on  trouvera  enumeres  chez  Boll,  pp.  60  suiv.  inutile  de  dire 
que  Jei-emias,  cedant  encore  ici  a  son  innocente  manie,  a  rapproche  les  7  trom- 
pettes  de  7  dieux  stellaires  babyloniens.  Enfin,  et  c'est  Fhypotiiese  qui  nous  plai- 
rait  le  mieux,  s'il  fallait  en  choisir  une,  la  forme  litteraire  de  la  vision  a  pu  subir 
■  riniluence  dune  tradition  eschatologique  qui  transparait  IV  Escl.  vii,  30,  d'apres 
laquelle  la  destruction  du  monde  doit  sc  prolonger  sept  jours,  comme  la  creation ; 
ainsi,  depuis  que  la  parole  dela  «  Nouvelle  creation  »  a  retenti,  une  semaine  sym- 
bolique  acheminerait  le  monde  au  repos  de  leternite.  Mais  ce  n'est  qu'un  sym- 
bole,  car  les  trompettes  ne  repondent  ni  a  des  jours,,  ni  a  des  periodes  (Int.  c.  v, 
",  §  I,  4). 

2^-6".  LA  SERIE  DES  TROMPETTES. 

Ιλτ.  —  Ces  Trompeltes  sonl  surcinent  eschalologiques,  mais  d'linc  eschatologie  qu'il 
faitl  prendre  au  sens  large  (I.m.  c.  v,  vui).  Elles  commencenl  a  retentir  une  demi- 
heure  apres  que  le  Livre  a  ete  deroule,  et  le  son  de  la  derniere  coincide  acec  la  fin 
du  monde  (\r,  15-18);  c'esl  dire  qu'elles  embrassent  tout  I'dge  de  la  Redemption,  depuis 
I'intronisation  de  I'Agneau,  ou  lAscension  du  Christ  (c.  v),  en  d'autres  termes  toute 
la  premiere  phase  du  Regne  de  Dieu,  celle  qui  est  μετά  διωγμών  [Marc,  χ,  30). 
Parmi  les  fails  qui  leur  correspondent,  et  que  la  «  recapitulation  »,  dont  it  faut  savoir 
user  tnoderement  en  cetle  section,  fera  reparaitre  dans  la  section  XII-XX  {sauf 
quelques  nuances  d'extension  ct  de  points  de  vue),  il  en  est  done  de  passes,  d'acluels 
et  de  fulurs  par  rapport  a  I'epoque  de  la  vision  joliannique. 

Les  sept  «  plaics  »  qui  vont  suivre  decricent  sous  des  traits  tout  a  fait  generaux 
ct  universels,  —  ce  en  quoi  elles  se  distinguent  des  «  Sept  Coupes  »  {XV-XVI}  qui  ant, 
au  moins  en  premier  lieu,  un  rapport  plus  special  avec  le  milieu  historique  de  TEmpire 
romain,  —  la  ruine  du  monde  Jiostile  a  la  domination  de  Dieu.  Elles  se  repartissent, 
comme  les  Sceau.r,  et  meme  les  Lettrcs,  et  plus  tard  les  Coupes,  en  deux  series 
respectivement  de  k  et  de  3  membres  (Int.  c.  vh).  Cette  regie  qui  s''appUque  dans 
tous  les  septenaires  aurait  d/1,  comme  le  note  fort  bien  Boll.  p.  67,  n.  2,  empdc/ier 
Joh.  Weiss  de  les  attribuer  a  une  autre  main  que  les  Coupes.  Pour  celui-ci,  Jean  n'eut 
compose  que  le  prelude  3-5,  la  vision  de  I'Aigle  (VIII,  13)  et  les  trois  derniers  flaaux, 
les  3  «  Vae  »  [IX-s.).  Le  reste,  VIII,  2,  6;  η-12;  13b;  IX,  1;  13-U.  19  seraitde  I'  «  Edi- 
teur  »  qui  eat  introduit  le  schematisme  des  7  Anges,  et  ajoute  les  ί  premieres  plaies 
pour  faire  sept,  en  les  assimilant  aux  autres  scries.  Cette  vue  est  artificielle,  comme 
toute  sa  t/ieorie,  mais  elle  vaut  mieux  pourtant  que  celle  de  Galmes,  pour  qui  la  serie 
primitive  eiit  ete  de  i,  et  les  trois  derniers  fleaux  ajoutes  pour  parfaire  le  nombre  1 ; 
car  les  «  Vae  »  sont  bien  moins  schematiques  que  le  reste,  et  n'ont  nullement  I'air 
de  remplissage.  Charles  (Studies,  p.  146-152)  regarde  au  contraire  VIII,  Ί-12  comme 
une  interpolation,  dans  leur  position  ct  leur  forme  actuelle,  el  propose  d'ordonner 
autrement  le  texte  de  ce  qui  reste,  avec  des  changenients  :  trois  Anges  au  lieu  de  sept. 
Tous  ses  arguments  sc  Iteurtent  au  fail  que  le  caractere  original  du  septenaire  est 
suffisammcnt  garanti  par  les  paralleles ;  et  ses  considerations  sur  la  langue  out  peu 
de  portee  pour  ce  qu'il  affirme;  ainsi  pour  πολλοί  των  ανθρώπων,  VIII,  11,  le  mot 
πολύς  est  frequent  dans  I  Apocalypse,  el  rien  ne  pouvait  empecher  Jean  de  le  prendre 
une  f ο  is  au  sens  partilif,  qui  est  Ires  regulier.  Le  suj'et,  dans  VIII,  7-12,  precede  onze 
(ou  douze)  fois  le  vcrbe  (sur  dix-neuf),  landis  qua  partir  de  VIII,  13,  et  au  ch.  IX, 
lordre  est  presque  toujours  inverse;  mais,  sur  ce  point,  Jean  η  a  pas  de  regie  fixe; 
ainsi  au  6^ sceau  du  ch.  VI,  le  suj'et  vient  le  premier  huit  fois;  on  pent  noter  du  reste 
que  jamais,  dans  celle  pericope,  I'objet  ne  precede  le  verbe;  en  somme,  il  n'y  a  done 
aucunc  particulnj'iie  serieitse  de  construction  qui  indique  une  source. 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  107 


2»  Les  quatve  premieres  trompetles  (viii,  7-12). 

I.\T.  —  Ces  premiers  fleau.r,  comme  ccux  dcs  quatre  Premiers  sceaux,  ferment  un 
tableau  d'ensemble  :  c'est  la  colore  de  Diea  s'appesantissant  siir  la  nature  inanimee, 
decor  de  la  vie  humaine,  avant  de  fondre  directement  sur  I'humanite.  lis  o/frent 
line  analogic  partielle,  deja  vue  par  Irenee,  avec  les  plaies  d'Egypte  dans  I'Exode 
(Adv.  Haer.  iv,  30,  4).  lis  peuvent  aussi  repondre  aux  «  Signes  dans  le  ciel  »  de 
I'escliatologie  synoptique  (Luc,  XXI,  11  —  Joh.  Weiss).  II  ne  faut  pas  c/ierclier  de 
progression  d'une  calamitc  a  I'autre,  ni  les  prendre  a  la  lettre,  ni  les  considerer 
comme  representant  des  realites  successives  de  I'avenir  [comparer  vm,  7  a  ix,  4,  ad 
loc).  C'est  un  schema  etabli  d'aprcs  le  seul  principe  de  la  division  dii  monde  en 
quatre  parties,  —  ou  de  la  nature  en  quatre  elements,  terre,  eau  [dedoublee  sn  eaux 
marines  et  en  eaux  douces),  feu  et  air,  si  Von  en  rapproche  le  septieme  fleau;  car 
Jean,  tout  en  se  servant  des  cadres  traditionnels,  se  permettait  pourtant  de  les 
desserrer  et  de  les  briser.  Nous  verrons  aux  «  Sept  Coupes  »  [c.  XVI),  une  repartition 
absolument  paralUde.  L'ordre  est  logique,  non  chronologique ;  et  rien  nindique  qu'il 
faille  y  voir  lallegorie  de  faits  /lumains  de  I'histoire;  toutes  les  applications  de  cette 
nature  faites  par  les  evegetes  anciens  sortent  absolument  du  sens  litteral;  les  rappro- 
chements cherches  par  Renaa  et  Tecole  «  zeitgeschiclitlicli  »  avec  divers  cataclysmes 
du  premier  siecle  ne  proiivent  que  I'ingeniosite  dc  ces  commentate itrs,  qui  n'a  pourtant 
pas  suffi  a  leur  faire  reconnaitre  Ic  caractcre  traditionnel  et  schematique  de  ces 
grandioscs  lieu.r  communs  (Ι\τ.  c.  v). 


A.  B.  7.  εν  Άψιχ-ζι,  instrum.  —  «  meles  de  sang•  »,  cfr.  xv,  2;  «  pluie  de  feu  et  de 
sang  »,  dans  Sib.  V,  vers  377.  —  Cfr.  Ex.  ix,  24,  la  septieme  plaie  d'Egypte. 

C.  7.  La  prohibition  de  vii,  1,  de  nuire  aux  arbres  et  a  la  verdure,  est  done  retiree; 
c'est  arbitrairement  que  Holizm.  suppose  la  destruction  de  la  verdure  limitee  aussi  au 
tiers.  Schoettgen  note  la  meme  restriction  au  tiers  dans  divers  ecrits  rabbiniques. 
—  C'est  la  plaie  de  la  terre,  qui  n'a  pas  une  pleine  correspondance  aA'^ec  celle  de  la 
l'••^  Coupe,  xvi,  2. 

.  A.  B.  8.  Dans  les  7  plaies  des  trompettes,  I'adjectif  precede  invariablement 
le  substantif  (6  5euj.  άγγ.,  etc.),  ce  qui  est  en  favour  de  I'unite  de  main.  —  ώς  montre 
que  ce  n'etait  pas  a  proprement  parler  une  montagne;  plutot  une  etoile.  Cfr.  J6r.  li, 
25  (dit  de  Babylone),  et  les  «  montagnes  briilantes  »  a'Hen.  6th.  xviii,  13;  xxi,  3; 
cviii,  4.  —  Cfr.  la  plaie  du  Nil,  Ex,  vii,  20,  et,  la  «  Deuxieme  Coupe  »  Apoc.  xvi,  3. 

C.  8.  Voici  la  plaie  de  la  mer,  qui  est  frappee  comme  le  Nil  a  la  premiere  plaie 
d'Egypte;  le  fait  que  dans  une  masse  liquide  continue  11  n'y  a  encore  qu'^n  tiers  de 
transforme  montre  qu'il  *n'y  a,  ici  comme  ailleurs,  qu'une  figure  conventionnelle,  qui 
ne  saurait  se  realiser  a  la  leltre.  La  montagne  est  surnaturelle,  puisqu'elle  tombe  du 
ciel;  il  serait  trop  mesquin  d'y  voir  un  bolide,  et  contraire  a  la  figuration  d'expliquer 
I'image  par  quelque  eruption  historique  d'un  volcan  sous-marin  dans  les  Cyclades, 
etc.  (cfr.  Renan).  D'apres  lien.  eth.  xviii,  et  le  symbolismc  des  Anges-etoiles,  on 
pourrail  penser  que  tous  ces  cataclysmes  sont  produits  par  des  agents  personnels; 
Andrd  dit  que  la  montagne  est  le  Diable.  Ici,  toulefois,  ce  n'est  pas  certain. 

A.  9.  τα  ε/^οντα,  nominatif  non  construit  (Ι?ιτ.,  c.  x,  §  III,   ou  apposition  a 

t-^'tov.  —  ζιεοθάρ,η,  plus  regulier,  rec.  K. 

~—^—  B.  C.  10.  Cfr.  Is  XIV,  12  (?).  —  Cost  au  tour  des  eaux  doucos;  la  limitation 
a  un  tiers  dcs  llcuves  et  des  sources  est  encore  bien  artificielle,  a  moins,  si  Ton  veut, 
que  I'etoile  n'ait  convert  de  ses  debris  un  tiers  de  la  terre  ferme.  Getlc  etoile  est-elle 
unAngc?En  tout  cas,  le  parallelc  de  la  chute  dc  I'etoile  Gohlkar  {Bundchesh,  xxx. 


108  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

C  VIII.  7.  Κα:  c  τ.ρωτος  έσάλτησεν  καί  Ιγένετο  -/άλαίΤα  v.y.l  ~\>ρ  με;αιγμένα  *έν 
αι'ματι  και  εβλήθη  εΙς  τήν  γην"  καΐ  το  τρίτον  τη;  γης  %y--=;/ar^,  7.y.\  το  τρίτον  των 
δένορων  κατεκάη,  και  ττας  χόρτος  χλωρός  κατεκάη. 

8.  Και  *ό  οεύτερος  άγγελος  έοάλκίτεν'  καΐ  *ώς  ορός  μέγα  ττυρί  κα'.όμ.ενον  εβλήθη 
εις  τήν  θάλασσαν"  και  έγένετο  το  τρίτον  της  θαλάσσης  αίμα,  9  καΐ  άτΐεΟανεν  το  τρίτον 
των  κτισμάτων  των  εν  τη  θαλασσή,  *τα  έχοντα  ψυχάς,  και  το  τρίτον  των  -πλοίων 
διεφθάρησαν. 

10.  Και  ό  τρίτος  ά'γγελος  έσάλ'κίσεν  και  επεσεν  έκ  του  ουρανού  αστήρ  μέγας  καιό- 
μενος  ώς  λαμτνάς,  και  εττεσεν  έχί  το  τρίτον  των  ποταμών  και  έπι  τας  πηγας  των 
ύδάτο)ν.  11.  Και  το  όνομα  του  αστέρος  λέγεται  *ο  *"Αψινθος.  Και  έγένετο  το  τρίτον 
των  υδάτων  ε'.ς  ά'ψινθον,  και  πολλοί  των  ανθρώπων  απέθανον  *έκ  των  υδάτων  ότι 
επικρ άνθη σαν. 

12.  Κα;  :  τέταρτος  άγγελος  έσά/,π-σεν  και  έπλήγη  το  τρίτον  του  ηλίου  και  το  -tpi-z) 
της  σελήνης  και  το  τρίτον  των  αστέρων,  *Γνα  σκοτισΟή  το  -ρίτζΊ  αυτ(7)ν  και  ή  ήμερα 
μή  οάνη  *το  τρίτον  αυτής,  και  ή  νυξ  όμοίοίς. 

18,  31),  avant  la  fin  du  mcnde,  mentionne  par  Boasset,  est  un  trait  qui  peut  bien 
avoir  ete  emprunte  par  les  Perses  a  I'apocalyptique  juive  et  chretienne,  comme 
beauco<ip  d'autres.  La  fin  du  ch.  vi  nous  a  montre  toutes  les  etoiles  deja  tombees  du 
ciel;  mais  il  n'y  a  pas  contradiction,  car  il  ne  s'agissait  pas  encore  en  ce  passage 
d'effets  realises  (cfr.  Joh.  Weiss). 

— —  A.  B.  11.  "Αψινθος  est  feminin  ιΙ.\τ.  c.  x,  §  II);  aussi  ό  est-il  omis  N,  al,  ou 
le  substantif  change  en  ίϊψίνθιο?.  —  έκ  (A  :  έ::•)  marque  ici  la  cause;  c'est  un  des 
nombreux  emplois,  dans  I'Apoc,  de  cette  preposition  envahissante  (Int.  c.  v,  §  I).  — 
«  Absinthe  »,  symbole  de  souffrances,  surtout  morales,  chez  les  Prophetes,  passim, 
par  exemple  Jer.  ix,  14-15;  xxin,  15;  cfr.  iv  Esd.  v,  9  :  in  dulcibus  aquis  salsae 
invenientur.  —  Cfr.  la  «  3^  Coupe  »,  xvi,  4-7,  ou  les  eaux  douces  sont  changees  en  sang. 

C.  11.  L'empoisonnement  des  sources  et  des  eaux  courantes  eveille  en  premier 
lieu  I'idee  d'epidemies,  suiΛ'ant  les  prejuges  de  I'epoque,  comme  le  4^  Cavalier;  mais 
le  nom  symbolique  d'  «  Absinthe  »,  qui  signifie  amertumes,  chagrins,  semble,  par 
exception,  transporter  ce  ileau  dans  le  domaine  moral.  Disons  que  Jean  a  combine 
diverses  idees.  Sur  un  autre  point  le  parallelisme  avec  les  autres  fleaux  se  trouve 
derange  :  il  ne  meurt  pas  un  «  tiers  »  des  hommes,  mais  seulement «  beaucoup  » ;  c'est 
que  le  massacre  du  tiers  des  hommes  est  reserve  au  ileau  de  la  Sixieme  Trompette, 
comme  le  plus  graxe  de  tons  :  signe  de  I'unite  du  morceau.  Si  Jean  n'a  employe 
qu'ici  πολλοί  au  sens  partitif,  au  lieu  dune  mesure  determinee,  c'est  qu'il  n'a  pas  eu 
ailleurs  les  memes  raisons  (cfr.  Charles,  supra). 

A.  B.  12.   ίνα  signifie  ici   «  en  sorte  que  »  (Int,   c.  x,  §  II).  —  το  τρίτον  αΰτης 

omis  1573-38-2020,  al.  —  το  τοίιο^  αυτών,  αύτης  est  d'excellent  grec,  et  cet  emploi  de 
I'accusatif  est  ciassique;  je  ne  saisis  pas  pour  quelle  raison  Charles  regarde  ce 
passage  comme  incomprehensible,  et  veut  modifier  le  texte,  d'apres  le  copte,  et  en 
supposant  un  original  hebraique,  en  τό  τρίτον  ήμερα;  ζαί  νυκτο'ς  ομοίως  [Studies,  ρ,  15•). 
—  Cfr.  la  4β  Coupe,  et  les  Tenebres  de  la  neuvieme  plaie  d'Egypte,  Ex.  x,  21-23. 
cfr.  Ex.  VII,  25;  lieu  commun  qui  se  retrouve  Amos  viii,  9;  Joel  iii  (iv),  15;  IV  Esd. 
V,  4,  etc. 

C.  12.  La  plupart  des  exegetes  croient  qu'il  s'agit  d'une  abreviation  de  la  durce 
du  jour  et  de  la  nuit,  ce  qui  serait  assez  etrange;  il  est  bien  plus  naturel  d'y  voir 
une  diminution  dc  I'eclat  du  jour,  et  de  la  lumiere  des  astres  nocturnes  (οάντ)). 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  109 

C.  vi!i.  7.  Et  le  premier  sonna  de  la  trompette;  et  il  y  eut  de  la  grele  et 
da  feu  meles  de  sang•,  et  l^cela]  fut  jete  sur  la  terre;  et  le  tiers  de  la  terre 
brula,  et  le  tiers  des  arbres  brula,  et  toute  herbe  verte  briila. 

8.  Et  le  deuxieme  Ange  sonna  de  la  trompette  ;  et  comme  une  grande 
moatagne  briilante  de  feu  fut  jetee  dans  la  mer;  et  le  tiers  de  la  mer  devint 
du  sang-,  9.  et  il  mourut  le  tiers  des  creatures  qui  sont  dans  la  mer,  [de] 
ce  qui  a  des  ames,  et  le  tiers  des  navires  farent  detruits. 

10.  Et  le  troisieme  Ange  sonna  de  la  trompette;  et  il  tomba  du  ciei  une 
grande  etoile  briilant  comme  un  flambeau,  et  elle  tomba  sur  le  tiers  des 
fleuves  et  sur  les  sources  des  eaux.  11.  Et  le  nam  de  Fetoile  se  dit  :  «  I'Ab- 
sintbe  ».  Et  le  tiers  des  eaux  devint  absinihe,  et  beaucoup  des  hommes 
moururent  ά  cause  des  eaux,  parce  qu'elles  etaient  devenues  ameres. 

12.  Et  le  quatrieme  Aoge  sonna  de  la  trompette;  et  fut  frappe  le  tiers  du 
soleil  et  le  tiers  de  la  lune  et  le  tiers  des  etoiles,  pour  qu'ils  fussent  obscurcis 
d'un  tiers,  et  que  le  jour  ne  brillat  [plus]  d'un  tiers,  et  la  nuit  pareillement. 

Ainsi  la  terre,  la  mer,  les  eaux  douces  et  les  astres,  ont  ete  alteints  successive- 
ment.  II  ne  reste  plus  du  monde  materiel  que  I'air  (7«  trompette),  et  Γ  «  Abime  », 
I'Hades  qui  va  jouer  un  role  a  la  trompette  suivante,  nouΛ'eau  eigne  que  ce  qui  suit 
est  joint  intimement  aux  quatre  premieres  plaies. 

3°  Proclamation  de  I'Ange    (viii,  13) 

Int.  —  Le  trouble  est  dans  la  nature,  niais  jusquici  les  hommes  η  ont  ete  frappes 
(juindirectement;  maintenant  trois  «  Maledictions  »  speciales,  annoncees  a  part,  vont 
j'ondre  sur  eux.  Un  Aigle  les  proclanie.  Ce  mot  (ουαί)  qui  devrait  etre  neutre,  sera  mis 
par  I'auieur  au  feminin  (infra).  C'est  sans  doute  qu'elles  sont  personnifiees  comme 
des  especes  d'Erinnyes  {S^vete). 

C.  VIII.  13.  Και  c'.ocv,  /.αϊ  ήκουσα  *£ν3ς  άετου  ττετομ-ένου  έν  μεσ^υρανήμ.ατ'.  λε'γ3ν- 
-ζς  swv?;  [).v;i.\r^'  Ojal  οϋαΐ  cja•  *-οί;  κατοικοϋντας  έ-Ί  της  γης  *έ•/,  των  λοίτζών 
90>νών  της  σάλπιγγας  των  τρ'.ών  αγγ-λθ3ν  των  ι^.ελλόντων  σαλττίΓε',ν. 

C.  Λ'ΐιι.  13.  Et  je  vis;  et  j'entendis  un  aigle  qui  volait  au  zenith,  disant 
d'une  grande  voix  :  «  Malheur,  malheur,  malheur  a  ceux  qui  habitent  sur 
la  terre,  a  cause  des  voi.\  restantes  de  la  trompette  des  trois  anges  qui  sont 
pres  de  sonner  de  la  trompette  I  » 

A.  B.  13.  ενός  pour  τίνος  (Int.  c.  v,  §§  I-II).  —  Pour  άετου,  on  lit  άγγελοι  Ρ-α3-025, 
quelques  mss.  du  type  Andre,  arm;  dans  α  107-13-42  ά/γίλου  ώς  άετου.  —  Τους  κ.  : 
I'accusatif  est  irregulier  (Int.  c.  χ,  §  II);  τοϊς  κατοικοΰτίν,  A,  al.  lat.  —  «  Aigle  » 
cfr.  XII,  14;  aigle  mcssager  Bar.  syr.  lxxvii,  13-suiv. ;  embleme  du  jugement  Mat. 
XXIV,  28.  —  έκ  causal. 

C.  13.  II  est  tres  diflicile  de  preciser  si  cet  aigle  est  une  figure  traditionnelle.  On 
n'est  du  moins  pas  oblige  d'y  voir  avec  Boll  (p.  38)  la  constellalion  de  Pegase.  C'est 
le  rapprochement  avec  Mat.  qui  est  le  plus  seduisant. 


110  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

4°  Cinquieine  Irompetlc  cl  premiere  malediction  :  Ics  sautereUes  (ix,  1-12). 

Ιλτ.  —  Une  invasion  dc  demons,  sorlis  de  I'Ablme  sous  forme  de  sautereUes  fan- 
tasliques,  tourmente  les  hommcs  non  marques  du  sceau  divin,  mats  sans  les  faire 
mourir.  Sur  les  rapports  des  3  «  Vae  »  ai'ec  les  i  premieres  Trompettes,   i'id.  supra. 

C.  IX.  1.  ΚαΙ  *b  -έ;λ•κ'::;  άγγελος  έσάλ7:'.(Τΐν,  -/.αΙ  iiocv  αστέρα  έ/.  -cli  oOpavoij 
νετττω'λότίΖ  ε'.ς  τήν  γην,  ν.αΐ  έοόθη  αυτω  ή  /.λείς  του  sp-^cto?  της  αβύσσου.  2.  Και 
ήνο',ςεν  το  ^pioLp  της  αβύσσου,  '/.α\  άνέβη  κα-νος  έκ  του  φρε'ατος  ώς  καζνος  7,ait.bo'j 
μεγάλης,  καΙ  έσχοτίσθη  ό  ήλιος  ν.αΐ  ό  αήρ  *ε•/.  του  y.y-^zj  του  φρέατος.  3.  Και  έκ  του 
κα-νοϋ  έςηλ6ον  ακρίδες  ε'.ς  τήν  γήν.  καΐ  εδόθη  *αϋταΐς  έςουσία  ώς  εχουσιν  έςουσίαν  οί 

Α.  Ε.  1.  ό  -ψ.,  raume  construction  qu'aux  4  autres  trompettes.  —  πεπτωκότα  :  I'etoile 
etait  deja  tombee  quand  il  la  vit,  usage  exact  du  parfait.  —  άβυσσος  (lxx,  passim), 
traduit  ahnn,  profondeurs  de  la  mer,  puis  de  la  terre,  puis  Sheol,  enfin  sejour  des 
demons,  des  damnes,  des  fieaux,  des  monstres  {Hen.  et/i.  xvm,  xix,  xxi,  xc,  etc., 
Hen.  si.  xxviii,  3;  ibid,  xlii,  2,  description  des  monstres  qui  tiennent  «  la  cle  de 
I'abime  » ;  cfr.  Apoc.  i,  18,  «  cles  de  la  mort  et  de  I'enfer  »,  et  xx,  1).  —  Image  de 
I'etoile  tombee  :  cfr.  Sib.  v,  137-suiv.,  Sib.  iii,  vni,  ii,  passim;  Hen.  eth.  lxxxvi,  1-sqq. 
(Azazel  ou  Semyaza  tombe  au  milieu  des  boeufs,  avec  d'uutres  etoiles,  dans  la  «  Vision 
des  Animaux  »);  lxxxviii,  1;  xvii-sqq,  les  7  etoiles,  moatagnes  ardentes,  tombees  et 
enfermees  dans  un  lieu  de  torture;  IV  Esd.  xv  (VI  Esd.,  chretien),  35.  Pour  le  sens, 
nous  croyons  qu'on  peut  tres  bien  rapprocher  Luc  x,  18  :  «  Je  voyais  Satan  tomber 
du  ciel  comme  un  eclair  »,  cfr.  Is.  xiv,  12. 

C.  1.  Cette  etoile  tombee,  qui  regoit  une  cle,  est  certainement  ici  un  esprit;  I'Apo- 
ealyptique  nous  a  habitues  a  cette  representation  des  Anges  (v.  supra,  et  bien 
d'autres  passages,  dans  VAsc.  Is.,  le  Livre  d'Elie  hebreu,  etc.  Ιχτ.).  On  peut,  je  crois, 
.  I'identifier,  a  1'  «  Abaddon  »  du  v.  11,  infra,  et  je  me  demande  meme  s'il  ne  faut 
pas  y  reconnaitre  le  meme  etre  qu'au  ch.  xx  (v.  ad  loc),  Satan,  dont  la  chute  fut 
contemplee  par  le  Seigneur  {Luc,  supra).  Cette  chute,  supposee  deja  realisee  par 
le  temps  de  πεπτω/.ότχ,  serait  decrite  plus  tard  au  ch.  xn  (v.  ad  loc);  alors  la  plaie 
qui  suit  aurait  quelque  rapport  avec  le  dechainement  de  crimes  et  de  malheurs  que 
produira  la  colere  du  Diable  parcourant  la  terre.  Nous  aurions  ainsi  un  parallelisme 
avec  la  scene  d'ouverture  de  la  2«  section  prophetique.  Si  la  plaie  des  sautereUes 
n'arrive  qu'en  cinquieme  lieu,  cela  n'importe  guere;  I'ordre  est  indilferent,  parce  qu'il 
ne  s'agit  pas  de  succession  chronologique;  des  raisons  traditionnelles  ou  litteraires 
ont  pu  I'amener  a  cette  place,  le  fleau  actuel,  ainsi  que  nous  I'allons  A'oir,  etant 
purement  typique  comme  les  precedents.  Ou  bien,  mieux  encore,  c'est  qu'il  y  a  dans 
la  vision  progression  de  I'ordre  physique  a  I'ordre  moraF  et  humain,  du  plan  indivi- 
duel  au  plan  social  et  religieux  (v.  infra). 

-^^—  A.  B.  C.  2.  καϊ...  αβύσσου,  omis,  par  homoeoteleuton,  N,  rec.  K,  al,  Arethas, 
Syr^,  arm.,  etc.;  —  ix...  καπνός,  omis  Av20-rl-l%  Av46-35-2018,  al572-41-2021,  a404- 
87-172    —   καίομενης  pour    [μεγάλης,    Orig.,    rec.   K.  —    h.   του  κα-νοΰ,   instrumental,    L>T., 

c.  X,  §  II.  —  Get  obscurcissement  du  soleil  rappelle  la  4•^ plaie;  Jean  ne  craint  pas 
de  se  redire,  parce  que  tout  cela  est  figure,  et  les  images  prennent  des  vaJeurs 
nouvelles  avec  les  nouveaux  contextes.  Uair,  le  quatrieme  element,  est  frappe  a  son 
tour,  et  Γ  «  Abime  »,  la  derniere  partie  du  monde,  entre  aussi  en  scene. 

,   A.  B.  3.  Dans  ce  Λ-erset  et  les  suivants,  les  manuscrits  presentent  de  nom- 

breuses  fluctuations  entre  αϋταϊς,  feminin  comme  I'exige  άκρίοε;  {Orig.  et  And.  partout), 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAX.  Hi 

C.  IX.  1.  Et  le  cinquieme  Ange  sonna  de  la  trompctie,  et  je  vis  uue  etoile 
qui  du  ciel  etait  rorabee  sur  la  terre,  et  lui  fut  donnee  la  cle  du  puits  de 
lAbime.  2.  Et  elle  ouvrit  le  puits  de  rAbime,  et  il  sortit  une  fumee  du 
puits  CO mme  une  fumee  de  graiide  fournaise,  et  obscurcis  furent  le  soleil 
et  I'air  par  la  fumee  du  puits.  3.  Et  de  la  fumee  sortirent  des  sauterelles 
sur  la  terre,  et  il  leur  fut  donne  uu  pouvoir  comme  out  pouvoir  les  secr- 
et αΰτοϊς,  qui  peut  elre  une  de  ces  fautes  de  distraction  assez  communes  dans  ΓΑρο- 
calypse,  ou  bien  un  accord  ad  sensum,  car  ces  sauterelles  sont  des  etres  intelligents, 
des  «  δαίαονες  »,  genre  masculin.  Tisch.  met  partout  αύτοΓ;,  Soden  ne  I'accepte  qu'au 

V,  δ,  avec  X,  A,  Av20-rl-l'•,  al03-7-104,  alOl-12-181 ;  nous  avons  suivi  son  texte, 
qui  est  aussi  celui  de  Swcte.  —  Sauterelles  :  cfr.  la  plaie  d'Egypte  A'Ejc.  x,  12-15, 
et  Joel  I,  4-Suivants.  —  Scorpion  :  cfr.  Luc.  x,  19  :  δέδωχα  ύαΓν  τήν  εξουσίαν  του  πατεϊν 
επάνω  οφεων  κα'ι  σκορπιών,  και  επί  πασαν  την  δύναυ.ίν  του  ε-/θροΰ. 

C.  3.  Le  lieu  d'ou  sortent  ces  insectes,  et  qui  est  I'enfer  des  damnes,  le  genre  de 
leur  malfaisance,  leur  structure  fantastique,  et  la  royaute  de  I'Ange  de  I'Abime, 
montrent  assez  que  ces  sauterelles  ne  sont  pas  des  animaux,  mais  des  demons  ou 
des  entites  demoniaques. 

Ce  tableau  est,  avec  le  suivant,  un  des  plus  originaux  du  livre.  L'idee  dune  invasion 
de  sauterelles  etait  bien  fournie  par  VExode  et  Joel,  mais,  ici,  la  catamite  n'est  plus 
de  I'ordre  materiel  (v.  infra).  D'abord  ce  sont  des  sauterelles-scorpions;  le  scorpion 
(A.  T.,  passim),  est,  avec  le  serpent,  un  des  animaux  nuisibles  a  Ihomme  qui  sym- 
bolisent  les  forces  du  mal  spirituel  en  action  dans  le  monde  [Swete],  comme  le  font 
bien  ressortir  les  derniers  mots  de  notre  citation  de  saint  Luc.  II  n'y  a  du  reste  de 
commun  avec  Joel,  dans  le  delail,  que  la  comparaison  des  chevaux,  des  dents  de  lion, 
et  I'image  dune  armee,  et  ce  ne  sont  la  chez  le  prophete  que  des  hyperboles  poetiques; 
ici  il  en  va  tout  autrement. 

Grace  a  Boll  (pp.  68-suiv.),  on  peut  cependant  retrouver  I'origine  probable  de  ces 
traits  descriptifs.  L'esprit  de  Jean  a  ete  influence  non  seulement  par  la  Bible,  mais 
par  des  representations  figurees  de  la  region  et  de  I'epoque  (Int,  c,  v,  ii,  §  III).  Apres 
les  hommes-scorpions  qui  gardeot  le  soleil  et  la  porte  de  I'enfer  [Gilgamesch,  tablette 
IX,  col.  II,  3-9),  des  figures  composites  voisines  avaient  trouve  place  dans  la  mythologie 
et  I'astrologie  de  Babylone;  tels  les  «  centaures  »  graves  sur  les  bornes  ou  les  cylin- 
dres  [Gunkel,  Verst.,  p.  52,  4;  King,  Babylonian  Boundary  Stones,  1912;  Ward, 
The  Seal  Cylinders  of  Western  Asia,  1910,  pp.  210  et  382;   Weidner,  Babyloniaca, 

VI,  4,  pi.  VII,  1912) ;  parfois  ils  ont  piusieurs  queues,  mais  toujours  une  de  scorpion. 
Le  meme  monstre,  representant  la  constellation  du  Sagittaire,  a  passe  dans  la  deco- 
ration des  temples  et  des  momies  d'Egypte,  a  I'epoque  hellenistico-romaine  [Boll, 
p.  69).  Des  fantasmagories  du  meme  gout,  dans  Γ  «  Histoire  veridique  »  de  Lucien, 
I,  11-suiv.,  chevaux-fourmis,  etc.,  montrent,  declare  Boll  avec  grande  apparence  de 
raison,  qu'au  ii'-  siecle  et  au  temps  de  Γ  Apocalypse,  des  representations  comme  celles 
de  nos  sauterelles  etaient  choses  qui  ne  surprenaient  pas  le  public  {Id.  p.  146).  II  est 
done  vraisemblable  que  Jean  avait  eu  occasion  de  voir  de  ces  figures  monstrueuses 
qui  nous  deroutent  de  nos  jours  et  nous  paraissent  a  tort  le  produit  d'une  imagination 
echevelee;  elles  se  serout  combinees  dans  sa  memoire  avec  les  sauterelles  de  I'Exode 
et  de  Joel  pour  lui  montrer  dans  sa  vision  le  present  tableau  —  tout  comme  Ezechiel 
a  utilise  les  «  Kirubi  »  de  Babylone  (I.vt,  c.  v).  Seulement  ces  etres  ne  sont  plus 
des  centaures;  ils  se  sont  reduits,  comme  lidee  I'exigeait  (v.  infra)  a  la  proportion 
d'insectes  malfaisants. 

'  A.  B.  4.  Au  lieu  de  αδικησουσιν  (Int.  c.  x,  ^  ID,  on  a  άδικήσωσιν,  correction,  X, 


112  APOCALYPSK    DE    SAINT    JEAX. 

ay.ipTi'.o',  ττ,ς  γης.  4.  Και  eppi^r,  *α'!)ταΤς  ί'να  μή  *άΒ'//.ήσουσ•'.ν  τον  γ^όρτον  της  γης  *οϋθε 
παν  χλωρον  *οΊ»δέ  π5ν  δένδρον,  *ε?  μή  τους  άνθρ<ό-ους  οί'τ',νες  ουκ  εχουσιν  τήν  σφρα- 
γϊδίΖ  του  θεού  έπι  των  μετώ-ων.  5.  Και  εδόθη  *αϋτοϊς  ϊνα  μή  άποκτείνωσιν  αυτούς, 
αλλ'  Γνα  *βασανισθήσοντα',  μήνας  πε'ντε"  και  ό  βασανισμός  αυτών  ώς  βασανισμός 
σκορ-ίου,  όταν  ζαίση  άνθρο)πον.  6.  Και  εν  ταΐς  ήμέραις  έκείναις  ζητήσουσιν  οί 
άνθρωποι  τον  θάνατον  και  οϋ  μή  *εύρήσουσιν  αυτόν,  και  έπιθυμήσουσιν  άποθανεϊν,  κα\ 
*φεύγει  ό  θάνατος  απ'  αυτών.  7.  Και  τά  *όμοια)ματα  τών  άκρίδων  *ομοιοι  ϊπποις 
ήτοιμασμένοις  ε'.ς  πόλεμον,    κα'ι   *έπί  τάς   κεφάλας   αυτών    ώς   στέφανοι  'όμοιοι  χρυσώ, 

Ρ,  Q,  la  plupart  des  minusc,  And.,  Arcthas,  —  B.  Weiss.  —  Noter  Γ  «  hebraismo  » 
ούδε  παν;  —  οϋδε  παν  χλωρόν  omis  »Ν,  Prim.,  sans  doute  pour  faire  de  I'harmonisation 
avec  la  l'''!  trompeltc.  —  εί  μη,  au  sens  de  «  mais  seulement  »,  qu'il  ne  faudrait  pas 
transporter  Gal.  i,  19;  sur  six  passages  de  I'Apocalypse,  il  ne  se  retrouve  que 
XXI,  27.  —  ε!  μη  κτλ.  cfr.  Bar.  syr.  c.  xxvui,  la  protection  des  habitants  de  la  Terre 
Sainte;  se  reporter  a  Apoc.  vii,  3-suiv. 

C.  4.  Ce  premier  «  Vae  »,  annonce  si  solennellement,  parait  pourtant  a  premiere 
vue  moins  grave  que  les  precedents;  de  plus,  il  semblerait  en  contradiction  αΛ'βο 
la  premiere  plaie,  qui  n'a  pas  laisse  do  verdure  a  proteger;  mais  en  realile,  ce  sont  la 
des  tableaux  separes  et  independanls  dans  leur  symbolisme  respectif,  quoique  ranges 
dans  un  meme  decor  general;  il  n'y  faut  pas  voir  des  touches  successives  apportees 
a  un  meme  tableau,  encore  bien  moins  une  succession  rigoureuse  dans  les  temps  a 
venir  qui  se  devoilent  a  Jean;  la  succession  n'est  que  logique  (Int.  c.  v).  II  y  a  bien 
quand  meme  en  fait  aggravation  des  lleaux,  parce  qu'ils  sont  transporles  dans 
un  autre  ordre,  et  atteignent  plus  directement  les  honimes,  non  seulement  dans  leur 
corps,  mais  dans  leur  ame.  En  elTet,  cette  plaie-ci  est  reservee  a  ceux  qui  n'ont  pas 
ete  marques  du  sceau,  c'est-a-dire  aux  mechants;  et  il  resulte  bien  de  ce  verset  que 
tous  les  fideles  ont  ete  marques,  et  non  pas  seulement  les  144.000  Israelites  [Supra 
e.  vn).  II  en  resulte  encore,  et  la  suite  le  confirme,  qu'il  s'agit  a  peu  pres  surement 
et  exclusivement  de  maux  spiriluels,  peches,  terreurs,  remords,  chagrins,  etc.  Andre 
interprotait  deju  au  sens  spirituel  ces  sauterelles  et  leur  malfaisance ;  mais  il  differait 
ce  dechainement  des  esprits  de  I'Abime  jusqu'au  temps  de  I'Antechrist,  tandis  qu'il 
faut  plutot  y  voir  les  douleurs  d'enfer  qui  tourmentent  dans  tous  les  temps  les 
consciences  coupables. 

^— —  A.  5.  Pour  βασανισθ^σονται  (Ιχτ.  C.  x,  §  II),  Q  et  toute  la  rec.  K,  Orig.,  And., 
Aretlias  ont  βασανισΟώσιν ;  al.  βασανίσωσιν,  tournure  plus  reguliere. 

C.  5.  Cette  mesure  de  cinq  mois  est  inconnue  par  ailleurs  dans  I'Apocalyptique. 
Faut-il  y  voir  seulement  un  nonibre  rond,  sans  signification  symbolique  precise, 
comme  nous  disons  «  quatre  ou  cinq  »?  (cfr.  Luc  xii,  6,  52,  al.)  Ou  bien  est-ce  la 
longueur  de  la  periode  durant  laquelle  les  invasions  des  vraies  sauterelles  sont  a 
craindre?  Ici  I'invasion  durerait  toute  la  periode  (Bousset).  Mais  Boll,  p.  68,  fait  unc 
observation  digne  d'interet  :  les  sauterelles,  dans  les  calendriers  hellenistiques, 
apparaissent  dans  les  mois  et  les  annees  qui  sont  sous  les  signes  du  Cancer  et  du 
Scorpion;  et,  depuis  le  mois  du  Scorpion  jusqu'a  la  fm  de  I'annee,  il  y  a  cinq  mois. 
Cela  voudrait  done  dire,  que  le  lleau  durera  jusqu'a  la  fm  de  I'annee;  et  nous  pou- 
vons  croire  qu'il  s'agit  de  I'annee  symbolique  du  monde,  c'est-a-dire  qu'il  ne  cessera 
pas  avant  la  consommation,  le  jugement.  Voila  qui  porterait  encore  a  supposer  que 
Jean  s'est  inspire,  consciemment  ou  non,  d'un  systeme  populaire  hellenistique,  dont 
il  a  spiritualise  les  donnees. 

— —  A.  B.  C.  6.  Le  futur  apres  ou  μή  ne  se  trouve  ailleurs  dans  I'Apoc.  que 
XVIII,  14;  cfr.  pour   cette  tournure,  que  Moulton  dit  archaique  et  en  train  de  dispa- 


APOCALYPSK    UE    SAINT    JEAN.  113 

pions  de  la  terre.  k.  Et  il  leur  fut  dit  qu'elles  ne  niiisissent  pas  a  I'herbe 
de  la  terre,  ni  k  aucune  verdure  ni  a  aucim  arbre,  mais  seulement  k  tous 
les  hommes  qui  n'ont  pas  le  sceau  de  Dieu  sur  les  fronts,  5.  Et  il  leiir  fut 
donne  de  ne  pas  les  tuer,  mais  qu'ils  fussent  tourmentes  cinq  mois;  et  leur 
tonrment  [est]  comme  uq  tourment  de  scorpion,  lorsqu'il  vient  a  piquer 
un  homme.  6.  Et  en  ces  jours-l&,  les  hommes  chercheront  la  mort,  et  il 
leur  sera  impossible  de  la  trouver,  et  ils  desireroat  moiirir,  et  la  mort 
s'enfuit  d'eux.  7.  Et  les  apparences  de  ces  sauterelles  [soutj  pareils  [sic)  a 
des  chcvaux  qui  ont  ete  prepares  pour  la  g-uerre,  et  sur  leurs  tetes,  [il  y  a  1 
comme  des  couronnes  pareilles  ά  de  Tor,  et  leurs  visages  [sont]  comme  des 

raitre,  Mat.  xvi,  22  et  Luc  \\i,  23;  εϋρωσιν  dans  A  et  a3-P-025.  —  Pour  φεΰγει,  Orig., 
And,  la  rec.  K.  ont  φεύξεται.  G'est  un  present  dramatique,  ou  bien  Jean  exprime  un  fait 
continu  dans  riiistoire  humaine.  L'ame,  empoisonnee  de  peines  secretes  envoyoes 
par  I'enfer  a  la  suite  du  peche,  appelle  la  mort  et  ne  la  trouve  pas;  la  pensee  et 
Texpression  sont  familieres  aux  poetes  bibliques  et  profanes,  cfr.  Jolt,  viii,  3,  etc. 
II  est  bien  superflu  d'amener  ici  avec  Boll  I'idee  des  gardiens  des  enfers  (Centaures 
ou  hommes-scorpions),  qui  peuvent  en  interdire  I'entree. 
— —  A.  B.  7.   Όυ-οίωιχα,  qui,   dans  Ezech.  i,   16;   x,   21,    traduit  niD*T,   cfr.   Rom. 

I,  23;  viTi,  3;  Phil,  n,  7,  etc.,  signifierait  ici,  d'apres  Bousset  «  Gleichgestalt  »  ou  «  die 
Gestalt,  insofern  sie  einer  andern  gieich  ist « ;  le  masc.  2;xoiot  (δ[Αοια  ν,  al;  o^oImilol  Orig., 
όαοιοψατα  A,  al.)  est  une  des  fautes  ordinaires  de  VApoc.  (Int.  c.  v,  §  II).  —  On  atten- 
drait  plutot  le  genitif  apres  έ::ί;  mais,  a  1  epoque,  I'emploi  des  trois  cas  n'etait  plus 
tres  distinct  apres  επί  local  [Moulton,  p.  174).  —  Description  inspiree  en  partie  de /oe7, 

II,  4-suiv. 

C.  7.  II  y  a  des  gens  qui  trouvent  une  grossiere  ressemblance  entre  la  sauterello 
et  le  cheΛ'■al  (cfr.,  apres  Holtzm.,  I'allemand  «  Heupferd  »,  ou  I'italien  «  cavaletta  », 
et  un  dicton  arabe  rapporte  par  Niebuhr  et  cite  par  plusieurs  commentateurs  :  «  La 
sauterelle  ressemble,  pour  la  tete,  au  cheval,  pour  le  poitrail  au  lion,  pour  les  pattes 
au  chameau,  pour  le  corps  au  serpent,  pour  les  antennes  aux  cheveux  de  la  vierge  »). 
Mais  c'est  surtout  ici  qu'on  peut  se  rappeler  les  «  centaures  »,  a  cause  du  visage 
d'homme,  et  aussi  de  la  «  couronne  » ;  le  Sagittaire  de  I'astrologie  grecqae  etait  διαδη- 
[ΐατοφο'ρος  [Boll). 

— —  A.  B.  S.  εΓ/αν,  Ν»,  A  (Ιχτ.  c.  ν,  §  II ;  Soden  veut  εΤ/ον)  —  «  dents  de  lion  » 
cfr.  Joel  I,  6,  ou  ce  n'est  qu'une  metaphore  poetique. 

C.  8.  Boll  (p.  70),  rappelle  que  dans  Elien,  Traite  sur  les  Animaux,  les  centaures 
sont  caracterises  par  des  [ίαθεΓαι  τρί•/ες;  le  Sagittaire  a  parfois  aussi  une  longue  cheve- 
lure,  et  d'autres  traits  feniinins,  jusque  dans  des  representations  de  la  Renaissance. 
Pour  Andre,  c'est  un  symbole  de  la  volupte. 

I  A.  C.  9.  Le  premier  θώρακας  ne  peut  signifier  que  «  poitrines  »  {Prim.  : 
«  pcclora  «),  par  une  espece  de  jeu  de  mots.  C'est  pour  Andre  le  symbole  de  la  durete 
de  ctjeur  des  demons.  Malgre  leur  aspect  terrible,  ct  leurs  rapports  presque  evident 
avec  les  centaures,  il  ne  faudrait  pas,  avec  certains  auteurs,  parlor  des  «  dimensions 
extraordinaires  »  de  ces  sauterelles;  I'auteur  n'en  souffle  mot,  ct  d'ailleurs  tout  le 
contexte  ct  le  symbolisme  entrainent  un  contraste  entre  leur  petitcsse,  qui  pourrait 
les  faire  mepriser,  et  leur  nombre  enorme,  les  cuisanles  douleurs  qu'elles  causent, 
la  durete  de  leur  cuirasse  qui  emp^che  de  detruire  ces  minuscules  eunemis ;  c'est 
quelque  chose  de  mesquin  et  de  terrifiant  a  la  fois,  qui  s'attaque  aux  hommes  ennemis 
de  Dieu  comme  d'insupportables  nuees  d'insectes. 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  8 


ΙΙί^  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

'λχΐ  τα  τΓοόσωπα  αυτών  ώς  πρόσωττα  άνθρώττων.  8.  Και  *zlyjx^  "^P'-Xolc  ώς  τρίχας 
γυναικίόν,  καί  οι  οδόντες  αΐιτών  ώς  λεόντων  ήσαν,  9.  Και  είχον  *Οο)ρακας  ώς  *θώρακας 
σιοηοοΰς,  και  ή  φωνή  των  πτερύγων  αυτών  ώς  φωνή  αρμάτων  ϊττ-ων  πολλών  τρεχόν- 
των εις  πόλεμον.  10.  Και  *έχθϋσιν  οΰρας  όμοιας  σκορπίοις  και  κέντρα,  και  εν  ταϊς 
ουραϊς  αυτών  ή  εξουσία  αυτών  άδικησαι  τους  ανθρώπους  μήνας  πέντε.  11.  Έχουσιν 
έπ'  αυτών  βασι).έα  τον  άγγελον  της  αβύσσου,  *ονομα  αϋτώ  Εβραϊστι  *Άβαδδων.  και 
εν  τη  Ελληνική  όνομα  έχει  *  Απολλύων. 

12.  *Ή  οΰαι  ή   μία  άπηλθεν"  'ιδού  *ερχεται  ετι  δυο  ούαΊ  μετά  ταύτα. 

— —  Α.  Β.  10.  "Ε/ουσιν  (And.  εΤχον),  changement  de  temps,  comme  au  λ'.  6,  pour 
les  meme  raisons  peut-etre.  —  κέντρα  :  Cfr.  I  Cor.  xv,  16. 

C.  10.  «  L'aiguillon  de  la  mort  est  le  peche  »,  disait  Saint  Paul,  loc.  cit.  Swete,  qui 
rappelle  ce  texte,  donne  du  tout  une  interpretation  bien  suggestive,  quoique  parlielle  : 
«  As  to  the  general  sense  the  locusts  of  the  Abyss  may  represent  to  us  memories  of 
the  past  brought  home  at  times  of  Divine  visitations,  which  hurt  by  recalling  for- 
gotten sins.  )' 

.  A.  B.    11.    Encore   Ι'/ουσιν    present;   rec.    Κ   ε/^ουσαι,    ailleurs    Ι/οντες,    ε?/ον, 

«  habebant  ».  —  δνομα  αύτω  κτλ,  rappelle  la  proposition  nominale  hebraique  (■ji^3K  iDUJ) 
cfr.  Joh.  I,  6  δνομα  αυτώ  'Ιωάννης;  ω  propose  Ν,  α/".,  vulg.;  And  :  αϋτοΐί.  —  Ρ"Τ;ΐΧ  (LXX 
ά-ώλεια,  perditio,  «  haguel  »  en  ethiopien)  Ps.  Sal.  xiv,  Asc.  Is.  x,  Apoc.  Abraham. 
XXI  etc.,  sio-nifiait  d'abord  la  destruction  au  Sheol,  puis,  chez  les  rabbins,  la  partie 
la  plus  profonde  du  Sheol;  il  est  ici  personnifie,  comme  Γ  «  Hadfes  »  au  ch.  vi,  8, 
comme  «  la  Mort  et  I'Hades  »  xx,  14,  mais  I'etait  deja  Job.  xxvi,  6;  xxviii,  22,  — 
«  Abime  »  (qui  est  lui-meme  «  Abaddon  »  ou  «  haguel  »),  Hen.  eth.  x,  xviii,  xc; 
Ap.  Abraham  xxi,  EUe  hebreu  et  copte,  etc. 

C.  11.  Ge  verset  acheve  de  demontrer  que  los  sauterelles  sont  des  demons,  ou 
du  moins  des  oeuvres  de  I'esprit  diabolique.  Get  «  Ange  de  I'Abime  »  qui  est  leur  roi 
peut  bien  etre,  a  noire  avis,  malgre  Bousset,  le  mome  que  I'etoile  tombee  du  v.  1 ; 
Satan,  ayant  regu  le  pouvoir  de  dechainer  ses  troupes  infernales  (ouverture  du  puits 
de  I'Abime)  se  met  a  leur  tete  pour  tourmenter  les  pecheurs,  des  avant  leur  mort, 
par  les  peines  morales  et  le  desespoir.  Jean  a  traduit  Abaddon  en  grec,  et  il  est 
possible  qu'il  Fait  fait  a  cause  de  la  paronymie  d"Aπoλλύωv  avec  ApoUon.  Ce  dieu 
faisait  souvent  du  mal  avec  son  arc,  et  deja  les  Grecs,  comme  lo  note  Joh.  Weiss, 
rapprochaient  'Απόλλων  du  verbe  ά-ολλυ;^^  [Eschyle,  Agamemnon) ;  ce  prophete  aurait 
done  fait  un  jeu  de  mots  sarcastique  sur  le  nom  d'un  des  dieux  les  plus  veneres  du 
pao-anisme;  mais  le  rapport  ne  va  pas  plus  loin,  a  moins  qu'on  ne  veuille  rapprochor 
Tare  d'Apollon  de  celui  des  centaures  et  de  l'aiguillon  des  scorpions.  Gfr.  Gunkel,  Sch. 
p.  217-suiv.,  Vei-st,  p.  52;  Gressmann,  p.  188.  Celui-ci  rappelle  que  les  LXX,  dans 
Amoswx  l,ont  introduit  Gog  parmi  les  sauterelles,  comme  leur  roi  :  χαί  ϊδου  βρύ/ος  εΤς 
Γώγ  δ  βασιλεύς;  ce  qui  tend  a  faire  supposer  que  les  sauterelles  etaient  deja,  dans  quel- 
que  tradition  eschatologique,  identifiees  a  I'ennemi  mythique  du  Nord  (voir  au  ch.  xx). 

A.  B.  12.  'έρχεται,  construction  pindarique  (Ιλτ.  c.  x,  §  II).  —  Pour  μία  = 

ποιότη  (Int.  c.  x,  §  II),  cfr.  Mc.  xvi,  2  et  paralleles  :  τ\\  μία  τών  σαββάτων.  —  ούαί  au 
feminin,  v.  supra,  en  tete  de  la  pericope,  et  Int.  c.  x,  §  II.  —  Le  v.  12,  pour  Spitta 
et  Erhes,  est  du  dernier  redacteur. 

C.  12.  La  «  malediction  »  est  personnifiee,  a  moins  que,  avec  Bousset,  on  ne 
veuille  sous-entendre  quelque  mot  feminin  comme  θλίψις.  Remarquer  la  solennite  de 
I'avertissement.  Les  demons  n'ont  encore  tourmente  que  les  &mes  des  hommes;  ils 
vont  maintenant  dechainer  centre  eux  les  massacres  d'une  guerre  d'extermination. 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  115 

visages  d'hommes.  8.  Et  elles  avaient  des  cheveux  comme  les  cheveux  des 
femmes,  et  leurs  dents  etaient  comme  [des  dents]  de  lions.  9.  Et  elles  avaient 
des  thorax  comma  des  cuirasses  en  fer,  et  la  voix  de  leurs  ailes  [etait] 
comme  une  voix  de  chars  aux  nombreux  chevaux  courant  en  guerre.  10.  Et 
elles  ont  des  queues  pareilles  c\  des  scorpions,  et  des  aiguillons,  et  dans 
leurs  queues  [est]  leur  pouvoir  de  nuire  aux  hommes  cinq  mois.  11, 'Elles 
ont  au-dessus  d'elles  [comme]  roi  I'Ange  de  TAbime ;  son  nom  en  hebreu 
est  Abaddon,  et  dans  la  [langue]  grecque  il  a  nom  ApoUyon. 

12.  Le  «  Malheur!  »  premier  a  passe ;  voici  qu'il  vient  deux  «  Malheur!  » 
apres  ces  choses. 

5°  Sixieme  trompetie.  Antitliese  :  la  deuxieme  malediction,   qui  extennine 
le  tiers  de  Vhmnanite,  avec,  eii  face,  le  tnomphe  des  temoins  du  Christ 

(ix,  13-xi,  14). 

IxT.  —  On  pent  voir  dans  cette  section  une  nouvelle  forme  de  I'antithese  rencontrce 
au  6'' sceau,  parce  que  nous  sommes  encore  arrives  a  un  sixieme  moment  (Int.  c.  vii). 
Entre  les  deux  tableaux  se  trouve  intercale  le  cli.  X,  [qui  est  d  une  tres  grande  impor- 
tance), comme  VII,  1-3  I'a  ete  entre  VI,  12-17  et  VII,  4-J7,  et  comme  VIII,  2-6  entre 
les  Sceaux  et  les  Trompettes. 

a.  Deuxieme  malediction  :  le  carnage  de  la  cavaleric  injernale  (ix,  13-21). 

IiNT.  —  Ce  fleau  presente  un  grand  parallelisme  de  details  avec  le  precedent;  mais 
le  sens  en  est  tout  autre,  et  tant  de  similitudes  prouvent  uniquement  I'unite  d'inspi- 
ration  et  de  main.  Les  cavaliers,  contre  Boll  et  d'autres,  ne  sont  pas  une  simple 
repetition  des  sauterelles.  La  langue  accumule  les  fautes  ordinaires  du  livre.  Tous 
les  critiques  rattachent  ce  morceau  a  la  meme  source  que  les  «  Sauterelles  »,  si  ce  η  est 
que  Λνβγίαηά  attribue  le  v.  18  a  I'editeur  cltretien  et,  que  Spitta  trouve  une  Elaboration 
du  temps  de  Trajan  aux  vv.  li  et  15,  transposant  a  la  fin  la  premiere  parlie  de 
ce  dernier. 

Tout  le  tableau,  nous  le  verrons,  a  des  rapports  multiples  avec  divcrses  parties  du 
livre  :  signe  d" unite. 

A.  B.  13.  φωννίς  »s'=,  al;  —  [i.iav,  pour  τίνα  (Int.  c.  x,  §  II)  —  τεσσάρων  omis  N'=,  A,  al 
am,  fuld,  si/r,  boh,  eth,  των  τεασ.  κερ.  omis  o505-78-1948.  —  τοΰ  χρυσού  omis  δ505-14-β9, 
8603-92-61,  arm.  Au  lieu  de  xsp.  τοϋ  θυσ.  του  /p.,  on  a  ζώων  των  έστώτ^ον  αδ01-37-4ο2.  — 
«  L'autel  d'or  »  cfr.  vni,  3. 

C.  13.  Cast  l'autel  lui-meme  qui  pread  la  parole;  il  semble  que  ce  soit  une  person- 
niiicalion  des  pineres  des  saints  qui  y  ont  ete  oifertes  (viii,  3-suiv.),  et  qui  atteignent 
maintenant  un  de  leurs  resultats;  car  cette  plaie  est  la  principale  de  toutes. 

A.  B.  14.  λέγοντα  Κ**,  A,  V.  Ιλϊ.  c.  χ,  §  II;  apposition,  accord  ad  sensuni  (?), 

ou  plutot  solecisme;  ailleurs  λέγων  [rec.  K),  λέγοντος  (Q,  Aretlias,  Orig.,  al.),  λέγουσαν 
(α3-Ρ-025,  Av20-rl-l'•,  al.),  λεγούσης  (And.,  K«  qui  a  φωνής),  corrections.  —  Pour  ό  ε/ων, 
solecisme,  car  ici  on  ne  peut  guore  y  voir  une  parenthese  (voir  analogies  hellenistiques 
dans  les  signalements,  Moulton,  p.  107)  on  rencontre  les  corrections  τω  λέγοντι,  δς 
εΐχεν;  —  τέσσαρες  (pour  τεσσάρας),  leQOn  de  Χ;  α404-87-412  (Int.  c.  χ,  §  II),  recommandee 
par  Moulton,  p.  104.  —  «  Les  4  Anges  »  cfr.  vn,  1;  —  L'Euphrate,  cfr.  xvi,  12  et 
Hen.  eth.  lvi,  5  (les  Parthes). 


τον 
ν 


ΙΙβ  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

C.  IX.  13.  Και  b  έκτος  άγγελος  έσάλπισεν'  καΐ  ήκουσα  *9ωνήν  *μίαν  εκ  των 
'τεσσάοων  κεράτων  του  θυσιαστηρίου  του  χρυσού  του  ένώττιον  του  θεού,  14.  *λέγοντα 
τω  εκτω  άγγέλω,  *ό  έχων  τήν  σάλπιγγα'  Λΰσον  τους  *τέσσαρ3ς  αγγέλους  τους 
δεδεμένους  έζΐ  τω  -ττοταμω  τω  μεγάλω  Ευφράτττ;.  15.  Και  έλύθησαν  οί  τέσσαρες 
άγγελοι  οί  *ήτοιμασμένοι  ε'.ς  τήν  ώραν  και  ήμέραν  και  μήνα  και  ένιαυτόν,  ίνα  άτΐοκ- 
τείνωσι  το  τρίτον  των  άνθρώ'::ων. 

16.  Και  ό  άριΟμος  των  στρατευμάτων  του  ίζζικου  οισμυριάδες  μυριάοο)ν,  ήκουσα 
.  αριθμόν  αυτών.  17.  Και  ούτως  είοον  τους  ίττ-ττους  εν  τη  οράσει  και  τους  καθημε- 
υς  έπ'  αυτών  *εχοντας  θώρακας  ττυρίνους  και  ύακινθίνους  και  θειώδεις.  Και  αί  κεφαλα'ι 
των  ίππων  ώς  κεφαλαι  λεόντων,  και  εκ  τών  στομάτων  αυτών  έκ-ορεΰεται  πυρ  καϊ 
καπνός  και  θείον.  18.   *Άπο  τών  τριών  πληγών  τούτων  άπεκτάνθησαν  το  τρίτον  τών 

C.  14.  L'Euphrate  indique,  pour  Andre,  le  pays  de  rAntechrist ;  pour  Bede,  al, 
la  puissance  mondaine  dont  le  type  est  Babylone.  II  etait  naturel,  au  temps  de  la 
terreur  parthique,  que  I'Euphrate  entrat  dans  cette  vision  de  guerre,  et  dans  celle 
de  la  6^  coupe  {infra).  Quels  sont  ces  Anges?  La  dilTerence  de  situation  empeche  de 
les  confondre  avec  ceux  de  vii,  1;  d'ailleurs  ceux  de  notre  passage  sont  lies,  done  ils 
sont  mauvais.  L'article  fait  supposer  qu'ils  sont  connus  dans  la  tradition;  Henoch 
aussi  {loc.  cit.)  parle  des  «  Parthes  »  lances  par  des  Anges  centre  la  terre  sainte;  et 
dans  le  texte  syriaque  de  lY  Esdras,  on  trouve  un  curieux  parallele  signale  par  Boiis- 
set :  «  Que  soient  dolies  ces  quatre  rois  (αΟ^Ώ  pour  QlDxSa  ?  Iselin)  qui  sont  enchaines 
sur  le  grand  ileuve  de  I'Euphrate,  qui  aneantiront  un  tiers  des  hommes  ».  Le  chiffre  de 
4  suppose  un  cadre  ancien  qui  a  deja  servi  au  ch.  vii,  1,  pour  signifier  autre  chose. 
Ces  Anges  du  chatiment  vont  se  mettre  a  la  tete  de  la  Gavalerie  diabolique,  comme 
Abaddon  a  la  tete  des  sauterelles,  comme  Satan  dechaine  excitera  Gog  et  Magog 
(ch.  xx).  La  description  suivante  a  done  pu  s'inspirer  des  craintes  contemporaines 
de  I'Asie ;  mais  il  faut  y  voir  un  tout  autre  sens  que  celui  d'une  invasion  historique 
des  Parthes;  c'est  le  symbole  de  toutes  les  invasions,  de  toutes  les  divisions  meur- 
trieres  que  I'enfer  excite  dans  I'histoire. 

.  A.  B.  15.  Spitta  et  Bousset  corrigent  arbitrairement  άγγελοι  en  άγέλαι;  c'est 

meconnaitre  le  symbolisme  du  livre.  —  «  Un  tiers  des  hommes  »  cfr.  le  «  un  tiers  » 
des  4  premiers  fleaux.  —  ή-οιιχασ{Α£νοι  :  moyen  ou  passif? 

C.  15.  La  cinquieme  trompette  n'avait  cause  que  des  tortures,  surtout  morales; 
celle-ci  amene  une  horrible  extermination.  L'action  infernale  s'etend  des  consciences 
sur  les  societes;  car  la  guerre  est  I'oeuvre  des  anges  mauvais,  et  une  consequence  des 
fautes  humaines  (cfr.  20-21).  Un  tiers  des  hommes  en  est  frappe,  comme  un  tiers 
des  objets  naturels  aux  plaies  1,  2  et  3.  Cette  mesure  est  done  amenee  par  la  symetrie, 
et  ne  signifie  pas  autre  chose  qu'une  grande  proportion,  pourtant  une  minorite. 
Au  ch.  VI,  il  n'y  avait  qu'un  quart  de  la  terre  devaste  par  I'ensemble  des  fleaux;  mais 
peu  importe  cette  inconsistance  des  chifTres,  car  ces  mesures  n'ont  aucune  valeur 
precise  en  elles-memes. 

— _  B.  C.  16.  (c  J'en  entendis  le  nombre  »,  s'est  deja  trouve  litteralement  vii,  4  : 
mais  ici  Jean  voit  deja  ce  dont  il  parle.  Ces  myriades  de  myriades  (200.000.000)  sont 
un  chiffre  pareil  a  celui  des  Anges  de  la  cour  celeste  (v,  11),  ce  qui  nous  porte  doja 
a  croire  qu'il  s'agit  d'Anges  de  I'Abime;  d'ailleurs  une  telle  enormite  empeche 
d'y  voir  une  cavalerie  humaine.  Le  sens  est  que  tout  I'enfer  est  dechaine  pour  exciter 
parmi  les  humains  des  guerres  meurtrieres ;  ce  qui  convenait  a  I'epoque  de  Jean, 
surtout  durant  I'lnlerregne,  et  encore  niieux  a  la  notre,  mais  d'une  fagon  generale  a 
presque  tons  les  siecles  de  I'histoire. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  117 

C.  IX.  13.  Et  le  sixieme  Ange  sonna  de  la  trompette ;  et  j'entendis  ime 
voix  [sortant]  des  quatre  comes  de  I'autel  d'or  qui  est  en  face  de  Dieu, 
14.  disant  au  sixieme  ange,  celui  qui  avait  la  trompette  :  «  Delic  les  quatre 
Anges  qui  ont  ete  enchaines  sur  le  grand  fleuve  de  I'Euphrate  ».  15.  Et 
furent  delies  les  quatre  Anges  qui  s'etaient  prepares  pour  I'heure  et  le  jour 
et  le  mois  et  I'annee,  afm  de  tuer  le  tiers  des  hommes. 

16.  Et  le  nombre  des  armees  de  la  cavalerie  [otait  de]  deux  myriades 
de  myriades;  j'entendis  leur  nombre.  17.  Et  ainsi  vis-je  les  chevaux  dans 
la  vision,  et  ceux  qui  etaient  assis  sur  eux  :  [je  vis  qu']  ils  avaient  des 
cuirasses  de  feu  et  d'hyacinthe  et  de  soufre.  Et  les  tetes  des  chevaux  [sont] 
comme  des  tetes  de  lions,  et  de  leurs  bouches  il  sort  du  feu  et  de  la  fumee 
etdu  soufre.  18.  Par  suite  de  ces  trois  fleaux  furent  tues  le  tiers  des  hommes, 

'  A.  B.   17.   Remarquer  la  construction   ε/ον-ας,   et  le   passage   au  present, 

comme  dans  le  tableau  des  sauterelles. 

C.  17.  G'est  la  seule  fois  que  I'auteur  parle  expresscment  des  apparences  de 
la  vision  (iv  τ^  όράσει) ;  il  se  rend  done  bien  compte  que  ce  sont  des  images  comme 
celles  des  reves,  et  qu'il  ne  faut  pas  en  attendre  la  realisation  litterale;  cette  obser- 
vation peut  s'appliquer  a  tout  I'ensemble.  Ici,  et  au  v.  19  [infra),  on  peut  remarquer 
une  grande  analogic,  presque  un  parallelisme,  avec  la  description  des  sauterelles  (cui- 
rasses, chevaux,  queues  malfaisantes) ;  rien  d'etonnant  a  cela,  si  les  sauterelles 
etaient  des  especes  de  centaures  en  reduction ;  ce  peuvent  etre  les  monuments  qui 
ont  inspire  a  Jean  ces  images. 

A.  B.  18.  Equivalence  d'ano  et  de  έχ,  tout  a  fait  hellonistique.  υπο  pour  άπο 
dans  quelques  mss.  —  Pour  le  feu  qui  sort  de  la  bouche,  cfr.  Job.  xli,  10-suiv. 
(Leviathan);  Hen.  si.  i,  5;  animaux  crachant  du  feu,  dans  la  raythologie;  cfr.  encore 
Hab.  \,  8-suivants,  description  de  la  cavalerie  chaldeenne ;  et  Bahman  Yasht,  ii,  24- 
suiv. 

C.  18.  La  cavalerie  demoniaque  de  la  fin  du  monde,  dans  le  Bahman  Yasht,  cito 
ici  par  Volter,  peut  etre  un  emprunt  a  notre  Apocalypse,  ou  provenir  d'une  meme 
source  traditionnelle.  Toute  cette  description  montre  assez  qu'il  s'agit  de  demons 
poussant  invisiblement  les  hommes  a  se  massacrer,  et  no  η  de  Parthes,  meme  tres 
«  embellis  »  par  la  legende. 

-^^^  A.  B.  19.  έν  instrum.  —  αί  γαρ.,,  άδίκουσιν,  est  omis  si/rs'^' ;  cfr.  les  queues  des 
sauterelles,  supra. 

G.  19.  Les  auteurs  qui  veulent  a  toute  force  reconnaitre  ici  des  Parthes,  ou  d'autres 
barbares  orientaux,  ont  donne  a  ce  verset  des  interpretations  assez  curieuses  :  Volkmar 
pense  aux  ruades  des  chevaux  (!);  Grotius,  a  un  soldat  en  croupe,  qui  tire  par 
derriere;  Spina,  tres  erudit,  se  souvient  que  les  Parthes  tressaient  la  queue  de 
leurs  chevaux,  d'ou  I'apparence  de  serpents,  etc.,  etc.  Holtzmann,  plus  raisonnablement, 
rappelle  les  membres  inferieurs  serpentiformes  qu'ont  les  ennemis  des  dieux  dans 
la  Gigantomachie  de  Pergame,  que  Jean  avait  pu  voir;  souvent  on  representait  ainsi 
les  Titans,  les  Geants,  d'autres  monstres. 

-^-^—  A.  B.  20.  έν  instrum.  —  ουδέ,  diiTicile  a  construire  (οΰτε  Λ,  α3-Ρ-025 
Λv20-rl-l^  Av30-36-2019,  al.,  Soden;  ου  rec.  K,  o^-G-04,  And.;  και  ou  1073),  doit  signifier 
«  pas  meme  [alors]  »,  comme  Mc.  vi,  31;  I  Cor.  in,  3;  iv,  3;  il  n'y  a  pas  d'anacoluthe, 
comme  le  suppose  Joh.  Weiss,  qui  parle  ici  de  maladresse  du  rodacteur;  ce  serait 
en  effet  bien  maladroit  pour  un  «  editeur  »  qui  redigeait  tout  a  son  aise !  —  προσκυνησο)σι 
Orig.,  rec.  K,  etc.  Soden  (Ιλτ.  c.  x,  §  II).  —  Garacteristiquo  des  idoles,  lieu  commun 


118  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

άνθροίττων,  *£•/.  του  ζυρος  'm\  του  ν.αζνοϋ  και  του  θείου  του  έκζορευομ,ί'νου  έν.  των 
στομάτων  αυτών.  19.  Η  γάρ  εξουσία  των  ι'πχων  έν  τω  στόματι  αυτών  έστιν  καΐ  έν  ταϊς 
οϋραΐς  αυτών'  α',  γαρ  οΰραΐ  αυτών  ομοιαι  οιεσιν,  ε)[ουσα'.  κεφάλας,  -και  *έν  αΰταϊς 
άοικοΰσιν. 

20.  Και  οΙ  λο',τυοί  τών  ανθρώπων,  οι  ουκ  άπεκτάνθησαν  *έν  ταΐς  ττληγαίς  ταΰταις, 
*ουοέ  μ.ετενόησαν  εκ  τών  έργων  τών  χε'-ρών  αυτών,  Γνα  μ,ή  *7:ροσκυνήσουσιν  *τα 
οαιμόνια  και  τα  εϊοωλα  τα  χρ'υ'α  και  τα  αργυρά  καΐ  τα  χαλκά  και  τα  λίθινα  και  τά 
ξύλινα,  ά  ούτε  βλέτ:ειν  δύνανται  ούτε  άκοΰειν  ούτε  ττεριττατεΐν,  21.  Και  οϋ  μετενόησαν 
*έκ  τών  φόνων  αυτών  ούτε  εκ  τών  φαρμακιών  αυτών  ούτε  εκ  τη;  ζορνείας  αυτών  οϋτε 
εκ  τών  κλεμμάτίον  αυτών. 

de  ΓΑ.  Τ.  Ps.  CXIII,  12-suiv.  (cxv,  4-7);  Dan.  ν,  4,  23;  Ps.  cxxxv,  15-17;  /s.  xl,  etc; 
dans  les  Apocryphes,  Hen.  elli.  xcix,  7;  .Sii».  v,  80-suiv.  etc. 

C.  20.  D'apres  ce  verset,  c'est  le  monde  paien  qui  est  victime  (cfr.  5^  plaie);  pour- 
tant  les  2  3  sont  respeetes,  pour  avoir  le  temps  de  se  converlir  [Orig.  sch.  xxxv). 
Qu'advient-il  des  chreliens  dans  cette  calamite  a  laquelle  lis  ne  peuvent  cependant 
ecliapper  aussi  conipletenient  qua  la  cinquieme?  II  n'en  est  rien  dit,  mais,  d'apres 
I'analogie  de  I'ensemble,  on  peut  conclure  qu'ils  en  sont  purifies,  au  lieu  de  deses- 
perer  et  de  se  refugier  dans  le  blaspheme.  Voila  pourquoi  I'auteur  parle  comme  si 
le  lleau  ne  les  atteignait  pas  (cfr.  lettre  a  Philadelphie,  etc.). 

—m—  A.  21.  φαριιαχιών  a  conserver  (A,  Q,  al.)  centre  φαραάκ())ν,  de  Soden;  φαραακία 
=  malefice,  sortilege.  —  πονηρίας  pour  πορνείας,  A,  \•,  al.  —  Remarquer,  ici  et  au  verset 
precedent,  μεταν.  έκ,  au  lieu  de  επί  dat. 

C.  31.  S'il  n'est  pas  question  expressement  des  adorateurs  de  la  Βέίβ  (xtii-suiv,), 
c'est  que  la  serie  des  Trompettes  est  de  portee  absolument  generale,  elle  concerne 
tous  les  pays  et  tous  les  temps,  et  ne  presenle  aucune  de  ces  attaches  historiques  avec 
I'Empire  remain  que  nous  trouverons  apres  le  chap,  xi  (vid  ad  loc) ;  cfr.  Joh.  Weiss  et 
Bousset.  Depuis  le  chap,  vii,  on  a  I'impression  que  Jean  voit  des  aspects  divers,  mais 
continus  et  simultanes ,  de  la  realite  presente  et  future.  II  les  donne  bien  sous  forme 
de  tableaux  successifs,  mais  ces  descriptions  demeurent,  dans  une  large  mesure, 
iiidependantes  les  unes  des  autres,  au  point  d'ofTrir  des  trails  qui  seraient  inconci- 
liables  (p.  ex.  l^e  et  5^  plaies),  si  on  voulait  les  reduire  a  I'unite  symbolique  d'un  seul 
tableau.  Ce  sont  des  fleaux  generiques,  qui  peuvent  se  realiser  historiquement  sous 
mille  et  mille  formes,  successiveraent  ou  a  la  fois;  rien  ne  porte  a  y  trouver  les 
«  periodes  »  des  ecoles  anciennes  (Int.  c.  v,  §  I). 

Tous  ces  fleaux,  peines  vindicatives,  afl'aiblissent  la  puissance  du  mal,  et  sont 
destines  ainsi  a  faciliter  la  conversion  du  monde  [And.,  Orig.) ;  toutefois  ils  ne  sont  pas 
sur  ce  dernier  point  efficaces  par  eux-memes,  comme  le  constate  le  Prophete  dans 
les  deux  derniers  versets ;  ce  qui  decidera  le  retour  des  pecheurs  a  Dieu,  c'est  I'exal- 
tation  des  Deux  Temoins  symboliques  qui  vont  nous  etre  presentes  au  chap.  xi.  Ce 
contraste  est  conscient  et  voulu  chez  I'auteur:  il  signifie,  comme  chez  saint  Paul,  la 
superiorite^de  la  loi  de  grace  sur  toute  loi  de  crainte  ct  de  colere. 

(«  Inlermede  »).  Un  Ange  vient  annoncer  la  consommalion  prochaine,  c.l  prcciser 
a  Jean  une  partie  de  sa  mission  [le  petit  Here  ouvert)  c.  x. 

Int.  —  Nous  approchons  maintenanl  dun  lournant  du  lii're,  du  passage  a  une 
serie  prophetique  de  caractere  different  [XII-XX).  Un  «  Ange  puissant  »,  analogue, 
comme  I'a  bien  note  Calmes,  a  celui  de  V,  ?,  vient  annoncer  la  consommation  prochaine 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  119 

par  le  feu,  et  la  fumee,  et  le  soufre  qui  sortait  de  leurs  bouches.  19.  Car 
le  pouvoir  des  chevaux  est  dans  leur  bouche  et  dans  leurs  queues;  car  leurs 
queues  [sont]  pareilles  ά  des  serpents,  elles  ont  des  tetes,  et  [c'est]  par  elles 
[qu']  elles  nuisent. 

20.  Et  le  reste  des  hommes,  qui  ne  furent  pas  tues  par  ces  fleaux,  ne 
se  repentirent  meme  pas  des  oeuvres  de  leurs  mains,  pour  ne  [plus]  adorer 
les  demons,  et  les  idoles  d'or,  et  celles  d'argent  et  celles  de  bronze  et  celles 
de  pierre  et  celles  de  bois,  qui  ne  peuvent  ni  regarder  ni  entendre  ni 
marcher;  21.  Et  ils  ne  se  repentirent  pas  de  leurs  meurtres,  ni  de  leurs 
malefices,  ni  de  leur  fornication  ni  de  leurs  vols. 


des  jugements  divins,  coinine  I'autre  en  avail,  dune  cerlaine  maniere,  annonce  et 
provoque  le  commencement.  Ce  parallelisme,  quoique  peu  apparent,  est  indeniable. 
Le  «  Mystere  de  Dien  »,  dont  il  annonce  I'acconiplissement,  opere  deja  dans  le  niondc^ 
et  prepare  son  triomplie  decisif  par  I'action  des  «  Deux  Temoins  »  du  cli.  XI,  Ainsi 
cet  «  intcrmede  »  se  relie,  par  I'idee  au  moins,  avec  le  second  tableau  de  la  6^  troni- 
pette;  il  nest  pas  non  plus  sans  lien  avec  les  fleaux  qui  precedent ;  maintendnt  qu'ils 
ont  ele  partes  a  leur  comble,  dans  leurs  effets  materiels,  par  la  Cavalerie  infernale, 
il  convenait  d'en  prevenir  I'effet  demoralisateur  par  I'annonce  du  prochain  salut, 
en  vue  duquel  Dieu  les  a  decretes.  Ainsi,  dans  I'  «  Apocalypse  synoptique  »,  Jesus 
disait  :  «  Lorsque  vous  verrez  ces  c/ioses  arriver,  sachez  que  le  Regne  de  Dieu  est 
proche  »  (Luc,  XXI,  31;  Mat.  XXIV,  33;  Mc.  XIII,  29).  Puis,  comme  la  proclamation 
de  VAnge  de  V,  2  se  rapportait  au  grand  livre  des  decrets  generaux  sur  I'humanite, 
celle  du  Deuxieme  Ange  a  un  second  objet,  qui  est  de  remettre  a  Jean  «  un  petit 
livre  ouvert  »  contenant  de  nouveaux  details  sur  une  partie  de  I'avenir,  ceux  qui  ont 
le  plus  d'interSt  direct  pour  les  chretiens  d'Asie,  et  qui  en  mime  temps,  en  s'amplifiant 
jusqua  des  vues  generales  sur  les  luttes  de  I'Eglise  et  de  Satan,  montreront  la 
maniere  dont  le  «  Mystere  de  Dieu  »  doit  saccomplir.  Ce  sera  le  sujet  des  chapitres 
XII-XX;  nous  avons  ici  le  premier  et  le  plus  remarquable  des  six  cas  d'  «  emboite- 
ment  »  (V.  Int.  c.  vii).  Du  reste  certains  traits  de  la  vision  du  ch.  XI  supposent  deja, 
par  anticipation  litteraire,  ces  nouvelles  conditions  qui  ne  seront  exposees  que  dans 
la  section  a  venir  {la  victoire  de  la  Bete). 

Nous  croyons  que  tous  les  elements  de  ce  chapitre  proviennent  dune  vraie  vision; 
il  est  bicn  possible  que  Jean,  en  redigeant  son  livre,  ait  combine  des  traits  disperses 
dans  ses  extases  pour  en  faire  un  tout  qui  servit  de  transition  entre  deux  sections. 
Mais  cost  tout  autre  chose  qu'une  feinte  vision  destinde  seulement  a  rendre  conipte 
■  de  la  disposition  ulterieure  de  I'ecrit,  comme  le  voudraient  certains  critiques  (cfr. 
AVeisziicker,  Sabatier,  Bousset) ;  il  ne  faut  pas  ainsi  se  figurer  I'auteur  de  V Apocalypse 
comme  un  ajusteur  litteraire  inventant  de  toutes  pieces  des  scenes  de  liaison  dans 
la  tranquillite  de  son  cabinet.  Cette  vision  a  un  caraclere  tout  aussi  reel  que  les  autres, 
quoiqu'elle  prepare  bien  de  fait  ce  qui  suivra  jusqu'au  ch.  XVIII  (Bousset,  Sabatier), 
et  au  dela. 

Ces  critiques  reconnaissent  d'ailleurs,  par  le  fait  meme,  quelle  est  de  la  mdme 
main  que  I'ensemble  du  livre.  Bousset  note  de  nombreuses  expressions  communes 
avec  les  chapitres  precedents  et  suivants  (τους  δούλους  τους  προφητας,  Χ,  7,  cfr,  I,  1; 
XI,  18;  (XV,  3);  XIX,  2,  5;  XXII,  3-6.  — έπ\  λαοϊς,  κτλ,  Apoc.  passim;  ευαγγελίζειν 
iransitif,  comme  XIV,  6).  Les  fautes  notables,  les  tournures  spcciales,  sont  les  m4mes; 
la  description  de  VAnge  rappelle  celle  du  Fils  d' Homme  du  ch.  I;  son  role,  celui  de 
de  V  n  Ange  puissant  »   de    V,  2;  le  χρόνος  ούχέτι  εσται  de  Χ,   rappelle    VI,   9-suiv; 


120  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

remarquer  encore  les  expressions  a.Wo^/,  πάλιν  [1  et  11).  Mai  fondees  apparaissent 
done,  dit  premier  coup,  les  opinions  de  Volter,  qui  fait  ici  conimencer  son  apocalypse 
de  Cerint/ie;  —  de  Weyland,  qui  y  trouve  le  debut  de  sa  source  juive  3,  sauf  le  v.  7, 
ceuvre  de  I'edileur;  —  de  Spitta,  qui  repartit  le  chapitre  enlre  7*  {source  juive 
sous  Caligula  :  la;  2b;  3;  5-7),  J*  (juive  du  temps  de  Pompee  :  lb;  2a;  8a;  9b; 
10-11),  et  I'editeur  chretien  sous  Trajan  (4;  5*;  7a*);  Bousset  a  raison  de  trouver 
cette  savante  division  «  ungemein  kiinsllich  »;  —  de  Bruston,  qui  separe  2a  et  8-11 
(Apoc.  sous  Ncron)  de  1;  2b-7  (disciple  de  Jean);  —  de  Joh.  Weiss,  qui  fail  conimencer 
sa  source  Q  (juivc,  du  temps  de  la  guerre  contre  les  Romains)  avec  1-9,  et  attribue 
7*,  10-11  a  l  <(  Editeur  »;  —  de  Schmidt,  qui  fait  de  X,  1-XI,  13  un  morceau  secon- 
daire  intercale.  Erbes  attribue  le  tout  a  I'Apocalypse  chretienne  primitive,  de  62; 
Schoen  ny  voit  qu'une  introduction  faite  par  I'auteur  a  XT,  1-13,  qui  serait  un  fragment 
emprunte  a  une  apocalypse  juive  (v.  infra)  et  Holtzmann  croit  que  les  deux  eh.  X-XI 
ne  concernent  que  le  sort  de  Jerusalem  et  du  Temple,  nouveaux  episodes  qui  reculent 
la  catastrophe  finale,  comme  le  ch.  VII  entre  le  6"  et  le  7«  sceau.  Nous  critiquerons 
ces  dernieres  opinions  au  commentaire  du  ch.  XI. 

C.  X.  1.  ΚαΙ  ειδον  *ά'λλον  άγγελον  *ί(7χυρον  καταβαίνοντα  εκ  του  ουρανού,  περιβεβλη- 
μένον  νεφέλην,  και  η  Ιρις  έ-Ι  της  κεφαλής  αΰτου,  και  το  -ρότωπον  αύτου  ως  ό 
ήλιος,  και  οί  *7:όοες  αϋτου  ώς  στύλοι  ζυρός.  2.  Και  *εχων  εν  ττ)  χειρί  αυτού  *βιβλα- 
ρΒιον  ήνείογμένον.  Και  εΟ•/;κεν  τον  πόδα  αΰτοΰ  τον  δεξΓον  επί  της  θαλάσσης,  τον  δε 
ευώνυμον  επί  της  γΫ;ς.  3.  Και  εκραςεν  φωνή  μεγάλη  *ώσπερ  λέων  μ.υκαται.  Και  οτε 
εκραςεν,    έλάλησαν   *αΙ  έπτα    βρονταί   τας    εαυτών   φωνάς.   4.   ΚαΙ  οτε    έλάλησαν  αϊ 

Α.  Β.  1.  άλλον  omis  Ρ,  Q,  Av20-r Ι-Ι"",  rec.  Κ;  ΐτ/υρόν  omis  syr^'^^.  —  -όοζς  ne  peut 
ici  signifier  que  jambes,  ce  qui  est  parfois  le  sens  de  I'hebreu  bp ;  on  aurait  done  ici 
un  hebraisme  [Charles,  Studies,  p.  97,  qui  renvoie  a  I  Sam.  xvii,  6;  Deut.  xxviii,  57; 
Is.  vn,  20).  —  όίλλος  αγγ.  hy.  cfr.  V,  2,  et  xviii,  21  (v.  ad  loc.).  —  Description  :  cfr. 
celle  du  «  Fils  d'Homme  »  au  ch.  i,  et  de  I'Ange  laoel,  Apoc.  Abr.  xi.  —  ΐρις,  cfr.  iv, 
3,  mais  ici  il  s'agit  de  I'arc-en-ciel  ordinaire  —  νεφέλην,  vehicule  des  ctres  celestes,  i,  7; 
XI,  12;  XIV,  14-suiv.;  Ps.  cm  (civ),  3;  Dan.  vii,  13;   Act.  i,  9-suiv.;  I  Thess.  iv,  7,  etc. 

C.  1.  Get  «  Ange  puissant  »  n'est  qu'un  Ange,  comme  au  ch.  v,  et  non  le  Christ, 
en  depit  dune  certaine  analogic  de  description  avec  le  «  Fils  d'Homme  »,  malgre 
Vict.,  Prim,  Haymon,  Albert  et  quelques  autres.  Nous  avons  parle  de  son  role  dans 
I'introduction  a  la  pericope.  Quoique  son  aspect  inspire  la  crainte,  Γ  «  arc-en-ciel  » 
est  pourtant  le  eigne  de  la  misericorde;  car  le  jugement  general  qu'il  va  annoncer, 
et  meme  les  jugements  particuliers  qu'il  va  donner  a  promulguer  au  Prophete,  satis- 
feront  les  aspirations  des  fideles. 

Jean  voit  cet  Ange  descendre  du  ciel;  c'est  done  qu'il  est  lui-meme  retourne  sur 
la  terre  (cfr.  verset  4),  sans  doute  a  Patmos,  puisqu'il  a  la  mer  devant  lui  (cfr.  xiii,  11, 
ad  loc.) ;  cependant  il  assistera  encore  plus  loin  a  des  scenes  celestes.  C'est  I'ordinaire 
des  visions  hellenistiques  (Boll,  p.  6).  L'ame  du  Voyant,  liberee  par  I'extase,  parcourt 
I'univers  entier,  suivant  que  I'Esprit  la  transporte;  il  n'y  a  meme  pas  la  un  change- 
ment  de  scene  qu'il  faille  notifier,  tout  le  champ  du  monde  etant  sous  ses  yeux;  aussi 
cela  n'indique  pas  un  changement  de  source. 

— ^—  A.  B.  2.  και  ε/ων,  proposition  participiale  elliptique,  ou  solecisme  (Ιχτ. 
c.  X,  §  II).  —  βιβλαρίδιον,  hap.  leg.  absolu  (Ιλτ.  c.  x,  §  I),  sauf  Hermas,  vis.  n,  1,  3; 
IV,  3,  change  dans  plusieurs  temoins,  ici  et  aux  versets  suivants,  en  βιβλιΌν,  βιβλάριον, 
βιβλίδιον,  βιβλιδάριον;  c'est  un  diminutif  du  diminutif  βιβλάριον,  forme  lui-meme  comme 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  121 

d'autres  mots  du  N.  T.,  παιδάριο'ν,  ώτάριον.  —  Cfr.  la  scene  d'Ezeo/i.  n,  9  (Int.  c.  v,  ii,  §  II). 

C.  2.  La  petitesse  de  ce  livre,  contrastant  avec  le  grand  livre  scelle  du  ch.  v, 
montre  qu'il  contient  des  revelations  moins  etendues  dans  leur  objet,  quoiqu'elles 
doivent  etre  plus  developpees  dans  le  detail;  de  fait,  nous  verrons  qu'il  precise  un 
fragment  de  la  revelation  generale  du  Grand  Livre,  un  fragment  deja  mur  pour 
une  communication  detaillee  {Stvete)  :  ce  sont  les  destinees  de  I'Empire  romain, 
considere  dans  ses  relations  avec  I'Eglise,  et  pris  comme  type  des  puissances  qui 
doivent  etre  vaincues  par  le  Christ;  nous  allons  done  bientot  nous  trouver  d'accord 
en  substance  avec  I'exegese  de  I'ecole  Alcazar-Grotius-Bossuet  (Int.  c.  xiv,  §  VI). 
J'ict.  y  voyait  le  registre  de  toutes  les  actions  des  hommes,  And.  celui  des  actes 
des  plus  insignes  scelerats,  notamment,  a  cause  de  la  position  des  janibes  de  I'Ange, 
des  bandits  de  terre  et  de  mer.  Mais  la  signification  est  a  la  fois  moins  etendue 
et  plus  precise. 

Ajoutons  que  ce  livre  est  deja  confie  a  un  des  ministres  immediats  de  la  revelation 
prophetique,  a  un  Ange.  Contrairement  au  premier  livre,  il  est  «  ouvert  »,  et  cela 

C.  X.  1.  Et  je  vis  un  autre  ange  puissant  qui  descendait  du  ciel,  enveloppe 
d'une  nuoe;  et  I'arc-ea-ciel  [etait]  sur  sa  tete,  et  son  visage  comme  le  soleil, 
et  ses  jambes  [litt.  ses  pieds)  comme  des  colonnes  de  feu.  2.  Et  il  avait 
dans  sa  main  un  petit  livre  ouvert.  Et  il  posa  son  pied  droit  sur  la  mer, 
et  le  gauche  sur  la  terre.  3.  Et  il  cria  d'une  grande  voix,  comme  un  lion 
rugit.  Et  quand  il  cut  crie,  les  Sept  Toniierres  parlerent  [avec]  leurs  propres 
voix.    k.  Et  quand  eurent  parle   les  sept  tonnerres,  j'etais  pres  d'ocrire. 


pour  deux  raisons,  croyons-nous  :  1°)  parce  que  tons  les  sceaux  de  I'avenir  ayant 
deja  ete  brises  par  I'Agneau,  le  contenu  du  βιβλαρί^ιον  doit  deja  avoir  ete  revele 
sous  quelque  forme  dans  la  vision  des  Sept  Trompettes;  2°)  parce  qu'il  exposera  I'avenir 
d'une  faQon  plus  immediatement  intelligible  pour  les  lecteurs  d'Asie  (v.  au  v.  11).  — 
La  taille  et  la  puissance  colossales  de  I'Ange  repondent  a  la  grandeur  de  sa  mission. 
A.  B.  3.  αί,  omis  devant  βρονταί  κ,  Av20-rl-l'•,  0*•'-4-91,  α103-7-104,  Av24- 
18-94,  arm.,  al.,  doit  cependant  ^tre  conserve,  et  cat  article  montre  qu'il  s'agit  d'une 
entile  connue,  traditionnelle ;  on  pent  y  comparer  les  tonnerres  des  scenes  celestes, 
Apoc.  passim,  la  septuple  mentioD  du  tonneri-e  comme  «  voix  de  Yahweh  »  dans  le 
Ps.  XXIX  [ZiiUig,  Holtzm.,  Swete,  etc.),  ou  la  voix  celeste  qui  se  fait  entendre  dans  le 
Temple,  Joh.  xii,  28,  et  que  le  peuple  prend  pour  un  tonnerre  [Swete).  Mais  ces  loin- 
tains  parallfeles  ne  rendent  pas  compte  de  leur  determination,  ni  du  chifTre  7.  L'origine 
premiere  du  symbole  est  peut-etre  a  chercher  dans  la  mythologie  babylonienne  :  la 
voix  d'Adad,dieude  I'orage,  retentissant  dans  les  sept  spheres  planetaires  [Boll,  p.  18). 
—  ώί  λέων  κτλ.  construction  semblable  a  i,  16  :  ώς  δ  ήλιος  φαίνει. 

C.  3.  Ces  tonnerres  sont  distincts  du  cri  de  I'Ange  (cfr.  And.),  et,  puisqu'ils  revelent 
quelque  chose,  ne  sont  pas  simplement,  contre  Holtzm.  et  Spitta,  un  echo  de  cc  cri. 
Vict,  y  voyait  I'Esprit  septiforme,  parlant  par  les  Prophetes;  Orig.  (Sch.  xxxvi),  des 
entilos  morales  :  σοφία,  σύνεσις,  etc.  Nous  croyons  qu'ils  represcnlent  tout  I'ensemble 
de  la  revelation  prophetique  accordee  par  Dieu  a  Jean,  dont  celui-ci  doit  tenir  secrete 
une  partie  (v.  infra). 

— —  A.  B.  4.  δσα  pour  δτε,  χ,  al.  g,  Prim.,  arm.  —  αίτά  ταΰτα  γράφεις  (γράψον), 
pour  [χή  αύτα  γράψεις,  erreur  de  quelques  mss.  du  type  Andre.  —  Cfr.  I'ordre  de  sceller 
la  revelation.  Is.  viii,  16;  Dan.  vni,  26;  xii,  4,  9;  IV  Esd.  xiv,  18-48,  les  70  livres 
tenus  secrets. 


122  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

έ-τά  βρονταί,  εμελλον  γράφειν.  Και  ήκουσα  οο)νήν  εκ  του  cupavcij  λέγουσαν"  Σφράγι- 
σον  α  έλάλησαν  αί  έτυτα  βρονται,  και  μή  αυτά  γράφης.  5.  Και  ό  άγγελος,  ον  είδον 
έστώτα  έπί  της  θαλάσσης  καΐ  επί  τν^ς  γγ;ς,  ηρεν  τήν  χεϊρα  αΰτου  τήν  δεξιάν  εΙς  τον 
οΰρανόν,  6.  Και  ώμοσεν  *έν  τω  ζώντι  εις  τους  αιώνας  των  αιώνων,  ος  εκτισεν  τον 
ουρανον  και  τα  εν  αυτω  και  τήν  "j^v  και  τα  εν  αύτη  και  τήν  θάλασσαν  και  τα  εν  αυτή, 
οτι  *χρόνος  ουκέτι  εσται,  7.  άλλ'  έν  ταΐς  ήμε'ραις  τί^ς  φοινης  του  έβδομου  αγγέλου, 
όταν  μέλλη  σαλπίζειν,  *καΊ  *έτελε'σθη  το  μυστήριον  του  θεού,  ως  *ευηγγέλισεν  τους 
εαυτού   δούλους   τους  προΦήτας.    8.    Και  ή  (ριονή,  ήν  *ήκουσα   εκ  του  ουρανού,  -άλιν 

C.  4.  Jean  a  compris  ce  que  disaient  les  tonncrres,  puisqu'il  voulait  en  confier 
le  secret  a  recriture.  Que  signifie  done  cette  interdiction  de  les  ecrire,  portee  par 
Dieu,  ou  par  le  Christ,  ou  par  un  des  Anges  demeures  au  ciel?  Una  explication  qui 
a  fait  fortune,  et  qu'oii  retrouve  chez  Weiszdcker,  Schoen,  Pfleiderer,  Bousset,  Calmes, 
Joh.  Weiss,  etc.,  consiste  a  dire  que  I'auteur  utilise  ici  une  source  ecrite  (Q  pour 
Joh.  Weiss,  une  Apocalypse  juive  ou  les  7  Tonnerres  auraient  joue  le  role  des 
7  trompettes),  mais  qu'il  I'abrege  volontairement,  et  exprime  son  procede  en  disant 
qu'il  «  scelle  »,  —  c'est-a-dire  qu'il  garde  pour  lui  —  le  contenu  de  cette  revelation, 
dont  il  ne  donnera  que  certains  traits  choisis,  sans  doute  parce  que  Dieu  lui  a  rovele 
quelque  chose  de  mieux  encore  [Bousset).  Interpretation  assez  plate,  et  bien  arti- 
ficielle;  Jean  n'elait  pas  homme  a  combiner  ainsi  a  tote  reposee  de  ces  ruses 
d'ecrivain  professionnel.  Swete,  ici  encore,  a  vu  beaucoup  plus  clair,  et  son  inter- 
pretation est  a  la  fois  beaucoup  plus  digne  de  I'auteur  inspire,  plus  simple  et  plus 
naturelle.  Jean  regoit  d'en  haut  I'ordre  de  garder  pour  lui  seul,  eufouies  dans  sa 
memoire,  des  connaissances  surnaturelles  qu'il  a  regues,  mais  telles  qu'il  ne  peut  ni 
se  les  reraemorer  ni  les  exprimer  d'une  maniere  satisfaisante ;  tout  de  suite  on  pense 
a  ces  άρρητα  ρη';Αατα  qu'entendit  aussi  Paul  dans  son  rapt  (II  Cor.  xn,  4).  Cette  impuis- 
sance  a  elle  seule  peut  etre  pour  le  Prophete  comme  un  ordre  de  Dieu.  —  Cet  episode 
sert  de  plus,  croyons-nous,  a  faire  ressortir  le  caractere  partiel,  particulier,  des  reve- 
lations contenues  dans  le  βιβλαρίδιον,  dans  ce  qu'elles  auront  de  precis,  elles  ne  cons- 
tituent qu'un  fragment  d'un  vaste  ensemble  que  Jean  a  entrevu,  d'une  connaissance 
surnaturelle  fulgurante  comme  des  tonnerres,  mais  intraduisible  peut-etre  en  un 
langage  huniain  qu'eussent  compris  ses  lecteurs.  Le  «  petit  livre  »  se  bornera,  de  fait, 
a  decrire,  en  ses  grandes  lignes,  I'avenir  de  i'Empire  romain  ainsi  que  de  I'Eglise 
dans  cet  empire,  et  ce  qui,  dans  la  suite  des  temps,  ofTrira  de  I'analogie  avec  I'etat 
des  premiers  siecles.  Car  la  mission  de  Jean  etait  de  fortifier  les  chretientes  d'Asie 
centre  la  persecution.  Tout  autre  est  le  passage  parallele  de  Daniel  :  la  la  revelation 
ne  doit  restei•  obscure  que  jusqu'a  I'evenement,  tandis  qu'ici  nous  ne  pouvons  et  ne 
pourrons  jamais  savoir  ce  que  la  voix  articulee  des  Tonnerres  a  dit  au  Prophete. 
—  Un  tel  mystere  nous  invite  deja  a  croire  que  cette  scene  sert  d'introduction  a  des 
revelations  plus  vastes  que  celle  du  sort  futur  de  Jorusalem,  —  centre  ceux  qui  voient 
dans  le  ch.  χ  une  introduction  a  un  fragment  d'Apocalypse  juive  sur  la  Cite  Sainte. 

— — —  A.  B.  5.  Spitta  supprime,  sans  raison  valable,  de  δν  εΐδον  a  έπ\  της  γης.  — 
Serment  de  I'Ange,  cfr.  Dan.  xii,  7. 

I  A.  B.  6.  έν  apres  ό;χνύναι,  deja  signale  par  Arethas  comme  une  tournure 
tres  inusitee  en  grec,  a  ete  supprime  iX,  rec.  K,  al.,  Grig.,  boh;  mais  il  se  trouve 
aussi  Dan.  xn,  7,  dans  Theodotion.  —  ουκ  'έστιν  pour  οΰκέτι  'έσται,  dans  Κ,  8408-40-141, 
boh.  —  ό  ζών  εις  τους  αιώνας  κτλ,  cfr.  ι,  18;  IV,  9-Suiv.;  XV,  7;  Dan.  νΐΐ,  12.  —  δς  'εκτισεν 
κτλ;  formule  biblique  frequente.  Gen.  xiv,  22;  Ex.  xx,  11;  Ps.  cxlvi,  6.  —  Pour  χρόνος 
ούκέτι  'έσται,  cfr.  la  συντέλεια  καφοΰ  de  Dan.  xii,  7  [Holtzmann] . 

C.  5-6.  II  faut  prendre  ici  χρόνο;  au  sens  de  «  delai  »,  qui  est  classique  [Holtzmann, 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  123 

Et  j'entendis  line  voix  du  ciel  qui  disait  :  «  Scelle  les  choses  dont  oat  parle 
les  Sept  Tonnerres,  et  ne  les  ecris  pas.  »  5.  Et  I'Ange,  que  je  vis  debout 
sur  la  mer  et  sur  la  terre,  leva  sa  main  droite  au  ciel,  6,  et  jura  par  le 
Vivant  aux  si6cles  des  siecles,  qui  a  cree  le  ciel  et  les  choses  qui  sont  en 
lui,  et  la  terre  et  les  [choses  qui  sont]  en  elle,  et  la  mer  et  les  [choses 
qui  sont]  en  clle,  qu'il  n'y  aura  plus  de  delai,  7.  mais  qu'aiix  jours  de  la 
voix  du  septieme  Ange,  quaud  il  sonuera  de  la  trompette,  est  accompli  le 
Mystere  de  Dieu,  cooime  il  en  a  donne  la  bonne  nouvelle  a  ses  serviteurs 
les  prophetes.  8.  Et  la   voix   que  j'avais   entendue   du  ciel,   de  nouveaii 


Swete,  al.),  et  ne  pas  I'entendre,  avec  des  exegetes  anciens,  Bede,  etc.,  suivis  par 
Spina,  du  «  Temps  »  en  soi,  qui  serait  sur  le  point  de  faire  place  a  I'eternite.  Andre 
propose  les  deux  sens,  «  temps  »,  et  «  delai  ».  L'idee  philosophique  du  temps  oppose 
a  I'eternite  ne  parait  guere  s'accommoder  a  I'esprit  de  I'Apocalypse,  qui  n'a  rien 
de  speculatif ;  c'est  un  rapprochement  bien  fantaisiste  que  celui  qui  est  fait  par  Spitta 
avec  IX,  14-suiv.,  oii  il  trouve  des  «  Anges  du  temps  ».  Dans  le  pretendu  parallele 
d'Hen.  si.  xxxiii,  2  et  lxv,  6-suiv.,  il  est  bien  question  de  la  cessation  des  divisions 
du  temps  apres  le  jugement,  dans  le  huitieme  Milienaire,  mais  dans  un  contexte  d'idees 
si  difterent  qu'il  n'y  a  pas  trace  de  parallelisme.  Jo/i.  Weiss,  apres  Spitta,  supprime 
7a  comme  glose  de  Γ  «  Editeur  »,  et  traduit  6  et  7b  :  ...  «  Die  Zeit  ist  vortiber,  und 
vollendet  ist  das  Geheimnis  Gottes  » ;  mais  son  exegese  tombe  avec  sa  theorie  des 
sources.  Au  contraire,  le  parallelisme  est  tres  visible  —  et  il  n'a  pas  manque  d'etre 
vu  par  Holtzinann,  Erbes,  Bousset,  al.,  —  avec  Dan.  xii,  7,  ou  I'Ange  jure  avec  le 
meme  geste  et  dans  les  memes  termes,  qu'il  n'y  a  plus  qu'un  certain  delai  avant 
la  fin.  Le  present  verset  fait  contraste  avec  vi,  11,  ou  un  delai,  avant  le  debut  des 
calamites  contenues  dans  le  grand  Livre,  etait  impose  aux  esperances  des  martyrs. 
Swete,  qui  le  note  avec  d'autres,  observe  encore  que  cette  assurance  venait  bien  a 
propos  a  la  fin  de  I'age  apostolique,  quand  I'ancien  espoir  d'une  Parousie  immediate 
s'etait  dissipe,  cfr.  II  Pet.  in,  3-suiv.  Beaucoup  pouvaient  etre  tentes  de  se  dire  : 
«  Oil  est  la  promesse?  Tout  durera  toujours  comme  depuis  le  commencement  de  la 
creation  ».  —  L'  «  Ange  puissant  »  annoncerait-il  done  que  la  Parousie  est  imminente 
a  la  fin  du  le'siecle?  NuUement;  la  Parousie  est  proche  par  rapport  a  un  moment 
de  I'avenir  qui  suivra  la  sixieme  trompette,  et  non  pas,  centre  Bousset,  par  rapport 
au  moment  ou  Jean  eut  sa  vision.  Toutefois  c'est  une  reponse  a  la  sainte  impatience 
qu'ont  le  Prophete  et  I'Eglise  de  voir  le  triomphe  du  Christ;  c'est  une  assurance  que 
le  deploiement  des  calamites  predites  ne  fera  que  rapprocher  la  consummation  du 
bonheur,  que  des  fleaux  en  nombre  limite  suffiront  a  detruire  tout  obstacle  a  I'epa- 
nouissement  du  Regno  de  Dieu,  deja  commence,  du  reste,  par  I'activite  du  Premier 
Cavalier  (ch.  vi)  et  des  Deux  Temoins  (ch.  xi,  infra). 

'  A.  B.  7.  Και  a  I'apodose,  hebra'isme,  pourrait  etre,  comme  I'indique  Boussci, 

le  1  consccutif  devant  le  parfait  avec  le  sens  du  futur;  έτελέσΟη,  aoriste  d'anticipation 
(iS'(veie),  corrige  en  τελεσΟί)  (Q,  al.,  Orig.,  And.),  ou  τελεσΟησεται  (Arethas,  hit.),  ou 
τελεσθηναι.  —  ευαγγελίζειν,  forme  active,  Int.  c.  X,  §  II.  —  «  Mystere  de  Dieu  »,  chez 
Paul,  I  Cor.  II,  1;  cfr.  ii,  7;  iv,  1;  Col.  ii,  2;  μ.  τοϊ3  χριστοΐί  Epii.  πι,  4;  Col.  iv,  3;  μ.  της 
βασιλείας  Marc  ιν,  11. 

C.  7.  Le  «  /ρόνος  ούκέτι  εσται  »  n'indiquait  pas  la  (in  immediate,  puisqu'il  faut  encore 
attendre  la  7<=  trompette  (Swete).  Cette  derniero  sera  celle  du  jugement,  triomphe 
de  Dieu,  de  I'Agneau  et  des  fideles.  Le  «  Mystere  de  Dieu  »  est  I'accomplisseraent 
definitif  de  la  volonte  bienfaisante  d'En  Haut,  apres  la  destruction  des  obstacles; 


124  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

*λαλ5ΰσαν  *μετ'  έμου  καΐ  *λέγ2υσαν"  "Γτταγε  λάβε  το  *βιβλαρίο',ον  το  ήνεωγμ,ένον  εν  τί; 
χειρί  του  αγγέλου  το'ύ  έστώτος  έ-ί  τ•^ς  θαλάσσης  καΙ  έττΐ  τί^ς  γ^ς.  9.  Κα•  *άζηλθα 
■ττρος  τον  άγγελον  λέγων  αυτί)  οουναί  μο'.  το  βιβλαρίο'.ον.  ΚαΙ  *  λέγει  μο•."  Λάβε  και 
κατάοαγε  αυτό"  και  πικρανεϊ  *σου  τήν  κοιλίαν,  αλλ  εν  τω  στόματί  σου  έσται  γλυκύ  ώς 
μέλι.  10.  Και  έλαβον  το  βιβλαρίΒιον  εκ  της  χειρός  του  αγγέλου  και  κατέοαγον  αυτό, 
και  ην  έν  τω  στόματί  μου  ώς  μέλι  γλυκύ'  και  ότε  έφαγον  αυτό,  έζικράνθη  ή  κοιλία 
μου.  11.  Και  *λέγουσί  μοι'  Δει  σε  ττά/,ιν  ττοοοητευσαι  έττΊ  λαοΐς  και  έθνεσιν  και  γ/,ώσ- 
σαις  και  βασιλεΰσιν  ττολλοΐς. 


de  la  I'emploi  du  mot  ευαγγελίζειν,  qui  signifie  toujours  quelque  chose  de  joyeux  et 
de  consolant  {BousseD,  une  nouvelle  joyeuse  {Holtzm.j;  car  ce  sera  alors  le  repos 
eternel  des  saints  {And.).  II  ne  faut  pas  y  voir  seulement,  comrae  Boussei,  le  drame 
du  ch.  XII,  la  defaite  historique  de  Satan;  d'ailleurs  les  evenements  de  xii-suiv.  ne 
se  deroulent  pas  au  son  d'une  trompette.  Ne  cherchons  pas  pour  le  «  Mystere  de 
Dieu  »,  dans  des  eglises  pauliniennes  et  pour  une  expression  aussi  caracteristique, 
un  autre  sens  que  le  sens  paulinien.  L'Ange  jure  que  la  realisation  du  plan  du  salut, 
I'union  de  tons  les  elus  entre  eux  et  a  Dieu  par  le  Christ  —  tel  est  le  αυστηριον  — 
sera  parfaite  quand  aura  sonne  la  derniere  trompette,  annonciatrice  du  jugement 
dernier,  de  la  pleine  retribution;  et  que  cette  sonuerie  doit  suivre  de  pres  la  consom- 
mation  de  la  sixieme  plaie  decrite,  la  plus  horrible  de  toutes  (cfr.  ch.  xx,  la  guerre 
de  Gog  et  Magog). 

— —  A.  B.  C.  8.  λαλούσαν  en  desaccord  avec  φωνή  (Ιχτ.  c.  χ,  §  III ;  peut-dtre  faut-il 
sous-entendre  un  second  η/.ουσα  avant  le  participe,  qu'Orig.,  And.,  etc.  mettent  au 
nominatif;  καΊ  ηχούσα  φωνην...  πάλιν  λαλούσαν  dans  α103-7-104,  s)/rs^,  arm.,  g,  Prim.  — 
Pour  toute  la  scene,  jusqu'au  v.  10,  cfr.  Ezech.  in,  1-3  (I.>t.  c.  v,  ii,  §  II).  —  La  voix 
doit  4tre  celle  de  Dieu  ou  du  Christ,  comme  v,  4. 

A.  B.  9.  kr.y^/M  (A,  a400-23-367,  1072,  1073)  a  ete  corrige  presque  partout 

en  ά-ηλ6ον  (Int.  c.  x,  §  II).  —  γλυκύ;  dit  des  jugements  de  Dieu,  Ps.  xviii  (xix),  10-11, 
et  cxviii  (cxix),  103.  Jean  a  pris  cette  idee  dans  Ezcch.  in,  3,  mais  y  a  joint  I'anti- 
these  de  Tamertume. 

C.  9.  Ce  petit  livre  n'avait  pas  besoin  d'etre  ouvert,  ni  lu  publiquement  au  ciel, 
I'Agneau  ayant  deja  deroule  tout  le  grand  livre  de  I'avenir;  il  faut  seulement  qu'il 
soit  consomme  par  le  Voyant,  suivant  I'image  d'Ezechiel,  c'est-a-dire  que  Jean  se 
penetre  de  son  contenu  pour  I'annoncer  aux  eglises.  Ce  contenu  ne  peut  otre  que 
le  ch.  XII  et  tout  ce  qui  suit  [Calmes,  Bousset,  v.  infra);  ce  n'est  pas  encore  le  ch.  xi 
qui  ne  renferme  pas  de  propheties  detailldes  sur  «  des  peuples...  et  des  rois  nombreux  » 
(verset  suivant).  II  est  doux  et  amer  a  la  fois,  parce  qu'il  prophetise  le  jugement 
en  meme  temps  que  la  misericorde  [Si^'ete).  Ou,  comme  dit  Andre,  douce  est  la. 
connaissance  des  choses  futures  que  Dieu  a  decretees,  mais,  comme  les  chatiments 
y  sont  compris,  le  Prophete  sera  pris  de  compassion. 

— —  A.  C.  10.  Aoristes  hellenistiques,  χατεφαγα,  έφαγα,  dans  1073,  al.  —  «  Manger 
ce  livre  »  veut  dire  «  le  confier  a  sa  memoire  »  [Vict.,  al.), 

•^—  A.  B.  11.  λέγουσ-.ν,  indetermine  :  «  on  me  dit  »  (Int,  c.  x,  §  II);  λέγει  dans 
P,  Av20-rl-lr,al03-7-104,  al.  vidg.,  syr.,  boh.,  arm.,  eth.,  Prim.  —  ΙπΙ  λαοΓς  κτλ,  comme 
ν,  9;  VII,  9;  χι,  9;  χιη,  7;  χιν,  6,  caracteristique  du  style  de  I'Apocalypse,  mais  ici 
les  βασιλεΤ;  remplacent  les  φυλαί,  sans  doute  a  cause  des  chap,  xvi  et  xvii. 

C,  11.  On  trouve  chez  les  Anciens  de  curieuses  interpretations  donnees  a  cet  ordre  : 
Vict.  :  Jean  sera  delivre  pour  prophetiser  encore,  apres  la  mort  de  Domitien;  — 
mais  il  pouvait  deja  bien  prophetiser  a  Patmos!  And.,  parmi  d'autres  interpretations 


APOCALYPSE    DK    SAINT   JEAN.  125 

parla  avec  moi,  et  dit  :  «  Va,  prends  le  petit  livre  qui  est  ouvert  dans  la 
main  de  I'Ange  qui  se  tient  debout  sur  la  mar  et  sur  la  terre.  9.  Et  je 
m'en  fus  vers  i'Ange,  lui  disant  de  me  donner  le  petit  livre.  Et  i!  me  dit  : 
«  Prends,  et  devore-le;  et  il  te  sera  amer  aux  entrailles,  mais  dans  ta 
bouche  il  sera  doux  comme  du  miel  ».  10.  Et  je  pris  le  petit  livre  de  la 
main  de  I'Ange,  et  je  le  devorai;  et  il  etait  dans  ma  bouche  doux  comme 
du  miel;  et  quand  je  Teus  mange,  mes  entrailles  sentirent  I'amertume.  11. 
Et  on  me  dit  :  «  Il  te  faut  de  nouveau  prophetiser  sur  des  nations  et  des 
peuples  et  des  langues  et  des  rois  nombreux  ». 

possibles  :  Jean  ne  mourra  pas,  et  reviendra  a  la  fin  des  temps  prophetiser  contre 
I'Antechrist.  Les  anciens  n'avaient  pas  compris  la  grande  division  de  la  parlie  pro- 
phetique  en  deux  sections  (Int,  c.  vii  et  xiv). 

Le  vrai  sens  est  que  Jean,  arrive  a  la  fin  des  Trompettes,  devra  encore,  avant  de 
clore  son  Apocalypse,  publier  des  visions  qui  s'identifient  avec  le  contenu  du  βιβλαρίδιον. 
Puisque  c'est  parce  que  il  a  mange  le  livre  qu'on  lui  dit  cette  phrase,  et  qu'on  lui 
donne  ce  nouveau  mandat,  ce  verset  nous  aide  beaucoup  a  pr^ciser  le  sens  de 
I'episode.  II  s'agit  des  scenes  des  chap,  xn  a  xviii  {Calmes,  Bousset,  Swete),  et  d'autres 
encore  qui  se  rapportent,  quoique  non  uniquement,  a  l-'Empire  romain.  De  la  la 
mention  de  «  rois  «  au  lieu  de  «  tribus  ».  II  va  venir  des  «  prophelies  politiques  », 
comme  dit  Hilgenfeld,  (Z.W.T.  1890,  432,  cite  par  Holtzm.)  \iX  :  il  faut,  c'est  una 
nocessite  interieure  qui  le  presse  depuis  qu'il  a  mango  le  livre,  et  qu'il  s'est  rempli 
de  la  science  des  decrets  divins  les  plus  interessants  pour  ses  eglises  d'Asie.  Πάλιν 
n'est  pas,  comme  voudrait  Joh.  Weiss  qui  altribue  ce  verset  a  1'  «  Editeur  »,  I'aveu 
que  celui-ci,  (ou  I'auteur  meme),  s'est  approprie  un  livre  deja  fait,  une  ancienne 
prophetic  qu'il  reedite  (;:άλιν),  pour  rappeler  a  la  communaule  des  predictions  non 
encore  realisees.  Nous  avons  deja  dit  ce  qu'il  faut  penser  de  pareils  artifices  pretes 
a  Jean.  Mais  πάλίν  \e\ii  dire  «  une  seconde  fois,  une  fois  encore  »,  par  rapport  a 
toutes  les  propheties  qu'il  a  deja  donnees  [Bousset).  Sa  mission  prophetique  se 
specialise  desormais.  Et  nous  pouvons  ajouter  que  ce  seront  en  partie  les  memes 
predictions  que  precedemment,  mais  a  un  autre  point  de  wlc  et  sous  une  autre  forme ; 
I'adverbe  πάλιν,  selon  nous,  exprime  cela.  La  theorie  de  la  «  recapitulation  »,  restreinte 
et  amendee,  va  trouver  une  juste  application.  Sweie  dit  a  pen  pres  la  meme  chose. 
Beckwith,  lui,  ne  veut  voir  dans  le  contenu  du  c  petit  livre  »  que  I'ordre  ecrit  donne 
a  Jean  de  continuer  ses  propheties;  point  n'eut  ete  besoin  de  tant  d'embarras  pour 
si  pen. 

b.  Presentation  de  lEglise  au  milieu  des  fleaux  et  i'ictoire  de  I'Evangile 
sur  l'Ant4clirist,  par  la  pjrcdication  des  «  Deux  Temoins  »  (xi,  1-14) . 

iNxnoD.  1°)  Place  et  role  de  cette  pericope  dans  I'Apocalypse.  —  Ici  la  marclie  de 
la  Rovelation  n'est  pas  des  plus  faciles  a  suivre,  a  cause  de  I'enchevetrement  des 
deux  images  des  Sept  Trompettes  et  des  «  Trois  Vae  »,  dent  le  dernier  ne  peut  ilre 
identifio  qua  la  suite  de  reconnaissances  exegctiques.  Cependant  une  analyse  attentive 
fail  i'oir  que  I'ecrivain  a  voulu  metlre  en  contraste  le  resultat  de  I'nctivite  des  «  Deux 
Temoins  »  «rcc  les  calamites  du  fleau  precedent.  Nous  rctrou^Όns  done  ici  le  dipti/que, 
I'antiihcse  periodique  du  sixii-mc  moment  des  scptenaires.  Nous  crayons  que  le  double 
tableau  de  IX  et  de  XI  presente  en  raccourci,  sous  ses  deux  faces,  toute  la  suite 
de   I'execution    des    volont^s    de    Dicu   consignees   dans   le    Grand    Livre  du  cli.    V ; 


12G  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN, 

dun  cote,  la  6*  plaie  met  Ic  comble  au  chatiment  des  profanes,  puisqu'elle  aneantit 
un  tiers  de  I'hinnanite,  et  pourtant  cette  justice  i'engeressc  ne  suffil  pas  a  les  con- 
vertir  [IX,  20-^1);  ici  par  contre,  saint  Jean  contemple  le  tableau  de  la  providence 
de  Dieu  sur  I'Eglise,  protection  permanente  qui  la  mene  au  triomphe  a  trovers  les 
hates  et  les  douleurs;  ce  spectacle  eclatant  produit  sur  les  ennemis  un  effet  qui  n'avait 
pas  encore  etc  atteint  par  le  deploiement  de  la  grande  colere  :  il  leur  ouvre  les  yeux, 
meme  avec  une  vindicte  beaueoup  plus  moderee  (XI,  13).  Le  precede  est  le  mSme  qu'au 
Sixieme  Sceau,  oil  Jean  a  oppose  I'accablement  des  impies  affoles  par  des  calamites 
sociales  {VI,  12-17),  a  la  securite  des  li^i.OOO  et  de  la  grande  foule  qui  afflue  a  la 
patrie  celeste  (VII,  1-17).  De  meme  un  Ange  etait  intcrvenu  entre  les  deux  tableaux 
du  6^  sceau,  (VII,  2-3),  pour  proclamer  la  preservation  des  elus,  absolument  comme 
I'An're  du  ch.  X pour  annoncer  la  conso-nmation  infaillible  du  mystere  de  misericorde. 
Cet  «  intermede  yi-de  X  n'empeche  done  pas  davantage  les  tableaux  de  IX  et  de  XI 
de  [aire  corps  ensemble ;  voila  pourquoi  I'auteur  ne  parlera  qua  XI,  Ik,  et  non  a  la 
fin  de  IX,  de  la  «  Deuxieme  malediction  »  qui  «  a  passe  »;  parce  que  ce  «  Vae  » 
etait  toujours  reste  present  a  I'esprit  du  J'oyant;  il  englobait  comme  sa  contre-partie 
la  vision  des  «  Deux  Temoins  »,  et  Jean  n'en  avait  nullement  ete  distrait  par  le  pre- 
tendu  «  intermede  ».  La  scene  de  XI,  1-13  n'a  pas  du  tout  avec  le  ch.  X  ce  lien  etroit 
et  exclusif  que  veulent  voir  bon  nombre  de  commentateurs,  et  qui  permettrait  de  les 
detacher  ensemble;  le  plan  du  livre,  au  contraire,  serait  trouble  par  une  telle  sup- 
pression . 

Mais  on  renonce  a  comprendre  I'economie  magnifique  de  I'Apocalypse  si  Von  fait 
de  XI  1-13  un  nouvel  «  intermede  »,  sans  lien  essentiel  avec  ce  qui  I'entoure,  ou  si  Ion 
fait  entrer  cette  perieope  dans  une  serie  continue  avec  ce  qui  suivra  aux  chapitres 
Xll-suiv.  Malgre  la  prolepse  de  la  B^te  (XI,  7),  «  emboitement  »  qui  est  encore  moins 
ctonnant  que  celui  du  ^ιβλαρίδιον  au  ch.  X,  notre  perieope  appartient  certainement 
a  la  premiere  section  prophetique,  et  non  a  la  seconde.  C'est  egolement  se  tromper, 
en  restreignant  beaueoup  trop  la  portee  de  cette  prophetic,  que  de  voir  dans  la 
presente  perieope  une  prediction  du  sort  de  Jerusalem  et  des  Juifs  (v.  infra).  Malgre 
rori"ine  bibliqiie  du  symbolisme,  nous  verrons  que  tous  les  traits  de  ce  chapitre  sont 
choisis  et  combines  dune  maniere  faite  expres  pour  qu'on  ne  les  prenne  qu'au  sens 
fioure  et  tout  a  fait  universel,  et  il  faut  toute  la  myopic  de  I'esprit  de  systeme  pour 
ne  pas  en  aonvenir. 

2°)  Opinions  sur  les  sources.  —  Cependant  le  materiel  des  images,  et  eertaines 
particularites  de  la  langue,  ont  induit  la  plupart  des  exegetes  et  des  critiques  a 
voir  ici  un  morccau  disparate,  plus  juda'ique  que  I'ensemble. 

Pour  Volter,  //  appartient  a  I'Apocalypse  de  Cerinthe  (70),  commencee  avec  le  ch.  X, 
et  comprenant  encore  XII,  1-10;  12-16;  XIV,  8;  XV,  5-6,  8;  XVI  [sauf  interpolations), 
XVII,  1-18;  XIX,  lUXX  (sauf  interp.);  XXI,  1-13;  15-21;  XXII,  ύ-6.  Weyland  le 
rattache  a  son  2.  (Juif,  sous  Neron)  avec  X,  XII-XVI,  XIX-XXI,  en  tout  ou  en  partie ; 
Spitta  a  J-  (j'uif  sous  Pompee)  avec  toujours  X  (sauf  interp.),  XIV,  1^-20;  XV,  2-6,  8; 
la  majeure  partie  de  XVI;  XVII,  l-6a;  XVIII,  moins  2k;  XIX,  1-3;  5-8;  XXI,  9- fin; 
XXII,  l-3a;  15.  On  n'a  qua  lire  a  la  suite  tous  ces  passages  pour  apprecier  les 
de<^res   divers  d'ingeniosite  de  ces  auteurs. 

Vischer  trouve  a  la  perieope  un  caraetere  tres  special,  et  c'est  une  de  ses  premieres 
j^isons  pour  assigner  a  tout  le  livre  une  origine  juive.  Weiszacker  y  voit  d'anciens 
mqteriaux  utilises,  des  debuts  de  la  guerre  juive;  pour  Schoen  et  Sabatier,  c'est 
egalemcnt  un  emprunt  a  I'Apocalyptique  juive,  et  I'auteur  chretien  aurait  cree  de  toutes 
pieces  le  ch.  X pour  servir  de  liaison  entre  cette  scene  et  le  eontexte;  Pfleiderer  i/ecoMtre 
de  XI  a  XVIII  une  source  juive,  peut-etre  continue,  du  temps  de  Caligula,  incorporce 
par  I'auteur  meme,  avec  des  complements.  Schmidt  voil  de  X,  1  a  XL  13,  un  morccau 
intercalc  dans  la  compilation  principalc. 


APOCALYPSE  DE    SAINT  JEAX.  127 

Erbes  ei  Bruston  en  font  cependant  unc  pavlie  de  leur  Apocalypse  primitive  da 
temps  de  Neron; pour  le  premier,  cUc  sc  rattachc,  sauf  Vi,  a  ce  qui  precede,  depiiis 
Ic  ch.  I''',  pour  I'autre  a  la  section  qui  s'etcnd  de  X  a  XX  [sauf  interpolations  da  dis- 
ciple et  du  redacteur) . 

Pour  Calmes,  tout  le  morceau  serail  une  adaptation  dan  document  primitif  sur 
VAnteclirist,  d'abord  localise  a  Rome,  puis  transporte  par  le  redaeteur  a  Jerusalem, 
apres  que  cette  i'ille  eut  ete  prise  par  Titus.  Bousset,  qui  s'est  bate  a  I'apparition 
inopinee  de  la  «  Bote  »  dans  ce  contexte  (voir  v.  7),  ne  pent  croire,  a  cause  de  ce  trait 
abrupt,  que  le  passage  soit  originairement  de  la  main  de  I'auteur.  II  estime  done  que 
XI,  44  serail  mieux  place  apres  le  ch.  IX,  et  que  les  ch.  X  et  XI  forment  un  double 
episode  intercale.  Void,  pour  le  ch.  XI,  le  processus  qu'il  conceit  :  une  vieille  source 
juive  aurait  traite  d'un  Antechrist  siegeant  a  Jerusalem  et  des  Deux  Temoins;  pen- 
dant le  siege  de  6Ί-Ί0,  quelqu'un  cut  combine  ce  vieux  document  avec  un  petit  morceau 
apocalyptique  [XI,  l-'2),  destine  a  lui  donner  une  portee  actuclle;  I'auteur  de  notre 
Apocalypse,  ayant  trouce  le  morceau  en  cet  Stat,  y  eut  joint  une  introduction,  I'eilt 
ramene,  par  quelques  interpolations,  a  un  sens  chretien,  et  place  entre  la  6^  et 
la  7«  trompette.  Nous  critiquerons  plus  loin  cette  conception.  Joh.  Weiss  (Offenb. 
pp.  129-130),  j'uge  aussi  que  le  fond  du  morceau  estjuif,  et  date  du  siege  de  Jeru- 
salem; aussi  I'attribue-t-il  a  sa  source  Q,  dont  I'auteur  se  serait  cru  au  debut  d'une 
periode  de  mallieurs  de  3  ans  lj2,  pris  a  la  lettre,  qui  devait  preceder  I'arrivee  du 
Messie  et  le  triomplie  definitif  de  Dieu.  Dans  ce  bref  laps  de  temps,  il  sc  fat  attendu 
a  i'oir  se  derouler  :  1°)  I'activite  des  precurseurs  du  Messie,  Elie  et  Henoch  reparus 
(XI,  3-13);  2°)  la  persecution  du  peuple  de  Dieu  par  le  diable  (XII,  1-6;  li-17); 
3°)  la  venue  de  I'Anteclirist  (XIII);  i")  I'effondrement  de  I'Empire  remain  (XVII, 
XVIII,  XIX).  L'  «  Editeur  »  cut  adopte  tous  ces  morceaux,  dont  il  eut  modifie  le  sens 
et  I'esprit  en  y  intercalant  des  scenes  ou  des  phrases  chretiennes. 

Bousset  et  Weiss  se  sent  laisse  influencer  par  un  petit  roman  sorti  de  I'imagi- 
nation  de  Wellhausen,  que  nous  critiquerons  dans  un  excursus  special.  Ccst  la 
couleur  juive  des  symboles  qui  les  y  a  partes,  ainsi  que  certaines  particularites 
linguistiques.  II  nous  faut  done  etudier  la  langue  de  cette  pericope. 

3•^'  Langue  et  style.  —  Ce  qui  frappe  le  lecteur  tout  d'abord,  c'est  que  les  termes  de 
la  proposition  ne  suivent  pas  I'ordre  ordinaire.  Trcs  souvent,  le  regime  direct  precede 
le  verbe;  on  ne  trouve  guere  ailleurs  cette  construction  dans  I'Apocalypse  que  si  le 
regime  est  pronominal,  ou  dans  la  locution  δνομ.α  ε/ ει.  Elle  manque  absolument  dans 
les  ch.  VII,  XIV,  XV,  XX  et  XXII.  On  la  trouve  pour t ant  [abstraction  faite  des 
pronoms)  5  fois  sur  k6  au  ch.  II,  a  peu  pres  une  fois  sur  onze  au  ch.  Ill,  une  fois 
respectivement  aux  ch.  IV  et  V  (centre  5  et  18),  au  ch.  VI  deux  fois,  de  metne 
au  ch.  XIII,  au  ch.  XVI,  presque  une  fois  sur  cinq  au  ch.  XVII,  ce  qui  est  la  proportion 
la  plus  elevee  apres  celle  de  la  pericope  que  nous  etudions.  —  En  outre,  nous  ne 
irouvons  qu'ici,  au  v.  11,  la  preposition  I  ν  employee  fautivcment  pour  εις;  le  sujet 
precede  le  verbe  plus  souvent  qu'ailleurs;  les  temps  presents  et  fiiturs  dominent,  et 
se  mglent  a  I'aoriste  d'une  etrange  maniere;  deux  fois  le  verbe  δ(δωυ.ι,  employe 
comme  une  sorte  d'auxiliaire,  se  fait  suivre  de  και,  au  lieu  de  ί'να. 

Ces  observations  suffisent-elles  a  nous  faire  reconnaitre  une  source?  Je  ne  le  crois 
pas,  pour  une  raison  d'un  grand  poids  :  c'est  que  la  grammaire  et  le  vocabulaire 
jolianniques  caraclerisent  fortement  tout  le  morceau.  On  y  trouve  les  memos  irregu- 
larites  qu'ailleurs,  parfois  encore  plus  fortes  (v.  1  :  λέγων;  v.  4  :  Ιστώτες^  En  outre, 
αδικέω,  bis;  δει,  semel ;  Iv  instrumental,  v.  6;  kv.  partitif  comme  sujet  (v.  9),  ainsi 
que  dans  I'Evangile  (Int.  c.  xiii,  §  I)  ;  la  conjugaison  thematique  d'  άφίημι  (v.  9); 
deux  fois,  au  v.  10,  I'expression  usuelle  de  notre  auteur  ol  χατοιζοΰντες  (τους  κατ.) 
επΙ  της  γης,  e^  non  την  γην,  comme  XVII,  'J;  I  enumeration  habituelle,  λαοί,  φυλαί, 
κτλ;  ονοαατα  =;  individus,  personnes,  (v.  13)  comme  ΠΙ,  4;  cnfin   le  mot  johannique 


128  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

θεωρέω  (11  et  12),  qui  est  caracteristique  du  IV^  Evangilc  (23  fois  Job.  et  1  fois  I  Job.. 
tandis  quil  n'apparait  que  7  fois  Marc,  7  fois  Luc,  li  fois  Act.,  2  fois  Mat.,  1  fois 
Heb.,  et  nulle  part  ailleurs  dans  le  N.  T.).  L'anacoluthe  Δώί;ω...  και...  du  v.  3  est 
une  tournure  qui  ressemble  assez  a  ?δου  διδώ...  ίδου  ποι/Ισω...  de  la  leltre  a  P/iiladel- 
phie,  111,9,  ou  du  mains  η  est  pas  plus  extraordinaire  (vid.  ad.  loc).  Les  cliangements 
de  temps  s'expliquent  psychologiquement,  par  le  mouvement  de  la  pensee  de  I'ecrivain, 
qui  retombe  du  sentiment  renouvele  el  vivanl  de  la  vision  quil  a  eue,  ou  de  I'etat  mental 
du  prophcte  qui  a  conscience  de  decrire  I'avenir  deja  en  germe  dans  le  temps  present, 
au  simple  souvenir  da  narrateur  qui  se  rappelle  un  phenomene  visionncl  (\κϊ.  c.  x, 
§  III).  C'etait  I'inverse  au  eh.  VII  (v.  ad.  loc),  oil  il  passait  du  present  visionnel  au 
futur  prophetique;  les  chap.  XXI  et  XXII  nous  presenteront  encore  des  oscillations 
analogues.  Quant  a  I'ordre  des  mots,  les  places  respectives  du  sujet  et  du  verbe  ne  sont 
pas  tres  fixes  dans  le  style  de  Jean;  ici  le  sujet  vient  quinzc  fois  le  premier,  et  six  fois 
le  second;  mais  dans  les  Lettres,  au  cli.  V au  ch.  VII,  9-16,  au  c/i.  XIV,  1-13,  et  surtout 
du  c/iapitre  XVI  jusqua  la  fin,  c'est  cette  construction  qui  domine;  I'ordre  inverse  ne 
lemporte  resolument  qu'au  ch.  IX;  il  faut  croire  que  Jean  se  laissait  aller  sur  ce 
point  au  hasard  de  sa  plume.  La  position  du  regime  direct  devant  le  verbe  est  quelque 
chose  de  plus  rare  et  significatif;  toutefois  nous  pouvons  noter  que  I'auteur  se  per- 
meltait  cette  construction  chaque  fois  quil  voulail  attircr  I'attention  sur  I'obj'et  (voir, 
par  exemple,  II,  3,  k,  5;  III,  19,  etc.).  Cette  particularite  de  notre  pericope  peut 
provenir,  en  partie  dune  intention,  en  partie  du  hasard;  elle  prouverait  tout  au  plus 
que  Jean  la  ecrite  avec  une  certaine  cmphase,  ou  dans  le  meme  etat  d'animation 
que  lorsqu'il  tracait  les  lignes  de  la  leltre  a  Ephese;  on  nest  pas  plus  fonde  a  y  voir 
les  vestiges  dune  source  transcrite  qu'on  ne  le  serait  dans  le  ch.  IX  a  cause  de  la 
position  presque  exclusive  du  verbe  devant  le  sujet.  Du  resle,  si  nous  y  regardons 
de  pres,  I'objel  ne  precede  le  verbe  que  8  fois  contre  seize,  et,  sur  ces  huit  cas,  on 
trouve  trois  fois  le  pronom  demonstratif,  et  une  fois  I'expression  slereotypoe  έξουσίαν 
ενουσιν,  analogue  a  ύνο[χα  ε/ει;  la  proportion  η' est  done  guere  plus  forte  ciuau  ch.XVII 
ou  dans  la  lettre  a  Ephese;  dans  les  4  cas  qui  restent,  le  commentaire  fera  tres  bien 
voir  la  raison  de  I'ordre  des  mots;  ce  n'etait  vraimcnt  pas  la  peine  d'attacher  tant 
d'importance  a  une  particularite  si  minime.  Ajoutons  que  Jean  ne  s'astreignait  pas 
sur  ce  point  la  une  telle  regularite ;  au  ch.  IV,  8,  il  ecrit  :  άνάπαυσι  ν  ού/.  ε/ ouatv,  et 
au   ch.   X/F,li  ουκ  ε/ ουσιν  άνάπαυσιν. 

En  realite,  il  n'y  a  done  que  la  faute  εισηλθεν  έν  αύτοΓς  du  v.  11  —  laquelle  nest 
meme  pas  admise  de  Soden,  qui  supprime  έν  —  ά  etre  U7ie  particularite  linguistique 
de  notre  tableau  des  2  Temoins.  C'est  trop  peu  pour  y  decouvrir  une  source  ecrite. 

4°)  Conclusion.  —  Nous  ne  nierons  pas  categoriquement  pour  autant  qu'il  puisse 
y  en  avoir  une;  jnais  c'est  une  pure  possibilite,  et  il  faudrait  admettre  en  tout  cas 
que  Jean  ne  la  citee  que  de  memoire,  —  puisque  son  style  est  si  reconnaissable 
dans  tout  le  morceau;  il  I'aurait  d'abord  mangee  et  digeree,  comme  le  βιβλαρίδιον, 
pour  I'exprimer  ensuite  sous  sa  forme  a  lui,  en  fonetion  de  scs  idees  les  plus  person- 
nelles.  Alors,  a  quoi  bon  s'attacher  a  une  hypothese  qui  devient  inverifiable?  Nous 
devons  en  effet  maintenir,  apres  la  plus  rigoureuse  analyse,  que  cette  pericope  nest 
pas  un  intermede,  mais  la  contre-partie,  conformement  au  procede  johannique,  de  IX, 
13-21.  Toutes  les  images  quelle  eontient peuvent,  nous  le  verrons,  s'expliquer  directe- 
nient  par  la  Bible,  sans  recours  force  a  I'Apocalyptique  anterieure;  /«  emboitement  » 
de  la  «  Bete  »,  au  v.  Ί,  la  relie  solidenient  a  la  2^  section  prophetique,  quoiqu'elle 
fasse  encore  partie  de  la  premiere;  el  par  la  cette  scene,  qui  est  du  2"  Vae,  implique 
le  troisieme  (v.  ch.  XIII,  comment.),  — preiive  nouvelle  que  tout  cela  ne  represente 
pas  de  succession  ehronologique  rigoureuse  (Int.  c.  v  et  vii).  Enfin,  la  puissance  des 
«  Temoins  >>  et  leur  resurrection  nous  aidera  fort  a  comprendre  le  difficile  «  Mille- 
nium »  du  ch.  XX. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX.  129 

Concluons  done  que,  si  nous  nations  pas  cet  «  intermede  »,  qui  a  derange  tant 
d'analysies,  iApocalypse  serait  moins  liee,  nioins  co/ierente,  et  moins  symetrique, 
quelle  ne  Vest  en  realite. 

A.  B.  1.  Le  singulier  participe  λέγων,  qui  ne  se  rapporte  a  aucun  mot  exprime,  mais 
seulement  a  I'agent  implique  dans  le  passif  εδόθη  (est-ce  I'hebreu  iI^nS?  Int.  c.  x, 
§  II),  a  ete  change  en  λε'γίΐ  (χ),  λέγουσα;  καί  οωνή  λέγουσα,  dans  quelques  mss.  du  type 
Andre;  ou  bien  Ton  aintercale  apres  ράβδΌι  les  mots  καί  είστ/ίκει  ό  άγγελος,  (χ<=,  syrs^^', 
Orig.,  Vict.  etc.).  —  Έγειρε  est  pHs  ici  au  sens  intransitif;  un  imperatii"  aoriste 
«  ingressif  »  suit  tres  justement  le  present.  —  Pour  cette  mesure  symbolique,  qui 
reparait  Apoc.  xxi,  15,  et  provient  d'Ezec/i.  xl,  1-6;  xlii,  20,  cfr.  Zach.  ii,  1;  Is.  xxxiv, 
11;  Hen.eth.  lxi,  1-suiv. 

C.  1.  II  est  evident,  nialgre  Andre,  qui  cherche  ici  quelque  symbolisme  spirituel, 
que  λέγων,  du  a  une  singuliere  neglig-ence  de  style  de  I'auteur,  ne  peut  se  rapporter  a 
κάλα[Αο;.  Mais  qui  est-ce  qui  parle?  Est-ce  encore  I'Ange  du  ch.  χ  {Bousset)  ?  Nous 
croirions  plutut  que  cest  le  Christ  lui-meme,  a  cause  de  τοις...  [χάρτυσί  μου  du  v.  3. 
Comment  se  fail-il  alors  que  Jean  ne  I'ait  pas  nomme?  Cest  peut-etre  parce  que, 
redescendu  sur  la  terre,  il  y  a  retrouve  le  «  Fils  d'Homme  »  du  ch.  lO"".  Les  grandes 
figures  rentrent  pour  un  temps  dans  la  penombre,  mais  ne  disparaissent  pas;  et  toutes 
ces  visions  sont  censees  n'en  faire  qu'une  ;  le  Christ,  comme  maitre  des  eglises  et 
revelateur,  demeure  toujours  sous  les  yeux  de  son  prophete.  «  Leve-toi  »,  lui  dit-il, 
ne  reste  pas  inactif  a  reflechir  sur  la  nouvelle  mission  que  mon  Ange  t'a  donnee,  mais 
«  mesure  le  temple  de  Dieu,  et  I'autel  «  et  —  ici  encore  il  y  a  une  dure  negligence  de 
style  —  «  [mesure]  aussi  ceux  quiy  adorent  ». 

Que  signifient  ce  temple  et  cette  mesure?  Le  contexte  montre  a  I'evidence  que  ce 
n'est  ni  le  Temple  du  ciel  connu  des  Apocryphes,  ni  I'autel  du  ciel  dont  il  a  ete  ques- 
tion aux  ch.  VI  et  suivants.  Cest  un  temple  terrestre,  celui  de  Jerusalem,  et  le  symbo- 
lisme de  la  mesure  signifie  que  Jean,  par  mandat  du  Christ,  doit  le  preserver  de  raal- 
heurs  a  venir,  car  on  mesure  symboliquement,  ou  ce  qui  doit  etre  detruit  {Is.  loc.  cit.), 
ou  ce  qui  doit  etre  conserve  [Zach.  loc.  cit.);  c'est  une  maniere  d'annoncer  les  desseins 
de  Dieu  sur  les  hommes ;  ainsi  Henoch  [loc.  cit.)  voit  au  ciel  des  Anges  qui  mesurent 
la  foi  et  la  justice  des  Justes,  et  leur  residence.  Ici  il  s'agit  de  sauver  une  partie  du 
temple  de  Jerusalem.  II  ne  faut  pas  penser  a  un  batiment  futur,  comme  dans  Ezecli.  xl; 
et  surtout  le  contexte  est  beaucoup  trop  clair  pour  qu'on  songe,  avec  Erbcs,  a  une 
menace  de  destruction  du  temple  juif. 

Mais  faut-il  prendre  ce  temple  au  sens  propre  ou  au  figure?  La  plupart  des  com- 
mentaleurs  modernes,  croyant  ce  chapitre  ecrit  avant  I'an  70,  opinent  pour  le  sens 
propre.  —  «  Au  moins,  explique  prudemment  Bousset,  dans  le  sens  du  document  pri- 
mitif  ».  —  Cest  inadmissible,  au  moins  dans  le  sens  actuel,  car  Jean  n'a  compose 
son  Apocalypse  que  sous  Domitien,  longtemps  apres  la  guerre  juive.  Nous  discuterons 
les  opinions  des  critiques  dans  ΓΕχο.  xxi.  Ce  ναο'ς  est  une  figure  —  comme  celui  de 
II  T/tess.  II,  4  V.  Lxtrod.  c.  ix  —  etil  represente  allogoriquement  I'Eglise,  par  une  image 
paulinienne.  Ainsi  font  bien  vu  Victorin,  Andre,  les  medievaux,  Albert  le  Grand,  etc. 
Corn,  a  lap.,  etc.,  Bossuci,  et,  parini  les  contemporains,  Siveie,  qui  dit  fort  justement 
que  ce  temple  est  I'edifice  spirituel  dont  la  forme  est  suggeree  par  celle  du  Temple 
de  Jerusalem.  La  partie  a  mesurer  comprend  done,  si  Ton  compare  le  v.  2,  le  «  Saint 
des  Saints  »,  et  les  parvis  jusqu'a  celui  des  gentils  exclusivement  {Spiita,  Holizni.). 
Le  θυσιασττίριον  peut  done  aussi  bien  etre  I'autel  des  holocaustes,  dans  la  cour  des  pra- 
tres,  que  celui  des  parfums.  Quant  a  «  ceux  qui  y  adorent  »,  nous  aliens  voir,  centre 
B.  Weiss  et  Beysc/ilag,  que  ce  ne  sont  pas  seulement  les  Juifs  fideles,  les  144.000  du 
ch.  vu;  le  sens  est  bien  plus  general,  et  nous  le  fixerons  bientot. 

APOCALYPSE   DE    S.\INT  JEAN.  y 


13(3  APOCALYl'SE    DE    SAINT    .lEAN. 

Gh.  XI.  1.  Και  έδέθη  μ-οι  κάλαμος  'όμοιος  ράβοω,  *λέγων•  *"Εγεφ£  κα:  μέΐρτ,σον 
τον  ναον  του  θεοΰ  καΐ  το  θυσιαστήριον  και  τους  προσκυνοΰντας  έν  αυτω.  2.  Και  *τήν 
αύλήν  τήν  *εξωθεν  του  ναού  εκβαλε  έξωθεν,  και  μη  αυτήν  μετρήσγ;;,  οτι  εδόθη  τοϊς 
εθνεσιν,  και  *τήν  πόλιν  τήν  άγίαν  ττατήσουσιν  μήνας  τεσσχράκοντα  οΰο.  3.  Και  *οωσω 
*τοΐς  δυσί  μάρτυσί  μου,  *καΊ  προφητεΰσουσιν  r,[jApxq  yOdaq  διακοσίας  έξήκοντα 
^περιβεβλημένους  σάκκους.  4.  *Ουτοί  ε'ισιν  *αί  δύο  έλαΤαι  και  *αί  δυο  'Kuyyiai  αλ 
*ένώπιον  του  -mpio^i   της   γης    *έστώτες.   5.   Και  ε'ι'  τις    αυτούς    θέλει  άδικησαι,   ζυρ 


Grace  a  la  mesure  divine  dont  Jean,  en  vision,  a  ete  Tinstrament,  —  il  s'agit  sure- 
mentici  d'une  piOmulgalion,  non  d'une  realisation,  du  plan  divin  parson  moyen  (cfr. 
Vict.),  quoique  son  Apocalypse  elle-meme  ait  contribue  a  preserver  les  fideles;  cfr.  les 
actes  symboliques  des  prophetes,  qui  n'etaient  pas  cause  de  ce  qu'ils  signifiaient,  — 
ces  adorateurs  vont  etre  sauves  des  maux  dont  la  description  suivra.  Rappelons-nous 
qu'au  ch.  vii,  2-3,  il  y  avait  aussi  une  mesure  de  preservation,  entre  les  deux  aspects 
du  sixieme  moment  d'un  septenaire.  Ge  parallelisme  est  a  noter.  On  pent  encore  rap- 
procher  cette  image,  quant  au  sens,  de  la  «  montagne  de  Sion  »  du  ch.  xiv,  et  du 
«  camp  des  saints  »  du  ch.  xx  (v.  ad  loc). 

^  A.  B.  2.  τήν  αύλήν  est  prepose  pour  attirer  I'attention  de  celui  qui  mesure  : 

«  quant  a  la  cour  extericure,  ne  la  mesure  pas  »  ;  de  meme,  plus  bas,  τήν  πόλιν  τήν  άγίαν. 
Ge  verset  a  ete  profondement  altere  dans  n*,  qui  ne  donne  aucun  sens  satisfaisant ; 
puis  έξωθεν^  a  ete  remplace  par  εσωθεν,  χ,  Av20-rl-l••  α  1598-12-181,  Αν  46-35-2018,  al., 
s?/7'S"•,  Vict.^  von  Soden;  et  εξ^οθεν^  par  εσω  ou  ε'σωΟεν  (α  3-P-025,  al.);  on  n'y  pent  voir 
que  des  meprises  de  scribes,  trompes  par  I'assonance,  ou  ne  croyant  pas  devoir 
repeter  le  meme  mot.  —  μετρήσουσιν  pour  πατήσουσιν  est  une  distraction  de  A.  —  πατήσουσιν 
χτλ  peut  etre  une  reminiscence  de  Zach.  xii,  •3•,Όαη.  viii,  13  (Theod.),  de  plusieurs 
passages  des  Psanmes,  des  Ps.  Sal.  ii,  19;  vii,  2;  xvii,  25;  mais  il  y  a  un  parallele 
direct  dans  le  discours  eschatologique  de  Luc  xxi,  24  :  Ιερουσαλήμ  ^σ-αι  πατουμένη  ύπο 
εθνών  ay  ρις  ου  ιτληρωθώσιν  καιροί  εθνών.  —  ή  πολις  ή  άγ(α,  pour  designer  Jerusalem,  fre- 
quent dans  la  Bible  —  «  42  mois  »,  mesure  consacree  pour  le  temps  d'epreuve,  est 
constante  dans  I'Apocalypse,  mais  exprimee  ailieurs  en  annees  ou  en  jours,  xi,  3; 
xn,  6;  14;  xiii,  5.  Elle  apparait  pour  la  premiere  fois  Dan.  vii,  25;  ix,  27  et  xii,  7;  cfr. 
le  meme  temps  assigne  a  la  secheresse  produite  par  la  priere  du  prophete  Elie  ,  non 
dans  ΓΑ.  T.  (  I  Reg.  xvii,  1,  trois  ans),  mais  Luc  iv,  25  et  Jac.  v,  17. 

C.  2.  Le  parvis  exterieur  est  donne  aux  nations  pour  etre  profane,  avec  tout  le  reste 
de  la  Gite  sainte;  c'est  « le  temps  des  gentils  »  de  Luc  (supra),  il  ne  s'agit  pas  d'«  anean- 
tir  »  comme  voudrait  Bousset,  mais  de  fouler  aux  pieds,  de  souiller  le  parvis  et  la 
ville  par  leur  presence  et  leur  idolatrie.  Gomme  cela  fait  contraste  avec  le  sort  du 
sanctuaire  et  des  parvis  interieurs,  c'est  la  preuve  certaine  que  ceux-ci  n'etaient 
mesures  que  pour  etre  epargnes.  La  «  cour  exterieure  »  signiiie  pour  Andre  la  syna- 
gogue des  Juifs  infideles  et  des  gentils;  pour  Sivete,  la  cour  signiiie  la  religion  des 
Juifs,  la  «  Gite  sainte  »  leur  elat  politique.  Mais  nous  ne  pensons  pas  qu'il  faille  res- 
treindre  a  Israel  cette  partie  de  la  prophetie,  aussi  pou  que  la  «  montagne  de  Sion  » 
du  ch.  XIV  (v.  ad  loc).  11  parait  plus  juste,  d'apresl'analogie  de  bien  d'autres  passages, 
de  considerer  cette  «  cour  exterieure  »  et  cette  «  Gite  Sainte  »  comme  representant 
all^goriquement  les  conditions  cxtemes  et  mondaines  dans  lesquelles  doit  vivre 
I'Eglise.  G'est  seulement  a  I'exterieur  qu'elle  est  foulee,  qu'elle  souiTre,  qu'elle 
subit  persecution,  tandis  que,  dans  le  sanctuaire  interieur  des  ames,  figuree  par  les 
«  adorateurs  »  du  verset  precedent,  elle  demeure  prosternee  devant  Dieu,  dans  la 
priere  et  dans  la  paix.  Une  idee  absolument  equivalente  se  trouvera  au  ch.   xii  ou  la 


I 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  131 

Ch.  XI,  1.  Et  il  me  fut  donne  un  roseaii  pareil  k  une  canne,  [en]  disant ; 
c<  L6ve-toi,  et  mets-toi  a  mesurer  le  temple  de  Dieu,  et  I'autel,  et  ceux  qui  y 
adorent.  2.  Et  la  cour  qui  est  en  dehors  du  temple,  rejette-[la]  dehors,  et 
ne  la  mesure  pas,  car  elle  a  έΐέ  donnee  aux  nations;  et  la  Ville  Sainte,  elles 
[la]  fouleront  aux  pieds  pendant  quarante-deux  mois.  3.  Et  je  donnerai  k 
mesDEUX  TEMOixs,  de  prophetiser  [litt :  et  lis  prophetiseront)  mille  deux  cent 
soixANTE  JOURS,  s'etaut  enveloppes  de  sacs.  »  4.  Eux,  ce  sont  les  deux 
oliviers  et  les  deux  flambeaux  qui  se  tiennent  debout  en  face  du  Seigneur 
de    la    terre.   5.  Et   si  quelqu'un   veut    leur   nuire,  du  feu  sort   de   leur 


Femme  (rEglise)  est  en  surete  au  desert,  tandis  que  «  ses  enfants  »  sont  persecutes 
dans  le  monde  par  le  Dragon. 

Les  42  mois  {nlias  3  ans  1/2,  1260  jours  =:  12  mois  de  30  jours)  sont  un  symbole  d'une 
signilication  certaine;  lis  designent,  depuis  Daniel  {supra)  le  temps  que  durera  le  regne 
des  ennemis  de  Dieu,  d'apres  celui  que  dura  la  persecution  d'Antiochus  Epipliane; 
raais  nous  A'errons,  aux  versets  suivants  et  dans  I'Exc.  xxiii,  de  quel  sens  multiple 
et  profond  S.  Jean  a  charge  cette  mesure,  si  accidentelle  qu'en  put  etre  I'origine. 

— ^—  A.  3.  /.ou.  διόσω...  καΙ  προοητίύσουσιν    {Syr"'•'''  suppose   ί'να   au    lieu  de   y.ai'^,  CO   qui 

repond  bien  au  sens),  pourrait  otre  un  hebrai'sme  :  irinJT  ••'INajT;  cfr.  une  anacoluthe 
du  meme  genre,  Apoc.  iii,  9.  —  π^ριβεοληαένους  pour  le  nominatif,  admis  par  ΙΓ-//, 
d'apres  N*,  Λ,  Q-1070-O46,  P-a  3-025,  014-4-91,  a  103-7-104,  α  1580-28-2015,  ο  206-48- 
242,  Αν  40-79-2036,  α  1475-96-2041,  nous  semble  authentique,  comme  une  de  ces  negli- 
gences familieres  a  I'auteur  (Int.,  c  .x,  §  II).  L'article  τοί;  indique  que  ces  «  Temoins  » 
(μάρτυς  signifie  temoin,  et  pas  encore  martyr,  sens  derive  du  premier)  doivent  otre  une 
figTire  connue,  traditionnelle. 

B.  3.  Pour  I'attente  apocalyptique  d'un  seul  «  temoin  »  —  qui  est  dans  ce  cas  tou- 
jours  Elie,  —  cfr.  Malachie  iii,  1-3;  23-suiv.,•  Ecclesiastique  xlviii,  10-11;  dans  le  Nou- 
veau  Testament,  Marc  vi,  15  et  parall.;  viii,  28  et  parall,;  ix,  11  et  parall.;  Mat.  xi,  10, 
14  et  parall.;  Apocryphes  et  Peres,  v.  I'Exc.  xxii.  Pour  deux  ou  plusieurs  temoins  ou 
precurseurs.  on  peutse  reporter  a  la  scene  de  la  Transfiguration,  A/a;'c,  ix,  4  et  parall.; 
IV  Esd.  VI,  26,  etc.);  traditions  rabbiniques  posterieures  nommeront,  avec  Elie  et 
Henoch,  ou  Elie  et  Moise,  Esdras,  Baruch,  Jeremie,  Job;  cfr.  aussi  le  «  Messie  ben- 
Joseph  ».  VApoc.  d'Elie,  tardive,  connait  60  precurseurs  du  Messie  (Voir  Volz,  Weber 
Lagrange,  Bousset,  etc.  Exc.  xxii). 

C.  3.  L'Eglise  est  refugiee  dans  la  priere  et  la  contemplation,  dans  les  parties  inte- 
rieures  du  temple,  tandis  que  les  «  gentils  »  I'entourent  et  sont  les  maitres  au  dehors. 
Mais  s'interdit-elle  pour  cela  toute  action  exterieure?  Bien  au  contraire  :  le  Christ 
envoie  deux  «  Temoins  »,  revetus  d'un  «  sac  »,  ce  vetement  grossier  des  prophetes  de 
I'Ancien  Testament,  signe  de  penitence.  lis  prechent  avec  eclat  au  beau  milieu  des 
ennemis,  et  leur  predication  doit  durer  tout  aussi  longtemps  que  la  ville  sainte  sera 
profanee  (1260  jours  =  42  mois) ;  ce  sera  une  protestation  perpetuelle  centre  la  victoire 
apparente  du  mal. 

Les  auteurs  anciens  et  medievaux  ont  presque  tous  identifie  ces  Deux  Temoins  a 
Elie  et  a  Henoch;  un  autre  courant  d'interpretation,  qui  remonte  au  moins  a  Tyconius 
et  qui  a  ete  suivi  par  I'ecole  Alcazar-Bossuet,  y  voit  des  forces  collectives  de  I'Eo-lise. 
C'est  la  seconde  qui  nous  semble  s'imposer,  a  cause  du  contexte  tr^s  clair  (vv.  4  et 
suiv.)  et  pour  les  nombreuses  raisons  que  nous  exposons  plus  loin,  Exc.  xxii.  Mais 
grace  a  I'iniluence  de  la  tradition  apocalyptique,  leur  activite  va  etre  decrite  sous  des 
traits  empruntes  en  grande  partie  a  celle  d'Elie  et  de  Moise  (non  pas  d'Henoch). 


132  APOCALYPSE    DE    SAIM     JEAN. 

kv.Tto ρεύε- Oil  έζ.  του  στόι^-ατος  αυτών,  και  κατεσθίει  τους  ϊ'/βρώς  αυτών.  Και  ει  τις 
Οελήστ,  αυτιύς  άδικτ,σαι,  οϋτως  δει  αΰτον  άχοκτανθηναι.  6.  Ουτιι  εχουσιν  την  έξουσίαν 
κλεΐσαι  τον  cjpavsv,  ί'να  μή  ύετος  βρεχτ,  τάς  ήμ,έρας  της  προφητείας  αυτών,  και 
έξουτίαν  εχουσιν  έ-Ι  των  υδάτων  στρέφειν  αΰτα  είς  αψ,α,  και  ττατάςαι  την  γην  *έν 
πάση  πληγή,  οσάκις  *έάν  θελήσωσιν.  7.  Και  όταν  τελέσωσιν  την  μαρτυρίαν  αυτών, 
*το  θηρίον  το  αναβαΐνον  έκ  της  αβύσσου  ποιήσει  μετ'  αυτών  πόλεμον  και  νικήσει  αυτούς 
και  άποκτενεΐ   αυτούς.    8.  Και  το   πτώμα    αυτών   *επι  της   πλατείας   της  πόλεο)ς   της 


Α.  Β.  4.  L'article  αί  doit  encore  reporter  I'esprit  vers  les  images  connues  ;  il 
n'est  omis  que  1581-46-209;  —  solecisme  εστώτες,  masculin  (Ιλτ.  c.  x,  §11),  corrige  en 
έστώσαι,  rec.  K,  Hipp.  —  II  n'y  a  pas  a  chercher  longtemps  la  reference;  Jean  I'a  faite 

tres  ostensiblement  aZach.  iv,  2-suiv.,  14  :  ϊδοϋ  λυχνία  /ρυιη  δλη  (Israel) χαΐ  δύο  έλαϊαι 

έ-άνω  αύτης  (Jesus  le  pretre  et  Zorobabel) ου-rot  οίδύο  υίοί  της  τ.ιόττ,τος  παρεστι^κασιν  Κυρίω 

πάσης  της  γης.  Notre  passage  ne  peut  etre  qu'une  adaptation  libre  de  ce  texte  (λυχνία,  δύο 
ελαΐαι,  ούτοι,  κυρ(ω  (τζάσης)  της  γης). 

G.  4.  Par  cette  reference,  Jean  explique  lui-meme  ce  qu'il  entend  par  ses  «  Deux 
Temoins  »:  II  ne  renvoie  pas  au  prophete  Elie  ni  au  patriarche  Henoch,  mais  au 
chef  civil  et  au  chef  religieux  du  peuple  d'Israel,  au  retour  de  la  captivite.  Jesus  fils 
de  Josedec  et  Zorobabel  etaient  eux-memes  les  representants  typiques  du  sacerdoce  et 
de  la  maison  de  David.  Aussi  Bossuet  etait-il  bien  fonde  a  reconnaitre  ici  «  les  conso- 
lateurs  de  I'Eglise,  pris  dans  le  clergeou  dans  le  peuple  ».  Sivete  y  voit  «  tous  les  saints 
en  general  ».  D'une  maniere  plus  precise,  a  cause  du  contexte,  nous  pouvons  dire 
qu'il  s'agit  de  tous  les  bons  predicateurs  de  I'Evangile,  qui  combattent  I'influence  de 
I'Antechrist,  dont  le  regne  est  congu  comme  coextensif  en  duree,  ou  presque,  a  celui 
du  Messie  sur  la  terre  (v.  Exc.  xxni,  et  comment,  du  ch.  xx).  lis  incarnent  raction  de 
I'Eglise,  celle  qui  eclate  aux  yeux  de  ses  adversaires,  en  dehors  du  sanctuaire  de  la 
vie  interieure. 

— —  A.  B.  5.  Le  present  εκπορεύεται  au  lieu  du  futur,  1072,  g,  vulg.  —  Le  «  feu  » 
est  une  allusion  possible  au  chatiment  envoye  par  Elie  aux  messagers  d'Ochozias, 
II  Reg.i,  10-suiv.  Mais  il  faut  comparer  surtout  Jer.  v,  14  :  ίδοΰ  Ιγώ  δέδωχα  τους  λόγους 
μου  είς  το  στοαα  σου  ώς  πϊ3ρ,  et  Ecclesiastique  XLVIII,  1  :  και  άνεστη  Έλίας  προοήτης  ως  πυρ,  και 
ό  λόγος  αυτοΰ  ώς  λααπας  εκαίετο. 

C.  5.  Les  Temoins,  explique  .-l^ci/'e,  font  des  miracles  pour  neutraliser  les  prestiges 
de  I'Antechrist,  et  il  est  impossible  a  toute  puissance  ennemie  de  leur  nuire  jusqu'a 
empocher  leur  temoignage,  pour  aussi  longtemps  que  Dieu  veut  qu'il  soit  rendu.  Cette 
image  du  feu  qui  sort  de  la  bouche  rappelle  encore  diA'ers  traits  attribues  au  Messie- 
Juge  dans  les  Apocryphes  :  IV  Esd.  xiii,  10-suiv..  I'Homme  monte  de  la  mer  exter- 
mine  sans  armes  ni  mouvement  une  armee  innombrable,  «  quoniam  emisit  de  ore  sue 
sicut  flatum  ignis,  etc.  »;  Asc.  Is.  iv,  18  :  «  le  Bien-Aime  fera  monter  un  feu  de  lui- 
meme,  et  il  consumera  tous  les  impies  ».  La,  ces  images  sont  a  prendre  dans  un  sens 
plus  ou  moins  materiel,  car  il  s'agit  d'extermination  et  de  damnation  au  grand  Jour  du 
Seigneur.  Mais  ici  il  n'y  a  pas  lieu,  avec  Diisterdiech ,  Bousset,  etc.,  de  forcer  le  rappro- 
chement avec  II  Reg.  i,  10-suiv.  Le  feu  doit  se  prendre  au  sens  figure,  comme  dans  les 
passages  de  Jeremieel  de  VEcclesiasdquc ;  c'est  une  image  qui  signifie  la  puissance  de 
la  parole  [Victor.  :  ignem...  potestatera  verbi  dicit),  comme  Γ  «  epee  »  qui  sort  egale- 
ment  de  la  bouche  (voir  comment,  de  i,  16  et  ii,  12).  On  peut  comparer  les  deux  a 
Isa'ie,  xi,  4  :  «  II  jugera  dans  I'equite  pour  les  humbles  de  la  terre;  et  il  frappera  la 
terre  de  la  verge  de  sa  bouche,  et  par  le  soullle  de  ses  levres  il  fera  mourir  I'impie  «, 
qui  semble  commente,  par  le  Ps.  Sal.  xvii :  «  Purifie  Jerusalem  des  paiens  qui  la  foulent... 


I 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  133 

bouche,  et  devore  leurs  ennemis.  Et  si  quelqu'ua  veut  leur  niiire,  ainsi 
faut-il  que  lui-meme  soit  mis  a  mort.  6.  Eux,  ils  ont  le  pouvoir  de 
fermer  le  ciel,  pour  qu'il  ne  tonibe  pas  de  pluie  les  jours  de  leur  pro- 
phetie,  et  ils  ont  pouvoir  sur  les  eaux,  de  les  tourner  en  sang,  et  de 
frapper  la  terre  de  tout  fleau  aussi  souvent  qu'ils  le  veulent.  7.  Et  qnand 
ils  auront  complete  leur  teraoignage,  la  Bete  qui  monte  de  TAbime  guer- 
roira  avec  eux,  et  les  vaincra   et  les  raettra   a  mort.  8.  Et   leur   cadavre 


de  maniere  a  detruire  les  paiens  impies  d'une  parole  de  sa  bouche,...  de  maniere  a 
reprendre  les  pecheurs  par  la  parole  de  leur  eoeur,...  car  il  reduira  la  terre  par  la 
parole  de  sa  bouche  pour  toujours  »  Ps.  Sal.  XVII,  25,  27,  39).  II  peut  bien  du  reste, 
dans  notre  passage,  y  avoir  allusion  implicite  au  feu  de  la  gehenne,  ou  a  I'image  du 
feu  eschatologique,  dont  les  Temoins  donneraient  aux  impies  un  avant-gout,  par  leurs 
anathemes,  les  chatiments  que  leur  priere,  comme  celle  d'Elie,  attire  du  haut  du  ciel, 
mais  surtout  par  refficacite  de  leur  predication,  qui  tient  en  respect  ou  fait  tomber  en 
dissolution  les  forces  morales  de  I'adversaire. 

A.  B.  C.  6.  έν  πάστ)  πληγ^,  cfr.  I  Sam.  iv,  8,  Ivinstrum.  (Int.  c.  v,  §  II).  —  εάν 
pour  αν,  hellenistique.  —  La  secheresse  est  une  reference  a  I'histoire  d'Elie,  I  Reg.  xvii,  1 , 
car  Elie  etait  le  type  des  precurseurs.  Luc,  iv,  25  et  Jac.  v,  17,  assignent  de  meme  a  cette 
secheresse  une  duree  de  3  ans  1/2.  Le  sens  general  est  toujours  celui  de  la  puissante 
elficacite  de  leur  priere,  cfr.  Tac,  loc.  cit.  —  Pour  le  pouvoir  sur  les  eaux,  cfr.  la  plaie 
d'Egypte,  Ex.  vii,  19-suivants,  Ps.  civ  (cv),  29,  et  les  fleaux  de  la  2«  Trompette  (viii,  8),  et 
des  2«  et  3e  Coupes  (xvi,  3-5).  C'est  encore  un  indice  du  fait  que  les  diverses  plaies  — 
les  Temoins  agissent  parallelement  a  la  6^  —  peuvent  coincider.  Apres  Elie,  voici 
qu'on  se  rappelle  Moise;  mais  il  n'est  ni  ne  sera  question  d'Henoch. 

Les  versets  4  a  6  pourraient  etre  consideres  comme  une  continuation  de  1-3,  encore 
de  la  bouche  du  Christ.  Mais  ils  sont  plutot  une  explication  du  prophete  lui-meme,  qui 
voit  la  prophelie  du  verset  3  deja  realisee  de  son  temps,  au  moins  sous  une  certaine 
forme,  en  germe  :  I'Eglise  est  bien  la  sous  ses  yeux,  qui  affirme  sa  vigueur  defensive  et 
son  pouvoir  conquerant.  Elie  fait  reculer,  ou  du  moins  arrete,  le  mal,  comme  le  myste- 
rieux  χ.α-ε/ων  de  II  Thess.  η  (V.  comment,  du  ch.  xiii,  Exc.  xxx).  C'est  pourquoi  les 
temps  sont  au  present;  mais  les  luttes  les  plus  graves  sont  encore  a  venir,  et  le  recit 
va  alors  passer  au  futur. 

— .  A.  B.  7.  οτε  τελεσουσιν  pour  όταν  τελέσωσιν  dans  quelques  mss.  du  type  Andre. 
—  το  τέταρτον  a  ete  ajoute  apres  θηρίον,  d'apres  Dan.  vii,  3,  par  le  cod.  A,  qui  montre 
parfois  par  de  telles  gloses  sa  reflexion  independante.  —  Pour  la«  Bote  »,  cfr.  les  chap, 
xui,  XVII,  xix,  avec  les  paralleles  a  cette  figure  cites  dans  les  excursus.  —  Pour  αβύσσου 
(I'Abime  a  deja  ete  mentionne  ix,  1-suiv.),  la  syrs^^'  a  du  lire  θαλάσσης,  ce  qui  rappelle 
encore  Dan.  vii,  3;  il  faut  se  rappelerque  ces  deux  mots  ont  eu  primitivement  le  meme 
sens  [Holtzm.]. 

C.  7.  Les  Temoins  sont  done  intangibles,  immortels,  tant  que  leur  office  n'apas  ete 
rempli.  Leur  temoignage  sera-t-il  rendu  tout  entier  d'un  seul  coup,  en  une  seule 
periode?  Sans  doute  non.  car  δταν  erabrasse  les  deux  sens  de  «  lorsque  »  et  «  pourvu 
que  »,  «  toutes  les  fois  que  »,  cfr.  iv,  9;  ici  il  est  suivi  regulierement  de  I'aoriste  sub- 
jonctif. 

Quelle  est  cette  «  Bete  qui  monte  de  TAbime  »  ?  Nous  aurons  a  en  disserter  longue- 
ment  dans  ΓΕχο.  xxx  et  au  commentaire  du  ch.  xiii.  Disons  deja  qu'elle  provient  de 
Daniel  (glose  de  Ai.  et  represente  I'Antechrist  en  general,  mais  d'abord  TAntechrist 
sous  sa  forme  contemporaine,  I'Empire  remain  persecuteur.   Elle  vient  de  Γαβυσσος, 


134  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

μεγάλης,  ήτις  καλείται  πνευματικώς  Σόδομα  καΐ  ΑΓγυζτος,  'όπου  *-/,σλ  ο  κύριος  αυτών 
έσταυρώθη.  9.  Και  βλέπουσιν  *έκ  των  λαών  και  φυλών  καΐ  γλωσσών  και  εθνών  το 
πτώμα  αυτών  •(■^[ΐί^τ.ς  τρεις  και  ήμισυ,  και  τα  πτώματα  αΙ~ώ•^  ciiv,  *ά9ίουσιν  τεθηναι 
εις  μνήμα.  10.  Και  οί  κατοικουντες  έπ'ι  της  γης  *χαίρουσιν  έπ'  αΰτοϊς  και  ευφραίνονται, 
και  δώρα  *πέμψουσιν  άλλήλοις,  οτι  ούτοι  οί  δύο  προφηται  *έβασάνισαν  τους  κατοικουντας 
επί  της  γης.  11.  Και  μετά  τάς  τρεις  ημέρας  και  ήμισυ,  πνεύμα  ζωής  έκ  του  θεού 
εΐσηλθεν   *έν  αΰτοΐς,  και  έστησαν  έπι  τους   πόδας  αυτών,  και  φόβος  μέγας  ε'πεσεν  έπ'ι 


parce  que  c'est  I'Enfei•  qui  la  suscite,  et  aussi,  d'apres  le  double  sens  du  mot,  parce 
qu'elle  s'eleve  de  la  mer,  de  lOccident;  de  son  ile  de  Patmos,  Jean  contemple  sa 
montee,  et  la  voit  venir  faire  une  guerre  sanglante  a  ses  eglises. 

Nous  reservons  a  I'Exc.  xxx  I'expose  des  opinions  exegetiques.  Ge  verset  est  une 
prolepse  des  chapp.  xiii  et  xvii,  un  deuxieme  et  frappant  exemple  d'  «  emboitement  » 
(Int.  c.  vii).  Bousset,  faute  de  comprendre  ce  mecanisme  de  style,  n'a  pu  saisir  I'iden- 
tite  de  cette  Bete  avec  le  pouvoir  imporial,  et  n'y  veut  voir  qu'une  figure  mythologique, 
un  Dragon  en  lutte  avec  deux  heros  qui  eussent  ete  transformes  en  prophetes.  Spina, 
lui,  se  debarrasse  cavalierement  de  cette  Bete  pour  faire  mourir  les  temoins  de  mort 
naturelle.  Notre  commentaire  et  nos  excursus  demontreront,  je  I'espere,  quel  est  le 
sens  veritable  et  la  profonde  unite  de  la  pensee  johannique. 

Get  Antechrist  apparait  figurativement  dans  Jerusalem,  a  cause  de  la  tradition  apo- 
calyptique;  mais  ce  n'est  la  qu'une  allegorie  (v.  comment,  des  versets  8-s.  et  Exc.  xxiv). 
II  prevaut  centre  les  Temoins,  comme  la  «  corne  »  de  la  4*^  Bete  de  Daniel  [Dan. 
y\\,  21),  qui  faisait  la  guerre  aux  saints.  Les  verbes  sont  au  futur  :  Jean  predit,  pour 
qu'il  n'y  ait  pas  d'illusion  chez  ses  lecteurs,  quelle  sera  Tissue  —  transitoire  du  reste, 
et  seulement  apparente  —  des  persecutions  romaines  deja  commencees.  Mais  sa  vue 
s'etend  sans  doute  bien  plus  loin  :  elle  embrasse  au-dela  de  Domitien,  au-dela  des 
conflits  entre  toutes  les  forces  de  I'Empire  et  de  I'Eglise,  comme  il  y  eut  sous  Dece  et 
Galere,  tons  les  martyrs  de  la  verite  au  cours  de  I'histoire  [Swete). 

———  A.  B.  8.  Καϊ  το  πτώ{Αα  (πτώματα,  plus  [correct,  Χ,  Ρ,  vulg.,  syr.  And,  etc.) 
αυτών...,  proposition  sans  verba  (Int.  c.  x,  §  II).  On  a  supplee  «  jacebunt  »  [g,  vulg.),  al. 
«  ponet  »,  «  projicietur  »,  Ιάσει,  εσται,  'έσονται.  —  Κα\  omis  apres  δπου,  χ^^,  boh.,  syrs^, 
al.  —  Juda  est  appele  Sodome,  ou  compare  a  cette  ville  infame,  Is.  i,  9-suiv. ;  Ezech. 
XVI,  42,  55;  cfr.  Jer.  xxiii,  14;  Deut.  xxxii,  32;  «  Egypte  w  nom  typique  pour  «  lieu  de 
servitude  »,  Ps.,  A.T.  passim.  —  Le  nom  de  «  la  grande  jville  »  designe  Rome  dans 
VApoc.  XIV,  8;  xvi,  19;  xvii-xviu ;  mais  il  est  aussi  applique  a  Jerusalem,  Sib.  x,  aux 
vers  154,  226,  413,  et  dans  quelques  mss.  de  VApoc.  a  xxi,  10. 

C.  8.  Ώ' Arethas  iusqn'k  Bossuet,  et,  de  nos  jours,  a  Spitta,  beaucoup  de  commenta- 
teurs  ont  voulu  que  la  «  grande  ville  »  soit  Rome;  aussi  plus  d'un  prend-il  le  parti 
violent  de  supprimer  la  mention  du  crucifiement  de  Jesus;  Bousset  y  incline,  etJoJi. 
Weiss  y  voit  une  glose  de  Γ  «  Editeur  » ;  Calmes  en  fait  une  addition  redactionnelle. 
Quant  a  Weyland  et  a  Vischer,  qui  tiennent  pour  Jerusalem,  ils  changent  μεγάλη  en 
άγια  (cfr.  V.  2).  Mais  cela  n'est  pas  necessaire;  Jerusalem,  a  plus  d'un  titre,  pouvait 
s'appelor  une  «  grande  ville  »,  comme  dans  les  passages  indiques  dos  Sibyllins;  les 
mots  δπου  κτλ,  attestes  par  tons  les  temoins,  montrent  a  I'evidence  que  cette  ville  est 
Jerusalem,  et  c'est  celle-ci  qui  a  ete  appelee  paries  prophetes  (πνευ^χατικώς)  une  Sodome. 
Le  decor  n'a  pas  change  depuis  les  premiers  versets.  Swete,  tout  en  reconnaissant  que 
les  symboles,  dans  leur  signification  derniere,  conviendraient  mieux  a  Rome,  ou  Jean 
pouvait  dire  que  le  Christ  etait  de  nouveau  crucifie  dans  ses  saints  (cfr.  la  legende  des 
Actes  de  Pierre  :  Vado  Romam,  iterum  crucifigi),  tient  cependant  a  Jerusalem,  oil  le 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 


135 


[git]  sur  la  place  de  la  grande  ville,  qui  est  appelee  spirituellement  Sodome 
et  Egypte,  ού  leur  Seigneur  aussi  a  ete  crucifie.  9.  Et  d'entre  les  nations 
et  les  tribus  et  les  langues  et  les  peuples,  [beaucoupj  regardent  leui• 
cadavre  dnrant  trois  jours  et  demi;  et  leurs  cadavres,  on  ne  permet  pas 
de  [les]  mettre  au  tombeau.  10.  Et  ceux  qui  habitent  sur  la  terre  se  rejouis- 
sent  a  leur  sujet,  et  se  felicitent;  et  ils  s'enverront  des  presents  les  uns  aux 
autres,  parce  que  ces  deux  prophetes  tourmenterent  ceux  qui  habitent  sur 
la  terre.  11.  Et  apres  les  trois  jours  et  demi,  un  esprit  de  vie  [venant]  de 
Dieu  entra  en  eux,  et  ils  se  inirent  debout  sur  leurs  pieds,  et  une  grande 


Christ  a  ete  crucifie  en  personne,  et  ού  ont  eu  lieu  les  premiers  martyres.  Par  une 
etrange  ironic,  dit-il,  Jerusalem  est  representee  ici  comme  I'antagoniste  de  la  Cite  de 
Dieu.  Mais  il  admet,  et  nous  aussi,  que,  en  fin  de  compte,  Jerusalem  represente  le 
monde  entier,  de  meme  que  le  Temple  interieur  represente  I'Eglise  dans  sa  vie  intime. 
Toute  I'economie  de  la  vision  letablit,  et  surtout  les  versels  qui  vont  suivre.  «  Domini 
est  terra  et  plenitudo  ejus  »,  comme  dit  le  Psaume.  Toute  la  terre  est  en  queJque  sorte 
la  Cite  de  Dieu,  corrompue  et  profanee  par  les  ennemis  du  ciel,  le  paganisme  persecu- 
teur,  comme  Test  cette  Jerusalem  symbolique  par  la  Bete  et  les  Gentils  qui  I'adorent. 
L'universalite  des  images  suivantes  demontrera  la  rectitude  de  cette  exegese.  Si  la 
vision  a  pris  ce  caractere,  qui  parait  a  premiere  vue  la  rapporter  aux  Juifs,  c'est  en 
raison  de  ce  meme  symbolisme  qui,  apres  les  Prophetes  et  saint  Paul,  a  fait  repre- 
senter  I'Eglise  par  le  Temple,  puis  a  cause  des  traditions  eschatologiques  sur  I'appa- 
rition  d'un  Antechrist  juif  a  Jerusalem,  dont  on  trouve  aussi  des  traces  II  Thess.  ii, 
et  sur  la  predication  future  d'Elie  en  Palestine.  Jean  ne  reedite  pas  ces  traditions-la, 
mais  sa  vision  et  sa  prophetic  leur  empruntent  des  traits  dont  I'ensemble  forme  un 
tableau  tres  coherent  avec  les  premieres  figures;  seulement  il  les  applique  a  un  objet 
Chretien  el  universel. 

— —  A.  B.  9.  βλέπουσιν  (βλέψουσιν  dans  δ  600-57-296,  g,  vulg.,  boh.,  eth..  Prim.)  et 
άφίουσιν  [rec.  Κ  αοκ^σουσιν,  al.  ιίφίησιν,  άφέωνται),  temps  presents  :  Jean  passe  de  la  prophe- 
tie  intellectuelle  a  la  vision  sensible  de  I'avenir,  (Int.  c.  x,  §  III).  —  Sur  la  forme 
άφίουσιν,  cfr.  άφεΓ;  de  II,  20,  (et  ηφιε  de  Marc  i,  34)  voir  Int.  C.  x,  §  II.  —  έκ  των  λαών  κτλ, 
servant  de  sujet,  cfr.  Joh.  i,  2i,  Int.  c.  xiii,  §  I;  locution  semblable  servant  de  regime 
direct,  Apoc.  Lettre  a  Smyrne.  —  L'enumeration  λαών,  etc.,  est  stereotypee  a  travers 
VApoc.  (Int.  c.  x,  §  III)  :  signe  d'unite  de  main. 

C.  9.  Leurs  cadavres  gisent  sans  sepulture  3  jours  1/2;  ainsi  le  triomphe  apparent 
des  gentils  et  de  la  Bete  durera  juste  autant  de  jours  que  I'activite  victorieuse  des 
Temoins  a  dure  a'annees  (And.),  c'est-a-dire  que  le  temps  d'illusion  de  ceux  qui  se 
figurent  avoir  tue  I'Eglise  est  toujours  tres  court;  Bossuet  pense  ici  a  la  victoire  qui 
suivit  la  rude  persecution  de  Diocletien.  —  Cette  mesure  de  3  jours  1/2  est  formee  par 
analogic  sur  les  3  ans  1/2,  et  doit  y  etre  comprise;  en  tout  cas,  elle  ne  pent  repondre 
au  temps  que  le  Sauveur  demeura  au  tombeau.  Holizmann  note  encore  ici  «  die 
gebrochene  Siebenzahl  »,  ce  qui  est  juste  (Exc.  xxiii);  mais  il  admettrait,  apres 
Wettstein,  Eichhorn,  Herder  et  Volter,  une  allusion  aux  pretres  Ananias  et  Jesus, 
assassines  et  laisses  sans  sepulture  [Fl.  Josephs,  Bell.  jud.  iv,  5,  2),  interpretation 
«  zeitgeschichtlich  »  qui  tombe  avec  la  legende  d'une  source  ocrite  entre  67  et  70 
(Exc.  xxi).  Calmes,  a  contresens,  voitdes  «  annees  »  dans  les  jours;  Clemen  croil  assez 
gratuitement  que  ces  3  jours  1/2  sent  d'origine  mythologique. 

— ^—  A.  B.  10.  Avec  πέμψουσιν,  futur,  Jean  reprend  conscience  qu'il  prophetise. 
On  trouve  d'ailleurs  les  future  -/αρησονται,  εύφρανθησονται,  «  gaudebunt  »,  et  le  present 


136  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

τους  ^εωρο^^τας  αυτούς.  12.  Και  *ή7.:υσα  *οωνης  [λεγάλης  έκ  τοΰ  cjpavoi  λεγοόσης 
αυτοϊς"  Ανάβατε  ώδε.  Κα;  άνε'βησαν  ε'.ς  τον  cjpavbv  έν  τν]  νεφέλη,  και  έΟεώρησαν 
αυτούς  οΐ  έ•/θροί  αυτών.  13.  Και  εν  έκείν-Λ,  τη  ώρα  έγένετο  σεισμός  μέγας,  και  το 
οέκατον  της  πόλεως  επεσεν,  και  ά7:εκτάν0•/;σαν  έν  τω  σεισμω  *ονόματα  ανθρώπων 
χιλιάοες  επτά,  καΐ  οί  λοιποί  εμφοβοι  έγένοντο  και  *έοωκαν  οόςαν  τω  θεώ  του  ουρανού . 
14.  *  Η  ούαί  ή   δευτέρα  άπηλθεν,  ιδού  ή  ούαί  ή  τριπη  έρχεται  ταχύ. 

-εμ-ουσιν,  a  travers  And.,  Arethas,  rec.  Κ,  i'ulg.,  sr/rr,  al573-38-2020,  X*,  etc.  —  οί  κατ. 
Ιπί  της  γης,  foTmule  eminemment  apocalyptique,  surtout  avec  έπί  gen.  :  in,  10;  vi,  10'; 
Mil,  13;  XIII,  8;  12,  14;  xvii,  8;  seulement  xii,  12  et  xvii,  2  :  κατ.  τήν  γην.  Signe  d'unite 
de  main. 

C.  10.  Ce  melange  de  temps,  present,  futur,  aoriste,  pour  des  faits  evidemment 
simultanes,  montre  bien  I'oscillation  pathetique  de  I'esprit  de  I'ecrivain  entre  la  vision 
qui  se  represente  a  sa  memoire,  et  la  connaissance  intellectuelle  prophetique  qui  en 
ressort,  laquelle  aussi,  par  moments,  devient  aigue  jusqu'a  la  vision.  II  faut  chercher 
a  cette  singularite  une  explication  psychologique,  et  non  grammaticale,  tout  en  recon- 
naissant  qu'un  Juif  a  du  moins  se  soucier  qu'un  autre  de  ces  changements,  a  cause 
de  I'alternance  des  imparfaits  et  des  parfaits  dans  les  recits  prophetiques  de  sa  langue. 
01  κατ.  επι  της  γης,  d'apres  I'usage  de  tout  le  livre,  designe  essentiellement  le  monde 
paien.  Ge  sent  done  bien  encore,  malgre  Bousset  (qui,  par  exception  voudrait  que 
ή  γη  signifiat  ici  la  Palestine,  au  moins  dans  la  «  source  »),  les  mgmes  que  les  λαο\, 
φυλαί,  etc.  du  verset  precedent.  Et  nous  voyons  par  la  que  ces  «  peuples,  tribus, 
langues  »,  ne  pouvaient  6tre  seulement  des  citoyens  des  diverses  nations  reunis 
comme  soldats  de  I'Antechrist  dans  la  Jerusalem  historique;  ce  n'etait  la  qu'un  pis-aller 
exegetique,  pour  les  auteurs  qui  veulent  voir  ici  une  simple  prophetie  sur  le  sort 
de  la  nation  juive.  Mais  puisque  les  »  habitants  de  la  terre  »  en  general  ont  pu 
apprendre,  de  visu.  et  dans  le  court  intervalle  de  3  jours  1/2,  la  mort  des  Deux 
Temoins,  c'est  que  cette  «  Jerusalem  »  ou  se  rencontrent  les  peuples,  s'etend  sur  le 
monde  entier. 

— ^—  A.  B.  11.  εΐσηλθεν  έν  αύτοϊς,  faute  unique  dans  I'Apocalypse,  est  pourtant 
tres  bien  atteste  par  A,  beaucoup  de  mss.  Andre,  1072,  1073,  1576-150-2057,  etc. 
Corrections  :  εις  αυτούς,  έ-'  αυτούς,  rec.  Κ,  And.  —  ΘεωρεΓν,  mot  Johannique,  voir  I'lntrod. 
a  la  pericope.  —  Futurs  στησον-αι,  etc.,  dans  un  petit  nombre  seulement  de  mss,  et 
non  des  meilleurs.  —  Les  termes  sont  empruntes  a  la  scene  de  la  resurrection  dans 
Ezech.  xxxvii. 

.  C.  11.  Ainsi  la  joie  des  paiens  et  leur  illusion  sont  tres  courtes;  Jean  a  vu  — 
car  les  aoristes  nous  ramenent  a  un  recit  de  Λάβίοη  —  I'Eglise  des  martyrs  retrouver 
une  nouvelle  vie  apres  les  persecutions.  C'est  une  vue  tout  a  fait  prophetique.  Chaque 
«  resurrection  »  de  FBglise,  surtout  apres  Diocletien,  chaque  reprise  de  son  activite 
exterieure  a  du  frapper  d'etonneraent  et  d'effroi  le  monde  pai'en  {Swete).  Puisque  les 
«  Temoins  »  sont  des  types,  leur  mort  et  leur  resurrection  doivent  bien  etre  symbo- 
liques  aussi;  ce  A'^erset  et  le  suivant  forment  un  parallele  implicite  avec  le  MilUnaire, 
qu'ils  aident  beaucoup  a  comprendre  (V.  comment,  du  chap.  xx). 

