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JOHN M. KELLY LIBDAKY
Donated by
The Redemptorists of
the Toronto Province
from the Library Collection of
Holy Redeemer College, Windsor
University of
St. Michael's College, Toronto
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ΗβΙΥ REDEEMER LlBRAR|fNBjOi
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SAINT JEAN
L'APOCALYPSE
IMPRIMATUR
R. Louis,
o. p.
IMPRIMATUR
Parisiis, die 28* decembris 1920
E. Lapalme
V. g.
Κ' «^
liTUDES BIBLIQUES .Βη-Ψ
I'tT!
SAINT JEAN
L APOCALYPSE
PAR
LE P. E.-B. ALLO
DES FRERES PRECHEURS
Professeur a l'Universite de Fribourg (Suisse)
deuxieme edition
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE
J. GABALDA, £diteur
RUE BONAPARTE, 90
1921
H9LY REDEEMER LIBRARY, WINDSOR
vTb - i'5'9 ")
EMINENTISSIMO ET REVERENDISSIMO
DESIDERIO CIRDINALI MERCIER
ARCHIEPISCOPO MECHLINENSI
FORM^ GREGIS
OPTIMARUM ARTIUM DUCI ET PATRONO
DEFENSORI CIVITATIS
EXPOSITAM HANG lOHANNIS PROPHETIAM
DE DRACONE GONSTANTER DEVIGTO
ET DE AGNO NUNC ET IN /ETERNUM VINCENTE
HUMILITER DEDICAT
INTERPRES.
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
LE MILIEU HISTORIQUE ET LE BUT DE l'aPOCALYPSE,
Jesus, en quittant cette terre, avait dit a ses fideles d'attendre son retour.
Quand aurait lieu cette « Parousie » glorieuse? Nul ne pouvait le savoir, car le
Seigneur s'etait refuse a toute revelation du « jour ο et de « Iheure ». II avait
seulement averti que ce jour-la fondrait a Fimproviste, « comme un voleur ». II
fallait done veiller, prier, avec d'autant plus d'ardeur et de perseverance, que des
tentations innombrables, persecutions a la synagogue, ou devant les gouver-
neurs et les rois, prodiges menteurs de faux messies capables de seduire jus-
qu'aux elus, devaient preceder, annoncer meme son avenement, pendant que
d'autre part la Bonne Nouvelle'se repandrait dans le monde entier Mat. xxiv;
Mai'c, XIII ; Luc, xxi).
Les Chretiens avaient attendu. Limprecision de la prophetie, etTimpatience ou
ils etaient devoir le monde renouvele entierementparle Regne de Dieu. en partie
aussi le reve eschatologique des Juifs leurs contemporains, dont la fievre les
atteignait, les avaient portes en general a interpreter les promesses du Seigneur
au sens d'une Parousie prochaine, presque iraminente. Et voila que bien des
signes precurseurs se realisaient deja. La persecution, d'abord sourde ou spora-
dique, prenait sous Neron un caractere de violence atroce. Neanmoins, TEvan-
gile paraissait envahir le monde entier. Paul, a travers presque tons les pays du
Nord Mediterraneen, lavait porte peut-etre jusqu'en Espagne. L'Egypte, tres
probablement, I'avait regu aussi, la Syrie et I'Asie Mineure etaient pleines de
chretientes ilorissantes. De plus, le grand evenement, celui que les premiers
fideles auraient cru inseparable de la fin du siecle present, la mine du Temple et
Taneantissement politique d'Israel, venait de s'accomplir sous Vespasien. Malo-ro
cela, le Christ n'apparaissait pas sur les nuees du ciel.
Dans ce delai de la Parousie, il y avait bien, quoi qu'eussent explique des Apo-
tres, Paul dans II Thess., et Pierre dans sa deuxieme Epitre, de quoi trou-
bler certains fideles. Ainsi combien de luttes faudrait-il encore soutenir aΛ'ant le
triomphe? Lunivers, depuis Neron, s'etait formellement declare centre TEvangile;
Pierre et Paul avaient ete mis a mort; le furicux ouragan de 64, dont les suites
troublaient encore I'Eglise, en annongait sans doute d'autres plus universels dans
leurs ravages. Sous Neron, Pierre et Paul recommandaient encore d'honorer
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. a
INTP.ODUCTIOX.
les emoereurs ct les magistrals, qui portent le glaive au nom de Dieu ; la perse-
cution paraissait menee alors sans methodc et sans principe; les massacres
meme de I'histrion couronne s'etaient donne Fair d'une mesure de police impla-
cable operee centre de fanatiques incendiaires. Cependant I'epithete d'ennemis
du genre liumain etait deja lancee contre les cliretiens, Un Voyant dont le regard
eut plonge dans Thistoire futui^e, mais deja proclie, se fut apergu qu'il s'elaborait
par tout TEmpire romain un systemc politico -religieux tel que I'existence d'une
Eo-lise chretienne, du Regno de Dieu sur terra, etait incompatible avec lui. Car
le o-laive remispar Dieu aux autorites, Satan lui-meme allait s'en saisir. L'empe-
reur romain, dont la puissance etait pratiquement illimitee, allait se poser en
face du Christ comme un Antechrist, exigeant lui-meme comme Seigneur,
comme Sauveur, et comme Dieu, le culte que les Chretiens rcservaient au Fils de
Dieu, seul Seigneur et seul Sauveur. Entre le vrai Dieu, apparu avec une nature
humaine, entre ce Jesus crucifie en Judee il y a moins de deux generations, mais
que ses fideles disent ressuscite, et d'autre part les Augustes qui se succedeat
et meurent, mais que le Senat deifie apres leur mort, et qui bientot se feront
dieux eux-m6mes de leur vivant — deja les plus extravagants, comme Caligula
et Domitien, se font appeler Κύριος dans leur entourage et par leur cbancellerie.
[I ya s'engager une lutte d'extermination : car le culte des empereurs, favorise
par la reconnaissance ou la servilite des provinces, et par la raison d'etat
romaine va s'oro-aniser et s'imposor si vite que, deja au ii'^ siecle, Tadoration du
Cesar vivant sera devenue la pierre de touche du loyalisme romain. Autrefois on
avait pu confondre plus ou moins les disciples du Christ avec les Juifs ou les
adeptes des nombreuses religions orientales qui attiraient les ames mystiques
du paganisme a son declin. La police de Neron s'etait chargee de faire la dis-
tinction et les empereurs ne I'oublieront plus. Jesus, personnage historique et
recent, presente comme leseul Κύριος (Paul, I Cor., vii, 6) etait pour eux un autre
rival qu'un Dionysos ou un Attis.
Or c'est precisement la ou FEglise avait le plus etendu ses conquetes, c'est-a-
dire dans TAsie Mineure, que les signes avant-coureurs de cet etat de choses
commencaient a se multiplier. A la fin du i" siecle, I'Anatolie presque tout
entiere avait connu I'Evangile; elle etait devenue, avec Antioche et Rome, un
centre de christianisme. D'Ephese, la nouvelle doctrine prochee par saint Paul
avait rayonne dans la vallee du Lycus, la Phrygie, la Lydie. La Ρ Petri nous fait
connaitrc des avant Pan G4, I'existence de chretientes jusque dans le Pont et la
Cappadoce. Mais c'est aussi en Anatolie que le culte des empereurs avait com-
mence. Ces pays etaient habitues de longue date a I'adoration de leurs maitres
visibles. Deja, sous la Republique, on y avait personnifie et honore les vertus de
tel proconsul: des 195 av. J.-C, Smyrnc avait consacre un temple a la Deesse
Rome• aussi, en 26 de notre ere, lui fut-il permis d'en eriger un autre a Tibere, a
Livie et au Senat, de preference aux villes rivales qui briguaient le meme hon-
neur. a savoir Ephese, qui, des le debut du regne d'Auguste, avait pourtant
dresse un autel a celui-ci dans I'enceinte de I'Artemision, et Pergame, qui, des
29 avant Jesus-Christ, avait institue le culte imperial provincial. Les premiers
empereurs, qui repugnaient encore a passer dieux tout vifs en Occident, etaient
sur ce point-la, en dignes heritiers des Diadoques, pleins de condescendance
pour rOrient hellenistique. II faut dire que ces peuples y mettaient une sorte
MILIEU iilSTORIQrE ET DUT. JU
d'enthousiasme, d'abord par reconnaissance pour les nouveaux maitres qui. apros
les convulsions des guerres civiles, avaient assure a leur commerce, ii leur
Industrie, a leur culture ilorissante enlre toutes, securite, paix, facilite de com-
munications, et toute une expansion nouvelle ; de plus I'institution des Κοινά ou
Concilia, assemblees deliberantes mi-politiques, mi-religieuses, rendait, sous
couleur d'organiser le culte imperial, quelque apparence d'autonomie a la pro-
vince. II faut dire aussi que I'Anatolie etait tres ouverte a toutes les nouveautes
religieuses. Si le cliristianisme avail profile de cela dans quelque mesure, bien
d'autres religions I'avaient fait avant lui. Sur le culte de Cybele, ou dautres
hypostases de la Grande Deesse, Artemis dEphese, Ma, Anaitis, s'etait greifee,
en plus de la religion olympienne, une grande variete de cultes hetheens, semiti-
ques, iraniens, qui, n'ayant aucune repug'nance fonciere les uns pour les autres,
devaient se plier, avec moins de repugnance encore, devant le culte ofnciel qui, a
cette condition, les tolererait et les protegerail tous. Contre I'adoration du Dieu
unique ct transcendant, et de Jesus, Tuniquc Seigneur et Sauveur, devait done
s'ourdir une coalition formidable de toutes les forces du pantheisme paien, fondu
avec les interets politiques et economiques de ces riches et ambitieuses regions.
La etait le grand danger exterieur; une fois que le polytheisme, olTiciel et popu-
laire a la fois, aurait pris coascience de Topposition irreductible quil trouvait
toujours dans lEvangile, leur contact force ne pouvait manquer de tourner a une
hostilite des plus sanglantes.
II y avail encore pour la foi dautres dangers, interieurs ceux-ci. Les nouveaux
convertis, on le voit assez par les recommandations morales des epitres pauli-
niennes, n"etaient pas encore tous parfaits dans leur doctrine ni leur conduite.
De plus, I'Anatolie etait la terre d'election du syncretisme religieux. La crainte
de la persecution, Tattrait de fetes pompeuses et sensuelles, les necessites
meme de la vie sociale et familiale ne devaient-ils pas tenter aux mauvaises
heures le petit troupeau des elus, dans la mesure memo oii il se me'langeait
d'elements plus divers? quelques-uns ne seraient-ils pas portes a chercher des
compromis enlre 1 Evangile et les idees ou habitudes religieuses de leurs conci-
toyens? Saint Paul, des avant sa premiere captivite, avait predit que des loups
envahiraient sa bcrgerie; et lui-meme, tres peu de temps apres, dut se mettre a
pourchasser ces loups. Les epitres aux Golossiens el aux Ephesiens, puis les
Epitres pastorales', sans parler de celle de Jude et de la 11^ Petri, nous monti^ent
bien qu'un certain syncretisme tendait a s'ebauclier a Tinterieur meme des com-
munautes; il ne consistait pas seulement en compromis pratiques tels que la
participation aux repas sacres des paiens, naguere reprouvee a Corinthe, mais
en doctrines qui presageaient le gnosticisme : speculations transcendantes sur
des etrcs intermediaires analogues aux fulurs Eons, ou aux demons du plato-
nisme, ascese outreequi, au fond, favorisail les debordemeuts charnels, comme
dans la Phrygie paienne, bref en une variete de pratiques el de systemes beaucoup
plus paiens que chrotiens ou juifs. A la fm du i^'" siecle, la situation devait avoir
plulcit empire, car la 1" Epitre de saint .Jean combat de pretendus chretiens qui
sont en realite des « Antechrists », des docetes et des Judeo-gnostiques niant que
le Christ soil venu reellement en chair, ou que le Crucifie soil Ic vrai Fils de
Dieu.
Ce fut au milieu de ces troubles circonstanccs que I'Apocalypse parut. Nous
IV INTRODUCTION.
essaierons plus tard d'en mieux fixer la date ; toujours est-il que cette prophetie
fut donnee a TEglise en Asie Mineure, et dans la periode qui va de la mort de
Paul a la fin du i" siecle.
Son aspect d'ensemble le montre deja avec assez de certitude. D'abord elle ne
suppose pas de persecution generale actuellement declaree; on pent seulement
en redouter une, et deviner ce qu'elle sera. Car deja de nombreux martyrs ont
ete immoles ailleurs, a Rome (vi, 9-11 ; cf. xvii, 6 et xviii, 24) ; en Asie Mineure
m^me, a Pergame, il y en a eu au moins un, Antipas, qu'une tradition fait
eveque de Pergame sous Domitien (ii, 13). Pourtant la grande « tentation » est
annoncee comme future (in, 10). Les ennemis les plus actuels sont encore les
Juifs, qui forment une « synagogue de Satan », et sevissent deja contre les Chre-
tiens, a Smyrne, a Pliiladelphie. Des erreurs tendent aussi a s'introduire dans
les communautes, un antinomianisme, semble-t-il, qui pouvait etre une exagera-
tion des principes pauliniens de liberte, et que favorisaitune tendance syncretiste.
Ce caractere qu'a le peril actuel d'etre surtout interieur, ou, pour I'exterieur, de
provenir principalement des Juifs, montre qu'il pouvait encore exister en Asie
une certaine tranquillite de surface. Quand I'auteur s'adresse a Laodicee, il ne
fait aucune mention du fameux tremblement de terre qui avait tant eprouve cette
ville en Tan 62; c'est que la catastrophe etait deja assez ancienne sans doute,
pour etre oubliee. Enfin le livre suppose, dans Timagination populaire, une
grande crainte des Parthes, et, comme nous le verrons, une apprehension du
retour de Neron, qu'on ne se decidait pas a croire mort. Tons ces traits concor-
dent bien pour designer le temps ecoule entre la fin de cet empereur et les perse-
cutions generales du u*^ siecle, c'est-a-dire I'epoque de la dynastie flavienne,
comme d'ailleurs la tradition raffirme.
C'est done lorsque I'approche d'une tempete eifroyable pesait deja sur les
consciences, quand de sinistres pressentiments pouvaient abattre le courage
des jeunes Eglises, qui ne voyaient pas le Christ venir a leur secours, et
laissaient, de ci de la, leur force de resistance s'affaiblir par leur faute,• c'est
alors qu'un prophete nomme Jean — nous verrons plus tard si c'est Jean, fils de
Zebedee — fit retentir sa prophetie, son Apocalypse, comme le son des trom-
pettes qui devait appelerle salutdes profondeurs de I'Autre Monde, en marquant
la ruine du siecle present, plein diniquites et de douleurs.
On parle de la sombre horreur de TApocalypse, et le nom mome en est devenu
quelque chose d'effrayant. Cette impression n'est pas juste. L'inspire veut au
contraire fortifier les volontes, armer les Chretiens d'une confiance inebranlable
dans la toute puissance et la fidelite du Sauveur qu'ils attendent. Son livre tient
bien a I'Evangile. II est le complement de la Bonne Nouvelle, et, comme I'Evan-
gile, un message d'esperance, de courage et de joie. Partout ou il decrit aux
fideles leur sort futur et definitif, il contient des lignes ou des pages d'une frai-
cheur et d'une suavite incomparables, comme il n'y en a que dans la seconde
partie du Livre d'Isaie, ou dans le IV^ Evangile.
Sans doute I'Apocalypse annonce I'imminence d'atroces combats; mais elle
promet une victoire absolue a tons ceux qui tiendront ferme. Bien plus, la vio-
lence meme de la lutte est le signc du triomphe certain. Car tout ce qui arrivera
a ete determine d'avance au ciel. C'est Jesus lui-meme, I'Agneau immole pour
nous, le Redempteur qui nous a laves et rachetes par son sang, c'est lui qui
MILIEU HISTORIQUE ET BUT. V
commande au cours des evenements et execute les desseins de Dieu dans I'liis-
toire. Deja il parcourt le monde comme un guerrier invincible et des cantiqaes
angeliques celebrent au ciel ses succes. Son grand ennemi, le Dragon, a ete
expulse du firmament d'ou 11 exergait son pouvoir, il est tombe au ras de terre,
et sa rage meme est un signe qu'il se sent vaincu; lui et ses suppots, dont le
principal est a Theure presente I'Empire paien, n'ont plus que peu de temps a
sevir. Dieu lui permet de repandre mille calamites sur tout ce qui est purement
terrestre, et chatie encore par ses anges et ses fleaux le monde coupable, voue a
la destruction. Mais ces malheurs ne sont pas pour les elus. Geux-ci sont mar-
ques au front d'un signe divin, pour etre epargnes, en ce sens du moins que les
chatiments les purifieront au lieu de les perdre. Le seal vrai danger pour eux,
c'est de se laisser seduire, d'adorer la Β He; et d'abord de pactiser avec le culte
des Cesars. Que Dieu les preserve du laxisme que pratiquent les « Nicolaites »,
et de la peur! Car malheur aux peureux, aux laches, a ceux qui ne croient pas a
la victoire du Christ; ce qui les attend, eux, c'est Γ « etang de feu » et la
« seconde mort». Mais Jean, comme saint Paul, paraitbien esperer que la masse
des fideles echappera a ce sort terrible. On dirait qu'il veut commenter quelques-
unes des assurances les plus sublimes du grand Apotre : Si Deus pro nobis, quis
contra nos? — Diligentibus Deiim omnia cooperanlur in bonum. Enfin le livre
s'acheve dans la perspective radieuse de la Jerusalem celeste, de la cite de paix
et de gloire, ou il n'y aura plus un jour ni douleurs, ni larmes, ni combats. Et
I'Eglise toute entiere, joignant sa voix a celle de I'Esprit, implore le Christ pour
que ses triomphes soient prochains, quelles que soient les epreuves exterieures
qui les precederont : Veni, Domine Jesu — Ecce venio cito.
Saint Pierre avait dit, dans sa premiere Epitre, avant la persecution de Neron :
« Si vous etes outrages pour le nom du Christ, heureux etes vous » (iv, 13). Et
plus d'un prophete d'Israel, apres Isaie, avait parle de ce « Reste » qui serait
sauve de Textermination des impies. Mais nulle part, dans ces promesses, il n'y
a un ton d'assurance, de joie exultante qui egale celui de I'Apocalypse.
Tel fut le message divin que Jean communiqua aux eglises d'Asie Mineure au
moment οά I'atmosphere etait deja lourde du terrible orage qui allait eclater,
quand toutes les puissances hostiles allaient se conjurer pour deraciner le chris-
tianisme naissant et le balayer de la face de la terre. L' Apocalypse est un
manifesto d'incoercible esperance au debut des persecutions ; une exhortation a
I'endurance et a la paix intime, parce que letriomphe du Christ est certain.
CHAPITRE II
LES CARACTERISTIQUES PERSOXNELLES DE l'aUTEUR DE l'aPOCALYPSE
ET SA THEOLOGIE.
Quel etait le chretien capable delever la voix avec une telle puissance?
Contrairement aux autres ecrivains du Nouveau Testament qui se nomment
comme lui en lete de leurs ecrits, I'aaleur de TApocalypse ne se designe que par
son simple nom : Jean. 11 ne se donne les tilrcs ni d'aputre, ni de πρεσβύτερος, ni
d'eveque, et ne se recommande d'aucun lien naturel avec le Christ ou quelque
grand personnage apostolique, comme le firent Jacques et Jude. Simplement il
se dit « serviteur du Christ », comme pent letre le moindre de ses freres; puis,
par le contenu de son message, il va moutrer aussilut qu'il est un ρπορηϊιτε.
Le charisme de prophetie, en quelque sens qu'on Fentendit, etait tres repandu
au premier siecle de I'Eglise. La communaute de Jerusalem envoie des propheles
a Antioche, vers I'an 39-40 [Actes, xi, 27; xiii, 1-2). Ce charisme est si frequent
dans les eglises pauliniennes, que le grand Apotre, a Corinthe, se voit oblige
d'en reglementer Tusage (I Cor. xiv, 29-seq; 37); il place d'ailleurs ceux qui le
possedent de maniere authentique immediatemcnt au-dessous des Apotres
(1 Cor. xii, 28). Barnabe, Jude Barsabas, Silas, d' autres encore, parmi lesquels
Paul lui-meme des avant son grand ministere [Act. xiii, 1), et jusqu'a des
femmes (1 Cor, xi, 5) entre autres les fdles du diacre Philippe a Cesaree [Act. xxi,
9), jouissent de ce don spirituel. Ces prophetes connaissent et devoilent des
choses secretes, meme ce qui est cache dans I'avenir, tel LAgabus des Actes;
leur regard pent penetrer les consciences (1 Cor. xiv, 25). Mais h.ur rule ordi-
naire, quotidien, et qui n'est pas moins important, c'est, par leur predication
visiblement inspiree d'En-lIaut, de soutenir la fervour et le courage des chre-
tientes, de les « edifier, exhorter, consoler », en un langage direct et acces-
sible, tout different de celui des glossolales (I Cor. xiv). Ces prophetes chro-
tiens, durant tout le i•'" siecle, et, en certains lieux, une partie du ii'' (1), furent
presque un ordre dans I'Eglise, en-dessous des apotres et de leurs delegues, et
a cote des membres de la hierarchic locale, avec lesquels ils ne s'identifiaient
pas toujours. On le voit par le rang que leur assigne Paul dans ses epitres aux
Corinthiens et aux Ephesiens (1 Cor. xii, Eph. iv) et par les chapitresxi, xiii, xv
de la Didache. 11 semble pourtant qu'il n'y en eiit plus guere en Asie au temps
d'Ignace et de Polycarpe, car ces deux Peres ne s'en occupent pas, et I'heresie
montaniste, qui fut une insurrection de pretendus inspires centre la veritable
Eglise, rendit definitivement suspectes parmi les catholiques les pretentions au
prophetisme.
Jean, Tauteur de I'Apocalypse est done un prophete, et qui place ce don Ires
(I) Ainsi Hermas a Rome.
CARACTEUISTIQUES DE l'aUTEUR. VII
iiaut, plusliaut peut-etreque saint Paullui-meme [Apoc. x, 7; xvi. 6; xvni, 20, 24).
il prophetise en tons les sens : il a la mission speciale d'exhorter puissamment et
divinement les fideles; Dieu lui montre les cceurs a nu quand il Tinspire, et il
annonce des evenemcnts futurs. Mais ce n'est pas un prophete quelconque, qui
ent besoin a Tavance d'etablir son autorite, et dont les eglises, comme il est
recommande dans la Didachc, eussent a examiner la doctrine et la conduite
avant d admettre ses revelations.
II s'adresse, non pas a un groupe assez restreint de tideles, ni a une seule
eglise, mais a sept eglises de I'Asie Proconsulaire, et nous verrons par la suite i
que ces sept-la sont clioisies, en raison de la totalite que ce nombre exprime, pour
representer toutes les chretientes de la province. 11 leur annonce d'ailleure les
secrets de Dieu touchant I'avenir avec une telle profondeur et une telle assu-
rance, comme n'en eut jamais un autre inspire, que sa prophetic deborde de
beaucoup les dostinees de I'Asie Romaine, et s'impose a I'Eglise universelle.
II parle avec une autorite tres grande, une autorite qu'il ne craint pas de voir
discutee. Nulle precaution oratoire pour justifier la mission quil s'attribue.
Lorsque le Christ, par sa bouche, va interpeller les « Anges » des sept eglises,
comme representants de lesprit qui domine en chacune d'elles, et leur distri-
buer souverainement i'eloge ou le blame, les promesses ou les menaces, Jean ne
s'excuse nuUement de remplir avec tant de liberie un tel message, et ne se
soucie pas d'expliquer pourquoi lui, plutot qu'un autre, en a ete charg-e. II n'em-
ploie, par exemple, nulle part ces formules de politesse et de modestie qui abon-
dent dans les iettres de saint Ignace d'Antioche. 11 suppose done que les eglises
trouveront tout naturel que ce soit lui qui ait regu cette mission. Aussi il est bien
evident que ce Jean exerce d'ores et deja sur les fideles d'Asie une autorite
incontesteo, surtout s'il fallait voir, dans les « Anges », les guides spirituels de
ces chretientes. II ne recommande son livre a personne, ne le confie a aucun chef
local ni a aucun presbyterium ; il compte que les eglises, des qu'elles I'auroiit
regu, s'empresseront d'en faire la lecture publique : « Heureu.v cclni qui lit et
ceux qui ecoutent les paroles de la prophetie et qui obsen^ent ce qui y est ccrit »
(i, 3). line reconnait a personne au mondc le droit de le reviser, de I'epurer et
de le completer : « Si quel qu'un y fait une addition^ Dieu additionnera sur lui
les plaies decrites dans ce li^>re ; et si quelqu un retranclie [rien) des paroles du
livre de cette prophetie, Dieu retranchera sa pari de I'arbre de la vie, et de la
ville sainte, qui sont decrits dans ce livre >> ixxii, 18-191. II est clair qu'on n'a
pas affaire ici a un prophele ordinaire; nous devons necessairement voir en Jean
un personnage que les fideles et les autorite s ecclesiastiques de I'Asie Mineure
(itaient liabitues de longue date a reverer, sa parole etant deja pour eux la parole
du Christ,
Dautre part, rien n'indique que I'auteur soit uni a aucune des eglises qu'il
nomnie, par un lien plus special, qu'il soit par exemple le chef local de quel-
qu'une dans le nombre. On doit I'ecouter de la meme maniere a Philadelphie
qu a Pergame, a Laodicee qu'a fiphese. Ce qu'il peut ici, il le peut aussi bien ail-
Icurs, aucune tournure de langagc ne montre qu'il n'y aurait la, vis-a-vis de telle
eglise ou de tel groupe d'eglises, qu'une extension accidentelle de son autorite,
en raison des revelations speciaies qu'il a regues. Cette autorite qui n'a pas a pro-
duire ses litres, rappclle tout a fait colle des Apolres ou des delegues d'apotres
VIII INTRODUCTION.
quelques dizaines d'annees plus tot, par exemple celle de Paul sur rAchaie et la
Macedoine. Et si notre prophete neglige de se prevaloir d'aucun titre, c'est sure-
ment que son nom seal et sa personnalite connue sufTisaient a garantir sa mission
extraordinaire.
II est possible, par Tetude intrinseque de I'Apocalypse, de serrer d'assez pres
cette personnalite. D'abord, — et nous le demontrerons plus tard, — cet auteur
n'est pas un Grec, ni memeua lielleniste. Sa langue, la structure de sa pensee et
de ses developpcments, s'y opposent absolument. II ne suffirait meme pas de voir
en lui un representant de cet hellenisme populaire dorit I'etude des papyrus et
des ostraka commence a vulgariser la connaissance. C'est, a n'en pas douter, un
Semite de naissance, qui pense encore a la semitique, bien que s'etant approprie,
par la conversation, un vocabulaire grec assez etendu; quant a sa grammaire,
elle est toujours assez barbare pour deceler son origine. C'est un Juif, et il se fait
gloire de I'etre. Le nom de Juif est pour lui un titre d'honneur, et les Juifs infi-
deles et persecuteurs ne sont que de faux Juifs {Apoc. ii, 9). Comme Juif, il est
cultive. II connait a fond I'Ancien Testament. Toute sa prophetic en est impre-
gnee, les expressions bibliques viennent naturellement sous sa plume, si nom-
breuses, mais presentant si peu le caractere de citations litterales, copiees ou
. retenues par coeur, qu'on voit bien qu'il en est arrive a penser spontanement
dans les termes des Livres saints. II est probable quil connaissait en gros la
litterature apocalyptique anterieure, palestinienne ou sibylline, car il lui a
emprunte la Torme litteraire de son message, et la plupart de ses symboles (a
moins que ce ne soit aux seuls prophetes canoniques, Daniel, Ezechiel, Joel et
Zacharie). Quant a savoir sil a connu des traditions religieuses du mondepaien,
la chose est beaucoup plus douteuse; cest une question que nous etudierons a
son heure.
II connait au moins a fond I'etat profane et le caractere des populations aux-
quelles il ecrit; Ihistoire meme des villes, comme I'a montre fort bien Ramsay,
ne lui est pas etrangere, ni leurs pretentions et leurs ambitions laiques. Le detail
de ses menaces ou de ses louanges est tellement topique, que Ion doit supposer
— a moins que le Christ ne lui ait revele d'un coup tout cela, ce qui est peu con-
forme a la psychologie mystique — un long sejour du Prophete dans cette region
d'Anatolie,
Relevons a ce sujet un trait precieux a noter pour son caractere. Ce prophete
Chretien ne se montre nullement hostile au patriotisme de ses lecteurs. Renan,
dans son Antechrist, s'est fait de lui une idee tres fausse quand il Fa represents
comme un Judeo-chretien borne et fanatique, n'ayant qu'un mepris amer et sans
nuances pour tout ce qui est beaute et grandeur terrestres. La largeur de son
esprit ressort au contraire de la delicate habilete avec laquelle il sait transposer
dans I'ordre divin, comme le montre par exemple la lettre a Smyrne, les qualites
et les gloires naturelles dont les fideles, a titre de citoyens, pouvaient encore
tirer quelque fierte. Ailleurs, il est vrai, ainsi dans la lettre a Laodicee, il fera
ressortir ironiquement le contraste entre les pretentions terrestres des lecteurs,
etleur indigence surnaturelle. Mais en tout cas, ce n'est pas un ennemi de la vie.
Seulement, c'est une ame brulante d'ardeur et de conviction, qui n'admet avec
Terreur et le mal aucun compromis, un esprit affirmatif servi par une imagina -
tion nette et fougueuse, un de ces lutteurs qui meritent le nom de « fds du ton-
CAllACTERISTIQUES DE L AUTEUR. IX
nerre », et sont predestines, semble-t-il, par leur temperarrent naturel, a preter
leur bouche, quand I'inspiration descend en eux, aux paroles les plus foudroyan-
tes de Dieii. Mais ce n'est la qu'une face de son caractere. II conserve une haute
serenite sous la plus puissante excitation; cette ame virile, qui jouit de la paix
surnaturelle, ne se laisse pas absorber par la colere du combat; Femotion douce
se fait jour plus d'une fois a travers les predictions menagantes. Pour appeler
le Christ, son amour, pour consoler et rassurer ses freres qui souffrent courageu-
sement, Jean a des paroles aussi touchantes, dans la brievete de leur tendresse
concentree. que celles de n'importe quel autre saint. En cela, il ressemble meme
au plus grand des ecrivains du Nouveau Testament, a saint Paul. L'exile de
Patmos aime profondement les eglises dont la persecution I'a separe, mais son
affection veut pour elles I'eternel triomphe, son zele clairvoyant doit done les
empecher de s'endormir devant le peril qui s'approche.
Quelles etaient les idees religieuses, dispns la theologie, qui inspirait ce zele?
La theologie proprement dite de Jean, c'est-a-dire sa doctrine sur la Divinite,
est bien celle que Ton pent attendre d'un Juif venu a la foi nouvelle. 11 la tire tout
entiere de I'Ancien Testament, comme un faisceau de verites indiscutables, qu'il
n'eprouve done aucun besoin de justifier ni de developper. Dieu est le createur,
le maitre absolu, le commencement et la fin, celui de qui dependent passe, pre-
sent et avenir, a qui nul ennemi ne peut s'opposer efficacement ; il tient les justes
en securite, chatie le monde coupable, et rendra a cliacun, au jour du jugement,
suivant ses oiuvres. Nous ne trouvons dans ces ideas rien de bien personnel a
relever, sinon que Dieu apparait avant tout sous Taspect de la Toute-Puissance,
et non de la Misericorde, comme dans I'Evangile. Mais etant donne le but de
I'Apocalypse, qui est de premunir les fideles contre la crainte et la faiblesse,
rien n'etaitplus opportun que d'insister sur la Force irresistible du Maitre et du
Protecteur; quant a son amour, ils n'en doutaient pas,^ puisque cet amour leur a
ete revele dans le Christ. La Toute-Puissance de Dieu n'est-elle pas le motif le
plus formel de I'esperance chretienne?
La Christologie de I'Apocalypse oITre matiere a des considerations bien plus
6tendues. Bousset juge quelle est la plus developpee, peut-etre, qui soit dans le
Nouveau Testament. En tout cas, elie suppose les croyances les plus explicites
formulees dans les deraieres epitres pauliniennes sur la divinite de Jesus.
Elle fait deja presager la doctrine du Logos dans le IV'' Evaagile, et Ton peut
presumer que Tauteur possede celle-ci deja, car Jesus est designe au chapitre xix
comme le « Verbe de Dieu » triomphant. Cette celebre expression ne se trouvait
dans aucun ecrit chretien [anterieur, et ne reparaitra que dans I'Evangile et la
Γ'' epitre johanniques. D'autre part, Jesus, des Ic debut de la Revelation, appa-
rait a son prophete comme un « fils d'homme », ce qui nous rappelle aussitot le
« Fils de Γ Homme » des Synoptiques. Or il faut noter que ce titre, choisi par
Jesus lui-meme, semblait avoir disparu de I'usage chretien, car on ne le trouve
pas une seule fois dans saint Paul. L'auteur de I'Apocalypse a done, pour designer
Jesus, une terminologie qui tient, d'une part, au quatrieme Evangile, de I'autre
a la tradition la plus primitive. Connaissait-il les Synoptiques? Cerlainement
cela se peut. II pouvait aussi connaitre les epitres pauliniennes, ou du moins le
langage paulinien, puisque Josus est pour lui « le premier-ne d'entre les morts »,
comme dans I'Epitre aux Colossiens {Ap. i, 5 - Co\ i, 18). Bret", Jean possede
IXTHODUCTIOX.
dans toute sa plenitude, et avec ses derniers developpements, y compris la doctrine
du Logos, Teaseigaement da Nouveau Testament sur la divinite dii Christ. Eu
combinaat les traits epars de ses descriptions, on pent en etablir la syntbese. S'il
ne la pas faite lui-mjine, c'est que son livre etait destine a rexliorlation et a la
prophetie, non a Teuseignement tlieologique. Mais la divinite ^c Jesus y est
enseigneede mille manieres, toutes plus fortes les unes que les autres. Les titres
reserves a Dieu, « A et Ω >>, « le Premier et le Dernier », « le Vivant >>, sont
appliques a Jesus aussi. Sa description flgurec au chapitre i^'", et les titres qui
lui sont donnes au commencement des Lettres (des chap, ii et in) montrent assez
la transcendance absolue de sa personne. Non seulcment son costume le carac-
terise comme Roi et Pretre, et Tepee qui sort de sa boucbe comme Celui dont la
Pai'ole est irresistible, mais sa tete st ses cheveux blancs symbolisent son aiiti-
quite divine, son eternite, comme celle de Dieu, de Γ « Ancien des Jours », de la
« Tete des Jours », dans Daniel et dans Henoch. II possede, comme a lui (c. v.);
les « sept esprits de Dieu », qui sont soit le Saint-Esprit septiforinis, soit toutes
les formes sous lesquelles Dieu peut manifestcr sa puissance (td extra. Π est
I'inspirateur des prophetes par I'Esprit qui! leur envoie, il commando aux Anges,
et se trouve infmiment au-dessus deux. II est le donateur de la vie eternelle
[Lettres). II est Tepoux de la Jerusalem celeste, comme Yahweh, dans TAncien
Testament, etait celui de la terrestre Sion. C'est lui, etlui seul, qui peut ouvrir le
livre des decrets divins (chap, v-vi), c'cst-a-dire les connaitre, les faire con-
naitre, et les rendre executoires, ce que ne pouvait faire aucune creature, ηιέηιβ au
ciel. Pour ouvrir ce livre, il s'approche du trone de Dieu, il surgit dans le cercle
mysterieux et inabordable (c. v); et alors il est celebre par les cantiques des
puissances celestes, parallelement a Dieu son Pere, et de la meme fagon que
celui-ci I'a ete comme createur (cf. c. ivj. Enfin, il siege sur le meme trone que
Dieu, sur « le trone de Dieu et de I'Agneau ^) (c. xxii;. Partout il agit d'une
maniere indivisiblement une avec Dieu le Pere, dans toute son activite celeste.
Le Christ qui apparait et qui commande a Jean, c'est le Christ rcssuscite et
glorifie; le Prophete ne fait pas de retour sur les evenements de la vie morteile
du Sauveur. Cependant, ce qui a valu au Christ cette gloire comme liomme,
c'est, conformement a I'enseignement des Onze et de Paul, d'avoir ete immole.
La figure d'Agneau egorge, sous laquelle il apparait au ciel, exprime son carac-
tere de Piedempteur ; aw il nous a aimos, et lav6s (oudelivres) par son sang; les
vetements des elus sont blanchis dans le sang de TAgneau. C'est meme comme
Agneau sacrifie qu'il peut ouvrir le livre des decrets divins, et qu'il tient le
grand livre ou, des I'origine du monde, oat ete inscrits les noms des predes-
tines (c. XIII, 8).
En meme temps qu'il regne au ciel, le Christ agit directement sur la terre,.
comme Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs (c. xix). 11 doit aneantir tous ses
ennemis lors de son glorieux Aveneraent, mais en attendant il ne laisse pas de
gouverner ses cglises et le monde, trouant dans Sion au milieu de 144.000 rachetes
qui sont ses premices (c. xiv). II a sans cesse un avenement interieur dans les
ames qui s'ouvrent a lui, il entre chcz elles, mange et repose avec elles. La doc-
trine de riiabitation du Christ en nous nest pas plus etrangere a lApocalypse
qu'a saint Paul et au IV* Evangile.
Concernant le Saint-Espiut, lenseignement de notre livre est moins explicite.
CARACTEIilSTIQUES liE L AUTELR. XI
mais encore suffisant pour le faire concorder avee le reste clu Nouveau Testa-
ment en ses passages les plus clairs. Je reserve ici la question de savoir si les
« 7 esprits de Dieu » da chapitre 1"% et les sept yeux de FAgneau, esprits de
Dieu α envoyes par toute la terre », au chap, v, sont I'Esprit personnel, septi-
forme, ou seulement lensemble des manifestations de la puissance de Dieu
ad extra. Toujours est-il, commeje le demontrerai dans le Commentaire, qu'on
ne pent s'y contenter de voir des Anges. Et, comme le salut et la benediction,
au chap, i'^'', sont donnes en leur nom non moins qu'en celui de Dieu et du
Christ, je prefere, pour mon compte, y voir le Saint-Esprit personnel, qui parait
etre encore symbolise par le « Fleuve » de la Jerusalem celeste (xxii). Mais la
clausule de chacune des 7 lettres aux eglises represente certainement I'Esprit
comme un etre personnel, egale a Jesus, quoique distinct de Lui (cc. 11 et in,
passim). C'est I'Esprit qui fait les promesses. c'est lui qui unit sa voix a celle de
I'Epouse du Christ, de I'Eglise, pour implorer la venue du Christ (c. xxii, 17),
comme, dans S. Paul, « il intercede pour nous par des gemissements inenar-
rables » [Rom. viir, 26). Quand meme, en quelques passages, Γ « esprit »,
ainsi « I'esprit de prophetie » de xix, 10, ne serait, au sens immediat, qu'une
porsonnification de I'Esprit participe, de la gr^ce, cette personnification suggere
pourtant elle-meme Texistence d'une personne, cause de tous ces effets dont
lensemble, par metonymie, est designe du nom de leur auteur (Cf. Lebre-
TON, Les Orig. du dogme de la Trinite; Savete, The Holy Spirit in the New
Testament).
L'Apocalypse contient necessairement uue Axgelologie ; cette partie de la
doctrine meritera d'etre etudiee a part. Disons toujours que les Anges, pour
Jean, sont des intermediaires entre Dieu ou I'Agneau et I'humanite, comme
dans VEpUre aux Hebreux. II en indique plusieurs categories, qui jouent un role
important dans son symbolisme ; on retrouve la des noms et des symboles fami-
liers aux derniers prophetes, et a la litterature apocalyptique en general. Mais
lauteur inspire a beaucoup simplifie I'angelologie des Juiis de son temps, Ta
depouillee de son caractere fantastique et mythoiogique, et, si Ton fait abstrac-
tion de certaines determinations qui sont de purs symboles, il ne propose con-
cernant les Anges que la doctrine la plus sobre et la plus haute : ils commandent
aux elements (xiv, 18; xvi, 5), ils executent les jugements de Dieu, offrent a Dieu
les prieres ct les merites des hommes, luttent contre les Anges mauvais, dont Ic
chef est le Dragon. Tous sont bien inferieurs au Christ, et ne doivent pas rece-
voir un culte pareil au culte divin (xix, 10 ; xxii, 8-9).
Mentionnons encore, pour completer ce tableau doctrinal, les traces d'orgam-
sation ecclesiastique qui se revelent si clairement dans les sept lettres du debut,
et le profond enseignement sur I'Eglise universelle contenu au chap, vii et aux
ch. xxi-xxii; les allusions symboliques a VEucharistie, dans les ch. 11 et iii, la
protestation indiquee ci-dessus contre le culte abusif des Anges (cf. Ep. aux
Colossiens), la refutation d'heresies designees par les noms de Balaam, de
Jezabel, de Nicolas. L'enseignemcnt sur la vie future est important : admission
des elus au ciel sans Γ « etat inlermediaire » tel que I'entendent les C.recs
(xiv, 3) ; resurrection des bons et des mechants, eternite des peines de I'enfer,
vision beatifique (xvi, 11; xx, 10, 13; xxii, 4). II est a remarquer que la loi juive,
el la lutte contre les Judaisants, si apre entre les annees 50 et 60, sont des choses
ΧΠ INTRODUCTION.
oubliees, dont I'auteur ne fait meme pas mention. Le p^ril interieur actuel, c'est
le relachement des moeurs, et les menaces de gnosticisme naissant.
Ces breves indications suffisent a nous montrer sur quel terrain doctrinal se
mouvait I'auteur. C'est, a peu de chose pres, celui que nous avons appris a con-
naitre par les derniers ecrits de saint Paul, adresses aussi a TAnatolie, et la
doctrine Concorde absolument avec celle du grand Apotre, si m6me elle ne la
developpe pas.
Voila ce que nous pouvons de premier abord determiner sur Tauteur de Γ Apo-
calypse, son caractere et son autorite, sa culture et sa doctrine. Nous ne faisons
pas encore appel a la tradition pour identifier ce grand Prophete. Notons toute-
fois querien dans ce que nous avons releve, ne peut nous detourner de le recon-
naitre comme I'apotre Jean, fils de Zebedee, tel qu'il nous est connu par I'Evan-
gile et la tradition ecclesiastique; beaucoup de traits, au contraire, favorisent
cette identification.
Ce n'est de meme qu'apres avoir etudie les teraoignages de la tradition que
nous pourrons determiner dans quelles conditions, et a quelle date, le prophete
Jean se trouvait dans I'ile de Patmos. Nous pouvons seulement affirmer, contre
Bousset, qu'il y etait en exil. Cette ile, qui se trouvc dans le groupe des Spo-
rades, sur le chemin d'Ephese a Rome, a peu pres en face de Milet, a pu servir,
comme d'autres du meme groupe, de lieu de deportation ; et Jean nous dit claire-
ment qu'il etait la « a cause de la parole de Dieu, et du temoignage de Jesus-
Christ )) [Apoc. 1, 9). Π etait done deja victime de cette persecution, bientot
sanglante, en face de laquelle la Revelation devait ranimer le courage des Chre-
tiens d'Asie.
CHAPITRE 111
LES DESTINATAIRES DE L APOCALYPSE.
De Patmos, Jean envoya son exhortation prophetique, sous forme de lettre cir-
culaire, deslinee a la lecture publique dans les reunions du culte, « aux sept
egli see qui sont dans I'Asie » (i, 4), c'est-a-dire a celles d'ErniiSE, de Smyrne,
de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie et de Laodicee.
Toutes ces villes se trouvaient dans la province proconsulaire d'Asie, sise au
bord de la mer Egee, a I'ouest de I'Anatolie, dont elle etait la contree la plus
florissante. Car les autres provinces romaines, Bithynie, Lycie, Galatie, et Cili-
cie, et a fortiori les pays de la Cappadoce et du Pont, etaient loin de I'egaler
pour le chiffre de la population, la richesse et la culture. Toute cette cote d'Asie
est d'une beaute ideale ; quel voyageur, ami de la lumiere et des belles lignes,
oublierait Timpression qui le saisit encore de nos jours quand il penetre dans le
golfe de Smyrne? C'est la Grece, avec quelque chose de plus doux et de plus
feminin, de moins intellectuel et de plus penetrant. Mais le spectacle moderne
de ces pays ne pent nous donner qu'une bien lointaine idee de celui d'autrefois.
Car ils etaient les plus riches et peut-etre les plus civilises de I'Empire, a part
quelques regions plus arrierees de la Lydie et de la Phrygie, a I'Est, dans I'in-
terieur des terres. « Aucune province », dit au ii* siecle >Elius Aristide avec sa
rhetori que louangeuse « n'a autant de cites, et meme les plus grandes cites des
autres provinces ne sont pas comparables aux cites d'Asie (1) ».En fait, trois des
villes johanniques, Ephese, Smyrne et Pergame, devaient compter alors de 150.000
a 200.000 habitants. De plus, elles avaient, ainsi que Sardes, des traditions tres
glorieuses; quant a Thyatire eta Laodicee, c'etaient des centres commerciaux
fort importants ; on se rend bien compte du confort oil visait ce pays a la vue des
mines de Priene. L'orgueil et la joie de vivre asiatiques avaient eu beaucoup a
souffrir dans les guerres civiles de la Republique romaine en decadence ; mais le
regime d'Auguste et de ses successeurs leur avait rendu une prosperite a la hau-
teur de leur beaute et de leur histoire. Politiquement, le gouvernement imperial
leur laissait meme une certaine autonomic. La « Commune d'Asie » (Concilium,
κοινόν), dontl'institution, k ce que croit P».amsay {Letters, c. x, p. 116) pent remon-
ter aux rois de Pergame, les premiers unificateurs du pays, etait une assemblee
formee par les representants des principales cites pour defendre et promouvoir
leurs interets respectifs; c'etait sans doute, des I'origine, la reglementation d'un
culte religieux commun qui leur fournissait les occasions de se reunir. Le triumvir
Marc-Antoine leur ecrit, en Fan 33 av. J.-C; Auguste, son vainqueur, reconnut
I'existence et les droits de cette sorte de Parlement, qui d'ailleurs prit comme
raison d'etre officielle I'etablissement et la propagation du culte de Rome et de
(1) Gilo par SwETE, Apocalypse, p. lyii.
IXTROUUCTIOX,
I'empereur. De plus, les liberies municipales dcs grandes villes n'etaient pas a
dedaiffuer. On comprend comment cette province, que sa ricliesse avail fait pres-
surer iusqu'au sang par les proconsuls et les publicains d'autrefois, se tourna
avec enthousiasme vers les empereurs, qui la comblaienl dc privileges, de bien-
faits a loccasion, en relour dc sa devotion imperialiste.
En dehors de Tinteret economique, appreciable pour tout le monde romain,
qui portait le Pouvoir monarchique a favoriser des conlrees si productives, un
autre motif, d'ordre plus spirituel, peut rendre raison de ces faveurs. L'Anatolie
occidentale etait devenue la forteresse de I'esprit hellenique, mis desormais au
service des idees romaines. Les anciennes colonies grecques de la cote avaient,
de tout temps, et memo avant la Grece europcenne, brillamment contribue a la
civilisation hellenique ; Smyrne passait pour la patrie d'Homere, Heraclile etait
d'Ephese. Herodote d'Halicarnasse. Au milieu de peuples moins avances,
Lvdiens, Cariens et Phrygicns, les rois Attalides de Pergame s'etaient fait gloire
d'etre les champions de la culture grecque; les « Hellenes d'Asie », litre officiel
par lequel se designait le Concilium, c'est une formule qui remonte sans doule
a leur epoque. Le i^'' siecle de notrc ere vit le triomphe de ces tendances. Quand
nous disons que la province d'Asie representait alors I'liellenisme, au moins en
dehors d'Athenes, dans ce qu'il avail de plus vivace, nous ne parlons pas cvi-
demment de I'liellenisme classique du siecle de Pericles; ce n'elait plus qu'un
melano-e d'idees helleniques et asiatiques, ga et la meme judaiques, correspon-
dant a celui des races, et dominc par la conception romaine, tres anti-hellenique,
de TEtat. Mais c'etait la, en somme, qu'on retrouvait le plus vivantes les tradi-
tions de la Grece du passe : la Grece du present n'elait plus [que lOmbre d'elle-
meme 1 E^ ypte et la Syrie etaient encore a demi exotiques, et la Grande-Grece
italienne transformee enun pays de villegiature pour les Remains.
Les Asiatiques avaient done lieu de tirer quelque orgueil de leur situation
presente, non moins que du passe de cerlaines de leurs villes, el ils ne s'en fai-
saient pas faute. Dans une etude speciale jointe au commentaire des chapitres ii
et III, nous specifierons I'iniluence qu'eut la connaissance de leur caraclere et
de leurs traditions locales, sur la nature et lajforme des recommandations que
leur fait rauteoi- sacre.
Sous le rapport moral, I'ensemble de ces populations ne devait etre ni trop
au-dessus ni trop au-dessous du niveau general de la societe paienne. Les
grandes villes de la cote etaient naturellement fort dissolues dans leurs moeurs,
sans atteindre peut-etre a la demoralisation de Rome et de Corinthe; mais la
licence de leurs produits litteraires, comme les « Fables milesieuncs », en dit
assez Ion»• la-dessus. L'lonien avail toujours eu la reputation d'une race legere,
eclectique et inconstante. Tres curieux des nouveautes, il s'adonnail facilement
a toutes les superstitions. Onconnait la renommee antique des formules magiques
dites Ιρίσια γράαματα, et Γοη sait par les Actes (c. xix, 19) que saint Paul fit
brdler a scs convertis d'Ephese pour cinquante mille drachmes de livres d'oc-
cultisme. Le thaumaturge Apollonius de Tyane jouit a Ephese de la plus bril-
lante reception. La Phrygie, par contre, etait au moral surchauffee et desordon-
nee comme son sol volcanique, avec ses tremblements de terre, ses cavernes a
vapeurs suKureuses, son climat rude; cela se traduisail bien dans sa fanatique
religion de la Grande Mere, pleine d'extases et d'orgies, de mysteres de sang
DESTIXATAIHKS DE L APOCALYPSE. χγ
ού les fideles cherchaient dans rexcitation des souffrances iin bonlieur d'hvste-
riques.Ge devait elrela terre preJestinee da Montanisme, quand certains cercles
Chretiens se seraient pervertis aux influences du milieu ambiant. Meme des villes
peu religieuses, comme semble I'avoir ete la riche Laodicee, faisaient porter sur
d'autres points leur caractere excessif, dans leur suffisance bornee et leur Ore-
tention au self-help.
L'Evangile, en Asie, trouvait done en face de lui les memes obstacles moraux
que partout ailleurs; il aA'ait de plus a hitter contre des cultes tres anciens
auxquels ces peuples etaient attaches de toiite la force de leurs traditions locales,
et qui s'etaient fondus avec leur patriotisme. On sail ce qu'il en couta a saint Paul
d'avoir mis en peril la domination de la g-rande Artemis d'Ephese. L'Anatolie
etait pourtant la terre du syncretisme; des la plus haute epoque, elle avait mele
la religion olympienne avec les anciens cultes du terroir; mais les deites hybrides
sorties de cet assemblage etaient en possession depuis longtemps, et diiTiciles a
ebranler. Des considerations economiques fortifiaient les religions locales. L'Ar-
temis ephesienne, le Zeus, le Dionysos et I'Asklepios de Pergame habitaient des
sanctuaires fameux, attirant de partout les pelerinages et les offrandes. Enfin le
nom'eau culte, celui des empereurs. plus on moins fondu par endroits avec celui
des deites poliades, en tout cas s'arrangeant tres bien avec tons les pantheons,
etait I'ennemi le plus terrible que le chrisliauisme put trouver. De meme que
les interets commerciaux groupaient les ouvriers d'Ephese en bataillons solides
autour de leur grande Diane, ainsi la reconnaissance, le loyalisme, la servilite
naturelle aux Orientaux. le patriotisme local lui-meme, enflammaient toute la pro-
vince pour I'adoration du « Seigneur » et « Sauveur » terrestre. Or, cette religion
etait loppose absolu du christianisme, dont elle apparait en quelques traits
comme une contrefacon diabolique ; c'etait tout a fait celle de I'Antechrist.
Nous etudierons a part, a propos du chapitre xni, I'origine et les developpe-
ments du culte des Cesars dans Γ Asie romaine. Disons deja qu'il y avait oris
racine plus vite et plus profondement qu"ailleurs. OCi en etaient les choses au
temps de Γ Apocalypse? Notre commentaire cherchera a le preciser. Toujours
est-il que les premiers temples de Rome et d'Auguste y avaient une existence
deja seculaire. On y deifiait couramment, non seulement des empereurs, mais
des membres de la famille imperiale, comme Livie, Germanicus. Le calendrier
de Priene (9 av. J.-C.) parle du jour de naissance du « dieu Auguste » une ins-
cription d'Ephese appelait deja Jules Cesar « le dieu manifeste (ne) d'Ares et
d'Aphrodite, etle Sauveur commun de la vie humaine ». En plus de ce titre de
Sauveur, σωτηρ, σωτήρ του κόσμου, σοισικόσμιος, celui de Seigneur, predicat divin
etait deja si habituellement applique a I'empereur dans ces pays, au temps de
saint Paul, que I'Apotre [Actes, x.w, 26) dut entendre un fonctionnaire romain
qui ne leut peut-otre pas fait a Rome, I'honndte procurateur de Judee, Fes-
tus, nommer ainsi Neron en presence du roi llerode-Agrippa 11. Quand Tem-
nereur daignait visiter une Λ'ΐΐΐβ grecque, c'etait sa « Parousie », son « Epipha-
nie ». Peut-etre les paiens η avaient-ils pas encore pris conscience de I'hostilite
absolue que les adorateurs du « Seigneur Jesus-Christ » devaient professer a
regard de leur Empereur-Dieu ; ainsi a Ephose, nous voyons des Asiarqucs, ou
membres de la Commune d'Asio, en assez bonnes relations avec saint Paul pour
prendre son parti lors de I'emeute des orfevres {Act. xix, 31). Mais, au temps do
XVI TNTRODUCTIOX.
TApocalypse, les choses avaient certainement deja pris line autre tournure, sur-
tout depuis que le pouvoir central, avec Neron, avait ouvert les franches hosti-
lites. Reduit comme on Test, ou a peu pres, a des temoignages epars de Γέρί-
graphie et de la numismatique, on ne peut, dans la penurie des documents
litteraires, dire jusqu'a quel point le culte imperial s'imposait deja aux popula-
tions. II serait temeraire de trancher la question par des temoignages plus tar-
difs, du 11^ et du iii^ siecles; mais il est du moins certain qu'on etait mal venu a
medire publiquement de la devotion de I'Asie a ses maitres, ou a I'attaquer
directement.
De o-raves menaces flottaient dans lair, autour de TEglise; elles avaient deja
regu, soit sous Neron, soit depuis, des commencements d'execution sanglante.
L'hostilite des Juifs, a Smyrne, a Philadelphie, excitait la mefiance et attisait la
haine des paiens. Et Jean le proscrit, deja victime de ces haines, regardait s'ap-
procher I'orage dans son exil de Patmos.
L'inspiration du Christ le decida a ecrire aux sept eglises. Pourquoi a celles-
la, et pourquoi a sept seulement? Sept etait un nombre symbolique et sacre; il
sio-nifiait latotalite, et I'intention de Jean etait que sa lettre fut connue de toute
I'Asie; par son contenu, elle interessait meme I'Eglise universelle, le monde tout
entier. II etait naturel qu'il n'oubliat pas des centres tels qu'Ephese, Smyrne et
Pergame; quant aux quatre autres villes, on ne devine pas du premier coup pour-
quoi elles furent choisies plutot que d'autres. Car il existait d'autres chretientes
en Asie Mineure. Colosses et Hierapolis, dans la vallee du Lycus, avaient regu
I'Evangile aussi bien que Laodicee; on le salt par Tepitre aux Colossiens. Les
Actes font mention, au temps de Paul, d'une chretiente a Troas; il pouvait y en
avoir aussi une a Milet; peut-etre a Tralles et a Magnesie, puisque les" lettres
d'Ignace, vingt ou trente ans seulement plus tard, nous y font connaitre des
eglises qui ne devaient pas manquer d'importance. Nous nous rallions a la these
ingenieuse et plausible de Ramsay, que nous expliquerons tout au large plus
tard : ces sept villes se trouvaient sur la grande route circulaire qui reliait entre
elles les principales parties de lOuest et du centre de la Province, et un mes-
sager de Jean, qui prenait terre a Ephese, pouvait, en d©nnant communication de
I'Apocalypse a ces sept eglises, la repandre virtuellement dans tous les districts
importants de la contree.
La merae persecution et les memes perils interieurs menagaient indistincte-
ment to.utes les chretientes d'Asie. Une religion qui se refusait a tous les com-
promis, comme le christianisme, et que I'abondance des charismes n'empechait
pas de demeurer sobre et rationnelle, devait partout choquer profondement l"es-
prit local, aussi bien I'exaltation phrygienne que I'eclectisme et Timperialisme
des loniens. D'autre part, I'Eglise etait toute jeune, ses membres n'avaient pas
encore ete penetres. par heredite. d'esprit evangelique. La ferveur des neo-
phytes pouvait se laisser egarer par des influences mystiques ambiantes. d'autant
plus que la loi du moindre effort porte toujours a s'adapter a ce qui existe deja,
plutot qu'a poursuivre le dur travail d'une renovation complete. Puis il y avait
la crainte : crainte de I'autorite romaine, crainte des magistrals municipaux, des
Juifs denonciateurs. La charite, depuis les debuts de Tevangelisation, s'etait
refroidie, meme a Ephese, ce centre principal de I'apostolat ou lApotre des nations
avait tant travaille. D'autre part, le christianisme pouvait apporter bien des
DESTINATAIRES DE L APOCALYPSE. XVII
troubles dans les relations de famille et de societe ; comment, par exemple, les
artisans Chretiens pouvaient-ils se comporter dans les associations ouvrieres de
Thyatire? Acette epoque, comme dans notre Moyen Age, toute association res-
semblait plus ou moins a une confrerie religieuse. La question des viandes
immolees aux idoles, des « idolothytes », deja reglee par saint Paul a Corinthe,
parait I'avoir ete en Asie dans un esprit beaucoup plus « liberal » par ceux qui
sont appeles les « Nicolailes ». En outre, le gout des speculations abstruses et
de Tascese suspecte, qui sevissait surtout en Phrygie, mais en lonie aussi,
comme en temoignent les Epitres aux Colossiens, aux Ephesiens, et les Pasto-
rales, pouvait s'infiltrer dans I'Eglise, et s'y allier avec un retour aux moeurs
paiennes, et le desir de vivre tranquillement, en bons termes avec les non
convertis; on couvrait ainei les compromissions doctrinales ou pratiques de la
pretention a une intelligence plus haute, a une penetration plus profonde de
I'Evangile; « profondeurs de Satan », comme Jean appellera vigoureusement
cette mystique d'orgueilleux et de laches.
On voit quelles craintes pouvait susciter I'imminence d'une persecution plus
declaree. Par endroits, le terrain chretien paraissait deja mine; la moindre
secousse risquait d'en amener I'eboulement. C'est pour cela que I'auteur de
I'Apocalypse parle si severement de tout ce qui a pu affaiblir la doctrine, la dis-
cipline et la vertu chretiennes. Ilsemble attacher plus d'importance a ces dangers
qu'au peril exterieur, vu que celui-ci sera necessairement surmonte si la vie
chretienne ne s'est pas affadie ; le Christ est tout-puissant pour sauver de la
« grande tribulation » ceux qui en seront trouves dignes. C'est bien a la perse-
cution qu'il pense toujours; mais, pour en prevenir les ravages, le plus urgent est
d'ameliorer la situation interieure des communautes, de les rappeler a la fermete
des principes et de la conduite. Que doit leur importer de se faire hair du
monde, et des Juifs, qui sont aussi de ce monde pervers? Cet univers a la beaute
fallacieuse, ou regne la Bete, est condamne; il s'ecroulera par morceaux au son
des trompettes angeliques du jugement, promulgue par I'Agneau celeste. Les
Chretiens fermes et perseverants seront victorieux a travers toutes les luttes ;
mais malheur aux laches et aux timides ! Saint Pierre, quelque trente ans plus
tot, avait ecrit aux memes Asiatiques : « Si vous etes outrages pour le nom du
Christ, rejouissez-vous... Car voici le temps oil le jugement va commencer par la
maisoti de Dieu. Et, s'il commence par nous, quelle sera la fin de ceux qui n'o-
beissent pas a I'Evangile de Dieu? » (I Pet. v, 14, 17). L'Apocalypse dit la mέme
chose, mais en termes beaucoup plus forts et plus saisissants, car son auteur
ecrit des paroles dictees par Jdsus, ou raconte des visions que le Juge en per-
sonne lui a montrees. II annonce le succes final d'une voix bien plus triomphante.
Ce livre est la fanfare militaire qui prelude au plus grand des combats.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
CHAPITRE IV
LA FORME APOCALYPTIQUE DU MESSAGE JOHANNIQUE.
Jean envoie aux Asiates ce manifesle divin sous la forme d'une Apocalypse.
Le mot d'Apocalypse (άποκάλυψις Ίησοΰ Χρίστου) parait en tete dii premier chapitre;
il sert de titre. On traduit souvent ce terme par « Revelation », ce qui est exact.
Καλύπτοί, assez commun, et avec de nombreux derives, signifie « couvrir »,
« cacher » ; άπο-χαλύπτω, d'oti άποιιάλυψις, signilie « oter le voile », « rendre mani-
fesle ce qui etait jusque-la secret ». Le mot d' « Άποχάλυψις » n'est pas abso-
lument etranger au grec litteraire de I'opoque imperiale, quoi qu'en ait cru
saint Jerome [in Galatas, i, 12), car on le trouve employe une fois dans Plutarque,
Caton I'Ancien, 20, au sens d' « action de se mettre a nu. » Άποκοιλύπτω est plus
frequent des I'epoque classique, ainsi dans Platon, Protagoras et Gorgias;T^\\xs
tard dans Diodore de Sicile : άποχαλυπχεσθαι προς τήν τυραννίδα, « devoiler ses aspi-
rations a la tyrannic » (xvii, 62). Dans les LXX, et les autres versions grecques
de Γ Ancien Testament, ni le verbe ni le substantif ne sont rares ; le verbe traduit
nSa, « decouvrir, mettre a nu », au sens materiel ou moral. Dans I'Ecclesias-
tique, le substantif apparait trois fois (xi, 27; xxii, 22; xlii, 1) au sens de reve-
lation de secrets. Dans le N. T., άποχαλυπτο) apparait vingt-six fois, et άποχάλυψις
dix-sept fois, en plus d'Apoc. i, 1. Saint Paul surtout en fait un usage frequent
(13 fois chacun des deux mots) ; saint Luc (ii, 32) a une fois άποκάλυψις, etlal* Petri
trois fois (i, 7, 13 ; iv, 13). Presque toujours le sujet est Dieu ou Jesus-Christ.
On pent done dire que c'est une expression neotestamentaire consacree, pour
signifier la revelation de quelque chose que le Pere ou le Fils tenaient comme
derriere un voile, soit le mystere de leur nature, soit leurs desseins, soit leur
toute-puissance ou leurs jugements. Quand le Christ se revelera comme Juge
supreme du monde, ce sera son Apocalypse (I Cor. i, 7; Π Thess. i, 7; l•^ Pet.
I, 7, 13). Ailleurs, le meme mot indique toute revelation faite aux Chretiens qui
possedaient les dons spirituels. Mais il faut surtout retenir le sens de « mani-
festation du Christ comme Seigneur et comme Juge « ; car nous croyons que
c'est ce terminus technicus du langage paulinien et evangelique (cf. άποχαλυπτο^,
Luc XVII, 30) que le prophete Jean a choisi intentionnellement pour caracteriser
d'un mot — d'un mot qui ne reparaitra d'ailleurs plus au cours du livre — le
contenu de son message.
Beaucoup d'autres livres, d'origine juive ou chretienne, portent aujourdhui le
nom d'Apocalypses. Ce sont tons ceux qui appartiennent au meme genre litte-
raire que la Revelation Johannique; mais celle-ci fut la premiere a le porter; le
nom a ete pris ensuite par d'autres ecrits qui pretendaient I'imiter, ou etendu
par les critiques aux ecrits anterieurs et posterieurs qui ressemblaient materiel-
lement ou formellement a cette Apocalypse κατ' εςο/ην. Us ont ceci de commun
qu'ils entendent devoiler aux hommes ce que Dieu seul ou les etres celestes
LA FOBME APOCALYPTIQUE. XIX
connaissaient jusque-la, dans le passe, le present, ou I'avenir; at qu'ils le devoi-
lenten un style qui difTere nettement de celui de I'ancienne prophetie, car il est
essentiellement allegorique, volontairement mysterieux, et necessite toujours des
interpretations, souvent I'usage dune cle. II est toujours tendu, grandiose,
visant a I'effet, et constitue dans la litterature un genre a part. On appelle
aujourd'hui « style apocalyptique » celui qui joint la grandiloquence a I'obscurite
des metapliores ou des tableaux.
II faut bien reconnaitre que ce genre ne convient plus guere a notre gout ; il ne
repondait pas davantage aux anciennes formes de la prophetie hebra'ique, ni au
caractere sobre et lumineux de I'art classique grec. Mais si Dieu a donne a Jean
des visions a I'expression desquelles ce style etait adapte, c'est que le genre
apocalyptique etait alors le plus approprie a la mentalite juive et ne repugnait
pas non plus aux « Hellenes » de cette epoque. Nous verrons d'ailleurs combien
I'inspiration de Jean I'a transforme et eleve.
Ce genre etait en grande faveur dans les milieux juifs, depuis le ii^siecle avant
notre ere. Mais on en trouve le germe dans certains prophetes, surtout postexi-
liens; telles sont les allegories d'Ezechiel, surtout a la fin du livre, quelques
parties de Joel, Zacharie et les visions du livre de Daniel. A partir du ii'' siecle
avant notre ere commence une floraison d'apocryphes qui ira s'epanouissant
jusqu'aux ii^ et iii*^ siecles apres Jesus-Christ, et laissera de nombreuses traces
dans la litterature rabbinique. Beaucoup sont de vraies Apocalypses, et, presque
tons, a des degres d'ailleurs fort divers, pour le fond ou le style, meritent la
qualification d'apocalyptiques. C'est le livre d'Henoch (ethiopien), aux ii®-i* siecles,
les Jubiles et les Testaments des Patriarches sous la dynastie asmoneenne, les
Psaumes de Salomon, au temps de Pompee, les Secrets d'Henoch [Henoch slave)
et VAssomption de Mo'ise aux environs de notre ere. Au i" siecle chretien et
aux debuts du second, la ruine du peuple Israelite inspire les beaux livres que
sont IV Esdras et Bariich {syrnaque). Ensuite paraitront V Apocalypse d'Abra-
hanij probablement les sources de la Vie d'Adam et d'Eve [Apocalypse de
Mo'ise), le Baruch grec. Tons ces ouvrages sont d'inspiration palestinienne,
quoique certains aient subi des influences helleniques, ou bien des combinaisons
avec des visions chretiennes considerables, comme V Ascension d'lsa'ie. Mais a
cote deux, et remontant pour ses debuts a la meme epoque, nous connaissons
aussi la litterature sibylline, par laquelle des Juifs, qui savaient manier I'hexa-
metre classique, entreprirent de convaincre les Gentils que leurs legendaires
Sibylles avaient prevu et confirme la religion de Moise. Des Chretiens ensuite
vinrent les interpoler ou les imiter, sans doute parce que ces poemes s'etaient
reveles comme un utile instrument de propagande dans le monde paien. II ne
faut pas trop s'en etonner de la part des Grecs. Un peuple dont la religion etait
si etroitement fondue avec la mythologie, devait etre naturellement porte a I'al-
legorisme des revelations mysterieuses. Le grand mouvement apocalyptique de
Palestine confluait d'ailleurs avec un courant similaire, quoique moins prononce,
qui emanaitde la Grece meme. Et il etait tres ancien. La philosophie elle-mome,
au temps de son enfance begayante, s'exprimait volontiers en tournures sibyl-
lines; ainsi le voyage de Parmenide dans les regions transcendantes ou il trouve
la Verite, n'est pas sans analogie avec les ascensions d'Henoch au ciel. Les
theogonies et cosmogonies anciennes, qui avaient revele I'origine des choses,
XX INTRODUCTION,
devaient se completer par la conquete du secret des fins dernieres. Les ecrits de
rOrphisme, les voyages aux enfers des inities, valurent a I'antiquite des descrip-
tions tΓέs saisissantes de I'Au-Dela, on pourrait les appeler dans un certain sens
des Apocalypses. Platon a dii y puiser ses Mythes du X^ Livre de la Republique ;
et Ton suit Tinfluence continue de ces revelations orphiques jusqu'apres notre
ere, dans les mythes de Plutarque, sans parler du VI* livre de I'Eneide, dont
I'auteur, Virgile, en sa IV'' eglogue, entrevoit de plus une sorte d'eschatologie
universelle, de messianisme et de retour k Vkge d'or. Si nous sortons de la litte-
rature classique pour examiner les produits du syncretisme greco-oriental, en
particulier les livres « hermetiques », dont la sagesse encadrait de traditions
egyptiennes la speculation grecque, nous trouverons des ecrits comme les
Poimandres qui n'ont presque rien a envier, pour le ton et le caractere vision-
nel, aux Apocalypses les plus caracterisees.
11 faut done croire qu'a cette epoque les imaginations etaient ires portees a
scruter les secrets mysterieux du monde, et d'au dela du monde ; comme c'etait
la affaire d'inities, I'allegorie etait tres appropriee a ces demi-revelations. Les
Juifs avaient une raison particuliere de se plonger dans ces recherches, a cause
de I'antique attente du Messie qui semblait a la fin du i^"" siecle si brutalement
dementie par la ruine de leur temple et de leur nation. lis se raccrocherent a
I'esperance que les derniers temps de I'Univers ne sauraient plus tarder, et que
la catastrophe finale, horrible pour les impies, allait enfin amener le regne de
Jehovah et du peuple juste. Quant aux Chretiens, ils savaient que I'apparition
du vrai Messie, le leur, avait deja ouvertla periode de ces derniers temps. Leur
impatience, excitee par I'hostilite de la societe profane, entrainait les uns et les
autres a en deviner et a en decrire par avance la consommation. Dieu donna une
Apocalypse inspiree; mais tons les Chretiens ne s'en contenterent pas, car on
en vit paraitre d'autres apres elle ; les unes, orthodoxes ou k pen pres, comme cer-
tains livres sibyllins et I'Ascension d'lsaie, d'autres gnostiques, qui offraient un
melange confus d'idees paiennes et chretiennes. Meme des ouvrages qui ne sbnt
pas eschatologiques, comme le Pasteur d'Hermas chez les catholiques, ou, chez
les Gnostiques, la Pistis Sophia, rentrent dans le m^me courant par leur visions
et leur style. Les m^mes tendances apocalyptiques se prolongerent apres la fin
du monde ancien, dans nombre d'haggadas rabbiniques (1), dans certains
poemes Chretiens, germaniques ou autres, du Haut Moyen Age, et il n'est pas
jusqu'a un chef-d'oeuvre comme la Divine Comedie de Dante qui ne s'y rattache
par des liens oublies. Du christianisme elles s'etendirent meme — du moins la
chose est fort probable — a des peuples encore paiens, mais etrangers aussi
bien aux Juifs qu'a Thellenisme : aux Scandinaves dans le « Crepuscule des
dieux » de la Vieille Edda, aux Persans Zoroastriens qui, voyant leur religion et
leur nationalite menacees par Tlslam, ecrivirent en pehlvi de veritables Apoca-
vpses comme le Bahman Yasht et le Bundehesh.
Toute cette litterature apocalyptique est utile a connailre dans I'ensemble;
elle apprend, par contraste, a estimer FApocalypse inspiree; ses produits,
depuis I'Henoch ethiopien jusqu'au Bundehesh, presentent aussi des concep-
(1) VApocalypse de Daniel et la Ravelalion de Simeon ben Jochai apparaissent en plein
Moyen Age.
LA FOUME APOCALYPTIQUE. XXI
tions ou des images qui peuvent servir dans la discussion critique de tel ou tel
texte de saint Jean. Mais il va sans dire que ce sera surtout I'Apocalyptique
juive anterieure ou contemporaine, des deux siecles avant et des deux siecles
apres J.-C, qui fouruira le plus de comparaisoas aptes a nous faire bien
situer I'Apocalypse joliannique, et trouver les cles de ses enigmes.
Ces ecrits entendaient continuer les propheties de I'Ancien Testament, sans
solution de continuite, du moiiis avouee. Leurs auteurs n'avaient peut-etre pas
conscience de creer un genre litteraire nouveau, puisqu'ils trouvaient deia des
modeles dans les visions d'Ezechiel et de quelques autres prophetes. lis ne
savaient peut-etre pas non plus, en Palestine, quils empruntaient aux Gentils.
Mais comme la qualite et I'esprit avaient change depuis les Prophetes!
Le genre apocalyptique n'etait qu'un produit calcule de I'epoque, d'une epoque
d'epigones, oii, I'inspiration faisant defaut, on cherchait a y suppleer par de
vieilles traditions remises a neuf, des mythes pris un peu partout et presentes
sous une forme mysterieuse; on les chargeait de sens plus ou moins profonds
qu'ils n'avaient pas a leurs origines, pour leur faire representer le monde in-
visible ou le monde futur, tels que des monotheistes pouvaient les concevoir.
A ces nouveaux prophetes, non seulement I'inspiration d'en haut, mais la per-
sonnalite — de ce jugement exceptons-en seulement quelques-uns, surtout
lauteur de Tapocryphe d'Esdras — fait presque totalement defaut. Le P. La-
grange a raison de dire qu'ils sont « les plus livresques des hommes (1) ».
L'Apocalypse du Nouveau Testament tranche tout a fait sur cette cohue
d'anonymes. Gependant, par sa forme et par ses images, elle appartient bien
au meme genre litteraire. Avant de voir en quoi elle s'en distingue, essayons
done de definir le genre apocalyptique. Le plus commode, a cet effet, sera de
comparer I'ensemble des apocryphes a I'ensemble des propheties de I'Ancien
Testament, surtout des plus antiques, au triple point de vue de leur forme, de
leur objet et de leur but.
Prophetie et Apocalypse. — Puisque J'Apocalyptique pretend continuer la
prophetic, il faut bien que I'une et I'autre presentent un certain nombre de
caracteres communs. Elles devoilent toutes deux I'oeuvre secrete ou la conduite
future de Dieu, pour affermir I'esperance des bons, et remplir de crainte les
mechants. Elles peuvent predire des destinees particulieres comme le destin
general de I'humanite, la fin d'un empire comme la fin du monde, Aucun mode
de revelation, songe, vision, illumination intellectuelle par des paroles inte-
rieures, n'est exclu a priori ni de Tune ni de I'autre. Mais les similitudes, pure-
ment generiques, s'arretent a peu pres la.
C'est que leurs buts specifiques sont tout a fait differents. La prophetie ap-
partient essentiellement au genre oratoire, eut-elle, par exception, ete commu-
niquee pour la premiere fois sous forme d'ecrit. Quand Isaie detourne Juda de
I'alliance egyptienne on annonce que Sennacherib ne pourra prendre Jerusalem,
quand Jeremie s'attache a rectifier la politique de Sedecias, quand Ezechiel
s'acharne a detruire les illusions nationales des captifs de Babylone, tons ces
puissants hommes d'action visent un resultat immediat pour le bien de leur
peuple. Quand m^me leur inspiration les transporterait totalement dans I'avenir,
(1) Le Messianisme chez les les Juifs, p. 46.
XXII INTRODUCTION,
ils parlent de cet avenir-la pour agir d'abord pratiquement sur Fame de leurs
contemporains. Presque toutes les propheties messianiques, et meme les echap-
pees qu'ont les Voyants sur la consommation de toutes choses, et sur I'Autre
Monde, ont pour occasion des circonstances historiques determinees, quelque
oeuvre religieuse ou morale a entreprendre sur-le-champ, quelque situation
critique a laquelle il faut parer. Aussi leur langage est-il la plupart du temps
direct comme celui des predicateurs. Generalement ils ne font que juger les
evenements visibles et leurs consequences, avec I'assurance infaillible que
leur donne la conscience d'une illumination divine. Souvent aussi ils redisent
des paroles interieures de Dieu. Quand ils racontent des visions (ce qui est d'ail•
leurs rare, sauf chez Amos, avantl'exil) ce ri'est que pour justifier leur mission,
comme Isaie, ou pour fixer I'attention des auditeurs sur leurs exhortations pra-
tiques. Etces visions ont lieu sur terre et non au ciel, ou ils ne pretendent pas
monter. Bref, le prophete a toujours un but precis, d'une importance speciale
pour les hommes de son temps. Ce n'est que sur le fondement d'exhorta-
tions particulieres concernant des objets qui lui tiennent a coeur, et en partant
de la prediction d'evenements particuliers, qu il s'elevera a des vues messiani-
ques ou eschatologiques universelles, et celles-ci seront toujours plus confuses,
plus symboliques, comme dans une penombre ou un lointain peu defini. La pro-
phetic pourtant, malgre Fobscurite des perspectives eloignees, ou elle abstrait
souvent du temps et de la realisation contingente des desseins de Dieu, malgre
le grand nombre de ses metaphores, et les « machals » et visions qui y trouvent
parfois place, est le plus ordinairement a prendre au sens obvie. Comme elle
doit etre comprise des foules, ce style, si grandiose et image qu'il soit, est
generalement clair.
Tout autre est I'impression que nous produisent les plus connues des Apoca-
lypses apocryphes. On dirait qu'elles sont plutot destinees a satisfaire la curio-
site d'un petit nombre, et une curiosite parfois fort inutile au point de vue reli-
gieux, qu'a detourner le peuple du peche ou a le porter a Taction que Dieu exige
de lui. Sans s'interdire toute prediction particuliere, elles transportent imman-
quablement leurs lecteurs a la fin des temps, sur laquelle ils ne peu vent avoir
aucune action ; on dirait que Tintervallc n'existe pas, ou que dans Tintervalle il
n'y a rien a faire. Mais ce n'est pas toujours I'avenir humain qui les interesse;
elles peuvent scruter avec autant d'ardeur les mysteres du Cosmos, qui ne con-
tribuent guere au salut. De Ici vient la distinction assez fondee apportee par les
critiques entre I'Apocalypse historique et I'Apocalypse cosmique, quoique les
deux soient souvent melees in concreto .
Les auteurs d'apocalypses, quand ils traitent d'eschalologie, ce qui est le cas
le plus ordinaire, ne s'en tiennent pas aux vues larges, ni a la perspective inde-
finie des authentiques prophetes. Ce sont des calculateurs, qui aiment la preci-
sion des chiffres, et pensent par la, sans doute, mieux faire que I'Ancien Testa-
ment, donner des esperances plus nettes et plus efiicaces. Ils apportent a
supputer les temps qui s'ocouleront jusqu'a la realisation de leurs reves la meme
minutie qua compter et a decrire les regions du monde invisible. La duree qui
reste, ils la divisent en periodes, en compartiments bien alignes. Leurs sept,
leurs douze, leurs quatorze periodes permettront ainsi aux initios qui en noteront
le deroulement, de calculer a peu pres I'heure finale. Dans I'ensemble, ils met-
LA FORME APOCALYPTIQUE. XXIII
tent I'opposition la plus aigue entre le « siecle present » et le « siecle futur ».
lis ont souvent, les derniers surtout, una couleur pessimiste tres accusee, n'at-
tendant aucune amelioration sur la terra que de Tintervention theatrale de Dieu,
quand les maux auront ete portes a leur comble. Et cette intervention amenera
la perte de la plupart des hommes. Dieu attend dans sa transcendance le moment
fixe par son bon plaisir, et revele a quelques privilegies. Jusque-la, il semble-
rait qu'il s'abstient de s'occuper du monde, sauf par des chatiments precurseurs
de la grande catastrophe. Las justes non plus n'ont a peu pres rien a faire, qu'a
attendre et a patienter; comme des spectataurs passifs at des victimes resignees,
ils regardant venir des evenements que pousse una sorte de fatalite. L'Apocalyp-
tique ne portera done guere ses contemporains, comme le Prophete, a agir en
vue d'un but determine, ni a chercher la reforme ou le progres. A ces differences
de fond entra I'Apocalypse et la Prophetic se joignent des differences de forme
non moins notables. Tandis que le prophete est avant tout un prodicateur,
I'Apocalyptiqua est essentiellement un narrateur, dont I'instrument n'est pas
la parole, mais la plume. II decrit das visions ou ont ete vuas et entendues des
choses mysterieuses ; car pour lui I'extase, le songe, le rapt sont devenus en regie
le moyen des communications divines. II est au ciel plus souvent que sur la terre.
Si « les esprits des prophetes sont soumis aux prophetes », de sorte que I'inspire,
m^me sous la motion divine, combine et reflechit personnellement, I'ecrivain
apocalyptique se contente de redira, comme un echo, ce qui lui a ate revele de
toutes pieces par des Anges; car ce sont ces intermediaires, plutot que Dieu en
personne, qui I'ont appele a cette mission. Tantot sa narration est purement des-
criptive; tantot la conversation qu'il a avec las Anges se prolonge en commen-
taire des tableaux qui lui ont ete montres, et il ecoute I'application de ces
symboles aux evenements de I'avenir. Alors le temps des verbes change; le passe
fait place au futur. II faut done distinguer les \>isions narrees, qui n'ont pas
toujours I'avenir pour objet, et les predictions, congues en style un peu moins
allegorique d'ordinaire, qui leur font suite assez souvent. Du reste, ces deux ele-
ments se melent la plupart du temps, et le Voyant raconte des propheties enten-
dues dans des apparitions mysterieuses (1). Mais il Qsi pur narrateur, et n'apos-
trophe pas directament ses lecteurs reels, comme la faisaient si volontiers les
Prophetes.
C'est que, quel que soit I'effet qu'il escompte sur ses contemporains, il
s'efforce toujours de faire abstraction en apparence de sa veritable epoque. II
se transporte toujours a un point conventionneldu passe, au temps d'un grand
personnage comme Henoch ou Esdras, qualifie pour recevoir des revelations
divines. Et c'est ce personnage qu'il fait parler. Un caractere essenticl de ces
apocryphes est done la pseudonyinie. Tous reposent sur des fictions litteraires.
Ou bien quelque patriarche, comme Henoch, quelque prophete comme Baruch,
sont censes parler eux-memes, ou bien la plume d'un de leurs contemporains,
comme dans les Testaments, a recueilli leurs paroles. Ces livres ont ete trans-
mis par une tradition secrete, dans un groupe d'inities, pour que le monde les
(1) L'Assomption de Mo'ise fait exception, parce qu'elle adopte la fiction d'une narration
prophetique, au lieu de visions syraboliques. — Les Jiibilus se presentent comme de I'his-
toire pass^e, mais revel6e a Moise par Γ « Ange de la Face ».
XXIV INTRODUCTIOX.
connaisse a I'heure fixee par la Providence, L'auteur pretendu pourra done
decrire par mode de prophetie les principaux evenements historiques qui se
seront ecoules depuis son epoque jusqu'a celle du veritable auteur; et celui-ci
continuera cette serie de predictions post eventum, — sans que rien, dans le ton
ni la forme litteraire, denote le changement, — par ses propres speculations sur
Tavenir. II construit ainsi un bloc qui embrasse jusqu'a la fin du monde, et
devoile tous les desseins de Dieu dans I'histoire integrale de Ihumanite. C'est
une vraie philosophie de I'histoire. L'exactitude des descriptions pseudo-pro-
phetiques du passe servira a garantir aux lecteurs la non moindre exactitude
des previsions qu'expose I'Apocalyptique sur les temps futurs. Seulement, en
cette seconde categoric de « propheties », le caractere conventionnel des images
pourra s'exagerer encore, par la force des choses, l'auteur n'ayant plus de faits
historiques connus pour lui servir de trame. II devra recourir aux traditions
allegoriques, aux lieux communs, monotones dans leur emphase, d etoiles, de
metaux et pierreries, de monstres fantastiques, symboles dont lorigine est a
chercher bien souvent dans des mythes etrangers ; les nombres meme dont il
usera pour faire ressortir la precision de ses vues, seront plus d'une fois de pro-
venance paienne. Et comme, en eschatologie notamment, l'auteur se trouve en
face de bien des traditions dont il ne sail pas toujours lesquelles sont preferables,
il recueillera des traits un peu au hasard dans Tune ou dans I'autre, plus atten-
tif a leur caractere impressionnant qu'a I'idee qu'ils expriment ou qu'ils voilent.
De la resulte un defaut d'unite, une grande difficulte a harmoniser les divers
points de vue eschatologiques que Ton rencontre, je ne dis pas seulement dans
des compilations comme I'Henoch ethiopien, mais en des livres sortis d'une seule
main, et d'une belle venue apres tout, comme le Pseudo-Baruch et le Pseudo-
Esdras. II reste jusque chez les meilleurs, quelque chose de livresque; c'etait la
consequence inevitable du defaut de I'inspiration authentique, qui eut mis de
I'unite dans leurs vues, et aussi de la mefiance d'eux-momes qui les g6nait dans
leur fraude pieuse.
Si je parle de « fraude », je ne voudrais cependant pas appeler ces auteurs,
sans plus, des faussaires. II y en a, comme le Pseudo-Esdras, dont I'&me etait
certainement profonde, capable d'accents veritablement humains et religieux qui
nous emeuvent encore. Leur intention devait otre bonne ; ils disaient avec since-
rity ce qu'ils croyaient que serait I'avenir, d'apres leurs propres meditations, et ce
qu'auraient pu dire, pensaient-ils, Esdras et d'autres hommes de Dieu, s'ils
avaient vraiment ecrit sur le meme sujet. Leur fraude consistait, non a dire des
choses dont ils n'etaient pas convaincus, mais a couvrir leurs reveries d'une
autorite usurpee. II faut se souvenir du reste qu'on etait alors bien plus indul-
gent que nous ne le sommes pour toute espece de fictions litteraires. L'esprit
juifet l'esprit alexandrin s'accordaient sur ce poiat-la. Qu'on se rappelle Evhe-
more et sa Panchaie, ou toute la litterature pseudo-orphique. La mentalite
orientale admet, entre la fiction purement mensongere et la pure verite, cer-
taines categories dont nous n'avons pas, heureusement, la notion spontanee ; elle
accorde beaucoup plus d'importance a ce qui est dit qu'a Tidentite de lapersonne
quil'adit; et peut-etre les faiseurs d'apocryphes se prenaient-ils eux-memes pour
des inspires ou des prophetes. En tout cas, pour ma part, je n'oserais affirmer
qu'ils aieiit voulu tromper absolument leurs lecteurs, sauf les Sibyllins qui ecri-
LA FORME APOCALYPTIQUE. XXV
vaient pour glorifier leur religion, per fas et nefas, aux yeux des Goyiin, et, par
raccroc, rendre service a ces derniers. C'etaient, au moins dans I'ensemble, des
auteurs meditatifs et pieux, tres attaches a la revelation. L'inspiration n'a pas
empeche certains auteurs du Nouveau Testament de les citer avec faveur, sinon
comnie inspires et authentiques, cependant comme des autorites honnetes.
Paul, dans II Ttni., parle de I'histoire de Janiies et de Jamhres, a la fagon,
sans doute, dont nous pourrions aujourd'liui chercher une comparaison dans
une legende ; mais saint Jude, dans son epitre, vv. 14-15, n'hesite pas a puiser
dans un apocryplie qui doit etre FAssomption de Moise, et a emprunter des
phrases d'Henoch pour annoncer le dernier jugement. On sait d'ailleurs la con-
sideration dont jouit cet Henoch, et apres lui, le Pseudo-Esdras, dans I'eglise
primitive. II y avait done de bonnes choses dans ces apocryphes, et parfois de
veritables beautes. Cela n'empeche, meme en faisant abstraction de la fraude
litteraire qui nous repugne a bon droit, pour autant qu'elle etait destines a
tromper, que les Apocalypses pseudonymes sont separees par un abime, au
simple point de vue de la valeur humaine et litteraire, des propheties cano-
niques. C'est toute la difference qu'il pent y avoir entre des ecrits spontanes et
vivants, dictes par l'inspiration consciente et brulante du moment, et des compo-
sitions artificielles dont I'auteur veut frapper les imaginations par des raoyens
choisis a tete reposee, en utilisant, sans grandes exigences de gout ni de cri-
tique, ce qui lui semble le plus propre a cet effet parmi les traditions les plus
melangees du passe.
Or, il est deux ecrits inspires que Ton range, et cela avec un certain droit, dans
la meme categoric litteraire que les Apocryphes susdits : le Iwre de Daniel et
V Apocalypse de saint Jean. Daniel, dans la Bible hebraique, appartient aux
Ketoubim, non aux Nebiim. Si done on admet qu'il n'a ete compose qu'au
temps d'Antiochus Epiphane, on ne saurait dire pour cela qu'il est pseudonyme
au meme sens que nos Apocryphes; il presente une philosophic vraiment pro-
phetique de I'histoire, sans aucune accointance avec des traditions fantaisistes de
cosmogonie ou d'eschatologie; et la fiction, si fiction il y a, ne serait pas plus
attaquable que celle du livre de Job, ou du Koheleth, ou de la Sagesse de Salo-
mon. Mais nous n'avons pas a nous occuper de Daniel ici.
Quant a Γ Apocalypse johannique, reconnaissons tout d'abord qu'elle offre de
nombreux rapports materiels et formels avec les principaux ecrits du genre.
Comme eux, elle se compose de visions, avec des parties descriptives melees de
parties prophetiques. Le style en est essentiellement figure et mysterieux, et
use, pour une bonne part, des memes lieux communs que I'Apocalyptique juive.
Sauf les lettres des chapitres π et iii, elle se refere en bloc a I'eschatologie,
comprise toutefois en un sens tres large que nous expliquerons. Elle oppose,
dans un dualisme tranche, le siecle present et le siecle futur. Mais les ressem-
blances ne vont pas plus loin, et les differences sont bien plus notables.
D'abord, cen'est pas un ocrit pseudonyme. L'auteur ecrit a ses contemporains,
a des egliscs ou il a travaille, et sous son propre nom bien connu. Car on ne
pent meme supposer qu'il ne soil pas le Jean qu'il dit etre; son livre etait d'une
actualite trop pressante, et toute fraude eut ete trop facile a decouvrir.
Son unite d'enseignement, nous le verrons, est parfaite. Ce n'est pas un
recouseur de traditions divergentes. S'il puise des images dans le stock com-
INTRODUCTION.
mun des Apocalyptiques, il sait mettre sur cette matiere son empreinte bien
personnelle. Pour le fond, qu'il nous suffise de dire a present que Jean ne s'oc-
cupe jamais de choses inutiles, comme les pretendus secrets cosmiques. II ne
cherche a satisfaire aucune curiosite plus ou moins etrangere a la religion. II
n'abuse pas des Anges, car, a deux ou trois passages pres, il re^oit les commu-
nications immediates de Dieu ou du Christ. 11 ne fait m6me pas de calculs, nous
le prouverons, sur le temps de la fin, puisqu' « on ne connait ni le jour ni
rtieure ». S'il oppose vivement les deux « siecles » — et encore sans employer
ce termc precis, — il les fait pourtant, dans une mesure, coexister; car il voit
deja la victoire de Dieu presentement realisee sous une forme qu'on peut appeler
I'etat initial du Regne des cieux. Comme les proplietes, il dcrit dans un but
direct d'exhortation, d'encouragement, et en passant de reprimande, pour ses
freres ebranles par les menaces trop claires des evenements. Et, bien loin d'etre
pessimiste, toute sa revelation est pleine de I'enthousiasme des premiers jours,
c'est veritablement une « Bonne Nouvelle », impregnee du plus pur esprit des
Evangiles, surtout du quatrieme qui rapporte la parole du Christ : « Confiance,
j'ai vaincu le monde. » Cet apocalyptique est aussi chaleureux et sur de lui que
n'importe quel prophete d'autrefois. II trouve moyen, en depit du genre, d'έtre
parfaitement lui-meme, tout vibrant de spontaneite.
D'un mot, nous pouvons dire que I'Apocalypse de saint Jean se rapproche,
par I'objet etles materialites du style, de ce groupe d'^crits auquel son nom a ete
etendu; mais, par I'esprit, elle en est aussi loin que possible. Elle est tout a fait
dans la ligne des proplietes canoniques. Seulement, elle les depasse tons comme
predication inspiree, et comme revelation des secrets divins. Car son auteur est
un prophete qui connait a fond I'Evangile, et qui couronne toute Toeuvre de ses
devanciers en portant son regard d'aigle jusque dans les derniers mysteres
accessibles a I'homme.
Avant de decrire la forme detaillee qu'il donne a cette revelation, et d'en ana-
lyser le contenu, il faut voir de quels materiaux il s'est servi pour Texprimer aux
fideles d'Asie. Ici encore, nous aurons a etablir une comparaison entre TApoca-
lypse, les Apocryphes, et de plus la Bible en gέneral.
CHAPITRE V
LES MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCAI.YPSE JOHANNIQUE ET LEUR ORIGINE.
Sans nul doute, la forme « apocalyptique » etait excellemment choisie pour
faire penetrer profondement, dans les esprits du i" siecle finissant, les enseigne-
ments de notre Revelation. Mais elle devint tres vite, ce qu'elle est encore trop
souvent pour nous, une pierre d'achoppement, et cela explique le discredit d'un
siecle ou deux ou un livre inspire put tomber dans certains milieux ecclesias-
tiques. Nous exposerons dans un autre chapitre les raisons particulieres de ce
fait. On peut cependant des a present en indiquer la cause generale : les empha-
tiques images que le genre exigeait n'etaient pas d'une signification bien lucide;
pour les comprendre, il fallait etre plonge dans les conventions symboliques de
certaines regions et de certains milieux. Ala rapide diffusion du livre ne corres-
pondit point une transmission aussi universelle des cles de ce langage. Aussi
dut-il produire chez bien des lecteurs un eifet de malaise et d'effarement. Ceux
qui s'attacherent a I'interpreter furent souvent reduits a leur fantaisie ; tandis
que d'autres, initios aux traditions apocalyptiques juives, ne se rendirent pas
toujours assez compte de I'entiere liberte avec laquelle Jean maniait tous ces
symboles ; voulant de force ramener les details de sa Revelation aux « prophe-
ties » des Apocalypses non canoniques, ils arriverent a en multiplier les obscu-
rites, sinon a y introduire une veritable incoherence, au point de rendre suspect
aux gens rassis un livre dont I'esprit, ainsi con^u, s'accordait si peu avec la
simplicite grandiose des vues evangeliques.
II est done de la plus grande importance de connaitre la matVere et les lois da
symbolisme apocalyptique^ et de savoir dans quelle mesure veritable I'Espritqui
inspirait le prophete Jean s'y est plie. Nous determinerons ainsi, en gros, le
sens de ses principaux symboles, quitte a revenir d'une fa^on detaillee, dans le
commentaire, sur ceux qui exigent de plus longues discussions.
Tout d'abord s'impose a nous une revue rapide des ecrits dont les conceptions
ou le langage ont pu exercer de I'influence sur la forme des visions johanniques,
en dehors de I'Ancien et du Nouveau Testament. II est clair que tous les apo-
cryphes enumeres ci-dessus ne sont pas, a cet egard, dignes de la meme consi-
deration. II faut d'abord metlre au premier rang ceux que Jean a pu connaitre,
parce qu'ils lui sont anterieurs. Le nombre de ccux-ci qui nous est parvenu est
assez restreint : Jubiles, Testaments des Doiize patriarches (expurges de leurs
interpolations chretiennes), Henoch ethiopien, Psaurnes de Salomon ^ Hejioch slave
et Assomption de Mo'ise. Vivant dans un milieu hellenistique, Jean a pu con-
naitre aussi les anciens Sibyllins juifs, desquels il ne nous reste que Sib. III.
En scconde ligne se presentent les Apocryphes judaiques publics au i*"^ siecle, et
que Ton peut considercr comme a peu pres contemporains de notre Apocalypse;
c'e^XVAscension dlsa'ie (dans ses parties les plus anciennes), le /P livre d'Es-
XXVIII INTRODUCTION.
dras, le IV^ SibyUin et le V^ en partie, sans doute V Apocalypse d' Abraham, et
bien plus douteusement, le Baruch syriaqiie et le fond de V Apocalypse de
Mo'ise (1). Mais, tandis que Γ Apocalypse joliannique aurait pu emprunter des
images aux ecrits de la premiere categorie, ceux de la seconde ne sont guere
bonsqu'a nous munirde paralleles provenant du fond apocalyptique commun. lis
n'en sont pas moins tres precieux, puisqu'ils nous aident a elucider le sens des
metaphores couramment employees au i•''^ siecle dans cette litterature. Bien au-
dessous d'eux pour la valeur d'information, apparait la troisieme classe d'Apo-
cryphes, juifs ou Chretiens, posterieurs au i" siecle, tels que les parties recentes
de V Ascension d'lsaXe, le Baruch grec^ les Odes de Salomon, V Apocalypse de
Pierre, Esdras V et VI, les Sibyllins 1, 11, VI, VII, VIII, Χ/-Λ7 Γ, et surtout les
nombreuses Apocalypses chretiennes tardives, Apocalypse de Paul, etc. Pour-
tant il faut les consulter, et tenir aussi un certain compte d'Hermas, des hag-
gadas rabbiniques, des produits de la Gnose ou de I'Hermetisme, et meme de
I'eschatologie paienne des Mandaites, des Perses, sinon des Germains. Quoique
les uns aient deja emprunte beaucoup a notre Apocalypse, plus ou moins detour-
nee de son vrai sens, que d'autres aient puise a des traditions toul-a-fait etran-
geresaux Juifs et aux Chretiens du i•^•" siecle, quelques-uns enfin donne un corps
a des reveries tout-a-fait posterieures ou profanes, on a quand meme des chances
d'y decouvrir certains elements derives de traditions fort antiques ou crees au
cours du I" siecle, et qui ne se presenteraient pas dans les ecrits anterieurs avec
le meme sens ou la meme nettete d'interpretation. En cette matiere confuse,
etudiee scientifiquement depuis si peu d'annees, il est bon de ne rien admeltre ni
rejeter a priori, mais de soumettre a la discussion tout rapprochement de textes
Gud'idees qui a quelque air de vraisemblance.il est certain, eneffet, qu'il existait
une tres vaste tradition apocalyptique que les apocryphes deja connus avant le
11^ siecle, et parvenus jusqu'a nous, sont bien loin d'epuiser.
La preuve de cette assertion est faite depuis longtemps. Szekely la developpe
bien dans sa Bibliotheca apocrypha, i, pp. 83 et suivantes, et il nous suffit d'y
renvoyer notre lecteur. L'argument principal a nos yeux est celui-ci : dans les
apocryphes Chretiens et les anciens Peres, tels qu'Hippolyte, Commodien, Lac-
tance, et autres, la consummation du monde est decrite avec un luxe de details,
supposes connus et admis comme certains, qui sont etrangers non seulement a
la Bible, mais aux Apocryphes juifs qui nous restent. Cependant leur couleur et
leur origine juives ne sont pas douteuses, et des Chretiens n'auraient certaine-
mentpu les imaginer. 11 faut done admettre qu'ils remontent au stock des tradi-
tions regues des Juifs avant que I'Eglise ne se fut separee de la Synagogue.
L La tradition apocalyptique. — De cette tradition, nous possedons certai-
nement.mieux que des disjecta membra. La litterature apocryphe a nous connue
nous en a transmis la substance. En toute surete — a condition de s'en tenir aux
grandes lignes — on pent penetrer le mystere des series de symboles qui
reparaissent a peu pres partout, et etablir les principes generaux de leur inter-
pretation.
(1) VApocabjpse dElie et le livre d'Eldad et de Modad renlrent sans doute aussi dans la
premiere ou la deuxienie classe. Les livres a'Elie, hebreu et copte, sont seulement du in• siecle.
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XXIX
CommenQons par ce deuxieme point, qui peut s'elucider par les considerations
intrinseques les plus generales.
§ I. — Principes generaux d'interpretation des symboles apocalyptiques.
L'imagerie ordinaire des Apocalypses apocryphes est d'une emphase conti-
nue, qui devient vite ennuyeuse. Le P. Lagrange [Messianisme, p. 39, 42) carac-
terise cette tension comma « un gigantesque effort dans le vide... avec quelques
eclairs de bon sens dans le cauchemar d'un malade... Comme il s'agissait de
tout un enchainement de faits, le symbolisme succombait a la tache. La meme
comparaison est obligee de se plier a des circonstances diverses, de se transfor-
mer pour exprimer des sens nouveaux; cela ne se peut sans violence et sans
bizarrerie. D'autres fois les images se succedent toujours plus etranges pour
exprimer I'inexprimable; et, pour graducr I'horreur croissantedes catastrophes,
on aboutit a des exagerations qui ne font plus aucune impression, tant elles
sortent de la verite » .
Toutefois. on se tromperait surement si Ton croyait que ces auteurs aient ete
absolument dupes de leur fantaisie pauvre, maintenue en etat d'ebullition. lis ne
pretendaient pas faire accepter leurs peintures trop a lalettre; c'est pourquoi ces
descriptions imagees du monde inaccessible sont souvent introduites par le petit
mot « comme » ; il implique I'aveu que leurs essais d'expression n'atteignent
qu'a une verite approximative. Leurs hyperboles plus audacieuses qu'artistiques
restent bien, dans leur esprit, de simples hyperboles. « lis menacent peremptoi-
rement de fleaux qui, pris a la lettre, detruiraient la terre de fond en comble;
malgre cela, ces fleaux se reiterent, et ce qui est dit avoir peri se trouve la de
nouveau: (ex. gr. Henoch, xc, 18-seq-30). Les calamites cosmiques, en particulier,
ne sont pas toujours a prendre a la lettre, ni au sens physique. Car souvent, au
temoignage du contcxte et des passages paralleles, elles ne representent que des
perturbations courantes de la nature, comme des eclipses de soleil ou de lune,
Tapparition de cometes », etc., ou bien des revolutions historiques. Ainsi le
« renouvellement des luminaires » des Jiibiles, i, 29, n'est, d'apres Charles,
qu'une amelioration du monde amenee par « les victoires asmoneennes. Et sou-
vent les hommes survivent a des fleaux qui auraient du renverser le monde sens
dessus dessous, lesquels vont etre suivis d'autres beaucoup moins graves
{ibid) (1) )). C'etait un style regu, et qui ne trompait personne de ce temps-la.
Citons encore le P. Lagrange (2) a propos de cette « emphase, qui associe la
nature inanimee aux evenements de I'histoire. Et quand nous disons la nature
inanimee nous nous plagons encore a notre propre point de vue, car I'origine de
ces metaphores remonte a des temps ou on la croyait au contraire animee et
susceptible des memes emotions que les hommes. C'est surtout le monde celeste,
le ciel, le soleil, la lune et les etoiles, qui sont mis en branle dans des circons-
tances qui ne sont pas toujours le craquement du monde et son renouvelle-
ment... Ces manieres de parler se trouvaient deja dans la Bible... Ce serait
evidemment un tres lourd contresens que de prendre a la lettre ces fortes
(1) SZEKELY, op. laud., p. 26.
(2) Lagrange, Messianisme, pp. 47 suiv.
XXX
INTRODUCTION.
images. Ce serait meconnaitre le style de la Bible, dont les Apocalypses s'ins-
pireat le plus souvent, et a laquelle elles empruntent le canevas de leurs des-
criptions. Et ιηέιηβ los habitudes des Grecs... On trouverait des exemples tres
nombreux de ce style chez les Anciens. Ce qui est plus etonnant, c'est qu'il se
soit perpetue dans les cliches des inscriptions funeraires ». lei I'historien repro-
duit un lexte tres instructif d'une tombe juive d'Espagne, en plein Moyen Age,
d'apres les nouvelles archives des missions, t. XIV, fasc. in, rapport de Motse
Schwab, p. 258 :
« Cette journee fut une calamite; ce fut un jour de malheur et d'oppression, jour
de tenebres et d'obscurite, jour de nuage et de brouillard, jour ού les cienx et leurs
luminaires furent obscurcis, oil lis se sont revetus d'un cilice. Les etoiles ont pris le
deuil; les collines ont llechi, tout Israel a ete effraye. »
Voila une regie generale d'interpretation qu'il faut toujours garder dans I'esprit,
si Ton ne veut pas se tromper sur ces « manieres de parler «, ces « cliches »
hyperboliques, ettomber dans « les plus lourds contresens ». Nous croyons devoir
la completer par un autre principe encore : Jl ne faut pas chercher sous chaque
detail des descriptions une intention prophelique distincte, pas plus qu'on ne
cherche un sens moral sous chaque detail des paraboles. Chaque morceau doit
plutot έtre envisage comme un tout ou I'idee pent etre beaucoup plus simple que
son expression figuree : une multitude de traits plus ou moins etranges sont a
considerer comme des embellissements purementlitteraires, pourne pas dire du
remplissage, soit qu'ils aient ete conserves, par respect ou habitude de modeles
anterieurs, soit que Tauteur les ait imagines pour augmenterTimpression drama-
tique de ses visions. On voit done que, pour I'une ou I'autre raison, il ne faut
prendre a la lettre que ce qui ne peut etre pris autrement. J'oserais m^me otendre
cette regie, en certains cas, aux successions de/?er/oife*qu'afrectionnent les Apo-
calyptiques; le Voyant ne s'attend pas toujours a ce qu'elles se suivent dans un
ordre aussi clair et rigoureux qu'il I'annonce. Nous lisons dans le Baruch syria-
que, xxvii, 13-15, un passage qui, s'il n'est pas corrompu serait bien instructif,
a cet egard. Dieu annonce au prophete que le temps de la tribulation sera divise
en douze periodes. « Et dans la douzieme periode [il y aura) melange et confu-
sion de tout ce qui a ete nomine ci-de<^ant {en fait de fleaujc). Mais les periodes
de ce temps-la sont reservees; et elles seront melees I'une avec Vautre^ et s'ap-
puieront Γ une I'autre. Car quelques-unes laisseront de cote [une part) de ce qui
[revient) a vous [Juifs) et prendront de [ce qui appartient) a d'autres; et d'autres
completeront ce qui ret^ient a vous et a d'autres; en sorte que ceux qui seront
sur la terre en ces jours-la, ne remarqueront pas que c'est la fin des temps. »
On ne doit pas non plus considerer toujours des descriptions qui se suivent
comme se rapportant necessairement a des evenements distincts et successifs.
Souvent une vision ne fait que donner une nouvelle forme a I'objet d'une vision
precedente, ou le generaliser, ou en developper une partie. Ces repetitions sont
tres sensibles dans les sept visions de IV Esdras, et la recapitulation, procede
sur lequel nous aurons a nous etendre longuement plus tard, ne repugnait nulle-
ment au genre apocalyptique.
Une fois que I'onpossede ces principes d'interpretation, on risque moins d'etre
desoriente et decourage par un symbolisme qui pourrait ne produire sans cela
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE l'aPOCALYPSE. XXXI
qu'une impression de vacarme et de chaos. Mais une autre condition est neces-
saire; on ne penetrera pas le sens des symboles si I'on n'en a fixe les origines.
§ II. — Origine des symboles apocalyptiques.
Beaucoup de critiques se sent attaches a ce travail, et c'est justice de recon-
naitre qu'ils ont abouti a des donnees certaines pour Tensemble, malgre I'obscu-
rite qui voile encore telle ou telle image particuliere. Get etonnant langage alle-
gorique presente, en eifet, une assez grande homogeneite. Les trois quarts des
textes apocalyptiques sont tissus des memes lieux communs, dont Finterpretation
n'est pas tres difficile quand on connait I'epoque et I'intention des auteurs. Nous
ne voulons pas dire que jamais ils n'aient cree eux-memes telle 'narration ou telle
metaphore; mais leur originalite est assez restreinte, et leur part personnelle
consiste bien plus dans Tagencement d'images deja connues, ou dans la trou-
vaille de quelque variation sur un theme consacre_, que dans I'usage d 'allegories
d'un genre nouveau,
Les critiques font deriver le langage apocalyptique de cinq ou six sources : recits
de la Bible et propheties canoniques, poesie populaire des Israelites, description
figuree des evenements contemporains de I'auteur, religions et mythes etrangers,
enfin pure fantaisie. 11 est aise de les reduire encore. D'abord la fantaisie
personnelle, nous I'avons dit, est assez rare, ces ecrivains n'etant pas des crea-
teurs; I'histoire de leur temps se revetait des memes formes conventionnelles que
celle du passe; I'emprunt direct d'un mythe paien est pen frequent, si ce n'est
chez les Sibyllins; quant aux images traditionnelles de la poesie populaire, elles
se retrouvaient aussi dans la Bible, et leur origine remonte a des mythes que
Ion pent dire pai'ens parce qu'ils etaient communs aux Juifs et a d'autres peuples ;
mais ils avaient perdu chez les premiers, a cette epoque, leur sens polytheiste.
II reste done, en fin de compte, deux genres de sources : la tradition historique
et religieuse des Juifs, qui a fourni le germe de presque toutes les idees, et un
ensemble mythologique assez varie qui a donne presque toujours le vetement
allegorique.
A la premiere source se rattachent specialement les images du Paradis
terrestre, frequemment employees pour peindre la felicite des justes a la fin des
temps; la personnification des cites ou des nations sous forme aafenunes^ comme
dans les prophetes; la partie non fantastique de I'Angelologie; et la description
de nombreuses calamites qui rappellent les plaies d'Egypte, en d'autres recits du
Pentateuque; enfin le jugement eschatologique exerce par Dieu ou par le Messie.
Quant aux images tirees directement de I'observation de la nature, de la vie et
de I'industrie humaines — car il s'en rencontre toujours quelques-unes, meme
dans les genres les plus conventionnels, — on n'en trouverait guere une dans
toutes nos Apocalypses qui ne fiit deja dans la Bible, ou qui ne soit partout.
Les sources mythologiques du symbolisme sont extromement varices ; cepen-
dant on pout dire qu'elles se ramenent a une certaine unite dans le folk-lore de
I'Asie Anterieure, tel qu'il etait constitue deja plusieurs siecles avant notrc ere,
de la Babylonie jusqu'a I'Anatolie et la Judee. C'est dans la tradition populaire
que les Apocalyptiques aurontpuise. Sans doute les Sibyllins ont m61e consciem-
mentla mylhologie grecque aux traditions bibliques; leur fiction le leur imposait.
XXXII INTRODUCTION.
Mais il est fort invraisemblable a priori que les autres apocryphes anciens aient
rien emprunte de parti pris aux legendes dcs sanctuaires paiens, ou aux ecrits de
fausses religions qu'ils abhorraient. Les panbabylonistes ne sauraient contredire
cette assertion. Si nos ecrivains presentent nombre de traits, de descriptions, ou
mome d'idees, etrangers a la Revelation, et paralleles aux mythes des Gentils,
c'est qu'ils les trouvaient deja dans I'usage courant de leur peuple. Encore faut-il
ajouter que ces mythes n'ont jamais altere le fond de leur religion monotheiste, spiri-
tualisee comme Ton sait dans la periode post-exilienne. lis ont reduit cet apport
du paganisme a Tetat de purs symboles, d'embellissements litteraires, tout an
plus de logendes inoifensives, comme celles de Behemoth et Leviathan. La com-
munaute d'origine des Israelites et des autres Semites explique deja a elle seule
la presence d'un certain nombre de themes communs dans les croyances populaires
du peuple juif et dans la mylhologie babylonienne par exemple : ainsi Tidniat et
le Thannin. Emigres en Palestine, les Hebreux y vocurent cote a cote avec les
populations cananeennes, qui, ainsi quen font foi Farcheologie et les lettres de
Tell-el-Amarna, subissaient depuis des siecles I'intluence de Babylone; jusqua
la destruction de Jerusalem par Nabuchodonosor, les descendants de Jacob,
comme on le voit dans les livres des Juges, de Samuel et des Rois, et par les
eloquenles objurgations des Prophetes, cederent continuellement a la tendance
de fondre la religion de Jahweh avec les cultes et les moeurs des paiens depos-
sedes, ou des nations voisines (1). Apres leur deportation a Babylone, ils se trou-
verent en contact avec une culture beaucoup plus developpee que la leur, cul-
ture dont les lettres et les arts ne purent manquer d'exercer sur eux, a leur corps
defendant, une certaine seduction. Enfin, apres lareconstitution de la nation juive,
les tentatives d'hellenisation exercees par les rois Seleucides, et la frequence des
rapports avec TEgypte grecque, ont bien du laisser quelques traces, malgre la
vicloire des Macchab^es, dans les idees et I'imagination du peuple. Toutes ces
influences paiennes, s'exer^ant a differentes epoques, expliquent assez qu'il y eut
chez les Juifs un lot considerable de traditions poetiques ou legendaires appa-
rentees a celles des paiens, traditions que la restauration religieuse d'Esdras, oula
domination des Asmoneens, d'ailleurs tres vite mondanisos, n'avait pu detruire
dans les masses populaires.
Le fond le plus ancien n'etait done autre que les mythes proto-semitiques
communs a Babylone, a Canaan, et aux ancetres arameens des Hebreux. Plus
tard, apres la captivite de Babylone, le contact avec les Perses, dont Taction
religieuse s'etendit, avant Alexandre, tres profondement dans I'Asie Mineure, dut
encore enrichir les traditions populaires. On croit qu'au moins I'angelologie
d'apres Texil s'en est ressenlie. Enfin, depuis Alexandre, Thellenisme entre aussi
en action. II serait vain, dans bien des cas, de chercher a demeler ces diverses
influences. Au reste, I'hellenisme des derniers siocles s'etait melelui-mome a tant
d'elements orientaux, comme on le voit surtout a sa mythologie astrale, que le
plus sage est de s'en tenir, pour caracteriser les sources du symbolisme en cause,
a la designation vague deja apportee : le folk-lore de I'Asie Anterieure, tout a
fait syncretique, tel quil existait vers le iv^ et le ni"= siecles avant Jesus-Christ.
(1) Voir sur ce point Gressmann, Ursprung tier israelittsch-judischen Eschatologie, qui,
d'ailleurs, a un grand nombre de vues p6netrantes, mele une considorable divination.
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XXXIII
Pour la plupart des critiques, les deux elements etrangers principaux seraient
le babylonien et I'iranieii. Nous pouvons bien I'admettre, surtout pour ce qui est
du premier, mais sans leur assigner un role trop predominant. II est certain que
la religion astrale babylonienne contribua a la survivance de cette philosophic
naturiste pour laquelle les corps celestes sont des etres animes. Les Apocalypses
cosmologiques fondent volontiers les etres du monde physique avec les agents
du monde moral et spirituel ; non seulement elles connaissent, comme du reste
aussi les Apocalypses historiques, des Anges du feu, des eaux, des vents, meme
des animaux (chez Hennas), mais elles aiment a representer les esprits dechus
et punis comme des etoiles [Hen. eth., xviii, xxi, xli, xliii, etc.). Le V Sib. et le
livre hebreu d'Elie decrivent une bataille curieuse des constellations du zodiaque.
On ne voit pas clairement si c'est la pur symbolisme, ou si ce ne sont pas des
restes d'une philosophie naturiste qui regardait les corps celestes comme des
etres superieurs intelligents. En tout cas I'influence de la mythologie babylo-
nienne, avec ses dieux planetaires et ses genies, est incontestable, quel qu'en soit
le degre. L'astronomie babylonienne, degagee d'ailleurs de toute conception
scientifique reelle, et reduite a des vues populaires sur I'ocean celeste, le zodiaque,
la voie des dieux, est reconnaissable dans toutes les descriptions du ciel, sejour
du Tres-Haut.
C'est pour cela sans doute que les nombres jouent un si grand role dans toute
cette imagerie. Les sept cieux des planetes, les douze signes zodiacaux, ont
contribue a faire dominer les chiiTres sept et douze dans la plupart des calculs
apocalyptiques. II est vrai qu'on pent assigner d'autres raisons a cette preference,
et parler des douze mois, des douze tribus d'Israel, des sept jours de la
semaine, etc. Nous avons de grands doutes, pour notre part, sur Torigine
premiere du nombre sacre 7. Peut-etre a-t-il ete distingue d'abord en raison du
nombre de jours des phases lunaires, plutot que du compte des planetes, ou des
etoiles de la grande Ourse, encore moins des Pleiades, qui dut etre beaucoup plus
tardif. II etait d'ailleurs repandu dans le monde grec (grace, dit-on, a certains
elements du culte d'Apollon peut-etre venus d'Asie) (1), aussi bien que parmi les
Semites. Mais enfin il se rattache toujours, d'une maniere ou de I'autre, a I'obser-
vation des astres. Le nombre guatre, frequent aussi, est, non plus astronomique,
mais « cosmographique » : les quatre points cardinaux, ou « quatre vents du
ciel », les quatre parties de I'univers, ciel, terre, eaux, et Hades. L'emploi de
dix ct de ses multiples n'a d'autre raison que le systeme decimal, en usage
depuis les temps immemoriaux ou Ton a appris a compter sur les dix doigts.
Trois apparait aussi a tout propos. parce que c'est une multiplicite tres simple.
Puisque nous en sommes au chapitre des nombres, indiquons tout de suite le
sens qu'il faut leur attacher dans les Apocalypses. Ce que nous venons de dire
montre d'abord assez qu'ils ont tous ete choisis respectivement pour des raisons
particulieres, sans consideration aucune de leurs mutuels rapports arithme-
tiques. De la nous serons autorises a conclure, dans tel ou tel cas, qu'ils n'ont
qu'une valeur schematique et ne designent pas toujours une quantite stricte-
ment delimitee. Sepl et douze n'auront souvent d'autre sens que celui de la
(1) Voir AHW, 1'J12, 3 et Ί II. P. NiLSSON, Die ilUeste griechische Zeifrechnung; Apollo
and (lev Ovieni.
yVPOCALYPSE DE SAINT JEAN. C
XXXIV INTRODUCTIOX.
plenitude normale ; trois ei demi, moitie de sept (et peut-^tre six = sept moins
un) significra quelque chose de precaire et decourte; dix, une quantite qui
n'est pas a dedaigner, sans etre tres grande; ηιΐίΐβ, au contraire, une multitude
quasi indefinie. A'^oila du moins ce que Ton pent croire quand on les rencontre
isoles, sans que le contexte, ou Tobjet de la narration determine, comme sou-
vent il arrive dans les apocryphes, qu'ils sont a prendre a la lettre. Les chiffres
n'ont done pas de valeur morale et mystique comme dans la philosophie pytha-
goricienne; ils indiquent bien diverses multiplicites, non des qualites myst^-
rieuses. Toutefois, ils ne servent pas uniquement a compter, selon leur destina-
tion naturelle, mais encore a designer tel objet ou tel personnage, dont quelque
motif empeche de dire le nom ouvertement. C'est le procede curieux appele
chez les rabbins, qui en faisaient un frequent usage, gematria (geometrie). II ne
leur etait pas propre, d'ailleurs, mais connu, semble-t-il, dans tout le monde
antique, puisqu'on a trouve de pareilles devinettes jusque parmi les graffiti
de Pompei. La « gematria » se basait sur ce que les lettres ont une valeur nume-
rique dans la plupart des anciens alphabets, notamment le grec et I'hebreu. Au
lieu de designer quelqu'un par son nom, on faisait I'addition des lettres-chifTres
de ce nom, et on le designait' alors par son « chiffre », afin que le nom put
6tre decouvert seulement par les habiles.
Ce procede elementaire, en se compliquant, donna naissance a une veritable
mystique des nombres, d'origine non-pythagoricienne. Des nombres parfaitement
homogenes, comme 88S, ou 666, attirerent I'attention, et cette symetrie due au
hasard put etre prise comme une harmonie etablie providentiellement pour
signifier quelque caractere de la personne dont ils etaient le chifTre. On connait
avec plus de certitude encore la speculation sur les chiffres des noms, dite
Isopsephie (ίσος, ψήφος). L'egalite de deux noms en valeur numerique, ou d'un
nom propre et d'une epithete, passa pour le signe d'une identite, d'une analogie,
d'un rapport de caractere entre ceux qui les portaient, ou bien d'une predes-
tination de ces personnages a jouer tel ou tel role. La gomatria, sous ses
diverses formes, n'est pas rare, surtout dans les livres sibyllins; nous aurons a
y revenir longuement a propos du chiffre de la Bete, au commentaire du ch. xiii
de I'Apocalypse Johannique.
Pour en revenir a la mythologie babylonienne, elle parait done avoir fourni
principalement de nombreux traits dans les descriptions celestes, puis tout un
symbolisme astral, surtout en angelologie, enfin des nombres et des calculs.
Ce sera elle egalement, a moins que, pour eviter des precisions hasardeuses,
nous n'aimions mieux parler ici de mythes protosemitiques, qui aura fourni les
montagnes fantastiques, les metaux et pierres precieuses, I'image de Veau de
la vie (cfr Adapa et Gilgatnesch), et la premiere idee des inonstres symboliques
arrives a representer des peuples ou des personnages historiques. Noe [Hen.
eth. 65) va trouver son ancetre Henoch comme Gilgamesch s'en fut chercher
Ut-Napistim. Le mythe d'Apsou et de Tiamat a pu inspirer I'idee des eaux mas-
culines et feminines du deluge, dans les Paraboles d'Henoch, 54-58.
II est plus difficile de preciser Tapport de la mythologie iranienne. On en a
beaucoup abuse en ces dernieres annees. 11 est possible qu'elle ait exerce une
influence sur I'angelologie. Qu'il faille du moins la compter au nombre des
sources secondaires de notre symbolisme, cela parait certain. Donnons-en seu-
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XXXV
lement deux indices, d'apres le livre, aujourd'hui perdu, d'FJdad et Modad, at le
Talmud de Babylone, b. Sanhedrin, 97''. Le premier ecrit, d'apres le Targum
du Pseudo-Jonathan sur le livre des Nombres, xi, 26 sqq. disait qu'apres la
defaite du roi de Magog les ressuscites d'Israel se repaitront avec delices du
« taureau » qui a ete reserve pour eux des le commencement. On ne peut
s'empecher de penser au taureau de Mithra, et a la deuxieme immolation de
cet animal divin au benefice des elus (v. Cumont, les Mysteres de Mithra^
p. 121); Ton fera aussitot le rapprochement avec la fonction nutritive reservee
dans I'eternite au couple Leviathan-Behemoth. Dans le Talmud, une lettre de
Rabbi Khanan ben Takhlifa a Rabbi Joseph parle d'un rouleau « trouve dans les
cachettes des Perses » ou il etait question des combats apocalyptiques, et
des 7000 ans de la duree du monde (v. Lagraxge, Messianisme, p. 208).
Les emprunts directs a des traditions egyptiennes nous paraissent beaucoup
plus douteux dans les anciens apocryphes. Ce n'est pas qu'il manque de paral-
leles; mais ces traits-la se retrouvent dans les mythes d'autres nations (1).
Les influences grecques sont plus saisissables, surtout dans les descriptions
du monde des morts, que I'Orphisme avait si soigneusement elaborees. Ainsi les
fleuves infernaux d'Henoch lxxxvii, 6. Les « phdnix » que I'Henoch slave et le
Baruch grec piacent parmi les creatures celestes decelent aussi la meme
source, si ces figures n'etaient pas plutot d'origine orientale. Inutile de rappeler
que les Sibyllins sont pleins, comme il convenait, de mythologie hellenique.
On a meme voulu retrouver dans cette idee apocalyptique, que le sort final du
monde repondra a ses commencements, une transposition des periodes stoi-
ciennes ; on sait qu'au debut de chacune I'univers, apres son embrasement,
ΓΙκπύρωσκ;, doit se reconstituer, et reprendre son cours jusqu'a un embrasement
nouveau. Mais la chose est peu probable : car la « palingenesie » des Apoca-
lypses repond a une tout autre idee : ce sera la constitution du monde dans un
etat definitif, immuable, et non le recommencement d'une vie destinee aussi a
perir; les Juifs n'avaient pas I'idee du « Retour eternel ». Quant aux periodes a
travers lesquelles le monde doit s'acheminer vers s^i fin, elles se rapprocheraient
plutot des diverses phases de la lutte d'Ormuzd et d'Ahriman dans la religion
perse. Mais ce peut n'έtre qu'une coincidence ; I'idee de la division de I'histoire
en periodes pouvait germer sur plusieurs points tout a fait spontanement. Dans
les Apocryphes juifs et Chretiens, elle esttres souvent calquee sur la Semaine de
la Creation (cfr. Hen. si. xxxiii, 1 sqq.).
Cette breve esquisse donnera I'idee de la couleur generale revetue par la « tra-
dition apocalyptique ». Dans le commentaire, nous aurons a elucider bien des
points particuliers. On voit deja que le depart des diverses influences etrangeres
n'est pas facile a faire toujours; d'autant plus que le syncretisme des traditions
etait deja fort avance dans toute I'Asie anterieure, des les debuts de I'^poque
hellenistique. II n'importe que relativement, du reste, de savoir si tels symboles
viennent d'Egypte plutot que de Perse, de Grece plutot que de Chaldee.
puisque tous nos auteurs, Juifs tres orthodoxes, n'ont pu les adopter qu'en
d^pouillant ces figures de tout sens incompatible avec I'enseignement biblique
(1) Bien entendu qu il en est autretnent dans les apocryphes tardifs, au teinps oCi floris-
salent la gnosc et I'lierraotisme.
XXXVI INTRODUCTION .
sur I'unite et la providence toute-puissantedu Dieu de leurs peres. Comrae d'ail-
leurs ils n'ont guere emprunte directement, Tepuration avail deja dil se faire
dans les gon^rations anterieures de leur race.
§ III. — Essai de synthase de la « Tradition apocalyptique ».
Nous pouvons maintenant essayer de tracer une sorte de synthese de la
tradition apocalyptique, en reunissant les traits gen^riques epars dans les
divers ecrits. Ils donnent des revelations sur Dieu, sur le monde invisible, tant
celeste qu'infernal, sur la conduite providentielle de I'histoire, et enfin sur Tescha-
tologie.
1. Le Monde celeste.
Au-dessus de la terre s'etagent plusieurs cieux, generalement sept^ d'apres
la cosmologie courante en Orient. Au sommet de tons, Dieu trone en un mer-
veilleux sdjour, dans I'eclat des flammes, la transparence du cristal, et I'etincel-
lement des pierres les plus precieuses. L'aspect du Tres-Haut est parfois
depeint en quelques traits fort sobres qui expriment sa majeste et son eternite.
Mais sa demeure est longuement decrite dans un tres grand nombre d'ouvrages
[Henoch, eth., xiv, xxxix-sqq., lxxi; Hen. sL, Bar. syr., IV Esd., Ap. Ahra^
ham, etc.). Ce sejour de splendour, pour Bousset et bien d'autres critiques,
n'est autre que la « ville celeste » assyro-babylonienne, posee sur les eaux supe-
rieures, rOcean d'en haut (Te^^ Levi). On y trouve des fleuves (Voie lactee?)
ainsi dans Hen. sL, viii. Varbrede i'/eyfleurit [Apoc. Mo'ise xxviiietc), a moins
qu'il ne soit laisse dans I'Eden terrestre [Hen.^ Test. Levi^ Test. Dan). D'ailleurs
on remarque une analogic frequente entre le Paradis de la Genese et le ciel
supreme. I^a subsistent les exemplaires, ou plutot les vraies et durables realites
des choses terrestres, comme le Temple [Test. Levi; Par. Hen., liii ; Odes de
Salomon; Talmud et Midraschim, etc.), le ciel et la terre forment comme
deux mondes paralleles, dont le deuxieme est I'imitation tres pale de I'autre
[Hen. si. vjii; Asc.-Is., vii, 10 etc.). La vraie Jerusalem, qui a eto cr^ee des
le principe, y etale sa splendeur, pour etre revelee aux justes en son temps
[Hen. xc, 29'f Hen. si. lv; Bar. syr. iw; JV Esd. vii ; Livre d'Etie hebraique,
ΒένέΙαΙίοη de Simeon ben Jochai, etc.). Les apocalyptiques et les rabbins
croyaient-ils vraiment a cette preexistence et a ces dedoublements, et leur Ian-
gage realiste materialise-t-il de bonne foi les types eternels des choses, d'apres
Γ « exemplaire montre a Moise sur la montagne » dans le Pentateuque? ou bien
n'y faut-il voir, au moins chez la plupart d'entre eux, que le χοσμο; νοητός des
Platoniciens dont Tinfluence sur ces conceptions n'est guere douteuse? Au moins
dans Bar. syr. c.iv, la Jerusalem celeste parait bien etre materielle.
Aupres de Dieu, dans les Paraboles d' Henoch, siege VElii ou le Fils de
I'Homme qui jugera un jour le monde. G'est la conception la plus voisine du
christianisme, elle se retrouve aussi dans IV Esdras, et derive probablement de
la vision de Daniel, vii. Cette figure est celle du Messie, mais d'un Messie trans-
cendant et cree avant le monde.
Dieu est environne d'une innombrable multitude d'Anges, qui lui rendent
I
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XXXVII
leurs services, conime dans unecourorientale, et chantentseslouanges, ou atten-
dant ses ordres pour aller les accomplir a travers le monde. A la tote de ces
armees sont les Archanges, au nombre de six ou de sept, ce qui a fait penser aux
Ameshas Spentas de I'Avesta, ou aux dieux planetaires de Babylone. Hen. sL,
XIX, 2, les met bien en rapport avec les etoiles. La chose n'est pas invraisem-
blable, si I'origine de ce nombre est a chercher dans Ezechiel, ix, puisque ce
prophete prenait force images dans le milieu οΐι il vivait. Us sont souvent
designes par leurs noms, et tous enumeres dans Hen. eth., xx, cfr. xc : Michel,
Gabriel, Raphael, Uriel, Raguel, Saraqiel, Remiel. Les Par. Hen. n'en nom-
ment que quatre : Michel, Gabriel, Raphael. Phannuel ; et VHen. si. trois
seulement : Michel, Gabriel, Prafuel ou Vretel. Le Pasteur a'Hermas en comp-
tera six, les rabbins six ou sept. Le premier de tous est Michel, ministre de
Dieu {Hen. eth. Hen. sL, Bar. grec, Asc. Is., rabbins) qui est I'Ange gardien
et le chef d'Israel, d'apres Daniel, χ et xii [Hen. eth., Test. Levi, Test. Dan,
rabbins). Partiellement identiques aux Archanges sont les Faces, ou Anges de
la Face, qui sont les quatre nommes dans les Par Hen. (cfr, Jubiles, Test.
Levi., Test. Juda, etc.). — D'autres categories d'Anges sont les Soraphins
[Isaie, vi) les Cherubins, et les Ophannim ou « Roues ». Ces derniers, qui appa-
raissent pour la premiere fois dans Ezechiel, i, 15 sqq., x, 9 sqq. entourent le
trone de Dieu. lis nedorment jamais, cfr. les Egregores ou Veilleurs d'Honoch;
les yeux toujours ouverts qui remplissent leur corps circulaire indiquent bien
Torigine astrale de cette image. Quant aux Cherubins, ils meritent une explica-
tion un peu detaillee, a cause du chapitre iv de notre Apocalypse.
On connait assez les Kirubi assyriens, ces taureaux ailes a face humaine
qui gardaient les palais. Le propitiatoire de I'arche d'alliance, congu comme
le trone de la Majeste de Johovah, etait surmonte de deux cherubins aux ailes
etendues. Aussi, dans les descriptions anthropomorphiques de la poesie he-
brai'que, cantiques et psaumes, Dieu est-il souvent represente comme porte par les
Cherubins aux lieux ou il veut se manifester par des theophanies. Ce pourrait
etre une personnification poetique des vents (1) : « Qui facit angelossuosspiritus,
Ps. CIV (cm), 4 (dans I'hebreu, qui fait des vents ses messagers) ; noter aussi le
parallelisme du Ps. xviii (xvii), 11 : « Ascendit super Cherubim et volavit — Vola-
\it super pennas ventorurn. » Ezechiel decrivit ces cherubins comme une com-
binaison des divers genies ailes dont il pouvait admirer a Babylone les grandes
figures sculpturales (c. i, cfr. c. ix, 3 le Cherubin). En plagant entre eux les
« Ophannim », il semble que sa vision, aussi obscure d'ailleurs que saisissante,
lui ait montre Jehovah assis sur un char dont les Ophannim sont les roues, et
que les Cherubins tirent a travers le monde ; c'est toujours I'ancienne image,
mais enrichie et compliquee de symboles babyloniens. V Apocalypse de Mo'ise,
ecrit tardif, il est vrai, en a retenu I'origine quand elle parle du « char des
Cherubins » (c. 22) et montre le Seigneur raontant sur son char, tire par les
vents que menent les Cherubins (c. 38). Enfin on connait les speculations post^-
(1) La classification des Anges, dans la thoologie catholique (v. S. Thomas, Sum. I' pars,
q. cviii) n'esl pas solidaire des Apocryphes; elle ne se sert que des noms trouves dans la Bible,
et explique rationnellennont les distinctions des esprits purs par leur degro d'inlelleclualito
et la diversito de leurs roles possibles d'agents divins.
XXXVIII INTRODUCTION.
rieures de la Cabale, sur le Char, le Merkabd de Dieu. — Ezechiel avail donne
a ses Cherubins le nom d'animaux, niTl, a cause de leur forme symbolique. Ce
lerme devint technique pour designer une categorie d'Anges tres eleves, ceux-la
momes que leur fonction rapproche le plus de la Divinite, et la mention en est
frequente dans les ecrits des rabbins (1). lis apparaissent dans VHenoch hebra'i-
que, et beaucoup d'autres produits de la meme litterature; Maimonide et beau-
coup d'autres auteurs juifs, les placeront au sommet des dix ordres angeliques.
Puisqu'ils tiraientle char de Dieu, on peut aussi bien les concevoir comme soute-
nant son trone dans limmobile majeste du ciel. L'Apocalypse johannique (c. iv)
les representera dans ce role; mais cette figure ne lui est pas propre, et devait
etre deja traditionnelle, car on la trouve aussi dans VApocalypse d'Ahraham
(c. xviii) qui voit dans le ciel supreme une foule d'hommes aux formes chan-
geantes, quilouent Dieu; autour du trone, des creatures aux yeux innombrables,
qui chantent; et, sous le trone, quatre animaux de feu, ayant respectivement
quatre faces et six ailes, et qui chantent aussi; dans la legende grecque de Tilsr.
y*. il est question des ζώα ύποΟρόνια (2), « animaux porte-trone », au cinquieme
ciel.
Parmi ces etres superieurs, il en est qui offrent a Dieu [Test. Levi, al.) les
prieres et les oblations de I'humanite, remplissant ainsi le role d'intercesseurs.
Dans les Paraboles d'Henoch, apparait un grand esprit qui est VAnge de la
Paix; de meme Test, de Dan. D'autres, repandus dans les cieux inferieurs, et
meme sur la terre, president aux divers phenomenes de la nature, de la terre
et des eaux [Jub., Hen., Hen. si. al.), mais principalement au cours des astres.
Les etoiles sont mues par des Anges ; mais souvent elles s'identifient avec les
Anges eux-meraes, bons, mauvais [Hen., Hen. si., Asc. Is. etc.). Plus d'une fois
les Anges punis sont representee sous cette forme Hen. eth. (xviii, xxi, lxxx);
dans le Sib. V, et le Livre d'Elie hebraique, on voit les etoiles se livrer entre
elles des combats. Le caractere babylonien de ces fictions nest pas douteux,
quand meme ce ne seraient que des tropes poetiques.
Dans les cieux inferieurs, les prophetes qui ont voyage en ces hautes regions
ont rencontre beaucoup d'autres esprits mythiques ou fantastiques : ainsi le
phenix gros comme neuf montagnes, qui, dans le Baruch grec, preside au
cours du soleil (c. iv, v, vi); les anges qui, sous forme d'agneaux et de taureaux,
menent le char de la lune; les oiseaux, qui, au iv^ciel, chantent les louanges
du Createur (ibid., cc. ix, x). Ou enfin les phenix et les Chalcadres (??) qui,
dans VHenoch slave, completent cette menagerie supra-terrestre. Parfois les
voyageurs y trouvent aussi les receptacles des ^mes justes; mais au firmament
ils rencontrent ^galement les mauvais esprits, ces « spiritu^lia nequitiae quae
sunt in coelestibus », comme dit saint Paul aux Ephesiens.
2. Le Monde infernal.
On pourrait faire sans doute ici un rapprochement avec ces Archontes cnnemis
de I'homme, qui furent si familiers aux gnostiques comme chefs et gardiens
(1) Voir Weber, Jiidische Theologie, pp. 168-suiv., 174-205.
(2) Asc. Isa'ie, traduction Tisserant, p. 221. Legende grecque, n, 20; cfr. Bar. syr., ii, 11.
JVIATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XXXIX
des spheres siderales, les memes peut-^tre que saint Paul deja, sans s'attarder
a contredire le point de vue de lecteurs chez qui il voulait seulement combattre
le faux culte des puissances angeliques, identifiait avec les esprits damnes. Et,
si Ton remontait aux premieres origines, peut-etre faudrait-il parler des gar-
diens des portes, dans la « Descente d'lslitar aux enfers », ces etres terribles
ayant graduellement emigre vers les spheres d'en haut (1). Mais nous n'enten-
dons point disserter la-dessus, et nous constatons simplement que cerlaines
parties des cieux sont considerees, dans nos Apocryphes, comme le domaine,
et au besoin le lieu de chatiment, des puissances malfaisantes. Entre autres
le Baruch grec voit au troisieme ciel un Dragon prodigieux, qui n'a pas moins
de six kilometres de long, et semble une figure a la fois cosmique et morale :
il boit les eaux de la mer, devore la chair des impies, et son ventre est lOrcus.
Les diables, dans le Testament de Benjamin^ VHenoch slave, V Ascension d'Isaie,
habitent le firmament sous Ic premier ciel et meme des regions plus elevees
[Asc. Isa'ie] d'ou ils tentent les hommes; apres le grand jugement, ce sont
eux qui executeront le chatiment des coupables. Leur chef, Satan, appele aussi
Mastenia, etc. accuse les hommes aupres de Dieu, Jub., Par. Henoch, Talmud
et Midraschim. 11 est encore d'autres categories d'esprits maudits et nefastes,
les Veilleurs rebelles, les V^eilleurs qui out fornique avec des femmes avant le
Deluge, les ames des Geants qui furent engendres de cette union, les Sirenes,
epouses des Veilleurs, les etoiles prevaricatrices. On en trouve la mention plus
ou moins detaillee dans Henoch ethiopien, Jubiles, Baruch syriaque. Des
noms propres apparaissent, comme Azazel, Semyaza et beaucoup d'autres.
Hen., Lxix, en tout une trentaine. 11 en est qui, au lieu de circuler encore libre-
ment, comme les esprits de Satan, sont deja enchaines dans des lieux de tor-
tures, au ciel, sur terre ou dans I'Abime.
L'origine de leur malice et de leur damnation est souvent indiquee, ainsi
pour les Veilleurs et les etoiles; car il ne semble pas qu'aucun de ces etres,
creatures de Dieu, soil mauvais par nature. Henoch slave (c. 29) parle de la
chute d'un Archange, qui doit etre Satan en personne : avec I'ordre angelique
auquel il commandait, il s'est revolte, voulant follement elever son trone au-dessus
des nuees, et jaloux de la puissance de Dieu. Mais il a ete precipite en has
avec ses Anges, et rode continuellement dans I'atmosphere inferieure.
Enfin, dans certains cieux ou dans les enfers se trouvent les prisons des
hommes damnes. Henoch y voit des fleuves de feu qui rappellent ceux du Tar-
tare des Grecs.
3. La terre, et les evenements terrestres.
Tous les evenements terrestres, et meme le sort de chaque individu, sont fixes
de toute eternite au ciel. La se trouvent des livres, — comparablcs aux tablettes
babyloniennes passees d'Anou a Mardouk dans le Poeme de la Creation — ou
tous les destins sont consignes. Les uns contiennent le cours general du monde
et de I'histoire humaine [Henoch elh.. Hen. si., Jub., Test. Levi, Test. Aser,
(1) Gfr. le recit de la descente du Christ a travers les cieux, Irompant chaque fois les Angcs
pr^posos a leur garde, dans Υ Asc. d'lsa'ie, ch. x.
XL INTRODUCTION.
Asc. Is., etc.), d'autres les decrets concernant le salut ou la damnation des
individus (momes livres, Baruchy plus tard Testament d'Abraham, Apocalypse
de Paul, Pirke Aboth, rabbins, Hennas').
La direction des peuples a ete confiee a des Anges, au nombre de soixante-dix
(les 70 Pasteurs), d'apres Henoch, Jab., Test. Nephthali hebreu, les Targitms,
les Midraschim, etc. Dans Henoch, Lwre des Songes, cc. lxxxix et xc, Israel
lui-meme est livre a ces Pasteurs, qui le gouvernent mal et le font detruire
par les betes sauvages, ce pourquoi ils seront jetes dans le feu eternel. Deja
le livre canonique de Daniel avait parle de I'Ange des Perses (x, 13) en contes-
tation avec le protecteur du peuple elu, et de I'Ange des Grecs.
Le cours du monde est divise en perioies, dont le plus grand nombre sc
sont deja ecoulees au temps de Fauteur reel. Dans les anciens apocryphes, elles
sont au nombre de dix, de douze, de quatorze (7 X 2), mais, vers le temps
de I'Apocalypse, c'est la division en sept 4ges, d'apres I'Heptameron de la
Gen6se, qui semble avoir domine (//ewocA s «ce, peut-^tre IV Esdras, vii, plus
tard Epttre de Barnabe, Testament d'Abraham, Livre d'Adam armenien,
anciens Peres). II faut les entendre comme six milliers d'annees, suivis du
sabbat du monde, I'Age messianique. Hen. si. et Barnabe en ajoutent un liui-
tieme, indefini, qui est la vie future. D'une fagon plus generale, il faut distinguer
aeuxdges ou slides : le r\^r\ oSiyn, et le xan diVT] des rabbins. Tous les apo-
cryphes, mome les plus anciens, enseignent que le monde present sera detruit
ou Iransforme; ceux du premier et du second siecle, qui sont franchement
pessimistes, distinguent les deux ^ges, ou eons, en termes explicites, et meltent
entre eux I'opposition la plus violente. D'ailleurs tous considerent VAge present,
dans la plupart de ses periodes, comme le temps du crime et de la douleur.
Le peuple de Dieu doit s'y defendre contre les Gentils au prix des luttes les
plus sanglantes, il est generalement opprime par eux; et meme, au sein de ce
peuple, les mauvais pasteurs et les mauvaises brebis persecutent le troupeau
fidele {Henoch, Livre des Songes, al.). Une tendance assez commune est de
representer les peuples, surtout les peuples hostiles, sous la figure aaniniaux,
et c'est ici le lieu d'expliquer ce symbolisme, qui tient une grande place dans
FApocalypse inspiree.
Tantot I'allegorie sen tient a des metaphores tres naturelles; ainsi, dans
le livre cite de I'llenocli ethiopien, les nations ennemies sont des loups, des
pores sauvages, des aigles, des eperviers, des corbeaux. Mais il est aussi cer-
taines figures de monstres hybrides et elTrayants, dont I'origine est certainement
mythique, et oil la plupart des critiques veulent retrouver le Dragon babylonien,
ou au moins la posterite de cette deite malfaisante. II n'y a plus qu'un pas a
faire pour rendre les Apocryphes, puis I'Apocalypse de Jean, suspects de syn-
crelisme religieux.
La chose n'est pas si claire, cependant. Qu'on en juge.
La poosie biblique, dans les Psaumes, les Prophetes, le livre de Job, presente
des figures qui ont certainement de I'analogie avec la Tidmat de VEnuma elis.
Mais il faudrait d'abord s'entendre sur la portee et la diffusion de ce mythe,
puis ne pas le meler a dautres qui n'ont rien a faire avec lui. 11 est assez evident
que la monstrueuse deesse Ti4mat (avec son epoux Qingu) represente, non pas
les intemperies de la mauvaise saison, mais la mer primitive et chaotique,
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XLI
domptee par Mardouk, le lumineux Demiurge. Mais le mythe du Poeme de la
Creation est-il primitif? Sans doute des bas-reliefs et des cylindres representent
la victoire de Bel ou de Mardouk remporlee sur divers monstres, dragons, lions,
griffons, mais tous. contrairement a Tiamat, sont du sexe mascalin; il en est de
m^me du musrussu de la porte d'Islitar a Babylone, du musmahha a sept tetes
mentionne dans un hymne a Ninib (Zimmern, KA.T•^ 504, 512), et d'autres
figures du meme genre qu'on n'a aucune raison plausible d'identifier a Tiamat,
la funeste grand'mere des dieux. 11 faut certainement admettre I'existence en
Babylonie de vieux contes narrant la victoire remportee par quelque dieu bien-
faisant sur un mechant dragon ; ils pouvaient avoir de nombreuses variantes, et
les origines etre tres diverses d'une localite a I'autre ; mais le sens cosmogonique
donne au triomphe de Mardouk dans I'epopde de I'Enuma Elis peut bien n'otre,
suivant le P. Lagrange, qu'une allegorie savante, aussi artificielle que la theo-
gonie d'Hesiode [Etudes sur les religions semitiques"^, p. 377). Dans la mytho-
logie ou les contes populaires de tous les pays, on retrouve des traditions sem-
blables. Elles sont parfois arrivees a prendre une importante valeur religieuse,
comme le mythe d'Indra et de Vrtra dans I'lnde, de R4 et d'Apophi, d'Horus
et de Setli en Egypte, pour ne parler que de ceux-la, qui otaient peut-etre
naturistes et etiologiques des lOrigine; mais ils ont un sens tout different de
celui de Mardouk-Tiamat, et ne paraissent nuUement en dependre directement,
ni avoir des sources communes. Peut-etre faut-il en dire autant des figures du
mome ordre qui apparaissent dans la poesie des Hebreux.
Le Dinn [abyssus du chap, i" de la Genese) signifie bien la mer primitive,
chaotique, et le mot Thehoni est identique a Tidrnat; mais le recit des sept jours
n'a aucune couleur de mythologie ; Elohim n'est pas en lutte centre les elements
primordiaux, et ceux-ci ne sont pas personnifies. La « mer primitive » peut bien
etre une conception proto-semitique, commune aux Babyloniens et aux Hebreux;
mais elle n'aurait ete personnifiee sous son nom propre de Ti^mtu que par les
premiers. D'autres monstres de la tradition hebraique apparaissent dans la
Bible, qui ont plus de rapports avec la mer ou les eaux, mais qui ne portent pas
le nom de la deesse. C'est Rahah, dans Isa'ie, li, 9-10; Ps. lxxxix, 10-15; Job,
IX, 13, XXVI, 12-13; Ps. lxxxvii, 4; Isaie, xxx, 7 (lire ηηϊΓΏΠ nm au lieu de
n2U? DH 2m : Rahab assise, qui ne fait rien?), ou encore Ps. xl (α>:3Πΐ =
idoles, faux dieux consideres comme des etres monstrueux). Puis Leviathan
fameux dans Job; Ps. lxxiv, 12-19, il a plusieurs tetes; Ps. civ, 25-26; Job,
XL-XLi, crocodile depeint avec des traits mythiques; in, 8 (οΐι il fant lire Di,
« mer », au lieu de d1\ « jour, » Gunkel); Isaie, xxvii, 1, oii il represente trois
puissances politiques. Ensuite Behemoth, le monstre des fleuves, la b6te des
roseaux de Job xl, cfr. Ps. lxviii, 31, les T\:i'p ni^n, image expliquee par les
mots suivants Qtay iS!;2 anas, (au lieu de dIQ!; iSayi) « les forts, dominateurs
des peuples ». Behemoth forme un couple avec Leviathan. II y a encore le p^n, ou
dragon personnification des thehomoth, les vagues de la mer, dans Job, vii, 12;
Ezechiel, xxix, 3-6; xxxii, 2, \e serpent, uJnJ qui mord dans la mer, Amos,
IX, 2-3. Rahab est un monstre marin vaincu par Dieu, et image de I'Egypte;
Leviathan est aussi une sorte de poisson fabuleux, qui a plusieurs t^tes et paut
XLII INTRODUCTIOX.
bouleverser la mer; Dieu I'a egalement ecrase et subjugue. II en est ainsi du
Thannin, ou Dragon. Behemoth semble un hippopotame hyperbolique. Tous ces
monstres ont certainement une orignie mythique, chez les ancetres des Hebreux;
il existait sans doute un mythe, ou plusieurs mythes, sur le « serpent de mer » et
les monstres des fleuves. Mais ce n'est ni la mer immense, comme Tiamat, ni les
eaux des inondations en general. Ce mythe. degrade a Tepoque historique, vide
de tout sens religieux ou cosmologique, nous le trouvons reduit a I'etat soit de
conte populaire, comme les gros animaux de Job, soit de personnification ροέ-
tique des ilots de TOcean, quand il s'agit de faire ressortir la puissance de Dieu
sur la nature, soit d'embleme des puissances poliliques orgueilleuses et cruelles,
ennemies ou alliees trompeuses d'lsrael, de I'Egypte principalement. Ce sont des
lieux communs litteraires, qui n'ont aucune portee mythologique, encore moins
religieuse, et n'offrent que des analogies bien lointaines avec les personnages
du « Poeme de la Creation ».
Quant aux aulres monstres, tels que le serpent Python des Grecs, I'Azhi-
Dahaka de la mythologie pehlvie, Loki ou le serpent Midgard des Scandinaves,
nous en parlerons en temps et lieu. lis ont encore moins de rapports que Tiamat
avec le folklore hebraique.
Ces considerations un peu longues ont pour but de nous mettre a meme d'ap-
precier justement la zoologie symbolique des Apocryphes. Rien ne demontre
qu'elle soit plus mythologique, dans sa signification actuelle, que les images
bibliques expliquees ci-dessus. Le Dragon celeste du Baruch grec pourrait etre
cosmique, par exception; mais il parait surtout jouer un role moral, pour la
punition des impies : c'est I'enfer, ou le diable, a cause du serpent de la Genese.
Le Dragon a sept tetes de VOde de Salomon xxii, qui rappelle a la fois le mus-
mahhu, le Thaunin et Leviathan, est certainement le chef des esprits mauvais, en
un sens qui n'a rien de paien, Ailleurs, dans le //* Psaume de Salomon, le dragon
represente Pompee, qui avait pris Jerusalem ; ceci se rattache tout a fait a I'ha-
bitude biblique de personnifier les puissances hosliles en Rahab, Thannin ou
Leviathan. Quant a ^'^i^/'e fantastique de IV Esdras, c. xi, qui represente sans
aucune equivoque I'Empire romain, c'est une figure construite de toutes pieces
pour Tallegorie, a I'image d'Ezechiel XVII, et probablement a tete reposee; elle
part dime metaphore toute designee, a cause des « aigles romaines ».
Une observation s'impose done : la tradition des monstres cosmiques, a cou-
leur babylonienne, a laisse des traces plus pauvres encore dans FApocalyplique
juive que dans la Bible. 11 est par consequent impossible de la suivre ininter-
rompue depuis VEnuma ^//s jusqu'a I'Apocalypse de saint Jean. Celle-ci, en plus
du Dragon, representera bien I'Antechrist et le faux prophete sous la forme d'ani-
maux fabuleux (c. xiii). Mais le prototype de cette vision est difiicile a chercher
plus haut que Daniel, chap, vii, ou les empires paiens, qui doivent faire place au
Fiis de rhomme (le Messie et la domination des saints), apparaissent comme des
animaux effroyables et composites ; pourtant, par leurs traits fondamentaux, ils
ressortissent encore du symbolisme animal tout ordinaire et naturel, tel qu'on
le trouve au chapitre xc d'Henoch; leur caractere composite pent tres bien s'etre
form^ pour la premiere fois dans I'esprit de I'auteur sacre, peut-etre par analogic
avec des representations figurees qu'il aurait vues.
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XLIII
4. L'Eschatologie.
Le passage du siecle present au siecle futur sera precede de signes, de mani-
feetations de la colere de Dieu, avec les anges ordinairement pour executeurs.
Dans I'ensemble, si emphatique qu'en soil la description, elles ne sortent
guere des lieux communs que Ton trouvait deja, mais traites avec iin talent
plus sobre et plus vrai, chez les Prophetes : la guerre, la peste, la famine,
les tremblements de terre, la secheresse, I'obscurcissement ou la chute des lumi-
naires celestes. Certains apocryphes, voulant rencherir et renouveler le sujet,
y ont joint des traits fantaisistes qui ne renforcent pas beaucoup I'impression :
le soleil apparaissant la nuit, et les etoiles le jour, les pierres qui suent du sang,
les enfants qui naissent avec des cheveux blancs, des glaives dans le ciel qui ne
sont que des cometes, etc. Le trait le plus notable, ce sont les persecutions des
justes et la fuite au desert [Ass. Mo'ise, Elie copte, rabbins, etc.).
Dans tout I'exposo de la matiere precedente, nous pouvions reconnaitre, sous
toutes les variantes, une certaine unite de tradition, due' partie aux origines bibli-
ques, partie au folklore asiatique, source commune ou tons les Apocryphes
puisaient plus ou moins. 11 n'en va plus de mdme quand on arrive a la ruine ou
a la transformation du monde, et aux conditioas de la vie future. C'est qu'ici la
Bible donnait peu de renseignements, et les religions paiennes encore moins.
Desormais nous avons affaire a des traditions d'ecoles, divergentes, souvent
inconciliables, qu'on trouve pourtant juxtaposees, non seulement dans les com-
pilations de documents d'ages divers, telles qu'Henoch, mais chez des ecrivains
reflechis comme I'auteur de IV Esdras, qui, ne sachant trop laquelle etait la
meilleure, a pris le parti d'en presenter plusieurs heterogenes.
Ainsi, malgre la forte tradition messianique des Prophetes, le Messianisme
reste tres diversement compris. Tous s'accordent a attendre la renovation du
monde promise par le Dieu de leurs peres. lis croient aussi que FUnivers, pour
arriver a la felicite derniere, passera par une seriede dures epreuves, les douleurs
d'enfantement du siecle futur (ώδϊνες του Μεσσίου, les ΝΙΤΊΓΏ" iSnn du rabbinisme).
Ces Ueaux, chose a noter, epargneront parfois les Juifs et les justes (ainsi Bar.
syr. XXIX, 2; lxxi, 1). Quant a la personne meme du Messie, elle est presentee
sous des aspects tres divers, ainsi que son role. II est des Apocalypses qui se
passent de lui jusqu'a ne pas le mentionner : ainsi la premiere partie ^'Henoch
[Introduction et Lwre angehlogique, 1, xxxvi,); de meme, dans Henoch, la
partie appel^e Lwre de VExhortation et de la malediction (Martin) ou Livre de
la Sagesse d' Henoch (Lagrange). Par contre, il est transcendant a I'humanile, et
existe deja au ciel, aupres de Dieu (qui va jusqu'a I'appeler « mon Fils », dans
IV Esdras, xiii, 32, 37, 52; xiv, 9; vii, 28, 29). Par. Hen., IV Esd., sans doute
Assumption de Moise, x, 2; et V Sib. au vers 414; mais, s'il doit descendre sur
la terre, il n'y prendra pas une autre nature, il n'est question jamais d'« incarna-
tion ». La figure du Messie, au contraire, est tres effacee dans le livre des Jubi'
las, qui, par exception, etant ecrit au temps le plus florissant des Asmoneens,
est optimiste et semble croire Tage messianique commence des son epoque; on
dirait une simple concession a la prophetic ancicnne. Les Testaments, dontlefond
remonte a la meme date, s'occupent surtout de gloriiier Ldvi; le Messie dc la
XLIV INTRODUCTION.
tribu de Juda, qui semble n'avoir rien de transcendant dans sa nature (v. Testa-
ment de Joseph, et ailleurs, passim), y est bien eclipse par les grands pr6tres
levitiques (1). Le Messie des chapitres Hen. eth. lxxx-xc [Lwre des Songes), le
« taureau blanc » qui assure le triomphe des brebis fideles, ne vient pas du ciel
davantage. Pour Sib. Ill, c'estun roi qui vient dusoleil άπ' ήελίοιο, cad. de I'Orient
(au vers 652). Dans les Psaumes de Salomon, xvii et xviii, c'est un roi humain,
fils de David, plein des dons surnaturels de Dieu, et dont la puissance pacifique
et spirituelle s'exerce dans le monde entier, jusqu'au fond des consciences (2).
Au milieu des temps d'angoisse qui precederont le triomphe messianique, plu-
sieurs apocryplies, tant juifs que Chretiens, mettent en scene deux personnages
qui se sont enracines dans la tradition ulterieure : V Antechrist et le Prophete
Elie. Le premier, dont nous disserterons a loisir dans des excursus du com-
mentaire, est designe sous ce nom a cause de la P* epitre de saint Jean, ii, 18;
IV, 3. « Vous avez entendu dire qu'il vient un Antechrist », quoique I'Apotre I'in-
terprete tout autrement que d'un Antechrist personnel. Dans nos Apocryphes,
il apparait, sous diverses formes : ou bien comme le Diable lui-m^me operant
sous une forme visible au milieu des hommes, sous le nom de Belial [Beliar,
Berial). qui lui est donne en tant qu'il seduit et egare iJubiles, i, 20; Test. Lovi,
III, 3; xviii, 12; cf. Henoch si. xviii, xxix, xxxi : Martrjre d'Isa'ie, Sib. in,
v, 175, sq, ; peut-etre IV Esd. v, 6), et que Charles veut mettre, sans raison
suffisante, croyons-nous, en rapport avec le Dragon babylonien. Ou bien c'est un
prince paien, ennemi de Dieu et des fideles, dont le prototype est a chercher dans
Antiochus Epiphane (Daniel, viii et xi) ; ainsi apparait-il dans les Psaumes de
Salomon, η et xvii, dans Baruch syriaque, xxxvi et xl; apres le regne sinistre
de Neron, la legende de sa survie et de son retour futur fit considerer cet empe-
reur comme I'Antechrist a venir, ainsi dans les Sibyllins IV et V qui execrent
Rome, appelee « Babylone » au livre V. Le Diable devait meme s'incarner en lui,
soit qu'il Teut ramene d'au dela de lEuphrate (dans linterpolation de Sib. Ill, au
vers 63) soit qu'il I'eut ressuscite [Asc. Is. ly, 2-4; Sib. \, aux vers 28-sqq.,
214-sqq; Sib. VIII, vers 88, 157). Les Peres qui ont re?u cette tradition juive le
considerent comme un faux Messie instrument du diable, qu'il soit juif
[Irenee, Hippolyte, Jerome, Theodoret), ou un empereur romain, encore le Neron•
redivivus [Victorin de Petau, Cyrille de Jerusalem). Certains Chretiens le
dedoubleront en empereur romain et Antechrist juif de la tribu de Dan. [Com-
modien, Lactance). Des Juifs en feront plus tard le fils du diable et d'une femme,
Simeon ben Jocha'i, Apocalypse de Daniel (3).
L'Antechrist, avant d'etre vaincu definitivement par Tapparition de Dieu ou du
Messie, trouvera un adversaire dans Elie reapparu au milieu des hommes. Nous
etudierons ce point au commentaire du chapitre xi. Cette tradition, qui se rattachc
a la prophetic de Malachie comprise au sens materiel, parait avoir ete tres
repandue dans le monde juif aux environs de notre ere, de la elie passa aux
Chretiens. Hen. xc, 31 I'insinue; IV Esdras, vi, 26 semble y faire allusion; le
(1) Nous suivons ici I'autonte du P. Lagrange, Messianisine, p. 69-suiv., contre Charles,
dans la question du messie personnel fils de Levi.
(2) Le « Messie ben Josepii » n'est qu'une creation postorieure du rabbinisme.
(3) Voir BoussET, Der Antichrist.
MAIERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XLV
Dialogue de Justin avec Tryphon (viii, 4, al.) raffirme. Le Talmud, les Midras-
chim, et un grand nombre de rabbins d'Age plus recent y adherent. Beaucoup
d'auteurs donnent a Elie un compagnon, qui est ordinairement Henoch, quel-
quefois Jeremie ou Moi'se (1); mais Tryphon, le 11^ Sibyllin, Lactance nomment
Elie tout seul. Cette tradition est attestee par la question des disciples au Sauveur,
dans les Evangiles synoptiques, apres la Transfiguration; Jesus leur dit dans
quel sens figure il fallait prendre la prophetie ancienne, mais ce passage de
I'Evangile ne fut guere compris aux premiers siecles.
L'apparition du Messie mettra fin au siecle present, ou bien marquera seule-
ment la transition entre le Regno du Mai et le siecle futur. Ici nous pourrions
deja parler du Millenarisme ; mais il vaut mieux reserver au Commentaire cette
question, qui demande a etre exposee et discutee avec le plus grand soin. Disons
seulement que cette fameuse theorie apparait Henoch, xci. Bar, syr. xxix, xl, et
IV Esdras vii, xii, par-ci par-la dans le Talmud, et chez les rabbins du Moyen
Age. La duree de ce regne intermediaire, prelude do la vie bienheureuse, est tres
variable; elie flotte de 40 ans [livre hehreu d'Elie), ou 400 {IV Esdras, vii), ou
1000 [Apocalypse d'Elie copte, chretiens chiliastes) jusqu'a des centaines et des
milliers de siecles chez certains rabbins. Plusieurs apocryphes parlentde I'attaque
que le royaume aura a subir de la part de Gog, roi de Magog (ailleurs Gog et
Magog), ce dernier ennemi eschatologique qu'avait predit Ezechiel, ch. xxxviii,
image peut-etre inspiree du souvenir de I'invasion cimmerienne en Asie Mineure
et en Syrie, mais qu'il n'y a pas lieu de croire mythologique (2) [Sib. Ill, 315 sqq,
Eldad et Modad, livre d'Elie hebraique; cfr. Par. Hen. au ch. lvi, « les Medes
et les Parthes », Bar. syr. lxx, « les nations prepare es par Dieu » et Esd.
c. XIII.) Cette tradition se generalise dans le rabbinisme.
Le role du Messie n'est pas uniforme. Dans certains apocryphes, il est laisse
dans I'ombre, et sa venue parait co'incider seulement avec I'amelioration definitive
du monde. Mais en general il vient pour exercer lui-meme le jugement de Dieu
contre les Gentils et les impies, et etablir la domination du peuple juste. Quel-
quefois, ainsi dans la premiere partie a' Hen. eth., c'est Dieu lui-meme, et tout
seul, qui viendra ici-bas perdre les mediants, et assurer aux justcsun bonheur
soit temporel [Hen. i-v, et vi-xi), soit spirituel et plus ou moins transcendant,
sur la terre renouvelee, dans Jerusalem [Hen. xu-xxxvi). Les Jubiles ne concoivent
qu'un bonheur terrestre, dans les conditions actuelles ameliorees; les ames des
justes continueront a trouver le bonheur dans I'Au-dela, celles des impies a tomber
au Sheol. Memo conception, ou pen s'en faut, dans le corps des Testaments;
les saints mangeront de Tarbre de vie ( Test. Levi, x, 11) : Dieu habitera au milieu
d'Israel [Test. Levi, v, 2) Le III'^ Sibyllin ne parle ni du jugement dernier, ni des
sanctions eternelles, et le Messie n'apportera a Israel que la victoire et la paix
terrestres. Dans VAssomption de Mo'ise et les Paraboles d'Henoch, le Messie
donnera le ciel a Israel, mais n'aura pas de regne terrestre; dans ce dernier
livre, c'est Γ « Elu, » ou le « Fils de I'homme » qui presidera au jugement
dernier, accompagne de la resurrection generate. Son role continuera au ciel;
(1) Noter toutefoisque, pour IV Esd., ii, 18, les deux prophetes eschatologiques sont Isaie
et Jeromie.
(2) Contre Gressm.vnn, Ursprung, p. 17'i-192.
XLVI IXTRODUCTIOX.
mais, sur terre, il se borne a cela; le Mcssianisme ancien est comme oublie.
La oil il est question du regne intermediaire, les trails qui y dominent sont ceux
de la felicite temporelle. Les saints descendront du ciel avec le Messie ct regneront
avec lui [IV Esdras, vii, 28; Asc. Isa'ie, livres a'EIie) sur les justes qui seront
heureux, et se nourriront des chairs de Behemoth et de Leviathan tombos,
peut-etre sous des influences perses, a ce role comestible (IV Esd. vi ; Bar.
syr..^ xxix), ainsi que de la manne du ciel [Bar.]. La Jerusalem celeste, descendue
sur la terre, leur servira de lieu d'habitation [Esd., Bar. etc.). Quand ce bonheur
prendra fm, par I'invasion de Gog et de Magog (vide supra), ou meme la mort du
Messie et de tous les hommes {IV Esd. vii), alors aura lieu le grand jugement
et la resurrection.
La plupart des Apocryphes, avant Ic chiliasme chretien, ne counaissent
cependant qu'un regne de Dieu, soit terrestre comme dans les Jubiles, soit celeste-
Quant a la resui-rection, I'opinion la plus ancienne n'en admettait qu'une, qu'elle
fut pour les justes seuls (opinion des Pharisiens d'apres Flavius Josephe) ou bien
pour tous les hommes. Mais Tidee du regne intermediaire amena quelques auteurs,
comme nous le verrons plus tard, a en admettre deux, celle des justes, coincidant
avec la descente du Messie, et I'universelle.
La resurrection genera.le se fera au son de la trompette [Apoc. Abraham,
cfr. IV Esd. VI,) Les Iwres du ciel seront ouverts et consultes {Henoch, xc, Par.
Hen., IV Esd. vii) ; les anges mauvais et les impies seront jetes dans la gehenne
que Henoch nomme I'abinie de feu ; les justes jouiront du bonheur eternel dans le
ciel, oudans la Jerusalem nouvelle, qui se presente souvent sous les momes traits
que le Paradis de la Genese. Nous reviendrons la-dessus dans notre Commentaire.
Kappelons toutefois qu'un certain nombre d'Apocalypses ne pensent qu'a un
bonheur terrestre dans ce monde ameliore; les Jubiles xxiii nient mέme la
resurrection.
Nous pourrions parler encore des speculations astronomiques, cosmogra-
phiques, comme celles d'Henoch ethiopien; mais elles n'ont pas de portee
religieuse, malgre leur insertion dans un livre de revelations, et n'interessent
que I'histoire des idees scientifiques populaires. II paraitrait plus indique de
parler du caractere moral des Apocryphes ; mais ils n'ont rien de bien particulier
a ce point de vue; si quelques-uns, fideles a lesprit des prophetes, font place
aux Gentils dans la Jerusalem nouvelle, cette place sera toujours bien restreinte,
et, naturellement, dependra de leur soumission prealable aux Juifs. Leur Messie
est un juge, mais n'a guere I'aspect dun Sauveur. Son action est exterieure
avant tout. Les Apocalypses ne marquent aucun progres, loin de la, de la religion
universaliste et interieure, de la foi qui agit par I'amour. Toute leur exuberance
est de surface, et le fond religieux en reste glace. Le P. Lagrange a raison de
dire : « Entre la seve religieuse des Ecritures inspirees et le naturalisme sense des
Grecs, les apocalypses appiraissent comme un genre faux, dont les ardeurs
surchauifees nepeuvent emouvoir les gens de sang-froid. Elles ont voulu se placer
entre ciel et terre; elles n'ont ni I'inspiration den haut, ni I'attrait de la nature
et de la vie. » {Messianisme, p. 135.)
II. COMPAR.VISON DES SY.MBOLES DE l'aPOCALYPSE DE SAINT JeAX AVEC LA TRA-
DITION APOCALYPTIQUE GENEUALE. — Lc long apcrQU quc nous venons de donner
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XLVH
etait utile et presque necessaire, pour nous permettre d'apprecier comme il con-
vient le symbolisme de I'Apocalypse inspiree. Ce livre a en effet puise un grand
nombre de ses images au meme stock que les autres. Comme oeuvre litteraire,
on ne pent pretendre qu'il soit tout a fait exempt des defauts du genre. Mais il a
mis cette imagerie au service d'un tout autre enseignement ; etnul de ceux qui,
le lisant sans preventions, le comparent a I'ensemble de cette litterature, ne
peut meconnaitre combien il est, au point de vue humain et artistique, supe-
rieur aux plus beaux, fut-ce a Esdras. Pour ce qui est de la valeur religieuse,
tout le monde doit avouer qu'il leur est simplement incommensurable, comme le
judaisme vieilli Test au christianisme dans sa premiere ferveur. Si on le compare
enfm aux apocalypses chretiennes qui I'ont suivi, on saisit toule la difference
qu'il y a entre le genie naturel sureleve par linspiration divine, et I'exaltation
imaginative de « propheles » qui n'ont regu mission que d'eux-memes, ou d'au-
teurs qui copient servilement des traditions.
Ce serait empieter sur le terrain du Commentaire que d'enumerer et d'expli-
quer des a present tons les symboles johanniques. Nous ne voulons en donner
qu'une vue d'ensemble, pour en indiquer les sources generales. Nous distingue-
rons ceux qui s.e rattaclient soit a la tradition apocalyptique commune, soit a la
Bible, et ceux qui paraissent avoir ate crees dans I'esprit de Jean. Nous insiste-
rons aussi sur ce qui fait I'originalite de notre auteur, dans I'usage ou I'omission
de symboles traditionnels.
§ I. — Jean et TApocalyptique traditionnelle.
Ce n'est pas seulement I'emploi frequent des memes images qui montre que
I'auteur de I'Apocalypse a connu la tradition consignee dans les ouvrages ci-des-
sus etudies ; mais encore tel ou tel trait, qui ne se rovele qu'a la lecture attentive
du texte original, peut s'expliquer seulement comme une reference a des sym-
boles consacres que nous ne retrouvons cependant pas dans les autres ecrits du
genre : ainsi, au c. xii, 14, les « ailes du grand Aigle », dont il n'a pas ete ques-
tion auparavant; auc. x, 3, « les sept tonnerres » qui font entendre leur voix. Cet
aigle et ces tonnerres sont determines par I'article. Cetaient done des figures
deja connues, dans la tradition apocalyptique evidemment.
La meilleure methode, pour bien saisir similitudes et divergences, c'est de
suivre le meme ordre que dans I'etude precedente, et d'examiner successivement
les ensembles principaux de representations figurees, relatives au monde celeste,
infernal, terrestre, a I'eschatologie et au monde futur.
1. Dieu, la cour celeste et les Anges. — La description de Dieu sur son trone,
au chap, iv, est analogue a d'assez nombreux tableau.^ a'Henoch, de V Apoca-
lypse d'Abraham, et d'autres ecrits. Les quatre « Animaux » (Cherubins,
quoique le terme ne soit pas employe), qui supportent le trone, peuvent etre un
emprunt direct, mais tres libre, au propliete Ezechiel. La « mer de cristal » qui
s'etend autour du trone, et est melee de feu (xv, 2) est, comme dans les autres
apocalypses, le ciel empyree des anciens. Dans cet empyree se trouvent un
sancluaire (viu, 15; xi, 19; xiv, 15-17; xv, 5-8); I'arche d' alliance [\i, 19): un ou
deux autels (vi, 9; vm, 3,5; ix, 13). La « Nouvelle Jerusalem » existe deja au ciel,
d'ou elle doit descendre sur la terre (xxi, 10 sq.). Mais plusieurs traits indiquent
XLVIII INTRODUCTION.
que cette ville, « Epouse de TAgneau, » existe deja aussi sur la terre; ainsi le
verset 17 du ch. xxii : « V Esprit et I' Epouse disent: Viens! » ou il s'agit certai-
nement de TEglise terrestre. Les fideles, en maints passages, ιηέΓηο les fideles
vivants, sont representes comme habitant au ciel et sur la terre a la fois ; on peut
dire que c'est Tune des idees maitresses du livre. Par consequent, la localisation
d'une ville au ciel est purement allegorique, comnie la ville elle-m^me. Quand
elle sera descendue sur la terre (chap, xxi-xxii), le trone de Dieu s'y trouvera
encore (xxii, 3], quoique Dieu n'ait sans doute pas quitte le ciel. II n'y a done la
que des diiTerences de points de vue, d'autant plus que la Jerusalem celeste
represente a la fois I'Eglise triomphante et militante (voir xxi. 24-27, et notre
commentaire), tandis que la Femme du chap, xii ne figure I'Eglise que dans son
etat militant. Ainsi Dieu est partout et agit partout. 11 n'est plus le terrifiant
Isole du judaisme tardif. Son action continue dans le monde est figuree par les
7 esprits qui se tiennent devant le trone (i, 4; iv, 5) et qui appartiennent egale-
ment a I'Agneau (iv, 6). On doit y voir sans doute le Saint-Esprit personnel, et
non les sept Archanges de la tradition.
L'Angelologie juive a ete extremement simplifiee, et depouillee de tout cet
aspect mythologique qu'elle avait pris aux derniers siecles, sous des influences
etrangeres. Un seul Ange est appele de son nom propre, Michel, comme vain-
queur du Dragon au chapitre xii : on n'y trouve meme ni Gabriel ni Raphael. Des
myriades et des myriades d'esprits bienheureux entourent le trone de Dieu.
Certains president aux phenomenes de la nature, ont pouvoir sur le feu (xiv, 18),
sur les eaux (xvi, 5) ; mais il n'est indique nulle part que les bons Anges aient
un rapport special avec les astres ; seulement les « 7 etoiles » (i, 20) represen-
tent allegoriquement les Anges des 7 eglises. Que le « tiers des 6toiles » du ciel
soientbalayeesparla queue du Dragon (c. xii), ce n'est pas une allusion si certaine
a la chute des Anges. Des esprits celestes offrent a Dieu les desirs et les priere&
des hommes (v, 8; viii, 3) : d'autres sont les agents du gouvernement divin, et
les executeurs ordinaires, mais non exclusifs, des jugements portes par le Tres-
Haut sur le monde et I'humanite (les Anges des sept trompettes, des sept
coupes, etc.). 11 en est enfin qui remplissent les fonctions de guides et gardiens
de certains groupes; car, en admettant que les « Anges » d'Ephese et des autres
eglises soient des personnifications de la communaute plutot que des personnes,
angoliques ou humaines, le nom qui les designe implique I'existence, puis
I'extension figuree, de la notion des Anges gardiens.
On distingue dans leur armee les traces d'une hierarchic de dignile et de fonc-
tions. 11 en est un, celui qui apporte au prophete le « petit livre » contenant
les revelations des chapitres xii et suivants, dont la description est dune telle
splendeur que son aspect est presque divin (c. x). Pourtant ce ne sont tons que
de simples creatures, les « compagnons de service » σύνδουλοι, des prophetes et de
tous les disciples fideles de Jesus (xix, 10; xxii, 9). Jean mentionne « les 7 qui se
tiennent devant Dieuy» (viii, 2) et qui recevront les trompettes du jugement; ce
sont les Archanges de la tradition. Deux autres categories de figures colestes
restent a demeure aupres du Tres-Haut : d'abord « les quatre Animaux » qui
portent le trone. 11 est evident qu'ils repondent, au moins par leur origine, aux
Cherubins; mais on peut douter que, dans le sens propre a Jean, cette figure
represente des pcrsonnalites angeliques; elle peut n'etre qu'une personnification
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. XLIX
des operations de Dieu ad extra, qui s'exercent aux quatre points cardinaux,
c'est-a-dire dans I'univers entier. L'autre categorie est celle des « 2k vieillards »
porteurs de couronnes et de coupes, qui entourent, assis en cercle, le trone de
Dieu, et entonnent des cantiques a chaque grand deploiement de sa puissance
surl'humanite. Comme ils lui offrent aussi des « parfums, qui sont les prieres
des saints » (v, 8), ils jouent le rolede representants des hommes aupres de Dieu ;
mais, a notre avis, ce sont bien des Anges, et non, comme le veulent certains
critiques, Thumanite ideale. On ne trouve rien qui corresponde a cette figure
dans les apocryphes que nous possedons. Elle doit pourtant etre traditionnelle,
parce qu'il est question du conseil des Anciens, assesseurs de Dieu, dans
Isaie, xxiv, 23, et que Daniel vii,9(« onapportades trones ») y fait, semble-t-il
allusion. Quant au nombre 24 = 12 X 2, nombre de critiques actuels esti-
ment, non sans probability, qu'il est d'origine astrale, d'apres un texte de
Diodore de Sicile nous apprenant que les Babyloniens avaient fait cette divi-
sion en rapport avec le cercle zodiacal (Commentaire, ad loc). On peut done
regarder ces « Vieillards » comme des Anges qui president au deroulement du
temps, aux diverses phases de I'histoire humaine. Et comme Jean ne sera pas
alle prendre cette image a Babylone, ni dans des ocrits paiens, nous pouvons
admettre, sous benefice d'inventaire, qu'elle etait dans la tradition apocalyptique.
Cette tradition a done laisse des traces sensibles dans Tangelologie johannique,
ainsi que dans tout ce que notre Apocalypse nous montre du ciel. G'est un decor
et un scenario auxquels il faut nous habituer. S'ils surprennent au premier abord
ceux qui ne connaissent pas autrement le genre apocalyptique, s'ils leur paraissent
introduire trop de precisions et de materialite dans le monde spirituel, tout autre
est Teffet qu'ils produisent a qui sait faire la comparaison avec les Apocryphes.
On admire alors la sobriete du prophete inspire. 11 n'a pas confondu le domaine
physique avec le domaine moral et transcendant. La presence d'une ville au ciel,
le sanctuaire, I'arche d'alliance, les autels ne sont certainement pour lui que des
images allegoriques. Appele au ciel par la voix du c. iv, i, comme d'autres
apocalyptiques, lui, du moins, est transporte du coup en presence de Dieu,
sans faire de cosmologie sur la route; il ne parle point de plusieurs cieux, ses
descriptions n'ont jamais pour but de faire de la science, ni de satisfaire la
curiosite siir aucun sujet etranger au salut. 11 ne trouve la-haut ni phenix, ni
anges de la lune, ni oiseaux chanteurs. Son Angelologie n'a rien do mythique,
elle n'est qu'un developpement, ou une application, des donnees de la Bible, qui
nous apprend que les Anges sont les agents de Dieu dans la Creation, et le
gouvernement des hommes. Non seulement il evite les noms propres et les
classifications curieuses, mais il ne reproduit meme pas la terminologie dont a
use saint Paul pour designer les puissances supra-terrestres {Col. r, 16; Eph. r,
21, al.). S'il fait intervenir partout les Anges, conformement a la tradition
apocalyptique, du moins Faction de ces esprits ne supprime-t-clle pas celle des
hommes, et n'est-elle pas un intermediaire necessaire de celle de Dieu. On pent
done croire qu'il n'a pas attache une bien grande importance aux anciennes
precisions; aussi lorsque Charles (1), par exemple, entame une discussion pour
savoir si I'Ange de viii, 3 est Γ« Ange de la Paix » ou tel autre, nous nous
(1) Studies on the Apocalypse, pp. 158-161.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. d
INTRODUCTION.
etonnons qu'il se donne cette peine, puisque nous ne savons meme pas si Jean
a jamais pense a Γ« Ange de la Paix ». Ces classifications trop nettes n'etaient
pas dans Tesprit de sa revelation.
2. Le Messie. — II n'y a naturellement guere de comparaison possible entre le
role futur, transitoire, exterieur et plus ou moins abstrait, assigne par les Apo-
cryphes a leur Messie, et celui que remplit dans TApocalypse, Jesus, THomme-
Dieu, le tout-puissant Seigneur et Redempteur qui actuellement deja dirige tout,
et au ciel, et sur la terre. II est trois formes sous lesquelles Jean le contemple
tour a tour : d'abord FEtre pareil a un « Fils d'homme » qui lui donne sa mission
(i, 13-suiv., cfr. xiv, 14), puis Γ « Agneau » immole qui, au ciel, entre en pos-
session du livre des decrets divins (c. v), qui siege dans Sion au milieu des saints
(c. XV, cfr. xx), et qui, dans la Jerusalem nouvelle, s'asseoit sur le trone meme
de Dieu (c. xxii); enfin le « Cavalier » royal victorieux de tous les ennemis
terrestres et infernaux (c. xix, cfr. vi, 1). Naturellement la deuxieme, qui sym-
bolise la Redemption par la Croix, ne trouve aucun parallele dans les Apocryphes.
La premiere rappelle le Bar nashd de Daniel et le « Fils de PHomme » des
Synoptiques, mais n'a qu'un rapport bien douteux avec le « Fils de I'Homme »
des Paraboles d'llenoch; certains traits pourtant se retrouvent ailleurs; ainsi la
blancheur de la chevelure a son prototype dans Henoch (xlvi, 1); seulement
I'Apocryphe la reservaita Dieu, la « tete des Jours » (cfr. Γ « Ancien des Jours »,
de Daniel), comm.e symbole de son eternite, et Jean I'a transportee du Pere au
Fils qui a aussi la nature divine. La troisieme figure repond au role de Juge et de
Vengeur que les Apocryphes assignaient tantot a Dieu, tantot au Messie. La
ressemblance n'est que gondrique, et peut s'expliquer sans emprunt, par les
descriptions bibliques qui sont la source commune. D'ailleurs le sens de la vision
est bien plus etendu et bien plus spirituel dans notre Apocalypse.
3. Le monde des esprits mauvais. — Ici encore rien ne rappelle la fantasma-
gorie inutile que nous avons exposee : ni noms propres, ni classifications, ni
legendes sur les fautes des esprits dechus. Jean a garde de la tradition Timage du
Dragon (c. xii, xvi) pour signifier le Diable, Satan; il lidentifie en termes expli-
cites au serpent ancien de la Genese. II n'a certainement plus rien d'un monstre
cosmique; c'est le chef d'une armee d'Anges, mauvais comme lui (xii, 7, 9).
Peut:etre n'a-t-il meme aucun rapport avec le Thannin, et le nom de Dragon ne lui
est-il donne que comme synonyme de serpent. Ses « sept tetes » font bien penser
au Musmahhu et a Leviathan ; mais elles ne sont peut-etre qu'un symbole. cree
cliez Jean lui-meme, des « sept esprits de Beliar » [Test. Ruben, ch. ii), puissance
d'egarement et d'oppression, contre-partie des sept esprits de Dieu et de I'Agneau.
Un rapprochement avec Υ Angro-Mainyu des Perses serait plus soutenable; mais
ce n'est qu'un parallele accidentel. 11 n'est rien dit sur I'origine de la malice et
de la chute des demons. Seulement, apres le triomphe du Christ, le Dragon a ele
precipite du firmament sur la terre par Michel (c. xii), c'est-a-dire qu'il a perdu
sa domination, naguere si considerable, de Prince du monde; il est vaincu et
ne peut plus accuser si facilement les hommes, que le sang du Christ a justifies.
En tout cela I'allegorie est visible et transparente. Si le Dragon etait d'abord au
ciel _ ou bien dans I'air, sous le firmament — c'est la une image empruntee a la
tradition apocalyptique, mais qui ne couvre plus qu'un sens moral. Au mom.ent
oil Jean ecrit ses Revelations, le Demon est sur la terre, ou il souleve contre
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. LI
FEglise la puissance politique et spirituelle du paganisme, les Deux Betes ; mais
il y est invisible, c'est un Esprit.
Les agents du Diable, ce sont d'abord ces Deux Betes, representant toutes
deux des collectivites humaines; ensuite des figures d'aspect plus mythologique.
Telles sont les « etoiles tombees » des chapitres viii et ix. Ici nous trouvons une
des rares traces de Tancienne identification des astres avec des esprits ; I'ensemble
du livre montre assez qu'il n'y faut pas voir plus qu'un symbole. Les sauterelles
etranges et les monstrueux cavalier's du chapitre ix representent certainement
aussi des puissances infernales. Dans leur description si chargee, mais pourtant
terrifiante, faut-il voir des personnages preternaturels, ou bien seulement des
personnifications de Taction du diable, des vices, des remords, des discordes et
des guerres qu'elle excite dans le monde? Nous etudierons plus tard la question.
En tout cas, nous pouvons dire que ces traits fabuleux, dont le sens nous echappa
parfois dans le detail, sont encore de I'allegorie et de I'hyperbole, et que Jean
no s'attend pas a ce que les hommes voient jamais de leurs yeux de chair des
apparitions aussi fantastiques. Les trois demons-grenouilles du chapitre xvi, 13,
doivent etre interpretes dans le meme sens, d'autant plus que le Dragon, la
Bote et le Faux Prophete de la bouche desquels ils sortiront, sont un esprit
invisible, et de simples images des puissances humaines inspirees par lui.
Quant aux trois derniers cavaliers du ch. vi, nul ne doutera que ce soient de
pures personnifications des fleaux typiques, Guerre, Famine, et Peste; I'Hades
qui leur est associe nest pas plus personnel.
Bref ce que Jean nous revele du monde diabolique est extremement sobre,
et ne montre aucune accointance avec la mythologie des Apocryphes. D'image
commune avec eux, il n'y a que le Dragon, avec la mention de son ancienne
place au ciel, et I'etoile qui ouvre le puits de I'abime, au chap. ix. D'autres,
comme les sauterelles et la premiere Bete, viennent de la Bible, mais fort
amplifiees et dramatisees. Le reste a pu etre cree de toutes pieces dans I'esprit
du Voyant.
4. Le monde lerrestre, Vhistoire future, et les signes de la fin. — Jean qui
n'a pas eu besoin, comme ses devanciers non inspires, de faire remonter son
livre, par une fiction, au temps d'un ancien patriarche ou prophete, ne s'occupe
nulle part de I'histoire passee du monde; sa revelation ne concerne que les
temps commences a la naissance de Jesus (c.xii), pour s'etendre jusqu'au Juge-
ment general. A-t-il, suivant lexemple ancien, partage la vie du monde en
periodes? On pourrait le croire a premiere vue, a cause des sept trompettes
ice. VIII et ix), au son desquelles sept categories de fleaux fondront sur I'univers,
et des sept coupes de la colere de Dieu que des Anges repandent au ch. xvi.
Ensuite viendrait le Millenaire heureux (c.xx), finissant a I'invasion de Goo• et
Magog, puis le Jugement. II y aurait done quatorze Eons funestes, sept avant
Tapparition de I'Antechrist, et sept apres, puis une quinziemc epoque, heureuse
celle-ci, repondant au Regne intermediaire du Messie Juif. Mais ce serait inter-
preter I'Apocalypse, nous le verrons, d'une maniere beaucoup trop materielle
D abord I'effusion des sept coupes repond, en tout ou en partie, a I'histoire deja
comprise dans la vision des sept trompettes, puisque la septieme trompette
doit annoncer la fin du monde (c.xi). Ensuite, il n'est pas sur que les trompettes
elles-memes sonnent les heures diverses de I'histoire. Beaucoup de commenta-
LII , INTRODUCTION.
teurs — a tort, d'ailleurs, selon nous — veulent quelles ne retentissent toutes
que peu avant le Jugement. Pour nous, qui chercherons a etablir que leur
sonnerie occupe toute I'histoire, depuis le premier siecle de notre ere jusqu'a
la fin du monde, nous jugeons tr6s difficile de croire qu'elles repondent a une
vrnie succession d'evenements futurs. C'est plutot une division symbolique et
logique de fleaux qui peuvent etre aussi bien simultanes, et qui se reproduisent
plus ou moins a toute epoque. Quant au Millenaire, nous montrerons qu il coin-
cide avec rage des fleaux. Notre avis est done que Jean n'a pas divise I'histoire
en ages successifs. Si la vieille idee des periodes a influe sur sa representation
des malheurs par series de sept, c'est la une influence purement materielle, car
il a change le sens de ces « successions », en faisant de la succession elle-meme
une simple maniere de distinguer des realites qui ne sont pas soumises a cet
ordre rigoureux. Disons done que, dans I'Apocalypse de Jean, il n'y a pas de
periodes.
Tons les evenements futurs ne sont cependant pas confondus, comme s'ils
devaient s'accumuler dans I'espace de quelques mois ou de quelques annees. Le
chapitre xvii et les suivants expriment clairement cette vue prophetique que
I'empire de Rome — la grande ennemie actuelle, appelee « Babylone » comme
dans la I'' Petri et les Sibyllins — ne doit pas durer jusqu'a la consommation, et
que d'autres incorporations de la Bete doivent lui succedcr, pour un temps tres
long encore, puisqu'il est, nous Tetablirons, coextensif au Millenium. Mais
ce point de partage de I'avenir n'a rien de commun avec la theorie des periodes
apocalyptiques. Celles-ci, malgre une certaine latitude d'interpretafion dont
nous avons cru voir le principe implicitement indique dans un passage de
Barucli, n'en sont pas moins, en regie generale, congues comme de vraies divi-
sions successives de la duree ; car celles de Tavenir ne sont que la continuation
tout a fait homogene de periodes du passe (du passe par rapport a I'auteur
reel, non a I'auteur fictif), qui repondent, elles, a des epoques historiques bien
reelles et bien distinctes. Les Apocryphes n'indiquent pas, et ils ne sauraient le
faire sans se trahir, qu'ils prennent les p6riodes futures dans un autre sens. Ils
les donnent seulement comme moins nombreuses, estimant que ce monde de
peche et de douleur approche de sa fin. Jean, au contraire, n'insinue pas qu'il
finira de sitot.
Les noinbres dont il use, en efTet, suivant en cela Tusage du genre, ne doivent
pas faire illusion sur ce point. Nous pouvons affirmer qu'il n'a jamais donne
qu'une valeur symbolique, ou, plus rarement, une valeur de compte approximatif
(ainsi pour les 7 tdtes de la Bete, xvii), aux nombres consacres par la tradition.
L'esprit de la vraie prophetie seloigne beaucoup, surtout dans le Nouveau Testa-
ment, de ces precisions trop assurees des donnees contingentes, qui auraient
affaibli la portee de la parole du Christ : « Veillez et priez, car vous ne savez
pas quand le Fils del'Homme viendra » [Mat. xxv, 42). Ainsi trois, quatre, sept,
dix, douze, inille (et les multiples 24, 12.000, 144.000), n'apparaissent qu'avec
le sens figure le plus general qu'il soit possible de leur donner. Le Commentaire
montrera que Jean est sujet a les echanger sans scrupule, suivant la nature des
symboles divers qu'il a choisis pour exprimer une seule et meme serie de
faits; ainsi le rapprochement des chapitres vi, et viii-ix, montre que 3 cavaliers
= 4 vents = 7 fleaux. Tous ces chiiTres sont choisis. dans une meme vision, ou
d
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE L APOCALYPSE. LIII
dans des visions connexes, chacun pour soi, c'est-a-dire sans aucune conside-
ration de leur rapport arithmetique. L'Apocalypse fait si peu de cas de I'exac-
titude materielle du calcul que nous pourrons etablir — ou du moins nous
chercherons a le faire, et appuye, pensons-nous, sur de bonnes raisons — une
egalite de duree reelle entre les 3 ans 1/2 (les 42 mois, les 1260 jours) du
Regne de la Bete et les 1000 ans du Regne de Jesus.
Les nombres qui ont le plus attire I'attention sont precisement ces trois ans
el demi ou quaranie-deux mois, dont I'origine est biblique, non apocalyptique,
et le fameux chifTre de la Bete, 666 (pour d'autres 616), qui est bien plus difficile
a interpreter que les « Gematrias » des Sibyllins ou du rabbinisme ; on ne deter-
minera peut-etre jamais avec une entiere certitude si c'est une Gematria ordi-
naire, une Gematria compliquee d'isopsephie, ou tout simplement, a la maniere
pythagoricienne, lexpression symbolique d'une realite morale. Mais ce n'est pas
ici le lieu d'en discuter.
Quoi qu'il en soit de tous ces chiflres, le monde present, oil Satan est encore
en lutte contre le Christ, est condamne a perir un jour ou I'autre, quand la
mort sera absorbee dans la Victoire, ou, comme dit Jean, « jetee dans I'etang
de feu », avec le diable et les Betes. Un grand nombre ae fleaux, que Ton pent
considerer comme des jugements partiels de Dieu, precederont, et annonceront
d'une certaine facon, le Jugement defmitif.
Pour les decrire, I'Apocalypse s'est visiblement inspiree de la tradition du
genre. Elle a cree peu de nouveau. Ce sont toujours les memes dechaine-
ments, d'auleurs trop verifies par I'histoire, du funeste trio « Guerre, Peste, et
Famine », les tremblements de terre, les incendies, les chutes d'etoiles, etc.
Remarquons toutefois que les plus excentriques de ces signes de la colere divine,
ceux qui ne peuvent repondre, malgre les licences de Tallegorie, a aucune rea-
lite, comme le soleil qui se leve pendant la nuit, les rochers qui suent du sang, les
enfants qui parlent presque a leur naissance [IV Esdras, al.) ont ete soigneu-
sement evites par le Prophete. Pour ceux qu'il a conserves, il a su rehausser
leur caractere de lieux communs, grace a une mise en scene parfois artistique,
et la plupart du temps fort saisissante. II a bien admis quelques descriptions
tres fantastiques, comme celle des sauterelles et de la cavalerie du chapitre ix.
Le gout moderne peut les trouver trop touiTues, et nous avons peine a saisir la
valeur symbolique de quelques-uns de leurs traits, dont on peut croire que
lunique but est de renforcer limpression terrifiante du tout; mais ils sont du
moins exempts de banalite; ils frappent I'imagination,• ils font trembler et
reflechir, ce qui n'est pas souvent le cas des modeles traditionnels. — Remar-
quons enfin, ce qui sera a prouver ulterieurement, qu'il n'est question ni de la
venue d'Elie, ni d'Antechrist personnel.
5. L'Eschatologie. — Pour nous, TApocalypse est unlivre essentiellenent escha-
tologique, sauf aux chapitres i-ni. Et son eschatologie a des points de contact
materiel tout a fait nombreux avec celle des Apocryphes. On y retrouve le Regne
intennediaire du Messie, VAntechrist, Gog et Magog, la grande bataille finale,
enfin, apres le Jugement, la Beatitude congue comme le sejour eternel dans la
Jerusalem nouvelle qui descend du ciel, et qui ressemble au Paradis terrestre,
avec son fleuve etles arbres de vie.
Mais cette eschatologie, nous le verrons, n'a guere de commun avec I'an-
LIV INTRODUCTION.
cienne que des images. La difference ne tient pas uniquement a ce quelle est
celle du Nouveau Testament. Nous aurons de nombreuses occasions de demon-
trer que Jean n'entend pas les « derniers temps » comme la courte periode qui
verra les convulsions finales. En fait, c'est toute la duree du monde actuel,
quelque longue qu'elle puisse etre, depuis I'lncarnation. Le Regne intermediaire,
le Millenium, coincide avec les assauts de rAntechrist, de la Bete, dont Gog
et Magog paraissent bien n'etre qu'une variante. La Jerusalem nouvelle est une
realite actuelle, et les fideles du Christ, vivants ou morts, la peuplent deja :
comparez la fin du chapitre vii ou le commencement du ch. xiv aux chapitres
xxi-xxii. L'Agneau, qui regne au ciel et dans la cite celeste, est aussi present
sur la terre, dans la Sion terrestre qui est lEglise militante; il donne des ici-bas
a ceux qui croient en lui les fruits de Farbre de vie, les eaux de la vie, la manne,
qui sont la grace et ses instruments, en attendant de devenir la gloire : com-
parez les promesses de la fin des lettres, chap, ii et iii, aux descriptions du
ciel. Nous reviendrons tout a Theure sur ce caractere synthetique tres remar-
quable de Teschatologie Johannique. C'est le « Regne de Dieu » inaugure par
I'lncarnation; il a bien deux phases, mais ces deux phases sont souvent pre-
sentees en un meme tableau, sinon sous une seule image. Des apocryphes de
lepoque brillante des Asmoneens avaient ainsi, apres les Prophetes, embrasse
tout Tavenir heureux dans une perspective unique ; mais leurs pensees restaient
fixees a la terre et au bonheur terrestre, grandi seulement et ennobli par un
reflet de la paix eternelle. Dans I'Apocalypse de Jean, les joies temporelles sont
tout k fait oubliees; mais, au milieu des epreuves, I'ame des fideles peut deja
habiter le ciel, ils ont des jouissances secretes, et un « nom » mysterieux que
connait seul celui qui le possede (n, 17). Marques au front du signe de Dieu,
ils sont preserves de la tribulation qui inonde le monde; mais cette promesse
de preservation, jointe a lannonce d'epreuves nombreuses, est a prendre en un
sens tout spirituel; elle signifie que ni les calamites cosmiques ou historiques,
ni les persecutions des Betes et du Dragon, ne sauraient faire perdre aux per-
severants leur vie interieure dans I'union a Jesus. 11 n'est nulle part question
de bonheur materiel, de longevite de mille ans comme dans les Jubiles, ni d'une
fecondite fabuleuse de la terre comme dans la tradition qu'on decouvre, par
exemple, chez Baruchy et qui passa a Papias et aux chiliastes. Encore bien
moins Behemoth et Leviathan auront-ils rien a faire avec le festin qu'offre le
Christ (hi, 20). Toutes les promesses trop materielles, ne le fussent-elles qu'en
figure, sont absentee de I'oeuvre de Jean. Les images sont meme plus spiritua-
lisees que celles des Synoptiques sur le festin celeste. On ne peut les interpreter
adequatement, dans toute leur profondeur, que par les passages les plus mys-
tiques de saint Paul et du quatrieme Evangile.
La meme sobriete grandiose, que nous avons ailleurs notee, se retrouve dans
la mention du Jugement universel, et surtout dans celle des chatiments de
I'autre vie. Les « livres » traditionnels seront ouverts : et chacun ira a son
destin eternel. L'enfer n'est pas decrit. Un seul mot le caracterise : la seconde
mort, I'etang de feu. Jean s'eloigne autant ici d'Henoch que de lApocalypse
de Pierre; chez lui on ne saurait relever aucune trace d'orphisme.
D'un mot, pour resumer cette comparaison generale avec les ecrits du meme
genre symbolique, nous pouvons dire que Jean, tout en se conformant a la
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE l'aPOCALYPSE. LV
tradition des Apocalypses, n'en a cependant rieu pris de ce qui etait pueril
ou choquant, rien qui repondit a la curiosite oiseuse de mysteres indifferents,
qui fut trop excentrique ou sentit encore la mythologie et la legende. Jamais
ses visions ne s'y sont pliees servilement, elles ont grandi et spiritualise le sens
de presque tout ce qu'elles empruntaient.
§ II. Les symboles de TApocalypse Johannique et rAncien Testament.
Nous devions insister avant tout sur la comparaison precedente, d'abord parce
que ces rapprochements sont instructifs, et encore plus peut-etre pour cette
raison que, operes sans vue d'ensemble et sans methode, ils peuvent causer de
graves meprises en exegese. Mais la tradition apocalyptique est loin d'etre
lunique source du symbolisme de Jean. On ne doit meme pas la considerer
comme la principale, a moins qu'on ne veuille y englober les visions d'auteurs
canoniques, comme Ezechiel, Zacharie et Daniel. Car c'est la surtout, c'est
dans les dernieres propheties de I'Ancien Testament, qu'on peut trouver I'origine
immediate des symboles johanniques les plus importants. (Je dis « I'origine
immediate », parce qu'il est possible, dans certains cas, que les Prophetes
eux-memes eussent regu ces images d'une tradition anterieure propre ou non
a Israel.) Nous avons deja, ci-dessus, releve I'une ou I'autre, et le commentaire
donnera le detail de ces rapprochements. Notons seulement ici que le Penta-
teuque a fourni plus d'un trait pour exprimer la beatitude spirituelle ou celeste
[I'arbre de vie, etc.). Egalement dans la description des fleaux, dont certains
rappellent les plaies d'Egypte [eaux changees en sang, etc.). L'histoire d'Elie,
dans le II* livre des Rois, a concouru avec celle de Moi'se pour symboliser la
puissance des « Deux temoins » du chapitre xi, lesquels ne spnt d'ailleurs pas
plus Moise et Elie qu'Elie et Henoch, mais une personnification des ouvriers
du Regne de Dieu, rapportee, par une reference explicite, au prophete Zacharie,
dans la vision ou celui-ci voit les deux chefs du peuple Israelite au retour de la
captivite, Zorobabel et le pretre Jesus. A Zacharie egalement, a sa vision des
chars angeliques (ch. vi), a ete empruntee celle des quatre « cavaliers « celestes
du chapitre vi ; de meme, a lui ou a Ezechiel, I'Ange qui fait mesurer le temple
au chapitre xi, et la ville au ch. xxi. La peinture du ciel, du trone de Dieu, des
quatre animaux qui le supportent, a un rapport indeniable avec I'apparition du
char divin dans Ezechiel, cc. i et ix-x. Jean s'en sera sans doute directement
inspire. Le temple eschatologique du meme prophete (cc. xL-suivants) s'est
combine avec I'idee, si frequente dans I'Apocalyptique, de la Jerusalem celeste
preexistante, pour la description du sejour des saints (cc. xxi-xxii). L'inspira-
tion d'Ezechiel est encore visible dans les lamentations sur la mine de Rome
(c. xviii), imitees de la complainte sur la ruine de Tyr {Ezechiel, c. xxvii), le
livre de propheties mange par Jean au chap, x, c'est une adaptation d'Ezechiel,
c. Ill, 1-3, ainsi que la guerre de Gog et de Magog (chap. xx). La « femme » du
chapitre xii qui represente I'Eglise, la Sion spirituelle, rentre dans les person-
nifications bibliques les plus courantes de peuples et de cites [Osee, et ailleurs).
La description du « Fils d'hommc » au chapitre i" est composee de traits
qui peuvent se ramener la plupart a divers passages de I'Ancien Testament,
ou ils signifient le pouvoir royal, sacerdotal, ou la puissance de la parole du
LVI INTRODUCTION.
Messie. — Quant au Dragon, idenlifie au serpent de la Genese, il n'est pas
sans rapport avec le Leviathan ou le Thannin des Psaumes, ou Jean aura
trouve cette figure plutot que dans les Apocryphes. La Premiere ΒέΙο du cha-
pitre XIII est une combinaison des quatre monstres qui dans Daniel, c. viii,
representent la succession de quatre empires pa'iens, Les « sauterelles » du
chapitre viii sont une copie dramatisoe. et tournee a I'allegorie morale, des
sauterelles du prophete Joel. Nous trouverons encore bien d'autres rapproche-
ments; mais ceux-la sont les principaux. Leur grand nombre doit nous faire
declarer que la principale source directe du symbolisme johannique, c'est FAncien
Testament lui-meme. Mais, la encore, lo Prophete chretien n'a pas ete un
copiste. Toutes les images qu'il emprunte sont transformees, et marquees a la
puissante originalite de son esprit. II egale ses modeles, et quelquefois les depasse.
Ainsi la vision des Cavaliers fait bien plus d'impression que celle des attelages
de Zacharie; et la description du trone de Dieu apparait fort allegee, plus intel-
ligible, et embellie, a notre gout du moins, si on la compare a celle du char
divin d'Ezechiel. Inutile de dire que ses tableaux sont bien plus acheves et
esthetiques que ceux des Apocryphes, malgre les reserves que nous aurons a
faire sur I'un ou Tautre.
§ III. — Les symboles johanniques et le Nouveau Testament.
Autant est frappante la parfaite identite de doctrine entre I'ensemble du Nou-
veau Testament et TApocalypse, qui en est un des livres les plus remarquables,
autant Ton a vite fait de relever le petit nombre de traits symboliques qui puis-
sent etre empruntes a d'autres ecrivains neo-testamentaires. Des traces du
langage des Synoptiques seretrouventcependant, ne fut-ce que la designation de
« Fils d'Homme » appliquee a Jesus, ou la parole : « Voici que je viens comrae
un voleur » [Ap. xvi, 15; I Thess. v, 2 ; cf. Synopt.). II n'y a que des rapports de
fond, non de formule, entre les passages eschatologiques des epitres pauli-
niennes, et notre Apocalypse, Les « trompettes » du jugement, I'analogie
entre les Betes des chapitres xiii et xvii et Γάνομο; de II Thess. offrent des
rapprochements assez frappants, mais on ne saurait affirmer qu'il y ait depen-
dance litteraire : il suffit de remonter a la source commune, qui est la tradition
apocalyptique ou le livre de Daniel. On pent etre meme assez surpris que, dans
les sobres scenes du jugement dernier, aux chapitres xi et xx, rien ne rappelle le
role de Juge du Fils de I'Homme et la belle mise en scene des Synoptiques
[Mat. XXV, 3i-suiv., et parall.). Mais Jesus apparait au ciel et sur la terre,
sous forme d'Agneau egorge; c'est I'image de I Pet. et du quatrieme Evangile.
Dans les lettres du debut, il est appele « le premier-ne d'entre les morts »,
expression de saint Paul [Col. i, 18). En somme, on pent dire que les livres du
Nouveau Testament, bien que I'auteur dut les connaitre pour la plupart, ont eu
tres peu d'iniluence sur son symbolisme. C'est que ce symbolisme etait deja regi
par des habitudes traditionnelles plus antiques. L'Apocalypse johannique ren-
trait dans un genre litteraire bien determine, et, la m6me ou I'esprit de Jean a
ele createur, — c'est-a-dire oii I'inspiration lui a montre des symboles inedits,
— il s'est encore adapte au genre du symbolisme ancien.
MATERIAUX SYMBOLIQUES DE l'aPOCALYPSE. LVIl
§ IV. — Symboles propres k Jean.
II ne faudrait pas croire, en effet, qu un Voyant chez qui line personnalite si
puissante et si independante se devoile dans I'usage qu'il fait des symboles
usuels, en ful reduit a la matiere commune pour tant d'idees nouvelles qu'il avait
a exprimer. Sans doute il est diflicile de dire avec certitude quelles images lui
sont strictement personnelles ; on doit en regie generale reserver Texistence
possible d'une partie de la tradition symbolique qui n'aurait ete consignee ni
dans la Bible ni dans les Apocryphes anciens parvenus jusqu'a nous ; telle figure
apocalyptique, commune seulement a Jean et aux Apocalyptiques posti^rieurs,
pent n'etre pas empruntee a notre Apocalypse, mais remonter a une ancienne
source ignoree. Cependant il est au moins dans I'Apocalypse une personnifica-
tion, a compter parmi les plus importantes, de laquelle les documents anterieurs
n'offrent aucun prototype vraisemblable, en depit de toutes les theories des exe-
getes qui voudraient la retrouver a Babylone ou autre part. C'est la Deuxieme
Bete, le Faux Prophete du chapitre xiii et suivants, le Pseudo-Agneau « qui a
des cornes comme un agneau, etqui parle comme un dragon ». Elle parait abso-
lument originale; on aura beau rappeler que Tidmat avait un epoux, qu'a Levia-
than s'associe Behemoth, aucun de ces vieux monstres n'a de ressemblance avec
le Faux Prophete. Ce symbole a ete, nous n'en doutons pas, cree de toutes
pieces dans la vision apocalyptique, pour representer certaines forces morales du
paganisme et de Theresie que Jean voyait deja a Toeuvre en Asie Mineure, et
dont son esprit prophetique lui revelait le role preponderant et nefaste dans
I'avenir, Pour nous, le Pseudo-Agneau n'a aucune attache avec les traditions
mythiques (1). L'incarceration du Diable et la lutte finale contre le Christ (c. xx)
ne doit pas en avoir non plus ; ici, il est vrai, il y a des paralleles ; mais, en fai-
sant abstraction des ouvrages chretiens inspires de I'Apocalypse elIe-mέme, il
faut descendre pour les trouver jusqu'au Bahman-Yasht et au Crepuscule des
dieux, si posterieurs, et tres probablement influences par le christianisme. Aucun
panbabyloniste n"a encore reussi a prouver que Tiamat n'etait pas bien tuee, et
qu'elle dut jamais recommencer la guerre contre Mardouk.
S'il fallait relever les autres traits speciaux de Jean, nous penserions d'abord
au gout que, comme Ezechiel, il semble avoir, lui Juif vivant dans les luxueuses
cites d'Asie, pour I'eclat des pierres precieuses, dont il sait grouper les couleurs
avecbeaucoup d'harmonie afin de rendre I'eclat de la celeste Jerusalem (2;. L'his-
toire ancienne ou recente de ces villes, ainsi que les usages greco-romains, lui
ont fourni encore plus d'un trait symbolique dans les 7 lettres qu'il leur ecrit.
Peut-6tre meme les oeuvres d'art qu'il voyait dans les rues, dans les bains, ou a
la fagadc des temples, ont-elle servia colorer quelques-unes de ses visions. Nous
admeltrions volontiers que des statues d'Apollon (ou de Mithra?) ont fourni
des traits a la peinture du cavalier victorieux des chapitres vi el xix ; meme, a
lextrome rigueur, qu'une peinture, un bas-relief, une medaille, rcpresentant la
fuite de Leto, mere d'Apollon, devant le serpent Python, a pu influer sur la
(1) Le double Antichrist des chroliens posterieurs, le grand Pr6lre de TAnlochrisl chez
Ilippolyte, ne peuvent gTifere avoir d'aulre origine que I'Apocalypse elle-mdme.
(2) Elles ont, daulre part, une analogic avec celles du pectoral d'Aaron dans le Penlateuque
LVIII INTRODUCTION.
description de lafuite de la Femme devant le Dragon, au chapitre xu. L'Anato-
lie etait un pays ού flearissaient les representations symboliques, sans parler
d'oeuvres d'art saisissantes comme la Gigantomachie de I'autel de Pergame.
Ainsi qu'Ezechiel a Babylone, Jean aurait pu garder dans son esprit telle ou telle
de ces representations, dont I'inspiration divine serait venue faire des symboles,
Ramsay observe d'ailleurs, avec sa haute competence, que « les cistophores » ou
autres objets semblables « revelent la forte tendance de I'esprit asiatique a
exprimer ses idees et ses ideals, aussi bien politiques que religieux, au moyen
de symboles et de types ; et ils prouvent que les lecteurs convertis du paganisme,
pour qui I'Apocalypse fut originairement ecrite, etaient disposes par leur educa-
tion et par tout I'esprit de la societe contemporaine, a regarder les formes
visuelles d'animaux, de figures humaines, de monstres composites, d'objets de
la nature, ou d'articles de I'industrie humaine, quand ils etaient mentionnes dans
un livre de cette classe, comme des symboles revelateurs d'idees religieuses ».
[Letters, p, 288). De plus, des etudes comme celle de F. Boll [i>id. infra)
doivent nous faire admettre que Jean a utilise plus d'une image repandue par
I'astrologie hellenistique. L'Apocalypse est done moins juive, et plus grecque,
que Tancienne exegese ne le croyait. Mais ce n'est pas a dire que la religion
grecque ait aucunement agi sur les jdees de Jean, pas plus que celles de
TEgypte ou de Babylone. Laissons encore la parole a Ramsay, a propos des
commentateurs qui pretendraient y relever des traces de syncretisme : « A
ceux qui se font les avocats de telles theories, il manque de saisir lesprit qui
penetre le document chretien considere comme un tout. Le tout, en litterature,
est beaucoup plus que la somme des parties separees ; il y a I'lime, la vie,
Tesprit qui donne de la vitalite et de I'unite aux parties. Oublier ce caractere
dans un tel document, c'est oublier ce qui le fait chretien. Et n'y pas voir
cela, c'est n'y rien voir du tout. » [Letters, p. 309 .
CHAPiTRE VI
LES RAPPORTS WUTUELS DES SYMBOLES DANS L APOCALYPSE JOHAXXIQUE.
II nous a fallu, dans I'etude precedente, nous contenter maintes fois d'affirma-
tions dont le commentaire seul pourra fournir toutes les preuves. II n'est pour
ainsi dire pas une seule ligne de TApocalypse qui ne contienne un syrabole pre-
sentant, au lecteur non initie, quelque difficulte speciale. Le travail d'interpre-
tation est encore loin d'etre acheve lorsqu'on a releve de multiples paralleles, puis
reconnu, au moins approximativement, Torigine de Timage, et determine le sens
qui se cache generalement sous ce genre de figures ; car il reste a fixer la signi-
fication precise que chaque symbole prend dans le contexte, par rapport aux
idees specifiquement chretiennes de I'auteur ; on ne pent transporter sans plus
de fa(;on une idee d'Henoch ou de Baruch dans Γ Apocalypse, les expressions
materielles fussent-elles exactement les memes. Jean, en effet, a use des mate-
riaux les plus traditionnels avec une independance et une originalite entieres.
Bien plus, il a exerce la meme independance, dans une partie donnee de son
livre, vis-a-vis du langage symbolique qu'il avait adopte dans une autre. Meme
au cours d'une seule vision, il ne reste pas constant avec lui-meme dans le choix
des expressions figurees. C'est un defaut, ou du moins une singularite litteraire,
qui complique assez la besogne des commentateurs. II traite bon nombre de ses
symboles comme s'il attachait peu d'importance a la figure elle-meme, et a sa
valeur representative ou esthetique, comme s'il etait uniquement preoccupe du
sens, ne regardant les images sensibles que comme des mots conventionnels,
que Ton pent sans scrupule interchanger quand ils sont synonymes. II en resulte,
par-ci par-la, une premiere impression qui est presque celle dun chaos. Beau-
coup d'interpretes tachent aujourd'hui d'expliquer ce fait par la diversite de
sources que le redacteur de I'Apocalypse eut juxtaposees dans leur teneur brute,
sans souci aucun d'harmonisation ; mais cette theorie, quand elle pourrait suffire
a expliquer I'instabilite du symbolisme dans des visions difTerentes, quoique
analogues, ne saurait rendre compte do cette instabilite dans I'interieur d'un seul
et meme tableau; et c'est pourtant la un cas qui se presente.
Pour nous, qui nous plagons resolument dans I'hypothese, que nous demon-
trerons plus tard etre la verite, de I'unite tres complete, et meme tres systema-
tique, de louvrage, nous devons chercher d'autres explications. Avant d'etudier
la structure litteraire de I'Apocalypse, et d'en analyser le contenu, il est done
indispensable de connaitre le traitement tres particulier que I'auteur a fait subir
aux expressions symboliques de ses idees religieuses.
Inutile, d'abord, d'insister sur le fait que le symbolisme s'etend a tons les
tableaux, et a presque tous leurs traits conslitutifs. 11 ne faut done prendre a la
lettre ni la description d'une demcure materielle de Dieu, ni les murs et les rues
de la Jerusalem celeste, ni certaines eiTrayantes calamites cosmiques, qui ren-
LX INTRODUCTION.
trent dans les lieux communs de lallegorie pour representer surtout des troubles
moraux et sociaux. Nous avons fait cette observation quand nous parlions du
genre apocalyptique en general; si elle s'applique aux apocryphes, a plus forte
raison convient-elle a notre livre inspire, de si liaute portee spirituelle. De plus,
les nombres et les successions memes, comme nous aurons plus d'une occasion
de le demontrer, doivent souvent aussi etre compris autrement qu'au sens litte-
ral. Ce qui est represente sous forme de membres successifs d'une serie, n'im-
plique pas necessairement une suite chronologique ; ce peut n'etre parfois qu'une
distinction en categories, de caractere plutot logique, une classification d'evene-
ments et d'operations providentiels, qui peuvent aussi bien 6tre simultanes ou
enchevetres. Nous Tetablirons quand il faudra etudier les 7 trompettes, et la
3^ « malediction ». 11 est pen de livres ou Tallegorie s'etende aussi universelle-
ment, a presque tons les elements, et aux cadres memes qui les contiennent.
Quand I'auteur semble affirmer expressement un rapport chronologique (ainsi
pour les 7 coupes qui sont appelees « les derniers fleaux «), il y a des raisons de
croire que ce n'est la encore qu'un effet de perspective litteraire.
Mais voici le point le plus remarquable : les visions, dans leur terminologie
symbolique, sont independantes les unes des autres; a une distance de quelques
lignes, le systeme des images, sans cesser pourtant de se rapporter aux memes
realites, peut se transformer en grande partie. Ainsi les fleaux des Sept Trom-
pettes (c. viii-ix) n'ont a pen pres rien de commun, dans leur forme visuelle,
avec ceux de la vision des Sceaux (c. vi). Ce sont pourtant bien les memes
calamites, d'abord prevues, et ensuite vues. Et cependant ces visions hetero-
genes sont solidement soudees ensemble dans un mέme cadre plus vaste,
reliees par un petit nombre de symboles constants, qui les traversent comme
des fils continus, et montrent I'unite de plan et d'inspiration ; c'est au point
qu'il serait fort difficile de les comprendre sans les comparer.
Ces figures maitresses sont celles des principaux personnages que met aux
prises la lutte pour le regne de Dieu. Nous pouvons les enumerer comme suit :
1° \JAgneau^ qui est le Christ Redemnteur. II a ete intronise au ciel, a cote de
Dieu (c. v), et se retrouve sur la terre, regnant dans Sion (c. xiv et xvii).
2° Le Dragon^ son ennemi, qui mene, d'une fagon ouverte ou cachee, tous les
combats livres a I'Agneau et aux Saints.
3° La Femme, du chapitre xii, qui est I'Eglise de TAncienne et de la Nouvelle
Loi, mere du Christ (c. xii) en tant qu'elle represente la communaute juive, et,
lorsqu'on arrive aux tableaux de la fin, se trouve transformee en une ViLle, la cite
celeste, comme dans la vision de IV Esdras, chap. xiii. La Jerusalem nouvelle
est couQue en effet comme une cite et comme une personne a la fois, puisqu'elle
est la Fiancee de TAgneau (c. xxi, 2 cf. xix, 7 ; xxir, i7).
4° Les Betes, qui sont les agents visibles et temporels du Dragon, du cha-
pitre XIII au chapitre xx. La premiere et la principale apparait deja au chap. xi.
Toutes deux ensemble font la contre-partic de I'Agneau sur terre.
b° Babylone (c. xvii, apparait deja xvi) qui est a la fois, comme Jerusalem, une
femme et une ville, mais qui n'est decrite que sous la premiere forme. C'est la
Rome pa'ienne, la grande ennemie de I'Eglise dalors, la premiere incarnation du
pouvoir de la Bete. Si Jerusalem est la fiancee de I'Agneau, Babylone, sa contre-
partie, est une courtisane abandonnee aux rois de la terre, vassaux de la Bete.
RAPPORTS MUTUELS DES SYMBOLES. LXI
Les tableaux ού ces personnages apparaissent sont d'une grandeur et d'une
inspiration mysterieuse qui les rend incomparables a tous ceux des Apocryphes.
lis sont repartis ineg-alement dans le livre ; presque tous se trouvent dans la
deuxieme partie, la plus detaillee et la plus prophetique, qui commence au
chapitre xii. Mais la figure qui domine tout, est celle de I'Agneau, qui semble
etre toujours present aux yeux du Prophete, meme quand Jean ne parle pas de
lui, depuis le moment oii il lui est apparu au ciel (c. v).
Le Christ est encore represente sous d'autres formes, repondant a d'autres
aspects. Mais c'est un symbolisme qui n'a pas la continuite de celui del'Agneau,
et qui ne sert qu'a des scenes particulieres : la vision du « Fils d'Homme » qui
donne a Jean sa mission prophetique (c. i^""), plus ou moins semblable au « Fils
d'Homme » qui coupe la moisson delaterre (c. xiv) ; et celle du Cavalier invin-
cible qui exerce le jugement contre les Betes et leurs armees (c. xix, cfr. vi, 1-2).
Dans ces descriptions, il serait difiicile de relever un trait oiseux sous le rap-
port de la signification allegorique. Chaque detail a sa portee speciale, qu'elle
soit aisee ou noa a decouvrir. Mais en quelques autres tableaux, par exemple
dans les calamites, en partie traditionnelles et stereotypees, qui suivent la
sonnerie des sept trompettes et Teffusion des sept coupes, tel ou tel trait des-
criptif ne semble destine qu'a frapper I'imagination, et a augmenter I'impression
d'effroi, sans rien ajouter a I'idee. Ces traits-la sont neanmoins les plus rares ;
dansl'ensemble, le symbolisme johannique porte au plus haut degre un carac-
tere intellectuel.
Ce caraclere est meme si accuse que le cote plastique et esthetique des repre-
sentations visuelles ne sera pas sans en souffrir. II est par exemple difficile de se
figurer avec plaisir un Agneau qui a sept cornes et sept yeux pour une seule
tete, ou une ville qui a la forme d'un cube (?) de 12.000 stades de cote. Quant a
la Bete-Antechrist, on ne s'etonnera pas qu'elle soit difTorme; mais elle Test
a tel point qu'on ne saurait la peindre sur une toile. Elle a sept tetes, et dix
cornes. Sept et dix sont des nombres premiers entre eux. Comment done faudra-
t-il ropartir les cornes sur les tetes?
De pareilles singularites au point de vue de I'art porteraient a croire que telle
ou telle scene de I'Apocalypse a ete plus pensee que t^ue; qu'une vision intel-
lectuelle d'une tres ample signification a ete traduite ensuite en termes sensibles
que I'auteur a puises dans I'arsenal de la tradition, sans se soucier toujours de
les combiner avec une harmonic suffisante. Quoi qu'il en soit, son but n'etait
certes point de faire de belles descriptions, capables de ravir le gout d'un Grec.
Au milieu de scenes d'une unite grandiose, — car ses principales descriptions et
ses cadres generaux ont une remarquable majeste de lignes, — se sont intro-
duits des symboles disparates, qui gatent un peu Timpression sensible, parce
qu'ils en troublent I'unite. L'unite, en substance, est pourtant bien sauvcgardee
par la continuite, tantot tres apparente, tantot plus ou moins voile'e, de ce que
j'appellerai les « symboles majeurs ». .Elle Test encore, au milieu de la masse
des details, par la predilection constante que I'auteur montre pour certains
nombres, et par un certain coloris tres lumineux, tres caracterise, qu'il sait
etendre avec beaucoup d'harmonie sur ses scenes principales : ainsi les velc-
ments blancs des Anges et des fideles du Christ, les nuances admirablem.ent
choisies despierres precieuses et des autres matoriaux et objetsqui remplissent le
LXII INTRODUCTION.
Ciel et Jerusalem, font voir que le Prophete n'etait pas plus denue de delica-
tesse artistique que de vigoureuse energie dans le trace des grandes lignes. Si
Ton pouvait reproduire par le pinceau I'ensemble de ses principales visions, on
serait surpris de voir cette prophetie, si pleine de sombres menaces ct de
drames tumultueux, baignee cependant, suivant les indications memes de I'au-
teur, dans une lumiere nette, fraiche et apaisante comme les tableaux des meil-
leurs Primitifs. La splendeur du trone de Dieu, le vol radieux des Anges, les
blanches theories des elus, I'aube attendrie de la Jerusalem celeste a Thorizon,
eclairerait tout. L'auteur qui a depeint de la sorte le present et I'avenir, en depit
des figures monstrueuses qu'il y voyait grouiller, respirait une atmosphere de
confiance et de joie. II etait amoureux de la lumiere, comme un habitant de
riieureuse Asie, qui voyait dans les jeux du soleil et de la mer, ou dans la trans-
parence des nuits bleues, une image de la serenite du monde divin, dans Icquel
notre terre est baignee. Mais, par malheur, il est presque impossible de recons-
tituer avec exactitude de tels tableaux, a cause de I'instabilite des symboles se-
condaires qui glissent, qui se fondent, qui se chassent Tun I'autre au cours d'une
meme vision. II faut done reconnaitre en fin de compte que, malgre sa puissance
visuelle, et ses grandes qualites artistiques, le Prophete de I'Apocalypse n'etait
pas peintre, ni ecrivain assez cultive pour atteindre toujours a I'harmonie
descriptive; du reste il ne s'en est guere preoccupe, parce que I'idee labsorbait
souvent au point de lui faire negliger I'ordre et I'heureuse combinaison des
expression symboliques.
Nous devons essayer pourtant de trouver un fil conducteur a travers ce desordre
partiel, et de reconnaitre scientifiquement, s'il est possible, les formules gene-
rales de ces variations qui deconcertent. Une etude attentive nous montrera
qu'elles ne sont pas livrees au seul hasard, ni aux sautes capricieuses d'une
imagination que bouleversent des revelations surhumaines.
LatSiche est assez ardue, car notre formation litteraire, renouvelee ou conti-
nuee des Grecs, nous met mal a I'aise en face des productions de I'esprit
oriental. Quand il s'agit d'oeuvres symboliques, nos difficultes vont s'aggravant.
L' Apocalypse, qui est I'ecrit le plus mysterieux et le plus oriental du Nouveau
Testament, a souffert d'une maniere inouie, chez les critiques protestants, de
ces exigences de I'esprit humaniste, sur les lits de Procuste ού les « Literar-
kritiker » Tont depecee a I'envi, sans arriver a en faciliter beaucoup Tintelli-
gence.
De fait, — a moins que nous n'appartenions a certaines ecoles ultra-modernes,
plus musicales que litteraires, qui usent de procedes avec lesquels la majorite
des critiques bibliques n'ont pas I'air d'etre familiers, — notre culte de la preci-
sion nos idees sur la correspondance du signe au signifie, nous portent a nous
astreindre, nous, aux conditions qui suivent, meme dans le genre litteraire de
I'allure la plus libre, dans I'allegorie.
Soit une serie de realites ou de pensees que nous entreprenons de representer
allegoriquement. Je les designe par A, B, C,... etc. Nous leur attacherons a
chacune leur symbole, qui leur demeurera fixe indissolublement, une fois pour
toutes, dans le cours de I'ceuvre : soit a, β, γ,... etc. Une fois constitues les
groupes aussi naturels et logiques que possible, A-a, Β-β, C-γ,... etc., nous
n'irons pas introdaire ex abrupto un groupe Α-β, ou B-a, quand meme A et B,
RAPPORTS MUTUELS DES SYMBOLES. LXIII
α et β seraient des idees assez voisines, ou des signes assez voisins. II serait mal-
seant, suivant notre commune maniere de voir, d'ouvrir cette porte aux confu-
sions.
Mais I'auteur de I'Apocalypse avail d'autres mceurs litteraires, voulues on
non. Impossible, tant qu'on ne les a pas comprises, d'apprecier critiquement et
scientifiquement son oeuvre.
Prenons nos deux series A, B, C,... et a, β, γ,... Supposons les realites A et
Β liees entre elles par quelque analogic, de fond ou de surface, qui, dans tel cas,
pent se reduire a la communaute d'un seul detail. Non seulement nous trouve-
rons chez TApocalyptique les groupes quasi-naturels A-a et B-3, mais toutes
les combinaisons que voici :
A - . -^\; A - 3,
ou encore
α — A α ' α — Β.
' Β
Parfois, voulons-nous dire, une seule et meme realite, signiilee deja par son
propre symbole, s'en detachera pour s'introduire momentanement sous le sym-
bole d une realite voisine ; ou bien, inversement, un seul et meme symbole ser-
vira successivement a representer deux ou plusieurs realites, reliees par quelque
association d'idees qui peut etre lointaine. Ces extensions et ces « glissements »
ne paraissent soumis a aucune regie determinable. Ce n'est peut-etre point de la
pure fantaisie ; il se peut qu'une logique profonde rythme ces fluctuations ;
pourtant, un observateur presse jugera ce symbolisme, par endroits, flottant
comme les attributions qu'on fait aux personnages des drames qui se jouent dans
les reves.
Je justifie cette premiere remarque par quelques exemples frappants.
D'abord une seule et meme realite representee, en raison de ses differents
aspects, par differents symboles, dans des visions simultanees, ou du moins
etroitement connexes :
Aux premiers chapitres, nous verrons Jesus apparaitre en « Fils d'homme »
porteur d'emblemes divins, et donner au Voyant le message pour les sept
eglises. Aucbap. iv, une voix, sa voix (IV, i cf. i, 10) appelle le prophete a une
vision du ciel. La se deroule la scene sublime de la grande liturgie autour du
trone de Dieu. Jesus n'y est point d'abord visible ; le « Fils d'homme » ne repa-
raitra que dans un fragment du chap. xiv. Mais quand il s'agit d'ouvrir le livre
aux sept Sceaux, le Sauveur surgit sous la forme, toute differente, de I'Agneau
« comme immole », aux sept cornes et aux sept yeux. Le Fils de I'Homme est-il
encore dans le fond du tableau? — Ce n'est pas tout. Quand I'Agneau a rompu
le premier sceau du livre, apparait un Cavalier sur un cheval blanc, avec son
arc et sa couronne. II y a d'excellentes raisons de croire que ce cavalier est le
mέme, sauf une nuance d'impersonnalite, que celui du chapitre xix, c'est-a-
dire le Verbe de Dieu, encore Jesus (Ij. Ainsi voila une personne unique,
Jesus ou le Verbe, apparaissant simultanement sous trois formes qui semblent
(1) Voir Texcursus au chap, vi : χ Le premier cavalier du chapitre vi de I'Apocalypse ».
LXIV INTRODUCTION.
absolument independantes et irreductibles. La premiere, il est vrai (le Fils
d'homme) s'efTace momentanement dans la penombre; une autre, I'Agneau
immole, occupe le centre du tableau; la troisieme, I'Archer royal, se dresse
devant I'Agneau et le Voyant a la fois. Ainsi une realite indivisible, mais mul-
tiple d'aspects, la divine personne du Sauveur, se presente a nous sous le
voile d'un triple symbolisme, suivant qu'il est le Revelateur divin, le Redemp-
β
γ•
Voyons la contre-partie, c'est-a-dire des symboles identiques en tout ou en
partie (par exemple un animal et un membre de cet animal), qui servent indif-
feremment pour la representation de realites diverses, mais connexes, chaque
realite pourtant ayanl eu originairement son symbole propre. Ge sera la
( A
formule α (a') s
Aux chap. XIII et xvii, la Bete qui raonte de la mer, avec ses sept tetes et ses
dix cornes, represente I'empire paien de Rome. Les tetes sont primo et per
se, des empereurs. Cependant, au chapitre xvii, ce seront « des coUines aussi » :
α ^ Cette dualite de signification meltra mieux en relief lunion etroite de la
Bete maudite avec la courtisane Babylone, la Rome des sept collines. Mais le
lien des rois et des collines est on ne pent plus accidentel.
Les tetes, disons-nous, representent respectivement des empereurs. Mais,
parmi les empereurs, Neron a paru comme une incarnation veritable de I'essence
diaboliquedu monstre aux sept tetes. II resulte de cela une continuelle equiva-
lence symbolique entre Neron et I'empire paien.. La Bete (a) sera I'empire
paien (A) ou Neron (B). Meme leurs symboles respectifs s'arracheront leurs
attributs.
Ainsi :
au c. XIII, la tete a ete blessee a mort, puis guerie;
au c. XVII, c'est la Bete elle-meme qui est ressuscitee (xvii, 8,.
La Bete a un nom, exprime par le chiffre 666. Ce nombre, suivant I'interpreta-
tion la plus plausible, s'ecrit en lettres \ΛΛ2 TDp, Neron Cesar. Ainsi Neron n'est
qu'une tete de la Bete, et pourtant la Bete tout entiere, qui est I'empire, et autre
chose encore, s'appellera Neron de son nom propre. (Neron est en partie le Neron
historique, en partie un Neron typique ; I'historique n'intervient que parce qu'il
pouvait servir de type). De la sorte, un membre du corps, une tete, devient le
type de tout le corps, et de ce qui est symbolise par le corps. Cette tete a d'abord
symbolise directement un empereur ; mais comme cet empereur represente emi-
nemment ce qu'il y a d'horrible dans le corps entier, son symbole, la tete, repre-
sente aussi le corps entier et les attributions symboliques de la tete passeront au
corps. Parce que c'est la meme realite fonciere que corps et tete representent, la
domination politique du Dragon, qui ne sera aneantie qu'a la grande victoire du
Verbe.
Ceci nous amene a une deuxieme remarque. La confusion de Neron et de I'em-
pire, de la Bete et d'une de ses tetes, nous offre un bel exemple de symboles qui
ne sont pas seulement flottants, mais qui se symbolisent les uns les autres, d'un
RAPPORTS MUTUELS DBS SYMBOLES. LXV
symbolisme a plusieurs etages, pour ainsi parler. On trouvera le meme pheno-
mene des les premieres pages du livre. II s'agit des Anges dessept eglises.
Jesus commande a Jean d'ecrire a ces sept Anges qui, dans la vision d'intro-
duction, sont dits representee par les sept etoiles que le Fils de I'Homme tient en
sa main.
Des esprits bienheureux ne peuvent guere etre I'objet des reproches, parfois
assez vchements, et des menaces que le Voyant, au nom de Jesus, adresse a ces
Anges. II serait, en eflfet, gratuit d'attribuer a I'auteur de I'Apocalypse les memes
idees qu'a I'auteur du Livre des Songes d'Henoch sur la responsabilite des
Anges proposes par Dieu a la garde des hommes. Tout au plus a-t-on le droit de
croire que les « soixante-dix pasteurs » de cet apocryphe et les « sept Anges »
du livre inspire ressortissent du meme symbolisme. Dans I'Apocalypse, ces
Anges sont done la figure de quelque chose ou de quelqu'un ; il s'agissait pour
I'auteur d'exhorter des freres, et non de speculer sur les fautes des etres celestes,
comme I'a fait rapocryphe,pour rejeter sur leur dos la responsabilite des fautes et
des malheurs humains. Aussi voit-on souvent dans ces Anges les « chefs » des
Eglises. Pourtant le ton et la teneur des louanges et des reproches, des menaces
et des promesses, convient bipn mieux si tons ces avertissements sont adresses a
des collectivites que s'ilsl'etaient a des individus, car unprelat, en bonne justice,
ne peut etre que par une fiction litteraire tenu pour strictement responsable de
tout ce qui se passe dans son eglise. Les prelats, si prelats il y a, sont done
identifies a la communaute; si le Voyant leur parle, c'est pour que la commu-
naute entende. Nous trouvons done un symbolisme qui descend ainsi par degres
successifs.
Etoiles — ANGES
1
Prelats (Symbole latent, sous-entendu).
EGLISES.
En fin de compte, les etoiles representent : au ciel les « esprits de Dieu », sur
terre les sept eglises d'Asie. — De meme, I'Eglise et le monde impie sont sym-
bolises respectivement par deux cites, elles-memes representees par des femmes.
Et ily a d'autres exemples, moins notables, d'un pareil etagement de symboles.
Ce manque de fixite et ^immediation dans les symboles cree, a coup sur, de
multiples difficultes d'exegese. II ne faut pas s'etonner si des esprits trop geome-
triques ont de la peine a s'y reconnaitre.
C'est en cela que les « critiques litteraires » trouvent leur grand argument
pour soutenir que I'Apocalypse Johannique est une compilation, a peu pres
comme le livre d'Henoch; compilation (faite avec imperitie, il faut bien le dire),
d'dlements deja cristallises qu'un « redacteur » aurait collectionnes partout; puis,
il eut cherche a y mettre mecaniquement une espece d'unite, en les agglutinant
au moyen de quelques gloses ou notes redactionnelles. L'execution, du reste, eut
trahi Tintention, car toutes ces retouches ou ligatures n'arriveraient qu'a donner
I'impression d'une plus grande heterogeneite et d'un plus grand desordre.
Faut-il cntrer dans les sentiers, tres peu convergents d'ailleurs, que ces critiques
nous ont traces?
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. β
LXVI INTRODUCTION.
Non, pour cette raison tres suffisante que la theorie de la compilation ne fournit
du genre de fluctuations ci-dessus analyse aucune explication qui puisse nous
satisfaire. D'abord il n'y a pas, bien entendu, a tenir compte de I'opinion de ces
philologues qu\me certaine materialite de vues ou de culture, jointe a la mania
du decoupage, empeche de remarquer Tunite d'inspiration, de doctrine, de
langue et de cadres, de « scenario », qui s'affirme a travers les vingt-deux cha-
pitres du livre. Meme dans I'hypothese — sur laquelle nous faisons d'ores et
deja toutes nos reserves — οΐι I'auteur aurait continuellement utilise des sources,
il faudrait reconnaitre qu'il les a elaborees, et elaborees profondement, pour les
faire servir au but de son enseignement bien un et bien defini. C'est un auteur^
pas un redacteur. II se montrait parfaitement capable d'unifier tout ce que, dans
I'hypothese, il aurait emprunte. Mais s'il n'a pas voulu mettre plus d'unite
entre les elements qu'il aurait groupes ainsi, cela revele chez lui une trempe
d'esprit toute particuliere (1). Or, quand un homme sait faire de I'unite, et que
pourtant il a eu si peu cure d'en mettre une parfaite dans le detail de son sym-
bolisme, sera-t-il invraisemblable de supposer que cette variabilite est bien con-
forme aux tendances naturelles de son esprit et qu'elle s'introduira spontane-
ment dans ce qu'il aura imagine, ou apergu en vision, le detail materiel des
visions, meme divines, dependant naturellement des habitudes imaginatives de
celui qui les eprouve? Ainsi il n'y aurait nul besoin de recourir, pour expliquer
certaines « incoherences » du symbolisme, a I'hypothese qu'il a juxtapose peni-
blement des sources disparates.
Mais ceci n'est qu'un argument ad hominem. Car nous estimons qu'il ne fau-
drait pas tant parler de Γ « incoherence » de ces images apocalyptiques. Un
prophete chretien du i" siecle, de culture presque exclusivement juive, aurait-il
du partager les gouts et les repugnances dont nous a doues la culture huma-
niste ? Les visions, puisqu'en realite c'est de visions qu'il s'agit, doivent-elles se
plier a laregularite logique de notre esthetique? II serait audacieux de poser ces
postulate. En fait, il y a toujours, sous les symboles les plus changeants qui se
presentent a son esprit et sous sa plume, une realite fonciere qui etablit une
aifinite entre toutes ces figures, dont chacune la represente sous un aspect spe-
cial. Get ultimum quid est un « tout potentiel », comme un scolastique dirait.
Dans les exemples ci-dessus analyses, c'est Jesus, roi de I'Univers, ou bien le
Pouvoir terrestre et diabolique.
On pent insister, et declarer que pourtant cette liberie un peu fantaisiste dans
I'usage des symboles est quelque chose de rare, de peu naturel. Je consens a n'y
voir pas uniquement un trait de race (quoique dans les prophetes, notamment
dans la seconde partie dlsaie, on put relever des phenomenes analogues), mais
la note d'un esprit individuel. Mais le cas de cet auteur, ainsi expose, serait-il
(1) On pourrait objecter que IV Esdras est aussi une oeuvre une et personnelle, de
I'avis de critiques comme Schurer, Gunkel et autres, qui nous semblent avoir parfaitement
raison, et cependant cette belle Apocalypse reste pleine d'incoh^rences, mome doctrinales.
Oui, mais son auteur, a la difference de Jean, n'a guere montro I'intention d'unifier les
diverses traditions qu'il trouvait dans ses sources. Son respect de la tradition I'a empoch^ de
faire autre chose que les « enchasser » dans son oeuvre propre, comme dans une monture
beaucoup plus precieuse, en fail, que les pierreries dont il I'ornait. Pour Jean, c'est autre
chose ; il avail sa doctrine et entendait bien y ramener tout ce qu'il a pu emprunter ailleurs.
RAPPORTS MUTUELS DES SYMBOLES. LXVII
lellement artificiel, tellement unique en son genre, qu'on dut n'y voir que la
« construction » d'une exegese trop complaisante pour la tradition?
Je ne le pense pas, car ailleurs, dans le Nouveau Testament, on trouve des
examples presque aussi frappants de virtualisme de style. Et c'est principale-
ment dans un livre dont on ne peut serieuseraent contester I'unite, a aucun point
de vue (1). Je veux dire le Quatrieme Evangile. Nous ferons plus tard cette
comparaison instructive,
Ces considerations suffisent a caracteriser le traitement, un peu deconcertant
a premiere vue, que Jean fait subir a ses symboles. De la resulte une des
deux grosses difficultes de I'interpretation ; elle n'est pas toutefois insoluble. La
deuxieme, qu'on pourrait donner comme le principal defaut litteraire d'un
ouvrage d'ailleurs sublime, c'est un certain desordre apparent, un enchevetre-
ment dans la suite des tableaux eux-memes, qui empeche de reconnaitre sans
travail les divisions du livre, et le progres de I'idee prophetique. Pour arriver
a la resoudre, il est necessaire d'en etudier les precedes de composition. Ce
n'est qu'apres cela que nous pourrons en decrire le contenu, suivant un plan
raisonne.
(1) Car Wendt, Spitta ou Wellhausen n'ont vraiment pas bien reussi dans cette entreprise.
CHAPITRE VII
LES PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAIRE DE L APOCALYPSE.
De nombreux travaux recents traitent — parfois au petit bonheur — des
sources litteraires de TApocalypse, de ses particularites linguistiques, des
preoccupations doctrinales du milieu ou cette Revelation a paru, des attaches
juives, orientales ou hellenistiques de son imagerie, enfin des pretendues « cles
historiques » des visions ou symboles etudies un a un; je ne sais s'ils sont
entierement de nature a rendre I'Apocalypse plus populaire cliez cette nom-
breuse fraction des croyants, douos d'un sens rassis mais etroit, qui la consi-
derent encore comme un livre presque incomprehensible, un livre dont Tetude
detaillee est un peu dangereuse, et ne saurait attirer que des fantaisistes. En
depit du caractere sacre que la foi les oblige pourtant de reconnaitre a cet
epilogue du Nouveau Testament, beaucoup partagent encore, sans se Tavouer,
les apprehensions ou les repugnances que trahissait autrefois saint Denys
d'Alexandrie, quand il n'osait I'attribuer a un Apotre.
Si tant de recherches savantes, et parfois fort meritoires, n'ont pas encore
abouti aux resultats qu'on aurait pu en esperer, cela pent tenir au fait que la
plupart ont eu un caractere trop fragmentaire ou trop special. 1/abus de la
methode analytique a ete particulierement funeste a ce livre. Avant d'etudier
cette ceuvre si vivante, les critiques independants, — lesquels ont trop reussi
a donner le ton aux orthodoxes, — ont pose en principe indiscutable qu'elle
n'etait qu'une compilation ; ils se sont crus autorises alors a la debiter en tout
petits morceaux, dont ils cherchaient partout la provenance, en consultant tons
les documents possibles, excepte justement Vensemble d'ou le fragment avait
ete arrache par eux. Or, un symbole isole, une vision isolee, peuvent souvent
prendre une multitude de sens, qui se diversifient suivant Tunique norme des
preoccupations, et du degre dlngeniosite, de Tinterprete. Celui-ci pent se laisser
eno-ao-er dans des voies completement fallacieuses par une analogie lointaine
entre telle image du texte sacre, et tel element d'un mythe etranger, ou tel fait
materiel du premier siecle. Si Ton avait, au contraire, examine d'abord chaque
symbole en fonction de toute la vision a laquelle il se rattache, puis chaque
vision en fonction de toutes les autres, si Ton etait ainsi arrive k decouvrir par
quels procedes litteraires sont amenes les motifs les plus caracteristiques, et
quelle en est la valeur respective dans I'ensemble, alors il est certain qu'a chaque
element s'attacherait un sens beaucoup plus determine, et plus interessant
Deut-etre: le peril des fantaisies exegetiques deviendrait beaucoup moins mena-
gant, a coup sur.
Voila pourquoi nous devons attacher une importance capitale a I'etude propre-
ment litternire de ce livre, a la consideration de Fensemble, et, avant tout,
de ses procedes de composition; ce n'est qu'apres avoir essaye de cette methode
PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXIX
avec loyaute, patience, et grande attention, qu'on pourra decider si I'Apo-
calypse est, oui ou non, composee de pieces et de morceaux, ou bien, au
contraire, un livre dune seule et magnifique venue. Le sens qu'on lui donnera
depend, en grande partie, du jugement qu'on aura porte sur son homogeneite.
§1
Essayons d'abord de nous figurer I'impression qu'un helleniste moderne,
double si Ton veut d'un orientaliste, mais ignorant ou insoucieux des theories
critiques allemaades, eprouverait en abordant naivement, et pour la premiere
fois, la lecture de ce livre. II aurait peut-etre a surmonter d'abord I'impression
de chaos, qui est produite par la profusion des images eclatantes, peu nettement
coordonnees, et, a premiere vue, extraordinairement instables. Cela s'aggrave-
rait encore par le contraste qu'il peut remarquer entre une syntaxe barbare
et un vocabulaire qui a sa richesse et son raffinement. Mais aussi, il aura vite
le sentiment d'un rythme tres ample et tres grandiose qui, d'un bout a Tautre
du livre, vous emporte, comme par rafales harmoniques, a travers les tonalites
les plus riches et les plus diverses, depuis le murmure intime de la tendresse
mystique jusqu'aux terreurs presque physiques des tonnerres et des ouragans ;
derriere tout cela, il y a I'accompagnement d'une musique grave et toujours
triomphale, qui vient du ciel, des alentours du trone de Dieu, et domine
completement, a des instants periodiques, les bruits tumultueux de la scene
terrestre. Seulement, la formule de ce rythme est d'abord tres difficile a saisir.
Au moment ou Ton croirait I'avoir presque fixee, le rythme vous echappe, et
semble se noyer dans un pur vacarme, un tourbillon ou se heurtent et claquent,
au vent d'une inspiration desordonnee, des lambeaux de melodies disparates.
Cela toutefois n'est qu'apparent. Si Ton persiste a bien lire et a bien ecouter,
I'ordre reprend, et s'affirme plus net que jamais, aux yeux et aux oreilles.
Des cette premiere prise de contact, voici ce qu'il aura ete impossible de ne
pas remarquer.
Notre lecteur percevra d'abord, comme tout le monde I'a fait avant lui, que
le livre est divise en grandes sections bien tranchees, dont chacune, a sa
maniere, forme un tout. C'est : (a) Un titre, une introduction epistolaire, et une
vision oil le « Fils d'Homme » donne mission au Voyant de Patmos d'ecrire
ce qu'il a vu, c'est-a-dire des revelations concernant d'abord certaines realites
presentes (δ εϊσίν), ensuite des realites encore a venir (ά μέλλει γενέσθαι μετά τοΰτα),
comme il est clairement dit au c. i", v. 19. Cette introduction comprend tout
le i'^'' chapitre. (β) Viennent ensuite sept lettres dictees par le Revelateur pour
sept eglises contemporaines d'Asie Mineure. C'est la sans doute I'accomplis-
sement de la premiere partie de la mission relative aux evenements actuels,
ά εϊσίν, et a leurs consequences immediates. Elle s'etend sur les chapitres ii et
III. (γ) Du chapitre iv au chapitre xx, v. 11, se deroule une longue serie de
visions tres varices, et tres difficiles a comprendre et a classer, mais qui se
rapportent toutes principalement, on n'en peut douter, aux choses de I'avenir,
δ μέλλει γενέσθαι μετά ταυτο(, quoique lunc OU I'autre puisse reposer sur I'inter-
pretation spirituelle de quelque fait present, (oj Enfin les derniers chapitres,
XX, 11-xxii, decrivent la consommation du siecle present et I'etablissement du
LXX INTRODUCTION.
siecle futur (1;. Cette partie contient aussi des recommandations directes au
lecteur, et se termine sur une formule epistolaire, repondant a celle du debut.
II faut remarquer aussi que les images de cette section finale sont les memes,
pour la plupart, que celles des deux premieres. Par la le livre entier apparait
comme un cercle qui se fermerait.
Le lecteur notera ensuite les caracteres communs les plus visibles du contenu
de ces diverses sections. Avant tout, Femploi des nombres, de nombres consa-
cres et symboliques, comme trois, quatre, sept, douze et ses multiples. Ce qu'il
y a de plus remarquable a ce titre, ce sont les series septenaires qui forment
la trame principale du drame apocalyptique : sept lettres (ii-iii), sept sceaux
au livre des destinees (v-viii), sept trompettes (viii-xi) et sept coupes (xv-xvi)
aux mains des Anges executeurs des jugements divins. — On sera frappe aussi,
au milieu de la variabilite des images symboliques, de la tenacite de certaines
d'entre elles, ainsi de la couleur blanche attribuee soit a des vetements, soit
a d'autres objets (i, 14; ii, 17; m, 4, 5, 18; iv, 4; vi, 2, 11; vii, 9, 13; xiv, 14;
XIX, 11, 14; XX, 11), laquelle couleur, dans les moins obscurs de ces passages,
symbolise evidemment I'idee de triomphe. Enfin beaucoup de developpements ou
de tableaux sont paralleles deux a deux, par mode de similitude ou d'antithese ;
beaucoup de figures individuelles aussi sont antithetiques, et vont s'opposant
deux a deux, soit dans I'interieur d'une meme serie, soit meme en demeurant
situees respectivement en des series diverses. Je ne pourrai en donner I'enume-
ration que dans le commentaire detaille. Certains tableaux antithetiques ont
d'ailleurs exactement la meme entree en matiere : ainsi c'est un des Anges aux
sept coupes qui montre au Voyant la Prostituee Babylone (xvii, 1 seq.), et
encore un de ces memes Anges qui lui fait voir la Jerusalem nouvelle, fiancee de
I'Agneau (xxr, 9 seq.). Avec cela, beaucoup d'anticipations, de repetitions au
moins apparentes, de figures ou de scenes entieres qui semblent d'abord faire
double emploi.
En outre de ces observations formelles et generates , il est certaines parti-
cularites frappantes du contenu qui ne peuvent echapper au lecteur intelligent
et attentif. Ainsi la section γ (iv-xx), qui est comme le corps de la prophetie,
n'est pas aussi homogene que les autres : elle doit se diviser, a ce qu'il semble,
au moins en deux parties caracterisees respectivement par les deux series
apparemment equivalentes des sept trompettes et des sept coupes. Ces deux
parties sont d'ailleurs tellement liees qu'il est extremement difficile d'en trouver
le point de suture. Pourtant elles doivent avoir chacune leur role particulier
dans la Revelation, car on voit tout de suite que c'est la derniere partie de la
section qui contient les propheties les plus saillantes, les plus originales, les
plus developpees et les plus precises dans leur detail. Cela n'empeche que
les deux parties ont, pourrait-on dire, un fond de scene commun : c'est le
decor celeste qui a ete decrit au chapitre iv, le trone de Dieu, les quatre Ani-
maux symboliques, I'ocean de cristal, les vingt-quatre Vieillards, le chceur des
Anges. C'est de la que partent, avant ou apres chaque grand deploiement de la
puissance divine sur la terre, ces chceurs de voix triomphales dont nous avons
(1) Dans une analyse plus rigoureuse que nous ferons au chapitre viii, nous montrerons
que XX, 11-xxt, 1-8, est en roalite encore une partie de la section precodente.
PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXXI
parle (iv, 1-11; v, 8-14; vii, 11-12; xi, 15-18; xii, 10-12; xv, 2-4; xix, 1-8). Le
« drame » — nous continuons a nous servir de cette comparaison parce qu'elle
est, en somme, la plus commode — se deroule done sur une scene qui a comme
deux plans, deux etages : Tun terrestre, rempli dune action bruyante et infmi-
ment variee, I'autre celeste, ou les principaux personnages restent toujours en
place. Le voyant se donne comme le spectateur de cette double action, et il
semble que les peripeties de I'avant-scene, si tumultueuses qu'elles soient, ne
lui cachent jamais ce plan superieur, cette espece de voute animee d'ou des-
cendent les messagers des decrets qui s'executeront au premier plan. Pour
mieux faire saisir cette disposition continue, je la comparerais volontiers a celle
des theatres oii Ton representait au Moyen Age les Mysteres, ou a la situation
respective de Forchestre et du proscenium dans les tragedies grecques.
Si Ton passe au style, on remarquera, au milieu des semitismes et des incor-
rections de toute sorte du vocabulaire et de la syntaxe, que Tauteur a indique,
par-ci par-la, une distinction assez nette, au cours dune meme vision, entre la
partie narratwe, ou il decrit une serie d'images qui passent devant ses yeux, et
une partie prophetique, marquee par I'usage du temps futur, ou il annonce seu-
lement ce que I'apparition de ces images fait connaitre a son esprit touchant
I'avenir. Cette distinction est meme peut-etre bcaucoup plus frequente qu'on ne
le signale d'habitude dans les commentaires. Seulement il est tres delicat de
I'appliquer : les nombreuses variantes qu'offrent a ce point de vue les manus-
crits, le peu d'exactitude qu'apporte I'auteur dans Temploi des temps du verbe
grec, empecheront souvent d'y voir clair, et pourront desesperer Thelleniste qui
n'est qu'helleniste, loin de I'engager a pousser a fond I'analyse par laquelle il
separerait tout ce qui est narration, description d'un fait present ou passe,
historique ou visionnel, de ce qui esi prophetie , toute relative a I'avenir.
Quoi qu'il en soit, cet ensemble d'observations formelles, que je crois tout
homme instruit et exerce capable de faire s'il le veut, ne laisse pas d'etre de la
plus haute importance; et il est trop rare, a mon avis, que les interpretes insis-
tent assez la-dessus. Ces cadres et ces caracteres generaux ont beaucoup de relief
et de fixite ; si Ton s'attache d'abord a bien les considerer, au lieu d'accrocher
du premier coup son esprit critique a de minimes details, pareils a des buissons
qui distrairaient de regarder les arbres et la forot, on se sentira beaucoup plus
d'assurance et de courage pour creuser tout ce symbolisme et cette symetrie que
Ton a entrevus en gros, et pour chercher s'ils ne sont pas soumis a des lois fixes
dont la connaissance aiderait a penetrer le sens de bien des textes qui demeurent
desesperement obscurs ou fuyants quand on les examine isolement, en dehors de
ces grands cadres.
Pour pousser I'analyse plus avant, il faut d'ailleurs etre un specialiste des
etudes neo-testamentaires. D'assez minutieuses observations philologiques, une
connaissance approfondie du reste du Nouveau Testament, et aussi de I'Apoca-
lyptique juive, des notions etendues sur I'orientalisme et riiellenisme, de fre-
quents recours a la tradition exegetique des premiers siecles, enfin, par-dessus
tout, une grande attention, seront necessaires pour entretenir quelque esperance
de mener Toeuvre a bien. Moyennant cela, des rapprochements suggestifs surgi-
ront presque a chaque ligne. Mais il y en a trop; leur abondance meme est un
obstacle a la stlrete de I'interpretation, et un triage severe s'imposera. Les inter-
LXXn INTRODUCTION.
pretations particulieres ou generales qui affluent a Tesprit, en Tabsence d'une
tradition ferme et unique, ne se presentent d'abord que sous I'aspect d'hypotheses
tres conjecturales, simplement possibles, et ce n'est qu'au prix d'une longue
patience, d'un veritable travail a la loupe, que Ton peut arriver a etayer un sys-
teme quelconque, d'arguments capables de produire la conviction. Onn'y arrivera
surement jamais si Ton n'opere un retour continuel de la consideration de chaque
parcelle a celle que Ton possede deja du toμt ; et la premiere condition pour le
faire est de garder constamment presentes a I'esprit les quelques conclusions,
purement formelles, qu'a pu fournir Tebauche d'analyse qui precede.
§ Π
G'est que, dans I'Apocalypse, la forme peut etre etudiee independamment de
la matiere, vq qu'elle est bien plus aisement saisissable que celle-ci; et certaine-
ment les procedes litteraires une fois definis eclairent la signification de chaque
vision, ou meme de chaque symbole, ne fut-ce qu'en restreignant, par les rappro-
chements que cette connaissance impose, le champ trop vaste des explications qui
s'offriraient pour chaque element pris a part. 11 en va ainsi, je crois, dans toute
exegese, mais particulierement dans I'exegese d'un livre allegorique, rempli
de figures qui ne repondent plus aux tendances actuelles de notre imagination.
Continuous done I'analyse commencee, et tachons de preciser ce que nous
n'avons encore fait qu'entrevoir.
Une forte objection a Tadmission d'un plan regulier et d'un ordre rationnel
dans I'Apocalypse, surgit du fait des redites apparentes, ainsi que de la presence
de certains morceaux qui troublent le rythme presume, et qu'on ne sait comment
rattacher a ceux qui les precedent ou qui les suivent. Nombre de critiques s'ap-
puient la-dessus pour decreter que I'Apocalypse n'est qu'une compilation, parfois
indigeste. Je veux indiquer comment cette grosse diificulte s'amincit jusqu'a
disparaitre, si Ton sait reconnaitre certains procedes de developpement speciaux
a notre auteur.
1. Le premier est ce que j'appellerai la loi de I'emhoUement. Qu'on veuille bien
me passer cette expression un peu grotesque, je n'en ai pas trouve qui rende ma
pensee d'une fagon plus simple et plus concrete. Voici en quoi elle consiste :
Nous avons dit que la section γ (du chap, iv au chap, xx, v. 11) se divise en
deux grandes series. On ne peut se dissimuler, apres avoir depasse la fin du
chapitrexi, qu'on se trouve transporte dans un milieu nouveau d'images, repon-
dant sans doute a de nouvelles pensees. G'est la vision de la Femme et du
Dragon, celle des Betes, de la Courtisane, du Verbe victorieux, et beaucoup
d'autres qui s'y rattachent. Elles ont beaucoup plus de couleur individuelle que
les precedentes, et le Voyant parait s'attacher a attirer sur elles, d'une fagon
toute speciale, I'attention de ses lecteurs, comme sur des propheties qui les tou-
cheraient de plus pres. Jusque-la, avec les sept sceaux et les sept trompettes,
nous restions la plupart du temps dans leslieux communs apocalyptiques. trem-
blements de terre, invasions, chutes d'etoiles, etc., assurement tres grandioses,
mais ne comportant pas d'explication trop determinee, vu I'extreme variete des
conditions de temps et de lieu ou ils peuvent s'appliquer. Tout cela representait
I'execution des decrets contenus dans le « livre scelle » Ισφραγισμένος, du chapitre v.
PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXXIH
Quand on atteint lechapitre xii, ce livre, au contenuuniversel, a certainement ete
lu en entier, toutes ses dispositions ont ete realisees, autrement dit ce monde tran-
sitoire est arrive a sa consommation. La chose est certaine : et, d'apres les termes
memes qui closent cette serie (xi, 15-19) et annoncent I'execution du jugement
dernier; et d'apres les paroles de TAng-e imposant da chapitre χ « qui jura par
Celui qui vit aux siecles des siecles qu'aux jours de la voix du septieme Ange
(dr. ch. XI, 15) quand celui-ci sonnerait, le Mystere de Dieu s'accomplirait, ainsi
qu'il I'a annonce a ses serviteurs les Prophetes » (x, 6, 7). Cependant, apres cette
septieme trompette, le chapitre xii et les suivants nous ramenent au siecle pre-
sent, comme si rien encore n'avait ete execute. On en a conclu que la vision de la
Femme et du Dragon marquait le commencement d'une nouvelle Apocalypse,
d'une origine documentaire tout a fait differente de celle de la precedente (iv-xi),
quoique equivalente pour la signification, et juxtaposee tant bien que mal a la
premiere par un artifice du redacteur. Cela, nous ne I'admettons pas ; I'impres-
sion est tres forte, en eifet, que la difference de ces deux parties est plus que
materielle; de Tune a I'autre, il y a progres evident, pour I'ampleur, pour la pre-
cision. La seconde doit avoir au moins une valeur explicative vis-a-vis de la pre-
miere. Mais qu'elle se rapporte a un avenir ulterieur^ nous ne pouvons non plus
le croire attendu que le livre aux sept sceaux, dont le contenu s'est realise de vi
a XI, embrassait bien tout I'avenir.
II faut done chercher a preciser le rapport de ces deux parties, et pour cela
bien determiner le point de depart de la serie xii-xx. Or, si le contenu du livre
du chapitre ν a ete epuise, il a ete fait mention d'un autre livre : c'est le βιβλα-
ρίδιον que tenait dans sa main le grand Ange du chapitre x. La formule diminu-
tive suggere que le contenu devait en etre plus restreint que celui du premier, il
diifere encore de celui-ci en ce qu'il n'est pas, lui, Ισφραγισίλένος, mais ouvert, ήνεωγ-
μένον. Ce trait signifie le plus naturellement qu'il est d'une interpretation plus
accessible au Voyant et a ses lecteurs que le premier, peut-etre parce qu'il se
rapporte a des evenements plus prochains. Mais quel en est au juste le contenu?
II est vaste encore; car, apres que le Voyant a mange ce livre (symbole etrange
pour nous, mais renouvele d'Ezechiel), il se trouve en mesure de « prophetiser
encore sur des peuples, et des races, et des langues, et des rois nombreux »
(x, 11). D'autre part, le contenu de ce livre doit etre moins general, a quelque
point de vue, que celui du livre ouvert par I'Agneau lui-meme, car le Voyant se
tait volontairement sur une partie au moins de I'avenir, celle que lui a revelee,
dans la m6me vision, le grondementdes sept tonnerres (x, 3-4). On est naturelle-
ment porte a croire que ces propheties sur des peuples nombreux — lesquelles ne
peuvent etre seulement la vision schomatique de xi, 1-14, ou des Deux Temoins,
— sont precisement les visions qui s'ouvrent par celle de la Femme et du Dragon.
Jusqu'ici rien que de plausible. Mais voici une grosse difficulte, qui semble
miner toute cette construction. Cette serie de visions, xii-xx, n'est aucunement
rattachee litterairement au petit livre du chapitre x. Au contraire, elle en est
separee par toute la fin de la premiere Apocalypse. Quand le Voyant mange ce
nouvel instrument de prophetic, la septieme trompette n'a pas encore sonne, le
troisieme Vae n'a pas encore regu son accomplissement, et tout le chapitre xi
qui va suivre, y compris la scene des deux Temoins, fait encore partie de la
serie precedente. Loin de nous aider a decouvrir un ordre rationnel dans I'Apo-
LXXIV INTRODUCTION'.
calypse et un lien entre ses parties, le « petit livre » n'a done fait qu'ajouter
une obscurite ou une incoherence de plus. II fournit un des forts arguments
tendant a prouver que TApocalypse n'est qu'une combinaison de morceaux de
provenance disparate, et soudes au hasard, mecaniquement, avec des conclu-
sions qui n'ont pas eu de premisses, et des entrees en matiere qui n'ont aucune
matiere a les suivre. Car si veritablement x, 2, 8-11, se rapportait a xii sq.,
pourquoi ce petit morceau se trouverait-il a cette place, mis ainsi en vedette
dans un ensemble absolument different, ou il a I'air d'un bloc erratique, et ne
servirait qu'a mettre en relief le desordre du redacteur?
Voila la difficulte; et voici la reponse. II faudrait se rendre aux raisons
ci-dessus exposees, si nous avions la I'unique exemplaire de ces pretendus
« blocs erratiques », ou si de pareils blocs se trouvaient disperses complete-
ment au hasard a travers le livre. Mais il n'en est pas ainsi. Nous pouvons
affirmer que le βιβλαρίδιον de x, 2, 8-11 est bien en rapport avec la serie xii s. ;
et que, s'il nous est apparu comme incruste dans la serie precedente, ou il
semblait n'avoir rien a faire, ce nest point le fait d'un hasard, ou d'une mala-
dresse redactionnelle, mais cast bel et bien en vertu d'une intention, et meme
d'une intention profonde.
La preuve de cette double affirmation est fournie par I'examen attentif des
chapitres qui suivent. Nous y trouvons en efTet des emboitements tout pareils a
celui que nous avons presume; et ce sont des anticipations faites en propres
termes de quelque scene qui suivra, en sorte qu'il n'y a pas moyen de douter du
lien intentionnel; et ils se presentent toujours a des places analogues, de sorte
quon ne pent douter qu'il y ait la un procede constant de composition.
' Au reste, les voici enumeres :
1° La prophetic des deux Temoins, au chapitre xi, contient deja (v. 7) la men-
tion de la « Bete qui monte de I'abime », laquelle ne montera pourtant quau
chapitre xiii. C'est la un signe que la deuxieme partie est deja contenue dans
la premiere, par une espece d'involution ;
2° La chute de Babylone, qui sera racontee seulement aux chapitres xvii-xix,
est deja annoncee au chapitre xiv, 8, dans la vision d'Anges preparatoire a celle
de I'effusion des sept coupes; puis signalee comme deja faite au chapitre xvi, 19,
c'est-a-dire avant la fin, dans le resume des bouleversements qui suivent I'ef-
fusion de la septieme coupe. Ceci pent nous aider a deviner la raison de ces
anticipations plus ou moins lointaines. Elles concernent surtout les evenements
qui interessent le plus le lecteur chretien du premier siecle : Babylone, ou
Rome paienne, etait la grande ennemie, I'implacable persecutrice, qui avait
donne lieu ace culte impie des empereurs, auquel tout le livre est plein d'allu-
sions. L'auteur sacre deploie un veritable luxe d'avertissements pour convaincre
les fideles qu'ils en seront delivres un jour. 11 y en a encore au chapitre xviii,
1-3 et 21-24.
3° L'eiTusion des sept coupes, qui sont les chatiments repandus sur le siecle
mauvais, aux chapitres xv-xvi, est deja presagee par une allusion au cha-
pitre XIV, V. 10, dans la bouche d'un Ange annonciateur.
4" L'effusion de la sixieme coupe (xvi, 12-16) a pour effet le rassemblement
des ennemis de Dieu, les rois de I'Orient (les Parthes, ennemis de I'empire
romain, ont ete pris pour symbole; cf. ch. ix, 13-19, apres le son de la sixieme
I
PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXXV
trompette), mais on ne dit rien de la bataille qu'ils livrent, ou de leur defaite,
tout cela etant reserve au chapitre xix, 17-21, ou il s'agit presque surement des
memes ennemis.
o" Les « noces de I'Agneau » et de son epouse, la Femme-Jerusalem, qui
feront le sujet des chapitres de la derniere section, xxi-xxii, sont annoncees
dans un cantique celeste, au chapitre xix, 7-9. — C'est-a-dire par une anticipa-
tion absolument analogue a celle que nous sommes, avec tous ces exemples, en
train de prouver.
Que conclure de tout cela? Pour nous, une affirmation de critique litteraire
s'impose ici : nous avons trouve, en douze chapitres, six exemples d'anticipa-
tions frappantes, en des places sensiblement analogues. Le fait est si constant
qu'il ne pent etre un effet du hasard. II est voulu, c'est un procede litteraire.
Ce procede ressemble a celui qu'on nomme, en poetique savante, la concate-
natio; pourtant il n'est pas tout a fait le meme, etvoilapourquoinous avons mieux
aime le designer par un terme pittoresque que par une expression technique qui
pourrait tromper. Nous Fappelons « la loi des embottements ». Au cours d'une
revelation, generalement vers la fin, le Voyant pose comme une pierre d'attente
pour y elever plus tard I'edifice d'une revelation nouvelle. Revelation nouvelle,
ai-je dit; c'est plutot I'explication d'un point de la revelation precedente et
generale, celui qui touche le lecteur de plus pres. Un coup est ainsi frappe sur
son imagination. II est tenu en haleine. dans une attente vibrante d'emotion,
jusqu'a ce que Dieu et le Prophete s'expliquent davantage. Ainsi les decrets
divins forment comme des spirales qui tournent autour d'un point oil son ceil
reste fixe, et vont se resserrant toujours, tant qu'enfin la foudre en sort et
frappe la ou son interet demeurait suspendu. Procede rare et bien recherche, si
Ton veut. Je ne sais s'il a toujours ete aussi conscient que j'ai Fair de le dire.
Toujours est-il qu'il existe reellement, et qu'il est etrangement dramatique. Si
nous nous meltions a la place des Chretiens de I'Asie Mineure, en ces dernieres
annees du 1*"' siecle, apres leur experience des premieres persecutions ; si nous
nous rendions compte de leur anxiete, et de la foi avec laquelle ils attendaient la
lumiere que la revelation prophetique pouvait jeter sur leur avenir inquietant,
alors nous serious moins surpris de ces precedes expressifs et nous les com-
prendrions mieux.
Voila done la repetition d'une anomalie, d'un meme desordre apparent, qui
nous a fait decouvrir un ordre superieur, parce que plus varie. Ces « emboite-
ments « sont loin d'affaiblir I'impression de I'unite de I'Apocalypse.
II. II existe une autre grave objection contre I'homogeneito du livre. C'est le
fait des redites nombreuses qui le remplissent, et qui seraient, pense-t-on, tout
a fait inutiles si le tout emanait d'un ecrivain spontane, et non d'un redacteur
qui coud ensemble tant bien que mal un bien ramasse un peu partout et dont il
ne veut pas laisser perdre une parcelle. Dans le commentaire, je montrerai
qu'il n'en est pas ainsi. En examinant, par exemple, le chapitre xii, ou ces
redites sont tres visibles, nous verrons qu'il n'y a pas la simple juxtaposition de
sources analogues, mais que plutot, dans Vinterieur d'une meme serie, une
vision schematique, qui contient deja toute la revelation visee, s'explicite en-
suite en divisions plus amples qu'elle, identiques a la premiere pour le fond,
mais y apportant chacune une precision et une clarte nouvelle. C'est comme un
LXXVl INTRODUCTION.
developpement en volutes, ou mieux en « ondes concentriques ». Ce precede
esttres caracteristique de I'Apocalypse, il ne dit rien contre Tunite. Je I'appel-
lerai la « loi des ondulations ».
III. Tout ce que nous venons de dire ne concerne encore que le mode de pre-
sentation le plus exterieur des propheties. Si maintenant nous examinons leur
contenu, si surprenant d'abord par sa diversite et son apparente confusion, nous
decouvrirons sans trop de peine plus dun nouveau fil conducteur.
Le premier est ce que j'appellerai, si Ton veut, la loi de perpetuite de I'anti-
these.
Qu'il y ait des figures ou des phrases antithetiques a I'interieur de chaque
serie, et presque de chaque tableau, le lecteur le plus superficiel le remarquera
par ses propres moyens. Mais il y en a trop. Que signifisnt-elles? Se groupent-
elles autour d'une idee centrale, antithetique egalement, dont chacune ne re-
presenterait qu'une des realisations partielles en des temps ou des lieux
divers, ou bien encore un aspect partial, mais qui pent se retrouver dans tous
les cas de realisation? Ces problemes ne peuvent etre resolus que par i'etude
detaillee du texte. Toutefois nous pouvons deja dire que cette complexite, quand
on arrive a la saisir d un seul regard, se simplifie beaucoup. Si variees que
soient les images, elles se trouvent reliees entre elles par de telles analogies,
qu'on est vite porte a croire a la quasi-identite de beaucoup des choses qu'elles
representent. Υ a-t-il, au fond, autre chose que I'opposition de deux societes, de
deux citesy comme dira saint Augustin, celle des amis de Dieu, la vraie Jeru-
salem, gouvernee par I'Agneau, et celle de ses ennemis, Babylone, ou com-
mande le Dragon? L'une reservee aux epreuves passageres, qui n'empechent
pas la joie interieure, enfm au triomphe final, absolu; Tautre a I'exercice d'une
domination despotique, mais transitoire, qui ne Fempeche pas de sentir con-
tinuellement la main vengeresse de la Providence, toute plongee qu'elle est
dans la θλίψις μεγάλη, la tribulation de ce monde, jusqu'au jour ou Dieu I'ecrasera
dans la honte eternelle de la « Seconde Mort »? Cette simplicite de I'antithese
fondamentale ressort surtout dans la deaxieme partie de la section γ, tout en-
tiere dominee par I'opposition des deux Femmes-Cites. Les Betes, les rois et
leurs armees, Gog et Magog, semblent bien representor les memes realites
complexes, continues a travers I'histoire du monde. Cite du Dragon; de meme
1 armee du Logos, les cent quarante-quatre mille, le camp des saints, semblent
plus ou moins s'identifier. On ne pent croire, en tout cas, que les successions de
tableaux ou ces figures typiques apparaissent repondent toujours a une succes-
sion historique, dans I'avenir, d'evenements nettement separes. Ce sferait faire
de I'Apocalypse le livre le plus incoherent et le plus incomprehensible qui soit, et
tomberdans toutesles rέveriesdes Joachimites ou de Nicolas de Lyre. Seul I'usage
modere de la « theorie de la recapitulation » fait aboutir a un sens satisfaisant.
Si Tantithese fondamentale est particulierement nette dans la section susdite,
on pent dire qu'elle commande tout le livre.
Mais il est des places consacrees, dans les series, ou elle s'exprime avec plus
de nettete. II y a des tableaux destines exclusivement a faire ressortir cette anti-
Ihese generale. Cette observation est des plus importantes. Et ces tableaux se
trouvent en regie ordinaire situes a des places fixes. C'est ce qu'on peut
nommer « la loi de periodicite dans la position de I'antithese ».
PROCBDES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXXVII
1° A la fin des visions preparatoires qui precedent les septenaires ;
2° A chaque sixieme moment des septenaires (celui des lettres excepte).
1° Ce que nous appelons ainsi « visions preparatoires «, c'est d'abord la serie
qui va de vi, la viii, avant la destruction du siecle present au son des sept
trompettes angeliques ; ensuite la serie qui va de xiv, 6 a xv, 5, avant I'effusion
des coupes, laquelle correspond a la serie des trompettes, avec cette principale
difference qu'elle est rapportee a la vision precedente des Betes au cha-
pitre xiii.
Dans la premiere serie (vi-vii), nous voyons d'abord des cavaliers, qui appa-
raissent dans le ciel a la voix des quatre animaux symboliques, et se rangent
devant le trone de Dieu, attendant le moment d'executer ses ordres. Ensuite,
pendant que I'Agneau acheve de rompre les sceaux du livre pour que le con-
tenu en devienne executoire, les preparatifs de la destruction s'achevent; les
prieres des saints « immoles pour la parole de Dieu » produisent au ciel
comme une tension de la justice vindicative qui va eclater. Quand le sixieme
sceau est rompu, le Voyant peut considerer, dans une vision anticipe'e, quel
sera le resultat de I'accomplissement des ordres du livre : un cataclysme uni-
versel, decrit dans le style apocalyptique commun, epouvante les rois de la
terre, etc., c'est-a-dire les impies et leurs chefs, et leur fait dire aux mon-
tagnes : Tombez sur nous! C'est la le premier membre de I'antithese signalee
(vi, 12-17). Au contraire, les « serviteurs de Dieu » que des Anges ont marques
au front avant le dechainement de la colere, pour que les calamites des Anges
exterminateurs passent a cote d'eux sans les atteindre, chantent les louanges de
Dieu devant son trone (vii, 1-17). Leur attitude forme un contraste absolu avec
celle des mondains mechants. Cette vision d'ensemble, anticipee, qui apparait
au Voyant au terme des preparatifs qui se font au ciel pour la destruction du
monde, lui resume deja tout ce qui va s'accomplir au son des trompettes, et lui
en devoile le vrai sens, le vrai but.
L'autre serie (xiv, 6-xv, 5) a beaucoup d'analogie avec celle qui precede. II se
fait encore des preparatifs ,au ciel avant I'effusion des sept coupes pleines de la
colere de Dieu. Trois Anges qui font des proclamations (xiv, 6-11) re'pondent
aux quatre Cavaliers du chapitre vi. Comme le premier des Cavaliers etait
designe par les traits memes de sa description — ainsi que nous le demon-
trerons en son lieu — comme agent symbolique des conquetes spirituelles du
Verbe et de I'Evangile, tandis que les trois autres symbolisaient la preparation
des vengeances, ainsi le premier Ange (xiv, 6-7) remplit un role bi'^nfaisant, lui
qui α porte un Evangile eternel pour etre annonce aux habitants de la terre «,
et proclame la prochaine victoire de Dieu ; les deux autres au contraire an-
noncent des malheurs. Le parallelisme ne s'arrete pas la, et la fameuse anti-
these ressort d'une fagon encore plus nette dans la vision qui suit, de la
moisson et de la vendange. La « moisson », qui, d'apres la terminologie de
I'Ancien Testament, est une image essentiellement joyeuse, est faite par un
personnage qui est « comme un Fils d'homme », c'est-a-dire par le Christ lui-
meme qui recueille les elus (14-16); la « vendange », qui, dans la meme ter-
minologie, signifie ordinairement I'ecrasement des ennemis, foules aux pieds
comme des grappes dont le sang jaillit, est accomplie par un esprit subor-
donne, par un Ange (17-20). La cuve de vengeance est foulee; mais les amis de
LXXVIII IB^m.mM^ INTRODUCTION.
Dieu, les vainqueurs de la Bete (xv, 2-4) chantent devant le Tout-Puissant le
cantique triomphal de Moise (1). Ces scenes rappellent tout a fait celles du
chapitre \i et du chapitre vii, bien que le parallelisme soit dans le fond plus
que dans la forme. Elles sont destinees, elles aussi, a montrer le but et le re-
sultat de Teffusion des coupes qui va suivre, au chapitre xvi.
2° J'ai dit que la meme antithese apparait encore nettement a un point fixe
des septenaires, c'est-a-dire a leur sixieme et avant-dernier moment. La elle a
pour but de resumer les resultats du processus de destruction, comme les
visions preparatoires les avaient presages. Nous avons deja vu ce qui se pro-
duit a la rupture du sixieme sceau. Au son de la sixieme trompette, voici, d'une
part, I'infernale chevauchee qui massacre le tiers des hommes impies, sans
convertir les autres (xi, 13-21), mais aussi, d'autre part (apres I'intermede du
διβλαρι'διον^ dont nous avons vu la haute portee), voici le tableau des Deux Te-
moins (xi, 1-14), qui represente la continuite du pouvoir du Bien sur la terre,
resistant a toutes les persecutions, meme a la mort, et ressuscitant toujours
quand on croit Tavoir detruit, pour le plus grand bien des habitants du monde,
qui, devant un tel spectacle, finissent par « rendre gloire au Dieu du ciel » (11-
13). Alors la septieme trompette, celle de la consommation, n'a plus qu'a
sonner.
Avec I'eiTusion de la sixieme coupe, a lieu le rassemblement des rois de la
terre « pour la bataille de ce grand Jour du Dieu tout-puissant » (xvi, 14). Le
sort des elus est vaguement indique par la phrase : κ Heureux qui veille et qui
garde ses vetements ». Ici I'antithese, il est vrai, n'est pas developpee, mais cette
scene amorce le chapitre xix, oii elle le sera tres amplement.
L'antithese fondamentale se retrouve encore en de nombreux passages que
nous ne pouvons citer ici. Nous voulions simplement montrer qu'elle se trouve
principalement situee en des points correspondants de developpements divers
entre eux, et c'est la un fait hautement significatif, en ce qui touche a la compo-
sition du livre.
IV. Une observation d un autre ordre se rapporte a un caractere particulier
de Tun des deux membres de l'antithese, les amis de Dieu, la Cite de Dieu.
Cette collectivite est constamment representee dans un double etat : I'un de
persecutions et depreuves, I'autre de securite interieure sur terre et de triomphe
au ciel. Ce dernier etat reponJ aux deux phases du « Regne de Dieu », tel qu'il
est represente dans les Evangiles. Deux phases nettement distinguees dans les
pericopes qui mettent en scene la Femme-Jerusalem, mere du Christ passible et
mystique (c. xii), et epouse du Christ personnel et glorieux (c. xx, seq.). Dans
le premier etat, celui d'Eglise militante, elle vit sur la terre, obsedee par le
Dragon, mais gardant cependant la securite et la paix dans le desert ού elle est
refugiee (c. xii); dans le deaxieme, elle apparait comme descendant du ciel.
L'auteur insiste beaucoup sur la securite interieure de TEglise militante. Dans
les visions preparatoires que j'ai analysees ci-dessus, le Prophete use du temps
present pour signifier ce qu'il voit ; ce sont toujours des images de la beatitude
spirituelle, qui pent exister meme au milieu des persecutions, comme Tindi-
(1) Plus exactement encore, ces derniers versets font parlie d'une preface a la section xv-
XIX (v. eh. Yiii de I'lntroduction).
PROC£DES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXXIX
quent les promesses des lettres aux sept eglises, notamment a celles de Phila-
delphie (m, 10) et de Laodicee (iii, 20), promesses toutes susceptibles, d'abord,
d'un accomplissement actuel et terrestre, mais interieur. Cast de la meme
fagon que nous croyons qu'il faut interpreter le passage du chapitre vii, 9 et
suivants : « Ceux qui sont revetus des tuniques blanches,.,, ce sent ceux qui
viennent (οί ερχόμενοι) de la grande tribulation;... ils sont (εϊσιν) devant le trone
de Dieu, et ils I'adorent (λατρεύουσιν) jour et nuit dans son temple j) (13, 14, 15).
Cast un present. Puis viennent des verbes au futur qui doivent se rapporter a
la phase derniere qui suivra le Jugement : « Et Celui qui est assis sur le trone
deploiera sur eux sa tente (σχηνώσει Ιπ' αυτούς). Ils n'auront plus faim, et ils
n'auront plus soif... I'Agneau... sera leur pasteur (ποιμανεΐ) et les menera aux
sources des eaux de la vie, et Dieu essiiiera toute larme de leurs yeux » (15, 16,
17). II s'agit surement, en ces derniers passages, de la consommation du regne
de Dieu au ciel, et il est au moins remarquable que Temploi du futur les separe
nettement des passages precedents, lesquels peuvent s'appliquer, comme les
promesses des lettres, a la phase initiale du Regne de Dieu, celle de la grace
terrestre. Plusieurs aulres passages du livre, que nous noterons a mesure,
pourraient etre rapproches de celui-la. Ainsi les Betes et leurs seides se pre-
sentent aussi dans un double etat : un triomphe tapageur et superficiel qui coin-
cide avec retTusion sur leur tete de tous les rleaux, en attendant la defaite qui
les precipitera dans Γ « etang de feu ». C'est ce que j'appellerais — si je ne
craignais, a la fin, d'avoir Fair pedant — la « Ιοί des deux phases ». — II y a
encore une autre loi, celle du « rythme ternaire », que nous decouvrirons apres
une analyse plus detaillee (v. ch. suivant).
Toute cette unite de symetrie se complete enfin par celle des divers cantiques
qui celebrent periodiquement, sur la scene celeste, les grandes victoires de
Dieu.
Get ensemble de procedes constitue comme larchitecture savante du livre.
Toute cette symetrie et ces antitheses sont voulues. Dirai-je cependant quelles
sont voulues systematiquement comme procede artistique? Je n'irai pas
jusque-la; parce que, si les cadres exterieurs sont nets, la matiere qui les rem-
plit n'est pas toujours organisee avec beaucoup d'art ni d'equilibre; il y a de
singuliers glissements et eclatements de symboles, qui font passer une meme
image d'une idee sur I'autre, ou une meme idee d'une image sous I'autre [i'ide
supra). II y a encore, dans les memes tableaux antilhetiques, une telle absence
de parallelisme detaille entre les deux membres de I'opposition, qu'on peut
croire que ces visions, quand le Prophete les a eues de fait, netaient pas encore
associees ou que, si elles ont des sources litteraires, ces sources n'etaient pas
les memes. Seulement, quand il a fallu ecrire son livre, I'auteur a organise ses
souvenirs et ses emprunts, en respectant Tindividualite de chacun, dans une
disposition tout a fait harmonique quant a I'idee. C'est pour cela qu'il a etabli
ces grands cadres si nets. Mais dans ces cadres, I'inspiration et le souvenir se
jouent encore avec une grande liberie, sans aucun souci d'harmoniser les details,
quant a la forme litteraire. La constatalion de ce double fait empeche de croire
que I'Apocalypse soit Foeuvre d'un compilateur, et en meme temps de considerer
son auteur comme un artiste de la plume, un ecrivain professionnel. C'est un
esprit spontane, qui saisit puissammcnt, retient et organise de meme, mais qui
LXXX INTRODUCTION.
reste bien etranger aux regies grecques de Part d'ecrire, — comme sa langue
toute seule sufTirait a le montrer.
Ill
Nous ne sommes pas encore au bout de I'analyse qui peut nous devoiler,
avec les procedes de composition de I'auteur, sa psychologie d'ecrivain. Nous
avons vu comment la nettete de ses cadres, et leurs correspondances voulues,
n'empeclie pas la matiere ardente, qui y est versee tout en fusion, d'echapper
maintes fois aux lois du parallelisme general qu'il s'est impose. En face de cela.
nous pouvons noter le phenomene inverse. : un parallelisme qui semble presque
inconscient, en tout cas non cherche, entre des idees ou des figures eparpillees
dans des cadres tout a fait distincts ou distants les uns des autres.
C'est, par exemple, la repetition d'une image qui revient en des scenes abso-
lument differentes, pour eveiller partout la meme impression. Ainsi en est-il
des vetements blancs, ou de la couleur blanche en general. Ce trait revient une
douzaine de fois dans le livre, sans parler des images similaires. II appartient
a Taspect de Dieu et de son trone, au Logos, aux elus. Dans le chapitre vii,
V. 9 et 13, c'est de toute evidence le signe de la purete, de la joie et de la victoire.
Ainsi en est-il encore dans les leltres du commencement (ii, 17; iii, 4, 5, 18j.
Cela montre comment il faut I'interpreter dans les passages en soi moins clairs.
Ainsi le cheval blanc du premier cavalier, au chapitre vi, 2 (cfr. xix, 11), ne
peut etre que la monture dun triomphateur divin et bienfaisant, par opposition
a celles des autres cavaliers; et la « nuee blanche » sur laquelle apparait le Fils
d'homme du chapitre xiv, rapprochee de I'image de la « moisson », opposee a
celle de la « vendange », indique qu'il s'agit de I'appel des elus, et non de la
punition des reprouves.
C'est encore, en deux sections d'une tonalite differente, le retour de toute
une serie des m6mes images avec le meme sens fundamental. Ainsi le Iwre de
vie, I'arbre de vie, Vetoile du matin, etc., se trouvent a la fois dans les pro-
messes faites aux fideles d'Asie, a la fin des lettres de la deuxieme section, et
dans la derniere section, la plus eschatologique de toutes, relative a la Jeru-
salem celeste.
Bien plus, il y a des traits specifiques d'une scene donnee qui apparaissent
subitement, a I'etat isole, dans une autre scene n'ayant avec celle-la aucun
rapport litteraire direct, ni aucun autre parallelisme de details. Nous I'avons
deja vu a propos des « emboitements » ; mais la meme chose se reproduit un
peu partout. II ne faut pas chercher a I'expliquer par Tindigence imaginative
de I'auteur, dont les images, au contraire, sont plus variees que chez nul autre
ecrivain d'apocalypses. Et, notons-le, ce sont generalement des traits qui lui
sont propres, au lieu de rentrer dans les lieux communs apocalyptiques du
genre tremblements de terre, invasions, etoiles qui tombent, etc. Ainsi on ne
saurait affirmer qu'il y ait aucun parallelisme voulu entre les Deux Teinoins du
chapitre xi et les Deux Betes du chapitre xiv. Leur mention appartient a des
parties differentes du livre. Leur origine ne remonte pas aux memos sources.
Les Betes, ou du moins la premiere, celle qui monte de la mer, se rattachent
ausymbolisme de Daniel, des parties poetiques de TAncien Testament; elle pro-
PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAinE. LXXXI
vient sans doute d'un fond de traditions proto-semitiques, sinon semito-
aryennes. Les Deux Temoins, au contraire, ont des traits empruntes aux person-
nages historiques Moise, Aaron et Elie, et se rattachent surement, du point
de vue litteraire, a la vision du prophete Zacharie (ch. iii-iv), c'est-a-dire au
grand-pretre Jesus et a Zorobabel, types du pouvoir sacerdotal et du pouvoir
laique dans le peuple elu. Par la ils ont leur contre-partie dans les Deux Betes
qui representent de leur cote le pouvoir politique et le pouvoir intellectuel
de TAntechrist. Mais c'est un parallelisme d'idees seulement, transcendant
a toutes les formes litteraires un peu compliquees dont I'auteur a coutume d'user.
De meme, les hommes qui ont regu la « marque de la Bete » au chapitre xiii,
et qui sont destines a « boire du vin de la colere de Dieu » (xiv, 10), s'opposent
manifestement a ceux qui ont ete marques du eigne de Dieu au chapitre vii, afin
d'etre epargnes par la colere, et a ceux qui ont le sceau de I'Agneau et le nom de
son Pere imprimes sur leurs fronts (xiv, 1),
Encore ceci : la B^te de I'Abime semble avoir ete frappee a mort, puis avoir
gueri ou etre ressuscitee, aux chapitres xin, 3, 14, et xvii, 8, 11. De meme les
Deux Temoins, representants terrestres du pouvoir du Christ mort et ressus-
cite, sont eux-memes immoles, puis ressuscitent (xi, 7, 12).
Tous ces traits semblables se trouvent a une distance beaucoup trop grande
les uns des autres, et sont entoures de contextes beaucoup trop divers, pour
frapper immediatement le lecteur, II faut admettre qu'ils n'etaient pas destines
a produire un effet litteraire; un pareil effet a ete si peu cherche, que leur
apparition deconcerterait plutot les amateurs de compositions bien equilibrees.
Pour les remarquer, il faut avoir penetre dans la pensee la plus profonde de
I'auteur par une longue habitude du texte. Que nous apprennent-ils done? Rien
de plus — et c'est assez — que la simplicite grandiose de son idee fondamen-
tale s'exprimant spontanement, sans intention d'art, mais suivant le rythme et
I'antithese qui forment comme la substance meme de son imagination et de sa
conviction : il voit dans le regne du Mai une contrefagon perpetuelle de celui
du Bien, dans I'Antechrist une caricature du Christ. Toutes ces images s'envo-
lent du meme tresor de sa pensee, sans recherche consciente, au souffle d'une
puissante inspiration qui deborde de beaucoup son art conscient d'ecrivain ; et
cela nous montre d'une fagon palpable combien toutes les visions consignees
dans son livre formaient une unite dans son esprit.
Voici un dernier trait curieux que nous pouvons noter, sans d'ailleurs que
je veuille y insister plus que de raison. Tous les septenaires sont separes en
deux series, I'une de trois, Vautre de quatre memhres. Ainsi la rupture des
quatre premiers sceaux (ch. vi) amene des eifets du meme ordre, I'apparition
des quatre cavaliers; et celle des trois derniers (vi, 9-viii, 5) amene des scenes
bien plus developpees, supplication des martyrs, vision anticipee des resultats,
preparatifs des sept Anges exterminateurs, sans ressemblance litteraire avec les
precedentes. Meme chose pour les sept trompettes : le son des quatre premieres
amene des cataclysmes schematiquement exposes, sur la terre, la mer, les
fleuves et les astres (vn, 7-12), tandis que les trois dernieres amenent les trois
« Vae » fondant directement sur les hommes, annonces a part par un aigle qui
vole au milieu du ciel (vni, 13), et developpes dans les scenes extraordinaire-
ment colorees et fantastiques des sauterelles, de la chevauchee infernale, avec
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. f
LXXXII INTRODUCTION.
la vision des resultats au chapitre xi, apres quoi vient la consommation. La
vision des sept coupes peut etre aussi, a ce point de vue, mise en parallele
avec celle des trompettes, car TefTusion des quatre premieres (xvi, 2-9) atteint
aussi directement la terre, la mer, les fleuves et le soleil, tandis que celle des
trois dernieres a des effets plus speciaux en rapport plus etroit avec les parti-
cularites de cette partie du livre.
On interprete souvent cette division des septenaires en 4 -|- 3 par une dualite
de sources : la tradition apocalyptique commune aurait fourni les quatre pre-
miers membres, qui sont des lieux communs : guerre, famine, peste, et (?) betes
sauvages pour les cavaliers; perturbations dans le del, la terre, la mer ei les
eaux douces pour les trompettes et les coupes. L'auteur aurait, de son propre
chef, transforme ce quaternaire en septenaire par I'addition de trois visions,
plus speciales, a chaque serie. Nous ne contestons pas la possibilite de la chose,
mais cette theorie ne rend pas compte de tout, par exemple du caractere special
du premier cavalier, ni du renvoi des troubles de Vair jusqu'a la septieme coupe
(xvi, 17 seq.). Puis cette dualite est inadmissible dans la serie des lettres aux
sept eglises, qui sont tres homogenes et toutes pareilles d'inspiration les unes
:aux autres. Or, la aussi, nous trouvons la meme division du septenaire en trois
et quatre. Dans les trois premieres, a Ephese, a Smyrne, a Pergame (ii, 1-17),
il y a un detail de composition caracteristique : I'admonition : « Que celui qui a
des oreilles entende ce que Γ Esprit dit aux Eglises », precede les promesses
faites au « vainqueur «. Dans les quatre dernieres, a Thyatire, a Sardes, a
Philadelphie et a Laodicee (ii, I8-111, 22), la caracteristique est inverse et
I'admonition suit la promesse. C'est pen de chose; mais ce peu de chose est
tres significatif. II nous devoile chez l'auteur un gout, un instinct, un je ne sais
quoi de peu explicable pour nous, qui le fait diviser de la meme fagon toutes
les series de sept, que le contenu lui fournisse pour cela des raisons, ou qu'il
ne lui en fournisse pas. C'est un trait individuel que je ne me charge pas
d'expliquer et ou je n'ai aucune envie de chercher un sens mystique, — bien que
tout soit possible avec la « Gematria » qui etait alors en honneur. Mais ce trait,
on ne peut pas le negliger, et sa tenacite, jusque dans les sept Lettres, diminue
beaucoup la vraisemblance de la theorie dualiste.
De pareilles observations, qui iront se multipliant et se precisant dans I'etude
du texte, tendent a un double but : faciliter I'intelligence du livre mysterieux,
par la mise en relief des lois qui ont preside a sa composition litteraire; — en
faire ressortir I'homogeneite, indice d'unite, nioe par tant de critiques a contre-
sens. La determination de I'origine et du sens de chaque symbole pris a part
peut nous couter des etudes longues et fastidieuses ; mais elles auront beaucoup
plus de chance d'aboutir a un resultat serieux apres que cette etude de la struc-
ture litteraire, qui revele deja le sens general du livre, nous aura orientes dans
nos recherches.
L'Apocalypse nous apparait done deja, non comme une compilation chaotique
et echevelee, mais comme une ceuvre d'art spontane, d'une magnifique venue.
Le rythme, malgre les atteintes partielles au parallelisme, en est tres nettement
marque. Les developpements en volutes et le glissement des symboles ne nuisent
pas a la regularite symetrique des pensees. C'est une ceuvre d'art qui nous
deroute d'abord, il est vrai, mais qu'on admire toujours plus a mesure qu'on
PROCEDES DE COMPOSITION LITTERAIRE. LXXXIII
la penetre mieux. On comprend qu'elle ait pu jaillir briilante, et comme un tout
indivisible, de la memoire et du coeur du Voyant. On comprend aussi qu'elle
repugnait aux interpolations, et que les graves menaces de la fin du livre centre
les interpolateurs (xxii, 18-19), n'etaient pas des paroles en Fair. D'ailleurs, il
n'dtait pas si facile de I'interpoler : sa forte structure a elle seule devait lui
assurer un respect qui etait rarement accorde aux Apocalypses en general — par
exemple a Henoch — a cause de leur caractere originel de compilations. Joignez
a cette unite de pensee I'unite de langue dont nous parlerons. Toute cette
regularite de forme imposee a une matiere exuberante fait voir combien simple
et grandiose etait, dans la pensee de Jean, ce poeme prophetique de courage et
de confiance surnaturelle.
CHAPITRE VIII
LE CONTENU ET LE PLAN DE l'aPOCALYPSE. — SOX CARACTERE SYNTHETIQUE.
II n'est plus tres difficile desormais d'exposer le plan detaille de I'Apocalypse.
La plus ancienne division du texte que nous connaissions est celle du com-
mentateur grec Andre de Cesaree (vi'^siecle) en 72 κεφάλαια. Elle est faite avec
une exacte attention, mais on pourrait facilement la reduire a 70, en mettant dans
le mome κεφάλαιον, par exemple, les numeros 60, 61 et 62 (xx 1-3; 4; 5-6) qui
constituent un tout, le Regne millenaire. Andre a de plus voulu grouper ces
72 pericopes trois par trois, de fagon a trouver 24 λόγοι, correspondant aux
24 vieillards. Ces λόγοι sont tout a fait arbitraires, et divisent le texte a contre
temps. Mais il faut remarquer le nombre 72 (70) qui est mystique; il n'est
nullement impossible que Jean, qui s'est tant servi des nombres apocalyptiques,
Tait choisi intentionnellement.
Le Codex Amiatiniis et le Codex Fuldensis partagent le livre en 25 chapitres;
Primasius en trouvait 20; certains manuscrits latins en trouvent de 22 a 48.
Nous n'en parlous que pour memoire.
Notre repartition actuelle en 22 chapitres est celle de Stephen Langton, usitee
depuis le xiii^ siecle, comme pour tout le reste du Nouveau Testament. Dans
I'Apocalypse, elle est bien faite en general,
Mais toutes ces coupures sont materielles, et, malgre leur plus ou moins
grande exactitude, elles ne font pas ressortir les groupements naturels des
visions, et la marche de la revelation prophetique. Les modernes en ont pro-
pose d'autres qui repondissent mieux a un plan rationnel. Ainsi la plupart des
commentateurs, depuis Bede, y compris Ewald, trouvent dans le livre sept par-
ties, Moffatt six (quatre septenaires, et deux visions, du jugement et de la con-
summation;, Zahn huit visions successives. Une repartition tres remarquable
est celle que propose Swete : 42 petites sections, se ramenant a 14 plus larges.
Elle a quelque chose de tentant, quand on pause que 14 est le double de sept,
et que le chiflfre 42 joue un role important dans I'Apocalypse, ou il est proba-
blement messianique.
La division rationnelle la plus large, qui est assez generalement admise
aujourd'hui, et a ete introduite par Bengel, reconnait trois parties bien dis-
tinctes : i-iii (Introduction et lettres aux eglises); iv-xxii, 5 (le corps des
^ropheties); xxii, 6-21 ila conclusion). Le commentateur Henten, au xvi^ siecle,
s'est apergu que la partie prophetique etait nettement scindee entre le chapitre xi
et le chapitre xii, en deux sections a peu pres egales. Swete et d'autres exegetesj
reconnaissent le bien-fonde de cette vue. J'ai montre au chapitre precedent que
je suis du nombre. Voici, selon nous, la division la plus rationnelle et le
plan de I'Apocalypse.
PLAN DE L APOCALYPSE. LXXXV
PLAN ET RESUME DE L'APOCALYPSE
(Les grandes idees et les symboles raajeurs sont iinprimes en majuscules Le detail des idees
et les symboles secondaires en italiques; les explications et les renvois sont entre paren-
thoses; les observations sur la structure, en marge.)
PROLOGUE GENERAL (GH. I«^ 1-9).
II comprend : 1° un titre developpe, affirmant I'origine divine de cette Apocalypse
apportee par un Axge (i, 1-3); 2ola salutation de Jeax aux sept 'eglises qui soivt ex
AsiE (i, 4-5); 3° une doxologie au Christ redempteur, un elan prophetique, et une
declaration de Dieu qu'il est Υ Alpha et VOmega (i, 6-9).
PREMIERE PARTIE
REVELATION AUX SEPT EGLISES d'aSIE SUR LEUR ETAT SPIRITUEL (l, 9-ΙΠ).
, (α εισίν de I, 19).
\. —Vision d'i.\troduction' au livre entier (i, 9-20). — Jesus apparait a Jean, dans
son exil de Patmos, pareil a un « Fils d'homme » sous un aspect qui montre
son caractere royal, sacerdotal et divin. II lui commande d'ecrire a sept eglises
d'Asie, pour leur devoiler des choses presentes, leur otat de merite ou de
demerite), α είιίν, et ensuite tout iavenir (du monde et de I'Eglise), α ijisXXit
γενέσθαι μετά ταύτα ι, 19.
II. — Les sept lettres (ii-iii) que le Christ dicte a Jean pour les A^tges des Eglises
(c'est-a-dire les sept eglises elles-memes). Elles contiennent un jugement de
louange ou de bl^me, des menaces et des promesses temporelles et spiri-
tuelles, formulees a la fin de chacune par I'Esprit.
R6partition A. Lettre a Ephese (ii, 1-9).
B. Lettre a Smyrne (ii, 8-11).
G. Lettre a Pergame (ii, 12-17).
D, Lettre a Thyatire (ii, 18-29).
Ε. Lettre a Sardes (in, 1-6).
3-1-4 F. Lettre a Philadelphie (in, 7-13).
G. Lettre a Laodicee (in, 14-22).
DEUXIEME PARTIE
REVELATION PROPHETIQUE DE TOUT l'AVEXIR DU MONDE ET DE l'eGLISE, A PARTIR
DE LA GLORIFICATION DU CHRIST JUSQu'aU DERNIER JUGEMENT (IV-XXI, 8).
(« μέλλει γενέσθαι ;ιετα ταύτα de I, 19).
*• Vision d'introduction gknerale a la partie prophetique (iv-v). — Jean, trans•
porti au del, y voit le Trone de Dieu et la cour celeste, puis I'intronisation
de Jesus Redempteur, sous la figure d'un Agneau « comme egorg^ » qui prend
en main le livre des decrets divins relatifs au monde entier, envisage dans
toute son etendue et sa duroe, pour I'ouvrir et en diriger I'execution. (Ge
LXXXVl
INTRODUCTION.
decor celeste demeure en vue, dominant ragitation de la terre, jusqu'au bout
de la II« Partie).
A. Vision du Τκολέ de Dieu, des 4 Animaux, des 24 Vieillards et de la cour
CELESTE. Glorification de Dieu crealeur (c. iv).
B. Apparition de I'Agneau « comme egorge », qui re?oit le Livre aux sept
SCEAUX, et qui est a son tour glorifie par la Cour celeste comme Redemp•
teur et maitre de I'humanite (c. v).
II. — I'e Section des Propheties (vi-xi, 18), ou execution des docrets du Livre aux
SEPT SCEAUX (relatifs a I'ensemble du monde).
A. Ouverture du livre aux sept SCEAUX (vision de preparation). A chaque
sceau rompu par I'Agneau, il se fait des preparatifs au ciel pour I'exocu-
tion des jugements de Dieu sur le monde profane. (Jean voit idoalement
au ciel ce qui se passera reellement sur la terre) (vi-viii, 1).
Remarquer
la
disposition
4 + 3
1° Rupture du 1^^ sceau. Apparition d'un Cavalier au cheval blanc,
image des victoires du Christ dans le monde (vi, 1-2).
2° Rupture des 2«, 5', 4•= sceaux. Apparition de trois cavaliers
sinistres, represeniant en general les fl^aux instruments de la
vengeance divine. Guerre, Famine et Peste (vi, 3-8).
3° Rupture du 5'^ sceau. Jean entend les prieres des Martyrs, qui
pressent les retributions de Dieu (vi, 9-Jl).
4° Rupture du 6^ sceau. Jean per^oit (dune maniere anticipee)
quels seront les resultats des ordres divins (vi, 12-vii).
a. Bouleverseinent du monde impie (vi, 12-17).
b. Preservation des justes au milieu des fleaux. Leur
bonheur present et futur (vii, 1-17) :
a. Des Anges marquent au front les elus des tri-
bus d'Israel, au nombre de lid.OOO (vn, 1-8).
[i. Jean voit une foule immense qui s'assemble au
ciel (vii, 9-12).
γ. Un des Vieillards lui explique que ce sont
les rachetes de la « grande tribulation », qui
arrivent en procession jusqu'au ciel (temps
present). II lui prodit que, dans la vie future,
leur bonheur sera complet (temps au futur)
(vii, 13-17).
5° Rupture du 7^ et dernier sceau (Le livre etant ouvert, I'execu-
tion peut commencer). Un silence d'une demi-heure au ciel
marque la solennite terrible du moment (viii, 1).
Anti-
t/iese
6'
moment
B. Visions des 7 trompettes. Jean, du haut du ciel, regarde s'effectuer,
dans le monde terrestre, les decrets du livre aux sept sceaux. La suc-
cession des fleaux, qui, pour I'origine symbolique, repond sans doute aux
sept millonaires apocalyptiques, ne signifie pourtant pas reellement des
periodes. Tout commence a I'Ascension de I'Agneau egorgo (c. v), et
s'etend jusqu'au jugement dernier, au son de la derniere trompette.
G'est tout I'avenir du monde, mais interessant plus specialement le
monde profane. Le sort religieux des justes a ete presage a la rupture du
l^•", du 5« et du 6« sceaux, et la vie de I'Kglise au milieu de ces calamitos
sera decrite symboliquement au chap, xi (viii, 2-xi, 18).
PLAN DE L APOCALYPSE.
LXXXVII
Remarquer
encore
la
disposition
4 + 3
1° Les 1 Archanges re?oivent 7 trompettes. Un autre Ange offre
a Dieu le parfum des prieres des saints, puis, jetant V encensoir
enflarame sur la terre, il la voue au chatiment (viii, 2-6) (c'est
comme une pro face de ce qui va suivre jusqu'a xi).
2° La sonnerie des 4 premieres trompettes suscite des calamites
cosmiques, qui atteignent la terre et la vogetation (vin, 7) ; la
mer (viii, 8-9); les eaux douces (viii, 10-11); les astres (viii, 12),
3° Un Aigle annonce 3 « MaledictiOiNs » qui vont fondre directe-
ment sur rhumanil^ au son des dernieres trompettes (vin, 13).
4° La 5* trompette — l'^ malediction — amene I'ouverture du puits
infernal, d'ou s'elancent des nuees de sauterelles diaboliques,
conduites par VAnge de I'Abime, pour tourmenter (moralement)
les hommes sans les faire mourir (Image des peches et de&
remords). Les hommes marques au front en sont preserves (ix,
1-12).
5° La 6® trompette — 2® malediction — (met le comble aux calamites
temporelles, auxquelles va s'opposer le spectacle de la preser-
vation spirituelle de I'Eglise, et du succes des predicateurs
evangeliques, qui convertissent le monde malgre I'Antechrist)
(ix, 13-xi, 14).
a. Des Cavaliers diaboliques, venus par centaines de
myriades d'au dela de CEuphrate, et raenos par
4 Anges du chatiment, massacrent un tiers de I'hu-
manite; le reste ne se convertit pas (ix, 13-21).
Jean (qui se trouve peut-etre redescendu
sur terre) voit alors un Ange puissant
descendre du ciel, porteur d'un petit
livre ouvert. Get Ange proclame que la
[emboi- fin des malheurs, ou I'accomplissement
tement) du « Mystere de Dieu » , arrivera surement
au son de la 7^ trompette. II confie a Jean
une nouvelle mission prop/ietique, en lui
donnant a manger le petit livre (qui con-
tient les propheties des chap, xii-xx) (x).
b. Vision des 2 temoins. Jean voit Jerusalem (figure
du monde), et le temple (figure de I'Eglise). Un
Ange mesure le parvis interieur (etat spirituel de
I'Eglise), qui sera preserve, tandis que les parvis
exterieurs (etat temporel) seront foules aux pieds
par les gentils. Les Deux temoins du Christ luttent
pendant 42 mois contre la Bete (Antechrist, annonce
du chap. XIII et sq. , emboitement), sont tuespar elle,
ressuscitent, montent au ciel, spectacle qui decide
les hommes a rendre gloire a Dieu (xi, 1-14).
6* La 7• et derniere trompette sonne. Elle amene I'etablissement
complet du Regne de Dieu, comme le proclame le ch(eur des
24 Vieillards, qui celebrent le jugement definitivement accompli
(noter pourtant que la 3« « malediction » n'a pas βΙέ decrite)
(xi, 15-18).
Encore
I'Anti-
these
6^
moment
III. — Deuxieme Section des Propheties (xi, 19-xxi, 8), ou execution des decrets
du Petit livre ouvert que Jean a regu de la main de I'Ange (c. x). (Elles
LXXXVIII
IXTRODUCTION.
embrassent encore toute l'histoire humaine, depuis la naissance du Christ
jusqu'au Jugemeat general; mais tout y est envisage par rapport a l'Eglise.
Le Dragon invisible, accompagne de ses Anges, opere au moyen de ses suppots
humains collectifs, les Deux Betes, et du pouvoir politique qui represeate
eminemment la l••^ Bete au temps de Jean, c'est-a-dire Rome paienne, Babylone
LA Courtisane; le Diable lutte ainsi contre la Femme qui est l'Eglise militante
de tous les temps, contre son Fils le Christ ravi au ciel, contre Michel et
ses Anges, et contre les Saints de la terre, au milieu desquels le Christ est
present comme Agneau, puis comme un Cavalier qui est le Roi des Rois et
le Verse triomphateur. La resistance du Dragon semble, d'apres xii, 12, etre
la 3•= « Malediction » annoncee dans la section precedente. Les puissances
hostiles sont defaites dans I'ordre inverse de leur apparition, en allant du
particulier au general, d'abord Babylone, puis les Betes, puis Satan lui-meme.
Enfin a lieu le Jugement universel).
Petit Prologue, indiquant le caractere eschatologique de toutes les
visions qui vont suivre. II montre que tout est ordonne a la misericorde,
par I'ouverture du sanctuaire au Ciel et I'apparition de I'Arche d'Alliance
(XI, 19).
A. La Femme et le Dragon (vision qui donne a Jean le sens de toutes les
luttes qui vont etre decrites. C'est comme une preface grandiose de toute
la section; elle montre que l'Eglise n'est persecutee que par un Adver-
saire qui se salt deja ecrase). Une Femme celeste (l'Eglise depuis les
patriarches) met au monde un Fas (le Christ) que le Dragon a sept tetes,
I'ancien serpent (de la Genese) veut engloutir, mais qui est ravi au ciel.
Le Dragon est precipite alors sur la terre par Michel et ses Anges. //
poursuit vainenient la Femme, qui se refugie au desert pour 3 ans et demi
= 1260 jours = (42 mois). Le chceur celeste a chante la chute du Dragon
comme I'etablissement du Regne de Dieu et du Christ (xii, 1-17).
Β. Vision d'Introduction (1) (a la lutte du Christ et du Diable, telle qu'elle
va se derouler visiblement dans l'histoire. Les forces qui vont agir sont
mises en presence, d'une maniere assez analogue a ce qu'on a vu aux
chapitres iv et v, en cette description des Puissances celestes qui du reste
demeurent toujours dans le champ visuel du Prophete. Seulement la scene
est transportee sur terre, ou coexistent la cite de Dieu et la cite du Diable)
(xii, 18-xiv, 5).
i
Remarquer
V
antithese
l" Le Dragon, pour avoir raison de l'Eglise, appelle ses represen-
tants humains, sous le couvert desquels il va engager le combat
(xii, 18-xiii).
a. II fait monter dela mer (de I'occident) la Bete a sept tetes,
orgueilleuse et blasphematrice, qui va dominer I'Univers
entier pendant quarante-deux mois et persecuter les saints
(C'est le pouvoir politique et oppresseur de I'Antechrist,
dans tous les ages) (xii, 18-xin, 10).
b. Une Deuxieme Bete monte de la terre (d'Asie) pour porter
les hommes, par persuasion, a adorer la premiere, et les
MARQUER DU siGNE DE LA Bete, faute dc quol ils seront exclus
de la soci^te humaine et mis a mort. Nombre de la Bete :
(1) On pourrait aussi bien dire : de « presentation » des forces opposi:es dans la lutte
visible.
PLAN DE l'aPOCALYPSE. LXXXIX
666 (XIII, 11-18). (Remarquer que ces deux Betes, dont I'une
survit a une blessure mortelle, et dont I'autre contrefait I'A-
gneau, forment a elles deux Taxtithese de l'Agxeau egorge,
et sont aussi, comme vicaires de Satan, la contre-partie des
Delx temoixs du Christ.
2° (En face de la Bete et de ses adorateursi, TAoeal• est etabli sur
la MoxTAGXE DE SioN, avec 144.000 hommes merges ses pre-
mices, marques au froxt (comme les 144.000 du chap, vii)
(xiv, 1-5).
G. Visioxs de ρκερλκατιοχ a la lutte des forces ainsi raises en presence. (Les
intentions divines sont annoncees, dune maniere qui n'est pas sans ana-
logie avec les indications celestes de la vision dessceaux (c. vi). Seule-
ment, cette fois, ce sont des proclamations angeliques adressees a toute
I'humanite) (xiv, 6-20).
1•^ Apparition de 3 Anges, qui predisent la victoire et les vengeances de
Dieu Icfr. les 4 cavaliers) (xiv, 6-13).
a. UAnge qui porte VEvangile eternel (cfr. l^r cavalier) (xiv, 6-7).
b. VAnge qui predit [emhoitement) la chute de Babylo^e (et pre-
pare ainsi les ch. xvii-xviii) (xiv, 8).
c. h'Ange qui menace de damnation les Adorateurs de la Bete (xiv,
9-11).
20 Exhortation des saints a la patience, prediction de leur bonheur eter-
nel (analogue au 5^ sceau du chap, vi) (xiv, 12-13).
S'J Vision du Jiigement (anticipee, et pour Jean tout seul), qui sera le
resultat de la lutte (cfr. 6^ sceau du chap, vi-viii). Le « Fils d'Homme »
fait la moisson des elus; et un Ange, la vendange des reproiivis (plus ou
moins confondue avec une bataille sanglante, presage des chapitres
XIX et XX) (xiv, 14-20).
D. ExECUTiox des vexge.vxces diyixes sur les Betes et Babyloxe (xv-xix).
1* Vision de ΙΈρρυβιοχ des sept coupes (cfr. les 7 trompettes des chapitres
viii-ix) (xv-xvi).
a. Encore une preface. Jean voit au del sept Axges tenant les 7 der-
?iiERE3 plaies, ct, debout sur lOcean celeste, les vaixqueurs de la
Bete, qui, chantant le Cantique de Moi'se et de lAgneau (deli-
vrance et redemption), celebrentla conversion du monde qui resul-
•tera des jugements divins (xv, 1-4). Cfr. viii, 2-6.
b. Du sanctuaire du del qui s'est ouvert (cfr. xi, 19) sortent les 7 Anges
des dermeres plaies (identiques probablement aux archanges des
trompettes). lis regoivent de la main d'un des 4 A.mmauk, les sept
coupes d'or pleines de la colere de Dieu. Une voix du sanctuaire
leur commande de les verser sur la terre (cfr. viii, 2-6) (xv, 5-
xvi, 1).
c. Les AxGEs verse.\t leurs coupes (cfr. les sonneries des trompettes,
chap, viii-xi. Cette nouvelle serie de fleaux differe de celle des
trompettes en ce que les calamites cosmiques et historiques sont
moins strictement distinguees. Cependant il y a encore des traces
dune division en 4 -{- 3 ; la derniere n'amene pas encore le juge-
ment general) iwi, 2-21).
a. Premiere coupe, versee sur la terre. Un ulcere malin frappe
xc
INTRODUCTION.
les ADORATEURS DE LA Bete, qui porlent sa marque (quelque ana-
logie avec le fleau de la 5^ trompette; cfr. aussi la l'«) (xvi, 2).
β. Deuxieme coupe, sur la mer, changee en sang (cfr. 2^ trom-
pette) (xvi, 3).
γ. Troisieme coupe, sur les eaux douces (cfr. 3^ trompette).
VAnge des eaux approuve ce jugment (xvi, 4-7).
0. Quatrieme coupe, sur le soleil (cfr. 4* trompette) (xvi, 8-9).
ε. Cinquieme coupe, sur le trone de la Bete. Tenebres, blas-
phemes DES HOMMES (XVI, 10-11).
ς. Sixieme coupe sur VEuphrate (cfr, 6•^ trompette). Des demons-
Remarquer grenouilles , sortis de la Bouche du Dragon et des Deux Betes
assemblent
les rois de la terre, pour combattre le Dieu tout-
emboi- puissant, en un lieu dont le nom seul Armagedon,
antithese tement signifie deja leur ecrasement (ceci prepare les
chapitres xix et xx).
au 6^ En mome temps, le Christ annonce sa venue subite, et promet
le bonheur a ceux qui veillent, et gardent leurs vetements (xvi,
moment 12-16).
ζ. Septieme coupe versee dans Vair. Bouleversement du monde
entier (cfr, la rupture du 6* sceau). La « grande Cite » Baby-
lone, s'ecroule (ce qui annonce comme accomplies les prophe-
ties des chapitres xvii-xviii). Les hommes continuent a blasphe-
mer (xvi, 17-21),
2o Sort de Babylone (Rome), (La mine de la ville a doja ete annoncee, par
emboitement, au chap, xiv, 8, et elle a deja ete effectuoe par la 7^ coupe.
Ces chapitres ne sont done que le developpement dune partie de la
vision des coupes. Le dernier adversaire presente, I'ennemi historique
contemporain, est done detruit le premier) (xvii-xix, 10),
a. Un des Anges des 7 coupes montre a Jean Babylone la Prostituee
dans sa magnificence. (Ainsi il a vu d'abord le Dragon et les Betes
dans une attitude d'offensive ou de triomphe). G'est une Femme
assise sur la Bete aux 7 tetes, et ivre du sang des martyrs (xvii, 1-6).
L'Ange explique la vision, a mots couverts. II fait comprendre que
Babylone est Rome; les totes de la B4te sont des empereurs, les
coRNEs de la Bete des rois qui viendront apres les empereurs. —
La Bete et les 10 cornes, d'abord aneantiront Babylone, ensuile
feront la guerre a I'Agneau, qui les vaincra (ceci prepare toutes
les visions de xviii a xx) (xvii, 7-18).
b. Proclamations angeliques contre Babylone (analogues a la vision
preparatoire des Sceaux, et aux proclamations qui precedent
Υ effusion des coupes) (xviii, 1-8).
«. Un Ange annonce (au passe prophetique), la destruction de la
Cite impie (xviii, 1-3).
β. Une autre voix commande au peuple de Dieu de separer son
sort de celui de Babylone et excite les destructeurs (xviii, 4-8).
c. Description de la ruine de Babylone. (Cette description n'est pas
directe mais donnee prophetiquement sous forme de lamentations
poussees par ceux qui vivaient de sa puissance et de son luxe
(xvni, 9-19), puis de Facte symbolique d'un Ange (xviii, 21-24), et
d'un cantique celeste triomphal (xix, 1-8) (xviii, 9-xix, 8).
PLAN DE L APOCALYPSE.
XCl
anti-
these
anti-
thise
a. Lamentation des rois de ία terre (xviii, 9-10) — des marchands
(11-I6); — des marins (17-19); — tandis que le del et les saints
de la terra sont invites a se rejouir de la justice faite (20).
β. Action prophetique d'lin Ange qui lance une pierre dans la mer,
en decrivant (au futur) la desolation de Babylone (xviii, 21-24).
γ. La FouLE IMMENSE Du CiEL, avoc les ViEiLLARDs, et les Animaux
glorifient Dieu pour la ruine de la Px'ostituee et pour les noces que
emboi- 1 I'Agneau va c^lebrer avec son epouse (Jerusalem. Geci
tement \ prepare les chapitres xxi et xxii) (xix, 1-8).
d. Epilogue. L'Ange (qui a montre a Jean la Prostituoe) proclame
heureux ceux qui seront invites a ces noees. Le Prophete, dans son
enthousiasme, veut Vadorer; mais I'Ange I'en empiche (xix, 9-10).
3' (Apres les propheties sur Babylone, qui est I'incarnation actuelle de la
Bete), Jean voit la ruine des Betes elles-momes (xix, 11-21).
a. Du ciel ouvert descend le Verbe de Dieu, sous la figure du cava-
lier AU cheval BLANC (cfr. VI, 1), suivi de cavaliers celestes. II est
le Roi DES Rois et le Seigneur des Seigneurs (xix, 11-16).
b. Un Ange proclame I'ecrasement des ennemis du Verbe (xix, 17-18).
c. La Bete et les rois rassemblent leur armee pour la resistance
(cfr. xvi, 12-16). L'armee est exterminee par le glaive qui sort de
la bouche du Verbe. Les Deux Betes sont faites prisonnieres et
jetees dans Vetang de feu (xix, 19-21).
(Remarquer qu'il y a encore ici : presentation ; — annonce; —
execution).
E, Execution de la vengeance divine (en deux phases) sur le Dragon (qui
est le chef et I'inspirateur invisible des Betes et de Babylone) (xx, 1-10).
1» Le Dragon incarcere, par un Ange, pour Mille Ans (image qui semble
correspondre a sa defaite par Michel, et k sa chute sur la terre, au
chap. XII) (xx, 1-3).
2° Pendant les Mille Ans, le Christ et les saints regnent sur la terre;
c'est la Premiere resurrection (Millenium : cfr. resurrection des Te-
moins au chap, xi; VAgneau et les lii.OOO vierges de xiv, 1-5, etc.)
(XX, 4-6).
3° Au bout des Mille Ans, Satan delie lance Gog et Magog contre la Cite
bien-aimee (cfr. Sion de xiv, 1-5) et le camp des saints. Le feu du ciel
d^vore ces derniers ennemis, et le Diable est jete pour I'eternite dans
Vetang defeu, en compagnie des Deux Betes (xx, 7-10).
(C'est encore une vision, qui, comme A, chap, xii, resume I'ensemble
des luttes de I'Eglise contre le Diable, mais en y ajoutant le resultat
final; cfr. xi, 1-14, rapproche de vi, 1).
F. Le JuGEMENT DERNIER devaut le trone de Dieu (xx,. 11-xxi, 4).
1° Resurrection generale. Les livres sont ouverts, et chacun juge selon
ses oeuvres, pour son sort definitif (xx, 11-13).
2° Damnation de ceux qui ne sont pas inscrits au livre de vie, jetos dans
Vetang de feu, avec la Mort et I'Hades (xx, 14-15).
3° Ciel nouveau et terre nouvelle. Nouvelle Jerusalem (ce qui annonce
la 3« partie du livre) Beatitude des 6lus (xxi, 1-4).
IV. — Conclusion de toute la 2« partie (xxi, 5-8). Celui qui est assis sur le trone
XCII INTRODUCTION.
parle lui-mome au Prophete, lui ordonne d'ecrire, et renouvelle ses promesses et
ses menaces pour I'ensemble des hommes (xxi, 5-8).
TROISIEME PARTIE
Vision de la Jerusalem celeste, epouse de l'Agneau (xxi, 9-xxii, 5). (Gette ville qui
descend du ciel est le lieu de tous les biens spirituels promis dans las lettres aux sept
eglises et dans les parties prophetiques de la Revelation. C'est la cite de Dieu, qui
s'oppose a Babylone la prostituee, la principals cite du Diable. Elle est identique,
d'une part, au sanctuaire celeste (vii, 15; xi, 19; xvi, 5, 17) et de I'autre au Temple du
chap. XI, a la Femme du cliapitre xii, a la montagne de Sion du chap, xiv, a la Cite
bien-aimee du chap. xx. Seulement elle n'est consideree ici que dans sa joie triom-
phante, commencee des ici-bas pour s'epanouir dans I'eternito. C'est done une
image TRANscENDAiVTE DE l'Eglise, aussi bieu sur la terre que dans le ciel, aussi bien
sous le regime de la grace que dans la gloire, dans le temps que dans I'eternite;
mais c'est la gloire de son etat definitif dans I'eternite qui jette sa lumiere sur toute
la description, contrairement aux scenes des chapitres xi et xii, ou l'Eglise etait
exclusivement representee dans son etat militant).
I.~ — UiN AiXGE poRTEuR d'ui>e DES SEPT COUPES (xxi, 9-10) trausporte Jean sur une
haute montagne, d'ou 11 lui montre, descendant du ciel, la Jerusalem, epouse
DE l'Agneau (cfr. I'Ange qui lui a montre Babylone, au chap. xvii).
II. — Description de la Jerusalem nouvelle (xxi, 11-23).
1° Son eclat (xxi, 11).
2° Sa muraille et ses douze partes (12-14).
3° Ses dimensions, mesurees par I'Ange revelateur (cfr. la mesure du temple au
chap. XI) (15-18).
4° Les materiaux precieux de sa construction (19-21).
5" Dieu et I'Agneau en sont eux-memes le Temple et le luminaire (22-23).
III. — Ce que cette Jerusalem est pour les hommes (xxi, 24-xxii, 5), soit dans la vie
terrestre, soit dans la vie future, et pour toute I'eternite.
1° Entree libre des rois et des nations dans cette cite (au cours evidemment de
la vie temporelle) (xxi, 24-27).
2° Fleuve et arbres de vie pour la purification des hommes (xxii, 1-2).
3° Bonheur parfait et vision beatifique pour tous ses habitants (dans I'avenir,
verbes au futur) (xxii, 3-5).
CONCLUSION ET EPILOGUE DE TOUT LE LIVRE (XXII, 6-21).
I. — Triple attestation, de l'Ange, du Christ et du Prophete (xxii, 6-9).
I'' Attestation de I'Ange revelateur, concernant la verite du livre (xxii, 6).
2° Attestation du Christ lui-meme, jointe a la promesse de venir bientot (xxii, 7).
3° Attestation de Jean (dont I'Ange refuse les marques d'adoration comme celui
qui avait montro la ruine de Babylone, xix, 10) (xxii, 8-9).
II. — Paroles du Christ (xxii, 10-16) (adressees a Jean, a l'Eglise, et a toute I'huma-
nite en general).
1° Le Christ commande de publier le livre, quelle que soit la maniere dont on
I'accueillera (xxii, 10-11).
2° « II vient bientot «. II renouvelle ses promesses et ses menaces, et aflirme que
Ί
I
PLAN DE L APOCALYPSE. XCIU
c'est lui qui a envoye I'Ange porter cette revelation aux Eglises (les 7 eglises
d'Asie) (XXII, 12-17).
30 L'EspRiT et I'Epouse (xxii, 17) (I'Eglise terrestre) lui repondent, par un appel
amoureux et pressant. Que I'auditeur de I'Apocalypse s'associe a cet appel et
que tous viennenl puiser aux sources de la vie.
III, — Jean (xxii, 18-19) defend soverement d'alterer d'aucune maniere son Uvre pro-
phetique.
IV. — Jesus (xxii, 20) atteste encore sa venue prochaine. Le prophete a son tour le
supplie de venir.
Clausule epistolaire en forme de benediction (xxii, 21),
J'ai voulu faire cette analyse aussi dctaillee que possible; le commentaire la
justifiera par I'etude des particularites. On ne pent dire que I'Apocalypse soit
una oeuvre d'art irreprochable, tant au point de vue de I'equilibre parfait des
matieres qu'a celui de la nettete allegorique. Rappelons-nous toutefois, pour ce
dernier point, que les materiaux etaient fournis a I'esprit de Jean par une tradi-
tion consacree; c'est celle-ci qu'il faut rendre en premier lieu responsable de
bien des obscurites. Quant a la suite des visions, nous I'avons eclaircie de notre
mieux ; les « incoherences » pretendues diminuent beaucoup quand on y regarde
de pres. Toutes les parties sont emboitees solidement les unes dans les autres,
et I'impression de I'unite est beaucoup plus forte que celle des disparates. En
dehors des septenaires qui s'echelonnent a travers le livre, chaque serie princi-
pale obeit encore a un rythme ternaire assez nettement accuse. Chacune des
revelations d'ensemble se fait en trois grands mouvements : a) une Introduction^
ou le Prophete presente les personnages ou les forces qui vont entrer en action ;
— b) une Vision preparatoire, ou il connait par prolepse la nature des evene-
ments qui doivent s'accomplir ; enfin c) la Vision des realisations, oii il assiste a
I'execution symbolique de ce qui a ete annonce. Cette disposition est continue;
elle n'apparait qu'a I'etat de vestige dans les Lettres oh. la prediction tient moins
de place, mais elle devient tres nette dans la 2" parlie : a) chap, iv-v ; b)
chap, vi-vn; c) chap, viii-xi pour la 1"^ section; — puis a) chap, xii, 18-xiv,
5; b) chap, xiv, 6-20; c) chap, xv-xvi ; et a) chap, xvii ; b) chap, xviii, 1-8; c)
chap, xviii, 9-xix, 8, et encore a) chap, xix, 11-16; b) 17-18; c) 19-21 dans la
2* section prophetique. De plus, le livre entier et chaque grande division sont
precedes d'un prologue, ou meme d'une sorte de preface symbolique, plus ou
moins longue; il y a aussi des epilogues partiels. C'est encore la comme une
loi, celle du « rythme ternaire » que nous pouvons joindre a celles que nous
avons expliquees au chapitre precedent, ou nous ne devious pas en parler
encore, car on ne la reconnait qu'au bout d'une analyse detaillee.
Peut-etre y a-t-il encore d'autres septenaires que ceux qui apparaissent a pre-
miere vue. Ainsi I'onpouvait repartir la 2^ section prophetique, depuis la Femme
et le Dragon jusqu'a refusion des coupes (dont les visions suivantes, jusqu'a la
defaite des Betes, ne sont qu'unc explication) en sept signes (σημεία), distingues
XCIV INTRODUCTION.
par les expressions : Je vis un autre signe; — Apres cela je vis;... — Apres
cela je regardai et void : ... Les commentateurs ont remarque encore que les
formules de benediction qui s'adressent a Dieu createur sont a quatre membres,
tandis que celles qui ont pour objet le Christ Redempteur en ont sept. Les
Agents de Dieu dans la nature ou riiumanite prise en general sont nombres par
quatre ou ses multiples (les 4 Animaux, les 24 = 4 X 6 Vieillards, les 4 Fleaux
des Cavaliers, les 4 Trompettes qui amenent des calamites cosmiques, les 4 Anges
del'Euphrate)\ sans doute a cause des quatre points cardinaux, ou des quatre
parties de FUnivers; tandis que les Agents de la nouvelle economic etablie par
rincarnation sont toujours sept, cliiffre de la plenitude, de la creation nouvelle
et parfaite : (Ainsi les 7 esprits de Dieu, les 7 Eglises, reprosentant TEglise
universelle, les 7 Aiiges des trompettes et des coupes qui executent les ordres
de I'Agneau Roi et Juge). Par contrefaQon, les adversaires du nouvel ordre, le
Dragon et la 1"'^ Bete, ont aussi sept tetes. Les visions' relatives a I'Eglise
triomphante ou a la vie celeste de la grace et de la gloire, presentent un autre
chifTre de la plenitude, a savoir douze (les douze portes de la Jerusalem celeste,
les 144.000 = 12 χ 12 χ 1000 hommes des chap, vii et xiv et aussi, si Ton
veut, les 24 = 12 χ 2 Vieillards, Anges qui sont les intercesseurs d'oifice pour
I'humanite rachetee). Ce chiffre de douze (4 χ 3) pent signifier la nature restau-
ree et arrivee a son integrite. II y avait sans doute des causes occasionnelles
(p. ex. les douze tribus, les douze apotres) pour le choix de ce dernier chiffre;
pourtant on pent dire, sans crainte de se tromper, qu'il n'est guere un seul nom-
bre (y compris le mysterieux 666), qui ne soit tout impregne de sens mystique.
Dans I'etude consacree au style de Γ Apocalypse [vide infra, c. x), nous expli-
querons un caractere tres particulier des developpements, que I'analyse nous
permet de signaler deja (V. supra, ch. vii). Jean ne donne presque jamais
toute sa pensee d'un seul jet, ni en une seule vision. 11 en presente tout
d'abord une indication, un resume; puis il Tamplifie et la precise en des descrip-
tions beaucoup plus vastes, qui forment comme des volutes s'elargissant tou-
jours. Ce precede est surtout remarquable dans les chapitres xii et suivants, au
commentaire desquels nous I'etudierons en detail. L'auteur aime a « recapitu•
ler », (pour nous servir de I'expression plus ou moins exacte devenue celebre
dans I'histoire de Finterpretation apocalyptique), et a revenir sur sa pensee afin
de lui donner des formes nouvelles, comme si les premieres visions n'avaient eu
qu'une valeur d'essai ou d'ebauche.
Mais ces observations qui completent I'etude precedente sur les precedes de
composition de notre livre, ne sont pas les plus interessantes que puisse nous
suggerer le resume ci-dessus. Les involutions, les emboitements, tous les autres
signes d'unite litteraire que nous avons reconnus, sont comme le reflet d'une
unite synthetique merveilleuse dans Tidee (1). Voici, en effet, quelles sont les
pensees maitresses de I'Apocalypse :
1° Le ciel et la terre forment comme un seul monde, que Dieu gouverne du
haut de son trone, ordonnant toutes choses au bien des elus. Tout ce qui arrive
en has a ete determine en haut. La liberte humaine n'en est cependant nullement
(1) Nous donnerons un resume synthotique dofinitif dans le Commentaire, a I'lntroduction
speciale de la derniere partie, xxi, 9-xxii, 5.
PLAN DE L APOCALYPSE. XCV
diminuee, car les hommes sont avec Dieu les auteurs de leur salut, comme le
prouvent les exhortations des Sept Lettres, et les autres qui sont eparses dans
le livre. Les creatures celestes s'interessent a tous les evenements qui se pres-
sent sur le champ de bataille du monde transitoire. L'enfer ne s'ouvre, le diable
n'est delie en vue du chatiment des rebelles obstines et de Tepreuve qui perfec-
tionnera les justes, que sur le signal donne par des esprits bienheureux. Des
choeurs angeliques celebrent par leurs chants d'allegresse les divers stades de la
lutte, et de la victoire infaillible du Bien.
2" Le Christ, dans son humanite, regne avec Dieu dans le ciel, depuis qu'il
a rachete les hommes par sa mort. Mais Γ « Agneau comme egorge », qui fait
sonner au firmament les trompettes du jugement, est egalement present sur notre
terre. Le Dragon et ses Deux Betes, qui sevissent ici-bas, le trouvent debout
en face d'eux, sur I'inexpugnable montagne de Sion, quoique le « Fils » de la
Femme ait ete enleve au ciel. II est present, comme « Fils d'Homme ». au milieu
des sept eglises d'Asie, qu'il tient dans sa main droite. II parcourtle monde, pour
le convertir k son Evangile, sous la forme d'un Cavalier invincible, qui, un jour,
par le « glaive de sa bouche » aneantira toute la puissance de ses ennemis.
3° Le Dragon a ete vaincu des le jour de I'enlevement du Christ au ciel, de
sa glorification. II le sait bien, et ne cherche qu'a profiter du court repit qui lui
est accorde encore pour completer, en fait, le nombre de ses vainqueurs, des
martyrs et des confesseurs. 11 suscite contre I'Eglise ses Deux Betes, le Double
Antechrist (contrefagon du Christ) qui parait devoir resister a toute blessure
mortelle. Mais, s'il a des avantages momentanes sur les saints, les deux Temoins
du Christ et de I'Eglise ressuscitent aussi toujours, et ce spectacle finira par
convertir les hommes, qui s'etaient endurcis contre la -justice vindicative des
fleaux. Ces fleaux ruinent la cite du Diable, son pouvoir exterieur. Par la guerre,
les agents du demon se detruisent mutuellement : la Bete avec les rois, ses dix
cornes, detruit la Courtisane Babylone. Et il en sera sans doute toujours ainsi,
jusqu'a ce que le « glaive « du « Verbe » ait aneanti toute opposition.
4^ C'est que Γ humanite a atteint les « derniers temps », predits et ardem-
ments souhaites par les Prophetes, ceux de la victoire de Dieu. lis s'ouvrent a
rincarnation. Le Jugement du monde a commence, au son des trompettes
angeliques, des que le Christ a ete glorifie et a pris possession du livre des
Destinees. Des signes eschatologiques, comme la « troisieme malediction », ou
chute du Dragon sur la terre (c-xii), et I'Apparition de la Bete qui se fait adorer,
ont deja precede d'un certain nombre d'annees les visions de Patmos. Jean n'a
done pas hesile a inserer dans un bloc eschatologique, au moins pour ce qui
est de ces deux passages, des visions relatives au passe. Le genre apocalyptique
le permettait, puisque, dans Baruch syriaque (chap. 53 et suivants), la vision du
nuage montant de la mer et des treize averses qui en tombent, nous fait remonter
en dega du temps de I'auteur fictif, jusqu'aux jours d'Adam. Mais, chez Jean,
ce n'est pas un resume des periodes du monde. Π ne s'agit que des clges qui
ont commence au Christ, et tout y est emhrasse dans la meme perspective
eschatologique, du Jour du Jugement, du jour des chatiments et du salut. Ce
jour-la pourra durer mille annees et plus; mais peu importe la duree, il n'y a
plus qu'un seul grand Evenement qui se deroule, la Venue du Messie et de Dieu,
terme de toutes les aspirations prophetiques.
XCVI INTRODUCTION.
5° Deja, en effet, la Jerusalem nouvelle est une realite actuelle. Ceux qui ont
lave leurs vetements dans le sang de I'Agneau, qui ont re^u sur leurs fronts le
eigne de Dieu, y ont acces des apres leur mort, sans attendre la Parousie finale
(μακάριοι οι νεκροί οί εν κυρίω αποθνήσκοντες άπάρτι, χΐν, 13). Bien plus, ils y resident
deja, par leur vie interieure, durant cette existence, comme on le voit par les
promesses des lettres, la description de la « Foule immense » du chap, vii, les
versets qui closent le chap, xxi et ouvrent le chap, xxii, et d'autres passages
encore. C'est peut-etre la Taspect le plus saisissant et le plus divin de toute la
synthese apocalyptique. Comme le dira un autre livre du Nouveau Testament,
le IV^ Evangile, les fideles sent deja transportes dans la « vie eternelle » ; ou
bien, pour rappeler une expression de saint Paul « leur vie civique (πολίτευμα)
est au ciel », dans la Cite du Ciel {Phil., iii, 20).