-^— —  A.  B.  12.  Bousset,  Soden,  hesitent  entre  ήκουσα  (n":,  Q,  trente-cinq  minuscules, 
hoh.,  arm,  Orig.,  And.,  Arithas,  g,  Tyc.)  admis  de  de  Wette,  Diisterdieck,  al.,  et  ή'/.ουσαν 
(X,  A,  beaucoup  de  mss.  And.,  a3-P-025,  vulg.,  syr.  —  1573-38-2020  :  άκούσονται) 
admis  de  W-H,  Tisch.,  Nestle,  Swete.  Nous  preferons  la  premiere  personne,  a  cause 
de  I'analogie  :  cfr.  i,  10;  ix,  13;  x,  4;  xii,  10,  etc.  —  Genitif  φωνής  apres  ακούω,  (accus. 
dans  A,  rec.  K,  Arethas),  comme  in.  20;  xiv,  13:  xvi,  1;  xxi,  3  (Ι\τ,  c.  x,  §  II).  — 
φωνή  μεγάλη,  expression  stereotypee  :  i,  10;  v,  12;  vi,  10;  vn,  2,  10;  vni,  13;  x,  3;  xi, 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


137 


crainte  tomba  sui'  ceiix  qui  Ics  contemplaient.  12.  Et  ils  entendirent  ime 
grande  voix  [descendue]  du  del  qui  leur  disait  :  «  Montez  ici!  »  Et  ils  mon- 
terent  au  ciel  dans  la  nuee,  et  leurs  ennemis  les  contemplerent.  13.  Et  a 
cette  heure-la  il  se  fit  un  grand  tremblement  de  terre,  et  le  dixieme  de  la 
ville  tomba,  et  il  perit  dans  le  tremblement  de  terre  des  noms  humains 
[jusqu'^]  sept  mille,  et  le  reste  fut  plonge  dans  la  crainte,  et  rendit  gloire 
au  Dieu  du  ciel. 

14.  Le  deuxi^me  «  Malheur!  »  a  passo;  voici  que  le  troisieme  «  Malheur!  » 
vient  promptement. 


15;  ΧΠ,  10;  xiv,  7,  9,  15;  xvi,  17;  xix,  1,  17;  xxi,  3,  c'est-a-dire  a  travers  toutes  les 
sections  :  signe  d'unite  de  main.  —  ανάβατε,  hellenist.,  corrige  en  ανάβητε,  rec.  K. 

C.  12.  Les  Temoins  (=  I'Eglise)  triomphent  ainsi  sous  les  yeux  de  leurs  ennemis, 
qui  onl  pense  pour  un  peu  de  temps  s'etre  defaits  d'eux  a  jamais.  Non  seulement 
ils  vivent  encore,  mais  ils  montent  au  ciel,  d'ou  ils  exerceront  encore  plus  efficace- 
ment  leur  puissance.  Υ  a-t-il  la  une  reminiscence  de  I'enlevement  d'Henoch  et  d'Elie, 
et  serait-ce  une  des  raisons  pour  lesquelles  on  leur  a  identifie  les  Deux  Temoins? 
Ce  n'est  pas  impossible  en  soi;  mais  ce  trait  est  plulot  inspire  de  I'Ascension  du 
Sauveur,  quoique  celle-ci  n'ait  eu  lieu  que  devant  les  disciples.  En  tout  cas,  le  sens 
est  celui  de  la  glorification  de  I'Eglise  au  sortir  de  ses  luttes  avec  le  monde  :  «  San- 
guis martyrum  semen  christianorum  »,  comme  disait  Tertullien.  Swete,  avec  les 
exegetes  catholiques,  pense  aussi  ,au  triomphe  de  I'Eglise  par  ses  martyrs,  que  les 
yeux  de  la  foi  voient  regner  au  ciel;  sur  terre  on  les  canonise,  et  leur  influence  se 
fait  encore  sentir  sur  le  monde,  et  meme  sur  leurs  anciens  persecuteurs.  Cfr.,  sous 
un  certain  aspect,  la  «  Premiere  Resurrection  »  du  ch.  xx  [ad  loc).  —  La  guerison 
ou  resurrection  de  la  Premiere  Bete  (xiii,  3,  12;  xvii,  8,  11)  sera  un  contraste  et  une 
parodie  de  cette  vie  indefectible  du  Christ  et  de  I'Eglise  (v.  ad  loc).  Je  ne  sais  si 
Jean  a  voulu  consciemment  cette  opposition;  elle  est  au  moins  latente  dans  sa  pensee, 
et  sert  a  fortifier  Timpression  de  I'unite  generale. 

-^—  A.  B.  13.  ήαϊοα  pour  ώρα,  rec.  K.  —  Au  lieu  de  δέχατον,  Q-1070-O46  a  lu 
τρίτον  (par  assimilation  aux  fleaux  des  trompettes),  et  αϊ  582-32-201 7,  δωοέ/.ατον.  — 
όνό[χατα  ανθρώπων  =  άνθρωποι,  cfr.  Apoc.  in,  4;  Act.,  i,  15,  et  les  papyrus  de  Tebtunis 
24,  65.  Voir  Deissmaxiv,  N.  Bib.  St.  —  Pour  le  tremblement  de  terre,  cfr.  vi,  12 ;  xr, 
19;  XVI,  18,  etc. 

C.  13.  Andre  propose  soit  de  prendre  ce  tremblement  de  terre  a  la  lettre,  soit  d'y 
voir  une  revolution  qui  bouleverse  tout  pour  que  tout  repose  ensuite  sur  de  plus 
fermes  assises.  En  effet,  dans  le  style  prophetique,  c'est  I'image  perpetuelle  des 
grandes  transformations  dans  I'ordre  social,  politique  ou  moral  (Ιχτ.  c.  v,  §  I  et 
comment,  a  vi,  12).  Le  chatiment,  compare  a  ceux  des  fleaux  precedents,  est  tres 
modere.  Le  nombre  de  7.000,  s'il  correspond  a  peu  pres  au  «  dixieme  »,  montre  qu'On 
e.3t  k  Jerusalem  (symboliqueraent)  plutot  qua  Rome  (Bousset,  Calmes,  al.)  Ce  ne  peut 
^tre  la  consommation,  puisque  la  catastrophe  est  si  limitee;  elle  contraste  avec  ix,  21 
et  XVI,  9. 

Et  c'est  la  justement  ce  qui  montre  le  sens  profond  de  toute  cette  scene,  et  meme 
de  toute  la  section  des  Trompettes,  laquelle,  nous  I'avons  vu,  repond  a  tout  le  derou- 
Icment  de  I'histoire.  Les  troubles  de  la  nature,  les  revolutions,  les  peines  morales 
du  vice,  les  massacres  de  la  guerre,  n'avaient  pu  suffire  par  eux-memes  a  ouvrir  les 
yeux  de  I'humanite  :  mais  la  gloire  de  I'Eglise  indestructible  opere  a  la  fin.  Le 
Cavalier  evangelique  de  vi,  2  «  parti  vainqueur  et  pour  vaincre  »  a  par  la  alteint  son 


138 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


but.  Les  peuples  de  la  terre  rendent  gloire  au  «  Dieu  du  ciel  »,  c'est-a-dire  qu'ils 
se  convertissent  au  monotheisme  issu  d'Israel;  cette  desig-nation,  en  effet,  etait  tech- 
nique au  temps  du  Syncretisme,  et,  apres  s'etre  appliquee  d'abord  au  Baal-Samin 
de  Syrie  (cousidere  du  reste  comme  dieu  supreme),  elle  avait  passe  a  Jehovah,  Dieu 
des  Juifs  et  des  Chretiens. 

II  semble  done  que  le  cycle  des  intentions  divines  sur  I'histoire  humaine  soit  clos; 
il  n'y  a  plus  a  attendre  que  la  consommation  et  la  retribution  derniere  qu'amenera 
la  Septieme  Trompette.  Cependant  le  3"»  «  Vae  «  n'a  pas  encore  ete  decrit.  Le  chap.  \i, 
avec  sa  mention  de  la  victoire  de  la  Bete,  le  comprenait  bien  implicitement  (car  ces 
ileaux  rentrent  les  uns  dans  les  autres) ;  mais  le  detail  en  etait  reserve  a  la  deuxieme 
serie  prophetique,  celle  qui  etait  contenue  dans  le  βιβλχρίδιον  (V.  comment,  du  ch.  xii). 

■  A.  C.  14.  Toujours  οΰα(  au  feminin.  —  ερ/εσθαι  τα/ύ,  observe  Swete,  semble 

toujours  ailleurs  (ii,  16;  in,  11;  xxii,  7,  12,  20),  se  rapporter  a  la  venue  du  Christ, 
ou  aux  evenements  qui  en  sont  le  prodrome.  Peut-etre  done  ce  3•=  Vae  inclut-il  la 
Parousie,  comprise  au  sens  que  nous  verrons  (eh.  xi\  et  xx).  —  En  tout  cas,  ce 
verset,  venant  a  cette  place,  montre  materiellement  que  Γ  «  intermede  »  de  xi,  1-13 
fait  corps,  dans  I'intention  de  I'auteur,  avec  ix,  13-21. 

Nous  avons  demele  le  sens  de  ce  passage  ardu.  Mais  il  reste  a  demontrer  et  a 
expliquer  plus  d'une  de  nos  assertions.  Nous  aliens  le  faire  dans  une  serie  d'excursus. 


EXC.    XXI.    LA    PRETENDUE    ORIGINE    JUIVE    DE    XI,    1-13. 

Pour  la  plupart  des  interpretes  modernes,  ce  passage  decrirait  Ic  sort  de  la 
nation  juive,  soit  au  temps  de  sa  ruine  politique,  soit  dans  les  derniers  jours. 
Henten,  Alcazaj-  le  rapportent  aux  evenements  de  I'an  70,  Grotius  etend  sa 
vue  jusqu'a  la  revolte  de  Barcochebas ;  de  meme  plus  tard  Corrodi,  Bleek,  etc. 
Renaji^  Holtz?nann,  Bousset,  J.  Weiss,  Erhes,  Calmes,  etc.  font  entrer  ces 
evenements  dans  une  perspective  proprement  eschatologique.  Nous  avons 
expose  les  raisons  qui  s'opposent  a  Tadmission  de  ce  point  de  vue.  Mais  deja 
Victoj'in,  Andre  ont  bien  vu  qu'il  s'agissait  de  la  cliretiente  universelle,  ainsi 
que  les  medievaux,  tels  Haymon^  Albert,  et  autres.  L'action  de  mesurer  le 
Temple,  qu'ils  entendent  diversement,  a  pour  objet  soit  I'Eglise  militante  soit 
I'Eglise  triomphante;  et  Jerusalem,  s'ils  la  prennent  au  sens  propre,  n'appa- 
rait  que  comme  capitale  future  de  I'Antechrist.  Le  Temple,  pour  la  majorite 
des  interpretes  catholiques,  est  done  allegorique,  comme  celui  de  Lactance 
{Inst.  div.  vii),  tres  probablement  celui  de  II  Thess.  π  (Introd.  c.  ix).  Bossuet 
a  soutenu  ce  sens,  et,  avec  Swete,  nous  nous  y  tenons  tres  categoriquement. 

Chez  les  critiques  independants,  I'interpretation  historico-eschatologique, 
s'appuie  sur  un  petit  roman  de  Wellhausen  qui  a  eu  un  grand  succes.  Le  voici 
in  extenso,  a  propos  de  τους  προσκυνοΰντας  εν  αυτω  :  «  Tous  les  Juifs  adorent  dans 
le  Temple  a  I'occasion;  cependant^  en  tout  cas,  I'expression  ne  doit  pas  les 
embrasser  tous,  mais  presenter  a  part  ceux-la  pour  qui  le  sejour  dans  le  Temple 
est  une  marque  distinctive.  lis  doivent  done  etre  tels,  que  non  seulement  ils 
y  viennent  et  en  sortent,  mais  qu'ils  s'y  trouvent  d'une  maniere  continuelle. 
Or,  pour  un  certain  temps,  le  Temple,  en  particulier  le  Temple  interieur  (a 
I'exclusion  du  Parvis  des  gentils),  fut  pendant  la  guerre  romaine  le  quartier 
general  des  Zelotes.  Ils  en  usaient  tout  d'abord  comme  d'une  forteresse,  mais, 
comme  leurs  predecesseurs  au  temps  de  Jeremie    et   au  temps   de   Sosius  et 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  139 

d'Herode,  ils  se  cramponnaient  en  meme  temps  au  sanctuaire  de  la  maison  de 
Dieu,  et,  dans  un  tel  lieu,  se  tenaient  pour  consacres.  Leurs  prophetes  les 
aifermirent  dans  cette  foi  fanatique  jusqu'a  la  derniere  extremite,  quand  deja 
les  Remains  avaient  penetre  dans  les  ouvrages  avances.  Un  interessant  oracle 
d'un  de  ces  prophetes  zelotes,  qui  d'api'es  Josephe  etaient  nombreux  et  avaient 
une  grande  influence,  nous  a  ete  conserve  dans  VApoc.  xi,  1-2  :  ceux  qui  atten- 
dent  jusqu'a  la  fin  dans  le  Temple,  c'est  Iq  «  Reste  »  messianique,  et  ils  seront 
sauves  par  Dieu  ».  (Wellhausen,  Skizzen  a.  Vorarbeiten  vi,  pp.  221-223). 

Jiilicher  (Einl.•*-^,  pp.  247-248),  Bousset,  de  la  facon  que  nous  avons  vu, 
en  considerant  3-13  comme  plus  ancien  que  1-2,  et  Joh.  Weiss,  avec  certaines 
reserves,  rattachent  leurs  explications  a  cette  theorie.  Ce  dernier  a  le  bon  sens 
d'observer  que  le  grand  contexte  auquel  appartient  le  morceau  n'a  pas  la  cou- 
leur  de  Fesprit  zelote,  et  du  reste  ces  fanatiques,  assieges  dans  le  Temple, 
avaient  autre  chose  a  faire  que  des  Apocalypses;  seulement  xii,  1-13  aurait  ete 
ecrit,  entre  la  chute  de  la  ville  et  celle  du  Temple  (mai-aout  70)  par  un  Juif  — 
un  Pharisien,  declare  Jiilicher  —  qui  suivait  de  loin,  avec  anxiete,  les  affaires 
de  Jerusalem  [0/fenb.  pp.  129-130).  L'  «  Editeur  »  eut  emprunte  cette  scene 
a  la  source  Q,  en  y  ajoutant  la  mention  du  crucifiement  de  Jesus. 

Nous  croyons  inutile,  apres  notre  commentaire,  d'entrer  ici  dans  des  refuta- 
tions de  detail.  Nous  avons  vu  combien,  avec  une  interpretation  plus  haute  et 
plus  large  que  celle  de  la  «  Zeitgeschichte  »,  toute  cette  scene  devient  cohe- 
rente  et  belle,  parfaitement  homogene  au  reste  du  livre ;  nous  avons  montre  le 
peu  de  valeur  des  raisons  linguistiques  alleguees.  Enfin  soulignons  I'invrai- 
semblance  qu'il  y  a  a  faire  adopter,  directement  ou  non,  par  un  prophete  Chre- 
tien du  1®''  siecle,  ecrivant  pour  des  Hellenes,  les  reveries  d'un  de  leurs  ennemis 
acharnes,  zelote  ou  pharisien  nationaliste. 

EXC.    XXII.    «    ELIE    »    ET    «    HENOCH    » . 

Parmi  les  anciens  et  les  medievaux,  la  plupart  ont  vu  dans  les  «  Deux 
Temoins  »  deux  prophetes  particuliers  de  I'Ancien  Testament,  qui  doivent 
reparaitre  parmi  les  hommes  avant  la  fin  du  monde.  En  general,  ils  nomment 
Elie  et  Henoch.  On  trouve  cette  opinion  chez  Hippolyte,  Tertullien  (De 
Anima,  50),  saint  Jerome  (ep.  lix,  3),  Primasius,  Cassiodore,  etc.;  —  dans  les 
Apocalypses  tardives  qui  s'inspirent  de  notre  chapitre  (v.  Bousset,  Antichrist, 
pp.  134-139);  —  dans  I'ensemble  des  commentateurs  latins  du  Moyen  Age;  — 
chez  Ribera,  Cornelius  a  Lapide,  Gallois,  Eyzaguirre,  etc.  Andre  rapporte  que 
telle  est,  de  son  temps,  I'interpretation  de  beaucoup  de  docteurs ;  Arethas  la 
donne  comme  une  tradition. 

Pour  quelques-uns  cependant,  ce  ne  serait  pas  Elie  et  Henoch,  mais,  pour 
Victorin  —  combattu  par  Ansbert  —  c'est  Elie  et  Jeremie,  car  on  ne  connait 
pas  la  mort  de  celui-ci,  et  il  doit  etre  un  jour  «  prophete  parmi  les  nations  » 
[Jer.  I,  5),  ce  qu'il  n'a  pas  ete  dans  I'A.  T.  On  a  nomme  encore  Elie  et  Mo'ise, 
qui  apparurent  tous  deux  ensemble  dans  la  scene  de  la  Transfiguration;  et 
certes,  ainsi  que  nous  I'avons  vu,  les  symboles  de  notre  passage  font  penser  a 
Moise  bien  plus  qu'a  Jeremie  ou  a  Henoch.  Aussi  Bousset  croit-il  que  telle  etait 
I'idee  de  I'Apocalyptique;  c'est  Moise,  d'apres  beaucoup  d'auteurs,   que  Ton 


140  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

attendait  avant  le  Messie  comme  le  «  Prophete  »  par  excellence  (6  προ:ρ•/,της 
Joh.  I,  20;  VI,  14;  vir,  40),  a  la  suite  d'une  interpretation  de  Deut.  xviii,  15 
restreinte  a  un  individu.  Ainsi  jugent  egalement  Joh.  Weiss,  et  Calrnes,  celui-ci 
toutefois  ajoutant  tres  justement  que  «  ils  personnifient  la  portion  choisie  de 
I'humanite,  la  categorie  des  saints  ». 

En  face  de  cette  tradition — tradition  exegetique,  non  doctrinale  —  on  peut  en 
suivre  une  autre  tout  a  fait  differente,  mais  qui  cherche  encore  des  personnes, 
non  des  types  :  ainsi  Nicolas  de  Lyre,  qui  admet  la  multiplicite  du  sens  litte- 
ral,  n'exclut  pas  Elie-Henoch,  a  cause  de  Tautorite  des  anciens,  mais  croit  que 
Jean  a  eu  principalement  en  vue  le  pape  Sylvere  et  le  patriarche  Mennas,  au 
temps  du  monothelisme ;  toute  cette  ecole  a  ainsi  cherche  a  y  reconnaitre  des 
personnages  de  I'histoire  ecclesiastique.  Le  jesuite  Mariana,  avec  beaucoup 
plus  de  sens,  y  a  vu  Pierre  et  Paul,  mis  a  mort  par  Neron,  la  Bete.  Beckwith 
y  verrait  deux  prophetes  de  la  fin  des  temps,  pareils  a  Moise  et  a  Elie. 

Enfin  reste  I'interpretation  allegorique  et  typique,  a  laquelle  nous  nous 
sommes  ranges  comme  au  sens  vrai  et  exclusivement  voulu  par  saint  Jean, 
parce  que,  selon  nous,  c'est  celle  qu'imposent  tout  le  grand  contexte  de  ΓΑρο- 
calypse  et  la  reference  a  Zacharie.  Elle  remonte  au  moins  a  Tyconius  pour 
qui  les  Deux  Temoins  sont  «  ecclesia  duobus  testamentis  praedicans  et  pro- 
phetans  ».  Beaucoup  Font  reprise,  et  ont  parle  de  la  Loi  et  des  Prophetes, 
de  la  Loi  et  de  TEvangile,  etc.  Alcazar,  avec  moins  d'abstraction,  sans  dire 
un  mot  d'Elie  ni  d'Henoch,  a  compris  que  les  Deux  Temoins,  persecutes  et 
ressuscites  au  temps  de  la  ruine  de  Jerusalem,  sont  I'image  typique  du  chris- 
tianisme  qui  se  releve  alors  avec  une  nouvelle  magnificence,  et  attire  a  soi 
une  partie  des  Juifs.  II  faut  generaliser  ce  sens,  et  I'etendre  a  toute  la  vie  de 
I'Eglise,  surtout  a  ses  grandes  crises  a  travers  I'histoire,  comme  il  ressortira 
des  deux  excursus  suivants,  C'est,  nous  I'avons  vu,  I'idee  du  grand  Bossuet. 
Bien  qu'il  pense  «  qu'il  faudrait  etre  plus  que  temeraire  pour  improuver  la 
tradition  d'Henoch  et  d'Elie  a  la  fin  des  temps,  puisqu'elle  a  ete  reconnue  de 
tous,  ou  de  presque  tous  les  Peres  »,  il  ne  la  trouve  cependant  pas  dans  notre 
chapitre  de  I'Apocalypse.  Saint  Aug ustin  (Civ.  Dei  xx,  §  29)  penche  a  admettre 
le  retour  eschatologique  d'Elie,  parce  que  «  celeberrimum  est  in  sermonibus 
cordibusque  fidelium....  non  immerito  speratur  esse  venturus,  quia  etiam 
nunc  vivere  non  immerito  creditur.  »  Mais  il  ne  s'appuie  que  sur  Malachie 
(v.  infra),  et  non  sur  I'Apocalypse.  Quant  a  saint  Jerome,  dans  son  Comment, 
sur  Matthieu,  ch.  xi,  il  donne  I'interpretation  Elie-Henoch  comme  etant  «  de 
quelques-uns  ». 

Ce  n'est  pas  a  dire  pourtant  que  la  tradition  d'Elie  et  d'Henoch  et  mieux 
encore  d'Elie-Moise  soit  denuee  de  fondement  historique,  et  qu'elle  n'ait 
exerce  sur  le  symbolisme  a'Apoc.  xi  une  influence  qui  explique  comment  ce 
systeme  d'interpretation  a  pu  devenir  si  commun.  Π  avait  en  sa  faveur  une 
tradition  judaique  tres  ferme  (Introd.  c.  v,  i,  §  HI,  4),  au  moins  pour  ce  qui  est 
d'Elie.  Le  point  de  depart  s'en  trouve  dans  la  Bible,  Malachie  iv,  5-6,  cfr  iii, 
1  :  «  \'^oici  que  je  vous  envoie  Elie  le  prophete,  avant  que  vienne  le  jour  dc 
Jehovah,  grand  et  terrible,  II  ramenera  le  cceur  des  peres  vers  leurs  enfants  et 
le  coeur  des  enfants  vers  leurs  peres,  de  peur  que  je  ne  vienne  frapper  le  pays 
danatheme  »,  texte  qui  a  inspire  V Ecclesiastique,  xlviii,  10  :  «  Toi  [Elie]  qui  as 


APOCALYPSE    DR    SAINT    JEAN.  141 

ete  designe  dans  d'austeres  oracles  pour  des  temps  (futurs),  comme  devant  apaiser 
la  colere  avant  qu'elle  ne  prenne  feu,  ramener  le  coeur  du  Pere  vers  les  enfants, 
et  restaurer  les  tribus  d'lsrael  ».  Le  grand  prophete  etait  devenu  le  type  des 
precurseurs;  aiissi  I'Ange  Gabriel  annonce-t-il  que  Jean-Baptiste  doit  venir 
«  dans  la  force  et  la  vertu  d'Elie  »  [Luc  i,  17).  Cette  attente  etait  tres  populaire 
au  I*"""  siecle,  comme  il  ressort  de  la  question  des  disciples  a  Jesus  apres  la 
Transfiguration;  et  quoique  le  Sauveur  leur  eut  explique  qu'  «  Elie  etait 
deja  venu  »,  dans  la  personne  de  Jean-Baptiste  [Marc,  ix,  11-13,  et  parall., 
V.  Lagrange,  Evangile  selon  saint  Marc,  pp.  222-223),  on  continua  a  prendre 
Malachie  au  sens  litteral.  Nous  voyons  la  que  c'etait  un  enseignement  courant 
des  scribes;  aussi  Notre-Seigneur  lui-meme  [Marc,  vi,  15  et  parall.)  et  Jean- 
Baptiste  [Joh.  I,  21)  furent-ils  pris  pour  Elie. 

L'origine  de  I'attente  d'Henoch  est  moins  certaine.  Mais  on  salt  la  popularite 
dont  jouit,  des  le  ii^  siecle  avant  notre  ere,  le  nom  de  ce  patrias'che  qui,  comme 
Elie,  «  etait  disparu,  car  Dieu  I'avait  pris  »  [Gen.  v,  24  cfr.  Eccl.  xliv,  16,  et 
Heb.  XI,  5),  ainsi  que  les  revelations  apocryphes  qu'on  couvrit  de  son  autorite. 
Si  le  retour  du  seul  Elie  est  atteste  Sib.  ii,  vers  187-189,  dans  saint  Justin, 
Dial,  cum  Tryphone,  viii  et  xlix,  chez  Lactance  (Inst.  div.  vii,  17),  et  dans 
I'Apocalyptique  juive  tardive  [Apoc.  de  Daniel,  etc.)  oil  il  est  parfois  remplace 
comme  precurseur  par  le  «  Messie  ben  Joseph  »,  a  una  epoque  anterieure  les 
Juifs  lui  ont  souvent  donne  un  ou  plusieurs  compagnons;  on  trouve  surtout  les 
noms  de  Mo'ise  et  de  Jeremie.,  mais  aussi  ceux  d'Esdras  (cfr.  iv  Esd.  xiv,  9), 
de  Baruch,  et  meme  de  Job  [Bousset,  Rel.  Jud-,  pp.  266-267).  V  Esd.  ii,  18 
(chretien)  introduit  par  exception  le  couple  Isaie-Jeremie,  et  \ Apoc.  d'Elie 
tardive  connait  jusqu'a  soixante  precurseurs.  Mais,  en  general,  le  compagnon 
d'Elie,  ce  fut  Henoch,  a  cause  du  mystere  de  son  sort,  et  parfois  saint  Jean- 
Baptiste  fut  associe  aux  deux  dans  des  commentaires  Chretiens  {Methodius, 
cite  par  And.  et  Arethas  sur  ce  passage,  al,  abbe  Joachim,  v.  Bousset,  Anti- 
christ, p.  137).  Deja  la  croyance  au  retour  d'Henoch  apparait  Hen.  eth.  xc,  31; 
dans  les  Jub.  iv,  23-suiv. ;  x,  17,  Henoch,  dans  I'Eden,  ecrit  le  jugement  du 
monde  et  les  peches  des  hommes ;  il  est  bien  probable  aussi  qu'il  s'agit  d'Elie 
et  d'Henoch  IV  Esd.  vi,  26  :  «  Et  videbunt[ur]  qui  recepti  sunt  homines,  qui 
mortem  non  gustaverunt  a  nativitate  sua,  et  mutabitur  cor  inhabitantium.  » 
S.  Irenee  (Adv.  Haer.  v,  5,  1),  Tertullien  (De  Anima,  50,  al.),  VApoc.  d'Elie 
copte  et  V Evangile  de  Nicodeme,  25  (qui  copient  notre  chapitre  xi),  Commo- 
dien,  VApocalypse  de  Paul,  etc.  confirment  cette  tradition.  Ces  deux  hommes 
qui  ont  echappe  a  la  mort  reviendront  lutter  contre  I'Antechrist  «  morituri 
reservantur,  ut  Antichristum  sanguine  suo  exstinguant  »  [Tert.).  Voir  Mal- 
VENDA,  De  Antichristo  (1647),  ii,  142-159;  Bousset,  Rel.  Jud^,  pp.  266-suiv., 
Antichrist,  pp.  134-139;  Lagrange,  Mess.  pp.  210-suiv.,  Szekely,  pp.  62-63• 
VoLz,  pp.  146,  192-suiv.,  al.  L'influence  de  la  tradition  touchant  Henoch  s'est 
peut-etre  fait  sentir  jusque  dans  le  texte  donne  par  la  Vulgate  a'Eccli.  xliv,  16  : 
«  Henoch  placuit  Deo,  et  translatus  est  in  Paradisum,  ut  det  gentibus  poeni- 
tentiam  »  (LXX  :  Ένώχ  εύηρεστησε  κυρίω  χαΊ  μετετε'θη,  υπόδειγμα  μετανοίας  ταϊς  γενεαΐς• 
il  s'agit  en  realite  des  generations  d'avant  le  deluge). 

Inutile  de  se  mettre  en  frais  pour  dcmontrer  qu'il  n'y  a  pas  dans  tout  cela  de 
«  tradition  catholique  «.  Si  Bossuet,  avant  d'interpreter  notre  passao-e  dans  le 


ll^2  APOCALYPSE    BE    SAIXT    JEAN. 

vrai  sens,  se  croyait  tenu  de  prendre  les  precautions  oratoires  que  son  epoque 
exigeait,  du  moins  n'a-t-il  pas  manque  de  faire  remarquer  que  «  I'inviolable  auto- 
rite  des  Saints  Peres  pour  I'intelligence  des  Ecritures  »  n'est  fondee  «  que  dans 
leur  consentement  unanime  et  dans  les  matieres  de  foi  et  de  moeurs  «  (v.  Bossuet, 
Apoc,  Preface,  §§  XIII,  XIV,  XV). 

Mais  saint  Jean  a  fort  bien  pu,  apres  la  reminiscence  de  Zacliarie,  etre  ins- 
pire secondairement  de  passages  bibliques  sur  Elie  d'abord,  —  puis  sur  Mo'ise, 
plutot  que  sur  Henoch.  Moise  et  Elie  etaient  apparus  ensemble  a  la  Transfigu- 
ration; I'un  et  Tautre,  a  des  titres  divers,  pouvaient  etre  consideres  comme 
les  grands  types  des  precurseurs  du  Messie  et  des  Temoins  de  Jahweh  devant 
le  monde  paien  ou  impie.  Leur  souvenir  a  done  influence  le  symbolisme.  Mais 
le  sens  profond  de  la  vision  de  Jean  lui  est  absolument  propre.  et  differe  de 
tout  cliche  des  Apocalypses  non  inspirees.  Swete  le  rend  d'une  maniere  tres 
satisfaisante  :   «  Les  Temoins  representent  I'Eglise  dans  la  fonction  qu'elle  a 

de  rendre  temoignage  [Act.  I,  8  :  Ισίσθέ  μου  μάρτυρες....  εως  έσχατου  της  γης);  SOU 
temoio-nao-e  est  symbolise  par  deux  temoins,  en  partie  par  reference  a  la  loi 
bien  COnnue  du  Deut.  XIX,  15  (επΙ  στόματος  δύο  μαρτύρων...  στησετχι  παν  ^ημα, 
cfr.    Joh.   VIII,    17    :   εν  τώ  νόμω   δε   τω   υμετέρω  γεγραπται  οτι  δύο   άνθρώποιν  ή    μαρτυρία 

αληθής  εστίν),  en  partie  par  correspondance  a  Timage  de  Zach.  iv,  2-suiv. ; 

Le  temoignage  de  TEglise,  rendu  par  ses  martyrs  et  ses  confesseurs,  ses  saints 
et  ses  docteurs,  et  par  la  parole  et  la  vie  de  tons  ceux  en  qui  le  Christ  vit  et 
parle,  est  une  prophetic  continuelle  (cfr.  xix,  10  :  ή  γαρ  μαρτυρία  του  Ίησοΰ  εστίν 
το  πνεύμα  της  προί-ητείας),  qui  dure  a  travers  les  1260  jours  du  triomphe  du  paga- 
nisme  »,  ou  de  Tincredulite  en  general.  Les  Temoins  apocalyptiques,  dont  la 
description  a  emprunte  des  traits  a  Mo'ise,  a  Elie,  a  Jesus  fils  de  Josedech,  a 
Zorobabel  —  et  a  Henoch  bien  plus  douteusement,  —  representent  tous  ceux 
qui,  au  temps  de  Jean  et  dans  I'avenir,  doivent  etre  animes  de  cet  esprit, 

EXC.    XXIII.    LES    «    42    MOIS    »,    «    3    ANS    ET    DEMI    »,     «    1260    JOURS    ». 

Ces  trois  mesures  equivalentes  se  rencontrent  :  «  42  »,  Apoc.  xi,  et  xiii,  5 
α  3  1/2  »,  seulement  Apoc.  xi,  9,  11  (transposee  a  des  jours),  mais  sous  la 
forme  καιρόν  και  καιρούς  και  νίμ'^"  καιρού,  Apoc.  ΧΙΙ,   14;    «   1260   »,   Apoc.   Χί,   3 
XII,  6.  Deux  observations  preliminaires  s'imposent  :  1")  les  3  jours  1/2  de  xi,  9 
11,  ne  representent  pas  des  «  annees  »,  comme  I'ont  cru  certains;  au  contraire 
ainsi  que  nous  I'avons  vu,  I'opposition  qu'il  y  a  entre  leur  breve  duree  et  celle 
de  12o0  jours  est  un  trait  essentiel  du  symbolisme;  ils  n'en  forment  qu'un  360% 
comme  un  jour  dans  toute  I'annee;  2")  la  comparaison  de  xi,  3  avec  xi,  2  et 
xiii    5,  montre  que  cette  mesure  s'applique  a  une  seule  et  meme  epoque,  et 
non  a  deux  epoques  contigues  d'egale  longueur  :  c'est  pendant  que  les  gentils 
foulent  la  Sainte  Cite,  et  pendant  que  la  Bete  sevit  (xiii,  5.  v.  ad  loc;  cfr.  xi, 
7),  que  les  Deux  Temoins  exercent  leur  activite;  voila  pourquoi  elie  est  pre- 
sentee comme  une  lutte.  Saint  Jean  entend  bien  faire  un  synchronisme,  ce  que 
n'ont  pas  compris  Victoria  et  les  autres   qui  font   succeder  a  la  predication 
d'Elie  et  dTlenoch  le  regne  de  I'Antechrist.  La  Bete    qui   coexiste   bien  aux 
Temoins,  puisqu'elle  les  combat  et  les  tue,  n'aura,  d'apres  xiii,  5,  le  pouvoir 
d'operer  que  42  mois,  —  c'est-a-dire  tout  le  temps  de  la  domination  des  gentils 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  143 

(xi,  2)  et  de  la  predication  des  envoyes  de  Dieu  (xi,  3) ;  les  3  jours  1/2  que  ceux-ci 
passeront  dans  la  mort  sont  a  prendre  sur  cette  periode,  a  la  fin,  bien  loin  d'en 
constituer  una  autre  d'egale  duree.  Bref,  il  ressort  de  ce  chapitre,  compare  aux 
deux  suivants  (v.  ad  loc),  que  le  nombre  3  ans  1/2  et  ses  substitute  mesurent 
une  periode  qui  verra  a  la  fois  le  regne  des  puissances  du  Mai,  la  resistance 
de  I'Eglise,  et  la  victoire  de  celle-ci  apres  que  son  action  exterieure  aura  paru 
detruite  a  jamais. 

Mais  quelle  pent  etre  la  signification  absolue  de  ces  chiffres,  que  les  exegetes 
anciens,  y  compris  saint  Augustin,  ont  generalement  tendu  a  prendre  a  la 
lettre,  comme,  de  nos  jours,  I'exegete  independante? 

D'abord  3  1/2.  L'usage  apocalyptique  de  ce  chiffre  remonte  certainement  a 
Daniel;  il  repond  chez  ce  prophete  au  temps  de  la  persecution  d'Antiochus 
Epiphane  jusqu'a  la  nouvelle  dedicace  du  Temple  de  juin  168  a  dec.  165,  (vir, 
25),  prise  comme  type  des  epreuves  eschatologiques,  [Dan.  xii,  7),  et  il  s'exprime 
par  les  mots  arameens  pir  aSsi  '\'^2TJ']  ]n!;,  et  hebraiques  ijfni  DnyiD  lirln,  ou 
Ton  suppose  justement  que  le  pluriel  est  pour  un  duel,  done  «  un  temps,  des 
(=  deux)  temps,  et  la  moitie  d'un  temps  ».  Au  ch.  ix,  27,  la  devastation  du 
Temple  (cfr.  Apoc.  xi,  2)  durera  une  demi-semaine  d'annees  =  3  1/2.  Pour 
trouver  ce  nombre  applique  en  propres  termes  a  des  annees,  il  faut  chercher 
chez  LucetJac.  [v.  supra),  oil  il  repond  au  temps  de  la  secheresse  provoquee 
par  la  priere  d'Elie.  Avait-il  deja  anciennement  une  portee  symbolique?  Rien 
n'est  plus  probable.  Mais  c'est  par  une  speculation  fort  hasardee  que  Gunkel  en 
cherche  I'origine  dans  I'astronomie  babylonienne,  comme  s'il  s'agissait  du 
regime  de  I'liiver,  ou  le  soleil  semble  mort;  car  il  est  absent  des  sources 
assyro-babyloniennes  a  nous  connues.  Mieux  vaut  done  recourir  simplement 
pour  conjecturer  cette  origine,  a  un  raisonnement  tres  simple  de  la  mystique 
des  nombres  :  comme  «  sept  »  represente  la  plenitude  normale,  «  3  1/2  » 
qui  en  est  la  moitie,  signifi^e  ce  qui  est  arrete  au  milieu  de  son  cours.  Telle  est 
I'opinion  tres  plausible  de  Holtzmann  et  d'autres,  qui  Tappellent  «  die  gebro- 
chene  Siebenzahl  ».  Mais  un  autre  aspect,  et  des  plus  interessants,  de  ce  cliiifre 
c'est  qu'il  repond  a  la  duree  du  ministere  public  du  Sauveur,  que  saint  Jean 
tout  seul  a  note  dans  son  Evangile  :  depuis  le  bapteme  au  Jourdain  jusqu'a  la 
Resurrection  du  Seigneur,  il  s'e.st  ecoule  en  eifet  trois  annees,  plus  une  fraction 
assez  longue  entre  le  bapteme  et  la  premiere  Paque,  en  gros  trois  ans  et  demi 
(environ,  semble-t-il,  3  ans  et  3  mois). 

Pour  1260,  I'auteur  n'a  employe  ce  chiffre,  peut-etre,  que  pour  varier  ses 
formules.  Dan.  xii,  11-12,  a  parle  de  1290  et  1335,  chiffres  qui  ne  s'en  eloi- 
gnent  pas  beaucoup,  et  repondent  aussi  approximativement  aux  3  ans  1/2. 
Mais  nous  pensons  que  saint  Jean,  qui  ne  s'en  est  servi  que  pour  mesurer  le 
ministere  des  Temoins  (correspondant  a  la  retraite  de  la  Femme  au  Desert  xri  6 
idee  idcntique  a  celle  de  la  preservation  des  adorateurs  au  Temple  xi,  2],  avait 
une  raison  particuliere  de  le  choisir  :  il  voulait  faire  ressortir  le  contraste  entre 
le  temps  de  leur  activite  et  celui  de  leur  mort  symbolique  :  1/360'',  un  jour  en 
face  d'une  annee! 

Le  chiffre  de  42  mois  est  encore  bien  plus  significatif.  Jean  est  le  seul  qui  ait 
converti  ainsi  en  mois  les  «  temps  »  ou  les  jours.  Dans  quel  but?  SuivaiL-il 
encore  une  tradition  ? 


144  APOCALYPSE    UE    SAINT    JEAX. 

On  a  voulu  trouver  a  ce  nombre  un  caractere  funeraire,  provenant  soit  de  la 
Babylonie  [0.  Strauss,  Orientalistisclie  Literaturzeitung,  pures  suppositions), 
soit  de  TEgypte  :  au  ch.  125  du  Lif^re  des  Moi-ts  il  y  a  42  juges  infernaux,  comme 
42  nomes  en  Egypte,  42  peches  [Joh.  Herrmann,  Orient.  Literaturzeitung).  II 
aurait  passe  de  la  dans  TAncien  Testament,  comme  «  Totenzahl  » ;  en  eifet,  sur 
cinq  passages  ou  il  apparait,  iVam.  xxxv,  6;  Jud.  xii,  6;  II  Reg.  ii,  24  et  x,  14; 
Neh.  VII,  28  =  Esd.  ii,  24,  il  exprime  trois  fois  un  nombre  de  «  tues  ».  Ces  specu- 
lations, surtout  celles  des  panbabylonistes,  sont  d'une  valeur  plus  que  douteuse. 

Mais  42  presente  un  autre  aspect  qui  merite  d'etre  approfondi,  et  qui  a  tres 
bien  pu  lui  donner  une  valeur  speciale  dans  la  Mystique  des  nombres.  C'est 
en  effet  le  multiple  de  7  par  6.  Nous  connaissons  deja  assez  Timportance  du 
nombre  7;  le  nombre  6  devait  bien  avoir  aussi  la  sienne  dans  I'Apocalypse,  a 
en  juger  par  les  tableaux  que  donne  Jean  a  chaque  sixieme  moment  des  sep- 
tenaires,  et,  plus  loin,  par  le  mystere  du  nombre  homogene  666,  chiffre  de  la 
Bete  (xiH,  18).  Avait-il  une  signification  determinee?  On  pent  le  croire;  de 
meme  que  I'addition  d'une  unite  a  un  chiffre  consacre  (ainsi  8,  I'octave  =7  +  1, 
le  chiffre  du  Christ  888  Sib.  i,  v.  326-331)  signifie  la  plenitude  surabondante, 
ou  la  mise  hors  pair  du  membre  ajoute,  —  p.  ex.  Prov.  xxx,  15,  16;  18,  19,  un 
ajoute  a  3;  dans  la  litlerature  profane  ou  les  usages  populaires,  31,  101,  1001, 
13  pour  12,  15  jours  pour  14,  etc.,  ainsi,  dans  le  folk-lore,  la  souslraction  d'une 
unite  faite  a  un  ensemble  est  bien  souvent  une  cause  de  malheur  ou  un  presage 
sinistre  (v.  Richard  M.  Meyer,  ARW,  fev.  1907,  Mythologische  Fragen).  Or 
6  =i:  7  —  1 ;  il  y  a  des  raisons  de  croire  qu'il  signifie  ce  qui  est  tronque,  ce  qui 
manque  d'une  quantite,  d'une  note,  d'une  duree  essentielle  pour  avoir  sa  pleni- 
tude normale,  atteindre  son  but,  reussir.  On  pourrait,  en  usant  d'une  metaphore 
analogue  a  «  die  gebrochene  Siebenzahl  »  de  3  1/2,  I'appeler  un  «  verfehlte 
Siebenzahl  »,  «  un  sept  manque  «.  Si  cette  observation  se  trouve  verifiee,  elle 
placerait  42  dans  la  meme  categoric  que  3  1/2,  avec  cette  idee  en  plus,  que  le 
but  echappe  quand  11  parait  presque  atteint;  elle  aura  son  importance  pour 
I'interpretation  du  chiffre  de  la  Bete,  au  ch.  xiii. 

Une  autre  raison  du  choix  pourrait  etre  celle-ci  :  6  est  le  chiffre  de  la  vie  pre- 
sente, des  periodes  du  monde;  et,  quoique  Jean  n'ait  pas  use  de  cette  division  en 
periodes,  elle  a  cependant  exerce  quelque  influence  sur  son  symbolisme,  comme 
nous  I'avonsdit  a  propos  des  7  trompettes. 

Mais  le  plus  grand  interet  du  chiffre  42  reside  ailleurs,  et  dans  un  caractere 
qui  est  justement  oppose  aux  precedents;  c'est  qu'il  etait,  suivant  toute  vraisem- 
blance,  un  chiffre  messianique. 

Un  critique  catholique  allemand,  /.  M.  Heer,  a  developpe  recemment  une 
theorie  fort  interessante  sur  la  «  genealogie  »  de  saint  Matthieu.  Dans  le  ch.  I" 
du  premier  evangile,  42  represente  la  somme  des  trois  series  de  quatorze  genera- 
tions qui  vont  d' Abraham  au  Christ.  Le  nombre  n'est  pas  ecrit  expressement  dans 
le  texte.  excepte  dans  I'ethiopien,  et  quelques  manuscrits  latins  ou  il  a  le  caractere 
d'une  interpolation;  pourtant  il  est  indeniable  que  I'Evangeliste a  attache  del'im- 
portance  au  fait  que  le  nombre  total  de  ces  generations  etait  le  triple  de  quatorze ; 
il  a  meme  ramene  artificiellement  a  ce  chiffre  la  serie  qui  va  de  David  a  la 
captivite. 

Or,  14  represente  la  valeur  numerique  du  nom  hebraique  de  David,  ecrit  sui- 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.         .  145 

vant  I'orthographe  deficiente,  mais  commune,  τ"τ.  Gomme  τ  =  4  et  1  =  6,  on  a 
T-f-1-|-T=44-6+^  =  14,  chiffre  qui  attirait  assez  naturellement  Tattention, 
comme  double  du  nombre  sacre  7,  la  «  gematria  »  florissant  partout  au  i"  siecle, 
Cette  reduction  a  trois  fois  quatorze,  faite  en  supprimant  dans  les  rois  de  Juda 
plusieurs  generations  de  la  race  d'Achab,  eut  ete  une  maniere,  nous  ne  dirons 
pas,  avec  Heer,  de  prouver^  mais  de  signifier  symboliquement  aux  lecteurs 
juifs  de  I'Evangile,  que  Jesus  etait  iin  nouveau  David,  un  David  au  degre  supreme, 
transcendant,  ce  qu'explime  la  multiplication  par  trois. 

Heer  apporte  de  curieuses  confirmations  a  cette  valeur  messianique  presumee  : 
ainsi  les  trois  fois  quatorze  victimes  immolees  a  Jahweh  par  Balak  et  Balaam 
Num.  xxm-xxiv,  en  rapport  avec  la  prophetie  messianique  de  ce  devin;  Rab,  ou 
Abbi  AriqUj  un  Amora  de  Babylonie  (mort  en  247  de  notre  ere,  mais  dont  telle  ou 
telle  «  haggada  »  pouvait  reproduire  des  idees  beaucoup  plus  anciennes),  y  voyait 
une  relation  a  David  qui,  selon  lui,  descendait  de  Balak  par  Ruth  la  Moabite.  En 
tout  cas,  le  ch.  xxm  de  Num.  est  surement  messianique,  et  le  chiffre  des  vic- 
times immolees  n'est  point  tel  par  un  simple  effet  du  hasard  [Talm.  U\  Sola,  47*, 
tr.  Sanhedrin,  105^).  —  Un  trait  non  moins  frappant  est  fourni  par  Bar.  syr.,  apo- 
cryphe  du  ii*^,  ou  de  la  fin  du  i*^''  siecle.  L'«  eclair  »  qui  «  guerit  le  monde  »  apres 
la  chute  du  trelze  ondees  symboliques,  et  occupe  par  consequent  le  quatorzieme 
rang,  est  interprete  parTAnge  comme  representant  I'epoque  du  Messie  [Bar.  syr. 
ch.  72).  Onpeut  done  conceder,  au  moins  comme  une  grande  vraisemblance,  que 
le  nombre  14,  et  a  fortiori  son  multiple  par  trois,  42,  avait  regu  au  i*""  siecle 
une  signification  messianique  (v.  Joseph-Michael  Heer,  Die  Stammbaume  Jesu 
nach  Matthaus  und  Lukas,  ch.  iv,  1,  pp.  107-129,  1910.  —  Meme  conception, 
dans  ses  traits  essentiels,  chez  W.  C.  Allen,  dans  son  Commentaire  sur  saint 
Matthieu,  p.  7  de  la  2*  ed.,  1907,  et  G.  H.  Box  The  gospel  narratives  of  nativity 
and  the  alleged  influence  of  heathen  ideas,  dans  Υ  Interpreter,  janv.  1906). 

Mais,  s'il  en  est  ainsi,  il  en  resulte  une  consequence  d'une  immense  portee  pour 
I'exegese  :  c'est  que,  dans  I'Apocalypse,  la  duree  du  pouvoir  du  mal  sur  la 
terre  est  representee  par  un  chiffre  messianique.  En  d'autres  termes,  la  phase 
terrestre  du  Regne  de  Dieu,  celle  des  conquetes  de  I'Evangile,  coincide  adequa- 
tement  avec  les  derniers  et  les  plus  violents  efforts  de  Satan  pour  empecher  ce 
Regne.  Ce  que  nous  avions  deja  entrevu  a  propos  de  3  1/2,  —  temps  des  persecu- 
tions et  ministere  du  Christ,  —  se  trouve  ainsi  singulierement  confirme  par  42. 

Le  second  avenement  du  Christ  est  prepare  par  42  divisions  du  temps,  de  memo 
que  le  premier  I'avait  ete  par  les  42  generations  des  croyants  du  peuple  elu  (1). 
L'abbe  Joachim  avait  bien  saisi  cela,  quoiqu'il  ait  tire  du  fait  des  conclusions 
extravagantes.  Et  si  Ton  admet  avec  Swete  la  division  possible  du  texte  de  I'Apo- 
calypse en  42  sections,  en  trois  series  de  14,  on  ne  doutera  plus  de  I'importance 
qu'avait  ce  nombre  symbolique  dans  I'esprit  de  Jean,  comme  repondant  a  toute 
la  vie  de  I'Eglise,  dont  la  Revelation  trace  les  destinees. 

Cette  fusion  des  perspectives  les  plus  sinistres  avec  les  aspects  les  plus  radieux 
du  present  et  de  I'avenir  n'est  nullement  inadmissible  a  priori.  Elle  ne  I'etait  pas 
dans  les  milieux  juifs,  a  en  juger  d'apres  les  dires  de  divers  rabbins,  que  les 

(1)  Ce  n'est  peut-6lre  point  non  plus  par  hasard  que  les  Odes  de  Salomon  sont  au  nombre 
de  Ί2. 

APOCALYPSE   DE   SAINT  JEAN.  10 


]^40  APOCALYPSE    DP.    SAINT    JEAN. 

temps  du  Messie  devaient  coiinaitre  plus  d'une  calamite.  Khiya  ben  Nehemia 
represente  les  jours  du  Messie  comme  si  tristes  sous  im  certain  rapport  qu'on  n'y 
saura  plus  distinguer  la  faute  de  I'mnocence  [Koheleth  rahha,  xii,  1;  mais  aupa- 
ravant  deja  dans  le  Talmud  idees  similaires.  Voir  Volz,  pp.  62-63;  Lagrange, 
Mess.  pp.  99-115).  L'idee  devait  etre  aussi  familiere  aux  Chretiens  qui  se  repor 
talent  a  I'fivangile.  L'Apocalypse  synoptique,  en  effet,  envisage  la  periode  du 
progres  evangelique  corame  un  temps  d'apres  batailles.  Jerusalem  doit  elre  foulee 
aux  pieds  jusqu'a  ce  que  «  le  temps  des  nations  soit  accompli  »  [Luc,  xxi,  24);  et 
il  n'y  est  pas  question  d'une  periode  de  paix  ct  de  domination  absolue  du  bien 
avant  la  Parousie  du  Filsde  Tllomme,  qui  n'arrivera  qu'a  la  fin  du  monde.  D'ail- 
leurs,  dans  notre  Apocalypse  elle-meme,  nous  avons  deja  vu  les  deux  aspects 
continuellement  melanges  :  le  Cavalier  bicnfaisant  de  vi,  2,  part  pour  vaincre 
S'^\v'uMe\\emeTii  pendant  que  les  autres  cavaliers  repandront  ledesastre;  les  elus 
de  Dieu  au  ch.  vii  seront  preserves  pendant  la  grande  tribulation,  etc.  (v.  infra, 
ch.  xii).  C'est  la  transposition  toute  simple  des  ώδϊνες  του  Μεσαίου  a  la  preparation 
du  deuxienie  Avenement;  eschatologie  parfaitement  homogene,  et  dans  I'Apoca- 
lypse  synoptique,  et  dans  Joh.  xv-xvi,  et  dans  I  Joh.  ii,  18-suiv,  iv,  3,  et  chez 
saint  Paul,  II  Thess.  ii,  cfr.  I  Thess.  iv,  13-suiv.,  et  ailleurs.  —  Elle  est  pure  de 
tout  chiliasme. 

Tyconius  avail  saisi  cette  verite,  car  les  3  1/2  (pour  lui  les  «  jours  »  de  xi,  9,  11) 
lui  representaient  les  350  ans  qu'il  pensait  devoir  s'ecouler  entre  I'lncarnation  et 
la  fin  du  monde.  Albert  le  Grand,  apres  d'autres  medievaux,  dit  que  les  42  mois 
representent  soit  le  regne  de  I'Antechrist,  soit  «  totum  tempus  vitae  praesentis, 
propter  sex  aetates  mundi,  et  septem  dies  quibus  omne  tempus  volvitur  ». 

II  faut  du  reste  bien  nous  garder  de  croire  que  saint  Jean  ait  pris  a  la  lettre  ces 
chiffres  3  1/2,  1260,  42.  Si,  sous  leur  aspect  le  plus  apparent,  ils  expriment  la 
brievete,  cette  idee  de  brievete  est  elle-meme  symbolique,  et  signifie  le  caractere 
precaire  et  desespere  du  regne  de  Satan,  qui,  des  la  glorification  du  Christ,  sait 
qu'il  lui  demeure  «  pen  de  temps  »  (xlii,  12);  le  ch.  xvii  demontrera  jusqu'a  Tevi- 
dence  qu'il  est  absolument  impossible  que  Jean,  ait  voulu  restreindre  a  une  faible 
duree  reelle  le  Regne  de  I'Antechrist. 

Ailleurs,  pour  une  periode  coextensive,  nous  trouverons  le  chiffre  de  1.000  ans. 
Cette  disproportion  dans  les  symboles  pourrait  causer  un  mouvement  de  sur- 
prise et  un  vif  embarras  chez  les  lecteurs  qui  admettent  notre  these,  si  nous 
ne  nous  rappelions  un  fait  general  dont  nous  avons  vu  deja  plus  d'une  application  : 
d'une  vision  a  I'autre,  Jean  ne  tient  aucun  compte  du  rapport  arithmetique  de  ses 
nombres.  II  en  fait  abstraction  pour  ne  conserver  que  leur  signification  morale,  ce 
qui  pent  etablir  une  identite  ou  une  connexite  de  sens  entre  des  chiffres  en  soi  tres 
disparates;  3  1/2  et  42  signifient  un  aspect,  1.000  un  autre  aspect  d'une  seule  et 
meme  periode  (v.  comment,  du  ch.  xx), 

Les  considerations  que  nous  venons  d'exposer  sont,  a  nos  yeux,  d'une  valeur 
capitale  pour  Tiutelligence  de  toute  I'Apocalypse. 

EXC.    XXIV.    —    l'aNTECHRIST    et    JERUSALEM. 

Nous  tenons  deja  pour  acquises  plusieurs  propositions  qui  ne  seront  complete- 
ment  demontrees  qu'aux  chapitres  xiii  et  xvii.  D'abord,  la  Bete  de  xi,  7-suiv., 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  147 

en  depit  dcs  scrupules  trop  sub  tils  de  Bousset,  influence  par  sa  croyance  a  une 
source  juive,  est  bien  la  meme  que  celle  des  chapitres  ulterieurs.  Pour  I'unani- 
mite  —  au  moins  morale  —  des  anciens  et  des  modernes,  elle  represente  TAnte- 
christ.  L'orig-ine  de  cette  figure  presque  essentielle  a  Teschatologie,  et  des 
symboles  qui  la  representent,  sera  etudiee  au  ch.  xiii.  Get  Antechrist,  nous  le 
demontrerons  egalement  la,  n'est  pas  chez  Jean  une  personne  unique,  mais  une 
collectivile  animee  d'un  certain  esprit  (voir  I  Jch.,  ii,  18,  22;  iv,  3).  Irenee, 
Hippolt/te,  Andre,  Areihas,  les  medievaux  en  general,  y  ont  vu,  comme  les 
Juifs,  une  personnalite  qui  devait  surgir  a  la  fin  des  temps;  mais  Victorin  y 
a  decouvert  la  figure  de  I'ernpire  romain  (idee  qui  n'est  du  reste  pas  etrangere 
aux  Peres  primitifs),  et,  semble-t-il,  Neron  —  le  Nero  redwwus  —  en  s'appuyant 
sur  II  Thess.,  ii,  7  :  «  arcanum  malitiae  Jam  molitur  ».  Pour  I'ecole  d'Alcazar, 
Grotius,  Hammond,  Bossuet,  la  Bete  represente  cet  empire.  Et,  en  effet,  la 
puissance  des  Augustes  est  bien  la  premiere  realite  visee,  de  meme  que,  Dan. 
VII,  17,  les  quatre  Betes,  prototypes  de  celle  de  Jean  (d'apres  le  ch.  xiii),  sont 
des  royaumes.  La  Bete  apocalyptique  est  aussi  un  pouvoir  imperial  qui  monte 
de  «  TAbime  »,  soit  parce  que,  sous  Taspect  qu'elle  prend  aux  yeux  du  Voyant, 
ces  persecuteurs  tirent  leur  puissance  malfaisante  de  I'Enfer,  soit  parce  que  ce 
pouvoir  s'est  etendu  sur  TAsie  des  regions  de  la  mer  occidentale  (cfr.  xiii,  1  : 
εχ  της  θαλάσσης  Οηρίον  άναβαϊνον). 

Tout  cela,  nous  le  presupposons.  Mais  la  question  qui  nous  interesse  propre- 
mcnt  ici,  c'est  de  savoir  pourquoi  ce  monstre  a  ete  place  dans  le  cadre  de  Jerusa- 
lem plutot  qu'ailleurs.  Quoique  cette  Jerusalem  soit  symbolique  (v.  comment., 
supra),  ce  rapprochement  de  symboles  a  du  etre  impose  par  une  tradition.  En 
effet,  «  riiomme  d'iniquite  «,  «  le  fils  de  perdition  »  dell  Thess.  ii,  s'assied  «  dans 
le  temple  de  Dieu  ».  Le  «  seducteur  du  monde  »,  κοσμοπλανης  »,  qui  apparait  sous 
forme  de  «  fils  de  Dieu  »,  Didache,  xvi,  3-4,  le  tyran  eschatologique  qui  fait  son 
apparition  dans  un  verset  d'Esdras  («  et  regnabit  quem  non  sperant,  qui  inhabi- 
tant super  terram  »  IV  Esd.,  v,  6),  pourrait  bien  aussi  etre  en  rapport  etroit 
avec  les  Juifs.  Le  βδελυγμα  της  Ιρημώσεο^ς  de  Dan.,  IX,  27;  Mat.,  xxiv,  15,  cfr. 
Marc  XIII,  14,  sevira  aussi  dans  le  temple  de  Jerusalem;  toutefois,  dans  I'Evan- 
gile,  il  ne  s'agit  pas  des  derniers  temps,  mais  de  la  ruine  historique  de  cette  cite, 
comme  le  fait  bien  voir  le  parallele  de  Luc.  Enfin  rappelons-nous  la  tradition  sur 
rAntechrist  sorti  de  la  tribu  de  Dan  (v.  comment,  a  vii,  1-8).  Bousset  pense  que 
cette  modification  de  I'anciennc  donnee  de  Daniel,  pour  faire  de  TAntechrist  un 
membre  de  la  race  d'Israel,  a  du  s'accomplir  sur  le  sol  juif  avant  le  christianisme, 
au  temps  des  derniers  Asmoneens  ou  d'Herode.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  Bete  de 
I'Apocalypse,  bien  que  siegeant  a  Jerusalem,  apparait  comme  etant  en  relation 
moins  avec  les  Juifs  qu'avec  les  gentils  qui  foulent  les  parvis  exterieurs  et  la 
ville  Sainte. 

II  est  cependant  possible  que  cette  tradition  sur  un  Antechrist  juif,  ou  se  don- 
nant  comme  roi  des  Juifs  et  conru  comme  faux  Messie,  faux  prophete,  ait  influe, 
avec  la  tradition  de  Daniel,  sur  la  forme  do  notrc  prophetic,  comme  sur  celle  de 
II  Thess.  Nous  disons  seulement  «  sur  la  forme  »  ;  car,  pour  le  fond,  la  Bete  est 
d'abord,  tres  certainement,  TEmpire  romain  persecuteur.  Mais  enfin  cette 
influence  expliquerait  pourquoi  cette  scene  d'unc  portee  universelle,  eschato- 
logique au  sens   le  plus  large,  a  ete  placee  a  Jerusalem,  pourquoi  le  temple, 


148  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

quoique  deja  detruit,  est  apparu  comme  figure,  et  pourquoi  les  «  Temoins  » 
ont  des  traits  de  Moise,  d'Elie,  et  peut-etre  d'Henoch.  —  A  moins  que  ce  ne 
soit  rinverse,  c'est-a-dire  que  la  part  de  symbolisme  empruntee  a  I'histoire  de 
ces  personnages  de  I'Ancienne  Loi  n'ait  entraine  pour  toute  la  scene  oii  ils 
figurent  le  decor  de  la  Terre-Sainte, 

Existe-t-il  quelque  parallele  a  ce  rapport  des  «  Temoins  »  avecl'Antechrist?  — 
J'entends  un  parallele  formelet  explicite;  car  il  etait  facile  de  deduire  ce  rapport 
du  role  «  eschatologique  »  assigne  a  lun  comme  aux  autres.  —  Deux  ont  ete 
signales  :  d'abord  la  figure  du  Messie  /ils  de  Joseph  (precurseur  du  vrai  Messie 
fils  de  Juda),  qui  doit  perir  danslalutte  contre  Gog  et  les  paiens.  Seulement,  c'est 
une  creation  apocalyptique  beaucoup  trop  tardive  pour  quelle  ait  influe  sur  notre 
passage.  Mais,  deja  dans  VAssomption  de  Mo'ise,  eh.  viii-ix,  apparait  le  person- 
nage  fort  enigmatique  de  Taxo  (τάξων{?),  participe  futur  de  τάσσω,  «  ordonner  », 
d'apres  I'hj'pothese  de  Clemen^  Kautzsch.  ii,  p.  326,  admise  de  Bousset,  Rel. 
Jud.  et  Antichrist;  pour  les  uns,  il  pourrait  avoir  un  rapport  avec  Elie,  pour 
d'autres,  ce  qui  n'est  pas  vraisemblable,  avec  le  Messie,  ou  bien  c'est  une  gema- 
tria).  Ce  Taxo  est  un  vieillard  qui  fuit  avec  ses  sept  fils  devant  un  tyran  ennemi 
deDieu,  melange  d'Antiochus  et  d'Herode,  regnant  a  Jerusalem;  Taxo  meurt,  et 
alors  vient  la  fin.  Le  parallele  avec  les  Temoins,  si  parallele  il  y  a,  est  encore 
assez  lointain;  nous  en  chercherions  plutot  un  avec  Thistoire  de  Mathatias  et  de 
ses  fils  les  Maccbabees. 

Le  rapprochement  le  plus  etroit  qu'on  puisse  faire,  selon  nous,  ce  serait  done 
avec  II  Thessal.  ii.  (v.  ixtkod.,  c.  ix,  p.  cxiv).  Le  κατέχων  et  le  χάτεχον  de  saint 
Paul,  opposes  a  la  pleine  manifestation  de  r«homme  d'iniquite  »  (•:=  la  Bote), 
sont  des  termes  mysterieux  qui  repondraient  a  I'activite  par  laquelle,  trois  ans  et 
demi  durant,  les  deux  temoins  arretent  les  progres  de  TAntechrist.  Alors  I'idee 
ne  serait  pas  «  traditionnelle  »,  mais  purement  chretienne  et  sans  attache  juive, 
malgre  le  decor  symbolique  du  temple  et  de  Jerusalem. 

6°  Septieme  et  derniere  Trompette.  —  La  consomination  (xi,  15-18). 

Int,  —  La  rupture  du  1^  sceau  ai>ait  ete  le  signal  de  I'execution  des  decrets  divins ; 
ainsi  la  7'  trompette  en  amene  la  consommation.  Ces  versets  n'indiquent  done 
pas,  comme  le  voudraient  Holtzmann,  Joh.  Weiss  et  d'autres,  une  prSparation 
au  5®  Vae.  II  y  a  bien  une  allusion  aux  ei'enements  du  3^  Vae  —  qui  sont  pour  nous 
aussi  la  matiere  des  chapitres  XII  et  suiv.  —  dans  le  cantique  celeste  17-18.  Mais 
il  y  sont  notes  comme  passes  deja;  les  temps  au  passe,  I'absence  de  ό  Ipy  ό(χενος  dans 
la  formule  stereotypee  de  17,  montrent  que  le  grand  evenement,  I'acte  essentiel  attendu 
dans  tout  le  lii're,  s'est  accompli  pendant  que  la  trompette  retentissait.  Mais  Jean 
ne  Γα  pas  vu;  il  a  seulement  entendu  dire  au  ciel  que  tout  etait  consomme.  C'est  quil 
ne  convenait  pas  de  decrire  la  fin  du  monde  avant  d'avoir  donne  les  proplieties  du 
βιβλαρίδιον,  annoncees  au  ch.  X.  De  plus,  nous  remarquerons  ailleurs  [ainsi  a  la 
chute  de  Babylone,  ch.  XVIIl),  que  les  faits  les  plus  graves,  quand  ils  sont  entierement 
reserves  a  I'avenir,  et  n'ont  pas  recu  au  temps  de  Jean  au  moins  un  commencement 
de  realisation,  le  prophete  ne  les  contemple  pas  d'ordinaire  de  ses  yeux,  if  les  connait 
seulement  par  I'ou'ie.  S'il  est  oblige,  pour  clore  les  propheties,  de  donner  au  ch.  XX  une 
certaine  description  du  jugement,  il  ne  le  fera  que  dans  une  vision  absolument  sche- 
matique,  qui  contrastera  fort  avec  celles  des  sauterellcs,  dc  la  cavalerie  ou  des  Botes 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAX.  149 

Les  critiques  j'oignent  encore  presquc  tons  a  cetic  pericopc  le  i^.  19,  qui  pour 
beaucoup  cUcrirait  un  fleau,  —  la  plaie  de  I'air,  —  correspondanl  a  la  7*  trompette 
(v.  infra).  Grotius  y  voyait  la  guerre  de  Bar-Cochebas,  Bossuet  la  ruine  de  V empire 
romain.  Eichhorn,  de  Wette,  etc.,  le  rapporlaient,  coniine  le  reste  da  chapilre,  a 
la  chute  de  Jerusalem.  Mais  la  plupart  regardent  li-19  comme  un  intermede  et  une 
anticipation.  Les  mots  το?ς  φοβουμένοις  du  v.  18  demontrent  le  caractere  j'uif  da 
morceau  a  Vischer,  a  Weyland  (a),  a  Spitta  (15a  et  19  de  J*,  16-18  de  J^j.  Volter, 
Weiszjicker,  Sabatier,  Schoen,  Erbes,  Job.  Weiss  le  rattachent  immediatement  a 
la  fin  du  c/i.  IX  (par-dessus  le  pretendu  intermede  qui  commence  au  ch.  X)  et 
I'attribuent  a  I' Apocalypse  primitive,  sauf  Job.  Weiss  qui  donne  ces  versets  a  I'  «  Edi- 
teur  )■>.  Volter,  pour  ne  pas  voir  ici  la  fin,  se  met  a  I'aise  par  la  suppression  du  juge- 
ment  des  morts,  qui  serait  une  interpolation  du  temps  de  Trajan;  Bruston  reconnait 
dans  li-19  I'oeuvre  du  «  disciple  ». 

Bousset  eiablit  que  li-19  est  d'un  aateur  qui  poss6dait  deja  une  vtie  d'ensemble 
de  I'Apocalypse  et  la  considerait  comme  for-nant  un  tout.  En  effet,  le  v.  15  fait 
allusion  a  la  victoire  messianique  du  ch.  XII ;  le  v.  16  rappelle  la  vision  des  Sceaux; 
les  vv.  17-18  ont  rapport  aux  ch.  Xlll-suiv.  :  colere  des  Gentils,  etc.,  colere  de  Dieu 
(ch.  XIX),  jugement  des  morts  [ch.  XX),  aneantissement  des  corrupteurs  de  la  terre 
(ch.  XVI I- XVI II). 

Cette  vue  est  juste,  a  la  condition  de  ne  pas  parler  ici  d' anticipation,  de  prolepse 
dans  I'esprit  des  chantres  celestes.  lis  parlent  de  tout  cela  comme  d'un  passe,  non 
d'un  passe  prophetique,  mais  d'un  passe  littoral.  Ce  mondc  de  miseres  et  de  peches  a 
bien  disparu  —  et,  notons-le  pour  notre  future  explication  du  ch,  XX,  — sans  qu'il  soil 
fait  aucune  mention  d'un  Millenaire  de  pur  bonheur.  La  premiere  section  des  prophe- 
ties  se  termine  ici  et  elle  parait  complete,  elle  a  embrasse  tout  I'avenir  de  I'humanite, 
jusquau  jugement  final.  Si  I'Apocalypse  ne  continuait  pas  plus  loin,  observe  Swete, 
en  ne  se  douterait  pas  qu'il  dilt  y  avoir  une  suite,  et  il  serait  impossible  de  retablir 
par  conjecture  les  scenes  qui  vont  venir  a  partir  du  ch.  XII.  On  trouverait  seulement 
que  la  mention  du  jugement  est  quelque  pen  ecourtee,  et  Von  se  demanderait,  sans 
pouvoir  repondrc,  pourquoi  I'auteur  a  introduit  au  ch.  X  la  scene  du  βιβλαρίδιον. 


A.  B.  15.  λέγοντες,  construction  ad  sensum[l\r.  c.  x,  §  II),  dans  A,  Q,  rec.  K,  cor- 
rigo  en  λέγουσαι  X,  G,  P,  Ajid.,Arethas,  et  von  Soden.  —  θεοΰ  pour  κυρίου,  α1580-28-2015, 
syr^',  Prim.  —  Remarquer  βασιλεύσει  (βασιλεύει,  8505-14-69,  al.;  έβασίλευσεν  suppose  par 
am.,  syrs"^)  au  singulier,  malgre  le  double  sujet;  ce  n'est  pas  une  raison  pour  que 
χριστού  soit  un  mot  interpole,  mais  une  negligence  de  grammaire  ou  de  style,  —  φωναι 
(χεγάλαι,  αι.  των  αι.,  al,  passim. 

C.  15.  Έγενετο  :  le  Regne  de  Dieu  et  du  Christ  est  arrive  au  but,  il  s'est  etabli 
pour  toujours;  c'est  le  «  factum  esse  »  terminant  le  «  fieri  »;  le  futur  βασιλεύσει  ne 
peut  signifier  ici  que  la  continuation  eternelle  d'un  regne  deja  inaugure  dans  toute 
sa  perfection  et  sa  splendeur.  II  revient  au  meme  quant  au  sens  de  traduire,  avec 
Bousset,  en  faisant  dependre  τοΰ  κυρίου  de  Ιγένετο  :  «  La  domination  royale  sur  le 
monde  a  passe  (exclusivement)  a  Dieu...  ».  n'ard  Gott  zu  eigen.  —  Les  «  voix  » 
contrastent  avec  le  silence  impressionnant  qui  avait  suivi  la  rupture  du  septifeme 
Sceau  (viii,  1).  Ce  sont  peut-etre  —  a  cause  de  la  mention  des  24  vieillards  qui  va 
suivre,  —  celles  des  4  Animaux  (Swete).  Malgre  le  caractere  un  peu  flottant  des 
visions,  le  fond  de  scene  demeure  immuable  depuisle  ch.  iv. 

-^—  A.  B.  16.  καθτ^αενοι  se  lit  A,  et  dans  la  plupart  des  textes  du  type  And.  (oV... 
χάθηνται  N^  C,  0'-2-82,  Ap"-95-2040,  Q,  nombreux  minusc,  Aret.,  syre^;  ot...  έκάθηντο 
α400-69-628);  nous  conservons  le  participe,parce  qu'il  se  rencontre  27  fois  ailleurs 
dans  TApocalypse,  tandis  que  χάΟημαι  n'apparait  a  un  mode  personnel  que  3  fois,  xvii, 


150  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

C.  XI.  15.  Και  ό  έβδομος  άγγελος  έσάλτησεν*  καΐ  έγένοντο  φωναι  μεγάλαι  εν  τω 
οΰρανω  *λέγοντες'  Έγένετο  ή  βασιλεία  του  κόσμου  toj  κυρίου  ημών  και  του  Χρίστου 
οί^τοΧ)^  και  *βασιλεύσει  ε'.ς  τους  αιώνας  τών  αιώνων. 

16.  Και  οί  είκοσι  τέσσαρες  πρεσβύτεροι  οΐ  έν(όπιον  του  θεοΰ  *καΟήμενοι  έπΙ  τους 
θρόνους  αυτών,  *ε7:εσαν  έ•;:ί  τα  7:ρόσωπα  αυτών  και  χροσεκΰν^σαν  *τώ  θεώ,  1"ϊ•  λέ- 
γοντες' 

Ευχαριστουμέν  σοι,  *κύριε  ο  θεός  ο  ■;:αντοκράτο)ρ,  ό  ών  και  ο  •ζν*,  'ότι  νί/.ηφας 
τήν  δυναμιν  σου  τήν  μεγάλην,  και  *έβασίλευσας.  18.  Και  τα  έθνη  *ώργίσθησαν,  και 
ήλθεν  ή  οργή  σου  και  c  καιρός  *τών  νεκρών  κριΟ•^ναι,  και  δούναι  τον  μισθον  τοΤς 
*δούλοις  σου  τοις  ττροφήταις  και  τοΐς  άγίοις  και  τοις  φοβουμένοις  το  ονομά  σου,  τοΤς 
μικροΐς  και  τοις  μεγάλοις,  και  δια^Οεΐραι  τους  *διαφΟείροντας  τήν  γήν. 


9,  15;  χνιπ,  7.  Nous  gardens  aussi,  avec  Ρ,  centre  A,  Tarticle  ol  devant  ΙνώΓ.ιο^. 
Pour  cette  tournure  o\  ενώπιον  του  θεοΰ  καΟτ^μενοι,  cfr.  χι,  4  αί  ενώπιον  του  κυρίου  της  γης 
Ιστΰτες.  Les  mots  του  Ορο'νου  devant  τοΰ  θεοΰ  ne  se  trouvent  que  rec.  Κ.  II  ne  faut  done 
pas  en  faire,  avec  Bousset,  I'indice  d'une  source  au  langag-e  particulier  pour  xi,  1-13 
(v.  supra).  —  επεσον  pour  'έπεσαν,  rec.  K.  al.  —  Prosternement  des  Vieillards  :  cfr.  iv, 
10;  V,  8,  14;  xix,  4.  —  τω  θε^,,  datif. 

C.  16.  Les  Vieillards  se  prosternent  comme  a  I'intronisalion  de  I'Agneau,  parce 
que  c'est  le  dernier  acte  de  conquete  de  sa  royaute,  qui  est,  pour  ainsi  dire,  devenue 
complete  avec  celle  de  son  Pere. 

— ^—  A.  B.  17.  Remarquer  le  vocatif  κύριε  (χ  :  κύριος)  suivi  d'une  apposition  au 
nominatif  (Tint.  c.  x,  §  II).  —  κα\  ό  Ιρχο'μενος,  qui  est  ailleurs  le  complement  de  la 
formule  ό  ών  κα'ί  ό  ην,  a  ete  omis  ici  avec  intention,  et  c'est  a  tort  que,  trompes  par 
I'analogie  de  i,  4,  etc.,  quelques  mss.  And.,  δ501-109-205,  δ600-δ7-296,  vidg.  et  boh, 
I'ont  ajoute.  —  εΐ'ληφις  pour  ειληφας  dans  C.  Le  parfait  signifie  :  tu  as  fini  de  prendre  ta 
grande  puissance,  tu  I'as  prise  pour  la  garder  toujours,  et  I'aoriste  qui  suit,  έβασίλευσας, 
est  «  ingressif  »  :  tu  t'es  mis  a  regner.  —  κύριε  δ  θεο'ς,    cfr.  xv,  3;  xvi,  7.  (iv,  8  :  κύριος). 

C.  17.  Si  και  ό  ερχόμενος  est  omis  dans  la  fameuse  formule  developpee  du  nom  de 
Jahweh,  ce  n'est  pas,  comme  I'entend  Cabncs,  une  «  abreviation  sans  portee  »,  mais 
c'est  que  Dieu  et  le  Christ  n'ont  plus  a  «  venir  »,  la  Parousie  a  eu  lieu;  c'est  ce  qu'an- 
nongait  I'Ange  du  ch.  χ  sur  la  consommation  du  «  Mystere  de  Dieu  »  (v.  ad  loc).  Celte 
abreviation  est  pleine  de  sens,  elle  montre  comment  il  faut  interpreter  la  Τ  trompette. 
Tout  le  conlenti  du  Grand  Livre  du  ch.  ν  est  conς!u  comme  realise;  Dieu  a  pris  en 
main  sa  «  Grande  Puissance  »,  qui  n'est  pas  I'exercice  de  sa  Providence  ordinaire, 
mais  la  plenitude  de  sa  force  manifestee  (Sivete).  11  n'y  a  plus  d'avenir;  Jean 
entend  le  cantique  celeste  qui  ouvre  I'eternel  Present.  Pour  les  autres  interpreta- 
tions, voir  rintrod.  a  la  pericope.  Pour  une  pareille  abreviation  xvi,  5,  \.  ad  loc. 

^-^—  A.  B.  18.  ώργίσθη  pour  ώργίσθησαν  dans  K*.  Nous  avoQS  traduit  par  le  plus- 
que-parfait,  parce  que  I'aoriste  grec  rend  notre  plus-que-parfait  de  simple  anteriorite, 
ou  notre  passe  anterieur;  les  peuples,  en  effet,  ont  fini  de  s'irriter  quand  la  colere  de 
Dieu  a  acheve  de  les  abattre  :  ηλθεν  η  όργτί  σου.  —  εθνών  pour  νεκρών,  1073,  quelques  mss. 
de  la  rec.  K.;  νεκρών  et  κριθηναι  dependent  tons  deux  immediateraent  de  καφο'ς,  tournure 
unique,  qui  repond  a  t'va  οί  νεκρο\  κριθωσιν.  —  Au  lieu  de  δούλοις,  et  des  autres  datifs,  on 
trouve  des  accusatifs,  ou  un  melange  d'accusatifs  et  de  datifs,  dans  un  certain  nombre 
de  mss.,  negligence  possible  dans  ce  style  couru;  ou  peut-etre  ces  mots  sont-ils  rap- 
portes  a  κριθηναι,  comme  sujet;  W.-H.,  Weymouth  et  Si^-ete  admettent  μικρούς  et 
μεγάλους  (n,  C,  1072,  1073;  —  A  :  αγίους,  φοβούμενους,  μικρούς,  μεγάλους);  Tisch.,  Nestle  et 
Soden  maintiennent  partout  le  datif,  avec  N^  P,  Q,  et  presque  tous  les  minuscules.  — 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  151 

C.  XI,  15.  Et  le  Septieme  Ange  sonna  de  la  trompette;  et  il  se  fit  de 
grandes  voix  dans  le  ciel,  qui  disaient  :  «  Il  s'est  etabli,  le  reg-ne  sur  le 
monde  de  notre  Seigneur  et  de  son  Christ,  et  il  r^gnera  dans  les  siecles  des 
siecles  >;. 

16.  Et  ies  vingt-quatre  vieiliards  qui  devant  Dieu  sent  assis  sur  leurs 
trones,  tomberent  sur  leurs  visages,  et  se  prosternorent  devant  Dieu, 
17  disant  : 

«  Nous  te  rendons  graces,  Seigneur,  [toi]  le  Dieu  tout-puissant,  celui  [qui 
a  nom]  il  est,  et  il  etait,  parce  que  tu  as  sa'si  ta  grande  puissance,  et 
es  entre  dans  ton  regne.  18.  Et  les  peuples  s'etaient  mis  en  fureur,  et  elle 
est  venue,  ta  fureur  [a  toij,  et  le  moment  pour  les  morts  d'etre  juges,  et 
de  donner  la  recompense  fl  tes  serviteurs  les  prophetes,  et  aux  saints,  et 
a  ceux  qui  craignent  ton  nom,  aux  petils  et  aux  grands,  et  de  detruire  ceux 
qui  detruisaient  la  terre.  » 

KotX  est  omis  apres  τοις  άγ-'οις  dans  «115-130-1854,  et  τοϊς  devant  φοβούμενοι;  dans  N,  ce 
qui  modifierait  le  sens,  —  φθειράντας  ou  διαφθεφάντας,  participe  aoriste  au  lieu  du  pre- 
sent, dans  N,  C,  une  dizaine  de  minuscules,  «103-7-104,  «1594-10-60,  Av46-35-2018, 
8507-47-241,  ^206-48-242,  Av56-49-2023,  «404-87-172,  «1574-91-1957,  «1475-96-2041,  «  qui 
corruperunt  »  Ci/p.,  ^ndg.,  Prim.  C'est  peut-^tre  la  vraie  legon,  en  tout  cas  eile  rend 
bien  le  sens;  car  ils  ont  fini  de  corrompre  la  terre;  mais  on  peut  conserver  δ'χφθείροντβς 
au  sens  de  I'imparfait.  —  φοβούμενοι,  cfr.  xix,  5 ;  δι«φ&είροντες  τήν  γην,  cfr.  xix,  2,  dit  de 
Babylone;  cfr.  pour  t'ensemble  des  termes  Ps.  π,  1,  5,  12 et  Ps.  xcvm  (LXX),  1. 

C.  18.  Quand  Joh.  Weis  traduit  ώργίσΟησαν  par  le  present  «  nun  ziirnen  »,  ίΤ  prend 
ce  mot  pour  un  aoriste  ing^ressif;  natais  c'est  un  contresens,  cette  colere  otantdu  passe; 
celle  de  Dieu  a  mis  un  terme  a  celle  des  hommes.  La  triple  enumeration  «  prophetes, 
saints,  craignants-Dieu  «,  si  I'on  conserve  tous  les  χαί  et  tous  les  articles,  qui  sont 
bien  attestes,  suscite  une  difficulte  d'exegese.  Dansun  document  juff,  φοβούμενοι  designe- 
rait  tout  naturellement  les  proselytes  ou  les  paiens  frequentant  la  synagogue  (cfr. 
Act,);  aussi  Vischer,  Weyland  et  Spitta  y  voient  le  sigOe  d'une  origine  judaique.  Bous- 
set  croit  devoir  supprimer  καϊ  entre  άγίοις  et  τοΐξ  φοβ.,  a  moins,  considere-t-il,  que  les 
«  saints  »  ne  soient  les  Judeo-chretiens  (cfr.  Paul  :  les  «  saints  de  Jerusalem  »),  et  les 
φοβούμενοι  les  ethnico-chretiens.  J'inclinerais  asser  vers  cette  Iiypothese  plutot  qtre  vers 
celle  de  Sivete,  qui,  ici  et  xix,  5,  suppose  qu'il  s'agit  des  catechumenes ,'  en  tout  cas,  ce 
mo•!  n'est  pas  suffisant  pour  faire  croire  a  une  source  juive. 

Ici  se  termine  la  premiere  section  prophetique;  elte  a  abouti  a  la  fin  du  monde,  an 
Regne  complet  du  Christ.  Nous  rattachons  le  v.  19  a  la  section  suivante. 


III.  DEUXIEME  SECTION  DES  PROPHETIES 
(xi,  19-xxi,  8). 

OU   EXECUTION    DES    DECRETS    DU    «     PETIT   LIVRE    OUVERT    »    SUR    l'eGLISE    ET    SUR    l'eNSEMBLE    DU 
MONDE,    CONSIDERE    CETTE     FOIS    DANS    SES   RAPPORTS   AVEC   l'eGLISE,    ET    SPECIALEMENT    REPRE- 

sente  par  l'empire  ROMAIN. 

Int.  —  Cette  section  emhrasse  les  predictions  (/ue  I'An^c  du  cli.  X  a  charge  Jean  de 
proclamer  «  sur  des  nations  et  des  peuples  et  des  langues  et  des  rois  nombreux  » 
{X,  10).  Elle  s'etend  de  fait  a  toiite  I'histoire  humaine  depuis  la  naissance  du  Christ 
{XII,  5),  jusqu'au  jugemeni  general  {XX,  11-XXI,  8)  et  presente  une  «  recapitulation  » 
—  au  sens  large  —  des  chap.  VI-XI.  Seulement,  tout  y  est  concu  an  point  de  vue  de 
I'Eglise,  et  des  luttes  quelle  a  commence  a  soutenir  contre  I'Empire  remain,  pris 
comme  type  de  I'Antechrist,  et  de  toutes  les  puissances  futures  ennemies  de  Dieu,  dent 
elle  fait  entrevoir  le  deroulement  dans  la  suite  indefinie  de  I'histoire.  Jean  insistera 
surtout  sur  le  sort  de  Borne,  car  c'est  la  ce  qui  donnait  le  plus  de  souci  a  ses  lecteurs; 
mais  sa  prophetic  porte  beaucoup  plus  loin.  L'ennemi  invisible,  le  DragOn,  declare  la 
guerre  au  Christ  et  a  I'Eglise  (la  Femme),  et  dirige  les  operations  par  I'intermediaire 
des  Deux  Betes,  ses  suppots  humains,  qui  sont  deux  esprits  historiques,  deu.v 
puissances  visibles  et  terrestres  continues  qui  pretendent  contrefaire  et  supplanter 
I'Agneau,  et  s'lncament  a  I'epoque  de  I'Apocalypse  dans  Babylone  la  Gourtisane 
(Rome).  Mais  I'armee  du  Christ  glorifie  (Michel  et  ses  anges),  a  deja  vaincu  le  Dra- 
gon, qui  ne  fait  plus  qu'epuiser  les  restes  de  sa  rage.  Les  Betes  trouvent  en  face  d'elles 
I'Agneau  en  personne,  qui,  a  la  fin,  reapparaissant  comme  Cavalier  invincible,  Roi  des 
Rois,  Verbe  de  Dieu,  infligera  a  I'Antechrist  sa  defaite  supreme.  Les  puissances  hostile» 
sont  ecrasees  dans  I'ordre  inverse  de  leur  apparition,  en  allant  du  particuUer  a  I'uni- 
versel,  du  visible  a  I'invisible  :  Borne,  Betes,  Dragon.  La  vision  du  ch.  XX  (le  Mille- 
naire)  resume  toute  cette  Iiistoire  dans  une  large  vue  d'ensemble,  qui  a  pour  but  de 
montrer  que,  au  milieu  des  plus  terribles  contingences,  I'Agneau  a  cependant  toujour» 
regne  depuis  les  jours  de  I'Incarnation.  Alors  a  lieu  le  jugement  general. 

Plusieurs  anciens  commentateurs  ont  eu  I'idee  de  cette  division  des  propheties  apo- 
calyptiques  en  deux  sections  exactement,  quoique  I'ignorance  de  la  «  loi  des  emboite- 
ments  »  les  ait  empeches  de  bien  reconnaitre  oil  elles  se  separaient  I'une  de  I'autre.  Ainsi 
Brightman  voyait  dans  XI-XIV  une  recapitulation  de  I-X;  Mede  faisait  commencer 
I'histoire  passee,  presente  et  future  de  I'Eglise  au  ch.  X,  qui  predisait  la  Beforme, 
tandis  que  les  chapitres  precedents  se  rapportaient  a  I'Empire;  Collado,  lui,  avait  bien 
vu  que  X-XI  sont  compris  sous  la  6^  trompette.  Henten,  le  premier,  a  neltement  etabli 
la  division  que  nous  admettons ;  il  rapporte  la  deuxieme  section  a  la  destruction  du 
paganisme,  la  premiere  a  celle  de  la  synagogue.  Cfr.  Alcazar,  Grotius,  Bossuet, 
qui,  malgre  leurs  precisions  artificielles,  et  leur  meconnaissance  de  la  «  recapitula- 
tion y>,  ont  cependant  bien  saisi  le  sens  general  de  la  presente  section.  (Int.  c.  xiv, 
§§  V-VI). 


APOCALYPSE    DK    SAINT    JFAX.  153 


Petit  Prologue  symboliqite  (xi,   19). 

C.  XI.  19.  Και  ήνοι'γη  ζ  ναός  του  θεοϋ  *ί  έν  τω  οϋρανω,  και  ώφθη  ή  κιβωτός  τν^ς 
διαθήκης  αύτοΰ  έν  τω  ναω  αυτοϋ,  και  έγένοντο  άστρατταί  και  φο)ναί  και  βροντα'ι  *καΙ 
σεισμός  και  χάλαζα  μ,εγάλη. 

C.  XI,  19.  Et  le  Temple  de  Dieu  s'ouvrit,  celui  qui  est  dans  le  ciel,  et  on 
\\i  I'arche  de  son  alliance  dans  son  temple,  et  il  se  fit  des  foudres  et  des 
voix  et  des  tonnerres,  et  un  ebranlement,  et  une  grande  grele. 


A.  B.  19.  Nous  conservons  ό  devant  Iv  τω  ούρανω  (quoiqu'il  manque  n,  P,  Q,  syr., 
Aretli.,  et  dans  nombre  de  minusc),  parce  qu'il  est  conforme  a  I'usage  apocalyptique, 
et  possede  ici  une  vraie  valeur  deternainative.  —  Κα"!  σεισρς  est  omis  rec  K.,  Aret.  — 
Le  «  sanctuaire  du  ciel  »  (oppose  a  celui  de  \i,  1),  cfr.  iii,  12;  vii,  15;  xv,  5-suiv. ;  xxi, 
22;  Γ  «  arche  »,  cfr.  ii,  17  (a  la  «  manne  cachee  »);  άστ^απαί  κτλ.,  cfr.  Apoc,  passim,  et 
surtout  VIII,  5. 

C.  19.  Ce  verset  pourrait  sans  doute  etre  considere,  conformement  a  la  division  en 
chapitres  et  a  I'avis  de  la  presque  unanimite  des  commentateurs,  comme  le  dernier  de 
la  premiere  section,  et  etre  applique  a  la  fin  du  monde.  Je  crois  cependant  preferable 
de  suivre,  apres  Hugues  de  S^-Cher  e.i  Albert,  la  division  a! Andre,  qui  fait  commencer 
ici  sa  section  περί  τών  διωγμών  της  Ικκλησίας  των  προτέρων  και  των  έπΙ  του  'Αντίχριστου,  comme 
I'a  fait  Holtzmann,  et  I'insinue  Joh.  Weiss  {Ojfcnb.  p.  81).  II  est  vrai  que  ce  verset  fait 
la  soudure  entre  la  vision  precedente  des  trompettes,  et  les  visions  qui  vont  suivre  ;  il 
semble  amener  une  plaie  (les  «  tonnerres  »  et  la  «  grele  »)  qui  a  un  rapport  avec 
Γ  «  air  »,  le  quatrieme  element,  et  n'avait  pas  trouve  de  place  speciale  dans  la  serie 
VIII,  7-12,  oil  le  premier  fleau  atteint  specialement  la  «  terre  ».  II  se  pourrait  done  que 
le  schema  traditionnel  des  4  elements  eut  influe  sur  notre  verset  [Boll,  supra);  par  la, 
ce  verset  'aurait  quclque  lien  avec  la  7«  trompette,  laquelle,  avec  un  certain  defaut 
d'equilibre  et  de  cohorence  dans  la  narration,  se  trouve  encore  annoncer  a  la  fois  la 
fin  du  monde  et  le  «  3^  Vae  »  (ch.  xii-suiv.)  qui  n'apas  ete  decrit,  chose  assez  surpre- 
nante.  Mais  ce  n'est  qu'une  afTaire  de  redaction;  essentiellement,  quant  a  la  chose 
signifiee,  le  v.  19  est  un  prologue  a  la  deuxieme  section  prophetique.' 

En  eiTet,  on  pourrait  bien  le  considerer  d'abord  comme  une  de  ces  prolepses 
habituelles  a  noire  ecrivain,  laquelle,  dans  le  cas,  anticiperait  sur  xv,  5  (v.  ad  loc). 
Mais  on  doit  noter  surtout  son  parallelisme  avec  le  debut  du  ch.  viii,  verset  5.  Dans 
ce  passage,  les  m§mes  troubles  atmospheriques  (moins  la  gr^le),  et  le  meme  σεισμο'ς, 
servaient  de  dernier  signal  a  la  sonnerie  des  Trompettes;  ici,  ils  preparent  la  repe- 
tition des  memes  fleaux,  presentes  seulement  sous  un  autre  aspect;  le  rapport  le 
plus  direct  existe  avec  xv,  5-x\i.  Ce  verset  forme  aussi  la  suite  logique  du  chapitre  χ 
avec  son  «  emboitement  ». 

Mais,  dans  sa  brievete,  il  est  encore  beaucoup  plus  riche  de  sens.  II  montre  I'esprit 
qui  va  animer  toutes  les  nouvelles  propheties  :  la  perpetuelle  antithese  de  la  justice 
et  de  la  misericorde,  du  sort  du  monde  et  de  celui  de  I'Eglise,  s'y  trouve  condensee 
en  Ires  peu  de  mots.  C'est  un  petit  prologue  celeste  qui  revele  toutes  les  intentions 
de  Dieu  :  en  meme  temps  qu'Il  prepare  le  chatiment  du  monde,  II  annonce  aux  fideles 
leur  salut.  Car  le  «  Saint  des  Saints  «  celeste  est  desormais  ouvert  pour  les  hommes, 
par  I'ciconomie  nouvelle  de  I'lncarnation  (c'est  tout  a  fait  sans  raison  que  Spitta 
supprime  ό  2v  τω  ούρανω).  L'apparition  de  Γ  «  Arche  d'alliance  »,  montre  que  les  derniers 


154  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

temps,  ceux  du  Regne  dc  Dieu  et  de  son  Messie,  ceux  de  refTusion  des  biens  spiri- 
tuels  et  de  la  recompense,  sent  commences.  Ge  trait  caracterise  tout  ce  qui  suit 
comma  etant  de  I'eschatologie  —  au  sens  large  (v.  Excursus  xxv).  Tous  les  biens 
symbolises  par  la  contemplation  de  I'Arche  sont  montres  aux  elus  au  moment  ou 
les  ennemis  de  Dieu  sont  ecrases  par  la  foudre  et  le  grele,  et  ou  le  «  tremblement 
de  terre  »  signifie  la  transformation  da  monde  present  (Andre)  par  toutes  les  revo- 
lutions qui  meneront  a  un  etat  d'equilibre  mieux  assis  :  Vici.  :  «  Apertum  esse  Tem- 
plum....  manifestatio  Domini  nostri  est...  Area  testamenti  :  evangelii  praedicatio  et 
indulgenlia  delictorum,  et  omnia  quaecumque  (cum)  illo  advenerunt,  illud  dicit 
apparuisse  »  [Haussleitcr,  p.  104). 

Bossuet  :  «  Le  Temple  de  Dieu  fut  ouvert;  c'est  le  grand  eclat  de  I'Eglise  ouverte 
a  tous  les  Gentils;  et  I'Arche  d'alliance  y  parut,  a  la  difference  de  I'ancien  peuple, 
ou  FArche  etait  cachee;  dans  I'Eglise  tous  les  mysteres  sont  decouverts,  et  la  pre- 
sence de  Dieu  est  manifestemcnt  declaree.  »  En  effet,  les  άστρατταί,  etc.,  comme  dit 
S»-ete,  sont  les  symboles  ordinaires  de  la  majeste  et  de  la  puissance  de  la  Presence 
divine,  les  «  salves  de  I'artillerie  celeste  »  {Atford). 

Cette  apparition  de  I'Arche  est  quelque  chose  de  nouveau,  elle  indique  un  progres 
marque,  dans  la  clarte  des  promesses,  sur  le  prelude  des  Trompettes  (vni,  3-5); 
c'est  qu'il  x?i  etre  surtout  question  de  I'Eglise.  Gependant  la  aussi  le  double  role  de 
Γ  «  encensoir  »  (v.  ad  loc)  repondait  au  double  aspect  de  Faction  divine,  misericorde 
pendant  et  apres  la  vengeance;  et  la  «  gr^Ie  »  de  notre  verset  pent  etre  rapprochee 
des  «  charbons  »  precipites  sur  la  terre. 

Un  dernier  trait  qui  nous  porte  a  separer  le  v.  19  de  la  sceae  anterieure,  c'est  que 
les  cantiques  celestes  sont  toujours  arrives  jusqu'ici  pour  clore  une  pericope  (v.  ch.  rv 
et  v);  nous  verrons  s'il  n'en  \ά  pas  encore  de  meme  aux  ch.  xv  et  xix,  en  sorte  qu'il 
y  aurait  la  une  loi  d'interpretation. 


EXC.    xxv.    LA    SIGNIFICATION    ESCHATOLCKilQUE    DE    L  ARCHE    D  ALLIANCE. 

(Voir  Commentaire  de  rr,  7).  L'apparition  de  I'arclie  rappelle  la  tradition 
d'apres  laquelle  elle  eut,  pour  etre  soustraite  aux  Chaldeans,  ete  cachee  par 
Jeremie,  avec  Tautel  des  parfums;  on  la  retrouverait  lorsque  le  peuple  revien- 
drait  de  son  exil,  c'est-a-dire  entrerait  dans  le  bonheur  messianique  :  «  Ιοις  αν 
συνάγη  δ  θεός  επισυνχγοιγην  τοΐί  λάου...  χα'ι  τότε  δ  κύριος  αναδείξει  ταΰτα,  και  6'^θησεται  ή  δοςα 
του  κυρίου  »,  (II  Mace.  ιι,  4-8).  Ailleurs  c'esl  un  Ange  [Bar.  syr.  vi,  5-10]  ou 
Josias  {Talm.,  Horajoth,  12  a)  qui  la  met  en  surete.  II  n'est  guere  douteux  que 
Jean  ait  utilise,  en  la  transformant,  cette  donnee  de  la  decouverte  de  Tarche 
d'alliance  aux  temps  futurs  du  salut.  Seulement,  chez  lui,  c'est  Tarche  celeste, 
enfermee  dans  le  sanctuaire  celeste,  c'est-a-dire  un  simple  symbole  des  biens 
spirituels  dus  a  cette  victoire  du  Christ  qui  commencera  a  etre  decrite  d^s  le 
ch.  XII.  L'autel  des  parfums  du  ch.  viri  I'aisait  partie  de  la  meme  imagerie 
(comme  celui  des  holocaustes  au  ch.  vi).  Ces  deux  autels  nous  montraient 
comment  les  sacrifices  et  les  prieres  de  Fhumanite  ont  acces  au  ciel;  mais 
I'arche,  figure  plus  mysterieuse,  nous  devoile  le  fond  intime  des  misericordes 
de  Dieu  qui  y  repondent.  Ainsi  Jean  a  place  toujours  une  image  encourageantc 
devant  la  description  des  fleaux  apocalyptiques. 


Α.   VISION  DE  LA  FEMME  ET  DU  DRAGON 

(c.  xii,  1-17). 

Int.  —  Les  cliapilres  XII  et  suiv.  vont  expliquer  line  situation  dont  XI,  15-lS  a  deja 
note  I  ensemble  et  I'issue.  Dans  la  serie  VI-XI,  Jean  avait  represent^  tout  I'avenir 
terrestre,  sous  ses  formes  les  plus  generales  ou  les  plus  profanes;  mais  il  ne  pouvait 
decrire  la  beatitude  future  de  la  societe  des  elus  avant  d'avoir  amend  les  propheties 
qui,  touehant  de  plus  pres  ses  lecteurs,  etaient  si  anxieusement  attendues.  II  y  procede 
dans  la  secondc  inoitie  de  son  lii>re,  et  eette  nouvelle  serie  a  son  tour  va  s'etendre,  et 
prendre  autant  d  ainpleur  que  la  premiere,  avec  encore  plus  de  passion  et  de  coloris. 

Le  ch.  XII  ouvre  cette  section  comme  une  «  preface  grandiose  »  (Bousset).  Le  litre 
</  Andre  (supra)  elait  fort  juste ;  car  une  vision  retrospective  montre  au  Propliete  les 
debuts  memes  de  I'Eglise  (περιτών  διωγιχών  της  εκκλησίας  τ£5ν  προτέρων),  et,  parlant 
de  la,  son  regard  embrasse  toutes  les  persecutions  quelle  aura  a  subir  jusqu'a  la  fin, 
de  la  part  de  I'Antechrist  (και  των  ΙτΛ  τοΰ  Άντι/ ρίστου);  mais  cet  Antichrist  nest 
pas  seulement  pour  nous  une  figure  de  la  fin  des  temps  (v.  Comment,  du  chap.  xiii). 
Notre  chapitre  represente  la  cause  premiere,  dans  le  monde  supra-sensible,  de  I'etat 
de  choses  qui  va  se  realiser  dans  I'empire  paien  et  se  prolongera,  sous  d'autres 
formes,  a  travers  I'avenir  :  c'est  la  haine  de  Satan,  —  qui  est  le  principe  du  mal, 
iennemi  de  Dieu,  —  contre  le  Christ  et  ses  fideles.  Les  persecutions  sont  un  effet 
de  sa  rage,  depuis  qu'il  s'est  vu  vaincu  virtuellement  dans  I'humanite  par  la  Passion 
et  la  glorification  de  Jesus.  Les  conditions  exterieures  et  visibles  de  cette  lutte  seront 
prophetisees  aux  chapitres  XIII  et  suivants. 

Nous  touchons  ici  au  point  culminant  de  la  Revelation;  le  chapitre  XII  est  central 
dans  I'Apocalypse,  car  tout  le  monde  reconnatt  qu'il  en  contient  ou  prepare  les  pnn- 
cipales  figures,  les  allegories  maitresses.  C'est  aussi  le  developpement  du  3^  J  ae 
(v.  Exc.  xxvii).  Qu'ont  pense  les  critiques  du  caractere  de  ce  morceau,  et  de  sa  place 
dans  I'organisme  apocalyptique?  Erbes  y  fait  commencer  son  apocalypse  chretienne 
du  temps  de  Caligula  {XII;  XIII;  XIV,  9b-12);  pour  Bruston,  c'est  la  suite  de  la 
prophetic  du  temps  de  Neron;  pour  Schmidt,  le  debut  dun  grand  morceau  qui,  sauf 
interpolations,  s'rtend  jusqu'a  XIII,  5;  pour  Volter,  il  est  de  Cerinthe,  excepte  les  vv.  11 
ct  17-fin.  Alois  la  plupart  le  declarent  d'originejuive,  du  fait  qu'il presenterait,  disent- 
ils,  la  naissance  du  Mcssie  comme  future.  Ainsi  Vischer,  AVeyland  ("2,  mains  11,  17'^ I, 
Spitta  (J•,  moins  6,  11,  et  quelques  mots  dans  9,  13,  17).  Sabatier  et  Schoen  pcnsent 
aussi  que  I'auteur  a  intercale  ici  dans  'son  oeuvre  un  morceau  juif  [excepte  10-12,  18, 
et  des  modifications  rcdactionnelles).  Weiszacker,  lui,  aftribue  XII,  1-10  seulement 
a  une  source  judeo-chretienne  contemporaine  du  siege  de  Jerusalem. 

D'autres  critiques  encore,  et  assez  nombreux,  veulenl  reconnaitre  divers  recits  paral- 
Idles.  Wellhausen  [Sk.  und  Vorarb.  VI,  215-suiv.),  trouve  deu.c  sources  (juives)  1-0 
et  7-li  comhinoes  par  un  redacteur.  Calmes  (a  cause  des  572)  '^''^^^  ^'<'*''  ^^  continua- 
tion de  la  source  «  juive  »  du  ch.  XI,  de  Van  69;  le  document  primitif  serait  1-9  et 
13-17 a,  tandis  que  10-12  ei  17b  s'en  detach eraicnl  comme  element  redactionnel  chretien. 
Gunkel,  Dieterich,  et  autres,  decouvrent  une  source  mythique  pa'ienne,  uiilisee  par 
I'auteur  chretien  pour  represcnter  le  triomphe  de  Jesus  sur  Satan;  Gunkel  tient  aussi 
pour  les  deux  recits  paralleles,  a  cause  du  v.  6  qui  se  trouve  repete. 

Mais  alors  pourquoi,  dil  Bousset,  eel  auteur  n'aurait-il  pas  supprime  le  v.  6  tout 
simplement?  Lui  ne  doule  pas  dune  origine  juive  pour  le  combat  de  Michel  el  de 
Satan  (6-12);  mais  1-5  et  13-17  seraient  un  ancicn  my  the  solaire  christianise  par  noire 
Apocalyptique :  et  17-lR,  une  addition  de  la  dcrniere  main,  pour  relier  cette  vision 
an  ch.  XIII;  I'adaptalion,  d'aillcurs,  iic  sanraii  en  aucun  cas  aire  juive.  — •  Joh.  Weiss 


156  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

dinse  ainsi  :  a)  1-6  est  de  la  source  Juice  Q,  sauf,  au  v.  3,  une  interpolation  due 
a  Γ  «  Editeur  y>  (les  7  tites  et  les  7  couronnes  du  Dragon);  b)  7-12  [le  5«  Vae)  seraient 
seuls  de  Jean  d'Asie,  a  I'excepiion  encore  du  v.  11,  que  la  mention  des  martyrs  lui  fait 
attribuer  a  I'  «  Editeur  »;  c)  enfin  13-17  sont  la  construction  de  Q,  sauf  17*^  {le  «  iemoi- 
gnage  de  Jesus  »)  qui  revient  a  Γ  «  Editeur  »,  lequel  a  combine  I'ancienne  Apocalypse 
ai'ec  la  source  j'uive  de  67-70. 

^''ous  croyons  devoir,  dans  notrc  Commeniaire,•  ruiner  le  principe  de  ces  combi- 
naisons ;  en  tout  cas  I'emprunt  a  des  sources  juives,  Q  ou  autres,  nous  parait  inad- 
missible. Quant  a  I'utilisation  directe  d'un  mythe,  Bousset  reconnait  le  premier  que 
cette  hypothese  est  seulement  problematique;  de  fait,  nous  verrons  qu'on  peut  tri's  bien 
s'en  passer  (Comment,  et  Exc.  xxvi). 

A  propos  des  repetitions  ou  Von  veut  voir  la  prcuve  de  recits  paralleles  mal  fondus 
ensemble,  reportons-nous  seulement  a  ce  que  disait  Bossuet,  en  parlant  des  «  antici- 
pations «  el  de  la  7^  irompette  :  «  Des  choses  importantes  y  sont  dites  tellement  encore 
en  general,  qu'elles  doivent  des  la  nous  faire  attendre  uh  plus  grand  eclaircissement 
dans  les  chapitres  suivants,  selon  le  genie  des  propheties,  et  en  particulier  de  celle-ci, 
ou  Dieu  nous  mene  comme  par  degres  dans  une  plus  grande  lumiere,  et  tout  ensemble 
dans  une  consideration  plus  profonde  de  ses  jugements.  »  De  fait,  les  conditions 
naturelles  de  I  instrument  huniain  de  la  revelation  sufftraient  bien,  faute  de  mieu.r, 
a  rendre  compte  de  ces  anticipations  et  de  ces  repetitions.  Le  ch.  XII  offre  comme 
plusieurs  esquisses  d'un  meme  tableau,  hdtivement  placees  I'une  apres  I'autre;  elles 
pourraient  n4tre  ainsi  juxtaposees  que  parce  que  I'ecrivain  sacre  η  a  pas  eu  le  temps 
de  les  fondre  (Int.  c.  vi,  x,  §  III,  xiii).  Si  ce  procede  de  composition  nest  pas  conforme 
aux  regies  des  ecoles,  il  est  tres  connu  de  beaucoup  d'ecrivains,  dans  leurs  ebauches, 
et  ceux  qui  le  connaissent  souriront  a  voir  les  critiques  s'appuyer  seulement  la-dessus 
pour  reconnaitre  une  multiplicite  de  sources.  II  s'en  trouve  des  exemples  aussi  dans 
saint  Jean,  dans  saint  Paul,  qui  ecrivait  ses  lettres  sans  plan  littoraire,  mais  tout 
penotre  d'une  puissanle  idee  revenant  sous  divcrses  formes.  On  pourrait  done  ne  voir 
la  qu'un  signe  de  la  composition  hative,  du  caractcre  inachcve  de  ce  livre  sous  le 
rapport  littdraire. 

Mais  nous  y  reconnaissons,  nous,  une  intention  systematique  et  artistique.  Xous 
tenons  ici  le  specimen  le  plus  caracteristique  peut-etre  de  ce  style  en  volutes  dont  j'ai 
parte  (Int.  c.  x,  §  III).  Et,  comme  il  est  loin  d'itre  le  seal  dans  le  livre,  nous  avons 
tout  lieu  decroire  que  c'est  un  procede  voulu.  Voici  comment  nous  divisons  ce  c/iapitre  : 

A.  ΧΠ,  1-5.  Presentation   des  forces  en  presence  :  la  Femme,  le  Dragon  et  I'Enfant 
de  la  Femme.  Le  salut  et  la  glorification  de  I'Enfant,  cause  de  tout  ce  qui  va  suivre 
sont  indiques  dun  mot. 

B.  XII,  6-fin,  drame  exprime  en  plusieurs  tableaux  successifs,  sous  des  formes  de 
plus  en  plus  restreintes,  visibles  et  historiques,  jusquau  ch.  XX.  II  s'avance  en  «  ondes  λ 
successives  : 

b.  XII,  6.  Ce  n'est  qu'un  litre,  un  sommaire,  mais  (jui  contient  deja  les  Irois 
idees  essentielles  :  a)  la  Femme  est  contrainte  a  la  fuite ;  β)  elle  est  mise  par 
Dieu  en  securite;  γ)  son  peril  et  sa  retraite  se  prolongeni  durant  le  nombre 
fatidique  de  1760  jours  (c'est-a-dire  tant  que  lAntechrist  n'a  pas  ete  defini- 
tivemeni  vaincu  par  la  Parousie,  cfr.  ch.  XI,  et  XIII,  infra). 

b'.  XII,  7-16.  La  pericope  diveloppe,  en  rapport  avec  les  causes  celestes,  les 
trois  idees  precedentes  :  a')  la  Femme  a  du  fuir  parce  que  le  Dragon,  vaincu 
au  del  par  I'armie  angelique,  est  tombe  sur  la  terre  oil  il  la  poursuit,  tandis 
que  les  saints  celebrent  la  chute  et  la  defaile  de  cet  antique  ennemi  {7-13); 
ψ  et  γ')  Dieu  sauve  la  Femme  au  desert,  pendant  3  ans  lj2  (i4);  tous  les  efforts 
du  Serpent  pour  I'aneantir  sont  inutiles  (15-16). 

h".  XII,  17,  xiii-suiv.  a")   Colcre  du   Dragon   centre   la  Femme  {17a);  [^''-f").  Le 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  157 

Dragon  fait  la  guerre  aux  cliretiens,  an  moyen  des  BStes  [c'est-a-dire,  d'apres 
XIII,  pendant  3  ans  lj2).  Ce  qui  est  la  mime  lutte  que  precedemment,  mais 
rapportee  a  ses  causes  terrestres,  /lisioriques,  et  avec  un  grand  luxe  de  details. 
Le  germe  contenu  XII,  6,  s'est  pleinement  epanoui  {XII,  llb-XIII  et  suii>.). 
Nous  poui'ons  maintenant  passer  au  commentaire. 

A.  B.  1.  σηαεΐον  (cfr.  xii,  3;  xv,  1;  xiii,  13-14;  xvi,  14;  xix,  20;  Synoptiques  et  Act., 
passim)  est  un  termejpropre  a  cette  deuxieme  section  (Int.  c.  x,  §  III),  ou  il  se 
rencontre  sept  fois ;  ainsi  certains  mots  sont  repetes  sept  fois  dans  I'Evangile  de 
saint  Jean  (int.  c.  xiii,  §  IV).  Dans  les  LXX,  il  traduit  niN,  qui  signifie,  soit  un  signe 
celeste  comme  I'arc-en-ciel  (Gen.  ix,  12-suivants),  soit  un  miracle  quelconque.  C'est 
le  premier  de  ces  sens  qui  convient  ici.  —  περιβεβλημένη,  parfait  moyen  ou  passif 
(Int.  c.  X,  §  II) ;  περφλε-οριένη  est  une  distraction  de  A,  nouveau  signe  que  cet  excel- 
lent manuscrit  n'est  pas  plus  exempt  de  fautes  que  de  corrections  interpretatives. 
—  «  Enveloppee  dans  le  soleil  »,  cfr.  Ps.  civ  (vulg.  cm),  2  :  a  II  s'enveloppe  de  lumiere 
comme  d'un  manteau  -,  et  le  parallele  tres  suggestif  indique  par  Swete,  Cant.  Cant. 
VI,  10  :  «  Quelle  est  celle-ci  qui  se  montre  comme  I'aurore,  belle  comme  la  lune,  pure 
comme  le  soleil,  et  terrible  comme  une  armee  en  bataille?  »  mais  encore  mieux  Test. 
Nephtali,  5,  ce  qui  est  dit  de  Levi,  et  surtout  de  Juda  :  /.al  'Ιούδας  ^v  λαμπρός  ώς  ή  σελι^νη 

χαΐ  υπο  τους  πόδας  αύτου   ήσαν   δοίδεκα   ά/.τΓνες.    —   ή   σελ στέφανος    sont    des   propositions 

sans  copule  (1>τ.  c.  χ,  §  II)  ou  bien  des  appositions  a  σημεΐον,  comme  γύνη. 

^—  Δ.  B.  2.  •/.a(  devant  χράζει,  rejete  par  Soden,  et  transporte  par  A  devant 
ώδίνουσα,  parait  cependant  authentique  (n,  al.,  lat.,  syr.);  ainsi  l/oursoi  fait  une  propo- 
sition participale  (Int.  c.  x,  §  II),  ou  bien  qualifie  simplement  γύνη.  —  κράζει  (Ιχραζεν 
C,  rec.  Κ,  al.,  Hipp.,  vulg.;  Ιχ.ραξεν  δ505-14-69,  al,  Q)  :  melange  de  temps  presents  et 
passes,  en  ce  chapitre  comme  au  ch,  xi;  meme  explication,  (v.  Int.  c.  x,  §  III  et  Vint. 
au  ch.  xi),  —  ώδίνουσα  κτλ.,  cfr.  les  douleurs  d'enfantement  attributes  a  une  femme 
qui  represente  Israel,  Mic/tee  iv,  9-10;  Is.  xxvi,  17;  lxvi,  7-suiv.  :  πριν  τήν  ώδίνουσαν 
τεκεΐν,  πριν  έλθει'ν  τον  πόνον  των  ώδίνων,  έξέφυγεν  και  έτεκεν  όίρσεν  (siC,  LXx),  ce  qui  est  le 
parallele  le  plus  frappant,  quoique  incomplet,  a  tout  le  passage;  ώδΓνες,  au  sens 
metaphorique,  passim,  dans  ΓΑ.Τ.  et  le  N.T;  «  douleurs  d'enfantement  du  Messie  », 
terrae  consacre  dans  la  litterature  rabbinique  (v.  Weber,  Volz,  Lagrange,  Szekely) ; 
cfr.  encore  IV  Esd.  xvi,  39;  Jo/i.  xvi,  21. 

C.  1-2.  Oil  le  Prophete  est-il  place  pour  voir  cette  apparition?  Depuis  le  ch.  x, 
quoique  les  profondeurs  du  ciel  restent  ouvertes  a  son  regard,  il  parait  etre  redes- 
cendu  sur  la  terre  (v.  x,  1).  Et  que  signifie  «  Iv  τω  οΰρανω  » ?  II  ne  faut  pas  croire  avec 
Holtzmann,  ni  avec  Boll  qui  a  echafaude  la-dessus  une  theorie  (v.  Exc.  xxvi),  que 
ce  soit  un  signe  «  dans  le  ciel  »,  c'est-a-dire  un  evenement  «  celeste  »  que  pourrait 
contempler  le  Voyant,  du  fait  que  les  regions  d'en  haut  se  seraient  devoilees  a  lui  (xi, 
19).  Car  les  versets  5-6  et  13  montreront  a  I'evidence  que  I'enfantement  a  lieu  sur  la 
terre.  Pour  bien  rendre  le  sens,  il  faudrait  done  traduire  non  pas  «  dans  le  ciel »  («  im 
Himmel  »,  de  Wette,  Hengstenberg,  Diisterdieck,  Spitta,  Gunkel),  mais  «  au  ciel  «  («  am 
Himmel  »,  Boussei),  c'est-a-dire  «  sur  le  ciel  »,  qui  est  comme  une  toile  ou  se  peint  ce 
tableau  que  Jean  contemple  de  la  terre,  a  Patmos.  Telle  est  aussi  I'opinion  de  Sivete. 

Quelle  pent  Stre  maintenant  cette  Femme,  dont  I'attirail  magnifique  fait  un  tel 
contraste  avec  son  cruel  travail?  La  cle  du  probleme,  note  justemcnt  Joh.  Weiss, 
nous  sera  fournie  par  le  v.  17  ;  o'.  λοιποί  τοΰ  σπέρματος  αύτης.  «  les  autres  de  sa 
race  »,  pour  designer  une  multitude  de  Chretiens.  II  s'agit  done  dune  mere  ideale 
ou  allegorique.  Or,  a  travers  tout  I'Ancien  Testament  et  les  Apocryphes  juifs,  revient 
la  personnification  frequente  de  Sion  sous  la  figure  d'une  femme  [Cant.  Cam.,  d'apres 
une  interpretation  deja  anterieure  a  notre  ere,  Isa'ic,  Ezech.  xvi,  al.  passim;  IV  Esd. 


158  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

C.  XII.  1.  Και  V/;;j,£icv  μέγα  ώφ6η  εν  τω  ο^ρχνω,  γυνή  *7:ΐριβεβλημ-ένη  τίν  ήλιον, 
και  ή  σελήνη  υτοκάτω  των  ττοοών  αύτης,  καΐ  Irt  της  κεφαλής  αυτής  στέφανος  αστέρων 
δο')θεκα,  2.  Και  εν  γαστρι  έχουσα,  *και  κράζει  ωοίνουσα  και  βασανιζομένη  τεκεΐν. 
3.  Και  ώφΟη  άλλο  σημεϊον  εν  τω  ουρανω,  και  ΐδου  δράκων  *πυρρος  μέγας,  εχο^ν 
κεφάλας  έπτα  και  κέρατχ  δέκα  και  ζτΛ  τάς  κεφάλας  *αυτοΐ3  έ-τα  διαδήματα,  Λ.  Και 
ή  ουρά  αΰτου  σύρει  το  τρίτον  των  αστέρων  του  ουρανού,  και  εβαλεν  αυτούς  εις  τήν 
γην.  Και  ό  δράκων  *έστηκεν  ένοίπιον  της  γυναικός  της  μελλούσης  τεκεΐν,  ί,'να  όταν 
τέκη  το  τέκνον  αΰτης    καταφάγη.    5.    Και  έτεκεν  υίόν,   *ά'ρσεν,   ος    μέλλει  ':τοψ.άινειν 


IX,  38-χ,  59,  Bar.  syr.  ιν).  Cfr.  notre  Apocalypse  elle-m^me  sur  la  Jerusalem  celeste 
epouse  de  I'Agneau,  xix,  8;  xxi,  11,  al.  Gette  figure  avait  passe  de  la  natioa  Israelite 
a  I'Eglise  chreticnne;  cfr.  Heb.  xi,  10;  xii,  22;  xm,  14,  mais  surtout  le  passag'e  allego* 
rique  de  Paul,  Gal.  iv,  26,  sur  la  «  Jerusalem  d'en  haul  »  qui  est  notre  mere.  Π  η  y  a 
done  pas  a  douter  que  cette  Femme  soit  le  peuple  de  Dieu  personnifie.  Peut-on 
y  voir  aussi,  comme  beaucoup  d'exegetes,  dans  un  sens  secondaire  ou  spirituel,  la 
Sainte  Vierge?  Nous  nous  expliquerons  la-dessus  dans  ΓΕχο.  xxvi.  Mais  si  la  signi- 
fication immediate  est  certainement  celle  d'une  «  Gommunaute  »,  mere  des  croyants, 
quelle  est  cette  communaute?  Pour  les  uns  [Volter^,  63),  c'est  la  Sion  celeste  ideate, 
I'archetype  d'Israel  {HUgenfeld,  Z.  W.  T.  1890,  444),  ou  les  Judeo  -  Chretiens 
[Weiszcicker-),  ou  la  synagogue  [Vischer,  Spina,'  Erbes).  Calmes  y  voit  la  communaute 
judeo-chretienne  «  en  mέme  temps  que  Marie  ».  yowy  Bousset,  c'est  Israel  personnifie, 
qui  a  a  enfanter,  soit  le  Messie,  soit  les  temps  messianiques  Joh.  TFeiss  suppose  que 
Q  voulait  representer  la  synagogue,  et  Γ  «  Editeur  ^i  I'eut  interpretee  comme  une 
allegoric  de  I'Eglise  chretienne.  Mais  les  anciens  interpretes  en  general  ont  eu  une 
interpretation  plus  large  et  plus  vraie  :  Hippolyte,  Methodius,  Victoinn,  Andre,  Bede, 
Beatus,  Hugues,  Albert,  etc.  ont  tons  reconnu  I'Eglise,  ou  la  «  Cite  de  Dieu  w  en  gene- 
ral. S.  Augustin  (sur  le  Ps.  cxlii)  :  «  Haec  autem  mulier  antiqua  est  civitas  Dei  '. 
Enfin,  comme  dit  Swete,  c'est  la  Mere  mystique,  I'Eglise  —  (et,  selon  nous,  non  pas, 
conlre  Alcazar,  la  communaute  juive,  ni  la  seule  Eglise  judeo-chretienne,  mais 
I'Eglise  entiere)  —  puisque  la  societe  chretienne  n'est  que  «  la  synagogue  arrivee 
a  sa  maturite  ». 

Son  revetement  et  sa  parure  de  soleil,  de  lune,  d'etoiles,  sont  destines  a  relever  sa 
grandeur.  Nous  verrons  plus  loin  (Exc.  xxvi)  si  Ton  est  oblige  d'assigner  a  ces  traits 
une  origine  mythologique.  En  tout  cas,  ce  symbolisme  n'etait  pas  etranger  aux  Juifs 
(cfr.  Cant.  Cant,  et  Test.  Nephtali).  Les  12  etoiles  peuvent  representer  soit  les  Douze 
Tribus,  comme  le  veulent  la  plupart  des  exegetes,  soit  aussi  bien  les  Douze  Apotres 
(cfr.  Apoc.xw,  li,  les  Douze  Assises  de  la  Jerusalem  celeste).  Nous  croyons,  du  reste, 
qu'il  ne  faut  faire  dans  ce  chapitre  aucune  distinction  entre  judeo-chretiens  et  Chre- 
tiens de  la  gentilite;  cela  n'avait  guere  de  portee  en  Asie,  et  surtout  a  I'epoque  oii 
fut  ecrit  ce  livre,  longtemps  apres  la  mine  de  Jerusalem  et  du  Temple;  les  problemes 
poses  par  cette  distinction  etaient  depuis  longtemps  resolus. 

Quelles  sont  ces  douleurs,  qui  ne  peuvent  evidemment  se  rapporter,  surtout  pour 
nous,  catholiques,  a  I'enfantement  joyeuxet  virginal  de  Bethlehem?  Vict,  les  interprete 
des  souffrances  des  saints  d'autrefois  :  «  ecclesia  est  antiqua  patrum  et  prophetarum,  et 
sanctorum  apostolorum  quia  gemitus  et  tormenta  desiderii  sui  habuit,  usquequo  factum 
est  ex  plebe  sua  secundum  carnem  suam  olim  promissum  »  (ed.  Haussleiter,  p.  106). 
Methodius,  Andre  rapportent  tout  a  I'enfantement  spirituel  des  regeneres,  du  Christ 
mystique  (v.  infra],  ce  qui  est  trop  restreindre  le  sens.  Les  versets  suivants  pourront 
nous  renseigner. 


APOCALYPSE  DR  SAINT  JEAN.  159 

C.  XII.  1.  Et  iin  signe  grand  [et  merveilleux]  apparut  au  citl  :  une 
Femme  enveloppee  dans  le  solcil,  et  la  lune  au-dcssous  de  ses  picds,  et  sur 
sa  tete  une  couronne  de  douze  etoiies;  2  et  elle  a  [un  enfant]  dans  le  sein, 
et  elle  crie  etant  dans  Ics  douleurs,  et  tourmentoe  pour  enfanter.  3.  Et 
il  apparu!  un  autre  signe  au  ciel;  et  voici  un  grand  Dragon  couleur  de 
feu,  ayant  sept  teles  et  dix  coraes,  et  sur  ses  tetes  sept  diademes,  4  et  sa 
queue  balaie  le  tiers  des  etoiies  du  ciel,  et  il  les  precipita  sur  la  terre.  Et  le 
Dragon  se  tient  en  face  de  la  FraiME  sur  le  poinl;  d'enfanter,  afin,  quand 
elle  viendrait  h  enfanter,  de  devorer  son  enfauL  5.  Et  elle  enfanta  un  Fils, 


— — .  A.  B.  3.  πυρός,  «  de  feu  »,  pour  πυρρός,  dailS  C,  Q,  al,  copi.,  syv.,  arm.  —  αυτών 
pour  αυτοΰ,  comme  si  c'etaient  les  cornes  qui  portaient  les  diademes,  dans  A,  α  404- 
87-172.  —  Le  «  Dragon  »;  cfr.  le  pan  de  ΓΑ.  T.  (surtout  dans  les  passages  ou  il  est 
represente  comme  I'ennemi  de  Dieu)  Ps.  lxviii,  31;  Job  vii,  12;  Is.  xxvii,  1;  li,  9; 
Jer.hi,  34,  36,  42;  Ezech.  xxix,  3-6,  etc.  Figures  serablables  dans  les  Apocryphes  (ou 
les  ecrits  gnostiques),  Ps.  Sal.  ii,  25-31  (ou  le  Dragon  reprnsente  Pompee),  Hen.  et/i., 
LX,  24-suiv.,  IV  Esd.  vi,  52;  Bar  syr.  xxix,  4;  Test.  Aser  vii,  etc.  Pour  les  rapports 
problematiques  avec  Tiamat,  le  Musrussu,  Typhon,  le  Serpent  Python,  etc.,  voir  Ijnt., 
c.  V,  §  II-III;  infra,  C,  et  ΓΕχο.  xxvi.  —  Les  «  Sept  tetes  »,  cfr.  la  «  Bete  »  du 
ch.  xiii  et  XVII,  Ps.  lxxiv,  14,  les  t^tes  multiples  de  Leviathan;  Pistis  Sophia,  lxxxviii, 
34,  les  sept  t^tes  du  basilic,  etc.  —  Les  «  Dix  Cornes  »,  cfr.  Dan.  vii,  4,7;  viii,  9-10, 
description  de  la  Quatrieme  Bete;  Apoc.  xiii  et  xvii,  la  Premiere  Bete.  —  πυρρός,  roux 
ou  rouge&tre^  couleur  du  feu  ou  du  sang,  comme  le  2^  Cheval  du  ch.  vi ;  ne  pas  con- 
fondre  avec  κόκκινος,  couleur  de  la  Bete,  ch.  xvii  (v.  ad  loc) —  Les  «  Diademes »,  embleme 
du  pouvoir  royal  de  ce  monstre  qui  est  le  Diable,  cfr.  Luc.  iv,  6;  Joh.  xii,  31;  xiv,  30; 
XVI,  11  ό  ipywv  τοΰ  κο'σιχου  τούτου;  Eph.  π,  2,  τον  dcpyov-a  της  εξουσίας  του  άίρος- 

C.  3.  "Αλλο  σήμερον,  comme  il  ne  s'agit  que  de  la  deuxieme  figure  d'un  meme  tableau, 
indique  que  de  pareiiles  expressions,  et,  a  fortiori,  les  μετά  ταύτα,  les  καΐ  εΐδον,  etc.,  ne 
font  pas  necessairement  le  passage  a  de  nouveaux  sujets. 

Jean,  au  v.  9,  va  nous  dire  quel  est  ce  Dragon  :  c'est  Satan,  et  le  Serpent  de  la 
Genese,  qui  s'attaque  cette  fois,  non  plus  a  Eve,  mais  a  la  Femme  ideale.Nous  exami- 
nerons  dans  un  prochain  Excursus  ce  que  peuvent  valoir  les  origines  mythologiques 
qu'on  assigne  a  cette  figure  du  Dragon,  et  a  sa  lutte  contre  la  Femme.  Notons  seule- 
ment  ici  qu'il  apparait  comme  un  roi,  a  cause  de  ses  diadfemes,  le  «  Prince  de  ce 
Monde  »  qui  faisait  orgueilleusement  valoir  ses  pretentions  dans  la  Tentation  du  Christ 
au  desert  [Mat.  iv,  8-9;  Luc,  iv,  5-7).  Sa  couleur  rouge  le  caracterise  comme  meurtrier, 
«  homicida  ab  initio  »  [Andro,  Holtzmann,  Spitta,  Boussct,  etc.)  et  n'a  point  de  rapport 
ici  avec  la  «  pourpre  «  des  Cesars,  non  plus  que  ses  t^tes  et  ses  diademes  {Spitta, 
Bousset,  contre  Volkmar  et  autrefois  Viciorin)  ou  Andre  voyait  les  sept  esprits  les  plus 
mauvais  d'entre  ses  ministres,  et  les  Dix  peches  opposes  au  Decalogue.  Le  rappro- 
chement avec  VAngro-Mainyu  des  Perses  et  ses  suppots  les  plus  puissants,  oppo- 
ses aux  Ameshas-Spentas  et  a  Ahura-Mazda,  serait  assez  tentant;  mais  il  est  probable 
que  ces  «  Sept  t^tes  »  sont  congues  tout  simplement  par  opposition  aux  «  Sept 
Esprits  »  de  Dieu;  quant  aux  «  Dix  Cornes  »,  elles  viennent  do  Daniel,  vii,  7. 

— ^^  A.  B.  4.  «  Trahebat  »  pour  σύρει,  vulg.;  il  faut  conserver  le  present  [Int. 
supra).  —  Pour  εστηκεν,  qui  a  la  valeur  d'un  present,  corrections  έστήκει  dans  C,  et  ϊστη, 
δ  505-14-69.  —  Cfr.  Dan.  viii,  10,  la  «  petite  corne  »  qui  fait  choir  des  etoiies;  I'obscur- 
cissementdes  corps  celestes  parle  Dragon,  Job.  iii,  8-9;  xxvi,  13;  Is.  xxvii,  1;  peut-elre 
le  combat  des  etoiies  Sib.  v,  512-suiv.,  imiis  ce  dernier  parallele  est  assez  eloigne. 


160  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

πάντα  τα  έθνη  *έν  ράβδω  σιοηρα"  ν,αΐ  ήρπάσθη  το  τέκνων  α'ϋτης  προς  τον  θεον  καΙ  προς 
τον  θρόνον  αυτού. 

6.  ΚαΙ  ή  γυνή  έφυγε•»  ε'ις  τον  ερημον,  'όπου  έχει  *εκεϊ  τόπον  ήτοιμασμενον  *άπο  του 
θεοΰ,  ίνα  εκεί  *τρέ(ρωσιν  αυτήν  ημίρΛς  χιλίας  οιακοσίας  εςήκοντα. 

7.  Και  *έγένετο  πόλεμος  εν  τω  οϋρανω*,  ό  Μιχαήλ  και  οι  άγγελοι  αΰτοΰ  *του  πολε- 
μησαι  μετά  του  δράκοντος"  και  ό  δράκων  έπολε'μητεν  και  ο',  άγγελοι  αυτοΰ.  8.  Και 
ουκ  *ϊσχϋσεν,  ουδέ  τόπος  ευρέθη  αυτών  έ'τι  εν  τω  οϋρανω.  9.  Καϊ  εβλήθη  ό  οράκων  ό 
μέγας,  ό  όφις  ο  αρχαίος,  δ  καλούμενος  Λιάοολος  και  *ο  Σατανάς,  ό  πλανών  την 
ο'.κουμένην   *ολην,   εβλήθη   εις  τήν  γί^ν,  και  οί  ά'γγελοι  αΰτου  μετ'  αΰτοΰ  εβλήθησαν. 

—  τρίτον  pourrait  faire  supposer  que  ce  passage,  dans  I'intention  de  I'auteur,  a  quelque 
rapport  avec  le  schema  des  Trompettes;  le  tiers  des  plantes,  das  eaux,  de  la  lumiere, 
etc.;  ce  qui  parait  assez  naturel,  si  I'activite  personnelle  du  Dragon  est  le  «  3^  Vae  », 
non  encore  decrit.  .".i 

C.  4.  L'hypothese  de  Gunkel,  qui  soupQonne  dans  cette  chute  d'etoiles  un  mythe 
etiologique  sur  la  Voie  lactee,  manque  de  fondement,  outre  qu'elle  est  assez  puorile. 
Celle  de  Boll  (les  4  constellations  au  long  de  I'Hydre  =:  le  Dragon)  merite  davan- 
tage  la  discussion  (v.  Exc.  xxvi).  De  la  Bible,  ce  trait  ne  rappelle  que  la  «  petite 
corne  »  de  Daniel  {.supra,  B),  c'est-a-dire  Antiochus  Epiphane  causant  des  apostasies; 
dans  le  peuple  de  Dieu.  Que  signifie-t-il?  Le  sens  pent  etre  analogue  a  celui  de  Daniel; 
le  Dragon,  dont  la  tete  a  ete  ecrasee,  dit  Andre,  agite  encore  sa  queue  (σύρει,  present) 
et  fait  choir  par  ses  coups  les  baptises  qui  ne  sontpas  fermes  dans  la  foi,  a  moins  qu'il 
ne  s'agisse  de  la  chute  des  Anges  apostats,  complices  de  Lucifer,  a  I'origine  des  temps. 
Cette  derniere  interpretation  est  la  plus  repandue  {Aret/ias,  Origene  sch.  xxxviii,  etc.). 
Mais  la  precedente  Test  presque  autant  {Origene,  in  Mat.;  Ti/conius,  etc.).  Nous 
prefererions,  avec  Swete,  un  sens  plus  simple  et  plus  general  :  le  trait  signifierait 
simplement  la  taille  et  la  force  monstrueuse  du  Monstre  eiiuemi  de  la  luniere 
(cfr.  VIII.  12,  la  Quatrieme  Trompette),  sans  exclure  du  reste  I'application  morale  ni 
I'angelique. 

Qu'il  attende  I'enfant  pour  le  devorer,  ce  pent  ^tre  une  allusion  a  Pharaon  do  at 
I'edit  guettait  I'enfant  Mo'ise  {Ex.  i-ii),  ou  a  Herode  poursuivant  Jesus  ;  mais  au  sens 
propre,  il  s'aglt  des  embuches  que  le  demon,  par  le  moyen  des  Juifs,  a  tendues  a  No- 
tre-Seigneur,  apres  I'avoir  tente,  pour  le  faire  crucifier  et  aneantir  son  oeuvre.  Secon- 
dairement,  on  pent  y  voir  aussi  les  pieges  qu'il  tend  a  tons  les  hommes  regeneres  dans 
le  Christ;  car  I'idee  du  Christ  mystique  est  presente  dans  tout  ce  recit  a  cote  de  celle 
du  Christ  personnel,  et  il  ne  faut  jamais  I'exclure  pour  peu  qu'elle  soit  admissible 
(v.  infra  et  Exc.  xxvi). 

— i^— «  A.  B.  5.  Pour  άρσεν,  neutre,  le  masculin  άρρενα  {Orig.,  And.,  beaucoup  de  mss., 
Soden),  ou  αρσενα  Ρ,  α  1576-150-2057,  al,  Holtzin.;  mais  le  neutre  dans  G,  A,  conserve 
par  Tisch.,  W-H,  Swete,  Nestle,  Charles  (Studies,  pp.  9i-95);  celui-ciy  voit  I'hebraisme 
137  71;  c'est  une  apposition  emphatique  a  υίο'ν  :  «  uu  fils,  un  etre  male  »,  cfr.  Is.,  lxvi, 
7  (LXX).  —  εν  instrumental,  comme  au  Ps.  ii,  9  (LXX),  dont  ces  paroles  sent  certaine- 
ment  une  citation  :  ποιαχνεΐς  αύτους  έν  ράοδω  σιδηρά.  —  Le  «  male  »  cfr.  Is.,  supra,  et 
Jer.  XX,  15.  —  προς  τον  Ορόνον  αυτοΰ  nous  reporte  a  la  description  celeste  du  ch.  iv; 
Spitta,  avec  sa  theorie  des  sources,  est  oblige  de  le  considerer  arbitrairement  comme 
une  glose. 

Paralleles  faux  ou  douteux  :  Talni  Jer.  Berachoth  ii,  5a:  la  naissance  du  Messie 
Menahem  a  Bethlehem;  mythes  sur  la  naissance  d'Horus  ou  d'ApoUon  (v.  Exc.  xxvi). 

C.  5.  La  citation  du  Psaume  ne  laisse  aucundoute  sur  I'identite  de  cet  enfant « m&le  », 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  161 

un  6tre  male,  qui  doit  paitre  toutes  les  nations  avec  une  verge  de  fer;  et 
il  fut  ravi,  son  enfant,  vers  Dieu  et  vers  son  trone. 

6.  Et  la  Fkmme  s'enfuit  au  desert,  oii  elle  a  \k  une  place  preparee  de 
Dieu,  pour  qu'on  la  nourrisse  1^  mille  deux  cent  soixante  jours. 

7.  Et  il  y  eut  guerre  dans  le  del  —  Michel  et  ses  Anges  —  en  sorte  qu'ils 
combattirent  avec  le  Dragon;  et  le  Dragon  combattit  ainsi  que  ses  anges. 
8.  Et  il  ne  fut  pas  le  plus  fort,  et  plus  une  place  ne  se  trouva  pour  eux  dans 
le  ciel.  9.  Et  il  fut  precipito,  le  grand  dragon,  le  Serpent  antique,  celui 
qui  est  appele  Diable  et  le  Satan,  celui  qui  egare  toute  la  terre  habitee, 
il  fut  precipite  sur  la  terre,  et  ses  anges  avec  lui  furent  precipites.  10.  Et 

c'est-a-dire  puissant,  et  roi  des  peuples  :  c'est  le  Messie  Jesus,  le  Fils  de  Marie;  cette 
interpretation  est  d'autant  plus  certaine  que  c'est  la  seule  figure  du  chapitre  qu'on 
puisse  opposer  aux  λοιποί  du  v.  17,  au  reste  de  la  posterite  de  la  Femme,  c'est-a-dire 
tous  les  Chretiens  en  general,  les  freres  de  Jesus.  D'ailleurs,  etant  donnee  I'ampleur  de 
toutes  ces  images,  on  n'est  pas  tenu  d'exclure  les  fideles  qui,  selon  les  Lettres  aux 
Eglises,  participent  au  pouvoir  de  leur  chef  [Swete).  Mais  Methodius  et  Andre  ont  eu 
tort  d'y  voir  exclusivement  ou  principalement  le  Christ  mystique  .  Prim.  :  «  Christus 
in  singulis  membris  dicitur  nasci...  Licet  in  capite  Christo  praecesserit,...  congruit 
tamen  et  corpori.  Hinc  sunt  illae  voces  Apostoli :  «  qui  nos  ressuscitavit,  et  consedere 
fecit  in  coelestibus.  » 

Get  enlevement  du  Messie  au  ciel  et  «  au  trone  de  Dieu  »  repond  a  I'intronisation  de 
I'Agneau  au  chapitre  v;  Jean,  dans  cette  seconde  partie,  est  remonte  comma  dans  la 
premiere  a  I'Ascension;  et  encore  plus  haut,  a  la  naissance  du  Christ,  debut  des 
«  novissima  tempora  »,  et  meme  aux  temps  de  la  preparation  messianique  (les  douleurs 
de  la  Femme).  II  est  sous-entendu  que  Jesus  devientdu  fait  le  roi  du  ciel  et  de  la  terre, 
et  le  maitre  des  evenements,  comme  I'a  montre  expressement  le  chapitre  vi  et  la  sec- 
tion des  trompettes. 

Cette  opinion,  qui  est  commune,  et  necessaire  a  notre  avis,  presente  bien  une  diiTi- 
culte.  Pourquoi  Jesus  est-il  represente  comme  un  enfant,  et  pourquoi  cette  absence  de 
toute  allusion  a  sa  vie  terrestre?  Elle  se  resout  sans  grand'peine,  comme  nous  le  ver- 
rons  a  I'Exc.  xxvi. 

— —  A.  B.  6.  δπου...  έκεΓ  :=  DtJ  "ιΰ7Ν*?  v.  Int.  c.  x,  §  II.  Ce  pleonasme  populaire  est 
si  frequent  dans  I'Apocalypse,  qu'il  ne  donne  pas  lieu  d'admettre  un  original  hebraique 
ici  plus  qu'ailleurs  {Bousset  centre  Gunkel);  corrige  par  suppression  de  έκεΐ  dans  C, 
And.,  al.  —  ύπό  pour  από,  And.  Orig.  —  τρέφωσιν,  au  sens  de  «  on  la  nourrit  »,  cfr.  n, 
2Ί  (Ιλτ.  c.  X,  ,^  II).  —  «  1260  »  jours,  cfr.  supra  xi,  3;  infra  xii,  et  xiii,  v.  Exc.  xxm. 

—  La  Femme  «  nourrie  au  desert  »,  cfr.  I'histoire  d'Elie,  I  Reg.  xvii,  6;  xix,  6;  ou  la 
manne  donnee  a  Israel  dans  I'Arabie  Petree,  Ex.  xvi;  Ps.  lxxviii,  24;  cv,  40.  On  peut, 
car  le  sens  est  spirituel,  en  rapprocher  aussi,  avec  Sivelc,  Col.  in,  4  :  ή  ζωή  ύ[χών  κέκρυπται 
σύν  τω  /.ριστω  έν  τω  θεω,  Cette  retraite  au  desert  peut  etre  comparee  au  refuge  du  sanc- 
tuaire,  xi,  1-2.  (V.  infra,  Exc.  xxvi). 

C.  6.  Ce  verset,  nous  I'avons  dit,  resume  dans  une  breve  indication  —  premiere  onde 

—  la  substance  de  tout  ce  qui  va  suivre  (Int.  c.  x,  §  III).  Il  ne  donne  pas  encore 
expressement  la  raison  de  la  fuite  de  la  Femme,  mais  montre  sa  securite  pendant  les 
persecutions  incessantes  des  1260  jours  (v.  supra,  Exc.  xxm)  ou  le  Dragon  pourra 
agir  contrc  elle,  jusqu'a  la  victoire  definitive  du  «  Verbe  de  Dieu  »  (ch.  xx). 

Cette  image  aurait  pu  etre  inspiree  au  voyant  par  le  souvenir  d'Israel  echappe  a 
Pharaon,  ou  par  la  fuite  d'Elie  devant  Jezabel,  ou  par  celle  de  la  sainte  Famille  devant 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  11 


1β2  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

10.  Και  ήκουσα  οωνήν  μεγάλην  έν  τω  ούρανω  λέγο«σαν'  "Αρτι  έγένετο  ή  σωτηρία  καΐ 

ή  δύναμι;  καΐ  ή  βασιλεία  τοϋ  θεοΰ  ημών,  και  ή  έςοασίχ  του  χριστού  α^τοΰ, 'ότι  εβλήθη 
ό  *κατήγωρ  των  άοελφών  ημών,  c  κατηγορών  αυτούς  ένώζιον  του  θεοΰ  ημών  ήμερας 
και  νυκτός.  11.  Κα:  *αϋίτοι  ένίκησαν  αυτόν  *δια  το  αΤμ.α  του  άρνίου  κχ•  cia  τον  λόγον 
της  μαρτυρίας  αυτών  και  *ουκ  ήγάττησαν  την  ψυχήν  αυτών  ά'γρι  θανάτου.  12.  Δια  τοΰτο 
ευφραίνεσθε  *οϋρανοί  καΐ  d  έν  αΰτοΐς  *σκηνοϋντες'  ούαι  *τήν  γην  καΐ  τήν  θάλασσαν, 
'ότι  κατέβη  ό  διάβολος  τζρος  ύμας  έχων  θυμον  μεγαν,  ε'.οως  ότι  ολίγον  καιρόν  έχει. 
13.  Και  ότε  ειδεν  ό  δράκων  οτι  εβλήθη  ε'.ς  τήν  γην,  έδίωξεν  τήν  γυναΤκα  *ήτις  ετεκεν 
τον   άρσενα.  14.  Κα:  εδόθησαν   τη  γυναικί  α:  δύο  χτε'ρυγες   *τοΰ  άετου  του  μεγάλου, 

Herode;  mais  rien  du  moins  dans  le  texte  ne  suggere  que  Jean  ait  pense  a  la  fuite 
materielle  des  judeo-chretiens  quittant  Jerusalem  pour  Pella,  avant  le  siege  de  la  ville 
par  Titus  {v.  Eusebc,  H.  E.  iii,  v,  31.  Si  commune  que  soit  devenue  cette  interpretation 
parmi  les  exegetes  «  zeitgeschichtlich  »,  des  commentateurs  anciens  avaient  deja  vu 
un  sens  plus  large  et  plus  vrai,  qui  convient  admirablement  a  cette  vision  toute  spiri- 
tuelle.  Pour  Primasius,  le  desert  est  la  solitude  de  cette  vie,  oil  I'Eglise  vit  comme 
«  le  passereau  solitaire  ».  Bi'de  :  I'Eglise,  a  I'instar  du  peuple  de  I'Exode,  est  nourrie 
de  la  parole  de  Dieu  et  de  I'Eucharistie.  Andre  rapporte  cette  fuite,  qu'il  ne  salt  trop 
s'il  faut  interpreter  spirituellement,  ou  aussi  materiellement,  au  temps  de  I'Antechrist 
eschatologique.  Mais,  en  realite,  il  s'agit  de  tons  les  temps,  et  specialement  des  pre- 
miers siecles,  lorsque  I'Eglise  vivait  dans  le  secret  et  I'isolement  ou  la  condamnaient 
la  haine  et  les  persecutions  paiennes.  Mais  son  exil  spirituel  la  sauve  des  atteintes  du 
Dragon,  comme  le  sanctuaire  de  xi,  1-2  preserve  ceux  qui  y  adorent.  Nous  voyons, 
ainsi  que  6'«'eie,  le  meme  sens  foncier  dans  ces  deux  passages.  La  «  Femme  »  et  les 
«  adorateurs  »  d'un  cote,  les  «  Deux  Temoins  »  de  \i,  1-13,  de  I'autre,  representent 
I'Eglise  catholique  sous  un  double  aspect  :  celui  de  la  vie  interieure,  et  celui  de  I'acti- 
vite  exterieure  dans  un  monde  hostile  [Sweic). 

-^^—  A.  7.  'EyivcTo...  του  δρά/.οντο:,  construction  unique  et  singulifere,  pour  laquelle 
nous  renvoyons  a  ΓΙντ.  c.  \,  §  II,  pp.  cxxxvii  et  cxlvi.  Beaucoup  de  mss.  ont  lente 
de  la  corriger  :  του  omis  (iS',  rcc.  K.,  quelques  And.,  Orig.),  πολεαη(7αι  omis,  ou  cliange 
en  ΙπολΙμησαν  (α  1581-46-209,  versions,  Diisterdieck);  suppression  de  πόλεμος  έν  τω  ούρανω, 
ou  addition  d'un  mot  comme  ήσαν,  'έστησαν  avant  τοΰ  πολ.  Gunkcl  supprimerait,  pour  des 
raisons  encore  plus  exegetiques  que  grammaticales,  les  mots  Μ•/αήλ  καΊ  οί  άγγελο-,  αύΐοΰ, 
ce  qui  est  tout  a  fait  impossible ;  Bousset  suppose  un  έγενετο  sous-entendu  devant  τοΰ 
πολ.,  et  considere  le  nominatif  δ  Μιχ.  κτλ.  comme  remplagant  irregulierement  un  accu- 
satif.  Nous  le  considerons  plutot,  avec  Moulton,  comme  une  sorte  de  parenthese.  Le 
τοΰ  avec  I'infinitif  doit  etre  epexegetique,  et  expliquer  πο'λεμος  [Moulton,  p.  346);  si  on 
veut  le  rattacher  a  έγένετο,  cl'r.  la  tournure  a! Act.  x,  25  :  ώς  δέ  έγένετο  -ou  είσελθεΓν  τον 
Πετρον.  (ν.  Blass-Deb,  §  400,  7).  — .  μετά  apres  πολεμεΐν,  corrige  en  κατ»,  dans  quelques 
mss.  ά^ Andre  (Ιχτ.  c.  χ,  §  II). 

Β.  7.  Michel,  considere  comme  I'Archange  protecteur  de  la  communaute  juive, 
Dan.x.lZ,  21;  xii,  1;  cfr.  Hen.elh.  x\,  5;  Test.  Levi  5,  Test.  Dan.  6,  Ass.Mos.  x,  2. — 
Paralleles  paiens  allegues  pour  cette  bataille  :  Mardouk  et  Tiamat,  etc.;  paralleles 
plus  eloignes,  et  fort  problematiques  :  Bundehesli,  iii,  11,  26;  raythes  manicheens 
et  mandeens,  qu'on  trouvera  chez  Bousset,  ad  loc;  combat  des  Anges,  pi'elude  du 
combat  messianique  sur  terre.  Sib.  in,  vers  759-807.  —  Paralleles  certains,  quant  a 
I'idee,  dans  le  N.  T.,  voir  au  v.  8. 

C.  7.  Michel  etait  I'Ange  protecteur  des  juifs;  dans  I'Apocalypse,  il  devient  celui  de 
Γ  «  Israel  de  Dieu  «,  de  I'Eglise  chretienne.  Cette  bataille  parait  bicn  etre  le  resultat 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  153 

j'eiiteiidis  une  grande  voix  dans  le  ciel,  qui  disait  :  «  Wain  tenant  il  s'est 
eta!)li,  le  salut,  et  la  puissance,  et  la  Royaute  de  notre  Dieu,  et  I'autorite 
de  sou  Christ;  parce  qu'il  a  ete  precipite,  I'accusateur  de  nos  freres,  celui 
qui  les  accusait  ea  face  de  notre  Dieu  de  jour  et  de  nuit.  11.  Et  eux-memes 
Tout  vaincu  a  cause  du  sang  de  I'Agxeac  et  k  cause  de  la  parole  de  leur 
temoignage,  et  ils  n'ont  pas  eu  d'amour  pour  leurs  am.es,  jasqu'a  raourir. 
12.  A  cause  de  cela  rejauissez-vous,  cieux,  et  ceux:  qui  en  habitent  les 
tentes;  mallieur,  la  terre  et  la  mer!  car  le  Diable  est  descendu  vers  vous, 
ayant  une  graode  fureur,  sachant  qu'il  a  peu  de  temps!  »  13.  Et  quand  le 
Dragox  vil  qu'il  aΛ'ait  ete  precipite  sur  la  terre,  il  poursuivit  la  Femme, 
clle  qui  avait  enfante  le  Male.  14.  Et  a  la  Femme  furent  donnees  les  deux 


de  renlevement  du  Christ  au  ciel;  c'est  Jesus  qui  lance  centre  le  Dragon  rarmee 
angelique;  car,  etant  assis  sur  le  trune  de  Dieu,  il  agit  maintenant  comme  roi  du  Ciel; 
nous  verrons  plus  tard  qu'il  continue  a  teair  en  ecliec  sur  la  terre,  comme  Agneau.  les 
suppots  du  Diable,  en-  attendant  qu'il  vienne  les  ecraser  en  personne,  comme  Verbe 
de  Dieu  (ch.  xiv  et  x\). 

D'anciens  commentateurs,  comme  Andre,  se  sent  demande  s'il  fallait  appliquer  ce 
verset  a  la  premiere  chute  de  Satan  (que  !devaient  plus  tard  concevoir  sous  cette 
forme  Milton  et  Rubens),  ou  bien  au  brisement  des  forces  diaboliques  par  la  Croix 
du  Christ.  C'est  evidemment,  d'apres  le  contexte  immediat  et  I'esprit  de  tout  le  livre, 
ce  second  sens  qu'il  faut  choisir,  peut-etre  cependant  avec  quelque  allusion  au  premier 
(v.  infra,  au  v.  8).  Victorin  rapporte  ce  verset  trop  exclusivement  a  I'avenir,  a  I'Ante- 
christ. 

~—~  A.  8.  oj/.  ίσ/υσεν  repond  a  Thebreu  Sil  nS  [Holtzm.,  Boussei);  pluriel  1'σ/_υσαν 
dans  N,  al,  lat.  [Nestle,  Soden),  IV/uov  dans  Q  et  δ  505-78-19ί8;  mais  Vj/utjv  est  la  Ιβςοη 
de  A,  de  la  rec.  K.,  de  quelques  And. 

B.  8.  Pour  le  sejour  de  Satan  dans  le  ciel  (inferieur),  oii  Michel  descend  I'attaquer, 
cfr.  Asc.  Is.  vii,  9-suiv. ;  Hen.  si.  vii,  1,  etc.;  Eph.  vi,  12  «  spiritualia  nequitiae  quae 
sunt  in  coelestibus  »  (Int.  c.  v,  §  in,  2).  —  Chute  du  Dragon,  cfr.  Hen.  si.  xxix,  4.  seq. : 
Luc,  X,  18;  Jo/i.  xii,  31. 

C.  8.  L'hymne  qui  va  suivre  montre  que  ce  sejour  de  Dragon  dans  le  Ciel,  quoique 
.  unforme  a  une  donnee  traditionnelle,  etait  compris  spirituellement  par  I'auteur  de 
I'Apocalypse  (v.  infra,  v.  10). 

II  n'y  a  pas  a  faire  dependre  cette  chute  du  Dragon  de  donnees  mythiques.  Boussei. 
quoiqu'il  indique  le  Bundehesh,  ainsi  que  Joh.  Weiss,  —  parallele  bien  tardif,  —  recon- 
nait  pourtanl  que  ce  tableau  est  tout  a  fait  intelligible  d'apres  les  seules  donnees  de 
la  religion  juive.  Le  passage  qui  s'en  rapproche  le  plus  se  trouve  dans  Hen.  si.  xxix, 
4-5.  II  s'agit  d'un  Ange  qui  a  voulu  s'egaler  a  Dieu,  et  dont  Dieu  dit  :  «  Je  I'ai  pre- 
cipite en  bas  de  la  hauteur,  lui  et  ses  Anges.  »  Ce  parallele  est  direct,  mais  il  s'agissait 
la  du  passe  primordial;  Jean  I'a  applique,  non  a  I'avenir,  mais  a  la  defaite  subie  par 
le  Demon  quand  Jesus  a  triomphe  de  la  mort.  C'est  elle  que  le  Sauveur  contemplait 
paravance,  quand  il  disait  {Luc,\,  18)  :  «  Je  regardais  Satan  tomber  du  ciel  comme  un 
eclair  »,  et  {Joh.  xii,  31)  :  «  Voici  maintenant  le  jugement  du  monde;  maintenant  le 
Prince  de  ce  monde  va  etre  jete  dehors  »,  peu  de  jours  avant  la  Passion. 

■  A.  B.  C.  9.  6  a  etc  omis  devanl  Σα-α/α;  seulement  dans  la  rcc  K.  et  quelques 

And.  —  Kemarquer  qu'ici,  exceptionnellement,  I'article  nest  pas  repete  devant  2λην. 
La  personnalite  du  Dragon,  qui  deja  a  ete  identifie  avec  quelque  etre  spirituel  (puis- 


j[g4  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

ίνα  χέτηται  εΙς  τον  Ιρημον  εΙς  τον  τόπον  αυτής,  'όπου  τρέφεται  εκεί  καιρόν  και 
καιρούς  και  ήμ,ισυ  καιροΰ  άπο  προσο)που  τοΰ  οφεως.  15.  Και  εβαλεν  ό  όφις  εκ  τοΰ 
στόματος  αϋτοΰ  οπίσω  της  γυναικός  ΰδωρ  ώς  ποταμόν,  ίνα  αυτήν  *ποταμοφόρητον 
ποίηση.  16.  Και  έβοήθησεν  ή  γη  τη  γυναικι  και  ήνοιςεν  ή  γη  το  στόμα  αύτης  και 
κατεπιεν  τον  ποταμον  ον  εβαλεν  6  δράκων  έκ  τοΰ  στόματος  αυτοΰ. 

17.  Και  ώργίσθη  ό  δράκων  έπΙ  τη  γοναικί,  και  άπϊ^λθεν  ποιησαι  πόλεμον  μετά  των 
λοιπών  τοΰ  σπέρματος  αΰτης,  των  τηρούντων  τας  έντολας  του  θεού  και  εχόντων  την 
μαρτυρίαν  του  Ίησοΐ3. 

qu'il  a  des  Anges  sous  ses  ordres),  est  tout  a  fait  determinee  ici;  c'est  ό  οψις  Ό  οίρ/αιος, 
le  Serpent  de  la  Genese,  iii,  1 ;  dans  le  Midrash  Rahba,  il  est  appele  •':ίΏ1]3Π  ΰ^Π^Π. 
«  Satan  »  avec  I'article,  est  ici  un  nom  appeliatif,  Διάβολος,  I'adversaire,  comme  dans 
ΓΑ.  T. ;  cfr.  Zach.  iii,  1-suiv. ;  Job  i,  6-suiv.;  ii,  2-suiv. ;  Hen.  eth.  xl,  7. 

— — ^  A.  B.  10.  Ici  I'accusatif  de  la  chose,  tres  regulierement,  apres  η/.ουσα  — 
Κατήγορος  dans  s<,  G,  P,  Q,  rec.  K.,  al.,  au  lieu  de  I'hap.  leg.  καττ^γωρ  de  A.  Sur  cette 
derniere  forme,  admise  des  critiques,  excepte  Soden,  voir  I'Int.  c.  v,  §  I.  Elle  est  ana- 
logue a  συνήγωρ,  "liAiJD,  de  συνήγορος,  «  defenseur  »,  qualite  de  Michel  qui  I'oppose  a 
I'accusateur  Satan  dans  les  Midrashim.  Pour  cette  qualite  de  «  Satan  »,  cfr.  les  pas- 
sages indiquos  a  B,  9,  surtout  ceux  de  Job. 

C.  10.  Le  Diable,  avant  I'exaltation  du  Christ,  avait,  comme  dans  la  scene  de  Job, 
un  certain  droit  d'accuser  pres  de  Dieu,  jour  et  nuit,  les  hommes,  car  ils  s'etaient  fails 
ses  esclaves  volontaires.  La  voix  du  ciel  doit  Stre  celle  des  Anges,  probablement  des 
24  vieillards ;  ces  Anges  peuvent  tres  bien  parler  des  hommes  comme  de  leurs 
«  freres  » ;  ils  se  rojouissent  de  ce  que  Satan,  chasse  de  leurs  ames,  n'a  plus  prise  sur 
eux  pour  les  accuser;  c'est  que  le  «  Regne  de  Dieu  >>  a  commence,  sur  les  debris  de 
celui  du  «  Prince  de  ce  Monde  ».  Dans  I'application  hislorique,  Jean  peut  penser  a  la 
Pentecote  et  aux  premieres  conversions  dont  il  fut  I'un  des  agents  les  plus  actifs, 
d'apres  les  Actes. 

•^-^—  A.  B.  11.  διά  avec  I'accusatif  ^  propter,  designant  ici  une  cause  eloignee,  la 
cause  de  cette  force  avec  laquelle  les  hommes  peuvent  lutter  centre  le  Dragon,  equi- 
vaut  presque,  pour  le  sens,  a  διά  avec  des  genitifs.  —  ούκ  ήγ...  άχρι  θανάτου  est  une 
ellipse  tres  intelligible.  —  ούτοι  pour  αυτοί  dans  K;  mais  il  faut  conserver  ce  dernier  : 
«  ils  I'ont  vaincu  eux-memes  » ;  cfr.  ό  νικών  de  la  fin  des  Lettres  —  «  Le  sang  de 
I'Agneau  »  (ό'νομα  dans  α  501-37-432  et  quelques  autres),  cfr.  ch.  v,  «  I'Agneau  egorge  » 
et  VII,  14.  —  «  La  parole  de  leur  tomoignage  »  (αύτοΰ  pour  αυτών  dans  quelques 
textes  And.)  :  [μαρτυρίας,  mot  johannique  (Int.  c.  xiii,  §  I).  S'il  faut  lire  αυτών,  comme  il 
semble  bien,  cela  porte  a  croire  que,  dans  I'expression  ή  μαρτυρία  (τοΰ)  Ίησοίί,  Jesus 
est  un  genitif  d'objet  (v.  supra,  a  i,  9).  Cfr.  Apoc.  i,  2,  9;  vi,  9;  xi,  7;  xii,  17;  xix,  10; 
XX,  4. 

C.  11.  Cet  hymne  est  proleptique.  Les  Anges  et  les  bienheureux  celebrent  a  I'avance 
—  puisque,  dans  cette  perspective  allegorique,  les  persecutions  n'ont  pas  encore 
commence  —  la  victoire  des  martyrs  leurs  freres,  qui  vaincront  Satan  par  la  vertu  du 
sacrifice  de  la  Croix  comme  cause  premiere  (cfr.  vii,  14  :  «  ils  ont  lave  leurs  robes 
dans  le  sang  de  I'Agneau  »),  et  directement  par  leurs  labeurs  et  leur  propre  sacrifice. 
Le  verset  prepare  tout  ce  qui  suivra,  jusqu'au  chap.  xx. 

— —  A.  B.  12.  ουρανοί,  un  des  rares  exemples  de  vocatif  (Lnt.  c.  x,  §  II);  mais  oi 
ουρανοί  dans  A,  et  de  nombreux  And.,  et  α  1579-31-2016.  —  Le  mot  σκηνουντες  pour 
I'habitation  au  ciel,  montre  que  ce  verbe  ne  signifie  pas  necessairement  un  sejour 
trausitoire;  il  faudra  nous  en  souvenir  pour  I'exegese  de  xxi,  5  (v.  ad  loc);  cfr.  encore 


^ 


AI'OCALYPSE    DE    SAINT    JEAX.  165 

ailes  du  grand  Aigl•?,  pour  s'envoler  vers  le  desert,  vers  sa  place,  Μ  ou 
elle  est  nourrie  un  temps,  et  des  temps,  et  la  moitie  d'un  temps,  [loin]  de  la 
face  du  Serpent.  15.  Et  le  Serpent  lanca  de  sa  bouche  apres  la  Femme  de 
I'eau  comme  un  ileuve,pour  la  faire  entrainer  par  le  fleuve.  16.  Et  la  terre 
secourut  la  Femme,  et  la  terre  ouvrit  sa  bouche,  et  eng-loutit  le  fleuve  que 
le  Dragon  avait  lance  de  sa  bouche. 

17.  Et  le  Dragon  s'irrita  contre  la  Femme,  et  il  s'en  alia  guerroyer  avec  le 
reste  de  sa  descendance,  ceux  qui  observent  les  commandements  de  Dieu 
et  qui  ont  le  temoignage  de  Jesus. 

VII,  15.  (v.  adloc);  quelques  manuscrits  ,'N,  al.)  I'ont  remplace  par  χατοικοΰντες,  beau- 
coup  plus  ordinaire,  ou  συνόντες.  C'est  un  mot  johannique  (Int.  c.  xiii,  §  I).  —  Accusatifs 
apres  ουχί  (et  non  datifs  comme  rec.  K.,  And.),  de  m^me  que  viii,  13  :  nouveau  signe 
de  I'unite  de  main.  —  αγαπτ^ν  pour  γην,  distraction  de  A. 

C.  13.  C'est  ce  verset  qui  permet  d'aflirmer  avec  quelque  certitude  que  le  «  3*  Vae  », 
annonce  ix,  12,  et  non  decrit  dans  la  premiere  section,  ou  il  eut  pourtant  ete  a  sa  place, 
s'identifie  avec  la  chute  du  Dragon  sur  la  terre,  et  tout  ce  qui  s'ensuivra.  (v.  Exc. 
xxvn).  Le  mot  ολίγον  est  relatif,  comme  ailleurs  τα/ύ  (v.  supra,  Exc.  xiii);  ce  «  peu  de 
temps  »  laisse  a  Satan,  ce  sont  toujours  les  3  ans  1/2,  comme  le  determinent  les  versets 
6  et  14,  infra.  Malheur  a  ceux  qui  habitent  la  terre!  c'est-a-dire,  explique  Andre,  «  a 
ceux  qui  ont  leur  droit  de  cite,  non  au  ciel  »  (cfr.  Phil,  in,  20),  «  mais  seulement  sur 
terra !  »  Le  sens  est  que  toute  I'hostilite  des  hommes  persecuteurs,  et  aussi  leur  per- 
versite  et  leur  idolatrie,  est  produite  ou  attisee  par  la  rage  du  Demon  en  personne 
contre  Dieu  et  le  Christ ;  mais  c'est  la  egalement  un  signe  de  sa  defaite  virtuelle ;  il  se 
sent  deja  juge  et  condamne,  ainsi  que  ses  suppots.  «  Nunc  judicium  est  mundi  ».  Le 
«  ούαί  »,  la  malediction  causee  par  sa  presence,  se  retournera  done  contre  lui  et  ses 
complices;  il  les  ruinera  (ch.  xviii,  xix,  xx),  tandis  qu'il  ne  fera  que  purifier  les  vrais 
fideles. 

Ce  cantique  termine,  comme  tons  les  cantiques  celestes,  une  pericope,  celle  qui 
sert  de  premier  acte,  pour  ainsi  dire,  a  la  seconde  ebauche  du  drame  indiquo  au  v.  6. 
Elle  constitue  une  sorte  d'introduction  aux  versets  suivants,  et  au  grand  developpe- 
ment  qui  commence  a  17;  tout  comme  la  Vision  des  Sceaux,  la  proclamation  de  I'Ai- 
gle  au  ch.  viii,  13,  celles  des  Anges  avant  les  Coupes  {infra,  ch.  xv).  Ainsi  notre 
auteur  suit  toujours  la  meme  marche.  Et  nous  retrouvons  ici  encore  I'antithese  fon- 
damentale,  comme  dans  tous  les  passages  analogues  (Int.  c.  vii). 

— ^—  A.  13.  ί)τις  :  le  pronom  δστις,  dans  le  N.  T.,  et  la  langue  hellenistique  en  gene- 
ral, est  souvent  confondu  avec  8ς;  mais  souvent  aussi  il  conserve  son  sens  propre, 
(«  quicumque  »,  «  quisquis  »,  ainsi  ch.  xx,  4),  ou  prend  celui  de  «  qui  quidem  », 
«  quippe  qui  »,  que  les  Attiques  auraient  rendu  par  δσπίρ,  disparu  de  I'usage.  C'est 
ici  ce  dernier  sens ;  le  Dragon  poursuit  la  Femme,  pour  avoir  enfante  le  male. 

C.  13.  Les  versets  13  et  14  sont  le  premier  developpement  de  la  donnee  du  v.  6, 
tandis  que  7-11  en  exposaient  la  cause  et  le  futur  resultat.  L'auteur  pense  peut-etre  a 
la  persecution  de  64  [S^\.'ete),  mais  aussi  a  toutes  celles  qui  se  preparent,  et  se  derou• 
leront  jusqu'a  la  Parousie  (ch.  xiii-xx).  Cette  repetition  voulue  du  v.  6  (Int.  c,  vii) 
n'introduit  pas  une  nouvelle  id^e;  nous  renvoyons  done  au  commentaire  de  6.  Seule- 
ment la  lutte  qui  va  se  livrer  sur  terre  est  presentee  comme  la  consequence  de  celle  qui 
a  ete  livree  au  ciel,  aux  vv.  7-8  {Holtzm.) 

On  voit  bien  que  la  Femme  a  enfanto  son  Fils  sur  terre,  puisqu'il  n'est  nullement  dit 
qu'elle  ait  change  de  lieu,  et  que  c'est  bien  sur  terre,  apres  seulement  qu'il  y  est 


166  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAX. 

tombe,  que  le  Dragon  va  la  poursuivre;  la  fuite  au  desert,  mentionnee  deja  au  v.  6, 
n'est  que  la  consequence  de  cette  poursuite,  elle  ne  I'a  done  pas  precedee.  La  Femme 
n'etait  au  ciel  que  dans  la  perspective  visionnelie,  comme  une  image,  a  cause  de  sa 
parure  stellaire;  le  Dragon  y  etait  d'abord  pour  la  rneme  raison,  afin  de  se  trouver  en 
face  d'elle,  et  aussi  a  cause  de  la  tradition,  et  pour  I'allegorie  morale  (v.  supra). 

— ^—  A.  B,  14.  του,  certainement  authentique,  n'est  omis  devant  άε-οΰ  que  i<, 
syr.'^'^  D"",  an?i.  —  Pleonasme  de  εκεί,  comme  v.  6.  —  L'Aigle  »,  symbole  du  secours 
divin,  cfr.  Is.  xl,  31,  rappelle  la  delivrance  d'Egypte,  Ex.  xix,  4;  Deut.  xxxii,  11 
{Spiita,  Holtzin.  etc.);  cfr.  Ass.  Mos.  x,  derivee  sans  doute  d'Exode;  pour  les  pretendus 

paralleles   paiens,  voir  TExc.   XXVI.  —  /s'.pov,  καΙ  καιοούς,  και  χ^αισυ   καφου    (και  ή[ΐ.  κ.   omis 

seulement  C),  cfr.  Dan.  vii,  25;  xn,  7;  et,  sous  diverses  formes,  Apoc.  xi,  2,  3;  xii,  6; 
ΧΠΙ,  5. 

C.  14.  L'Aigle  qui  sauve  la  Femme  ne  pent  guere  etre  celui  du  chap.  ix.  A  cause 
des  articles,  dont  I'authenticite  ne  peut  etre  mise  en  doute,  il  faut  admettre  qu'il  y  a  la 
une  figure  ou  une  metaphore  connue  dans  I'Apocalyptique,  comme  pour  «  Ics  1  ton- 
nerres  »  du  chap.  x.  C'est  peut-etre  lAigle  de  I'Exode;  (cfr.  Ass.  Mos.);  pour  Bruston, 
c'est  Dieu  lui-meme;  ou  bien  une  image  poetique  derivee  d'un  mylhe  que  nous  ne  con- 
naissons  plus.  Ces  «  ailes  »  ont  ete,  par  divers  auteurs  anciens,  interpretees  spirituel- 
lement  comme  les  deux  mains  du  Christ  etendu  en  croix  [Hipp.],  les  Deux  Testaments 
(Prim.,  And.),  Elie  et  I'autre  prophete  qui  doivent  paraitre  sous  I'Aatechrist  {Vict.). 
Elles  indiquent  la  rapidite  et  la  securite  du  secours  porte  a  la  Femme  par  Dieu.  Voir 
comment,  du  v.  6,  et  Exc.  xxvi. 

— — —  A.  B.  15.  ποχα[χοφόρ•Λ,τος,  hap.  leg.  absolu ;  voir  Ιχτ.  c.  x,  §  I,  —  «  Torrent  », 
pour  signifier  les  tribulations  accumulees,  soit  le  dechainement  de  la  colere  divine, 
Osee,  V,  10;  Ps.  xviii,  5,  17;  xxxii,  6;  xlii,  8;  cxxiv,  4,  soit  une  invasion  de  peuples 
hostiles  {Is.  viii,  6-8,  «  le  roi  d'Assyrie  »).  Υ  a-t-il  lieu  de  penser  ici,  avec  Holtzm., 
Bousset,  etc.,  au  caractere  de  «  monstre  aquatique  »  du  Dragon,  cfr.  EzecJi.  xxix,  3; 
XXXII,  2;  Ps.  lxxiv,  14?  V.  Exc.  xxvi. 

C.  15.  Les  references  que  j'ai  indiquees  aux  passages  poetiques  de  ΓΑ.  T.  peu^  ent 
nous  dispenser  d'insister  sur  la  portee  de  ce  trait,  et  d'assigner  des  origines  mythiques 
au  torrent  lache  par  le  Liable  :  «  de  sa  bouche  »,  c'est-a-dire  «  par  le  commandement 
de  sa  bouche  «  {And.).  Pour  les  anciens,  Vict.,  Prim.,  And.,  etc.,  c'est  I'assaut  des 
persecutions;  en  tout  cas,  il  ne  s'agit  pas  ici  du  siege  de  Jerusalem,  comme  le  voudrait 
I'exegese  «  zeitgeschichtlich  »,  car  la  Femme  n'a  rien  a  faire  avec  la  Jerusalem 
incredule,  et  ne  symbolise  pas  non  plus  les  seuls  Judeo-chretiens. 

— —  A.  B.  16.  -b  ύδωρ  δ  pour  τόν  π.  ov,  dans  A.  —  Pour  la  terre  compatissante 
et  secourable,  cfr.  Num.  xvi,  30-31  [Holtzm.). 

C.  16.  Malgre  Bousset,  il  n'y  a  aucune  necessite  de  voir  ici  un  trait  mythologique; 
c'est  la  simple  continuation  de  la  figure  precedente  :  quand  un  torrent  disparait, 
c'est  que  la  source  a  tari,  ou  bien  qu'il  est  desseche  par  le  soleil,  ou  absorbe  par  la 
terre.  Ainsi  la  Femme  est  sauv^e;  on  verra  comment,  a  la  description  des  victoires  de 
son  Fils,  chap,  xix  et  xx.  Rien  ne  fait  soup^onner  la  moindre  allusion  a  la  fin  des 
persecutions  a  Jerusalem,  ni  a  la  fuite  des  Judeo-chretiens  vers  Pella,  centre  Bousset, 
Renan,  et  la  majorite  des  critiques.  C'est  I'echec  de  I'ensemble  des  persecutions,  depuis 
celle  de  Neron,  deja  passee,  dont  aucune  ne  reussira  a  emporter  la  Femme  [Strete]. 

_  C.  17.  Voici  le  debut  du  grand  developpement.  Pour  la  troisieme  fois,  saint 

Jean  dit  que  le  Dragon  s'eleve  contre  la  Femme ;  mais  il  n'est  plus  dit  que  c'est 
elle-meme  qu'il  poursuit;  il  manifeste  sa  colere  contre  elle  en  poursuivant  «  le  reste 
de  sa  descendance  ». 

Quels  peuvent  etre  ces  λοίποί?  De  I'interpretation  de  ce  petit  mot  depend  en  grande 
partie  celle  de  toute  la  scene,  et  un  peu  celle  de  tout  le  livre.  Chaque  critique  suit  ici 
sa  theorie.   Vischcr,   Spina,  Erbes  y  ont  reconnu  les  Juifs  de  la  Diaspora  :   «  ceux 


I 


APOCALYPSE    DE    SAINT    .!EAA.  167 

du  temps  de  Caligula,  freres  des  Judeo-chreliens  »,  dit  serieusement  Erbcs.  De  meme 
Weyland  et  Joh.  Weiss.  Ge  dernier  pense  que  Q  mentionnait  la  guerre  des  Remains 
centre  les  Juifs,  et  que  Γ  «  Editeur  »  I'a  adapte,  suivant  son  ordinaire,  a  la  persecution 
de  Domitien,  reculant  dans  lo  passe  cette  naissance  du  Messie,  cause  de  la  rage 
du  Dragon,  que  sa  source  attendait  dans  I'avenir.  Ilmveis,  Hilgcnfeld,  decouvrent 
qu'il  s'agit  des  Judeo-chretiens  de  la  Diaspora,  et  Bleek,  Volkmar,  Hilgenfeld  encore, 
Boussct,  Calnics,  des  Chretiens  de  toute  origine  disperses  dans  I'Empire  remain,  par 
opposition  a  ceux  qui  se  sent  mis  en  securite  dans  la  Transjordane.  Pourtant  Ziillig; 
Diisterdieck,  Bruston  ne  pensent  qu'aux  Chretiens  en  general;  IJolfzni.  y  est  dispose 
aussi,  et  Volter  s'est  finalement  range  a  cette  opinion. 

La  confusion  qui  regno  dans  les  autres  interpretations  peul  reposer  sur  une  meprise 
ancienne,  car  deja  il  semble  qu'elle  se  trouve  dans  Andre  :  celui-ci  considere  les 
λοι-οί  comme  une  classe  particuliere  de  Chretiens,  ceux  qui  vivent  dens  le  monde 
au  milieu  des  soucis  temporels,  et  sent  plus  faciles  a  vaincre  que  les  solitaires  retires 
au  desert.  De  meme,  des  auteurs  medievaux,  tel  Albert,  ont  distingue  ici  la  perse- 
cution des  «  majores  »  et  des  «  minores  ».  Mais  I'antiquite  ne  pent  prescrire  en  favour 
d'une  faute  d'exegese  si  patente. 

Si  Ton  n'avait  pas  d'opinion  precongue  sur  la  signification  symholique  de  la 
«  Femme  »,  I'interpretation  des  λοιποί  n'offrirait  aucune  difTiculte.  A  qui  sont-ils  opposes, 
en  effet,  de  par  le  caractere  meme  du  met  qui  les  designed  Ce  n'est  pas  a  la  Femme 
leur  mere;  le  «  reste  de  sa  descendance  »  ne  pent  s'oppeser  qu'a  «  quelqu'un  »  ou 
«  quelques-uns  de  la  meme  descendance  »,  dent  il  a  du  etre  question  deja.  Quel 
symbolisme  arbitraire  ce  serait  que  de  considerer  la  Femme  comme  identifiee  tacite- 
ment  a  une  partie  de  sa  descendance,  et  non  aux  autres !  Mais  il  y  a  deja  eu  un,  un 
seal,  des  enfants  de  la  Femme,  qui  a  ete  nomme  dans  le  meme  chapitre  :  c'est  le 
Messie  des  premiers  versets.  Les  autres,  le  «  reste  »,  ce  sent  done  tons  les  freres  de 
Jesus,  c'est-a-dire  tons  «  ceux  qui  observent  les  commandements  de  Dieu  et  qui  ent  le 
temeignage  de  Jesus  »,  freres  du  Dieu  incarne  [Rom.  vni,  29;  Heb.  ii,  12)  et  fils  de 
I'Eglise  [Gal.  iv,  26).  C'est  dene  toute  I'EgUse ;  la  Femme  I'etait  aussi;  mais  c'est 
I'Eglise  prise  sous  deux  aspects  differents,  comme  elle  I'a  ete  au  eh.  xi,  w.  1-2,  et 
vv.  3-13.  Pendant  que  la  societe  chretienne,  dans  son  essence,  dans  sa  vigueur  spiri- 
tuelle,  refugiee  dans  le  sanctuaire  ou  dans  le  desert,  est  indefectible,  ses  membres 
individuels  restent  cependant  exposes  a  toutes  les  persecutions  du  Diable  et  de  ses 
suppots,  comme  freres  de  Celui  que  le  Dragon  halt  par-dessus  tout,  mais  qu'il  ne 
pent  atteindre.  Tel  sera  I'ebjet  des  chapitres  suivants. 

L'excellent  cemmentateur  qu'etait  Swcte  a  encore  parfaitement  recennu  ce  sens, 
et  il  nous  semble  qu'il  n'y  a  rien  a  rependre  a  une  argumentation  aussi  claire  et  directe 
que  celle-la,  appuyee  sur  tant  de  paralleles  dans  le  mome  livre. 


EXC.    XXVI.    lES    PRETENDUES    OUIGIXES    JUIVES,    OU    ASTRONOMIQUES, 

OU    MVTHOLOGIQUES,    I)E    LA    VISION    DU    CHAPITItE    XII. 

Ce  chapitre  a  eto  fort  etudie  ces  dernieres  annees,  parco  que  tuut  lo  monde 
reconnait  qu'il  forme  comme  le  centre  de  la  Revelation,  et  que  les  critiques 
«  religionsgeschichllich  »  y  voient,  comme  dit  Gunkel  (Fe/-5/.  p.  54),  la 
«  pioce  de  resistance  »  ou  s'appuieront  le  mieux  les  theories  qui  font  deriver  la 
dogmatique  chretienne,  vue  a  travers  I'Apocalypse,  de  mythes  orientaux. 

Une  idee  cependant  qui  devait  leur  venir  avant  celle-la,  avec  leurs  theories 
des  sources,  c'etait  d'y  trouver  un  mythe  juif  sur  la  fin  des  temps,  transporte 
par  un  Chretien  aux  evenements  de  la  vie  du  Sauveur.  Vischer  a  cru  decouvrir 


168  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

le  parallele  demonstratif  dans  le  Talmud  de  Jerusalem,  tr.  Berachoth  ii,  5a  : 
le  Messie  Menahem,  ne  a  Bethlehem,  est  emporte  par  les  vents,  et  sa  mere  fait 
part  de  cet  evenement  a  quelqu'un  qui  s'en  informe.  Mais  le  rapport  est  extre- 
mement  lointain ;  et  puis  cette  idee  de  deux  apparitions  du  Messie,  qui  doit 
demeurer  cache  dans  I'intervalle,  le  nom  meme  de  «  Menahem  »,  tout  cela  ne 
se  montre  que  tr6s  tard  dans  la  litterature  rabbinique,  et  ne  remonte  pas  aussi 
haut  que  saint  Jean.  La  theorie  juive,  dit  Bousset,  n'explique  done  rien. 

Mais  les  theories  paiennes  paraissent  de  prime  abord  beaucoup  plus  spe- 
cieuses.  Les  unes  voient  dans  la  scene  en  question  I'adaptation  d'un  mythe 
cosmogonique,  les  autres,  inspirees  de  Tancien  esprit  de  Dupuis^  celle  d'un 
mythe  astronomique. 


La  plus  celebre  des  modernes  interpretations  est  celle  de  Gunkel  dans  Schop- 
fung  und  Chaos,  pp.  171-398.  II  y  voit,  appliquee  au  Christ  liberateur  des 
ames,  I'histoire  d'un  dieu  babylonien  du  soleil  printanier,  qui  met  fin  a  I'oppres- 
sion  de  I'hiver  et  de  ses  frimas.  Le  dieu  ne  saurait  etre  que  Mardouk,  et  le 
dragon,  c'est  evidemment  son  ennemie  Tiamat.  Quant  a  la  Femme,  elle  ne 
peut  6tre  I'expression  allegorique  d'aucune  conception  juive  ou  chretienne; 
c'est  une  figure  purement  mythique,  que  la  force  tyrannique  de  la  tradition  a 
oblige  I'auteur  de  Γ  Apocalypse  a  faire  figurer  dans  sa  vision.  On  doit  y  recon- 
naitre  Damkina,  epouse  d'Ea  et  mere  de  Mardouk.  Gunkel  suppose  la-dessus 
qu'il  a  existe  toute  une  biographic  romanesque  de  Mardouk,  commengant  au 
recit  d'embuches  dressees  par  Tiamat  a  Damkina  quand  elle  le  portait  dans 
son  sein,  jusqu'au  jour  ou  il  eut  triomphe  de  la  malfaisante  deesse,  dans  un 
appareil  voisin  de  celui  que  le  chapitre  xix  de  I'Apocalypse  prete  au  Verbe 
triomphateur,  Comme  on  lui  a  fait  observer  qu'il  fallait,  pour  etablir  cette 
histoire,  completer  beaucoup  les  textes  assyro-babyloniens  que  nous  connais- 
sons,  Gunkel  a  renonce  a  insister  sur  les  identifications  de  detail  trop  precises; 
il  se  contenterait  maintenant  d'assigner  a  notre  chapitre  une  origine  orientale 
quelconque,  d'apres  un  mythe  plus  ou  moins  composite,  dont  les  savants  de 
I'avenir  auront  k  retrouver  et  a  recomposer  les  elements  [Veist.  pp.  54-58). 

Bousset  [Off.  p.  351,  433,  436;  Rel.  Jud.  p.  488)  inclinerait  plutot  vers  une 
origine  iranienne,  et  cette  theorie  parait  au  premier  abord  plus  aisee  a  sou- 
tenir.  II  est  vrai  que,  dans  les  mythes  iraniens,  rien  ne  rappelle  avec  precision 
cette  Femme  et  les  peripeties  de  son  enfantement.  Mais,  outre  que  le  principe 
mauvais,  Angro-Mainyu,  qui  lutte  sans  cesse  contra  Ahura-Mazda,  doit  etre 
vaincu  et  precipite  un  jour,  on  retrouve,  et  dans  I'Avesta,  et  dans  la  litterature 
pehlvie,  un  monstre  serpentiforme,  Azhi-Dah4ka,  qui  oiTre  de  frappantes 
ressemblances  avec  le  Dragon  de  I'Apocalypse  :  «  Azhi-Dah^ka,  aux  trots  bou- 
ches,  aux  trois  tέtes,  aux  six  yeux,  qui  a  un  millier  de  sens,  le  plus  puissant,  la 
plus  diabolique  parmi  les  Druges,  funeste  a  I'univers,  fort  entre  les  Druges, 
qu'Angra-Mainyu  a  cree  contre  le  monde  materiel,  pour  ]detruire  I'univers  du 
bon  principe  [Zend-Avesta,  Gosh  Yasht,  iii,  14.  Alias,  passim)  ».  C'est  un 
serpent  (Azhi),  demon  de  la  tempote,  qui  a  ete  frappe  et  tue  par  le  heros 
ThraStaona  (Feridoun),  ou,  selon  une  tradition  du  Bundehesh  et  du  Bahman 


APOCA1TP5E    DE    5AINT    JEAJi.  169 

Yasht  peUvi    Bahman  Yasht  in.  55-suiv.:  Bundehesh,  xxix,  8-10),  seolement 

enchaine  au  mont  Damivand.  jnsqu'a  la  fin  du  monde,  ou  Π  s"echappera  de  ses 
liens,  et  sera  alors  tue  pour  de  bon  par  Keresaspa.  Ce  sort  ressemble  fort  a  celui 
du  serpent  de  1  Apocalypse  c.  xx  .  Mais  la  scene  propre  du  ch.  xii  n"a  pas  de 
parallele  connu  dans  cette  litterature. 

Aussi  Bousset  admettrait-il  volontiers  l"influence  d'autres  mythes,  par 
exemple  du  m^'the  esryptien  dOsiris-lsis-Seth-Honis  Off",  pp.  354-smv.: 
cfr.  Plutarque.  his  et  Osiris,  12-20  .  Apres  le  meurtre  cruel  de  son  epoux, 
Isis  s'enfuit  et.  dans  les  roseaux  du  Nil.  enfante  Horus,  qui  doit  triompher  du 
meurtrier  Seth-T%'phon.  On  pourrait  rapprocher  de  la  lutte  d"Horu5  centre 
Seth  la  lutt^  quotidienne  de  Ra,  le  Dieu  solaire,  centre  le  tenebreux  serpent 
Apophi.  Ceux  qui  cherchent  une  origine  egyptienne  a  la  vision  apocalyptique 
sont  g-iues  par  ce  trait-ci.  qu'lsis  n'enfante  qu'apres  sa  fuite.  et  que  I'eau  est 
un  element  qui  la  protege,  loin  d'etre  lancee  contre  elle  par  I'ennemi.  11  serait 
peut-etre  plus  important  de  noter  que  rien  ne  correspond  dans  TApocalypse  au 
meurtre  dOsiris. 

Pour  nous,  si  nous  appartenions  a  lecole  mvthique,  et  qu'il  nous  fallut  con- 
siderer  comme  un  devoir  de  decouvrir  dans  une  mythologie  particuliere  I'origine 
de  la  vision  de  Jean,  nous  nhesiterions  guere:  et,  malgre  les  critiques  pan- 
babylonistes.  nous  nous  rangerions  a  lopinion  exposee  par  Dieterich  dans  son 
Ηλτ6  Abraxas,  pp.  117-suiv.  Le  parallele  qiiil  faut  trouver,  nous  le  demanderions 
a  la  m}-thologie  greccpie,  qui  fournit  I'liistoire  de  Leto.  d'Apollon  et  du  ser- 
pent Python.  Voici  comment  elle  est  racontee  par  Hygin   fab.  140   : 

Python.  —  Python,  terrae  filius,  dr<ico  ingens.  Hie  ante  Apollinem  in  monte  Par- 
nasso  responsa  dare  solitus  erat.  Huic  ex  Laionae  partu  inieritus  erai  fato  futurus. 
Eo  tenapore.  Jovis  cum  Latona  Poli  filia  concubuit.  Hoc  cum  Juno  resciit,  facit  ut 
Latona  ibi  pareret.  quo  sol  non  [accederet.  Python  ubi  sensit  Latonam  ex  Jove  gra- 

%"idam  esse,  persequi  ccepit  ut  earn  interficeret.  At  Latonam  Jovis  jussu  cenius  Aquilo 
!<;iblatam  ad  Neptunum  pertxilit.  lUe  earn  tutatus  est;  sed  ne  resoinderet  Junonls 
factum,  in  insulam  earn  Ortygiam  detulit.  cfuam  insulam  fluctibus  cooperuit.  Quod 
cum  P\-thon  earn  non  invenisset,  Pamassum  redit.  At  Neptunus  insulaLm  Ortygiam 
in  superiorem  partem  retulit,  quae  postea  insula  Delos  est  appellata.  Ibi  Latona 
oleam  tenens  parit  Apollinem  et  Dianam;  quibus  Yulcanus  sagittas  dedit  donum 
post  diem  quartum  quam  essent  nati.  Apollo  matris  poena*  exsecutus  est;  nam  Par- 
nassum  venit.  et  Pythonem  sagittis  interfecit,  inde  Pythius  est  diotus  :  ossaque  ejus 
in  cortinam  conjecit  et  in  templo  ejus  posuit:  ludosque  funebres  ei  fecit,  qui  ludi 
Pythici  vocantur. 

Hygin  na  certainement  pas  invents  cette  histoire ;  elle  etait  repandue  de  son 

temps,  et  la  fahula  est  anterieure  de  pres  d"un  siecle  a  notre  Apocalypse.  J'ai 
souligne  toutes  les  expressions  qui  marquent  la  correspondance.  On  doit 
negliger.  bien  entendu,  tout  ce  qui  est  ouvertement  polytheiste,  la  jalousie  de 
Junon,  la  comhinazione  de  Neptune,  puis  Diane  et  Vulcain.  ainsi  que  le  Par- 
nasse.  Ortygie,  et  tons  les  elements  qui  tiennent  aux  traditions  sacrees  de 
Delphes  et  de  Delos.  L  etude  du  folk-lore  nous  a  assez  appris  que  les  mythes  et 
les  contes.  en  voyageant.  se  depouillent  aisement  de  leur  topographic  ori- 
ginelle.  11  reste  le  dragon,  la  ditBculte  de  la  deesse  a  enfanter,  la  poursuite, 
laide  apportee  a  Leto  par  Aquilon,  genie  aile  qui  nous  rappelle  «  les  ailes  du 


170  APOCALYPSE  i)E  sAixT  .ii:a\. 

grand  aigle  »,  enfin  ]a  deception  de  Python,  la  conscience  qu"il  a  de  sa  defaite, 
et  sa  mise  a  mort  par  le  dieu  enfant.  Et  si  nous  nous  rangions  pour  toutes  ces 
raisons,  a  I'opinion  de  Dieterich,  nous  y  serious  encore  affermis  par  ce  fait  que 
le  Verbe  du  chapitre  xix  et  le  cavalier  du  chapitre  vi,  qui  font  un  seul  et  meme 
personnage  avec  Tenfant  male,  out  dans  leur  costume  et  leur  attitude  beaucoup 
de  traits  qui  leur  donnent  une  tournure  assez  apollinienne. 