D'un mot, nous pouvons dire que toute I'Apocalypse est une eschatologie (si
Ton ne prend pas ce mot dans un sens trop materiel), bien qu'elle parle de faits
contemporains. Les derniers temps, le Jugement, ont commence avant que Jean
se mette a ecrire. Ce qui lui est montre dans son exil de Patmos, c'est I'actua-
lite du Regne de Dieu et du Christ, qui surmonte les dernieres resistances de
VEnnemi vaincu. Le Ciel a penetre la terre, et Thumanite est montee jusqu'au
ciel; les fideles du Christ n'ont rien a craindre de la « grande tribulation »,
rien que de s'y montrer laches; car, quoi que fasse contre euxl'Ennemi, celui
qui le veut pent « prendre gratuitement de I'eau de la vie » (xxii, 17), au ileuve
de la Jerusalem celeste.
11 y a done un abime entre cette Apocalypse, et celles dont elle a emprunte
en partie le symbolisme et les procedes litteraires. C'est bien, nous le repetons,
un livre d'un optimisme triomphal, une branche de ee fleuve rafraichissant de
la vie qui coule du ciel sur la terre brulante et bouleversee. Jean dit a ses
lecteurs, que menace la Bete : « Courage, I'Agneau a deja vaincu le monde;
vous otes au ciel, si vous le voulez, et rien ne pourra vous en faire tomber, dans
toutes les convulsions dun monde auquel vous n'appartenez plus ».
CHAPITRE IX
l' APOCALYPSE ET LES AUTRES LIVRES DV NOUVEAU TESTAMENT COMPARES SURTOUT
Αυ POINT DE VUE DE l'eSCHATOLOGIE.
L'Apocalypse, jusqu'ici, a ete trop envisagee par les critiques comme un livre
isole dans le Nouveau Testament. Les etudes precedentes suffisent pourtant a
montrer comme ce livre tient intimement a I'ensemble des enseignements du
Christ et des Apotres. Ce n'est pas, sans doute, un ecrit destine a Tenseignement
doctrinal; il ne pretend qu'a exliorter et a fortifier les Chretiens en leur rap-
pelant ou Dieu les mene a travers les crises douloureuses de ce monde, Aussi
n'apporte-t-il aucun enrichissement substantiel au Credo de I'Eglise primitive,
Mais il suppose et confirme tout entiere la dogmatique tres developpee des
epitres pauliniennes ; il presage deja, par sa fameuse mention du « Verbe de
Dieu », au chap, xix, la derniere expression qui sera donnee a la Christologie
par le IV^ Evangile. Dans le ii'^ chapitre de cette Introduction, nous avons releve
les doctrines principales de Jean. Elles embrassent, tres reconnaissables sous le
va-et-vient des symboles, les principaux enseignements sur la Trinite, y compris
la troisieme Personne. sur Tlncarnation, la Divinite du Christ, la Redemption,
sur TAngelologie, la predestination, le regne de Dieu, la vie de la grace, I'Eu-
charistie, I'Eglise, le Jugement, le Paradis et FEnfer. Sans etre done, a propre-
ment parler, un livre didactique, I'Apocalypse apporte le plus precieux temoi-
gnage, un temoignage a peu pres universel, touchant les croyances de la
chretiente a la fin de I'age apostolique.
Une assez nombreuse ecole de critiques a reconnu, depuis une vingtaine
d'annees, I'importance qu'a I'etude de cette Revelation pour la connaissance des
origines chretiennes. lis Font meme exageree, dans I'interet de leur philosophic
religieuse, et essaye de demontrer, en analysant historiquement le caractere des
symboles, que le syteme dogmatique qui transparait partout dans les visions
johanniques, et qu'ils sontbien obliges de faire remonter au raoins a saint Paul,
n'etait qu'une combinaison syncretique du pur enseignement de Jesus avec les
idees religieuses de Thellenisme contemporain, derivees elles-memes pour une
grande part des vieux cultes orientaux. Giinkel, le premier coryphee de cette
ecole « de I'histoire des religions » ou « des traditions », declare nettement :
« Le Christianisme est une religion syncretique... La note vraiment caracteris-
tique, nous pouvons direprovidentielle, dans le Christianisme, c'estqu'il a connu
son epoque classique a cette heure importante pour I'histoire du monde, ou il a
passe de I'Orient en Grece. Par la il tient a deux mondcs... Destine a etre preche
a des peuples nombreux, il ne fut pas lui-meme le produit d'un seul peuple,
mais il estne de la grande histoire, tres entrem^lee, de beaucoup de peuples. —
Le judaisme (dit Bousset), fut la cornue ou les divers elements s'assemblerent...
C'est la, disons nous avec Plleiderer, la plus grandiose et plus solide apologie du
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. ■ fr
XCTIII INTRODUCTION.
Christianisme que Ton puisse concevoir (sur le terrain historique). Car Γοη voit
que ce n'a pas ete un hasard, si cette foi a vaincu le monde et introduit une nou-
velle epoque dans rhistoire de Thumanite, mais qu'en cela c'est une plus haute
necessite historique qui se manifeste. » Zum religionsgeschichtlichen Vers-
tdndnis des Neuen Testaments, pp. 95-96, 1903). Bousset, qui a ecrit un remar-
quable commentaire de notre Apocalypse se rallie aux memes idees en les
mitigeant un pen. Les auteurs de cette ecole trouvent des points d'appui pour
leur these dans I'histoire evangelique de I'Enfance du Christ, la doctrine sacra-
mentelle et la christologie de Paul, ailleurs encore, mais principalement dans
I'Apocalypse, parce que ce livre, en eifet, a visiblement puise aux traditions
orientales. Je n'ai pas besoin de dire aulecteur croyant comment cette apologe-
tique-la doit etre jugee. Mais j'en ai dit assez, au chapitre ou nous etudiions les
symboles apocalyptiques, pour faire comprendre que le role des traditions etran-
geres, d'ailleurs beaucoup plus restreint qu'on le pretend, a ete purement mate-
riel. Elles ont pu seulement fournir la un revetement d'images a des idees exclu-
sivement chretiennes. Nous le demontrerons en detail dans plusieurs chapitres
du commentaire, notamment a la vision de la Femme et du Dragon, qui est capi-
tale a ce point de vue. Du reste, n'oublions pas qu'en passant par la « cornue »
du judaisme, ces images avaient vu se \^olatiliser tout leur contenu religieux
paien incompatible avec la revolation mosaique. Justifier I'Apocalypse de toute
accointance doctrinale avec le paganisme babylonien, parsi ou grec, c'est done
detruire le plus fort argument historique oppose aujourd'hui a la nouveaute et a
la transcendance du Nouveau Testament pris en bloc.
Mais une etude comparee de I'Apocalypse et des autres ecrits apostoliques se
recommande a un tout autre point de vue a I'apologiste historien. II ne s'agit plus
de rofuter les conceptions subjectivistes de I'ecole « religionsgeschichtlich »,
mais d'etudier une des questions les plus brulantes et les plus obscures de nos
origines religieuses,. a savoir la croyance des Apotres et des premiers Chretiens
touchant I'eschatologie et la date du second Avenement du Christ.
l'eschatologie de l'apocalypse et celle des autres ecrits neotesta-
mentaires, dans sa conception generale.
Ce qu'enseigne aujourd'hui I'Eglise touchant les fins dernieres, c'etait deja la
croyance des premieres generations chretiennes. Mais bien plus presente a
toutes les pensees et bien plus vivante dans tons les coeurs etait alors I'idee du
glorieux Avenement de Jesus-Christ, de la Parousie. Ce jour-la, tous I'atten-
daient avec une joyeuse ardeur qui eclate presque a chaque page des ecrits
apostoliques ou de ceux des premiers Peres. La critique, apres avoir bien etabli
ce fait d'ailleurs indeniable, est allee beaucoup plus loin, et elle entend de-
montrer aussi que les disciples des Apotres vivaient dans I'inebranlable con-
viction que la Parousie aurait lieu avant que leur genoration ne fut disparue.
Cette prevision, que la marche de I'histoire aurait eu si vite fait de dementir,
est attribute par une nombreuse ecole rationaliste a Notre-Seigneur lui-meme ;
J
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. XdX
la plupart des protestants, suivis de quelques catholiques (1), ne doutent pas
au moins que saint Paul, et les autres apotres avant lui, aient partage I'erreur
de leurs contemporains. Et si I'unanimite d'une telle croyance parait difficile a
concilier avec renseignement si net du Christ touchant I'incertitude « du jour
et de I'heure », ces critiques pensent se tirer de la difficulte en disant que ces
paroles du Sauveur etaient bien comprises comma un refus de determiner
I'annee, le mois ou le jour exact, mais qu'on ne les jugeait nullement contraires
a la certitude que la Parousie aurait lieu sans trop tarder. Nul nignore les
controverses suscitees par cette nouvelle theorie, controverses qui ne sem-
blent pas pres de finir.
Pourtant on trouve jusqu'a des critiques « eschatologistes » qui entrevoient
au moins le principe d'une solution moins rigide de ce grand probleme histo-
rique et doctrinal. Ecoutons un de ceux qui ont le plus contribue a repandre le
nouveau dogme exegetique. Chez les premiers Chretiens, dit Johannes Weiss
« que le delai dut έtre un peu plus long ou un peu plus court, on ne peut du
moins plus douter de la venue du Regne (de Dieu), car I'histoire a fait en avant
un pas decisif ; I'avenir est assure du fait que des a present I'EIu est monte a
son trone; la « domination du Messie », la premiere periode des temps du
salut, a commence (2). A la verite, il y a encore le dernier combat, le decisif
centre les Dominations et les Puissances qui resistent a la domination univer-
selle de Dieu; mais le Yainqueur omnipotent est la deja (I Cor. xv. 24-
suiv.) (3) ». L'exegote independant emploie la des termes entramant la recon-
naissance implicite d'une verite que, nous catholiques, nous tenons pour
essentielle dans la controverse eschatologique : I'Homme-Dieu regne deia sur
notre monde comme Messie, « oportet autem ilium regnare donee ponat
omnes inimicos sub pedibus ejus », comme dit saint Paul au passage indioue
Sa domination n'etant pas differee jusqu'a la Parousie, on devrait en deduire
logiquement ceci : c'est qu'il devient d'un interet assez secondaire pour ses
disciples de savoir combien de temps dureront ces dernieres luttes, qui doivent
έtre necessairement victorieuses. Par consequent, le jour de la Parousie elle-
m^me, quoique la venue en soit ardemment souhaitee, n'a pas aux yeux des
premiers Chretiens cette valeur unique, cette importance absorbante, que beau-
coup d'exegetes se figurent. Si le Deuxieme Avenement doit mettre, pour
toute I'eternite, le sceau a la victoire, il n'amenera pas I'apparition de nouvelles
forces divines, creant une economic nouvelle pour I'humanite. Non I'univers
est deja entre, par la glorification du Fils de Dieu, dans son dernier etat spe-
cifique, dans cet Eon futur (Γα'ων δ μέλλων) oppose a toutes les epoques ante-
(1) Un catholique ne peut ovidemnient soutenir que les Apotres aienl enseigne comme
roveloe une pareille erreur dans leurs ecrits inspiros; mais plusieurs protendent qu'ils I'ont
donnee comme leur propre opinion humaine. Voir Tillmann, Die Wiederkunft Christi nach
den paulinischen Briefen, passim.
(2) Sous la plume des exegetes independants, cette expression a quelque chose de
suspect, en ce qu'ils peuvent vouloir ainsi distinguer la domination du Messie de celle de
Dieu, a la fagon des apocryplies juifs. Un catholique se souviendra toujours que la domina-
tion du Messie est celle de THomme-Dieu, done celle de Dieu, qui ne finira jamais.
(3) J. Weiss, Das Problem der Entstehung des Christenfums, ARW, sept. 1913 ρ 478
Cfr. Das Urchristentum, 1917, pp. 24-25. ' > i*• •
INTRODUCTION.
rieures prises en bloc. Ce n'est pas que I'etat actuel du Regne de Dieu, qui va
s"otablissant, ne soit distinct de celui ou il se revelera a tous comma parfaite-
ment etabli. Mais cette difference est de degre, non de nature. Les deux phases
sont en parfaite continuite. Si solennellement triumphant que doive etre le der-
nier acte, il namenera pas de changement radical, car il ne sera que la der-
niere consequence du grand changement deja produit par I'lncarnation. Aussi
les deux phases peuvent-elles se confondre dans une meme perspective, comme
les « dies novissimi » des prophetes de I'Ancien Testament, comme I'aurore et
le jour qui ne font quun dans leur opposition a la nuit qui les a precedes, ou
comme la.croissance et lepanouissement definitif du grand arbre seme par
Dieu. Reste a savoir toutefois si I'epanouissement certain est prochain ou
eloigne encore.
Or, Job. Weiss continue (1) : « Nulle part cette tournure des idees du chris-
tianisme primitif ne se reflele d'une maniere plus significative que dans le
xii^ chapitre de lApocalypse de Jean. Satan a ete precipite sur la• terre, et il
halete de fureur, car il sait qu'il n'a plus qu'un court repit. Mais, pour les Chre-
tiens, c'est la une occasion d'allegresse jubilante... Le nouvel Eon est deja
entame, et la consommation est certaine ». Voila done signalee, par un com-
mentateur de I'Apocalypse, limportance de ce livre comme temoin de la conti-
nuite saisie par la pensee chretienne entre les debμts de I'age messianique et
lavenir eternel. L'idee est fort juste, et parait toute naturelle; cependant on
nen a pas assez tire parti pour resoudre les points les plus epineux du pro-
bleme de la Parousie et de sa date. On a neglige I'Apocalypse. Pour determiner
lidee exacte que se faisaient nos premiers peres sur la pretendue proximite de
la Parousie, on scrute les Synoptiques, saint Paul, les Epitres catholiques, qui
ne traitent du probleme qu'en passant, ou par allusions; et on fait a peine
entrer dans la discussion I'exegese du livre prophetique qui traite tout entier,
ex professo, des fins dernieres. Comment expliquer une methode si fautive?
On dira que I'Apocalypse, outre la diificulte d'en faire I'exegese, est un ecrit
trop tardif, ne donnant que la doctrine personnelle d'un prophete? Mais, de fait,
il est parfaitement d'accord, pour toute sa theologie, avec le reste du Nouveau
Testament; il n'est posterieur que d'une trentaine d'annees aux derniers ecrits
de saint Paul ; il est adresse a des eglises groupees autour d'Ephese, et nour-
ries de Tenseignement de TApotre des gentils; et s'il a bien pour auteur ce
meme Jean fils de Zebedee, qui fut des les premiers jours I'ami etle collabora-
teur de Pierre, comme il avail ete le disciple bien-aime du Maitre?
J'ai deja indique au chapitre precedent comment I'Apocalypse embrasse dans
jne meme perspective synthetique toute la duree des temps messianiques ter-
/■estres et Teternite du siecle futur.
C'est une conception tout a fait biblique, celle meme des Prophetes de
TAncien Testament. Elle s'oppose a celle des Apocryphes judaiques tardifs
qui distinguaient soigneusement « les Jours du Messie » du « Siecle a venir ».
Seulement, ce que les Prophetes entrevoyaient dans I'avenir. Jean le con-
temple deja dans le present. II voit le Regne actualise, comme les Ju-
biles, etc., mais dans un tout autre sens; c'est un regne qui ne changera plus
{X) Ibidem, p. 478.
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CI
de nature, mais qui s'affermira et s'etendra toujours davantage, jusqu'a ce que
tout lui soit soumis. Dans le prolongement de la phase actuelle, ou les adver-
saires resistent encore, ou les fideles ont encore a souffrir, il aper^oit Veternite,
ou tout ennemi sera reduit a Timpuissance, ou les saints verront toutes les
larmes essuyees de leurs yeux. Les rayons du Grand Jour percent deja de tous
cotes les ombres actuelles. L'instant du Jugement, disons de la Parousie, sepa-
rera bien les deux phases de ce Regne de Dieu; mais on ne saurait trouver une
vision integrate qui se rapporte exclusivement a la phase ultime ; partout,
m6me aux chapitres xxi et xxii, c'est la meme vue synthetique, embrassant a la
fois les debuts de Regne et sa consommation.
La terre est done deja le Royaume du Christ, bien que Satan et ses suppots
n'en soient pas encore expulses. Le chapitre xii determine encore mieux le
moment ou cet etat de choses a commence, le « tournant de I'histoire » de I'uni-
vers, I'arrivee de ΙΈοη definitif. C'est quand le Dragon et ses Anges ont ete
precipites sur la terre par les armees de Michel (xii, 7-9), et cette bataille
parait otre le resultat immediat du ravissement du Messie au ciel (xii, 5). Le
cantique des habitants du ciel (xii, 10) place a cet instant meme de la chute
de Satan I'entree en exercice du gouvernement de Jesus (άρτι Ιγένετο... ή βασιλεία
του Θεού ήαών και ή εξουσία του χριστού αύτου, οτι εβλήθη δ κατηγοίΰ,, κτλ.) C'est le
debut des temps que, dans une perspective large, on pent appeler « eschato-
logiques ». Et en eifet, (si xi, 19 doit se rattacher, comme nous le croyons
apres Andre de Cesaree, avec H. Holtzmann et d'autres, aux chapitres xii et
suivants, auxquels il servirait d'introduction), I'apparition de I'arche d'alliance,
qui est un signe eschatologique traditionnel, caracterise toutes les descriptions
qui vont suivre, et qui partent de la naissance du Christ, comme se referant
aux « derniers temps ».
Certes, le Prophete n'a pas perdu de vue, dans cette perspective synthetique,
la Parousie ou plutot le Jugement des morts, 'qui separera les deux phases du
Regne de Dieu. 11 en parle explicitement au chapitre xi, apres la septieme
trompette, et au chapitre xx, apres la defaite derniere de Satan. Mais cela
n'empeche pas les deux phases de se fondre Tune dans I'autre en ses visions, sou?
les traits d'une meme allegoric. Au chapitre vii, il contemple I'Eglise militantt
comme une procession analogue a celle du jour des Rameaux, comme un fleuve
qui deverse continuellement au temple du ciel (Ιρ/ο'μενοι, au present, v. 14) des
flots d'adorateurs (encore λατρεύουσιν au present, v. 15) qui attendent, en servant
Dieu, le jour ou ils n'auront plus faim, plus soif, oii les larmes secheront dans
leurs yeux, c'est-a-dire le jour de I'eternite bienheureuse, qui n'est encore
qu'entrevu, quoiqu'ils soient deja presents allegoriquement au ciel, mais
entrevu comme une continuation de la vie spirituelle deja connue sur terre. Par
contre, aux chapitres xxi et xxii, il s'agit directement de la Jerusalem celeste,
c'est-a-dire de I'Eglise glorifiee, ainsi du triomphe definitif; or la cite celeste a
encore des traits epars qui ne conviennent qu'a I'Eglise militante : les nations
marchent a sa lumiere, les rois de la terre y apportent leur.gloire, ses portes
sont toujours ouvertes pour qu'on y entre (xxi, 24-27), elle est plantee d'une
foret darbres de vie « pour la guerison des nations » (xxii, 3). Cette Jerusalem
est done I'Eglise vue sous des traits simultanement combines, lesquels en
realite conviennent a deux etats qui, chronologiquement, seront successifs : le
CII INTRODUCTION.
temps des conquetes, et le temps de la gloire consommee. Ou bien on peut dire
que deja TEglise est au ciel, par ceux de ses membres qui jouissent de la vue
de Dieu, tandis qu'elle reste sur la terre, par ceux qui luttent encore; le
moment de la consommation, la Parousie, ne changera pas substantiellement
son etat, il I'elevera seulement a la perfection d'un bonheur et d'une gloire que
deja elle possede en partie. En tout cas, on voit bien par ces deux exemples
Funite de la perspective dans laquelle Jean embrasse le Regne et la Cite de
Dieu, sans distinction absolument nette de leurs phases initiale et finale.
Ainsi se trouve justifiee notre premiere these. Le moment ou se fait la dis-
tinction essentielle entre les ages de I'univers, entre les deux Eons, ce n'est pas
la Parousie future, c'est un evenement du passe, la glorification du Christ
mort et ressuscite. Get evenement marque la fin des temps de preparation,
le debut de ceux qui ne changeront plus de nature. Comme le disait Paul
(II Cor. V, 17) : τα άρχαϊα παρήλθεν, ίοου γεγονεν καινά. Virtuellement Tancien monde
est deja aneanti; c'est la fin des temps τα τε'λη των αιώνων (I Cor. χ, 11); vir-
tuellement aussi I'economie definitive est deja etablie : le Christ regne sur
terre, quoique d'un regne non encore inconteste, et la Jerusalem celeste, quoique
encore invisible aux yeux mortels, brille deja dans sa splendeur. Les fideles,
s'ils ne possedent pas encore le Christ comme un soleil dans son plein, le
voient poindre, ou memo le possedent dans leurs coeurs, comme I'etoile du
matin (ii, 28; cfr. xxii, 16). La vie presente de I'Eglise, depuis I'lncarnation,
est comme une aurore ou les tenebres qui reculent luttent centre le Jour qui
s'avance en irresistible conquerant.
Ainsi les epoques que la tradition judaique tardive avait nettement distin-
guees, ne sont plus tranchees de la meme maniere dans I'Apocalypse. Non
seulement les Jours du Messie s'unissent dans une meme perspective avec
leternite bienheureuse qui n'en est que la prolongation, I'epanouissement
complet, mais encore le siecle present et le siecle futur, les deux « Eons » —
si Ton continue a nous passer cette expression technique de I'Apocalyptique
juive, bien qu'elle soit etrangere a saint Jean (1), — les deux Eons, dis-je, se
melent et se compenetrent pour un certain temps apres I'lncarnation. Les
debuts du deuxieme, qui est le Regne de Dieu, coincident avec la fin du pre-
mier, qui etait le Regne de Satan. Dos que le Christ glorieux a pris en main sa
royaute, le monde profane et pecheur, condamne irremissiblement, virtuelle-
ment aneanti, commence a s'ecrouler au son des sept trompettes apocalyptiques,
car celles-ci se mettent a retentir des que le septieme sceau du livre est rompu
(c. viii); il ne faut done pas rejeter toutes ces catastrophes a un avenir tres
eloigne. Le parallelisme de « recapitulation » qui existe entre les deux sec-
tions iv-xi et xii-xx montre au contraire que les executions divines ont com-
mence des la chute du Dragon sur la terre (c. xii) ; et cette chute qui, au
moment ou Jean ecrit, a deja eu ses eifets dans I'histoire (2), parait, d'apres xii,
[Vae terrae et mari) n'etre autre chose que le troisieme « Vae », la troisieme
malediction annoncee viii, 13, ix, 12 et xi, 14, c'est-a-dire le dernier des sept
(1) Noter pourtant que I'emploi du mot κόσμος, dans TEvangile et les Epitres de Jean, a
quelque chose d'^quivalent.
(2) Ainsi I'apparition de la Bote du ch. xiii, des le temps de ΝέΓοη.
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CIII
fleaux, qui sont classes comme des types, et non suivant une succession pro-
prement chronologique (voir plus loin). Certains evenements considerables,
comme la chute de Rome, sont prophetises, a la fagon de la ruine de Jerusalem
dans les Synoptiques, comme une manifestation exterieure du Regne de Dieu
deja en acte (xix, 6) ; les habitants du ciel qui la celebrent dans un de leurs
cantiques entrevoient meme a cette occasion les « noces de I'Agneau », c'est-a-
dire le salut definitif a la Parousie. Ainsi le siecle present, le monde coupable,
est en train de s'evanouir sous les coups du Roi de TUnivers, qui fait sonner
les trompettes et repandre les coupes de sa colere. Mais combien d'annees ou
de siecles occupera la progression de cette ruine? Le soleil a deja perce les
ombres; combien de temps mettra-t-il a les dissiper tout a fait, jusqu'a ce que,
au grand Jour de la Parousie, les dernieres armees du Prince des tenebres se
precipitent d'une course affolee au fond des abimes?
L'Apocalypse aura une reponse a cette grande question. Mais ce qu'il nous
faut constater d'abord, c'est que sa conception synthetique des temps eschatolo-
giques correspond exactement a celle que nous revelent les Evangiles, les Actes
et les Epitres.
Dans les Synoptiques, Notre-Seigneur parle plus d'une fois du Regne de Dieu
comme inaugure deja par son activite miraculeuse, et surtout ses victoires sur
Satan, dans la guerison des demoniaques (voir notamment Luc, xi, 20) ; dans
une foule de logia, la venue de ce Regne est au moins annoncee comme immi-
nente, et les Paraboles indiquent clairement qu'il s'agit de I'Eglise. D'apres le
discours eschatologique de Marc, xiii. Mat. xxiv, Luc, xxi (avec les paralleles),
les ωδΤνες, ou douleurs d'enfantement des temps nouveaux, comprenant la ruine
de Jerusalem, et autres deploiements de la puissance du Fils de I'Homme, pour
le chatiment ou le salut, doivent commencer des la generation presente,
qui verra egalement le Regne de Dieu [Luc, ix, 27), venu dans la puissance
[Marc, IX, 1), le Fils de I'Homme venant avec son pouvoir royal [Mat. xvi, 28).
Ces sortes d'avenements partiels sont comme les prodromes ou un commencement
de la Parousie qu'ils annoncent. lis sont englobes dans la meme perspective que
la consommation, quoique la date du grand jour soit laissee volontairement par
le Christ dans une ombre impenetrable, pour que les disciples songent a veiller,
et a etre toujours prets. On peut done dire que, pour les E^>angiles, tout ce qui
suit la vie terrestre de Jesus est une eschatologie.
Les Apotres et leurs convertis obeirent a ce precepte de vigilance et ils pense-
rent toujours avec une grande ferveur, un sentiment presque dimpatience, au
retour glorieux du Maitre temporairement cache a leur vue. L'age messianique
ou ils sont entres n'est a leurs yeux que le debut d'un monde nouveau qui est
celui de Tavenir etde Teternite. Tout ce qui pourra se succeder de la Resurrec-
tion jusqu'a la Parousie, ils ne le considerent que comme une transition. Des son
premier discours a Jerusalem, saint Pierre fait voir dans les merveilles de la
Pentecote I'accomplissement d'une prophetic eschatologique de Joel. Les Apotres
qui, immediatement avant I'Ascension, parlaient encore avec impatience du reta-
blissement du Royaume d'lsrael [Actes, i, 6), ont vu leur Maitre s'en aller au
ciel. Peu de jours apres, I'EspriC descendu en eux leur a fait comprendre — et ce
fut une merveilleuse revolution dans leurs idees — que les temps nouveaux et
definitifs [Actes, ii, 17, dv εσχάταις ήαε'ραις) debutaient a la Pentecote. Pendant que
CIV INTRODUCTION.
le monde va commencera s'ebranler dans les convulsions predites par Joel, I'hu-
manite va aussi avoir acces au salut par I'lnvocation du nom du Christ (ii, 21),
d'abord les fils d'Abraham, puis « ceux qui sont loin » (ii, 39), toutes les families
de la terre qui recevront a leur tour I'Evan^ile (iii, 25). Le monde est deja
plonge dans les ώδΤνες, ces « douleurs du Messie », que la tradition juive (comiue
I'Apocalypse au chapitre xii) fait preceder la naissance du Messie, mais qui,
par une extension et une transposition naturelle, signifient, maintenant que le
Messie est venu, I'enfantement laborieux du salut definitif (1). C'est la detresse
du monde qui va vers sa fin, Γάνάγκη Ινεστώσα, qui, pour saint Paul, I Cor. vii, 26,
marque au moins le debut des grandes commotions qui doivent effacer la figure
passagere du siecle present. La periode presente pent deja s'appeler « les der-
niers jours » Ισχάται ήμέραι; de fait, cette expression designe, dans Heb. i, 2,
I Pet. I, 20, Jude 18, et peut-etre ailleurs, conformement a la perspective
biblique, tout le temps qui s'ecoulera depuis I'incarnation de Dieu jusqu'a la
consommation. C'est « la fin des siecles λ τά τέλη τών α'κόνων, en prenant τέλη dans
le double sens de point d'aboutissement chronologique, et de but, d'epanouisse-
ment du fruit des ages anterieurs, vis-a-vis de quoi tout ce qui a precede avait
raison de preparation ou de presage. En parlant des 6venements del'Exode israe-
lite, saint Paul s'exprime ainsi I Cor. x, H : « Tout cela arrivait a ceux-la en
figure, mais a ete ecrit pour notre avertissement, a nous que la fin des nges a
atteints » (εΙς ούς τά τέλη τών αιώνων κχτηντηκεν). Maintenant I'humanite est arrivee
au crepuscule matinal du Grand Jour : « C'est deja I'heure de s'eveiller du som-
meil: car a present notre salut est plus proclie que lorsque nous avons commence
a croire. La nuit est avancee, le jour s'est approche. Rejetons done les ceuvres
destenebres, et revetons-nous des armes de la lumiere » [Rom. xiii, 11-12). La
comparaison de TApotre porte-t-elle a la fois sur la nature du crepuscule et sur
sa duree, toujours breve, ou bien sur sa nature seulement, sur le melange qu'il
presente de nuit finissante et de jour commengant? Ou encore ce crepuscule ne
serait-il pour chaque chretien que la duree de sa vie mortelle? Tout cela est
possible en soi, et nous ne pouvons encore decider. Toujours est-il que, pour
Paul, comme pour les autres Apotres, I'^ge messianiqae terrestre n'est qu'une
periode de transition, I'aube du jour de I'^ternite. C'est exactement la concep-
tion que nous avons notee dans I'Apocalypse.
LA DUREE DU TEMPS MESSIANIQUE DANS L APOCALYPSE ET LES AUTRES ECRITS
DU NOUVEAU TESTAMENT.
Voici maintenant qu'une question plus difficile se pose. L'Apocalypse est-elle
aussi d'accord avec les autres ecrits neotestamentaires sur la duree du temps de
transition que le Christ emploiera a detruire la puissance du Mai, avant la
Parousie, et le Jour ou Dieu sera enfin « tout en tous » ?
(1) Quoique le terme θλίψις, tribulation, soit fort commun au sens le plus gonoral, surtout
chez Paul, nous serious tentes, apres d'autres, de lui reconnaitre un sens technique Equi-
valent a celui des ώίϊνες, en divers passages, tels que Mat. xxiv, 21, 29; Marc, xiii, 19, 24;
Apoc. I, 9; n, 22; vn, 14.
LES AUTRES HVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CV
Resumons d'abord lenseig'nement de Jean sar ce point. (La demonstration de
nos assertions doit etre remise necessairement au Commentaire.)
1" Les expressions apocalyptiques qui sembleraient indiquer la proximite de la
Parousie (έρχομαι i^/Jt, etc.) ont en realite des sens variables; beaucoup d'entre
elles n'ont pas de rapport immediat au dernier Avenement, et celles qui en ont
un ne determinent pas a elles seules I'epoque de cet Avenement.
2° La nature des evenements prophetises comme s'interposant entre le temps
de I'Apocalypse et la fin du monde, bien loin d'obliger a croire la Parousie pro-
chaine, la recule necessairement dans un lointain indefini. En effet :
a. Le temps assigne au Regne de I'Antechrist se prete a un tres long ajourne-
ment de la Parousie. Car les Irois ans et deini qu'il doit se prolonger (c. xiii, 15)
ne sont pas une duree litterale, mais symbolique. lis mesurent toute la duree de
I'activite des Betes, et le deroulement des evenements ainsi mesures suppose une
plus longue, meme une tres longue duree. Cela ressort : a) de ce que dans ce cadre
doivent trouver place les regnes de cinq empereurs passes, et une partie du
regne d'un sixieme (v. ch. xvu) ; β) ce laps de temps defalque, il doit rester assez
de duree encore pour que le sixieme finisse son regne, et qu'un septieme regne
apres lui. Mais ce schema de 7, qui a ete clioisi principalement pour des raisons
de symbolisme, sans doute pour signifier que I'Empire romain aurait son derou-
lement normal, n'epuise pas le nombre des empereurs; il y aura encore un
huitieme membra, lequel signifie peut-etre, ainsi que nous le verrons, une serie
prolongee, ou en tout cas, s'il n'est qu'un individu, peut aussi avoir des suc-
cesseurs ; γ) quand il n'y aura plus d'empereurs romains, apres la ruine de Baby-
lone par la Bete et ses cornes (c. xvii), commencera une serie, en nombre rond,
de dix rois, qui peut aussi bien comprendre des royaumes successifs. Alors, mais
alors seulement, Jesus viendra dans son triomphe (c. xix).
b. La pericope du Millenaire (xx, 1-10) donne enfin a la pensee de Jean sur le
grand eloignement de la Parousie une evidence eclatante. Ce difficile passage
fera I'objet d'une longue dissertation en temps et lieu. Indiquons-en ici les resul-
tats : Le Regne de mille ans (d'une duree indeiinie, en tout cas tres longue), se
confond avec toute la phase terrestre du Regne de Dieu etabli a la glorification
du Christ. II n'aen effet qu'un caractere spirituel, la « premiere resurrection »
est la vie de la gr^ce ou de la gloire dans la Jerusalem nouvelle qui est I'Eglise,
meme consideree en son etat militant. II ne s'etend pas a toute I'humanite et
I'incarceration de Satan n'est nullement absolue; enfin il n'y a pas proprement
rapport de succession chronologique, mais plutot simultaneite, entre les realites
du Millenaire et celles des visions precedentes xii-xix (ainsi que viii-xi). Le
Regne de Mille Ans coexistera avec I'Empire des Betes. Ainsi la Parousie doit
etre reculee a une epoque tres lointaine, figuree par un chiffre rond et symbo-
lique tres considerable.
S'il en est ainsi dans la Revelation apocalyptique, ne faut-il pas admettre par
contre que tous les autres ecrivains du Nouveau Testament ont cru la Parousie
tres rapprochee de leur epoque ?
L'eschatologie des Synoptiques (1) n'est pas ici en question. Jesus na voulu
(1) Sur cette question, voir le P. L.vgrange, EvangUe selon S. Marc, au commentaire du
chapitre xiii, et passim.
CVI IXTRODUCTION.
reveler ni le jour ni Iheure. II a predit que la generation contemporaine vcrrait
le « Regne de Dieu venu dans sa puissance », que Jerusalem serait delruite,
mais que les guerres et les fleaux imminents η elaient pas encore la consom-
niation, seulement « le commencement des douleurs » (ώδίνων). II faudra, avant
son retour, que le Regne de Dieu se developpe, et que I'Evangile soit porte par
toutelaterre. Du temps qu'exigera ce processus, le Sauveur a refuse de rien dire.
Mais, a partir du discours de Pierre au chap, ii des Actes, jusqu'aux epitres
jolianniques, on dirait, sur la premiere impression que donne la lecture, que,
soit la Parousie elle-meme, soit les ultimes signes precurseurs, sont envisages
paries ecrivains sacres dans un avenir assez immediat. L'etendue et la variete
des textes de saint Paul rend plus facile a determiner chez lui la portee des
expressions a tournure eschatologique. Commengons done par une breve revue
de ses Epitres, qui nous permettra d'interpreter plus rapidement et plus sure-
ment les indications des autres ecrits inspires.
Paul a toujours eu, semble-t-il, la Parousie a Thorizon de sa pensee. II I'a tou-
jours invoquee parmi les plus puissants motifs de ses exhortations a la foi et aux
vertus chretiennes,quoique un peu moins souvent et clairement dans les Lettres
de la premiere captivite. On ne peut dire qu'il y ait eu sur ce point aucun chan-
gement, ni meme aucune evolution visible dans sa pensee. Depuis les epitres
aux Thessaloniciens jusqu'a la deuxieme a Timothee, il ne cesse de faire des
allusions au retour du Christ, qu'il a vu dans sa gloire au chemin de Damas. II
vit de lattente de son triomphe entier et eclatant, et nulle idee n'est plus actuelle
ni plus agissante dans lesprit et le coeur du grand Apotre. C'est par la qu'il for-
tifie ses disciples contre les tentations du dehors et du dedans, qu'il les encou-
rage et les admoneste, qu'il se console lui-meme, par la vue anticipee de la
recompense qui lattend « en ce jour-la », des difficultes et des tristesses de son
labeur apostolique (I Thess. i, 3 suiv.; ii, 19; I Cor. i, 8-9; vii, 26; x, 11; xvi, 22
(marana thai); Rom. xiii, 11-12; Philippiens. i, 1, 6, 9; ii, 12-16; iv, δ; Eph. iv,
30; 6Ό/. Ill, 14; I Tim. vi, 14: II Tim. i, 12, 18; iv, \, 8; Tit. n, 13; Ileb. x, 25,
37; et nous en omettons). Si tel ou tel de ces passages peut s'appliquer ogale-
ment au progres du Regne du Christ sur la terre, il s'agit pourtant d'abord et
principalement, en presque tons, du grand Jour ou chacun recevra suivant ses
oeuvres, ou le Christ sera tout en tous, oii ses derniers ennemis, jusqu'a la Mort
elle-meme, seront ecrases a jamais.
Mais I'Apotre etait-il encore anime dans cette attente par la conviction que la
Parousie aurait lieu de son vivant meme, ou relativement peu de temps apres sa
mort ?
Qu'il y eut des hommes qui dussent assister vivants a la Parousie, en sorte
que leur corps serait seulement transforme, sans avoir besoin d'etre ressuscite,
c'est une part aujourd'hui indiscutee de son enseignement eschatologique
(I Cor. XV, 51-53, avec la legon certaine : πάντες ου κοιμηθησόμεθα, πάντες δέ άλλα-
γησόμεθα). Que ce sort lui parut enviable en soi, c'est ce qui resulte avec evidence
de II Cor. v, 1-10. oil il exprime la repugnance naturelle a tout homme, et a lui-
mSme, devant la perspective d'etre depouille de son corps; il etait plus humain
que les spiritualistes a la Platon (oO θέλοαεν Ιχδΰσασθαι, άλλ' επενδυσασΟοι, ινα χαταποθη
το Ονητον υπο -ης ζοιης . Mais c'cst la constater seulement un fait psychologique nor-
mal et general, et de ce seul passage il ne sensuit pas que I'Apotre ait regarde
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CVIi
concretement comme probable ou possible qu'il serait vivant a la Parousie; il ne
fait qu'envisager theoriquement la double hypothese, comme nous pourrions le
faire nous-memes, nous Chretiens qui n'avons guere d'espoir d'assister vivants
au retour du Seigneur. Nous pouvons done laisser ce texte-la de cote, comme
trop peu instructif pour notre sujet. Examinons les autres, qui sont nombreux, et
que Ton peut partager en deux classes, sans nous occuper pour Tinstant de leur
ordre chronologique : 1° les uns n'ont qu'une valeur d'indication donnee en pas-
sant, au cours d'instructions qui ne traitent pas specialement d'eschatologie ;
2^• les autres en traitent directement et formellement. Ce sont : a deux passages
des letlres aux Thessaloniciens ; b le chapitre xi de I'Epitre aux Remains; c la
description de I'etat religieux des derniers temps dans les Epitres pastorales.
I. Textes oii Paul parte d'eschatologie per transennam. — Nous avons le droit
de faire abstraction de leur ordre chronologique, car, en fait, le meme melange
de perspectives ou de points de vue se retrouve dans les epitres de toutes les
epoques.
Deja beaucoup d'allusions au jour du Seigneur ont ete notees ci-dessus. Rele-
vons seulement ici les plus significatives.
Au cours de son instruction sur la virginite et le celibat, I Cor. vii, v. 26 sui-
vants, Paul conseille cet etat non seulement a cause de la plus grande liberte
qu'il donne, en tout etat, pour s'occuper de Dieu, mais a cause de la condition
du monde, qui est sur son declin. II invoque comme motif « la necessite presente »
— ou imminente — (δια τήν Ινεστωσαν ανάγκην, v. 26) ; 1θ fait que le temps — ou le
temps propice — s'est resserre (6 καιρός συνεσταλμένος εστίν, v. 29) ; la tribulation
dont la menace est suspendue sur les affections terrestres (ίιλίψιν δέ 'τ7, σαρχι εξουσιν
οι τοιούτοι, ν. 28); et il affirme que la forme, la disposition actuelle du monde est en
voie de disparition (παράγει γαρ το σχηαα του κόσμου τούτου, ν. 31). II se juge donc au
moins aux debuts de ce processus de destruction. Mais nous avons vu qu'il en
etait de m^me pour Tauteur de I'Apocalypse.
Dans la meme epitre, xv, v. 51 et suivants, I'Apotre decrit la resurrection des
fideles, au jour de la Parousie : « Voici que je vous dis un mystere : Nous ne dor-
mirons pas tous; mais tous nous serons transformes, en un instant, en un clin
d'oeil, a la derniere trompette; car la trompette sonnera; et les morts ressusci-
teront incorruptibles, et nous serons transformes «. On en a conclu que saint
Paul, se rangeant dans la categoric de ceux qui seront seulement transformes,
se met par la en dehors de la categorie de ceux qui ressusciteront (καΙ οί νεκροί
εγερθησονται άφθαρτοι καΐ ήμεϊς άλλαγησόμεθα) ; donc il ne sera pas mort, selon SBS
previsions, aujour du Seigneur. Le texte donne en effet cette impression a pre-
miere vue; pourtant il est moins categorique qu'il en a I'air. On part en effet de
cette idee que la transformation (άλλ-χγ-ζίσόμεΟα), s'oppose irreductiblement a la
resurrection (έγερθησόνται). Or il n'en est rien; car, au verset precedent, saint Paul
attribue cette transformation a tous sans exception, y compris par consequent a
ceux qui, etant morts, devront ressusciter, non moins qu'a ceux dont le corps
corruptible vivant passera subitement a lincorrupti-bilite (πάντες ού κοιμηθησόμεθα,
πάντες δε άλλαγησόμεθα). Aussi n'cst-il pas impossible de comprendre ainsi le ver-
set 52 : « Les morts — c'est-a-dire ceux qui sont morts a Fheure qu'il est, au
moment oii je vous ecris — ressusciteront incorruptibles, et nous — nous qui
ne sommes pas morts encore, — nous serons transformes — transformes, cela
CVUl INTRODUCTION.
va sans dire, de la maniere qui conviendra a notre etat, laquelle maniere pourra
etre une resurrection, ou autre chose. » II faut noter en effet, comme 1 ont releve
a tres bon droit Cornely et d'autres conservateurs, que saint Paul se place tout
aussi bien, dans cette meme epitre aux Corinthiens, parmi ceux qui seront res-
SUScites (vi, 14 : δ δε θεός και τον κύριον ήγειρεν, και ήι/α; έζεγερεϊ) Et dans II Cor. IV, 14,
nous lisons : Celui qui a ressuscite le Seigneur Jesus nous ressuscitera aussi
avec Jesus ».
Dans I'Epitre aux Philippiens, ecrite durant la captivite romaine, lorsque,
suivant la plupart des exegetes, les idees de Paul auraient subi une evolution
sur ce point-la, nous retrouvons pourtant i, 6, 10, et surtout iv, 5 (δ κύριος 'εγγύς cfr
le Maranatha de I Cor. xvi) autant d'insistance sur la preparation au Jour du
Seigneur que dans les epitres aux Thessaloniciens elles-memes. L'apotre y
parle, au chapitre ni, 11, de sa resurrection souhaitee (ει πως καταντήσοι είς τήν
εξανάστασιν την εκ νεκρών), quoiqu'il ait suiTisamment indique auparavant qu'il ne
croyait pas que son jugement dut aboutir a une sentence capitale, et qu'il ne
fut pas arrive a I'extreme vieillesse, qui ouvre des perspectives de mort pro-
chaine. Neuf versets plus bas (iii, 20-21), il revient a I'attente de la Parousie, et
d'une « transformation » dont lui aussi sera beneficiaire : « Notre vie de citoyens
est dans les cieux, d'ou aussi nous attendons comme Sauveur le Seigneur
Jesus-Christ, qui transformera (κατασχηαατίσει, verbe apparemment synonyme de
Γάλλάττειν des Corinthiens) le corps de notre humiliation en le configurant au
corps de sa gloire. »
Ainsi Paul dit indifferemment de lui-meme, comme de ceux au nombre des-
quels il se place, ou bien qu'il ressuscitera, ou bien qu'il sera transforme, au
Jour de la Parousie. C'est done, ou qu'il n'oppose pas strictement la resurrec-
tion a la transformation (celle-ci serait le genre et I'autre une espece de ce
genre: nous tenons cette hypothese pour possible). Ou bien, si nous concedons
qu'il les oppose i'ormellement, s'il distingue deux categories, les « ressuscites »
et les « transformes », il se place lui-meme, suivant les cas, dans I'une ou dans
I'autre. C'est done que le pronom nous, ήμεϊς, signifierait au fond dans ces
passages : ceux d'entre nous, les uns parmi nous. Paul envisageait comme un
tout I'ensemble des Chretiens, et il n'est pas necessaire de restreindre cette col-
lectivite « nous » aux chretiens presents, elle pent fort bien embrasser les fideles
du passe, du present et de I'avenir. Tres surprenante est lObjection qui pretend
qu'une telle maniere de parler eut ete incomprehensible dans les premieres
epitres, parce que leurs destinataires n'auraient pas connu la doctrine de
I'Epitre aux Ephesiens sur I'unite de TEglise, consideree comme un seul corps.
Mais cette incorporation des fideles au Christ, qui fait I'unite du chef avec les
membres, et des membres entre eux, n'etait-ce pas, des le jour de la conversion
sur le chemin de Damas, devenu I'idee maitresse de TApotre des Gentils?
Pouvait-il la laisser ignorer a ses neophytes? N'en parle-t-il pas deja, de cette
unite, dans la Premiere aux Corinthiens, et s'est-il ecoule seulement dix ans
entre les lettres a Thessalonique et I'epitre aux Ephesiens ?
Toute cette premiere categorie de textes ne peut done a elle seule trancher
la question de savoir si Paul, qui, a toute epoque de sa carriere, a eu I'dme
remp'ie par I'attente du retour triomphal de Jesus, a juge que ce retour aurait
lieu de son i>ivant.
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CIX
Nous reconnaissons bien que Γάλλαγησόμεθα, le καιρός συνεσταλμένος, ont Tair de
faire pencher la balance du cote de la proximite de la Parousie ; mais peut-etre
n'en ont-ils que Tair. II faut reserver la possibilite d'un autre sens. Pour juger
de la veritable perspective de I'Apotre, nous devrons voir quelle signification il
convient de donner a ces textes douteux pour qu'ils s'accordent avec les pre-
dictions escliatologiques faites ex professo dans certaines epitres.
II. Les eiiseignements eschatologiques formels.
Les premiers en date et en importance se trouvent dans les epitres aux Thes-
saloniciens (1).
a. I Thess. IV, 13- V, 11. — II Thessal. II, 1-13. — Ces deux peri-
copes sont inlimement jointes, et Ton ne pent avoir la pleine intelligence de la
premiere qu'en function de la seconde,
Celle de I Thessal. fournit leur argument le plus fort a ceux qui veulent
trouver dans saint Paul raffirmation de la proximite de la Parousie. Mais il faut
bien comprendre de quoi saint Paul voulait instruire les Thessaloniciens.
Etait-ce de la date de la Parousie? Nullement, et pas meme en passant.
L'Apotre resout une question theorique universelle, sur la parite des morts et
des vivants au point de vue du bonheur consomme que I'Avenement inau-
gurera. Les fideles de Thessalonique, ayant vu mourir quelques-uns des leurs
depuis I'evangelisation de leur ville, se demandaient avec inquietude dans
quelle mesure ceux-la, qui etaient deja dans les tombeaux, participeraient aux
bienfails et aux joies du jour du Seigneur. Ce qui les preoccupait, c'etait le
sort de leurs morts, d'individus defunts bien connus d'eux, et en nombre
determine. Que cette iiste funeraire put encore s'allonger avant la Parousie,
ils n'en doutaient sans doute pas, si rapproche qu'ils en crussent le jour. Mais
enfin, eux n'etaient pas encore de la categoric des morts, et, quoique le meme
probleme put un jour se poser pour eux, c'etait a lews morts, non a eux-
m^mes, qu'ils pensaient, c'etait sur des personnes connues qu'ils gemissaient,
que cela leur inspirat ou non un retour sur leur propre sort personnel. Voila
comme se posait la question. Paul les rassure sur leurs morts, mais en posant
des principes valables pour tous les fideles, quels qu'ils soient, qui s'endormi-
ront dans le Seigneur avant la Parousie. Ils ne seront pas moins favorises, de
06 chef, que les fideles trouves alors en vie par le Seigneur; car tous, ressus-
cites ou transformes, seront ravis en meme temps au devant du Seigneur,
pour demeurer toujours avec lui.
C'etait une reponse absolument universelle; dans le cas d'une prolongation
de ce monde transitoire, il n'y avait qu'a Fappliquer a plus d'individus, a des
milliers ou a des millions de pius, voila tout. Et c'est ce principe seul qui
importait, c'est le seul enseignement doctrinal, la seule affirmation, que Paul
ait voulu donner dans ce passage. Ce serait se meprendre etrangemcnt que de
croire y trouver I'intention d'enseigner ou d'affirmer quelque chose sur I'immi-
nence ou la non-imminence de la consommation. La question etait etrangere
au debat et I'attention de Paul ne s'est pas portee sur elle, absorbee qu'elle
etait tout entiere par celle de la parite des morts et des vivants en face du juge-
ment du Christ. II en louche bien un mot un peu plus loin; mais c'est pour
(1) Voir VOSTE, Ep. Thessal., ad loc.
βχ INTRODUCTION,
rappeler, d'apres les paroles du Christ, que cette question est inutile, etant
insoluble; il est oiseux de vouloir calculer soit les epoques, soit les moments
(περί δε των γρόνων και των καιρών, αδελφοί, ου χρείαν ε/ετε υμϊν γράφεσθαι. Ι T/iess. ν, 1).
II faut seulement se tenir toujours prets, de fagon a ce que, soit vivants, soit
morts — tel est le sens, d'apres le contexte, des mots de v, 10 : εϊτε γρηγορωμεν
είτε καθεύδωμεν — nous puissions vivre avec le Christ.
La question est resolue, pour ainsi dire, in abstracto, et en toute hypothese.
Toute discussion sur la survivance possible des membres de la communaute
thessalonicienne jusqu'a TAvenement, est done ainsi ecartee. Les fideles ne
doivent pas s'en tourmenter, puisqu'ils savent desormais qu'ils ne perdront
rien en definitive a mourir avant ce jour-la.
Mais pourquoi alors TApotre, au cours de cette instruction si belle et si
sobre, qui fixe un point de theologie bien plus qu'elle ne prophetise, a-t-il
employe deux fois (iV, 15 et 17) I'expression ήμεϊς οί ζώντες οί περιλειπόμενοι (εΙς την
παρουσίαν του κυρίου), « nous, les vivants, qui sommes lalsses jusqu'a [ou pour) la
Parousie da Seigneur? » C'est ici le fort des eschatologistes. L'Apotre,
disent-ils, quoique se refusant, a cause des declarations du Christ, a rien dire
sur le temps exact de I'Avenement, n'en partage pas moins pleinement la con-
viction humaine de ses fideles, qu'il aura lieu au cours de la generation contem-
poraine. 11 entre sans aucune reserve dans leur hypothese, que les faits n'ont
pas verifiee. Nous pourrions tout de suite leur objecter que saint Paul ne se
refuse pas moins a la determination d'une epoque qu'a celle d'un moment
exact; c'est pour cela qu'il a oppose χρόνοι a καιροί. Quant au ήμεις οί ζώντες οί
περιλειπόμενοι, nous ne croyons pas que la grammaire oblige a y voir raffirma-
tion que lui, Paul, juge devoir etre de ces vivants laisses pour la Parousie;
autrement, comme I'a insinue la Commission biblique (1), saint Jean Chry-
sostome et les autres commentateurs grecs s'en seraient bien apergus, et
auraient cherche de quelque maniere a expliquer cette difficulte. Ce n'est pas une
question de grammaire, cepeut n'etre qu'une figure de style. Sans doute « nous qui
sommes laisses » n'est pas litteralement la meme chose que « nous qui serons
laisses », ou « ceux d'entre nous, Chretiens, qui seront laisses «. Mais il n'est
certes pas impossible, ou que saint Paul ait parle ainsi par hypothese, jugeant
avoir alors autre chose a fair'e qu'a critiquer cette idee des Thessaloniciens, ou
que, comme nous I'avons dit a propos de Γάλλαγησο'μεΟα et de Γεξεγερεΐ de I Cor.
il se soit mis momentanement a la place de la categorie des Chretiens —
peut-etre presents, mais aussi bien futurs, — que le Seigneur trouverait
vivants. On pourrait tout au plus en inferer comme probable que I'hypothese
d'etre du nombre ne lui repugnait pas au moment oii il ecrivait cette lettre. Au
reste, je reconnais bien que, a part notre distinction de χρο'νοι et de καιροί, dont
on contestera peut-έtre la portee, toute la pericope demeure tres obscure et
(1) Decrel du 18 juin 1915, De Parousia seu de secundo Adventu Domini nosiri Jesa Christi,
in epistolis SancU Pauli Apostoli, a la troisifeme roponse, d'apres laquelle I'interprota-
tion catholique Iraditionnelle du « ήμεΐς ol ζώντες οί περιλειπόμενοι » ne peut etre licitement
rejetee « tanquam longius pelitam et solido fundamento destitutam », et tout le passage
I Thess. IV, 15-17, doil otre expliquo a la fagon des Peres « quin ullo modo involvat afTirma-
tionem Parousiae tam proximae ut Apostolus seipsum suosque lectores annumeret fldelibus
illis qui superstites ituri sunt obviam Christo ».
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CXI
equivoque au point de vue du sujet que nous traitons. Aussi avons-nous dit
que, pour bien comprendre la position de Paul, il ne fallait pas tirer de con-
clusion de cette pericope avant d'avoir examine le chapitre ii de la seconde
epitre adressee aux memes fideles.
II Thessal. II, 1-13. — Le point neglige dans la premiere epitre avait pris
de I'importance quand saint Paul, quelques mois apres, ecrivit la seconde. Car
I'attente de la Parousie prochaine, qui pretendait s'appuyer sur des declara-
tions de I'Apotre lui-meme, jetait du trouble dans les moeurs de la commu-
naute, flaneries, exploitation de la charite d'autrui, ch. in, 6-16. Alors, cette
fois, saint Paul dit nettement :
1. Nous vous demandons, freres, concernant la Parousie de Notre-Seigneur Jesus-
Christ et notre reunion k lui, 2. de ne pas etre trop vite jetos hors de sens ni epou-
vantes (εΐς το μ.ή τα/ έως σαλευθηναι υρ,ας cnth του νοο; ιχηδε θροεΓσθαι), ni par un esprit, ni
par une parole, ni par une lettre censee venir de nous (αητε δι' Ι-ι^τολης ώ; δι' ή,αων),
COmme si le jour du Seigneur etait deja la (ώς 8τι ένε'στηκεν ή ήαε'ρα τοΰ κυρίου).
Les termes sont forts. Deja, lors de la premiere lettre, les Thessaloniciens
croyaient la Parousie assez prochaine ; mais on ne sail quel incident avait fait
juger a certains d'entre eux qu'elle etait non seulement proche, mais iinini-
nente. C'est cela seulement que pent signifier Ινέστηχεν ή ήμε'ρα του κυρίου. Le
parfait Ινέστηχεν, dans I'usage grec, a la valeur d'un present qui dure; mais la
grammaire n'oblige pas d'admettre qu'il s'agisse ici d'un present parfaitement
actuel; le jour du Seigneur n'est pas tout a fait venu, mais « il est la », il est
tout proche. Un present, selon le contexte, peut toujours aussi signifier un
futur immediat. Si Terreur eut ete semblable a celles que voulurent propager
plus tard a Ephese Hymenee et Philete (II Tim. ii, 17-18) en pretendant que
la resurrection etait une chose faite, autrement dit qu'il n'y avait a attendre de
resurrection qu'au sens spirituel, on ne voit pas bien, d'abord, comment cette
heresie froide et rationaliste aurait pu produire cet affolement, cette epouvante,
marques par les mots σαλευθηναι άπο τοΰ νοο'ς et θροεΐσθαι. Ce qui est encore plus
probant, c'est que I'erreur des Thessaloniciens devait etre de telle nature qu'elle
put pretendre s'appuyer sur saint Paul lui-meme. Or. on n'aurait pu interpreter
dans ce sens rationaliste la premiere epitre qui parlait avec tant de conviction
etau sens le plus litteral, de I'Avenement visible du Seigneur. Si c'etait une lettre
falsifiee, ou une pretendue revelation spirituelle qui avait donne lieu a cette
agitation, il fallait du moins que leurs dires pussent se concilier avec I'ensei-
gnement connu de Paul. Une seule explication reste done : comme la premiere
epitre n'avait pas dit que la Parousie etait eloignee, quelquc incident survenu
ensuite avait fait conclure qu'elle etait imminente. Or, c'est bien cette imminence
que Paul va nier categoriquement.
La Parousie, dit-il, n'est pas si proche, car les signes qui doivent la preceder
n'ont pas encore paru. Ces signes, dont Paul va parler, nous verrons que ce
sont des signes qu'on pout prendre pour negatifs, des signes ante quae non.
lis n'enlevent done pas lincertitude qui, dapr^s les Synoptiques et I Thess.
doit durer jusqua la fin touchant la date du grand jour. Notre-Seigneur lui-meme
avait dit que, avant son Avenement, aurait lieu la chute de Jerusalem et I'evan-
CXII INTRODUCTION.
gelisation de tous les peuples, sans dire de combien de temps la Parousie
devait les suivre.
Saint Paul continue done ainsi :
3. Que personne ne vous egare en aucune maniere. Car si I'apostasie ne s'esl pas
produite d'abord (1), at si I'homme du pec/ie ne s'est pas manifeste (και άποκαλυοθτί
δ άνθρωπος της άνο,αίας), 1β fils de la perdition, 4, celui qui s'oppose, et qui s'eleve
au-dessus de tout ce qui s'appelle dieu ou chose sainte ίυ-εραφόμενος έπΙ πάντα λεγόμενον
θεον η σέβασιια), jusqu'a s'asseoir Iui-m6me daos le temple de Dieu, pretendant lui-
ιηέπιβ 6tre dieu...
5. Ne vous souvenez-vous pas qu'etant encore avec vous je vous ai dit ces choses?
6. Et maintenant, ce qui le retient, vous le savez (χαί νΰν τό κάτε/ον οΐ'δατε), pour qu'il
n'entre en scene (εις τό αποχαλυφθηναι αυτόν : pour qu'il ne soit manifeste) qu'en son temps
a lui. 7. Car le mystere d'iniquite est deja en activite (το γαρ αυστήριον ηδη ένεργεΤται
της άνοιχίας). Que seulement ce qui le retient (6 κατέ/ων, celui qui le retient) jusqu'a
present soit ecarte, 8 et alors se manifestera I'impie, que le Seigneur doit detruire
(ανολεϊ) du souffle de sa bouche, et aneantir par I'eclat de son avenement (και καταργτ5σει
τη επιφάνεια της παρουσίας αύτοΰ).
9. (lui) dont I apparition (ή παρουσία) se produit selon taction de Satan, parmi toutes
sortes de miracles, de signes et de prodiges menteurs, 10, et avec toute la puissance
de seduction de I'iniquite pour ceux qui se perdent parce qu'ils n'ont pas regu I'amour
de la verite pour leur salut, 11. Et, a cause de cela, Dieu leur envoie (πέμπει, au
present) une force agissante de seduction pour qu'ils croient au mensonge, 12, afinque
soient juges tous ceux qui n'ont pas cru a la verite, mais qui se sont complu dans
I'injustice.
13. Quant a nous, nous avons le devoir de rendre graces a Dieu en tout temps,
a votre sujet, freres que le Seigneur aime, de ce que Dieu vous a choisis, des le
commencement (ou comme premices, suivant qu'on lit in άρχης ou άπαρ/ην) pour le
salut par la sanctification de I'Esprit et par la foi a la verite, etc. (2).
L'Apotre nous apprend, dans ce fameux passage, qu'avant le jour du
Seigneur le monde verra d'abord une « apostasie », accompagnee ou suivie
du Jour de I'Antechrist. Car c'est bien la figure sinistre de TAdversaire (δ αντικεί-
μενος, V. 4), de Belial ou du roi impie et persecuteur de la tradition judaique,
qu'il faut ici reconnaitre dans cet « homme de peche ». L'apostasie future lui
donnera I'occasion de se reveler (άποκαλυ-^θη, etc., vv. 3, 6, 8). II est dit qu'il se
« revelera », non qu'il commencera d'etre alors. Car deja, au moment ou saint
Paul ecrit, le « mj'stere d'iniquite » opere dans le monde (τδ μυστζ-^ριον της ανομίας,
comparer δ άνθρωπος της ανομίας et δ άνομος). C'est une force malfaisante qui agit
jusqu'alors d'une fa^on relativement voilee (μυστηριον), et qui prepare I'Ante-
christ, peut-etre est-ce deja Taction de Γ « homme d'iniquite » lui-meme; il
pourrait deja apparaitre au grand jour, mais il ne le fait pas encore, parce
qu'il y a quelque chose (τδ γ.άτε/ο^, au neutre), une force, ou une institution, ou
(1) La legon αποστάτης (au lieu ά'άποστασι'α,) qu'on ne lit dans aucun manuscrit grec, mais
dont on peut supposer I'existence d'apres une citation de S. Augustin, Cite de Dieu, xx, 19 :
« quoniam nisi venerit refuga primum et revelatus fuerit homo peccati «, ne peut etre
authentique, elle aurait ete due au desir de ramener tous les details de la pericope a I'An-
techrist personnel.
(2) Trad. Lemonnyer.
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CXIII
une doctrine, et quelqu'un (δ xarf/ojv, au masculin) qui arretent jusqu'ici cette
manifestation. Mais un jour viendra oii cat ag-ent personnel, et par consequent
aussi cette force impersonnelle, seront ecartes (έως Ix μέσου γένηται a certaine-
ment ce sens). Alors (το'τε) Timpie se revelera, et il se mettra d'emblee au-dessus
de tout objet d'adoration, de tout dieu, vrai ou faux (πάντα λεγόμενον θεόν.) II
s'assoira dans le Temple de Dieu, temple qui peut etre une figure comme dans
I'Apocalypse chapitre xi (1). L'autorite de cet imposteur sera etablie aux yeux
des liommes infideles par toute espece de prodiges mensongers. Ce sera ime
veritable Parousie (v. 9), contrefagon de celle du Fils de Dieu. Mais celui-ci
le detruira par le souffle de sa bouche — image a laquelle nous sommes habitues,
et qui signifie la force de la parole divine, n'entrainant done pas necessairement
d'action subite et miraculeuse — et il finira par abolir tout a fait la puissance
de I'Adversaire, par I'aneantir (καταργήσει) a Tapparition de sa Presence (τη επιφά-
νεια της παρουσίας αύτοΰ), c'est-a-dire par sa Parousie eschatologique.
Quest-ce que cet « homme de peche » ?
■ Notons avant tout qu'il ne semble pas etre, purement et simplement, une
figure de Favenir. En effet, il y a correspondance membre a membre entre les
agents de I'iniquite et les agents qui en contiennent encore le debordement.
Au neutre το μυστηριον της ανομίας repond le neutre το κάτεχον ; au masculin δ άνθρωπος
της ανομίας repond le masculin δ κατε'/ων. On ne peut passer negligemment sur
ce parallelisme. Or, cet agent personnel, ce χατέ/ων, agit et opere deja (δ κατέ;(ων
άρτι) il met en action le χάτεχον; de meme, on peut supposer que Γ « homme
d'iniquite » est deja present, d'une maniere latente, sous le « mystere d'ini-
quite » qui travaille a I'heure qu'il est. Force s'oppose a force, et personnalite
a personnalite pour diriger ces forces.
Suivant toute apparence, cet homme d'iniquite est done la, au milieu du
i*"" siecle de notre ere, preparant dans I'ombre sa Parousie. II n'y a pas a douter
que ce soit un agent personnel. Mais est-ce bien une personne indwiduelle,
ou une collectivite personnifiee? Pour le sujet qui nous occupe, les conse-
quences seraient toutes differentes dans I'un ou dans I'autre cas. Si c'est une
personne individuelle, qui doive etre aneantie seulement a I'Avenement du
Christ, alors il faudra bien que la Parousie ait lieu avant que le temps d'une
vie d'homme, et de la vie d'un homme deja en age d'exercer une action puis-
sante et secrete, se soit ecoule; si c'est au contraire la personnification d'une
collectivite, son action peut se prolonger, malgre la disparition de ses membres
successifs, pendant une periode qui ne sera pas necessairement courte; le
souffle de la bouche du Christ, sa Parole, pourra mettre du temps a la detruire
(άνελει), jusqu'au jour ou la Parousie achevera cette destruction (καταργήσει). Nous
touchons, on le voit, a un point tres sensible de notre enquete.
Les exegetes, pour identifier cet « homme d'iniquite », sont tres embarrasses
par la penurie des paralleles, II y a bien les paralleles juifs sur I'Antechrist,
qui ont certainement conditionne la forme exterieure de cette prophetie ; mais
on ne peut les transporter tels quels, avec leur sens non inspire, dans une
(1) Nous rcviendrons la-dessus plu<i loin. CeLle intrusion dans le temple signifie que
I'Antochrist tachera d'exclure le vrai Dieu lui-meme, et de supprimer, au profit de son
orgueil, I'idee du Tout-Puissant invisible.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. A
CXiv IXTRODUCTIOX.
prediction du Nouveau Testament. Par ailleurs, dans les ecrits inspires, on n'a
o-uere pense qu'a la « petite corne » du monstre de Daniel [Dan. vn, 8 suiv.
20 suiv. cfr. tiiiL dont rinierpretation totale n'est pas plus facile que celle de
notre passage.
Mais il y a pourtant un autre parallele, et un parallele beaucoup plus proche,
et encore un parallele inspire. II est dans lApocalypse : C'est la Bete des
chapitres xi, xiu, et xvii. Cette Bete, apres etre montee de la Mer ou de TAbime,
seduit les hommes, et fait apostasier un certain nombre de Chretiens, les laches,
les δειλοί du c. xxi, 8; comparez Γ « apostasie » de notre chapitre. Par le faux
miracle de sa resurrection, et par les prestiges de la seconde Bete ou Faux
Prophete (c. xm), elle se fait rendre des honneurs divins; comparez cette
surdivinite de lAntechrist, dont il persuade les hommes au moyen de prestiges
diaboliques. La Bete est d'abord contrariee et maintenue, durant les trois ans
et demi, par Tactivite des Temoins (c. xi); comparez le χάτε/ον et le κατέχων.
Mais elle finit par les vaincre, au moins en apparence; comparez le « έως Ικ }Αεσου
γενηται ». Pour la Bete il y a alors un progres dans la manifestation, une apogee,
une Parousie (πάρεσται de xvii, 8); comparez la Parousie de I'homme d'iniquite.
Enfin, quand la Bete a seduit a peu pres toute la terre, le Christ, apparaissant
comme Verbe de Dieu, c'est-a-dire agissant principalement par sa parole, la
saisit et la jette dans Tetang de feu (c. xix); comparez-y Taction du souffle
de la bouche du Seigneur centre TAntechrist, et I'aneantissement de celui-ci
a la Parousie.
Ce parallelisme est done beaucoup plus marque quon ne le pense d ordinaire.
Mais la Bete est une collectivite politique: mais les Deux Temoins du Christ
opposes aux Deux Betes temoins de Satan, sont aussi la collectivite des instru-
ments de Dieu, agissant par la predication appuyee de miracles. Ne peut-on
penser qu'il en est de meme de Γ" homme d'iniquite » et du « χ«τε'/ων »? Cette
interpretation n'est d'ailleurs nullement incompatible avec celle des Peres qui
ont vu dans Γανομος un Antechrist personnel; car, de meme que pour la Bete,
rien n'empeche de croire que lapogee, la « Parousie » de cette puissance mal-
faisante soit due a raction personnelle d'un homme futur, qui incarnera par
excellence toutes les forces de I'iniquite (1).
Admettre que saint Paul a parle ici un langage figure, je sais bien que c'est
contredire le grand nombre des exegetes, anciens et modernes, et remonter un
courant presque unique. Mais peu importe, s'il est certain par ailleurs que pareil
langage apocalyptique n'etait pas etranger a saint Paul, quand il parlait descha-
tologie. Or, nous en avons la preuve dans cette description meme de I'Avenement
du Christ qu'il fait I Thess. in et I Cor. xv. II y parle de la « voix de I'Archange w,
de la « derniere » trorapette, ce qui laisse supposer qu'il connaissait une tradition
eschatoloo-ique sur plusieurs trompettes, peut-etre celle-la meme qui devait
donner leur cadre aux visions de Jean, Apoc. \ni-xi. Non seulement cela, mais
Paul etait porte a user du langage apocalyptique la meme ou 11 ne s'agissait pas a
proprement parler d'eschatologie. C'est ainsi que, Rom. i, 18, il dramatise I'aban-
(1) Saint Augustin connaissait deja, sans la rejeter, une intei'pretation de I'Antechrist comnae
representant non seulement un homme, mais une multitude constituant un corps dont il serait
le chef [Cite de Dieu, xx, 19).
LES AUTRES LIVRES DU XOUVEAU TESTAMENT. CXV
don divinqui se manileste dans le dereglement et Taveuglement des gentils, en
disant que « la colere de Dieu se revele du haut des cieux », αποκαλύπτεται γαρ
οργή θεοΰ απ' ουρανού, style dont οπ s'explique mieux la couleur si Ton songe que
pour TApotre aussi, les derniers temps, έσ/άτχι ήμ^έραι, pouvaient avoir com-
mence. Si jusqu'a des faits moraux et continus de I'epoque revetaient a ses yeux
et dans son style quelqne teinte apocalyptique, a fortiori a-t-il du user de ce style
quand il parlait formellement de la Parousie et de ce qui la precedera. Car tel
etait depuis longtemps Tusage, et ce n'est pas saint Jean qui a cree le style apo-
calyptique avec ies personnifications qu'il entraine.
Nous pouvons en conclure qu'iV est possible a priori, que saint Paul ait use,
dans la pericope II Tltess. iii, 1-13, des personnifications du style apocalyp-
tique; et que le parallelisme assez etroit existant entre cette pericope etle drame
des Betes dans I'Apocalypse Johannique, rend vraisemhlahle qu'il en cat use.
En ce cas, Γ« homme d'iniquite » pent etre une serie courte ou longue, on ne
sait, d'agents personnels travaillant pour Satan, laquelle aboutit peut-etre a un
personnage principal, d'apres lequel toute la serie serait nommee; le κατεχοί
serait une personnification des instruments de la propagande evangelique, com-
parable aux Deux Temoins, ou, pour prendre une figure non dedoublee, au pre-
mier cavalier du cliapitre vi de I'Apocalypse. Dans cette lutte, lAntechrist aurait
un jour le dessus, ce qui lui permettrait de se manifester pleinement; non que
jamais les portes de Tenfer puissent prevaloir centre I'Eglise, mais parce que de
bien des mani^res elle pent etre enCermee aux catacombes, et son epanouisse-
ment en oeuvres exterieures arrete. Enfin ces evenements peuvent etre differes
jusqu'a une cpoque bien posterieure a la generation actuelle des Thessaloniciens.
C'est pour cela que Paul, en les lelicitant de leur election, les caracterise comme
ayant ete choisis des le commencement ou en premices. Les manuscrits et meme
les editions critiques se partagant entre les legons απ' αρ/ης et άπαρ/ην, mais cela
revient au meme. Ces termes sont relatifs essentiellement. Relatifs a quoi? lis
ne conviennent pas a I'Eglise de Thessalonique par rapport a I'ensemble des
eglises chretiennes du premier siecle, car il y avait deja bien des pays evangeli-
ses avant la Macedoine; ni meme tout a fait par rapport aux eglises pauliniennes,
car celles de Tx^natolie meridionale auraient mieux merite alors d'etre desi-
gnees comme premices, ou fondees au commencement. L'Eglise de Thessalonique
a done beneficie des debuts de I'evangelisation, en ce sens que cette periode de
I'evangelisation du monde, commencee a la fondation de I'eglise de Jerusalem
par les Douze, ne peut etre consideree que comme le commencement d'un mou-
vement destine, semble-t-il d'apres cela, a se prolonger long-temps, bien plus
longtemps que la durce d'une vie d'homme.
Nous navons parle que de possibilite ou de probabilito jusquici. Cette proba-
bilile peut-elle se transformer en certitude? Oui, si Ton considere d'autres pro-
pheties pauliniennes qui doivent se realiscr avant 1' « apostasie » et avant la
« manifestation » de I'Antechrist. Leur etude va nous montrer, dabord que
I'hypothese presentee ci-dessus est la veritable, et ensuite, par de nouveaux argu-
ments, que la Parousie, dans I'idee meme de Paul, doit etre reculee dans un
loinlain pen defmi.
b. Rom. XI, 25, suivants, cfr, XI, 11-12; 15.
Dans ce passage, saint Paul apprend a ses lecleurs que la reprobation d'IsraOl,
CXVI INTHODUCTIOX.
sur laquelle il s'est longuement etendu, n'est que temporaire. Un beau jour, le
peuple des patriarclies se piquera d'emulation en voyant les gentils appeles au
salut (xi, 11). La chose n'arrivera que quand la plenitude des nations sera entree
dans la chretiente (xi, 25, πο^ρωσις άπο μέρους τω 'Ισραήλ γέγονεν ά/ριο&το πληρωμάτων
εθνοίν εϊσέλθ/,). La conversion d'Israel sera alors complete ; il sera sauve comme
nation (xi, 26 : Και ουτοις πα; 'Ισραήλ σωΟήσίται). Et ce sera alors un tel dpanouisse-
ment de vie spirituelle qu'il pourra etre compare a un retour des morts a la vie
(xi, 12; XI, 15 : τίςή προ'σλημψις εΙ μη ζωή εκ νεκρών.)
Nous allons chercher a fixer la portee de cette prophetic en fonction de celles
que nous avons deja vues dans les epitres aux Thessaloniciens. En avons-nous le
droit? Nous le pensons, car rien n'oblige a supposer que Paul ait modifie ses
previsions eschatologiques entre les annees 51-52, oil il ecrivit a Thessalonique,
etl'an 58, date de I'epitre aux Romains. Le pretendu changement de perspective
que certains veulent saisir entre la premiere et la deuxieme aux Corinthiens,
quand saint Paul eut commence a envisager sa mort comme possible, n'est pas
fonde (i), ainsi que nous Tavons deja fait sentir. Sil avait decouvert alors des
conditions nouvelles de la Parousie, qui eussent transforme ses vues anterieures,
I'obligeant ainsi a en rectifier Texpression, n'en aurait-il pas donne quelque signe
un pen plus perceptible? Non, il est bien plus naturel de supposer que les
diverses parties de ses conceptions eschatologiques, quoique ne nous ayant ete
livrees que comme des disjecta membra, formaient un tout coherent dans son
esprit des I'epoque ou la predication de la Parousie tenait une place preponderante
dans son enseignement.
En nous plagant dans cette hypothese justifiee, nous cherchons ce que pent
nous enseigner, sur la date jusqu'ici indeterminee de la Parousie de TAntechrist,
et consequemment sur celle du Christ, qui ne pent avoir lieu qu'apres, la pro-
phetic de la conversion d'Israel. Etablissons encore une serie de propositions
avec leurs preuves.
1° Pauln'affirmepas que la conversion desJuifs precedera immediatement ία
resurrection generate.
« Si leur rejet, dit-il xi, 15, a ete la reconciliation du monde, que sera leur rein-
tegration, sinon un retour des morts a la vie! » L'absence d'article, pour con-
forme qu'elle soit a la grammaire, permet cependant de comprendre les mots
ζωή εκ νεκρών au sens ά' une resurrection quelconque, auss-i bien que de la Resur-
rection generale. Nous savons d'ailleurs que la resurrection des morts est souvent
prise, dans le Nouveau Testament, en un sens figure [Apoc. xi et xx, Paul,
passim; Jean, v). II peut en etre de meme ici. Trois versets plus haut, lauteur
sacre a dit que cette conversion augmenterait les richesses spirituelles deja
octroyees aux nations a I'occasion de I'infidelite d'Israel (xi, 12 : ει οέ το παράπτωμα
αυτών πλούτος κόσμου και το ηττημα αυτών πλούτος εθνών, ποσω μάλλον το πληριομα αυτών;) Nous
serions tentes de faire un rapprochement avecle millenium d'Apocalypse, xx, : le
monde, apres cette conversion des Juifs, participera dune maniereplus pleine et
(1) La maladie qui aurait donne a Paul des inquiotudes pour sa vie, entre son depart d'Epliese
et renvoi de II Corinthiens (II Cor. i, 8-suiv.), peut fort bien avoir port6 I'Apotre a penser
davantage a la mort et a en parler, sans pour cela lui avoir fait croire pour la premiere
que cetle mort otait possible avant la Parousie. Toute theorie basee sur ce pretendu change
ment de perspective et d'opinion de I'Apotre est fort caduque.
fois Λ
ge- m
m
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CXVII
plus eclatante a la « resurrection premiere » des mille ans, qui est la vie de la
grdce.
2° Cette conversion est presentee de telle maniere qu'elle doit preceder I'apos-
tasie des temps de VAntechrist.
Disons d'abord entre parentheses qu'elle ne saurait avoir lieu qu'apres le chati-
ment complet d'lsrael infidele, entrainant cette ruine du temple predite par
Notre-Seigneur. Saint Paul parait faire allusion a cet evenement I Thess. n, 16,
quand il declare : « La colere (de Dieu) s'est hatee, precipitee sur eux, jusqu'au
terme » (εφθασεν o£ cV αυτούς ή οργή εις τελος). Et s'il fait allusion a la mine pre-
dite, qu'il ne pouvait ignorer, alors dans quelque temps Thomme d'iniquite ne
trouvera plus de « temple de Dieu » materiel pour s'y installer; ce temple de
II Thess. II, 4, pourraitdonc bien etre aussi metaphorique que celui a'Apoc. xi.
Mais nous faisons la une digression, d'ailleurs utile a notre sujet. Revenons au
point principal,
Les temps de la manifestation de TAntechrist seront des temps a'apostasie
(II Thess. Ill, 1). Qui dit d'un liomme ou d'un peuple qu'il est apostat dit qu'il a
d'abord ete croyant. II s'agit done d'une apostasie des chretiens. Cen'est certai-
nement pas alors, quand une grande partie du monde aura apostasie, ou sera en
train de le faire, que I'exemple du salut des gentils pourra donner de Temula-
tion aux Juifs, et les stimuler a embrasser eux-memes la foi. II faut done croire
que la conversion d'Israel aura lieu plutot avant qu'apres la manifestation de
Γ « homme depeche », avant cette decadence qui lui permettra de se manifester.
3° Paul n'a pas cru ni espere que la conversion d'Israel, comme peuple^
aurait lieu de son vivant.
En efifet, au milieu des sublimes efforts qu'il faisait pour sauver ses freres de
race, qu'ambitionnait-il comme resultat de son travail personnel en leur faveur?
D'en sauver quelques-uns, τινας. « Je vous le dis, a vous Gentils : pour aussi long-
temps que je suis apotre des Gentils, je rendrai glorieux mon ministere, si (par
la) en quelque maniere (j'arrive a) exciter I'emulation de (ceux qui sont) ma chair,
eta en sauver quelques-uns » [Rom. xi, 13-14). L'entree en masse de son peuple,
de « sa chair », dans I'Eglise ne pouvait done lui apparaitre que comme un fait
qu'il preparait de loin, lui qui, dans la 2^ Epitre aux Corinthiens, dans la lettre
aux Philippiens. dans les Pastorales, a entrevu sa mort si clairement,
4" Cette conversion des Juifs, en effet, doit etre precedes de la conversion des
nations (1),
Israel a ete aveugle en partie, et cela doit durer « jusqu'a l'entree de la pleni-
tude des Gentils » (ά/ρι ου το -ληρωμα των εθνών ε'ισελθτ,, Rom. XI, 25). Que faut-il
entendre par cette « plenitude » ? Certainemcnt, pour parler ainsi, I'universaliste
qu'etait saint Paul ne pouvait pas songer uniquement aux peuples de Tempire, de
Γο'κουμένΓ, romaine, les seuls qui eussent entendu 'I'Evangile jusque-la. N'est-ce
pas lui qui a dit, Col. in, 11, qu'aupres de Dieu il n'y a ni Gentil ni Juif, ni Scythe,
nibarbare? Et qu'est-ce que cette « entree » dans rEglisc? Ceserait faire injure
au grand Apotre que de supposer qu'il se contentait de la perspective d'un chris-
tianisme professe superficiellement par quelques individus pris dans la genera-
lite des peuples, ou qu'il eut appele « entree de la plenitude » le seul fait que
(1) Voir Laorance, ipitre anx Romains, au ch. xi.
CXVIII IXTHODUCTIOX.
rcnsemble des Genills SLnraienl entenduL• predication de I'Evangile, sans y adhe-
rer. II ne peut s'agir que d'une transformation de lenscmble des Gentils par la
grace de la vie chretienne serieusement professee. Qu'il doive rester, pour user
des termes de Jean, des Gog ct Magog, cela ne change pas la perspective.
D'abord, Paul n'en dit rien; puis, s'il y avait pcnse, il aurait pu les considerer
comme des exceptions, ou comme la masse des individus ou des peuples « apos-
tate ».
5" Mais Paul n'esperait pas mener lai-meme a terme^ avant sa morty la con-
version des Gentils.
On peutau moins le conjecturer d'apres ce qu'il declare aux Romains, xv, 23.
II a, dit-il, porte partout I'Evangile en Orient, depuis Jerusalem jusqu'a I'lllyri-
cum; maintenant il veut, en passant par Rome, s'en aller en Espagnepour evan-
gcliser les pays neufs d'Occident. Et la raison qu'il en donne, c'est qu'il ne
« trouve plus de place », sous-entendu a evangeliser, dans ces regions orientales,
ou bien encore qu'il « n'a plus d'occasion » d'y faire ([uelque chose ίμηχέτι τόπον
ε/ων εν τοις κλίμασί τούτοις). II jugeait alors en gros ; pendant et apres sa premiere
captivite, il s'apergut qu'il lui restait encore quelque chose a faire la-bas. Cette
confidence nous montre bien touteiois en quoi consistait aux yeux de Paul la mis-
sion personnelle qu'il avait a remplir durant sa vie. II ne pouvait se;;faire I'illusion
de croire que I'Orient etait deja a peu pres converti, et qu'il sufQrait d'un court
travail de ses disciples pour le christianiser rapidemeiit en masse; on ne se fera
pas une pareille idee de la perspicacite d'un tel homme. Non ; mais ce qu'il avait
a y faire, avant d'aller rejoindre le Christ, il estimait I'avoir deja fait; sa mission
n'etait done que de fonder quehjues eglises, qui seraicnt comme les cellules-meres
des autres, de semer des germes que le temps et le travail d'autres apotres feraient
croitre et se multiplier. Et quand viendrait la plenitude de la moisson? Ne devait-
elle pas etre encore assez eloignee ?
Ainsi Paul n'a certainement pas espere qu'il menerait personnellement a son
t(,rme I'oeuvre de la conversion des Gentils annoncee dans la meme epitre, au
chapitre xi, et il n'a pas cru sans doute qu'elle put etre achevee en quelques
annees apres sa mort. Cependant il faut que la plenitude des nations soit entree
dansl'Eglise avant le retour d'Israel. Ce n'est pas encore tout.
6° Entre la conversion des Gentils et des Juifs et la pleine manifestation de
I'Antechrist doit trouver place V « Apostasie ».
Cette apostasie ne peut etre seulemcnt celle d'un chretien destine a devenir
ensuite « I'homme de peche ». La legon de II Thess. iii, 1, est bien αποστασία, et
non αποστάτης. Rien n'autorise a restreindre cette defection a une seule per-
sonne, oua quelques-unes. Au contraire, il semble bien, par toutle coulexte, (jue
cette apostasie doive etre le resultat general de I'operation du « mystere dini-
quite » qui est d'ores et deja a I'oeuvre. Ce « mystere » malfaisant, quand ecrit Paul,
op^re surtouthors de I'Eglise, paries ennemis du Chris.t juifs ou paiens. Les neo-
convertis ne sont pas sur la voie de I'apostasie, c'est au contraire une periode de
joie, d'ardeur, de conquetes. L' « apostasie » suppose une epoque toute differente
de celle de I'age apostolique. Elle se produira quand Gentils et Juifs auront regu
I'Evangile, et auront eu le temps de se refroidir, de lomher en decadence. On
peut invoquer comme parallele le passage des Synoptiques, Mat. xxiv, 12. oil
Notre-Seigneur annonce que « a cause de la multiplication du peche, lacharite du
l.KS AUTRES LIVRES DV NOUVEAU TESTAMENT. CXIX
g-rand nombre (των πολλών] se refroidira >>. Le mystere d'iniquite, qui, avant meme
la fin de la conqaete evangelique, avail pu s'insinuer ^a et la dans les commu-
nautes, y fera un jour, a la faveur du relachement des moeurs chretiennes, une
invasion debordante. Alors les temps seront murs pour la Parousio de TAnte-
christ. Mais, pour qu'il se produise une pareille decadence, il faut du temps.
Done une periode qui peat elre longue, separera encore la coin>ersion des Gen-
tils et des Juifs des succes derniers de I'Antechrist.
7° UAnteckrist apparaitra alors, dans le temps qui lui est marque par Dieu
(£v τω αύτοΰ καιρώ, 11 Thess. III). Le Christ luttera centre lui, et le vaincra — peut-
etre d'un seul coup, mais peut-^tre aussi au bout d'une periode de luttes, au
moyen des instruments de sa parole. Enfin il le detruira tout a fait, et
8° La mine definitive de I'Antechrist (xa-ap-f/icet) co'incidera avec la Parousie
du Christ, apparaissant (τ-7, ετη^ανεία της παρουσίας αύτου) pour juger les vivants et
les morts.
De I'ensemble de cette discussion des textcs eschatologiques formels, voici
doncce qui resulte en resume :
Saint Paul, dans I Thess., n'a traite qu'une question theorique et universelle
sur la parite des vivants et des morts au jour de la Parousie; il n'a pas juge alors
utile de rien dire sur I'epoqae de cet evenement, tout en rappelant que cette
lipoque etait inconnue, — et il a meme, implicitement, donne un transeat a I'idee
que se faisaient les Thessaloniciens de sa proximite. Mais il s'est aper^u peu
apres que ce manque d'aiBrmation avait des inconvenients. Alors, dans II Thess.,
il a declare nettement que la Parousie n'etait pas imminente. C'est qu'elle ne
pourra arriver qu'apres des evenements qui n'ont pas encore pu se produire, une
apostasie des fideles, et la manifestation de Γ « homme de peche », le grand
Adversaire de Dieu connu par la tradition judaique. II ne determine pas si cet
adversaire est un individu ou une collectivite ; mais les termes dont il use, et le
parallele qu'on trouvera plus tard dans I'Apocalypse, montrent deja que le sens
de collectivite est vraisemblable. Quelques annees plus tard, saint Paul, ecrivant
aux Remains, ne transforme pas, mais complete, son enseignement eschatolo-
gique. II leur predit la conversion d'Israel comme peuple, avant la fin des temps.
11 n'afiirme pas d'ailleurs que cette conversion doive etre immediatement suivie
de la resurrection generale. Ce qui est indubitable, c'est qu'il ne s'attend pas a
etre personnellement I'lieureux temoin de ce retour de son peuple. D'autant
moins que cette conversion des Juifs doit etre precedee de I'entree en masse des
nations dans TEglise, et que TApotre ne croit nullement etre appele, avant sa
mort, a completer cette conversion, ni meme a pousser cette oeuvre jusqu'a un
point tel qu'il ne faudrait plus que peu d'annees pour la mener a terme. En
rapprocliant cette nouvelle revelation de ce qui a ete predit II Thess., il appert
(}ue cette christianisation du monde, deja reculee elle-memc dans le loiiitain,
precederadassezlongtemps la pleine manifestation do I'Antechrist; car il faudra
(jue le « Mystere d'iniquite » ait eu le temps de corrompre les Chretiens par son
action progressive, et de les entrainer dans une decadence qui aboutira a
Γ « Apostasie» de grandes masses. Done cet « homme d'iniquite », toujours pre-
sent sous le « Mystere d'iniquite », est principalement une collectivite, une serie
d'advcrsaires, qui pout se prolongor fort longtemps, indefiniment presquc, et la
« Parousie » dernicre de TAnlechrist est a reculer dans les regfions lointaines
CXX INTRODUCTION,
de Tavenir. II en est de meme, a fortiori, de la Parousie du Christ, qu'une
periode de luttes plus ou moins prolongees pent du reste aussi separer de celle
de son Adversaire.
Conclusion : Saint Paul n'a jamais affirme, pas meme qnand il ecrivait aux
Thessaloniciens, que la Parousie diit ai-rii^er, ni pendant sa vie, ni au bout d'un
temps etroitement limite qui suicrait sa mort. Entraine par I'ardeur de son espe-
rance, il a bien pu croire, d'une opinion humaine, et sans rien afiirmer ni insi-
nuer la-dessus, que le cours des evenements futurs intermediaires, conversion
des Gentils, conversion des Juifs, seduction des fideles, serait beaucoup plus
rapide qu'il ne devait I'etre en realite. Mais cela meme n'est pas certain ; et tou-
jours est-il qu'en I'an 58, quand il ecrivit aux Romains, la consummation avait
recule a ses yeux dans un lointain tout a fait indefmi.
II nous reste a voir si les dernieres epitres ajoutent ou changent quelque chose
a cette conclusion.
c. Les Epitres pastorales doivent nous donner I'idee definitive de Paul
sur ce sujet. Nous pouvons y joindre lEpitre aux Hebreux, que I'Apotre,
pensons-nous, a fait rediger par quelqu'un de ses disciples de culture alexan-
drine, en I'an 63, au terme de la premiere captivite, quand il etait encore en Italie.
Au ch. X, 25 et 37, de I'Epitre aux Hebreux, I'Apotre recommande aux Judeo-
Chretiens de ne pas dolaisser leurs reunions, mais de s'encourager mutuellement
« et d'autant plus que vous voyez s'approcher le Jout' y) (xa\ τοσουτω μάλλον οσω
βλέπετε Ιγγίζουσαν την ήμέραν). Ce « Jour )> est evidemment le Jour du Christ, mais
peut-etre au sens large, peut-etre, puisquil ecrit a des « Hebreux », le Jour de la
grande epreuve prochaine, la mine de la nation. Plus loin, les exhortant a la
perseverance : « Encore un peu, bien peu (Ιτι γαρ μικρόν δσον δσον), celui qui vient
viendra, et il ne tardera pas. » II est clair quon ne pent exclure de ce passage
I'idee de cette venue du Christ qu'attend chaque juste au terme de sa vie, de ces
« Parousies » individuelles par lesquelles le Christ apportera a chacun sa retri-
bution. Nous devons meme preferer cette interpretation, eu egard aux autres
textes etudies ci-dessus.
Dans les Epitres pastorales, on attendrait, pour ce qiii regarde I'eschatologie,
des formes de langage categoriques, homogenes, et degagees de toute obscurite,
II n'en est pourtant pas ainsi. Paul, le vieillard, n'est pas moins preoccupe de la
Parousie quil le fut au temps de sa maturite. Comme autrefois, elle demeure
I'objet de la grande aspiration qui entretient la vigueur des predicateurs de
I'Evangile. L'Apotre dit a Tite [Tit. ii, 13) : « Vivons avec justice et piete dans ce
siecle, attendant la hienheureuse esperance et I'apparition (επιφανείαν) de la
gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jesus-Christ ». Et si cela pent s'interpre-
ter comme une attente a longue, tres longue echeance, que les predicateurs
devront entretenir a travers des generations successives, il est une autre parole
de I'Apotre, a Timothee celle-ci, qui donne au premier moment une impression
semblable a celle de ces textes aux Thessaloniciens ou aux Corinthiens ou Ton
aurait cru voir Fannonce de I'Avenement prochain : « Je te recommande de
garder le commandement sans tache, sans reproche jusqu'a I'apparition de
Notre-Seigneur Jesus-Christ με'/ρι της επιφανείας του κυρίου ήμίον Ίησοΰ Χρίστου), que
fera voir en son temps (καιρ&ις Ίόίοις) le bienheureux et unique Souverain... »
(I Tim. VI, 13-15). C"est comme si le vieil apotre, n'esperant pas assister vivant a
LES AUTRES LIVRES DU XOUVEAU TESTAMENT. CXXI
cette « Epiphanie », mais oublieux un moment de tout ce deroulement d'evene-
ments, assez vaste pour occuper des siecles, qu'il a annonce lui-meme comme
devant preceder le grand Jour, se rattachait au moins, pour se consoler de n'etre
pas lui-meme du nombre des « περιλειπο'αενοι », a Tespoir vague et tremblant qu'au
moins son disciple prefere pourrait en etre. Mais il ne s'y arrete pas, et se refu-
gie, plein d'un sentiment dabandon au Dieu Souverain,.dans la certitude que
Dieu manifestera le triomphe de son Christ « quand il le faudra » καιροΤς Ίοίοις.
C'est la une observation tres penetrante de Tillmann 1). Seulement il ne faudrait
pas conclure du ton un pen melancolique de la phrase que saint Paul eut jamais
pense autrement, et du, dans sa vieillesse, renoncer a un espoir autrefois ferme
et decide. Ce qui avait toujours importe a I'Apotre, c'etait le fait meme du
triomphe du Christ, non les conditions ni la date de ce fait, deja si assure qu'il le
voyait, par moments, comme present.
Dans ces memes epitres, saint Paul montre assez qu'il se croit aux « derniers
temps ». I Tim. iv, 1 suivants : « L'Esprit dit clairement que, dans les derniers
temps (Iv δστέροις χαιροΐς) certains se detourneront («ποστ-ζ-^σονται) de la foi, pour
s'attacher a des esprits seducteurs, etc. » et I'enumeration qui suit montre assez
que I'Apotre s'attaque a des erreurs et des vices contemporains, ceux-la mi'mes
qu'il avait deja combattus, dans les Epitres de la captivite, chez les protognos-
tiques d'Asie. 11 y revient II Tim. in, 1 suivants : « Mais sache ceci, qu'aux der-
niers jours (Iv Ισχάταις ήμέραις) viendront des moments difficiles; car les hommes
seront egoistes, etc. » Qu'il parle encore de ses contemporains, la chose est cer-
taine d'apres le verset 6 : « Et de tels gens eloigne-toi; ceux-la sont du nombre,
qui s'insinuent dans les families,' etc. » II a done vu dans cette perversion de
certains milieux d'Asie une infiltration du « mystere d'iniquite », un prodrome
lointain de Γ « Apostasie » future (άποστησονται, I Tim. iv. 1), Seulement, le contexte
de II Tim. iii indique bien que ce ne sera pas encore le grand mouvement d'apos-
tasie de II Thessaloniciens, qui doit aboutir a la manifestation de Γ « homme de
poche ». En effet, Paul declare aux versets 8 et 9 que ce mal interieur des eglises
n'aura pas encore de suites durables : « A la maniere dont Jannes et Jambres s'op-
poserent a Moise, ainsi ceux-la s'opposent a la verite...; mais ils ne progresseront
pas davantage; car leur insanite sera visible a tous, comme le devint celle de ces
hommes-la. » L'apostasie et I'Anfechrist ne sont done pas encore tout proches.
Si Paul appelle son epoque « les derniers temps », c'est au sens tres large que
nous avons explique au debut de cette etude; rien n'indique qu'il se croie a la
fin de ces « derniers temps ».
Les epitres pastorales, comme on le voit. n'ajoutent done aucune determina-
tion aux idees eschatologiques formulees par Paul anterieurement. Loin de la,
leur langage renouvelle ces memes equivoques apparentes, sur la date de la
Parousie, qui ont tant embarrasse les commentateurs des premieres epitres.
C'est un fait a noter, car il confirme nos explications precedentes. Dans ces
lettres de lafm de sa vie, il est impossible qu'il yeut chez Paul aucune equivoque
de pensee; pourtant le langage n'a pas varie. II y a Ιέ un nouvel argument pour
nous autoriser a croire que si les expressions en cause nont rien d'afiirmatif,
(1) Fritz Tillmann, Die Wiederhiinfl Christi nach den paulinischen Briefen, Fribourg-en-
Brisgau, 1909, page 19.
IKTRODUCTIOX.
malgre leur apparence, dans les Epitres pastorales, les expressions similaires
n'etaient pas affirmath^es non plus dans les lettres aux Thessaloniciens et aux
Corinthiens. Si elles sont compatibles en Fan 64 et 67 avec lidee dune prolonga-
tion considerable des temps de transition, du crepuscule de Teternite, pourquoi
ne I'eussent-elles pas ete egalement una douzaine et une quinzaine dannees
plus lot?
Ainsi, malgre tons les passages, dissemines au cours de presque toutes ses
lettres, oii Paul evoque la Parousie comme une raison tres actuelle de vivre
chretiennement, malgre les difFicultes toutes particulieres du ήμεϊς o't περιλειπόμενοι
et du ήΐΑΕίς άλλαγησόμεδα, il faut reconnaitre que les passages eschatologiques les
plus detailjes s'opposent a toute certitude, et meme a toute probabilite, d'une
Parousie prochaine. Et on ne saurait demontrer que la pensee de Paul ait subi
aucune evolution sur ce point. Par consequent, il faut se resigner a admettre
que I'expression equivoque « nous qui sommes laisses «, equivalait a « nous,
a suppose/• que nous soyons laisses ». ou bien a « nous, c'est-a-dire ceux d'entre
nous, Chretiens, qui seront laisses ». Si, par moments, la vivacite et la certitude
de son attente masquait aux yeux de Paul la longue serie d'evenements qui
devait preceder I'Avenement du Seigneur, de maniere a le lui faire parsutre
comme presque present, il se ressaisissait quand il fallait affirmer explicitement
cjuelque chose sur la mai'che des evenements futurs, et, de fait, il ouvre une
perspective qui, si elle n'est pas explicite comme les « mille ans » de ΓΑρο-
calypse, pent du raoins tres bien se concilier avec une duree aussi considerable
de la vie de I'Eglise militante.
C'est peu de chose que d'interpreter les epitres catholiques, apres toutes les
difTicultes des epitres pauliniennes. Sauf la 1"- epitre de saint Pierre, elles apportent
peu de nouveau. Nous y retrouvons les expressions avec lesquelles nous sommes
deja familiarises.
L'attente des recompenses ou la crainte des chatiraents de la Parousie sort
encore de puissant stimulant pour les fideles (^Pei., i, 7, 13, iv, 13; I Joh.
II, 28). Aucun de ces premiers textes nen entraine la proximite. Mais la periode
presente de Ihistoire est encore caracterisee comme etant « les derniers jours ».
Ainsi I Pet., i, 20, ou il s'agit de lapparition historiquc du Christ έπ' Ισ/άτου
των χρόνων, « ά la derniere des epoques » ; Jude 18, les heretiques de son temps
etaient predits comme devant yenir au cours de la derniere epoque : Ιπ εσχάτου
του χρόνου, et II Pet., πι, 3, επ' εσχάτων των ήμερων des derniers jours; Jean appelle
meme son epoque « la derniere heure » πΕίόία, la/ixr^ ωρκ εατίν (I Joh. ii, 18.)
Et on croirait quil se juge a I'extreme limite des temps, si Ton ne savart
par son Apocalypse dans quel sens tres large il faut prendre une pareille
expression. II declare au moins, I Joh., ii, 17, comme Paul I Cor., vii, que
« le monde est en train de passer (δ κόσμος παράγεται) avec sa concupiscence »,
texte qui peut se rapporter, soit in abstracto au caractere transitoire de toute
chose purement lerreslre, soit a la marche de la destruction dont le processus
est commence. Auparavant saint Pierre avait dit, en termes plus forts : Πάντων
δέ το τί'λος ηγγικίν α La fin de toutes choses s'est rapprochee » (i Pet., iv, 7), et
LES AUTRES LIVUES DU KOUVEAU TESTAMENT. CXXIII
Jacques, apres s'etre indigne contre les riches qui thesaurisent aux derniers
jours [Jac, v, 3), apres avoir exhorte les freres a la patience <ijusqu'a la Parousie
du Seigneur » (λ'", 7), declare aussi que cette Parousie s'approche (ή παρουσία τοϋ
κυρίου ηγγικεν) Jac, V, 8. La menace de I'universel jugement est toujours sus-
pendue sur les tetes (I Pet., iv, 5 : τω Ιτοίαως i/ov-n κρΐναι ζώντας και νεχρούς). Un
commencement de ce jugement, ou plutot un prodrome, un avant-gout du juge-
ment universel, destine d'ailleurs a purifier les fideles, c'est la persecution
romaine qui s'annonce sous Neron : « Cest le moment oii le jugement commence
par la maison de Dieu » (I Pet., iv, 17). Nous saAOns par Γ Apocalypse, et meme
par les Evangiles, que les jugements du Christ, qu'on pent reunir sous la desi-
gnation unique du « Jugement » a plusieurs phases, s'etendent sur tous les
temps messianiques.
Ces textes ne disent pas avec quelle rapidite la fin, que Ton voit s'approcher
a I'horizon, surviendra; mais elle est en marche, annoncee par ses signes pre-
curseurs. Jean insiste, non sur les persecutions, mais sur les heretiques : ceux-ci
sent I'Antechrist, cet Antechrist dont les Chretiens ont appris, par la tradition
juive, la catechese, Paul ou I'Apocalypse elle-meme, qu'il viendra (ηχούσατε δτι
αντίχριστος ερ/εται, I Joh., ii, 18; cfr. iv, .3). Mais saint Jean, qui n'a parle, lui,
d'Antechrist qu'au sens collectif, dit qu'il est deja dans le monde, sous forme
multiple (και νΰν αντίχριστοι πολλοί γεγο'νασιν, Ι Joh., II, 18; cfr. ΐν, 3; ιι, 22; Π Joh.,
7). C'est un signe que le monde est arrive a sa derniere heure (I Joh., ii, 18).
Tous ces textes, si Ton avait le droit de les pressor, importeraient la proximite
de la Parousie; mais Jean lui-meme, dans un livre anterieur a ses epitres,
nous a sulfisamment montre le sens large qu'on pent leur donner. II n'en restait
pas moins, dans I'ensemble de la societe chretienne, ou le Ires grand nombre
pouvait ignorer le programme d'avenir trace par Paul, une tendance a prendre
a la lettre toute declaration qui paraissait hater la consommation ; ce que nous
avons vu a Thessalonique devait etre a peu pres general. De la un malaise,
et comme une tentation de decouragement, a constater d'annee en annee que
le Christ ne venait pas. C'est pourquoi saint Pierre fut oblige de parler ainsi
dans sa deuxieme epitre :
II Pet. III. Sachez d'abord « 3 qu'il viendra aux derniers jours des railleurs
pleins de raillerie... disant : 4 Ou est la promesse de sa Parousie? car depuis
que les ancetres so sont endormis, toutes choses durent comme depuis le com-
mencement de la creation... 8 Mais il est une chose qui ne doit pas vous echapper,
bien-aimes, c'est quun jour en face du Seigneur est comme mille ans et mille
ans sont comme un jour. 9 Le Seigneur ne retarde pas sa promesse... seule-
ment il agit patiemment a cause de vous... 10 Mais le jour du Seigneur viendra
comme un voleur, etc. »
Le principe universel d'interpretation, pour toutes ces propheties qui faisaient
paraitre la Parousie si proche, est enfin donnci par un auteur inspire. 11 faut
juger de la brievete ou de la longueur du temps et des delais suivant la mesure
de Dieu, non suivant celle des hommes, car devant le Seigneur, mille ans sont
cnmme un jour. L'Apocalypse pouvail venir, et preciser que, en effet, le delai
serait de mille annees et davantage ; lenseignement eschatologique de Paul et
de Pierre avait deja assez prepare cette ultime revelation pour qu'elle ne caus4t
plus ni deception ni surprise.
CXXIV IXTRODUCTIOX.
Le resultat auquel aboutit cette etude est sans doute des plus importants,
pour toute Texegese du Nouveau Testament. On pent le contester, mais nous
doutons qu'on puisse le renverser. L'eschatologie du Nouveau Testament est
pour nous absolument une, et I'Apocalypse en fournit I'expression la plus
nette, comme il convient a un livre qui traite la question ex professo. Mais les
propositions neo-testamentaires que Tecole eschatologiste repute etre des
affirmations de I'Avenement prochain du Christ, ces propositions-la sont aussi
frequentes, aussi caracteristiques dans rx\pocalypse que partout ailleurs.
Cependant, dans I'Apocalypse, il est impossible de les prendre a la lettre, car
ce livre (dont la doctrine, pour nous, est parfaitement coherente) rejette la
Parousie a mille ans, en nombre rond. Par consequent on pent douter que,
ailleurs aussi, ces expressions, si categoriques d'apparence, puissentetre prises
a la lettre. Si Ion examine de pres les vues eschatologiques de saint Paul, celles
qui paraitraient les plus opposees a I'admission d'un si long delai, on s'aperQoit
que, loin de contredire celles de Jean, elles s'y accommodent au mieux et ont
tout Tair demaner d'une meme revelation : elles ouvrent deja sur Tavenir de
I'Eglise de vastes perspectives, que la prophetic du Millenium johannique
vient seulement preciser.
Se ranger a nos \Ties, ce n'est rien autre que prevoir la ruine future de Tecole
eschatologiste, — chose hautement desirable, a mon sens.
Mais TApocalypse ne complete pas uniquement l'eschatologie neo-testamen-
taire en detruisant une tres grave equivoque ; elle la precise par des propheties
speciales fort nettes dont I'histoire a deja vu I'accomplissement.
Les Propheties speciales de l'Apocalypse. Les Synoptiques n'ont dessine
Tavenir que sous les traits les plus generaux : persecutions a subir de la part
des Juifs et des Gentils, mine de Jerusalem et du peuple juif dans un avenir
prochain, et diffusion de la doctrinef-du salut a travers le monde entier. Nous
n'avons pas a examiner ici si le « Βδέλυγμα τϊίς Ιρηι^ιόσεο^ς », Γ « abomination de
la desolation », aoxisMat. xxiv, 15, Majc, xiii, 4, d'apres DanieljXu, ii, contient
une allusion a la tradition judaique de I'Antechrist. Le texte sacre lui-meme
[Luc J XXI, 20) sert a interpreter ces mots de I'irruption des ennemis paiens dans
le sanctuaire, et la question n'est pas d'une importance capitale.
Le IV^ Evangile, les Actes, et les Epitres catholiqucs ne precisent rien con-
cernant Lavenir du monde profane, ou les phases de la lutte exterieure au
travers desquelles le Regne de Dieu s'etablira.
Saint Paul, dans les Epitres aux Thessaloniciens et aux Romains, apporte
deja quelques specifications. La conversion des gentils sera suivie — et non
precedee — de celle des Juifs. Puis le monde se refroidira, tombera dans
1" « apostasie », qui permettra au « Mystere d'iniquite », toujours a I'oeuvre
des les premiers temps, mais comprime par les forces divines, de s'etaler dans
toute sa perversite et sa seduction. L" « homme de peche » aura sa Parousie ;
il tronera dans le temple (symbolique), et tentera de supprimer a son profit
tout culte des puissances invisibles. Alors le Christ viendra I'aneantir. Le
Grand Apotre na fait que de rares et obscures allusions au sort temporel de la
nation juive. 11 na rien dit non plus de celui des puissances pai'ennes. C'etait
LES AUTRES LIVRES DU NOUVEAU TESTAMENT. CXXV
un citoyen romain loyaliste, et Dieu ne lui avail sans doute rien revele sur
Favenir de rEmpire. iVussi ses proplieties ont-elles un caractere exclusive-
ment religieux, ne se rapportant qu'au conflit des forces spirituelles.
Le temps arriva, dans la vie de la jeune Eglise, oii ces proplieties generales
pouvaient ne plus suffire a entretenir le courage et I'assurance des ames ou
des communautes tentees. Connaitre, revelee par Dieu, la strategic positive
de TEnnemi; prevoir la forme des epreuves futures, pour n'en etre pas surpris
ni deconcerte; savoir enfm ce que deviendrait cette Puissance politique mon-
diale qui s'etait actuellement tournee d'une fagon ouverte contre TEvangile ;
tout cela devait guider et fortifier les fideles dans la guerre terrible qu'on leur
avait declaree. Tel fut le but de la Revelation de Patmos : elle concretisa les
propheties evangeliques et pauliniennes. en determinant le mode historique
da combat perpetuel entre Satan et le Christ, et en annongant, d'une fagon
suffisamment claire, Tissue de la lutte actuellement engagee, type de toutes
celles qui pourraient la suivre dans le long avenir.
Jean n'avait pas a s'occuper des Juifs; la mine de leur nation etait con-
sommee deja, et le peril judaisant ecarte de TEglise, 11 note seulement qu'a
Smyrne, a Philadelphie, les Juifs se font les complices des paiens. Quant a la
conversion des nations, ce point capital des proplieties cliretiennes, il n'y con-
sacre pas de prediction particuliere, puisqu'il etait certain, pour lui et pour
tous les fideles du Christ, qu'elle aurait lieu un jour. 11 la suppose toujours en
voie de s'accomplir, par les victoires du Premier Cavalier (vi, 1-2), la description
de la « foule immense » du chap, vii, la conclusion de la vision des Temoins
(xi, 14), le millenaire (c. xx) et I'ouverture des portes de la Jerusalem celeste
(xxi, 24-26). Mais comment pourrait-elle s'accomplir, au milieu d'obstacles qui
s'accumulaient et devenaient de plus en plus graves? C'est sur ce point qu'il
fallait instruire les fideles, pour premunir leur foi contre toute surprise et tout
decouragement.
Jean, en dehors des propheties de portee tout a fait generale qui occupent la
section vm-xi, a done entrepris, sous I'inspiration divine, de demasquer et de
stigmatiser les adversaires du salut. II va droit au fond des choses, comme
saint Paul quand il disait aux memes chretientes : « Nous n'avons pas a soutenir
la guerre contre du sang et de la chair (c"est-a-dire des forces humaines), mais
contre les Principes, contre les Puissances, contre les Dominateurs de cemonde
de tenebres, contre les forces spirituelles du Mai (qui resident) dans les espaces
celestes » [Eph, vr, 12). Ainsi, dans I'Apocalypse, I'Adversaire qui dirige et
excite tous les autres, c'est le Dragon, I'Antique Serpent qui, des le Paradis
terrestre, a attaque I'humanite naissante, et qui, n'ayant pu devorer le Christ
(xii, 4, 5) veut s'en dedommager en persecutant les freres du Christ, les « autres
fils » de la Femme. La nature vraie des combats est ainsi devoilee. Les Chre-
tiens ont affaire au Diable, deja virtuellement ecrase. Mais Satan n'opere pas a
visage decouvert.
II se procure dans I'humanite deux lieutenants visibles, les Deux Betes
(c. xiii) qui sont TAntechrist perpetuel, sous ses deux aspects. La premiere
represente la puissance politique, actuellement exercee par Rome, ou Babylone
la Prostituee; la seconde, ce sont les diverses puissances de persuasion et
d'egareraent, qui travaillent dans le domaine intellectuel et religieux. Car
CXXVI INTRODUCTIOX.
I'Antechrist personnel des Juifs n'apparait nulle part dans notre livre inspire.
Or, dans ces visions des chapitrcs xiii et xvii, Jean a si bien devine lavenir
concret, que cette conception des Deux Betes suffirait a eile seule a le mettre a
la t^te des proplietes les plus clairvoyants; les exegetes les plus rationalistes
devraient au moins lui reconnaitre une surete extraordinaire dans les pro-
nostics historiques, un puissant et divin genie de prevision.
S'il a attaque la Bote politique, ce nest pas en effet a la maniere d'un Juif
entraine par le fanatisme national; laissons ces reveries historiques a Renan. Le
ton sympliatique avec lequoi il fait allusion, en ecrivant aux cites d'Asie, aux
gloires de leur present et de lour passe, revele chez lui un tout autre caractere.
Non, c'cst qu'il a vu dans TEmpire, mieux que les Apotres ses devanciers, I'en-
nemi Ic plus dangereux, le plus irreductible de la societe chrelienne, qui impose-
rait aux fideles, sous peine detre mis hors la loi, la « marque de la Bete »,
opposee au signe de Dieu. Est-ce que Texperience des persecutions commencees
sous Neron suffisait a faire deviner a tout chretien perspicace cette marche des
evenements futurs? Mais ce n'est pas au nom du culte des empereurs que Neron
avait persecute I'Eglise. Ce culte existait bien en Asie depuis plus d'un siecle, se
repandant de Pergame, « la oii Satan a son trone », sur le reste de la province.
Mais il n'apparait pas qu'on en eut fait encore le criterium du loyalisrae romain;
les auteurs qui le presument ne s'appuient que sur leur propre interpretation du
chapitre xiii de TApocalypse, ou ils veulent lire une description d'evenements
presents, malgre le temps futur (προσκυνησουσιν) du verset 8. Nous verrons plus
tard, dans une dissertation du commentaire, les grandes lignes de revolution du
culte imperial. Toujours est-ilque ni la folie de Caligula, ni lespitreries de Neron,
ni meme la pretention de Domitien a se faire appeler dans les actes de sa
cliancellerie « Dominus et Deus noster », n'avaient encore reussi a eriger en
dogme universel la divinite de I'empereur vivant. Cela n'arrive qu'au ii* siecle, et
surtout au iii% aux temps de Septime-Severe, de Dece, d'Aurelien, de Diocle-
tien. La prophetie de Jean s'applique bien mieux a cette epoque future qu'aux
conditions religieuses de son age, telles qu'elles nous sont connues jusqu'a pre-
sent par tous les autres documents il).
11 fallait, en effet, que la « Deuxieme Bete » eut eu le lemps de faire son
oeuvre. Jean I'avait vue sous une apparence qui rappelait vaguement celle d'un
Agneau, mais 1 avait entendu parler corarae un dragon. C'est pai- la persuasion
qu elle opere, et elle s'attache a faire adorer la Bete politique. Elle a un caractere
tout a fait general; on ne pent y voir, commo beaucoup dauteurs, les proconsuls
d'Asie, ni les άp/•.εpεΐςdu culte imperial, ni tel ou tel magicien de I'epoque, puis-
qu'elle subsiste encore apres la chute de Rome, et ne sera vaincue qu'aux der-
niers temps, avec le monstre (]u"elle sert et qui la patronne (c. xix, 20;. Elle est
evidemment de nature philosopliique et religieuse. Cela convient-il bien encore
au temps de TApocalypse? Sans doute, la mentalite asiatique etait fort inclinee
a la deification du pouvoir, mais les guides de rintelligence, qui etaient alors
surtout les stoiciens, se montraient plutot froids a I'egard des empereurs. Apol-
lonius de Tyane lui-meme, a en civDire Philostrate, aurait resiste courageusement
(1) Ajoutons que les lolti-es aux Eglises ne font nullement supposer que les choses en fussent
doja arrivies la.
LES AUTRES LIVKES DU NOUVEAU TESTAMENT. CXXVH
a Neron, Domitien persecuta les philosophes, en qui il soup^onnait de dangereux
opposants a I'absolutisme. Ni les protognostiques, ni probableraent les herme-
tistes et les mystes paiens n'avaient encore de culte special pour le Maitre. II en
fut tout autrement a partir de la fin du ii'^ siecle. La diffusion de la religion
egyptienne, qui avait deifie naguere Pharaons et Ptolemees, celle du mithraismo,
avec sa conception de la « gloire » divine [Hvareno] qui transformait I'ame des
souverains, les cultes semitiques astraux, qui firent de I'empereur une soi^te
d'incarnation du soleil, altererent profondement Fancienne religion polytheiste, en
la penetrant d'une part d'un caractere mystique, en lui donnant un air d' « agneau »
qu'elle n'avait guere eu jusque-la, et, d'autre part, en elevant au rang des dieux le
chef couronne. Le neo-platonisme, et toutes les sectes philosophico-theurgiques,
appuyerent de tout leur pouvoir ce nouveau mouvement religieux. Rome donna
alors le dernier mot au paganisme pantheistique. Cette confusion du pouvoir
divin et du pouvoir civil, ordinaire dans les societes primitives, ct maintenue
obscurement dans quelques religions locales, c'est Rome, au iii^ siecle, qui a
voulu I'eriger en systeme universel, religieux, philosophique et juridique pour le
monde entier. Le paganisme a son declin est alors retourne a ses commence-
ments, par la confluence de forces qui, au cours de revolution humaine, s'etaient
distinguees, et opposees souvent, Atheisme et pantheisme, ciel et terre, pliiloso-
phie et superstition, politique et mysticisme se sont donne la main. Rome fut
vraiment alors la courtisane qui enivra du vin de sa prostitution toutes les nations
de la terre (c. xviri, 3). II y eut opposition de principes absolue entre le monde
et le christianisme, opposition qui n'excluait pas toutefois certaiues ressem-
blances superficielles et fallacieuses. Et c'est cela que Jean voyait quand il a fait
paraitre le Faux Prophete, le Pseudo- Agneau; et c'est le Pseudo-Agneau qui a
donne au culte des empereurs cette universalite obligatoire que Jean a predite
dans sa vision du chapitre xm. Tout cela ne se realisa formellement que
longtemps apres lui, lorsque le Dragon, devant les progres du christianisme,
sentit quil allait eprouver sa plus grave defaite de toute Thistoire.
S'il est aucune vision prophetique, au plain sens du mot, celle-la Test bien
entre toutes. Nous ne voyons pas comment aucun croyant au surnaturel, sufli-
samment instruit de I'antiquite, pourrait le contester.
Mais ce n'est pas I'unique prophetic claire, verifiee par I'evenement, que nous
rencontrions dans la section xii-xx de I'Apocalypse. Le regard de Jean porte
beaucoup plus loin que les destinees de I'Eglise sous la domination romaine.
II a vu — ce que ne pouvaient encore concevoir les Peres du iv^ siecle, — que la
Ville Eternelle devait s'ecrouler, au moins comme puissance mondiale, et cela
sous les coups memes de la Bete et de ses dix cornes, les rois de la terre, autres
puissances politiques. Il I'a aflirme avec la plus parfaite assurance, et a attache
une importance toute speciale a cette prophetie.
II a vu par consequent aussi que la mine de Rome namenerait pas la fin des
persecutions ni la mine des Betes. Sa contemplation du Millenaire ne lui a pas
fait illusion : Jusqu'a la fin, il y aura quelque part des Gog et des Magog. La Bete
et le Faux Prophete ne seront tout a fait vaincus qua la Parousie. Seulement il
n'a pas precise les conditions de ces luttes futures comme il Ta fait pour les per-
socutions romaines.Celles-ci, etant d'un interet bien plus actuel pour les destina-
taires de I'Apocalypse, lui ont servi de type et de point de depart pour decrirc
CXXVIII INTKODUCTION.
tout I'avenir a larges traits, toute la lutte de la Cite de Dieu contre celle du
Diable. Laverite de ces propheties, dont le monde devait voir, au bout de trois
ou quatre siecles, la realisation, est la garantie de la verite de ses vues generales
sur le sort du monde et de TEglise.
Si un croyant s'ctonnait de ne pas trouver de predictions tres specifiees en
dehors de ces deux-la, il doit se rappeler qu'il n'en est pas du Deuxieme Ave-
nement du Christ comme du Premier annonce par les prophetes de I'Ancien
Testament. Des traits particuliers de la vie terrestre de Jesus ont pu etre sur-
naturellement predits, aussi bien que Jeremie a pu annoncer la restauration
de Jerusalem, image de la Sion spirituelle. Mais toute prophetie qui aurait
pretendu annoncer les circonstances exactes et le moment exact de la fin du
monde, ou permis de les calculer par une succession claire et detaillee d'evene-
ments futurs de I'histoire, se fut trouvee en contradiction avec la parole absolue
de Jesus, qu on ne pent connaitre ni le jour ni I'heure.
En attendant ce jour et cette heure, I'Esprit et I'Epouse prient toujours pour
le triomphe, et pour que ce triomphe ne tarde pas. II arrivera surement; que
nul Chretien ne soit defiant et lache! Mais il arrive deja, il se realise chaque jour
sous mille formes partielles ou secretes : le Fils de I'Homme commence a venir
dans sa puissance, εν δυνάμει. II punit et recompense, il frappe a la porte des
coeurs. et s'assied a la table de qui le revolt. L'Esprit et TEpouse qui repetent :
« Viens, Seigneur Jesus » ! sont a toute heure exaucos.
L'Apocalypse, qui met le sceau a la Revelation des fins dernieres, est bien
la plus grande, la plus complete, la plus spirituelle de toutes les propheties,
digne d'en clore la serie totale.
CHAPITRE Χ
LA LANGUE DE L APOCALYPSE.
L'auteur de TApocalypse est loin d'etre un parfait artiste; mais c'est un
ecrivain genial, qui, malgre tous les defauts deja signales, possede une rare
puissance d'evocation. Les singularites relevees dans le traitement des symboles
et dans la structure du livre n'egalent pourtant pas encord" celles de la langue.
Elle est deconcertante. Aucun autre document litteraire, declare justement
Charles, ni les Septante ou les autres versions de I'Ancien Testament, ni I'Evan-
gile de Marc, ni les Apocryphes grecs, ni les papyrus, ne presentent autant
de solecismes et de bizarreries. On pourrait presque poser en regie que, partout
ou deux ou trois manuscrits etalent une faute bien invraisemblable, cette faute
a chance d'etre authentique, due, non pas a un copiste, mais a la plume de
Jean lui-meme.
L'Apocalypse meriterait presque qu'on ecrivit une grammaire pour elle seule.
Jusqu'ici c'est Bousset, dans I'lntroduction a son Commentaire (Off. pp. 159-
179) qui I'a etudiee avec le soin le plus minutieux. Nous ne reproduirons pas ici
toutes ses observations, mais nous releverons les traits les plus caracteristiques
de cette langue, en nous aidant encore de Blass [Debrunner,] de Swete, de
Moulton, et d'autres philologues. Nous n'examinerons que les particularites
linguistiques qui sont le mieux attestees, et revues en general dans les editions
critiques, nous reservant de discuter les autres, si elles en valent la peine, dans
Tappareil du Commentaire.
Jean, comme les autres auteurs du Nouveau Testament, et, avant eux, les
traducteurs grecs de I'Ancien, s'est servi de la κοινή, en usage depuis I'helle-
nisation de I'Orient par Alexandre. Cette langue commune de la conversation,
et, sous ses formes les plus epurees, de la litterature alexandrine et imperiale,
resulte « d'une transformation des parlors locaux, et surtout de I'ionien, sous
Tinfluence de I'attique » {Metllet). Le meme philologue note que « dans le resultat
obtenu, il faut tenir compte de la reaction de I'ensemble de ces parlers autant
que de Taction du modele. On doit tenir compte aussi de ce que la χοινη est,
pour une large part, du grec parle par des etrangers, et par suite normalise
autant que possible et qui tend a perdre et ses nuances delicates, et les difficultes
de sa flexion, et les subtilites de sa syntaxe ; les archaismes et les delicatesses
de I'attique n'avaient pas de place dans la langue des affaires de gens dont
bcaucoup n'etaient pas meme des Hellenes (1). » lis n'en avaient guere davan-
tage dans la langue des ecrivains neo-testamcntaires. Toutefois il y a de grandes
differences entre eux : si le redacteur de I'Epitre aux Hebreux, et Luc, et
ensuite Paul, tiennent les premiers rangs au point do vue de la purete helle-
(1) A. Meillet, Aper^u dune hisloire de la langue grecque, 1913, pp. 243-244.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. t
CXXX INTRODUCTION.
nique, il faut, sans contredit, mettre le Prophete de I'Apocalypse au dernier.
La plupart des grammairiens expliquent cette inferiorite du fait qu'il ne pensait
qu'en arameen. Moulton pourtant n'est pas de cet avis. « II ne convient pas,
dit-il, d'en appeler a la grammaire, pour demontrer que I'auteur est un Juif;
pour autant que la grammaire pent nous renseigner, il aurait lout aussi bien
pu etre un paysan du Fayoum. » Nous discuterons cette question-la plus loin (1).
Voyons dabord ce qui caracterise I'Apocalypse au point de vue du vocabulaire,
«t de la grammaire, — et ensuite du style.
I. — Vocabulaire.
Le vocabulaire de, I'Apocalypse est assez fourni, puisqu'il ne contient pas
moins de 913 mots pour les 1400 στί/οι qu'y a comptes Nicephore. On a I'im-
pression que I'auteur possedait assez I'usage du grec pour n'etre pas a court
d'expressions spontanees, quoi qu'il voulut exprimer. Swele juge meme que ses
mots sembleut choisis avec soin [Introd. p. cxxiii). Si de ces 913 vocables nous
en otons 42 qui sont des noms propres, sur les 871 qui restent il en est 108
qu'on ne retrouve pas dans le reste du Nouveau Testament, et 98 qui n'y appa-
raissent ou qu'une fois, ou que chez un seul autre ecrivain (d'apres le calcul de
Swete). Seulement 159 sur ces 206 se retrouvent chez les LXX et appartiennent
pour la plupart a la langue ordinaire. L'auteur, dans I'enumeration des marchan-
dises qu'il donne dans le threne sur la ruine de Rome, et des pierres precieuses
qui ornent la Jerusalem celeste, n'a pas moins de 7 mots qui lui sont propres
dans toute la Bible, a quoi on peut joindre le χαλχολίβανο; de i, 15; ii, 18, ce qui
fait 8; il semble assez familier avec la langue commerciale, comme un homme
qui a souvent passe dans les bazars et sur le quai des ports asiatiques, ct s'est
arrete plus d'une fois devant les boutiques des joailliers. 11 a meme un certain
gout pour la somptuosite. Le nombre des mots qui, par ailleurs, ne se trouvent
que dans saint Paul ou dans saint Luc est tres considerable (33 chez Paul, 30
chez Luc, Evangile et Actes), proportion beaucoup plus forte que celle que
revele la comparaison avec les autres livres, meme avec le IV^ Evangile et les
Epitres Johanniques, ou le nombre se reduit a 8. II n'y a que cinq mots de par-
ticuliers a Marc et a I'xVpocalypse.
Les mots qui reviennent le plus souvent sont les suivants :
Substanlifs : άγγελος, 76 fois, a peu pres dans tous les chapitres; — άβυσσος,
sept fois, du ch. ix au chap, xx; — αίμα, 19 fois; — αιών, 26 fois, toujours dans
I'expression αιώνες τών a'lcovojv; il manque dans les Lettres, dans les chapitres vi,
viii-ix, XI, 1-13, xii-xiii, xvi-xvni et xxi; — άνθρωπος, 25 fois, dont 8 au seul
chapitre ix; — άρνίον (et jamais αμνός), 29 fois ; — αριθμός, 10 fois ; — άστηρ, 14 fois ;
— βασιλεία, 9 fois ; — βασιλεύς, 21 fois; (βασίλισσα, une fois) ; — βιβλίον, 23 fois,
(centre βίβλος, 2 fois seulement); — βλασφημία, 5 fois (4 fois βλασφημείν) ; — βροντή,
10 fois; — γλώσσα, 8 fois ; — γυνή, 19 fois ; — γη, 82 fois, a peu pres dans tous
les chapitres; — δούλος, 14 fois; — δόξα, 17 fois; — δράκων, 13 fois, des chapp. xii
(1) J. H. Moulton, A grammar of new Testament greek, vol. I, Proleg. 1906, ch. i", Apoca-
IjTise, note. (Nous nous sommes serΛ'is de la traduction allemande faite sur la 3• odition
anglaise, 1911.)
LANGUE DE L APOCALYPSE, CXXXI
a XX, dont 8 fois au ch. xii; — δυν^μις, 12 fois; — έθνος, 23 fois, tres e^alement
reparti, sauf dans les chapitres viii-ix; i, in, iv et vi; — εικοόν, 10 fois, du ch. xiii
au ch. XX ; — εκκλησία, 20 fois; — εξουσία, 20 fois, un peu partout, surtout aux
chapp. IX et xiii; — ^p'foy, 22 fois, surtout dans les lettres; — ζωη, 17 fois; —
ζωον, 19 fois; — ήλιος, 13 fois ; — ήμερ"' 21 fois; — θάλασσα, 26 fois, toujours dans
la 2^ partie, excepte xxi, 1; — θάνατος, 20 fois; — θείον, 6 fois, du ch. ix au
chap, xxi; — θεο'ς, una centaine defois, naturellement partout; — θηρίον, 38 fois,
de XIII a xx, sauf deux fois, vi, 8 et xi, 7 ; c'est presque un nom propre, sauf au
chapitre vi; — θλίψις, rare, mais caracteristique, 5 fois. de i a vii; — θρο'νος,
46 fois, a peu pres partout; — θυμο'ς, 10 fois; — θυσιαστηριον, 8 fois; — ίππος,
16 fois ; — ίαάτιον, 7 fois ; — Ίησοΰς, 14 fois ; — καπνο'ς, 12 fois ; — καιρός, 7 fois ; —
κέρας, 10 fois; — κεφαλή, 19 fois; — κλείς, 4 fois (κλείειν, 6 fois) ; — κιθάρα, 3 fois
(κιθαρίζειν, 1 fois ; κιθαρωδός, 2 fois) ; — κύριος, 23 fois ; — λαός, 9 fois ; — λόγος, 18 fois ;
— λίθος, 8 fois; — λε'ων, 6 fois; — μαρτυρία, 9 fois ; — μέτωπον, 8 fois; — ναός,
16 fois; — νεκρός, 13 fois; — νεφέλη, 7 fois ; — νυαφη, 4 fois; — νύξ, 8 fois ; — ξύλον,
7 fois; — οίνος, 8 fois; — όνομα, 37 fois, assez egalement reparti; — όργη', 6 fois;
(οργίζεσθαι, 2 fois) ; — Ορος, 8 fois; — ουρανός, 52 fois, a peu pres partout; —
οφθαλμός, 10 fois ; — παντοκράτο)ρ, 9 fois ; — πίστις, 4 fois, (et πιστός, 8 fois) ; — πληγή,
16 fois; — πνεύμα, 24 fois; — πόλεμος, 9 fois ; (πολεμεΤν, 6 fois^ ; — πόλις, 26 fois ; —
πορνεία, 7 fois, et πόρνη, 5 fois ; — ποταμός, 8 fois ; — πους, 11 fois; — πρεσβύτερος,
12 fois ; — πρόσωπον, 10 fois ; — προφητεία, 7 fois et προφήτης 8 fois (1 fois προφητις
et 2 fois προφητεύειν) ; — πυλών, 11 fois dans la 3^ partie; — πύρ, 26 fois; — σαλπίγξ,
6 fois (10 fois σαλπίζειν); — σατανάς, 8 fois ; — σεισμός, 7 fois ; — σημεΐον, 7 fois ; —
στέφανος, 8 fois; — στόμα, 22 fois; — σφραγίς, 13 fois; (σφραγίζειν, 8 fois) ; — τόπος,
8 fois; — ύδωρ, 18 fois, un peu partout; — υίός, 8 fois ; — υπομονή, 7 fois; — φιάλη,
12 fois; — φυλή, 21 fois; — φωνή, 53 fois, reparti tres egalement; — φίος, 3 fois
seulement, a partir du chap, xviii; (mais φωστη'ρ, 1 fois, φωτίζειν 3 fois, λαμπάς,
2 fois, λυ/νία 7 fois aux chap, i, ii, xi et λύ/νος, 3 fois, aux chapp. xviii, xxi,
xxii); — χάραγμα, 7 fois, de xiii a xx; — χείρ, 16 fois; — χριστός, 7 fois; —
χρυσίον, 5 fois; (χρυσός 2 fois, χρυσουν 2 fois, χρυσούς 15 fois, le tout reparti tres
egalement) ; — ψευδοπροφητης, 3 fois, de xvi a xx (maisψ^υδεσθαι 1 fois, ψευδός 3 fois,
ψευδής 2 fois) ; — ψυχή', 7 fois ; — ώδη, 5 fois ; — ώρα, 10 fois.
Adjectifs qualificatifs. — 'Αληθινός, 10 fois, dans toutes les parties; — άξιος,
7 fois; — βύσσινος, 5 fois, XVIII et xix; — δεξιός, 9 fois; — δίκαιος, 5 fois (2 fois
δικαιοσύνη. 2 fois δικαίωμα); — 'σχυρός, 9 fois ; — καθαρός, 6 fois ; — καινός, 9 fois;
— λευκός, 16 fois ; — λοιπός, 8 fois ; — μακάριος, 7 fois ; — με'γα?» 80 fois, presque
partout; — με'σος, 8 fois; — μικρός, 8 fois ; — όλος, 5 fois; — όμοιος, 20 fois; —
δξύς, 7 fois; — πιστός, 8 fois ; — πλούσιος, 4 fois (πλουτεΐν, 5 fois, et πλούτος, 2 fois) ;
' — πολύς, 14 fois; — χρυσούς, 15 fois, a peu pres partout.
Verbes. — Ειμί, partout; — άγοοάζειν, 6 fois; — άδικεϊν, 11 fois; (αδίκημα, 1 fois);
— άκουειν, 46 fois, partout; — άναβαίνειν, 13 fois, dans toute la 2*= partie; —
άνοίγειν, 27 fois; — άπε'ρχεσθαι, 8 fois ; — άποθνησκειν, 6 fois; — άποκτείνειν, 15 fois
— βάλλειν, 28 fois; — βασανίζειν, 5 fois (βασανισμός, 0 fois) ; — βασιλευειν, 7 fois ; —
βλε'πειν, 13 fois ; — γέμειν,7 fois ; — γίνεσθαι, 38 fois ; — γράφειν, 29fois; — δεϊ, 10 fois ;
— δεικνύειν, 8 fois; — διδόναι, 57 fois; — δυνασθαι, 10 fois: — ειπείν, 6 fois, et λε'γειν,
94 fois ; — εξε'ρχεσθαι, 14 fois ; — £>/εσθαι, 36 fois ; — εσθίειν, 6 fois et κατεσθίειν, 5 fois ;
— Ιτοιμάζειν, 7 fois; — ευρίσκειν, 13 fois; — εχειν, 100 fois ; — ζην, 13 fois ; — ιδεΐν,
CXXXII INTRODUCTION.
68 fois, et δραν, 7 fois; — ίστάναι, 21 fois; — χαθησθαι, 33 fois ; — χαλεΤν, 7 fois; —
χαταβαίνειν, 10 fois ; — χατοιχεΐν, 13 fois; — χλαίειν, 6 fois ; — χράζειν, 11 fois ; —
κρατεΐν, 8 fois ; — κρίνειν, 9 fois (χρίσις, 4 fois et xpiV«» 3 fois) ; — λαλεϊν, 12 fois; —
Λαμβάνειν, 23 fois ; — λύειν, 6 fois ; — μαρτυρεΐν, 4 fois (μάρτυς, δ fois ; μαρτυρία, 9 fois,
μαρτύριον, 1 I'ois) ; — μετανοείν, 11 fois ; — μετρεΐν, ο fois ; (με'τρον, 2 fois) ; — νιχαν,
17 fois; — περιβάλλειν, 12 fois ; — ττεριπατεϊν, 5 fois ; — πέτεσθαι, 5 fois ; — ττίπτειν,
23 fois; — πλαναν, 8 fois ; — ποιεϊν, 30 fois, dont 10 fois un chap, xiii ; — πολεμεϊν,
6 fois; — πορνευειν, δ fois (πορνεία, 7 fois et πόρνη, δ fois) ; — προσχυνεϊν, 24 fois; —
σαλπίζειν, 10 fois (σάλπιγς, 6 fois) ; — σχηνουν, 4 fois (σκηνή, 3 fois) ; — σφάζειν, 8 fois ;
— τελεϊν, 8 fois (τέλος, 3 fois) ; • — τηρεΐν, 11 fois ; — ύπάγειν, 6 fois ; — φοβεΐσθαι,
6 fois (φο'βος, 3 fois),
Pronoms personnels, re/lechis, demonstratifs. — Έγώ, 18 fois au nominatif,
dans le prologue, les lettres, et les derniers chapitres ; en plus xvii, 7; — ήμεΐς,
4 fois seulement, au chapitre i"; — σύ, 4 fois au nominatif, de ii a vii ; — υμεΐς,
3 fois, dans les deux premiers chapitres. — μου, σου, αύτοϊί possessifs, tres fre-
quents.
εαυτού, 8 fois : — αυτοΰ, 2 fois (?), viii, 6 et (?) xviii, 7.
αυτο'ς [projiom], au nominatif, 11 fois; tres frequent aux autres cas.
δδε (τάοε), 7 fois, en tete des 7 lettres; — ούτος [pronom) au nominatif pluriel,
avec emphase, 10 fois, aux chap, vii, xi, χιλ•, xvii; autres cas, 21 fois (μετά
τούτο, ταΰτα, etc.).
Adjectifs et pronoms indefinis — "Αλλος, 18 fois ; — δσος, 7 fois; όστις, 9 fois, les
deux assez egaleraent repartis; — ουδείς 12 fois (μηδείς et μηδέν, une fois chacun,
II, 10, et III, 11) ; — πας, δ8 fois, surtout aux chap, vii, xiii, xviii, xix et xxi; —
τις, [pronom] 12 fois ; — έκαστος, 7 i'ois.
Adjectifs demonstratifs. — Οδτος, lo fois, dont 8 au dernier chapitre.
Relatifs et interrogatifs. — "Ος, 68 fois, manque aux chapitres xi et xv; —
τίς, lo fois.
]\Oms de nomhre. — Λύο, 10 fois dont 2 fois sous le chiffre 42; δεύτερος, 13 fois;
— εΤς, 24 fois (= τις) ; πρώτος, 17 fois ; — εχτος, δ fois (εξ, 2 fois); — Ιπτά, δ4 fois ;
έβδομος, δ fois; — δώδεκα, 23 fois (1 fois δωδε'κατος) ; — πέμπτος, 4 fois (πέντε, 3 fois) ;
— τέσσαρες, 28 fois (dont 6 fois apres είκοσι) ; τέταρτος, 7 fois ; — τεσσεράχοντα, 6 fois
dont 2 fois dans le chiifre 42, 3 fois dans 144.000) ; — τρεις 11 fois ; τρίτος, 24 fois ;
— χίλιοι, 9 fois (6 fois seul, au chap, xx, ailleurs engage dans les nombres 1260
et 144.000) ; /ιλιάς, 19 fois. — δέκα, 9 fois (δέκατος, 2 fois).
Adverbes. — Άρτι (άπ' άρτι), 2 fois; — δεΰρο,δεΰτε, 3 fois ; — εγγύς, 2 fois, aux
chap. I et XXll ; — Ικεΐ, δ fois (1 fois εκείθεν et ε'ντευθεν, 1 fois) ; — εξω, 2 fois, aux
chap. Ill et xxii, et εςoJOεv, 1 fois, ch. xi; — εσοίθεν, 2 fois (chap, iv et v) ; — ιδού,
27 fois, a travers toutes les parties du livre; — μακρόθεν, 3 fois au chap, xviii;
— ναί, 4 fois, aux chap, i, xiv, xvi, xxii; — ου(κ), δ3 fois, et μη, 29 fois; la com-
binaison ού μη, 16 fois, aux chap, ii, in, ix, xv, xviii (8 fois) et xxi; μή apres iva,
12 fois; μη apres εί, 8 fois; — ουτω(ς), 7 fois; — οπού, 8 fois; — πάλιν, 2 fois, au
ch. x; — ταχύ, 6 fois ; — ύποκάτω, 4 fois ; — ώδε, 6 fois ; — ετι, 21 fois; — μην,
6 fois; — μήτε (jamais μηδέ), 4 fois aux premiers versets du chap. vii.
Particules de liaison. — Propositions : ανά avec I'accusatif, 1 fois seulement
(ανά, adverbe distributif 2 fois); — άπό, 36 i'ois; — άχρι, 11 fois; — διά avec le
genitif, deux fois seulement, i et xxi; avec I'accusatif, 16 fois ; — εις, 79 fois; —
LA.NGUE DE L APOCALYPSE. CXXXIII
εκ, ες, 127 fois; — εν, 163 fois ; — ε'νώπιον, 32 fois, dans toutes les parties, excepte
la derniere; — επί, avec le genitif, 57 fois; avec le datif, 13 fois; avec I'accusatif,
74 fois; — κατά, avec le g^enitif, 3 fois; avec I'accusatif, 6 fois; — μιετά, avec le
genitif, -40 fois; avec I'accusatif, 11 fois; — οπίσω, 3 fois; — προς, une seule fois
avec le datif i, 13; 6 fois avec I'accusatif; = Conjonctions : 'Αλλά, 13 fois, dont 8
dans les lettres; — γάρ, 16 fois; — U, 6 fois seulement, i, 14; ii, 5, 24; x, 2; xix,
12; XXI, 8; — εάν, 10 fois, dont 4 fois suivi de μνί (άν deux fois seulement, ch. ii et
xiv); — ει, toμjours suivi de μη, 8 fois, ou de τις, 8 fois; — ή, 5 fois (sens de « ou
bien) ; — iva, 44 fois, dont 12 fois dans iva μη ; — καί, innombrable, et plus que
partout ailleurs; — όταν, 9 fois, et οτε, 13 fois; — οτι, 63 fois; — ούδε', 12 fois, et
ούτε, 14 fois; — ουν, 6 fois, et seulement dans les lettres; — ώς, 72 fois (ώσπερ
1 seule fois, x, 3, ώσεί jamais).
Interjections. — Άλληλουϊά, 4 fois, au ch. xix ; — «μην, 8 fois ; — ούαί, 14 fois,
avec I'accusatif, le nominatif, ou employe substantivement ; — οφελον, une fois,
III, 15.
Ce vocabulaire, largement sufTisant, est sans excentricite et a peu pres sans
barbarismes. Les mots etrangers au reste du Nouveau Testament, et a toute
la Bible grecque :
άλφα, άμωμον, άψινθος, διαυγής, διπλούν, δισμυριάς. Ελληνικός, ενδώμησις, ζεστο'ς,
ζηλεύειν, θειώδης, θυϊνον, κιθαρωδο'ς, κρυσταλλίζειν, μεσουράνημα, μύλινος, ορμημα,
πελεΛίζειν, ^έδη, ρυπαίνεσθαι, σαλπιστης, σαρδο'νυξ, σιρικο'ς, ταλαντιαϊος, τιμιότης, υάλινος,
/αλκηδών, χλιαρός, χρυσόπρασος,
sont tout a fait de la langue courante, comme le verbe διπλο'ω, I'adjectif χλιαρο'ς,
ou bien poetique, comme διαυγής, ou des termes hellenistiques communs comme
άψινθος (pour άψίνΟιον), ou bien appartiennent a la langue du commerce et des
metiers. En fait dihapax legomena (a part les noms propres Άβαδδών, Άπολλύων,
Άρμαγεδών, Νικολαιτης), il y a seulement six mots dont Γ Apocalypse soit le premier
ou I'unique temoin :
ήμίωρον (demi-heure), viii, 1, qui est une faute, ou une forme vulgaire de
ήμιώριον;
κατάθεμα (malediction, objet maudit), xxii, 3, qui doit etre de la langue reli-
gieuse juive ;
βιβλαρίδιον (petit livre), x, 2, 8sqq., qui reparait dans le Pasteur d'Hermas, sans
doute un vulgarisme; certains textes ont : βιολιδάριον, double diminutif, de forme
cependant plus reguliere, comme παίδαρων.
κατηγωρ (pour κατήγορος accusateur), xii, 20, qui est admis generalement des
critiques (excepte Soden], et qu'on a pris longtemps pour une forme semitisee
(liiiOp) de I'hebreu rabbinique; on I'a retrouve — ce qui du reste n'infirme
peut-etre pas cette origine, — • dans une formule magique du iv° ou v*^ siecle de
notre ere : ποιεϊ γαρ ποος ε/θρου; και κατηγοράς (Papyrus grecs du British
Museum ed. Kenyon, vol. I, Papyrus 124, p. 122, 1893; Deissniann, Licht von
Osten, pp. 61-62).
ποταμοΌορητος (entraine par un fleuve), xii, 15, compose forme comme d'autres
plus connus (άνεμοφόρητος, υδατοφόρητος, cn poesie), et qu'Hcsychius donne comme
interpretation du mot homerique άποε'ρσεν (d'άπoε'ppω), lliade, vi, 348.
Χαλκολίβανος ou -ov (i, 15; ii, 18), forme de Χαλκο'ς cuivre, bronze, et de λίβανος,
encens, nom d'un precieux alliage metallique sur la nature duquel on discute
CXXXIV INTRODUCTION.
indeiiniment, mais qui devait etre bien connu en Asie Mineure (peut-etre fabri-
que a Thyatire'?).
En somme, notre vocabulaire apocalyptique — a part la repetition frequente
do certains noms, adjectifs, ou verbes que le sujet rendait necessaires, ou qui
repondaient a des images plus affectionnees de Tauteur — n'a guere que deux
traits qui le distinguent. Ce sont d'abord les mots qui lui manquent, ensuite la
modification qu'ii a fait subir au sens regulier de certains mots usuels.
Premierement, Ton est surpris de I'absence de particules tres usitees. Si Ion
ne rencontre jamais ni άνευ, ni χωρίς, ni αντί, etc., c'est peut-etre que I'occasion de
les employer a manque a Tauteur. Par centre, on s'explique moins Tabsence de
όπως, de γε, de άρα, de έ'νεκα, de υπε'ρ, d'άμφί, de πρό, de περί avec le genitif, de υπό
avec Taccusatif, de συν, si frequent partout ailleurs (excepte dans Matthieu et
Marc,) et qui, dans I'Apocalypse, laisse toujours la place a [χετά; με'χρι fait egale-
ment defaut, et cede a άχρι. Λΐε'ν, si commun dans la langue grecque, est totale-
ment absent de notre ouvrage; δε, qui parait des centaines et des centaines de
fois dans tout le Nouveau Testament, n'y est employe que six fois ; ουν ne se
rencontre que dans les Lettres. D'autres particules, des plus usuelles, sont tres
rares ici. Ainsi : πλην (une fois), άνά avec Taccusatif (1 fois), διά avec le genitif
(2 fois), κατά avec I'accusatif (G fois), παρά avec le genitif (2 fois), avec le datif
(i fois), avec I'accusatif jamais; περί avec I'accusatif (1 fois), προς avec le datif
(1 fois seulement comme dans Marc). Jamais d'enclitiques που, ποτέ, πως. Τε ne
se rencontre qu'une seule fois, xix, 18, tandis que καί, par sa frequence allant
jusqu'a Tabus, donne une couleur toute particuliere au style. "Οπως et ώστε
s'eft'acent totalement devantl'va. Άν, si grec, n'apparait que deux fois; ει, excepte
dans les locutions εϊ τις, εί μτί, cede toujours devant ε'άν. On ne rencontre que deux
fois έ'ως, au chap, vi; deux fois υπό avec le genitif, au meme chapitre. "Ετερος, qui
aurait bien trouve son emploi, est toujours remplace par άλλος; τις adjectifinde-
fini, manque egalement; εκείνος apparait deux fois seulement, et comme adjectif.
Μεταξύ, d'ailleurs rare dans le N. T., aurait ete commode dans certaines descrip-
tions du chap. V, oil Jean use, a la place, d'une tournure assez embarrassee. On
ne lit qu'une seule fois le possessif ίμός (ii, 20), jamais σός, ni ημέτερος, υμε'τερος,
mais toujours les pronoms μου, σου, etc. "Ιδιος n'apparait pas non plus. En
revanche, Jean prodigue les termes άπό, εκ, εν, επί, ενώπιον (lequel, bien qu'helle-
nistique, et frequent chez Luc, a une saveur d'hebraisme), Ιδού, ϊνα, πας, ως. Dans
le meme ordre d'idees, on peut encore etre frappe de I'absence ou de la rarete de
certains noms et verbes qui font partie du vocabulaire consacre du Nouveau
Testament. Tels sont αγάπη (2 fois seulement, au ch. ii), et αγαπάν (4 fois); άπο-
κάλυψις, seulement au premier verset, chose assez etrange, et nulic part αποκαλύ-
πτω; ελπίς, ε'λπίζω, nulle part; σοηηρία, 3 fois, mais jamais σωτηρ; 1 fois σταυροΰν,
mais pas σταυρός; 1 fois σκοτίζειν et 2 fois σχοτοϋν, mais jamais σκότος, ni σκοτία;
χάρις, seulement 2 fois, i et xxii, dans les formules episfolaires. Cependant les
idees qui repondent a ces expressions impregnent toutes les visions.
En second lieu, nous devons noter les modifications apportees au sens de cer-
tains mots. Charles a justement observe (1) que, a la fin du verset x, i : oi πόδες
αύτου ως στύλοι πυρός, le mot πόδες ne pouvait signifier « pieds », mais plutot
(1) Charles, Studies on the Apocalypse, 1913, pp. 97-98.
LAXGUE DE L APOCALYPSE. CXXXV
« jambes », puisque la comparaison se fait avec des « colonnes ». C'est, expli-
que-t-il, un hebraisme, I'hebreu Sai, qui normalement veut dire « pied », pou-
vant aussi signifier « jambe »; il cite comme exemples Τ Sam. xvir, 6; Deut.
XXVIII, 57; Isa'ie, vii, lO-^Ezechiel, i, 7, xvi, 25. Noter aussi δνομα dans le sens de
personne, individu (ii, 4; xi, 13) comme Act. i, 15; θάνατος, vi, 8, signifie « peste ».
Mais il importe bien plus de remarquer I'extension et la deformation du sens
de certaines particules, εκ, εν, et ινα, qui, pouretre des vulgarismes hellenistiques,
n'en sont pas moins remarquables dans TApocalypse plus qu'en aucun autre
ouvrage neo-testamentaire ; I'emploi (constant) de εΤς pour τις; de ij.t« pour πρώτη,
IX, 12 (pas VI, i, voir le commentaire), de meme I'emploi tres special des verbes
Siiovaiet ποιεΐν. Mais ces considorations trouvent mieux leur place dans I'etude
de la grammaire.
II. — Grammaire.
A. Formes rares ou irregulieres.
Nous negligeons tous les phenomenes d'« itacisme » qui se trouvent en de
nombreux manuscrits, parce qu'il va de soi qu'on pent les attribuer aux scribes,
et peut-etre a plus juste titre qu'a I'auteur. Mais, en dehors de cet accident ortho-
graphique, lApocalypse presente assez de particularites de formes, dontl'authen-
ticite est reconnue.
1" Declinaison. — On constate des formes ioniennes, comme d'ailleurs tres fre-
quemment dans les LXX et les papyrus; ainsi, au chap, xiii, 10 et 14, il est
permis de lire μαχαίργι et μαχαίρης, avec A et d'autres bons manuscrits, au lieu de
— pa — ρας [Westcott-Hort, Bousset, Blass, qui en fait une regie, dans le N.-T.,
pour les mots en -pa et en -νια). L'absence de contractions est plus douteuse, car
tres souvent Jean use des formes regulieres contractes; Bousset admet βαΟ^α
pour βάθη, II, 24, quoi qu'il faille penser de χρυσεΌν; ii, 1, χρυσεο^ς iv, 4, χρυσε'ας
V, 8, et de la contraction irreguliere/puaSv i, 13 (d'apres A, etc. W-H), formes qui
sont moins bien attestees. — Le nombre τε'σσαρες (ordinairement sous la forme
ionienne τέσσερα, etc. ; cependant Radermacher prefere τέσσαρα forme commune)
avait dans le grec du N. 0, le dialecte appele parfois acheen, un accusatif
masculin et feminin semblable au nominatif, qui devint dominant dans les pa-
pyrus iMoulion). Or, les manuscrits A au chap, iv, 4, κ a ix, 14, A etPa vii, 1,
donnent τέσσαρες pour τεσσάρας. Westcott- Hort, Weymouth , Moulton admet-
tent cette forme; egalement i, 16, dans A et le cursif 41, on a αστέρες pour
αστέρας. •
2" Cotijugaison. — Jean obeit a la tendance hellenistique qui etait d'unifier les
formes dela conjugaison; ainsi de substituer aux formes en -μι des formes en -ω :
XVII, 8, του δεικνύοντος, de δεικνύ-ω. — III, 9 διδίο pour διδωμι, dans A, C, admis, mal-
gre sa singularite, de W-H., Swete, Nestle, Bousset, Moulton. — ά(ρίουσιν de
XI, 9, suppose une forme άφίω pour άφίημι [Thackeray, Gramm. p. 250 sq. admet,
dit Moulton, la possibilite d'une forme contracte άφ-ιέ-ι» = άφιώ qui serait plus
conforme a la racine); άφεΐς, indicatif singulier 2*" personne, ii, 20, est une con-
traction pour άφίεις, sans qu'il soit necessaire de supposer, avec Winer-Schmie-
del, une forme barbare άφω (derivee du futur άφησω), dont on ne trouve d'exemple
CXXXVI , INTRODUCTION.
que dans une inscription nubienne du vi* siecle do notre ere; on trouve άφίομεν
dans Luc, xv, 4. (Voir Moulton-Milligan les nombreuses formes irregulieres de
ce verbe dans le N. T).
Les formes de la 3" personne plurielle de I'aoriste, en -αν, s'etaient, dans la
periode alexandrine, introduites en d'autres temps. On a, a I'imparfait, ήξίουσαν
pour ήξίουν dans une inscription de Magnesie du ii" siecle avant J.-C, et, dans le
IV* Evangile, xv, 22, ει/οσαν pour et/ov. Thumb (Die grieschische Spraclie im
Zeitalter des Hellenismus, 1901) remarque, malgre Sextus Empiricus, que la
terminaison -αν pour -ασι, au parfait, n'etait pas seulement alexandrine, mais
qu'on la trouve en Crete, en Laconic, en Asie Mineure. Mayser (Grammatik der
grieschischen Papyri aus der Ptolemaerzeit, pp. 323-324) en donne de nombreux
exemples pour les ii^-i'"'' siecles avant notre ere, a cote de formes regulieres en
-ασι. La meme indecision se montre chez Jean. II ecrit regulierement Ιστηκασι,
viii, 2 ; mais ειρηκαν, XIX, 3, et γε'γοναν (non γε'γονα, qui n'aurait pas de sens, contre
von Soden), xxi, 6; πε'πο)καν, xviii, 3. (Cfr, Luc ix, 36; Act, xvi, 36; Rom. xvi, 7;
Col. II, 1). On trouve mome I'imparfait ει/αν pour ειχον, ch. ix, 8, atteste par Λ et
ii] seuls Β Weiss et von Soden le rejettent; Westcott-Hoj-t I'admettent encore
au verset suivant.
'La 2* personne singulier du parfait regoit des formes en -ες au lieu de -ας :
κεκοπίαχες, π, 3; πε'πτωκες, ιι, 5 (?) ; εϊληφες χι, 17. ΙΙ, 4, οη trouve I'aoriste άφηκες
pour άφήκας, d'apres Ν et C. Bousset ne decide pas s'il faut attribuer ces irre-
gularites a Pauteur ou aux copistes ; Moulton admet que cette forme, qu'on ne
trouve nulle part ailleurs dans un ecrit litteraire (excepte Mat. xi, 25 dans D, et
Act. XXI, 22 dans B), peut έίτβ authentique, et serait un bon signe de I'impar-
faite connaissance que notre auteur avait du grec. Mayser, du reste (p. 321),
signale une fois cette forme chez I'orateur classique Hyperide, et releve dans
la syntaxe d'Apollonius d'Alexandrie (ii^ siecle av. J.-G.) le temoignage des
formes ειρηκες, έγραφες, γραψέτω. Les exemples s'en rencontrent surtout hors de
I'Egypte et a I'epoque romaine.
Un bon nombre de manuscrits, entre autres TAlexandrinus, qui inspire gene-
ralement confiance, donnent plusieurs formes d'aoriste 2 en -a, au lieu de -ov,
comme, dans le grec classique, on avait a la fois εΤπον, et εΐπας a la 2® personne,
ηνεγκον et ηνεγκας; ainsi : απήλθα, χ, 9; xi, 4; (?) ιδα (pour είδα), xvil, 3, d'apres A
et Hippolyle; είδα encore xvii, 6, d'apres ϊ< et A, admis de Weymouth et de
Tischendorf. Enfin, dans C, se lit le tres douteux έβαλαν pour εβαλον, xviii, 19.
L'aoriste poetique έπεσα est employe partout d'apres les meilleurs manuscrits,
XXII, 8; XIX, 4 et 10; xi, 16; vii, 11; v, 14; vi, 13 i, 17, excepte vi, 16, ou Ton
trouve I'imperatif πέσετε; mais W-H. et Bernhard Weiss (1) veulent πε'σατε.
Pour en finir, mentionnons les contractions νικουντι et νιχουντας, ii, 7, 17; xv, 2',
qui supposeraientune forme dorienne ou ionienne νικε'ω pour vixaoj, dans Λ et dans
C. Enfin I'extraordinaire aoriste subjonctif δώσοισιν de xiv, 9, que Schmiedel veut
admettre d'apres 10 manuscrits, dont Ν et Q, et qui viendrait du barbarisme
έδωσα pour εδοίκα. Mayser, qui constate, des I'epoque ptolemaique, la disparition
de I'aoriste fort pour faire place a des formes en -σα, n'apporte aucun exemple
du meme fait pour les aoristes 1 en -κα ; mais on trouve έδωσα a I'opoque imperiale.
(l; Dans sa 1" edition de Das Neue Testament.
LANGUE DE L APOCALYPSE. CXXXVII
(ainsi que εΟησα, άφησα), et il a passe en grec moderne [Meillet, op. laud. p. 31G).
Ces dernieres irregularites sont douteuses, mais non impossibles a admettre.
B. L'Article.
Jean aime a accumuler les articles. II est cependant des cas ou ils font defaut
la oil on pourrait les attendre.
C'est ainsi qu'ils manquent de temps a autre devant les noms suivis d'un
genitif; plusieurs grammairiens veulent voir dans ce fait la trace d'un « etat
construit » semitique {nd. infra). II n'y en a pas devant les noms propres,
meme indeclinables et a des cas obliques, comme Ίσραηλ (excepte τω Βάλακ, ii, 14
et δ Μι/αηλ, XII, 7; xx, 6 τον Γώγ). Si on trouve toujours I'article devant Σατανάς,
c'est sans doute que « Satan » est ici un nom commun, Γ « Adversaire »,
Γ « Opposant » par excellence. Generalement il manque devant κύριος, employe
seul, ou dans I'expression « κύριος δ θεο'ς ». II manque aussi dans certaines
expressions comme άχρι θανάτου, ε?ς φυλακήν, ιι, 10, εις πόλεμον, ιχ, 7, 9, etc.,
sept ou neuf en tout, sans que d'ailleurs I'usage soit constant; et, sans raisons
assignables, devant άγγε'λων, xiv, 10; devant αιώνας, xiv, 11; αίμα αγίων, xvi, 16,
σάρκας βασιλε'οιν κτλ. χιχ, 18, etc. Mais le plus remarquable, c'est son absence
devant les infmitifs employes dans un sens consecutif, final, ou explicatif. Get
usage, si grec, et tres repandu dans le N.T. ^surtout dans Luc, mais encore
ailleurs), parait ignore de Jean. Un seul passage, et encore tres difficile a tra-
duire, au ch. xii, 7 : Και εγένετο πόλεμος ε'ν τίο ούρανω, δ Μιχαήλ και οί άγγελοι αύτοΰ
τοΐ! πολεμησαι αετι^ του δράκοντος, presente un infinitif avec I'article, au genitif;
c'est, pensons-nous avec Moulton, un infinitif epexegetique, qu'il faut rattacher
a πόλεμος qu'il explique (Gf. Rom. I, 24 : παρε'δωκεν αύτοΰς δ θεός..;, εις άκαθαρσίαν
του άτιμάζεσθαι τα σώματα αυτών εν αύτοις). Je traduirai : « Et il y eut guerre au
ciel — Michel et ses anges — (nominatif detache du contexte, comme une
sorte de parenthese, irregularite qu'on trouve ailleurs dans I'Apocalypse,
V. infra), en sorte quiis guerroyerent axec le dragon. » Partout ailleurs, I'infi-
nitif consecutif ou final demeure sans article. Le cas est assez frequent, mais
beaucoup moins que les propositions a verbe fini commengant par iva {i>id.
infra). — A part ces anomalies, nous pouvons croire que I'omission de I'article
est toujours justifiee et intentionnelle.
Sa frequence exageree est du reste beaucoup plus remarquable que ces
omissions. C'est ainsi qu'il se rencontre presque immanquablement devant des
mots qui pourraient s'en passer, comme γνί, θάλασσα, ήλιος (exc. vii, 7; xiv, 7 et
xxu, 5). II precede des nominatifs mis a la place de vocatifs. Un des usages les
plus constants de I'Apocalypse est de repeter I'article, en certains cas jusqu'a
deux et Irois fois, devant I'adjectif, le participe, ou la locution prepositionnelle
qui suit un nom determine lui-meme par I'article. Dans le grec ordinaire,
cette maniere de parler etait frequente, mais toujours intentionnelle, et destinee
a attire r I'attention sur I'adjectif. II semble, au contraire, que Jean, la plupart
du temps, en use d'une maniere mecanique, a moins qu'il ne veuille par la
donner plus de solennite a son style; au ch. vi, par exemple, il melera tres
indifferemment τήν σφραγίδα τήν δευτε'ραν... etc., jusqu'a τήν τετάρτην, a τήν πε'μπτην
Σφραγίδα... II met encore parfois I'article, sans visible necessite, devant le sub-
CXXXVIII INTRODUCTION.
stantif ou I'adjectif predicat. Exemples : συ ει δ ταΛαίπο)ρος, etc. πι, 17; χα! το όνομα
του αστέρος λέγεται δ "ΑψινΟος, Λτιι, 11 (passage οΰ, de plus, cest le leminin ή
qu'il aurait fallu). Get usage de I'article contribue beaucoup a donner au style
de I'Apocalypse sa couleur speciale.
C. Adjectifs pronominaux.
1° Indefinis. — Τις enclitique n'est jamais employe qu'apres ει, εάν, ?να μη.
Comme adjectif ou article indefini, il est toujour s remplace par le numeral εΤς,
7 fois en tout (viii, 13; xviii, 21; xix, 17; ix, 13).
Πας est tres usite, et contribue au coloris general. On le trouve devant les
substantifs, les adjectifs, les parlicipes, tantot seul, tantot avec Farticle. δ fois
on le trouve avec ουοέ, μη, ουκ, remplagant ουδείς ou μηοείς, qui sont toujours
pronoms (cfr. I'heb. Si nS).
2° Numeraux. — Μία est employe pour πρύ)τη au cliapitre ix, 12 : ή ούαι ή μία.
(Audi. VI, 1, μιαν garde son sens ordinaire. Voir Commentaire).
3° Possessifs. — Nulle part ne se rencontre dadjectif possessif, excepte ii, 20 :
πλάνα τους εμους δούλους. Partout aiUeurs, c'est le genitif du pronom personnel,
μου, σου enclitiques, ημών, etc.
4° Demonstratifs . — Presque partout ο5τος, et deux fois seulement έκεϊνος.
D. Pronoms.
L'emploi assez frequent des nominatifs εγώ, σύ, αυτός, ούτος, est affaire de style,
et toujours intentionnel. Comme la voix moyenne des verbes, au sens reflechi,
n'apparait presque nulle part (si ce n'est i. 7, in, δ et peut-etre a certains parti-
cipes parfaits, ix, 1δ et xxi, 2), I'auteur emploie εαυτούς, -την, avec la voix active.
— Pour les pleonasmes, v. infra « Construction ».
Είς ou μία remplacent toujours le pronom τις, sauf dans les cas notes ci-dessus.
— 11 ny a qu'une seule fois (xviii, 6) attraction du pronom relatif.
E. Verbes.
1° Modes. — Nous avons vu plus haut Tusage de Yinfinitif, sans article, pour
signifier la fin ou la consequence ; il est d'ailleurs relativement restreint. II faut
remarquer que Tinfinitif present est tres rare comparativcment a I'aoriste.
Notons le meme fait a Yimperatif, qui n'est au present que 21 ou 22 fois (dont
9 dans ies lettres). — Voir Boussetj p. 170.
Le participe donne lieu a d'interessantes observations. II est naturel de ne
pas le rencontrer a I'accusatif absolu, comme δέον, εξόν, car cette tournure clas-
sique est etrangere au Nouveau Testament; mais il Test beaucoup moins de ne
pas rencontrer ces genitifs absolus, si frequents dans les autres livres, d'autant
plus que Tusage s'en etait etendu dans la langue hellenistique a bien des cas
ou le grec classique ne I'eut pas tolere (v. Blass-Debrunner, § 423). Jean aurait
eu maintes occasions de s'en servir. Pourtant il ne I'a pas fait une seule fois,
sen tenant toujours aux parataxes, ou aux propositions circonstancielles a
verbe fini. 11 faut dire, d'ailleurs, qu'il semble ne connaitre que deux temps au
LANGUE DE L APOCALYPSE. CXXXIX
participe : le present et le parfait. Chose encore plus importante a noter, il est
impossible de traduire un certain nombre de passages sans donner a un parti-
cipe au nominatif, que ne suit ni ne precede aucune copule, lavaleur d'unverbe
fini (v. infra, « Construction »). C'estun usage hebraique, et surtout arameen,
Le subjonctif est frequent, ordinairement a I'aoriste, quelquefois au present,
et I'emploi en est regulier. Quant a Voptatif, qui tombait rapidement en desue-
tude dans la κοινή, il est totalement absent de I'Apocalypse.
2° Temps. — C'est peut-etre I'usage des temps qui cree le plus de diificultes
au traducteur de notre livre. Je taclierai de fixer plus has quelques regies,
en traitant du « style ». Signalons ici ce qui ne releve que de la pure gram-
maire.
Pour les modes autres que I'indicatif, les temps, comme nous I'avons vu, sont
tres simplifies.
A Tindicatif, Jean parait avoir un sentiment net, et assez fin, de la valeur
de Vimparfait, qu'il emploie d'ailleurs assez peu (9 fois). II comprend bien aussi
le sens du parfait, temps d'une action passee qui a produit un etat se prolon-
geant dans le present; on le remarque bien dans lusage irreprochable qu'il fait
du participe parfait. Mais a I'indicatif, il parait, la plupart du temps, n'avoir
pas la notion nette de la distinction du parfait et de I'aoriste. Les deux temps
se suivent dans la meme phrase sans aucun ordre, pour marquer des actions
egalement transitoires (in, 3; v, 7; viir, 5). L'ecrivain affectionne surtout ειληφα
(5 fois centre 4 fois ελαβον), et ειρηχα, 2 fois, tandis que εΤπον ne se rencontre
pas plus de 5 fois (et 1 fois a I'imperatif.) Mais des parfaits comme κεχοπίακες,
et πε'πτωκες, π, 3, 5, γε'γονεν, xvi, 17, etc. sont certainement tout a fait a ieur
place.
Le fiUur, dans les propositions principales, est souvent mele a I'aoriste et
au present; a notre avis, contre Bousset (pp. 168-169), ce n'est pas sans inten-
tion, et nous chercherons a le demontrer.
La locution ού μη, qui, regulierement, dans la κοινή, exige apres elle le sub-
jonctif aoriste, le remplace 2 fois par le futiir indicatif dans I'Apocalypse,
IX, 6 et XVIII, 14 (cas qui ne se presente que 8 fois dans le N. T., contre 74 fois
avec le subj. aor. Moulton), Si Ton ne veut pas lire le barbarisme δώσοισιν au
chap. IV, 9, alors, avec la plupart des manuscrits, on admettra όταν δώσουσιν,
un futur indicatif au lieu du subjonctif requis; de meme on lit viii, 1, δταν τ,νοιξεν,
aor. indicatif, au lieu de άνοιξ?]; ici όταν equivaut a οτε; la Ιβςοη de xiv, 4, οπού άν
υπάγει (pour υπαγγ]) est plus douteuse. C'est surtout apres ίνα et iva μη qu'on
trouve I'emploi irregulier du futur indicatif, plus souvent encore que dans le
reste du Nouveau Testament. Blass en signale 12 exemples (p. 207); il alterne
encore avec le subjonctif aoriste.
Dans les recits de visions, I'aoriste et le present se melent d'une maniere
qui est, a premiere vue, inextricable, mais qui s'explique pourtant par le mou-
vement de la pensee (v. infra). L'auteur fait plus d'une fois usage de Γ « aoriste
de constatation », qui ne marque pas le temps, ou equivaut au « passe prophe-
tique » de I'A. T. Ex : xvill, 2 έ'πεσεν, επεσεν βαβυλών ή μΞγάλη, etc. On peut
comparer le IV'' Evangile, xv, 6 εβλήθη, εξηράνθη, ou des passages classiques,
comme le vers 386 de VAlceste d'Euripide, cite par Moulton : Άπωλόμην αρ', ει μι
δή λείψεις, γύναι.
CXL INTRODUCTION.
La forme du plus-que-parfait n'apparait que dans είστηκεισαν de vii, 11, qui
est equivalent a un imparfait.
3° Voix des verbes. — La forme moyenne, au sens reflechi, n'apparait guere,
et douteusement encore, que dans quelques participes parfaits (v. supra). Cepen-
dant on trouve κόψονται, l, 7 et XVIII, 9; περιβάλλεται ( — λεΐται), III, 5.
Le passifest assez frequent, et plusieurs fois au sens impersonnel (Ιδοθ•/) ... ινα),
mais Jean n'en abuse pas comme les Apocryphes. Aux chap, x, 7, et xiv, 6, le
verbe « evangeliser « apparait avecune forme active, εύαγγελίζειν, ce qui est unique
dans le N. T.
4° Nombre dans les verbes. — Le duel a naturellement disparu, ainsi que
pour les substantifs, dans tout le Nouvcau Testament. Apres un sujet au pluriel
neutre, I'ecrivain emploie tantot le verbe singulier, conformement a la regie,
(7 ou 8 fois seulement) tantot le pluriel, et ceci beaucoup plus souvent que dans
le grec classique. Par centre, il se trouve un exemple de ce qu'on appelle la
« construction pindarique », c'est-a-dire un verbe au singulier precedant son
sujet au pluriel masculin ou feminin : ix, 12, ερ/εται Ιτι δύο ού«\, tournure qui se
retrouve dans Mat., Mar-c, et II Cor. — H y a aussi un exemple, et peut-etre
deux, de pluriel impersonnel (aramai'sme?), xii, 6, ινα τρέφωσιν, « pour qu'on
nourrisse », et ii, 24, ώς λέγουσιν, « comme on dit » (ζ*)
F. Regime des verbes.
1° Regime sans preposition. — Un cas assez curieux est celui du verbe προσχυνεοι
(litt. baiser [la terre], se proslerner devant quelqu'un, et, par extension, adorer],
qui, dans le grec classique, gouverne toujours I'accusatif (1), mais qui, dans
I'Apocalypse, regit le datif aussi souvent. Les deux cas s'emploient aussi bien (2)
quand I'objet est le vrai Dieu que lorsqu'il s'agit de la Bete ou de son image
(ch. xiii et xvii, et ailleurs). J'examinerai dans le Commentaire (ch. xiii,
A, B. 4) s'il n'y a pas la une nuance, si προσκυνεοι avec le datif ne signifie pas
plutot Facte materiel de prosternement, et, avec I'accusatif, une veritable adora-
tion religieuse, comme le verbe λατρεύω. — Άκούειν semble suivi indifferemment
de φωνής et φωνην.
Έρ/οααί σοι (au lieu de προς σε'), ii, 5, 16, doit etre un datii>us incommodi : « Je
viendrai surtoi, contre toi ». On en trouve quelques rares exemples dans la litte-
rature, ou les documents de la langue vulgaire. Au chap, viii, 4 et (3), άνε'βη δ
καπνός των θυμια[Λάτων ταϊς προσευχαϊς των άγίοιν, et (θυίΛΐάαατα πολλά ινα δίόσει ταΐς
προσευχαΐς,), Moulton comprend, avec raison sans doute, ce ταΐς προσευχαΐς comme
une sorte de datif instrumental,, marquant I'association : « La fumee des parfums
monta avec les prieres des saints. » — « II lui fut donne des parfums nombreux,
pour les donner (offrir) avec les prieres de tous les saints sur I'autel. » — Remar-
quons encore le datif [qm lieu de I'accusatif) apres εδίδασκεν, ii, 14, etαίvεϊτε, xix, 5.
Les verbes qui expriment Faction de « remplir », regissent le genitif simple,
ce qui est la regie, ou le genitif avec laparticule εκ, mais aussi I'accusatif, xvii, 3
γε'μον(τα) ονόματα βλασφημίας. C'est un vulgarisme qui, en d'autres livres du N.-T.
(1) Voir Kiihner-Blass. pp. 293 et 294, i.
(2) Cfr. BousSET, p. 163.
LANGUE DE L APOCALYPSE. CXLI
se retrouve avec πληρόω [Phil, i, 11, Act. ii, 28). Comme il est devenu regulier en
grec moderne, il n'y a pas lieu sans doute d'y λ^οϊγ un semitisme.
Dans les complements circonstanciels de temps, on trouve parfois V accusatif
(au lieu du datif), pour marquerle moment, et non la duree : in, 3, ποίαν ωρανίίξω
επΙ ffs; anomalie qui se presente aussi Act. xx, 16, et Joh. iv, 52, ainsi que quel-
quefois dans les papyrus. On en trouve du reste quelques exemples des I'epoque
classique.
2° Regime avec preposition. — Les verbes λαλειν, qui veut regulierement son
regime au datif, ou a raccusatif avec προς, et πολεμεϊν, qui demanderait I'accusatif
oule datif, ont toujours, dansl'Apocalypse, μετά avec le genitif, dememe άκολουθεΐν
μετ' αύτου, αυτών, νι, 8, et xiv, 13, tandis qu'entrois autres passages ce verbe est
suivi du datif, regulierement.
^ατοιχεΤν est toujours suivi de Ιπι της γης (9 OU 10 fois), excepte xvii, 2 ol κατοι-
κΰοντες τήν γην, et xii, 12, idem. Le datif avec Iv, ou le simple accusatif, serait
plus regulier; mais on ne trouve qu'une fois, xiii, 12, τους Iv αύτη κατοικουντας, et,
deux versets .plus has, encore Ιπί et le genitif.
Le cas qui suit χαθ/,μενος επί depend du cas de καθήμενος. Si le participe est au
nominatif, on trouve επί suivi des trois cas, mais surtout de Taccusatif; s'il est a
I'accusatif, Ιπί gouvernera I'accusatif aussi, 4 fois contre 1 (ix, 17, επ' αυτών);
s'il est au genitif, c'est le genitif que gouverne επί, 8 fois sans exception; s'il
est au datif, le datif suit encore la preposition, excepte 2 fois (vi, 4 επ' αυτο'ν et
XIV, 15 επί της νεφε'λης). Cette assimilation, qui n'a pas de raisons grammaticales,
est curieuse; elle montre que Jean avait des habitudes de langage tres fixes, et
c'est bien I'un des cas ou Ion pent decouvrir chez lui une « Grammar of Ungram-
mar », suivant I'expression de I'archeveque anglican Benson dans son Apoca-
lypse, Essay V.
G. Particules de liaison.
J'ai signale plus haut, a propos du vocabulaire, les particules qui manquent
ou qui sont rares, plus que dans le reste du Nouveau Testament. Parlons de celles
que Jean affectionne, et dont il etend I'usage plus qu'aucun autre ecrivain.
1" Prepositions. — Έν (160 fois environ) n'est jamais employe pour εΙς,
excepte xi, 11 : είσηλθεν Iv αύτοΐς. Ce fait est assez remarquable, car de meilleurs
ecrivains, comme saint Luc, se montrent moins scrupuleux a cet egard.
Cette preposition est d'usage ordinaire pour les designations de temps (i, 10;
II, 13; IX, 6; X, 7; xi, 13; xviii, 8). Mais, ce qu'il faut signaler par-dessus tout,
c'est I'abus que Jean fait partout du Iv instrumental. Cet usage est frequent, sans
doute, dans tout le Nouveau Testament; il a une forte saveur d'liebraisme (2),
quoiqu'il ne soit pas etranger a la langue hellenistique, en dehors de la Bible.
Ainsi les Papyrus do Tebtunis (1), et d'autres, en ofTrent des exemples, et, dans
la lilterature classique, on lit chez Ilomere lui-meme, Iliade, chant xxiv, v. 38; Iv
πυρί καίειν. Mais, chez Jean, pour 13 exemples du datif instrumental regulier (v, 1,
12; VI, 10; vii, 2, 10; viii, 8, 13; x, 3;xv, 2; xvii,4; xviii, 21; xix, 13;xxi, 8),ily
en a plus de trente avec I v. Par-ci par-la la preposition Ικ remplace ce meme
(1) VoirMouLTON (op. laud. trad, allem. p. 15).
CXLii INTRODUCTION.
datif. Ex. II, 11 : ού [-'•■'l «διχηθη Ικ του θανάτου του δευτέρου. . Encore III, 8; νιιΐ, 11;
IX, 2, 18, XVIII, 1.
Cette preposition I/, n'apparait pas moins de 125 fois, sa frequence, pour
marquer I'origine ou Teloignement, Temportant de beaucoup sur celle de άπο'.
Elle suit, au lieu du simple genitif, les verbes qui signifient remplir, rassa-
sier, manger, boire (7 ou 8 fois). Pourtant il faut noter une fois, dans les
lettres, la tournure δώσο) του μάννα του κεκρυμαενου, sans εκ, qui est du grec excel-
lent. La particularite la plus notable de cette preposition, c'est de remplacer
le genitif partitif : toujours apres εΤς ou μία (8 fois, dans toutes les parties) ; elle
est meme employee d'une fagon absolue, comme regime direct avec un sens par-
titif, dans quatre passages; li, 10, με'λλει βάλλειν ό διάβολος Ιξυμών εις φυλακην; ιιι, 9,
διδώ εκ της συναγοιγης του σατανά; ν, 9, ήγο'ρασας Ικ πάσης φυλής; XXI, 6, δώσω εκ της
πηγής. Bien plus, XI, 9, βλέπουσιν Ικ των λαών φυλών... το πτώμα αυτών, I'expression
εκ τών λαών, etc. est sujet de βλέπουσιν.
Άπο (36 fois) s'est efface devant εκ. Au ch. xii, 6, il tient lieu de υπό : ήτοιμασ-
με'νον άπο του θεοΰ. On le trouve une fois, a la place du datif instrumental, ix, 18 :
άπο τών τριών πληγών τουτών άπεκτάνΟησαν ; ensuite vient une enumeration de detail
avec έκ. II s'emploie pour marquer les distances (xiv, 20), comme dans le
IV"^ Evangile (et chez Diodore et Plutargue), ainsi que les orientations (άπο
βορρά, etc., au chap. xxi).
'Επί est employe a tous les cas obliques, comme nous I'avons vu, et cela tres
souvent. II pourrait plus d'une fois etre remplace avantageusement par Iv, εις, ou
par περί. Nous avons note la regularite bizarre de I'emploi des cas qui le sui-
vent apres καθήμενος. De plus, Jean dit toujours, sans que ce choix lui soit
impose par le verbe regent, έπι το μί'τ(>)πον, ace. (exc. xiv, 9, Ιτά του μετώπου), et
επι τών μετοίπων ; — επι την κεφαλήν, 0U τάς κεφάλας, excepte χΐι, 1 (κεφαλής) ; — επι την
νεΐρα, exc. ΧΙΠ, 16, επι της χειρός; — επι της γης, 9 fois, COntre un accusatif εβαλεν
επι την γην, XIV, 6; etc. II tient tant a ces usages personnels, qu'il maintiendra,
par exemple, επι της γης, lorsque, dans la meme enumeration, il emploie I'accusa-
tif pour un autre substantif : Vll, 2, πνε?) άνεμος επι της γης μήτε ε'πι της θαλάσσης
μήτε επι παν δε'νδρον. Toujours la « Grammar of Ungrammar ».
Nous avons vu la rarete de παρά, περί, προς, υπό. Cette derniere particule ne se
trouve qu'une seule fois apres le passif : vi, 13, υπο άνε'μου μεγάλου σειομε'νη (encore
est-elle douteuse; χ, 14, 31, ont a sa place un από instrumental), et une fois,
VI, 8, comme instrumental apres une enumeration en εν : άποκτεϊναι Iv ^ομφαία και
εν λιμώ και εν θανάτω και υπο τών θηρίιον της γης.
Διά avec I'accusatif remplace trois fois le datif instrumental (iv, 11; χιι,ΙΙ, bis).
2° Conjonctions. — 'Εάν, assez frequent dans εάν τις, lav μή, sert aussi de parti-
cule marquant I'eventualite, 3 fois (iii, 19: xi, 6; xiii, 15)^ contre άν, particule
adverbiale, deux fois seulement (ii, 25 et xiv, 4).
"Οπως, et ώστε avec rinfinitif, sont toujours remplaces par Ίνα, avec le futur
indicatif ou le subjonctif aoriste (v. supra). Ce iva, non final, mais consecutif,
mis au lieu de Finfinitif avec ou sans ώστε, se rencontre plusieurs fois dans le
Nouveau Testament. Blass le signale chez Epictete, ii, 2, 16 ούτω μωρός- ήν ινα μή
ιδ-/"! « il etait assez fou pour ne pas voir. » Aux deux passages vi, 11, Ιρρε'θη αυτοΤς
ινα άναπαύσοίνται et XIV, 13, Μακάριοι ναι, λέγει το πνεύμα, ΐνα άναπαησονται εκ τών
κόποιν αυτών, il pent equivaloir a οτι {Bousset, Swete) « Heureux ceux qui meurent
LANGUE DE l'aPOCALYPSE. CXLIII
dans le Seigneur... Qui, dit I'Esprit, (heureux sont-ils) en ce qu'ils se repose-
ront. » Ou bien, avec Moulton, on peut y voir un commandement, une promesse
de Dieu et de I'Esprit, un « Requiescant in pace ». "Ινα suit plusieurs fois (avec
le futur indicatif) les verbes διδο'ναι ou ποιεΐν. « Je leur donnerai de, il leur fat
donne de faire ceci ou cela ». — Je leur ferai faire telle ou telle chose ». Une
fois, nous lisons « Je donnerai... et ils... » (xi, 3); parataxe qui remplace iva de
fagon singuliere.
Ού μ.η parait devoir sa frequence (16 fois), d'apres Moulton, a la solennite du
style. En effet, en dehors des Evangiles, I'Apocalypse est le seul ouvrag-e du
Nouveau Testament qui use habituellement de cette locution negative. Ailleurs,
en dehors des citations de ΓΑ. T., on ne la trouve que 4 fois chez Paul, et
1 fois \\^ Pet. II y en a quatre exemples dans les Lettres, ou c'est le Christ qui
parle; partout ailleurs, sauf xviii, 14, ce sont des reminiscences de I'Ancien Tes-
tament. Ainsi xviii, 22, cfr. Ezechiel, xxvi, 13. En tout, dans le N. T., 90 fois
sur 100, cette locution est placee dans la bouche de N.-S. ou dans des citations
bibliques; par ailleurs, elle est aussi rare que dans les papyrus. II faut done
y voir une sorte d'usage sacre, comme ailleurs dans I'emploi de άμην.
Quant a la rarete de certaines conjonctions, vid. supra.
H. Usage des cas (en dehors des regimes).
Le poca ii/" a presque completement disparu, au profit du nominatif precede de
I'article (iv, 11; vi, 10; xv, 3; xvi, 5; xviii, 4; 10, 16, 19). On ne le trouve que
dans I'expression κύριε δ θεός, χι, 17; xv, 3; χνι, 7; avec ουρανός, une fois au singu-
lier, XVIII, 20, εύφράνθητι ουρανέ (mais suivi aussitot de και οί άγιοι), et une fois, peut-
etre, au pluriel xii, 12, εύφραίνεσθε ουρανοί; mais A et de nombreux manuscrits
lisent οί ουρανοί. Trois fois le nominatif (pour un vocatif) suit ούαί : xviii, 10, 16, 19
ούα\ ή πόλις ; mais on trouve viii, 13, cette interjection avec I'accusatif, ce qui est
bien plus irregulier Ούαί... τους κατοικοΰντας επϊ της γης.
Ι. Regime des adjectifs.
Une singuliere etrangete, c'est I'expression ομοιον υίον ανθρώπου, ι, 13 et χιν, 14,
attestee par les meilleurs manuscrits, au lieu de ομοως υίω. Jean savait pourtant
bien quel cas gouvernait όμοιος, car partout ailleurs, 18 fois, il I'emploie avec le
datif.
K. Construction.
Deja cette langue nous a presente suffisamment de particularites ; mais c'est le
chapitre de la construction qui reserve le plus d'etonnementsa I'helleniste.
Cette construction, dans ses grandes lignes, et telle qu'ont pu la rendre, par
exemple, les traductions latines, parait tres reguliere dans sa simplicile. II n'y a
pas de periodes; les idees sont juxtaposees par parataxe, avec la copule καί;
celle-ci se rencontre meme trois fois a I'apodose, apres une proposition subor-
donnee (in, 20; x, 7; xiv, 9 suiv.).
Le genitif suit le substantif dont il depend; presque jamais il ne le precede.
A 650 cas environ, on peut en opposer une quinzaine tout au plus. Encore ces
CXLIV INTRODUCTION.
genitifs preposes sont-ils les pronoms μου, σου, places devant I'article du verbum
regens, αύτης, Ιαυτων. Sept fois aussi, la designation de la ville, avec εν, precede
le mot εκκλησίας dans I'en-tete des Lettres. C'est la la regie la plus fixe de la
construction apocalyplique. D'habitude meme, σου et μου sont postposes. L'au-
teur netait done pas porte a user de la latitude laissee sur ce point par le grec;
et on peut bien y voir une habitude semitique.
L'adjectif, d'ordinaire, suit le substantif ; de meme les locutions preposition-
nelles comme δ ε'ν.,.,το i\, etc. qui tenaient si facilement lieu dadjectif ou de
participe en grec. Quand 1 adjectif vient le premier, ce qui arrive moins de
200 fois (contre a peu pres 300), c'est ordinairement un numeral, ou un adjectif
indefini, πας, άλλος, plus de trois fois sur quatre. Sur ce point, la proportion ne
varie guere d'un chapitre a Tautre ; il y a pourtant beaucoup de pericopes oii pas
une seule fois I'epithete n'est preposee. Une trentaine de fois, le numeral suit le
substantif; Tauteur parait le faire sans regie fixe, ainsi pour les plus frequents,
επτά et διόδεκα ; nous ne croyons done pas, contre Charles (Studies, p. 70) que la
position des numeraux puisse aider a distinguer des sources ; πας n'est que deux
fois postpose, aux chap, viii etxiii. — Dans la plupart des cas oil le substantif
ou le participe est determine, I'article est repete devant Tepithete (voir ci-des-
sus, B), environ 110 fois. Dans la traduction, nous distinguerons les cas — tres
pares — ou I'auteur semble avoir employe cette tournure avec une intention
speciale. Ce n'est que dans la pericope vii, 1-8, qu'on ne la rencontre pas.
Le predicat suit presque toujours le verbe ; il precede le verbe είναι une qua-
rantaine de fois environ (dans les macarismes, le predicat precede naturelle-
ment le substantif, question de style). Par ailleurs, le predicat est prepose sur-
tout dans les Lettres, aux chap, xvi-xix et xxii, en general avec une intention
d'emphase reconnaissable.
Le verbe tantot precede le sujet, et tantot il le suit (170 fois environ apres;
avant, environ 220 fois). Je ne comprends done point pourquoi plusieurs criti-
ques, meme Bousset, font du verbe prepose une regie de la construction apoca-
lyplique. II est vrai que dans les locutions comme εϊ τις, etc., le sujet devait
necessairement venir en premier lieu. De meme εγιό, ούτος sont plus d'une fois
preposes a cause de la solennite des declarations. Mais, en defalquant ces cas-la,
les nombres respectifs des deux constructions ne sont pas encore si dispropor-
tionnes. Notons toutefois que le sujet precede plus souvent le verbe dans les
Lettres, etaux chapitres v; vi, a partir du6* sceau; xi, 1-13 ; xiv, 1-13 ; et xvi-xix,
xxi-xxii. Le contraire a lieu aux chap, iv, ix (ou cette disposition est presque
exclusive) xiv, 14-20. Ailleurs, les nombres se balancent. Nous verrons si Ton
peut trouver dans ce fait des indications pour la distinction des sources.
Tres rarement Tobjet precede le verbe, a moins, naturellement, que ce ne soit
un pronom relatif, ou les demonstratifs τοΰτο, τάδε, les pronoms personnels, comme
σε', de courts complements comme μηδε'ν ou le mot όνομα dans I'expression όνομα
έχει. En tout, du reste, je n'ai pu relever qu'une soixantaine de ces cas, contre 400.
(Le demonstratif αύτον, — την, — το, est tantot prepose, tantot postpose.) Cest,
avec la place du genitif, la regie la plus constante de I'Apocalypse. Seulement
au chapitre xi, 1-13, on trouve I'objet prepose 14 fois (dont 1 fois αυτήν),
contre 11 ; le plus qu'on le trouve ensuite, c'est 6 fois contre 22 au chapitre xvii,
et 4 fois contre 16 au chapitre xviii. Quand Tobjet precede, c'est dans bien des
LANGUE DE L APOCALYPSE. CXLV
ces pour attirer rattention. Nous verrons si c'est ainsi qu'il faut expliquer cette
particularite de xi, 1-13, ou si c'est le signe dune source distincte, comme le
veulent beaucoup de critiques.
Arrivons aux irregularites notoires et aux « solecismes ».
l" Propositions sans copule. — Distinguons les propositions qui manquent
totalement de verbe, et celles ou le participe joue le role dun verbe fini.
a. Propositions sans aucun t>erbe. — II est naturel que le verbe « etre » fasse
defaut dans les doxologies ou les beatitudes (Μακάριοι οί...), qui sont de part et
d'autre au nombre de sept. Mais en dehors de ces quatorze cas, auxquels il faut
joindre la salutation de la fin du chap, xxii, nous en trouvons encore 92 ou I'ab-
sence de verbe se justifie moias. Les seules parties qui soient indemnes de cette
singularite sont les chapitres iii; vii, 1-8; viii; xi, 15-19. L'expression δίκαιαι και
άληθιναί (3 fois, XV, 3; XVI, 7; xix, 2) n'a jamais la copule, a cause de la solennite
de raffirmation qui sort de la bouche des etres celestes, et est analogue aux
doxologies et aux macarismes; il en est de meme, 2 fois sur 3, des mots πιστός
(-οί) και άληθινο'ς (-οί), χιχ, 11 et χχιι, 6, contre χχι, 5. La particularite en question
est surtoul notable au ch. i (8 fois), xv (11 fois), ix (10 fois), xiii, xix et xxii
(respect. 4 fois), et surtout xxi (24 fois), dont douze fois dans les propositions
relatives a la matiere des douze fondemeuts de Jerusalem celeste. II se pent que,
dans notre enumeration, nous ayons fait entrer quelques cas ou Ton pourrait
retrouver la copule, ou un terme qui lui equivaut, dans le premier membre d'une
serie coordonnee dont ces propositions font partie ; ou bien encore, que ce que
nous prenons pour des propositions independantes ne soit parfois qu'un regime
direct suivi de son epithete, mis au nominatif par un solecisme frequent chez
notre auteur. Meme en defalquant ces cas douteux, le nombre des propositions
sans copule demeure tres considerable. Plusieurs fois meme la copule est restee
sous-entendue apres un pronom relatif sujet (i, 4, άπο των έπτα πνιυμάτων St Ινώπιον
του θρόνου αύτοΰ ; ν, 13, παν κτίσμα ο εν τω ούρανω), 0U apres δπου (ΐΐ, 13; XX, 10), 0U
apres τίς (ν, 2), c'est-a-dire en des cas οΰ la construction n'a rien de douteux, et
qui montrent assez les habitudes de Tecrivain.
b. Propositions ou un participe remplace un verbe fini. — Ici la remarque faite
ci-dessus est encore de mise; ce peuvent etre parfois des regimes qualifies, mis,
par faute ou distraction, au nominatif. Mais, en plus d'un verset, cette explication
n'est pas possible, II y a en tout une quinzaine, ou peut-etre une vingtaine, de
ces locutions participiales. En des passages au moins comme xxi, 14 καΐ τό τείχος
της πόλεως ε/ων (sic) θεμέλιους δώδεκα (mais ηοη χ, 2; χιι, 2 et χχι, 12, COntre
Charles), il^est fort difficile de mettre τεΤ/ος en dependance de rien qui precede.
Latournure n'etail pas absolument etrangere au grec hellenistique; toutefois elle
est plutot semitique, hebraique et surtout arameenne. On la trouve egalement,
mais beaucoup plus rare, dans Paul et TEpitre aux Hebreux [Horn, v, ii; xii, 6;
II Cor. V, 12; vii, 5; Heb. viii, 10; x, 16). Dans i-ii Pet., le participe remplace
quelquefois limperatif.
c. II se rencontre enfin des propositions nominates, tout a fait a Ihebraique :
VI, 8 : καΐ 6 καθήμενος επάνοι αύτοΰ όνομα αύτω δ θάνατος. IX, 11 est plus douteux : ε/ουσιν...
βασιλέα τον οίγγελον της αβύσσου, όνομα αύτω... Άβαδδών, car on peut y voir une simple
parenthese. vi, 8, nous ofl're un cas particulier de ces « nominatifs pendants », que
nous etudierons plus loin.
APOCALYI'SE DE SAINT JEAN. j
CXLVI INTRODUCTION.
2° Defauts de concordance. — lis sent si nombreux, qu'ils finissent par donner
a la langue de Γ Apocalypse una couleur barbare ; les manuscrits de la recension
commune (K de von Soden ; aussi Andre), les ont corrigos autant qu'ils ont pu;
par malheur, la comparaison avec les meilleurs temoins du texte rend ces correc-
tions evidentes.
a. Le premier et le plus frequent est le passage indu d'un cas oblique au nomi-
natif, soit dans les appositions, soit pour les participes et les epithetes. Dans les
appositions, c'est presque une regie, de « Grammaire anti-grammalicale ».
Ainsi I, 5 : άπο 'ΐΓ,σοΰ χριστού δ μάρτυς δ πιστός κτλ.; νιι, 4 : τυχούσα τον αριθμόν...
Ικατον τεσσεράκοντα τέσσαρες χιλιάδες; (νιιι, 9 : το τρίτον των κτισμάτίον... τλίχοντα
ψυχάς est douteux, car τα έχοντα peut etre une apposition, non a κτισμ', mais a
τρίτον); IX, 14 : τω έ'κτω άγγε'λω, δ έχων τ^ σάλπιγγα; Χΐν, 12 : ή υπομονή των αγίων Ιστίν,
οί τηροΰντες τ^ς εντολάς; Χΐν, 14 : ό'μοιον υΐον άνθρο^που, Ιχων; ibid. 6 sq. : Και
είδον άλλον άγγελον... έχοντα... λε'γοιν; χχ, 2 : κ«1 ^κράτησεν τον δράκοντα δ οφιςδ
αρχαίος; χΐχ, 6 : ως φωνήν όχλου πολλού ., .λέγοντες. Joignons encore a ces
examples ll, 20 : ίφεϊς τήν γυναίκα Ίεζάβελ, ή λέγουσα Ιαυτήν προφητιν et ιιι, 12 :
της καινής 'Ιερουσαλήμ ή κατά β αινούσα εκ του ουρανού, ού il est tres invraisemblable
de prendre η pour le ralatif η, et non pour I'article. Au fameux verset xii, 7 : και
εγένετο πόλεμος εν τφ ούρανω, δ Μιχαήλ και οί άγγελοι αυτοΰ του πολεμησαι μετά του
δράκοντος, les mots Μιχαήλ et άγγελοι, s'ils sont sujets de Tinfinilif πολεμησαι,
devaient etre a I'accusatif. II est vrai qua Moulton signale une irregularite a peu
pres semblable dans Virgile :
Et certamen erat, Corydon cum Thyrside, magnum (Egl. vii, v. 16).
Mais Jean en est plus coutumier que Virgile. Le cas le plus etrange se
trouve dans les Lettres, ii, 13 : ουκ ήρνήσω τήν πίστιν μου κα\ Ιν ταΐς ήμέραις
Άντίπας δ μάρτυς μου δ πιστός μου, βς άπεκτάνθη παρ' υμϊν, ού le nominatif Άντίπας,
suivi d'autres nominatifs, joue le role dun genitif. Nous croyons cette legon
certaine, car on la trouve non seulement A et C, mais elle a passe dans la
Vulgate, Primasius, le copte et le syriaque (voir Commentaire, ad locum]
Inversement, on trouve ch. x, 8, le nominatif passant subitament a Taccusatif,
sans qu'^on en sache la raison (a moins qu'il ne faille sous-entendre un deuxieme
ήκουσα) : ή φωνή ην ήκουσα εκ του ουρανού, πάλιν λαλούσαν μετ' έμοΰ και λέγουσαν. L'aC-
cusatif et le genitif alternent tout a fait arbitrairement dans I'enumeration des
denrees du chap, xviil, 11-13 : τον γόμον αυτών ούδε\ς αγοράζει ούκέτι, χρυσού κα\...
(sept genitifs) κα\ παν ςύλον θύϊον και... (3 accusatifs ; peut-etre direct^ment gou-
varnes par άγοράζβι?) καΐ χαλκού καϊ... (2 genitifs), κα\ κιννάμωμον κα\... (10 ac-
cusatifs) καΐ ϊππων καΐ... (2 genitifs) και ψυχάς ανθρώπων. Meme fait χνΐΐ, 4 :
ποτήριον γέμων [sic] βδελυγμάτων και τα ακάθαρτα (a moins que άκαθ' depende, non de
γέμων, mais de έχουσα qui precede).. xxi, 9 d'apres les meilleurs temoins presante
un genitif pour un aCCUSatif : των Ιχόντο^ν τάς Ιπτά φιάλας των γεμόντο^ν των επτά
πληγών; χνΐι, 8, un genitif pour un nominatif : κατοικοΰντες... βλεπόντων).
En general, il n'est done pas trop ose d'affirmer que Jean se souciait fort
peu de i'exactitude des cas ; il avait une tendance surtout a retourner toujours
au nominatif. Charles a releve des irregularites semblables dans les LXX,
notamment Ezechiel, xxili, 12; τοί»ς υίους των ΆσσυρίωΛ.. ίππεΤς Ίππαζόμενοι εφ' ΐππων.
Ι
LANGUE DE L APOCALYPSE. CXLVII
Marc non plus n'en est pas exempt; mais nulle part on n'en trouve la m^me
surabondance que dans I'Apocalypse. G'est surtout au mot λέγων (λέγοντες) que
se remarque cette bizarrerie. On dirait que I'ecrivain en fait presque un mot
indeclinable; aussi plus d'un critique pense a cette occasion a I'hebreu IIOnS;
on trouve xiv, 6-7, λέγοιν suivant deux adjectifs a I'accusatif. Cfr. iv, 1 : ή φωνή...
λέγων; XI, 15 φοιναί μεγάλαι... λέγοντες; et (peut-Otre) ΧΙΧ, 6 : ως φωνήν βροντών...
λέγοντες. Cfr. surtout I'extraordinaire expression de xi, 1 : εδόθη αοι κάλαμος
δίμοιος ^άβδω, λέγων (grammaticalement, il faudrait comprendre que c'est le roseau,
χάλαμος, qui « dit », tandis que, pour le sens, λέγων ne pent se rapporter qu'au
personnage qui a donne le roseau).
b. Les exemples ci-dessus (iv, 1 et xi, 15) nous amenent a parler d'une
deuxieme categorie de solecismes, a savoir I'emploi du masculin a I'epithete ou
au participe qui se rapporte a un nom feminin ou neutre. On peut parler d'un
accord ad sensum, comme I'admet assez genereusement Bousset (p. 160-161),
apres des mots tels que ζώον, άρνίον, θηρίον, qui signifient figurativement des etres
doues d'intelligence; ou meme apres φωνή, en pensant a celui de qui emane la
voix (iv, 7 : ζωον.. Ιχ^ων; 8, τα τετσερα ζωα Sv καθ' Iv αύτων εχών άνα πτέρυγας έ'ζ...
και άνάπαυσιν ουκ εχουσιν ...λέγοντες; χιΐι, 14, tres bien atteste : τω θηρίω δς έχει;
XVII, 3 θηριον γέμοντα ...ε/οντα; [Α et autres, έχων]; χνΐι, 11, το θηριον... αύτος
βγδοός εστίν; χνιι, 16 τα δε'κα κέρατα... και το θηριον οδτοι μισησουσιν ; ν, 6 άρνίον
Ιστηκώς, bien atteste; ν, 12; άξιος το άρνίον, d'apres Α; ιν, 1 φωνή... λέγων,
IX, 13-14 φι»)νήν... λέγοντα; χι, 15 φο)ναι... λέγοντες; a la rigueur, pour 2 fois ou
3 fois αύτοΐς se rapportant a ακρίδες feminin, parce que ces « sauterelles » peuvent
etre des demons : ix, 4, 5, et (?) ix, 3, ou encore le δνο'ματα ol' de in, 4, douteux,
le στρατεύματα ενδεδυμενοι de xix, et le πνεύματα... απεσταλμένοι de V, 6, A. Mais une
constructio ad sensum expliquerait plus diificilement le masculin apres χιλιάδες,
de VII, 4 (xiv, 3 peut s'expliquer par une apposition) ; et il est impossible d'y
recourir aux passages suivants : ix, 7 : τα δμοιιόματα... όμοιοι; χι, 4 : αί δυο
λυχνίαι «ί Ιστίϋτες (!); ΧΧΙ, 14 : το τείχος της πόλεοις έχων, XXII, 2 : ξυλον ζοιης ποιών ;
etxiv, 19 : τήν ληνον τοϊ3 θυμού του θεού τον μέγα ν.
3** Nominatifs ahsolus. — On rencontre plusieurs fois dans I'Apocalypse un
nominatif qui nest sujet ni predicat d'aucun verbe, mais I'etre qu'il design»
reparaitra dans la phrase, designe cette seconde fois par un pronom regime.
C'est ce que les grammairiens appellent « nominativus pendens ». C'est une
sorte d'anacoluthe, ou parfois d'exclamation, qu'on trouve en toutes les langues,
dans le langage familier ou I'eloquence saccadee, mais qui ne produisait pas en
hebreu, ou il n'y a point, comme on salt, de declinaison, la meme impression
d'irregularite qu'en latin ou en grec; aussi y est-elle admise (1). — Exemples
dans I'Apocalypse : δ νικών, δώσω αύτω II, 26; III, 12, 21; cfr. xvi, 19 : βαβυλών...
εμνησθη δούναι αύτη. Blass [Debrunner), p. 275, signale plusieurs tournures simi-
laires dans la Bible grecque, le Nouveau Testament, les papyrus et meme le
grec classique. Aux chapitres ii, 7, 17 et vi, 4 et xxi, 6, ce n'est plus un nomi-
natif absolu, mais on lit τω νικώντι δώσω αύτίο; — xw καθημένω... έδο'θη αύτω, —
Ιγώ τω διψώντι δώσω αύτο>, ce qui constitue un simple pleonasme.j
(I) Ainsi Nahum, i, 3 : '■^^M nS1D2 ΓΧ^Π'^ : Jehovah, son chemin est dans la tempSte, et
ailleurs. Gesenius-Kautzsch, 26* Edition, § 143, p. 451.
CXLVIII INTRODUCTION.
k° Pleonasmes du pronom ou de I'adverbe. — La meme irregularite se ren-
contre bien ailleurs que dans les trois cas cites ci-dessus. Elle ne donnerait
peut-etre pas lieu a des observations particulieres, et on pourrait n'y voir qu'une
pure affaire de style, si le pronom demonstratif n'etait pas repete tres Indument
dans une proposition commenQant par un pronom relatif rapporte au meme
SUJet : III, 8 : ην ούδίΐς δύναται κλεΐσαι αύτην. Idem VII, 2, 9; ΧΙΙΙ, 8, 12; XX, 8. Une
tournure semblable est en usage avec les adverbes de lieu xii, 6 : οπού ε/ει Ικεΐ.
Idem XII, 14 et xvii, 9. C'est un gros solecisme en grec, mais une tournure
necessaire en hebreu : is.. I^n, d^.. "lUh^. S'il y a des paralleles en grec ancien
vulgaire, ils sont tres rares.
5° Coordination du participe, meme a un cas oblique, avec un verbe fini. —
Get idiotisme, qui est frequent en hebreu [Driver, Moods and tenses 163, cite
par Charles, p. 90), n'apparait pas moins de six fois dans I'Apocalypse. i, 5-6 :
τώ άγαπώντι ήμας και λύιαντι (λούσαντι?) ... και ε'ποίησεν ήμας βασιλείαν; idem II, 9, (20) ;
III, 7, bis; δ avotyojv και ουδείς κλείσει, και κλείοιν και ουδείς ανοίγει; ιιι, 9 τΰν
λεγο'ντων εαυτούς 'Ιουδαίους εϊναι, κα\ ουκ ε'ισίν. (Au chap, νιι, 14, ce n'est pas la
meme chose, car έπλυναν se rattache directement, comme ε'ισι, a ο&τοι qui n'est pas
repete). On pent, a la rigueur, et nous le ferons dans notre traduction, isoler
le verbe fini du participe en plusieurs de ces cas, pour en faire une parenthese
energique : « de ceux qui se disent Juifs... — et ils ne le sont pas! » Mais cela
serait bien difficile, par exemple, au chap, ii, 20 άρεις τήν γυναίκα Ίεζάβελ, ή λέγουσα
Ιαυτήν προφητιν και διδάσκει, οΰ d'ailleurs le participe n'est pas a un cas oblique;
il faut traduire : « celle qui se dit prophetesse et qui enseigne... » Nous aurons,
dans un autre chapitre, Toccasion de discuter sur les paralleles vrais ou sup-
poses qu'oflfre le Nouveau Testament a cette tournure.
6° Bizarreries et solecismes notoires. — Signalons, pour finir, un certain
nombre de fautes ou d'etrangetes que, avec la meilleure volonte, on ne saurait
expliquer ni comme des hebraismes, ni comme des accords ad sensum, ni par
la grammaire d'aucun idiome vulgaire. Ce sont d'abord les confusions de genre
deja rencontrees : h Άψ-νθος pour ή Άψ'; le masculin pour le feminin, et surtout
pour le neutre, meme quand il s'agit d'objets inanimes ; la grossiere erreur at
έστίοτες pour έστωσαι du ch. XI ; le την ληνον τον με'γαν du ch. xiv ; enfin, plus
singulier encore, mais bien atteste (par ν A Ρ 81), le τήν λίμνην του ττυρος της
καιομε'νης I'etang « du feu brulante », xix, 20. — Ou encore ομοιον υίον άνθροίπου,
repete deux fois, en deux passages tres dififerents, i et xiv. — Mais surtout une
expression, epithete divine, que lecrivain affectionae, car il la reproduit 5 fois,
trois fois entierement 6 ών καΐ δ ήν και δ ε'ρ/οαενος, Ι, 4, 8; ιν, 8, et deux fois
partiellement δ ών και δ ην. Elle n'est jamais qu'au nominatif, mome apres άπο
(i, 4 άπο δ ών), comme si c'etait un nom indivisible el indeclinable. L'article δ
s'y trouve place deux fois devant un participe, mais, entre ces participes, il se
trouve aussi devant un verbe fini, I'imparfait ήν. Comment traduire? Le mieux,
apres Bousset et d'autres, est de croire que I'auteur s'est permis celte bizarrerie
dans I'intention de relever le hieratisme de I'epithete; on ne pent vraiment
parler d'ignorance, pour άπο δ ών ; ni de distraction pour δ ήν, puisque cinq fois
la chose se repete. II n'avait pas de participe preterit a sa disposition, au verbe
είναι; pour sauvegarder la symetrie de I'expression solennelle, il a substantifie
ou « participle » I'imparfait. Ainsi il a donne comme un developpement du nom
LANGUE DE L APOCALYPSE. CXLIX
de Jaliweh « Celui qui est » . Mais un homme sachant vraiment parler grec eut
^te arrete par le caractere barbare d'une telle tournure. Nous traduirons, vaille
que vaille : « de la part de [celui qui a nom) : il est, il etait, il vient «.
Que conclure de cette revue, encore imparfaite, de la grammaire apocalyp-
tique ?
Notons d'abord qu'elle est tres homogene. Les particularites signalees sent
assez egalement reparties a travers le livre entier, sans distinction des trois
parties, ni des deux sections de la partie prophetique. Le vocabulaire aussi,
sauf la diversite des sujets traites, est bien d'une seule venue. Nous pouvons
done parler de I'Apocalypse comme d'un livre du a un seul auteur (ou, pour
ne pas etre trop affirmatif avant le temps, a un seul redacteur), quitte a demontrer
plus tard ex pj-ofesso cette unite de main.
Les irregularites de cette langue doivent-elles s'expliquer par le fait que
Tauteur etait un Semite, un « Hebreu »? Les avis des critiques sent partages.
Les uns, et les plus nombreux de beaucoup [Boiisset, Blass, Viteau, Jacquier,
Swete, Charles, etc.) n'ont pas de peine a trouver de nombreuses particularites
qu'on peut faire valoir comme des hebraismes. Tels sent le mot κατηγωρ, I'emploi
particulier de διδοναι, la frequence de IvoWiov et de Ίδου, le ιτόδίς... ώς στύλοι, les
traces probables d' « etat construit », la repetition usuelle de I'article devant
I'epithete, la frequence de πας, suivant parfois une negation, I'usage presque
exclusif des pronoms pour le possessif, la confusion des temps, I'absence de
beaucoup de particules tres frequentes en grec (meme hellenistique), certaines
irregularites au regime des verbes, Tabus de έν instrumental, de καΐ (employe
meme trois fois a I'apodose), le genitif suivant toujours le nom, la frequence
du verbe prepose a son sujet, les propositions nominales, le participe pour un
verbe fmi, les pleonasmes de pronom ou d'adverbe, le retour instinctif au nomi-
natif et au genre masculin (surtout apres le neutre, genre qui n'existe pas
dans les langues semitiques), les « nominatifs pendants », la coordination d'un
verbe fini avec un participe; enfin les fautes frequentes et les constructions dures
ou singulieres, qui montrent un ecrivain ayant peu de facilite a manier la langue
grecque. II est hors de doute que cet ensemble est impressionnant.
Gependant un certain nombre de philologues, verses dans I'etude des papyrus
greco-egyptiens et des ostraka, sont portes a restreindre considerablement ces
influences presumees de I'hebreu et de I'arameen. Moulton, notamment, affirme
que, si Ton abstrait des passages ou I'auteur aurait traduit expressement un
document semitique (?), sa grammaire pourrait tout aussi bien 6tre celle d'un
paysan egyptien du Fayoum, ou d'un natif d'Oxyrinchus qui aurait pousse
jusqu'au meme point son etude du grec. II note que beaucoup des irregularites
mentionnees ne sont pas sans exemple dans le grec vulgaire de I'epoque. II est
certaines de ces fautes que les gens du peuple commettent dans toutes les langues.
M^me le « semitisme » le plus typique, le pronom demonstratif faisant pleo-
nasme avec le relatif, ne semble pas en soi une suflisante piece a conviction.
Et Moulton appuie ses objections d'observations tres amusantes, comme cellc-ci :
Quand la Sarah Gamp de Martin Chuzzlemt s'exprime ainsi : Which her name
CL INTRODUCTION.
is Mistress Harris, nul ne songera que Dickens ait voulu rendre sa fameuse
garde-malade suspecte d' « hebraiser ».
La these peut sans doute se defendre, avec ou sans humour. Cependant il
y a tant et tant de ces irregularites grecques qui concordent parfaitement
avec I'usage semitique le plus regulier, que nous aurions peine a refuser notre
assentiment a cette remarque si judicieuse do Swete (Apoc. p. cxxv, n. 1) '.
« Les faits, jusqu'a present, ne paraissent pas suiTisants pour garantir cette
conclusion (de Moulton). II est hasardeux de comparer un document litt^raire
avec une collection de lettres personnelles, de leltres d'affaires, de factures, et
autres ecrits ephemeres (tels que sent la plupart du temps les papyrus); des
bevues dans la formation des mots ou dans la syntaxe, qu'il y a tout lieu de
s'attendre a trouver dans ces derniers, sont des phenomenes exceptionnels dans
les documents de la premiere categoric ; et si elles y trouvent place, on ne peut
i'attribuer qu'a des habitudes de pensee longues comme la vie. De plus, il reste
a considerer dans quelle mesure les termes de conversation quasi-semitiques
des papyrus peuvent etre dus eux-memes a la nombreuse population des Juifs
parlant grec dans le Delta du Nil. »
II faut nous rendre a cette consideration, et nous ranger a I'opinion commune.
Nous admettrons sans difiiculte, avec Swete, Charles et les autres, que Jean,
qui a un style plus « hebraique » que celui des Septante, qui sait si peu user
des particules pour nuancer ses phrases, n'a pas domine I'idiome grec, meme
celui de sa propre periode, et cela en depit de la richesse d'un vocabulaire
acquis seulement par la conversation. Comme il avait parle arameen la plus
grande partie de sa vie, il pensait encore en arameen.
HI. — Style.
L'etude du style ne fera que corroborer cette conclusion.
Deja nous avons fourni certaines indications a ce sujet. La premiere carac-
teristique de ce style, c'est de n'avoir aucune repugnance pour les repetitions.
1° Jean a certaines expressions favorites qui reapparaissent a travers les cha-
pitres censes avoir I'origine la plus differente, d'apres les speculations des
« Literarkritiker ». 11 nous suffit de transcrire et de preciser la liste qu'en a
etablie Bousset (pp. 176-177) :
λόγος του θεοΰ κ«1 μαρτυρία Ίησοΰ (ι, 2, 9; νι, 9; χιι, 11; χχ, 4; cfr. χι, 7, ττ,ν
μαρτυρίαν αυτών; χιι, 17 : τήν μαρτυρίαν Ίησοΰ; XIX, 10, idem.).
κύριος δ θεός δ παντοκράτο^ρ (ι, 8; ιν, 8; χι, 17; XV, 3; XVI, 7; χιχ, 6, 15; χχι, 22;
cfr. XVI, 14 : του θεοΰ του παντοκράτορος).
ζων εις τους αιώνας των αιώνων (ι, 18; IV, 9, 10; Χ, 6; XV, 7; cfr. ν, 13 ή ευλογία,...
εις τους αιώνας τών αίο^νων; χιν, 11 : εις αιώνας αιιόνων αναβαίνει).
φυλαΐ γλώσσαι λαο\ έθνη (ν, 9; νΐΐ, 9; XI, 9; XIII, 7; XIV, 6; cfr. χ, 11 : επΙ λαοϊς καΐ
εθνεσιν και γλώσσαις καΐ βασιλεΰσιν; et χνΐΐ, 15 : λαοί καΐ όχλοι... και έθνη και γλώσσαι).
βίβλος (βιβλίον) της ζωής (ιιι, 5; XIII, 8; χνΐΓ, 8; XX, 15 : χχι, 27).
I'adjectif άληθινο'ς, joint a quelque autre epithete, άγιος, πιστός, δίκαιος (in, 7, 14;
VI, 10; XV, 3; χνι, 7; χιχ, 2, 11; χχι, 5; χχιι, 6), excepte χιχ, 9, ού il est seul.
μακάριο;..., ouvrant une « beatitude » qui ressemble pour la forme a celles de
LANGUE DE l'aPOCALYPSE. CLI
Luc (et de Matthieu) ; (i, 3; xiv, 13; xvi, 15; xix, 9; xx, 6; xxii, 7, 14). — De
m^me sept (ou huit) doxologies.
τηρίΐν, au sens d'obseri^er, pratique/• (λόγον, λογουί, έργα, γεγρ«(Λμενα, εντολάς) (ι, 3;
II, 26; in, 3, 8, 10; χιι, 17; χιν, 12; χχιτ, 7, 9); au sens de cowse/ver (πι, 10;
XVI, 15).
ήλΟεν ή ήμε'ρα (οργή, ώρα) (νι, 17; XI, 18; χιν, 7, 15; XVIII, 10; χιχ, 7).
βρονται φωναι άστραπαι (σεισμός) (ΐν, 5; νηΐ, 5; Χΐ, 19; χνι, 18).
πηγαι δδάτων (νΐΐ, 17 : ζωής π. υ. ; VIII, 10 ; XIV, 7 ; XVI, 4 ; cfr. XXI, 6 : της πηγής του
ύδατος της ζο^ης; χχπ, 1 : ποταμον ύδατος ζωής; ΧΧΙΙ, 17 : υδθ)ρ ζο^ης)
δ ων χαΐ δ ήν (και δ ερχ<ίμενος) (ι, 4, 8; ΐν, 8 ; Χΐ, 17 ; χνΐ, 5).
ουρανός, γη, υποκάτω της γης (ν, 3, 13; cfr. Χ, 6 : τον ούρανον και τα εν αυτω καΐ τήν
γην καΐ τα... και τήν θάλασσαν καΐ τα....; χιν, 7 : τον ούρανον καΐ τήν γήν κα\ θάλασσαν και
πηγάς υδάτων) ;
enfin des enumerations de classes d'hommes tres similaires, ou il faut surtout
remarquer μικροί και μεγάλοι (vi, 15; XI, 18; xiii, 16; xix, 5, 18; xx, 12) — προ-
φήται-αγιοι (xi, 18; XVI, 6; xviii, 24; cfr. xviii, 20 : ουρανέ και ot οίγιοι κα\ οί απόστολοι
οι προφήται).
D'autres expressions, plus rares, sont caracteristiques de certaines parties,
dans lesquelles se trouvent d'ailleurs nombre des expressions ci-dessus. Ainsi
δ μάρτυς δ πιστός dans les lettres (i, 5 ; II, 13 ; in, 14) ;
περιβάλλειν (-εσθαι) στόλας λευκάς, ίμάτια λευκά, εν ίμ. λευκοΐς [passim, de ΐ a νιΐ);
οΤνος του θυμοΰ της όργης (της πορνε(ας) (χΐν, 8, 10; XVI, 19; χνΐΐ, 2; XVIII, 3; XIX,
15), dans la 2^ section de la partie prophetique.
εκ του ουρανού άπο του θεοΰ (χχ, 9; χχι, 2, 10; mais aussi une fois dans les Letlres,
in, 12).
λίμνη του πυρός (καί θείου) (χΐχ-χχι, 6 fois).
2° Parmi les formules de transition, extr^mement peu variees, la plus fre-
quente est μετά ταΰτα είδον (iv, 1; VII, 1, 9; xv, 5; xviii, 1; xix, 1;) ou bien και
εΤδον και Ιδου (νι, ter; νιι, 9 : μετά ταΐ3τα εΤδον καΐ ϊδου ; χιν, 1, 14); 0U bien και είδον et
και ιδού (passim.). II en resulte, ainsi que de la pauvrete des particules de rela-
tion entre les propositions, de I'absence absolue de periodes, de la continuelle
parataxe avec και, un certain caractere de monotonie et de mecanisme qui
s'etend a tout le livre, et que I'ecrivain n'a sans doute pu eviter, a cause de sa
connaissance toute populaire du grec.
3° Cette impression est aggravee par la repetition- contifiuelle des memes
mots, ainsi, assez souvent, celle des articles et des prepositions devant plusieurs
substantil's coordonnes, ou meme du i'erbum regens devant plusieurs genitifs
ou expressions qui le determinent. De meme par les repetitions, souvent peu
significatives, de I'article devant les epithetes ou les participes [yid. supra).
11 est vrai que I'auteur a bien plus vise a la solennite qu'il n'a fui la redondance;
aucun souci de concision n'apparait dans son ouvrage.
4° II n'est pas besoin de revenir sur cc que nous avons longuement explique
a propos de la symetrie imposee aux idees d'un bout a I'autre de la Revelation.
Notons seulement quelques traits de parallelisme, secondaires, qui ont parfois
encore une couleur hebraique. Toutes les series septenaires, lettres, sceaux,
trompettes, coupes, ont des formules identiquement construites au commence-
ment — et a la fin, pour les Letlres, — de chacun de leurs sept membres :. K«l
cm INTRODUCTION.
τω άγγίλω... γράψον : rotSe λί'γει ό Ό νικών (τω νικώντι).... (δώσο) αΰτω ) Ό
εχοιν ους άκουσάτοί τί το πνεύμα λέγει ταϊς 'εκκλησίαις — (°Ότε ηνοιςεν το άρνίον) ; χ«1 οτε
ψού,ι^ — Και δ πρώτος (δ δεύτερος άγγελος, etc.) ε'σάλπισεν — (Και άπηλθεν δ πρώτος
καΐ ε'ξεχεεν..); και δ δίυτβρος, etc.... δ ε|3δο|χος ίξε'χεβν : Charles veut reconnaitre une
division en stances de trois ou quatre lignes dans la description celeste iv, 2-8.
Le parallelisme est encore beaucoup plus marque pour I'apparition des quatre
Cavaliers k la rupture des quatre premiers sceaux. Enfin, il arrive ca et la que
la meme idee est exprimee deux fois coup sur coup, sous une forme positive
et une forme negative, comme dans les Psaumes (Ex : iii, 16; x, 4.) — Le
parallelisme du reste, au moins entre les idees et les figures, est comme une loi
de ce style, nous I'avons explique.
5° Nous avons iiote aussi la singuliere instabilite de certaines images, et
cherche k en decouvrir la raison (chapitre vi de cette Introduction). Jean lui-
m^me (comme d'autres Apocalyptiques) semble vouloir insinuer le manque
d'adequation qu'il reconnaissait entre cette imagerie et ce qu'il avait veritable-
ment eprouve dans ses visions, en multipliant la conjonction ώς, comme, laquelle,
au moins une quinzaine de fois, n'indique pas une pure comparaison, mais
plutot une approximation (v. Commentaire).
6° Dans I'usage des temps, on a remarque la fluctuation que les visions
presentent entre le present, le futur, et I'aoriste (ou parfait). A notre avis, ce
n'est pas une negligence de style, ni I'effet du manque de familiarite avec la
langue grecque; c'est le mouvement de la pensee, extremement rapide et
vivante, qui explique tout. Voici un specimen tres caracteristique, au cha-
pitre XI. II s'agit de la vision des Deux Temoins. Jesus, qui a commande a son
prophete de mesurer le Temple, lui decrit leur venue et leur action; les lui fait-il
percevoir par des images visuelles? Le texte ne le dit pas expressement :
« 2-13. II a ete donne (εδόθη) aux nations (le parvis exterieur) ; et la ville sainte,
elles (la) fouleront aux pieds (πατνίσουτιν) quarante-deux mois. Et je donnerai a
mes deux Temoins (sic), et ils prophetiseront (προ,ρητεύσουσιν) douze cent soixante
jours (= 42 mois).... Ceux-la sont les deux oliviers et les deux flambeaux....
Et si quelqu'un veut leur nuire, du feu sort (εκπορεύεται) de leur bouche et devore
(χατεσθίει) leurs ennemis.... Ceux-la out (εχουσιν) le pouvoir de former le ciel,... Et
quand ils auront complete leur temoignage, la Bete qui monte de I'Abime (δ
άναβαίνων..) guerroiera avec eux (ποιήσει πόλεμον) et les vaincra (νικήσει), et les tuera
(άποκτενεϊ). Et leur cadavre (demeure, git) sur la place de la grande ville..... Et
(ils) regardent (βλε'πουσιν) (ceux) des peuples, et tribus, et langues et nations,
leur cadavre trois jours et demi; et leurs cadavres ils ne permettent pas (ούκ
άφ(ουσιν) de (les) mettre au tombeau. Et ceux qui habitent sur la terre se rejouis-
sent (/αίρουσιν) a propos d'eux,... et ils s'enverront (πε'μψουσιν) des cadeaux les
uns aux autres, car ces deux prophetes tourmenterent (έβασάνισαν) ceux qui
habitent sur la terre. Et apros les trois jours et demi, un esprit de vie (venant)
de Dieu entra en eux (εισήλθεν h αύτοΐς), et ils se tinrent debout (έστησαν) sur leurs
pieds, et une grande crainte tomha (επεπεσεν) sur ceux qui les consideraient. Et
ils entendirent (τ^κουσαν) une grande voix Et ils monterent dans le ciel, et
leurs ennemis les considererent (άνε'βησαν, έΟειόρησαν), etc. », plus rien que des
aoristes.
Voici comme je pense qu'il faut expliquer ces apparentes anomalies. La pr^-
LANGUE DE L APOCALYPSE. CLIII
diction deg « Temoins », qui n'avait peut-6tre ete d'abord qu'une communication
intellectuelle, intercalee dans la vision imaginative de la mesure du Temple (ver-
sets 1-2), frappe assez vivementle Prophete pour devenir visible aux yeux de son
corps ou de son esprit. II {Oit le feu sortir de leur bouche, il les co/i fermer le
ciel, et, comprenant le sens clair de ce qui lui est ainsi revele en figures, se rend
compte que c'est une realite presente et perpetuelle, la defense de I'Eglise par
la predication et les miracles. II salt, d'autre part, que la persecution aura raison,
au moins pour un temps, de cette action exterieure; alors il parle au futur de la
mort des temoins. Mais alors son esprit se transporte dans I'avenir (peut-etre
une vision se peint-elle meme dans son imagination), il voit, avec une actualite
qui est celle de la vision, et non du fait figure, ces cadavres abandonnes et insul-
tes, il e/?ie/?(i I'expression de la joie des persecuteurs ; cependant il garde cons-
cience du caractere futur de ces evenements, et c'est pour cela qu'il retourne
subitement, pour un instant, au temps futur (π=νψο'^σιν). Mais immediatement il
revient a la sensation surnaturelle qui I'a absorbe, et raconte alors a ses lecteurs,
les images qui ont defile devant ses yeux ou son esprit, avec les aoristes Ιβα-
σάνισαν, ίίσηλθεν, etc. Le mouvement de la pensee et du recit explique assez
bien ces fluctuations, pour qu'il ne soit pas besoin de recourir a des confusions
grammaticales. Les recits du prophete sont toujours passionnes. II sait qu'il
rapporte une vision passee, qui a trait au present et a I'avenir a la fois ; mais, par
instants, tout se met a vivre devant ses yeux a mesure qu'il ecrit. Ce pheno-
mene n'est pas moins sensible en plusieurs autres visions.
11 faut noter un point fort important pour I'exegese et que nous aurons plus
d'une occasion d'etablir au cours du commentaire; si ce va-et-vient de la memoire
et de I'imagination porte le Voyant a meler le present et les temps passes, si
parfois le caractere visionnel de ces descriptions lui fait employer un present ou
un aoriste pour des evenements futurs, nulle part on ne saurait prouver que I'in-
verse se realise : il ne parle au futur que lorsqu'il a conscience de narrer des faits
qui se realiseront seulement dans I'avenir, ou qui, s'ils ont deja commence, ont
encore a poursuivre leur developpement. Cette observation est essentielle pour
comprendre I'economie de sa Revelation. Bousset, et d'autres, ne I'ont pas tou-
jours bien saisi. Cependant Bousset reeonnait qu'il savait user des temps —
ainsi de I'imparfait — avec exactitude et finesse. Alors pourquoi.se serait-il servi
d'une maniere moins juste du futur? Qu'on se reporte a ce que nous avons ditdes
scenes de pure description, et des phrases ou pericopes purement prophetiques.
Jean sait au moins mettre une distinction tres nette entre ce qui lui etait montre
comme present, figure actuellement par des images, et ce qui lui etait predit,
seulement revele a ses oreilles ou a son intelligence, comme devant snwre les
realites presentees figurativement a ses sens externes ou internes.
7' La remarque qui a la plus d'importance apres cette derniere, a trait a la
fagon qu'il a de developper les idees congues ou les scenes contemplees. II est
rare que, d'une seule haleine, il dise tout ce qu'il veut dire. Le meme procede
d'exposition apparait a travers tout le livre, et il est particulierement sensible
aux chapitres xii et suivants, puis a la vision des Anges des coupes, et a celle de
la Jerusalem celeste (voir Commentaire). Une vision condensee, une breve indi-
cation, montre d'abord d'un seul coup, comme un sommaire, le sujet qu'il va
traiter; puis I'ocrivain revient sur telle ou telle partie de cet ensemble, pour la
INTRODUCTION.
developper avec de longs details, et une mise en scene particuliere, en usant
de symboles qui peuvent etre nouveaux, sans que d'ailleurs Tidee ait varie; ils ne
servant qu'a en accentuer les grandes lignes, a developper des virtualites deja
pressenties. Ce n'est pas, aproprement parler, uhe progression dans la connais-
sance de I'avenir, mais un developpement plus precis, sous forme de visions
nouvelles, mises en relation, par quelques-uns de leurs traits, avec les prece-
dentes. II n'y a en fait dans le livre que trois ou quatre ideas generales, que
nous pourrions appeler les « accords fondamentaux » ; chacune d'elles se pro-
longe an harmoniques des sons primitifs, en spirales, en volutes, en ondes con-
cantriques ; — je suis bien oblige d'employar de telles metaphores, la technique lit-
teraire n'offrantpas de termespropres pour nommerun pareil processus, a la fois
si simple et si raffine, qui rentre pourtant dans la notion generale du « paralle-
lisme », forme naturelle de la pensee semitique. Nous verrons quel parti on peut
tirer de cette observation pour determiner, par des comparaisons avec d'autres
livres du Nouveau Testament, I'identite de notra Prophete.
Nous faudrait-il maintenant formuler quelque appreciation d'ensemble?
A tout prendre, ce style, si peu classique, si peu grec, dont nous n'avons guera
cherche a dissimuler les defauts, est de Teffet le plus saisissant. D'abord il est
assez nerveux, le nombra das substantifs at des verbes depassant de-beaucoup
celui des epithetes. Jamais Jean n'est long ni ennuyeux comme d'autres Apoca-
lyptiques. On oublie vita tout ce qu'il y a de rechercho dans la solennite du Ian-
gage; on n'an remarque plus la monotonie grammaticale. Tout ce parallelisme,
ces repetitions de mots, ces phrases si uniformement construites, ces accumula-
tions somptueuses, frappent I'esprit et I'imagination comme un marteau qui bat
le metal, et y creuse des empreintes ineffaQables ; ainsi la plume de Jean grave
dans la memoira das images d'une magnificence eifrayante, mais pour nous pre-
parer a jouir davantage des assurances douces et des propheties radieuses, de
Tencouragement spirituel qui est le vrai but ou tandant ces visions terribles. Ce
barbare ecrivain est, dans son genre, un artiste conscient — et surtout un auteur
de genie.
CHAPITRE XI
UNITE DE L APOCALYPSE.
II nous semble que les etudes precedentes, sur le symbolisme, le plan et la
langue, creent au moins una tres forte presomption, sinon une certitude, en
faveur de I'unite de I'Apocalypse : unite de but, unite de doctrine, unite de proce-
des littoraires, done unite de main. Les singularites elles-memes confirraent
cette impression, car il est difficile d'imaginer que plusieurs auteurs differents se
soient rencontres en certaines bizarreries de composition ou de langage qui ne se
trouvent en aucun autre document litteraire; il aurait fallu qu'ils le fissent expres.
Puisqu'on ne peut serieusement admettre une hypothese aussi etrange, il faut
bien conceder au minimum qu'il est venu, apres les divers auteurs qu'on se
figure, un redacteur dernier qui aurait traite fort librement ses documents, et
imprime sur tons son cachet personnel.
Pendant de longues annees, les « Literarkritiker » ont exerce leur ingeniosite
sur I'Apocalypse, lui assignant, avec un grand etalage d'erudition, toutes les ori-
gines disparates qu'il leur plaisait. Aujourd'hui la critique semble devenir plus
raisonnable; et il se pourrait que, pour I'Apocalypse comme pour tant d'autres
ouvrages, le regne de ces doctes enfants terribles fut arrive a son declin. En
effet, les derniers commentaires les plus remarquables des critiques indepen-
dants rendent un juste hommage a la grandeur de I'ecrivain, quand meme il ne
serait a leurs yeux qu'un « editeur » ou un « Apocalyptique de derniere main ».
Bousset, qui croit a I'utilisation d'assez nomtreuses sources, admet au moins
que I'auteur les a profondement remaniees, qu'il y a mis partout I'empreinte
de son genie propre, ainsi que de son langage. Joh. Weiss, qui suppose une
Apocalypse anterieure, de la main de Jean d'Asie, combinee avec une autre
source etendue par la main d'un troisieme ecrivain, proclame que ce dernier etait
un auteur mystique de grande envergure, et non un recouseur de textes, un
scribe materiel comme, par exemple, ceux qui ont compile Henoch.
Et c'est bien Ici un minimum qu'il faut conceder, pour peu que I'on ait d'intel-
ligence religieuse et de sentiment litteraire. Les theories qui font de I'Apocalypse
une compilation ne meriteraient pas, en soi, une refutation, mais elles n'ont pas
tout a fait fini d'encombrer la scene de la critique. Nous devons done exposer les
principales, pour les discuter ensuite en bloc. Ilatons-nous de dire qu'il en est
de moins fantaisistes que d'autres. On comprend par exemple sans trop de peine
que Vischer ait pense trouver dans I'Apocalypse un ecrit juif remanie par un
Chretien, qui y aurait introduit tout ce qui tient specifiquement a I'Evangile,
L'hypothese n'est nullement absurde en soi, et I'analogic du symbolisme avec
celui des Apocalypses anciennes pouvait assez facilement preter a I'illusion. II a
manque a ce critique de faire une reflexion : c'est que I'auteur de I'Apocalypse
etant le premier chretien a composer un ecrit de ce genre, il lui etait naturel.
CLVI
INTRODUCTION.
psychologiquement, surtout s'il etait juif d'origine, d'emprunter un style con-
sacre par une longue tradition pour les ouvrages de ce genre, plutot que de creer
de toutes pieces un symbolisme nouveau. C'eut ete autrement un miracle psycho-
logique ; certains critiques admettent bien en litterature ces generations spon-
tanees; nous devons, nous, etre plus difTiciles. Quant aux decouvertes de sources
dont nous sommes redevables a Volter, par exemple, ou a Spitta, ou a Erbes,
distinguees dans leurs moindres nuances, datees, attribuees meme a des auteurs
appeles de leurs noms propres, cela releve de la haute fantaisie scientifique, et
ces speculations erudites sont capables de convaincre — tout au plus — ceux a
qui elles doivent le jour.
Procedons par ordre chronologique. Bien que deja Hugo Grotius (a. D. 1644)
eut exprime I'idee que I'Apocalypse est composee de visions eprouvees et ecrites
a differentes epoques, — opinion oil il y a certainement une part de verite, —
du moins attribuait-il tous les divers morceaux a Jean lui-meme. Vogel (1811-
1816) divisa le premier I'Apocalypse en quatre pieces differentes (Ί, 1-8; — i, 9-
III, 22; — iv-xi; — xii-xxii), qui eussent ete juxtaposees par Jeaji le Presbytre.
Mais I'ensemble des critiques independants, y compris Rexan, reste encore favo-
rable, pendant plus d'un demi-siecle, aFunite d'auteur. Weizsacker, en 1882 (1),
jugea que I'auteur avait pu faire usage de materiaux anciens. Et Volter, son
eleve, dans une serie de travaux publies de 1882 a 1904, est arrive, apres des
tatonnements nombreux, a construire une theorie tres originale. Remarquant
que la scene du jugement xiv, 14-20, pouvait etre la fin d'un Apocalypse, que
X, 1-xi, 13 interrompt d'une fa^on inattendue la serie des trompettes, que la
christologie du chap, xii est « cerinthienne », que 666, au chapitre xiii, peut
repondre a imn ::= Trajan, etc., il a fini par distinguer deux apocalypses diverses,
Tune de yean (c'est-a-dire Jean Marc), datant de Tan 65, I'autre de I'heretique
Cerinthe, de 70, combinees par un redacteur du temps de Trajan, et retouchees
par un ecrivain vivant sous I'empereur Hadrien. En plus, il y aurait a peu pres
une vingtaine d'interpolations en divers versets.
Jeax-Marc
(62 ap. J.-C.)
ΟέΚΙΝΤΠΕ
(70 ap. J.-C.)
EDITEUR
SOUS Trajan
Reviseur (2)
sous Hadrieu
Ch. I vv. 4-6
7-8
1-3; 9-fin
II
Tout
Ill
Tout
IV Tout (sauf. interp.
au V. 1.)
V 1-6•; 7-8
e*•; 9-10; 11-14. . . .
VI Tout
VII 1-8
9-17
VIII Tout
IX Tout
X
Tout (XVII, 1-18, apros
11) . . . . .
XI 14-19
1-13
8*, 15*, 18"^.
(1) Theologische Literaturseitung, 1882, p. 78 et suiv.
(2) Nous avons trouve la plupart de ces tableaux tout faits dans les ecrits de Bousset, de
Charles et de Jacquier. Les astorisques indiquent les versets qui seraient en partie interpol^s
ou remanies.
UNITE DE L APOCALYPSE.
CLVII
Jean-Marc
(62 ap. J.-C.)
XII
XIII
XIV 1-3; 6-7; 14-20, a
mettre apres XIX, 4.
XV
XVI
XVII
XVIII Tout
XIX 1-4; (Xn^ 14-20)
5-10»
XX
XXI
XXII
Cerintbe
(70 ap. J.-C.)
1-10; 12-16.
5-6, 8
Le tout; interp. 2*, 3*,
etc
1-18 (a mettre apres X,
1-11)
11-fin
Tout. . . .
1-13; 15-21
3» ; 4-6. . .
Editeur
sous Trajean
11 ;1 7-fin.
Tout. . . ,
4-5; 9-12 .
1-4; 7 . . .
2>>; 13; \d^
6*, 14, 16, 17
20'
10*. . . .
14; 22-27
1-2; 8-9.
REVISEIR
SOUS Hadrien
13
15
lO*•.
7 ; 10-20
En 1886, Vischer se plagant a un tout autre point de vue, jugea que les cha-
pitres xi et xii ne pouvaient appartenir originairement a une main chretienne.
II pourrait, en effet, en etre ainsi, au moins pour le chap, xi, s'il fallait prendre
trop a la lettre la metaphore du Temple (voir Commentaire). Partant de la, il en
vint a reconnaitre dans le livre entier un ecrit juif, transforme par un Chretien,
qui eut ajoute les trois premiers chapitres, et intercale, en tout ou en partie, les
versets suivants :
V, 6*, 8*(un mot), 9-14; — vi, 1*, 16*; — vii, 9-17; — ix, 11*; — xi, 8 b c; 15*;
— XII, 11; 17* (un mot); — xiii, 8*; 9-10; — xiv, 1-5; 10*; 12-13; — xv, 3*; —
XVI, 15, 16*; — xvii, 6*, 14; — xviii, 20*; — xix, 7*; 9-10; 11*; 13 b; — xx, 4-5*;
6; —XXI, 5b-8, 9*; 14 b; 22*; 23*; 27*; — xxii, 3*; 6-21.
Weizsacker, de nouveau, dont la theorie a ete admise en partie par Bousset,
considere, dans son Apostolische Zeitalter (1886 et 1892) toutes les anticipations,
les doublets, etc., comme des materiaux anciens utilises, remontant aux temps
de Neron, de Vespasien, deDomitien. Ainsi il distingue du corps du livre :
VII, 1-8 (de Ian 64-66); — xi, 1-13 (des debuts de la guerre juive) ; — xii, 1-10
(du si6ge de Jerusalem, quand les Chretiens eurent quitte la ville); — xiii, sous
Vespasien; — xvii, sous Domitien; — enfin les Lettres, c. ii-iii, qui seraient le
morceau le plus tardif.
En 1888, le Hollandais Weyland distingue trois Apocalypses combinees; I'une
juive, du temps de Titus, designee par n; I'autre, juive egalement, du regne de
Neron, 3 ; puis I'ecrit d un editeur chretien.
κ
Juif, sous Tilus
C. I
II
Ill
IV Tout (— 5'). .
V Tout (- 6-14)
Juif, sous ΝέΓοη, aprfes la defaile
de Ccstius Callus
Editeur chrolien
Tout
Tout
Tout
5». .
(— qqs vv.)
6-14
CLVIII
INTRODUCTION.
Juif, sous Titus
VI Tout (— 16")
VII Tout (— 14»)
VIII Tout
IX Tout (— 18).
X
XI 14-19
XII
XIII
XIV 2-3; 14-20. .
XV δ
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI 9''-27 (— 14b)
XXII 1-11; 14-15.
Juif, sous Neron, apres la defaite
de Cestius Callus
17S 20.
Tout (-
Tout. .
1-6 . .
14)
Tout (—7)
1-13 (— StJ)
1-10; 12-flii (—17=).
Tout
6-11
2-4
13-14
11-21 (— IS"•)
Tout
1-8
Editeur chrotien
16•
14'
18.
7 .
8\
11;
17°,
I
12-13
1; 4-5;
1 ; 6-8
1-12; 15, 17•; 21
14
7-10; IS••.
141.
7•; 12-13; 16-21
En plus, mots et membres de phrase daas vi, 1; vii; 9, 10, 17; ix, 15; x, 1, 11; xiii, 8 ;
XV, 3; XVII, 6; xviii, 20; xx, 4; xxr, 27; xxii, 1, 3 attribuables a I'editeur chrotien.
A peu pres en πιέιηβ temps, 1887 et 1888, les deux protestants frangais
ScH(EN et Aug. Sabatier proposaient une theorie beaucoup plus moderee, qui a
du rapport avec celle de Weizsacker. Tous deux professent une grande estime
pour le merite de I'ouvrage. Schcen en attribue I'ensemble a un chretien vivant
sous Domitien; seulement
XI, 1-13 — XII, sauf interpolation; — id. xiii; — xviii, sauf le v. 20, vien-
draient des sources juives, et un editeur chretien aurait encore ajoute :
X, en entier; — xii, 10-12; 18; — xiii, 8-10; — xiv, 9-10; — xvi, 13-16; — xvii,
entier; — xviii, 20; — refondu xix ; — xx, 1-6; 7-15; — xxi, 9-fin ; xxii, 1-5.
A. Sabatier reconnait que le livre est homogene, mais que Tauteur y a inter-
cale les morceaux suivants, d'origine juive :
XI, 1-13; — XII ; — xiii; — xiv, 6-20; — xvi, 13, 14, 16; — xvii; — xviii; —
xix, 1-2; 11 fin; — xx, 1-10; — xxi, 9-fin; — xxii, 1-5,
en ajoutant le chapitre χ pour servir de liaison entre xi, 1-13 et le contexte.
Spitta (1889) depasse encore Volter et Weyland en fait d'acribie. II distingue
trois livres independants : U, une apocalypse chretienne primitive, ecrite apres
I'an 60; J', apocalypse des trompettes, juive du temps de Caligula (il lit au
ch. XIII le chiffre 616 au lieu de 660, et I'interprete Γαίος καΐσαρ) ; J^, apocal. des
coupes, ecrit y«i/" egalement, mais remontent a I'epoque de Pompee; enfin un
editeur chretien, R, au temps de Trajan, aurait fait de tout cela un ensemble.
υ
(chrotien, ap. 60)
C. I
II
4-6; 9-19 . . . .
1-6; 8-10; 12-16;
18-25
Ji
(juif, sous Caligula)
J2
Juif, au temps de Pompoe
R
ed. chr. sous Trajan
1-3 ; 5* ; 7-8 ; 20 .
7; 11; 17; 26-29.
UNITE DE L APOCALYPSE.
CLIX
U
(Chretien, ap. 60)
III 1-4; 7-11; 14-20•
IV Tout. ..:...
V Presque tout . .
VI Tout
VII θ^•", 10-17 . . . .
VIII 1
IX
X . . .
XI
XII
XIII
XIV.
XV. . . ,
XVI. . ,
XVIL .
XVIII. .
XIX θ••
10
XX.
XXI,
XXII 8; 10-13; 16"; 17;
18•; 20»-; 21. . .
Ji
(juif, sous Caligula)
1-8
2. fin
1-11; 13; IS•"; 16-21; 15"
1»; 2'•; 3; 5-7. . . • . .
15; 19
Presque tout
1-8; 11-18
1-2»; 4'>-7; 9; 10•>; 11=•
13; 14; 16; 17'•-20 . . .
11-21.
1-3; 8-15
1; 5^ 6\
Juif, au temps de Pompee
lb; 2•; 8"; 9^; 10-11.
1-13; 16-18
14-20
2-6; 8. ,
1-12; 17'
1-6* . .
1-23 . .
1-3 ; 5-8 ,
21
9-nn, .
13"; 15
R
ed. clir. sous Trajan
5-6; 12-13; 21-22.
1*
5* ; 6* ; 8* ; 10* . .
16*
9"=
12; 14*; 15*
4; 5*; 7»*
14
6; 9*; 11; 13*; 17*. . .
3»; 4'•; 51"; 7»; 8*; 9-10;
14*; 17'-18
2b_4a. 4b*. 6»; 8; 10•;
11•;11'=-13;17 . . . .
1; 2*; 3*; 5^; 7
1*; 2*; 10*; 15
3''; 6»; 7-18
24 , .
4; 6*; 7*; 8'•-9»; 10*;
11M2"; 13''; 15; 21. .
2*; 4-7; 12*
2-4; 5\ 6>•-8; 9*; 14*;
22*; 23*; 27•"
1*; 3"•; 7-9; 14; leb;
18''-20
Erbes (1891) decouvre Toeuvre de deux auteurs apocalyptiques chretiens, Tun
de I'an 62, Tautre de Tan 80, et en plus une Apocalypse du temps de Caligula.
Du temps de Caligula
C. I . . . .
II
Ill
IV
V
VI
VII
VIII . . . .
IX
X
XI
XII Tout.
XIII Tout.
XIV^9''-12.
XV. . . . .
XVI . . . .
XVII. . . .
XVIII . . .
XIX . . . .
XX
XXI . . . .
XXII. . . .
Apoc. de I'an G-2.
4-19
1-6; 8-10; 12-16; 18-25. . .
1-4; 7-11; 14-22
Tout
1-10; (11-14 a transposer).
Tout
1-3; 9-12
Tout
Tout (—12)
Tout
Tout (—14)
1-7; 13-20
2-4 (-H 11-14 du chap, V;
5*-9•
11-15
1-Ί .
3-21
Apoc. de I'an
1-3; 20
7; 11; 17; 26-29.
5-6; 12-13 . . . .
4-8; 1.3-17
12
14
4*; 8; 9•. . .
1*; 2*; 5-fin.
Tout
Tout
Tout
1-4; 9''-Πη . .
1-10; 14*. . .
5-fin
1-2; (18-19?).
CLX
INTRODUCTION.
Ο. HoLTZMANN [Geschichte des Volkes Israel, II, 2* edition, p. 658-664) admet
lui aussi 616 = Γαίος χ«ϊσ«ρ, et croit qu'une Apocalypse du temps de Caligula,
contenant xiii; xiv, 6-13, a ete incorporec dans un ecrit juif, compose vers
I'epoque de la mort de Neron; le tout revise.
Schmidt (1891) trouve une compilation de trois morceaux principaux (iv-vii,
8; — VIII, 2-xi, 15; — xii, 1-xxii, 5) ou se seraient intercales x, 1-xi, 13; —
XIV, 6-20; — xvii, 1-xix, 5).
L'Americain Briggs [The Messiah of the Apostles, 1895) decouvre six apoca-
lypses diverses, qui ont ete unies en quatre redactions successives. C'est :
1" I'Apocalypse des Sceaux; 2° celle des Trompettes; 3° des Coupes; 4° les
Lett res; 5° I'Apoc. de la Bete; 6» celle du Dragon; plus des additions
nombreuses.
Bruston, en France, dans ses nombreuses etudes sur I'Apocalypse publiees
de 1888 a 1908, admet la composition d'une premiere Apocalypse sous Neron,
combinee avec une deuxieme, ecrite vers la fin du i" siecle, par un disciple de
Jean, d'apres des souvenirs oraux de Patmos, enfin un redacteur.
Ap. du temps de Neron
ceuvre chretienne Ecrite en hebreu
C. I.
II. .
Ill
IV
V.
VI .
VII.
VIII
IX .
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
2•; 8-11
1-13; 19•. .
Tout
Tout
Tout ( — qqs versets)
2-4
13-16; \^^
Tout
XVIII Tout
XIX 1-3 ; 11-fin
XX Tout
XXI
XXII
Disciple de Jean.
4-fin.
Tout
Tout
Tout
Tout
Tout
Tout
Tout
Tout
1; 2''-
15-19
2-5 (12-13)
4-10.
1-8
6-13; 16-17; 20-21.
Redacteur
(1-3)1
1; 5-8;. . ,
1-12; 17-21,
9-fin
1-5; (14-15; 18-19)?.
Johannes Weiss (1904 et 1908) a fait paraitre un commentaire plein de merite
a certains egards, mais ou il reconnait, lui aussi, une triple origine au texte :
une Apocalypse de Jean^ ecrite avant 70, une Apocalypse^'/iiVe ecrite pendant le
si6ge de Jerusalem, et composee d'ailleurs de fragments (a cause du chap, xi, 1-
13); enfin, Tceuvre d'un redacteur personnel et habile, de 95 environ ap. J.-C,
qui aurait combine les deux precedentes, en mettant partout I'empreinte de son
esprit et de son style.
UNITE DE L APOCALYPSE.
Apoc. de Jean (av. 70)
4-6; 9-15; 17
1-5; 8-10; 12-16; 18-25.
1-4; 7-11; 14-20
1-8 (— qqs phrases). .
l-6'';7-8; 11-14
1-8; 12-17
l'^-8*. .
1, 3-5% 13
Tout ...
C. I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X. .
XI
XII
XIII
XIV
XV. . . .
XVI . . .
XVII. . .
XVIII . .
XIX . . .
XX 1-4
XXI 1-4*. . .
XXII 3-5, (8-9)
14. ,
7-12.
1-7; 14-20
6-14.
Q (source Juive)
R6dacteur.
1-3; 7-8; 16?; 19? — 20
6? 7; lOo-ll; 17; 26-29.
5-6; 12-13; 21-22 ....
δ»-; 9-11
6*; 8*
9-11.
9M7*
2; 5''-12
. 1-9 I ... 7*; 10-11
. 1-13 j . . . 8»; 15-fin
._l-6; 13-17 ... 3*; 11
. 1-2" : 3-6 . •
Le tout?
1-8; O^-Vi; 15-18
1-19; 21-23. . . .
11-21
9-13; 15-fin.
1-2
2'•; 7-10; 11M8* .
8-12
1-4; 6-7
(5-7; 13-15)?. . . .
9»; 14
20; 24
1-10
4b-5; 10*, 12*, 15.
4*-8 ; 14
6-7; 10-21
Jean Weiss, meilleur critique que d'autres, a bien ga et la quelques hesitations.
II reconnaitra, par exemple, qu'on ne peut rigoureusement distinguer la part de
« Jean » et celle de I'editeur dans des passages tels que le chapitre vii, en ses
deux parties, ou une partie du chapitre xiii.
BoussET, dans son remarquable Commentairc (plusieurs editions, de 1896
a 1906) est entre dans la ligne de Weizsacker et de Sabatier. Pfleiderer, dans
la 2® edition de son Urchristentum (1902) s'est range a peu pres aux memes
opinions, et admettrait, pour les chapitres qui se suivent de xi a xviii, une source
qui pourrait etre juive et continue, remontant au temps de Caligula, incorporee
et completee par I'auteur meme du livre; meme chose pour xxi, 9-xxii, 5. Jiin-
CHER [Einleitung, ^"^, 1906) est beaucoup plus reserve sur la question de pareilles
distinctions. H. J. Holtzmann, dans son Handcommentar , suit la meme tendance
de critique litteraire. Elle est egalement celle du Hollandais Baljox (1908) et
de quelques critiques de langue anglaise, Porter, Scott, Moffatt, Charles
{Studies on the Apocalypse, 1913), dont le Commentaire, annonce pour 1914,
n'a pas encore paru, que nous sachions. Le commentateur catholique Calmes
(1905) voit aussi, surtout depuis V'l jusqu'a XVIII, une combinaison de docu-
ments d'origine diverse, opcrce par Jean. Nous aurons lieu de discuter ces
opinions dans notre prochain chapitre, et plus tard en commentant les chapitres
VII, 1-8; XI, 1-13; xii-xiii; xvii-xviii; xxi-xxii.
Pour ce qui est des deux courants emanes de Volter et de Vischer, je ne vois
guere la necessite d'en entreprendre une critique scrree, apres les chapitres
que nous avons consacres k la composition de TApocalypse et au (raitement
des symbolcs. Pour nous, ces systomes derivent uniquement, ou peu s'en faut,
d'un defaut de penetration dans Tcsprit et dans la maniore johannique. Tous
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
CLXII ίΝτκοουοτιοχ.
ces auteurs , extremement ingenieux sans contredit, η ont pas compris grand
chose a la structure solide de notre Revelation. S'ils parlent d'incoherences
et de contradictions dans le symbolisme ou les idees (car tel est leur principal
argument), c'est qu'il leur a manque de saisir la virtualite presque indefmie
de ces symboles, et de sympathiser avec un Voyant qui, tout domine par I'idee,
attachait assez peu d'importance, relativement, a chaque image individuelle.
L'ecole d'interpretation « Zeitgescliichtlich » — dont nous parlerons plus tard
— a beaucoup contribue a les induire en erreur, par ce jugement precongu que
chaque symbole determine devait repondre a quelque realite aussi determinee
que lui, une realite de I'histoire du temps, souvent etroite et mesquine (voir par
exemple VAntechrist de Renan), en tout cas pas assez elastique, ni spirituelle,
ni universelle. lis ne comprennent pas le livre de Jean, parce qu'ils ne se sont
pas oleves jusqu'a I'esprit de Jean. Alors lis ont rompu des cadres tres solides,
et d'une remarquable unite, pour nous presenter a la place diverses formes
de compilations assez mal digerees. Jiilicher n'est pas trop severe, quand il
leur reproche d'arriver avec leurs decoupages arbitraires, au resultat que « les
profanes y gagnent simplement cette impression que, sur le terrain des recherches
neotestamentaires, il n'y a rien du tout, et que personne n'est sur de rien
du tout (1) ». Et nous pouvons nous demander avec Swete, aux yeux de qui
ces « hypotheses... ignorent les conditions fondamentales du probleme », si la
« conviction (que I'Apocalypse est un ecrit composite) repose sur autre chose
que les assertions reiterees d'ecrivains qui ont trouve dans I'analyse du livre
un champ rempli de fascinations pour leurs exercices intellectuels (2) ».
Au moins leur fallait-il bien reconnaitre Tunite d'inspiration generale, et
I'unite de la langue. Suifit-il, pour rendre compte de la premiere, de considerer,
avec Vischer, comme des additions chretiennes tout ce qui porte la marque de
croyances evangeliques? Mais ces passages sont tellement fondus avec le reste
que, en les supprimant, on retranche tout ce qui fait Toriginalite et Γίnterέt
de TApocalypse. Lhypothese du « redacteur » est aussi faible pour expliquer
I'homogeneite de la langue. Presque toutes les singularites grammaticales les
plus marquantes se retrouvent en divers endroits du livre, auxquels les critiques
assignent pourtant des sources differentes (voir au ch. precedent). Singulier
redacteur, et compilateur vraiment extraordinaire, que celui qui eut pris ainsi
a t^che de deformer d'une maniere uniforme la langue de ses sources ! Certains
recourront a Thypothese qu'il les avait traduites de Ihebreu, de sa propre main;
mais la plupart trouvent aussi des sources grecques. II faudrait done au moins
admettre qu'il les a refondues expres — ou mieux encore, qu'il n'avait pas ces
sources ecrites sous les yeux; mais alors, s'il etait oblige de chercher toute
cette matiere dans sa memoire, un homme a I'imagination puissante comme
devait etre ce « redacteur », un homme qui se croyait inspire lui-meme, n'a pu
manquer de mettre partout du sien, de plier les vieux materiaux a ses idees
comme a sa langue. Et la theorie des sources ne signifie plus alors grand'chose :
ce ne seraient que des reminiscences, utilisees en vue d'un enseignement tout
a fait personnel.
(1) EM. δ-G, p. 24G.
(2) The Apocalypse of St. John, p. 1, lii.
UNITE DE L APOCALYPSE. CLXIII
Parmi les fines et judicieuses observations que Sivete multiplie sur le sujet
qui nous occupe, il nous plait surtout de traduire celle-ci :
Comment Jean pouvait-il se comporter a I'egard des ouvrages d'apocalyptiques
plus anciens? « 11 se refere au livre de Daniel a peu pres en quarante-cinq pas-
sages... et les livres d'Isaie, d'Ezechiel et de Zacharie lui servent presque aussi
frequemment, tandis que les autres Prophetes, le Psautier et le^ Pentateuque
sont souvent en vue. Aucun livre dans le Nouveau Testament n'est si impregno
jusqu'au fond de la pensee et de I'imagerie des Ecritures hebraiques. Et pour-
tant I'ecrivain n'a pas cite une seule fois I'Ancien Testament, et il en emploie
rarement les ipsissima verba. II est rare qu'il y emprunte une scene on la sug-
gestion d'une vision sans en modifier les details, sans s'ecarter de I'original
avec la plus entiere liberte, ou combiner des traits qui ont ete rapproches de
contextes diiTerents. Cette maniere d'user des materiaux de I'Ancien Testament
a cours d'un bout a I'autre de I'Apocalypse, et elle est caracteristique du livre.
Que Tecrivain soit redevable de quelque chose a des apocalypses non-cano-
niques, c'est moins certain; mais, s'il Test, il aura toujours suivi le meme prin-
cipe... Les coincidences entre I'oeuvre de Jean et les livres juifs qui existent
encore sont a peu pres limitees a des points secondaires, en rapport avec la
maniere de peindre et de parler. Dans ces conditions-la, il est plus que hasardeux
de postuler des sources dont rien ne nous est connu » [op. laud. p. liii).
Le m^me Swete etaie d'ailleurs son opinion d'arguments tres positifs, notam-
ment quand il s'agit de la langue. II releve I'identite d'expressions tres carac-
teristiques, au nombre de onze, entre les Lettres et les deux derniers chapitres;
au nombre de deux, entre le chap, iv et le chap, i"; d'une entre le c. ν et le
chap. XXII, ou entre ν et i; d'une entre ix et xx; d'une entre xi et xxi, entre
XVI et III, etc. Le lecteur les trouvera toutes signalees, et d'autres encore, dans
notre commentaire ; il nous suffit, pour I'instant, de le renvoyer au beau travail
du savant Anglais (pp. xlvi-xlix).
L'Apocalypse est done certainement d'une seule main, et construite sur un
plan rigoureux, ecrite dans un langage remarquable, unique dans toute la litte-
rature. Le style est peut-etre plus soigne en certains passages, ainsi dans les
Lettres, ici plus simple, la plus emphatique. Mais il n'y a aucune diversite
essentielle entre ces differents endroits, ni pour I'inspiration, ni pour le traite-
ment des symboles, ni pour la langue; done rien ne nous donne le droit de les
attribuer a differents auteurs. Nous chercherons dans le chapitre qui va suivre,
si Jean s'est inspire de sources non canoniques, s'il en a eu de longues reminis-
cences, capables de donner une tournure particuliere a I'ensemble de quelques
visions. La question est tout autre que celle qui vient de nous occuper; de
quelque fagon qu'on y reponde, I'unite d'auteur est un fait acquis a la vraie
critique objective.
Car les theories que nous venons de critiquer ont heureusement deja vieilli.
Jiilicher — une autorite peu suspecte de traditionalisme — a bien raison de dire :
« Une critique sens6e doit renoncer en prineipe a resoudre la question du
nombre des sources, et renoncer absolument a reconstituer celles-ci; ...I'auteur
a traite avec trop de souveraine maitrise tout ce qu'ont pu lui fournir des
couches anterieures » [Einl. p. 250).
CHAPITRE XII
AUTHENTICITE DES VISIONS DE L APOCALYPSE. QUESTION DES SOURCES.
Puisque, dans I'Apocalypse tout entiere, nous avons reconnu I'oeuvre originale
d'une puissante personnalite, il est temps d'aborder une question haute et deli-
cate, qui nous transporte bien au-dessus des minuties de la critique. Est-ce que
Jean — inspire de Dieu — a reellement eprouve les visions qu'il decrit, et ces
visions se sont-elles bien succede dans I'ordre qu'il leur donne? Ou bien a-t-il
donne simplement au fruit de ses reflexions sur le present et sur I'avenir,
reflexions qu'il sentait et jugeait dirigees par une illumination interieure, la
forme conventionnelle de visions construites avec les materiaux courants que
lui fournissait sa connaissance de la Bible et des Apocryphes, afin de saisir de son
grave enseignement les esprits populaires, qui devaient mieux I'assimiler et le
retenir enveloppe d'un brillant vetement d'images conformes aux gouts de ce
temps-la?
La question peut certainement se poser, en soi, sans porter prejudice a Tins-
piration divine. II semblerait, a premiere vue, qu'il y eut des arguments en faveur
de I'une et de I'autre hypothese, par consequent aussi des diflicultes dans chacune
d'elles. Nous devons nous garder de resoudre le probleme par de purs a priori.
Dans le second cas, le Prophete de Patmos eut, materiellement, fait un travail
semblable a celui de ses devanciers non inspires (mais sans prendre comme eux
un visage d'emprunt) ; il eut bati a tete reposee, avec le meme genre de mate-
riaux, mais disposes de maniere a enseigner des verites nouvelles, et d'origine
vraiment celeste. Si nous nous trouvions en face d'un livre de visions que I'Eglise
n'eut pas reconnu comme inspire, — qu'il se donnat comme d'origine surnaturelle
ou non, peu importe ici, — nous ne serious nuUement obliges d'admettre a priori
que I'auteur en ait trouve les elements dans des extases personnelles. Ce pourrait
etre soit une fraude, soit une forme litteraire, choisie de sang-froid, apres deli-
beration. Et comme il ne faut pas pretendre que cette forme est necessairement
illegitime, car c'est une maniere aussi admissible qu'une autre de presenter poe-
tiquement ce qu'on croit etre la verite, il n'est done pas impossible a priori qu'une
pareille convention se retrouv^t dans un livre inspire. Forme conventionnelle ne
dit pas mensonge.
Mais, anotre avis, il n'est pas possible de concevoir ainsi I'origine de I'Apoca-
lypse Johannique. Nous ferons plus loin la part de ce qu'elle peut contenir d'ar-
tistique ou d'artificiel dans I'arrangement des materiaux. Mais nous devons
declarer que pour tout cc qui en fait le fond, la substance, elle precede de visions
eprouvees en toute verite.
Je crois qu'on peut le demontrer meme en abstrayant momentanement de son
caractere d'inspiration divine. Aujourd'hui, le moindre etudiant en psychologie
AUTHENTICITE DES VISIONS DE L APOCALYPSE. CLXV
connait la realite des phenomenes extatiques, que les rationalistes anciens con-
sideraient comme de pures simulations, ou des signes de derangement cerebral.
Bousset, ecrivain intelligent qui atteint a toute la largeur d'esprit compatible
avec sa « Weltanschanung » liberale, ne ferait pas trop de difficultes pour
admettre que certains apocalyptiques juifs ont vraiment connu ces etats men-
taux. « Ce sont la des questions », dit-il, « auxquelles il n'est pas simple de
repondre par un oui ou par un non. D'une faQon generale, on ne saurait nier
la possibilite d'experiences extatiques veritables. On ne pent faire valoir contre
cela la contexture souvent tres fine et tres minutieuse des visions, pour soulever la
question de savoir comment I'Apocalyptique aurait pu, de son songe ou de son
extase, retenir dans sa memoire un nombre si enorme de particularites. Mieux
vaut distinguer. On peut tres bien admettre que des elements donnas dans le
songe ou dans la vision n'ont ete pousses jusqu'a ces particularites et a ces
finesses que par le fait du travail litteraire. II est difficile aussi de faire valoir
contre la realite d'une experience visionnelle cette consideration que I'Apocalyp-
tique subit manifestement I'influence de materiaux etrangers deja monnayes, ou
meme, dans I'ensemble, d'autres ecrits apocalyptiques que nous avons encore sous
la main. On a, au contraire, le droit tout naturel d'admettre que le visionnaire s'est
forme son monde de representations a la lecture des ecrits sacres de la Revela-
tion, ou d'apres le reste de la tradition eschatologique, et que ce monde de repre-
sentations I'a suivi dans sa vie de songes et de visions. Le songe... est tissu des
experiences et des impressions de I'etat de veille. Et ce qui est vrai du songe,
Test aussi des visions » [Off. p. 13).
Mais, si les auteurs de certains apocryphes ont pu, a larigaeur, passer par des
etats extatiques, naturels et non divins, — ce que nous ne serious pas d'ailleurs
aussi disposes que Bousset a attribuer a ces personnages « livresques », — a
combien plus forte raison pouvons-nous croire que Jean a vdcu en pleine expe-
rience mystique! La caractere de profonde sincerite, I'emotion ardente et com-
municative qui remplit et souleve tout son livre, rend deja fort invraisemblable
qu'il n'y ait la qu'une sorte de travail de cabinet, destine a donner artificiellement
une forme plus dramatique aux reflexions et aux previsions que lui inspirait
I'Esprit. Mais il y a plus. Get ecrivain sublime, dont un croyant ne revoquera
jamais les declarations en doute, affirme categoriquement des les premieres
lignes qu'il s'est trouve sous une influence surnaturelle sensible. II a « vu »,
« entendu », un Ange lui a ete envoye (i, 1). II fixe le lieu et le jour; c'est a
Patmos, un dimanche, qu'il a ete enleve par I'esprit (Ιγενόμην εν πνευματι, ι, 9). II
s'est senti ravi au ciel (iv). Π a une pleine conviction de donner la parole de Dieu
elle-meme, et de n'y avoir pas volontairement mele du sien. La preuve, c'est I'a-
vertissement tres fort qu'il donne aux lecteurs de son Apocalypse : « J'atteste a
quiconque entend les paroles de la prophetic de ce livre : si quelqu'un y fait une
addition, Dieu additionnera sur lui-les fleaux decrits... Et si quelqu'un retranche
(rien) aux paroles du livre..., Dieu retranchera sa part de I'arbre de vie... »
(xxii, 18-19). Aurait-il pu parler de la sorte s'il s'etait rendu compte qu'il ne fai-
sait que speculer, en inventant des allegories, sur quelques idees inspirees de
Dieu? Saqualitedeprophete, ou meme d'Apotre, — en admettant que ce fut Jean
fils de Zebedee, — aurait- elle suffi a lui donner cette assurance? Saint Paul, qui se
sivait inspire, et qui etait pourtant sur de lui, a soin de distinguer ce qu'il tient
CLXVI INTRODUCTION.
de la revelation, commune ou personnelle, et les conclusions qu'il en tire par son
propre jugement : « Aux gens maries je prescris, non pas moi, mais le Sei-
gneur... ; quant aux autres, je leur dis, moi, mais non pas le Seigneur... » (I Cor.
VII, 10, 12). Le Prophete Jean se fut-il done senti comme constructeur d'allego-
ries, plus infaillible que Paul comme moraliste, plus surement dirige par I'esprit
divin? C'est que, alors, il savait bien n'avoir rien altere, par un melange humain,
de toute sa Revelation. La forme qu'il lui donnait etait absolument garantie a ses
yeux de prophete; comment Texpliquer mieux que par la conscience qu'il avait
de communiquer aux eglises non pas simplement le resultat d'un travail dirige par
un sourd instinct prophetique, mais le souvenir d'illuminationsfulgurantes, indu-
bitables, qui avaient devoile a sa vue le monde des mysteres surhumains?
Et cependant, son livre sc presente sous une forme telle, qu'on y decouvre un
travail intense de reflexion. Nous avons vu combien les parties en sont solide-
ment liees. II n'y a, a vrai dire, qu'une seule vision, un drame aux actes succes-
sifs, au moins depuis le chapitre iv jusqu'a la fin. Le meme decor celeste, avec
ses choeurs periodiques, s'etale toujours au-dessus du flux des visions chan-
geantes; puis, aux derniers chapitres, il se fond avec la terre ou plutot il I'absorbe
en lui. L'unite vaut celle d'une tragedie grecque. Tout ce qui change et se deve-
loppe suit les courbes d'un rythme tres savant, tres rafTine, s'il est bien celni
que nous avons cru decouvrir : ces trois moments, ces septenaires, cet epanouis-
sement de I'idee, a des instants periodiques,- en double fleur d'antithese, tout
cela revele un travail artistique fort conscient, bien qu'encore imparfait. Est-il
compatible avec le caractere de visions surnaturelles qui arrachent Tame a
elle-meme, et se deroulent devant I'intelligence passive, qui ne pent les diriger,
et a meme de la peine a les saisir dans leur ampleur?
II serait temeraire a un critique de prejuger des operations de Dieu dans I'es-
prit de ses saints, et de leur assignera priori telle ou telle forme. N'avons-nous
pas, parmi les revelations que I'Eglise traite avec honneur, le Dialogue de
sainte Catherine de Sienne, qui, d'apres I'afTirmation de temoins surs, aurait ete
dicte par la sainte en plein etat d'extase? 11 fait pourtant un livre tres coherent.
II est vrai toutefois que les visions divines, telles que nous les decrivent ceux qui
en ont ete favorises, ne se deroulent pas generalcment ainsi. Meme quand elles
sont « imaginatives )),usant de couleurs et de sons, elles sont simples et d'ordi-
naire durent peu; mais elles laissent une impression tres profonde, qui se pro-
longe longtemps, et le peu de traits qui les constituent est d'une virlualite de
signification si etendue, qu'il est difficile de les rendre par des mots humains.
Plus elles ont ete hautes, plus les traces qu'elles laisseront dans la memoire sen-
sible seront confuses, quoique indelebiles. Aussi, quand le Voyant voudra les
decrire, surtout s'il laisse un certain temps s'ecouler depuis leur apparition, il
sera oblige de se livrer a un travail humain (humain au moins, dans son mode,
car ilpeut etre dirige lui aussi par le charisme de I'inspiration) ; comme ecrivain,
le Prophete dont les visions se sont evanouies, devra chercher, parmi les images
pour lesquelles il possede des paroles, celles qui se rapprocheront le plus de ce
qui lui a ete montre quand il etait sous Taction de I'Esprit revelateur; en sorte
que I'expression parlee ou ocrite d'une vision d'extase sera une transposition,
une traduction dans une langue dont sa memoire claire lui fournira les termes.
Souvent ces termes seront insuflisants pour rendre adequatement des impres-
AUTHENTICITE DES VISIONS DE L APOCALYPSE. CLXVIl
sions indicibles; il faudra done les multiplier pour egaler autant que possible la
virtualite des images de la vision ; et I'ecrivain mystique n'arrivera pas toujours
a se satisfaire, il se rendra compte qu'il ne donne que des reflets, des approxi-
mations de quelque chose d'indescriptible ou d'ineiTable; il dira : « G'etait a peu
pres comme ceci : ώς », cette particule dont les Apocalyptiques font un si grand
usage.
S'il s'agit de visions, non plus « imaginatives », mais « intellectuelles » la
difficulte sera encore bien plus grande a les rendre en mots humains. Or, la
vision purement intellectuelle, d'apres saint Thomas, est la plus haute et la plus
parfaite de toutes (Il-ll•^, clxxiv, 2). Les sens et I'imagination n'y exercent que
le role necessaire qu'ils ont dans toutes les pensees humaines, sans que Dieu ait
imprime directement d'images nouvelles dans I'esprit du prophete [ibid., ad 4""°).
L'illumination divine a bien pu ne mettre en jeu que des images qui peuplaient
deja la memoire; et cela meme aussi dans les visions proprement « imagina-
tives ». Ce qui sera surnaturel, alors, ce ne sera pas la presence de ces images
dans I'esprit, mais la disposition, I'ordre dans lequel elles se derouleront de
fa^on a representer des verites depassant la portee naturelle de Tintellect humain
(ccLxxiii, 2, ad 2""', ad 3""). C'est d'ailleurs chose indifferente a la prophetie, en
soi, que les apparences ou les images sensibles sous lesquelles I'idee prophe-
tique s'exprimera : comme le dit la Glossa sur Amos : « II est naturel que ceux
qui veulent comparer un objet a un autre cherchent leurs comparaisons parmi
les objets dont ils ont I'experience, et au milieu desquels ils ont ete eleves; par
exemple, des marins compareront leurs ennemis aux tempotes, la perte au nau-
frage; c'est ainsi qu'Amos, qui fut berger, assimile la crainte inspiree par Dieu
au rugissement dulion » (clxxii, 3).
Si I'esprit humain travaille ainsi suivant ses lois naturelles pour fournir une
expression a la revelation prophetique ordinaire, il en pent encore etre de meme
lorsque l'illumination a pris la forme d'une vision, soit d'une vision intellectuelle,
usant d'un minimum de « phantasmes »,trop inadequats a I'idee pour en exprimer
la richesse, soit meme dune vision « imaginative » trop haute ou trop abstraite
pour que les simples mots du langage habituel qui y correspondent de loin puis-
sent dire ce qu'elle etait vraiment. On pent appliquer a certaines revelations,
mSme sensibles, et toute proportion gardee, ce que le Docteur Angelique dit a
propos du « rapt » de saint Paul, qui se souvenait d'y avoir entendu « des
paroles indicibles, dont il n'est pas permis a I'homme de parler » (II Co}\ xii, 4)
« Memor fuit illorum, quae in ilia visione cognoverat, per aliquas species intel-
ligibiles habitualiter ex hoc in ejus intellectu relictas; ... unde nee totam illam
co'^nitionem ant cogitare potei'at, aut verbis exprimere » (clxxv, 4, ad 3"™). En
d'autres termes, certaines visions d'un caractere tres transcendant se sont pro-
fondement gravees dans I'esprit; mais ellcs le debordent. Elles ont eveille de
profondes resonnances dans la masse des idees et des images qui y ^taient
accumuloes deja ; mais I'esprit, quand il entend s'y reporter et les revivre, ne les
saisit plus que dans ces resonnances accessoires, et celles-ci seulement sont
capables de rccevoirune expression verbale.
Je ne pretends pas expliquer a fond, avec ces considerations, le mecanisme
divin des visions Johanniques, ni leur rapport exact avec les descriptions que le
Prophete nous en a laissees. Que des theologiens et des psychologues plus auto-
CLXVUI INTRODUCTION.
rises tranchent la question — si elle peut etre trancliee. Mais les principes ci-
dessus m'autorisent au moins a suggerer quelques hypotheses de nature a eclai-
rer la question que nous nous sommes posee.
Les visions de Jean etaient-elles intellectuelles ou « imaginaires », au sens
Iheologique du mot? Cast ce que nous ne saurions dire avec certitude. II est
assez vraisemblable qu'il en ait eprouve des deux sortes. Le caractere intellec-
tuel que nous avons constate chez lui, la transcendance de ses vues, et jusqu'a
la negligence qu'on releve par-ci par-la dans Temploi des symboles, la difficulte
a en donner parfois une representation plastique, nous porteraient a supposer
qu'elles ont ete surtout intellectuelles, sans I'etre exclusivement. En tout cas, il
n'a pas voulu — ou peut-etre pas pu — dire tout ce qui lui avait ete revele; tel
est le sens de I'interdiction d'ecrire ce qu'avaient dit α les 7 tonnerres » (x, 4).
Sans doute ces idees etaient-elles trop hautes, et ces images elles-memes trop
epurees, dans leur simplicite et leur virlualite immense, pour se trouver des
moyens d'expression entierement sufTisants dans le langage humain. Mais elles
avaient eveille en lui la memoire de visions pareilles qu'il avait lues dans les Pro-
plietes; certains traits, certaines paroles semblables avaient pu impressionner,
dans I'extase, ses yeux, ses oreilles ou ses sens interieurs. Par association
d'idees, elles avaient declanche le souvenir de toute I'imagerie apocalyptique
qu'il possedait dans sa memoire. Get eveil, dans certains cas, pouvait preceder
la vision, d'autres fois I'accompagner et lui fournir des phantasmes oil il lisait
I'idee divine, d'autres fois la suivre. En tout cas, quand il a voulu transmeltre
aux autres ce qu'il avait vu, il lui etait naturel, les limites du discours humain
s'opposant a ce qu'il fit mieux, de se servir du style et des images devenus familiers
dans son milieu pour ce genre de communications. Alors il a pu faire un travail
humain de memoire, d'imagination, de combinaison, de style. Ce travail etait
d'ailleurs dirige par I'inspiration divine; mais il ne fournissait parfois que des
equivalences approximatives, et c'est pour cela que I'auteur, qui en avait cons-
cience, use si volontiers de la particule ώς, qui pourrait ga et la se traduire : « a
peu pres comme ».
En un mot, nous ne devons pas hesiter a croire, avec tous les Peres et les
anciens commentateurs, que Jean repete uniquement — mais en I'appropriant
par endroits, en le traduisant dans un langage dont il n'etait pas le createur
— ce qui lui a ete montre dans de reelles et divines extases. Parler d'un simple
« instinct prophetique », si surnaturel et si conscient qu'il fut, ne semble pas
repondre aux exigences de ses affirmations, ni a I'impression invincible de
« chose vue » que produit sa lecture.
Seulement nous pouvons nous demander encore sur quels points le travail
humain de son esprit decrivain a principalement porte.
Sera-t-on oblige de croire que Jean a vu se derouler toutes ces scenes au
cours d'une seule ample vision, comme la structure du livre, et les fils qui en
unissent les parties, semblent I'indiquer au premier abord?
Nous ne le pensons point. Sans doute rien n'est impossible a Taction divine.
Surtout si la vision etait intellectuelle, Jean aurait pu y voir, meme en un clin
d'oeil, la substance de toutes ces revelations qui prennent tant de temps a ima-
giner I'une apres I'autre, et a revetir d'une expression verbale. Ce qui lui fut
montre pouvait etre, dans sa riche mais simple transcendance, beaucoup moins
AUTHEXTICITE DES VISIONS DE L APOCALYPSE. CLXIX
complique comme representation que la traduction qu'il a fallu en donner en
images et en mots humains. Pourtant, il est aussi fort possible, et vraisemblable
selon nous, que Jean, pour integrer la connaissance surnaturelle qui lui fut
donnee a Patmos, au jour du Seigneur, ait fait appel a d'autres visions qu'il avait
eues en des temps divers, peut-etre anciens, et dont chacune prise a part lui
parut devoir bien rendre un aspect ou une partie des verites qu'il avait pergues
en cette grande circonstance. II est possible aussi qu'il ait eu plusieurs visions
successives, dans son exil de Patmos, apres I'apparition du « Fils d'Homme ».
Separees peut-etre par des intervalles plus ou moins longs, et sans continuite
psycliologiqae, elles demeuraient en continuite objective, chacune projetant une
lumiere nouvelle sur les precedenles. Enfin rien n'empeche non plus d'admettre
que Jean, au lieu de creer toujours ses expressions figurees, se soit servi de
temps a autre de fragments d'apocalypses ecrites par d'autres, et non inspirees,
qu'il jugeait aptes, en en modifiant le sens par le contexte oii il les introduisait,
a bien rendre ce qu'il avait vu et entendu lui-meme. Nous touchons ici a la
question des « Sources ».
Tous ces elements, personnels ou empruntes — empruntes seulement dans
leur forme materielle, non dans leur idee — il les aurait, par un travail de
reflexion et de style, juxtaposes et combines. Afin d'en constituer un tout repon-
dant bien a I'ampleur de sa vision, il eut cree ces cadres, ces correspondances,
ces jeux de succession, d'emboitement et dantithese, qui font de I'Apocalypse
un livre si calcule et si reflechi, disons le mot, si artistique, en depit de sa
spontaneite ardente, de ses negligences, et de son defaut frequent d'harmo-
nisation plastique. Cela montre deux choses : d'abord, que I'autcur a ete plus
dirige par le souci de I'idee que par celui de la description; ensuite, qu'il n'a
pas songe a eifacer completement la trace des origines variees de ses diverses
scenes, tout en les appropriant soigneusement aux circonstances actuelles, et
au but qu'il poursuivait pour I'instruction des eglises d'Asie, pendant son
exil a Patmos.
Grotius (voir ci-dessus, chapitre precedent) fut le premier a exprimer cette
idee que les visions de Jean, a I'origine, et avant d'etre ecrites ensemble, ne
formaient pas un tout continu. II voulut preciser, et reconnaitre a leur imagerie
que les unes dataient du regno de Claude, d'autres de la guerre juive, ou du
regne de Vespasien, ou de Domitien. Ces determinations etaient poussees trop
loin, et reposent en partie sur des erreurs d'exegese, ou sur une fausse date
assignee a I'exil de Patmos (vide infra, chap. xiii^. Nous croyons pourtant qu'il
avait vu juste en principe. Schleierrmcher a remis cette theorie en honneur,
mais il est alle trop loin, car il ne reconnait aucun lien entre les visions [Einl.
in d. N. T., 1845).
Pour ce qui est des « sources », nous en admettons bien theoriquement, et
sous les reserves indiquees ci-dessus, la possibilite. Nous reservons au com-
mentaire la discussion des principaux passages que les critiques considerent
comme empruntes a des ecrits anterieurs. Disons seulement ici qu'il est impos-
sible de demontrer apodictiquement aucun de ces ernprunts. Nous ne sommes
pour notre part nuUement convaincus que les chapitres vu, 1-8, ni xi, 1-13,
et encore bien moins certains passages de xxi-xxii, ou xii-xni et xvii-xvni se
soient jamais trouves rediges dans des ecrits anterieurs. Les arguments tires
CLXX INTRODUCTION.
de la langue, comme ceux qui reposent sur une pretendue diversite de pensee,
sur une incompatibilite d'epoques ou de points de vue, nous semblent fort
grossis, et la plupart controuves. II n'y a guere que xiv, 14-20, la scene de la
« moisson » et de la « vendange », avec son coloris et sa structure tout a fait
hebraique, qui nous inspire quelques doutes serieux, Au total, nous nous jugeons
en droit d'affirmer qu'il n'y a pas dans tout le livre une pericope entiere —
sauf peut-etre celle-la — qui ait le caractere d'un bien emprunte, d'une adap-
tation de document anterieur. A preuve le grand nombre de mots, de tournures,
et de figures caracteristiques de Tauteur qui se retrouvent en toutes, d'un bout a
Tautre du livre, et qu'on ne saurait en eflPacer sans faire de violentes mutilations .
I
CHAPITRE XIU
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE L APOCALYPSE. DATE DE LA COMPOSITION,
Maintenant que le lecteur possede des informations suffisantes sur le caractere
et I'esprit de I'auteur de I'Apocalypse, son but, ses procedes, sa culture, sa
langue et son style, nous pouvons aborder la grande question, si debattue aux
iii*et iv^siecles, et qui Test encore davantage de nos jours : Qui etait ce Pno-
phete Jean ?
La tradition est ferme. Elle repond : c'est Jean, I'Apotre, le fils de Zebedee
et le frere de Jacques, celui-la meme qui a ecrit le dernier Evangile, I'Evangile
« pneumatique «. Pourtant, a une certaine epoque, et dans nombre d'eglises de
I'antiquite, elle a subi des flottements. Puis, la comparaison des deux ecrits,
I'Evangile et I'Apocalypse, rend incroyable a nombre de critiques qu'ils puissent
avoir le meme auteur. Saint Denys d'Alexandrie faisait deja ressortir leurs
profondes divergences, pour attribuer I'Apocalypse a « un autre Jean ».
Serait-ce Jean-Marc? Jean le Presbytre? quelque homonyme encore plus
inconnu que ce dernier? Pour Jean-Marc, auteur du Deuxieme Evangile, la
question ne peut serieusement se poser. Sauf la tournure hebraisante de leur
style, et les liberies qu'ils prennent a Tegard de la grammaire, — encore sont-
elles bien moins audacieuses chez Marc, — I'auteur du second Evangile et celui
de I'Apocalypse n'ont a peu pres rien de commun, ni dans le caractere, ni dans
le style, si ce n'est I'attachement a la meme Verite. Quant a Jean le Pres-
bytre, nous voulons bien croire qu'il a existe, a cause du texte de Papias qu'Eusebe
nous semble interpreter de la seule maniere plausible (i). Mais je pense aussi
que nous ignorons tout de lui, a part son existence, et ses relations avec Papias ;
il ne s'est introduit dans I'histoire litteraire, pour se faire attribuer I'Apocalypse,
que comme un postulat, ou une sorte de dens ex machina bon a tirer d'embarras
des docteurs qui savaient fort bien que la tradition designait Jean I'Apotre
comme I'auteur de cette Revelation, mais qui continuaient a subir les conse-
quences de prejuges doctrinaux developpes jadis chez certains orthodoxes par
la polemique anti-millenariste (2). 11 est d'ailleurs assez remarquable que le plus
ancien adversaire connu de I'Apocalypse, le Remain Cains, ait voulu I'attribuer,
non pas a un Jean quelconque, mais a I'heretique Cerinthe qui aurait pris le
masque d' « un apotre », — de I'apotre Jean, il va sans dire.
Mais voyons d'abord les textes; ensuite nous pourrons, s'ils ne paraissent
pas sufTisamment decisifs, recourir aux criteres internes d'ou pourra sortir
quelque lumiere.
(1) //. E. Ill, 39.
(2) Denys d'Alexandrie lui-meme pourrail tomber sous un pareil jugement, comme nous
le montrerons plus bas.
CLXXII INTRODUCTION.
Temoignages traditionnels. — lis se presentent en notnbre imposant, et il
suffira de signaler, en les discutant si besoin est, les plus anciens. Pour autant
d'ailleurs qu'ils sont proprement « traditionnels », ils convergent. Davidson (1)
declarait justement : « Let it not be urged that the patristic tradition is not
unanimous... The historical tradition relative to the Apocalypse seems to have
been interrupted by doctrinal views alone. Had no Montanism or millenarianism
appeared, we should have heard of no voice raised against John's authorship...
the basis of the tradition cannot be explained away without violating the prin-
ciples of historical evidence. »
Le premier en date (2), et peut-etre le plus important des temoignages, que
nous possedons c'est la phrase de saint Justin, dans son Dialogue avec Tryphon,
C. LXXXI, 4 : Και έπειτα και παρ' ήμϊν άνηρ τις, φ ονουια 'Ιωάννης, εΤς των αποστολών
του χριστού, εν αποκαλύψει γενομέντ, αύτω /ίλια ετη ποιησειν εν 'Ιερουσαλήμ τους τω
ήμετε'ρω χριστώ πιστεύσαντας προε;ρητευσε, και μετλ ταύτα την καθολικήν και, συνέλοντι φάναι,
α'ιωνίαν ομοθυμαδόν αμα πάντο^ν άνάστασιν γενησεσθαι κα\ κρίσιν. C'est la plus claire des
references au chapitre xx de notre Apocalypse, d'ailleurs mal compris. II faut
se souvenir que Justin avait frequente Ephese, oil il se convertit sous Hadrien,
vers 135, c'est-a-dire une quarantaine d'annees seulement apres la date gene-
ralement assignee a I'Apocalypse.
Nous savons indirectement que, vers la meme epoque, Meliton, eveque de
Sardes, a ecrit sur Γ « Apocalypse de Jean » : Μελίτο^νος, τά περί του πάτχα δυο και
τα περί του διαβόλου και της ΆποκαλύψεοΗ Ίοιάννου (Eusebe, Η. Ε. XXVI, 2).
Denys de Corinthe (166-175), se plaigcant que ses lettres aient ete falsifiees,
emprunte, semble-t-il, intentionnellement, des termes d'A/JOc. xxii, 18-19,
et IX-XI : ΚαΙ ταύτας οί του διαβόλου απόστολο» ζιζανίων γεγέμικαν [Mat. XIII, 25) & μεν
εξαιροΰντες, ά δέ προστιθε'ντες • οίς το ούαι κείται (Eus. Η. Ε., ΧΧΙΙΙ, 12). Dans le
Pasteur d'Hermas, ecrit remain, relevons ces images : la « Bete » marine de
Vis. IV, 1 (?), les « vetements blancs » de Sim. viii, 2, 3, et, plus surement
encore. Vis. IV, 2 : υπαντα μοι παρθένος κεχοσμημένη ως ε'κ νυμφώνος εκπορευομένη
{Ps. XVIII, 6. mais aussi Apoc, xxi, 2), o>.yi Iv λευχοΐς (Apoc. passim). Chez ces
deux auteurs, il est vrai, ce ne sont la que des allusions, qui ne disent rien sur
I'auteur, mais montrent au moins la consideration dont jouissait deja I'Apoca-
lypse. Expresse est I'affirmation du commentateur Andre de Cesaree touchant
Papias, le vieil eveque d'Hierapolis, anterieur a Justin : Περί μεντοι του θεοπνευστου
της βίβλου (c'est-a-dire de Γ Apocalypse de Jean) περιττον μηκύνειν ■io^'ko-^o^ ηγούμεθα,
τίϋν μακαρίων Γρηγορίου προσέτι δε και των άρχαιοτέριον Παππίου, Ειρηναίου, Μεθοδίου
και Ιππολύτου ταύττι προσμαρτυρούντων το άξιόπιστον (Preface du Comm. P. G.,
106, 217). Or Andre n'avait aucun doute sur I'identite de Jean.
Polycarpey le disciple de Jean, martyrise a Smyrne (155-156?) se sert tres
vraisemblablement d'une expression qu'il avait lue maintes fois dans I'Apoca-
lypse, quand, avant de mourir, il s'adresse a Dieu en ces termes : Κύριε δ 6εος
il) Introduction, i, p. 319, cito par Gornely, Introductio, iii, 1886, p. 693.
(2) Les traces qu'on a cru retrouver de TApocalypse dans les lettres de saint Ignace d'An-
tioche, Eph. 15 et Philad 6, nous paraissent a tout le moins douteuses.
IDENTIFICATION DE « JEAN )) , AUTEUR DE l'aPOCALYPSE. CLXXIII
δ παντοχράτοιρ, qui se retrouvent litteralement, avec leur irregularite gramma-
ticale Apoc, iv, 8; xi, 17; xv, 3; xvi, 7; xxi, 22 (Martyre de Polycarpe, xiv).
Theophile, qui fut entre 169^et 177 eveque d'Antioche — c'est-a-dire d'une eglise
en relations etroites avec celles de I'Asie Mineure — dans son προς τήν αιρεσιν
ΈρίΛογενους, ecrit aujourd'hui perdu, s'est servi, d'apres Eusebe, //. E. iv, 24
« de temoignages tires de Υ Apocalypse de Jean w. Ajoutons le temoignage du
Canon de Muratori (Rome, entre 155 et 200), aux lignes 57-58 : Et Johannis
eni in a\pocalebsy licet septe eccleseis scribat tamen omnibus dicit, puis 1. 71-72 :
... apocalypse etiani johanis et pejtri tantum recipimus quam quidam ex nos
tris legi in ecclesia nolunt (1). Enfin, dans la Lettre des eglises de Lyon et de
Vienna, sans doute redigee par Irenee, en la dix-septieme annee de Marc-Aurele
(177-178), nous lisons : ήν γαρ και εστίν γνήσιος χριστού μαθητ/'ς, ακολουθών τ^ άρνίω
οπού 2tv ϋπάγν•, = Apoc, χιν, 4, et plus loin : ινα ή γραφή πληpoJOη. « Ό άνομος
άνομησάτω ετι, και ό δίκαιος δικαιωΟη toj ετι » ζ= Apoc., χχΐι, 11, appelee
« Ecriture, γραφή. » (Eus. Η. Ε. ν, 1., 10 et 58).
Apollonius (d'Ephese?) combattit Montan et ses prophetesses, vers Tan 200,
en se servant, d'apres Eus. H. E. v, xviii, 14 « μαρτυρίαις άπο της Ίωάννο!>
Ά.ποκαλύψεοις », et « il raconte qu'un mort, au moyen d'une vertu divine, fut
ressuscite par le meme Jean a Ephese » (ibid'.
En resumant ces premiers temoignages, nous constatons que I'Apocalypse
etait connue dans la generality des eglises au ii^ siecle, et qu'on la considerait
comme une ecriture divine {Papias d'apres Andre, Can. Mar, Lyonnais). Le
nom de son auteur, chaque fois qu'il est cite, est Jean [Justin, Meliton, Theo•^
phile, Apollonius); ce Jean est le Jean a' Ephese [Apollonius); enfin le texte
de Justin, le plus ancien que nous possedions, range ce Jean parmi « les Apotres
du Christ ». 11 en est de meme, certainement, pour le Muratorianum. « Plusieurs
...attribuent simplement I'Apocalypse a Jean, sans mentionner que c'est de
I'apotre qu'ils parlent. On ne pent douter pourtant que c'est bien lui qu'ils
visent, car la tradition ecclesiastique, en dehors de Papias, de Denys, d'Eusebe,
et de quelques autres, n'a pas connu d'autre Jean, vivant a Ephese, a la fin
du I*' siecle » [Jacquier, Hist, des livres du N. T. iV, p. 322).
Ccs temoignages sont couronnes par ceux dJrenee, de Clement d'Alexandrie
et de Tertullien. Ceux du premier ont la valeur toute speciale qui s'attache au
nom d'irenee dans la question Johannique ; I'Alexandrin et I'Africain le confirment.
Tous sont aussi explicites qu'on peut le desirer. Irenee s'est beaucoup occupe
de notre livre (vide infra, chapitre prochain), et il a ete le devancier des com-
mentateurs (Acf^. Haeresesj iv, 20; 21; v, 30;. 35, et ailleurs). Pour lui, elle
est de Jean, « le disciple du Seigneur » [Adv. Haer. iv, 21, 11; v, 26, 1),
lequel n'est autre que lApotre [Adv. Haer. ii, 22, 5). Clement d'Alexandrie
en parle dans le Τις δ σο^ζόμενος πλούσιος, 42; dans le Παιδαγίογος, II, 10, 12; dans
les Στρωματεΐς iv, 25; ν, 6; vi, 13 comme d'un ecrit apostolique; et on sait qu'il
avait recueilli de belles traditions sur le sejour de I'Apotre Jean a Ephese.
(1) On sail que Zahn (Gesch. des neulest. Kanons, II, p. 142, 1890) croit le texle corrompu,
et propose celui-ci pour I'original prosume : ΚαΙ ή άποκάλ•..ψις δε Ίωάννο-j χαΐ πε'τρου [επιστολή
μία ήν] μόνην άπεχδεχίμεθα • [Ιστι δε χαΐ έτερα] ήν τίνες των ήμετε'ρων άναγινώσκεσθαι έν έχχ/ησία ον
6ί),ον»σιν.
CLXXIV INTRODUCTION.
Quant a Tertullien, il defend rauthenticite de I'Apocalypse centre Marcion {Ad^>.
Marcionem, iii, 14: 24; iv, 5). II dit, dans le Da resurrectione carnis, 27,
α Apostolus Johannes in Apocalypsi ensem describit ex ore Dei prodeuntem » ;
d'ailleurs il s'en sert avec profusion.
Ainsi, jusque dans les premieres annees du iii^ siecle, on pent parler d'une
unanimite de la tradition concernant I'auteur de notre livre. L'heretique Marcion,
il est vrai, ne Tadmettait pas plus que la majeure partie du Nouveau Testament;
mais son opinion n'a aucun poids devant la critique; d'ailleurs nous ne savons
pas absolument s'il lui refusait une origine apostolique; ce n'etait pas la le cri-
tere de son canon.
Au iii^ siecle, tandis qu'elle est pleinement acceptee comme johannique et
apostolique par Origene, qui semble ne connaitre aucune discussion sur ce
point-la [In Joh. i, 1, 2, 6, 14; v, 3; in Mat. xvi, 6) (1), et par saint Hippolyte,
qui s'en est encore plus occupe qu'lrenee [De Christo et Antichj-isto, ed. Lagarde,
p. 17 : Λε'γε μοι, μακάριε Ίωάνντ,, απόστολε και μαθητα του Κυρίου, τι είδες
και ηχουίας περΊ Βαβυλωνος, voir Apoc. χνιι), en Afrique par S. Cypj-ien (Ep. xxvi,
4; De bono patientiae 24, et ailleurs), et enfin qu'on la voit paraitre dans les
vieilles versions latines, les difficultes commencent avec le pretre romain Cams,
puis le grand eveque S. Denys d'Alexandrie.
Calus, precurseur de Volter, Fattribue tout simplement a Cerinthe, ce gnos-
tique ancien centre qui, suivant certaines traditions, I'apotre Jean aurait eu a
lutter a Ephese, et meme, suivant des anciens, aurait ecrit son Evangile et la
l""* epitre. Le texte de Caius, conserve par Eusebe (iii, xxviii, 2) vaut la peine
d'etre cite et traduit :
Άλλα και Κηρινθος δ δι' αποκαλύψεων ώς υπο άποστο'λου μεγάλου γεγραμμένοιν
τερατολογίας ήμΐν ώς δΓ αγγέλων αύτω δεδειγμένας ψευδόμενος επεισάγει, λε'γων μετά
την άνάστασιν επίγειον είναι το βασίλειον του Χρίστου και πάλιν επιθυμίαις κ«\ ήδοναΐς εν
'Ιερουσαλήμ την σάρκα πολιτευομένην δουλευειν. Και εχθρός δπάρχων ταΐς γραφαΐς του θεοΐί,
αριθμόν χιλιονταετίας εν γάμω εορτής, θέλων πλαναν, λέγει γίνεσθαι.
« Mais Cerinthe, au moyen de revelations (apocalypses) censees ecrites par un
grand apotre, nous presente mensongerement des recits de merveilles que des
anges lui auraient montrees (cfr. Apoc. i, 2 ; xxii, 8). 11 dit que, apres la resur-
rection, la royaute du Christ sera terrestre ; que la chair, de nouveau, organisee
en 6tat a Jerusalem (cfr. Apoc. xx), se mettra sous la servitude des passions et
des plaisirs; et, comme il est ennemi des Ecritures de Dieu, il dit, voulant
egarer, qu'il y aura mille ans de fetes nuptiales ».
Quelques auteurs catholiques ont cherche a innocenter Caius ; mais il n'est
vraiment pas tres grammatical de traduire ώς υπό αποστόλου μεγάλου γεγραμμένων
« comme [les revelations) qui ont ete ecrites par un grand apotre », puisque I'ar-
ticle manque devant le participe. Puis, ce qui est tout a fait decisif, c'est que
Denys d'Alexandrie (cite par Eusebe, vii, xxv, 1 sqq.), en traitant de TApoca-
(1) Ce dernier texte est a signaler particulierement : « Calicem biberunt el baptismo bap-
tizati sund Zebedaei fllii, quoniam... ό δέ Ρωμαίων βασιλεύς, ώ; ή παράδοσις διδάσχε•., κατεδίκασε
τον Ίωάννην μαρτυροϋ ντα.,. εΙς Πάτμον τήν νησον. Ipse tradit in Apocalypsi liis ver-
bis : Ego Johannes frater vester, etc. ». Voir Apoc. c. V. — Si I'opuscule publie par Harnack
et Dobionoutis est vraiment un commentaire d'Origene sur I'Apocalypse (vid. infra, chap, xv),
comme nous I'admettons, on voit assez quelle foi avail le grand Alexandrin dans eel ouvrage.
IDENTIFICATIOX DE « JEAN )> , AUTEUR DE L APOCALYPSE. CLXXV
lypse, fait une allusion claire a une opinion qui coincide du tout au tout avec
celle de Caius, telle que nous venons de la traduire : « Τίνες μεν ouv των προ ήμίον
άθετηταν και άνεσκεύασαν πάντγ) το βιβλίον (i. θ. την Άποκάλυψιν), Ίωάννην γαρ ουκ
είναι λε'γουσιν, αλλ' ούδ' άποκάλυψιν είναι την σφόδρα και παχεΐ νεκαλυμμένην τω της
άγνοιας παραπετάσματι, και ούχ όπως των αποστόλων τινά, άλλ' ουδ' δλως των
άγ(ων η των άπο της εκκλησίας τούτου γεγονέναι ποιητήν του γράμματος, Κηρινθον
δέ τον και την άπ' ε'κείνου κληΟεΐσαν κηρινΟιακήν συστησάμενον α?ρεσιν, άςιόπιστον Ιπιφημισβΐ
θελησαντα τω εαυτού πλάσματι όνομα 'Εγώ δε άθετησαι μεν ουκ αν τολμησαιμι το
βιβλιον... » « Quelques-uns de ceux qui nous onl precedes ont entierement rejete
et recuse ce livre [I'Apocalypse) lis disent en effet qu'il n'est pas de Jean,
que ce n'est meme pas une Apocalypse [c'est-a-dire une Revelation), enveloppe
qu'il est tout a fait du voile epais de I'inconnaissable ; que non seulement aucun
des apotres, niais d'aucune facon un des saints ou des meinbres de I'Eglise, n'a
ete I'auteur de cet ecrit; que c'est Cerinthe, celui qui fonda inome I'heresie appe~
lee de son nom, Cerinthienne, qui a voulu mettre sa propre composition sous un
nom qui lui valilt credit Pour moi, je n'aurais pas I'audace de rejeter le
livre » Denys parle certainement des « Aloges » ; mais Cams etait du nombre.
La decouverte de fragments syriaques des Κεφάλαια κατά Γαίου d'Hippolyte le
demontre (1). C'est peut-etre aussi contre Caius et consorts qu'Hippolyte avait
ecrit le 'Γπέρ του κατά Ίωάννην ευαγγελίου κα\ άποκαλύψεο)ς (2), mentionne sur le siege
de sa statue du Latran.
Q'etait-ce que ce Caius, et comment avait-il ete amene a un jugement si con-
traire a la tradition, si inintelligent meme dans son outrance et son injustice,
qu'on ne pent Texpliquer que par I'aveuglement de la passion? C'etait un ortho-
doxe et un pretre, puisqu'Eusebe I'appelle ε'κκλησιαστικος άνηρ (II, xxv, 6). Au
temps du pape Zephyrin (199-217), il ecrivit un ouvrage de polemique, le Προς
Πρόκλον, contre un chef des Montanistes. On sait que ces fanatiques, avec I'abus
qu'ilis faisaient du Paraelet et du prophetisme, avaient excite dans certains cercles
ecclesiastiques, les « Aloges », une violente reaction contre les ecrits johanniques
en general. Elle existait dcja au temps d'Irenee, puisque celui-ci [Adv. Haer. in,
11, 9) parle deja d'adversaires du IV'' Evangile. Mais on ne trouve ensuite de
renseignements les concernant que chez saint Epiphane dans son Πανάριον, li, oil
il les baptiste « Aloges » par sarcasme (α-λόγος,), et chez Philastre de Brescia,
Haer. lx. Leurs noms, leur degre d'autorite, qui a du etre assez modique, les
formes de leur activite, tout cela demeure profondement ignore. En tout cas, les
« Aloges » n'aimaient pas les allegories, et ne se creusaient pas la tete pour les
comprendre : « A quoi me sert, » disaient-ils, « I'Apocalypse de Jean, quand elle
me parle de sept Anges et de sept trompettes? » (Epiphane, xxxii). Ces gens trop
(1) Cinq fragments Iraduits par Owyn d'un comnoentaire de Denys Bar-Salibi f 1171 sur
Apocal. ms. syriaque 7185 du British, Museum. Hippolytus and his heads against Caias.
dans Uermathena, Dublin, 1888. On y trouve les objections que Caius faisait k divers pas-
sages de I'Apocalypse.
(2) En effet, Caius rejetait aussi le IV" livangile; on le sail par Denys Bar-Salibi, dans le
ni4me Commentaire (Corp. script, christ. orient. Parisiis Lipsiae, 1010, t. CI, p. 1.) — Ebedjesu
(f 1318) scmble le confirmer. (Assemani, Bibl. or. Scriptor. nesloriani), I. Ill, pars I, 1725,
p. 15. — Sur les diflicultos de cetle question, voir Labriolle, la Crise monlanisie. 1912, p. 281
suiv.
CLXXVI INTRODUCTION.
raisonnables inlitulaient pourtant le livre « Apocalypse de Jean », parce que tout
le monde — bien qu'a tort selon eux — I'appelait ainsi; et Caius aussi nous est
temoin que les chretiens moins inform^s le prenaient pour Toeuvre d' « un grand
apotrc » « (5)ς υπο αποστόλου με^άΙοΌ γεγραμίΛενοιν ». C'est ainsi que, a leur COrps
defendant, ils sont pour nous des temoins de la tradition; on n'avait pas encore
decouvert « I'autre Jean ». Etles deux ecrits demeuraient toujours associes dans
la confiance ou la defaveur.
C'est saint Denys d'Alexandrie (eveque de 248 a 264) qui a le premier, a ce qu'il
semble, postule ce personnage. Dans son fameux texte que nous etudierons plus
loin, et qu'Eusebe encore nous a transmis (//. E. VII, xxv), il scrute le probleme
en pur critique, sans faire appel, notons-le bien, a une tradition quelconque. II
est visible que I'Apocalypse eflarouchait son intellectualisme alexandrin ; il la gou-
tait d'autant moins qu'il avait eu a combattre le millenarisme litteral de I'eveque
Nepos. Aussi, dans son livre περί επαγγελιών, II, entama-t-il une discussion serree
pour demontrer qn'elle n'est pas d'origine apostolique. Tout en rejetant I'opinion
radicale de quelques docteurs anterieurs (de Caius?), et en continuant a admettre
que le livre est d'un auteur inspire, qui s'appelait veritablement « Jean », il ne
croit pas que ce Jean puisse etre le fils de Zebedee, auteur du IV*^ Evangile. 11
s'exprime ainsi, avec une modestie dont I'ironie, sans doute, n'est pas absente :
« Pour moi, je n'aurai pas I'audace de rejeter ce livre, un grand nombre de freres
I'ayant en faveur; je trouve bien que la pensee depasse en lui ma force de con-
ception, mais je conjecture qu'il y a en chaque passage un sens cache et tres
admirable. Car, au reste, si je ne le comprends pas, je soupgonne du moins qu'il
y a dans les mots une signification tres profonde ; je ne mesure ni n'apprecie ces
choses avec monproprejugement, mais je donne la preference a la foi et je pense
qu'elles sont trop elevees pour que je puisse les saisir. De plus je ne rejette pas
ce que je n'ai pas embrasse du regard, mais je I'admire d'autant plus que je ne le
vols pas. » Cette admiration etait pour le moins un peu froide, et nous nous
expliquons que I'illustre docteur ait cherche des arguments contre I'apostolicite.
« A la fin detoute la prophetic..., » continue-t-il, « le prophete proclame bienheu-
reux ceux qui la garderont et aussi lui-meme : Bienheureujc, dit-il en effet, celui
qui garde les paroles de prophetie de ce Iwre ainsi que moi Jean qui vois
etentends ces choses [Apoc. xxii, 7-8, avec une mauvaise coupure). Que Jean soit
done son nom et que cet ecrit soit de Jean, je n'y contredis pas, et j'accorde quil
est d'un homme saint et inspire de Dieu (άγ(ου μεν γαρ είναι τίνος και θεοπνεύστου
συναινώ). Cependantje ne serais pas facilement de I'avis que celui-ci est ίΆρό~
tre, le fils de Zebedee, le frere de Jacques, qui est I'auteur de lEvangile intitule
Evano-ile de Jean et de I'Epitre catholique. Je conjecture, en effet (τεχίΛαίρομαι),
d'apres le caractere de I'un et de I'autre, I'aspect des discours, et ce qu'on appelle
la conduite du livre, que I'auteur n'est pas le meme ». Suivent des arguments de
critique interne, sur lesquels il faudra revenir, mais pas un seul temoignage
d'auteur plus ancien. Denys continue : « Que ce soit done Jean qui ait ecrit cela,
il faut le croire sur parole (αύτώ λε'γοντι πιστευτεον); mais quel est ce Jean? On ne
sait pas... Je sais que les homonymes de I'apotre Jean sont nombreux... 11 y a
bien aussi un autre Jean dans les Actes des Apotres, qui est surnomme Marc.
... Est-ce lui qui a compose Γ Apocalypse? II n'y parait pas, car il n'est pas ecrit
qu'il eut passe avec eux (Paul et Barnabe) en Asie... Je pense que I'auteur du
I
I
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUK DE L APOCALYPSE. CLXXVII
livre en question est quelqu'un de ceux qui etaient en Asie ; on dit en effet qu'a
Ephese il y avail deux tonibeaux, et que I'un et V autre etaient de Jean (ΙπεΙ και
δύο φασι'ν εν Έφεσω γενέσθαι μνήματα κα\ Ιχάτερον 'Ιωάννου λέγεσθαι (1) ». C'est unique-
ment sur cet on-dit — explicable de tant de manieres — que Denys s'appuie pour
admettre la dualite des Jean. II ne pensait d'ailleurs pas a « Jean le Presbytre »,
qu'il etait reserve a Eusebe de decouvrir. La preuve en est que, auparavant
(xxv, ill, il oppose les petites epitres johanniques a I'Apocalypse parce que I'au-
teur ne s'y nomme pas par son nom, mais seulement le « Presbytre » : Άλλ' ούδε'
εν τ?) δευτε'ρα φεροαέν/) 'Ιωάννου καΐ τρίτνι, καίτοι βραχείαις ουσαις επιστολαΤς, δ 'Ιωάννης
ονομαστι πρόκειται, αλλά άνωνυμως δ πρεσβύτερος γεγραπται.
Ce que valaient les arguments critiques, assez specieux, de Denys, nous le
verrons plus tard. II nous suflit d'avoir montre que son scepticisme lui etait pure-
ment personnel, sans QMCWHQbase historique. Les discussions provoquees paries
Millenari.stcs et les Aloges leurs adversaires, avaient prepare ces doutes dans son
esprit; mais il n'adopte pas les opinions de ses predecesseurs, et c'est une infe-
rence tout a fait originale qui Ta fait croire a cet « autre Jean », dont la tradition,
comme auteur de I'Apocalypse, ne parlait pas plus que de Cerinthe.
Ces preventions contre le contenu de I'Apocalypse durerent longtemps apres
qu'il ne fut plus question des « Aloges », principalement dans I'ecole d'Antioche,
qui ne I'admettait pas au Canon. Mais presque toutes les eglises, meme celle de
Denys, Alexandrie, continuaient a la tenir pour inspiree et apostolique [vid.
infra). Les avis sur I'origine et la valeur de ce livre etaient radicalement tran-
ches. C'est pour cela qu'Eusebe, dans son enumeration des ecrits neotestamen-
taires, ne songe pas a la placer dans la classe intermediaire des άντιλεγο'μενα, en
ecrits contestes. II dit qu'on pent I'ajouter, « si Ton veut » aux incontestes, aux
homologoumenes (Evangiles, Actes, Paul, P^ de Jean et Ρ'' de Pierre) : Ιπι τούτοις
τακτε'ον, ει γ ε φα ν ει η, την Άποκάλυψιν 'lojv.vvou, et, peu apres, il admet qu'on
puisse aussi bien la ranger parmi les Apocryphes, νόθα, avec les Actes de Paul,
VApocalypse de Pierre, etc : ετι τε, ώς Ιφην, ή 'Ιωάννου Άποκάλυψις, ει φανείη, ην τίνες,
ώς εφην, άθετουσιν, έτεροι δέ Ιγκρίνουσιν τοις δμολογουμενοις (2). Ce langage, qui parait
d'abord si inconsistant, peut s'expliquer seulement par le fait qu'il n"y avait guere
d'opinion moyenne sur I'Apocalypse : on la venerait pleinement, a I'egal des
autres ecrits du Nouveau Testament, ou bien on la rejetait, non plus, ainsi qu'au
temps de Caius, comme une elucubration heretique, mais probablement comme
un ouvrage pseudonyme (3). Qu'en pensait Eusebe lui-meme? Son opinion, qu'il
n'indique qu'avec reserve, a quelque analogic avec celle de saint Denys. Le
fameux texte de Papias lui ayant appris I'existence de « Jean le Presbytre », dis-
tinct de Jean I'Apotre, il en conclut que le premier pourrait bien etre I'auteur de
I'Apocalypse : « Ainsi se trouverait confirmee I'assertion de ceux qui affirment
qu'il y aurait eu deux hommes de ce nom en Asie et qu'il existe aussi a Ephese
deux tombeaux portant encore maintenant le nom de Jean (notcr qu'il n'en parle
que par oui dire, comme Denys). II est indispensable de faire attention a ceci;
(1) Eusebe, H. E. traduction Grapin.
(2) H. E. Ill, XXV, 2 et 4.
(3) C'est ce qu'on peut deduire du fait qu'elle est mise sur le rang des Acles de Paul el de
I'Apocalypse de Pierre — sans parler du Pasteur, de la Didache et de I'Evangile selon les
Hobreux.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. I
CLXXVIII INTRODUCTION.
car, si I'on refuse de I'admettre du premier (Jean TApotre), il serait vraisem-
blable que ce soit le second qui ait contemple la Revelation altribuee a Jean
εικός γαρ τον δεύτερον, ει μη τις εθέλοι τον πρώτον, την επ' ονόματος φερομενην Ί(οάννου Άποχά-
λυψιν έορακε'ναι) (111, XXXIX, 7, tr. Grapin).
Cette attribution au mysterieux « Jean le Presbytre » eut quelque succes
aupres de ceux qui ne goutaient pas suffisamment I'Apocalypse. Elle parut si
commode pour resoudre toute difficulte soulevee autour du nom de Jean, qu'on
I'etendit aux deux petits antilegomenes, la IP et la 111^ epitre de Jean. Saint
Jerome en est temoin {De viris illustribus, 9, 18). Ce precede etait assez natu-
rel, puisque ces deux lettres commencent par δ πρεσβύτερος. Pourtant il pechait
contrela logique critique. Les deux petites epitres, en effet, avaient ete opposees
par saint Denys d'Alexandrie (v. ci-dessus) a I'Apocalypse, avec laquelle elles ne
presentent,du reste, aucune affinite plus particuliere que les autres ecrits johanni-
ques, tandis qu'elles ont des rapports etroits avec la P^ epitre, done avec I'Evan-
gile. Cela montre assez combien fut artificielle la popularite relative dont
I'hypothese du « Presbytre » a pu jouir dans Tantiquite. Ce n'est que chez les
critiques modernes qu'elle est arrivoe a s'etayer d'un systerae d'arguments assez
specieux. Elle n'avait aucune attache avec la tradition ; elle se presente comme
une pure induction, ou, disons mieux, une divination critique, dont nous avons
pu noter le progres de Denys a Eusebe.
Est-ce a cause de cette decouverte, ou seulement par suite d'une habitude de
mefiance remontant aux Aloges, et a la reaction anti-montaniste, que I'Apoca-
lypse fut exclue de certains canons? On ne la trouve pas en effet dans la Syrie
arameenne, ni chez Aphraates, ni dans la Psitta, ni dans la version philoxenienne ;
saint Cyrille de Jerusalem ne la nomme pas non plus dans sa Catechese (iv, 36),
ou il enumere les ecrits du Nouveau Testament. Les Peres de I'ecole d'Antioche,
saint Jean Chrysostome et Theodoret, ne s'en servent jamais. Parmi les Cappa-
dociens, saint Gregoire de Nazianze, bien qu'il en ait fait ailleurs usage, s'abs-
tient de la nommer dans son Poeme sur les vraies Ecritures, et Amphiloque dit :
« Certains (τίνες) admettent bien I'Apocalypse de Jean, mais le plus grand nombrc
(oi πλείονες) assurent qu'elle est apocryphe » (Ad Seleuc, P. G. XXXVll, col. 1597).
11 ne parlait sans doute que pour son pays; memes jugements entachos d'exage-
ration chez Junilius [De Partitione divinarum legum, P. L. LXA'^III, 18), et
chez saint Jerome (1) (ep. 129), quand ils avancent. Tun, que I'Apocalypse « est
tout a fait revoquee en doute chez les Orientaux », I'autre que « les Eglises des
Grecs ne regoivent pas I'Apocalypse ».
On ne peut croire en effet que la situation fut si defavorable pour I'ceuvre de
Jean a la fin du iv^ siecle et au v^ Tout I'Occident I'admet, depuis le ii^ siecle;
saint Athanase, saint Cyrille d'Alexandrie et Didyme, Methodius d'Olympe,
saint Epiphane^ ne sent pas moins decides que les Latins [nd. infra). Qui plus
est, les Peres cappadociens, saint Basile et saint Gregoire de Nysse (2) en par-
lent, le premier, comme d'une oeuvre de Γ « Evangeliste » (c. Eunomius ii, 14),
et I'autre comme d'une « Ecriture » (c. Apollinaire, 37). Enfin, en Syrie ara-
meenne, malgre son absence du canon, saint Ephrem en attribuait des passages
(1) V. JACQUIER, p. 315.
(2) V. Jacquier, p. 295.
I
IDEN'IIFJCATION DE « JEAN », AUTEUR DE L APOCALYPSE, CLXXIX
a « Jean le Theologien », a Γ « Apotre » {(Euvres grecques, ii, 194 ; 248). Aussi ne
faut-il pas s'etonner si les Orientaux les plus refractaires finirent par embrasser
la conviction del'Eglise universelle ; on fit des versions syriaques de FApocalypse,
qui est aujourd'hui au canon des Monophysites comme a celui des catholiques
(c. chap. A'F, infra). Andre, eveque de Cesaree, en ecrit un commentaire remar-
quable au vi•^ siecle. Et le concilem Trullo I'admet implicitement au nombre des
ecrits du Nouveau Testament.
La tradition avail done repris ses droits, malgre une eclipse partielle et tem-
poraire de plus d'un siecle. C'est qu'on n'avait trouve aucune « contre-tradi-
tion » a mettre en face. Toute cette opposition ne provenait que des prejuges
doctrinaux d'une periode de luttes intenses, ou certains orthodoxes n'avaient pas
compris I'Apocalypse. Elle se continua dans Tecole d'Antioche, par vitesse
acquise, peut-on dire, et en raison peut-elre de la decouverte opportune de « Jean
le Presbytre ». Mais Fhistoire des lemoignages etait contre, et elle finit par Tern-
porter partout.
Nous concluons done que la tradition, tres etendue, ne connait qu'un seul nom
et un seul personnage pour I'auteur de I'Apocalypse : c'est Jean, Γ Apotre, le fils
de Zebedee. Les raisonnements de la critique moderne ont pu paraitre, un cer-
tain temps, dissoudre Tautorite de cette tradition. Pour Tancienne ecole de
Tubingue, I'Apocalypse representait le judeo-christianisme primitif, et elle etait
bien de Fapotre Jean, auquel on refusait, naturellement, la paternite du IV* Evan-
gile et des Epitres. A cote des Tubingiens, de Baur a Hilgenfeld, beaucoup d'au-
tres critiques protestants ont cru que, si Fapotre Jean est Fauteur de FEvangile et
des Epitres, il ne pent Fetre de I'Apocalypse, ni vice versa, tant la critique
interne certifierait d'incompatibilite d'esprit ct-de culture entrc FEvangeliste et
le Prophete: Ainsi de Wette, Liicke, Bleek, Ewald, Reuss, Diisterdieck, H. J.
Holtzmann, etc., qui reservent FApocalypse a Jean F Apotre. D'autres ont pris la
position inverse. Mais une forte reaction se dessine depuis vingt ans. Pour Jiili-
cher (1906), ce nest rien quun « Jean « quelconque, estime comme prophete en
Asie Mineure, et certainement different de Fauteur du IV" Evangile, malgre cer-
tains rapports accidentels de pensee ou de langagc dus a ce que lours ecrits ont
vu le jour dans le meme pays. Jean Reville (1) aussi voulait deux auteurs, tons
deux distincts de Jean FApotre. Mais d'autres critiques de memes tendances phi-
losophiques, sans aller jusqu'a reconnaitre avec les catholiques et des protes-
tants orthodoxes (comme Hug, Hase, Godet, Westcott et Pressense autrefois, de
nos jours Bernhard Weiss et Zahn,) Jean de Zebedee pour Fauteur commun,
admettent cependant que cet auteur est unique, et qu'il est bien « Jean d'Asie »,
c'est-a-dire le « Presbytre » de Papias, celui qui s'intitule ο πρεσβύτερος dans II et III
Job. Harnack, qui patronne la theorie de Vischer (v. ci-dessus, chap, xi), n'a pas
hesite a ecrire il y a vingt ans : « Ich bekenne mich zu der kritischcn Ketze-
rei, die Apokalypse und das Evangelium auf cinen Verfasser zunickfuhrt... Je
professe I'heresie critique qui rapporle Γ Apocalypse et VEvangile a un seul
auteur, toutefois dans la supposition qu'on admcttra de voir dans FApocalypse
le remaniement chretien d'une Apocalypse juive... J'y vois (dans les parties chre-
tiennes) le meme esprit et la memo main qui nous ont donno FEvangile. » {Die
(1) Dans « Le IV' Evangile », 1901,
CLXXX INTRODUCTION.
Altchristliche Litteratur, Chronologie 7, p. 615, n. 1, 1897). Harnack, on le sait,
croit que son Jean le Presbytre, auteur de I'Evangile, a subi grandement Γίη-
fluence de la personne, sinon de la doctrine, de Jean TApotre. Bousset, qui
s'evertue a faire valoir tous les arguments en vertu desquels Jean I'Apotre eut
ete martyrise longtemps avant la composition de I'Apocalypse, croit devoir
attribuer celle-ci « vraisemblablement » au Presbytre Jean de Papias, lequel
ne serait autre que « le vieux disciple » du IV® Evangile c. xxi, le πρεσβύτερος
de II et III Job, le « temoin » du IV* Evangile, et le maitre de Polycarpe, dont
parle Irenee dans sa lettre a Florinus ; quoiqu'il n'eut pas compose lui-meme le
IV* Evangile, celui-ci serait du moins inspire de son souvenir et de son enseigne-
ment ; en sorte que I'Apocalypse et le IV*' Evangile seraient deux ecrits de la meme
« ecole Jobannique ». Von Soden a une opinion assez voisine : I'Apocalypse et les
epitres seraient de Jean le Presbytre, I'Evangile d'un disciple de celui-ci. Cette
distinction n'est pas tres consequente; car pourquoi rattacher les Epitres a
FApocalypse plutot qu'a I'Evangile, dont elles sont beaucoup plus proches a tout
point de vue? Quant a Johannes Weiss (1904), il reconnait aussi Jean le Presbytre
comme I'auteur de son Apocalypse fondamentale (voir au chap, xi, ci-dessus).
Nous pouvons arreter ici la liste des opinions. Les dernieres signalees mon-
trent que les maitres actuels de la « critique independante » ont presque tous
une tendance a faire droit a la tradition qui affirme I'unite d'auteur de I'Apoca-
lypse et de I'Evangile. lis se rangent, plus ou moins timidement, a Γ « beresie »
professee par Harnack. Le vieux dogme defendu jusqu'a Holtzmann tombe done
en ruines. Jean le Presbytre arrive encore bien opportunement, comme au temps
d'Eusebe, mais avec des fonctions plus ^tendues, pour les dispenser de recourir
a Jean I'Apotre, qui, d'apres leur opinion generale, n'aurait jamais paru en Asie,
ayant ete martyrise en Palestine bien des annoes avant Domitien.
Est-ce que cette tradition unanime^ et qui regagne de nos jours tant de ter-
rain, serait completement erronee, tant pour ce qui touche a I'unite d'auteur
qu'a I'identification du Prophete d'Asie avec I'Apotre ?
II faut, pour resoudre la question, etablir une comparaison soigneuse entre le
IV^ Evangile et les Epitres d'une part, et I'Apocalypse de I'autre, au point de
vue de la langue, du style, de I'esprit, de la doctrine. Si cette etude comparee
nous fait "conclure a I'unite d'auteur, alors nous croirons aussi que la tradition a
raison sur toute la ligne, et non seulement sur ce point-la. Car nous ne saurions
reprendre ici toute I'etude de la grosse « question Jobannique » ; mais nous te-
nons pour mise absolument hors de doute, par les controversistes qui ont refute
Loisy, I'origine pleinement apostolique du quatrieme Evangile. Si I'Apocalypse
est du meme auteur, alors le Prophete Jean est le disciple bien-aime, le fils de
Zebedee (i).
(1) Nous renvoyons le lecteur aux Merits de Sanday, The crilicism of the Fourth Gospel,
Oxford, 1905; de Jacquier, H. L. N. T. iv. 1905, Paris; de LEPin, La valeur historique du qua-
trieme Evangile, Paris, 1910; il peut se reporter aussi a J. Drummond, The Character and
Authorship of the Fourth Gospel, 1904, et a I'Introduction de Vtlvangile selon saint Jean, de
Th. Galmes, paru la m^me annee dans cette collection des « Eludes Bibliques » ou a VEinlei-
tung in das Neue Testament de Schafer-meinertz, 1914, ainsi qu'au manuel de Brassac. Et
bien d'autres ouvrages pourraient etre cil6s. Pour nous, la « question Jobannique », en ce qui
concerne au moins le IV• Evangile et les Epitres, est aujourd'hui vidoe. Et voici, il nous
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE LAPOCALYPSE. CLXXXl
LA THESE DE L UNITE D AUTEUR DES ECRITS JOHANNIQUES
DEVANT LA CRITK^UE INTERNE.
La comparaison doit d'abord porter sur Telement le plus materiel et le plus
saisissable, c'est-a-dire la langue.
semble, les resultats qui s'imposent a la bonne critique, a celle qui tient compte de tous les
fails :
1» L'Evangile a bien ete compost (et intogralement, c'est-a-dire y compris le chap, xxi, en
reservant seulement la question de I'origine litteraire de vm, l-ii, et d'une ou deux gloses),
par Jean, fils de Zebedee, en Asie, dans ces dernieres annoes du i" siecle ou les premieres du
lie. Les Epitres ont vu le jour dans le meme lieu et la ni6me periode. Gar ce n'est pas en
s'appuyant sur un temoignage tres douteux de Papias, auquel ni Philippe de Side, ni
Georgios Hamartolos n'ont donne d'ailleurs la portee que lui donne aujourd'hui la critique
radicale, qu'on arrivera jamais a rendre vraisemblable, contre le temoignage de toute la tra-
dition, que I'Apotre Jean a ete mis a mort par les Juifs, et en Palestine, a une epoque ante-
rieure. Ici, meme I'argument e silentio a beaucoup de poids.
2° L'Apotre Jean voulait bien 6crire un ouvrage historique, et rapporter fidelement des
actions et des discours de Jesus. Son exactitude dans une foule de details concrets qui ne
sont susceptibles d'aucune interpretation syrabolique, son amour de la precision dans les recits,
la vie, le mouvement, la psychologie tres profonde et trns reelle de quelques-uns d'entre eux,
ainsi que son souci de la chronologie, fort superieur a celui des Synoptiques, en font sufFisam-
raent foi.
3° D'autre part, il a voulu que de chaque rocit sortit un enseignement spirituel. Ainsi
presque chaque evenement concret, considore dans son ensemble, a 6te choisi parmi les sou-
venirs reels de la vie de Jesus en raison de la valeur symbolique que I'intelligence contem-
plative pouvait y decouvrir. C'est ΓΕύαγγέλιον πνευματικόν. L'histoire est la, toujours et partout;
mais elle est la pour la doctrine plus que pour elle-meme.
4° On comprend par la aussi la maniere dont il a traite les paroles du Seigneur. II a delibe-
roraent choisi celles qui fournissaient le meilleur objet a ses hautes meditations spirituelles
et presque abstraites; il a reproduit les discours qui les suivaient dans son propre style
rythmique et transcendant, en sorte qu'on ne pent facilement decouvrir, en certains passages,
oil finit la teneur ou le resume des paroles de Jesus, et ou commence le commentaire inspiro
de I'Evangollste. Car les mots, les tournures, sont exactement les memes dans les roflexions
de I'auteur, et dans les sentences du Christ, et mSrae de Jean-Baptiste. Le sage exogete con-
servateur qu'otait le P. Corluy disait doja a ce sujet : « Quaeri... potest utrum evangelista
retulerit sermones Jesu iisdem omnino verbis quibus• ex ore Magistri prodierint, an vero
eorum generalera tantum sensum sive compendium tradiderit. Respondendum videtur, in hac
re dislinguendum esse inter eas propositiones quae quasi capita doctrinae apparent et eas
quae magis ad horum capitum evolutionem pertinent. lUas ad verbum referri admittendum
putamus...; horum vero compendiosam tantum relationem tradi ex sequentibus argumentis
ostenditur : a)...; d) Ratio scribendi S. Joannis in sermonibus Jesu et in sua epistola prima
adeo concordat, ut vel discipulus modum loquendi magistri sui sibi omnino proprium fecerit,
vel magistri sermones suo proprio modo expresserit. Hoc alterum et in se est probabilius et
confirmatur ex dicendi similitudine inter evangelistam et Joannem Baptistam iis in locis ubi
Praecursor loquens iuducitur » [Cuiument. in Ευ. S. Johannis ^, 1889, pp. 19-20).
M. Lepin s'exprime avec la m6me nettete :
Les particularitos litteraires des narrations du quatriemo evangile, qui pourraient repro-
duirc plus directement la maniere propre du redacteur, « on les rencontre aussi bien dans les
discours qui sont places dans la bouche du Christ, et dans ceux qui sont atlribuos a Jean-
Baptiste. Certaines... peuvent, dans une certaine mesure, se mettre au compte du genie de la
langue scmitique, et Ton congoit qu'ellcs se presentent semblables dans les discours du
Christ, dans ceux de son precurseur, et dans ceux de levangeliste. Mais les autres sont telle-
CLXXXII INTRODUCTION.
§ I. — Comparaison au point de vue de la langue.
i. Vocabulaire. — Nous avons note, au chapitre de la « Langue », que I'Apoca-
lypse, qui presente tant d' « liapaxlegomenes » relatifs, n'en a que huit communs
avec I'Evangile :
άρνίον, Έβραϊστι, εκχεντεϊν, (χυχλεύειν), δψις, πορφυρούς, σχηνοΰν et φοίνιξ.
C'est peu, si Γοη songe aux 33 communs avec saint Paul, ou aux 30 avec saint
Luc; il y en a meme un de moins qu'avec saint Matthieu. Et encore, parmi ces
mots communs, άρνίον, toujours employe dans Γ Apocalypse pour « agneau », n'ap-
parait qu'une seule fois dans I'Evangile, a I'Appendice (xxi, 15), contre deux fois
άίλνο'ς. L'adverbe iSpataxiest plus caracteristique, carl'Evangile use d'autres expres-
sions similaires, ^ωμαίστί, ελληνιστί. Mais ε'χκεντεϊν merite une mention tres speciale. II
apparait dans I'Evangile, xix, 37, οψονται εις δν Ιξεχεντησαν « videhuntin quern trans-
fixerunt », citation de Zacharie^ xii, 10, pour traduire I'hebreu lipT. Dansl'Apo-
calypse l, 7, on lit οψεται αύτον πας οφΟαλίΛος χαι οιτινες αύτον έςεκέντησαν, ce
qui est une allusion evidente au meme fait du coup de lance, et au meme pas-
sage de ΓΑ. T. Or, ce n'est pas Ικχεντέω qui rend ηρτ dans les LXX, mais on y
lit : και επιβλε'ψονται προς με άνθ' δν κατωρχησαντο. Pareille rencontre d'idees et de
termes entre les deux livres « johanniques » , rencontre dont on ne trouve pas
lOrigine dans un texte plus ancien (1), est assurement remarquable. Quant a la
communaute des autres liapaxlegomenes, elle pourrait etre en soi un pur effet
du hasard; I'un d'eux, κυκλευειν, Joli. x, 24, ne se trouve m^me que dans le Codex
Vaticanus.
Denys d'Alexandrie, a comparer les deux vocabulaires dans leur ensemble,
etait frappe de leur diversite : « Les pensees et les expressions ainsi que leur
arrangement feront aussi a bon droit penser que celui-ci n'est pas le meme que
celui-la (II parle des deux Jean). II y a en effet concordance entre TEvangile et
I'Epitre II (I'auteur des deux) se sert des memos pensees principales et des
m^mes termes pour toute son exposition ; nous en citerons brievement quelque
meiit speciales, elles indiquent une tournure d'esprit, un mode de penser et de s'expi'imer, si
personnels, qu elles ne peuvenl vraiment proceder que d'une source unique. II faut done
penser que les diseours de J6sus et du Precurseur, relates dans le quatrieme Evangile, ont
quelque chose de I'evangeliste dans leur forme litteraire, qu'ils portent son cachet individuel
dans la construction des phrases, la connexion des propositions, le groupement des pensees,
I'arrangement general de leurs divers Elements. » L'auteur observe ensuite que les synoptiques
eux-m6mes groupent a leur maniere des paroles ou des fragments de diseours du Christ.
« II n'y a done pas lieu de s'etonner, continue-t-il, que la maniere dont le quatrieme Evangeliste
combine les diverses sentences altribu6es a Jesus, la fagon dont il les relie entre elles, la tour-
nure qu'il donne a ses phrases et a ses arguments, reflotent sa tournure d'esprit personnelle.
Gela n'erap^che pas nocessairement que les doclarations mises dans la bouche du Sauveur
aient ete reellement prononcees par lui. » {La Valeur historique du quatrieme Evangile,
II, pp. 96-98.)
C'est bien le principe qu'il faut tenir toujours present a 1 'esprit dans I'interpretation histo-
rique du IVc Evangile, en admettant encore cecl, que certaines phrases, qui paraissent de
prime abord faire corps avec les diseours, peuvent 6tre en realite de brefs commentaires
du narrateur, qui, ςά et la, pourraient facilement se detacher et se mettre entre parentheses,
(1) On trouve le mot plus tard chez saint Justin (DiaL.xiv, 8; xxxii, 2; lxiv, 7: cvviii, 3,ave?•.
relation erronee a usee), mais ces passages derivent a peu pres surement de I'Apocalypse.
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE L APOCALYPSE. CLXXXIII
chose; d'autre part, celui qui y regardera avec soin trouvera souvent dans Tun et
dans I'autre ecrit la vie, la lumiere qui met en fuite les tenebresj constamment la
i>erite, la gi-dce, la joie, la chair et le sang du Sauveur, lejugement, le pardon
des fautes, Vamour de Dieu pour nous, le precepte de I'amour envers chacun de
nous, I'obligation de^ariier tous les commandements (etc.)... Et, pour tout dire
d'un mot, a ceux qui notent d'un bout a I'autre les caracteres de I'Evangile et de
I'Epitre, il est facile de voir clairement qu'ils ont une seule et mome couleur.
L'Apocalypse est tout a fait differente de ceux-la et lear est etrangere; elle ne se
rattache a aucun d'eux et ne s'en rapproche pas ; c'est a peine, pour ainsi dire,
s'il y a entre eux une syllabe de commune σχεδόν, ώς ειπείν, [χηδ; συλλαβήν προς αύτα
καινήν έχουσα. » (Eus. Η. Ε. VII, XXX, 17-22 tr. Grapin; nous avons souligne).
Le docte eveque d'Alexandrie y avait-il regarde d'assez pres? II est etonnant,
au moins, que la communaute des mots et des idees de ζ(οη, vie^ d'aXviOtia
(αληθινός), de commandements (Ιντολαί) a garder, de jugement, lui ait echappe.
Mais regardons-y nous-memes.
Pour ce qui est des substantifs, adjectifs, verbes et adverbes, il est tout natu-
ral que la grande diversitedu sujet entraine une egale diversite dans les termes;
416 mots seulement, sur 913, se retrouvent dans I'Apocalypse et I'Evangile (1).
Les termes evangeliques ou epistolaires qui manquent ou qui sont rares dans la
Prophetic, c'est principalement ίδιος (15 fois dans lEv.), pour le possessif; la par-
ticule με'ντοι; σκοτία, tenebres; φως, lumiere, au sens spirituel, excepte xxi, 24;
■/i^i(„ grace, excepte au debut et dans la formule finale; yjx^a, joie; αγαπ•*ί, qu'on ne
trouve que deux fois, au ch. ii, exclusivement au sens d'amour de I'homme pour
Dieu; είναι εκ OU μένειν εν..., au sens moral; κόσμος, qui n'apparait que trois fois
dans I'Apocalypse, au simple sens d' « univers » ; τε'κνα (τοΐί θεοΰ, τ. διαβόλου), enfants
(de DieUjdu diable); θεωρεϊν, qui n'apparait qvCApoc. xi, 11-12 et encore quelques
autres. Par contra, quelques termes (usucls et non visionnels) de I'Apocalypse,
comme οικουαε'νη (monde habite), εύαγγελίζίΐν (-ζεσθαι), μ,ετανοεΤν (se convertir) sont
absents de I'Evangile. — Les critiques remarquent encore qu'entre deux syno-
nymes, I'Evangile et I'Apocalypse ne choisissent pas le meme : tels apviovet αμνός,
ψευδής dans I'Apoc, ψεύστης chez I'Evangeliste ; Ιερουσαλήμ dans la Prophetie,
Ιεροσόλυμα dans lautre ecrit; ϊδού dans notre livre, ιδε dans I'Evangile.