Du  reste,  la  liste  des  mythes  similaires  est  loin  d'etre  epuisee  avec  les  his- 
toires  de  Babylone,  de  llran,  de  lEgypte  et  de  la  Grece.  Bousset  indique  encore, 
dans  son  Antichrist  (pp.  169-suiv.,  passim.),  des  rapprochements  qu'on  pour- 
rait  faire;  et  Jeremias  ira  volontiers  jusquau  !Mexique  cherclier  des  cousins  au 
Dragon.  On  pourraii,  comme  je  I'indiquerai  plus  loin,  trouver  bien  d'autres 
legendes,  chez  les  peuples  les  plus  divers,  oifrant  au  moins  quelques  traits 
paralleles.  En  somme,  il  est  assez  malaise  do  choisir.  Aussi  les  esprits  les 
plus  scientifiques  et  les  plus  moderes  de  I'ecole  mythique  pensent-ils  plutot 
voir  dans  la  vision  apocalyptique,  non  un  emprunt  a  des  mytliologies  etran- 
geres,  mais  une  des  innombrables  variantes  d'un  my  the  repandu  dans  toute 
I'antiquite,  et  racontant  sous  mille  formes  la  victoire  dun  jeune  Dieu  bienfai- 
sant,  nouvellement  arrive  au  pouvoir  celeste,  sur  une  ancienne  deite  mons- 
trueuse,  ophidienne  ou  non.  La  claire  interpretation  symbolique  dont  ce 
mythe  etait  susceptible  eut  porte  naturellement  le  Voyant  de  Patmos  a  I'appli- 
quer  a  Jesus,  qui  avait  triomphe  de  la  mort  et  des  tenebres  spirituelles  dont 
jadis  etaient  remplies  les  ames.  De  telles  applications,  plus  ou  moins  cons- 
cientes,  avaient  d'ailleurs,  croient-ils,  fortement  contribue  a  faire  naitre  et  a 
developper  la  croyance  a  la  divinite  de  Jesus.  La  theorie,  sous  cette  forme 
epuree,  aussi  eloignee  que  possible  des  fantaisies  erudites,  est  d'une  portee 
bien  grave.  Trouve-t-elle  un  appui  quelconque  dans  le  chapitre  xii  de  ΓΑρο- 
calypse,  qu'on  a  Fhabitude  d'utiliser  comme  fournissant  la  preuve  la  plus  saisis- 
sante  en  faveur  de  cette  explication  donnce  aux  origines  du  dogme  chretieny 

Des  speculations  inspirees  de  I'esprit  du  vieux  Dupuis  (Orig.  de  tous  les 
cultes,  abrege,  c.  ix)  sont  venues  preter  du  renfort  a  cette  exegese.  Recemment, 
dans  un  livre  qui  contient  des  pages  penetrantes,  et  que  nous  avons  souvent 
cite,  Boll  a  construit  un  systeme  de  haute  fantaisic,  dans  lequel  la  «  Femme  » 
n'est  autre  que  la  «  Vierge  »  du  zodiaque,  identifiee  souvent  dans  le  monde 
hellenistique  a  Isis;  le  «  Dragon  »  est  la  constellation  de  Γ«  Hydre  »,  qui  s'etend, 
en  dessous  de  la  Vierge,  depuis  le  Cancer  jusqu'a  la  Balance,  c'est-a-dire  le 
long  de  quatre  des  parties  du  zodiaque  :  il  balaie  ainsi  avec  sa  queue  le  tiers 
des  etoiles  du  ciel,  —  du  zodiaque,  autrement  dit.  L'auteur  suppose  done  que, 
dans  le  monde  juit.  le  courant  des  traditions  sur  le  Messie  preexistant  —  dis- 
tinct de  celui  qui  en  faisait  un  fils  de  David,  cfr.  Par.  lien.,  etc.  —  aurait  com- 
porte  le  mythe  d'ua  enfantement  de  ce  Messie  au  ciel  avant  la  creation,  par  une 
Mere  celeste  (la  Vierge  stellaire,  la  Reine  du  Ciel) ;  c'est  ce  qui  expliquerait  la 
traduction,  dans  les  LXX,  de  doS"  par  παρθί'νος  [Is.  vii,  14).  Paul,  suivi  de  Fauteur 
de  TApocalypse,  se  fut  empare  de  cette  idee.  Le  Messie,  Γ  «  Urmensch  »,  fut 
done  ne  au  ciel,  avant  de  nai'tre  comme  homme  du  sein  de  Marie.  (Boll,  Aus 
der  Offenb.  Joh.,  Regina  Cadi,  pp.  98-124). 

Que  penser  de  ces  systemes  elabores  avec  soin  et  grand  etalage  d'erudition? 

Pour  ce  qui  est  du  dernier,   il  est  facile  de  voir  qu'il  ne  tient  pas  debout. 


APOCALYPSE    ΠΕ    SAIXT    JEAX.  171 

Notre  texte  ne  parle  pas  du  tout  d"un  «  enfantement  au  ciel  » ;  les  versets  6,  14 
et  19  (v.  Comment.)  le  prouveut  surabondarament.  La  «  Femme  »  joue  un  role 
des  plus  importants,  comme  nous  le  verrons  encore  mieux  par  la  suite;  son 
identification  al'Eglise  et  a  la  Jerusalem  celeste  n'est  pas  douteuse.  Ella  n'appa- 
rait  done  pas  la  uniquement  pour  le  jeu  de  scene.  Qu'est-ce  que  ce  serait  que 
cette  conception,  si  differente,  d'une  Mere  celeste  (angelique?)  du  Messie 
preexistant?  Que  signifierait  alors  son  enfantement  dans  les  douleurs?  Com- 
ment, si  le  Messie  celeste  etait  ne  d'une  Mere  celeste  aussi,  mais  creee,  Paul 
aurait-il  pu  I'appeler  προίτο'τοχος  πάσης  κτίσεως,  «  le  premier-ne  de  toute  crea- 
tion »,  ou  «  engendre  avant  toute  creation  »  ?  Pour  trouver  quelque  analogic  a  cette 
etrange  notion,  il  faudrait  aller  fouiller  parmi  les  reveries  gnostiques  des  Yalen- 
tiniens  et  autres,  car  on  ne  trouve  rien  qui  s'en  rapproche  dans  la  litterature  biblico- 
juive  (pour  le  παρθένος  des  LXX,  v.  infra),  et  elle  est  formellement  inconciliable 
avec  tous  les  termes  du  Nouveau  Testament.  Le  reste  des  rapprochements  faits 
par  Boll  vaut  a  peine  mieux.  Ainsi,  que  le  Dragon  ait  peu  ou  prou  a  faire  avec 
rilydre,  il  n'est  nullement  dit  qu'il  s'attaque  au  tiers  des  etoiles  du  zodiaque, 
mais  du  ciel,  du  ciel  entier,  ce  qu'explicpie  suflisamment  le  schema  du  «  tiers  » 
consacre  dans  I'Apocalypse.  Tout,  dans  ce  roman  critique,  est  a  I'avenant. 

La  «  Femme  »  est  cependant  entouree  d'une  parure  stellaire,  dun  appareil 
divin  : 

Enveloppee  dans  le  soleil,  la  lune  sous  les  pieds,  couronnee  d'etoiles,  elle  se 
presente  comme  une  deesse.  Aussi  Zimmern  (KAT^,  p.  460)  y  voit-il  Damkina, 
la  mere  de  Mardouk,  laquelle  aurait  peut-etre,  en  cette  occasion,  emprunte  les 
bijoux  d'lshtar,  reine  des  cieux.  D'ailleurs,  c'est  Damkina  qui,  sur  un  cylindre 
de  Sargon  (1),  serait,  d'apres  le  contexte,  la  belit  Hani,  la  mere  des  dieux,  et  la 
«  dame  de  la  tiare  celeste  ».  Cette  denomination  nous  rappelle  les  douze  etoiles 
qui  couronnent  la  Femme  apocalyptique.  Nous  devons  mentionner  ce  rappro- 
chement, le  seul  qui  paraisse  avoir  quelque  objectivite  parmi  ceux  que  les  baby- 
lonistes  ont  indiques  pour  ce  passage.  Ces  douze  etoiles,  au  sens  judeo-chretien, 
peuvent  representer,  comme  limage  voisine  dans  le  testament  de  Nephthali 
(v.  supra),  les  douze  tribus  d'Israel,  ou  meme  les  douze  apotres  du  Christ 
(cf.  chap.  XXII,  les  douze  assises  de  la  Jerusalem  celeste).  Nous  avons  vu,  du 
reste,  que  cette  femme,  raalgre  son  exterieur  de  deesse,  ne  saurait  etre  qu'une 
personnification  allegorique  de  la  societe  terrestre  des  croyants. 

En  effet,  toute  sa  gloire  ne  I'empeche  pas  de  pousser  des  cris  d'angoisse  dans 
les  douleurs  de  reniantement  qui  font  immediatement  penser  aux  Νπ"''ώ*α7  nSzn  de 
la  litterature  rabbinique,  a  ces  terribles  souffrances  qu'eprouvera  la  communaute 
des  fideles  avant,  et  meme  pendant  les  jours  du  salut  messianique  (2).  (Cf.  Marc, 
ώδΐνες,  chap,  xiii,  8;  Joh.  xvi,  21-22).  Cette  metaphore,  familiere  a  I'Anciea  Tes- 
tament, trouve  ici  son  plus  haut  emploi. 

Quant  au  Dragon  dont  les  sept  tetes,  les  sept  diademes,  les  dix  comes  repre- 
sentent  le  pouvoir  royal  multiforme,  il  n'est  nullement  certain  qu'il  doive  ces  traits 


(1)  Ibidem,  en    note.  {Sargon  Cyl.  't%.  Cfr.  Cylindre   de  Nabopolassar,  Mitteilangen  der 
Dentschen  Orient-Gesellschaft ,  n°  10,  g  13  sv.). 

(2)  Voir  VoLZ,  Jfidische  Eschatologie,  p.  173;  L.4.Gn.\NGE,  le  Mcssianisme  chez  les  Juifs, 
p.  18(5. 


172  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

peu  esthetiques  aune  origine  babylonienne  (1).  Qu'il  attendela  naissance  de  I'en- 
fant  pour  le  devorer,  ce  trait  le  rapprocherait  du  serpent  Python,  plutot  que  de 
Tiaraat  ou  d'Azhi-Dahaka  (2). 

La  femme  met  au  jour  un  fils,  un  «  otre  male  »  que  la  citation  du  Psaume  iden- 
tifie  tout  de  suite  au  Messie,  c'est-a-dire.  pour  le  Voyant  chretien,  a  Jesus.  Pas 
un  mot  de  son  activite  terrestre;  mais,  immediatement,  «  il  est  enleve  au  trone 
de  Dieu  »,  preuve  qu'il  n'est  pas  ne  dans  le  ciel  ou  Dieu  reside.  Ici,  I'economie 
et  le  sens  de  la  vision  sont  bien,  a  premiere  vue,  des  plus  difficiies  a  comprendre ;  il 
est  mέme  impossible  de  les  interpreter  comme  il  faut  avec  le  secours  du  seul  con- 
texte  immediat.  C'estpour  cela  que  maint  critique  n'a  pas  voulu  y  voir  une  scene 
specifiquement  chretienne,  et  que  Vischer  a  trouve  son  parallele  talmudique, 
qui,  d'ailleurs,  ne  dit  pas  grand'chose  (v.  supra). 

Mais  certainement  la  scene  est  chretienne,  et  exclusivement  chretienne.  Toutes 
les  difficultes  s'evanouissent,  pour  peu  qu'on  se  souvienne  :  1°  de  la  multiple  vir- 
tualite  des  symboles  de  notre  Apocalypse ;  2°  da  sens  mystique  qu  avail  pris  le 
mot  Χρίστος  =  Messie,  dans  les  communautes  apostoliques,  bien  longtemps  avant 
la  composition  de  ce  livre  [S.  Paul,  passim). 

Le  Christ  est  la  tete  de  FEglise;  mais  TEglise  est  le  corps  du  Christ.  Le  Christ 
mystique,  le  Christ  total,  comprend  la  tete  et  le  corps.  De  meme,  dans  la  vision 
de  Daniel  (ch.  vii),  le  «  Fils  dhomme  »  representait  a  la  fois,  et  le  peuple  des 
saints,  et  le  chef  de  ce  peuple,  le  Roi-Messie,  comme  le  prouve  le  parallelisme 
avec  les  quatre  Animaux,  qui  sont  a  la  fois  quatre  empires  et  chefs  d'empires  (3). 
Ici,  cette  virtualite  est  cause  qu'il  y  a  certains  traits  qui  conviennent  a  la  fois  au 
Christ  personnel  et  au  Christ  mystique,  tandis  que  dautres  concernent  le  seul 
Christ  personnel,  et  d'autres  le  seul  mystique. 

Au  seul  Christ  personnel  convient  le  ravissement  au  trone  de  Dieu  :  c'est  le 
triomphe  de  la  Resurrection  et  de  Γ  Ascension,  sous  les  yeux  confondus  de  I'ad- 
versaire,  qui,  meme  par  le  supplice  de  la  croix,  n"a  pu  nuire  au  Fils  de  Dieu. 


(1)  Ce  luxe  iacroyable  de  tete,  de  bras,  de  queues,  se  retrouve  chez  une  telle  quantito  de 
dieux  ou  de  monstres  en  des  litteratures  si  diverses,  qu'on  n'y  pent  voir  un  trait  d'origine 
determinable.  —  Les  nombres  sept  et  dix  ne  representent  que  I'idoe  vague  de  multitude.  On 
ne  s'imagine  pas  comment  le  Voyant  aurait  pu  les  considorer^comme  des  chiiTres  |exacts ;  bien 
habile  serait  le  dessinateur  qui  jsaurait  repartir  dune  maniere  exactement  ;symboliqae  dix 
comes  sur  sept  t^tes. 

(2)  Tres  curieuse  est  I'interprotation  de  Gunkel,  Schopf.,  p.  387,  pour  la  queue  balayanf  les 
6toiles  :  «  Tiamat  ist  mit  den  Gottern  verfeindet.  An  eine  Szene  aus  dem  Kampfe  mit  ihnen 
wird  erinnert;  sie  hat  einmal  ein  Drktel  der  Sterne  mit  dera  Schwanze  vom  Himmel  gewor- 
fen.  Dieser  Zugkann  nur  als  atiologischer  Mythus  verstanden  werden.  Die  babylonische  Natur- 
betrachtung  flndet  am  Himmel  eine  Liicke,  deren  Entstehung  durch  diesen  Mythus  erklart 
werden  soil :  einst  haben  dort  Sterne  gestanden,  aber  das  Ghaostier  hat  sie  heruntergeworfen. 
Ist  vielleicht  diese  Liicke  die  Milchstrasse,  die  man  λυοΜ  als  den  dritten  Teil  des  Himmels 
erfassen  konnte?  Man  beachte,  dass  die  Milchstrasse  sich  in  zwei  «  Stroma  »  teilt.  Hat  man 
vielleicht  am  Himmel  noch  die  Spur  des  (fischartigen)  Drachenschwanzes  in  der  eigentiimli- 
chen  Form  der  Milchstrasse  gesehen?  »  —  On  aurait  un  reel  plaisir  a  donner  son  assentiment 
a  de  si  jolies  inductions,  si  seulement  les  Babyloniens  nous  avaient  un  peu  parle  de  ces  d^gats 
commis  par  la  queue  «  flschartig  »  de  Tiamat  dans  le  monde  stellaire,  et  si  Ton  pouvait  sup- 
poser  qu'ils  ont  considere  le  blanc  fourmilleraent  de  la  Voie  lactee  comme  faisant  une  «  Lucke  », 
une  breche,  un  vide  dans  I'armoe  des  astres. 

(3)  Cfr.  Lagkange,  Les  Propheties  messianiques  de  Daniel,  RB.,  octobre  1904. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  173 

Ainsi,  en  apparence,  la  Femme  est  laissee  toute  seule  exposee  a  la  vengeance  du 
Dragon, 

Maintenant,  comment  le  Messie  a-t-il  pu  etre  represente  comme  un  enfant 
nouveau-ne?  C'est  seulement  en  tant  qu'il  est  identifie  avec  ses  fideles  et  son 
ceuf^re.  Rappelons-nous  que  toute  cette  vision  est  commandee  par  le  point  de  vue 
eschatologique ;  les  faits  evangeliques  n"y  sont  qu'un  point  de  depart,  le  com- 
mencement des  «  novissima  tempora  »,  de  ces  jours  de  lutte  et  de  gloire  qui  vont 
se  derouler  jusqu'au  dernier  jugement.  A  cet  egard  la  vie  de  Jesus,  en  tant 
qu'homme,  peut  n'etre  consideree,  dans  la  realisation  historique  de  Toeuvre  mes- 
sianique,  que  comme  celle  an  prernier-ne,  aes  prentices  del'humanite  sauvee  (1). 
De  la  vient  que  ne  sont  decrits  ni  son  ministere,  ni  sa  mort,  celle-ci  n'etant  que 
contenue  implicitement  dans  I'indication  de  son  triomphe,  comme  condition  de 
son  enlevement  au  ciel.  Jesus  est  I'auteur  du  salut;  sa  vie,  sa  mort  el  sa  resurrec- 
tion en  sont  la  cause,  mais  tons  les  evenements  de  son  existence  terrestre  ne 
constituent,  dans  I'ordre  du  temps,  que  la  phase  initiale  de  la  vie  du  Christ  mys- 
tique et  total,  celle  de  la  naissance,  peut-on  dire;  et  pas  raeme  une  phase,  rien 
qu'un  instant ;  mais  un  instant  qui  est  Finstant  decisif,  gros  de  tout  Tavenir.  Le 
Voyant  les  a  contemples  ici  sous  cet  aspect.  II  n'avait  pas  besoin  d'emprunter  a 
une  source juive  une  image  dun  Messie  autre  que  le  vrai  Messie,  Jesus. 

Que  la  femme  ait  enfante  au  milieu  de  telles  douleurs,  cest  un  trait  qui  se 
rapporte  au  Christ  en  tant  qu'il  est  identifie  avec  son  oeuvre,  avec  la  regeneration 
de  Thumanite  (v.  s?//)7-a,  Comment.).  La  femme  est  la  communaute  desjustes; 
c'est  a  la  fois  I'israel  d'oii  Jesus  est  sorti  suivant  la  chair,  et  I'Israel  spirituel  qui 
est  I'Eglise  du  Christ,  les  deux  consideres  comme  ne  faisant  qu'un. 

Ainsi  cette  femme  est  une  mere  allegorique.  Les  exigences  de  Gunkel,  qui 
ecarte  a  priori  Tallegorie  de  notre  vision,  sont  des  plus  surprenantes,  et  je  ne 
reussis  pas  a  voir  sur  quoi  d'objectif,  historique,  psychologique  ou  litteraire,  il 
peut  les  appuyer. 

Un  dernier  trait  a  expliquer  :  pourquoi  cette  mere  souiTrante  apparait-elle  sous 
un  aspect  divin?  D'abord,  parce  que  ses  ornements  astraux  pouvaient,  dans  la 
symbolique  juive,  convenir  a  la  representation  glorifiee  de  grands  personnages 
ou  de  grandes  realites.  (Voir  le  Testament  de  Nephthali.)  Ici,  pourtant,  I'ap- 
pareil  est  bien  plus  grandiose.  Cette  emphase  symbolique  surprendra  moins,  si 
Ton  admet  que  la  mere  allegorique  du  Messie,  la  communaute,  est  ici  representee 
sous  des  traits  qui  conviennent  premierement  a  sa  mere  reelle,  a  la  naSy  d'Isaie, 
a  la  «  Femme  qui  enfante  »  de  Michee ;  ce  ne  serait  pas  la  premiere  fois  qu'on 
trouverait,  dans  notre  livre,  deux  realites  analogiques  melees,  le  type  et  I'antitype 
plus  ou  moins  confondus;  le  genre  allegorique  ne  ropugne  pas  a  cette  impreci- 
sion. Or  Gressjnann,  qui  penchc  visiblement  vers  I'interpretation  traditionnelle 
des  fameux  passages  de  ces  deux  prophetes,  donne  de  fort  bonnes  raisons  pour 
faire  admettre,  en  Israel,  I'existence  d'une  tradition  extra- biblique  glori- 
fiantla  mere  du  Messie  futur.  Nous  I'admettrons  facilement,  a  condition  d'y  voir 

(1)  Pour  nous,  cette  interpretation  est  certaine;  Bousset,  Offenb.,  p.  355,  au  bas,  la  reconnait 
possible,  quand  il  dit  :  «  Auch  dass  der  vom  Drachen  verfolgte  Sonnengott  als  Kind  erscheint, 
storte  nicht  so  sehr,  wie  es  uns  stort.  Man  war  ja  gewohnt,  das  ganze  irdische  Leben  Jesu 
nur  als  etwas  Vorlaufiges...  anzusehen.  » 


174  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

une  idee  prophetique  et  non  pas  simplement,  comme  Faateur  liberal,  une  survi- 
vance  de  la  croyance  polytlieiste  aux  Deesses-Meres  (cfr.  Boll,  supra).  Hien 
nempeclierait  du  reste,  que  la  representation  symbolique  de  cette  mere  glorieuse 
eut  emprunte  quelque  chose  aux  images  divines  de  I'Orient  (1). 

Ainsi,  I'application  liturgique  de  ce  texte  a  la  Sainte  Vierge,  a  la  mere  selon  la 
chair  du  Messie  personnel,  ne  serait  pas  purement  accommodatice;  mome  les 
douleurs  d'enfantement  pourraient  chretiennement  slnterpreter,  par  la  «  Com- 
passion »  de  Marie,  dans  I'enfantement  des  temps  nouveaux  et  de  FEglise  (Voir 
Luc,  la  prophetie  de  Simeon,  c.  ii,  v.  35).  Seulement,  ce  sens  est  tout  au  plus 
secondaire,  ou  si  Ton  veut,  spiritnel,  et  la  scene  totale  peut  s'interpreter  en 
dehors  de  lui. 

Le  Dragon  est  tres  clairement  identiiie.  II  peut  avoir  pris  des  traits  du  yip, 

des  passages  poetiques  de  I'Ancien  Testament,  c'est-a-dire  d'un  cousin  possible 
de  Tiamat  (v.  Int.  c.  v,  §  II-III) ;  mais  ce  n'est  plus  un  monstre  cosmique,  c'est 
une  puissance  essentiellement  spirituelle,  le  chef  des  esprits  mauvais;  son  armee 
est  composee  d'Anges,  il  est  le  meme  que  le  serpent  seducteur  de  la  Genese. 
Ouand  il  lutte  avec  Michel,  il  ne  saurait  etre  question,  au  moins  directement, 
de  sa  chute  primordiale;  car  il  n'est  pas  alors  un  etre  qui  vient  recemment 
de  mal  tourner;  son  passe  n'est  connu  que  par  des  mefaits  et  des  intentions 
mechantes. 

La  Femme  qu'il  poursuit  lui  echappe  sur  «  les  deux  ailes  du  grand  Aigle  », 
ce  qui  signifie  la  vitesse  et  la  securite  de  sa  fuite,  comme  dans  les  mythes  disis 
et  de  Leto.  Le  «  grand  Aigle  »  doit  etre  une  figure  tradilionnelle;  mais,  pas 
plus  que  Bousset  et  Clemen,  nous  ne  decouvrons  aucune  raison  de  I'identifier  a 
I'aigle  babylonien  d'Etana  ou  au  vautour  egyptien  de  Hathor  plutot  qu'a  tout 
autre  volatile  du  genre  rapace.  —  Le  «  fleuve  »  lance  par  le  Dragon  prouve-t-il 
que  ce  dernier  soit  un  monstre  aquatique,  comme  Tiamat,  Leviathan  ou  le 
ThanninV  DifTicilement;  car  «  torrents  »,  <(  inondations  »,  sonl  des  metaphores 
bibliques  courantes ;  et  si  la  «  terre  »  vient  au  sccours  de  la  Femme,  elle  n'a  pas 
besoin  pour  cela  detre  mythiquement  personnifiee;  car  c'est  roffice  du  sol,  a  nul 
autre  communicable,  d'absorber  les  torrents.  Sur  ce  dernier  point,  Texegese 
«  zeitgeschichtlich  »  etait  plus  curieuse  encore  que  celle  de  Fecole  des  religions. 
Ainsi  quel  lecteur  de  Renaii  n'a  ete  emerveille  du  nombre  et  de  la  grace  des 
«  peut-etre  »  que  le  brillant  ecrivain  sut  accumuler  pour  interpreter  dans  le  mode 
historique  le  fleuve  lance  par  le  Dragon  :  «  Des  indices  portent  a  croire....,  a 

(1)  Carl  Clemen  {ReligionsgeschichtUche  Erkldrimg  des  Xenen  Testaments,  p.  110-113),  en 
combattant  les  raisonnemenls  par  lesquels  Gressmann  s'efforce  de  prouver  que  I'idoe  du  Messie 
etait,  chez  les  Israelites,  une  importation  mythique  etrangere,  defend  I'interpr^tation  rationa- 
iiste  de  naS"  d'Is.  vii,  14  et  de  mSl''  de  Mich,  v,  2.  Gressmann  s'otait  servi  de  ces  deux 
passages  {Ursprung,  p.  272  sv.,  278,  289)  pour  relever  des  traits  «  divins  »  dans  la  naissance  de 
I'Eramanuel  et  la  figure  de  sa  mere.  Les  raisons  de  Clemen  en  sens  contraire  sont  on  ne  peul 
moins  satisfaisantes ;  il  met  en  doute  I'authenticite  de  Mich.,  v,  2 ;  ce  n'est  qu'un  expedient  assez 
tendancieux.  Ilinterprete  le  ΊΊ'Ζμ  aS*  d'Is.  ix,  5,  apres  B.  Dulim,  suivantlanalogie  de  II  Sam. 
XIV.  17  et  20  et  de  Zacharie,  xu,  8;  or,  en  ces  trois  passages,  il  est  question  de  ΟΐΓΠΝ'Π  "^ϋΙΏ 
et  de  ΠίΓιΐ  "νΗώ  non  de  "liu  iH  :  d'ailleurs,  il  ne  s'agit  la  que  de  comparaison  et  I'hyper- 
bole  y  est  ovidente;  il  n'en  est  pas  de  meme  Is.  ix.  5.  Nous  adinettons  done  le  fond  de  Γΐάέβ 
de  Gressmann,  sauf  I'importanle  reserve  indiquee. 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  175 

ce  qu'il  parait une  circonstance  indiquee  a  mots  couverts peut-etre  les 

zclotes peut-etre  Tescouade...  »,  tout  cela  au  cours  de  dix-neuf  lignes,  pour 

deraontrer  quil  s'agit  des  obstacles  inutiles  qui  auraient  pu  s'opposer  a  I'exode 
des  Chretiens  de  Jerusalem  a  Pella?  Mais  rien,  nous  I'avons  vu,  n'indique  que  la 
Femme  soit  la  seule  eglise  judeo-chretienne;  elle  apparait  clairement  comme 
lisrael  de  Dieu,  qui  est  une  collectivite  beaucoup  plus  large,  et  permanente.  Et 
puis,  quelservait  ce  fleuve  lance  contre  la  colonne  des  emigrants?  Un  detachement 
romain  qui  eut  ete  detruit,  qui  n'eut  pu  passer  le  Jourdain,  que  la  terre  eut 
englouti,  quoi  encore?  L'histoire  n'en  soufile  mot.  Et  pourquoi  les  villes  de  la 
Transjordane  seraient-elles  un  «  desert  «  ?  Ces  divinations  pueriles  n'ont  d'auti'e 
appui  que  ce  postulat  :  le  Voyant  no  doit  sinspirer  que  d'eveuements  historiques 
et  contemporains.  11  est  purement  arbitraire,  et  conduit  a  des  interpretations 
etonnantes,  que  Gunkel  a  tres  joliment  ridiculisees.  Ici  Fapplication  n'est  pas, 
en  soi,  ridicule,  mais  aussi  arbitraire  que  nulle  part  ailleurs. 

11  faut  done  nous  en  tenir  au  sens  large  et  profond  de  philosophic  de  I'iiistoire 
et  de  haute  spiritualite  que  nous  avons  expose  dans  le  commentaire,  en  sui- 
vant  les  commentateurs  anciens.  Le  chapitre  xu  ne  contient  aucune  idee  dont 
I'ensemble  du  Nouveau  Testament  ne  rende  parfaitement  compte,  et  qui  ne 
se  trouve  exposee  ailleurs  en  formules  qui  n'ont  pas  la  moindre  apparence 
mythologique. 


Ces  considerations  pourraient  suflire  a  resoudre  le  probleme  souleve  par  I'ecole 
mythico-astronomique.  Toutefois,  pour  en  avoir  le  coeur  tout  a  fait  net,  plagons- 
nous  dans  Vhypothese  οΐι  la  forme  exterieure  de  ces  revelations  decelerait  des 
emprunts  precis  a  la  mythologie,  astrale  ou  autre.  Car  on  pourrait  se  demander, 
au  cas  oil  I'ensemble  des  symboles  serait  exclusivement  emprunte  a  quelque 
systeme  paien,  si  une  telle  dependence  dans  la  forme  ne  doit  pas  faire  soup- 
(jonner  quelque  dependance  dans  Tideo,  et  si  ces  images  a  tournure  mythique, 
au  lieu  de  n'etre  qu'un  revetement  de  dogmes  deja  formes  en  dehors  d'eux,  ne 
reveleraient  pas  la  forme  originaire  de  ces  doctrines,  qui  eussent  ete  formulees 
ailleurs,  et  posterieurement,  en  langage  plus  abstrait  et  ralionnel. 

Nous  adniettons  bien  qu'aux  siecles  hellenisliques,  certains  mythes,  surtout 
semitiques  ou  iraniens,  pouvaient  servir  a  vehiculer  des  idees  mi-cosmogo- 
niques,  mi-rcligieuses,  par  excmple  a  symboliser  le  triomphe  de  la  Lumiere  sur 
les  Tenebres,  ou  du  Bien  sur  le  Mai.  Mais  nulle  part  le  mythe  du  jeune  dieu 
solaire,  que  postule  Gunkel,  et  qui  a  seduit  la  ferveur  du  pastcur  JeremiaSj  ne 
pent  etre  reconstitue  de  maniere  a  rendre  compte  de  I'ensemble  du  ch.  xii.  Aussi 
Gunkel  lui-meme  n'insiste-t-il  plus  outre  mesure  sur  sa  combinaison  Damkina- 
Mardouk-Tiamat.  Pour  ce  qui  est  de  I'lran,  nous  ne  pouvons  surmonter  notre 
ctonnement  de  voir  que  les  documents  auxquels  on  se  refere  avec  tant  d'assu- 
rance  ne  sont  que  le  liaJiman-YashL  et  le  Bundehesh^  ces  compositions  tardives 
de  I'epoque  sassanide.  Dans  VA^'esta,  qui  est  relativement  ancien,  quelles  qu'en 
soient  les  sources,  Angro-Main//u  et  Azhi-Dahika   {])  n"ont  que  des  rapports 

(1)  Sur  1  evolution  d'Azhi-Datiuka,  son  origine  peul-fetre   aaturisle,  son  idenliflcalion,  deja 


176  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

tout  a  fait  vagues  et  generiques,  sans  rien  qui  decele  un  emprunt  litteraire 
d'un  cote  ni  de  I'autre,  avec  le  Dragon  de  TApocalypse;  quant  a  la  Femme 
et  a  I'Enfant,  il  n'y  a  aucune  figure  qui  y  corresponde.  Par  contre,  dans  la 
litterature  pehlvie  du  haut  Moyen  Age,  les  details  du  sort  reserve  a  Azhi- 
Dahaka  rappellent  assez  la  captivite  et  la  defaite  du  Dragon,  non  dans  notre 
ch.  XII,  mais  au  ch.  xx  de  I'Apocalypse  (v.  ad  loc).  Seulement,  cette  similitude 
est  insuflisante  a  rendre  probable,  soit  un  emprunt,  soit  meme  une  commune 
origine  traditionnelle.  Malgre  tout,  supposons  un  instant  qu'il  y  ait  emprunt; 
alors,  est-ce  la  tradition  mazdeenne  qui  devrait  etre  originale?  Pour  Taffirmer, 
il  faut  ne  plus  se  souvenir  de  I'age  respectif  des  documents,  et  oublier  cette 
regie  toute  simple  de  la  critique  litteraire,  d'apres  laquelle,  chaque  fois  quil 
s'agit  de  determiner  les  sources  des  traditions,  la  presomption  d'originalite  est 
toujours,  cseteris  paribus,  en  faveur  du  document  le  plus  ancien.  Or,  notre 
Apocalypse  est  anterieure  de  six  siecles  au  moins  au  Bahman-Yasht  pehlvi  et 
au  Bundehesh;  ces  deux  ecrits  ont  vu  le  jour  dans  un  pays  ou  le  Nouveau 
Testament  etait  connu  depuis  quatre  cents  ans,  et  ou  un  syncretisme  effrene 
pouvait  fleurir  :  temoin  les  livres  des  Mandeens  et  des  Manicheens.  Rien  n'indique 
d'autre  part  qu'ils  se  soient  contentes  de  reproduire,  sans  les  contaminer  par 
d'autres  traditions,  de  vieilles  legendes  avestiques  perdues  pour  nous.  Pour 
quiconque  ne  cede  pas  a  la  mode  recente  d'accorder  a  tout  ce  qui  tient  au  par- 
sisme  un  traitement  de  faveur,  etranger  aux  regies  generales  de  la  critique, 
la  litterature  pehlvie  n'a  aucune  valeur  propre  pour  la  solution  des  problemes 
neotestamentaires,  — encore  moins,  s'il  est  possible,  que  le  Bouddhisme;  avec 
cette  exegese  historico-sentimentale,  pourquoi  un  docte  pangermaniste  ne 
decouvrirait-il  pas  dans  I'Edda  scandinave  que  le  mediant  dieu  Loki  ou  le  serpent 
Midgard  sont  les  prototypes  du  Dragon  de  I'Apocalypse? 

Si  Ton  considere  maintenant  les  mythes  grecs,  en  relations  assez  probables 
avec  les  egyptiens,  la  question  change  un  peu  d'aspect. 

Gunkel  a  raison,  sans  aucun  doute,  d'affirmer  contre  Dieterich  que  notre  pro- 
phete  naurait  jamais  voulu  emprunter  d'idee  religieuse  au  paganisme  grec 
[Schopf.  pp.  283-284);  mais  il  a  tort  de  regarder  comme  impossible  Tattribution 
de  ce  morceau  a  un  chretien  helleniste.  Le  theme  Leto-Python-Apollon  offre 
beaucoup  de  ressemblances  partielles  avec  celui  de  la  Femme  et  du  Dra- 
gon; seulement  ces  details,  dans  I'Apocalypse,  ont  germe  dans  I'imagination 
d'un  Semite,  plus  grandiose,  moins  anthropomorphisante,  mais  aussi  moins 
esthetique  et  moins  mesuree.  L'element  symbolique  et  plus  ou  moins  plas- 
tique  de  la  vision  aurait-il  done  ete  fourni  par  de  vagues  souvenirs  de  ce  mythe 
apollinien? 

II  n'y  aurait  pas  de  repugnance  absolue  a  I'admettre,  etant  donne  que  le 
Voyant  de  Patmos  a  vecu  et  ecrit  dans  un  milieu  hellenistique.  La  vue 
frequente  quil  a  du  avoir,  dans  plus  d'une  ville  asiatique,  de  groupes  sculptu- 


dans  les  yaslits,  avec  I'ennemi  heroditaire,  —  Chaldeens,  puis  Arabes,  —  sa  qualito  de  roi  de 
Bawn(Babylone),  voir  Darmesteter,  Ormuzd  et  Ahriniun,  p.  1-95;  Etudes  iraniennes,  li,  210. 
—  II  devint  enfin  la  Zohak  du  Shah-Nameh.  A  un  certain  stade  de  cette  evolution,  il  a  bien 
un  air  de  parente  avec  I'Antechrist;  mais  beaucoup  moins  avec  le  principe  perpetuel  du  Mai, 
I'Ancien  Serpent,  qui  ne  trouve  son  pendant  qu'en  Ahriman. 


AI'OCALYPSK    ηΐί    SAINT    JEAN.  177 

raux,  de  reliefs  ou  de  peiiitures,  representanl  la  fuite  de  Lelo  devanl  le  serpeiiL 
chtlionien  (1),  n'eut-elle  pu  graver  ce  my  the  dans  son  imagination,  et,  lui  rap- 
pelant  le  serpent  infernal  qui  s'acharnait  contre  I'Eglise,  preparer  une  forme 
plastique  a  sa  vision  des  luttes  presentes  et  futures?  Cela  n'est  certes  pas 
impossible  a  priori,  mais  n'entrainerait  point  les  consequences  escomptees  par 
lecole  des  religions  (Int.  c.  v,  ii,  §  IV,  et  Exc.  xix). 

Tout  d'abord,  en  effet,  ce  mythe  grec  parait  le  moins  capable  de  tous  d'exercer 
une  influence  sur  le  fond  des  idees  religieuses.  En  remontant  a  ses  origines 
probables,  on  a  I'impression  qu'il  devait  se  preter  plus  difficilement  qu'un  autre 
a  vehiculer  ces  liautes  allegories  morales  qu'on  y  veut  voir.  L'Archer  Apollon, 
άλεξίκακος,  peut,  suivaiit  lOccurrcnce,  infliger  ou  guerir  les  maladies,  il  purifie 
des  graves  souillures,  il  preserve  des  perils  de  la  guerre  les  lieux  qui  lui  sont 
consacres;  mais,  a  part  cela,  il  n'a  nullement  la  specialite  d'etre  un  «  dieu 
sauveur  »,  et  le  tilre  de  Σωτηρ  convient  a  Dionysos,  a  Asklepios,  a  Zeus,  beau- 
coup  mieux  encore  qu'a  lui.  Sa  victoire  sur  Python  a  le  caractere  d'un  «  mytlie 
historique  »  destine  a  expliquer  comment  son  culte,  a  Delphes,  s'est  substitue 
a  celui  d'un  dieu-serpent,  male  ou  femelle,  nomme  Python,  Delphyne,  ou 
autrement  (Voir  Wolf  Aly,  1908  Der  kretische  Apollonkult,  pp.  13-43;  — 
Hygin,  fab,  140,  supra;  —  Plutarque,  Questions  grecques,  12;  —  Elien, 
FJist.  var.  iii,  1;  —  Pausanias,  Descr.  de  la  Grece,  u,  7;  30).  De  meme,  a 
Amyclee,  quand  il  eut  supplante  le  dieu  Hyacinthe,  on  raconta  qu'il  I'avait  tue. 
Cette  victoire  sur  Python,  meme  dans  la  version  d'Hygin,  n'a  aucun  sens  moral. 
Le  serpent  de  Delphes,  avant  d'etre  confondu  ou  allie  avec  le  monstre  Typhon, 
n'etait  pas  encore  une  mauvaise  bete  comme  dans  I'hymne  homerique;  c'etait 
un  dieu  chtlionien  («  Python  filius  terrae  »)  qui  rendait  des  oracles  au  profit 
des  hommes.  D'ailleurs,  a  travers  toute  la  mythologie  grecque,  les  serpents 
jouentun  role  plutot  favorable  :  ce  sont  les  animaux  chthoniens  caracteristiques, 
associes  au  guerisseur  Asklepios  (ainsi  a  Pergame,  v.  supra,  comm.  de  ii),  aux 
heros,  a  I'Agathodaimon,  aux  Eimes  des  ancetres.  Quand  Apollon  a  tue  Python, 
il  est  oblige  d'expier  ce  meurtre,  et  rend  a  sa  victime  des  honneurs  funebres. 
Peut-etre  la  contamination  reciproque,  maintes  fois  constatee,  de  la  mythologie 
d'Apollon  et  de  celle  d'llerakles,  tueur  de  monstres  funestes,  a-t-elle  contribue 
a  faire  naitre  cette  histoire  du  meurtre  de  Python,  et  a  faire  concevoir  celui -ci 
sous  un  aspect  odieux.  II  est  encore  bien  plus  vraisemblable  que  le  mytlie  grec 
a  ete  egyptianise;  quand  Apollon  eut  ete  rapproche  d'llorus.  Python  le  fut  de 
Typhon-Seth.  Malgre  tout,  les  stoiciens,  ces  allegoristes  forcenes,  ne  voyaient 
encore  dans  toute  cette  histoire  qu'un  mythe  (jui  est  du  Max  Miiller  avant  la 
Icttre,  le  symbolc  de  la  lutte  du  soleil  contre  les  exhalaisons  serpentantes  de 
la  terre  humide  (ainsi  Antipater,  dans  Macrobe,  Saturnales,  i,  17;  57;  voir 
Deciiarme,  Les  Traditions  religieuses  chez  les  Grecs,  pp.  329-330).  Dans  la 
suite,  Apollon   a   pu   devenir,  pour  certaines    ecoles    philosophiques,  le   nom 


(1)  II  exislait  des  jeux  pythiques  a  Milet,  Magn^sie,  Tripoli.  Des  monnaies  et  modailles  de  la 
m6me  region  reprosentent  la  fuite  de  L6to  (v.  Boussrt,  OfT.  p.  353).  Le  vase  grec  du  recueil 
de  Tischbcin  (t.  Ill,  pi.  10)  qui  rcprosente  Leto  fuyanl  devant  Python,  avec  Apollon  et  Artemis 
sur  ses  bras,  doit,  par  contre,  etre  regardo  comme  suspect  (Sal.  Reinach,  Repertoire  des 
rases  peints  grecs  et  eirusqnes,  ii,  310). 

APOCALVP.'iE    DE    SAINT   JBAN.  12 


178  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

de  Tessence  divine  elle-meme,  et  tous  ses  mytlies  en  etre  considerablement 
rehausses;  mais  rien  ne  fait  supposer  qu'ils  eussent  pris,  dans  le  pays  et  dans 
le  milieu  ou  se  trouvait  Jean,  des  significations  transcendantes  an  point  d'exercer 
une  influence  latente  sur  la  conscience  d'un  chretien,  et  encore  d'un  chrelien 
juif.  ennemi-ne  du  paganisme  sous  toutes  ses  formes. 

Ainsi  les  rapprochements  qu'a  notes  Dieterich,  ct  que  nous  avons  fait,  il  nous 
semble,  genereusement  valoir,  n'augmentent  pas  d'un  grain  le  poids  qui  ferait 
pencher  la  balance  critique  vers  Thypothese  d'un  emprunt,  conscient  ou  non,  fait 
par  I'Apocalypse  a  la  religion  grecque.  Et  s'il  s'agissait,  non  pas  d'un  emprunt, 
mais  d'un  heritage  inconsciemment  transmis  par  les  Juifs  hellenistes,  I'hypothese 
est  encore  moins  admissible  que  pour  les  pretendus  mythes  semitiques  de 
Gunkel,  car  le  mythe  delphique  se  montre,  a  I'analyse,  plus  rebelle  qu'un  autre 
aux  interpretations  morales.  Notre  opinion  est  done  tout  simplement  que,  dans 
Vhypothese  ou  la  vision  de  xii  serait  redevable  au  monde  profane  de  quelques-uns 
des  traits  qui  en  rehausserent  la  couleur  dans  I'esprit  du  Prophete,  il  faudrait 
chercher  I'origine  de  ces  details,  moins  dans  une  mythologie  particuliere  quel- 
conque,  que  dansce  residu  qui  constituait  le  folklore  general.  En  fait,  la  lutte  d'un 
dieu,  d'un  heros  ou  d'une  heroine,  contre  un  monstre,  dragon,  serpent,  ou  autre, 
etait  un  theme  commun,  autant  qu'on  en  pent  juger,  a  tous  les  peuples  antiques, 
dans  leurs  mythes  ou  dans  leurs  contes.  Mardouk  et  Tiamat  en  Babylonie  (cf. 
d'autres  dieux  babyloniens  ou  semitiques  en  general  aux  prises  avec  des  griffons, 
des  serpents,  Gressmann  ATOB.  i,  31;  11,  Abb.  33.  suiv.,  166,  167,  174,  175; 
ZiMMERN  ΚΑΤ•'',  504,  512);  ailleurs  Indra  et  Vrilra,  Horus  et  Seth,  RA  et  Apophi, 
Zeus  et  Typhon,  les  Olympiens  et  les  Titans  aux  raembres  serpentiformes, 
Dionysos  et  ces  memes  Titans,  les  Dieux  et  I'Ophioneus  de  la  cosmogonie  de 
Pherecyde,  Bellerophon  et  la  Chimere,  QEdipe  et  la  Sphynge,  Persee,  Andromede 
et  le  monstre  marin,  Herakles  et  I'hydre  de  Lerne,  Apollon  et  Python,  Feridoun 
et  Dahak,  Thor  et  Midgard,  Vidar  et  le  loup  Fenris,  Sigurd  et  Fafner,  le  cavalier 
solaire  et  le  geant  a  queue  de  serpent  chez  les  Celtes  du  Nord,  et  encore  bien 
d'autres  dieux,  d'autres  monstres  et  d'autres  luttes,  chez  une  foule  d'autres 
peuples,  toutcela  forme  un  ensemble  assez  complet,  et  des  paralleles  assez  saisis- 
sants;  mais  il  serait  bien  ose  de  ramener  le  tout  a  des  origines  communes,  et 
a  une  meme  interpretation.  Combien  de  spectacles  dela  nature,  de  souvenirs  histo- 
riques,  de  legendes  locales,  de  mythes  etiologiques,  n'ont-ils  pu  intervenir  pour 
donner  naissance  a  ces  histoires  batailleuses,  dans  des  circonstances  variables  a 
I'infmi?  Le  trait  qui  les  relie  n'est  que  psychologique  :  c'est  que,  le  monde  etant 
plein  d'oppositions  et  de  combats,  les  primitifs  sont  toujours  et  partout  prets  a 
les  dramatiser  et  a  les  personnifier.  Puis  les  artistes  et  les  \'^oyants,  surtout  les 
createurs  d'allegorics,  puisent  dans  le  grand  arsenal  d'images  et  de  symboles 
que  seront  toujours  le  folklore  et  la  poesie  populaire;  mais  si,  chez  un  moderne 
cultive,  nous  trouvons  des  expressions  de  la  mythologie  grecque,  hindoue, 
polynesienne,  nous  n'irons  pas  croire  pour  autant  qu'il  s'est  laisse  circonvenir 
par  les  idees  religieuses  des  GrecSj  des  Hindous  ou  des  Polynesiens. 

Les  Israelites  avaient  des  contes  de  ce  genre,  qui  ont  prete  des  noms  ou  des 
metapliores  aux  passages  poetiques  de  I'Ancien  Testament  (Int.  c.  v,  ι  §  II). 
Jean  les  connaissait  peut-etre;  puis  il  residait  dans  le  monde  bien  plus  colore 
des  villes  asiatiques,  depuis  de  nombreuses  annees.  Malgre  son  horreur  des  faux 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  179 

dieux  et  des  idees  paiennes,  ne  pouvait-il  retenir  quelque  chose,  par  habitude, 
presque  sans  le  savoir,  des  traditions  de  son  peuple  ou  des  representations 
fig'urees  de  sa  nouvelle  patrie?  II  n'avait  aucun  titre  necessaire  a  eluder,  du  fait 
qu'il  etait  inspire,  cette  loi  psychologique ;  son  cas  ne  serait  pas  plus  extraor- 
dinaire que  celui  d'Ezechiel  attelant  au  char  de  Jahweh  les  Kirubi  de  Baby- 
lone.  La  sincerite,  Tauthenlicite  des  visions,  n'en  est  nullement  compromise;  car 
Dieu,  au  surnaturel  comme  au  naturel,  meut  chaque  creature  suivant  les  con- 
ditions ou  11 1'a  placee. 

En  parlant  ainsi,  j'argumente  ad  hotninem;  car  cette  influence  du  folklore 
semitique  ou  grec  sur  la  forme  exterieure  de  la  vision  en  cause  n'est  pas  du  tout 
certaine.  II  se  pent  que  le  souvenir  du  serpent  de  la  Genese,  des  personnifica- 
tions  feminines  de  la  race  elue  chez  les  Prophetes,  et  diverses  metaphores  des 
Psaumes,  des  Prophetes,  des  Apocryphes  aient  fourni  toute  la  matiere  plas- 
tique  a  la  scene  de  la  Femme  et  du  Dragon. 

EXC.    XXVII.    LE    TROISIIiME    «    VAE    ». 

C'est  avee  surprise  que  Ion  arrivait,  au  bout  du  chapitre  xi,  au  jugement 
general,  sans  avoir  rencontre  la  description  du  3*^  Malheur  (Ούαί,  ^ae),  annonce  si 
dramatiquement  par  I'Aigle  de  viii,  13,  et  rappele  ix,  12,  et  xi,  14.  La  septieme 
Trompette  a  suivi  immediatement  cette  derniere  annonce.  Est-ce  elle  qui  serait 
le  signal  du  «  Vae  κ  ?  Ce  n'est  pas  possible,  car  elle  n'a  pas  amene  une  cala- 
mite  particuliere,  mais  la  consummation  totale  (x,  7) ;  I'etablissement  defini- 
tif  du  regne  de  Dieu  ne  saurait  etre  presente  comme  un  malheur,  et  la  fin 
du  monde  non  plus,  dans  Fesprit  de  notre  Apocalypse;  du  reste,  le  3^  Vae  ne 
doit  pas  etre  d'un  ordre  trop  different  des  deux  autres,  les  Sauterelles  et  la 
Cavalerie. 

II  faut  done  admettre,  comme  nous  I'avons  fait,  que  les  deux  dernieres  male- 
dictions sont  amenees  par  la  sixieme,  I'avant-derniere  trompette;  Tune  est  la 
chevauchoe  infernale,  decrite  avec  un  luxe  de  details  barbares,  I'autre  n'est  pas 
detaillee,  mais  indiquee  seulement,  dans  la  scene  des  2  Temoins,  puis,  mais  alors 
comme  passeedeja,  dans  le  cantique  celeste  de  la  fin  du  monde  :  και  τα  εΟνη  ώργίσθησαν, 
και  ήλΟεν  ή  οργή  σου  (χΐ,  18). 

II  fallait  bien  cependant  que  ce  «  Vae  »  fut  decrit  comme  les  autres,  encore 
plus  que  les  autres.  II  Test,  selon  nous,  a  partir  de  la  vision  de  la  Femme  et  du 
Dragon,  et  dans  les  chapitres  suivants,  qui  expliquent  xii.  En  d'autres  termes, 
la  deuxieme  section  prophetique  —  relative  au  Regne  de  I'Antechrist,  d'apres 
Ribeirn,  etc.  —  n'est  autre  que  le  developpement  de  la  troisieme  malediction, 
qui  aboutit  au  salut  du  monde,  deja  celebre  dans  le  cantique  de  xi,  15-18.  On 
pcut  voir  encore  la  un  des  «  emboitements  »  dont  la  serie  a  commence  au  cha- 
pitre χ ;  et  cela  en  porterait  juste  le  nombre  a  septj  observation  qui  n'est  pas 
sans  interet.  (Int.,  c.viii). 

Les  chap,  xn  et  suivants  ne  sont  done  pas,  contre  Bousset  et  d'autres,  la  vision 
correspondant  a  la  7''  trompette.  La  vision  des  Trompettes  est  finie,  le  symbo- 
lisme  a  change,  quoique  le  fond  de  scene  demeure  invariable.  Ces  chapitres  sont 
le  contenu  du  «  petit  livre  »  absorbe  par  le  prophete  au  cli.  x,  pour  qu'il  puisse 
«  prophetiser  de  nouveau  sur  des  nations,  et  des  peuples,  et  des  langues,  et 


180  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

dcs  rois  nombreux  ».  Quelles  nations,  quels  peuples,  .quels  rois?  Ceux  qui 
constituent  des  realites  historiques  contemporaines  et  dont  saint  Jean  devait 
parler  tout  a  loisir,  pour  calmer  I'anxiete  des  Sept  Eglises  en  leur  promettant 
la  victoire  sur  les  forces  hostiles  du  monde  romain,  victoire  qui  deviendrait  le 
gage  de  toutes  celles  de  la  societe  chretienne  dans  la  suite  des  temps.  Les 
allusions  a  Γ  Empire  vont  devenir  tellement  claires,  au  lieu  du  vague  et  du  sche- 
matique  de  la  vision  des  Trompettes,  qu'elles  expliquent  la  position  exageree 
de  cette  ecole  d'interpretes  [Alcazar,  Grotius,  Bossuet,  etc.)  qui  a  ramene  la 
majeure  partie  du  livre  aux  predictions  des  destinees  romaines. 

Le  troisieme  Vae  est  done  comme  a  cheval  sur  les  deux  sections ;  il  y  a  la  un 
certain  defaut  de  structure  qui  diminue  la  clarte  ;  et  Ton  congoit  I'embarras  des 
exegetes.  Mais  les  mots  employes  dans  le  cantique  celeste  de  la  vision  de  la 
Femme  (ούαι  τήν  γήν  και  την  θάλασσαν,  avec  la  meme  singularity  grammaticale  que 
precedemment)  sont  un  indice  suiTisant  pour  qu'on  mette  ces  chapitres  en  rap- 
port etroit  avec  la  proclamation  de  I'Aigle  au  chap.  viii.  Joh.  Weiss  signale  un 
nouvel  indice,  a  propos  du  petit  prologue  de  xi,  19;  il  dit  a  bon  droit  :  «  Comme 
les  deux  premieres  maledictions,  au  ch.  viii,  3-suiv.  »  (d'apres  sa  theorie 
des  sources)  «  ont  ete  introduites  par  une  scene  dans  le  Temple  (cf.  aussi,  plus 
justement,  ix,  13),  ce  pourrait  bien  etre  le  meme  cas  pour  la  derniere.  » 

Telle  est  la  solution  la  meilleure,  a  notre  avis,  de  ce  difficile  probleme 
exegetique. 

Mais  ce  «  Vae  »  qui  va  s'etendre,  en  somme,  sur  toute  I'histoire  des  temps 
messianiques,  en  quoi  consiste-t-il  essentiellement?  D'apres  xii,  10,  12,  c'est 
dans  la  chute  sur  la  terre  du  Diable  vaincu  par  Michel.  D'un  cote,  c'est  un 
triomphe,  car  Satan  n'est  tombe  ainsi  que  pour  avoir  ete  detronc  par  la  glori- 
fication du  Christ;  d'autre  part,  c'est  une  calamite,  et  la  plus  menagante  pour 
les  jours  qui  restent,  parce  que,  se  sentant  vaincu  et  voue  a  une  impuissance 
prochaine,  le  Dragon  va  faire  des  eff^orts  desesperes,  les  plus  violents  et  les 
derniers,  pour  empecher  son  divin  Adversaire  de  regner  ici-bas,  pour  empecher 
I'Eglise  (la  Femme)  de  devenir  une  societe  puissante  et  publique.  En  fin  de 
compte,  le  3'^  Vae,  ce  sont  les  persecutions  religieuses,  sous  toutes  leurs  formes, 
avec  les  punitions  divines  qui  tomberont  sur  les  instruments  terrestres  du 
Dragon. 

Ces  dernieres  calamites,  Jean  va  en  parler  avec  plus  de  passion  et  de  preci- 
sion, parce  qu'il  en  voit  le  commencement  des  son  epoque  «  Er  hat  es  sclion 
erlebt  »,  dit  Joh.  Weiss  de  son  «  Editeur  ».  La  signification  des  Deux  Betes 
(ch.  xiii)  et  de  Babylone  (ch.  xvii)  demontrera  en  effet  qu'il  s'agit  d'evenements 
contemporains,  ou  du  moins  auxquels  il  est  deja  prelude.  C'est  meme  la  une 
bonne  preuve  nouvelle  de  la  rectitude  de  notre  interpretation  des  «  Deux 
Temoins  »;  puisqu'ils  prechent  tout  le  temps  (42  mois)  que  domine  la  Bete,  ce 
passage,  et  d'autres  semblables,  ne  sauraient  done  etre  eschatologiques  au  sens 
strict. 

Voici  done  ce  que  nous  proposons  pour  I'ensemble  de  ces  mysterieux  trois 
«  Vae  »  : 

l*""  Vae  :  Finvasion  des  sauterelles  (ch.  ix),  debordement  du  peche  avec 
les  peines  morales  et  physiques  qui  le  suivent,  dans  la  societe  ennemie  de 
Dieu ; 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  181 

2^  Vae  :  le  bouleversement  des  guerres,  excitees  par  I'enfer  egalement  (ch.  ix), 
qui  amenent  rextermination  d'une  grande  partie  de  riiumanite.  Ce  Vae  est  en 
relation,  d'une  part,  avec  les  trois  derniers  cavaliers  de  la  vision  des  sceaux,  ct 
de  I'autre,  infra,  avec  la  ruine  de  Rome,  la  guerre  des  rois  contre  I'Agneau, 
rinvasion  de  Gog  et  de  Magog. 

3^  Vae  :  le  dernier  mot  de  I'idolMrie,  le  comble  de  I'aiTolement  produit  par 
I'operation  de  Satan  sur  les  infideles,  et  les  persecutions  des  fideles. 

Ce  Vae  est  simultane  avec  les  deux  premiers,  qui  reapparaissent  sous  divers 
traits  dans  son  developpement  propre.  Les  plaies  apocalyptiques,  nous  le  voyons 
ici  mieux  que  nulle  part  ailleurs,  ne  sont  pas  proprement  des  fleaux  successifs; 
les  «  Vae  »  sont  trois  aspects  des  convulsions  dernieres,  des  ώδϊνες  τοΰ  Μεσσίου,  au 
milieu  desquelles  grandit  la  Jerusalem  celeste,  qui  sera  le  lieu  de  repos  de 
I'humanite  rachetee,  eprouvee,  sauvee. 


Β.   VISION  DINTRODUCnON  AUX  PROPHETIES  HISTORIQUES 

(xii,  18-xiv,  5). 

I.\T.  —  Le  Demon,  bien  qu'il  se  scale  irremediablement  vaincu,  veul  profiler  cepen- 
dant  du  temps  qui  lui  resle,  el  il  \>a  s'efforcer  d  arreter  ou  de  ruiner  dans  la  mesure  du 
possible  I'oeuvre  divine.  Ce  «  singe  de  Dieu  »  vent  done  organiser  sa  «  Cite  »,  comme 
disail  saint  Aiigiistin,  stir  le  modele  de  son  Adversaire.A  I'Agncau,  qui  regne  au  del, 
mais  qui  csl  nussi  present  mysterieusement  sur  lerre,  Satan  oppose  sa  Bete,  Z'Ante- 
CHRisT.  Celui-ci  est  comme  une  odieuse  contrefaron  du  Christ  :  un  animal  hyhridc  el 
feroce  qui  s" oppose  au  «  Lion  de  Juda  y) ;  Satan,  en  sa  faveur,  imite  de  son  mieux  la 
resurrection,  Vintronisation  de  VAgneau,  et  lui  menage  une  «  Parousie  »  diabolique. 
Tout  cela  se  passe  sur  terre,  aux  yeux  des  hommcs  effrnyes  et  seduits,  comme  Vintro- 
nisation de  Jesus  el  sa  prise  de  possession  du  Livre  des  destinees  s'etaient  passees 
devant  la  Cour  celeste ;  la  scene,  accompagnce  aussi  de  cantiques,  se  deroule  sous  les 
yeux  du  Dragon,  comme  I'autre  sous  les  yeux  du  Tout-Puissant. 

II  faut  done  noter  un  parallelisme  etroit,  quoique  peu  apparent  a  premiere  vue,  entre 
cette  vision  d' introduction  ou  de  presentation  et  Γ  introduction  generale  des  chap.  IV  et 
V.  Le  chapitre  Xllrepond  lui-meme  au  chap.  IV,  en  ce  que  celui-ci  a  represenle  Dieu 
dans  sa  gloire,  I'autre  Satan  dans  son  huniiliante  defaile.  On  peul  tracer  ce  schema  : 

Dieu  au  ciel  (ch.  iv) Sataa,  prince  du  monde,  virtuellement 

depossede,  sur  la  terre  (ch.  xii). 

L'Agxeau  «  comme  egorge  », La   Bete  de    la  mer,  blessee  et  guerie, 

qui  prend  de  la  main  de  Dieu  les  desti-    qui  regoitla  puissance  du  Dragon  sur  toute 
nees  du  monde  (v,  6-7),  tribu,  peuple,  etc.,  pour  I'exercercontre  les 

saints   seulenieut  pendant  quarante-deux 
mois  (xiii,  1-3  b;  5-7), 
puis  est  glorifie   comme  egal  a  Dieu       et  qui  est  admiree  et  adoree,  conjointe- 
par  toutes  les  creatures,  celestes,  ter-    ment  avec  le  Dragon,  par  toute  la   terre 
restres,  infernales  (v,  8-14).  (xiii,  3c-4;  8). 

Cependant,  pour  que  la  ΒέΙβ  put  ainsi  rivaliser  avec  I'Agneau,  il  lui  a  fallu  le 
sccours  d^in  autre  monstre,  la  Bete  de  la  Terre  [XIII,  11-12),  qui  sail  mieux  se  don- 
ner  des  airs  d'agneau.  Elles  se  sont  mises  a  deux  pour  contrefaire  Jesus;  et  leur  duo 
imite  aussi  les  Deux  Temoins  du  Christ  {v.  ch.  XI)  par  des  prestiges  caiques  sur  leurs 
miracles,  et  encore  plus  grands;  c'est  ainsi  qu'elles  remportent  un  triomphc  apparent 
[XIII,  13-l.j  a).  Le  parallelisme  didoes  avec  la  premiere  section  s'cnrichit  icid'un  nou- 
veau  trait:  le  Diable  choisil  aussi  ses  elus  : 


Les  adoraleurs  de  la  Bete  sont 
marques  dun  signe  a  la  main  et  au 
front  pour  etre  epargnes  dans  les 
persecutions  (xiii,  15b-17). 


de  meme  que 


les  scrviteurs  de  Dieu  avaient  ete 
marques  dun  signe  au  front  pour 
etre  epargnes  par  les  fleaux 
envoyes  du  ciel  (vii). 


Jean  explique  alors  a  ses  lecleurs  d'Asie,  dune  maniere  qui  demeure  Ires  mysterieuse 
pour  nous,  quelle  sera  la  realisation  historique  de  cette  Bete  adoree  (xiii,  18). 

Mais  cette  infdme  parodie  ne  peul  avoir,  a  aucun  moment  des  42  mois,  un  plein  sue- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 


183 


ces;  le  c/t.  XI  nous  a  dit  que  la  Bete  serait  coinbaltue  par  les  Deu.v  Temoins,  tout  le 
temps  de  son  rcgne  usurpe.  La  ineine  idee  rei'ienl  [ici,  exprimcc  dans  une  frappanle 
antitliese. 


En  face  des  Elus  de  la  Bete,  qui 
portent   son    signe ,  et   de    tous    les ,       , 
peuples  qui  forment  son  armee  (xiii, 
1.5b-17). 


sur  la  montagne  de  Sion,  I'Agneau 
en  personne,  entouro  des  144.000  vier- 
GES,  hommes  marques  au  front  de  son 
nom  et  de  celui  de  son  Pere  (xiv,  1-5). 


Ainsi  les  deux  armees  des  deux  Cites  sonl  en  presence,  sous  la  conduite  de  leurs  chefs 
respectifs  :  I'Antechrist,  faux  rot,  faux  Lion  el  faux  Agneau,  dedoubli  en  deux  person- 
nages,  et  le  vrai  et  unique  Agneau.  La  terre  va  etre  leur  champ  de  balaille,  et  les  pre- 
paratifs  de  cette  lutle,  ses  peripeties,  suivront  un  cours  dont  le  parallelisme  avec  les 
chapitres  Vl-XI  sera  encore  plus  net  que  celui  que  je  viens  d'indiquer  (v.  infra  c.  xvi). 

Tout  cela  nest  que  le  detail  du  drame  indique  deja  deux  fois  au  chapitre  XII  et  se 
rattache  a  XII,  Π,  point  d'origine  de  la  troisieme  «  onde  »  qui  nous  a  instruits  sur  les 
intentions  du  Dragon. 

B.  1°  Le  dragon  suscite  la  bete  de  la  mer,  pour  I'opposer  sur  terre, 
avec  I'appui  dune  autre  bete,   a  I'agneau  qui  regne  au  del 

(xii,  18-xiii). 

Int.  —  Les  critiques  decouvreurs  de  sources  ne  font  guere  de  diffculte  pour  ratta- 
cher  ce  chapitre  au  precedent ;  pour  Υ/βγίΆπά,  il  est  de  2,  juif  sous  Neron;  Erbes  et 
Spitta  le  font  du  temps  de  Caligula  (a  cause  du  v.  18,  oil  ils  lisent  616),  le  premier 
clirelien,  le  second  juif,  a  I'exception  de  9-10  et  autres  interpolations  chrotiennes;  de 
me'me  0.  Holtzmann  [chrilien],  Weiszacker  [enclave  sous  Vespasien),  Schoen  et  Saba- 
iier  origine  j'uivc,  moins  8-10,  cfr.  Y'lscher).  Pour  Bruston,  i7  rentre  dans  I'ensemble 
commence  a  X;  Briggs  y  trouve  la  cinquie/nc  Apocalypse,  celle  de  la  Bete,  distinclc 
de  celle  du  Dragon;  Joh.  Weis  attribue  1-2  a;  3-6  a  sa  source  Q,  el  le  reste  a  Γ  «  Edi- 
teur  y>,  mais  sans  oser  en  certains  passages  trap  rigoureusement  distinguer  le  travail 
des  deux  mains.  Volter  donne  le  chapitre  entier  a  I'Editeur  sous  Trajan. 

Pour  juger  toules  ces  hypotheses,  nous  n'avons  qua  renvoyer  a  V  introduction  prece- 
dente,  ct  a  remarquer  la  conlinuile  linguistique  de  ce  morceau  avec  le  resle.  Quant  aux 
traditions  anciennes  qui  auraient  pa  elre  uiilisees,  nous  en  ferons  I'objet  de  plusieurs 
excursus. 


C.  XII.   18.  Kat  *έστά6η  ίτ,Χ  τήν  ά;λμον  ■zf^ς  θαλάσσης. 
C.  XII.  18.  Et  il  se  plaga  sur  le  sable  de  la  mer. 


A.  18.  ΈστάΟτ)  est  une  forme  passive  a  sens  moyen  ou  intransitif,  cfr.  vi,  17,  viii,  3, 
el  Luc  xviii,  11,  40,  Act.  u.  14,  v,  20,  etc.  comme  en  grec  moderne;  la  troisieme  per- 
sonne (dansx,  A,  C,  aX,  g,  vulg.,syr^^^''''',  arm..  Diist.,B.  Weiss,  W-H,  Nestle,  Swete, 
Calmes)  est  mieux  attestee  que  Ιατάθην  de  α  3-P-025,  α  1070-Q-O46,  boh.,  syrS"'".  arm. 
And,  Arelhas;  Spina,  Gunkrl,  Joh.   Weiss  et  (?)  Bousscl. 

C.  18.  La  premiere  personne  έστάΟην  donnerait  un  beau  sens  :  Jean,  sur  la  plage  de 
Patmos,  va  voir  surgir  des  (lots,  a  lOccident,  le  Monstre  romain  qui  s'en  va  ravager 
ses  chretientes  d'Asie.  Mais  alors  ce  serait  le  commencement  dun  nouveau  sujet,  et, 


184  APOCALYPSE    ϋΚ    SAINT    JEAX. 

C.  Xill.  1.  Ka\  ειδον  εκ  της  θαλάσσης  θηρίον  άναβαίνον,  έχον  '/.έρατα  δέκα  καΐ 
κεφάλας  έτττά,  καΐ  έ-ί  των  κεράτων  αυτοί  δέκα  διαδήματα,  καΐ  έτυι  !*τας  κεφάλας 
αΰτου  όνόΐλατα  βλασφημ.ίας.  2.  ΚαΙ  το  θηρίον  ο  είδον  ην  όμοιον  -ϊταρδάλει,  και  οι 
•ίτόδες  α-ΐτου  ώς  ά'ρκου,  καΐ  το  στόμα  αϋτοΟ  ως  στόμα  λέοντος.  Και  εδωκεν  αυτω  ό 
δράκο)ν  την  δύναμιν  αϋτο3  καΐ  τον  θρόνον  αυτοϋ  καΐ  έξουσίαν  μεγάλην.  3.  Και  *μ/!αν 
εκ  των  κεφαλών  a'jto'u  ώς  εσφαγμένην  ε'.ς  θάνατον,  και  ή  πληγή  τοΰ  θανάτου  αΰτοΰ 
έθεραττεύθη.    Και  *έθαΐ)μάσθη   όλη  ή   γη  όπίσο)  τοΰ  Η•ηρίο•ο.  4.    Και  ιτροσεκύνησαν   *τώ 

dans  ce  livre,  I'auteur  n'attache  pas  tant  d'importance  au  lieu  d'ou  il  regarde  ses 
visions,  puisque  le  monde  entier  est  sous  ses  yeux.  D'ailleurs  έστάθη  I'emporte,  et  il  est 
encore  mieux  en  situation,  car  le  verset  fait  la  transition  entre  le  eh.  xii  et  le  eh.  xiii, 
qui  n'est  que  la  continuation  du  precedent  [supra,  Int.  a  XII).  Ge  sens  n'est  pas  moins 
grandiose  :  le  Dragon  tombe  se  traine  halelant  sur  la  plage  de  la  Mer,  qui  est  Tem- 
blerae  de  I'agitation  et  de  I'inconstance;  la,  vautre  sur  le  sable  sterile,  il  ose  encore 
continuer  la  guerre  contre  Dieu  son  vainqueur,  qui  trone  avec  I'Agneau  dans  la  tran- 
•quille  majeste  du  ciel.  Satan  appelle  de  la  mer  —  c'est-a-dire  a  la  fois  de  I'Abime  et 
de  rOccident  —  le  redoutable  allie  humain  qu'on  va  voir  apparaitre.  Ainsi,  au  ch.  vii 
de  Daniel,  les  vents  etaienten  lutte  sur  la  «  grande  mer  »,  la  Mediterranee,  avant  I'ap- 
parition  des  Quatre  Betes.  Le  contraste  de  la  situation  des  deux  Adversaires  montre 
deja  quelle  pourra  etre  Tissue  du  combat. 

— —  A.  Ch.  xiii,  1.  Remarquer  le  changement  arbitraire  de  cas,  d'l-M  a  επί 2  (Int., 
c.  X,  §  II).  ονόματα  est  lalegon  de  A,  al,  rec.  K.;  mais  N*,  C,  P,  ont  όνομα. 

Β.  1.  Pour  la  description  de  la  Bete,  en  gros,  cfr.  celle  des  «  Quatre  Betes  »  qui 
parait  I'avoir  suggeree  Dan.  vii,  2-suivants;  —  les  «  sept  tetes  »;  cfr.  le  Dragon,  xii,  3; 

—  les  «  cornes  »,  voir  Apoc.  xvii,  12,  et  cfr.  les  10  cornes  de  la  4^  Bete  de  Daniel  vii,  24; 

—  «  blaspheme  »  cfr.  II  Tliess.  II,  4-suiv.  —  Voir  la  prolepse  de  xi,  7;  «  de  la  mer  »  : 
XI,  7  :  «  de  I'Abime  » ;  cfr.  la  vision  de  I'Aigle,  IV  Esd.  xi,  1  :  «  Ecce  ascendebat  de  mari 
aquila  ».  —  Autres  rapprochements,  infra,  C,  et  Exc.  xxx. 

C.  1.  Cette  Bete,  pour  I'ensemble  des  exegetes  anciens  et  modernes,  est  I'Antechrist 
(Irenee,  v,  28,  2,  Hipp.,  Methodius,  And.,  etc.).  Andre  parait  la  mettre  en  rapport  avec 
I'empire  remain  (v.  au  v.  3)  et  le  rapport  est  bien  plus  manifestement  exprime  par 
Victorin  :  «  Regnum  Antichristi,  cum  varietate  gentium  »,  puis,  a  propos  du  ch.  xvii, 
«  Capita  septem...,  civitas  romana  ».  Bossuet  et  son  ecole,  puis  tous  les  modernes, 
meme  Gunkel  malgre  sa  mythologie,  ont  reconnu  ce  rapport  a  I'empire  romain,  qui 
est  deja  sufTisamment  clair  dans  ce  chapitre,  et  deviendra  absolument  manifeste  au 
chap.   XVII  (v.  ad  he). 

Cette  Bete,  en  efTet,  d'apres  le  contexte  et  I'analogie  des  Betes  de  Daniel,  ne  peut 
έtre  qu'un  pouvoir  politique;  elle  represente  —  d'abord,  mais  non  exclusivement, 
comme  nous  I'etablirons,  —  celui  de  Rome  paienne  et  persecutrice.  C'estun  des  «  sym- 
boles  majeurs  »  del'Apocalypse;  apres  qu'elle  est  apparue  fugitivement  dans  la  l'^  sec- 
tion (xi,  7-suiv.),  elle  remplit  la  seconde  de  sa  presence  et  de  ses  mefaits.  Nous  avons 
vu  dans  ΓΙντ.  c.  v,  ii,  §  I,  5  et  nous  preciserons  encore  dans  I'Exc.  xxx  ses  origines 
traditionnelles  possibles.  Quelles  que  soient  d'ailleurs  ces  lointaines  influences,  la  plus 
probable  est  que  Jean  n'a  emprunte  la  figure  que  de  Daniel;  en  effet,  tous  les  traits 
particuliers  de  la  description,  ici  et  au  verset  suivant,  se  retrouvent  dans  ce  prophete, 
ch.  vii.  Les  4  Betes  de  Daniel,  ses  4  empires,  se  sont  fondues  en  une  seule  figure,  et  le 
nombre  7  des  tetes  reprosenterait  I'addition  des  trois  tetes  respectives  des  trois  pre- 
mieres, avec  les  quatre  tetes  de  la  quatrieme  [Holtzin.,  Joh.  Weiss,  possible  pour 
Bousset) ;  on  trouverait  done  encore  ici  une  combinaison  latente  de  3  -|-  4.  Ce  n'est 
d'ailleurs  pas  la  seule  raison  de  ce  chiffre  (v.  Exc.  xxx). 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


185 


C.  xiii.  1.  Et  je  vis  monter  de  la  mer  une  Bete,  ayant  dix  cornes  et  sept 
totes,  et  sur  ces  cornes  dix  diademes,  et  sur  ses  tetes  des  noms  de  blas- 
pheme. 2.  Et  la  Bete  que  je  vis  etait  pareille  k  une  panthere,  et  ses  pieds 
[etaient]  com  me  [ceux]  d'un  ours,  et  sa  bouche  comme  la  bouche  d'un  lion. 
Et  le  Drag-on  lui  donna  sa  puissance  et  son  trone  et  une  grande  autorite. 
3.  Et  I'une  de  ses  tetes,  [je  la  voyais]  comme  ogorgee  k  mort,  et  sa  plaie 
mortelle  {Hit.  la  plaie  de  sa  mort)  avait  ete  guerie.  Et  la  terre  entiere 
s'emerveilla  derriere  la  Bete.  4.  Et  ils  se  prosternerent  devant  le  Dragon, 


La  Bete  monte  de  la  mer,  comme  I'Aigle  d'Esdras;  si  nous  nous  rappelons  le  rap- 
port de  la  mer  et  de  I'Abime  (voir  viii,  1 ;  xi,  7;  xvii,  8),  elle  a  une  double  origine,  I'une 
historique  :  c'est  un  empire  ne  a  lOccident  mediterraneen ;  I'autre  mystique  :  elle  est 
suscitee  par  I'Enfer.  Ses  sept  tetes,  a  la  difference  de  celles  du  Dragon,  ne  sont  pas 
les  «  espints  de  Beliar  «,  ou  telle  autre  figure  d'ordre  moral,  mais  des  empereurs, 
comme  Jean  nous  le  dira  lui-meme;  il  nous  expliquera  aussi  que  les  «  cornes  »  sont 
des  rois  ou  des  royaumes  (xvii).  On  a  remarque  que  ce  sont  les  cornes,  et  non  les  tetes 
elles-memes,  qui  sont  ici  couronnees ;  mais  les  unes  et  les  autres  sont  des  realites  du 
meme  ordre.  Ce  n'est  pas  encore  le  lieu  de  les  identifier,  puisque  I'attention  se  porte 
tout  entiere  ici  sur  le  Monstre  lui-mSme  qui  les  porte.  Notons  seulement  que,  puisque 
les  tetes  sont  des  empereurs  remains,  done  des  souverains  qui  viennent  I'un  apres 
I'autre,  nous  trouvons  dans  cette  vision  une  representation  simultanee  de  realites  suc- 
cessives,  tandis  qu'ailleurs  (Cavaliers,  Trompettes.  Vae),  c'etaient  plutot  des  realites 
simultanees,  ou  enchevetrees,  qui  apparaissaient  sous  forme  de  succession;  I'Apoca- 
lypse  est  on  ne  peut  plus  libre  dans  ses  combinaisons  symboliques.  D'ailleurs,  cette 
combinaison  de  7  tetes  et  de  10  cornes  est  bien  peu  plastique ;  elle  est  plus  «  pensee  » 
que  «  vue  »  (Int.  c.  vii,  viii,  x,  §  III,  xii). 

Les  «  noms  de  blaspheme  »  doivent  etre  les  litres  divins,  «  Divus  Augustus  »,  etc. 
que  les  empereurs  s'arrogeaient.  Bede  :  «  Reges  enim  suos  deos  appellant,  et  velut  in 
coelum  atque  inter  deos  translates,  quos  etiam  in  terris  Augustas,  quod  est  nomen,  ut 
volunt,  deitatis  ».  Si  on  lit  le  singulier  ovo[jLa,il  est  naturel  de  supposer  θεό?  ou  Σεβασ-ός, 
«  Augustus  »,  qui  avait  le  sens  religieux  d'un  pouvoir  de  I'ordre  divin.  Rappelons- 
nous  aussi  la  «  Dea  Roma  »,  adoree  depuis  si  longtemps  dans  les  adulatrices  cites 
d'Asie  (Int.  c.  i;  in,  et  comment,  des  ch.  ii-m  et  Exc.  xxx).  Dans  II  Thess.,  ii,  4-suiv., 
I'Antechrist  pretend  de  meme  a  la  divinite  [Holtzmann,  Bousset,  Calmes,  Swete, 
presque  tons). 

B.  C.  2.  Cette  Bele,  dit  S^vete,  condense  en  elle  la  puissance  et  les  vices  des 

trois  premieres  de  Daniel  :  I'agile  ferocite  de  la  panthere  [Dan.  vii,  6),  la  force  massive 
de  fours  [Dan.  vii,  5),  I'orgueil  du  lion  [Dan.  vii,  4)  et  aussi  (v.  infra)  f insolence  de  la 
bate  innomee,  aux  dix  cornes  [Dan.  vii,  7-suiv.). 

Satan  fa  appelee  de  la  mer,  et  il  fattend  pour  lui  donner  finvestiture,  devant  le 
grand  spectacle  d'instabilite  des  Hots.  II  lui  donne  sa  puissance  et  son  «  trohe  » ;  son 
trone  de  «  prince  du  monde  »  detrone!  L'ironie  sereine  et  souveraine  de  saint  Jean  se 
sent  dans  ce  passage.  C'est  une  ridicule  parodie  de  fintronisation  de  f Agneau  au 
ciel  (v.  supra,  int.);  mais  les  habitants  de  la  terre  vont  s'y  laisser  prendre. 

L'Empire  romain  —  ainsi  que  les  autres  pouvoirs  qui  lui  ressembleront  dans  I'avenir, 
tous  symbolises,  nous  le  verrons,  par  la  Bete,  —  sont  done  vassaux  de  Satan,  le  ser- 
pent deja  ecrase;  c'est  pourquoi,  si  I'oii  creuse  jusqu'au  fond  du  symbolisme,  ils  nais- 
sent  avec  une  plaie  mortelle,  qui  n'est  guerie  qu'en  apparence  (v.  3).  Telle  avait  ete 
f  experience  des  persecutions  commencees ;  la  lumiere  prophetique  montrait  au  voyant 


186  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

δρά-λοντι,  'ότι  εδωκεν  τήν  έξουσίαν  τω  θηρίω,  καο  προσεχώνησαν  *τω  θηρίω  λέγοντες* 
Τις  'όμοιος  τω  θηρίω,  και  τίς  δύναται  χολεμησαι  *μετ'  αΰτοΰ ;  5.  Και  εδόθη  αυτω 
στόμα  λαλούν  μεγάλα  και  βλασφημίας,  και  εδόθη  αυτω  εξουσία  *χοι•?(σαι  μήνας  τεσσε- 
ράκοντα  δύο.  6.  Κα•  ήνοιξεν  το  στόμα  αϋτου  εις  *βλασφημ{ας  προς  τον  θεόν,  βλασφη- 
μησαι  το  όνομα  αυτοϋ  και  τήν  σκηνήν  αύτοΰ,  *τούς  εν  τω  οΰρανω  '''σκηνοΰντας.  7.  Και 
εδόθη  αυτω  χοιγ^σαι  -όλεμον  *μετά  των  άγί())ν  και  νικήσαι  αυτούς.  Και  εδόθη  αϋτω 
εξουσία  έπι  πασαν  φυλή  ν  και  λαόν  και  γλώσσαν  και    ε'θνος.  8.   Και  *προσκυνήσουσιν 


que,  depuis  Neron,  il  en  seraitde  plus  en  plus  franchement  ainsi.  L'Empire  ne  pouvait 
plus  etre  presente  eomme  un  principe  d'ordre,  ainsi  que  I'avait  fait  saint  Paul,  Rom. 
XIII,  1,  et  S.  Pierre,  I  Pet.  ii,  13.  Gomme  la  I  Pet.  date  elle-meme  des  dernieres  annees 
de  Neron,  ce  changement  de  ton  et  de  point  de  vue  dans  I'Apocalypse  est  a  lui  seul 
I'indice  d'un  temps  assez  posterieur  (L>t.  c.  ii,  xiii).  Gependant,  en  choses  licites  et 
indifferentes,  les  recommandations  d'obeissance  et  de  civisme  des  grands  Apotres  ne 
sont  pas  abrogees  pour  cela  (cfr.  xiii,  9-10). 

-^—  A-B.  3.  μίαν,  accusatif,  senible  regi  par  εΤδΌν  du  v.  1,  qui  du  reste  a  ete  sup- 
plee  par  Ap  11-95-2040,  et  plusieurs  mss.  de  la  i>ulg.  —  έθαυμάσθη  (Ιθαύμασεν,  κ,  Ρ,  Q, 
minusc.  pi.,  Aret.),  forme  passive  a  sens  intransitif,  cf.  xvii,  8,  v.  Blass-Deb.  §  78.  — 
Ισφαγίλένην,  contrefaQon  de  I'Agneau  «  comme  egorge  »,  v,  6;  cfr.  xiii,  14;  xvii,  11.  — 
«  La  plaie  de  sa  mort  »  pour  κ  sa  plaie  mortelle  »  semble  un  semitisme. 

C.  3.  La  Bete  etant,  sous  un  aspect,  une  caricature  de  TAgneau-Lion,  cette  bles- 
sure  et  cette  guerison  sont  rapprochees  intentionnellement  de  la  passion  et  de  la  resur- 
rection du  Christ,  par  I'usage  du  meme  participe  (Ισφαγμένην) ;  on  peut  aussi  comparer 
la  resurrection  des  2  Tomoins  (xi,  11-12).  Plus  loin,  blessure  et  guerison  seront  attri- 
buees,  non  a  une  seule  tete,  mais  a  la  Bete  elle-meme  (xiii,  12,  14);  c'est  qu'il  y  a 
flottement  dans  le  symbolisme  entre  un  empereur  determine,  et  I'Empire  dont  il  re- 
presente  le  mieux  le  caractere  nefaste  (Int.  c.  vi).  Nous  examinerons  plus  tard  les 
rapports  possibles  de  ce  symbole  onqq.  la  legende  du  «  Nero  redivivus  ».  Pour  le  sens,  il 
ne  faut  pas  penser  a  une  pure  figure  de  I'avenir,  a  tel  ou  tel  lieutenant  de  I'Antechrist 
personnel,  comme  plusieurs  anciens  I'ont  fait;  mais,  parmi  les  interpretations  que 
donne  Andre,  il  faut  en  remarquer  deux  :  a)  I'empire  romain,  fractionne  en  dix,  sera 
reconstitue  par  I'Antechrist  sous  la  forme  monarchique  d'Auguste;  b)  I'Antechrist  fera 
revivre  le  royaume  de  Satan,  ruine  par  le  Ghrist.  Le  symbolisme  s'est  inspire  sans 
doute  de  la  premiere  idee,  Jean  a  pense  a  la  puissance  imperiale  restauree  apres 
qu'on  a  pu  croire  a  sa  ruine  (v.  Int.  c.  xiv  et  Exc.  xxx) ;  mais  il  en  etend  le  sens,  pour 
exprimer  la  seconde.  Cette  reviviscence  perpetuelle  de  la  Bete-Antechrist,  c'est  un 
phenomene  historique  qui  se  reproduira  a  diverses  epoques  de  I'histoire,  au  cours  fati- 
dique  des  42  mois;  nous  I'entendons  par  consequent  de  la  meme  fagon  que  la  resurrec- 
tion des  Deux  Temoins  (xi,  11-12)  dont  elle  est  la  contre-partie,  aussi  bien  que  de  celle 
du  Christ.  Quant  aux  peripeties  de  I'histoire  d'alors  qui  ont  pu  donner  occasion  a 
I'emploi  de  cette  figure,  nous  en  parlous  a  I'Exc.  xxx. 

_^.^  A-B.  4.  προσχυνεϊν  se  construit,  tantot  avec  le  datif,  tantot  avec  I'accusatif ;  ici 
il  est  suivi  dans  les  deux  cas  du  datif  (τω  δράκοντι,  ν,  C,  A,  Q,  P,  Ajidre,  Arethas,  etc., 
I'accusatif  est  rare;  et  τω  θηρίω  χ,  C,  Q,  Ρ,  Arethas,  qqs  And.,  rec.  K,  contre  το  θηρίον 
dans  A,  Av  40-79-2036,  al.).  Le  seul  accusatif  est  classique,  et  le  datif  est  ordinaire 
dans  les  LXX.  Dans  le  N.  T.,  le  datif  est  uniforme,  excepte  dans  Apoc,  Joh.,  Luc  et 
Mat.  (une  fois)  ou  se  rencontre  occasionnellement  I'accusatif.  II  semble  que  les  cas 
difTerents  repondent  a  une  double  nuance  du  sens  :  I'accusatif  indiquerait  facte  int^- 
rieur  et  exterieur  a  la  fois  de  latrie.  qui  ne  se  rend  qu'a  Dieu  ou  a  un  etre  considore 


APOCALYPSE    DK    SAINT   JEAN.  187 

parce  qu'il  avait  donne  Fautorite  a  la  Bete,  et  ils  se  prosternerent  devant 
la  Bete,  disant  :  «  Qui  est  pareii  a  la  Bote,  et  qui  peut  guerroyer  avec  elle?  » 
5.  Et  il  lui  fut  donne  line  bouche  grandiloquente  et  [proferant]  des  blas- 
phemes, et  il  lui  fut  donne  faculte  de  faire  [ses]  quarante-deux  mois.  6.  Et 
elle  ouvrit  sa  bouche  en  blasphemes  centre  Dieu,  pour  blasphemer  son 
nom  et  son  tabernacle,  ceux  qui  ont  leur  tente  dans  le  ciel.  7.  Et  il  lui  fut 
donne  de  guerroyer  avec  les  Saints,  et  de  les  vaincre.  Et  il  lui  fut  donne 
autorite  sur  toute  tribu  et  peuple  et  languc  et  nation.  8.  Et  ils  Tadoreront, 


commedieu;  le  datif  exprime  plutot  le  gesle  exterieur  de  prosternement,  soil  devant 
Dieu,  soil  devant  tout  etre  qu'on  honore  comme  un  superieur.  Ces  nuances  sont  tres 
visibles  si  Ton  compare  Mat.  iv,  9  et  iv,  10,  ou  le  demon  demande  a  Jesus  un  acte  exte- 
rieur de  soumission,  qui  n'est  du,  lui  repond  le  Glirist,  qu'a  Dieu  qu'on  adore;  cfr. 
Luc.  IV,  8,  parall.  a  Mat.  iv,  10,  et  xxiv,  52  (adoration  par  les  disciples  du  Christ  res- 
suscite,  cfr.  Joh.  xx,  28);  comparer  aussi  Joh.  iv,  21  (rites  exterieurs  du  culte,  en 
premier  lieu)  auxversets  suivants,  22,  23,  24,  oii  il  s'agit  d'adoration  a  la  fois  spirituelle 
et  materielle.  Dans  VApoc,  on  lit  le  datif  i  v,  10  (geste  des  Vieillards),  vii,  11  (gestes 
des  Anges),  xi,  16  (geste  des  Vieillards),  ici  xiii,  4,  puis  xiii,  15  (veneration  de  I'image 
de  la  Bete),  xiv,  17  (equivalent  a  «  donner  gloire  a  Dieu  »),  xvi,  2  (image  de  la  Bete); 
XIX,  4  ;  10  deux  fois  (geste) ;  id.  xxii,  9 ;  xix,  20  (devant  I'image).  Par  contre,  accusatif  ix,  20 
(polytheisme),  xiii,  8  et  12,  ainsi  que  xiv,  9, 11  et  xx,  4,  passages  oii  il  s'agit  toujours 
de  la  Bete,  et  que  nous  aurons  a  expliquer.  Mais  deja  cette  petite  enquete  nous  montre 
que  la  distinction  de  sens  parait  bien  fondee  ;  elle  est  d'une  grande  importance,  comme 
nous  aliens  bientot  le  voir.  Aussi,  suivantle  cas,  avons-nous  cru  devoir  rendre  προσκυνάω 
par  deux  mots  dilTerents  en  francais  (voir  Abbott,  Joh.  gr.,  §§  16Ί0-1651  et  2019).  — 
πολ.  μετ' αύτοΰ,  cfr.  ii,  16;  xii,  7;  xvii,  14.  Int.,  c.  x,  §  II.  —  τ(ς  δμοιος  κτλ.  est  comme  une 
imitation  des  louanges  divines  dans  Ex.  xv,  11  et  plusieurs  passages  des  Psaumes 
[Sf^'ete). 

C.  4.  Le  monde  s'incline  devant  la  force  brutale  de  I'Empire  des  Cesars,  et  se 
soumet  de  corps  et  d'ame  au  principe  qui  I'inspire,  et  qui,  pour  saint  Jean,  n'est 
autre  que  le  Dragon.  Ge  Dragon  remplit  a  I'egard  de  sa  Bote  le  meme  role  que  Dieu 
a  regard  de  I'Agneau  (ch.  v,  vid.  supra).  II  ne  s'agit  pas  encore,  croyons-nous,  — 
a  cause  du  datif,  —  de  Tadoration  proprement  dite  des  empereurs,  mais  plutot  d'admi- 
ration  et  de  soumission  servile.  Bousset,  Calmes,  Swete,  et  presque  tons,  y  voient 
deja  le  culte  imperial,  parce  que  le  processus  en  etait  deja  commence,  et  cela  des 
le  premier  siecle  avant  notre  ere  (Exc.  xxx).  Mais  il  faut  respecter  la  gradation  de 
Jean,  qui  ne  parlera  en  termes  sans  ambiguite  de  ce  culte  qu'a  partir  du  v.  8. 

— ^—  A.  B.  5.  εξουσία  ποιησαι  :  il  n'est  pas  necessaire  de  suppleer  δ  θέλει  (ν)  ou 
πόλεμον  [rec.  Κ,  qqs  And.),  ou  de  changer  en  πολεμησαι  {Orig.,  al.) :  ποιεΤν  absolu  peut 
signifier  «  agir  »,  ou  bien  etre  pris  au  sens  du  latin  «  facere  diem,  annum  »;  comme 
Mat.  XX,  12  :  μίαν  ώραν  εποίησαν  et  Act.  xx,  3  :  ποιτ^σας  τε  μήνας  τρεΓς.  L'expression  fami- 
liere  fran^aise  que  nous  avons  choisie  «  faire  [ses]  quarante-deux  mois  »,  y  repond 
a  peu  pros  litteralement  —  σττο'μα  λαλ.  μεγ.,  expression  de  Dan.  vii,  8,  20;  —  42  mois, 
cfr.  supra,  les  chapp.  xi  et  xii.  —  εδόθη,  cfr.  les  sauterelles,  ix,  5. 

G.  5.  «  II  fut  donne  »  a  cette  Bete,  soit  par  le  Dragon,  soit  par  Dieu,  au  sens  large 
d'un  decret  permissif  dans  ses  desseins  mysLerieux,  une  bouche  ari'ogante,  blasphe- 
matrice,  comme  a  la  «  petite  corne  »  de  la  4<^  Bote  de  Daniel,  c'est-a-dire  a  Antiochus 
Epiphane,  type  ancien  de  I'Antechrist  [Dan.  vii,  8,  20,  25).  Elle  aura  sa  liberie  d'action 
pendant  42  mois,  mais  pas  davantage;  son  temps  est  strictement  limite  {okl-^oz,  /.αφο'ς 


188  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

*αυτον  ζάντες  ot  κατοικουντες  επί  της  γης,  *ου  ου  γέγραχται  το  όνομα  αυτού  εν  τω 
βιβλ(ω  της  ζωής  τοΰ  άρνίου  τοΰ  έσφαγμ,ένου  *άπο  καταβολής  κόσ;/ου. 

9.  Ε'ί  τις  έ'χει  οδς,  άκουσάτω.  10.  Ει'  ης  *είς  αίχμαλωσίαν,  εις  αίχμαλωσίαν 
ύττάγε!,"  ει  τις  *έν  *μ-αχαίρη  ά-οκτενεϊ,  δει  αϋτον  *έν  *μ,αχαίρη  ά-οκτανθηναι.  Ώδε 
έστιν  ή  ύ7:ο;^-ονή  και  ή  χίστις  των  άγιων. 

11.  Και  ειοον  άλλο  Οηρίον  άναβαΐνον  εκ  της  γης,  και  ειχεν  κέρατα  ούο  ομ.οια 
*αρνύο,  και  έλάλει  ως  οράκο^ν.   12.   Και  την  έςουσίαν  του  ιζρύηοΐ)  θηρίου  πασαν  ποιεϊ 

du  Dragon,  χιι,  12).  II  durera  juste  autant  que  la  profanation  du  Temple  et  la  predi- 
cation des  2  Temoins  (xi,  3)  et  que  la  retraite  de  la  Femme  au  desert  (xii,  6,  14.). 
Nous  saisissons  ici  le  lien  etroit  qui  unit  toutes  ces  scenes;  ce  sont  evidemment 
des  evenements  simultanes,  ou  divers  aspects  d'une  meme  periode.  En  realite  les 
42  mois  s'etendront  jusqu'a  la  Parousie  (v.  Exc.  xxiii;  comment,  du  ch.  xvii;  du  ch.  xx); 
cependant  c'est  δλίγος  κχφός  pour  le  Dragon,  etre  de  nature  angelique  qui  compte  les 
jours  par  mille  annees,  et  pour  les  martyrs  deja  recompenses  au  ciel  (vi,  11)  v.  Exc. 

XIII. 

—^  A.  B.  6.  βλασφημίας,  (Ν,  G,  etc.  vidg.),  ailleurs  le  singulier.  —  καί  ajoute 
entre  τήν  σκ.  α.  et  τουςσκην.  (h}*^,  Q,  nombreux  And.,  versions,  Iran.)  parait  n'etre  qu'une 
addition  pour  faciliter  le  sens.  Prim.  :  «  tabernaculum  ejus  qui  in  coelis  inhabitat  » 
(του  Iv  oup.  σκηνοΰντος  ?) ;  τους  σχηνον3ντας  n'est  donc  sans  doute  qu'uue  apposition  a  σκηντήν; 
et,  puisqu'il  s'agit  de  I'habitation  des  cieux,  σκηνή  designe  une  demeure  permanente ; 
cfr.  XII,  12;  vii,  15;  xxi,  3;  on  rencontre  epars  les  solecismes  assez  habituels  σχηνοΰντες 
(n),  al.  /ατοικοΰντες,  οίκοΰντες. 

C.  6.  La  Bete  «  ouvrit  la  bouche  »,  pour  ne  plus  la  farmer;  elle  prelude  a  des  dis- 
cours  qui  blasphement  le  «  nom  de  Dieu  »,  peut-etre  parce  que  les  Cesars  s'arro- 
geaient  le  nom  incommunicable.  Le  «  Tabernacle  »  n'est  certainement  pas  celui  de 
Jerusalem,  centre  plusieurs  qui  voient  ici  une  source  juive,  et  I'apposition  de  σκηνουντας 
a  σκηνη'ν  rend  tres  probable  I'interpretation  spirituelle  a'Andri  :  I'habitation  de  Dieu 
dans  le  coeur  des  Saints,  meme  des  ici-bas  par  la  grace,  et  plus  tard  au  ciel;  cfr.  vii, 
15  :  σκηνώσει  1%    αυτούς. 

—-'  Δ.  Β.  7.  έδο'θη'-2  omis  C,  A,  et  quelques  autres,  par  homoioteleuton.  —  πολ. 
[Αετα,  Int.  c.  x,  §  II.  —  «  Faire  la  guerre  avec  les  Saints,  et  les  vaincre  »,  comme 
Dan.  VII,  21,  dit  de  la  «  petite  corne  »;  cfr.  aussi  Apoc.  xi,  7.  —  φυλη'ν  λαο'ν,  etc., 
expression  stereotypee,  cfr.  vii,  9;  xi,  9,  etc. 

C.  7.  «  II  lui  fut  donne...  de  vaincre  »  les  saints,  comme  aux  sauterelles,  ch.  viii, 
de  tourmenter  les  hommes.  Comme  rien  ne  se  fait  en  dehors  du  plan  divin,  c'est 
une  concession  divine  temporaire ;  les  fideles  ne  doivent  donc  pas  s'en  decourager. 
L'expression  rappelle  tout  a  fait  xi,  7;  il  n'y  a  donc  pas  de  doute  qu'il  s'agisse  des 
memes  evenements,  se  deroulant  pendant  42  mois  (avec  les  3  jours  1/2  de  la  fin, 
apogee  de  la  puissance  du  mal,  νικησαι),  et  ceci  confirme  encore  I'interpretation  des 
«  Deux  Temoins  »  par  les  Saints  en  general.  Le  pouvoir  de  la  Bete  est  si  etendu 
qu'il  n'y  a  pas  de  refuge  contre  elle,  sauf  celui  de  la  vie  surnaturelle  interieure, 
symbolise  par  la  retraite  de  la  Femme  au  desert  et  les  images  similaires  (v.  xii,  6,  etc.), 
tandis  que  le  Dragon,  au  nioyen  de  sa  Bete,  fait  la  guerre  a  la  descendance  de  la 
Femme,  cfr.  xii,  17. 

■  A.  B.  8.  Bien  remarquer  le  futur  ζροσκυνήσουσι,  dans  I'universalite  des  textes, 

et  Vaccusatif  αυτόν  (masculin,  car  la  Bete  est  un  etre  personnel) ;  αύτω  est  beaucoup 
moins  bien  atteste  (x,  And.).  Vid.  supra,  au  v.  4.  A.  B.  —  ου...  αυτού  dans  G,  A,  ών... 
αυτών  dans  Ν",  qqs  And,  syr.;  il  faut  conserver  Γ  «  hebraisme  »  (Int,  c.  x,  §  II),  et 
sans  doute  aussi  la  faute  du  passage  au  singulier,  contre  Soden.  —  άπο  κατ.  κόσμου 


APOCALYPSK  DE  SAINT  JEAN.  189 

tous  ceux  qui  habitent  sur  la  terre,  de  qui  le  nom  ne  se  trouve  pas  ecrit 
dans  le  livre  de  vie  de  I'Agneau  egorg-e,  depuis  la  fondation  du  monde. 

9.  Si  quelqu'iin  a  des  oreilles,  qu'il  ocoute.  10.  Si  quelqa'un  [est  destine] 
a  la  captivite,  il  s'en  va  en  captivite ;  si  quelqu'un  tue  avec  I'epee,  il  faut 
que  lui-meme  soittue  avec  I'^pee.  Ici  est  la  patience  et  la  foi  des  saints. 

11.  Et  je  vis  une  autre  Bete  monter  de  la  terre,  et  elle  avait  deux  comes 
pareilles  a  un  agneau,  et  elle  parJait  comme  un  dragon.  12.  Et  I'autorite 
de  la  premiere  Bete,  elle  [Γ]  exerce  toute  en  face  d'elle.  Et  elle  fait  que  la 


doit  etre  joint,  non  a  εσραγ[Αένου,  malgre  le  beau  sens  mystique  que  cela  a  fourni  a 
d'anciens  commentateurs,  mais  a  γέγραπται,  comme  le  prouve  la  comparaison  avec 
XVII,  8  (v.  ad  loc.)  —  «  livre  de  vie  »,  cfr.  iii,  5,  etc.,  v.  Exc.  xvi;  il  appartient 
a  Γ  «  Agneau  immole  »,  cfr.  v,  6,  qui  a  aussi  ouvert  le  livre  aux  sept  sceaux. 

C.  8.  Jean  a  eu  la  vision  du  pouvoir  immense  de  cette  Bete,  et  de  ses  persecutions; 
ce  sont  choses  du  passe  et  du  present,  il  employait  done  des  aoristes;  maintenant, 
la  lumiere  prophetique  lui  fait  voir  qu'on  Vadorera,  au  propre  (cfr.  ix,  20,  encore 
Vaccusatif  δαιι^ονία,  le  polytheisme),  en  la  prenant  pour  un  dieu.  Personne  ne  doutc 
plus  qu'il  s'agisse  ici  du  culte  imperial.  Mais  la  pleine  realisation  de  ce  trait  de 
la  vision,  et  de  tout  ce  qui  suit,  12-suiv.,  est  encore  reservee  a  I'avenir  (Exc.  xxx). 

— —  B.  C.  9.  Formule  evangelique;  cfr.  aussi  I'avertissement  a  la  fin  des  Lettres, 
ch.  ii-iii.  Jean  attire  I'attention  des  chretientes  d'Asie  sur  la  gravite  tres  actuelle 
de  I'avertissement  qui  va  suivre;  il  est  en  meme  temps  d'une  portee  generale. 

— ^—  A.  10.  ε/ει  pour  εις  [rec.  K,  qqs  And.);  αιχμαλωτίζει  pour  ε?ς  atyp..,  ou,  apres 
αίχμ.,  addition  de  απάγει  ou  συνάγει  (qqs  And.,  Iran.,  Orig.,  Prim.,  syr.;  vulg^^^™-  :  «  duxe- 
rit»,  g).  Nous  avons  choisi  la  logon  de  A,  de  nombreux  And.,  de  arm.,  fuld.,  avec 
W-H,  Nestle,  etc. ;  le  second  εις  άιχμ.  a  ete  aisement  omis  par  suite  d'homoioteleuton ; 
d'oii  la  legon  pure  et  simple  :  ει'  τις  εις  αϊχμαλωσίαν,  υπάγει  de  i<,  G,  ρ,  Q,  Apll-95-2040, 
And.,  admise  de  Soden  comme  plus  probable;  Bousset  admet  απάγει,  et  ci-oit  que  ce 
mot  a  ete  supprime  par  assimilation  a  Jer.  xv,  2  :  δσοι  εις  θάνατον  κτλ.  —  εν  μαναίοη  bis, 
εν  instrumental  et  forme  ionienne,  admise  de  W-H,  etc.,  non  de  Soden  (Int.  c.  x,  S  II) 
—  ωδε  au  sens  de  «  ici  »,  cfr.  xiii,  18;  xiv,  12;  xvii,  9;  ώδε  εστίν,  pour  attirer  I'attention, 
au  sens  local  ordinaire,  hellenistique,  iv,  1;  xi,  12. 

B.  C.  10.  Notre-Seigneur,  quand  on  le  faisait  captif,  avait  dit  a  Pierre  :  «  Tous 
ceux  qui  auront  pris  I'epee  periront  par  I'epee  »  Mat.  xxvi,  52.  Jean  avertit  de  meme 
les  fideles  qu'il  faudra  se  resigner  aux  arrestations  et  aux  autres  maux;  I'Eo-lise 
ne  doit  pas  resistor  aux  persecutions  par  la  force;  confiante  dans  le  secours  de  Dieu, 
elle  monlrera  ainsi  sa  foi  et  sa  patience.  Ainsi  comprend  Swete,  et  tres  cxactement, 
a  notre  avis.  Ce  passage,  dont  I'importance  est  reievee  par  ravertissement  du  v.  9, 
est  bon  a  retenir  centre  ceux  qui,  comme  Rcnan,  parient  du  «  fanatisme  »  de  I'Apo- 
calypse.  D'autres  admonitions  de  meme  nature  interrompeut  le  recit  des  visions, 
dans  cette  section  si  actuelle  pour  les  chretiens  d'Asie,  aux  passages  cites  ci-dessus. 

A.  B.  C.  11.  δμοια  άρνίω,  ellipse  tres  dure  —  Και  είδον  marque  ici,  non  pas  un 

changement  de  vision,  mais  un  progres  dans  la  vision  unique.  Du  v.  11  au  v.  17 
saint  Jean  montre  comment  I'univers  en  viendra  a  adorer  la  Bete ;  toute  cette  poricope 
lui  sert  a  I'expliquer,  par  un  precede  qui  lui  est  habituel  (xii,  int.)  (προσκυντίσουσι  du 
V.  8).  Elle  regarde  done  I'avenir,  comme  ce  verset  8,  quoique  ces  evenements  soient 
en  germe  dans  le  present. 

Cette  «  Autre  Bete  »  monte  de  la  terre,  (;'est-a-dire  de  I'Asie,  par  opposition  a  la 
«  Mer  »,  aux  pays  occidentaux,  d'ou  la  Premiere  etait  venue.  Par  ses  cornes,  elle  res- 


190  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

ένώ-ιον  ajTSJ.  Kai  -oieX  *την  γην  καΙ  τους  εν  al)~f^  κατοικοΰντας  *ί'να  *7:ps!j/,'j- 
νήσουσιν  το  Ητ,ρίοΊ  το  τρώτον,  ου  έθερα~εύθη  ή  πληγή  τοΰ  θανάτου  *Λυτου.  13.  Καΐ 
*7:οιεϊ  σημεία  μ.εγάλα,  *ϊ'να  και  ττΰρ  τ:οι•?)  έκ  του  ουρανού  καταβαίνειν  ε'.ς  τήν  γην 
ένώ•;:ιον  των  άνΟρώζων.  14.  Καί  ζλανα  τους  κατοικουντας  έ•::ί  της  γης  οια  τα  σημ.εϊα 
α  έοόθη  αϋτω  ζοιησαι  ένώχιον  τοΰ  θηρίου,  *λέγων  τοις  κατοικουσιν  έ-ί  της  γης  ποίησα», 
εικόνα  τω  θηρίω,  *ος  εγει  τήν  πληγήν  της  *μ.αχαίρης  και  έζησεν.  15.  ΚαΙ  εδόθη 
αΰτω  δούναι  πνεύμα  τη   εΐκόνι  του    ^τ,ρίοΐ),   ϊνα  και  λαλήση  ή   εΐκών  τοΰ  θηρίου,  και 

semble  a  un  agneau,  elle  est  benoite  et  parait  a  peine  armee;  mais  son  langage  est 
celui  d'un  dragon;  cf.  Asc.  Is.  iv,  6,  ού  il  est  dit  de  Beliar-Neron  :  «  Faciet  ac  loquetur 
sicut  Dilectus.  »  II  y  a  evidemment,  malgre  I'absence  d'articles,  un  rapprochement 
voulu  avec  «  I'Agneau  »  et  «  le  Dragon  » ;  c'est-a-dire  que  cet  etre  malfaisant  cherchera 
aussi,  a  sa  maniere,  et  sous  un  autre  aspect  que  la  Bete  de  la  Mer,  a  ressembler  au 
Christ;  ailleurs  il  reparaitra  sous  la  designation  de  «  Faux  Prophete  »,  xix,  20;  xvi,  3; 
XX,  10;  Jesus  avait  dit,  dans  le  sermon  sur  la  montagne  :  «  Prenez  garde  aux  faux 
prop/ieies,  ceux  qui  viennent  a  vous  i'eius  en  brebis,  mais  interieurement  sont  des 
loups  ravisseurs  »  [Mat.  vii,  15),  et,  dans  I'Apocalypse  synoptique,  il  avait  premuni 
ses  disciples  contre  I'apparition  de  tels  seducteurs  dans  les  «  novissima  tempora  ».  Le 
caractere  de  celte  Deuxieme  Bete,  autochthone,  est  d'ores  et  deja  suffisamnient  indique ; 
e'est  une  puissance  d'ordre  intellectuel  et  religieux,  et  non  plus  politique,  comrae  la 
Premiere.  Nous  verrons  qu'il  est  vain  de  chercher  son  origine  dans  aucune  mythologie, 
et  qu'elle  ne  peut  signifier  que  des  religions  locales  syncretistes,  analogues  au  chris- 
tianisme  par  certaines  apparences  superficielles,  et,  secondairement,  les  philosophies 
mystiques  futures,  peut-etre  aussi  les  heresies  (Exc.  xxx). 

G'est  I'autre  face  de  I'Antechrist;  le  Dragon  a  reussi,  autant  qu'il  le  pouvait,  a  se 
faire  son  Agneau  a  lui,  mais  en  deux  morceaux,  pour  I'opposer  a  Γ  «  Agneau  egorge  », 
au  «  Lion  de  Juda  »,  qui  regno  deja  sur  la  terre,  et  I'a  vaincu  au  ciel. 

'  '  A.  C.  12.  Remarquer  la  construction  t.ouX  τήν  γην...  ϊνα...  (Ικτ.  c.  χ,  §  II); 

έ-οίει  0U  -οιήσει  seulement  dans  quelques  mss. ;  προσκυντίσουσι,  futur  (Int.  c.  x,  §  II)  dans 
G,  A,  al.;  ailleurs,  -σωσι.  —  Le  datif  τω  θηρ.  ne  se  trouve  que  dans  quelques  mss. 
And.;  —  Γ  «  hebraisme  »  οδ...  αυτοΰ.  —  La  guerison  de  la  blessure  mortelle  est  la  cause 
qui  fait  la  terre  entiere  adorer  la  Bete  {supra),  la  «  Bete  »  et  la  «  Tete  »  sont  done  ici 
identifiees;  nous  verrons  plus  loin  ce  que  cela  signifie  (Ι.\τ.  c.  vi  et  Exc.  xxx).  II  s'agit 
ici  du  succes  universel  du  culte  imperial;  il  faut  le  prendre  au  sens  large  de  la  menta- 
lite  generale  causee  par  la  religion  polytheiste,  la  philosophie  mystique  et  les  heresies 
paganisantes. 

— — —  A.  B.  C.  13.  Encore,  par-ci  par-la,  ir.oUi  ou  ποη\σει  —  Ici,Tva  =  ώστε,  en  sorle 
que  (Int.  c.  x,  §  I-II).  —  Comparer  les  miracles  des  vrais  prophetes,  comme  Elie,  I  Reg. 
xviii,  38;  II  Beg.  i,  10,  et  ceux  des  «  Temoins  »,  xi,  5.  La  B^te  de  la  terre  donne  done 
des  «  signes  du  ciel  »,  et  imite  par  ses  prestiges  les  merveilles  des  plus  authentiques 
envoyes  de  Dieu.  Notre-Seigneur  I'avait  predit,  Marc  xiii,  22,  et  parall. ;  cfr.  aussi 
II  Thess.  II,  9,  les  prodiges  de  Γ  «  homme  de  poche  ».  La  base  historique  de  cette 
description  peut  etre  le  charlatanisme  des  pretres  et  des  thaumaturges  paiens,  v.  infra, 
V.  14  et  15. 

A,  B.  C.  14.  λέγων  et  2;  (pour  8,  dans  G,  A,  Q,  g,  nombreux  And.),  accords 
ad  sensum  plutot  que  solecismes.  —  εΙ'-/εν  pour  ε/ει,  rec.  K. ;  —  ι^α/αίρης,  forme  ionienne, 
comme  ci-dessus  (L\t.  c  x,  §  II).  —  εδόθη,  cfr.  v.  5.  —  Le  Faux  Prophete  opere  ses  pres- 
tiges devant  la  Bete,  c'est-a-dire  devant  les  Empereurs  et  leurs  representants,  ayec 
leur  faveur;  le  resultat,  la  mentalite  intellectuelle,  sociale  et  mystique,  symbolisee  par 
la  2•-'  Bete,  est  de  fortifier  le  culte  imperial.  On  sait  le  role  que  joua  la  statue  de  I'em- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  191 

terre  et  ceux  qui  y  habitent  adoreront  la  premiere  B6te,  dont  la  plaie  mor- 
telle  [litt.  la  plaie  de  sa  mort)  fut  guerie.  13.  Et  elle  fait  des  signes  grands 
[et  prodigieux],  au  point  meme  de  faire  descendre  du  feu  du  ciel  sur  la 
terre  en  face  des  hommes.  14.  Et  elle  egare  ceux  qui  habitent  sur  la  terre, 
a  cause  des  signes  [prodigieux]  qu'il  lui  a  ete  donne  de  faire  en  face  de  la 
B6te,  disant  k  ceux  qui  habitent  sur  la  terre  de  faire  une  image  a  la  Bete, 
quia  la  plaie  de  Fepee,  et  a  [surjvecu.  15.  Et  il  lui  fut  donne  de  donner 
un  esprit  a  I'image  de  la  Bete,  en  sorte  meme  que  I'image  de  la  Bote  parMt, 


pereur  dans  le  jugement  des  chretiens  devant  les  proconsuls  (Ep.  96  de  Pline,  etc., 
V.  Exc.  xx\i.  Le  culte  imperial  en  vint  peu  a  peu  a  resumer  tout  le  systeme  religieux 
du  paganisme  romain.  L'addition  du  genitif  της  (χαχαίρης  pourrait  etre  une  allusion 
a  la  mort  de  Neron;  nous  verrons,  dans  I'Exc.  xxxiv,  jusqu'a  quel  point  et  dans  quel 
sens  I'idee  populaire  du  «  Nero  redivwus  »  a  pu  induer  sur  ce  symbolisme.  Cfr.  Asc.  Is. 
IV,  6-13  (chretien,  posterieur  a  YApoc.)  sur  le  culte  de  Beliar-Neron. 

'  A.  B.  C.  15.  εδόθη,  v.  supra,  v.  5,  14.  —  Par-ci  par-la,  εικόνα  pour  εΐ/.όνι,  et 
ποιήσει.  —  Ιάν  pour  οίν,  hellenistique.  —  Deja  Andre,  pour  qui  toutefois  il  s'agit  d'un 
avenir  lointain,  sous  I'Antechrist  de  la  fin  des  temps,  rapproche  ce  prodige  de  ceux 
qu'on  pretait  a  Apollonius  de  Tyane.  Ainsi  Arethas,  (Ecumenius.  La  superstition  des 
statues  parlantes  {Recognitions  Clementities  in,  47)  et  mouvantes  [Lucien,  de  Dea  Syria, 
lOj  etait  alors  assez  repandue;  c'etait  un  phenomene  de  ventriloquisme,  ou  bien  un 
homme  etait  cache  a  I'interieur.  L'auteur  prend  cela  comme  type  des  prestiges  de  la 
superstition  syncretiste,  mais  ce  n'est  qu'une  pure  image  ou  allegorie,  car  on  ne  con- 
nait  pas  d'exemple  de  ces  jongleries  dans  le  culte  imperial.  Les  chretiens  furent  en 
efTet  condamnes  a  mort  pour  refuser  de  bruler  de  I'encens  devant  la  statue  de  I'empe- 
reur.  Nous  pouvons  done  entendre  προσκ.  avec  le  datif  comme  signifiant  ici  un  acte 
exterieur  de  veneration  religieuse  (v.  supra,  A.  B.  4.) 

■  A.  B.  16.  /αράγιχατα  pour  le  singulier,  Orig.,  rec.  K.;  ce  terme  peut  avoir  ete 
choisi  parce  que  c'etait  le  nom  technique  de  I'esfampille  imperiale  sur  les  pieces  ofli- 
cielles  [Dcissmann,  Bill.  Stud.,  cite  par  Swete;  cfr.  LO^,  pp.  255  suiv.).  —  Remar- 
quer  le  changement  de  cas  apres  le.  deuxieme  ΙτΛ;  ΙπΙ  του  [χετώπου  de  C-o3-04,  ou  ε. 
των  [χετ.  de  Q-1070-O46  etc.  sont  des  corrections;  mais  on  a  ici  affaire  a  un  usage  cons- 
tant de  I'Apocalypse  :  «  Grammar  of  ungrammar  »  (Lxt.  c.  x,  §  II)  —  ποιεί  πάντας... 
Ίνα,  cfr.  le  v.  12.  —  ποιη'σει  pour  ποιεί,  dans  Hipp.,  {<•=,  1073,  vulg.  —  [χικ.  και  |χεγ.,  union 
de  termes  caracteristique  du  livre,  xi,  18;  xi\,  5,  18;  xx,  12;  enumerations  du  meme 
genre,  passim  (Ιχτ.  c.  x,  .§  III).  —  Ce  «  signe  de  la  Bete  »,  qui  se  retrouvera  xiv,  9, 
11;  XVI,  2;  xix,  20,  contraste  avec  le  «  signe  de  Dieu  »  vii,  3;  ix,  4,  etc.;  cfr.  Ps.  Sal. 
XIV,  8-Suiv.  :  ουκ  εκφεύςονται  οι  ποιουντες  άνο;χίαν  το  κρί[χα  κυρίου...  το  γαρ  σηιχεΤοΐί  της  απώλειας 
επ\  του  [ΐετώπου  αυτών. 

C.  16.  Ainsi  les  adorateurs  de  la  Bete  seront  marques  d'un  signe,  comme  I'avaient 
ete  ceux  du  vrai  Dieu  au  ch.  vii;  toujours  ce  parallelisme,  cette  contrefagon  diabolique 
des  realites  surnaturelles. 

Que  peut  ^tre  proprement  ce  χάραγιχα,  impose  aux  hommes  de  toute  condition,  comme 
marque  d'appartenance  a  Cesar-Dieu?  Ainsi  furent  marques,  a  la  fa^on  des  b^tes  de 
troupeaux,  les  esclaves,  et,  a  une  certaine  epoque,  les  soldats.  L'interpretation  qui  y 
voit  tout  simplement  I'usage  des  monnaies  portant  I'efligie  de  I'empereur  [Mommsen, 
Spitta,  Erbcs.  Iloltzm.,  etc.)  est  assez  plate,  et  tout  a  fait  hors  de  situation,  car  cela 
ne  pourrait  etre  .symbolise  par  une  marque  sur  le  front,  et  les  chretiens  n'ont  jamais 
ete  des  fanatiques  refusant  de  se  servh•  des  monnaies  courantes.  Le  /άραγιχα  pourrait 


i92  APOCALYPSE    UE    SAINT    ,ΙΕΑλ'. 

χΰΐήστ]  ?va  όσοι  *εαν  [λή  ζροσκυνήσωσιν  *r?i  είκόνι  του  θηρίου  άτϊοκτανθώσιν.  16.  Και 
ποιεί  *πάντας,  τους  μικρούς  και  τους  μεγάλους,  ν.αι  τους  πλουσίους  και  τους  πτωχούς 
και  τους  έλευθε'ρους  και  τους  οούλους,  'ίνα  δώσιν  αύτοΤς  *-/άραγμα  έπΙ  *τϊ|ς  χειρός 
αυτών  της  οεξίας  ή  έπΙ  *το  μέτωπον  αυτών.  17.  [Και]  ίνα  μή  τις  ϊυνηται  άγοράσαι 
ή  πωλησαι  ε',  μή  ό  i"/ojv  το  χάραγμα,  *το  όνομα  του  θηρίου  ή  τον  αριθμόν  του  ονόματος 
αύτοΰ. 

18.  "Ωοε  ή  σοφία  εστίν.    Ό   έχον;   νουν   ψηφισάτω  τον  αριθμόν  του   θηρίου'   αριθμός 
γαρ  ανθρώπου  εστίν.  Και  ό  αριθμός  αϋτοΰ  εςακόσιοι  έςήκοντα  ες. 


etre  le  sceau  de  Tempereur  [Deissmann,  supra),  comme  on  I'a  pense  de  Grotius  a  DUs- 
terdieck,  sous  la  forme  d'un  chifTre  (verset  suivant) ;  peut-etre  I'auteur  a-t-H  pense  a 
quelque  chose  d'analogue  aux  «  tephillim  »  des  Juifs  pieux  [Boussei),  ou  au  passage 
d'/s.  xLiv,  5  :  «  Un  autre  (parmi  les  gentils)  ecrira  sur  sa  main  :  A  Jahweh!  »  On  peut 
m^me  y  voir,  au  sens  propre,  uu  tatouage  religieux,  suivant  un  usage  alors  connu 
(v.  entre  autres,ARW,  Avril  1911,  P.  Perdrizet,  La  miraculeuse  histoire  de  Pandare  et 
d'Echedore,  suivie  de  recherches  sur  la  marque  dans  I'Antiquite,  et  Clemen,  pp.  180- 
181).  Le  sens  est  surement  allegorique,  et  c'est  trop  d'esprit  de  systems  que  de  chercher 
encore  ici,  avec  Bousset,  d'anciennes  traditions  eschatologiques;  notons  seulement, 
apres  Swete,  que,  dans  III  Mace,  ii,  29,  Ptolemee  Philopator  fait  marquer  les  Juifs  du 
signe  religieux  de  Dionysos  (cfr.  Isa'ie,  supra).  L'explication  la  meilleure  parait  6tre 
celle  de  Rnmsny,  Letters,  pp.  110-111  :  il  s'agirait  de  certificats,  de  «  libelli  »,  comme 
de  fait  il  en  fut  donne  aux  apostats  pendant  la  persecution  de  Dece,  et  le  signe'  sur  le 
front  serait  la  traduction  allegorique  d'une  reputation  universellement  etablie  de 
devotion  a  I'empereur. 

— ^—  A.  17.  τό  δνομα  κτλ,  apposition  a  το  -/άραγμα.  —  ή  =  τουτ'  εστίν;  —  το  ον.  rem- 
place  par  le  genitif  (C,  al.,  vulg.,  syr..  Iron),  ou  omis(o501,  al.) ;  Q  porte  τον  άρ.  τοΰ  θηρίου 
η  τον  αριθμόν  του  δν.  αύτοΰ,  amplification  pour  la  clarte. 

C.  17.  II  s'agit  d'un  «  boycottage  »  universel  des  Chretiens,  qui  se  trouvent  mis  au 
ban  de  la  societe  pour  ne  s'etre  pas  pretes  aux  exigences  du  culte  imperial.  Bousset  a 
tort  de  voir  dans  ce  trait  une  interpretation  rationaliste  faite  par  I'Apocalyptique  de 
quelque  image  traditionnelle  plus  grandiose.  Non,  il  faut  le  prendre  a  la  lettre,  tel  qu'il 
se  realise  de  fait,  mais  plus  tard.  Saint  Jean,  avec  quelque  sarcasme,  mele  la  nue 
description  d'un  fait  proprement  historique  (mais  de  I'histoire  future),  aux  allegories 
du  morceau.  L'idee  de  Jean  est  surement  originale,  et  eminemment  prophetique,  pour 
peu  qu'on  pense  a  la  forme  que  la  procedure  contre  les  Chretiens  prit  des  le  ii^  siecle, 
mais  surtout  dans  les  persecutions  du  iii^  (Exc.  xxx). 

— ^—  A.  B.  18.  ους  pour  νουν,  Ν*  —  δέκα  pour  εξήκοντα,  G  et  quelques  textcs  perdus, 
critiques  par  Irenee  {infra),  ce  qui  donne  616  au  lieu  de  666.  —  ώδ^ε  κτλ,  formules 
analogues  xiii,  9;  xvii,  9.  —  άνθριόπου  άριΟ[α.ος  peut  se  rapprocher  de  άνΟρώ-ου  μέτρον,  xxi, 
7 ;  mais  le  sens  est  sans  doute  different. 

C.  18.  Voici  bien,  de  toute  I'Apocalypse,  le  verset  qui  a  le  plus  tourmente  I'esprit 
des  commentateurs,  et  stimule  la  sagacite  de  beaucoup  d'autres  qui  n'avaient  aucun 
droit  au  nom  d'exegetes.  II  serait  impossible  de  dire  toutes  les  divagations  auxquelles 
il  a  prete,  du  Moyen  Age  aux  jours  les  plus  recents ;  et  peut-etre  le  mystere  n'est-il  pas 
encore  entierement  eclairci. 

Ce  mystere,  toutefois,  ne  devait  pas  έtre  aussi  profond  pour  les  premiers  lecteurs 
d'Asie.  Jean  ecrivait  pour  leur  utilite;  le  nombre  devait  les  aider  a  comprendre  cette 
vision,  qui  regardait  surtout  I'avenir,  plutot  que  les  exciter  a  un  jeu  pueril  de 
casse-tete.  La  dignite  de  cette  scene,  et  de  tout  le  livre,  s'y  oppose,  non  moins  que 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX.  193 

et  qu'elle  fit  que  tous  ceux  qui  ne  se  prosterneraient  pas  devant  Finiage  cle 
la  B6te  fussent  tues.  16.  Et  elle  [les]  fait  tous,  les  petits  et  les  grands,  les 
riches  et  les  pauvres,  les  hommes  libres  et  les  esclaves,  [elle  fait]  qu'ils  se 
donnent  [ou  qu'on  leur  donne)  une  empreinte  sur  leur  main  droite  ou  sur 
leur  front.  17.  [et]  que  personne  ne  puisse  acheter  ou  vendre  sinon  celui 
qui  a  I'empreinte,  le  nom  de  la  Bete,  ou  le  chiifre  de  son  nom. 

18.  Ici  est  la  Sagesse !  Que  celui  qui  a  de  Fintelligence  calcule  le  chiifre 
de  la  Bete!  Car  c'est  un  chifire  humain.  Et  son  chiifre  [est]  six  cent  soixante- 

SIX. 


la  solennite  de  I'avertissement.  11  etait  important,  urgent  pour  eux  de  deviner  sure- 
ment;  c'est  done  qu'ils  en  avaient  les  moyens.  Par  mallieur,  ils  ne  nous  les  ont  pas 
transmis;  et  la  tradition,  s'il  en  a  existe  une,  etait  perdue  des  le  temps  d'Irenee  [infra, 
Exc,  xxxi). 

Nous  ne  pouvons  done,  sur  ce  verset  fameux,  que  proposer  des  conjectures ;  mais 
il  y  en  a  une  particulierement  plausible. 

Que  signifie  d'abord  άνθρωπου  «ϋριθμος?  Hollzmann  (avec  Diisterdieck,  Wet/land, 
Gunkel)  repond  :  Un  nombre  calculable,  un  nombre  auquel  il  soit  facile  de  trouver 
un  nom  qui  corresponde;  cfr.  ρέτρον  avSpujjTOj  de  xxi,  7  ;  car,  dit-il,  si  cela  voulait  dire  le 
chiffre  d'un  homme  determine,  il  aurait  fallu  ajouter  Ινός  ou  τίνος.  Mais  cette  exio-ence 
grammaticale  est  contestable  (v.  Corssen  ZNW,  iii,  239);  d'ailleurs  le  contexte  de 
XXI, 7,  n'est  pas  du  tout  analogue;  la  il  ne  s'agit  pas  d'un  secret. 'AptSij-o?  άνθρώ-ου  ne  parait 
done  pas  signifier  «  un  nombre  doat  le  calcul  est  a  la  portee  de  I'homme  »,  mais  plutot : 
«  un  nombre  d'homme  »,  le  chiffre  correspondant  au  nom,  ou  a  la  quaiite,  d'un  homme 
determine.  Et,  ce  chiffre  etant  donne,  ψηφισάτω  veut  dire  :  «  Interpretez-le,  cherchez-en 
le  sens  symbolique  par  un  calcul.  »  II  s'agit  done  evidemment  d'une  «  gematria  » 
(Int.  c.  V,  i,  §  II),  procede  tres  usuel  a  cette  epoque,  chez  tous  les  peuples  mediter- 
raneens. 

Mais  pourquoi  tant  de  mystere?  Jean  n'etait  pas  homme  a  proposer  des  devinettes 
pour  le  plaisir.  L'Apotre  voyait  une  persecution  generale  poindre  a  I'horizon;  lalumiere 
prophetique  lui  avait  devoile  le  caractere  qu'elle  prendrait.  II  tenait  a  en  avertir  ses 
fideles,  pour  leur  bien,  mais  d'une  maniere  qui  demeurat  obscure  pour  les  pai'ens  aux 
mains  desquels  le  livre  serait  tombe.  C'est  qu'il  allait  toucher  a  la  sacrosainte  majeste 
romaine;  il  ne  fallait  pas  qu'on  put  y  trouver  centre  les  Chretiens  une  charge  de  lese- 
majesto.  Ce  n'est  done  pas  la  simple  habitude  apocalyptique,  c'est  un  calcul  de  pru- 
dence qui  I'a  fait  parler  de  cette  fagon  obscure ;  de  meme,  au  chap,  xvi,  il  cachera 
le  nom  de  Rome  sous  celui  de  Babylone,  et,  dans  la  /»  Pet,  v,  13,  saint  Pierre  a  pro- 
bablement  choisi  ce  meme  nom  pour  les  memes  raisons.  L'obscurite  ne  devait  pas 
cependant  etre  trop  grande  :  si  les  lecteurs  n'avaient  eu  a  I'avance  la  moindre  idee  du 
personnage,  au  moins  de  I'espece  d'hommes  dont  il  s'agissait,  ils  n'auraient  jamais 
pu  resoudre  d'eux-memes  I'enigme,  quelle  que  fut  la  penetration  de  leur  νους;  car  une 
seule  et  meme  «  gematria  »  peut  s'interpreter  par  une  iniinite  de  noms  divers,  comme 
le  prouve  bien  I'histoiro  exegetique  de  ce  verset.  Les  Asiatiques  savaient  done  ou 

chercher  la  cle;  il  s'agissait  d'un  homme,  —  ou  d'une  categoric  d'hommes, qu'ils 

connaissaient  suffisamment,  et  sur  lequel  leur  attention  etait  deja  mise  en  eveil•  le 
chiffre  doit  leur  exprimer  d'une  certaine  maniere  I'identification  de  la  Bete  avec  cet 
homme  ou  cette  classe  d'hommes,  qui  la  represente  typiquement,  en  sorte  qu'on  puisse, 
par  le  caractere  connu  du  type,  etablir  siirement  I'identite  de  la  Bete,  et  juger  du 
caractere  de  la  persecution  dont  elle  menace. 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  [3 


j^94  APOCALYPSE    DF.    SAINT    JEAN, 

Mais  cette  «  gematria  »  est-elle  simple?  On  peut  le  supposer;  mais  on  pent  penser 
aussi  bien  qu'il  y  avail  encore  «  isopsephie  '»  :  666  aurait  ete  deja  le  chiffre  bien 
connu  de  quelque  entile  fabuleuse  ou  eschalologique  —  soil,  a  lilre  d'exemple,  le 
«  Monslre  du  Chaos  »,  «  T<^hom  Qadmoniya  »  de  Gunkel;  I'enigme,  alors,  eut  consiste 
seulemenl  a  Irouver  un  nom  d'horame  ayant  la  meme  valeur  numerique.  Ou  bien 
encore,  666  pouvait  avoir  par  lui-m^me,  independamment  de  loule  gematrie,  un  sens 
delermine  par  la  mystique  des  nombres ;  saint  Jean  eut  dit  a  ses  lecleurs  :  «  Parmi 
des  noms  d'hommes  connus,  decouvrez-en  un  qui  vaille  numeriquement  666,  chiffre 
dont  vous  connaissez  la  signification ;  quand  vous  I'aurez  trouve,  vous  comprendrez 
alors  tout  a  fait  ce  que  j'entends  par  la  Bete,  cela  precisera  le  rapport  concret  ou  vous 
serez  mis  avec  elle;  vous  saurez  sous  quelle  forme  el  dans  quelles  circonstances  ma 
vision  doit  s'appliquer  a  vous,  et  en  meme  temps  vous  pourrez  entrevoir  le  sort  que 
reserve  a  cet  Antechrist  le  Dieu  qui  vous  protege.  » 

Tout  cela  est  possible!  Pour  choisir,  il  faut  avant  tout  savoir  (puisque,  en  loute 
hypothese,  666  est  une  «  gematria  «,  quoiqu'il  puisse  etre  encore  autre  chose),  quel 
nom  d'homme  il  peut  representer.  Au  milieu  d'une  multitude  d'essais  de  dechiffrement, 
la  plupart  Ires  arbitraires,  dont  nous  donnerons  plus  loin  des  specimens,  il  n'y  a  a  se 
recommander  ά  priori  que  ceux-la  qui  cherchent  parmi  les  empereurs  remains,  con- 
temporains  ou  anterieurs,  puisque,  d'apres  le  ch.  xvii  (v.  ad  loc),  que  confirme  le  ton 
de  tout  le  morceau,  la  Bete  est  le  support  commun  des  Sept  Teles  =  sept  empereurs, 
et  la  monture  de  Rome-Babylone.  Deux  seuls  dechiffrements  sont  vraisemblables  : 
Γαϊός  Καίσαρ,  en  grcc,  {Caligula),  OU  bien  Καίσαρ  θεός  de  Deissmann,  LO,  p.  258,  pour 
qui  admet  le  nombre  616;  et  ρΊ3  IDp,  «  Q<'sar  Neron  »,  pour  qui  maintient,  comme  il 
se  doit,  666.  L'exegese,  sans  doute  Iraditionnelle,  de  Victorin  (Int.  c.  xiv,  §  II),  la  con- 
naissance  que  nous  donnent  I'histoire  profane  et  les  Apocryphes  de  la  popularite 
qu'avaient,  justement  a  cette  epoque,  les  legendes  du  «  Nero  redux  »  ou  c  Nero  redi- 
vivus  »  enfin  plus  d'un  trait  de  noire  texte,  nous  font  decidement  pencher  vers  cette 
deuxieme  solution,  devenue  commune  depuis  qu'elle  a  ete  lancee  par  Fritzsche,  Benary 
et  Hitzi"'  (Int.  c.  xiv,  §  VIII).  Les  difTicultes  qu'elle  offre  ne  sont  rien  en  comparai- 
son  de  ceiles  des  autres  hypotheses;  aussi  nous  y  rallions-nous,  encore  un  peu  sous 
benefice  d'inventaire  (Exc.  xxxi). 

Nous  sommes  encore  portes  a  croire,  avec  Vischer  et  Boiisset  notamment,  que  666, 
chiffre  de  Neron,  etait,  non  une  double  gematria,  mais  un  nombre  au  sens  mystique 
consacre.  Forme  de  Irois  six,  il  exprime  au  plus  haul  degre  I'idee  de  ce  nombre,  que 
nous  avons  cherche  a  elucider  ci-dessus  (Exc.  xxiii  sur  42).  La  Bete  sera  un  pouvoir 
incomplet  (6  =:  7  —  1),  sa  domination  est  une  chose  manquee  {Briggs,  Milligan,  Swete) ; 
elle  s'etendra  pourlant  sur  les  six  periodes  traditionnelles,  les  six  «  millenia  »  de 
I'histoire  du  nionde  (idee  qui  remonte  a  Ircnee,  v.  infra) ;  de  meme  que  42,  autre 
multiple  de  6,  mais  aussi  de  7  el  de  14,  signifiait  Ires  probablement  toute  la  duree  des 
temps  messianiques  [supra,  Exc.  xxiii).  Ainsi,  par  ce  chiffre,  avec  son  double  caractere 
de  \'aleur  mystique,  et  de  correspoudant  numerique  du  nom  de  I'empereur  remain  le 
plus  haissable,  Jean  apprenait  aux  eglises  d'Asie  : 

1°  Que  la  Bete,  incarnee  d'abord  dans  I'empire  remain,  se  comporterait  toujours,  a 
I'eoard  des  Chretiens,  comme  I'avait  fait  Neron; 

2°  Que  toutefois  sa  domination  serait  precaire ; 

3*=  Qu'elle  durerait  cependant,  sous  une  forme  ou  sous  une  autre,  jusqu'a  la  Parousie 
du  Christ, idee  qui  sera  confirmee  par  l'exegese  des  chapitres  suivants. 

Nous  chercherons  a  justifier  ces  vues  dans  I'Exc.  xxxi.  Ainsi  la  prophetic  des  Betes 
n' avail  plus  rien  de  vague  pour  les  sept  Eglises;  elle  les  avertissait  nettement  du 
o-enre  d'ennemis  et  d'epreuves  qui  allaient  s'attaquer  a  elles;  mais,  c'etait  aussi  une 
exhortation  a  la  confiance  patiente  et  inebranlable. 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  195 

B.  2°  VAgneau  et  les  l^j'j.OOO  vierges  en  face  de  la  Bele  el  de  ses  adorateurs 

(xiv,  1-5). 

Ιλ'τ.  —  Voici  les  opinions  des  critiques  :  Vdlter,  1-3  de  Jean-Marc,  4-5  de  I'editeur 
sous  Trajan;  Vischer,  1-5  interpolation  chretienne ;  Weyland,  2-3  de  >i,  4-5  de  I'editeur 
Chretien;  Spitta,  i-7  de  /*,  sauf  2h-ka,  et  un  cliangement  dans  kh,  qui  font  la  part  du 
Chretien  sous  Trajan;  Erbes,  1-7,  de  Ian  C'2,  saufun  changement  dans  k,  remontant  a 
80:  Bruston,  1  du  redacteur,  2-5  du  disciple;  Job.  Weiss,  1-7  de  I'Apocalypse  primi- 
tive. Weiszacker,  Scboen,  Sabatier,  Bousset,  laissent  le  morceau  dans  le  corps  du 
livre.  De  fait,  rien,  en  dehors  de  theories  preconcues ,  ne  justifie  une  separation  ni  un 
morcellement ;  XIV,  1-5,  est  appele  par  le  ch.  XIII  comme  second  membre  d'un  tableau 
antithetique,  conformement  aux  habitudes  constanles  de  I'auteur.  S'il  n'a  point  de 
parallele  dans  les  chap.  IV  et  V,  c'est  que  ceux-ci  avaient  pour  theatre  le  del,  et  que 
le  del  nest  pas  un  champ  de  bataille,  comnie  la  terre  oil  luttent  les  Deux  Cites. 

A.  B.  1.  εστός,  neutre  forgo  par  assimilation  a  Ιστηχ.ός,  corrigeen  έστη/.ο'ς  {rec  K,  And.), 
έστώς,  έστηκώς.  —  «  Mont  SioQ  »,  cfr.  Joel  ii,  32  :  έν  τω  δρει  Σιών  καί  έν  ΊερουσαλήΐΑ  ?σται 
άνασωζό[Αενος,  mais  surtout  TV  Esd.  xiii,  35  :  Le  Messie  «  se  tiendra  sur  le  sommet  de  la 
montagne  de  Sion...  39  et...  tu  I'as  vu  accueillant  alui  une  autre  multitude  pacifique, 
ce  sont  les  dix  triibus  » ;  cfr.  V  Esd.  ii,  42  :  «  Moi,  Bsdras,  je  vis  sur  le  mont  Sion 
une  grande  foule,  que  je  ne  pus  compter,  et  tous  louaient  le  Seigneur  par  des  caa- 
tiques,  et  au  milieu  d'eux  etait  un  jeune  bomme  d'une  stature  elevee,  plus  grand 
qu'eux  tous,  et  sur  leurs  tetes  a  chacun  il  posait  des  couronnes  ».  Ge  sont  les  morts 
bienbeureux  dans  ce  dernier  passage,  mais,  dans  la  forme,  il  peut  otre  inspire  de 
I'Apocalypse.  — 144.000,  cfr.  Apoc.  vii,  4  —  To  ονοαα  χ.  τ.  λ.,  cfr.  ιιι,  12,  aussi  νιιι,  3-8; 
IX,  4. 

C.  1.  Un  tableau  rassurant  oppose  a  Teffrayante  apparition  des  BStes.  II  est  surement 
en  contraste  voulu  avec  elle.  Le  veritable  Agneau  ressuscite  se  dresse  en  face  de  la 
Bete  faussement  ressuscitee  et  du  Pseudo-Agneau  —  lesquels,  d'apres  xi,  sont  peut- 
^tre  a  Jerusalem ;  le  Messie  est  entoure  de  ces  144.000  hommes  marques  du  sceau  de 
Dieu,  en  face  des  infideles  qui  ont  le  stigmate  de  la  Bete.  Prim,  y  voit  Ires  justement 
I'armee  du  Christ  :  «  invicta  quoque  Ecclesiae  castra  oportuit  declarari,  ne  tam  vehe- 
menti  persecutionis  impetu  vel  succubuisse  vel  periisse  eamdem  ecclesiam  infirmus 
animus  aestimaret  ».  II  ne  s'agit  pas  comme  dans  V  Esd.  du  bonheur  celeste  (contre 
Cahnes);  la  symetrie  a  elle  seule  montre  que  les  144.000  sont  des  Chretiens  sur  la  terre 
{Bousset,  Swete,  etc.).  lis  sont  sur  le  mont  Sion,  embleme,  dans  ΓΑ.  T.,  de  la  securite 
du  peuple  de  Dieu  sous  la  protection  divine,  repondant  au  «  lieu  prepare  »  a  la  Femme 
(xii,  6,  14),  et  au  temple  interieur  (xi,  1-suiv.)  Barnes,  d'apres  Sweie,  remarque  que 
I'Agneau  est  sur  la  montagne,  le  Dragon  sur  le  sable  (xii,  18).  Meme  contraste  plus  loin 
entre  la  courtisane  assise  sur  les  eaux  (xvii,  1)  et  la  Fiancee  de  I'Agneau  descendant 
du  ciel  (xxi).  Le  «  nom  sur  le  front  »  signifie  la  consecration  de  la  vie  au  service  de 
Dieu.  Nous  verrons  plus  bas  le  rapport  de  ces  144.000  a  ceux  du  chap.  vii. 

Ce  tableau  a  du  rapport  avec  xv,  2-4,  et  xx,  9  (v.  ad  loc).  L'analogie  avec  Esdras 
revele  I'existence  d'unc  tradition  apocalyptique  connue  sur  le  mont  Sion. 

— — —  A.  B.  C.  2.  φωνής  pour  φωνϊίν  dans  qqs  And.  —  φων.  Ix  του  ούρ.  cfr.  χ,  4 ;  χιν    5  • 

XVIII,  4;  —  υδάτων  πολλών,  cfr.    ι,  15;  IV  Esd.  νι,  17;  —  φ.  βροντής,  cfr.  νι,  1;    χιχ    6  

κιθάραις,  cfr.  ν,  8;  χν,  2;  χνιιι,  22.  —  La  voix  qui  retentit  ne  peut  etre  que  celle  des 
Bienheureux,  puisqu'elle  vient  du  ciel,  et  a  cause  du  verset  suivant  (v.  ad  loc).  Saint 
Jean  revient  tout  naturellement  au  decor  du  ch.  iv,  car  rien  de  ce  qui  a  passe  depuis 
sous  ses  yeuxn'a  change  le  fond  de  sa  vision. 


196  APOCAL\'PSE    DE    SAIXT    JEAN. 

C.  XIV,  1.  ΚαΙ  εΓοον,  y.xt  ίοου  το  άρνίον  *έστος  έπΙ  το  ορός  Σιών,  και  μετ'  αϋτοΰ 
εκατόν  τεσσεράκοντα  τέσσαρες  χιλιάοες  έ'χουσαι  το  όνομα  αϋτου  και  το  ονομ,α  τοΰ 
πατρός  αΰτοΰ  γεγραμμένον  έ-ι  των  μετώπων  αυτών.  2.  Και  ήκουσα  *φωνήν  έκ  τοΰ 
ουρανοΰ  ώς  οωνήν  υδάτων  πολλών  κα•  ώς  φωνήν  βροντής  μεγάλης,  και  ή  φωνή  ήν 
ηκουσα  *ώς  κιθαρωδών  κιθαριζόντων  εν  ταΐς  κιθάραις  αυτών.  3.  Και  *αδουσιν  *ώς 
ωδήν  καινήν  ενώπιον  τοΰ  θρόνου  και  ενώπιον  τών  τεσσάρων  ζώων  και  τών  πρεσβυτέρων. 
και  ουδείς  *έδύνατο  μαθεϊν  την  ωδήν  ε',  μή  ο'.  εκατόν  *τεσσεράκοντα  τέσσαρες  χιλιάδες, 
οί  ήγορασμένοι  άπο  της  γης.  4.  *Ουτοί  είσιν  οι  μετά  γυναικών  ουκ  έμολύνθησαν* 
παοθένοι  γάρ  ε'ισιν.  *Ουτοι  οι  άκολουθουντες  τω  άρνίω  οπού  αν  *6πάγη.  *Ουτοι  ήγο- 
ράσθησαν  ^άπο  τών  ανθρώπων  απαρχή  τω  θεώ  και  τώ  άρνίω.  5.  Και  εν  τω  στόματι 
αυτών  οΰχ  ευρέθη  ψευδός"  *ά'μωμοί  ε'ισιν. 


— ^  Α.  Β.  3.  Changement  de  temps  :  αδουσιν...  Ιδύνατο.  —  ώς  ajoute  devant  ώδτίν  G,  Α, 
W-H,   Weymouth,  Swete,  Bousset,  possible  pour  Soden.  —  Le  «   chant  nouveau  »  est 
celui  de  v,  9;  3a  rappelle  le  ch.  iv,  3b  le  ch.  v.  —  Forme  τεσσεράκοντα  (Int.,  c.  x,  §  Π). 
C.  3.  Ges  144.000  de  la  terra  doiveat  apprendre,  par  leurs  eiTorts,  le  chant  qu'en- 
toanent  au  ciel  les  A.nimaux  et  les  Vieillards  en  I'honneur  de  I'Agneau  immole,  roi  de 
la  terre  et  maitre  de  Tavenir,  qui  a  rachete  les  hommes  pour  en  faire  des  rois;  ils  sau- 
ront  ainsi  Fopposer  aux  hymnes  insolents  des  esclaA^es  de  la  Bete  (xiii,  4).  Get  entou- 
rage terrestre  de  I'Agneau,  ce  sont  done  ceux-la  qui  comprennent  le  mieux,  avec  la 
plus  entiere  conviction,  le  regne  de  Jesus-Christ.  Le  mot  μαΟεΓν  indique  que  la  voix  du 
verset  precedent  n'etait  pas  la  leur;  ils  I'ecouteat  seulement,  et  s'efTorcent  d'en  repro- 
duire  les  paroles  et  la  musique.  Bossuet  a  exprime  ici  la  tree  belle  pensee  qu'il  faut 
avoir  experimente  la  felicite  des   saints  pour  la  comprendre.  Nous  pouvons  admirer 
une  fois  de  plus  la  haute  spiritualite  de  cette  «  materielle  »  Apocalypse. 

— — ^  A.  B.  4.  Remarquer  I'emphase  et  Tenlhousiasme  de  cette  triple  repetition  de 
ouxot  (le  premier  omis  A).  —  4b  rappelle  vii,  17;  4c,  v,  9.  —  ύ-άγει,  au  lieu  de  υπάγη, 
d'apres  G,  A,  qqs  And.,  W-H.,  Weymouth,  al.  (Int.  c.  x,  §  2). 

C.  4.  Ge  verset  montre  de  qui  il  s'agit,  et  determine  la  signification  de  la  scene 
entiere.  Aucune  raison  d'y  distinguer  avec  JoJi.  Weiss  un  sens  primitif  et  un  sens  ela- 
bore  :  pour  Jean,  ce  seraient  les  judeo-chretiens  du  ch.  vii,  qui,  resistant  aux  prestiges 
des  Botes,  n'ont  pas  apostasie  (cfr.  II  Thess.  ii,  3);  pour  Γ  «  Editeur  »,  ils  seraient 
devenus  les  chretiens  en  general,  auxquels  le  martyre  doit  etre  epargne.  Outre  I'arbi- 
traire  de  cette  division  des  sources,  c'est  un  veritable  contresens  spirituel  que  cette 
idee  de  I'exemption  du  martyre  (v.  Lettre  a  Philadelphie,  in,  7-14,  com.).  Le  seul  mot 
qui  puisse  determiner  le  sens,  c'est  παρθέ>^οι.  Sont-ce  les  «  continents  »,  les  membres  les 
plus  irreprochables  de  la  communaute,  les  «  purs  de  coeur  »,  par  opposition  a  la 
corruption  paienne  [Calmes,  Sivete]?  Bossuet  y  voit  aussi  d'abord  «  les  ames  inno- 
centes  et  courageuses  »,  qui  ne  se  sont  pas  melees  aux  faiblesses  humaines,  et  il  rap- 
pelle II  Cor.  XI,  2  :  «  despondi  enim  vos  univiro,  virginem  castam  exhibere  Ghristo  ». 
Mais  le  sens  qu'il  indique  en  second  lieu,  de  «  \'ierges  »,  ou  d'  «  ascetes  »,  au  sens 
propre,  est  ici,  croyons-nous,  le  seul  vrai  (v.  .S'.  Augustin,  De  virginibus,  xxvii-xxix; 
S.  Jerome,  Adv.  Jovin.  i,  40;  Tertullien,  Res.  earn.  27,  Andre,  Bede,  etc.)  Le  sens 
d'  «  ascetes  chretiens  »  est  celui  que  Holtzmann  indique  le  tout  premier,  et  Bousset 
I'admet,  avec  la  plupart  des  exeg«Hes  catholiques,  et  quelques  protestants,  comme  Dils- 
terdieck.  Du  reste  «  ακολουθοΰντες  τω  άρνίω  »  rappelle  la  parole  de  N.  S.  «  ακολουθεί  [lot  » 
[Joh.  I,  44;  XXI,  19,  22;  Mat.  x,  38;  xvi,  24-suiv.;  Marc  ii,  14;  x,  21;  Luc  ix,  59;  etc.) 
adressee  aux  disciples  que  Jesus  A'oulait  associer  plus  etroitement  a  sa  mission.  II  ne 
s'agit  pas  ici  d'un  etat  futur;  ils  suivent  actuellement  I'Agneau  «  par  la  pratique  des 


I 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  197 

C.  XIV,  1.  Et  je  vis;  et  voici  I'agneau  qui  se  tenait  debout  sur  la  mon- 
tagne  de  Sion,  et  avec  lui  cent  quarante-quatre  milliers  ayant  son  nom  et 
le  nom  de  son  pere  ecrit  sur  leurs  fronts.  2.  Et  j'entendis  une  voix  [venant] 
du  ciel  comme  la  voix  d'abondantes  eaux,  et  comme  la  voix  d'uQ  grand 
tonnerre,  et  la  voix  que  j'entendis  [etait]  comme  la  voix  de  citharistes 
jouant  de  la  cithare  sur  leurs  cithares.  3.  Et  ils  chantent  comme  un  cantique 
nouveau  en  face  du  trone  et  en  face  des  quatre  animaux  et  des  vieillards; 
et  personne  ne  pouvait  apprendre  le  cantique,  sinon  les  cent  quarante- 
quatre  mille,  ceux  qui  ont  ete  rachetes  de  la  terre.  4.  Ge  sont  ceux-la  qui  ne 
se  sont  pas  soiiilles  avec  des  femmes;  car  ils  sont  vierges;  ce  sont  ceux-la 
qui  suivent  I'Agneau  partout  oil  il  va ;  ceux-la  ont  ete  achetes  [et  separes] 
des  hommes,  [en]  promices  pour  Dieu  et  pour  I'Agneau.  δ.  Et  dans  leur 
bouche  il  ne  s'est  pas  trouve  de  mensonge  :  ils  sont  irreprochables. 


conseils  »  (Bossuet),']usq\\di\i  martyre  s'il  le  faut,  bien  entendu  ;  tcnitefois  il  n'y  a  pas  de 
raison  suffisante  de  voir  ici  les  martyrs  specialement  designee,  ni  associes  aux  ascetes 
(centre  Calmes).  —  Le  motanap/ni  iraplique  Men  I'idee  de  vie  otTerte  en  sacrifice,  comme 
doit  I'etre  celle  de  tout  chretien,  mais  pas  necessairement  en  sacrifice  sanglant.  Nous 
ne  voyons  done  pas  en  ces  «  premices  »  (contre  Swete),  I'ensemble  de  la  generation 
chretienne  de  la  fin  du  i^r  siecle  (cfr.  Rom.  xvi,  5  et  I  Cor.  xvi,  15),  consideree  comme 
de  simples  «  premices  »  par  rapport  a  la  masse  des  Chretiens  futurs,  mais  une  catego- 
rie  tres  determinee  de  Chretiens  de  tous  les  temps,  laquelle,  etant  plus  specialement 
consacree  a  Dieu  et  a  son  service,  est  comme  des  «  premices  »  en  regard  de  la  mois- 
son  universelle  des  elus.  Et  c'est  celle-la  qui  sert  de  garde  du  corps  a  I'Agneau;  cette 
troupe  demeure  dans  une  securite  (spirituelle)  parfaite  sur  le  mont  Sion,  c'est  elle  qui 
s'oppose  le  plus  actlA'ement  au  culte  de  la  Bete;  elle  se  presse  sur  la  montagne  comme 
en  une  forteresse;  sa  vue  est  un  signe  de  ralliementpour  le  reste  des  fideles. 

De  la  vient  que  le  nombre  144.000,  modere  en  soi,  a  ete  employe  de  meme  que  vii,  1- 
8;  ce  qu'il  y  a  de  commun  entre  ces  deux  categories,  judeo-chretiens  et  ascetes,  c'est 
qu'ils  sont  des  «  premices  »  de  la  moisson  divine;  a  des  titres  divers,  il  est  vrai,  mais 
d'une  fagon  analogique  qui  est  tres  suffisante  pour  que  notre  Apocalypse  les  rapproche 
par  I'identite  du  nombre  symbolique  (v.  Comment,  de  vii,  1-8). 

^— .  A.  B.  C.  5.  (ί[ΐωαος,  mot  de  la  langue  poetique  ou  mystique,  qu'on  trouve  dans 
le  style  funeraire,  papyrus  magiques,  LXX,  Epitres  de  la  captivite,  ad  Heb.  ix,  14, 
I  Pet.  1, 19,  et  Jiide  24  (v.  Moidton-Milligan) .  —  γάρ,  admis  de  Tisch.,  n'a  ete  ajoute 
apres  ά,αωαοι  que  par  N%  rec.  K,  boh.,  Orig.,  Methodius,  qqs  And.;  son  absence  rend  I'affir- 
mation  plus  solennelle.  —  L'absence  du  mensonge  fait  partie  integrante  de  I'eloge 
du  juste,  Ps.  XXXII  [vulg.  xxxi),  2;  Sophonie  in,  13;  Mai.  ii,  6;  Is.  Liii,9;  il  est  applique 
a  Nathanael,  Joh.  i,  47;  (aussi  δόλος  pour  ψεΰδος  dans  nombreux  temoins  And.);  au 
Christ  I  Pet.  ii,  22. 

C.  5.  La  veracite,  la  fidelite  a  ses  engagements,  est  le  caractere  le  plus  distinctif 
des  Chretiens  apres  la  chastete,  par  opposition  au  monde  paien  [Swete).  On  pent  croire 
que  saint  Jean  pense  ici  a  la  nettete  et  a  la  purete  de  leur  confession  de  foi,  opposee 
aux  compromis  des  Nicolaites  et  autres  (v.  Lettres,  c.  II-III). 


198  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

EXC.    XXVIII.    RAPPORTS    DE    XIV    1-5    AVEC    LE    MILLENIUM    DU    CHAP.    XX. 

Bousset,  contre  toute  theorie  de  sources,  remarque  justement  que  la  main  de 
I'auteur  lui-meme  se  decouvre  a  chaque  verset  de  cette  pericope;  pour  lui,  le 
chiffre  de  144.000  serait  fourni  par  une  tradition  ancienne  —  ce  qui  est  bien 
douteux  (v.  comm.  de  vii,.l-8);  —  la  source  du  ch.  vii  les  aurait  representes 
comma  marques  pour  le  salut,  et,  au  ch.  xiv,  ils  reapparaitraient  comme  sauves 
deja;  ce  serait  une  prolepse  du  Millenium. 

Nous  voulons  bien;  nous  sommes  meme  persuades  de  la  verite  de  ce  rappro- 
chement avec  le  Millenium.  Seulement,  les  144.000  ne  sont  pas  les  memes  que 
ceux  du  ch.  vii,  qui  etaient  des  Israelites,  lei  ce  sont  les  ascetes  Chretiens, 
identifies  en  partie  avec  les  beneficiaires  du  «  Millenium  »,  parmi  ceux  du 
moins  dont  la  vie  terrestre  dure  encore;  cette  identite  fournira  une  nouvelle 
preuve  a  I'assertion  que  le  «  Millenium  »  est  pour  Jean  une  realite,  non  pure- 
ment  future,  mais  deja  actuclle  en  substance.  Dans  sa  perspective,  la  comme 
ici,  et  encore  vn,  9-17,  xxi-xxn,  I'Eg-lise  du  cicl  et  ccUe  de  la  terre  ferment 
une  indivisible  unite. 

Aussi  n'est-ce  pas  a  proprement  parler  une  «  prolepse  »,  mais  Texpression 
d'une  des  idees  maitresses  du  livre.  Elle  a  sa  place  partout,  mais  ici  elle  arrive 
particulierement  a  propos  :  les  adorateurs  de  la  Bete  et  ceux  de  TAgneau  forment 
comme  deux  armees  en  presence,  avant  que  la  lutte  finale  et  le  triomphe  du 
Messie  soient  decrits  aux  chap,  xix  et  xx  —  ou  il  sera  encore  justement  question 
du  «  camp  des  saints  »  et  du  siege  de  la  «  cite  bien-aimee  ».  L'Agneau  qui  est 
au  milieu  d'eux,  est  en  meme  temps  le  «  lion  de  Juda  »,  (v,  5),  beaucoup 
plus  redoutable  que  le  lion-panthere-ours  du  Diable ;  il  se  prepare  a  la  guerre 
(c.  xvii),  et  s'identifie,  comme  «  Roi  des  rois  »  fxvii,  14]  au  Verbe  victorieux 
du  ch.  XIX.  11  est  interessant  de  noter  ici  une  correspondance  entre  les  deux 
sections  du  corps  de  I'Apocalypse,  dans  la  maniere  de  presenter  le  Christ :  meme 
dedoublement  en  «  Agneau  »  et  en  «  Cavalier  »,  suivant  son  double  aspect  de 
Sauveur  personnel  et  de  Parole  conquerante,  ce  dernier  flottant  entre  I'idee 
de  la  personnalite  du  Verbe  et  celle  du  developpement  historique  de  I'Evangile, 
par  les  predicateurs  qu'il  envoie). 

Agneau  Cavalier 

1'"®  section.  Au  ciel  :  ch.  ν ch.       vi. 

2"  section.  Sur  la  terre  :  ch.  xiv ,   .   ch.       xix. 

II  reapparaitra  aussi  en  «  Fils  d'homme  »  au  chap,  xiv,  comme  au  ch.  i*''. 

EXC.    XXIX.    l'anTECHRIST    DES    JUIFS    ET    CELUI    DE    l'aPOCALYPSE. 

L'Antechrist  (Αντίχριστος,  contre-partie,  adversaire  ou  rival  du  Messie]  est 
une  figure  quasi  essentielle  de  I'eschatologie  juive.  Sans  essayer  ici  de  faire 
riiistoire  de  ce  concept,  qui  demeure  du  reste  assez  obscure,  nous  renvoyons  le 
lecteur  aux  ecrits  ou  traites  speciaux  des  editeurs  d'Apocryphes,  Kautzsch,  etc., 
puis  a  SzEKELY,  Lagrange,  Bousset  Rel.  Jud.,  Volz,  Charles  Introduction  a 
VAsc.  d'Isaie;  et    surtout  a  Bousset,  Der  Antichrist,  pour  le  developpement 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  199 

de  cette  idee  dans  les  milieux  Chretiens.  II  semble  qu'elle  ait  pris  corps  au  milieu 
des  luttes  que  le  peuple  juif  eut  a  soutenir  centre  les  Seleucides,  pour  defendre 
son  existence  politique  et  religieuse  restauree  par  Esdras  et  Nehemie.  L'attente 
de  TAntechrist  etait  fort  repandue,  et  les  Chretiens  I'adopterent  pleinement  au 
le"^  siecle  :  «  Vous  avez  entendu  dire  que  I'Antechrist  vient  » ,  dit  saint  Jean  dans 
sa  premiere  epitre,  ch.  ii,  18.  Charles  [Asc.  Is.  li-lxxiii)  cherche  a  en  fixer 
revolution  de  la  sorte  :  1")  Au  plus  ancien  stade,  on  constaterait  I'existence 
de  trois  mythes  separe's  :  celui  d'un  prince  paien  adversaire  de  Dieu,  et  decrit 
sous  la  forme  du  Dragon,  avec  des  attributs  diaboliques;  on  le  reconnut  tour 
a  tour  dans  Antiochus  Epiphane,  et  dans  Pompee,  ou  on  I'attendait  dans  un 
empereur  romain  [Dan.  viii,  10;  xi,  36-suiv. ;  Ps.  Sal,  ii,  1,  25;  xvii,  11;  Bar. 
syr.  xxxvi,  5-suiv.,  xl,  1-suiv. ;  IV  Esd.  v,  6);  cette  tradition  se  reflete  dans 
II  Thess.  II,  4;  —  en  face,  nous  voyons  le  mythe  de  Belial  (Beliar,  Berial),  qui 
est  un  nom  de  Satan,  et  que  Charles  veut  mettre  en  rapport  avec  le  Dragon 
babylonien  [Jub.  i,  20;  Test.  Levi,  in,  3;  xvm,  12;  Test.  Ruben,  Test.  Dan.,  etc. 
Hen.  si.  xviii,  3;  xxix,  4;  Asc.  Is.  vii,  9,  etc.);  il  se  prolongerait  dans  notre 
Apocalypse,  ch.  xii;  —  enfin,  le  raythe  du  retour  ou  de  la  resurrection  de  Neron 
[Sib.  IV,  v;  Apoc.  xvii,  etc.);  2°)  Le  premier  et  le  second  mythe  se  seraient 
fondus  entre  eux  deja  avant  Neron,  puis  le  premier  avec  le  troisieme  vers  la  fin 
du  I" siecle;  II  Thess.  et  notre  Apocalypse  seraient  les  temoins  de  ce  fait; 
3°)  enfin,  de  la  confusion  des  trois  serait  nee  I'idee  soit  de  I'incarnation  de  Belial 
en  Neron  revenu  de  chez  les  Parthes  [Sib.  in,  63),  ou  sous  I'apparence  de  Neron, 
deja  mort  (Asc.  Is.  iv,  2-4),  soit  de  la  resurrection  de  Neron  [Sib.  v,  28-suiv, ; 
viii,  88,  157  :  Apoc.  xni,  xvii).  Cette  theorie,  en  ce  qui  concerne  notre  Apoca- 
lypse, devra  etre  remise  au  point  dans  notre  commentaire  du  ch.  xvii,  oii  nous 
nous  occuperons  du  «  Nero  redivivus  »  ;  mais  nous  pouvons  admettre  avec  Charles, 
sous  quelques  reserves,  les  trois  traditions  originaires.  La  figure  de  I'Antechrist 
se  complique  et  varie  en  se  precisant  a  partir  du  ii''  siecle  de  notre  ere.  C'est 
un  pseudo-Messie,  un  tyran  juif,  ipour  Irenee,  Hippolyte,  saint  Jerome,  Theo^ 
doret,  etc. ;  d'autres,  Victorin,  saint  Cyrille  de  Jerusalem  y  voient  un  empereur 
romain,  ou  le  «  Nero  redivivus  »  ;  quelques-uns,  tels  que  Commodien,  Lactance, 
le  dedoublent  en  empereur  romain  et  en  Antechrist  de  la  tribu  de  Dan  (v.  com- 
ment, du  ch.  vii,  c.  5-8).  Dans  quelques  ecrits  juifs  du  Moyen  Age,  il  apparaitra 
comme  un  ills  preternaturel  du  Diable,  sous  le  nom  d'  «  Armillus  »  (Romulus? 
ερημο'λαος?)  et  tuera  le  Messie  fils  de  Joseph.  En  dehors  de  toutes  ces  interpre- 
tations personnelles,  il  y  a  aussi  la  tendance  dans  certaines  ecoles,  joachimites, 
disciples  de  Nicolas  de  Lyre,  protestants  antipapistes,  a  y  voir  des  collectivites 
historiques,  diverses  selon  I'erudition  ou  les  convictions  de  chacun  (V.  Int. 
c.  v,  I,  §111,  4). 

11  faut  certaineinent  reconnaitre  I'Antechrist  dans  Γάνομος  de  saint  Paul,  et 
dans  Tune  au  moins  des  Botes  de  I'Apocalypse.  Mais  comment  les  ecrivains  du 
Nouveau  Testament  se  le  sont-ils  represente?  Nous  avons  deja  touche  a  cette 
question  dans  notre  commentaire  (v.  ch.  xi,  G  4;  C  7;  Exc.  xxiv) ;  dans  I'Intro- 
DucTioN,  c.  IX,  ^  III,  nous  avons  cherche  a  ctablir,  justement  par  une  compa- 
raison  avec  I'Apocalypse,  confirmee  par  d'autres  passages  eschatologiques  de 
saint  Paul,  que  le  grand  Apotre  a  vu  dans  «  I'homme  de  pcche  »  une  collectivite 
historique  continue,  qui  avait  deja  commence  a  agir  de  son  temps.  Pour  I'Apo- 


200  APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEAN. 

calypse  au  moins  il  est  absolument  certain  que  la  seule  figure  qui  puisse 
repondre  a  rAntechrist  juif,  c'est  la  Bete  de  la  Mer,  —  et,  dans  une  mesure 
que  nous  fixerons  dans  I'excursus  suivant,  la  Deuxieme  Bete  aussi.  Or,  Torigine 
de  cette  Bete,  qui  remonte  a  Daniel,  ses  sept  tetes  et  ses  dix  cornes,  symbo- 
lisme  connu,  et  qui  sera  d'ailleurs  explique  authentiφιement  par  Tauteur  lui- 
meme  au  chap,  xvii,  montrent  avec  une  pleine  evidence  que  la  Bete  n'est  pas 
une  personne,  mais  une  collectivite,  un  empire  ou  des  empires.  La  fluctuation 
du  symbolisme  entre  la  Bete  et  une  de  ses  tetes  n'est  pas  suifisante,  nous  le 
verrons  au  ch.  xvri,  pour  revoquer  en  doute  cette  interpretation. 

Jean  ne  fait  done  pas  mention  d'un  Antechrist  personnel.  A-t-il  rejete  cette 
tradition  juive?  Nous  n'oserions  raflTirmer,  mais  il  faut  du  moins  reconnaitre 
qu'il  ne  s'en  sert  pas  dans  sa  prophetie  eschatologique.  Si  la  majorite  des  Peres 
y  est  revenue,  cela  n'est  pas  du  a  I'influence  de  I'Apocalypse,  pas  plus,  a 
notre  avis,  que  leur  attente  du  retour  d'Elie  et  d'Henoch  (v.  comment,  du  ch.  xi, 
Exc.  xxii). 

Le  mot  d'«  Antechrist  »  fait  cependant  partie  de  la  terminologie  johannique; 
I'idee,  pour  beaucoup  d'exegetes,  apparaitrait  Joh.  v,  43  :  «  Je  suis  venu  au  nom 
de  mon  Pere,  et  vous  ne  me  recevez  pas:  qu'un  autre  vienne  en  son propre  nom, 
vous  le  recevrez  ».  En  tout  cas,  le  terrae  apparait  dans  les  Epitres  johanniques 
(I  Joh.  II,  18,  deux  fois;  22;  iv,  3 ;  II  Joh.  7),  et  c'est  meme  de  la  qu'il  a  ete  tire, 
car  il  ne  se  retrouve  nulle  part  ailleurs  dans  la  Bible  ni  dans  les  anciens  Apo- 
cryphes.  Mais  que  veut-il  dire  sous  la  plume  de  Jean?  \'^oici  les  textes  : 

I  Joh.  II,  18.  Παιδία,  εσ/άτη  ωρα  εστίν,  κα\  καθώς  ήκουσατε  οτι  αντίχριστος  έρχεται,  και 
νυν  αντίχριστοι  πολλοί  γεγο'νασιν  οΟεν  γινώσκουιεν  οτι  εσ/άτη  ώρα  εστίν.  19  ες  ήμίον 
εςηλθαν 

22.  Τίς  εστίν  δ  ψευστης  ε'ι  μη  δ  αρνούμενος  οτι  Ίησους  ουκ  εστίν  δ  χριστός;  ουτός  Ιστιν  δ 
'Αντίχριστος,    δ  αρνούμενος   τον  πατέρα  και  τον    υίο'ν.     Cfr.  II  Joh.  7. 

IV,  3.  Και  παν  ττνεΐίμα  β  μη  δμολογεΤ  (ou  bien  t  λύει)  τον  Ίησουν  εκ  του  θεοΰ  ουκ  εστίν  και 
τοΐίτο'  Ιστιν  το  του  Άντιχρίστου^  δ  άκηκο'ατε  δτι  έρχεται,  και  νυν  εν  τίο  κοσμώ  εστίν 
η  δη. 

Tout  celaparait  assez  clair  :  Jean  interprete  la  vieille  tradition  de  I'Antechrist, 
familiere  a  ses  lecteurs.  En  son  sens  principal  et  actuel,  —  s'il  y  en  ad'autres  qu'il 
faille  aussi  admettre,  il  ne  le  dit  pas,  —  I'Antechrist  est  I'ensemble  des  hommes 
qui  nient  le  Christ,  avant  tout  les  heretiques  et  les  apostats,  et  ils  operent  deja 
dans  le  monde,  tout  comme  le  «  mystere  d'iniquite  »  de  saint  Paul.  C'est  meme 
le  signe,  I'Antechrist  etant  une  entite  eschatologique,  que  I'humanite  est  entree 
dans  la  periode  des  «  derniers  temps  »  (Ixtrgd.  c.  ix,  §  II). 

Rien  de  plus  conforme  en  gros  a  la  doctrine  de  notre  ch.  xiii ;  nous  verrons 
par  I'excursus  prochain  ce  rapport  se  preciser  encore  mieux. 

EXC.    XXX.    LES    DEUX    BETES,    LE    CULTE    IMPERIAL    EN    ASIE,    ET 

LE    CARACTERE    PROPHETIQUE    DU    CHAPITRE    XIII. 

L'erudition  s'est  necessairement  mise  en  frais  pour  rattacher  le  couple  des 
Deux  Betes  a  quelque  tradition  mythologique;  mais  il  ne  nous  semble  pas  qu'elle 
soit  arrivee  cette  fois  a  aucun  resultat  plausible.  S'il  est  quelque  evidence  rela- 
tive en  pareille  matiere,  la  V^  Bete  est  comme  le  resume  et  la  quintessence  des 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  201 

Quatre  Betes  de  Daniel ;  or  le  symbolisme  de  ce  dernier  parait  moins  inspire 
d'une  tradition  que  rationnel  et  historique,  puisque  les  quatre  tetes  du  troisieme 
monstre  repondent  aux  quatre  grandes  royautes  des  Diadoques(lNT.  c.  v,  ii,  §  II). 
Cast  a  la  lumiere  de  ce  fait  qu'on  pourra  le  mieux  juger  les  theories  de  Bousset 
Rel.  Jud.  pp.  292-suiv.  et  passim,  de  Jeremias  BNT,  pp.  42,  al.,  de  Clemen, 
pp.  98-104,  de  Gunkel,  de  Gressmann,  etc.,  et  des  divers  commentateurs. 

A  cote  de  cette  origine  danielique,  et  de  la  coincidence  voulue,  mais  approxi- 
mative,  avec  laserie  des  empereurs  depuis  Neron  (v.  comment,  de  xvii),  nous  ne 
rejetterions  pas  absolument  I'idee  de  Bousset  (ad  loc.)  qui  fait  dependre  le 
symbolisme  des  sept  tetes  soit  de  quelque  vieille  tradition  sur  sept  gouverneurs 
du  monde,  a  travers  les  Eons  ou  les  millenaires  successifs,  soit  d'une  autre  sur 
un  monstre  cosmique  a  sept  tetes  (le  «  Chaostier  »  de  Gunkel;  cfr.  Bousset^  Joh. 
WeisSy  V.  infra).  Ces  influences  —  problematiques  d'ailleurs  —  contribueraient 
d'une  fagon  tres  appropriee  a  faire  ressortir  le  caractere  de  la  l""®  Bete  :  elle  serait 
une  puissance  qui  dure  a  travers  tons  les  ages,  et,  sous  son  apparence  de  formi- 
dable unite,  un  principe  de  division  et  de  desordre ;  mais  ces  sens-la  sont  secon- 
daires,  meme  douteux;  car  il  est  certain,  d'apres  le  chap,  xvii,  que  les  Tetes 
sont  des  personnages  historiques  passes,  presents  et  futurs,  tres  differentes  en 
cela  de  celles  du  Dragon,  qui  s'interpretent  au  mieux  par  des  entiles  morales  (les 
7  esprits  de  Beliar,  c.  xii,  3,  d'apres  Test.  Ruben).  Jean  reste  ainsi  tout  a  fait 
dans  laligne  de  Daniel;  dans  le  sens  formellement  voulu  par  lui,  il  n'y  a  qu'une 
rencontre  presque  accidentelle  (due  seulement  en  partie  au  caractere  mystique 
du  nombre  sept),  avec  les  autres  monstres  polycephales  de  la  tradition.  C'est 
done  par  acquit  de  conscience  que  nous  rappellerons  le  Leviathan  biblique,  le 
Musmahhu  babylonien,  grand  serpent  a  sept  tetes  [Ziminern.  KAT^,  504,  512, 
mentionne  dans  un  hymne  a  Ninib,  Clemen..,  p.  101)  ou  le  Musrussu  de  laporte 
d'IshtaraBabylone,  etre  fabuleux  qui  tient  de  la  panthere,  de  I'aigle,  du  serpent, 
du  scorpion,  mais  qui  n'a  qu'une  tete  [Gressmann  AOTB  II,  Abb.  166;  musrussu 
tamtin=  «  rotglanzende  Schlange  des  Meeres  »  ?  Jeremias,  A.  T.  im  Lichte  A.  0., 
p.  k2).\j'Azhi-Dahaka  parsi  a  aussi  plusieurs  tetes,  et  c'est  la  figure  qui  se  rap- 
prochele  plus  de  I'Antechrist  (v.  xn,  Exc.  xxvi  et  comm.  de  xx). 

Ces  relations  lointaines  n'autorisent  nullement  a  affirmer  que  la  Premiere  Bete 
apocalyptique  soit  la  transposition  d'aucune  de  ces  figures ;  mais  elle  ressemble 
encore  bien  moins  a  la  fameuse  Tidmat,  la  mer  chaotique  (Int.  c.  v,  i,  §  III,  3), 
qui  n'a  qu'une  tete,  etdoit  plutot  revetir  I'aspect  d'un  poisson  ou  d'un  crocodile. 
Si  la  Bete  imperiale  monte  aussi  de  la  mer,  ce  n'est  la  qu'un  trait  d'histoire  et  de 
geographie,  combine  peut-etre  avec  un  sens  mystique  latent  [supra,  comment, 
de  XIII,  1);  elle  n'a  rien  d'un  monstre  marin  dans  tout  son  aspect. 

Aussi  il  est  tres  aleatoire  de  vouloir  identifier  nos  Deux  Betes  avec  le  couple 
divin  Tidmat- Qingu  du  Poeme  de  la  Creation.  D'abord  on  ne  sait  pas  comment 
etait  fait  ce  Qingu,  figure  tres  effacee  qui  ne  joue  aucun  role,  et  n'apparait  que 
comme  le  mari  de  Tiamat,  un  simple  nora.  Les  Deux  Betes  de  I'Apocalypse  ne 
sont  point  mari  et  femme.  Quant  a  Leviathan  et  Behemoth  (Int.,  c.  v,  i,  §  III),  si 
I'on  pent  conceder  que  la  Premiere  Bέte  a  de  commun  avec  Leviathan  sa  polyce- 
phalie,  la  Deuxieme  n'a  rien  dans  sa  description  si  sobre  qui  la  relie  au  monstre 
mythologique  des  fleuves.  Ainsi  le  couple  diabolique  du  ch.  xiii  n'est  pas  du 
tout   manifestement    transmis   par    une    tradition    (cfr.    Holtzmann,   Bousset, 


202  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

/.    Weiss,   etc.   et   autres   ecrivains  de  I'ecole  «  religionsgeschichtlich  »)  (1). 

Nous  estimons  pour  notre  part  que  Jean  a  eu  ici  una  vision  absolument  origi- 
nale;  la  1''*  Bete  a  bien  un  lien  avec  les  monstres  de  Daniel,  mais  la  Deuxieme 
est  une  creation  de  I'Apocalypse.  La  breve  indication  qui  caracterise  son  aspect 
ne  rappelle  qu'un  seul  autre  passage  connu  :  c'est  le  signalement  des  faux  pro- 
phetes  donne  par  le  Christ  dans  les  Synoptiques  [supra).  II  ne  faut  sans  doute  pas 
chercher  d'autre  source. 

S'il  en  est  ainsi,  que  peuvent-elles  signifier  toutes  les  deux?  Bien  longtemps 
avant  les  exegetes  modernes,  on  a  reconnu  le  rapport  de  la  premiere,  generale- 
ment  avec  I'Antechrist  [Irenee,  etc.),  assez  souvent  avec  I'empire  remain,  et 
quelques-uns  meme  avec  lAntechrist  et  Fempire  romain  a  la  fois  (v.  Comment, 
et  Exc.  precedent).  Les  interpretes  de  I'ecole  «  d'histoire  ecclesiastique  »y  ont 
trouve  divers  personnages  ou  societes,  I'lslam,  tel  ou  tel  heresiarque,  la  Papaute 
pour  les  protestants  fanatiques  et  leurs  precurseurs  (Int.,  ch.  xiv,  §  IV-V). 
Quant  a  la  seconde,  on  I'a  naturellement  expliquee  en  function  de  I'autre,  dont 
clle  est  la  servante  et  le  prophete. 

II  est  clair  quelle  represente,  elle  aussi,  lAntechrist,  mais  sous  forme  reli- 
gieuse.  Joh.  Weiss  estime  que,  a  partir  du  v,  11,  Γ  «  Editeur  »  utilise  une  vision 
de  Jean,  et  combinant  le  «  faux  agneau  »  johannique  avec  I'Antechrist  politique 
fourni  par  Q,  lui  fait  representer  le  proconsulat  d'Asie,  ou  tel  proconsul  de 
I'epoque  qui  employait  les  magiciens  a  propager  le  culte  imperial.  Pure  supposi- 
tion, ettout  a  fait  gratuite,  quoique  Ramsay  lui-meme  la  favorise  un  peu  [Let" 
ters,  c.  ix)  :  Ihistoire  ne  nous  dit  rien  d"un  tel  personnage;  puis  cette  Bete  qui 
vient  de  la  terre, —  c'est-a-dire  de  I'Asie  Mineure,  et  non  de  la  Palestine,  contre 
ceux  qui  voient  ici  une  source  juive,  —  ne  pent  etre  qu'un  produit  du  sol,  et  non 
un  magistrat  envoye  de  Rome ;  enfin,  si  c'etait  un  magistrat,  ou  une  collectivite 
de  magistrate,  ce  serait.  encore  un  pouvoir  politique,  une  emanation  de  la  Pre- 
miere Bete,  et  Jean  n'aurait  pas  si  nettement  distingue  les  deux;  on  ne  voit  guere 
alors  non  plus  comment  son  apparence  eut  pu  se  rapprocher  de  celle  du  Christ, 
surtoat  sous  forme  d'agneau,  avec  cette  conti'efacon  d'humilite. 

Parmi  les  interpretations  anciennes,  les  unes  se  tiennent  dans  des  generalites 
vagues  qui  n'aident  guere  a  preciser  le  sens  de  la  figure.  Pour  Irenee  [Adv. 
Haer.  v,  28,  2),  c'est  Γ  «  armiger  »,  I'ecuyer  de  I'Antechrist;  ce  sera  encore 
«  un  grand  et  faux  Prophete  »  ( Vict.) ;  pour  d'autres,  d'apres  Andre,  Satan, 
lui-meme,  ayant  deux  comes,  I'Antechrist  et  le  Faux  Prophete;  plusieurs  y 
ont  vu  I'Antechrist  en  personne,  ainsi  Hippolyte.  Mais,  insistant  justement  sur 
son  caractere  de  faux  prophete,  ils  ont  bien  reconnu  que  c'etait  un  pouvoir  d'ordre 
spirituel,  I'Antechrist  etant  un  faux  Christ;  ainsi  Andre,  etc.  Hipp.  :  εξομοιοΰσθαι 
μέλλει  τω  υίω  του  θεοΰ.  Prim  :  «  Agnum  fingit,  ut  agnum  invadat.  »  Beatus  va 
jusqu'ay  reconnaitre  les  pretres  indignes,  «  prsepositi  mali  in  ecclesia  »  ;  Haymon, 
Albert,  etc.,  les  predicateurs  futurs  de  I'Antechrist,  les  membres  de  son  eglise. 

Joachim,  Nicolas  de  Lyre  et  leurs  ecoles,  les  anciens  protestants  ont  fait  les 
identifications  qu'ils  ont  voulu;  par  exemple,  pour  Ubertin  de  Casale,  les  Deux 

(1)  La  Bele  d'Hermas  [Vis.  in  et  iv),  la  Bete  de  la  Pistis  Sophia,  les  monslres  composites 
des  Mandoens  ou  des  Manichoens  peuvent  etre  aussi  des  croations  spontanees,  ou  des  lieux 
communs  symboliques,  s'ils  ne  sont  pas  simplement  inspires  de  notre  Apocalypse. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  203 

Betes  sont  les  papas  Boniface  VIII  at  Banoit  XI  (βενεδικτός  =  666) !  La  plupart 
des  modernes  ont  apporte  des  precisions  qui,  pour  etre  accommodees  au  i^""  siecle, 
n'en  sont  pas  moins  trop  restreintes  at  assez  arbitraires.  Ce  sera  Simon  le 
Magicien  pour  S pitta  et  Erbes,  Alexandre  d'Abonotique  ou  Herode  Atticus  (?!) 
pour  Volter.  Plusieurs  pensent  a  Apollonius  de  Tyane,tel  Ptamsay  qui,  du  reste, 
apres  Mommsen,  an  fait  una  image  plus  complexe,  et  y  voit  les  proconsuls  aides 
par  les  magiciens.  Notons  le  fait  que  deja  Andro  rapprochait  les  prestiges 
attendus  de  la  part  da  TAntecIirist  des  miracles  attribues  au  fameux  thauma- 
turge neo-pythagoricien.  Mais  I'image  de  la  2*-'  Bete  doit  couvrir  une  realite 
proportionnee  a  cella  de  la  Premiere;  alia  accompagne  toujours  cella-ci,  et  dure 
aussi  longtemps  qu'elle  (xix,  20) ;  pas  plus  que  I'autre,  alia  na  saurait  done  etre 
une  parsonnalite  unique. 

Le  plus  grand  nombre,  en  consequence,  a  vu  dans  la  2^  Bete  le  sacerdoce 
paien  en  general  [Grotius,  Hammond,  Eichhorn,  Eivald,  de  Wette,  Ousterdieck, 
Hilgenfeld).  Bossuet  pensait  a  la  philosophic  neo-pythagocienne  (ou  mieux 
neoplatonicienne?)  venant  en  aide  a  I'idolatrie;  et,  si  les  deux  cornes  represen- 
taient  des  parsonnas,  il  proposerait  Plotin  et  Porphyre.  C'est  la  meilleure  voie 
ouverte  a  Texegesc.  Elle  mene  a  des  interpretations  bian  plus  conformas  au 
symbolisme  at  aux  faits  que  ne  Test  Texplication  par  le  sacerdoce  imperial  pura- 
ment  at  simplement,  ou  par  une  personnalite  quelconque  promouvant  la  culta  des 
Cesars  (centre  Bousset,  al.).  Car,  a  part  les  pretendus  miracles  de  Vespasien 
ou  les  traditions  sur  la  naissance  d'Auguste,  ce  culte,  considero  tout  seul,  parait 
ete  plutot  rationaliste  et  administratif,  et  on  na  sait  pas  trop  pourquoi  Jean  I'aurait 
ainsi  symbolise  par  un  faux  prophete  ou  un  faux  agneau.  Du  resta,  la  2^  Bete  se 
confondrait  encore  trop  ainsi  avec  la  premiere  ;  elle  est  la  cause  de  ce  culte,  done 
elle  representa  des  realites  qui  existaiant  deja  avant  lui. 

Or,  ce  symbolisme  devient  tres  transparent  des  que  Ton  considera  I'ensembla 
da  I'etat  religieux  a  la  fin  du  i*"'  siecle,  surtout  dans  les  pays  les  mieux  connus  da 
saint  Jean.  C'est  d'abord,  sous  toute  espece  de  formes,  les  syncretisme  greco- 
oriental,  si  vivace  en  Anatolia  at  an  Syrie  :  qu'on  pense  a  ces  centre fagons  du 
Christ  qu'etaient  Adonis,  Attis,  Osiris,  Dionysos ;  a  leurs  mysteres  florissants  a 
Pergame,  a  leur  mystique,  qui,  par  certains  cotes  exterieurs,  et  sa  recherche  de 
I'union  des  croyants  a  la  divinite,  pouvait  paraitre  une  contrefagon  de  la  doctrine 
et  de  I'ascese  chretiennes;  a  leurs  superstitions,  miracles  d'Asklepios,  statue 
parlante  d'TIierapolis.  Puis  ce  sont  les  Juifs,  ces  pretendus  fideles  du  vrai  Dieu, 
qui  vivent  dans  I'attente  du  Messie,  et  s'unissent  pourtant  aux  gentils  pour  per- 
secuter  les  disciples  du  vrai  Messie,  de  I'Agneau.  Ce  sont  les  thaumaturges  pre- 
tendus philosophes  et  inspires  de  Dieu,  comme  Apollonius  de  Tyane,  contampo- 
rain  et  devenu  presque  concitoyen  de  saint  Jean;  c'est  la  Gnose  commengante, 
avec  des  mages  comma  Simon,  les  faux  docteurs  attaques  dans  les  dernieres 
epitres  de  saint  Paul,  Judey  la  II''  de  Pierre,  plus  tard  la  Γ'  et  la  II''  Joh.;  ce  sont 
les  infiltrations  paiennes  denoncees  chaz  les  Nicolaites;  enfin  tout  ce  deborde- 
ment  de  faussc  mystique,  de  doctrines  a  la  fois  grossieres  et  transcendantes, 
d'immoralite,  de  sorcellerie,  de  superstition  qui  inondait  alors  I'Asie  et  tout 
TEmpire  remain,  avec  la  pretention  de  purifier  les  hommes  pour  les  menar  au 
cial.  Tel  est  le  milieu  d'idees  ou  prospera  le  culte  des  empereurs ;  d'un  cote,  tons 
ces  facteurs  le  favoriserent  a  divers  degres,  m^me  les  Juifs  par  leur  haine  centre 


204  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

les  Chretiens  (voir  le  Marty  re  de  Polycarpe) ;  et  ce  culte  meme,  avec  ses  Cesars 
appeles  χυριος,  σο^τηρ,  qui  avaient  leurs  «  epiphanies  »,  leurs  «  parousies  »,  fut 
vite  en  voie  de  devenir  un  pendant  paien  du  christianisme,  dont  il  s'afficha  comme 
le  plus  dangereux  ennemi. 

Nous  croyons  done  que  la  Deuxieme  Bete,  avec  ses  airs  doucereux  et  per- 
suasifs,  symboh'se  d'abord  cet  ensemble  religieux  si  varie,  puis  I'union  qui  se  fit 
plus  tard  entre  ces  doctrines  et  la  philosophie  degeneree,  pour  tourner  finale- 
ment,  comme  nous  I'allons  voir,  au  profit  de  la  deification  du  pouvoir  politique, 
au  culte  de  TAntechrist. 

Mais,  lorsque  Jean  ecrivait,  les  choses  n'en  etaient  pas  encore  arrivees  a  ce 
point;  aussi  le  caractere  prophetique  de  I'Apocalypse  n'eclate  nulle  part  plus 
manifestement  que  dans  ce  chapitre  xiii. 

Une  revue  rapide  de  I'histoire  du  culte  imperial  pent  nous  en  convaincre.  Elle 
nous  montrera  que  le  Prophete  de  Patmos  a  decrit  un  etat  de  choses  qui,  quoi- 
que  en  germe  de  son  temps,  ne  s'est  pourtant  realise  qu'entre  le  ii*  et  le  iii*  siecle 
(Int.  c.  I  et  iii). 

La  deification  des  rois,  chez  les  peuples  de  haute  culture  de  lOrient,  apparait 
des  la  primitive  histoire,  et  elle  se  rattache  peut-etre  aux  conceptions,  trop 
systematiques  du  reste,  exposees  dans  VEarly  Kingship  de  Frazer.  Depuis  le 
chaldeen  Goudea  et  les  plus  anciens  Pharaons,  les  pays  du  Nil,  de  I'Euphrate  et 
du  Tigre  voient  defiler  d'interminables  theories  d'hommes  divinises ;  en  Mesopo- 
tamie,  les  rois  sont  d'origine  divine,  par  leur  pere  ou  par  leur  mere  [Dhorme,  La 
Religion  assyro-babylonienne,  pp.  166-173),  et,  en  Egypte,  la  theologie  des 
pretres  apporte  a  cette  adoration  de  I'homme  de  parfaites  precisions  :  I'^me  du 
Pharaon  est  un  double  detache  du  soleil  ou  d'Horus,  les  monarques  sont  des 
incarnations  successives  de  Ra.  Alexandre,  ayant  conquis  I'Egypte,  se  fit  declarer 
fils  d'Ammon  identifie  a  Zeus,  done  fils  de  Zeus.  Beaucoup  des  diadoques,  et 
surtout  les  Ptolemees,  ne  se  firent  pas  faute  de  suivre  cet  exemple  politique;  on 
a  retrouve  en  Asie  meme  des  mines  de  temples,  «  Ptolemaeons  »,  eleves  en  leur 
honneur.  De  meme  les  Attalides. 