Cela n'empeche pas qu'un certain nombre de termes, tres caracteristiques et
tres johanniques, ne soient communs a I'un et a I'autre (ainsi qu'aux Epitres).
Les plus notables sont αληθινός (10 fois dans I'Apoc, 9 fois dans ΓΕν., 4 fois dans
les Epp., ailleurs 6 fois seulement); δείκνυμι (au sens de « reveler », 8 fois dans
I'Apoc, 5 fois dans I'Evang.); εβραϊστί (2 fois Apoc, 5 fois Evang.); μαρτυρεϊν
(33 fois Evang., 7 fois I Joh., 4 fois III Joh., 4 fois Apoc), et μαρτυρία (14 fois
Evang., δ fois I Job., 1 fois III Joh., 9 fois Apoc), qui sont les mots johanniques
par excellence; vixav, vaincre^ au sens moral, plus rare, mais tout a fait caracte-
ristique des idees de Jean; τηρεΤν (τον λόγον, τας Ιντολάς, etc. 6 fois dans I'Apoca-
lypse, 17 fois dans les autres ecrits) ; οψις ne se trouve que dans TEvangile, 2 fois,
et I'Apocalypse, 1 fois. Qu'on y ajoute ζωη, θάνατος, διψαν, νύμφη, δόξα, en des sens
(1) Le IV• Evangile, dit Abbott, omet les mots qui n'ont qu'un intorot local et temporaire,
et fait des variations sur un petit nombre de mots olcmentaires avec leurs synonymes. — Ii
n'en saurait 6tre ainsi, naturellcment, dans un livre df^ visions concretes.
CLXXXIV INTRODUCTION.
metaphoriques et spirituels. Nous negligeons quelques autres mots, moins signi-
ficatifs, qu'a notes Bousset (p. 179). Les rapprochements indiques suffisent a
donner au vocabulaire apocalyptique une « couleur johannique » assez accusee.
Le releve des particules est assez instructif aussi.
II y a des prepositions tres communes, frequentes dans les ecrits johanniques,
qui manquent tout a fait dans I'Apocalypse. Ainsi πρό (9 fois) ; υπε'ρ avec le genitif
(13 fois); et surtout περί avec le genitif (66 fois Ev'., 8 fois 1 Joh. 2 fois III Joh.
Inversement, ά'/ρι ne se trouve que dans I'Apocalypse (11 fois). — 'Εγγύς, adverbe
ou preposition, qui apparait 11 fois dans I'Evangile, n'est employe que 2 fois
dans I'Apoc, ct comme adverbe. Παρά avec le genitif (Apoc, 2 fois) ou avec le
datif (Apoc, 1 fois) est bien plus frequent dans les autres ecrits; de meme διά
avec le genitif (Apoc. 2 fois seulement); προς avec I'accusatif (8 fois). Par contre,
ενώπιον, si frequent dans I'Apocalypse comme dans Luc, ne se trouve qu'une fois
dans le IV^ Evangile, une fois I Joh. iii, 23 et 1 fois Hi Joh. 6. Cette particule,
d'ailleurs rare chez Paul, et tout a fait absente de Matthieu et de Marc, peut etre
si frequemment usitee dans les visions de notre livre a cause de leur caractere
dramatique, et signifier a la lettre, la plupart du temps, « sous les yeux de » ;
cependant on trouve ενοόπιον των πόδων, ενώπιον του θρόνου, etc. Plus remarquable
encore est I'extreme rarete dans I'Evangile du Iv instrumental, qui fait dans
I'Apocalypse comme une regie de style; il n'y a pas d'autre exemple, et encore
douteux, que βαπτίζειν εν υδατι, πνεύματι (Joh. I, 26) (1). Enfin επί avec le genitif
ou I'accusatif est bien plus ordinaire dans I'Apocalypse.
Les divergences sont done nombreuses, et notables, surtout pour κερί, Ινώπιον
et έν instrumental. Mais les ressemblances I'emportent. Mi^pi, παρά avec raccu-
satif et £νεκα manquent egalement dans tous les ecrits johanniques (cette
derniere aussi dans les Epitres catholiques) ; σύν, particule si usuelle, qui manque
totalement dans I'Apocalypse, ne se rencontre que 3 fois ailleurs chez Jean;
αντί, absent de I'Apoc, ne se trouve qu'une fois ailleurs, IV Evang., i, 16; χώρις,
qui parait trois fois seulement dans le IV^ Evangile, est absent de I'Apocalypse
et des Epitres, comme d'ailleurs de Pierre et de Jude; ανά avec I'accusatif (rare),
qui manque dans Joh., ne se trouve qu'une fois dans I'Apocalypse; tous deux
font usage (comme aussi les Synoptiques) de άνά distributif (Joh. 1 fois, Apoc.
2 fois) ; υπό, avec I'accusatif, assez frequent ailleurs, qui manque dans I'Apo-
calypse, ne se trouve qu'une seule fois /οΛ., i, 48; υπέρ avec I'accusatif
manque dans les deux et chez Marc — Πλην se trouve une seule fois respecti-
vement dans Joh. et dans I'Apoc, &πό avec le genitif [par ou par le inoyen de)
n'apparait que 3 fois dans I'Evangile, 1 fois dans III Joh. et 3 fois dans I'Apo-
calypse; περί avec I'accusatif (rare chez Paul), 1 fois respectiΛfement Apocalypse
et Evangile; κατά avec I'accusatif, si commun, ne se rencontre que 8 fois dans
le IV' Evangile, 1 fois dans chaque epitre, 6 fois dans I'Apocalypse. La frequence
et I'emploi particulier de la preposition εκ, εξ, caracterise toute la litterature
johannique indistinctement (vid. infra). La formule de transition μέτα ταΰτα (τοΰτο),
(1) θα peut toutefois, avec Abbott, Joh. Grammar, g 2332, parler d'un εν « quasi-instru-
mental », dans les expressions έν τω όνόαα-ι, άγιάζβιν εν τη άληθεία, έν τούτφ γινώσκειν; mais
ce sont plutot des exemples de cette « localisation spirituelle » qui caractorise le style du
IV• Evangile.
IDENTIFICATION DE « JEAN )) , AXJTEUR DE l'aPOCALYPSE. CLXXXV
rare ailleurs, est habituelle dans les deux (Job. 12 fois, Apoc. 10 fois, Luc 4 fois).
Vemploi des conjonctions donne lieu a des observations semblables. Γάρ,
qui remplit le Nouveau Testament, est relativement rare dans le IV^Evangile,
plus encore dans Γ Apocalypse, et tout a fait absent des trois Epitres. Le IV'' Evan-
gile,apres rApocalypse,estrecritqui se sert le plus volontiersdeώς pour marquer
I'approximation. Msv, frequent chez Luc et Paul (excepte II Thess, I Tim. et
Tite, ou il fait defaut), beaucoup moins chez Matthieu et Marc, ne se lit que
8 fois dans le IV° Evangile, et manque totalement dans I'Apocalypse et les
Epitres (ainsi du reste que II Pet.). Δε remplit le IV^ Evangile; mais, s'il η apparait
que 6 fois dans I'Apocalypse, il fait entiereraent defaut dans la II^Epitre. Τε,
affectionne surtout de Luc, n'apparait que deux (ou trois) fois dans I'Evangile,
et une seule fois dans I'Apocalypse (comme dans Marc). Le plus curieux — et
c'est encore un trait commun a tons les ecrits johanniques — c'est la predi-
lection pour tva, qui remplace parfois 5ri, et toujours δπως; cette derniere parti-
cule ne se lit nulle part dans I'Apocalypse, et une seule fois seulement dans
I'Evangile, xi, 59, ou elle est destinee a eviter la repetition de tva, — Seulement
αλλά, qui est aussi caracteristique du style de I'Evangile et des Epitres que de
celui de Paul, n'apparait que 13 fois dans I'Apocalypse. De meme oSv, qu'on lit
a peu pres deux cents fois dans I'Evangile, ne se trouve que 6 fois dans I'Apo-
calypse, aux trois premiers cbapitres; il est vrai qu'il est absent de II Job,
douteux dans les deux passages de I Job. (n, 24; iv, 19) ou on le signale, et
present seulement une fois dans III Job. (v. 8). On peut done croire que sa fre-
quence dans I'Evangile tient uniquement au fait des nombreuses argumentations
developpees ou sous-entendues dans cet ecrit tbeologique (1).
Comme on le voit, le vocabulaire presente dans I'Apocalypse et les autres
ecrits johanniques des ressemblances remarquables, a cote de divergences
qui ne le sont pas moins. L'etude du vocabulaire, a elle seule, ne jette pas de
lumiere decisive sur la question de I'unite d'auteur. Tout au plus peut-on dire
que la Prophetic, a ce point de vue, presente plus d'affmite d'ensemble avec la
litterature jobannique qu'avec le reste du Nouveau Testament.
II. Grammaire. — « La forme du discours », continue Denys, « peut encore
aussi servir a determiner la difference de I'Evangile et de I'Epitre avec I'Apo-
calypse. D'un cote, en effet, non seulement le grec est sans faute, mais I'auteur
ecrit son exposition d'une fagon tout a fait savante pour ce qui est de la langue,
du raisonnement et de la composition ; on y chercherait en vain un terme barbare
ou un solecisme, ou meme un provincialisme (ιδιωτισμιόν) ; il possedait en effet,
a ce qu'il semble, I'un et I'autre verbe ; le Seigneur I'avait gratiiie de tons les
deux, du verbe de la science et du verbe de I'expression. Au contraire, pour
I'auteur de I'Apocalypse, qu'il ait eu des revelations, qu'il ait regu science et
prophetic, jc n'y contredis pas; cependant je vois que son dialecte et sa langue
ne sont pas tout a fait grecs, mais qu'il se sert de termes fautifs et de barba-
rismes, et qu'il commet quelquefois des solecismes; il n'est pas necessaire d'en
faire presentement la liste, car je ne dis point ceci pour raillcr, qu'on n'aille
(1) Noter encore que I'adjectif έτερος, toujours remplace par άλλο; dans rApoc, et manquant
aussi dans Pierre et dans Marc (exc. xvi, 2) ne se renconlic qu'uiie I'ois dans Jean, iix, 37
centre a peu pres 35 fois άλλος.
CLXXXVI INTRODUCTION.
pas le penser, mais seulement pour etablir la dissemblance de ces ecrits ». (Eus.
H. E. VII, XXV, 24-27, Grapin.)
La grande difference au point de vue de la purete grammaticale saute en effet
aux yeux les plus myopes. Cependant il faut un peu en rabattre des eloges
decernes par le docteur alexandrin au grec du IV^Evangile et des epitres. Ce
grec est ires loin d'etre classique, et ne pent etre mis au niveau de Luc, de
I'Epitre aux Hebreux, ni meme de Paul. La correction materielle des formes,
des accords et des constructions est sans doute assez parfaite; toutefois la
grande generalite des philologues estime encore (centre Wellhausen, Das Evan-
gelium Johannis, pp. 133-suivantes), que ces ecrits sont penses, non en grec,
mais en arameen. L'extreme simplicite de la phrase, la preference des verbes
simples aux composes, centre I'usage de Paul et du grec en general, I'habitude
de juxtaposer les propositions par simple parataxe (χαί... καί...), quoique moins
universelle que dans TApocalypse ou chez Marc, suifisent a I'etablir. A tout
prendre, la grammaire de I'Evangile montre un niveau de culture superieur a
celle de I'Apocalypse. Mais il ne faut pas s'entenira cette constatation generale;
car la comparaison des details pourra influer beaucoup sur le jugement dcfinitif.
Nous allons proceder dans I'ordre qui a servi pour I'etude de la grammaire
de I'Apocalypse (c. x, ci-dessus) (1).
Dans la conjugaison, les formes hellonistiques en — αν sont assez frequentes.
La plus curieuse est I'imparfait ειχοσανροηΓ εϊ/ον, Job., xv, 22-24. Elles se pre-
sentent plus souvent encore que dans I'Apocalypse. Mais, cl cette epoque, la
chose est peu significative. Job. connait aussi -αν pour -ασι, mais non -ες pour -ας.
U article, qui est omis devant Ίησοΰς dans I'Apocalypse et les Epitres, Test
plusieurs fois aussi dans le IV* Evangile ; pour les autres noms propres, I'usage
est fluctuant. — II est digne de remarque que I'article devant I'infinitif, qui
n'apparait, on le sait, qu'une fois dans I'Apocalypse (xii, 7), ne se trouve que
4 fois dans I'Evangile (24 fois Mat., 15 fois Marc, 70 fois Luc, Jacquier). —
La repetition de I'article devant I'epithete postposee est beaucoup moins fre-
quente que dans I'Apocalypse; toutefois il faut remarquer que, seul dans le
N. T.j I'evangeliste interpose I'article, dans les quatre cinquiemes des cas,
entre le nom et I'adjectif possessif : ή χαρά ή Ιμη, in, 29, etc. Ahhott q,vQ)\\ qu'il
le fait avec une intention d'emphase : « Cette joie qui est la mienne », etc. II
serait diflicile de le demontrer pour tons les cas. L'emphase est tres naturelle
par exemple dans δ ποιμήν δ χαλο'ς du chap, χ; mais en quoi serait-elle justifiee
dans I'expression των πέντε άρτων των κρίθινων, « les cinq pains d'orge » de vi, 13?
Cette habitude d'insister ainsi sur le sens determinatif, quoique plus moderee
que dans la Prophetie, doit pourtant s'y expliquer de la meme fagon, par une
recherche de solennite dans le style, devenue presque mecanique.
Dans les substantifs, il est possible que I'Evangile aussi offre un exemple de
nominatif avec I'article pour un vocatif. II se trouve a la celebre confession de
Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieul h κύριος μου και δ θεο'ς μου », χχ, 58. 11 est
vrai qu'on pourrait sous-entendre un verbe : « [Tu es] mon Seigneur et mon
(1) Pour une etude plus coraplote, voir .Tacquier, HLNT, iy, pp. 261-273; Welhausen,
Das Evangelium Johannis, pp. 133-146. — Pour une etude exhaustive, Abbott, Johannine
Vocabalary et Johannine Grammar.
I
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE L APOCALYPSE. CLXXXVII
Dieu. » — L'accusatif pour la designation du moment, non de la duree, se ren-
contre fok. IV, 52, cfr. Apoc. in, 3 (et Actes, xx, 16).
Les ad/ectifs possessifs, Ιμο'ς, σος, etc., contrairement a I'usage apocalyptique,
sont tres repandus. Mais I'auteur fait aussi assez souvent usage des enclitiques
μου, σου, avec une particularite que nous noterons plus loin. — Pour enlever
rindetermination d'un substantif, I'evangeliste use regulierement de τις (et non
de εΤς, Apoc). — Πας est egalement un terme tres usite, et souvent il precede au
singulier un article et un participe (πας 5 ποιων, etc.), 13 fois dans I'Evangile,
14 fois dans ί Job, 1 fois dans II Job. Cette tournure, frequente aussi d'ail-
leurs cbez Mattbieu et Paul, apparait trois fois dans I'Apocalypse, xviii, 17,
XXII, 15 (πας φιλών χαι ποιών <ί^ζΖθο^^ cfr. I Job. πας δ ποιών την δικαιοσύνην, την άμαρτίαν,
et beaucoup d'expressions similaires) et xxii, 18.
Les pronoms personnels au nominatif, ίγώ, σύ, mis par empbase en tέte d'une
proposition, ainsi que les demonstratifs de la 3* personne, αυτός, οϋτος, Ικεΐνος,
employes de la sorte ou bien places, dans la m^me intention, apres un participe
ou une proposition relative qui se rapporte au meme sujet, sont encore plus
nombreux que dans TApocalypse.
Pour ce qui est des vei^bes, Yoptatif, comme dans I'Apocalypse, n'est jamais
employe. L'aoriste et le parfait pourraient, ici aussi, s'equivaloir en quelques
passages; ainsi Job. in, 32, έώρακεν καιήκουσεν; ce qui est plus net, c'est I'emploi
du present pour le futur. Ex : XVI, 15 Ικ του εμοΰ λαμβάνει, κα\ άναγγελεϊ υμϊν. Mais
11 peut y avoir la de fines nuances de sens, comme dans I'Apocalypse. Les
temps des participes sont plus varies que dans la Prophetic. Apres iva, on trouve
le futur indicatif; ainsi vii, 3 iva θεωρησουσιν, ou ra^me xv, 8, la coordination
d'un present subjonctif et d'un futur indicatif φέρητε και γενησεσθε (W-H) comme
dans TApocalypse celle de l'aoriste et du futur.
Le j^egime des verbes presente dans trois ou quatre cas les memes particu-
larites que dans I'Apocalypse. Ainsi : θαυμάζειν διά accus. (au lieu d'accus.
simple, de Ιπί, περ() Apoc. xvii, 7; Joh. vii, 21, cfr. Marc, vi, 6; — λαλεΤν μετά gen
(au lieu du datif, ou de προς accus.) Joh. iv, 27; ix, 37; xiv, 30; Apoc. i, 12; iv,
1; X, 8; xvn, 1; xxi, 9, 15; — προσκυνεϊν admet le datif et l'accusatif, au lieu du
seul accusatif, comme ailleurs. — Enfin, apres άκούειν, Fusage du genitif ou de
l'accusatif parait indifferent, X, 16 φωνής άκουειν; xix, 13 άκουσαντες τών λο'γων; in,
8 την φωνήν αύτοΰ άχουεις, etC.
Pour les \Όίχ des verbes, elles sont employees assez regulierement. Le passif
est rare (contrairement a I'Apoc). Mais, comme dans I'Apocalypse, le moyen
est quelquefois remplace par I'actif avec le pronom reflecbi ainsi Joh. xni, 4. On
rencontre encore dans TEvangile la troisieme personne du pluriel au sens
impersonnel de « on » (xv, 6, συνάγουσιν, ράλλουσιν; xx, 2, ήραν; cfr. Apoc. xii, 6
et II, 24), tournure qui se trouve aussi respectivement une fois dans cbacun des
trois synoptiques {Mat. vii, 16; Marc, x, 13; Luc, xvn, 23).
L'emploi des particides offre des singalaritcs communes, qui sont tres
remarquables. Ainsi I'Evangeliste aifectionne Vva, qui tient souvent la place de
on, de ώστε, de οποις. [Joh. IX, 2 τίς ή'μαρτεν.... ι'να τυφλός γεννηθη; Ι Joh. Ι, 9 πιστο'ς
£στιν και δίκαιος, ι'να άφη. . . cfr. Apoc. ix, 20 ούδε μετενόησαν.... ϊνα μη προσκυνησουσιν.. etc.).
On pourrait multiplier les exemples de cettc anomalie; Bousset en signale une
dizaine. Le plus remarquable est Joh. vni, 56 : ήγαλλιάσατο Ι'να ιδη την ήμέραν τήν
CLXXXVIII INTRODUCTION.
εμην, que Swete rapproche d'Apoc. xiv, 13 (1). — On trouve άπο pour marquer
les distances [Joh. xi, 18; xxi, 8, cfr. Apoc. xiv, 20). — Mais il faut noter sur-
tout remploi de Ικ partitif {Joh. i, 35, 41; in, 1; xii, 21, 23; xiii, 4; xx, 24;
XXI, 2, et specialement Ικ tenant lieu de sujet xvi, 17 : εΤπον oOv εκ των μαθητών,
cfr. Apoc. XI, 9, βλέπουσιν Ικ των λαών). — Par contre, εις est confondu plus d'une
fois avec ev, selon I'usage hellenistique, ce qui n'arrive pas dans Γ Apocalypse,
ou on trouve une fois seulement εν pour εις [Apoc. xi, 11) et jamais I'inverse (2).
D'ailleurs, dans Tensemble, de tous les ecrivains du Nouveau Testament, c'est
Jean qui evite le plus cette confusion, les Epitres ne la commettant pas une seule
fois, tandis qu'elle est tres frequente chez Luc.
Passons a la construction des propositions et des phrases. Elle ne presente
aucune de ces grosses irregularites qui distinguent celle de I'Apocalypse. On
ne trouvera point, par exemple, le pleonasme hebraisant du pronom personnel
avec un relatif, non plus que le defaut d'accord dans le genre et le cas du subs-
tantif et de I'epithete ou de I'apposition (παιοάριον δς έχει de vi, 9 est un accord
ad sensum). Les genitifs absolus abondent. De plus, il arrive tres souvent que
le genitif precede le nom qu'il determine, ou le complement direct le verbe qui
le r^git. II n'y a aucune trace d' « etat construit ». Ce sont la les principales dif-
ferences a noter.
D'autre part, comme dans I'Apocalypse, la construction est uniformement
simple, plus simple que dans Tensemble du Nouveau Testament. Elle est aussi
basee essentiellement sur laparataxe; dans tout le IV* Evangile, il ne se trouve
qu'une seule periode (xiii, 1-3). II n'est pas jusqu'aux pensees de comparaison
que I'auteur n'exprime au moyen de deux propositions unies par καΐ; ν, 17 : δ
πατήρ μου εως άρτι εργάζεται, κάγώ εργάζομαι. Assez SOUvent des propositions
dont I'une est subordonnee dans la pensee, sont dans Texpression coordonnees
(voir, p. ex., Joh. vi, 50; vii, 4; xiv, 16). Au chapitre xviii, 16, pour signifier :
« // dit a la portiere d'introduire Pierre », le grec portera: και εΤπεν τν^ θυρωρω,
και εισηγαγεν τον Πε'τρον. On reconnait bien la la meme habitude de composition
qui se manifeste d'une fagon si curieuse dans I'Apocalypse, xi, 3 : και δοισο) τοΤς
ουσΐν μάρτυσίν μου, και προφητευσουσιν, et dans la lettre a Philadelphie, III, 9 :
ιοου οιόώ εκ τν-ς συναγο^γγ-ς του σατανά ιοου ποιήσω αυτούς ινα ηςουσιν.
Nous avons parle plus haut de la repetition de Tarticle devant I'epithete, plus
mecanique chez Jean qu'ailleurs, et qui triomphe dans TApocalypse. Egalement
de la quantite innombrable des pronoms sujets, ΙγοΊ, σύ, υμεΐς, habitude visible
aussi dans la Revelation. Non moins caracteristique de I'un que de I'autre
ecrit est la frequence des pronoms demonstratifs, αυτός, οδτος, εκείνος rappelant
un substantif, un participe, un pronom relatif places precedemment. II arrive
assez souvent que le pronom regime possessif, quand il precede le substantif
possesseur, en soit separe par Particle; par exemple Joh. ix, 10 : πίος oOv rcitwy-
θησάν σου οι οφθαλμοί; 11, επε'/ρισε'ν μου τους οφθαλμούς; III Joh. 2, σου ή ψυχή, 10 αυτοϋ
τα έργα. Comparez plusieurs cas semblables dans I'Apocalypse : x, 9, πικρανεϊ
σου τήν κοιλίαν, etc., etc. Cette forme, d'apres Abbott Johannine Grammar,
(1) Voir Wellhausen, op. cit., pp. 136-137.
'2) Nous excluons de ces confusions ό ών εις τόν κόλπον τοϋ πατ&ό; de Joh. ι, 18, qui signifie
une relation active du Verbe au Pere, comme i, 2, ήν προς τον θεο'ν-
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR OE l'aPOCALYPSE. CLXXXIX
^ 2784) « est caracteristique d'Aristophane, de Paul, d'Epictete, et, generale-
ment, de ce qu'on peut appeler le grec parle ». Quoique assez frequente dans
le N.T., I'usage en est surtout notable dans Paul et dans tous les ecrits « johan-
niques ». — Notons encore I'emploi semblable de « nominatifs pendants »,
Joh. vii, 38; xv, 2 etc., cfr. Apoc. ii, 26; iii, 12, etc. Joh. xvii, 2 ίνα παν ο
δέδωχας αύτω δώσγι αυτοί ς ζοιήν αϊώνιον, offre deux ressemblances frappantes avec
le style de la Prophetie, le nominatif absolu, et le changement de genre et de
nombre (αΟτοϊς) par un accord ad sensum. De pareils changements de cons-
truction apparaissent encore vi, 39, vii, 38. — Enfin le verbe, dans TEvangile
comme dans I'Apocalypse, precede le plus souvent son sujet.
La tournure apocalyptique singuliere qui coordonne un participe, fut-ce a un
cas oblique, avec un verbe fini (6 fois dans I'Apocalypse, par exemple i, 5-6. τω
άγαπώντιήμας... και εποίησεν ήμοΕς βασιλείαν), que Charlies considere comme hebraique
et etrangere au gi-ec le plus vulgaire, se trouverait quelques paralleles dans le
Nouveau Testament. On cite Coloss. I, 26: πληρωσαι τον λόγον του θεού, το μυστν^ριον
το άποκεκρυαμένον... — νϊ3ν οέ Ι:ρανερώθη τοΤς άγίοις αυτοΰ ; Ι Cor. νΐΐ, 13 (sim-
plement analogue) : και γυνή ή'τις ε/ει άνορα απιστον, και ο&τος συνευδοκεϊ οίκειν
μετ' αυτή;, μη άφιέτω τον άνδρα; Heb. νιιΐ, 10 : δ ιδού ς νόμους μου εις την διάνοιαν αύτίον,
και Ιπι καρδίας αύτίον Ιπιγράψω αυτούς; χ, 16 meme texte. Mais, dans le texte de
Colossiens, il n'y a pas proprement coordination ; c'est plutot une nouvelle idee,
le commencement d'une phrase nouvelle; celui de I Cor., qui n'offre qu'une
ressemblance generique, peut etre considere comme une simple parenthese, ou
anacoluthe du style paulinien; enfin, celui de ad Heb. n'est qu'une traduction
de TAncien Testament [Jeremie, xxxi [Septante xxxviii], 33). Ce ne sont done
pas de vrais paralleles. Disons la meme chose de Joh. i, 32 : και εμεινεν est
coordonne au verbe fini τεθε'αμαι, et non au participe χαταβαϊνον. Mais, dans la
IP epltre de Jean, v. 2, nous lisons : .. (ους εγώ αγαπώ...) δια την άλη'θειαν την
μένουσαν εν ήμΐν, και μεθ' ημών εσται εις τον αιώνα. Ici le parallele a uApoc. i, 5-
6, etc. est parfait, et ce parallele, unique dans le Nouveau Testament, se trouve
dans un ecrit johannique (1).
Nous pourrions continuer ces comparaisons. Mais les precedentes suffisent.
Quelle conclusion devra-t-on en tirer? Assarement la langue de I'Evangile (et
des Epitres) est bien plus soignee que celle de I'Apocalypse. Ni le vocabulaire,
ni la grammaire n'autoriseraient a eux seuls a proclamer I'unite d'auteur. Tou-
tefois ils presentent bien entre eux un air de parente, et quelques concordances
surprenantes. On voit done combien etait precipite le jugement de Denys affir-
mant qu'il n'y a guere entre ces ecrits « une syllabe de commune ». II
faudrait conclure, au juoins, avec Bousset (p. 179) : « Les paralleles linguis-
tiques semblent autoriser I'hypothese, que le cycle total des ecrits johanniques
precede decerclesqui se trouvaient sous I'influence du Jean d'Asie Mineure...
Et si recemment on a exprime Fhypothese (von der Goltz, Texte und Untersu-
chungen, xii, pp. 118-144) qu'il y a eu en Asie Mineure une ecole de langage
johannique determinee, Tetat de choses qui se raontre dans I'Apocalypse me
semble confirmer cette hypothese (2). »
(1) Cfr. Charles, Studies, pp. 89-sqq.
(2) C'est nous qui avons souligno plusieurs termes.
CXC INTRODUCTION.
§ II. — Comparaison au point de vue de la doctrine.
Jean Renlle, dans son ouvrage sur « le /P Evangile, son origine et sa valeur
historique «, 1901, s'etait eiforce de prouver que la christologie de TEvangile et
celle de lApocalypse relevent d'esprits tout a fait differents. Pour ce qui est de
la presentation exterieure de Jesus, il ne pouvait cependant s'attendre a voir
peindre exactement sous les raemes traits le Christ mortal, dans un ouvrage his-
torique, et le Christ glorifie, entre en possession de toute sa puissance et de toute
sa gloire, dans un ecrit allegorique. Nous avons deja parle (chapitre ii) de la
doctrine de lApocalypse ; il n'y a pas lieu d'y revenir trop longuement. Les deux
ecrits enseignent dans les termes les plus expres la divinite de Jesus, comme
les « Epitres de la captivite » de Paul. Dans Tun comme dans I'autre, c'est Lui
qui donne la vie a ses elus (IV*^ Evang. passim), et qui « les conduiraaux sources
des eaux de la vie » [Apoc. vii, 17), qui leur distribue tous les biens spirituels et
celestes (fins des Lettres), qui sera le flambeau de la Jerusalem celeste [Apoc.
XXI, 23), comme il est la « Lumiere » dans TEvangile. II est et sera leur pasteur
(ποιμανεϊ, Apoc. vii, 17; — δ ποιμήν δ καλός Joh. χ); et, de part et d'autre, il est
Γ « Agneau » ; peu importe la difference toute materielle des termes άρνίον et αμνός.
Mais, bien plus, en dehors du IV* Evangile et de la V" Epitre, I'Apocalypse est le
seul ecrit du Nouveau Testament ού le Christ soit appele « le Verbe », Λόγος.
Cette grande expression, dans VApoc. xix, 13, apparait tout a fait isolee, sans
rien qui la prepare ou I'explique, si ce n'est le « glaive sortant de la bouche »,
image de la Parole toute-puissante, penetrahilior onini gladio ancipiti [Heb.].
Pourtant, contre J. Reville, ce n'est certainement pas une glose. Au lieu d'έtre
appele simplement Λόγος, Jesus est ici δ Λόγος του θεού. Mais pour tous les
auteurs, paiens ou juifs, qui ont parle du Logos, c'etait toujours le Verbe divin;
d'ailleurs, dans la I" Epitre, il est egalement qualifie par un genitif, δ Λόγος
τηςζοίης, sans qu'oa songe pour cela a le distinguer de celui de I'Evangile; on
pent comparer, inversement, Γ'Λρνίον apocalyptique et Γάμνος του θεοΰ evange-
lique. « Verbe de Dieu», c'est la son nom secret « que personne ne connait (oToev,
penetre] si ce nest lui-meme », et que Γ « Evangile spirituel « fera comprendre
aux hommes elus, pour autant qu'ils en sont capables ici-bas. Inutile de chercher
deux origines differentes, pour cette expression identique; quand meme le
« Prophete » aurait pense seulement au Meinrd palestinien, et I'Evangeliste au
Logos philonien ou stoicien, ces deux ou ces trois idees presentaient une ana-
logic assez etroite pour s'identifier pleinement quand elles' etaient elevees a leur
plus haute puissance, a la transcendance divine dans un monotheisme parfait; si
c'est I'idee du « Memra » qui a inspire Texpression du Prophete, le choix du mot
montre cependant que I'auteur etait tout dispose a adopter, en I'epurant et le
sublimisant, le terme des stoiciens, pour presenter la personnalite transcen-
dante du Christ sous un aspect inedit, plus precis et plus philosophique encore
que ceux de saint Paul. Pareille coincidence est tout a fait remarquable, etTem-
porterait a elle seule sur une quantite de divergences supposees.
Nous avons vu qu'il faut toujours prendre au sens spirituel le plus eleve les
promesses des Lettres, le Regne millenaire, la presence au ciel des fideles (c. vii).
Cette « vieau ciel », comme on pourrait I'appeler, commencee des avant la mort,
correspond parfaitement a la notion de la « Vie eternelle » du IV* Evangile. C'est
IDENTIFICATION DE « JEAN )), AUTEUR DE l'apOCALYPSE. CXCI
la gr^ice, dont Paul avait ete le theologien inspire, la grkce germe de la gloire.
Faut-il voir dans le caractere presque exclusivement eschatologique de I'Apo-
calypse una opposition par rapport au IV"^ Evangile, qui ecarte si soigneusement
toutes les conceptions materielles des Juifs sur le « siecle futur »? II y aurait
opposition, sans doute, si le Prophete de Patmos avait admis telles quelles ces
idees juives ; mais il ne s'en est jamais servi que comme d'expressions symbo-
liques, dont il a profondement transforme le sens. Que trouve-t-on dans son
eschatologie, sinon le developpement image, et, dans la deuxieme section pro-
phetique, mis en rapport avec les circonstances historiques de I'epoque imperiale,
d'idees qui impregnent, dans le IV° Evangile, le long discours de la Nuit
supreme : « Je vais vous preparer une place;... Je viens de nouveau, et je vous
prendrai a moi, afin qu'ou moi je suis, vous aussi vous soyez... Celui qui
m'aime... je me manifesterai a lui (cfr. Lettre a Laodicee)... S'ils m'ont per-
secute, ils vous persecuteront aussi... Le prince de ce monde est deja juge (cfr.
chap. xii)... Dans le monde vous aurez de la tribulation; mais ayez confiance,
moi j'ai vaincii le monde. » Enfin la P^ Epitre, qui est un peu plus eschatologique
que TEvangile, puisqu elle entrevoit la fin des temps (ii, 17-18), presente avec
I'Apocalypse une ressemblance negative qu'il ne faut pas negliger. Elle nomme
— seule dans le N. T. — V Antechrist, mais sans en faire une personnalite unique
et future, comme dans I'attente juive : « Petits enfants, c'estla derniere heure; et,
comme vous avez entendu qu'il vient un Antechrist, maintenant beaucoup sont
devenus Antechrists; d'oii nous savons que c'est la derniere heure... Qui est le
menteur, sinon celui qui nie que Jesus est le Christ? Celui-la est Γ Antechrist,
qui nie le Pere et le Fils (ii, 18; 22; cfr. II J oh.) Beaucoup de faux prophetes sont
arrives dans le monde... Et tout esprit, qui ne confesse pas [ou « quidissout »
λύει), le Christ, n'est pas de Dieu; et c'est celui de I'Antechrist, dont vous avez
entendu qu'il vient; et maintenant deja il est dans le monde (iv, 1-4) ». On ne sau-
rait spiritualiser davantage la vieille conception judaique. Or, dans I'Apocalypse,
I'Antechrist — qui n'est point nomme de ce nom, — est aussi une collectivite, et
une puissance impersonnelle, deja partiellement presente : ce sont les Deux
Betes, couple auquel le Pseudo-Agneau, ou « Faux Prophete » donne aussi un
caractere spirituel. Pour nous, cette similitude est tout a fait frappante.
II importe encore de noter ceci : I'idee du Christ-Juge remplit tout le Nouveau
Testament. Jesus juge le monde au cours du siecle present (manifestations du
« Fils de THomme » annoncees dans les Synoptiques), et tiendra des assises
solennelles a sa Parousie, pour fixer eternellement le sort des vivants et des morts.
Mais les Synoptiques et Paul insistent surtout sur ce jugement universel; I'autre
demeure dans I'ombre. 11 en va tout autrement, et dans I'Evangile, et dans I'A-
pocalypse. Dans I'Evangile, le jugement, la κρίσις, commence a s'exercer dans
linterieur des ames, des que le Verbe parait et que sa parole les atteint. II sexer-
cera par le Paraclet. Les assises solennelles, annoncees brievement (v, 28-29) ne
sont decrites nulle part. L'Apocalypse aussi decrit avec beaucoup d'ampleur les
jugements historiques et continus, ou la presence du juge est voilee, ce n'est
m^me pas autrement qu'il faut comprendre celui du Millenaire. Son texte meme
est une sentence portee par le Christ et TEsprit sur les Eglises (Lettres) ; mais le
jugement universel n'y apparait que tres discretement (xi et xx), comme un acte
final que tout a prepare, et qui, etant en parfaite continuity avec I'histoire, ne fait
CXCII INTRODUCTION.
pour ainsi dire que consacrer une situation acquise deja; chose etrange, la per-
sonne et la sentence du Christ ne sont meme pas mises en relief dans ce dernier
acte. C'est une maniere tree speciale, de presenter le jugement; c'est la « maniere
johannique », transcendante a toutes les phases temporaires et a toutes les con-
ditions materielles.
Nous pouvons conclure en affirmant hardiment ce paradoxe : il n'y a pas deux
systematisations de la doctrine evangelique, meme pour I'eschatologie, plus voi-
sines, disons plus identiques, que celles du IV^ Evangile et des Epitres Johan-
niques, d'une part, et de FApocalypse d'autre part.
§ III. — Gomparaison de I'esprit des deux livres,
Une meme mise en systeme de la commune doctrine s'expliquerait suffisam-
ment, en soi, par Tunite d'ecole. Plus d'un critique, qui nous aura volontiers suivi
jusqu'ici, nevoudra pas qu'on aille plus loin. L'Evangeliste et Jean le Prophete
ont deux caracteres, deux psychologies individuelles, trop irreductibles, dira-t-il,
pour que nous osions en faire une seule et meme personne
Cette assertion nous semble resulter d'une etude superficielle, ou plutot d'une
espece de tradition critique mal fondee qui se transmet automatiquement d'un
ecrivain a I'autre; elle a encore beaucoup moins de poids que les objections tirees
de la langue.
Tout d'abord, ceux qui croient a la theorie de Vischer ne devraient avoir aucune
peine a admettre, apres Harnack, I'identite. En effet, ce n'est pas le « fond juif »
de I'Apocalypse, mais les « additions » de I'elaborateur chretien, qui devraient le
mieux nous renseigner sur la psychologie de Jean. Or, toutes ces « additions »
sont eminemment « johanniques ».
Mais, pour nous, il n'y a pas, a proprement parler, de fond ni d'emprunts juifs,
sauf dans I'imagerie, que Vauteur a encore profondement transformee. Nous
admettons done que les visions sont toutes bien a lui, et ne saisissons pas en
vertu de quel apriorisme I'homme qui ecrivit Γ « Evangile spirituel » n'aurait pu
connaitre, et connaitre sous cette forme-la, de telles experiences mystiques.
Paul avait aussi des visions (II Cor. xii, 1-4); il etait « prophete » Act. xiii, 1) et
meme glossolale (1 Co?•, xiv, 18). S'il avait cherche a decrire ce qu'il vit « au
troisieme ciel », il se serait probablement servi de syinboles de meme genre que
Jean (cfr. I Thess. iv, 16 ssq.; II Thess. ii, 1-12; I Cor. xv, 52), et les critiques
auraient eu a noter des differences aussi tranchees entre son « Apocalypse » et
ses epitres qu'entre I'Evangile johannique et I'Apocalypse de Jean. D'ailleurs n'y
a-t-il pas des differences enormes deja, suivantle caractere des lecteurs, et le but
vise, entre telle et telle page de ses oeuvres, par exemple entre les chapitres de
I Cor. sur les dons spirituels et I'Epitre aux Ephesiens? L'argument psycholo- -
gique, dans les questions d'attribution litteraire, est assez delicat a manier. 11
exige une culture que ne possedent pas tous les philologues, en Allemagne ni
ailleurs. II faut pourtant bien admettre que la nature de ces fondateurs du chris-
tianisme avait des virtualites assez multiples et assez riches pour qu'une psycho-
logie moyenne et mecanique eprouve quelque peine a les concilier, la psycho-
logie moyenne etant faite pour les hommes moyens, et non pour ces genies
inspires de Dieu. Au reste, on n'a pas le droit d'oublier cette consideration de
IDENTIFICATION DE « JEAN )), AUTEUR DE LAPUCALYPSE. CXCIIl
toute evidence : le meme auteur, s'il est historien et prophete a la fois, n'ecrira
pas, a moins d'etre singulierement borne dans ses moyens artistiques, I'histoire
comme une prophetie, ni la prophetie comme une histoire. Le IV^ Evano-ile
rapporte I'Avenement de Jesus dans rhumilite, le mystere et la douceur : il etait
naturel qu'il preferat aux images violentes et aux tableaux grandioses, qui n'eus-
sent pas ete de saison, un style uni, des metapliores rares et peu risquees; mais,
dans I'Apocalypse, il ne s'agit plus d'humbles predications en Palestine dans un
cercle d'amis intimes, ou devant une foule restreinte ; c'est toute la destinee qui se
deroule, ce sont toutes les puissances celestes et infernales qu'il faut montrer en
lutte, a visage decouvert; c'est le triomphe da Christ, son avenement dans la
puissance et la gloire ; c'est tout ce que les disciples « n'auraient pu supporter
encore » [lY E^f. xvi, 12), quand Jesus vivait au milieu deux, comme I'un d'entre
eux. Le ton tout different ne prouve pas une difference de personnalite ; mais,
dans I'hypothese d'un auteur unique, il nous revelera simplement la souplesse et
I'exactitude d'adaptation de son esprit.
Ce n'est pas assez, dans la question qai nous occupe, d'invoquer ces conside-
rations generales. Nous avancerons sans hesiter que TEvangile, les Epitres et
TApocalypse revelent, egalement, une mentalite tres caracterisee, unique, qu'on
peut appeler « I'imagination johannique ».
La part des dissemblances est aisee a faire : I'auteur, s'il est unique, se trou-
vait en deux etats mentaux tout a fait tranches quand ont ete composes le recit
historique et la Revelation ; ce n'est pas la meme chose d'avoir eu des extases,
et de chercher a en rendre la profonde impression, ou bien de travailler dans le
calme, avec son coeur mais aussi avec toute la maitrise de son intelligence, sur
des souvenirs qui, malgre leur grandeur, furent de la vie terrestre et quoti-
dienne. Dans ce dernier cas, I'auteur se montrera pleinement lui-meme, avec sa
mentalite de tons les jours; dans le premier, convaincu de I'insuffisance des
termes ordinaires, il faudra bien qu'il fasse appel a des moyens dexpression
exceptionnels. L"Apocalyptique juive, et le souvenir de ses propres experiences
extraordinaires, les fournissaient au Prophete de Patmos.
Mais FApocalypse et I'Evangile ont toujours de commun dabord leur caractere
essentiellement drainatique. Si I'histoire du monde est presentee comme une
lutte perpetuelle entre des puissances contraires, Ciel et Enfer, cite de Dieu et du
Diable, Agneau et Dragon, celle du Christ dans TEvangile n'est de meme que le
conflit entre « la lumiere qui luit dans les tenebres », et les tenebres du monde,
du κόσμος, qui cherchent en vain a letouffer ; car tout ce qui est dans le monde,
dira la P^ Epitre, est « concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et
orgueil de la vie », et le ministere du Christ est la tragique illustration de cette
irreductibilite. De part et dautre, il s'agit en premier lieu d'un conflit de groupes
humains, de personnalites, non dune lutte interieure psychologique, comme
dans Paul entre la « chair » et « lesprit ». L'antithese est une loi de I'Evangile
comme de I'Apocalyse; nulla part, meme chez Paul, elle n'est si continue. Le
style en prend tout entier une couleur particuliere, meme ou il ne sagit pas de
combats : ού... άλλα est dune tres grande frequence; et la particule negative ού
est plus repandue dans le seul Evangile que dans Marc et dans Luc pris ensemble
(Abbott). L'Evangeliste congoit tout par mode de conflit et dopposition ; son ame
de « mystique » est aussi bien celle dun lutteur, dun « Boanerges ».
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. m
CXCIV INTnODUCTION.
Mais il y a son elevation sereine, sa tendresse. Est-ce que ces qualites
aimables seraient absentee de TApocalypse? Qu'on lise seulement la fin du
chapitre vii, ou les descriptions de la Jerusalem nouvelle. II est vrai que la joie
y est guerriere; elle apparait comme le rosultat d'une victoire cherement disputee.
Mais il en est ainsi de celle de I'Evangile, qui n'est promise qu'apres des douleurs
d'enfantement (xvii, 20-22) et la « victoire » du Christ sur le monde, par la
souffrauce : Θαρσεϊτε, εγώ νενίκηκα τον κόσαον (χνιι, 33). L'Apocalypse, elle, voit doja
presents les resultats de cette victoire; la prophetic s'en delecte et s'y plonge,
au point que le verbe « vaincre », νικαν, est devenu un de ses mots-cles, comme
dans la P^ Epitre de Jean; le chretien fidele s'appelle « le Yainqueur » (fin des
Lettres). Ceux qui sont « marques au front » du signe de Dieu s'opposent aux
seides du dragon, comme s'opposent au « monde » les regeneres « qui sont de
Dieu », « qui sont nes de Dieu ».
L'Evangile et I'Apocalypse ont encore de commun, pour le fond, d'etre deux
livres essentiellement « spirituels ». La materialite des evenements, ainsi que
les details visuels des apparitions, qui sont fluctuants comme nous I'avons vu
ailleurs, n'ont de part et d'autre qu'une importance accessoire; je veux dire
que le fait visible d'un cote comme la perception imaginative de I'autre, sont
apprecics surtout au point de vue de Tinterpretation inteliectuelle a laquelle ils
donnent occasion; leur utilite est de nous introduire dans le monde supra-
sensible. « C'est Vesprit (c'est-a-dire la lumiere surnaturelle donnee parl'Esprit-
Saint) qui vivifie; la chair (les connaissances et les idees terrestres, qui ne se
depasseraient pas elles-memes) ne sert de rien » [Joh. vi, 63). L'Evangile dit que
c'est I'Esprit qui nous introduira dans toute verite [Joh. xvi, 13). Apres la glori-
fication du Christ, I'Esprit elait descendu; il se manifestait de mille manieres,
realisant les promesse's du discours apres la Cene. De la vient I'estime singuliere
que le Voyant de Patmos manifeste pour le don de prophetie, au sens neo-tes-
tamentaire.
L'auteur de I'Evangile se meut aussi, a peu pres exclusivement, dans le monde
de I'Esprit. Sans doute, il a voulu ecrire vraiment Vhistoire de Jesus; et cette
histoire est consciencieuse, rigoureuse, il n'a pas, malgre Loisy et les alle-
goristes, invente ni idealise un seul evenement de la vie du Sauveur. Son souci
d'exactitude, dans le peu de narrations qu'il nous a donnees, etait meme plus
grand que celui des Synoptiques. II aimait davantage la precision, ce mystique
« abstrait » ; lui seul nous instruit suffisamment sur la chronologie du ministere
public de Jesus. 11 note bien la succession des evenements, les distances locales,
les donnees topographiques, tons les chilTres. C'etait un liomme pratique, quoi
qu'on en disc, et, malgre ce que raffirmation a de paradoxal, un esprit tres bien
done pour saisir les nuances concretes. Comme il sait peindre les mouvements
d'opinion des foules, quelle vie, entre ses resumes de doctrine et ses commen-
taires mystiques, il apporte dans les questions et les repliques, comme il saisit
sur le vif des situations originales! Le debat, par exemple, qui suit la guerison
de I'aveugle-ne (ix, 8-34) est interessant et vecu comme la plus exacte comedie
de caractere, si Ton veut bien me passer une telle comparaison. Mais, a cote
de son talent de peintre et de narrateur, le gout de Vallegorie est encore plus
marque; et d'une soi^te d'allegorie qui presente la plus granclc affinite avec le
symholisine de I'Apocalypse.
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE L APOCALYPSE. CXCV
11 est clair d'abord que la plupart des miracles racontes (au moins quatre sur
sept) ont ete choisis, parmi beau coup d'autres, a cause du sens symbolique
qu'on pouvait lire dans les conditions materielles de leur accomplissement. La
guerison du paralytique a la piscine, la multiplication des pains, la cure de
i'aveugle-ne, la resurrection de Lazare, fournissent tres directement matiere a
des enseignements sur la « Vie » et la « Lumiere » qui sont dans le Verbe, sur
le bapteme qui donne les deux aux hommes, et sur le pain du ciel qui les entre-
tient. Peut-etre le miracle des noces de Cana, et surtout la guerison du fils de
I'officier royal, et la marche sur les eaux, n'ont-ils pas la meme portee, destines
qu'ils sont avant tout a montrer la puissance divine de Jesus. Mais un fait bien
significatif, c'est que Jean, qui aurait pu raconter bien d'autres merveilles, en
ait clioisi exactement sept.
Ce n'est certes pas un pur hasard. Abbott^ dont la subtilite est parfois trop
ingenieuse, a raison ici d'affirmer que « I'Evangile est penetre dans toute sa
structure de I'idee de « Sept » (permeated structurally with the idea of « seven »),
comme on pouvait s'y attendre de la part d'un homme acceptant la tradition
des « Sept Esprits de Dieu » Apocalypse, in, 1 ». Le meme critique releve encore
les traits suivants : les mots « Je suis » surviennent sept fois pour I'expression
des rapports du Christ a Thumanite (vi, 35; viii, 12; x, 7, 11; xi, 25; xiv, 6;
XV, 1). Sept fois, de xiv a xvi, revient I'expression ταΰτα λελάληχα ύμΤν. De meme,
sept fois « En mon nom » ; sept fois έ'ν, unum, pour I'unite avec Dieu ; sept fois
αγάπη, amour, un des mots-cles; dans la I* Joh, sept fois φανερουν, manifestei\
applique au Pere ou au Fils [Joh. Grammar, §§ 2624-2627). D'apres Westcott
[Abbott, § 2624 a), le Christ fait appel a sept genres de temoignages : 1° celui
du Pere; 2''le sien propre; 3°celui de ses ceuvres; 4°celui des Ecritures; 5°celui
du Precurseur; 6°celui des disciples; 7°celui de I'Esprit. Qu'on y joigne, dans
la bouche de N.-S., la triple repetition de certains termes caracteristiques :
le hon pasteur (c. x), la vigne (xv), la porte (x), la lumiere du monde [win, 12;
IX, 5; XII, 46) etc. Abbott., §§ 2608-sqq. Le « Paraclet » est nomme quatre fois
(parce qu'il remplira les quatre parties du monde?), la « Loi » mentionnee
six fois (plenitude incomplete ?) On hesite a la fin a suivre Abbott ou Westcott
dans cette recherche des « intentions » johanniques, on craint qu'ils n'exagerent
tendancieusement, au moins Abbott, I'auteur de From Letter to Spirit. Mais on
pent, dans I'ensemble, souscrire a ce jugement : « toutes reserves faites sur les
cas douteux, et la difference des aspects, nous en trouvons assezpour etre
assures que I'auteur de cet Evangile subissait largement I'influence d'une habi-
tude de faire des groupements par sept, qui a affecte aussi bien I'ensemble de
son recit que des mots ou des phrases particulieres » (§ 2627). 11 faut reconnaitre
« I'arrangement delibere et poetique de larges portions du IV° Evangile, la
valeur et la signification mystique attachees par I'auteur a certaines paroles, et
indiquees par lui au moyen de doubles, de triples et de septuples repetitions »
(§ 2587).
Quelle raison pouvait porter I'Evangeliste k rechercher ces dispositions arti-
ficielles, que ne lui imposait ni la fidelite historique, ni la nature de son ouvrage,
ni son but doctrinal? Quelle raison, si ce n'est I'habitude d'attacher de I'impor-
tance a la symbolique des nombres, au point d'en user, par gout, dans un sujet
qui ne I'exigeait nuUement? Si, par hasard, il avait ecrit un livre d'allegories,
CXCVI INTRODUCTION.
les septenaires, et les autres groupements par chiffres, devaient surement le
remplir. Or, voyez I'Apocalypse. Abbott (§ 2625) nous dit que « le Quatrieme
Evangile fut probablement ecrit par quelqu'un qui avait des liens avec I'auteur
de la Revelation ». On pent raisonnablement aller plus loin.
Et Ton n'hesitera pas a le faire si Ton veut bien examiner de pres la nature
des symboles de TEvangile, et la maniere tres libre et tres variable dont ces
symboles sont employes.
II est reconnu de tous, et il ne faut pas pour cela beaucoup de penetration,
que FEvangeliste affectionne les termes abstraits, presque vagues, tandis que
I'Apocalyptique recherche ceux qui sont les plus hauts en couleur. Mais cela
devait etre, I'auteur fiit-il unique, en raison de la difference du sujet, du but,
et de I'etat mental. Le Voyant qui penetrait les secrets du Ciel, de I'Enfer, et
de toute Fhistoire future, avait evidemment besoin d'autres images qu'un narra-
teur qui repetait les paroles temperees de son Maitre, et etait tenu d'observer
la couleur locale et terrestre.
On pent, d'apres nos etudes precedentes, distinguer deux classes parmi ses
symboles : la premiere, et la plus nombreuse, est celle des lieux communs qui
lui etaient transmis par la tradition biblique ou apocalyptique ; la seconde, celle
des symboles qui lui sont propres, — ou du moins dont il fait un usage bien plus
caracteristique que ses predecesseurs. — Or, cette seconde categorie ressemble
extremement aux metaphores et aux mots-cles de TEvangile.
Nous avons releve dans cet ordre Timage du Messie-Agneau, et sa contre-
fagon, le Faux Prophete. Comparez Γ « Agneau de Dieu » de I'Evangile. C'est
encore le nom mysterieux Λόγος του Θεού; c'est « Feau de la vie », qui peut bien
venir de Babylone ou de TEgypte, par les Prophetes, mais qui n'en carac-
terise pas moins et le IV" Evangile (le bapteme, rillumination, la grice), et
I'Apocalypse, ou elle a le meme sens de vie spirituelle et eternelle (ΰδωρ ζων,
I'eau vwante, Joh. IV, 10-11; vii, 38; πηγή ύδατος IV, 14, ποταμοί ύδατος, vil, 38 —
cfr. Apoc. uSojp ζωής, πηγαι υδάτων, viii, 10; vii, 18; xxi, 6; xxii, 17, etc.). La meta-
phore de la « Femme » [Apoc. xii) pour designer I'Eglise, se retrouve dans la
κυρία εκλεκτή a laquelle est adressee la 11*^ epitre de Jean, comme si Γ « Ancien »
avait eu un gout particulier pour cette personnification biblique. Enfin Timage du
« Pasteur » appliquee au Christ ou a Pierre son vicaire [Joh. x, 1 suivants, 27,
28, XXI, 16 et suivants) apparait aussi Apocalypse, vii, 17, appliquee a I'Agneau :
« I'Agneau qui est au milieu du trone les fera paitre et les menera aux sources
des eaux de la vie ». — Qu'on se reporte aux termes communs du vocabulaire
que nous avons signales, et qu'on se rappelle aussi combien la metaphore de
la Lumiere, sous d'autres expressions plus concretes (flambeaux, etc.) est fami-
liere a I'Apocalypse, si pleine de tableaux lumineux, et de processions en vete-
ments eclatants de blancheur. Le sejour de Dieu, ou du Verbc incarne parmi
les liommes, est exprime par le meme mot σκηνοΰν, ce qui est peut-etre une
allusion au Tabernacle de I'Ancienne Alliance, contenant le Saint des Saints
[Joh. I, 14; _ Apoc. VII, 15; xxi, 3; cfr. xii, 12; xiii, 6; σκηνή, Apoc. xiii, 6; xv,
5; XXI, 3).
Notons encore que le IV*^ Evangile, si « abstrait » qu'il puisse etre, dramatise
et, pour ainsi dire, « concretise » dans I'abstraction. La Lumiere, TAmour, sont
comme des lieux, des regions oil Ton entre, oii Ton demeure. De la I'usage du
IDENTIFICATION DE « JEAN )), AUTEI'R DE L APOCALYPSE. CXCVII
εν « quasi instrumental ». C'est un autre monde, oppose a celui des tenebres et
du peche. Et ce trait est au moins fort analogue a la conception generalede
lApocalypse.
L' « imagination johannique » a une autre note particuliere. Si elle concretise
fortement, par le mouvement, les idees les plus immaterielles, elle n'assigne pas
de sens immuable a ses metaphores, et fait alentour toutes les variations pos-
sibles. II n'est pas dans les habitudes de I'Evangeliste de preciser une fois pour
toutes la valeur de ses termes, quand ils peuvent signifier plusieurs realites voi-
sines. C'est ainsi que meme κόσμος ne signifie point partout le monde hostile. En
somme, presque tons ses concepts et ses mots-cles sont « analogiques » ; avec le
meme mot, il passe sans cesse du sens materiel au sens spirituel, et nee versa; Ζωτ',
par exemple, au chapitre v, signifiera tour a tour la vie physique, la vie de la
gr&ce, le bonheur eternel, la vie ressuscitee, sans ordre apparent, d'une fagon que
determine parfois le seul contexte (cfr. versets 21, 24, 25, 26, 28, 29). De meme vi,
ou I'idee de I'Eucharistie, du « pain du ciel » commande le choix de toutes les
images, allusions a la manne, expressions fortes et realistes telles que σαρξ, τρώγων;
I'Evangeliste, sans perdre de vue un seul instant I'idee de la communion sacra-
mentelle, passe du sacrement a rincarnation, a la Passion, du tout aux parties
potentielles, du general au particulier, de la grace invisible a la matiere sensible;
et il faut beaucoup d'attention pour s'y reconnaitre parmi tous ces aspects de
« pain du ciel » dont la manne et les pains multiplies au desert furent la figure.
Or, les symboles de I'Apocalypse, si variables et si fluctuants sous leurs materia-
lite apparente, presentent tout a fait la meme virtualite conceptuelle. lis sont
sujets aux memes glissements. Nous citions tout a I'heure VAgneau du chap, vii
de I'Apoc. qui devient subitement un berger; et il y a bien d'autres exemples
de faits semblables; de meme, au chapitre χ de TEvangile, Jesus est d'abord
le berger qui entre par la porte (x, 2), puis il devient lui-meme, dans une
παροιμία qui suit sans intervalle, la porte par laquelle entrent et sortent les
brebis (v. 7); ensuite il declare qu'il est « le bon Pasteur » (vv. 11, 14), et s'arrete
defmitivement a cette allegorie. On salt que, dans I'arrangement des idees du
Seigneur, I'auteur lui-meme a pu avoir une part (v. ci-dessus).
Ainsi les deux ecrits nous offrent les memes alternances de symboles. Un trait
analogue qu'il faut relever dans I'Evangile, c'est le choix d'un seul et mdme mot
qui ne varie pas avec la realite qu'il represente suivant les diverses phases de la
progression do celle-ci. Jean ne distingue pas, dans son style, entre le germe et
I'epanouissement. Ainsi I'unique expression πιστεύειν, croire, sert a marquer tous
les divers degres de foi qu'eurent en Jesus ses disciples et ses auditeurs, depuis
lintuition confiante du chapitre i^'" jusqu'a la reconnaissance de son origine
celeste et de sa divinite. Nathanael — et les autres de meme, — ont cru des leur
premier appel (i, 35, 51) ; c'est le miracle de Cana qui les fait commencer a
croire (ii, 11). 11 est evident que cette foi s'integrait lentement, par des determi-
nations successives qui en elevaient et en approfondissaient I'objet; les Synop-
tiques montrent assez bien cette evolution ; mais, chez Jean, il faut mediter sur
un contexte etendu pour saisir ces nuances que les mots ne distinguent pas;
πιστεύω est un « analogue » dont le sens se proportionne aux personnes, aux cir-
constances. — Ainsi les visions de I'Apocalypse sont presque toutes des schemes
generaux de situations futures, qui se succedent sans progression chronologique.
CXCVm INTUODUCTION.
sous I'oeil d'aigle d'un prophete qui voyait le tout dans les parties, et la fin dans
le commencement.
Enfin TEvangeliste etle Prophete, dans leurs passages les plus concrete, gar-
dent le gout du mystere. Qu'est-ce quietait arrive a Nathanael " sous le figuier » V
[Joh. I, 48;. Quest-ce qu'avaient dit les « sept tonnerres »? Apoc. x, 3-4;.
L'un et I'autre eveillent la une curiosite qu'ils ne pouvaient ou ne voulaient satis-
faire; et pourtant ils ont tenu a conserver ces allusions mysterieuses, que des
ecrivains comme les Synoptiques auraient probablement negligees.
Que resulte-t-il de cet ensemble de rapprochements? Que la m^me tournure
d'imagination et de conceplion se revele a chaque page de lApoealypse et de
I'Evangile, dans une unite que voile seulement la diilerence des sujets,
entrainant celle des vocabulaires. L'« imagination Johannique » est homo-
gene, et, de plus, parfaitement caracteristique et individuetle.
V. — Comparaison au point de vue du style et des proc6des de composition.
La solennite du style iqui n'exclut cependant point la vivacitc, meme
lironie, une espece d'humour, de certaines scenes du IV' Evangile) se retrouve
encore plus tendue, comme on pouvait s'y attendre, dans les visions apocalyp-
tiques. Une ressemblance encore bien plus significative, c'est que la composi-
tion des deux ecrits obeit aux formules d'un art tres special que nous pouvons
appeler Γαπτ jouanniqie.
Notons au prealable que la m^me agilito de pensee produit de part et d'autre
une pareille alteraance, un semblable enchevotrement des temps des verbes, au
cours d'un developpement unique. Ce phenomene nest pas moins remarquable
par exemple dans I'entretien avec Nicodeme 'Joh. ni, aux vv. 16-21) que dans
\ Apocalypse vii, 9-19, ou xi, 1, 13, ou nous montrions ailleurs que la precision
des nuances, et non Timperitic grammaticale, doit expliquer cet apparent
desordre. C'est aussi partout le meme caracterc synthetique, la mentalite de
TEvangeliste le portant a condenser dans une notion generique, et sous une seule
expression, des idees connexes qu'il developpe ensuite chacunesous son propre
aspect. Or, c'est bien encore le meme principe qui commando la succession des
pericopc'S, ot toute la marche du livre.
Le fondement do lart johannique est trus hebraique : c'est le parallelisme
continu. De mome qu'un petit nombre de figures principales, les « symboles
majeurs », cour celeste, Agneau, Dragon, Betes, Femmes, relient entre eux
les developpements apocalypliques les plus disparates a premiere vue, ainsi,
dans I'Evangile, deux ou trois idees de tres ample virtualite, lumiere, vie,
tenebres, temoignage, tantot expresses, tantot latentes, font Tame de toutes les
narrations et de tous les discours. La force et I'unite de conception du recit
egalent celles de I'Apocalypse, si elles ne les depassent. Meme goilt des repe-
titions, meme jeu d'antithese. Quand le parallelisme n'est pas dans les mots
de I'Evangile, — ou dans les symboles materiels de la Revelation, — il n'en
subsiste pas moins toujours dans I'idee. Tout TEvangile n'est que la lutte et le
triomphe du Verbe a qui resiste le monde des tenebres. Si I'Apocalypse tout
entiere, dans son eschatologie, n'a d'autre but que de faire voir, par des pro-
pheties concretes, comment Ic seul « Agneau >', avec son Pere, est devenu
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE l'aPOCALYPSE. CXCIX
maitre du « livre scelle » des destinees (iv-v), I'Evangile, lui, ne fait que jus-
tifier, par des evenements choisis dans la vie du Christ, les affirmations de
son Prologue, se ramenant a celle-ci, qui, placee en tete, les resume toutes :
« La lumiere luit dans les tenebres — Et les tenebres ne I'ont point arretee »
(i, 5). Car, d'apres le parallele de xii, 35, nous ne doutons pas qu'il faille tra-
duire χαταλαι^-βάνειν, par « saisir, etouffer, arreter », et non par « com-
prendre (1) ». Ge terme est au passe, κχτελαβεν, parce que le triomphe du Verbe
est deja assure par rincarnation et la glorification de Jesus; de meme I'Apo-
calypse represente comme un evenement passe la defaite essentielle du Dragon,
due aux memes causes (c.xii), et dont les consequences seulement se develop-
pent a travers les ages.
La marche des deux livres presente le meme genre de progression. Ainsi le
Prophete insiste sur les preparations (visions preparatoires de vi, de xiv, etc.),
et ne decrit que brievement le terme ; la Parousie et le jugement final (xi fin
et xx) sont loin d'offrir le meme luxe de details que tel ou tel fleau historique.
L'Evangeliste aussi, qui s'est tant etendu sur le role du Precurseur, ne parlera
du bapteme du Christ au Jourdain que par allusion (i, 32-33); apres le long dis-
cours sur I'Eucharistie au chapitre vi, il omettra le recit de la Derniere Cene
et I'institution du Sacrement, qui ne semble qu'obscurement indiquee par les
mots : « II les aima jusqu'au bout » (xiii, 1). Puis la progression va toujours
du general au particulier. Par des considerations plus abstraites ou plus uni«
verselles, il prepare le mot saisissant ou souverain qui va eclairer et justifier
ses speculations prealables. Tout ce qu'il a dit de I'activite du λόγος aux pre-
miers versets du Prologue aboutit au « Verbum caro factum est ». Dans le
discours apres la multiplication des pains, Jesus precede de meme par approches
successives, parlant de la nourriturc spirituelle en general avant de dire :
« Ma chair est veritablement une nourriture, etc. » Dans I'Apocalypse, les
« emboitements » menagent des eifets semblables. Et il n'est pas jusqu'a
cette repetition des mots de valeur, qui sont successivement predicate d'une
premiere phrase, puis sujets de la suivante (Prologue, λόγος, φως, etc.), qui n'oifre
quelque analogic large avec ce precede puisqu'elle manifeste le meme besoin
de mettre toujours une idee en vedette avant d'en preciser le contenu. Toujours
I'auteur prepare, et d'assez loin, ses declarations nettes, comme Γ « autre »
Jean ses scenes capitales.
Jean integre lentement son idee. II la donne d'abord en bloc, puis il I'analyse,
en variant a peine, ou pas du tout, ses expressions. On dirait que I'Evange-
liste n'a jamais epuise ses concepts, tant ils sont vastes, et tant ses moyens
d'expression sont restreints. Ainsi les symboles de I'Apocalypse servent faci-
lement a plusieurs eifets, qui varient avec le contexte. Mais voici le rappro-
chement le plus curieux,
L'Apocalypse, comme nous I'avons vu, contient un genre de developpement
tres particulier, une espece d'ordonnance « musicale », des themes qui vont
(I) Si les i( teuebres » sont le rnal abstrait, il est evident qu'elles ne peuvent comprendre
le Bien, se I'assirailer, mais seulement lui coder la place en disparaissant; si elles ^ignifieut
« le luonde livre au mal », rEvangilc est justemenl I'histoire de la dolivrance virtuelle du
mondc.
CC INTRODUCTION.
s'amplifiant comme en ondes, en volutes; ce n'est qu'au bout de deux ou trois
reprises que le sujet s'epanouit dans toute son ampleur (V. On ne trouve guere
de pareils exemples en litterature, meme dans les ouvrages rythmiques, com-
poses de strophes, a moins que ce ne soit cliez certains prophetes bibliques,
comme dans la seconde partie du livre d'Isaie. C'est un procede etranger au
moins a tons les ecrits non johanniques du Nouveau Testament. II contraste
absolument avec celui de Luc, qui, lorsquil introduit un personnage ou un
sujet nouveau, se plait a epuiser d'un coup tout ce qu'il veut en dire. Ailleurs,
comme chez Paul (ainsi /?o/n. i, lG-17, et in, 21-31), on trouvera bien Tenonce,
le sommaire d'une these dans tous ses chefs, que developpera ensuite le corps
de I'ecrit. Mais ce procede Jogique et naturel, TApocalypse le systematise en
series rythmiques. Elle reprend deux fois, trois fois, une meme idee, divisee en
moments ou en aspects qui reviennent toujours dans le meme ordre. En desi-
gnant ces moments par des lettres, et leurs variations par des indices sura-
joutes, on pourrait ainsi figurer schematiquement ce procede :
1° a b c ; — 2° a, b, c^ ; — N. an b„ c,„
le dernier groupe etant toujours le plus developpe, et les autres servant a le
preparer (2). C'est comme le bruit des volontes divines en marche, un tonnerre
dont les roulements parlent, vagues ou assourdis, d'un lointain horizon, pour
venir enfin eclater au-dessus de nos tetes. Or, malgre la diversite de sujet et de
but, on constatera quelque chose de tout a fait semblable dans le YV^ Evangile.
Ainsi le Prologue contient trois idees : I'activite eternelle et purement divine
du Verbe Divin, son action theandrique parmi les hommes dont il fait des fils de
Dieu, et le temoignage que lui rend Jean-Baptiste. Elles se succedent a trois
reprises dans la disposition suivante :
1° a. Origine et activite purement divine du Verba (/, 1-3), Dieu, eternel, creaieur.
b. II est la lumiere et la iv'e.qui (par I'lncarnation) ont triomphe des tenebres
(/, 4-5).
c. Mission de Jean (/, 6-8).
2•' a) Le Verbe etait dans le monde, qu'il a cree, et sur le point d'y venir d'une fa^on
plus manifeste (ην... έρ-/_όαενον) (P-iO a b).
b, 11 est venu, a eu a lutter centre I'hostilite des siens (les Israelites), mais. par
une nouvelle [naissance (Lumiere du bapteme, Vie de reucharistie), a fait
enfants de Dieu ceux qui I'ont recu. II s'est fait chair, et nous avons vu sa
gloire [10 c-li).
c< Temoignage de Jean (i5).
3" (Ici il y a interversion et entrelacement entre a et b).
Ά2 {h.2) Nous avons tous recu de sa plenitude, grace sur grace, la loi par I'inter-
mediaire de Moise, la grace et la verite par Jesus-Christ directement {16-17).
(ά2) ^2 Le Fils unique qui est dans le sein du Pere (a), nous I'a fait connaitre (b)
m).
Co Temoignage detaille de Jean {19-3Ί), qui fait la transition au corps de I'Evan-
gile.
(1) Voir ci-dessus, ch. x.
(2) L'exemple le plus frappant se trouve aux chapitres xii et suivants, jusqu'a la fin de la
deuxieme section prophelique.
IDENTIFICATION DE « JEAN ». AUTEUR DE L APOCALYPSE, CCl
Et il faut remarquer que cet accord fundamental se prolonge a travers tout
TEvangile : Unite de Jesus avec le Pere (passim) — Lumiere, seconde naissance,
vie (Nicodeme, Samaritaine, aveugle-ne; — paralytique de Bethzatha, Pain de
vie, Lazare); — Temoignages (de Jean, in, 22-36, auquel se joint celui des
miracles, etc., passim).
Pour ne considerer qu un seul autre passage, voyons la disposition des idees
dans le Discours apres la Gene (d'apres I'analyse donnee par le commentateur
Heitmiiller (1), que nous resumons). Tout roule autour de trois idees, Vamonr,
la consolation, Yunion.
1° a. Precepte de Vamour (XIU, 54-35);
b. Jesus consolera las siens de son depart, en les attirant apres lui au Fere, en
revenant en eux et au milieu d'eux, en leur envoyant I'Esprit [XIV, 1-31) ;
c. L' union de Jesus et des croyants, sous la figure de la vigne et des sarments
(XV, 1-11) ;
2° a) Communion d'amour des disciples entre eux, opposee a la haine du monde
{XV, 12-XVI, 4).
b^ La consolation des disciples, par I'Esprit, le Paraclet qui viendra. Office du
Saint-Esprit. Les disciples, apres Jesus, seront vainqueurs du monde {XVI,
5-33).
c< Priere sacerdotale, pour la consommation de I'unite parfaite de Dieu et du
Christ avec les croyants {XVII).
Nous pourrions apporter d'autres examples ; ceux-Ia suffisent bien a cc que
nous voulions demontrer. 11 y a dans ce rytlime — ordinairement ternaire — des
developpements, et dans ces ondulations regulieres, ces accords et ces harmo-
niques, ce renforcement progressif de I'idee, une loi qui est la formule meme de
V Art johannique. La l""^ epitre, si elle est moins clairement ordonnee, en offre
pourtant des traces fort reconnaissables, avec ses refrains alternants sur la
purete des oeuvres, la foi et I'amour. Et cette loi, qui, a notre avis, caracterise
absoliunent une personnalite litteraire, est appliquee egaleraent et dans I'Apo-
calypse et dans TEvangile.
§ V. — Quelques autres traits personnels communs.
Est-il besoin d'en dire plus pour eclairer la question? Quels personnages, par
exemple, etaient respectivement aux yeux des Eglises le Prophete et I'Evange-
liste? Sur ce point encore, il est facile de relever des similitudes. Ni I'un ni
I'autre ne se donne de titre hierarchique ou ofTiciel, tel qvCapotre. L'auteur de
I'Evangile se tient dans I'anonymat, et se designc seulement a la troisieme per-
sonne, comme « le disciple que Jesus aimait » ; dans la 1'''= epitre, il invoque
seulement, toujours anonyme, sa qualite de temoin de la vie de Jesus ; dans les
deux petites Lcttres, il est « δ πρεσβύτερος », Γ « Ancien » ou le « Vieillard » par
excellence; dans I'Apocalypse, l'auteur se nomme bien, mais ne se reclame d'au-
cun titre autre que « servitcar du Christ », et montre par son recit qu'il est
« Prophete ». Ainsi, dans tous ces ecrits, Fauteur se recommande, non d'une
charge, mais dune qualite personnelle ; car πρεσβύτερος meme n'indique pas ici
(1) Dans Die Schriflcn da^ Xcven Testaments de J. Weiis, Band II, Abschnitt 3 pp. 283-sv.
ecu INTRODUCTION.
une fonction hierarchique. Cependant il est clair que le Propliete de Patmos
exerce sur les eglises d'Asie une autorite incontestee, qu'il n'a pas besoin de jus-
tifier, et qui assure la foi a sa Pievelation; le « Presbytre » de la IIP Johannis
parle de Diotrephes (qui, de I'avis eommun, doit etre le chef local d'une eglise),
en superieur qui a droit de blamer, de punir toute mauvaise volonte, et de repri-
mer toute resistance; dans la 1'^ epitre, c'est un Pere venere universellement qui
s'adresse a ses petits enfants, τεκνία. En tons ces ecrits, le ton est le meme : celui
d'un personnage d'un tel ascendant, que les Apotres n'en avaient pas davantage.
Jacques non plus, ni Jude, ni Paul dans ses lettres les plus intimes [Philippiens,
Philemon), ou dans celles qui furent ecrites avant qu'on eut commence a contester
son apostolat (/-// Thessaloniciens) ne se donnent leur titre le plus haut, sous
lequel ils exergaient leur autorite. Ainsi I'auteur de I'Apocalypse pouvait bien
etre un apotre sans etre oblige de le dire. Denys, parmi ses objections, insiste
sur le fait qu'il se nomme par son nom, ce que n'a point fait, dans I'Evangile et
I'Epitre, le fils de Zebedee ; mais il etait a Patmos, ses lecteurs sur le continent,
il leur ecrivait pour la premiere fois sans doute, afin de leur reveler des choses
extraordinaires ; il fallait bien que les Asiates connussent avec toute la certitude
possible de qui la lettre prophetique emanait. Du moment qu'il s'y nomme Jean
tout simplement, c'est qu'il n'y avait pas, vivant dans le meme pays, d'autre Jean
d'egale renommee et autorite, avec lequel on put le confondre. S'il etait Jean de
Zebedee, aurait-il du se designer, au moins par allusion, comme « le disciple
que Jesus aimait»? Mais, devant la grandeur des secrets celestes qui lui sont
reveles sur le « Fils d'Homme » etl' « Agneau », la vie terrestre du Christ ne lui
apparait plus que comme un commencement, une enfance (voir Comment, du
chap, xii), le Prophete s'oublie completement lui-meme, il s'abime dans son
humilite, et, eut-il ete I'ami, se rappelle seulement, — c'est deja un titre assez
haut et assez rassurant, — qu'il est le « serviteur » de Celui qui lui est apparu
dans sa Majeste de « Roi des Rois » et de « Seigneur des Seigneurs » (c. xix).
Rien, de ce chef, ne s'oppose done a ce qu'il soit le meme que I'Evangeliste et
I'auteur des lettres ; tout contribue au contraire a faciliter le rapprochement, leur
effacement volontaire, leur autorite sur les memos eglises d'Asie, leur assurance
aussi ferme que modeste.
Concluons :
L'auteur de I'Apocalypse est bien le meme que celui de I'Evangile et des
Epltres, c'est-a-dire I' Apotre Jean, filsde Zebedee.
La tradition est moralement unanime a I'affirmer. La critique interne la con-
firme. Car la philologie, en depit d'un certain nombre de particularites diver-
gentes dans la grammaire, et le vocabulaire surtout, etablit lexistence d'une
« langue Johannique » commune; la comparaison des doctrines (Logos, points
de vue synthetiques, transcendance de I'eschatologie), revele au moins une
ocole de pensee johannique. La critique proprement « litteraire » nous mene
plus loin ; elle nous fait decouvrir une « imagination johannique » spontanee, et
un « art johannique » reflechi, tellement uns, tellement personnels, qu'elle acheve
de rendre tout a fait invraisemblable I'attribution des divers ecrits johanniques a
deux homonymes. A I'oeuvre on connait Touvrier; cet ouvrier est unique, c'est
celui que la tradition a designe toujours, quand des prejuges doctrinaux ne la
faisaient pas devier de sa ligne antique.
IDENTIFICATION DE « JEAN )), AUTEUR DE l'aPOCALYPSE. CCIII
Cependant, I'identite d'auteur une fois reconnue, il reste encore un gros
probleme a resoudre. Le groupe de TEvangile et des Lettres montre un art
beaucoup plus avance dans la meme ligne, et beaucoup plus stir de lui-meme
que n'est celui de I'Apocalypse. Si le meme genre de symbolisme I'impregne,
il y demeure beaucoup plus discret, et meme dissimule; ainsi, malgre ses septe-
naires, I'Evangeliste n'ecrit pas une seule fois le mot Ιπτά. Si I'ordonnance est
analogue, elle y est beaucoup plus difficile a reconnaitre; le parallelisme, qui
y regit a peu pres toutes les idees, s'etale beaucoup moins dans la forme exte-
rieure. Les deux ecrits sont profondement reflechis, calcules, dans leurs moindres
details d'expression et de structure. Mais I'Evangile est bien plus soigno au
point de vue de la composition ; les elements divers y sont intimement fondus
et unifies (1), tandis que dans I'Apocalypse il y a des desordres apparents, des
juxtapositions materielles qui donnent une impression de heurte, de disparate.
Et ce n'est pas encore la le principal : la langue, malgre son individualite
α johannique » continue, est arrivee a un etat beaucoup plus parfait de bonne
grecite dans I'Evangile et les Epitres.
Plusieurs des critiques, qui attribuent le tout a un seul Jean, ont une tendance
a resoudre ce probleme en mettant un long intervalle de temps entre I'exil a
Patmos et la redaction de I'Evangile a Ephese : ainsi I'Apotre aurait eu le loisir
de se familiariser avec I'usage du grec, et de perfectionner ses moyens litto-
raires. II nous faut done etudier une question qui est solidaire de la precedente :
celle de la date de I'Apocalypse. Nous ne pourrons donner qu'apres ce travail
notre solution complete.
DATE DE COMPOSITION DE L APOCALYPSE.
L'Apotre nous apprend lui-meme qu'il a eu sa revelation dans Tile de Patmos
(i, 9). Tout porte a croire qu'il a redige son Apocalypse sur place, et I'a envoyee
aux Eglises avant de les revoir lui-meme. La raison de ce sejour a Patmos,
cest, pour toute la tradition, une deportation ou un exil; et cela ressort avec
clarte, quoi qu'en dise Bousset, des termes : εγενο[Λην Iv... Πάτμω δία τον λόγον τοΰ
θεοΰ χαι την μαρτυρίαν Ίησοΰ. Α quelle epoque de la vie de Jean placer ces
evenements ?
Justin n'a rien dit du lieu, des circonstances, ni de la date de I'Apocalypse.
Mais Irenee, qui devait etre bien renseigne, a un texte formel sur I'epoque
[Adv. Haer, v, 30), a propos du chiffre de la Bete et du nom de I'Antechrist :
ΗμεΤς ουν ουκ άποκινδυνεύομεν περί τοΰ ονο'ματος τοΰ 'Αντίχριστου αποφαινόμενοι βεβαιω-
τιχώς. Ει γαρ εοει αναφανδόν τω νΰν χαίρω χηούττεσθαι τουνομα αύτοΰ, δι' εκείνου αν ερρε'Οη
(1) Cependant toute imperfection accidentelle n'est pas absente du groupement des mato-
riaux 6vang61iques. Ainsi Ic « Siirgite, eainus hinc » qui clot le chapitre xiv, ne parait pas
etre a sa place ; il est difficile d'imaginer que la « Priore sacerdotale « ait eto prononcoe,
non au Cenacic, mais dans la marche au mont des Oliviers (voir Lepin, Val. hist., ii, p. 100).
L'Evangolistc, commc le Prophelc, a done pu quclqucfois nogligcr la syslemalisalion complete
d'un recit ou d'un discours eu y melant des trails que lui rappelaient les associations de
ses souvenirs, sans les adapter a la disposition gcnorale du contexte•
CCIV INTRODUCTIOX.
του και την Άποκάλυψιν Ιοιρακότος. Ουδέ γαρ προ πολλού χρόνου Ιωράθη, άλλίι
σχεδόν επί της ημέτερα; γενεάς προς τω τέλει της Δομετιανου άρχης. ... « S'il
eut fallu ouvertement de notre temps proclamer son nom (de TAntechrist), ίΐ
eiit ete dit par celui-la meme qui a vu I'Apocalypse. Car il ny a pas si long-
temps qu'elle a ete vue, mais presque en notre generation, vers la fin du regne
de Domitien ». Le traducteur latin a rendu le mot έωράθη par «. visum est », au
neutre, et non par visa est, feminin. C'est qu'il rapporte sans doute ce verbe
a « la Bete » θηρίον (1), ce que permettait a la rigueur le contexte. L'affirmation
n'en perd rien de sa force. 11 est vrai que quelques auteurs, notamment le
D'F. H. Chase, evique anglican d'Ely, veulent faire se rapporter Ιωράθη, non
pas a Fobjet de la vision, mais a Jean lui-meme : Irenee dirait tout simplement
qu'on a pu voir Jean, c'est-a-dire que Jean a vecu, jusque vers la fin du regne
de Domitien, et ainsi n'affirmerait rien sur la date de FApocalypse (2). Et, en
effet α les defenseurs de cette idee ont fait remarquer que I'expression avoir vu
Jean, dans le sens de avoir connu Jean, est familiere a Irenee » [Bovon). Mais,
comme I'objet de Ιο^ρακότος est I'Apocalypse, Irenee aurait ete singulierement
negligent en fait de style s'il avait donne un autre objet au meme verbe έωράθη,
qui n'en est separe que par cinq mots. En outre — et ceci est decisif, il me
semble, — Irenee, s'il avait voulu parler seulement de la mort relativement
recente de Jean, n'aurait pas ecrit qu' « il a ete vu... vers la fin du regne de
Domitien », puisque ailleurs il dit expressement qu'il a vecu encore plus tard,
jusque sous le regne de Trajan [Adv. Haer. ii, 22; in, 3).
Ainsi, dapres le temoignage le plus ancien, lequel est de toute premiere
valeur, et sans ambiguite, c'est sous Domitien que Jean a contemple I'Apocalypse.
Des temoignages plus complets se produisent au iv^ siecle. Victorin de Pettau,
dans son commentaire, dit que Jean fut condamne par Domitien aux mines,
a Patmos, assertion repetee plus tard par le commentateur Primasius. Eusebe
(H. E. Ill, XX, 9), parlant de I'abolition des actes de Domitien sous son suc-
cesseur Nerva, dit que, dapres la tradition, c'est alors que I'apotre Jean quitta
File pour Ephese : Τότε δή oOv καΐ τον άπόστολον Ίωάννην άπο της κατά τήν νησον φυγής
τήν έπι της 'Εφέσου οιατοιβήν άπειληφίναι δ των παρ' ήαΐν άρχαίοίν παραδίδωσι λόγος. Eusebe
parle avec une certaine reserve (« le dire des anciens de chez nous »), bien
naturelle a qui doutait comme lui de Fapostolicite de FApocalypse, que cette
tradition confirmait. Mais της κατά τήν νησον φυγής signifie, non une fuite volontaire
dans une ile quelconque (τήν νησον « File », Eusebe evite peut-etre intentionnelle-
ment de nommer Patmos, a cause de I'Apocalypse, sur laquelle il n'entend pas
discuter en cetendroit), mais bien d'un exil impose, suivant un des sens courants
de φυγή; car, dans la Demonstration Evangelique, iii, 5, le meme historien rap-
proche ce sejour force dans une ile du supplice de Pierre et de Paul : και Πε'τρος
δέ επι 'Ρόψγ^ς κατά κεφαλής σταυροΰται, Παΰλός τε άποτε'^ανεται, Ιωάννης τε νήσω παρα-
δίδοται. Et, qui plus est, dans sa Chronique, il place le bannissement a Patmos
et la composition de FApocalypse a la quatorzieme annee (94 ou 95) de Domitien.
(1) J. Bovon, VHypolhese de M. Vischer sur I'origine de I'Apocalypse, Revue de theologie
et de philosophie, Lausanne, 1887 ; cite par Sanday dans redition de Hort.
(2) Chase, The date of the Apocalypse; the evidence of Irenaeus, the Journal of theological
studies, p. 431, Londres, 1907.
IDENTIFICATION DE « JEAN ». AUTEUR UE LAPOCALYPSE. CCV
Saint Jerome a copie ces donnees dans le De Viris illustribus, 9 : persecution
do Domitien en sa quatorzieme annee, relegation dans lile de Patmos, com-
position de V Apocalypse, rescision des actes de Domitien par le Senat, retour
de Jean a Ephese sous Nerva. Le grand exegete parle encore de I'Apocalypse,
avec le temps, le lieu, et I'exil par ordre de Domitien, dans son P''livre contre
Jovinien, ch. 26. Le temoignage de Sidpice-Severe, Chron., ii, 31, est concor-
dant. Puis les ecrivains ecclesiastiques suivent Eusebe et Jerome.
L'ensemble de la tradition, quant au lieu, a Foccasion et a la date, parait done
solide. Entre Irenee et Eusebe, I'exil de Jean a Patmos est confirme par Clement
d'Alexandrie et Origene (Clem. Al. Τίς δ σοιζοαενος πλούσιος, 42; Orig. Comm.
sur Matthieu xx, 22-seq.). Le premier parle du depart de FApotre pour Ephese
« apres la mort du tyran » του τυράννου τελευτησαντος, le second de la condamnation
portee, d'apres la tradition, par « Fempereur des Romains », δ δέ 'Ρωμαίων
βασιλεύς, ως ή παράδοσις διοάσκει, κατεδίχασε. Ni Fun ni Fautre, toutefois, ne nomme
Domitien ; mais, d'apres Clement, qui raconte tout de suite apres la touchante
histoire de la conversion du jeune brigand operee par Jean dans sa vieillesse
(τον γε'ροντα), il semble que cet exil a du avoir lieu dans les dernieres annees
du i^•" siecle.
Mais au souvenir de Fexil se mele un autre recit qui, s'il parait d'abord com-
pleter la tradition, complique en realite Fetat du probleme, celui du martyre
effectif que Jean aurait subi, pour y echapper d'ailleurs miraculeusement. Nous
n'avons pas a en apprecier ici la valeur historique, mais seulement a voir en quel
rapport il se trouve avec la tradition de Fexil a Patmos, sous Domitien. Tertullien
[De Praescriptione Haereticorum, 36) en fait mention le premier : « Ista quam
felix ecclesia (scil. romana)... ubi Petrus passioni dominicae adaequatur, ubi
Paulus Johannis exitu coronatur, uhi Apostolus Johannes^ posteaquam in
oleum igneum demersus nihil passus est, in insulam relegatiw I » Tertullien
place bien la scene a Piome, et semble en indiquer la relegation dans une ile
comme une consequence ; il ne dit pas sous quel empereur, et le rapprochement
avec les martyrs de Pierre et de Paul pourrait porter a croire que le tout aurait
eu lieu sous Neron (1). S. Jerome, dans le passage indique de I Adv. Jov. a un
texte dont la lecture est douteuse, mais ού la plupart des manuscrits mention-
nent Neron : « Refert autem Tertullianus quod Romae (ailleurs a Nerone) mis-
sus in ferventis olei dolium purior et vegetior exiverit quam intraverit » (2). Plus
tard, la version syriaque de I'Apocalypse editee par de Dieu s'intitulera : « Revo-
lation qui a ete faite a Jean FEvangeliste par Dieu dans File de Patmos, dans
laquelle il fat j ete par Neron Cesar ». Les « Actes de Jean » (ii•^ si6cle) pla-
gaient deja le sejour a Ephese, etFexil, au temps de Neron (3) ; le Canon de Mura-
iorilui-meme en nommant Jean « le predecesseur de Paul » (1. 47), semble bien
le designer ainsi a titre d'auteur de sept lettres•,. ce qui ferait allusion aux chapi-
tres II et in de I'Apocalypse : « Cum ipse beatus apostulus Paulus sequens pro-
decessuris suis Johannis ordine non nisi domenati semptx eccleses scribat ». 11
(1) Abdias (vr siecle. aucune autorite) altribue les fails au proconsul d'Ephese.
(2) .lorome parle encore de ce martyre dans son comm. sur Matthieu, xx, 23.
(3) Le recit du martyre se trouvait-il originaiiement dans ces « Actes »? Alors il faudrait
supposer une lacunedans le ch. 118, οϊι il aurait du etre mentionnc (Voir Hennecke. Neutes-
lameniliclie Apokryphen, p. Ί29).
CCVI INTRODUCTION,
faut done croire qu'une tradition secondaire, melee du reste a des legendes,
plagait les visions deFApocalypse, non sous Domitien, mais sous Neron. Jean las
eut redigees au plus tard, en ce cas, pendant I'lnterregne ou sous Vespasien.
Enfin S. Epiphaiie a une assertion etonnante. D'apres lui, TApocalypse aurait
ete ecrite sous Tempereur Claude — mort en 54, avant que Paul eut evangelise
Ephese! Dans son ouvrage contre les heresies (li, 12 et 33), il avance que Jean
revint de Patmos sous Claude Cesar, et, un certain nombre d'annees (κατά ετνι)
plus tard, fut contraint par I'Esprit de composer I'Evangile, a Tage de 90 ans;
plus loin, il parle de I'Apocalypse comme d'une prophetie sortie de la bouche de
Jean προ χοσιχησεως αυτοΰ, avant sa mort, TApotre ayant prophetise aux temps de
Claude Cesar, et deja auparavant, quand il etaitdans Tile de Patmos. Que peu-
vent vouloir dire ces textes? Est-ce pure confusion ou distraction^ de I'erudit
embrouille qu'etait Epiphane? Aurait-il pense que Claude regnait a la fin de la
vie de Jean, qui a depasse les quatre-vingt-dix ans ? Υ a-t-il eu corruption du
texte? L'ecrivain a-t-il appele Neron [Nero Claudius Caesar) du nom de Clau-
dius Cesar? En tout cas ces assertions, dont la deuxieme parait d'ailleurs contre-
dire la premiere, ne meritent pas la discussion. Claude n'a jamais eu affaire a
Jean, a moins qu'on ne suppose — tres gratuitement — que I'Apotre, se trouvant
a Rome vers Tan 50, en eut ete expulse avec les Juifs [Act. xviii, 2); ou encore
que Jean ayant ete martyrise par Herode Agrippa avec son frere Jacques, sous
Claude, vers 43, le souvenir confus de cet evenement se fut combine avec I'autre
tradition, celle de son exil. Mais cette hypothese, nous I'avons dit, est artificielle,
pour ne pas dire absurde, et va contre tout ce qui a ete le mieux etabli par la
contro verse johannique (1).
En fin de compte, il faut choisir pour I'exil a Patmos entre I'epoque de Neron
et celle de Domitien (2). Le texte formel d'Irenee, et I'autorite d'Eusebe
et de saint Jerome, temoins critiques des plus anciennes traditions, font certaine-
ment pencher la balance du cote du second. De plus, il n'est pas tres sur que
Tertullien ait voulu mettre en relation chronologique etroite le martyre a la Porte
Latine et le bannissementdans une ile; ces deux faits, a I'origine, pouvaient etre
regardes comme independants et assignes a differentes epoques. La critique
interne decidera peut-etre : voyons quel temps convient le mieux aux conditions
historiques indiquees par I'Apocalypse elle-meme.
(1) Cette date de Claude se retrouve chez les commentateurs Apringius (vr siecle), ZUllig
(1834-1840) ; — Grotius I'admettait seulement pour une partie des propheties, censoes relatives
aux Juifs.
(2) II y a eu encore quelques opinions aberrantes chez les anciens. Ainsi Dorothoe (?) Syno-
psis de vita et morte prophetarum (iii' siecle) prefere le temps de Trajan a celui de Domitien;
Theophylacte plsLce I'exil a Patmos, successivement, au temps de Trajan et au temps de ΝέΓοη.
(Jacquier). — Parmi les modernes qui acceptent I'unito de I'Apocalypse, Linder, seul, croit
le livre compost sous Claude, ou peut-6tre avant; Baiw, Ililgenfeld, Beyschlag, Lucke
Lightfoot, Westcott, Hort, et d'autres, le reculent vers I'age de Neron ou aux premieres
ann^es de Vespasien, quelques-uns, comme Hort, sans beaucoup d'assurance; Reuss et Renan
le mettent sous Galba; Z)Msie7'diec/i^ B, Weiss, H. J. HoUzmann, sous Vespasien; Swete ei
Milligan, ainsi que les catlioliques generalement, sous Domitien. Harnack Ghronol. i, p. 245
Bousset et Jitiic/ie?• defendent aussi cette date, mais pour des raisons qui ne sont pas toutes
egalement convaincantes. — Quant aux autres critiques qui y voient un ecrit composite,, nous
avons expose ieurs opinions au chapitre xi.
IDENTIFICATION DE « JEAX », AUTEUR DE l'aPOCALYPSE. CCVII
11 faut considerer avant tout ce que nous apprennent les Sept Lettres, car elles
font corps avecle reste du livre; les parties prophetiques n'ont certainement pas
ete publiees anterieurement, et, meme au cas tres douteux ού elles se seraient
inspirees de visions plus anciennes, le commentaire etablira qu'elles auraient
alors 6te ramenees aux perspectives de Patmos. Or, lorsque Jean ecrivit les
Lettres, certaines conditions sont faciles a constater. Le peril judaisant etait deja
oublie, puisqu'il n'y est pas fait une seule allusion, et les Juifs n'etaient plus que
des ennemis du dehors, comme les paiens. Ceux-ci avaient certainement deja
commence leurs persecutions sanglantes, au moins a Pergame (martyre ^'Anti-
pas); et le cinquieme sceau du chapitre vi, ainsi que la description de Rome,
i{>re du sang des martyrs (xvii, 6), montre qu'il y avait eu beaucoup de morts
violentes, sans determiner si I'Asie aussi en avait ete le theatre. Plusieurs
eglises, Laodicee, Sardes, se sont rel^chees de leur ferveur primitive, pour des
raisons interieures, semble-t-il, plutot encore qu'en raison de menaces du dehors ;
attendu que les Lettres, si elles supposent des vexations actuelles de la part des
Juifs et des paiens, n'indiquent pas que les Chretiens, d'une fagon legale et gene-
rale, soient deja mis en demeure de renoncer a leur foi, quoique ce soit bien 1Έ-
vangile (la parole de Dieu et le temoignage de Jesus) qui ait ete cause de I'exil du
Prophete. Celui-ci prevoit seulement que des accusations juridiques sont immi-
nentesa Smyrne (ii, 10), etqu'une grande tentation (πειρασμός, in, 10) va fondresur
le monde entier.Jl est facile, par la comparaison avec le chapitre xiii, de deter-
miner le caractere principal de ce πειρασμός, de cette θλίψις : ce sera le comman-
dement d'adorer la Bete, c'est-a-dire que la generalisation du culte imperial
apparait comme un danger effroyable a I'horizon prophetique ; mais rien n'in-
dique qu'il ait deja fondu sur les iideles. En resume, il y a eu deja une persecution
sanglante et terrible, en Asie ou ailleurs ; elle a cesse ou s'est adoucie, au point
que les Eglises n'y pensent plus assez, mais elle reprendra plus grave que jamais,
et n'cpargnera pas les Asiatiques : la Bete qui etait, n'estplus, mais doit remon-
ter de I'Abime (xvii, 8; cfr. 11) pour avoir sa Parousie (παρεσται). Enfin I'auteur
semble s'etre servi, pour son symbolisme, de la croyance populaire au retour de
Neron (xiii et xvii). Un dernier trait a rappeler : il connait a fond I'etat materiel
et moral des cites d'Asie, et fait des allusions a leur histoire : pourtant il n'en a
pas une au fameux tremblement de terre qui detruisit Laodicee en Pan 60 (Tacite).
Les auteurs qui tiennent pour une date de composition anterieure k 70 font
valoir comme arguments le calcul des tetes de la Bete (xvii), le chiffre de son
nom (xiii, IS), la vive preoccupation du retour de Neron, qui ferait supposer
que sa chute est recente, le chapitre xi qui indiquerait que le Temple de Jerusa-
lem subsiste encore; mais leurs interpretations, ou sont trop exclusives et « zeit-
geschichtlich », ou ne tiennent pas assez compte du caractere symbolique de tout
cela. On pourrait aussi faire valoir plusieurs de ces traits en sens contraire, et
on I'a fait. Nous n'insisterons pas sur ces points-la dans notre enquete ; Hort,
qui penche personnellement vers la date la plus ancienne, garde au moins une
reserve que ne connait pas I'imagination subjectiviste des critiques germaniques
et de leurs imitateurs, et concede que tous ces passages n'ont pas une valeur
bien determinante dans la question debattue. II faut en effet les interpreter par
ce qui est plus clair, notamment par les Lettres; c'est ce que nous ferons.
Quel temps, d'apres I'histoire generale, convient done le mieux aux condi-
CCVIII IXTRODUCTIOX.
tions historiques enoncees? Est-ce celui qui va des dernieres annees de Neron
aux premieres de Vespasien, de 64 a 70, ou bien la fin de la dynastie flavienne,
a partir de la quatorzieme annee de Domitien (94-96) ?
La persecution neronienne qui se dechaina a Rome, en 64, comme un ouragan,
est assez connue. Elle fit beaucoup de victimes, et ne cessa pas completement
avant la mort de I'empereur, puisque Pierre et Paul, suivant la tradition, subi-
rent le martyre en Pan 67 (1). Mais on ne peut savoir avec certitude, faute de
documents, si elle s'etendit en dehors de Rome, et gagna les provinces. Paul
Allard (2) le croit, s'appuyant sur ce que les Chretiens, d'apres Suetone, Nero, 16,
etaient consideres comme des hommes « d'une superstition nouvelle et malfai-
sante », ce qui rendait naturel de les poursuivre partout; de plus, la l'^ epitre
de Pierre, envoyee de Rome vers cette epoque aux Chretiens d'Asie, montre
que ceux-ci egalement etaient deja persecutes pour leur nom. Nous ne croyons
pas que cette induction s'impose; le chef des Apotres, selon nous, pressentant
tres justement, au spectacle de la haine du peuple, que des violences allaient
bientot eclater a Rome (καιρός του άρςασΟαι το κρίμα άπο του οίκου του θεοΰ, Ι Pet. IV,
17), voulut seulement mettre en garde ses lointains lecteurs contre un pareil
sort; du moins on ne peut du texte conclure davantage. Mais I'exemple de
Rome, le renom qu'avaient les fideles d'etre « ennemis du genre humain » et
adonnes a une « superstition malfaisante » {Tacite et Suetone), rendent fort
vraisemblable que, dans les provinces aussi, leur sort s'aggraya depuis Neron,
et que les autorites ou la populace firent au moins qaelques martyrs isoles.
Tertullien, Adv. Nationes, i, 7, dit que « permansit, erasis omnibus, hoc solum
institutum neronianum », Mais, en somme^ on est reduit aux conjectures.
Apres une periode de tranquillite relative, il est certain que la persecution
reprit a Rome, sous Domitien [portio Neronis de crudelitate, Tertullien). Mais
nous savons peu de chose sur ses vraies causes, et surtout sur son extension.
Meliton (Eus. H.E. iv, 26, 9), Tertullien (Apol. 5), Lactance (De morte
persec, 3], Eusebe (H.E, in, 18) Sulpice-Severe (Chronique, ii, 31) et Orose
(vii, 10] rangent Domitien parmi les persecuteurs. D'ailleurs nous avons la
lettre de Clement de Rome (96 , qui, au chap. 1", parle « des malheurs, des
catastrophes qui nous sont survenus a I'improviste et Pun sur Pautre », ce qui
est une allusion assez claire. Dio?i Cassius (Xiphilin, lxvii, 14), confirme par
Suetone, a relate la mort des consulaires Flavins' Clemens et Acilius Glabrio,
lesquels etaient accuses d'atheisme (άθεότης), et de « vivre a la juive », le second
d'etre un « molitor novarum rerum » [Suetone, Domitien, 15). Dion Cassius
(lxviii, 1) nous apprend encore que Nerva fit cesser les poursuites contre
ceux qui etaient accuses a'impiete (άσεβεία), rappeler les bannis, et qu'il defendit
aux esclaves et aux affranchis d'accuser personne « d'impiete ou de vie a la
juive ». Ces deux termes d' « atheisme et d'impiete », rapproches egalement de
Paccusation de judaiser, doivent s'equivaloir. Mais, comme la religion juive, en
(1) Si toutefois le martyre des deux grands apotres eut lieu la meme annoe, ce qui n'est pas
I'avis de W' Duchesne ni de plusieurs autres.
(2) Voir Paul Allard, le Christianisme et I'empire remain de Neron a Theodose. p. 18-sv,
8• edit., 1908. D'autres historiens encore, Ms' Baliffol par exemple, sont convaincus que la
religion chretienne a eto prohibee d6ja comrae telle sous Noron, des qu'elle fut nettement
distinguee du judaisrae.
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR UE l'aPOCALYPSE. CCIX
soi, n'etait pas consideree comme un atheisme et qu'il est certain, par ailleurs,
que la famille de Flavius Clemens (les deux Domitilla), et aussi des membres
de la gens Acilia (puisqu'ils donnerent aux chretiens une catacombe), etaient
alors Chretiens, « moeurs juives » ne peut signifier ici pour ces personnages
que « christianisme ». D'apres Dion Cassius, beaucoup d'autres que ces
illustres patriciens furent punis pour le meme crime (lxvii, 4 . Eusebe
dans sa Chronique, ad annum Ahrahami 2110, affirme, d'apres un certain
chronographe paien, Bruttius, que beaucoup de chretiens souffrirent pour leur
foi en la quinzieme annee de Domitien (95-96). On ne peut done aflirmer que
la persecution se borna a Taristocratie chretienne, ni a la ville de Rome. Tou-
tefois, on n'a pas de preuves, en dehors de I'Apocalypse elle-raome, qu'elle ait
sevi jusqu'en Asie Mineure; et il ne faut pas invoquer a cet effet le temoignage
du chapitre xiii, car la mise hors la loi des fideles qui refuseront d'adorer la
Bete, c'est-a-dire de pratiquer le culte imperial, se rapporte a Tavenir plus
qu'au present (1). 11 faut pourtant se rappeler que Domitien a fait des efforts
pour etre reconnu dieu de son vivant, et se fit appeler par sa chancellerie
« dominus etdeus noster »; dans I'Asie servile, ces efforts auraient pu avoir un
succes particulier, et eveiller ainsi les vues prophetiques de saint Jean, qui n'en
demeuraient pas moins prophetiques.
C'est bien la un argument d'un certain poids en faveur de Tepoque de Domi-
tien. De mime, s'il s'est montre un faux Neron des I'an 69, ce n'est qu'une
vingtaine d'annees plus tard, a partir de Tan 88 et presque sous Trajan, que
I'imagination populaire s'est preoccupee vivement de son retour d'au dela de
I'Euphrate, a la tite de I'armee des Parthes (v. Comment, au chap, xvn); il est
peu probable qu'aux debuts de Vespasien la legende eut deja pris cette forme et
cette consistance. En outre, la mention du Temple au chap, xi n'indique pas
que Jerusalem fut encore debout, car c'est un temple ideal, image de I'Eglise,
et la « &" tete » de xvn, 5, cet empereur contemporain, ne devrait etre Ves-
pasien que si Ton ajoute foi au calcul penible qui compte les tetes a partir d'Au-
guste, tandis qu'il est bien plus en situation de faire coincider la montee de la
B6te a sept tetes avec le commencement des persecutions romaines (v. Com-
mentaire). Mais il y a des arguments plus ddcisifs a mon avis :
1° Tout d'abord, la situation indiquee par les lettres (rapprochoes du
5" sceau, etc. voir ci-dessus), s'accorde mieux avec la fin de la dynastie fla-
vienne. Elles supposent le souvenir, non Tactualite, d'une persecution tres
sanglante, suivie d'un apaisement relatif, que de nouvelles menaces viennent
troubler, menaces qui font presager a un prophete de Dieu le terrible danger
du culte imperial. La persecution, qui n'a peut-etre jamais entierement cesse,
a deja un reveil puisque,Jean a ete exile a Patmos, et que bientot des Smyr-
niotes seront incarccres; cependant elle ne parait encore ni tres systematique,
ni tres sanglante, au moins en Asie. — Or, la seconde persecution, sur laquelle
on a si peu de documents, semble avoir eu ce caractere-la, tout en precisant les
(1) Unc tradition* dit ψχΆηϋραε, martyre do Pergame (Ap. ii, 13), etait evoque de cette
ville, et fut briilo dans un taureau d'airain, sous Domitien (Motaphraste: Bollandistes
11 avril; Andro de Gosaree dit avoir hi ses actes; TertuUien Scorpiace, 12, repete tout sira-
plemenl les mots de I'Apocalypse). ο
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. ji
CCX INTRODUCTION.
griefs religieux souleves contre les Chretiens mieux qu'au t.eraps de Neron, at
en faisant naitre de plus sombres perspectives encore, en raison de I'ambition
divine affichee deja par I'empereur.
2° Certains traits relatifs a I'histoire locale portent a. conclure dans le ιηέπιβ
sens. Nous ne faisons pas grand fond sur I'article de Salomon Reinach (1) qui
decouvre un rapport explicite entre le 3'' Cavalier du chapitre vi ct le decret
de Domitien a propos de la mevente des vins en I'an 93. Mais, si I'Apo-
calypse avait ete ecrite quelques annees seulement apres Tan 60, saint Jean,
dans sa lettre menagante a Laodicee, n'eut sans doute pas manque de faire allu-
sion au tremblement de terre qui renversa la ville a cette date; il avait du
s'ecouler assez de temps pour que les insouciants Laodiceens eussent oublie la
catastrophe.
30 Enfin, nous concedons bien que les sept eglises d'Asie pouvaient exister
toutes vers la fin du regne de Neron. Quand Paul avait evangelise Ephese pen-
dant trois ans, le christianisme s'etait ropandu dans toute la province [Act. xix, 10,
et Epitre aux Colossiens). Mais les Lettres montrent que ces eglises ont un
assez long passe derriere elles pour que la charite et la foi y aient perdu de leur
premiere fraicheur, et beaucoup plus, semble-t-il, qu'au temps des Epitres de
la captivite et des Pastorales. Saint Jean connait a fond ces eglises; il a done du
les frequenter un certain nombre d'annees. Or, quand Jean a-t-il pu commencer
son ministere a Ephese? Ce n'est pas avant 67; jusque-la Paul, puis Timothee,
avaient ete les apotres et les chefs religieux de I'Asie, et on n'admettra guere
qu'un des Douze ait travaille a cote d'eux, sans que les Actes en fassent men-
tion. Saint Jean n'a pu s'etablir en Asie qu'apres la mort de I'Apotre des gentils.
Comme, dans ses Lettres,. il se montre tres familiarise avec I'esprit et Thistoire
de chaque ville, on concedera bien qu'il lui avait fallu pour cela un certain
nombre d'annees d'experience; et cela nous eloigne assez du temps de la
mort de saint Paul, qui preceda d'assez peu celle de Neron.
Ainsi nous croyons que le critique interne corrobore le temoignage d'Irenee,
et la tradition commune; que, par consequent, I'exil a Patmos et la compo-
sition de VApocalypse ont eu lieu au cours des deux dernieres annees de
Domitien.
S'il en est ainsi, le probleme de la distance qui separc I'Apocalypse de
I'Evangile, au point de vue grecite, devient vraiment ardu. Car on ne saurait
mettre au maximum qu'une dizaine d'annees entre les deux ecrits. II faut
renoncer a I'hypothese d'un long intervalle qui eut permis a I'auteur, entre
deux epoques de sa vie, de perfectionner sa connaissance du grec; c'etait la
solution, helas! la plus commode. Mais si saint Jean, en 95, ne savait pas
encore bien manier cette langue apres un sejour deja long dans des villes ou on
ne parlait qu'elle, ce n'est pas en quelques annees de plus, a son Age, qu'il pou-
vait perfectionner beaucoup ses connaissances linguistiques. Ceux-la ne me
contrediront pas qui connaissent les milieux bilingues ou polygl^ttes.
(1) Revue uvcheologique^ 1901, nov.-d^c, et Ciiltes, Mylhes el Religions, 11, pp. 356-380.
IDENTIFICATION DE « JEAN « , AUTEUR DE L APOCALYPSE. CGXI
Mais d'autres solutions demeurent. Nous pouvons en imaginer deux.
L'une est que saint Jean n'aurait pas su beaucoup mieux la grammaire
grecque quand il composa I'Evangile et les Epitres qu'au temps ou 11 ecrivit
I'Apocalypse. Seulement, vivant tranquille a Ephese, il y aurait trouve le secre-
taire, qui lui manquait a Patmos, dont le calame eut corrige les principales
incorrections sortant de la bouche du maitre qui faisait la dictee. Ainsi la
Ρ Petri a ete ecrite elegamment par Sylvanus. Gette solution n'a rien d'artificiel
^tant donne les usages de lepoque. Plusieurs auteurs I'indiquent aujourd'hui
comme une possibility. Ainsi Swete (pp. clxxxiii-clxxxiv). « Early tradition
clxxxiii-clxxxiv. explicitly states that the Gospel was written from dictation, and
underwent some kind of revision at the hands of those Λvho received it », et il
cite le prologue du Codex toletanus et un anonyme grec de la Catena de
Corderius qui nommenttous deuxPapias lui-meme comme ce secretaire. Moulton
croirait pour sa part a la dualite d'auteurs; pourtant il pose cette alternative,
au cas ou I'auteur serait unique : « Ou bien il nous faudra accepter pour
I'Apocalypse la date la plus ancienne , ou bien admettre que quelqu'un
(mettons I'auteur de Joh. xxi, 24) a corrige pour lui sa grammaire tout le long
de I'Evangile. » (Introd. a la langue du Nouveau Testament, c. l•^"" Apocalypse,
note). Jacquier (H L Ν T. iv, p. 18) : « Peut-etre les deux ecrits n'ont pas ete
rediges par le meme secretaire, auquel il faudrait attribuer une certaine
influence dans la facture du style. » Radennacher (Neutestamentliche Gram-
matik 183 A 1, cite avec faveur par Meinertz (Einl., p. 457, note i, 1913) : La
superiorite de TEvangile pourrait « durch eine literarische Beihilfe erklart
werden », « s'expliquer par une aide litteraire ».
Une• autre conjecture est celle-ci : Saint Jean, quoique pensant en arameen,
aurait ete capable depuis de longues annees d'ecrire en assez bon grec (bien
qu « illettre » άγράααατος, Act. IV, 31, il pouvait avoir acquis quelque connais-
sance de cette langue, des sa jeunesse, en Galilee, et I'avoir developpee plus
tard); mais il ne parlait spontanement qu'un grec populaire, mele de semi-
tismes, et, pour rendre litteraire son elocution, il lui eut fallu de la reflexion
et des loisirs. II les trouva a Ephese pour copiposer I'Evangile; il ne les avait
point a Patmos, d'ou il dut envoyer aux eglises d'Asie un ecrit redio-e a la
hate, a peine relu, imparfait pour la composition comme pour la langue, et
que, n'ayant pas Γ amour-propre d'un homme de lettres, il n'a pas juge neces-
saire de corriger plus tard.
Quel pouvait etre, en effet, le genre d'existence que lui faisait son « exil » ?
Dans quelles conditions lui etait-il permis de travailler? Les idees de Ramsay (1)
sur ce point-la paraissent fort plausibles; nous n'avons qu'a nous en inspirer (2).
Patmos a bien pu servir de lieu d'exil, ainsi que d'autres iles de la mer Egoe.
La p^nalit^ romaine de la dcportatio in insalain avait ete frequemment appli-
quee sous Domitien a des Chretiens : ainsi aux deux Domitillcs, — et a
(1) Λν. Ramsay, The I.eUers to the Seven Churches, 1909, c. vrir; I'auteur s'appnie lui-mgmc
sur MOMMSEN, Riimisches Strafrecht, 1899.
(2) Rapprocher lavis du grammairien A. T. Robertson, cilo R. B. 1915, p. 589 : « L'Apoca-
lypse a έΐό composoe a Patmos sous I'influenco d'unc certaine excitation, et peut-otre aussi
u'a-t-elle pas 616 revisoe avec soin, lundis que I'ovangilc et la premiere epilre onl probable-
ment recu les soins et I'assistance d'amis cullives ».
rrxii INTRODUCTIOX.
d'autres fideles encore, d'apres notre interpretation du texte de Dion Cassius).
Elle n'entrainait point, par ailleurs, de contraintes personnelles trop dures.
Mais cet exil pur et simple, avec confiscation des biens, otait reserve a des
personnages de marque, tels que ces parents de lempereur, des patriciens, des
citoyens notables ; Paul, a la rigueur, aurait pu etre condamne a une penalite de
ce genre, mais saint Jean, auxyeux des autorites, netaitqu'un Juif obscur. Or, la
deportation des « humiliores » avait, dans le droit penal romain, un caractere
beaucoup plus rigoureux. Cetaient les travaux forces, notamment dans les car-
ri^res et les districts miniers, ou tant de chretiens furent enfermes au cours des
persecutions ulterieures; ils entrainaient la flagellation prealable, les chaines, le
logement dans une prison commune, la surveillance de gardes-chiourme pendant
le travail. II est vrai qu'il n'y avait pas de mines a Patmos, et que Ton ne sait
pas si Ton y envoyait des forgats pour y exploiter par exemple des carrieres.
Cependant, croyons-nous, Taflirmation de Victorin et de Primasius, que Jean
etait condamne ad metalla, peut etre Techo deforme d'une tradition vraie.
11 γ avait, dit Ramsay, bien des formes de hai^d labour parmi les penalites
romaines et d'ailleurs nous connaissons tres pen de chose au sujet des lieux
destines specialement a ces penalites; Patmos, ilot sans importance, pouvait
etre du nombre (p. 85).
Mais si saint Jean, pour avoir rendu temoignage au Christ, avait ete ainsi
condamne par quelque proconsul (car il est pen probable que Cesar se soit jamais
occupe directement de lui) a I'etat de forgat, comment eut-il pu composer un
parfait ouvrage de style, meme faire aussi bien que pour TEvangile? Ecrivant en
de rares moments derobes au labeur, en proie a la fois a I'eniotion violente des
revelations surhumaines, et aux peines, aux craintes du dehors, oblige peut-etre
de profiter de la premiere occasion pour envoyer son livre en cachette a fiphese,
comment aurait-il fait a soigner sa diction? II faudrait plutot admirer ce qu'il apu
γ mettre d'art, dans des circonstances si defavorables pour un ecrivain ; nous ne
iuoerons pas qu'il ne pouvait faire mieux s'il avait travaille en liberte et en repos.
Pour notre part, c'est vers cette seconde conjecture que nous inclinerions.
L'Apocalypse, en effet, avec la part d'incoherence, ou du moins d'imparfaite har-
monic qu'il faut reconnaitre dans son symbolisme, avec ses jgrossieres fautes
grammaticales, qui ne peuvent cependant masquer sa puissance d'evocation et
de structure, ni la finesse de quelques-unes de ses nuances, ni la bonne grecite de
certains passages, est une ceuvre litteraire si extraordinaire, elle offre des aspects
si contradictoires qu'on ne peut la croire sortie dun travail accompli dans des
conditions normales. L'ignorance, ou Finexperience litteraire, ne suffisent pas a
rendre compte de ses defauts, puisqu'aucune faute n'est constante, et que sa
structure est a la fois si subtile et si ferme. Elle porte des traces de gene, de pre-
cipitation par-ci par-la meme de veritables distractions, dans le desaccord des
genres et des cas. C'est I'oeuvre d'un genie contrarie, que des circonstances
exterieures ont contraint a livrer a la publicite, pour ainsi dire, son brouillon.
Quand Nerva eut fait casser par le senat les actes du tyran, saint Jean, avec
les autres bannis, put retourner a sa residence. Dans ses cheres eglises, il trouva
son Apocalypse deja lue en public. Son genie a la fois systematique et fougueux
les avait dotees, sous I'inspiration d'en haut, d'une oeuvre imparfaite si on la
considere en critique litteraire, mais admirable au point de vue religieux, le plus
IDENTIFICATIOX DE « JEAX », AUTEUR DE L APOCALYPSE. CCXIII
puissant manifeste de guerre a Satan et d'incoercible esperance ou I'Eglise put
py.tser la certitude de sa victoire sur le monde. Rentre dans una existence nor-
male, et, comme a su bien Texprimer Ramsay, muri definitivement parl'epreuve,
eleve a la plus haute serenite de contemplation par les douleurs et les visions de
I'exil, le disciple bien-aime^devait, peu d'annees apres, donner a I'Eglise et au
monde une oeuvre plus sublime encore, son Evangile.
l'apocalypse et le canon.
Comme appendice a cette discussion, il est juste de tracer brieveraent I'histoire
des peripeties que traversa I'Apocalypse avant d'etre admise universellement dans
le canon des ecritures inspirees (1). Nous en avons donne ci-dessus le plus
important, a propos de I'apostolicite du livre, qui entrainait la reconnaissance de
son inspiration. Les objections de Caius, refutees par saint Hippolyte, n'eurent pas
de succes en Occident, ou TApocalypse fut toujours admise comme inspiree dans
toutes les Eglises. Apres le Canon de Muratori, ce temoignage romain du
II* siecle, tous les auteurs ecclesiastiques qui eurent a en parler, la catalogue
Mommseniaiius (359? temoignage probablement africain), le ClaromontanuSy
les conciles d'Hippone (393) et de Carthage (397 et 419), la lettre d'Innocent I"
a Exupere (405), et le fameux decret de Damase-Gelase sont tous d'accord.
II n'en etait plus de meme en Orient. Si I'eglise d'Alexandrie, malgre les cri-
tiques et les doutes de saint Denys, a toujours retenu I'Apocalypse dans son
canon, nous avons vu que les ecrivains d'Antioche, saint Jean Chrysostome, Theo-
dore de Mopsueste et Theodoret, ne la citent point. Ainsi en fut-il de saint Cyrille
de Jerusalem, de saint Gregoire de Nazianze, qui I'omet dans son poeme, de
saint Amphiloque, qui dit dans ses lambes a Seleucus que la plupartla regardent
comme apocryphe, vdOov ; parmi les autres Cappadociens, saint Basile et saint
Gregoire de Nysse I'admettent; si ce dernier (Oratio in ordinationem suam), en
citant un passage, dit qu'ill'a appris Iv άποχρύ.ροις... δι' αινίγματος, le mot άποχρύφ οις
signifie sans doute « paroles au sens cache ». On sait les doutes et I'embarras
d'Eusebe. Le canon du concile de Laodicee en Phrygie, vers 360 (s'il est authen-
tique), etle 85* canon des Constitutions apostoliques n'en parlent pas davantage.
Dans la Syrie Euphrateenne, il est certain que I'Apocalypse n'est entree que
tardivement au canon des Ecritures : la Doctrine d'Addai (iii* ou iv* siecle),
Aphraates (337-345) I'ignorent, ainsi que toutes les epitres catholiques, et saint
Ephrem [■\- 373) ne la cite qu'une seule fois, v, 1, dans ses oeuvres dont le texte
syriaque nous est parvenu. La version Psitta, ofTicielle dans I'Eglise syrienne, ne
la possedait pas, non plus que la version armenienne faite au v* siecle. Ce n'est
que dans la version philoxenienne, probablement (vi* s.), qu'elle s'introduisit dans
le syriaque et elle ne fut traduite qu'au x* siocle en armenien. Au Moyen Age,
(1) N'ayant pas cru necessaire d'enlrer dans aucun dotail de celte histoire, ni mome d'indi-
quer les sources dans un si bref rosume, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages qui traitenl
ces questions et particulifereraent ά /«((/«ίβ/•, LeN. Τ. dans I'Eglise chrotienne, 1. 1", 1911, sec-
tion iii-vii, et, surtout pour ce qui concerne les protestants, a Boussel, Offenb.e, pp. 19-34
<:CX1V INTRODUCTION.
les Nfistoriens s'en sont tenus au canom d'Antioclie et au contenu de la Psitta
Ebed Jesu de Nisibe [■\• 1318) ne mentionne pas FApocalypse au catalogue des
Livres Saints. Mais, chez les Monophysites, Denijs har-Salibi [-γ 1171) I'a com-
mentee, etpartage a son sujet lOpinion de saint Hip pal rte ; Bar-Hebraeus (-j- 1286j
a le canon complet du Nouveau Testament. — Les Armeniens aussi possedent
tous nos livres, quoique Mechilhar dAiravank (vers 1290), ne considere encore
TApocalypse que comme un antilegomene que Ton pout laisser passer.
L'Eglise grecque, dans son ensemble, fut assez lente a se determiner. La
Synapse dite de saint Atlianase (vi*' s.?) reconnait, d'apres les Peres, la canoni-
cite de FApocalypse. Mais en Egypte, a la meme epoque, le bon Cosmas Indi-
copleustes, cet ancien marchand et voyageur aussi severe en fait de canonicite
qu'hostile a la science d'origine profane, I'exclut ainsi que toutes les epitres
catboliques ; ce devait etre un cas individuel; pourtant le diacre alexandrin
Euthalius a neglige d'en divisor le texte en chapitres, ce qu'il a fait pour tous les
livres du N. T. autres que les Evangiles; Anastase le SinaUe omet aussi bien
lApocalypse dans le canon des livres saints que dans la liste des apocryphes. Les
doutes orientaux avaient done du se communiquer a certains milieux egyptiens,
— Par ailleurs, le livre de Sectis (fin du vi^ s.) admet lApocalypse au catalogue
des livres canoniques ; reveque^/zi//-e de Cesaree en Cappadoce Favait commentee
avec beaucoup de piete un demi-siecle auparavant ; il fut suivi dans cette voie
par (Ecumenius (1) (vers 600) et Arethas de Cesaree (vers 901-940). Enfin le con-
cile in Trullo (691-692) Fadmet, puisqu'il reconnait, a cote des canons de
Laodicee et d Amphiloque, et du 85*^ canon apostolique, I'autorite de ceux d Atlia-
nase et de Cartbage. Saint Jean Damascene (f 750) la regoit aussi ; si dans le cata-
logue ajoute a la Chronographie de Nicephore de Constantinople {-γ 828), FApo-
calypse est rangee parmi les « antilegomenes » avec celle de Pierre, etc., ce pent
bien etre une interpolation dans une liste plus ancienne. Photius (vers 870) ne
Finscrit cependantpas dans son Nomocanon; les canonistes grecs, apres lui, conti-
nuent a manifester quelques hesitations. Enfin Nicephore Calliste (xiv^ s.) donne
une codification definitiA'e (Histoire ecclesiastique 45, Migne P. G. cxlv, col. 880-
885), ού FApocalypse tient la place qui lui est due. Et, au xvii*^ siecle, la profes-
sion de foi du patriarche de Constantinople Cyrille Lukaris la range dans le
Nouveau Testament comme F « Apocalypse du Bien-aime ». L'Eglise grecque,
malgre des hesitations qui se prolongerent, s'etait done mise peu a peu d'accord
Avec les Latins .
En Occident, au IMoyen Age, on ne trouve pas trace de doute ni de discussion.
Au xv^ siecle, la BuUe d'union avec les Grecs d'Eugene IV, et le Canon du con-
cile de Florence, contiennent toiis les ecrits du Nouveau Testament. Mais, a la
Renaissance, le souvenir des anciennes contestations se reveilla. Le cardinal
Cajetan n'ose rieii dire contre FApocalypse, tout en avouant ne pas en penetrer
le sens litteral. Erasme, lui (-|-1536), reprend les objections d'autrefois, et veut
distinguer « Jean le Theologien », ainsi que le prophete de Patmos est nomme en
tete de certains manuscrits, de « Jean FEvangeliste » ; il ne voudrait accorder a
FApocalypse, ainsi qu'a d'autres deutero-canoniques, qu'une canonicite de
second ordre. Les refutations d'Erasme ne firent pas defaut.
(1) A XBoins qu'fficumenhie ne soit le premier en date; voir au chap, suivanl.
IDENTIFICATION DE « JEAN », AUTEUR DE l'aPOCALYPSE. CCXV
Les premiers protestants furent divises. Luther, dont le criterium de canoni-
cite etait plus subjectif qu'historique et traditionnel, exclut du Canon Γ Apocalypse
— qu'il a pourtant traduite et commentee dans un sens anti-papal — ainsi que
Heb., Jud. et Jacques. Les eglises et les theologiens lutheriens, en grande partie,
suivirent les m^mes errements touchant Γ Apocalypse, ainsi que Zwingli. Mais
Calvin la tient pour une ecriture inspiree, ainsi que Theodore de Beze (qui croit
qu'elle pourrait etre de Jean-Marc) ; de meme apres eux I'Eglise calviniste,
I'Eglise arminienne [Grotius] et I'Eglise anglicane. Au xvii" siecle, Tensemble
des lutheriens eux-memes s'etait range a I'opinion commune, Au xviii^ siecle,
avec Abauzit (1770), Hermann Oeder et Semler qui I'edita (1769), les discussions
reprirent, puis la naissance du protestantisme liberal vint repousser dans
I'ombre les questions de canonicite. Quoi qu'il en soit, I'Apocalypse n'est exclue
d'aucune Bible protestante.
Les debuts du protestantisme, et les doutes d'erudits tels qu'Erasme, avaient
rendu necessaire a I'Eglise de definir solennellement I'extension du Canon,
comme une verite de foi que nous devons admettre sous peine d'anatheme. Cast
ce qu'a fait le Concile de Trente, dans son Decretum de Canonicis scripturis
(Sess. IV,promulgue le 8 avril 1546). L'Apocalypse y est nettement appelee
« Apocalypsis Johannis Apostoli d .
L'histoire de I'Apocalypse, on le voit, fut mouveraentee, a cause de I'obscurite
de ses propheties, et des interpretations fausses ou extravagantes de certains
commentateurs. En considerant toutes les discussions passionnees qui ont
entouro ce livre, on doit conclure ceci : il fallait que la croyance a son origine
johannique fut bien ancree dans la conscience chretienne, pour que sa canonicite
ait pu, mome dans les eglises separees, s'affirmer malgre la defaveur immeritee
qui I'a poursuivi en tant de lieux.
CMAPITRE ΧΙΥ
LES COMMEXTATEURS DE L APOCALYPSE.
Pas un livre au monde n'a ete plus commente que I'Apocalypse, mais en des
sens si divers qu'on ne peut, sans faire une certaine provision de courage, se
mettre a tracer I'historique dei interpretations.
II fallait, evidemment, que le symbolisme et les principales idees en fussent,
avec quelques explications orales de I'anagnoste, intelligibles aux Chretiens
d'Asie, ses premiers lecteurs (1). Autrement la Revelation n'eut pas atteint son
but; carl'auteur n'entendait pas seulement tracer les grandes lignes de I'histoire
future, convergeant toutes vers le triomphe final de I'Eglise ; il voulait en premier
lieu fournir a des communautes determinees les indications divines propres a
orienter leur conduite au milieu de difficultes actuelles. Cela est vrai non seule-
ment des Lettres, mais de la deuxieme section prophetique en general : ainsi le
fameux chiffre de la Bete (xiii, 18), a voir la fagon pleine a la fois de mystere et
d'insistance dont il est amene, devait evidemment leur apprendre, sans donner
prise centre eux aux ennemis entre les mains de qui le livre aurait pu tomber,
quel etait, parmi les realites presentes et futures, le grand adversaire auquel il
leur fallait resister. Mais si I'Apocalypse etait relativement claire (v. le « livre
ouvert»de x, 2) pour les premiers destinataires, dont les besoins spirituels en
avaient rendu la publication urgente, le sens s'en obscurcit bien vite, la oii les
circonstances n'etaient pas les memes, et ou les fideles n'avaient pas la cle des
symboles, faute d'un commentaire autorise qui eut ete transmis de vive voix ou
consigne par ecrit pour eclairer la lecture des Chretiens aux siecles suivants.
Quand un enseignement, en effet, revet cettQ forme ailegorique, chacun est
porte a en interpreter les details suivant ses preoccupations personnelles, ou les
idees qui ont eu cours jusque-la dans son milieu. L'Apocalypse est un ecrit pas-
sionnant, qui devait surexciter les esprits portes a Texaltation; I'imagination des
commentateurs, qu'aucune explication officielle n'etait la pourguider, s'est done
donne assez librement carriere au cours des ages, depuis les millenaristes jus-
qu'aux sectaires illumines de nos jours; et plus dun exegete, mome orthodoxe,
parait avoir ete lui-meme une sorte d'Apocalyptique — non inspire — a qui les
visions de saint Jean fournissaient un bon pretexte pour exposer les siennes
propres. De fait, on reconnait trois ou quatre systemes d'explication, absolument
divergents et meles de subjectivisme, qui se prolongent depuis des siecles; au
milieu de cet amas confus de paille et d'or, il est bien dilTicile d'isoler les ele-
ments d'une veritable « tradition » explicative. Elle existe pourtant, mais a I'etat
de « disjecta membra ».
(1) Ainsi le< Thessalonlciens etaient au courant de I'eschatologie non έοπίβ de saint Paul,
II Thess. II, 5-6.
LES COMMEXTATEUnS DE L APOCALYPSE. CCXVII
Quelques raisons faciles a saisir rendent compte de cet etat chaotique de
lexegese :
1° Ce sont d'abord les conditions intellectuelles du milieu primitif. L'Apo-
calypse johannique n'etait pas le premier ecrit du genre. L'Eglise possedait le
livre de Daniel, qui etait en grand honneur, et de plus les Chretiens faisaient
grand cas de quelques apocalypses apocryphes; nous n'en chercherons pas ici
d'autre preuve que la faveur accordee a Henoch, et a V Assomption de Mo'ise
(ou a quelque autre recit legendaire sur le legislateur) dans I'Epitre de saint Jude
elle-meme. Des que le sens de TApocalypse se sera un pen obscurci, par le fait
du temps ou de la distance, — car il s'est ecoule environ soixante ans entre sa
composition et la premiere mention que Ton trouve d'elle, chez saint Justin, —
il sera assez naturel de la faire rentrer dans le courant de Tescliatologie populaire
tres vivace qui avait occupe les esprits avant elle, d'attenuer ou d'oublier ce qui
Ten distingue, et de I'interpreter soit au moyen des chapitres vii et xi de Daniel,
que I'on appliquait exclusivement a la fm des temps, soit des traditions extra-
canoniques sur le Millenium, Elie et Henoch, TAntechrist, etc. II est certain,
par exemple, que le chiliasme s'etait introduit dans les communautes chre-
tiennes vers le tournant du i" et du ii• siecles. Ce n'est pas seulement I'here-
siarque Cerinthe qui attendait un Millenium materiel, mais Papias, avec cet
esprit peu exigeant que lui reproche Eusebe, disait tenir de traditions orales
la revelation du Millenarisnie (ώ? Ικ παραδόσεως «γράφου εις αυτόν ηκοντα... καί
τίνα άλλα μυθικώτερα, εν οΤ- και /ιλιάδα τινά φτ,σιν Ιτων Ισεσθαι μετά τήν εκ νεκρών άνάστασιν,
σωματικίος της χριστού βασιλείας επι ταυτησί της γης υποστησοίΛϊ'νης. Eus. Ill, XXXIX, 11-12),
Eusebe pense qu'il avait mal compris les recits et les metaphores des apotres,
mais ne met pas cette illusion du vieil eveque d'Hierapolis en rapport avec
I'Apocalypse ; il est plus probable qu'elle venait tout simplement d'une tradition
juive. Plus tard, saint Hippolyte (Περί του Άντι/ρίσ-ου, ch. 15 et 54) decrira I'acti-
vite de I'Antechrist d'apres une' source extracanonique completement inconnue
qu'il appelle « un autre prophete ». On pourrait multiplier ces exemples (1);
lis etablissent sufTisamment que d'anciens ecrivains ecclesiastiques cherchaient
I'explication des obscurites de I'Apocalypse, soit dans des passages de Daniel
qui n'ont avec elle quune ressemblance generique, soit en des ecrits nullement
inspires.
2° La Revelation johannique, etant destinee d'abord aux contemporains,
contenait naturellement un certain nombre de traits ou d'allusions relatifs a
I'histoire de I'^poque, k Rome, a ses ennemis les Parthes, aux persecutions
recentes ou actuelles, independamment de la grande prophetic spirituelle et
universelle. Les lecteurs, sans faire les distinctions dues, prirent I'habitude de
rapporter le tout a des evenements imminents, ou du moins prochains, ce qui
etait d'autant plus facile que les indications chronologiques pour I'avenir y
faisaient defaut, et que I'attente de la Parousie prochaine n'etait pas encore
tout a fait decouragee. Les generations posterieures continuerent dans la m6me
voie, et chercherent aussi Taccomplissement des propheties de saint Jean dans la
succession des ovenements particuliers qui s'etaient deroules jusqu'a leur opoquc,
remettant seulement a I'avenir la venue de TAntcchrist et la consommation.
(1) Voir BOL'SSET, Der AiUichrisf, 189,'), pp. 15 el iuivanles.
CCXVni . INTRODUCTIOTV.
3° Enfin, par reaction, dautres auteurs, envisageant lindeniable caractere
eschatologiquc et spirituel de I'Apocalypse. en vinrent a oublier que c'etaient
les circonstances d'une epoque determinee qui lui avaicnt donne occasion. Les
uns rejeterent aux dernieres annees du nionde I'accomplissement de tout ce qui
y etait predit, d'autres allerent jusqu'a ramener I'ensemble des visions a de puree
allegories morales, ne faisant plus qu'une part aussi parcimonieuse que possible
a I'annonce d'evenements particuliers.
Ces diverses tendances, parfois combinees dans un βηοΙιβνέΐΓβηίθηΙ inextri-
cable, expliquent les divergences irreductibles qui ont separe les plus venerables
interpretes dans I'Eglise catholique, et les fantaisies echevelees qui remplissent
maint commenlaire des heterodoxes.
I. — LES PREMIEKS AUTEUItS QUI Sli SONT OCCUPES DE l'aPOCALYPSE.
Les plus anciens auteurs ecclesiastiques qui ont donne des explications sur
I'Apocalypse avaient garde tres net le sentiment que ce livre devoilait les secrets
des derniers temps. Mais ces derniers temps pour eux n'embrassaient que la
periode des luttes ultimes, aussi n'onl-ils guere mis en rapport les visions
prophetiques avec des evenements precis de leur epoque. Les premiers 6taient
cliiliastes (par la faute sans doute des «traditions » dont s'inspira Papias), et
ils ne se croyaient pas separes par un Men long intervalle de ce MUlenium,
debut des ages bienheureux. Ils etaient tributaires aussi de la tradition juive
sur rAntechrist personnel ; ils combinent les donnees des chapitres xiii et xvii
avec des predictions apocryphes et le livre de Daniel, dont les passages relatifs
a Antioclius Epiphane, aux cliapp. vn et xi, sont compris comme une pure
eschatologie de rAntechrist, au sens litteral et non typique. Malgre tout, ils
gardent le sentiment de I'elasticite de certains symboles, et font une assez large
part a I'alle'gorie spirituelle. Ce melange de principes vrais et de systemes
etrangers au Nouveau Testament donne une impression assez confuse; on peut
appliquer aussi a leurs interpretations ce que dit joliment le P. Lagrange k
propos des apocryphes juifs, qu'elles ont I'air d'un cliche photographique tir^
plusieurs fois. Mais, un peu plus tard, I'influence de I'allegorisme alexandrin
se fait sentir, et donne au contraire a TApocalypse un sens trop abstrait. Nons
allons nommer ces auteurs par ordre de date, en indiquant tres brievement
leurs idees principales.
Saint Justin Martyr (f 163). Dans son Dialoi^iie avec Tryphoriy 81, il
attribue le niillenarisme a saint Jean. C'est sans doute a cause de
oela seulement que saint Jerome, De Vir. ill. 9, et Chronique, le
range parmi les interpretes de TApocalypse ; car il n'y a pas trace
dun commentaire ecrit par lui.
Saint [ηενεε (fin du ii^s.). Adv. Haer. On ne peut. lui non plus, Tappeler,
avec saint Jerome, un commentateur ; toutefois, surtout au 1. V,
il interprete beaucoup de pasijages. — Les 4 Animaux expliques
au sens mystique d'attributs du Christ, ou des 4 Evangelistes. —
L'Antechrist sera Juif, de la tribu de Dan. — Le nombre 666 defendu
contre 616, dapres les manuscrits; le sens en est perdu; saint
LES COMMEXTATEUiiS DE L APOCALYPSE. CCXIX
Irenee propose, entre autres possibles, les mots τειτάν et ΛατΕΪνος;
le dernier indique qu'il comprenait la portee de la lutte entre
I'Eglise et I'Empire remain. — Les « 10 rois » de xvii apparaitront
a la fm des temps; par une combinaison avec Daniel, irenee
•explique que I'Antechrist en aneantira trois, et regnera avec les
7 autres comme huitieme; il brouille ainsi la perspective apoca-
lyptique. — Le Millenium arrivera, comme sabbat du monde, quand
cet univers aura dure six milliers d'annees, par analogie aux six
jours de la creation.
Meliton de Sardes (vers 170-180) composa un traite (dont le titre est peut-
etre a dedoubler) intitule περί του διάβολου και της άττοκαλύψεως 'Ιωάννου.
Le fait nous est connu par Eus. iv, 26, mais on ignore le contenu
de ce livre.
Saint Hippoltte {■\- apres 235). II avait ecrit un Commeniaire sur I'Apoca-
lypse, qTii est perdu [S. Jer. De Vir. ill. 61) ; on a cru en retrouver
des fragments dans un commentaire arabe de la Bibliotheque
uationale; cette identification est tres douteuse. Mais il donne des
apergus et des explications partielles de I'Apocalypse en plusieurs
de ses OUVrages : 1° Άπόδειξις εκ των αγίων γράφων περί του χριστού και
περ\ τοΐί 'Αντίχριστου ; 2° dans son Commentaire sur Daniel; 3° dans
ses κεφάλαια κατά Γαιου, fragments dans Bar-Salibi, publies par
Gwyn en 1888 ; 4° « υπέρ του κτχτα 'Jo)avvr,v ευαγγελίου κα\ άποκαλύψεως »
est perdu (1).
Hippolyte aussi est millenariste ; le monde attend son sabbat
apres 6.000 ans d'existence. — L'Antechrist apparaitra a la fin du
6* millenaire ; les « 7 tetes » et les « 10 rois » sont compris, comme
chez Irenee, par une combinaison avec Daniel; cet Antechrist est
la 2* Bete, non la 1". — Les « Deux temoins » seront Elie et Henoch.
— L'Antechrist sera de la tribu de Dan, il guerira la blessure
de la I'^Bete (c. xiii), laquelle blessure est le partage futiir de
Γ Empire romain en dix royaumcs. — Hippolj'te comprenait done
la relation de I'Apocalypse a I'Empire romain ; juste aussi est son
interpretation de la « Femme » du chap, xii, oli il voit I'Eglise qui
engendre sans cesse des /ils a Dieu,
Tertullten (f apres 220) a cite beauooup I'Apocalypse. D'apres in Adv.
Marcionem, 24, il y trouvait le Millenarisme, Ibid. 13, Babylone
represente Rome; la Bete de la mer est I'Antechrist [De res.
carnis, 25) etc. — Peut-etre idee de la « Recapitulation », en
germe. Z'^
Clement d'Alexandrie [\ avant 215) a peut-etre donne une explication de
I'Apocalypse dans ses Hypotyposes {Eus. H. E. vi, 14). 11 est
probable qu'il la comprenait a I'alexandrine, dans un sens pure-
ment spirituel. Du moins c'est de la sorte qu'il interprete ailleurs
les « 24 vieillards », les « sauterelles », etc,
(1) Swetc suppose que c'otail la le « Commentaire » donl paile saint Jorome; en tout cas
le mot υπέρ roontie que c'otait d'abord une apologie, un ouvrage polomique.
CCXX INTRODUCTIOX.
OniGENE (185? -253) qui se proposail d'ecrire un commentaire sur ΓΑρο-
calypse (fragment latin du Comm. sur Matthieu xxiv), a sans doute
realise son intention; Harnack a publie en 1911 un petit commen-
taire grec, sans nom d'auteur, trouve par Diohouniotis dans un
manuscrit du cloitre de Meteoron, oii il reconnait la main du grand
Alexandrin. [Der Scholien-Kommentar des Origenes zur Apoka-
lypse Johannis, Leipzig, Hinrichs). II ne s'etend que jusqu'au cha-
pitre XIV et se borne a expliquer dans des scholies le sens spirituel.
A propos de I'Antechrist et du chiffre de la Bete il cite saint
irenee. Origene n'est plus millenariste.
Methodius dOlympe (f vers 311) dans son Συαπόσιον των δέκα παρθένων ή ττερί
άγνείας, dialogue a la Platon, explique quelques passages de ΓΑρο-
calypse dans un sens purement spirituel. Les « 7 t^tes » du Dragon
sont les peches capitaux, les « dix cornes » I'antithese des dix
commandements divins, la « Femme » est I'Eglise qui, jusqu'a ce
que soit entree la plenitude des nations, est en travail pour enfanter
les hommes psychiques a la vie de I'esprit [Symp. viii, 6, 13; etc.).
II resta pourtant millenariste, ix, 1, 5, comme Irenee.
Ces derniers auteurs, qu'ils aient cru ou non a des realisations
historiques des propheties de Jean, ont au moins ete peu enclins
a les preciser. Quant aux premiers, Irenee, Hippolyte, ils offrent
bien de precieuses indications, melees d'erreurs, mais n'exposent
pas de systeme general d'interpretation.
II. — PREMIERS CO.MMENTATEURS PROPREMENT DITS, DE VICTORIN
A SAINT AUGUSTIN.
Si nous faisons abstraction des ouvrages perdus de Meliton et de saint Hippo-
lyte, il faut descendre jusqu'au iv^siecle pour rencontrer des commentaires suivis
de I'Apocalypse, ceux de Victorin et de Tyconius. lis furent rediges en Occident,
et en latin. lis offrent un principe d'interpretation scientifique : c'est la Theorie
de la recapitulation. Le millenarisme, encore maintenu chez Victorin, est defini-
tivement rejete par Tyconius, saint Jerome et saint Augustin. Ge dernier Pere,
sans etre a proprement parler un commentateur, a compris cependant d'une
maniere exacte et profonde Tesprit general de I'Apocalypse, et etabli les lignes
les plus sures de I'exegese catliolique.
Victorin (eveque de Pettau en Styrie. mort martyr sous Diocletien). II a
ecrit un commentaire de I'Apocalypse, edite au xvi*siecle en deux
recensions, I'une plus courte, qui est un remaniement opord par
saint Jerome, I'autre plus etendue et basee sur la precedente [Migne,
P. L. V, 281-344; Gallandi, Bibl. vet. Pat., iv, 49-64). Une partie
du texte original a ete publiee en 1895 par Haussleiter, dans le
Theologisches Litter atarhlatt, 192-199. Le meme savant croit avoir
retrouve I'original a peu pres pur (1) et I'a publie en 1916 dans le
Corpus de Vienne, xxxix.
(1) Dans le Codex ottobonianus latin 3288 A du Vatican. — Corpus, 1916.
LES COMMENTATEURS DE L APOCALYPSE. CCXXI
Victorin etait chiliaste; mais saint Jerome Favait corrige. Son
commentaire est remarquable en deux points. D'abord il interprete
la Bete par Neron, lequel sera le 8^ roi de xvii (les 7 premiers
sent comptes de Galba a Nerva, Domitien, sous lequel Jean a ecrit,
etant le 6*) ; Dieu le ressuscitera pour le laisser reparaitre, sous un
faux nom, comme Antechn'st et roi des Jaifs — naturellement des
siecles apres le 7', Nerva. Cette interpretation est fort intdressante :
elle mele la legende juive avec la tradition du Nero redwivus. Vic-
torin n'a guere pu inventer cela de lui-meme ; il restait done un
souvenir traditionnel que la 1"^ Bete ai^ait quelque chose a faire
avec Neron. Au reste, il n'avait pas interprete le chiffre : rexplica-
tion par 'Λντεμος, Γενσηρικος et DICLVX de la recension, ne pouvant
etre que posterieure.
Ceci est plus important encore. Victorin, le premier, a explique
la theorie de la recapitulation d'apres laquelle TApocalypse unex-
pose pas une seule serie continue d'evenements futurs, mais repete
les memes successions d'evenements sous diverses formes. Ainsi
les « coupes » ne font que completer ce qui a deja ete revele par
les « trompettes » : « Licet repetat per phialas non quasi bis fac-
tum dicitur... Nee aspiciendus est ordo dictorum, quoniam saepe
Spiritus Sanctus, ubi ad novissimi temporis finem percucurrerit,
rursus ad eadem tempora cedit et supplet ea quae minus dixit. Nee
requirendus est ordo in Apocalypsi, sed intellectus. » — Ce prin-
cipe, qui est juste et tres fecond pourvu qu'on I'applique avec
discretion, n'a pas ete invente non plus par Victorin; Tertul-
lien I'enonce pout- etre en termes plus vagues, quand il dit [De
Resurrectione carnis, 25) : in Apocalypsi Joannis ordo tempo-
rum sternitur. Car Victorin , chiliaste , parait s'etre attache
a d'anciens modeles; ainsi pour lui les Animaux designent les
Evangelistes, comme dans Irenee; les « 2 Temoins » sont Elie et
Jeremie, etc.
CoMMODiEN (Africain, 251-258, done anterieur a .Victorin) n'a pas expliqud
I'Apocalypse, mais, dans son violent Carmen Apologeticum, le
poete Chretien donne une terrible eschatologie qui est un melange
des traditions sibyllines et d'autres apocryphes. II est d'une utilite
a peu pres nulle pour I'exegese, et n'interesse que I'histoire des
idecs.
Lactance (sous Constantin), au livre VII de ses Instiluliones divinae, emploie
les memcs sources et I'Apocalypse ; son eschatologie est tout a fait
fantastique, mais il conserve quelques points de contact avec Irenee
et Hippolyte. — 11 est chiliaste (les 6000 ans et le sabbat). — Signes
de la fin : .chute de I'empire remain, les dix rois, I'Antechrist qui
sera unroi du Nord, et voudradetruire le « Temple deDieu», lequel
est evidemment un temple «//e^on^ri/e, comme chez saint Jean.
Gommodien et Lactance marquent Tapogee du melange des tradi-
tions. Apres eux, I'exegese apocalyptique se purifiera en grande
partie des scories judaiques.
Ccxxil INTRODLCTIOX.
* Tyconius (1) (vers 380? le nom est d'orthographe incertaine). II a ecrit un
commentaire fort important, qui malheureuscment ne nous est pas
parvenu dans le texte original. Mais il pent etre reconstitue, gr^ce
aux exegetes posterieurs qui I'ont pris comme guide, notamment
Primasius, Beoius, les Lomelies pseudo-augustiniennes de Migne
P.L. XXXV [Homiliae in Apocalypsi?n BealiJohannis), ainsi qu'au
moyen de citations chez Bede et Anshert. Recension catholicisee
dans la Spicilegium Casinense, III. 1, sous le titre Tyconii Afri
fragmenta Commentarii in Apocalypsim ex codice Taurinensi.
Tyconius etait un Africain donatiste, et m^me assez sectaire; il
applique a son eglise schismatique tout ce que dit saint Jean de
I'Eglise veritable, qu'il considere comme I'alliee de la Bete. Pour-
tant des autorites calholiques, telles que le Venerable Bede, lui ont
decerne de vifs eloges pour son intelligence et sa penetration, une
fois ecartees les applications polemiques que son schisme lui dictait.
Aussi il a fait autorite dans Texegese latine.
Tyconius a tout a fait rompu avec le Millenarisme; il interprete
Apoc. XX, 1-suivants par la victoire du Christ des I'lncarnation
(Mat. XII, 29, « Le Fort lie »). Les « 2 Temoins » c'est I'Eglise
munie des Deux Testaments, et non despersonnalites. Les « 7 tetes »
et les « 40 cornes w sont t&us les rois et tous les royaumes ennemis
du Christ, le « huitieme » de XVIi est le sacerdoce mondain. Sa
methode est done spiritualisante, et m6me a I'exces. Cependant 11
voit une prophetic tres precise dans Apoc. xi : le jugement final
aura lieu 3 ans 1/2 = 350 ans apres la Passion du Sauveur. II en
etait done tout proche, et contemporain de I'ultime persecution.
L'Antechrist (pour qui il admet le chiffre 610, et non 666) est I'en-
semble des pouvoirs hosUles au christianisme, qui vont se conden-
ser dans un « dernier roi » de la « Cite du Diable » suscite par Satan.
— II pose sept regies d'interpretation, suivies plus tard par Bede, etc.
et donne une forme tres precise a la « theorie de la recapitulation »
« Advertendum praeterea est et ante oculos cordis habendum nar-
rationis genus, quod spiritus sanctus in isto libro in omni periocho
servavit ; usque ad sextum enim numerum ordinem custodivit;
et praetermisso sepiimo recapitulal sed ipsa recapitulatio pro
locis intelligenda est Tamen fixum servat, ut a sexto recapitu-
let » (d'apres Bede, ep. ad Eusebium, en tete de son commentaire,
Beatus, 314, cfr. Primasius). Cette recapitulation n'aurait d'ailleurs
pas toujours le meme point de depart. 11 1'etend d'une fagon trop
generate, ct en eherche des applications compliquees et arbitraires.
II a tres bien saisi un caractere essentiel du symbolisme johannique :
« In speciem genus abscondens (spiritus sanctus)... dum... speciem
narrat, ita in genus transit ut transitus non statim liquido appa-
reat » : ainsi passage de « Babylone » au monde hostile, etc. [Bur-
kitt, Regulae. p. xv, 31, cite par Swete, p. ccxj.
(1) Nous faisons proceder dune astorisque le nom des conimentateiu's hetorodoxes.
LES COMMEXTATi.LiiS DK L APOCALYPSE. CCXXIII
Saint Jerome (331-420) n"a pas commente personnellement I'Apocalypse malgre
son intention, ou bien son ouvrage est perdu. Mais il a retravaille
Victorin qu'il a fait preceder d'un Prologue, et dont il a transforme
la conclusion pour en exclure le millenarisme (v. ci-dessus).
Les opinions personnelles du grand Docteur se trouvent disper-
sees a travers ses oeuvres. II faisait grand cas de Γ Apocalypse :
« Tot habet sacramenta quot verba. Parum dixi pro merito volumi-
nis. Laus omnis inferior est; in verbis singulis multiplices latent
intelligentiae » (Ep, liii ad Pauliniim, 8). II tendait certainement
lui-meme a cette interpretation spirituelle dont ses grandes dis-
ciples Paula et Euslochium donnent des specimens (parmi les Let-
tres de Jerome, Ep. xlvi). II expose d'ailleurs assez ouvertement
ses preferences dans I'lntroduction au livre XVIII de son Commen-
taire sur Isaie [Migne, P. L. XXIV, 651) : « Nee ignoro quanta inter
homines sententiarum diversitas sit. Non dieo de mysterio trinita-
tis... sed de aliis ecclesiasticis dogmatibus... et qua ratione intel-
ligenda sit Apocalypsis Johannis, quam, si juxta litteram accipi-
mus, judaizandum est; si spir'itualiter, iit scripta est, disserimus,
multorum veterum videhimur opinionibus contraire; Latinorum.
Tertulliani, Victorini, Lactantii ; Graecorum... Irenaei, etc. » II con-
siderait done les anciens auteurs comme ayant « judai'se », ce qui
est vrai dans une certaine mesure. — Saint Jerome rejette ahsolu-
ment le Millenium comme une « fabula » {in Danielem VII, 17),
ainsi que I'explication neronienne [ibid, xi, 30). Pour les « 2 Te-
moins », il flotte entre Elie-Henocli et les Deux Testaments [in
Zach. IV, 11 s.; in Amos ix, 2 s.).
Saint Augustix (354-430) s'est occupe particulierement de I'Apocalypse dans le
livre XX de la Cite de Dieu, ou il traite du dernier Jugement.
II reste fidele a la tradition de I'Antechrist personnel, a cause
surtout, semble-t-il, de II Thess. ii, ou il lit refuga, αποστάτης, au
V. 3, au lieu de αποστασία. Ce seral'impie par excellence, en rapport
avec la 4•= Bete dc Daniel; il regnera 3 ans 1/2. Augustin rejette les
reveries de ceux qui Tattendent comme Neron ressuscite. W penche,
a cause de Malachie, a admettre le retour personnel d'Elie, qui con-
vertira les Juifs : « Non immerito speratur esse venturus, quia etiam
nunc vivere non immerito creditur » [Civ. xx, 29). — Mais il faut
remarquer qu'il ne fonde ces opinions sur'aucun passage dc I'xVpo-
calypse, ni sur les chapitres xiii et xvii, ni sur le chapitre xi. Et il
ne prend pas Daniel a la lettre a la fagon d'Irenee ou d'Hippolyte.
En parlant des « 10 rois » de ce prophete, qui sait, dit-il, si ces
10 rois ne sont pas tons les rois qui doivent preceder I'avenement
de TAntechrist? (23).
C'est que la Bite ύΐ Apoc. xiii et xvii a une signification tres
vaste; elle repr^scntc toute la Cite du Diable, j compris les
mauvais Chretiens (9, § 3;, et Gog et Magog ne sont pas des
peuples d(5termines, raais toutes les nations infideles qui en font
partie (11).
CCXXIV INTRODUCTION.
L'Apocalypse decrit la lutte des Deux Cites. Autrefois, Augustin
attendait le millenaire sabbatique {Sermon 259), mais il se retracte
dans la Cite de Dieu, 7, § 1, et traite le chiliasme de « fables ridi-
cules ». Desormais, 11 interprete la « Premiere rosurrection « par
Jean v, 25-20 {Civ. 6). Les « Mille Arts » correspondent en chiffre
rond au regne spirituel de I'Eglise, inaugure par le Premier Ave-
nement du Sauveur. Les « trones » a'Apoc. xx, sont ceux des chefs
qui gOuvernent I'Eglise, car les saints regnent deja, sans quoi
TEglise ne serait pas appeloe le « Royaume des cieux ». Ceux « qui
n'ont pas adore la Bete » sont tons les vrais fideles, vivants aussi
Men que morts. Satan est enchaine dans « TAbime », c'est-k-dire
dans les coeurs des infideles, parce qu'il ne peut plus seduire les
nations catholiques. II sera dechaine a la fin pour un temps tres
court, 3 ans 1/2, qui font partie encore des Mille Ans {Civ. xx, 8, 9,
11, 13). La Jerusalem celeste, ou Cite de Dieu., etablie par la
grace, est descendue du del des que le Saint-Esprit en a ete
envoi/e; le bapteme augmente de jour en jour le nombre de ses
citoyens, jusqu'a ce qu'elle soit parfaitement glorifiee apres le
Dernier Jugcment (17;.
Enfin saint Augustin admet en gros la « Recapitulation » : « Sic
eadem multis modis repetit, ut alia atque alia dicere videatur, cum
aliter atque aliter haec ipsa dicere vestigatur » {Civ. 17).
Ainsi le plus illustre des Docteurs de I'Eglise n'a explique
que certains points de I'Apocalypse, les principales figures de la
Deuxieme section prophetique et de la 3^ partie. Mais ce sont juste-
ment les principales du livre, cellos qui en doterminent I'esprit.
Ce qui peut rester chez lui de litteralisme contestable, ce n'est
pas dans I'etude meme de I'Apocalypse quil I'a puise.
Ill, — DU V"^ SliiCLE AUX GRANDS SCOLASTIQUES.
Apres la grande epoque patristique, I'exegese de I'Apocalypse paraissait a
jamais etablie sur ses vraies bases. Quel que fut le detail des interpretations, les
o-randes lignes au moins etaient tracees d'une main ferme. Gr4ce a Tyconius, a
saint Jerome, et surtout a saint Augustin, les reveries millenaristes etaient
ruinees. II otait reconnu que la Prophetic a pour principal objet la lutte perpe-
tuelle de I'Eglise et du Monde, plutot que la prediction curieuse des contingences
sous lesquelles elle se developpera; il manquait seulement a ces auteurs le recul
historique suiTisant pour bien saisir I'importance accordee par saint Jean a la
premiere phase de cette lutte, centre I'empire de Rome et le culte imperial. De
plus, un principe litteraire exact d'interpretation etait fixe dans la theorie de la
Recapitulation. Aussi I'epoque qui suit, jusquaux grands scolastiques inclusi-
vemcnt, fut-elle, au moins dans I'Eglise latine, la plus saine periode, au point de
vue essentiel, de I'exegese apocalyptique. Par malheur, des tendances imagina-
tives nouvelles allaient peu a peu se faire jour, lesquelles, aboutissant a Joachim
de Flore et a Nicolas de Lyre, devaient faire devier le courant de I'interpretation,
LES COMMENTATEURS DE L APOCALYPSE. CCXXV
Dans la suite de notre expose, nous devons encore separer I'Orient et lOc-
cident.
1° Eglise grecque. — Les premiers commentaires grecs proprement dits ne
remontant pas plus haut que le vi* siecle ; cela vient sans doute de ce que ΓΑρο-
calypse ne jouissait pas dune faveur assuree comme chez les Latins. Mais elle
fut rendue Ires populaire par Andre, eveque de Cesaree en Cappadoce.
Andre de Cesaree (vi^ou vii^ siecle) Έρ;Λ•/•,νε(α εις τήν Άπο/.άλυψιν [Migne, P. G.
CVI). Comme cet ouvrage cite le Pseudo-Denys lAreopagite et ne
fait aucune allusion aux conquetes de I'lslam, il n'a pu etre compose
qu'entre les annees 476 et 637 ; il est difficile d'en micux determiner
la date. Plusieurs critiques, a cause d'une mention des Huns =:
Gog et Magog, le placeraient vers I'annee 515, qui vit une grande
invasion de ces barbares; d'autre part, on releve des indices qui
feraient croire qu'il discute certaines opinions personnelles a'CEcu-
menius (v. ci-dessous), ce qui le reporterait au vii^ siecle.
Ce commentaire est fameux, et tros precieux pour les exegetes.
Non qu'il ait une grande originalite, ni une particuliere penetra-
tion; mais il fait connaitre beaucoup d'opinions anciennes, ce qui
en rend la lecture instructive, outre qu'elle est tres edifiante, grlLce
a rimportance qu'attache Andre au sens spirituel, qu'il salt rendre
avec charme, parfois avec profondeur. La metliode en est eclectique;
sur un meme point il enoncera plusieurs interpretations, sans
toujours choisir entre elles. II s'attache cependant principalement
aux idees d'Irenee et d'Hippolyte, mais sans millenarisme (Ante-
christ de la tribu de Dan, etc.). II use de la « Recapitulation »
par endroits, ainsi pour les TrompetteS et les Coupes. Les « 7 tetes »
sont sept empires mondiaux, dont les derniers sont Rome et Cons-
tantinople; Andre croit done aussi a I'approche de la fin des temps.
La popularite de ce commentaire se revele par la grande influence
qu'a eue son texte de I'Apocalypse sur celui des manuscrits pos-
terieurs (v. infra, cli. xv). C'est en somme une utile compilation,
pleine de meditations justes et belles, mais il ne vaut pas, au point
de vue proprement exegetique, les commentaires latins de la meme
epoque.
CEcuMENius (vers 600). Cet eveque de Tricca (Thessalie), tres connu dans
I'histoire de I'exegese, publia une Ερμηνεία τη; Ά-οκαλυψειος του θεσπέ-
σιου και εύαγγελίστου και θίολο'γου Ίοχχννου. Le texte COmplet en a ete
trouve par Diekanip, (1901) dans un manuscrit de Messine (cod.
San Salvatored^, 146 de Gregory]. I/auteur est nomme en tete; il
dit avoir compose son ouvrage plus de cinq cents ans apres les
visions de Jean. Des textes partiels, ou manquent les ch. ii-xiv
d'Apoc, existent dans des manuscrits de Rome et de Turin, etune
citation s'en trouve dans un ^crit syriaque du vii*^ siecle, au British
Museum. — II n'est pas encore publie; c'est une question toujours
debattue de savoir s'il est anterieur ou postiirieur a Andr^.
Arethas de Cesaree (vers 900). Arethas occupa le meme siege episcopal
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 0
CCXXA'I INTRODUCTION.
qu'Andre, dont il s'est principalement inspire dans sa compilation
Συλλογή εξηγησεως εκ διαφόρο^ν άγιων ανδρών [Migne, Ρ. G. CV1).
Dans la Catena de Cramer se trouve encore (viii, 497-582) un
abrege d'Andre, jadis attribue a CEcumenius (v. Sivete, p. cc).
2" Eglises syriexxrs. — L'Apocalypse a ete peu commentee chez les Nes-
toriens et les Monophysites, car, comme nous le savons, elie ne figurait pas
dans la Psitta. Nous ne connaissons a mentionner que
* Denys bar Salibi (f 1171), dont le commentaire, decouvert par Gwyn au
British Museum (v. chap, precedent), a fourni quelques fragments
des Κεφάλαια κατά Γαίου de saint Hippolyte. II a ete publie en 1910
dans le Corpus Scriptorum christinnorum orientalium, script, syr.
(Rome-Paris-Leipzig), t. ci, pp. 1-22, par Sedlacek (1). Notes assez
sobres, inspirees surtout d'Hippolyte; interessant a cause de Caius.
II est 'probable que beaucoup d'autres commentaires furent publies dans cette
periode par les Grecs et les Orientaux. Mais ils sont ignores ou perdus.
3° Eglise latine. — Les Occidentaux avaient desormais de trop bons modeles
pour s'en ecarter dans les grandes lignes. Chez plusieurs se manifeste bien
la tendance naturelle a chercher sous les visions de I'Apocalypse la description
de telle epoque historique, mais ils n'y voientpas la prediction detaillee d'evene-
ments intermediaires entre les debuts du christianisme et la fin du monde : dans
Tenaemble, ils demeurent fideles aux principes de Tyconius et de saint Augustin.
Primasius (vers 540). Eveque d*Hadrumete en Afrique. il a fait en cinq livres
une exposition de I'Apocalypse [Migne, P. L. LXVIII), pour laquelle
il s'attache a saint Augustin et a Tyconius, qui est « un joyau
au milieu du fumier » donatiste. II fait aussi quelque usage de
Victorin. — Recapitulation tres elaboree. — Elie et Henoch —
Antechrist personnel, roi des Juifs. — ^Mais Tensemble de son
interpretation est spiritualisante comme celle de ses modeles.
Cassiodore (apres 540) Complexiones in epistolas et acta apostoloruin et
Apocalypsim [Migne, P. L. LXX). (^e sont des notes breves, basees
encore sur Tyconius et saint Augustin. — Memes particularites
que Primasius, qu'il connaissait. — Bahylone est Rome.
Apringius (vi^ siecle). Contemporain des precedents et eveque de Pax (Beja ou
Badajoz). Dom Ferotin (Paris, 1900 Bibl. patrol. d'U. Chevalier) a
publie ce qui subsiste de son commentaire Apoc. r-v, 7; xviir, 6-
xxii); le vide est rempli par des scholies de saint Jerome, c'est-a-
dire de Victorin. Π croit Γ Apocalypse ecrite sous Claude.
PsEUDO-AuGusTiN (vi*^-vii® s.?) — HomiUae in Apocalypsim Beati Johannis
[Migne, P. L. XXXV). Extraits de Tyconius expurge dans le sens
catholique, avec influence de saint Augustin et de Victorin.
Bede le Venerable (672-735) Explanatio Apocalypsis [Migne, P. L. XCIII).
II divise I'Apocalypse en sept livres, ce qui a fait loi pour beaucoup
fl) Swete signale de plus, p. cc, un commentaire syriaque anonyme de date ignoree, dans
un ms. de British Museum, Add. 17127, et. un commentaire nestorien du xviir siecle, a
Cambridge.
L£S COMMENTATEUnS DE L APOCALYPSE. CCXXVII
de ses successenrs. II cite Tyconius, dont il fait grand cas et
applique les sept regies, et Primasias, qu'il suit de preference,
tout en enongant aussi d'autres opinions des Peres de TEglise. —
Recapitulation. Les sceaux, comme les trompettes, aboutissent a
la fin du monde. La septieme trompette ^menelQ jour dujugement,
le septieme sceau « initium quietis aeternae ». Les septenaires
expriment les divers aspects de la vie de TEglise, avec un rapport
special au temps de I'Ajitechrist, surtout pour les Coupes. Les sept
livres sont : i-iii ; — iv-vi; — vii-xi; — xii-xiv; — χν-χγι; —
xvii-xx; — xxi-xxii.
Ambfoise Axsbert (sous le pape Etienne IH, 768-772 . Ambrosii Ansberti
in sancti Johannis Apocalypsim libf^i X {Q'lhlioi. Patrum, Cologne,
1618, ix). 11 s'inspire de ses predecesseurs latins, surtout de Pri-
masius, et de saint Gregoire le Grand, et donne un historique
de I'interpretation. — Recapitulation. — Rejette linterpretation
neronienne, et celle des « 2 Temoins » parElie-Jeremie. — Influence
aussi de saint Hippolyte fpour les « Tetes »). — Les« 4 Animaux »
representent des aspects du Christ.
Beatus de Liebana (776), auteur d'une compilation qui n'a encore ete imprimee
qu'au xviii^ siecle, en Espagne. S. Beati Preshyteri in Apoca-
lypsim, Florez, Madrid, 1770. II a incorpore en grande partie
Victorin, Tyconius et Apringius, et nous fait connaitre beaucoup
d'anciennes opinions sur la date de I'Apocalypse (Claude — Neron
— Domitien). II connait I'interpretation neronienne et compte les
empereurs depuis Jules Cesar. — II se croit tout proche des der-
niers temps, 14 ans seulement le separant de la fin du 6® millenaire
(v. Bousset, Offenb. p. 68-69). — Beatus est le moine Benedictin
qui combattit avec I'eveque Etherius Tadoptianisme d'Elipand.
— II ne nous est pas accessible, et, quand nous le citons, c'est
d'apres Swete.
Alcuin (725-804), Cominentarioruin libri qainque {Migne, P. L. C), admet
les recapitulations de Tyconius, entrecoupees d'intermedes qui ont
rapport a d'autres evenements. II resume Ansbert.
Η-ΑΤΛΙΟΝ d'Halberstadt (8431 Expositio in Apocalypsim [Migne, P. L. CXVII)
suit Ansbert et cite Bede. — Les « 4 Animaux », aspects du Clirist.
— Divisions de I'Apoc. en 7 livres.
Walafrid Strabox ("j- 849) Glossa ordinaria [Migne, P. L. CXIV). — Divise
I'Apocalypse comme Bede en sept visions. — Recapitulation entre
les « sceaux » et les « trompettes » ; les « Coupes » se rapportent a
I'dge de I'Antechrist. — Influences de Primasius (les « 2 Temoins »).
— Les « 4 Animaux » aspects du Christ.
Befengaud (ix^ s.) a ecrit, apres la chute des Lombards, un commentaire
original fort estimc du grand Bossuet : Expositio super septeni
f'isiones libri Apocal. [Migne, P. L. XVII, parmi les oeuvres de
saint Ambroise). — Bcrengaud, quoique adoptant une division
analogue a celles de Bede et d 'Ansbert, est independant. — Reca-
pitulation entre les « Sceaux » ct les « Trompettes », qui repre-
CcxxviII INTRODUCTION.
sentent egalement les ages du monde, au point de vue religieux,
depuis Adam jusqu'au catholicisme. — Au Τ moment vient ΓΑη-
lechrist. — Les « Tetes » de la Bete sont tous les reprouves,
jusqua FAntechrist, qui est la septieme; les « Cornes » sont les
barbares qui out detruit Rome.
Anselme de Laox (eveque de Havelberg, au xii'' siecle) Enarrationes in Apo~
calypsim [Migne, P. L. CLXII) depend de Walafrid Strabo.