Les  Grecs,  avec  leur  culte  des  heros,  ou  morts  superieurs,  et  des  demi-dieux, 
nes  d'une  divinite  et  d'une  creature  mortelle,  etaient  assez  disposes  a  suivre 
I'influence  orientale.  Lysandre,  le  vainqueur  d'Athenes,  s'etait  fait  honorer 
comme  dieu  en  Asie.  Les  seuls  Spartiates,  dit-on,  se  moquerent  des  pretentions 
d'Alexandre;  quant  aux  Asiatiques,  ils  etaient  habitues  de  longue  date  a  adorer 
leurs  maitres;  c'etait  la  marque  du  loyalisme;  se  mettre  de  I'opposition  devenait 
ainsi  une  impiete.  Chez  les  Grecs  degeneres  d'Europe  ou  d'Asie,  le  procede  le 
plus  ordinaire  de  I'apotheose  fut  I'incarnation  d'une  divinite  connue  dans  la  per- 
sonne  d"un  de  leurs  conquerants;  Marc-Antoine,  par  exemple,  devenu  Bacchus, 
celebra  a  Athenes  ses  noces  avec  Pallas.  On  dressa  aussi  des  autels  a  des  gene- 
raux,  a  des  proconsuls  romains,  a  leurs  vertus,  par  exemple  a  celles  de  Quintus 
Ciceron.  Puis,  de  meme  qu'on  divinisait  des  abstractions  ou  des  formes  de  la 
Providence,  Τύχη,  'Ελευθερία,  Δημοκρατία, etc.,  le  culte  de  la  «  Deesse  Rome  »,  cette 
deito  terrestre  si  tangible,  s'introduisit  a  Smyrne  des  le  ii*  siecle  avant  notre  ere. 
Nous  avons  vu  plus  haut  comment  presque  toutes  les  cites  apocalyptiques  don- 
nerent  de  nombreuses  marques  de  leur  ferveur  pour  le  Dieu-Auguste,  et  obtinrent 
I'une  apres  I'autre  leur  neocorat  (Int.  c.  ι  et  ii  et  comment,  des  ch.  ii-iii). 


APOCALYPSE    DE    SAINT    .lEAN,  205 

Les  Remains  avaient  imite  plus  on  moins  les  Grecs  dans  leur  culte  des'he'ros ; 
la  veneration  du  Genius  de  chaque  homme,  et  des  Di  Manes,  preparait  le  terrain 
aux  apotheoses  imperiales;  mais  I'influence  de  I'Orient,  et  surtout  Timitation 
des  Ptolemees,  eut  une  action  preponderante.  Jules  Cesar,  de  son  vivant  meme, 
eut  des  pretres,  son  image  iigura  avec  celles  des  dieux  aux  processions  solen- 
nelles,  et  le  senat,  apres  en  avoir  fait  un  demi-dieu,  decreta  enfin  qu'il  etait 
une  hypostase  de  Jupiter,  Juppiter  Julius,  et  qu'on  lui  b^tirait  un  temple ;  son 
culte  fut  definitivement  constitue  en  712,  sous  les  triumvirs,  il  se  propagea 
rapidement  dans  I'univers  soumis.  Apres  sa  victoire  d'Actium,  Octave  eut  natu- 
rellement  son  tour;  moitie  par  crainte  et  flatterie,  moitie  par  sincere  recon- 
naissance, le  monde  entier  se  precipita  a  genoux  devant  le  nouveau  maitre  qui 
lui  apportait  enfin  la  paix.  A  Rome  meme,  pour  rester  homme  de  bonne  compa- 
gnie,  et  ne  pas  ressembler  a  un  despote  oriental,  I'empereur  interdit  cette 
nouvelle  religion  {Suetone,  Auguste,  lii)  ;  mais,  comme  il  en  etait  flatte  au  fond, 
et  que  sa  politique  en  etait  favorisee,  il  laissa  les  poetes,  Horace,  Virgile,  le 
declarer  divin  a  leur  aise.  Proclame  «  Auguste  »,  ce  qui  etait  un  titre  surnaturel, 
«  Summus  Pontifex  »,  inviolable  et  sacre  comme  tribun  a  vie,  il  permit  d'adorer 
son  «  Genius  »  associe  aux  Lares  publics.  Apres  sa  mort,  le  ciel  lui  fut  decerne 
par  le  Senat  («  coelum  decretum  »),  et  Ton  vit  un  aigle  emporter  son  ame  parmi 
les  dieux;  I'apotheose  etait  complete,  meme  dans  la  capitale.  D'apres  les  idees 
deja  courantes,  les  ames  grandes  ou  vertueuses  pouvaient  aller  resider  dans 
rOlympe;  et,  entre  le  fait  d'etre  «  avec  les  dieux  »  ou  d'  «  etre  dieu  »,  la  nuance, 
comme  le  prouvent  force  inscriptions,  n'etait  pas  bien  saisie.  Ce  n'etait  pas  que 
I'homme  eut  ete  I'incarnation  d'un  dieu,  comme  en  Grece  ou  en  Asie;  mais, 
grace  a  son  «  Genius  »  et  a  ses  efforts  personnels,  il  etait  monte  en  grade  jus- 
qu'au  rang  supreme. 

Mais,  dans  les  provinces,  Auguste  s'etait  laisse  purement  et  simplement  deifier, 
bien  qu'il  voulut  parfois,  par  elegance,  se  donuer  des  airs  de  pince-sans-rire 
a  regard  de  ce  culte.  II  exigea  seulement  qu'on  ne  le  separat  point  de  celui  de  la 
deesse  Rome,  et  nous  savons  que  Pergame  eut  de  bonne  heure  son  temple  de 
Rome  et  d'Auguste.  Les  Augustales  des  municipes,  et  une  foule  d'associations 
religieuses  particulieres  en  Occident,  surtout  parmi  les  petites  gens,  plus  recon- 
naissants  a  I'Empire,  entretinrent  et  propagerent  le  culte  imperial.  Les  assemblees 
des  provinces,  les  κοινά,  I'organiserent  ofTiciellement  (Ιχτ,  c.  i  et  iii).  Apres  leur 
mort,  beaucoup  d'empereurs,  Claude,  Vespasien,  Titus,  Nerva,  etc.,  jouirent  de 
I'apotheose  a  I'instar  d'Auguste.  Bien  plus,  des  personnages  de  la  famille  ou  de 
I'entouragc  des  empereurs,  Livie,  Germanicus,  Poppee  et  la  fille  de  Neron, 
Antinoiis  le  mignon  d'lladrien  obtinrent,  de  diverses  manieres  et  a  divers  titres, 
les  honneurs  divins. 

Bien  plus,  des  le  premier  siecle  de  notre  ere,  le  monde  remain,  au  moins 
dans  les  provinces,  honorait  comme  une  divinite  son  chef  vivant.  Si  les  docu- 
ments litteraires  sont  pauvres  en  attestations  de  ce  culte,  celles  des  inscriptions 
et  des  papyrus  sont  innombrables.  Tons  les  predicats  divins,  ceux-la  memes 
que  les  Chretiens  attribuerent  a  Notre-Seigneur,  sont  donnes  a  I'empereur  vivant, 
fut-il  Neron  :  θεο';,  υίος  θεοΰ,  κύριος,  σοιτηρ,  σιοτήρ  του  κόσμου,  σο>σιχο'σμιος ;  \\  a  ses  jOUrs 
de  fete,  χυριακ•/|,  σεβαστή,  son  εύαγγελιον,  SOU  επίϊ/ανεία,  sa  παρουσία  quand  il  daio-no 
visiter  une  cite. 


206  APOCALYPSE    DE    SAINT    .lEAX. 

Ne  pourrait-on  pas  croire,  d'apres  tout  cela,  que  saint  Jean,  dans  notre  clia- 
pitre,  au  lieu  de  faire  une  prophetie,  se  borne  a  decrire  symbouquement  ce  qui 
existait  de  son  temps,  et  que  les  Chretiens  subissaiept  deja  toute  sorte  de  violences 
officielles  pour  etre,  sous  peine  de  la  vie,  forces  a  adorer  Tempereur,  c'est-a-dire 
alors  Domitien?  La  plupart  des  auteurs  le  croient;  mais  une  observation  plus 
attentive  montre  qu'ils  ne  s'appuient  formellement,  en  somme,  que  sur  notre 
chapitre  xiii.  interprete  du  present,  et  non  de  Tavenir;  ils  tranchent  done  la 
question  a  priori,  et  nous  croyons  que  cela  n'est  pas  necessaire  ni  legitime. 

Au  temps  de  I'Apocalypse,  on  nadorait  pas  encore  a  Rome  le  Cesar  vivant. 
Des  empereurs  avises  comme  Tibere  refusaient  avec  pudeur  le  titre  divin  de 
«  dominus  ».  Caligula  voulut  avoir  son  temple,  ses  pretres,  ses  sacrifices,  s*as- 
socia  a  Castor  et  Pollux,  fut  appele  par  quelques  flatteurs  «  Jupiter  Latin  » 
[Suet.  Calig.  xxii);  on  sait  ^SiV  Philon,  «  Legation  a  Caius  »,  qu'il  aurait  voulu 
faire  placer  sa  statue  dans  le  temple  de  Jerusalem.  Neron  s'imagina  aussi  que 
tel  ou  tel  dieu  apparaissait  dans  son  ignoble  personne ;  mais  Caligula  etait  un 
fou,  Neron  un  demi-fou,  et  leurs  extravagances,  qui  du  reste  ne  tendaient  pas 
encore  a  introduire  le  culte  de  Tempereur  en  tant  qu'empereur,  n'etaient  pas  de 
nature  a  imposer  la  religion  imperiale ;  les  Romains  intelligents  ne  firent  qu'en 
liausser  les  epaules  ou  s'eu  indigner.  Domitien  fit  avancer  les  choses ;  puisque 
I'empereur,  dans  les  provinces,  recevait  assez  couramment  des  titres  divins,  non 
content  d'eriger  un  temple  a  la  famille  Flavia  en  bloc,  il  insinua  lui-meme 
publiquement  qu'il  etait  dieu,  quand  il  reprit  sa  femme  divorcee  Domitia, 
readmise  dans  son  «  lit  divin  »  [pulvinar,  terme  qui  signifiait  les  coussins  sur 
lesquels  on  portait  les  statues  des  dieux) ;  le  couple,  en  plein  amphitheeitre,  fut 
acclame  «  dominus  et  domina  ».  Enfin  «  il  poussa  I'insolence  jusqu'a  dieter, 
dans  une  lettre  de  cliancellerie  «  Dominus  et  deus  noster  hoc  fieri  jubet  «,  et 
depuis  ce  temps  il  fut  ordonne  qu'on  I'appellerait  ainsi  »  [Suet.  Domitien  xiii), 
c"est-a-dire  dans  sa  domesticite  et  ses  bureaux,  ou  les  usages  orientaux  s'intro- 
duisaient;  pourtant  ces  noms  n'entrerent  point  dans  la  titulature  officielle, 
reconnue  de  tons.  Les  pays  d'Asie,  avec  leur  adulation  degoutante,  devaient 
etre  les  plus  prompts  a  se  courber  sous  de  pareilles  fantaisies;  mais  si  Ton  fait 
abstraction  de  notre  chapitre  apocalyptique,  auquel  on  ne  saurait  recourir  dans 
la  question  que  nous  debattons  sans  faire  une  petition  de  principe,  on  ne  voit 
pas  que  I'adoration  de  I'empereur  fut  passee  en  loi;  malgre  les  «  Concilia  »  et 
la  rage  de  servilite  des  Asiatiques,  on  ne  voit  pas,  a  considerer  I'ensemble 
du  livre,  particulierement  les  Lettres,  que  labstention  des  ceremonies  du  culte 
imperial  fut  deja  la  raison  principale  pour  rechercher  et  punir  les  chretiens; 
il  est  bien  possible  seulement  qu'a  Pergame,  par  exemple,  cette  abstention 
contribuat  a  attirer  sur  eux  I'attention  malveillante  des  aiitorites,  parce  que  la 
«  Satan  avait  son  siege  ».  Ce  n'est  qu'un  indice  assez  faible.  Au  second  siecle, 
dans  la  meme  province  et  en  Bithynie,  lorsque  des  chretiens  sout  amenes  devant 
les  proconsuls,  ceux-ci  les  invitent  a  bruler  de  I'encens  a  Trajan  :  «  imagini 
tuae,  quam  propter  hoc  jusseram  cum  simulacris  numinum  adferri,  ture  ac  vino 
supplicarent  »  [Plin.  Jun.  Epist,  96],  ou  bien  a  dire  :  Κύριος  Καίσαρ  [Mart.  Polyc. 
viii),  ou  a  jurer  «  par  la  fortune  de  Cesar  »  (ibid,  ix,  x).  Mais  ce  sont  des  faits 
sporadiques;  nous  ignorons  si  cette  procedure  etait  universelle;  en  tout  cas, 
rien  η  indique  quon  ait  fait  la  chasse  aux  chretiens  pour  les  y  contraindre. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  207 

Le  chapitre  xiii  de  Γ  Apocalypse,  a  lui  tout  seul,  est  insuffisant  pour  demontrer 
que  le  culte  imperial  fut  si  generalise  et  si  obligatoire  a  I'epoque  de  Jean;  le 
reseau  devait  etre  encore  trop  peu  serre  pour  que  la  masse  des  fideles,  meme 
connus  comme  tels,  ne  put  facilement  passer  a  travers  ses  mailles,  et  rien 
n'indique  que  ce  fut  la  deja  la  cause  principale  des  persecutions.  Mais  il  y  a 
plus;  on  n'insiste  pas  assez  sur  un  point,  dont  I'importance  nous  parait  capitale. 
C'est  que  la  Deuxieme  Bete,  qui  provoque  une  persecution  generale  pour  le 
refus  d'adorer  I'empereur,  est  caracterisee  comme  faux  Agneau  et  faux  proph'etey 
—  comme  une  puissance  de  persuasion,  intellectuelle,  mystique,  non  comme 
un  pouvoir  administratif,  ni  une  politique,  ni  un  brutal  courant  populaire.  Ce 
ne  pent  etre,  nous  Tavons  dit,  qu'un  mouvement  spirituel  ayant  quelque  analogic 
de  surface  avec  I'evangelisation,  tout  un  ensemble  d'influences  philosophico- 
religieuses. 

On  pensera  d'abord,  naturellement,  aux  religions  a  mysteres.  Mais  elles  etaient 
beaucoup  moins  repandues  qu'aux  siecles  suivants;  et  si  la  plus  celebre  alors, 
celle  d'Isis,  propageait  deja  a  travers  Γ  «  orbis  romanus  »  la  foi  dans  la  divinite 
des  chefs  d'Etat  d'apres  la  croyance  egyptienne  antique,  on  ne  pent  la  consi- 
derer  pourtant  comme  une  alliee  du  pouvoir,  qui  meme  la  persecutait  de  temps 
a  autre.  Quant  aux  autres  cultes  greco-orientaux,  —  en  laissant  de  cote  pour 
le  moment  le  mithriacisme,  —  ce  que  Ton  connait  de  leurs  dogmes  et  de  leurs 
tendances  ne  semble  pas  reveler  une  propension  particuliere  a  I'adoration  des 
pouvoirs  terrestres,  puisque  tons  s'occupaient  surtout  des  mysteres  de  I'Autre 
Monde. 

Les  protognostiques  ne  sont  pas  non  plus  specialement  suspects  de  complai- 
sance pour  cette  aberration  religieuse.  Et  moins  encore,  peut-etre,  la  philosophic 
encore  dominante;  car  c'etait  toujours  le  stoicisme,  et  les  stoiciens,  quand  ils 
n'etaient  pas  indifferents  a  Tegard  de  la  politique  contingente,  etaient  plutut 
consideres  comme  un  parti  d'opposition.  N'eurent-ils  pas  sous  Neron  leurs 
martyrs,  Seneque,  Thraseas?  Domitien  crut  meme,  en  90,  devoir  promulo-uer  un 
edit  qui  bannissait  tous  les  philosophes  de  Rome  et  de  I'ltalie,  et  dont  Epictete 
fut  victime  [Suet.  Domitien,  x,  alii).  Certes  le  bon  empereur  stoicien  Marc- 
Aurele,  et  cela  beaucoup  plus  tard  que  notre  epoque,  ne  se  considerait  guere 
comme  un  dieu.  Mais  en  dehors  aussi  du  stoicisme,  des  dissidents  mystiques 
comme  Apollonius  de  Tyane  auraient,  a  en  croire  Philostrate,  fait  montre  de  la 
plus  noble  independance  en  face  des  empereurs  d'alors;  Plutarque' et  les  plalo- 
niciens  de  Fepoque  se  tiennent  a  un  niveau  religieux  encore  bien  plus  eleve  et 
spiritualiste. 

Nous  pouvons  done  conclure,  avec  une  probabilite  touchant  a  la  certitude,  que 
les  conditions  du  culte  imperial,  sous  le  regne  de  Domitien,  etaient  bien  loin  de 
repondre  a  la  description  donnee  par  saint  Jean ;  il  n'y  avait  pas  encore  de 
Deuxieme  Bete,  ou  du  moins  elle  ne  s'etait  pas  deja  alliee  avec  la  premiere. 

A  la  fin  du  second  siecle,  et  plus  tard,  sous  Dece,  sous  Diocletien,  il  n'en  va 
plus  ainsi.  Le  culte  imperial  en  est  venu  a  resumer  tout  le  systeme  religieux  de 
I'Empire  romain;  ses  exigences  servent  de  pierre  de  touche  pour  reconnaitre  si 
oui  ou  non  un  accuse  est  hors  la  loi  de  I'Empire,  blasphomateur  de  la  religion 
ofTicielle,  digne  de  mort;  au  fort  des  crises  perseculrices,  on  nc  pent  plus  guere 
«  ni  acheter  ni  vendre  sans  avoir  I'empreinte  de  la  B^te  ». 


208  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

C'est  que  des  fails  nouveaux  s'etaient  produits  :  la  philosophie  s'etait  mise  au 
service  des  religions  mystiques,  et  celles-ci,  syncretisees  sous  I'influence  du 
mithraisme  et  des  cultes  solaires,  avaient  definitivement  deifie  I'empereur  A'ivant, 
comme  tel,  quel  qu'il  fiit.  Resumons  la-dessus  la  these  de  I'autorite  la  plus  com- 
petente,  Franz  Cumont,  en  y  melant  le  moins  possible  de  nos  reflexions  : 

«  A  la  fin  du  ii*  siecle,  la  complaisance  plus  ou  moins  circonspecte  que  les 
Cesars  avaient  temoignee  aux  mysteres  iraniens,  se  transforme  tout  a  coup  en 
appui  effectif  ».  Commode  adopte  le  mithraisme;  lui-meme  cependant,  notons-le, 
se  contente  comme  dieu  d'etre  un  avatar  d'Hercule;  les  mithriastes  sont  devoues 
aux  Severes,  a  Philippe;  le  mouvement  va  s'accentuant  avec  Aurelien,  ado- 
rateur  du  «  Sol  Invictus  »,  jusqu'a  Diocletien,  enfin  Julien  I'Apostat.  Les 
empereurs  furent  pousses  a  cette  politique  religieuse  pai-  la  raison  d'etat.  lis 
virent  dans  le  mithriacisme  le  meilleur  auxiliaire  de  leur  autorite. 

Les  Perses,  comme  les  Egyptiens,  se  prosternaient  devant  leurs  souverains, 
mais  ils  ne  les  consideraient  pas  comme  des  dieux;  ils  honoraient  le  «  demon  » 
du  roi,  qu'on  pent  rapprocher  du  «  Genius  »  de  Fempereur,  sans  y  voir  autre 
chose  que  Felement  divin  qui  forme  une  partie  de  Tame  de  tout  liomme  et  de 
toute  femme.  Mais  les  rois  perses  possedaient  de  plus  la  «  Gr4ce  »  du  Createur. 
«  Les  Iraniens  se  representaient  cette  grace  comme  une  espece  defeu  surnaturel, 
d'aureole  brillante,  de  «  gloire  »,  qui  appartenait  avant  tout  aux  divinites,  mais 
qui  eclairait  aussi  les  princes  et  consacrait  leur  puissance.  »  Le  «  Hvareno  », 
comme  FAvesta  Fappelle,  illumine  les  souverains  legitimes,  et  s'ecarte  des 
usurpateurs  ainsi  que  des  impies,  qui  perdent  bientot  avec  sa  possession  la 
couronne  et  la  vie.  Les  peuples  etrangers  assimilerent  la  Gloire  mazdeenne  a  la 
Fortune  :  «  Gad  »  chez  les  Semites,  Τύχη  chez  les  Grecs.  Ces  idees  se  propa- 
gerent  dans  les  royaumes  de  Cappadoce,  du  Pont,  de  Bactriane,  chez  les  Seleu- 
cides,  mais  en  se  melant  aux  conceptions  semitiques  de  la  fatalite  astrale.  Le 
«  Soleil  Invincible  »,  "Ηλιος  ανίκητος,  identifie  avec  Mithra,  fut  durant  la  poriode 
alexandrine  generalement  considere  comme  le  dispensateur  du  Hvareno  et  de  la 
victoire,  et  le  monarque  qui  possedait  cette  «  gr^ce  »,  venere  a  Fegal  des  Immor- 
tels.  Apres  la  disparition  de  ces  dynasties,  leurs  anciens  honneurs  se  reporterent 
sur  Fempereur  romain.  A  Rome,  un  vieux  culte  national  s'adressait  a  la  «  For- 
tune du  peuple  romain  »;  la  «  Fortune  Auguste  »,  imitation  de  la  Τύχη  βασιλέως, 
apparait  sur  les  monnaies  a  partir  de  Vespasien;  mais  c'est  la  theorie  mazdeenne 
qui  seule  «  permet  de  penetrer  la  signification  de  la  titulature  imperiale  ».  La 
doctrine  que  le  sort  des  etats  comme  celui  des  individus  est  lie  au  cours  des 
astres,  —  idee  fort  favorisee  par  le  stoicisme  lui-meme,  —  entraina  celle  que  le 
chef  des  planetes  etait  le  maitre  de  la  fortune  des  rois.  Le  Soleil  devint  «  comes  », 
«  conser^>ator  »  de  FEmpereur,  «  fautor  imperii  sui  »  (Diocletien,  sur  Mithra). 
«  En  se  donnant  le  nom  dilnvincihles,  les  Cesars  proclamaient  done  Falliance 
intime  qu'ils  avaient  coatractee  avec  le  Soleil,  et  ils  tendaient  a  s'assimiler  a 
lid  (1).  »  L'epithete  d'«  aeterni  »,  appliquee  aux  souverains,  apres  avoir  ete 
portee  surtout  par  les  divinites  solaires  de  I'Orient,  revele  encore  mieux  la  con- 
viction d'une  communion  intime  entre  eux  et  le  Soleil,  d'une  identite  de  nature; 
la  couronne  radiee^  que  prit  le  premier  Neron,  a  Fimitation  des  Ptolemees  et 

(1)  Nous  soulignons. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  209 

des  Seleucides,  le  figura  d'line  maniere  emblematique.  De  meme  que  les  rois 
Sassanides  etaient  «  freres  du  soleil  et  de  la  lune  »,  les  Cesars,  en  Asie,  furent 
a  peu  pres  consideres  comme  des  avatars  successifs  d'Helios.  LOccident  fut 
plus  lent  a  entrainer;  pourtant  la  conception  que  le  Soleil  a  I'empereui•  sous  sa 
garde  —  elle  apparait  tres  nettement  a  partir  d'Aurelien  —  conduisit  peu  a  peu 
a  celle  de  leur  consubstantialite. 

Cumont  I'explique  par  la  psychologic  enseignee  dans  les  Mysteres  mithriaques. 
Suivant  ces  doctrines,  les  ames  preexistantes  dans  I'empyree  traversent,  pour 
venir  animer  les  corps  ou  elles  s'enfermeront,  toutes  les  spheres  des  planetes, 
recevant  de  chacune  quelques-unes  de  leurs  qualites.  Or,  en  astrologie,  le. Soleil 
est  la  planete  royale,  c'est  lui  qui  appelle  ses  elus  a  regner.  «  Les  Cesars... 
deviennent  veritablement  maitres  par  droit  de  naissance;..,  ils  sent  divins, 
car  ils  ont  en  eux  certains  elements  du  soleil.  »  La  double  idee  du  «  Hvareno  », 
devenue  celle  de  la  «  Fortune  du  roi»,  et  de  I'origine  de  I'ame  du  monarque, 
permettait  de  soutenir  que  I'empereur  participait  a  la  divinite  du  soleil  et  etait 
son  representant  sur  la  terre.  Cela  s'appliquait  a  tous  les  empereurs  egalement, 
du  moment  qu'ils  avaient  pu,  de  par  cette  predestination,  arriver  au  trone ; 
mais  ces  idees  datent  du  triomphe  du  Mithriacisme,  c'est-a-dire  du  troisieme 
siecle,  elles  n'etaient  pas  assez  nettes  au  temps  de  saint  Jean  pour  inspirer  la 
politique  religieuse  de  I'empire. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  maintenant  sur  I'appui  que  les  religions 
orientales,  avec  toutes  leurs  consequences,  jusqu'au  dogme  de  la  divinite  de 
I'empereur  vivant,  trouverent  dans  la  philosophic.  Mais  cette  philosophic,  ce  ne 
fut  ni  la  stoique,  ni  le  platonisme  a  la  Plutarque,  mais  le  neoplatonisme,  qui 
s'epanouit  aussi  a  partir  du  iii^  siecle,  jusqu'a  Jamblique  et  Julien.  C'est  alors 
que  la  philosophie  se  transforma  en  theologie  des  religions  les  plus  heteroclites ; 
qu'elle  se  fondit  avec  la  theurgie  et  I'ascese,  et  prit  des  airs  de  «  faux  pro- 
phete  »  et  de  «  faux  Agneau  ».  La  fusion  ou  la  confusion  des  religions  a  mys- 
teres, des  cultes  nationaux,  de  la  philosophie  theurgique,  er  du  culte  imperial 
apparut  parfaite  sous  Julien  I'Apostat,  lors  du  dernier  grand  assaut  de  la  «  Bete 
de  la  mer  »  contre  I'Eglise.  Les  grands  pretres  (άρ/ιερεΐς)  du  culte  de  I'empereur 
dans  les  provinces  «  devinrent  done  alors,  c'est  Julien  lui-meme  qui  nous 
I'apprend,  les  chefs  ofTiciels  du  paganisme  [Julien,  Lett.  49) ;  et  Ton  pent  jusqu'a 
un  certain  point  pretendre  que  toute  la  religion  romaine,  dans  le  dernier  combat 
qu'elle  livra  aux  Chretiens,  se  groupa  autour  du  culte  de  Rome  et  d'Auguste  » 
(G.  Boissier,  Rel.  rom.  I,  p.  158). 

Nous  n'avons  rien  a  ajouter  desormais  pour  justifier  notre  assertion.  Saint 
Jean,  dans  I'Apocalypse,  a  decrit  un  e tat  qui,  bien  qu'en  germe  de  son  temps,  ne 
s'est  realise  que  plus  d'un  siecle  apres  lui.  La  1'"  Bete  etait  nee  au  plus  tard  sous 
Neron;  mais  la  Deuxieme  ne  naquit  veritablement  qu'entre  le  π"  et  le  iii^  siecle. 
C'est  au  moins  une  intuition  de  I'avenir  extraordinairement  juste,  que  d'avoir 
ainsi  fixe  longtemps  a  I'avance  le  caractere  que  prendrait  la  lutte  contre  le  Dra- 
gon; mais  pour  nous,  croyants,  c'est  une  prophetie  absolument  caracterisee.' 

Jean  n'a-t-il  cependant  vu,  dans  ce  chapitre  fameux,  que  I'Empire  romain  et 
les  courants  religieux  et  intellectuels  qui  favoriserent  sa  tyrannic  sur  les  cons- 
ciences? Non,  car  la  Rome  pa'ienne  doit  perir,  et  la  Bete,  les  Deux  Betes,  lui 
survivront,  pour  n'etre  vaincues  qu'a  la  fin  des  ages  (v.  comment,  de  xvi-xx).  Ne 

APOCALYPSE    UE    SAINT  JEAN.  14 


210  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

les  voyons-uous  pas  encore  a  I'ceuvre  de  nos  jours?  L'epouvantable  crise  mon- 
diale  que  nous  venons  de  traverser  a  donne  occasion  a  bien  des  applications 
actuelles  de  cette  prophetie,  qui  ont  au  moins  le  defaut  d'etre  trop  etroites;  le 
chiffre  666,  surtout,  a  excite,  comme  au  Moyen  Age  et  au  temps  de  la  Reforme, 
les  imaginations  les  plus  saugrenues.  Mais  il  est  un  fait  :  c'est  que  la  force 
brutale  a  pretendu,  plus  que  jamais,  supprimer  ou  asservir  toutes  les  forces 
morales  et  spirituelles,  et  que  le  terrain  lui  etait  prepare  par  tons  les  courants 
d'idees,  toutes  les  societes  secretes  ou  publiques,  qui,  au  lieu  de  la  vie  future, 
nous  presentaient  les  biens  terrestres  comme  la  fin  derniere  de  notre  activite ; 
franc-magonnerie  et  socialisme  antichretiens,  scientisme  materialiste,  bumani- 
tairerie  illusoire,  culte  de  la  richesse  ou  de  la  force,  en  un  mot  tout  ce  qui,  a 
I'ideal  divin,  substituait  I'Etat,  la  matiere  ou  le  succes,  c'etait  une  realisation 
assez  reussie  de  I'apparent  Agneau  qui  parle  comme  un  dragon,  et  mene  dou- 
cement  les  liommes  a  abdiquer  toute  conscience  devant  la  puissance  de  Tor  et 
du  fer.  La  prophetie  de  saint  Jean  nous  affirme  qu'un  jour  les  Deux  Betes  seront 
expulsees  du  monde  et  plongees  a  jamais  dans  I'etang  de  feu.  II  a  predit  d'une 
maniere  precise  le  cuisant  echec  qu'elles  devaient  subir  aux  premiers  siecles, 
par  la  mine  de  I'immense  empire  paien,  presage  de  ce  qui  doit  leur  arriver 
toujours,  en  quelque  temps  et  milieu  qu'elles  redressent  leurs  tetes  :  ώδε  εστίν  ή 
υπομονή  και  ή  πίστις  τίον  αγιο^ν. 

(Voir  IxTROD.  c.  ν,  I  §  HI,  3,  4  et  ii,  §  IV;  c.  ix,  §  III-IV ;  puis,  entre  autres, 
Deissmaxx,  L.O^  pp.  248-288;  G.  Boissier,  La  Religion  romaine  d'Auguste  aux 
Antonins,  i,  ch.  ii,  pp.  109-186,  Paris,  1906;  F.  Cumoxt,  Les  Mysteres  de 
Mithra,  ch.  iii,  pp.  71-87,  Bruxelles,  1902;  V.  Chapot,  La  province  romaine 
proconsulaire  d'Asie,  Paris,  1904;  J.  Reville,  La  Religion  a  Rome  sous  les 
Sei>eresy  Paris,  1886;  B.  Allo,  L'Evangile  en  face  du  syncretisme  paien,  Paris, 
1911;  commentaires  de  Boisset,  de  Savete,  etc.  (1)  ). 

EXC.    XXXI.    —    LE    ΧΟΜΒΠΕ    DE    LA    BETE. 

Le  lecteur  qui,  parmi  tous  les  ecrits  de  ce  genre  litteraire,  ne  connait  que 
I'Apocalypse,  se  trouve  assez  desoriente  par  le  singulier  verset  18.  Mais  la 
lecture  des  apocryphes  lui  apprendrait  que  rien  n'etait  alors  plus  commun  que 
la  «  gematria  »  dans  la  litterature  juive.  II  ne  faut  done  pas  en  faire  un  grief  a 
saint  Jean.  La  Bible  en  use  deja,  ou  du  moins  d'un  procede  fort  analogue,  dans 
Jer.  XXV,  26;  li,  41  :  ηΓ'ιΓ  pour  hll\  elle  est  surtout  commune  dans  les  Sibyllins, 
juifs  ou  Chretiens,  sous  des  formes  plus  ou  moins  compliquees  {Sib.  v,  vers 
10-50;  VIII,  vers  148-150;  i,  vers  .325-331;  egalement  xi,  xii,  xiii,  xiv).  II  s'agit 
d'empereurs  remains,  entre  autres  Neron,  du  nom  de  Rome  correspondant  a  sa 
duree  predile,  du  roi  de  Palmyre  Odenath,  et  du  nom  de  Jesus  lui-meme,  dans 
un  passage  qui  merite  particulierement  d'etre  cite  : 

Sib.  I,  324-331  :  «  Alors  viendra  vers  les  hommes  le  Fils  du  grand  Dieu,  revetu 
de  chair,  pareil  aux  mortels  sur  la  terre ;  aijant  quatre  voyelles,  la  consonne 
en  lui  est  doublee.  Mais  je  veux  te  dire  le  nombre  entier  :  huit  unites,  autant 

(1)  Je  n'ai  malheureusement  pu  consulter  le  savant  ouvrage  de  Beurlier.  Le  culte  impr- 
rial.  son  liisfuire  et  son  organisation,  Paris,  1891. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  211 

de  dizaines  en  outre,  et  hu'it  centaines,  νυι'Ια  ce  qaaux  amis  de  I'incredulitc, 
aux  hommes,  le  Nom  rei>elera  (Ίησους  =  888);  mais  toi,  dans  ton  esprit,  pense 
bien  a  Fimmortel  et  tres  haut  Fils  de  Dieu,  au  Christ  ». 

Certains  auteurs  pensent  voir  aussi  une  gematrie  dans  le  Taxo  d'A.w.  Mas. 
Nous  avons  surtout  des  exemples  posterieurs  a  rApocalypse,  sous  les  Antonins, 
et  jusqu'au  iii^  siecle,  mais  rien  ne  montre  du  moins  qu'ils  s'en  s'inspirent. 

La  gematrie  n'etait  pas  un  procede  particulier  aux  Juifs.  Grecs  et  Romains  en 
usaient  egalement  dans  les  ecrits  mythiques  ou  prophetiques.  Ainsi  dans  le 
«  Roman  d'Alexandre  »  du  Pseudo-Callisthene,  ch.  xxxii,  le  dieu  Sarapis  revele 
son  nom  en  chiffres  :  200  (σ)  +  1  (α)  +  100  (ρ)  -f-  1  («)  -f-  80  (π)  +  10  (ι)  -f-  200 
(σ)  =  592.  L'usage  n'etait  pas  borne  a  ce  genre  de  litterature;  il  apparait  dans 
les  inscriptions  de  Pergame,  ville  apocalytique,  a  I'epoque  imperiale  (Inscr.  de 
Pergame,  333,  339,  587).  Deissmann  note  le  fait,  et  rappelle  encore  que,  d'apres 
Fr.  Bucheler  (Rheinisches  Museum  fur  Philologie,  1906,  pp.  307-suiv.),  le 
ch.  39  de  la  vie  de  Ne^'on  par  Suetone  contient,  parmi  les  epigrammes  que  le 
peuple  de  Rome  dirigeait  contre  Neron,  un  jeu  de  chiffres  sur  Neron  et  matri- 
cide. Enfin  la  gematrie  apparait  dans  des  documents  tout  a  fait  populaires, 
commeles graffiti  de  Pompei,  done  un  pen  avant  TApocalypse  [Sogliano,  Isopsepha 
Pompeiana.  Rendiconti  della  reale  Accademia  dei  Lincei,  1901,  pp.  256-259),  Un 
amoureux  ecrit  sur  la  muraille  :  «  J'aime  celle  dont  le  nombre  est  bk5.  »  Un 
autre  :  «  Amerimnos  a  eii  un  bon  souvenir  pour  sa  mattresse  Harmonia  (nom 
conventionnel).  Le  nombre  de  son  beau  nom  est  k5  »  (ou  bien  1035,  με'  ou  αλε'), 
Jean,  avec  son  chiffre  de  I'Antechrist,  ne  faisait  done  rien  d'insolite  aux  yeux 
d'un  milieu  greco-asiatique  (Voir  Deissmann,  LO,  pp.  207-208,  qui  renvoie  aussi 
a  Perdrizet,  Revue  des  Etudes  grecques,  1904,  pp.  350-360,  et  aux  Lexiques 
grecs  sur  ισόψηφος). 

Les  circonstances  justifiaient  pareille  precaution  {supra,  comment,  de  18,  et 
Deissmann,  p.  208)  ainsi  que  les  habitudes  du  genre  litteraire.  Le  Nouveau 
Testament  η  use  pas  ailleurs  de  ce  procede  singulier,  malgre  les  exegetes  qui 
ont  voulu  le  retrouver  Gal.  iv,  25  (voir  Lagrange,  Epitre  aux  Galates,  1918, 
p.  127).  Mais  I'epitre  de  Barnabe,  peu  posterieure  a  FApocalypse,  presente  a 
propos  d'Abraham  une  gematria  sur  Jesus  et  la  croix  [Barn,  ix,  8)  et  Irenee  en  a 
une  Adv.  Haer.  li,  24,  1-2  (justement  aussi  en  lettres  hebraiques). 

Le  meme  Irenee  affirme  que,  d'apres  les  meilleurs  manuscrits,  le  chifCre  est 
666,  non  616  [supra,  com.  18).  Nous  nous  tiendrons  done  a  666,  malgre  I'autorite 
de  S3-C-04,  tout  en  reconnaissant  que  I'autre  chiffre,  prefere  encore  par  bien  des 
auteurs,  n'est  pas  non  plus  denue  de  vraisemblance. 

Des  la  fin  du  ii^  siecle,  on  a  donne  au  probleme  de  ce  chiffre  la  solution  la  plus 
simple,  qui  est  de  nen  pas  chercher  du  tout.  Saint  Irenee  (Adv.  Haer.  v,  30,  2^ 
declare  bien  franchement  :  «  άσφαλέστερον  καΐ  άκινδύνοτερον  το  περιμένειν  τήν  εκβασιν  τής 
προ'^ητείας  Vj  το  καταστο/άζεσθαι  και  άπομαντευεσθαι  όνο'ματα  τυχόντα,  πολλών  ovouoctwv  ευρεθη- 
ναι  δυναμε'νον  ε/όντων  τον  προειρημενον  αριθμόν  ».  Mais  si,  au  lieu  de  remettre  a  lavenir 
I'accomplissement  de  cette  prophetie  qui  en  amenera  I'intelligence,  avec  irenee 
suivi  d'Origene  (Sch.  xxxix)  et  d'Andre,  nous  croyons  au  contraire  qu'elle  a  ete 
realisee  de  la  maniere  la  plus  caracteristique  sous  Tempire  remain,  nous  ne  nous 
contenterons  pas  avec  Andre  de  faire  «  des  recherches  par  mode  d'exercice  »  et 
de  proposer  au  hasard  des  noms  comme  λαμπε'τη;,  Τειτα'ν,  en  grcc,  Benedictns  on 


212  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

latin,  Sarmnaeus  en  persan,  ou  bien  κακός  δ5ηγος,  etc. ;  Prim,  donne  ΑΝΤΕΜΟΣ 
(αντίτιαος?),  ct  beaucoup  Tont  repete  au  Moyen  Age;  Beatus  propose  sept  noms 
divers.  L'avertissement  du  v.  17,  et  lulilite  actuelle  que  le  dechiffrement  avait 
pour  les  Chretiens  d'Asie,  empeche  absolument  d'esquiver  ainsi  la  difiiculte. 

Toute  espece  d'hypotheses  ont  ete  faites,  quelques-unes  absurdes,  surtout 
apres  Nicolas  de  Lyre,  la  plupart  arbitraires.  Nous  ne  nous  attarderons  pas  a 
critiquer  le  n^^ivzip  cinn  de  Gunkel,  ou  le  ΐΣ^Ί:  "jz  "711^2:,  de  Bruston.  Mais,  des 
les  premiers  temps,  les  commentateurs  les  plus  aulorises  ont  senti  qu'il  aurait 
fallu  un  nom  designant  de  quelque  maniere  le  paganisme,  ou  mieux  encore 
Vempire  romain.  Ainsi  7re/zee  (v,  30,  1),  a  cote  d'EOavOa;  ou  de  n'importe  quel 
autre,  signalait  τειτάν,  nom  d'Apollon  (cfr.  I'interpretation  d"A':roX}.uo)v  de  ix,  11) 
ou  Αατεϊνος,  disant  qu'il  prefererait  celui-ci ;  Viclorin  de  Capoue  a  note  ce  dernier 
nom  en  marge  de  son  exemplaire;  Hippolyte^  a  cote  d'apvou[/.e  (άρνοΰμαι,  «  je 
renie  »,  Antechrist  apostat),  donne  aussi  Α^τεινος,  de  meme  qu'Eiisebe.  En  ces 
dernieres  annees,  Clemen  a  propose  η  λατινη  βασίλεια  ou  ,η  ιταλ•/;  βασίλεια;  Ewald 
(1828)  s'etait  decide  pour  a^ll  IDip  (616),  et  Manchot  pour  avziT  ηρ''ρ  (666); 
Deissmann  (LO,  p.  258)  propose  καΤσαρ  θεός  (616).  Ces  solutions  s'accorderaient 
bien  avec  le  sens;  mais  si  Ton  en  trouve  de  mieux  determinees,  elles  seront 
certainement  preferables.  D'autres,  qu'il  serait  fastidieux  d'enumerer,  ont  ete 
proposees  par  van  den  Ber-gh  van  Eysinga,  etc. 

Or,  Ires  anciennement  deja.  on  a  cherche  le  nom  propre  d'un  empereur.  Aprin- 
gius  (non  pas  Victorinus,  qui,  malgre  sa  tlieorie  du  «  Nero  redivivus  »,  n'a  pas 
donne  d'interpretalion  dans  son  texte  original)  (1)  propose  ϊειταν  ou  «  DICLUX  » 
{die  :  lux),  parce  que  TAntechrist  se  donnera  pour  un  ange  de  lumiere;  mais  cet 
etrange  terme  de  «  Diclux  »  a  ete  forme  des  lettres  a  valeur  numerique  quon 
pent  isoler  dans  le  nom  de  Diocletien,  Diodes  Augustus  :  DIoCLes  AVgVstVs, 
en  joignant  en  un  seul  signe  deux  cliiffres  V  pour  en  faire  un  X ;  ainsi  Ton  obtient 
DCLXVI  =  666  =  Diclux  par  une  interversion.  Gette  explication,  admise  de 
Bossuet,  qui  applique  le  chiirre  a  Julien  lApostat,  comme  a  un  Diocletien  res- 
suscite,  atteste  au  moins,  si  recherchee  et  arbitraire  qu'elle  puisse  etre,  la  tres 
ancienne  preoccupation  de  decouvrir  un  empereur  individuel.  De  nos  jours,  en 
suivant  certaines  theories  sur  les  sources,  on  y  a  vu  Trajan  ρηπ  ou  ijiin)  — 
deja  Grotius  decouvrait  Οΰλπιο;,  nom  de  Trajan  (Cfr.  Hadorn,  ZNW,  1919,  H.  1), 
—  ou  encore  [VoUer,  ii)  Trajan  et  Hadrian  (c^:n~N  D^:n•::  =  666,  ou  "j'lTi'c 
0ίΐ3ΐηΐΝ  =  616).  Beaucoup  d'auteurs,  onlevoit,  seservent  de  I'alphabet  hebraique. 
Mais  on  pourrait  multiplier  indefiniment  les  cles  de  ce  genre. 

Deux  interprelalions  par  un  nom  d  empereur  ont  eu  plus  desucces,  et  parais- 
sent  plus  admissiblcs  a  priori.  L'une,  se  servant  de  l"alphabet  grec  et  de  616, 
trouve  Caligula,  Γαιος  Καίσαρ  [Spilta,  0.  Holtz'nann,  etc.)  La  mort  et  la  resurrec- 
tion de  la  Bete  seraient  une  allusion  a  la  dangereuse  maladie  a  laquelle  Caligula 
tichappa  au  commencement  de  son  regne  [Suet.  Caligula  xiv);  car  πληγή  pent 
signifier  «  maladie  »  a  xiii,  3,  12,  et  της  αα/αίρης  de  xiii,  14,  ne  serait  qu  une 
glose.  C'est  faire  trop  d'lionneur  a  Caligula,  dont  Jean  se  souciaitpeu;  il  fau- 
drait,  pour  recourir  a  cette  tlieorie,  admettre  les  «  sources  »  de  ces  critiques.  — 

(1)  Y.  I'edilion  de  Ilaussleilev,  p.  124,  et  Dom  Morin,  Analecla  maredsolana,  vol.  Ill,  par. 
in,  1903,  p.  1%. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  213 

La  seconde,  bien  plus  solidement  fondee,  trouve  le  nom  de  Neron,  ecrit  en  let- 
tres  hebraiques  iiJ  iDp  (616)  ou  "jiij  iDp  (666),  suivant  qu'on  emploie  la  forme 
latine  ou  la  forme  grecque  de  ce  nom  propre.  Depuis  Fritzsche,  Denary  etHitzig, 
cette  tlieorie  a  ete  admise,  au  moins  comme  la  plus  probable,  par  la  grande  ma- 
jorite  des  exegetes  {Reuss,  Renan,H.  Holtzmann,  Calmes^  Swete,  Joh.  Weiss, 
Bousset^  etc.);  Hort  la  declare  la  seule  qui  merite  consideration,  avec  Λατεϊνος ;  nous 
y  joindrions  volontiers  le  χαΤσαρ  θεο'ς  (=  616)  de  Deissmann;  mais  destrois,  c'estla 
premiere  que  nous  preferons  nous  aussi  (v.  Exc.  xxxi,  a  ch.  xvii).  L'objection  qu'il 
aurait  fallu  ecrire  lOip,  en  «  scriptio  plena  »,  ce  qui  eiit  donne  676,  est  conside- 
reeaujourd'hui  comme  sans  valeur.  Renan  a  etabli  [L'Antechrist,  p.  415-suiv.)  que 
I'ecriture  defective,  sans  iod,  signalee  par  Bi'ixtorf  deja  chez  les  rabbins,  n'etait 
nullement  inusitee ;  Jean  a  bien  pu  la  choisir  expres  pour  aboutir  au  chifTre 
symetrique  666  (v.  infra;  alnsi  Holtzm.,  Bousset).  Cette  explication  a  de  plus 
I'avantage,  suivant  qu'on  ecrit  ou  non  le  noun  a  la  fin  du  nom  de  Neron,  de  s'ac- 
commoder  aux  deux  chifFres  transmis  par  la  tradition  /ξς'  et  χις' ;  ce  dernier,  616, 
correspondant  a  la  forme  latine  Qesar  Nero,  se  trouve  justement,  observe  Bous- 
set, dans  les  temoins  occidentaux  (?  :  a  cause  de  C),  et  la  mention  symbolique 
de  Neron  est  naturelle,  comme  nous  le  verrons  au  chap.  xvii.  Au  contraire,  I'idee 
de  Caligula  ne  pent  s'appuycr  que  sur  le  cliiffre  616;  or,  d'apres  Irenee,  v,  30,  1 
(cfr.  28,  2 ;  39),  il  n'y  a  pas  de  doute  que  666  soit  mieux  atteste. 

II  reste  une  grave  objection  malgre  tout;  pour  arriver  k  Qesar  Neron,  il  faut 
recourir  a  I'alphabet  hebraique,  dans  un  livre  ecrit  en  grec,  et  destine,  comme 
Tobserve/Zo/'i,  a  des  gens  qui  ne  connaissaient  pas  sans  doute  un  mot  d'hebreu. 
Qu'on  replique  avec  Holtzmann  que  I'alphabet  hebreu  ayant  etc  utilise  pour  une 
gematria  par  Irenee  lui-meme,  (ii,  24,  2),  il  pouvait  I'etre,  a  fortiori,  par  I'auteur 
de  TApocalypse;  ou,  avec  Bousset,  que  Jean  a  pris  I'hebreu  justement  afm  do 
pouvoir  arriver  au  nombrefatidique  666,  et  que  d'ailleurs,  pour  un  judeo-chretien 
habitue  a  la  gematria  juive,  il  etait  plus  naturel  d'employer  cet  alphabet  qu'aucun 
autre;  la  reponse  ne  satisfera  pas  tout  le  monde,  car  elle  ne  resout  pas  en- 
tierement  la  difficuite  en  ce  qui  concerne  les  lecteurs  d'Asie ;  Jean  aurait  du  au 
moins  les  avertir  qu'il  se  servait  de  chiffres  aussi  inusites  pour  eux. 

Mais  aussi,  qui  nous  dit  qu'il  ne  I'a  pas  fait?  N'oublions  pas  qu'il  y  avait  plus 
d'un  Juif  dans  ces  eglises  anatoliennes.  Puisque  le  nom  etait  dangereux  a  ecrire, 
la  cle  ne  pouvait  etre  non  plus  donnee  par  ecrit;  mais,  a  la  lecture  publique,  dans 
un  local  soigneusement  ferme,  I'anagnoste,  renseigne  par  celui  qui  porta  la  kttre 
de  Patmos  sur  le  continent,  pouvait  fort  bien  orienter  les  fideles,  et  meme  leur 
dire  :  «  II  s'agit  du  nom  de  Neron,  ecrit  en  hebreu;  transmettez-vous  ce  secret 
de  bouche  en  bouche.  »  Et  plut  a  Dieu  qu'ils  eussent  fait  ainsi!  mais  ils  ont  trop 
bien  respecte  le  mystere,  puisque  I'Asiatique  Irenee  ne  le  connaissait  deja  plus. 
Quoi  qu'il  en  soit,  I'emploi  de  cet  alphabet  etranger  ne  devait  pas  tant  les  sur- 
prendre,  si  nous  nous  rappelons  que,  dans  les  papyrus  magiques,  et  quand  il 
s'agissait  de  reveler  quelque  chose  de  tres  mysterieux,  les  Grecs  de  I'Empire 
aimaient  a  introduire  des  noms  hebreux  ou  semitiques,  qu'ils  forgeaient  au  besoin. 

Done,  jusqu'a  ce  qu'on  ait  trouve  mieux,  a  cause  du  contexte,  du  chap,  xvii,  et 
des  textes  contemporains  sur  le  «  Nero  redux  »  (Exc.  xxxiv),  nous  admettrons 
que  la  Bete  a  ete  designee  par  le  nom  de  I'empereur  qui  en  a  le  mieux  represente 
le   caractere  vicieux,  cruel,  despotique  et  persecuteur.  Le  secret  exigeant  de 


214  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

rintelligence  consistait  a  reconnaitre  I'empereur  regnant,  Domitien  —  et  ses 
successeurs,  car  il  s'agit  plus  de  I'avenir  que  du  present,  —  sous  le  nom  de 
Neron  Cesar  {Joh.  Weiss]\  ils  seront  tous,  ces  empereurs  adores,  comme  autant 
de  Nerons  revenus  de  Tabime  :  la  grande  energie  du  Mai,  I'Antechrist  perpetuel, 
c'est  d'abord  la  puissance  romaine,  personnifiee  en  des  empereurs  pareils  a 
Neron  dans  leurs  rapports  avec  I'Eglise,  et,  apres  elle,  d'autres  puissances  qui 
lui  ressembleront. 

Yoila  pour  le  nom  propre  de  la  Bete;  mais  nous  avons  indique  des  sens  sub- 
sidiaires,  tires  du  caractere  meme  du  chiifre.  D'abord  666,  forme  de  trois  «  sept 
moins  un  »  pouvait  d'autant  mieux  convenir  arAntechrist  qu'il  s'opposait  au  nom 
du  Christ,  Ίησοίίς  =  888  =  trois  «  sept  plus  un  »,  tout  compose  d'octaves,  c'est- 
a-dire  de  perfections.  Quoique  le  passage  de  Sib.  qui  donne  cette  gematrie  soit 
posterieur  a  Γ  Apocalypse,  rien  n'empeche  de  croi^e  que  ce  calcul  mystique 
eut  deja  ete  fait  au  temps  de  Jean.  Puis  il  pent  y  avoir  aussi  allusion,  puisque 
I'Antechrist  est  indestructible  jusqu'a  la  Parousie,  aux  six  millenia  tradition- 
nels  de  la  duree  de  ce  bas  monde.  Cette  idee,  sauf  quelques  nuances,  remonte 
au  moins  a  Saint  Irenee,  et  elle  est  bien  dans  I'esprit  general  du  livre.  Adv. 
Haer.  V,  30,  1,  I'eveque  de  Lyon  reconnait  dans  666  I'age  de  Noe  au  temps  du 
Delude,  image  de  la  catastrophe  finale,  additionne  des  dimensions  de  la  statue  de 
Nabuchodonosor,  type  de  I'Antechrist.  Auparavant,  il  s'est  exprime  ainsi  :  χαΐ  τον 
άριθαον  Cit  του  ονο'αατος  αύτοϋ  φησιν  και  άλλα  τινά,  και  είναι  τον  αριθμόν  /ςς',  ο  εστίν  εκατον- 
τάδες εξ  και  δεκάοε;  ε;  και  αονάοες  εξ,  εις  άνακε;5αλαίο3(7ΐν  πάσης  της  εν  τοις  εξακισχιλίοις 
ετεσιν  γεγονυίας  αποστασίας.  "Οσαις  γαρ  ήμεραις  εγε'νετο  δοε  6  κόσμος,  τοσαυταις  χιλιονταετεσι 
συντελείται  '  και  δια  τούτο  φησιν  ή  γραφή  *  και  συνετέλεσεν,  φησί,  δ    θεός  |ν  τη  ήμε'ρα  τη  έκτη 

τα  έργα  αυτοΐ),  οσα  εποι'ησεν Και  δια  τ^^χο  το  θηρίον   το    Ιρ/όμενον  άνακεφαλαίοισις    γίνεται 

πάσης  της  αδικίας  και  παντός  δόλου,  ι'να  εν  αύτω  συνρεύσασα  πάσα  ούναμις  άποστατιχη  εις 
τον  κάαινον  βληθη  του  πυρός*  χαταλληλοίς  ουν  και  το  όνομα  αύτοΰ  Ι^ει  τον  αριθμόν  χςς  , 
άνακεφαλαιούαενον  εν  έαυτω  την  προ  τοΐ3  κατακλυσμού  πασαν  της  κακίας  επιμιξίαν  εξ  αγγελικής 
αποστασίας  γεγενημε'νης"  Νίοε  γαρ  ην  ετών  χ',  κτλ.  [Adv.  Haer.  ν,  28-30;  cf.  Orig. 
sch.  xxxviii). 

Ainsi  la  Bete  qui  porte  le  chiffre  666  condenserait  en  elle  tout  le  mal  du  passe, 
des  six  millenia,  selon  I'idee  courante  alors  sur  la  duree  du  monde  —  en  excep- 
tant, pour  Irenee  qui  etait  chiliaste,  le  7'=millenaire,  celui  du  Christ ;  —  en  realite, 
suivant  I'interpretation  que  nous  defendons,  les  3  ans  1/2,  les  1260  jours  des 
temps  mauvais,  iront  se  repetant  a  travers  toute  I'histoire,  y  compris  I'age  mes- 
sianique  (les  42,  voir  Exc.  xxiii).  Les  series  septenaires  comme  celle  des  Trom- 
pettes,  qui  devaient  s'etendre  sur  tout  I'avenir,  n'avaient  egalement  que  six  termes 
developpes,  le  dernier  coincidant  avec  la  consommation;  ainsi  le  nombre  six,  ici 
666,  representerait  toute  revolution,  toute  la  duree,  comme  le  fait  a  un  autre 
point  de  vue  42  =  6  X  7.  La  bete  appelee  Neron  durera,  sous  des  formes  chan- 
geantes,  jusqu'a  la  fin. 

Nous  pouvons  clore  cette  enquete  aride,  et  encore  un  peu  conjecturale,  par 
cette  phrase  de  Bousset :  «  L'Apocalyptique  dit  a  ses  lecteurs  :  Ί  raitez  le  nom 
de  la  Bete  au  moyen  de  I'art  de  la  gematrie;  vous  le  pouvez,  car  vous  savez  bien 
que  la  Bete,  au  sens  ou  je  lentends,  est  en  meme  temps  identique  (1)  a  sa]tete, 

(!■)  En  un  certain  sens  c'est  vrai. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  215 

—  im  personnage  qui  ne  vous  est  pas  tout  a  fait  inconnu.  Alors  vans  obtiendrez, 
si  vous  calculez  bien,  le  nombre  qui  indique  la  mechancete  terrible  et  mys- 
terieuse  de  la  Bete,  —  de  cet  hoinme, —  c'est-a-dire  666!  »;  nombre  qui  en 
meme  temps,  pour  nous,  signifiait  la  longue  duree,  mais  aussi  le  caractere 
incomplet  et  precaire  d'une  domination  a  laquelle  les  fideles  pourraient  toujours 
echapper,  et  que  le  Christ  aneantirait. 


G.  VISION  PREPARATOIRE  A  LA  LUTTE  DES  FORCES  MISES  EN  PRESENCE 

(XIV,  6-20). 

Int.  —  Avant  de  contempler  la  guerre  cles  Betes  contre  I'Agneaii,  Jean  a  une  vision, 
ou  une  serie  de  visions,  qui  en  presage  deja  le  resultat.  L'unite  de  cetle  pericope  res- 
sort  deja  du  fait  qu'il  y  parait  sept  pcrsonnages  celestes  (v.  infra).  De  meme  que  XII- 
XIV,  5  correspondait  assez  bien  aux  «  visions  d'introduction  »  des  chap.  IV-V,  ainsi 
XIV,  6-20  est  parallcle,  niais  d'une  maniere  bien  plus  etroite,  aux  «  visions  de  prepa- 
ration »  de  VI-  VII.  En  e/fet  : 

XIV,  6-11,  proclamations  prenlables  des  trois  Anges,  repond  ti  VI,  1-8,  les  quatre 
Cavaliers. 

XIV,  12-13,  I'annonce  du  bonlieur  des  saints  repond  h  VI,  9-11,  la  consolation  aux 
Martyrs  (5^  sceau). 

XIV,  li-20,  vision  anticipee  da  double  jugement,  repond  a  VI,  12- VII,  6^  sceau,  avec 
la  meme  antithese  du  sort  des  bons  et  de  celui  des  mechants. 

C.  1°  Les  trois  Anges  qui  predisent  la  victoire  et  les  vengeances  de  Dieu 

(xvi,  6-11). 

I.-VT.  —  Les  intentions  de  Dieu  et  de  I'Agneau,  pour  le  cliatiment  et  le  salut  du  monde, 
avaient  ete,  dans  la  premiere  section,  manifestoes  au  Prophete  par  Vapparition  de 
quatre  cavaliers  symboliques;  ici,  elles  le  sont  par  les  proclamations  de  trois  Anges; 
un  sc/iema  de  3  [cfr.  les  3  Γαβ)  remplace  done  un  schema  de  k.  II  y  a  d'autres  diffe- 
rences;  ainsi  les  Anges  annonciateurs  du  chatiment  ne  se  tiennent  pas  dans  les  lieur 
communs,  Guerre,  Famine,  Peste;  I'un  annonce  les  malheurs  temporels,  I  autre  les  mal- 
heurs  spirituels,  la  damnation,  qui  menacent  les  adorateurs  de  la  Bete;  la  vue  propJie- 
tique  est  done  plus  precise  et  plus  profonde,  ce  qui  est  ordinaire  dans  cette  deuxieme 
section.  Mais  la  ressemblance  avec  la  vision  de  VI,  1-8,  est  frappante  d'autre  part,  en 
ce  que  la  proclamation  de  V Evangile  avec  ses  promesses  (cfr.  le  pr  cavalier)  precede 
la  menace  des  fleaux.  Nous  verrons  plus  loin  comme  ce  parallelisme  continue  jusquau 
bout. 

Inutile  ici  d'exposer  et  de  discuter  en  detail  les  opinions  des  critiques,  et  les  decou- 
pages  divers  qu'ils  ont  opcres  d'apres  leurs  theories  sur  les  sources  (Int.  c.  xi).  L'iden- 
tite  continue  du  plan  et  l'unite  de  la  langue  suffsent  'amplement  a  demontrer  l'unite 
d'inspiration  et  de  main. 

G.  XIV.  6.  Kac  elaov  *ά'λλον  άγγελον  *7:ετόμενον  έν  *μ.εσουρανήματι,  ε'χοντα  ευαγ- 
γέλιον  α'.ώνιον  *ε'!)αγγελίσαι  έπι  τους  *7.αθγ;μ.ένους  *έ7:1  της  γης  καΐ  *έτ:Ί  ταν  έθνος  καΐ 
ουλή  ν  καΙ  γλώσσαν  κα:  λαόν,  7.  *λέγων  *έν  οωνη  μεγάλη  *  Φοβήθητε  τον  θεον  και 
δότε  αΰτω  δόςαν,  'ότι  ηλθεν  ή  ώρα  της  κρίσεως  αυτοϋ,  και  *7:ροσκυνή3•ατε  τω  ■ττοιήσαντι 
τον  οϋρανον  και  τήν  γην  και  *6άλασσαν  και  ζηγάς  υδάτων. 

Α.  Β.  6.  άλλον  ne  manque  que  o2-n*-01,  rec.  Κ,  quelques  And.  —  Remarquer  la 
forme  -ετάαενον  de  Ν ;  —  μεσουοαν.,  cfr.  Mil,  13  et  IX,  17.  —  έναγγελίσαί,  sans  preposition 
ni  article,  correct;  And.  I'a  fait  preceder  de  έρ/ο'μενον,  sans  necessite.  —  χαθημένου;  ΙπΙ 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 


217 


της  γης,  expression  de  Jcr.  xxxii  (xxv),  25  =  γΐκπ  121^1  ne  sc  irouve  qu'ici,  quoif[ue  re 
participe  soil  tres  frequent  dans  VApoc:  aussi  o''-A-02  et  beaucoup  a\ind.  ΓοηΙ  change 
en  χατοικουντας,  par  assimilation  a  la  formule  ordinaire.  —  Remarquer  les  changements 
de  cas  apres  επί,  «  Grammar  of  Ungrammar  »,  v.  Int.  c.  x,  §  II.  —  'έθνος  καΐ  φυλήν  κτλ, 
cfr.  ν,  9;  νιι,  9;  χ,  11;  χι,  9;  χιιι,  7,  etc.  (Int.,  c.  χ,  §  III).  —  Pour  la  mise  en  scene, 
cfr.  Γ  «Aigle  »  de  viii,  13,  et  (?)  Γ  «  Evangile  »  de  x,  7. 

C.  6.  Le  mot  άλλος  —  que  Bousset  supprimerait  volontiers,  et  que  Joh.  Weiss  croit 
sans  raison  substitue  a  αετός,  —  distingue  probablement  cet  Ange  du  7^  Ange  des 
trompettes,  le  dernier  mentionne  [Swete),  ou  de  tous  les  precedents  {Spitta,  B.  Weiss), 
ou  de  I'Ange  de  x,  1,  avec  lequel  il  a  quelque  rapport  {Diisterdieck) ;  mais  en  tout  cas 
ce  n'est  point,  contre  Hilgenfeld,  de  Γ  «  Agneau  »  considere  comme  un  «  premier 
Ange  ».  II  parait  con^u  en  opposition  avec  I'Aigle  de  viii,  13;  comme  lui  il  vole  au 
zenith,  mais  c'est  pour  proclamer  une  bonne  nouvelle  au  lieu  de  maledictions. 

Qu'est-ce  que  cet  «  Evangile  eternel  »?  Ce  n'est  ni  un  Evangile  venant  perfection- 
ner  celui  de  Jesus-Christ,  comme  I'ont  reve  Joachimites  et  Lutheriens,  ni  la  revelation 
du  siecle  futur  {Orig.  in  Rom.  i,  4),  ni  la  predication  du  prophete  Elie  avant  le  regne 
de  I'Antechrist  {Vict.)  ou  de  tout  autre  predicateur  fanieux  dans  I'histoire.  La  meilleure 
interpretation  (surtout  si  Ton  se  rappelle  I'analogie  de  vi,  1)  est  celle  qui  le  rapporte  a 
I'Evangile  pur  et  simple,  dit  «  eternel  »  parce  qu'il  ne  change  pas,  par  opposition  a  la 
loi  de  Moise  [Bossuet).  Par  consequent,  contre  Bousset  et  d'autres,  I'idee  n'est  pas  la 
meme  que  celle  de  x,  7,  ou  la  «  bonne  nouvelle  »  consiste  a  annoncer  que  le  triomphe 
des  saints  ne  sera  pas  indefiniment  differe.  Ce  peut  etre,  comme  dit  Holtzmann  «  le 
dessein  eternel  de  Dieu  concernant  »  —  mais  non  exclusivement  —  «  le  sort  final  du 
monde  » ;  ce  n'est  pas  non  plus  exclusivement  le  regne  definitif  de  I'Agneau,  decrit 
aux  chapp.  xxi-xxii  (cfr.  Calmes).  And.  :  un  evangile  qui  a  ete  predetermine  par 
Dieu  ab  aeterno:  Joh.  Weiss,  un  Evangile  «  fur  die  Ewigkeit  giiltig  )>.  C'est  le  meme  qui 
se  repand  d'ores  et  deja  sous  la  figure  du  Premier  Cavalier;  d'ailleurs,  observe  encore 
Joh.  Weiss,  I'Evangile,  dans  le  N.  T.,  n'est  pas  purement  et  simplement  une  « joyeuse 
nouvelle  »,  puisqu'il  promulgue  la  necessite  de  la  penitence,  et  le  jugement  contre  les 
impies. 

^^^  A.  B.  7.  λέγουν,  sans  accord,  Int,,  c.  x,  §  II;  Orig.,  etc.  :  λέγοντα;  —  έν  instrum. 
(omis  A  et  lat.)  devant  φων^,  comme  v,  2;  xiv,  9,  15;  xviii,  2;  en  general  on  a  le  simple 
datif;  oojv.  [ΐεγ.,  cfr.  i,  10;  v,  12;  vi,  10,  etc  —  προσκυντ^σατε  :=  «  prosternez-vous  «,  a 
cause  du  datif;  il  s'agit  d'exprimer  I'adoration  par  des  actes  exterieurs,  devant  le 
jugement  qu'on  sent  venir;  —  «  ciel,  terre,  mer,  sources  »,  meme  division  qu'aux 
Trompettes  et  aux  Coupes,  infra. 

C.  7.  II  faut  entendre  le  «  jugement  »  au  sens  large;  ici,  comme  la  suite  le  montre, 
il  s'applique  specialem.ent  a  Babylone  et  a  la  Bete,  realites  historiques.  Ce  n'est  pas 
un  «  dernier  avertissement  »  avant  la  catastrophe  definitive  (contre  Holtzm.),  et  ce 

G.  XIV.  6.  Et  je  vis  un  autre  Ange  volant  au  zenith,  qui  avait  un  evangile 
eternel  pour  repandre  TEvangile  sur  ceux  qui  sont  assis  sur  la  terre,  et 
sur  toute  nation  et  tribu  et  langue  et  peuple,  7.  disant  d'une  grande  voix  : 
«  Craignez  Dieu,  et  donnez-lui  gloire,  car  [elle]  est  venue  Theure  de  son 
jugement!  Et  prosternez-vous  devant  Celui  qui  a  fait  Ic  ciel  et  la  terre,  et 
[la]  mer  et  [les]  sources  des  eaux.  » 

signe  ne  se  rapporte  meme  pas  uniquement  k  Babylone  (contre  Calmes,  Bousset); 
mais  il  est  commando  a  tous  les  habitants  de  la  terre  d'adorer  le  vrai  Dieu,  et  non 
la  Bete,  sous  quelque  forme  que  se  presente  celle-ci. 


218  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEA\. 

8.  Και  *ά'λ/.ος  άγγελος  οεύτερος  ήκολούθητεν  λέγων*  "Εζεσεν  ετζεσεν  Βαβυλών  ή 
μεγάλη,  ή  ε•/.  το3  ol'vcu  του  θυμοΰ  της  -ορνείας  αϋτης  ττε-ότικεν  ζάντα  τα  έθνη. 

9.  Και  άλλος  άγγελος  τρίτος  ήν.ολούθησεν  αϋτοΐς  λε'γων  *εν  οωνη  μεγάλη "  Ει' τις 
ζροσκυνεΐ  το  θηρίον  καΊ  τήν  εικόνα  αϋτοΰ,   και  λαμβάνει  yi^y.-^\}.a  έπί  *τοΰ  μετώπου 

αΰτοϋ  ή  έπι  τήν  χείρα  arJjxoXi^  10.  καΐ  αϋτος  ζίεται  *έκ  του  o'tvou  του  θυμοΰ  τοϋ  θεοΰ 
του  κεκερασμε'νου  ακράτου  εν  το)  ζοτηρύο  της  όργης  αυτού,  καΐ  *βασανισθήσεται  *έν 
ζυρι  καΐ  θείω  ενώπιον  *άγγέλων  αγίων  και  ενώπιον  του  άρνίου.  11.  Και  ό  καπνός  του 
βασανισμ-οΰ  αυτών  ε'.ς  α'.ώνας  ααόνων  αναβαίνει,  και  ουκ  έχουσιν  άνάπαυσιν  ημέρας 
και  νυκτός  οί  προσκυνοίντες  το  θηρίον  και  τήν  εΐκίνα  αϋτοΰ,  και  *ε'ί  τις  λαμβάνει  το 
χάραγμα  του  ονόματος  αϋτοΰ. 

Α.  8.  δεύτερος   manque  5505-14-69,  3600-57-296,  α201-22-632,    vidg.  —  «  ceci- 

derunt  »,  de  Prim.,  suppose 7:έ;:τωκαν  pour  πέπο^καν,  substitue  άπεπότικεν  κ',  al.,  boh.,  arm. 

B.  C.  8.  Get  Ange  est  I'annonciateur  des  malheurs  lemporels  et  politiques  des 
ennemis  de  Dieu,  lous  reprosentes  sous  la  figure  de  Babylone  =  Rome.  II  parle  au 
passe  prophetique,  tant  cette  chute  est  certaine,  et  clame  toute  sa  joie  dans  le  double 
επεσεν.  Les  lecteurs  de  I'Apocalypse  sont  supposes  familiers  deja  avec  ce  nom  sym- 
bolique,  qui  designe  certainement  Rome,  d'apres  les  chapitres  xvi-xviii•,  Rome  est 
ainsi  appelee  Sib.  v,  vers  143,  159;  Bar.  syr.  lxvii,  1;  I  Pet.  v,  13,  etc.;  la  designation 
devait  etre  courante  dans  les  milieux  juifs  et  chretiens  du  i^r  siecle.  Cette  chute  fera 
I'objet  des  propheties  de  xvii-xviii;  nous  avons  done  encore  ici  un  «  emboitement  », 
le  troisieme  ou  quatrieme.  EUe  est  annoncee  en  termes  analogues  a  ceux  des  prophetes 
parlant  de  I'empire  assyrien,  Is.  xxi,  9;  Jer.  l,  2;  li,  8;  Isa'ie,  Nahum,  etc.  fletrissent 
egalement  Ninive,  Babylone,  Tyr,  pour  leur  πορνεία.  Ce  reproche,  qui  reparaitra 
comme  stereotype  xvi,  19;  xvii,  5;  xix,  15,  vise  a  la  fois  I'idolatrie  et  les  moeurs  dis- 
solues  de  la  Rome  paienne;  le  «  vin  »  signifie  a  la  fois  I'enivrement  sensuel  de  ses 
debauches,  et  celui  de  la  colere  de  Dieu  (v.  infra),  qui  permet  une  telle  ivresse 
comme  chatiment  de  la  perversion  religieuse;  ainsi  Rom.  i,  18-suiv.  [Bousset).  Du 
reste,  en  ce  passage  de  portee  tres  generale,  Babylone-Rome  pent  6tre  comprise 
symboliquement,  comme  la  capitale  de  la  Bete,  quelle  qu'elle  soit,  «  la  confusion 
de  ce  monde  et  les  troubles  de  la  vie  presente  »  {And.). 

•  A.  B.  C.  9.  Ici  la  reference  au  ch.  xiii  devient  tout  a  fait  directe.  —  h  φων. 
μεγ.,  supra,  v.  7.  —  προσκ.  avec  I'accusatif  (excepte  C  et  quelques  autres,  datif)  = 
«  adorer  »  —  το  devant  χάραγμα,  dans  qqs  And.  et  1073.  —  Changements  de  cas  apres 
Ir.i,  V.  supra,  au  v.  6 ;  τω  μέτωπο»  dans  X.  —  «  Le  vin  de  la  colere  de  Dieu  »,  cfr.  Jer. 
LI,  7;  Osae  vii,  5,  est  oppose  sarcastiquement  au  «  vin  de  Fa  prostitution  ».  Mieux 
vaut  subir  tous  les  maux  dont  les  paiens  menacent  les  fideles,  la  mise  au  ban  de 
la  societe,  meme  la  mort  (v.  ch.  xiii),  que  de  boire  a  cette  coupe-la! 

— —  A.  10.  La  particule  καί  doit  etre  le  1  hebreu  de  I'apodose  [Bousset).  —  A  et 
o505- 14-69  ont  le  pluriel  βασανισθ^σοντα-.,  accord  ad  scnsuni,  justiiie  par  αυτών  du 
verset  suivant.  —  oVvov  κεραννύναι  signifie  litteralement  «  meler  le  vin  »,  mais,  puisque 
ce  vin  est  άκρατος,  il  faut  bien  admettre  ici  le  sens  derive  de  «  preparer,  servir  le  vin  » 
(Holtzm.):  il  y  a  la  une  sorte  de  jeu  de  mots  peut-^tre  inconscient.  —  τών  devant 
άγγέλο>ν,  de  rec.  Κ  et  quelques  And.,  est  admis  de  B.  Weiss. 

B.  C.  10.  Les  malheurs  annonces  par  I'Ange  precedent  fondaient  sur  une  ville, 
une  societe,  done  ils  etaient  temporels;  le  troisieme  Ange  menace  de  la  damnation 
les  individus  qui  adorent  la  Bete,  car  I'indivldu  est  iiamortel.  lis  seront  tortures  en 
presence  de  saints  anges,  ce  qui  joindra  la  honte  a  leur  supplice,  et,  chose  encore 
plus  eflfroyable,  en  presence  de  I'Agneau  leur  Redempteur;  cfr. « la  colere  de  I'Agneau  » 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAX.  219 

8.  Et  un  autre  Ange,  un  deuxieme,  [le]  suivit,  disant  :  «  Eile  est  tombee, 
elle  est  tombee  Babyloxe  la  grande,  qui  du  vin  de  la  fureur  de  sa  prosti- 
tution a  abreuve  tous  les  peuples!  » 

9.  Et  un  autre  A.nge,  un  troisieme,  les  suivit,  disant  d'une  grande  voix  : 
«  Si  quelqu'un  adore  la  Bete  et  son  image,  et  [en]  recoit  [I'jempreinte  sur 
son  front  ou  sur  sa  main,  10.  Iui-m6me  boira  du  vin  de  la  fureur  de  Dieu, 
qui  a  ete  verse  sans  melange  dans  le  calice  de  sa  colere,  et  il  sera  tourmente 
dans  le  feu  et  le  soufre,  en  face  d'anges  Sainis  et  en  face  de  I'Agneau. 
11.  Et  la  fumee  de  leur  tourment  s'eleve  pour  des  siecles  de  siecles,  et  ils 
n'ont  pas  de  repos,  de  jour  ni  de  nuit,  ceux  qui  adorent  la  Bete  et  son 
image,  et  si  quelqu'un  recoit  I'empreinte  de  son  nom  ». 


VI,  10  ct,  I,  7  :  «  videbit  eum  omnis  oculus,  et  qui  eum  pupugerunt.  «  Si  I'Agneau 
n'est  nomme  qu'apres  les  Anges,  ce  peut  etre  aussi  a  cause  de  I'habitude  juive  d'as- 
socier  les  Anges  a  Dieu  immediatement,  cfr.  i,  4-suiv.  [Boussei).  Le  supplice  du  feu 
dans  I'enfer  est  compare  a  un  «  vin  non  mole  »,  non  melange  d'eau,  pour  exprimer 
la  violence  de  la  douleur. 

— —  A.  B.  11.  αυτών,  accord  ad  sensum.  Pour  αναβαίνει,  qui  n'est  peut-etre  pas 
un  present  prophetique,  puisque  I'enfer  est  deja  trop  peuple,  on  rencontre  aussi 
αναβαίνουν  et  άναβηθι^σεται.  —  προτκ.  acc.  =  adorer;  par-ci  par-la  le  datif,  corrections  mal 
entendues.  —  χάραγ[Λα,  cfr.  xiii,  10. 

C.  11.  C'est  un  vrai  manifeste  guerrier,  dit  Bousset,  contre  le  culte  des  Cesars; 
—  αιώνας  αιώνων  :  I'article  ne  manque  qu'ici  dans  cette  formule  si  frequente.  Ce  pas- 
sage enseigne  I'eternite  des  peines  infernales ;  si  αΥων,  en  ionien  et  chez  les  tragiques, 
signifiait  «  vie  »,  la  prose  attique  I'employait  au  sens  d'  «  eternite  »,  qui  a  passe 
dans  la  Bible.  Les  papyrus  I'emploient  tantot  pour  signifier  «  periode  de  vie  »  (d'ou 
le  sens  derive  «  age  du  monde  »,  et  Eons  =  personnalites  divines  qui  y  president), 
tantot,  meme  au  singulier,  pour  designer  toute  la  suite  des  ages  (V.  Moulion-Milligan.), 
ainsi  dans  les  acclamations  populaires  aux  empereurs-dieux.  «  Ni  jour  ni  nuit  »,  c'est 
la  contre-partie  infernale  de  la  louange  sans  repos  des  Gherubins,  iv,  8.  [Holtzmann). 

C.  2°.  Promesse  dc  beatitude  adressee  aux  saints  (xiv,  12-13). 

L\T.  —  Le  honheur  promis  aux  fideles  du  Christ  s'oppose  a  la  menace  de  damnation 
contre  les  sectateurs  dc  la  Bete.  De  meme,  au  5^  sceau,  auquel  cette  petite  pericopc 
correspond  tres  exactement  par  la  place  et  le  sens  general,  la  plainte  des  martyrs 
etait  calmee,  non  seulement  par  I'annonce  du  triomphe  relativement  procliain,  rnais 
par  le  don  dune  robe  blanche,  c'est-a-dire  de  la  beatitude,  sans  attcndrc  la  consom- 
mation  (VI,  9-suiv.). 

Volter  donne  12  a  I'  «  Editeur  »  et  13  au  «  Reviseur  »;  Weyland,  les  deux  a 
V  «  Editeur  »;  Spitta,  id.;  Erbes  les  divise  entre  ses  deux  premieres  apocalypses ; 
Bruston  les  attribue  probablement  a  Jean.  Le  mieux  est  certainement  de  considerer 
ces  deux  versets  comme  lies,  avec  Vischer,  Bruston,  Job.  Weiss,  etc.,  ainsi  (pie  nous 
essaierons  de  I'etablir.  Ils  font  d'ailleurs  trcs  bien  suite  a  ce  qui  precede. 


220  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

C.  XIV.  12.  Ώοε  ή  ύ-ιμ,ονή  των  άγιων  εστίν,  *ζ'.  τηρ^ΰντες  τας  έντολάς  του  θεού 
7.7.1  τήν  πίστιν  Ιησοΰ.  13.  ΚαΙ  ήκουσα  φωνής  εκ  τοϋ  ουρανοί  λεγούσης'  Γράψον 
Μακάριοι  οι  νεκροί  οί  έν  κυρίω  αποθνήσκοντες  *ά7:άρτι.  *Να(,  λέγει  το  ζνεΰμα,  *ϊνα 
*άναπαήσονται  *έκ  των  κόπων  αυτών'  τα  γαρ  έργα  αυτών  ακολουθεί  *μετ'  αυτών. 


Α.  Β.  12.  Le  nominatif  τηροΰντες,  apres  αγίων,  peut  etre  une  sorte  de  parenthese 
(Int,  c.  X,  §  II);  X,  al.  :  των  τηρούντων.  —  τηρείν,  έντολη',  mots  surtout  johanniques 
(Int,  c.  XIII,  II,  §  I).  —  Avertissements  semblables,  avec  ώδε,  xm,  9;  xvii,  9.  —  τήν 
πίσχιν  Ίησοΰ,  cfr.  II,  13  τήν  πίστιν  μου,  et  Paul,  Gal.  Rom.,  toujours  le   genitif  objectif. 

C.  12.  La  formule  ώδε,  d'apres  les  paralleles  ci-dessus,  a  toujours  pour  efTet  d'attirer 
lattention  sur  ce  qui  suit;  dans  notre  passage,  le  καί  du  verset  suivant  pourrait  faire 
difficulte,  car  il  paraitrait  de  prime  abord  introduire  une  idee  nouA'^elle ;  mais  I'auteur  a 
pu  lemployer  simplement  par  habitude.  Avec  d'autres  traducteurs,  nous  rapportons 
done  cet  avertissement  a  la  promesse  qui  suit.  Elle  n'est  cependant  pas  sans  lien  avec 
les  menaces  precedentes  :  la  patience  des  saints  est  fortifiee  aussi  par  la  certitude  de 
la  ruine  de  leurs  persecuteurs.  Qu'on  se  figure,  dit  Bousset,  Teffet  de  tels  avertisse- 
ments dans  la  lecture  publique,  quand  Jean  s'ecarte  un  moment  de  son  role  de  voyant 
et  de  narrateur  pour  exhorter  comme  un  prophete  et  un  pasteur  inspire! 

— ^-^  A.  B.  13.  φωνήν,  dans  1073.  —  ναί  omis  N*,  boh ;  la  Vulg.  I'a  remplace  par 
jam;  — άπάρτι,  hellenistique  (en  deux  mots  άπ'  άρτι  Mat.  xxiii,  39,  xxvi,  29,  64;  Joh.  xiii, 
19;  XIV,  7,  formation  analogue  a  έως  ίρτι),  signifie  chez  Matthieu  «  bientot,  d'ici  peu, 
dans  quelque  temps  »  (pour  le  commencement  d'un  etat  qui  doit  se  prolonger)  plutot 
que  strictement  «  desormais  » ;  mais  chez  Jean,  precisement,  il  signifie  «  des  a  pre- 
sent » ;  ά'ρτι,  dit  du  moment  strictement  present,  est  habituel  dans  la  Κοινή,  papyrus  et 
N.  T. ;  en  ionien,  άπαρτί,  oxyton,  signifiait  «  exactement  ».  άπάρτι  doit  etre  relie  a  un 
des  mots  precedents,  μακάριοι  ou  αποθνήσκοντες,  et  non  a  ce  qui  suit  comme  I'a  cru  la  Vul- 
gate, qui  n'a  pas  lu  la  particule  ναί^  marquant  une  separation.  —  Done  λέγει  το  -νεύμα 
(cfr.  la  fin  des  Lettres)  est  une  incise.  —  Pour  le  sens  de  ϊνα,  assez  inattendu  ici,  et 
suivi  d'un  futur,  v.  Int.  c.  x,  §  II,  cfr.  Int.  xiii,  ii,  §  I.  —  άνακαήσονται  de  X,  C,  A,  Tisch, 
W.-H.,  Nestle,  etc.  (άναπχύσωνται  rec.  K.,  al.,  Soden;  αναπαύσονται  Q,  al.  ;  αναπαύονται,  α504- 
135-1876,  al.)  est  un  futur  deponent  hellenistique  de  αναπαύομαι;  cfr.  άναπαήσεται  dans 
un  logion  de  Jesus,  Ox.  Pap.  iv,  654,  έπαναπαήσεται  Luc.  x,  6,  X,  B*  ;  καταπαήσεταν  et 
formes  similaires,  dans  des  inscriptions  et  papyrus;  Ιπάην  a  ete  forme,  semble-t-il 
d'apres  εκάην  de  καίω,  aor.  l^•"  'ε'/.αυσα,  semblable  a  έπαυσα  [Blass-Deb.  §  78):  —  Emploi  de 
έκ  (Int.  c.  x,  §  I-II);  et  de  μετά  apres  άκολουΟεΓν,  (ΙλΤ.  c.  χ,  §  Π).  —  οί  έν  κυρίω  άποθ.  cfr. 
Ι  Cor.  XV,  18  οί  κοιμηθέντες  Ιν  Χριστώ;  Ι  Thess.  ιν,  16  :  οί  νεκρο\  έν  Χριστώ.  —  Μακάριοι, 
deuxieme  «  beatitude  »  de  I'Apocalypse ;  il  y  en  a  sept  en  tout,  i,  3;  xiv,  13;  xvi,  15; 
XIX,  9;  XX,  6;  xxii,  7,  14. 

C.  13.  Ce  verset  est  de  la  plus  haute  importance.  Tandis  que  les  adorateurs  de  la 
Bete  vont  a  la  damnation,  les  fideles,  declare  solennellement  le  Prophete  au  nom  de 
I'Esprit-Saint,  peuvent  compter  des  leur  mort,  c'est-a-dire  sans  attendre  la  Parousie, 
sur  la  recompense  de  leurs  CBuvres  ;  car  ellesles  accompagnent  dans  I'autre  monde,  etla 
bonte  paternelle  de  Dieu  ne  voudra  pas  leur  faire  attendre  la  retribution  de  leurs  merites. 
lis  «  se  reposeront  »,  non  moins  que  les  martyrs  (vi,  11),  probablement  parce  qu'ils 
reeevront,  comme  dans  cet  autre  passage,  la  celeste  robe  blanche.  Cela  ne  veut  done 
pas  dire  que  la  recompense  approche  parce  que  la  catastrophe  finale  ne  sera  plus  dif- 
feree  (άπάρτι  signifie  le  present;  —  contre  Diisterdieck,  Holtzm.);  ce  n'est  pas  non  plus 
une  invitation  au  martyre,  proclamant  bienheureux  ceux  qui  vont  tomber  dans  la  lutte 
contre  la  Bete  (cfr.  Bousset,  Joh.  Weiss);  ce  bonheur  est  promis«a  tons  ceux  qui  resis- 
teront  a  la  seduction,  mέme  sans  etre  obliges  d'y  laisser  leur  vie;  car  ίποθ.  έν  κυρίω  ne 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN,  221 

C.  XIV.  12.  Ici  [est]  la  patience  des  Saints  —  ceux  qui  observent  les  com- 
mandements  de  Dieu  et  la  foi  de  Jesus!  13  Et  j'entendis  une  voix  [venant]  du 
ciel  qui  disait  :  «  Ecris  :  Bienheuieux  les  morts  qui  meurent  dans  le  Sei- 
gneur, des  ά  present!  Oui,  dit  I'Esprit,  pour  qu'ils  se  reposent  de  leurs 
labeurs;  car  leurs  oeuvres  suivent  avec  eux!  » 


peut  ^tre  qu'une  expression  de  sens  general,  comme  κοιρ.ηθέντες  έν  κυρίο);  le  verbe  άποθντΙ- 
σκω  remplace  bien  en  certains  cas  le  passif  ά'άποκτείνω;  mais,  en  soi,  a  moins  que  le 
contexte  ne  le  determine  autrement,  il  est  synonyme  de  Ονήσκω,  et  sig-nifie  «  mourir  » 
en  general,  non  n^cessairement  «  etre  tue  ». 

Done  tous  les  fideles  qui  ont  observe  les  commandements,  place  leur  foi  en  Jesus, 
jusqu'au  jour  de  leur  mort,  qu'ils  soient  martyrs  ou  non,  jouiront  au  ciel,  sans  attendre 
la  fin  du  monde,  de  la  recompense  meritoe  par  leurs  oeuvres.  Ce  jour  de  la  delivrance 
et  du  repos  est  tout  pres  pour  chaque  individu;  que  pourraient  done  leur  faire  les 
menaces  de  Satan  et  de  ses  Betes,  deja  condamnes  a  la  ruine  eternelle? 

G.  3°   Vision  anticipee  et  andthelique  da  double  jiigement  siir  les  4lus  et  les 

reproiwes  (xiv,  14-20). 

Ιλτ.  —  Ce  petit  morceau  est  un  des  plus  remarquables  de  I'Apocalypse,  au  moins 
pour  la  composition.  «  Par  sa  simplicite  d'allure  et  sa  vivacite  d'images,  dit  fort  juste- 
ment  Calmes,  il  rappelle  I'inspiration  des  anciens  propJtetes.  »  Le  parallelisme  est 
dune  rigueur  qui  n'a  guere  d'exemple  dans  le  reste  du  livre;  enfin  le  Christ  y  est 
presente  dune  maniere  nouvelle,  qu  on  est  oblige  de  mettre  d' accord  avec  la  chrislolo- 
gie  evidcnte  de  Jean.  Pour  toutes  ces  raisons,  on  y  voit  d'ordinaire  une  source  juive 
(Weyland  :  N;  Sabatier,  depuis  le  v.  G;  Spitta;  J^;  al. ;  cependant  Volter  I'attribue  a 
.Jean-Marc,  mais  transpose  la  pericope  apres  XIX,  k;  Erbes,  au  chretien  de  62;  Brus- 
ton,  a  I'Apocalypse  sous  Neron;  Joh.  Weiss,  a  Jean  d'Asie).  Nous  croirions  volontiers, 
avec  Sabatier,  que,  dans  sa  forme  primitive,  cette  scene  etait  un  morceau  isole  d'une 
Apocalypse  juive.  (Int.  c.  xi  et  xii). 

11  est  plus  facile  d'en  determiner  le  sens  que  I'origine,  La  plupart  des  critiques  y 
volent  la  fin  d'une  source,  ou  dune  Apocalypse  partielle  inseree  dans  le  grand  ecrit ; 
leur  raison  est  quelle  d4crit  la  Parousie  et  le  jugement  final,  ce  qui  ne  saurait  dtre 
qu'une  conclusion.  Ainsi,  pour  Joh.  Weiss,  c'est  la  fin  de  I'ecrit  fondamental  de  Jean 
d'Asie.  Bousset /?e«se  que,  ci  I'origine,  c'clait  bien  une  description  du  dernier  jugement; 
mais  I'Apocalyptique  de  derniere  main  I'aurait  autrement  comprise,  en  V empruntant ; 
peut-etre  ledt-il  trouvee  dans  un  contexte  elendu,  auqucl  il  aurait  pris  encode  XI, 
3-13  [a  cause  de  έ'ξω  τίς  πόλεως,  XIV,  20),  VII,  1-8,  XIV,  1-3,  et  quelques  passages  de 
XIII,  11-suiv.,  mais  en  fondant  si  bien  tous  ces  elements  qu'il  est  difficile  de  delimiter 
les  emprunts. 

II  est  en  effet  incontestable  que  la  langue  particuliere  de  Jean  s'affirme  dans  ce  mor- 
ceau en  tout  ce  quelle  a  de  plus  individuel  {^[xo  ιοί  υίόν  άνθρωπου,  etc.) ;  certains  traits, 
Γ  «  autel  »,  la  α  ville  »,  les  «  chevaux  »,  ne  peuvent  se  comprendre  qu'en  fonction  d'au- 
tres  passages  du  livre.  Si  done  une  source  ecritc  est  demeuree  ici  dans  I'imagination 
du  Voyant,  I'inspiration  et  le  travail  litteraire  I'ont  profondement  transformee  pour 
I'adaptcr  au  contexte  general. 

A  la  place  quelle  occupe,  ce  n' est  plus  du  tout,  en  effet,  une  conclusion  d' Apocalypse, 
mais  une  vision  anticipee  placee  a  la  fin  dune  serie  preparatoire,  avant  les  Fleaux  des 
Coupes,  absolumcnt  comme  la   vision  du  6^  sceaii  {VI,  12- VII),  avant  ceux  des  Trom- 


222  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAX. 

pettes.  Meme  symetrie,  nieme  antithese  periodique,  comme  le  commentaire  vci  le  demon- 
trer;  le  plan  general  de  I'Apocalypse  se  poursuit  ainsi  avec  une  rigueiir  remarquable 
dans  toutes  les  grandcs  lignes.  Un  autre  signe  du  lien  de  XIV,  li-QO  avec  XIV,  6-13, 
c'est  qu'en  Jinissani  ces  deux  morceau.r,  on  trouve  encore  un  septenaire  divise  en  3  -|-  4; 
apres  les  trois  personnages  celestes  isoles  de  XIV,  6Ί1,  il  en  apparatt  quatre  groupcs 
dans  une  scene  antithetique ;  I'auteur,  decidement,  tient  a  ce  precede  surprenant!  XIV, 
12-13,  forinait  une  sorte  d'intermede,  absolument  comme  VI,  9-11.  Tout  cela,  c'est  la 
signature  de  Jean,  et,  a  notre  avis,  Vindication  ires  nette,  par  cette  symetrie,  du  sens 
qn'il  attachait  a  cette  scene,  —  un  sens  siinplement  preparaloire  :  il  voit,  ici  encore, 
non  pas  une  execution,  mais  le  resultat  anticipe  de  ce  qui  s'executera  sous  ses  yeux 
aux  visions  suivantes.  Les  trois  premiers  Anges  ont  annonce  le  sort  futur  de  Rome,  des 
Betes  et  de  leurs  adorateurs,  en  meme  temps  que  la  predication  de  I'Evangile,  qui 
assure  (12-13)  le  bonheur  eternel  et  rapproc/ie  des  croyants;  les  quatre  derniers  per- 
sonnages etendent  cette  vue  au  monde  entier,  dont  le  Prophete  entrevoit  dans  une 
echappee  le  sort  final.  Si  la  vision  de  VI,  12-J'II  repi'esentait  plutot  le  double  jugement 
de  Dieu  a  travers  I'histoire,  ce  morceau-ci  est  plus  strictement  esc/iatologique,  parce 
que  nous  approchons  de  la  βη  de  la  Revelation;  il  est  done  naturel  que  les  vues  de 
Jean  aillent  se  precisant. 

En  fin  de  compte,  XIV,  li-20  est  mis  la  pour  f'aire  presager  le  resultat  dernier  des 
scenes  qui  vont  se  derouler  du  cJiap.  XV  au  chap.  XX,  et  meme  la  derniere  partic, 
XXI-XXII. 


C.  XIV.    li.   *Και   s'!sov  y.xl  lozb   νΞ^έλη    λευκή,   και  έζι  τήν  νεφέλην  *καθήμενον 

*'όμοιον  u'.bv  άνθρίό-ου.  *ε7(»)ν  έ::ί  ΤΓ,ς  y.i^y'/.r,:  αΰτοϋ  *ffTisavcv  )^ρυσοΰν,  καί  έν  τγ] 
χειρί  αϋτοΰ  δ-ρέ•;:ανον  οξύ.  15.  Ka'.  ά'λλος  άγγελος  έξηλθεν  έκ  του  ναού,  κράζων  *έν 
Φθ)νη  μεγάλττ;  τω  καθημένω  έττΐ  της  νεφέλης'  Πέμψον  το  ορέττανόν  σου  καΐ  θέρισον, 
ότι  -^λθεν  ή  ώρα  *θερίσαι,  'ότι  *έξηράνθη  ο  θερισμ.ος  της  γης.  16.  Και  εβαλεν  ό  καθή- 
μενος έττΊ  της  νεφέλης  το  δρέττανον  αϋτου  έ-ί  την  γην,  και  έθερίσθη  ή  γη. 

Α.  Β.  14.  κα"ι  εΤδον  και  ιδού,  meme  formule  de  transition  que  iv,  1;  vi,  2,  5,  8;  xiv,  1; 
—  καθημενον.  accus.,  un  second  εΤδον  peut  bien  etre  sous-entendu  (Ιχτ.  c.  x,  §  II)  — 
δμοιον  υΓον  άνθρώ-ου,  clr.  I,  13  (v.  ad  loc.)  et  noter  la  persistance  de  ce  singulier  accord, 
Corrections  :  And.,  καθτ^ια,ενος  όμοιος;  υίω  pour  υίο'ν,  q^-C-04:,  And.,  g,  vulg..  Prim.  —  ε•/ων 
pour  I'accus.  (Int.  c.  x,  §  II) ;  correction  ε'-/οντα,  ν,  al.,  g,  vulg.  —  στέφανος  ici  synonyme 
de  διάδημα  [infra]  —  επί  την  νεφέλην,  cfr.  la  venue  du  F'ils  de  I'Homme  pour  le  jugement, 
Dan.  vn,  13-14;  Mat.  xxiv,  30,  et  paralleles;  Synopt.,  passim;  Apoc.  i,  7. 

C.  14.  Le  Fils  de  THomrae  apparait  ici  dans  le  meme  appareil  que  chez  Daniel,  sur 
une  nuee  blanche,  ce  qui  est  un  signe  favorable  (E\c.  xii),  car  il  vient  moissonner  le 
bon  grain  des  elus.  Ce  n'est  done  point,  dans  cette  eschatologie  chretienne,  pour  faire 
la  guerre;  car  le  στέφανος  peut  aussi  bien  etre  I'embleme  de  la  royaule  que  de  la  con- 
quete,  et  Andre  I'a  compris  dans  ce  sens.  Qu'il  apparaisse  en  tete  d'une  serie  d'Anges, 
ce  n'est  pas  la  un  trait  sur  lequel  il  faille  insisler  comme  le  font  Holtzm.  et  Spitta, 
qui  I'interpretent  par  Hen.  eth.  xlvi,  1  ou  le  Fils  de  I'homme  a  «  une  figure  pleine  de 
grace,  comme  un  des  Anges  saints  » ;  il  pourrait  cependant  tenir  a  une  origine  juive 
du  morceau;  mais  il  y  a  d'autres  fagons  de  I'expliquer  [infra,  \.  15).  Notons  la  reserve 
de  la  description  :  «  quelqu'un  d'assis  sur  une  nuee  »,  comme  Dieu,  eh.  iv,  etait 
«  quelqu'un  d'assis  sur  le  trone  ».  Dans  tous  les  passages  ou  Jean  jntroduit  Dieu  ou  le 
Christ  en  vision,  ch.  i,  iv,  v,  xii,  xiv,  xix,  xxii,  il  evite  de  les  nommer  directement;  une 
crainte,  un  respect  mysterieux  les  distinguent  ain.si  de  tous  les  autres  personnages. 


APOCALYPSF.    DK    SAINT    JEAN.  223 

^urtout  il  se  donne  bien  garde  d'appeler  le  «  Fils  d'Homme  »  du  nom  d'Ange.  II  a 
d'ailleurs  trop  clairement  exprime,  a  travers  tout  son  livre,  la  transcendance  divine 
du  Messie,  pour  qu'il  y  eut  moyen,  ici,  de  se  meprendre. 

— —  A.  15.  And.  ajoute  σου  devant  ή  ώρα.  —  τοΰ  prepose  a  θερίσαι  rec.  Κ.,  θερισίΑου 
Ν,  al.  —  έν  φων.  α£γ.,  ν.  supra  Α-Β.  7;  plus  bas,  v.  18,  φων.  μεγ.  sans  εν.  —  εξηράνΟη, 
aoriste  «  constatif  »  :  la  moisson  a  seche,  c'est-a-dire  est  arrivee  a  la  maturite  parfaite ; 
le  grain  doit  secher  pour  murir  :  ce  n'est  pas  le  ble  seche  en  herbe,  comme  Joel,  i, 
17  :  έξηράνθη  σΓτο;. 

Β.  15.  Pour  δρε-ανον,  θερια^Λο'ς,  cfr.  Marc  iv,  29;  Mat.  xiii,  39.  Pour  le  sens  de  la  mois- 
son, cfr.  I  T/iess,  IV,  17  ;  Mat.  ix,  37;  Joh.  iv,  35-38,  et  les  paraboles  synoptiques  sur 
le  semeur  et  la  semence.  —  Le  ναός  est-il  celui  de  xi,  19;  xiv.  17,  ou  bien  de  xi,  1? 
question  diificile  a  trancher  (v.  infra).  Pour  le  theme  de  tout  le  morceau,  cfr.  Joel  iii, 
13  (iv,  1-Suiv.)  :  έξαποστείλατε  δρέπανα,  δτι  παρεστηκεν  τρυγητός-  —  είσ-ορεύεσΟε,  πατείτε,  δίοτι 
πλήρης  ό  ληνός;  comme  dans  I'Apoc,  I'image  est  double,  moisson  et  vendange. 

C.  15.  L'adjectif  άλλος  ne  degrade  pas,  malgre  Bousset,  la  figure  du  Messie,  rabaissee 
jusqu'a  celle  des  Anges;  car  il  pent  tout  naturellement  se  rapporter  a  I'Ange  du  v.  9, 
et  non  au  mysterieux  et  royal  καΘήαενος.  Devons-nous  etre  surpris  qu'un  Ange  appelle 
le  Ghrist-Juge,  lui  donne,  pour  ainsi  dire,  un  avertissement  et  un  signal?  Si  Ton  ne 
veut  pas  y  voir  une  trace  litteraire  d'origine  juive,  n'influant  d'ailleurs  nullement  sur 
la  christologie  manifeste  de  I'Apotre,  on  n'a  qu'a  se  rappeler  que,  au  ch.  vi,  e'est  un 

C.  XIV.  14.  Et  je  vis;  et  voici  une  nuee  blanche,  et  sur  la  nuee  [quelqu'un] 
d'assis,  pareil  a  un  Fils  d'homme,  qui  avait  sur  sa  tete  une  couronne  d'or,  et 
dans  sa  main  une  faucille  aig-uisee.  15.  Et  un  autre  Ang-e  sortit  du  temple, 
criant  d'une  grande  voix  a  Celui  qui  etait  assis  sur  la  nuee  :  «  Envoie  ta 
faucille  et  moissonne,  parce  que  I'heure  est  venue  de  moissonner,  parce 
qu'elle  est  seche,  ia  moisson  de  la  terre  ».  IG.  Et  Celui  qui  etait  assis  sur 
la  nuee  jeta  sa  faucille  sur  la  terre,  et  la  terre  fut  moissonnee. 

Cherubin  qui  a  dit  :  «  Viens  »  fiu  Cavalier  de  I'Evangile.  La  mise  en  scene  serait  la 
mSme  ici  :  I'Ange  qui  sort  du  Temple  —  si  c'est  le  Temple  celeste  —  est,  coninie  le 
Cherubin,  un  des  plus  hauts  messagers  de  Dieu  le  Pere,  son  intervention  montrerait 
que  c'est  la  Divinite  elle-meme,  cachee  dans  le  Temple,  qui  dit  a  Jesus,  jugeant  comme 
homme,  comme  Messie,  d'executer  son  oeuvre  definitive.  Mais,  si  Ton  considere  le  ναός 
comme  I'image  de  TEglise  (xi,  1),  oppose  ainsi  a  celui  du  v.  18,  alors  le  sens  sera 
encore  plus  satisfaisant  :  c'est  I'Ange  gardien  des  fideles  qui  exprime  a  son  chef  le 
Λ'οοη  devenu  irresistible  de  I'Epouse  dont  les  merites  sont  complets  :  «  I'Esprit  et 
I'Epouse  disent  :  Viens!  »,  (xxii,  17).  Ainsi  Hugues  :  «  I'universalite  des  saints  »; 
Albert,  et  d'autres  au  Moyen  Age. 

Mais  que  signifie  la  «  moisson  »  metaphorique?  Dans  Joel,  et  d'autres  passages  de 
ΓΑ.  T.,  il  s'agit  des  ennemis  de  Dieu,  Is.  xviii,  5;  Jer.  li,  33;  le  sens  d'Osee  vi,  11,  est 
plus  douteux.  Dans  un  passage  du  N.  T.  Mat.  xiii,  39,  la  moisson  est  prise  au  sens  le 
plus  general  :  «  La  moisson  est  la  copsommation  du  siecle  »;  mais  ailleurs,  Mat.  ix, 
37-38,  Luc  X,  2,  Mat.  xiii,  30,  le  sens  est  franchement  favorable,  il  s'agit  des  ames 
appelees  a  la  foi  et  au  salut,  meme  des  elus  dans  le  dernier  passage  (σΰον)  et  jamais 
de  la  recolte  des  reprouves. 

Ici,  il  faut  necessairement  admettre  ce  dernier  sens  (les  elus),  sans  quoi  la  seconde 
image,  celle  de  la  vendange,  ferait  double  emploi,  sans  rien  ajouter  a  I'idee,  fait  sans 
autre  exemple  dans  I'Apocalypse;  car  on  ne  sauraitparler  ici  d'  «  ondulations  »,  les  deux 


224  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

17.  ΚαΙ  aAAc;  άγγελος  έξηλΟεν  εκ  του  vaci  του  εν  τω  ουρανω.  έχων  καΙ  αΰτος 
δρε'-avcv  οξύ.  18.  Και  άλλος  άγγελος  ές^/λθεν  εκ  του  θυσιαστηρίου,  [ό]  έχων  έξουσίαν 
έζΐ  του  ττυρός,  καΐ  έ-νώνησεν  φωνή  μεγάλ'^  τω  εχοντι  το  δρέττανον  το  όξυ  λέγων. 
Πέμψον  7ου  το  δρέζανον  το  οξύ,  κα•  τρύγτ,σον  τους  βότρυας  της  άμζε'λου  της  γης, 
'ότι  ήκμασαν  αΐ  σταφυλαί  αύτης.  19.  Και  εβαλεν  δ  άγγελος  το  δρέττανον  αϋτου  εις  την 
γην,  και  έτρύγησεν  τήν  άμ,ττελον  της  γης,  και  εβαλεν  ε'.ς  την  ληνον  του  θυμού  του 
θεοΰ  Vov  μέγαν.  20.  Και  έ-ατήθη  ή  ληνός  εξοιθεν  της  -όλεως,  κα':  έξηλθεν  αΤμα  έκ 
της  ληνοΰ  άχρι  των  χαλινών  των  ί'-ττοιν  *a-b   σταδίων  χιλίο)ν  έςακοσίοιν. 


visions  etant  de  mome  etendue,  tout  a  fait  sur  lememe  plan  et  strictement  paralleles;  la 
premiere,  contra  Hugues,  Albert,  al.,  n'est  pas  plus  generale  que  I'autre.  Aussi  Joh. 
Weiss  a-t-il  bien  reconnu  qu'il  y  a  deux  jugements;  mais  il  les  specifie  a  tort  comme 
un  jugement  general  sur  les  nations  (moisson),  et  un  autre  sur  Israel,  la  «  vigne  de  la 
terre  »  Jer.  ii,  21.  Dans  une  scene  de  jugement,  il  serait  etrange  qu'il  ne  fut  pas  ques- 
tion des  elus  :  ce  serait  contraire  a  I'esprit  d'encouragement  et  d'enthousiasme  de  tout 
le  livre.  Aussi  avons-nous  non  pas  la  repetition  d'une  seule  idee  sous  deux  figures, 
comme  dans  le  distique  de  Joel,  mais  deux  scenes  coordonnees  et  antithetiques,  14-16, 
et  17-20  (contre  Vict.,  Bossuet,  qui  pense  aux  deux  devastations  de  Rome  ou  de  I'Em- 
pire  par  Alaric  et  Attila,  Holtzmann,  Bousset,  Calmes,  qui  reconnait  pourtant  que 
I'idee  de  jugement  vindicatif  se  rattache  plus  specialement  a  la  Λ^endange).  Mais  Andre 
r^ferait  deja  ce  passage  a  la  parabole  du  bon  grain  qui  rapporte  trente,  soixante  et 
cent;  ainsi  I'ont  compris  un  certain  nombre  d'auteurs  que  cite  Holtzmann,  Bengel, 
Storr,  Hofmann,  Ebrard,  puis  Alford,  Bruston  et  Swete.  Si  le  passage  de  Joel  a  eu 
quelque  influence,  elle  est  de  pure  forme;  la  vision  de  Jean  en  a  modifie  profonde- 
ment  le  sens,  comme  pour  la  vision  des  chars  de  Zacharie  au  ch.  vi  (contre  Bousset). 
La  blancheur  de  la  nuee,  le  parallelisme  de  I'ensemble  avec  les  Sceaux,  fortifient  notre 
interpretation. 

^— —  A.  C.  16.  τί)  νεφελττ,  rec.  Κ.,  τήν  νεφ.  C,  And.  passim.  — Swete,  rappelant  inge- 
nieusement  Mat.  x,  34  :  ουκ  ήλΟον  [ίαλεΐ'ν  εϊρτ^νην,  observe  que  le  mot  ϊοαλεν  ne  suggere 
pas  necessairement  I'idee  de  violence  ou  de  chatiment;  et  puis,  que  I'accomplissement 
de  ce  travail  pent  occuper  une  generation  ou  ua  age  du  monde;  cependant,  ici,  le  sens 
proprement  eschatologique  predomine. 

—^-^  B.C.  17.  Ici  commence  une  scene  parallele  antithetiquement  a  14-16.  — τοΰ  ναοΰ 
του  εν  τω  οϋρ.,  cfr.  χι,  19.  —  Noter,  apres  Aret/tas,  que  cite  et  approuve  Swete,  cette 
nuance  d'une  delicate  beaute  :  tandis  que  le  Seigneur  recolte  lui-meme  la  moisson  des 
elus,  il  laisse  a  un  esprit  subordonne,  a  un  Ange,  la  charge  de  la  vengeance.  De  meme 
les  Anges  des  trompettes  faisaient  pleuvoir  les  fleaux  sur  le  monde  que  le  Premier 
Cavalier  parcourait  seulement  pour  le  convertir. 

——  A.  B.  18.  Verset  parallele  a  15.  —  έχ  τοΰ  θυσ.  cf.  vi,  9  ou  viii,  3.  —  ό,  dans 
Tisc/i.,  B.  Weiss,  douteux  pour  W-H.,  rejete  de  Soden,  etc.  —  Ange  prepose  au  feu, 
cfr.  I'Ange  des  eaux,  xvi,  5. 

C.  18.  Get  Ange  vient  «  de  I'autel  ».  Est-ce  celui  des  holocaustes,  ou  celui  des  par- 
fums?  Dans  le  premier  cas,  il  y  aurait  une  relation  insinu^e  entre  ce  jugement  de 
colere  et  la  priere  des  martyrs  au  5'  sceau;  dans  le  second,  avec  la  priere  des  saints, 
VIII,  3,  par  laquelle  est  amenee  la  sonnerie  des  trompettes,  prodrome  de  la  consomma- 
tion.  Comme  cet  Ange  a  «  pouvoir  sur  le  feu  »  —  ce  qui  nous  apprend,  dit  Andre,  qu'il 
y  a  des  Anges  preposes  aux  divers  domaines  de  la  nature,  v.  L\t.  c.  v,  i,  §  III,  i  et  ii,  § 
I,  1,  —  nous  verrions  plus  volontiers  unlien  entre  cette  scene  et  celle  de  I'autel  despar- 
fums,  viii,  3-5;  il  y  a  peut-etre  aussi  une  affinite  entre  cet  Ange  du  feu  et  le  feu  infernal. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  225 

17.  Et  iin  autre  ange  sortit  du  temple  qui  est  dans  le  ciel,  ayant  lui  aussi 
une  faucille  aiguisee.  18.  Et  un  autre  Ange  sortit  de  I'autel,  celui  qui  a 
autorite  sur  le  feu,  et  il  se  fit  entendre  avec  une  grande  voix  a  celui  qui 
avait  la  faucille  aiguisee,  disant :  «  Envoie  ta  faucille  aiguisee,  et  vendange 
les  grappes  de  la  \igne  de  la  terre,  parce  qu'ils  ont  muri,  ses  raisins!  » 
19.  Et  I'Ange  jeta  sa  faucille  sur  la  terre,  et  il  vendangea  la  vigne  de  la 
terre,  et  il  jeta  dans  la  cuve  de  la  colere  de  Dieu,  la  grande  [cuve].  20.  Et 
la  cuve  fut  foulee  en  dehors  de  la  ville,  et  il  sortit  du  sang  de  la  cuve 
jusqu'aux  mors  des  chevaux,  k  une  distance  de  mille  six  cents  stades. 


qui  est  le  vrai  sens  de  la  «  cuve  de  colere  w  du  verset  suivant.  ηκ[ΐ.αί;αν,  les  crimes  des 
impies,  comme  les  merites  des  justes,  sont  arrives  a  leur  comble. 

'  Α..  Β.  19.  ληνός  etait  generalement  masculin,  et  feminin  en  poesie,  ce  qui 
explique  que  Jean  ait  pu  employer  simultanement  les  deux  genres  (τον  μεγαν);  ce  ne 
peut  etre  qu'une  faute  de  distraction,  qui  montre  la  rapidite  excessive  de  la  redaction 
de  ce  livre  (Ιλτ.  c.  x,  π  et  xiii,  fin).  Corrections  :  τον  α.  omis  (030-55-468,  ami.),  τήν 
αεγάλην,  (x.  And.,  rec.  A'.).  —  La  «  cuve  de  la  colere  de  Dieu  »,  cfr.  xix,  15;  I'image  est 
inspiree  d'Isaie,  lxii,  2-3. 

■— —  A,  B.  20.  oL-.o  marquant  la  distance,  johannique,  cfr.  Joh.  xi,  18;  xxi,  8, 
(Bousset;  Int.  c.  χ  et  xni).  —  Pour  le  «  sang  »  et  les  «  chevaux  »,  description  parallele 
dans  He7i.  eth.  C,  3. 

C.  20.  Quelle  peut  etre  cette  «  ville  »  en  dehors  de  laquelle  la  cuve  est  foulee  ? 
Bousset  estime  que,  si  elle  n'est  pas  deterrainoe,  c'est  qu'on  aurait  ici  un  fragment 
utilise ;  que  ce  pourrait  etre  Jerusalem,  d'apres  le  ch.  xi,  ou  Babel,  d'apres  xiv,  8,  et 
que  I'Apocalyptique  de  derniere  main  y  a  peut-etre  vu  Rome.  Mais  n'est-il  pas  tout 
indique  de  I'identifier  a  la  «  Sion  »  de  ce  chapitre  meme,  au  debut?  Par  consequent 
c'est  Jerusalem  [Joh.  Weiss,  Swete),  comme  xi,  2,  mais  Jerusalem  idealisee,  Jerusalem 
quartier  general  de  I'Agneau,  la  «  Cite  bien-aimee  »  de  xx,  9,  ou  meme  le  sejour  des 
elus  de  xxi.  Les  anciens  prophetes,  et  les  apocryphes  apeupres  contemporainsde  Jean, 
representaient  le  jugement  de  vengeance,  au  grand  jour  de  Jahweh,  comme  s'execu- 
tant  dans  la  vallee  de  Josaphat  [Joel  iii,  12),  sur  le  mont  des  Oliviers  [7.ach.  xiv,  4),  a 
Sion  (IV  Esd.  xiii,  35;  Bar.  syr.  xl,  1).  Au  ch.  xvi,  16,  la  grande  bataille  contre  les 
rois  se  livrera  aussi  en  Palestine  («  Armagedon  »,  v.  ad  loc.). 

1600  vient  sans  doute  ici  comme  carre  du  nombre  sacre  40,  pour  montrer  la  grandeur 
du  desastre.  Beaucoup  d'exegetes  I'ont  entendu  de  la  longueur  approximative  de  la 
Palestine,  de  Dan  a  Bersabee,  etc. ;  il  en  est  meme  qui  pensent  au  golfe  de  Suez,  fort 
inattendu  ici  (voir  Holtzm.)  Contentons-nous,  avec  Iloltzmann,  de  remarquer  que  c'est 
encore  un  multiple  de  4,  nombre  des  regions  du  monde  et  des  vents.  Vict  :  «  omnes 
mundi  quatuor  partes  » ;  la  terre  entiere  sera  inondee  de  sang,  quand  I'Agneau  se  sera 
elance  de  Sion. 

L'image  du  sang  jusqu'au  frein  des  chevaux,  qui  se  retrouve  chez  Henoch,  doit  atre 
tradilionnelle.  Rien,  dans  le  contexte  immediat,  n'explique  ces  «  chevaux  »,  image 
tout  a  fait  isolee,  meme  heterogene.  Nous  ne  I'interpreterons  pas  mystiquement  avec 
Andre.  Faut-il  croire,  comme  Bousset,  que  ce  soit  encore  I'indice  d'un  fragment  inter-/ 
cal6  ?  Mais  plutot  on  serait  tente  de  I'interpreter  par  les  chevaux  du  ch.  vi,  ou  la 
chevauchee  infernale  de  la  6•=  trompette,  plaie  temporelle  supreme,  ou  la  cavalerie  des 
rois  de  I'Orient  qui  sera  ecrasee  au  ch.  xvi,  ou  I'armee  des  Betes  du  ch.  xix,  ou  les 
chevaux  blancs  de  xix,  14,  ou  Gog  et  Magog  du  ch.  xx.  Voici  la  solution  qui  nous 
parait,  a  nous,  la  mieux  fondee.  Elle  est  interessante,  parce  qu'elle  nous  montre  com- 

APOCALYl'SE  DE  SAINT  JEAN.  15 


226  APOCALYPSH    DE    SAINT    JEAN. 

ment  certains  symboles  demeurent  a  I'etat  continu,  sous-jacents,  dans  Tespril  du 
Prophete,  et  passent  d'une  scene  a  I'autre  sans  qu'il  songe  a  le  noter  expressement  : 

Le  grand  jour  de  Jahweh  etait  figure  chez  les  anciens  par  une  bataille  extermina- 
trice  (A.  T.  passim);  cette  image  se  retrouvera  aux  chap,  xix  et  xx.  Ensuile  cette 
victoire  a  ete  signifiee  par  la  metapliore  d'une  cuve  foulee,  d'oii  jaillit  le  sang  comme 
le  jus  rouge  du  raisin  :  «  Torcular  calcavi  solus  »,  dit  le  Vainqueur  d'Edom,  Is.  lxiii. 
II  y  a  eu  alliance  et  superposition  de  symboles  consacres;  on  a  pris  indilTeremment 
I'un  pour  I'autre ;  la  cuve,  dans  notre  chapitre,  symbolise  une  bataille,  sym.bole  elle- 
meme  de  la  condamnation  des  reprouves ;  c'est  un  symbolisme  a  plusieurs  degres,  les 
metaphores  s'echangeant  comme  des  mots  synonymes  (Int.  c.  vi).  Au  ch..xix,  15,  ou  une 
bataille  sera  decrite,  la  cuve  reparaitra.  Ici  la  vision  ilotte  entre  le  Messie  comme  fou- 
leur  (xix,  15  d'apres  Is.  lxiii),  et  I'Ange  son  ministre  pour  les  vengeances. 

Nous  reconnaissons  done  les  traits  d'un  tableau  assez  harmonique,  et  constamment 
present  a  I'esprit  du  voyant,  qui  emerge  aux  chap,  xiv,  xix  et  xx.  Les  chevaux  sont 
ceux  des  ennemis,  ou  ceux  de  I'armee  du  ciel  qui  suit  le  Verbe  triomphateur  (xix,  14). 
Malgre  la  variabilite  deconcertante  des  symboles,  il  y  a  une  grande  continuite  de  des- 
cription pour  qui  salt  la  voir;  loin  de  faire  penser  a  des  sources  differentes,  malgre 
I'enchevetrement  avec  d'autres  figures,  c'est  un  signe  d'unite  de  conception  et  de 
main. 


D.  EXECUTION  DES  VENGEANCES  DIVINES  SUR  LES  BETES  ET  BABYLONE 

(xv-xix). 

Ιλ'Τ.  —  Cette  section  assez  considerable,  qui  correspond  a  VIII-XI,  condent  la  peri- 
petie  et  le  denouement  du  drame  liistorique  dont  les  personnages  ont  ete  presenles 
XII-XIV,  6,  et  dont  tissue  a  ete  prcvue  XIV,  6- fin.  Elle  se  divise  ellememe  en  trois 
parties  : 

1°  Vision  des  7  coupes  de  colere,  plus  ou  moins  calquee  sur  celle  des  Trompettes,  et 
qui,  commc  celle-ci,  decrit  schematiquement  la  punition  des  ennemis  de  Dieu,  les  Betes 
et  I'Empire  romain  {type  de  la  Cite  du  Diable),  d'une  maniere  indivise  et  tout  a  fait 
generate  (xv-xvi). 

2°  Jugement  de  la  puissance  contemporaine  qui  personnifie  actuellenient  la  Bete, 
c'est-a-dire  de  Rome-Babylone  (xvii-xix,  10) ; 

5"  Jugement  universel  contre  les  Betes  en  soi,  sous  toutes  leurs  formes  (xix,  11-21). 

D  1°  LES  SEPT  COUPES  DE  LA  COLERE  DE  DIEU  (xV-XVl). 

Int.  —  L'auteur  nonime  les  fleaux  qu'il  va  decrire  7:ληγάς  επτά  τα?  εσχάτας,  δτι  έν 
αύταΐς  έτελέσΟη  δ  θυ[χος  του  θεοΰ.  Faut-il  entendre  par  la  que  ce  sont  les  tout  derniers 
chdtiments  de  Dieu,  ceux  qui  consommeront  la  ruine  du  monde  pervers,  en  s'ajoutant 
aux  fleaux  des  Trompettes?  Mais,  observe  Joh.  Weiss,  qui  attribue  εσχάτας  a  une 
adaptation,  plutot  maladroite,  de  I'  «  Editeur  »,  ces  fleaux  ne  sont  pas  pires  ni  plus 
decisifs  que  les  precedents.  D'ailleurs  nous  aeons  vu  la  7•=  trompette  amener  deja  la 
fin  du  monde;  cette  serie  nouvelle  nest  done  pas  «  derniere  »,  contre  Holtzmann,  par 
rapport  aux  πληγαί  mentionnees  IX,  20.  Swete  explique  le  qualificatif  non  par  le  fait 
qu'il  ne  doive  arriver  encore  d'autres  fleaux  apres  les  Coupes,  mais  parce  que  ce 
seraient  les  dernicres  manifestations  «  cosmiques  »  de  la  colere  de  Dieu.  Cette  opinion 
ne  nous  parait  guere  admissible,  attendu  que  ces  sept  plaies  ne  sont  pas  exclusivement 
cosmiques,  quelques-unes  meme  ne  le  sont  pas  du  tout.  Nous  preferons  la  solution  qu'in- 
dique  trop  brievement  Bousset  : 

Les  fleaux  des  Coupes  sont  dits  «  derniers  »  —  soit  parce  qu'ils  sont  les  derniers 
dans  la  redaction,  les  luttes  qui  suivront  a  partir  de  XVII  y  etant  deja  implicitement 
contenues;  — soit  plutot  parce  qu'ils  presentent,  sous  un  angle  plus  etroit  que  les  Trom- 
pettes, I'ensemble  des  calamites  des  «  derniers  temps  »;  —  soit,  ce  qui  nous  satisferait 
mieux  encore,  parce  qu'ils  sont  «  derniers  »  en  regard  du  malheur  du  regne  des  Betes, 
(le  3^  Vae,  c.  XIII),  etant  la  destruction  de  leur  empire.  (Voir  comm.  de  xvi,  21).  En 
tout  cas,  ils  ne  sauraient  etre  posterieurs  aux  fleaux  des  Trompettes,  qui  embrassaient 
tout  le  cours  de  I'liistoirc,  jusqu'a  la  fin  inclusivement.  C'en  est  plutot  une  «  recapitula- 
tioa  ». 

Adniettre  ici  la  tlieorie  de  la  «  Recapitulation  »,  appuyce  sur  tant  d'autorites  (Int. 
c.  VII  et  c.  xiv),  ce  nest  pas  dire  que  l'auteur  se  repete  purement  et  simplement,  sans 
autre  but  que  de  varier  ses  images,  et  de  causer  de  nouvelles  impressions  de  terreur  ou 
d'esperance.  Les  7  Coupes  se  distingueront  des  7  Trompettes  en  ce  que  celles-ci  avaient 
un  sens  ty pique  general  et  indetermine,  tandis  que  les  Coupes  sont  plus  «  historiques  t, 
ay  ant  un  rapport  etroit  avcc  les  Betes;  elles  visent  done  d'abord  V  Empire  romain,  et  il 
y  a  une  part  de  verite  dans  I'exegese  de  Bossuet,  malgre  les  precisions  trop  grandcs 
d'un  systeme    qui  rapporte   exclusivement   ces    propheties    au   regne  de    Valcricn    ou 


228  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

d'autres  empereurs  determines ;  metis  les  Coupes   n'en  gardcnt  pas  moins  lenr  valeur 
typique  j)our  toutes  les  autres  periodes  qui  pourront  suivre  la  chute  de  Borne,  jusqua 
la  destruction  parfaite  de  I'Anteclirist  perpetuel. 
Avant  de  decrire  Vexecution,  saint  Jean  fait  encore  une  preface. 

D  1*^  a-b.  Les  Anges  recoivent  les  coupes  devant  la  foule  celeste  (xv-xvi,  1). 

IiST.  —  Cette  pericope  presente  une  grande  analogic  avec  VIII,  2-6,  dernicre  prepa- 
ration aux  chatiments  des  Trompettes ;  seulement  elle  a  plus  d'ampleur.  De  part  el 
d'autre,  les  Anges  du  cJtdtiment  sont  mentionnes  au  commencement  et  a  la  fin  du  mor- 
ceau;  dans  I'intervalle,  une  scene  celeste  qui  est  une  sorte  de  ceremonie  liturgique .  La 
difference  consiste  en  ce  que,  au  ch.  VIII,  c'etait  un  Ange  qui  servait  d'intermediaire 
pour  offrir  a  Dieu  les  prieres  anxieuses  des  saints;  ici  c'est  toute  I'Eglise  qui  apparait 
transportee  au  del  [comme  VII,  9- fin  et  infra,  XXI-XXII);  elle  ne  prie  plus  seulement, 
mais  elle  chante  avec  ent/iousiasme  la  certitude  de  la  victoire  divine  et  de  la  conver- 
sion du  monde.  C'est  que  nous  approchons  du  terme  de  la  Revelation,  les  visions 
deviennent  de  plus  en  plus  sereines  et  triompliantes. 

La  structure  de  cette  scene  est  remarquable ;  nous  y  trouvons  trois  «  volutes  »,  comme 
au  ch.  XII,  avec  des  precisions  successives  :  1°)  au  v.  1,  dans  une  sorte  de  litre, 
d'  «  Uebersclirift  »  (Boussetj,  la  mention  des  7  Anges  et  des  7  plaies;  2°  aux  vv.  5-6,  ces 
Anges,  magnifiquement  decrits,  sortent  du  Temple  celeste,  avec  leurs  fleaux  en  main; 
3"  aux  vv.  XV,  7-XVI,  1,  on  les  voit  recevoir  leur  mission  et  leurs  coupes  de  la  main 
d'un  des  quatre  Animaux ;  car  le  decor  du  ch.  IV  subsiste  toujours.  C'est  faute  d'avoir 
compris  cette  disposition  caracteristique  que  force  critiques  ne  voient  encore  en  tout 
cela  que  des  doublets  oiseux,  qui  reveleraient  des  sources  mal  juxtaposees.  Ainsi  Joli. 
Weiss  attribue  a  Q  les  versets  5-6  {sauf  interpolation  des  mots  «  la  tente  du  temoi- 
gnage  dans  le  del  »),  et  8;  a  I'  «  Editeur  n,  les  vv.  1-4;  interpolation  de  5;  7.  Dans 
notre  systeme,  il  devient  super  flu  de  discuter  ces  vues. 

Remarquons  encore  un  trait  qui  montre  combien  est  etroit  le  parallelisme  entre  les 
visions  preliminaires  des  deux  grandes  sections  prophetiques.  Nous  y  retrouvons  le 
meme  schema  de  3,  qui  se  mele  dans  I'Apocalypse  a  ceux  de  7  et  de  4.  En  effet,  dans 
la  premiere  partie,  avant  la  sonnerie  des  Trompettes,  s'est  deroulee  une  triple  scene 
despair  ou  de  triornphe  : 

1°  La  promesse  aux  martyrs  (VI,  9-11); —  2°  la  procession  montant  de  la  terre  au 
del  (VII,  9-17)  —  3°  I'effet  des  prieres  des  saints  (VIII  3-5). 

Et,  dans  la  presente  section,  avant  I'effusion  des  Coupes,  nous  trouvons  : 
1°  La  securite  de  I'armee  de  I'Agneau,  sur  le  mont  Sion  (XIV,  1-5);  —  2°  la  moisson 
des  elus  {XIV,  li-16) ;  —  3°  le  triornphe  anticipe  des  vainqueurs  de  la  Bete  (XV,  2-4)  (i). 
C'est  d'abord  I Eglise  en  armes  sur  la  terre;  puis  I'Eglise  dans  le  jugement  qui  la 
sauve;  enfin  la  cohabitation  an  del  de  I'Eglise  mililante  et  triomphante,  comme  aux 
chap.  VII,  et,  infra,  XX,  puis  XXI-XXII. 

Parmi  ces  scenes,  les  deux  premieres  respectivement,  VI,  9-11  et  VII,  9-17,  d'une 
part,  XIV,  1-5  et  XIV,  li-16  de  I'autre,  appartiennent  aux  visions  preliminaires;  les 
troisiemes,  VIII,  3-5  et  XV,  2-4,  font  partie  de  I'exorde  des  «  visions  d  execution  ». 

A.  B.  G.  1.  /at  εΤοον,  formule  de  transition  ordinaire.  —  σηριεΤον  est  refere  par  άλλο  a 
xii,  1-3;  le  style,  comme  la  composition  (Ι.>τ.  supra)  rappelle  ce  chap.  xii.  —  εν  instrum. 

il)  II  y  aurail  quatre  passages  de  eel  esprit  dans  les  preparations  aux  Coupes,  si  nous 
ajoutons  xiv,  12-13.  Mais  ces  versets,  quoique  paralleles  a  vi,  9-11,  pour  la  place  et  en  partie 
pour  le  sens,  ne  sont  pas  une  description,  non  plus  que  vi,  1,  el  xiv,  6-7. 


I 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


229 


(Int.  c.  X,  §  II)  —  έτελέσθη,  aoriste  equivalant  a  un  parfait  prophetique,  voir  x,  7.  — 
Comparer  ce  verset  a  5-6  et  7-suiv.,  c'est  comme  une  «  premiere  onde  »,  une  indication, 
un  litre.  —  Les  7  Anges,  d'apres  leur  fonction,  doivent  etre  les  memes  que  ceux  des 
Trompettes,  voir  viii,  2  C. 

— -  A.  B.  2.  —  ώς  montre  que  I'auteur  a  bien  conscience  de  ne  voir  que  des 
symboles  de  realites  transcendantes  (Int.  c.  v,  1§  I,  et  c.  xii).  —  θάλασσαν,  κτλ,  cfr.  iv,  6; 
I'auteur  revient  au  decor  du  chap,  iv,  qu'il  n'a  jamais  perdu  de  vue,  et  I'absence  d'ar- 
ticle  ne  prouve  pas  qu'il  s'agisse  de  quelque  chose  de  nouveau;  c'est  sa  maniere, 
cfr.  XIII,  1,  Or.pcov  s&ns  article  (Stvete);  le  temple  celeste,  les  4  Animaux  vont  aussi 
reparaitre ;  —  νικώντας,  participe  present,  cfr.  le  δ  νικών  (τω  νικ.)  de  la  fin  des  Lettres.  —  εκ 
apres  vt/..  est  assez  irregulier.  Holtzm. : «  h.  τοΰ  θηρ.  κτλ,  die  Macht  andeutend,  aus  Avelcher 
der  Sieg  befreit  » ;  la  Bete,  etc.,  c'est  un  monde  d'ennemis  d'ok  ils  savent  se  degager. 
—  θηρ.  εικ.  αριθ.  cfr.  xiii,  1,14,  17;  xiv,  9,11;  infra  xix,  20;  xx,  4.  —  Ge  chapitre  montre 
done  qu'il  y  a  un  lien  intime  entre  les  deux  sections  prophetiques,  dont  les  principales 
figures  se  trouvent  ici  combinees. 

C.  2.  La  mer  de  cristal  (le  firmament  du  chap,  iv),  est  ici  melee  de  feu,  trait  nou- 
veau qui  s'expliquerait  bien  par  les  vues  cosmologiques  des  anciens,  la  foudre  melee 
a  I'ocean  celeste  {Hen.  si.  xxi\,  2,  Bousset),  ou  encore  la  flamme  des  etoiles;  cela 
n'exclut  pas  d'ailleurs  les  interpretations  spirituelles  des  anciens  :  le  bapt^me  (Vict.), 
la  purete,  et  le  feu  qui  eprouve  les  «uvres,  d'apres  I  Cor.  iii,  13  {Andre).  Le  present 
νικώντας  montre  qu'il  ne  s'agit  point  d'une  victoire  passee,  mais  plutot  d'un  succes  que 
les  fideles  sont  en  train  de  remporter.  Aussi,  dans  ces  heureux  vainqueurs,  ne  ver- 
rons-nous  pas  exclusivement  des  martyrs,  malgre  Calmes,  Bousset,  Joh.  Weiss  et  meme 
Swete;  pas  meme  uniquement  des  morts  arrives  au  salut.  La  comparaison  avec  la 
scene  analogue  de  vii,  9-fin,  et,  plus  loin,  avec  le  Millenium  du  ch.  xx,  nous  fait 
croire  bien  plutot  qu'il  s'agit  de  taute  I'Eglise,  militante  et  triomphante,  qui  se  revele 
au  Prophete  dans  son  indissoluble  unite;  ceux  qui  vivent  ici-bas  de  la  grace  sont  deja, 
en  leur  vie  interieure,  transportes  au  ciel,  concitoyens  des  bienheureux  qui  sont  dans 
la  gloire  [Phil,  iii,  20).  Deja  ils  peuvent  faire  vibrer  les  harpes  divines,  cfr.  xiv,  2. 

A.  B.  3.  Κύριε  δ  θεο'ς  δ  -αντ.  cfr.  ιν,  8;  χι,  17;  χνι,  7;  χχι,  22.  Alliance  du  voca- 

tif,  si  rare  dans  YApoc,  avec  le  nominatif,  voir  Int.,  c.  x,  §  II ;  plus  bas,  δ  βασ.  pour  le 
vocatif,  corrige  en  βασιλεΰ  »s*.  And.  —  αιώνων  (cfr.  Tobie  xiii,  6)  au  lieu  d'l0va>v,  i^*,  C, 
Λρ11-95-2040,  al.  vulg.,  syr.  —  «  Le  chant  de  I'Agneau  »  cfr.  sans  doute  v,  9-13 
{Holtzm.,  Volter),  et  le  «  chant  nouveau  »  de  xiv,  3 ;  le  «  chant  de  Moise  »  Ex.  xv,  1-21. 
Le  cantique  entier  est  uae  composition  libre  faite  surtout  d'apres  les  Ps.  cxlv,  17,  et 
Lxxxi,  9;  [ΐεγ.  καΊ  θαυ;α.  τα  έργα  σου,  cfr.  Ps.  cxi,  2;  cxxxix,  4;  δικ.καΐ  άληθ.,  union  de  mots 
familiere  a  VApoc.,  (Int.,  c.  x,  §  III)  cfr.  Deut.  xxxii,  4;  Ps.  cxlv,  17;  ό  βασ.  τών  έθν., 
cfr.  Zach.  xiv,  9. 

C.  3.  L'allusion  au  chant  que  Moise,  le  «  serviteur  de  Dieu  »,  comme  TappelleTA.  T., 
entonna  apres  le  passage  de  la  mer  Rouge,  s'harmonise  bien  avec  la  «  mer  de  cristal  » 
au-dessus  de  laquelle  les  Vainqueurs  ont  reussi  a  monter,  en  passant  par  le  feu.  La 
plupart  des  critiques  veulent  supprimer  τήν  ωδήν  τοΰ  άρν(ου,  operation  que  Bousset  recon- 
nait  bien  n'etre  pas  necessaire.  II  y  a  deux  cantiques,  celui  de  I'Agneau  (qui  est  proba- 
blement  celui  que  les  etres  celestes  ont  entonne  a  son  intronisation,  ch.  v),  et  celui  de 
Moise;  les  vainqueurs  celebrent  ainsi  et  leur  delivrance  spirituelle  de  I'Egypte  nouvelle 
et  de  ses  Pharaons,  et  le  Christ  qui  les  associe  a  son  triomphe  sur  le  peche  et  la  mort 
{Sivete).  Les  anciens,  ^nrf.,  Prim,  ont  pourtant  cru  qu'il  s'agissait  de  cantiques  respec- 
tivement  chantes  par  les  saints  de  I'Ancicn  et  du  Nouveau  Testament.  On  pourrait 
supposer  aussi,  pour  eviter  une  contradiction  avec  le  symbolisme  de  xiv,  3  (v.  ad 
loc.)  que  le  cantique  de  Moise  est  chante  par  tons  les  rachetes,  quels  qu'ils  soient,  ct 
le  cantique  de  I'Agneau  seuleracnt  par  les  Bienheureux  et  les  144.000  ascetes «  qui  seuls 
peuvent  I'apprendre  ». 


230  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

C.  XV.  1.  Kat  slocv  άλλο  σημείον  εν  τω  cjpavoj,  μ.έγα  και  Οαυμαστόν,  αγγέλους 
έχτα  έχοντας  πληγας  επτά  τάς  έσχάτας,  'ότι  *έν  αυταϊς  *έτελέσθη  ό  θυμός  τοΰ  θεοΰ. 

2.  Και  είδον  *ώς  θάλασσαν  ύαλίνην  μεμιγμένην  πυρί,  και  τους  *νικωντας  *έκ  του 
θηρίου  καΐ  εκ  της  εικόνος  αυτοΰ  καΐ  εκ  του  αριθμού  του  ονόματος  αΰτοΰ  έστώτας  έπΙ 
τήν  θάλασσαν  την  υαλίνη  ν,  έχοντας  κιθάρας  του  θεοΰ.  3.  Και  αοουσιν  την  ωοήν  Μωϋ- 
σέως  του  οούλου  του  θεοΰ  και  τήν  ωοήν  του  άρνίου  λέγοντες"  Μεγάλα  και  θαυμαστά  τα 
ε'ργα  σου,  κύριε  *ό  θεός  ο  παντοκράτωρ"  οίκαιαι  και  άληθιναι  αϊ  οδοί  σου,  *ό  βασιλεύς 
των  *έθνών.  4.  Τίς  *οΰ  μή  οοβηθη,  *κΰριε,  και  *οοξάσει  το  ονομά  σου;  οτι  μόνος  'όσιος, 
οτι  πάντα  τα  έθνη  ή'ςουσιν  και  προσκυνήσουσιν  *ένώ7;ιον  σου,  'ότι  τα  δικαιώματα  σου 
έφανερώθησαν. 


— —  Α.  Β.  4.  οΰ  [χή,  ν.  Int.,  c.  λ,  §  Π;  μή  omis  Ν',  al.;  on  attendrait  δοξάστ],  pour 
repondre  a  φοβηθη,  mais  le  fut.  δοξάσει  est  bien  atteste  par  A,  C,  P,  et  de  nombreux 
autres  mss;  c'est  peut-etre  que  celte  «  glorification  «  est  surtout  reservee  a  I'avenir, 
quand  les  peuples  seront  convertis,  tandis  que,  des  a  present,  a  cause  des  fleaux, 
ils  doivent  au  moins  connaitre  la  crainte.  —  τίς  ού  μή  φοβ.,  cfr.  Jir.  χ,  7,  en  hebreu; 
—  ήξ.  χ.αΐ  προσκ.,  cfr.  Ps.  lxxxv  (lxxxvi),  9;  —  ενώπιον  apres  προσκ.  donne  a  ce  verbe 
le  sens  clair  de  «  se  prosterner  »,  mieux  encore  que  s'il  y  avait  le  datif  (v.  supra,  xiii, 
4).  —  δικαίω|χα  (cfr.  XIX,  8),  signifie  «  acte  de  justice  «  present  par  la  loi  [Luc  i,  6; 
Rom.  II,  26,  al.)  ou  «  juste  sentence  »  rendue  par  Dieu,  Rom.  i,  32;  c'est  le  sens  ici,  a 
moins  qu'il  ne  veuille  dire  :  «  les  pieces  justificatives  de  ton  jugement  »,  comme  dans 
des  papyrus  cites  par  Moulton-Milligan.  La  «  manifestation  »  en  serait  alors  la  predi- 
cation de  I'Evangile. 

G,  4.  Swete  remarque  bien,  mais  sans  en  tirer  la  consequence  voulue,  qu'il  n'y  a  pas 
en  ce  cantique  d'allusion  au  martyre  —  parce  que,  dit-il,  les  martyrs  s'oublient  eux- 
memes  en  presence  de  la  gloire  de  Dieu.  Mais  ce  trait  negatif  s'explique  beaucoup 
mieux  si  tous  ne  sont  pas  des  martyrs;  ils  peuvent  etre  vainqueurs  de  la  Bete  au  sens 
general  de  νικαν  chez  Jean,  sans  avoir  ete  mis  dans  le  cas  de  verser  leur  sang.  Prenons 
bien  soin  de  remarquer  que,  avant  la  ruee  des  fleaux ,  ce  n'est  pas  la  A'engeance  que 
celebrent  ces  vainqueurs,  mais  la  conversion  des  Gentils,  a  laquelle  les  fleaux  eux- 
memes  sont  ordonnes;  c'est  I'esprit  de  I'Apocalypse  chretienne.  EUe  se  rejouit  du 
triomphe  messianique,  non  de  la  fin  du  monde. 

— ^  A.  B.  5.  On  constate  ici  combien  la  formule  μετά  ταΰτα  ειδον,  en  depit  de  sa 
teneur  litterale,  est  loin  d'indiquer  toujours  une  succession  d'evenements.  —  «  Le 
Temple  de  la  tente  du  temoignage  »,  done  type  celeste  du  temple  et  du  tabernacle  de 
I'A.  T.  a  la  fois,  cfr.  xi,  19. 

G.  5.  II  ne  s'agit  pas,  fut-ce  dans  une  source  (centre  /.  Weiss),  du  temple  terrestre  — 
d'ailleurs  figuratif  —  de  xi,  1-suiv.,  mais  de  celui  qu'on  a  vu  deja  ouvert  au  ciel,  xi, 
19,  pour  montrer  I'Arche  d'Alliance.  La  misericorde  et  les  chatiments  viennent  done 
egalement  du  sanctuaire,  comme  de  I'autel  (viii,  2-6),  parce  que  les  rigueurs  elles- 
memes  sont  ordonnees  au  salut  du  Regne  de  Dieu.  Si  xi,  19  fait  partie  de  la  deuxieme 
section  prophetique,  comme  nous  avons  cherche  a  I'etablir,  alors  on  pourrait  croire, 
ou  que  le  sanctuaire,  entr'ouvert  un  instant  aux  yeux  du  Prophete,  s'etait  referme,  ou 
que  cette  figure  s'etait  efTacee  quelque  temps  de  I'esprit  du  Voyant;  ainsi  beaucoup  de 
traits  particuliers  s'eclipsent  ou  changent,  pour  reparaitre  subitement.  Mais  je  croirais 
plutot  que  le  verset  xi,  19,  etait  une  anticipation  de  ce  passage;  il  faut  joindre  les 
deux  pour  avoir  le  sens  spirituel  complet  de  cette  ouverture  du  Temple  (v.  comm.  a  xi, 
19,  et  E\c.  xxv).  —  Notre  verset  n'indique  pas  un  nouvel  acte  des  7  Anges;  il  precise 
seulement  le  v.  1;  c'est  la  «  deuxieme  onde  ». 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAX.  231 

C.  XV.  1.  Et  je  vis  un  autre  signe  dans  le  ciel,  grand  et  merveilleux,  sept 
Anges  qui  avaient  sept  plaies,  les  dernieres,  car  par  ellcs  est  consommee  la 
colere  de  Dieu. 

2.  Et  je  vis  comrae  une  mer  de  verre  melee  de  feu,  et  ceux  qui  [sortaient] 
vainqueurs  de  [la  lutte  centre]  la  Bete  et  son  image  et  le  nombre  de  son 
nom,  se  tenant  debout  sur  la  mer  de  verre,  ayant  des  citbares  de  Dieu. 
3.  Et  ils  chantent  le  cantique  de  Moise  le  serviteur  de  Dieu,  et  le  cantique 
de  I'Agneau,  disant  :  «  Grandes  et  admirables  [sont]  tes  oeuvres,  Seigneur, 
Dieu  tout-puissant!  justes  et  veritables  tes  voies,  roi  des  nations!  4.  Qui 
pourrait  ne  pas  te  redouter.  Seigneur,  et  [qui  ne]  glorifiera  ton  nom?  parce 
que  seul  tu  es  saint,  parce  que  tons  les  peuples  viendront  et  se  prosterne- 
ront  devant  toi,  parce  que  tes  justifications  ont  ete  manifestees!  » 


A.  B.  6. εκ  τοΰναοΰ  omisrec.K. —  PourXtvov  ontrouve  λίΟον  (C,  A,  «  lapidem  «  dans 
quelques  exempt,  de  i'ulg.) ;  λίθον,  admis  de  W.-H.,  semble  une  erreur  de  scribe,  pour- 
tant  And.  connait  un  certain  nombre  de  codex  qui  le  portaient  {(Eciunenius,  d'apres 
Diekamp) ;  λίνον  =  λινοΰν  est  un  mot  tres  rare,  mais  des  formes  rares  et  poetiques 
se  rencontrent  dans  I'Apocalypse ;  le  mot  se  trouve  en  ce  sens  dans  Homere,  Iliade 
IX,  661,  et  Odyssee  xiii,  73,  118,  ainsi  que  dans  Eschyle  {Swete).  —  Si  λίθον  etait  exact, 
cfr.  Ezech.  xxviii,  13,  sur  le  roi  de  Tyr  :  πάντα  λίθον  -/ρηστόν  Ινδέδεσαι  —  Pour  I'tiabille- 
ment  des  Anges,  cfr.  Ezech.  ix,  2,  et  le  costume  du  Fils  de  I'Homme,  Apoc.  i,  13-suiv. 

C.  6.  Le  costume  des  Anges  rappelle  celui  des  Anges  d'Ezechiel,  ix,  qui  sortent  du 
Temple  pour  chatier  Jerusalem,  et,  si  Ton  admet  λίθον,  on  pent  voir  une  allusion  au 
pectoral  du  grand  pretre.  Ces  Anges  sont  vetus  en  pretres,  parce  qu'ils  sont  des 
λειτουργικά  πνεύματα  [Heb.  I,  14) ;  ils  vont,  en  chatiant,  offrir  comme  un  sacrifice  a  la  jus- 
tice divine  [Swete). 

— —  A.  B.  7.  άΐΑτ^ν  ajoute  apres  αιώνων,  comme  dans  une  doxologie  X,  boh.,  al.  — 
<(  Coupes  de  colere  »  cfr.  xiv,  10 ;  c'est  une  figure  usuelle  dans  ΓΑ.  T.  —  «  un  des  Ani- 
maux  »  cfr.  ch.  iv,  etc. 

C.  7.  Ces  coupes  contiennent  le  breuvage  dont  ont  ete  menaces  les  adorateurs  de  la 
Bete  (xiv,  10);  elles  forment  la  contre-partie  des  coupes  d'or  remplies  de  parfums  que 
les  Aniniaux  et  les  Vieillards  tiennent  dans  leurs  mains  (c.  v,  8),  tandis  qu'ils  adorent 
I'Agneau  (Calmes).  C'est  a  tort  que  St^'ete  y  voit  des  brule-parfums  comme  viii,  5.  Les 
coupes  sont  distribuees  par  un  dee  Animaux;  c'etaient  eux  deja  qui  avaient  appele  les 
Cavaliers  au  ch.  vi,  car  ils  sont  les  representants  de  la  nature,  associee  a  la  vengeance 
de  son  createur  [Swete) ;  cependant  il  ne  s'agit  pas  uniquement  de  fleaux  naturels.  — 
Le  symbolisme  des  coupes  n'entraine  en  soi  qu'une  idee  de  chatiment,  contrairement  a 
celui  des  Trompettes  (v.  Exc.  xx) ;  mais  I'idee  de  misericorde  est  toujours  correlative. 
■  A.  B.  8.  Ικ  της  δόξης  (εκ  omis  dans  le  codex  d'CEcumonius  010-121-250)  signi- 
fie  que  le  flamboiement  de  la  Gloire  est  la  cause  de  cette  fumee,  cfr.  Ex.  xix,  18 ;  Is. 
VI,  4;  Ezech.  xliv,  4.  —  «  Personne  ne  pouvait  entrer  »,  cfr.  Ex.  xl,  34-35;  I  Reg.  viii, 
10-11. 

C.  8.  Cette  fumoe  est  dans  I'A.  T.  un  trait  des  theophanies  :  «  Deus  noster  ignis  con- 
sumens  est  »  (Heb.  xii,  29).  Le  sanctuaire  devient  inaccessible;  cela  veut  dire  peut-etre 
que  les  jugemcnts  de  Dieu  sont  impenetrablcs,  jusqu'a  ce  qu'on  les  comprenne  en  les 
voyant  executes  completeraent  au  retour  du  Seigneur  [Bede).  L'ideo  de  Γ  «  etat  inter- 
mediaire  »  des  ames,  incompatible  avec  xiv,  12-13  (v.  ad  loc.)  est  ici  tres  arbitrairc- 
ment  introduite  par  Andre.  IfoUzm.  I'interprote  ainsi  :  Dieu  reste  inaciessible  jusqu'a 
ce  que  sa  colere  se  soit  dechargee,  c'est-a-dire  qu'aucune  intercession  tardive  ne  peut 


232  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

5.  ΚαΙ  *μετα  ταϋτα  ειδον,  καΙ  ήνοίγη  ό  ναός  νης  σκηνής  του  μαρτυρίου  έν  τω  ojpavo), 
6  y.od  έξί^λθον  ct  επτά  άγγελοι  οί  έχοντες  τας  έζτα  ζληγας  έκ  τοΰ  ναοΰ,  ένοεουμε'νοι 
*λίνον  καθαρον  λαμζρον  και  περιεζωσμένοι  περί  τα  στήθη  ζώνας  χρυσας. 

7.  ΚαΙ  έν  έκ  των  τ£σσάρο)ν  ζώων  εδωκεν  τοις  έτττα  άγγε'λοις  επτά  ιιάλας  χρυσας 
γεμούσας  του  θυμοΰ  του  Οεοΰ  τοΰ  ζώντος  ε'.ς  τους  αιώνας  τών  αιώνων.  8.  Και  έγεμίσθη 
ό  ναός  καπνού  έκ  της  δόξης  τοΰ  θεοΰ  και  έκ  της  δυνάμεως  αϋτοΟ,  και  ουδείς  έδύνατο 
εισελθεϊν  ε'.ς  τον  ναον  άχρι  τελεσθώσιν  αί  επτά  πληγα'ι  τών  επτά  αγγέλων. 

C.  XVI.  1.  Και  ήκουσα  μεγάλης  φωνής  *έκ  τοΰ  ναοΰ  λεγούσης  τοις  επτά  άγγέλοις" 
Γπάγετε,  και  *έκχέετε  τάς  επτά  οιάλας  τοΰ  θυμοΰ  τοΰ  θεοΰ  εις  την  γην. 

arr^ter  ses  jugements.  D'ailleurs,  c'est  la  une  image  consacrce,  d'apres  Ex.  et  I  Reg., 
mais  tres  susceptible  d'interpretation  spirituelle;  elle  n'indique  nuUement,  contre 
Joh.  Weiss  et  autres,  qu'il  se  soit  d'abord  agi  ici  du  temple  terrestre. 

— —  A.  B.  C.  XVI,  1.  h.  τοΰ  ναοΰ  omis  I'ec.  K.  —  h,yia.-:t,  rec.  K.,  And.  —  «  Coupes 
de  la  colere  »  cfr.  xv,  η.  —  Cette  grande  \o\yi  qui  sort  de  la  demeure  de  Dieu  peut 
bien  έΐρβ  celle  de  Dieu  lui-meme,  cfr.  vi,  6.  Si  les  coupes  sont  dites  versees  «  sur 
la  terre  »,  quoiqu'elles  affectent  aussi  I'air  et  les  astres,  c'est  que  les  ileaux  visent 
plutot  les  hommes,  les  adorateurs  de  la  Bete,  que  les  Elements. 

D.  1°  c.  Les  Anges  versent  leurs  Coupes  (xvi,  2-21). 

Int.  —  Bousset,  apres  Weizsacker,  a  bien  compris  que  cette  pericope  nest  qu'une 
reprise,  faite  par  le  mime  auteur,  des  propheties  de  VIII-XI,  mais  sous  un  rapport 
plus  concret  avec  les  Betes  et  Rome,  pour  en  faire  une  introduction  aux  chapi- 
tres  XVII-XVIII,  —  auxquels  nous  devrons  ajouter  XIX.  Joh.  Weiss  a  une  tlteorie  Ires 
compliquee  sur  des  combinaisons  de  Q  et  de  I'  «  Editeur  »,  celui-ci  ay  ant  transpose  la 
scene,  qui  devait  etre  une  conclusion  dans  la  source  juive,  a  une  place  qui  ne  lui  con- 
vient  pas;  Jean  n'y  aurait  aucune  part.  Erbes  attribue  le  morceau  entier  a  la  3^  Apo- 
calypse, de  Van  80;  pour  Volter  il  est  de  Cerinthe,  mains  des  notes  de  redaction; 
Weyland  et  Spitta  y  entremelent  leurs  sources  juives  —  t<  ei  2;  J2  ei  J'  —  avec  des  ver- 
sets  Chretiens,  comme  le  15°.  Bruston  donnc  tout  au  dernier  redacteur,  a  part  13-16  et 
19^,  fragments  de  lApoc.  de  Neron;  pour  Sabatier,  13,  li,  16  sont  juifs  d'origine. 

En  realite,  il  n'y  a  pas  de  sources  reconnaissables ;  c'est  une  «  recapitulation  »  — 
restreinte  et  adaptee  —  des  plaies  des  7  trompettes,  avec  lesquelles  celles-ci  ont  une 
analogic  frappante,  ainsi  qu'avec  les  plaies  d'Egypte,  Ex.  vn-x.  La  quatrieme  seule 
est  presque  entierenient  ncuve,  au  moins  dans  ses  e/fets ;  puis  dies  ne  sont  pas,  comme 
les  precedentes,  restreintes  a  un  tiers  des  obj'ets  attaques.  La  2^,  la  5®,  la  5",  la  6•=  et  la 
7^  correspondent  en  gi'os  aux  trompettes,  et  toutes  sont  librement  adaptees,  pour  que 
I'humanite  soit  plus  directement  et  plus  uniformement  attcinte. 

La  difference  essentielle,  c'est  qiie  la  7«  coupe  ne  semble  pas,  comme  la  derniere 
trompette,  amener  la  ruine  totale  du  monde,  car  des  Iiommes  subsistent  encore  apres 
elle,  et  non  convertis.  Nous  nous  I'expliquons  du  fait  qu'elles  sont  conrues,  d'abord  et 
principalement,  en  rapport  avec  des  realites  contemporaines,  Rome-Baby  lone,  dont 
I  empire  s'ecroulera  longtemps  avant  la  Parousie  [v.  ch.  XVII).  La  «  recapitulation  » 
n'est  done  que  relative.  Mais,  puisque  Rome  se  confond  en  partie  avec  la  P^  Bete 
{XVII-XVIII),  ct  que  la  Bete  est  encore  un  symbole  plus  etendu,  signifiant  la  puissance 
de  I'Anteclirist  dans  tous  les  ages,  le  schema  des  sept  coupes  peut  etre  considere  comme 
typique  aussi,  et  destine  a  se  reproduire  aussi  souvent  que  les  periodes  de  «  42  mois  », 
jusqu'a  la  destruction  complete  de  I'ennemi,  au  ch.  XIX.  Xous  avons  vu  plus  haut  en 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  233 

5.  Et  apres  ces  choses,  je  vis;  et  il  s'ouvrit,  le  temple  de  la  tente  du 
temoignage  dans  le  ciel ;  6  et  les  Sept  Anges  qui  ont  les  sept  plaies  sortirent 
du  temple,  revetus  d'lm  lin  pur,  brillant,  et  ceints  autour  de  leurs  poitrines 
de  ceintures  d'or. 

7.  Et  I'un  des  Qltatre  Andiaux  donna  aux  sept  Anges  sept  Coupes  d'or 
remplies  de  la  fureur  du  Dieu  qui  vit  aux  siecles  des  siecles.  8.  Et  le  Temple 
futrempli  de  fumee,  en  raison  de  la  gloire  de  Dieu  et  de  sa  puissance;  et 
personne  ne  pouvait  entrer  dans  le  Temple,  jusqu'^i  ce  que  fussent  consom- 
mees  les  Sept  plaies  des  Sept  Anges. 

G.  XVI.  1.  Et  j'entendis  une  grande  voix  [sortant]  du  Temple,  qui  disait 
aux  Sept  Anges  :  «  AUez,  et  repandez  les  Sept  coupes  de  la  colere  de  Dieu 
sur  la  terre.  » 


quel  sens  ces  fleau.v  sont  dits  «  les  derniers  ».  Bede  y  voyait  les  hates  de  I'Eglise  conlre 
I'Antechrist  eschatologiqiie,  se  referant  a  la  sixieme  trompette;  Albert,  un  sens  spirituel, 
la  condainnation  des  reprouves  par  la  predication  des  saints.  Bossuet  les  rattacliait 
au  2*^  Vae  {IX,  li,  cfr.  XVI,  1'2-suiv.)  et  se  representait  toiites  les' coupes  versees  a  la 
fois,  ou  dans  un  temps  fort  court  —  a  la  difference  du  son  des  troinpettes  —  pour 
figurer  les  malheurs  de  I'Empire  entre  Galien  et  Maximin  Da'ia.  En  realite,  quoiqu'ils 
visent  d'abord  I'Antechrist  des  premiers  siecles,  ces  fleaux  s'etendent  sur  tous  les  temps 
et  I'univers  entier;  par  des  prolepses,  des  eniboitements,  ils  signifient  deja  la  mine  de 
Rome  et  des  Betes,  qui  fera  la  matiere  etendue  des  cliapitres  suivants.  Si  les  coupes 
repondent  aux  memes  realites  que  les  trompettes,  I'ordre  est  pourtant  inverse  :  les  Troin- 
pettes descendaient  des  fleaux  cosmiques  jusquau  5*^  Vae,  domination  de  Satan  et  des 
Betes,  tandis  que  les  Coupes  prennent  Icur  point  de  depart  dans  cettc  domination 
meme,  pour  decrire  les  fleaux  cosmiques  ou  hisloriques  qui  la  ruineront  ainsi  que 
I'univers  materiel.  C'est  pourquoi  les  anciens  commcnlateurs  rapportaient  les  Coupes  a 
une  epoque  posterieurc  au  moins  ci  celles  des  cinq  premieres  Trompettes;  mais  cette  vue 
etait  superficielle,  car  Jean  fait  abstraction,  autant  que  faire  se  pent,  de  toute  succes- 
sion chronologique,  de  memo  que,  dans  son  Evangile,  il  ne  montrc  que  peu  de  souci  des 
developpements  parliels  des  faits  ou  des  idccs. 

A.  B.  2.  εΰο'να  dans  quelques  mss.  seulemenl  (supra,  xui,  3).  —  ^Ά?•^  7.*Ρ•ι  ''^--j 
V.  supra,  ch.  xiii-xiv.  —  «  Ulcere  »  cfr.  Ex.  ix,  9-10,  sixieme  plaie  d'Egypte;  Oeut. 
xwiii,  35.  —  Quelque  rapport  avec  la  l''^  trompette  (plaie  de  la  Terre)  et  avee  la  citi- 
quieme  (piqure  des  sauterelles-scorpions). 

C.  2.  C'est  la  menace  du  deuxieme  Ange  des  preparations  (xiv,  9-11),  qui  commence 
a  s'accomplir  ici ;  un  ulcere,  pareil  a  celui  qui  frappa  les  magiciens  de  Pharaon,  s'at- 
tache  aux  chairs  des  adoratcurs  que  la  magie  a  procures  a  la  Bete  [Swetc).  On  peut 
I'entendre,  avec  Andro,  al.,  au  sens  physique  ou  au  sens  moral. 

———  A.  B.  3.  Dans  ce  verset  et  les  suivants,  quelques  lemoins,  mais  pas  toujours 
les  memes  chaque  fois,  ajoutent  άγγελος  apres  le  nombre  ordinal  {rec.  A'.,  And.,  vulg., 
syr.,  boll.,  a,  Prim.  —  ζωής  est  la  Ιβςοη  de  Λ,  C,  syr.;  ailleurs,  ζώσα,  ζώων;  —  ώς 
parfois  omis.  —  Cfr.  la  2«  trompette,  viii,  8-suiv.,  amplifie  d'apros  Ex.  vii,  17-21, 
premiere  plaie  d'Egypte.  —  Apposition  du  pluriel  τα  κτλ  a  un  singulier,  ce  qui  ne  sur- 
prend  pas  dans  VApoc. 

C.  3.  Ici  le  desastre  do  la  mer  n'est  pas  limite  au  tiers,  commc  a  la  deuxieme 
trompette;  ces  restrictions  n'apparaissent  pas  dans  la  section  des  coupes.  Je  ne  pense 


234  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

C.  XVI.  2.  Και  άπηλθεν  ό  πρώτος,  κχί  έςέχεεν  τήν  οιάλην  αύτου  εΙς  τήν  γν^ν,  κα? 

έγενετο  έλκος  κακόν  και  πονηρον  έπι  τους  άνθροί-ους  τους  έχοντας  το  χάραγμα  του 
θηρίου  και  τους  προσκύνοντας  τϊ]  *ε'.κόνι  αύτοΰ. 

3.  Και  ό  δεύτερος  *έξέχεεν  τήν  φιάλην  αύτου  ε'.ς  τήν  θάλασσαν'  και  έγενετο  αίμ.α  ώς 
•^ζν.ρο^,  και  χασα  ψυχή  *ζο)ης  άπέθανεν,  *τά  εν  τη  θαλάσσγ;. 

4.  Και  6  τρίτος  έξέχεεν  τήν  φιάλην  αυτοΰ  εΙς  τους  ττοταμ,ούς  και  τας  ζηγάς  των 
υδάτων'  και  *έγε'νετο  αίμα.  5.  Και  ήκουσα  του  ayyi'ho-J  των  ύδάτο)ν  λέγοντος'  Δίκαιος 
ει,  ό  ων  και  ο  ην  ,  ό  όσιος,  *οτι  ταύτα  εκρινας,  6  ότι  α-.μα  άγίο)ν  και  προφητών  έςε'χεαν, 
*καΊ  *ά!μα  vJj-cXq  δέδο)κας  *χεΐν'  άξιο-!  ε'.σιν. 


pas  qu'il  faille  altacher  grande  importance  a  ce  detail;  rexpression  est  simplement 
plus  generale.  Ainsi  Mo'ise  avait  change  en  sang  les  eaux  du  Nil. 

— —  A.  B.  4.  Amplification  de  viii,  10,  a  la  troisieme  Trompette,  encore  d'apres 
Ex.  vn,  17-21.  —  πηγας  των  υδάτων,  expression  caracteristique  de  VApoc.  (Ixx.  c.  x,  §  III) 
—  Ιγένοντο  A,  af.,  g. 

C.  4.  Les  eaux  douces  sont  done  frappees  a  part  de  la  mer,  comme  dans  la  section 
des  Trompettes;  c'est  surement  la  meme  imagination  qui  est  a  Treuvre.  Les  hommes 
devraient  tous  mourir,  faute  d'eau.  Mais  il  n'y  a  ni  succession  chronologique,  ni  fleaux 
a  prendre  a  la  lettre  (Int.  c.  v,  ι  §  I). 

— —  A.  B.  5.  δσιος  seulement  ici,  et  xiv,  5;  —  δ  ών  καΐ  δ  ην,  expression  caracteris- 
tique (Int.  c.  X,  §  II),  qui  demontre  encore  I'unite  de  main;  δ  Ιρ/οιχενος  manque  ici 
comme  xi,  17;  δς  ην  rec  Κ.;  δ  οιιος  =  vocatif  (Int.  c.  χ,  §  Π);  sans  article  A,  G,  Q  et 
une  trentaine  de  minuscules ;  de  la  vient  sans  doute  la  fausse  liaison  de  Vulg.  :  «  qui 
es  et  qui  eras  sanctus  ».  —  δτι  explicatif,  non  causatif. 

C.  5.  Le  raonde  angelique  et  les  saints,  figures  plus  bas  par  I'autel,  s'unissent  pour 
approuver  ce  jugement  rigoureux.  L'  «  Ange  des  eaux  »  rappelle  Γ  «  Ange  du  feu  »  de 
XIV,  18,  et  les  «  Anges  des  vents  »  de  vn,  1;  cfr.  Hen.  cth.  lxvi,  2.  Les  rabbins  usaient 
souvent  de  telles  expressions;  ils  donnaient  des  Anges  a  presque  toute  creature,  idee 
qui  a  peut-etre  ete  developpee  sous  I'influence  des  Perses.  Voir  Int.  c.  v,  ι  §  II-III  et 
II,  §  I,  1.  Dieu  n'est  pas  appele  ici  δ  έρ-/6[χενος,  parce  qu'il  est  la  deja,  en  pleine  activite 
de  juge,  ce  qui  se  verifiait  encore  plus  rigoureusement  xi,  17,  a  la  7^  trompette. 

A.  B.  6.  αΥματα,  Ν»,  Av30-36-2019,   α403-39-1918.  —  Καί   pourrait  etre  aussi 

considere  comme  le  1  hebraique  de  I'apodose.  —  πεΓν,  forme  vulgaire,  pour  πιεΓν,  se 
trouve  A  et  C;  cfr.  xviii,  24  et  Ps.  lxxix,  3. 

C.  6.  La  remarque  de  I'Ange  exprime  I'indignation  concentree  du  Prophete  devant 
le  spectacle  cruel  des  persecutions;  les  «  saints  et  les  prophetes  »,  alliance  de  mots 
rencontree  ailleurs,  sont  ceux  de  I'Ancien  et  du  Nouveau  Testament ;  I'asyndeton  άξιοί 
εισιν  accentue  I'impression;  c'est  la  contrepartie  de  xiv,  5. 

— —  A.  B.  7.  h,  ajoute  devant  θυσιαστ.,  Q,  And.  passim;  Av63-160-2066  ajoute 
οίλλον  [ά'γγελον?];  g  traduit  άλλον,  et  tous  deux  suppriment  la  mention  de  I'autel.  —  άληθ. 
και  δί/..,  expression  stereotypee,  comme  xv,  3 ;  xix,  2.  —  Κύριε,  vocatif.  Int.  c.  x,  §  II.  — 
ό  Θ.  δ  παντοκράτωρ,  cfr.  I,  8;  IV,  8;  xi,  17;  xv,  3  ;  xvi,  14;  xix,  6,  15;  xxi,  22. 

C.  7.  L'autel  est  personnifie,  comme  I'indiquerait  deja  I'emploi  du  genitif  apres 
ηκουσα;  ce  n'est  pas  «  le  genie  du  sacrifice  »  (cfr.  Holtztn.),  ni  le  Christ  ou  les  Anges 
intercesseurs  en  personne  {And.,  al.),  mais  plutot  le  retentissement  des  prieres  des 
saints  qui  y  sont  oiTertes  comme  un  encens;  cette  voix,  qui  part  du  centre  des  suppli- 
cations humaines  et  des  intercessions  angeliques,  exprime  la  conformite  des  volontes 
de  I'Eglise  avec  celles  de  Dieu.  Ainsi  viii,  3-5  et  ix,  13,  le  parfum  qui  monte  de  I'aulel 
a  hate  les  chatiments,  car  ceux-ci  contribuent  au  regne  de  Dieu,  et  au  salut  de  I'huma- 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  235 

C.  XVI.  2.  Et  le  premier  s'en  alia,  et  repandit  sa  coupe  dans  la  terre,  et  il 
se  lit  un  ulcere  malin  et  pernicieux  sur  les  hommes  qui  avaient  I'empreiiite 
de  la  Bete  et  qui  se  prosternaient  devant  son  image. 

3.  Etle  deuxieme  repandit  sa  coupe  dans  la  mer;  et  elle  devint  du  sang, 
comme  [le  sang]  d'un  mort,  et  tout  etre  anime  perit,  ceux  qui  sont  dans  la 
mer. 

4.  Et  le  troisieme  repandit  sa  coupe  dans  les  fleuves  et  les  sources  des 
eaiix;  et  [ce]  devint  du  sang.  5.  Et  j'entendis  I'Ange  des  eaux  qui  disait  : 
((  Tu  es  juste,  [toi  qui  as  nom]  il  est  et  il  etait,  le  Saint,  d'avoir  accompli 
ces  jugements !  6  parce  qu'ils  ont  repandu  le  sang  des  saints  et  des  prophetes, 
tu  leur  as  donne  aussi  du  sang  a  boire  !  lis  [en]  sont  dignes.  » 

nite.  Tel  est  le  magnifique  opitimisme  de  I'Apocalypse.  Cfr.  le  role  de  I'autel  des 
holocaustes,  vi,  9. 

A.  B.  8.  iv  instrum.  (Int.  c.  x,  §  II),  omis  N,  Av31-Ser.466-598;  vidg.  :  «  et  »  — 

Cfr.  la  4*^  Trompette  viii,  12;  mais  la  transformation  apportee  dans  les  corps  celestes 
est  toute  differente;  la  ils  sont  obscurcis,  ici  la  flamme  du  soleil  est  attisee.  De  fait  il 
faut  prendre  ensemble  la  4«  et  la  5^  coupes  (v.  infra)  pour  avoir  un  parallele  complet  a 
la  4«  Trompette.  —  Ιοο'θη  αϋτω,  meme  formule  que  vii,  2;  viii,  3;  ix,  5;  xui,  7,  15,  unite 
de  main. 

C.  8.  Les  4  premieres  coupes  ont  atteint  immediatement  la  nature  (terre,  eaux  et  feu), 
et  par  elle  les  hommes;  les  trois  dernieres  frappent  les  hommes  plus  directement; 
c'est  done  encore  un  vestige  d'une  division  en  4  +  3 ;  mais  il  faut  reconnaitre  qu'elle 
est  moins  marquee  qu'ailleurs,  car,  a  la  7e  plaie,  le  cosmique  (Fair,  4*  element)  se 
combinera  avec  I'humain.  Un  second  vestige  de  ce  precede,  c'est  la  mention  de  I'impe- 
nitence  des  hommes,  depuis  cette  plaie-ci,  au  verset  prochain,  jusqu'a  la  derniere; 
mais  il  ne  coincide  pas  avec  le  premier;  il  y  a  done  deux  divisions  de  la  serie  des 
Coupes,  respectivement  en  4  -}-  3  et  en  3  -}-  4. 

'  A.  B.  9.  Ινώ-'.ον  substitue  a  το  δνομα,  est  une  erreur  de  A;  —  δοΰναι  δόξαν, 
comme  xi,  13  et  xiii,  6.  Le  passage  xi,  13  fait  contraste,  tandis  que  ix,  20,  exprime 
sous  une  autre  forme  la  meme  idee. 

C.  9.  Les  hommes  ne  sont  pas  immediatement  convertis  par  ces  punitions,  depuis 
les  ulceres  de  la  l""^  coupe  jusqu'a  la  fievre  de  la  4«;  le  premier  resultat,  —  mais  non  le 
dernier  prevu  de  Dieu,  —  est  au  contraire  de  leur  faire  blasphemer  le  nom  du  «  Dieu 
du  ciel  »  d'apres  xvi,  11,  infra  (sur  I'origine  de^  cette  expression,  voir  a  xi,  13),  c'est-a- 
dire  la  Providence  invisible,  qui  les  maltraite  ainsi,  eux  et  leurs  dieux  visibles.  Ce 
sinistre  refrain  va  reparaitre  a  la  5*  eta  la  7^  coupe,  et,  equivalemment,  a  la  6e.  Au  sens 
litteral  immediat,  il  pent  s'agir  ici  de  I'endurcissement  des  paiens  de  I'Empire,  qui,  on 
le  sait,  attribuerent  a  Γ  «  impiete  »  des  Chretiens  les  nombreuses  catastrophes  natu- 
relles  et  politiques  des  premiers  siecles. 

A.  B.  10.  από  pour  i/.,  N,  al.  (Int.,  c.  x,  §  II).  —  Ιαασώντο,  image  tres  forte  et 

tres  expressive  :  les  hommes  se  machent  la  langue,  pour  ne  pas  devoiler  leurs  craintcs 
ou  ne  pas  crier  leurs  douleurs  ;  —  έσκοτωίΑένη,  cfr.,  comme  precedemment,  viii,  12;  aussi 
IX,  2,  d'apres  Ex.  x,  22,  neuvieme  plaie  d'Egypte,  et  Is.  viii,  22.  —  Le  «  trone  de  la 
Bete  »,  cfr.  xiii,  2,  et  le  «  trone  de  Satan  »  a  Pergame,  ii,  13. 

C.  10.  II  s'agit,  au  premier  sens,  de  Rome  et  de  la  puissance  romainc,  qui  dechoit  de 
sa  force  ct  de  sa  splendeur  «  faute  de  la  lumiore  du  soleil  do  justice  »,  comme  dit 
Andre.  Cette  plaie  n'apas  proprement  do  parallele  dans  la  serie  des  trompettes;  cepen- 
dant  elle  rappelle  lobscurcissementdes  astres,  et  I'ombre produite  par  les  sauterelles. 


236  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

7.  Kxl  ήκουσα  *τοΰ  θυσιαστηρίου  λέγοντος*  Νχί,  *-/.upi£  ό  θεός  ό  παντοκράτωρ, 
άληθινχί  καί  δίκαιαι  αί  κρίσεις  σου. 

8.  Καί  ό  τέταρτος  έξέχεεν  την  φιάλην  αϋτοΰ  Ιτ:\  τον  ήλιον'  και  εδόθη  αυτω  καu[J,ατ''- 
σαι  τους  ανθρώπους  *έν  -υρί.  9.  ΚχΙ  έκαυματίσθησαν  οί  άνθρω-ο',  καύμα  μέγα,  και 
έβλασΐίήμησαν  *το  όνομα  του  θεού  του  έχοντος  την  έξουσίαν  έ-':  τας  πληγας  ταύτας, 
και  CJ  μετενόησαν  οουναι  αΰτω  δόςαν. 

10.  Και  ό  πέμπτος  έςέχεεν  τήν  οιάλην  αυτού  έπί  τον  θρόνον  του  θηρίου'  και  έγενετο 
ή  βασιλεία  αυτού  έσκοτωμένη,  και  *έμασώντο  τχς  γλώσσας  αυτών  *έκ  του  πόνου. 
11.  Και  έβλασφήμ.ησαν  τον  θεον  του  ουρανού  εκ  των  πόνων  αυτών  και  έκ  τών  ελκών 
αυτών,  και  ου  μετενόησαν  έκ  τών  έργων  αυτών. 

Comme  ce  dernier  fleau  (la  5etrompette  ou  !'=■■  Vae),  la  5•^  coupe  parait  amener  un  flot 
de  douleurs  morales,  vraisemblablement  les  blessures  d'orgueil,  les  ambitions  deques, 
la  prosperite  morte;  car  c'est  le  siege  meme  du  pouvoir  hostile,  le  lieu  d'ou  I'Ante- 
christ  gouvernait  et  eblouissait  le  monde,  qui  est  maintenant  attaque.  Mais  I'humanite, 
d'apres  le  verset  suivant,  ne  comprend  pas  encore  la  legon. 

^^.^  A.  B.  11.  Omissions  dans  κ,  qui  en  est  si  plein  (par  faute  ordinairement 
d'homoioteleuton),  que  nous  ne  les  notons  plus.  —  έλ/.ών,  cfr.  xvi,  2,  resume  les  maux 
physiques  —  «  Dieu  du  ciel  »,  v.  supra.  —  Les  πόνοι  sont  surtout  les  fatigues  et  les 
peines  morales,  qui  se  multiplient,  avec  les  maux  physiques,  aux  temps  des  deca- 
dences;  cfr.  Col.  IV,  13;  Apoc.  xxi,  4. 

— ^  A.  B.  12.  L'article  τόν  est  place  devant  Ευφρ.  dans  C,  Α.,  Apll-95-2040, 
And.,  admis  de  Soden,  et  omis  rec.  K,  κ,  al.,  Nestle,  Tisch.;  hesitations  chez  W-H  et 
Bousset.  —  Cfr.  6^  trompette,  ix,  13-21.  —  Les  «  rois  »,  cfr.  xvi,  14;  xvii,  12,  etc.; 
«  rois  de  I'Orient  »,  voir  Apoc.  ix,  14-15,  et  les  passages  des  Sibyllins  qui  menacent 
d'une  inΛ^asion  des  Parthes  conduits  par  Neron,  Sib.  iv,  137-139;  Sib.  v,  363-364,  etc. 
(Exc.  xxxiv).  —  Pour  I'image  du  fleuve  desseche,  cfr.  £'j:.xiv  (la  mer  Rouge),  Josue,  iii, 
13-17  (le  Jourdain),  et  Is.  xi,  15-16;  xliv,27;  li,  10;  cfr.  Esd.  xiii,  43-47. 

C.  12.  La  pericope  12-16  contient  la  plaie  la  plus  interessante  par  ses  rapports  avec 
le  reste  du  livre,  et  celle  qui  effraie  le  plus  par  ses  insinuations  mysterieuses;  Jean 
etait  vaolemment  emu  quand  il  a  ecrit  ces  lignes,  il  en  resulte  quelque  chose  d'incohe- 
herent  et  de  rocailleux  dans  le  style.  La  mention  de  I'Euphrate  la  fait  correspondre 
exactement  a  la  6•^  trompette  (ix,  14-15),  bien  qu'elle  soit  traitee  sur  un  tout  autre  ton. 
C'est  I'abominable  fleau  de  la  guerre  qui  reparait,  comme  vi,  4;  ix,  13-21;  xiv,  19-20, 
et  plus  loin  xvii,  16;  xix,  17-21;  xx,  7-9  (ainsi  exactement  encore  sept  mentions!)  Jean 
I'a  toujours  represente  comme  la  principale  calamite  exterieure,  suivant  en  cela 
I'exemple  des  prophetes  et  I'experience  douloureuse  de  I'histoire.  Bousset,  a  bon 
droit,  reconnait  ici  une  prolepse  («  emboitement  »)  de  xvii,  16;  les  «  rois  »  sont  deja 
les  «  10  cornes  »  alliees  de  la  Bete  (v.  ad  lac.);  de  meme  Holtzmann,  Weizsdcker.  Jean 
a  congu  ces  ennemis,  symboliquement,  sous  la  figure  des  Parthes  (cfr.  ch.  ix),  qui 
etaient  alors  les  plus  dangereux  adversaires  de  Rome.  Quant  au  rapport  que  pent 
avoir  cette  prophetic  avec  la  legende  du  «  Nero  redux  »,  d'apres  Eichhorn,  Heinrici, 
Ewald,  Volkniar,  Hilgenfeld,  Volter,  Holtzmann,  Bousset,  etc.,  nous  en  traiterons  plus 
loin  (Exc.  xxxiv).  Disons  deja  que  le  Prophete,sans  partager  les  croyances  superstitieuses 
de  son  temps,  a  condense  ici  les  terreurs  flottantes  que  le  nom  des  Parthes  inspirait 
a  I'Asie,  pour  en  faire  la  plus  frappante  image  de  la  devastation.  Andre  identifiait  deja 
ces  ennemis  a  Gog  et  Magog  (cfr.  xx,  7-10),  venant  de  la  region  des  Scythes,  et  con- 
duits par  I'Antechrist,  qui  naitra  dans  la  Perse  orientale,  de  la  tribu  de  Dan  qui  y  a  ete 
exilee.  Mais  Gog  et  Magog,  comme  les  Parthes,  ne  sont  qu'une  figure.  Les  «  rois  de 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAX.  237 

7.  Et  j'entendis  I'autel  qui  disait  :  «  Oui,  Seigneur,  Dieu  tout-puissant, 
veritables  et  justes  [sont]  tes  jugetnents!  » 

8.  Et  le  quatrieme  repandit  sa  coupe  sur  le  soleil;  et  il  lui  fut  donne  de 
briiler  les  hommes  par  le  feu.  9.  Et  les  hommes  fureut  brules  d'une  grande 
(?)  fievre,  et  ils  blasphemerent  le  nom  du  Dieu  qui  a  Tautorite  sur  ces  plaies, 
et  ils  ne  se  convertirent  pas  pour  lui  rendre  gloire. 

10.  Et  le  cinquieme  repandit  sa  coupe  sur  le  trone  de  la  Bete;  et  son 
royaume  devint  entenebre,  et  ils  se  machaient  la  langue  k  force  d'affliction. 
11.  Et  ils  blasphemerent  le  Dieu  du  ciel  par  suite  de  leurs  afflictions  et  de 
leu  IS  ulceres,  et  ils  ne  se  convertirent  pas  de  leurs  oeuvres. 

rOrient »,  rennemi  le  plus  proche  au  i'"•'  siecle,  sont  les  avant-coureurs  des  forces  qui 
se  rassembleroDt  pour  la  grande  guerre  (infra,  v.  14;  Swete).  Pour  ces  instruments  de 
sa  vengeance,  Dieu  opere  le  meme  miracle  qu'il  fit  pour  le  peuple  elu  dans  la  mer 
Roug'e  et  le  Jourdain,  et  au  moyen  duquel  les  Prophetes  ont  plusieurs  fois  figure  I'ae- 
ces  facile  donne  par  Dieu  vers  les  peuples  qu'il  veut  chatier. 

Ainsi  I'Empire  romain,  comme  ses  antitypes,  apres  I'affaiblissement  interieur  figure 
a  la  5^  Coupe,  se  trouve  maintenant  expose  aux  assauts  exterieurs  de  la  guerre  etran- 
gere. 

—  A.  B.  13.  έδοθη  pour  εΐοον,  X.  —  Quelques  temoins  omettent  τρία,  ou  ακάθαρτα, 

ou  ώς  βάτρα/οι  (remarquer  le  nominatif.  Int.,  c.  x,  §11);  d'autres  portent  ώς  βατρχ/ους  (χ*), 
δμοια  βατρά/οις;  And.  lit  ^a^payoL  et  ajoute  έκπορευθέντα,  pour  la  clarte.  —  «  Grenouilles  », 
cfr.  Hernias,  Vis.  iv,  1,  les  sauterelles  qui  sortent  de  la  bouche  du  Monstre;  les  gre- 
nouilles rappellent  la  2"  plaie  d'Egj^te,  Ex.wu,  1-suiv.  —  Dragon,  Bete,  cfr.  xii,  xiii, 
XVII,  etc.;  «  Faux  Prophete  «,  cfr.  xiii,  11,  pour  le  sens,  et,  pour  le  mot  lui-meme, 
xix,  20;  XX,  10. 

C.  13.  Le  Dragon  reparatt;  il  est  sans  doute  reste  sur  le  sable  ou  Jean  I'a  vu  xii,  18, 
epuise  et  blesse,  mais  surveillant  le  travail  de  ses  lieutenants.  Cette  mention  inatten- 
due  montre  encore  une  fois  la  continuite  parfaite  de  toute  cette  partie.  Nous  connais- 
sons  la  Bete;  quant  au  «  Faux  Prophete  »,  raalgre  Calmes,  qui  fait  ici  bien  des  confu- 
sions, c'est  evidemment  la  Deuxieme  Bete  du  chap,  xiii;  le  verset  xix,  20,  rapproche 
de  ΧΠΙ,  14,  le  demontrerait  s'il  en  etait  besoin  (v.  adloc). 

Que  signifient  les  «  grenouilles  » ?  La  plaie  d'Egypte  a  pu  suggerer  celte  figure ; 
mais  nous  les  trouvons  ici  transformees  en  demons  (v.  14).  Elles  peuvent  avoir  une 
analogic,  par  leur  malfaisance,  avec  les  sauterelles  de  la  5«  trompette  (cfr.  Hernias, 
supra);  ainsi,  dans  les  deux  sections,  les  animaux  jouent  un  role.  Andre  I'explique, 
»  δια  το  ιώδες  αυτών,  και  βορβορώδες,  και  άκάθαρτον  »,  des  tentations  qui  excitent  les  passions 
impures.  S.  Augustin  dit  mieux  :  «  Rana  est  loquacissima  vanitas  »  {Aug.  in  Ps.  lxxvii, 
§  27).  C'est  le  sens  preferable;  avec  leur  «  ceaseless,  aimless  βρεκεκεκεξ  κοαξ  κοαξ  » 
(OM'cie),  leurs  croassements  importuns  et  infatigables,  elles  figurent  bien  les  criaille- 
ries,  les  agitations  vaines,  les  suspicions,  les  susceptibilites  innombrables  et  mesquines, 
que  les  demons  attisent  pour  fairs  se  lancer  les  nations  les  unes  contre  les  autres,  et 
contre  Dieu.  — Bossuet  cherche  a  identifier  ces  grenouilles  avectrois  imposteurs  fameux 
sous  Valerien,  Diocletien  et  Maximin  Daia;  remarquons  plutot,  avec  Holtzmann,  que 
ces  trois  esprits  impurs  correspondent  par  contraste,  un  contraste  qui  fait  encore  mieux 
ressortir  tout  ce  qu'ils  ont  de  mesquin  et  de  ridicule,  avec  les  trois  grands  Anges 
avertisseurs  de  xiv,  6-suiv. ;  ils  travaillent  pour  le  Dragon,  comme  les  Anges  pour  le 
Christ.  —  Comme  il  s'agit,  en  premier  lieu  au  moins,  dune  lulte  contre  Rome,  on  voit 
deja  que  les  Deux  Betes,  qui  emettent  ces  grenouilles  de  leur  bouche,  ne  sont  pas 


238  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

12.  Και  b  έκτος  έξέχεεν  τήν  οιάλην  άϋτου  έτι  τον  ποταμ,ον  τον  μέγάν  [τον]  Είιφρά- 
την"  και  έςηράνθη  το  ΰοωρ  αΰτοΰ,  Γνα  έτοιμασθ^  ή  όδος  των  βασιλέων  των  ά-ο  ανατολής 
ηλίου.  13.  Και  ειδον  εκ  τοΐ)  στόματος  του  οράκοντος  κζί  εκ  του  στόματος  του  θηρίου 
και  εκ  του  στόματος  του  ψευδοπροοήτου  πνεύματα  τρία  ακάθαρτα  ώς  *βάτραχοΓ 
14  ε'.σίν  ^αρ  πνεύματα  δαιμ,ονίων  ποιοΰντα  σημεία,  α  εκπορεύεται  έπΙ  τους  βασιλείς 
της  οικουμένης  όλης,  συναγαγείν  αυτούς  εΙς  τον  πόλεμον  της  ημέρας  της  μεγάλης 
του  θεοΰ  του  παντοκράτορος.  15.  'Ιδού  έρχομαι  ώς  κλέπτης'  μακάριος  ό  '^ρψ^ορω•^  και 
τηρών  τα  ιμάτια  αύτοΰ,  'ίνα  μη  γυμνός  περιπατη  και  *βλέπωσιν  τήν  άσχημοσύνην  αύτου. 
16.  Και  *συνήγαγεν  αυτούς  ε'.ς  τον  τόπον  τον  καλοΰμενον  ε^ρσΧΰχΙ  *Άρμαγεδών. 


liees  necessairement  a  I'Empire  remain,  et  embrassent  des  realites  bien  plus  etendues. 

^^^—  A.  B.  14.  εκείνης  ajoute  apres  ήαέρας,  rec.  K.,  Av  20'Γ  l-l••;  —  δαιμονίων,  genitif 
epexegetique,  plutot  que  possessif  comme  «  les  Anges  du  Dragon  »,  xi,  9.  —  Le 
«  grand  Jour  »  annonce  xvii,  14  et  xix,  11-suivants;  cfr.  Joel  n,  11,  31;  Soph,  i,  14; 
cfr.  Jude  6;  meme  sens  que  ή  ηρ^έρα  ή  εκείνη  (χίππ  01\1  des  Prophetes),  expression 
paulinienne  pour  la  Parousie  (11  T/iess.,  II  Tim.),  comme  ή  ήρ-έρα  τοΰ  κυρίου  (Ι-ΙΙ  Cor., 
Phil,  etc.),  ή  του  θεοΰ  -/JiJ-lpa  (II  Pet.  in,  12). 

C.  14.  Nous  n'admettons  pas,  avec  Boiisset,  que  ces  rois  de  la  terre  entiere  soient 
absolument  differents  des  «  rois  de  I'Orient  »,  comme  s'il  s'agissait  d'une  double  pre- 
paration; les  Parthes  (symboliques)  ne  sont  que  I'aA^ant-garde  de  Timmense  armee 
rassemblee  par  les  demons.  Est-ee  une  lutte  qui  se  prepare  entre  ces  rois,  comme  I'ont 
cru  les  commentateurs  grecs?  Oui,  en  partie;  mais  ces  instruments  inconscients  des 
vengeances  divines,  quoiqu'ils  puissentse  massacrer  entre  eux  et  doivent  detruire  Rome 
(xvii,  16  :  les  «  Dix  Cornes  »),  ne  s'en  uniront  pas  moins  pour  diriger  leurs  coups  contre 
I'Agneau  (xvii,  14 ;  xix),  et  Dieu  les  exterminera;  ainsi  peut-on  repondre  a  Calmes,  qui 
estime  qu'il  appartiendrait  plutot  aux  bons  Anges  qu'aux  demons  de  precher  une  croi- 
sade  contre  Rome  paienne.  Car  le  «  Grand  Jour,  etc.  »  est  le  jour  decisif  de  la  colere 
de  Dieu,  a  la  Parousie  du  Christ :  «  dies  irae,  dies  ilia  » ;  il  s'agit  done  du  dernier 
triomphe,  mais  entrevu  seulement  comme  terme  de  beaucoup  de  chatiments  historiques 
qui  doivent  le  preparer. 

Devant  la  terreur  de  cette  perspective  pour  les  fideles  eux-memes,  le  Christ  lui- 
meme  va  prendre  la  parole  afin  de  les  rassurer. 

~—^^  A.  B.  15.  ερ/ε-αι  pour  ερ/^ομαι,  inopportune  correction  de  X*,  Oa41-1778,  al573- 
38-2020.  —  «  Je  viens  comme  un  voleur  »,  cfr.  I'avertissement  a  Sardes,  iii,  3  (v.  ad 
Zoc.)  et  in,  11,  ερ-/οριαι  τα/ύ,  encouragement  a  Philadelphie ;  infra,  xxii,  7,12,  20. — 
Ordre  de  «  A'eiller  »  cfr.  Luc.  xxii,  37  —  «  Voir  la  honte  »  (βλέπωσιν  impersonnel,  Ιλτ., 
c.  X,  §  II),  comme  in,  18.  —  Ce  macarisme  est  le  3«  de  I'Apocalypse. 

C.  15.  Passage  subit  du  recit  prophetique  a  une  exhortation  du  Seigneur,  comme  au 
chapitre  xxii.  L'idee  du  «  Grand  jour  »  de  Dieu  appelait  naturellement  celle  de  la 
recompense  apres  laquelle  soupiraient  les  justes,  et  dont  I'attente  devait  les  armer 
contre  la  depression  des  malheurs  temporels.  Comme  nous  sommes  arrives  au  sixieme 
moment  d'un  septenaire,  c'est  la  place  ordinaire  de  I'antithese  fondamentale  (Im.  c.  vii). 
Ici  elle  est  seulement  indiquee,  non  developpee  largement  comme  vi,  12-17;  vii,  ou 
celle  de  la  6«  Trompette,  ix,  13-21;  xi,  1-13.  Dans  cette  serie  des  Coupes,  les  procedes 
artificiels  de  composition  familiers  a  I'Apocalypse  sont  attenues,  mais  ne  disparaissent 
pas  pour  autant.  L'Avenement  promis  du  Seigneur  fait  la  contrepartie  de  I'invasion 
des  rois.  Les  «  vetements  »  que  le  fidele  doit  garder  signifient  la  grace,  les  bonnes 
oeuvres,  la  foi  qui  opere  par  la  charite,  d'apres  in,  4-5  [ad  loc.)  et  xix,  8  :  τό  γαρ  βύσσινον 
τα  δικαιώματα  των  άγιων  εστίν. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  239 

12.  Et  le  sixieme  repandit  sa  coupe  sur  le  fleuve,  le  grand  [fleuve] 
Enphrate;  et  son  eau  fut  dessechoe,  pour  que  fut  preparee  la  voie  des  rois 
[qui  viennent]  du  lever  du  soleil.  13.  Et  je  vis  de  ia  bouche  du  Dragon,  et 
de  la  bouche  de  la  Bete,  et  de  la  bouche  du  Faux  Prophete  [sortir]  trois 
esprits  impurs,  comme  des  grenouilles;  14  car  ce  sont  des  esprits  de  demons 
faisant  des  signes  [prodigieux],  qui  [en]  sortent  vers  les  rois  de  toute  la 
terre  habitee,  [aiin  de]  les  rassembler  pour  la  guerre  du  grand  jour  de 
Dieu  le  Tout-puissant.  15.  —  «  Voici  que  je  viens  comme  un  voleur!  heureux 
qui  veille  et  garde  ses  vetements,  pour  ne  pas  s'avancer  nu,  et  pour  qu'oa 
ne  voie  pas  sa  honte!  »  —  16.  Et  ils  les  rassemblerent  dans  le  lieu  qui  est 
appele  en  hebreu  Harmagedon. 

—^  A.    16.    Pour   Άρ[ΐ.αγε3'ών,   on    trouve  Μαγεδών   {rec.   K.,   quelques   And.),    ou 


Μαγεδδόν,  Μαχεδδών,  Μαγεοδιόν,  Άρμεγηδών,  «  AiTmagedon  »  [vulg'^'^•).  —  Le  sujet  de  συντ^- 
γαγεν  est  πνεύματα  du  V.  14,  pluriel  neutre ;  ailleurs  συνήγαγαν  Κ,  syrs^^  «  congregabit  » 
dans  quelques  codex  vulg. 

C.  16.  Gette  reunion  des  rois,  a  I'appel  des  grenouilles,  n'a  que  bien  peu  de  rapport 
avec  celle  des  Anges  sur  THermon  [Hen.  etii.  vi,  6),  que  Ton  cite  souvent  comme 
parallele.  Mais  que  signifie  Άρμαγεδών,  qui  est  un  hapaxlegomene  absolu?  La  forme 
hebraique  insinue  deja  que  ce  norn  est  un  symbole  (cfr.  «  Abaddon  »,  de  ix,  11).  Pres- 
que  tons  reconnaissent  que  c'est  p^αΏ  ΊΠ,  le  «  mont  de  Megiddo  »  et  non  ■ij;(=-ii3;), 
piaO  la  «  ville  de  Megiddo  ».  II  est  d'autant  plus  difficile  de  i'interpreter  que  Mageddo 
est  dans  la  plaie  d'Esdrelon,  et  non  sur  une  montagne.  Andre,  autrefois,  speculait 
sur  un  sens  presume  de  ce  mot,  qui  eut  signifie  «  amputation,  separation  »,  a  savoir 
de  la  vie  de  la  grace ;  Bede,  al.,  ont  aussi  cherche  des  sens  mystiques.  Calines,  Cheyne 
(Encycl.  bibl.  coL  3010),  Bousset,  apres  Gunkel,  y  flairent  quelque  tradition  mytho- 
logique  perdue.  «  Verset  inexplicable,  dit  Calmes,  d'un  ancien  document  ou  Ton 
racontait  une  lutte  entre  les  habitants  du  ciel.  »  Le  plus  curieux  dans  ce  genre  est 
I'idee  du  panbabyloniste  Jensen  (Rlieinisches  Museum,  xlix,  p.  49,  cite  par  Bousset), 
qui  retrouve  ici  la  divinite  infernale  'ϊεσεμιγαδοίν,  mari  d'Ereshkigal,  la  deesse  de 
I'Arallu  babylonien ;  mais  ce  nom  n'existe  que  dans  un  texte  magique  grec  d'Egypte, 
En-ald,  cite  par  Holtzmann,  en  ecrivant  IK  pour  "in,  decouvre  une  isopsephie  de  Rome 
=  304  =  nSlian  ΆΏΤ\,  «  Rome  la  grande  ». 

Ce  trait  n'est  pourtant  pas  si  mysterieux.  Un  auteur  aussi  vieux  que  Bossuet  apporte 
une  explication  qui  parait  tout  a  fait  adequate.  Mageddo,  en  eiTet,  c'est,  dans  i'histoire, 
«  le  lieu  ou  les  rois  perissent  »,  Sisara  [Jud.  iv  et  v;)  Ochozias  de  Juda  (II  Beg.  ix, 
27) ;  Josias  (II  Beg.  xxiii,  29 ;  II  Chron.  xxxv,  22).  La  plaine  avoisinante  etait  un  celebre 
champ  de  bataille,  maintes  fois  ensanglante;  c'est  la  que  se  heurtaient  les  armees 
venues  du  Nord  centre  celles  de  I'Egypte,  de  la  Palestine,  et  que  se  decidait  le  sort  de  la 
Syrie.  La  mort  de  Josias,  particulierement,  avait  rendu  ce  nom  lugubre  dans  la  tradi- 
tion juive  ;  c'etait  aussi  le  lieu  des  lamentations  rituelles  d'un  culte  paien,  Zacli.  xii,  11. 
11  est  vrai  que  Mageddo  n'a  jamais  ete  sur  une  montagne;  mais,  observe  Swcte,  cette 
ville  etait  pourtant  presque  a  la  base  des  collines  qui  descendent  du  Carmel;  peut- 
etre  le  Galileen  Jean,  qui  n'ignorait  pas  cette  topographic,  a-t-il  cree,  —  et  legilime- 
ment,  —  I'expression  «  montagne  de  Megiddo  )>,  pour  assimiler  sa  prophetic  a.  ceile 
d'Ezechiel  qui  place  le  conilit  final,  la  defaite  de  Gog,  sur  les  «  mouts  d'Israel  » [Ezech. 
xxxviii,  8,  21;  xxxix,  2,  4,  17;  cfr.  Apoc.  xx,  8-suiv.) ;  car  notre  passage  semble  bien 
presager  la  catastrophe  de  xix,  11,  14  (Holtzm.),  et  meme  celle  de  xx;  c'est  encore  un 


240  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

17.  Και  b  εβοομος  έςέχεεν  τήν  φιάλην  αΰτοΰ  ϊτΛ  τον  άερχ'  και  έςηλθεν  φο^νή  μεγάλη 

*£7.  τοΰ  ναοϋ  *άπο  του  θρόνου  λέγουσα'  Γέγονεν.  18.  Και  έγένοντο  άστρατται  και  φωναί 
και  βρονταί  και  σεισμός  έγένετο  μέγας,  οίος  ουκ  έγένετο  άφ'  ου  άνθρωπος  έγένετο  έζί 
της  γης,  τηλικοΰτος  σεισμός  οϋτω  μέγας.  19.  Και  έγένετο  ή  πολις  ή  μεγάλη  εις  τρία 
μέρη,  και  αί  ζόλεις  των  εθνών  έπεσαν'  και  Βαβυλων  ή  μεγάλη  έμνήσθη  ενώπιον  του 
θεού  δούναι  αυτή  το  ποτήριον  του  οϊνου  του  θυμού  της  οργής  αυτοΰ.  20.  Και  πάσα  νήσος 
εφυγεν,  και  ορη  ουχ  ευρέθησαν.  21.  Και  χάλαζα  μ.εγάλη  ώς  ταλαντιαία  ''καταβαίνει 
εκ  του  ουρανού  επί  τους  ανθρώπους'  και  έβλασφήμ.ησαν  ο!  ά'νθρωποι  τον  θεον  εκ  της 
πληγής  της  χαλάζης,  οτι  μεγάλη  *έστιν  ή  πληγή  αυτής  σφόορα. 


«  emboitement  ».  Les  rois  s'assemblent  sur  les  moats  du  nord  de  la  Palestine,  pen- 
dant que  I'Agneau  et  son  armee  sont  campes  dans  Sion  (xiv,  1-5;  cfr.  xx,  9  et  xiv,  20) ; 
le  choc  aura  lieu  dans  la  plaine. 

«  Harmagedon  »  est  done  un  mot  tout  a  fait  symbolique,  une  localite  allegorique  dont 
le  nom  seul  est  une  prophetie  de  desastre;  car  le  passage  de  Zach.  xii,  11  fait  voir, 
comme  dit  Bossuet,  que  «  ce  lieu,  dans  le  style  prophetique,  est  I'image  des  grandes 
douleurs  » ;  ou  les  Juifs  se  rappelaient  que  Josias  avait  peri,  et  ou  les  pa'iens  pleuraient 
Hadad-Rimmon  [Zach.  ibid). 

— —  A.  B.  17.  άπο  pour  εκ,  rec.  K.,  al.;  του  ναοΰ  omis  (nombreux  And.,  g,  arm.)  — 
του  ουρανού,  ajoute  par  beaucoup  de  temoins  apres  ναοΰ,  et  admis  de  Soden,  manque  A, 
boh.,  plusieurs  And.,  syr.,  vulg..  Prim.;  il  est  inutile;  N*  porte  του  θεοΰ,  autre  addition; 
—  άπο  του  θρο'νου  omis  Χ,  al.,  g.  —  La  preposition  έκ  signifie  le  lieu  d'ou  la  voix  retentit, 
et  άπο'  doit  etre  le  point  meme  d'ou  elle  part;  le  trone  ou  Dieu  siege  est  done  erige  dans 
le  Temple  meme,  ce  qui  est  assez  naturel.  —  Cette  plaie  affecte  I'atmosphere  et  va 
produire  un  orage  et  de  la  grele;  cfr.  vni,  7,  premiere  Trompette,  et  la  plaie  d'Egypte 
Ex.  IX,  18-25.  —  γέγονεν,  cfr.  xxi,  6. 

C.  17.  Les  derniers  versets  du  chapitre  decrivent  une  derniere  plaie  qui  ne  trouve 
pas  de  correspondance  exacte  dans  la  serie  des  Trompettes ;  car  le  rapport  avec  viii, 
7,  n'est  qu'a  la  surface,  et  pent  n'etre  pas  intentionnel.  Gela  n'a  rien  d'etonnant  :  la 
derniere  Trompette  sonnait  la  fin  du  monde,  tandis  que  la  derniere  Coupe  ne  fait  que 
miner  une  realite  historique  qui  revivra  sous  d'autres  formes,  puisque  la  Bete  subsiste 
toujours. 

La  voix  qui  part  du  trone  ne  pent  etre  que  celle  de  Dieu  lui-meme,  comme,  plus  loin, 
a  XXI,  6.  «  C'en  est  fait  »  declare  le  Tout-Puissant;  mais  ce  n'est  pas  la  fin  de  I'histoire, 
centre  Holtzmann,  c'est  seulement  I'execution  d'un  decree  particulier  de  Dieu,  d'un 
decret  d'une  immense  importance,  il  est  vrai,  pour  les  Chretiens  d'Asie  et  pour  les 
Betes,  puisque,  comme  nous  lallons  voir,  il  s'agit  de  la  ruine  de  Rome,  du  premier  et 
du  plus  puissant  empire  de  la  Bete.  D'autre  part,  Rome  sert  de  type;  les  puissances 
futures  qui  lui  ressembleront  seront  detruites  comme  elles  et  de  la  meme  maniere.  On 
pent  done  dire  que  la  solennite  de  la  declaration  divine  est  motivee  par  I'extension  du 
sens  a  toute  royaute  possible  de  I'Antechrist;  c'est  une  prolepse  du  chapitre  xix.  Mais, 
au  sens  le  plus  propre,  il  ne  s'agit  que  de  Babylone;  c'est  pourquoi  I'auteur,  dont  la 
vision  et  la  pensee  flottent  entre  la  realite  particuliere  et  la  realite  generale,  decrira 
encore  des  luttes  posterieures;  tout  n'est  pas  fini,  si  ce  n'est  en  presage. 

^— —  B.  C.  18.  άστρ.  φωνα'ι  βρονταί  κτλ,  formule  stereotypee,  caracteristique  de  I'Apo- 
calypse,  cfr.  iv,  5,  viii,  5,  etc.;  σεισ[Αος  comme  vi,  12;  viii,  5;  xi,  19;  οΓος  ουκ  έγένετο  κτλ, 
expression  de  Dan.  xii,  1.  —  Ce"  tremblement  de  terre,  qui  rappelle  k  And.  celui  qui 
eut  lieu  quand  Jahweh  descendit  sur  le  Sinai,  ne  saurait  etre,  malgre  Weizsdcker,  le 
meme  que  xi,  13;  il  est  bien  plus  grave,  et  seulement  Aandicatif,  destructif;  il  signifie 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  241 

17.  Et  le  septietne  repandit  sa  coupe  siir  I'air;  et  il  sortit  une  grande 
voixdu  Temple  [partant]  du  trone,  qui  disait  :  «  G'est  fait.  »  18.  Et  il  se  fit 
des  eclairs  et  des  voix  et  des  tonnerres,  et  il  se  fit  un  grand  tremblement 
de  terre,  tel  qu'il  n'y  en  cut  point  depuis  qu'il  y  a  des  liommes  sur  la  terre, 
un  pareil  tremblement  de  terre,  aussi  grand!  19.  Et  la  grande  ville  s'en 
alia  {litt.  devinfi  en  trois  morceaux,  et  les  villes  des  nations  tomberent;  et 
Babylone  la  gran  le  fat  remise  en  memoire  en  face  de  Dieu,  [pour]  lui 
donner  le  calice  du  vin  de  la  fureur  de  sa  colere,  20.  Et  toute  lie  s'enfuit, 
et  on  ne  trouva  plus  de  montagnes  21.  Et  une  grande  gr6le,  [pesante] 
comme  des  talents,  descend  du  ciel  sur  les  hommes;  et  les  hommes  blas- 
phomerent  Dieu  k  la  suite  de  la  plaie  de  la  grele,  parce  qu'elle  est  grande, 
la  plaie  de  cette  [gr^le],  extremement. 

le  bouleversement  des  puissances  humaines  necessaire  pour  aboutii•  a  un  etat  d'oqui- 
libre  meilleur. 


A.  B.  19.  Correction  επεσον  pour  'έπεσαν  [rec.  K.,  al.).  V.  Int.  c.  v,  §  II. 


ajouto  avant  δοΰναι,  correction  de  x,  quelques  And.  —  «  Babylone  »,  cfr.  xiv,  8,  xvii- 
xvni;  έμ-ντ^σθη,  cfr.  XVIII,  5;  ^oi/fptov,  cfr.  xiv,  10. 

C.  19.  La  «  grande  ville  »  n'est  pas  Jerusalem,  comme  xi,  8,  contre  Weizsdcker, 
Joli.  Weiss,  et  jadis  Andre,  qui  distingue  :  «  la  grande  ville  »,  ou  ensemble  des  Juifs 
et  des  Chretiens,  divisee  spirituellement;  «  Babylone  »,  monde  profane  en  general;  les 
«  cites  des  nations  »,  paganisme.  C'est  Babylone;  la  fin  du  verset  ne  fait  qu'en  expli- 
quer  le  commencement;  et  Babylone  est  Rome  {Bossuet,  qui  voyait  ici  la  prise  de 
Rome  par  Alaric,  Holtzmann,  Bousset,  Sa'ete,  etc.).  Arethas  I'entendait  de  la  Constan- 
tinople de  son  temps;  chaque  epoque  a  sa  Babylone. 

Ce  tremblement  de  terre  est  plus  qu'un  chatiment  preliminaire  (contre  Bousset,  Joh. 
Weiss);  c'est  deja  la  ruine  qui  sera  decrite  aux  chapitres  xvii  et  xviii;  encore  un 
«  emboitement  ».  Holtzmann  a  bien  senti  ici  une  prolepse,  et  il  a  tort  d'en  etre  sur- 
pris ;  depuis  le  ch.  x,  de  tels  emboitements  ou  anticipations  se  multiplient.  Dieu  s'est 
souvenu  de  Babylone  (19  c)  pour  la  briser  en  trois  morceaux,  c'est-a-dire  aneantir  sa 
puissance  (19  a) ;  la  chute  des  «  cites  des  nations  »  qui,  soumises  a  Rome,  sont  les 
capitales  des  provinces  de  TAntechrist,  s'ensuit  comme  une  consequence.  Ce  desastre, 
d'apres  le  ch.  xvii,  doit  s'accomplir  par  la  main  des  rois.  Pen  importe  que,  xvii,  16 
ils  la  detruisent  par  le  feu,  tandis  qu'ici  I'image  est  celle  d'un  tremblement  de  terre;  ce 
σΞΐα[χός,  comme  ailleurs,  est  metaphorique,  et  Jean  est  assez  indifferent  a  I'egard  de  ses 
metaphores  (Iat.,  c.  vi,  viii).  Le  fait  lui  importait  seul,  non  le  mode  de  son  accomplis- 
sement. 

..  B.  C.  20.  Cfr.  VI,  14;  xx,  11,  et  Ezech.  xxvi,  15,  18.  —  Les  «  lies  qui  fuient  », 
etc.,  sont  i'image  de  la  chute  et  de  la  transformation  des  grands  empires. 

A.  B.  C.  21.  καταβαίνει,  έστιν,  presents  narratifs  irregulierement  meles  aux 
aoristes.  —  Cfr.  la  4^  plaie  d'Egypte,  Ex.  ix,  18-25,  et,  si  Ton  veut,  la  1"••^  trompette,  viii, 
7.  —  Le  talent  etait,  d'apres  Josephe,  le  poids  des  pierres  lancees  paries  machines  de 
siege,  a  peu  pres  40  kg.;  cette  grele  represeote  metaphoriqucment  le  poids  ecrasant  de 
la  colere  de  Dieu  (Andre,  Bossuet).  Mais  cette  plaie,  si  grande  qu'elle  soit,  laisse 
survivre  I'humanite  pecheresse,  etnefait  tout  d'abord  que  surexciter  ses  blasphemes 
comme  les  fleaux  qui  ont  precode ;  c'est  un  contraste  marquo  avec  la  fin  de  la  scene 
des  Deux  Temoins  (xi,  1-14),  qui  closait  la  scrie  des  llcaux  amends  par  les  Trompettes. 
C'est  que  la  serie  de  celles-ci  cmbrassait  I'histoire  totale,  tandis  que  les  coupes  n'en 
presentenl,  nous  I'avons  vu,  qu'unc  application  partielle  aux  puissances  contempo- 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  Jg 


242  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

raines,  —  laquelle,  du  reste,  peut  se  repeter  periodiquement,  dans  des  conjonctures 
analogues,  apres  chacune  des  «  resurrections  »  de  la  B^te  alternant  avec  celles  des 
Temoins  (v.  comment,  de  xi,  xiii  et  xvii  infra). 

Ge  Λ'.  21  acheve  de  demontrer  que  I'epithete  d'la/axa?  de  xv,  1,  appliquee  aux  plaies 
des  Coupes,  ne  pouvait  etre  prise  que  dans  un  sens  tout  a  fait  relatif. 


EXC.  XXXII. L  ORDRE  DES  COUPES. 

Point  nest  besoin  de  recourir  aux  precisions  de  Grotius  ct  de  Bossuet  pour 
reconnaitre  et  admirer  la  haute  valeur  de  symbole  et  de  prophetie  que  possede 
cette  vision  des  Coupes.  Elle  est,  dans  I'ordre  et  le  detail,  moins  conventionnelle 
que  celle  des  Trompettes,  et  le  Prophete  a  du  sentir  plus  d'emotion  en  la  repro- 
duisant.  Au  lieu  de  recourir,  pour  eclairer  les  tenebres  de  Ihistoire  future,  a  des 
combinaisons  d'images  violentes  d'origine  plus  ou  moins  mythique,  il  s'est  tenu 
en  contact  etroit  avec  les  grandes  realites  de  son  epoque,  recouvertes  de  sym- 
boles  qui,  a  des  Juifs  et  a  des  Grecs  du  i'"'  siecle,  devaient  paraitre  assez  ration- 
nels  et  transparents.  II  venait  de  leur  predire  Tapproche  du  Regne  de  la  Bete,  et 
le  culte  sacrilege  qu'elle  se  ferait  rendre  sous  peine  de  mort.  La  terre  et  scs 
puissances  allaient  s'efforcer  de  remplacer  le  ciel.  Mais  Dieu  et  I'Agneau  sont  la; 
les  evenements,  diriges  par  Tordre  de  Dieu  et  I'intermediaire  des  pouvoirs  ange- 
liques,  vont  faire  echouer  pitoyablement  I'entreprise  insensee  des  Cesars  romains 
et  de  leurs  thuriferaires,  et  conduire  Rome  elle-meme  a  la  mine.  D'abord  Γ  «  em- 
preintede  la  Bete»,  imposeecomme  une  condition s//ie  qua  non  pour  une  vie  hono- 
ree  et  tranquille,  se  changera  en  un  ulcere  qui  devorera  les  chairs,  ou  plutot  les 
consciences,  et  fera  des  adorateurs  de  la  Force,  de  I'ordre  materiel,  un  objet  de 
degoiit  moral  (1'"'^  Coupe;  cfr.  Rom.  i,  24.  sqq.'.  Le  desordre,  la  cruaute  des 
moeurs  fera  du  monde  comme  un  abattoir  ou  il  ne  coulera  plus  que  du  sang, 
oil  Ton  en  boira;  I'Ocean  lui-meme  sera  comme  une  mare  de  sang  corrompu. 
Comme  les  persecutions,  les  guerres  entre  legions,  les  assassinats  reguliers 
d'empereurs,  et  la  frivolite  sanguinaire  des  jeux  romains,  se  sont  bien  unis  pour 
realiser  cette  prophetie,  surtoul  en  ce  iii'^  siecle  qui  a  να  lorganisation  parfaite 
d'un  culte  imperial  obligatoire,  favorisee  par  tant  de  «  faux  agneaux  »  et  «  faux 
prophetes  »  !  (2''  et  3^  coupe).  Toute  la  vie  devient  une  maladie  fievreuse ;  le  soleil, 
au  lieu  de  ses  rayons  bienfaisants,  semble  verser  sur  les  hommes  un  pessimisme 
irrite  (4'  coupe).  Alors  I'avenir  politique,  economique,  social,  qui  avait  paru  si 
brillant  aux  debuts  de  Γ  Empire,  quand  Auguste  etait  proclame  sincerement  «  le 
Sauveur  du  monde  »,  n'apparaitra  plus  que  morne,  tenebreux,  sans  esperance 
(δ^  coupe).  Et  I'alourdissement,  Tenervement  des  ames,  I'usure  des  rouages  politi- 
ques  et  sociaux,  livrera  I'empire  sans  defense  aux  invasions  etrangeres  (6^  coupe), 
qui  ameneront  la  ruine  d'une  culture  et  d'un  monde  :  «  C'en  est  fait  »,  dira  le 
Dieu  vengeur,  c'en  est  fait  au  moins  de  cette  premiere  creation  de  I'Antechrist. 

Meme  progression  dans  la  decadence  attend,  apres  Rome,  a  tout  ^ge  et  dans 
toute  race,  les  nouvelles  fondations  des  Betes,  qui  reposeront  toujours  sur  les 
memes  principes  illusoires,  de  naturalisme,  de  blaspheme  et  d'oppression.  Car 
I'Antechrist  est  marque  au  chiffre  6  :  il  ne  peut  faire  que  des  oeuvres  qui  n'attei- 
gnent  jamais  leur  but,  et  manquent  toujours,  faute  d'un  point,  a  I'heure  ou  Ton 
attend  leur  succes. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  243 

Tel  est  le  cours  symbolique  perpetuel  de  I'histoire,  pour  la  Cite  profane,  les 
Babylones  diverses  qui  suivront  les  errements  de  I'etatisme  romain.  Mais,  apres 
ces  vastes  vues  de  philosophic  prophetique,  Jean  allait  montrer  mieux  encore  a 
ses  lecteurs,  avecdesdeveloppements  d'une  grande  precision,  la  mine  ineluctable 
de  I'Ennemi  actuel,  de  cette  Rome  qui  pretendait  etouffer  I'Evangile  at  renverser 
la  Jerusalem  celeste, 

Notons  encore,  a  la  fin  de  cette  belle  et  penetrante  description  de  Favenir,  un 
point  interessant  pour  I'intelligence  du  Millenium,  au  chapitre  xx  :  la  chute  de 
Babylone,  ou  deTEmpire  paien,  n'amene  pas  la  conversion  du  monde,  nila  ces- 
sation des  blasphemes;  c'est  un  art>umeat  contre  les  auteurs  qui  entendent  le 
Millenium  dans  le  sens  historique  d'un  triomphe  exterieur  de  FEglise,  comme 
une  periode  qui  aurait  commence  avec  Constantin,  a  I'Edit  de  Milan. 

D.    2°-3°    SORT    FINAL    DE    l'eMPIRE    ROMAIN    ET    DE    l'aNTECHRISY    (xVH-XIt). 

Int.  —  Trois  ennemis  s'opposent  au  Regne  de  Dieii  et  de  IrAgneau;  le  premier,  qui 
est  I'adversaire  direct  de  Dieu,  le  Dragon,  est  invisible;  il  deineure  comme  cache  dans 
I'ombre  pendant  le  dcroulement  du  drame  actuel.  Les  deux  autres  sont  visibles,  mais 
sur  des  plans  differents  :  d'abord  la  Premiere  Bete,  qui,  aidee  du  Faux Prophete,repre- 
sente  la  continuite  des  efforts  du  mal  politique,  social,  religieux  ou  antireligieux  dans 
I'histoire  humaine,  en  un  mot  V Antichrist ;  le  troisieme,  c'est  Rome,  capitale  actuelle 
de  cet  AntecJirist,  laquellea  dija  paru  dans  une  echappee  au  cours  de  la  vision  des 
Coupes.  Jean  va  decrire  la  ruine  de  ces  trois  adversaires,  deja  annoncee  ou  presagee 
sous  bicn  des  formes,  mais  dans  I'ordre  inverse  de  leur  apparition.  II  est  parti,  au 
chap.  XII,  du  fond  cache  des  choses  et  des  evenements,  pour  arriver  a  ce  qui  affleure  a 
la  surface,  aux  yeux  de  tons,  c'est-a-dire  a  I'hostilite  de  Rome,  qu'il  va  maintenant 
decrire ;  ensuite  il  va  passer  du  drame  visible  et  contemporain  au  drame  visible  et  per- 
petuel, puis  au  drame  invisible.  Cet  ordre  doit  co'incider  avec  un  certain  ordre  chrono- 
logique.  D'abord  {XVII-XIX,  10),  nous  allons  assister  a  la  ruine  de  Rome,  le  premier  de 
de  ces  evenements  vengeurs  qui  se  produira  ;  puis  {XfX,  11-fin)  a  la  destruction  totale 
des  Betes.  Telles  seront  les  deux  phases  de  la  victoire  de  I'Agneau  sur  ses  adversaires 
humains;  c'est  I'issue  du  drame  ouvert  aux  chap.  XIII-XIV,  5.  —  //  presentera  enfin 
a  part,  au  chap.  XX,  la  defaite  de  VAdversaire  essentiel,  le  Dragon. 

D.  2°  La  vengeance  divine  sur  Rome  (xvii-xix,  10). 

Int.  —  Cette  vision,  d'autant  plus  copieusement  decrite  quelle  avait  une  importance 
capitale  pour  les  premiers  lecteurs  de  I'Apocalypse,  ne  fait  que  developper  ce  qui 
vient  d'etre  realise  par  la  7«  Coupe,  —  tout  comme  la  section  entiere,  de  XII  a  XX, 
nest  que  le  developpement  du  3^  f^ae,  signale  a  la  fin  du  chapitre  XI.  ]\ous  retrouvons 
dona  un  des  procedes  constants  de  I'auteur,  la  compenetration  des  diverses  visions,  et 
les  notations  breves  qui  s'epanouissent  en  grands  tableaux  dramatiques.  On  peut  ainsi 
diviser  cette  partie  : 

a.  Vision  de  presentation  (analogue  a  iv-v  et  a  xni-xiv,  5).  —  Un  des  Anges  porteurs 
des  coupes  inontre  au  Prophete  la  Gourtisane  babylone  dans  sa  magnificence  et  ses  vices, 
et  lui  en  predit  la  ruine  future  (xvil,  1-18). 

b.  Une  preparation  (analogue  a  vi-vn  et  a  xiv,  6-fin).  — Deux  proclamations  celestes 
retentissent  contre  Babylone  (xvui,  1-8). 

c.  d.  La  ruine  de  la  Gourtisane  (cfr.  les  Trompettes  et  les  Goupes)  sous  forme  de 
lamentations,  qui  sont  suivics  de  I'action  ptroplicliquc  d'un  autre  Angc,  ct  des  cantiques 


244  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN- 

de  la  foule  celeste  ice  qui  forme  justement  encore  une  antithese,  avec  une  scene  inter- 
posee,  conime  a  la  fin  des  Trompettes).  Ces  chants  celebrent  /'epocse  de  l'Agneau,  Jeru- 
salem I  antilhese  de  Rome,  et  I  Ange  qui  a  montre  a  Jean  la  courtisane  proclame  Jieu- 
reux  ceux  qui  seront  incites  a  ces  noces.  C'est  la  preparation  des  cliapilres  XXI-XXII, 
3^  grande  parlie  de  la  Revelation. 

On  peut  remarquer  ici  que  trois  Anges,  peut-etre  quatre,  interviennent ;  et  que  la 
ruine  de  Babylone,  en  partant  de  la  vision  preparatoire  aux  coupes,  est  annoncee  ou 
decrite  juste  sept  fois  (xiv,  8;  —  xvi,  17-21;  —  xvn,  16;  —  xviii,  1-3;  —  xviii,  4-8;  — 
xvni,  9-20,  morceau  principal;  —  xvni,  21-24). 

D.  2°  a.  La  courtisane  Babylone,  sa  relation  avec  la  Bete  (xvii). 

I:vT, Xous  avons  assez  vu  deja  comment  les  diverses  visions  jolianniques  s'ajustent 

et  s'emboitent,  se  correspondent  en  s'enc/ievetrant.  Ne  soyons  done  pas  surpris  que  Ba- 
bylone entre  en  scene  exactement  comme  le  fera  plus  tard  la  Jerusalem  ce/es/e  (xxi,  9). 
Car  ces  deux  figures,  qui  sont  parmi  les  «  symboles  majeurs  «  de  I  Apocalypjse,  se  font 
pendant  exactement,  comme  les  «  Deux  Cites  »  de  Dieu  et  du  Dragon.  Babylone  est 
une  ville,  mais  une  ville  figuree  par  une  Femme.  selon  I'usage  biblique;  comme  ville, 
elle  s'oppose  a  Jerusalem,  comme  femme  a  la  «Femme  »  du  ch.  XII,  ainsi  que  la  bien 
vu  Holtzmann;  mais  celle-ci  est  deja  I'Eglise- Jerusalem;  d'ailleurs  Jerusalem  elle- 
meme  sera  presentee  dans  la  3^  partie  comme  une  ville  qui  est  en  meme  temps  une 
femme,  une  fiancee.  Done,  somme  toute.^  Babylone,  qui,  au  sens  premier,  nest  que 
Rome  paienne,  sert  de  type  a  la  contre-eglise,  a  I'Eglise  de  I'Antechrist. 

Dans  une  premiere  partie  {3-6),  nous  assisterons  a  I'apparition  splendid^  et  odieuse 
de  la  Courtisane;  dans  une  seconde,  I  Ange  qui  la  montree  expliquera  qui  elle  est,  et 
annoncera  son  sort  futur  (7-lin). 

Ce  chapitre  est  rempli  d  une  lumiere  prophelique  eclatante;  mais  la  lot  du  genre 
alle^orique  et  I  obligation  oil  Jean  se  trouvait  de  ne  purler  qu  avec  prudence,  en  termes 
voiles,  en  font  un  des  plus  difficiles  a  interpreter.  Aussi  les  commentateurs  I'expliquent- 
ils  de  manieres  fort  divergentes,  tandis  que  les  critiques  lui  assignent  les  origines  les 
plus  diverses.  Les  conservateurs  meme  ne  sont  pas  d'acccrd  sur  sa  date;  quelques-uns 
le  reculent  au  temps  de  Vespasien.  Volter  le  donne  a  Cerintlie,  excepti  6*,  li,  16- 
17,  qui  viennent  de  I'editeur,  et  voudrait  le  transporter  a  la  suite  de  X,  1-11;  il  le 
separe  ainsi,  non  sans  quelque  fantaisie,  de  XVIII-XIX,  10,  qui  reviendrait  a  Jean- 
Marc;  Weizsacker  le  distingue  du  corps  du  livre;  pour  Weyland,  XVII-XVIII,  XIX, 
1-6  font  partie  diH,juif,  mains  XVII,  U;  Sabatier  fait  aussi  XVH-XVIII  d'origine  juive ; 
pour  Schoen,  XVII  est  I'addition  dun  editeur  cliretien,  XVIII  {sauf  20]  est  juif;  Spitta 
divise  le  bloc  entre  J-,  du  temps  de  Pompee,  auquel  reviendrait  presque  tout  XVIII,  et 
le  Redacteur  cliretien  sous  Trajan;  Erbes  assigne  les  deux  chapitres  a  I  Apocalypse 
de  Van  80.  Schmidt  decouvre  dans  XVII-XIX,  5,  un  morceau  independant  intercale. 
Pour  Bruston,  XVII-XVIII  sont  de  VApocalypse  la  plus  ancienne,  qui  a  commence  au 
ch.  X;  Job.  Weiss  fait  des  repartitions  equitables  entre  Q,  juif  et  I'  «  Editeur  »,  qui 
aurait  a  son  compte  XVII,  9  a,  li  et  XVIII,  20  seulement;  dailleurs  le  morceau  aurait 
pu  avoir  une  existence  independante  avant  d'etre  utilise  par  Q.  Bousset  lui-meme  ne 
croit  pas  le  ch.  XVII  homogene,  car  le  compte  du  v.  10  nous  reporterait  a  Vespasien, 
tandis  que  I'emploi  de  la  legende  de  Neron  suppose  la  fin  du  I^'  siecle;  il  distingue 
une  source  juive,  et  une  elaboration  chretienne  [8;  12-li;  mots  isoles  6,  9,  11). 

A  not  re  avis,  ces  deux  chapitres  sont  si  unis,  et  tellement  lies  au  reste  du  livre,  quit 
n'y  a  aucune  raison  valable  d'y  chercher  des  sources;  I'unite  d-e  langue  est  parlante. 
On  s'explique  aussi  fort  bien  comment  Jean  lui-meme  a  pu  voir  ces  choses.  et  a  Pat- 
mos,  sous  Domilien.  Dans  des  excursus,  nous  chercherons  a  resoudre  le  problcme  des 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  245 

Tetes,  et  a  bien  fixer  les  rapports  eventuels  de  la  vision  avec  la  legende  de  Neron;  le 
commentaire  donnera  succinctement  nos  solutions. 

A.  B.  1.  κα\  ηλθεν  χτλ,  phrase  d'introduction  pareille  a  xxi,  9.  —  έπ\  υδάτων,  comme 
Babylone,  dans  Jer.  li  (Septante  xxviii),  12-suiv. ;  cfr.  aussi  Is.  xxi,  1.  —  λαλεΐν  μετά.,. 
Int.  c.  x,  §  II. 

C.  1.  La  courtisane  va  bientot  etre  identifiee  a  Babylone  (=  Rome,  d'apres -βα/•.  syr., 
Lxvn,  7,  avec  fiction  allegorique;  Sib.  v,  143,  159;  I  Pet.  v,  13.  Int.  c.  v,  i,  §  III); 
la  Babylone  historique  a  ete  souvent  representee  par  les  prophetes  comme  une  pros- 
tituee.  Prim.  :  «  meretricem  vocans,  quia  relicto  Creatore  daemonibus  se  prostituit  ». 
L'image  des  «  eaux  »  sera  expliquee  au  verset  15,  comme  I'amas  agite  des  peuples 
siir  lesquels  Rome  domine. 

C'est  un  des  Anges  «  qui  avaient  les  Coupes  »  qui  appelle  Jean;  11  semble  qu'il 
ait  encore  sa  coupe  en  main,  sans  doute  il  n'en  a  pas  encore  verse  le  contenu;  c'est 
dire  qu'il  y  a  ici  regression;  le  Prophete  revient,  pour  les  developper,  sur  des  faits 
dont  la  substance  lui  a  d^ja  eto  revelee  dans  une  vision  plus  generale,  ici  xvi,  19  : 
Βαβυλών  ή  μεγάλη  ΙμνήσΟη  κτλ.  Le  fait  que  la  mise  en  scene  correspond  exactement  a  celle 
de  la  revelation  de  la  Jerusalem  celeste  (ch.  xxi],  montre  la  place  hors  pair  que 
tenait  cette  vision  dans  les  preoccupations  de  Jean  et  de  ses  lecteurs;  c'est  que 
Rome  est  le  type  de  la  cite  du  Diable. 

'  A.  B.  2.  κατοικοΰντες  την  γην,  regime  direct  sans  Ιπί,  se  trouve  ici  seulement 
dans  I'Apocalypse;  mais  bientot,  v.  8,  reparaitra  I'expression  stereotypee  χατοιχ.  έπΙ 
τηί  γης,  Ιντ,  c.  Χ,  §  Π.  —  μεθ'  ης  Ιπόρν.,οί  βασ.  της  γης,  cfr.  XIV,  8;  χνιιι,  9;  Nalium,  ιιι,  4, 
sur  Ninive. 

C.  2.  Bossuet  voit  justement  ici  le  culte  de  Rome  et  des  empereurs  par  les  rois 
vassaux  ou  allies.  La  «  fornication  »  des  rois  consiste  a  admettre  tons  les  vices  de 
Rome,  ainsi  que  sa  suzerainete  et  sa  religion  [Swete].  II  y  avait  alors  peu  de  rois 
dans  I'Empire;  mais  Jean  pouvait  penser  a  ceux  d'autrefois,  tels  les  Herodes. 

A.  B.  3.  τω  ajoute  devant  πνεύματι  (Αν  59-163-2069,  δ  500-88-205),  donnerait 
le  sens  d'Esprit-Saint;  mais,  d'apres  i,  10,  il  s'agit  ici  de  I'etat  extatique.  —  Pour 
εΤδον,  A  porte  ϊδα,  une  des  particularites  de  ce  codex  qui  montre  qu'il  etait  assez 
independant,  et  qu'il  ne  faut  pas  toujours  se  fier  a  ses  graphics,  ni  meme  aux  mots 
de  son  texte  (Int.,  c.  xv).  —  γε'μοντα...  'ε'/ον,  accord  ad  sensum  qui  n'est  pas  poursuivi, 
legon  de  Nestle;  -γίμο'/  τά  ονόματα,  pour  Diisterdieck,  Β.  Weiss,  ce  qui  souffle  difficulty, 
car  il  faudrait  alors,  note  Bousset,  της  βλασφημίας;  S^vete  admet  γέμοντα...  'ε'χοντα,  et 
considere  γέμον...  'ε'χον  comme  des  corrections,  ce  qui  est  fort  possible;  Bousset,  γέμοντα... 
'έχων;  IV-H,  έχων;  Tisch.  ?χοντα.  On  lit  γέμοντα  A,  a3-P-025,  1073;  'έ/οντα,  K-^2.oi, 
P,  'έχον,  Hipp.,  Q,  al.;  'έχων,  A,  et  beaucoup  de  minuscules;  il  est  difficile  de  choisir 
(Int.,  c.  xv).  —  Quelques  temoins,  dont  5500-88-205,  ajoutent  immediatement  apres 
la  fin  de  ce  verset  le  v.  18,  remaniement  mal  inspire,  qui  afTaiblit  la  force  de  ce  tableau 
(v.  ad  loc).  —  «  Noms  de  blaspheme  »,  xiii,  1. 

C  3.  La  B^te  et  la  Femme,  centre  Bossuet,  ne  sont  pas  la  meme  chose,  meme 
au  fond.  La  Bete  est  evidemment  la  meme  qu'au  ch.  xiii;  sa  couleur  ecarlate  — 
et  non  «  rouge  sang  »  comme  le  Dragon  —  designe  ici,  non  la  cruaute,  mais  la 
richesse  et  la  magnificence.  C'est  I'esprit  de  luxe  et  d'ostentation  des  empireg  ennemis 
de  Dieu,  et  non  du  seul  empire  remain;  car  la  Bete  ne  sert  de  monture  a  Rome  que 
pour  un  temps,  comme  la  suite  va  le  montrer.  La  Femme,  dit  Jo/i.  Weiss,  pourrait 
tirer  plus  d'un  de  ses  traits  de  quelque  image  divine;  c'est  comme  une  deesse  assise 
sur  un  animal,  et  Ton  pent  penser  a  des  modeles  semitiques,  egyptiens,  a  Cybele 
dans  son  char,  etc.  Le  prophete  se  la  represente  comme  une  bacchante  chevauchant 
une  sorte  de  panthere.  La  distinction  et  la  splendeur  eclatent  dans  tout  ce  tableau. 


246  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

C.  ΧΛΊΙ.  1.  ΚαΙ  ηλθεν  ε'.ς  εκ  των  έττα  άγγέλοίν  των  έ'/όντο)ν  τάς  έ-τά  φιάλας, 
7.3ίΙ  έλάλησεν  μετ'  έΐΑοΰ  λέγων"  Δείρο,  δείξω  σοι  το  κρίμα  της  ζόρνης  της  μεγάλης 
της  καθήμενης  έπΙ  υδάτων  ζολλών,  2  μεθ'  ης  έχόρνευσαν  ο•.  βασιλεΤς  της  γης,  καΐ 
έμ-εθύσθησαν  ct   κχτοικοϋντες  *τήν  γην  έκ  τοϊ)  civsu  της  πορνείας  αυτής. 

3.  Και  άπήνεγκέν  μ,ε  εις  ερημον  έν  "πνεύματι.  Και  *εΤδον  γυναίκα  καθημένην  έπι 
θηρίον  κόκκινον,  *γέμ.οντα  ονόματα  βλασφημίας,  *εχον  κει^^αλας  έπτα  και  κε'ρατα  δέκα. 
4.  Και  ή  γύνη  ην  περιβεβλημένη  ζορφυροΰν  και  κόκκινον,  και  κεχρυσο^μένη  γροσίω 
ν.7.1  λίΟω  τιμίω  και  μαργαρίταις,  έχουσα  ποτήριον  χρυσοΰν  έν  τη  "/ειρι  αϋτης,  γέμον 
βδελυγμάτων    και   *τά    ακάθαρτα   της  πορνείας   αΰτης.    5.    ΚαΙ   επί  το   μέτοιπον  αυτής 


Pourquoi  est-elle  «  dans  le  desert  »,  trait  qui  semble  destine  a  fairo  contraste  avec 
la  «  montagne  »  ού  descendra  la  Jerusalem  celeste,  xxi,  10?  Holtzmann  rappelle  ici 
le  litre  d'une  prophetie  d'Isaie  conlre  Babylone  :  «  Oracle  touchant  le  desert  de  la 
mer  »  Is.  xxi,  1.  Bousset  coraprend  ce  desert  comme  une  vue  anticipee  de  sa  deso- 
lation future;  mais  ce  ne  serait  guere  en  situation  ici.  Swete,  apres  Prim,  et  And., 
propose  avec  plus  de  raison  un  sens  spirituel,  le  desert  de  la  vie  sans  Dieu,  bien 
different  de  la  solitude  recueillie  ou  I'autre  Femme  du  ch.  xii  a  trouve  son  refuge. 

II  est  plus  que  certain  que  cette  courtisane  est  Rome  antique;  Andre  connaissait 
deja  cette  interpretation,  basee  surtout  sur  la  mention  des  «  Sept  collines  »,  au  v.  9; 
mais,  croyant,  ainsi  qu'apres  lui  I'ensemble  des  medievaux,  que  ce  chapitre  se  rap- 
portait  a  I'avenir  eschatologique  le  plus  eloigne,  il  y  voyait  personnellement  un  empire 
universel,  une  grande  ville,  peut-etre  Rome  restauree  dans  son  antique  puissance, 
qui  devait  dominer  le  monde  jusqu'au  temps  de  I'Antechrist.  11  n'y  a  toutefois  aucun 
doute  que  cette  ville  soit  la  Rome  historique  des  Augustes. 

'  A.  B.  4.  Remarquer  le  changement  de  cas  τα  ακάθαρτα,   apres  le   genitif 

βδελυγμάτων;  γέαω,  dans  XApoc.^  peut  gouverner  ces  deux  cas;  mais  il  est  possible, 
a  la  rigueur,  que  (ί/.άθ.  soit  un  second  regime  direct  de  ε/ ούσα.  —  «  Vase  d'or  »  a  la 
main,  cfr.  Jer.  li,  7  (Septante  xxviii),  mais  avec  adaptation,  car  la  Babylone  est  elle- 
meme  un  ποττ^ριον  dans  la  main  de  Dieu.  —  Swete  signale  un  parallele  frappant  a  cette 
description  dans  le  Tableau  de  Cebes,  oil  est  drcj-ite  une  femme,  qui  est  I'a-a-rJ,  assise 
sur  un  trone  avec  un  ποτηρ;ον  qui  enivre  de  -λάνη  et  d'ayvoia. 

C.  4.  La  pourpre  represente  le  pouvoir  imperial;  les  «  abominations  »,  le  culte 
romain  et  les  moeurs  romaines.  Rome,  dit  Calmes,  est  «  centre  et  foyer  de  toutes  les 
abominations,  ce  qui  doit  s'entendre  du  paganisme  international,  du  syncretisme 
cosmopolite,  auquel  le  Pantheon  romain  servait  de  sanctuaire  ».  La  Prostituee, 
paree  de  loutes  les  vanites  de  la  terre,  est  tout  a  fait  la  contrepartie  de  la  Femme 
du  ch.  xn,  velue  du  soleil  et  couronnee  d'etoiles;  elle  s'oppose  a  cette  «  Mere  », 
comme  a  la  «  Fiancee  »  du  ch.  xxi. 

■  A.  5.  -ορνων  peut  etre  le  genitif  soit  de  -ι^ρνη,  soit  de  πόρνος  «  debauche  », 

suivant  qu'on  accentue  πορνών  ou  πόρνων;  -les  deux  sens  conviennent  egalement.  — 
Μυσττίριον  est  une  sorte  d'exclamation,  ou  de  parenthese,  pour  attirer  I'attention  sur 
les  mots  qui  suivent. 

C.  5.  Get  avertissement  montre  que  «  Babylone  »  n'est  pas  le  vrai  nom,  qu'il  faut 
le  prendre  πνευματικώς;  or,  nous  savons  que  Babylone  signifiait  Rome  {supra,  v.  1 
A.  B.),  et  pourquoi  Jean  restait  dans  ce  mystere  (cfr.  xiii,  18).  Les  βδελ.  sont  I'idol^trie 
du  monde  entier  confluant  a  Rome  {Spina,  Bousset,  etc.)  Holtzmann,  se  referant  a 
Soneque  et  a  Juvenal,  parle  de  I'usage  qu'auraient  eu  les  courlisanes  romaines 
d'afficher  ainsi  leur  nom. 

— — —  A.  B.  6.  Le  part,  present  μεθύουσαν  montre  que  la  Femme  est  en  train  de 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  247 

C.  XVII.  1.  Et  il  vint  iin  d'entre  les  Sept  Anges  qui  avaient  les  sept  coupes, 
et  il  parla  avec  moi,  disant  :  «  Arrive!  je  te  montrerai  le  jugement  de  la 
grande  Prostituee,  qui  est  assise  sur  d'abondantes  eaux,  2  avec  laquelle 
ont  fornique  les  rois  de  la  terre,  et  se  sont  enivres  ceux  qui  habitent  la  terre 
du  vin  de  sa  fornication.  » 

3.  Et  il  m'emmena  dans  ua  desert,  en  esprit.  Et  je  vis  une  Femme  assise 
sur  une  Bote  ecarlate  reinplie  de  noms  de  blaspheme,  ayant  Sept  Tetes  et 
Dix  Cornes.  4.  Et  la  Femme  s'etait  enveloppee  de  pourpre  et  d'ecarlate,  et 
doree  d'or,  et  de  pierre  precieuse  {sic  au  sing.),  et  de  perles,  [et]  elle  avait 
un  calice  d'or  dans  sa  main,  plein  d'abominations,  et  des  {on  les)  impuretes 
de  sa  fornication.  5.  Et  sur  son  front  un  nom  [etait]  ecrit...  —  Mystere!  — 

s'enivrer  au  moment  ού  Jean  la  voit;  cfr.  xvi,  6  et  xviii,  24.  —  Ίησοΰ  omis  dans  de 
nombreux  mss  du  type  And. 

C.  6.  Le  Prophete  contemple  Rome  en  pleine  puissance,  et  en  pleine  rage  de 
persecutions.  Gependant  une  premiere  impression,  qu'il  ne  peut  prevenir,  est  d' admirer 
cette  apparition  imposante,  si  odieuse  qu'elle  soit;  il  est  etonne,  dit  Bossuet,  qu'une 
telle  richesse  doive  etre,  d'apres  la  prophetie,  soudainement  precipitee. 

— —  C.  7.  L'Ang-e  reproche  a  Jean  ce  mouvement  d'admiration  involontaire; 
il  va  lui  dire  ce  qu'est  cette  reine,  et  quel  sort  miserable  et  juste  attend  Babylone. 
Tout  le  reste  du  chapitre  est  occupe  par  le  commentaire  qu'appoi'te  a  la  vision  I'Ange 
reΛ'elateuΓ;  c'est  la  un  procede  frequent  dans  les  Apocalypses,  (Int.  c.  v,  ι  §  I). 

^^—  A.  8.  υπάγειν  pour  υπάγει,  ce  qui  ne  change  pas  le  sens,  dans  x,  P,  Q,  la  plu- 
part  des  cursifs,  Hipp.,  boh.,  eth.,  Soden,  Stvete,  possible  pour  W.-H.  —  Pour 
θαυιχασθτίαοντχι,  forme  de  A,  plus  conforme  a  I'usage  hellenistique,  (cfr.  xiii,  3)  on  trouve 
ciussi  la  forme  moyenne  θαυ[χάσονται,  et  dans  Hipp.  θαυ[χ«σουσιν.  —  βλεπόντων,  genitif  du  a 
I'attraction  de  ών,  corrige  en  βλε'ποντες,  quelques  And.,  Hipp.,  g,  vulg..  Prim.  —  La 
tournure  το  θηρίον  οτι  ην,  quoique  admissible  en  grec,  corrigee  en  Gaj;x.  δτι  ήν  το  Οηρ.,  rec. 
Κ.,  quelques  And.,  Hipp.,  g,  vulg.,  syr.,  arm..  Prim.  —  πάλιν,  ajoute  apres  παρέσται  Κ*  ; 
contresens  plutot  qu'eclaircissement;  car  -αρεσται  a  ici  la  valeur  d'un  mot  technique, 
qu'il  faut  rapprocher  de  παρουσία,  terme  du  style  ofliciel  pour  designer  I'arrivee  solen- 
nelle  d'un  souverain  (v.  Deissmann,  LO,  pp.  278-suiv.,  332,  334-suiv.) ;  les  Chretiens 
I'adopterent  pour  I'Avenement  glorieux  de  leur  Maitre ;  quelques  scribes,  ne  I'ayant 
pas  compris,  ont  ecrit  έ'σται;  ailleurs,  παρέστιν. 

Β.  8.  Elle  «  remontera  bientot  de  I'Abime  »,  cfr.  xi,  7;  xiii,  1,  elle  monte  «  de  la 
mer  » ;  —  pour  aller  «  a  la  perdition  »,  idee  qui  sera  developpee  xix,  11-xx,  10.  — Cfr. 
cette  ascension  de  I'Abime  a  la  guerison  de  la  blessure  mortelle,  xni,  2,  3,  12,  14.  — 
«  Livre  de  vie  »  cfr.  in,  5;  xin,  8;  από  καταβ.  χοσ[Α.,  efr.  xiii,  8.  —  κατοικ.  επΙ  της  γης  repa- 
rait,  cfr.  xvn,  2.  —  παρεσται;  pour  I'idee,  cfr.  xiii,  8,  12-17  ;  egalement  II  T/iess.  ii,  8,  9  : 
δ  avoij-o;...  ου  έσ-.ιν  ή  παρουσία  κατ'  ένεργείαν  τοϋ  σατανά'.  — ■  Και  θαυμασΟι^σονται,  cfr.  χΐιΐ,  3. 

C.  8.  Nous  discuterons  dans  I'Exc.  xxxiii  les  tres  diverses  interpretations  donnees  a 
ce  verset,  solidaire  de  9-11.  Disons  seulement  ici  que  la  Bete-Antechrist,  contrefa^on 
du  Christ,  aura  I'air,  comme  le  Seigneur,  de  mourir  et  de  ressusciter,  pour  avoir,  elle 
aussi,  son  Avfenement  glorieux,  et  recevoir  les  adorations  de  toute  la  terra;  c'est, 
comme  au  chap,  xiii,  une  allusion  a  I'apogee  du  culte  imperial,  prcsente,  notons-le  bien, 
comme  futur  (v.  Exc.  xxx|,  ainsi  qu'aux  phenomenes  historiques  plus  eloignes  qui 
pourront  y  ressembler.  Le  commentaire  du  v.  10  resoudra  la  contradiction  apparentc 
entre  ce  verset  8  et  le  ch.  xiii,  oii  la  Bete  a  ete  vue  guerie  de  sa  blessure,  tandis  qu'ici 
elle  est  representee  comme  m'orte  (οΰκ  εσ-ιν),  et  descendue  a  I'Abime,  d'ou  elle  est  sur 


248  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

ζ'/ομα  γεγραμμένον'  Μυστήριον'  Βαβϋλών  ή  μεγάλη,  ή  μήττ,ρ  των  *πίρνών  κάΙ  των 
βοελυγμάτων  της  γης.  6.  Κλ\  εΤδον  τήν  γυναΤκα  *μεθύουσαν  εκ  του  αίματος  των 
μαρτύρων     Ιησοΰ.  Καΐ  έθαύμασα  ΐδών  αυτήν  θαύμα  μέγα. 

7.  ΚαΙ  ειπεν  μοι  ο  άγγελος'  Δια  τί  έθαύμασας  ;  εγώ  έρώ  σοι  το  μυστήριον  τν;ς 
γυναικός  και  του  θηρίου  του  βαστάζοντος  αυτήν  του  έχοντος  τάς  επτά  κεφάλας  και  τα 
δέκα  ν.έρατα.  8.  Το  θηρίον  ο  είδες  ην  και  ουκ  έστιν,  και  μέλλει  άναβαίνειν  εκ  τγ|ς 
αβύσσου  και  εις  αττωλείχν  *ύπάγει  και  *θαυμασθήσονται  οι  κατοικοΰντες  *έτϊί  ττ^ς  γης, 
d)v  οΰ  γέγραπται  το  όνομα  k~\  το  βιβλίον  της  ζοιης  άπο  καταβολής  κόσμου,  *βλ£-όντο^ν 
το  θηρίον,  *οτι  ην  και  ουκ  εστίν  και  *παρέσται. 

le  point  (μέλλει),  quand  Jean  ecrit,  de  remonter.  Le  monde  admirera  la  vitalite  de  la 
Bete,  del'Empire  romain  se  relevant  apres  les  pires  malheurs;  I'Antechrist  aura  done  sa 
Parousie  (II  T/iess.,  supra),  comma  I'Agneau;  mais  celui-ci  viendra  du  ciel,  I'autre  de 
TAbime;  I'Agneau  pour  triompher  a  jamais,  I'autre  pour  recevoir  son  chatinient  final. 
Nous  avons  vu  deja  I'intronisation  de  I'Agneau  (ch.  v),  puis  celle  de  la  Bete  (ch.  xiii); 
ici  se  complete  le  parallelisme,  ou  plutot  la  parodie.  La  formule  meme  ο  ην  κα\  ουκ  'έστιν 
και  παρέσται,  parait  formee  intentionnellement  sur  le  nom  hieratique  divin  δ  ην  και  ό  ών 
και  δ  έρ•/ομενος. 

— —  Α.  Β.  9.  δ  έχων  σοφίαν  est  une  interpellation,  et  vaut  un  vocatif.  —  ώδε  δ  νους, 
cfr.  XIII,  18 ;  ώδε  omis  Q.  —  Pleonasme  έπ' χυτών  apres  δπου,  voir  Int.  c.  x,  §  II. 

C.  9.  Ce  qui  va  etre  revele  est  de  la  meme  importance,  comme  I'indique  I'avertisse- 
ment  solennel,  que  le  «  chiffre  de  la  Bete  »  xiii,  18.  L'explication  sera  elle-meme  assez 
enigmatique;  il  le  fallait,  a  cause  de  la  police;  c'est  pourquoi  elle  s'adresse  a  «  qui  a 
de  I'intelligence  ».  II  s'agit  du  «  Septimontium  »,  des  sept  collines  de  Rome,  ce  qui 
fixe  tout  a  fait  le  sens  symbolique  de  la  Courtisane.  La  coincidence  entre  ce  trait  topo- 
graphique  et  le  symbolisme  des  «  7  Rois  »  dont  I'Ange  va  parler,  a  frappe  I'ecrivain 
dans  le  cas  de  Rome,  c'est  pour  cela  que,  ne  voulant  laisser  aucun  doute  a  I'auditeur 
intelligent,  il  a  signale  cette  double  signification  des  Tetes,  dont  la  premiere  n'est 
qu'une  indication  assez  peu  attendue,  sans  signification  prophetique  ou  religieuse, 
mais  qui  sert  a  faire  trouver  la  cle  de  I'ensemble.  II  ne  faut  done  pas  la  rejeter  comme 
une  interpolation,  quoiqu'elle  mette  un  disparate  dans  le  symbolisme  general;  c'est 

une  combinaison  A  <^  (v.  Int.  c.  vi).  Bousset  concede  qu'un  pareil  precede  n'indique 

Γ  Γ 

pas  necessairement,  dans  une  Apocalypse,  une  dualite  de  mains.  La  Bete,  ici  et  aux 
versets  suivants,  s'identifie  done  a  la  Rome  historique;  mais  cette  identification  n'est 
que  partielle  et  temporaire  (v.  infra). 

——  A.  B.  10.  βασιλεύς  equivalait  des  lors  a  «  imperator  »  latin,  voir  I  Pet.  ii,  13- 
17;  I  Tim.  ii,  2.  —  επεσον  pour  έπεσαν,  rec.  K.,  moins  Q,  al.  (Int.  c.  x,  §  II).  —  Pour  le 
calcul  des  Tetes,  cfr.  eelui  des  ailes  et  des  ailerons  de  I'Aigle  de  IV  Esd.,  xii,  10-33. 

C.  10.  Les  versets  10  et  11  expliquent  tout  a  fait  la  signification  totale  de  la  Cour- 
tisane, et  la  signification  contemporaine  de  la  Bete,  les  deux  se  trouvant,  pour  cette 
epoque-la,  repondre  a  une  meme  realite  historique.  lis  forment  I'abrege  d'une  histoire 
et  d'une  prophetie  relatives  au  seul  empire  remain. 

Avec  le  chifi're  666,  il  n'y  a  pas  dans  toute  I'Apocalypse  de  pareille  crux  interpretum. 
Sans  discuter  ici  les  opinions  des  commentateurs  et  des  critiques,  reservees  a  I'Exc. 
xxxm,  contentons-nous  d'exposer  la  notre,  qui  sera  justifiee  plus  tard. 

Jean  nous  dit  lui-meme  que  les  tetes  repondent  a  des  regnes  successifs  d'empereurs 
remains.  Nous  pensons  qu'il  faut  les  compter  a  partir  du  moment  ou  I'Empire,  par  son 
hostdite  deelaree,  est  veritablement  devenu  pour  I'Eglise  une  bete  feroce,  c'est-a-dire 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  249 

«  Babylone  la  GRANDE,  la  πΐ6Γ6  des  prostituees  et  des  abominations  de  la 
terre.  »  6.  Et  je  vis  la  Fenime  s'enivrer  du  sang-  des  martyrs  de  Jesus.  Et 
je  m'omerveillai,  I'ayant  vue,  d'un  grand  emerveillement. 

7.  Et  I'Ange  me  dit  :  «  Poiirquoi  t'es-tu  emerveille?  Je  te  dirai,  moi,  le 
mystere  de  la  Femme  et  de  la  Bete  qui  la  porte,  qui  a  les  sept  Tetes  et  les 
Dix  CoRNES,  8.  La  Bete  que  tu  as  vue  etait,  et  n'est  plus  [litt.  pas),  et  elle 
est  pres  de  monter  de  I'Abime,  et  e'est  a  la  perdition  qu'elle  s'en  va; 
et  ils  s'emerveilleront,  ceux  qui  habiteut  sur  la  terre,  dont  le  nom  n'a  pas 
ete  ecrit  au  livre  de  vie  depiiis  la  fondation  du  monde,  en  regardant  la 
Bete,  de  ce  qu'elle  etait,  et  n'est  plus  (/.  pas),  et  aura  son  Avenement. 


depuis  Neron.  Les  cinq  qui  sont  tombes  sont  done  Neron  —  Galba  ou  Ot/ion  —  Othon 
ou  Vitelliiis  —  Vespasien  —  Titus.  Gelui  «  qui  est  »  est  I'empereur  actuel,  Domitien. 
Celui  qui  doit  venir  sera  son  successeur,  quel  qu'il  soit,  el  il  est  meotionne,  non  pour 
lui-meme,  mais  afin  de  completer  le  chifTre  fatidique  de  Sept  (v.  Exc.  xxxiii). 

Jean  a  dit  ci-dessus  que  la  Bete  «  n'est  plus  »,  et  pourtant  I'une  de  ses  tetes  est  en 
vie ;  c'est  done  que  la  mort  de  la  Bete  ne  devait  etre  comprise  qu'en  un  sens  tout  rela- 
tif.  Elle  vit  sous  un  rapport,  elle  est  morte  sous  un  autre.  Le  verset  suivant  donnera 
I'explication  de  cette  antinomie. 

■  A.  C.  11.  ούτος  pour  αυτός,  rec.  K.  —  Ce  verset  souleve  I'interessante  question 

de  la  legende  du  «  Nero  redivivus  »,  et  de  la  mesure  dans  laquelle  saint  Jean  y  eut 
ajoute  foi  ou  en  eut  tire  parti  (v.  Exc.  xxxiv). 

Un  double  caractere  est  assigne  a  la  Bete  (καί...  χαί...)  :  1°)  apres  que  sept  empereurs, 
depuis  Neron  inclus,  auront  regne,  I'Empire  romain  ne  cessera  pas  pour  cela;  une 
simple  serie  de  sept  ne  le  menera  pas  a  son  terme,  comme  aurait  pu  se  le  figurer  un 
prophete  apocryphe,  attachant  une  valeur  superstitieuse  aux  septenaires.  La  Bete 
apres  avoir  vu  ses  sept  tetes  se  succeder,  et  tomber  I'une  apres  I'autre,  subsistera 
cependant  encore,  et  subsistera  comme  empire  romain.  Gombien  y  aura-t-il  d'empe- 
reurs  a  suivre  le  septieme?  Jean  ne  le  dit  pas,  et  sans  doute  ne  le  prevoit  pas;  il  salt 
seulement  qu'ils  incarneront  encore  la  Bete,  et  il  abandonne  deliberement  le  symbo- 
lisme  des  sept  Tetes,  insuflisant  pour  la  duree  prolongee  qu'il  veut  faire  entrevoir.  La 
Bete-Empire  durera  encore  un  temps  indefini,  peu  importe  de  preciser  lequel;  la  serie 
des  Augustes,  loin  d'etre  epuisee  a  son  septieme  membre,  recommencera.  Ce  ne  sera 
pas  un  septenaire,  mais  une  octave,  chifTre  de  la  plonitude  debordante.  Et  il  n'est  pas 
dit  que  le  huitieme  empereur  sera  le  dernier;  le  «  huilieme  »  sera  la  Bete,  voila  tout, 
c'est-a-dire,  en  soi,  une  collectivite ;  des  tetes  pourront  repousser  au  Monstre  tant  que 
Dieu  le  permettra.  Jean  designe  tons  ces  monarques  en  bloc  comme  des  incorporations 
de  I'Antechrist.  Car  2°)  cette  Bete  incarnee  actuellement  dans  I'Empire  romain  conser- 
vera  le  meme  caractere  bestial  et  persecuteur.  Quoique  devant  survivre  aux  sept, 
«  elle  est  des  sept  »,  sans  aucun  doute  au  sens  moral.  Cela  veut  dire,  selon  nous, 
puisque  la  Bete  est  identifiee  sous  quelque  rapport  a  Tunc  de  ses  Tetes,  a  celle  qui  a 
mieux  que  les  autres  represent^  son  essence  diabolique,  qu'elle  reprendra  le  caractere 
de  cette  tete  disparue,  qu'un  des  empereurs  anciens  de  la  serie  des  sept  revivra  a 
multiples  exemplaires.  Sous  quel  rapport?  Sans  aucun  doute,  a  un  point  de  vue 
defavorable  —  puisque  c'est  la  «  Bete  »  —  eta  celui  qui  doit  le  plus  interesser  et  preoc- 
cuper  les  chretieiis  lecteurs  de  I'Apocalypse,  sous  I'aspect  d'ennemi,  de  persecuteur, 
d'Antechrist.  II  y  avait  un  empereur  lout  designe  pour  symboliscr  ce  caractere,  c'elait 
Xrron,  ce  Neron  que  le  pcuple  croyait  alors  pres  de  reparaitre.  Le  sens  du  verset  est 
done,  en  definitive,  que  la  Bete  romaiue  durera  plus  longtemps  que  le  regne  de  sept 


250  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

9.  "Ωδε  ό  ν^υς,  *ό  έχων  σοφίαν.  Αί  έπτα  κεφαλαί  έπτα  Ιρ'η  εισίν,  cttcu  ή  γύνη 
καθήται  *έχ'  αυτών.  10.  Και  βασιλείς  έχτά  είσιν"  ct  πέντε  *ε7:£σαν,  ό  εΙς  εστίν,  ο 
άλλος  ουχω  ήλθεν,  καΐ  όταν  Γλθη  ολίγον  αυτόν  δεϊ  μεϊναι.  11.  Και  το  θηρίον  ο  ήν  και 
ουκ  έ'στιν,  και  αυτός  ογοοός  έστιν,  και  εκ  των  έχτά  έστιν,  και  εΙς  αχο)λείαν  υπάγει. 

12.  Και  τα  οέ'λτ.  κέρατα  ά  είδες  δέκα  βασιλείς  ε'.σιν,  *οϊτιν£ς  βασιλείαν  *ουχο)  ελαβον, 
άλλα  έξουσίαν  ώς  βασιλείς  *μίαν  ώραν  *λαμ.βάνουσιν  μετά  *τοΰ  θηρίου.  13.  Οΰτοι  μίαν 
γνιόμην  έχουσιν,  και  τήν  δΰναμιν  και  εζ,ζ^σία^^  αυτών  τω  θηρίω  διδόασιν.  14.  Ούτοι 
μετά  του  άρνίου  πολεμήσουσιν,  και  το  αρνιού  νικήσει  αυτούς,  οτι  κύριος  κυρίων  έστιν  και 
βασιλεύς  βασιλέο)ν,  και  οί  μετ'  αύτου  κλητοί  και  εκλεκτοί  και  χιστοί.  15.  Και  *λάλει 


empereurs,  et  que,  a  I'egard  des  Chretiens,  elle  sera  comme  un  Neron  ressuscite,  per- 
petuel,  parce  qu'elle  reprendra  et  affermira  le  regime  neronien.  Cette  vue  s'accorde 
parfaitement  avec  I'lnterpretation  la  plus  plausible  du  nombre  666  de  I'Antechrist 
{supra,  XIII,  18,  Exc.  xxxi).  Un  autre  trait  mysterieux  s'interprete  au  mieux  dans 
cette  conception  :  la  Tete  blessee  a  mort  et  guerie  au  chap,  xiii,  c'est  Neron.  Avec  son 
suicide,  la  lignee  des  Jules  s'eteignait,  et  FEmpire  etait  profondement  ebranle  :  les 
guerres  civiles  et  les  malheurs  de  I'Interregne  paraissaient  racheminer  vers  la  ruine. 
Mais  avec  Vespasien  tout  se  retablit;  et  Jean  avait  ete  temoin  de  cette  «  guerison  »,  de 
cette  resurrection;  il  avait  vu  les  provinces  se  mettre  a  honorer  avec  une  nouvelle 
ferveur  «  la  Premiere  Bete  —  la  Bete  politique  —  dont  la  blessure  mortelle  avait  ete 
guerie  »  (xin,  12). 

Mais  une  autre  image,  tout  a  fait  similaire,  s'entrelace  avec  celle-la,  et  parait  d'abord 
embrouiller  le  sens,  creer  une  antinomie  entre  les  chapitres  xiii  et  xvii.  En  ce  dernier, 
en  effet,  la  Bete  «  n'est  plus  »,  elle  est  tombee  dans  I'Abime,  d'ou  sa  monteeest  encore 
future.  Cette  resurrection  ne  pent  signifier  le  retablissement  de  la  puissance  imperiale, 
dans  sa  stabilite  et  son  eclat,  sous  Vespasien,  malgre  Topinion  des  auteurs  que  nous 
critiquerons  plus  tard ;  car  c'etait  une  chose  faite,  et  non  reservee  a  I'avenir.  II  ne  faut 
done  pas  confondre,  pensons-nous,  la  guerison  du  chap,  xiii  avec  la  resurreciion  du 
ch.  XVII,  malgre  I'etroite  aiTinite  de  ces  deux  images.  La  guerison,  c'etait  la  consolida- 
tion du  pouvoir  imperial,  ebranle  par  les  troubles  qui  suivirent  la  mort  de  Neron; 
I'empereur  en  soi,  I'empereur  inconteste,  paraissait  mourir  avec  Neron  ;  le  triomphe  de 
Vespasien  lui  rend  sa  puissance ;  la  resurrection  de  la  Bete,  —  qui  n'etait  pas  morte  a 
tout  point  de  vue  puisqu'une  de  ses  Tetes  etait  bien  vivante  quand  Jean  ecrivait  I'Apo- 
calypse,  —  c'est  la  reprise  du  regime  neronien,  qui  pouvait  sembler  mort,  ou  fort  atte- 
nue,  depuis  la  mort  du  tyran,  quoique  Domitien  tendit  a  le  retablir.  Neron,  le  Neron- 
type,  la  Bete  neronienne,  paraissait  englouti  dans  I'Abime  ;  il  en  remontera.  En  d'autres 
termes,  la  Bete,  guerie  de  sa  blessure  politique,  demeure  encore  morte,  non  comme 
empire,  mais  dans  son  caractere  propre  de  Bete,  de  persecutrice  follement  brutale;  elle 
rcvivra  en  plein  sous  cet  aspect,  et  cela  dans  peu  de  temps,  ce  qui  est  exprime  par  la 
breve  duree  du  septieme  regne  (6λίγον  αύτον  δει  μείναι).  Les  deux  images  se  rapportent 
respectivement  a  Neron  comme  empereur,  et  a  Neron  comme  Neron.  La  guerison 
politique,  en  meme  temps  que  le  regime  religieux  renouvele  des  plus  mauvais  jours 
d'un  passe  recent,  sont  deux  facteurs  qui  s'uniront  pour  consolider  le  despotisme  du 
culte  imperial,  I'adoration  de  lAntechrist. 

Ce  passe  est  trop  loin  de  nous  pour  que  nous  saisissions  facilement  la  portee  de  ces 
images,  et  leur  nettete;  elles  etaient  certainement  beaucoup  plus  frappantes  et  plus 
claires  pour  un  chretien  d'Asie  vivant  sous  Domitien,  et  encore  tout  emu  du  souvenir 
des  guerres  civiles,  et  de  la  persecution  cruelle  que  I'empereur  actuelleraent  regnant 
semblait  deja  prendre  a  tache  de  recommencer. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  251 

9.  Ici  est  rintelligence,  celui  qui  a  de  la  sagesse!  Les  Sept  Tetes  sont  sept 
montagnes,  oil  la  Femme  est  assise  dessus.  10.  Et  ce  sont  sept  Rois  :  les 
cinq  [premiers]  sont  tombes,  Fun  existe,  Fautre  n'est  pas  encore  venu,  et 
une  fois  v^enii,  il  faut  qu'il  demeure  peu.  11.  Et  [quant  k]  la  Bete  qui  etait 
et  n'est  plus  (/.  pas),  et  elle  est  elle-meme  un  huitieme,  et  elle  est  [pour- 
tant]  d'entre  les  sept,  et  c'est  k  la  perdition  qu'elle  s'en  va. 

12.  Et  les  Dix  Corxes  que  tu  as  vues  sont  dix  rois,  ceux  qui  n'ont  pas 
encore  reou  la  royaute,  mais  qui  recoivent  Fautorito,  comme  rois,  pour  une 
heure,  avec  la  Bete.  13.  Eux  n'ont  qu'une  [meme]  resolution,  et  leur  puis- 
sance et  leur  autorite,  [c'est]  k  la  Bete  qu'ils  [les]  donnent.  ik.  Eux  guer- 
roiront  avec  FAgneau,  et  FAgneau  les  vaincra,  parce  qu'il  est  Seigneur  des 

Pour  la  discussion,  voir  infra,  les  Exc.  xxxi,  xxxiii,  xxxiv. 

— —  A.  B.  12.  οΤτίνες,  ici  encore,  ne  parait  pas  etre  purement  synonyme  de  o'l, 
mais  signiOer  «  quicunique  »,  ou  «  quippe  qui  »,  ο'ίτ.ερ  =  pour  autant  qiiils  n'ont  pas 
encore  regu  la  royaute  »,  cfr.  xii,  13.  —  οϋ  pour  οϋ-ω,  erreur  de  A.  —  μ(αν  ώραν  signifie 
«  pour  une  seule  heure  »,  accusatif  de  duree,  et  a  ete  tres  mal  traduit  par  Joh.  Weiss : 
«  zur  selben  Stunde  wie  das  Tier  ».  —  Xa[j.6avouatv,  present  prophetique ;  —  pour  [χετά 
του  θηρ{ου,  «  avec  la  Bete  »,  la  Vulg.  doit  avoir  lu  [/.ετά  το  θηρίον,  «  apres  la  Bete  »,  grand 
changement  de  sens,  qui  detruit  la  prophetie  (v.  infra).  —  Dix  cornes  =  dix  rois,  cfr. 
Dan.  VII,  7,  20,  24;  voir  Apoc.  xiii,  1. 

G.  12.  Les  cornes  sont  empruntees  a  la  4"  Bote  de  Daniel;  chez  I'ancien  prophete, 
une  de  ces  cornes  devient  une  tete  (vn,  20).  Pour  Daniel,  les  tetes  (les  4  tetes  de  la 
3^  Bete)  etaient  des  royaumes,  pour  Jean  ce  sont  des  souverains  individuels;  les  cornes 
aussi;  mais  comme  I'image  represente  quelque  chose  de  moins  considerable  que  les 
Tetes,  cette  difference  des  symboles  repond  a  une  difference,  au  moins  a  une  nuance, 
dans  la  chose  signifiee  :  les  dix  rois  en  question  ne  sont  figures  que  par  des  cornes, 
non  par  des  tetes,  parce  qu'ils  ne  sont  pas  encore  rois,  —  au  moins  au  point  de  vue 
remain,  —  parce  qu'ils  ont  encore  a  grandir,  comme  la  corne  de  Dan.  vii,  20,  24  pour 
arriver  a  une  souverainete  comparable  a  celle  des  Tetes.  Au  reste,  le  symbolisme 
johannique  est  si  flottant  qu'on  peut  aussi  bien  voir  dans  ces  cornes  des  royaumes  de 
I'avenir  que  des  rois  individuels. 

Ce  que  les  rois-cornes  auront  de  commun  avec  les  Tetes,  c'est  qu'ils  regneront  avec 
la  Bete  (μετά  του  θηρίου),  qui  aura  done  survecu  a  ses  sept  tetes,  et  meme  au  mysterieux 
«  huitieme  »  en  qui  elle  se  sera  pleinement  incarnee,  lequel  ne  peut  representer, 
comme  la  serie  des  sept,  que  la  puissance  imperiale  romaine. 

Les  versets  suivants  vont  montrer  I'attitude  de  ces  cornes  a  I'egard  de  Rome  :  elles 
la  detruiront.  Beaucoup  veulent  que  ce  soit  sous  la  conduite  du  Nero  redux  ou  redivi- 
t'us;  mais  c'est  introduire  dans  I'Apocalypse  une  idee  qui  n'y  est  meme  pas  insinuee 
(V.  Exc.  xxxiv).  Puisque  ces  rois  seront  ennemis  de  Rome,  il  est  tout  a  fait  arbitraire, 
sinon  contradictoire,  d'y  voir  soit  les  generaux  remains  qui  s'eleverent  centre  Neron, 
comme  Galba,  Vindex,  etc.,  soit  des  proconsuls  remains  revoltes,  amenant  par  leurs 
armes  la  dissolution  de  I'Empire. 

La  vieille  interpretation  de  Berengaud,  reprise  par  Bossuet,  al.,  est  toujours  la  plus 
solide,  et,  a  notre  avis,  la  seule  qui  convienne.  Les  dix  rois,  qui  n'ont  pas  de  puis- 
sance dans  I'Empire  a  I'epoque  de  Jean  (βασιλείαν  οΰ'πω  'έλαβον)  sont  les  Barbares  qui 
ruineront  Rome,  —  principalement  ceux  d'Occident,  quoique  Jean  ne  poiisse  pas  la 
precision  jusque-la,  et  puisse  les  avoir  mis  en  rapport  confus  avec  les  Parthes  (v.  com- 
ment, de  xvi,  12-suiv.),  ces  avant-coureurs  des  «  rois  de  la  terre  »  (xvi,  14)  qui  seront 


252  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

μο',•  Τα  ύ'δατα  α  είδες,  oj  ή  ζόρνη  κάθηται,  λαοί  και  όχλοι  είσίν  και  έ'θνη  και  γλώσσαι. 
16.  Και  τα  δέκα  κε'ρατα  α  είδες  *καΊ  το  θηρίον,  *ουτοι  μισήσουσιν  τήν  TCopvYjv,  και 
ήρημο)μένην  ττοιήσουσιν  αυτήν  και  *γυμνήν,  και  τας  <si^y,:f.q  αυτής  φάγονται,  και  αυτήν 
κατακάυσουσιν  εν  πυρί.  17.  Ό  γαρ  θεός  *εδωκεν  ε'ις  τάς  καρδίας  αυτών  ποι^σαι  τήν 
γνωμην  αΰτοΰ  και  *•κθΐησαι  μίαν  γνώμην,  και  δούναι  τήν  βασιλείαν  αυτών  τω  θηρίω, 
άχρι  *τελεσθήσονται  οί  λόγοι  τοΰ  θεού. 

18.   Και  ή  γύνη,  ήν  είδες,  εστίν  *ή  πόλις  *ή  μεγάλη  *ή  έχουσα  βασιλείαν  έπι  τών 
βασιλέο)ν  της  γης. 


en  meme  temps  les  vainqueurs  de  la  Courtisane  [infra,  xvii,  16)  et  les  ennernis  de 
I'Agneau  (xvii,  14;  xix).  Cette  interpretation  ramene  a  un  tout  tres  coherent  les  chapi- 
tres  xvi-xix.  Les  critiques  devraient  I'admettre  sans  peine,  si  leurs  prejuges  n'etaient 
effrayes  par  une  prophetie  si  manifestement  realisee. 

Ces  rois  ne  regneront  qu'  «  une  heure  » ;  expression  a  prendre  en  un  sens  tout  rela- 
tif,  que  nous  expliquerons  dans  I'Exc.  xxxiii. 

— — —  C.  13.  L'unanimite  de  ces  rois  ou  de  ces  royaumes  futurs  apparaitra  dans 
leur  attitude  a  I'egard  du  Christ.  «  Le  voyant  n'entretient  pas  d'illusions ;...  la  Bete 
subsistera,  et  les  pouvoirs  nouveaux  seront  ses  allies  «  (Swete).  Puisqu'ils  «  donnent » 
leur  puissance  a  la  Bete,  ils  ne  I'ont  done  pas  recue  d'elle,  pour  autant  que  la  Bete 
est  I'Empire,  et  ce  ne  sauraient  etre  des  magistrate  ou  generaux  remains. 

^— —  Α..  Β.  14.  ούτοι,  repete  xvii,  16,  est  du  style  de  I'Apocalypse.  —  «  Seigneur 
des  seigneurs  et  Roi  des  rois  »,  cfr.  xix,  16  et  Deut.  x,  7;  Ps.  cxxxvi,  3;  II  Mace. 
XIII,  4.  Paul,  I  Cor.  vni,  5-6  :  «  θεοί  πολλο\  και  κύριοι  πολλοί...  εΤς  Κύριος  Ίησοΰς  ■/ ριστός ;  cfr. 
aussi  I  Tim.  vi,  15  (v.  infra). 

C.  14.  Les  Rois-cornes,  comme  les  Tetes  qui  les  ont  precedes,  oseront  done  faire 
la  guerre  a  I'Agneau;  Tissue  de  cette  lutte  a  ete  representee  symboliquement,  xvi,  14 
et  XVI,  16,  par  leur  concentration  a  «  Harmagedon  »,  le  lieu  du  desastre;  elle  sera 
decrite  xix,  11-suiv.  L'Agneau  vaincra  les  coalitions  de  I'avenir  aussi  siirement  qu'il 
aura  surmonte  la  resistance  de  lapresente  Babylone.  «  .Geux  qui  sont  avec  lui,  appeles, 
et  elus,  et  fideles  »,  participeront  a  son  triomphe,  spirituel  et  exterieur;  ce  sera 
Taccomplissement  de  la  promesse  des  Lettres,  ii,  26-27,  et  voila  pourquoi  tout  vrai  et 
sincere  chretien  est  appele  dans  les  premiers  chapitres .  ό  νικών,  le  vainqueur.  — 
L'expression  ό  βασιλεύς  των  βασιλέων  qui,  dans  II  Tim.  [supra)  designe  le  Fere,  a  ete  par 
Jean  transportee  au  Fils,  egal  du  Fere  (Int.  c.  ii). 

■  A.  B.  15.  λέγει,  present  narratif;  εΤπεν  dans  A,  boh.,  I'ulg.,  Prim.  —  λαοί  /τλ, 
quatre  synonyraes,  de  meme  que  vii,  9  (Int.  c.  x,  §  III).  —  Les  «  eaux  »,  image  des 
peuples,  cfr.  Is.  viii,  7;  Jer.  xlvii,  2. 

C.  15.  Malgre  beaucoup  de  critiques,  ce  verset  ne  rompt  pas  le  fil  du  discours;  il 
pent  en  realite,  observe  Swete,  former  le  lien  entre  14  et  16.  Le  grand  danger  de  Rome, 
c'etait  cette  multitude  de  peuples,  qu'elle  dominait  de  fagon  directe  ou  indirecte,  par 
son  administration,  ses  arraes  ou  son  prestige,  et  d'oii  les  Dix  Rois  devaient  un  jour 
sortir. 

— —  A.  16.  Κα\  τό  θηρίον  est  la  logon  a  peu  pres  universelle;  cependant  on  lit  έπϊ  χό 
θηρίον,  certainement  a  rejeter,  dans  Av63-160-2066,  syr.,  arm.  La  Vulgate  est  partagee  : 
am.,  fuld.,  demid.,  tol.,  lips.^  lisent  «  et  bestiam  (-a)  »,  non  «  in  beslia  ».  En  realite, 
θηρίον  est  un  nominatif,  sujet  partiel  de  μισήσουσιν.  Les  scribes  qui  ont  change  καί  en  ir.(, 
par  assimilation  a  ce  qui  precede,  n'ont  pas  compris  le  vrai  sens,  dont  I'importance 
est  cependant  capitale.  Tous  les  critiques  maintiennent  καί.  —  Remarquer  le  masculin 
ούτοι.  —  ήρημωμένην  convient  mieux  a  un  lieu,  γυΐΑνήν  ne  peut  se  dire  que  d'une  personne ; 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  253 

Seigneurs  et  Roi  des  Rois,  —  ainsi  que  ceux  qui  sont  avec  liii,  appeles,  et 
61us,  etfideles.  15.  Et  il  me  dit  :  «  Les  eaux  que  tu  as  \'ues,  ou  la  Prostituee 
siege,  sont  des  peuples  et  des  foules  et  des  nations  et  des  langues.  16.  Et 
les  dix  Gornes  que  tu  as  vues,  ainsi  que  la  B6te,  ceux-lci  hairont  la  Pros- 
tituee, et  ils  la  rendront  devastee  et  nue,  et  lis  mangeront  ses  chairs,  et  ils 
la  consumeront  par  le  feu.  17.  Gar  Dieii  a  mis  (Jitt.  donne)  dans  leurs  coeurs 
d'executer  sa  resolution,  et  d'executer  une  [m6me]  resolution,  et  de  donner 
leur  royaute  k  la  Bete,  jusqu'a  ce  que  soient  accomplies  les  paroles  de  Dieu. 
18.  Et  la  Femme  que  tu  as  vue,  c'est  la  ville,  la  grande  [Ville],  celle  qui  a 
royaute  sur  les  rois  de  la  terre  !  » 

flottement  admissible  dans  les  allegories  (mais  caracteristique  surtout  du  symbolisrae 
de  Jean,  qui  est  rarement  tout  a  fait  consistant),  entre  I'image,  une  Femme,  et  la  rea- 
lite,  une  ville;  cfr,  xiv,  20,  comment.  (Int.  c.  vi).  —  έν  omis  devant  πυρί  ,χ,  Q,  Ρ,  O'**- 
121-250  et  d'autres  mss.  d'QEcumenius,  g,  vulg.  —  Comparer  ces  menaces,  pour 
I'expression,  avec  Osie  ii,  3;  Ezech.  xxni,  29;  cfr.  Apoc.  xviii,  8,  18. 

C.  16.  Ces  versets  ne  sont  pas,  comme  le  pretendent  certains  commentateurs,  «  une 
serie  de  gloses  incoherentes  ».  Quand  meme  il  y  aurait  concordance  'avec  une  prevision 
du  Talmud  que  Rome  perira  par  la  main  des  Parthes  (v.  Weber,  p.  349),  ou  avec  la 
crainte  repandue  de  I'invasion  devastatrice  du  «  Nero  redux  »  (Exc.  xxxiv),  ces  idees 
etrangeres  n'ont  pu  fournir  qu'une  occasion  a  la  prophetic  johannique;  la  Bete  n'est  pas 
seulement  Neron,  et  les  rois  ne  sont  pas  seulement  ceux  d'au-dela  de  I'Euphrate.  Ils 
sont  representes  a  la  fois  comme  des  incendiaires  et  des  animaux  carnassiers;  leurs 
ravages  sont  le  «  tremblement  de  terre  »  de  xvi,  18-19,  et  la  «  grole  »  de  xvi,  20  (v.  ad 
loc.)  Cast  une  prophetic  qui  s'est  realisee  en  substance  par  la  chute  de  I'Empire  sous 
les  coups  des  Barbares;  les  critiques  «  independants  »  ne  peuvent  naturellement 
chercher  si  loin.  Jean,  I'inspire,  ne  borne  pas  sa  vue  aux  peripeties  politiques  qui 
devaient  suivre  la  mort  prevue  de  Domitien  [Swete). 

•  A.  C.  17.  εδωκεν  hebraisant  =  "rnJ,  cfr.  iii,  9,  etc.  Int.  c.  x,  §  II.  —  χα\  π.  μ. 
γνώαην,  omis  A,  al.,  g,  vulg.  —  τελεσθώσιν,  rec.  K.  —  C'est  un  decret  permissif  de  Dieu, 
qui  usera  de  ces  suppots  de  la  Bote  pour  punir  Rome,  et  eprouver  son  Eglise.  Le 
meme  esprit  de  domination  brutale  dont  la  Bete  animait  les  empereurs  romains  se 
retournera  centre  eux,  et  c'est  pour  cela  que  la  Bete  elle-meme,  I'ambition  de  I'Ante- 
christ,  poussera  les  peuples  a  detruire  Rome ;  mais  ensuite  la  m^me  Bete  continuera 
a  s^vir,  par  eux,  centre  les  disciples  du  Christ,  par  les  Sassanides,  les  hereliques 
ariens,  tons  les  despotes  de  I'histoire. 

— -^  A.  G.  18.  L'article  est  triple,  non  sans  emphase.  II  faut  voir  dans  ce  verset 
un  sarcasme  d'un  effet  puissant  :  «  Oui,  cette  ville  dont  je  t'ai  montre  le  sort  miserable, 
c'est  pourtant  elle  qui  se  croit,  dans  sa  puissance  presente,  la  dominatrice  eternelle  de 
la  terre !  » 

EXC.  XXXIII.  LE  CALCUL  DES  TETES  ET  DES  CORNES.  CARACTERE  PROPHETIQUE 

DU  CH.  XVII. 

L'unanimite  morale  est  aujourd'hui  acquise  sur  un  point  d'interpretation  :  la 
Bete,  dans  notre  chapitre,  est  ['Empire  romain,  —  bien  qu'elle  ne  soit  pas  que 
cela,  autrement  elle  n'eut  pas  ete  distinguee  de  la  Courtisane,  —  et  ses  Tetes 
sont  des  empereurs  romains.  Quoiqu'elle  ait  pris  des  traits  d'une  de  ses  tetes,  de 


254  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

Tempereur  qui  Tavait  deja  superieurement  representee,  Neron,  et  qu'il  y  ait  un 
va-et-vient  d'attributs  analogiqaes  entre  la  Bete  et  I'Empereur  (Int.  c.  vi),  nulle 
part  cependant,  meme  xvii,  8,  elle  ne  s'identifie  purement  et  simplement  a  ce 
seul  empereur  (contre  Boussety  al.) 

II  n'y  a  done  guere  plus  lieu  de  citer  que  pour  memoire  les  opinions  des  anciens. 
Irenee,  croyant  trouver  une  cle  dans  Dan.  VII,  20,  reporte  le  tout  a  la  fin  des 
temps,  et  identifie  les  10  cornes  avec  les  7  tetes,  celles-ci  n'etant  que  le  meme 
groupe  diminue  de  3  par  les  armes  de  I'Anteclirist  (juif,  de  la  tribu  de  Dan)  qui 
sassociera  comme  huilieme,  pour  gouverner  I'Empire  romain,  avec  les  7  rois 
restants.  Cctte  opinion  est  encore  donnee  comme  probable  par  Bede  et  d'autres 
au  Moyen  Age.  —  Primasins  spiritualise,  mais  fait  toujours  de  I'Anteclirist  un 
roi  des  Juifs.  —  Pour  Hippolyte,  la  Deuxi^me  Bete,  qui  est  FAnteclirist,  guerira 
la  Premiere,  c'est-a-dire  retablira  Tunite  de  I'Empire  romain  qu'elle  trouvera 
divise  en  dix  Royaumes  par  les  dix  conies  (cfr.  Lactance).  Le  meme  saint  Hip- 
polyte entendait  par  les  Tetes  des  «  ages  du  monde  »,  les  sept  millenaires,  Jean 
vivant  au  cours  du  sixieme.  Andre  voit  pareillement  dans  les  7  tetes  sept  empires 
universels,  depuis  les  Assyriens,  le  septieme  pouvant  etre  celui  de  Constantinople, 
ou  bien  celui  de  I'Antechrist,  qui,  ne  durant  que  42  mois,  sera  beaucoup  plus 
court  (ολίγον)  que  les  autres.  Joachim  etendit  la  prophetie  aux  conditions  precises 
de  son  epoque.  Les  sept  Tetes  sont  sept  empires  paiens,  heretiques  ou  mauvais 
Chretiens,  etlui  vit  sous  le  sixieme,  Babylone,  le  Saint-Empire  degenere;  la  Bete 
est  le  Diable.  —  Ge  genre  d'interpretations,  depuis  Hippolyte,  tient  au  moins 
compte  du  caractere  successif  des  Tetes,  ce  qui  est  un  trait  essentiel ;  mais  pour 
expliquer  «  les  cinq  qui  sont  tombees  »,  les  uns,  recourant  a  Daniel,  sont  obli- 
ges de  faire  une  identification  impossible  entre  les  Tetes  et  les  Cornes,  quitte  a 
donner  aux  Tetes  deux  significations  heterogenes;  et  ceux-la  m^mes  qui  evitent 
cette  confusion  supposent  toujours  que  saint  Jean  n'a  porte  sa  vue  que  jusqu'a 
leur  epoque,  qui  serait  proche  de  I'Antechrist  et  de  la  consommation.  Nicolas  de 
Lyre  a  reconnu  que  les  chap,  xvii-xviii  sont  I'explication  de  la  7*^  plaie  des  coupes, 
mais  il  rapporte  celle-ci  aux  croisades,  Babylone  devant  etre  I'lslam  (de  meme 
Henten,  pour  la  Bete  de  xiii).  Le  lecteur  trouvera  bon  que  je  lui  fasse  grace  des 
divagations  dont  les  ecoles  vite  degenerees  de  Joachim  et  de  Nicolas,  ainsi  que 
les  premiers  protestants,  ont  ensuite  rempli  I'exegese. 

Tyconius  avait  ouvert  une  voie  plus  large  et  plus  rationnelle  a  I'interpretation. 
L'Antechrist  est  tout  I'ensemble  des  forces  hostiles  a  la  religion,  et,  apres  avoir 
produit  les  Dix  Cornes  et  les  sept  Tetes,  qui  representent  tous  les  rois  et  les 
royaumes  ennemis  du  Christ,  il  va  s'incarner  dans  un  souverain  pire  que  ses  pre- 
decesseurs;  le  «  huitieme  »  n'est  autre  que  le  sacerdoce  mondain.  Saint  Augustin 
voit  dans  la  Bete  toute  la  cite  du  Diable,  y  compris  les  mauvais  Chretiens  [Civ. 
Dei,  XX,  9),  et  il  se  demande  [ibid,  xx,  23)  si  les  Dix  cornes  ne  signifient  pas 
«  tous  les  rois  »  qui  doivent  preceder  I'avenement  de  TAntechrist,  et  son  regne 
de  trois  ans  et  demi.  Rien  de  plus  juste,  abstraction  faite  du  litteralisme  des 
42  mois  de  I'Antechrist ;  mais  cette  interpretation,  quoique  parfaitement  conforme 
au  sens  foncier  de  I'Apocalypse,  et  a  la  signification  la  plus  etendue  de  la  Bete, 
neglige  les  rapports  evidents  ou  la  Bete  se  trouve  en  ce  chapitre  avec  I'Empire 
romain  et  les  empereurs  du  i*""  siecle.  Beaucoup  d'auteurs  catholiques  se  sont 
tenus  dans  cette  ligne  jusqu'a  nos  jours  [Gallois,  Belser,  Eyzagiiirre,  Sales,  etc.). 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  255 

parfois  avec  des  precisions  plus  ou  moins  arbitraires.  —  Ceux  du  Moyen  Age 
ont  ete  aussi,  en  general,  portes  a  s'attacher  au  sens  universel,  qui  est  juste, 
mais  qui  n'est  pas  le  seul,  et  ne  rend  pas  compte  des  precisions  du  verset  10; 
pour  Bede,  la  Bete  est  le  Diable  ou  le  «  corpus  Diaboli  »,  forme  des  impies  (cfr. 
Tyc,  Aug.)\  les  «  Tetes  »  sont  les  ages  du  monde,  le  «  huitieme  »  est  I'Ante- 
christ;  les  «  Dix  cornes  »  sont  des  rois  futurs  indetermines,  a  moins  d'etre  inter- 
pretees  d'apres  Daniel  (cfr.  Hipp,).  Berengaud  considere  au  contraire  I'Antechrist 
comme  le  «  septieme  »,  et  les  sept  Tetes  representent  tous  les  rois  reprouves, 
aboutissant  a  lui;  les  10  cornes  sont  les  Barbares  qui  ont  ruine  Rome.  Hai/mon, 
Ungues,  Albert,  al.,  voient  dans  les  7  et  les  10  I'universalite  desroyaumes  impies 
dans  tous  les  temps,  et  la  Courtisane  est  «  malorum  collectio  ».  Albert  :  la  Bete 
est,  soil  I'Antechrist  («  fuit  et  non  est  :  magnificabitur,  sed  cito  deprimetur  », 
comme  si  Jean  s'etait  transporte  par  la  pensee  au  temps  de  I'Avenement  du  Christ, 
et  le  παρεσται  reste  ainsi  sans  explication  concordante),  soit  le  Diable,  enchaine  pour 
I'instant  depuis  I'lncarnation  («  non  est  »).  Id.  Hugues  de  saint  Cher,  pour  qui  la 
Bete  est  le  Diable,  dont  les  Tetes  sont  les  peches  capitaux.  Mais  ces  grands 
auteurs  medievaux  restent  encore  fideles  a  la  theorie  des  sept  Ages  du  monde ;  le 
systeme  futur  sera  celui  de  I'Antechrist,  ou  du  Diable,  qui  est  dit  encore 
«  huitieme  »,  non  a  cause  d'une  succession  chronologique,  mais  a  cause  du  sens 
symbolique  de  I'octave,  parce  que  «  universitatem  malorum  transcendit  in  mali- 
tia  )).  Alors  ils  sont  obliges  de  faire  du  «  sixieme  »  («  unus  est  »)  I'epoque  pre- 
sente,  «  status  gratiae  in  Christo  »  [Albert,  Hugues),  sans  etre  arretes  par  I'etran- 
gete  qu'il  y  aurait  de  la  part  de  Jean  a  faire  representer  I'age  de  la  Redemption 
par  une  tete  de  la  Bete!  Albert  ajoute  que  les  Dix  cornes  sont  les  rois  qui  parta- 
geront  I'Empire  romain  sous  TAntechrist.  Mentionnons  pour  en  finir  I'interpre- 
tation  spirituelle  des  «  cinq  qui  sont  tombes  »  par  le  regne  des  «  cinq  sens  »  qui 
ont  gouverne  le  monde  avant  I'age  adulte  et  rationnel  de  la  venue  du  Christ 
[W.  Strabon,  Haymon,  Hugues,  al.). 

En  faisant  la  part  qui  est  due  au  sens  universel,  si  bien  mis  en  valeur  par 
I'exegese  augustinienne  et  medievale,  il•  faut  cependant  maintenir  fermement  le 
rapport  de  ce  chapitre  avec  I'Empire  romain  historique,  tel  qu'il  evoluait  sous 
les  yeux  du  Prophete ;  ni  le  nom  de  Babylone,  ni  les  «  7  montagnes  »,  (qu'il  ne 
sulTit  pas  d'interpreter  moralement,  comme  une  allegorie  de  I'orgueil),  ni  surtout 
le  verset  10,  ne  permettent  de  restreindre  le  sens  premier  a  des  generalites.  Or 
deja  Victorin  de  Pettau,  suivant  sans  doute  une  tradition,  obscurcie  chez  d'au- 
tres  par  Daniel  ou  I'allegorisme  spirituel,  avait  saisi  un  rapport  tres  net  de  notrc 
prophetie  a  Thistoire  du  i*^""  siecle.  La  «  tete  blessee  »  de  xiii  etait  Neron  suicide, 
Icquel  devait,  aux  jours  de  la  consommation,  reparaitre  comme  Antechrist  et 
Messie  juif;  les  7  tetes  figuraient  les  empereurs  de  Galba  a  Nerva  (V.  Exc. 
suivant).  Bibliander  (1549)  et  Mariana  (1619-1624)  sont  les  premiers  modernes 
qui  ont  ramene  I'exegese  dans  cette  voie;  I'un  compte  les  tetes  comme  Victorin, 
le  second  depuis  Caligula,  persecuteur  des  Juifs,  en  negligeant  les  trois  noms  de 
rinterregnc. 

Depuis  lors,  les  commentateurs,  a  part  ceux  qui  ont  applique  tres  bizarrement 
le  chapitre  a  la  Synagogue  [Abauzit,  Ziillig,  al.),  et  ceux  qui  ne  decouvrent 
qu'un  sens  typique  universel  (v.  supra),  ont  bien  reconnu  qu'il  s'agissait  de  Rome 
et  d'evenemenls  de  I'histoire  romaine;  non  pas  d'une  Rome  future  [Ribeira   al. 


256  APOCALYPSE    DE    SAIXT   JEA\. 

cfr.  Irenee  et  Hippolyte,  qui  pensaient  au  sort  eschatologique  de  TEmpire),  mais 
de  cette  Rome  paienne  qui  tenait  Jean  exile  a  Patmos.  Ainsi  Alcazar,  qui  ne 
cherche  pourtant  dans  les  traits  particuliers  qu'un  allegorisme  moral.  Mais  en 
general,  on  a  reconnu  dans  les  Tetes  des  empereurs  determines.  Bossuet,  croyant 
que  la  prophetie  se  rapportait  a  la  defaite  de  Maxence  par  Constantin  (ούχ  Ιστιν, 
resurrection  de  I'Eglise,  rapprochee  de  celle  des  Temoins,  ch.  xi),  a  cherche  les 
sept  empereurs  a  Tepoque  de  la  derniere  persecution  (les  cinq  :  Dioclotien, 
Maximien,  Constance  Chlore,  Galere,  Maxence;  —  celui  qui  est  :  Maxiinin 
Daia; —  le  septieme  :  Licinius,  qui  voulut  reveiller  la  persecution;  — le  huitieme 
qui  est  des  sept  :  Maximien^  qui  revint  sur  son  abdication).  Calmet  le  suit,  mais 
substitue  Julien  I'Apostat  a  Maximien  Hercule.  Celte  exegese  est  contraire  au 
texte,  car  on  ne  peut  meconnaitre  que  le  Prophete  a  parle  d'hommes  et  d'evene- 
ments  de  son  opoque  (oi  πέντε  έπεσαν,  δ  εΤς  εστίν).  Aussi  des  protestants  et  des 
catlioliques  de  la  meme  ecole  s'en  sont  tenus  a  des  personnalites  du  i*""  siecle. 
Grotius  compte  de  Claude  a  Titus,  le  sixieme  etant  Vespasien,  qui  guerit  la 
blessure  faite  a  I'Empire  par  la  mort  de  Neron,  et  le  «  huitieme  »  Domitien,  le 
«  Nero  calvus  »  (quoiqu'il  rapporte  le  nombre  666  a  Trajan,  Οίίλπιος).  Herve 
compte  de  Galba  a.  Domitien,  «  Nero  redux  » ;  Aubert  de  Verse  considere 
Caligula  comme  la  «  tete  blessee  » . 

La  difficulte  du  calcul  est  double  :  il  faudrait  savoir  a  quel  nom  Jean  commence 
la  serie,  et  s'il  y  comprend  ou  non  les  trois  empereurs  de  Tlnterregne,  Galba, 
Oihon,  Vitellius,  qu'il  pouvait  facilement  omettre,  car  ils  regnerent  peu  de 
temps,  et  n'eurent  pas  d'autorite  universelle  dans  les  provinces.  Les  auteurs  sont 
loin  d'etre  d'accord  la-dessus.  Ainsi  Ton  peut  partir  de  Jules  Cesar,  et  compter 
Auguste,  Tibere,  Caligula,  Claude,  Neron,  Galba  {Aubert  de  Verse,  Renan, 
Holtzmann  pour  la  «  source  »,  Joh.  Weiss  pour  Q,  Bruston,  Calmes)  ou 
Vespasien  [Joh.  Weiss  pour  Γ  «  Editeur  »,  al.) ;  le  sixieme  «  qui  est  »,  c'est  alors 
Neron,  quoique  I'auteur  ecrive  sous  son  successeur,  parce  que  Neron  n'est  pas 
mort  et  doit  reparaitre  comme  «  huitieme  »  [Calmes,  apres  d'autres).  —  Une 
autre  theorie  part,  non  de  Cesar,  mais  d'Auguste;  alors  le  sixieme,  sous  lequel 
la  prophetie  a  bien  reellement  ete  redigee,  c'est  Vespasien  (sans  I'lnterregne),  et 
le  7^5  qui  doit  peu  regner,  c'est  Titus,  dont  la  fin  prematuree  est  prevue;  le  «  hui- 
tieme »,  c'est  le  «Nero  redux  »  ou  bien  Dojnitien,  reeditionde  Neron  [Holtzmann, 
pour  le  redacteur  tardif,  Bousset,  pour  une  source  juive,  qui  comprendrait  1-7 ; 
9-11;  15-18,  cWeie,  al.). 

II  faut  pourtant  se  fixer,  car  Jean  avait  certainement  en  vue  quelque  chose  de 
determine.  Procedons  par  ordre,  et  cherchons  a  etablir  :  A)  la  signification  des 
7  tetes;  B)  celle  des  10  comes;  C)  celle  du  «  huitieme  »,  ce  qui  est  le  point  le 
plus  difficile. 

A.  Les  Sept  Tetes-Empereurs.  —  Nous  maintenons  avant  tout  que,  si  les  Tetes 
doivent  etre  des  individus,  la  Bete  reste  toujours  une  collectivite ;  les  versets  8 
et  11,  separes  du  contexte,  pourraient  la  reduire  a  ne  plus  signifier  qu'une 
personne;  tel  serait,  d'apres  Joh.  Weiss,  le  sens  voulu  par  Γ  «  Editeur  »,  pour 
harmoniser  xvii  avec  xiii,  18;  mais,  en  realite,  cette  identification  partielle  et 
symholique  de  deux  symboles  connexes  ne  signifie  pas  autre  chose  que  I'unite 
de  caractere  moral  d'un  individu  et  de  I'ensemble  (voir  comment,  de  xiii,  18 ; 
Int.,  c.  vi).  Car  si  Ton  examine  le  tout  en  function  des  versets  9-10,  on  voittout 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  257 

de  suite  que  la  Bete  est  toujours  la,  presente  et  vivante,  puisqu'une  de  ses  Tetes 
vit  (δ  εΤς  Ισ-ιν) ;  son  caractere  moral,  sa  «  bestialito  »  a  subi  seulement  une  eclipse 
temporaire,  elle  ne  parait  plus  ouvertement  en  tant  que  Bete,  elle  sommeille, 
ουκ  έ'στιν;  c'est  faire  violence  au  texte,  et  preter  a  I'auteur  une  maladresse  ou 
une  superclierie,  que  de  supposer  qu'il  ecrivait  sous  le  septieme,  qu'il  dit  n'etre 
pas  encore  venu. 

Mais,  cela  etant,  sommes-nous  d'abord  obliges  de  croire  que  saint  Jean  s'est 
preoccupe  de  compter  exactement  le  nombre  des  empereurs  passes  avant  celui 
qui  regno  actuellement?  Bousset  declare  :  «  S'il  a  donne  sept  Tetes  a  sa  Bete, 
ce  n'est  pas  parce  quil  connaissait  precisement  sept  empereurs  romains;  mais  il 
a  en  tout  cas  applique  a  sept  empereurs  romains  —  et  cela  probablement  d'une 
maniere  tres  artificielle  —  I'image  a  lui  transmise  par  tradition  de  la  Bete  a  sept 
tetes  »  [Offenb.,  p.  359).  Nous  faisons  nos  reserves  sur  I'epithete  d'  «  artificielle  » 
[infra);  mais  nous  croyons  comme  Bousset,  dussions-nous  aller  centre  les  appa- 
rences  et  I'opinion  de  la  grande  majorite  des  exegetes  modernes,  que  ce  qui  etait 
essentiel  pour  Jean  dans  le  chiffre  7  des  Tetes,  e'en  etait  la  valeur  symholique. 

Comme  le  chiiTre  10  des  cornes,  c'est  un  nombre  rond,  mais  bien  plus  usite, 
j'allais  dire  bien  plus  necessaire,  dans  des  visions  ovi  les  septenaires  abondent. 
Nous  ne  manquons  pas,  dans  la  litterature  apocalyptique,  d'analogies  qui  mon- 
trent  que  les  scliemas  de  7,  —  ailleurs  de  12,  —  s'imposaient  pour  ainsi  dire  dans 
ce  genre  de  visions  relatives  a  Thistoire.  Lisons,  par  exemple,  le  III^  Sibyllin^ 
vers  192-suiv.,  318,  608-suiv.  Ecrivant  sous  Ptolemee  VI  Pliilometor  ou  sous 
Ptolemee  VII  Physeon  (I'ombre  de  regne  de  Ptolemee  Eupator,  qu'on  nomme 
parfois  Ptolemee  VII,  pour  designer  Pliyscon  comme  Ptolemee  VlII,  ne  compte 
pas),  I'auteur  de  la  principale  partie  du  livre  predit  au  spectacle  des  invasions 
syriennes  que  I'Egypte  est  sur  le  point  de  perir,  et  que  le  peuple  de  Dieu  va 
regner.  Cela  arrive  sous  le  septieme  roi  de  la  race  des  Grecs;  le  poete  a  ete,  sans 
aucundoute,  confirme  dans  cet  espoir  parce  que  ce  roi,  etaiil  le  septieme,  devait 
etre  le  dernier  d'une  race  peclieresse.  On  discute  d'ailleurs  pour  savoir  si 
I'oracle  date  de  Ptolemee  VI  ou  de  Ptolemee  VII.  En  tout  cas,  c'est  laun  signe 
que  le  chiffre  7  s'imposait  en  de  telles  visions  comme  le  dernier,  pourvu  que 
I'histoire  fournit  quelque  pretexte  d'y  voir  la  fin  d'une  serie  :  ce  qui  a  atteint  a 
sept  est  complet,  epuise.  De  meme,  dans  la  septieme  vision  de  IV Esd.  (xiv,  11- 
12),  le  siecle  present  est  divise  en  douze  parties  et  I'auteur  croit  ap.procher  de  la 
fm,  car  il  juge  que  dix  et  demie  (neuf  et  demie,  d'apres  certains  temoins)  sont 
deja  ecoulees.  Que  le  schema  fut  de  sept  ou  de  douze,  le  Voyant  se  jugeait 
toujours  proche  de  la  derniere  partie,  et  ne  supposait  pas  que  la  serie  put  se 
prolonger  au  dela  du  nombre  fatidique. 

D'apres  I'analogie  de  ces  exemples,  nouspourrions  presumer  que  les  habitudes 
apocalyptiques  ont  impose,  pour  ainsi  dire,  ce  chiffre  sept  a  I'auteur  inspire  de 
I'Apocalypse.  Chez  lui,  en  effet,  tout  a  Fair  d'un  pur  schema,  ou  apparait  peu  le 
souci  de  faire  des  adaptations  detaillees  a  I'histoire.  Comparons,  par  exemple, 
nos  versets  de  XVII,  je  ne  dis  pas  seulement  aux  propheties  historiques  minu- 
ticusas  de  Daniel,  mais  a  la  «  Vision  de  I'Aigle  »  de  IV  Esd.  xi,  relative  aussi  a 
une  serie  d'empereurs  romains.  Chez  Jean,  c'est  le  nombre  symbolique  ordinaire 
sept;  chez  le  Pseudo-Esdras,  ou  los  rapports  des  tetes,  des  ailes,  des  ailerons 
de  I'Aigle  sont  evidemment  caiques  sur  le  detail  des  evencments  historiques    ce 

APOCALYPSE   DE    SAINT  JEAN.  17 


258  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

sont  des  nombres  compliques,  sans  symbolisme  bien  defini  en  eux-memes.  La 
difierence  du  traitement  peut  repondre  a  une  difference  notable  d'intention. 
L'auleur  inspire  peut  parfaitement  avoir  clioisi  sept,  rien  que  pour  signifier  que 
le  regne  de  la  Bete  aura  son  cours  complet,  normal. 

Cependant  cette  explication,  qui  est  si  commode,  ne  saurail  passer  pour 
suffisante  et  totale;  le  contexte  montre  que  Jean  avait  porte  son  attention  sur 
I'ordre  reel  des  Tetes,  et  le  caractere  individuel  de  Tune  ou  de  I'autre.  Le  schema 
consacre  a  done  ete  adapte  parlui  a  Thistoire:  —  au  moius  approximativement, 
car  il  nest  pas  necessaire  d'etablir  un  tel  accord  de  details  entre  les  realites  de 
I'histoire  et  les  figures  dune  prophetie  allegorique;  I'inspiration  s'attache  d'or- 
dinaire  a  reveler  I'avenir  par  de  grandes  images  qui  devoilent  la  nature,  I'esprit 
des  evenements,  plutut  que  leurs  formes  accidentelles  de  realisation.  Voici  done 
les  conclusions  auxquelles  nous  croyons  devoir  nous  arreter  : 

a)  Cette  prophetie,  comme  les  autres  du  livre,  a  ete  redigee  sous  Domitien, 
conformement  a  la  date  traditionnelle  de  lexil  a  Patmos.  C'est  done  cet  empe- 
reur,  et  non  Vespasien,  qui  est  le  sixieme;  car  il  faut  prendre  δ  εΤς  εστίν  a  la 
lettre.  Admettre  avec  Swete,  pourtant  si  respectueux  de  I'inspiration  et  de  la 
date  traditionnelle,  que  lauleur  a  transporte  ici  son  point  de  vue  sous  Vespasien, 
par  une  fiction  retrospective,  ou  bien  qu'il  aurait  eu  cette  vision  avant  d'etre  a 
Patmos,  c'est  introduire  dans  Γ  Apocalypse  un  element  de  desordre,  un  change- 
ment  de  perspective  que  rien  ne  pouvait  faire  soupgonner  aux  lecteurs,  et  qui 
eut  ete  aussi  embarrassant  pour  les  Sept  Eglises  que  pour  nous.  —  Le  septieme 
n'est  done  pas  Titus  dont  Jean  eut  pressenti  la  fin  prematuroe  comme  resultat 
des  embuches  peu  fraternelles  de  Domitien,  prince  au  caractere  deja  connu;  ce 
sera  un  empereur  quelconque,  un  numero  qui  complete  le  septenaire,  et  il 
«  durera  peu  »,  soit  quil  ne  faille  voir  dans  ce  trait  qu'un  lieu  commun  apoca- 
lyptique  (cfr.  [χίαν  ωραν  des  Cornes,  xvii,  12,  v.  infra]^  soit  que  I'auteur  insinue 
par  la  que  I'arrivee  redoutable  du  «  huitieme  »  est  assez  prochaine. 

b)  Parmi  les  cinq  Tetes  disparues  doit  se  trouver  celui  qui  reapparaitra 
comme  «  huitieme  »,  et  qui,  dans  un  sens,  «  est  des  sept  ».  Ce  ne  peut  etre  en 
effet  le  septieme,  qui  doit  se  distinguer  de  son  successeur;  ni  le  sixieme,  car 
celui-ci  «  est  «,  tandis  que  le  huitieme  s'identifiera  d'une  fagon  toute  particuliere 
avec  la  Bete,  qui  «  n'est  plus  ».  Rien  de  plus  naturel,  etant  donne  Timportance 
quil  a  dans  la  prophetie,  que  de  I'identifier  avec  la  Tέte  qui  joue  le  principal 
role,  et  qui  passe  a  la  Bete  de  ses  attributs  symboliques,  blessure  mortelle, 
disparition,  reviviscence.  Serait-ce,  comme  plusieurs  le  veulent,  Jules  Cesar, 
dont  la  dictature,  detruite  par  I'assassinat,  fut  plus  que  restauree  par  I'empire 
dAuo'uste?  ou,  selon  d'autres,  Caligula,  apres  le  meurtre  duquel  le  Senat  pensa 
a  retablir  le  regime  republicain?  [Suet.  Caligula,  lx;  Claude,  x).  Mais  il  faudrait 
supposer  que  le  prophete  de  Patmos  s'occupait  de  politique  plus  qu'il  ne  I'a  fait. 
La  mort  de  Cesar  etait  bien  ancienne,  et  bientrop  etrangere  aux  destinees  du 
christianisme,  pour  qu'un  prophete  d'Asie-Mineure,  vivant  plus  d'un  siecle 
apres,  lui  attachat  tant  d'importance;  pourquoi  pas  aussi  bien  Pompee,  I'ennemi 
des  Juifs,  le  Dragon  des  Psaumes  de  Salomon?  De  meme  les  Asiatiques  ni  les 
Juifs  n'avaient  pas  du  faire  une  telle  place  dans  leurs  souvenirs  a  I'inconsistante 
velleite  republicaine  du  Senat,  entre  Caligula  et  Claude.  Ne  perdons  pas  de 
vue  ce  fait  que  la  blessure,  etc.,  doit  avoir  un  sens  en  rapport  avec  le  symbolisme 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  259 

general  de  la  Bete,  I'Antechrist  persecuteur,  et  avec  les  grandes  lignes  de  la 
Revelation.  Nous  croyons  done,  avec  la  plupart  des  modernes,  que  I'allusion 
historique  porte  sur  Neron.  Son  renom  de  cruaute,  la  persecution  de  64,  les  faux 
Neron  qui  surgirent  en  Orient,  la  grande  place  que  tient  dans  les  Apocryphes 
la  legende  du  «  Nero  redux  »,  enfin  I'interpretation  la  plus  plausible  du  chiffre 
666,  et  I'exegese,  aussi  ancienne  au  moins  que  Victorin,  qui  identifie  Neron  et  la 
Bete,  tout  cela  met  pour  nous  hors  de  doute  que  le  plus  mauvais  des  empereurs 
a  servi  de  type  dans  nos  chapitres  xiii  et  xvii ;  nous  disons  seulement  «  detype  »  ; 
comment  il  sera  le  «  huitieme  »,  nous  le  verrons  au  prochain  Excursus. 

Done,  la  set'ie  des  sept  doit  comprendre  Neron  parmi  ses  cinq  premiers 
membres;  il  est  par  suite  impossible  de  la  faire  commencer  seulement  a  Galba, 
son  successeur  (centre  les  auteurs  susnommes).  lis  out  pourtant  raison  en  un 
point,  c'est  de  ne  vouloir  remonter  ni  a  Cesar,  ni  a  Auguste. 

c)  Cesar  et  Auguste,  en  effet,  importaient  peu  a  notre  prophete,  qui  n'entendait 
pas  symboliser  Thistoire  politique  de  Fempire,  mais  seulement  ses  rapports 
hostiles  avec  les  chretiens  ;  car  c'est  par  ce  caractere  antireligieux  que  la  puis- 
sance romaine  etait  devenue  I'Antechrist,  la  Bete  munie  des  pouvoirs  de  Satan, 
et  commengant  a  exercer  sa  tyrannic  de  42  mois  (xiii,  2,  5.)  Le  plus  naturel  est 
done  de  placer  I'apparition  de  la  Bete  au  temps  de  I'empereur  sous  lequel  Rome 
est  devenue  I'ennemie  declaree  du  Christ,  c'est-a-dire  sous  Neron  encore,  qu'il 
faut  preferer  sous  cet  aspect  a  Caligula,  lequel  n'a  fait  que  menacer  les  Juifs, 
et  a  Claude,  qui  a  seulement  expulse  de  Rome  Juifs  et  chretiens.  On  pent  tres 
bien  negliger  Fun  ou  I'autre  des  empereurs  de  I'lnterregne,  d'autant  plus  que  ni 
Othon  ni  Vitellius  ne  furent  reconnus  dans  toutes  les  provinces.  Ainsi  nous 
aurions  la  serie  : 

1  Neron,  2  Galba,  3    Othon  ou    Vitellius,  4  Vespasien,  5  Titus,  6  Domitien 
ce  qui  donne  une  adaptation  encore  un  peu  approximative,  mais  tres  suffisante, 
du  symbolisme  a  I'histoire.  Cettevue  adeja  trouve  des  defenseurs  aussi  autorises 
que  Bousset;  leur  tort  est  de  compter  depuis  Neron  exclusivement,  si  Neron  est 
le  «  huitieme  »,  «  qui  est  des  sept  »,  et  la  pire  incarnation  de  la  Bete. 

B.Xes  Dix  Comes.  —  Ces  rois  de  I'avenir  ne  doivent  apparaitre  qu'apres  la 
serie  des  tetes-empereurs,  done  aussi  apres  le  «  huitieme  »,  qui  sera  encore  de 
meme  nature  que  les  empereurs  romains  (v.  infra).  Les  Cornes,  au  contraire, 
sont  ennemies  de  Rome.  II  est  done  assez  extraordinaire  d'y  voir  des  proconsuls 
[Ewald,  Volkmar,  Renan,  Hilgenfeld,  Hausrath,  B.  Weiss,  Monimsen,  CaU 
mesj  etc.),  et  leur  activite  parait  bien  peu  proportionnee  a  celle  que  pouvaient 
avoir  les  petits  princes  d'Asie  Mineure  que  Jean  connaissait  (centre  Vischer 
Pfleiderer).  C'est  une  solution  trop  etroite  que  de  les  identifier  purement  et 
simplement  aux  Parthes,  avec  Eichhorn,  de  Wette,  Bleek,  Lilcke,  Bousset,  etc. 
Ce  sont  des  figures  inconnues  de  I'avenir  [Weizsdcker,  Joh.  Weiss  pour  Q), 
futurs  destructeurs  de  Rome,  ce  qu'avaient  deja  bien  saisi  Irenee,  Hippolyte 
Arethas.  Sont-ils  allies  pour  cela  au  «  huitieme  »,  au  «  Nero  redivivus  »,  comme 
le  soutient  Bousset  (qui  en  fait,  pour  Γ  «  elaborateur  »,  des  etres  infernaux),  et 
toute  cette  ecole  avec  lui  y  Rien  ne  I'indique  ni  ne  Tinsinue  dans  le  texle,  qui  ne 
les  rapproche  en  aucune  facon  du  «  huitieme  » ;  cette  theorie  introduit  subrep- 
ticement  dans  I'Apocalypse  des  traits  legendaires  qui  se  trouvent  bien  dans  les 
Sibyllins,  mais  dont  I'ecrit   inspire    ne  presente   aucune  trace  reconnaissable 


260  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

(v.  Excursus  xxxiv).  Les  Cornes  seront  bien  soumises  a  la  Bete;  mais  la  Bote 
n'est  pas  seulement  Neron,  meme  «  redux  »  ou  «  redivivus  ».  Laissons  done  cette 
figure  dans  son  indetermination,  la  realisation  de  la  prophetie  nous  designe 
seuls  les  Barbares,  comme  a  Berengaud,  a  Bossuei  et  a  Swete. 

Dans  rintention  du  prophete,  les  Cornes  devaient-elles  regner  toutes  ensemble 
[Joh.  Weiss,  pour  V  «  Editeur  »)  ou  I'une  apres  I'autre?  II  serait  certainement 
possible  de  les  concevoir,  avec  les  anciens,  comme  des  puissances  simultanees, 
en  lesquelles  se  decomposerait  la  monarchie  des  Tetes,  Γ  Empire  romain.  Mais 
riiypothese  n'est  nullement  exclue  que  ces  dix  Cornes  representent,  comme  les 
Tetes,  des  regnes  ou  des  royaumes  successifs,  ou  en  partie  simultanes,  en  partie 
successifs.  Dix  n'est  qu'un  nombre  rond  (cfr.  ii,  10),  qui  n'a  pas  la  meme  pre- 
tention a  Texactitude  qu'un  septenaire.  II  est  certain  que  les  7  Tetes,  bien 
qu'apparaissant  toutes  a  la  fois,  representent  des  empereurs  regnant  I'un  apres 
I'autre;  or  I'imagerie  d'une  meme  vision  doit  etre  tenue  pour  homogene,  si  rien 
n'indique  le  contraire.  S.  Augustin  les  comprenait  deja  comme  etant  tous  les 
souverains  impies,  jusqu'a  la  fin  des  temps  (v.  supra).  C'est  bien  la  solution  la 
plus  naturelle.  II  est  bien  dit  (xvii,  12)  que  les  Cornes  ne  regnent  qu'une  lieure 
(μίαν  ώραν)  avec  la  Bete  qu'elles  servent.  Est-ce  a  dire  que  leur  royaute  a  tous,  ou 
les  regnes  respectifs  de  chacun,  n'auront  qu'une  duree  tres  raccourcie  ?  A  coup 
sur,  cette  «  heure  unique  »  n'est  pas  a  prendre  a  la  lettre,  cette  brievete  est 
relative.  Relative  a  quoi?  A  toute  la  duree  des  temps?  C'est  possible.  Tout  est 
ephemere  dans  le  regne  des  ennemis  de  Dieu ;  Satan  ne  fonde  point  pour  I'eter- 
nite.  Mais  on  pent  aussi  bien  rapporter  la  comparaison  a  la  duree  totale  du  regne 
de  la  Bete  elle-meme,  qui,  lui,  se  prolongera  sous  toutes  ces  formes  changeantes. 
Chaque  corne,  chaque  roi,  ou  dynastie,  ou  etat,  pent  participer  pour  un  temps, 
pour  «  une  heure  »,  a  cette  royaute  du  Monstre.  II  disparait  etle  Monstre  subsiste 
toujours.  Car  c'est  lui,  non  tel  potentat  ou  tel  royaume,  qui  represente  la  con- 
tinuite  de  la  Cite  du  mal.  Ses  formes  historiques  n'ont  rien  de  durable;  Rome 
elle-meme,  la  «  ville  eternelle  »  avec  ses  «  huit  »  empereurs,  n'a  occupe  qu'une 
heure  de  I'histoire, 

C.  Le  «  Huitieme  ».  —  Entre  les  sept  empereurs  et  les  dix  rois,  un  «  huitieme  « 
empereur  trouvera  place,  qu'on  pent  assimiler  a  la  Bete  (το  θηρίον...  αυτός  ογδοός 
εστίν)  et  a  Neron  (χαι  εκ  των  επτά  εστίν,  V.  supra),  tant  son  caractere,  a  I'egard 
des  Chretiens  sans  doute,  sera  bestial  et  neronien.  C'est  en  lui  que  la  Bete,  qui 
semble  n'etre  plus,  remontera  de  I'Abime. 

Qui  peut-il  representer  dans  I'histoire?  Surement  lempereur  romain,  puisqu'il 
continue  la  serie  des  sept.  Mais  sera-ce  un  empereur  individuel?  Sera-ce  Neron 
reparu  en  personne? 

L'ecole  de  Γ  «  histoire  des  traditions  »  tient  ferme  a  cette  solution  individuelle 
et  legendaire.  Bousset,  Joh.  Weiss,  etc.,  pretendront  que  le  mythe  du  Neron 
redux  ou  redinvus  a  inspire  jusqu'aux  dernieres  modalites  de  la  conception 
johannique.  Le  Prophete,  disent-ils,  est  persuade  qu'il  ne  saurait  y  avoir  plus 
de  sept  empereurs  remains,  car  il  prend  ses  chifTres  a  la  lettre  comme  les 
Apoci-yphes;  il  se  trouvc  vivre  vers  la  fin  de  la  serie,  et  croit  la  consomraation, 
au  moins  le  Regne  millenaire  du  Christ,  tres  prochaine;  done  il  faut  que  I'An- 
techrist  personnel  apparaisse  bien  vite,  et  comme  ce  sera  un  empereur  romain. 
et  qu'il  n'y  en  peut  avoir  que  sept,  et  que  ce  ne  sera  pas  le  septieme,  qu'on 


APOCALYPSE  DE  SAIXT  JEAN.  261 

connait  deja,  ce  sera  done  I'un  des  anciens  reparus ;  autrement  le  dogme  du 
septenaire  tomberait  en  pieces.  Mais  la  croyance  populaire  attend  le  retour  de 
Neron;  done,  ce  sera  Neron,  qui  s'alliera  aux  dix  Comes,  aux  Parthes,  pour  se 
venger  de  Rome  qui  I'a  proscrit  et  bruler  cette  Babylone. 

Pour  apprecier  cette  theorie,  il  serait  bon  de  connaitre  deja  en  detail  la  legende 
neronienne;  mais  nous  en  devons  reserver  le  traitement  a  un  excursus  special. 
Cherchons  seulement  a  present  si  le  chiffre  8  ne  pourrait  avoir  une  valeur 
caracteristique,  propre  a  eclaircir  le  mystere. 

Nous  Savons  que  «  octava  summa  perfectionis  est  ».  Par  malheur,  I'octave, 
dans  les  Apocryphes,  n'apparait  que  tres  rarement,  et  nous  n'en  connaissons  pas 
d'exemple  biblique.  Dans  le  Vll^  Sihyllin  (ii'  siecle;  gnostique),  nous  lisons  aux 
vers  140-suiv.  :  «  Dans  la  troisieme  partie  de  la  premiere  ogdoade,  dans  la 
rotation  des  annees,  il  apparaitra  un  autre  monde.  Partout  sera  la  nuit,  longue 
et  impitoyable.  »  Deja,  dans  Hen.  eth.,  xci,  12-17  (que  les  critiques  rattachent  a 
Γ  Apocalypse  des  Semaines),  la  huitieme  des  Dix  Semaines  «  sera  celle  de  la 
justice  »  etouvrira  I'ere  messianique.  Ces  exemples  ne  sont  pas  tres  significatifs 
pour  notre  enquete.  Plus  importante  a  noter  est  la  gematrie  du  Christ,  Sib.  1 
[Supra,  XIII,  18),  888,  dont  la  parfaite  symetrie  d'octaves  est  certes  notee 
dans  I'intention  d'exprimer  que  le  Christ  est  le  dernier  mot  de  la  perfection 
(cfr.  par  contrasto,  le  chiffre  666  de  la  Bete,  Exc.  xxxi).  Nous  aimerions  cepen- 
dant  a  trouver,  dans  la  litterature  apocalyptique  de  I'epoque,  quelque  parallele 
plus  rapproche  a'Apoc.  xvii,  11 ;  celui  qui  aurait  peut-etre  le  plus  de  valeur, 
c'est  le  passage  a'Henoch  sla{>e  xxxii,  2-xxxiii,  2,  que  voici  : 

«  Et  je  benis  (dit  Dieu)  le  septieme  jour,  qui  est  le  sabbat,  car  en  ce  jour  je 
me  reposai  de  tons  mes  travaux.  Alors  aussi  j'etablis  le  huitieme  jour.  Quele 
huitieme  soit  le  premier  apres  mon  travail,  et  que  les  jours  soient  a  la  maniere 
de  sept  mille  (millenaires).  Qu'il  y  ait  au  commencement  du  huitieme  (millenaire) 
un  temps  ou  il  n^y  a  ni  calcul.,  ni  fin,  ni  annees,  ni  mois.,  ni  semaines,  ni  jours, 
ni  heures  ».  C'est-a-dire  le  jour  de  I'eternite.  La  meme  idee  apparait  dans 
VEpttre  de  Barnabe,  xv,  8  :  Όρατε,  πως  λέγει*  Ου  τα  νυν  σάββατα  εμοί  δεκτά,  άλλα  δ 
πεποίηχα,  εν  φ  καταπαύσας  τα  πάντα  άρχην  ήμε'ρας  ογδόης  ποιήσω,  ο  εστίν  άλλου  χο'σμου  άρχην. 

Ces  exemples  autorisent  la  supposition  que  le  nombre  8,  a  cause  de  sa  valeur 
de  7  -|-  1,  signifiait  un  «  tournant  »  des  evenements,  ou  le  commencement  d'une 
serie  nouvelle  (comme  I'octave  en  musique),  o-n  la  plenitude  surabondante,  la 
quantite  si  grande  qu'elle  echappe  au  calcul. 

En  dehors  des  Apocalypses  juives  et  chretiennes,  nous  connaissons  les  huit 
spheres  des  astres,  qui  demontraient  aux  pythagoriciens  que  I'ogdoade  est  le 
principe  de  I'harmonie  celeste,  I'ogdoade  des  Eons  superieurs  de  Valentin,  les 
huit  cieux  des  Mithriastes  ou  du  Poimandres,  dont  le  plus  haut  est  le  sejour  des 
dieux  et  des  4mes  bienheureuses.  II  est  certain  que  I'ogdoade  a  joue  plus  tard  un 
grand  role  dans  la  symbolique.  Et  Ton  pent  croire  que  la  repartition  des  «  bea- 
titudes »  en  huit,  dans  saint  Matthieu,  revele  deja  au  temps  de  Notre-Seigneur 
Tinfluence  de  cette  idee. 

La  signification  la  plus  generale  du  nombre  huit  nous  semble  done  etre  celle 
ae  plenitude  surabondante,  presque  incalculable,  en  partie  a  cause  de  specula- 
tions astronomiques,  en  partie  parce  que  «  huit  »  marque  le  commencement  d'une 
nouvelle  serie  apres  «  sept  »,  chiffre  de  la  plenitude  normale. 


262  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAX. 

S'il  en  est  ainsi,  nous  devons,  pour  decouvrir  le  sens  du  «  huitieme  »  de  notre 
Apocalypse,  prendre  exactement  le  contrepiedde  la  theorie  de  Joh.  Weiss. 

Notons  d'abord  que  ce  «  huitieme  »  poursuit  la  ligne  d'une  serie  d'empereurs 
remains,  et  qu'il  a  deja  fait  partie  de  cette  serie  meme ;  ce  ne  pent  done  etre  la 
figure  d'un  pouvoir  hostile  a  Rome ;  il  est  Ικ  των  επτά,  ce  qui  ne  veut  pas  dire 
simplement,  centre  certains,  qu'il  s'ajoute  a  la  serie  des  sept,  dont  il  precede 
comme  une  suite,  mais  qu'il  en  etait  deja  un  membre  —  sous  un  certain  aspect, 
—  car  έκ  est  partitif,  comme  plusieurs  fois  dans  Joh.y  et  Apoc.  ii,  7,  10;  v,  5: 
VI,  1,  etc.  (Int.  c.  x,  §  II).  De  plus,  il  ne  figure  pas,  — si  ce  n'est  dans  un  sens 
partiel  et  moral,  —  une  nouvelle  Tete,  symbole  individuel,  mais  s'identifie  a  la 
Bete  elle-meme,  symbole  collectif.  Que  pouvons-nous  en  conclure?  C'est  que  la 
Bete  continuera  a  regner,  comme  empire  remain,  apres  la  disparition  de  sa 
septieme  Tete,  et  avant  la  domination  des  Dix  Cornes ;  elle  pourra  etre  alors 
representee  indistinctement  par  une  nouvelle  octave,  un  nombre  quelconque 
d'empereurs,  tons  semblables  par  leur  caractere  neronien  ^  I'egard  des  fideles. 
Par  rapport  aux  tetes  qui  procedent,  cette  «  huitieme  »  entite  pourrait  avoir  un 
caractere  indistinct,  excluant  le  calcul,  comme  quasi  illimite  [Aubert  de  Verse  : 
tous  les  empereurs  paiens).  Ainsi  Jean,  bien  loin  de  croire  que  I'Empire  remain 
n'auraitque  sept  empereurs,  aurait  voulu  exprimer,  tres  prophetiquement,  qu'il 
durera  encore  tres  longtemps,  bien  au  dela  des  previsions  precises  que  Ton  pent 
faire  a  son  epoque,  apres  Domitien  et  son  successeur  immediat.  En  admettant 
meme  que  le  huitieme  empereur  fut  encore  a  ses  yeux  un  individu,  il  n'a  pas  dit 
qu'il  serait  le  dernier ;  ce  sera  plutot  le  recommencement  d'une  serie. 

Deux  observations  complementaires,  mais  capitales  I'une  et  I'autre,  ont  leur 
place  ici. 

D'abord,  la  Bete  est  encore,  sous  I'empereur  regnant,  comme  confinee  dans 
I'Abime;  elle  en  remontera  (μίλλει  άναβαίνειν),  avec  le  «  huitieme  »  empereur.  En 
depit  de  I'actuelle  persecution  qui  I'avait  exile  dans  son  ile,  la  vue  du  Prophete 
est  done  attiree  vers  quelque  chose  de  futur,  de  pire,  de  bien  plus  follement 
neronien,  qu'un  avenir  proche  ou  lointain  apportera;  pour  le  moment,  en  compa- 
raison  de  ses  rages  attendues,  la  Bete  sommeille,  elle  n'est  plus  (ουκ  εστίν). 
N'avions-nous  done  pas  raison  de  rejeter  dans  cet  avenir  les  evenements  prophe- 
tises  au  chapitre  xiii,  8,  12-17,  puisqu'ils  representent,  evidemment,  la  forme 
la  plus  grave  des  persecutions  imperiales?  Si  elles  avaient  ete  telles  sous  Domi- 
tien, la  Bete  eut  ete  deja  ressuscitee. 

Ensuite,  n'oublions  pas  que  le  regne  total  dela  Bete  est  mesure  par  «  quarante- 
deux  mois  ».  Que  d'evenements  accuraules  dans  un  temps  si  reduit,  si  nous 
devious  prendre  cette  mesure  a  la  lettre!  Joh.  Weiss  n'y  voit  pas  de  difficulte. 
En  I'espace  de  trois  ans  et  demi,  la  Bete  (Domitien  ou  Nero  redux),  doit  s'allier 
aux  rois  coalises  ensemble  centre  le  Christ,  puis  tous  se  tourneront  centre 
Rome  qu'ils  detruiront,  et  leur  grande  defaite  par  Γ Agneau  suivra  de  pres !  Mais 
I'etude  un  peu  plus  attentive  et  moins  prevenue  du  contexte  nous  a  montre  que 
de  ces  quarante-deux  mois,  il  faut  d'abord  deduire  le  regne  successif  de  cinq 
empereurs  passes ;  il  faut  ensuite  laisser  au  sixieme  le  temps  d'achever  son  regne, 
et  la  place  pour  un  septieme,  pour  un  huitieme,  qui  parait  presque  indefini; 
apres   cela  viendra  la  domination   des   Dix  cornes,    sans   doute  successives ! 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  263 

Quarante-deux  mois  seraient  vraiment  un  peu  courts.  II  est  done  hors  de  doiite 
que  ce  chiffre  est  purement  symbolique  (Exc.  xxiii  et  Int,  c.  ix,  iii);  evident 
aussi  que  la  Parousie  est  deja  rcculee  dans  un  avenir  indefini  [ibid.).  Et  enfin, 
contrairement  a  I'attente  de  beaucoup  de  Chretiens  posterieurs,  la  domination  do 
Rome-Babylone  doit  faire  place  a  d'autres,  a  beaucoup  d'autres  peut-etre  avant 
I'arrivee  du  grand  Jour  [ibid.). 

Ce  chapitre  xvii  est  done  aussi  prophetique,  au  sens  le  plus  strict  du  mot, 
que  le  chapitre  xin. 

EXC.  XXXIV.  l'apocalypse  et  la  legende  de  nhron. 

Nous  avons  vu  le  role  que  toute  une  ecole  assigne  aux  eroyances  populaires 
sur  Neron  dans  I'origine  de  ces  visions.  11  est  done  bon  de  connaitre  la  legende; 
nous  examinerons  ensuite  en  toute  connaissanee  de  cause  quelles  influences  ellc 
a  pu  exercer  sur  le  fond  ou  la  forme  des  conceptions  johanniques. 

Quand  Neron  se  fut  suicide,  en  67,  pour  echapper  aux  poursuites  du  Senat, 
la  populace  romaine,  a  laquelle  ses  vices  memes  Tavaient  rendu  sympathique, 
et  aveeelle  bien  des  provinciaux,  ne  purent  se  faire  a  I'idee  que  I'histrion  de  leur 
gout,  en  merae  temps  le  dernier  de  la  lignee  des  Cesars,  eut  si  soudain  et  si 
piteusement  disparu.  Plus  d'un,  d'apres  Tacite  et  Saetone,  crut  qu'il  n'etait  pas 
vraiment  mort ;  il  avait  du  se  refugier  chez  les  Parthes.  Du  reste,  il  en  avait 
annonce  I'intention ;  il  entretenait  des  rapports  amicaux  avee  Vologese,  et  ne  lui 
avait-on  pas  predit  qu'il  regnerait  un  jour  sur  I'Orient,  a  Jerusalem?  {Tacite^ 
Hist.  II,  8;  Suetone,  Nero,  40,  47,  57).  Aussi  fut-il  possible  a  certains  agitateurs 
de  se  faire  passer  pour  Neron,  dans  les  pays  orientaux,  comme  il  y  a  eu  de  faux 
Dmitri  en  Russie  et  de  faux  Louis  XVII  en  France.  L'un  d'eux,  sous  Othon, 
en  69,  agita  I'Asie  Mineure  et  la  Grece  ( Tac.  Hist,  ii,  8,  9 ;  Dion  Cassias  lxiv,  9 ; 
Zonaras  Annales,  xi,  5).  Un  autre,  de  son  vrai  nom  Terentius  Maximus,  au 
temps  de  Titus,  fut  soutenu  un  moment  sur  I'Euphrate  par  le  general  partlie 
Artaban  [Zonaras,  xi,  12).  C'est  peut-etre  du  meme  que  parle  Suetone,  Nero,  57; 
on  lit  aussi  dans  Tacite,  Hist,  i,  2  :  «  mota  etiam  prope  Parthorum  arma  falsi 
Neronis  ludibrio.  » 

Cette  eroyance  populaire  passa  aux  Juifs  et  aux  Chretiens,  et  les  Apocryphes 
s'en  saisirent  pour  annoncer  la  ruine  de  Rome  sous  la  vengeance  du  tyran,  ou 
reconnaitre  dans  le  retour  du  sinistre  persecuteur  I'avenement  redoute  de  I'Antc- 
christ ;  apres  le  i"  siecle,  comme  le  Neron  historique  ne  pouvait  qu'etre  mort, 
on  crut  qu'il  ressusciterait,  ou  que  ce  nouveau  Neron  serait  meme  une  incarnation 
du  diable  [Sib.  iv,  aux  environs  de  I'an  79-80,  vers  119-120,  137-139;  Asc.  Is.  in, 
24-iv,  18;  Sib.  v,  vers  1-51,  100-110,  123-suiv.,  215-246,  361-suiv.,  en  des  parties 
dont  telle  pent  etre  anterieure,  d'apres  Geifcken,  a  la  guerre  de  Trajan  centre  les 
Parthes,  et  la  premiere  du  temps  d'Hadrien;  Sib.  viii,  sous  les  Antonins,  v.  38- 
106;  cfr.  douteusement  /  Κ  £'.s<i.  v,  6;  Lactance,  Inst,  vii,  15-suiv. ;  Commodien, 
vers  823-suiv.).  Moins  les  ouvrages  sontanciens,  plus  la  figure  de  Neron  devient 
importante  et  fantastique,  jusqu'a  έtΓe  le  Dragon  ou  I'incarnation  de  Berial. 
Les  traits  les  plus  generaux,  c'est  qu'il  reviendra  de  I'Asie,  de  chez  les  Perses 
ou  d'au  dcla  de  I'Euphrate  [Sib.  iv,  v,  viii);  c'est  un  matricide  [Sib.  iv,  v, 
Asc.  Is.) ;  et  meme  un  «  saxieide  »,  parce  qu'il  aurait  voulu  de  son  vivant  percer 


264  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

I'isthme  de  Corinthe  [Sib.  v):  il  cherchera  a  s'egaler  a  Dieu  (cSVo.  v),  et  regnera 
«  trois  ans,  sept  mois  et  vingt  jours  »  a  sa  reapparition  (Asc.  Is.). 

Des  commentateurs  de  TApocalypse,  Victoria  est  le  premier  a  notre  connais- 
sance  qui  ait  applique  rigoureusement  a  Neron  notre  prophetie.  Pour  le  martyr 
du  IV*  siecle,  assez  peu  lettre,  la  «  tete  blessee  a  mort  »  de  xiii,  13  est  cet  empe- 
reur  en  pcrsonne  :  «  Unuin  autem  de  capilibiis  occisum  in  mortem  et  plaga 
mortis  ejus  ciirata  est :  Neronetn  dicit;  constat  enim,  cum  eundem  insequeretur 
equitatus  missus  a  senatu,  ipsum  sibi  gulam  succidisse.  Hanc  ergo  deus 
suscitatnm  mittere  deiun  regent  dignuni  dignis ^  Judaeis  et  persecutoribus 
Chrisii,  <^  et  Christum  ^  talem,  qualem  meruerunt  persecutores  et  Judaei. 
Et  quoniam  alium  nomen  affecturus  est,  aliam  etiam  vitam  instituturus  est,  ut  sic 
eumdem  tanquam  Christum  accipiant.  Ait  enim  Danihel,  etc  (Suitune  application 
hasardee  de  Dnti.  xi,  37)...  Sanctos  non  ad  aliud  compellet  nisi  ad  circumci- 
sionem  accipiendam...  Qui  tamen  licet  mutato  nomine  veniat,  ait  Spiritus 
Sanctus  :  Humerus  illius  DCLXVI;  ad  litteram  graecam  hunc  numerum 
explebit.  »  Sur  le  chiffre,  Foriginal  de  Victorin  ne  s'explique  pas  davantage. 
Ailleurs  :  «  Capita  VII  montes,  supra  quos  mulier  sedet;  id  est  civitas  romana. 
Et  reges  septem  sunt...  et  bestia  quae  vidisti  de  VII  est  et  octava  est  :  intellegi 
igitur  oportet  <^  tempus  >■  quo  scribitur  Apocalypsis,  quoniam  tunc  erat 
Caesar  Domitianus\...  unus  est,...  scilicet  Domitianus.  Alius  nondum  venit  : 
Nervam  dicit...  Et  bcstiam  quam  vidisti,  inquit,  de  VII  est  :  quoniam  ante  istos 
reges  (de  Galba  a  Nerva)  Nero  regnavit.  Et  octava  est  :  ait,  modo  ilia  cum 
advenerit,  computans  loco  octavo,  et  quoniam  in  illo  fiet  consummatio,  adjecit : 
et  in  interitum  vadit.  »  Les  dix  rois  seront  envoyes  de  Rome  centre  Neron 
s'avan^ant  de  I'Orient.  Mais,  trois  etant  detruits,  sept  se  soumettront  a  I'Ante- 
christ,  et  detruiront  Rome  (cfr.  Dan.,  Iren.,  Hipp.).  Ailleurs,  sur  Apoc.  xi,  7, 
Victorin  dit  de  I'Antechrist  :  «  fuisse  autem  eum  in  regno  regnorum  et  fuisse 
inter  Caesares  et  Paulus  contestatur  (d'apres  II  Thess.  ii,  7-9),..  Et  ut  scirent 
ilium  esse  venturu?n  [qui  tunc  erat  venturus]  qui  tunc  erat  princeps  (quand 
Paul  ecrivit  son  epitre,  sous  Neron),  adjecit  :  arcanum  malitiae  jam  molitur.  » 
(ed.  Haussleiter,  pp.  120,  122,  118,  102).  Victorin  a  done  admis  toute  la  legende 
du  «  Nero  redivivus  »,  et  Ta  combinee  avec  les  interpretations  d'lrenee  et 
d'Hippolyte.  Est-ce  lui  qui  a  trouve  le  premier  cette  solution,  sous  I'influence  des 
Apocryphes,  et  en  I'appuyant  sur  le  texte  de  II  Thessalon.  ?  Nous  serions  plutot 
portes  a  croire  qu'il  suivait,  pour  I'interpretation  de  la  «  tete  blessee  »  et  du 
«  huitieme  »,  une  vieille  tradition  exegetique,  remontant  peut-etre  au  i*^'  siecle, 
dont  il  aurait  affaibli  le  temoignage  en  la  melant  aux  combinaisons  exegetiques 
en  favour  depuis  le  ii•^  (Int.,  c.  xiv,  xv,  i-ii),  et  aux  legendes  apocryphes. 

Saint  Jerome  {in  Dan.  xi,  30),  Saint  Augustin  (Civ.  Dei.,  xx,  19),  ont  repousse 
fortement  le  mythe  du  «  Nero  redivivus  »;  et  personne  n'y  est  revenu  jusqu'a 
Mariana,  tandis  que  Ribeira  rejetait  expressement  Neron.  Aujourd'hui  elle  a  le 
succes  que  nous  savons. 

Que  devons-nous  penser  ?  Eichhorn,  contre  de  Wette  et  d'autres  de  son  temps, 
etablissait  fort  bien  que  Neron  ne  pouvait  etre  qu'un  type.  C'est  la  vraie  solu- 
tion. Que  Saint  Jean  ait  pense  a  Neron,  le  coryphee  des  persecutions,  pour  en 
faire  la  figure  de  I'Antechrist,  c'est  on  ne  peut  plus  probable,  corame  nous 
I'avons  vu  a  propos  du  chiffre  de  la  Bete,  de  la  tete  blessee  et  guerie,  de  la 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  265 

disparition  temporaire  de  la  Bete.  Nous  admettrons  volontiers  de  plus  que  la 
croyance  populaire  au  «  Nero  redux  »,  qui  deja  apparait  dans  des  apocryphes 
du  I"  siecle,  a  pu  lui  fournir  un  theme  pour  representer  d'une  fagon  saisissante, 
topique  pour  ses  lecteurs,  les  futures  rages  de  I'Antechrist.  Mais  rien  absolument 
n'indique  qu'il  ait  partage  cette  croyance,  ni  voulu  I'eriger  en  prophetie.  S'il 
s'est  servi  de  I'attente  populaire,  c'est  en  relevant  a  un  sens  bien  plus  general. 
Pourquoi,  s'il  avait  voulu  predire  le  retour  de  Neron  en  personne,  aurait-il 
supprime  justement  tons  les  traits,  a  part  celui  de  sa  mort,  qui  pouvaient  en 
indiquer  Tindividualite  ?  II  n'a  jamais  dit  que  le  «  huitieme  »  se  confondrait  avec 
les  Cornes,  ni  qu'il  scrait  le  destructeur  de  Rome;  rien  n'indique  que  le  «  hui- 
tieme »  viendra  d'Orient;  mettre  tout  cela  dans  le  texte,  c'est  par  trop  lire  antra 
ses  lignes.  Aucunc  mention  non  plus  du  matricide,  ni  du  «  saxicide  »,  ni  du 
faux  messianisme.  En  somme,  si  nous  n'avions  pas  Tinterpretation  vraisemblable 
du  nombre  666,  autour  delaquell^se  groupent  bien  quelques  autres  traits,  tons 
englobant  aussi  un  sens  plus  etendu  (puisqu'ils  expriment  la  crise  imperiale 
at  le  ralentissement  de  la  persecution),  s'il  n'y  avait  aussi  notre  connaissance 
des  idees  courantes  alors,  rien  ne  nous  ferait  soupgonner  que  saint  Jean  a  pense 
specialement  a  Neron. 

S'il  y  a  pense,  comme  nous  le  croyons  bien,  ce  n'a  ete  que  pour  en  faire  un 
pur  symbole;  un  syrabole  de  I'empire  romain,  qui  est  de  son  cote  un  symbole  de 
la  Bote,  qui  est  uu  symbole  elle-meme  de  I'Antechrist.  On  ne  trouve  done  Neron 
qu'au  troisieme  etage  du  synibolisme!  L'Apocalypse  montre  bien  en  cela  encore 
son  caractere  de  livra  inspire,  rationnel  et  spirituel,  qui  merite  un  autre  traite- 
ment  que  les  Sibyllins  ou  I'Ascension  d'lsaie. 

D.  2°  b.  Preambides  de  la mine  de  Babylone  :  deux  proclamations  celestes 

(xvni,  1-8). 

Int.  —  Le  chapitre  XVIII  tout  entier  fait  corps  avec  le  precedent,  dont  il  est  la  suite 
logique,  et  sc  rapproche  meine  par  beaucoup  de  tournures.  Le  fait  est  reconnu  de 
AVeyland  (n),  rfc  Schoen  ei  Sabatier(l)  [origine  jui\>e),  de  Bousset  (ίίΐί.,  sous  Vespasicn) 
d'Erbes  (Apoc.  de  80),  de  Bruston  [Neron]  de  Joh.  Weiss  (Q,  moins  20  et  2i),  de  Spitta 
(/-  et  i?).  Volter,  cependant  I'attribue  a  Jean-Marc  et  non  a  Cerinthe.  Les  auteurs  qui 
croicnt  a  I'origine  juive  sont  obliges  d'emonder  les  traits  chreticns. 

Dans  cette  scene  prcparatoire,  un  Ange  d'abord  [XVIII,  1-3),  ensuite  une  voix  du 
del  [-1-8]  annoncent  la  chute  de  Babylone;  le  premier  pour  son  idoldtrie  impure,  I'au- 
tre  pour  sa  tyrannie  et  son  orgueil. 

— ^  A.  B.  1.  Μετά  ταύτα,  transition  ordinaire,  —  εκ  de  valeur  instrumentale,  Int., 
c.  X,  §  II.  —  Cfr.  les  Anges  de  x,  1;  xx,  1 ;  Ezech.  xlhi,  2. 

C.  1.  Get  Ange  est  dit  «  autre  »  par  rapport  a  cclui  de  xvn,  1,  7,  15.  Son  aspect 
g'randiose  convicnt  a  la  portee  du  drame  qu'il  annoncc. 

— — —  A.  B.  2.  h  instrumental,  oniis  n,  rec.  K.  —  επεσεν  Ir..  cfr.  \iv,  8;  Is.  xxi, 
9  :  πέπτωκεν  πέπτωκεν  Βαβυλών ;  —  pour  I'ensemble,  cfr.  les  propheties  centre  Babel,  Is.  xni, 
19,  21-22  (les  D""'jf,  etc.,  Andre)  et  XLvn  [Apringius);  xxxiv,  11-15,  contre  Edom;  puis 
Jer.  L,  39;  li,  37;  Soph,  u,  15;  Baruch  iv,  35,  etc. 

(1)  Sabaticr  croil  cependant  que  xvn  et  xviii  sont  deux  fragment?  divers. 


266  APOCALYPSE    D£    SAINT    JEAN. 

G.  XVIII.  1.  Μετά  ταύτα  είδον  άλλον  xyyekow  /,αταδαίνοντα  εκ  του  οΰρχνοΰ  έχοντα 
έξουσίαν  μεγάλην,  και  ή  γη  έφωτίσθη  *έκ  της  δοςης  αΰτοϋ.  2.  Καΐ  εκραξεν  *έν  Ισχυρά 
φων?]  λέγων  Έχεσεν  έ'χεσεν  Βαβυλών  ή  μεγάλη,  καΐ  έγένετο  κατοικητήριον  δαιμονίων 
και  φυλακή  χαντος  χνεύματος  ακαθάρτου  και  φυλακή  χαντος  όρνέου  ακαθάρτου  και 
μεμΛσημε'νου,  3  'ότι  εκ  του  οϊνου  του  θυμοΰ  της  χορνείας  αΰτης  *χε'χωκαν  χάντα  τα 
έθνη,  και  οί  βασιλείς  της  γ•7;ς  μετ'  αΰτης  έχόρνευσαν,  και  οι  εμχοροι  της  γης  εκ  της 
δυνάμεως  του  στρήνους  αυτής  έχλούτησαν. 

4.  Και  ήκουσα  άλλη  ν  φο^νήν  εκ  του  ουρανού  λε'γουσαν'  *Έξέλθατε  *ό  λαός  μου 
ές  αϋτης,  ινα  μή  συνκοινο^νήσητε  ταϊς  άμαρτίαις  αΰτης,  και  *έκ  των  χληγών  αϋτης 
Ινα  μή  λάβητε'  5.  οτι  έκολλήθησαν  αΰτης  αί  άμαρτίαι  άχρι  του  ουρανού,  και  έμνημό- 
νευσεν  ό  θεός  τα  αδικήματα  αΰτης.  6.  Άχόδοτε  αυτή  ως  καΐ  αυτή  άχέδωκεν,  *καί 
διχλωσατε  τα  διπλά  κατά  τα  ερ-'^α  αυτής"  έν  τω  χοτηριω  *ώ  *έκέρασεν  κεράσατε  αυτή 
διχλοΰν.  7.  "Οσα  εδόξασεν  αυτήν  καΐ  έστρηνίασεν^  τοσούτον  δότε  αυτή  βασανισμον  και 
χένθος.  "Οτι  έν  τή  καρδία  αυτής  λέγει  οτι  κάθημαι  βασίλισσα,  και  γτ,ρα  οΰκ  ε'.μί  και 
χένθος  οΰ  μή  'ίδω.  8  Δια  τούτο  *έν  μία  ήμερα  ήξουσιν  α•.  χληγαΊ  αυτής,  *θάνατος 
και  χένθος  και  λιμός,  και  *έν  χυρί  κατακαυθήσεται"  ότι  'ισχυρός  κύριος  ό  θεός  ό  κρίνας 
αυτήν. 


C.  2.  La  clameur  de  I'Ange  est  enthousiaste;  il  parle  au  passe  prophetique  (cfr.  xiv, 
8)  pour  grandir  Fimpression  de  certitude;  on  ne  peut  croire  qu'il  execute  lui-m^me 
ce  qu'il  dit,  au  meme  instant,  car  la  seconde  voix  (4-suiv.)  parlera  au  futur;  ce  seront 
les  versets  9-suivants  qui  tiendront  lieu  d'une  vision  d'execution.  Les  termes  du  ver- 
set  rappellent  le  style  des  anciens  prophetes  (supra,  B) ;  ce  sont  des  lieux  communs 
descriptifs,  et  il  ne  faut  pas  etre  plus  exigeant  pour  leur  realisation  litterale  qu'on  ne 
Test  a  propos  des  propheties  sur  Tyr,  Edom  ou  Babylone.  La  meme  observation  vau- 
dra  pour  le  threne  suivant,  9-fin. 

— —  A.  B.  3.  έκ  partitif,  Int.,  c.  x,  §Π.  —  τοΰ  οίνου  (cfr.  xiv,  10;  xvi,  19)  omis  C-o'- 
04,  A-o^-02,  του  θυμοΰ  omis  si/ r.,  cfr.  xvii,  2,  et  Ezecli.  xxvii,  9-25.  —  Remarquer  la 
forme  πέπωκαν  (Int.,  c.  x,  §  II),  conforme  a  I'usage  de  i'Apocalypse;  qu'on  y  joigne  les 
εκ  partitifs  ou  instrumentaux,  les  iv,  les  nominatifs-vocatifs,  etc.,  et  on  aura  peine  a 
comprendre  que  Bousset  ne  retrouve  pas  dans  ce  chapitre  les  caracteristiques  de 
r«  auteur  de  derniere  main  ».  On  trouve  encore  πέπτωκαν  (-ασι),  qui  est  moins  appro- 
prie,  quoiqu'il  puisse  faire  image,  dans  i<.  A,  G,  Q-ft  1070-046,  Hipp.,  de  nombreux 
And.,  g,  copte,  arm. 

C  3.  Le  luxe  de  Rome,  qui  a  multiplie  ses  seductions,  ses  debauches,  sa  tyrannic 
et  ses  idoles,  est  aux  yeux  de  saint  Jean  une  des  principales  causes  de  son  chatiment. 
II  est  bien  ainsi  dans  I'esprit  des  prophetes,  comme  dans  la  verite  de  I'histoire. 

A.  B.  4.  αλλην  omis  bo/i.,  arm.;  άλλης,  C,  quelques  And.  On  trouve  aussi 
εξέλθετε  ou  έξελθε.  —  ό  λαός  comme  vocatif,  Int.,  c.  X,  §  II.  —  Cfr.  I'ordre  aux  disciples  de 
fuir  Jerusalem,  Mat.  xxiv,  16-20  et  parall.  — "να  μή  συνκ.,  cfr.  Is.  xlviii,  20;  lii;  11; 
Jer.  L,  8;  li,  6,  9,  45  (ce  dernier  verset,  ou  le  parallele  est  le  plus  etroit,  manque  dans 
les  LXX);  Bar,  syr.  ii,  1.  —  La  voix  est  anonyme,  comme  vi,  6;  ix,  13;  x,  4;  xi.  12; 
XIV,  13;  XVI,  1,  17;  infra,  xix,  5;  xxi,  3.  —  έκ  των  πλ.,  partitif  (Int.  c.  x,  §  II). 

C.  4.  II  n'est  pas  dit  ici  que  la  voix  parte  du  trone;  mais  ό  λαός  μου,  et  la  mention 
de  Dieu  a  la  troisieme  personne,  qui  va  suivre  au  v.  5  (a  moins  que  ce  ne  soit  une 
parenthese  de  I'auteur),  laissent  supposer  que  cette  voix  est  celle  de  I'Agneau  lui- 
merae  (cfr.  Jer.  li,  45).  On  peut  interpreter  moralement,  comme  un  ordre  de  se  sepa- 


APOCALYPSE  D£  SAINT  JEAN.  267 

C.  xviii.  1.  Apres  ces  choses,  je  vis  un  autre  ange  descendre  du  ciel, 
ayant  grande  autorite,  et  la  terre  fut  illuminee  de  sa  gioire.  2.  Et  il  cria 
d'une  voix  puissaate,  disant  :  «  Elle  est  tombee,  elle  est  tombee,  Babylone 
la  grande,  et  elle  est  devenue  un  sejour  de  demons,  et  une  retraite  pour 
tout  esprit  impur,  et  une  retraite  pour  tout  oiseau  impur  et  deteste;  3  parce 
que  du  vin  de  la  fureur  de  sa  prostitution  ont  bu  toutes  les  nations,  et 
les  rois  de  la  terre  ont  fornique  avec  elle,  et  les  marchands  de  la  terre  se 
sont  enrichis  de  la  puissance  de  son  luxe!  » 

4.  Et  j'entendis  une  autre  voix  [venant]  du  ciel,  disant  :  «  Sortez,  mon 
peuple,  du  milieu  delle,  afin  que  vous  ne  communiquiez  point  a  ses 
peches,  et  que  de  ses  plaies  vous  ne  receviez  [aucune  part].  5.  Car  ils  se• 
sont  agglomeres,  ses  peches,  jusqu'au  ciel,  et  Dieu  s'est  souvenu  de  ses 
injustices.  6,  Rendez-lui  suivant  qu'elle-meme  a  rendu,  et  doublez-[le]  au 
double  suivant  ses  cEuvres;  dans  le  vase  ou  elle  a  verse,  versez-lui  au 
double.  7.  Autant  elle  s'est  glorifiee  et  livree  au  luxe,  autant  donnez-lui  de 
tourment  et  de  deuil.  Parce  qu'elle  dit  dans  son  coeur  :  «  Je  suis  assise  [en] 
reine,  et  je  ne  suis  pas  une  veuve,  et  de  deuil  je  n'[en]  verrai  jamais  »,  8  a 
cause  de  cela,  en  un  seul  jour  viendront  ses  plaies,  mort  (peste?)  et  deuil 
et  famine,  et  elle  seraconsumee  au  feu ;  parce  qu'[il  est]  puissant,  le  Seigneur 
Dieu  qui  Fa  jugee!  » 


rer  des  oeuvres  de  la  Cite  du  Diable  {Aug.  Civ.  Dei,  xviii,  18),  comme  II  Cor.  m,  14  : 
«  Nolite  jugum  ducere  cum  infidelibus  n;Ep/i.  \i,  11;  I  Tim.  v,  22.  Jean  s'est  peut- 
etre  rappele  I'exode  des  Chretiens  de  Jerusalem  vers  Pella. 

— -^—  B.  5.  Ι/.ολλη'θησαν  «  se  sont  colles  »,  cfr.  Jer.  u,  9,  rappelle  a  Holtzmann, 
comme  Bar.  syr.  i,  20,  I'image  d'un  rouleau  interminable  qui  contiendrait  la  liste  des 
peches  de  Babylone.  —  s;-tvri[j..  ό  θεός,  cfr.  xvi,  19. 

A.  B.  6.  υ[χΐν,  ajoute  apres  ά-έδω/.εν  (quelques  And.,  vulg.,  arm),  change  le 
sens.  —  Pour  ce  talion,  cfr.  Ps.  cxxxvii,  8;  Is.  xl,  2;  Jer.  l,  15,  29.  — ώ,  exemple  inu- 
site  d'attraction  (Int.,  c.  x,  §  II) ;  car  κεράννυμι,  a  cause  de  son  regime  direct  διπλούν,  doit 
signifier  ici  «  verser». 

C.  6.  L'ordre  est  donne  aux  ministres  de  la  justice  divine,  probablement  aux  Anges 
du  chatiment  d'apres  Joh.  Weiss,  ou  aux  «  elements  »  d'apres  Calmes,  mais  surtout 
aux  rois  du  ch.  xvii.  En  tout  cas,  ce  n'est  pas  aux  Chretiens;  Andre,  qui  admet  υι^Γν, 
I'applique  aux  Anges,  qui  considerent  comme  un  outrage  personnel  les  vices  et  les 
cruautes  de  la  grande  ville ;  c'est  un  sens  trop  recherche. 

■  A.  B.  7.  εαυτήν  pour  αύτην,  K•^,  al.  —  βασίλισσα,  d'apres  Is.  xlvii,  7-8,  sur  la 
ruine  de  Babel  (dans  I'hebreu).  Dans  tout  ce  morceau,  on  a  remarque  un  grand  nom- 
bre  d'expressions  communes  avec  la  Bible  hebraique,  et  etrangeres  aux  LXX;ce  n'est 
pasune  raison  suffisante  pour  penser  a  une  autre  main.  —  Cfr.  Sib.  v,  173.  —  ου  μή. 
Int.,  c.  x,  §  II. 

.         A.  B.  C.  8.  εν  αία  ή[ζέρα,  plus  classique  que  μία  ώρα  du  V.  10,  infra;  af..  Prim 
ont  lu  ώρα  pour  ήμερα.  —  θάνατος  est  peut  etrc  la  peste,  comme  vi,  8.  —  έν  πυρί,  instrum. 
Int.  c.  X,  §  II.  —  dv.  Is.  xi.vn,  8-9  (heb.)  Jer.   l,  32;  li,  25,  etc.  —  ισχυρός  κύριος,  cfr. 
Jer.  L,  34.  —  Le  luxe  et  I'orgueil  sont  done  la  cause  directe  (δια  τοΰχο)  de  la  chute  de 
Rome. 


268  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

D.  2"  c-d.  La  ruine  de  Babylone;  pleurs  sur  la  terre  et  joie  au  del  (xviii,  9-xix,  10). 

Int.  —  Cette  «  vision  d'execution  »  (c)  se  partage  en  trois,  suivant  un  rythme  exac- 
tement  semblable  a  celui  de  la  6^  Trompette  [IX,  13-XI,  li).  En  effet,  nous  avons  ici  : 

a)  line  description  de  I'incendie  de  Rome  [XVIII,  9-20). 

β)  I'intervention  dun  Ange  qui  prophetise  [XVIII,  21-2i); 

γ)  la  Jubilation  de  la  foule  celeste  a  cette  occasion  {XIX,  1-8). 

Nous  retrouvons  done  I'antithcse  periodique,  ici  cntre  les  lamentations  du  monde 
profane  et  la  joie  des  bienheureiix  {cfr.  le  6^  sceau  et  la  6"  Trompette,  et  meme  la 
6^  Coupe,  XVI,  12-16).  Entre  les  deux  tableaux  s'interpose  une  scene  angelique,  comme 
le  ch.  X  entre  IX,  13-21  et  XI,  1-li.  De  part  et  d'autre,  le  messager  coleste  a  pour 
mission  d'annoncer  la  certitude  ineluctable  des  j'ugements  divins  {comparer  XVIII, 
21-suiv.  a  X,  5-7). 

Les  versets  XIX,  9-10  (d)  sont  I'epilogue  de  toute  la  section  commencee  a  XVII. 

D.  2"  c.  a.   Tlirene  sur  la  ruine  de  Babylone  (xviii,  9-20). 

Int.  —  Ce  morceau  a  de  particulier  qii'il  ne  parait  phs  itre  un  ricit  de  vision 
a  proprement  parler,  mais  une  prophetic  descriptive  directe,  itnitee  surtout  des  pre- 
dictions d'Isa'ie  et  d'Ezechiel  centre  Tyr,  la  grande  ville  commerciale  d' autrefois  [Is. 
XXIII;  Ezech.  XXVI,  16-XXVII).  La  forme,  comme  celle  de  ces  anciens  oracles,  si 
eloquents  et  si  pittoresques,  est  celle  d'une  lamentation,  dun  «  threne  ».  Tour  a  tour 
on  entend  gemir  sur  le  sort  de  Rome  :  les  rois  [9-10);  —  les  marchands  (11-16);  — 
les  marins  {17-19);  —  et  c'est  de  leur  bouche  que  nous  apprenons  ce  qui  est  arrive, 
tandis  que  le  del  et  les  saints  de  la  terre  sont  invites  a  se  rejouir  de  la  justice  faite, 
{20),  ce  qui  amorce  XIX,  1-8. 

Pour  I'origine  de  cette  pericope,  suivant  les  critiques,  voir  Introd.  a    D.  2°  b. 

C.  XVIII.  9.  Kar,  *κΛαϋσουσιν  και  *•/.όψονται  *έ-'  αυτήν  οί  βασιλείς  της  γί^ς  οί  μετ' 
αύτης  ττορνεύσαντες  καΐ  στρηνιάσαντες,  όταν  βλέποσιν  τον  καττνον  της  πυρώσεως 
αύτης,  10.  α-ο  μακρόθεν  έστηκότες  δια  τον  φόβον  τοΐ>  βασανισμού  αυτΫ5ς,  λέγοντες" 
Ουαί  ούαι  *ή  πόλις  ή  μεγάλη,  Βαβυλών  ή  πόλις  ή  '.σχυρά,  ότι  *μ(α  ώρα  ήλθεν  ή  κρίσις 
σοΧ). 

11.  Και  οΐ  έμποροι  της  γης  *κλαίοϋσιν  και  ττενθοΰσιν  έπ'  αυτήν,  ότι  τον  γόμον  αυτών 
ουδείς  αγοράζει  οΰκέτι,  12  γόμον  χρυσού  και  αργύρου  και  λίθου  τιμίου  και  μαργαριτών 
και  βύσσινου  και  πορφύρας  και  σιρικοΰ  και  κοκκίνου,  και  *πάν  ξύλον  θΰϊνον  και  πάν 
σκεύος  έλεφάντινον  και  πάν  σκεύος  ες  ξύλου  τιμιωτάτου  και  χαλκού  και  σιδήρου  και 
μαρμάρου,  13.  Και  *κιννάμωμον  και  άμο^μον  και  θυμιάματα  και  μύρον  και  λίβανον 
καίοϊνον  κα'ι  ελαιον  και  σεμίδαλιν  και  σΐτον  και  κτήνη  και  πρόβατα,  και  *ί'ππων  και 
ρεδών  και  σοψάτων,  και  *ψυχας  άνθρώπο)ν.   14.  Και  ή  όπώρα  σου  της  επιθυμίας  της 

Α.  Β.  9.  Noter  les  futurs  χλαύσουσιν,  κο'ψ.  —  Κόψεσθαι,  un  des  rares  exemples  du 
moyen  (Int,  c.  x,  §  II),  se  retrouve  en  ce  sens  Apoc.  i,  7,  et  Mat.  xi,  17;  xxiv,  30; 
Luc  VIII,  52;  xxiii,  27;  ce  dernier  le  fait  suivre  du  regime  direct;  on  rencontre  aussi 
dans  quelques  temoins  d'Apoc.  It:'  αϋτ»ί  et  Ιπ'  αϋτης.  —  Plainte  des  rois,  cfr.  Ezec/i. 
XXVI,  16-18;  —  Is.  xxxiv,  10. 

C.  9.  Les  verbes  au  futur  fixent  le  caractere  du  morceau;  c'est  directement  une 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  269 

prophetie,  non  le  recit  d'une  vision  passee  de  portee  prophetique.  Si  plus  loin  les 
verbes  passent  au  present  et  a  I'aoriste,  c'est  que  Jean  est  entraine  par  la  vivacite 
de  sa  pensee,  qui  lui  fait  toucher  I'avenir.  On  pent  hositer  sur  la  fonction  organique 
de  cette  pericope  :  faudrait-il  en  faire  une  suite  des  versets  precedents,  et  I'attribuer 
aussi  a  la  «  voix  du  ciel  »  ?  II  parait  plus  naturel  d'en  faire  un  morceau  a  part,  et  de 
I'attribuer  immediatement  a  I'ecrivain.  —  Les  rois  sont  ceux  de  xvii,  2,  les  vassaux 
et  allies  de  Rome,  et  non  les  «  Cornes  »  qui  doivent  la  detruire,  xvii,  12-13,  16-17; 
avec  Siveie,  on  peut  relever  une  pointe  de  sarcasme  —  d'  «  ironie  johannique  » 
—  dans  cette  prudence  qui  les  fait  se  contenter  de  gemissements,  a  bonne  distance 
de  I'incendie.  Leur  lamentation  est  breve  a  cote  de  celles  qui  suivront.  Malgre  la 
repetition  de  certains  refrains,  le  prophete,  plein  de  son  sujet  et  s'expriraant  d'abon- 
dance,  ne  s'est  pas  astreint  a  une  symetrie  strophique. 

■  A.  10.  άπο  [^ακρο'θεν  :  liaison  hellenistique,  dans  les  papyrus,  de  la  preposition 
avec  un  adverbe  [Moitlton,  p.  159);  ici  c'est  un  vrai  pleonasme.  —  ή  πόλις  peut  equi- 
valoir  a  un  vocatif  (Int.,  c.  x,  §  II),  ce  qui  est  moins  irregulier  apres  ούαί  que  I'accu- 
satif  de  xii,  12 ;  il  faudrait  le  datif  en  bonne  grammaire.  —  μία  ώρα,  «  locatif  de  temps  », 
cfx'.  Luc.  VIII,  29  (πολλοίς  χρο'νοις,  etc.  Moulton,  p.  116),  hellenistique,  frequent  dans  les 
papyrus;  on  trouve  aussi  [λίαν  ώραν  (A)  et  έν  μία  ώρα,  comma  xviii,  8. 

— — —  A.  B.  11.  Passage  au  present;  le  rec.  K.  maintient  le  futur  —  Plainte  des 
marchands  cfr.  Ezech.  xxvii,  30-36. 

C.  11.  Jean  ne  va  pas  consacrer  moins  de  sept  versets  a  la  lamentation  des  nego- 
ciants,  dont  il  a  soin  de  bien  mettre  en  relief  le  caractere  purement  personnel.  L'im- 
mense  et  luxueuse  cite  de  Rome  etait  en  eifet  la  cliente  du  monde  entier.  Pline  (H.  N. 
XII,  41),  evalue  a  100  millions  de  sesterces  au  moins  ses  transactions  annuelles  rien 
qu'avec  I'Extreme-Orient  [Si\'ete);    Orose,   plusieurs   siecles    apres,   appellera   Rome 

G.  xviii.  9.  Kt  ils  pleureront  et  ils  se  frapperont  [la  poitrine]  k  son  sujet, 
les  rois  de  la  terre  qui  avec  elie  ont  fornique  et  se  sont  livres  au  luxe,  une 
fois  qu'ils  regarderont  la  fumee  de  son  embrasement,  10  se  tenant  [a 
regarder]  de  loin  k  cause  dela  peurde  sontourment,  [et]  disant  :  «  Malheur, 
malheur!  la  ville,  la  grande  [ville] ,  Babyloae  la  ville  puissante,  parce 
qu'en  une  seule  heure  est  venu  ton  j ugement !  » 

11.  Et  les  marchands  de  la  terre  pleurent  et  se  lamentent  a  son  sujet, 
parce  que  leur  cargaison,  personne  ne  [I'Jachete  plus,  12  cargaison  d'or 
et  d'argent,  et  de  pierre  precieuse  et  de  perles,  et  de  byssus  et  de  pourpre 
et  de  sole  et  d'ecarlate,  —  ainsi  que  tout  bois  de  thuya  et  tout  ouvrage 
d'ivoire  et  tout  ouvrage  du  bois  le  plus  precieux,  et  d'airain  et  de  fer  et  de 
marbre,  13  et  le  cinnamome  et  raniome,  et  les  parfuins  et  I'huile  aroma- 
tique,  et  I'encens,  et  le  vin  et  I'huile,  et  la  fleur  de  farine  et  le  Iroment  et 
les  betes  de  somme  et  les  brebis  —  et  de  chevaux  et  de  voitures,  et  de  corps 
[humains]  —  ainsi  que  les  Ames  d'hommes!  14.  Et  la  saison  des  fruits  de  la 

encore  «  un  ventre  insatiable  »  qui  engloutit  tout  ce  que  produit  I'univers.  Jean  s'etend 
avec  profusion  sur  ce  commerce;  on  dirait  qu'il  en  est  plus  toucho  encore  que  de  la 
puissance  politique,  et  c'est  bien  la,  nonobstant  son  elevation  a  I'apostolat  et  a  la  mys- 
tique la  plus  haute,  un  vieux  trait  de  nature  d'un  Juif  de  la  Diaspora,  vivant  dans  les 
riches  entrepots  de  I'Asie,  apres  avoir  ete  dans  sa  jeunesse  un  humble  vendeur  de  pois- 
sons  au  bord  du  lac  galiloen.  L'enumeration  qui  suit  est  inspiree  de  celle  d'Ezechiel 


270  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

ψυχ•^ς  άτττ^λθεν  a.~o  σου.  και  -ττάντα  τα  λι-αρα  και  τα  λαμζρα  ά^ττώλετ:  άττο  σου,  και 
ουκέτι  cj  μ.ή  άΰτα  *εύρήσουσιν.  15.  Οί  εμ.χοροι  τούτων,  οί  πλουτήσαντες  ά-'  αυτής,  άτυο 
μακρόθεν  *στήσονται  δια  τον  φόβον  τοΰ  βασανισμού  αυτής  κλαίοντες  και  ττενθουντες, 
16,  λέγοντες*  Οΐ'αι  ουαΐ  *ή  πόλις  ή  μεγάλη,  ή  περιβεβλημένη  βύσσινον  και  πορφυρουν 
και  κόκκινον,  και  κεχρυσοιμένη  *έν  χρυσίω  και  λίθω  τιμίω  και  μαργαρίτη,  17  ότι  μία 
ώρα  ήρημο')Οη  ο  τοσούτος  'ττλουτος. 

Και  ττας  κυβερνήτης  και  πας  ό  έττί  *τότ:ον  7:λέο)ν  και  ναΰται  και  όσοι  τήν  θάλασσαν 
εργάζονται,  α-ζ  μακρόθεν  *'έσ-τ,σ7.Ί,  18  και  *εκραςον  βλέποντες  τον  καπνον  της 
πυροισεως  αΰτης,  λέγοντες'  Τίς  *ομοία  τη  πόλει  τη  μεγάλη;  19.  Και  *εβαλον  '/ουν 
έκί  τας  κεφάλας  αυτών  και  *εκραζον  κλαίοντες  και  πενθοΰντες  λέγοντες"  Οϋαί  ουαι  ή 
πόλις  ή  μεγάλη,  έν  η  έπλούτησαν  πάντες  οί  έχοντες  τα  πλοία  εν  τη  θαλασσή  *έκ  της 
τψ,ιότητος  αυτής,  οτι  μία  ώρα  ήρημωθη. 

20.  Ευοοαίνου  έπ  αυτή  *οϋρανέ  και  οί  άγιοι  και  οί  απόστολοι  και  οί  προφηται,  ότι 
εκοινεν  ο  θεός  το  κρίμα  υμών*  ες  άυτης. 


χχνπ;  elle  ne  presente  pas  le  vif  interet  du  modele,  cet  incomparable  document  de 
geographie  commerciale  des  vn*=  et  vi^  siecles;  mais  Jean  non  plus  n'a  pas  reproduit 
des  cliches;  les  termes  de  cette  «  exposition  universelle  »,  comme  dit  Holtzmann,  sont 
choisis  par  un  homme  qui  I'a  bien  regard^e,  et  non  sans  quelque  interet. 

•  A.  B.  12.  Remarquer  le  passage  du  genitif  a  I'accusatif,  παν  ξύλον;  ces  mots 
pourraient  etre  le  regime  direct  de  αγοράζει,  coordonne  a  γόΐΑον;  mais,  comme,  plus  bas 
(14,  Ί'ππων),  il  y  aura  un  retour  tres  inattendu  au  genitif,  mieux  vaut  voir  ici  une 
des  incoherences  de  la  langue  apocalyptique  (Ιλτ.,  c.  x,  §  II).  Nous  ne  relevons  pas 
les  variantes  nombreuses  de  forme  et  d'orthographe  dans  les  noms  de  ces  denrees. 
—  Cfr.  Ezech.  xxvii,  5-7 ;  12-25. 

C.  12.  Calmes  est  trop  severe,  quand  il  voit  ici  «  un  exercice  de  rhetorique  dans 
lequel  on  a  multiplie  les  mots  a  plaisir  «.  C'est  au  moins  «  ein  kleines  kulturge- 
schichtliches  Bild  »,  dit- Joh.  TFeiss  qui  a  bien  plus  de  sentiment  litteraire  et  historique 
que  la  moyenne  des  critiques.  Les  denrees  ne  sont  pas  choisies  au  hasard;  ainsi  le  θύϊνον 
(le  citreum,  un  thuya,  ou  une  sorte  de  cedre  blanc),  etait  de  fait  un  bois  polychrome 
tres  recherche  pour  le  mobilier  romain.  Si  I'enumeration  est  en  soi  peu  poetique,  elle 
ne  deplaira  pas  a  qui  sait  apprecier,  par  exemple,  le  style  accumulatif  de  Flaubert; 
ce  deballage  eveille  des  idees  pittoresques  comme  un  bazar  d'Orient. 

II  A.  13.  Retour  singulier  au  genitif  (ίππ.  κ.  ρεδ.  κ.  σωμάτων),  pour  finir  enfin  sur 

un  accusatif;  v.  supra.  —  κιννάμωαον  καΙ  ά;Αωμον,  assonance  qui  manque  Q-al070-O46, 
et  ailleurs,  ou  «μωμον  est  supprime;  le  second  mot  a  pu  etre  ajoute  par  dittographie, 
(BoKsset),  ou  omis  par  homo'ioteleuton.  —  Cfr.  Ezech. 

C.  13.  Le  cinnamome  et  I'amome,  parfums  que  citent  les  auteurs  latins  comme 
usites  dans  les  banquets  :  done  allusion  a  un  des  traits  les  plus  caracteristiques  du 
luxe  et  de  la  debauche  romaine.  —  κτήνη,  le  gros  betail  et  les  betes  de  trait.  —  ρεδών  : 
la  rheda  etait  une  voiture  gauloise  a  quatre  roues,  devenue  a  la  mode  chez  les 
Romains  de  I'empire  —  Σώματα,  pour  signifier  «  esclaves  »,  est  familier  aux  LXX; 
la  cruaute  de  ce  commerce  est  accentuee  par  le  dernier  mot  ψυ•/ας  άνθ.  II  peut  etre 
question  des  prostituees,  gladiateurs,  etc.  C'est  le  comble  de  I'egoisme  romain,  cette 
abondance  d'esclaves,  de  chair  a  amphitheatres  et  a  lupanars. 

.  A.  14.  δπώρα,  fruit  d'automne,  bon  a  cueillir  —  ευρ>5σουσιν  est  probablement 

impersonnel,  si  ce  sont  les  marchands  qui  continuent  a  gemir,  et  non  une  parenthese 
de  Jean  |Ιχτ.,  c.  x,  §  II).  —  σοΰ  transporte  apres  ψυ/ης  {Hipp.,  rec.  K),  ou  omis. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  271 

passion  de  ton  iime  s'en  est  allee  [loin]  de  toi,  et  tout  ce  qu'il  y  a  d'opulent 
et  d'eclatant  a  peri  pour  toi,  et  jamais,  jamais  plus  on  ne  le  trouvera' 
15.  Les  vendeurs  de  tout  cela,  qui  s'etaient  enrichis  par  elle,  se  tiendront 
[pour  regarder]  de  loin,  a  cause  de  la  peur  de  son  tourment,  pleurant  et  se 
lamentant,  16  [et]  disant  :  «  Malheur,  malheur,  la  ville,  la  grande  [ville], 
qui  t'etais  envelopp^e  de  byssus  et  de  pourpre  et  d'ecarlate,  et  doree  d'or 
et  de  pierre  precieuse  et  de  perle  [sic,  au  singulier),  17,  parce  qu'en  une 
heure  a  ete  devastee  cette  richesse  si  grande !  » 

Et  tout  pilote,  et  tous  ceux  qui  naviguent  de  place  en  place ;  et  les  marins, 
et  tous  ceux  qui  travaillent  la  mer,  se  tinrent  [pour  regarder]  de  loin, 
18,  et  lis  criaient  en  regardant  la  fumee  de  son  embrasement,  disant  : 
«  Qui  [etait]  pareil  k  la  ville,  k  la  grande  [ville]?  »  19.  Et  ils  jeterent  de  la 
poussiere  sur  leurs  tetes,  et  ils  criaient  pleurant  et  se  lamentant,  disant  : 
«  Malheur,  malheur,  la  ville,  la  grande  [villej,  dans  laquelle  s'etaient 
enrichis  tous  ceux  qui  ont  les  bateaux  sur  la  mer,  k  cause  de  Felevation  de 
ses  prix,  car  en  une  heure  elle  a  ete  devastee!  » 

20.  Rejouis-toi  k  son  sujet,  ciel !  et  [vous]  les  saints  et  les  apotres  et  les 
prophetes,  parce  que  Dieu  a  jugo  [et  rendu  son]  arret  [pour]  vous  contre  elle ! 


G.  14.  Depuis  Vitringa,  beaucoup  d'auteurs,  aujourd'hui  Weizsdcker,  Holtzmann, 
Cahnes,  etc.,  ont  voulu  transporter  ee  verset  au  milieu  du  v.  23.  Ce  n'est  pas  neces- 
saire.  «  Juste  au  moment  ou  le  fruit  du  travail  de  generations  multiples  semblait  pres 
de  tomber  dans  la  bouche,  il  s'est  evanoui  comme  un  songe  »  [Sivete). 

•  A.  B.  C.    15.  σττ^σονται,    retour  au  futur.  —   Cfr.  Εζέοΐι.  xxvii,    30-31.  —  Les 

versets  15-17  a  repetent  10  d'une  part  et  11  de  I'autre.  Si  les  rois  gemissaientsur  la 
puissance  eteinte,  les  negociants  regrettent  les  somptueuses  d^penses  de  la  capitate 
leur  cliente.  Ce  singulier  melange  de  precision  presque  technique  en  une  foule  de 
details,  avec  un  esprit  intuitif,  presque  metaphysique,  se  retrouve  si  accuse  dans  le 
IV«  Evangile  (Int.,  c.  xiii,  n,  §  III)  qu'on  peut  le  tenirpour  caracteristique  de  I'auteur; 
aussi  n'est-il  nullement  necessaire  de  chercher  des  sources  utilisees,  a  part  Ezechiel, 
qui  encore  n'est  suivi  que  tres  librement. 

— — —  A.  B.  16.  ojat  ή  πολ.,  v.  verset  10.  —  Iv  (instr.)  -^f^.  ■/.  λίθ.  τιμ.  και  μαργαρίττ], 
cfr.  XVII,  4  ([Λαργαρίταις,  ici  la  vulg.  a  «  margaritis  »).  —  L'auteur  donne  ainsi  deux 
variantes  des  plaintes  des  marchands,  auxquelles  il  parait  attacher  une  specialo 
importance. 

_____  A.  B.  C.  17.  La  premiere  partie  du  verset  repond  a  10  c,  sauf  la  nuance  d'un 
sentiment  plus  terre  a  terre.  Puis  l'auteur  passe,  17b-19,  a  la  lamentation  des  marins, 
qui  n'est  pour  le  sens  qu'une  repetition  de  celle  des  marchands,  mais  sous  une  forme 
plus  mouvementee.  Remarquer  I'aoriste  ϊστιησαν  (έστί^κασιν,  εστηκότες  dans  quelques  And.], 
apres  les  futurs  et  les  presents ;  le  mouvement  de  la  pensee  rappelle  celui  du  chap,  xi 
(comment,  ad  loc.  et  Int.,  c.  viii).  —  πλεΓν  ζκ\  τόπον  (τον  το'πον  χ,  Q,  quelques  And.)  se 
dit  des  vaisseaux  qui  faisaient  le  cabotage  (dc  Wctte,  Boiisset,  J.  Weiss.);  ceux  qui 
«  travaillent  la  mer  »,  expression  assez  poetique,  doivent  etre  les  marins  au  Ion!>• 
cours.  La  sa/i.  a  lu  Ird  των  ποταΐΑών,  Prim,  traduit  «  omnis  super  mare  navigans  ». 
Nestle  conjecture  la-dessus,  sans  necessite,  que  τόπον  est  une  erreur  pour  ΠΟΝΤΟΝ 
ecrit  ΠΟΤΟΝ. 