Bruno d'Asti (xi'-xii" s.)• Expositio in Apocalypsim [Migne, P. L. CLXV),
depend surtout de Haymon d'Halberstadt — Sept visions, comme
dans Bede et dans Ansbert; quarum etsi verba diversa, sententia
tamen paene eadem esse videtur. Toutes recapitulent les perse-
cutions subics par I'Eglise jusqu'a la Jerusalem celeste; meme les
Lettres aux sept eglises rentrent dans ce systeme. — Antechrist
personnel — Elie et Henoch.
Rupert de Deutz (1120) Comment, in Apocahjpsim [Migne, P. L. CLXIX). —
II inlerprete les « Sceaux » des diverses actions du Christ, et les
« Trompettes »; comme Berengaud, le font remonter a I'Ancien
Testament.
Richard de Saint-Victor (xii* s.). In Apocalypsim Johannis libri septeni
[Migne P. L. CXCVI) toujours dans la ligne de la « glosse ordi-
naire », ainsi que
x\lbert le grand (1260) Enarrationes in Apocalypsim (Opera, Paris, 1899,
xxxviii). Commentaire tres soigne et tres systematique, avec
beaucoup de rapprochements bibliques.
Hugues de Saint-Cher (f 1263) Poslilla in universa Biblia VII (Cologne,
1620) Grande affinite avec le precedent, et sentiment tres exact
du sens religieux.
Martin de Lkon (f 1203) Expositio lib. Apoc. [Migne, P. L. CCIX).
Denys le Chartreux (1402-1471) Comment, in universos Scripturae Sacrae
libros (Cologne, 1533), fidele aux principes de ses predecesseurs,
a combattu la nouvelle ecole de Nicolas de Lyre. Grande erudition
patristique.
Tous ces ecrivains latins, malgre leurs divergences, ont bien saisi au raoins
I'esprit general et la portce de I'Apocalypse. lis aident done a la comprendre,
bien qu'il ne faille naturellement pas chercher chez eux Pexplication historique
des symboles particuliers. Sauf Berengaud et Rupert de Deutz, ils coincident
dans les lignes principales, et forment la lignee de Tyconius et de saint Augus-
tin, malgre les interpretations archaiques qu'ils ont laisse reparaitre.
IV. — JOACHIM DE FLORE ET SON ECOLE.
Deja, a la fin du xii* siecle, le celebre abbe Joachim, de Flore en Calabre,
avait ouvert a Texegese une voie toute nouvelle. Done d'une rare erudition,
d'esprit systematique et critique a sa maniere, tres saint dans sa vie person-
nelle, il fut lui-m6me une sorte de prophete que ses disciples, malgre sa reserve
de moine irreprochablement soumis a I'Eglise, considererent comme inspire.
LES COMMEXTATEURS DE L APOCALYPSE. CCXXIX
Joachim a fait la synthese des principaux systemes anterieurs : theories du
millenarisme, des sept visions, de I'Antechrist, de la i-ecapitulation, se com-
binerent dans son oeuvre avec une apparence de profondeur et de logique qui
lui assura un grand succes populaire; mais ee fut an detriment de la saine
intelligence de I'Apocalypse, et, par contre-coup, de la chretiente; car il a,
sans s'en douter, fourni des armes aux precurseurs de la Reforme.
L'Abbe de Flore, dans I'ensemble de ses ouvrages, considerait la vie religieuse,
depuis les promesses faites par Dieu a Abraham, comme divisee en trois
periodes : I'Ancien Testament, qui avait dure 42 generations (Mat. i) ; — . la
premiere phase du Nouveau Testament, qui dei'ait durer aussi k2 generations^
I'autorite appartenant, non plus aux gens maries, mais au clerge; — enfin une
epoque de plenitude, le Millenaire, qui, d'apres ce calcul, devait commencer
vers 1260 ( Apoc. les 1260 jours), et ou le Christ reparu sur la terre, en vain-
queur de I'Antechrist, amenerait tons les fideles a la vie contemplative, qui leur
donnerait une intelligence parfaite des Deux Testaments. Rnsuite viendrait
I'assaut final des forces diaboliques, le Jugement, et le regno de I'eternite.
Joachim de Flore (f 1202). E.rpositio in Apocalypsim (Venise, 1527).
L'Apocalypse decrit en huit visions les sept ages de I'Eglise
(cfr. Bede, etc.), puis la consommation. Ces sept epoques sont
celles : 1" des Apotres, persecutes par les Juifs, Apoc. chap, ii-iii;
2'' des Martyrs, de Neron a Diocletien, Apoc. iv-vii ; 3"* des Docteurs
de FEglise, avec les Ariens (Byzantins, Vandales, Goths, Lom-
bards) comme principaux adversaires. Apoc. viii-xi, 18; 4° des
Vierges (contemplatifs, ascetes), dont I'institution est attaquee
par le Mahometisme, Apoc. xi, 19-xiv; 5° de la lutte de I'Eglise
centre Babylone, qui represente le Saint -Empire degenere,
Apoc. xv-xviii; c'est I'epoque oil vit Joachim; 6" de FAntechrist,
que le Christ viendra personnellement aneantir, Apoc. xix;
7°du Millenium qui suivra, jusqu'au dernier effort des armees de
Satan. — 8" Enfm aura lieu le jugement general, et les saints
verront Dieu eternellement.
Joachim a pousse au dernier degre, et d'une maniere absolu-
ment artificielle, le systeme de la recapitulation : les cinq pre-
mieres sections, en plus de leur objet principal, resument chacune
toutes les luttes de I'Eglise jusqu'au triomphe. — De plus, elles
sont respectivement divist§es en sept parties, qui se repondent
membre a membre; mais la sixieme section n'a que trois divi-
sions, les deux dernieres n'en ont pas besoin.
Ainsi I'interpretation de tous les symboles est historique; dans
le detail, la precision n'a d'egale que la fantaisie. La 1" Bete est
rislam, dont la blessure (les Croisades) a ete guerie quand Jeru-
salem a ete reprise par le sultan Saladin ; la 2•= Bete, ce sont les
heretiques Patarins, suspects de connivence avec les Musulmans.
[Apoc. xiii). Mais, au chap, xvii, la Bete devient le Diable, et ses
« tetes » la succession des empires paiens, heretiques, infideles, ou
mauvais catholiques; la « sixieme «, contemporaine de Joachim,
CCXXX INTHODLCIIOX.
(on dirait ainsi que saint Jean a ocrit sa Revelation tout entiere
du point de vue du xii*^ siecle!) semble etre I'ensemble des poten-
tats asiatiques iequivalant aux 10 cornes) qui va venir detruire
I'empire germanique, I'Euphrate, cette barriere, elantdeja desseche
par la destruction de I'armee de Frederic Barberousse au debut
de la 3*^ croisade. Alors surgira un ordre de moines contempla-
tifs qui defendra I'Eglise contre les envahisseurs, en attendant
I'iVnteciirist, sa defaite et le Millenium.
Cette fantasmagorie si soigneusement elaboree, jointe aux autres ecrits du
grand Abbe, constitua pour ses disciples « TEvangik eternel » annonce dans
lApocalypse, xiv, 6-7; Joachim lui-meme aurait ete proplietise par saint Jean,
comme FAnge qui devait le promulguer. L'Eglise, par estime pour la vie et la
foi de cet ecrivain, s'abstint d'infliger aucune note theologique a ses ouvrages,
malgre la vive agitation qu'ils causaient, surtout dans cette fraction des Fran-
ciscains Spirituels qui s'etaient mis en revolte contre Rome, et qui voulaient
reconnaitre leur ordre dans les moines prophetises pour la sixieme opoque.
Mais elle a condamne plusieurs des exegetes disciples de Joachim, apres
avoir fait bi'uler leur Liber Introductionis a Γ « Evangile eternel » (1255, sous
Alexandre IV).
On pent mentionner d'abord, comme se rattachant de loin a cette ecole :
Pseudo-Thomas dAquin. Expositio in Apocalypsim, oeuvre d'un certain
Thomas d'Angleterre, qui s'est introduite sous une double forme
dans I'oeuvre du Docteur Angelique (edition Vives, tomes xxxi
et xxxii) — Ce commentaire est orthodoxe et n'a jamais ete con-
damne. L'importance qu'il attache aux Ordres mendiants, qu'il
trouve plusieurs fois annonces par saint Jean, revele I'influence
de Γ Abbe Joachim, lequel est d'ailleurs expressement cite comme
une autorite. L'ouvrage doit etre du xm'' siecle.
Parmi les commentateurs « spirituels « rebelles et heretiques, il faut men-
tionner.
* Pierre Jean Oliva (-|- 1297) Postilla super Apocalypsi, condamne par
Jean XXII en 1323. Des extraits en ont ete publies par Baluze et
Dollinger. — L'Antechrist est la Papaute et Frederic 11. — II n'y a
pas toutefois de Millenium avec presence corporelle du Christ; les
« spirituels ^) parus au 6* age le remplacent. Citons encore :
* Ubertin de Casale (xiv** s.). Arbor vilae crucifixae F (Venise, 1485). — Les
Deux Betes sont les papes Boniface VIII et Benoit XI (Βενεδίκτο;
= 666).
Ces commentaires revolutionnaires et delirants. qui a.ttendaient I'arrivee pro-
chaine d'un age d'or, repandaient leurs idees dans les couches populaires, par
des sectes comme celle des Begards. Les preeurseurs plus immediats du protes-
tantisme, Wicleffites, Hussites, utiliserent ces divagations anti-romaines au profit
de leur lai'cisme.
LES COMMEXTATEURS DE l'aPOCALYPSE. CCXXXI
* WicLEFF (1324-1389 Dialogus, et ailleurs). — Satan a ete dechaine 1000 ans
apres rincarnation. — Un commentaire d'un de ses disciples
(* J.PuRVAEUs? 1390), edite par Luther (Wittenberg, 1528) pro-
clame que la Papaute est devenue I'Antechrist apres Van 1000.
Beaucoup des premiers protestants pousserent dans la meme direction joa-
chimite, en s'attachant aussi an dogme que le Pape est I'Antechrist. Leurs ecrits,
de meme que les precedents, n'apportent, dans I'ensemble, a peu pres aucune
contribution a I'exegese scientifique et raisonnable (1). Cependanl il en est deux
ou trois qui meritent d'etre mentionnes ; ils ont abandonne le chiliasme.
* Nicolas Collado (1581) Methodiis facillima ad explicationeni sacrosanctae
Apocalypseos, — Recapitulation, et parallelisme parfait entre les
Sceaux, les Trompettes, et les Coupes. Le fragment d'Apoc. X-XIy 14
est compris sous la 6"^ trompeite, idee juaste et rare. — Par ailleurs,
antipapisme de Liither.
* David Paraeus (1618). in dinnam Apocalypsim fohanms Comment. (Geneve,
1642-1650). — Tres erudit. — Influences de Collado et du catho-
lique Alcazar [vide infra, § vi). — II reconnait qu'une twiivelle sec-
tion commence au chap. XII. — Antipapisme, et polemique contre
Akazar, dont il a pourtant profile,
*JoBANNES CoccEWS (1668). Cogitutiones de Apocalypsi S. Jo ha nnis {Lejde].
— Sept periodes de la vie de TEglise ; la guerre de Trente ans
constitue la sixieme. — Recapitulation et parallelisme strict entre
tons les septenaires, meme celui des Lettres. — Cocceius a fait ecole.
Les idees chiliastes de Joachim ont subsiste du reste jusqu'a nos jours, et
inspirent encore des sectes obscures. Elles furent particulierement en vogue
dans les cercles pietistes d'Allemagne et des pays voisins.
V. NICOLAS DE LYRE ET SON ECOLE.
Berengaud et Rupert avaient vu dans I'Apocalypse la description d'epoques
distinctes, mais qui n'allaient pas plus loin que la conversion des gentils; Joa-
chim et ses successeurs avaient trouve, dans chacun des membres de leur reca-
pitulation, des images des grands evenements de I'histoire de I'Eglise, mais
sans trop entrer dans le detail. A partir d'Aureolus et de Nicolas de Lyre, nom-
bre d'exegetes, et jusqu'a nos jours, ont considere I'Apocalypse comme une pro-
phetie complete de I'histoire universelle., ou plutot de Thistoire ecclesiastique,
depuis le temps de saint Jean jusqu'a la fin du monde. Pour y reconnaitre tant de
details, il fallait bien renoncer aux grandes vues concises compatibles avec la
theorie de la recapitulation ; la Prophetie fut done pour eax un expose suivi,
chronologique et sans repetitions, des evenements de I'avenir. Cette seconde
forme de decadence n'a guere ete moins funeste a I'exegese que I'apocalyptisme
de Joachim; clle a entraine tant de confusions dans Γ interpretation, tant de fana•
(1) Pour tous ces ocrivains, voir Boispet. — Une vie d'homme ne suflirait pas a lire tous les
commenlaires dc I'Apocalypse; mais les Irois quarts ne valcnt pas la peine qu'on les use.
CCXXXII - INTRODUCTION,
tisme cliez les Protestants qui s'emparerent de la methode pour la tourner contre
I'Eglise romaine, que lApocalypse parut a beaucoup d'esprits serieux comme un
livre qu'oa ne peut chercher a expliquer sans courir de divagations en divaga-
tions. Comely caracterise tres justement ce systemc du point de vue religieux
[Inlrod. Ill, p. 728-729) : « Non satis intelligimus quern finem Deus in aenigma-
tica hac factorum Ecclesiae praedictione habuerit aut habere potuerit. Etenim si
in V. T. totaMessiae vitaet praecipua regni messianici Ijona per Prophetas mani
festatasunt, statim apparet illis praeparatum et incitatum esse populuai electum,
ut redemptoris sui adventum desideraret advenientcmque cognosceret; ad quid
autem haec, quae supponitur, tribulationum et persecutionum revelatio, quae
cognosci nequeunt praedictae, nisi postquam jam diu praeterierunt? Accedit autem
quod ejusmodi revelatio vanam quamdam nocivamque curiositatem provocare et
alere videatur. Interrogantibus discipulis, quandonam filius liominis ad judicium
sit venturus, respondit Dominus : « De die autem illo vel hora nemo scit » (etc.)
« videte, vigilate et orate, nescitis enim, quando tempus sit ». lam difficile nobis
persuademus Deum nobis postea Apocalypsin dedisse, ut non tantum sciremus,
quot aetates adhuc ante judicis adventum praeteriturae assent, sed ipsum annum
adventus Domini definiremus, Num forte solis Apostolis et primis Christianis
erat vigilandum? Experientia demum docet omnes illos interpretes, qui hucus-
que systema illud adhibuerunt, ab erroneo profectos esse principle ; immo nisi
prorsus incertum principium supponatur, non videtur posse adhiberi, Omnes
enim supposuerunt se ultima jam aetate Ecclesiae degere... Unum illud certo
scimus, Dominum dixisse : « De die illo et Jiora nemo scit, nisi Pater; vigilate et
orate » ; reliqua omnia nobis sunt incerta. » On ne saurait mieux dire, et il est
bien vrai que, de tous les systemes exegetiques, c'est celui dont nous parlous
qui meconnait au plus haut degre le but et Fesprit de saint Jean. II a commence
avec
Petrus Aureolus (Oriol f 1322) Breviarium Bihliorum, et un autre celebre
docteur franciscain,
Nicolas de Lyre (1329). Postillae perpetuae, sii>e praevia Comm. in univ.
Biblia (Rome, 1471-72). — 11 conserve la vieille division en sept
ages, et fait commcncer au ch. iv Ihistoire de TEglise depuis sa
fondation jusqu'a la fin des temps : 1° les 7 sceaux, de Jesus-Christ
a Julien I'Apostat; 2° les 7 trompettes, de Julien jusqu'a Ghosroes et
Mahomet; 3° de Maurice a Charlemagne, le Dragon et TEglise,
4° de Charlemagne a Henri IV de Germanie, les 7 coupes ; 5"* de la
querclle des investiteurs a I'Antechrist; 6° I'Antechrist; 7° le juge-
ment et la vie future, ou encore I'age de I'Antechrist, car il ne se
sent pas done lui-meme d'esprit de prophetie pour tout bien distin-
guer; plut a Dieu que tous ses successeurs eussent imite cette
reserve! — Le chapitre xii est relatif a la guerre de Chosroes et
d'lloraclius. — La 1'"'' Bete est le fils de Chosroes, la 2* Mahomet.
— Le ch. XIV se rapporte a Pepin et a Charlemagne. — xix 1 sq.,
la fondation du royaume chretien de Jerusalem. — Le Millenium
commence avec la fondation des ordres mendiants. — L'Ange de xx
est Innocent III; Babylone est I'Islam; et les coupes, les croisades;
LES COM.ME.NTATEUUS DE L APOCALYPSE. CCXXXIII
xvii-xviii sont Texplication de la septieme coupe. II admet cepen-
dant que, a partir de xvii, il peut s'agir d'evenements non accomplis,
qu'il n'explique pas, n'etant point prophete. Admettant le double
sens litteral, il laisse libre de comprendre les 2 temoins par le
pape Sylvere et le patriarche Mennas ou par Elie-Henoch. Meme
genre d'explications chez Ederus, Lizarazus, Coelius Panno-
Nius, etc. Celte methode eut un grand succes chez les prolestants
qui Tadapterent a leurs vues. Parmi les catholiques, elle futcritiquee
par Paul de Burgos (1434). Additiones ad Nic. Lyrae postillas,
mais reprise par
Bart. Holzuauser (1613-1658). Inlerpretation de I'Apocalifpse (Bamberg,
1784; — Vienne, 1850), qui sarrete au chap, xv, 4; traduite en
frangais et continuee par le chanoine de λΥυιιχΕηΕτ (Paris, 1857).
— Les 7 Ages de I'Eglise, decrits en detail jusqu a la consomma-
tion, a partir du chapitre iv, mais deja representee dans leur ordre
par les Anges des 7 lettres. — Pas de chiliasme. — L'Antechrist
devait naitre en 1855 et mourir en 1911. — A partir du cha-
pitre XII, il y a line certaine recapitulation, concernant llsla-
misme et TAntechrist. — Ce commentaire, dont I'auteur a ete
declare Venerable, et fut considere comme doue lui-meme de
I'esprit prophetique, a son utilite au point de vue de Fexplication
du sens spirituel; la methode est un peu moins systematique et
etroite que celle de Nicolas. — De la Chetardie (1692) Expli
cation de I'Apocalypse, Bourges, s'en tient aussi aux sept ages
de TEglise.
Nous verrons plus loin les catholiques dont les commentaires sont demeures
dans cette ligne. Ceux des protestants ont ete bien plus nombreux :
* Luther, qui, en 1522, ne reconnaissait pas TApocalypse pour une prophetie
aulhehtique, se mit a cstimer ce livre quand il crut pouvoir Tin-
terproter contre le Pape. En outre de son edition de Purvaeiis
(1528, vid. supra), il a, dans sa preface au Nouveau Testament de
1534, explique a la fagon de Nicolas de Lyre, les 7 trompettes
(la 5% Ariens; la 6*, Sarrasins) — Gog et Magog sont les Turcs. —
La Papaute et I'Empire allies sont les Deux Betes, car le Pape,
avec Charlemagne, a gueri la blessure qui avait emporte I'ancien
empire paien.
Les lutlieriens, en general, suivirent les memes errements.
Mentionnons :
*Osiandeh (1580). Sacroruni Bihliorum, p. in, beaucoup plus detaille. — La
Bete, au c. xvn, reprcsente toute I'anciennc histoire romaine —
666 signifie εκκλησία ιταλική.
* ΠοΕ VON HoENEGG (1590). Trcs volumineux commentaire. Commenta-
riorum in Johannis Apocalypsini libri Vlll, crudit. — Contre le
Pape et les Jesuites.
*Calovius (1674). Biblia illustrata, t. iv, s'attache etroitement a Luther, mais
ccxxxiv ix'rr,(iDUCTio.\.
il a profile, tout en les combattant, de Grotius et des Josuites
espagnols (*'. infra).
*J. Map.ckius (1699). In Apocalypsim commentarius, Utrecht. — 11 combat
Cocoeius.
Les protestants anglais ou ecossais, en general, exagererent encore I'apoca-
iypiisme et I'antipapismo df^ leiirs coreligionnaires.
Les principaux, au xvi*^ siecle, furent *J. Foxe, Meditations on
the Apocalypse (1587) et *J. Napier, A plain discovery of the
whole Revelation (1593). — Puis
*Th. Brightmax (1616). The Revelation of saint John illustrated, Londres.
— II poursuit Bellarmin et les Jesuites, auxquels se rapporte-
raient les derniers fleaux apocalyptiques. — Apoc. Xl-XIV est
line recapitulation de I-X, d'un point de vue different. — L'auteur
A'it au temps de la 3*" Coupe.
* Joseph Mede (1627). Claris Apoc. una cum Commentario, Cambridge —
L'auteur vit au temps de la k" coupe versee sur le Papisme (vic-
loires de Gustave-Adolphe). — Les 6 sceaux se rapportenl a
lEmpire romain jusqu a Constantin, dont la victoire sur le paga-
nisme estlobjet du chap. xii. — Qiiliasme. Les Trompettes vont
jusquaux Ottomans. — Au chap, χ (la Reforme) commence une
nouvelle revelation, plus etendue que la precedente, car elle com-
prend I'histoii'e passee et future de la Papaute. — La premiere
' partie s'occupe de I'Empire, la seconde de I'Eglise. — Mede a
ete frequemment refute par Bossuct.
"Isaac Newtox (1732;. Observations upon ihe prophecies of Daniel and
the Apocalypse, Londres. — Ce grand homme a eu la faiblesse
de commenter I'Apocalypse a la fagon de Mede et des autres. —
Mais il est beaucoup plus reserve. — Les « Coupes » recapitulent
les « Trompettes ». — L'Apocalypse a ete ecrite sous Neron.
* William Whistox (1706). Essay on the Revelation of saint John, Cam-
bridge. — 11 suit ^Nlede : il a ilotte pour la date d'ouverture du
Millenium entre 1715, 1734 et 1866.
Parmi les protestants frangais citons comme appartenant a la meme ecole :
*PiERRE JuRiEU (1686). L'AccompHssenient des Propheties, ou la delivrance
prochaine de lEglise, Rotterdam.
VI. — REACTIOX SCIEXTIFIQUE AU TEMPS DE LA i'.EXAISSAXCE ET AU
XVn" SIECLE
Ces dechainements de fantaisie et de fanatisme, οΐι se melait I'exaltation des
joachimites devoyes aA^ec la methode fausse et arbitraire de Nicolas de Lyre,
devaient provoquer une utile reaction. Elle fut dabord limide chez les Protes-
tants. Ca.merarics, Thedore de Beze, Castell'.o, L. de Dieu, Drusius, et
d'autres ecrivains du xvi^ et du xvii•^ siecle, desesperant, oxi a peu pres,
d'elucider le sens de lApocalypse, se bornerent a Tetudier du point de vue de
LES COMMENTAXaURS DE Ε APOCALYPSE. CCXXXV
la philologie. Calvin n'a pas ose y toucher, ce dont la feiicite Scaliger. Pour-
tant un exegete non catholique fit un effort serieux, des les premiers temps de
la Reforme, pour comprendre la Revelation en la replagant dans le milieu oil
elle fut ecrite. C'est :
*BiBLiAXDER (1549) DUigens atque erudita enarratio lihri Apocalypsis
Johannis, Bale. — Les « sceaux » representent Thistoire entiere
du monde, que recapitulent les trompettes. — Sil voit dans la
Deuxieme Bete, qui ressuscite FEmpire antichretien, et dans les
« Coupes » rhistoire des siecles recents, en un sens anticatliolique,
du moins comprend-il que le chap, xii se rapporte aux persecu-
tions de TEglise par les Juifs et les paiens; la i""® Bele est I'Empii-e
romain, sa blessure ία mort de Neron, sa guerison le regne de
Vespasien, et les « Tetes », les empereurs de Galha a Ner^a
(cfr. Mctorin), la huitieme etant Trajan. — De Bibliander se rap-
proche *Artopaeus (i549; et * Bellinger (1557), tres erudit.
" D'autres, *Lambertus (1528, traces de chiliasme), *M. Hoffmann (1530),
*Seb. Meyer (1534), melangent I'antipapisme a des interpretations ancienncs,
surtout a celles du Haut Moyen-Age, Bede, Strabon, etc.
L'activite des commentateurs catholiques fut tres grande a la Renaissance
et au xvn^ siecle. A cote de ceux qui se contenterent de courtes notices, parmi
lesquels il convient de citer
Erasme (1516) Adnotationes in Novum Testamentum, Bale,
de nouvelles directions, dues a des Jesuites espagnols, donΉerent aux etudes
apocalyptiqucs une impulsion feconde, qui a contribue a les ramener dans la
voie scientifique. Bousset declare nettement que, compares aux leurs, les travaux
des protestants de la meme epoque apparaissent, en moyenne, comma enfantins
[Offenh. p. 91;. Dans ce mouvement, il faut distinguer deux courants. L\m et
I'autre repoussent tout a fait le systeme d'histoire ecclesiastique de Nicolas de
Lyre; ils s'accordent encore pour reconnaitre que, pavmi les evenements histo-
riques da passe, I'Apocalypse ne contient d' allusions precises qua ceux des
debuts de I'Eglise. Mais :
1° Les uns rapportent tout le reste aux dernier s temps de I'Eglise et du
monde, de sorte que les principales propheties de I'Apocalypse ne se seraient
nullement encore realisees. Ils laissent done une vaste lacune entre le temps
des persecutions romaines, au milieu desquelles TEglise s'est aifermie a
travers le monde, et I'agc futur et indetermine de lAntechrist. lis rcmettent en
honneur les auto rites anterieures a Tyconius.
RiBEiRA S. J. (1591). Commentarius in sacram heati Joannis Apocalypsim,
Salaman<{ue. — Les cinq premiers sceaux decrivent retablissemcnt
de TEglise depuis la predication des Apotres (1^'sccau) jusqu'a
Trajan; avec le 6% et jusqu'a la fin du livre, on passe a I'cscha-
tologie. — Deux parties dans I'Apocahjpse : les chapp. i-xi se
CCXXXVI INTHODUCTION.
rapportent a I'histoire de I'Eglise jusqu'a rAutechrist ; les chapp.
xii-xx decrivent le regne de TAntechrist et les epreuves ultiines.
— Pas de recapitulation. Ribeira rcjettc Tinterpretalion neronienne
de Victorin; la blessure guerie de la Bele, c'est une parodie de la
resurrection du Christ, operee par I'Antechrist. — Celui-ci sera
de la tribu de Dan (Irenee, etc.); Elie et Henoch: Babylone de xvii
sera Rome en rupture avec le si6g-e apostolique, etc. Bellar.min
(-j- 1621) a suivi Ribeira dans son De Aniichristo.
Ρεβευπα S. J. (1606) Selectarum disputationum in sacram scripturam conli-
nens CLXXXllI disputaliones super lihro Apocal. B. Joannis
Apost. Lyon. — Exposition suivie jusqu'au 1"- chapitre. — Recapi-
tulation continue, comme dans Joachim, mais, quoique influence
par les idees chiliastes, Pereyra ecarte les extravagances et les
divisions trop minutieuses du celebre Abbe. — A partir de chaque
sixieme moment des septenaires il ne s'agit plus que de I'avenir
eloigne.
ViEGAS. S. J. (1601 et 1613). In Apoc. Joannis apostoli commenlarii exegetici,
York et Cologne. — Plus eclectique que Ribeira, a qui il reproche
d'etre un peu trop esclave de la lettre, il le suit pourtant pour la
seconde partie. — De plus, s'attache aux interpretations patris-
tiques.
Cornelius a Lapide S. J. (1625) Comnientaria in Apocalypsim, Anvers et
Lyon, fait commencer a vi, 12, la description des temps de I'Ante-
christ. II suit Pereyra, Ribeira et Viegas.
Mexochius, S. J. (1630) Brens explicatio sensus litteralis sanctae Scripturae
Cologne, suit aussi Ribeira, mais explique les six premiers cha-
pitres d'apres Bede et W. Strabo.
Citons encore, dans la meme ligne, Escobar υ Mendoza (1652)
et Sylveira (1663), auteur d'un commentaire tres volumineux.
2° Une autre classe d'exegetes diifere des precedents en ce que, au lieu de
rapporter la masse des propheties apocalyptiques a la iin des temps, ils y
reconnaissent I'histoire du double conflit que I'Eglise naissanle eut a soutenir
d'abord conire le judaisine, puis contre les patens.
Hentex S. J. (1547) dans sa Preface a Tedition du commenlateur Arethas
jointe aux ouvrages d'OEcumenius, Paris, a le premier reconnu
clairement que la partie prophetique Vl-XX est dii'isee en deux
sections {V/-XI et XII-XX). II considere la premiere comme rela-
tive a la chute de la Synagogue; le chapitre xi decrit la ruine de
Jerusalem. — La dcuxieme section se rapporte a la destruction
du paganisme, sous la figure de Babylone. — L'Apocalypse a ete
ecrite sous Neron. — Le chap, xni prophetise pourtant Mahomet.
Salmeron S. J. (1614). In Johannis Apocalypsim praeludia, Cologne, place
I'Apocalypse a la meme epoque, et I'interprete de la m6me mauiere.
Alcazar S. J. (1614 et 1619). Vestigatio sensus Apocalypsis, Anvers. —
Alcazar est un des plus celebres et des plus influents commenta-
LES COMMENTATEURS DE L APOCALYPSE. CCXXXVII
ieurs de I'Apocalypse. Son travail, tres informe, est plein d'idees
justes; le cote faible est que, pour certaines figures, il se contente
trop facilement d'un pur allegorisme moral, et que, comme las
precedents, il rapporte artificiellement aux seules luttes contre la
synagogue (dont le Prophete, en realite, sest occupe fort peu), la .
premiere section prophetique vi-xi ; cependant il ne recule pas
I'Apocalypse avant Tan 70. — Les 4 premiers « Sceaux » repre-
sentent les victoires de I'Evangile au debut, le 6•= correspond au
siege de Jerusalem. — Le ch. vii est la delivrance des Chretiens;
VIII et IX, les malheurs des Juifs dans la guerre contre les Romains.
— Au chap. X, I'Evangile passe des Juifs aux Gentils. — XI est
la ruine de la cite deicide, et les 2 Temoins, le christianisme qui
se releve a\>ec une nouvelle magnificence, et convertit une partie
de la nation juive. — La Femme de xii est la communaute juive qui
engendre I'Eglise des gentils, idee qui devient juste si on I'elargit.
— La i"^ Bete est V Empire romain; la tete guerie de sa blessure
represente Domitien, qui a reincarne I'esprit de Neron. — L'ef-
fusion des 7 Coupes symbolise le triomphe progressif de I'Evan-
gile sur le paganisme romain; Baby lone est Rome pa'ienne. — Au
chap. XIX, 11 seq, on assiste au dernier grand conflit des persecutions
et a la conversion de I'Empire. — L'Ange qui lie Satan est Constan-
tin, au regne duquel commence le Millenium, temps de tranquillite
relative do I'Eglise. pour durer jusqu'a la fin du monde. — On le
voit, Alcazar n'use pas de la theorie de la recapitulation. — // ne
parte point d'Antechrist personnel, ni d'Elie-Henoch; allegorisme
moral pour la 2^ Bete, le chiffre 666, les teles et les cornes. —
Nulle part ilne voit d'ailleurs de prediction materielle trop precise;
il se contente de reconnaitre la prophetic des grandes lignes de la
vie de I'Eglise, principalement de son etablissement au milieu des
persecutions des premiers siecles.
L'influence heureuse d'Alcazar se fit sentir et chez les catholiques et chez les
protestants. Son ouvrage fut beaucoup lu et beaucoup discute. De lui s'ins-
pirerent
* Grotius (1644). Adnotationes in Novum Testamentum, Paris. — Ce savant
eut d'abord le merite de rompre avec I'exegese anti-papale; puis
il a ouvert sur la composition de I'Apocalypse des apergus interes-
sants, qui ne demandent qu'a etre mis au point (vid. supra, c. xiii).
— Memo division qu'Alcazar; les chapp. xx-xxii represent la con-
dition temporelle et eternelle de I'Eglise, depuis la paix de Cons-
tanlin. — Malheureusement, surtout dans la parlie consacree selon
lui au jugement des Juifs (vi-xi), il montre autant d'arbitraire que
I'ecole de I'histoire ecclesiastique; ainsi il dccouvre la revolte de
Barcochebas au chap, xi, Simon le Magicien au chapitre xii, etc.
— Les « 7 tetes » sont les empcreurs romains comptes de Claude
a Titus; la guerison de la blessure est I' intronisation de Vespasien.
CCXXXVIII IXTRODUCTIOX.
— La 2^ Bete, ce sont les magiciens, tcls qn'ApoUoniiis de Tyane,
idee juste qaoiqiie incomplete. — Le chiffre ΰ66 se rapporte a
Trajan (Ουλπιος); — xvii, 11, il sagit de Domitien, reedition de
Neron. — Pour Grotius, les proplieties relatives aux Juifs auraient
(ite ecrites sous Claude (d'apres Epiphane), les aulres sous Vespa-
sien, a cause de xvii, 10.
* Hammoxd (1653) Paraphrase and annotations upon the New Testament,
Londres, introduisit en Angleterre la methode et les conclusions
de Grotius', centre lexegese de Brig-htman et consorts.
Herve (1684) Apocalypsis Joannis ApostoU explanatio historica, Lyon. —
L'Apocalypse predit Thistoire de lEmpire romain jusqu a Theodose.
— Les 7 empereurs sont comptes de Galha a Domitien, et Domitien
est Nero redivivus.
BossuET (1689). L'Apocalypse a\>ec une explication, Paris, a critique toutes
les methodes anterieures pour donner sa preference a celle d'Alca-
zar. — L'Apocalypse comprend : 1° des avertissements spirituels
chapp. i-iii; 2*^ des predictions, iv-xx, qui se subdivisent : a) en pro-
plieties contre les Juifs : preparation de la vengeance, a la vision
des sceaux; guerres juives sous Trajan et Hadrien (premieres trom-
pettes); heresies judaisantes (sauterelles) ; b) mine de FEmpire
romain, de xiii, 15 a xx, 15, commengant a la defaite de Valerien
par les Perses (6Mrompette), jusqua Alaric et Attila. La Bete est
Diocletien (666 = DIGLVX, DIoCLes aVgVstVs); les 10 cornes
sont les rois barbares destructeurs de V Empire. — Les Coupes sym-
bolisent la ruine progressive de Rome depuis Valerien. — Les
Temoins ne sont pas Elie et Henoch, mais des for ces da christia-
nisme. — L'avenir seul fera bien comprendre ce que signifie le
millenaire.
Bossuet, au pur point de Λτιβ exegelique, n'egale pas Alcazar
son principal modele; il merite, doctrine a part, le meme genre
de critiques et d'eloges que Grotius, ayant clierche, lui aussi, trop
de details materiels precis dans les propheties. Mais Tautorite de
Tillustre eveque s'est imposee a toute une serie de ses successeurs.
Bossuet fut suivi dans les grandes lignes par
AuBERT DE Verse (1703). La clef de I'Apocalypse, Paris. — La tete blessee
est Caligula, la 2•^ Bete le sacerdoce paien, les « tetes » sont cooiiptees
de Jules Cesar a Galba, la huitieme represente tous les empereurs
romains futurs. — L'Apoc. a ete ecrite sous Neron.
DupiN (1712). Analyse de I'Apocalypse, Paris.
Calmet O. S. B. (1726). Commentaire litter al, t. VIIl, Paris.
Lallemaxt (1725). Reflexions morales a\>ec des notes sur le N. T. t. XII,
Paris. Ce genre d'interpretation est demeure en honneur jusqu'au
dix-neuvieme siecle {t^id. infra).
II y a un tres grand profit a lirer de la serie de commenlaires mentionnes dans
ce paragraphe. Nous devons en citer encore un, plein d'interet, qui, par son ori-
ginalite, se place en dehors des deux courants indiques. C'est celui de
LES COiMMEXTA'lEUnS DE L APOCALYPSE, CCXXXIX
Mariana, S. J. (1019, 1620, 1624). Scholia in Vet. et Nov. Test., Madrid,
Paris, Anvers. — 11 suit la melhode d'liistoire ecclesiastique pour
les trompettes. ού il voit les principales heresies. — Le ch. xi re-
presente la persecution neronienne, et les Deux Temoi'ns sont
Pierre et Paul. — Leckap. XII reprend les evenements a la nais-
sance du Christ; — Les 7 tetes sont les empereurs de Caligula
a Nen^a, parce que Caligula persecuta les Juifs, avec lesquels
etaient en<Ore plus ou moins confondus les Chretiens. — La « bles•
sure » de la Bete est le suicide de Neron, et bq. giierison spiritualise
la croyance an retour de Neron. — Mariana est le premier auteur
moderne qui ait repris ce principe d'interpretation historique.
Vn. — DU XVin'^> SIECLE A l'ePOQUE DE LA « CRITIQUE LITTERAIRE ».
J usque vers le milieu du xix** siecle, nous ne rencontrons plus guere que des
epigones.
Le millenarisme relleurit, combine avec le « lyranisme », surtout parmi les
protestants. Nommoiis
* ViTRiNGA (1705). Άνάχρισις apocalypseos Joannis Apostoli, Franecker. —
Influences combinees de IMede et de Cocceius.
* J. Abbadie (1721). L'ouverture des sept sceaux par le Fils de Dieu, Amster-
dam. — Enorme ouvrage, ou nous releverons ceci seulement, que
toute I'Apocalypse, a partir de vii, est consideree comme le deve-
loppement du V sceau.
* Bexgel (4 editions, de 1740 a 1834). Erklarte Offenbarnng Johannis. — Le
plus systematique et le plus fantaisiste des millenaristes. II a fait
ecole cliez les protestants, principalement chez les methodistes,
grace a une traduction de Wesley. Pour lui, il y aura deux Mille-
naires : I'un (Satan lie), de Pan 1836 a 2836, I'autre 'regne du
Christ) de 2836 a 3836, date du jugement general.
Une autre ecole qui a lair dun rcjetou degenere de celle de Grotius-Bossuet,
ramene I'Apocalypse entiere a la description figuree du sort de Jerusalem et de
la nation juive. Tons croient I'Apocalypse ecrite avant 70.
*Abauzit (edite 1770). — Essai sur I'Apocalypse, Geneve. — Babylone est
Jerusalem, la Bete est le sanhedrin, les « tetes » sont les grands
pretres.
Hajiduin S. J. (1741). Conimentarius in^Nov. Tesiam., la Haye. — Les Lettres
meme sont adressees a la chretiente de Jerusalem, mais les tetes
sont des empereurs.
* Wetstein (1752). Novum testamerUuni graecum, Amsterdam. — La Bete est
I'Empire remain.
* Hajuenberg (175-9). Erkldrang der O/fenbarung Johannis, Brunswick. —
Becapitulalion. Le Millenaire est spirituel et commence a la ruine de
Jerusalem.
* Herder (1779). Μαραν ά6ά, Riga.
CCXL XXTRODUCTION.
* ZiiLLiG (1834-1840). Offeiiharung Johannis, Stuttgart. — L'Apocalypse a 6te
ecrite entre 44 et 47, car la 6* tcte est... ilerode de Clialcis!
Une serie d'ecrivains protestants assez notables a fixe I'interpretation de I'Apo-
calypse qui continue a etre celle des rationalistes jusqu'a nos jours. lis recon-
naissent justement que le principal adversaire vise par Jean est I'Empire romain ;
mais tons croient qu'il enseigue le millenarisme au chap, xx, et, jugeant faus-
sement la plupart que le chapitre xi se rapporte a Jerusalem et a son temple au
sens litteral, placent la composition de I'Apocalypse au moins en partie avant 70.
*CoRnoDi (1780). Geschichte des ChiUasmus, cxplique I'Apoc. par les ecrits
rabbiniques.
* HERRENScHXEiDEn (1786). Teiitameii Apocalypseos, Strasbourg; * Eichhorn
(1791) Commentarius in Apocal , Goettingen.
*Bleek. Articles et ouvrages de critique, jusqu'a Tecrit poslhume Vorlesungen
i'lber die Apokalypse, de 1820 a 1862; * Ελυαεο, Comment, in Apo-
cal. Joannis, 1828, et Die Johanneischen Schriften, vol. II, 1862,
Goettingen , * De Wette, Kurze Erkldrungder Offenbariuig Johan-
nis, Leipzig, trois editions, de 1848 a 1862, qui montre fort bien
que TApocalypse n'a rien a faire avec la ruine de Jerusalem, et
qu'elle attaque le systeme religieux romain; par malheur, il fait
partager a Jean la croyance populaire au Nei-o redivi^'us qui sera
FAnteclirist, tandis qu'Eicliliorn avait fort bien vu que Jean n'avait
pris Neron que comrae un type; *Lucke (1832 et 1852) Versuch
einer volhtandigen Einleitang in die Offenh. Joh. a mis en honneur
les comparaisons avec les Apocrypbes * Volkmar, (1862) Kom-
mentar zur Offenb. Joh., Zurich; * Dusterdieck (4 edit, de 1852
a 1887) Handbuch uber die Offenbariuig, Gottingen, rejette le Nero
redivi\nis et contient d'excellentes observations.
Quatre auteurs, entre 1830 et 1840, ont donne independamment les uns des
autres une interpretation du chilTre 666 de la Bete qui fut appelee a un grand
succes, car elle est en eifet la plus plausible (v. Comment, ch. xiii, 18) : Q^ sar
Neron, ecrit en lettres hebrai'ques "|ii; lop. C'est
* Fritzche. Annalen der gesamten theologischen Lilteratur III, 1831 ; * Denary
Bruno Bauers Zeitschrift fi'ir speknlative Th'^ologiel, 1836; *Hitzig,
Ostern und Pfingsten, 1837; *Reuss, Haller allgemeine Litlera-
turzeitung^ 1837, etailleurs.
Ces auteurs admettent encore Γ unite d'inspiration et de composition de I'Apo-
calypse ; mais deja
* VoGEL (1811-1816) Commeniationes VII der Apoc. Joh., Erlangen, considere
I'Apocalypse comme composee de quatre grands morceaux sondes
par Jean le Presbytre. Bleek, en le refutant, avanga que les
chap, iv-xifurent composes avant la ruine de Jerusalem, etxn-suiv.,
apres (d'apres Bousset, p. 108). * Schleiermacher [Einl. 1845) trouve
une compilation de visions eprouvees en des temps et des lieux divers.
r
LES COMMEXTATEUHS DE L APOCALYPSE. CCXLI
Les methodes les plus vieillies dapplication detaillee a Thistoire universelle
ont encore des representants notables :
* Hengstenberg (1849-1851). Die Offenharung Joh. erlaatert, Berlin, fait com-
mencer le Millenaire a la conversion des Germains, et decouvre
Gog et Magog dans les revolutionnaires de 1848.
* Elliott (1851) Horae apocalypticae, Londres, violemment antipapal, a la
vieille maniere, tandis que
* AuBERLEN (1854-1874) Der Prophet Daniel and die Offenh. Joh., Bale, suivi
d'un certain nombre d'autres protestants positifs (v. Bousset, p. 107),
combat toute application trop detaillee pour voir seulement dans la
Revelation les grands tournants de Texistence de I'Eglise.
G^est a la fin du xviii*= siecle qu'apparut en France I'ouvrage fameux du pere de
« ecole astronomique », precurseur des panbabylonistes de nos jours,
*E. Dupuis (1795) L'Origine de tons les cultes, Paris. — Toutes les scenes de
I'Apocalypse sont des mythes astraux. Dupuis avait eu d'obscurs
predecesseurs, tels que Tanonyme qui a ecrit Horns en 1783
(Charles).
Les catholiques qui ont commente I'Apocalypse dans cette periode sont gene-
ralement demeures dans la ligne Alcazar-Grotius-Bossuet, avec des variantes de
detail. Citons :
GuYAux <Ί781) Comment, in Apocalypsim, Louvain ; de Bovet (1840), I'Es-
prit de V Apocalypse, Paris; Beelen, dans sa traduction flamande
de la Bible (1859-18(39); Allioli, dans sa traduction allemande
(1" ed. Nuremberg, 1830-1835) traduite en frangais par Gimarey
(1853-1854), Paris. Allioli voit dans le Millenium la paix de I'Eglise
apres les persecutions, laquelle doit cesser a I'age de I'Ante-
christ.
Le lyranisme trouva un defenseur convaincu dans
De Wuilleret (1857). Interpretation de I'Apocalypse, Paris. — L'auteur a
traduit I'ouvrage de liolzhauser [supra) et I'a continue dans le
meme esprit apres le chap, xv, 4. — Sept ages de I'Eglise, et
partout recapitulation. — Meme note chez Verschraege (1855),
Clarae simplicesque explicationes Uhri Apocal., Tournai.
Yill. — LES commextateurs a partir du milieu du xix° siecle.
Dans les soixante ou quatre-vingts dernieres anaees, la critique litteraire a
profondement complique les problemes, sans toutefois modifier k fond le plus
essentiel, qui est celui des principes d'interpretation. Un certain nombre d'exe-
getes se sont pourtant contentes de suivre les errements anciens.
La mothode « eschatologique », qui rapporte I'ensemble de la prophetie aux
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. . η
CCXLII INTRODUCTION•.
demiers jours, non pas au sens large, mais aux jours qui seront reellement
les derniers du monde (Anciens, Ribeira, Corn, a Lap., etc.), a un nombre con-
siderable de representants. tant cliez les protestants que chez les catholiques.
Stern (1854), Commentar iiber die OfJ'enharung, Schaffouse; Bisping (1876),
Erkldrung der Apokalypse, Miinster, interprete I'Apocalypse par
un rapprochement avec les 70 semaines de Daniel, comprises d'une
fagon tres personnelle; Millenium spirituel; Krementz, archeveque
de Cologne (1883), Z)/e Offenhnrungdes heiligen Johannes, Fribpurg-
en-Brisgau. combine la theorie eschatologiste avec celle des sept
periodes ; I'Apocalypse nous presente lassimilation de la vie de
lEglise a celle du Christ glorifie comme docteur, pretre, et vain-
qneur; Memaix (1898), L'Apoc. de saint Jean et le VII* chap, de
Daniel avec leiir interpretation, Paris; Sales, 0. P. (1914), Sacra
Biblia. II Nuovo testamento II, Turin, fait connaitre avec soin les
opinions dominantes dans I'exegese catholique, et choisit les plus
moderees;. enfin Kaulen, Cobxely, etc. dans leurs Introductions.
* Kliefoth '/i874), Die Ojfenharung Johannes, rejette tout chiliasme; * Zahx,
Einleitung, II, 1889 et Apokalyptische Studien (1885-1886), articles
ecrits dans la Zeitschrift fur Kirchliche Wiss. und Kirchliches
Leben.
Chez d'autres dominent diverses combinaisons entre le systeme eschatolo-
gique et ceux de Holzhauser ou de Grotius-Bossuet.
Lafont-Sentenac Ί872). Le Plan de Γ Apocalypse, et la signification des
propheties quelle contient, Foix; et Drach (1879), Apocalypse de
saint Jean, Paris, suivent Holzhauser, le premier surtout; Drach
n'insiste pas sur I'application a des faits particuliers; Waller
(1882), Die Offenb. des heil. Joh., Rixheim.
Gallois. 0. p. (1895), L Apocalypse de saint Jean, extrait de la Revue Biblique,
Paris, rejette toute recapitulation, et voit dans la Prophetic le
developpement continu des grandes lignes de I'histoire eccl^sias-
tique, mais, a partir du ch. χ et des DeuxTemoins (Elie et Henoch),
rapporte tout a I'age futur de I'Antechrist : I'cnfant de la « Femme »,
ch. XII, sera le Pontife romain d'alors. Puis ^ullenium spirituel,
conversion des Juifs. etc.
Eyzaguirre 1911), Apocalypseos interpretatio litteralis, Rome, dans les
premiers chapitres voit aussi des allegories spirituelles, ou des
propheties historiques realisees dans Thistoire ecclesiastique; il
incline a voir dans I'Antechrist surtout une collectivite permanente:
apres la ruine de cet ennemi, Tauteur entreprend de prouver, en
faisant grand nsage de texles bibliques et patristiques, que le
Millenium se realisera a la lettre, avec une premiere resurrection
corporelle. Le fait vaut d'etre note, car les millenaristes catholiques
sont heureusement devenus tres rares, tandis qu'ils demeurent
nombreux parmi les sectaires protestants et russes.
LES COMiMENTATEURS DE L APOCALYPSE. CCXLIII
Bacuez, άΆΆ& son Manuel Biblique, et Schaefer (Meenertz), Einleitung, 1913,
trouvent dans TApoc, comme Bossuet, une partie relative aux
Juifs et I'autre aux Gentils; Belshr [Einleitang, 1901) y voitaussi
predit le sort de Jerusalem et de Rome, mais reconnait que la Bete
deborde Rome de beaucoup, representant I'ennemi perpetuel de
TEglise, les « tetes » etant les phases de cette « Weltmonarchie >'.
Quelques exegetes protestants, a la suite d'Aitberlen (supra), evitent les
applications historiques detaillees pour ne voir predites que les grandes lignes
des luttes de la verite contra I'erreur; c'est le systeme « symbolico-historique »,
qui contient une grande part de ju&tesse. Nommons :
" MiLLiGAN (1889), The Book of Revelation^ Londres, et * Benson (1900),
archeveque anglican de Canterbury, The ApocalypsCy an intro-
ductory study y Londres, — tandis que
* J. C. von Hoffmann (1844), Weissagung and Erfidlungy suivi plus tard de
* von LoREXTz (1874), et d'autres ayant egaleraent une tendance
au chiliasme, flottent entre ce symbolisme et le systeme detaille
d'histoire ecclesiastique. Le plus connu est. * Alford (1861), The
Greek Teslament. voL IV, Cambridge, avec millenarisme et reca-
pitulation. La l'*" Bete est Tensemble de I'Empire Romain, mais
la 2*^ est la Papaute.
Pour
* Reuss (1878), L'Apocalypse, Paris, tout le livre n'est qu'une synthese, sans
aucune recapitulation, des idees apocalyptiques juives et judeo-
chretiennes, se realisant dans un avenir rapproche.
Les critiques « independants » ne voient plus generalement dans I'Apocalypse
qu'une histoire symbolique des evenements contemporains de Jean, echauffee par
I'attente imminente de bouleversements merveilleux annonces depuis longtemps
par I'Apocalyptique juive, mais tournant desormais a la gloire du Christ et des
Chretiens. C'est ce que les Allemands appellent le « systeme de I'histoire
de I'epoque », zeitgeschiehtlich. Nul ne I'a pousse peut-^tre a de telles minuties
que le grand virtuose
* Renan (1871) dans son Antechrist, Paris. — L'Apoc. a ete ecrite sous Galba,
apres le regne duquel le Prophete attend le retour de Neron.
Toutes les « trompettes » ne font qu'amplifier des phenomenes
naturels arrives exactement en I'an 68; la « montagne brulante »
est le volcan de Thera, Γ « Absinthe » un bolide dont la chute
dtit έΐΓβ suivie d'une epidemie; I'idee du « puits de I'abime » a
ete inspiree par une solfatare de Pouzzoles; la 2« Bete est quelque
neronien zele qui aura voulu faire adorer la statue de cet empereur,
ou le procurateur de Judee Tibere Alexandre, ou quelque imposteur
d'Ephese, etc. ; les 2 Temoins sont deux personnages importants
de I'age apostolique; les « Tetes » sont les enipcreurs, de Jules
CCXLIV INTRODUCTION.
Cesar a Galba; les « 10 cornes » de xvii, des proconsuls qui Immi-
lieront Rome, apres les Parthes, quand les provinces imposeront
des empereurs, etc. etc. Rome va tomber apres le retour de Neron,
puis le Christ etablira le Millenium, comme un petit paradis au
milieu de la terre, avec Jerusalem pour capitale, en attendant Gog
et Magog, personnifxcation mythologique d'invasions barbares.
Tout le livre est congu dans un esprit strictement judeo-chretien
(systeme de Tubingue). — D'ailleurs nombre d'observations fines
et justes egarees au milieu de divinations si mesquines qu'elles
font sourire.
* H. J. HoLTZMANN (1891), Die Offenharung Johannis, Fribourg-en-Brisgau.
— Neron, Parthes, chiliasme, etc., mais moins de subjectivisme
que Renan et grande autorite d'erudition.
La methode « zeitgeschichtlich » devait naturellement porter les exegetes
divinateurs a fixer la date exacte ou approximative de chaque scene apocalyp-
tique, d'apres le sens des symboles qui y sont employes. Cela en a amene un
grand nombre a considerer I'Apocalypse comme un ouvrage composite, ou du
moins a en attribuer lunite a un « redacteur » plutot qu'a un auteur proprement
dit. Dans notre chapitre xi. Unite de I'Apocalypse, nous avons detaille et critique
ces theories litteraires. 11 suffira de donner ici la liste de leurs ecrits, avec une
classification — un peu approximative d'ailleurs — dont nous empruntons le
cadre a Charles [Studies, pp. o9-78) (1).
Apres Grotius-Hammond, Vogel, Schleiermacher et Bleek, qui avaient reconnu
dans la Revelation des sections d'ages divers, trois hypotheses goneriques ont
partage les critiques depuis une trentaine d'annees.
1° HvpoTHESE REDACTioNNELLE. L'Apocalypse consiste en un ecrit fondamental,
vetravaille par un editeur ou plusieurs.
* VoLTER (1882-1885), Die Entstehung de?• Apocalypse '-'-. Fribourg-en-Bris-
gau.
(1886-1891), Die Offenh. Joh. keine laspri'inglich jiidische Apoka-
lypse [Theol. Tijdschrift, 1886 et 1891, Protestantische Kirchen-
zeitang 1886), contre Harnack et Vischer.
(1893), Das Problem de?• Apok., Frib.-en-Br.
(1904), Die Offenha?'ung Johannis, Strasbourg. — Volter a passe
a I'hypothese de deux sources, Jean-Marc et Cerinthe, avec
redaction et remaniement sous Trajan et Hadrien.
* Vischer (1886-1895), Die Offeiib. Joh. eine Jiidische Apokalypse in ch?-ist-
lichen Bea?^beitung^-^, Leipzig. — Approuve par Harnack.
* Weyland (1886), Theol. Tijdsch?^ift, p. 454-470.
(1888), 0?nwe?^kings en Co?npilatie-Hypothesen toegepast op de
Apocalypse van Jo. Groningue. — Deux sources juives fondues par
un redacleur chretien.
* Erbes (1891), Die Offenharung Johannis, Gotha. — Ecrit fondamental chre-
(1) Jacquier et Bousset donnent des classifications un peu difTerentes et aussi bien fondoes.
LES COMMEXTATEURS DE L APOCALYPSE. • CCXLV
tien de 62, auquel s'est jointe une courte apocalypse du temps de
Caligula ; remaniement vers SO — ou peul-cHre, d'apres un article de
meme auteur, au commencement de Vespasien,
* Hermann von Sodex (1905), UrchristUche Literaturgeschichte^ Berlin. —
Ecrit fondamental juif, complete par lexile de Patmos les lettres
et les sccaux), et edite finalement par un autre ecrivain.
*JoHAXxEs Weiss (1904), Die Offenharung Johannis, Goettingue.
(1908), Die Schriften des Neuen Testaments, II, ibid. — Sources
chretienne de 60, juive de 70, combinees par un tres hal)ile ettres
profond mystique Chretien.
* 0. IIoLTzjiANN, Geschichte des Volks Isrceel, II, 2, Leipzig. — Apocalypse
juive du temps de Neron, ou s'est fondue une autre du temps de
Caligula, puis redaction chretienne.
2" Hypothese des sources. L'Apocalypse est composee de divers ecrits com-
plets en soi, dimportance a peu pres egale, plus juxtaposes que fondus. Les
auteurs qui s'attachent a ce systeme la considerent, a la difference des prece-
dents, comme une espece de compilation, genre Henoch (Volter et Weyland, et
meme Erbes pourraient aussi trouver leur place ici).
* Spitta (1889), Offenharung des Johannes, Halle. — Trois sources : une Apo-
calypse de Jean-Marc en 60, deux Apocalypses juives, respective-
ment des temps de Pompee et de Caligula, le tout compile sous
Trajan.
* Briggs (1895), The Messiah of the Apostles, New-York. — Six apocalypses
primitives, ecrites depuis Caligula jusqu'a Neron ou Domitien,
presque toutes en hebreu, avec quatre redactions successives.
* Schmidt [i^^l],. Anmerkungen i'lber die Komposition der Offenh. Joh.,¥v\-
bourg-en-Brisgau. — Trois ou cinq morceaux independants, juxta-
poses par I'auteur chretien des Lettres.
* Rauch (1894), Die Offenh. des Johannes untersucht nach ihrer Zusammen-
setzung und die Zeit ihrer Rntstehiuig. Haarlem. — Un Juif de 62
a fait lui-meme une compilation, qu'un redacteur sous Titus a chris-
tianisee, et completee par les Lettres. — Bousset juge que Rauch
lui-memena fait qu'une compilation dautres opinions.
3° Hypothese des fragments. L'Apocalypse est bien dune seule main, et
d'une seule inspiration, mais son auteur y a incorpore intentionnellement des
fragments reconnaissables d'ecrits plus anciens, juifs ordinairement.
* Weizsacker (1886-J892), Das apostolische Zeitalter der christlichen Kirche,
Fribourgen-Br. (vid. supra, ch. xi).
* A. Sabatier (1888), Les origines lilteraires et la composition de V Apocalypse
de saint Jean, Paris (v. ch. xi), precede en 1887 dun article dans
la fieviie de theologie el de philosophie, p. 553 suiv.
* ScHOvx 1887), L'origine de I'Apocalypse de saint Jean, Paris (v. ch. xi).
* Bousset [1896, 1906). Die Offenharung Johannis '-^ Goettingue. — Le meil-
CCXLVI • INTUODUCTIOX.
leur de beaucoup des commentateurs « independants ». Nous aurons
souvent a nous en occuper.
*Bruston (1888), Les Origines de rApocalypse, Paris,
(1896, 1908), Etudes sur Daniel et Γ Apocalypse ^-^• Paris, plus un
certain nombre darticles de revue. Deux apocalypses chretiennes,
Tune hebraique, I'autre grecque, respectivement sous Neron et
Domitien, plus tard fondues. — B. se rapproche davantage de la
theorie des sources (v. ch. xi).
* MoFFATT, dans \ Expositor's greek Testament, * Anderson Scott dans la
Century Bible, * Porter dans les Messages of the Apocalyptical
Writers (1905, Londres) et dans la Bible Dictionary de Hastings,
* Pfleiderer, qui, dans les dernieres editions de son Urchris-
tentuni, a passe de la theorie des sources a celle des fragments;
*Sanday, dans le Journal of Theological Studies, juillet 1907;
* Charles (1913 i, Studies in the Apocal., Edimbourg; *Julicher
(1906), Einl. in das N. Test. ^-^-, Baljon (1908), Commentaar op
de Openbaring.
Calmes (1907), TJ Apocalypse devant la tradition et devant la critique, Paris;
(id.), Les EpUres catholiques et Γ Apocalypse, Paris. — Ilreconnait
I'unite d'inspiration et de style dun ecrivain sacre qui a utilise un
ensemble considerable de documents anterieurs.
Cette ecole qui reunit, malgre leurs divergences d'interpretation, des indepen -
dants, des protestants positifs et des catholiques, est, dans Fensemble, beaucoup
plus objective que les precedentes, pour autant du moins qu'il s'agit de I'origine
des symboles, et de la composition. Cette superiorite tient a ce que, renongant a
Tabus des precisions « zeitgeschichllich », parfois si pueriles, les exegetes pre-
cites ont cherche I'explication des figures dans le milieu biblique et apocalyp-
tique traditionnel. Or les etudes sur le milieu apocalyptique ont rcQu une vive
impulsion du fait que riiistoire des ambiances paiennes de I'Asie anterieure, reli-
gions semitiques, egyptiennes, iraniennes, hellenistiques, a progresse considera-
blement en ces dernieres annees. Par la meme on a ete moins porte a inter-
preter les scenes de FApocalypse par de menus incidents historiques, ce qui a
renverse la principale raison pour laquelle on depegait ce beau livre entre
diverses epoques et divers auteurs. Malheureusement, la critique independante
y a saisi I'occasion de lancer de nouveaux systemes qui, forgant I'Apocalypse
de saint Jean a entrer dans la ligne des traditions paiennes, en meconnaissent
completement Fesprit, la portee et le caractere specifique, et ne sont pas moins
arbitraires que les divagations des « Literarkritiker ».
L'auteur qui en est le premier responsable est
* GuNKBL (1895), Schopfung und Chaos, in Urzeit und Endzeil, Gcettingue;
(1903). Zum religionsgeschichtlichen Verstdndnis des Neuen Testa-
ments, ibid. — II a voulu interpreter Genese I, Apocalypse Xll, et
beaucoup dautres passages de I'Evangile etde la Revelation paries
cosmogonies asiatiques, principalement par le mythe de Mardouk et
de Tiamat dans YEnuma elis babylonien, dont Jean, force par la
LES COMMENTATEURS DE L APOCALYPSE. CCXLVII
tradition, aarait applique servilemeiit les doanees, sans oser a pein€
les transformer, a la victoire du Christ sur I'enfer, — Apres lui
*Jeremias {1905), Babi/lonisches im Neiien Testament, Leipzig, a repris les
memes donnees, avec beaucoup plus de precision et de fantaisie
encore, mais en y trouvant I'allegorie de verites revelees, car c'est
un pasteur qui demeure croyant positif .
*Gbessmann (1905), Urspriing der isT-oelitisch-judkchen Eschatologie, Goet-
tingue.
Les cultes astraux des Babyloniens ont ete surtout invoques pour elucider le
symbolisme apocalyptique, ce qui est legitime en certains cas, mais aussi pour
determiner les idees religieuses de Jean, ce qui est une confusion tendancieuse. II
sest done fonde un « systeme astronomique », qui se rattache assez directement
axi vieil auteur de 1' « Origine de tons les cultes » : c'est da Dupuis rajeuni, chez
les plus avances de ces exegetes.
* BojLL [idik), Alts der O^enbarung Johannis, helletiitische Studien zuin Welt-
hild der Apokalpse, Σ1Ό1ΧΚΙΑ, Leipzig-Berlin, interprete a peu
pres toutes les images de TApocalypse comme etant du monde stel-
laire. notamment la « Femme » du ch. xri, qui serait la « Reine du
Ciel ».
* HowMEL (1909), Reformation VIII, preoonise en Allemagne une interpretation
zodiacale, tandis que * Ramsay, traduisant et approuvant * Lepsius
en 1911 dans VExpositor, admet avec quelque exageration que le
symbolisme est perpetuellement astronomique (v. Charles, Studies).
* Nicolas Morosow (1907, trad, du russe en allemand 1912), Die Offenb. Joh.,
eine astronomische-historinche Untersuchung, que nous mention-
nons, d'apres Charles, a titre de curiosite, a m^me decouvert que
lApocalypse etait une description symbolique de Fetat du ciel, vu
de Tile de Patmos, le 30 septembre 395, ecrite par saint Jean Cliry-
sostome. * Drews \m a fait Plionneur d'une introduction.
*BoussET, dans son Commentaire ivid. supra) et
* Clemen (1909), Religions geschichtliche Erkldrung des Neaen Testaments,
Giessen, ont cherche a mettre a peu pres au point I'usage exege-
tique des traditions etrajigeres- lis y ont reussi dans une certaine
mesure, qui pourtant, a notro avis, est encore loin d'etre complete.
Parmi les defenseurs de Γ unite de I'Apocalypse, contre les « Literarkritiker »,
citons
*BEnNHARD Wetss (1891), Die Jokannesapokalypse, Texte und Unters. vii, 1,
Leipzig, et le catholique
KoHLHOFER (1902), Die Einheit der Apokalypse, Biblische Studien de Bar-
denhewer, Frib.-en-Br. — ainsi que Jacquier dans son Hist, des
livres du N.T, t. iv, Brassac dams son Manuel Biblique, Belser
et Meinertz dans leurs Introductions, etc.
11 est enfin trois ecrivains anglais croyanls dont les ouvrag^es fort remar-
CCXLVIII IXTliODUCTIOX.
quables repoussent tout esprit de systeme; ils n'en sont que plus utiles a I'exe-
gese a la fois chretienne et scientifique.
*HoRT (1908), The Apocalypse of saint John, r-iii, Londres. — Cest un
commentaire soigne des Lettres seules, d'api'es les notes de con-
ferences donnees par Hort en 1879, et editees ensuite par Sanday.
* SwETE (1909), The Apocalypse of saint John, Londres. — Commentateur
profond, erudit et pieux, qui se fait une juste idee de I'esprit de
Jean et de son but, le regrette professeur de Cambridge enleve en
1916 au monde savant, apres une si longue et feconde carriere, est
peut-έtre I'auteur qui a le mieux use des decouvertes recentes
et de la tradition pour penetrer le sens du livre scelle. Son
ouvrage, qui pourrait presque etre signe d'un catholique, est celui
auquel nous devons le plus pour notre commentaire. — Notons
encore
* Ramsay (1909), dans son ouvrage The Letters to the Se^>en Churches of
Asia, and their place in the plan of the Apocalypse, Londres,
livre tres savant et plein d'apergus vivants et suggestifs.
Sans parler des etudes accessoires, et des innombrables articles d'Ency-
clopedies, de Revues, nous pourrions encore nommer une centaine d'autres
commentateurs de I'Apocalypse ; mais I'enumeration precedente doit suffire.
IX. — NOTE METHODE d'iNTERPRETATION.
Dans ce chaos d'opinions, souvent fantaisistes et cadnques, il nous semble
malgre tout qu'on pent demeler les fils souvent rompus ou emmoles d'une tra-
dition exegetique, de deux traditions plutot, Tune qui serait purement juive, et
qu'on pent mettre de cote comme une intruse, I'autre qui est la vraie. la Johan-
nique, et plonge ses plus profondes racines dans la Bible, Ancien et Nouveau
Testament. II n'est pas d'ecole d'interpretation si extravagante qui n'en ait encore
reflete quelques traits.
Tous les systemes orthodoxes, d'abord, sont d'accord en ceci, que I'Apocalypse
represente les dernieres phases de la lutte du Bien contre le Mai, apres I'lncar-
nation, aboutissant au triomphe eternel du Christ et de I'Eglise. Tyconius, abs-
traction faite de son donatisme, saint Augustin, avec son opposition perpetuelle
des Deux Cites, et les interpretes latins ou medievaux qui les ont suivis, sont
ceux qui en ont le mieux donne la formule. En mέme temps I'Apocalypse est un
livre d'enseignement spirituel, comme les premiers Peres (Irenee, etc.), puis
Andre de Cesaree, et la plupart des interpretes catholiques ont su le faire res-
sortir, avec plus ou moins delDonheur, dans nombre de leurs explications.
Elle est essentiellement eschatologique. Les plus anciens auteurs, Irenee,
Hippolyte, I'avaient fort bien saisi, et compris que les derniers temps etaient en
continuite avec leur epoque, c'est-a-dire avec I'age de lEmpire romain. lis se
trompaient sans doute en croyant la fin rapprochee, et en rejetant le Millenium,
compris trop litteralement, apres la defaite totale de I'Antechrist; mais leur
conception, a part le chiliasme, etait plus juste en substance que celle des mo-
LES COMMENTATEUHS DE L APOCALYPSE.
dernes qui veulent que saint Jean ait neglige tout le long intervalle devant
separer sa propre epoque des dernieres annees du monde. Pour nous, toute
riiistoire de I'Eglise est comprise par saint Jean, suivant Tanalogie du style
prophetique et neotestamentaire, comme constituant les « derniers temps »,
c'est-a-dire la derniere periode du pelerinage de I'humanite sur la terre. Si elle
semble dominee par la puissance des Betes [tete blessee et guerie, les comes
apres Baby lone], en realite c'est le Christ qui y regne (Millenium). Les Betes
et les cornes sont les agents perpetuels du Dragon deja virtuellement vaincu et
lie, comme I'a expose saint Augustin, et comme la generality des exegetes
croyants est de plus en plus disposee a le reconnaitre.
Ce n'est pas a dire que la Revelation ne contienrie aucune prophetie precise,
et que tout s'y reduise a des types. II n'y faut sans doute pas voir, avec Nicolas
de Lyre, Cocceius, Holzhauser, etc., une histoire imagee des peripeties que tra-
verse I'Eglise aux diverses epoques, car le livre est avant tout une « philosophic
de I'histoire religieuse » pour tous les temps ; mais Jean a predit claireraent le
caractere et les phases de la lutte commencee de son temps, et la chute de TEm-
pire pai'en, la ruine de Rome persecutrice, type de tout pouvoir qui, apres elle,
s'opposera au Christ. C'est ce qui fait, apres que les anciens I'avaient deja
pressenti, la valeur speciale des commentaires d'Alcazar et de Bossuet, diminuee
seulement du fait qu'ils ont trop voulu preciser, et y ont mele arbitrairement des
predictions sur la nation juive, dont Jean, voyant Jerusalem detruite, s'est fort
peu occupe, les Juifs etant desormais confondus a ses yeux dans la masse des
infideles, dont ils partageraient les chatiments et la conversion. Le pire des
empereurs remains, Neron, a ete pour lui le type meme de I'Antechrist; il y a
tout lieu de croire que Victorin suivait sur ce point une tradition (qu'il a com-
prise d'une maniere trop litterale), et que Mariana et les modernes ont retrouve
la une vraie cle d'interpretation. — Mais voila a peu pres tout ce que Ton peut
conceder a I'ecole « zeitgeschichtlich ».
Enfin, pour comprendre la suite des scenes apocalyptiques, il est bon de ne
pas trop dedal gner la « theorie de la recapitulation » de Victorin et Tyconius,
admisc de saint Augustin. Elle peut etre aussi transmise par tradition authen-
tique, quoique les deux premiers, et surtout les Joachimites, I'aient faussee en
la systematisant trop et voulant Fappliquer partout. Depuis que Henten a bien
determine la separation de deux sections prophetiques entre les chapitres xi
et XII, il parait certain que Jean reprend dans la deuxieme, a un autre point
de vue, — ce qui fait que cette recapitulation n'est pas oiseuse, — et toutefois
avec un parallelisme tres marque dans la forme (visions preparatoires : sceaux ;
anges annonciateurs ; — Sept trompettes, sept coupes), les evenemcnts deja
prophetiscs d'une maniere plus generale et plus schematique dans la pre-
miere. En etendant et purifiant une conception dabord pressentie par Bright-
man et par Mede, on peut tenir pour certain que, dans la premiere section pro-
phetique, saint Jean envisage les evenements de I'avenir par rapport a
I'ensemble du monde, dans la seconde, par rapport a TEglise plus speciale-
ment; ce n'en sont pas moins les memes evenements.
il faut en dernier lieu faire aussi leur part aux exegetes qui, avec et apres
Gunkel, se sont attaches aux systemes de « I'histoire des traditions » et de
« rhistoire des religions », meme aux « astronomistes ». Malgre le subjecti-
CCXL ΙΛΤΚΟΟυΟΤΙΟΛ".
visme forcene de nombre d'entre eux, ils ont ga et la mis sur une bonne voie
pour I'intelligence de plus d'un symbole, au moins dans ses origines mate-
rielles et historiques.
Voila les principes qui nous dirigeront dans notre Commentaire. Nous avons
cetle confiance qu'ils se montreront justifies partout par la critique interne.
NoTA. — Pendant la correction des opreuves, nous avons recu le dernier commentaire
paru, ^IsBOK T. Beckwith, The Apocalypse Of John, studies in introduction -with a com-
mentary, New-Yorli, Macmillan, 1919. Ouvrage 6rudit et consciencieux d'un protestant croyant,
donl les opinions sur Tunite, I'auteur, la date sont conformes a la tradition; malheureusement
11 n'a pas, dodaignant tout emploi de la « recapitulation », saisi le parallelisme des sections ;
11 attrlbue a Jean le Millenarisme au sens littoral, et lie ses interpretations a I'eschatolo-
gisme extrfime.
CHAPITRE XV
LE TEXTE DE L APOCALYPSE.
On ne connait jusqu'ici que 250 manuscrits environ du texte original de
I'Apocalypse; tres pen sont anlerieurs au x* siecle (sept [ou 8] onciaux et un
ou deux minuscules) et les derniers sont du xvn'' siecle. La modicite relative de
ce chiffre s'explique naturellement par toutes les discussions qui se prolongerent
dans I'Eglise grecque au sujet de la canonicite du livre. II existe aussi quelques
fragments sur papyrus, et des citations des anciens Peres, Origene, Hippo-
lyte et Methodius. II est difTicile, d'apres Bousset, d'apprecier la valeur de
celles d'Irenee, qu'elles se trouvent dans la traduction latine, ou a la fois dans
le grec et le latin, car en ce cas elles ne concordent pas toujours (Ij.
TEXTE GREC.
I. Citations ancienxes.
Origene. — Apoc. in, 7. suiv.; v, 1-6; vii, 2-5 : xiv, 1-7; xix, 11-16; xxii,
13, et d'autres. En tout 165 d'apres Biirgon {Jacquier, le N.T.
dans I'Eglise chretienne, ir, p. 309).
HiPPOLYTE. — De Antichristo, chap. 43, 47, 61 : Apoc. xi, 3, 7; ch. 60-sv :
Apoc. xii, 1-6; 13-17; ch. 48-sv : Apoc. xin, 11-18: ch. 36 sui-
vants : Apoc. χυπ-χλίγι; ch. 65 : Apoc. xx, 6, 14; xxii, 15.
Comm. sur Daniel iy, 34 : Apoc. in, 7; v, 1-10; — in, 9 : Apoc.
VI, 9-11; — IY, 50 : Apoc. xi, 3; — iy, 23 : Apoc. xyii, 10.
Contra Noetnni : Apoc, xix, 11-13. En tout 188.
Methodius. — Symposion : Apoc. xii, premiers versets, et quelques
autres. De plus, 3 citations dans Justin, 11 dans Clem, Alex,
27 dans Eusebe (Burgon).
II. Papykus.
Papyrus dOxynnchns, n° 848 (Gregory 0163;, v^ siecle, con-
tient Apoc. xvi-xx.
Muni a public encore dans les Oxyrinchus Papyri, viii (1911)
deux fragments i^Apoc. i, 4-7 (Pap. 1079, Soden α 1074) et lu, 19-
jv, 3 (Pap. 1080, Soden, « 1075).
III. Manuscuits (avec la triple notation de γολ Soden, Tischendorf {on Scri^
i'ene?'] et Gregory (2).
(1) LeProf. Saorlay a promis un travail sur les citations nSoteslamenlaires de saint ΐΓέηόβ.
(2) Nous mettons la premiere la uolatioTi de ΠεηΜΑΐΤΝ von Soden (7>ie Schriflen des Neuen
CCLII - INTRODLCnoX.
Du IV^ (III IX'' siecle :
8- — s — 01 (Codex Sinaiticus, Petrograd). iv'= s.
33 _ c — 04 (Cod. Ephraemi, Paris, Bibl. nat. — Manque de I'Apoc. i, 1;
III, 19-v, 14; vii,' 14-17; viii, 5-ix, 16; x, 10-xi, 3; xvi, 13-
xvui, 2; XIX, 9-xxii, 27). v'• s.
δ* — A — 02 (Cod. Alexandrinus, Londres, British Museum) v'' s.
§30 — . je Scrivener — 1424 (Kosinitzai, ix'' siecle.
£35 _ Ε _ 07 (Bale, Universitatsbibliothek, fragment d'Apoc. a la fin) viii« s.
«3 — Ρ — 025 (Codex Porphyrianus Petrograd, lacunes dans Apoc. xvi, 12-
XVII, 1; XIX, 21-29; xxii, 6-finj. ix^ s.
«47 — ρ 127-1841 i Mytilene) ix* ou x^ siecle.
«1070 _ B2 (ou Q^ Tregelles) — 046 (Vatican, contient VApoc. et des ecrits
des Peres) viu' s.
0 — E•" — 051 (Mont Athos, fragments d'Apoc. xi, 1δ-χιιι, 1; xiii, 3-xxii,
7; XXII, 15-21, avec comm. d'Andre ix•" ou x•-' siecle.
Du A'"^ siecle.
§93 _ r 20 — 175 (Rome, Vatican) x« s. ou xi«?
«5» _ Γ 19 — 93 (Paris, Bibl. nat.).
«S2 __ r75 _ 456 (Florence).
aS3 — Γ 24 — 627 (Rome, Vat., lacunes dans VApoc.^.
«05 _ J. 126 (Scrivener 208) — 920 Escurial).
a^^ — r 133 — 1870 (Chalcis).
ao6 _ ri42 — 2004 (Madrid Bib. nac. et Escurial).
0 — E*"" — 052 (Mont Athos, fragments dWpoc. vii, 16-viii, 12, comm.
d'Andre).
«^0^2 (Meteoron, Apoc. i, 1-xiv, 5), x'^ ou xi'' siecle.
«1073 (dans le meme codex que le precedent).
Du Xl• siecle :
aioi _ Γ 26 — 506 (Oxford, Christ Church).
aio3 _ Γ 107 (Scr. 104) — 680 (Cheltenham).
Testaments, 1, I, Berlin, 1902), parce quelle a luvanlage d'indiquer a la fois le conlenu et
I'age du manuscrit (δ = tout le N. T: α suivi de trois chiffres, ecrits apostoliques y compris
I'Apocalypse; suivi de quatre chiffres, ms. de I'Apocalypse seule). Le second sigle est
celui de la notation de Wetstein, qui est toujours classique, complotee jusqu'a Tischendof
et autres critiques du xix' siocle jusqu'a Nestle; r minuscule signifie ?•ένέΙαΙίοη, parce que
les codex cursifs en question portent presque tous d'autres chiffres pour les autres livres du N.T.
qu'ils contiennent; quand le sigle de Scrivener est different, nous I'avons ajoute entre
parentheses. Enfin le troisieme sigle est celui de Gregory, qui designe les onciaux par des
chiffres gras proced^s d'un zero, et les minuscules par un nombre en caracteres ordinaires.
Pour la description exacte des manuscrits, les bibliotheques oii ils se trouvent, leur num6-
rotage dans ces bibliotheques, nous ren\Oyons le lecteur a Gregory, Die griechischen
Handschriften des Neiien Testaments, Leipzig, 1908, et surlout a Soden, op. (it., i, liste iv,
pp. 102-289. Voir aussi Jacquier, Le Nouveaii Testamenf dans Vtlglise chrelienne, t. il, Paris,
1913. — Un z^ro (0) indique que le manuscrit n'a pas 6to d6sign6 dans cette nomenclature.
LE ΤΕΧΤΕ DE L APOCALYPSE. CCLIII
5i04 _ r 108 (Scr. 271) — 699 (Loiidrcs, Brit. Mus.)•
§100 _ ο ~ 1384 (Andros).
5(101 ri3 — 42 (Francfort-sur-lOder, manque Apoc. xviii, 3-13j.
(χΐο3 V 7 — 104 (Londres, Brit. Mus.;.
«106 _ r82 — 177 (Munich).
«m _ γ9 — 32δ (Oxford, Bodleiana).
α^04 _ r45 _ 459 (Florence).
«113 _ Γ 125 (Scr. 207) — 919 (Escurial, manque Apoc. xix, 6-fin).
«no _ Γ 128 — 1849 (Venise).
«Hi _ r 129 — 1852 (Upsal).
«us _ J. 130 — 1854 (Mont Athos).
«118 _ r495 __ 1888 (Jerusalem, Bibl. patriarch, grecque).
«117 _r500 — 1893 (ibid.).
«119 _ r93 — 1955 (Londres, Lambethj.
«116 _ 0 — 2138 (Moscou).
«194 _ r 185 — 1277 (Cambridge, Univ.).
«1174 _ ο — 1006 (Mont Athos).
«1172 _ 1-140 — 2048 (Paris, Bibl. nat.).
Du XIP siecle.
§206 _ 1.48 — 242 (Moscou).
§203 _ 1-112 _ 808 (Athenes).
§200 _ r 116 — 922 (Mont Athos).
«200 _ γ99 _ 88 (Naples; manque Apoc. iii, 14-fin).
«201 _ γ22 — 632 (Rome, Vallicell.).
«202 J. 124 — 1828 (Athenes; manque Apoc. xviii, 22-fin).
«203 _ γ81 — 203 (Londres, Brit. Mus.).
«204 __ r8 — 110 (Londres, Brit. Mus.).
«203 _ γ52 — 337 (Paris, Bibl. nat.), manque Apoc. x, 4-xi, 1; xxii, 17-fin).
«206 _ r42 _ 452 (Rome, Vat.).
«207 _ r 180 — 620 (Florence), grec et latin.
«208 _ rl05 — 1611 (Athenes).
«2o:t _ rl34 — 1872 (Chalcis).
«21 i _ r27 (Scr. 503) — 517 (Oxford, Christ Church).
«21 ο — 0 — 1795 (Kosinitzaj.
«216 _ 1.102 (Scr. 109) — 256 (Piiris, Bibl. nat., grec-armenien; manque Apoc.
XIX, 16-Γιη).
«1271 _ 1-90 _ 2039 (Dresde).
«1272 _ rOo — 2030 (Moscou).
«1273 _ 1-143 _ 2050 (Escurial; manque Apoc. chapp. vi-xtx).
Da Kill• siecle.
§300 _ 1-33 _ 218 (Vienne, ancienne kaiserl. Bibl.; manque Apoc. xiii, 5-xiv,
8; XV, 7-xvii, 2; xvni, lO-xix, 15; xx, 7-Γιη).
§303 _ I- 83 _ 339 (Turin).
CCLIV INTRODUCTION.
a304 _ riio (Scr. 146) — 757 (Athenes). ■
3307 _ ri20 — 1094 (Mont Athos).
§309 _ i>i7 _ 35 (Paris, Bibl. nat.).
S3ct _ 0 —935 (Mont Athos).
§396 _ ο — 1352 (Jerusalem, Pair.).
gSbi — i-go (Scr. 561) — 713 (Wisbech, Cambridgeshire, propriete privee;
contient Ενν. et Apoc).
a38o _ rsgo — 1865 [Mont Athos).
0(1370 _ ο _ 1685 (Serres).
„i373 __ i,i77 _ 2079 (Mont Athos).
5(1374 — yqi — 2027 'Paris, Bibl. nat., avec ecrits patristiques).
0(1373 — j,xj[4 — 8(jQ (Piome, Vat., grec-latin, manque Apoc. i, 1-vi, 17; xiii,
2-fin;.
0(300 _ r44 _ 180 (Piome, Propagande).
Du A7P siecle.
δ'.οο_ ρ 23 — 367 (Florence).
δ '.01 _ rvo _ 386 (Rome, Vat.).
3^02 _ γ97 (Scr. 67) — 498 (Londres, Brit. Mus.).
δ^ο3 _ r94 — 201 (Londres, Brit. Mus.).
8^04 _ rii3 ^scr, no) _ 824 (Grottaferrata).
gios — Q — 1785 (Kosinitza).
δ!06 _ J. 118 _ 1072 (Mont Athos).
§407 _ J. 119 _ 1075 (Mont Athos).
S'.os _ γ4ο_ 141 (Rome, Vat.).
§410 _ rioa (Scr. 102) — 582 (Ferrare).
δ''^^ — Γ 51 — 18 (Paris, Bibl. nat.).
0(400 — yQq — 028 (Rome Vat. manque Apoc. xviii, 22-fin, grec-latin).
a^oa _ Γ 371 — 1859 (Mont Athos).
0(403 — J. 39 — 1918 (Rome Vat. manque Apoc. i, l-iii, 17; vi, 18-xiir, 11).
0(104 _ r87 — 172 (Berlin, Kon. Bibl., manque Apoc. xrv, 4-14; xxj, 12-fin).
α•'.05 _ ο _ 1732 (Mont Athos).
0(406 _ rl78 — 2080 (Patmos).
a''"' _ 0 — 1746 (Mont Athos).
aM7o — ο — 1328 (Jerusalem, Patr.).
a»-47i _ γ30 _ 429 ^WolfenJDiittel).
«1472 _ 0 _ 1806 (Trebizonde^
oii4T3 _ p22 — 632 (Rome, Vallicell.).
0(1475 _ r96 — 2041 (Londres, Brit. Mus.).
Du XV siecle.
§500 _ γ88 — 205 (Venise)
§voi _ rio9 -_ 205•=°»'^ (Venise).
§502 _ rioo _ 004 (Zittau).
§o03 _ 1-25 — 149 (Rome Vat.),
I. Ε ΤΕΧΤΕ DE L APOCALYPSE. CCLV
C9 I Leicester.
- 1075 (Mont Atlios).
241 (Dresde).
- 986 (xMont Atlios).
336 Hambourg).
432 (Rome, Vat.).
467 (Paris, Bibl. nat.).
- 616 (Milan, Ambrosienne).
- 1876 (Sinai, manque Apoc. xxi, 27-fin).
1948 (Rome, Vat.'.
385 (Londres, Brit. ^Mus., manque Apoc. xxii, 2-fin),
■ 2195 (Mont Athos).
- 2076 (Mont Atlios).
- 368 (Florence).
2021 (Rome, Vatican).
2020 (Rome, Vat., avec ecrits patristiques).
- 1957 (Rome, Vat.).
- 792 (Athenes).
- 2057 (Rome, AngeL).
- 2256 (Athenes).
181 (Rome, Vat.).
2016 (Londres, Brit. Mas., avec ceuvres de Denys I'Areopagite).
2015 (Oxford, Bodl., avec ecrits patristiques).
- 209 (Venise).
2017 (Dresde).
2087 (B41e, Univ.).
2024 (Moscou).
- 1897 (Jerusalem, Patr.).
- 2084 (Constantinople, avec ecrits patristiques).
- 1857 (Mont Athos). «
- 2061 (Rome, Vat., avec lectionnaire et vies des saints).
2025 Paris, Bibl. nat. avec Job et Cohort, de Ps. Justin).
60 'Cambrido-e Univ.).
Du X VI^ siecle :
§600 _ r57 _ 296 Paris, Bibl. nat.).
Sco2 _ 1.93 ^scr. 488) — 522 (Oxford. Bodleian, manque Apoc. 11, 11-23).
§603 _ 1.92 _ 01 Dublin, Trinity College).
360 ; — Q (Mont Atlios, manque Apoc. i, 3-fin\
δ««^— ο (Mont Athos).
«1670 _ j.-(,^ _ ^39,^ (Jerusalem Pair.).
j,u82 _ J. i82 — 2082 (Dresde).
(χΐ68Α — Γ 141 — 2049 (Athenes, avec ecrits patristiques et vies de saints).
α•686 _ ri76 — 2078 (Mont Athos).
a<687 — Q — 2196 (Mont Athos, avec ecrits de saint Jean Damascene).
§505
r 14 —
^306
rll9-
§507
r47 —
§508
—
r 117 -
jjOOO
—
rl6 —
(χόΟ)
—
r.37 —
„502
—
Γ 53 —
«503^
—
rl56 -
„504
—
r 135 —
«oOo
—
Γ78 —
a»06
—
r29 —
j,508
—
0 —
«1570
- r 172 -
a'-'
- r84 —
„1o-2
- r 41 -
^^\o^^
-Γ38 —
a'3"
- Γ 91 -
„to7o
—
- rlll-
„1376
■ rl50-
„lb77
- 0 -
„4578
rl2 —
„1S79
rSl —
,χίοβΟ
γ28 —
β,Ι.581
r46 —
α<.^82
—
p32 —
5^<o83
—
rl5 —
«♦3&.»
—
r50 —
5j1o85
—
r 504 -
«1386
—
Γ 506 -
«1387
—
r 131 -
«)388
—
r 154 -
«1392 .
—
γ58 —
«139'.
—
r 10 —
CCLAI INTRODUCTiOX.
Du XV J l• siecle :
g7oo _ ο — 2136 (Moscou),
ct<"o _ ο — 2258 (Mont Athos).
Ajoutons a celte liste :
1° Aulres Manuscrits catalogues par' Gregory.
10Θ4 (Evangiles, Apoc.) Athos; — 1424 (N. T. entier), Kosinitza; — mss. du
moni Athos contenant tout le N. T. : 1597, 1617, 1626, 1652, 1668, 1678, 1704;
— contenant tout, excepte les Evangiles : 1719, 1728, 1733, 1734, 1740, 1745,
1746, 1864 (r327; et 1903 (r513), — contenant Paul et TApocalypse : 1771; —
I'Apocalypse seule : 1773, 1774, 1775, 1776; — a Serres, 1685 (Evang. Apoc.)
et 1760 (N. T. moins I'Evang.); — a Lesbos, 1Ί5Ί (N. T. — Evang.) — a Salo-
nique 1778 (Apoc. seule). — Nous ne savons d'ailleurs quel sort auront eu
dans la guerre les manuscrits de Macedoine.
2° Les Textes de Γ Apocalypse qui se trouvent dans des manuscrits
de commentateurs .
Ces commentaires sont ceux ^ Andre (Av), a' CEcumenius (0 dans un com-
raentaire general des ecrits apostoliques ; θα pour TApoc. seule ; 0Θ, quand ils
se trouvent dans un manuscrit d'oeuvres de Theophylacte, Θ) ; d'Arethas (Ap) ;
entin nous avons donne une place a trois manuscrits tres tardifs, signales par
von Soden, qui portent le nom de Μάξιμος (Μ), (avec un commentaire qui pour-
rait bien ne consister qu'en excerpta fait pour I'usage d'un particulier), quoique
deux d'entre eux soient en grec moderne. Nous donnons, comme precedem-
ment, la triple notation, quand elle existe.
« Du IV^ au X^ siecle.
O' — γ2 — 82 (Paris, Bibl. nat.).
Av' — r 170 — 2074 (Mont Athos, probablement du x- siecle).
Du XI" siecle.
Qio _ Γ 121 — 250 (Paris, Bibl. nat.j.
0'^ — r6 — 314 (Oxford. Bodl., manque Apoc. i, 10-10: ix.ll- 17; xvii, 10-
xviii, 8; XX, 1-fin).
012 _ r34 _ 424 (Vienne, K. K. Bibl.).
0'3 _r74 — 217 (Venise).
0'^ — r 4 — 91 (Paris, Bibl. nat.;.
Qis — r64 — 1934 (Paris, Bibl. nat. contient Paul et lApocal.).
Av'o — r 152 — 2059 (Rome, Vat.),
Av*' (Ap**') _ Γ68 — 2032 (Rome, Vat., manque Apoc. ii, 21-iii, 16; vi, 10-vii,
17; IX, 5-xxi, 18).
Av*- — ο — 2259 (Mont Athos, contient Apoc. xni, 14-xiv, 15),
Ap*' — r95 — 2040 (Londres, British Museum).
LE ΤΕΧΤΕ DE L APOCALYPSE. CCLXIII
152 (Av'" — 2059); 170 (Av' — 2074); le ms. d'CEcumenius 0*^-6-314; du type
K, lesmss. Q (B"^), a'-» — 31 —2016, α'<ί»— 93 — 1955, etc.
Bousset propose les regies de critique suivantes :
Les meilleurs temoins sont A, C, vulg., 95.
Mais si Ρ et le texte d' Andre s'accordent avec Q (B-), comme ils sont
d'origine tres differente, ils meritent d'etre preferes a x-A-C-vulg., surtout si
leur Ιβςοη est appuyee par Origene, Hippolyte et Primasius.
En cas de desaccord d'A, C, x, la Ιβςοη pent se determiner par des temoins
secondaires :
la concordance de A-C-vulg. avec Q a un grand poids ; ensuite
rient, comme autorite, la concordance d'x avec Q; celle de A-G
avec Andre Femporte sur celle d'N-Andre.
Quand A, C, x, 95, Vulg. et Primasius sont d'accord, la legon est
presque certaine.
Pour etablir notre texte grec, nous suivrons a peu pres ces regies, sans
jamais oublier le principe qu'une faute d'espece rare, qui se retrouve dans plu-
sieurs bons manuscrits, a toute chance d'etre authentique. Le nouveau texte
critique de von Soden ne nous parait pas tenir suffisamment compte de cette
regie; nous avons done prefere suivre en gros Westcott-Hort (et, occasion-
nellement, Tischendorf, Nestle, Bousset, Soden).
Les proportions de ce volume, ou I'lntroduction a deja du prendre tant de
place, n'etant pas extensibles a I'infmi, nous avons reduit I'appareil de critique
textuelle a I'essentiel; pour le completer, on n'aura qu'a se reporter a celui
de Soden. Nous n'avons pas note les graphics qui sont des fautes courantes
parmi les scribes, telles que les itacismes, ni, du moins en detail, ce qui a un
caractere d'erreur evidente, comme les nombreuses haplographies de n, ni les
additions qui proviennent du commentaire d'Andre. En regie generale. il a
fallu nous contenter de noter et de discuter les variantes qui ont quelque
importance au point de vue du sens, ou servent a mieux comprendre le degre de
culture de I'auteur, sa grammaire, et les conditions oil I'Apocalypse fut ecrite.
Dans notre traduction, nous avons cherche a suivre d'aussi pres que pos-
sible le mouvement de la phrase johannique; pour peu que le frangais s'y
prete, nous avons reproduit jusquaux anacoluthes, quitte a paraitre servile et
presque barbare; ce n'est pas une oeuvre d'art que nous entendions faire.
Quand un vulgarisme fran^ais correspond a peu pres a I'irregularite du grec,
nous nous sommes cru permis d'en user, comptant sur I'indulgence du lecteur
pour notre scrupule d'exactitude. II est toutefois des fautes qui auraient paru
trop choquantes dans notre langue, comme les pleonasmes de pronoms ou
d'adverbes de lieu apres le conjonctil'; il sulTisait de noter ceux-la dans I'appa-
ratus. Nous aurions voulu trouver autant de synonymes frangais que de syno-
nymes grecs, et des correspondants respectifs invariables a des mots comme
γίνομαι, εξουσία, δυναμις, ενιόπιον, etc. Nous n'avons pu y arriver d'une maniere
IXTRODUCTIOX.
constante ; mais 1 appareil suppleera a ce defaut. Nous avons note d'une asterisque,
a chaque verset, les mots grecs qui donnent lieu a une remarque textuelle ; dans
la traduction, nous avons ecrit entre crochets les mots qu'il a fallu ajouter pour
que la phrase prenne son vrai sens, ou soit dun francais tolerable.
Pour la designation des manuscrits, nous nous sommes servis de la triple
notation Tischendorf-Soden-Gregory, a moins quil ne s'agisse d"un temoin
trop connu. Celle de Soden, rappelons-le, a Tavantage de faire connaitre Tage
du codex, son contenu total, et. quand cost un commentaire, son origine.
1
LE ΤΕΧΤΕ DE l'aPOCALYPSE. CCLXI
Les problemes que souleve le texte de TApocalypse sont assez compliques.
La langue, nous I'avons vu, est, chez la plupart des temoins de marque, la
plus incorrecte qui soit dans le Nouveau Testament, et dans tout ecrit propre-
ment « litteraire » compose en grec. Mettre I'ensemble de ces incorrections
sur le dos des scribes ne serait qu'un mauvais expedient; car pourquoi les
autres livres, copies de la meme main dans le meme manuscrit, auraient-ils
ete beaucoup raoins maltraites? De la est resulte d'abord qu'on I'a corrigee plus
que tout autre ouvrage, et que le tres grand nombre des temoins, on pent le
dire presque a priori, ne nous offrent qu'un texte amende; ensuite, que les
versions sont moins utiles qu'a I'ordinaire pour faire decouvrir les legons
originales, attendu que leurs auteurs ne pouvaient certainement se preoccuper
de creer un latin ou un syriaque fautif pour rendre equivalemment les irre-
gularites du grec.
Les critiques reconnaissent que les manuscrits peuvent se classer en trois
ou quatre families, qui, en gros, se correspondent chez tous, malgre les
divergences qui naissent quand il faut determiner leurs limites exactes, leur
origine, et leur valeur relative. Une des difficultes principales provient de ce
que deux des recensions-types, la Κοινή et celle d'Andre, ont reagi Tune sur
I'autre dans des proportions tres variables.
Westcott-Hort ont considere I'Alexandrinus A (δ'* — 02) comme un texte de
type neutre, relativement parfait. Bernhard Weiss met aussi ce codex au-dessus
de tous les autres, et estime que le groupe ν (o"^ — 01), A et C (δ^ — 04) n'oifre
pas trace d'une revision intentionnelle du texte primitif. Mais Bousset, et la
generalite des critiques actuels, jugent qu'il n'y a pas de « texte neutre »
parvenu jusqu'a nous. Von Soden croit le texte ancien le plus pur qu'on
puisse atteindre (son I-H-K) represente par les citations les plus antiques,
celles d'Origene, de Tertullien, d'Hippolyte dans le Comment, de Daniel,
ainsi que par les vieilles versions latines et la syriaque Gwyn, et il a cherche
a le reconstruire, mais sans avoir toujours abouti, nous semble-t-il, a un
resultat qui s'impose.
Les families sont les suivantes; nous les designons par les sigles de Soden.
H. (recension a'Hesychius, Egypte, iv•^ siecle x. A, C, al.). Elle serait rela-
tivement la plus pure, quoique certains de ses representants, et tout d'abord
s, aient donne des textes assez fortement corriges; d'autres, qu'y range
Bousset, comme le cursif 38 (a' ^^^-2020) ont ete influences par Andre ou le
Κοινή. Tres peu nombreux.
K. (Κοινή, originaire d'Antio.che). Elle se partage avec la suivante la masse
des manuscrits; le cursif 95 (Ap^^-2040) y appartiendrait (von Soden), ainsi
qu'une partie des textes des mss. d'Qicumenius. D'ailleurs tres variee et tres
melee, moins cependant que pour les autres livres du N.T. Le majuscule
Q (B2)-a 1070-046 du νιιι•= siecle en est le plus ancien representant, le type ;
aussi Bousset designe-t-il cette classe par le sigle Q-Rel (iqui). Elle se
distingue specialement en ce quelle a corrigo et uniformise les temps des
verbes.
CCLXII INTRODUCTION.
Αν. (texte qu'on lit dans les commentaires a' Andre, et dont cet exegete, de
I'avis de Soden, serait lui-meme Tauteur.) En plus des commentaires, la famille
contient un certain nombre de purs manuscrits, tous posterieurs au temps
d'Andre. Ρ («^ — 025) ferait partie du nombre, a moins qu'il ne faille le rat-
tacher, avec Soden, a la recension d'Hesychius; Bousset en rapproche encore
larmenien, lethiopien et Tyconius, et fait remonter cette serie aux travaux de
I'ecole origeniste de Cesaree. Dans I'ensemble, la classe se rapproche plus
de Η que de K, mais elle offre un bien plus grand nombre de lectures parti-
culieres que les deux autres, des corrections, des gloses, souvent provenant
du texte meme d'Andre en son commentaire. Une partie des textes d'CEcume-
nius s'y rattache aussi.
En dernier lieu viennent les textes « occidentaux », ^S". Cyprien, le palimp-
seste de Fleury (Λ ou /"), Primasius, qui representent la version africaine [af.],
le Gigas holmensis {g), et le sessorianus {m), europeens La syriaque Gwyn,
la sahidique, les citations a'Hippolyte y seraient apparentees. Bousset note
des rapports entre Prim, et le Sinaiticus. Ce groupe a certainement de la
valeur.
Sans entrer dans le detail et la discussion des opinions critiques, nous nous
contenterons de relever les points sur lesquels il y a unanimite suffisante pour
qu'on s'y repose surement.
Quoi qu'il en soit de la preservation d'un type neutre, qui parait desormais
peu probable, il est certains temoins (en dehors des citations anciennes), qui
ont une autorite toute particuliere. C'est
VAlexandrinus (A — o^ — 02), le fameux oncial du British Museum, Royal
library, 1, D V-VIII, edite par Thompson, en 1879. Malgre sa
celebrite, il offre trop de traces de reflexion ou de fantaisie,
voire de distraction, pour qu'on puisse tenir son auteur pour un
scribe irreprochable. Tres proche de lui est
VEphraemi rescriptus (C — Ρ — 04), oncial de Paris, Bibliotheque natio-
nale, 9, malheureusement incomplet. — Le Sinaiticus, avec ses
fautes et ses alterations, ainsi que les autres manuscrits H, offrent
un texte beaucoup moins sur. Mais, d'apres Bousset,
la Vulgate hieronymienne, qui est Yitala corrigee, surtout avec ses deux
precieux mss, V Amiatinus et le Fuldensis, se rattacherait aussi au
type egyptien, et aurait une tres haute valeur. Ensuite vient
le min. 95 (Ap'* — 2040), du xi'^ siecle, a Londres, Brit. Mus. Curzon, 82, 17.
II appartient au type K, mais aurait une autorite, pour bien des
cas, presque egale aux precedentes, si Ton en ecarte de visibles
corrections (ainsi προσκυνέω toujours suivi du datif).
Ce dernier codex est apparente a A [Nestle], ainsi que les mss.
36 (Av3o — 2019), a Vienne, K.K. Bibl. Suppl. gr. 93; et
68 (Av^^ — 2032), Rome, Bibl. Yaticane, gr. 1904, et
38 (α•"3 _ 2020), Rome, Bibl. Vat. gr. 579, apparente a A et a C.
Divers manuscrits de la classe Andre meritent done de la consideration.
On peut y joindre 1 (Av^o — l••), qui contient d'anciens elements excellents
(Soden)• 7 (a^o^ _ io4) ; 12 (a^^'^^ — 181); 14 (S^os _ 59); 130 (a^<« — 1854);
LE ΤΕΧΤΕ DE L APOCALYPSE. CCLIX
Gyp. — Citations de FApocalypse dans les ecrits de saint Cyprien. Ce sont
ies passages suivants : ii, 5, 7, 10, 20-23, 27; iii, 11, 17-19; v, 1-10; vi,
9-10; VII, 9-10, 13-17; xiv, 1, 4, 6-7, 9-11; xvi, 15; xvii, 1-4, 15; xviii,
4-9; XIX, (i-7, 11-16; xx, 4; xxi, 6-7, 9 11, 16; xxii, 9-14. Egalement texte
africain precieux.
Prim. — Texte joint au commentaire de Primasius (Ed. Haussleiter, 1891,
dans les Forschungen de Zahn, IV). Africain.
Tert. — Les nombreuses citations chez Tertullien, d'apres von Soden, repon-
draient assez exactement au texte primitif de I'Apocalypse.
m. Codex sessorianus manuscrit du Speculum de Ps.-Augustin (? Bachia
rius, 400), texte « eut'opeen », espagnol? Extraits de la plupart des
livres du N. T., y compris V Apocalypse. Ed. Mai (Rome) Weihrich
(Vienne), Belsheim (Christiania). Rome, viii" ou ix^ siecle.
g. Codex gigas. Toute la Bible ; V Apocalypse, comme les Actes des Apotres, est
vieille latine «( texle europeen », italien? Stockholm, xiii'' siecle. — En outre,
citations de S. Augustin, de S. Fulgence, texte de Victorin, de Tyconius.
B. Vulgate.
A ou am. [Codex Amiatinus), manuscrit northumbrien, le meilleur repre-
sentant de la Vulgate. Florence, Bibl. Laurentienne, vii•^ siecle.
F onfuld. [Codex Fuldensis), italien apparente au precedent. Abbaye de
Fulda, execute en 541-546, par ordre de I'eveque de Capoue, Victor.
C [Codex Cavensis), manuscrit espagnol, Corpo di Cava, pres Salerne,
IX* siecle.
D [Cod. Dublinensis, Book of Armagh) ms. irlandais, Dublin, ix•^ siecle.
Τ [Cod. toletajius^ espagnol. — Madrid, viii^ siecle.
G [Cod. Sanger manensis) Paris, viii*' ou ix*^ siecle. Bon texte. .
Ί? [Cod. harleiensis //). Le t-exte, d'apres Westcott, pourrait etre vicux-
latin. British Museum, Londres, viii'' siecle.
R [Bible de Rosas), ms. espagnol, Paris, x*^ siecle.
Codex demidovianus, perdu, mais V Apocalypse, avec Act. et Epp. a ete
publiee par Matthai, 1782-1788, xii* ou xiii*' siecle.
Codex Colbertinus, Paris, xii* ou xiii" siecle. hWpoc. est de la Vulgate.
Codex perpinianuSy Paris, xiii^ siecle.
Indiquons encore : de la recension d'Alcuin :
V. [cod. vallicellianus)., Rome, ix'' siecle.
Y^[cod. carolinus, ou Bible de Granval), Londres, Brit. Mus., ix- siecle;
Et de la recension de Theodulfe :
θ [cod. theodul/ianus), Paris, ix* siecle.
Η {cod. Hubertianus), British Mus., Londres.
W [cod. Wilhelnii de Hales), ibid.
I [cod. Juveniani vallicellanus), Rome, ix'' ou xi'^ siecle.
M^ [cod. monacensis), Munich, viii® ou ix" siecle.
S^ [cod. sangallensis], Saint-Gall, χπι•" siecle.
U^ [cod ulmensis), Londres, Brit. Mus., ix'^ siecle.
Vulg''. — Temoins de la Vulgate Clementine.
CCLX INI KOUUCTIOX.
II. Versions syriaques.
On sait que I'Apocalypse n'a pas ete traduite dans la Psitta (pas plus que
dans la Bible gothique d'Ulfilas qui dependait egalement des Peres d'Antioche).
-Mais plus tard apparurent deux versions syriaques :
Syr^^"• ou S\ Editee en 1897 par le D'' Gwyn, d'apres un manuscrit du
xii^ siecle, appartenant au comte de Crawford. L'editeur estime qu'elle
fait partie de la version philoxenienne, w" siecle.
Syr^^™ ou S'•^. Publiee par de Dieu, 1627, et mise a la suite de la Psitta par
Leusden et Schaaf, Leyde, 1708, 1717, elle fait partie de la version de
Thomas de Harkel (616). D'apres Gregory, on possede treize manus-
crits harkleens.
III. Versions coptes.
Sah. — De la version sahidique, ou de la Haute-Egypte, ont ete conserves
des fragments de I'Apocalypse, qui ont ete recueillis par Amelineau
(1888), Goussen (1895), Delaporte (1906). Dans la collection de ce der-
nier [Fragments sahidiques du N. Test., Paris) ne manquent plus que
I. 1-6, 8-12; x, 2-3; xvi, 20-21; xix, 3-5; xxi, 11-23.
boh. ou me. — La version bohairique ou memphitique contient I'Apoca-
lypse dans dix-sept manuscrits (d'apres Gregory). Le texte a ete
imprime par Horner (1898-1905), Oxford, d'apres le ms. copte-arabe
Curzon 128, avec variantes de 10 mss.
L' Apocalypse a du manquer a I'origine aux deux versions coptes, car elle ne
se trouve guere qu'en des manuscrits separes de la bohairique. La traduction
pent dater du iii^ siecle.
IV. Version armenienne
arm. — Zohrab (1789, 1805) estimait que VApoc. n'a pas ete traduite en
armenien avant le viii"" siecle. Goussen (Studia theologica) croit
qu'il a existe un texte tres ancien, mais que le texte courant est du
xii« siecle seulement, ou, d'apres Gonybeare, qui a edite VApoc. arme-
nienne d'apres 4 mss. du xu*^ au xiv^ siecle, elle eut ete admise dans
le canon sous I'influence de Nerses.
V. AuTREs versions
Mentionnons encore :
elk. — La version ethiopienne, edit, romaine de 1548, Piatt 1826-1830
(1874). Comme la precedente, elle se rattacherait au texte grec
d'Andre.
ar. — Versions arabes, dont le texte est tres divers, avec influences du
copte et du syriaque.
Π existe encore des versions slavone, dont le plus ancien manuscrit est du
xiii^ siecle; francaises (anglo-normandes) et anglaises, du xii" au xiv"^ siecle,
jusqua celle de Wicleff, traduite du frangais.
LE ΤΕΧΤΕ DE L APOCALYPSE. CCLVII
Du XI l• siecle :
0-' — r 132 — 1862 (Mont Atlios).
Av^o — r 1 — i"• (Mayhingen, manque Apoc. xxii, IG-fin).
Λν2• _ r 179 _ 2081 (Patmos).
Av-2 _ ο — 2286 (Mont Athos).
Av23 _ 0 — 2186 (Mont Athos).
Av2' _ r 18 — 94 (Paris, Bibl. nat.).
Du XIII'' siecle :
Qso — j> 55 _ 4(33 (Paris, Bibl. nat. manque Apoc. xix, 18-xxii, 17).
0=" — rl8 — 94 (Paris, Bibl. nat. relie avec Av^*). •
Ο ■5•' — Γίδδ — 2062 (Rome, Vat.).
0":^' _ r 146 — 2053 (Messine).
Av3•• — r36 — 2019 (Vienne, K. K. Bibl.).
Av3' — (Scr. 466) — 598 (Venise).
Da XI V siecle :
0 ''" — rl51 — 2058 (Rome, Chigi).
Ο '•' — ο — 1778 (Salonique).
0Θ''- — rl22 — 254 (Athenes).
0013 _ r3g5 _ 1769 (Mont Athos, manque Apoc. i, 17-fm).
Av''" _ r 79 — 2036 (Rome, Vat.).
Av'*' — Γ 67 — 2031 (Rome, Vat. manque Apoc. viii, 13-ix, 3; xxi, 23-xxn, 3;
XXII, 14-17).
Av" — r 153 — 2060 (Rome, Vat.).
Av^3 _ ,. 123 (Scr. 738) — 743 (Paris, Bibl. nat.).
Av'-' — r 80 — 2037 (Munich).
Av'-c — r35 — 2018 (Vienne, Kais. Kon. Bibl.).
Av''" — r 169 — 2073 (Mont Athos).
Av's — r 171 — 2075 (Mont Athos; mutile au commencement et a la fin).
Av^« — r 149 — 2056 (Rome, Angel.).
Av'•"" — r 100 — 2042 (Naples).
Av''"' — ^ r43 — 2022 (Rome, Barberini; contient seulement xiv, 17-xviii, 20).
Av^"2 _ ο — 1678 (Mont Athos).
Av«>3 _ r 164 — 2070 (Mont Athos).
Du XV^ siecle :
0-36 — Yi\-i (Scr. 698) — 886 (Rome, Vat., contient, apres un comment, de
Theophylacte sur saint Paul, VApoc. xxii, 1-2, avec comment.).
Av^" — r 73 — 2034 (Rome, Corsini).
Av•'' — r21 — 2014 (Rome, Vallicell.).
Av-'2 — r 161 — 2067 (Rom. Vat.).
Αν••3 — rl48 — 2055 (Modene).
Av^^ _ r62 — 2028 (Paris, Bibl. nat.).
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. q
CLVIII INTRODUCTION.
X^ob _ r 137 __ 2045 (Vienne, K. K. Bibl.)•
Av^e _ r 49 — 2023 (Moscou).
Av•"^^ — Γ 101 — 2043 (Petrograd, ancienne Bibl. imp.).
Αν•'8 _ r 138 — 2046 (Vienne, K. K. Bibl.).
Av59 _ r 163 _ 2069 (Venise).
Av^oo _ r 147 — 2054 (Modene).
Av^oi — ρ 59 — 2026 (Paris, Bibl. nat., manque une feuille avec lin du Prol. et
comm. a i, 1).
Av-^02 _ r 511 — 2091 (Athenes).
Αν^ο3 _ r 159 — 2065 (Rome. A^at.).
Du XVI' siecle.
u«ci _ 0 — 1824 (Rome, Vatican).
Av6'' _ Γ 72 — 2033 (Rome, Chigi).
Av6' _ rl57 — 2063 (Rome, Vatican).
Av62 _ ri58 _ 2064 (Rome, Vat.).
Av63 _ r 160 — 2066 (Rome, Vat.).
Av•^^ — rl45 — 2052 (Florence, ne contient que i. 1-vri, 5).
Av6•^ _ r 162 — 2068 (Venise>
Av«6 — r 63 — 2029 (Paris, Bibl. nat.).
Av6' _ rl39 — 2047 (Paris, Bibl. nat.).
Av«s — Γ 144 — 2051 (Madrid, Bibl. nac).
Av69 _ r 79^ — 2036 '^'•1''^• (Munich).
Αν•5οο _ γ81 — 2038 (Munich).
Av^o' _rl36 — 2044 (Vienne, K. K. Bibl.).
Av602 _ r 184 — 2083 ( Leyde) .
Av603 — J. 175 — (au mont Athos, mais disparu).
Avf'O-i _ 0 — 2254 (mont Athos).
Av^o- _ r 77 _ 2035 (Florence).
Des XVIl• et XV III• siedes :
Av'" — r 167 — 2071 (Mont Athos).
Av"^ — r 174 — 2077 (Monl Athos).
Ap'" — 0 — 2116 (Athenes, propriete privee).
M"" (en grec vulgaire, άπλη γλωσσά) (Mont Athos).
M^' — ο — 2114 (Athenes).
Avso _ r 168 — 2072 (iMont Athos).
M^" (x\thos; en grec vulgaire, comme M^").
Versions.
Versions latines. A. Versions anciennes.
h. Codex Floriacensis estime generalement comme un temoin tres pur
du texte africain. II contient de V Apocalypse, i, 1-24; viii, 7-ix, 12; xi,
16-xii, 14; xiv, 15-xvi, 5. Edite par Belsheim (Christiania), Samuel Berger
(Paris), Buchanan (Oxford). Paris, du vi*" ou vii'' siecle.
BIBLIOGRiPHIE (1)
(Les sigles et abreviations sont entre parentheses.
TEXTE
Textes originaux et versions. — Voirau chapitre xv, ou les sigles sont donnes.
TiscHENDORF, Novum Testanientum graece, editio octava critica major, Leip-
zig, 1872 [Tisch.)
Westcott et HoRT. The New Testament in the original Greek, Cambridge et
Londres, 1892 (Π-^).
Bernhard Weiss. Das Neue Testament. Textkritische Untersuchungen und
Textherstellung. Erster Theil, Leipzig, 1894 [B. Weiss).
Nestle. Novum Testamentum graece et latine, Stuttgart, 1906 [Nestle).
Wordsworth et White. Novum Testamentum latine, Oxford, 1911.
Gregory. Textkritik des Neuen Testaments, Leipzig, 1900-1909 [Gregory).
Hermann von Soden. Die Schriften des Neuen Testaments^ Berlin-Gottingen,
1902-1913 [Soden).
Jacquier. Le Nouveau Testament dans I'Eglise chretienne, i. 11, Paris, 1913.
PHILOLOGIE
Kuhner. Grammatik der griechischen Sprache.
I, besorgt von F. Blass, Hannover, 1890 [Kuhner-Blass) ;
II, besorgt von B. Gerth, Hannover und Leipzig, 1898 et 1904
[Kiihner- Gerth) .
Meillet. Apercu d'une histoire de la langue grecque, Paris, 1913 [Meillet).
A. Croiset et Petitjean. Grammaire grecque, 5° edit. Paris, 1914.
Thumb. Handbuch der griechischen Dialekte, Heidelberg, 1909.
Mayser. Grammatik der griechischen Papyri aus der Ptolemderzeit, Leipzig,
1906 [Mayser).
Grenfell et Hunt, The Oxyrinchos-Papyri, Londres, 1908-suiv.
Les memes et S.myly. The Tehtunis-Papyri, t. 1 ; — GR., Η., etGooDSPEEo, t. II,
Londres; 1902 et 1907.
ViTEAu. Etude sur le grec du Nouveau Testament, Paris, 1893 et 1897 [Viteau).
Deissmann. Bibelstudien; — Neue Bibelstudien, Marburg, 1895 et 1897
[Deissm.).
(1) Je ne mentionne que les ouvrages les plus imporlanls, ou ceux qui m'ont le plus servi
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. /■
CCLXVI BIBLIOGRAPHIE.
ScMiEDEL. Winer's Gratnmatik des neutestamentlichen Sprachidionis, Gottin-
gen, 1897 [Winer-Schitiiedel).
Thumb. Die griechische Sprache im Zeitalter des Hellenismus , Strassburg, 1901.
Blass. Grammatik des neutestamenilichen Griechisch, k^^ Auflage, besorgt von
A. Debrunner, Goltingen, 1913 {Blass-Deb.).
Radermacher. Neutestatnentliche Grammatik^ Tubingen, 1911.
J. H. MouLTON. A Grammar of New Testament Greek, I, Prolegomena, Edin-
burgh, 1906. — Nous avons cite d'apres la traduction allemande revue
et completee, Einleitung in die Sprache des Neuen Testaments, Heidel-
berg, 1911 [Moulton).
A. T. Robertson. A Grammar of the greek New Testament in the light of the
historical Research, Londres, 1915. — ^ Je n'ai pu consulter directement
cet ouvrage tres important.
E. A. Abbott. Johannine Vocabulary, Londres, 1905. — Johannine Grammar,
Londres, 1906 [Abbott).
Preuschen. Vollstcindige Griechisch-Deutsches Handworterbuch zu der Schrif-
ten des Neuen Testaments und der iibrigen urchristlichen Literatur,
Giessen, 1910.
J. IL MouLTox et G. Milligax. The Vocabulary of the Greek Testament illus-
trated from the Papyri and other non-literary sources, I-II (άβαρης-
δο^ροφορία); London, New- York, Toronto, 1914-1915 [Moulton-Milligan).
Etc.
QUESTIONS GENERALES — ETUDES SUR LES APOCRYPHES,
LE RABBINISME, LE PAGANISME
ScHURER. Geschichte des Ji'idischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3 Aullage,
B. Ill, pp. 181-273, Leipzig, 1898.
Talmud de Jerusalem (on le cite ordinairement d'apres le traite, le chapitre,
la page et la colonne de I'edition de Cracovie).
Talmud de Babylone (d'apres le traite, la feuille et la page de I'edition de Venise
1548).
Targums (cites par reference aux passages bibliques). jMidraschim, etc.
Weber. Jildische Theologie, 2 Auflage, Leipzig, 1897 (Weber).
Gressmann. Der Ursprung der israelitisch-jildischen Eschatologie, Gottingen,
1905. [Ursprung).
VoLz. Jildische Eschatologie von Daniel -bis Akiba, Tiibingen-Leipzig, 1903
[Volz).
Gunkel. Schopfung und Chaos, Gottingen, 1895 [Schopf., Sch. u. Ch.)
Bousset. Die Religion des Judentums, 2 Auflage, Berlin, 1906 [Rel. Jud.)
Lagrange. Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 [Messianisme, Mess.)
Szekely. Bibliotheca apocrypha, I, Fribourg-en-Br., 1903 [Szekely).
Kautzsch. Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Alten Testaments, B. II,
Die Pseudepigraphen, Tubingen, 1900 [Kautzsch).
Sibyllins iSib.).
Jubiles [Jub.).
Psaumes de Salomon [Ps. Sal.).
BIBLIOGRAPHIE. CCLXVIi
Henoch ethiopien [Hen., Hen. eth.).
Assomption de Moise [Ass. Mos.].
IV^ Livre d'Esdras [IV Esd.).
Apocalypse syriaque de Baruch [Bar. syr.).
Apocalypse grecque de Baruch [Bar. gr.).
Testaments des 12 Patriarches [Testaments; Test. Levi; Test.
Nephthali, etc.)•
Vie d'Adam et d'Eve ( Vita Ad. et Ev.).
F. Martin, Le livre d'Henoch, Paris, '1906 [Hen. eth).
Gry. Les Paraboles d'Henoch, Paris, 1910.
MoRFiLL et Charles. The book of the Secrets of Enoch, Oxford, 1896 [Henoch
slave, Hen. si.).
ViTEAu. Les Psaumes de Salomon, Paris, 1911 Ps. Sal.).
Vagaxay. Le Probleme eschatologique dans le IV^ livre d'Esdras, Paris, 1906.
BoNWETscH. Die Apokalypse des Abraham, Studien zur Geschichte der Theolo-
gie und der Ivirche, i, 1, Leipzig, 1897 [Apoc. Abr.).
TissERANT. Ascension d'Isaie, Paris, 1909 {Asc. Is.).
Gry. Sejours et habitats divins d'apres les Apocryphes de I'Ancien Testament,
Paris, 1910.
Labourt et Batiffol. Les Odes de Salomon, Paris, 1911 [Od. Sal.).
Jacquier. Histoire des livres du Nouveau Testament, t. IV, Paris, 1908 [HLNT).
Hexnecke. Neutestamentliche Apokryphen, Tubingen-Leipzig, 1904.
Apocalypse de Pierre [Apoc. Pet.].
Pasteur d'Hermas [Hennas).
V« et Vie livres d'Esdras [V Esd., — VI Esd.).
Ascension dlsaie [Asc. Is.).
Sibyllins chetiens [Sib.].
Clemex. Religionsgeschichtliche ErkLurang des Neuen Testaments, Giessen,
1909 [Clemen).
Jeremias. Babylonisches im Neuen Testament. Leipzig, 1905 (BNT).
BoussET. Der Antichrist, Gottingen, 1895 [Antichrist).
GuNKEL. Zum religionsgeschichtlichen Verstdndnis des Neuen Testaments.
Gottingen, 1903 [Verst.).
Gry, Le Millenarisme dans ses origines et son developpement, Paris, 1904,
TiLLMANX. Die Wiederkunft Christi nach den paulinischen Briefen, Fribourg-
en-Brisgau, 1909.
Billot (O'). La Parousie, Paris, 1920.
Lagraxge, Etudes sur les religions semitiques, 1^ edit. Paris, 1905 [ERS^).
Gressmaxx, Altor'ientalische Texte und Bilder zum Alten Testament, Tubingen,
1909 [AOTB).
Wixckler-zimmern, Keilinschriften und Altes Testament'^, Berlin 1902 {ΚΑΤ).
Deissmaxx, Licht vom Osten, 2-3 Auflage, Tubingen, 1909 (LO).
Amelixeau, Pistis Sophia, Paris, 1895.
CuMOXT. Les Mysteres de Mithra, Bruxelles, 1902.
Id, Testes et monuments figures relatifs aux mysteres de Mithra, Β ruxellcs,
t, I, 1899; t. II, 1896 [Testes et Mon.).
DiETERicH. Eine Mithrasliturgie, 2 Auflage, Leipzig, 1910,
CCLXVIII BIBLIOGRAPHIE.
Reitzenstein. Poimandres, Leipzig, 1904,
Darmesteter; Mills. Zend-Avesta, vol. IV, XXIil et XXXI des « Sacred Books
of the East », Oxford.
West. Pahlavi Texts, Part I, vol. V des « Sacred Books of the East »,
Oxford.
Boissier. La religion romaine d'Auguste aux Antonins, Paris, 1906.
.1. Reville. La religion a Rome sous les Severes, Paris, 1886.
MiGNE. Patrologie grecque [P. G., avec le numero du volume et la colonne).
Id. Patrologie latine {P.L., vol. et col.)•.
Revue Biblique [RB).
Revue des sciences Philosophiques et Theologiques [R. Sc. Ph. Th.).
Zeitschi'ift filr die neutestamentliche Wissenschaft [ZNW).
Archiv fur Religionswissenscliaft [ARW).
Zeitschrifl filr wissenschaftliche Theologie [ZWT).
Etc.
COMMENTAIRES
Voir renumeration, avec le signalement de chacun, au chapitre xiv, ci-dessus.
Les plus frequemment cites ou discutes sont les suivants :
Origene (Ori)"'. = ecrits divers; Bossuet
Orig. Sch. = Scholienkommentar). * Renan
HippoLYTE [Hipp.) * Dusterdieck {Diist.)
VicTORiN [Vict.) * IL J. Holtzmann [Holtzm.)
* Tyconius [Tyc.) * Spitta
S. AuGusTiN {Aug.; Civ. Dei; Civ.) * Bousset [Offenb^; Off.)
Andre de cesaree [And.) * J. Weiss [Offenh. — Schrift.)
Primasius [Prim.) Galmes
Bede le venerable (Bede) * Hort
Joachim de flore * Swete
Albert le grand [Albert; Alb.) * Charles [Studies]
Nicolas de lyre [Lyr.) * Ramsay [Letters)
Alcazar * Boll
APOCALYPSE DE JEAN
TRADUCTION ET GOMMENTAIRE
[Ghaque section sera procedoe d'une introduction speciale, en italiques. Le texte est suivi
de trois appareils; le premier (A) contient les observations de critique textuelle et de
philologie; le deuxieme (B), les paralleles; le troisieme (C) est proprement le commentaire
exogotique. Les chifTres en tote de chaque appareil sont ceux des versets].
Le TiTRE. — La forme la plus ancienne du titre, que Ton peut faire remonter au
ii«siecle,doitetre ΆΠΟΚΑΛΥΫΙΣ 'ΙΩΑΝΝΟΥ, (ou ΊΩΑΝΟΥ) telle qu'on la trouve
dans }<-o--01, C-53-04, Α-δ^-02 (a la fin, car I'en-tete a peri), dans le min. 95-
Api<-2040, et quelques autres (Tisc/t., W-H, Nestle, Weymoiitli, Weiss, Soden, etc.).
Autres : -ou άγιου 'Ιωάννου dans une cinquantaine de minusc, syr^^'•., fuld., am., boh.;
« de saint Jean evangeliste «, syr ^'^ ''''=''; « A. beati Joannis apostoli », vulg. en
general; Άπ. τοΰ αγίου Ίωίίννου εϋαγγελίστου, dans Ρ-α^-025, 42-a*"*-452. — L'addition
du mot θεολόγου, ou les amplifications qui se rencontrent dans syr ^^ "'C" (v. L\trod.
ch. xv), et ailleurs, ne peuvent ^tre que tardives.
PROLOGUE ET SALUTATION
(c. I, 1-8).
Introduction. — Saint Jean debute par une suscription, qui indique la nature du
livre [I, 1-3). Ces versets sont consideres, par tous les critiques qui nient I'unito de
main, comme I'ce.uvre du dernier redacteur (Introd. c. xi). Mais la couleur johannique
de plusieurs tcrmes est un bon temoignage d'aut/ienticite (Bousset, aliil.
Puis vicnt la salutation epistolaire, tres deceloppee, aux Sept Eglises d'Asie [i-6a),
suivie d'unc doxologie au Christ {6b), d'une annonce du jugement general (7), et d'une
affirmation solennelle de Dieu quil est le principe et la fin (8). La langue est tellement
semblable a celle de tout le livre, meme dans ses irregularites les plus notoires
(0 ών Ύ.%\ ο Y)v/.a\ ό έρ•/ό[Αενος, 2 fois), qu'on ne peut separer ce prologue du reste
{Gfr. Volter : !i-6 de Jean-Marc, 7-8 de I'avant-dernier editeur, sous Trajan; —
Erbes : Apoc. de Ian 62; — Spitta : i-6, de U, chretien apres 60; 7-8 de R sous
Trajan; — Bruston : Vauteur est un disciple de Jean qui a tout ecrit d'un traitjusqua
la fin du chap. IX; — Joh. Weiss : i-6 de Jean, avant 70; 7-8 du redacteur; —
Vischer et Weyland : oeuvre de I'editeur chretien, comme tout Vensemble des trois
premiers chapitres. Voir In'trod, c. xi et xiv). Nous concevons difficilement qu'on ait
pu separer 7-8 de i-6, et nous dirons bientot pourquoi.
Le tout forme un prologue general, qui proclanie avec des elans lyriques la menace
du jugement inevitable, et la sScurite des fidelcs devant I'approche du Juge qui est leur
Sauveur. Si la forme en est quelque peu heurtoe et decousue, c'est que le Prophets,
en annoncant une telle revelation, obeit d'abord a la seule logique de son enthousiasme.
apocalypse de saint jean. 1
2 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
L'epilo^ue [XXII, 10-21) presentera le menie desordre apparent, quand I'ecrivain,
arrive au bout de sa tdche, I'dme plongee dans la screnite de la Jerusalem celeste,
sentira pourtant flechir en lui I'esprit humain, celui qui ordonne et combine, sous le
fardeau surhumain des terreurs et des joies qui Vont traverse pour se repandre sur
les Eglises.
Ch^ jer — \^ Ά'Τΐοκάλυψις Ίησου Χριστοί, *ήν εοωκεν αυτω ό θεός οεϊςαι τοις
δούλοις *αΰτοΰ, *α οεΐ γενέσθαι έν τάχει, καΐ *έσήμανεν άποστείλας οιά του *άγγέλου
*αύτοΰ, τω δουλω *αϋτΰΰ Ίωάνγ], 2. ος *έμαρτύργ]σεν τον λόγον του θεοΰ και τήν
*μαρτυρίαν Ίησου Χριστοί), οσα ειδεν. 3. Μακάριος ό άναγινώσκων καΐ ο•. άκούοντες
τους λόγους της -κροΦητειας και *τηρουντες τα έν αυτί) γεγραμμ,ένα *ο γαρ καίριος
εγγύς.
Δ. 1-2-3. ήν doit etre regi a la fois par ε8ω•/.εν et δεϊξαι, cet infinitif eqnivalant au
verbe fini avec ϊνα, cfr. Mat. iv, 1, I Cor. xvi, 3 τούτους -έ(χψω άπενεγκειν; etc C'est
I'avis de Hort, qui nous semble bien fonde. Voir Blass-Deb. § 390. Par suite, δ οεΓ...
doit etre considere comme une apposition a ήν. Cette construction pent paraitre dure;
mais elle se retrouve au verset suivant, ou '6q% est en apposition a λόγον et μαρτυρίαν.
Le pronom ήν est encore regime de εσ^μανεν, qui a pour sujet, non plus 6 θεός, comme
Ιδωχεν, mais Jesus-Christ, comme le montrera le contexte presque immodiat {Bous-
set, etc.); par consequent αυτοΰ-. ^ se rapporte au Christ, non a Dieu, et sans doute
aussi αύτοΰΐ; style neglige. — Ευαγγελίου p. αγγέλου est une faute evidente de P-a'-025
et de 41-al572-2021. — Prim., qui a « nuntianda significavit », a du lire έιη'μανεν
άτ:οστεΐλαι. — Au v. 3, τηροΰντες, mot johannique, doit etre maintenu centre πληρουντες
de quelques manuscrits. Nous traduisons έ|ΐΛρτύρησεν par le present, parce que c'est
un aoriste epistolaire (Bousset, Swete, etc.).
B. 1-2-3. άποκάλυψις cfr. Rom. ii, 5; viii, 19; xvi, 25; I Cor. i, 7; Gal, i, 12;
II Thess. I, 7 ; I Pet. i, 7, 13; iv, 13, ou partout le genitif qui suit designe Vobjet de
la revelation, peut-etre meme Gal. i, 12, pourvu qu'on le rapproche de i, 16 : άττοκαλύψαι
τον υίον αύτοΰ εν ερί cfr. Luc. χνιΐ, 30. Ailleurs, II Cor. χιι, 1 αποκ. Κυρίου, le genitif
dosigne I'auteur; Luc π, 32, le beneficiaire, les peuples qu'on delivre du voile de leur
ignorance. Sens general de revelation charismatique, I Cor. xiv, 6, 26; II Cor. xii, 7;
Gal, II, 2; Eph. i, 17; m, 3. C'est un mot du vocabulaire paulinien, qui n'apparait
qu'ici dans les ecrits johanniques. — δεΤξαι : δείκνυμι (-ω) au sens de « revelation
divine », mot johannique : Apoc. 8 fois, cfr. surtout iv, 1; xvii, 1; xxi, 9; xxii, 6;
Joh., 7 fois, specialement v, 20; xiv, 8, 9. — Ίησοΰς Χριστός, frequent dans Act. et
Paul, n'apparait dans I'Apocalypse qu'en ce chapitre (5 fois), et dans la salutation
finale, xxii, 21; 7 fois I Joh., 2 fois II Joh., et 2 fois seulement dans I'Evangile, en
des passages tree solennels du Prologue, i, 17, et de la priere sacerdotale, xvii, 3
— δον3λος, titre frequent au sens religieux dans I'Apoc. : serviteur de Dieu, vii, 3; x, 7;
XI, 18; XV, 3; xix, 25; xxii, 3, 6, il s'agit tantot des « prophetes », tantot de tous les
fideles; serviteur du Christ, ii, 20, cfr. Rom. i, 1 ; I Cor. vn, 22; II Cor. x, 7; Gal.
I, 10; Eph. VI, 6; Phil, i, 1; Col. iv, 12; II Tim. ii, 24; Tit, i, 1; Jac. i, 1; II Pet. i, 1;
Jude, 1 ; mot affectionne de Jesus dans les Paraboles synoptiques, et applique par lui
aux apotres, Joh. xiii, 16; xv, 15, 20. — α δεΓ γενέσθαι, cfr. iv, 1; xxii, 6; Dan. u, 28-29;
— έν τά/ει, cfr. XXII, 6; τα/ύ, η, 5, 16; in, 11; xxii, 7, 12, 20, pour similitude de sens;
— σημαίνω, mot johannique, Joh. xii, 33, xvni, 32; xxi, 19, toujours pour une revelation
divine (cfr. σημεΓον), et qui n'apparait ailleurs que Act. xi, 28 (prophetie) et xxv, 27.
— ίγγελος, 76 fois dans Apoc, cfr. surtout x, 9-suivants; xvii, 1; xxi, 9; xxii, 6, 16,
ou il s'agit d'Anges revelateurs, comme dans Zacharie, Daniel, et dans la gcneralite
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 3
1. Apocalypse de Jesus-Christ, que lui a donnee Dieu a montrer k ses
serviteurs, [les choses] qu'il faut qu'il arrive promptement {litt. en promp-
titude), et [qu'j il {Jesus) a notifiee, ayant envoye le message par son ange,
a son serviteur Jean, 2, lequel atteste la parole de Dieu et le temoignage
de Jesus-Christ, tout ee qu'il a vu. 3. Heureux celui qui lit et ceux qui
ecoutent les paroles de la Prophetic, et observent les [choses] qui y sont
ecrites; car le temps [est] proche.
des Apocryphes. — ιιαρτυρία, μαρτυρέω, mots johanniques (Introd. c. xiii); (i.apxupia Ίησοΰ,
cfr. I, 9; xii, 17; xix, 10; xx, 4; cfr. pour V idee Jo ίι. in, 11, 32, 33; viii, 14, etc., et
I Tim. VI, 13. — μακάριος, sept macarismes dans Apoc. i, 3; xiv, 13; xvi, 15; xix, 9;
XX, 6; XXI, 7, 14; le mot rappelle le Discours sur la Montagne. — ό γαρ καφος έγγύ;,
XXII, 10; εγγύς est surtout frequent chez Jean, dans I'Evangile.
C. 1-3-3. Cette « Apocalypse de J.-C. » est-elle une revelation recue de Jesus-
Christ, ou bien une revelation qui a Jesus-Christ pour objet? Les deux interpreta-
tions sont possibles a priori, si Ton consulte I'usage du N. T. La premiere, qui est
communement admise, a pour elle le contexte immediat, ainsi que la vision d'ln-
troduction (i, 9-fin), et les Lettres (ii-iii), ou le Christ en personne apparait comme
Revelateur. Cependant la deuxieme est defendue par No?^t pour d'excellentes raisons,
dont la plus frappante est le rappel des passages de Paul, Gal. i, 12, de ceux de I Pet.
ou άποκάλυύις equivaut a « Parousie » (supra, B), et beaucoup d'autres du N. T., notam-
ment de Luc, xvii, 30 r, ήμερα δ υίος τοίί άνθρώ-ου αποκαλύπτεται; d'ailleurs άποκάλοψις est Ιβ
plus souvent suivi d'un genitif d'objet. Les deux opinions s'accordent bien avec le
sensdu livre : si J.-C. donne la Revelation soit par lui-meme, soit « par son Ano-e »,
ce qu'il revele, ce sont ses jugements (v. Comment, des Lettres et du ch. v). De meme
qu'il se revela a Paul, sur le chemin de Damas, comme vivant et Fils de Dieu, ainsi
dans I'Apocalypse Johannique II revele a son prophete, dans des visions successives,
les divers « Jours du Fils de FHomme », jusqu'au jugement dernier, ce qu'il est
comme chef des Eglises, maitre de I'Histoire, Roi des rois de ce monde et vainqueur
de toutes les puissances terrestres et diaboliques. C'est une « Revelation de Jesus-
Christ sur Jesus-Christ », les evenements qui en sont Fobjet immediat etant tous rap-
portes a Lui, qui tient dans sa main les sept Eglises, et a ouvert au ciel le livre des
decrets divins. « Apocalypse de J.-C. » pent vouloir dire tout cela a la fois.
Dieu u la lui a donnee a montrer a ses serviteurs ». Si ψ (« Apocalypse ») n'etait
pas aussi un regime de δεϊξαι, on ne verrait pas ce que signifierait que Dieu F « a don-
nee a J.-C », comme si FHomme-Dieu en avait eu besoin pour lui-meme, quitte a en
devoiler ensuite ce qu'il veut bien a ses serviteurs (οεΓξαι... α δει γενέσθαι). Aussi sui-
vons-nous la construction de Hort ; δεϊςαι equivaut ici a un verbe fini avec Ί'να, comme
on lit/o//. V, 36, et surtout xvii, 4, et nous avons alors une idee tres johannique, a
savoir que I'Homme-Dieu a reQu de son Pere, tient de son Pere, tout ce qu'il commu-
nique aux hommes en fait d'enseignement, de graces et de bienfaits ; cfr. Joh. xvn, 8
τα p^ίtJΛτα α έδωκάς μο'. δέδο>κα αύτοΓς, ainsi que χιν, 10, et beaucoup d'autres passages,
d'apres le principe de v, 30 : ού δύναμαι εγώ ποιεϊν άπ' έμαυτου ουδέν; la science et Taction
du Fils sont en efTet celles du Pere, de qui tout ce qu'est et tout ce que possede le
Fils, le Logos, tire son origine, malgre I'egalite des deux. Qu'on n'objecte pas que
cette theologie serait trop developpee pour I'Apocalypse : Jean, a Patmos, reconnais-
sait deja le Christ comme Λόγος τοΰ Οεου (ch. xix, 13), et I'Evangile n'a pu otre ecrit
qu'assez peu d'annees apres. — Le contenu de cette revelation, c'est « ce qu'il faut »
(δει, a cause de rinfaillibilite des decrets divins) « qu'il arrive Iv τάχει ». Ges derniers
mots n'indiquentpas que le tout soit dune realisation imminente; nous traiterons dans
4 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
4. Ιωάνης ταϊς έ-τχ έκκλησίαις ταϊς εν ττ) Ασία* χάρις ύμίν και ειρήνη άπο
*ό ών και ό ην και ό ερχόμενος, και άπο των επτά πνευμάτων *ά *ένώπΐ3ν τοΐ3
θρόνου αυτοΰ, 5. και άπο Ίητου Χρίστου, *δ μάρτυς 5 πιστός, ό πρωτότοκος των
νεκρών, και ό άρχων των βασιλε'ων της γης "τω άγαπώντι ημάς και *λύσαντι ημάς
έκ των αμαρτιών ημών *έν τω αϊματι αΐιτοΰ, 6, *καί έποίησεν *ήμάς 'βασΓλείαν,
'ιερείς τω θεώ* και πατρί αυτού, αυτώ ή οόςα και το κράτος εις τους αιώνας τών
αιώνων" αμήν,
une dissertation speciale de la perspective du Prophete [infra, Exc. xiii, et supra,
Introd. c. i\). Qu'il nous suiTise pour le moment de citer ^niiire, ad loc. : το δε ϊν riyst
γενέσθαι σημαίνει τό τίνα μέν αυτών πάρα πόδας γενέσδχι της περ\ αυτών προρρησεως, και τα έπΐ
συντελεία δέ μη βραδύνειν* δίοτι /ίλια ?τη πάρα θεω ώ; ημέρα ή ε-/θε; ήτις διήλθε λελόγισται. — Les
beneficiaires de cette revelation, qui seront d'abord les fideles d'Asie, et, par extension,
tous les Chretiens, sont dits « serviteurs de Dieu » ou « du Christ », car αύτοΰ, d'apres
I'usage du N. T. (v. supra, B) et I'analogie du contexte (αΟτο5 2•3)^ pgut aussi bien
representer ici Ίησοΰ; que δ θεός. — Jesus leur a envoye ce message « par son Ange ».
Cette idee surprend un peu, car, a la difference des apocalyptiques juifs, a qui Dieu
ne parlait guere que par intermediaire, Jean entend directement les paroles du Christ
aussi bien que celles des envoyes divins, et c'est tout a I'heure le « Fils d'llomme »
qui va dieter lui-meme sa reΛ'elation. II est probable (a moins qu'on admette que la
personne du « Fils d'llomme » a ete representee par un Ange), que saint Jean pense a
I'Ange du ch. x, qui lui a communique les propheties qui sont du plus pressant interet
pour ses eglises, et aux Anges des coupes qui lui ont montre Babylone et la nouvelle
Jerusalem, aux derniers chapitres ; ce serait un signe qu'il avait des lors en vue le
contenu integral de son livre, et peut-etre qu'il n'a ecrit cet en-tete qu'apres tout le
reste, qualifiant ainsi son Apocalypse a potiori parte (Bousset). Cet Ange est I'Ange de
Jesus-Christ (cfr. xxii, 6 : Έγοί Ίησοΰ; 'ε'-εμψα τον αγγελόν μου), lequel du fait meme se trouve
place au-dessus des creatures celestes. Quant a Jean, I'intermediaire purement humain,
il ne se donne pas de titre plus eleve que celui de « serviteur de J.-C. » (Introd. c. ii).
II atteste (Ιμαρτύρησεν) le « temoignage de Jesus », qui n'est autre que] « la parole de
Dieu », c'est-a-dire « tout ce qu'il a vu » δσα ειδεν, tout ce qui. lui a ete dit ou montre
dans la circonstance {Orig. sch. II, Andre, etc., Bousset, Calmes, Swete, etc.) Ιησοΰ,
apres μαρτυρία, est un genitif de sujet, le Christ, dans le ciel, a rempli encore son role
de temoin des volontes de son Pere, comme durant sa vie mortelle [Apoc. i, 5 : Ιησ. Xp.
δ μάρτυς ό πιστός; IV^ Evangile, passim, et Paul, I Tim. vi, 13). Ce temoignage, atteste
par Jean a son tour, n'est done pas la publication du IV" Evangile, qui n'a eu lieu
qu'apres, ni, comme le croit Hort, la profession de foi qui eut fait exiler Jean a Pat-
mos ; μάρτυς, μαρτυρία, n'avaient pas encore le sens technique de « martyr », « martyre >>,
qu'ils ont regu plus tard sans doute en partie sous I'influence de I'Apocalypse, oix les
« temoins » principaux sont ceux qui ont verse leur sang pour le Christ.
Le livre est qualifie de « prophetic », dans tous les sens, revelation, prediction,
exhortation (Introd., c. ii). Son auteur le place d'emblee sur le meme rang que les
propheties de ΓΑ. T., puisqu'il proclame bienheureux ceux qui I'entendront avec
obeissance ; la distinction qu'il fait entre Γάναγινώσκων, Γ « anagnoste », et les άκούοντες,
la communaute qui ecoutera, montre qu'il le destine, comme I'etaient les lettres de
Paul, a la lecture publique, dans les assemblees de culte. — ό γαρ καφός εγγύς est a
comprendre comme έν τά/ει, supra. Pourtant Andre I'entend comme le temps propice
pour profiter du macarisme, ou encore destine a la recompense des merites, puisque
toute existence est breve, comparee a I'eternite.
I A. 4. Sur I'expression singuliere ό ών ζαΐ ό ήν κα"! ό ερ/όμενος, \ο\τ Ixtrod., ch. χ,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. t)
h-. Jean, aux Sept Eglises qui [sont] dans I'Asie : A vous grace et paix,
de par [Celui qui a nom] il est, il etait, il vient, et de par les Sept Esprits
qui [sont] en face de son trone, 5, et de par Jesus- Christ, — le Temoin
fidele, le Premier-ne des morts, et le Chef des rois de la terre! — A celui
qui nous aime, et nous a delies de nos peches dans son sang, 6. — et il a
fait de nous une royaute, des pretres pour (son) Dieu et son Pere! — k lui
la gloire et la puissance dans les siecles des siecles! Amen.
§ II; le cas est ici encore plus etrange qu'ailleurs, car il faudrait des genitifs apres
από; aussi la recension antiochienne a ajoute θεού avant ό ών (Q-al070-O46, 95-Ap^'-
2040, 36-Av3'*-2019, une quarantaine d'autres); id. Vict., Prim.; d'autres portent τοΰ δ
ών. Ce sont surement des corrections; mais aucun ms. n'a ose changer la formule a
I'interieur. — των au lieu de α devant πνευμάτων, dans le rec. H, exc. C-83-04, et 135-
«504-1876, correction. D'ailleurs il y a parfois, meme en grec classique, omission de
la copule apres le relatif. — Ινώπιον, v. Introd. ch. x, § I.
B. 4. Pour les eglises d'Asie, cfr. Act. xx, 5 suivants; II Cor. ii, 12; Lettres
d'lgnace. — /.άρις κα'ι ='ρηνη, formule de salutation de Paul (exc. 1 et II Tim. oil il
ajoute έλεος, id. II Joh.), et de Pierre en ses deux epitres. — ό ών χτλ. se retrouve
Apoc. I, 8; IV, 8; xi, 17; xvi, 5, deux fois sans ό Ιρχο'μενος; cfr. Exode, in, 14 (LXX). —
« Les sept esprits », cfr. iii, 1; iv, 5; v, 6; Isai'e, xi, 2; Zach. iii, 9 (?), iv, 2, 10.
A. 5-6. Le passage au nominatif (δ μάρ-υς κτλ.) est une faute frequente dans I'Apo-
ralypse (Lntrod., ch. x, § ii); corrections : δς πιστός Ιστιν μάρτυς dans quelques mss.
du type Andre et Vulg. — ος ήγάπησεν,... έλουσε ν, dans la meme classe de mss., ou
encore τοΐ3 άγαπήσαντος,... λούσαντος, sont des corrections apportees pour faire une
construction reguliere avec χαΐ Ir.o'.ii'jt'j du v. 6 ; λούσαντι (qui nous a laves) est, pour
λύσαντι, la Ιβςοη du type Κ et d'Andre, Vulg., Bolt., Arethas, et/i., et de la plupart des
minuscules. — έν τω αίματι, datif instrumental, tres usite dans VApoc. (Lntrod,, ch. x,
§ II), a moins que, disant λούσαντι, Jean n'ait represente le sang comme le bain
dans lequel Fame se lave de ses peches. — κα\ εποίησεν, changement de construction
dont nous essayons de rendre TeiTet par une parenthese (Introd., ch. x, § II), est la
lecture commune, et il faut regarder comme une correction de puriste la legon
ποιησαντι de Q, 14-3505-69, et quelques autres. — ημα?, Ιοςοη de H, a3-P-035, Q, Andre
(Introd., ch. xv), les deux syriaques, Vict., Prim., Arethas, et beaucoup d'autres, doit
etre prefere a ήμϊν de A et quelques autres, ou a ημών de C {am. fuld. nostrum
regnum). {Tisch., Bousset, Swete, Nestle, Soden). — βασιλείς χα\ ιερείς de α3-Ρ-025,
l-Av^'^-l•", And., ou βασίλειον ίεράτευμα, diOrig., Q, al., d'apres Exode xix, 6, dans les
LXX, sont des corrections inspirees du fait que βασιλείαν ne paraissait pas donner
un sens satisfaisant en apposition avec ήμας. — ημών apres τω θεω, dans Orig. et 1072
de Soden est du sans doute a un souci dogmatique, pour ne pas dire « le Dieu du
Christ ».
B. 5-6. μάρτυς, applique a J.-C, cfr. Apoc. in, 14, ainsi que les passages μαρτυ-
ρία Ίησοϊί Χρίστου, voir au V. 3; Ps. lxxxix (lxxxviii), 38; Isai'e, lv, 4, et le IV^ Evan-
gile, passim. — πρωτότοχος... ίρ/ων, cfr. le meme psaume, 28; πρωτοτ. των νεχρων, I Cor.
XV, 20; Col. I, 18; Apoc. xix, 16 et XVII, 14 : βασιλεύς βασιλέων, κύριος κυρίων. — Pour
la le^on λούσανη, voir Apoc. vii, 14, Paul, passim, et, dans notre livre, les passages ou
il s'agit de vetements blancs. — βασιλείαν ίερεΐς, cfr. Exode, xix, 6; isa'ie, lxi, 6; I Pet. ii
5, 9. — Doxologie au Christ, cfr. Apoc. v, 12-13; les autres cinq (en tout sept dans le
livre) s'adressent ά Dieu le Pere, mais I'Agneau, dans la plupart, lui est associe; cfr.
encore Heb. xiii, 21, Jiom. ix, 5, II Tim. iv, 18, I Pet. iv, 11, II Pet. in, 18.
C. 4-6. L'Apocalypse est une lettre prophetique. Apres une suscription (i, 1-3)
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
7. l8oj έρχεται *μ.ετ2 των νεφελών, y.ai οψετχι αυτόν ττας ΟΦθαλμ.ος και οϊτινες
αυτό•)/ *έξε•/.έντησαν, χ.αί* κόψονται έτ:' αυτ^ν χασαι α• φυλαί της γης. Ναι αμήν.
8. Εγώ εϊμι το αλοα και το ώ, λ^γει κύριος ό θεός, ό ών ν.χΐ ό ην και ό ερχό-
μενος, ό παντοκράτωρ.
qui offre quelque ressemblance avec I'en-tete des Ingres prophetiques de ΓΑ. T., saint
Jean ouvre done son livre par une formule epistolaire, de teneur paulinienne, qui rap-
pelle les deux biens essentiels promis aux fideles du Christ, la grace et la, paix; le
mot χάρις n'apparait qu'ici, et dans la formule finale, xxii, 21; notons que, dans le
/r« Evang, on ne le lit que dans le Prologue, 3 fois, et une seule fois, a la salutation,
dans II Joh., a travers toute la litterature johannique ; Jean exprime I'idee de « grace »
par d'autres expressions, la « Lumiere )>, la « Vie », Γ« Amour », ou des figures
qui y correspondent. II est bon que les Eglises soient assurees des le debut que cette
Apocalypse est un message de paix! — II y άχάΜ des lors plus de 7 eglises en
Asie (contre Vdlter), mais I'article ίταΐς se justifie par I'intention de I'auteur de n'ecrire
qu'a celles-la, a cause du caractere sacre du nombre sept, qui signifie totalite, pleni-
tude; elles representent I'ensemble des chretientes de la province (voir comm. du v.
11, infi-a, et rExctRsus II). Cette grace et cette paix leur viennent de Dieu, et leur
sont souhaitees dc la part de Dieu, qui en est I'auteur et la source (a-o). Mais au meme
rang que Dieu sont mis les « 7 Esprits qui se tiennent devantson trone », anticipation
de la description de la cour celeste aux chap, iv-v, et « J.-C, le temoin fidele... etc. »,
cfr. Rom. i, 7, et presque toutes les salutations initiates de Paul. La formule est done
trinilaire et suppose meme I'egalite des personnes divines, source indivisible de la
vie et du bonheur. Les 7 Esprits, nommes avant le Christ, ne sauraient etre que I'Es-
prit septiforme (voir Exc. i, infra). Aussi ό ών κτλ. designe-t-il exclusivement le Pere,
et non J.-C, bien que lui aussi SOit χθες και αηίΑερον ό αυτός καί ε?ς τους αιώνας (I/eb, ΧΠΙ,
8); contre Orig., Prim., et saint Gregoire le t/teologien (d'apres Andre). On peut voir
dans I'etrange expression une sorte de nom propre, indeclinable par hieratisme,
forme par developpement du nom m.Ti de I'Exode in, 14 {Viteau, St^-ete, Joli. Weiss\ :
εγώ εϊμι ό ών, dans les LXX. Bousset releve la meme evolution dans le Targ. Hier. sur
ce verset (« qui fuit, est, et erit »), Targ. Jonathan sur Deut. xxxii, 39, Scliemolli
Rabba in, 105i>, Midrasch Tefnllim \\1^ et Bereschith Rabba lxxxi. (Introd., c. x, § II).
Dieu est nomme δ έρ/όμενος et non 6 Ισομενος, ce qui serait plus symetrique, parce que
le livre decrira precisement les avcnements de Dieu comme juge et retributeur; II
vient « dans et avec son Messie » (Holtzmann). Celui-ci est appele « le temoin fidele»;
II est venu, dira le IV« Evangile, « pour rendre temoignage a la Verite », et nous
rapporter ce qu'll a vu dans le sein du Pere ; dans notre livre, II va temoigner des des-
seins de Dieu sur I'avenir. L'idee est on ne peut plus « johannique », sans etre etran-
gere au langage de Paul (I Tim. vi, 13). Absolument paulinienne, par contre, est
l'idee du « premier-ne des morts »; Jesus est le premier ressuscite, le premier homme
qui soit sorti, pour ne plus mourir, du sein du sheol; cette expression n'a rien a faire,
quoi qu'en disent certains ecrivains de I'ecole d'histoire des religions, avec Yama, le
premier homme des mythes persans, ou Γ"Ανθρω-ος liellenistico-gnostique; c'est Paul
qui a du la creer {Col. i, 18). Le Christ est tout-puissant sur la terre, la prophetie le
montrera assez, et II nous aime, voila ce qu'il faut bien retenir, et qui ne sera pas
repeto en termes aussi directs. Que nous soyons delies ou laifes de nos pech^s en son
sang (les deux lectures sont presque egalement bien attestees), c'est la grande verite
qui remplit les Merits de saint Paul. Aussi a-t-il fait les croyants « rois et pretres »
(βασιλείαν est I'abstrait pour le concret), lui qui est le Roi et le Pretre supreme, « pour
son Pere et son Dieu », Jesus etant considere ici dans sa nature humaine, a la fagon
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. /
7, Voici, II vient avec les nuees, et le verra tout oeil, et tous ceux qui
lOnt transperce, et a son sujet se frapperont [la poitrine] toutes les tribus
de la terre. Oui. Amen.
8. Je suis, moi, I'Alpha et I'Omega, dit le Seigneur Dieu, [qui a nom] il
EST, IL ΕΤΛΙΤ, IL TiENT, le Tout-Puissaut.
de Joh. XX, 17 : « Je monte a mon pere et a votre Pere, a mon Dieu et a votre Dieu ».
— La premiere doxologie du livre, a deux membres seulement, « g-loire et puissance «,
lui est consacree dans un elan d'enthousiasme. Άαην est la terminaison ordinaire des
doxologies, et sert aussi de reponse de rhomme aux promesses solennelles de Dieu,
comme dans la liturgie {Didache, Paul).
L'Apocalyptique, dans ce Prologue, rappelle ainsi toutes les bases doctrinales, con-
cernant Dieu, le Christ, et la Redemption, sur lesquelles reposeront ses propheties; ces
bases sont eminemment pauliniennes et « johanniques ». Les mots έρ/όμενος, οίρχων,
βασιλεία, ιερείς indiquent deja les idees maitresses du livre (Bousset).
— — A. 7. C'est par erreur que boh., Prim, et arm. ont lu δψονται pour κο'ψονται,
forme moyenne a peu pres unique dans le livre, cfr. xviu, 9 (Intr., c. x, § II). L'auteur
a cherche, peut-etre, une paronomase, comme dans Mat. xxiv, 30, ce qui a fait lire a
X, aux syriaques, a Orig., a And., δψονται pour δψεται.
Β. 7. [χετά τών νεφελών, d'apres Dan. νιι, 13 dans Theodotion, les LXX ayant επί,
qui a passe dans C-S3-04; cfr. Ma.t. xxiv, 30; xxvi, 64; Marc xiv, 62; IV Esdras xiii, 3,
et encore Apoc. xiv, 14-16 — έ^εζέντησαν, mome mot que Joh. xix, 34, d'apres I'hebreu
de Zach. xii, 10, contre les LXX qui ont χα-ωρχήσαντο, pour avoir lu lp"i au lieu de "ipT
(v. Ιλτκοο., ch. ΧΠΙ, § I); Reminiscences de Zach. xn, 10, 12, 14.
A. B. 8. Encore I'expression δ ών κτλ, comme au v. 4, tout a fait stereotypee. —
αρχή καΐ τελο;, interpole apres το ώ (κ, boh., g, vulg., And., Orig.), d'apres xxi, 6; xxii,
13. — Pour α et ω, expression dite aussi du Christ, xxii, 13, cfr. les idees d'/sa'ie
XLi, 4; XLiv, 6; xlvih, 12; — λέγει κύριος δ θεός, frequent dans Ezechiel, Κυρ. δ θ. δ -αντο-
κράτωρ se trouve 9 fois dans Apoc, i, 8; iv, 8; xi, 17; xv, 3; xvi, 7, 14; xix, 6, 15; xxi, 22;
c'est une expression commune dans la litterature judaique tardive, les deux premiers
mots repondent a .Jahweh-Elohim, le troisieme rend dans les LXX les mots
Ιΐψ ou nixiS; il ne se trouve ailleurs, dans le N. T., que II Cor. vi, 18, qui est une
citation.
C. 7-8. .Jean, dans la certitude et I'impatience de sa foi, voit deja comme realisee
la Parousie, bien qu'en realite il ne fixe aucune epoque pour la consommation (Introd.,
ch. ix); car tel est le sens a peu pres certain de I'Avenement « sur (ou avec) les
nuees », image traditionnelle provenant de la vision du « Fils de I'Homme » dans
Daniel, d'ou elle a passe jusque dans le Pseudo-Esdras, et dont N.-S. lui-meme se
servit devant le Grand Pretre pour confesser sa messianite et son triomphe futur sur
ses juges; le souvenir de cette scene de la Passion est surement present a I'esprit
du Prophete quand il parle de la lerreur que produira cette vue sur « ceux qui I'ont
transperce »; il pense a tous les supplices de la Croix, jusqu'au coup de lance
{Joli. XIX, 34); veut-il dire, comme I'iiisinue Bousset, qu'il croit que J.-G. reparaitra
avec sa croix? du moins il semble dire que ses plaies seront visibles; or saint Jean est
I'evangeliste qui nous a dit le plus explicitement que le Sauveur conservait apres la
Resurrection les traces de son supplice. La double affirmation Ναί, ά[Ατίν, grecque et
hebraique, releve la solennite et la conviction de cette assurance (cfr. « Abba, Pater »
de Rom., Gal., Marc). — On voit que doja I'antithese fondamentale du livre, entre les
Deux Cites, est annoncee dans ce Prologue (5-6, elus; 7, reprouves). — Le dernier
verset, 8, rejoint le v. 4 : Dieu lui-meme (κύριος δ Οεο'ς = Jahweh-Elohiml, el non
8 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
I'Homme-Dieu, qui n'est jamais ainsi nomme, declare que, par ce triomphe de son
Christ, toutes choses trouveronl leur consommation en Lui, qui en est la fin comme le
principe, I'AIpha et lOmega. Cette designation, qui sera ailleurs appliquee a J.-C.
lui-meme, signifiant ainsi la divinite de sa Personne, a de I'analogie avec le symbole
rabbinique de la « Shekinah », n-N ou Π-Ό-Κ {Schoettgen, d'apres Sii'ete); mais elle
rappelle de plus pres encore la « mystique des lettres » hellenistique ; ainsi la serie
αεηιουω, dans des papyrus magiques, signifie i'universalite du monde et la Divinite
{Reitzenstein, Poimandres, p. 286; Boll, p. 27). C'est un indice que Jean usait volon-
tiers de symboles familiers aux milieux d'Asie Mineure, mais il en christianisait le sens;
n'est-ce pas lui qui a choisi, plutot d'apres les Stoiciens que d'apres Philon, le nom
de Λόγος pour exprimer de la maniore la plus adequate I'etre divin de Jesus dans sa
relation avec le Pere?
EXCURSUS I. LES SEPT ESPBITS (l, 4).
Ce premier septenaire pourrait designer soit des Anges (Archanges, Anges de
la Face dans les Apocryphes, cfr. Apoc. les sept Anges des Eglises, des trom-
pettes, des coupes), soit le Saint-Esprit {Tu septiformis munere)^ soit les forces
et activites de Dieu operant ad extra personnifiees, comme « les sept yeux de
Jahweh qui parcourent toute la terre » Zach. iv, 10, cfr. Apoc. v, 6, les yeux de
I'Agneau. Ce ne peuvent etre des Anges, puisqu'ils sont mis sur le meme rang
que Dieu et Jesus-Christ, et meme nommes avant celui-ci (contre Andre, qui
d'ailleurs donne une autre interpretation, par les sept energies de I'Esprit-
Saint, et Arethas, Bousset, CalmesP); du reste, πνεύματα ne designepas ordinai-
rement les Anges, au moins les bons, dans le N. T. excepte Beb. i, 7, 14. Ce n'est
pas non plus une simple personnification de Tactivite divine; puisque les Eglises
sont saluees en leur nom comme en celui de Dieu et de Jesus, leur caractere
est decidement trop personnel pour cela. C'est le Saint-Esprit, le Saint-Esprit
du dogme catholique, et non pas Γ « Esprit de Dieu » de saint Paul qui eut ete
identifie aux sept Anges principaux, comme le voudrait Joh. Weiss, qui invente
une confusion dont il n'y a trace chez aucun ecrivain neotestamentaire [Andre,
avec doute, Vict., Prim., Apringius, Beatus, etc.; Hort, Swete). La troisieme
personne de la Sainte Trinite est representee d'apres sa multiplicite d'opera-
tions [Denys bar Salibi, al.), peut-etre a cause des sept Eglises, ou plutot de
I'universalite de son action dans I'ordre de la grace (1). Beatus : « unus in
nomine, virtutibus septiformis ». Nous ne nions pas que la tradition des « Anges
de la Face » ait pu influer sur cette maniere de s'exprimer, mais le senSj comme
maintes autres fois, a ete profondement transforme. Le plus probable est que
I'expression tire son origine des esprits sanctificateurs qui reposeront sur le
Messie, dans Isaie xi, 2, dont les LXX, par I'addition de πνεύμα φόβου au v. 3,
avaient eleve le nombre de 6 a 7, chiffre sacre. Ailleurs du reste (fin des Lettres)
le Saint-Esprit sera nomme au singulier.
Si cependant on voulait y voir des Anges, cela n'aurait pas de consequence
dogmatique; I'ordre resulterait d'une formule juive stereotypee « Dieu et les sept
(1) Et ainsi on pourrait concilier la 2' interprotation avec la troisieme; comme saint Irenie
(D6monstration, c. 9), pour qui les « 7 Esprits » sont les dons de I'unique Saint-Esprit,
qui se ropartissent dans les sept cieux spirituels, de sagesse, d'intelligence. etc., d'apres
Isaie xi.
APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
esprits » (suivant une supposition de Bousset) ; et Calmes dit tres justement qu'il
« n'a pas de signification hierarchique ; il est determine par ce fait que les esprits
sont consideres dans leurs rapports avec Dieu, tandis que J.-G est considere dans
ses rapports avec les hommes », comme le montre le contexte. On pent, avec
Bousset, comparer la formule trinitaire de Justin Apol. i, 6, dans laquelle ce
Pere introduit I'armee des Anges qui suivent le Fils de Dieu, avant de nommer
I'Esprit. L'ecrivain, qui, dans son Evangile, a distingue dans le monde surnatu-
rel les επουράνια et les επίγεια, nomme les personnes purement celestes avant celle
qui, s'etantfaite hommeparmi les hommes, est de la terre comme ells est du ciel.
L'origine premiere de ce caractere du nombre 7 est fort incertaine (Introd.
ch. v, § II). Vient-il des sept planetes, et des sept dieux planetaires de la theolo-
gie babylonienne, qui auraient ete groupes a Babylone seulement au temps des
Diadoques, cfr. les « Ameshas-Spentas » avestiques? {Bousset). C'est assez peu
probable, et en tout cas Jean n'a pas directement emprunte ce chiffre au paga-
nisme, les textes de Zacharie et les sept Archanges traditionnels le prouvent.
Sont-ce les sept etoiles de la Petite-Ourse [Gunkel, Verst. p. 40) autour de laquelle
le ciel tourne, ou toute autre figure cosmologique ou astronomique? (voir Boll,
p. 22). Peu importe, car TApotre ne pensait certainement plus a cette origine.
Plus hasardeux encore sont les rapprochements avec les sept Archontes, les sept
Eons, les conceptions tardives des mithriastes ou des gnostiques.
(Voir SwETE, The Holy Spirit in the New Testament, 1910, p. 272-275. — Cf.
Lebreton, Origines du dogme de la Trinite, 1910, p. 507-510.)
PREMIERE PARTIE
(I, 9-1II)
Revelation aux Sept Eglises d'Asie sw leur etai apirituel.
I. VISION D'INTRODUCTION
(c. I, 9-20).
Introd. — Cette pericope est inseparablement unie aux chapitres II et III, qu'elle
prepare : Jean rccoit du « Fils de I'Homme », qui lui apparait a Patmos, la mission
d'ecrire aux sept eglises d'Asic. Mais le message nest pas epuise par les sept lettres
qui suivront; le v. 19 indique nssez que le Prophete aura a leur predire en outre une
suite indeterminee d'evenements futurs. La vision sert done d' introduction au livre
entier, dans ses trois parties; on pent la comparer a celles de la vocation d'lsa'ie,
{Is. w), de Jeremie [Jer. r), d'Ezechiel [Ezech. i), etc. Les [critiques, a cause de
son lien avec les 1 lettres. lui ont fait subir le meme sort qua celles-ci; nous ne
discuterons pas en detail leurs theories (V. I>trod., ch. xi). Volter attribue I, 9-III au
reviseur contemporain d'Hadrien, comme le titre I, 1-3 ; pour Vischer, ΛΥβγΙβηά, etc.,
les trois premiers chapitres sont Vceuvre de leur «. editeur chretien »; tandis que
Erbes, Spitta veulent y reconnattre la combinaison de deux Apocalypses chretiennes,
et Joh. Weiss, de I'Apocnlypse primitive de Jean et des interpolations d'un redac-
teur. La tendance generate, chez tous les decouvreurs de sources, est d'attribuer cette
premiere partie a VApocalyptiquc de derniere main. Mais la langue, quoique un peu
plus litteraire peut-etre, est tout ci fait homogcne dans I'ensemble a celle du reste
du livre, meme pour les irregularites.
I, 9. Εγο3 Icoxv^c, b άδελοο; ,ύ;Αών 7.α'. οτυν/.ΐ',νωνος έν τη θλίψει κα'. βασιλεία
■/.α• ■'Jr,0'^.ZΊf^ έν Ίητ^ϋ, έγενόμην έν τ^ νήσω τ^ καλ5υμένγ; Πάτμω, δια τον λ6γον του
θεού και τήν μαρτυρίαν Ίησου. 10. Έγενόμην έν πνεύματι έν ττ^ κυρ',ακ^^ ήμερα,
και ήκουσα οπίσω μου φωνήν μεγάλην ώς σάλ-ιγγος *λεγόυσης*
11.0 βλέπεις γράψον ε'.ς βιβλίον καΐ πέμψον ταις επτά έκκλησίαις, εις "Εοεσον και
ε'.ς Σμύρναν και εΙς Πέργαμον και ε'.ς Θϋάτειρα και ε'.ς Σάρδεις και εΙς Φιλαδελφίαν
και ε'.ς Λαοδικίαν. 12. Και επέστρεψα *βλέπειν τήν οωνήν *ήτις έλάλει μετ' έμοΰ.
Δ. Β. 9. συνκοινωνο;, comma συγκοινωνεΤν (χνιιι, 4ι, mots pauliniens (Rom. χι, 17;
I Cor. IX, 23; Phil, i, 7; — Eph. v, 11; Phil, iv, 14). — θλΓψι?, cfr. Apoc. vii, 14, et
Marc, XIII, 19, 24; II Thess. i, 6-7, pourrait avoir un sens eschatologique; frequent
ailleurs au sens ordinaire. — Βασιλεία (om. syr.); cfr. Apoc. i, 6; v, 10; xx, 4, 6;
XXII, 5; et Luc. xii, 32; xxn, 29; I Thess. u, 12; Jac. ii, 5, au sens de communication
de la royaute de Dieu a ses fideles, eschatologique au sens large ou precis. — υπομοντί,
mot paulinien, encore Apoc. ii, 2-sqq., 19; in, 10; xiii, 10; xiv, 2. Les trois mots,
θλ. βασ. et υπ. ont tous pour complement Jesus (Hort, contre Bousset) ; cfr. pour leur
union Rom. viii, 25 ή θλίψι; όποαονην κατεργάζεται, κτλ; II Tim. ιι, 12 : ε? υττομένομεν, κα\
συμβασιλεύσομεν.