.  A.  18.  εκραζον,  imparfail  narralif,  d'etTet  dramatique,  et  qui  varie  le  style; 


272  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

D.  2°  c.  β.  Un  ange  prophetise  en  action  le  jugeinent  cle  Babylone  (xvm,  21-24). 

Int.  —  Opinions   des    critiques,  supra,  Int.  a  D   2"  b.    Fonction   de  cette  pcricope 
voir  lint,  a  D  2  c-d. 

C.  XVlii.  21.  Και  ήρεν  *ε'.ς  άγγελος  Ισχυρός  λίθον  ώς  *[Αύ)ανον  μέγαν,  και  εβαλεν 
ε'.ς  την  θάλασσαν  λέγο)ν  Οΰτίος  όρμήματι  βληθήσεται  Βαβυλών  ή  μεγάλη  ζόλις,  και 
C'j  μή  εύρεθί)  ε'τι.  22.  Καΐ  φωνή  κιθαρωοών  και  μ-ουσικών  και  αυλητών  και  σαλπιστών 

ου  μη  άκουσθη  εν  σοι  ετι,  και  *πάς  τεχνίτης  τζάσης  τέχνης  *οΰ  μη  εύρεθη  εν  σοι  ετι, 
και  Φωνή  μύλου  ου  μή  άκουσθη  εν  σοι  ετι,  23  Και  φως  λ•>/νου  οϋ  μή  φάνη  εν  σοι 
ετι,  και  φωνή  νυμφίου  κα'ι  νύμφης  ου  μή  άκουσθη  εν  σοι  έ'τι"  οτι  οι  εμποροί  σου  ήσαν  οί 
*μεγιστανες  της  γης,  ότι  *έν  τη  φαρμάκια  σου  έπλανήθησαν  χάντα  τα  έθνη,  24  Και  εν 
αΰτη  *αΤμα  προφητών  και  αγίων  ευρέθη  και  πάντων  των  έσφαγμένων  έπι  της  γης. 

έκραξαν  dans  G.  et  Λ.,  quelques  And.,  g,  vulg,  Hipp.,  ailleurs  ε/.λαιον  ou  έκραύγαζον.  — 
Pour  καπνόν,  A  lit  τόπον,  \>ulg.  «  locum  ». 

— ^.^  A.  B.  19.  έ'βαλον...  εκραζον,  finesse  de  style  appreciable;  mais  les  mSmes 
temoins  que  ci-dessus  portent  Ιχραξαν.  —  έκ  causatif  (Int.,  c.  x,  §  II).  —  oual  ούα\...  δτι  (jlix 
ωρα,  cfr.  10,  16,  17.  —  Τ(ς  δμοία  (par  attraction)  ττ]  πόλ.,  cfr.  Ezech.  xxvii,  32,  dans  la 
lamentation  des  marins  sur  le  sort  de  Tyr. 

A.  B.  20.  ουρανέ,  un  des  rares  vocatifs  du  livre  (Int.,  c.  x,  §  II),  suivi,  comme 

ailleurs,  de  norainatifs.  —  II  ne  se  trouve  qu'ici,  et  xxi,  4,  de  mention  des  Apotres  du 
Christ;  aux  passages paralleles,  xvi,  6  et  xviii,  24,  les  prophetes  seuls  sont  mentionnes, 
non  les  apotres;  κα\  οί,  entre  άγ.  et  αποστ.,  manque  G,  (•«/».,  al.  —  έξ  ici  signifie  «  a  ses 
depens  »  Int.,  c.  x,  §11,  p.  cxxxv.  C'estune  dette  rcclamee.  —  Joie  du  ciel,  comme  xii, 
12;  cfr.  Is.  xliv,  23;  imitation  de  Jer.  n,  48  (heb.). 

— —  C.  20.  Ce  verseL  fait  antithese  avec  tout  le  reste  du  tableau  ;  les  sentiments 
du  ciel,  qui  sont  selon  la  justice,  contrastent  avec  ceux  des  rois,  etc.,  et  de  tons  les 
hommes  animes  de  sentiments  terrestres.  Quelle  etait,  aux  yeux  de  Jean,  I'importance 
de  cette  chute  de  Rome  dans  le  plan  de  I'avenir,  pour  qu'elle  fut  celebree  ainsi  par  les 
memes  voix  qui  ont  chante  la  chute  du  Dragon  !  Cette  invitation  prepare  xix,  1-9,  la 
seconde  partie  du  diptyque. 

A.  B.  21.  εΤς  pour  τις,  Int.,  c.  x,  §  II.  —  μύλινος,  synonyme  vulgaire  du  μυλικός.  — 
5γγ.  ίσ/υρός,  cfr.  χ,  1  et  ν,  2  Σσ/υρός  omis  A,  syr.;  ailleurs,  N,  al.,  Γσχυρόν,  rapporte  a 
λίθον.  —Pour  ces  trois  versets,  cfr.  le  modele  de  cette  scene  dans  Jer.  li  (xxviii)  63-64, 
ou  Seraia,  sur  I'ordre  de  Jeremie,  jette  une  pierre  dans  I'Euphrate  pour  symboliser  la 
ruine  irremediable  de  Babylone.  Pour  le  Voyant  de  Patmos,  ce  sera  naturellement 
dans  la  mer;  la  mer,  on  I'aura  remarque,  apparait  partout  dans  la  mise  en  scene,  vii, 
1;  VIII,  18-suiv.;  x,  2-suiv.;  xii,  12,  18;  xiii,  1;  xvi,  3-4,  et  infra. 

G.  21.  Les  Anges  qualifies  de  «  puissanls  »  (ίσ/υρός)  sont  ceux  dont  la  mission  a  trait 
a  des  jugements  generaux  de  Dieu;  ainsi  celui  qui  invitait  a  ouvrir  le  livre  scelle(v,  2), 
et  celui  qui  annouQait  la  certitude  de  la  consummation  et  apportait  au  prophete  le 
βιβλαρίδιον  (ch.  x).  La  ruine  de  Babylone  n'est  pas  predite  par  un  moindre  messager; 
c'est  dire  la  place  qu'elle  tient  dans  I'economie  de  la  Revelation.  Ce  petit  morceau,  qui 
fait  charniere  entre  deux  tableaux  plus  considerables,  n'est  pas  d'une  autre  main  que 
le  reste.  On  veut  que  le  style  en  soit  plus  «  poetique  »  ;  mais  c'est  un  autre  genre  de 
poesie,  plus  pareille  a  celle  des  prophetes  ante-exiliens  qu'aux  descriptions  exube- 
rantes  d'Ezechiel. 

——  A.  B.  C.  22.  πάς....  ou..,  hebraisme,  Int.,  c.   x,  §  II.   —  Cfr.  Is.  xxiv,  8;  xxv, 


APOCALYPSE    Dfe    SAINT   JEAN.  273 

C.  XVIII.  21.  Et  un  Ang-e  puissant  leva  une  pierre  graiide  coninie  une 
[meule]  de  moulia,  et  [la]  jeta  dans  la  mer,  disant  :  «  Ainsi  d'lin  [seul] 
coup  sera  jetee  Babylone  la  grande  ville,  et  jamais  plus  elle  ne  se  trouvera. 
22.  —  Et  la  voix  des  citharistes  et  des  musiciens  et  des  fltitistes  et  des 
joueurs  de  trompette,  ne  se  fera  plus  jamais  entendre  en  toi,  et  aucun 
artisan  d'aucun  artne  se  trouvera  plus  jamais  en  toi,  et  la  voix  de  la  meule 
ne  se  fera  plus  entendre  jamais  en  toi,  23.  Et  la  lumiere  d'une  lampe  ne 
brillera  plus  jamais  en  toi,  et  plus  une  voix  de  fiance  et  de  fiancee  ne  se  fera 
jamais  entendre  en  toi;  parce  que  tcs  marchands  etaient  les  grands  de  la 
terre,  parce  qu'en  ton  malefice  ont  ete  egaroes  toutes  les  nations!  —  24,  Et 
en  elle  s'est  trouve  le  sang  des  prophetes  et  des  saints,  et  de  tons  ceux  qui 
ont  ete  egorges  sur  la  terre.  » 

10;  Ezech.  xxvi,  13.  «  Aucun  bruit  de  rejouissance,  ni  de  vie  industrielle,  ni  meme  de 
travaux  domestiques,  ne  sera  plus  entendu  a  Babylone  »  [Sivete).  C'est  a  prendre  au 
sens  moral,  et  non  purement  litteral,  comme  aussi  les  anciennes  propheties  sur  la 
Babylone  antique. 

— — ~.  A.  B.  C.  23.  μεγιστάνες,  cfr.  VI,  15.  —  φαρμακία  =  malefice,  «  Zauberei  » ;  cfr. 
Na/iiim,  in,  4,  sur  Ninive.  —  δτι  οί  εμπ.  σου,  cfr.  Jer.  xxiii,  8.  II  est  bien  vrai  qu'au  pre- 
mier siecle  avant,  et  au  premier  siecle  apres  J.  C,  les  έμποροι  remains,  ou  Ton  pent 
voir  les  gz-ands  publicains,  etaient  les  maitres  des  provinces,  qu'ils  avaient  si  horrible- 
ment  tyranniseesa  la  fin  de  la  Republique.  On  dirait  que  Jean  rappelle  avecinsistance 
a  I'Asie,  maintenant  reconciliee  par  la  prosperite  economique,  les  anciennes  iniquites 
qui  ont  fait  la  puissance  de  Rome;  ce  n'est  pas  seulement  I'Eglise,  c'est  Thumanite  qui 
est  riche  en  griefs  de  toute  sorte  centre  cette  Babylone.  —  «  Lampe  «  cfr.  Jer.  xxv,  10 ; 
«  voix  de  fiance  »,  cfr.  Jer.  vii,  34;  xvi,  9. 

— —  A.  C.  24.  αιαατα  pour  αίμα,  rec.  K.  —  Ge  sang  n'est  pas  seulement  celui  dea> 
martyrs  (prophetes  et  saints),  mais  de  toutes  les  victimes  (πάντων  τών  έσφ,)  du  regime 
politique  et  social  de  Rome,  qui  sacrifiait  tant  de  vies  humaines  dans  ses  guerres  et 
dans  ses  plaisirs. 

D  2°  c  γ.  —  Joie  du  del,  opposes  aux  lamentations  de  la  terre  (xix,  1-8). 

Int.  —  La  pensoe  prophetique  de  Jean  le  transporte  maintenant  au  ciel  —  car  tout 
Vespace  lui  est  ouvert,  supra,  c.  XI,  —  et  il  voit  et  entend  la  contre-partie  du  deuil 
terrestre.  Cette  scene  o/fre  une  analogie  frdppante  avec  les  liturgies  celestes  duck.  IV, 
autour  du  trone  de  Dieu;  du  ch.  V,  lors  de  I'intronisation  de  I'Agneau;  du  ch.  VII,  a 
I'arrivee  de  la  procession  des  elus;  du  cli.  XI,  15-18,  a  la  consomniation  de  la  7^  trom- 
pette; du  chap.  XII,  10-12,  a  la  chute  du  Dragon.  C'est  que  la  ruine  de  Home  — 
comme  celle  de  Jerusalem  dans  les  Synoptiques  —  est  consideree  comme  une  des  grandes 
manifestations  de  puissance  de  I'Agneau  pour  le  salut  des  hommes;  nous  pouvons  y 
voir  une  application  de  la  regie  posce  IV,  9-10  :  «  Chaquc  fois  que  les  Animaux  ren- 
dront  gloire...  les  24  vieillards  tomberont  devant  celui  qui  est  assis  sur  le  trone  etc.  » 
On  peut  aussi  (aire  un  rapprochement,  mais  moins  elroit,  avec  les  cantiques  de  XIV 
1-5,  etXV,  2-4.  La  I'adieuse  perspective  des  noces  de  I'Agneau  avec  I'Eglise  sa  Fiancee 
est  amenee  par  opposition  aux  prostitutions  dont  la  Courlisane  a  recu  le  chdtiment. 

Les  critiques  font  done  ici  bien  it  tort  leurs  divisions  et  combinaisons  in<^anieuses. 
Mentionnons  specialement  VOlter,  qui  altribue  bien  XIX,  l-fjt;  5-10'*  a  Jean-Marc 
comme  Ic  chapitre  precedent,  mais  intercale  cntrc  i  el  5  la  scene  de  XIV,  l^i-W,  pour 

AIOCALYPSE    DE   SAINT  JEAN.  Ijj 


274  APOCALYPSE    DE    SAIXT    JEAN. 

faire  ainsi  la  conclusion  de  son  Apocalypse  primitive.  Weyland  :  1-6  revient  a  H, 
coinme  XVII-XVIII,  7-10  est  dii  redacteur  chretien.  Spitta  :  1-Z  et  5-8  sont  de  P,  9^-10 
de  I'Apoc.  primitive,  8'^-9^,  et  quelques  I'etouclies,  du  «  Redacteur;  Erbes  :  l~i,  coinme 
XVII-XVIII.  est  de  I'Apoc.  de  80  (ainsi  que  0^-21),  et  5-9^  de  I'Apoc.  de  62;  Bruston  : 
1-3  et  11-21  sont  du  temps  de  Neron,  i-10  du  disciple  de  Jean;  Joh.  Weiss  :  1-10 
est  de  I'  «  Editeur  ». 


C.  XIX.  1.  *Μετα  ταΰτα  ήκουσα  *ώς  *φωνήν  μεγάλην  όχλου  ζιλλου  έν  τω  c'jpiX'fM 
*λ£γόν-0)ν  Αλληλούια"  ή  σωτηρία  και  ή  Βόξα  *[•/.αι  ή  τιμή]  και  ή  ούναμις  *τοΰ  θεοί; 
ήμ,ών,  2  'ότι  άληθιναί  και  δίκαιαι  αί  κρίσεις  αυτού"  'ότι  έ'κρινεν  την  χόρνην  τήν  μεγάλην, 
*ήτις  εφθεφεν  τήν  γην  *έν  τη  ■ττορνεία  αΰτης,  και  έξεοίκησεν  το  αίμα  των  δούλων 
αΰτοΰ  εκ  χειρός  αυτής.  3.  Και  δεύτερον  *ε'ίρηκαν'  Αλληλούια"  και  6  καπνός  αΰτης 
αναβαίνει  ε;ς  τους  αιώνας  των  a'.o)vo)V.  4.  Και  *ε'::εσαν  οι  πρεσβύτεροι  οι  είκοσι  τέσ- 
σαοεα   ν.οίΐ   τα   *τέσσεοα  ζώα,   και  ποοσεκύνησαν  *τώ  θεώ   τώ   καθημ.ένο)  έ-ι  τώ    θρόνοι 

ι*  ^  ^  '  t  •  111  it.  ill 

λέγοντες'  'Αμήν  αλληλούια. 

5.  Και  φωνή  άπο  του  Βρζ^ού  έςήλΟεν  λέγουσα"  Αινείτε  *τώ  θεώ  ημών,  πάντες  οι 
δούλοι  αϋτοΰ,  *[καί]  οί  φοβούμενοι  αυτόν,  οί  μικροί  και  οί  μεγάλοι.  6  Και  ήκουσα  ώς 
*φωνήν  όχλου  πολλού,  και  ώς  οωνήν  υδάτων  πολλών,  και  ώς  φωνήν  ^pov-ij)^  ισχυρών, 
*λεγόντων"  'Αλληλούια,  'ότι  *έβασίλευσεν  κύριος  δ  θεός  ημών  ό  παντοκράτο)ρ.  7.  Χαί- 
ρωμεν  και  *άγαλλιώμεν,  καΐ  δώσομεν  τήν  δόςαν  αΰτώ,  Οτι  ήλθεν  ό  γάμος  του  άρνίου, 
και  ή  γυνή  αύτοΰ  ήτοίμασεν  *έαυτήν,  8  καΐ  *έδόθη  αυτή  ί'να  περιβάληται  βύσσινον 
λαμ.προν  καθαρόν"  το  ^χρ  βύσσινον  τα  δικαιοίματα  τών  άγιων  εστίν. 


■  Α.  Β.  1.  μετά  ταΰτα,  formule  ordinaire.  —  ώς  omis  And.  passim,  g,  syr.,  arm. 
Prim.  —  φ'ονης  pour  φωνήν,  quelques  And.  —  λέγοντος,  dans  δ  505-14-69,  all,  pour 
λεγόντων,  qui  est  un  accord  ad  sensum  (Int.  c.  x,  §  II).  —  "/.αΊ  ή  τιαή,  ajoute  apres  δόξα, 
quelques  And.,  syr.,  pourrait  etre  authentique,  car  on  a  ainsi  une  doxologie  a  quatre 
membres,  ce  qui  est  plus  conforrae  a  Γ  «  usus  loquendi  »  habituel,  cfr.  v,  13;  cependant 
on  en  trouve  une  a  trois  membres  iv,  11.  —  τω  θεω  pour  του  θ.,  δ  500-88-205  al.,  vulg., 
syr.  boll.  Prim.  —  Cfr.  Jer.  li,  48.  —  δ/,  πολ.,  sans  doute  les  myriades  d'Anges  de  v,  11. 

—  «  Alleluia  »  n'apparait  qu'ici  et  versets  3,  4,  6,  dans  le  Nouveau  Testament;  pour  la 
tournure  de  la  doxologie,  cfr.  vii,  10;  xi,  15;  xii,  10. 

C.  1.  Dans  ces  quatre  premiers  versets,  ce  sont  les  puissances  celestes  et  les  bien- 
heureux  qui  louent  Dieu.  L'objet  de  leurs  louanges  est  la  justice  qui  s'est  manifestee 
dans  la  punition  de  la  Courtisane.  Sur  terre  on  ne  I'entrevoit  que  dans  I'avenir;  mais, 
au  ciel,  on  I'envisage  comme  deja  faite. 

— -^  A.  B.  2.  ήτις  a  ici  toute  sa  valeur  (cfr.  supra,  xii,  13).  — έν  instr.  (Int.  c.  x,  §  II). 

—  άληθ.  y.x\  δίκ.  αϊ  κρίσεις  cfr.  xv,  3  (άληΟ.  αί  οδοί  σου) ;  χνΐ,  7  ;  irepithete  αληθινός,  passim, 
johannique  (Int.  c.  xm,  ii,  §  I).  —  ήτις  Ιφθειρεν,  cfr.  pour  I'idee  seule  ou  les  mots  et 
I'idee,  xiv,  8 ;  xvii,  2;  xviii,  3,  etc.,  encore  xi,  18  —  έξεδίκ.  το  αΤμα  έκ  χειρ.,  cfr.  xviii,  20. 

— — —  Α.  Β.  3.  Au  lieu  de  la  forme  εί'ρηκαν  (cfr.  πέπωκαν,  xviil,  3;  γεγοναν,  xxi,  6, 
Int.  c.  X,  §  II),  on  trouve  εί'ρηκασι  dans  And.,  ailleurs  εΤρηκεν,  εΤπον.  —  «  Fumee  »,  cfr. 
XVIII,  9,  18 ;  encore  xiv,  11 ;  75.  xxxiv,  10  (jugement  d'Edom). 

'  A.   B.  C.  4.  Remarquer  έπεσαν  (Int.  c.  x,  §  II;  And.  επεσον)  et  τέσσερα  (A,  G),  a 

cote  de  τέσσαρες  (Int.  c.  x,  §  II).  —  L'auteur  revient  a  la  mise  en  scene  des  chap,  iv-v, 
qui  ne  s'est  jamais  completement  eiTacee;  «  Vieillards  «  cfr.  iv,  4,  etc.;  xi,  16;  «  Ani- 
maux  »,  IV,  6,  etc. ;  -οοσκ.  avec  le  datif,  «  se  prosterner  »,  comme  aux  passages  indiques. 

'  A.  B.  5.  αίνέοί  suivi  du  datif  {rec.  K..,  And.  :  τον  θεο'ν),  hebraisant,  d'apres  Jer. 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX.  275 

C.  XIX.  1.  Apres  ces  choses  j'entendis  comme  iine  grande  voix  d'ane 
foule  nombreuse  dans  le  ciel,  [de  gens]  quidisaient  :  «  Alleluia!  le  salut  et 
la  gloire  [et  riionneup  (?)]  et  la  puissance  [sont]  a  notre  Dieu,  2  parce  que 
veridiques  et  justes  [sont]  ses  jiigements;  parce  qu'il  a  juge  la  grande 
Prostituee,  celle  qui  corrompait  la  terre  par  sa  prostitution,  et  il  a  reclame 
le  sang  de  sesserviteurs  de  sa  main  ».  3.  Et  une  deuxieme  fois  ils  ont  dit  : 
«  Alleluia!  »  Et  sa  fumee  monte  aux  siecles  des  siecles.  4.  Et  ils  tomberent 
[k  terre],  les  vixgt-ouatre  vieillards  et  les  quatre  ammaux,  et  ils  se  pros- 
ternerent  devant  le  Dieu  qui  est  assis  sur  le  trone,  [en]  disant  :  «  Amen! 
Alleluia  I  » 

5.  Et  une  voix  sortit  du  trone,  disant  :  «  Louez  notre  Dieu,  [vous]  tous 
ses  serviteurs  fet]  ceux  qui  le  craignent,  les  petits  et  les  grands!  »  6.  Et 
j'entendis  comme  une  voix  d'eaux  abondantes,  et  comme  une  voix  de 
puissants  tonnerres,  qui  disaicnt  :  «  Alleluia!  car  il  a  etabli  son  r^gne,  le 
Seigneur  notre  Dieu,  Ic  Tout-Puissant.  7.  Rejouissons-nous  et  soyons  dans 
Tallegresse!  Et  nous  lui  donnerons  la  gloire,  parce  qu'elles  sont  arrivees, 
les  NOCES  DE  l'Agxeau,  et  son  epouse  s'est  preparee,  8  et  il  lui  a  ete  donne 
de  s'envelopper  de  pur  byssus  eclatant  ».  Gar  le  byssus,  ce  sont  les  actes  de 
justice  des  saints. 


XX,  13  {Holtzmann).  — Κα\  devant  o'.  φοβ.  se  trouve  A,  Q,  I'ensemble  des  minusc,  viilg., 
syv:,  Prim.,  And.,  Arethas,  et  est  possible  pour  Soden;  il  manque  N,  C,  P,  B.  Weiss; 
s'il  faut  le  lire,  λόϊγ  pour  le  sens  de  φοβού[χενο[  au  commentaire  de  xi^  18 ;  —  o\  μιχ.  κα\ 
οί  [χεγ.,  cfr.  egalement  χι,  18  et  xix,  18;  xx,  12;  xxi,  16,  c'est  une  des  expressions 
caracteristiques  a'Apoc. 

C.  5.  Quelle  est  cette  voix  innommee  qui,  comme  celle  dexvi,  17,  «  part  du  trone  »? 
—  Q  est  a  peu  pres  seul  a  porter  τοΰ  ουρανού  pour  -οΰ  θρόνου.  —  Elle  exhorte  tous  les 
fideles  de  la  terre  a  s'associer  aux  louanges  celestes,  toujours,  bien  entendu,  a 
lOecasion  de  la  chute  deja  escomptee  de  Babylone.  Ce  n'est  pas  celle  de  Dieu  meme, 
puisqu'elle  parle  de  «  notre  Dieu  » ;  mais  c'est  peut-etre  celle  du  Christ,  parlant 
comme  homme,  puisque  Lui  aussi  siege  sur  le  trone  de  son  Pere  (vii,  17),  ou  de  I'un 
des  Animaux  qui  portent  le  trone  (voir  vi,  1-2,  comment.). 

— —  A.  B.  6.  Pour  λεγο'ντων,  qui  convient  dans  ce  style,  (A,  P,  Ap  11-95-2040, 
vidg.  Prim.),  on  trouve  toutes  les  variantes possibles  :  λέγοντες  [rec.  K.,  peut-etre  a  con- 
server,  a  cause  meme  de  son  irregularite,  Boussei),  λέγοντας,  λέγοντος,  λεγούσων,  λεγούσης 
(apres  φωνής,  pour  9'ονήν,  dans  And.).  —  έβασίλευσεν,  aoriste  ingressif,  doit  s'entendre  de 
I'acte  par  lequel  Dieu  est  entro  en  possession  de  sa  royaute,  cfr.  xi,  17.  cc  Voix  de 
tonnerres  »  et  «  d'eaux  abondantes  »,  cfr.  xiv,  2,  et  i,  15. 

C.  6.  C'est  I'Eglise  universelle  qui  loue  Dieu ;  mais  sa  joie  rend  une  note  qui  n'avait 
pas  ete  exprimee  dans  celle  des  etres  celestes,  v.  infra,  v.  7.  —  Les  trois  versets  6-8 
donnent  a  la  section  «  romaine  »  une  finale  triomphale  comparable  a  celle  des  Trom- 
pettes.  La  chute  de  Babylone,  I'ennemi  actuel,  le  plus  dangereux,  qui  paraissait  tout  a 
fait  inebranlable,  fait  presager  deja  le  salut  consomme,  qui  aura  lieu  a  I'etablissement 
definitif  du  Royaume.  Ce  n'est  pas  encore  cet  etablissement,  puisqu'il  y  aura  d'autres 
luttes  centre  la  Bote  et  ses  «  cornes  » ;  mais  c'est  un  gage  eclatant  de  la  toute-puis- 
sance  du  Sauveur,  de  meme  que,  dans  les  Synoptiques,  la  chute  de  Jerusalem  inlidele 
est  un  ((  Avcnement  »  du  Fils  de  rilomme,  qui  garaiilit  I'avenir  auxycuxdes  croyanls; 


276  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

C.  XVIII.  9.  ΚαΙ  *λέγ£ΐ  μοι"  Γράψον"  Μακάριοι  ci  ε\ς  τι  δεϊ-νον  *τοΰ  γάμιυ  του 
άονίου  κεκλημένοι.  Και  λέγει  μοί'  Ojtci  οι  λόγοι  αληθινοί  *το;>  Οεοΰ  εισιν. 

10.  Και  *ε7:εσα  έμπροσθεν  των  χόοων  αυτοΰ  προσκυνησαι  *αΰτω.  Και  *λέγει  μ.οι' 
*'Όοα  μή'  συνοουλός  σου  εΐμι  ν.αι  των  άοελφών  σου  των  έχόντοιν  τήν  μαρτυρίαν  Ιησοΰ' 
*τω  θεω  τροσκΰνησον.  Ή  γαρ  μ7.ρ-\)ρ<.7.  Ίησου  έστιν  το  πνεύμα  της  προφητείας. 

βασιλεία,  βασιλεύειν  ont  dans  I'Apocalypse  le  meme  sens  analogique  et  progressif  que 
dans  les  Evangiles.  Aussi  I'Eglise  va-t-elle  entrevoir  et  celebrer  par  avance  le  grand 
jour  bienheureux,  \.  7. 

.  A.  B.  7.  yalp.  κα\  άγαλλ.,  m6me  alliance  de  mots  que  Mat.  v,  12  ;  άγαλλιώμεν, 

forme  active  qui  ne  se  trouve  qu'ici  dans  le  N.  T.;  ?'ec.  K.  :  άγαλλιο^αεθα.  —  Le  reflechi 
Ιαυτου  n'est  pas  d'un  usage  ferme  dans  VApoc,  cfr.  αύτη'ν  de  xviii,  7,  d'apres  A,  C.  — 
Comparer  iii,  20  (pour  I'idee  au  moins),  et  xix,  9;  xxi,  2,  9;  xxn,  17;  pour  I'idee  gene- 
rale  des  noces  divines,  v.  Excursus  xxxyiii. 

C.  7.  L'Epouse  de  I'Agneau,  c'est  la  Jerusalem  celeste,  et  ce  verset  prepare  la  der- 
niere  partie  du  livre,  chapp.  xxi-xxii,  suivantleprocede  analyse  si  souvent  des  «  emboi- 
tements  ».  (Int.  c.  vii).  Comme  I'auteur  s'est  refere  aux  images  des  chapp.  iv-v,  ainsi  il 
forme  de  toutes  ses  visions  prophetiques  comme  une  seule  extase  (Calmes;  v.  Int. 

c.  xii). 

——  B.  C.  8.  έΰο'Οη,  tournure  frequente  a  travers  tout  le  livre.  —  λαμπρύν  χαθαρόν, 
comme  xv,  6.  C'est  un  vetement  d'innocence  (cfr.  λευκον  καθαρον,  v.  14,  infra,  et  voir 
Exc.  xii);  il  est  la  contre-partie  de  celui  de  Babylone.  Mais  ce  qu'il  faut  surtout 
remarquer  ici,  pour  sa  haute  portee  doctrinale,  c'est  que  ce  vetement  de  bonnes  actions 
a  ete  donne  par  Dieu,  tout  a  fait  selon  I'enseignement  de  saint  Paul,  Eph.  ii,  10  : 
κτισΟέντες  έν  Χριστώ  Ίησοϋ   έπ'ι  ε'ργοις  αγαθούς,  οίς  :;ροητοίρ.ασεν  ό  θεός  Ί'να  εν  αύτοΓς  περιπαττ^σΌμεν. 

D.  2"  d.  Epilogue  de  la  section  de  Babylone  (xix,  9-10). 

IxT.  —  Nous  avons  fenconire  des  prologues  dej'h;  inais  aucune  des  sections  jusquici 
commentees  n'avait  d'epilogue.  Nous  en  trouverons  deux  autres,  plus  developpes,  I'un 
a  la  fin  de  la  section  proplielique  {XXI,  5-8),  V autre  a  celle  de  tout  le  livre  (XXII, 
6-21).  Le  fait  que  saint  Jean  ajoute  encore  ces  deux  versets,  XIX,  9-10,  a  la  copieuse 
description  de  I'avenir  de  Rome,  s'explique  par  I'impression  profonde  que  cette  reve- 
lation dun  interet  si  actuel  avait  produite  dans  son  dine,  et  devait  aussi  produire  en 
celle  de  ses  premiers  lecteurs. 

L'epilogue  a  de  la  valeur  doctrinale,  touchant  le  culte  des  Anges,  et  la  nature  du 
charisme  prop/ietique.  —  Pour  ses  origines  aux  yeux  des  critiques,  et  notre  opinion, 
voir  ci-dessus,  Ιλτ.  a  D  2"  c  γ. 

A.  B.  9.  /αϊ  λέγει,  «  et  il  me  dit  »,  au  present,  dans  les  deux  versets.  —  του  γάαου 
omis  Ν,  Ρ,  al.,  g.  —  του  Οεοΰ  pourrait  etre  une  glose,  intercalee  d'apres  xxi,  5,  car  ces 
mots  se  trouvent  a  trois  places  diverses  dans  les  mss.  —  Μακάριοι,  quatrieme  beati- 
tude; cfr.  I,  3;  xiv,  13;  xvi,  15;  xx,  6;  xxii,  7,  14.  Image  du  feslin  pour  la  beatitude, 
cfr.  Ill,  20;  Luc.  xiv,  15  :  μακάριος  δστις  φάγεται  άο-ον  έν  τί)  βασίλεια  του  θεοϋ;  Is.  χχν,  6; 
Mat.  VIII,  11;  χχνι,  29;  Luc  χ\η,  ί8;  IV  Esd.  η,   38.  (F  Esd.,  Chretien). 

C.  9.  Celui  qui  prend  la  parole  ne  pent  etre  que  I'Ange  du  v.  10,  le  meme  qui  a 
montre  a  Jean  le  sort  de  Babylone  au  ch.  xvii.  Un  autre  Ange  des  Coupes,  qui  lui 
aura  montre  la  Jerusalem  celeste,  parlera  et  agira  de  la  meme  maniere  au  ch.  xxi. 
Le  messager  d'en  haut  s'attache  a  penetrer  I'homme  de  confiance  dans  ces  pers- 
pectives si  rassurantes  et  radieuses  qu'il  pourrait  avoir  peine  a  y  croire. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  277 

C.  xvln.  9.  Et  il  me  dit  :  «  Ecris  :  Heureux  ceux  qui  ont  ete  appeles  au 
festin  des  noces  de  TAgneau !  >>  Et  il  me  dit  :  «  Ces  paroles  sont  [les  paroles] 
veridiques  de  Dieu.  » 

10.  Et  je  tombai  devant  ses  pieds  pour  me  prosterner  devant  lui.  Et  il 
me  dit :  «  Non!  prends  garde,...,  je  suis  ton  compaguon  de  service,  [k  toi]  el 
a  tes  freres  qui  ont  le  temoignage  de  Jesus;  prosterne-toi  devant  Dieu.  » 
Car  I'esprit  de  prophetie  est  le  temoignage  de  Jesus. 


A.  B.  10.  έπεσα,  Int.,  c.  x,  §  II.  —  προσκ.  avec  le  datif,  «  se  prosterner  » 


"Opa  (xrj,  comme  infra,  xxii,  9,  ellipse  qui  doit  etre  tres  familiere;  sous-entendu 
ποιηστις;  notre  traduction  :  «  Non!  prends  garde  [de]...  »  est  assez  litterale,  puisqu'ellc 
rend  les  deux  mots,  avec  la  suspension.  —  Scene  toute  pareille  xxii,  9;  elle  rappelle, 
non  Hen.  eth.  lxxi,  11-12,  ou  il  n'est  pas  question  d'ange  (cfr.  Spina),  mais  littera- 
lement  Asc.  Is.  vii,  21.  —  μαρτ.  Ιτ^σ.  cfr.  i,  2,  9;  xx,  4;  «  ceux  qui  ont  le  tern,  de 
Jesus  »,  comme  xii,  17;  vi,  9. 

C.  10.  Dans  son  enthousiasme,  Jean  se  jette  aux  pieds  de  I'Ange,  et  celui-ci  proteste 
centre  cet  honneur,  car  un  prophete  est  presque  son  egal.  Cette  scene  peut  etre 
traditionnelle,  car  on  la  retrouve  dans  V Ascension  d'lsa'ie,  vii,  21  :  «  Et  je  tombai 
sur  ma  face  afin  de  I'adorer,  et  I'ange  qui  me  conduisait  ne  me  le  permit  pas,  mais 
il  me  dit  :  «  N'adore  ni  trone  ni  ange  qui  soit  des  six  cieux  —  d'oii  j'ai  ete  envoys 
pour  te  conduire,  mais  seulement  (celuij  que  je  te  dirai  dans  le  septieme  ciel  »  (trad. 
Tisserant).  Comme  la  «  Vision  d'lsaie  »  [Asc.  Is.  vi,  1-xi,  1,  23-40)  est  un  ecrit  Chretien 
a  placer,  d'apres  Tisserant,  vers  le  milieu  du  ii"  siecle,  il  est  possible  encore  que  cet 
Apocryphe  se  soit  inspire  directement  de  notre  Apocalypse. 

En  tout  cas,  Jean  a  donne  a  cet  incident  la  portee  d'un  enseignement  polemique 
contre  les  exces  du  culte  juif,  ou  judeo-chretien,  des  Anges;  ou,  mieux  encore,  contra 
des  pratiques  gnostiques  contemporaines,  peut-etre  en  usage  chez  les  Nicolaites  des 
Lettres;  cfr.  Col.  ii,  18;  Ileb.  i-ii;  Jiide,  6;  II  Pet.  ii,  4,  11  (Int.,  c.  ii). 

Μαρτυρία  Ίησου,  en  d'autres  passages,  signifie  la  revelation  chretienne  commime; 
serait-il  ici,  comme  croit  Bousset,  restreint  tendancieusement  au  charisme  des  pro- 
phetes?  Pas  du  tout;  le  sens  est  que  la  prophetie  s'appuie  sur  le  temoignage  rendu 
par  Jesus,  et  touchant  Jesus  (Ί/ισου  serait  ici,  peut-etre,  genitif  de  sujet  et  d'objet 
a  la  fois),  et  que  possedent,  avec  plus  ou  moins  de  profondeur  d'intelligence,  tous 
ceux  qui  ont  la  foi,  mais  les  prophfetes  a  un  degre  plus  eminent.  Nous  faisons  πνεΰαα 
sujet  de  la  proposition,  et  μαρτυρία  predicat.  Apringius  :  «  Testimonium  Jesu,  catho- 
licae  confessionis  est  vera  professio...  Spiritus  enim  prophetiae  Veritas  et  judicium 
et  justitia  est,  quae  in  catholicae  fidei  plenitudine  continetur.  »  L'Apotre,  par  la  bouche 
de  I'Ange,  ou  en  expliquant  I'attitude  de  I'Ange,  ailirme  done  que  son  Apocalypse 
inspiree  n'est  qu'une  explication  des  enseignements  du  Maitre,  et  de  la  lui  vient  sa 
valeur  «  The  possession  of  the  prophetic  Spirit,  which  makes  a  true  prophet,  shews 
itself  in  a  life  of  witlness  to  Jesus  which  perpetuates  Ilis  wittness  to  the  Father 
and  to  Himself.  The  two  things  are  in  practice  identical;  all  true  prophets  are 
witlnesses  to  Jesus,  and  all  who  have  the  wittness  of  Jesus  in  the  highest  sense 
are  prophets  »  [Swete). 

D.    3°.    JUGEME.NT    DU    VERBE    DE    DIEU    SUR    LES    BETES,    PRISES    DANS    TOUTE 
l'amPLEUR    DE    LEUR    SIGIVIFICATIOIV   OU    RUINE    DE    l'aNTECHRIST   EN    GENERAL    (XIX,   11-21). 

Int.  —  C'est  I' extension  a  tous  les  lieux  et  a  tous  les  temps  des  j'ugements  deja 
esquisses  dans  la  vision  des  Coupes,  et  presentes  c.etle  fois  comme  une  seconde  p/iase, 


278  APOCALYPSE    1)E    SAINT    JEAN. 

C.  XIX.  11.  Και  είδον  τον  cijpavbv  ήνεωγμ-ένον,  και  tcs'j  l~~cq  λευκός,  και  6 
καθήμενος  έ•::'  αατον  καλούμενος  ττιστος  καί  αληθινός,  και  *έν  δικαιοσύνη  y.piwzi  και 
πολεμεΐ.  12.  Οί  *δέ  οφθαλμοί  αυτοΰ  *[ώς]  φλόξ  ■ττυρός,  και  ϊτ.Ι  τήν  κεφαλήν  αυτοϋ 
διαδήματα  χολλά,  *εχων  όνομα  γεγραμμε'νον  ο  ουδείς  οΓδεν  ει  μή  αυτός,  13  και  περι- 
βεβλημένος ίμ,άτιον  βεβαμ,μένον  αίματι,  και  κέκληται  το  όνομα  αΰτου  ό  λόγος  του 
θεού,  14.  Και  τα  στρατεύματα  τα  εν  τω  οΰρανω  ήκολούθει  *αΰτω  εφ'  ί'χττοις  λευκοϊς, 
*ένδεδυμένοι  βυσσινον  λευκον  καΟαρόν.  15.  Και  εκ  τοϊ5  στόματος  αΰτοΟ  εκπορεύεται 
ρομφαία  οξεία,  ίνα  *έν  αυτή  χατά^η  τα  εΟνη"  και  *αυτος  χοιμανεί  αυτούς  *εν  ράβδω 
σιδηρά'  και  *αυτος  χατεϊ  την  ληνον  του  οϊνου  του  θυμού  της  οργής  τοΰ  θεοΰ  του  τταντο- 
κράτορος.  16.  Και  έχει  έχΊ  το  *ΐμ.άτιον  και  έπι  τον  μηρον  αυτοΰ  όνομα  γεγραμμένον* 
Βασιλεύς  βασιλέων  και  κύριος  κυρίων. 

17.  Και  ειδον  *ένα  αγγελον  έστώτα  έν  τω  ήλίω,  και  έκραςεν  *[έν]    φωνή   μεγάλη 

plus  generale,  des  vengeances  du  Christ  contre  I'Anlechrist.  L'cmpire  des  Cesars, 
I'ennemi  actuel  de  Dieu,  a  ete  prophetiquemcnt  ancanti;  il  nc  sera  plus  question  de 
Rome,  elle  est  tombec  dans  I'abime  du  jugement.  Mais,  apres  que  les  «  Tetes  »  ant 
disparu,  la  «  Bote  »  survit  ccpendant  avec  ses  Comes,  toujours  aidee  par  le  Pseudo- 
Agneau  qui  la  fait  adorer.  Que  deviendra  finalement  cet  Anteclirist  a  deux  faces? 
Jean  va  nous  le  dire,  dans  une  vision  rapide  ct  fulgurante,  oil  il  ne  s'attac/ie  plus 
a  aucune  contingence  historique,  car  il  devoile  ici  des  fails  trop  generiques  ou  trap 
eloigncs.  Du  plan  des  evenemcnis  contemporains ,  il  transporte  ses  lecteurs  dans  celui 
de  I'histoire  universclle,  ct  condense  I'ensenible  des  triomplies  du  Christ,  jusqu'a  la 
Parousie  inclusivement,  dans  Vitnage,  chere  aux  anciens  prophetes,  de  la  grandc 
bataille  du  «  Jour  de  Jehovah  »,  qu'il  a  deja  touchee  XIV,  20;  Xf'I.  16;  XVII,  13-li. 
La  structure  de  ce  niorceau  est  absolumcni  idenlique  a  celle  de  la  section  precedente, 
et  de  I'ensenible  de  la  partie  prophctigue  : 

a)  Presentation  des  personnages  {XIX,  11-16),   avec   un  passage  dogmatiquc  de  la 
plus  haute  valeur,  sur  le  «  Verbe  de  Dieu  » ; 

b)  Preamhule  a  I'action,  XIX,  17-18  :  un  Ange  proclanie  la  victoire,  ainsi  qu'aux 
visions  de  preparation,  VI-VIII,  1  et  XIV,  6-W. 

c)  Execution,  XlX,  19-21. 

L'origine  de  la  pericope,  pour  un  bon  nonibre  de  critiques,  serait  j'uive,  sauf  le  λόγος 
τοΰ  θεοΰ,  qui  serait  une  interpolation.  (Weyland  :  2;  —  Sabatier;  —  Spitta  :  J';  — 
Job.  Weiss  :  conclusion  de  Q,  qui  ne  comprendrait  plus  ensuite  que  XXI,  9-13;  15-βη 
et  XXII,  1-2.  —  Voller  I'attribue,  lui,  a  Cerinthe).  Mais  Erbes  retrouve  ici  I'Apoc. 
chretienne  de  Ian  80,  Bruston  celle  du  temps  de  Xeron;  Weizsacker,  Schoen  [qui 
croit  le  niorceau  refondu  par  un  editeur),  Bousset,  reconnaissent  bien  la  continuitc 
du  niorceau  avec  I'ensenible.  Job.  AVeiss  declare  peremptoirenient  que  ce  combat 
du  Messic,  quoique  arrange  par  Γ  «  Editeur  »,  ne  saurait,  pas  plus  que  I'enlevement 
du  Messie  au  chap.  XII  et  la  majeure  partie  de  XIII  et  de  XVII,  appartenir  a  I'Apo- 
calypse  primitive;  c'est  «  un  des  plus  indubitables  resultats  de  toute  la  critique  ». 
Ce  serait,  replique  Bousset,  bien  facheux  pour  «  toute  la  critique  ».  En  effet,  la  pericope 
est  liee  tres  organiquement  a  ce  qui  precede  :  le  Messie  transporte  au  del  au  chapitre 
XII  reparait  triomphant  sur  la  terre.  II  est  encore  niieux  de  dire  que  I'Agneau  et 
son  armce,  campes  en  face  des  Betes  au  cliap.  XIV,  prennent  enfin  I'offensive  qui  va 
aneantir  le  Regne  de  V Anteclirist.  Pen  importe  que  I'aspect  du  Messie  ait  change; 
Jean  est  coutumier  de  ces  variations.  Ici  il  revient  a  la  figure  du  chap.  VI,  le  Cavalier 
au  cheval  hlanc,  qui  represcute  le  Verbe  ou  I'oeuvre  du  conquete  du  Verbe,  tandis  que 
I'Agneau,  sur  terre,  figure  surtout  le  sejour  paisible  du  Christ  au  milieu  des  siens. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAX.  279 

C.  XIX.  11.  Etjevis  que  le  ciel  s'etait  ouvert,  et  voici  un  cheval  blanc, 
et  Celui  qui  etait  assis  sur  lui  [est]  appele  Fidele  et  Veridique,  et  c'est  dans 
la  justice  qu'il  juge  et  fait  la  guerre.  12.  —  Or  ses  yeux  [sont]  [comme(?)j  une 
flainme  de  feu,  et  sur  sa  tete  [il  y  a]  des  diademes  nombreux ;  ayant  un  nom 
ecrit  que  personne  ne  connait  si  ce  n'est  lui,  13  et  enveloppe  d'un  manteau 
trempe  de  sang;  et  son  nom  a  ete  appele  :  le  verbe  de  Dieu.  li  Et  les  armees 
qui  sont  au  ciel  Faccompagnaient  sur  des  chevaux  blancs,[et  etaient]  revetus 
{.sic)  de  byssus  blanc  Tet]  pur.  15.  Et  de  sa  bouche  il  sort  une  epee  aigue, 
afin  qu'il  en  frappe  les  nations;  ct  lui  il  les  paitra  avec  une  verge  de  I'er;  et 
lui  il  foule  la  cuve  du  vin  de  la  fureur  de  la  colere  de  Dieu  le  Tout-Puis- 
sant, 16.  Et  il  a  sur  son  manteau  et  sur  sa  cuisse  un  nom  ecrit  :  Roi  des 
Rois  ET  Seigxeuu  des  Seigxeurs. 

17.  Et  je  vis  un  Ange  qui  se  tenait  debout  dans  le  soleil,  et  il  cria  d'une 

Concluons  done  avec  Bousset  que  «  tons  les  motifs  »  —  au  moins  les  principaux  — 
«  mis  en  avant  jusqu'ici  s'accordent  dans  une  triomp/iantc  finale  »;  et  cette  considera- 
tion a  plus  de  poids  que  toutes  les  reussites  des  «  Literarkritiker  ». 

A.  B.  11.  «  Ciel  ouvert  »,  cfr.  iv,  1;  Ezech.  i,  1.  —  ίππος  λ£υ/.ος,  cfr.  vi,  2.  —  καλού- 
μενος, omis  A,  P,  And.  en  general,  Hipp.,  von  Soden,  ou  transpose.  —  πυ-.  et  άλτ,θ. 
comme  i,  5;  in,  7,  etc.;  termes  unis  iii,  14,  et  appliques  au  Christ,  puis  xxi,  δ  et  xxii,  6, 
appliques  aux  paroles  divines.  —  έν  διχ.  κρ.  cfr.  Is.  xi,  3,  4;  έν  instr. 

C.  11.  Nousavons  entreprisde  demontrers«/)ra,  Exc.  xix,  I'unite  de  cette  figure  avec 
celle  de  vi,  2.  Joh.  Weiss,  qui  attribue  ceci  a  Q,  et  prend  les  3  ans  1/2  des  Betes  a  la 
lettre,  se  demande  gravement  comment  le  Messie,  qui  n'etait  qu'un  enfant  au  ch.  xii, 
et  quand  la  Bete  a  paru,  a  pu  atteindre  si  vite  Γ  «  age  adulte  du  Christ  »  {Eph.  iv,  13), 
dans  I'idee  de  Γ  «  Editeur  » ?  L'ingenuite  de  cette  question  montre  combien  il  est 
impossible  de  voir  dans  3  i/2,  42,  des  mesures  litterales.  —  Le  Messie,  qui  etait 
adulte  au  ciel,  et  parcourait  deja  le  monde  par  sa  parole  (vi,  2),  et  residait  au  milieu  de 
I'Eglise  (xiv,  l-sui\'.),  tient  la  parole  donnee  aux  croyants  de  leur  assurer  la  victoire 
(Lettres);  car  il  est  «  le  Fidele  »  et  celui  qui  ne  trompe  jamais  (iii,  14).  Les  verbes 
«  juge  »  et  «  fait  la  guerre  »  sont  des  presents,  parce  que,  malgre  le  choix  du  «  Jour 
de  Jahweh  «  pour  le  symbolisme  de  cette  scene,  les  jugements  du  Christ  se  sont  tou- 
jours,  depuis  I'lncarnation,  exerces  dans  le  monde,  d'une  maniere  plus  ou  moins 
visible. 

.  A.  B.  12.  δέ,  rare  dans  I'Apocalypse  (Lnt.,  c.  x,  §  I),  ne  marque  pas  iei  oppo- 
sition. —  ε/ων  equivaut  ici  a  un  verbe  fini  (Ιλτ.,  c.  x,  §  ii).  —  ώς  devant  φλο'ς  se  trouve 
A,  nombreux  Jnrf.,  lat.,  syr.,  boh.,  Orig.,  il  n'est  pas  admis  de  Soden;  Tl-Zf  hesite.  — 
φλο?  πυρός,  cfr.  I,  14;  II,  18;  —  διαδήματα,  cfr.  στέφανος  de  \I,  2  (V.  Exc.  xix).  —  όνομα  δ 
ουδείς  κτλ,  cfr.  π,  17. 

C.  12.  Cette  nouvelle  image  du  Clirist  conquerant  correspond  pour  I'essentiel  a  celle 
du  ch.  VI,  2;  mais  elle  s'est  enrichie  de  plusieurs  traits  empruntes  a  la  vision  du  ch.  i•^"• 
et  aux  Lettres,  ou  nous  les  avons  expliques  deja;  on  voit  comme  il  est  raal  a  propos  de 
chercher  ici  une  source  dilTorente.  II  porte  des  «  diademes  nombreux  »,  a  cause  de 
tous  Ics  peuples  qu'il  a  deja  conquis  au  cours  indetermine  de  I'histoire,  et  ce  vrai  Roi 
apparait  ainsi  comme  la  contre-partiedu  Dragon,  prince  de  ce  monde  (xii,  3),  et  de  I'An- 
techrist  (xiii,  1),  avec  leurs  multiples  totes  couronnees.  Mais  quel  est  ce  «  nom  que 
personne  nc  connait,  si  ce  n'est  lui-meme  » ?  II  est  peut-etre  ecrit  sur  son  front  (cfr. 


280  APOCALYPSE    1)E    SAINT    JEAN. 

λέγουν  ττατιν  τοις  ορνεοις  tcic  ζετομένοις  έν  μεσςυρανήματι"  Δεϋτε.  συνάχΟητε  ε'.ς  το 
osiTTVCV  το  μέγα  του  θεού,  18  ίνα  ©άγητε  σάρκας  βασιλέων  και  σάρκας  χιλιάρχων  κα• 
σάρκας  ισχυρών  κα'ι  σάρκας  ϊττττων  και  των  καθημ,ένων  *έ•::'  αυτών,  κα'ι  σάοκας  πάντων 
ελευθέρων  τε  και  οοΰλϋ)ν  και  μικρών  και  μεγάλο^ν. 

19.  Και  ειδον  το  θηρίον  και  τους  βασιλείς  της  γης  και  τα  στρατεύματα  αυτών  συνηγ- 
μένα  ζοιησαι  τον  ττόλεμον  μετά  του  καθήμενου  *έ7:Ί  του  ί'ζπου  και  μετά  του  στρατεύ- 
ματος αυτού.  20.  Και  *εκΐάσθγ;  το  fiT,piow  και  μετ  αυτού  ό  ψευδο-ροοήτης  ο  ττοιήσας 
τα  σημεία  ένιότιον  αϋτου,  *έν  οίς  έ'κλάνησε  τους  *λαβόντας  το  χάραγμα  του  Br,pic-j  και 
τους  *7:ροσκυνοΰντας  *τη  εΐκόνι  αυτού"  ζώντες  *έβλήθησαν  οι  δυο  ε'.ς  τήν  λίμνην  του 
ζυρος  *της  καιομένης  *έν  θείω.  21.  Και  οί  λοιττοι  ά-εκτάνθησαν  *έν  τη  ρομφαία  του 
καθήμενου  έ::Ί  του  ί'•;:7:ου  τη  έξελθούση  εκ  του"  στόματος  αΰτοΰ,  και  ττάντα  τα  ορνεα 
έχορτάσθησαν  έκ  των  σχρ'/Μ'^  αυτών. 

XVIII,  5).  Est-ce  en  traits  que  le  voyant  lui-meme  ne  peut  pas  dechiffrer  IHolizmann)? 
Bien  plutot  c'est  un  nom  dont  on  ne  saurait  penetrer  la  signification  totale  dans  I'etat 
present;  car  οΤδα,  dans  le  style  johannique,  signifie  «  penetrer,  connaitre  a  fond  » 
(Abbott,  Joh.  voc.  1621-1629,  1715).  Ce  nom  exprime  son  essence,  qui  n'est  penetrable 
qu'a  la  science  divine  (voir  a  ii,  17).  Pour  le  determiner,  il  n'y  a  pas  a  chercher  bien 
loin,  ni  a  penser,  avec  Bousset,  a  un  nom  magique ;  rien  ici  ne  sent  le  paganisme.  Le 
Voyant  a  lu  ce  nom,  mais  I'a  trouve  insondable;  c'est  «  ό  λόγος  τοΰ  θεοΰ  »,  qu'il  ecrira  en 
toutes  lettres  au  \.  13.  Andre  :  I'Homme-Dieu  est  connu  sous  beaucoup  de  noms, 
tires  de  ses  vertus  et  de  ses  ceuvres ;  mais  a  Lui  seul,  ainsi  qu'au  Pere  et  a  I'Esprit,  il 
est  connu  parfaitement  selon  sa  substance ;  το  δέ  αγνωστον  τοΰ  ονόματος  το  της  ο5σίας  αύτοΰ 
σημαίνει  (ί/.ατάληπτον.  Ainsi  Calines  et  la  plupart  des  catholiques  anciens  et  modernes, 
Swete,  meme  J  oh.  Weiss,  qui  irrterprete  ainsi  I'idee  de  Γ  «  Editeur  »,  formee  dans  les 
cercles  johanniques  d'Ephese. 

I  A.  B.  13.  Pour  βεβαμμένον  (de  A,  Q-1070-O46,  al.,  Soclen,  Bousset,  \estle),  on 
trouve  ailleurs  divers  synonymes  approximatifs,  entre  autres  ρεραμμένον  «  arrose  » ; 
mais  βάτζτω  signifie  «  baigner  »,  reference  certaine  a  Is.  lxiii,  3,  le  guerrier  vainqueur 
dEdom.  —  «  Verbe  de  Dieu  «,  expression  qui  ne  s'etait  trouv'ee  jusque-la  que  Sap. 
Sal.  xviii,  4-25;  dans  Heb.  iv,  2,  elle  ne  parait  pas  avoir  pris  encore  le  sens  personnel. 
C.  13.  Le  sang  qui  baigne  I'habit  du  Messie,  d'apres  Isaie,  signifie  dabord,  figura- 
tivement,  celui  de  ses  enneniis  ecrases,  qui  a  rejailli  de  la  cuve  de  colere  {infra  xix, 
15,  et  XIV,  20) ;  mais  il  peut  y  avoir  aussi  allusion  au  sang  du  propre  sacrifice  de 
I'Homme-Dieu. —  Le  nom  secret,  «  δ  λόγος  τοΰ  θεοΰ  »,  fournit  un  des  signes  les  plus 
lumineux  de  I'origine  johannique  de  I'Apocalypse  (Int.  c.  xiii,  ii,  §  II).  II  ne  manque 
dans  aucun  lemoin;  si  les  commentateurs  liberaux  en  mettent  en  doute  I'authenticite, 
au  moins  le  caractere  primitif,  —  ce  serait  une  glose  «  johannique  »  pour  expliquer  le 
verset  precedent,  Bousset,  al.,  —  ils  ont  leurs  raisons  pour  raisonner  ainsi,  mais  leur 
critique  n'a  d'autre  fondement  que  leurs  prejuges  litteraires,  et  leur  incapacite  a 
s'elever  a  cette  vue  doctrinale,  elementaire  pourtant  dans  la  theologie  catholique, 
qu' Apringius  expose  en  ces  termes  :  «  Sicut  pro  inetTabilitate  \irtutis  ejus  supra  fate- 
tur  incognitum  omnibus  esse  nomen...,  ad  professionem  nostrae  fidei...  Verbum  Dei 
esse  significat  »  ;  parce  que  le  nom  de  Verbe  lui-meme  ne  nous  donne  qu'une  connais- 
sance  imparfaite  et  purement  analogique  de  I'etre  divin  du  Fils.  Ainsi  le  comprend 
toute  I'exegese  catholique,  et  les  anglicans  orthodoxes.  —  La  recherche  de  I'origine 
historique  de  I'expression  «  Verbe  de  Dieu  »,  des  rapports  avec  la  «  Sagesse  »  de  ΓΑ. 
T.,  le  «  Memra  «  des  rabbins,  les  conceplions  d'Heraclite,  des  stoiciens,  de  Philon, 
appartient  au  commentaire  du  IV*  Evangile. 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 


281 


grande  voix,  disant  ci  tous  les  oiseaux  qui  volent  au  milieu  du  ciel  :  «  Arri- 
vez!  rassemblez-vous  pour  le  grand  repas  de  Dieu,  18  afin  que  vous  mau- 
giez  des  chairs  de  rois  et  des  chairs  de  chiliarques,  et  des  chairs  de  puis- 
sants  et  des  chairs  de  chevaux  et  de  ceux  qui  sont  assis  sur  eux,  et  des 
chairs  de  tous  les  homines  libres  et  esclaves,  et  pctits  et  grands!  » 

19.  Et  je  vis  la  bete  et  les  rois  de  la  terre  et  lours  armees  qui  s'etaient 
rassemblees  pour  faire  la  guerre  avec  celui  qui  est  assis  sur  le  cheval,  et 
avec  son  armee.  20.  Et  elle  fut  saisie  la  bete,  et  avec  elle  le  faux  prophete, 
celui  qui  avait  fait  les  signes  [prodigieux]  en  face  d'elle,  par  lesquels  il 
avait  egare  ceux  qui  avaient  recu  i'empreinte  de  la  Bete  et  ceux  qui  se 
prosternent  devant  son  image;  vivants  ils  furent  jetes  tous  deux  dans 
Tetang  du  feu,  embrase  de  soufre.  21.  Et  le  reste  fut  mis  a  mort  par  I'epee 
de  Celui  qui  etait  assis  sur  le  cheval,  [I'epee]  qui  etait  sortie  de  sa  bouche,  et 
tous  les  oiseaux  furent  rassasies  de  leurs  chairs. 


A.  B.  C.  14.  Ici   αύτώ, 'regulier,  et  non  [ΐετ'  αυτοΰ,  comme  vi,  8;  xiv,  13,  apres 


ήκολούΟει.  —  Le  masculin  £v5£ou[jivoi,  accoi'd  ad  sensum.  —  Pour  Γ  «  armee  du  ciel  », 
cfr.  XII,  7,  les  Anges  de  Michel.  —  Comme  Agneau,  le  Christ  est  suivi  des  saints; 
comme  guerrier  celeste,  venant  juger,  il  amene  les  Anges  {Swete).  C'est  un  luxe  de 
rapprochements  bien  superflu  que  de  citer  ici,  avec  Volter,  les  Fravashis  des  Perses. 
I  A.  B.  15.  έν  instrum.  bis;  —  noter  I'emphase  de  κα\  αύτος...  κα\  αύτος.  —  ot- 
στο;χος  apres  pojAcpata,  d'apres  i,  16,  dans  rec.  K,  Tert.,  Cyprien.  —  του  Ou[j.ou  omis  af.,  g, 
syr..  Prim.,  pour  ameliorer  le  style.  —  «  Glaive  sortant  de  la  bouche  »,  cfr.  i,  16;  ii, 
12.  —  «  Verge  defer  »,  cfr.  ii,  27;  xii,  5;  d'apres  Ps.  ii,  9;  Ps.  Sal.  xvii,  26-27.  —  La 
«  cuve  »  foulee,  voir  xiv,  19. 

C.  15.  Nous  avons  vu,  au  ch.  ι^•",  que  le  glaive  est  une  arme  spirituelle  plutot  que 
materielle.  Apringius,  al.  :  «  percutere  dicitur...  liberare,  damnare,  justificare,  eripere, 
salvare  ».  Jo/i.  Weiss  :  V  «  Editeur  »  fait  sortir  le  glaive  de  la  bouche,  pour  signifier 
que  le  jugement  sera  moral,  s'executant  par  la  parole.  On  pent  comparer  Heb.  iv,  12, 
et  noter  raffinite  avec  I'esprit  du  IV^  Evangile,  ού  I'homme  se  juge  lui-mSme  en  se 
refusant  a  la  foi  de  I'Evangile  qu'il  entend,  Job.  in,  18-20.  —  La  «  verge  de  fer  » 
symbolise  le  pouvoir  ineluctable  et  infrangible,  et  la  metaphore  de  la  «  cuve  >>,  le  cote 
terrible  de  cette  domination,  a  I'egard  des  pecheurs  obstines. 

'  A.  B.  16.  [λέτωπον  pour  ίιχάτιον,  dans  α  503-156-616;  to   bx.   κα(  omis  Λ.  —  Βασ. 

βασιλέων  και  κυρ.  κυρίων,  comme  xvil,  14  (Γ Agneau). 

C.  16.  Le  Cavalier  divin  porte,  inscrit  probablement  sur  un  ceinturon  ou  un  bau- 
drier  militaire  [Diisterdieck,  Holtzm.,  Bousset,  etc.),  un  titre  intelligible  en  soi,  et  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  le  nom  mysterieux  du  v.  12.  La  designation  «  roi  des  rois  » 
avait  autrefois  distingue  en  Asie  des  souverains  au  vaste  empire,  comme  les  Acheme- 
nides,  et  elle  etait  aussi  un  predicat  divin.  Puis  des  monarques  moins  puissants,  ceux 
d'Armenie,  du  Bosphore,  de  Palmyre,  se  I'approprierent,  d'apres  des  monnaies  et  des 
inscriptions.  Jean  la  rend  a  celui-Ia  seul  a  qui  elle  convient,  et  la  fait  suivre  de  «  Sei- 
gneur des  Seigneurs  »,  car  Jesus  est  le  maitre  du  pretendu  «  dominus  et  deus  »  qui  siege 
a  Rome  de  son  temps.  Cfr.  I  Cor.  viii,  6. 

'  A.  B.  17.  ?va  pour  τίνα  (Lnt.  c.  x,  §  II)  omis  rec.  K.,  et  remplace  par  ά')νλον  χ, 

α  503-156-616,  syr.,  copt.  —  έν  instrum,  dans  rec.  ΑΓ.,  al.,  rejete  par  Soden.  —  Cfr. 
pour  les  vv.  17-18,  Ezech.  xxxix,  4;  17-20,  extermination  de  Gog;  pour  I'appel  aux 
oiseaux  cfr.  aussi  Mat.  xxiv,  28. 


282  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

A.  B.  18.  Pour  Ιπ'  αύτων  de  Ν,  etc.  que  nous  conservons  avec  Soden,  al.,  a  cause 
do  I'usage  caracteristique  de  Jean  (Int.  c.  x,  §  II),  Λ  lit  έπ'  αυτούς,  d'autres  έπ'  αύτοΓς. 

—  τε,  omis  dans  quelques  And.,  n'apparait  qu'iei.  —  Cfr.  Ezecliiel.  —  L'enumeration 
βασιλέων  κτλ.  rappclle  celle  de  vi,  15. 

C.  17-18.  Jean  s'est  inspire  dans  cette  pericope  d'Ezechiel  et  de  son  realisme  assez 
brutal;  inutile  d'adoucir  I'image,  et  de  prendre,  avec  Andre,  les  oiseaux  carnassiers 
pour  les  Anges  dont  la  nourriture  est  raccomplissement  de  la  volonte  de  Dieu;  I'in- 
fluence  litteraire  de  la  tradition  relative  a  Gog  et  Magog  reparaitra  plus  explicitement 
au  ch.  XX,  7-suiv.  II  ne  faut  pas  toutefois  oublier  que,  si  saint  Jean  a  fait  cette  conces- 
sion au  style  apocalyptique,  les  triomphes  du  Verbe  sont  avant  tout  spirituels.  Ce 
combat  contre  les  «  rois  de  la  terre  «,  vassaux  de  la  Bete,  s'identifie  a  celui  qui  se 
preparait  a  Harmagedon,  xvi,  16,  —  et,  pensons-nous  aussi,  a  celui  de  xx,  8  (v.  infra), 
I'un  et  I'autre  passage  s'inspirant  visiblement  de  la  meme  description  d'Ezechiel. 

-^—  A.  B.  19.  επί  του  ίππου,  genitif  a  cause  de  χαθημένου  (Int.  c.  x,  §  II).  —  «  Rois 
de  la  terre  »,  cfr.  xvi,  14. 

A.  B.  20.  έπιάσθη,  forme  dorienne  pour  έπιέσθη;  πιάζειν,  a  divers  temps  et  modes, 
se  trouve  huit  fois  dans  le  IV«  Evangile,  —  c'est  done  un  mot  «  johannique  »,  — 
deux  fois  dans  les  Actes,  et  une  fois  II  Cor.,  contre  une  seule  fois  πιέζε-.ν,  Luc  vi, 
38.  —  bi  instrum,  deux  fois.  —  Remarquer  la  coordination  de  I'aoriste  λαβ.  et  du 
present  προσκ.,  qui  est  peut-etre  intentionnelle;  —  προσκ.  avec  datif,  «  se  prosternant  »; 

—  βληθτ^σονται  pour  έβλη'θησαν,  dans  quelques  And.  —  την  λί(Λνην...  της  καιομένης,  faute  de 
distraction  (ν,  A,  C),  amenee  peut-etre  par  le  voisinage  de  πυρός;  vulg.  «  ignis 
ardentis  »  (Int.  c.  x,  ,ii  II,  et  c.  xiii).  —  «  Faux  prophete  «  cfr.  xvi,  3,  et  xiii  —  «  Em- 
brase  de  soufre  »,  Is.  xxx,  33;  Dan.  vn,  11,  etc. 

A.  B.  21.  έν  instrum.  —  Le  repas  de  cadavres,  supra  v.  18,  d'apres  Ezech.  cfr.  Hen. 
eth.  XLVi,  4-6. 

G.  19-21.  La  Bete  cherche  a  s'echapper,  mais  elle  est  capturee,  έπιάσθη  {Swete). 
Le  combat  n'est  pas  decrit,  mais  seulement  son  resultat;  c'est  la  encore  un  trait 
«  johannique  »,  car,  dans  le  IV«  Evangile,  nous  voyons  que  les  miracles  ne  sont  guere 
decrits  dans  leur  fieri;  I'Apocalypse  elle-meme  a  quelque  chose  de  cette  reserve.  (Int. 
c.  XIII,  II,  §§  IV-V). 

C'est  la  destruction  definitive  des  deux  systemes  allies  d'opposition  a  I'Evangile  que 
representent  les  Deux  Betes;  il  n'en  restera  plus  rien  des  que  le  Christ  voudra,  et  c'est 
ce  que  veut  dire  la  metaphore  qu'elles  seront  livrees  au  feu;  ce  trait  n'implique  nuUe- 
ment  que  ces  monstres  soient  des  personnes  plutot  que  des  coUectivites;  plus  loin,  ce 
sont  des  abstractions  comme  la  «  Mort  »  et  Γ  «  Hades  »  qui  seront  aussi  jetees  dans 
I'etang  de  feu  (xx,  14).  Dans  I'abime  de  perdition,  qui  represente  a  la  fois  I'enfer  des 
damnes  et  le  neant  oii  sombrent  les  institutions  humaines  hostiles  a  Dieu,  Jean 
precipite  pele-mele  les  personnalites  et  les  personnifications  auxquelles  son  ardent 
esprit  a  donne  vie. 

Malgre  les  details  realistes  qui  sont  tout  a  fait  dans  le  gout  juif,  n'oublions  pas 
que  le  scenario  traditionnel  couvre  une  victoire  qui  est  spirituelle  avant  tout,  et  que 
Γ  «  epee  »  est,  dans  son  principal  sens,  la  force  de  persuasion  de  la  parole  divine,  cette 
arme  dont  parle  saint  Paul,  Eph.  vi,  17  :  τήν  [jia/aipav  του  -νεύ;αατος,  δ  εστίν  ρήμα  Οεοΰ,  ainsi 
que  Heh.  ιν,  12.  Cette  vision  trouvera  sa  pleine  realisation  a  la  Parousie  de  Notre- 
Seigneur;  mais  aussi  elle  s'accomplit  et  s'accomplira,  dit  Swete,  dans  tout  grand 
mouvement  de  conversion  au  christianisme;  on  pent  en  esperer  des  accomplissements 
plus  entiers  dans  I'avenir. 

C'est  de  la  fantaisie  d'evoquer  ici  Tiamat  ou  I'eschatologie  des  Perses;  nous  revien- 
drons  sur  ces  questions,  pour  une  solution  definitive,  au  chap.  xx. 


Ε.  DEFAITE  PERSONNELLE  DU  DRAGON  :  SON  INCARCERATION 
PENDANT  MILLE  ANS,  ET  L'ANEANTISSEMENT  DE  GOG  ET  DE  MAGOG 

(XX,  1-10). 

Int.  —  Dans  I'ordre  inverse  de  celui  de  leur  apparition,  Jean  nous  fait  assister  a  la 
mine  des  adversaires  du  Regne  divin.  Rome  pa'ienne  a  ete  bralee  el  devoree  par  la 
Rote  elle-mcme  et  les  rots  de  la  terre;  puis  le  pouvoir  des  Retes,  ou  de  I'Anteclirist, 
est  aneanti  par  le  glaive  du  Verbe.  Restait  le  dernier  et  perpetuel  adversaire,  dont  les 
autres  n'etaient  que  les  instruments  /listoriques,  le  Dragon.  Des  le  ch.  XII,  nous  le 
voyions  virtuellement  vaincu,  depuis  que  Michel  la  precipite  du  ciel;  le  tableau  pre- 
sent nous  montre  Vimpuissance  oil,  des  lors,  il  a  ete  reduit  si  Ion  a  regard  au  fond  des 
choses,  et  I'echec  de  la  supreme  tentative  qu'il  fait  pour  retablir  son  pouvoir.  L'lwrizon 
s'elargit  toujours  aux  yeux  du  Voyant;  d'abord  il  a  embrasse  I'histoire  de  son  epoque, 
ensuite  I'histoire  universelle,  maintenant  son  regard  plonge  dans  les  grands  evenements 
invisibles  et  surnaturels,  dont  tous  les  precedents  n'etaient  qu'une  manifestation  el  une 
consequence.  II  ne  faut  pas  s'etonner  si  le  ton  change,  et  devient  celui  de  la  plus  iriom- 
pfianle  securite,  avcc  une  mention  presque  negligcnte,  dans  un  raccourci  conventionncl, 
de  la  slralcgie  defensive  de  Satan  et  de  son  echec  final. 

Avec  celle  breve  pericope  nous  abordons  le  probleme,  sinon  le  plus  ardu,  du  moins  le 
jilus  discule,  de  I'Apocalypse,  celui  du  MILLENIUM.  Les  lignes  precedentcs  montrent 
comment  nous  le  resoudrons.  Selon  nous,  ce  tableau  nest  qu'une  «  recapitulation  »  des 
precedents ;  mais  7ious  ne  disons  pas  une  «  repetition  »  pure  et  simple ;  il  n'en  est  da 
reste  point  de  lelles  dans  ce  livre  si  savamment  construit  (Ιλτ.  c.  VII).  Degage  des 
contingences  historiques  el  de  tout  le  va-et-vienl  des  apparences,  le  regard  de  I'homme 
■qui  ecrira  plus  lard  Γ  «  Evangile  spirituel  η  penetre  ici  jusqu'aux  dernieres  profondeurs, 
et  oublie  pour  ainsi  dire  I'accidentel  pour  ne  contempler  que  la  marche  rectiligne  du 
plan  immuable  de  notre  salut.  C'est  une  page  transcendante,  comme  celle  qui  a  servi 
de  prologue  a  celle  partie,  la  vision  de  la  Femme  et  du  Dragon;  on  pourrait  joindre 
XX,  1-10  a  XII,  9,  car  e'en  est  la  suite  logique,  aprcs  une  longuc  parenthese  de  pro- 
pliclies  particulieres;  le  cycle  s'achcve  dans  le  monde  surnaturel  oil  il  avail  com- 
mence, il  rejoint  le  plan  du  spirituel  et  de  I'invisible,  comme  un  courant  de  lumiere 
divine  qui  n'a  fait  que  traverser  le  monde  varie  des  realiles  huinaines,  pour  montrer 
oil  les  entraine  la  volonte  irresistible  de  Dieu  et  de  I'Agneau. 

Ainsi,  dans  I'inlerprelation  du  Millenium,  nous  suivrons  la  solution  definitive  donnee 
par  saint  Augustin.  Elle  a  bien  a  se  defendre  contre  des  objections  qui  paraissent  trcs 
graves  a  premiere  vue;  il  faudra  done  j'ustifier  noire  exegese,  en  dehors  du  commen• 
laire  direct,  par  une  dissertation  d'unc  certaine  anipleur,  Exc.  xxxvii. 

Les  critiques  indcpendants  ne  sonl  plus  des  «  niillenaristes  »  comme  les  anciens,  mais 
presque  tous  altribuent  a  Jean  un  «  chiliasme  »  juda'ique,  du  meme  ordre  que  celui  de 
Papias;  nous  verrons  ce  qu'il  faut  penser  de  leurs  affirmations  peremploires.  Pour  ce 
qui  est  de  I'origine  litteraire  du  morceau,  Volter  voit  dans  XX;  XXI,  1-13;  15-21; 
XXII,  i-6,  la  conclusion  de  I'Apoc.  de  Cerinthe ;  Weyland,  la  fin  de  1,  juif,  avec  XX, 
ll-fin,  XXI,  1-8;  Sabatier,  dans  XX,  1-10,  un  fragment  d'origine  Juive;  Spitta  attribue 
1-3;  8-15  a  /',  tandis  que  2*,  k-T,  12*,  apparliendraient  au  «  Redacteur  » ;  Erbes 
date  1-10  et  li*  de  Ian  80,  et  11-15  de  Ian  62  (le  tout  chretien):  Briggs  termine  ioi 
son  Apoc.  du  Dragon:  Job.  Weiss  laisse  i-4»;  6-il  a  Jean,  et  donne  i^-5;  12^-15  a 
V  a  Editeur  ».  Etc.  Inutile  de  revenir  sans  ces$e  a  la  critique  deces  theories  ingenieuses. 


284  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

Nous  ροΐΗ•οη5  partager  le  morcenu  en  trois  parties  :  ' 

1")  XX,  1-3.  Position  respective  des  forces  divines  et  angeliqnes  sous  le  regime  de 
V  Incarnation. 

2°)  i-6.  Le  Regne  spirituel  des  Saints,  resultant  de  I'impuissance  relative  du  Dragon; 
Jean  emprunte  ici  ses  images  aux  idees  courantes  des  Juifs  sur  le  «  Regne  interme- 
diaire  »  du  Messie. 

3°)  7-10.  La  rebellion  infructueuse  du  Dragon,  avec  Gog  et  Magog;  schema,  rac- 
courci,  dont  la  donnee  est  traditionnelle  egalement,   et  empruntee  a  Ezechiel. 

La  forme  de  cette  vision  est  presque  toute  empruntee  a  la  tradition,  et  demeure  assez 
abstraite,  h  cause  justement  de  son  etendue  et  de  sa  profondeur.  «  L'Ange,  dit  fort  bien 
Bossuet,  apres  lui  avoir  represento  {a  Jean)  par  les  images  les  plus  vives  et  les  plus  ex- 
pressives  ce  qui  etait  plus  pri's  de  son  temps  »  —  disons plus  Iiumain,  exteriedr  et  visible 
—  «  ...  lui  monlre  de  loin  ct  comme  en  confusion  les  c/ioses  plus  eloignees  »  —  ou plus  spi- 
rituelles  et  cachees —  «  a  la  maniere  dun  peintre  qui,  apres  avoir  peint  avec  de  vives 
couleurs  ce  qui  fait  le  principal  sujet  de  son  tableau,  trace  encore  dans  un  lointain 
obscur  et  confus  d'autres  choses  plus  eloignees  de  cet  objet  ». 


C.  XX.  1.  Και  ειδον  άγγελον  καταβαίνοντα  εκ  του  ουρανού,  έχοντα  τήν  *κλεΐν  της 
αβύσσου,  καΐ  άλυσιν  μ.εγάλην  έπι  τήν  χείρα  αυτού.  2.  Και  έκράτησεν  τον  δράκοντα, 
*ο  όφις  6  αρχαίος,  ος  έστιν  Διάβολος  κα\  ό  Σατανάς,  κα\  εδησεν  αϋτον  χίλια  ετη. 
3.  Και  εβαλεν  αυτόν  εις  τήν  άβυσσον,  και  εκλεισεν  και  έσφράγισεν  έ-άνω  αΰτου,  ϊνα 
μ.ή  πλανήσγ]  ετι  τά  ^'θνη,  άχρι  τελεσθη  τα  χίλια  ετη"  μετά  ταϋτα  δεΐ  λυθηναι  αϋτον 
μικρόν  χρόνον. 


Α.  Β.  1.  κλεΓν  (pour  κλεΓδα),  forme  attique  qui  revenait  en  usage,  cfr.  i,  18,  τάς  χλεί"ς: 
cfr.  Bl.-Deb.  §  47,  3.  —  «  Cle  de  lAbime  «,  cfr.  ix,  1  (I'etoile  tombee  que  nous  identi- 
fions,  apres  Alford,  a  Satan),  et  i,  18,  le  Christ  tenant  les  «  cles  de  la  mort  et  de  I'enfer  ». 

C.  1.  L'expression  χαί  εΤδον,  comme  le  note  Swete,  n'equivaut  pas  a  μετά  ταύτα  εΙδον; 
comparer  XIX,  11, 17,  19,  et  plus  loin  xx,  4,  11,  12;  xxi,  1,  avec  xviii,  1  ou  xix,  1.  Elle  ne 
determine  pas,  comme  la  seconde,  I'ordre  chronologique  des  visions,  mais  etablit  sim- 
plement  un  lien  entre  des  visions  que  I'ecrivain,  pour  n'importe  quelle  raison,  a  juge 
bon  de  rapprocher  dans  une  meme  partie  de  son  livre.  Cette  remarque  a  son  importance ; 
car  il  s'ensuit  qu'on  ne  pent  afTirmer  que  les  evenements  introduits  par  χα\  εΤδον  devront 
suivre  dans  I'ordre  du  temps  la  destruction  de  la  Bete. 

•  A.  B.  2.    ό  ό'φι;   coordonne   a   δράκοντα,    Ιχτ.   c.    χ,   §  II;   cfr.  xii,    9.  —  εδησεν, 

cfr.  Is.  XXIV,  22,  eschatologique.  —  -/(λια  έ'τη,  cfr.  Ps.  civ,  8,  I'alliance  pour  mille  gene- 
rations. —  Sur  les  rapports  avec  I'eschatologie  pehlvie,  voir  Exc.  xxxvi. 

C.  2.  Joli.  Weiss  trouve  surprenant  que,  pour  vaincre  et  lier  Satan,  I'ennemi  person- 
nel de  Dieu,  il  ne  faille  que  la  main  d'un  Ange.  Mais  rappelons-nous  que  Satan  a  ete 
vaincu,  au  ch.  xii,  par  Michel  et  ses  Anges.  Le  Verbe  en  personne  a  paru  contre  ses 
ennemis  humains,  au  ch.  xix,  parce  qu'il  les  subjuguait  par  le  glaive  de  sa  Parole, 
qui  n'a  rien  a  faire  contre  I'inconA'ertissable  Satan.  D'ailleurs,  ce  sont  aussi  des  Anges, 
au  ch.  \u,  qui  ont  marque  au  front  les  olus,  pour  les  preserver  ainsi  des  seductions 
diaboliques;  ce  rapprochement  est  bon  a  noter  pour  I'intelligence  du  Millenium. 

Le  sens  doit  etre  le  meme  que  Mat.  xii,  29;  Luc  xi,  21  sur  le  «  Fort  lie  »  par  Jesus ; 
et  les  «  Mille  Ans  »  sont  un  nombre  rond,  marquant  une  duree  quasi  indefinie  (Exc. 
XXXVII  et  Int.,  c.  v,  1,  §  II).  Depuis  saint  Augustin,  et  apres  la  mine  du  chiliasme,  les 
commentaires,  Andre,  Beatus,  etc.,  Font  toujours  ainsi  entendu. 

■'  B.  C.  3.  χρο'νον  μικρόν  est  relatif,  comme  vi,  11.  —  L'abime  est  le  lieu,  le  reser- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAX.  285 

voir  des  fleaux  spirituels  surtout  (cfr.  ix,  1,2,  11;  xi,  7;  xvii,  8).  Pour  I'Abime  clos, 
cfr.  Oratio  Manassis,  2-4.  C'est  une  demeure  tout  a  fait  appropriee  a  Satan,  lequei 
peut  bien  etre  le  meme  que  I'Ange  de  rAbime,  rApolIyon  de  ix,  11.  Mais  il  ne  peut 
plus  y  entrer  ni  en  sortir  a  son  gre,  car  I'Ange  y  a  enferme  sa  rage  impuissante  : 
I'Ennemi  de  Dieu  et  des  homnies  est  bloque  dans  son  fort,  d'ou  il  ne  peut  plus  pour 
longtemps  faire  de  sorties,  du  moins  de  sorties  aussi  dangereuses  que  celles  du  passe. 
Malgre  la  force  des  termes,  le  contexte  (7-suiv.)  indique  que  cette  incarceration  n'etait 
que  relative  (vid.  ad  loc).  Les  seductions  de  Satan  ne  seront  plus  aussi  dangereuses 
pendant  ces  mille  ans  (Bossiiet,  etc.,  apres  saint  Aug.  Civ.  Dei  xx,  \ii  et  vni).  Saint  Jerome, 
(dans  le  comment,  de  Victorin  corrige),  saint  Augustin,  et  toute  I'exegese  qui  precede 
d'eux,  comptent  ces  mille  ans  depuis  le  premier  Avenement  du  Christ  jusqu'a  la  con- 
summation; quant  a  lacourte  periode  de  delivrance  de  Satan,  ils  ridentifientjustement 
avec  les  3  ans  1/2  de  I'Antechrist;  les  anciens  les  prenaient  a  la  lettre;  nous  avons 
largement  explique  comment,  selon  nous,  le  texte  oblige  a  les  entendre  (Exc.  xxiii). 

— — —  A.  B.  4.  Le  sujet  d'  έκάΘισαν  n'est  pas  exprime;  seule  la  tradition  et  le  con- 
texte peuvent  nous  apprendre  quels  sont  ces  assesseurs  de  Dieu.  On  pourrait  penser 


C.  XX.  1.  Et  je  vis  un  ange  qui  descendait  du  ciel,  ayant  la  cle  de  I'Abime, 
et  une  grande  chalne  sur  sa  main.  2.  Et  il  saisit  le  Dragoiv,  —  le  serpent 
ancien,  qui  est  diable  et  le  Satan,  —  et  il  le  lia  pour  mille  ans.  3.  Et  il  le 
jeta  dans  I'Abime,  et  il  ferma  et  mit  un  sceau  au-dessus  de  lui,  pour  qu'il 
n'egarAt  plus  les  nations^  jusqu'ci  ce  que  fussent  acheves  les  mille  ans;  apres 
ces  [mille  ans],  il  faut  qu'il  soit  delie  un  peu  de  temps. 


aux  24  Vieillards,  et  comparer /s.  xxiv,  23,  et  Dan.  vii,  9-10,  22;  mais  des  passages  du 
Nouveau  Testament  lui-meme.  Mat.  xix,  28;  Luc  xxii,  30:  I  Co/•,  vi,  3,  portent  plutot  a 
etendre  le  sens.  Charles  n'a  peut-^tre  pas  tort  de  penser  qu'il  faut  transposer  4  a  :  «  Et 
je  vis  des  trones,  et  ils  s'y  assirent  »,  a  la  fin  du  verset;  malheareusement  cette  rectifi- 
cation ne  s'appuie  sur  aucun  temoin.  —  τας  ψ^/άς  est  coordonne  a  θρόνους.  —  Κα\  o'txivs; 
a  ete  diversement  traduit ;  κ  I'avait  change  en  εΓ  τίνες  ουν,  ce  qui  est  plus  clair,  mais  au 
detriment  du  sens  veritable;  Aug.,  Prim,  paraissent  avoir  lu  aussi  εΙ'  τίνες.  La  plupart 
des  critiques  modernes,  et  meme  des  traducteurs,  prennent  la  liberie  de  negligerxai, 
pour  rapporter  ο'ίτινές  aux  πεπελεκισμένοι,  (cfr.  vi,  9)  comme  s'il  s'agissait  uniquement  des 
martyrs  (Holtzmann;  Joh.  Weis  :  «  und  die  nicht...  »;  Cahnes  :  «  c'etaient  ceux  qui 
n'avaient  pas  adore  la  Bete...  »,  etc.).  C'est  faire  violence  au  texte,  avec  quelque  desin- 
volture,  pour  se  tirer  d'embarras.  ΚαΙ  οί'τινες  introduit  certainement  une  nouvelle  cate- 
goric, a  moins  qu'on  ne  veuille  le  coordonner  au  participe  πεπελ.,  ce  qui  n'est  pas 
impossible  en  soi,  mais  ferait  un  «  hysteron  proteron  »  tres  dur.  —  ΟΊ'τινες  est  un 
nominatif  coordonne  a  un  accusatif,  mais  V Apoc.se  souciepeu  de  cette  incongruite.  — 
προσέκυν.  accus.  =  adorer,  cfr.  xiii,  12;  θηρίω,  εικο'νι,  (dans  And.)  sont  beaucoup  moins 
bien  attestes;  —  επ"^  το  [χέτωπον,  Int.,  c.  χ,  §  II;  —  μαρτ.  Ιησοΰ...  λογ.  του  Θεού,  cfr.  Ι,  9.  — 
'έζησαν  pourrait,  dans  le  style,  de  VApoc,  signifier  «  ils  revecurent  »  (άνέζησαν),  cfr.  ii,  8; 
XIII,  14  et  XX,  5;  mais  cette  .synonymic  n'est  pas  necessaire  partout,  on  peut  juger 
diversement  en  divers  contextes.  — Χριστός  ne  se  rencontre  qu'ici,  et  xi,  15;  xii,  10; 
XX,  6.  —  έβασίλευσαν,  cfr.  i,  6;  v,  10. 

C.  4.  Qu'on  admette  ou  non  I'hypothese  de  Charles,  la  meilleurc  explication  de  4=» 
est  de  faire  asseoir  sur  les  trones  ceux  qui,  d'apres  la  fin  du  verset,  doivent  vivre  et 
rcgner  avec  le  Christ,  c'est-a-dire  les  fideles  eux-memes;  Notre-Seigneur  {Mat.  Luc, 
supra)  avait  promis  aux  Apotres  qu'ils  jugeraient  les  Douze  tribus,  et  saint  Paul  va 


286  APOCALYPSK    DE    SAINT    JEAN. 

4.  Και  sTocv  θρόνους  y.y.l  *ey.a6tcav  έ-'  αυτούς,  y.al  -/.ρψ.χ  έοόθη  αυτοΐς,  και  *τας 
ψυχάς  των  ζεπελεκισμένων  δια  τήν  μαρτυρίαν  Ίησου  και  οιά  τον  λόγον  του  θεού,  *κα\ 
οιτινες  oj  ττροσεκύν/ισ-αν  *το  Οηρίον  οΰοέ  τήν  εικόνα  αϋτοϋ  και  ουκ  ελαβον  το  χάραγμα 
*έ•::ί  το  μ,έτωτυον  και  έ-ι  τήν  '/βΐ^οί  αυτών'  και  *έζ•Γ,σαν  και  έβασίλεϋίταν  μετά  του 
Χρίστου  χίλια  εττ^.  5.  Οι  λοιποί  των  νεκρών  ουκ  έζησαν  άχρι  τελεσΟί;  τα  χίλια  Ιτη. 
Αυτή  ή  άνάστασις  ή  πρώτη.  6.  Μακάριος  και  άγιος  ό  έχων  μέρος  έν  τ?;  άναστάσει  τη 
προΊτη•  έπι  *τουτων  ό  δεύτερος  θάνατος  ουκ  *εχει  έξουσίαν,  άλλ'  *εσονται  ιερείς  του 
Οεοΰ  και  του  Χρίστου,  καΐ  *βασιλεύσουσιν  μετ    αΰτου  τα  χίλια  ε'τη. 


jusqu'a  declarer  aux  Corinthiens  qu'ils  jugeront  les  Anges.  Cnlmes,  J.  Weiss,  S(\-eir, 
al.,  apres  des  anciens,  Andre,  etc.,  ont  tres  bien  vu  le  rapport  de  ces  textes,  contraire- 
ment  a  Bousset,  qui  voit  dans  ces  juges  le  Christ  et  les  Anges,  procedant  a  un  jiige- 
ment  preliminaire  a  I'etablissement  du  «  Regne  intermediaire  ».  Or,  c'est  la  deja  une 
bonne  raison  pour  ne  pas  restreindre  cette  gloire  aux  Martyrs  (ce  que  le  texte  n'aulo- 
rise  pas  du  tout),  malgre  Bossuct,  qui  appliquait  οί'τινες  aux  martyrs  de  Rome,  et  les 
auteurs  cites  ci-dessus,  excepte  .Swe/e  et  Bousset  (v.  infra).  Saint  Jean  parait  faire  une 
distinction  intentionnelle  cntre  les  «  ames  »  des  martyrs,  c'est-a-dire  de  morts  (cfr.  v.  5. 
oi  λοιποί  των  νεκρών),  et  une  categorie  bien  plus  generate,  tous  ceux  (ο?τινες)  qui  ont 
resiste  aux  seductions  de  I'Antechrist,  sans  fixer  leur  etat,  sans  fixer  aucune  epoque. 
«  Le  Royaumc  millenaire  n'est  pas  promis  a  ceux-la  seulement  qui  ont  acquis  la  per- 
fection du  martyre,  mais  a  tous  ceux  qui  ont  persevero  dans  la  lutte,  sans  avoir  preci- 
sement  soufTert  la  mort  »  [Bousset).  C'est  tres  juste  :  a  cote  des  martyrs,  le  Prophetc 
place  les  confesseurs  [Cyprien,  ad  Fortunatum,  12;  Swcte).  Mais  faut-il  croire  que  ce 
sent  les  confesseurs  morts?  Jeanne  dit  pas  qu'il  ait  a'u  leurs  (c  ames  «,  comme  ilja_vu 
celle  des  martyrs,  incontestablement  defunts.  Saint  Aug.  (Civ.  Dei,  xx,  §  3)  voit  les 
vivants  aussi  bien  que  les  morts.  lis  «  vivent  »  —  le  terme  έζησαν  est  tout  a  fait  gene- 
ral —  les  uns  parce  qu'ils  naissent  a  la  vie  de  la  grace  par  la  «  Premiere  resurrection  » 
(v.  infra)  ou  bien  y  perseverent;  et  les  autres  parce  que,  etant  deja  morts,  «  ils  parti- 
cipent  aux  honneurs  rendus  aux  saints  et  aux  martyrs,  par  leur  pouvoir  de  juger  les 
demons  qui  deja  se  manifesto  «  [Andre ;  cfr.  la  resurrection  des  Temoins,  ch.  xi).  Cette 
royaute,  plusieurs  fois  deja  promise  aux  fideles,  et  des  la  vie  presente,  est  done  a  la 
fois  celle  des  ames  bienheureuses  qui  sont  au  ciel,  et  des  saints,  des  «  Vainqueurs  », 
vetus  de  «  robes  blanches  »  (Lettres,  in,  5)  qui  sont  encore  sur  la  terre;  i'auteur  a  plu- 
sieurs fois  note  I'eifet  souverain  de  leurs  prieres  sur  le  cours  des  evenements.  C'est  le 
regno  indivis  de  I'Eglise  militante  et  triomphante,  une  des  idees  mattresses  de  ΓΑρο- 
calypse  (Int.,  c.  viii;  comment,  a  vii,  xiv,  xv,  et,  infra,  xxi-xxii).  Seulement  11  est 
manifesto  que  I'ecrivain,  dans  ce  passage,  a  utilise  comme  symbolel'idee  courante  alors 
chez  les  Juifs  du  «  Regno  intermediaire  »,  qui  s'etendait  pour  eux  a  tous  les  temps 
messianiques  (Exc.  xxxvii).  Mais  il  n'est  dit  nulle  part  que  ce  regno  sera  proprement 
terrestre,  s'exergant  par  des  moyens  terrestres;  Jean  a  evite  d'ajouter  έπΐ  τις  γης  a 
έβασίλευσαν. 

Α.  Β.  5.  On  rencontre  ανΟροϋπων  pour  νεκρών  (Q-a  1070-046,  et  quelques  yi/irf.); 
ανέζησαν  ou  άνέστησαν  pour  'ε'ζησαν.  —  «  Le  reste  des  morts  ne  vecut  pas  »,  cfr.  Is.  XXVI, 
14  (sur  les  adversaires  de  Dieu  extermines  a  jamais). 

C.  5.  Les  anciens  chiliastes,  et  la  plupart  des  independanls,  ont  cm  que  Jean  ensei- 
gnait  ici  une  double  resurrection  corporelie,  I'une  des  martyrs  et  des  saints,  au  debut 
du  Millenium,  I'autre  generale,  a  la  fin  du  monde.  Mais  I'ensemble  des  catholiques  a 
compris  qu'il  y  avait  opposition  seulement  entre  la  resurrection  spirituelle  (cfr.  Fph. 
V,  14;  JoJi.  V,  24-25,  Bossuet),  et  la  corporelie  qui  aura  lieu,  pour  tous  ensemble,  seuie- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN,  287 

4.  Et  je  vis  des  trones  —  et  ils  s'assirent  sur  eux,  et  il  leur  fut  donne  [de 
rendre]  nne  sentence  —  et  [je  vis]  les  ames  de  ceux  qui  avaient  ete  frappcs 
de  la  hache  k  cause  du  temoig-nage  de  Jesus  et  de  la  parole  de  Dieu,  et  tons 
ceux  qui  n'avaient  pas  adore  la  bete  ni  son  image,  et  n'avaient  pas  regu 
I'empreinte  sur  leur  front  et  sur  leur  main;  et  ils  vecurent,  et  regnerent 
avec  le  Christ,  mille  ans.  5.  Le  reste  des  morts  ne  vecut  pas  jusqu'a  ce  que 
fussent  acheves  les  mille  ans.  G'est  la  la  resurrection  premiere.  6.  Heureux 
et  saint  qui  a  part  a  la  resurrection  premiere!  sur  ceux-ΐέι  la  seconde  mort 
n'a  pas  de  pouvoir,  mais  ils  seront  pretres  de  Dieu  et  du  Christ,  et  ils  regne- 
ront  avec  lui  les  mille  ans. 


ment  a  la  fin  des  Mille  ans.  La  pericope  suivante,  xx,  11-15,  montrera  qu'on  ne  saurait 
comprendre  le  texte  johannique  d'line  autre  maniere.  Le  «  reste  des  morts  »,  qui  sont 
mis  en  contraste  avec  les  martyrs  ou  les  confesseurs  sortis  de  ce  monde,  ce  sont  tous 
ceux  qui  ont  quitte  la  vie  sans  etre  regenores;  ils  ne  vivront  d'aucune  maniere  durant 
le  Millenium,  mais  demeureront  morts  et  spirituellement  et  corporellement;  comme 
morts  spirituels,  on  peut  leur  associer  peut-etre,  (car  les  vues  de  Jean  sont  toujours 
tres  synthetiques),  les  impies  meme  vivants  qui  rejettent  la  conversion.  Cette  classe 
d'hommes  a  bien  a  altendre  une  resurrection  corporelle,  qui  sera  le  comble  du  mal- 
heur;  mais,  pour  bien  montrer  que  cette  resurrection  generale  des  corps  ne  doit  pas 
etre  confondue  avec  celle  dont  il  a  ete  d'abord  parle,  Jean  insiste  sur  le  fait' qu'elle 
n'aura  lieu  qu'apres  I'ecoulement  entier  du  Millenaire. 

II  n'y  a  rien  dans  ce  passage  d'analogue  a  I  Tliess.  iv,  16,  ou  il  ne  s'agit  pas  de  deux 
classes  de  morts,  mais  de  la  double  classe  des  fideles,  ceux  qui  seront  morts,  et  ceux  qui 
seront  encore  vivants,  au  jour  de  la  Parousie.  Swete,  qui  a  fort  bien  explique  tout  ce 
passage,  apporte  une  observation  tres  precieuse  pour  confirmer  la  these  augustinienne 
et  traditionnelle  que  nous  defendons  :  I'Apocalypse  arrange  toutes  les  grandes  realites 
de  la  vie  et  de  la  mort  par  couples,  dont  les  membres  concernent  respectivement 
Vordre  present,  ei  Vordre  fatiir  :  πρώτος  ουρανός,  πρ^ότη  γη,  δεύτΕρος  θάνατο?,  cfr.  χχ.  6  Ct 
XXI,  1.  La  «  Premiere  resurrection  »  est  done  celie  qui  s'accomplit  deja  dans  la  vie 
presente,  suivant  une  idee  commune  a  saint  Paul  et  a  saint  Jean  (Exc.  xxxvu),  en  con- 
traste avec  celle  qui  s'accomplira  a  la  Parousie;  puisqu'elle  est  dite  «  premiere  », 
c'est  qu'elle  sertde  preparation  a  une  seconde,  dont  les  memes  sujets,  croyons-nous, 
et  non  pas  exclusivement  d'autres,  seront  encore  beneficiaires  (voir  Exc.  xxxvii).  Le 
verset  suivant  confirme  cette  exegese. 

A.  B.  6.  A  donne    βασιλεύουσιν,  present,  pour   le    futur.   Bousset   admet  cette 

legon;  elle  ne  change  pas  le  sens,  cfr.  i,  G;  v,  10.  —  επΙ  τούτων,  accord  ad  sensum  (Int. 
c.  X,  §  II).  —  ουκ  ε/ει,  present,  a  remarquer.  —  Ίερζΐς...  βασιλεύσουσ^ν,  cfr.  i,  6;  v,  10,  et 
la  scene  de  vn,  15,  etc.  —  Μακάριος,  cinquieme  beatitude. 

C.  &.  «  Heureux  et  saint  qui  a  part  a  cette  premiere  resurrection,  sur  eux  la  seconde 
mort  n'a  point  de  pouvoir.  »  Ces  presents  confirment  bien  I'interpretation  ci-dessus. 
La  «  seconde  mort  «,  opposee  a  la  mort  corporelle,  est  celle  de  I'ame  par  le  peche  ici- 
bas,  par  la  damnation  dans  I'autre  vie.  «  lis  rfegneront  »  non  pas  qu'ils  ne  regnent 
deja,  car  Jean  les  a  presentos  en  plusieurs  passages  comme  des  rois  in  actu,  mais 
parce  que  leur  regno,  deja  commence,  se  prolongera  ά  travers  I'avenir  infini.  Ce  r6gne 
s'exerce  a  la  fois  au  ciel,  oil  est  leur  cite,  et  sur  la  terre,  —  bien  que  Joan  ait  evite  ici, 
intentionnellement  peut-etre,  d'ajouter  ir.l  ττ,ς  γης  (comme  il  I'avait  fait  vi,  10),  pour 
bien  distinguer  sa  conception  de  celle  du  millenarisme  juif ;  en  tout  cas,  puisqu'il  ne  I'a 
pas  ecrit,  il  ne  faut  pas,  dirons-nous  avec  Stvete,  le  lire  entre  les  lignes.  «  lis  seront  » 


288  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

7.  Και  *οταν  τελείΟ•?^  τά  χίλια  ετγ],  λυθήσεται  c  Σατανάς  εκ  τγ^ς  φυλακν5ς  αΐιτου, 
8  -/.αι  έξελεύσεται  πλανησαι  τα  έθνη  τα  εν  ταίς  τεσσαρσιν  γωνίαις  τί^ς  γης,  τον  Γώγ 
και  Μαγώγ,  συναγαγεϊν  αυτούς  εΙς  τον  πόλεμον,  ων  c  άριΟμ.ος  *αύτών  ώς  ή  άμ,μος  τ'ής 
θαλάσσης•  9.  Και  *άνέβγ;σαν  έτ:ι  το  πλάτος  της  γ^ς,  και  έκΰκλευσαν  την  τταρεμβολήν 
των  αγίων  καΐ  τήν  -όλιν  τήν  ήγατημε'νην.  Καΐ  κατέβη  7:υρ  εκ  του  ουρανού  και  κατέφαγεν 
αυτούς.  10.  Και  ό  διάβολος  ό  τλανών  αυτούς  εβλήθη  εις  τήν  λίμνην  του  τ.•ορος  και 
θείου,  οπού  και  το  θηρίον  και  ό  ψευοοπροφήτης,  και  βασανισθήσονται  ημέρας  και  νυκτός 
εις  τους  αιώνας  των  α'.ωνων. 


—  et  ils  sont  deja  —  «  ρΓέΙρββ  de  Dieu  et  du  Christ  » ;  c'est  ici  le  seul  passage  oil  il 
soit  parle  explicitement  de  «  pretres  du  Christ « ;  il  est  important,  rapproche  de  tous 
ceux  oil  est  affirmee  ou  supposee  la  divinite  de  Jesus  (Ιλ'τ.  ch.  ii). 

A.  B.  7.  όταν  τελεσθί]  (μετά,  Q,  quelques  And.  —  έτελέσΟησαν,   quelques  And.); 
όταν  marque  I'incertitude  de  la  duree  de  cette  periode.  —  Cfr.  xx,  3. 

C.  7.  Les  versets  7-10  presentent  en  abreg-e  tous  les  efforts  du  demon  pour  troubler 
le  Reo-ne  des  saints,  et  son  echec  definitif.  Jean  a  emprunte  a  Ezecliiel  I'image  de 
Gog  et  Magog,  «  I'ennemi  eschatologique  du  Nord  »,  comme  dit  Gressmann  (Ursprung, 
pp.  174-192).  Satan  travaillait  depuis  longtemps  a  cette  seduction  et  a  cette  prise 
d'armes  {Bossuei).  Bien  que  cette  guerre  soit  symboliquement  presentee  comme 
rompant  d'une  maniere  subite  une  longue  periode  de  paix,  nous  croyons  pouvoir 
affirmer  que  ce  n'est  la  qu'un  effet  de  perspective,  comme  on  en  rencontre  souvent 
chez  les  Prophetes  (Exc.  xxxvii).  Jean  lui-mgme  est  coutumier  de  ces  raccourcis,  et  de 
ces  classifications  en  tranches  successives  d'evenements  qui  peuvent  fort  bien  etre 
simultanes;  n'a-t-il  pas  condense  les  maladies  morales  sous  la  cinquieme  Trompette, 
les  devastations  de  la  guerre  sous  la  sixieme,  et  dissimule  le  «  3^  Vae  »  sous  les 
deux  premiers?  Toujours  aussi  le  meme  procede  de  «  recapitulation  ». 

— —  A.  B.  8.  Pleonasme  «  hebraisant  »  ών  ...  αυτών,  Im.,  c.  x,  §  II.  —  «  Gog  et 
Magog  »  cfr.  Ezechiel  xxxvni-xxxix,  et  de  nombreux  apocryphes  (Exc.  xxxv).  —  τά  'έθνη 
τα  ίν  ται"ς  τέσσαρσιν  γωνίαις  της  γης,  cfr.  XVI,  14  τους  βασιλείς  της  οικουμένης  δλης.  [Holtzmann, 
al.),  rassembles  par  les  emissaires  du  Dragon. 

C.  8.  II  s'agit  d'une  levee  en  masse  de  toutes  les  nations  contre  I'Eglise,  sous  la 
figure  de  peuples  scythiques  qui,  depuis  leur  invasion  en  Asie  (630  av.  J.  G.)  etaient, 
dans  la  litterature  juive,  devenus  legendaires  pour  leur  ferocite  (Exc.  xxxv).  Les 
auteurs  anciens  les  ont  identifies  en  general  avec  les  envahisseurs  les  plus  barbares 
de  leur  propre  epoque,  Goths,  Huns,  Turcs,  etc.,  qui  seraient  un  jour  entraines  eontre 
I'Eglise  par  I'Antechrist;  Holtzm.  y  voit  les  barbares  subsistant  encore  apres  la  ruine 
de  I'Empire  romain.  De  fait,  saint  Jean  a  emprunte  ces  noms  a  Ezechiel  et  a  la 
tradition,  sans  meltre  I'accent  sur  leur  race  ni  leur  pays  d'origine;  ils  occupant, 
pour  lui,  «  les  quatre  coins  de  la  terre  «.  II  faut  bien  que  ce  soient  les  memos  que 
i'armee  des  Betes  du  ch.  xix,  puisque  «  tous  les  rois  de  la  terre  »,  convoques  a 
Harmagedon,  ont  deja  ete  extermines  avec  I'Antechrist.  Nous  voyons  done  ici  une 
recapitulation.  Seulement  Jean  a  choisi  les  noms  de  Gog  et  Magog,  parce  qu'il  a 
voulu  etre  aussi  vague  que  possible;  dans  Ezechiel,  ces  peuplades  envahiront  la 
Terre  Sainte  apres  le  retablissement  glorieux  du  Temple  et  de  la  theocratie;  ce  sera 
le  dernier  ennemi ;  dans  I'Apocalypse,  ces  noms  sont  I'embleme,  uon  plus,  comme 
les  Betes,  d'une  organisation  politique,  philosophique  et  religieuse  contre  I'Eglise, 
car  cette  organisation  n'est  pas  universelle,  mais  des  instincts  de  rapine  et  de  carnage 
de  la  bete  humaine,  de  ce  qui  restera  toujours  de  bestial  et  de  diabolique  dans  I'huma- 
nite,  pour  faire  obstacle  perpetuellement  au  liegne  de  Dieu.  L'image  est  done  beau- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  289 

7.  Et  uiie  fois  que  seront  achev^s  les  mille  ans,  le  Satan  sera  delie  de  sa 
prison,  8  el;  il  sortira  [pour]  egarer  les  nations  qui  sent  aux  quatre  angles  de 
1 1  lerre,  Gog  et  Magog,  les  rasseinbler  pour  la  guerre,  [eux]  dont  le  nombre 
est  comme  le  sable  de  la  mer.  9.  Et  ils  montorent  sur  Tetendue  de  la  terre, 
et  ils  investirent  le  camp  des  saints  et  la  ville  bien-aimee.  Et  il  descendit 
un  feu  du  ciel,  et  il  les  devora.  10.  Et  le  diable  qni  les  egarait  fut  jete  dans 
Tetang  du  feu  et  du  soufre  oii  [sont]  aussi  la  Bete  et  le  Faux  Prophete,  et 
ils  seront  tourmentes  jour  et  nuit  aux  siecles  des  siecles. 


coup  moins  determinee  que  celle  des  Betes;  mais  les  Betes  elles-memes  peuvent  etre 
comprises  dans  «  Gog  et  Magog  »  carleur  empire  s'appuie  sur  ces  instincts. 

^^^—  B.  9.  πλάτος  της  γης,  cfr.  Habacuc  I,  6;  le  mot  άνέβησαν  fait  supposer  que 
πλάτος  designe  (symboliquement)  le  haut  plateau  de  la  Judee,  autour  de  Jerusalem, 
la  «  Cite  Bien-Aimeo  »;  —  ή  ήγαπηαένη,  rappelle  Ps.  lxxvii  (lxxviii),  68;  Ps.  lxxxvi 
(lxxxvii),  2;  Osee  ii,  23  (Dm);  τήν  πόλ.  τήν  ήγαπ.,  dit  de  Sion,  Hab.  xii,  22.  —  Cfr.  xiv, 
1-5,  ainsi  que  pour  παρεαβ.  των  άγ.  —  Remarquer  le  passage  a  I'aoriste  άνέβησαν,  comme 
au  ch.  XI,  etc.  (Int.  c.  x,  §  in).  —  Pour  le  feu  du  ciel  qui  les  devore,  cfr.  I'histoire 
d'Elie,  II  Reg.  i,  10,  12;  Ezech.  xxxviii,  22;  Asc.  Is.  v;  etc. 

C.  9.  Les  hordes  du  Diable  assiegent  Jerusalem  (cfr.  Hab.  supra,  et  Ezech.  xxxviii, 
8,  12.  Peut-etre  montent-elles  de  la  plaine  d'Esdrelon  [Saxte).  Pour  Andre,  Prim.,  etc., 
jusqu'a  Sivete  et  a  nous  aussi,  le  «  camp  des  saints  »,  la  «  Cite  bien-aimee  »,  c'est 
I'Eglise  universelle,  sous  la  figure  dont  Jean  s'est  deja  servi  au  ch.  xiv,  1-5.  Elle  sera 
bloquee  par  i'ennemi,  mais  non  prise  ni  devastee.  «  S'il  fallait  prendre  ici  au  pied 
de  la  lettre  une  ville  οΐι  J.-C.  viendrait  regner  avec  ses  martyrs  ressuscites  et  glorieux, 
en  corps  et  en  ame,  on  ne  saurait  plus  ce  que  voudraient  dire  ces  nations  qui 
viendraient  assleger  la  ville  oil  il  y  aurait  un  peuple  immortel,  et  un  Dieu  qui  regnerait 
visiblement  au  milieu  d'eux.  II  faut  done  entendre  ici  une  ville  spirituelle,  telle  que 
I'Eglise,...  par  consequent  aussi  un  combat  spirituel  tel  qu'est  celui  que  les  heretiques 
ne  cessent  de  nous  livrer,  et  qui  se  redoublera  a  la  fin  des  siecles  avec  un  nouvel 
acharnement...  »  Ainsi  parle  Bossuet,  qui  ajoute  :  «  Pour  le  surplus,  c'est  un  secret 
de  I'avenir,  ού  j'avoue  que  je  ne  vois  rien.  »  Le  grand  eveque  refute  a  cette  occasion 
la  singuliere  theorie  du  millenariste  Jurteu,  qui  voudrait  que  les  nations  attaquent 
la  cite  sainte,  mais  non  le  Christ,  qui  serait  remonte  au  ciel  apres  les  1.000  ans  ecoules. 
Tons  ceux  ({ui  font  de  saint  Jean  un  chiliaste  lui  attribuent,  au  fond,  des  incoherences 
absurdes.  Seulement,  sa  maniere  de  presenter  les  choses  a  bien  change  avec  cette 
pericope,  fait  qui  du  reste  ne  doit  nullement  surprendre  un  conuaisseur  de  I'imagi- 
nation  johannique.  Dans  les  chapitres  precedents,  I'attention  de  I'ecrivain  etait  attiree 
sur  les  luttes  initiales  avec  I'Empire  remain,  si  violentes,  d'ou  il  resultait  une  couleur 
sombre  pour  les  visions;  ici  il  envisage  le  tout  de  I'histoire  chretienne,  ού,  en  somme, 
le  bien  divin,  quoiquo  souvent  invisible,  I'emporte  de  beaucoup  sur  le  mal;  il  a 
noglige  les  peripeties  du  commencemiuit,  et  represente  comme  une  guerre  unique 
celle  qui  ne  finira  qu'avec  le  siecle  present.  S'il  ne  s'est  pas  prcoccupe  de  faire 
concorder  les  chifTres  de  sa  «  chronologic  »  pretendue,  c'est  que  chaque  nombre  avait 
pour  lui  sa  valeur  absolue,  independante  des  autres,  et  que  leurs  rapports  arithme- 
tiques  n'entraient  pas  dans  son  symbolisme  (I.nt.,  c.  v,  ii,  §  I,  4). 

B.  10.  Cfr.  XIV,  10-11 ;  xix,  20. 

C.  10.  Le  Diablo,  apros  cette  dofaite  supreme,  est  pour  toujours  enferme  dans 
les  llammes  infernales  —  qui  ne  sont  pas  expliciteineiit  identifiees  a  Γ  «  Abime  », 
lequel  etait  plutot  un  lieu  moral  que  materiel.  Saint  Augustin  y  voyait  «  le  camr  des 

APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN.  19 


290  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

impies  ».  Rien,  dans  le  contexte,  n'indique  si  la  «  Bete  «  at  le  «  Faux  Prophete  »  y 
ont  ete  precipites  avant  lui,  ou  en  menie  temps  que  lui,  puisque  la  proposition  manque 
de  verbe;  ce  peut  etre  simplement  un  rappel  de  xix,  20,  pour  montrer  I'identite 
fonciere  de  ces  deux  scenes.  D'ailleurs,  comme  le  dit  Swete,  «  since  two  of  the  three 
subjects  of  the  βασανισμός  represent  systems,  and  not  persons,  it  is  safer  to  regard 
them  as  belonging  to  the  scenery  of  the  vision  rather  than  to  its  eschatological 
teaching  ». 

Les  luttes  sont  finies,  tous  les  ennemis  de  Dieu  et  du  Christ  sont  aneantis,  il  ne 
nous  reste  plus  qua  entendre  la  sentence  de  I'univers,  prononcee  pour  I'eternite. 

EXC.    XXXV.    GOG    ET    MAGOG. 

Dans  Ezechiel,  Gog  «  Γβηηβιηί  mythique  du  Nord  »,  est  «  roi  de  Magog  ». 
Nous  connaissons  ce  dernier  nom  par  la  table  des  peuples  de  la  Genese,  x.  2,  et 
I  Chron.  i,  δ  :  c'est  celui  d'un  fils  de  Japhet,  habitant  probable ment  du  cote  des 
steppes  de  la  mer  Caspienne.  Quant  au  no  in  de  a  Gog  »,  il  est  peut-etre  simple- 
ment forme  par  apocope  du  precedent.  On  ne  peut  I'expliquer  par  «  Gyges  »,  roi 
de  Lydie,  transcrit  Gugii  dans  les  documents  cuneiformes.  Cependant,  dans  une 
des  lettres  de  Tell-el-Amarna  (vers  1400  av.  J.-C),  on  trouve  mention  dun 
peuple  barbare  appele  Gaga,  et  dans  une  inscription  assyrienne  transmise  par 
Ilorjimel  [Gesch.  Babyl.  und  Assyr.,  Berlin,  1885,  p.  727),  le  prince  des  «  Saki  », 
ou  Scythes  asiatiques  qui  devasterent  TAsie  jusqu'a  Cyaxare,  se  nomme  Gdgi. 
C'est  done  peut-etre  dans  Thistoire  qu'Ezechiel  a  trouve  ce  nom. 

Cette  invasion  des  Scythes  [Herodote,  i,  104-106),  qui  avait  laisse  de  si  terribles 
souvenirs,  devint  un  motif  escliatologique ;  mais  le  sens  de  cette  origine  histo- 
rique  s'etant  perdu,  on  fit  de  Gog  et  de  Magog  deux  noms  de  peuples.  Le  «  livre 
d  Eldadet  de  Modad  » (Ιχτ.  c.  v,  I),  d'apres  le  Targum  dn  Pseudo- Jonathan  (sur 
Num.  XI,  26-suiv.),  donne  au  roi  de  Magog  («  Gog  et  Magog  »  d'apres  le  Targ. 
de  Jerusalem)  le  meme  role  qu'Ezechiel  et  I'Apocalypse  :  il  attaquera  Jerusalem 
et  sera  detruit  par  le  feu  du  ciel,  les  oiseaux  devoreront  les  cadavres  de  son 
armee  (Le  Tai-g.  Hieros.  attribue  cette  victoire  au  Roi-Messie).  Ensuite  aura  lieu 
la  resurrection  des  morts.  De  meme  Sifrd,  143^  D'apres  Vayyikra  rabba,  30; 
Bereschith  rabba,  88;  tr.  Schofedm,  19;  Tanchuma,  etc.,  I'invasion  suit  le 
regne  messianique.  On  en  trouve  encore  des  mentions  tr.  Aboda  Saj-a,  3^;  puis 
Pesikta,  1^"  et  Mechilta,  48^  ou  le  Ps.  ii  est  applique  a  Gog  et  Magog.  Jean  a 
done  emprunte  une  tradition  judaique  bien  etablie,  car  il  est  invraisemblable  que 
tous  ces  textes  rabbiniques  aient  puise  a  notre  Apocalypse;  mais  il  lui  a  donne 
le  sens  purement  symbolique  que  nous  nous  sommes  efforces  d'etablir. 

EXC.  XXXVI.  —  LES  PARALLELES  PAIEXS  A  LA  DOUBLE  DEFAITE  DU  DRAGON. 

La  nombreuse  ecole  qui  veut  retrouver  le  Dragon  babylonien,  avec  toute  son 
histoire  transposee,  dans  le  Satan  de  I'Apocalypse  (v.  Exc.  xxvi  et  Int.  c.  v,  i, 
§§  II-lII)  se  trouve  embarrassee  quand  il  s'agit  d'expliquer  la  delivrance  et  la 
derniere  revolte  du  monstre.  Dans  YEnunia  Elis  et  les  autres  documents  baby- 
loniens,  Tiamat  a  bien  ete  tuee  une  fois  pour  toutes  par  Mardouk,  son  corps  a 
ete  depece,  et  elle  serait  bien  incapable  d'aucun  retour  offensif  contre  son  vain- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  291 

queur.  De  meme,  dans  la  tradition  poetique  des  Jiiifs,  le  monstre  marin  dompte 
par  Jehovah  ne  trouve  plus  d'occasions  de  s'insurger;  de  meme,  chez  les  Egyp- 
tiens,  Apophi  est  diiment  reduit  a  rien  par  le  dieu  Ra.  Serait-on  du  moins 
autorise,  en  appliquant  le  principe  «  τα  εσ/ατα  ώς  τα  πρώτα  »,  a  postuler  un  mythe 
astral  qui  ne  nous  serait  pas  parvenu?  Si  le  Dragon,  comme  le  veut  I'ecole 
astronomique,  est  a  Torigine  une  constellation,  ne  pourrait-on  pas  croire  que 
les  Anciens,  au  recommencement  de  la  Grande  Annee  du  Monde,  amene  par  la 
«  precession  des  equinoxes  »,  s'attendaient  a  lui  voir  reprendre  la  lutte  ancienne 
centre  le  dieu  son  vainqueur?  Mais  la  precession  des  equinoxes  n'a  ete  decou- 
verte  que  par  I'astronome  grec  Hipparque  (161-120  av.  J.-C),  et  il  est  aujourd'hui 
demontrc  que  les  Babyloniens  ne  I'avaient  point  calculee,  et  que  I'entree  du 
soleil  dans  le  point  vernal  ou  automnal  n'avait  aucune  importance  pour  leur 
calendrier  {F.  X.  Kugler,  S.  J.  Sternkund  und  Sterndienst  in  Babel.  Zur  alteren 
babylonischen  Topographic  des  Sternhimmels.  Miinster,  1913).  Berose  a  compte 
432.000  ans  {=  36.000  X  12)  pour  les  Dix  Rois  antediluviens ;  mais  il  n'a  pas 
parle  du  «  mois  du  monde  »  de  36.000  ans  (cfr.  Syncelle,  Chronographie,  v. 
Clemen.,  p.  102).  De  meme  le  recours  que  Ton  ferait  a  I'annee  platonicienne  de 
20.400  ans,  aux  periodes  cosmiques  des  stoiciens  et  a  leur  «  Retour  eternel  », 
seraient  trop  precaires  pour  qu'on  put  batir  la-dessus  aucune  conjecture  solide 
sur  les  traditions  orientales  concernant  reschatologie. 

II  est  pourtant  un  parallele  assez  exact  —  ou  meme  deux  —  a  I'incarceration 
et  a  la  defaite  finale  du  Dragon  apocalyptique.  Le  plus  important  se  trouve  dans 
la  litterature  pehlvie  du  haut  Moyen  Age,  Bahman  Yasht  in,  52-60,  dont  le 
recit  est  presuppose  Bundehesh,  xxix,  7-suiv.  (S.  B.  E.  v,  119).  Azhi-Dahaka  le 
serpent  (v.  Exc.  xxvi).  enchaine  pour  9000  ans  au  mont  Demavend,  se  delivrera, 
pour  etre  finalement  aneanti  par  le  heros  Feridoun  (Thraetaona).  De  la  Volte?; 
Bousset,  et  plusieurs  autres,  concluent  que  I'auteur  de  I'Apocalypse  a  combine  la 
tradition  iranienne  de  la  lutte  des  Deux  Principes  avec  le  mythe  babylonien 
du  Dieu  et  du  Dragon  [Bousset,  Rel.  Jud^,  p.  588;  Offenb.  ad  loc.  —  Clem., 
p.  102,  etc.). 

Le  second  parallele,  qu'on  oserait  moins  invoquer,  est  la  delivrance  de  Loki  et 
de  ses  enfants  monstrueux  dans  le  «  Crepuscule  des  dieux  »  de  la  Vieille  Edda. 
On  admet  gcneralement  que  la  Voluspa  scandinave  a  subi  des  influences  chre- 
tiennes;  mais  ne  peut-on  supposer  a  bon  droit  la  meme  chose  des  deux  ecrits 
pehlvis?  L'Avesta  ne  connait  pas  ce  drame  en  deux  actes  sur  Azhi-Dahaka 
(v.  Exc.  xxvi). 

Admettons  done  plutot,  pour  roster  sur  un  terrain  sur,  que  la  double  defaite  du 
Dragon,  sous  cette  forme  visionnelle,  est  une  creation  de  Tesprit  johannique, 
inspiree  par  la  seule  reflexion  sur  I'Evangile,  qui,  apres  avoir  montre  la  victoire 
du  Christ  sur  Satan,  predisait  un  dechainement  de  peches  a  la  fin  des  temps. 
Saint  Jean  ayant  utilise  la  tradition  eschatologique  de  Gog  et  Magog,  il  etait  tout 
naturel  qu'il  expliquAt  ces  dernieres  convulsions  du  monde  hostile  par  un  retour 
offensif  du  vieil  enncmi. 


292  Al'OCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

EXC.    XXXVII.    LE    MILLENIUM    JUIF    ET    JUUEO-CHRETIEN    ET 

CELUI    DE    l'aPOCALYPSE. 

Si  nous  avons  vu  juste,  la  Vision  des  Trompettes  aboutit  a  la  fin  du  monde 
(xi,  15-fin),  et  les  chapitres  des  Betes  la  «  recapitulent  »  a  un  point  de  vue  plus 
special,  mais  qui  s'etend  aussi  jusqua  la  Parousie  (xix,  11-21).  II  n'y  a  done  plus 
aucune  place  apres  les  «  Vae  »  pour  y  introduire  une  longue  periode  de  felicite 
pai'faite  et  sans  trouble.  II  faut  par  consequent  que  cette  felicite  du  Millenium 
ne  soit  que  relative,  puisque,  si  Ton  ne  veut  mettre  dans  I'Apocalypse  une  con- 
tradiction intolerable,  elle  a  du  pouvoir  concorder,  au  moins  partiellement,  avec 
les  periodes  de  maledictions  et  de  catastrophes  cosmiques.  Cela  ne  repugne  pas 
au  symbolisme  du  Millenaire  sabbatique  (v.  infra  et  Exc.  xxiii).  Nous  nous 
sommes  deja  permis  de  suggerer  un  rapprochement,  assez  douteux  il  est  vrai, 
entre  I'incarceration  du  diable,  suivie  de  sa  liberation,  et  lun  des  fleaux  des 
Trompettes,  le  cinquieme  (ix,  1-suiv.,  11,  v.  ad  loc).  L'etoile  qui  est  tombee  sur 
la  terre,  et  qui  delivre  les  puissances  malfaisantes  de  I'Abime,  pent  aisement, 
d'apres  les  usages  connus  du  symbolisme  astral,  etre  identifiee  a  Satan  precipite 
sur  terre  au  ch.  xii.  La  fumee  qui  obscurcit  le  ciel,  les  sauterelles  qui  nuisent 
moralement  aux  liommes,  en  attendant  le  dechainement  de  la  guerre  a  la  plaie 
suivante,  peuvent  etre  rapprochees  de  la  «  seduction  des  nations  »  du  cha- 
pitre  XX,  cet  asservissement  au  Diable  etant  d'abord  presente  sous  son  aspect 
douloureux  de  peches  et  de  remords  qui  piquent  comme  des  scorpions.  L'Ange  de 
I'Abime,  Abaddon,  ApoUyon,  mis  en  liberte  pour  diriger  les  nuees  des  horribles 
sauterelles,  a  bien  quelque  ressemblance  avec  le  Diable  sorti  de  lAbime  a  la  fin 
du  Millenium.  Toute  mention  de  mille  ans  manque  bien  au  chapitre  ix;  mais 
I'auteur  a  pu  condenser  dans  une  meme  perspective,  sans  en  distinguer  les 
diverses  peripeties,  toute  la  derniere  campagne  que  mene  centre  Dieu  le  demon 
deja  vaincu  par  Michel  et  ses  Anges.  Le  lien  du  premier  et  du  deuxieme  Vae, 
des  sauterelles  et  de  I'invasion  des  cavaliers  (ix,  13.  suiv.),  repondrait  a  celui  de 
la  seduction  et  de  lassaut  guerrier  de  Gog  et  Magog.  Au  reste,  nous  ne  donnons 
ces  considerations  que  comme  hypothetiques. 

En  outre,  il  nous  parait  a  peine  utile  de  remarquer  que  la  periode  de  Mille 
Ans  doit  preceder  la  Parousie,  et  non  pas  la  suivre,  ou  commencer  par  elle. 
Quand  le  Christ  apparaitra  sur  les  nuees  (i,  7),  tons  les  peuples  de  la  terre  le 
verront,  et  tons  ses  ennemis  seront  plonges  dans  le  remords  et  les  lamentations. 
II  ne  restera  plus,  aux  quatre  points  cardinaux,  de  Gog  et  de  Magog  capables 
de  se  soulever  encore  contre  lui.  Or,  il  n'y  a  qu'une  Parousie,  et  c'est  celle-la. 
Nous  avons  done  pose  en  these  que  le  Reg/ie  de  Mille  Ans  se  confond  avec  toute 
Ία  phase  terrestre  da  Regne  de  Dieu  etabli  depuis  la  gloi-ification  du  Chj'ist. 

Mais,  d'apres  I'exegese  independante,  qui  a  pour  principe  premier  d'enfermer 
I'Apocalypse  dans  le  cercle  d'idees  des  ecrits  similaires,  I'auteur  aurait  voulu 
eiiseigner  tout  autre  chose.  Le  Christ,  apres  la  defaite  des  Betes,  ayant  reduit 
Satan  a  Timpuissance,  demeure  visiblement  sur  la  terre,  dans  une  Jerusalem 
restauree,  et  s'entoure  d'une  cour  de  martyrs  ressuscites  corporellement.  Ce 
regne  prend  fin  au  bout  des  Mille  Ans,  dernier  jour  de  la  semaine  du  monde, 
apres  la  rebellion  infructueuse  de  Gog  et  de  Magog.  Alors  a  lieu  la  resurrection 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  293 

generale  et  le  jugement  univcrsel.  II  y  a  done  deux  resurrections  corporelles, 
separees  parun  intervalle  de  Mille  Ans,  Tune  pour  les  seuls  martyrs,  Fautre  pour 
le  commun  des  hommes,  bons  ou  mechants,  qui  sera  decrite  xx,  11-15.  Cette 
interpretation  litterale  serait  la  seule  scientifique,  et  tout  a  fait  necessaire,  parce 
qu'elle  s'accorde  avec  les  paralleles  judaiques,  et  que  les  premiers  commenta- 
teurs  Chretiens,  les  mieux  places  pour  connaitre  I'idee  de  I'auteur,  ont  a  peu  pres 
tons  compris  noire  passage  de  cette  maniere.  Le  «  chiliasme  »  eut  ete  un  vrai 
dogme,  et  pour  Jean,  et  pour  les  premiers  Peres  de  I'Eglise. 

Pour  juger  de  la  valeur  de  cette  theorie,  passons  en  revue  d'abord  le  Millena- 
risme  juif,  puis  le  Millenarisme  chretien ;  ensuite  nous  verrons  si  cette  «  tradi- 
tion »,  —  en  admettant  que  e'en  fut  une  a  la  fin  du  i^•"  siecle,  —  rend  si  parfaite- 
ment  compte  des  idees  et  des  termes  de  Jean,  consideres  en  eux-memes  et  dans 
le  contexte  du  livre. 

I.  Le  Millenarisme  juif.  —  Dans  la  seconde  partie  du  Livre  d'lsaie  et  dans 
Ezechiel,  le  bonheur  des  derniers  temps  avait  ete  presente  sous  forme  d'une 
restauration  magnifique  et  surnaturelle  de  Jerusalem  et  de  I'etat  Israelite,  qui 
dominerait,  politiquement  et  religieusement,  toute  la  terre;  I'invasion  de  Gog, 
dans  Ezechiel,  ne  serait  pour  ainsi  dire  qu'un  incident  exterieur,  qui  mettrait 
le  seeau  a  cette  victoire  du  peuple  elu;  et  cet  etat  messianique  paraissait  devoir 
se  prolonger  a  rindeiini,  au  lieu  d'etre  une  preparation  a  quelque  chose  de 
meilleur  encore ;  car  il  reunissait  les  biens  visibles  et  les  biens  transcendants. 
Cette  conception,  qui  apparait  surtout  Is.  liv  et  lx,  Ezech.  xl-xlvii,  semble 
generale  chez  les  prophetes  postexiliens;  c'etait  I'expression  derniere,  dans 
I'Ancien  Testament,  la  formule  la  plus  transcendante  du  salut  collectif  de  ce 
«  Reste  »  d'Israel  qui  deviendrait  une  benediction  pour  toute  la  terre.  A  quel 
moment,  et  sous  quelles  influences,  se  fit-il  un  dedoublement  dans  ces  perspec- 
tives messianiques,  celles  qui  touchaient  le  «  monde  a  venir  »,  I'eternite,  se  sepa- 
rant  nettement  de  I'attente  d'une  domination  glorieuse  sur  la  terre?  Les  specia- 
listes  discutent  encore  ce  point-la.  Toujours  est-il  que,  a  partir  du  ii^  siecle  avant 
notre  ere,  se  fait  jour  I'idee  du  «  Millenaire  »,  qui  serait  mieux  appele  le  «  Regno 
intermediaire  »  [Zwischenreich  des  Allemands),  car  le  nombre  de  ses  annees  est 
tres  diversement  fixe.  Avant  d'entrer  dans  le  bonheur  du  ciel,  le  peuple  des 
saints  jouira  sur  la  terre  d'une  haute  felicite,  temporelle  et  spirituelle,  dans  un 
lieu  de  gloire  et  de  delices,  qui  sera  la  vraie  Jerusalem,  descendue  du  ciel  ou  elle 
etait  tenue  en  reserve  (cfr.  Apoc.  xxi-xxii;  voir  Int.,  c.  v,  1,§III  et  I'Exc.  xxxviii) 
et  souvent  plus  ou  moins  identifiee  ou  combinee  avec  le  Paradis  terrestre,  trait 
qui  apparait  deja  dans  Ezechiel.  Cette  theorie  eschatologique  fait  son  apparition 
litteraire  dans  Hen.  eth.,  xci,  12-17,  (les  trois  dernieres  «  semaines  »  avant  le 
Jugement  general);  puis  Sib.  in,  vers  652-730,  qui  se  rapproche  pourtant  d'Ezc- 
chiel,  et  oii  le  grand  Jugement  consiste  encore  dans  la  defaite  ou  la  conversion 
des  peuples  ennemis,  par  Tintermediaire  du  Roi-jNIessie;  IV  Esd.  vii,  28-suiv., 
qui  devient  beaucoup  plus  precis  (le  Mcssie  doit  regner  400  ans,  puis  le  monde 
sera  detruit,  et  le  Nouvel  Eon  apparaitra);  cfr.  xii,  31-34;  meme  conception  Bar. 
syr.  XXX  (Ic  Messie  retournc  au  ciel,  et  la  resurrection  a  lieu  alors) ;  cfr.  Bar  stjr. 
XXXII ;  XL,  3.  L'idee  du  Regne  intermediaire  se  trouve  encore  dan^  le  Test.  Juda, 
\q  Livre  d'Elie  hebreu,  le  Talmud,  les  Midraschim,  etc.,  avec  ou  sans  Messie, 
mais  presque  partout  a  cote  de  conceptions  plus  ou  moins  contraires.  Quant  au 


294  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

passage  eschatologique  chretieii  d'Asc.  Is.  iv,  14-17,  Tisserant  juge  qu'on  nc 
peut  en  etablir  avec  certitude  le  caractere  chiliaste. 

II  ne  semble  pas,  en  somme,  que  le  chiliasme,  a  la  fin  du  i*""  siecle,  fut  devenu 
chez  les  Juifs  momes  une  doctrine  d'une  consistance  parfaite,  capable  de  s'im- 
poser  universellement.  Le  plus  interessant  pour  nous,  c'est  le  rapport  du  Mil- 
lenium avec  la  resurrection  des  morts.  Le  P.  Lagrange  (Mess.  pp.  176-185) 
pense,  centre  Schfirer,  que,  dans  les  temps  les  plus  anciens  du  rabbinisme,  la 
resurrection  des  morts  inaugurait  la  periode  finale,  ou  plutot  eternelle,  et  sui- 
vait  par  consequent  la  periode  messianique;  c'est  d'ailleurs  I'opinion  tradition- 
nelle  du  judaisme.  Mais,  vers  la  fin  du  ii''  siecle  de  notre  ere,  quelques  tannaites 
ont  dit  clairement  que  les  morts  devaient  ressusciter  pour  les  temps  du  Messie 
[Talm.  /eras.  Kilayim,  Sclnvab,  ii,  p.  319.  —  Sola,  ix,  15,  la  resurrection  se 
produit  par  I'entremise  d'Elie,  —  voir  Jellinek,  Beth-ha-Midrasch,  vi,  pp.  148- 
suiv.).  Mais  les  beneficiaires  de  cette  premiere  resurrection  ne  devaient  etre  que 
les  saints  decedes  en  Palestine  —  (les  rabbins  cnterres  ailleurs  rouleraient, 
entoures  d'une  motte  de  terre,  jusqu'en  Terre  Sainte,  Talm.  jer.,  supra)  —  et 
aussi  les  martyrs,  pour  qu'ils  pussent  jouir  des  jours  du  Messie.  Cette  idee  appa- 
rait  apres  les  dernieres  et  malheureuses  guerres  des  Juifs  pour  leur  indepen- 
dance,  sous  Trajan  et  Iladrien. 

Quant  a  la  duree  du  Regne  intermediaire,  elle  etait  calculee  tres  diversement 
par  les  Rabbins  :  quarante  ans  (d'apres  Ps.  xcv,  10;  Deut.  viii,  3;  Ps.  xc,  15); 
soixante~dix  QXiS  (d'apres  Is.  xxiii,  15);  trois  generations  (d'apres  Ps.  lxxii,  5) ; 
365  ans,  d'apres  Is.  lxiii,  4) ;  quatre  cents  ans  (d'apres  Gen.  xv,  13  et  Ps.  xc,  15), 
D'autres  rabbins  tenaient  pour  QOO  ans;  pour  mille  ans,  car  ν  un  jour  de  Dieu, 
c'est  mille  annees  »  [Ps.  xc,  4;  Is.  lxiii,  4);  ailleurs,  on  I'estime  a  200Q,  6000, 
1000,  et  jusqu'a  365.000  ans.  (Voir  deux  baraithas  Talm.  de  Babylone,  hah 
Sanhedrin  97'',  et  Pesikta  rahhathi,  ch.  i,  qui  representent  la  tradition  d'un 
Midrasch  palestinieri  bah  Sanhedrin,  99=*,  cites  par  Lagrange,  Mess.  pp.  205- 
209). 

II.  he  Millenarisme  chez  les  chretiens.  —  En  mettant  a  part  I'Apocalypse, 
puisqu'elle  est  en  cause,  c'est  dans  la  premiere  moitie  du  ii^  siecle,  avec  Papias, 
que  nous  constatons  la  penetration  du  chiliasme  juif  dans  les  milieux  chretiens. 
Ce  phenomene  sans  doute  pouvait  etre  anterieur,  et  remonter  a  d'anciens  pres- 
bytres  d'Asie ;  il  se  pourrait  que  le  grand  mouvement  millenariste  qui  parait  s'etre 
propage  chez  les  Juifs  quand  ils  eurent  vu  en  70  la  ruine  de  la  ville  sainte  — 
temoin  Esdras  et  Baruch  —  eut  atteint  en  meme  temps  les  milieux  judeo-chre- 
tiens,  pour  se  communiquer  par  eux  a  beaucoup  de  leurs  coreligionnaires  d'ori- 
gine  paienne.  Nous  ne  ferions  done  pas  trop  de  difficultes  pour  admettre  que  le 
chiliasme  s'etait  repandu  des  le  temps  de  la  vieillesse  de  Jean,  et  en  Asie.  Tou- 
jours  est-il  qu'il  n'y  en  a  pas  trace,  pas  plus  que  de  double  resurrection,  chez 
saint  Paul,  ni  Rom.  viii,  19-23,  ni  I  Cor.  xv,  20,  23,  ou  I  Thess.  iv,  16  (v.  les 
commentaires,  et  Gry,  Millenarisme,  pp.  45-47).  Selon  nous,  il  serait  fort  hasar- 
deux  de  chercher  le  chiliasme  dans  l^Didache,  x,  ou  memexvi,  6-8,  qui  ne  repro- 
duit  que  le  schema  traditionnel  de  la  resurrection  des  elus,  d'apres  I  Thess.  II 
ne  s'agit  pas  plus  que  chez  saint  Paul  d'une  double  resurrection  des  morts,  car  la 
scene  du  jugement  n'est  nullement  dedoublee.  La  phrase  :  άνάστασις  νεχρων,  ού  πάν- 
των δί•,   αλλ'  ό)ς  ερρεθη•   Ίίξει  δ  κύριος  και  π^τζς  ο:  άγιοι  [Λετ'  αύτοΰ,  montrc  que  Fautcur, 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  295 

par  άνάστασις,  n'entend  que  la  resurrection  pour  la  gloire,  celle  des  saints,  et  non 
celle  des  damnes;  de  meme  saint  Paul,  dans  les  passages  mentionnes,  ne  s'etait 
OCCupe  que  de  celle-la,  et  quand  il  dit  :  οί  νεκροί  εν  Χριστώ  άναστησονται  πρώτον, 
έπειτα  ήμεις οί  ζώντες  κτλ,  les  mots  πρώτον  et  έπειτα  indiquent  manifestement  que  la 
comparaison  porte  sur  les  fideles  morts  et  les  iideles  trouves  en  vie,  non  sur 
deux  categories  de  defunts, 

Mais  riieresiarque  Cerinthe,  contemporain  de  Jean,  enseignait  deja  le  mille- 
narisme  le  plus  grossier  (Int.  c.  xiii,  i).  L'idee  que  le  monde  devait  durer  une 
semaine  de  millenaires,  —  parce  qu'un  jour  du  Seigneur  est  comme  mille  ans, 
• —  entraine  deja  dans  VEpUre  de  Barnabe,  ecrit  egyptien  du  temps  d'Ha- 
drien,  cettc  consequence  que  le  septieme  millcnaire  sera  le  sabbat  du  monde, 
precedant  le  «  huitieme  jour  »,  celui  de  I'eternite  qui  doit  commencer  par  le 
jugement  general.  «  Done,  mes  enfants,  eii  six  mille  ans,  I'univers  sera  con- 
somme. «  Et  il  se  reposa  le  septieme  jour  »  a  la  signification  suivante  :  Quand 
son  Fils  sera  venu  mettre  fin  an  delai  accorde  aux  pecheurs,  juger  les  impies, 
transformer  le  soleil,  la  lune  et  les  etoiles,  alors  il  se  reposera  glorieusement  le 
septieme  jour...  II  dit  encore  aux  Juifs  :  «  Je  ne  supporle  pas  vos  neomenies  et 
vos  sabbats.  »  Voyez  bien  ce  qu'il  veut  dire  :  Ce  ne  sont  point  les  sabbats  actuels 
qui  me  plaisent,  mais  celui  que  j'ai  fait  et  dans  lequel,  mettant  fin  a  I'univers, 
finaugurerai  le  huitieme  jour,  c'est-a-dire  un  autre  monde  »  [Up.  Barn,  xv,  4, 
5,  8,  trad.  Laurent).  Cette  distinction  entre  le  «  septieme  jour  »  et  le  «  huitieme» 
ne  parait  explicable  que  par  le  Millenium.  Quant  a  Papias  —  qui  a  connu  les 
plus  anciens  presbytres  d'Asie,  s'il  reste  douteux  qu'il  ait  connu  Jean  I'Apotre,  — 
on  connait  ses  dires  naifs  sur  la  prodigieuse  fecondite  future  du  sol  que  Notre- 
Seigneur  aurait  predite,  et  dont  les  presbytres  auraient  entendu  la  description 
de  la  bouche  meme  de  Jean  [Irenee,  Adv.  Haer.  v,  33,  3-4).  D'apres  Eusebe,  H.  E., 
XXXIX,  11-13,  le  vieil  eveque  d'Hierapolis  plagait  cette  periode  merveilleuse  apres 
la  resurrection  des  morts,  le  Christ  regnant  mille  annees  visiblpment  sur  la  terre. 

Le  millenarisme  de  saint  Justin,  quoique  plus  spirituel,  n'est  pas  moins 
decide;  apres  I'Antechrist,  Jerusalem  rebatie  sera  habitee  mille  ans  par  les 
Chretiens,  en  compagnie  du  Christ,  —  et  des  morts  resuscites,  puisque  les  Pa- 
triarches  et  les  Proplietes  seront  de  la  fete ;  et  il  attribue  ces  idees  a  I'auteur  de 
TApocalypse  [Dial.  Tnjph.  lxxx,  lxxxi);  il  faut  cependant  remarquer  que,  dans 
son  Apologie  a  Antonin,  Justin  n'a  pas  un  mot  qui  sente  le  chiliasme. 

Apres  Papias  et  Justin,  saint  //-e/zee  (Adv.  Haer.  v,  28,  3;  31, 1-2;  32-35);  Meli~ 
ton  de  Sardes,  tres  probablement  (d'apres  Gennade,  De  eccl.  dogm.  4) ;  Tertul- 
lieny  a  la  suite  des  Montanistes,  qui  avaient  deja  vu  la  Jerusalem  du  Millenaire 
apparaitre  en  Phrygie  au-dessus  de  Pepouza  [Adv.  Marcionem,  iv,  24;  etZ)e  spe 
fidelium,  ouvrage  perdu);  saint  Hippolytc;  Teveque  Nepos,  au  temps  de  saint 
Denys  d'Alexandrie;  Methodius  dOlympe  (Symposion,  ix,  1;  De  Resurrect.  9); 
Apollinaire  de  I^aodicee  qui,  d'apros  saint  Basile  et  saint  Jerome,  entreprit  de 
refuter  Denys;  Commodien,  Lactance  (De  vita  beata),  et  sans  doute  beaucoup 
d'autres,  entrerent  tous  dans  les  memes  vues  :  double  resurrection,  regne  de 
mille  ans  avant  le  jugement  general. 

Cette  enumeration  contient  de  tres  grands  noms  de  I'histoire  ecclesiastique ; 
il  ne  faudrait  cependant  pas  croire  que  le  millenarisme  fut  un  dogme  de  I'Eglise 
primitive.  Saint  Justin  note  qu'il  trouvait  des  contradicteurs,  qu  il  n'ose  taxcr 


296  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

d'heresie  [Dial.  Tryph.  lxxx,  2).  Si  saint  Irenee  en  fait  une  verita  de  foi,  c'est 
que,  dans  son  systeme,  il  a  envisage  cette  conception  comme  solidaire  du  dogme 
de  la  resurrection  corporelle ;  il  sait  que  beaucoup  la  repoussent,  et  croit  qu'ils  le 
font  sous  I'influence  d'idees  gnostiques.  Mais  Clement  d'Alexandrie  a  ignore  le 
chiliasme,  ainsi  que  Clement  de  Rome,  Hermas,  Cyprien.  Le  grand  Origene  I'a 
combattu  et  traite  d'ineptie  judaique  [Prol.  au  Cantique  des  Cantiques;  Περί 
άρχων,  II,  11,  2);  saint  Denys  d'Alexandrie  s'attacha  a  convertir  les  disciples  de 
Nepos.  En  Syrie,  saint  Ephrem  ne  connait  qu'un  jugement.  Dans  Teglise  de 
Uome,  Hippolyte  apparait  seul  avoir  ete  milldnariste ;  les  symboles  de  foi  n'ont 
jamais  parle  que  d'un  seul  avenement  du  Christ  comme  juge. 

A  la  fin  du  iii'=  et  au  iv^  siecle,  en  Occident,  Victorin  de  Pettau  professe  encore 
le  chiliasme  dans  son  commentaire  authentique  {Haussleiter,  pp.  138-142),  et 
pretend  meme  I'appuyer  sur  saint  Paul  (en  distinguant  la  «  trompette  »  de 
I  Thess.  IV,  15,  et  la  «  dernierc  trompette  »  de  1  Cor.  xv,  52,  v.  Exc.  xx);  plus 
tard  Sulpice-Severe  suivait  encore  les  memes  crrements  [Dial.  Gallus,  ii,  14. 
Migne  P.  L,  xx;  mais  le  dialogue  a  ete  plus  tard  epure),  et  saint  Amhroise  lui- 
meme  expose  en  divers  ecrits  des  opinions  peu  nettes;  il  met  au  moins  une 
epoque  intermediaire  entre  la  resurrection  des  justes  et  celle  des  pecheurs 
[Enarr.  in  Ps.  i  Migne  PL,  xiv).  Mais  saint  Jerome  et  saint  Augustin  rompent 
deliberement  avec  cette  tradition  judaisante,  comme  Tyconiiis  I'avait  deja  fait. 
Jerome,  dans  son  edition  expurgee  de  Victorin  et  de  nombreux  passages  de  ses 
oeuvres,  interprete  au  sens  spirituel  I'incarceration  du  Dragon,  sa  delivrance,  la 
resurrection  premiere,  et  applique  a  TEglise,  depuis  I'lncarnation,  tous  les  textes 
favoris  des  Millenaristes,  dans  les  Prophetes  ou  I'Apocalypse.  Quant  au  grand 
docteur  africain,  apres  avoir  cru  lui  aussi  au  sabbat  du  monde,  dans  le  septieme 
millenaire  — mais  seulement  apres  le  grand  jugement  de  Dieu  —  [Sermon  259,  2) 
il  se  retracte  dans  la  Cite  de  Dieu,  et  traite  le  chiliasme  de  ramassis  de  fables 
ridicules.  Satan  a  deja  ete  lie  parle  premier  Avenement  du  Christ;  I'Eglise  regne 
deja,  avec  les  saints,  sans  quoi  elle  ne  serait  pas  appelee  le  «  Royaume  des 
cieux  »  ;  les  «  trones  »  sont  les  sieges  des  chefs  qui  la  gouvernent;  Satan  sortira 
del'Abime,  c'est-a-dire  du  coeur  des  impies  oil  il  est  tenu  enferme,  seulement 
durant  les  3  ans  1/2  de  TAntechrist,  a  la  fin  des  temps.  Augustin  fait  done  con- 
corder  le  chap,  xx,  par  recapitulation,  avec  tous  les  chapitres  des  Betes  qui  le 
precedent  (CzV.  Dei,  xx,  ch.  7-13;  al.). 

C'est  cette  interpretation  qui  a  triomphe  dans  I'Eglise,  tant  en  Orient  qu'en 
Occident.  Auconcile  d'Ephese  (431),  on  nomme  deja  le  Millenarisme  «  les  diva- 
gations, et  les  dogmes  fabuleux  du  malheureux  Apollinaire  »  [Labbe,  Coll. 
Concil.  II,  837).  Et  le  profond  discredit  de  ces  doctrines  trouve  une  expression 
encore  plus  forte  en  Occident,  ou  le  catalogue  de  Gelase,  a  la  fin  du  V  siecle, 
range  pele-mele  Nepos,  Tertullien,  Montan,  Commodien,  Lactance,  Victorin, 
tous  les  millenaristes  a  peupres,  parmi  les  «  apocryphes  ». 

Au  Moyen  Age,  Joachim  de  Flore  et  son  ecole  ont  bien  enseigne  une  doctrine 
qui  etait  une  sorte  de  semi-inontanisme,  de  semi-millenarisme  spirituel,  mais 
qu'il  ne  faut  cependant  pas  confondre  avec  le  chiliasme  ancien.  Celui-ci  n'a  per- 
severe que  chez  certains  lutheriens  (Int.  c.  xiv,  §  vii)  ou  dans  d'obscures  sectes 
prolestaiiles;  bien  rares  sont  les  exegetes  catholiques  qui  prennent  encore  la 
peine  de  s'evertuer  a  le  renouveler  sous  une  forme  attenuee  et  conciliable  avec 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 


297 


I'orthodoxie.  Quoique  le  chiliasme  n'ait  pas  ete  note  d'heresie,  le  sentiment  com- 
mun  des  theologiens  de  toute  ecole  y  voit  une  doctrine  «  erronee  »,  oii  certaines 
conditions  des  ages  primitifs  ont  pu  entrainer  quelques  anciens  Peres. 

III.  Le  Millenium  de  Γ  Apocalypse.  —  Est-ce  saint  Augustin,  et  I'enseigne- 
ment  ecclesiastique  commun,  qui  se  seraient  trompes  dans  Finterpretation  de 
I'idee  johannique^  Loin  de  la;  car  on  pent  prouver  :  1°  que  le  caractere  de  ce 
Regne  est  purement  spirituel;  2°  que  cette  domination  miilenaire  ne  s'etend  pas 
a  tons  les  hommes,  d'ou  il  suit  que  la  captivite  de  Satan  n'est  pas  absolue; 
3°  que  ce  Regne  ne  suivra  pas  I'epoque  des  fleaux  et  des  luttes,  mais  leur 
coexistera. 

1.  Ca,ractere  spirituel  du  Regne  miilenaire.  —  Pour  etablir  ce  premier  point, 
il  faut  considerer  :  a  qui  aura  part  a  cette  royaute ;  b  ce  que  signifient  les  mille 
ans;  c  comment  on  doit  comprendre  la  «  Premiere  Resurrection  ». 

a.  —  Les  assesseurs  de  Dieu  qui  s'assoient  sur  des  trones  pour  juger  le  monde, 
sont  peut-etre  des  creatures  celestes,  comme  dans  Daniel  VII;  mais,  a  cote 
d'elles,  ce  doivent  etre  aussi  les  elus  de  I'humanite,  suivant  la  promesse  du 
Christ  aux  apotres  et  ces  paroles  de  saint  Paul  (I  Cor.  vi,  2)  :  Ne  savez-vous 
pas  que  les  saints  jugeront  le  monde?  Ce  trait  pent  bien  n'etre  pas  entierement 
et  strictement  eschatologique,  puisque  les  jugements  de  Dieu,  provoques  par  les 
prieres  des  saints  [Apoc.  viii,  3-5)  s'exercent  deja  de  mille  manieres.  A  cote  des 
juges,  et  peut-etre  parmi  eux,  Jean  voit  deux  categories  d'etres  humains  :  d'abord 
les  ames  des  decapites,  c'est-a-dire  de  Tensemble  des  martyrs  faits  par  la  Bete, 
et,  ensuite,  les  confesseurs,  les  Chretiens  fideles  et  perseverants,  tous  ceux  (και 
οϊτινες)  quin'ont  pas  adore  le  monstre  (vid.  supra).  Ces  confesseurs  sont-ils  seule- 
ment  ceux  qui  sont  morts  ?  Rien  ne  I'indique  et  on  pent  meme  supposer  le  con- 
traire,  car  il  n'estpas  dit  qu'on  voie  lews  dnies,  comme  il  a  ete  dit  des  martyrs; 
mais  ils  sont  presentes  sans  distinction  :  tous  ceux,  οιτινες,  ames  bienheureuses 
ou  hommes  vivanls  qui  n'ont  pas  adore  la  Bete. 

Des  descriptions  analogues  ne  sont  pas  rares  a  travers  le  livre.  Au  chapitre  vii, 
9-10,  14-15,  et  au  chapitre  xv,  2-4,  le  Prophete  a  vu  les  fideles  de  la  terre  pre- 
sents au  ciel  meme,  en  compagnie  des  Anges  et  des  bienheureux,  et  remplissant 
avec  eux  des  fonctions  liturgiques  de  pretres  et  de  chantres;  car  deja  ils  sont  au 
ciel  par  leurs  pensees  et  leurs  sentiments.  Un  parallele  encore  plus  proche  se 
trouve  au  chapitre  xiv,  1-5.  L'analogie  est  si  frappante  avec  le  regne  miilenaire, 
que  Bousset  lui-meme  admet  I'identite  de  signification  :  Les  144.000  sont  en 
communication  directe  avec  les  etrcs  celestes,  dont  ils  entendent,  apprennent  et 
redisent  le  cantique.  Ces  144.000  ne  sont  pas,  il  est  vrai,  tous  les  fideles  de  la 
terre,  mais  ils  eti  sont  les  premices,  les  ascetes,  ceux  qui  s'opposent  de  la  fagon 
la  plus  alfichee,  avec  les  martyrs,  au  regne  de  la  Bete;  ils  s'identifient  done  avec 
une  partie  des  vivants  qui  regnent  pendant  les  mille  ans. 

b.  —  Signification  des  1000  ans.  Rappelons-nous  dans  THenoch  Slave,  chcz 
Irenee,  chez  Hippolyte,  et  autrcs  vieux  auteurs,  la  division  du  monde  en  sept 
millenaires,  dont  le  dernier  repond  au  sabbat  de  I'Heptameron,  au  repos  divin 
apres  la  creation,  1000  ans  formant  un  «  jour  de  Dieu  ».  C'est  la  le  «  sabbatisme  » 
dont  parle  TEpitre  aux  Hebreux,  ch.  m  et  iv,  oil  les  fideles  doivent  entrer,  d'a- 
pres  la  promesse  divine,  et  oil  ils  entrcnt  deja  dans  cette  vie,  par  la  gr^ce,  et  d6s 
apres  leur  niort,  d  apres  I'Apocalypse,  xiv,  13,  sans  attendre  la  Parousie.  Comme 


298  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

la  section  des  Trompettes,  et,  semble-t-il  aussi,  celle  des  Betes,  ne  laissent 
aucune  place  dans  I'histoire  pour  une  felicite  sans  melange  avant  la  consomma- 
tion,  il  faut  que  ces  1000  ans,  ce  septieme  jour  spirituel,  coincident  avec  le  tout 
ou  avec  une  partie  des  six  autres  jours  livres  aux  luttes  et  aux  epreuves. 

c.  —  La  premiere  resurrection.  II  est  dit,  xx,  4,  des  coparticipants  du  Regne 
du  Christ,  qu'ils  «  vecurent  »  (έζησαν).  Ceci  n'entraine  pas  la  consequence  neces- 
saire  que  tous  etaient  morts  auparavant.  Cependant  cette  vie  est  appelee  «  pre- 
miere resurrection  ».  Elle  est  partielle,  et  s'oppose  a  la  resurrection  generale, 
mais,  de  plus,  a  une  resurrection  corporelle.  Comme  la  premiere  mort,  qui  est 
la  separation  du  corps  et  de  Tame,  s'oppose  a  la  seconde  mort,  ou  damnation, 
commencec  par  le  peche,  de  meme  la  «  premiere  resurrection  »  a  toute  chance 
d'appartenir  a  I'economie  presente,  puisqu'elle  s'oppose  implicitement  a  une 
deuxieme  resurrection  qui  suivra  la  Parousie,  et  qui  sera  corporelle  et  genorale. 
Or,  nous  savons  par  ailleurs  ce  qu'est  cette  premiere  resurrection.  Pour  ceux 
qui  sont  «  morts  dans  le  Seigneur  »,  specialement  pour  les  martyrs,  c'est,  comme 
I'ont  vu  Bossuet  et  nombre  d'autres  exegetes  orthodoxes,  leur  glorification  au 
ciel,  et  les  signes  de  leur  gloire  qui  apparaissent  sur  la  terre.  D'ailleurs,  dans 
I'Apocalypse  elle-meme,  au  chapitre  xi,  la  meme  image  apparait  employee  dans 
un  sens  tout  voisin  :  les  Deux  Temoins,  qui  sont  morts  allegoriquement  chaque 
fois  que  I'Eglise  parait  aneantie,  ou  peu  s'en  faut,  aux  yeux  de  ses  ennemis, 
ressuscitent,  allegoriquement  aussi,  quand  I'Eglise,  apres  chaque  persecution, 
reprend  sa  vie  intense  avec  toute  son  activite  exterieure,  et  que  le  monde  com- 
mence a  comprendre  la  gloire  et  la  victoire  des  temoins  qui  ont  paru  succomber. 
Quant  a  la  part  qu'ont  actuellement  les  vivants  a  la  resurrection  premiere  (Ό  l/(ov 
μέρος),  elle  est  encore  plus  facile  a  comprendre,  si  nous  n'avons  pas  oublie  que 
la  figure  de  la  resurrection  servait  continuellement  a  saint  Paul  pour  signifier  la 
naissance  a  la  vie  du  Christ,  donnee  par  la  foi  et  le  bapteme  [Rom.  passim; 
Eph.  v,  14;  Col.  iii,  1),  et  que  Jean  lui-meme  dans  I'Evangile  s'est  servi  de  la 
meme  expression  pour  signifier  la  vie  de  la  grace  (Joh.  v,  25)  :  Venit  hora  et 
nunc  est,  quando  mortui  audient  vocem  Filii  Dei,  et  qui  audierint  vivent  (Ij. 

Le  Regne  de  mille  ans  des  hommes  avec  le  Christ  a  done  un  caractere  spiri- 
tuel :  c'est  la  vie  de  la  grace  pour  les  uns,  la  vie  dans  la  gloire  pour  les  autres. 
Nous  avons  la  un  tableau  de  la  vie  de  I'Eglise,  dont  elle  jouit  soit  au  ciel,  soit 
Tneme  deja  sur  la  terre,  abstraction  faite  de  ses  epreuves  exterieures.  Et  ce 
tableau  est  tout  a  fait  dans  I'esprit  du  livre,  comme  le  montre  une  comparaison 
avec  les  chapitres  vii,  xiv,  xv,  xxii,  meme  avec  le  v.  1  du  chapitre  xi  et  les  vv.  6 
et  14  du  chapitre  xii,  qui  parlent  de  la  tranquillite  interieure  du  peuple  de  Dieu. 
—  Cette  conclusion  capitale  va  etre  fortifiee  par  les  deux  paragraphes  suivants. 

2°  Le  Regne  millenaire  ne  s'etend pas  a  toute  I'humanite.  —  Les  bienheureux, 
surtout  les  martyrs,  ainsi  que  les  fideles  en  general,  regnent  done  avec  le  Christ, 
deja  avant  la  Parousie.  Mais  oii  regnent-ils?  Est-ce  sur  toute  la  terre?  Non,  puis- 


(1)  Joh.  V,  24,  indique  bien  que  ce  «  nunc  est  «  du  verset  suivant  dosigne  le  pr6sent,  et  non 
un  futur  imm^diat,  et  par  consequent  que  cette  resurrection  est  spirituelle  :  «  qui  verbum 
meum  audit,  ct  credit  ei  qui  misit  me.  hnhet  vitam  aefernam,  et  in  judicium  non  venit,  sed 
Irnnsiif  a  morle  in  vitam  w.  Celte  image  de  resurrection  prise  24-2.5  au  sens  spirituel,  passe 
au  sens  littcral  au  verset  28. 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  299 

que,  aux  quatre  angles  de  la  terre^  ϋ  y  a  encore  Gog  et  Magog.  Le  nom  seul  de 
ces  peuples  suffit  a  montrer  qu'ils  ne  sent  pas  de  ceux  sur  qui  la  seconde  mort 
n'aura  pas  de  prise,  et  qui  auraient  deja  reconnu  la  royaute  de  Christ.  De  memo 
que,  au  chap,  xiv,  on  a  vu  la  garde  du  corps  de  I'Agneau  campee  sur  le  mont 
Sion,  au  milieu  d'un  monde  livre  aux  Betes  et  a  leurs  complices,  ainsi  le  Christ 
et  ses  iideles,  dans  notre  pericope,  semblent  n'occuper  que  la  cite  bien-aimee 
(v.  9),  qui  est  la  meme  Sion,  qui  est  I'Eglise.  Cette  cite  deviendra  «  le  camp 
des  saints  »,  lorsque  Gog  et  Magog,  rassembles  par  le  Diable,  sans  doute  a 
Harmagedon,  pres  de  la  Megiddo  symbolique  de  xvi,  16,  monteront  sur  la 
haute  plaine  de  la  Judee  (επΙ  το  πλάτος  της  γής)  pour  faire  le  siege  de  la  Jerusalem 
spirituellc. 

Nous  voyons  aussi  par  la  ce  que  c'est  que  I'incarceration  de  Satan  pour  mille 
ans.  Cette  impuissance  oh.  il  est  mis,  pour  mille  annees,  de  «  seduirc  les  nations  », 
ne  peut  etre  absolue  au  point  que  toute  action  diabolique  ait  ete  suspendue  dans 
le  monde.  Car  I'immense  peuple  de  Gog  et  Magog  ne  parait  pas  avoir  ete  sou- 
mis,  au  moins  sincerement  et  pleinement,  au  Christ,  qui  ne  regnait  que  dans  la 
Sion  spirituelle,  I'Eglise,  avec  les  saints  et  sur  les  saints.  Le  Diable  ne  pouvait 
done  etre  lie  que  relativement  (v.  saint  Augustiii,  Civ.  Dei,  XX,  vii  et  viii;  Bos- 
suet,  ad  loc).  Virtuellement  vaincu  et  aneanti,  il  ne  pouvait  plus  seduire  de  nou- 
velles  nations  ni  etendre  son  regne,  mais  il  pouvait,  avec  beaucoup  d'efforts, 
maintenir  sur  certains  points  son  armee  de  reserve  et  la  preparer  a  I'assaut  final. 
Aussi  saint  Augustin  [loc.  laud.)  rapproche-t-il  cette  incarceration  de  Satan  de 
I'image  evangelique  du  «  Fort  »  enchaine  (Marc,  in,  27;  Luc.  xi,  22).  Et  c'est  a 
tres  juste  titre;  il  est  meme  possible  que  le  souvenir  de  ces  paroles  du  Christ  ait 
influe  sur  la  vision.  Satan  a  ete  lie  quand  Jesus  a  commence  apiller  son  empire  et 
a  detruire  sa  maison.  Meme  au  milieu  des  persecutions,  le  Fort,  I'ancien  Prince 
du  monde,  perdait  continuellement  du  terrain,  car  sa  grande  arme  lui  avait  ete 
enlevee  (xii,  10).  Sa  reclusion  dans  I'Abime  peut  n'etre  pas  essentiellement  dif- 
ferente,  pour  le  sens,  de  sa  chute  sur  la  terre  au  chapitre  xn.  On  salt  que  Jean, 
pour  representer  des  realites  foncierement  les  memes,  fait  facilement  varier  ses 
images  d'une  vision  a  Tautre. 

3°  11  n'y  a  pas  propreinent  succession  chronologique,  mais  plutSt  simulta- 
neite,  entre  les  realites  du  Millenaire  et  celles  des  (visions  precedentes. 

Repetons  d'abord,  s'il  le  faut,  que  le  Millenaire  ne  saurait  commencer  avec  la 
Parousie  :  il  precede  necessairement  celle-ci.  Mais  le  point  le  plus  delicat  et  le 
plus  discute  est  de  savoir  s'il  doit  saivve  chronologiquement  les  evenements  pre- 
cedemment  prophetises,  ou  s'il  ne  peut  aussi  bien  les  accompagner,  representer 
une  autre  face  de  I'histoire  future?  Nous  avons  juge  qu'il  ne  pent  pas  les  suivre, 
qu'il  doit  par  consequent  Icur  coexister. 

En  dehors  du  rapprochement  indique  ci-dcssus  avec  le  chap,  ix,  1,  11,  la  com- 
paraison  avec  la  section  xii-suiv.  nous  parait  decisive.  On  y  voit  d'abord  le  Dra- 
gon reduit  a  une  impuissance  relative  des  I'Ascension  du  Christ  (xn),  ce  qui  ne 
I'empeche  pas  depoursuivre  la  Femme,  et  de  susciter  les  B6tes  contre  TEglise. 
Mais  on  y  voit  surtout  que  la  defaite  des  Betes  ne  peut  pas  prcceder  Vinsurrec- 
tion  et  la  ruine  de  (jog  el  Magog.  En  effet  «  reus  les  rois  de  la  terre  »  suscep- 
tibles  de  devenir  les  allies  de  I'Antechrist  ont  etc  ameutes  et  concentres  a  Har- 
magedon par  les  grenouilles-demons  sorties  do  la  bouche  de  la  Bete,  du  Faux. 


300  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

Propliete,  —  et  du  Dragon  (xvi,  13-16;  remarquer  la  «  seduction  »  au  v.  14,  cfr. 
XX,  8).  Cette  armee  des  Betes  a  ete  tout  entiere  vaincue  et  aneantie  au  cli.  xix, 
19-21.  Oil  resterait-il  des  ennemis  possibles,  apres  cette  victoire  decisive  du 
"Verbe?  11  a  done  fallu  que  ceux  qui  sont  representee  par  Gog  et  Magog  fussent 
deja  inclus  dans  ce  desastre.  Par  consequent,  la  bataille  de  xx,  8-10,  contre  les 
saints  du  Millenaire,  n'est  qu'une  «  recapitulation  »  de  celle  des  Betes  contre 
TEglise;  par  consequent, /e  Millenaire  coexislait  a  I'empire  de  I'Antechrist. — 
La  comparaison  avec  le  ch,  xiv,  1-5  fortifie  encore  cette  conclusion,  car  Tarmee 
d'ascetes  concentree  autour  du  Christ  dans  Sion  (=  la  Cite  bien-aimee  de  xx,  9) 
s'oppose  a  la  masse  de  ceux  qui  adoreront  un  jour  la  Bete,  et  qui  sont  deja  les 
paiens  de  I'empire  romain  (xiii,  14-17).  Ce  sont  done  des  contemporains  de 
Jean,  et  la  description  de  xiv,  1-5,  repond  bien  a  des  faits  que  le  Prophete  a 
deja  sous  les  yeux;  ce  n'est  pas  seulement  une  prolepse  d'un  millenium  futur, 
comme  le  veut  Bousset.  D'ailleurs,  les  fideles  ont  deja  ete  marques  au  front  du 
signe  de  Dieu  (xiv,  1),  des  avant  que  le  livre  aux  sept  sceaux  ait  ete  comple- 
tement  ouvert,  c'est-a-dire  des  que  le  Christ  est  entre  au  ciel  (vii,  3)  et  a  pris 
possession,  en  droit,  de  sa  royaute  universelle.  Cette  occupation  de  Sion  par 
I'Agneau  et  ses  forces,  est  done  un  fait  dont  les  debuts  peuvent  etre  anterieurs 
au  temps  meme  ou  Jean  a  eu  sa  vision.  Or,  le  parallelisme  remarquable  que 
nous  avons  deja  releve,  en  nous  appuyant  sur  Bousset  lui-meme,  montre  que 
Toccupation  de  Sion  est  identique  au  millenium.  Done  le  Millenium,  ce  regne 
spirituel  des  Saints,  a  commence  des  I'epoque  des  Apotres.  II  s'identifie  avec 
ce  Regne  du  Christ  dans  I'Eglise  et  dans  le  monde  qu'ont  notifie  une  foule 
d'autres  passages.  Qu'il  n'ait  pas  commence  seulement  au  repos  de  I'Eglise  avec 
Constantin,  c'est  ce  que  prouve,  selon  nous,  le  ch.  xvi,  21  [ad  loc). 

Nous  pensons  que  ces  considerations  ne  manquent  pas  de  force  convaincante. 
Le  Millenaire  ne  constitue  pas  une  periode  chronologiquement  distincte  du  reste 
des  ciges  messianiques.  Ainsi  I'ont  compris  saint  Augustin,  Andre  de  Cesaree,  et, 
on  peut  le  dire,  toute  la  tradition  catholique  depuis  la  ruine  du  Chiliasme,  Joa- 
chimites  a  part.  II  est  vrai  que  les  anciens  auteurs  ne  comprennent  pas  Fassaut 
de  Gog  et  de  Magog  comme  s'identifiant  avec  I'ensemble  des  attaques  sanglantes 
livrees  par  le  monde  a  I'Eglise,  mais  seulement  avec  la  guerre  de  rAntechrist 
personnel,  qui  n'aura  lieu  pour  eux  qu'a  la  fin  des  temps.  Mais  nous  pouvons 
concilier  avec  cette  interpretation  celle  que  nous  soutenons.  Le  Prophete  envi- 
sage bien  la  continuite  du  pouvoir  hostile  des  Betes,  y  compris  Gog  et  Magog. 
Seulement,  dans  les  visions  xii-xix,  il  insistait  sur  les  persecutions  et  les  luttes, 
tandis  que  dans  la  pericope  xx,  1-10,  il  a  mis  I'accent  sur  la  tranquillite  royale 
que  conserve  I'Eglise  au  milieu  de  ces  peripeties  (tranquillite  deja  figuree,  repe- 
tons-le,  par  les  scenes  deja  mentionnees  du  chapitre  vii  et  du  chapitre  xv,  par  la 
preservation  du  temple  interieur  au  ch.  xi,  par  la  retraite  de  la  Femme  au  cha- 
pitre XII,  par  le  cantique  de  Sion  au  chapitre  xiv).  Les  persecutions  des  Betes, 
considerees  une  a  une,  lui  apparaissent  toutes  comme  breves  et  precaires,  ce 
qu'il  exprime  par  I'emploi  du  chiifre  symbolique  3  1/2,  tandis  que  les  «  42  mois  )i 
signifient  leur  repetition  constante  a  travers  les  ages  messianiques  (Exc.  xxiii). 
Au  contraire,  les  destinees  glorieuses  de  I'Eglise  se  poursuivent  sans  interrup- 
tion, quoique  non  sans  combats,  et  cette  stabilite  est  figuree  par  les  1.000  ans. 
Dans  la  vision  de  xx,  son  attention  prophetique  passant  par-dessus  les  siecles 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  301 

des  persecutions  romaines,  a  pu  se  fixer  principalement  sur  le  repos  relatif  dont 
devait  jouir  TEglise  apres  la  fin  de  I'empire  paien;  c'est  pourquoi  Grotius  et 
d'autres  font  commencer  le  Millenaire  a  Constantin;  vue  trop  exclusive.  Saint 
Augastin  a  mieux  vu  que  ce  Millenium  comprenait  tous  les  temps  messianiques 
depuis  I'Incarnation.  En  tout  temps  d'ailleurs,  le  repos  millenaire  n'est  que  rela- 
tif, comma  I'impuissance  de  I'Adversaire.  Le  Regne  du  Christ  est  expose  a  des 
retours  violents  de  I'ennemi,  et,  suivant  Topinion  commune,  a  une  attaque  plus 
violente  que  toutes  les  autres  vers  la  fin  des  temps,  lors  de  cette  Parousie  de 
I'Antechrist  (Ap.  xvii,  8  :  παρέσται;  11  Thessal.  ii,  9),  qui,  parmi  toutes  les  luttes 
de  I'histoire,  aurait  absorbe  dans  notre  pericope  (xx,  8-10)  I'attention  de  saint 
Jean  et  qu'il  aurait  figuree  par  la  campagne  de  Gog  et  de  Magog,  apres  lui  avoir 
fait,  aux  cli.  xiii-xvii,  signifier  I'apogee  du  culte  imperial  et  des  persecutions.  II 
se  place  done,  en  ce  chapitre,  a  un  point  de  vue  different  de  celui  des  visions 
precedentes;  mais  ce  sont  bien  les  memes  evenements  qu'il  predit  la  et  dans  le 
reste  du  livre;  seulement  ces  evenements  sont  presentes  sous  une  autre  face,  et 
les  deux  aspects  peuvent  parfaitement  se  concilier,  puisque  des  traits  nombreux, 
dans  toutes  les  sections  de  I'Apocalypse,  les  montrent  deja  simultanes. 

Nous  pouvons  maintenant  revenir  a  notre  assertion  principale,  et  repeter  ce 
qui  est  suifisamment  prouve  desormais  : 

La  prophetie  du  Millenium,  qui  fait  parfaitement  corps  avec  les  autres  pro- 
pheties  du  livre,  est  simplement  la  figure  de  la  domination  spirituelle  de 
I'Eglise  militante,  unie  a  I'Eglise  triomphante,  depuis  la  glorification  de  Jesus 
jusqu'a  la  fin  du  monde. 


Comment  se  fait-il  alors  que  tant  d'anciens  auteurs  si  respectables,  si  proches 
del'epoque  de  Jean,  et  meme  Asiatiques  comme  Papias  et  Irenee,  I'aient  compris 
dans  le  sens  litteral?  Nous  ne  pouvons  guere  nous  I'expliquer  que  par  les  memes 
influences  juives  qui  iirent  attacher  tant  d'importance  a  I'Antechrist  personnel. 
Quand  les  illusions  du  i"  siecle  sur  la  proximite  de  la  Parousie  se  mirent  a  decli- 
ner,  les  plus  impatients  de  la  felicite  entrevue  se  rel'ugierent  dans  le  mezzo  ter- 
miiie  d'une  prochaine  conquete  de  la  terre,  calquee  sur  I'espoir  populaire  qui 
soutint  quelque  temps  les  Juifs  apres  la  ruine  de  la  Ville  Sainte.  II  est  pro- 
bable que  les  judeo-chretiensou  des  heretiques  judaisants,  comme  Cerinthe,  don- 
nerent  les  premiers  dans  ces  idees ;  de  la  elles  auraient  passe  a  quelques  presbytres 
d'Asie.  —  si  toutefois  Papias  a  bien  compris  leurs  dires.  Car  on  pourrait  etre 
tente  de  supposer  avec  Eusebe  que  le  vieil  eveque  d'Hierapolis  —  surtout  s'il 
elait  vraiment  «  σμικρός  τον  νουν  »  —  interpreta  a  sa  fagon  les  rapports  aposto- 
liques,  sans  se  rendre  compte  que  les  anciens  avaient  parle  en  figures  et  en  sym- 
boles  [Eus.  H,  E.  iii,  39,  12).  Peut-etre  aussi  faut-il  rejeter  la  faute  sur  des  pres- 
bytres anterieurs;  au  moins  n'oublions  pas  que  Papias  n'appuyait  ses  dires  que 
sur  des  traditions  orales,  Ix  παραδόσεως  άγραφου,  sans  recourir  expressement  a 
I'Apocalypse  que  pourtant  il  a  connue  (Int.  c.  xiir,  1).  Eusebe  ajoute  que  c'est  a 
cause  de  lui  que  noml)re  d'auteurs  ecclesiastiques,  en  consideration  de  I'antiquite 
de  son  temoignage,  adopterent  I'opinion  millonariste  :  ωσπερ  oOv  Κίρηναίω  και  ει  τις 
άλλος  —  par  exemple  Justin  avant  Irenee  —  τά  δαοια  φοονων  άναπε'φηνεν.  [Eus.  ibid.  13). 


302  APocALYi'Si:  de  saim   jean. 

Et  Ton  sail  comment  les  idees  qui  ont  reussi  a  se  faire  passer  pour  une  tradition 
exegetique  sont  ensuite  difficiles  a  deraciner.  Rien  n'etait  plus  naturel,  apres 
avoir  herite  de  ces  ideas  des  Juifs,  que  de  les  introduire  de  bonne  foi  dans  ΓΑρο- 
calypse,  vu  le  genre  du  symbolisme  dont  elle  avait  use. 

Un  dernier  mot  s'impose  sur  le  Millenium.  Puisque  1000  est  de  soi  un  nombre 
rond,  qui  doit  s'entendre  d'une  duree  quasi  indefinie,  et  que  saint  Jean,  nulle 
part  ailleurs,  n'a  enseigne  que  le  monde  present  dut  vivre  exactement  sept  mille- 
naires  (Exc.  xxiii  et  Int.  c.  y,  ii,  §  i,  4),  il  n'y  a  pas  lieu  de  supposer  quil  ait 
pris  ici  ce  chiffre  a  la  lettre.  Cela  veut  dire  tout  simplement  des  siecles  et  des 
siecles,  une  succession  tres  longue,  aussi  longue  que  Dieu  le  voudra  pour  com- 
pleter la  moisson  des  elus.  Par  consequent  il  n'a  parle  de  /po'vov  μικρόν  au  ch.  vi, 
11,  et  d'oXiyov  καιρόν  au  ch.  xii,  12,  qu'en  se  plagant  au  point  de  vue  de  person- 
nages  vivant  dans  FAu-Dela,  les  martyrs  au  ciel  et  le  Demon,  qui  font  Jeurs 
calculs  sur  reternite,  et  pour  qui  aussi  «  mille  ans  sont  comme  unjour»(V.  Exc. 
XIII,  sur  "Ερ/οααι  τα/ύ).  Nous  avons  vu  de  plus  que  le  regne  des  Betes,  qui  doit 
s'ecouler  tout  entier  avant  le  retour  du  Christ,  semble  devoir  se  prolonger  dans 
une  longue  periode.  Concluons  done  que  la  Parousie,  aux  yeux  du  prophete 
inspire,  le  seul  qui  ait  parle  dc  son  epoque  ex  professo,  etait  reculee  dans  un 
lointain  absolument  indefini  (cfr.  Int.,  ch.  ix,  iii). 

(VoirScHURER  II,  496-556 —  Szekely,  pp.C4-75,  —  Bousset,  Rel.  Jud^.  pp.  330- 
333;  et  Offenb.  ad  loc.  —  Gry,  Le  Millenarisme  dans  son  origine  et  son  deve- 
loppenient.  Paris,  1904.  —  Lagrange,  Mess,  ii,  c.  v,  pp.  in,  c.  iv-v  —  Weber, 
VoLz.  Charles,  Kautzsch,  etc.). 


F.  LE  JUGEMENT  GENERAL  DEVANT  LE  TRONE  DE  DIEU 
ET  LA   VIE  FUTURE 

(xx,  11-xxi,  4). 

Int.  —  La  vision  precedente  a  resume,  coinme  la  preface  au  ch.  XII,  I'ensemble  des 
hilLes  de  I'Eglise  contre  le  Diable,  mats  en  y  ajoutant  le  resullat  definitif.  Dans  la 
premiere  section,  on  pouvait  trouver  un  rapport  semblable  entrc  VI,  2-VII  et  XI,  1-13. 
Maintenant  un  point  final  est  mis  a  toutes  les  agitations  terrestres ;  toute  opposition  au 
Regne  de  Dieu  et  de  lAgneau  est  aneantie  a  jamais.  Dieu  va  assigner  a  chacun,  pour 
I'eterniie,  le  sort  que  lui  ont  merite  ses  osuvres.  Jean  decrit  done,  en  termes  dune 
sobre  majeste,  le  Jugement  general  (xx,  11-13),  mentionne  VEnfer  (14-15)  et  insiste  avec 
complaisance  sur  le  del,  sejour  de  la  beatitude  (xxi,  1-4);  c'est  le  point  d'aboutisse- 
ment  de  I'antitliese  qui  a  couru  ci  travers  le  livre  entier.  La  maniere  tres  dijferente 
dont  le  Prophete  traite  de  VEnfer  et  du  Ciel,  se  debarrassant  en  deux  versets  de  la 
triste  vue  du  premier,  pour  se  plonger  avec  amour  dans  la  contemplation  de  la  Jerusa- 
lem celeste,  c'est  quelque  chose  de  tout  a  fait  remarquable,  et  tres  revelaleur  de  V es- 
prit de  ce  livre,  oeui're  d' encouragement,  de  consolation  et  d'optimisme. 

La  deuxieme  section  proplietique  se  termine  done  comme  la  premiere  [cfr.  XI,  15- 
18);  mais  la  le  Jugement  general  n'etait  qu'indique,  tandis  quid  il  devait  etre  naturel- 
lement  traite  avec  quelque  ample ur,  puisque  nous  touclions  a  la  fin  de  la  Revelation. 
Reniarquons  cependant  combien  la  description,  si  saisissante  quelle  soil,  reste  sobre,  et 
comme  Jean  a  evite  d'y  meler  aucun  trait  fantastique  emprunte  aux  traditions  du 
genre.  Le  contraste  avec  des  passages  comme  les  chapitres  VIII  et  IX,  par  exemple, 
est  notable. 

Les  critiques  en  general  n'ont  pas  separe  ce  passage  du  reste  du  chapitre  — 
excepte  Erbes,  qui  classe  XX,  11-XXI,  4  dans  I'Apoc.  de  62,  pour  revenir  avec  XXI,  5 
a  celle  de  80,  et  Schoea  qui  vait  dans  XX,  7-15  une  addition  redactionnelle.  Cependant 
Bruston  assigne  XXI,  1-8,  a  la  seconde  Apocalypse ;  Spitta  aitribue  XX,  8-15;  XXI, 
1,  ό^  6^  a  J^ ,  dont  ce  serait  la  conclusion;  Job.  Weiss  laisse  I'ensemble  a  Jean  d'Asie, 
mais  donne  XX,  15  et  XXI,  i^-8  a  I'  «  Editeur  » ;  Sabatier  retrouve  dans  XX,  11-XXI,  8, 
la  main  chretienne  originate,  et  Weyland/a/i  de  tout  le  morceau,  jusqu' a  XXI,  8,  la  fin 
de  2,  Jiiif  II  ^'^  sans  dire  que  leurs  theories  des  sources  imposent  a  la  plupart  de 
decouvrir  cci  el  la  des  interpolations  redactionnelles. 

En  realite,  le  present  morceau  est  la  suite  du  precedent,  sans  indice  dime  main 
nouvelle;  et  il  fournit  un  dernier  argument  en  faveur  de  notre  interpretation  du  Mil- 
lenaire,  argument  qui  resterait  valable  dans  toute  hypothese.  Ou  bien  en  effet  XX, 
11-suiv.  fait  logiquement  suite  a  XX,  1-10,  ou  bien  cette  pericope  est  independantc 
de  la  premiere.  Si  elle  est  independante,  elle  contredirait  la  premiere  entendue  au 
sens  d'une  «  premiere  resurrection  »  corporelle,  ear  elle  parte  de  tous  les  morts, 
quels  qu'ils  soient,  sans  aucune  marque  de  restriction,  et  les  fait  ressusciter  ensemble. 
Si  XX,  11-suiv.  est  uni  intimement  a  la  pericope  du  Millenaire,  la  conclusion  est  la 
mime,  et  encore  plus  manifeste ;  en  effet,  s'il  y  avait  deja  eu  une  resurrection  partielle, 
on  attendrait  au  v.  12  quelque  expression  comme  άλλους  νεκρούς,  τους  λοιπούς  των  νεκρών, 
tandis  qu'il  y  a  tout  simplement  νεκρούς,  sans  distinction  :  les  bons  et  les  mauvais  ressus- 
citent  a  la  fois,  puisque  chacun  est  j'uge  «  selon  ses  ceuvres  »,  Ce  morceau  exclut  done 
I'hypotliese  que  la  resurrection  corporelle  ait  ete  deja  partiellement  accomplie  —  a 
moins  qu'on  ne  veuille  faire  les  ressuscites  du  Millenium  mourir  une  seconde  fois 
avant  le  grand  jugement;  —  idee  singuliere  d'une  double  mort  corporelle  des  saints, 
qu'on  ne  trouverait  mime  pas  c/iez  Esdras. 


304  APOCALYPSE    UE    SAIXT    JEAN. 

C.  XX.  11.  Και  εΤδον  θρ6νον  μέγαν  Xsuxbv,  και  τον  καθήμενον  *έζ'  αυτόν  οΖ  a-c 
τοΰ  zpocoj-su  *£9υγεν  ή  γ^  και  b  ουρανός,  κα\  τό-ος  5υχ  ευρέθη  αυτοϊς.  12.  Και 
εΤοον  τους  νεκρούς,  τους  μεγάλους  και  τους  μικρούς,  έστώτας  ένιόττιον  τοΰ  θρόνου, 
και  βιβλία  ήνοίχθησαν'  κα\  άλλο  βιβλίον  ήνοίχθη,  ο  έστιν  της  ζωής"  να\  εκρίθησαν  ο• 
νεκροί  εκ  των  γεγραμμένων  έν  τοις  βιβλίοις  κατά  τα  ε'ργα  αΰτων.  13.  Και  Ι$ωκεν  ή 
θάλασσα  τους  νεκρούς  τους  έν  αυτή,  και  ό  θάνατος  κα\  ό  αοης  εοωκαν  τους  νεκρούς  τους 
έν  αϋτοΐς,  και  *έκρ''θησαν  έκαστος  κατά  τα  έργα  αυτών. 

14.  Και  ό  θάνατος  και  ό  α$ης  εβλήθησαν  εΙς  την  λίμνην  τοΰ  ^υρός'  ούτος  ό  θάνατος 
ο  δεύτερος  έστιν,  ή  />ίμνη  τοΰ  πυρός.  15.  Και  ε'ί  τις  οΰχ  ευρέθη  έν  τη  βίβλω  της  ζωής 
γεγραμμενος,  εβλήθη  εΙς  την  λίμνην  τοΰ  ζυρός. 


Α.  Β.  11.  Pour  έ-'  αυτόν,  on  trouve  aussi  έπ'  αύτου  (Α-ο'*-02),  αϋτώ.  —  Apres  προσώπου, 
Αν  41-67-2031,  Αν  42-153-2060  ajoutent  αύτοΰ,  ce  qui  serait  bien  de  la  grammaire  de 
Jean.  —  Erection  d'un  trone  (qui  n'est  pas  oelui  du  del,  i\),  cfr.  Hen.  eth.  xc,  20,  et  les 
trones  allegoriques  de  xx,  4;  cfr.  aussi  IV  Esd.  vn,  33  :  «  Revelabitur  Altissimus 
super  sedera  judicii,  et  pertransibunt  miseriae  ».  —  καΙ  τόπος  κτλ,  cfr.  Dan.  ii,  35  (LXX), 
et  Apoc.  xii,  8. 

C.  11.  Le  trone  du  jugement  est  blanc,  ce  qui  est  le  signe  de  la  misericorde  surpas- 
sant  la  justice,  comme  la  «  nuee  blanche  »  oii  etait  assis  le  Fils  de  I'Homme,  xiv,  14. 
(V.  Exc.  XII).  Encore  ici,  I'auteur  ne  designe  Dieu  qu'avec  sa  reserve  mysterieuse;  si 
le  .luge  est  le  Christ  lui-meme,  il  ne  le  dit  pas  (Int.  c.  xiii,  ii,  §  V).  La  scene  qui  va 
suivre  a  ete  vue  par  prolepse  xiv,  14-20;  ici  elle  n'est  pas  moins  sobre,  mais  le  style 
est  moins  metaphorique.  «  Le  ciel  et  la  terre  s'enfuient  »,  ce  qui  rappelle  I'image  pro- 
phetique  du  ciel  «  roule  comme  un  livre  »;  mais  ce  n'est  pas  pour  gtre  aneantis;  les 
anciens  auteurs,  Jrenee  (Adv.  Haer.  v,  36,  1),  Prim.,  And.,  Aretltas,  ont  fort  insiste  sur 
ce  point.  Voir  au  verset  xxi,  1. 

— —  A.  B.  12.  On  trouve  le  singulier,  ou  ηνοιξαν  [rec.  K)  pour  ήνοί/θ.  —  jitSXfa, 
cfr.  Dan.  vii,  10;  Mai.  in,  16;  Jer.  xvii,  1;  Hen.  eth.  xc,  20;  IV Esd.  vi,  20;  άλλο  βιβλίον_, 
le  «  livre  de  vie  »,  comme  in,  5;  xiii,  8;  xvii,  8  (V.  Exc.  xvi).  Ces  images  qui  reparais- 
sent  raontrent  bien  I'oeuvre  de  Γ  «  Apocalyptique  de  derniere  main  »  comme  dit  Bous- 
sel.  —  Cfr.  le  jugement  des  morts.  Hen.  eth.  xlvii,  3;  xc,  24;  etc. 

C,  12.  Les  versets  12  et  13  anlicipent  le  reste  de  la  description,  et  12=^  anticipe  13, 
selon  le  precede  caracteristique  de  notre  auteur  (v.  Int.  a  ch.  xii).  Bousset  et  d'autres 
ont  tort  de  lire  entre  les  lignes  que  les  ressuscites  du  «  Zwischenreich  »  seront  exempts 
de  ce  jugement  (v.  Int.,  supra).  Les  termes  sont  absolument  universels. 

— —  A.  B.  13.  κατίχ.ρίθ/,ααν  de  K,  pour  έχρίΟτ,ταν,  est  un  contre-sens,  car  il  s'agit  du 
jugement  des  bons  comme  des  inechants.  —  Cfr.  Hen.  eth.,  lxi,  5  et  IV Esd.  vii  32.  — 
La  «  Mort  »  et  Γ  «  Hades  »,  cfr.  vi,  8,  mais  le  sens  est  autre  ici. 

C.  13.  L'Enfer  et  la  Mort  sont  ici  personnifies  comme  deux  raonstres  insatiables; 
mais  θάνατος  n'est  plus  la  peste,  comme  au  ch.  vi  :  c'est  toute  cause  de  fin  et  de  ruine. 
Comme  dans  Hen.  eth.,  supra,  il  n'est  pas  de  lieu  si  cache  qui  ne  doive  restituer  toute 
la  poussiere  humaine;  si  Γ  «  Hades  »  est  I'enfer  proprement  dit,  ce  serait  un  nouveau 
temoignage  pour  la  resurrection  des  damnes ;  mais  il  signifie  plus  probablement  les 
dessous  les  plus  perdus  de  la  terre. 