C. 9. Ici commence une Λ-raie vision de Jean, qui n'est pas une fiction litteraire,
APOCALYPSE DE SAINT JEA^•. 11
Gomme dans les Apocalypses apocryphes, mais pourtant stylisee, d'apres la memoire
de I'auteur, et ie gout des lecteurs [Joh. Weiss). Le mot « frere » n'implique pas une
pleine dgalite, pas plus que dans les epitres des apotres Pierre et Paul. La « patience »
fait passer de la « tribulation » a la « royaute ». II n'est pas necessaire de leur faire
signifier des phases diiferentes de la vie chretienne, avant et apres le jugemcnt, car
actuellement deja les fideles regaent, malgre la tribulation, et en partie a cause d'elle,
c'est une idee fonciere du livre. Nous traduisons έγίνοι^ην έν τ^ ντ^σο) : « Je me suis
trouve dans File... » (« I came to be in ».., « I found myself in », not excluding being
there still. Hort), parce qu'il ne s'agit pas dune epoque passee, comma si Jean n'etait
plus a Patmos quand il ecrit (centre Bousset, Calmes, J. Weiss, autres). Jean se trou-
vait la en exil, a cause de I'Evangile, comme il le dit expressement, et non par un
hasard quelconque; le « temoignage de Jesus » peut s'entendre ici aux deux sens,
subjectif et objectif. Sur cet exil a Patmos, v. Introd. ch. π et xiii; cfr. Κελαν,
Antechrist, pp. 372 suiv.
I A. B. C. 10. « Je me trouvai en esprit », c.-a-d. saisi par I'inspiration pro-
phetique, le mot πνεΰμ,α a plusieurs fois ce sens dans saint Paul {I Cor. xiv, 12, 32, al.),
I Joh. IV, 1, encore Apoc. xxii, 6. — La χυριακή ή;Αέρα n'est pas le grand « Jour de
Jahw^eh », oii le Prophete se trouverait transports en esprit, comme le voudrait Hort,
mais plut6t le dimanche, jour de la Resurrection du Seigneur [Bousset, Swete, presque
tous). Rapprocher [j.ta σαββάτων^εί. xx, 7, πρώτη σαβ βάτων I Cor. xvi, 2, Justin. K^o\. l, 67
ή του ηλίου λεγο[α.ένη ή[Αέρα, pour le jour consacre specialement aux reunions chretiennes.
Kupiay.r{ est peut-etre un mot emprunte au style ofTiciel, ou il se rapportait a I'empereur
{Deissmann, L. 0^, p. 268-269), et passe au veritable Maitre, au Christ; la premiere
attestation de ce mot pour ie dimanche, en dehors du N. T. se trouve Didache, xiv, 1;
Meliton Π^ρΊ χυριχκης [Eus. Η. Ε. iv, 26) ; cfr. encore Ign. Magnesiens, 9; Evang. Pet., 9,
11; Barnabe, xv, 9. Le jour de la Resurrection convenait a une telle revelation de la
gloire et de la puissance du Christ, d'autant plus que les chap, iv et ν nous montreront
une veritable liturgie celeste. — « J'entendis derriere moi », cfr. Ezech. in, 12; la
« trompette » retentit souvent dans les apocryphes et les Merits rabbiniques, et le sens
I, 9. Moi, Jean, votre frere et associe dans la tribulation et la royaute
et la patience en Jesus, je me suis trouve dans File qui est appelee Patmos,
a cause de la parole de Dieu et du temoignage de Jesus, Je me suis trouve
en esprit [c'est-a-dire en extase) au jour du Seigneur. 10. Et j'entendis
derriere moi une grande voix, comme [celle] d'une trompette disant :
II, « Ce que tu regardes, ecris- [le] dans un livre, et envoie- [le] aux sept
Eglises, a Ephese, a Smyrne, a Pergame, a Thyatire, ci Sardes, k Phila-
delphie et a Laodicoe. 12, Et je me retournai pour regarder la voix qui
en est eschatologique ; nous le fixerons plus tard (v. Exc. x\). C'est une liypallage
assez etrange, signe certain de negligence de 'style, d'avoir fait accorder le participe
λεγούσης avec la « trompette » et non avec la « voix » ; aussi des scribes ont ils omis ce
mot, ou bien I'ont change en λέγουσαν (o2<=-»s-01, af.) ou φωνούσης (α 1573-38-2020, al.).
A. C. 11. Jean re^oit I'ordre d'ecrire ce qu'il voit — et ce qu'il entendra,
a)toU£t;est suppose dans boh., — sur un rouleau de papyrus (βιβλίον), il s'agit de ΓΑρο-
calypse entiere; et de I'envoyer aux sept eglises, determinees. Nous verrons dans un
prochain excursus pourquoi ces sept ont ete choisies.
■ A. B. 12. λαλεΐν μ.ετά (au lieu du datifou de -ρός), tournure johannique {Joh. iv,
27, bis; ix, 37; xiv, 30, centre 21 datifs), constante dans I'Apocalypse, semble repondre
al'hebreu D'J 13" (Introd., c. x, § II).— Remarquer « regarder la voix » (!) — ήτις = ή.
12 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
13. ΚαΙ έζιστρέψΛς siosv ετττα λυχνίας χρυσας, καΐ έν μ,έσω των λυχνιών 'όμοιον *υίον
ανθρώπου, ένδεδυμένον ποδήρη και περιεζωτμένον προς τοΤς μαστοϊς ζώνην *γ_ρ\)σΛΊ.
14. ή δε κεβαλή αυτού καΐ α• τρίχες λευκαΐ ώς εριον λευκον ώς χιών, καϊ οΙ οφθαλμοί
αυτοΰ ώς φλοξ πυρός, 15. και οί πόδες αυτού 'όμοιοι χαλκολιβάνω ώς έν καμ(νω
*πεπυρωμε'νης, και ή φο^νή αύτου ώς φωνή υδάτων πολλών, 16. κα; *εχων έν τί]
δεςία χειρι αϋτου αστέρες επτά, και έκ του στόματος αΰτοΰ ρομφαία δίστομος οξεία
έκπορευομέν^;, και ή όψις αΰτοΰ ώς ό ήλιος φαίνει έν τη δυνάμει αυτού. 17. Και
Α. Β. 13. λυ•/νίας, cfr. Ι Reg. νιι, 49, candelabres da sanctuaire, et Zach. i\,
2; mais, si c'est une reminiscence, I'auteur modifie tout ce qu'il emprunte. — L' expres-
sion δμοιον aibv άνθρώ-ου se retrouve litteralement Apoc. xiv, 14; malgre C, And., lai.
qui ont υίω, at A qui a όαοίωμα, la grande majorite des mss. I'a admise, avec tous
les critiques, car la curiosite ιηέηιβ de cette le^on est un signe de son authenticite :
ailleurs Jean emploie regulierement δμοιος avec le datif (Introd., ch, x, § II); cfr. Dan.
VII, 17 U3N*"Q2, le « Fils de rHomme » des Ενν., des Paraboles d'Henoch, xlvi, al. et,
dans IV Esdras xiii, 3, texte syrien : « le vent faisait monter du coeur de la mer
comme la ressemblance d'un homme « ; ethiopien, arabe, armenien : « un vent sem-
blable aun homme ». Pour I'idee, cfr. encore Phil, ii, 7 h όμοιώματι ανθρο^-ων. — ποδτ|ρτ,ς,
vestis talaris, cfr. E.iode xwin, 4, pour traduire S''i?D, parmi les vetements du grand
prdtre; Sap. Sal. xviii, 24, costume d'Aaron; Zach. in, 4, robe du grand pretre Jesus
(LXX); Josephe, Antiquites juda'iques, iii, 7, 2 τζοδήρης /ίτων. Den. b. Salibi dit que
ce mot repond en syriaque a « ephod ». C'est done un vetement sacerdotal. — ζώντ,ν
■/ρυσαν, remarquer la contraction irreguliere en av pour ην (Ν-δ2-01, Α-δ^-03, G-63-04),
par analogic avec άργυραν [Blass, Moulton). Cfr. Dan. x, 5 et dans I Mace, x, 89,
πόρπην -/ρυσην, «agrafe d'or », distinction reservee aux princes de sang royal, et
envoyee par le roi Alexandre a Jonathas.
B. 14. λευκαί κτλ., t^te et chevelure, cfr. Dan. vii, 9 et Hen. xlvi, 1, attributs de
Dieu; — φλόξ πυρός, image classique, cfr. Dan. x, 6, description d'un ange.
A. B. 15. L'etrange legon πεπυρωμένης se trouve A et C. Nous la conservons,
pour sa singularite meme; pour I'expliquer, le cod. 1073 de Soden a change Iv χαΐΑίν(;>
(fern.) en h. καμίνου. Ainsi Swete, Nestle, Westcott-Hovt, quoique W-H. hesite
entre π... ης et πεπυρωμένοι (Ρ, Q, Orig., minusc. nombreux, Andre, Arethas), admis
de V. Soden; Bousset et Tisch. veulent -επυρωμένω, avec K, α 500-16-336, α 1581-46-209,
al, Prim., Cypr., Vict., la vulg. et les codd. latins en general, sah., boh., eth. Ce sont
des corrections, et les versions, surtout, ne pouvaient faire autrement que de corriger
cette incongruence ; Holtzmann, Hort, Swete, Beckwith estiment que le mot λίβανος
etant quelquefois feminin pourrait expliquer cette inattention singuliere. — -/αλκολι-
βάνω .. πεπυρωμένης, cfr. descriptions divines ou angeliques d'Ezech. i. 7; viii, 2;
Dan. x, 2, etc.
A. B. 16. Κα\ 'εχ,ων... le participe remplace un verbe fini. (Introd., ch. x, § II);
y.ai εΐχεν se lit K, α 1572-41-2021, boh., vulg. Par contre φαίνει surprend comme une
construction dure, et Ton aurait plutot attendu le participe φαίνων, comme dans des
mss. d'Andre; ν a interverti ώς et φαίνει; A a supprime και 'ε'χ_ων, et ecrit αστέρες
au lieu de αστέρας, ce qui est tres regulier; mais αστέρες, meme avec εχ^ων, peut
etre la Ιβςοη primitive, comme τέσσαρες a I'accusalif (Iatrod., c. x, § II, et Moulton),
traces du dialecte du N. O. qui a influence la κοινή apres la diffusion passagere de la
κοινή etolienne. Nous avons conserve -ες, comme probable; A aurait supprime le
verbe pour justifier cette forme de- nominatif. — ρομφαία, large epee des Thraces,
cfr. pour cette image Isaie xi, 4; xlix, 2; Sap. Sal. win, 15; Eph. vi, 17; Heb. iv, 12
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 13
parlait avec moi. 13. Et m'etaiit retourne, je vis sept flambeaux en or, et au
milieu des flambeaux [quelqu'un] semblable k un fils d'homme, revetu
d'une tunique longue, et entoure a hauteur des seins d'une ceinture en or.
14. Et sa tete et ses cheveux [etaient] blancs comme de la laine blanche
comme neige, et ses yeux comme une flamme de feu, 15. et ses pieds sem-
blables k de Γ (?) airain, comme embrasee, dans une fournaise (sic) et sa
voix comme la voix d'abondantes eaux, 16. et il avait dans sa main droite
sept etoiles, et de sa bouche une epee a deux tranchants, aigue, sortait, et
son aspect [etait] comme apparait le soleil dans sa force. 17. Et quand je le
« sermo Dei... penetrabilior omni yladio ancipiti ». Ps. de Salomon xvii, 39 ; //e/i.
etii. Lxii, 2 ; « La parole de sa bouche (de I'EIu) mit a mort tous les pecheurs » ;
IV Esd., xiii, « Γ « Homme » enllamme tout par sa voix », etc., Origene (sch. viii)
en rapproche Mat. X, 34 : οϋχ ηλθον βαλε^ν ειρηνην έπ\ την γην, άλλα ιαα.ί-χ'.ο-.'.'ΐ. — δψις, mot
johannique exclusivement dans le Ν. Τ., (1 fois ici, 2 fois IV« Evang.) signifie Joh. vii,
24, « apparence », sens classique; Joh. xi, 44, « visage » comme dans les LXX. Ici
les deux sens sont possibles I'un comme I'autre.
G. 12-16. Cette apparition de Jesus en « Fils d'Homme » remet en memoire
la vision de Daniel, du Messie triomphant avec son peuple; mais I'expression a ete
surement choisie parce que Jesus, dans I'Evangile, s'appelle le « Fils de I'Homme ».
Le costume et tout I'aspect du Seigneur rappellent une foule de descriptions apoca-
lyptiques d'^tres celestes, recouverts du « vetement des Anges de lumiere », comme
dira VApoc. de Pierre, 16. On pent comparer surtout, dans VApoc. d'Abra/iam, c. xi,
la description de I'Ange de la Revelation, « laoel », qui est distinct de Dieu, mais
a pouvoir meme sur les Quatre Animaux : les pieds comme le saphir, les cheveux
comme la neige, etc. Cette imagerie est traditionnelle, et Gressmann (Ursprung,
p. 347) en voudrait trouver I'origine dans des representations figurees de dieux
antiques; les flambeaux (resp. les yeux) le font penser a des dieux astraux, Surya,
Mitra, Varuna (p. 111). Quoi qu'il en soit de ces inductions souvent aventureuses,
['intention de Jean est des plus claires. Jesus lui apparait comme pretre (-οδ^ρη),
comme roi (ζώνην χρυσαν). Ainsi Bousset, Hort, Swete, Calmes, apres les anciens,
Irence, iv, 20, 11, Victorin, Andre, Arethas, etc. La blancheur de sa tote (a Ancien
des Jours » de Daniel, « Tete des Jours » ^Henoch, cfr. laoel, qui est presque divin)
signifie I'antiquite, c'est-a-dire la preexistence de la personne de Jesus [Andre, etc.
jusqu'a Joh. Weiss, qui en fait une objection contre I'attribution de ce passage a
un compagnon de-la vie terrestre de Jesus). Autrement dit, Jesus est Dieu (infra,
cfr. Dan. Hen.). Les yeux sont « comme une flamme de feu », c'est le regard qu'on
ne pent fuir, la penetration de sa science divine qui scrute les reins et les coeurs,
-ους [λέν άγιους φωτίζονχες, τους ίε βεβ»5λους φλογίζοντες [And.]. L'image du /^αλκολίβχνος pour
les pieds doit signifier la force et la stabilite, contrastant avec les pieds d'argile
de la statue de Nabuchodonosor, la puissance profane {Swete). Cette matiere n'est
pas un parfum (contre Andre), mais, d'apres Suidas, un alliage d'or tres precieux,
et le latin « aurichalcum » semble avoir le mome sens; ou peut-otre du bronze dor^
qui pouvait otre un produit fabrique a Thyatire (Ramsay). Hon, apros Ewald, pense
a I'ambre, ou a quelque metal etincelant compart a I'ambre. L'epee qui sort de la
bouche est, d'apres tous les paralleles connus, l'image de la puissance de la parole
<' la sentence du juge qui condamne, ou certainement au moins le glaive de I'esprit
qui circoncit I'homme interieur » (And.), « la charite par laquelle le Seio-neur nous
a blesses » (Orig. sch. v, vi), « une forte expression de la puissance irresistible de ce
Juge, cependant plus spirituclle que materieile » (Joh. ]Veiss). Les etoiles sont-elles
£4 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
δτε είδον αυτίν, *ζ7:εσα 7:0^; τ^ύς rioa; αυτοΰ ώς νεκρίς' 7.αΊ 'έθηκεν τήν οεξί^/ αυτοΰ
έπ' έμ.έ λέγων'
Μή 5c6oj" έγοί ε'.;/', ό πρώτος ν.α•. ζ είτ/ατος -/.αι ί ζών* 18. και έγενόμην νεκρός,
και ίοού ζών είμ.ι ε'.; τους α'.ώνας των α'.ώνων, και εχο) τας *κλεΐς Τ3•> θανάτου χαι
τοΰ άοου. 19. Γράψον ουν ά *εί$ες *και *ά είσιν και ά μέλλει* γίνεσθαι μετά ταΰτα.
20. Το μυστήριον των έχτα άίΓΓέρο)ν ους είδες έτΰ tyjc οεςίας μου, και *τας έπτα
λυχνίας τάς χρυσας' ο•. έ•:ττά αστέρες άγγελοι των έχτά εκκλησιών ε'.σίν, και «ί λυ*/νιαι
αί έττά έκκλησίαι εΙσ•!ν.
posees sur la main etendue \Plumptre, Hon) ou bien pendues en chapelet (Ramsay)?
C'est une image peu plastique, et difficile a representer. Mais i'origine de I'idee,
eminemment semitique, est celle des astres tenus par Dieu. Bousset, apres Gunkel
(Verst. p. 40), de meme Boll (Aus der Off. p. 21) veulent y voir la Petite-Ourse,
autour de laquelle le ciel tourne. Bousset se refere a un paraUele de la Mithrasliturgie
editee par Dieterich, oxi Mithra tient dans la main droite I'epaule d'un taureau » δς
έστίΜ ίον.τοζ ή κινούσα και αντιστρέφου^α το-; ούρανόν. Joh. Weiss s'y refere aussi, mais ajoute
justement que, dans I'idee de I'Apocalyptique, les etoiles et les llambeaux n'avaient
rien a demeler avec Mithra et la Petite-Ourse.
I A. B. 17. έπεσα, v. Inteod. ch. x, § II; la rec. Κ lit I'aor. 2 classique επεσον.
Ainsi tombent Isa'ie, (vi, δ), Ezechiel i\, 28), Daniel, passim, Henoch xiv, 2i, etc. —
μή φοβοΰ cfr. Dan. x, 12, 19, et les paroles de N. S. dans lΈΛ'angile εγώ ε?μι, ;αή φοβεΓσθε
Mat. XIV, 27, et parall. ; Joli. vi, 20; al. — « Premier et dernier » (cfr. A et Ω), encore
dit de Jesus, Apoc. xxii, 13, titre eminemment divin; cfr. Is. xliv, 6; xlviii, 12.
A. B. 18. ώς ou ojsci ajoute devant νεκρός dans 1073 et deux mss. du xiv« s.
δ ζών a ete omis g, fuld, Tyc., Prim, v.ai b ζών... α?ώνων dans Varm. Mais nous
n'avons qu'a repeter apres Bousset « qu'on doit etre tres defiant vis-a-\'is de
tons les raccourcissements des textes latins ». Ό ζό5ν, titre divin, « le Vivant » par
excellence, par essence, repondant a mn"' ^"^, "iiK \T de ΓΑ. T. passim: dans le N. T.,
attribut de D\qm Mat. xvi, 16; xxvi, 63; Act. xiv, 15; Rom. ix, 26; II Cor. iii, 3; vi, 16;
I Thess. I, 9; I Tim. iii, 15; iv, 10; Heb. iii, 12; ix, 14; x, 31; I Pet. 1. 23. Dans Joh.
Iv αυτώ ζο)ή ην, dit du Verbe, I, 4; cfr. xi, 25; xiv, 6, c'est une des deux idees maitresses,
avec la t Lumiere », du IV'' Evangile. — τας κλείς (forme attique ressuscitee dans le
N. T., κλεϊοας dans la rec. K) τοϋ θανά-ον και τοΰ δδου, cfr. Apoc. ill, 7; puis IX, 1;
XX, 1 ; Job XXXVIII, 17 ; Mat. xvi, 19 ; voir encore Targ. Hier. a Dealer, xxviii, 12 et tr.
Sanhedrin, US'», dit respectivement de Dieu et de son envoye Elie; nombreux autres
textes rabbiniques dans Wettstein. Idee eminemment johannique; cfr. Joh. v, 28.
C. 17-18. .lesus rassure le prophete epouvante, comme il rassurait ses apo-
tres durant sa vie mortelle, ou quand il apparut ressuscite aux femmes, Mat.
xxvni, 10. II se donne nettement comme egal a Dieu. Jehovah etait « le Dieu vivant »,
par contraste avec les dieux morts du paganisrae; pour Jesus, Γαρ/ηγό; της ζωής
[Act. Ill, 15), a I'idee de source et donateur de la vie (IV<= Evang. passimi, se joint
celle de sa resurrection corporelle; ε'.μί s'oppose a Ιγε•/ό;Αην (.Sweic). II a « les cles
de la Mort et de I'Enfer », consideres ici comme des localites, et personnifies ailleurs
(Apoc. VI, 8, et d'autre part xx, 13), parce qu'il a puissance sur le sheol dont il fera
sortir les morts (IV*^ Evangile). Ces cles, il les a prises quand il est descendu lui-meme
aux enfers; mais le voyage infernal d'Ishtar ou d'autres personnages mythiques n'a
eu aucune influence, centre Bousset et autres, sur la formation de cette idee ; Jesus
s'est montre le dominateur des enfers quand il en est sorti.
— — A. C. 19. Les manuscrits et les critiques hesitent entre γίνεσθα•. et γενέσθαι;
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. i5
vis, je tombai k ses pieds comme mort; et il posa sa droite sur moi, disant :
« Ne crains pas; je suis, moi, le Premier et le Dernier, et le Vivant; 18. et
il est arrive que j'etais mort, et voici que je suis vivant dans les slides des
siecles, et j'ai les cles de la Mort et de I'Enfer. 19, Ecris done ce que tu as
vu, soit les choses qui sont [presentement], soit celles qui doivent arriver
apres cela. 20. [Quantj au mystere des sept etoiles que tu as vues sur ma
[main] droite, et aux sept flambeaux en or : les sept etoiles sont les Anges
des sept eglises, et les sept flambeaux sont sept eglises. »
nous avons prefere le premier, avec IV-H, Soden, et autres. Ge verset est extreme-
ment important, car I'ordre du Christ fixe a Jean toute la tache qu'il va accomplir
comme Prophete, et il y distingue] deux parts. "A είδες est general ; il signifie d'abord
cette vision presente du Christ glorifie, mais sans doute aussi les visions qui vont
suivre, et equivaut a « tout ce que tu auras vu », comme une sorte d'aoriste episto-
laire; ou bien meme il suppose que beaucoup des visions consignees dans le livre
de Jean avaient deja eu lieu avant celle-ci, et que, le commandement une fois regu,
il les a seulement ecrites et rangees en ordre systematique (Iistrod. c. xn). J'ai rendu
dans ma traduction καί... xolI par « soit... soit », pour bien faire ressortir le sens;
α εισίν ne signifie pas en' eftet, comme le voudrait Jo/i. Weiss, « Was es bedeutet »,
mais, avec Bousset, Swete, etc. nous estimons quil s'agit des « choses du present »
dont traiteront les Lettres (ch. ii-iu), opposees « a celles de I'avenir » α ιχέλλει γίνε^θαι
μετά ταΰτα, qui ne commenceront qu'apres le chapitre iv.
_— — A. B. 20. Au lieu de τάς λυ/νίας, on attendait un genitif complement de
[jiua-TJpiov, comme άσ-^ρων. Peut-§tre cet accusatif est-il une faute d'inatfention, causee
par le voisinage de ου; [Moidton). A la rigueur, il pourrait se justifier, d'apres des
exemples classiques, comme indiquant la direction de la pensee sur son objet :
« Quant au mystere et aux sept flambeaux... ». Μυστη'ριον serait alors aussi a I'accu-
satif. Cf. Rom. viii, 3 et II Cor. vi, 13 (Swete). En tout cas, ce n'est ni un regime de
γράψον, ni une apposition a « είσίν... « μέλλει. — Mu<rrj5piov, cfr. Apoc. x, 7; xvii, 5,7;
cfr. Dan. ii, 47 (LXX), le « mystere du Regne de Dieu » dans les Synopt., et le mot
dans Paul, passim.
C. 20. « Mystere », comme au ch. wii, signifie le sens intime de la vision sym-
bolique. Les eglises sont des flambeaux, parce qu'elles participent a la Lumiere du
Christ {And., Orig. sch. ix, x), cfr. Phil, ii, 15, φ(υστηρες έ ν κοσμώ. Le « Fils d'Homme »
est present au milieu d'elles (v. 13); leurs « Anges », personnifications qui les repre-
sentent, leur idee, I'esprit qui les anime et qui determinera leur sort, sont fenus dans la
main de Jesus, c'est-a-dire sous sa dependance absolue, pour I'instruction, la protec-
tion, le chatiment, la recompense (voir Excursus III).
EXC. II. LE CHOIX DES SEPT EGLISES, I, 11.
Les sept villas nommees au v. 11 etaient toutes situees a Touest et au centre
de la province proconsulaire d'Asie, ancien royaume de Pergame. Les Actes
(xviii, 19-21; xix) nous font connaitre I'evangelisation d'ltphese par saint Paul.
De la, TEvangilc s'etait repandu dans les vallees du Meandre et du Lyons, et il
s'etait fonde des chretientes importantes dans les trois villes phrygiennes conti-
gues de Colosses, Hierapolis et Laodicce [Col. ii, 1; iv, 13-16; Eph.\ cfr. Act.
XIX, 10). Smyrne, Pergame, Thyatire et Philadelphie durent recevoir la Bonne
Nouvelle vers la meme epoque. Mais il y avait d'autres centres Chretiens dans la
16 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
province: Troas {Act. xx, 5-6); probablement a en juger d'apres I Pet. i, 1,
Cyzique, au N., port tres important entre I'Asie et la Bithynie ; Tralles et Magne-
sie egalement, dans la region meme d'Ephese, car les lettres de saint Ignace
d'Antioche, ecrites vingt ans au plus apres I'Apocalypse, nous y montrent des
communautes florissantes, qui ne devaient pas dater seulemen t de la veille.
Pourquoi Jean a-t-il neglige toutes ces villes, ainsi que Colosses et Hierapolis,
sans parler de Milet, ού il semblerait aussiy avoir eu une eglise, d'apres Act. xx,
17-suiv,?
Nous resumons Ramsay (Letters, ch. xiv), qui a bien etudie cette question, et
y a apporte la reponse qui paraitla plus plausible. Les sept cites prises ensemble,
a cause du sens de plenitude qu'a le nombre sacre sept, representaient toute la
province, et celle-ci toute I'Eglise; elles repondaient, par leurs caracteres
respectifs, a sept groupes d'attributs du Fils de FHomme, Mais comment s'est
faite la selection? Pour faire sept, Fauteur aurait bien pu en choisir d'autres que
celles-la. On comprend qu'il n'ait pas laisse de cote des centres extremement
importants comme Ephese, Smyrne et Pergame, ni encore Sardes et Laodicee,
chefs-lieux administratifs de districts [co/ipentus). Mais Thyatire et Philadelphie
n'etaient que des villes secondaires des conventus de Pergame et de Sardes.
Est-ce que leurs chretientes etaient plus nombreuses, ou que le Prophete les
connaissait mieux ■? C'est possible, mais conjectural.
Le choix ne repond pas non plus a une division geographique de la province :
le Sud, I'Est et le Nord sont completement negliges, et meme toutes les villes
de rOuest ne sont pas nommees. Mais il faut remarquer que les sept cites se trou-
vent toutes situees sur la grande route circulaire qui joignait les parties de la pro-
vince les plus riches, les plus influentes et les plus populeuses. De meme que
I Pet. I, 1 enumere les pays dans lordre oil les rencontrerait un messager debar-
quant au point le plus eloigne de Rome, dans le Pont, ainsi les Sept Eglises sont
nommees dans I'ordre suivant lequel pouvait les atteindre, au long de cette route,
un messager parti de Patmos pour le continent. II debarquait naturellement au
grand port d'Ephese, pour aller au nord, par Smyrne, jusqu'a Pergame, le long
de la voie la premiere construite par les Remains, lors de Forganisation de la
province. De la, tournant au S. E., par le chemin des Postes imperiales, il pas-
sait successivement par Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicee, d'ou, par la
grande route centrale de FEmpire, le long des vallees du Meandre et du Caistre,
il pouvait rejoindre Ephese, laissant a chaque eglise une copie du message
johannique, et le soin de le divulguer dans les eglises avoisinantes. Mais d'ou
vient alors Fomission de Hierapolis, Tralles et Magnesie, ces deux-ci plus consi-
derables que Philadelphie ou Thyatire? Ramsay recourt a Fhypothese que FAsie
aurait ete divisee, des avant la composition de I'Apocalypse, en sept districts
postaux, oil les emissaires des grandes compagnies commerciales, imitant le
service postal officiel (qui ne servait qu'a F Administration), auraient depose leurs
messages. Tres vraisemblablement alors, chaque district devait avoir pour centre
une de nos sept cites : Pergame. pour tout le Nord, Troas, Adrumete peut-otre
et Cyzique; Thyatire pour un district interieur, au N. E.; Sardes, pour le reste
de la vallee moyenne de FHermus; Philadelphie, pour la Lydie superieure et la
Phrygie nord, dont elle etait « une porte » [Apoc. in, 8) ; Laodicee, pour la
vallee du Lycus et la Phrygie centrale, dont elle devint la metropole chretienne;.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 17
Ephese, pour le bassin du Cai'stre, les rives et les cotes du bas Meandre
Smyrne, pour la vallee du bas Hermus, et les cotes ioniennes du Nord. Le mes-
sager n'aurait pu aller lui-mέme a Troas, par exemple, sans allonger considera-
blement son chemin; mais Troas etait sur la route imperiale de Pergame h
Lampsaque. Magnesie et Tralles pouvaient recevoir la lettre d'Eph^se directe-
ment, longtemps avant que le messager suppose les traversal ; quant a Colosses
et a Hierapolis, leur voisinage de Laodicee rendait sufTisant de communiquer
I'Apocalypse a cette derniere. Ainsi, Ton aurait eu tellement I'habitude de penser
a ces sept villes pour le circuit, que Jean eut tout naturellement nomme celles-la
et dans cet ordre. Cela n'exclut pas, du reste, qu'il y ait eu plus de sept districts
et que Jean ait exclu tel ou tel nom moins important pour faire juste le nombre
sept. L'hypothese, seduisante, et admise aussi de S^vete, doitetre necessairement
completee par la supposition que Γ « Ange » de chaque eglise respective pouvait
otre considore comme resumant le caractere commun de toutes les eglises de
moindre importance qui s'y rattachaient dans la meme region.
EXC. III. — LA SIGXIFICVTION DES « A.NT.ES » DES EGLISES.'
Partout ailleurs οά Jean introduit des Anges — une soixantaine de fois ce
sont des etres personnels, des esprits celestes. En est-il de meme en ces trois
chapitres ?
lis ne sont point, en tout cas, identiques aux « sept esprits » de i, 4 ni de iii 1
ni de v, 6 (voir Comment, ad loc). 11 existe cinq especes dinterpretations,
classees par Bousset. Ce seraient : 1° ou bien des messagers (άγγελοι) des Eo-lises
aupres du Proph^te, soit envoyes reellement [Spitta, qui a cause de cela est gene
par le symbolisme des « etoiles » et I'attribue au « redacteur »), soit imagines en
vision [Ebrard); 2° ou bien des representants des communautes respectives,
comme les -|13S •'.T'Su; des synagogues, qui n'etaient toutefois que des ministres
inferieurs, des lecteurs pour la priere publique ( Vitringa, Schoettgen, Bengel,
Eichhorn, Heinrici, \oiv Lightfoot, Horae hebraicae, snv Mat. iv, 23) ; S-^ou bien
des anges gardiens, comme les « Princes » (nniir) de Daniel (x, 13; xn, i)^ et
les « 70 pasteurs » de la Vision des Animaux dans Hen. eth. c. 85-suiv., et le
Test. Nephthali heb. c. viii-suiv. Ainsi I'interprete Origene, qui trouvait naturel
que de bons Anges pussent s'attirer des bldmes [Horn, in Num. XI, k ; XX 3. k •
horn, in Luc. XXIII; De Oral. II; De Princip. I, 8). Les PP. grecs, en general
favorisent ce sens, ainsi Andre, d'apres S. Gregoire le Theologien, S. Greo-oire
de Nazianze. Or. xlii, 9; — Lightfoot (Comm. sur Ep. aux Phil.), Volkmar,
Hilgenfeld, Di'isterdieck, Alford, Holtzmann, Milligan, Calmes;k'' ou bien des
membres dirigeants de la communautd, les eveques ou lacollectivite dupresbytd-
rium, interpretation qui pent s'appuyer sur le symbole des « etoiles » pour les
docteurs [Dan. xii, 3), et sur Malachie, ii, 7; Aggee, i, 13 (Tj^Sa), al. Cette expli-
cation a ete surtout en vogue chez les Latins, depuis S. Augustin, Prim. Beds '
ellc est soutenue par Ewald, Joh. Weiss et le grand nombre des exegetes•
5' en(in Γ « Ange » pourrait etre la communaule elle-meme personnifiee. Ainsi
Bousset, qui rappelle Γ « Ange « de Pierre considere comme son double celeste,
d'apres Act. xii, 15.
APOCALYPSU DE SAINT JEAN. 2
j^g APOCALYi>eE I>E SAINT JEAN.
Si c'etaient des Anges gardiens (opinion 3), ce seraient des etree celestes, etdes
« etoiles » qui soiit siir la main du Giirist seraient leur representation. directe, 'βΐ
non un pur symbole comme leB «flambeaux » pour les eglises. .Alors,.en outre
de la difficulte qu'il y aurait k les rendre responsables des fautes de leurs pro-
teo-es humains, — idee moins digne de Jean• que d'Henoch, — comment seferait-il
que le Chrii^t eut besoin de Jean pour communiquer avec des esprits celestes?
Cette diffiottlte n'a pas echappe a Holtzmcmn, mais il y repond mal. Le contexte
des'chapitres it et iii invite done ouvertement a voir dans cbs « Anges ».q.uelque
realite humaine, qui, comme les eglises-flambeaux, n'existe dans le'monde divin
que par son idee, son symbole. Mais les opinions 1 et 2 sont artiiicielles et-insuf-
fisantes. Ce ne peuvent otre non -plus les « apotres des eglises »,car « άγγελος τής
Ικκλν,σίας .. lie pourrait signifier que « envoye par Teglise » et non « a I'eglise ».
Ilnoussemble done qu'il faut conclure par un compromis entre les opinions 3, 4
et 5. On pent prendre Γ « Ange », a\i Hort, daiis son-sens le plus obvie, mais en
le regardant comme un simple symbdle : ce n'est pas I'Ange gardien, esprit
independant et irresponsable de nos fautes, mais « Tesprit des eglises personni-
fie, I'image de leur vivante unite » (Idem Gebhaj'dt,.Swete, et ue.]kBeatus). Cette
vue pent se preciser en la combinant avec celle des Latins, d'Eivald, etc. Cet
esprit est comme incarne dans Les chefs, les eveques, qui sont iuterpelles aux
cliap. II et iii, non pour leurs fautes ou leurs merites personnels, mais comme
representants de leurs eglises respectives. C'est parce que les « Anges » sont
ainsi, en fin de compte, quelque chose d'humain, qu'ils ont seulement leurs
symboles pres du Christ glorifie, au lieu d'y sieger en personne. Ces symboles,
ces α "doubles » celestes des choses terrestres, etaient familiers a I'e&prit anato-
lien (voir Ramsay, Letters, ^^.Q2-63, apropos dun bas-relief de Koloe en Lydie,
de I'an .100 de notre ere). Si Jean a choisi le mot « d'Anges », c'est a cause de
Lhabitude apocalyptique (cfr. Daniel et Henoch), ,mais il n'aurait plus pense
qu'aux realites .figurecs :sans s'occuper des fLgures, qui.n'etaient que des figures,
ni chercher a rendre le contexte coherent avec la figure choisie. C'est un bel
exemple de symbolisme a plusieurs etages, en cascade, pour ainsi dire : Etoile
= Ange = [Vrelat] = conimunaute caracterisee par I'espril qui ij prevaut, le
troisieme membre etant seulement implique et sous-entendu dans le passage du
double symbole, Etoile et Ange, a ia realite symbolisee (Introd., ch. vi). Ainsi
que le dit And,re, «a travers I'Ange le Christ s'adresse a I'Eglise, comme §ii
παιδαγωγού τω τταιδαγοιγουαένω », et c'eSt le corrcctif sous-eritendu qu'il faut apporter
a I'opinion 3, chez la plupart des Grecs.
II. LES LETTRES AUX SEPT EGUSES
(c. II-IIl).
IjiTrod. — Ces deux chapitres contiennent Vaccomplissemenl de la mission dejean,
en sa premiere partie qui est de reveler aux eglises « α 5Ϊσίν » (/, 19), c'est^a-dire sur-
tout leurs merites ou demerites actuels, leurs dangers presents, et les secours, les clia-
timents, les recompenses que leur prepare le Fils de I'Homme. Avant de predire les
periL• exterieurs [ΙΎ-ΧΧ), il fallait purifier et fortifierJes ames. Les perspectives esch a-
tologiques n'y sont pas saillantes, elles sont fondues avec les proniesses ou les menaces
faites pour la vie d'ici-bas icontre la plupart des liberaux, €t Fabre, « I'Ange et le
Chandelier de I'Eglise d'Ephese », R. B, avril 1910). Ces chapitres meritent d'4tre
egales aux plus belles pages du N, T,: la jconscienee de I'dnspiration divine chez celu
qui quizes aJcriles s'y revele, dit Joh. Wei&s, « a tout homme capable de sentir ».
Plan des 7 Lettres. Toutes sont construites sur le meme plan, et la symetrie est a
peu pres parfaite. Chacune commence par « Τάδελ^γ-ει », ayant,pour sujet le Christ,
designe par un de ses sept allributs, par celui qui, semble-t-il, est le mieux en rapport
avec la condition speciale de chaque eglise. Toutes se terminent par une promes.se
finale, qui repond aus^i, d'une maniere plus ou mains directe, a I'atlnibut proelame.
Dans le corps de chaque lettre, I'ordre^st encore le md me . Les paroles du divin Auteur
commencent toujours par οίδα; puis il enumere les merites ou les fauies, avec I'eloge
ou le blame qui convient: ensuite vient un avis pour le present ou I'avenir immediat.
Dans la formule finale, c'est Γ « Esprit ^) qui parle, το πνε,ΰμα au singulier, c'est-a-
dire le Saint-Esprit que possede Jesus {V, 6);et cette reduction au singulier eon firme
Vinterpretation que nous avons donnee des Ι-τα 7:^zU[j..(x.toi (./, i), lesquels ne sont que
I'Esprit un en soi ct multiple dans ses operations. Cet Esprit apparait ici comme une
personne. Ses proniesses s'adressent chaque fois a toutes les eglises indistinctement,
ταΤς εκκλησία ι ς, ce qui montre bien que chacune des leltres etait destinee a toute
I'Asie, meme a I'Eglise en general, done quelles n'ont jamais etc separees. Ces
promesses sont toutes soulignees par un appel de tournure eV«n^e7i</Me δ Ιχων.ους...,
lequisl^hs suit dans les ij'ois premieres lettres, el les precede dans les quatre aut?\es
{3 -\~ύ, liiTRQD. ch. VII). Elles s'adress.ent tautes au .« Vainqueur » ό νιχώιν, τω νικώ ν τι,
autrement dit a tout chrelien fidele, et nan seulement aux martyrs, dont il est peu
question dans cette partie (contre Joh. Weiss).
.Doctrine. Elles presentent b.eaucoup de resscmblances de fond et d'expression avec
le r-e&te du N. T. : avec la tradition synoptique, avec Col. et Thess, sans parler
de paralleles remarquables avec Jac. el I•"» Pet. La chri&tologie suppose celle de
saini Paul; Jean depass.e mdnie celui-ci dans I'affirmation claire de la divinite de
Jesus, et Bousset a pu dire qui! offre la christologie la plus avancee du JV. T.; cela
est vrai pour I'expression, en exceptant, bien entendu, le Quatrieme Evangile. Ainsi
quen ce dernier ecr.it, I'objet principal des promesses est la vie de la grace, la
« vie elernelle » de I'Evangile, commencee -des ici-bas, et qui ne fera que s'cpanouir
dans sa plenitude apres la consommation. L' <.<. anbre de vie », la « manne t, le
« repas » font penser a I'Eucharislie. Jesus se donne lui-meme an croyant [V « etoile
du matin », //, 28, v. ad loc.) et tous les autres dons ne sont qn'une forme, un aspect
du don de sa personne. — Tout indique du reste que iauteur est un chretien d'originc
semitique; en plus de son style, il y a ses innombrnbles reminiscences de I'A. 7.,
qui ne sont pas des citations a praprement parler, mais nwntrenl un homme tellement
20 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
A. Lettre a Ephese (ii, 1-9).
Ch. II 1. Τω οι^ρ(έΧ(ύ* της έν Έφεσω εκκλησίας γράψον*
Τάοε λέγει ό κρατών τους έπτα αστέρας έν τη δεξία αυτοΰ, 6 -Γτερ'.ττατόίν έν μέσω
των έπτα λυχνιών τών χρυσών* 2. Οιδα τα έ'ργα σου και τον κό-ον και την ύζομονήν
σου, και οτι oj δύνη βαστάσαι κακούς, και έπείρασας τους λέγοντας έαυτοΰς αποστόλους
*καΙ ουκ ε'ισίν, και ευρες αυτούς ψευδείς. 3. Και ύπομονήν έ'χεις, και έδάστασας δια
το ονομά μου, και οΰ *κεκοπίακες. 4. Άλλα έ'χω κατά σου, οτι την άγάπην σου την
nourri de la Bible que les expressions les plus caracteristiqi(es en i'ienncnt tout natu-
rellement sous sa plume; ποιμανεΓ (II, 27), suppose V usage des LXX.
Circonstances historiques. Voir Introd. ch. i et in. Les dangers des eglises soni
plutot interieurs qu'exterieurs (v. Excursus xi sur les « Nicolaites »). // n'y a encore
qu'une allusion voilee au culte des empereurs, el la persecution est plutot future. Nous
avons fait voir que tout indique la fin du L•^ siecle. Jean connail parfailement I'histoire
de ses cites; c'est done quily avaitdeja fait un long sej'our. Nous admettons i>olontiers
que la personnificaiion des communautes par leurs « Anges » (v. Exc. in) favorise
I'idee qu'il y avait partout un episcopal monarchique . Ephese ne fait pas objection,
car cette eglise pouvait acoir un die f local distinct de I'Apotre, ou du mains quelquun
avait du y remplacer Jean exile. Cfr. le Diotrephes de III Joh. v. 9.
Langue. A part un tres petit nombre de particularites qui s'expUqucnt aisement
parce que ce sont des epitres, et nan des recits, la langue a une grande homogenaite
avec celle du reste de ΐ Apocalypse. Bousset la parfaitement etudiee. Si ces cliapitres
sont dcrits, comme on le dit souvent, dans un grec plus uni que les autres, cependant
il s'y rencontre plus dune anomalie caracteristique qu'on retrouvc ailleurs. Ainsi
les defauts d'accord, qu'on peut ordinairement s'expliquer comme des sortes de
parentheses ou d' exclamations d'un ecrit pensc et ecrit par saccades, pour ainsi dire,
et qui n'a pas ete corrige (II, 18; 20, etc.). Les anacoluthes comme II, 20, les nomi-
natifs absolus (o νικών ... δώσω αύτω), qu'explique egalement la vivacite de la pensee;
I'absence de copules (I, 4; If, 13), le pleonasme du pronom personnel avec le relatif
{III, 8), qui est un « hebrai'sme », au t7wins au sens large (Introd, ch. X, II),
tout cela se retrouve ailleurs dans le livrc. Pour la construction, presque toujours ici
I'adjectif est muni de I'article et suit le substantif. Les places respeclives du sujet
et du verbe varient; le regime direct substantif precede six fois le verbe. Notons encore
Ζ'έκ pariitif employe comme regime direct, et un emploi singulier du verbe δίδω μι.
Nous verrons plus loin les particularites du vocabulaire. Les particules sont^plus
varices qu'ailleurs : δέ (5 fois), kWi [8 fois), ουν (6 fois, absent dans le reste du livre).
L'auteur choisit les temps avec une assez delicate exactitude. En somme, celte langue
est peut-otre un peu plus soignee que dans les autres parties, quoique la derniere
tnain n'y ait pas ete mise; mais elle demeure foncierement la manie, et reproduit
les plus notables particularitos \de I'ensemble. Cest surtout avec la derniere partie
(XXI-XXII) qu'il y a de frappants rapports d'idee et d'expression.
Origine; sources? Faut-il atlribuer a ces lettres une source speciale? les observa-
tions precedentes suffsent dej'a a dieter une reponse negative. Spilta veut les consi-
derer comme de veritables lettres, envoy ees respectivement, avec le corps de I' ecrit,
a chacune des communautes ; nous ne pouvons I'admettre, car elles forment un tout,
intimement lie a la vision d'introduction I, 9-20. De plus, il regarde toutes les pro-
messes de I Esprit (II, 7; 11; 17; 26; 29; III, 5-6; 12-13; 21-2-2) comme une addition
du dernier redacleur a I'Apocalypse chreiienne de Ian 60; Erbes attribuc les mcmes
I
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
21
Ch. II. 1. Al'Ange de Teglise [qui estj k Eph^se, ecris :
« Voici ce que dit Celui qui tient les Sept Etoiles dans sa droite, qui
marche au milieu des sept flambeaux en or : 2. Je connais tes oeuvres, et ton
travail et ta patience, et que tu ne peux supporter de mediants; et tu as
eprouve ceux qui se disent apotres — et ils ne [le] sont pas! — et tu les as
trouves menteurs. 3. Et tu as de la patience, et tu as eu a supporter pour
men nom, et tu ne t'es pas lasse. 4. Mais j'ai contre toi que ta charito pre-
i>ersets {sauf III 21-22) a sa derniere Apocalypse, de Ian 80. Joh. Weiss a suwi
ces auteurs et doiite meme du caractere primitif de I, 6, sur les NicolaUes. Ce seraient
la des additions de son habile « redacteur » a I'Apocalypse ancienne de Jean; en effet,
I'Esprit, c'est-a-dire I'ecrivain, se met a parler a la place de Jesus; il s'adresse a
toutes les eglises, et non plus a iine seule; il ne pense plus qu'aux martyrs (νικών,
les Chretiens etant vainqueurs par leur mort sangiante, co>nme le Christ, qui a ainsi
vaincii le monde), tandis que la partie primitive, Johannique, des lettres, n'aurait pas
parle de dangers exterieurs. II faut, pour soutenir une pareille opinion, qu'il neglige
les explicites avertissemenls a Smyrne, a Pergame et a Philadelphie. Enfin les formules
finales sont tout a fait stereotypees, tout cela indiquerait une dualite de sources.
Les autres critiques (Weizsacker, Schmidl, Volter, Vischer, Weyland), respectent
I'intogrite des lettres, mais les attribuent au « dernier redacteur », le m4me qui, pour
Weiszacker et Vischer, a ecrit V epilogue XXII, 6-21. Briggs les fait paraitre, sous
Galba, ai'ec la triple Apocalypse des Sceaux, des Trompettes et des Coupes.
A tons, et particulierement a Joh. Weiss on doit repondre avec Bousset : i°) la
fin des lettres n'est pas plus stereotypee que leur debut, et la combinaison 3 + 4
des formules finales indique simplement que la meme main est ici a I'oeuvre que
dans les chapitres des Sceaux et des Trompettes (Imtrod. ch. VII); 2°) il est faux
que les promesses de I'Esprit n'aient pas de rapport au contenu precedent; 5°) les
nombreux rapports des formules finales au reste du livre indiquent que le reste et
les Lettres sont d'une meme main; 4°) dans les formules d introduction, le rapport
a ce qui suit nest pas touj'ours beaucoup plus clair que celui des finales; il faudrait
done nier celles-la aussi; 5°) les ressemblances avec les Synoptiques et les Merits
johanniques ne sauraient etre une objection, elles montrent seulement la date tardive
de la composition; 6°) enfin I'extension des promesses a toutes les Eglises ne domontre
qu'une chose; c'est que, malgre Spitta, les lettres ne sont pas de vraies epitres separees,
mais etaient destinces des le commencement a la lecture publique dans toutes les
eglises; chacune, en effet, represente un aspect concret des mSmes verites, touj'ours
typiques pour toute I'Asie chretienne. Notre commentaire etablira tous ces points.
A. 1. τω έν pour της Iv, dans A et G, al. syr. grec parait a W-H etre la le?on
originale dans les sept en-tetes : « the angel that is in Ephesus, [the angel] of a
church )) {Ilort); Swete I'admet ici et n, 8. Avec tous les autres nous conservons της,
beaucoup mieux atteste et plus naturel; voir cependant comm. de ii, 18, A. B. —
κρατών, plus fort que έχων.
Β. C. 1. Cfr. I, 1.3, 16, 20. Jesus va se manifester k chaque oglise avec quelque
attribut de la vision precedente. Ici il se donne comme present personnellement au
milieu des oglises-ilambeaux (ττίοιπατών), comme tenant dans sa main tous leurs
« Anges », leurs esprits, parce que Ephese etait la premiere et la plus ancienne de ces
Eglises, en quelque sorte une metropole qui contenait en soi toutes les autres [Hort).
Ainsi chaque attribut semblera choisi pour repondre k quelque trait de I'eglise en
cause.
22 APOCAL-iTSE DE SAIXT JBAX.
πρώτην *άφ•^κες. 5. Μνημόνευε cuv ττόΟεν *x6-r:-o)/.=c, κα'. ίΛετο^νίν^τον, και τα ττρώτα
δργα πείτ^σον. Ε! αέ; μ,ή,.ερ^τίμ,αί* 70λ καΐ κινήσω r/;v λυχνίαν σ^υ έκ τοΰ τόπου α!»της,
έαν μή μεΓοκ/οή(Γ^ς^ 6. Άλλα τσδτο' εχεες,. στι. μισείς- τα έργα των Νικ^λαϊτών, ώς
/«γώ μισώ. 7ι. Ό έχων ούς-άν,ζνσάνω τι το: ττ-ιεΰμα λέ^^ει ταίς έκκλ-ί'^σίαις" Τω νικώντι
δώσω αατω φαγεϊν. έκ ταυ. ξύλου, της ζωής:., ό έστιν•έν•τω παρ-αδ^ίσιο τοο θεοΰ.
— ^— Α. Β. 2. Οίδα, au lieu de γινώσχω qui n'est jamais dit du Christ dans VApoc.,
exprime mieux ie caractere absolu de sa science {Stveie); cfr. Abbott, pour les deux
mots dans le I V^ Evaugile. — κόπος e,t ύποιχαντί sont les deux especes d'k'pYa [Bouseei),
les Λ-ertus d'activite et d'endurance. Pour ces deux mots, cfr. L These, i,. 3. — /.at ούκ
είσίν est plutot une garenthese qu.'uue anacoluUie; 3fr. i,5-SLuiv., etd'autres passagpes
que. nous trouverons. Pour les « faux apotres » cfr. II Cor. xi, 5, 13; Gal. i, Didache
XI, 4-6.
G. 2, Ces (( faux apotres » doivent comprendre lesi « Xicolaites » duv.6. Les apitres
a Timothee montraient deja des essais de gnosticisme (judaiaaat) k Ephese. Ignace
lone aussi cetle eglise d'avoii' ferme ses oreilles aux faux docteurs• {Ign: ad Epii. vii, 1;
XIX, 1). EUe a pu « supporter le fardeau de la persecution rjr:o;j.o,vr^, ^ίάατασας. du v. 3),
mais non celui d'hommes et, de. freres perver.tis » {FL•rt). Pa.uL s'etait deja attaque a de
&emblables gens; il n'y a done ici, contreLes Tubiagiens que Volter en a crus, aucune
trace d'anti-paulinisme ; Renan s'est passe la faotaisie ebionite d'identifier « Niftolas »
a saint Paul.
— — A. 3. κεκο-ιαχες (Introd. ch. x, § II) a ete. corrige en. έκοπίασα^ dans Orig., κ,
la rec. K; ailleurs en κίζοπίακαί. Nous admettons cette fautfr vulgaire, avec Moidton,
et tous les critiques.
— — A. G. 4. άφηκες, autre vulgarisme, S€ lit η et G ; nous- le coiiservonsy quoique
B.. Weiss et Soden adoptent la correction άφηκας. Ce qui est reproeha par le• Chrisb,
c'est probablement la. baisse de L'eiitliousiasnie religieux {7o7/- Weiss], de la fraternite
chretienne [Hon).
— — — A• C. 5. πέπτο^κεί de ii a ete corrige en πέπτωκας ou. Ικπέπιωκας dans les autres
mss., mais il est admis des critiques, excepte Weymoui/i et B. Weiss^ — "Ερ/^ομαΙ σοι,
« dativus iacommodi » (Lntjiod.. ch. x,. | II). Orig. et And. le font ssiivre de I'adverbe
τα/ύ, sans doute par assimilatLon a ii, 16 ; iii, 11, et au chap. xxii. — Le deplacement du
flambeau de cette eglise qui a ete nommee la premiere de touies> signifie que la com:-
raunaute dechoira de son rang, fauie de cliarite, ouin.emedisparaitra [Moltzinann)..Q' est
d£ meme une menace temporelle, pour la plupart des exegetes; Andre y voyait ra^me
une prophetie de la translation de la primaute a Constantinople! En tout caa, c'est
bien, contre Calmes, le Christ qui parle, et non pas Jean qui menacerait Ephese d'une
sanction disciplinaire, de transporter ailleurs le siege episcopal (vid. infra).
• B. G. Les « Nicolaites » sonLa comparer aux Bileamites et a Jezabel des-lfit-
tres suivantes (voir Excursus xi).
,^___ A. B. 7. Remarquer la tournure pleonastique τω νικώντχ (νίΛοΰντι dansi A,
Ikt. g. X, p. CLxxxvi) δώσω αύτω,, qui se. retrouve (resp. 6 νικών. Ιλ-thod., ch. x, | LL) a la
fin des autres lettres. — Ό ε/ο^ν οίζ pent 6tre une reminiscence des appels du Seigneur
dans I'Evangile; cfr. Mat, xi, 15; xiii,. 9, 43;. Mo/'c, iv, 9, 23; Luc, viii, 8; xiv, 35.. —
To πνεΰαα,, cfr. les επτά πνεύματα.. — Le mot vixw, employe ici au sens absolu, peut
repondre a Thebreu Si*", sL Γολ s,'en rappjorte a v, 5. II est specifiquement johannique,
(cfr. Joh. XVI, 33; I Jo/i. n, IS-suiv.; iv, 4; v., 4r9uiΛ^) et reparaitra a la fin de toutes
les lettres, puis v, 5; xii, 11; xv, 2.; xvii, 14s x^, 7. — εκ του. ζύλου της. ζω»??, emploi
de έκ pour le simple genitif partitif, hellenistique et particulierement johannique
(IiSTROD., ch. X, §§ I et II); « I'arbre de vie qui est dans le Paradis de Dieu », cfr. Gen.
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
23
miere, tu [V] as relaehee. δ. Souviens-toi done d'ou tu es tombe, et convertisr
toi; et les premieres oeuvres, fais [-lea de nouveau]. Sinon, je viens έ, toi;
et je derangerai ton flambeau de sa place, si tu ne te conveutis. 6. Mais tu
as ceci [pour toi], que tu hais les oeuvres des Nicolaites, comme moi aussi
jepes] hais. 7. Gelui qui a des oreilles, qu'il entende ce que FEsprit ditaux
J^glises : Au victorieux, je lui donnerai a manger de FArbre de la vie, qui
est dans le paradis de Dieu. »
II, 9; Ezech. xxxi, 8; idee tres frequente dans les Apocryphes : Hen. et/i. xxiv, 17;
XXV, 3-7; cfr. lxxvi-lxxvii; Hen. si. viii-suiv., au troisieme del; Apoc. Pet., vv. 15-16;
Vita Adami et Evae, c. iv, et Apoc. Moi'se, ch. xxvni; mais non Ps. Sal. xiv, 2 τα
^ύλα της ζωής δσχοΐ χύτοΰ, οΰ I'idee est tout autre. Voir encore Od. Sal. xx, 7-θ, ού
I'lmagO est rapportee, comme ici, a la vie spirituelle. Reparait Apoc. xxii, 2.
G. 7'. L'Esprit qui parle est le Saint-Esprit personnel, envoye par le Christ, et non
pas seulemeut Γ « esprit » communique au prophete, puisquUl s'attribue I'oeuvre
divine de la retribution : « Au vainqueur, /e lid donnerai... -/> Selon les ideos juivoa,
attestees dans nombre d'xVpocalypses (Lnt., ch. v,,,§ III), le Paradis et I'arbre de vie
devaient reparaiti-e a la fin des temps, pour la jouissance des elus. Gressmann
(Ursprung, p. 220), Bousset, etc., y voient une theorie eschatologique probablement
elaboree chez un peuple etranger, sans doute a Babylone. Dans notre verset, le sens
eschatologique n'est pas exclusif, ni meme dominant. Π s'agit bien du retour au Para-
dis, mais c'est une pure image ; et des ici-bas, le Christ et I'Esprit nourriront les Chre-
tiens fideles de I'aliment qui donne la vie (cfr. le « pain de vie » Joh. vi) et reveillera la
charite qui s'etait assoupie a Ephese. Bede : « Lignum vitae Christus est » Andre :
c'est la \\e eternelle, laquelie est le Christ. Id. Denys bar Salibi. — Ce verset,
comme toutes les clausules similaires, fait corps avec la lettre, et n'est pas seulement
un commentaire des paroles du Christ inspire a Jean. Ce qui a eto dit a une seule
egli&e est etendu et generalise pour I'instruction de toutes [Prim, Bede.; Swete et les
autres modernes pour la plupartj. Des considerations intrinseques, aussi bien que
I'analogie des six autres missives, nous empechent de voir seulement ici des biens
eschatologiques (cfr. Fabre, RB. L'Ange et le Chandelier de I'Eglise d'Ephese, avril
1910). Voir Exc. ci-dessous.
EXC. IV. — EPHESE ET l'eGLISE d'ePHESE.
11 nc reste plus d'Ephese que le village d'Aya-Soluk (αγ(ος Οεόλογο;), avec de
considerables ruines deblayees par rinstitut archeologique autrichien, au milieu
desquelles Wood, en 1869, a decouvert le fameux temple d'Artemis. C'etait
pourtant alors la ville principale de TAsie Mineure, situee au bord d'un golfB,
avec un port considerable qui en faisait « le principal marche de I'Asie en dega
du Taurus » (Strabon xrv, 24). Mais les alluvions du Gaistre ensablaient conti-
ruellement ce golfe, en sorte qne la cite, qui, depuis sa fondation par des colons
ioniens ou altiqnes, vers 1100 av. J.-C, s'etait deja deplacee plusieurs fois, et
courait apres la mer, a fini par s'arreter an milieu de la plaine grandissante, et
disparaitre. Au i" siecle, elle formait le centre des grandes communications
inteniationales entre Fltalie, Marseille, la Grece, TEgyple d'une part, I'Euphrate
etlOrient de I'aulre. Ses industries etaient florissantes, sa civilisation raifmee.
Patric du philosoplie Ileraclite, qui, le premier dans Thistoire, a parlo du λόγος
divin, elle complait encore nombre de philosophcs et de rheteurs, des ecoles de
24 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
peinture et de sculpture. La politique municipale y etait tres vivante; et la pre-
sence d' « Asiarques », au temps ou saint Paul I'evangelisa {Act. xix, 31) montre
I'importance qu'elle avait pour le Κοινόν, ou « Commune -> d'Asie, done son
influence sur le gouvernement de toute la province. S'il n'est pas sur que le
proconsul y residat regulierement avant le regne d'Hadrien, du moins elle etait
la ville la plus importante, la capitale de fait, et pouvait disputer a Pergame le
titre de « metropole ».
Mais sa celebrite religieuse etait plus grande encore. De toute antiquite, et
malgre Fintroduction d'Athene par les Grecs, Ephese avait ete la cite d'Artemis
— une Artemis barbare. anatolienne ou hittite, qui n'etait quune forme de la
« Grande Deesse » commune a tons ces pays, et dont les images, avec leurs
multiples rangs de mamelles et la gaine qui entourait les membres inferieurs,
n'etaient pas du tout helleniques. Les relations commerciales en avaient ropandu
le culte jusquau pays de la Mediterranee occidentale; elle etait celle « que toute
I'Asie et le monde civilise adorent » {Act. xix, 27). Ephese etait done une vraie
metropole religieuse; son Artemision, une des d 7 merveilles du monde » ; de
plus, la magie y florissait, comme Tindiquent les Actes eux-memes (ch. xix, 19),
et les formules incantatoires, dites εφέσια γράμαατα, si celebres dans toute I'anti-
quite. Le culte imperial y avait ete etabli des les premieres annees d'Auguste,
par un autel erige a I'empereur dans I'enceinte meme du temple d'Artemis, fait
qui prouve que cette nouvelle religion, loin de se poser en rivale, tendait, la
comme ailleurs, a s'appuyer sur les cultes locaux. Mais ce n'etait encore qu'un
culte municipal; plus tard seulemenf, sous Claude ou Neron, puis sous Hadrien,
et sous Septime-Severe, Ephese eut ses temples provinciaux a I'Empereur, ce
qui la fit trois fois Λ'εοΊχορος.
Saint Paul evangelisa Ephese, on sail avec quel retentissant succes. Saint Jean
dut s'y etablir apres la mort de I'Apotre et le depart de Timothee. Dans la vision
de Patmos, le Christ se revele a cette metropole, tant administrative que chre-
tienne, comme Celui qui est le vrai et I'unique Chef de toutes les eglises. II la
loue de son orthodoxie, qui est attestee aussi par la lettre d'Ignace; en effet,
Ephese avait du etre particulierement tentee, car sa situation faisait que beau-
coup de predicateurs itinerants, « apotres » suspects, passaient par la, pour
combattre I'oeuvre de Paul ou pretendre la perfectionner; mais les Ephesiens
avaient su les juger a leur juste valeur. D'un autre cute, si la ferveur diminue, si
1 enthousiasme se refroidit, comme on en a deja lindice dans les lettres a Timo-
thee, I'influence d Ephese, comme eglise-mere de I'Asie, disparaitra; le ο flam-
beau » ne brillera plus au premier rang. II vaut beaucoup mieux interpreter ainsi
la menace, que de la traduire avec Grotius et Ramsay : « Je deplacerai encore
ton site, je ferai ta population sen aller ailleurs », malgre la possibilite qui sub-
siste d'une allusion ingenieuse aux deplacements successifs de la ville; car ce
n'est pas la une peine spirituelle qui eut atteint directement I'Eglise. Le texte ne
parle pas non plus d'extinction du flambeau, d'apostasie ou de reprobation, ce
qui paraitrait disproportionne a la faute. Quant a la promesse des fruits de
Γ « arbre de vie », elle est doublement bien appropriee; de meme que I'humanite
sauvee trouvera le bonheur, symbolise par le retour au Paradis de la Genese,
ainsi ceux qui ne laisseront pas glacer leur ferveur primitive, qui « vaincront » la
roideur contagieuse et se remettront a leurs « premieres » ojuvres, goiiteront
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 25
dans toute leur deiice les fruits de Γ« Arbre de vie », symbole de la nourriture
spirituelle, du sacrement de la charite dont ils ont apprecie la douceur aux pre-
miers temps de leur conversion. Ajoutons que cette image, quoique biblique,
n'etait nullement incomprehensible pour des Grecs et des Anatoliens : les mon-
naies memes d'Ephese, avant Alexandre, portent un arbre sacre associe a Arte-
mis (Voir Ramsay. Letters, ch. xvii, Ephesus the city of Change).
B. Lcttre a Smyme.
A. B. C. 8. Encore τω au lieu de της dans A, admis ici de S^^'ete, et etendu par
W-H, aux sept lettres; — άνέζησεν pour Ιζησεν, correction inutile dans Av56-49-2023,
et 1073. — νεχρος... εζησεν, cfr. i, 17; Rom. xiv, 9. — πρώτος (πρωτότοκος A) /.α\ εσ/^ατος,
voir I, 8. Ces expressions montrent I'egalite du Christ a Dieu; ?ζησεν aoriste, au
lieu de 1% ζων εατ:, attire I'attention sur le fait et le moment de la resurrection
(Bousset, S(i'ele).
^— — A. B, 9. Ti έργα χα•.... apres οΤδα, dans X, Q, And, syr., arm., Arethas. —
Remarquer les deux parentheses energiques, certaines ici, qui montrent le style de
i'auteur, et peuvent servir a interpreter ailleurs d'abrupts changements de construc-
tion, ainsi ii, 2. — tjv. τοΰ Σ.., cfr. πι, 9 contraste voulu avec la συναγωγή τοΰ θεοΰ, de
Num. XVI, XX, XXXI, συν. δσίων. Ps. Sal. xvii, 16; cfr. pour le sens Joh. viii, 4. Les
« vrais Juifs » sont les Chretiens, Rotn. ii, 28 ; Gal. vi, 15. — « Le Premier et le
Dernier » cfr. xxii, 13 — εκ pour le genitif de sujet, Ιλτκοο. c. x, § II.
G. 9. Le Martyre de Polycarpe revele la puissance des Juifs a Smyrne, encore
cinquante annees plus tard. Voir Ign. ad Smyrn., Schiirer iii, pp. 11, 39, 54. L'auteur
estime le nom de Juif, et Bousset a tort d'opposer son attitude a celle du IV^ Evangile.
(Voir Joh. I, 4 : « les siens (c'est-a-dire les Juifs) ne I'ont pas regu » et iv, « Le salut
vient des Juifs ». 11 pent y avoir rapport entre la « tribulation » et Γ «indigence »
qui fait que I'Eglise a ainsi plus de peine a se defendre des persecuteurs. Cette lettre
est juste I'inverse de celle a Laodicee.
— ^ A. B. C. 10. Mt5 au lieu de ψφί-ι : A, Q, And. al. C'est probablement pour
corriger la dure construction, qui met S pluriel en accord ad sensiim avec μηδέν. —
έξ υμών, regime direct, tournure johannique, Ιχτ. ch. x, § II — δη ajoute apres ίδού
(Q et rec. K), serait unique dans I'Apoc. — Le present ε•/ετε, qui modifie le sens,
dans C, P, Av20-rl-l••, al578-12-181; εχητε, admis de Stvete, dans A, Av 30-36-2019,
α 203-81-203, Prim. — διάβολος, cfr. κατη'γωρ de xii, 10. — στεφ. της ζωής, cfr. Jac. I, 12 :
I Pet. V, 4.
C. 10. /o/i. Weiss voudrait attribuer arbitrairement ce verset au « redacteur », car,
selon lui, I'ecrit primitii'de Jean ne supposait pas rimminence de persecutions violentes.
Les « 10 jours » signilient une courte duree {Arethas : εφη'μερος, Bousset, Calmes,
Swete, etc.) Si\'ete croit cette expression inspiree materielleinent de Dan. i, 12, 14,
quoiqu'il s'y agisse de tout autre chose. La courte duree doit elle-m§me etre un
symbole de Timpuissance des attaques du mauvais (Introd. ch. v, § II). Aussi Bede
I'entend du temps entier de cette vie d'epreuve, et cherche un rapport — bien detourno
il est vrai — avec les Dix Preceptes du Decalogue. Beatus : les 10 persecutions. —
Les calomnies des Juifs (cfr. Marl, de Polycarpe) seront cause de cette persecution,
qui sera sanglante, car lemprisonnemcnt pent tres bien presager la mort (Ramsay).
La « couronne », ici, est signe, non de royaute, mais de f6te ou de victoire. C'est une
image empruntee aux Jeux publics {Calmes), mais qui peut trfes bien avoir un rap-
port topique, comme γίνου πιστός, avec les gloires particulieres de Smyrne (v. E.vc. V).
— — A. B. C. 11. ού μη, formule tres solennelle do negation, que nous avons
rendue par ne.. jamais (I\tuod. ch. x, ii). — άδ•.κεΓν, au sens transitif, cfr. Apoc. vi, 6,
26
APOCALYPSE ΓΤΕ SAIXT JEAX.
C. H. 8. Και τω άγγέ/.ω *ττ,ς εν Σμύρν/; έλ/.λτ,σΐας γρ2ψ:ν'
Τάδε λέγει 6 ■ττρώτος •/.«'. ό έσχατος, ic έ"/•ε'νετο νεκρός- /α', εζησεν' 9. Οΐ5α σου
τήν Ολιψιν κα• τήν τ:το>'/είαν, άλλα ττλούσιος εΐ, καΙ τήν βλασ3••^;Λίαν *έκ των λεγόντων
Ιουδαίους, είναι εαυτούς, κα-. ουκ ε'.σίν, άλλα συναγο)γή του Σατανά. 10. *Μγ;δέν
ψο&οο, α μέλλεις πάσχειν. Ίδου μέλλει βάλ/.ειν ό διάβολος *ές υμών εις φυ^.ακήν
ινα χειρασΟητε, καΐ *εςετε Ολϊψιν ήμερων δέκα. Γίνου πιστός άχρι θανάτου, και δώσω
σοι τον στέ&ανον της ζωής. 11. Ό έχων ους άκουσάτω τί το πνεύμα λέγει ταΐς έκκλη-
σίαις" Ο νικών *ού μή *άδικηθη *έκ του θανάτου του δευτέρου.
VII, 2, etc., et son emploi Άχι passif, sont classiques; le sens e&t « le&er », Platon,
Arisiophaiie, Thucy elide, Xenoplion. — έκ signifiant la cause ou Tinstrument, Iktrod.,
ch. X, §§• i-ir. — La « Deuxieme Mort », cfr. Apoc. xx•, 6 signifie la perte de Tame,
« la mort'dont il ny a pasde resurrection » [Joh. Weiss); I'expression se trouve Targ,
in Ps. xLix, 11 et Targ. Hierus. in Deut. xxxiii, 6, au m^me sens ; mais les passages
de Philon et de Plutarque cites par Hon ont un sens different. Cette « Deuxieme
Mort » dont sera preserve le Vainqneur s'oppose a la premiere mort, a la mort
corporelle, que quelques-uns des Smyrni'otes vont peut-etre bientot subir comme
martyrs. G'est pourquoi le Christ s'est presente a cette eglise comme le principe et
la fin de toute vie (ό π-ρωτος καΐ ό εσ/ατος), comme celui qui a passe par la mort pour
vivre dans la gloire.
EXC. V. SMYRNE ET LEGLISE DE S.MYP.XE.
Le grand port de Smyrne, qui etait alors le plus important apres Ephese,
est situe au Nord de celle-ci, au pied de la chaine du Tmolus. C'est un des plus
seduisants sites du nionde, et, entre toutes les villes d'Asie, Smyrne se declarait
sur ses medailles « la premiere pour la beaule ». C'etait, d'apres JElius Aristide,
TO της Άοίας άγαλυ.α, que le zepliyrc eiitreteiiait « fraiclie comme un bosquet ».
Rams^iy etablit, d'apres les discours de ce rheteur, et d'Apollonius de Tyane,
que I'expression « la couronne de Smyrne » dcvait etre courante de ce temps-la
pour designer les magnifiques constructions entourant la hauteur qui domine
la cite a I'Est, pareilles a une guirlande de fleurs posee sur le front de Γάγαλμα,
I'idole de I'Asie, assise comme a un banquet perpetuel.
Smyrne avait connu pourtant des vicissitudes. Colonie eolienne, puis ionicnne,
fondjee vers I'an 1000, et patrie traditionuelle d'Homere, elle disparait quelquc
temps de Llustoire, apres sa destruction au, debut, du vi* siecle par Alyatte et
les Lydiens. Mais les diadoques Antigone et Lysimaque la restaurerent, et la
cite ionienne, redevenue florissante et splendide, s'unit dune alLance etroite el
durable avec Rome centre les Seleucides. De la I'epithete de « fidele », quitenait
fort au coiur de ses citoyens.
Cette fidelite se traduisit, malheureusement, par un grand zele pour le culte
imperial; des 195 av. J.-C, au temps de la pleine puissance d'Antiochus le
Grand, Smyrne avait erige un temple a la « Deesse Rome » ; voila pourquoi,
en 20 de notre ere, elle fut preferee par ses maitres a Epliese et a Pergame pour
Tereclion d'un Augusteum a Tibere, a Livie et au Senat (Γα(•Λβ, Annales, iv, 15).
Le Κοινόν d'Asle y celebrait des fetes periodiques en I'honneur des Augustes, et
c'est a. cette• occasion que saint Polycarpe, — qui peut-etre en etait dej^i I'eveque
Al'OGALYPSE DE SATXT JEAN. 27
C. II. 8. Et a I'Ange d« TEglise [qui est] a Srmyrne, ecris :
« Voici c.e que dit le Premier ert' le Dernier, qui s-'est trouve mort et a
[rftjvecu:. &. Je connais ta tribulation et ton indigence, — mais tu es riche!
— et le blaspheme [proferej par ceux qui disent 6tre Juifs^ — et ils n& le
sont pas, mais une synag-ogne de Satan ! 10. Ne crains rien [des peine»]
que tu es pres>de souffrir. Voici que le diable est pres d'[eii] jeter d'entre
vous en prison, pour que vous soyez tentes; et vous aurez une tribiilatiou
de dix joura, Troiive-toi fidele jusqu'ii la mort, et je te donnerai la couronne
de lavie. 11. Geluiequica des oreilleSj qu'il• eutende ce quel'Esprit dit aux
EgLbes : Le victorieux ne sera jamais atteint par la^ S«conde Mort. »
au temps de Γ Apocalypse, car il est mort tres vieux, — subit le martyre pour
avoir refuse de dire : « Cesar est Seigneur ». Les Juifs pousserent le peuple
a demander sa mort [Mart. Pol. xii, xm, xvii, xviii). Par ailleurs, on y honorait
specialement un Zeus, la « Magna Mater » anatolienne sous le nom de Nemesis,
et Homere comme iieros local.
La. « couronne de vie » est una image neotestamentaire, tres claire en soi,
maisf- qui peut contenir une allusion a la « couronne de Smyrne » ; de meme
Apollonius de Tyane avail souliaite a la ville « une couronne de citoy-ens ver-
tueux » plutot que de b^timents et de portiques. Le Γ(νου πιστός, fidele, fidele
jusqu'a la mort. peut etre la transformation d'un compliment banal, que les
Smyrniotes altendaient dans toutes les allocutions profanes, en un merveilleux
eloge divin. Un chretien, dit justement Ramsay, pouvait etre un patriote, fier
des gloires de son pays. Ainsi saint Paul se glorifiait de Tarse [Act. xxi, 39).
Ces lettres, ajpute le savant ecossais, montrent mieux le caractere de Jean
qu'aucune autre parlie du livre, car il est ici plus en contact avec les realites
presentes. — Mais ou est alors le Judeo-chretien fanatique de Renan et d'autres
exegetes pretendus psychologues, le Jean n'ayant qu'un mepris amer et sans
nuances pour tout ce qui est aimable ou glorieux dans la vie terrestre, et
I'hist^ire des Gentils? (Rams^^y, Lettres, cli. xix-xx).
G. La Let ire a Per game.
A. 12'-1'3. La double repetition de rarticle (τήν οξεϊαν est omis g, Prim.) semble
monti'cr ici une intention de style; aussi avoiis-nous repete le mot « epec », — τα
'έργα σου /.at, enti•^ οίδχ et ποί, [Or., And., pier.), absent de C, A, g, vidg., syr.), est
possible pour p. Soden, rejete de Tisch, W-H, Nestle, Swete. — Le v. 13 presents
des lemons fort diverses apres -t'aitv [a&u.
a) κα•. h) τ-χΓ; ^•μ^χ'.; ί»'«^ο• '■'■ i'^ diebus ilUs ») Άντί-ας ό [i. ij.ou, b r. αου, δ; άττίκτάνθη..
(A, C, Prim, i'ulg, etc.).
b) (manque κα• χ, Q) έν τχΓς ήυ.. έν αΤς (εν ταϊς Ν* premiere main, οάς Q, I'CC. Κ) Άντί;;ας
δ μ. μου δ r.. μου, _ο; (manque δς ΐ'ί</^••.'•ο'"'Ί««•, syr i^"', ct/i. at.) irex. (Κ, Q, rec. K, syr,
pier.).
Lai diiTiculto qui a cause celle fluctuation du texte vienl du nominatit 'Avrtnoee,
qui est une erreur pour le genitif Άντιττϊ; mais pareille faute de distraction esl fort
admisaible dans TApocalypse; non seulement Λ et C, et la plupart des temoins
28 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. II. 12. Και τω άγγέλω τ'ής εν Περγάμω εκκλησίας γράψον
Τάδε λέγει ο έχων τήν ρομφαίαν *τήν δίστομον *τήν οξεϊαν* 13. Οιδα *πο•) κατοικείς,
οχου ό ^ροΊος τοΰ Σατανά. Και κρατείς το ονομά μου, και ουκ ήρνήσω τήν πιστιν μου,
και έν ταΐς ήμέραις *Άντίπας *ό μάρτυς μου ό πιστός *μου, *ος άπεκτάνθη χαρ'
ύμίν, οπού ό Σατανάς κατοικεί. 14. Άλλ' εχω κατά σου ολίγα, 'ότι έχεις έκεϊ κρα-
τοΰντας τήν διδαχήν Βαλαάμ, ος έδίδασκεν *τω Βαλάκ βαλεΤν σκάνδαλον ενώπιον
των υίών Ισραήλ, ^^ίγεϊν ειδοΛόθυτα καΐ πορνεΰσαι. 15. ΟίΙτως έχεις και συ κρα-
τουντας τήν διδαχήν των Νικολαϊτών ομοίως. 16. Μετανόησαν ουν ει δε μη, έρχομαι
σοι ταχύ και πολεμήσο3 μετ' αυτών *έν τη ^ομφαία του στόματος μου. 17. Ό έχων
ους ακουσάτω τί το πνεύμα λέγει ταϊς έκκλησίαις" Τω* νικώντι δώσω *αΰτω *του μάννα
του κεκρυμμένου, και δώσω αϋτω ψηφον λευκήν, και έπι τήν ψή^ον όνομα καινον
'γε'{ρ<χμμέ'^θ'), ο ουδείς *οιδεν ε'ι μή 6 λαμβάνων.
grecs I'ont conservee, mais les versions latines la confirment. Inutile de supposer
ςα'Άντίπας ait ete traite comme indeclinable; la conjecture de Lachmann, qui pense
que le texte aurait porte (par dittographie de o?) ΑΝΤΙΠΑΟ 0 niGTOG, etc., et qu'on
aurait pris le premier Omicron pour un sigma, est ingenieuse, mais sans aucun appui
dans les mss. Bousset, qui admet α?ς et δς, juge qu'il faut sous-entendre la copule
apres Άντίπας; « aux jours oil [etait, vivait) Antipas, mon temoin..,. qui »; v. Sodcn
considere aussi I'addition du relatif comme possible. Mais I'autorite du grand nombre
des codex, et des meilleurs, et I'influence exercee sur les versions, nous invitent
plutot a rejeter αΤς, et a conserver 8ς, avec W-H, Nestle {Swete a corrigo dans son
texte Άντίπας en Άντιπα). Les scribes auront voulu sauver la grammaire en ajou-
tant αΧς, h αΤς, ou en suppriniant 8ς. — μου, apres πιστός, dans A, G, syr'^^'•', al., est
possible pour Soden, et admis de Tisch. W-H, Nestle, Swete.
B-C. 12-13. Jesus apparait avec I'epee (cfr. i, 16 et comment.), et le contexte de
la lettre indique tres clairement qu'il s'agit ici de la puissance irresistible de la parole
divine. C'est peut-etre chercher bien loin que de la mettre en rapport avec les
cometes, comme Boll, p. 55, d'apres une analogic tres insuflisante avec VApoc. de
Daniel. Pergame, entre toutes ces villes, pouvait otre appelee « trone de Satan »,
a cause de la renommee des mysteres et du pelerinage d'Asklepios, dieu dont le
serpent etait I'embleme, puis du magnifique autel de Zeus Soter qui dominait les
vallees, et surtout comme centre du culte imperial, et residence possible du proconsul
romain (v. Exc. vi). Pour Antipas, v. Lmrod. ch. in et xiii. Les Chretiens de Pergame,
dans cette citadelle de I'ennemi, « tenaient le nom » du Fils de I'Homme, c'est-a-dire
le nom divin de « Seigneur » applique au Ghrist, non a I'empereur {Si^'ete). Antipas
pouvait avoir ete martyriso pour avoir refuse le premier le culte a Gesar [Holtzmann).
Etait-il jusque-la le seul martyr, ou le premier d'une serie? Etait- ce sous Domitien,
ou deja sous Neron? κα\ έν ταίς ήμεραις suppose plutot une epoque passee. Μάρτυς, le
m^me titre qui est donne au Ghrist, le Temoin fidele de i, 5; iii, 14, en est arrive
vite a prendre la signification de « temoin par le sang » ; mais, au temps de I'Apoca-
lypse, il n'est pas si restreint, et, en d'autres passages, s'applique aussi bien aux
« confesseurs ».
i A. B. C. 14-15. τω Βαλάχ corrige en τον Β. dans Orig. et rec. K, supprime
dans Kv Le datif a certaine couleur d'hebraisme (S IdS), pourtant il se rencontre
deux fois chez Plutarque apres διδάσχω, et assez souvent plus tard; And. a Iv τω
Βαλαάμ τόν Βαλάκ. Pour ces deux noms, voir Num, xxv et xxxi. Symbolisme de
« Balaam «, cfr. Jude 11, et ii* Pet, n, 15. Ces Bil^amites, d'apres la tournure de la
menace, appartenaient encore, d'une maniere lache, a la communaute. Nous y
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 29
C. II. 12. Et k I'Ange de I'og-lise qui est k Pergame, ecris :
(( Voici ce que dit Celui qui a I'epee, r[epee] a deux tranchants, Γ[έρββ]
aigue : 13. Je connais ou tu habites, [la meine] ou [est] le trone de Satan.
Et tu tiens [ferme k] mon nom, et tu n'as pas renie ma foi, meme aux jours
d'Antipas, mon temoin, mon fidele, qui a ete tuo chez vous, ou Satan habite.
14, Mais j'ai contre toi quelque chose : [c'estj que tu [en] as la qui tiennent
la doctrine de Balaam, qui enseig'nait k Balak k jeter un scandale en face
des ills d'lsrael, [pour leur faire] mang-er des idolothytes et forniquer.
15. Ainsi tu [en] as, toi aussi, qui tiennent la doctrine des Nicolaitesde meme
maniere. 16. Convertis-toi done; sinon, je viens k toi promptement, et je
guerroirai avec eux par I'epee de ma bouche. 17. Celui qui a des oreilles,
qu'il entende ce que I'Esprit dit aux Eglises : Au Victorieux je lui donnerai
de la Manne qui est cachee, et je lui donnerai una petite pierre blanche, et
sur la petite pierre un nom nouveau ccrit, que personne ne connait sinon
celui qui [le] revolt. »
voyons, avec Holtzmann et la plupart, les momes que las Nicolaites de ii, 6.
(Exc. xi). Leur « fornication » n'est peut-etre que la connivence avec I'idolatrie;
mais il est egalement possible de la prendre au sens propre, car les fetes religieuses
de Pergame, auxquelles ils prenaient part, n'etaient pas sans entrainer des desordres
moraux {Si\'ete). Joh. Weiss, avec sa theorie precongue, veut attribuer le v. 15 au
redacteur.
— — — A, B. 16-17. Ojv, si rare dans VApoc, est omis N•, al., g, culg., syr. Prim.
— Έρ/ομαί σοι, dativus incommodi — αύτω de 17 (pleonasme, Lntrod. x, § II) omis κ.
— νικοΰντι dans A, C. — του [χάννα, partitif, est de tres bon grec; pourtant on lit άπο
του μαννά Ρ, And, syr'^^^^^^, arm, g, Tyc. — « Manne » cfr. Joh. vi, surtout 31-32,
49-suiv. — « Manne cachee », cfr. II Mace, ii, 4, et plutot Exode xvi, 23. — « Nom
nouveau » cfr. Is. lxii, 2; lxv, 15; Apoc. in, 12 et xix, 12. Cette « manne », nourriture
du paradis, est mentionnee plus d'une fois, dans les Apocryphes; ainsi III Sih. vers
86 (prooemium tardif) : « le doux pain du ciel etoile » ; Vita Adami et Evae, iv, « la
nourriture des Anges «, d'apres Ps. lxxviii, 25; de meme le « nom nouveau » ou
secret, Hen. eth. lxix (nom du « Fils de I'Homme »); Asc. is. vn, 37; viii, 7; ix, 5
(nom du « Bien-Aime »); et ailleurs.
C. 16-17. Peut-otre I'allusion a Balaam et a la generation du desert a-t-elle
amene ici I'allusion a la « manne « (Jo/i. Weiss). La plupart des commentateurs,
pour expliquer I'epithete de « cachee «, pensent a II Mace, u, 4, d'apres lequel I'arche,
contenant la manne, eut ete cachee sur le mont Pisgah, ainsi qu'a la legende juive
predisant qu'elle serait retrouvee au temps du royaume messianique (voir Comm. de
XI, 19, infra; Baruch syr, xxix, 8; Sib. vii, vers 148-suiv., passages rabbiniques
reunis dans Wettstein, sur cette legende). Nous preferons, avec Hort et Si\'ete, voir
ici une simple allusion au vase plein de manne contenu dans I'arche Ex. xvi, 23.
Quant au sens de Jean, il se refere clairement k la nourriture spirituelle qu'est
I'Eucharistie {Orig., sch. xiv, Prim., Bede, Denys etc.) Andre dit tres justement : μαννά
δ: χεκρυμαένον, ό άρτος της ζωής δ ουράνιος, ούράνοθεν δι' ήμας κατελθών, χα\ βρώσιμος γενόμενος-
τροπικώς δε και τα μέλλοντα αγαθά; ainsi c'est I'Eucharistie dans le temps, gage et figure
(τροπικές) des Mens de la vie future; Vict. : I'immorlalile. Ce mets celeste s'oppose
aux viandes sacrifiees aux idoles [Arelhas : τω νικώντι οοΟηναι φαγιΐν τοΰ μάννα αντί της
άκαθίρτου βρώσπως {jtUt/cxo; Hort, Boiisset, al.). Seul le Vainqueur peut experimenter
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
completement Ic goiVtde I'liumauite sacree du Christ (.9ii'e/e) ; peut-etre y a-t-il allusion
aux gouts secrets et varies de la maune, dans la legende rabbinique. — La « petite
pierre bla^Clie » et le « nom nouveau « ont cause aux exegetes de grands embarras.
Le blanc est 'tout simplement la couleur de bon augure {dies albo notanda lapillo).
Que ce caillou soit une « tessera -honoris », une pierre incrustee dans tm amieau
[Holtz.], une pierre precieusecomme celles qui etaient tombees avec la manne (Weil-
stein, d'apres le Talmud, Josue &\, une houle blanche pour I'acquittement au tribunal,
pour servir de billet d'entree au spectacle, etc., cela importe peu; I'image presfinte
en effet de I'analogie avec une foule d'usages de la vie antique. L'important est le
nom qui y est grave. 11 est possible que I'image soit prise des amulettes portant
un nam magique [Bousset, d'apres Heitmidler Im Namen Jesu, Joh. Weiss, Boll,
p. 28, Clemen,:^. 184, etc.); mais ce n'est rien de plus qu'un symbole, n'entrainant
certes aucune idee superstitieuse. Ce « .nom nouveau » designe un renouvellement
de la nature, I'essence et le nom etant solidaires d'a.pres les conventions antiques.
Que ce soit un nom secret de Oieu (/. IVeiss), ou du Christ (cfr. in, 12; xix, 19),
ou bien un nom exprimant le changement apporte dans I'ame du Vainqueur lui-meme,
c'est toujours une participation plus grande a la nature divine, un accroissement de
grace que peut seul comprendre et apprecier, dans I'intimite de son ame, celui qui
le recoit. C'est bien plus que ce que voudrait Calines, un simple billet d'entree pour
prendre part aux reunions de I'eglise de Pergame, congue comme une sorte de
societe secrete; mais ce n'est pas non plus purement.et premierement la vision et 1«
bonheur eschatologiques. Dilsterdieck I'exprime parfaitement. quoi qu'en pense.fioi/ssei :
« Ce nom donne une expression a la gloire nouvelle des enfants de Dieu, qu'eux seuls
peuvent voir, et dont les non appeles n'ont aucun soup^on ». II est evident que ce
caractere secret (comme la manne cachee], ne convient qu'alla vie terrestre, et non
au ciel, ou toute splendeur eclatera (voir I Joh. in, 2, et I Cor. xiii, 9-12).
EXC. VI. PERGAME ET L EGLISE DE PERGAME.
Pergame, aujourd'hui Bergama, localite dc peu d'importance, etait alors une
ville orgueilleiise et splendide, aussi fameuse par sa puissance politique que
par ses ceuvres d'art, sa richesse industrielle due a la fabrication du parchemin,
sa renommee religieuse et son iniluenee pour la propagation de la culture helle-
nique. Son site meme, le roc de plus de 300™, contrefort de la chaine de rHermos,
d'ou elle dominait la plaine assez basse du Caicus, eut suffi a lui imprimer un
caractere de force et de majeste royale. Cette « cite de Tautorite » comme
I'appetle Ramsay, dont la haute fortune datait de I'an .282 (oii elle devint capi-
tale du royaume des Attalides), possedait une certaine hegemonie sur toute la
province : έχει δε' τίνα ήγε.μ.ονίαν, dit Siraboii xui, 4; des savants comme Ramsay
(cfr. Chapot, .La Provinoe roinaine .proconsulaire .d'Asie 1904) veulent meme
qu'elle ait ete, plutot qu'Ephese, le siege du proconsul romain. Quoi qu'il en
soit, elle avait une grande importance dans le gom^emement, car c'est la que
fut eleve le premier temple du culte imperial provincial, dies Tan 29 av. J.-C. ;
sous Auguste, les monnaies de Pergame portent I'inscription ΘΕΟΝ CYNKAH-
TON, ΘΕΑΝ ΡΩΜΗΝ, ΘΕΌΝ CEBACTON; un second et un troisieme furent
consacres en I'honneur de Trajan et de Septime-Severe. Les quatre grandee
divinites poliades etaient Zeus Soter, Athena iNicephore, Asklepios Soter et
Dionysos Kathegcmon. Les pelerinages des malades au sanctuaire d'Asklepios,
APOCALYPSE DE SAINT JEAX, 31
(oil se pratiquait I'inc-ubation et se faisaient des guerisons censees miraciileuses),
les Mysteres de Dionysos avec la confrerie des Βούκολοι, surtout le colossal autel
enplein air de Zeus avec sa Gigantomachie, frise grandiose ou les Grecs avaient
eternise le souvenir glorieux de leur resistance a liavasion celtique du iii*^ siecle,
et qui, sans etre place au point culminant de la cite royale, dominait pourtant
d'une haute terrasse presque tout.le panorama, tout cela lui assurait une splen-
deur religieuse incomparable. Ces divers cultes etaient allies et plus ou moins
fondus entre eux, et s'arrangeaient fort bien avec celui dee Cesars. Le pretre
de Zeus Soter etait aussi « pretre du divin Auguste ». Dionysos-taureau fra-
ternisait avec Asklepios-serpent; les mysteres plirygiens declaraient que « le
taureau estpere du serpent, et le serpent pere du taureau ». Et tout cela faisait
bien de Perg'ame « le trone de Satan », car nuUe part le paganisme n'etalait
plus orgueilkusement sa force. Surtout la situation de I'autel de Zeus, visible
de tres loin du fond de la plaine, a pu amener cette meiapliore [Deissmann,
L. 0.^, p. 210), en meme temps que I'embleme d'Asklepios, pareil au Dragon,
au Serpent de la Genese, et aussi le mysticisme paien de la religion diony-
siaque (« Deuxieme Bete » de VApoc. xiii), et Tantiquite du culte imperial
(« Premiere Bete »). Deja les rois Attalidos s'y etaient fait adorer, et on a
retrouve un temple ionique ou devait etre celebre leur culte. C'etait la syntheee
de Satan, de TAnteclirist ; aussi semble-t-il que ce soit la que commencerent
les persecutions en Aeie (Antipas). Doerpfeld et Hepding ont explore les ruines
de cette grandeur.
Dans la lettre, le glaive du Christ, pouvoir spirituel de la parole divine, est
lerableme de Tautorile absolue du vrai Seigneur, du droit de vie et de mort
eternelles, oppose au « jus gladii » de Cesar et de son proconsul, en meme temps
qu'a la victoire profane celebree par la Gigantomachie. Les Nicolaites, ou nous
voyons plus que des laxistes pratiques, pouvaient ceder a laientation de pacliser
avec Asklepios ou Dionysos; pour essayer de dissimuler leur crainte du glaive
temporel, ils auraient convert leurs err^urs d'une teinte mystique de syncretieme
doctrinal, et aifiche des pretentions prophetiques qui expliqueraient I'allusion a
Balaam. Le Christ les menace du glaive bien plus dangereux de sa parole qui
excommunie ou damne pour leternite. Quant aux fideles qui resistenl a la ten-
tation, la « manue » opposee aux mets sacres des mysteres et des banquets
parens (auxquels les laxistes s'asseyaient sans doute com me a Corinthe I Cor.
X, 20-21) entretiendra en eux la vie divine par les vertus secretes de lEucha-
ristie, et transformera de plus en plus leur nature, ce qu'exprime le nom nouveau.
Toutes ces images etaient fort intelligibles, non seulement pour un Juif, raais
pour un paien mystique du i*' siecle. On pent du reste rappeler qu'^Elius Arie-
tide [Hymne a Asklepios, ιΓιη) a Pergame ;meme, au ii^ siecle, dit avoir regu
d'Esculape, dans une incubation, le nom nouveau de « Theodoros », avec un
objet symbolique, un σύνΟευ.«, dont la vue lencourageait dmvs les circonstances
difliciles (Ramsai/, Letters, p. 313). Si c'etait la un fait courant, familier aux
miracules du dieu, on admirerait encore plus I'appropriation de la prophetie
aux habitudes d'esprit des Pergameniens (Ra.msav, Letlers, ch. xxi-xxii; Swete,
Apoc. p. Ixii).
32 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
D. Lettre « Thyatire
C. II. 18. KiJii τω Λ^-(έ\ω *':ης έν ΘϋΛτεφοις εκκλησίας γράψ:ν'
Τάοΐ λέγει c υΓος του θεοΰ, ό έχων τους οφθαλμούς *aj-o•) ώς φλόγα τυρός, και
*c'. πόδες αυτοΰ όμοιοι χαλκολιβάνω" 19. ΟΓδα σου τα έ'ργα και τήν άγάζην και τήν
7:ίστιν και τήν διακον(αν και τήν ΰπομονήν σου, και τα ^ργα σου τα έσχατα ττλείονα
των πρώτων. 20. Άλλα εχω κατά σου ότι *άφείς τήν *γυναΤκα Ίεζαβελ, *ή λέγουσα
έαυτήν προφητιν *και διδάσκει και πλάνα τους *έμους δούλους πορνευσαι και φαγείν
είδωλόθυτα" 21. και έδωκα αυτή χρόνον ί'να μετανοήσγ;, και οΰ θέλει μετανοί5σαι εκ
τί^ς πορνείας αυτής. 22. 'Ιδού βάλλω αυτήν ε'.ς κλίντ,ν, και τους μοιχεύοντας μετ'
αυτής εις θλΐψιν μεγάλην, εάν μή *μετανοήσουσιν εκ των έργων *αυτής. 23. Και τα
Α. Β. 18. τω pour της dans Α, qui omet de plus εκκλησίας; της omis dans C. On a
pu se demander, d'apres cette Ιβςοη de A, si le texte primitif ne portait pas, dans les
sept lettres, seulement τω Iv..., et si εκκλησίας, avec ou sans i'article, n'est pas un mot
explicatif surajoute. Corrections : φλόξροηΓ φλόγα (ν, al.); omission de αϋτοΰ, pleonasme
qui sent I'hebraisme (A, al, g, vulg., syr., Prim.) ; τους πόδας όιχοίους pour o\ πόΚ^ς (Αν 31-
Scr. 466-598) v. Introd., ch. x, § II). — Gfr. i, 14, 15).
C. 18. Thyatire etait uneville commer^ante, avec de nombreuses guildes d'artisans;
on fabriquait le -/αλκολίβανος pres de Sardes, et Thyatire est dans la meme region
(Exc. Yii). « Fils de Dieu » ne se rencontre litteralement qu'ici dans toute I'Apoca-
lypse; mais I'idee est impliquee i, 6; n, 28; in, 5, 21; xiv, 1, Les κ yeux de feu » per-
cent les tenebres ou veut se cacher la Jezabel, ils penetrent les « profondeurs de
Satan »; les « pieds d'airain » sont prets a ecraser tout peche [Jolt. Weiss, al.).
. B. C. 19. διακονία, cfr. Rom. xv, 25, 31; I Cor. xvi, 15; II Cor. viii, 4; ix, 1;
lleb. vi, 10; mot paulinien. Ces passages en determinent le sens; πίστις, ici, d'apres le
contexte, signifie plutot fidelite. L'eloge est juste I'im'erse du blame a Ephese.
■i—^— A. B. 20. άφηκας pour αφεϊς, correction a'Andre; cet if-i-oj OU άφ'.έω pour
αφίημι repond a la tendance hellenistique a laisser tomber les verbes en -ai (Introd.,
ch. X, § II, et Moulton-Milligan, a ce mot; cfr. xi, 9 : άφίουσιν) — σου est ajoute apres
γυναίκα : « ta femme Jezabel », A, Orig., α 503-156-616, al, rec. K; ce mot est douteux
pour W-H; Hon, dans son commentaire, y voit une interpolation; Tisch., Nestle,
Styete, Bousset, Soden le rejettent deliberement; au contraire, Zahn le juge « indubita-
blement authentique » et Joh. Weiss, « introuvable », done vrai. Mais Bousset avance
plus justement que c'est un σου ajoute par la distraction d'un scribe aux nombreux
σου du passage. — ή λέγουσα, anacoluthe tres irreguliere, mais d'un genre frequent dans
I'Apocalypse (Introd., ch. x, § II), a ete corrige en ή λέγει (rec. Κ, Q, al. And., ou την
λέγουσαν, j^corr^ p^ al. Winer \Q\xi lire ή, λέγουσα ... κα\ πλάνα, « celle qui, se disant ,
egare aussi «, tournure qui ne se rencontre pas ailleurs dans notre livre. Bousset
ne juge pas impossible que η soit un relatif, la copule demeurant sous-entendue,
mais il prefere I'anacoluthe; et nous aussi — Remarquer le passage du participe
au verbe fini διδάσκει (Ixtrod., ch. x, § II). — « Jezabel », voir Reg. i et ii. — Le
possessif έαούς ne se trouve qu'ici dans le livre (I.ntrod., ch. x, § L.
G. 20. « Jezabel » est evidemment un nom symbolique; nous pensons qu'il s'agit
encore des erreurs nicolai'tes; n'y aurait-il pas eu pourtant une personnalite concrete,
une femme, dont Faction fortifiait ce parti et cette tendance? Mais, comme cette femme
appartient evidemment a I'Eglise, elle ne saurait s'identifier, contre Schiirer [T/ieolo-
gische Ahhandlungen, dediees a Weizsiicker, 1892; idem Holizmann^, a la pretresse du
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 33
C. II. 18. Et a I'Ange de FEglise [qui est] k Thyatirc, ecris :
« Void ce que dit le Fils de Dieu, [celui] qui a ses yeux comnie une
flamme de feu; et ses pieds semblables έ, de Γ (?) airain : 19. « Je connais
tes CEUvres et ta charite et ta foi et ton service, et ta patience, et tes der-
ni^res oeuvres plus nombreuses que les premieres. 20. Mais j'ai contre toi
que tu laisses faire la femme Jezabel — celle qui se dit prophetesse et [quij
enseigne, et egare mes serviteurs, [jusqu'a] forniquer et k manger des
idolothytes. 21. Et je lui ai donne du temps pour qu'elle se convertisse, et
ellene veut pas se convertir de sa fornication. 22. Voici que je la jette sur
un lit; et ceux qui commettent I'adultere avec elle, en grande tribulation,
s'ils ne se convertissent de ses oeuvres. 23. Et ses enfants, je les feraiperir
sanctuaire de la Sibylle chaldeenne, le « Sanibalheion « erige a Thyatire (v. Prologue
des Sibyll., Pausanias, Periegese, x, 12, Justin, Cohortatio ad Graecos, 37; G. I. G.
3509). Comme le pronom σου n'a aucune garantie d'authenticite, il n'y a pas lieu de
suppose!' que ce soil I'epouse de I'eveque (Ange) de Thyatire, ni I'epouse, symbolique
ou non, de Γ « Ange » assimile a Achab a cause de sa faiblesse (contre Grotius, Zahn,
J. Weiss). Ce doit 6tre, ou un pur symbole comme Balaam [Calmes, avec quelque hesi-
tation, apres Orig., et And.), ou une fausse prophetesse inconnue, qui florissait dans
cette ville ou il y eut plus tard des prophetesses montanistes (Bousset); peut-etre une
femme nicolaite aurait-elle voulu rivaliser avec la Sibylle (Su'ete).
—^~. A. C. 21. L'aoriste 'έδωκα, qui n'a pas la valeur d'un parfait, montre que cette
femme ou ce parti a deja ete I'objet d'une reprimande publique (Bousset), peut-^tre
infligoe par Jean lui-meme. La « fornication » et Γ « adultere » peuvent non seulement
etre des figures pour la connivence avec I'idolatrie, mais aussi signifier une doctrine
morale laxiste appuyee de pretendues revelations, et faire allusion aux desordres qui
eussent accompagno la participation des Nicolaites aux banquets paiens des asso-
ciations ouvrieres.
— ^— A. C. 22. αετανοησωσιν (C, P, Q, minuscules) pour -σουσιν (χ, A) Introd,
ch. X, § II; — αυτών pour αϋτης A, al, afr., syr., semble une correction; si αΰΐης est
la vraie legon, Jezabel serait done plutot une coUectivite personnifiee. Jesus la menace
de la « Jeter au lit », sur le lit de maladie, contraste sarcastique avec le lit de I'adultere
ou le triclinium des repas sacres. Mais cette maladie elle-meme est une fio-ure et
s'identifie avec I'ensemble des calamites signifiees par θλίψις [χεγάλη, terme presoue
technique dans I'Apocalypse. « Ceux qui font I'adultere avec elle » sont tous ceux
qui partagent la fausse doctrine, plutot que des amants au sens litteral de cette
Jozabel ; il n'y a aucune raison de les distinguer des τέχνα du verset suivant.
A. B. G. 23. έν θανάτω;έν instrumental, et pleonasme qui sent encore I'he-
braisme, quoiqu'il ne soit pas tout a fait impossible en grec; θάνατος, en efTet, contre
Hon, signifie ici « mort » et non « peste » comme vi, 8; car les « enfants », ou dis-
ciples, — les memes, a un autre point de vue, que les amants de 22, contre Bousset et
Sivete, — sont appeles ainsi a cause de I'usage symbolique du nom de Jezabel, dont les
fils furent egorges par Jehu (II Reg. x, 7). Ainsi Dieu fera sur eux un exemple pour
toutes les eglises, ce qui fait supposer que Thyatire avait donne un grand scandale.
— Ξραυνών, legon de C, et A, a la place du regulier Ιρευνών, est une forme alexandrine
attestee dans les papyrus depuis le i«' siecle de notre ere [Moulton, p. 67 ; Blass-
Dcb., p. 19); elle se retrouve Jo/i. \, 39 et vii, 52 dans Ν et B, mais n'est pas admise
de Soden; mot johannique et paulinien. Memo image Ps. vii, lo (LXXi; Jev. χνπ ΐο•
XX, 12.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. ο
34 APOCALYPSE DE SAIXT JEAX.
τέ/.νχ αύτ-^c ά-οκτενώ *έν *θχνάτω' ν-αΐ γνίόσονται ττασχι αϊ έχκλησίαι 'ότι εγώ είμι δ
*έραϋνών νεφρούς και καρΒίας, καΐ δώσω ΟμΤν έν.άστω κατά τα έργα υμών. '24. Τμϊν
δε λέγω τοϊς λοιχοΐς τοις εν Θυατείροις, όσοι ουκ εχουσιν την διδαχήν ταύτην, οιτινες
οΰκ έγνωσαν τα *βα^ε'α του σατανά, ώς *7.έγουσιν• Οΰ βάλλω εφ' ύμας άλλο βάρος.
25. Πλην, ο έχετε κρατήσατε άχρι ου αν ήξω. 26. Και *ό νικών και ό Vr/ρών άχρι
τέ).ους τα εο^α μου, δώσο) αυτώ έςουσίαν έττϊ των εθνών, 27. και ττοιμανεΐ *αΰτούς
*έν ράδδω σιδηρά, ώς τα σκαύη τα κεραμικά συντρίβεται, 28 ώς κάγώ εϊληΦα -aphc.
-ζου -ιατρός μου, κα• δώσω αύτώ τον άστε'ρα τον ττρωϊνόν. 29. Ό έχων ους άκουσάτω
τι το ττνευμα λέγει ταϊς έκκλησίαις.
-i—.. Α. Β. C. 24. βαθέα, sans contraction (Ιλτκοο., ch. χ, § II) dans les plus
anciens temoins, sauf N; — ώς λέγουσιν ; nous y voyons un pluriel impersonnel, comme
ailleurs dans I'Apoc. (Ixtrod., ch. x, § II), plutot que de supposer avec Hort qne les
delinquants designaient ainsi eux-memes quelque doctrine secrete du genre ophitique .;
il s'agitpent-6tre simplement des ceremonies paiennes icfr. Bousset et Sn'ete). — Quant
a ... άλλο βάρος, je suis porte a croire avec Hort qu'il n'y a la qu'une coincidence acciden-
telle d' expression avec Act. xv, 28, quoique, saint Jean ayant pris part au concile de
.Jerasalem, le sujet des idolothytes eut pu lui rappeler cette formule du decret apos-
tolique.
_ C. 25. Ό Ι'χετε κρατήσατε ^cfr. Ill, 11, -/.patir δ k'/st;) se rapporte aux oeuvres
louees au commencement de la lettre, plutot qu'aux clausules du decret apostolique
{Swete, centre de Tiombreux exegetes). Jesus, d'apres Andre, ne demaade pas de
refuter ces laxistes doctrinaires par des discours, mais seulement de tenir ferme. Lui-
meme « %aendra » bientot, pour les refuter par le fait du chatiment, de la θλίψις ού ils
succomberont avec le monde profane.
——A. B. C. 26. °0 νικών, « nominatif pendant » (Ιχτ., c. x, § 11); — τηρΰν, mot
iohannique. — δώσω... εξ. Ιπι τών έθν., cfr. Ps. ii, 8. L' « autorite sur les peuples »
est letriomphe des croyants dans le regne messianique, et au jugement; impossible
d'y voir avec Calnies, qui pense au decret de Jerusalem, I'idee que « les Judeo-clire-
Liens auront le pas sur les Chretiens issus de la gentilite » •, pareille conception est
absolument etrangere a Jean. — Remarquer le changement d'ordre entre vtzSv et
7:v£uua jusqu'a'la fin des Lettres; I'autenr a divise intentionnellement ce septenaire, en
•λ + 4, comme ceux qui suivront en 4 -f 3 [Bousset, v. Iatrod., ch. vti).
_i.^_ A. B. C. 27. αυτούς, accord ad sensum; εν instrumental. — cfr. Ps, ii, 9. —
Si Ton se rappelle que les έθνη designent les Gentils irreductibles, les peuples ennemis
de Dieu, en d'autres termes la Cite de Satan, on verra ici le triomphe spirituel de
rEglise,'qui se eonsommera a la Parousie, et non pas une « vengeance sanglante »,
comme pretend Renan,Joh. Weiss et tons ceux qui venlent voir dans cette fin de
lettre un esprit judaique qui serait en parfaite contradiction avec celui qui inspire
I'ensemble du livre.
__— A. B. C. 28. ειληφα est un parfait employe dans son sens le plus propre; le
Christ reo-ne deja comme Messie, et pour toujours. — « Je lui donnerai I'etoile du
matin » s'^explique adequatementpar xsii, 16, ού Jesus dit : εγώ zlu... ό άσ-ήρ δ λα,ατΐρός
δ 7:οωϊν6ς. II s'agit donc de la possession du Chris^t lui-mcme, ailleurs promise sous ia
foiTne de I'arbre de vie, de la manne, etc. « Christus est Stella matutina, qui nocte
steculi transacta lucem vitiB Sanctis promittit et pandet aelernam » [Bede; id. Beatus),
et c'est par la participation a cette lumiere que les eglises sont des λυ/νΐαι, et leurs
Ano-es des αστέρες; I'astre du matin les illumine progressivement, en attendant le soleil
dela Parousie [Swete]. L'image entrainant celle du crepuscule se refere evidemment a
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 35
par la mort; et [elles] saiiront, toutes les eglises, que moi, je siiis celui qui
sonde reins et coeurs, et je vous donnerai ci vous, k cliacun, selon vos oeuvres.
■Ik. Mais a vous je dis, k cenx qui restent dans Thyatire, [a] tous ceux qui
n'ont pas cette doctrine, [a] quiconque n'a pas connu les « profondeurs de
Satan >>, comma on dit : Je ne jette pas sur vous d'autre fardeau. 25. Seu-
lement, ce que vous avez, tenez-y, jusqu'ci ce que. je vienne. 26. Et le
Victorieux, et celui qui observe jusqu'a la fin mes oeuvres, je lui donnerai
autorite sur les nations ; 27. Et il les paltra avec une verge de fer, comme
on brise les vases d'argile ; 28 comme moi aussi j'ai recu de mon pere. Et
je lui donnerai I'Etoile du matin. 29. Celui qui a des oreilles, qu'il entende
ce que I'Esprit dit aux eg-lises.
la vie spirituelle presente, on deja le fidele possede le Christ, suivant une doctrine
chere a saint Jean, qui en remplit son Evangile et ses epitres : « Celui qui a le Fils a
la vie eternelle » I Joh. v, 12, cfr. u, 22. On ,peut en rapprocher II Pet.i, 19 ; ...ε/ο[χεν...
τον προφητικον λο'γον,ώ καλ£3ς ποιείτε προσέχοντες ώ^ λύ-^νω φαίνοντι Ιν αΰ^μηρω τοπω, ϊωζ ου ήμεοα
διαυγάστ). καΙ φωσφόρος ανατείλτ, έν ταϊς χαρδίαις υμών; And. a remarque 1θ rapport; de
meme Origene, sell, xvni : -ρωϊνος αστι^ρ• φως ών Ινεργοΰν προ άνατο'λης του της δικαιοσύνης
ηλίου. Τούτω καταλάμπονται οι αληθώς δυνάμενοι φάναι* ή νυξ προεκοψεν, ή οϊ ήμερα ηγγικεν [Rom.
χπι, 12), καί• εξεγερθτ^σομαι όρθρου [Ps. LVI, 9). Aussi peut-on entendre cette figure, secon-
dairement, de la « premiere resurrection », avec Vict., (mais sans chiliasme) et de la
magnificence celeste des croyants, avec Dust, et Holtz. Mais avant tout il s'agit du don
du Christ en persomie, idee si emiaemment johannique. Les exegetes modernes, sou-
vent par manque de penetration de la doctrine, se sont fait ici des embarras pour rien,
comme Bousset, qui pretend que cette etoile ne saurait etre le Christ, malgre xxji, 16
— qui est bien pourtant du meme auteur, tous a peu pres le concedent, — parce que
c'est le Christ qui la donne. And. et Arethas, ont pense a la puissance sur le demon
(Lucifer); mais le premier a propose une interpretation meilleure (vid. supra); Boll
(p. 48-50), egare par de lointains paralleles paiens, pense a la promesse dune puis-
sance magique, qui permettra, par des conjurations, de metfre au service du Victo-
rieux la planete Venus. II est evident que cela n'a rien a faire avec notre Apoca-
lypse. II ne s'agit du reste pas en premier lieu de puissance ni de royaute, comme
voudrait Hort, ou Fabre (R. B. av. 1910, art. laud.) qui rappelle les vertus guerrieres
de I'etoile du matin chez les Assyriens et les Arabes. C'est une image tiree de I'obser-
vation de la nature, pour laquelle il est tout a fait superflu de recourir a la mythologie
ou au folk-lore. Ajoutons qu'elle est une des plus poetiques, des plus penetrantes,
des plus specifiquement chretiennes de toute I'Apocalypse, et des plus claires aussi,
bien que Calmes et Jolt. Weiss disent que le sens leur en echappe.
EXC. Λ^ΙΙ. THYATIRE ET l'eGLIBE DE THYATIRE.
Thyatire, bMie par Seleacus i'"' (anjourd'hui Akhissar), avait ete importante
sous les Seleucides et les rois de Pergame, comme ville de garnison ; car, mal-
gre la faiblesse de sa situation en pleine vallee, entre le Caicus et ITIermus, il
lallait defendre cette place frontiere entre la Mysie et la Lydie. Sous les Remains,
ellc ctait dcvenue tlorissante par Findustrie ; les inscriptions y signalent de
nombreuses associations ouvrieres : celles des boulangers, des teinturiers, des
corroyeurs, des confectionneurs, des potiers, des ouvriers en laine, des tisserands.
36 APOCALYPSE DE SAINT JF.AN.
E. Lettre a Sardes.
C. III. 1. Και τω άγγέλω της έν Σάροεσιν εκκλησίας γραψον'
Τάδε λέγει 6 έχων τα έπτα πνεύματα του θεού και τους έπτα αστέρας* ΟίΒά σου τα
έργα, 'ότι *ονομα έχεις ότι ζης, και νεκρός ει. 2. Γίνου γρήγορων, και στήρισον τα
λοιπά ά έμελλον άποθανεΤν ου γαρ ευρηκά σου *τα έργα Ξεπληρωμένα ένο)πιον του
θεοΰ *μου. 3. Μνημόνευε ουν -ως *εί'>.ηφας και ήκουσας, και *τήρει κα\ μετανόησον.
Έαν ουν μη γρηγορήσης, ήξω ως κλέπτης, και *ου μή γνως *ποίαν ώραν ήξω επί
σέ. k. Άλλ' έχεις ολίγα *ονόματα έν Σάροεσιν ά ουκ έμόλυναν τα Ιμάτια αυτών, και
περιπατήσουσιν μετ' έμου έν λευκοϊς, ότι άξιοι ε'ισιν. 5. Ό νικών *ουτος *περφάλ-
λεται *έν ξματιΌις λευκοϊς, και *οΰ μή εξαλείψω το όνομα αυτοΰ έκ της βίβλου της
ζωής, και ομολογήσω το όνομα αϋτοΰ ενώπιον του πατρός μου και ενώπιον τών αγγέλων
αΰτοΰ. 6. Ό εχο)ν ους άκουσάτω τί το Πνεύμα λέγει ταΐς έκκλησίαις.
des bourreliers, des fondeurs, des ouvriers en airain; on devait y connaitre,
peut-etre y fabriquer le χαλκολίβανος. Elle ne possedait pas de temple imperial, et
la religion (culte du heros Tyrimnos, d'Apollon Tyrimnien et d'Artemis Boritena)
n'avait rien de particulier, sauf la presence du « Sambatheion », sanctuaire de
la Sibylle orientale (chaldeenne, perse ou hebraique), ce qui est peut-etre un
indice de syncretisme judeo-paien.
La lettre ressemble a celle de Pergame, sa voisine. A cette epoque, toutes les
associations sociales, economiques, ou de simple assistance, prenaient une forme
religieuse. Cc devait etre un fort appui pour les idees nicolaites ; car il netait pas
facile a un commergant ou a un chef d'atelier, dit Ramsay, de maintenir ses
affaires sans appartenir a la guilde de son metier; or les banquets de sacrifices
s'accompagnaient de rejouissances peu edifiantes^; le laxisme qui s'ensuivait don-
nait protexte a la propagande, doctrinale ou non, de la « Jezabel ». Jesus promet
au Victorieux, a celui qui n'a pas peur des paiens, de le faire dominer sur eux ;
etr« etoile du matin » adoucit par une image radieuse ce que la promesse pre-
cedente avait de redoutable (Ramsay, Letters, ch. xxiii-xxiv; Swete, Apoc,
p. Ixiii-Ixiv).
A. B. 1. τω au lieu de της, est suppose par syr. Prim. — δν. εχ. est une expression
qui se trouve Herodote, viii, 138; οϋ'νομα εΤχε ώς έπ' ΆθτΙνας Ιλαύνει (cite par Dust.,
Hon, Swete). — « Sept esprits » cfr. i, 4; v, 6; « Sept astres «, i, 16.
C. 1. Le rapprochement des « 7 Esprits » et des « 1 astres » parait d'abord sur-
prenant, car ces images ne repondent pas au meme ordre de realites [vid. supra).
Mais Origene (Sch. xix) dit fort justement que les 7 Esprits sonl al [Αετουσίαι
του Πνεύαατος Συμφώνως τοίς Ιπτ^ πνεύμασιν έκλήψε: καΐ του; επτά αστέρας, έκαστου αστέρος
σηααίνοντος τόν τίνος εκκλησίας φωτισμ(ίν. Pour nous, qui interpretons les Anges-etoiles
de I'esprit qui prevaut dans chaque eglise, nous n'avons pas besoin de changer
comma Orig. le sens du syrabole. Les 7 Esprits sont le Saint-Esprit (i, 4 et Exc. i);
ici il appartient au Fils — comme a I'Agneau v, 6, — car Jesus distribue les pouvoirs
divers du πνεΰμα ζωοποιουν, de qui depend la vie de toutes les eglises (cfr. Act. ii, 33
Sivete, et Joh. xvi, 14). Le caractere chretien de chacune d'entre elles (cfr. φωτισμο'ς
d'Orig.) precede de ce don du Christ; a I'Esprit il pent rallumer les etoiles qui,
comme celle de Sardes, menacent de s'eteindre. De plus, Jesus apparait a cette
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 37
C. III. 1. Et ii I'ange de Feg-lise [qui est] a Sardes, ecris :
(( Voici ce que dit Gelui qui a les sept esprits de Dieu et les sept etoiles :
Je connais tes oeuvres, que tu as nom de vivant, et tu es mort! 2. Deviens
Λ'Ι^ΠθηΙ, et consolide les restes qui etaient pres de perir; car je n'ai pas
trouve tes oeuvres bien remplies en face de mon Dieu. 3. Rappelle-toi done
comment tu as re^u et tu entendis, et observe-[le], et convertis-toi. Si done
tu n'es pas vigilant, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras nuUe-
menta quelle heure je viendrai sur toi. 4. Mais tu as quelque peu de noms
dans Sardes qui n'ont pas souille leurs vetements, et ils marcheront avec
moi en blanc, car ils sont dignes. Le Victorieux, celui-la s'enveloppe de
vetements blancs, et jamais je n'efiacerai son nom du livre de la vie, et je
confesserai son nom en face de mon Pere, et en face de ses anges. 6. Celui
qui a des oreilles, qu'il entende ce que I'Esprit dit aux eglises.
« metropole » encore orgueilleuse comme Celui qui a tout pouvoir au ciel et sur la
terre; c'est presque sous le meme aspect qu'il s'etait raontre a Ephese, I'Eglise-
mere (ii, 1.) — Verset d'une grande vigueur.
•^— — A. B. 2. τά manque devant έργα, A, C, al; mais, a cause de Vusus loquendi
d'Apoc, nous I'admettons avec Tischendorf-Gebhardt, Weymouth, Soden, Bousset;
— πεπληρωαένα, mot johannique (Joh. xvn, et passim), — μου manque Av20-rl-l'', et
dans le texte re§u.
C. 2. Le conseil de veiller convenait particulierement a Sardes, en raison des
surprises facheuses de son histoire (Exc. viii). Ses oeuvres pouvaient etre consi-
d^rees comme « pleines » au point de λτιο purement humain, mais non devant Dieu;
il y avait contraste entre la realite spirituelle et la reputation, Γονομα, dont la
Sardes profane, et peut-etre aussi I'eglise de cette cite, pouvaient jouir encore aux
yeux des hommes. II est tout a fait peu critique de voir dans θεού μου, avec /. Weiss
et autres, la rominiscence d'une christologie primitive qui n'eut pas encore reconnu
Jesus comme Dieu. Pareille observation ne sert qu'a montrer quels projuges domi-
nent la critique « independante »; ne trouve-t-on pas cette expression jusque dans
le IVe Evangile [Joh. xx, 17), dont I'auteur aurait bien vu si elle etait contraire a sa
these? Disons seulement avec iSiveie que le « Fils de Dieu » n'oublie pas qu il est
aussi « Fils de I'Homme ».
^——m A. B. C. 3. Le parfait εΓληφα; devant un aoriste a dCi etre choisi intention-
nellement [Bousset), car les suites de cette reception durent dans le present, tandis
que I'audition est du passe; il faudrait done reconnaitre quelque finesse d'helleniste
a un ecrivain d'ordinaire si neglige. — "i^p^', niot johannique — ου μτ} avec le sub-
jonctif, et non le futur indicatif (Introd., ch. x, § II). — « Comme un voleur » cfr. xvi,
15; I Thess. v, 2, image surement derivee de la tradition synoptique, Mat. xxiv, 42-51,
et Luc, 36-40, dans la parabole du serviteur non vigilant. Ainsi Sardes avait ete
enlevee par surprise sous Cyrus et Antiochus. And. le commente ainsi : ώς κλέπτης.
Εικότως• ό τε γίιρ εκάστου θάνατος κα\ ή κοινή συντέλεια πασιν ίγνο^στος. — ποίαν, accusatif pOur
marquer le moment, Introh., c. x, § II.
— — A. B. C. 4. Όνο'ματα au sens de « personnes » (cfr. xi, 13 et Act. i, 15)
n'est pas un pur hebraisme (ΠΪΏΊΓ)•, Deissmann, dans ses Neue Bibelstudien, pp. 24-25,
relove plusieurs exemples de cette acception dans des papyrus des ii-iii" si6cles
ap. J.-C. — περιπατησουσιν (noter le futur) έν λευκοϊς pent deja pr6sager la victoire du
Christ et de I'Eglise, celeste et militante, sur les Betes et leur armee au ch. xix
[vid. ad locum). — έν λευκοϊς, v. Exc. xii.
38 APOCALYPSE DE SAINT JEAX,
F. La Leitre a Philadelphie .
C. III. 7. Ivy}, τω Λγγίλω της εν Φ',λαοελφία εκκλησίας γράψον'
Τάδε λέγει ο άγιος, 5 αληθινός, 5 ε'χων τήν "/.λεϊν *το•) "Ααυείο, ο άνο'!γο)ν και
ουδείς *^κλείσει, και κλείων και οΐίοείς *άνοίγει' 8. Οίδά σου τα έργα. Ίδου *δέδωκα
ένώτύΐόν σου θύραν ήνεωγμένην, ην ουδείς δύναται κλεϊσαι *αυτήν. οτι [λίκραν έ'χεις
δύναμ.ιν, και έτήρησάς μου τον λόγον, καΐ ουκ ήρνήσω το ονσμά μου. 9. Ίδου *διδώ
εκ της συναγωγής τοϊ3 Σατανά, των λεγόντων εαυτούς Ιουδαίους είναι, καΙ ουκ είσίν,
άλλα ψεύδονται" ϊδου ^ττοιήσω αΰτους ίνα *ήξουσιν και ';:ροσκυνήσου!^ιν ενώπιον των
■ Α. Β. C. 5. Α cause du parallelisme avec les autres finales, et de la conti-
nuite du style de VApoc, je conserve ούτος, avec Soden, contra οΰτως admis de Tisc/i.
W-H, Nestle, etc. et qui se lit C, A, 1072, 1073, al. — Nous preferons aussi περιβάλ-
λεται, present, avec C, syrs^^ <•'«»•, au futur περιβαλεΤται des autres mss. et des critiques,
pour deux raisons : le futur moyen est inusite dans I'Apocalypse (sauf κόψονται, r, 7
et xvin, 9), et le sens general du livre incline a penser qu;'il s'agit deja d'une roalite
presente, toujours la grace, et non purement eschatologique ; cependaat on peut
objecter ceci, que les promesses similaires ont toutes la forme du futur, bien qu'elles
soient deja accomplies, du moins en germe. G'est pour cela peut-etre que des scribes
auraient ecrit le futur. — Iv instrumental; il est usite dans quelques papyrus \Pap.
de Tebtunis, 16 et autres) dans un sens voisin, celui d'armement. — Nous traiterons
du « livre de vie » au ch. ν et Exc. xvi et des « vetements blancs » dans ΓΕχο. xii.
« Je n'effacerai pas «... monlre que le Christ dispose lui-meme de ce livre, cfr, v, 7,
8, 9; xin, 8; Odes Sal. ix, 12. Les vrais fideies de Sardes seront confesses, reconnus
par le Christ au jugement dernier. Mat. x, 32, cfr. Luc ix, 26, encore reminiscence
des Synoptiques. And. dit qu'ils seront reconnus ωτπερ y.a1 οΐ καλλίνικοι μάρταρες; ce κ«ί
indique que, pour lui, il ne s'agissait pas exclusivement de « martyrs » dans ces
fins de lettres, centre I'erreur future de Joh. Weiss.
EXC. Vlli. — SARDES ET l'eGLISE DE SARDES.
Sardes, reduite aujourd'hui au pauvre village de Saj^t, qui n'en occupe meme
pas tout a fait Γ emplacement, etait deja alors una puissance du passe. Cette
ancienne capitale de la belliqueuse Lydie affichait pourtant encore des preten-
tions, elle s'intitulait μητρόπολις, et voulut rivaliser avec Ephese, Smyrne et
Pergame, pour I'erection du temple en I'an 26. Elle n'eut son neocorat que
beaucoup plus tard. Sa religion etait toujours celle de la Grande Mere, appelee
chez elle Core ou Persephone, avec, sur ses monnaies, une singuliere idole
barbare ressemblant assez a I'Artemis d'Ephese, mais voilee, et fruste comme
un ξόανον (v. Radet, VAi'temision de Sardes, Rev. des etudes anciennes, Bordeaux,
1904). Un « Zeus Lydios » lui etait associe. Sardes ayant beaucoup souffert
d'un tremblement de terre en Tan 17, participa aux generosites de Tibere, et
prit en son honneur le surnOm de « Caesarea » ; une medaille frappee a cette
occasion montre Livia deifiee avec les attribute de Demeter, forme hellenisee
de la deesse autoclitone; c'est un nouvel indice de I'union du culte des empe-
reurs avec les religions locales.
Le site de Sardes, sur une colline qui se detache du Tmolus vers I'Hermus,
APOCALYPSE DE SAIXT JEAX. 3.9
C. III. 7. Et έ, FAnge de TEglise [qui est] a Philadeiphic, ecris :
<( Voici ce que dit le Saint, le Veritable, Celni qui a la cle de David,
Celui qui ouvre et personne ne fermera, et qui ferme et personne u'ouvre :
8. Je connais tes oeuvres. Voici que j'ai mis [Litt. donne) en face de toi une
porte ouverte, que personne ne peut fermer; parce que petite [est] la puis-
sance [que] tu as, et tu as observe ma parole et tu n'as pas renie mon nom.
9. Voici que je donne de la synagogue de Satan,, de ceux qui disent eux-
memes qu'ils sont Juifs... — et ils ne [le] sont pas, mais ils m.entent! —
voici que je ferai qu'ils viendront, et se prosterneront devant tes pieds, et
et n'est accessible que par le Sud, paraissait en faire une place inexpugnable;
pourtant, comme elle se fiait trop a sa force naturelle, elle avait ete surprise
deux fois, par Cyrus dans sa guerre contre Cresus, et trois siecles plus tard
par Antiochus le Grand; I'ennemi avait escalade, « comme un voleur dans la
nuit », son rempart de rochers abrupts, mais effrites. L'eglise de Sardes, qui
ne fait son travail qu'a demi, qui manque de zele et de vigilance, s'expose a etre
surprise de meme, mais cette fois par le Christ-Juge. Le ton severe du reproche
suppose en cette eglise des fautes graves, peut-etre une rechute au niveau des
moears paiennes. La lettre a quelque analogic avec celle d'Ephese, deja par la
forraule du debut (Ramsay, Letters, ch. xxv-xxvr).
A. B. 7. κλείδα pour κλεΐν, Orig., And., al. — του manque devant Λαυειδ ckez
beaucoup d'autorites, mais se lit n, P, Q, And. Aret., et la plupart des minusc. —
του δικού est suppose devant Δαυ. dans boh. — όίδου (d'apres i, 18) au. lieu de Λαυ.,
And., Aret., al., ou του παραδείσου, suppose par ann^°"-, sont des corrections pour
augmenter la clarte du symbole. — Remarquer le present ανοίγει apres le fut. χλείσει;
quelques manuscrits ont voulu unifier, par deux presents ou deux futurs ; ανοίξει Iren.
Orig.,, rec K, N, al., HippoL, Prim, g, vulg. — άγιος ne sert qu'ici d'epithete au Christ;
cfr. Act. Ill, 14; iv, 27, 3Q; ailleurs, dans VApoc, il n'est dit que de Dieu *l/>oc. iv, 8;
VI, 10. — αληθινός, mot johannique, qui signifie « authentique, ideal » προ^ς άντιδιαστολ^ον
σχιας κα\ τύπου /.αΐ εικόνος [Orig. in Job. tr. π, 6), ou « vrai, fidele a soi-meme »
[Hort); encore epithete divine; cfr. Is. lxv, 16 : τον θεον τον άληθινο'ν; en dehors des
ecrits johanniques (10 fois Apoc, 9 fois Ei>., 4 fois I Joh.), il ne se trouve dans le
N. T. que 4 fois Heb. et 1 fois I Thess. i, 9. — « Cle (de la niaison) de David »,
Is. xxii, 22; cfr. Mat. xvi, 19, la collation des cles a saint Pierre.
C. 7. « Avoir la cle » est une metaphore biblique et rabbinique qui signifie exercer
tout pouvoir dans une demeux'e; la forme de rima.Jie vient d'Isaie, mais elle equivaut
pour le sens a I'attribut que revendique le Fils de I'Homme, i, 18. Comme Messie
et comme Dieu, il domine le peuple elu, et possede un droit sans limites dans la
« nouvelle Jerusalem » cite de la resurrection [Hort, al.) Orig. el Hipp, pensent a la
cle des ecritures ou de la science; And. donne las deux interpretations. Remarquer
que, dans toute cette lettre, les figures sont tirees du meme ordre d'idees, le batiment;
nous en verrons la raison.
— — A. B. 8. L'extension du sens de δεδωκα [ici : « j'ai place ») rappelle I'heb.
inj. — La grosse faute de la ropotition de αυτήν apres ήν [And. corrige en supprimant
αυτήν et ecrivant χαί avant ουδείς; meme omission dans Ν et Av 56-49-2023, qui omettent
aussi rjvi et vulg. Prim, arm.) se trouve presque partout, et VApoc. en oiTrira d'autres
exemples; c'est un solecisme populaire, si Ton veut, mais bien plus naturel a un
40 Al'OCALYPSE DE SAIXT JEAN.
ποδών σου, κα? *γνώσιν οτ'. έγώ ήγάπησά σε. 10. "Οτι *έτήρτ,σας τον λόγον τ^ς
ύττομονης μοΟ, κάγό) σε τηρήσω* εκ τγ;ς ώρας του ττειρασμοϋ της μελλούσης 'έρχεσ-
Οχι έτϊΐ τν^ς οικουμένης 'όλης, '::εφάσ3:ι τους κατοικουντας έχί της γης. 11. "Ερχομαι
ταχύ. Κράτει ο έχεις, ίνα μηοείς λάβη τον στέφανόν σου. 12. *Ό νικών, ποιήσω
αϋτον στυλον εν τω ναώ του θεοΰ μου, και έ'ξω *ου μή έξέλθη ετι, και φράψω έπ'
αϋτον το όνομα τοΰ θεού μου και το όνομα της πόλεως του θεοΰ μου, της καινής
Ιερουσαλήμ *ή καταβα(νουσα *έκ του ουρανού *άπο του θεού μου, και τ^ ονομά μου
το καινόν. 13. Ο έχων ους άκουσάτω τί το πνεύμα λέγει ταΐς έκκλησίαις.
Semite (Lntrod., c. χ § II at IIIj. — « Porte ouverte ». cfr. I Cor. xvi, 9; II Cor. u, 12;
Col. IV, 3; figure paulinienne, qui signifie « faeilites procurees a I'apostolat ».
C. 8. La « cle de David » du Messie a d'abord ouvert cette porte, qui n'est pas
la porte du salut {Joh. Weiss, Calmes), mais les faeilites ouvertes a Philadelphie,
la « cite missionnaire » (Ramsay), pour la propagande chretienne a travers la Phrygie
[And., al.; de Wette, Ewald, Diisterdieck, Bousset, Swete, Hort, etc.); le sens est
tout a fait certain d'apres saint Paul. IMalgre I'humilite des moyens de Philadelphie,
qui etait une petite ville, le Christ, ΓαληΟινό;, le Fidele, lui garantit le succes de ses
efforts. Tgnace (Philad. in, 1) nous apprend aussi que cette eglise etait florissante,
malgro Juifs et Judaisants.
— ^— A. B, 9. La forme δ;δώ pour δίδωμι (Introd. cli., x, § II) est attestee par A et
C; N* a corrige en δέδο^κα. — Les futurs apres ?va (Introd., c. x, § II) ont ete transformes
en aor, subjonctifs par Q, al., Soden; remarquer qu'ils sent partout suivis de I'aor.
y^iaav/ (inconsequence qui n'a rien de surprenant dans YApoc), excepte dans N, 1072,
δ^'>'-14-69, Prim, qui lisent κα\ γνώστ) « et tu sauras », et quelques autres qui portent
γνώσονται « ils sauront »<. — διδΰί pent efre un auxiliaire causatif, a Thebraique, ou bien
avoir pour regime un « l•/. 'Ιουδαίων » sous-entendu : « je [te] donnerai des Juifs [comme
convertis] » ; en tout cas, il y a anacoluthe. — χα\ ούκ είσίν, construction deja vue,
pent etre une parenthese; cfr. ii, 9, ainsi que pour la « Synagogue de Satan ». —
« Venir et se prosterner » Is. lx, 14.
C. 9. II n'y a ici allusion a aucune persecution paienne; le peril vient des Juifs
(cfr. Ign. Philad. 6, encore vingt ans apres). Mais le Christ promet que ces Juifs
eux-m^mes echapperont a Satan ; la promesse n'a rien d'eschatologique (centre Bousset)
et ne repond pas a la conversion en masse du peuple israelite pr^dite par saint Paul,
Bom. XI.
— — A. B. 10. τηρειν, johannique; τηρεΓν έκ.. est caracleristique, car il ne se
trouve ailleurs que dans le IV^ Evangile, xvii, 15 — χατ. Ιπ\ της γης, locution familiore
a VApoc; cfr. vi, 10; viii, 13; xi, 10; xiii, 8, 14; xvii, 8, ainsi dans presque toutes les
parties du livre ; indice de I'unite d'auteur. — Pour la preservation du πεφασιχός,
cfr. Bar. syr. c. xxvin, ou Dieu promet de proteger, au milieu de la crise qui pre-
cedera le jugement, ceux qui habiteront la terre d'Israel; mais ce motif apocalyp-
tique, si e'en est un, regoit ici une tout autre application (v. Introd., ch. v, ii).
C. 10. υπομονής μου; ce n'est pas, contre Holtzmann, I'attente patiente du Christ
qui viendra, mais plutot la patience du Christ que I'enseignement Chretien porte a
imiter; genitif de sujet. (Bousset, S(vete). C'est un contresens, d'apres tous les
passages similaires, d'interpreter οίκουμενη et les « habitants de la terre », des seuls
Chretiens exposes a la persecution; il ne s'agit meme pas des humains en general,
Chretiens compris (cfr. Calmes et Bousset). D'apres vi, 10, et les autres passages
indiques ci-dessus, ces expressions ne designent que le monde incrodule. Mais
quelle sera cette « tentation » dont Philadelphie doit etre preservee? Les anciens,
Tyconius, Prim.. And., Ardthas, Bede I'entendent des persecutions futures, sOy^
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 41
qu'ils sachent que, moi, je t'ai aime. 10. Parce que tu as garde {litt.
observe) la parole do ma patience, moi aussi je te garderai de Fheure de
la tentation qui est pres de venir sur tout le monde habito, pour tenter ceux
qui habitent sur la terre. 11. Je viens promptement. Tiens ce que tu as,
pour que personne ne prenne ta couronne. 12. Le Victorieux, je le ferai
colonne dans le temple de mon Dieu, et il ne sortira plus jamais dehors, et
j'ecrirai dessus le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de
la nouveUe Jerusalem, — celle qui descend du ciel d'aupres de mon Dieu,
— et mon nom nouveau. 13. Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que
I'Esprit dit aux eglises.
rAntechrist; Boiisset, du grand combat sous le « Nero redivivus » ; Holtzmann, de
Γ « adoration de la Bete » du eh. xiii. Alcazar et Grotius ont pense aux persecutions
generales des premiers siecles. Pour Swete, qui se refere tres justement a Joh. xvii,
11, c'est la preservation de tons les troubles qui doivent preceder la Parousie, en
general, tons les temps futurs etant confondus dans la meme perspective prophe-
tique. Mais il faut I'entendre comme Bede : « non quidem ut non tenteris, sed ut
non vincaris adversis ». Notre opinion est encore que cette promesse, bien que
formulee d'une maniere speciale qui s'adapte aux vertus speciales de fidelite et de
Constance des Philadelphiens, s'adresse pourtant a tous les chretiens dignes de ce
nom; car la tentation ou tribulation (πεφασαο'ς = θλϊψις) dont la menace remplit toutes
les pages du livre inspire, ne sera qu'exterieure pour tous les croyants bien pre-
pares (cfr. VII, 3, com.). Joh. Weiss a grand tort de chercher dans ce passage un
appui pour sa theorie que le premier auteur, contrairement au « Redacteur », n'at-
tendait pas de persecution sanglante.
— — — B. C. 11. "Epyoaat τα/ύ, cfr. II, 5, 16; XXII, 7, 12, 20, designe ici, non la
consommation, mais le commencement de cette arrivee du Fils de I'Homme, comme
juge, qui se manifestera par des calamites, prodromes de la ruine du monde pecheur
(voir Exc. XIII). Les persecutions en seront une partie. Philadelphie, comma les
autres eglises, subira cette tentation exterieure; aussi le Christ lui dit-il de tenir
ferme, pour ne pas se laisser enlever la « couronne » qu'elle a jusqu'alors glorieu-
sement meritee; cfr. ii, 10, dans la lettre a Smyrne, avec laquelle celle-ci offre une
grande analogie.
■ A. B. 12. Remarquer le « nominatif pendant », et ού jxrj, ainsi que la forme
'ΐΞοουσαλημ, lorsque les autres ecrits johanniques portent invariablement ΊΕροσ(5λυ(Αα ;
mais Mat., Luc, et Paul emploient egalement les deux formes. — έκ designe le lieu
d'origine, άπο la personne qui envoie. — Le nominatif ή καταβαίνουσα (faute d'accord
ou parenthese) est une irregularite frequente dans le livre; And, la rec K, al..
Font corrigee en y] ■^.a.xa.^a.vm•, mais I'accord des principaux temoins subsiste. —
L'iraage des στΰλοι provient des colonnes du Temple, I Reg. vii, II Parol, iii; pour
le sens figure. Gal. ii, 9. — της καινής Ίερ• : on se serait plutot attendu a trouver ici,
d'apres I'usage ordinaire de I'auteur, της Ίερ• της καινής; le sens paraissait I'exiger;
c'est un signe que I'auteur n'attachait pas grande importance a la place de I'adjectif
ni a la repetition de I'article (Introd., ch. x, § ii). Pour « la nouvelle Jerusalem »
cfr. xxi-xxii; Swete rappelle ici fort a propos ή ανω Ίερουσαλτία de Gal. iv, 26, ainsi
que Heh. xii, 22; nomlDreux paralleles dans les Apocryphes, Hen. 4th. xc, Hen. si.
LV, Bar. syr. iv, IV Esd. vii, etc. (voir Exc. au chap, xxi) — θεοΰ μου, voir a iii, 2. —
« Le nom nouveau » cfr. ii, 17; xiv, 1; xix, 12-13 et Is, lvi, 5; lxii, 2; lxv, 15;
encore Hen. eth. c. 69, le nom secret du Fils de I'Homme; Asc. Is. vii, 37, viii, 7;
IX, 5, le nom inconnu du Bien-Aime.
42 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
G. La Lettre a Laodicee.
C. III. 14. Και τω άγγέλω της έν Ααοδικεύζ εκκλησίας γράψον'
Τάδε λέγει έ αμήν, ό μάρτας έ πιστός καΐ αληθινός, ή αρχή της κτίσεως του θεοΰ.
15. Οίδά σου τά έργα, οτι οΐίτε ψυχρσς ει ούτε ζεστός. 'Όφελον ψυχρός ης ή ζεστός.
16. Οΰτως Οτι *χλιαρσς ει, και σΐΐτε ζεστός ούτε ψυχρός, μέλλω σε *έμέσαι. εκ του
στόματος μ;υ. 17. Ότι λέγεις 'ότι πλούσιος είμι και πεπλούτηκα, και *ουδεν χρείαν
εχω, καΐ ουκ οίδας 'ότι συ ει *ό ταλαίπωρος καί ελεεινός και πτωχός κοα τυ.φλός και
γυμνός, 18. συμβουλεύω σοι άγοράσαι τταρ' έμου χρυσίον χεπυρωμένον *έκ πυρός ϊνα
G. 12. La metaphore de la « colonne », dont Joh. Weiss Irouve qu'on n'a pas
suffisammeiit encore explique lOrigine, est pourtant bien facile a expliquer d'apres
Gal. n, 9. Pour nous, comme pour Bousset et Swete — apres Orig., And., etc., —
elle signifie que les chretiens de Philadelphia jouiront d'une grande consideration,
ou d'un pouvoir surnaturel, dans I'Eglise, qui est la nouvelle Jerusalem (ή Ικχλησία
-οΰ θεοΰ τοΰ ζώντος. Orig.). Le « nom nouveau » est un nom nouvellement connu,
qui exprime mieux la nature ou la dignite; peut-etre est-ce un emprunt, purement
litteraire du reste, a la croyance populaire au pouvoir des noms secrets dans les
operations magiques; ici, ce « nom nouveau » de Jesus, comme Calmes I'a fort
bien vu, doit etre « la Parole (Verbe) de Dieu », comme xix, 12-13. Ge nom du
Christ, grave sur I'homme-colonne, montre que celui-ci participe a la nature du
Seigneur, du Verbe divin, cfr. ii, 17.
EXC. !X. PHILADELPHIE ET LEGLISE DE PHILADEiPHIE.
Aucune de ces lettres, si ce n'est la suivante, nest en correspondance plus
frappante avec tout ce que I'histoire profane nous apprend sur la ville en
cause. Philadelphie — aujourd'hui Alaclielier, sur le chcmin de fer de Smyrne
a Kara-Hissar, n'etait quune assez petite ville, fondee par le roi de Pergame
Attale II (159-138), pour propag-er la culture grecque en Lydie et en Phrygie;
elle adorait specialement le Dieu-Soleil et sans doute Asklepios. Situee dans
la contree volcanique dite κατ^χΕκαυαενη , elle etait exposee a de frequentes
secousses du .sol. En Tan 17 de notre ere, le tremblement de terre lui fut
desastreux, au point que la terreur durait encore des annees apres, et que
beaucoup d'habitants s'etaient decides a habiter en dehors de ses murs [Stra-
bon, XIII, 10). A cette occasion, elle eprouva la liberalite de Tibere, et, non
contente d'etablir le culte du fils adoptif de Tempereur, considere comme son
heritier presomptif, Germanicus, qui se trouvait alors en Asie, elle se donna
le « nom nouveau » de « Neacesaree » ; cas unique parmi ces villas, car le
« Caesarea » de Sardes n'etait qu'une epithete. Plus tard, sous Vespasien, elle
y ajouta « FlaAaa » ; elle eut son neocorat sous le regne de Caracalla seule-
ment, entre 211 et 217.
Cette histoire explique assez les metaphores de la lettre : la « porte ouverte »,
la « colonne », erableme de stabilite, le « έ'ξω ού μή εξέλθνι ετι », le « nom nou-
veau », plus glorieux que celui de Neocesaree, la preservation de la « tenta-
tion », des calamites futures, beaucoup plus redoutables que les tremblements
de terre qui inspiraient tant de crainte en ce pays (Ramsay, Letters, ch. xxvii-
xxviii, Lightfoot, Lettres d'ignace aux Philad; Swete, Introd. p. Ixiv).
APOCALYPSE DE SAIXT JEAX. 43
C. III. 14. Et a I'Ange de Feglise [qui est] a Laodieee, ecris :
« Yoici ce que dit ΓΑιηεη. le temoin fidele et veritable, le principe de
la creation de Dieu; 15. Je connais tes (euvres, que tu n'es ni froid ni
chaud. Mieux vaudrait que tu fusses froid ou chaud. 16. Ainsi, parce que
1u es ti6de, et ni chaud ni froid, je suis pres de te vomir de ma jjouche.
17, Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n'ai besoin
de rien — et tu ignores que c'est toi le raalheureux, pitoyable, mendiant,
aveugle et nu, — 18 je te conseille de m'acheter de For eprouve au feu,
B. C. 14. Les exegetes rapprochent ce titre <f δ ααη'ν », d'/s. lxv, 16 : « Qui voudra se
benir dans le pays se benira 7ΏΝ I'^XZ », que les LXX rendent τον θεον τον άληΟινο'ν,
et Symmaque, τον θεον apjv. L' « Amen », formule solennelle d'affirmation, si usitee par
J.-C. dans TEvangile, est ici personnifie; il represente, en contraste avec le triste
caractere de Laodieee, I'Etre qui est la veracite absolue, le type meme de la fldelite,
qui met le sceau a toute verite et perfection, celui dont la nature et le caractere sont
garants de son temoignage, et qui est immuable dans ses paroles et ses oeuvres [Hort,
Bousset, Swete, al.); le « temoin fidele», Apoc. \, 5, et « αληθινός », encore cette epithete
johannique de Dieu et du Christ, cfr. iii, 7; vi, 10; xix, 11. — ή io/r, της κτίσεως του
θεοϋ correspond aux expressions pauliniennes πρωτότοκος κάσης κτίσεως et άρ"/,η, πρωτότοκος
h. των νεκρών de Col. I, 15, 18. C'est une coincidence remarquable, observe Bousset^
que cela se lise justement dans une lettre adressee a cette eglise de Laodieee, qui
avait du lire I'epitre aux Colossiens {Col. iv, 16). Nous A'oyqns par la combien le choix
de ces designations etait pen laisse au hasard ; c'est un signe certain qu'il y a emprunt
intentionnel a Paul, done que la christologie de Jean est paulinienne. II ne faut pas
interpreter ^ρ-/ή της κτίσεως dans le sens arien de « premiere creature », axez Ewald,
Holtzmann, et meme Bousset, mais, d'apres tout le contexte des ecrits johanniques, et
Paul, et Υ Apocalypse elle-mέme, rapprocher cette expression de -ρώτος καΙ Ισ/ατος, A
7.λ\ ω, άρ7ή χα t τέλος (ι, 17; ΐΓ, 8; χχιι, 13; ι, 8; χχι, 6; χχιι, 13), qui sont dits, tantot de
Dieu, tantot du Christ; c'est done encore une epithete divine, « le principe de la crea-
tion de Dieu » cfr. Joh. i, 3. L'idee repond a celle de i, 17 « Je suis le Premier et le
Dernier «, dans la vision d'introduction. Αηάνέ : άρ/τ) ώς τών κτ;σαάτων δίσπόζουσα,
Λρ-/ή γαρ κτίσεως ή προκαταρκτική αιτία και άκτιστός.
. C. 15. Sur la suffisance de Laodieee, cause d'un org-ueil et d'une tiedeur qui
repugnent a la verite divine plus que des fautes graves, mars avouees, voir I'Exc. x.
Dupuis, dans VOr. de tons lescultes, avec sa geniale theorie astronomique, disait a ce
propos : « Si nous passons a la derniere eglise (in, 15) et a son genie tutelaire, nous y
reconnaitrons presque tous les traits que I'astrologie donnait au Aaeux Saturne, vieil-
lard lent et glace » (cite par Clemen, p. 67). Ainsi I'Ange d'Ephese, ville de Diane,
etait la Lune, celui de Thyatire Venus, etoile du matin, etc. Winckler {Altorientalische
Forsc/iungen, ii, 38&, 1901), e% Jeremias ne sont pas restes en arriere. Pour ce dernier
(pp. 26-27), les sept etoiles (Anges) que tient le Christ dans sa droite, representent le
Sauveur comme le Soleil, Mardouk avec les sept Pleiades; le « Premier et Dernier »,
qui etait mort et qui a revecu, comme la Lune, a cause de ses phases; le « Fils de
Dieu » comme Nabou, fils de Mardouk; la « cle de David » rappelle le motif Ishtar-
Tammouz; « Amen » equivaut a Saturne, Γ « Urgrund ». C'est a titre de pure curio-
site que nous mentionnons cette scientifique exegese.
—— A. B. C. 16. χλιαρά est un hapax legomfene (Lvtrod., c. x, § I) — ιχελλω σε
έμέσαι, qui repugnait a la delicatesse de quelques scribes, a ete change par eux en
παύσε (n), en Ιλέγ/ο; σε (1073). La menace n'est pas, ici encore, purement eschatologique
44 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
πλουθήσης, καΙ ιμάτια λευκά ίνα ττεριβάλν; και μή φανερωθΫ] ή α'ισχύνγ) της γυμνέτη-
T3C σου, και κολλούριον *εγχρ1'σαι τους οφθαλμούς σου Γνα βλεπης. 19. Έγώ όσους
έαν φιλώ ελέγχω και παιϊεύο)' ζήλευε ουν καΐ μ,ετανόησον. 20. Ίδου εστηκα επΙ τήν
Οΰραν καΐ κρούο)* εάν τις άκοΰσγ; *της φωνής μου, και άνοίςη τήν 6υραν, *και είσε-
λεύσομαι προς αΰτον και δειπνήσω μετ' αϋτου καΐ αϋτος μ,ετ' έμου. 21. Ό νικών
δώσω αυτώ καθίσαι μετ' έμοϋ εν τω θρόνω μου, ως κάγώ ένίκησα και έκάθισα μετά
του πατρός μου εν τώ Ορόνω αυτού. 22. Ό έχων ους άκουσάτω τι το πνεύμα λέγει
ταΤς έκκλησίαις.
(centre Bousset, al.). Jesus fait entrevoir a ces tiedes la soustraction de sa grace, qui
laisserait mourir chez eux les derniers restes de foi et de vie chretienne. Peut-etre
[Sivete, Ramsay,• \. Excursls x), y a-t-il une allusion locale aux sources chaudes
d'Hierapolis, dont les eaux, coulant en plaine, devenaient tiedes et impotables.
— — A. B. C. 17. Nous admettons ουδέν, de A, C, α 1578-12-181, α 203-181-203,
avec Tisch.^ ΛΥ-Η, Nestle, Bousset, Swete, centre οΰδενο;, plus grammatical, a'Orig. et
And., suivis de von Soden; — πεπλούτη/.α, cfr. Osee xii, 8, reproche a Ephraim. — Les
Laodiceens etaient infatues d'eux-memes, comme les Corinthiens (I Cor. iv, 8). « Son
bien-otre materiel ne sert a I'eglise de Laodicee qu'a se faire illusion sur sa pauvrete
spirituelle » [Calmes). Jesus les ramene au sens de la realite par une serie d'epithetes
d'une rare vigueur. Remarquer I'article : ό ταλαίπωρος : tu es le pauvre entre tous.
— — A. β. C. 18. Nous lisons I'infin. έγ/ρίσαι avec W-H., Bousset, Soden, al., et
non I'imperatif εγχρισαι de Tisc/i. [vulg. « inunge », And., ερ/pwov), car ainsi la phrase
est aussi reguliere et plus suivie. — πεπ. h. πυρός. Get h. πυρός pent tenir lieu dun datif
instrumental (Introd., ch. x, § II), mais aussi, par ellipse, signifier « [sortant] du feu » ;
cfr. pour I'image Ps. xvii (xviii), 31; Frov. xxiv, 28 (xxx, δ), et surtout I Pet. i, 7, ού
elle est appliquee a la foi, ce qui doit etre encore le sens ici. Les « A^etements blancs »
(cfr. Apoc., passim.; Exc. xii) pour Andre, representent ici les vertus, dont la grace du
Christ est la source; il ne s'agit pas encore de biens eschatologiques; cfr. xix, 8. Le
tf coUyre » rendra I'acuite a leur vue spirituelle; Andre veut y voir la pauvrete, qui
dessillerait les yeux de ces riches. Partout des allusions au commerce local (Exc. x).
Contraste avec le message a Philadelphie.
— ^— A. B. 19. εάν, pour αν. est hellenistique; nombreux exemples dans le N. T.,
les LXX, et les papyrus [Blass-Deb. p. 107); I'emploi de la particule αν (έάν), en ce
sens, est d'ailleurs tres rare dans I'Apoc., contrairement a Jo/i. et a I Jo/i. — L'impe-
ratif present ζήλευε (non ζηλωαον ou ζηλοΐ3, d'H et quelques autres), suivi de I'aoriste
[Αετανόησον, marque un choix delicat du temps {Bousset), digne d'un bon helleniste : car
le zele doit etre continu, tandis que la conversion sera un acte transitoire. — οδς
ελέγ/ω, cfr. Prov. iii, 2; Jesus parle encore comme Dieu.
C. 19. Ce verset et le suivant sont parmi les plus touchants du N. T.; I'auteur de
I'Apocalypse, meme en ses menaces les plus severes, n'oubliait pas que « Dieu est
amour ». Ramsay a grand tort de croire que cette explication misericordieuse s'ap-
plique seulement a I'ensemble des eglises, tandis que Laodicee serait condamnee
irrevocablement; rien n'indique une restriction pareille, au contraire. βαβαΐ της φιλαν-
θρωπίας, s'ecrie Andre, omu d'une telle bonte divine.
— — A. B. 20. φωνής, genitif; aiUeurs, I'Apoc. (comme Jo/i.) emploie I'accusatif
φωντ;ν apres άκόυω, sans raison visible de cette difference, ainsi i, 10; vi, 6, al.; toute-
fois, quand le regime est un nom de personne, il le met constamment au genitif,
sauf v, 13. — Καί, avant έλεύσο,ααι, est un hebraisme demeure assez curieusement
rec. K.; aussi Tisch. et Bousset font-ils bien de le conserver, malgre I'omission des
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 45
pour que tu t'enrichisses, et des vetements biancs pour que tu t'enveloppes,
et que n'apparaisse pas la honte de ta nudite, et un coUyre [pour] oindre
tes yeux, afin quetu regardes. 19. Moi, tous ceux que j'aime je [les] reprends
et [les] corrige; aie done du zele, et convertis-toi. 20. Voici que je suis
debout h la porte, et je frappe : si quelqu'un entend ma voix, et ouvre la
porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi. 21. Le
Victorieux, je lui donnerai de s'asseoir avec moi sur men trone, comme moi
aussi j'ai vaincu, et me suis assis avec mon pere sur son trone. 22. Gelui qui
a des oreilles, qu'il entende ce que I'Esprit dit aux eglises.
autres mss. — έάν τι; άκ., cfr. Jo/i. χ, 3 Holtzinann). — « Je suis debout a la porte, etc. » ;
il ne faut pas trop presser le parallelisme qu'on indique avec Mat. xxiv, 33; Luc xii,
36 eiJac. v, 9, ni avec Hen. eth. ch. lxii, 14.
C. 20. Bousset ne veut pas qu'on spiritualise ici, et il rapporte cette promesse au
regne millenaire; mais ce n'est la que du parti pris, du a sa these syncretiste.
Jesus se tient a la porte, mais secretement, humblement, « a la porte du coeur ».
« Son avenement est sans violence » {Arethas). Dans les paralleles indiques ci-
dessus, il s'agissait de la venue solennelle du Juge; ici le Seigneur change le sens
de I'image, c'est I'arrivee d'un ami suppliant, et le ton est plutot celui du Gantique
des Gantiques que des menaces synoptiques. Gar c'est I'homme qui doit ouvrir la
porta a Jesus; c'est chez I'homme que Jesus entrera, c'est I'homme qui offrira le
repas. Gette image du repas, dans Luc xiv, 15 et en de nombreux passages bibliques
{Is. XXV, 6) ou apocryphes, represente la beatitude de la vie future; mais alors le
repas est general, et ce sont les hommes qui entrent dans le palais de Dieu. Dans
notre verset, nous voyons justement I'inverse. II s'agit done de I'entree secrete
dans le coeur, suivie des joies de la grace, et, plus specialement sans doute, de
I'Eucharistie. II n'est aucune image, dans toutes ces Lettres, qui ait un caractere
plus intime, plus individuel, et plus touchant.
— A. B. 21. « Nominatif pendant », et pleonasme de αυτω. — καθ-'σαι κτλ.,
cfr. Mat. XIX, 28; Luc, xxii, 29. — έκάθυα, image du Ps. ex, 1, voir ch. v. — ένίκησβ,
cfr. Joh. xvi, 33, mot johannique.
C. 21. Ici seulement la promesse devient eschatologique ; les deux perspectives,
de la vie presente et de la vie future, sont ici distinguees, tandis qu'elles etaient
fondues a la fin des lettres precedentes. D'ailleurs cette royaute promise est deja
commencee sur terre (i, 6; al.). Restreindre ces promesses aux martyrs [Joh Weiss),
c'est un vrai contresens; le Ghrist a bien ete definitivement vainqueur par sa mort
et sa resurrection; mais aussi grace a ce « quotidie morior » qu'il aurait pu dire
avant son apotre saint Paul; il en doit etre ainsi pour ses fideles.
EXC. X. LAODICEE ET l'eGLISE DE LAODICEE.
Ce dernier message couronne dignement le premier septenaire et la serie
« des choses qui sont ». II est le plus ample de tous, peut-etre le plus beau,
pour la vigueur et la tendresse. Nous pourrions dire qu'il est le plus pitto-
resque aussi, car les allusions aux circonstances locales sont plus directes et
plus transparentes que nulla part ailleurs,
Laodicee etait una importante cite d'industrie et de commerce, en meme
temps quun centre d'enseignement medical. Fondee par Antiochus ii (261-
46 APOCALYi'SE DE SAIAT JEAN.
246), dans la valle dii Lycus, en face d'Hierapolis, dont les eaux thermales,
s'ecoulant en ruisseaux par la vallee, d^venaient bientot tiedes et impossibles
a boire, elle avait cru rapidement sous la domination romaine; sa prosperite,
comme le montre assez la lettre, la portait a une bourgeoise satisfaction
d'elle-meme ou le sentiment religieux ne pouvait que s'attiedir. Sa fierte, son
sentiment de « self-help » s'etaient montres une trentaine d'annees auparavant
par un trait que rapporte Tacite^ Annales, xiv, 29 : « Eodem anno (60) Lao-
dicea tremore terrae prolapsa, nullo a nobis (i.e. Romanis) remedio propriis
viribus revaluit. » Deja alors elle disait : ουδέν χρείαν iyw. Vers cette epoque,
une communaute chretienne y avait ete fondee par les disciples de Paul
[Col. II, 1; IV, 13-16; cfr. Act. xix, 10).
La ville etait pleine de banques et de maisons de commerce ; une de ses
principales industries etait la preparation de laines noires lustrees, avec les-
quelles on fabriquait des vetements speciaux. A quelque distance s'elevait le
temple de Men carien, aulour duquel se tenait nn marche fameux. Des noms
de medecins laodiceens illustres sont inscrits, au temps d'Auguste, sur les
monnaies locales. lis semblent avoir pratique surtout I'oculistique ; Aristote
parlait deJa de la « poudre phrygienne », et plus tard Galien du χολλούριον {De
Sanitate tuenda, vi, 12); c'etait un cylindre d'une pierre particuliere, que Ton
reduisait en poudre a appliquer sur les yeux, et qui etait exportee dans tout le
monde romain.
Le Fils de I'Homme, on I'a vu deja dans la lettre a Sardes, est surtout
severe pour les tiedes qui s'enorgueillissent dans leur insuffisance. II montre
le contraste choquant qui exisle entre ce quest Laodicee a ses propres yeux,
et ce qu'elle est en face de I'ideal chretien. L'or de ses banquiers n'est, devant
Dieu, que de la fausse monnaie; au lieu de ses laines noires^ ell« ferait bien
de songer a acquerir les velements blancs de la purete et du triomphe; son
collyre n'est pas celui qui guerira ses yeux aveugles par la richesse. Mais
Jesus s'etend ensuite d'autant plus sur sa misericorde, qu'il a blame en termes
plus ironiques et plus veliements; il adresse aux Laodiceens le plus touchant
de ses appels, parce que ce sont des coeurs arides que Tegoi'sme, I'interet,
rhabitude des compromis, a rendus plus difficiles a atteindre (cfr. Ramsay,
Letters, cli. xxix-xxx).
■EXC. XI. LES N'ICOLAJTES.
Quatre des eglises asiatiques, sur sept, ont a subir Tassaut de graves
dangers interieurs, qui s'attaquent a la doctrine et aux mceurs; Ephese y a
resiste, quoique reprehensible sous d'autres rapports; seules Smyrne et Phi-
ladelphie, exposees aux vexations des Juifs, n'ont merite que des eloges. Ce
peril pouvait revetir, selon les villes, des modes divers; cependant, I'unite
assez parfaite d'interet, de culture, d'esprit et de religion, qui existait dans
toute I'Asie proconsulaire, fait presumer qu'il y avait un fond commun a ces
erreurs, et qu'on aurait pu les comprendre sous une denomination generale.
Deux des messages, a Pergame et a Thyatire. rapproches de la lettre a
Ephese, nous aident a preciser en quoi elles consistaient. En ces deux pre-
mieres villes, les tendances difisolvantes avaient pris la forme d'une doctrine,
Al'OCALYI'SE DE SAINT JEAN. 47
διδα/η (ii, 14, 15; 20, 24). Cenx qui la professaient se croyaient autorises a
« forniquer » ; et a manger des idolothytes non seulement dans leurs maisons
sans doute, ce qui aurait pu etre licite (I Cor. x, 25 suiv.), mais dans les
temples paiens. Nous avons montre comnnent Fattrait et la puissance des cultes
de Pergame, ainsi que les conditions economiques de Thyatire, pouvaient
entrainer des Chretiens pen fervents ou pen oourageiix k de tels compromis.
C'est pourquoi ils sont stigmatises des noms symboliques de Balaam et de
Jezabel. Mais ils allaient encore plus loin ; pour justifier leurs pratiques cou-
pables, ils se langaient dans des speculations qui deiraient consister, du moins
a Thyatire, en autre chose qu'en antinomianisme, ou paulinisme exagere; cela
s'appeiait, sans doute dans le langage indigne des vrais croyants, « les profon-
deurs de Satan » (ii, 24). Rien n'est plus naturel que de penser a q^uelque
mysticisme syncretiste, snrtout si Ton se souvient du gnosticisme qui mena^ait
d'envahir ces eglises des le temps de Paul [Col.; Ephesiens ; Pastorales), et
des mysteres qui fleurissaient a Pergame. Dans les lettres a Sardes et a Lao-
dicee, il ne s'agit expressement que de degenerescence morale; mais il est au
moins tres vraisemblable que le relacheraent n'aurait pas atteint ce degre sans
kXv& favorise par les erreurs des cites voisines, ou sans leur ouvrir une lare^e
voie de penetration; d'ailleurs, Laodicee etait une des chretientes visees par
I'Epitre aux Colossiens, et il semble qu'elle n'avait guere progresse depuis lors.
Or, ces doctrines nefastes portent un nom propre dans la lettre a Pergame :
ce sont celles des « Nicolaites «. Cette secte, ou cette faction, n'etait pas
chassee de I'Eglise, puisque certaines communautes paraissent la menager
encore. La metropole d'Ephese, qui les connaissait bien, avait su pourtant se
premunir contre eux avec vigueur; elle avait sainement juge les « faux
apotres », en qui 11 est tout indique de voir, entre autres, des propagateurs
du <t nicolaitisme » (ii, 2, 6). On comprend par ce dernier verset que ce nom
n'etait pas une designation locale propre a Pergame, mais qu'il etait connu
dans tout le pays.
Que signifie-t-il au juste? Heumann et Janus, au debut du xvm" siecle,
(1712, 1723, V. Bousset, p. 207) ont emis Fhypothese que α Nicolas » etait
aussi symbolique que « Balaam » : Νιχο-λαο; = Ών-νΊζ; mais elle est bien arti-
ficielle, car vixaoj et ySa n'ont nuDement le meme sens. La plupart des com-
mentateurs sont done d'avis que le secte s'appeiait ainsi parce qu'elle devait
son origine aun certain Nicolas, quelque docteur gnosticisant d'Asie.
Faut-il infliger cette tare a « Nicolas, proselyte d'Antioche », I'un des sept
diacres dont il est question Act. vi, 5? II semble bien que des laxistes immo-
raiix se soient reclames de son autorite, et Irenee (Adv. Haer, I, xxvi, 3),
Hippoiyte (Philosophoumcna vii, 36), ont admis la verite de cette filiation,
on ne sait sur quelles donnees. La chose n'est pourtant pas si certaine. Ter~
ticllien [De Praescriptioiie, 33), donne le nom de « Nicolaites » a des here-
tiques de son temps, a propos justement de I'Apocalypse, mais ne dit rien de
leur maitre. Les Constitutions Apostoliques, vii, 8, paraissent rejeter leur
origine pretendue, quand elles s'expriment en ces termes : ot νυν ψευδώνυμοι
Νιχολάϊται; Victoria (ad loc), et les interpolations a'lgnace (Trail. 11 et
Philad. 6) s'expriment k peu pres de meme maniere. Saint Epiphane (Pana-
rion, xxv). Philastre (Haer. xxxiii), le Pseudo-TertuUien (Adv. oranes
48 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
haereses, i, traite inspire sans doute d'un « Syntagma » perdu d'Hippolyte),
mentionnent bien une secte gnostique qui se rattachait de fait au nom de
Nicolas, mais ce n'etait peut-etre que par suite d'une interpretation de I'Apo-
calypse. La solution du probleme pourrait se trouver dans Clem. Alex.
(Stromates, in, 522-sq; Eusebe in, 29) et dans Theodoret [Haer. fabulae,
III, 1); tout en parlant favorablement de Nicolas le diacre, ils rapportent une
histoire ou une legende qui, mal interpretee, aurait pu donner lieu plus tard
a sa reputation d'heresiarque. D'apres Clement, Nicolas le diacre aurait
declare qu'il faut « παρα/ρησθαι τη σαρχί », c'est-a-dire « abuser de la chair », ou
« negliger la chair », mais dans le meme sens que Tapotre Mathias, qui
enseignait aussi qu'on doit « σαρχ\ μέν μάχ^εσθαι και παρα/ρησθαι », autrement dit
la combattre et I'asservir; la secte aurait plus tard interprete dans un sens
immoral ce terme ambigu. — Malgre tout, la question n'est pas claire; il
reste seulement que la morale et le dogme Chretiens couraient dans les eglises
d'Asie, a la fin du i^'' siecle, un grand danger du fait de sectaires appeles
« Nicolaites », qu'ils dussent leur nom au diacre, ou a quelque autre Nicolas,
dent nous ne savons absolument rien, a moins que ce ne fut un disciple de
Simon le Mage, comme I'avance le Pseudo-Dorothee (περί τών ιβ' αποστόλων,
parmi les oeuvres de S. Hippolyte, P.G, x, p. 951 suiv.).
EXC. XII. — LA COULEUR BLANCHE DANS l'apoCALYPSE.
Les lettres introduisent un des symboles les plus constants de I'Apocalypse,
la couleur blanche, pour la « petite pierre » (ii, 17), les vetements promis aux
fideles (in, 4, 5, 18); c'est aussi la couleur de la tete et des cheveux du Fils de
I'Homme (i, 14).
La signification symbolique de cette couleur etait deja chose absolument fixee
a I'epoque et dans le pays ou I'Apocalypse a paru.
Gressmann [Ursp?'un^ der isr.-jiid. Eschat., § 33) entreprend de demontrer
que les vέtements blancs sont propres aux etres celestes, que la couleur blanche
est, dans lAncien Testament, un succedane de Teclat d'embrasement metal-
lique attribue au corps de certains dieux anciens. II y a une trop forte part de
conjecture dans sa theorie; mais, si Ton ne peut etablir que le blanc ait ete la
couleur specifique divine et angelique, du moins est-il certain que, dans le monde
greco-romain, et dans Tempire voisin des Parthes, c'etait la couleur de bon
augure, celle qui etait la plus usitee dans les rejouissances religieuses, et en
general dans les solennites consacrees a la joie publique; aux fetes romaines,
la ville, remplie de citoyens en toge blanche, pouvait s'appeler Candida urbs.