B.  C.  14.  «  La  seconde  mort  «,  cfr.  xx,  6.  —  L'aneantissement  de  la  mort, 
idee  qui  se  trouve  Is.  xxv,  6,  et  IV  Esd.  vii,  31,  rappelle  justement  a  Andre  le  passage 
de  saint  Paul,  I  Cor.  xv,  26  (cfr.  54-55) :  «  Le  dernier  ennemi  qui  sera  detruit,  c'est  la 
mort.  »  Le  chatiment  de  ces  deux  etres  allegoriques  ne  pent  signifier  que  la  ruine 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  305 

C.  XX.  11.  Et  je  vis  un  grand  troae  blanc,  et  Celui  qui  y  etait  assis, 
devant  la  face  de  qui  s'enfuit  la  terre  et  le  ciel,  et  il  ne  leui'  fut  plus 
trouve  de  place.  12.  Et  je  vis  les  morts,  les  grands  et  les  petits,  se  tenant 
debout  en  face  du  trone ;  et  des  livres  farent  ouverts ;  et  un  autre  livre  fut 
ouvert,  qui  est  [celui]  de  la  vie;  et  les  morts  furent  juges  sur  les  [choses] 
ecrites  dans  les  livres,  d'apres  leurs  oeuvres.  13.  Et  la  mer  donna  les  morts 
qui  6taient  en  elle,  et  la  mort  et  FHades  donnerent  les  morts  qui  etaient  en 
eux,  et  ils  furent  juges  chacun  d'apres  leurs  oeuvres. 

14.  Et  la  Mort  et  I'Hades  farent  jetes  dans  I'etang  du  feu;  cette  [mort]  est 
la  deuxieme  mort,  I'etang  du  feu.  15.  Et  si  quelqu'un  ne  se  trouva  pas 
inscrit  dans  le  livre  de  la  vie,  il  fut  jete  dans  I'etang  du  feu. 


de  leur  pouvoir  sur  la  creation  restauree,  et  il  montre,  selon  nous,  comment  il  faut  en- 
tendre celui  de  la  Bete  et  du  Faux  Prophete  (xix,  20;  xx,  9). 

A.  B.  15.  ^'Jpε^σzτa^ι  (X*)  pour  ευρέθη.  — Cfr.  supra,  12;  Hen.  et/i.  xc,  20,  24,  26 

C.  15.  Qu'ilyait  une  resurrection  pour  la  mort  comme  pour  la  vie,  Dan.  x\,  12, 
I'avait  deja  enseigne  explicitement  dans  ΓΑ.  T.;  cette  verite  de  foi  est  claire  surtout 
dans  le  IV^  Evang-ile,  Joli.\,  29,  οί  τα  φαΰλα  τζράξανχες  εις  άνάατασιν  κρίσεως. 

Α.  Β.  XXI,  1,  Forme  ά-ηλθαν  (χ,  Α,  Tisch.,  W-H,etc.;  Ii\t.,c.  χ,  §  II);ailleurs 

άτςηλθον,  (Q,  al.),  άπηλθεν,  παρηλθεν.  —  Pour  ή  θαλ.  κτλ,  Α  a  ecritκα\  θάλασσαν  ουκ  εΐδον,  peut- 
§tre  par  reminiscence  de  xxi,  22.  —  «  Ciel  nouveau  »  et  «  terre  nouvelle  »,  la  «  palin- 
g-enesie  »  de  Mat.  xix,  28;  pour  ce  renouvellement  du  monde,  cfr.  Js.  lxv,  17;  lxvi,  22; 
Hen.  ei/i.xxiv-suiv.;  xlv,  4-5;  lxxii,  1;  xci,  14-16;  civ,  1-6;  Jub.  i,  29;  Hen.  si.  lxv,  6- 
suiv.;  Ass.  Mos.  x,  6;  IV  Esd.,  vii,  31;  viii,  52-54.  Dans  le  N.  T.,  les  passages  II  Cor^  v, 
17,  et  Gal.  vi,  13  (ainsi  que  Ep.  Barnabe  vi,  13),  parlent  de  la  regeneration  spirituelle; 
mais  I'idee  et  les  termes  de  II  Pet.  in,  13,  correspondent  absolument  a  ceux  de  notre 
Apocalypse,  et  le  sens  profond  est  exprime  Rom.  viii,  20-22  :  la  creation  elle-meme  sera 
delivree  du  regne  de  la  coi-ruption  et  de  I'instabilite,  de  la  ιχαταιο'της. 

C.  XXI,  1.  Les  huit  premiers  versets  du  chapitre  ont  un  double  role  :  ils  comple- 
tent  d'abord  la  pericope  qui  nous  occupe,  en  donnant  le  second  membre  de  I'antithese; 
apres  avoir  rapidement,  et  comme  avec  repugnance,  mentionne  I'Enfer,  Jean  s'etend 
avec  enthousiasme  sur  la  vie  bienheureuse  dans  la  creation  restauree;  mais  ils  servent 
aussi  d'introduction  aux  visions  de  la  Jerusalem  celeste,  qui  forment  la  derniere  partie 
du  livre  (cfr.  le  role  de  viii,  3-5  avant  les  Trompettes,  etc.). 

L'eschatologie  de  ce  passage  est,  dans  un  sens,  une  repetition  de  la  Genese,  ce  qui 
deviendra  encore  bien  plus  manifeste  dans  la  troisieme  partie  du  livre.  La  mer  dispa- 
rait,  car  c'etait  I'embleme  des  agitations  de  la  vie  presente  [And.],  ou  «  un  vestige  du 
chaos  »  [Calines).  Swete  note  avec  beaucoup  de  delicatesse  que  pour  Jean,  I'exilede  Pat- 
mos,  la  mer  est  «  ce  qui  separe  ».  Cette  disparition  de  la  mer  n'est  point  precisement 
parallele  a  Sib.  v,  158-suiv.,  car  la  c'etait  une  consequence  de  I'embrasement  general, 
et  il  n'est  pas  question  d'^κ7Iύpωσ^;  dans  I'Apocalypse;  mais  le  passage  indique  de 
VAssoinption  de  Mo'ise  nous  y  fait  Voir  un  trait  de  l'eschatologie  traditionnelle;  les  Juifs 
n'aimaient  pas  I'ocoan;  et  c'est  de  la  que  la  Bete  etait  montee  xiii,  1. 

— —  A.  B.  2.  έκ...  άπό  :  «  εκ  gibt  den  Urspung,  oltm  den  Urheber  an  »  (Bousset).  — 
Cfr.  Ill,  12  pour  cette  Jerusalem  nouvelle,  et  les  pericopes  suivantes;  sous  un  certain 
aspect  aussi,  xi,  2;  —  ήτοΐ[χ.  ώς  νύμφην,  cfr.  XIX,  7.  La  vraie  Jerusalem  qui  sera  revelee 
n'est  pas  celle  qui  a  ete  detruite,  Bar.  syr.  iv,  3-suiv.;  cfr.  Sib.  v,  420-suiv.,  et  beau- 
coup  d'autres  apocryphes  (Exc.  xxxviii).  Happrocher  le  curieux  passage  de  IV  Esd. 
X,  27-suiv.,  la  Femme  qui  se  change  en  ville. 

APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  20 


306  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAX. 

G.  XXI.  1.  Κα:  εΤοον  oupavbv  καινον  και  γην  καινήν'  δ  γαρ  πρώτος  ουρανός  καΙ 
ή  πρώτη  γη  *ά7:ήλθαν,  και  *ή  θάλασσα  ουκ  εστίν  ετι.  2.  Και  τήν  πόλιν  τήν  άγίαν 
Ίεριυσαλήμι  καινήν  ειοον  καταβαίνουσαν  *έκ  του  ουρανοΰ  *άπο  του  6εου,  ήτοψ-ασμένην 
ώς  νύμφην  κεκοσμημένην  τω  άνορί  αυτής,  3.  Και  ήκουσα  *2;ωνί;ς  μεγάλης  εκ  του 
*θοόνου  λεγοΰσης'  Ίδου  ή  σκηνή  του  θεού  μετά  των  ανθρώπων,  και  *σκηνώσει  μετ 
αυτών,  και  αυτοί  λαοΊ  αΰτοΰ  έσονται,  και  *αυτος  ο  θεός  μετ  αυτών  εσται,  k.  Καί 
έςαλείψει  πάν  οάκρυον  εκ  των  οφθαλμών  αυτών,  και  δ  θάνατος  ουκ  εσται  ετι,  ούτε 
πε'νθος  ούτε  κραυγή  ούτε  πόνος  ουκ  εσται  ετι'  ότι  τα  πρώτα  απήλθαν. 


C.  2.  Jean  utilise  symboliquement  la  croj-ance  des  Juifs  a  la  Jerusalem  preexistante, 
qui  devait  etre  revelee  aux  derniers  jours,  la  cite  future  et  ideale  vers  laquelle  les 
Israelites,  a  I'exemple  d'Ezechiel  (xL-fin)  avaient  tourne  leurs  esperances  apres  la 
catastrophe  de  Tan  70.  Mais  il  ne  I'entend  pas  dans  un  sens  materiel;  c'est  I'Eglise,  la 
societe  des  ames  sanctifiees,  qui  existe  deja,  quoique  plongee  en  partie  dans  les  souf- 
frances  terrestres,  et  ne  possedant  pas  encore  sa  gloire  totale.  II  la  voit  ici  dans  son 
etat  definitif.  Ainsi  toute  I'exegese  catholique,  Andre,  Prim.,  Apringius,  les  modie- 
vaux,  etc.  Bossuet  explique  que  les  mots  «  Je  vis  descendre  du  ciel,  etc.  »  veulent 
dire,  dans  le  sens  mystique,  que  I'Eglise  qui  est  dans  le  ciel  est  la  meme  que  celle  qui 
est  sur  la  terre,  et  que  c'est  du  ciel,  en  effet,  que  nous  sommes  citoyens.  La  suite  du 
commentaire  etablira  la  justesse  de  cettevue.  Jean  fait  plutot  ici  de  Jerusalem  Vhabita- 
tion  que  \ά  personnification  des  elus;  pourtant  elle  est  la  «  fiancee  »,  en  tant  que,  habi- 
tation spirituelle,  elle  ne  fait  qu'un  avec  ceux  qui  I'habitent;  c'est  du  reste  la  meme, 
sous  un  autre  aspect,  que  la  Femme-Mere  du  ch.  xii,  et  elle  s'oppose  a  la  capitale 
mondaine,  Babylone,  comme  metropole  de  la  nouvelie  terre  (v.  infra). 

— ^^  A.  3.  Au  lieu  de  ηχούσα  φωνής  (Int.,  C.  X,  §  II),  X*  omet  ηκ.  et  lit  :  φωνή  μεγάλη... 
λ-αλουσα.  —  ϋρόνου  est  la  Ιβςοη  de  κ,  A,  vulg..  Irenie,  Ambroise,  Aug.,  les  autres  portent 
o'jsavou.  —  έσκήνωσεν  pour  σκηνώσει  Ν*,  g.  —  Κα\  αυτός  ό  θεός  ιχετ'  αυτών  εσται :  complete  par 
les  mots  αυτών  θεός  (θ.  α.)  dans  Α,  Ρ,  al,  Iron.,  vulg.,  syr.  Cette  addition  semble  explica- 
tive :  le  «  Dieu  avec  eux  »  sera  lui-meme  leur  Dieu.  Gfr.  Is.  vii,  14  :  Sn  liQJ?,  nom  du 
Messie  predit;  elle  est  accepteede  B.  Weiss.  TF-^  hesitent;  Tisch.,  Soden  la  rejettent, 
et  lisent  εσται  αετ'  αυτών  avec  Ν,  And.,  al.  A  cause  du  parallelisme  de  κα\αύτο(...  και 
αυτό:...,  nous  faisons  de  ό  θεός  μετ'  αυτών,  un  predicat,  comme  λαοΊαύτοΰ. 

Β.  3.  Gfr.  Ezech.  xxxvii,  27  :  «  Mon  habitation  sera  au-dessus  d'eux;  je  serai  leur  Dieu 
et  lis  seront  mon  peuple  » ;  id.  Jer.  xxxi,  33;  Zach.  viii,  8;  apres  Gen.  xvii,  8;  Livit.. 
XXVI,  11-12,  cite  librement  II  Cor.  vi,  16.  —  σκηνώσει,  cfr.  vii,  15;   xiii,  6;  xv,  5,  et  Heb. 

VIII  2;  IX,  11. 

C.  3.  La  fraicheur  et  la  penetrante  suavite  des  versets  3-4  rappellent  la  description 
du  ch.  VII,  15-17.  Puisqu'il  s'agit  de  Dieu  a  la  troisieme  personne,  et,  croyons-nous 
egalement,  de  Γ  «  Emmanuel  »  qui  sera  leur  Dieu,  la  voix  qui  prononce  ces  paroles 
doit  etre  angelique,  celle  d'un  «  Ange  de  la  Face  ».  On  voit  nettement  ici  encore,  comme 
XIII,  6,  que  σκηνόω  ne  signifie  pas  une  habitation  temporaire;  cfr.  Heb.  supra  :  σκηνή 

αληθινή,  αείζων  κα\  τελειότερα   σκήνη. 
.^— .  Δ.  Β.  C.  4.  Cfr.  VII,  17;  termes  inspires  d'Isa'ie,  xxv,  8;  xxxv,  10;  lxv,  16-19 

ά::ηλθαν,  de  A,  comme  au  v.  1 ;  ailleurs  ά-ηλθον,  άπηλ^ε,.  On  pent  comparer,  si  Ton  veut, 

II  Cor.  V,  17  :  τα  αρχαία -αρηλΟεν,  ΐδοϋ  γέγονεν  καινά.  Mais  saint  Paul  parle  de  la  vie  indivi- 
duelle  du  chretien,  et  saint  Jean  de  la  palingenesie  totale. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  307 

C.  xxi.  1.  Et  je  vis  un  ciel  nouveau  et  une  terre  nouvelle;  car  le  premier 
ciel  et  la  premiere  terre  s'en  etaient  alles  et  la  mer  n'existe  plus.  2.  Et  la 
ville  sainte,  Jerusalem  nouvelle,  je  [la]  vis  qui  descendait  du  ciel,  d'aupresde 
Dieu,  preparee  comme  une  fiancee  qui  s'est  paree  pour  son  epoux.  3.  Et 
j'entendis  une  grande  voix,  [venue]  du  trone,  qui  disait :  «  Voicile  tabernacle 
de  Dieu  avec  les  hommes,  et  il  dressera  sa  tente  avec  eux,  et  eux,  ils  seront 
ses  peuples,  et  lui  il  sera  «  Dieu-avec-eux  ».  4.  Et  il  essuiera  toute  larme  de 
leurs  yeux,  et  la  mort  n'existera  plus;  ui  deuil,  ni  cri,  ni  peine  n'existera 
plus;  parce  que  les  premieres  [choses]  s'en  sont  allies.  » 

EXC.    XXXVIII.    LA    NOUVELLE    JERUSALEM,    FIANCEE    DE    l'aGNEAU. 

Cast  deja  le  lieu  d'expliquer  ici  les  origines  et  le  sens  de  cette  Jerusalem,  qui 
est  a  la  fois  une  ville  et  une  femme.  Nul  connaisseur  de  I'Ancien  Testament  ne 
s'etonnera  de  voir  une  nation  ou  une  cite  personnifiee  en  femme ;  I'allegorie  pent 
done  lui  attribuer  aussi  d'etre  une  «  fiancee  »  ou  une  «  epouse  ».  Jahweh,  par  la 
bouche  des  prophetes,  s'etait  souvent  donne  comme  le  fiance  ou  le  mari  de  la 
nation  Israelite ;  voir  Osee,  ii,  19,  21 ;  Isa'ie,  liv,  6 ;  Ezechiel,  xvi ;  le  Ps.  xliv  (xlv), 
deja  considere  comme  messianique  dans  les  Targums;  le  Cantique  des  Can- 
tiques,  pris  au  sens  mystique,  et  bien  d'autres  passages  qui  s'inspirent  du  meme 
symbolisme.  Dans  le  Nouveau  Testament,  I'union  du  Messie  a  Israel,  et  la  recon- 
naissance de  cette  union,  est  souvent  representee  comme  un  mariao-e;  voir 
Mat.  xxii,  1-suiv. ;  xxv,  1-suiv. :  Marc,  ii,  19;  Joh.  iii,  29,  avec  tons  ces  termes 
de   νυ[χφη,  νυμφίος  ,  νυμφιόν,  υίοι   του  νυμ(ρωνος,  γάμος,  φίλος  του  νυμφίου;  cfr. 

II  Cor.  ΧΙ,  2 ;  Eph.  ν,  25-suiv.  Ces  metaphores  sont  devenues  des  plus  cheres  au 
langage  mystique;  et  il  faut  n'avoir  pratique  que  bien  superficiellement  I'Apo- 
calypse  pour  ignorer  toute  la  tendresse  qui  est  au  fond  du  terrible  ecrit.  Pour 
recourir  a  cette  gracieuse  figure,  si  traditionnelle,  si  evangelique,  Jean  n'avait 
pas  besoin,  comme  le  voudrait  Bousset  et  I'ecole  «  religionsgeschiclitlich  »,  d'etre 
a  son  insu  sous  I'influence  d'un  mythe  babylonien  relatif  aux  noces  de  Mardouk 
et  deZarpanit;  —  je  ne  parle  pas  du  mariage  gnostiquedu  Sauveur  et  de  Sophie! 
II  faudrait  au  moins  prouver  d'abord  que  les  noces  de  Mardouk  tenaient  une 
telle  place  dans  la  mythologie,  et  marquaient  le  debut  de  I'annee,  la  periode 
nouvelle ;  Zimmern  ne  I'a  pas  fait,  que  je  sache,  non  plus  que  Gunkel,  Bousset, 
Jeremias  et  les  autres.  Et  Mardouk  n'est  pas  un  agneau  (v.  Exc.  x\'), 

Jean  a  done  figure  tres  naturellement  I'Eglise  en  Jerusalem,  et  Jerusalem 
comme  une  femme,  parce  que  c'etait  de  tradition.  Nous  avons  vu  que  la  Femme 
du  chap,  xn  est  aussi  I'Eglise,  consideree  toutefois  sous  un  autre  aspect.  Ces 
deux  aspects  sont  du  reste  complementaires.  La  meme  Eglise,  qui  est  la  mere 
des  fils  de  Dieu,  dont  le  Messie  est  le  premier-ne,  est  aussi  la  fiancee  ou  I'epouse 
du  Christ-Dieu,  comme  la  Synagogue  Fetait  de  Jahweh.  Cette  imao-e  est  celle 
qui  convient  le  mieuxa  I'epoque  de  la  palingenesie,  pour  rendre  la  jeunesse  tou- 
jours  nouvelle,  et  I'eternel  emerveillement  de  I'amour  beatifiant,  une  vie  d'a- 
mour  qui,  apres  des  milliers  de  siecles,  sera  aussi  fraiche  que  si  elle  venait  de 
commencer.  La  maternite  a  ses  douleurs,  tandis  que  les  fiangailles  et  les  noces 
n'eveillent,  en  soi,  que  des  idees  de  joie. 


308  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

Mais  Jean  ne  peut  oublier  qu'il  a  donne  a  cette  Fiancee  mystique  les  noms 
d'une  ville,  de  la  Ville  Sainte  qu'il  a  opposee  a  Babylone  la  courtisane,  cite  de 
I'Anteclirist.  Cette  double  designation  entraine  une  double  serie  d'attributs, 
convenant  les  uns  a  une  femme,  les  autres  a  une  cite;  le  Prophete  les  alterne, 
les  combine  meme,  d'une  fagon  assez  surprenante  pour  notre  gout,  mais  dont  il 
a  deja  donne  de  nombreux  specimens  dans  son  style  (Int.  c.  vi).  Pen  d'auteurs 
ont  use  plus  spontanement  des  libertes  de  Pallegorie,  genre  qui  admet  un  cer- 
tain flottement  des  metaphores.  Dans  la  3"  partie,  c'est  limage  de  la  ville  qui 
dominera  absolument,  Tautre  demeurant  cependant  toujours  presente  dans  la 
penombre.  Esdras  a  donne  un  specimen  beaucoup  plus  naif  du  meme  precede. 
Dans  sa  quatrieme  vision,  il  voit  une  femme  qui  se  plaint  de  lar  perte  de  ses 
enfants,  etil  lui  fait  des  reproches  de  se  laisser  absorber  par  ses  malheurs  person- 
nels, cai  il  ne  reconnait  pas  que  cette  femme  est  Sion  desolee ;  mais  tandis  qu'il 
lui  parlait,  le  visage  de  I'affligee  «  se  mit  tout  a  coup  a  etinceler,  et  son  aspect 
devint  comme  la  clarte  de  la  foudre;...  elle  cria  tout  a  coup  d'une  voix  haute  et 
effrayante,  si  bien  que  la  terre  trembla  a  ce  cri.  Et  quand  je  regardai,  ce  n'etait 
plus  la  femme  que  j'avais  sous  les  yeux,  mais  une  cite  construite,  et  une  place  se 
montrait  a  moi,  assise  sur  de  puissants  fondements  »  [IV Esd.  x,  25-27).  L'Ange 
Uriel  explique  au  Voyant  que  c'est  I'image  prophetique  de  la  transformation 

fflorieuse  de  Jerusalem. 

ο 

Jean  se  conformait  done  a  une  tradition  apocalyptique  en  vigueur  depuis  Eze- 
chiel,  xL-suiv.  De  tout  temps,  Jerusalem  glorifiee  avait  ete  le  lieu  assigne  au 
bonheur  de  la  fin  des  temps.  Si  la  ville  terrestre  avait  ete  raise  en  mines,  il  exis- 
tait  au  ciel,  dans  les  reves  des  Apocryphes,  une  ville  preparee  par  Dieu,  dont 
celle  de  la  terre  n'etait  qu'une  pale  copie,  et  qui  devait  un  jour  se  reveler  et . 
s'ouvrir  aux  elus.  Deja  dans  He7i.  eth.,  xc,  28-32,  il  etait  question  d'une  «  nou- 
velle  maison  »  que  Dieu  substituerait  toute  faite  a  I'ancienne.  Les  Apocryphes 
posterieurs  dirent  en  termes  expres  qu'elle  preexistait  deja  au  ciel  toute  b^tie 
[Bar.  syr.  iv,  2-6).  Dieu  I'avait  montree  a  Adam  avant  la  chute,  puis  a  Abraham, 
a  Moise  sur  le  Sinai,  quand  il  lui  commanda  de  construire  le  Tabernacle ;  cette 
Jerusalem  preexistante  est  associee,  sinon  plus  ou  moins  identifiee,  au  Paradis 
terrestre,  qui  est  aussi  conserve  pres  de  Dieu.  Les  passages  de  IV  Esd.  vii,  26 
(«  la  ville  invisible  et  la  terre  cachee  »),  et  x,  27-suiv.,  54  [supra]  parlent  au 
moins  de  la  meme  origine  celeste,  sinon  de  la  preexistence;  cfr.  IV  Esd.  xiii,  6, 
36;  vni,  52.  Dans  Hen.  si.  lv,  2,  le  patriarche,  dans  son  voyage  au  ciel,  y  voit 
cette  Jerusalem,  ou  deja  sont  reunis  les  bienheureux.  Des  traces  de  cette 
croyance,  qui  devait  revetir  un  caractere  plus  materiel  chez  les  uns,  plus  spiri- 
tuel  chez  d'autres,  peuvent  encore  etre  relevees,  dans  le  Test,  de  Dan,  5,  les 
Paraboles  A' Hen.  eth.  (liii,  6,  peut-etre  xxxviii,  1,  d'apres  le  cod.  D),  ainsi  qu'en 
d'autres  apocryphes,  peut-etre  meme  dans  les  Jiibiles  iv,  26  (v.  Volz,  pp.  336- 
suiv.,  Schilrer,  ii,  536-suiv.,  etc.). 

Jean  avait  deja  utilise  ce  genre  d'imagerie,  en  plagant  au  ciel,  comme  sespre- 
decesseurs,  des  autels  et  un  temple  (ch.  vi,  viii,  xiii,  xv).  II  lui  etait  d'autant  plus 
naturel  d'employer  aussi  la  figure  de  la  Jerusalem  du  ciel,  pour  signifier  a  la  fois 
I'Eglise  triomphante  et  le  sejour  des  elus,  que  le  N.  T.  [Gal.  iv,  26;  Heb.  xii,  22) 
avait  parle  avant  lui  de  la  Jerusalem  «  d'en  haut  »  ou  «  celeste  ».  Mais  n'allons 
pas  croire  qu'il  en  ait  fait,  plus  que  saint  Paul,  une  ville  materielle,  a  I'instar  de 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  309 

certains  Juifs;  la  preuve  peremptoire  que  ces  expressions  sont  purement  allego- 
riques,  et  doivent  s'interpreter  spirituellement,  c'est  que  la  «  Fiancee  »  =  la 
Jerusalem  celeste,  est  aussi  sur  la  terre,  ou  elle  souJBfre  et  prie  (voir  xxii,  17).  Ce 
point,  que  nous  aurons  plus  loin  a  defendre  contre  Charles,  montre  I'identifica- 
tion  substantielle  dc  la  «  Fiancee  de  I'Agneau  »  avec  la  «  Femme  »  de  XII,  refu- 
giee  au  desert  devant  les  embuches  du  Dragon.  Ainsi  I'Eglise  est  une  Vierge- 
Mere  dans  la  Lettre  des  martyrs  de  Lyon. 


IV.  EPILOGUE  DE  TOUTE  LA  SECTION  PROPHETIQUE 

(XXI,  5-8). 

Int.  —  Les  critiques,  en  general,  ne  separent  pas  ces  versets  des  precedents ;  cepen- 
dant  Erbes  les  rattaclie  a  la  pericope  suivante,  comme  appartenant  a  I'Apoc.  de  80; 
tSpitta  y  voit  encore  un  melange  de  J*  et  d'additions  redactionnelles,  et  Joh.  Weiss 
attribue  a  son  «  Editeur  »  i^-8.  Bousset  reconnait  dans  1-8  V esprit  et  le  style  de 
Γ  «  Apocalyptique  de  derniere  main  «. 

Les  paroles  qu'ils  contiennent  sont  placees  dans  la  bouche  du  Dieu  Juge,  et  c'est 
(peut-etre)  la  premiere  fois  dans  I'Apocalypse  que  Dieu  prendlui-meme  la  parole.  La 
gravite  des  dernicres  revelations  preparait  a  cette  intervention  supreme.  Jean  doit 
ecrire  ce  qu'il  a  vu,  sur  Vordre  meme  de  Dieu,  dont  la  bouche  prononce  promesses  et 
menaces.  Telle  est  la  majestueusc  conclusion  de  toute  cette  parlie  prophetique,  par- 
tagee  en  deux  sections,  qui  a  commence  au  ch.  IV,  et  dont  le  sujet  etait  :  S  [λέλλει  γενέσθαι 
μετά  ταϋτα.  L'enthousiasme  est  porte  a  son  comble,  mais  I'ecrivain  ne  se  departit  pas  de 
sa  serenite  vraiment  «  joliannique  y>,  ou  plutot  divine. 

G.  XXI.  5.  Και  *εΐ7:εν  ό  καθήμενος  *έτ:ί  τω  θρόνω"  'Iccj  /.αινα  -οιώ  ττάντα.  Και 
*λέγει•  Γράψον,  *'ότι  οΟτοι  ζ\  λόγοι  ττιστοί  και  αληθινοί  είσιν.  6.  Και  *είπεν  μοι" 
*Γέγοναν.  'Εγώ  το  αλίοα  και  το  ώ,  ή  άρχη  και  το  τέλος.  Εγω  τω  διψώντι  δοίσω  εκ 
της  πηγής  του  ύδατος  της  ζωής  δωρεάν.  7.  Ο  νικών  *κληρονομήσει  ταίτα,  καΐ  εσομ-αι 
*αυτώ  θεός  και  *αυτος  εσται  μοι  *υ'.ός.  8.  Τοις  οϊ  δειλοίς  και  άττίστοις  και  έβδελυγ- 
μένοις  και  οονεΰσιν  και  πόρνοις  και  φαρμακοΐς  και  εΐδωλολάτραις  και  πασιν  τοΐς 
*ψευδέσιν  το  με'ρος  αυτών  εν  τη  λίμνη  τη  καιομένη  πυρΊ  και  θείω,  ο  έστιν  ο  θάνατος 
ο  δεύτερος. 

Α.  Β.  5.  Remarquer,  ici  et  au  verset  suivant,  les  chang-ements  de  temps  sans  cause 
apparente,  εΐπεν,  λέγει,  εΤπεν.  —  On  trouve  aussi  le  genitif  apres  irJ.,  dans  And.  —  8τι  peut 
etre  enonciatif  ou  causal;  le  second  sens  parait  preferable,  comme  plus  energique.  — 
λόγοι-ιστοΊ  και  άλ.  cfr.  xxii,  6;  encore  XIX,  9  (λόγος  αληθ.)  et  III,  14,  xix,  11  (;:ιοτ.  και  αληθινός). 
—  Καινέι  ποιώ  πάντα  (ce  dernier  mot  est  omis  α104-45-459),  cfr.  Is.  xliii,  18-19;  II  Cor.  v, 
17;  Ep.  Barnabe  vi,  13  :  «  τα  εσ/ατα  ώς  τάποώτα  η. 

—^■^  Α.  Β.  6.  εΙπεν,  ν.  supra.  —  Γεγοναν  :  sur  cette  forme,  Ιντ,,  C.  χ,  §  Π.  C'est 
la  leqon  de  ν•<^,  A,  Αν  41-67-2031,  Irenee,  Prim.,  ailleurs  γεγο'νασιν  regulier.  Mais  on 
trouve  aussi  γέγονεν,  ou  γέγονα,  (x*,  Q-al070-O46,  P-a3-025  et  rec.  K,  Soden),  qui  est 
difficile  a  comprendre,  a  moins  qu'on  ne  le  joigne  aux  mots  suivants  :  γέγονα  εγώ  το 
α  κα\  το  ώ,  «  je  suis  devenu  I'Alpha  et  I'Omega  »,  avec  And.;  id.  rec.  K,  avec  omis- 
sion de  εγώ.  Nous  croyons  pourtant,  avec  W-H  et  la  plupart  des  critiques,  devoir 
maintenir  γέγοναν,  a  cause  du  parallele  de  γέγονεν,  xvi,  17,  dans  une  autre  scene  finale; 
le  sujet  doit  etre  ούτοι  ot  λόγοι.  Si  Ton  admet  γέγονα,  alors  Dieu  declare  que  toutes  choses 
sont  retournees  a  lui,  leur  principe.  —  αυτω  ajoute  apres  δώσω  (Q,  2402-97  (Scr.  67)- 
498,  al.,  rec.K,  Arethas)  serait  bien  de  la  grammaire  apocalyptique  (Int.,  c.  x,  §  II).  — 
έκ  partitif  johannique  (Int.,  c.  x,  §  II,  et  c.  xiii).  — της  πηγής  omis  A,  της  ζωής  omis 
quelques  And.  —  της  πτγ-  κτλ.,  cfr.  vii,  17;  xxii,  1 ;  xxii,  17,  le  plus  proche,  v.  adloc; 
d'apres  Is.  lv,  1.  —  To  άλφα  καΐ  το  ω  a  ete  dit  du  Pere  i,  8,  et  le  sera  xxii,  13,  du  Fils. 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  311 

C.  XXI.  5.  Et  il  dit,  Celui  qui  otait  assis  siir  le  trone  :  «  Voici  que  je  fais 
nouvelles  toutes  choses.  »  Et  il  dit  :  «  Ecris!  parce  que  {ou  que)  ces  paroles- 
ci  sont  fideles  et  voridiques.  »  6.  Et  il  me  dit :  «  Elles  sont  accomplies.  Moi 
[je  suis]  ['Alpha  et  I'Omega,  le  principe  et  la  fin.  Moi,  a  qui  a  soif  je  don- 
nerai  de  la  source  de  I'eau  de  la  vie,  gratuitement.  7.  Le  victorieux  heritera 
de  ces  choses,  et  je  hii  serai  Dieu,  et  lui  me  sera  un  fils.  8.  Mais  aux  laches 
et  aux  infideles  et  aux  abominables  et  aux  meurtriers  et  aux  fornica- 
teurs  et  aux  empoisonneurs  et  aux  idolatres,  et  k  tous  les  menteurs,  leur 
partage  [est]  dans  I'etang  embrase  de  feu  et  de  soufre,  ce  qui  est  la  seconde 
Mort.  » 


C.  6.  Ces  promesses  sont  transcendantes  au  temps,  comme  Swete  I'a  bien  vu.  Elles 
ont  deja  leur  accomplissement  partiel  dans  I'Eglise,  par  la  grace  gratuite  (δωρεάν, 
comparer  pour  le  sens  /oh.  iv,  10)  et  les  sacrements;  en  attendant  la  gloire,  apres  la 
Parousie,  elles  sont  deja  potentiellement  realisees  dans  les  decrets  divins.  La  «  soif  >> 
des  fideles  convient  deja  a  I'Eglise  et  au  monde  dans  leur  condition  presente  (cfr.  xxii, 
17);  elle  ne  sera  parfaitement  etanchee  qu'au  ciel. 

— —  A.  B.  7.  ό  νικών,  cfr.  ii,  7,  et  la  fin  des  autres  Lettres.  —  Au  lieu  de  κληρονο- 
μήσει, la  rec.  ^porte  δο5σω  αύτω,  sans  doute  par  contamination  des  premiers  chapitres. 
—  On  trouve,  dans  A  et  de  nombreux  And.,  les  pluriels  αΰτό5ν  θεο'ς...  έσονται  υιοί;  pour 
cette  promesse,  cfr.  Gen.  xvii,  7-suiv.;  II  Samuel,  vii,  14;  Ps.  lxxxvui  (lxxxix),  27; 
aussi  Zach.  viii,  8,  avec  une  nuance  («  nion  peuple...  leur  Dieu  »). 

C.  7.  LOffre  des  eaux  a  ete  faite  a  tous,  car  chaque  homme,  ici-bas,  a  une  soif  au 
moins  inconsciente  des  biens  supremes;  mais  I'heritage  effectif  n'est  promis  qu'a  ceux 
qui  auront  le  courage  d'aller  chercher  les  eaux  ou  elles  sont,  et  deviendront  ainsi 
«  les  vainqueurs  ».  Comp.  Bom.  viii,  23  (Swete).  Deja  cependant  nous  sommes  «  fils 
de  Dieu  »  (I  Joh.  iii,  1).  Le  futur  κληρονοια.ήσει  favorise  I'idee  que  saint  Jean  considere 
cette  Jerusalem  celeste  comme  une  realite  existante  deja,  mais  en  jouissance  de 
laquelle  on  n'entrera  pleinement  que  dans  I'autre  vie,  apres  le  jugement.  Nous  le 
verrons  mieux  a  la  3^  partie. 

— ^— .  A.  B.  8.  Les  βδελύγ[χαχα  sont  les  vices  monstrueux  des  paiens.  —  And.  et  le 
rec.  A'ajoutent  και  ά;ΐαρτωλοΓς  apres  απίστοις.  —  ψεύσταις  pour  ψευδέσι  dans  A  (L>'T.,  c.  Xlll, 
II,  §  I).  —  έν  τ?ί  λίαντ)  κτλ,  cfr.  χιχ,  20;  χχ,  10,  14,  15.  —  «  Deuxieme  Mort  »,  ιι,  11;  χχ, 
6,  14. 

G.  8.  Apres  la  douce  assurance  des  promesses,  le  Juge  menace  ceux  qui  dedaigneront 
les  eauxrafraichissantes.  Les  peches  sont  ceux  de  la  societe  romaine  principalement; 
remarquons  bien  que  I'enumeration  commence  par  δειλοί"?,  les  laches  qui  faibliraient 
devant  les  seductions  et  les  menaces  des  Botes,  et  se  termine  par  les  «  menteurs  >>, 
tous  ceux  qui  ont  un  coeur  et  une  conduite  doubles. 


TROISIEME  PARTIE 

(xxi,  9-xxii,  5) 
Vue  synthetiqiie  de  I'Eglise,  dans  le  temps  et  dans  I'eternitS. 

Int.  —  Cette  derniere  partie  est  tres  courte,  mais  non  moins  difficile  que  les  autres, 
II  nest  pas  d'ahord  tellement  aise  den  bien  fixer  le  rapport  avec  les  precedentes. 

A  ne  considerer  que  ^'architecture  exterieure  du  livre,  on  devrait  ne  point  la  separer 
de  la  seconde.  En  effet,  la  mise  en  scene  I'y  unit  par  un  lien  tres  organique.  Cette  des- 
cription de  la  Jerusalem  celeste  nest  que  I'ipanouissement,  la  «  derniere  onde  »  du 
theme  traite  XXI,  1-5,  et  apparu  deja,  par  emboitement,  XIX,  7-8;  9,  sans  parler  d'in- 
dications  anterieures,  telles  que  XV,  k,  etc.  (v.  infra).  De  plus,  il  y  a  le  parallelisme 
antithetique  le  plus  strict  et  le  plus  voulu  entre  I'apparition  de  cette  Cite  celeste,  et 
celle  de  la  mondaine  Babylone  au  ch.  XVII :  de  part  et  d'autre,  c'est  un  Ange  des 
Coupes  qui  introduit  le  Prophete  au  spectacle,  de  I'histoire  humaine  d'abord,  puis  du 
monde  surnaturel ;  les  deux  descriptions  dependent  done  litterairement  du  ch.  XV,  5-8. 

Mais  nous  sai'ons  aussi  combien  toutes  les  parties  de  I'Apocalypse,  malgre  leur  diver- 
site  de  sujet,  se  soudent  et  se  compenetrent.  Avec  I'ensemble  des  commentateurs,  nous 
separons  done  le  present  morccau  de  la  precedente  section  prophetique,  parce  que,  en 
realite,  et  malgre  tous  les  points  de  contact,  il  sort  par  la  matiere  traitee,  et  I'angle 
sous  lequel  il  presente  les  c/ioses,  du  cadre  des  propheties  relatives  a  des  evenements 
contingents,  jusques  et  y  compris  la  Parousie.  Sans  aucun  retour  sur  les  luttes  hislo- 
riques  par  lesquelles  s'etablira  le  Regne  de  Dieu,  cette  derniere  partie  consiste  en  une 
vision  absolument  transcendante  du  Regne,  du  «  Nouvel  Eon  »,  et  dans  le  temps  et 
dans  I'eternite,  en  insistant  spccialement  sur  la  phase  definitive,  eternelle,  mais  sans 
omettre  les  cotes  spirituels  et  permanents  de  sa  phase  de  formation  en  cette  vie.  Les 
deux  phases  sont  d'ailleurs  absolument  fondues  'dans  la  m4me  vision,  et  la  ligne  qui 
les  separe  nest  nulle  part  tracee,  ni  m4me  indiquee;  tout  au  plus,  un  trait,  un  mem- 
bre  de  phrase  par-  ci  par-la  s'applique-t-il  exclusivement  soil  au  del,  soit  a  I'etat 
terrestre;  en  ce  cas,  comme  dans  la  vision  du  chap.  VII,  9-17,  la  difference  des 
temps  verbaux,  soit  present,  soit  futur,  est  assez  soigneusement  observee.  Mais,  dans 
I  ensemble,  la  vision  fait  abstraction  complete  du  «  fieri  »  et  du  «  factum  esse  », 

II  n'y  a  pas  la  de  quoi  nous  surprendre  :  la  synthese  est  absolument  la  m^me  que 
celle  de  la  «  Vie  eternelle  »  du  quatrieme  Evangile  (Int.,  c.  xiii,  ii,  §  II-III).  Et  I'Apoca- 
lypse elle-mSme  a  constamment  mis  en  avant,  comme  un  de  ses  leitmotivs  essentiels, 
cette  idee  de  I'union  entre  la  terre  et  le  del,  entre  I'Eglise  militante  et  I'Eglise  triom- 
phante.  Quon  se  reporte  au  commentaire  des  ch.  VII,  9-17;  XIV,  1-5;  XV,  2-4,  et 
XX,  i-6,  ainsi  qu'aux  promesses  de  la  fin  des  Lettres  pour  le  «  Vainqueur  ».  La  Jeru- 
salem celeste  est-elle  «  le  del  nouveau  et  la  terre  nouvelle  »  qui  apparaitront  apres  le 
Jugement  general,  ou  bien  Tidee  de  I'Eglise,  de  la  societe  des  saints  qui  ne  sera  plei- 
nement  realisee  qu'alors  aussi?  C'est  une  image  transcendante  qui  embrasse  tout  cela, 
del  et  citoyens  du  del,  avant  et  apres  leur  glorification,  avant  et  apres  le  jugement, 
temps  et  eternite,  regime  de  la  grace  et  regime  de  la  gloire.  Elle  recouvre  encore 
bien  d'autres  conceptions  que  nous  avons  dej'a  rencontrees,  et  qui  exprimaient  des 
aspects' partiels  ou  temporaires  de   cette  supreme  rialite  :  dons  spirituels  du  Christ 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  313 

au  «  Vainqiieur  »  {II-III),  marchc  victorieuse  du  Premier  Cavalier  (VI,  2),  sanc- 
tuaire  celeste  {VII,  15;  XI,  19;  XVI,  5,  17,  et  ailleurs),  resurrection  des  Temoins  {XI, 
11-12),  Temple  interieur  (XI,  1-2),  montagne  de  Sion  (XIV,  1),  Millenaire  et  Cite  bien- 
aimee  (XX),  et  image  de  la  «  Femme  »  au  ch.  XII;  mais  la  Jerusalem  de  nos  cliapitres  a 
ccci  de  particulier  que  c'est  le  triomphe  definitif,  lajoie  indefectible  de  I'eternite,  qui 
fixe  les  yeux  du  Voyant,  et  projette  ses  rayons  sur  la  description  entiere  (comme  au 
chap.  VII,  9-15),  tandis  que  les  passages  de  XI  et  XII,  de  XIV  et  de  XV ,  represen- 
taient  uniquement  I'etat  militant. 

En  un  mot,  cette  derniere  partie  couronne  la  Revelation  par  une  synthese  des  «  α 
ε?σιν  »  et  des  «  α  [χελλει  γενέσθαι  μετά  ταύτα  «,  qui  avaient  fait  respectivement  ΙΌ bjet  prin- 
cipal des  deux  premieres;  mais  elle  s'en  tient  aux  realites  spirituelles  et  cternelles, 
inaugurecs  ici-bas  dans  le  temps  present,  epanouies  dans  I'eternite,  sous  un  regard  con- 
templatif  qui  ne  daigne  plus  s'arreter  au  monde  du  devenir. 

Void  done,  en  definitive,  I'allure  que  V imagination  johannique  et  I'art  johanhique 
ont  imprimee  a  toute  la  Revelation  : 

Apres  avoir  recu  sa  mission  den  haut  (cJi.  I),  Jean  a  fait  souvenir  les  7  Eglises  de 
Icurs  devoirs  presents,  plus  ou  moins  negliges,  en  leur  rappelant  leur  vocation  aux 
biens  eternels  [ch.  II-III).  —  Ensuite,  pour  les  fortifier  centre  le  peril  des  persecutions 
imminentes,  il  leur  a  decouvert  tout  I'avenir,  dans  ses  lignes  essentielles,jusqu'ala  fin 
du  monde  et  aujugement  general.  D'abord  il  les  a  convaincues,  en  magnifique  langage 
de  vision,  que  tout  cet  avenir  est  entre  les  mains  du  Christ-Agneau,  leur  redempteur, 
qui  fait  tout  pour  le  progres  de  son  Regne  et  le  bien  des  elus  (IV- VII).  Puis  il  a 
depeint  le  sort  exterieur,  prisent  et  futur,  du  monde,  depuis  I'Ascension  du  Christ  jus- 
quau  jugement,  en  larges  traits  symboliques,  parfois  un  peu  charges  et  confus,  qui  ne 
devoilent  aucune  evolution  historique  (VIII-XI),  et  qui  s'entassent  sur  un  seul  plan. 
Comme  ces  vues,  bien  qu'impressionnantes,  neussent  pas  suffi  a  produire  I'effet  moral 
voulu,  qui  elait  de  premunir  les  fideles  centre  les  tentntions  et  les  soucis  de  I'heure,  Jean 
reprend  ses  predictions  et  les  precise  dans  un  ordre  progressif,  sur  Irois  plans  cette 
fois-ci;  par  un  precede  trcs  analogue  a  celui  des  «  ondes  »  qu'il  emploie  pour  le 
deroulement  interne  de  chaque  vision,  I'Apotre  superpose  comme  plusieurs  registres, 
embrassant  des  horizons  toujours  plus  vastes,  par  oil  le  temps  se  fond  graduellement 
avec  I'eternite  :  le  plan  de  Rome,  I'ennemi  actuel;  le  plan  de  I'hisloire  universelle  vi- 
sible, oil  le  role  hostile  est  tenu  par  ces  vastes  personnifications  que  sent  les  Betes;  enfin 
celui  des  dessous  mysterieux  de  I'histoire,  de  I'histoire  surnaturelle,  qui  η  est  qu'un  duel 
continu,  a  plusieurs  phases,  entre  Dieu  mime  et  Satan.  Les  personnages  de  ce  drame 
unique  en  soi,  et  triple  dans  ses  aspects,  ont  ete  d'abord  presentes  (XII-XIV,  5);  les 
peripeties  se  deroulent  dans  les  chapitres  XIV,  6-XX,  10;  le  denouement  commun,  c'est 
le  jugement  general  et  la  vie  future,  heureuse  ou  malheureuse,  terme  oil  chaque  plan 
aboutissait,  d' une  facon  plus  ou  moins  immediate,  plus  ou  moins  explicite  {XX,  11-XXI, 
8).  Precedes  litteraires  qui,  a  la  fois,  rappellent  la  gaucherie  des  primitifs  et  seniblent 
une  ebauche  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  savamment  raffine  dans  I'art  moderne. 

Dans  toute  cette  seconde  partie,  c'est  I'Eglise  historique  qui  nous  apparaissait  : 
d'abord  I'Eglise  qui  combat  avcc  I'aide  du  del,  mais  au  milieu  d'epreuves  indicibles ; 
puis  lEglise  ay  ant  deja  rempli  le  del  de  ses  enfants,  et  assoyant  sa  domination  spiri- 
tuelle  sur  la  terre,  dans  le  Millenium,  qui  fait  la  transition  entre  le  plan  des  combats 
et  celui  du  triomphe  final.  La  peinture  du  Jugement  devait  suivre  aussitot,  car  il  fallait 
bien  que  le  dernier  reglement  de  comptes  ne  demeurdt  pas  dans  I'ombre,  et  preceddt 
les  visions  de  I'eternite.  Reslait  a  etendre  sous  les  yeux  des  fideles  un  quatrieme  plan, 
plus  vaste  et  plus  synthetupie  que  tous  les  autres,  celui  de  I'Eglise  degagee  de  toute 
ombre  et  de  toute  lutte,  lieu  spirituel  de  tous  les  biens  proniis,  qui  recoit  les  vivants, 
assure  leur  salut  a  travers  les  fluctuations  de  la  vie,  et,  apres  la  mqrt  et  le  jugement, 
leur  revele  l essence  dc  tous  les  tresors  dont  ils  avaient  eu  leur  pari  secrete  ici-bas,  ct 


314  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

dont  Us  jouiront  desormais  dans  line  allegresse  eternelle.  Cest  le  sujet  des  cliapitres 
qui  nous  occupent. 

II  faut  dire  que  leur  caractere  de  synthcse  n'ayant  pas  ete,  en  general,  franchement 
reconnu,  les  commentate urs  se  troiwent  dans  I'embarras  pour  en  donner  une  interpreta- 
tion coherente  et  liomogene.  lis  ne  peuvent  en  rapporter  indistinctement  .e  tout  a  la  vie 
ressuscitee  sans  etre  obliges  de  forcer  la  portee  de  certains  traits.  Cest  pourtant  ce 
qua  fait  la  majorite  des  anciens  et  des  medievaux.  Alcazar  argumenle  assez  longue- 
ment,  et  a  bon  droit,  confre  ceux  -qui,  dans  les  siecles  precedents,  appliquaient  toute 
la  description  a  I'Eglise  militanle,  specialement  contre  ceux  qui  y  voyaient  encore 
le  Millenium,  Joachimites,  Ubertin  de  Casale,  etc.;  mais  les  arguments  vont  trop  loin 
dans  la  refutation  de  lopinion  de  quelques  auteurs  qu'ilcite  (Hortulanus,  etc.)  qui  avaient 
reconnu  dans  la  Jerusalem  celeste  I'Eglise  dans  ses  deux  etats.  Dans  la  «  Citi  de 
Dieu  »  (XX,  c.  17),  saint  Augustin  s'exprime  ainsi  :  «  Nam  hoc  de  isto  tempore  acci- 
pere,  quo  regnat  cum  Rege  siio  mille  annis,  impudentiae  nimiae  mild  videtur;  cum 
apertissime  dicat  :  «  Absterget  Deus  omnem  lacrimam...  etc...  »  Quis  i^ero  tarn  sit 
absurdus  et  obstinatissima  contentione  vesaniis,  qui  audeat  affirmare  in  hujus  mortali- 

tatis  aeriimnis,   non  dico  populum  sanctum,  sed  unumquemque    sanctorum nullas 

habentem   lacrimas    et   dolores...? Verum    in    his   verbis,    ubi    ait    :    «    Absterget 

Deus,  etc...  »,  lanta  luce  dicta  sunt  de  saeculo  futuro  et  immortalitate  atque  aeternitate 
sanctorum,...  ut  nulla  debeamus  in  litteris  sacris  quaerere  vel  Icgere  manifesta,  si 
haec  putaverimus  obscura.  »  Cest  evident;  mais  il  y  a  d'autres  passages  qui  s'appli- 
quent  moins  aisement  a  la  vie  bienlieureuse,  et  le  saint  docteur  a  donne  lui-meme  (ibid, 
supra)  le  principe  d' interpretation  dont  nous  nous  servons,  lorsquil  ecrivait :  «  De  coelo 
descendere  ista  civitas  dicitur,  quoniam  coelestis  est  gratia,  qua  Deus  cam  fecit...  Et 
de  coelo  quidem  ab  initio  sui  descendit,  ex  quo  per  hujus  saeculi  tempus,  gratia  Dei 
desuper  veniente  per  lavacrum  regenerationis  in  Spiritu  sancto  misso  de  coelo,  subinde 
cives  ejus  accrescunt.  Sed  per  judicium  Dei,  quod  erit  novissimum  per  ejus  Filium 
Jesum  Christum,  tanta  ejus  et  tam  nova  de  Dei  munere  claritas  apparebit,  ut  nulla 
remaneant  vetustatis  vestigia.  »  La  Jerusalem  celeste  existe  done  dejci;  le  regard  de 
Jean  se  parte  tantot  sur  son  etat  futur,  qui  est  son  principal  objet  de  contemplation, 
tantSt  sur  V etat  present  par  lequel  elle  s'y  est  acheminee;  aussi,  bien  des  commenta- 
teurs  serieux  sont  obliges  de  relever  des  allusions  au  bapteme,  qui  est  pourtant  de  cette 
vie-ci,  et  Bede,  par  exemple,  fait  des  retours  continuels  a  la  vie  presente,  ou  se  trou- 
vait  en  germe  tout  ce  qui  nous  est  promis  pour  ce  temps-la.  Ainsi,  sur  les  vv.  '23-2(i,  il 
ecrit  :  «  Et  civitas  non  eget  sole  neque  luna  ut  luceant  in  ea  :  quia  non  lumine  aut  ele- 
mentis  mundi  regitur  Ecclesia,  sed  Ghristo  aeterno  sole  deducitur  per  mundi  tenebras. 
Et  ambulabunt  genles  per  lumen  ejus  :  significat  quod  idem  ipse  Agnus  nunc  sit  pere- 
grinantibus  via,  qui  tunc  civibus  vita.  » 

Les  critiques  contemporains  ont  ete  surtout  frappes  par  la  discordance  apparenle 
des  traits  qui  ne  s'appliquent  sans  violence  qua  la  terre  avec  sa  variete  de  peuples, 
et  de  ceux  qui  supposent  que  la  consommation  finale  a  eu  lieu  deja.  Us  voudront  se 
I  expliquer  par  une  combinaison  de  sources  :  I'auteur  aurait  pris  dans  les  prophetes, 
ou  les  apocalypses  anterieurcs,  des  traits  juifs  traditionnels,  sur  la  reslaiiration  de  la 
Jerusalem  terrestre,  incompatibles  avec  la  conception  chretienne  du  del,  et  les  eut 
males  aux  conceptions  les  plus  spirituelles  de  lEvangile,  sans  grand  souci  de  se  mettre 
d  accord  avec  lui-meme. Nous  aurions  done  encore  affaire  a  des  sources  juives  oujuda'i- 
santes,  alterees  et  trans formoes,  mais  insufpsamment,  par  une  elaboi'ation  chretienne. 
Ainsi  Vischer,  Pileiderer,  Sabatier,  Schmidt,  etc.  Volter  fait  un  partage  entre  Cerinthe 
[XXI,  1-13;  15-21;  XXII,  4-6)  et  I'Editeur  sous  Trajan  [XXI,  U;  22.21;  XXII,  1-2),  plus 
des  inteιψolations  dans  Cerinthe,  XXI,  9  et  XXII,  3;  Weyland  reconnait  a  (juif,  sous 
Titus)  dans  XXI,  9^-27  et  XXII,  1-6,  laissant  a  I'editeur  chretien  9^  et  Ik^;  Spitta 
irouve  la  fin  de  P•  {sous  Pompee),  mais  attribue  au   redacteur  [chretien,  sous  Trajan) 


APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN.  315 

des  modifications  dans  XXI,  9,  li,2'2,  23,  27;  XXII,  1,  ainsi  que  la  paternite  de  XXII, 
3^-7.  Joh.  Weiss  donne  a  Q,  juif,  XXI,  9-13;  15-27;  XXII,  1-2,  et  a  I' ι  Editeur  »  XXI, 
li;  XXII,  6-7,  laissant  a  Jean  d'Asie  XXII,  3-5.  Calmes  considere  XXI,  3-lla  comme 
iin  dei'eloppement  intercale  entre  deux  parties  dun  ineme  recit,  avec  des  interpolations 
redactionnelles,  d'une  couleur plus  universaliste  que  I'original,  an  debut  de  XXll.  Bous- 
set  presume,  sous  toutes  reserves,  que  I'auteur  a  utilise  des  fragments  de  la  meme 
source  juive  qui  est  apparue  aux  chapp.  XVI I- XVIII,  Joints  a  XXI  par  la  figure  speci- 
fique  de  Γ  «  Ange  revelateur  »  qui  n'apparait  point  ailleurs,  si  ce  nest  IX,  1-XI,  13,  et 
dans  les  deux  passages  XIX,  9-10  et  XXII,  6-9.  Quant  a  Erbes,  a  Bruston  et  a  Charles, 
ils  ne  c/ierc/ient  pas  de  source  Juive;  mais,  pour  le  premier,  XXI,  5-27;  XXII,  1-2, 
appartient  a  I'Apoc.  de  80;  XXII,  3-25  a  celle  de  62.  Bruston  fait  de  XXI,  9 -XXII,  5 
I'oeuvre  du  dernier  redacteur,  et  Charles  a  une  theorie  tres  curieuse  :  Jean  serait  mort 
sans  avoir  aclieve  son  livre  quand  il  I'eut  ecrit  Jusqu'a  XX,  3;  il  laissait  des  notes 
eparses  qu'eut  ensuite  Juxtaposees,  dans  I'ordre  qu'il  croyait  bon,  «  un  fidele  niflis 
inintelligent  disciple  ».  Ce  malencontreux  redacteur  cut  brouille  deux  visions,  en  rea- 
lite  tres  distinctes  :  I  une,  dans  I'idee  de  Jean,  se  rapportait  a  la  Jerusalem  du  Mille- 
nairc,  —  car  Jean  etait  chiliaste,  —  descendue  du  ciel  avant  la  destruction  de  la  terre 
actuelle,  quand  il  y  aurait  encore  du  mal  en  ce  monde  et  des  nations  a  evangeliser;  elle 
comprendrait  XXI,  9-fin;  XXII,  2,  li-15,  17;  I'autre  avait  pour  objet  la  Jerusalem  vrai- 
ment  celeste,  oil  les  bienheureux  habiteront  apres  la  consommation  de  toutes  choscs 
{XXI,  5%  4<i,  5^•  i-4=''"=;  XXII,  3-5).  Le  disciple  aurait  bouleverse  tout  I'ordre  des  clia- 
pitres  XX-XXII,  et  fondu  les  deux  visions,  pour  narriver  qua  une  intolerable  confusion,  a 
une  description  oil  abondent  les  traits  contradictoires  (Charles,  An  Attempt  to  recover 
the  original  order  of  the  text  of  Revelation,  xx,  4-xxii.  —  Proceedings  of  the  British 
Academy,  vol.  VII,  Oxford,  1915).  Sans  rappeler  toutes  les  raisons  qui  etablissent 
a  nos  yeux  que  saint  Jean  n'etait  pas  millenariste,  contentons-noiis  de  faire  remarquer 
a  I'eminent  critique  que  la  «  Nouvelle  Jerusalem  »  de  XXI,  2  s'appelle  «  la  Fiancee  » 
et  «  descend  du  ciel  »  tout  aussi  bien  que  celle  de  XXI,  9-10;  que  XXII,  17,  parlera 
dune  «  Fiancee  »,  qui  est  I'Eglise  du  temps  et  de  tons  les  temps;  enfin  que  Jean  aurait 
bien  du,  dans  ses  notes,  distinguer  par  quelque  designation  speciale  ces  deux  Jerusa- 
lem futures,  et  indiquer  de  maniere  ou  d'autre  que  la  premiere  des  deux  devait  etre 
enlevee  de  terre,  ou  detruite,  avant  le  Jugement  general. 

Toutes  ces  etroitesses  d' interpretation,  ou  ces  fantaisies  de  critique,  resultent  de  ce 
qu'on  ne  comprend  pas  assez  I'elasticite  des  symboles  de  Jean,  ni  ses  recapitulations, 
ni  I'ampleur  divine  de  ses  vues;  on  cherche  I'unite  materielle  la  ou,  il  n'y  avait  que  des 
concepts  analogiques.  Quant  a  nous,  qui  avons  suivi  la  meme  ligne  que  I'excellent 
commenlaire  de  Swete,  repetons  la  refiexion  de  Bossuet  sur  XXII,  2  :  s'il  y  a,  pour 
peindre  la  Jerusalem  celeste,  des  traits  qui  «  semblent  marquer...  I'Eglise  presente, 
c'est  que  c'est  la  meme.  Les  remedes  dont  se  sert  I'Eglise  qui  est  sur  la  terre  viennent 
d'en  haut,  et  toute  la  gloire  que  les  gentils  convertis  y  apportent  est  transportee  dans 
le  ciel ». 

Une  fois  reconnu  le  sens  general  et  la  portee  de  la  description,  il  y  reste  a  resoudre 
bien  des  difjicultes  de  detail,  surtout  si  Von  veut  determiner  la  forme  arcliitecturale  de 
la  Cite  future  (Exc.  xxxix).  Le  tout  est  ecrit,  comme  le  chap.  XVIII,  avec  une  somp- 
tueuse  imagination  d  Oriental,  ou  de  Juif  de  la  Diaspora.  Mais,  dans  cette  peinture 
paradisiaque,  la  couleur  Johannique  reste  tres  accusee,  et  Joh.  Weiss  le  reconnait  dans 
son  commentaire;  les  images,  a  limitation  d'Ezechiel,  et  d'apocalyptiques  anterieurs, 
sont  en  grande  partie  empruntees  au  Paradis  terrestre  de  la  Gencse,  et  coincident  avec 
celles  des  promesses  faites  aux  Eglises  d'Asie  dans  les  premiers  chapitres;  ainsi  les 
dernieres  pages  de  I  Apocalypse  rejoigncnt  les  premieres,  ce  qui  est  un  bon  signe 
d'unite  de  main,  et  les  dernieres  du  dernier  livre  de  notre  Bible  nous  ramenent  aux 
premieres  du  premier  livre,  comme  le   [era  encore  le  quatricmc  Evangilc,  dans  son 


316  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

Prologue.  «  Ecce  facio  novissima  sicut  prima  »;  image  mystique  de  cette  haute  verite, 
que  I'economie  de  la  Redemption  a  retabli,  en  mieu.x,  le  premier  plan  du  Createur 
pour  le  honlieur  des  hommes. 

D'ailleurs,  en  ces  pages,  I'enseignement  directement  dogmatique  est  voile  sous  les 
figures.  Nous  verrons,  avec  les  explications  du  commentaire,  la  Trinite  residant  au 
del,  et  donnant  lajoie  aux  elus  par  une  vision  face  a  face.  Nous  trouverons  meme,  clai- 
rement  indique,  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  les  quatre  notes  de  I'Eglise  :  unite,  sain- 
tete,  catholicite,  apostolicite. 

Ainsi  se  divise  le  texte  : 

I.  L'Ange  montre  a  Jean  la  descente  de  Jerusalem  (XXI,  9-10). 

II.  Description  de  la  Jerusalem  nouvelle  (XXI,  11-23)  :  1°  son  eclat,  du  a  la  presence 
de  Dieu  [11);  2°  sa  structure  exterieure,  «  catholicite  »  et  «  apostolicite  »  (12-14);  3°  ses 
dimensions  geometriques,  mesurees  par  I'Ange  revelateur,  qui  sont  I'embleme  de  son 
«  unito  »  indefectible  (15-17);  i°  les  materiaux  precieux  de  sa  construction,  image  du 
bonheur  lumineux  et  varie  qui  la  remplit  (18-21);  δ'*  la  presence  personnelle  et  sensible 
de  Dieu  et  de  I'Agneau  dans  le  del  (22-23). 

III.  Ce  que  cette  Jerusalem  est  pour  ses  habitants  (XXI,  2i-XXII,  5)  :  i°  dans  la  vie 
presente  :  a)  son  acces  ouvert  a  tous,  «  catholicite  »  (24-26),  et  sa  purete  (27),  ou  sa 
«  saintete  » ;  β)  son  fleuve  des  eaux  de  la  vie  (grace  et  Saint-Esprii)  et  ses  arbres  qui 
guerissent  les  nations  (XXII,  1-2),  encore  la  «  saintete  «;  2°  dans  la  vie  future  :  purete 
parfaite,  vision  boatifique,  jour  divin  et  eternel,  eternelle  royaute  (XXII,  3-5). 


I.  UN  ANGE  MONTRE  A  JEAN  LA  JERUSALEM  NOUVELLE 
DESCENDANT  DU  CIEL  (xxi,  9-10). 

C.  XXI.  9.  Και  ήλθεν  *εΤς  *έκ  των  έπτα  αγγέλων  των  εχόντων  τας  έπτα  φιάλας 
*τών  γεμόντων  των  έπτα  πληγών  των  εσχάτων,  καΐ  έλάλησεν  *μετ'  έμοΰ  λέγων 
Δεΰρο,  δείξω  σοι  *τήν  νύμφην  *τήν  γυναίκα  του  άρνίου.  10.  Και  άπήνεγκέν  με  εν 
πνεύματιέπι  ορός  μέγα  και  ύψηλόν,  και  εδειξέν  μοιτήν  πόλιν  τήν.*άγίαν  'Ιερουσαλήμ 
καταβαίνουσαν  έκ  του  ουρανού,  11  εχουσαν  τήν  δόξαν  του  θεού... 

Α.  Β.  9.  εις  pour  τις  (Int.,  c.  χ,  §  Π).  —  έκ  partitif  (Int.,  c.  ν,  §  II),  omis  dans  de  nom- 
breux  And.  —  ιών  γε[χόντων  (corrige  en  [τας]  γεμούσας  dans  la  rec.  K.et  beaucoup  d'And.) 
est  un  singulier  defaut  d'accord,  cause  sans  douteparle  voisinage  d' αγγέλων ;  il  denote 
une  telle  precipitation,  qu'on  dirait  que  I'auteur  ne  s'est  pas  meme  relu  (Int.,  c.  xiii, 
fin).  —  έλάλ.  μετ.  v.  Int.,  c.  x,  §  II.  —  τήν  γυν.  est  place  avant  τήν  νύ(Αφην  dans  la  rec.  K, 
ou  apres  <ipv(ou  dansquelques  And.;  a  cause  de  ces  fluctuations,  Bousset  veut  y  voir  une 
glose.  —  Cfr.  XV,  1,  6;  xvii,  1,  pour  les  Anges  des  Coupes;  —  cfr.  «  noces  de  I'A- 
gneau »  XIX,  7,  et  le  fameux  passage  Eph.  v,  25-suiv.  sur  I'union  conjugale  du  Christ 
et  de  I'Eglise. 

C.  9.  Ce  verset  correspond  absolument  a  xvii,  1,  pour  la  raise  en  scene  et  les  mots 
eux-memes.  II  se  peut  que  ce  soit  le  meme  Ange,  qui,  au  ch.  xix,  9,  apres  avoir  montre 
la  mine  de  Babylone,  faisait  allusion  aux  noces  de  I'Agneau.  La  «  Fiancee  »  est  I'an- 
tithese  de  la  Courtisane.  Jerusalem  est  a  la  fois  «  fiancee  »  et  «  epouse  » ;  ce  dernier 
mol  peut  fort  bien  n'etre  pas  une  glose,  mais  ces  deux  termes  unis  exprimeraient  la 
purete  virginale  et  perpetuelle  de  I'Epouse  mystique,  de  memo  que  la  Sainte  Vierge, 
dans  une  le^on  probablement  authentique  de  Luc,  ii,  5,  et  admise  de  Soden,  est  appelee 
μεμνηστευμένττ;...  γυναικί  (si  on  ne  lit  dans  Luc  que  έμνηστευμέντ) ,  la  portec  de  I'expression 
reste  la  meme,  puisque  la  sainte  Vierge  etait  certainement  mariee). 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  317 

C.  XXI.  9.  Et  il  vint  im  des  sept  Anges  qui  avaient  les  sept  coupes  rem- 
plies  des  dernieres  plaies,  et  il  conversa  avec  moi,  disant  :  «  Arrive!  je  te 
montrerai  la  fiancee,  I'epouse  de  l'Agneau.  »  10.  Et  il  m'emmena  en  esprit 
sur  une  montagne  grande  et  elevee,  et  il  me  niontra  la  Ville  Sainte  Jerusa- 
lem, qui  descendait  du  ciel,  11,  ayant  la  gloire  de  Dieu. 


A.  B.  10.  [Αεγάλην  καί  ajoute  devant  άγίαν,  And.  cfr.  xi,  g.  —  La  «  nouvelle  Je- 
rusalem )),  voir  pour  les  paralleles  I'Excursus  precedent. 

C.  10.  La  «  montagne  »,  symbole  mystique  :  Jerusalem  sera  comme  I'Acropole  de  la 
creation  nouvelle,  attirant  de  loin  tous  les  hommes,  et  fondee  pour  I'eternite;  cfr.  Mat. 
V,  14  :  « Vous  etes  la  lumifere  du  monde.  Une  ville  ne  peut  Stre  cachee  si  elle  est  fondee 
sur  une  montagne.  »  Peut-etre  le  contraste  est-il  voulu  avec  le  «  desert »  ou  apparut  la 
Courtisane,  xvii,  3.  Apringius  : « in  fidei  altitudine  elevatur  ».  —  Nous  verrons  que  cette 
ville  a  de  telles  dimensions  qu'elle  ne  pourrait  tenir  sur  une  montagne  terrestre;  ce 
n'est  done  pas,  et  ce  ne  sera  jamais  une  cite  materielle. 

Jean  abandonne  ici  la  figure  de  la  Fiancee  pour  ne  plus  traiter  Jerusalem  que  comme 
une  ville  (cfr.  IV Esd.  xiii,  35-36.  Voir  Exc.  xxxviii). 


II.  DESCRIPTION  DE  LA  JERUSALEM  NOUVELLE 
(XXI,  11-2  3). 

C.  XXI.  11.  (...  εχοασαν  τήν  δόςαν  *του  θεού')  ό  φωστήρ  αΰτης  'όμοιος  λίθω  τιμιω- 
τάτω,  ώς  λίΟω  Ιάσπιδι  κρυσταλλίζοντι'  12  *εχουσα  τείχος  μέγα  και  ύψηλόν,  έχουσα 
ττυλώνας  δώδεκα,  *καί  έχΐ  τοις  πυλώσιν  αγγέλους  δώδεκα,  καΐ  ονόματα  έπιγεγραμ.- 
μένα,  α  έστιν  των  δο^δεκα  ουλών  *υίών  Ισραήλ.  13.  *Λτ:ο  ανατολής  πυλώνες  τρεΐς, 
και  oir:o  βορρά  πυλώνες  τρεΐς,  καΐ  ά-ο  νότου  πυλώνες  τρεϊς,  και  άπο  δυσμών  πυλώνες 
,τρεϊς.  14•.  ΚαΙ  το  τείχος  της  πόλεως  *εχων  *θεμελ(ους  δώδεκα,  ΛΛαί  έπ'  αυτών  δώδεκα 
ονόματα  τών  δοίδεκα  αποστόλων  του  άρνίου. 

Ιδ.  Και  ό  λαλών  μετ'  έμοΰ  ειχεν  μέτρον  κάλαμ-ον  χρυσουν,  ίνα  μετρήσ•/;  τήν  πόλιν 
και  τους  πυλώνας  αΰτίίς  *καΙ  το  τείχος  αυτής.  16.  Και  ή  πόλίς  *τετράγωνος  κείται,  και 
το  μήκος  αΰτης  όσον  το  πλάτος.  Και  έμέτρησεν  τήν  πόλιν  τώ  καλάμω  έπι  σταδίων 
δώδεκα  χιλιάδων"  το  μήκος  και  το  πλάτος  και  το  υψος  αυτής  ϊσα  εστίν.  17.  Και  έμέτρη- 
σεν το  τείχος  αυτής  εκατόν  *τεσσεράκοντα  τεσσάρων  πηχών,  μέτρον  άνθρώπον,  ο  έστιν 
αγγέλου.  * 


Α.  Β.  11.  Ν,  g,  Ircnee  portent  χήν  οόξαν  άπο  χοΰ  θεοΰ,  ce  qui  change  le  sens;  cfr.  plus 
has,  V.  23.  ή  δόξα   του    θ.    έφώτισεν  αυτήν. 

C.  11.  La  Jerusalem  celeste  possede  la  «  gloire  de  Dieu  «  c'est-a-dire  la  divine  pre- 
sence; et  deja  cet  etat  est  commence  pour  chaque  ame  fidele,  qui,  reflechissant  celte 
gloire,  peut  marcher  de  clarte  en  clarte,  comme  le  dit  si  magnifiquement  saint  Paul, 
II  Cor.  Ill,  18.  L'eclat  (φωστήρ)  —  ou  peut  etre  le  <  luminaire  »  —  de  la  Cite  sainte,  c'est 
son  temoignage,  son  enseignement,  ses  sacrements,  les  vertus  de  ses  saints  (Sfvete  et 
les  catholiques). 

^^—  A.  12.  Noter  le  retour  au  nominatif,  ε/ουσα  (Int.,  c.  x,  §  II),  qui  equivaut  ici 
au  verbe  fini.  —  Kat  Ιπ\  τοΐ;  πυλ.  αγγ.  δώδ.  omis  A,  deux  ou  trois  And.,  sj/z-e^^,  ftilcl., 
par  homoioteleuton.  —  υίών  sans  article,  comme  λ^ιι,  4. 

Β.  C.  12.  Toute  la  description  qui  suit,  jusqu'au  v.  23,  parait  etre  calquee  sur  la  fin 
d'Ezec/iiel  \L\'in,  30-35,  qui  donne  les  mesures  de  I'enceinte  de  Jerusalem  restauree ; 
mais  elle  est  beaucoup  plus  riche,  coloree  et  profonde  de  sens  que  le  modele.  Les 
Anges  qui  veillent  aux  portes  peuvent  etre  une  figure  inspiree  d'/s.  lxii,  6  :  «  Sur 
tes  murailles  je  placerai  des  veilleurs.  »  Ezechiel  dit  aussi  xlviii,  31  :  «  Les  portes  de 
la  ville  prendront  les  noms  des  tribus  d'Israel.  »  Saint  lean  a  eu  sans  doute  en  vue 
risrael  spirituel,  ou  bien,  s'il  parle  ici  de  I'lsrael  historique,  et  plus  bas  (v.  14)  des 
«  Douze  Apotres  »,  il  a  voulu  montrer  I'union  de  I'Ancien  et  du  Nouveau  Testament; 
en  tout  cas,  I'enseignement  de  ces  versets,  c'est  I'universalite,  la  «  catholicite  »  de  la 
Jerusalem  celeste,  idee  qui  sera  completee  dans  la  pericope  suivante,  xxi,  24-26;  xxii,  2. 
A.  B.  C,  13.  άπο  marquant  la  direction,  Im.,  c.  x,  §  II.  Pour  JnfZ/-e,  le  nom- 
bre  «  trois  «  marque  la  Trinite. 

A.  B.  14.  ?χ.ων,  masculin  pour  le  neutre  (Int.,c.  x,  §  II),legon  de  A,  Q,  P,  al. 

Tisc/t.,  W-H,  Nestle,  omis  N*,  al.,  remplace  par  I'/^ov  (n<=.  And.,  Arethas,  al,  Soden), 
lailleurs  είγε  (al573-38-2020).  —  θεμέλιος  est  un  adjectif,  pris  ici  substantivement,  au 
lieu   de  θ^;Jέλιov,  «    fondement   » ;    cfr.    Eph.    Il,    20    :    έποικοίομηθε'ντες    ίτλ   τω    θεμελίω    τών 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  319 

C.  XXI.  11.  (...  ayant  [en  elle]  la  gloire  de  Dieu) ;  son  eclat  [est]  pareil  a 
une  pierre  tres  precieuse,  comme  a  une  pierre  de  jaspe  crystallin.  12.  Elle  a 
un  mur  grand  et  eleve,  elle  a  douze  portes,  et  sur  les  portes,  douze  anges, 
etdes  noms  inscrits,  qui  sont  [ceux]  des  douze  tribus  des  fils  d'Israel.  13.  Du 
cote  de  I'Orient  trois  portes,  et  du  cote  du  Nord  trois  portes,  et  du  cote  du 
Midi  trois  portes,  et  du  cote  de  TOccident  trois  portes.  14.  Et  le  mur  de  la 
ville  a  douze  fondements,  et  sur  eax  douze  noms,  [ceux]  des  douze  apotres 
de  I'Agneau. 

15.  Et  celui  qui  parlait  avec  moi  avait  une  mesure,  un  roseau  d'or, 
afin  de  mesurer  la  ville  et  ses  portes  et  son  mur.  16.  Et  la  ville  repose  [sur 
une  base]  quadrangulaire,  et  sa  longueur  [est]  telle  que  la  largeur.  Et  il 
mesura  la  ville  avec  le  roseau  :  douze  mille  stades;  la  longueur  et  la 
largeur  et  sa  hauteur  sont  egales.  7.  Et  il  mesura  son  mur  :  cent  quarante- 
quatre  coudees,  mesure  d'homme,  c'est-A-dire  d'ange. 


αποστόλων  κα\  προφητών,  ό'ντος  ακρογωνιαίου  αϋτου  Χρίστου  Ίησοΰ ;  et  Heb.  XI,  10  έξεδένετο 
γαρ  τήν  τοΙ»ς  θε[Αελίους  έ'/ουσαν  πολιν,  ής  τε/νίτης  κα\  δηι^ιουργος  ό  θεός.  —  αποστολών,  cfr.  la 
promesse  a  Pierre,  Mat.  xvi,  18. 

C.  14.  Ces  fondements  sont  done  supposes  visibles,  puisqu'on  peut  lire  les  noms  qui 
y  sont  inscrits.  On  peut  se  representer  la  muraille  reposant  sur  douze  assises,  ou 
exhaussee  sur  douze  gradins;  ou  bien  chacune  des  sections  de  mur,  determinees  res- 
pectivement  par  les  douze  portes,  repose  sur  un  seul  bloc  de  magonnerie,  qui  porta  le 
nom  d'un  Apotre.  G'est  que  tout  I'enseignement  de  I'Eglise  est  fonde  sur  celui  des 
Douze  :  apostolicite. 

I  A.  B.  C.  15.  κα\  το  τεΓχος  αύτης  omis  rec.  Κ.  —  Pour  cette  mesure  operee  par 

I'Ange,  symbole  en  ce  passage  de  I'immutabilite  de  la  volonte  divine,  qui  ne  restrein- 
dra jamais  les  vastes  dimensions  de  la  Cite,  voirxi,  1-2;  et  cfr.  Ezech.  xl,  3,  48;  xli,  etc.; 
VaicIi.  II,  1-5. 

I  A.  B.  16.  τετράγωνος  κείται  veut  dire  que  la  base  est  quadrangulaire,  plus 
precisement  carree;  car  jamais  τετράγωνος  n'a  signilie  «  cubique  ».  Cfr.  Ezecliiel  xlv,  2; 
xLviii,  16-20. 

C.  16.  12.000  stades  font  environ  1.500  kilometres;  est-ce  le  perimetre  ou  seulement 
le  cote?  Dans  tons  les  cas,  c'est  une  mesure  enorme,  qui  demontre  bien  que  cette  Jeru- 
salem ne  peut  descendre  que  figurativement  sur  une  montagne  terrestre.  II  semblerait 
qu'elle  ait  la  forme  —  assez  surprenante  —  d'un  cube,  et  c'est  ainsi  qu'on  I'entend  en 
general;  mais  on  pourrait  aussi  bien  penser  que  la  cite,  enveloppant  le  sommet  d'une 
montagne,  s'eleve  en  pyramide  pentaedrique,  dont  la  hauteur  est  egale  au  cote  de  la 
base  carree;  sa  silhouette  rappellerait  ainsi  celle  de  monuments  babyloniens  bien 
connus  (v.  Exc.  xxxix). 

.  A.  17.  Forme  τεσσεράκοντα  de  N,  A,  C,  plus  loin  τεσσάρας.  (Int.,  c.  x.  §  II).  — 
jAl-pov  ανθρώπου  (cfr.  xvHi,  18  άριθ[ΑΟς  ανΟρ.)  δ  έστιν  αγγέλου,  est  pour  nous  bien  difllcile  a 
comprendre.  L'Ange  se  sert  de  la  meme  mesure  que  les  hommes ;  est-ce  parce  qu'il  est 
leur  σύνδουλος?  (Sivete). 

C.  17.  Une  hauteur  de  144  coudees,  c'est  au  plus  70  metres.  Si  la  cite  a  la  forme 

d'un  cube,  il  y  aurait  une  etrange  disproportion  entre  I'enceinte  et  I'interieur.  Est-ce 

parce  que  la  cite  serait  originairement  le  monde  stellaire  et  son  mur  le  zodiaque? 

[Boiissci,  al.).  Si  la  forme  est  pyramidale,  tout  s'explique  (Exc.  xxxix). 

— —  A.  B.  18.  ένδώριησις  ou  ένδο'ριησις  hellenistique  signilie  construction,  materiaux 


320  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

18.  Kxl  ή  *ένδώΐΛησις  του  τείχους  αυτής  ϊ'ασπις,  και  ή  ττόλις  χρυσίον  καθαρον  ομοιον 
ύάλω  καθαρω.  19.  0•.  θεμέλιοι  του  τείχους  της  ζόλεως  παντί  λίθω  τψ.ίω  κεκοσμη- 
μένοι•  6  θεμέλιος  ό  πρώτος  Ιασπις,  ό  δεύτερος  σάπφειρος,  ο  τρίτος  χαλκηδών,  ό 
τέταρτος  σμάραγδος,  20.  δ  πέμπτος  σαρδόνυξ,  ό  έκτος  σάρδιον,  ό  έβδομος  χρυσόλιθος, 
ό  όγδοος  βήρυλλος,  δ  ένατος  τοπάζιον,  ό  δέκατος  χρυσόπρασος,  ό  ενδέκατος  υάκινθος, 
ό  δωδέκατος  αμέθυστος.  21.  Και  οί  δώδεκα  πυλώνες  δώδεκα  μαργαρϊται"  *άνα  εΤς 
εκασ-οςτών  πυλο)νων  ην  έξ  ένος  μαργαρίτου*  και  ή  πλατεΤα  τν;ς  πόλεως  χρυσίον  καθα- 
ρον  ως  ΰαλος  διαυγής. 

22.  Και  ναον  ουκ  εΤδον  εν  αΰτη"  ό  γαρ  κύριος  ό  θεός  ό  παντοκράτωρ  ναός  αυτής 
έστιν,  καΐ  το  χρ^ήο^.  23.  Και  ή  πόλις  ου  χρείαν  έχει  του  ηλίου  οΰδε  της  σελήνης,  ϊνα 
φαίνωσιν  αΰτη'  ή  γαρ  δόξα  του  θεοΰ  εφώτισεν  αυτήν,  και  ό  λύχνος  αϋτης  το  άρνίον. 

employes  aune  construction,  de  ένδοαίω;  le  sens  classique  etait  «  digue  »  pour  la  pro- 
tection d'un  port;  —  «  verre  pur  »,  cfr.  le  «  cristal  »,  xxi,  11  et  iv,  6;  xv,  2  I'ocean 

celeste. 

—i^—  A.  B.  19-20.  Diverses  variantes  orthographiques  dans  les  noms  des  pierres. 
Cfr.  pour  cette  joaillerie  Ex.  xxvni,  17-20  et  Ezech.  xxviii,  13.  Bousset  cherche  a  expli- 
quer  I'ordre  des  pierres  precieuses  par  I'enumeration  de  I'Exode,  en  disposant  les 
noms  sur  trois  colonnes  de  quatre,  en  depla^ant  une  colonne,  et  faisant  une  lecture 
«  boustrophedique  »,  de  droite  a  gauche,  puis  de  gauche  a  droite ;  c'est  bien  com- 
plique.  D'ailleurs■/αλκr,δώv,  y  ρυσόπρασος,  υάκινθος  et  σαρδόνυξ  ne  se  trouvent  pas  dans  I'enu- 
meration des  LXX,  ni  ailleurs  dans  la  Bible  grecque,  ού  υάκινθος  n'est  pas  le  nom  dune 
pierre.  L'idee  d'une  construction  en  pierres  precieuses  vient  d'Isa'ie,  liv,  11,  cfr.  Tob. 
XIII,  16;  et  les  noms,  en  partie  de  la  description  du  pectoral  du  grand-pretre  (^"^,)  et 
des  ornements  du  roi  de  Tyr  [Ezech.). 

C.  19-20.  II  ne  semble  pas  que  les  assises  ou  les  gradins  soient  faits  eux-memes  de 
pierreries  mais  plutot  qu'ils  en  sont  ornes,  reconverts.  Chacune  de  ces  pierres  pou- 
vait  avoir  dans  I'esprit  de  saint  Jean  un  sens  symbolique;  les  anciens  et  les  medievaux 
Font  cherche,  et  reparti  les  pierres  entre  les  Apotres,  les  vertus,  etc.  Speculations  trop 
compliquees  et  incertaines  dans  le  detail  pour  que  nous  les  reproduisions  ici.  Pour  les 
sens  possibles,  on  peut  \oir  Pline,  Hist.  nat.  xxxvii,  al.  Quant  a  I'identification  des 
pierreries,  elle  peut  se  faire  approximativement.  Le  «  jaspe  »  (cfr.  Is.  nv,  12)  est,  pen- 
sons-nous,  le  jaspe  vert  (v.  iv,  3,  C).  Le  «  saphir  »  des  anciens  serait  probablement 
notre  lapis-lazuli.  La  «  chalcedoine  »  {Pline,  H.  N.  xxxvni,  18)  est  une  pierre  verte  et  cha- 
toyante  comme  la  queue  des  paons  ou  la  gorge  des  pigeons.  L'  «  emeraude  »  est  con- 
nue.  Le  «  sardonyx  «  est  une  variete  d'onyx  ou  le  blanc  semele  au  rouge;  Pline  le  com- 
pare a  la  chair  autour  de  I'ongle  humain,  qui  est  d'un  beau  rose  quand  on  le  regarde 
par  transparence  devant  une  lumiere.  La  «  sardoine  »  est  la  cornaline,  d'un  rouge 
fonce  demi-transparent.  Le  «  chrysolithe  »  est  peut-etre  un  beryl  jaune.  Le  «  beryl  », 
different  de  I'emeraude,  est  vert  de  mer  (Pline,  ibid.,  20).  La  «  topaze  »  est  vert  dore. 
L'ancien  «  chrysoprase  »  [Pline,  ibid.,  32),  d'un  vert  plus  pale  que  le  beryl.  L'«  hya- 
cinthe  »  est  peut-etre  notre  saphir,  avec  son  bleu  magnifique.  L'  «  amethyste  »  est 
violette.  L'harmonie  de  ces  couleurs,  ou  la  grace  et  I'opulencese  melent,  leur  ensemble 
lumineux,  «-ai  et  tendre,  n'eveille  que  des  idees  de  joie,  de  fraicheur,  de  repos,  et  leur 
choix  est  bien  du  meme  coloriste  qui  a  depeint  le  tronede  Dieu  au  ch,  π .  C'est  le  violet 
et  le  bleu  (amethyste,  hyacinthe,  saphir) ;  le  rouge  (sardonyx,  sardoine) ;  le  vert  et  le 
iaune  d'or  (jaspe?,  chalcedoine,  emeraude,  beryl,  topaze,  chrysoprase).  Prises  toutes 
ensemble,  elles  rappellent  I'arc-en-ciel  et  font  a  la  Cite  celeste  une  ceinture  d'une 
variete  et  d'une  richesse  incomparables;  elles  peuvent  signifier  la  diversite  des  dons 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  321 

18  Et  les  materiaux  de  son  mur  sont  de  jaspe,  et  la  ville  [est]  de  Tor  pur 
pareil  a  du  verre  pur.  19.  Les  fondements  du  mur  de  la  ville  ont  έϊβ  ornes 
de  toute  pierre  precieuse;  le  premier  fondement  [n'est  que]  jaspe,  le 
deuxieme  saphir,  le  troisieme  chalcedoine,  le  quatri^me  emeraude,  20  le 
cinquieme  sardonyx,  le  sixieme  cornaline,  le  septieme  chrysolithe,  le 
huitieme  beryl,  le  neuvieme  topaze,  le  dixieme  chrysoprase,  le  ouzieme 
hyacinthe,  le  douzieme  amethyste.  21.  Et  les  douze  portes  [sont]  douze 
perles;  chacune  des  portes  respectivement  etait  d'une  seule  perle;  et  la 
place  (ow  les  rues)  de  la  ville,  [c'est]  de  Tor  pur  comme  du  verre  transpa- 
rent. 

22.  Et  de  temple,  je  n'  [en]  vis  pas  en  elle ;  ear  le  Seigneur  Dieu  le  Tout- 
Puissant  en  est  le  temple,  ainsi  que  TAgneau.  23.  Et  la  ville  n'a  pas  besoin 
du  soleil  ni  de  la  lune,  pour  qu'ils  brillent  sur  elle;  car  la  gloire  de  Dieu 
I'ailluminee,  et  son  flambeau  [est]  I'Agneau. 


de  la  grace  et  des  vertus  des  bienheureux.  Chaque  fondement,  comme  chaque  pierre, 
observe  Sn'ete,  garde  dans  cette  Jerusalem  son  individualite  et  son  oclat  special. 

— —  A.  B.  C.  21.  άνα  dislributif  (Int.,  c,  x,  §  II).  —  ώς  ajoute  devant  έξ  ενός  [χαργ. 
d'/s.  dansQ,  Ρ,  quelques  And.  —  «  Perle  »,  cfr.  les  portes  en  rubis  d'/s.  liv,  12.  Dans 
le  tr.  Baba  bathra,  Ib'^,  R.  Jochanan  parle  de  perles  excavees,  longues  et  larges 
de  trente  aunes,  que  Dieu  utilisera  pour  faire  les  portes  de  la  cite  future.  Gressmann 
(p.  223)  pense  a  propos  de  ces  rues  ou  de  ces  places  d'or  transparent  a  la  voie  des 
dieux  mythiques,  et  a  la  voie  de  procession  de  Mardouk,  entre  Babylone  et  Borsippa. 

— —  B.  C.  22-23.  Rien  n'indique  ici  un  changement  de  source,  et  I'idee  que  I'A- 
gneau est  la  lumiere  de  cette  cite  demontre  sufTisamment  I'origine  chretienne  du  tout 
(cfr.  XXII,  5,  d'aprfes  Is.  lx,  19-20;  rapprocher  aussi  le  dernier  verset  a'Ezech.  xlviii,  35  : 
«  Et  le  nom  de  la  ville  sera  desormais  :  Jahweh  est  la  ».)  Dieu  et  I'Agneau  sont  encore 
une  fois  mis  sur  pied  d'egalite,  comme  vii,  9-suiv.;  xiv,  4;  xxii,  1-suiv.  C'est  la  cite 
tout  entiere  qui  est  devenue  leur  temple;  il  n'y  a  pas  de  place  en  elle  ou  leur  pre- 
sence soit  moins  immediate  ou  sensible  qu'ailleurs.  Ge  trait-la  se  rapporte  plus  specia- 
lement  a  I'Eglise  du  ciel,  apres  la  resurrection;  le  Temple  et  les  autels  qu'on  y  voyait 
auparavant  (ch.  viii,  3;  xi,  19)  n'ontplus  de  raison  d'etre,  car  le  temps  de  I'intercession 
est  fini. 

Les  versets  24-27  sont  une  reproduction  libra  d'/s.  lx,  19-21.  Aussi  y  ti'ouve rait-on 
de  nombreux  paralleles  rabbiniques,  inutiles  a  citer. 

EXC.    XXXIX.    ORIGINES    TRADITIOXNELLES    ET    FORME    DE 

LA    JERUSALEM    CELESTE. 

11  est  possible,  nous  ne  songeons  pas  a  le  contester,  que  I'idee  premiere  d'une 
ville  surnaturelle  soit  a  chercher  dans  la  Cite  des  dieux  babylonienne,  sur  la 
montagne  du  Nord  (cfr.  I'Olympe) ;  ou  plutot  encore,  que  son  prototype  soit  la 
ville  qui  repose  sur  la  voute  du  ciel,  ou  la  voute  du  ciel  elle-m^me,  par  laquelle 
Jean,  apres  les  autres  apocalyptiques,  a  deja  figure  Thabitation  eternelle  du 
Tout-Puissant  (ch.  iv).  Ainsi  s'expliquerait  la  forme  carree  :  les  quatre  points 
cardinaux.  Pour  Boll  (p.  39-suiv.),  il  n'est  pas  douteux  que  les  θεμέλιοι  =  στοιχίία 

APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  21 


322  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

=  ζώδια  (d'apres  Diogene  Laerce,  vi,  2  et  I'etude  άΌ.  Lagercrantz,  «  Elemen- 
tum  »,  pp.41,  54,  62-suiv.)  soient  le  zodiaque,  corame  le  «  fleuve  »  dont  il  sera 
question  est  la  Voie  lactee.  Bousset,  ad  loc.  et  Gressmann  [Urspr.  pp.  114, 166) 
voient  ιηέηιβ  dans  les  Douze  Anges  des  portes  un  souvenir  des  Douze  dieux 
zodiacaux,  et  Gressmann  les  compare  aux  douze  «  Taxiarques  »  a'Hen.  eth. 
Lxxxii.  Mais,  quoi  qu'il  en  soit,  Jean  n'avait  plus  tout  cela  dans  I'esprit,  et  n'en- 
tendait  presenter  que  des  symboles ;  ses  sources  immediates  paraissent  avoir  ete 
seulement  les  descriptions  de  la  Jerusalem  renouvelee  dans  Isaie  et  Ezechiely 
avec  des  traits  du  Paradis  de  la  Genese  (v.  infra) . 

La  plus  grande  difficulte  est  de  se  representer  la  forme  d'une  ville  dont  les 
trois  dimensions  sont  egales.  On  comprendrait  la  forme  cubique,  derivte  de  la 
spherique,  pour  la  cite  des  etoiles;  mais  la  il  n'y  a  plus  d'astres,  plus  m^me  de 
soleil  et  de  lune  (xxi,  23).  II  est  bien  dit  de  la  nouvelle  Jerusalem  [Baba  bathra, 
75)  qu'elle  aura  trois  milles  dans  ses  trois  dimensions.  D  autre  part,  le  cube  etait 
pour  les  Grecs  I'embleme  de  la  solidite  inebranlable.  Le  pythagoricien  Philolaos 
et  Proclus  faisaient  de  la  terre  un  cube.  Aux  Juifs  cette  figure  rappelait  la  forme 
du  Saint  des  Saints  ;  toute  la  ville  serait  ainsi  le  sanctuaire  de  Dieu,  qu'il  remplit 
comme  il  etait  cense  remplir  le  «  Debir  »  ;  le  mur,  d'une  hauteur  si  dispropor- 
tionnee,  si  minime  en  comparaison,  ne  serait  plus  alors  qu'une  ceinture  d'orne- 
ment,  et  non  une  enceinte  de  protection.  Mais  comment  arriverait-on  jamais  a  se 
representer  une  ville  cubique?  Et  comment  y  disposer  un  fleuve,  des  rues,  des 
arbres?ll  faudrait  alors  voir  dans  ces  traits  inconciliables  les  «  disjecta  mem- 
bra »  de  traditions  diverses,  ou  bien  penser  que  la  vision  n'a  pas  ete  «  imagina- 
tive »,  que  toute  la  description,  impossible  a  reproduire  plastiquement,  est 
«  pensee  ■»  plutot  que  «  vue  ». 

Certes  cela  n'estpas  inadmissible  a  priori.  Mais  nous  croyons  qu'il  y  a  une  solu- 
tion meilleure.  Jean,  malgre  son  gout  des  mesures  precises,  reste  dans  le  vague 
et  I'embarras  des  expressions  quand  il  doit  fixer  la  forme  et  la  position  respec- 
tive des  objets  qu'il  groupe ;  ainsi  pour  les  quatre  Animaux  autour  du  trone  (iv,  6^) , 
les  tetes  et  les  cornes;  ici,  au  verset  xxi,  16,  sa  maniere  de  parler  convient  aussi 
bien  k  une  pyramide  a  base  carr^e  qu'a  un  cube.  La  forme  pyramidale  exprime 
aussi  bien  la  solidite ;  un  allegoriste  pouvait  penser  aux  pyramides  d'Egypte,  ces 
«  demeures  d'eternite  »  et  conserver  peut-^tre  un  souvenir  traditionnel  de  la 
«  ziggourat  »  assyrienne ;  de  plus  le  prophete  d'Asie  Mineure  se  rappelait  certai- 
nement  la  splendide  ville  qu'il  a  tant  louee,  I'aimable  Smyrne,  qui  alors,  plus 
etendue  et  compacte  qu'aujourd'hui,  grimpait  en  amphitheatre,  avec  sa  «  rue 
d'or  »,  jusqu'a  I'Acropole  occupant  le  sommet  du  Pagus. 

Si  Ton  admetnotre  hypothese,  le  crayon  pent  sans  peine  tracer  la  silhouette  de 
la  celeste  Jerusalem.  G'est  une  ville  d'une  regularite  geometrique,  qui  recouvre 
le  sommet  d'une  immense  montagne  figurant  toute  la  terre,  ou  plutot  toute  la 
creation,  materielle  et  spirituelle.  En  has,  une  muraille  I'entoure  de  I'eclat  et  du 
chatoiement  de  ses  pierreries,  embleme  etale  aux  yeux  de  I'univers  de  toutes 
les  vertus  et  de  toutes  les  richesses  qu'elle  renferme.  Par-dessus  la  Crete  du 
mur  s'eleve  jusqu'a  I'infini  la  masse  doree  et  crystalline  des  constructions,  des 
rues,  jusqu'au  sommet,  ou  probablement  repose  le  trone  de  Dieu  et  de  I'Agneau 
(xxii,  1).  Malgre  la  limpidite  des  couleurs,  I'aspect  en  serait  encore  trop  mine- 
ral, et  pourrait  rappeler  le  fantastique  et  dur  «  Reve  parisien  »  de  Baudelaire; 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN.  323 

mais  la  douceur  de  la  vie  vient  I'egayer :  il  y  a  des  arbres,  ceux  du  Paradis,  et 
aussi  de  I'eau  (pericope  suivante).  Le  fleuve  part  du  trone,  c'est-a-dire  du  som- 
met  de  la  montagne;  cela  n'est  sans  doute  pas  pris  dans  la  nature,  mais  pent  se 
representer.  Le  cours  des  eaux  ne  sera  pas  trop  torrentiel,  si  on  se  figure  les 
«  eaux  de  la  vie  »  coulant  en  spirale  sur  les  flancs,  ou  faisant  de  norabreux 
meandres  avec  les  rues,  au  milieu  des  bosquets.  Enfin  toute  la  cite  brille  de  sa 
propre  lumiere,  penetree  qu'elle  est  de  la  «  gloire  de  Dieu  »  et  des  rayons  qui 
emanent  de  I'Agneau. 

Telle  est,  du  raoins,  I'image  qui  nous  satisfait  le  mieux;  rien,  dans  le  texte  ne 
s'oppose  a  ce  qu'on  Fadopte.  Mais  le  «  cube  »  allegorique,  je  ne  sais  pas  quel 
paysagiste  ou  quel  geometre  arrivera  a  se  I'imaginer. 


III.  LA  JERUSALEM  CELESTE  ET  L'HUMANITE 
(xxi,  24-xxii,  5). 

C.  XXI.  24.  Ka\  νεριπατήσουσιν  τα  I'Ovr^  eta  του  οωτος  C(\j-f,c,  καΐ  ol  βασιλείς  ττ5ς 
γ^ς  *φέρο•υσιν  τήν  δόςαν  *αϋτών  εις  αυτήν.  25.  Και  οι  τυλώνες  αΰτης  *οΰ  [χή  κλεισθώ- 
σιν  ημέρας,  νυ;  γαρ  ουκ  *έσται  έκεΐ*  26.  καΐ  *οϊσου!7ΐν  τήν  δόξαν  καί  τήν  τιμήν  των 
εθνών  εΙς  αυτήν  27.  Και  *οΰ  μή  ε'.σέλθ•/;  ε'.ς  αυτήν  *παν  κοινον  καϊ  *ό  ποιών  βδέλυγμα 
και  ψευδός,  *ε'.  μή  οι  γεγραμ.μ.ένοι  έν  τώ  βιβλίω  της  ζωής  *τοΰ  άρνίου.  XXII.  1.  Και 
εδειξεν  μο\  τοταμον  ύδατος  ζωτ,ς  λαμπρον  ώς  κρΰσταλλον,  έκπορευόμενον  εκ  του 
*θρόνου  του  Οεοΰ  και  του  άρνίου.   2.    Έν   μέσω  της  πλατείας  αυτής  και  του  ποταμού 

Α.  Β.  24.  -εριπαττίσουσιν  et  tous  les  autres  verbes,  jusqu'au  v.  27,  sont  au  futur, 
ou  indiquent  le  futur  par  ού  μτί,  excepte  φίρουσιν.  —  τών  εθνών  pour  αυτών,  rec.  Κ.  —  Gfr. 
Ps.  Lxxii,  10;  Is.  xnx,  23;  lx,  3,  5-7  ;  aussi  Is.  u,  2-3,  al. 

A.  B.  25.  ού  μή  κλ.  v.  Int.  c.  X,  §  II,  et  supra,  24  A.  B.  —  νυξγαρ  κτλ,  sera  repete 
XXII,  δ;  cfr.  Is.  lx,  20,  et,  avec  une  portee  differente,  Zac/i.  xiv,  7.  —  Pour  I'ensemble 
et  le  sens,  Is.  lx,  11.  —  L'expression  de  ce  verset  est  fortement  elliptique  :  «  Les 
portes  ne  seront  pas  fermees  de  jour,  [c'est-a-dire  jamais],  car  la  ne  sera  point  de 
nuit  » ;  ou  bien  ήμ^Ρ^'?  =  parce  qu'il  fera  jour,  [ίε\  οΰ'σης]ήμΙρας. 

Β.  26.  Cfr.  Is.  lx,  5,  11. 

A.  B.  27.  ού  μη  παν κα\  δ  ποιών,  sent  Thebraisme  (Ιλτ.  c.  χ,  §  Π).  —  ε1  μή  a  ici  le 

sens  plus  rare  de  «  mais  seulement  ».  —  ποιοΰν  pour  δ  ποιών,  dans  Q-al070-O46,  et 
de  nombreux  And.  —  τοΰ  άρνίου  manque  dans  le  texte  d'Irenee.  —  «  Livre  de  vie  de 
I'Agneau  «,  cfr.  xni,  8  (manque /renee  egalement)  —  «  Paen  d'impur  n'entrera  »,  cfr. 
Is.  XXXV,  8;  Lii,  1;  Ezech.  xliv,  9.  —  (ίδέλυγμα,  cfr.  Apoc.  xvn,  4,  5,  et  Luc  xvi,  15,  aux 
Pharisiens  :  υμεΐς  εστε  οί  δικαιοΰντες  εαυτούς  ενώπιον  τών  ανθροίπων.....  το  έν  άνθρώποις  ύψηλον 
βδέλυγμα  ένοίπιον  του  θεοΰ:  et  το  βδέλυμα  της  έρημώσεως ,  expression  qui  a  certainemeat 
rapport  a  I'idolatrie,  Mat.  xxiv,  15;  Marc  xiii,  14.  — ψεΰδος,  cfr.  Apoc.  xiv,  5;  xxi,  8; 
XXII,  15; /o//.  VIII,  44,  55;  I  Joh.  i,  6,  10;  ii,  4,21,  22,  27;  iv,  20;  v,  10. 

C.  24-27.  C'est  bien  ici  que  les  decouvreurs  de  source  pretendent  relever  des  traits 
archaiques  inconciliables  avec  la  conception  propre  de  Jean,  qui  est  le  «  ciel  nouveau  » 
et  la  «  terre  nouvelle  «.  La  vision  de  la  Jerusalem  celeste  se  serait  affaiblie  par  le 
melange  d'une  autre  conception,  celle  de  Jerusalem  restauree  sur  la  terre,  et  attirant  a 
elle  les  nations  pour  les  convertir.  Nous  devons  admettre  que  les  deux  idees  sont  lb.  a 
la  fois;  mais  ce  n'est  point  par  inadvertance  qu'un  redacteur,  ou  Jean  lui-meme,  les 
aurait  juxtaposees;  s'il  traite  ses  symboles  avec  quelque  laisser-aller,  il  ne  met  pas  une 
telle  negligence  a  harmoniser  ses  idees.  L'apparente  contradiction  s'explique  au  mieux 
par  la  transcendance  de  son  concept.  Le  prophete  a  en  vue  les  conquetes  de  I'Eglise 
sur  terre,  qu'il  a  deja  figurees  par  le  Millenaire,  et  la  fin  de  xi,  1-13;  ces  succes  ne  sont 
qu'a  leur  debut,  voila  pourquoi  il  emploie  des  verbes  futurs,  car  il  porte  son  attention 
sur  leur  plein  developpement,  qui  est  encore  a  ses  yeux  tres  recule.  Les  «  rois  de  la 
terre  »,  qui,  en  d'autres  sections,  designaient  les  ennemis  de  I'Agneau,  seront  alors, 
du  moins  en  grande  partie,  ses  fideles.  Mais,  parce  qu'il  envisage  I'histoire  de  cette 
Jerusalem,  en  ce  monde  et  dans  I'autre,  comme  un  tout  continu,  son  regard  qui  domine 
tout  le  deroulement  du  plan  redempteur,  s'otend  jusqu'a  I'eternite,  la  ou  «  il  n'y  aura 
plus  de  nuit  ».  Une  telle  synthese  lui  paraissait  toute  naturelle,  et  elle  etait  facilitee 
par  le  caractere  de  ses  modeles  prophetiques,  ού  la  phase  lerrestre  et  la  phase  trans- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  325 

C.  XXI.  24.  Et  les  nations  s'avanceront  dans  sa  lumiere,  et  les  rois  de  la 
terre  portent  leur  gloire  en  elle.  25.  Et  ses  portes  ne  seront  jamais  fermees 
de  [tout  Ic]  jour ;  car  Ik  ne  sera  point  de  nuit.  26.  Et  ils  portent  en  elle  la  gioire 
et  I'honneur  des  nations.  27.  Et  jamais  n'entrera  en  elle  rien  d'impur,  ni 
celui  qui  fait  abomination  et  mensonge,  mais  seulement  ceux  qui  ont  ete 
inscrits  dans  le  livre  de  vie  de  I'Agneau.  xxii.  1.  Et  il  me  montra  un  fleuve 
d'eau  de  [la]  vie,  oclatant  comme  du  cristal,  qui  sortait  du  trone  de  Dieu  et 
de  I'Agneau.  2.  Dans  le  milieu  de  sa  place  {ou  de  sa  rue)  et  du  fleuve,  de 
φ  et  de  Ιέ,  [estj  un  bois  de  vie,  faisant  des  fruits  douze  [fois],  k  chaque 


cendante  des  «  derniers  temps  »  n'etaient  jamais  distinguees  expressement.  Les  portes 
de  Jerusalem  ne  sont  jamais  fermees  :  des  a  present  tous  les  peuples  sont  invites  a  y 
entrer,  et  au  jour  bienheureux  de  la  Resurrection,  ils  s'y  trouveront  tous  reunis. 

Apres  qu'il  a  prophetise  ainsi  la  catholicite  de  I'Eglise,  il  commence  a  parler  de  sa 
saintete  (v.  27).  Gette  purete  parfaite  ne  se  realisera  pleinement  qu'apres  la  Parousie; 
jusque-la,  d'apres  les  paraboles  evangoliques,  la  moisson  demeure  melee  d'ivraie,  le 
filet  contient  de  bons  et  de  mauvais  poissons.  Jean  ne  fait  pas  attention  a  ce  melange 
temporaire;  la  vision  ne  lui  montre  que  I'Eglise  ideale,  le  droit  plutot  que  le  fait;  des 
a  prosent,  I'Eglise  est  absolument  sainte  dans  son  essence,  et,  si  elle  contient  dans  son 
corps  des  membres  qui  ne  sont  pas  inscrits  au  «  livre  de  vie  de  I'Agneau  «,  ceux-la  ne 
sont  pas  destines  ;'!  y  demeurer  (cfr.  I  Jolt,  ii,  18  :  «  lis  sont  sortis  d'entre  nous,  mais 
ils  n'etaient  pas  d'entre  nous;  car  s'ils  avaient  ete  d'entre  nous,  lis  seraient  demeures 
avec  nous.  »)  Ge  qui  est  dit  la  des  heretiques  s'applique  aussi  bien  aux  pecheurs  impe- 
nitents,  autres  Antechrists ;  et  le  v.  xxii,  2  montrera  qu'il  envisage  fort  bien  la  pre- 
sence dans  I'Eglise  de  fideles  qui  ont  besoin  de  guerisou  morale,  Le  v,  27,  si  tant 
est  qu'il  ne  parte  pas  de  I'Eglise  triomphante,  fondue  dans  la  memo  perspective  que 
I'autre,  se  rapporte  a  ce  que  les  theologiens  appellent aujourd'hui « lame  de  TEglise  », 
ou  simplement  au  concept  de  I'Eglise  dans  I'esprit  divin,  absirac:ion  aite  des  temps 
du  «  devenir  » ;  plus  vraisemblablement,  tous  ces  points  do  vue  sont  synthetiquement 
combines.  Rappelons-nous  du  reste  que  Paul  et  les  ecnvains  du  Nouveau  Testament, 
excepte  la  ou  ils  traitent  specialement  de  morale,  n'envisagent  pas  volontiers  le  cas 
d'un  baptise  qui  se  perdrait  en  mentant  aux  promesses  de  son  bapteme;  tout  cliretien, 
pour  έtre  un  chretien  vrai,  doit  esperer  fermement  qu'il  est  au  nombre  des  predesti- 
nes; c'est  I'esprit  de  Rom.  viii,  29-30  et  de  beaucoup  d'autres  passages. 
•  Ges  considerations  nous  paraissent  suifire;  nous  pouvons  toutefois  en  ajouter  une 
autre  fort  importante.  Le  βδέλυγμια  [supra  A-B  27),  ce  sont  surtout  les  souillurei: 
paiennes;  le  ψεΰδος,  c'est  avant  tout  le  mensonge  a  la  verite  religieuse,  le  culte  des 
faux  dieux,  I'heresie,  I'apostasie  formelle  ou  pratique ;  et  I'impur,  le  /.οϊνον,  quand  il 
designe  deshommes,  signifie  ceux  qui  restent  etrangers  aux  prescriptions  de  la  reli- 
gion du  salut.  Le  terme  s'appliquait  aux  Gentils  qui  n'observaient  pas  la  Loi  (cfr.  Act. 
X,  12-14;  28).  Si  Ton  prend  done  tous  ces  mots  dans  le  sens  strict  que  leur  avait 
donne  I'usage,  toute  diificulte  d'interprctation  disparait  :  il  ne  s'agit  plus  que  de  la 
purete  absolue  de  la  doctrine  et  du  culte  dans  la  Jerusalem  nouvelle,  c'est-a-dire 
I'Eglise  indefectible. 

— — .  A.  B.  XXII.  1.  στόΐΑατος  pour  θρόνου,  dans  1073.  —  υδ.  ζωής,  cfr.  vii,  17;  XXI,  6; 
XXII,  17.  —  «  Trone  de  Dieu  et  de  I'Agneau  »,  cfr.  iii,  21;  vii,  17;  et  tout  le  chap.  v. — 
Pour  le  «  fleuve  »,  cfr.  Ezcch.  xlvii,  1-12,  Ps.  xlvi  (xlv),  4:  «  Fluminis  impetus  laetificat 
civitatem  Dei  »,  et  Gen.  ji,  9-suiv. 

C.  XXII.  1.  Ghez  Ezechiel,  la  riviere  sort  du  roc  qui  est  sous  le  temple,  et  va  assai- 


326  APOCALYPSE    DE    SAINT   JEAN. 

έντεϋθβν  καΐ  εκείθεν  *ξύλον  ζωής  *ποΐ3θν  καρπούς  δο)δεκα,   κατά   μήνα  εκαιτον   *ar.z- 
διδοϋν  τον  καρπον  αύτοΰ,  και  τα  φύλλα  τοΰ  ξύλου  ε!ς  θεραπείαν  των  εθνών. 

3.  ΚαΙ  παν  κατάθεμα  *ουκ  *εσται  *ετι.  Κα\  ό  θρόνος  τοϋ  θεοϋ  και  τοΟ  άρνίου  εν 
αυτή  εσται,  και  οι  δούλοι  αυτοΟ  *λατρεύσοϋσιν  αυτω,  4  και  *οψονται  το  πρόσωπον 
αυτοΰ,  και  το  ο'νομα  αυτοΰ  Ιπϊ  των  μετώπων  αυτών.  5.  ΚαΙ  νύξ  ουκ  *εσται  ετι,  και  ουκ 

εχουσιν  χρείαν    φωτός  λύχνου  και  φωτός  ηλίου,  οτι  κύριος  ό  θεός  *φωτίσει  έπ'  αυτούς, 
και   βασιλεύσουσιν  είς  τους  αΙώνας  τών  αιώνων. 

nir  la  Mer  Morte;  ici  eile  emane  du  trone  lui-meme,  place  sans  doute  au  sommet  de 
la  pyramide  (Exc.  xxxix),  et  elle  arrose  toute  la  Cite  de  Dieu.  L'origine  traditionnelle 
de  cette  figure,  ce  sont,  a  cause  des  «  arbres  de  vie  »  du  verset  suivant,  les  fleuves 
de  I'Eden;  raais  le  sens  est  spirituel,  et  des  plus  profonds.  En  premier  lieu  ressort  le 
rapport  de  ces  eaux  avec  le  bapteme,  d'ou  nait  la  vie.  Tons  les  commentateurs  anciens 
I'ont  saisi,  en  appliquant  parfois  les  eaux  vives  a  la  personne  du  Christ  (Apringius, 
alii),  ou  a  la  beatitude  a  laquelle  conduit  le  bapteme  (Albert,  al.).  Mais,  pour  Andre, 
ces  eaux  representent  le  bapteme  dans  la  vie  presente,  et  le  Saint-Esprit  dans  la  Jeru- 
salem d'en  haut.  Nous  voyons  la,  avec  St^'ete,  Texplication  la  plus  exacte,  car,  dans  la 
litterature  johannique,  I'eau  de  la  vie  signifie  a  la  fois  le  sacrement  de  la  renaissance, 
et  le  don  de  I'Esprit-Saint  (voir  Joh.  vii,  38-39).  Autrement,  il  n'y  aurait  pas  de  men- 
tion du  Saint-Esprit  dans  la  derniere  partie  de  I'Apocalypse,  qui  se  relie  si  etroite- 
ment  a  la  premiere,  ou  I'Esprit  parait  sept  fois ;  et  ce  serait  bien  etonnant.  Ge  fleuve 
qui  a  sa  source  dans  le  trone  ou  siegent  Dieu  et  I'Agneau,  c'est  Dieu  communique,  la 
troisieme  personne  divine  representee  par  son  operation.  Ainsi,  au  sommet  de  Jerusa- 
lem, nous  voyons  la  Trinite  tout  entiere  :  le  Pere  penetre  toute  la  Cite  de  sa  gloire, 
I'Agneau  I'illumine  de  sa  doctrine,  I'Esprit  I'arrose  et  y  fait  naitre  partout  la  vie,  d'a- 
bord  par  le  sacrement  de  bapteme. 

Ces  images  conviennent  proportionnellement  a  la  vie  presente  et  a  la  vie  future. 
Jean  s'est  abstenu,  avec  intention  peut-^tre,  de  placer  dans  ce  verset,  non  plus  que 
dans  le  suivant,  aucun  verbe  fini  qui  en  eut  restreint  I'application  a  I'avenir. 

"  A.  2.  Ce  verset  montre  encore  la  difficulte  qu'eprouvait  le  style  de  Jean  a 
bien  fixer  les  positions  respectives  des  objets.  TF-ZTjoignent  έν  («σω  της  πλ.  κ.  au  ν.  1, 
et  font  gouverner  τοΰ  πόταμου  par  Ιντίΰθίν  καΐ  εκείθεν ;  raais  c'est  peu  nature! ;  car  ces 
mots  sont  des  adverbes ;  moins  naturelle  serait  aussi  la  place  de  έν  μέσο^  a  la  fin  d'une 
phrase.  Έν  μέσα)  =  άνα  μέσον,  comme  v,  6  (v.  ad  loc.).  hes  deux  adverbes  de  lieu  ont  fort 
embarrasse  les  scribes;  on  trouve  εντεύθεν  repete  pour  έκεΓθεν  [And.),  ou  ce  dernier 
simplement  omis,  ou  des  substitutions  de  'ε'νθεν. —  ξύλον  est  ici  un  nom  collectif :  des 
arbres,  un  bois  ou  une  foret.  —  κατηγγελται  apres  ξύλου  Ap  11-95-2040,  010-121-250  al. 
—  Pour  αποδίδουν,  la  plupart  des  temoins  ont  le  solecisme  αποδιδούς,  sauf  A,  α  1471-30- 
429,  α1582-32-2017,  012-34-424,  o507-47-241.  Αν  45-80-2037,  o403-94-201,  010-121-250, 
Αν  52-161-2067;  (Αν  20-r  l-l""  et  α  506-29-385  ont  αποδίδοντα);  si  nous  ne  I'adoptons 
pas,  c'est  a  cause  de  I'autorite  de  A,  qui  ne  laisse  pas  d'ecrire  a  cote,  peut-etre  avec 
raison,  ποιών  pour  ποιοΰν,  seul  avec  Av  21-18-94. 

B.  2.  «  arbre  de  vie  »  cfr.  Gen.  n,  9;  iii,  22;  et  Apoc.  n,  7  (v.  ad  loc);  nombreux pas- 
sages des  Apocryphes.  Des  images  du  Paradis  Terrestre  s'associent  a  celles  d'une 
ville,  comme  avec  le  Temple  dans  Ezec/i.  xlvii,  1,  7,  12.  —  Cfr.  Hen.  eth.  xxv,  6  : 
ό  κάρπος  αύτοΰ  τοϊς  έκλεκτοϊ{  ε?ς  ζωην,  ε?ς  βοράν.  —  κάρπου;  δοίδεκα,  cfr.  Schemoth  rabba,  15  : 
les  arbres  des  temps  futurs  fructifiant  tons  les  mois. 

C.  2.  L'arbre  de  la  vie  du  Paradis  terrestre  s'est  multiplie  a  I'infini;  il  forme  des 
bosquets  sur  les  deux  bords  du  fleuve,  entre  les  eaux  de  la  vie  et  les  rues  d'or.  Non 
seulement  son  fruit,  qui  murit  toute  I'annee,  c'est-a-dire  pour  toute  la  duree  du  temps 


APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 


327 


mois  rendant  son  fruit,  et  les  feuilles  du  bois  [sent]  pour  la  guerison  des 
nations. 

3.  Et  aucun  objet  de  malediction  ne  sera  plus.  Et  le  trone  de  Dieu  et  de 
I'Agneau  sera  en  elle,  et  ses  serviteurs  I'adoreront,  k  et  ils  verront  son 
visage,  et  son  nom  [sera]  sur  leurs  fronts. 

5.  Et  il  n'y  aura  plus  de  nuit,  et  ils  n'ont  pas  besoin  de  lumiere  de  flam- 
beau ni  de  lumiere  de  soleil,  parce  que  le  Seigneur  Dieu  epandra  sa  lumiere 
sur  eux,  et  ils  regneront  dans  les  siebles  des  siecles. 


et  de  reternite,  entretient  la  vie  des  habitants  de  Jerusalem,  mais  ses  feuilles  elles- 
memes  rendent  la  sante  «  aux  nations  »,  c'est-a-dire  a  tous  les  habitants  de  la  terre 
'  qui  veulent  en  profiter.  L'arbre  de  vie  pourrait  se  rattacher  au  Verbe  qui  se  donne  en 
nourriture,  comma  le  ileuve  au  Saint-Esprit,  et  les  fruits  etre  pris  comme  symboles  de 
rEucharistie  (v.  comment,  de  ii,  7).  Ainsi  reparaissent  les  images  des  Lettres;  la  fin  du 
livre  rappelle  le  commencement.  Ge  qui  est  dit  de  la  vertu  guerissante  des  feuilles  ne 
pent  s'appliquer  qu'a  la  vie  presente,  ou  il  y  a  encore  dans  I'Eglise  des  hommes  faibles 
et  pecheurs.  II  est  arbitraire  de  chercher  ici  avec  Calmes  ou  d'autres  une  distinction 
entre  les  fruits,  qui  seraient  reserves  aux  seuls  Israelites,  —  ce  dont  le  texte  ne  dit 
absolument  rien,  —  et  les  feuilles  qui  serviraient  aux  Gentils,  comme  si  ce  passage 
manquait  d'universalisrae ;  I'esprit  de  I'Apocalypse  n'est  pas  celui-la ;  arbitraire  aussi 
de  parler  avec  Andre  de  deux  degres  de  gloire.  Ce  passage  reieve  uniquement  la 
fecondite  de  l'arbre;  non  seulement  les  fruits  nourrissent,  mais  les  feuilles  ont  une 
vertu  surnaturelle  de  guerison ;  les  feuilles  des  plantes  etaient  en  effet  plus  employees 
comme  remedes  que  les  fruits.  Les  peches  doivent  §tre  remis  pour  que  Ton  s'ap- 
proche  de  la  sainte  Table. 

^.^— i  A.  B.  3.  παν...  ουκ  hebraisant.  —  κατάβε[χα,  hap.  leg.  dans  la  Bible  (Int.  c.  x, 
5;  I)  se  retrouve  Didaclie  xvi,  5;  mais  Mat.  xxvi,  74,  porte  le  verbe  καταθερ-ατίζειν, 
«  faire  des  imprecations  ».  —  ?σται,  λατρεύσουσιν  ( —  εύουτιν  rec.  Κ),  etc. :  tousles  verbes 
des  versets  3-5  sent  au  futur,  excepte  ε/,ουσιν,  v.  5.  —  ετι  omis  (a*,  boh.)  ou  remplace 
par  έ/.εΐ  (la  plupart  des  And.).  —  «  παν  κατάθ.  ο.  ε.  ε.  »,  cfr.  xxii,  27.  —  «  Trone  de  Dieu 
et  de  I'Agneau  »  supra,  v,  1.  —  λατρ.  cfr.  vn,  15. 

— ^—  B.  4.  δψ.  τό  προσ.  α.,  cfr.  Ps.  xvii,  15;  xui,  3;  Mat.  v,  8;  I  Cor.  xiii,  12;  I  Jo/i. 
Ill,  2.  —  Le  «  nom  sur  les  fronts  »,  vii,  3-4;  xiv,  1 ;  cfr.  aussi  iii,  12. 

•——  A.  B.  5.  οωτο'ς  omis  rec.  K.  —  έ'ξουσιν  pour  Ιχουσιν,  A,  g,  vulg.  —  L'attique 
φο)τιεϊ  pour  φωτίσει,  A,  P;  present  φωτίζει  (quelques  And.,  vulg.).  —  νύξ  κτλ,  cfr.  xxi,  25. 
—  Κύρ.  h  θεός  φωτ.,  cfr.  xxi,  23.  —  βασιλ.  ε?ς  τους  αιώνας  των  αιώνων,  d'aprfes  Dan.  νΐΐ,  27, 
differe  de  βασ.  έπ\  της  γης  de  ν,  10,  ainsi  que  de  χχ,  4-6,  pour  le  sens. 

C.  3-5.  Ces  versets,  avec  leurs  verbes  au  futur,  nous  transportent  franchement  apres 
la  Resurrection.  11  n'y  aura  plus  alors  d'ombres  dans  Jerusalem,  «  ni  nuitdu  peche,  ni 
plus  aucun  besoin  de  lumiere  de  science  »  (Apringius).  Dieu  donnera  a  ses  elus  la 
lumiere  de  gloire,  grace  a  laquelle  ils  contempleront  son  visage.  «  Nous  le  verrons  tel 
qu'Il  est  »,  a  dit  Jean  ailleurs;  et  saint  Paul  :  «  Alors  nous  Le  verrons  face  a  face.  »  Et 
alors  les  saints  regneront,  non  plus  de  cette  royaute  inauguree  sur  la  terre,  et  com- 
battue  par  tant  de  rebellidns  iaterieures  et  d'ennerais  du  dehors,  qu'ils  ont  deja  goutee 
dans  I'actuel  Millenaire,  mais  sans  contradiction,  sur  tout  I'uniA'ers,  et  cela  d'eternite 
en  eternite. 

Telles  sent  les  paroles  qui  devaient  clore  la  derniere  prophetic  de  la  Bible,  la  plus 
complete  et  la  plus  sublime.  Un  epilogue  attirera  I'attention  du  lecteur  sur  son  impor- 
tance capitale. 


EPILOGUE 

(xxii,  6-21). 


Int.  —  La  prophetic  s'est  done  perdue  et  aclievee  dans  I'immuable  serenite  de  la 
patrie  celeste.  Le  livre  se  terminera  par  quelques  declarations  qui  I'authentiquent,  et 
disent  I'usage  qu'il  faut  en  faire.  Elles  se  suivent  sans  ordre  rigoureux,  sortant  de  la 
bouche  des  principaux  personnages  qui  sont  garants  de  la  Revelation  :  le  Christ, 
I'Ange,  le  Prophcte.  II  est  parfois  difficile  de  determiner  le  sujet  qui  parle,  et  le  style 
porte  des  traces  de  negligence;  mais  cet  epilogue  a  une  haute  valeur  instructive,  et,  en 
plusieurs  passages,  une  grande  beaute  mystique. 

J.es  mots,  la  grammaire,  le  ton,  les  idees,  tout  rappelle  etroitement  les  diverses  par- 
ties du  livre,  dont  nous  avons  sans  cesse  cherche  a  d4montrer  I' unite  de  composition. 
Nous  nous  dispenserons  done  de  discuter  les  opinions  des  critiques  litteraires.  Pour 
Vischer,  toute  cette  fin  est  de  la  main  chritienne ;  Volter  accorde  le  v.  6  a  Cerinthe,  8-9 
a  I'Editeur  sous  Trajan;  7, 10-20  au  dernier  reviseur. 'Weyland  reconnait  son  Η  juif  dans 
6-11  et  li-15  (ainsi  que  XXII,  1-5  et  la  seconde  partie  de  XXI)  et  I'Editeur  chretien  7», 
12-13,  16-21.  Spitta  est  plus  que  jamais  merveilleux  de  sagacite  :  les  versets  8,  10-13, 
16^,  17;  18^;  20^-21  appartiennent  a  I'Apocalypse  chretienne  d'apres  Van  60;  15  est  de 
J^,  sous  Pompee;  3^-7,  9,  li,  16^,  18^-20  du  redacteur  operant  sous  Trajan.  Erbes 
assigne  le  tout,  depuis  le  v.  3,  a  I'Apoc.  de  62,  sauf  peut-etre  18-19,  qui  se  rattache- 
raient  a  celle  de  80;  Brustoa  reconnait  sa  seconde  Apocalypse,  excepte  li-l'j;  18-19, 
qui  pourraient  itre  I'oeuvre  du  Redacteur.  Enfin  Joh.  Weiss  retrouve  son  Editeur, 
excepte  dans  8-9,  venus  du  fond  primitif.  Bousset  verrait  dans  6-9  la  fin  dune  Apo- 
calypse, celle  de  la  Femme  et  de  la  Bete.  Moffatt  croii  I'ordre  des  versets  derange,  et 
propose  le  suivant  :  8-9,  6-7,  10-11,  U-16,  13,  12,  17,  [18-19],  20-21.  Pour  Charles,  voir 
I'Introd.  ά  XXI,  9-xxii,  5,  supra. 

Nous  pouvons  partager  ainsi  : 

I.  Triple  attestation  de  I'Ange,  du  Christ  et  du  Prophete  {XXII,  6-9). 

II.  Paroles  du  Christ  (10-16),  auxquelles  repond  son  epouse  (17). 

III.  Jean  commande  de  respecter  son  livre  {18-19). 

IV.  Derniere  attestation  de  Jesus,  et  imploration  de  I'auteur  [XXII,  20). 

Enfin  I'Apocalypse,  puisque  c'est  une  letlrc,  sc  termine  par  une\formule  epistolaire 
(21). 

A.  B.  6.  εΐπεν,  a  Taoriste,  sans  sujet.  —  iyiojv  au  lieu  de  τών  πνευμάτων  (And.)  —  αε 
apres  άπέστειλεν,  glose  juste,  dans  N*^  0'41-1778,  syr.;  dans  α  503-156-616  :  μοι.  —  λογ. 
πιστ.  χ.  αληθ.  cfr.  XIX,  9;  χχι,  5.  —  άπεστ.  τον  άγγελον,  cfr.  ι,  1.  —  πνευμ.  των  προφητών 
cfr.  Ι  Cor.  XII,  10;  χιν,  12,  32. 

C.  6.  Cette  conclusion  nous  ramene  au  tout  premier  verset  du  livre.  Les  vv.  6-7  cor- 
respondent a  I,  1-3,  et  12-13  a  i,  8.  Ainsi  le  style  de  I'epilogue  est  le  memeque  celui  du 
prologue;  quelles  que  soient  les  sources,  il  y  a  eu  pour  I'ouvrage  un  cadre  unique,  et 
une  parfaite  unite  de  redaction. 

Qui  est-ce  qui  parle?  Le  dernier  interlocuteur  du  Prophete,  c'etait  I'Ange  qui  lui 
montrait  Jerusalem  (xxi,  9).  C'est  encore  lui  ici,  d'autant  plus  vraisemblablement  que 
les  paroles  «  ούτοι  οί  λόγοι  χτλ  »  sont  presque  les  memes  que  celles  de  xix,  10,  pronon- 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  329 


I.  TRIPLE  ATTESTATION  QUI  AUTHENTIQUE  LOUVRAGE  (xxii,  6-9). 

C.  XXII.  6.  Και  είπεν  μοΓ  Ούτοι  οι  λόγοι  πιστοί  και  αληθινοί,  και  ό  κύριος  ό 
θεός  *τών  πνευμάτων  των  προφητών  άπέστειλεν  *τον  ά'γγελον  αΰτοϋ  δεϊξαι  τοις  δούλοις 
α•!)του  α  δει  γενέσθαι  εν  τάχει. 

7.  Και  'ιδού  έρχομαι  ταχύ.  Μακάριος  ό  *τηρών  τους  λόγους  της  προφητείας  του 
βιβλίου  τούτου. 

8.  Κάγώ  'Ιωάννης  ό  άκούων  και  βλε'πων  ταΰτα.  Κα:  ότε  ήκουσα  και  εβλεψα,  *επεσα 
προσκυνησαι  έμπροσθεν  των  ποδών  του  αγγέλου  του  δεικνύοντος  μοι  ταΰτα.  9.  Και 
*λέγει  μοι"  *  Ορα  μη*  σΰνδουλός  σου  ε'ιμι  και  των  αδελφών  σου  των  προφητών  και  τών 
*τηροΰντων  τους  λόγους  του  βιβλίου  τούτου*  *τώ  θεώ  προσκΰνησον. 

C.  XXII.  6.  Et  il  me  dit  :  «  Ces  paroles  sont  fideles  et  veritables,  et  le 
Seigneur,  le  Dieu  des  esprits  des  proph^tes,  a  envoye  son  Ange  pour  mon- 
trer  a  ses  serviteurs  ce  qu'il  taut  qu'il  arrive  avec  promptitude.  » 

7.  «  Et  voici  que  je  viens  promptement.  Heureux  celui  qui  observe  les 
paroles  de  la  prophetie  de  celivrel  » 

8.  Et  [c'est]  moi,  Jean,  qui  entendais  et  regardais  ces  choses!  Et  quand 
j'eus  entendu  et  regarde,  je  tombai  pour  me  prosterner  devant  les  pieds  de 
I'Ange  qui  me  montrait  ces  choses.  9.  Et  il  me  dit  :  «  Non,  prends  garde... 
Je  suis  [ton]  compagnon  de  service,  k  toi  et  a  tes  freres  les  prophetes,  et  ά 
ceux  qui  observent  les  paroles  de  ce  livre;  prosterne-toi  devant  Dieu!  » 

cees  par  I'Ange  qui  fit  voir  Babylone.  Elles  correspondent  plus  litteralement  a  celles 
de  Dieu,  xxi,  5,  mais  les  contextes  sont  moins  analogues. 

Get  Ange  parle  de  lui-meme  conime  envoye  par  «  le  Seigneur  des  esprits  des  pro- 
plicies  » ;  cette  expression  doit  s'interpreter  par  saint  Paul  [supra)  et  non  par  les  Para- 
boles  d'Henoch  {Hen.  eth.  wxvii,  2,  al  :  «  Seigneur  des  esprits  »,  c'est-a-dire  des 
Anges).  Ce  ne  sont  pas  les  «  esprits  de  Dieu  »  de  i,  4;  v,  6,  mais  les  dons  prophe- 
tiques  dont  la  source  est  en  Dieu.  Nous  avons  vu  dans  I'Exc.  xiii  comment  interpreter 
«  έν  τά•/όΐ  ». 

— —  Α.  Β.  7.  'έρχονται  (Ν<^),  έρχεται  (α  1578-12-181)  pour  'sp/0[JLat,  avec  a  osT  κτλ.  pour 
sujet,  est  une  correction  erronee,  pour  mettre  plus  de  liaison.  —  τηρο;ν,  johannique 
(Int.,  c.  xiii,  ii,  §  I),  —  ερ7.°!^•«^  '^'^Ί?•>  cfr.  i,  12,  20;  in,  11.  —  Μακάριος  κτλ.,  sixleme  beati- 
tude de  I'Apocalypse;  cfr.  xxii,  14,  dans  rec.  Κ  [ad  ioc). 

C  7.  Seul  le  contenu  du  verset  montre  qu'il  y  a  changement  d'interlocuteur,  mais 
c'estbien  le  Christ  lui-meme  qui  prend  la  parole,  pour  confirmer  les  dires  de  son  pro- 
phete,  et  recommander  I'attention  a  ses  predictions  et  I'observation  de  ses  preceptes. 
Peut-etre  aussi  «  ΊοοΙ»  Ιρ/ομαι  τα/ύ  β  serait-il  un  rappel,  fait  par  le  Prophete  lui-meme, 
ou  par  I'Ange,  avec  une  emotion  grave,  des  paroles  prononcees  plusieurs  fois  par  le 
Seigneur  au  cours  de  la  Revelation. 

mmm^m^  A.  8.  άχούων  et  βλέπων  sont  intervertis  A,  rec.  K.,  W-H,  Nestle,  etc.  —  Les 
mots  χάγω  κτλ.  etaient  rattaches,  au  temps  de  Denys  d'Alexandrie,  a  la  phrase  prece- 
dente,  ce  qui  parait  une  mauvaise  coupure  (Int.  c.  xiii,  §  I).  —  Ιπεσα  (Int.  c.  x,  §  II), 
corrige  en  'έπεσον  And.,  rec.  K. 


330  APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN. 

B.  C.  8.  Les  versets  8  et  9  sont  une  repetition  de  xix,  10;  voir  leur  explication,  ad 
loc.  Le  parallelisme  entre  I'Ange  qui  a  montre  Babylone  et  celui  qui  montre  Jerusalem 
se  poursuit  ainsi  jusqu'au  bout.  —  Andre  rapproche  raffirmation  χάγώ  'Ιωάννης,  κτλ.  de 
la  declaration  du  IV*  Evangile,  xix,  35.  Ces  paroles  de  Jean,  rapprochees  de  xxii,  18- 
19  [ad  loc.)  devraient  inspirer  quelque  reserve  dans  la  recherche  des  <f  sources  ».  EUes 
montrent  quel  enthousiasme,  mele  d'une  sorte  de  confusion,  eprouvait  le  Prophete,  a 
I'idee  d'avoir  ete  favorise  d'une  revelation  pareille. 

'  A.  B.  C.  9.  λέγει,  au  present  cette  fois.  —  δρα  |χτ5,  mSme  locution  eliiptique  que 
XIX,  10  (v.  ad  loc).  —  τηρούντων,  johannique.  —  προσκ.  avec  le  datif  {\.  comment,  de  xiii, 
3).  —  La  seule  difference  avec  xix,  10,  c'est  que  τηρούντων  τους  λόγ.  τοΰ  βι6.  τ.  remplace 
έ/ο'ντων  την  [χαρτυρίαν  Ίησου.  Les  deux  expressions  s'equivalent  en  fait,  les  paroles  de  la 
Revelation  etant  le  temoignage  meme  de  Jesus  (v.  xix,  10-fin). 


II.  PAROLES  DU  CHRIST  (xxii,  10-16),  —  REPONSE  DE  L'ESPRIT  ET 
DE  L'EGLISE  (xxii,  17). 

G.  XXII.  10.  ΚαΙ  λέγει  μ,οι'  Μή  σφραγίσγ]ς  τους  λόγους  της  7:ρ3(ρητείας  του  βιβλίου 
τούτου"  ο  καιρός  γαρ  εγγύς  έστιν.  11.  Ό  άδικων  άδικησάτω  έ'τι,  και  ό  ρυπαρος  ρυπαν- 
θήτω  έ'τι,  και  ο  δίκαιος  δικαιοσύνην  χοιησάτω  Ξτι,  και  ό  άγιος  άγιασθήτω  ετι.  12.  'Ιδού 
έρχομαι  ταχύ,  και  δ  μισθός  μου  μετ'  έμοί,  άποδοΰναι  έκάστω  *ώς  το  έργον  *έ(Γτιν 
αυτοΰ.  13.  Εγω  το  άλφα  και  το  ώ,  ό  7:ρώτος  και  ό  έσχατος,  ή  αρχή  και  το  τέ)«.ος. 
14.  Μακάριοι  *οί  •τζλύνοντες  τάς  στολας  αυτών,  ινα  *εσται  ή  εξουσία  αυτών  ϊτλ  τ5  ξύλον 
της  ζωί5ς,  κα•  τοις  ττυλώσιν  είσέλθωσιν  εις  την  πόλιν.  15.  "Εξω  οί  κύνες  και  οί  φαρμα- 
κοΊ  και  οί  χόρνοι  καΐ  οι  φονεΐς  και  οί  είδωλολάτραι  και  πας  φιλών  *καί  ποιών  ψευδός. 
16.  Εγω  Ιησούς  εχεμψα  τον  άγγελόν  μου  μαρτυρησαι  ύμΐν  ταύτα  *ϊτ:\  ταΐς  έκκλη- 
σίαις.    Εγώ  ε'ιμι  ή  ρίζα  και  το  γένος  Δαυείδ,  ό  αστήρ  ό  λάμπρος  ό  πρωινός. 

17.  Και  το  πνεύμα  και  ή  νύμφη  λέγουσιν'  Έρχου.  Και  ο  οιψών  έρχέσθω,  ό  θελων 
λαβέτω  ί>δωρ  ζωής  δωρεάν. 


Β.  10.  τοΰ  βιβ.  τ.,  cfr.  ι,  1,  19,  etc.  —  μη  σφραγ.  κτλ.  s'oppose  a  Dan.  νπι,  26;  χιι,  4-9; 
cfr.  Apoc.  χ,  4,  et  Is.  viii,  16. 

C.  10.  Nous  croyons  que,  de  10  a  16,  c'est  Jesus  qui  parle  (et  non  pas  I'Ange  jus- 
qu'a  12,  centre  Calmes),  a  cause  de  la  gravite  divine  de  I'ordre  et  des  declarations 
suivantes.  Si  le  sujet  de  λέγει  n'est  pas  exprime,  c'est  sans  doute  un  autre  signe  de 
redaction  precipitee.  Le  contraste  avec  Daniel  et  Isaie,  sans  parler  des  Apocryphes, 
montre  que  le  contenu  du  livre  interesse  la  generation  presente  (Calmes,  Bousset, 
Si^'ete,  etc.),  et,  de  plus,  que  ces  visions  qui  noussemblent  parfois  si  obscures  devaient 
^tre  assez  facilement  intelligibles  aux  premiers  lecteurs :  elles  etaient  destinees  a  tous, 
non  a  un  petit  groupe  d'inities.  C'est  qu'en  effet  elles  commengaient  a  s'accomplir 
(ό  καιρός  έγγύςΐ,  il  etait  urgent  d'en  tirer  profit ;  cela  s'applique  particulierement  aux 
quelques  propheties  contenues  dans  les  Lettres,  et  au  debut  ou  aux  prodromes  de  la 
persecution  des  B^tes  au  ch.  xiii.  D'ailleurs,  c'est  un  encouragement  pour  tous  les 
fideles  futurs  a  lire  I'Apocalypse  et  a  la  sender. 

■  Δ.  B.  G.  11.  Ce  versetoffre  dans  la  rec.  Κ  ou  Andre  quelques  variantes  de 

forme  et  amplifications,  que  nous  pouvons  negliger  comrae  sans  portee.  Andre  a  bien 
exphque  le  sens  :  ώς  Sv  είποί'  "Εκαστος  το  αρεσκον  αϋτω  ποιησάτω"  ού  βιάζω  την  προαίρεσιν. 
Jesus,  par  son  Prophete,  a  averti  tous  les   hommes;  a  chacun  d'en  profiter.  Quel  que 


APOCALYPSE  DE  SAINT  JEAN.  331 

C.  XXII.  10,  Et  il  me  dit  ;  «  Ne  scelle  pas  les  paroles  de  la  prophetie 
de  ce  livre;  car  le  moment  est  proche!  11.  Que  rinjuste  fasse  encore  I'injus- 
tice,  et  que  I'immonde  se  fasse  encore  [plus]  immonde,  et  que  le  juste  fasse 
encore  la  justice,  et  que  le  saint  se  sanctifie  encore.  12.  Voici  que  je  viens 
promptement,  et  ma  recompense  [est]  avec  moi,  pour  rendre  έ,  chacun 
selon  ce  qu'est  son  oeuvre.  13.  Moi  [je  suis]  I'Alpha  et  TOmega,  le  premier 
et  le  dernier,  le  principe  et  la  fin.  14,  Heureux  ceux  qui  lavent  leurs  vete- 
ments,  afin  qu'il  y  ait  pour  eux  droit  a  I'arbre  de  vie,  et  que  par  les  portes 
ils  entrent  dans  la  ville.  15.  Dehors  les  chiens,  et  les  empoisonneurs  et 
les  fornicateurs  et  les  meurtriers  ^t  les  idolatres,  et  quiconque  aime  et  fait 
lemensonge!  16.  Moi,  Josus,  j'ai  envoye  mon  Ange  vous  t^moignerceschoses 
au  sujet  des  Eglises,  Moi  je  suis  la  racine  et  la  race  de  David,  Fetoile  ecla- 
tante  du  matin,  » 

17.  Et  I'esprit  et  la  fiancee  disent  :  «  Viens!  »  Et  que  celui  qui  a  soif 
vienne,  que  celui  qui  veut  prenne  de  I'eau  de  la  vie,  gratuitement  I 


soit  raccueil  que  Ton  fera  au  livre,  Jean  doit  le  publier.  «  Quelle  pleine  assurance  de 
la  victoire,  dit  Bousset,  eclate  en  ces  mots!  »  Cfr.  Dan.  xii,  10,  et  Ezech.,  ii,  27  :  δ  άκούων 
άκουέτω,  και  ό  άπείθων  άπίΐθέτω.  Ce  n'est  pas  Tindifference  ou  rhostilite  des  hommes  qui 
changera  rien  au  plan  providentiel.  L'epithete  ρυπαρός,  «  sale,  sordide  »,  s'applique  sur- 
tout  a  rimmoralite  et  a  la  cupidite  paiennes. 

^—  A.  B.  12.  Ίδοίι  έ'ρχο[ΐαι  ταχύ,  cfr.  I,  7,  etc.  —  Ισται  pour  £3itv  [rec.  K],  —  κατά 
τα  'έργα  remplace  ώς  το  έ'ργον  κτλ  dans  quelques  And.  et  chez  les  Latins,  On  a  voulu  voir 
une  citation  iraplicite  dans  I  Clem,  xxxiv,  3  :  ίδοΙ>  δ  κύριος•  καΐ  ό  μίσθος  αύτοΰ  προ  προσώπου 
αύτοΰ,  άποδοΰναι  έχάστω  κατά  τό  έργον  αύτοΰ;  mais  cette  formule  pBUt  dependre  d'/s„  XL,  10; 
Lxii,  11;  Ps.  Lxi,  13.  Voir  Int.  c.  xiii,  §  I. 

C,  12.  La  retribution  qu'annonce  le  Christ  s'operera  et  sur  terra,  et  immediatement 
apres  ia  mort,  et  au  jugement  general;  tous  ces  sens  sont  compris  dans  I'avertisse- 
ment,  comme  I'annonce  de  la  venue  prochaine  du  Juge  embrasse  aussi  toutes  les 
manifestations  de  la  puissance  du  Christ,  sans  etre  bornee  a  la  Parousie  (Exc,  xiii  et 
InT,  C.  IX,  ii-ni). 

— —  A.  B.  13.  ή  αρχή  xaWb  τέλος,  omis  5  500-88-205.  —  Cfr.  i,  8,    17;  ii,  8;  xxi,  6. 

C.  13,  Le  Christ,  —  comme  i,  17;  ii,  8,  —  s'applique  ici  a  lui-meme  les  predicats 
divins.  La  formule  ό  ών  καΐ  ό  ην  καΐ  δ  έρχο[χενος  est  peut-etre  la  seule  qui  ne  soit  pas 
appliquee  au  Fils,  parce  qu'elle  signifie  la  source  meme  de  la  vie  divine  [Swete). 

•  A.  B.  14.  Parallele  a  xxi,  7;  pour  les  «  portes  »,  cfr.  xxi,  12,  13,  27,  —  Au 

lieu  de  πλύνοντες  κτλ,  (cfr.  vii,  14,  —  La  vulf^.  ajoute  «  in  sanguine  agni  »,  cfr.  i,  5),  on 
lit  dans  And.,  Q,  all5-130-1854,  al.,  bo/t.,  syr.,  TerL,  Cypr.,  Prim.,  Arethas,  ποωυντες 
(τηροίντες,  arm.)  τας  έντολας  αύτοδ  (l[io3),  expression  johannique  (Int.c.  xni).  II  est  assez 
difficile  de  choisir;  Soden  admet  ποιουντες,  —  'ίνα  avec  le  futur  indicatif,  comme  vi, 
4,  11;  !x,  5,  20;  xni,  12;  xiv,  13  (Lvr,  c.  x,  §  II). 

C.  14.  Les  versets  13-16  sont  parfaitement  paralleles  a  xxi,  6-8,  avec  cette  difference 
que  c'estici  le  Christ  qui  parle.  Ils  se  relient  etroitement  a  la  premiere,  comme  a  la 
troisieme  partie  de  I'ouvrage.  C'est  ici  la  septicme  et  derniore  beatitude. 

— —  A.  B.  15.  /.xi  ποκον  omis  δ  1576-150-2057.  —  Cfr.  xxi,  8,  —  κύνες,  cfr.  P/iil. 
in,  2. 

C.  15.  Ce  verset  est  plutot  une  apostrophe  qu'une  affirmation;  car  la  perspective 
de  Jean  n'est  pas  celle  de  I'eternite,  apres  le  Jugement  general  (cfr.  Su'ete),  mais  il 


332  APOCALYPSE    DE    SAINT    JEAN. 

s'adresse,  avec  autant  de  vigueur  qu'autrefois  saint  Paul,  aux  «  chiens  »  de  son  temps 
et  de  I'avenir,  c'est-a-dire  aux  paiens,  que  vise  presque  toute  I'enumeration  des  vices, 
et  aussi,  comme  le  note  Andre,  aux  baptises  qui,  comme  des  chiens,  retourneraient 
a  leur  vomissement  (II  Pet.  ii,  22). 

Citons  ici  le  beau  developpement  de  Bossuet  : «  Tout  attire  dans  cette  cite  bienheu- 
reuse,  tout  y  est  riche  et  eclatant;  mais  aussi  tout  y  inspire  de  la  frayeur,  car  on  nous 
y  marque  encore  plus  de  purete  que  de  richesse.  On  ne  sait  comment  on  osera  mar- 
cher dans  ces  places  dun  or  si  pur,  transparent  comme  du  cristal;  entrer  dans  ce  lieu 
ού  tout  brille  de  pierres  precieuses,  et  seulement  aborder  de  ces  portes  dont  chacune 
est  une  perle ;  on  tremble  a  cet  aspect,  et  on  ne  voit  que  trop  que  tout  ce  qui  est  souille 
n'en  pent  approcher.  Mais  d'autre  cote  on  voit  decouler  une  fontaine  qui  nous  purifie  : 
c'est  la  grace  et  la  penitence,  xxii,  1;  on  a  le  sang  de  Jesus-Christ,  dont  saint  Jean 
venait  de  dire  :  Heureux  celui  qui  lave  son  vetement  au  saag  de  I'Agneau,  afin 
qu'il  ait  droit  a  I'arbre  de  vie,  et  qu'il  entre  dans  la  ville  par  les  portes !  » 

Remarquons  que  Γ  «  arbre  de  vie  »  et  I'entree  dans  la  Cite  resument  toutes  les  pro- 
messes  spirituelles  pour  le  temps  et  pour  I'eternite. 

— —  A.  B.  16.  έπί  omis  K,  Q,  nombreux  And.,  ou  remplacc  par  έν  dans  A,  al., 
g,  vulg.:  il  signifie  «  au  sujet  de  »,  comme  x,  11.  —  τον  άγγ.  μςυ,  fr.  ι,  ι  (v.  ad  loc).  — 
ρίζα,  cfr.  V,  5.  —  «  Etoile  du  matin  »,  cfr.  ii,  28  (v.  ad  loc), 

C.  16.  L'Ange  ne  pent  etre  Jean  lui-meme,  contre  B.  Weiss.  Le  Christ  est  le  maitre 
des  Anges,  parce  qu'il  est  Dieu.  II  est  la  «  racine  de  David  »,  «  the  beginning  (as  the 
end)  of  the  whole  economy  associated  with  the  Davidic  family  »  I'Swete).  II  est  I'astre 
radieux  du  matin,  dont  I'eclat  tempere,  dans  la  vie  presente,  rassure  les  fideles  sur 
I'incertitude  du  present  et  de  I'avenir,  et  les  prepare  a  contempler  dans  son  plein  le 
Soleil  de  Justice. 

— — —  A.  B.  17.  το  πνεΰ[ΐ.α  καί  est  omis  Ν;  ce  manuscrit  est  coutumier  du  fait.  — 
πνεύμα  cfr.  xiv,  13,  et  les  Lettres.  —  νύμφη,  cfr.  xxi,  2,  9  {ad  loc.)  —  ό  θελ.  λαβ.  Ο'δωρ  ζωής 
δωρεάν,  cfr.  χχι,  6  (ν.  ad  loc.) ;  «  eau  de  la  \ie  »  Apoc.  passim  et ,  oh.  iv,  6.  —  Compa- 
rer des  exclamations  semblables,  xiii,  9;  xiv,  12-13. 

C.  17.  C'est  la  reponse  des  fideles  aux  paroles  si  douces  du  Christ  qui  brille  en 
leurs  coeurs  comme  I'etoile  du  matin.  Tout  commentaire,  nous  le  sentons,  ne  saurait 
qu'obscurcir  la  beaute  de  cet  appel,  de  ces  paroles  d'extase,  qui  remuent  jusqu'au 
fond  du  coftur.  C'est  Γ  «  Adveniat  regnum  tuum  »  du  Notre  Pere  yAnd.);  I'Esprit-Saint, 
qui  habite  I'Eglise  et  non  seulement  Tintelligence  des  prophetes,  mais  I'ame  de  tous 
les  vrais  fideles,  ou  «  il  intercede  par  des  gemissements  inenarrables  »  {Rom.  viii), 
fait  jaillir  cet  appel  de  leurs  levres.  iLa  «  Fiancee  »  qui  supplie,  ce  ne  pent  etre  que 
I'Eglise  qui  soufTre  encore  sur  la  terre;  par  la  designation  caracteristique  de  νύμφη,  elle 
est  identifiee  sans  ambiguite  a  la  Jerusalem  nouvelle,  preuve  que  cette  Jerusalem  et 
I'Eglise  en  tous  ses  etats  ne  font  qu'un  (supra,  int.  a  xxi,  9-xxii,  5  et  Int.,  c.  viii). 
Quoique  ayant  sa  part  des  ileaux,  en  tant  qu'elle  est  encore  plongee  dans  les  vicissitudes 
du  monde,  elle  appelle  cependant  de  tous  ses  voeux  I'Avenement  de  son  Bien-Aime, 
de  son  Fiance  et  Epoux,  si  douloureux  que  soient  les  moyens  par  lesquels  seront  apla- 
nies  les  voies  pour  cette  venue  triomphale;  elle  implore  aussi  sa  descente  invisible  et 
continuelle  dans  les  ames.  Et  si  I'Eglise  —  ou  le  Prophete  —  promet  d'ores  et  deja, 
a  tous  ceux  qui  ont  soif  de  Dieu,  les  eaux  de  la  vie  que  Ton  a  A'ues  couler  dans  la 
Jerusalem  celeste,  c'est  done,  encore  une  fois,  que  cette  cite  celeste  touche  deja  a  la 
terre;  deja  nous  y  vivons;  elle  ne  sera  pas  batie  de  toutes  pieces  apres  le  Jugement 
general,  pas  plus  qu'elle  n'est  une  habitation  tenue  en  reserve  jusque-la  dans  quelque 
lieu  inaccessible  de  I'univers. 


III.  REGOMMANDATIONS  DE  JEAN  AU  SUJET  DE  SON  LIVRE 

(xxii,  18-19). 

C.  XXII.  18.  Μαρτυρώ  εγώ  *χαν':ί  τω  άκουοντι  τους  λόγους  της  ττροφητείας  του 
βιβλίου  τούτου'  Έάν  τις  έζιθίί  έ::'  αυτά,  έ-ιθήσει  ο  θεός  ε::'  αΰτον  τάς  ττληγας  τάς 
γεγραμμένας  εν  τω  βιβλίω  τούτω'  19  και  εάν  τις  άφελγ;  άττο  των  λόγων  του  βιβλίου 
τί;ς  προφητείας  ταύτης,  άφελεϊ  δ  θεός  το  [J.ipoq  αΰτου  ά-ο  του  ξύλου  της  ζωής  και  εκ 
της  πόλεως  τΐ5ς  αγίας,  των  γεγραμμένων  έν  τω  βιβλίω  τούτω. 

C.  XXII.  18.  J'atteste,  moi,  k  quiconque  entend  les  paroles  de  la  pro- 
phetie  de  ce  livre  :  Si  quelqu'un  y  ajoute,  Dieu  ajoutera  sur  lui  les  plaies 
qui  ont  ete  decrites  dans  ce  livre;  19  et  si  quelqu'un  retranche  aux  paroles 
du  livre  de  cette  prophetie,  Dieu  [lui]  retranchera  sa  part  de  I'arbre  de  la 
vie  et  de  la  ville  sainte,  qui  ont  ete  decrits  dans  ce  livre. 


A.  B.  18.  -a;  ό  et  le  participe,  locution  affectionnee  de  la  I^  Jo/i.  (Int.,  c.  xtii,  ι  §  I).  — 
La  Lettre  d  Aristvv,  311,  raconte  qu'une  malediction  pareille  fut  portee  par  les  traduc- 
teurs  des  Septante,  apres  I'achevement  de  leur  version;  cfr.  Dent,  iv,  2;  xii,  32. 

C.  18-19.  Celui  qui  parle  avec  cetle  autorite  pourrait  etre  le  Christ  lui-meme;  mais 
c'est  plutot  .Jean,  usant  de  tout  son  pouvoir  de  prophete  et  d'apotre.  Bousset  appelle  ces 
versets  «  la  formule  de  canonisation  »  et  ajoute  :  «  Quelle  etrange  surete  de  cons- 
cience prophetique  trouve  ici  son  expression!  »  Reflexion  juste  et  instructive.  Ce  ne 
pent  etre  une  «  addition  redactionnelle  »,  comma  le  pretend  Holtzmann,  avec  ce  faible 
sentiment  des  realites  psycholog-iques  que  les  critiques  montrent  souvent  sous  leur 
minutieuse  profondeur.  Comment  un  simple  redacteur,  a  moins  de  vouloir  tromper 
sou  monde,  eut-il  ose  ajouter  cela?  C'eut  ete  se  condamner  lui-meme.  La  phrase  a 
aussi  son  importance  pour  I'histoire  du  Canon,  et,  ne  pouvant  etre  que  de  Jean  en 
personne,  nous  fait  penser  que  des  croyants  y  auraient  regarde  a  plusleurs  fois  avant 
de  se  risquer  a  alterer  un  texte  garanti  par  de  telles  menaces. 


IV.  DERNIERE  PROMESSE  ET  DERNIER  APPEL.  —  SALUTATION 

(xxii,  20-21). 

C.   XXII.   20.  Λέγει  b  μαρτύρων  ταύτα'  *Ναί,  έρχομαι  ταχύ.   *Άμήν,   ερχου  κύριε 

21.  Ή  *χάρις  του  κυρίου  Ίησου  *μετα  *τάντων.  *Άμήν. 

C.  XXII,  20.  11  dil,  Gelui  qui  temoigne  ces  choses  :  «  Oui,  je  viens  promp- 
tement!  »  —  Amen!  Viens,  Seigneur  Jesus. 

21.  La  grace  du  Seigneur  Jesus  [soit]  avec  tons!  Amen. 

A.  B.  20.  Λ'αί...  άμτ^ν,  cfr.  i,  7.  —  ερχου,  cfr.  xxii,  17.  —  Ναί  est  ajoute  devant  Ιρ/ου 
dans  la  rec.  K,  excepte  α  1070-Q-O46,  et  quelques  aulres  codex.  —  'AfxTj'v  est  omis  N, 
hoh.,  quelques  And.,  g,  syr.  —  Χριστέ  apres  Ίησου,  dans  N"=,  bolt.,  la  plupart  des  And., 
al.,  arm. 

C.  20.  Pour  la  septieme  et  derniere  fois,  I'auteur  emploie  la  formule  ερ-/£ΐθαι  τα/ύ, 
qui  presque  toujours  est  raise  dans  la  bouche  du  Christ.  Ce  dernier  avertissement  met 
le  sceau  a  tous  les  autres.  Ναί,  dit  Swete,  est  I'assentiment  du  Seigneur  a  I'appei,  et  άΐΑτ^ν 
exprime  la  foi  parfaite  du  Voyant  et  de  ceux  qu'il  represente  (cfr.  supra  17),  leur  joie 
a  cette  promesse  de  I'arrivee  du  Seigneur.  Jean  concentre  toute  sa  ferveur  dans  cette 
derniere  imploration;  ses  ^'^sions  Font  eleve  au  plus  serein  enthousiasme.  Cast  une 
pure  imagination  de  se  figurer,  avec  Ca/mes,  qu'on  trouve  ici  combinees  rannonce  d'une 
visite  de  Jean,  comme  image  de  la  Parousie,  et  celle  de  la  Parousie  elle-meme.  Ge 
commentateur  rappelle  ii,  5,  16;  in,  16,  qu'il  a  interpretes  de  la  meme  maniere;  mais 
c'est  rabaisser  I'idee,  bien  arbitrairement.  Mieux  vaut  avec  Bousset  se  rappeler  la  for- 
mule liturgique  «  Marana  tha  »  (ainsi  ecrite)  de  I  Cor.  xvi,  22.  «  Dieu  fasse  la  grace, 
dit  Bossuet,  a  ceux  qui  liront  cette  prophetic  de  repeter  en  silence  les  derniers  versets, 
et  de  gouter  en  leurs  cceurs  le  plaisir  d'etre  appeles  de  Jesus,  et  de  lappeler  en 
secret!  » 

-..-.  Δ.  21.  Χρίστου,  apres  'Iriaoti,  est  frequent,  mais  ne  se  trouve  pas  N,  A,  G-o^-04, 
α  1588-154-2061 ;  ημών  ajoute  apres  κυρίου,  dans  quelques  And.,  g,  vulg.  —  La  fin  de 
ce  verset  a  des  lectures  tres  diverses  : 

Prim.  I'omet  tout  entier;  il  finit  par  αετα  πάντων  dans  A  eiVAmiatinus,  cest  la  leQon 
la  plus  courte,  que  nous  avons  suivie.  Mais  d'autres  sent  egalement  possibles  :  μετχ 
των  αγίων.  Άατ^ν  dans  Ν,  g  (celui-ci  sans  Amen),  Swete;  μετά  πάντων  ύμων,  dans  δ  600-57- 
296,  al,  '^idg.  :  «  Domini  nostri  Jesu  Christi  cum  omnibus  vobis.  Amen  »  :  του  κυρ.  ημών 
Ί.  Χ.  αετα  πάντων  των  αγίων.  Άμην  dans  Andre,  ainsi  que  Q,  α115-130-1854,  et  plus  de 
quarante  minuscules,  Arcthas,  syr.,  arm.,  Soden,  Bousset.  'A;j.r;v  n'est  guere  omis  que 
dans  A,  Arethas,  et  le  Fiddensis;  aussi  I'avons-nous  maintenu. 

B.  21.  Les  saints — si  ce  mot  est  authentique —  designent  les  membres  des  eglises, 
comme  dans  Paul;  cfr.  viii,  3-suiv.;  xi,  18;  xiii,  7,  10;  xiv,  12;  xvi,  6;  xvii,  6:  xviii,  20. 
24;  XIX,  8;  xx,  9.  —  7.άρι?  n'apparait  dans  I'.lpoc.  qu'ici  et  i,  4,  dans  la  salutation  ini- 
tiale  (Int.,  c.  x,  §  I|. 

C.  21.  L'Apocalypse,  etant  une  lettre,  devait  finir  par  une  salutation  epistolaire,  que 
sa  forme  rapproche  de  celles  de  saint  Paul.  Jean  y  manifeste  sa  charite  non  seu- 
lement  a  I'egard  des  fideles  d'Asie,  mais  de  tous  les  chretiens  (μ.  πάντων  των  άγ.),  ou 
meme  de  tous  ceux  qui  liront  sa  prophetic  (μ.  πάντων),  et  il  souhaite  que  la  grace  les 
eclaire,  ou  les  soutienne  une  fois  eclaires,  et  les  mene  au  salut  si  suavement  et  magni- 
fiquement  decrit. 

FIN. 


TABLE  DES  MATIERES 


INTRODUCTION 

Pages, 

Ch.  I".  —  Le  milieu  religieux  et  le  but  de  I'Apocalypse i-v 

Ch    II    —  Les  caracteristiques  personnelles  de  I'auteur  de  I'Apocalypse,  et  sa  theo- 

logie vi-xii 

Ch.  hi.  —  Les  destinataires  de  I'Apocalypse xiii-xvii 

Ch.  IV.  —  La  forme  apocalyptique  du  message  johannique xviii-xxvi 

Ch.    v.  —  Les  materiaux  symboliquesde  I'Apocalypse  de  Jean  et  leurorigine.  .    xxvii-lviii 

I.  Les  Apocalypses   apocryphes , xxvii-xlvi 

Genoralites xxvii-xxix 

g  I.  _  Principes  genoraux  d'interpretation  des  symboles  apoca- 

lyptiques xxix-xxxi 

g  II.  —  Origine  des  symboles  apocalyptiques xxxi-xxxvi 

g  III.  —  Essai  de  syntiiese  de  la  «  Tradition  apocalyptique  »  .  xxxvi-xlvi 
1.  Le  monde  celeste,  xxxvi-xxxviii;  2.  Le  monde  infernal, 
xxxviii-xxxix;  3.  La  terre  et  les  evenements  terrestres  : 
pasteurs,  periodes,  animaux  et  monstres,  xxxix-xlti; 
4.  L'Eschatologie  :  signes  precurseurs,  Messie,  Antechrist, 
Elie  et  son  compagnon,  Millenaire,  Gog  et  Magog,  roles 
divers  du  Messie,  Jugement,  Rosurrection.  xliii-xlvi.  — 
Caractere  goneral,  xlvi, 

II.  _  Comparaison  des  symboles  de  I'Apocalypse  de  saint  Jean  avec 

la  tradition  apocalyptique  generale,  et  les  deux  Testaments,    xlvi-lviii 
I  I. — Jean  et  I'Apocalyptique  traditionnelle xlvii-lv 

1.  Dieu,  la  cour  celeste  et  les  Anges,  xlvii-l;  2.  Le  Messie,  l; 
3.  Le  monde  des  esprits  raauvais,  l-li;  4.  Le  monde 
terrestre,  I'histoire  future,  et  les  signes  de  la  fin  :  absence 
de  poriodes,  propheties  sur  Rome,  usage  des  nombres, 
floaux,  Li-Liii ;  5.  L'Eschatologie  :  Regne  intermediaire,  la 
Bete-Ant6christ,  Gog  et  Magog,  Jugements,  Jorusalem 
nouvelle,  liii-lv. 

g  II.  —  Les  symboles  johanniques  et  I'Ancien  Testament lv-lvi 

I  III.  —  Les  symboles  johanniques  et  le  Nouveau  Testament  ....     lvi 
g  IV.  —  Symboles  propres  a  Jean;  son  hellonisme lvii-lviii 

Ch.  VI.  —  Les  rapporls  mutuels  des  symboles  dans  I'Apocalypse  Johannique.  .     lix-lxvii 

Ch.  VII.  —  Les  precedes  de  composition  littoraire  de  I'Apocalypse lxviii-lxxxiii 

Ch.  VIII.  —  Lecontenuet  le  Plan  de  I'Apocalypse.  —  Son  caractere  synthotique.    lxxxiv-xgvi 

Ch.  IX.  —  L'Apocalypse  et  les  autres  livres  du  Nouveau  Testament  compares  au 

point  de  vue  de  I'eschatologie xcvil-cxxvili 


336  TABLE    DES    MATIKRES. 

I.  G^neralites  doctrinales;  la  question  du  syncretisme xcvii-xcviir 

II.  L'EschatoIogie  de  I'Apocalypse,  et  celle  des  autres  ecrits  neotesta- 

raentaires,  dans  sa  conception  gonerale xcviii-civ 

III.  La  duroe  des  temps  messianiques,  dans  I'Apocalypse  et  les  autres 

ecrits  du  Nouveau  Testament;  date  de  la  Parousie civ-cxxiii 

IV.  Les  Propheties  sp6ciales  de  I'Apocalypse cxxiv-cxxvill 

Gh.  X.  —  La  langue  de  I'Apocalypse cxxix-cliv 

Generalites cxxix-cxxx 

I.  Vocabulaire cxxx-cxxxv 

II.  Gramraaire cxxxv-cl 

III.  Style cl-cliv 

Ch.  XI.  —  Unite  de  I'Apocalypse clv-clxiii 

Gh.  XII.  —  Authenticite  des  visions  de  Γ  Apocalypse.  Question  des  sources.   .   .     clxiv-clxx 

Gh.  XIII.  —  L'identification   du  «  Jean  y  de  I'Apocalypse.  —  Date  de  la  compo- 
sition    CLXXI-CCXV 

I.  Tomoignages  traditionnels clxxii-glxxx 

II.  La  these.de  I'unite  d'auteur  des  ecrits  johanniques    devant  la  cri- 

tique interne clxxxi-cciii 

§  I.  —  Gomparaison  au  point  de  vue  de  la  langue.   .   .     clxxxii-clxxxix 

§  II.  —  Gomparaison  au  point  de  vue  de  la  doctrine cxc-cxcii 

§  III.  —  Gomparaison  de  I'esprit  de  I'Apocalypse  avec  celui  du 

IV»  Evangile cxcii-cxcviii 

g  IV.  —  Gomparaison  au  point  de  vue  du  style  et  des  precedes 

de  composition cxcviii-cci 

§  V.  —  Quelques  autres  traits  personnels  communs  respecti- 

vement    a  I'auteur  de  I'Apocalypse   et  a    celui   de 

I'Evangile cci-cciil 

Conclusion  ."  L'auteur  de  I'Apocalypse  est  I'aputre  Jean ccii 

Dale  de  composition  de  I'Apocalypse cciii-ccxiii 

L'Apocalypse  et  le  Ganon ccxiii-ccxv 

Gh.  XIV.  —  Les  Gommentateurs  de  I'Apocalypse ccxvi-ccl 

Generalites;  les  diverses  tendances  et  Jeur  explication ccxvi-ccxviii 

I.  Les  premiers  auteurs  qui  se  sont  occupos  de  I'Apocalypse.   .   .     ccxviii-ccxx 

II.  Premiers    coramentateurs    proprement    dits,   de  Victorin   a    saint 

Augustin CGxx-ccxxiv 

III.  Du  v°  siecle  aux  grands  scolastiques ccxxiv-ccxxviir 

IV.  Joachim  de  Flore  et  son  ecole ccxxviii-ccxxxi 

V.  Nicolas  de  Lyre  et  son  ecole ccxxxi-ccxxxix 

M.  Roaction  scientifique  au   temps    de   la   Renaissance   et   au    xvii* 

siecle ccxxxiv-ccxxxix 

VII.  Du  xviii=  siecle  a  I'epoque  de  la  «  Gritique  littoraire  » .   .   .     ccxxxix-ccxli 

VIII.  Les  commentateurs  a  partir  du  milieu  du  xix«  siecle.  .   .   .     ccxli-ccxlviii 

IX.  Notre  methode  d'interprotation ccxlviii-ccl 

Gh.  XV.  —  Le  texte  de  I'Apocalypse ccli-cclxiv 

Texte  grec cgli-gclviii 

Versions cglviii-gglx 

Versions  latines gclyiii-cclix 

Versions  syriaques gglx 

Versions  coptes cclx 

Versions  armeniennes  et  autres gglx 

Les  problemes  textuels ;  classification ;  jugement cglxi-cglxiii 

Notre  texte  et  notre  traduction gclxiii-gglxiv 

BibLIOGRAPHIE CCLXV-GCLXVIII 


COMMENTAIRE 

rages 

PROLOGUE  GENERAL  (I,  1-8)  (1) 

Titre,  salutation,  doxologie  (ch.  i,  1-8) 1-8  (9) 

Exc.  1 8-9 

PREMIERE  PARTIE  (I,  9-III) 
Rovelation  aux  Eglises  d'Asie  sur  leur  etat  spirituel 10-51 

I.  Vision   d'introduction   a   la  premiere   partie   [et   au   livre   entier] 

(ch.  I,  9-20) 10-15  (18; 

Exc.  II 15-17 

Exc.  Ill 17-18 

II.  Les  sept  lettres  dictees  par  le  fils  de  l'homme  (ch.  ii-iii) 19-51 

A.  Ephese  (ll,  1-7) 20-23  (25) 

Exc.  IV 23-25 

B.  Smyrne  (ir.  s-ll 25-27 

Exc.  V 26-27 

G.  Pergame  (ii,   12-17) 27-30  (31) 

Exc.  VI 30-31 

D.  Thyatire  (ii.  18-2ii) 32-35  (36) 

Exc.    VII 35-36 

E.  Sardes  (ch.  in,  1-6) 36-38  (39) 

Exc.  viii .38-39 

F.  Philadelphie  (iii,  7-13) 38-42 

Exc.  IX 42 

G.  Laodicee  (τιι,  14-22) 42-45  (46) 

Exc.  X 45-46 

Exc.  XI 46-48 

Exc.  XII 48-50 

Exc.  XIII 50-51 

DEUXIEME  PARTIE  (IV-XXI,  8) 

Prophetie  de  tout  I'avenir  du  monde  et  de  I'Eglise,  a  partir  de  la  glorlflcation 
du  Christ  jusqu'au  dernier  jugement 52-311 

I.  —  Vision  d'jntroduction  generale  a  la  partie  prophetique  (c.  iv-v).   .       52-69 

A.  ch.  IV 53.59 

Exc.  XIV 59.60 

B•  ch.   Υ 60-66 

Exc.  XV 66-67 

Exc.   XVI 67-68 

Exc.   XVll 68-69 

II.  —  Premiere  sectiox  des  propheties  (VI-XI,  18) 70-151 

A.  ch.  vi-viii,  1.  (Vision  d'introduction)  :  les  Sceaux 70-100 

l''-2<'  (VI,  1-8) 71_76 

Exc.    XVIII 76_78 

Exc.  XIX 78.85 

3"  (VI,  9-llj 85-87 

4°  (VI,  12-vil) .....  88-100 

a•  (VI,   12-17) 88-90 

^  (V".   1-^7) gO-iOO 

«•  (vn,   i-s; 90_94 

β'  ^"'  -'-1') 94-100 

5°  (VIII,   1) 100 

B.  (Vision  des  7  Trompettes),  ch.  viii,  2-xi,   18 101-151 

(1)  La  division  est  expliqu^e  Introductiox,  ch.  viii,  pp.  lxxxv-xciii. 

apocalypse  de  saint  jean.  .•>., 


338  TABLE    DU    COMMENTAIRE. 

Pages. 

1°  (vill,  2-6) 101-104 

Exc.    XX 104-106 

2'>-6''(v]ii,  7-xi,  18) 106-151 

2"  (vill,  7-12) 107-109 

3°  (viii,    13) 109 

4•  (IX,  1-12) 110-115 

5°  (IX,  13-xi,  14) 115-U8 

a  (IX,   13-21) 115-119 

«  Intermede  »  (c.  x) 118-125 

b  (XI,  1-14);  les  2  Temoins; 1-25-138  {li8) 

Exc.  XXI 138-139 

Exc.  XXII 139-142 

Exc.  XXIII 142-146 

Exc.  XXIV 146-148 

6°  (XI,  15-18)  :  Jugement  dernier 148-151 

III.  —  DeUXIEME    SECTION    DES    PROPHETIES    (xi,    19-XXI,    8) 152-309 

Prologue  symbolique  (xi,  19) 153-174 

Exc.  XXV 154 

A.  ch.  XII,  1-17  (Vision  d'ouverture  :  la  «  Femme  «  et  le  Dragon).  155-167  (181) 

Exc.  XXVI 167-179 

Exc.  XXVII 179-181 

B.  ch.  XII,  18-xiv,  5  (Vision  de  prosentation  :  les  Betes  et  I'Agneau).  182-215 

1°  XII,  18-XlIl 183-194 

2°  XIV,  1-5 195-197 

Exc.    XXVIII 198 

Exc.  XXIX 198-200 

Exc.  XXX 201-210 

Exc.  XXXI 210-215 

G.  ch.  XIV,  6-20  (Vision  preparatoire  a  la  lutte) 216-226 

1°  XIV,   6-Jl 216-219 

2°  XIV,  12-i3 219-221 

3•  XIV,  14-20 221-226 

D.  ch.  xv-xix  (Ruine  des  enneinis  terrestres  de  Dieu) 227-282 

i"  xv-xvi  (Vision  des  Coupes) 227-243 

a.-b.  (c.  xv-xvi,  1) 228-232 

c.  (c.  XVI,  2-21) 232-242 

Exc.  XXXII 242-243 

2°-3°  xvii-xix 2i3-282 

2"  xvii-xix,  10  (Vision  de  Babylone) 243-277 

a.  XVII 244-253 

Exc.   XXXIII 253-263 

Exc.   XXXIV 263-265 

b,  XVIII,  1-8 '  265-267 

c-d,  XVIII,  9-xix,  10 268-277 

c.  a,   XVIII,  9-20 268-271 

β,  XVIII,    21-2Ί 272-273 

γ,  XIX  ,  1-8 273-276 

d,  XIX,  9-10 276-277 

3°  XIX,  11-21  (Vision  du  Verbe  de  Dieu) 277-282 

E.  ch.  XX.  1-10  (le  Millenium;  ruine  du  Dragonj 283-290  {302] 

Exc.  XXXV 290 

Exc.   XXXVI 290-291 

Exc.  XXXVII 292-302 

F.  ch.  XX,  11-χχτ,  4  (le  Jugement  dernier) 303-307 

Exc.  XXXVIII 307-309 

IV.  —  Epilogue  de  la  partie   prophetique,  xxi,  5-8 310-311 


TABLE    DU    COMMENTAIRE.  339 

Pages. 

TROISIEME  PARTIE  (XXI,  9-XXII,  5) 

Vue   synthelique  de  I'Eglise   dans   le  temps   et  dans  I'Eternite,   Jerusalem 

celeste 312-327 

I.  —  XXI,  9-10 316-317 

II.  —  XXI,  11-23 318-321  (323) 

Exc.  XXXIX 321-323 

III.  —  XXI,  24-xxll,  5 324-327 

EPILOGUE  (XXII,  6-21) 

I.  —  XXII,  6-9 328-330 

II.  —  XXII,    10-17 330-332 

III.  —  XXII,  18-19 333 

IV.  —  XXII,  20-21 334 


EXCURSUS 

Exc.  I•^'.  —  Les  Sept  Esprits 8-9 

Exc.  II.  —  Le  choix  des  sept  eglises 15-17 

Exc.  III.  —  La  signification  des  «  Anges  »  des  Eglises 17-18 

Exc.  IV.  —  Ephese  et  I'egiise  d'Ephese 23-25 

Exc.  V.  —  Smyrne  et  I'egiise  de  Smyrne 26-27 

Exc.  VI.  —  Pergarae  et  I'egiise  de  Pergame 30-31 

Exc.  VII.  —  Thyatire  et  I'egiise  de  Thyatire 35-36 

Exc.  VIII.  —  Sardes  et  I'egiise  de  Sardes 38-39 

Exc.  IX.  —  Philadelphie  et  I'egiise  de  Philadephie 42 

Exc.  X.  —  Laodicoe  et  I'oglise  de  Laodicee 45-46 

Exc.  XI.  —  Les  Nicolaftes 46-48 

Exc.  XII.  —  La  couleur  blanche  dans  I'Apocalypse 48-50 

Exc.  XIII.  —  Ερχομαι   taxy 50-51 

Exc.  XIV.  —  Le  ciel  et  la  cour  celeste 59-60 

Exc•  XV.  —  L'  «  Agneau  «  dans  I'Apocalypse 66-67 

Exc.  XVI.  —  Les  «  livres  »  apocalyptiques 67-68 

Exc.  XVII.  —  La  forme  du  «  livre  scelle  » 68-69 

Exc.  XVIII.  —  Les  chevaux  apocalyptiques 76-78 

Exc.  XIX.  —  Le  Cavalier  au  cheval  blanc 78-85 

Exc.  XX.  —  Le  sens  des  trompettes  apocalyptiques 104-106 

Exc.  XXI.  —  La  pretendue  origine  juive  de  XI,  1-14 138-139 

Exc.  XXII.  —  «  Elie  »  et  «  Henoch  » 139-142 

Exc.  XXIII.  —  Les"  «  42  mois  »,  «  trois  ans  et  demi  »,  «  1.260  jours  » 142-146 

Exc.  XXIV.  —  L'Antechrist  et  Jerusalem 146-148 

Exc.  XXV.  —  La  signification  eschatologique  de  I'Arche  d'Alliance 154 

Exc.  XXVI.  —  Les  pretendues  origines  juives,  ou  astronoraiques,  ou  mythologiques, 

de  la  vision  du  ch.  xii 167-179 

Exc.  XXVII.  —  Le  Troisieme  «  Vae  » 179-181 

Exc.  XXVIII.  —  Rapports  de  xiv,  1-5,  avec  le  Millenium   du  ch.  xx 198 

Exc.  XXIX.  —  L'Antechrist  des  Juifs  et  celui  de  I'Apocalypse. 198-200 

Exc.  XXX.  —  Les  Deux  Botes,  le  culte  imporial  en  Asie,  et  le  caractere  propho- 

tique   du    ch.  xiii 201-210 

Exc.  XXXI.  —  Le  nombre  de  la  Bete 210-215 

Exc.  XXXII.  —  L'ordrc  des  coupes 242-243 

Exc.  XXXIII.  —  Lecalculdes  totes  et  des  cornes.  —  Garactore  prophetique  du  ch.  xvii.    253-263 

Exc.  XXXIV.  —  L'Apocalypse  et  la  legende  de  Neron 263-265 

Exc.  XXXV.  —  Gog  et  Magog 290 

Exc.  XXXVI.  —  Les  paralleles  paiens  a  la  double  dofaite  du  Dragon 290-291 

Exc.  XXXVII.  —  Le  Millenium  juif  et  judeo-cliretien  et  celui  de  I'Apocalypse.    .    .     292-302 

Exc.  XXXVIII.  —  La  Nouvelle  Jerusalem,  fiancee  de  I'Agneau 307-309 

Exc.  XXXIX.  —  Origines  traditionnelles  et  forme  de  la  Jorusalem  coleste 321-323 


INDEX  ANALYTIQUE 


A  et  a,  8,  43,  310,  311,  331. 

(Voir  Christ,  Christologie,  Theologie.) 

Abaddon,  110,  114,  292. 

(V.  Ange  del'Abime,  Apollyon.) 

Abime,  110,  133,  147,  184,  247,  al. 

(V.  Enfer,  Hades,  Mer.  Satan,  Sauterellcs.) 

Agneau,  X,  LVI,  LX,  LXIV,  XGV,  CXCVI, 
62,  66-67,  89,  97,  100,  152,  161,  164,  181,  182, 
183, 186,  187,  190,  195-suiv.,  198,  217,  218,  219, 
225,  243,  248,  252,  273,  299,  307,  313,  323.  — 
Les  sept  yeux  de  I'Agneau,  63;  —  Gantique 
de  ΓΑ.,  196,  229;  —  A.  Redempteur,  X,  64; 

—  Trone  de  ΓΑ.,  63,  322;  —  Noces  de 
I'Agneau,  LXXV,  GUI,  273,  276,  316,  al. 

(V.  Christ,  Cavalier-Messie,  Verhe,  Emma- 
nuel, Etoile  (lu  matin,  Lion  de  Jiida,  Mar 
douk;  Millenium,  Parousie;  Christologie: 
Epouse  de  I'Agneau;  Saint-Esprif;  Betes; 
Sept.) 

Ahriman,  XXXV,  L,  159,  168,  175,  176. 

(V.  Iranisme,  Antechrist,  Dragon.) 

Aigles,  109,  217.  —  Le  grand  Aigle,  XLVII. 
166,  1/4. 

Alcazar  et  son  έοοίβ,  CGXXXVI-CGXXXVIII. 

Allegorie,  XXI-suiv.,  CXGIV,  173,  308,  al. 

(V.  Genre  apocalyptique.) 

Ameshas  Spentas,  XXXVIII,  9,  102,  159. 

(V.  Iranisme,  Archanges.) 

Angelologie,  XI,  XXXIV,  XXXVI-XXXVIII. 
XL,  XLVIII,  55,  57,  58,  60,  al. 

(V.  Anges,  Caractere  de  V Apocalypse,  Apo- 
cryphes.) 

Ange  de  I'Abime,  114,  116. 

(V.  Abaddon,  Satan,  Sauterelles.) 

Anges  divers,  55,  65,  91,  116,  119,  120,  216,  217, 
218,  219,  223,  224,  228,  244,  247,  265,  272, 
276,  328,  passim.  —  Anges  intercesseurs, 
XXXVIII,  XLIX,  64,  102-suiv.,  104,  234,  al. 

—  Anges  de  la  Face,  XXXVII,  8,  56,  102. 

—  Ange  de  la  Paix,  XXXVIII,  XLIX,  103. 

—  Ange  de  I'eau,  224,  234.  —  Ange  du  feu, 
XXXIII,  224.  —  Archanges,  XXXVII, 
XLVIII,  9, 102, 105, 228.  —  Anges  des  Trom- 
pettes,  102-suivants.  —  Anges  des  Goupes, 
229-suivants.  —  Culte  des  Anges,  XI,  277, 


330,  —  Seraphins,  XXVII,  57.  —  Gherubins 
(v.  ce  mot.) 

(Voir  Cherubins,  Animaux,  Vieillards,  Ophan- 
nim,  laoel,  Sept,  Septenaires,  Trompettes, 
Coupes,  Babylonc,  Jerusalem  celeste,  Apo- 
cryphes,  Intermediaires,  Iranisme.) 

Anges  des  Eglises,  VII,  XLVIII,  LXV,  15, 
17-18. 

(V.  Sept  Eglises.) 

Angro-Mainyu  (V.  Ahriman.) 

Animaux  symboliques,  XL,  al.;  —  chez  les 
Grecs.  111. 

{V.  Apocryphes,  Daniel,  Leviathan,  Behemoth, 
Dragon,  etc..  Animaux.  Symbolisme.) 

Animaux  (les  Quatre),ou  Khayyoth,  XXXVIII. 
XLVII,  XLVIII,  56-58,  91,  196,  228,  231, 
273,  274. 

(V.  Ezechiel,  Cherubins,  Trone  de  Dieu, 
Astronomic,  Ciel.) 

Annee  symbolique  du  monde  (V.  Astronomic, 
Cinq  mois.) 

Antechrist,  III,  XLIV,  LIII,  XGV,  CXII-CXIX, 
GXXIII,  GXXV,  GXX\'I,  GXGI,  GGXVIII, 
94,  98,  116,  125,  133,  134,  135,  155,  176,  179, 
182,  183,  184-s.,  186,  190,  194,  198,  200-204, 
212,  214,  228,  232,  233,  236,  240,  242,  243, 
250,  259,  265,  277-279,  285,  299,  300,  325.  — 
Sa  parousie,  247.  —  L'Ant.  et  Jerusalem. 
146-suiv. 

(V.  Bete  [1'^),  Belial,  Azhi-Dahdka,  Em- 
pereurs  romains,  Caligula,  Neron,  Culte 
des  Empereurs;  Agneau,  Temoins,  Elie ; 
Dan :  Eschaiologie,  Parousie,  Harmagedon  ; 
Pergame;  Heresies;  Chiffre  de  la  Bete; 
Vac  [3°);  Saint  Paul;  Verbe.) 

Antipas,  28.  (V.  Pergame,  Martyrs.) 

Antithese,  LXX,  LXXXVI-LXXXVIII, 
GXGXIII,  272,  passim.  —  Perp6tuite  de 
I'antithese  dans  I'Apoc,  LXXVi,  153,  216, 
224,  244,  305,  al.  —  Periodicit6,  LXXVI,  88, 
115,  125,  224,  238,  244,  268,  al. 

(V.  Cites, Eglises,  Jerusalem,  Babylone,  Betes, 
Temoins,  Construction  de  I'Apocalypse, 
Sixieme.) 

Apocalypse  :  sens  du  mot,  XVIII ;  —  ΓΑροο. 


INDEX    ANALYTIQUE. 


341 


vis-a-vis  des  Apocryphes,  et  de  la  Tradi- 
tion apocalyptique,  XVIII-suivant,  XXV- 
XLVII-LV;  de  I'Ancien  Testament,  LV, 
LVI,  passim.  (V.  Ezechiel,  Daniel,  Joel, 
Zacharie,  Penlaleiique) ;  du  Nouveau  Tes- 
tament, LVI.  —  Girconstances  de  publica- 
tion de  I'Apoc,  IV-suiv. ;  son  but  I-suiv. ; 
ses  propheties  sp6ciales,  GXXIV-GXXVIII, 
al.  —  Synthese  des  pensees  raaitresses 
XGIV-XGVI,  313.  — Homogen6ite,LXXXII ; 
Multiplicite  pretendue,  unite  et  continuite 
du  plan,  LXXIII,  CLV-GLXIII.  GLXVI, 
59,  62,  92,  101,  106,  115,  119-120,  !35,  137, 
149,  216,  226,  234,  237,  276.  313-314,  328,  al. 

—  Doctrinesdel'Apocalypse,  IX-XII,XGVII, 
al.(V.  Theologie,  Cliristologie,Escliatologie), 
comparees  a  cellos  du  quatrieme  Evangile, 
GXG-GXGII.--  Lecture  publique  de  ΓΑροο-, 
VII,  3-4,  333. 

(Voir  Caractere  de  V Apocalypse,  Composition, 
Langue,  Style,  Sources,  Symbolisme,  Plan 
et  resume,  Figures  mattresses,  Visions, 
Date,  Auteur,  Jean,  Caractere  de  Jean, 
Nomhres.) 

Apocryphes,  XlX-suiv. ,  XXVII-XXXI,  passim. 

—  Sources  apocalyptiques  en  goneral,  XXXI- 
XXXVI.  — Tradition  apocalyptique,  XX VIII- 
XLVI.  — Pseudonymieet  fictions  litteraires, 
XXIII-XXV.  —  Embellissements,  XXX.  — 
Periodes  apocalyptiques  (absentee  chez 
Jean),  XXII,  XXX,  XL,  LI,  LII,  105,  118, 
144,  al.  —  Secrets  cosmiques  (absents  chez 
Jean),  XXVI.  —  Narration  el  prediction, 
XXIII. 

(V.  Apocalypse,  Caractere  de  I'Apoc,  Symbo- 
lisme, Babylonisme,  Astronomic,  Cosmo- 
gonie.  Genre  apncalyplique,  Mythologie, 
Eschatologie,  Antechrist,  Jugements  escha- 
tologiques,  Messianisme,  Millenium.) 

Apollon,  LVII,  83,   114,  160,   169-s.,    176-suiv. 

(V.  Mythologie,  Leto,  Premier  Cavalier, 
Femme  et  Dragon,  Delphes,  Python, 
Horus.) 

Apollyon,  GXXXIII,  114. 

(V.  Abaddon,  Apollon,  Satan,  Sauterc.lles.) 

Apollonius  de  Tyane,  XIV,  GXXVI,  27,  191. 
203,  207. 

(V.  Bete  {Deuxieme),  Ephese,  Asie.) 

Apophi,  XLI,  178. 

(V.  Mythologie,  lid,  Egyple,  Dragon,  Femme 
cl  Dragon.) 

Apostasie  eschatologique,  GXVII-s. 

(V.  Eschatologie,  Saint  Paul,  Antechrist.) 

Apotres  dans  I'Apoc,  319.  (V.  Eglise,  Jerus. 
celeste.) 

Arbre  de  vie,  XXXVI,  XLV,  LV,  LXXX,  19, 
22,  25,  326,  327,  332. 


(V.  Ephese,  Pentateaque,  Paradis  terrestre, 
Jer.  celeste,  Eucharistie.) 

Arc,  79,  81,  82,  83. 

(V.  Premier  Cavalier,  Parthes,  Apollon.) 

Arc-en-ciel,  54,  120,  320.  (V.  Caract.  de  I'Apoc., 
Theologie.) 

Archanges.  (Voir  Anges,  Ameshas-Spentas, 
Michel.) 

Arche  d'alliance,  153,  154.  (V.  Caractere  de 
I'Apoc,  Composition.) 

Archontes,  XXXVIII,  9.  (V.  Gnose,  Mithra, 
Sept  Esprits.) 

Artjohannique,  GXGVIII-GGI,  al.  —  Coloris, 
LVII,  LXI-LXII,  54,  315,  316,  320,  al.  — 
Ondulations  ou  volutes,  LXXVI,  GLIII- 
GLIV,  156.  161,  183,  223-s.,  230,  312,  etc.  — 
Phases,  LXXIX,  99,  al.  —  Unite  de  pers- 
pective, (v.  Caract.  de  I'Apoc.) 

(V.  Caractere  de  I'Apocalypse,  Quatrieme  Evan- 
gile, Imagination  johannique,  Construction 
de  I'Apoc,  Langue,  Symbolisme,    Visions.) 

Asie  proconsulaire,  VII,  Xlll-suiv.  —  Routes 
de  I'Asie,  XVI,  16.  —  Commune  d'Asie, 
XIII,  24,  al. 

(V.  Ephese,  Smyrne,  etc.,  CuUe  des  Em- 
pereurs,  Cultes  asiatiques,  Caractere  de 
Jean;  Letlres.) 

Asklepios,  31,  32,  203.  (V.  Cultes  asiatiques, 
Pergame,  Serpent,  Mysteres.) 

Astronomie  et  Astrologie,  XXXIII,  55,  113, 
143,  170-s.,  291,  319,  321,  al.  —  Zodfaque, 
XXXIII,  XLIX,  112,  170,  171,  -319,  322,  al. 
—  VoieLactee,  172,  322. (V.  Tiamat).—Con?.- 
tellations,  57,  58,  66,  77,  109,  113,  160,  170, 
al.  —  Etoiles,  XXXVII-suiv.,  LI,  18,  88, 
107,  109,  110,  114,  158,  159,  160,  al.  —  Pla- 
netes,  XXXIII,  XXXVII,  etc.  —  Precession 
des  equinoxes,  291.  —  Αηηέβ  symbolique 
du  monde,  112,  291. 

(V.  Babylonisme,  Cultes  astraux,  Ecole  astro- 
nomique,  Agneaux,  Animaux  {Khayyoth), 
del,  Etoile  du  matin,  Angelologie,  Femme 
el  Dragon,  Mythologie,  Autels,  Temple 
celeste,   Vieillards,  Hellenisme,  etc) 

Auguste,  XIII,  185,  204,  205,  242,  259. 
(V.  Teles,  Empereurs  romains.) 

Aiitels,  Autel  des  holocaustes,  85,  103,  154, 
224,  308.  —  Autel  d'or  ou  des  parfums,  64, 
103,  115,  154,  224,  234,  308.  —  Autel  de  Zeus 
a  Pergame,  LVIII  (v.  Pergame,  et  Gigan• 
tomachie.) 

(V.  Temple  cdleste.  Martyrs,  Cavaleric  infer- 
nale,  Ciel,  Jerusalem  celeste.) 

Auteur  de  I'Apocalypse,  devant  la  tradition, 
GLXXII-GLXXX ;  devantla  critique  interne, 
GLXXXI-GGIII.  —  Anonymat  de  plusieurs 
6crits  jphanniques,  GCI-CGII.  —  Son  e.xil. 


\U-2 


IXDEX    ANALYTIQUE. 


XII,  CCXI-CGXIII.  —  Patmos,  XII,  CCIIk,' 

CGX-CCXXII,    11,    89,    120,    134,    183,    305. 

—  Aloges,  GLXXIV-CLXXVII,  8. 
V.  Jean,   Jean  le  Presbytre,   Caractere  de 

VApoc,    Caractere  de  Jean,  Ecoles,    Qua- 

trieme  tlvangile,  Aloges,  etc.) 
Azhi-Dahaka,  XLII,  168-s.,  175-s.,  201,  291. 
(V.   iranisme.    Dragon,    Satan,    Antechrisf, 

Femme  et  Dragon.) 

Babylone  dans  I'Apocalypse,  LX.  LXXIV, 
GXXV,  148,  152,  180,  217,  218,  227,  240,  241. 
244-s.,  265-277,  306,  312,  316,  329. 

(Voir  Cites,  Courtisane,  Rome,  Jerusalem 
celeste.  Figures  mditresses,  Antithese,  Si- 
byllins.) 

Babylonisme,  XXXII,  XXXIII,  XXXVII,  55, 
67,  100,  111,  121,  143,  144,  172,  199,  204,  239, 
290-S.,  .307,  321. 

(V.  Astronomic,  Cavaliers,  Femme  et  Dragon, 
Ecole  de  I'histoire  des  religions,  del,  etc.) 

Balaam,  XII,  22.  (V.  Heresies,  Nicolaites, 
Pentateuque.) 

Bapteme,  326.  (V.  Euux  de  la  vie,  Fleuve  de 
Jerusalem.) 

Beatitude  celeste,  219-s.,  303. 

(V.  Vie  eternelle,  Vision  beatifique,  Jerusa- 
lem celeste.) 

Behemoth,  XXXII,  XXXV,  XLI,  201. 

(V.  Apocryphes,   Monstres,  Bete  [Deuxieme).) 

Belial,  XLIV,  L,  199,  al.  (V.  Apocr.,  Ante- 
chrisf, Satan.) 

Betes  de  I'Apocalypse,  LI,  LX,  GXIV,  CXXV, 
5J,  152,  156,  180,  200-suiv.,  210,  225,  227,  237, 
242,  243,  275,277-suiv.,  282,  289,  299,302,  311. 

(V.  Apocryphes,  Sijmbolisme,  Daniel,  Mons- 
tres, Bete  p'.  Bete  2«,  Antithese.) 

Bete  de  la  mer,  ou  Premiere  Bete,  LVI,  LXIV, 
LXXX,  GXIV,  CXXV,  128,1.33,  135,  137,  147, 
182,  185-189,  194,  199,  200-202,  209,  214,  217, 
232,  235,  240,  242,  245,  257,  262,  265,  290, 
305,  al.  —  Son  origine  danielique,  184-s., 
200-s.;  —  Ses  blessure,  guerison,  resurrec- 
tion, 249-s.,  262,  al;  —  la  Bote  et  I'Abime, 
247-s.;   —  sa  Parousie,   CGVII,  247-s.,  al. 

(V.  Betes,  Monstres,  Figures  mattresses ;  Da- 
niel, Babylonisme,  Antechrist,  Rome,  Culte 
des  Empereurs,  Temoins,  Coupes,  Chiffre 
de  la  Bete,  Caligula,  IVeron,  tlcole  de  I'his- 
toire de  I'epoque,  Tidmat,  Leviathan ;  Har- 
magedon;  Verhe,  Agneau :  Quarante-deux 
mois,  etc.) 
Bete  de  la  terre  ou  Deuxieme  Bete,  LVII, 
LXXX,  GXIV.  GXXV,  GXXVI,  182,  189-191, 
200,  203-suiv.,  207,  209,  237,  al.  —  Symbole 
propre  a  Jean.  (V.  Apocalypse,  ses  prophe- 
ties  speciales.) 


(V•  Betes,  Premiere  Bete:  Faux  Prophete, 
Pseudo-Agneau,  Apotlonius  de  Tyane,  He- 
resies; Behemoth,  Qingu;  Syncretisme, 
Sixicme  coupe;  Culte  des  Empereurs,  etc.) 

Blanc  (couleur  symbolique  dans  I'Apocalypse), 
X,  LXX,  13,  44,  48-50,  73,  81,  87,  95,  96, 
219-220,  222,  224,  304,  al. 

Cams,  GLXXlV-s.  (Voir  Canon  et  Auteur  de 
t'Apoc.) 

Caligula,  194,  206,  212-s.,  258,  al. 

(V.  Empereurs  romains,  Premiere  Bete,  Chif- 
fre de  la  Bete,  Ecole  de  I'histoire  de  I'epo- 
que.) 

Canon  (I'Apoc.  dans  le),  GGXIII-GCXV.  — 
Defaveur  passagere  de  I'Apocalypse , 
XXVII,  al. 

(V.  Auteur  de  I'Apocalypse,  Calus,  S.  Denys 
d'Alexandrie,  Citations,  Jean  le  Presbytre, 
al.) 

Cantiques  de  TApocalypse,  154,  165,  196,  al. 

(V.  Agneau,  Mo'ise.  Animaux,  Vieillards: 
Construction,  Fin  du  monde,  lii.OOO  Vier- 
ges,  Femme  et  Dragon.) 

Caractere  de  I'Apocalypse  :  perpetuellement 
symbolique,  LIX  ,  al.,  et  intellectuel,  LXI, 
al.  —  Spiritualite,  absence  de  promesses 
matorielles,    transcendance,  LIV,   196,  2S1, 

311,  312,  313,  al.  —  Evangelique  et  univer- 
saliste,  ser6nite,  56,  86,  230,  306,  310,  327, 
334,  al.  —  Prophetique,  136,  192,  204,  209, 
252,  253-s.,  262,  263,  al.  —  Optimisme, 
XXVI,  XGVI,  66,  73,  234,  235,  289,  al. ;  pre- 
servation des  fideles,  LIV,  40, 90-94, 104, 112, 
118,  130,  146,  al. :  —  Unite  de  perspective, 
GI,    95,    118,    145-suiv.,   276,    300-301,    309, 

312,  314,  324-325;  perspective  toujours  es- 
chatologique  (au  sens  large),  XGV,  GXGI, 
GGXLVIII,  106,  etc.;  plan  celeste  et  plan 
terrestre,  LXXI,  al. ;  successions  logiques, 
et  non  chronologiques,  107, 110, 112, 118, 128. 
181,  188,  234,  299-301,  al. ;  phases  du  Regno 
de  Dieu  et  decelui  des  Betes,  LIV,  LXXIX 
99,  al. ;  philosophic  de  I'histoire,  XXIV,  al. 

—  Homogeneite,  LXXXII,  al.,  incoherences 
pretendues,  LVI,  al.;  hyperboles,  XXIX, 
al.  —  Travail  de  reflexion  sur  les  visions, 
GLXVI,  GLXVIII-s.,  al.;  rythme  des  idoes, 
LXIX,  LXXII,  al.;  parallolisme,  LXX, 
LXXX,  LXXXI,  passim ;  mystique  des  nom- 
bres  (V.  Nombres).  —  Sobriete  relative  des 
descriptions,  XLIX-s.,  LI,  301-suiv.,  304,  al.; 
absence  de  secrets  cosmiques;  XXVI,  al; 
absence  de  chiliasrae,  297-301,  303,  313,  324, 
327.  —  Garactere  artistique,  LIII,  59,  90,  270, 

313,  323,  al.   (V.  Art  johannique,  coloris). 

—  Assurance,  VII,  333,  al. ;  ironie,  269,  al. 


INDEX    ANALYTIQUE. 


343 


(Voir  Apocalypse,  Arl  Johannique,  Imagina- 
tion, Composition,  Aombres,  Symbolisme, 
Caraciere  tie  Jean,  Quatricme  ilvangile.) 

Caractere  de  Jean  (coinme  prophete,  theolo- 
gien,  ecrivain,  etc.),  VIII-IX,  LXXIX, 
CXCIV,  119,  189.  193,  269,  al. 

(V.  Apocalypse,  Aiileur  de  I'Apoc,  Car.  de 
I'Apoc.) 

Cavalerie  infernale  du  chapitre  IX,  101,  115- 
118,  179. 

(V.  Demons.  Guerre,  Parlhes,  Gigantomachie.) 

Cavaliers  du  chapitre  VI,  LI,  70,  71-76,  83, 
86,  101,  105,  146,  216,  225. 

(V.  Vents,  Fleanx,  Zacharie,  Premier  Cava- 
lier.) 

Cavalier  an  cheval  blanc,  ou  Premier  Cava- 
lier, L,  LXI,  LXIV,  73,  78-85,  84,  101,  137, 
146,  152,  198,  216,    223,  279-suiv.,  281,  313. 

(V.  Verbe,  Christ,  Agneau,  Eschatologie,  Za- 
charie.) 

Centaures,  111,  113.  (V.  Sauterelles.) 

Cerinthe,  GLXXIV,  CLXXVII. 

(V.  Anteur  de  I'Apoc,  Canon.  Commenla- 
teurs.] 

Cent  quarante-quatre  mille,  92,  96.  112,  195- 
s.,  197,  198,  229,  297. 

(V.  Sceau  de  Dieu,  Vierges,  Mille,  Douze, 
Nombres,  Juifs;  Agneau,  Sion.) 

Cesar,  258,  259.  (V.  Tetes.  Emperenrs  ro- 
mains.) 

Chalcadres,  XXXVIII.  (V.  Apocryphes,  Ani- 
maiix.) 

Chant  nouveau,  65,  196,  229.  (V.  Canliqiies, 
Agneau,  Sion,  Vierges.) 

Char  de  Dieu,  57,  al. 

(V.  Ezechiel,  Apocryphes.  Trone  de  Dieu, 
Quatre  Animaux.) 

Cherubins,  XXXVII,  57,  223. 

(V.  Kirubi.  Anges,  Ezechiel,  Trone  de  Dieu, 
Quatre  Animaux,  Vents.) 

Chevaux  apocalyptiques,  72,  76,  78,  221,  225. 

(V.  (.avoliers,  Zacharie,  V^ents,  Fleaux.) 

Chiffre  de  la  Bete,  CGIII-CGIV,  GCXXVI, 
210-215,  248. 

(V.  666,  616,  Antechrist,  Neron.  Six.) 

Chiffres  messianiques,  144,  211,  214. 

(V.  Octave,  888,  Quatorze,  Quarante-deux,  Si- 
byllins,  Chiffre  de  la  Bete.) 

Chiliasme  (V.  Millenium.) 

Christ,  —  sept  fois  noninie.  Index  a  χριστό;. 

—  cgal  a  son  Pere,  (V.  Christologie).  — 
Fils  d'Homme,  IX,  XXXVI,  XLV,  L,  LXI, 
LXIV,  12,  13,  80,  119,  120,  129,  222-suiv., 
231.  —  Fils  de  la  «  Femme  «,  165-suiv.,  173. 

—  Premier-ne  des  morts,  IX,  LVI,  6.  —  Τέ- 
moin  fldele,  4,  6.  —  Vie  mortelle  du  Ghrisl, 
X.  —  Ascension  et  intronisation   an  ciel. 


61-suivanls,  161.  —  Maitre  des  ev6nements 
(V.  Livre   scelle).  —  Redemption,   X,  βί-s. 

—  Ghrist  Roi,  X,  6,  13,  281;  Protre,  X,  13; 
Juge,  GXGI-GXGII,  279,  304,  331,  al.  (V. 
Jugements).  —  Verbe  de  Dieu  (V.  a  ce  mot). 

—  Ghrist  personnel  et  Ghrist  mystique, 
160-suiv.,  172,  173.  —  Habitation  du  Ghrist 
dans  I'homme,  X. 

(Voir  Theologie,  Christologie,  Agneau,  Pre- 
mier Cavalier,  Verbe;  Millenium,  Parou- 
sie :  Antechrist.) 

Christologie  de  ΓΑρόο.,  IX-X,  4,6,  13,  19,  25, 
37,  43,  63,  64,  221-suiv.,  223,  288,  321,  322,  al. 

(V.  Christ,  Agneau,  Apocalypse,  Theologie. 
Saint- Ε  sprit.) 

Chute  des  Anges,  160-163.  (V.  Dragon.) 

Ciel  (et  cour  celeste,  decor  celeste),  XXXIII- 
s.,  59-60,  89,  157,  160,  166,  195,  228,  321,  al. 

(V.  Autels,  Temple  celeste,  Arche  d'alliance, 
Vieillards,  Animaux -khayyoth,  Jerusalem 
celeste;  Astronomic,  Cosmogonie,  Babylo- 
nisme,  Apocryphes;  Exemplaires,  Anges.) 

Cinq  mois,  112.  (V.  Sauterelles,  Annie  du 
monde.) 

Cinquieme  Trompette,  292. 

(V.  Sauterelles.  Dragon,  Coupes.) 

Citations  de  I'Apoc.  chez  les  Peres,  GGL.  (V. 
Auteur,  Canon,  Commentateurs.) 

Cites  apocalyptiques.  Les  Deux  Giles  rivales, 
LXXVI,  227,  244,  al.  —  Gito  de  Dieu,  (et 
ses  deux  etats),  LXXVIII-LXXIX,  135,  158, 
182,  313,  319,  321-323,  332;  cite  bien-aimee. 
225,  289.  (V.  Sion).  —  Gite  du  Diable,  227, 
243,  al.  (V.  Babylone.) 

(V.  Eglise,  Sion,  Jerusalem  celeste,  Femme 
et  Dragon,  Epouse  de  V Agneau,  Race  de  la 
«  Femme  »,  Beatitude;  Babylone,  Courti- 
sane.  Antechrist,  Betes,  Rome;  Parousie, 
Patingenesie ;  «  Cube  «,  Montagne ;  Mille- 
nium, Regne  de  Dieu;  Astronomic;  Anli- 
these.) 

Claude,  GGVI.  (V.  Empereurs  rom.,  Tetes, 
Date  de  I'Apoc.) 

Cle  de  David,  39,  40,  (V.  Christ). 

«  Comme  »  ώς,  sens  de  ce  mot  dans  les  vi- 
sions, XXIX,  GLII,  74,  75,  107,  196,  229,  al. 
(V.  Visions.) 

Commentateurs  de  I'Apoc.,  GGXVI-GGXLIX. 
(V.  Ecoles.) 

Commission  biblique,  GX. 

Composition  de  I'Apocalypse  (proc^dos  de). 
LXVIII-LXXXIII,  al:  —  comparoe  au  Qua- 
Irieme  Evangile,  GXGVIII-GGI;  —  Theorie 
de  la  compilation,  LXVI,  al;  Hypotheses 
diverses  des  critiques  :  redactionnelle, 
GGXLIV-GGXLV ;  des  «  Sources  »  GGXLV : 
des    fragments,    GGXLV-GGXLVII    (Voir 


344 


INDEX    ANALYTIQUE. 


Apocalypse,  homogeneite,  unite  et  Auteur 
de  I'Ap.);  pretendues  interpolations, 
LXXXIII,•  al.  —  Parties  narratives  et  par- 
ties prophetiques,  LXXI,  al.  —  Divisions 
en  sections  tranchees,  LXX-suivants, 
LXIX,  LXXVII,  LXXXIV-suivants ,  125, 
126,  128,  145,  151,  152,  278,  313-314,  al.  — 
Rylhme  des  idees,  LXIX,  al.;  rythme  ter- 
naire,  LXXIX,  XCIII,  al.;  septenaire,  (V. 
Seplenaires).  —  Parallelisme  et  «  Reca- 
pitulation »,  XXX,  LXXVI,  XCIV,  CII, 
CGXLIX,  100,  125,  152,  227,  232,  al.;  d'a- 
pres  Victorin,  GGXXI;  d'apres  Tyconius, 
CCXXII;  d'apres  S.  Augustin,  GCXXIV, 
al.;  d'apres  I'Abbo  Joachim,  GGXXIX,  al.; 
•  synchronisme  symbolique,  142-s.,  145,  al.  — 
Glissements  de  symboles,  LXIII-suiv., 
GXGVII,  passim;  «  emboitements  »,  LXXII, 
LXXIII-LXXV,  126,  128,  134,  179,  218,  233, 
236, 240,  241,  276,  al. ; «  ondulations  »,  LXXVI, 
156,  etc.  —  Prologues,  et  profaces  symboli- 
ques,  XGIII,  1-8,  153,  155,  180,  al.;  Visions 
de  presentation,  de  preparation  ou  d'aver- 
tissement,  d'ex^cution  (V.  Visions);  epilo- 
gues, 268,  276-277,  327-suivants. 

(Voir  Apocalypse,  Caract.  de  I'Apoc,  Plan  et 
resume;  Sources;  Nombres,  Septenaires, 
Sixieme  moment;  Antitheses;  Style;  Genre 
apocalyptique :  Visions;  ^coles  d' interpre- 
tation.) 

Constantin,  243,  300-s.  (V.  Millenium.) 

Conversion  :  du  monde,  126;  des  Juifs,  GXVI- 
GXVIII,  40,  93;  des  Gentils,  GXXIV,  137- 
138,  230,  235, 

(Voir  Millenium,  Temoins,  Jerusalem  celeste, 
Philadelphie,  Ui.OOO,  Juifs.) 

Gomes,  159,  184,  236,  238,  251-suiv.,  253-suiv., 
257,  259-260,  262,  275. 

(V.  Agneau,  Dragon,  Premiere  Bete,  Rois, 
Pseudo-Agneau). 

Cosmogonies  et  theogonies  anciennes,  XIX, 
56,  57,  59-60,  61,  89,  225,  229,  al. 

(V.  Apocryphes,  Mythotogie,  del,  Jerusalem 
celeste.) 

Coupes,  LI,  LXX,  LXXIV,  160,  221,  227-sui- 
vants,  231,  232,  233,  241,  245,  312. 

Leur  division,  235.  —  Leur  ordre,  242. 

(Voir  Rome,  Antichrist,  Betes,  Trompetles ; 
Composition,  ricapitulation;  Visions  [d'eore- 
cution).) 

Couronne,  81,  82;  couronne  de  vie,  27,  41. 

Courtisane,  244-suivants,  273,  316. 

(V.  Baby  lone,  Rome,  tlpouse  de  I  Agneau, 
Jerusalem  celeste,  Femme  et  Dragon,  Bete 
de  la  mer.) 

Crepuscule  des  dieux,  XX,  LVII,  al.  (V. 
Apocryphes,  Scandinaves.) 


«  Cube  »,  322,  323,  (V.  Jerus.  celeste,  Montague 
mystique.) 

Cultes  asiatiques,  XV.  (V.  Asie  procons., 
Culle  des  Empereurs,  Ephese,  Smyrne, 
Pergame.) 

Cultes  astraux,  GXXVII,  GGXLVII,  aK  (V. 
Astronomic,  Babylonisme.) 

Culte  des  Empereurs  et  de  Rome,  II,  XIII, 
XV,  GGVII.  20,  27,  31,  .38,  42,  185,  187,  188, 
189,  190,  191,  203-210,  219,  242,  245,  250,  al. 
—  Deesse  Rome,  27,  31,  185,  204,  205,  al. 

(V.  Smyrne,  Pergame,  Asie,  Antechrist,  Pre- 
miere Bete,  Deuxieme  Bete,  Rome,  Neron, 
Domitien;  Ptolemees,  Egypte,  Iranisme, 
Mithra,  Empereurs  du  IP  -  ill^  siecle; 
Temoins, -Apocalypse,  son  caractere  prophe- 
lique.) 

Cybele,  III.  27,  38,  245.  (V.  Cultes  asiatiques, 
Courtisane.) 

Damkina,  168,  \l\.{\.Murdouk,  Femme  et  Dra- 
gon, Babylonisme.) 

Damnation,  218,  220,  304-suiv.  —  Eternite  des 
peines,  XI,  219,  319,  al. 

(Voir  Enfer,  Etang  de  feu,  Deuxieme  Mart, 
Jugement;  Ciel;  AntUhese.) 

Dan,  XLIV,  90,  93-94,  147,  236.  (V.  Ui.OOO, 
Antechrist,  Irenee.) 

Daniel,  XXV,  GGXVIII,  50,  passim.  —  Pas- 
sages d'Apoc.  inspires  de  Daniel,130,  131, 
133,  134,  143, 159, 160,  184,  185,  200,  201,  251, 
297,  al. 

Date  de  I'Apocalypse,  CCIII-CCX,  129, 186,  258. 

(Voir  Auteur,  Claude,  Domitien,  Laodicee, 
Neron,  Vespasien;  Epiphane,  Ecole  d'his- 
loire  de  I'epoque.) 

David,  144-s.  (V.  Messie,  Jesus,  Quatorze.) 

Decret  de  Jerusalem,  34.  (V.  Thyatire.) 

Deesses-Meres,  170,  174.  (V.  Femme  et  Dra- 
gon.) 

Delphes,  177-178.  (V.  Apollon,  Leto,  Python.) 

Demons,  et  Monde  infernal,  dans  les  Apo- 
cryphes, XXXVIII-XXXIX;  —  chez  Jean, 
L-LI,  passim.  —  Demons-grenouilles.  LI, 
237,  299. 

(Voir  Satan,  Bete,  Abimes,  Saulerelles,  Cava- 
lerie,  Enfers.) 

Denysd'Alexandrie,GLXXVI-suiv..GLXXXII- 
suiv.,  GLXXXV,  GGII. 

(V.  Auteur  de  lApoc,  Canon.) 

Destinataires  de  I'Apocalypse,  Dlll-suivants. 

(V.  Leltres.  Asie,  Ephese,  Smyrne,  etc.) 

Deuxieme  Mort,  LIV.  26,  287,  304,  311.  (Voir 

Damnation.) 
Diable,  XLIV,   50,  163,   165,   284,  289.  (Voir 

Satan.) 
Diademe,  159.  (V.  Couronne.) 


INDEX    ANALYTIQUE. 


345 


Dionysos,  31,  178,  192.  (V.  Asie,  Cultes  asiat., 

Ciilte  des  Empereiirs,  Per  game.  My  s  teres, 

Idolothytes,  Myi/iologie.) 
Dix,  XXXIII.  CV,   al.  —  Dix  jours,  26.  (V. 

Smyrne.) 
(V.  Comes,  Rois,  iXoinhres,  Apocryphes.) 
Domitien,  CXXVII,    GGIV,    CGVI,    GGVIII- 

GCX,  206,  250,  258,  262,  al. 
(V.  Date  de   I  Apocalypse,   Antechrisf,,  CiiUe 

des  Empereurs,  Teles,  Huilieme.) 
Douze,  XXXIII,  XLIX,  XGIV,  i)2-suiv. .   158, 

257,  al. 
(V.   Nombres,    VieiUards,  Apolres,    Jer.    ce- 
leste, Jiiifs.) 
Doxologies,  (a  Dieu  et  a  rAgneau),  5,  58,  65, 

66,  97,  150,  (164),  274,  —  a  sept,  quatre  et 

trois  membres,  65,  66,  274. 
(Voir    Christologie,    Caiitiques,    Septenairc, 

Quatre,  Trois.) 
Dragon,  XXXIX,  XL,  XLI,  XLII,  L,  LVI,  LX, 

XGV,  152,  159,  163,  171-suiv.,   174,  176,  184, 

187,  237,  243,  279,  283-suiv.,  300. 
(V.  Satan,  Serpent,  3"  Vae,  Femme  et  Dragon, 

Millenium;  Babylonisme,  Tiamat,  etc.) 

Eaux  de  la  vie,  XXXIV,  100,  311,  325-suiv., 
332. 

(V.  Bapteme,  Fleuve,  Jerusalem  celeste, 
St-Esprit;  Babylonisme.  Apocryphes.^ 

£coles  d'interpretation  de  I'Apoc.  :  Ecole  de 
Tyconius  et  des  Latins,  CGXXII- 
CGXXVIII;  Ec.  de  I'abbe  Joachim, 
CCXXVIII-CGXXXII,  al.;Ec.  de  Nicolas 
de  Lyre,  GGXXXI-GCXXXIV;  ec.  des  Je- 
suites  espagnols,  et  d'Alcazar-Grolius-Bos- 
suet,  GGXXXV-GGXXXVIII;  ec.  de  la 
«  critique  litteraire  »,  GGXL-suiv. ;  ecole  de 
«  I'histoire  de  I'epoque  »  (zeitgeschichtlich), 
GLXII,  GGXLIII-suiv.,  GGXLIX,  107,  162, 
166,  passim.;  6cole  de  «  I'histoire  des  reli- 
gions »  (religionsgeschichtlich) ,  CGXLVII- 
CGXLIX,  168-175,  175-179,  .308,  passim.  ; 
ecole  astronomique,  GGXLI,  GGXLVII, 
170,  al.  (V.  Astronomic,  Babylonisme.) 

(V.  Comment  al  ears.) 

«  ficole  Johannique  »,  CLXXX,  GLXXXIX. 

(V.  Auteur,  Langue.) 

£glise,  dans  son  unite  et  son  universalite,  sur 
laterre  et  au  ciel,  XI,  LX,  94-suivants,  129, 
132,  133,  137,  138,  152,  158,  162,  173,  223,  228, 
229,  275,  300,  306,  307,  309,  312-suivants.  — 
Notes  de  I'Eglise,  316,  al.  :  apostolicite, 
319;  saintete  et  calholicito,  324-suivants. 

(V.  Apocalypse  doctrine;  Cites,  Jerusalem 
celeste,  Femme  et  Dragon,  Temple  ter- 
restre.) 

Eglises    d'Asie.   (V.    Asie,    Ephese,    etc.)    — 


Pourquoi  elles  sont  comptoes  comme  sept, 
15^  17.  _  Leurs  perils  interieurs,  XVII,  al. 
(V.  Nicolaites,  Heresies.) 

figypte,  XXXV,  GXXVII,  100,  144,  169,  204, 
208,  322. 

(V.  Mythologie,  Apocryphes,  Femme  et  Dra- 
gon.) 

Elements,  XI,  91,  107,  153,  232,  al. 

(V.  Anges,  Στοιχεία,  Sept,  Pythagoriciens.) 

Elie,  XLIV-XLV,  LIII,  LV,  GGXVII,  131, 
135,  137,  139-142,  148,  161,  166,  190,  217,  289, 
294. 

(V.  Temoins,  Henoch,  Rabbinisme,  Apocry- 
phes, Antechrist.) 

Emmanuel,  306.  (V.  Vision  bealifique.) 

Empereurs  romains,  248-250,  256-suiv..  258- 
suiv.  (V.  Auguste,  Caligula,  Claude,  Neron, 
Vespasien,  Domitien).  —  Empereurs  paiens 
du  IP-IV«  siecle,  GXXVI,  204,  207-suiv. ; 
Aurelien,  209;  Dioclotien,  212,  al. ;  Julien, 
209. 

(V.  Rome,  Bete,  Culte  des  Empereurs.  Ante- 
christ, Chiffre  de  la  Bete,  Teles.) 

Enfer,  LIV,  75,  76,  84,  101,  109,  134,  219,  289, 
303-305. 

(V.  Abime,  Hades,  Mart  et  Enfer,  Ε  tang  de 
feu,  Damnation.) 

Eons,  XL,  LI,  XGIX,  201,  219,  261. 

Epee  sortant  de  la  bouche,  13,  28,  81,281. 

(Voir  Christ  Fils  d'Homme,   Verbe  de  Dieu.) 

Ephese,  XIII,  21,  23-25,  47,  128.  —  έφέσια 
γράμματα,  XIV. 

(V.  Aste,  Lettres,  tlgUses,  Arbre  de  vie:  Cultes 
asiatiques,  Culte  des  Empereurs,  Magie, 
Mythologie;  Jean,  Auteur  de  I'Apoc.) 

fipiphane  (S'),  CGVI.  (V.  Date  de  I'Apoc.) 

fipouse  de  TAgneau,  XLVIII,  195,  223,  244, 
276,  307-s.,  316. 

(Voir  Agneau,  Eglise,  Fiancee,  Jerusalem 
celeste;  Antilhese;  Courtisane.) 

Eschatologie  :  chez  les  Apocryphes,  XLIII- 
XLVII;  chez  Jean,  LIII-LV,  279-suivants, 
297-suivants,  etc.  —  Dans  ie  N.  T.  en  gene- 
ral, XGVII-GXXVIII;Synoptiques,GV-suiv., 
S'  Paul,  GVI-GXXII;  Ep.  aux  Hebreux. 
GXX;  Epitres  catholiques,  GXXII-suiv.  — 
«  Derniers  Temps  »  dans  le  N.  T.,  LIV, 
XGV,  GXXI,  GCXLVIII,  98,  106,  153-s.' 
161,  173,  227,  al. 

(V.  Apocalypse,  Caractere  de  I'Apoc. ;  Apo- 
cryphes ;  Purousie,  Jugrment ;  Messianisme, 
Millenium.) 

Eschatologiste  (Ecole),  XGIX,  etc. 

(V.  Commentateurs.) 

Esprits  :  Saint-Iisprit  (v.  a  co  mot).  —  Sept 
esprits  de  Dieu,  8-9,  19,  23,  36,  63,  159.  — 
Esprit  de  propliotie,  XI,   277,   329-330.    — 


346 


INDEX    ANALYTIQUE. 


Esprits  de  B61iar,201  {\.  Dragon).  —  Esprifs 

iropurs,  239. 
[Wi^ainf-Espril ,  Agneau,  Prophetes  :  Dragon; 

Grenouilles.) 
tt&ng  de  feu,  LIV,  218,  282,  289,  305. 
(V.  Enfcr,  Damnation,  Deuxieme  Mori.) 
«  Etat  intermediaire  »,  qI,  86,  220-221,  231. 
(V.  Martyrs,  Vision  l>eatifiqne.] 
^toiles.  (V.  Astronomie.) 
itoile  du  matin,  LXXX,  34-3.5,  .3»,  332. 
(V.    Christ,    son   habitation    dans    I'homme; 

Astronomie,    Magic:    Caracl.    de    I'Apoc., 

evangelique  el  spiriluel.) 
Eucharistie,  XI,  19,  326. 
{W.  Apocalypse   doctrines ;  Lellres;  Arbj-e   de 

vie,  Manne.) 
Euphrate,   116,    236.  (Voir    Parlhes,    Neron, 

Cavalerie.) 
£vangile   eternel,   217.  (V.   Joachim,  Luthe- 

riens.) 
Executeurs   des   jugements   divins,    XLVIII, 

passim.) 
(Voir    Anges,     Demons,     Cavaliers,     Vents. 

Fleaux.) 
Exemplaires  celestes.  (V.  Symbolisme,   Jer. 

eel..  Temple.) 
Ezechiel  (passages  inspires  d),  LV,  91,  104, 

121,   124,   129,  179.   231,  269-suiv.,    2oi2,   288, 

318,  .325-s.,  al. 
(V.  Apocalypse,  Livre  oiiverl,  Animanx,  Jer. 

eel.,  etc.) 

Famine,  74,  79.  (V.  Cavaliers,  Fleaux,  Lieux 
communs.) 

«  Faux  Prophete  »,  CXXVII,  190,  207,  237, 
290.305.  (V.  DenxiemeBete,  Pseudo-Agneau ; 
Agneau.) 

Femmes  apocalyptiques,  XXXI,  LV,  LX, 
LXXIIl,  157-sui\.,  244-suiv.,  305,  307-308. 

(V.  Apocalypse  et  A.  T.;  Apocryphes;  Femme 
et  Dragon;  Courtisnne;  Jerusalem  celeste; 
Symbolisme,  Cites.) 

«  Femme  »  et  Dragon,  LXXIII,  XGVIII,  131, 
143,  152.  155-179  (157-suiv.,  167-suiv.,  171, 
174,  176),  188,  246,  28-3,  306,  309,  313,  al.  — 
Sens  purement  Chretien,  157-158,  175.  — Son 
«  Fils  »  (v.  Christ).  —  Sa  «  race  >',  167. 

(V.  Symbolisme,  Femmes,  Mylhologie,  Astro- 
nomic, Babylonisme,  Egypte,  Jlellenisme. 
Leto,  Isis,  Damliina:  Eglise,  Jerusalem 
celeste,  Trois et  demi;  Babylone,  Coiir tisane: 
Figures  maitresses;  Ecole  astronomiqiie, 
Ecole  religionsgeschichtlich,  Ec-  zeitge- 
schichllich.) 

«  Femme  »  de  Thyatire,  32.  (V.  Thyatire, 
Heresies,  Jezabel.) 

Feu  symboliquc,  132,  289. 


(V.  Epee,  Temoins.  Elie.  Verbc,  Gog.) 

Fiancee  de  I'Agneau,  246,  306,  .307,  3)6,  332. 
(V.  Epouse.) 

Figures  maitresses  de  I'Apocalypse,  LX-suiv., 
passim. 

(Voir  Plan  el  resume,  Symbolisme,  Agneau, 
Dragon,  Femmes,  Betes,  Bafjylone,  Jeru- 
salem celeste,  etc.). 

Fils  de  la  Femme,  Fils  d'homme.  (V.  Christ.) 

Fin  du  monde,  148-151,  240,  304.  —  Ciel 
nouveau  et  terre  nouvelle,  305. 

(V.  Eschatologie,  Parousie,  Trompetles,  Ju- 
gemenl  dernier.) 

Fleaux  :  cosmiques,  101-suiv.,  107-109,241,  al  ; 

—  moraux,  112,  113,  236,  al.  —  Leur  suc- 
cession, non  chronologique,  raais  logique 
(λ'.  Caractere  de  I'Apoc.)  —  Leur  division 
symbolique,  ibid..  LII,  LXX,  al.  (v.  Trom- 
petles.) —  «  Derniers  »  fleaux,  LX,  227, 
242. 

(Voir  Apocryphes,  Genre  apocalyptique,  Lieux 
communs.  Cavaliers,  Trompettes,  Coupes, 
Antichrist,  Dragon,  etc.) 

Fleuves  :  de  Jorusalem,  XI,  322,  325-326. 
(V.  Eaux  de  la  vie,  Baptome,  Saint-Espril) ; 

—  fl.  celeste,  XXXVI  (V.  Astronomie,  Voie 
Lactee);  fleuves  infernaux,  XXXV.  (V.  Apo- 
cryphes, Mythologie  hellenist.) 

Folklore  :  de  I'Asie  antorieure,  XXXI,  XXXII, 
al. ;  hellenistique.  (V.  Mythologie,  Helle- 
nisme,  Astronomie,  Pergame);  —  folklore 
gennral,  178. 

(V.  Cosmogonie,  Femme  et  Dragon,  Serpent. 
Monstres,  etc.) 

Fond  de  scene  de  TApocalypse,  invariable, 
LXX,  149,  al.  (V.  Ciel,  Animaux,  Vieillards, 
Cantiques,  Apocalypse  et  son  unite.  Com- 
position.) 

Foudres,  56,  a!. 

Galba,  259.  (V.  Empereurs,  Tetes.) 
Gematria,  XXXIV,  LIII,    192-suiv.,   210-suiv. 

—  Isopsephie,  XXXIV,  LIII,  194,  239.  — 
Gem.  dans  les  graffiti  de  Pompei,  XXXIV, 
211.  —  Alphabet  hobreu,  213. 

(V.  Apocryphes,  Rabbinisme,  Sibyllins,  Hel- 
lenisme,  Chiffres,  Premiere  Bete,  Antechrist, 
Xeron.) 

Genre  apocalyptique,  XXI-suivanls. 

(V.  Apocryphes,  Apocalypse,  Allegoric,  Sym- 
bolisme.) 

Gigantomachie,  LVIII,  32,  117.  (V.  Pergame. 
Cavalerie.) 

Gnose  et  gnostiques,  4,  6,  34^  203-suiv.,  207, 
277,  307,  al. 

(V.  Heresies,  Nicolaitos,  Manicheens.  Asie, 
Deuxieme  Bete,  etc.) 


INDEX    ANALYTIQUK. 


347 


Gog  et  Magog,  XLV.  XIII,  114,  124,  181,  225, 

23t),  281,  282,   28;},  288-suiv.,  290,   291,  292, 

299,  300,  301. 
(Voir  Gaerre,   Parthes,  Dragon,    Millenium, 

Eschatologie,  Ezechicl.) 
Grammaire    de    lApocalypse,     GXXXV-GL, 

passim. ;  —  Comparee  a  celle  du  IV*  Evan- 

gile,  CLXXXV-CLXXXIX  (V.  Langiie.) 
Grecs,  leur  mythologie  dans  Tapocalyptique, 

XXXV,  al.  (V.  Apollon,  Python.  Femme  et 

Dragcr.  Hcllenisme.  FoUdore,  etc.) 
Grenouilles,  237,  299. 
(V.  Esprils  impiivs,  Demons,  Dragon,  Betes  1" 

et  2e,  Guerre,  llarmagedon;  Agneau,  Anges.) 
Guerison  de  la  Bele.  (V.  Prem.  Bete,  Rome, 

Vespasien.) 
Guerre,  74,  79.  115-118,  23G,  etc. 
(V.  I'leaax,  Lieiix  communs,  Cavaliers,  Cava- 

lerie.  Parthes,  Gog,  Sixieme  moment,  Sept. 

llarmagedon;  Agneau,  Verbe.) 

Hades,  2S2.  al.  (V.  Enfer,  Mori  et  Enfer.) 

Haggadas,  XX  160,  167-s.  (V.  Rabbinisme, 
Femme  el  Dragon.) 

flarmagedon,  225,  239,  240,  252,  282,  299. 

(V.  Gaerre,  Coupes,  Rois,  Sixieme  moment, 
Gog;  Agneau,  Ezechiel,  Zacharie.) 

Hebraismes  dans  I'Apoc.  (et  araraaisraes), 
CXXXIV-CXXXV,  CXLIX-suiv..86,  91,95, 
112,  120,  131,  160,  161,  234,  274,  324,  327,  al. 
(V.  Auteur,  Grammaire.  Langue.) 

Hebreux  anciens,  leurs  traditions  melees, 
XXXII.  (V.  Apocryphes.) 

Hellenisme,  XXXII, passim.  (V.  surtout  Astro- 
no  mie.) 

Henoch  commo  precurseur,  XV,  GCXVII. 
131,  137,  139-142,  148. 

(V.  Elie,  Temoins,  AntechrisI,  Eschatologie, 
Apocryphes.) 

Heresies,  XI,  al.  (V.  surtout  Nicolaites.) 

Hermetiste  (litterature),     XX,     CXXVII,    8. 

(V.  .1  rt  Ω.) 

Horus,  XLI,  160,  169, 170,  al.  (V.  Egypte.  Isis, 

Apollon,  Femme  et  Dragon.) 
Huit  XL,  (V.  .\onil>res.  Octave.) 
Huitcent  quatre-vingt-huit,  XXXIV,  211,  214. 
(V.  Sibyllins,   Chiffrcs  mcssianiques,  Octave; 

666.) 
Huitieme,  XL,  CV,  249,  256,  258,  259-262. 
(V.  Octave,  Premiere  Bete,  Empereurs  romains, 

Culle  des  empereurs,  AntechrisI,  Acron.) 
Hvareno  (ou  «  Gloire  »),  CXXVII,  54,  208-s. 
(V.  frnnisme,Mithra,  Empereurs,  Culte  emp. 

laoel,  13,  120   (V.  Anges.  Apocryphes.) 
Idolothytes,  XVII,  34,  47.  (V.  Lettrcs.  Mco- 

laltcs.) 


Imagiuation   johannique,    GXCIII-CXCVIII. 

(V.  Caractere  de  I'Apoc.  Art  johannique,  Qua- 
trieme  Evangile.) 

Indra.  XLI.  178.  'V.  Mythologie,  Folklore.) 

Interdiction  d'ecrire,  son  sens.  122; 

(V.  Sept  Tonnerros,  Daniel.) 

Intermediaires  (dans  la  tradition  apocalyp- 
tique),  XXIII.  al.  (V.  Anges,  Demons, 
Apocr.) 

Iranisme,  XXXII,  XXXIII,  XXXIV,  XVII, 
4,  6,  102,  107-108,  168-suiv.,  175-suiv.,  208- 
suiv.,  234,  263,  282,  291,  al. 

(V.  Apocryphes,  Anges,  Femme  et  Dra- 
gon. Mifhra,  Culte  des  Empereurs,  Hva- 
reno.) 

Irenee  (S'),  GCIII-CCIV,  94.  (V.  Domitien, 
Date,  Dan,  Commentateurs.) 

Isaie  (passages  inspires  d'),  57,  226,  280,  306. 
al.  (V.  Apocalypse  et  A.  T.) 

Ishtar,  XXXIX,  87,  171.  (V.  Damkina,  Baby- 
lonisme.) 

Isis,  48,  169,  170,  207. 

(V.  Egypte,  Horus,  Femme  et  Dragon,  Astro- 
nomie.) 

Isopsephie  (V.  Gematri(f.) 

Israel  spiritual,  318.  ^V.  Wi.OOO,  Juifs.  Jer. 
celest.) 

Jean,  auteur  de  I'Apoc.  Ses  notes  person- 
nelles  (V.  Ca?-aetere  de  Jean,  Art,  Imagi- 
nation,) —  II  est  le  meme  que  I'auteur  du 
IX"  Evangile,  Jean  fits  de  Zebedee,  GLXXI- 
GGXIII.  —  Le  Martyre  de  Jean,  GGV.  (V. 
Auteur  de  I'Apoc.) 

Jean  le  Presbytre,  GLXXVII-s,  CLXXX.  (V. 
Auteur.) 

Jeremie  precurseur,  139.  (V.  Elie,  Henoch, 
Temoins.) 

Jerusalem,  Jerus.  terrestre,  image  de  I'Eglise 
ou  du  moiide,  134,  135,  136,  162,  166,  225, 
267.  (V.  Temple,  Temoins,  AntechrisI.)  — 
Jerusalem  celeste,  V,  XXXVI,  XLVII, 
XLVIII,  LIII,  LVII,  XGVI.  39,  158,  181, 
244,  245,  276,  305,  306,  307-309,  311,  312-327, 
332.  Sa  forme  allegorique,  319,  321-323. 
(V.  «  Cube  »,  Montague.)  Jer.  c61esle  et 
riuimanite,  324-327. 

(V.  Figures  maitresses.  Cites,  Epouse  de 
I'Agneau,  Regne  de  Dieu,  Millenium,  Beati- 
tude;  Art  johannique,  unite  de  perspective; 
Femmes  apocal.,  Femme  et  Dragon;  Baby- 
lone,  Courtisane,  Rome.) 

Jesus,  nommo  quatorze  fois.  (V.  «  Addi- 
tions »  aux  pages  2  et 145. 

(V.  (Jualorze,  David,  quaranle-deux.) 

Jezabel,  XI,  22,  32-33,  36.  (V.  Nicolaites, 
l^annie  de  Tiiyatirc.) 


348 


INDEX    ANAl.yTIQUE. 


Joachim  de  Flore  et  son  ocole,  CGXXVIII- 
CGXXXI,  199,  217,  296,  al. 

(V.  Commentaieurs,  Millenium.) 

Joel  (passages  inspiros  de),  111,  113,  224. 

(V.  Sautei'elles,  Apocal.  et  Anc.  Test.) 

Jugements  divins.  Jug.  eschatologiques, 
XXXI,  148,  217,  226,  passim;  Jour  de  Jah- 
weh.  Introduction  passim,  104,  226.  —  Ju- 
gement  dernier,  148,  152,  216,  221-226, 
303-suivaots,  313,  331,  332. 

(V.  Eschatologie.  Parousie;  Apocryphes , 
Apoc.  et  A.  T.,  Trompetles,  Septieme  Trom- 
pette,  Coupes,  Gog,  Dragon;  Beatitude, 
Damnation.) 

Juifs,  IV,  VIII,  XI,  25,  40,  92,  93,  126,  129, 
130,  134,  147,  158,  203,  213,  277.  —  Douze 
tribus,  92-suiv.,  158.  —  Judaisants,  XI.  — 
Judoo-chretiens  et  ethnico-chretiens,  92- 
suiv.,  151,  158,  162,  166,  167,  277. 

(V.  Smyrne,Philadelphie,  Conversion;  Caract. 
de  Γ  Apoc,  son  universalisme.) 

Kirubi,  XXXVII,  57,  111,  179.  (V.  Cherubins, 

Ezechiel,  Babyl.) 
Κοινή,  CXXIX.  CCLXI,  12,  220,  al.  (V.  Langne 

de  I'Apoc.) 

Langne  de  Γ  Apocalypse,  CXXIX- CLIV, 
CGIII,  20,  127-128,  216,  al.  (V.  Jean,  Art 
johanniquc,  Grammaire.  Vocabulaire,  Qua- 
trieme  Evangile.) 

Laodicee,  XIII,  GCVII,  43-46,  47.  (V.  Asie, 
Phrygie,  Eglises.) 

Leto,  LVII,  174,  176-suiv.  (V.  ApoUon.  Py- 
thon, Femme  et  Dragon.) 

Lettres  apocalyptiques,  20-46,  327.  {Asie.  Egli- 
ses d'Asie,  Caractere  de  Jean.) 

Leviathan,  XXXII,  XXXV,  XLI,  L,  117,  174, 
201. 

(V.  Animau-x  symboliques.  Monsires,  Dragon, 
Premiere  Bete,  Babylonisme.  Tiamat,  Es- 
chatologie, Apocryphes.) 

Lieux  communs  apocalyptiques,  XLIII,  LIII, 
LXXXII,  70,  79,  83,  216,  passim.  —Guerre, 
Peste,  Famine,  Tremblement  de  terre, 
Etoiles  tombees,  etc.  (Voir  a  ces  mots.) 

(V.  Apocryphes,   Symbolisme,    Imagin.  Joh.) 

Lion  de  Juda,  62.  (V.  Agneau.) 

Livres  celestes  apocalyptiques,  XXXIX,  67- 
68,  325,  al.  —  Livre  de  vie,  livre  de  I'Agneau 
immole,  LXXX,  38,  189,  324.  —  Livre  aux 
sept  sceaux,  LXXII,  60-61,  66,  67,  125,  al., 
qui  est  un  rouleau  opisthographe,  68-69,  70. 
—  Petit  livre  ouvert,  et  son  contenu,  LXXIII, 
119,  121,  122,  124,  148,  152,  179;  mange  par 
le  prophete,  LV,  124-125. 


(V.  Sceau-x,  Tronipelles.  3"  Vae ;  Apocryphes, 
Babylonisme,  Mardouh;  Ezechiel.) 

Logos,  CXG.  (V.  Verbe,  Memru,  Slo'iciens.) 

Loki,  XLII,  al.  (V.  Dragon,  Satan;  Crepuscule 
des  dieux;  Apocryphes,  tradition  apocal.) 

Lutheriens,  217.  (V.  Commentaieurs,  Joa- 
chim.) 

Magie,  absente  de  I'Apocalypse,  30.  34,  91, 
213,  280,  al.  (V.  Pierre  blanche,  Etoile  du 
matin,  al.). 

Mandeens,  Manicheens,  176,  202.  {Y.  Pre- 
miere Bete.) 

Manne,  19,  29,  153,  161.  (V.  Pentateuque.  Ea- 
ch ar  is  tie.) 

Mardouk,  XXXIX,  XLI,  LVII,  63,  66,  162, 
290,  307. 

(V.  Babylonisme,  Agneau;  Noces  de  I'Agn., 
Livres,  Femme  et  Dragon,  Damkina.) 

Manuscrits  grecs  de  I'Apoc,  GGLI-GGLVII, 
GGLX-GGLXII. 

Martyrs,  38,  41,  45,  70,  85-87,  90,  93,  96,  97, 
98,  103,  134,  135,  197,  216,  219,  220„  224,  229, 
230,  292,  297,  299-suiv. 

Medes,  XLV.  (V.  Parthes.) 

Memra,  GXC,  280.  (V.  Logos,  Rabbinisme.) 

Mer,  56,  57,  184,  305. 

Messie  el  Messianisme,  chez  les  Apocryphes, 
XLIII-XLV;  —  chez  Jean,  L,  279-suiv.,  al. 
—  «  Douleurs  messianiques,  »  XLIII,  GUI, 
GIV,  146,  157,  158,  171,  181.  —  Messie  ben 
Joseph,  141,  148. 

(V.  Apocryphes;  Agireau,  Christ.  Verl-e; 
Femme  et  Dragon;  Eschatologie,  Parousie, 
Jagement.) 

Mesure  du  Temple  et  de  la  Gite,  129,  319. 

(V.  Temple,  Jerusalem  celeste,  Ezechiel,  Ζά- 
charie;  Car.  de  I'Apoc,  preservation  des 
fideles.) 

Michel,  XXXVIH,  103,  152,  162. 

(V.  Archanges ;  Apocryphes ;  Daniel:  Femme 
et  Dragon.) 

Midgard,  XLII,  al.  (V.  Crepuscule  des  dieux. 
Serpent,) 

Mille,  XXXIV,  146,  297-suiv.,  300,  302. 

(V.  No?nbres,  lenrs  rapports  arilhmeliques; 
Millenium.) 

Mille  deux  cent  soixante,  142-suiv.,  1.56,  161, 
214. 

(V.  Trois  et  denii,  Quaranfe-deux.) 

Mille  six  cents,  225.  (V.  Qaatre.) 

Millenium  et  Millenaristes ;  —  Regne  inter- 
mediaire,  chez  les  Juifs,  293-294:  chez  les 
Chretiens,  294-297,  301-302.  —  «  Mille  Ans  » 
de  I'Apoc,  coextensifs  aux  temps  messia- 
niques, 289.  297-301.  —  Encore  XLV,  XLVI, 
LI,   LII,   LIII,    LIV,    CV,  CXVI.   GXXIV, 


INDEX    AXALYTIQUE, 


349 


GLXXVI-suiv-,  CXC,  51,  65,  128,  135,•  146, 

149,   152,    198,   229,  243,  283-suiv.,  286,  292; 

chiliasme  chez  Papias,  CCXVII ;  chez  d'an- 

ciens  Peres,  CCXVIII-GGXXI. 
(V.  Plan  de  I'Apocalypse,  Apocryphes,  Com- 

menlateurs.   Qiwranle-Deux,   Mille,    Tiom- 

pettes,  Semaine  du  inonde,  Regne  des  Saints, 

Temoins.) 
Millenaires,   194,  201.  294.    (V.   Semainc   du 

Monde,  Sabbat  du  Monde.) 
Mithra,  Mithraisme,   LVII,  CXXVII.  49,  83, 

208-suiv.,  261.  (V.  Iranisme,  Arc,  Ciilte  des 

Empereurs,  Hvareno.) 
Moise,   LV,    131,    139,    140,    148,   160,    229.    — 

Moise  precurseur  du  Messie  dans  I'Apoca- 

lyptique,  140,  141. 
(V.  Apocryphes;  Temoins;  C.antiques;  Penta- 

teuqiie.) 
Moisson  (et  vendange,)  eschatol.,  223.  (V.  Fils 

de  I'Homme,  Jugements.) 
Monstres  apocalyptiques,  XXXIV,  XL-XLIL 

al.  —  M.  identifies  au  Dragon  ou  aux  Betes' 

168-suiv.,  201,  al. 
(V.  Animaiix  symb..  Babylonisme,  Iranisme, 

Tiamat,    Leviathan,    Behemoth,   .Python; 

Daniel;  Apocryphes,  etc..  Folklore  etc.) 
Montagne  mystique,  317,  322.  (V.  Jer.  celeste.) 
Montagnes  (les  7),  248.  (V.  Babylone,  Rome.) 
Montanistes,  XV,  GXXV,   GLXXV,   33,  295. 

(V.  Phrygie.) 
Mort  (V.  Peste)  —  Deu.\'ieme  Mort  (V.  a  ce 

mot.) 
Mort  et  Enfer,  75,  84,  114,  282,  304. 
Musmahhu,    Musrussu,    XLI,    XLII,    L,   201. 
(V.  Babylonisme.  Monstres.) 
Mysteres  et  Mystes,  GXXVII,   91,  203,    207, 

209,  al.  (V.  Hetlenisme.) 
Mystere  de  Dieu,  119,  123,  150.  (V.  Jerusalem 

celeste.  Fin  du  Monde:  Saint  Paul.) 
Mystique  des  Nombres.  (V.  Nombres,   Gema- 

tria,  Pythagoricicns,  Apocryphes,  Rabbins, 

Sibyltins.) 
Mythes,  Mythologie,  XXXI,  XXXV,  passim. 

—  Mylhes   juit's,    167-suiv.    (V.    Behemoth, 

Leviathan,      Taureau)  ;      protosemitiques, 

XXXII,  babyloniens  (V.  Babylonisme,  Dra- 
gon, Astronomie,  etc.);  egyptiens  (V.  Egypte, 
Ru,  Isisetc);  heilenistiques  {Y.  Astronomie, 
Apollon,  Python,  etc.),  —  Encore  112,  155, 
166,  167-suivants,  175,  177,  178,  239,  321, 
322.  —  Mythes  de  Platon,  XX. 
(Voir  Apocryphes,  Folklore,  Monstres,  etc.). 

Neoplatonisme,     GXXVII,     203-s,     209.     (V. 

Deuxiemc  Bete,  Culle  des  Empereurs,  Syn- 

crelisme.  Philosophic.) 
Neron,  IV,   XLIV,  LXIV,  CGVIII,  147,  186, 


191,  194,  199,  205,  207,  208,  213-suiv.,  259, 
262.  —  Pietour  ou  rosurrection  de  Neron, 
GGVII,  GGXXI,  GGXLIX,  186,  236,  245, 
249-suiv.,  253,  256,  259-suiv.;  faux  Nerons, 
GGIX,  al.  ^-  L'Apocal.  et  la  legende  de 
Neron,    surtout    263-265. 

(V.  Antechrist,  Belial,  Rome,  Empereurs,  Pre. 
miere  Bete, Teles.  Huitieme,  Parthes.) 

Nicolaites,  V,  XVII,  22,  31,  33,  46-48,  203, 
277,  Antinomianisme,  IV.  (V.  Asie,  Eglises 
d'Asie,  Heresies,  2'  Bete.) 

Nicolas,  XI,  48.  (V.  Nicolaites.) 

Nicolas  de  Lyre  et  son  6cole,  CCXXXI- 
GGXXXIV,  199,  254,  etc.  (V.  Commenta- 
teurs,  Ecoles.) 

Noces  de  I'Agneau  (V.  Agneau,  Epouse,  Jer^ 
celeste.) 

Noms  nouveaux,  mysterieux,  Nom  nouveau 
des  fideles,  30,  41,  42,  91,  al.  —  Verbe  : 
279  suiv.  —  Gourtisane  Rome,  246. 

Nombres  apocalyptiques,  XXXIII,  XXXIV, 
Lll-suiv.,  L,XX  etc.  —  Mystique  des  nom- 
bres, XXXIV,  144,  194,  etc.  (V.  Gematria. 
Rabbinisme,  Pythagoriciens.)  —  Gomment 
Jean  les  prenait,  146;  successions  non  chro- 
nologiques(V.  Caract.  de  T^/joc. );leurvaleur 
symbolique  est  indopendante  de  leur  rapport 
arithmetique,  LIII,  289,  al. 

(V.  Trois,  Tiers,  Trois  et  demi,  Quatre,  Cinq 
mois,  Six,  Sept,  Huit,  Huitieme,  Octave, 
Dix,  Douze,  Quatorze,  Vingt-quatre,  Qua. 
rante-deux.  Six  cent  soixante-six,  Mille. 
Mille  deux  cent  soLxante,  Mille  six  cents. 
Cent  quarante-quatre  mille;  Apocryphes, 
tradition;  Babylonisme,  Astronomie,  etc.) 

j  Octave,  144,  214,  249,  261,  262.  (V.  Huitieme, 

888,  Premiere  Bete,  Empire  romain,  Neron, 

Antechrist ;  Apocryphes.) 
Ophannim,  XXXV,   XXXVII,  57.  (V.  Quatre 

Animaux,  Anges,  Ezechiel.) 
Organisation  ecclesiastique,XI.  (Voir Lettres, 

Eglises  d'Asie,  Anges  des  Eglises.) 
Ormuzd     (Ahura  -  Mazda),    XXXV,    al.    (V. 

Iranisme.) 
Orphisme,  littorature  orphique,  XXXV,  LIV. 

(V.  Genre  apocal.) 

Palmgenesie,  XXXV,  305,  306,   307.   (V.    Fin 

du  Monde.) 
Palmes,    96.    (V.     Vainqueur.    Martyrs,    Vie 

etornelle.) 
Papyrus  avec  fragments  d'Apocal.,  CCL.  (V. 

Texte.) 
Papyrus  magiques,  213,  al.  (V.  Magie.) 
Paradis  terrestre,  XXXI,  19,  315,  322,  326,  al. 
i  ;V.    Apocalypse,    unito;    Leltres;    Jerusalem 


J50 


INDEX    ANALYTIOUE. 


celeste,  Arbro  dc  vie,  euu  dc  la  vie,  Penla- 

teuque.) 
Parousie,  I,XCVIII,  GXXIII,  CGXVII,  50-51, 

123,  138,   150,   188,  214,   220,    221,    232,    282. 

292,302,312,325,331,  334,  al.  —  Saproximite 

prelendue,  CV-suivants.  al. 
(V.    Eschalologie ;    Jugemenls ,     Millenium, 

Verhe ;  Gog,  Satan.) 
Parthes,    IV,   XLV,    LXXIII,     CGXVII,   48, 

79-80,    82-suiv.,  89,   116,   199,  236,  238,    251, 

253,  263. 
(Y.Arc,  Premier  Cavalier,  Cavalerie,  Guerre, 

Gog,  Neron.) 
Paul  (S'),  V,   GLXV-GLXVI.   6,  43,  104,  122. 

156,  199,  325,  334,  passiin.   —  Son  eschato- 

logie  (V.  a  ce  mot  et  Antechrist).  —  Son 

langage  apocalyptique,  GXIV-CXV. 
Patmos.  (V.  Auteur  de  I'Apoc.) 
Penitence,  136,  327,  332.  —  Les  fleaux  inca- 

pables  a  eux  seuls  de  converlir  le  monde, 

118,  235,  236,  241. 
Pentateuque,  LV,  al.  (Voir  Paradis,    Plaies 

d'Egypte,  Mo'ise,  Apoc.  et  Anc.  Test.) 
Pergame,   XIII,    GGVII,    .30-32,  47,  117,   205, 

211,  235.  —  Autel  de  Zeus  (V.  ce  mot)  — 

Rois  Attalides,  XII,  XIII,  31,  204. 
(V.  Asie,  Leltres,   Ciilte  des  Empereurs,   As- 

klepios,  Dionysos,  Serpent,  Gigantomachie, 

Cavalerie,  Antipas.) 
Periodes.  (V.  Apocryphes.) 
Persecutions.  (V.  Asie,  Antipas,  Betes,  Culte 

des  Emp.,  Smyrne,  Pergame,  Philadelpliie ; 

Neron,    Empereurs,    Rome,   Courtisane.   — 

Huitieme,    666,   Comes,  3"   Vae,    Date  de 

ν  Apocalypse.) 
Perses  (V.  Iranisme.) 
Peste  (θάνατος,  «  mort  »),  75,  79,  82-suiv. 
(V.  Fleaux,  Lieux  communs.) 
Pheuix,  XXXV,  XXXVIII.  (V.  Ciel,  Anim., 

Symb.,  Apocr.) 
Philadelphie,  XIV,  39-42. 
(V.  Asie,  Juifs,  Nom.  nouveau.) 
Philosophie,  philosophes,  XIX,  190,  207,  209. 

—  Philosophie  de  I'histoire  (V.  Caract.  de 

I'Apoc.) 
(V.  Deuxieme  Bete,  Neoplatonisme,  etc.) 
Phrygie,   XIV,  42,   295.   (V.   Asie,   Laodicee, 

Montanisme-) 
Pierre  (S'),  V,   GUI,  passim.  (V.  Eschalolo- 
gie.) 
Pierre  blanche,  30.  (V.  Blanc,  Nom  nouveau, 

Pergame,  Magie.) 
Pierres  precieuses,  LVII,  54,  320-s.  (V.  Ima- 

gin.  johannique,  Tronc  de  Dieu,  Jerusalem 

celeste.) 
Plaies  d'figypte,  XXXI,  hY,  101,  107-109,  111, 

133,  232,  al. 


(\'  Fleaux,  Trompettes,  Coupes,  Mo'ise,  Elie, 
Temoins,  Penlaleuque.) 

Plan  et  resume  de  I'Apoc,  LXXXV-XGIII. 

(Voir  Composition  de  I'Apoc.) 

Platon,  Platonisme,  XXXVI,  al.  (V.  Exem- 
plaires,  Ral)binisme.) 

Pompee,  XLII,  XLIV,  159.  (V.  Apocryphes, 
Dragon.) 

Prophetic  et  Prophetes,  de  I'Anc.  Test.,  LV; 

—  dans  le  Nouveau  Testament  et  I'Apoc, 
VI,  VII,  277.  —  Prophetie  et  Apocalypse, 
XXI-XXVI. 

(V.  Caract.  de  I'Apoc.  Isa'ie,  Ezechiel,  Da- 
niel; Esprit  de  prophetic.) 

Psaumes,  Icur  imagerie,  LVI. 

Pseudo-Agneau.  GXXVII,  189-190.  (V.  Faux 
Prophi'te,  Deuxieme  Bete.) 

Pseudonymie,  (V.  Apocryphes.) 

Ptolemees,  257,  al.  (V.  S(φt,  Culte  des  Empe- 
reurs.) 

Pythagoriciens,  XXXIV,  105,  261,  322.  (V. 
Gematria,  Octave,  «  Cube  ».) 

Python,  XLII,  LVII,  159,  169-suiv.,  176-suiv. 

(V.  Dragon,  Femme  el  Dragon,  Monstres, 
Apollon,  Delphes.) 

Qingu,  XL,  201.  (V.  Babylonisme,  TiOmat, 
2«  Bete.) 

Quarante-deux  mois,  LIII,  130,  131,  142-3uiv., 
146,  180,  187-suiv.,  194,  214,  232,  262,  300. 

(V  Trois  et  demi,  Six,  Quatorze,  1260,  Mille; 
Bete,  Antechrist:  Temple,  Temoins,  Femme 
et  Dragon;  Carac.tere  de  I'Apoc,  unite 
de  perspective;  Eschalologie,  «  derniers 
temps  »,  Messie.) 

Quart,  76,  116.  (V.  Gavaliers.) 

Quatorze,  144.  (V.  Sept,  Quarante-deux,  Da- 
vid, Jesus.) 

Quatre,  XXXIII,  XGIV,  66,  84,  225,  al.  — 
Quatre  parties  de  I'univers,  107-suiv.,  al. 

(V.  Nombres ;  Animaux,  Elements ;  Cavaliers, 
Symbolisme,  Douze,  Sept.) 

Quatrieme  fivangile,  LXVII,  GXGII- 
GXGVIII,  40,  67,  282,  312,  315-suivants, 
passim.  —  Virlualisme  de  style,  LXVII; 
style  compare  a  celui  de  I'Apoc.  GXGVIII- 
GGI;  vocabulaires  coraparns,  GLXXXII- 
GLXXXV. 

(V.  Apocalypse,  Caractere  de  I'Apoc,  Langue, 
Grammaire,  Auteur  de  I'Apoc,  Date.  Jean.) 

Ra,  XLI,  178,  204,  291.  (V.  Egypte,  Apophi, 
Myfhes,  Folklore,  Femme  et  Dragon.) 

Rabbins,  rabbinisme,  XLV,  131,  145-suiv., 
157,  234,  290,  294,  321,  322,  326. 

(V.  Apocryphes,  Mytl/cs.) 


INDEX    ANALYTIQUE. 


351 


Race  de  la  «  Femme  »,  131,  157,  161,  166-suiv., 

307. 

(V.  Femme  et  Dragon,  Chr is ί personnel  el  mys- 
lique.) 

Rahab,  XLI.  (V.  Monstres,  Dragon.) 

«  Recapitulation  ».  (V.  Compos,  de  I'Apoc.) 

Regne  de  Dieu  (en  deux  phases) ,  LIV, 
LXXVIII,  G,  145,  164,  287,  303,  312-suiv. 

(V.  Cites,  Eglise,  Jerusalem,  Millenium,  Te- 
moins,  Quarante-deux ;  Art  johannique.) 

Regne  des  Saints,  5,  6,  34,  45,  65,  136-suiv., 
284,  286-s.,  300,  al. 

(V.  Vainqueur,  Temoins,  Millenium.  Resur- 
rection, Sion.) 

Resurrection,  CVII,  al.,  212,  242,  305,  al.  — 
Universelle,  pour  las  bons  et  les  mechants, 
305.  —  Double  resurrection,  chez  les  Millena- 
ristes,  XLVI,  CV,  286-suiv.,  292-suiv.:  pre- 
miere resurrection,  CV,  35.  137,  303,  au 
sens  figure  chez  Jean,  GXVI,  al. ;  resur- 
rection des  «  Temoins  »,  128,  137,  186,  242. 

—  Resurrection  de  la  Bete,  186,  248-suiv., 
al. 

(V.  Temoins,  Millenium,  Jugement,  Jer.  ce- 
leste, etc.) 

Retour  eternel,  XXXV.  (V.  Stoiciens,  Perio- 
des,  Apocr.) 

Rois,  ennemis  de  I'Agneau,  CV,  181,  236,  250- 
suiv.  (V.  Dix,  Comes),  rois  de  I'Orient  apo- 
calyptiques,  LXXIV,  238,  241,  299,  al.  (V. 
Parthes,  Neron.)  —  Ptolemees.  (V.  ce  mot.) 
Seleucides,  199,  al.  —  Rois  de  Pergame.  (V. 
Pergame.)  —  Christ  Roi  (V.  Christ,  Verbe, 
Agneau). 

Rome  et  Empire  remain,  LIT,  CIII,  CXXV, 
CXXVII,  121,  134,  147,  152,  180,  181,  182, 
184,  185-suiv.,  202  209,  218,  227,  232,  235, 
237,  238,  240,  242,  243,  244-suivants,  259- 
suiv.,  263,  266-277,  289,300.  —  Deesse-Rome 
(V.  Culte  des  Emp.) 

(V.  Asie,  Empereurs,  Culte  des  Empereurs, 
Premiere  Bete,  Antechrist;  Neron,  Baby- 
lone,  Courtisane;  Jerusalem;  Apocalypse, 
prophelies  speciales.) 

Rythme  des  idoes  dans  I'Apoc.  (V,  Art  johan- 
niques,  Caractere  de  I'Apoc,  Composition.) 

—  Rythme  ternaire,  LXXIX,  XCIII. 

Sabbat  des   saints,    102,   297-suiv.  (V.  Regne 

des  saints,  Regne  de  Dieu,  Millenium.) 
Saint-Esprit,    X-suiv.,    6,    8-9,    19,    22-23    (et 

passages  similaires  dans  les  letlres),  63,159, 

220,  326,  327. 
(V.  Tfieologie,  Esprifs,  Eau  de  la  vie,  Bap- 

teme;  Vainqueur.) 
Sarapis,  211.  (V.  Gematria.) 
Sardes,  XIII,  GCVII,  36,  37,  38-39,  47. 


(V.  Asie,  Eglises  dAsie,  Lettres.) 

Satan,  XXXI.  XL,  110,  119,  159,  180-181,  182 
290,  299,  al.  —  Sa  chute,  110?,  163.  —  Son 
incarceration  dans  I'abime  284,  299. 

(V.  Dragon,  Diable,  Serpent,  Femme  et  Dra- 
gon, Etoiles,  Millenium,  Jugement.) 

Sauterelles  diaboliques,  LI,  LVI,  101,  110- 
114,  113,  117,  179,  180,  235. 

(V.  Abime,  Abaddon,  Joel,  Centaures,  Cin- 
quieme  Trompette,  Fleaax  moraux.) 

Scandinaves,  XX,  XLII,  176,  291,  al.  (V.  Crc- 
puscule  des  dieux.) 

Sceaux  (les  7),  68,  73-100.  —  Sixieme  sceau, 
88-100.  —  Septieme  sceau,  loo. 

(V.  Livre  scelle,  Visions  preparatoires ,  Cava- 
liers,  Antithese,  Martyrs,  Agneau.) 

Sceau  de  Dieu  au  front,  90-94,  91    182,  195. 

(V.  Car.  de  I'Apoc.  preservation,  lii.OOO,  Sion, 
Juifs,  Vierges;  CJiiffre  de  la  Bete.) 

Shekinah,  96. 

Scolastiques,  CCXXVII-suivants.  (V.  Com- 
mentateurs.) 

Scythes,  290,  (V.  Gog.    Guerre.) 

Semaine  de  la  creation,  XXXV,  —  type  de  la 
semaine  du  monde  =  7.000  ans,  XXXV, 
XL,  105,  292,  295. 

(V.  Millenaires,  Millenium,  Apocryphes.) 

Sept,  XXXIII,  XGIV,  6,  9,  63,  65,  66,  89,  97, 
157,  172,  179,  257,  al.  Esprits,  Eglises,  Let- 
tres, Yeux  de  lAgneau,  Sceaux,  Anges, 
Trompettes,  Tonnerres,  Coupes,  Tetes  du 
Dragon  et  de  la  Bete.  (V.  a  tons  ces  mots.) 

—  Sept  parties  du  monde,  105;  sept  men- 
tions de  la  guerre,  236;  sept  mentions  de 
Babj'lone,  244;  sept  fois  έρχομαι  ταχύ,  334; 
sept  fois  Χζιίστός,  V.  Index  a  ce  mot.  —  Sept 
mille,  137.  (V.  Nombres,  Genre  apocalyp- 
tique,  Apocryphes,  tradition;  Astronomie.) 

Septenaires,  LXX,  LXXXI,  CXCXV,  6,  62, 
65,  89,  97,  102,  157,  179,  214,  220,  222-suiv., 
236,  244,  248,  331,  334,  al.  —  Lettres,  etc., 
voir  I'enumeration  a  «  Sept  » ;  puis  :  σημεία 
(signes),  XGIII-XCIV,  al. ;  Personnages 
avertisseurs  avant  les  coupes,  222;  Maca- 
rismes,  220,  331;  Doxologies  (v.  a  ce  mot); 
mentions  du  Christ  (V.  Christ),  etc.  —  Divi- 
sion des  Septenaires.  (V.  Trois  plus  quatre). 

—  Sixieme  moment  des  Septenaires, 
LXXVII-LXXVIII,  88-100,  115,  125,  126, 
130,  144,  236,  238,  al. 

(V.  Sept,  Douze,  Quatre.) 

Septieme  sceau.  (V.  Sceaux) ;  —  Septieme 
Trompette,  138,  148,  150,  153,  179,  240.  (V, 
Trompettes,  Fin  du  monde);  —  Septieme 
Coupe,  232,  240,  243.  (V.  Coupes,  Recapitu- 
lation); —  Septieme  Tote  (V.  Tetes,  Em- 
pereurs.) 


352 


INDEX    ANALYTIQUE. 


Seraphins.  (Y.Anges.) 

Serpent,  XLI,  159,  164,  177. 

(V.  Dragon,  Python,  Apophi.  Tkannin,  Mid- 

gard,  Monstres ;  Femme  et  Dragon;  Penta- 

teuque;  Mythologie.) 
Seth  egyptien,  XLI,  169.  178.  (V.  Egypte,  My- 
thologie, Femme  et  Dragon.) 
Sibylle  chaldeenne,  33,  36.  (V.  Thyatire.) 
Sibyllins  (livres),  XIX,  V,  XXXLII,  210.suiv. 

passim. 
(V.  Apocryphes,  Babylone,  Neron.)    ■ 
Siecles  (les  deux),  XL,  al.  (V.  Eons.) 
Signe    de   la  Bete,  91,    182,    183,    191-siiiv. 

195. 
(V.  1'"  Bete,  Ciilte,  des  Empereurs ;  Antithese, 

Sceau  de  Dieu.) 
Sion,  130,  195-suiv.,  225,  240.  (V.  Cites,  Jeru- 
salem.) 
Six,  signification  de  ce  chiffre,  XXXIV,  144, 

194,  214,  242. 
(V.  Sept,  Quarante-deux,  666;  Mystique  des 

nombres.) 
Six  cent  seize,  213. 
(V.    Chiffre  de   la   Bete,    Caligula,   Date    de 

I'Apoc.,  Sources,  Commentateurs .) 
Six  cent  soixante-six,  XXXIV,   192-194,  210, 

215,  250.  (V.  Six,  Chiffre  de  la  Bete,  888- 

Antithese,  Antcchrist,  Neron.) 
Sixieme  moment  des  Septenaires  (V.  Septe- 

naires.)  —  Sixieme  sceau  (V.  Sceaux.)  — 

Sixieme   Trompelte,    115-suiv.  —   Sixieme 

Coupe,  236-suiv.  —  Sixieme  Tete,  258.  (V. 

Domitien,  Vespasien.) 
(V.  Antithese.  sa  periodicite ;  Semaine.) 
Smyrna,  II,  XIII,  CCVII,   CGIX,  ^6-28,  204, 

322. 
(V.  Asie,  Lettres,  Eglises,  Juifs,  Culte  des 

Empereurs;  Caractere  de  Jean.) 
Sol  Invictus,  83,  208-suiv.  (V.  Mithra,  Culte 

des  Emp.) 
Solecismes  dans  I'Apocal.,  CXLV-suiv.,  39, 

54,  115,   127,  132,  231,  etc.  (V.  Grammaire, 

Langue.) 
Sources  apocalyptiques,  en  general,  XXXI- 

XXXVI.  (V.  Apocryphes,  Tradition.) 
Sources  de  I'Apocalypse  johannique,  CLXIX- 

CLXX,  20-suiv..  87,  90-91,  94,  95,  106,  120, 

122,  126-suiv.,  138-suiv.,  149,   150,  151,  155- 

suiv.,  161,   167-suivants,   226,    278,    314-315, 

321,  324,  328,  al.,  passim. 
(V.  Visions,  Unite,  Langue,  Art  johannique, 

Commentateurs.) 
Sraosha,  49.  (V.   Blanc,   Iranisme,  Premier 

Cavalier.) 
Stoiciens,  «,  177,  207,  280;  —  Periodes  sto'i- 

ciennes,XXX  V.  (V.  Pέriodes,  Palingenesie.) 
Στοιχεία,  58,  321.  (V.  Elements,  Zodiaque.) 


Style  de  I'Apocalypse,  LXXI,  XGIV,  GL- 
GLIV,  passim.,  328.  —  Changement  des 
temps,  63,  64,  98,  99,  114,  128,  133,  1-34,  135- 
suiv.,  289,  310,  324. 

(V.  Art  johannique,  Imagin.  joh.,  Quatr. 
Evang.,  Langue,  Composition  de  I'Apoc.) 

Symbolisme  apocalyplique  :  origine  des  sym- 
boles,  XXXI-suivants,  passim.;  —  tradition 
symbolique,  XXVIII-XLVI;  —  Lois  du 
symbolisme,  XXVII,  XXIX-XXXI;  — 
Exemplaires  colesles,  XXXVI,  al. ;  —  Rap- 
ports mutuels  des  symboles,  LIX-LXVII, 
63,  81,  226,  248,  al.  —  D6doublement  des 
symboles,  et  leur  sens  double,  63,  81,  84, 
passim.  —  Doublets,  LXX,  LXXII,  LXXV- 
suiv.,  63,  165,  al. ;  Recapitulation.  (V.  ce 
mot).  —  Symbolisme  etage,  265,  al. 

(V.  Apocalypse,  Apocryphes,  Composition  de 
I'Apoc,  etc.) 

Syncretisme,  III,  138.  190,  203,  al. 

(V.  Asie,  Mythologie.) 

Synthese  de  la  tradition  apocalyptique, 
XXXVI-XLVII. 

(V.  Apocalypse,  Apocryphes.) 

Syrie,  203,  al.    . 

Tartare,  XXXIX.  (V.  Mythes  grecs,  Fleuves 
inf.) 

Taureau  mythique,  XXXV.  (V.  Iranisme, 
Mythes  juifs.) 

Taxo,  148.  (V.  Temoins;  Apocr.) 

Temoins  (les  Deux)  LV,  LXXIV,  LXXX, 
CXIV,  118,119,  125-suivant.s,  128,  131,  132, 
133,  143,  148,  162,  179,  180,  182,  186,  188, 
190,  241,  298,  313. 

(V.  Antcchrist  et  Jerusalem,  Premiere  Bete, 
Elie,  Henoch,  Mo'ise,  Plaies  d'Egypte,  Qua- 
rante-deux, Millenium,  Resurrection,  Regne 
des  saints,  Antithese,  Sixieme  moment. 
Soui-ces,  Langue.) 

Temple  :  terrestre,  symbolique,  129,  135, 
223,  313,  322.  {V.  Jerusalem;  Temoins;  Car. 
de  I'Apoc,  preservation,  1260.)  —  Temple 
celeste,  60,  98,  103,  153,  230,  308,  321.  (V• 
Exemplaires,  Ciel,  Cite  de  Dieu,  Arche 
dalliance,  Autels.) 

Temps  (χρόνος)  =  Delai,  122-suiv.  (V.  Sep- 
tieme  Trompelte,  Fin  du  Monde,  Mystere  de 
Dieu.) 

Temps  des  verbes,  leur  usage,  CLII-suiv.  ;  — 
leur  changement.  (V.  Style.) 

(V.  Grammaire,  Langue,  Style,  Art  johan- 
nique.) 

Tetes  de  la  Bete,  GGVII,  159,  184,  190,  194, 
248-suiv.,  253-suiv.,  256-suiv.  —  Tete 
blessee  et  guerie,  190,  al.  (V.  Neron.) 

(V.  1"  Bete,  Rome,    Courtisane,   Empereurs, 


INDEX    AXALYTIQUE. 


353 


Antechrisi,  Symbolismc   rapports,   Comes, 

Sept,  Septenaires,  Octave.) 
Texte  de  I'Apocalypse,  CCL-CCLXII• 
{V .Manuscrits,  Papiji-us,  Versions,  Citations.) 
Thannin,  XXXII,    XLI-suiv.,    159,    174.    (V. 

Monstres,  Dragon,  Serpent,  Tiamut.) 
Thoologie  de  I'Apocalypse,  IX-suiv.,   54,  56, 

63,  passim.  —  Trinite,  56,  316,  326,  al. 
(V.  Apocalypse,  doctrine;  C/iristologie;  Saint- 

E  sprit.) 
Thehom,  XLI.  (V.  Tiamat.) 
Thyatire,  XIII,  32,  35-36,  47. 
(V.  Asie,    Eglises,   Angcs  des  Eglises,    Nico- 

lailes,  Idolothytes,  Jezabel.) 
Tiamat,  XXXII,  XL-suiv.,  LVII,  66,  159,  162, 

174,  201,  282,  290-suiv. 
(Voir  Babylonisme,  Mardouk,  Dragon,  Mons- 
tres, Femme  et  Dr.) 
Tiers,  66,  107-109,  117,  159,  160,  233. 
(V.  Trompettes,  FUanx  cosmiqiies,  Cavalerie.) 
Titus,  258.  (V.  Empereurs,  Tetes.) 
Tonnerres  (les  Sept),  XLVII,  121.  (V.   Sept, 

Interdiction  d'ecrire.  Visions.) 
Tradition   :   apocalyptique    (V.   Apocryphes, 

etc.);  —  sur  I'auleur  de  I'Apoc.  (V.  Auteur.) 
Tremblements  de  terre,  71,  84,  88,  137,  154, 

240.  (V.  Flenux,  Licua;  communs,  Temoins, 

Baby  lone.) 
Trinite.  (V.  Theologie.) 
Trisagion,  57.  (V.   i  Animaiix,  Isaie,  Sera- 

phins.) 
Trois,  XXXIII,  216,  al.  —  Trois  «  Vae  »  (V. 

«  Vae  »).  —  Trois  plus  quatre  on  Quatre 

plus  trois,  LXXXII,  21,  34,  184,  222-suiv., 

235,  Index  a  χριστός,  al.  —  Trois   et    demi, 

XXXIV,  LIII,"  CV,  127,  142-suivants,    146. 

214,  279,  300;  trois  jours  et  demi,  135. 
(V.    Quarante-dcux,     1260,    Sept,    Mystique 

des  notnbres.) 
Trompettes,  LI,  LVI,  84,  100,  101-151,   (102, 

104-406,  137),  153,  160,  179,  214,  224,  227,  231, 

232,  233,  235,  240,  242,  292,  297.  —  Tr.   chez 

St  Paul,  GXIV.  —  Sixieme  Trompette.  (V. 

Sixieme,   Guerre,    Temoins,   Antithese.)  — 

Septieme  trompette.  (V.  Septieme,  Fin  du 

Monde,  Cantiques.) 
(V.  Fleaux,  Anges,  Vae,  Septenaires,  Quatre 

parties  du  Monde,  Trois  plus  quatre ;  Coupes.) 
Trone  de  Dieu  (et  de  I'Agneau),  53-3ηΐΛ•.,  57, 

58,  304,  322,  325. 
(V.    Ciel,    4    Animaux,    Jugement,    Agneau, 

Blanc,  Theologie,  Art  johannique.) 
Tubingiens,  GLXXIX,  (V.  Auteur.) 

Unite  de  I'Apocalypse  (V.  Apocalypse,  Com- 
position, Caractcre  de  VApoc,  Langue, 
Commentateurs.) 

APOCALYPSE   DE    SAINT  JEAN. 


«  Vae  »  ou' Maledictions,   LXXXI,  112,   114, 

125-suiv.,  128,  148,  153,  155,  165,  233,  236,  — 

Troisieme  «  Vae  »,  CII,   138,   165,  179-181, 

243. 
(Voir  Trompettes,  Trois  plus  quatre,  Fleaux; 

Composition.) 
«  Vainqueur  »,  19,  etc.   a  la  fin  des  Lettres, 

82,  229,  232.  (V.  Lettres,  Paradis  terrestre, 

Viei:ternelle,Eucharistie;Caract.del'Apoc., 

absence   de  promesses   temporelles,    spiri- 

tualite.) 
Vendange  escliatol.,  223.  (V.  Moisson,  Execu- 

teurs,      Jugement      dernier,       damnation, 

Antithese.) 
Vents,    XXXVII,     63,     70,     77,     78,     84,    91, 

105. 
(V.    Cherubins,    Cavaliers,    Fleaux,  Symbo- 

lisme  etage.) 
Verba  de  Dieu,  IX,  GXC,  42,  80,  152,  277,  278- 

280,  284. 
(V.  Christ,  Betes,  Parousie,  Epee,  Quatrieme 

Evangile,  Auteur.) 
Versions    de    I'Apoc,    CCLVII-GGLIX.    (V. 

Texte.) 
Vespasien,    258,    al.  (V.    Empereurs,   Teles; 

1"  Bete,  guerison.) 
Vie    eternelle,    et   ses   deux  phases,    GXG- 

suiv.,  97,  98-99,  312,  314,  al. 
(V.     Vainqueur,    Sixieme    Sceau,    Regne  des 

Saints,     Eglise,      Beatitude,      Quatrieme 

Evangile,  Apocalypse  doctrines. 
"  Vieillards  », XLIX,  54-suiv.,64,  97,  150,  196, 

273,  274. 
(V.    Ciel,    Anges    intercesscnrs,    Cantiques, 

Vingt-qualrc,  Astronomie,  Babylonisme.) 
Vierge  Marie,   158,   174,    316.     V.    Femme  et 

Dragon.) 
«  Vierges  »(ascetes),  92,  183,  195,  197. 
(V.  Sion,  lii.OOO,  Antithese,  Agneau.) 
Vingt-quatre,  XLIX,  XGIV,  54,  etc. 
(V.     Nombres,     Astronomie,     Babylonisme, 

Douze,  Vieillards.) 
Visions    de  I'Apocalypse  :  d'introduction.  de 

preparation,  LXXVII,  70-suivants,  216-sui- 

vants,  228,  243,  265-268,   al.  —  d'execution 

268-suivants,  etc.   (V.  Trompettes,    Coupes, 

Courtisane,     Verbe,    Gog,    etc.).    —    Leur 

authenticite,   GLXIV-GLXX.  —   Garactere 

imaginatif  et  surtout  intellectuel,  GLXVI- 

suiv.  —  Leur  arrangement,  53,  313,  al.   — 

Leur  Equivalence,   226.  (V.  Recapitulation. 

Ondulations,   perpetuite   et  periodicite   de 

I'Antithese,  etc.) 
(V.  Apocalypse,   Composition,  Art   et  Imag, 

johann.) 
Vision  beatifique,  XI,  327,  al.  iV.  Beatitude, 

Jerusalem  celeste.) 

23 


354 


IXDfiX   ANALYTIQUE. 


Vocabulaire  de  lApoc,  GXXX-CXXXV. 
(V.  Langue,  Quatrieme  EvangUe,  Κοινή.) 
Vritra,  XLI,  178.  (V.  Indra,  Serpent,  Mytho- 
.  logie.) 

Vulgarismes  hell^nistiques,   CXXXV,  GXL, 
passim.  (V.  Grammaire,  Hebraismes.) 


Zflcharie  (passages  inspires  de),   77.  78,   84, 

129,  132,  al. 
{\ .  Apocalypse  ef  Anc-,  Test.,  Chevaur,  Vents, 

Τέηιοϊη8.) 
Zodiaque  (V.  Astronomie.) 


OUVRAGES  CITES  (1) 


SAIXTES   ECRITURES.  —  LES   PLCS   ANCIENS   PERES.  —  RABBINISME,  APOCRYPHES  JUIFS 
ET   CHRETIEXS.   —   LIVRES   HERETIQUES   ET  PAIEXS.) 


Genese,  LV,  22,  56,  62,  94,  1Ί1,    157.  290,  294. 

306,  311,  315,  325,  326. 
Exode,  LV,  6,  12,  29,  54,  56,  57,  60,  67,  99, 
102,  104,  107,  108,  111,  133,  160,  161,  166, 
187,  232,  233,  234,  235,  236.237,  240,  241,  320. 
Levitique,  86,  95,  96,  306. 
Nombres,  29, 144.  —  Chap.  XXIII-XXIV  :  145. 
Deuteronome,  76,  120,  134,  140,  142,  166,  233, 

252,  294,  333. 
Josue,  104,  236. 
Juges,  94,  144,  239. 
Samuel  I,  120. 
Samuel  II,  311. 
Rois   l-II,  33.   41,  53,    76,    1-30,    132.    133,   144, 

161,  190,  232.  239,  289. 
Chroniques  I-II,  41,  54,  239,  290. 
Esdras  et  Nehemie,  95,  144. 
Tobie,  102.  103,  229,  320. 
Machabees  I,  95. 
Machabees  II,    29,  50,   72.  77,  95,   252.  —  Ch. 

II,  i-S  :  154. 
Job,  XLT,  XLII,  57,  113,  114,  117.  159,  164. 
Psaumes,  XXXVII,  XLI,  LVI,  CLII,  29,  34, 
44,  53,  64,  65.  67,  89,  99,  100,  117,  120,  121, 
130,  133,  134, 151,  157,  159,  160,  161,  166,  197, 
229,  230,   234,   252,    267,    281,   284,  289.  29'i, 
307,  311,  324.  325.  327,  331. 
Proverbes,  44,  75,  144. 
Ecclesiaste,  50. 

Cantique  des  Cantiques,  157,  307. 
Sagesse,  12,  83.  280. 

Ecclesiastique,  XVIII,  131.  132.  140,  141. 
Isaie,  XXXVII.  XLI,  XLIX,  8,  29,  39,  41,  43, 
54,  57,  60,  62,  65,  75,  83,  89,  91,  99,  110,  117, 
120,  121,  129,  132,  134,  157,  159.  160,  166, 
173,  174,  192,  197,  218,  223,  226,  235,  236, 
245,  246,  252,  265,  266,  267,  268,  272,  274, 
276,  280,  282,  284,  285,  286,  293,  294,  304, 
305,  306,  307,  310,  318,  320,  .321,  324,  330,  331. 


Jeremie,  34,  67,  75,  77,  89,  107,  108,  132,  134, 
139,    160,   189,  210,    217,   218,   223,  224,  23o', 
245,  246,   252,    265,   266,  267,    272,    273,  274,' 
304,  306. 
Baruch,  265. 

Ezechiel,    VIII,    XIX.    XXXVII,    XXXVIII, 
XLI,  XLII,XLV,  XLVII,  LV,  LVI,  LVIII^ 
GXLVI,  11,  53,  56,  57,  60,  64,  74,  75,  77,  91, 
99,  113,  129,  134,  136,  157,  159,  166,  231,  239^ 
241,   253,   265, -266,    268,   269,   270,   271,   272, 
273,  279,  281,  282,  289,  293,  307,  308,  315,  318^ 
319,  320,  321,  324,  325,  326,  331.  —  Ch.  Ill, 
1-3  :  124;   ch.   IX  :  91;  ch.  X,   5  .•  104; 
ch.  XXXVIII-XXXIX:i%%-^M.\^.;  ch.  XL- 
fin  :  306. 
Daniel,  VIII,   XIX,  XXXVI,    XLIV.    XLIX, 
L,  LVI,  LXXX,   GXIV,  GXXIV,  GGXVII, 
GGXIX-suiv.,   2,   12,  13,   17,  50,  54,  60,  62, 
65,  77,  100,  118,  120,   121,    122,123,  130,  131, 
133,  143,   147,    159,  166,   172,    187,    183,    199, 
201,  202,  222,  240,  264,  282,  285,  297,  304,  305, 
327,  330,  331.  —  Ch.  VII  :  iSi,  251,  254,  al.; 
ch.  XII,  3  .•  184. 
Osee,  LV,  44,  166.  223,  253,  289,  307. 
Joel,   VIII.   XIX,  LVI,  88,    89,    104,  108,   195, 
225,  238.  —  Ch.  I,  4.  suir.  :  111 ;  ch.  Ill,  13  : 
223-224. 
Amos,  XLI,  75,  108,  114. 
Michee,  157,  173,  174. 
Nahum,  89,  218,  245,  273. 
Habacuc,  86,  117,  289, 
Sophonie,  89,  197,  238,  265. 
Aggee,  17,  88. 

Zacharie,  VIII.  XIX,  LΛ^  LVI,  LXXXI,  2.  8, 
12,  62,  72,  77,  83,  97,  103,  129,  130,  164,  174, 
224,  225,  229,  239,  240,  306,  311,  319,  324.  — 
Ch.  I,  8-11  :  78;  ch.  IV,  2-siiivanis,  li  .• 
132,  142. 
Malachie,  17,  07,  131,  140,  197,  304. 


(1)  Le.s  passages  qui  pretont  aux  rapprochements  les  plus  significatifs  avec  I'Apocalypse 
sont  mis  a  part  et  imprimi^s  en  italiques. 


356 


OUVRAGES    CITES. 


Matthieu,  I,  LII,  LVI,  GUI,  CIV,  CXVIII, 
CXXIV,  GXXXIV,  CLI,  GGXXIX,  14,  37, 
39,  4S,  65,  72,  74,  75,  98,  104,  105,  109,  119, 
128,  131,  147,  159,  189,  190,  196,  222,  223, 
261,  266,  268,  276,  281,  284,  285,  305,  307, 
319,  324,  327.  —  Chap.  1 :  144-suiv.;  ch.  IV, 
9-10  .•  186-187. 

Marc,  I,  GUI,  GIV,  GXXV,  GXXIX,  GXXX, 
GXXXIV,  GLXXI,  7,  72,  73,  75,  88,  114, 
119,  123,  128,  131,  141,  147,  171,  190,  196, 
223,  299,  307,  324. 

Luc,  I,  XVIII,  GUI,  GXXIV,  GXXX. 
GXXXIV,  GXXXVII,  GLI,  23,  37,  45,  66,  67, 
72,  75,  89,  91,  110,  HI,  112,  119,  128,  130, 
183,  141,  147,  159,  163,  174,  186,  187,  196, 
223,  230,  268,  269,  276,  282,  284,  285,  299, 
316,  324. 

Jean,  IX,  XXVI,  LVI,  LXVII,  XCVI,  XGVII, 
GXVI,  GXXIV,  GXXX,  GXXXIV,  GXXXIX, 
GXLII,  GLXXX-GGIII,  GXGIII,  GXGIV, 
CXGV-suiv.;  2,  3,  4,  6,  14,  25,  29,  36,  37, 
41,  43,  45,  62,  63,  72,  82,  94,  95,  96,  97,  98, 
99,  100,  114,  121,  127,  128,  135,  140,  141,  142, 
146,  157,  159,  171,  186,  187,  .196,  197,  223,  225, 
271,  280,  281,  282,  286,  298,  305,  .307,  311,  312, 
326,  330,  332. 

Actes  des  Apotres,  VI,  XIV,  XV,  CIII,CXXIV, 
GXXX,  GXCII,  CGVI,  5,  11,  14,  15,  16,  17, 
24,  27,  34,  36,  37,  46,  47,  50,  63,  120,  128, 
137,  142,  162,  282,  325. 

Romains,  V,  GIV,  GVI,  GXIV,  CXVII, 
GXXIV,  GXXXVII,  2,  7,  32,  40,  72,  89,  93, 
104,  167,  186,  197,  218,  220,  230,  242,  294, 
298,  305,  311,  325.  —  Chap.  ΛΊ,  11-12;  15; 
25-suiv.  :  CXV-GXX. 

Corinthiens  I,  II,  VI,  XVIII,  CII,  GIV,  CVI, 
GVII,  GXIV,  CXXII,  GLXVI,  GXGII,  2, 
11,  30,  32,  40,  44,  62,  65,  104,  105,  114,  123, 
197,   220,  229,   238,    252,    285,   294,  296,  297, 

304,  327,  328,  334.  —  Chap.  XV,  15-saiv.  : 
GVII. 

Corinthiens  II,  CII,  GVI,  GVIII,  CXVI, 
GXGII,  32,  40,  50,  91,  122,  196,  238,  267,  305, 
306,  307,  310,  318. 

Galates,  2,  3,  7,  41,    42,   65,    92,  158,  167,  220, 

305,  308. 

Ephesiens,  VI,  XLIX,  CVI,  GXXV,  2,  15,  66, 

83,  91,  123,  159,  163,   267,   276,  279,  282,  286, 

298,  307,  316,  318. 
Philippiens,  XGVI,  GVI,  GCII,  15,  61,  66,  85, 

97,  165,  229,  238,  331. 
Colossiens,  IX,  XI,  XLIX,  LVI,  CVI,  6, 15,  40, 

43,  46,  123,  161,  236,  277,  298.  —  Ch.  I,  18  :  5. 
Thessaloniciens  I,  LVI,  GVI,  GXIV,  CXVII, 

GXXIV,    GXGII,   GCII,   37,    105,    120,   146, 

220,  223,   287,  294,  296.  —  Chap.  IV,  13-V, 

11  :  CIX-CXI;  ch.  IV,  16 :  105. 


Thessaloniciens  II,  I,  XVIII,  LVI,  CXVII, 
CXVIII,  CXIX,  CXXI,  CXXII,  GXXIV, 
GXGII,  GCII,  GGXVI,  GCXXIII,  2,  104, 
129,  133,  135,  138,  146,  148,  184,  185,  190,196, 
199,  238,  247,  248,  264,  301.  —  Chap.  II, 
1-13  :  GXI-CXV. 

Timothee  I,  GVI,  3,  4,  97,  248,  252,  267.  — 
Chap.  IV,  l-suiv.  :  CXXI;  ch.  VI,  13-15  : 
CXX-suiv. 

Timothee  II,  GVI,  CXI,  2,  85,  97,  238.  — 
Ch.  Ill,  i  .•  CXXI. 

Tite,  GVI,  2.  —  Chap.  II,  13  :  CXX. 

Philemon,  GCII. 

Hebreux,  XI,  CIV,  CVI,  6,  8,  32,  41,  83,  85, 
158,  167,  197,  231,  277,  280,  281,  282,  306,  308, 
319.  —  Chap.  X,  25,  37  :  CXX. 

Jacques,  CXXIII,  2,  45,  130,  133. 

Pierre  I,  I,  XVIII,  LII,  LVI,  GIV,  CXXII- 
suiv.,  2,  3,  16,  44,  62,  68,  186,  1-97,  245,  248. 
—  Chap.  V,  13  :  V,  218;  ch.  V,  U,  Π  .-XVII. 

Pierre  II,  I,  2,  29,  35,  104,  123,  203,  238,  277, 
305,  332.  —  Chap.  Ill,  3-10  :  GXXIII. 

Jean  I,  CXXII,  CXXIII,  GXGIV,  CGI,  2,  30, 
35,  82,  146,  147,  203,  311,  324,  325,  327,  333, 
al.  —Chap.  II,  18-22,  et  IV,  1-i  :  CXGI,  200. 

Jean  II,  2,  6,  203.  —  Verset  7  ;  200. 

Jean  III,  CCII. 

Jude,  GIV,  CXXII,  2,  29,  89,  19,7,  203,  238,  277. 


Clement  de  Rome,  I,  296,  331. 

Didache,  VI,  VII,   CLXXVII,   7,   11,  22,  147, 

294-suiv.,  327.  —  Chap.  XIII-XV  :  VI. 
Lettre  de  Barnabe,  XL,  11,  211,   305,  310.  — 

Chap.  XV,  4,  7,  8  :  261,  295. 
Ignace    d'Antioche    (Lettres    de    S'),    VII, 

CLXXII,  11,  22,  25,  40,  47. 
Papias,   LIV,    CLXXII,   GGXVII,   GCXVIII, 

294,  295,  301. 
Polycarpe,  CLXXIL 

Martyre  de  Polycarpe,  25,  26,  27,  204,  206. 
Pasteur    d'Hermas,   XX,    XXVIII,    XXXIII, 

XXXVII,  GLXII,  CLXXII,   CLXXVII,  50, 

67,  102,  120,  237,  296.  —  Visions  III  et  IV : 

202. 

Lettre  des  Martyrs  de  Lyon,  309. 


Pirke  Aboth,  67. 

Targums,  XL,  CGLXVI,  6,  26,  102,  146,  164, 
290.  —  P.S.- Jonathan  Deut.  XXXIII,  39, 
al.  :  6;  Id.  Nombres  XI,  26-suiv.  :  XXXV. 

Talmuds,  XXXV,  XXXVI,  XXXIX,  XLV,  30, 
85,  86,  94,  103,  105,  146,  154,  290,  293,  294, 
.301,  322,  al.  —  Talm.  Jer.  Berakhoth  II, 
5  a  :  160,  168. 

Midraschim,  XXXVI,  XXXIX,  XL,  XLV,  6, 


OUVr.AGES    CITES. 


357 


54,  8δ,  86,    103,  290,  293,  294.    —  Schemofh 
rabba,  15  :  326. 
Schmone  Esre,  105. 


Aristee  fLettre  d'),  333. 

Machabees  III,  192. 

Jubiles,  XIX,  XXVII,  XXIX,  XXXVII, 
XXXVIII,  XXXIX,  XL,  XLIII,  XLIV,  XLV, 
XLVI,  LIV,  G,  67,  102, 141,  199,  305,  308,  al. 

Henoch   ethiopien,    XIX,    XXVII,    XXXIII, 

XXXIV,  XXXV,       XXXVI,       XXXVII, 

XXXVIII,  XXXIX,  XL,  XLIII,  XLIV,  XLV, 
XLVI,  L,  LXV,  LXXXIII,  GGXVII,  12,  13, 
29,  41,  45,  49,  50,  53,  56,  57,  59,  60,  62,  65, 
66,  67,  77,  85,  86,  87,  102,  103,  107,  110,  114, 
115,  116,  117,  129,  141,  159,  162,  164,  222, 
225,  229,  234,  239,  261,  277,  282,  293,  304,  305, 
308,  326,  329. 

Secrets  d'Heaoch  (Hen.  slave),  XIX,  XXVII, 

XXXV,  XXXVI,      XXXVII,      XXXVIII, 

XXXIX,  XL,  XLIV,  41,  50,  53,  56,  57,  67, 
102,  110,  117,  123,  199,  229,  297,  305,  308.  — 
Chap.  XXIX,  4-5  /  163;  chap.  XXXII- 
XXXIII  :  261. 

Livre  d'Henoch  hebraique,  XXXVIII. 
Psaumes  ^de  Salomon,  XIX,  XXVII,  XLIV, 

62,  75,  91,  114,  130,  132-suiv.,  191,  199,    258, 

281.  —  Psaume  II :  XLII. 
Assumption  de  Moise,  XIX,   XXVII,  XLIII, 

XLV,    GGXVII,    88,    162,    166,    211,    305.  — 

Chap.  VIII-IX  :  148. 
Eldad  et  Modad  (Livre  d),  XXVIII,  XXXV, 

XLV,  290. 
Testaments  des  XII  Patriarches,  XIX,  XXVII, 

XXXVI,  XXXVII,  XXXVIII,  XXXIX,  XL, 
XLIII-suiv.,  XLV,  53,  56,  57,  67,  85,  102, 
159,  162,  199,  293,  308,  al.  —  Test.  Ruben  : 
L,  201;  Test.  Levi  :XhIY;  Test.  Dan  :  94; 
Test.  Nephthali  5  :  157,  158,  173  ;  Test'. 
Joseph,  Benjamin  :  XLIV,  62,  66. 

Testament  d'Abraham,  XL,  67. 

Apocalypse  d'Abraham,  XIX,  XXVIII, 
XXXVI,  XXXVIII,  XLVI,  XLVII,  13,  53, 
57,  105,  114.  —  Chap.  XVIII  :  56. 

Apocalypse  de  Moise,  XXXVI,  XXXVII,  53, 
105. 

Vie  d'Adam  et  d'five,  XIX,  29,  53. 

Oratio  Mauassis,  285. 

Esdras  IV,  XIX,  XXVII-suiv.,  XXX,  XXXVI, 
XL,  XLII,  XLIII,  XLIV,  XLV,  XLVI, 
XLVII,  LIII,  LXVI,  12,  41,  67,  86,  97,  105, 
106,  108,  116,  121,  131,  132,  141,  147,  157, 
159,  163,  184,  185,  195,  199,  225,  236,  248, 
257,  263,  276,  293,  304,  305,  317,  324,  ai.  — 
Chap.  IV,  35.  37  :  87;  ch.  X,  25-27  :  308; 
ch.  XIII,  35  .195. 


Baruch     syriaque,    XIX,      XXVIII,      XXX, 

XXXVI,  XXXIX,  XLIII,  XLIV,  XLV, 
XLVI,    LIV,   29,   41,   53,   56,   57,  67,    86,  92, 

109,  112,  154,  158,  159,  199,  225,  245,  266, 
267,  293,  305,  308,  al.  —  Chap.  VI:  91; 
ch.  LIII  :  95;  ch.  LXVII,  1  :  218;  ch. 
LXXII  :  145. 

Baruch  grec,  XIX,  XXVIII,  XXXV,  XXXVIII, 

XXXIX,  53,  60,  66,  102. 
Apocalypses  d'Elie,  XXVIII,  XXXIII,  XXXVI, 

XXXVIII,    XLIII,    XLV,    XLVI,"   110,    114, 

131,  141,  293. 
Apocalypse  de  Daniel,  XLIV,  28,  141. 
Simoon  ben  Jocha'i  (Revelation  de),  XXXVI, 

XLIV. 

Sibyllins  (livres),  en  genoral,  XIX,  XXVIII, 

XXXI,  LII,  LIII,  33,  passim, 
Sibyllins  I,  II,  VI,  VII,  VIII,  XI-XIV,  XXVII, 

110.  —  Sib.  II  :  XLV,  110,  141;  Sib.  VII  : 
29,  261,  Sib.  VIII :  XLIII,  77,  105,  110,  263. 

Sibyllin  III,  XXVII-suiv.,  XLIII,  XLV,  29, 

49,  110,  162,  199,  293.  —  Vers  192-suiv.,  318, 

608-suiv.  :  257. 
Sibyllin  IV  :  XXVIII,  XLIV,  199,  236,  263. 
Sibyllin  V    :    XXVIII,    XXXIII,     XXXVIII, 

XLIV,  107,  110,  117,   159,  199,  236,  245,  263, 

267,  305.  —  Vers  li3,  159  :  218. 

Ascension    d'Isaie,    XIX,   XXVII,    XXVIII, 

XXXVII,  XXXVIII,  XXXIX,  XLIV,  XLVI, 

29,  41,  50,  56,  57,  67,  110,  114,  120,  132,  163, 

199,  263,  264,  289,  294,  al.  —  Chap.  IV,  6  : 

190-191;  ch.  VII,  21  :  277. 
Odes  de  Salomon,  XXVIII,  XXXVI,  38,  85, 

103.  —  Od.  XXII :  XLII;  Od.  XXIII,  5  :  83 
Livre  d'Adam  armenien,  XL. 
Esdras  V  et  VI,  XXVIII,  49,  110,  141,  276.  — 

V.  Esd.  II,  42  .•  195. 
£vangile  de  Pierre,  11. 
Apocalypse      de     Pierre,      XXVIII,      LIV, 

GLXXVII,  13. 
Apocalypse  syriaque  de  Pierre,  77. 
Apocalypse  de  Jean  (Pseudo-),  77. 
Actes  de  Pierre,  134. 
Actes  de  Paul,  GLXXVII. 
Actes  de  Jean,  GGV. 
Apocalypse  de  Paul,  XXVIII,  64,  67,  141. 
£vangile  de  Nicodeme,  141. 


Pistis  Sophia,  XX,  159,  202. 

Littorature  mandeenne  et  manicheenne,  176, 

202. 


Adapa  (.Mythe  d'),  XXXIV. 


358 


OUVnAGES    CITES. 


Enuma  elish,  XL,  XLI,  XLII,  63,  67,  201,  290, 

al. 
Poeme  de  Gilgamesh,  XXXIV. 
Tell-el-Amarna  (Lettres  de),  290, 

Livre  des  Morts  ogyptien,  144. 

Avesta,  XXXVII,    L,    49,    55,    159,    195-suiv., 

al.  —  Gosh  Vasht,  III,  44  .•  168. 
Bahman-Yasht  pehlvi,  XX,  57,  117,  175-suiv. 
—  ///,  52-60  :  169,  291. 
Bundehesh,  XX,  166,  168,  175-suiv.  —  ///,  11- 

26  :  162;  J[XIX,  7-10  :  169,  291 ;  XXX,  18, 

31 :  107-suiv. 


Litterature  orphique,  XXXV. 

Tableau  de  Cebes,  246. 

I  sis  et  Osiris  (de  Plutarque),  12-20  :  169. 

Dea  Syria  (de  Lucien),  191. 

Hygin  (Fables  d'),  fab.  liO  :  169-suiv.,  177. 

Litterature  hermetique,  XX,  XXVIII. 

Poimandres,  XX,  8,  261. 

Papyrus  magiques  grecs,  8,  21.3,  al. 

Saturnales  (de  Macrobe),  177. 

Abraxas  (de  Dieterich),  169. 

Mithrasliturgie  (Dieterich),  14. 

Vieille  Edda  (au  raythe  du  «  Crepuscule  des 
Dieux  )),  Voluspa),  XX,  LVII,   176,  291,  al. 


LISTE  DES  AUTEURS  MENTIONNES  (1) 


Abauzit,  GCXV,  GCXXXIX,  255. 

Abbadie,  GCXXXIX. 

Abdias  (chroniqueur),  CCV. 

Abbott  (E.  A),  GLXXXIII,  GLXXXIV, 
GLXXXVI,  GLXXXVIII,  GXCII,  CXGV, 
GGLXVI,  72, 187,  280,  al. 

Addai  (Doctrine  d'),  GCXIII. 

^Lius  Aristide,  XIII,  32. 

Albert  le  Grand,  CCXXVIII,  CGLXVIII,  54, 
79,  100,  120,  129,  138,  146,  l.i3,  158,  167,  202, 
223,  224,  233,  255,  326,  al. 

ALCAZAR,  CCXXXVI  -  suiv. ,  GGXXXVIII, 
GGXLIX,  GCLXVIII,  7G,  121,  131,  138,  140, 
152,  158,  180,256,  31Ί. 

Alcuin,  CGXXVII,  GGLIX. 

Alford,  CGXLIII,  154,224,284. 

Ali.ard,GGVIII. 

Allen,  145. 

Allioli,  GGXLI. 

Allo,  210. 

Ambroise  (S.),  296. 

ΑΜέΕΐΝΕΑυ,  CGLX,  GGLXVII. 

Amphiloque  (S.),  CLXXVIII,  GCXIII. 

Anastase  le  Sinaite,  CGXIV. 

Anderson  Scott,  GGXLVI, 

Andre  de  Gi^saiibe,  LXXXIV,  GXLVI, 
GLXXII,  GLXXIX,  GGIX,  GGXIV,  CGXXV, 
GGXLVIII,  GCLVI,  GGLX,  GGLXI, 
GGLXII,  GGLXIII,  GGLXVIII,  18,  44,  58, 
59,61,74,81,  83,  84,88,  92,  94,  100,  102,118, 
123,124,129,130,  135,  137,  138,  139,  147,153, 
154,  155,  158,159,  160,  161,162,  163,  166,  167, 
184,  186,  188,  189,  191,  196,  202,  203,  211,  217, 
222,224,  229,  231,  233,  237,  240,  241,246,  254, 
267,  280,  282,  284,  2^3^  289,  300,  304,  306,  318, 
326,  327,  330,  332,  al. 

Ansbert,  GGXXII,  GGXXVII,  CCXXVIII, 
139. 

Anselme  de  Laon,  GGXXVIII. 

Aphraates,  CLXXVIII,  CGXIII, 

Apollinaire,  295. 

Apollomus  d'Alexandrle,  CXXXVI. 


Apollonius  d'Ephese,  GLXXIII. 
Apringius,  GGVI,   CCXXVI,  GGXXVII,    61, 

212,  265,  277,  280,281,  306,  326,  327. 
Aqiba,  105. 
Arethas,  GGXIV,  CCXXV-s.,  CGLVI,  45,  59, 

94,  122,  134,  139,  191,  224,  241,  259,  304,  al. 
Aristophane,  GLXXXIX,  26. 
Aristote,  46. 
Artop.eus,  CCXXXV. 
Athanase  (S.),  CLXXVIII. 
Athanase  (Synopse  d'),  GGXIV. 

ΑΤΠΕΝΕΕ,   74. 

AuBERLEN,  GGXLI,  GGXLIII. 

AuBERT  DE  VERSE,  GGXXXVIII,  256,  262. 

AuGUSTiN  (Saint),  LXXVI,  CXII,  GXIV, 
CGXXIII-s.,  CCXXVIII,  GCXLVin, 
GGXLIX,  GGLIX,  GGLXVIII,  104,  140, 
143,  158,  196,  237,  254,  255,  260,  264,  267,  283, 
284,  285,  286,  289,  296,  297,  299,  300,  314. 

AUGUSTIN  (Pseudo-),  CCXXVI. 

AUREOLUS,  GGXXXI,  GCXXXII. 

Baguez,  CGXLII. 

Baljon,  GLXI,  GGXLVI. 

Barhebr.eus,  GGXIV. 

Barnes,  195. 

Basile  (S.),  CLXXVIII,  GCXIII. 

Batiffol,  CGVIII. 

Baudelaire,  322. 

Baur,  CLXXIX,  GGVI. 

Beatus,  GGXXII,  GGXXVII,  8,  18,  34,  92,  98, 
158,  202,  212,  284. 

Βεοκλυιτη,  CCL,  55,  69,  79,  125,  140. 

Bede  le  Vonorable,  LXXXIV,  GGXXII, 
CGXXVI-s.jGCXXVII,  GGXXVIII,  GCXXIX, 
CCXXXV,  CCXXXVI,  GGLXVIII,  17,  34, 
54,  76,  79,  86,92,  94,  100,  123,  158,  162,  185, 
196,  231,  233,  254,  255,  314. 

Beelen,  GGXLI. 

Bellarmin.  CCXXXIV,  CCXXXVI. 

Belser,  CCXLIII,  CCXLVII,  254. 

Belsheim,  GCLVIII,  GGLIX. 


(1)  Les  caracteres  gras  renvoient  au  ch.  xiv  de  rintroduclion,  ou  les  commentateurs  et  Ιθ8 
critiques  sont  approcios.  — — —  al.  signifie  :  alUeurs  encore. 


360 


LISTE    DES    AUTEUUS    MENTIONNES. 


Benary,  CCXL,  194,  213. 

Bengel,  LXXXIV,  CCXXXIX,  22i. 

Benson,  CXLI,  GCXLIII. 

Berengaud,  GGXXVII-s.,   GCXXXI,  76,   251, 

255,  260. 

Berger  (Samuel),  CGLVIII. 

Bergh  ran  Eysinga  (van  den),  212. 

Berose,  291. 

Beurlier,  210. 

Beyschlag,  CGVI,  129. 

Beze,  GCXV,  CCXXXIV. 

Bibliander,  CGXXXV,  76,  255. 

Billot,  GGLXVII. 

Bisping,  CGXLII. 

Blass   (et   Debrunner),    GXXIX,    GXXXV, 

CXXXVIII,     GXXXIX,    GXLII,     CXLVII, 

CXLIX,  CCLXVI,  220,  284,  pas,sim. 
Bleek,  GLXXIX,  GGXL,  GGXLIV,  259. 
BoiSSIER,  GCLXVIII,  209,  210. 
Boll,    LVIII,    GGXLVII,    GCLXVIII,   30,  35, 

56,  58,  66,   77,  80,   82,  85,  106,  111,  112,  113, 

115,  120,  153,  160,  170,  174,  321. 
BOLLANDISTES,   GGIX. 

Bonwetsch,  GGLXVII. 

Bossuet,  CGXXVII,  CGXXXIV,  GGXXXVIII, 
CGXLII,  CCXLIX,  GCLXVIII,  76,  79,  121, 
129,  131,  132,  134,  135,  138,  141-s.,  147,  149, 
152,  154,  156,  180, 184,  196,  197,  203,  212,217, 

224,  227,  233.  237,  239,  240,  241,  245,247,  251, 
256,260,  285,286,  288,  289,  299,300,  315,  332, 
334,  al. 

Bousset,  IX,  XII,  XXXVI,  XLIV,  XCVII, 
XCVIII,  GXXIX,  GXXXV -suiv.,  GXL, 
CXLII,  CXLIV,  CXLVII,  CXLVIII, 
CXLIX,  CL.  CLIII,  CLIV,  GLXI,  GLXV, 
CLXXX,         CLXXXIV.  CLXXXVII , 

CLXXXIX,  CGIII,  CGVI,  CCXIII,  GCXVII, 
GCXXXI,  CGXXXV,  CCXL,  CGXLIV, 
CGXLV,  GGXLVII,  CGLI,  GGLXI,  CCLXII, 
CGLXIII,  GGLXVII,  GCLXVIII,  21,  30, 
43,45,50,  52,  55,  56,  57,  58,  79-80,  81,  86,  87, 
92,  94,  95,  105,  114,  116,  119,  122,  123,  124, 
125,  127,  130,  131,  134, 136,  139,  141,  147,  148, 
149,  150, 151,  155,  157,  158,  159,  162,  168,  169, 
170,  173,  174,  177,  179,  189,  192,  194,  195,  196, 
198, 201,  210,213,  214,  217,  219,  220,  223,224, 

225,  227,  228,  229,232,  236,241,  244,  248,  254, 

256,  257,  259,  260,  265,  266,  275,  277,  278,  279, 
280,281,  286,  291,  300,  302,  304,  305,  307,  310, 
315,  316, 319,  320, 322, 328,  330,  331,  333,  334,  al. 

BovET  (de),  CGXLI. 

BovoN,  GGIV. 

Box,  145. 

Brassac,  CLXXX,  GGXLVII. 

Briggs,  GLX,  CGXLV,  101,  183,  194,  283,  al. 

Brightman,  GGXXXIV,  CCXLIX,  152. 

Bruno  d'asti,  CGXXVIII. 


Bruston,  CLX,  GGXLV,  79,  120,  149,  155,  167, 
212, 224, 244,  256,  265, 274,  278, 303,  315, 328,  al. 
Bruttil'S,  GGIX. 
Buchanan,  CGLVIII. 
Bucheler,  211. 

BULLINGER,  GGXXXV. 

Burgon,  GCLI. 
BuRKiTT,  CCXXII. 

Caius,  CLXXI,  GLXXIV,  CLXXV,  CGXIII, 

GCXXVI. 
Cajetan,  CCXIV. 
Gallisthene  (Pseudo-),  211. 
Galmes,  CLXI,  CLXXX,  GGXLVI,  GCLXVIII, 

9,  22,  34,   35,   42,  44,  55,  70.  85,  92,  99,  122, 

127,134,135,140,150,  158,  196,  197,213,221, 

224,  229,  231,  237,  238,  246,  256,  259,  267,  270, 

271,  276,  280,  285,  286,  305,  330,  al. 
Calmet,  GGXXXVIII,  256. 
Calovius,  GGXXXIII-s. 
Calvin,  GCXV,  CGXXXV. 
Camerarius,  GGXXXIV. 
Care  (Shirley  Jackson),  V.  Addition  a  la 

p.  CCL. 
Carthage  (Goncile  de),  CCXIII. 
Gasinense  (Spicileguim),  CCXXII. 
Cassiodore,  GGXXVI,  139. 
Castellio,  GGXXXIV. 
Catherine  de  Sienne  (Ste),  GLXVI. 
Ghapot,  GGLXVII,  31,  210. 
Charles,  XXIX,  XLIX,  GXXIX,   CXXXIV, 

CXLIV,  CXLVIII,  CXLIX,    CLVI,  GLXI. 

CLXXXIX,     CGXLI,     CGXLIV,     GGXLVI, 

GCLXVIII,  85,  90,  92,  103,  106,  120,  198, 199, 

285,  302,  309,  315,  328. 
Chase,  GGIV 

Ghetardie  (de  la),  GGXXXIII. 
Gheyne,  239. 
Ciceron,  74. 

Claromontanus  (catal.),  CGXIII. 
Clemen,  GGXLVII,  CC-LXVII,  30,  56,  58,  66, 

77,  87,  135,  148,  174,  192,  201,  212,  291. 
Cle.ment     d'Alexandrie,     CLXXIII,    CCV, 

CGXIX,  CGLI,  48,  296. 
CoccEius,   GGXXXI,  CCXXXIV,   CCXXXIX, 

CCXLIX. 
CoELius  Pannonius,  GGXXXIII. 
GOLLADO,  GGXXXI,  152. 
Commodien,  XXVIII,  XLIV.  GGXXI,  141, 199, 

263,  295. 
Gonybeare.  CCLX. 
GORLUY,  CLXXXI. 

Cornelius  a  lapide,GCXXXVI, 68, 76,129, 139. 
CORNELY,  GVIII,  CCXXXII,  GCXLII. 
Corrodi,  GGXL. 
GORSSEN,  193. 
GOSMAS  INDICOPLEUSTES,  CCXIV. 


LISTE    DES    AUTEURS    MENTIONXES. 


361 


Cramer,  GCXXVI. 
CrOISEt  (A.)  et  Petitjean,  CCLXV. 
CUMONT,  XXXV,  CCLXVII,  83,  208-suiv.,  210. 
Cyprien  (S.).    CLXXIV.    CCLIX,  CCLXII, 

286,  296. 
Cyrille  d'Alexanduie  (S.),  CLXXVIII. 
Cyrille      de      Jerusalem      ( S. ),      XLIV, 

CLXXVIII,  CCXIII,  199. 
Cyrille  Lukaris,  CGXIV. 

Damase  (et  Gelape).  CCXIII. 

Dante,  XX. 

Darmesteter,  CCLXVIII.  176. 

Davidson,  CLXXII. 

Dean,  V.  Addition  a  la  p.  CGL. 

Decharme,  177. 

Detssmann,    CXXXIII,   CCLXV,    CCLXVII, 

31,  37,  137,  191,  194,  210,  211,  212,  247. 
Delaporte,  CCLX. 
Denys  Bar-salibi,  CLXXV,  CCXIV,  CCXIX, 

CCXXVI,  8,  12,  23. 
Denys  d'Alexandrie  (S.),  LXVIII,   CLXXI, 

CLXXIV,       CLXXVI-suiv.,       CLXXXII, 

GLXXXV-suiv.,  ecu,  296,  329. 
Denys  de  Corinthe  (S.),  CLXXII. 
Denys  le  chartreux,  CGXXVIII. 
Dhorme,  204. 
Dickens,  CL. 

DIDYME  d'ALEXAXDRIE,  CLXXVIII. 

Diekamp,  CCXXV. 

DiETERICH,  CCLXVII.  14,  155,  169,  176. 

DiEU  (L.  de),  CGXXXIV,  CCLX. 

DiOBOUNiOTis,  CLXXIV,  CCXX. 

Diodore  de  Sicile,  XVIII,  XLIX,  CXLII,  55. 

DiOGENE  Laerce,  322. 

Dion  Cassius,  CCVIII,  CCIX,  49,  263. 

Dion  Chrysostome,  56. 

dorothee,  ccvi. 

Dragh,  CGXLII. 

Drews,  CCXLVII. 

Driver,  CXLVIII. 

Drummond,  CLXXX. 

Drusius,  GCXXXIV. 

Duchesne,  CCVIII. 

DuPiN,  GGXXXVIII. 

Dupuis,GGXLI,  CCXLVII,  43,  58,  168,  170. 

Dusterdieck,      CLXXIX,       CCVI,      GGXL, 

CCLXVIII,  30,  35,  57,  79,  157.  167,  192,   193, 

196,203,  217,  220,  281,  al. 

Ebedjesu,  CLXXV,  CCXIII. 

Ebrard,  22't. 

Ederus,  GGXXXIII. 

ElGHMORN,  GGXL,  135,  149,  203.  259,  264. 

Elien,  113,  177. 

Eliezer  ben  hyrkanos,  105. 

Elliott,  GCXLI. 


Ephrem  [S.),  CLXXVIII,  CCXIII,  47,  296. 

Epictete,  CXLII,  CLXXXIX. 

EPIPH.iNE  (S.),  CLXXV,   CLXXVIII,  CCVI. 

Erasme,  CCXIV,  GGXXXV. 

Erbes,  CLVI,  CLIX,  GGXLIV,  CCXLV,  74, 
95,  114,  123,129,  149.,  158,  166,  203,  244,265, 
274,  278,  283,  303,  310,  315,  328,  al. 

Eschyle,  114,  231. 

Escobar  υ  mendoza,  GGXXXVI. 

EURIPIDE,  GXXXIX. 

EusEBE,  CLXXV,  CLXXVII,  CGIV,  CCVI, 
CCVIII,  CCIX,  CGLI,  162,  212,  295,  301,  al. 

EUTHALIUS.  CCXIV. 
EVHEMERE,  XXIV. 

EwALD,  LXXXIV.  CLXXIX,  GGXL,    17,  203, 

212,  239,  259. 
Eyzaguirre.  GGXLII,  139,  254. 

Fabre,  23.  35. 

Ferotin,  CCXXVI. 

Flaubert,  270. 

Flavu  s  .JosEPHE,  XLVI,  135,  241. 

FoxE,  GGXXXIV  . 

Frazer,  204. 

Frey,  52. 

Fritzsche.  GGXL,  194,  213. 

FULGENCE  (S.),  GCLIX. 

Galien,  46. 

Gallois,  GGXLII,  139,  254. 

Geffgken,  263. 

Gelase  (catal.  de).  296. 

Gennade,  295. 

Georgios  hamartolos,  CLXXXI. 

Gesenius(-Kautzsgh),  GXLVII. 

Gigot,  V.  Addition  a  la  p.  CGL. 

Gim.\rey.  GCXLI. 

Godet,  CLXXIX. 

Goltz  (von  der),  CLXXXIX. 

GooDSPED,  CCLXV. 

GoussEX,  CCLX. 

Grapin,  CLXXVII,  GLXXXVI. 

Gregoire  de  Nazianze(S.),CLXXVIII,CCXIII. 

Gregoire  de  Nysse  (S.),  CLXXVIII,  CCXIII. 

Gregory,  CCLI-s.,  CCLVI.  CCLX,  CCLXIV, 

CCLXV,  al. 
Gressmann,  XXXII,  XLV,  GGXLVII,  CCLXVI, 

CCLXVII.  13,  48,  50,  77,  114,  173-s.,  174,  178, 

201,288,321,  322. 
Grotius.  GLVI.  GLXIX.  CCXV,  CGXXXIV, 

GCXXXVII-s.,  GGXLIV,  33,  76,  121,138,149, 

152,180,  192,  203,301. 
Gry,  CCLXVII,  52,  294,  302. 
Gunkel,  LXVI,  XGVII,  GCXLVI,  CGXLIX, 

CCLXVI,  CCLXVII,   55,  56,   57,  58,  68,  77, 

83,111,  114,   143,  155,  157,  160,  162,  167,  172, 

175,  176,  184,  194,  201,  212,  307. 


362 


LISTE    DliS    AUTEUnS    MENTIONNES. 


GUYAUX,  CCXLI. 

GWYN,  CLXXV,  CCXIX,  CGLX. 

HADORN,  212. 

Hammond,  CCXXXVIII,  GCXLIV,  203. 
Harduin,  CCXXXIX. 
Harenberg,  CCXXXIX. 

Harnack,  GLXXIV,  GLXXIX,  GXGII,  GGVI, 
GGXX,  GCXLIV,  7i,  75. 

Hase,  GLXXIX. 

Hausrath,  259. 

Haussleiter,  GGXX,  GGLIX.    154,  1.58,  212, 
264,  296. 

Havet,  91. 

Haymon  d'HALHERSTADT,CCXXVII,  GGXXVIII, 
54, 120,  138,  202,  255. 

Heer,  144-s. 

Heitmuller,  CGI. 

Hengstenberc,  CCXLI,  157. 

Hennecke,  GGV,  CGLXVn. 

Henten,  LXXXIV,  CCXXXVI,  GGXLIX,  138, 
152,  254. 

Heraclite,  280. 

Herder,  CCXL,  135. 

Herodote,  290. 

Herrenschneider,  CCXL. 

Herrmann,  144. 

Herve,  CCXXXVIII,  256. 

Hesiode,  XLI. 

Hesychius  le  grammalrien.  GXXXII. 

Hesychius  I'editeur  biblique,  GGLXI. 

Heumann,  47, 

Hilgenfeld,  GLXXIV,  GGVI,  79,  125,  158, 
203,  217,  259. 

Hipparque, 291. 

Hippolyte  (S.),  XXVIII,  XLIV  .  LVII 
GLXXIV,  GLXXV,  GGXIII.  GGXVIl' 
CCXIX,  GGXX,  GGXXVI,  GGXLVIIl' 
GGLI,  GGLXI,  GGLXII,  GGLXill, 
GGLXVIII,  47,  94,  139,  147,  158,  166,  184, 
199,202,  212,  254,  259,  264,  295,  296,  297,  al. 

Hippone  (Goncile  d'),  GGXIII. 

Hitzig,  GGXL,  194,  213. 

Hoe  von  Hoenegg,  CCXXXIII. 

Hoffmann  (M.),  CCXXXV. 

Hoffmann  (J.  G.  von),  CCXLII,  68,  224. 

Holtzmann  (H.  J.),  GLXI,  GLXXIX,  GCVI, 
GCXLIV,  GGLXVIII,  18,  79,  92,  98,  104,  117, 
120,  122,  123,  124,135,143,  148,  153,  165, 166^ 
167,  191,  193,  196,  201,  213,  217,  219,  220,  222, 
224,225,  227,  229,  231,  236,  237,  2.39,  240,  24l', 
246,256,  267,  270,271,  275,  280,  281,  285,  288, 
333,  al. 

Holtzmann  (O.),  GLX,  CGXLV,35. 

Holzhauser,  CCXXXIII,  GGXLI,  CGXLIL 
GGXLIX. 

Homere,  GXLI,  231. 


IIOMMEL,  GGXLVII,  290. 

Horner,  CGLX. 

Hort,     CGIV,      GGVI,    GGVII,     CGXLVII, 

GGLXVIII,  4,  18,  21,  34,  35,  213. 
HORTULANUS,  31 Ί. 

Hug,  GLXXIX. 

HuGUES   de  Saint-Gher,  CCXXVIII,  153,  158, 

223,  255. 
Hunt  (et  Grenfell),  GGLI,  GGLXV. 
Huschke,  68. 
Hygin,  169,  177. 
Hyperide,  GXXXVI. 

Ignace  d'ANTiocnE  (S,),  VII,  CLXXII,  22,40, 
47. 

Innocent  I",  GGXIIL 

Irenke  (S.),  XLIV,  GLXXIII,  GGIII,  GGVI, 
CCXVIII,  GGXX.  GGXXIII,  GGXLVIIl, 
GGLI,  8,  47,94,  107,  141,  147,  184,  193,  194, 
199,  202.  211,  214,  254,  259,  264,  295,  297,  301, 
304,  al. 

IsELIN,  116. 

Jagquier,  GXLIX,  GLVI,  iGLXXIII,  GLXXX, 
GLXXXVI,  GCXI,  GGXIII,  CGXLIV, 
CCXLVII,  GGLII,  GGLXV,  GGLXVIII. 

Janus,  47. 

Jean  Ghrysostome  (S.),  GLXXVIII,  GGXIII, 

Jean  Damascene  (S.),  GGXIV. 

Jellinek,  294. 

Jensen,  239. 

Jeremias,  CCXLVI,  CGLXVII,  43,  56,  58,  66, 
77,87,  106,  170,  175,  201,  al. 

Jerome  (S.),  XVIII,  XLIV,  GLXVIII,  GGV, 
GGVI,  GGXVIII,  GGXXI,  CCXXIII, 
GGXXIV,  139,  140,  196, 199,  264,  285,  296. 

Joachim  de  Fi.ohe,  GGXXIV,  CCXXVIIIr 
CCXXX  ,  GGXXXI,  GGXXXVI,  GGLXVIII, 
76,  141,  145,  202,  254,296,  31'.. 

Jochanan  (Rabbi),  321. 

JuLiCHER,  GLXI,  GLXII,  GLXIII,  GGVI, 
CCXLVI,  1.39. 

Julie  Ν  (empereur),  209. 

JuNiLius,  GLXXVIII. 

JuRiEu,  CCXXXIV,  289. 

Juvenal,  246. 

Justin  (S.),  XLV,  GLXXII,  GLXXXII, 
CCXVIII,  GGLI,  9,  33,  141,  295,  .301. 

Kaulen,  CCXLII. 

Kautzsch,  GGLXVL  1'*8,  198,  302. 

KenyOn,  GXXXIII. 

Khiya  ben  nehemia,  146. 

King,  111. 

Kliefofh,  CCXLII. 

KOHLHOFER,  CCXLVII. 

Krementz,  CCXLII. 


LISTE    DES    AUTEUnS    MENTIONNES. 


363 


KUGLER,  291. 

KuHNER,  GXL,  CCLXV. 

Labbe,  296. 

Labourt  (et  Batiffol),  CGLXVII. 

Labriolle  (de),  CLXXV. 

Lachmann,  28. 

Lactance,  XXVIII,  XLIV,   CCVIII,  CCXXI, 

GCXXIII,  105,  141,  199,  254,  263,  295. 
Lafont-Sentenac,  CCXLII. 
Lagercrantz,  322. 
Lagrange,  XXI,  XXIX,  XXXV,  XLI,  XLIV, 

XLVI,   CV,    GXVII,    CGXVni,   CGLXVI. 

GGLXVII,   102,  131,  141,  146,   157,  171,  172, 

198,  211,  294,  302. 
Laixemant,  CCXXXVIII. 
Lambertus,  CCXXXV. 
L.-vODiCEE  (Goncile  de),  GGXIII. 
Laurent,  295. 
Lebreton,  XI,  9. 
Lemonnyer,  CXII. 
Lepin,  GLXXX-s.,  CGIIL 
Lepsius,  CCXLVII. 
Leusden  (et  Schaaf),  CGLX. 
Lightfoot,  CCVI,  42. 
Lindeb,  CGVI. 
Lizarazus,  CGXXXIII. 
LoiSY,  CXCIV. 
LORENTz  (von),  CCXLIII. 
LuciEN,  111,  191. 

Lucre,  CLXXIX,  CGVI,  GCXL,  259. 
Luther.  CGXIV,  GCXXXI,  CGXXXIII. 

Macrobe,  177. 

Mai,  CGLIX. 

Malvenda,  141. 

ManghOt,  212. 

Margion,  GLXXIV. 

Margkius,  CCXXXIV. 

Mariana,  CCXXXIX,  CGXLIX,  140,  255,  264. 

Marquardt,  68. 

Martim,  CGLXVII. 

Martin  de  Leon,  GCXXVIII. 

Μάξιμο;,  CGLVI. 

Mayser,  GXXXVI,  CGLXV. 

Meghithar,  CCXrV. 

Mede,  CGXXXIV,  CCXXXIX,   CGXLIX,  152. 

Meillet,  GXXIX,  GXXXVII,  CGLX\•. 

Meliton,  CLXXII,  CCVIII,  GGXIX. 

Memain,  CCXLII. 

Menoghius,  CCXXXVI. 

Mktaphraste,  CCIX. 

Methodius,  CLXXVIII,  GCXX,CCLI,  141, 158, 

161,  184,  295. 
Meyer  (R.  M.),  144. 
MiGNE,  CCLXVIII,  pas.sim. 
MiLLiG.vN,  CGVI,  CCXLIII,  19Ί. 


xMiLLs,  CCLXVIII. 

Milton,  163. 

MOFFATT,  LXXXIV,  GLXI,  CGXLVI,  328. 

Mommsen,  CCXI,  89,  191,  203,  259. 

Mommsenianus  (Catal.),  GGXIII. 

Morfill  (et  Gh.\rles),  CGLXVII. 

MORiN,  212. 

MoROsow,  CCXLVII. 

MouLTOX,        GXXIX,        CXXX,        CXXXV, 

GXXXVII,  GXL,   CXLI,  CXLIII,  GXLVI, 

CXLIX,  CCXI,  CGLXVI,  112,  113,  162,269, 

passim. 
MouLTON  et  MiLLiGAN,  GXXXVI,  CGLXVI,  197, 

219,  230,  al. 
MuRATORi      (Canon     de),     GLXXIII,     GGV, 

GGXIII, 

Napier,  CCXXXIV. 

Nestle,      CXXXV,      GCLXII,      CGLXIII, 

CGLXV,  28,  189,  245,  271,  passim. 
Newton,  CGXXXIV. 
Nicephore  Calliste,  CGXIV. 
NiCEPHORE  de  Constantinople,  CCXIV, 
Nicolas      de      Lyre,      LXXVI,     GCXXIV, 

CCXXVIII,  GGXXXI-GGXXXIII,  CCXXXV, 

C  CXLIX,  CCLXVIII,  76,  140,  202,  212,  254, 

al. 

NlEBUHR,  113• 

Nilsson,  XXXIIL 

(Egumenius,     CGXIV,     CCXXV-s.,     CGLVI, 

GGLXL  GGLXn,  191,  231,  253. 
(Eder,  CCXV. 
Oliva,  CCXXX. 
Origene,     GLXXIV,    GGV,    CGXX,    CCLI, 

GGLXI,  GCLXIII,  35,  36,  92,   118,  160,  211, 

214,  passim. 
Orose,  CCVIII,  269. 
Osiander,  GGXXXIII. 

Par^eus,  CCXXXL 

Parmenide,  XIX. 

Paul  de  Buugos,  CGXXXIII. 

Pausanias,  33,  177. 

PerdiUZET,  192,  211. 

Pereyra,  CCXXXVI. 

Pfleiderer,  XCVII,  GLXI,  CGXLVI,  94,  122, 

126,  259,  314. 
Philastre  (S.),  47. 
Philippe  de  Side,  CLXXXI. 

PllILOLAOS,  322. 
PhilON.  CXC,  206,  280. 
PniLOSTRATE,  (^XXVI,  207. 
Photius,  CGXIV. 
Platon,  XVIII,  XX,  26. 
Platt,  GGLX. 
PlINE  I'Ancien,  269,  320-s. 


364 


LISTE    DES    AUTEURS    MENTIONNES. 


Pline  le  JeuxNE,  206. 

Plutarque,  XVIIL  XX,   CXLII,  48,  169,  177. 

Porter,  GLXI,  CCXLVI. 
.  Pressense  (de),  CLXXIX. 

Preuschen,  CGLXVI. 

Prlmasius,  CCIV,  CCXII,  CCXXII,  CCXXVI, 
CGXXVII,  CGLIX,  GGLXII,  GCLXIIL 
GGLXVIII,  92,  120,  139,  161,  162,  166,  195, 
212,  229,  245,  246,  254,  271,  285,  289,  304,  306, 
334,  al. 

PrOCLUS,  322. 

Pseudo-Dorothee,  48. 

Pseudo-Tertullien,  47-48. 

PURV.EUS,  CCXXXI. 

K\B,  145. 

Radermacher,  GXXXV,  GGXI,  GGLXVI. 

Ramsay,  XIII,  XVI,    LVIII,  GGXI,    GGXII, 

CGXIII,  GGXLVII.  CGXLVIII,  GGLXVIII, 

16,  17,  25,26,  27,  28,  30,  32,  .36,  .39,  42,  44,46, 

49,  79,  192,  202,  203. 
Rauch,  CCXLV. 

Reinagh  (Salomon),  GGX,  74-75,  177. 
Reitzenstein,  GGLXVIII,  8. 
Kenan,  VIII,  GXXVI,  GLVL  GLXII,  GGVI. 

CCXLIII-s.,  GGLXVIII,  11,    18,   28,    34,  74. 

79,  107,  166,  174-s.,  189,  213,  256,  259. 
Reuss,  GLXXIX,  GGVI,  GGXL,X:CXLIII,  213. 
Reville  (Jean),  GLXXIX,  GXG.    GGLXVIII, 

210. 
Ribeira,  CCXXXV-s.,  79,  139,  255,  264. 
Richard  de  S.  Victor,  CCXXVIII. 
Robertson,  GGXI,  GGLXVI. 
Rupert  de  Deutz,  CCXXVIII,  GGXXXI,  76. 

Sabatier  (Α.),  GLVIII,  CCXLV,  119,  126,  149, 

155,  221,  244,  265,  278,  283,  303,  314,  aL 
Salmeron,  CCXXXVI. 
Sales,  CGXLII,  254. 
Sand.^y,  GLXXX,  GGIV,    CCXLVI-CCXLVII. 

SCALIGER,  GGXXXV. 

ScH^iFER      (-Meinertz),      GLXXX,      GGXI. 

CCXLII,  CCXLVII. 
Schleiermacher,  GLXIX,  CCXL,  GGXLIV. 
Schmidt,  GLX,  CCXLV,  94,  101,  126,  314,  al. 
SCHffilN,   GLVIII,    CCXLV,  122,    126,    149,    155, 

244,  265,  278,  303. 
Schoettgen,  8,  107. 

SCHURER,  LXVI,  GGLXVI,  33,  302,  308. 
Schwab,  XXX,  294. 
Scrivener,  GGLI. 
SECTig  (Liber  de),  GGXIV. 
Sedlacek,  GGXXVI. 
Semler,  GGXV. 
Seneque,  246. 
Servius,  5i9. 
Simeon  bbn  Jochai,  XLIV. 


Smyly,  GGLXV. 

SODEN  (Hermann  von),  GXXXIII,  GLXXX, 
CCXLIV,  CCLI-s.,  GCLVI,  GGLIX,  GGLXI, 
GGLXIII,  GGLXIV,  GGLXV,  128,  189,  275, 
306,  316,  331,  passim. 

SOGLIANO,  211. 

SpItta,  LXVII,  GLVI,  GLVIII,  CCXLV, 
GGLXVIII,  55,  64,  85,  95,  101,  114,  115,  116, 

120,  123,  134, 149,  153,  155,  157,  158,  159, 166, 
203,  217,  222,  244,  265,  274,  277,  278,  283,  303, 
310,  314,  328,  al. 

Stephen  Langton,  LXXXIV. 

Stern,  CCXLII. 

StrabON,  23,  30,  42. 

Strauss  (O.),  144. 

SUETONE,  GG VIII,  49,  74,  76,  205,  206,  207,  258, 
263. 

Sulpice-Severe,  GGV,  GGVIII,  296. 

SwETE,  XI,  LXXXIV,  GXXIX,  GXXX, 
GXXXV,  GXLII,  GXLIX,  'GL,  GLXII, 
GLXIII,  GLXXXVIII,  GGVI,  GGXI,  GGXIX, 
CGXXVI,GGXXVII,CCXLVII-s  .GGLXVIII, 
9,  35,  36,  42,  44,50,  61,  79,  81,94,  98,  99,  114, 

121,  123,  125,  129, 130,  132,  134,  138,  142, 145, 
149,  150,  157, 158, 160,  161,  162,  166,  167,  185, 
189,  192,  194,  195,  197,  210,  213,  217,  224,  225, 
227,229,  231,  2.33,  237,  239,  245,  246,  252,  253, 
256,  260,  269,  271,  273,  277,  280,  281,  282,  286, 
287,289,290,305,  311,  315,  318,  319,  321,  326, 
330,  331,  332,  334,  al. 

Sylveira,  CCXXXVI. 
Syncelle,  291. 

SzEKELY,  XXVIII,  XXIX,  GGLXVI,  141,  157. 
198,  302. 

Tacite,  CGVII,  GGVIII,  46,  59,  76,  263. 
Tertullien,      CLXXIII-s.,      GGV,      GGVI, 

GGVIII,  GGIX,  CCXIX,  GGXXI,  GGXXIII, 

GGLIX,  GGLXI,  47,  139,  141,  196,  295. 
Thagker.\y,  GXXXV. 
Theodore  de  Mopsueste;  GGXIII. 
Theodoret,  XLIV,  GLXXVIII,  GGXIII,  48, 

199, 
Theodulfe,  GGLIX. 
Theophile  d'ANTiocHE,  GLXXIII. 
Theophylacte,  GGVI,  GGLVI. 
Thomas  d'AQum  (S.),  XXXVII,  GLXVII. 
Thomas  d'AQUiN  (Pseudo-),  CCXXX. 
Thucydide,  26. 

Thumb,  GXXXVI,  GGLXV,  GGLXVI. 
TiLLMANN,  XGIX,  GXXI,  GGLXVII. 
Tischendorf,  GGLI-s.,  GGLXIII,   GGLXIV, 

passim. 
TisSERANT,  XXXVIII,  GGLXVII,  277,  294. 
Trente  (Goncile  de),  GGXV. 
Trullo  (Goncilium  in),  GLXXIX,  GGXIV. 
Tyconius,    CCXXII-s.,    CGXXIV,    GGXXVI, 


LISTE    DES    AUTEURS    MENTIONNES. 


365 


GCXXVII,  CGXLVIII,  GGXLIX  GCLIX, 
CGLXII,  CCLXVIII,  131,  140,  I'ifi,  160,  25i, 
296. 

Ubertin  de  Casale,  CCXXX,202,  314. 
Ulfilas,  GCLX. 

Vaganay,  CCLXVII. 

Versghr.ege,  CCXLI. 

Victor  de  Gapoue,  212. 

ViCTORiN  de  Pettau,  XLIV,  GGIV,  CGXII, 
CGXX-s.,  CCXXIII,  CGXXVII,  CCXLIX, 
GGLIX,  CGLXVIII,  47,  62,  92,  100,  120, 124, 
129,  138,  139,  142,147,  154,  158,  159,  163,  166, 
184,  194,  199,  212,  217,  224,  225,  229,  255,  259, 
264,  al. 

ViEGAS,  CCXXXVI. 

ViRGILE,  XX,  GXLVI,  49,  205. 

VisCHER,  GLVII,  GLXI,  GLXII,  GXCII, 
CCXLIV,53,  94,  126,  134,  149,  135,  158,  166, 
167-s.,  194,  259,  314,  328,  al. 

VlTEAU,  CXLIX,  GGLXV,  GCLXMI. 

VlTRINGA,  CCXXXIX,  271. 

VOGEL,  CLVI,  CCXL,  GGXLIV. 

VoGELs,  Voir  Addition  a  la  p.  GGLXV. 

VOLKMAR,  CCXL,  159,  259. 

VoLTER(l),  CLVI,  CLXI,  CCXLI V,  CCXLV,  22, 
94,  117,  120,  126,  149,  158,  167,  203,  212,  229, 
244,  265,  273,  278,  281,  283,  294,  314,  328,  aL 

VOLZ,  CCLXVI,  52,  93,  105,  131,  141,  157,  171, 
198,  302,  308. 

VOSTE,  GIX. 

Walafrid    Strabon,  CCXXVII,   GGXXVIli 

CGXXXV,  GGXXXVI,  255. 
Waller,  CCXLII. 
Ward,  111. 
Weber,  XXXVIII,  GGLXVI,  52,  56,  93,  131, 

157,  253,  302. 
Weidner,  111. 
Weihrich,  GCLIX. 
Weiss     (Bernhard),     GXXXVI,      CLXXIX, 

CCXLVII,  GCLXI,  79,  129,  217,  259,  275,  306, 

.332. 


Weiss  (Johannes),  XGIX,  C,  GLIV,  CLX, 
GLXXX,  CCXLV,  CGLXVIII,  8,  19,  20-2ΐ| 
30,34,  41,  45,  61,  G2,  68,  73,  79,  82,  83,  84, 
95,  104,  107,  114,  122,  123,  127,  139,  148,  149, 
151,153,  155,158,  180,  201,  213,  214,  217,220, 
224,  225,  227,  228,  229,  230,232,  241,244,  245, 
256,  259,  260,  262,  265,267,  270,  271,  274,  278, 
280,  281,  284,  285,  286,  303,  310,  315,  328,  al. 

WeizsaCKEr,  CLVI,  GLVII,  CCXLV,  119,  122, 
126,  149,  155,  158,  232,  236,  240,  241,  244,  259, 
271,  278,  al. 

Wellhausen,  LXVII,  CLXXXVI, 
CLXXXVIII,  127,  138-s,  155. 

Wendt,  LXVII. 

Wesley,  CCXXXIX. 

West,  CCLXVIII. 

Westcott,  CLXXIX,  GXGV. 

Westcott  et  Hurt,  CXXXV,  GXXXVI, 
CLXXXVII,  GGLIX,  GCLXI,  CGLXIII, 
GGLXV,  21,  28,  189,  306,  326,  passim. 

Wette  (de),  CLXXIX,  CCXL,  53,  57,  68,  149, 
203,  259,  264,  271. 

Wetstein,  CCXXXIX,  CGLII,  135. 

Weyland,  GLVII,  CCXLIV,  CCXLV,  53.  95, 
120,  126,  134,  149,  155,  244,  265,  274,  278,283, 
303,  314,  328,  al. 

Weymouth,  GXXXV. 

Whiting,  V.  Addition  a  la  p.  GGL. 

WiCLEFF,  CCXXXI,  GCLX. 

WiNCKLER,  43.  Voir  Zimmern. 

Winer  (-Schmiedel),  GXXXV,  CCLXVI. 

Wolf  aly,  177. 

Wordsworth  (et  White),  GGLXV. 

Wuilleret  (de),  GGXXXIII,  CCXLI. 

Xenophon,  26. 

Zahn,  LXXXIV,    CLXXIII,  CLXXIX,  61,  68, 

73,  79,  100. 
Zimmern,  XLI,  CCLXVII,  58, 171, 178,201,307. 
Zohrab,  GCLX. 
ZONARAS,  263. 

ZiiLLIG,  CCVI,  CCXL,  167,  255. 
Zwingli,  CCXV. 


(1)  Voir  Additions  aux  pp.  GLVI-GLVII  et  CCXLIV 


INDEX  DES  MOTS  &RECS 


DONNANT   LIEU   A   DES    OBSERVATIONS 


Άβαδδών,  GXXXIII,  114. 

άβυσσος,  110,  1.33-Suiv.,  284-285. 

άγαλλιάω,  276. 

άγαπαν  GXXXIV. 

αγάπη,  GXXXIV,  GLXXXIII. 

άγγελος,  GXXX,  17-18. 

αδελφός,  11. 

άδικεΐν,  26,  127. 

α  εϊσίν,  LXIX,  15. 

Λ  ενώπιον,  CXLV,  5. 

αί  εστώτες,  CXLVIII,  127,  132. 

αίνεΡν,  CXL.  274. 

αϊων,  219. 

άκολουΟείν,  CXLL  220,  281. 

άχούεον,  GXL,  GLXXXVII,  44,  136,  al. 

αληθινός,  GL,  GLXXXIII,  43,  passim. 

άλλα,  GLXXXV. 

άλλάσσεσθαι,  GVIL  GXXII. 

άλλος,  GXXXIV,  GLXXXV. 

&λφα,  GXXXIII,  8,  310,  .331. 

άμ^ιν,  7,  43. 

δμωμον,  GXXXIII,  270. 

άμωμος,  197. 

&ν,  GXXXIV,  GXLII. 

ανά,  GLXXXIV,  321. 

ανά  μέσον,  99. 

άναπαήσονται.  220. 

άνέβη  ό  χαπνός  ...  ταΐς  προσευχαϊς,  CXL.  102. 

όίπαρτι,  220. 

απήλθαν,  GXXXVI,  305,  306. 

από,  GXLII,  CLXXXVIII,  117,  225,  240,  305, 

318,  al. 
από  μακρόθεν,  269. 
άποθνήσκειν,  220-suiv. 
άποκαλύπτεσθαι,  XVIII,  GXII. 
άποκάλυψις,  XVIII,  GXXXIV,  1,  2,  3. 
άποχρίνεσθαι,  97. 
Άπολλύων,  GXXXIII,  114. 
αποστασία,  αποστάτης,  GXII. 
Άρμαγεδών,  GXXXIII,  239. 
άρνίον  GLXXXIL  GLXXXIII,  43,  al. 


άρσεν,  160. 

αρχή  της  χτίβεως,  43. 
άίρχων,  7. 

αστέρες  accusatlf,  GXXXV,  12. 
αυτός,  GLXXXVIII,  ah 

άφεις,  άφίουσιν,  GXXXV-suiv..  32,  127,  135. 
άφί|χες,  GXXXVI,  22. 
άχρι,  GXXXIV,  GLXXXIV. 
άψινθος  (ό),  GXXXIII,  GXXXVIII,  GXL VIII, 
108. 

βαθέα,  GXXXV,  34. 

βάλλειν,  224;  έβαλαν,  GXXXVI. 

βασιλείαν  ίερεϊ'ς,  5,  7,  65. 

βασιλευειν  :  έβασίλευσεν,  275;  Ιβαβίλευβας, 

150. 
βδέλυγμα,  311,  324. 
βιβλαρίδιον,  LXXIII.  GXXXIII,  120. 
βιβλίον,  11. 
βίβλος  της  ζωής,  GL. 
βρονταί  φωναί  άστραπαί,  GLI,  aL 

γάρ,  GLXXXV. 

γεγοναν,  GXXXVI,  310. 

γέγονεν,  240. 

γέμειν,  GXL-suiv.,  56.  246.  316. 

γίνεσΟαι,  GGLXII,  11,  149. 

δέ,  GXXXIV,  GLXXXV,  279. 

δει,  3,  125. 

δειχνύναι  (-ειν),  GXXXV,  GLXXXIII,  al. 

δεύτερος.  287. 

διά,  GXXXIV,  GXLII,  GLXXXIV,  164. 

διάδημα,  84,  279. 

διαυγής,  GXXXIII. 

διδάσκειν,  GXL,  29. 

διδόναι,  GXXXV.  GXLIII,  127,  128,  253. 

διδώ,  GXXXV,  40. 

δίχαιαι  και  άληθινάι,  GXLV,  al. 

δικαίωμα,  230. 

διπλούν,  GXXXIII,  266. 


INDEX    DES    MOTS    GRECS. 


367 


δισμυρςάς,  CXXXIII,  116. 

διψαν,  GLXXXIII. 

δόξα,  GLXXXIII. 

δύναμις,  GCLXII;  —  έν  δυνάμει,  GXXVUI. 

δώσωσιν,  CXXXVI-suiv.,  CXXXIX.  58-59. 

εάν,  GXXXIV,  GXLII,  44,  133. 

έαυτοΰ,  —  τήν,  etc.,  GXXXVIII,  276. 

έβραϊστό,  GLXXXII,  GLXXXIII. 

εγγύς,  GLXXXIV. 

έγενόμην,  H.  έγενετο,  149. 

εγώ,  GLXXXVIII. 

ες  μή,  112,  324. 

είδα,  GXXXVI . 

εΤληφα,  CXXXIX,    150;  είληφες.   (iXXXVI. 
150. 

είπον,  CXXXIX. 

εΚρηκα,  98. 

είρηχαν,  GXXXVI,  274. 

εΙς,    GXXXV,    GXXXVIII,    GLXXXVII.    Gl. 
272,  281,  31G. 

εϊστίλθεν  έν  αύτοις.  127,  128.  136. 

είστήκεισαν,  GXL,  'J6. 
είχαν,  GXXXVI,  113. 

έχ,έξ,  GXXXIV,  GXXXV,  GXLII.  GLXXXIV. 
117,  127,  272,   305,  316;  instrumental,,   265; 
partitif,  GXLII,  22,  266;  ragime  direct,  26. 
64,  al.;  sujel.    GXLII,  135.  ^ 
εκείνος,  GXXXIV,  GXXXVIII,  GLXXXVIII. 
έκκεντεϊ'ν,  GLXXXII,  7. 
ελληνικός,  GXXXIII. 

έμός,  GXXXIV,  GXXXVIII,  GLXXXVII,  32. 
έν,  GXXXIV,  GXXXV,  GXLI,  127,  passim., 
instrumental,    GXLI-suiv.,    GLXXXIV,   5, 
38,  133,  253,  265,  279,  passim, 
έν  μέσω  ....  έν  μέσω,  62. 
έν  μέσω  και  κύκλω,  56. 
έν  μέσο>  ...  εντεύθεν  καϊ  εκείθεν,  326. 
ένδώμησις,  GXXXIII,  319-suiv. 
ένέστηκεν,  GXI. 

εντολή,  GLXXXIII,  passim.,  331. 
ενώπιον,     GXXXIV,      GXLIX,      GLXXXIV. 

GGLXII,  passim, 
έξέλθατε,  266. 

εξουσία,  GGLXII;  έξουβίαν  εχειν,  128,  al. 
έπεσα,  GXXXVI.  14,  88,  89,  97,  150,  241,  248, 

274.  277,  329. 
έπί,  GXXXIV,  GXLII,  GLXXXIV,  al. 
έραυνών,  34. 

έρχεται  έτι  δύο  ούαί,  CXXXIX,  114. 
έρχομαι  σοι,  CXL,  29. 
ερχόμενος,  -οι,  LXXIX,  GI,  97,  98, 148,  234,  al. 


έσχάται  πληγαί,  LX,  227. 

εύαγγελίζειν,  CXL,  GLXXXIII,  119,  123. 

έωράΟη,  έωρακότος,  GGIV. 

ζεστός,  GXXXIII,  42. 
ζηλεύειν,  GXXXIII,  44. 
ζην  :  έζησεν,  25,  έζησαν,  285-suiv.,  298. 
ζωή,  GLXXXIII. 
ζωή  έκ  νεκρών,  GXVI. 
ζών  (ό),  14. 

ζών  εις  τους  αιώνας  τών  α.  GL,  al. 
ζώον,  XXXVIII,  comment,  du  ch.  IV,  al. 
ζώον  έχων,  et   fautes    semblables,   GXL VII, 
passim . 

ήλθεν  ή  ήμερα,  GLI. 

ημέρας  (genitifj,  324. 

ημέρας  Άντίπας  ό  μάρτυς,  GXLVI,  28. 

ήμίωρον,  GXXXIII,  100.  —  ^ota.  Ce  mot  a 
encore  ete  retrouve  dans  un  papyrus  du 
temps  d'Hadrien;  voir  Moulton-Milligan, 
The  Vocabulary  of  the  Greek  Testament. 
Part  III,  publiee  trop  lard  pour  que  j'en 
eusse  connaissance  quand  mon  coramen- 
taire  a  ete  imprime. 

ήν  ουδείς  δύναται  κλεισαι  αυτήν,  et  fautes 
semblables,  CXLVIII,  GXLIX-suiv.,  .39,  al. 

θάνατος,  GXXXV,  GLXXXIII,  33,  75.  267. 

θαυμάζειν,  GLXXXVII;  έθαυμάσΟη.  186. 

θειώδης,  GXXXIII,  116. 

θεμέλιος,  318,  321. 

θεωρεϊν,  GLXXXIII.  128,  136. 

θλι•ψις  (ou  θλίψις),  CIV.  GGVII,  .33,  .34,  98. 

θύϊνον,  CXXXIII,  270. 

θώραξ,  113. 

ϊδα,  GXXXVI. 

ιδού,  GXXXIV,  GXLIX,  GLXXXIII,  al. 

Ιερουσαλήμ,  GLXXXIII. 

Ίησοΰ...    ό  μάρτυς,  et   fautes  semblables, 

GXLVI,  5,  al.  passim, 
ϊνα,    GXXXIV,    GXXXV,    GXLII,    GXLIII, 

CLXXXV,  GLXXXVII,  73,  108,  331,  al. 
ϊνα  τρέφωσιν,  et  autres  pluriels  imperson- 

nels,  GXL,  al. 

κάΟημαι,  149,  217;  καθήμενος  έπί...,  GXLI, 

282,  al. 
καί,  GXXXIV,  GXLIII,  GLXXXVIII,  44,  123, 

218,  2.34,  285;  και καΐ...,    15,   86,   281; 

και  δώσω  ....και...,  GLXXXVIII,  131. 


368 


INDEX    UES    MOTS    GRECS. 


καΐ  έγένετο  πόλεμος...  Μιχαήλ..  το\>  πολε- 

μήσαι...,  CXXXVII,  CXLVL•  162. 
%(xi  εΤδον  (χαΐ  ίδού),  CLI,  284,  al. 
χαιρός,  GX. 

χατά,  GXXXIV,  GLXXXIV,  al. 
κατάΟεμα,  CXXXIII,  327. 
καταλαμ-βΑνειν,  CXCIX. 
κατέχων  et  κάτεχον,  CXII-suiv..  133. 
χατήγωρ,  GXXXIII,  CXLIX,  164. 
ϊΐατοΐϊίειν,  κατ.  έπΙ  της  γης,  CXLI,  127,  136, 

247. 
χαΰμα,  99. 

χεχοπίαχες,  GXXXVI,  22. 
κεραννύναι,  267. 
κιθαρωδός,  CXXXIII,  196,  272. 
χλεϊς  (τάς),  κλειν,  14,  284. 
κολλούριον,  46. 
χόψονται,  GXXXIX,  7,  267. 
χρυσταλλίζειν,  GXXXIII,  318. 
κυχλεύειν,  GLXXXII,  288. 
κυριαχή  ήμ,έρα,  11. 
κύριος,    CXXXVII,    κύριος    ό    θεός,    ibid.; 

κύριος  ό  θεός  ό  παντοκράτωρ,  GL;  κύριε 

ό  θεός,  CXLIII,  150,  al. 

λαλεϊν,  CXLI,  CLXXXVII,  11,  245,  al. 

λαός  (ό),  vocatif,  266. 

λέγει  κύριος  ό  θεός,  7. 

λέγων,  CXLVII,  127,  129. 

λευκός,  CLI,  37,  81,  al. 

ληνός  (τήν  ληνόν  τόν  μέγαν),  225. 

λιβάνωτος,  102. 

λίμνη  το\>  πυρός,  GLI,  al.;  της  καιομένης, 

282. 
λίνος,  231. 

λόγος  του  θεοΰ,  GXC,  GXCVL•  280. 
λόγος  του  θ.  και  μαρτυρία  Ίησοΰ,  CL,   10, 

al.  285. 

μακάριος,  3,  al.,  329,  331. 

μαρτυρειν,  CLXXXIII,  3.  al. 

μαρτυρία  (Ίηβοΰ),  CLXXXIII,  3,  85,  al. 

μάρτυς,  131. 

μαχαίρης,  -τ^,  GXXXV,  189,  190. 

μεγιστάνες,  89,  273. 

μεσουράνημα,  CXXXIII,  109,  280-s. 

μετά,  GXXXIV,  CXLI,  CLXXXVII,  11,  245, 
al. ;  μετά  ταΰτα,  GLXXXIV,  95,  159,  265, 
al. ;  μετά  ταΰτα  ειδον,  GLI,  230,  al. 

μετανοειν,  118. 

μηδείς,  CXXXVIII. 

μία,  GXXXV,  CXXXVIII,  72,  114.  251. 


μία  ώρα,  269. 

μικροί  και  μεγάλοι,  CLI.  al. 

μόσχος,  57. 

μύλινος,  GXXXIII,  272. 

μυστήριον,    GXII,  15,  123-?uiv.,  246. 

νικαν,  CLXXXIII,    GXGIV,  22,  26,    28,  etc.. 

61.  72,  81,  82,  230,  252,  311,  al. 
Χικολαίτης,  CXXXIII,  al. 
νικοΰντι,  -τας,  CXXXVI,  22,  29,  229. 
νύμφη,   CLXXXIII,  al. 

ξύλον  τής  ζωής,  22,  326,  al. 
ξηραίνω  :  έξηράνθη,  223. 

ό  ή  τό  repete,  CLXXXVI.  al. 

ό  έν  τω...,  GXLV,  al. 

ό  Θε6ς  μετ'  αυτών,  306. 

ό  ών  καΐ  ό  ην  (και  ό  ερχόμενος),  CXLVIII- 

suiv.,  GLI,  4-suiv..  7.  150,  234,  248. 
ό  νικών...  δώσω  αύτω,  et  tournures  senibla- 

bles,  CXLVII,  al. 
οιδα,  22,  280. 
οικουμένη,  40. 
όμνόναι  έν....,  122. 

δμοιον  υίόν  ανθρώπου,  CXLIII,  12,  221,  222. 
όνομα,  CXXXV,   CXLIV :  ονόματα,  37,    127, 

137  :  όνομα  αύτω,  GXLV.  114;  όνομα  έχει. 

127,  128. 
όπου  &ν  υπάγει,  GXXXIX,  196. 
όπου  εκεί,  161. 
όπώρα,  270. 
όρα  μη..,  277,  330. 
όρασις,  54,  117. 
δρμημα,  GXXXIII,  al. 
όστις,  CXXXII,  165,  251,  274,  285. 
όταν,  GXXXIX,  59,  133,  288. 
ότι,  GLXXXV.  310, 
ού  μή,   GXXXIX,  CXLIII,  37,  112,  230,  324, 

al. 
ού  παν...  και  ό  ποιών,  324. 
ουκ  ίσχυσε  ν,  163. 

ούαί,  CXLIII,  109,  114,  180,  269,  271. 
ουδέ,  117, 

ουδείς.  CXLXVIII.  al. 
ουν,  GXXXIV,  GLXXXV. 
ουρανός  γή  ύποκάτω  της  γής,  CLI,  al. 
ούτος,  CXXXVIII,  CLXXXVIII,  252,  al. 
όψις,  GLXXXII,  CLXXXIII,  13. 

πάλιν,  125. 

παρά,  GXXXIV,  GLXXXIV. 


INDEX    DBS    MOTS    GRECS. 


369 


παρεσται,  GGVII,  247,  301. 
παρθένοι,  196-suiv. 

πας,       GXXXIV,       GXXXVIII,       CXLIX, 
GLXXXVII;  πας  ό..,  333,  al. ;  πας  ού,  272, 
327,  al. 
πείν,  234. 

πειρασμ.ός,  GGVII,  40-41. 
πελεκίζεον,  GXXXIII,  285. 
πέπτωχες,  CXXXVI,  22. 
πέπωχαν,  GXXXVI,  218,  266. 
πεπυρωμένης,  12. 
περί,  GXXXIV,  GLXXXIV. 
περιβάλλεται  (-λείται),  GXXXIX,  38. 
περιλειπόμενοι,  GXXII. 
περιπατειν,  LI,  324,  al. 
πηγαι  υδάτων,  GLI,  GXGVI,  al. 
πιάζειν,  282. 
πιστεύειν,  GXGVII. 
πλεϊν  επί  τόπον,  271. 
πλην,  GXXXIV,  GLXXXIV. 
πνε\>μα,  22,  al. ;  εν  πνεύματι,  GLXV,  11,  53. 
πόδες,  GXXXIV-suiv.,  GXLIX,  120. 
ποδήρης,  12. 
ποίαν  ώραν,  GXLI,  37. 
ποιειν,  GXXXV,  GXLIII,  191,  al.;  ποιήσαι 

μήνας,  187. 
πολεμειν,  GXLI,  187,  al. 
πολλοί,  108. 
πορνεία,  29,  33,  al. 
πορφυρούς,  CLXXXII,  al. 
ποταμοφόρητος,  GXXXIII,  166. 
πρεσβύτεροι,  56. 
προς,  GXXXIV,  GLXXXIV. 
προσχυνεΓν  (avec  datif  ou  accusatifj,   GXL, 
GLXXXVII,  186-suiv.,  190,  191,  217,  218,  219, 
230,  274,  277,  285,  330. 
προφηται  <£γιοι,  GLI. 
πρώτος,  287. 

ρέδη,  GXXXIII,  270. 
^υπαίνεοθαι,  GXXXIII. 

σαλπίζω,  104. 
σαλπίστης,  GXXXIII,  al. 
σαρδόνυξ,  GXXXIII,  320. 
Σατανάς  (ό),  GXXXVI,  163,  al. 
σεισμός  103,  153,  241. 
σημαίνειν,  2. 
σημειον,  XGIII,  159. 
σιριχός,  GXXXIII,  al. 
σχηνή,  GXGVI,  188. 

σχηνοΰν,  GLXXXII,  GXGVI,  96,  98,  163,  188, 
306. 


σταθ^ΐναι,  89;  έστάΟη,  184;  έστάΟησαν,   102. 

σταυροΰν,  GXXXIV,  al. 

στέφανος,  81,  122. 

σύ,  GLXXXVIII. 

σγραγίς,  91. 

σώματα,  270. 

ταλαντιαιος,  GXXXIII,  al. 

ταχύ,  εν  τάχει,  3-suiv.,  50,  51. 

τε,  GXXXIX,  GLXXXV,  282. 

τέσσαρες  accusatif,  GXXXV,  12,  115,  al. 

τέσσερα,  GXXXV,  274. 

τετράγωνος  χεΐται,  319. 

τήν  λήνον  τ6ν  μέγαν,  et  fautes  semblables 

GXLVIII,  al. 
τηρείν,  GLI,  2,  37,  40,  329,  330,  al. 
τιμιότης,  GXXXIII,  270. 
τις,  GXXXIV,  GXXXVIII. 
τω   λούσαντι...  χαΐ   έποίησεν,  et  tournures 

semblables,  GXLVIII,  GLXXXIX,  5,  al. 

ύάχινθος,  320. 

υάλινος,  GXXXIII,  al. 

ύμεις,  GLXXXVIII. 

υπέρ,  GGXIX. 

ύπό,  GXXXIV,  GXLII,  GLXXXIV,  117. 

υπομονή,  10. 

φαρμαχία,  273. 
φοίνιξ,  GLXXXII,  al. 
φυγή,  GGIV. 

φυλαΐ  γλώσσαι  λαοί  έθνη,  GL,  al. 
φωνή...  πάλιν  λαλούσαν,  et  fautes  sembla- 
bles, GXLVI,  al. 
φωναί  άστραπαΐ  βρονταί,  56,  al. 

χαλχηδών,  GXXXIII,  320. 

χαλχολίβανος,  GXXX,  GXXXIII,  13. 

χάρις  GXXXIV,  5,  6,  334. 

χλιαρός,  GXXXIII,  43. 

Χριστός,  2,  al.,  286  (7  fois  dans  I'Apocalypse, 

I,  1,  2,  5;  XI,  15,;  XII,  lo;  XX,  4,-6,   dont 

3  fois  avec  Ίησοΰς,  ch.  I"). 
χρόνος,  GX,  119,  122-suiv. 
χρυσέων,      χρυσεους,       χρυσέας.      γρυσαν 

GXXXV,  12,  al. 
χρυσόπρασος,  GXXXIII,  320. 

ψευδής,  GLXXXIII,  311. 

ώδε,  220,  248. 

ώδινβς,  CIV. 

ών  ...  αυτών,  et  fautes  semblables,  288,  al. 

ώς,  GXXXIV,  GLXVIII,  GLXXXV,  75,  229,  al. 

ώς  λέγουσιν  impersonnel,  C.XL,  34. 


APOCALYPSE    DE    SAINT  JEAN. 


24 


CORRECTIONS  ET  ADDITIONS 


Page  III,  ligne  19,  lire  trouverait  au  lieu  de  trouvait. 

P.  XX,  1.  11-12,  I.  le  au  I.  de  les  Poimandres. 

P.  XXI,  1.  5•  avant  la  fin.  I.  ou  au  I.  de  on. 

Ρ    XXV,  1.  17*  av.  la  fin.  I.  Qoheleth. 

P.  XXX,  1.  22,  mettre  une  virgule  apres  habitude. 

—  1.  29,  avancer  la  virgule  rf'instructif  ά  corrompu. 
P.  XLi,  1.  5•  avant  la  fin,  lire  \^2T]. 

P.  XLIV,  1.  5,    lire  ήελίοιο.  au  1.  de  ήελ. 
P.  Lxxxv,  A.  lettre  a  Eph^se,  lire  1-7. 
P.  xc,  ς,  lire  Harmagedon. 
P.  xci,  1.  2,  I.  11-16. 
P.  xcv,  1.  13*  av.  la  fin,  I.  (ch.  xii). 
P.  xcvi,  1.  5•  av.  la  fin.  I.  ce  fleuve. 
P.  XGVii,  1. 14«  av.  la  fin,  I.  systeme. 
P.  CVII,  1.  24,  I.  έξουσιν. 

—  1.  25,  I.  τοιούτοι. 

—  1.  26,  I.  σχήμα. 
P.  cvni,  1.  5,  I.  έξβγερεΐ. 
P.  GX,  1.  23,  I.  ήμεϊς. 

P.  CXI,  1.  11*  avant  la  fin,  I.  parussent  au  lieu  de  pussent . 
P.  CXV,  1.  16,  I.  κατέχων. 

—  1.  27,  I.  partagent. 

PP.  Gxxx-Gxxxili,  il  y  a  quelques  i6geres  erreurs  d'addition;  lire:  άγγελος,  67  fois;  —  γή, 
81  fois;  —εξουσία,  21  fois;  —  έργον,  20  fois;  —  ζώον,  20  fois;  —  θάνατος,  19  fois;  —  θρόνος, 
47  fois;  —  φώνη,  55  fois;  —  όμοιος,  21  fois;  —  δεϊ,  8  fois;  —  εγώ,  17  fois;  —  πάς,  57  fois;  — 
τρίτος,  23  fois;  —  έξωθεν,  2  fois,  ch.  XI  et  xiv;  —  ιδού,  26  iois ;  —  εις  80 fois —  έκ,  έξ,  135  fois; 
—  έν,  157  fois;  —  ενώπιον,  36  fois;  —  apres  ήμίωρον,  ajouter  :  Voir  ce  mot  a  I'lndex  des 
mots  grecs.  —  II  se  pent  que  j'aie  laisse  encore  echapper  quelques  fautes,  mais  insigni- 
fiantes. 

P.  CXLVI,  1.  14°  av.  la  fin,  I.  ήν  au  lieu  de  ήν. 

P.  GXLVII,  1.  17,  I.  έχων  au  I.  de  έχων. 

P.  cxLViii,  1.  9,  I.  ΙψΗ,    deux  fois. 

P.  CLi,  1.  16,  ajouter  καί  apres  απόστολοι. 

PP.  CLVi-GLVii.  J'en  demande  bien  pardon  a  M.  Volter,  le  tableau  de  son  d6coupage 
n'est  pas  au  point.  J'ignorais  —  et  je  ne  I'aurais  point  du  —  qu'il  eut  encore  perfec- 
tionno  ses  vues  critiques  en  1911.  En  gros,  Jean-Marc  s'est  enrichi  aux  dopens  de 
C6rinthe  des  ch.  x,  xvii,  xi,  1-3  ;  les  deux  derniers  redacteurs  ont  έΐέ  remontes  au  temps 
de  Domitien.  (Voir  Addition  a  la  p.  cgxliv).  Gomme  je  ne  savais  point  cela,  ne  I'ayant 
appris  que  par  les  iltudes  de  Critique  el  de  Philologie  de  M.  Jacquier,  je  m'en  suis  tenu 
toujours  a  I'exposo  et  a  la  discussion  des  vues  de  Die  Offenbarung  Jo/iannis  de  1904. 

P.  CLxxii,  1.  10  et  11,  transporter  la  deuxieme  virgule  apres  possodons. 

P.  CLXXiii,  avant-derniere  ligne  de  la  note,  lire  ημετέρων. 

P.  Gxxv,  1.  6•  av.  la  fin  du  texte,  lire  baptise  au  lieu  de  baptiste. 

P.  CLXXiv,  note,  1.  2,  I.  sunt  au  I.  de  sund;  —  1.  5,  1.  Diubouniotis. 


CORRECTIONS    ET    ADDITIONS.  371 

P.  CLXxviii,  1.  2!i,apres  philoxenienne,  ajoiiter  :  (cependant  Gwyn,  pour  cette  derniere  ver- 
sion, est  d'un  avis  contraire,  voir  pages  ccxiii  et  cclx), 

P.  CLXxix,  1.  b"  avant  la  fin,  lire  :  die  die  Apokalypse. 

P.  CLXxxi,  I.  4  de  la  note,  I.  viii.  1-11 ;  —  1.  5,  I.  dans  les  dernieres  annees. 

P.  CLXXXii,  1.  15,  I.  IDT;  —  a  la  note  (1),  lire  cxviii,  1,  au  lieu  de  cvviii,  3. 

P.  CLXxxvi,  a  la  note,  lire  Wellhausen. 

P.  cLxxxviii,  1.  4°  et  5"  avant  la  fin  du  texte,  au  lieu  de  quand  il...  article,  lire  :  procede  le 
substantif  possesseur,  avec  I'article  entre  deux. 

P.  cxcvii,  a  la  fin  de  la  1.  20,  I.  du  au  I.  de  de. 

P.  cxGViii,  1.  13,  I. :  individuelle :  1.  21»  avant  la  fin,  I.  xi,  1-13. 

P.  ccx,  1.  14*  av.  la  fin,  I.  la  critique. 

P.  ccxi,  I.  10,  snpprimer  les  chiffres. 

P.  ccxiii,  avant-derniere  ligne  du  texte,  apres  (vi«  siecle),  ajouter  :  d'apros  I'autorite  de 
Gwyu. 

P.  ccxxiii,  1.  19,  virgule  au  lieu  d'un  point  apres  Latinorum. 

P.  ccxxxvii,  1.  8°  av.  la  fin,  I.  representent. 

P.  ccxL,  lire  Fritzsche. 

P.  ccxLiv.  A  la  fin  de  la  notice  sur  Volter,  ajouter  : 

(1911.)  Die  Offenbarung  Johannis,  2°  edition,  Strassburg.  (Voir  Addition  aux  PP.  glvi- 

CLVII.) 

P.  ccxLvi,  1.  11,  lire  le  Bible  Dictionary. 

—       1.  16,  mettre  un  astorique  devant  Bauon. 

P.  CCL  (numerotee  faussement  gcxl),  apres  la  note,  ajouter  :  D'autres  travaux,  dont  je  n'ai 
pu  profiter,  ont  encore  paru  en  ces  dernieres  annees  :  F.  Gigot,  The  Apocalypse  of  St- 
John,  Londres,  1915;  —  *Dean,  The  Book  of  the  Revelation,  Edimbourg,  1915;  — 
*Whiting,  The  Revelation  of  John,  Boston,  1918;  —  *Shirley  Jackson  Care,  The 
Revelation  of  John,  Chicago,  1920. 

P.  ccLxv,  apres  Jacquier,  ajouter :  Vogels,  Untersuchungen  zur  Geschichte  der  laleinis- 
chen  Apokalypse-Uebersetzung,  Diisseldorf,  1920.  —  Ouvrage  excellent,  dont  j'eusse  pro- 
fito  s'il  avait  paru  plus  tot. 

P.  GGLXvi,  1.  16,  lire  :  zu  den  Schriften;—  1.  6'  av.  la  fin,  I.  1913  au  lieu  de  1903.  —  A  la 
fin  des  lignes  sur  J.  H.  Moulton,  ajouter  :  La  grammaire  de  Moulton,  qui  etail  presque 
terminie  a  la  mort  de  son  auteur,  en  1917,  est  en  cours  de  publication,  par  les  soins 
de  W.  H.  Howard.  Ont  paru  le  vol.  I  :  Prolegomena  (3°  odition);  le  vol.  II,  tome  I, 
Sounds  and  Writing  (avril  1920.)  Clark,  Edimbourg.  —  A  la  suite  de  Moulton-Milligan, 
ajouter  :  La  partie  III,  qui  va  de  Ε  a  Θ,  a  6te  publiee  depuis  la  mort  de  Moulton,  par 
Milligan,  en  1918;  la  p.  iv  est  sous  presse. 

P.  2,  1.  3  du  grec,  lii'e  Ίωάννιτ);  ligne  5  du  grec,  mettre  un  point  en  haul  apres  γεγραμμένα;  a 
B,  1-2-3,1.  11,  lire  {3  fois)  au  lieu  de  (5  fois);  puis  :  et  peut-6tre  dans  la  salutation  finale, 
XXII,  21.  Si  on  n'adraet  pas  Χρίστου  a  ce  dernier  passage,  alors  le  mot  Χριστός  apparait 
dans  I'Apocalypse  exactement  sept  fois  (ici,  ter,  et  xi,  15;  xii,  10;  xx,4,  6),  tandis  que 
Ίησοϋζ  apparait  quatorze  fois.  Ne  serait-ce  pas  intentionnel?  Bien  plus,  sur  les  sept  fois 
ou  on  lit  Χριστός,  il  est  joint  exactement  trois  fois  a  'Ιησούς,  et  quatre  fois  il  apparait 
seul :  ainsi  une  division  en  3  +  4,  la  serie  de  3  d'abord,  celle  de  4  ensuite,  absolument 
comme  dans  les  Lettres.  Est-ce  un  hasard?  —  A  I'avant-derniere  ligne,  lire  61  fois  au  I. 
de  76. 

P.  4,  1.  1  du  grec,  I.  'Ιωάννης. 

P.  10,  Idem. 

P,  12,  avant-dernifere  ligne  du  grec,  lire  δεξιφ  et  όξεΐα. 

P.  13,  1.  6  de  la  traduction,  transporter  le  {sic)  apres  embrasoe,  et  supprimer  la  derniere 
virgule. 

P.  14,  1.  1  du  grec,  lire  δεξιάν.  —  1.  6  du  comment.,  supprimer  le  guillemet. 

P.  17, 1.  1  point  et  virgule  apres  Meandre. 

P.  19,  1.  9  de  riNTROD.,  a  la  fin,  lire  :  celui. 

P.  20,  1.  2  du  grec,  lire  :  δεξιά. 

P.  21,  1.  13  de  riNTROD.,  lire  :  Weizsacker. 

—    1.  1  de  A.  1,  lire,  au  lieu  de  syr.  grec  :  syr.i*• 


372  CORRECTIONS    ET    ADDITIONS. 

P.  23,  Exc.  IV,  1.  1,  /.  άγιος. 

P.  24,  derniere  ligne,  I.  froideur. 

P.  27,  1.  6  de  A.  12-13,  I.  ό  κ.  μου. 

P.  32,  1.  1  de  A.  B.  20,  ajouter  apres  άφιέω  :  ou  άφίω. 

P.  34,  1.  7  du  grec,  I.  σκεΰη  au  I.  de  σκαΰη.  —  1.  1  de  A.  B.  C.  26,  I.  Ό  νικών. 

P.  35,  1.  6  du  comment.,  I.  ανατολής. 

P.  39,  1.  3  de  A.  B.  7,  I.  οίκου. 

P.  40,  1.  5  du  grec,  lire  γράψω  au  I.  de  φράψω. 

P.  43,  1.  8  du  comment.,  ajouter  apres  (Stvete,  al.)  :  Voir  II  COR.  il,  20. 

P.  44,  I.  1  du  grec,  lire  πλουτήσγις. 

P.  52,  1.  1  de  riNTROD.  I.  γίνεσθαι  au  I.  de  γενέσθαι. 

P.  54, 1. 10  de  C.  3,  I.  Hvareno. 

P.  55, 1.  7  de  la  trad.,  remplacer  sardonyx  par  cornaline. 

P.  57,  1.  3,  de  la  trad.,  I,  brulent  au  I.  de  brulaient. 

P.  59,  1.  6,  de  la  trad.  I.  qui  vit  au  I.  de  qui  est. 

P,  60,  1.  au  titre,  I.  destinies . 

—  grec,  1.  1,  Z.  δεξιάν. 

—  1.  2  de  A.  B.  1,  I.  έξωθεν  OB  lieu  de  όπισθεν  2. 
P.  62,  1.  3  du  grec,  I.  δεξιάς. 

P.  68,  1.  7  avant  la  fin,  lire  rupture  et  non  lecture. 
P.  71,  au  titre  1•-2•,  l.  (vi,  1-8)  au  I.  de  (iv,  1-8). 
P.  73, 1.  7  de  la  traduction  I.  AxiimaX  plutot  g^'Amiral. 
P.  74, 1.  5  de  G.  3-4,  supprimer  le  point  et  virgule  a  la  fin. 

—  1.  1  de  A.  B.  5-6,  I.  αύτοϋ  ;  1,  3, 1,  άδικήστ,ς. 

P.  86,  1.  1  de  A.  B.  10,  I.  Ικραζον  —  1.  3  de  A.  B.  11,  πληρωθώσιν;  1.  8,  στολή  λευκή. 

P.  92,  grec,  derniere  ligne,  I.  αυτών. 

P.  93,  1.  7  de  la  trad.,  I.  marque. 

P.  96,  1.  3'  avant  la  fin,  I.  σχηνοϋν. 

P.  97,  1.  3  de  G.  10, 1,  que  lui  donnait  etnon  qui  lui  donnait;  1.  7.  I.  δηλον. 

P.  98,  1.   5  de  A.  B.    14,    I.  XII,  11  au  I.  de   xii,  1.  —  1.  3  de  A.  B.  15,  I.  ]3ψ. 

P.  100,  1.  2  du  grec,  et  1.  3  de  A.  B.  1,  I.  ήμίωρον.  Voir  ce  mot  a  I'lndex. 

P.  102,  1.  4  de  A.  B.  2,  apres  Vis.  in,  4,  mettre  un  point  et  virgule. 

P.  106,  1.  3,  I.  des  sept  dieux,  et  non  de  sept  dieux. 

P.  110,  1.  3  de  A.  B.  1,  lire  Dinri;  —  1.  4  de  G.  1,  apres  je  me  demande  raSrae,  ajouter  . 

apres  Alford. 
P.  113,  1.  5  du  comment.,  I.  Job,  au  lieu  de  :  Joh. ;  —  1.  1  de  A.  B.  8,  I.  είχαν. 
P.  115,  1.  9  de  la  trad.,  apres  il  vient,  ajouter :  encore. 
P.  117,  1.  1  de  C.  17,  apres  la  seule  fois,  ajouter  :  (sauf  iv,  3). 
P.  119,  1.  27  de  riNTROD.,  I.  Weizsacker;  1.  34,  I.  δούλους. 
P.  121,  1.  1,  I.  παιδάριον. 

P.  122,  1.  2  du  grec,  I.  γράψι^ς,  et  non  γράφης.  —  1.  4  du  comment.,  Weizsacker. 
P.  123,  derniere  ligne  de  A  B.  7,  I.  βασιλείας. 
P.  124,  derniere  1.  de  A.  B.  G.  8,  I.  vi,  6,  el  non  v,  4. 
P.  125,  1•  2  de  la  trad.,  fermer  les  guillemets  apres  sur  la  terre. 
P.  126,  1.  7  avant  la  fin,  I.  Weizsacker. 
P.  132,  1.  1  du  comment.,  I.  vers   des  images;  —  derniere  ligne  de  A.  B,  5,  I.  λαμπάς ;  — 

—  C.  5,  derniere  ligne,  supprimer  la  virgule. 

P.  145.  Ajouter  a  la  fin  du  deuxieme  paragraphe  ."Dans  notre  Apocalypse,  le  mot  'Ιησούς 
apparait  quatorze  fois,  ch.  i,  1,  2,  5,  9  (2  fois);  ch.  xii,  17;  ch.  xiv,  12;  ch.  xvil,  6; 
ch.  xix,  10  (deux  fois);  ch.  xx,  4;  ch.  xxii,  16,  20,  21.  Les  considorations  procedentes 
rendent  malaiso  d'admettre  que  ce  soit  la  un  pur  hasard,  et  elles  s'en  trouvent  en  retour 
singulierement  confirmees ;  surtout  si  Ton  se  rappelle  que  Χριστός  (probablement)  n'appa- 
rait  que  7  fois,  et  donne  lieu,  avec  Ίησοϋς,  a  une  combinaison  3  +  4.  Voir  Γ  «  Addition  » 
a  la  page  2,  ci-dessus. 

P.  149,  1.  8,  I.  Weizsacker. 

P.  154,  1.  5,  I.  la  grele. 

P.  155,  av. -derniere  1.  du  second  paragraphe,  I.  Weizsacker. 


CORRECTIONS    ET    ADDITIONS. 


373 


p.  157,  1.  3  de  A.  B.  2,  I.  γυνή. 

P.  158,  grec,  1.  7,  Ιστηχεν;  —  comment.,  I.  11,  I.  WeissQcker. 

P.  160,  grec,  1.  3,  I.  έκεϊ;  1.  4,  I.  έξήκοντα;  1.  8,  I.  Διάβολος. 

—    Comment.,  1.  9,  supprimer  la  ponctuation  apres  apostasies. 
P.  183,  I.  5  de  B.  1'  Introd.,  I.  WeizsScker. 
P.  187,  1.  4  de  A.  B.  5,  ajouter  apres  μήνας  τρεις  :  ou  //  Cor.  XI.  25,  νυχθήμ,ερον  έν   τφ  βυθω 

πεποίηκα. 
Ρ.  189,  I'av.-derniere  de  A,  10,  I.  ωδέ  έστιν. 
P.  192,  1.  4  du  grec,  I.  δεξιάς;  —  1.  1  de  A.  B.  18,  I.  έξήκοντα. 
P.  194,  1.  22,  I.  Γάϊος. 

P.  195, 1.  6  de  riNTROD.,  I.  Weizsacker;  —  1.  5  du  comment.,  I.  tribus. 
F.  198,  I.  28  de  I'Exc.,  ouvrir  la  parenthese  devant  ce  dernier. 
P.  201, 1.  av.-derniere  du  2•  paragraphe,  I.  Azh'i-Dahaka. 
P.  208,  1.  21,  I.  «  Hvareno  ».  Idem  1.  29. 
P.  209,  I.  13,  idem. 

P.  212,  1.  7.  I.  HijiOlpj  —1.  12,  I.  Victor  an  I.  de  Victorin. 
P.  216,  avant-derniere  ligne,  I.  εύαγγελίσαι. 
P.  220,  1.  7  avant  la  fin  de  A.  B.  13,  I.  καταπαήσεται. 

P.  221,  1.  7  de  Int.,  mettre  deux-points  au  lieu  du  point-virgule  apres  Spitta. 
P.  224,  grec,  derniere  ligne,  I.  εξακοσίων. 
P.  230,  1.  2  du  commentaire,  I.  φοβηθή. 
P.  232,  1.  9  d'iNT.,  I.  Ν  et  3  au  I.  de  X  et  2. 

P.  238,  I.  5  du  grec,  I.  α  au  lieu  de  ά.  ' 

P.  239,  1.  2  du  comment.,  lire  Armagedon;  —  I.  7,  I.  Άρμαγεδών. 
P.  243,  au  titre  D.  2''-3%  I.  Anteghrist  (xvii-xix). 
P.  252,  1.  3  de  A,  B.  14,  ecrire  Χριστός. 
P.  264,  1.  7*  av.  la  fin,  1. 11  au  I.  de  elle. 
P.  272,  supprimer  le  iiret  devant  G  20,  et  le  mettre  devant  A.  B.  21. 

—     1.  2  de  A.  B.  21,  I.  Ισχυρόν. 
P.  283,  avant-dernifere  ligne,  lire  4"  au  lieu  de  4^. 
P.  284,  1.  2,  I.  diaboliques,  et  non  ang^liques. 
P.  289,  1.  14  de  G.  10,  I.  Jnrieu. 
P.  303,  1.  3  d'iNT.,  I.  VI,  2;  vii  au  I.  de  vi,  2-vii. 
P.  306,  1.  1  de  A.  3,  I.  ήχ.  au  lieu  de  ήχ. 
P.  318,  1.  11,  I.  ίσα  εστίν;  —  1.  12,  I.  άνθρωπου. 


Typograpliie  Finnin-Didot  el  C".  -    Paris. 


TABLE   GENERALE 


Pages. 

Introduction i-cclxiv 

bibliographie cclxv-cclxviii 

gommentaire 1-334 

Table  des  matieres 335-339 

Index  analytique 340-354 

Index  des  ouvrages  cites 355-358 

liste  dbs  auteurs  mentionnes 359-365 

Index  des  mots  grecs  a  remarquer 366-369 

Additions  et  corrections 370-373 


BS  2825  .A49  1921  SMC 


Bible.  N.T.  Revelation. 

Greek.  1921. 
Saint  Jean,  L'Apocalypse 

/ 
AKM-7846  (mcsk)