Cette couleur etait le signe de la purete rituelle ; les pretres d'Isis etaient tous
vetus de lin blanc, et dans les autres religions paiennes, en Asie comme ailleurs,
les vetements blancs etaient d'un usage, sinon toujours prescrit, au moins tres
habituel. Cette signification joyeuse et sacree explique que le blanc ait ete aussi
la couleur du triomphe, de la victoire remportee avec I'aide des Dieux, et ait
eu quelque afiinite avec I'idee de dignite supreme, de pouvoir imperial. Le
general remain qui recevait les honneurs triomphaux portait, il est vrai, comme
Jupiter, un vetement de pourpre orne d'or, et il n'etait pas a cheval, mais
tronait sur un char a quatre chevaux. Plutarque signale — comme exceptionnel
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 49
cependant et comme une grande marque d'orgaeil — le fait que Camille eut
dans cette circonstance un quadriga de chevaux blancs, honneur reserve jusque-la
au « Pere des dieux » [Camille, ch. vii), Jules Cesar, d'apres Dion Cassias
xLiv, 14, celebra des epinikia « sur des chevaux blancs et avec des licteurs »
(cite par Sv^'ete, p. 86). Domitien accompagna sur un cheval blanc le triomphe
de son pere et de son frere apres la guerre de Judee; si le fait a paru digne
de remarque a Suetone (Domitien, ii), c'est que I'historien a voulu noter, comme
le contexte le suggere, que, n'ayant pas regu dans le char triomphal une place
a laquelle il n'avait aucun droit, le plus jeune fils de I'empereur fut cependant
associe de tres pres au triomphe de son pere et de son frere aine. D'ailleurs,
la foule qui prenait part aux ceremonies de ce genre etait en robes blanches.
Le blanc, les chevaux blancs, signifiait done la victoire. Et quand Virgile dit
dans VEneide, III, v. 537-538 :
Quattuor hie, primum omen, equos in gramine vidi
Tondeates campum late candore nivali,
Servius explique que c'est un presage de succes guerriers. Au Ill^livre des
Sibyllins, v. 175-178, 1'extension du pouvoir romain en Asia est ainsi prophetise :
Mais lorsque viendra le commencement d'un autre empire,
Blanc et a beaucoup de totes, de la mer occidentale,
Qui dominera bien des pays, en fera trembler beaucoup,
Et excitera la crainte chez tous les rois, etc.
Jean, pour I'empire romain, sa « Bete de la mer », a d'autres couleurs carac-
teristiques : le rouge sang et la pourpre; mais ce passage des sibylles montre
par quelle transition le blanc, symbole de victoire, a pu en venir plus tard a
signifier aussi la domination imperiale, les empereurs etant des conquerants.
On pourrait rappeler ici un autre passage de Suetone, ou Domitien, trouvant
fort mauvais que le gendre de son frere eut, comme lui, des esclaves habilles
de blanc, dit : « II n'est pas bon qu'il y ait plus d'un maitre » (Domitien, xii).
C'etait avant son accession a I'empire; mais la couleur blanche etait pour lui
un signe de souverainete, au moins en expectative.
En Asie, comme I'observe Ramsay (Letters, p. 387, 388), beaucoup de solen-
nites imperiales etaient modelees sur le triomphe; les symboles romains pou-
vaient done y conserver leur signification.
Chez les anciens Perses, et leurs heritiers les Parthes, le blanc etait couleur
sacree, Dans Γ A vesta, Mithra et Sraosha parcourent le ciel sur des chars traines
par quatre chevaux blancs; las armees etaient accompagnees d'etalons sacros
de la meme robe.
Tant d'exemples etablissent suffisamment que, dans I'empire en general, et
dans le pays de I'Apocalypse, situe entre Rome et I'Orient, I'idec de joie, de
succes et de puissance etait bien fixement jointe a la couleur blanche .
II parait en etre alio de meme pour les Apocalyptiques juifs, et cette tradition
a passe aux Chretiens. Les brebis alien, eth., ch. xc, sont blanches, c'est-a-
dire purcs et bonnes. Nous lisons V Esd. ii, 40 : « Recipe, Sion, numerum tuum,
et conclude candidatos tuos qui legem Domini compleverunt » cfr. 39 « splen-
didas tunicas »; 45 « tunicam... immortalem sumpserunt ». Blancs sans doute
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 4
50 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
aussi, d'apres I'analogie, doivent etre les votements des elus dont il est question
Hen. eth. lxii, 15-16; Hen. si. xxii, 8, 10; et si souvent dans WAsc. Is., iv, 16;
vni, 26; IX, 2, 9, 11, 18, 24-26; xi, 40, ou ils sont deposes au septieme ciel,
cfr. Π Cor. v, 3-4. Les justes qui entrent dans la tour, Past. Hermas, Sim.
VIII, II, 3, ont un « ίαατισμον ...λευκον ώσει χιόνα » (cfr. Gressmann, supra, loc. cit.
et Bousset, Rel. Jud. p. 265-suiv.). On peut se souvenir encore des mentions
de la couleur blanche trouvees dans les Evangiles et les ActeSy pour les vete-
raents du Christ a la Transfiguration, et ceux des Anges au tombeau vide du
Seigneur, ou apres I'Ascension.
Dans notre Apocalypse, cette image revient quinze fois; en plus des passages
deja etudies, le blanc est la couleur du vetement des 24 Vieillards celestes, iv, 4;
des robes donnees aux martyrs, vi, 11; du costume de la foule innombrable qui
arrive au ciel, vii, 9, 13; des chevaux du Verbe et de son armee, ainsi que du
vetement des combattants celestes, xix, 11 et 14 bis; du trone de Dieu au grand
Jugement, xx, 11; enfin du premier cheval de la Vision des Sceaux, vi, 1; et
de la « nuee » sur laquelle apparait le Fils de THomme, xiv, 14, Ces deux
derniers passages offrent des difficultos speciales, que nous resoudrons en leur
lieu; disons pourtant deja que, la aussi, le blanc represente la victoire du Bien
et de la misericorde. Partout done, dans I'Apocalypse, cette couleur n'apparait
qu'en des passages destines a inspirer aux fideles de purs sentiments de respect
religieux, de confiance et d'allegresse. Swete releve, a travers I'Ancien Tes-
tament, quelques paralleles propres a integrer le sens des « vetements blancs »
a'Apoc. in, 4, et des autres endroits cites. C'est, en plus de la purete : l°la joie
des fetes, Eccl. ix, 8; 2° la victoire, II Mace, xi, 8; 3'^retat coleste, Dan. vii, 9
{Theodotion, Vulg.). Tons ces sens s'unissent dans notre ch. iii; et ils ne se
referent pas seulement a la gloire promise aux corps ressuscites, mais a toute
ame qui sera restee fidele a la loi du Christ, pour cette vie et pour I'Au-Dela ;
la preuve en est in, 18.
EXC. XIII. — ΕΡΧΟΜΑΙ ΤΑΧΥ.
Plusieurs fois deja, en cette premiere partie, ont apparu des expressions
qui pourraient faire croire imminente la Parousie du Christ. Dans notre Introd.,
ch. IX, nous avons traite de cette question en general, et nous y reviendrons
k propos des chapitres xvii et xx. Dans les Lettres, ces passages, en realite,
ou bien n'ont pas de rapport immediat au Dernier Avenement; ou bien, s'ils en
ont un, ils n'en determinent nullement Tepoque.
Ainsi I, 7, ϊδου ερ/εται μετίι των νεφελών fait bien entrevoir la fin des temps; mais
il pourrait signifier seulement la vision presente (Ιδού) qu'a le Prophete, par une
anticipation de sa foi ardente, et non la proximite du fait predit : « Voici que
deja je le vols qui vient avec les nuees ». D'ailleurs, a I'extrerae rigueur, comme
cette image de Daniel repond a Tetablissement du regne du Messie avec les
Saints, sans distinguer inauguration et consommation, on pourrait admettre que
Jean a en vue aussi tous les actes de royaute du Christ a travers les temps mes-
sianiques.
Ερχομαι σοι de Π, 5, έρχομαι' σοι ταχύ de π, 16, ne sont, nous I'avons vu, que des
menaces conditionnelles et temporelles aux eglises d'Ephese et de Pergame.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 51
Άχρι o6 αν yi;oj de ii, 25 peut, aussi bien qu'au jugement final, se rapporter au
temps ou le Christ viendra infliger les peines temporelles de la « grande tribu-
lation » a la Jezabel de Thyatire; la distinction apportee entre les deux classes
des Chretiens de cette ville favorise la seconde interpretation, ainsi que I'image
de Γ « etoile du matin », qui convient mieux a ce crepuscule de la vie presente,
oil la possession de Jesus est surtout une esperance. "Ηξω ΙπΙ σί, de πι, 3, est
encore conditionnel et temporel {i>id. ad loc). "Ερχομαι ταχύ de in, 11, peut s'in-
terpreter, d'apres le contexte (10-11), de I'approche de la « tentation » par
laquelle le Fils de I'Homme eprouvera le monde, au cours meme de I'histoire,
et dont I'eglise si meritante de Philadelphie sera preservee, si elle persevere.
Quant a Ίδου έ'στηκα επι την θύραν... (ιιι, 20-suiv.), nous avons vu que c'est un
veritable contresens de I'interpreter eschatologiquement.
Plus loin, nous etablirons que les passages vi, 11; x, 7-suiv., xii, 12, ne
levent nullement cette incertitude du temps de la Parousie. Ceux de la derniere
partie, xxii, 6, 10, 12, 17, 20, sont a interpreter dans un sens large, sans
epoque; enfin les propheties detaillees des Betes (xiii, xvii) et du Millenaire
(xx) reculent necessairement dans un lointain indefini la perspective du Jugement
dernier.
DEUIIEME PARTIE
(IV-XXI, 8)
Prophetie de tout I'aveni?' du monde et de VEglise, a partir de la
glorification du Christ jusqu'au dernier jug ement.
Int. — Cette parde, quia έΐέ annoncce I, 19 (« [χέλλει γενέσθαι μετά ταΰτα), com-
prend presque tout le corps du livre. Mais elle se divise en deux sections bien tran-
chees (sauf un emboitement), VI-XI, et XII-XXI, 8. La premiere se rapporte surtout
au monde profane, la deuxieme a VEglisc. Elles sont precedees d'une vision d' intro-
duction, iv-v.
I. — VISION D'INTRODUCTION GENERALE A LA PARTIE PROPHETIQUE
(CG. IV ET V).
Ιλτ. — Le plan de ces deux cliapitres est aussi clair que majestueux. Jean, avant de
plonger ses regards dans I'avenir, voit sur son trone celeste, environno de la cour des
Anges, Celui qui est le Maitre tout-puissant des evenements (c. IV); tandis qu'il gemit
de ne pouvoir penitrer les secrets de sa Providence, le Christ, immolS pour les hommes,
apparait; il est, par les Anges, reconnu egal a Dieu, et prend en mains la conduite de
I'histoire, qui va se reveler a son Prophete.
Ce decor celeste ne s'efface point ensuite; il va continuer a dominer toute la partie
prophetique, jusqua ce qu'il se fonde avec la vision de la Jerusalem celeste. II n' est
pas entierement de la creation de Jean; des descriptions assez semblables de la
demeure de Dicu et de sa cour se rencontrent dans beaucoup d'apocryphes, et I'origine
de la plupart des traits syniboUques qui les composent parait bien remonter a I'as-
tronomie babyloniennc (Int. ch. V, 1 §§ II-III). Voir surtout Hen. eth. XIV, XL, LXX-
LXXI; Hen. si. XX-XXI; les deux Baruch; surtout ZApoc. d'Abrahara, XVIII; puis
Hen. heb. et les diverses descriptions des rabbins, dans Volz et Weber et Bousset,
Rel, Jud. Articles a consulter : Gry, Sejours et habitats divins d'apres les Apocryphes
de ΓΑ. T., R. Sc. Ph. Th. 1910, pp. 694-722 et Frey, rAngelologie juive au temps de
J.-C. R. S. Ph. Th., 1911, pp. 75-110. Mais saint Jean, comme d'ordinaire, a trans-
forme ce qu'il empruntait; il a affermi et simplifie les lignes de ces descriptions plus
etincelantes que claires, leur donnant ainsi une maj'este et une nettete dc sens religieux
qu elles ne possidaient pas. Puis, il a introduit au del I'Agneau de Dieu.
La langue, comme la suite des idees, demontre assez que ces chapitres ne doivent pas
etre attribues a une autre main que les precedents : expressions caracteristiques,
absence frequente de la copule (au ch. IV), confusion des cas, traces de declinaison
anormale, embarras dans I'emploi des particules, defauts d'accord, expression b ών και
δ ην... [IV, 8) (Voir Bousset, Offenb^ pp. 277 suiv.). La construction est assez libre ;
ainsi le verbe est place plus souvent avant quapres son suj'et au ch. IV (3 fois contre
une), tandis qu'au ch, V on a I'inverse (3 contre 5); /7iais, de part et d' autre, le verbe
precede presque toujours le rogime [5 et 18 fois contre 1 respectivement), comme dans
Vensemble de I' Apocalypse. A tout prendre, la langue de recits et de description qui
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 53
commence avec ces chapitres est aussi homogene que possible avec la langue des
lettres, et tout a fait semblable a celle du chap. I^^.
C'est done bien arbitrairement que Vischer et Weyland veulent y reconnaitre lew-
source juive (sauf V, 6*, 8*, 9-li pour Vischer, a cause de V « Agneau »; source K, du
temps de Titus, pour Weyland, sauf IV, 5c V, β-ϋ). Volter, sans plus de raison, assigne
le tout a Jean Marc {62 ap. J.-C.) sauf IV, Γ; V, 6 b, 9-10, 11-li, qui seraient de
I'editeur sous Trajan. Erbes range ces chapitres dans son apocalypse chrelienne de
Van 62, comme la plus grande part des trois premiers. Spitta et Joh. Weiss, se ren-
dant bien compte que I' « Agneau » est tout a fait necessaire a cette description, car il
est le principal personnage en vue duquel toute la scene est organisoe, rattachent cette
section a leur Apocalypse primitive (Sp. : U de 60, sauf IV, 1*; V, 5*, 0* , 8*, 10*;
Weiss : Jean, excepte IV, 5 b; 9-11; V, 6*, 8*, qui seraient du redacteur, car, pour
des raisons de composition et de symetrie strophique, il nose attribuer silrement a Jean
d'Asie que le trone, les quatre Animaux, le lion et /'Agneau; mais, dans sa traduction
commentee, il est plus hesitant, notamment pour les 24 vieillards, et c'est un progres,
attendu qu'il est bien hasardeux de chercher des strophes impeccables dans un livre
qui semble compose tellement a la hate, et qu'un certain defaut d'ordre s'explique
suffsamment par une negligence de I'ecrivain, sans quit y ait lieu de recourir a une
distinction de sources.)
A. Vision du trone de Dieu et ghrification da Createur. ^
(c. iv).
A. B. 1. Remarquer le sens absolu de εΐδον, la forme ήνεωγμένη (άνεωγ. rec. Κ.), I'em-
ploi de ήκουσα au sens du plus-que-parfait fran^ais; σαλπ, λεγούσης, meme bizarrerie
que I, 10; le solecisme λέγων, qui s'explique par une distraction (ou par i'heb. "ibxS?
Iloltzm., etc.) ; naturellement ces deux fautes ont ete corrigees par les scribes de diffe-
rentes manieres; άναβα, forme poetique pour άνάβηθι; en general le N. T. conserve les.
formes en θι (v. Bousset, p. 163). — ή φωνή, κτλ. cfr. 10; α δει" γενέσθαι μετά ταΰτα, ι, 19;
έγεν. Ιν πν. Ι, 10; signes evidents de I'unite de main. — μ-ετλ ταΰτα, cfr. vii, 1, 9; xv, 5;
XVIII, 1 (Int. c. x, § III). Ainsi s'ouvre le ciel au Υ oy άιϊΙ Ezech. i, 1; Bar syr. xxii, 1;
et il est question de portes des cieux a franchir Test. Levi v; Bar. grec ii, in, xi.
C. 1. C'est une vision nouvelle par rapport a i, 9-iin; mais elle y fait suite, organi-
quement, car c'est la m^me voix qui appelle Jean au ciel (comme Ezechiel et Baruch).
Έγενο'ΐΑην εν πνεύαατι (non έφερόιχην, correction arbitraire de Spitta) veut-il dire qu'il regoit
simplement une nouvelle lumiere spirituelle, lui devoilant le monde celeste {de Wette,
Diisterdieck, Hilgenfeld, Holizmann), ou bien est-ce une nouvelle extase qui commence?
La premiere solution nous semble preferable, du seul fait qu'il dit auparavant avoir vu
la « porte ouverte ». II etait done doja en etat spirituel, ou plutot il se represente comme
n'en etant pas sorti (cfr. Ezech. xi, 1 et 5). Au reste, I'arrangement des visions peut bien
etre conventionnel (Int. c. xii). Desormais Jean va voir I'univers entier, ciel et terre;
mais, jusqu'au ch. x, c'est du ciel qu'il contemple en esprit ce spectacle universel.
L'objet de la vision est tres different de celui de la precedente ; tout y est rapporte a
I'avenir, jusqu'a la fin du monde, malgre des retours frequents a des evenements
anterieurs (cfr. surtout xii) ; et c'est une etrange meprise de Calmes d'afflrmer que S δεΓ
γενέσθαι [Αετλ ταΰτα est une « expression consacree qui n'a pas d'importance particuliere ».
— — A. 6. 2. Sur le choix des cas apres έπί, voir Int. ch. x, § II. — Pourle « trone »
de Dieu, cfr. I Reg. xxii, 19; Ps. xlvii, 9; Ezech, i, 26-28; x, 1-suiv.; puis de nombreux
apocryphes. Hen. eth. xiv, 18-suiv.; xl; lxx-lxxi; lien. si. xxii; Test. Levi v; Vita Ad.
XXV- XXVI et Apoc. Mo'ise, iv-suiv.; Apoc. Abraham, xviii; al.
54 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. IV. 1. Μετά ταΰτα *εΙοον, και ιδού θύρα *ήνεωγμένη εν τω οΰρανω, και ή
φωνή ή πρώτη ην *ήκδυσα ώς σάλπιγγος *λαλουσης μ.ετ' έμοΟ, *λέγων• *άνάβα ωδε,
και δείξω σοι α δεϊ γενέσθαι μετά ταΰτα. Ευθέο)ς έγενόμην εν πνεΰματι. 2, Και
l^u θρόνος εκείτο έν τω οΰρανω, και *έχΙ τον θρόνον καθήμενος. 3. Και ό καθήμενος
όμοιος *όράσει λίθω Ίάσπιδι και σαρ^ίΐά, και Τρις κυκλόθεν του θρόνου *ομοιος όράσει
*σμαραγδ(νω. 4. Και κυκλόθεν τοΰ θρόνου *θρόνους είκοσι *τεσσαρες, και έπ'ι τους
θρόνους είκοσι τεσσάρας πρεσβυτε'ρους καθήμενους περιβεβλημένους *έν ίματίοις λευ-
C. 1. Pour ajouter a I'impression de mystere, Jean evite de nommer Celui qui est
assis sur le trone. G'est la Divinite dans son essence invisible qui est symbolisoe, et
sans encore aucun trait qui montre I'lncarnation de la seconde personne (contre Bede,
Haymon, Albert le Grand, et d'autres medievaux, qui deja ici voyaient le Christ); car
autrement toute reconomie de la vision serait troublee ; le Christ n'apparaitra, et cela
avec un puissant effet qu'il fallait menager, qu'au ch. v.
A. B. 3. Solecisme du masculin δμοιος avec Τρις, feminin; And. a corrige en
δμοία, Orig. et la rec. K. en δμοίως. — « Arc-en-ciel » cfr. Gen. ix, 12-17 et Ezech. i, 27-
suiv. Les pierres nommees se retrouvent dans la Bible grecque, par exemple dans I'or-
nement des habits du grand pretre, et Ezech. xxviii, 13 (le roi de Tyr compare a un ange);
elles reparaitront Apoc. xxi. — Nous avons traduit δράσει non « pour I'aspect », mais
« en vision », d'apres I'analogie 6! Apoc. ix, 17 (v. ad loc); le mot equivaut a δράμα de
Mat. XVII, 9, etde Luc, passim; il faudrait ensuite σμαραγδίντ), puisque δρασις est feminin.
C. 3. Gette expression d'8paai5, interpretee ainsi, montre que Jean avait bien cons-
cience de ne voir que des figures de realites invisibles ; il evite d'ailleurs, encore plus
qu'Ezechiel, toute description anthropomorphique de la Divinite. Ces pierres doivent
etre tres precieuses ; le « sardios » doit ctre la carneole rouge {Holtzm., Bousset, S(^'ete)•,
le « jaspe » ne saurait etre le jaspe ordinaire, ni le diamant (cfr. Diist., Holtzm.), mais
peut-etre le jaspe vert, ce qui fait une grande harmonie de couleurs. « La nature divine
est toujours verdoyante et en fleur » [And.). Quant au symbolisme de Farc-en-ciel (cfr.
Ezech), il est connu par la Genese et signifie la misericorde. Sans doute il n'est pas
entierement vert, mais baigne dun reflet d'emeraude : σμαραγδίζουσα [And.). Bousset
pense a ce sujet au Hvarena avestique. Nous ne chercherons pas, comme les anciens,
les secretes vertus medicinales de ces pierres dans les idees d'alors, car rien n'indi-
quc qu'elles entrent dans le symbolisme de Jean; seulement le Prophete, ici comme
ailleurs, se montre merveilleux coloriste.
A. B. 4. θρόνους είκοσι τέσσαρες, cet accusatif surprend; aussi a-t-il dte corrige
en θρόνοι, par P, A, Orig., And., Arothas, al. ; mais il faut le conserver, a cause
de στεφάνους qui lui est coordonne (Int. ch. x, § II). Peut-etre ces manuscrits ont-ils
θρόνοι simplement a cause de τέσσαρες, forme anormale d'accusatif, frequente d'ailleurs
dans les papyrus (Int., ch. x, § II), laquelle est bien appuyoe, d'apres W-II, et admise
de Swete, car elle se trouve U, A, 0*2-34-424, Av 46-35-2018, α 404-87-127, O^"-121-250;
ailleurs correction τεσσάρας (τέσσερας). Nous gardons la forme ionienne τέσσερα, partout ού
elle est admise de W- Η Qi Nestle, d'apres la rec. H. — εν instr. devant ίματίοις (Int.,
c. x, § I-IIj; pour cette image, voir Exc. xii. — Pour I'origine et la fonction des Vieil-
iards, cfr. peut-etre Exode xxiv, 9, les assistants de Moise, et surement Is. xxiv, 23 et
Dan. vii, 10; le nombre de 24 : cfr. I Chron. xxiv, 7-19, les 24 classes de pretres; et
mieux Diodore de Sicile, infra.
C. 4. Ces Vieillards ontdonne matiere a beaucoup de discussions. La figure esttra-
ditionnelle, et repond a ce « senatde Dieu » dont parlent Isaie et Daniel (Introd., c. v,
II, § I, p. Lxxx) cfr. Tanchuma, 52•^, cite par Spilta et Bousset. Nous y avons recouuu
[ibid.) des Anges qui president au deroulement du temps, aux diverses phases par
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 55
C. IV. 1. Apres ces choses, j'eus une vision [lilt, j'ai vu); et void une
porte ouverte dans le ciel, et la voix, la premiere que j'avais entendue,
comma [celle] d'line trompette parlant avec moi, qui disait : « Monte ici,
et je te montrerai ce qu'il faut qu'il arrive apres ces choses ». Aussitot je
me trouvai en esprit. 2. Et voici : un trone etait dresse dans le ciel, et sur le
trone [quelqu'un] d'assis. 3. Et Gelui qui oiait assis [etait] semblable en
[ma] vision a une pierre de jaspe et de sardonyx, et un arc-en-ciel aTentour
du trone, semblable h une vision d'emeraude. 4. Et έι I'entour du trone,
vingt-quatre trones, et sur les trones vingt-quatre Vieillards assis, enve-
consequent de I'histoire humaine. Les commentateurs medievaux y ont vu, par contra,
des representants de I'humanite, sorlis de son sein, soit les 12 tribus (12 χ 2), soit les
Patriarches et les Apotres, ou les Prophetes d'Israel, ou la race elue en general [Vict,
And. Alb. : « universitas sanctorum V. T. et N. T. >>, etc. [Holtzm., Swete). Ce pour-
rait 6tre done I'Eglise idealisee, d'avant et d'apres le Christ [Swete, qui compare
Eph. II, 6 : ήsJ.α^.. συνε/.άθισεν Iv τοις Ιπουρανίοις). Ces opinions pourraient s'appuyer Sur
I'interpretation des « Anges » des eglises, et des passages comme le ch. \ii. Mais elles
presentent une grande difllculte, qui estde troubler I'ordre logique de la vision; com-
ment I'humanite siege-t-elle au ciel avant que I'Agneau le lui ait ouvert? — et si, par
hasard, il ne s'agissait que d'une idealisation qui abstrait de I'ordre des temps, com-
ment saint Jean traite-t-il avec tant de reverence un de ces personnages (vii, 14. χύριε),
si lui-meme otait du nombre? Cette juste observation est de Spitta, qui voit dans ces
« Vieillards » des etres angeliques, ainsi que Bousset, Calmes.
Une des raisons qui nous fait nous ranger a ce dernier avis, c'est precisement le
nombre 24. Comme les Vieillards ont un certain role sacerdotal (v. infra), la reference
aux classes de pr^tres des Paralipomenes est sans doute possible ; mais I'origine astro-
nomique de presque toute cette description nous porte a adopter, par exception, une
idee de Gunkel, qui a trouve dans la religion babylonienne I'origine de ce symbolisme,
d'apres Ζ>ίθίίο/•β de Sicile, Bibl. hist. ii. 31 : « Μετά δέ τον ζωδιαχον κύκλον εΐ'χοσιν καΐ τέττα-
ρας άφορίζουσιν αστέρας, ων τους ριΐν ή[Αίσε•.ς έν τοις βορείοις [χέρεσι, τους δ' ήμίσεις έν τοΓς νοτείοις
τετάχθαι φασί, και τούτων τους [jlIv όρωαένους των ζώντων είναι καταρίθμουσι, τους δ' αφανείς τοΐ'ς
τ3τελητευκοσι προσιορίσ9αι νοιχίζουσιν, ους δικαστές των όλων προσαγορεύουσιν. » Ces deux fois
douze dieux stellaires siegeant au nord et au sud du zodiaque nous presentent en efi"(it
le seul exemple du chiffre de 24 — sauf Paral, — qui soit dans la tradition religieuse.
Bousset pense bien encore aux 24 « Yazatas » des Perses, mais ces entiles ne sont pas
mentionnees dans les Gathas, et la encore il pourrait y avoir une influence babylo-
nienne; ce serait, toutau plus, un parallele a I'Apocalypse, laquelle, bien entendu, en
empruntant cette image, sans doute a quelque apocryphe perdu, no s'est liee a aucune
idee mythologique.
Ces Anges done presideraient au cours du temps et aux revolutions du monde,
comme minislres du Crcateur. On pent les identifier aux « Trones » de I'angelologie.
C'est ce qui est symboliso par leurs « couronnes » qui font d'eux des rois (cfr, iv, 10),
plutot que des triomphateurs dans les luttes spirituelles, comme I'a cru Andre. Ici
στέφανος = διάδημα. Mais CCS rois, Spitta I'a bien note, sont aussi d'une certaine fagon
des pre'ircs, car on les verra, iv, 10 et v, 11, remplir un role sacerdotal d'adorateurs
et d'intercesseurs pour les hommes dans la grande liturgie (contre Bechvith). A ce
litre, on pent dire — ce qui donne quelque satisfaction k la premiere opinion, —
qu'ils ont un rapport special avec i'humanite et I'ordre de la gr&ce, comme des Anges
gardiens universels; ils sont a la tote de I'F^glise celeste, ct par la representeut ideale-
56 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
κοϊς, και έπΙ τάς κεφάλας αυτών στεφάνους χρ\)σο^ς. 5. Και εκ του θρόνου εκπο-
ρεύονται άστραπαΐ και φωναί, και βρονταί* και επτά λαμπάδες πυρός καιόμεναι ενώπιον
τοΰ θρόνου, ά είσιν τα έπτα πνεύματα του θεού. 6. Και ενώπιον του θρόνου ως
θάλασσα υαλίνη ομοία κρυστάλλω' και *έν μέσω του θρόνου και *κύκλω του θρόνου
*τέσσερα ζωα γέμοντα οφθαλμών έμπροσθεν και όπισθεν. 7. Και *το ζώον το πρώτον
ομοιον λε'οντι, και τb δεύτερον ζώον ομοιον *μόσχω, και το τρίτον ζώον *εχων το
ποόσωπον ώς ανθρώπου, και το τέταρτον ζώον ομοιον άετώ πετομένω. 8. Και τα
τέσσερα ζώα, εν καθ' εν αυτών *έχων *άνα πτέρυγας εξ, κυκλόθεν και εσωθεν γέμου-
ment I'humanite rachet^e, dont ils offrent a Dieu les prieres (v, 8). On les verra s'asso-
cier sans cesse aux evenements de la terre et au progres du Regne de Dieu (vii, 13-
suiv.; XI, 16; xiv, 3; xix, 4). Je me demanderais meme si Jean ne les a pas nommes
πρεσβύτεροι (Ancien, mais aussi « pr^tre », cfr. Pastorales) en partie a cause de cette
fonction. (Cfr. Gunkel, Sell. pp. 302-308; Bousset, ad loc. ; Jercmias, pp. 14-15; Clemen,
p. 73; Boll, p. 35).
— ^— A. B. 5. α par attraction; oX dans le rec. K. — φωναί αστραπαΐ βρονταί encore
XI, 19; XVI, 18; viii, 5; cfr. parti ellement Apoc. x, 3-4 et Exode, xix, 16; Ezech.
I, 13; Dan. vii, 9-suiv. ; al; Hen. eth. xiv, 9-suiv. ; Jub. ii, 6. — « Les 7 Lampes »,
absolument distinctes des Ivyyiai de i, 12 : Ex. xxv, 37 et Zach. iv, 2; cfr. Apoc. i, 4;
HI, 1; V, 6, les « 7 Esprits ».
C. 5. Gas foudres, etc. sont I'image traditionnelle de la voix et de Taction de Dieu
ad extra, surtout dans les theophanies. Dans notre livre, la terreur entoure le trone
de Dieu; mais Celui m^me qui siege sur le trone ne resplendit que d'un eclat
attrayant de jeunesse etde misericorde; tel se revele I'esprit du prophete evangelique.
— Les 7 Lampes ou esprits de Dieu ne sont pas des Anges {contre Andre, Corn, a Lap,
Gallois, al.), quoique ce symbolisme precede peut-etre de celui des « Anges de la
Face » — qui toutefois n'etaient pas sept, mais quatre. C'est le Saint-Esprit ou « la
grace de I'Esprit septiforme », ce qu'ont bien vu les auteurs raedievaux; Andre propose
aussi d'ailleurs « les energies de I'Esprit vivifiant ». Le Saint-Esprit, ici comme
ailleurs, est represente par la figure multiple de ses operations; il n'apparait dans
son unite qu'a la fin des Lettres et xxii, 1, 17. Comme saint Jean A^erra I'Agneau
en dehors de Dieu, quoiqu'il soit Dieu, de meme la Troisieme personne se montre
sous une figure tout a fait separee de celle du Pere; la vision a un symbole special
pour chacun des termes de I'indivisible Trinite. II n'y a qu'un rapprochement de
hasard entre ces « 7 Lampes » et les 7 flambeaux des Eglises. Bien plus, le Saint-
Esprit apparaitra sous deux figures a la fois a partir de v, 6. (Int., c. vi).
——'— A. B. 6. έν μέσω χαί χύκλω τοΰ θρόνου (κα\ κύκλω manque Prim., et quelques mss.
du type Andre), locution embarrassee due a I'inhabilete de I'auteur a se servir des
particules de relation. — Le verbe γε'μειν, rare dans la Bible, sept fois dans VApoc.
— «La mer » autour ou devant le trone : cfr. Apoc. xv, 2, et Gen. i, 7 (eaux supe-
rieures), Ex. xxiv, 10 louvrage de saphirs sous les pieds de Dieu), Hen. eth. xiv, 9,
Test. Levi ii, 5 et surtout Hen. si. iii, 2. Pour les « 4 Animaux », v. Ι.\τ. ch. v, i § III;
II, § I; cfr. Ezech. i, ix, \; Hen. eth. xl, 2 (les 4 visages aux 4 cotes du Seigneur des
Esprits), surtout Bar. syr. li, 11 (les etres vivants qui sont sous le trone), legende
grecque de VAsc. d'Is. (ζωα ύποθρόνια), et de meme Apoc. Abr. xviii (sous le trone,
4 Animaux de feu, a faces de lion, d'homme, de taureau et d'aigle). Etc. Pour les
nlin des rabbins, et le « char de Dieu », voir Weber-, pp. Io8-suiv., 174, 205, 282;
speculations sur le « char de Zeus » chez les Mages Dion Chrysost, Or. 36, cite par
Bousset.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 57
loppes de vetements blancs, et sur leurs t6tes descouronnes en or. 5. Etdu
trone sortent des (Eclairs et des voix et des tonnerres ; et sept lampes de feu
briilaient en face du trone, qui sont les sept esprits de dieu. 6. Et en face
du trone [s'etenJ] comme une mer de verre semblable a du cristal; et au
milieu du trone et autour du trone, quatre animaux remplis d'yeux en avant
et en arriere. 7, Et le premier Animal [est] semblable a un lion, et le
deuxieme Animal semblable k un jeune taureau, et le troisieme Animal a le
visage comme [celui] d'un homme, et le quatrieme Animal [est] semblable
a un aigle qui vole. 8. Et les Quatre Animaux, chacun d'eux a six ailes, a
Tentour et par dedans ils sont remplis d'yeux, et ils n'ont cesse, jour et
— — A. 7. τό ζ. τό πρώτον, compare a το δεύτερον ζ., indique une fois de plus que
I'auteur n'attachait pas ordinaireinent de sens special a la place de I'epithete et a la
repetition de I'article — μόσ/ος, dans les lxx, traduit lit; Ex. xxix, 10 : jeune et fort
taureau. — ε/ων, accord ad sensum ou solecisme, dans A, Q, et beaucoup d'autres
rass, Orig.
— — A. B. 8. ^"/,ων, solecisme ou accord ad sensum, dans A, Av 20-rl-l'', 0*-r2-82,
al. (ailleurs ϊ•/οί Q, etc. ?χοντα Ρ, εΐχον κ, al.) — Pour ούκ ε-/ουσιν, I'imparfait ούκ
έιχοσαν Ν, g, vulg., Vict., Prim. — λέγοντες parfois corrige en λέγοντα. — Le nombre
des acclamations δγιος varie de neuf et huit (x, Q), a deux, dans une trentaine de
mss. — δ ην και ό ων... voir I, 8 et remarquer I'interversion des deux premiers membres.
— « Six ailes » (άνα distributif, Lnt., ch. x, §1); cfr. seraphins d'/s. vi, 2; — Les
« yeux » : cfr. Ezech. x, 12. — Le « Trisagion » : cfr. Is. vi, 5; Hen. eth. xxxix, 12;
Hen. si. xx et suivants, il est chante par des etres a « six ailes » et « aux yeux
innombrables ».
G. 6-8. II n'y a pas de doute sur I'origine de la figure des Animaux : ce sont les
Gherubins d'Ezechiel, combines avec les Ophannim (roues) du meme prophete et des
Apocryphes (a cause des yeux), avec les « Egregores » ou « Vigilants » de la tradi-
tion {Hen. eth. lxxi, 6-suiv.) et les Seraphins d'Isaie (les six ailes, le Trisagion).
Pour les origines pootiques et plastiques les plus lointaines, vents, Kirubi de Baby-
lone, char de Dieu, voir Int. ch. v, § II. Le « char de Dieu » est devenu immobile et
s'est transforme en trone, ici, Bar. syr., Asc. Is. (leg. grecque) et Apoc. Abr. — Quant
a la « mer de verre » — le verre etait alors une matiere precieuse, cfr. Job. xxviii, 17
— c'est evidemment le firmament, les « eaux superieures »>, I'Ocean celeste de Test.
Levi d'apres les idees cosmologiques anciennes ; elle forme comme le parquet du
temple celeste sur lequel repose le trone de Dieu. Les auteurs anciens (And., etc.)
et medievaux, I'ont interpretee spirituellement de I'immense armee des saints.
La position des Animaux parait difficile a comprondre a nombre de commentateurs.
Zullig, de Wette, Diist., Gunkcl (Verst. p. 43-suiv.), Bousset ont pourtant bien saisi
I'explication la plus naturelle, suggeree par les paralleles apocryphes qui mettent
les Animaux sous le trone : ils sont places « au milieu » et « autour », parce que
chacun d'eux se trouve engage au milieu de chaque cote du trone ou aux angles, s'il
est quadrangulaire, ou aux extremites de diametres perpendiculaires, s'il est rend;
disposes ainsi en croix, la face lournee vers le dehors, ils peuveut ainsi montrcr au
Voyant, a la fois, I'un son visage, I'autre son dos, les deux autres lours ilancs; tout
cela est « plein d'yeux », et meme « a I'interieur » εσωΟεν, trait oii chacun reconnaitra,
comme dans les Ophannim, lOrigine astrale de cette figure.
Or, on a remarque que quatre constellations, a 90 degrcs a pen pres Tune de I'autre,
sur I'equateur (que les Babyloniens anciens consideraieat plus que I'ecliptique) ,
58 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
σιν οφθαλμών, καΐ άνάπαυσιν ουκ Ιχουσιν ήμέμας και νυκτίς *λ£γοντες' "Αγιος άγιος
άγιος κύριος 6 θεός ο παντοκράτωρ, *ό -ζν και ό ών και 6 ερχόμενος. 9. Και όταν
*$ώσωσιν τα ζώα δόξαν και τιμήν και εΰχαριστίαν τώ καθημένω έπί τώ θρόνω τω ζώντι
εις τους αιώνας τών αιώνων, 10. πεσοΰνται οι είκοσι τέσσαρες πρεσβύτεροι ενώπιον
του καθήμενου έπι, του Qpb'iOO, και προσκυνήσουσιν *τώ ζώντι είς τους αιώνας τών
αιώνων, και *βαλοΰσιν τους στεφάνους αυτών ενώπιον του θρόνου, λέγοντες* 11. "Αξιος
ει, ό κύριος και ό θεός ημών, λαβείν τήν δόζαν και τήν τιμήν και τήν δύναμιν, οτι συ
έκτισας τα πάντα, και δια το θέλημα σου *ήσαν κα: έκτισθησαν.
toutes d'ailleurs contenant quelque etoile qui attire les yeux, sont le Lion et le Scor-
pion, diametralement opposes, le Taureau et Pegase. Leurs noms sont tree antiques;
le Scorpion etait d'abord un Homme-Scorpion, et Pegase, le cheval ailo, pouvait
eveiller I'idee de I'Aigle, d'autant plus qu'il existe une autre constellation qui porte
ce nom doja a Babylone. Nous ne prenons pas parti dans la discussion soulevee entre
Boll et Clemen a ce sujet. Mais I'hypothese meritait cependant d'etre signalee. Le
« trone de Dieu », a I'origine, ce serait done toutle ciel, entoure par I'equateur. Seule-
ment, Jean n'y penserait plus, puisque le trone lui apparait isolo au milieu d'un espace
immense (Voir, apres Dupuis, (Origine de tons les cultes, iii), Zimmern KAT. 632,
Jeremias, Das A. T. im Lichte des A. 0., 582; Guxkel, Verst. pp. 43. Clemen, p. 76;
Boll p. 37-38; Bousset, ad loc).
La question importante est de savoir le sens qu'a attache saint Jean a cette imagerie
d'origine probablement astronomique. On sait que saint Irenee, Adv. Haer. in, 11, 8,
a fait une belle application spirituelle des 4 Animaux aux 4 Evangelistes ; elle est
devenue courante dans I'exegese et la liturgie ecclesiastiques; et les commentateurs
I'ont etendue ensuite a I'ensemble des prodicateurs du Verbe. D'autres y ont vu les
diverses qualites du Christ, roi, pretre, homme, et dispensateur de I'Esprit vivifiant.
Mais Irenoe lui-meme pent nous faire remonter a une interpretation plus litlerale.
Void comme il s'exprime, iii, 11, 8 : « Puisqu'il existe quatre regions du monde on
nous sommes, et quatre vents principaux, que TLglise a ete disseminee par toute
la terre, et que la colonne et le soutien de I'Eglise, c'est I'Evangile et I'Esprit de vie,
il convient qu'elle ait quatre colonnes... D'ou il est manifeste que I'artisan de I'Uni-
vers, le Logos, celui qui est assis sur les Cherubins... nous a donne I'Evangile sous
quatre formes » {P. G., vii, 885). De meme Andre, a cote de ses interpretations
spirituelles, explique aussi les 4 Animaux par « la formation par Dieu des 4 στοιχεΤα
(elements) », ou sa domination sur les 4 parties du monde.
Au sens premier, les 4 Animaux sont done des Anges associes tres etroitement
au Maitre du monde, comme les Cherubins du propitiatoire de I'Arche. Mais leur
aspect et leur nombre montrent qu'ils sont plutot en rapport avec I'univers mate-
riel. Touz'nes vers les quatre points cardinaux, dominant et surveillant les quatre
parties du ciel, ils gouvernent, sous Dieu, la Creation. Sont-ce meme bien, en fin
de compte, des Anges personnels, ou representent-ils, comme le dit Swete, avec
ces formes suggerant ce qu'il y a de plus noble, de plus fort, de plus sage et de
plus rapide dans la matiere vivante, I'ensemble de la Creation, avec I'omnipre-
sence et Taction continue de Dieu dans la nature? Ne serait-ce pas une personni-
fication des operations ad extra de Dieu comme createur, conservateur et moteur?
La question pent se poser, mais elle est de peu d'importance pour le sens general
de I'Apocalypse. Nous pouvons bien admettre des Anges personnels, puisquo
saint Jean professait certainement la doctrine que Dieu se sert d'Anges comme
intermediaires pour la direction des etres et des lois naturelles.
■ A. 9-10-11. ooiatoatv (de 'έδωσα! Lntrod., ch. v, § II), SB lit N, Q, δ50δ-14-69,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 59
nuit, de dire : « Saint, Saint, Saint [est] le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant,
[celui qui a nora] il etait, il est, il vient. » 9. Et chaque fois que les
Animaux rendront [litt. donnent) gloire et honneur et actions de graces έ,
Celui qui est siir le trone, qui vit dans les siecles des siecles, 10 tomberont
les Vingt-quatre Vieillards en face de Celui qui est assis sur le trone, et ils
se prosterneront devant Celui qui est dans les siecles des siecles, et ils
jetteront leurs couronncs en face du trone, disant : 11 « Tu es digne, notre
Seigneur et notre Dieu, de te roserver [litt. de prendre) la gloire et I'hon-
neur et la puissance, car c'est toi qui as cree toutes choses, et par ta volonte
elles exist^rent et furent creoes. »
8603-92-61, Orig., qqs And., et Bousset I'admet. Al. ^ώσουσιν, δώσιν, εδωχαν. Sur
les aoristes anormaux en-σα a I'epoque romaine, voir Meillet, p. 316. — δταν signifie
ici « toutes les fois que ». — έπΙ τω θρόνω (non το2 θρ.), avee rec Η. (Introd., c. v,
§ II) — βάλλουσιν pour βαλοΰσιν, χ, Q, al. — procidebant, adorabant, dans vulg., cor-
rections pour echapper a la difficulte du sens. — καί introduit, a I'hebraique, avant
πεσοΰνται, i\; douteux. — προσχυνεΤν ici avec le datif, — ό κύριος pour le vocatif (κύριε
ajoute devant δ κύρ., χ, al.; κύριε seul And., g, vulg., arm.) Introd., eh. v, § II —
ήσαν devant έχτ., hysteron-proteron du a la negligence du style.
C. 9-10-11. Au V. 8 a commence la grande liturgie de la cour celeste, en I'hon-
neur de Dieu createur et gouverneur du monde. "Οταν, qui est ici frequentatif, et
les verbes au futur, montrent que I'auteur prevoit tous les developpements et les
cantiques qui vont suivre; il n'a pas ecrit le recit de cette vision avant de connaitre
les autres, et c'est un signe tres net de I'unite de son plan. Le Trisagion des
Animaux appelle les trois termes de la benediction du v. 9. Les 24 Vieillards qui
sont des rois, deposent leur couronne alors devant le trone de Dieu, ce qui, d'apres
I'usage ancien, est un signe de soumission et de vassalite; ainsi fit le roi d'Armenie
Tiridate devant la statue de I'empereur {Tacite, Annales, xv, 28). Les rois de la
terre (xin, xvii, xix) sont les ennemis rebelles de Dieu et de I'Agneau; mais ceux
du ciel reconnaisscnt que Dieu seul leur a donne ces couronnes de royaute et de
victoire [And. Arethas, al.). La nature, les Anges, et I'humanite fidele — dans la
mesure oil celle-ci est representee par les Vieillards, — s'unissent pour louer Dieu,
glorifier sa saintete, lui dire qu'il est seul digne de se reserver (λαβείν, Bousset)
gloire, honneur et puissance. Si cette scene ne renferme jusqu'ici rien de speci-
fiquement chretien, c'est que I'Agneau n'a pas encore paru; bientot il va etre
associe, avec une parfaite ogalite, a la gloire de son Pere.
EXC. XIV. — LE CIEL ET LA COUR CELESTE.
Malgre le style lliclie et extraordinairement redondant de la description,
cette peinture du trone de Dieu et de la cour celeste est majestueuse et admi-
rable, bien superieure, sous le rapport do I'art, ΰ la vision similaire d'Eze-
chiel, et surtout a celles des Apocryphes. Elle est formee pourtant des memes
elements, dont I'originc astrale n'est pas douteuse. Le livre d'Henoch prou-
verait a lui tout seul combien rastronomie avail penetre la tradition apoca-
lyptique. La maison de Dieu, le trone do Dieu, c'est le ciel constelle d'etoiles.
el peuplc d'intelligenccs angeliques. Sa tranquille magnificence contraste avec
los scenes qui vont se passer en dessous ; mais touto loi et toutc impulsion
60 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
B. Apparition de I'Agneau Redempteur, et sa glorification
conwie maitre des destines (c. v).
C. V. 1. Και sis;v £-■ τήν Ιι\\χΊ tcj καθήμενου έζΐ tcj θρόνου βιβλίον γεγραμ-
μένον *εσωθ£ν και *lr.'.zHvi, κατεσ5ραγυμε'νον σίραγΐσιν ϊ~~ί. 2 Και ειΒον αγγελον ίσχυ-
ρον κηρύσσοντα *έν ^ων^ μεγάλη' Τίς άξιος άνοϊξαι το βιδλι'ον και λΰσαι τας σοραγϊδας
αΰτοΰ ; 3. Και ουδείς έδυνατο εν τω ουρανω *ου7ε έττι τής γης ούτε ύττοκάτω τΫ;ς
γης άνοϊξαι το βιβλίον ούτε βλέζειν αυτό. 4. Και εκλαιον πολύ, 'ότι ουδείς άξιος
εΰρε'θη άνοϊξαι το βιβλίον ούτε βλεπειν αυτό. 5. Και *εις εκ των πρεσβυτέρων λέγει
μοΓ μή κλαίε, ιδού *ένίκησεν ο λε'ων ό εκ της οι^λης Ίοΰδα, ή ^ίζα Δαυείδ, *άνοϊξαι
το βιβλίον και τας έτττα σοραγΤοας αϋτοΰ. 6. Και ειδον *έν μέσω του θρόνου και
partent de la-haut; les fideles peuvent done deja se rassurer. Saint Jean, s'il
fut inspire d'Ezechiel et des Apocryphes, a beaucoup simplifie leurs descrip-
tions; tout est chez lui plus intelligible et plus plastique. 11 a dedaigne
la topographie et la fantasmagorie des livres ^.'Henoch ou de Baruch grec,
il a ote aux Cherubins d'Ezechiel leur apparence quadruple, qui deconcerte;
en fondant ensemble les Cherubins et les Seraphins, les Ophannim et les
Egregores, Jean fuit les classifications trop precises de Tan^elologie postexi-
lienne; il reste dans la ligne des deux grands prophetes, Ezechiel et Isaie,
dont il fait meme une svnthese. La figure des Vieillards, qui lui est person-
nelle, au moins sous cette forme, ajoute aux anciennes visions quelque chose
de plus spirituel, de plus proche de Ihumanite; et la douceur simple et har-
monieuse de I'apparition divine, au milieu de ces images de puissance, au
centre meme des tonnerres, montre le nouvel esprit qu'a apporte TEvangile.
La description de I'habilat divin, tel qu'il apparut a Jean, n'est cependant
pas complete; nous verrons plus loin qu'il faut y ajouter un autel des holo-
caustes, un autel des parfums, et un sanctuaire; car lecrivain en parlera
sans avoir annonce leur apparition ; rarement, nous le savons, il donne ses
descriptions ou ses propheties dun seul coup. Le Temple Celeste est ainsi
comme le prototype, Tidee du Temple de Jerusalem, cet « exemplaire qui fut
montre » a Moise « sur la montagne » (Ex. xxv, 40).
A. B. 1. On trouve εαττροιθεν pour εσωθεν (χ); d'autres ajoutent v.%i εαζροαθεν et
έξωθεν pour δπυθεν. Bousset prefere la Ιβςοη έξωθεν κα\ ό'-υθεν, qui est celle de P,
Q, g, vulg, boh., syr.^, arm., eth., Hipp, Prim., Vict., Tyc, Orig.^'^"^^^-, et de
nombreux minuscules; mais au nombre de ces autorites, il y a par trop de versions;
nous gardens εσωθεν καΐ δ-ι^θεν, avec Tisch., Nestle, W-H, Swete, Soden; Zahn
(Einl. II, p. 596) et Nestle (Text. crit. p. 333), ainsi que Joh. Weiss dans sa
traduction, veulent rattacher δ-υθεν a κατε^οραγισαε'νον. — « Livre scelle » cfr. Is. xxix,
11; Dan. viii, 26; xii, 4, 9; aussi Ezech. ii, 9-10, « livre roule «.
C. 1. Ce livre, Dieu le tient sur sa main ouverte, c'est-a-dire qu'il lOffre a qui
pourra le prendre. Ce livre se presente comme un rouleau de papyrus [volumen],
et non un codex relie; il est « ecrit en dedans et par derriere », autrement dit c'est
un rouleau « opistographe ». On trouve des mentions assez frequentes de cette
forme de rouleau dans lantiquite, Ezech. ii, 9-10, Pline, Martial, Juvenal, Lucien.
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 61
C. V. 1. Et je λ-ΐΒ SUP la [^mairij droite de Celui qui etait assis sur le trone
unlivre ecrit en dedans et par derri^re, scelle de sept sceaux. 2. Et je vis
un ange puissant, qai proclamait d'une grande voix : « Qui [est] digne
d'ouvrir le livre et d'en delier les sceaux? » 3. Et personne ne pouvait,
dans le ciel ni sur la terre, ni en dessous de la terre, ouvrir le livre ni le
regarder. 4. Etje pleurals beaucoup, parce que personne n'avait ete trouve
digne d'ouvrir le livre ni de le regarder. 5. Et Tun des Vieillards me dit :
« Ne pleure pas; voici qu'il a vaincu, le Lion de la tribu de Juda, la Racine
de David, pour ouvrir le livre et ses sept sceaux. » 6. Et je vis au milieu du
Gen^ralement on n'ecrivait que sur le recto de la longue feuille; mais la longueur
du texte et la cherte du papyrus obligeaient parfois a couvrir d'encre les deux
faces. Holizm, Bousset, Cal/nes, Swete, Fentendent comme nous; d'ailleurs cette
forme seule explique que Jean puisse voir qu'il est ecrit aussi sur le verso ; cela
η aurait pas de sens avec un codex. Les sceaux sont disposes sur une m^me ligne
longitudinale, sur le bord exterieur de la feuille, colle ainsi au rouleau : de sorte
qu'on ne peut en commencer la lecture avant de les aA'oir rompus tous les sept
(v. Exc. XVII.) — L'image des livres celestes est tres frequente dans la Bible et les
Apocalypses; celui de notre chapitre contient les innombrables decrets de Dieu
sur les destinees futures du monde, 3 μέλλει γενέσθαι μετά ταύτα, ι, 19. (V, Exc. χνι)
« Liber hie praesentis est mundi totius creatura » (Apringius); βιβλίον τήν ::άνσοοον
τοΰ θεού μνήμην νοοΰμεν... y.xi των θείων κριμάτων τήν άβυσσον (And). Cette interpretation
vaut mieux que celle dOrigene (sch. xxvii, cfr. Philoc. ii, 1, 5), qui y voit les eve-
nements predits dans I'Ancien Testament, lesquels ne sont devenus clairs qu'apres
la resurrection du Seigneur. C'est plutot toute I'eschatologie, comprenant le derou-
lement des temps messianiques {And), tous les secrets du plan divin de notre
salut. Ainsi Swete, etc. On peut I'appeler, avec Zahn et Joh. Weiss, le « testament
divin » ; il est ferme « non pas tant parce que nul n'en connait le contenu, que
parce que le contenu attend encore sa realisation » [Zahn, Einl. ii, p. 597).
■I A. B. 2. εν instrum., corrige par P, Hipp., Orig., And., al., lat., Prim.
I'omet toujours. — άνοΤξαι... καταλυσαι, hysteron-proteron de pensee. — Cfr. I'autre
« άγγελος h'/y^a^ », de X, 1.
C. 2. L'Ange invite toute la Creation a penetrer les secrets de Dieu: c'est une
maniere dramatique de presenter les choses, pour faire ressortir tout a I'heure la
transcendance divine de I'Agneau. Son role a de I'analogie avec celui de I'Ange de
X, 1 (v. ad loc).
— — A. B. C. 3. Les mss. hesitent entre ουδέ et ούτε. Cette division tripartite
du monde repond a la cosmologie des anciens, depuis Babylone ; Ο-οκάτω ttJ; γης
signifie I'empire des morts; And. et Calmes pensent aux ames saintes qui ont quitte
leurs corps, mais il s'agit plutot des demons souterrains; cfr. P/iil. ii, 10. — βλέ::ειν
signifie-t-il « regarder » I'interieur du livre, apres I'avoir ouvert, ou bien fixer le
regard sur le rouleau scelle?; ce deuxieme sens nous parait le plus probable. Toute
la creation est saisie de respect ct d'efTroi devant I'instrument des volontes divines.
■ A. C. 4. κα\ έγώ, καγώ, rcc Κ et And., — -ολλο;, au lieu de τιολύ, change le
sens, dans Hipp, et qqs mss. — Jean pleure, non de voir I'ignorance des Anges
(And.), mais a cause du brulant dosir qu'il a lui-mlme de connaitre les projets
divins, inquiet comme il Test dans son exil de I'avenir de ses communautes et de
i'Eglise persecutee.
— — A. 5. εΤί pour τις (Imrod. c. v, §,§ I-II) — ενίκησεν άνοΓξαι (ό άνοίγων Q,
G2 APOCALYPSE DE SAlN'l' JEAN.
των τεσσάρο)ν ζώων και *έν μέσω των πρεσβυτέρων apvisv *έστηκος ώς έσφαγμ,ένον,
*εχων κέρατα έπτα και οφθαλμούς έτττα, οΓ είσιν τα έπτα πνεύματα του θεοΰ "απεσταλ-
μένοι εις πασαν τήν γην. 7. Και ηλθεν καΐ *εϊληφεν *έκ τϊ^ς οεξίας του καθήμενου
έπιτοΰ θρόνου. 8. Και οτε ελαβεν το βιβλίον, τα *τέσσερα ζώα και ο! είκοσι τέσσαρες
πρεσβύτεροι *επεσαν ένίόπιον του άρνίου, έχοντες Ικαστος κιθάραν και οιάλας χρυσας
γεμούσας θυμιαμάτων, *α'ί είσιν αί προσευχαΐ των αγίων. 9. Και *ά'οουσιν ώδήν καινήν
λέγοντες' "Αξιος ει λαβείν το βιβλίον και άνοΐςαι τας σφραγίδας αΰτοΰ, 'ότι έσφάγης
και ήγόρασας τω θεώ *έν τώ α'ίματί σου έκ πάσης φυλής και γλώσσης και λαοΰ και
rec. Κ., Orig.) pourrait signifier « a eu la force d'ouvrir », Ινίχησεν equivalaat alors
a ίσχυσεν, cfr. Ps. Sal. iv, 13 : ένίκησεν... σκορπΓσαι. Mais, d'apres I'usage johannique,
il vaut mieux prendre le sens absolu : « II a vaincu, pour ouvrir, en sorte qu"\\
ouvrira » (Holtzmann, Bousset, Sivete, etc.).
B, C. 5. L'intervention d'un des Vieillards, pour consoler Jean, montre bien un
rapport special entre ces personnages et I'humanite. Le « Lion de Juda », cfr. Gen.
XLix, 9, la « Racine de David » (id. xxii, 16, indice d'unite de main entre cette
partie-ci et la derniere, qui est incontestablement de I'auteur des Lettres; cfr. Is. xi,
10, ή ?(ζα του Ίεσσαί) ouvrira le livre, parce qu'il est devenu le maitre du monde
par la victoire qu'il a remportee sur lui (cfr. Jo/i. xvi, 33). Spina ne veut supprimer
ce mot d'έvί)'.ησεv que parce qu'il est trop johannique; Bousset lui replique que la
reapparition de ce mot, certain d'apres toutes les autorit^s, est une des preuves de
I'unite du livre.
Μ Δ. 6. έν μέσω.... Iv μέσω., est une tournure embarrassee, analogue a celle
de IV, 6, qui montre encore I'inhabilete de I'auteur dans I'emploi des prepositions
servant a indiquer les relations locales; elle repond sans doute a I'hebreu ..]ΐ3ϊΐ..1"'2,
Gen. I, 7 ; Lev. xxviii, 2, et signifie simplement I'espace intermediaire entre les deux
objets nommes. — απεσταλιχένοι est un solecisrae assez habituel, ou bien est appele
par le genre d'oyOaXjjid; (A; Tisch. W-H, Nestle, Swete, Soden; (roc) άπεσταλμ-ένα >{,
α1573-138-2020, Av56-49-2023 , α115-30-1854, boh., Hipp.; (τα) άποστελλό[χενα, Q, rec.
Κ, Orig. And., syr.g^'", al., suivis par Bousset; & pour oi', Hipp., rec. K. Double
solecisme Ιστη/.ώς, au nominatif masculin, (N, Av20-rl-lr, Av30-36-2019, al.), et 'εχιον,
mieux appuye (n, A, Q, al.).
B. 6. άρνίον ώς Ισφχγριε'νον : cfr. Is. nil, 7 (προ'βατον), Jer. xi, 19. Le mot άρνίον
apparait dans VApoc. 29 fois en 12 chapitres; il se retrouve /οΛ. xxi, 15 (excepte D :
πρόβατα); pour le Messie-Agneau, cfr. Test. Joseph xix, 6, 8, associe au lion, et vain-
queur; cfr. Test. Benjamin ui, 8 (interpolations chretiennes) ; pour le sens (le mot
est αμνός), cfr. Joh. I, 29, 36; xix, 33-37; I Cor. v, 7; I Pet. i, 19 (agneau de Dieu,
agneau pascal). — Les 7 yeux-esprits, cfr. i, 4; iv, 5 (les 7 Esprits), Zach. in, 9-10
et IV, 10 (les 7 yeux de Jahweh), et les « yeux » des 4 Animaux. — Les 7 comes :
la corne est le symbole, (A.T., passim) de la force secourable ou de la force dynas-
tique (cfr. particulierement Zach. i, 18-suiv. ; Dan. vii, 7-suiv.; viii, 3-seq.; Hen.
eth. xc, 37-suiv., ou le Messie apparait sous forme d'un buflle avec deux cornes
noires). Ailleurs dans VApoc. xii, 3; xiii, 1, 11; xvn, 3-sq., les cornes appartien-
nent aux ennemis de I'Agneau.
C. 6. Par un magnifique contraste, qu'ont releve Joh. Weiss et d'autres, le Lion
annonce apparait subitement sous forme d'Agneau, c'est-a-dire d'Agneau pascal
(v. paralleles, ci-dessus), portant encore au cou les marques du sacrifice ou il a ete
egorge, mais debout a cause de sa resurrection, de sa victoire. II a ete Lion pour
vaincre la mort, mais agneau afin de soufTrir pour les hommes [Vict.). II n'apparait
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 63
trone et des quatre Animaux et au milieu des Vieillards un agkeau se
tenant debout, comme egorge, ayant sept comes et sept yeux, qui sont les
SEPT ESPRiTS DE DiEu, euvoyes par toute la terre. 7. Et il vint; et il a pris
[le livre] de la droite de Celui qui est assis sur le trone. 8. Et lorsqu'il eut
pris le livre, les quatre Animaux, et les vingt-quatre Vieillards tomberent
en face de lAgneau, ayant chacun une cithare, et des coupes en or remplies
de parfums, qui sont les prieres des Saints. 9. Et ils chantent un cantique
nouveau, disant : « Tu es digne de prendre le livre et den ouvrirles sceaux,
parce que tu as ete egorge et tu as achete pour Dieu, par ton sang, [des
hommes^ de toute tribu, et langue, et peuple et nation, 10 et tu en as fait
cependant que « comme » egorge, puisque maiatenant il est vivant (i, 18, et
Lettres). Parmi les Evangelistes, saint Jean est celui qui a parle le plus expressement
des plaies duRessuscite, Joh. xx, 31; il n'est pas permis de negliger ce rapprochement.
L'Agneau apparait sur la mer de cristal, entre le cercle des Vieillards et le Trone
porte par les Animaux {de Weite, al.), et non dans une position absolument cen-
trale (cfr. Bousset, qui se refere d'une fa^on erronoe a vii, 17), puisque bientot on
va voir qu'il doit s'approcher du trone (τ,λθεν). Ses sept yeux et ses sept cornes
sont une image bien peu plastique; raais il n'y a que le sens qui importe. Ils expri-
ment la plenitude (Sept) de son pouvoir royal, de sa force et de son omniscience
[Holtzmann, Swete, Bousset, etc.); en d'autres termes sa divinite. Car « les
7 Esprits de Dieu r, sont a Lui. II les possede ; or nous savons que c'est le Saint-
Esprit personnel. Ces Esprits sont envoyes — par I'Agneau lui-mSme, si Ton se
refere a Act. u, 33, et a Joh. xv, 26, etc.; xx, 22, — sur toute la terre, par la grace
et par la mission universelle de I'apostolat catholique. L'image des vents est peut-otre
impliquee originellement dans ce symbolisme [Boll, p. 22). Et cependant ils res-
tent au front de I'Agneau; bien mieux, ils sont presents, dans la m^me vision, sous
un autre symbole, les 7 Lampes (iv, 5), qui indique leur rapport avec le Pere; c'est
qu'ils appartiennent egalement au Pere et au Fils. On sent quelle profonde theo-
logie — et combien johannique! — se cache sous I'apparence un peu desordonnee
de toutes ces images. Du reste, cette double representation n'est pas une raison de
supposer une dualite de mains (centre Jolt. Weiss); pourquoi, dit Bousset, ne pas
attribuer ces dedoublements a I'auteur lui-meme aussi bien qu'au fait d'un « redac-
teur » qui se serait donne a tache de corriger? N'aurait-il pu, en effet, corriger
mieux? (Voir I.mrod., c. vi et xi. — Pour I'Agneau, Exc. xv).
— ^— Δ. B. C. 7. « To βιβλίον )>, necessairement sous-entendu apres ε'Ληφεν, a ete ajoute
[)ΆΓ And., Ilippol., quelques mss. 6! Andre, et I'ensemble des versions. Le passage de
I'aoriste au parfait pourrait etre intentionnel (Bousset, J. Weiss, S^i'ete), car I'Agneau
continue depuis lors a tenir au ciel le livre qu'il a re?u. Non seulement il s'est approche
du trone de Dieu, mais nous verrons vii, 17, que lui-mome y a pris place; cette introni-
sation est supposee d'ailleurs par tout ce qui suit dans cette pericope; et au ch. xxii, 1,
3, il sera question du « trone de Dieu et de I'Agneau ». Un agneau prenant un livre et
rompant des sceaux a trouble certains commentateurs, qui exagerent le souci de plier
les visions aux convenances des realites terrestres. Est-ce la un motif consacre, et Jean
n'aurail-il fait qu'appliquer au Christ, ressuscite et monte au ciel, a la droite de son
Pere, le theme de I'intronisation d'un dieu nouveau, qui se retrouve dans le « Pofemc
dela Creation », quand Mardouk re^oit de la main de Bel les tablettes desdestinees?
Gunkel (Verst. p. 62) Bousset, et I'ecole babyloniste I'ont cru; mais le parallelisme,
d'ailleurs assez lointain, peut aussi bien etre du au hasard (Exc. xv).
64 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
έθνους, 10. και έττοίησας *αυτους τω θεω ημών *βασιλείίζν καΐ Ιερείς, και *βασ'-λεύουσιν
έπΙ της γης. 11. Και είδον, και ήκουσα *φωνήν αγγέλων ττολλών κύκλω του θρόνου
και των ζώων και των πρεσβυτέρων, και ην ό αριθμός αυτών μυριάδες μυριάδων και
χιλιάδες χιλιάδων, 12 *λέγοντες φωνϊ5 μεγάλη* "Αξιον έστιν το άρνίον το έσφαγμένον
λαβείν την δύναμιν και πλουτον και σοφ(αν και Ίσχυν και τιμήν και δόςαν και ευλογίαν.
13. Και πάν κτίσμα, ο εν τω ουρανώ και έπΙ της γτ3ς και υποκάτω της γγ5ς και έπι
ττ5ς θαλάσσης*, και τα εν αΰτοΐς πάντα ήκουσα *λέγοντας" Τω καθημένω επί τω θρόνω
και τω άρνίω ή ευλογία και ή τιμή και ή δόξα και το γ,ράτος ε'ις τους αιώνας των αιώνων.
14. Και τα τέσσερα ζώα έλεγον' 'Αμήν, και ο', πρεσβύτεροι *έπεσαν και προσεκύνησαν.
— — Α. Β. 8. Correction επεσον rec. Ζ (Int. c. ν, § Π); — οΆ (attraction) remplace
par α κ, Q. — ε/οντες έκαστος ne se rapporte sans doute qu'aux Vieiilards, I'ambiguite est
due a la negligence du style. — Meme jeu de scene vii, 11 et xix, 4 (vid. ad loc); allu-
sion dans Ϊ Apocalypse de Paul, 44. — « Coupes aparfums » : cfr, Ps. cxli, 2; cxlvii,
7; CL, 3; Ezech. viii, 11.
C. 8. Ainsi les etres celestes associes a la royaute de Dieu adorent Jesus glorifie
par la resurrection et I'ascension. lis tiennent a la main des coupes : ce qui suppose la
presence au ciel d'un « autel des parfums », dbnt il sera fait mention expresse viii, 3;
toutes ces scenes se completent, Jean n'ayant d'abord decrit que dans les grandes
lignes I'habitat de Dieu. Ces parfums symbolisent les prieres de I'Eglise, destinees a
assurer I'avenir qui va se devoiler; les Vieiilards apparaissent ici tres clairement
comme des Anges intercesseurs, cfr. vm, 3 (v. ad loc.) et rien n'est plus naturel que
de les distinguer des « saints » mortels dont lis ofTrent les prieres. L'auteur, ou le
« glossateur » n'a pas oublie que les 4 Animaux portent le trone (cfr. Spitta, Bousset) ;
ils peuvent faire, sans I'^branler, dans une vision surtout, leur geste de prosterne-
ment, et, si TAgneau n'a pas encore pris sa place, ils peuvent le faire en face de lui ;
d'ailleurs ils n'abaissent point par la la majeste du Tres-Haut, puisque lAgneau est
legal de son Pere. Le danger pour les Vieiilards de renverser leurs coupes impres-
sionne Spitta; mais ce savant porle trop, dans I'autre monde, les craintes domestiques
d'ici-bas. Rappelons-nous d'ailleurs, que Jean pense ses descriptions encore plus qu'il
ne les voit. (Int. c. x, § III et XII).
■ A. 9. άδουσιν, changement de temps a cause de la vivacite de la representation.
— Le sens devient tout different dans la majorite des temoins, qui portent, apres τω
θεω, le pronom ήι^ας, admis de Soden (x, P, Q, Hipp., Orig., ^nrf., la masse des minus-
cules, boh., syr., arm., lat., Cyp. Prim) ; alors les Vieiilards seraient necessairement des
hommes rachetes; mais ήμας manque A-o''-02, que tous reconnaissent comme un des
meilleurs temoins, et α 300-44-1801 il nous est done permis de le rejeter, avec I'en-
semble des critiques. D'abord il serait difficile k concilier avec αύτοϋς qui suit presque
partout au verset suivant, quand il eut ete si facile et naturel de repeter ή;ιας; mais la
Vulgate seule, avec tres peu d'autres temoins, a ete consequente, et a mis partout la
premiere personne au lieu de la troisieme. Souvenons-nous d'ailleurs qu'une locution
commengant par έχ. peut facilement jouer le role de regime direct parti tif, ou m^me
de sujet, dans le style johannique (Int. c. v, § II); dans notre passage, ανθρώπους est
sous-entendu,
B. C. 9. Apres avoir celebre le Greateur, les etres celestes, avec non moins do
solennite, chantent le Redempteur des hommes, l'auteur de la nouvelle creation ; cette
correspondance est voulue de l'auteur, pour montrer la divinite et la toute-puissance
de Jesus. II a droit de se reserver (λαβείν, au sens exclusif, comme iv, 1, Hozlm, equiva-
lant a λαβέσθαι, car Jean n'emploie guere la voix moyenne) le livre et son contenu,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 65
pour notre Dieu une royauto et des pretres, et ils regnent sur la terre. » 11.
Et je vis; et j'entendis la voix de beaucoup d'Anges autour du trone, et des
Animaux et des Vieillards, et leur nombre etait des myriades de myriades,
et des milliers de milliers, 12 disant d'une grande voix : « Dig-ne est
FAgneau qui a ete egorge de prendre [pour lui] la puissance, la richesse, la
sagesse, la force, rhonneur, la gloire et la benediction. » 13 Et toute crea-
ture qui [est] dans le ciel, et sur la terre et en dessous de la terre et sur la
mer, et tous les [etres qui s'] y [trouvent], je [les] entendis qui disaient :
« A Celui qui est assis sur le trone, et k I'Agneau, [soient] la benediction,
I'honneur, la gloire et la domination dans les siecles des siecles! » 14. Et les
Quatre Animaux disaient : « Amen! » Et les Vieillards tomb^rent et ador^rent.
e'est-a-dire de prendre en main la conduite des evenements future, d'abord comme
Dieu, avec son Pere, mais aussi comme homme, depuis sa passion ; il a rachete
I'humanitd par son sang, desormais elle appartient a I'Agneau. Άγοράζειν, pour la
Redemption (encore xiv, 3-suiv.), est un mot paulinien I Cor. vi, 20; vii, 23; έξαγοράζειν
Gal. Ill, 13; iv, 5, aussi II Pet. u, 1. — Έχ πάσης φυλής κτλ, expression stereotypee,
cfr. VII, 9; XI, 9; xiii, 7; xiv, 6, analogies dans Dan. passim et IV Esd. m, 7. Le
« chant nouveau » repond au « nom nouveau », a la « Jerusalem nouvelle » [Swete),
bref il celebre toute Teconomie nouvellement revelee de la Redemption ; cfr. xiv, 3-
seq. Jean lui-meme I'a entonne au debut de son message, i, 5-6. Dans ΓΑ. T., passim.,
Γώδη καιντ} est entonnee dans les grandes circonstances, Is. xlii, 10; Ps. xxxni; xl,
4; xcvi, 1; cxliv, 9.
—— A. B. 10. Je conserve le βασιλείαν (memo mot et mome sens que i, 6), de A, n,
C, 1073, Hipp., Orig., lat., syr., boh. avec Tiscli., Nestle, W-H, Swete, Bousset, centre
βασιλείς de And., que suit Soden. — βασιλεύουσιν, legon de A, Q, 1073, beaucoup d'au-
tres; ailleurs βασιλεύσουσιν futur, ou βασΟεύσοιχεν, δ 600-57-296, Αν 66-63-2029, Prim, et
aussi Vulgate (qui a nos pour αυτούς) ; Hippolyte s'est tire de difficulte en laissant de
cote ce dernier mot (v. supra A. 9). La logon βασιλεύουσιν est appuyee par le God. Alex
Α., qui a montre ici meme la bonte ordinaire de son texte, en ce qu'il est a peu pros le
seal a ne pas porter ή[Αας au v. 9.
G. 10. Le « chant nouveau » exalte le pouvoir qu'a le Christ depresider au cours de
tous les evenements, particuUerement des evenements spirituels de la grace; il a fait
de ses rachetes « des rois et des pretres » ; eux aussi dominent le monde, et sont
puissants par leur intercession; si on lisait « et ils regneront », ce serait sans doute
une allusion au Millenaire du ch. xx, ou bien ce « regno sur la terre nouvelle, que le
Seigneur a promis aux doux Mat., v, 5 » [And.]. Mais le present est preferable, carles
saints ont deja commence a regner (spirituellement) des que le Christ a ete glorifie;
c'est le sens de toute I'Apocalypse.
— — ^ A. B. 11-12. Κα'ι είδον, stereotype; — [χυριάδες μυριάδων, qui devrait suivre
plutot que preceder χιλιάδες /ιλιάδων, est omis g, vulg, Prim.; cfr. Dan. vn, 10; Hen.
ct/i., XL et Lxxxi. — λέγοντες, solecisme, ou apposition a άρι9[ΑΟς : ailleurs λεγούσαι, ou
λεγο'ντ'.ον, a cause du genre de ρρίας et /ιλίας. — Meme doxologie a sept membres, vii,
11.
C. 12. Des myriades d'Anges, dont il n'avait pas encore ete parle, so joignent aux
Animaux et aux Vieillards pour glorilicr I'Agneau egorge. Des termos nouveaux,
richesse, sagesse, force et benediction s'ajoutent a la doxologie dont Dieu etait I'objet
comme createur (supra). Gela fait sept, c'est-a-dire que I'oeuvre de Dieu et sa gloire,
est devenue complete par la Redemption, grace au sacrifice du Christ (Int. c. viii).
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 5
6(3 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
_.^— A. 13. La copule έτυι, apres θαλάσσης, manque K, α 1573-38-2020, boh., syr,
arm, eth.; mais Κ lit πάν κτίσ[Αα xb... — τα πάντα... λέγοντας, accord ad sensum, ou plutot
solecisme; corrections πάντας {rec. K), λέγοντα (A, al.), ou aiileurs λεγο'ντων, regime
regulier de ή'/.ουσα, avec nominatif absolu. — n, al., ont ΙπΙ του θρονοΰ.
C. 13-14. Cette doxologie est a quatre membres; la precedente en avait sept, et
ceile de iv, 9, 11, trois. Tout cela est intentionnel : 4 est le chiiTre qui est propre a la
Nature, avec ses quatre parties [del, terre, enfers, et mer) ou ses quatre regions,
(Nord, Sud, Est, Quest), quand elle ioue son Createur; 3 convient a la louange du
ciel, peut-etre parce que la Trinite y reside; enfin le chiffre 7 est reserve a la louange
du Dieu incarne, qui repare et complete I'ceuvre creee, et dispense les 7 dons de
I'Esprit.
Cette scene est admirable de grandeur. Le Christ, comme homme ou Agneau, vienl
de recevoir, avec le Livre, la domination de la Nature entiere, qui le Ioue a son tour ;
et il est tres significatif que cette louange s'adresse a Dieu et a I'Agneau indivisible-
ment, les egalant sans restriction. Les Animaux, qui sont dans un rapport special avec
la Nature, confirment par leur « Amen » cette doxologie ; seuls les plus eleves des
etres celestes peuvent prononcer cette derniere parole [Holtzm). Andre exprime ici
une belle pensee : par cette association des Cherubins, on voit qu'il s'est fait des
Anges et des hommes un seul troupeau et une seule Eglise, grace au Christ-Dieu, qui
a abattu le mur de separation {Eph. ii^ 14).
Holtz. rappelle ici Phil, ii, 10. En effet, devant Jesus a flechi tout genou des etres
celestes, terrestres, et souterrains; tons ont confesse ainsi qu'il est leur Seigneur, leur
Κύριος, et la scene se clot par I'adoration que lui rendent les plus hautes creatures du
ciel. Les croyants qui luttent sur la terre peuvent maintenant attendre sans trop
d'anxiete que leur avenir se devoile, puisqu'il est en de si misericordieuses et puis-
santes mains.
EXC. XV. — L « AGNEAU » DANS L APOCALYPSE.
Les panbabylonistes ont hkii au sujet de cet Agneau intronise avec Dieu des
theories suivies et ingenieuses comme un roman, qu'ils poursuivent a travers
le ch. XII (v. ad loc.) et la derniere partie, les « noces de I'Agneau ». Le Christ
se serait approprie I'histoire de Mardouk, vainqueur de Ti^mat. La preuve en
est sa prise de possession du Livre scelle; et, encore plus, ses « comes » et ses
« yeux » qui le designent comme une nouvelle figure stellaire, la constellation
du « Belier » ; aussi, au lieu d'ajxvo'g, I'Apocalypse emploie un autre mot, άρνίον.
On pent voir la-dessus Jeremias, BNT, p. 16, Boll, p. 44, et les auteurs
auxquels ils se referent; il ne faut pas negliger la discussion sensee de Clemen,
pp. 80-81. Nous dirons simplement, pour nous, d'abord que άρνίον, diminutif de
άρην, signifie « agneau », un jeune belier, autant que αμνός; cfr. Luc x, 3, άρνας.
Les paralleles bibliques cites ad loc. rapprochent cette figure de la victime
pascale, qui n'etait pas, croyons-nous, un belier. L'origine de I'image est done
historique, non mythique. Ces auteurs, pour soutenir leur theorie, doivent
au moins supprimer έσφαγμένον, car ni la constellation, ni Mardouk, n'ont ete
offerts en sacrifice. Υ aurait-il dans la tradition apocalyptique une figure du
Messie plus proche de notre passage que I'agneau pascal? Ce n'est toujours
pas le « buffle », creation fantaisiste et plate a'Hen. xc, encore moins les Anges-
taureaux et les Anges-agneaux qui trainent, dans Baruch grec ix, le char de la
Lune. Quant a Γ « Agneau » des Testaments de Joseph et de Benjamin, il est
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 67
arrive la par une interpolation chretienne inspiree probablement de notre Apo-
calypse elle-m^me. En outre, comme I'Apocalypse n'est pas d'un autre que
saint Jean, I'auteur du IV^Evangile, il n'y a pas lieu de croire que I'Apotre ait
subi ici d'autres influences traditionnelles que lorsqu'il met dans la bouche du
Baptiste la mention de Γ « Agneau de Dieu », expression qui provient certaine-
ment de I'Agneau pascal, d'Isaie, de Jeremie, c'est-a-dire de faits et d'images
bibliques tout a fait etrangers a la mythologie ; les LXX n'ont pas hesite a appeler
aussi άρνίον, non άμνος « I'agneau inoffensif mene a la boucherie » de Jer. xi, 19,
cfr. Luc IX, 2.
Notre « άρνίον » a bien ceci de commun avec Mardouk, c'est qu'il regoit un
livre, comme I'autre des tablettes. ]Mais nous allons montrer qu'il n'est nulle-
ment necessaire de chercher dans la mythologie I'origine de ce livre-la.
EXC, XVI, — LES « LIVRES » APOCALYPTIQUES.
II est souvent question de livres mysterieux ou divins dans notre Apocalypse :
1°) ici d'abord, puis au ch. χ (le βιβλαρίδιον), ils contiennent I'ensemble des decrets
de Dieu sur le monde et TEglise; 2°) un autre, au ciel, contient les noms des
predestines (βίβλος ou βιβλίον της ζωής) III, 5; XIII, 8; xvii, 8; xx, 12, 15; xxi, 27;
3^) il en est enfin qui contiennent le releve des actions des hommes, d'apres
lesquelles leur sort sera fixe au jugement, xx, 12, bis.
Toutes ces categories d'ecrits celestes sont representees dans la tradition
apocalyptique commune. Ainsi, dans He?i. eth., des « tablettes celestes » con-
tiennent, soit toute rhistoire de I'humanite ecrite a I'avance (cfr. Apoc. ν et x),
soit la description du sort reserve aux justes (livre de vie, ou « livre des
saints »); des livres contiennent les actions des hommes (livres des vivants,
xLvii, 3); parfois on trouve aussi mention des « livres des pecheurs ». De tous
ces passages d'Henoch (xlvii, 3, lxxxi, 1-4, lxxxix, 62-77; xc, 17-20; xciii, 2;
xcvii, 6; xcviii, 7-suiv. ; cm, 2; civ, 1, 7; cvi, 19; cviii, 3, 7), on peut en
rapprocher beaucoup d'autres parmi les Apocryphes, tant juifs que Chretiens,
Bar. syr. xxi-xxv (livres des peches), IV Esd. vi, 20; Test. Levix, 4; T. Aser,
II, 10; Jub. iii-vi, xv-xvi; xvm-xix; xxiii-xxiv; xxviii; xxx-xxxiii; xlix-l
(tables celestes, ou sont ecrites la loi eternelle et les destinees); xxx, 22 et
xxxvi, 10 (livres de la vie et de la mort); xxx, 23; xxxix, 6 (livre des merites
et des demerites). Memes images dans Hen. sL, Asc. Is. ix, Pirqe Aboth,
Testament a'Abraham, Hermas, Apoc. de Paul, etc. ct les rabbins.
Ces « livres » sont d'origine biblique. Gelui qui contient les actions des
hommes, et decrit aussi leur destinee, est mentionne Ps. xl (xxxix vulg.], 8;
et cxxxix (cxxxviii vulg.) 16; cfr. Mai. in, 16; al. le « livre de vie » ou « des
vivants » DiTl lED, d'oii Ton peut etre raye, Ps. lxix (lxviii, vulg.) 29, cfr. Ex.
XXXII, 32, 33.
Faut-il vraiment chercher dans le babylonisme Toriginc de ces figures? S'il
est question dans VEnuma elis des « tablettes des destinees », en quoi cette
mention porte-t-elle un caractere plus primitif que les images bibliques corres-
pondantes? Le rapprochement prouverait tout au plus que les Semites avaient
Tidee d'ordre necessaire, soumis a un calcul exact; mais, sans emprunts litte-
68 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
raires, on pouvait bien, sur divers points du monde semitique, arriver tout droit
a crder cet anthropomorphisme tres simple que la Providence consigne ses
operations projetees, tient ses comptes et prevoit ses paiements, comme tout
bon negociant le ferait ici-bas. Ni dans ΓΑ. T., ni dans I'Apocalypse, ni meme
dans les Apocryphes, il n'est question de livres doues par eux-memes d'une
force magique, comme ce pouvait etre le cas pour les « tablettes des destinees »
a Babylone (cfr. Gunkel, Verst. p. 60); le contenu de nos livres, et sa realisation,
depend de la volonte libre de Dieu et de la volonte libre des hommes. Et si les
Apocryphes sent parfois suspects d'un certain fatalisme, I'Apocalypse, au moins,
ne Test nullement.
EXC. XVII. — LA FORME DU « LIVRE SCELLE ».
Nous avons montre, au comment, du v. 1, que ce livre doit avoir la forme
d'un rouleau, non d'un codex; et d'un rouleau « opisthographe ». 11 est tres
important de savoir comment les 7 sceaux peuvent etre disposes ; ce n'est pas
une question de pure curiosite, I'interpretation des deux chapitres suivants
depend dans une grande mesure de la solution qu'on y apporte.
Bousset, Swete, et avant eux tous les auteurs qui croient que la lecture du
livre et la realisation de son contenu doit commencer des la rupture du premier
sceau (ch. vi), ne sauraient facilement s'en tirer. Spitia, apres Grotius et autres,
pense que le livre est un codex contenant sept parties ayant chacune son propre
sceau; nous avons montre que cela ne repond pas aux termes du texte. Corn,
a Lap., puis de Wette, imaginent un rouleau unique, mais muni de sept cordons
inseres a sept points divers de I'interieur, et par lesquels seraient ainsi tenues
sept parties distinctes, un sceau etant appose sur I'extremite de chaque cordon;
il faut alors que ces cordons soient de differentes longueurs, et que leur
extremite depasse toujours le bord extorieur du volume une fois roule, afin
qu'on puisse y apposer le sceau, puisque le Prophete compte les sceaux avant
la rupture du premier. Je ne vois pas I'utilite qu'il y aurait a faire un volume
ainsi conditionne; il parait qu'on en a fait un de la sorte pour le montrer a
Joh. Weiss ; ne I'ayant pas vu, je suppose que cette disposition n'est ni com-
mode, ni pratique. Reste done notre hypothese (lancee ^άτ Hoffmann le premier,
et combattue a tort par Bousset) d'apres laquelle le contenu du livre ne pent
etre lu qu'apres la rupture du septieme et dernier sceau; en effet, tant que le
bord de la feuille tient encore par un seul sceau, il est impossible de derouler
le volume.
Zahn [Einl. ii, pp. 289 et suivantes) croit aussi qu'il s'agit d'un codex. Mais,
se referant a Huschke [Das Buck mit sieben Siegeln, 1860), il etablit que les
7 sceaux seraient la marque legale d'un testament non ouvert, qui ne pent done
etre lu et devenir executoire qu'apres la lecture de tous; les sceaux corres-
pondraient au nombre de temoins requis (cfr. Marquardt, Romisches Privat-
lehen ^, pp. 805-suiv.) Le livre du salut futur est considere comme un testament,
διαθήκη, suivant le terme deja usite dans le N. T. [Sijnopt. consecration du calice;
1 Pet. 1,4) et qui deviendra courant.
Sans nous referer au droit remain, nous nous croyons obliges, avec Joh.
Weiss f d'admettre d'apres la seule teneur de notre texte, qu'il s'agit d'un rouleau,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 69
et meme d'un rouleau qui n'a rien de particulier dans la maniere dont il est
scelle (1). Une fois qu'il est roule, le rebord de la feuille est tout simplement assujetti
par sept sceaux disposes bien visiblement a cote Tun de I'autre, sur la meme
ligne, cliacun contribuant a coller ce rebord; et le nombre Sept n'est la que
pour le symbolisme, pour indiquer que le contenu du livre est completement et
divinement soustrait a Tatteinte des creatures.
(1) G'est aussi I'idee du recent commentateur Beckwith.
π. PREMIERE SECTION DES PROPHETIES
(vi-xi, 18).
OU EXECUTION DES DECRETS DU « LIVRE SCELLE » SUR l'enSEMBLE DU MONDE.
A. Ouverture du Livre aux Sept sceaux.
(VI-VIII, 1).
Int. Ce n'est encore qu'une vision preparatoire. Pendant que I'Agneau rompt les sceaux
du livre, avec une solennelle lenteur, Jean voit idealement, et dune maniere encore
generale et confuse, se preparer au ciel les jugements divins, avant d'avoir la vision
detaillee de leur realisation sur la terre {VIII-XI). A la rupture des quatre premiers
sceaux, qui forment un groupe syinetrique, apparaissent les symboles : 1°) des victoires
spirituelles du Christ; 2") des fleaux qui chdtieront ses ennemis. Au cinquieme, les
prieres des martyrs pressent les retributions de Dieu. Au sixieme, le Prophete percoit,
d'une maniere anticipee, quels seront les resultats des futures operations divines; les
impies seront jetes dans la terreur [VI, 12-17), tandis que les justes, preserves et
rachetes, afflueront continuellement au ciel, oil ils vivent deja par leur ame, et oil, dans
la vie future, leur bonheur deviendra compiet et inalterable {VII, 1-17). Quand le
dernier sceau est rompu {VIII, 1), un silence impressionnant marque la solennite du
moment oil le jugement va s'executer visiblement. — Nous trouvons done ici, plus nette
encore que dans les Lettres, la division dun septenaire en deux series secondaires de
quatre et de trois membres,
Le caractere preparatoire, purement ideal, de cette vision, doit ^tre necessairement
reconnu de ceux qui adoptent la theorie de Huschke et de Zahn sur le livre aux
sept sceaux (Calmes, Joh. Weiss). Mais il faut I'etablir; et void les points qu'on doit
considerer a cet effet :
1° Les apparitions de cavaliers, ainsi que les scenes qui suivent jusquau cha-
pitre VIII, ne sont pas une representation visuelle de ce qui est ecrit dans diverses
parties du livre correspondant respectivement aux sept sceaux qui sont rompus; car
ce rouleau « opisthographe v, ne peut se derouler tant que le bord exterieur reste fixe,
ne fdt-ce que par un seul sceau, les cavaliers ne peuvent commencer a executer les
decrets du livre tant que ces decrets n'ont pas ete lus.
2° Apres les cavaliers, a la rupture du cinquibme sceau, les dmes des martyrs ne
pourraient se plaindre ainsi du delai des vengeances s'ils en avaient deja vu com-
mencer V accomplissement. C est done que les cavaliers sinistres sont encore au repos.
D'ailleurs, cette scene des martyrs ne represente rien qui se passe sur la terre, et qui
soit du domaine des realisations eschatologiques. Or, ce livre, pour tout le nionde,
est forme des prescriptions relatives au deroulement d'evenements terrestres.
3° Apres la rupture de I'avant-dernier sceau, aux versets 1-3 du chapitre VII,
Vexecution η a pas encore commence, puisque les « quatre vents » ne peuvent pas nuire
a la nature — ni par contre-coup aux hommes — avant que les lii.OOO elus naient ete
marques au front pour etre preserves de ces Anges erterminateurs. Or, ces quatre
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 71
vents doivent s'identifier, sinon aux quatre cavaliers, du mains aujc personnages qui
incarnent la Guerre, la Famine, la Peste et I'Hades [vid. ad loc.).
4° Ce nest pas tout. Meme quand le dernier sceau lui-meme a ete rompu, que le
livre par consequent est ouvert, et que son contenu peui etre communique en instruc-
tions precises aux ministres divins, il faut encore qu'un Ange marque le monde cou-
pable pour la malediction divine {VIII, 1-6). Jusque-la, rien η a pu commencer;
Vorage qui s'accumulait au del attendait, pour eclater, ce signal.
5° Alors, comment comprendre ce qui se produit des I'abord, a I'ouverture du
sixieme sceau, le tremblement de terre qui epouvante tous les hommes impies, ces
astres qui tombent du del, etc.? Ce n'est qu'une prolepse, une vision qui fait con-
naitre a Jean par avance quelle terreur frappera les ennemis de Dieu quand ils
commenceront a voir I'execution des jugements. Celle qui suit immediatement la pro•
servation des Hi. 000 et le defile glorieux des ames justes qui viennent adorer Dieu
dans la joie et le triomphe, est dans sa premiere partie [1-8) antirieure au deroule-
ment des fleaux; la seconde (9-17) montre les consequences presentes et futures de la
proservation des elus par le sceau divin qui leur est imprime. La symetrie du livre
exige done que la premiere scene aussi soit contemplee par le Voyant avant que
I'execution ait commence. Par consequent, c'est une prolepse, une vision qui resume
le resullat (id futur) des autres visions qui la precedent dans la meme serie, comme
il arrive au meme sixieme moment d' autres septenaires (Int. c. VII).
5° Nous pouvons juger enfin du caractere de la serie des sept sceaux, y compris
les cavaliers, par le parallelisme qui existe entre la serie des trompettes [chap. VIII-
XI) et la serie des coupes [ch. XVI), Cette derniere sera precedee de V apparition de
trois Anges qui donnent des avertissements, rien de plus, et d'une anticipation de la
Parousie, ensuite d'une description sommaire de la securitS et de I'attente joyeuse
des saints [chap. XIV et XV). Malgre leur grand developpement, ces visions ne sont
que preparatoires au jugement de Dieu sur Rome, les Bdtes et le Dragon. Comme les
grands cadres de V Apocalypse sont d'une symetrie rigoureuse, nous trouvons la une
raison nouvelle d'assigner un caractere seulement preparatoire et anticipe aux visions
de la serie des sept sceaux, symetrique a XIV-XV.
Toutes ces raisons ont, croyons-nous, une force cumulative qui emporte la convic-
tion.
Par consequent, quand les fleaux personnifies dans les Cavaliers apparaissent a Jean,
il ne voit encore que les preparatifs qui se font au del pour chdtier le monde plus
tard, au moment voulu. Cette revelation du plan divin est encore tres sommaire. La
guerre, la famine, la peste, c'est le trio consacre qui represente V ensemble des fleaux
naturels. Un disciple du C/trist, et les habitants des deux, savaient bien a I'avance,
avant aucune revelation detaillee, que Dieu userait contre les impies des moyens
visibles et ordinaires de sa justice. Comment, dans quelles circonstances ces etres
doivent-ils agir? It ne le saura que quand, au son des trompettes des Anges, il abais-
sera ses regards sur la terre, et y verra en acte les evenements dont il n'a vu que la
preparation au del.
l"-2° Rupture des quaire premiers sceaux : les quatre cavaliers.
(IV, 1-8).
Int. — Tons les critiques assignenl a cette pericope la meme origine qu'aux chapi-
tres IV-V; c'est- a-dire quelle se raltache a la plus ancienne Apocalypse chrelienne
pour Volter et Spitta, Erbes, Joh. Weiss, a la seconde pour Bruston, a l Apocalypse
j'uive pour Weyland.
72 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
1^1°) C. VI. 1. Και ειδον, *οτε ήνοιξεν το άρνίον *μ{αν έκ τών έτττα σφραγίδων, και
ήλουσα ένος έκ τών τεσσάρων ζίόοιν λέγοντος ώς *φωνγ5 βροντάς" "Ερχου*. 2. Και
ειδον, και Ιδού ίππος λευκός, καΐ δ καθήμενος έπ' αυτόν *έ'χων τόςον, και εδόθη αυτω
στε'φανος, και έξηλθεν *νικών και *ίνα νικήση.
(2°) C. VI. 3. Και δτε ήνοιξεν τήν σφραγίδα τήν δευτέραν, ήκουσα του δευτε'ρου
ζώου λε'γοντος" "Ερχου*. 4. *ΚαΙ έξηλθεν άλλος ίπχος πυρρός, και τω καθημένω*
έπ' αΰτον εδόθη *αυτω λαβείν τήν ειρήνην έκ της γης και *ϊνα αλλήλους **σφάξουσιν,
και εδόθη αΰτω μάχαιρα μεγάλη.
Α. 1-2. ειδον, au sens absolu, comme aux versets suivants; faute de I'avoir compris,
larec. K. a charge 8τε en 8τι; — μίαν au sens naturel, et non de πρώτην (v. infra) —
φων?ί, datif instrumental, ici sans έν, plutot que nominatif (ailleurs «covrjv, χ, al., g. vulg,
arm., admis de B. Weiss, W-H. ou φωνής Ρ, And., al.). Apres ερχ,ο") additions et sous-
tractions variables :
1° ΚαΓι'δε (parfois βλέπε) κα\ ιδού... Q et toute la rec. K, pi. Vulg.^ al-, Vict. (Haussleiter);
2° Και ?δε χαΐ ειδον καΐ (δού... ί>{, ρ1. And., ρ1. vulg., al.;
S^Kal Ιδού, simplement, Orig., et quelques minuscules.
Fuld. mele irregulierement, au cours des trois versets 2, 5, 8, notre legon et la pre-
miere variante; les »yr., la 2^, la 3« et la notre. II est clair que la variante 2 est un
texte composite {Bousset). Le notre, celui de A, C, P, arm., Amiatinus al., est certai-
nement primitif ; mais, faute d'avoir compris le sens absolu de εΤδον, et interpretant
faussement ερχου comme un appel adresse a Jean, des scribes ont d'abord change εΤδον
en ?δε; d'autres ont juxtaposo les deux logons, quelques-uns enfin ont supprime cette
repetition de mots de meme racine, entre lesquels ils ne savaient choisir. — έχων, pro-
position participiale. Int., c. v, § II. — ό ajoute devant νιχών, A, sans douto sous I'in-
fluence de la clausule des Lettres. — και ϊνα νικη'στ) n'est pas une repetition oiseuse,
car il s'agit d'un nouveau developpement de la victoire; χα\ omis α 1579-31-2016, 0 30-
55-468, Irenee, g, vulg., arm., κα\ ένίκησεν, κ, boh., cfr. Joh. x, 38 : ίνα γνώτε κα\
γινώσχητε, « in order that you may recognise (γνωτε) and go on recognising... » (Abbott,
Joh. Gram. 2511).
C. 1. L'Agneau commence a rompre les sceaux, pour que les decrets du livre s'exd-
cutent quand il sera deroulo. II commence par I'un quelconque; μία ici n'equivaut pas
a πρώτη (comme le μία (των) σαββάτων de Mat., xxviii, 1; Marc xvi, 2; Luc xxiv, 1); il
n'y avait pas de raison de rompre d'abord un sceau plutot que I'autre, puisque, nous
I'avons vu, il n'y a pas de parties distinctes du -livre correspondant a chaque sceau
respectivement ; de meme rien n'indique qu'un Animal plutot qu'un autre soit vise
determinement k chaque verset, contre And., qui veut reconnaitre ici le premier, le
Lion, embleme de prudence magnanime.
L'appel « Viens » ne s'adresse certainement pas au Voyant (contre Apringius, etc. et
tous ceux qui ont lu ensuite χα\ Ι'δε, interpole d'apres une fausse interpretation de
ερχου, vid. supra); pour la raison peremptoire qu'il se repetera quatre fois, tandis
qu'une seule aurait bien suffi {Bousset). A quoi bon en effet imaginer pareille course de
saint Jean autour du trone? Mais plutot le quadruple « Viens »! des Gherubins, qui
president a la Nature, s'adresse a divers signes precurseurs de la victoire du Messie,
et repond, d'apres la belle interpretation de Swete, a Γαποκαραδοχία της κτίσεως, a cette
« attente de la creation » dont parlait saint Paul, Rom. vin, 19. Get appel est solennel
et eclatant, φωνή βροντής.
Β. 2. Pour les quatre chevaux, dont le premier parait ici, et leurs couleurs respec-
tives, cfr. Zac/i. i, 8-11, surtout vi, 1-7, sauf des nuances (v. infra); aussi II Mace, ni,
25; \, 29. — « Gheval blanc » cfr. xix, 11.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 73
C. VI. 1. Et je vis, — quand I'Agneau ouvrit I'un des Sept Sceaux, — et
j'entendis I'un des Quatre Animaux disant comme d'une voix de tonnerre :
« Viens! » 2. Et je vis; et voici un Cheval blanc, et celui qui etait assis
sur lui avait un arc, et il lui fut donno une couronne, et il s'en alia victo-
rieux, et afm de vaincre [encore].
G. VI. 3. Et quand il ouvrit le deuxieme sceau, j'entendis le deuxieme
Amiral qui disait : « Viens! ». 4. Et il sortit un autre cheval, rouge, et
a celui qui otait assis sur lui, il lui fut donne d'enlever la paix de la
terre, et [de faire] qu'ils s'egorgent les uns les autres, et il lui fut donne
une grande epee.
G. 2. Ce Cavalier au cheval blanc, d'apres une opinion qui a bien droit au nom de
« traditionnelle », est le meme que celui qui apparaitra au ch. xix, ού il s'appelle « le
Verbe de Dieu », vainqueur des Betes et des rois de la terre. Le parallelisme est, en
effet, tres etroit. Nous ^tablirons cette opinion, et discuterons celles qui en difFerent, k
I'exc. XIX. Pour les diverses interpretations de la vision des cavaliers en general, I'ori-
gine de ce symbolisme, etc., voir I'exc. xviii.
Le Premier Cavalier, s'il n'est pas precisement le Verbe personnel, comme au
chap. XIX, represente du moins le cours victorieux de I'Evangile a travers le monde,
par la predication des Apotres et de leurs successeurs. C'est un des Animaux qui
I'appelle, non moins que les autres, parce que la Providence naturelle de Dieu, dont lis
sont les agents ou les symboles, a tout dispose dans la creation pour cette victoire.
Ainsi ce Cavalier differe beaucoup des autres, qui seront des fleaux. II apparait sous
des traits radieux : sa monture est blanche (exc. xii); sa main est armoe d'un arc,
parce que son action porte au loin, pour detruire ses ennemis ou atteindre le cceur des
hommes; son front, a lui seul, est orne d'une couronne, embleme de triomphe et de
royaute. Au lieu de demeurer au ciel comme les autres (v. infra), en attendant le
signal des Anges, il le quitte (Ιξηλθεν) aussitot, pour commencer a subjuguer le monde;
c'est que I'Evangile etait deja en pleine expansion a I'epoque de I'Apocalypse; ce trait
de la vision est retrospectif, comme d'autres que nous trouverons plus tard, notamment
au ch. XII (v. ad loc.) M^me chose doit ^tre dite du participe present vizcSv : des qu'il appa-
rait a la cour celeste et au Prophete, avant de descendre du ciel, il a deja remporte
une victoire, la victoire essentielle, par la Passion et la Resurrection du Verbe
incarne; il va maintenant poursuivre indefiniment cette victoire (κα\ ί'να νικϋ^στ]). La vue
du triomphe divin precede ainsi celle de tous les jugements de colore, pour remplir de
s^curite I'ame de Jean et celles de ses lecteurs, en leur faisant compi'endre le but pro-
videntiel des chatiments qui vont suivre : la misericorde et le salut out la priorite dans
la vision — comme ils auront le dernier mot au ch. vii etau ch. xi, parce que toutes les
rigueurs divines leur sont ordonnees. Parmi les critiques, Zahn et Joh. Weiss I'ont
bien compris : I'Apocalypse chretienne se conforme a la tradition eschatologique con-
tenue dans les Evangiles ; or « I'Evangile doit etre preche a tous les peuples » {Marc
xiii, 10, et paralleles), avant que vienne la consommation. L'apparition du Cavalier au
cheval blanc en tete des autres, repond done a une idee specifiquement chretienne,
celle du triomphe du christianisme avant et pendant les malheurs qui annonceront la fin.
— — — A. 3-4. Addition de και ιδ'ε (βλέπε), apres 'ε'ρχο^, comme au v. 2. — χα\εΐδον κα\ ?δού
manque ici, excepte N, quelques autres, c'est I'analogie des autres apparitions qui I'a fait
ajouter. — επ' αυτόν, accusatif, exception a la regie de έπί dans VApoc, (Introd. c. x, § II).
— αύτω, pleonasme, cfr. π et in. — Υνα coordonne avec rinfinitif, et suivi du fut. indie.
Introd. c, X, § II ; σφάξουσιν, pluriel impersonnel, cfr. ii, 24 et xii, 6. — μάχαφα (epee
courte), ici synonyme do ^ojjL^a^a du v. 8.
74 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
5. Και οτε ήνοιξεν την σφραγίδα την τριτην, ήκουσα τοΰ τρίτου ζώου λέγοντος"
Έρχου*. Και ειδον, και ιδού ίππος μέλας, και ό καθήμενος έπ' αΰτον ^χων ζυγον έν
τη χειρι *α•)τοΰ. 6. Και ήκουσα *ώς φωνήν έν μέσω των τεσσάρων ζώων λέγουσαν"
Χοϊνιξ σίτου δηναρίου, και τρεις χοίνικες κριθών δηναρίου και το ^λαιον και tbv οί'νον
μη *άδικήσης.
7. Και δτε ήνοιξεν την σφραγίδα την τετάρτην, ήκουσα *φωνήν τοΰ τετάρτου ζώου
λέγοντος' Έρχου . 8. Και ειδον, και ίδου ίππος χλωρός, και δ καθήμενος επάνω
αυτού, όνομα αΰτω *6 *θάνατος, και ό αδης ήκολούθει *μετ' αύτοΟ'
Και εδόθη αυτοΐς εξουσία έπι *το τέταρτον της γης, άποκτεΐναι *έν ρομφαία και
*έν λιμω και *έν θανάτω και *6πο των θηρίων της γί5ς.
C. 3-4. Ce Deuxieme Cavalier, au cheval rouge (πυρρός) comme le sang, reprosente
le fleau de la guerre en general (Sa'ete, Calmes, Bousset, etc.) et non les persecu-
tions des Chretiens {And. al.) « Surget gens contra gentem » disait I'Evangile. Lui ne
s'en va pas a la fagon du Premier; il reste devant le trone a attendre les ordres divins.
S'il est dit qu'il sortit (Ιξηλθεν), ce mot n'indique que son apparition, et se traduirait :
bien « ii surgit » ; il sortit du trone, ou des profondeurs de la mer de cristal. II ne regoit
le glaive qu'apres qu'on lui a assigne son role, signe qu'il n'est pas encore entre en
action. Ce n'est pas un simple hysteron-proteron, qui serait vraiment ici trop extraordi-
naire; on n'arme pas les soldats apres le combat, mais avant (Exc. xix).
— ^— A-B. 5-Θ. Add. και ϊδε, comme ci-dessus. — αυτού, pleonasme. — ώς omis
rec. K. — Image de la « balance » (litt. le fleau de la balance), cfr. Ezech. iv, 6; v, 1.
— άδιχτ{σης; cfr. ii, 11; vii, 2, etc.
C. 5-6. C'est maintenant la famine, la noire famine, le fleau qui suit toujours la
guerre, exprim^e par une hausse enorme du prix de I'alimentation la plus vulgaire. La
« chonice », ou boisseau, 48« partie du medirane, equivalait a Athenes a 1 litre 079;
le « denier », ou la drachme, un peu moins que le franc, etait a cette epoque le salaire
moyen d'un ouvrier {Mat. xx, 2). La chenice, d'apres Athenee, etait a peu pres la ration
journaliere d'un travailleur des gros metiers ; en temps normal, nous le savons par les
Verrines de Ciceron, on avait bien pour un denier douze mesures de fi'oment, et vingt-
quatre d'orge, nourriture des pauvres gens. — Beaucoup croient voir ici une allusion
a une circonstance historique; And. lui-m^me suppose qu'il put y avoir une grande
famine a cette epoque; Erbes pense a la cherte des vivres en Fan 62. De meme Renan,
etc. Mais il n'est pas necessaire de chercher des fails si precis pour motiver le rappel
banal et generique d'un fleau qui s'etait repete, et devait se repeter, maintes fois. C'est
la « Famine » en general, apres la « Guerre » en general. Toutefois la recommanda-
tion d'epargner I'huile et le vin est difficile a expliquer. Andre suppose qu'elle est
donnee « pour ne pas supprimer les remedes du Christ » ; ce serait done un sens spi-
rituel, la promesse que les sacrements de I'Eglise pourront toujours s'administrer.
Mais, apres Salomon Reinach, la plupart des conteraporains, Harnack, Swete, Bous-
set, Joh. Weiss, rappellent qu'en I'an 92, Domitien avait voulu restreindre la culture
de la vigne, en Italie et dans les provinces, pour rendre des terres au labourage; son
edit se heurta d'ailleurs a une si vive resistance qu'il ne put etre execute {Suetone,
Domitien, viii, xiv). Jean aurait pu se souvenir de ce fait recent, et alors sa vision
prendrait un sens sarcastique : cette abondance du superflu, lorsque le necessaire man-
que, serait comme un trait d'ironie de la colere divine. «Sit'eie, au contraire, pense que
la « Voix » est une protestation de la nature contre I'horreur de la disette, et qu'elle
veut fixer un « maximum » et sauver au moins certains produits de la terre.
Mais, quelle est cette « Voix » qui crie les prix comme les commergants au
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 76
5. Et lorsqu'il ouvrit le troisieme sceau, j'entendis le troisi^me Animal
qui disait : u Viens ». Et je vis, et voici un Cheval noir, et celui qui etait
assis sur lui avait une balance dans sa main. 6. Et j'entendis comme une
voix au milieu des Quatre Animaux, qui disait : « Un boisseau de froment
pour un denier, et trois boisseaux d'orge pour un denier ! mais [litt. et)
I'huile et le vin, ne [leur] nuis pas ».
7. Et lorsqu'il ouvrit le quatri^me sceau, j'entendis la voix du quatrieme
Animal, qui disait : « Viens! ». 8. Et je vis, et voici un cheval vert, et
celui qui etait assis sur son dos, son nom est la « Mort », et I'Hades lui
tenait compagnie.
Et il leur fut donne autorite sur le quart de la terre, [afin] de tuer par
I'epee, et par la famine, et par la c Mort » (peste), et au moyen des betes
f^roces de la terre.
marche? Le Prophete a entendu « comme » une voix; il montre bien, avec ce
« comme », qu'il ne pretendait iendre qu'approximativement les impressions ou les
idees regues dans ses visions. Est-ce la voix des Animaux, agents divins en relation
avec la fecondito de la Nature? {Dust., B. Weiss, Swete). II est vrai qu'elle ne part
pas des Animaux, mais « du milieu d'eux » {Bousset); cependant I'auteur, qui n'est
pas si soigneux, a bien pu vouloir dire ainsi qu'elle provient de tons les quatre, sinon
d'un seul. Mais si c'etait la voix de Dieu lui-meme, ou bien de I'Agneau, on com-
prendrait encore mieux I'intention de misericorde qu'y croit voir St^'ete, et qui appa-
rait beaucoup plus claire, au v. 8. (Voir Sal. Reinach, Rev. Archeologique, 1901,
nov-dec. et Cultes, MytJies et Religions, ii, pp. 356-380; Harnack Theologische Lite-
raturzeitung, 1902, xxii).
— A. 7-8. φωντ^ν omis C-S*-04 (ib τέταρτον ζιόον), rec. Κ, boh. — addition de καΙ
ϊδ$, et omission de χα\ εΤ^^ον comme ci-dessus. — Jean, qui a toujours, jusqu'ici,
rep^to I'article apres σφραγίδα, tandis qu'il a place I'adjectif avant ζωον, montre par la
qu'il n'attachait pas de nuance de sens a cette repetition; au v. 9, il dira τήν πέμπτην
σφραγίδα. — ήκολούΟει μετ' αύτου, johannique (Introd., ch. χιιι, § I), corrige en ήκολ....
αύτω, Ν et rec. Κ. — Avec tous les critiques, excepte Bousset, il faut lire apr^s εδόθη,
non le singulier αυτω, comme s'il ne s'agissait que du dernier cavalier, mais αύτοΓς,
logon de N, A, C, P, And.; le sens I'exige. — Trois έν instrumentaux. — ύπό avec
I'actif est peu ordinaire; c'est peut-etre pour cela qu'on lit dans A το τέταρτον τών
θηρίων, ce qui change le sens. — Pour τό τετ. της γης, la Vulg. a lu « quatuor partes
terrae », ce qui est tout different.
B. 8. « Mort » et « Enfer » associes, comme i, 18; xx, 13, 14, cfr. Prov. v, 6. έν
ρομ-φαια, cfr. v. 4; έν λιμω, cfr. 6; έν θανάτω, cfr. la premiere partie du verset. — Pour
le trio des calamites « Guerre, Famine, Peste (θάνατος) », cfr. I'Ancien Testament,
passim Is. li, 19; Jer. xiv, 12; Ezch. v, 2, etc. θάνατος, dans les LXX, traduit souvent
■^21, peste : Amos iv, 10; Jer. xiv, 12; xxiv, 10; Ezech. v, 12, 17; vi, 11, 12, etc. Dans
le N.T., cfr. Mat. xxiv, 7; Marc xiii, 7-8; Luc xxi, 10-12. — Les « betes feroces »
sont ajoutees, comme Ezech. v, 17; xiv, 21; Ps. Sal. xiii, 2-suiv, etc. — « Le quart
de la terre » cfr. Apoc. viii, 7-suivants.
C. 7-8. Apres la Guerre et la Kaniino, voici ia Peste — sur un cheval vert (ou
vcrdatre, livide), realisme presque insoutonable pour notre gout : c'est la couleur
d'un cadavre avanco, ou, si Ton ainie mieux, d'un visage que la peur decompose.
Ainsi le trio classique des fleaux est constitue: car θάνατος ne peut signiiier ici quo
76 APOCALYPSE DE SAINT JEAN,
« Peste », d'apres I'analogie biblique; s'il s'agissait de la Mort en general {Bousset,
Calmes), ce Quatrleme Cavalier n'aurait aucun signe individuel, et son apparition
serait plutut oiseuse, puisque les deux precedents faisaient deja sa besogne. Les
« betes feroces » viennent tout naturellement, comme dans Ezochiel, a la suite de la
depopulation (v. Deut, vii, 22 et π Reg. xvii, 25-26). L' « Hades ->, I'Enfer, suit les
Trois fleaux pour engloutir leurs victimes. On ne voit pas s'il est a cheval, en croupe
de la « Mort », ou a pied; il fait un certain accroc a la symotrie, mais c'est une solu-
tion violente de voir la une glose, comme Bousset y est porte; la theorie de Joh.
Weiss (v. infra) expliquera tres bien la presence de ce cinquieme personnage.
La fin du verset 8 (avec la leQon aOtot?) resume toute I'oeuvre des fleaux, qui
re?oivent pouvoir — pour I'avenir, dans les desseins de Dieu — sur le quart de la
terre seulement. La restriction de cette expression symbolique fait apparaitre la
misericorde. L'imagination du prophete, frappee par tous les malheurs du i<="" sifecle,
mauvaises recoltes depuis 44, rencherissement de la vie sous Neron, grande epidemic
de I'an 65 (Tacite, Ann. xvi, 13; Suetone, Neron, 39, 45), guerres civiles, crainte
des Parthes, tremblements de terre en Anatolic, catastrophes d'Herculanum et de
Pompei, etait sans doute disposee a recevoir ces symboles [Holtz., alii) ; mais Jean,
au milieu de la prediction de tant de malheurs, n'oubliait pas que le monde continue
toujours sa marche a pen pres normale; car il s'agissait de I'histoire agitee du
monde, non de la consommation.
Ainsi, pendant que le Verbe evangelique marche a ses conquetes, les instruments
de la Justice divine apparaissent ranges au Ciel devant le Trone, attendant un signal
pour s'elancer sur le monde qui resiste au message de misericorde. Maintenant la
serie des visions va prendre une autre tournure et un autre sens. C'est toujours la
division 4 -f 3.
EXC. XVin. — LES CHEVAUX APOCALYPTIQUES.
Cette scene est une des plus populaires de I'Apocalypse, parce qu'elle est plus
plastique que d'autres; elle a inspire Durer et d'autres celebres artistes. Mais,
parmi les exegetes, grandes ont toujours ete les divergences d'interpretation.
Andre y voit Page des grandes persecutions. Les partisans de la « recapitula-
tion » ont assimile cette vision a celles des « Trompettes » (viii-xi), pour lui
faire representor la vie entiere de I'Eglise [Bede, Walafrid Strabo, Albert le
Grand, etc., Menochius) ou bien du monde, depuis Adam jusqu'au catholicisme
[Berengaud)\ de m§me plus tard Collado, Cocceius et d'autres. Rupert de
Deutz γ voyait les diverses actions du Christ; Joachim a rapporte speciale-
ment cette vision a I'age des martyrs, de Neron a Diocletien. Bibliander y a
vu I'histoire ancienne du monde, Corn, a Lap. toute la vie de I'Eglise. Pour
Nicolas de Lyre, c'est la periode ecoulee de J.-C. a Julien I'Apostat. Ribeira
trouve dans les 5 premiers sceaux Tetablissement de I'Eglise, jusqu'a Trajan,
et Alcazar, les victoires de I'Eglise jusqu'a la chute de Jerusalem; Grotius
(qui croit la pericope ecrite sous Claude), la rapporte au jugement des Juifs, et
Bossuet, a la preparation de la vengeance divine contre le peuple infidele. —
Mais, a I'encontre des non-recapitulants, nous croyons avoir etabli par notre
analyse qu'il ne s'agit pas ici de periodes determinees, faisant nombre avec
celles qui suivront; (1) et, contre toutes les interpretations mentionnees, que la
(1) Contre Beckwith, qui y voit 1'άρχή ώδίνων.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 77
vision (exception faite pour le 1^"' Cavalier) ne decrit encore aucune execution
dejugements divins.
Les critiques independants se sont evertuesi a y decouvrir quelque origine et
quelque sens mythologiques. Jereinias, Das Alte Test, im Lichte des A. 0^,
p. 370, al, et B.N.T. pp. 23-suiv. reconnait des dieux planetaires, a la couleur
des chevaux; Gunkel [Sch. p. 226-suiv. et Verst. p. 53-suiv.) des periodes du
monde avec les dieux qui y president, un dieu solaire, un dieu de la guerre, un
dieu des moissons, etc., Gressmann p. 165, quatre empires qui se partagent la
« Grande Annee » du monde, comme Dan. vii, sous la domination successive
de quatre grands dieux ou systemes de dieux. Clemen (p. 91), tout en admet-
tant les memes principes, a au moins I'avantage de se montrer sceptique sur ces
identifications qu'on pretend tirer des idees du vieil Orient. Boll (pp. 78-94),
les rejette egalement, mais a rccours a I'astronomie hellenistique, et cherche a
expliquer les traits typiques de chaque cavalier — non sans en negliger quel-
ques-uns de tres importants — par tons les Matthieu de la Drome des premiers
siecles : il reconnait dans Fattirail et Paction des 4 cavaliers les caracteristiques
funestes de quatre constellations qui se suivent, Lion, Vierge, Balance et Scor-
pion, leurs influences sur quatre annees successives de la periode consacree de
douze ans (Δοιδεχαετηρις) qui se repete toujours. Sa dissertation est interessante,
elle pent, notamment pour la Balance, expliquer quelques elements du symbo-
lisme; mais I'ensemble est bien loin d'etre convaincant.
Pour ne pas nous permettre de divination peu scientifique, nous ne verrons
rien autre chose dans nos Cavaliers que ce que nous apprend le contexte lui-
meme, eclaire par un parallele biblique tres frappant. Dans ΓΑ. T., des cava-
liers celestes representent plus d'une fois les agents des vengeances divines :
tel celui qui foule aux pieds de sa monture Heliodore (II Mace, lu, 25), ou les cinq
qui se mettent a la tete de Tarmee de Judas Maccabee [ibid, x, 29). Mais notre
scene rappelle surtout deux passages de Zacharie i, 8, 10 et vi, 1-8. Dans ce
dernier, le v. 5 donne justement I'explication du symbolisme des chevaux : ce
sont les quatre vents du del, personnifies, — absolument comme dans ΓΑρο-
calypse, — comme des etres qui se tiennent devant Dieu pour executer, quand ils
en recevront I'ordre, les decrets de sa justice. Les vents ont beaucoup occupe
I'imagination des apocalyptiques ; Hen. eth. leur fait jouer un grand role dans sa
cosmologie revelee (xviii, 2; xxxiv, xxxvi, lxxvi, etc.). Ailleurs ils se trouvent
associes aux jugements eschatologiques. Ainsi, dans la premiere partie de
Sib. VIII, qui est certainement juive ou elaboree d'apres des sources juives, et
date au plus tard de la fin du ii" siecle de notre ere, il est question d'un
ouragan qui devastera la terre et sera suivi de la resurrection des morts
(...πολλή δε τε λαίλαπι τύφων | Γαϊαν ερημιώσει νεκρών δ' επανάστασις εσται, vers 204-
205). Les vents tiennent encore une grande place dans les apocalyptiques pos-
tericures, telles que celle du Pseudo-Jean et VApoc. syriaque de Pierre
(v. Bousset, Off., sur vii, 1). Mais deja, dans ΓΑ. T., nous les voyons dans leur
role de ministres des decrets divins sur I'humanite [Ps. civ, 4, d'apres I'hebreu
« Dieu fait des vents ses messagers »). Dans Jer. xlix, 36, les quatre vents du
ciel dispersent la nation d'Elam; dans Ezech. xxxvii, 9, ils font soufiler I'esprit
de vie sur la plaine couverte d'os dessechds, image de la resurrection nationale
d'Israel; dans Dan. vii, 2-4, en fondant sur la Grande Mer, ils en font surgir
78 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
les Quatre Betes qui symbolisent les empires paiens. Et, en tout cela, I'influence
mythologique n'apparait pas clairement; il peut n'y avoir, comme dans le
Psaume, qu'une image poetique.
Dans Zacharie, nous avons un symbolisme complexe, a deux degres, ou des
chevaux — sans doute a cause de la rapidite de leur course — representent les
vents du ciel, et ou ceux-ci, a cause des troubles atmospheriques qu'ils ame-
nent, signifient tout naturellement I'ensemble des fleaux naturels, et, par
extension, les calamites historiques. Ce symbolisme de Zacharie se retrouve,
d'une faQon latente, a la base de la vision de Jean. En effet, au debut du
oh. VII, il va etre question des « 4 vents de la terre », retenus par 4 Anges aux
4 points cardinaux, en attendant d'etre laches pour ravager I'univers. Leur
signification est etroitement identique a celle des Cavaliers — sauf pour le
premier — et ces repetitions d'une mέme idee sous divers symboles sont fre-
quentes dans notre livre (Introd., c. vi-vii). Cela admis, le rapport de Jean a
Zacharie devient encore plus evident. La couleur des chevaux, et I'ordre dans
lequel ils sont mentionnes, montre une reelle dependance vis-a-vis de ce pro-
phete, ou d'un schema traditionnel qui aurait egalement servi aux deux visions.
Le rouge precede le noir; le quatrieme rang est occupe, il est vrai, chez
Zacharie, par les chevaux pies (ποικίλοι ψαφοί), chez Jean par un cheval d'une
couleur indecise et sinistre, χλο^ρο'ς; malgre ce changement de la derniere cou-
leur, motive par la nature du dernier cavalier, la « Mort », cette similitude
d'ordre est quelque chose de frappant. Si Jean a mis le cheval blanc le premier,
et non le troisieme comme Zacharie, c'est pour une raison particuliere dont
I'explication sera de la plus haute importance. Les autres divergences sont
secondaires. En produisant quatre chevaux au lieu de quatre attelages
(cfr. Zach., i, 8-11), la vision de Jean a simplifie le « modele », et a gagne
peut-etre en esthetique. Des simplifications semblables s'observent au cha-
pitre IV, au chapitre xiii, et ailleurs.
Mais la vision apocalyptique n'est-elle que cela? Que fait, dans ce plan de
vengeances, le Premier Cavalier?
EXC. XIX. LE CAVALIER AU CHEVAL BLANC.
L'interpretation que nous avons donnee des vv. 1-2 repose sur une tradition
exegetique non unanime, mais tres serieuse. Elle apparait chez le premier Pere
qui ait commente certains passages de I'Apocalypse, saint Irenee [Adv. Haer.
IV, 21, 3 : « de qui (du Seigneur) Jean dit dans I'ApoCcJypse : II est parti vain-
queur pour vaincre »). Puis chez Vict., pour qui le Premier Cavalier est « la
parole de la predication, lorsque le Saint-Esprit a parcouru I'univers ». Andre,
qui a developpe pour toute la vision une theorie des periodes, a du moins oppose
cette premiere periode aux autres, comme caracterisee, non par des malheurs
et des vengeances, mais par la joie des triomphes apostoliques : « Nous admet-
tons ainsi, dit-il, que, a la rupture du premier sceau, est signifiee la generation
des Apotres ; eux qui, se servant de la predication evangelique comme d'un arc
tendu centre les demons, amenerent au Christ ceux qu'ils avaient blesses des
traits du salut. lis ont regu la couronne pour avoir, au moyen de la verite,
vaincu le prince de I'erreur; et cela dans I'esperance d'une seconde victoire,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
celle qui consiste a confesser, jusqu'a la mort violente, le nom du Seigneur.
C'est pour cela qu'il est ecrit : « II s'en alia victorieux, et afin de vaincre... »
Une premiere victoire, ce fut la conversion des Gentils; une deuxieme, leur
sortie volontaire du corps, a cause d'elle, parmi les tortures. » Des interpreta-
tions similaires, par les succes du Christ et de I'Eglise, remplissent les commen-
taires du Moyen Age, Bede, Albert le Giand, etc. Cette exegese s'est transmise
a beaucoup de modernes, Ribeira, Bossuet, etc. De nos jours elle a ete defendue
par beaucoup de critiques de marque, catholiques et protestants : le Cavalier
est pour eux soit le Messie [Dfislerdieck), soit le triomphe de la cause messia-
nique [B. Weiss dans son Introduction, Hilgenfeldy Z.W. T. 1890, p. 425;
Zahriy Einl.) ; Joh. Weiss, en ces dernieres annees, a apporte en sa faveur de
nouveaux arguments.
Cependant la tres grande majorite, on le pense bien, s'est crue obligee de
considerer notre Cavalier comme le premier membre d'une serie aussi homogene
pour le sens que pour la figuration, et.par consequent en a fait dependre la
signification de celle des trois autres. Les uns (A), de meme que les medievaux,
veulent trouver dans la vision des Sceaux I'allegorie d'epoques historiques suc-
cessives, connues de Jean. Le Cavalier royal representerait alors Textension
mondialedes conquetes romaines, par exemple depuis Pompee et Cesar [Haweis,
d'apres Holtzmann), ou peut-etre, suivant Weizsdcker, la brillante epoque d'Au-
guste. D'autres (B), qui sont beaucoup plus nombreux a present, trouvent dans
les quatre Cavaliers egalement quatre personnifications de fleaux qui peuvent
d'ailleurs se repeter a bien des epoques de Thistoire. Le Premier serait une
image de la Guerre en soi, « le militarisme triomphant » [Swete]^ que Jean
avait sous les yeux dans les empires guerriers des Cesars et des Arsacides.
(Id. Beckwith). La plupart (C), meme sans tenir a la theorie des periodes,
cherchent dans le Premier cavalier I'image d'une realite historique determinee
et contemporaine de Γ Apocalypse. 11 faut que ce soit une monarchic militaire,
victorieuse deja ou menagante pour I'avenir. Mais ils ne I'identifient pas de la
meme maniere. Pour Spitta, ce sont les Romains ; pour Vitringa, Holtzmann,
Schmidt, Erbes, Volter dans sa quatrieme etude, Ramsay, ce seraient les
Parthes, a cause de leurs armees d'archers k cheval. Precisement leur roi Volo-
gese, en 62, avait surmonte les forces romaines sur le Tigre, et pour toute I'Asie
Mineure, depuis plus de deux siecles, la crainte d'une invasion orientale etait
un perpetuel cauchemar. Bousset aussi, bien que repoussant I'idee d'un vaticinium
ex eventu, tire de quelque fait particulier comme la victoire de Vologese, croit
pourtant que VApoc. prophetise ici aux Romains une invasion triomphante de
leurs ennemis Arsacides. Le Premier Cavalier, avec son arc, symboliserait la
puissance des Parthes, le Deuxieme, avec son epee, celle des Romains [Holtz-
mann). Quelques auteurs [Swete, Calmes, encore Holtzmann], verraient dans
le conquerant au cheval blanc le cote brillant des guerres de conquete, dans
le sombre cavalier au cheval rouge I'image du sang repandu et des horreurs
de la guerre. Renan, (I'Antechrist '', p. 385), et Bruston font signifier au Premier
les victoires sur les etrangers, au Deuxieme les guerres civiles, comme celles
qui ensanglanterent Γ Empire apres Noron.
Nous objecterons simplement cl la theorie A que I'enumeration des fleaux
Guerre, Peste, et Famine est un lieu commun de la litterature biblique et pro-
80 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
fane, assez impropre a distinguer des periodes : toutes celles de notre histoire,
helas! les connaissent trop; ce n'est qu'en spiritualisant le texte a I'exces qu'on
arrive a des determinations comrae celle d'Andre, et, plus tard, de Joachim ou
de Nicolas de Lyre. — La theorie Β morite plus de consideration; mais, si elle
se justifie pour les trois derniers cavaliers, il n'en est pas de meme pour le
Premier. En effet, s'il representait la Guerre ou la Conquote en soi, il formerait
un doublet absolument inutile avec le 2^ Jamais ailleurs, dans une seule et
meme scene, — nous ne parlous pas ici des descriptions successives en « volutes »,
— I'auteur de I'Apocalypse, malgre son style redondant, n'a de repetitions sem-
blables, meme pas xiv, 14-20 [Vid. ad loc). Quand il presente une meme realito
sous divers symboles, c'est, ou bien dans deux contextes differents, ou bien,
si c'est dans le meme contexte (ainsi les « Esprits de Dieu », iv, 5 et v, 6) sous
deux aspects differents, avec des nuances qui ont leur importance pour la
doctrine. Pourquoi, ici, aurait-il dedoublo la Guerre seulement, et surtout per-
sonnifie en deux fleaux ses deux aspects inseparables? Car les guerres les plus
brillantes ne vont pas sans massacres ni sans horreurs, Cela n'est pas dans sa
maniere; ses visions, a moins d'etre influencees par un modele traditionnel,
ce qui ne serait pas le cas ici, synthetisent bien plutot que d'analyser, Ainsi
la theorie Β nous parait inadmissible. — La theorie C semble d'abord plus
soutenable : Tequipement du Premier cavalier fait en effet penser a celui des
Parthes, et il ne manque pas d'allusions aux Parthes dans I'Apocalypse (ix, 14;
XVI, 12). Nous I'admettrions done, s'il n'y en avait une meilleure, celle que nous
avons donnee dans notre commentaire.
La critique interne la justifie, disons meme qu'elle la necessite.
D'abord le Premier Cavalier nous apparait comme tres different des trois
autres. II ne leur ressemble qu'en deux points : c'est un Cavalier, et, comme eux,
il se presente a I'appel d'un Cherubin. Par ailleurs, il offre des particularites
frappantes. Puis il n'est rappele ni par les Quatre Vents, ni par les fleaux des
Trompettes (viii-xi). Le verset vi, 8 b, qui resume Taction devastatrice des cava-
liers, semble Favoir oublie; il y est question de Tepee (2* cavalier), de la Famine
(3° cavalier), de la peste (4* cavalier), mais ni de Tare, ni de la couronne, ni
de la victoire ; et si Boll met en relation les « betes sauvages » avec la figure
en question (signe du Sagittaire ou du Lion, previsions des calendriers), nous
ne pouvons voir la que de la haute fantaisie. Ne serait-ce pas qu'elle remplit un
role tout different de celui des autres, et ne represente nullement un fleau?
Bousset lui-meme, malgre son interpretation par la victoire future des Parthes,
reconnait que ce role n'est pas decrit en traits stereotypes, que Tordre de
Zacharie se trouve ici modifie, et que par consequent TApocalyptique a du
vouloir exprimer ici une idee qui ne lui etait pas fournie par la tradition [Off.
pp. 264-265).
De plus, — et ceci a bien plus d'importance encore, — la scene du l*"" sceau
offre une ressemblance impossible a negliger avec la description d'un autre
cavalier triomphant qui apparaitra au ch. xix, 11-16, ou il s'appelle « le Verbe
de Dieu », « Roi des rois et Seigneur des seigneurs ». Plusieurs traits de cette
description (v. ad loc.) sont renouveles de Tapparition du « Fils d'Homme »
aux chapitres i et xiv; mais les caracteres essentiels sont bien ceux du Premier
Cavalier du ch. vi ; on dirait une combinaison des deux figures. Le « Verbe »
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 81
de XIX a seulement, au lieu de Tare, ime epee; il n'est pas seul, mais suivi d'une
armee celeste; il porte, en guise de couronne (στέφανος), plusieurs « diademes »
(διαδήματα) superposes. Mais ces differences n'alterent pas la similitude d'en-
semble. Des la premiere lecture nait I'impression que, si le Cavalier de xix est
le Verbe divin, celui de vi ne saurait representer qu'une realite du meme ordre.
Gette impression so transforme en certitude si Ton considere le peu de fon-
dement des objections soulevees contre cette identification.
Le Christ, dira Bousset, a ete deja represente dans la meme section sous la
forme de TAgneau qui tient le livre; comment serait-il en meme temps un
cavalier qui sort de ce livre? — D'abord il ne sort pas du livre, qui est encore
roule; puis, s'il en sortait, ce serait tout comme. II faut bien, si Ton veut
comprendre quelque chose a Γ Apocalypse, se faire a cette constatation que
Jean, sans aucun scrupule, represente, dans une meme vision, divers aspects
de la meme realite par divers symboles. Que Bousset se rappelle les « Esprits
de Dieu » aux chap, iv et v; il reconnait leur unite sous la figure des « lampes »
et des « yeux ». D'ailleurs, ici, nous le verrons, le 1*'' Cavalier n'est pas preci-
sement la « personne » du Verbe comme au ch. xix.
II est difficile, d'apres Swete et d'autres, d'admettre que le Christ apparaisse
en tete d'une serie de fleaux; sans cela, Swete admettraitTinterpretation soutenue
par nous, et qu'il trouve « bien tentante ». Puis, il ne pent etre represente dans
son triomphe avant qu'aient ete decrites les « douleurs messianiques » qui ne
commenceraient alors quavec le Deuxieme cavalier [Holtzmann, Bousset encore,
Bollj al.). — Mais que le Christ, ou le succes de TEvangile, soit presente aux
fideles avant toute prophetie de fleaux, c'est justement la ce qui revele le sens
le plus profond de TApocalypse (Int. ch. viii).
Enfin, dira encore Swete — que nous.avons rarement Toccasion de contredire
comme ici, — les deux Cavaliers de vi et de xix n'ont en realite que deux traits
communs : le cheval hlanc, et la victoire. Tout le reste de leurs attribute differe :
στέφανος, signe de victoire, et διαδήματα, embleme de royaute; « arc « et « epee » ;
I'un est seul, I'autre a la tete d'une armee; on ne saurait done les identifier. —
Pourquoi pas? II faut bien noter plus d'une fois, au cours du livre, et pour
quelque figure dont on ne peut serieusement mettre en doute Tidentite perma-
nente, une modification des attributs accessoires qui vaut bien celle qu'on
signale ici. Ne citons que I'exemple de la fameuse Bete a sept tetes, une des
figures les plus importantes du livre (xi, 7; xiii; xvii, 3, cfr. xiii, 1; xvii, 8,
cfr. xiii, 1; XIX, 19, cfr. xi et xiii. v. ad loc). Les symboles accessoires ont peu
de stabilite dans les visions de Jean, qui n'etait pas un ecrivain de profession
peinant a sa table de travail, pour appliquer a un sujet qui ne I'emeut qua demi
les regies dune allegorie parfaite ! Un arc et une epee peuvent bien appartenir,
ensemble ou successivement, au meme guerrier; et des commentateurs grecs,
comxaQ Andre , ont pris στέφανος et διάδημα dans un sens unique (vid. xix, comm.).
Ces observations sutllsent peut-etre a deblayer le terrain des oppositions faites
a priori a notre these. L'etude des mots qui peignent les attributs du Premier
cavalier en etablissent definitivement la solidite.
Deux d'entre eux, λευκός et νικών, ont une signification conventionnelle bien
determinee dans le langage johannique. Nous avons montre (Exc. xii) que la
couleur blanche a toujours un sens favorable dans I'Apocalypse. 11 en est de
AiOCALYPSE nE SAINT JEAN. 0
82 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
meme du verbe « vaincre » dans les autres ecrits de saint Jean [Joh. xvi. 33;
I Joh. II, 13, 14; iv, 4; v, 4, 5). C'est un terme « johannique », qui n'apparait
que quatre fois dans le reste du Nouveau Testament. Dans TApocalypse, on ne
le trouve pas moins de 16 fois : a la fin de chacune des 7 Lettres (8 Ibis en tout,
chap, ii-ni) ; quatre fois dans la propbetie iv-xi, trois fois dans la prophetie
xii-xx, et une fois dans la derniere partie xxi-xxii. Sur ce nombre, il est deter-
mine cinq fois seulement par un regime, et se rencontre onze fois employe
d'une fagon absolue, avec un sens pregnant, comma c'est le cas dans notre
passage. La oii il est determine, il est employe 2 fois pour la victoire de la Bete
(sur les « Temoins » xi, 7, et sur les saints xiii, 71; deux fois pour la victoire
des saints (sur le Dragon xii, 11, ou sur la Bete xv, 2); une fois pour la victoire
de lAgneau sur les « Dix Cornes », qui sont dix rois (xvii, 14). Quand il est
sans regime, il signifie, dans les Lettres, 7 fois la victoire du chretien sur le
monde et ses tentations: une fois (in, 21, cfr. v, 5) la victoire du Christ; au
chap. XXI, 7; c'est encore la victoire menant au ciel..Nous voyons done que,
treize fois sur quinze, il signifie, sans aucune obscurite, le triomphe du Bien,
deux fois seulement — et alors il a un regime, — c'est un succes temporaire
du Mai. Partout d'ailleurs ou le mot « vaincre » est sans regime, il faut le
prendre au sens evident de victoire divine. Dans notre passage, le contexte
peut paraitre plus obscur; mais une des premieres regies de I'hermeneutique
est d'interpreter ce qui est douteux par des paralleles clairs. II faudra done,
a moins que des arguments positifs ne s'y opposent, considerer la « victoire »
de VI, 2, comme celle de Dieu ou des saints. Mais de tels arguments, je n'en ai
pas vu de convaincants jusqu'ici. L'addition de Tarticle δ devant νιχων. dans
I'Alexandrinus, un des meilleurs temoins du texte, semble, quoique fautive,
montrer Tidentification, devinee par un scribe intelligent, de la victoire du
cavalier avec celle qui est exigee du chretien a la fin des Lettres. Λευκός et vucov
sont deux termes offrant des rapprochements beaucoup plus directs que les traits
qui ont porte Boll a voir dans notre Cavalier le signe funeste du Lion ou
du Sagittaire. Chacun de ces deux mots, pris a part, indique une apparition
absolument pure, et reconfortante pour les fideles; les deux reunis rendent le
sens indubitable.
Restent la « couronne » et Γ « arc », symboles en soi peu precis, I'un neutre,
I'autre inusite. La couronne (ou « diademe ») est attribuee indifferemment, dans
TApocalypse, a des personnalites tres opposees : aux Chretiens, qui ont un
saccrdoce royal (ii, 10; in, 11); aux 24 vieillards (iv, 4, 10); aux sauterelles
infernales (ix, 7); a la « Femme », qui represente I'Eglise (xii, 1); au Dragon
(xii, 3); a la Bete de la mer (xiii, 1); au Yerbe victorieux (xix, 2; pour ces trois
derniers, διαδ/,ματα). Quant a Γ « arc », il n'apparait pas ailleurs. II faut done
interpreter ici ces deux expressions uniquement en fonction de νικαν et de λευκός.
II est clair que la couronne (de victoire ou de royaute), peut convenir au
Christ ou a TEvangile personnifie. Quant a Γ « arc », c'etait bien I'arme carac-
teristique des cavaliers parthes.
Insister sur ce rapprochement, comme le font tous les exegetes qui voient la
« terreur parthique » dans le premier Cavalier, c'est done chose plus naturelle
que de voir dans cet arc, avec Joh. Weiss, un instrument echappe de la main
du quatrieme Cavalier (la Peste; cfr. I'epidemie envoyee par larcher Apollon,
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 83
lliade, chant 1), et, au milieu de la confusion des sources, ramasse par le dernier
redacteur de I'Apocalypse pour etre mis aux mains du Premier Cavalier. On
pent done bien admeltre que I'image des cavaliers parthes, de leurs incursions
soudaines et souvent irresistibles, ait ilotte dans I'esprit du voyant assez habi-
tuellement pour que la revelation divine ait utilise ce trait, quand elle lui a
montre un Pouvoir d'ordre spirituel, invincible par sa force, sa rapidite et la
surete de son coup d'oeil, qui devait detruire la Bete, image de Tempire romain
et de ceux qui lui succederont en marchant sur ses traces. II n'y a pas non plus
de repugnance absolue a admettre une influence de la figure classique d'Apollon
identiiic au Soleil. Les representations paiennes de son entourage pouvaient se
fixer dans I'imagination de Jean, et, quand elles etaient honnetes ou indiiferentes,
influer sur le cote plastique et esthetique de ses visions (Int. ch. v, ii, § lY)
mais il n'y a pas plus lieu de voir ici les Parthes qu'il ne I'y aurait de trouver
une influence des idees du culte apollinien, ou une copie consciente du fils
de Leto. Larc signifie sans doute ce qu'y a vu Andre de Cesaree (v. supra).
II n'est pas incompatible tuyQc I'epee, image plus usuelle dans les descriptions
du Messie et de la Parole [Is. xi, 4, cfr. xlix, 2; Sap. Sal. xviir, 15; Eph. vi,
17: Fleb. iv, 12; etc.).
L'arc, dans la mythologie paienne de Tepoque, n'appartient d'ailleurs qu'a
des divinites bienfaisantes, en somme : a Apollon, le Purificateur, le plus bean
desdieux, qui, avec son arme, detourne les fleaux plus souvent qu'il ne les envoie;
a Artemis, la deesse aux « douces fleches »; a Herakles et a Eros; a Mithra,
(dans le bas-relief de Mayence, v. Clmoxt, Les Myst. de Mithra, p. 166 et
Textes et Moji., p. 100), dieu qui monte aussi un cheval blanc. Par ces rappro-
chements, nous voulons montrer seulement que Γ « arc » n'avait pas un sens
necessairement funeste, et non expliquer, comme Guiikel [Verst. p. 53-sq.),
notre Cavalier par le « Sol Inviclus » qui n'avait pas encore dans lEmpire, ni
meme en Anatolic, la celebrite qu'il acquit plus tard. Nous invoquerions plutot
le parallele d'un document chretien du meme age, VOde de Salomon xxm, 5 :
α Et sa pensee fut comme une lettre; sa volonte descendit du Tres-Haut; elle
fut envoyee comme une fleche d'un arc tire avec force » Origene ei Andre ont
bien compris Γ « arc » de 1" Apocalypse.
Mais pourquoi le premier Cavalier figure-t-il dans une serie dont tous les
autrcs membres ont un aspect lugubre si different du sien ?
La genese de cette vision s'expliquerait assez bien de la maniere que propose
Joh. Weiss; nous ne rejetterons pas cette h3φothese avec Bousset en la traitant
de « violente ». Jean connaissait le trio classique de la Guerre, de la Famine,
de la Peste, auquel se joignent souvent, chez les prophetes, les Tremblements
de terre; il connaissait aussi les quatre chars de Zacharie, et les apparitions
de vengeurs divins sous forme de cavaliers ; le nombre quatre de Zacharie
restait aussi fortement imprime dans sa mcmoire. La vision a combine ces divers
elements. Alais elle a subordonne tous ces materiaux a une figure absolument
nouvelle destinee a faire contraste avec les autres, et a montrer que toutes les
calamites que Dieu permet n'ont d'autre but que de hater le salut du monde.
C'est pour cela que les Cavaliers-Fleaux sont subordonnes, en quelque sorte,
a la figure nouvelle qui represente le Verbe en personne, ou bien son oiuvre
salutaire. 11 convenait qu elle appanit en tete, pour reprdsenter le dessein essen-
34 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
tiel de Dieu dans le gouvernement providentiel du monde, et pour rassurer a
Tavance les fideles que lers autres figures auraient pu plonger dans Teffroi. II
convenait qu'elle apparut avec une majeste qui ne fut pas moindre que celle
des autres, et sous une forme qui montrat le lien des evenements providentiels
les plus facheux en apparence avec le plan du salut. C'est pourquoi la Parole
salutaire parait en letc de la serie, elle aussi comme un Cavalier, aussi puissante,
aussi rapide que les executeurs des vengeances, et qui prend mome les devants
sur eux. Apres qu'on I'a vue, on peut attendre les autres sans emoi, sachant
que, dans les desseins d'En Haut, ils vont travailler pour elle.
Pourtant, le schema des quatre fleaux (cfr. les quatre vents de vii, 1) est
reste tout entier; une nouvelle figure a done du y combler le vide qui avait ete
fait par le passage du Cavalier au cheval blanc a un ordre si different de pensee.
A^oila pourquoi, dit Joh. Weiss, a I'ouverture des quatre sceaux repond I'appa-
rition, non pas de quatre, mais de cinq personnages. Le troisieme fleau, la Peste,
appelee α Mort », evoquait naturellement I'idee de I'Enfer, a cause du couple
connu « la Mort et FHades «. On aurait pu s'attendre aussi bien a voir une
personnification du « Tremblement de terre ». Mais cette derniere calamite
etait reservee pour un autre schema symbolique, la vision correspondant au
sixieme sceau (vi, 12). D'ailleurs, I'Hades, I'habitation des demons, le reservoir
des peines morales qui suivenl le peche en cette vie et dans Tautre, completait
plus heureusement une serie de chatiments qui devait etre complete generique-
ment, et faire presager les tableaux des sept trompettes ; sans lui, la serie eiit
ete trop purement « naturiste », trop materielle.
Nous n'attachons pas a ce detail de notre theorie plus de valeur qu'il ne
convient; ce n'est qu'un essai d'explication des processus tres mysterieux qui
peuvent se derouler dans une imagination nourrie de la Bible, conservatrice et
combinatrice a la fois comme celle de Jean nous apparait toujours, et sous
rinflux de I'inspiration divine. II est plus facile d'etablir surement la place
organique que tient cette vision dans Tensemble majestueux, et tres un, quoi
qu'on en disc, de I'Apocalypse.
Le parallele avec xix nous renseigne. Dans ce chapitre, il s'agit bien de
Jesus-Christ en personne, mais de Jesus designc, non seulement comme Roi
des Rois et Seigneur des Seigneurs, mais aussi comme Verbe, ou Parole. Le
Cavalier de xix represente done a la fois la personne de I'Homme-Dieu et son
activite comme Docteur des ames. Dans le chapitre vi, il nous semble que c'est
cet aspect de I'activite de grace qui domine, ou qui est peut-etre le seul. Le
Cavalier au cheval blanc represente I'evangelisation, ou meme, si Ton veut,
avec Andre et les medievaux, les Apotres et les predicateurs de I'Evangile;
attendu que le parallelisme qui subsiste malgre tout avec les trois autres cava-
liers, lesquels personnifient des evenements amenes ou subis par des collecti-
vites, porte a voir plutot aussi dans le premier un evenement, un evenement qui
se continue, comme les autres et simultanement aux autres, a diverses epoques.
II ne faut pas etre surpris qu'une seule et meme figure represente, suivant les
diverses places ou elle apparait, soit une personne, soit un evenement du a cette
personne, soit la personne et Fevenement a la fois. Nous verrons ailleurs, au
chapitre xii, que I'Enfant de la Femrae represente, successivement ou tout
ensemble, le Christ personnel et le Christ mystique. Ce precede est tout a fait
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 85
dans Tesprit du grand Contemplatif qui a ecrit le quatrieme Evangile, esprit qui
synthetise toujours, qui ne s'occupe presque jamais de fixer les etapes d'une
idee ou d'un enseignement, de distinguer les phases d'une evolution historique,
mais voit dans une parole ou un fait isole le vaste foyer de la Lumiere une dont
chacun de ces traits est comme une echappee, un rayon qui fait remonter le
regard inspire jusqu'a sa source immense. Dans notre Apocalypse, par une ioi
de symetrie parfaite, toujours une image de misericorde precede les descriptions
de la colere; le regard s'arrete sur cette « verdure d'oasis » avant de plonger
dans le semoun des chatiments. Le ch. vi, 2, a montre le commencement du
cours liberateur de I'Evangile; le ch. xi, le dernier de la section, en fera pre-
sager le succes definitif [nd. ad loc.) ; le ch. xix representera ce triomphe
dans toute sa splendeur.
3° Rupture du cinquicme sceau : priere des martyrs.
(VI, 9-11).
Int. — Tous les critiques rattachent cette scene a la precedente, sauf Joh. Weiss
qui y voit Voeuvre de Γ « editeur »; mais c'est uniquement a cause des « martyrs «,
d'apres sa theorie. Rien au contraire, mieux que I' authenticite indubitable de cette
scene, ne prouve coinbien ladite theorie est arbitraire.
A. B. 9. την τ:£α-την σφρ., voir supra, A. 7-8. — (j.apTupiav, sans determination excepte
rec. K, And., Orig., syr., Cypr., Prim., arm., eth. (τοΐ5 άρνίου, *ίησοΰ, Ίησ., yp.); διά
τον λο'γον χτλ., cfr. ι, 9; χιι, 11, 17; χιχ, 10; χχ, 4; expression stereotypee : c'est le
temoignage re^u de Jesus, et possede par eux, comme Joh. xiv, 21 (Bousset, al.).
C. 9. L'Eglise, que le l•^"" Cavalier a fait voir implicitement dans I'etat de progres
conquerant, apparait maintenant comme persecutee. Mais cette vision du cinquieme
sceau ne repond a aucun evenement terrestre; elle montre une des causes secondes,
dans le monde invisible, au ciel, des ev^nements qui ont ete presages par I'appari-
tion des Cavaliers, et dont le resultat va otre resume par avance au 6•' sceau. Elle ne
rentre done point dans le contenu du Livre scelle, ce qui confirme tout a fait notre
interpretation generate [Supra, int. a A). La priere des martyrs augmente simplement
au ciel la tension de la justice vengeresse.
II apparait un « autel », dont il n'avait pas ete question jusqu'ici, mais qui est,
suppose exister au ciel, comme si la chose allait de soi pour la celebration de cette
grande Liturgie. Boll (pp. 33-34) pense au βωμός, θυτηριον, que voyaient les astronomes
grecs dans la partie S. de la Voie Lactee. C'est I'antitype d'un autel terrestre, qui ne
pent etre que celui des holocaustes (centre Charles, Studies, p. 161-179; cfr. Ileb. vni,
5, Swete). Beaucoup d'apocryphes ont ainsi place un temple au ciel, modele de celui
d'ici-bas (Par. d Henoch, 53?, Test. Levi, Od. Sal., Talmud, Midrashim, etc. v. Sze-
kely, p. 30-suiv.). Les martyrs, « egorges » comme I'Agneau, sent consideres comme
des holocaustes ofTerts a Dieu; le martyre est egalement compare a un sacrifice,
Phil, u, 17; II Tim. iv, 6. II ne s'agit pas de martyrs de ΓΑ.Τ., comme le veulent
les auteurs qui cherclient ici une source juive, mais des victimes de la persecution
passee do Neron; au cours des siecles, d'autres se joindront a eux, pour implorer
comme eux. C'est une idee assez bizarre de trouyer ici avec Spitta le veritable autel
terrestre de Jerusalem, et de croire avec plusieurs, entre autres Calmes, que co
morceau se fat d'abord applique aux zelotes qui se defendirent jusqu'a la mort dans
le Temple contre les soldals de Titus (voir Exc. xxi).
86 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
C. ΛΊ. 9. Kx: CT£ ήνοιςεν τήν Γε'μζτην ι^ρχγίοα, εϊί^ν ύττο/,άτω t2j θυσιαστηρίου
τάς ψυχάς των έσοαγμένων δια tsv λόγον tcu θεοϋ και δια τήν μαρτυρίαν* ην ειχον.
10. Και έκραξαν φωντ^ μεγάλη λέγοντες• Έως ζότε, *ό δεσπότης, ό ά'γι^ς και αληθινός,
ου κρίνεις και έκδικεΐς το αίμα ημών εκ των κατοικούντων έχΐ ττξς γης; 11. Και εδόθη
αυτοΐς έκάστω στολή λευκή, και kppifir, αΰτοΐς ίνα* άνα-αύσονται ετι χρόνον μικρόν, εως
■::ληρωθώ7ΐν *καί ο• συνδουλοι αυτών *και οί αδελφοί αυτών ο•. μέλλοντες ζ-οκτείνεσθαι
ώς και αυτοί.
Mais pourquoi les ames sont-elles « sous lautel »? On I'a explique par I'idee
biblique que Tame est dans le sang, {Lei>. xvi, 11), et parce que le sang coulait au
pied de I'autel des holocaustes {Lev. iv, 7); ainsi Holtz., Boussei, Calmes, Sivele.
II est encore une autre donnee juive qui a pu influer sur cette representation. Le
Talmud (tr. Schahhaih 152), montre les ames des justes gardees sous le « trone
de la magnificence », et, dans le Debarim rahha xi, Dieu promet cette place a I'ame
de Moise [Weber]. Car, au lieu de laisser les ames dans le sheol, une autre tradition
juive les met aussi pres que possible de Dieu, jouissant deja avant la resurrection
des arrhes de la beatitude. Dans notre livre, la representation a pu §tre influencee
par cette idee; on pourrait ajouter d'apres Boll que les martyrs, comme « lemoins »,
se trouventpres de I'autel sur lequel ils ont prete serment. Mais ici, les ames jouissent
deja du bonheur essentiel, symbolise par la « robe blanche » du verset suivant. 11 n'est
done pas question de Γ « etat intermediaire )> qu'y voyait Andre, et qu'y voit encore
Joli. Weiss. Ce serait inconciliable avec xiv, 13. (v. ad loc). D'ailleurs, en ces eglises
pauliniennes, il serait etrange de trouver une conception si peu d'accord avec celle
de I'Apotre qui disait : « desiderium habens dissolvi et esse cum Christo » PJdl.
I, 23.
I A. B. 10. εκραξον, pour έκραξαν α3-Ρ-025, ul. g, i'ldg., st/r.; pas de iv avanl
φωντ| — ό δεσπότης, pour 1β vocatif (Introd., l. x, § II), repond a I'heb. « Adonai w.
— εκ {And. άπο) apres κρίνειν et έκδικεΓν, se trouve aussi dans les LXX; Boitsset y voit le
"JD hebraique. — τών κα-οικούντων έπι της γη:, expression caracteristique du livre
(IxTROD., c. X, § III). — Pour oe cri passionne, cfr. xviii, 20; xix, 2; Luc xviii, 1-suiv.
(Bousset), et le ton des Apocryphes, Hen. eth. ix, 1, 3, 9-11; xxii, 5-8; xlvii, 2; xcvii,
5; IV Esd. IV, 35-37; Bar. syr, in, 4; reproduction libre, d'apres Calmes, de
Ps. Lxxxix, 10, cfr. Ps. xiii, 2; lxxx, 5; Habacuc i, 2.
, C. 10. Si les martyrs n'ont pas encore le sentiment que Dieu commence a les
venger, c'est done que les Cavaliers ne sont pas encore a I'ouvrage. II faut cora-
prendre leur appel, qui parait a certains plus juif que chretien, d'apres I'ensemble
du livre, et I'esprit general du Nouveau Testament : « Xon haec odio inimicorum,
pro quibus in hoc saeculo rogaverunt. orant, sed amore aequitatis » (Bede), et pour
le triomphe du Christ.
— —- i A. B. 11. εδόθη {Hipp., lat. et autres versions εδόθησαν). — άναπαύσωνται
regulier, au lieu du futur (χ, C, al. And., Soden, Nestle); mais notre le?on est celle
de A, P, Q {W-H, Steele, Bousset, Holtzmann.) — -ληρωθώσιν, avec A, C, α,ϊΟβ-
29-385, syr.e^, g, Cyp. Prim, al., on lit ailleurs πληροίσωσιν ou ττληρώσονται ; — καί....
χαι, dans le sens de τε... χαί; si Bousset veut traduire le premier par « auch », il
semble que ce soil seulement pour une raison d'exegese. Le premier καί manque dans
Q, vulg., bolt, Cyp., arm.; mais Q retablit le sens en ajoutant καί devant ol μέλλοντες. —
στολτί λευκή, v. Exc. xii, cfr. surlout Asc. Is. iv, 6 et ix, 9. — Martyrs futurs, cfr. ii,
10; III, 10; — ζληοωθώσιν κτλ, cfr. Hen. eth. xlvii, 2; IV Esd. iv, 35-37; Bar. syr.
XXX, 2 et passim. — /povov μικρόν, cfr. xx, 3 et Exc. xiii, ΕΡΧΟΜΑΙ ΤΑΧΥ.
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 87
C. VI. 9. Et quantl il ouvrit le cinf{uieme sceau, je vis ea dessous de
I'autel les ^mes des eg-org-es k cause de la parole de Dieu, et a cause du
temoignag'e qii'ils possedaient [iitt. avaient). 10. Etils crierent d'une grande
voix, disant : « Jusqu'a quand, [toi] le Maitre, le Saint et Veritable, ne
juges-tu pas, et ne venges-tu pas notre sang- sup ceux qui habitent la
terre ))? 11. Et il leur fut donne h chacun une robe blanche, et il leur fut
dit de se tenir en repos encore un pen de temps, jusqa'a ce que fussent
au complet et leurs compagnons de service, et leurs freres qui doivent etre
mis k mort aussi bien queux.
C. 11. Cette scene rappelle de fort pros IV Esd. iv 35-37 ; « Ta question, les
ames des justes Tent deja posee dans leurs receptacles : Combien de temps,
disaient-elles, devons-nous encore demeurer ici? Quand apparaitront enfin les
fruits sur I'aire de notre recompense? Mais I'Archange Jeremiel leur a repondu et
dit : Lorsque le nombre de vos pareils sera complet. » II ne saurait y avoir, d'aucun
cote, emprunt litteraire; mais, comme des traces nombreuses de la meme idee se
trouA'ent dans les apocryphes, Paraboles d' Henoch, Baruch, nous pensons, avec
Bousset, que I'Apocalypse et Esdras dependent parallelement d'une soui-ce ancienne,
attestee deja par le plus ancien ecrit de ce genre, Hen. et/i, xlvii, 2-4, ou il s'agit
aussi d'urie priere des ames pour la vengeance du sang des martyrs.
Dans Esd. et ailleurs, il etait question de tous les justes, et pas seulement des
martyrs. Ici egalement, dans le nombre des justes qui doit etre complete, il faut
distinguer deux categories, distinguees par xaf καί... et la repetition de oi... αυτών :
les martyrs doivent attendre et ceux qui rendront le meme temoignage sanglant,
et aussi tous leurs auvSouXot, tous ceux qui servent Dieu et seront sauves (Sfvete), lis
n'auront a attendre qu' « un peu de temps », non que la consommation soit prochaine
d'apres les computs humains, mais parce que, au ciel, les annees comptent peu
(IxTROD., ch. IX, et Exc. xiii). La robe blanche qui leur est remise ne signifie pas leur
corps ressuscite (cfr. Clemen, p. 135, avec ses references au parsisme) ; mais c'est
aussi plus qu'un « gage » de felicite future (cfr. Spitta, Holtzmann, Joh. Weiss)\ ce
sont les honneurs de la victoire (v. Exc. xu) et le bonheur essentiel, qui leur sont
dument conferee, quoique la retribution totale et generale doive attendre la fin des
temps. C'est un effet, non pas de la rupture d'un sceau du livre, mais plut6t de
I'arrivee de I'Agneau au ciel, — ou, dans un langage sans voiles, de la resurrection
et de I'ascension da Christ. Nous saisissons ici sur le vif un des precedes d'exposi-
tion de Jean dans ses visions : il voit dans un seul fait symbolique, au passe (^δο'θη),
ce qui est une loi continue de la justice divine, la glorification celeste des martyrs
avant meme qu'ils aient retrouve leurs corps.
La satisfaction promise aux martyrs (laquelle sera en partie le rdsultat des puni-
tions que vont commencer a inlliger le.s Cavaliers-fleaux, mais surtout des victoires
du Cavalier au cheval blanc), va otre maintenant symbolisee, sous son double aspect,
par la vision du 6® sceau. Les prieres des saints ont acc^lere Taction divine.
A titre de curiosity, mentionnons la trouvaille de Jercmiai^ (B.N.T. p. 26), qui a
reconnu dans cette scene une relation a la planete Venus — a cause de la descente
d'Ishtar aux enfers!
88 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
ϊ° Rupture du sixieme sceau, Antithese : double tableau du resultat des
jugemeiits fulurs, sur les ennemis de I'agneau, et sur ses fideles
(vi, 12-vii).
IxT. — Dans les pericopes VI, 12-17, et VII en entier, nous avons commc les deux
volets d'lin diptyque analogue a ceux oil les anciens maitres peignaient lEnfcr et le
del. line faut done pas croire avec Spitta [id. Schmidt) que les derniers versels du
ch. VI marquent le jugement dernier et la fin d'une apocalypse originairement inde-
pendante. II ne s'agit que des prodromes de la consommation, maintes fois repetes,
qui montrent que le monde impie finira quand Dieu et I'Agneau voudront deployer
toute leur puissance. De doubles tableaux semblables se retrouceront au sixieme
moment des autres septenaires ; c'est la « loi de periodicite de Γ antithese » (Ixtrod.
ch. Yii). Ici c'est une anticipation (supra) comme le prouve le caractere general de la
vision des Sceaux, et dirers traits que nous releverons aux eh. VII et VIII.
a. Vision anticipee du bouleversement du monde impie [\\, 12-17).
C. VI. 12. ΚαΙ είδον, οτε ήνΐ',ςεν τήν σ^ρ^γίοχ τήν εκττ,ν, και σεισμός μέγα;
έγενετι, καΐ ο ήλιο; έγένετο μέλας ως σά/,κος τρίχινος, κα'ι ή σζ,κτ^τΓ, ο'κτ^ έγένε-ο
ώς αψ,α_, 13. Και οί αστέρες -oj οΰρανοΰ *επεσαν είς τήν γήν, ώς συκη βάλλει τους
ολΰνθοϋς αυτής* υττο ανέμου μεγάλου σειομένη, 14 και ο ουρανός άτεχωρίσθη ώς
βιβλιον έλισσόμενον και παν ορός και νήσος εκ τών τόπων αυτών έκινήθησαν. 15. Και
ο'. βασιλεΤς τής γής και οί μ.£γιστανες και ζΐ χιλιαρχοι και οί πλούσιοι και οί Ισγρρο'.
y-cc•. πάς οοϋλος και ελεύθερος έκρυψαν εαυτούς ε'.ς τά σ-τ^Χοίκ-χ και εΙς τάς πέτρας τών
ορέων, 16 Και *λέγουσιν τοις ορεσιν και ταΐς πέτραις' *Πέσετε έο ημάς και κρύψατε
ημάς άπο προσοιπου του *καθημ,ένου επι *του θρόνου και άπο τής οργής του άρνίου,
17. ότι ήλθεν ή ήμερα ή μεγάλη τής οργής *αϋτών, και τις δύναται σταθήναι;
Α. Β. 12. « Tremblement de terre », lieu commun apocalyptique, Apoc. λίιι, 5;
XI, 13; XYi, 18 (4 fois), cfr. surtout Aggee ii, 6, Apocryphes, passim. — ή σελήνη χτλ,
cfr. Apoc. VIII, 12; pour les phenomenes celestes en general. Is. xiii, 10; l, 3; Joel, ii,
31; Ενν. syn. Marc, xiii, et paralleles ; Ass. Mos. x, 5, et presque tous les apocryphes,
passim. — εΐδον, absolu.
C. 12. C'est la description des troubles annonciateurs de la fin du monde, presentes
dans les Evangiles comme devant suivre I'^y/ji ώδίνων, la grande θλΓψις (Marc, xiii,
24-suiv. et paralleles). And. les place au temps de Titus, ou preferablement de
lAntechrist; mais il reconnait leur sens figure : « Par le tremblement de terre, les
Saintes Lettres signitient partout les transformations des choses >'. h'Ecclesiaste xii,
2, applique de telles images a la decrepitude du corps humain; le Ps. xlvii, 9, a la
sortie d'Egypte; et Aggee, dans le passage cite, les explique par la phrase : « Et je
bouleverserai toutes les nations. » Le v. 15 va montrer que Jean vise surtout les
troubles sociaux (Introd., ch. v.). Ita Bousset, S^vete, etc.
I A. B. 13. εττίσαν, Introd., ch. x, § II (non εττεσον de Q, al.1. — i-o pour
υ-ό qui est rare, N, al. — Cfr. Is. xxxiv, 4 ; pour I'image eschatologique du figuier.
Marc xiii, 25 et suivants, et les paralleles.
C. 13. Les etoiles, pour Andre, sont les homnies qu'on croyait ftre les luminaires
du monde. La chute des oXuvOot, des figues qui ne murissent pas, se produisait a la
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 89
fin de I'hiver; c'est ici un signe de I'approchc du priniemps eternel. La comparaison
des etoiles avec des fi-uits ressort peut-etre de la vieille conception cosmologique de
Γ « arbre du monde ».
— — — B. C. 14. Le ciel roule comme un volume dont les astres sont les carac-
teres, est une image d'Isa'ie, xxxiv, 4. (Ps. ci (cii), 27, c'est un « vetement »). — δρος,
νήσο;, κτλ, Apoc. xvi, 20, cfr. Nalnun i, 5; Jer. iv, 24. Ces figures sont toutes naturelles
chez I'exile de Patmos, habitant d'une region fort sujette aux tremblements de terre.
« Mouvoir les montagnes » est une expression proverbiale pour I'accomplissement
de choses regardees comme impossibles, ici de revolutions inattendues {Swete, etc.).
-^— B. C. 15. L'un ou I'autre membre de I'enumeration est omis dans certains
manuscrits; mais 11 faut les conserver tous, parce qu'ils sont sept, ce qui est cer-
tainement intentionnel (Introd., c. viii); Spitta et d'autres I'ont bien remarque. Le
Prophete enumere toutes les classes de la societe, pour montrer, ainsi que par le
chifTre choisi, que nul ennemi de Dieu n'echappera a ces terreurs. Quelques
auteurs, apres Mommsen, veulent voir dans les μεγιστάνες (mot d'emprunt) les
C. v[, 12. Et je vis, quand il oiivrit le sixieme Sceau, et iia grand trem-
hlement de terre arriva, et le soleil deΛύnt noir comme iin sac de crin, et
la lune entiere devint comme du sang, 13 et les etoiles du ciel tomberent
sur la terre, comme un figuier jelte ses figues non mures, secoue par un
grand vent, 14 et le ciel se ret'ira comme un livre qu'on roule, et toute
montagne et ile furent deplacees de leur lieu. 15. Et les rois de la terre
et les grands et les chiliarques et les riches et les puissants, et tout esclave
et homme libre se cacherent dans les cavernes et dans les rochers des
montagnes, 16. Et ils disent aux montagnes et aux rochers : « Tombez siir
nous, et cachez-nous du visage de celui qui est assis sur le trone, et de
la colere de I'Agneau! 17. parce qu'il est venu, le grand jour de leur
colere, et qui pent tenir »?
Part/ies opposes aux yiX-'apyot romains. — Ce verset confirme notre interpretation des
signes cosmiques. II n'en marque pas une consequence, mais en donne I'explication.
— — A. B. 16. καΟηυ.ενου έπ\ τοΰ θρ., Introd., ch. χ, § II. {rec. Κ τω θρο'νω). — πε'σατε
(Introd., ch. χ, § II) est la le^on de A, P-a3-025, al. {W-H, B. Weiss, Swete, al.),
tandis .que la correction πίσετε se trouve x, C, Q, beaucoup de minusc, And.,
Arethas [Nestle, Soden). — του καθ της όργης, omis sj/r.'•^"^'.
C. 16. La « colere de I'Agneau » est certainement une expression authentique,
(Bousset) centre Visclier, Spitta, Volter, Weyland, qui veulent, chacun pour ses
raisons a lui, la• supprimer, et Joh. Weiss, qui y voit une glose de I'cditeur.
L' « Agneau », pour les mechants, est rede venu le « Lion » ; c'est la vue du
Redempteur immole qui sera la plus insupportable a I'humanite ingrate {Sivete) ;
meme idee que i, 7.
^^— A. B. 17. Au lieu de αυτών, on trouve αύτοΰ A, rec. K, P, And., la plupart
des minuscules et presque toutes les versions. — σωΟηνα; pour σταθηναι, Arothas.
Pour la forme σταθηναι, voir ch. xii, A 18; id. viii, 3. — « Le grand jour », dies irae,
cfr. Is. Lxiii, 4; Joel ii, 11, 31; So/)/i. i, 14; 15; 18; ii, 3; cfr. Rom. u, 5; Jude, 6.
Voir Gressmann, Ursprung, pp. 141-159. — σταΟήναι, cfr. Ps. xxxv (xxxvi), 13; Na/i. i,
6; Mai. in, 2; surtout Luc xxi, 36 : σταθηναι Ι[Α7:ροσθεν τοΟ utou του ανθρώπου.
C. 17. La vision de cette pericope anticipe devant les yeux du Prophete I'eiTet
90 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
futur de la desccnte des Cavaliers-fleaux sur la terre, et tout ce qui aura lieu apres
la rupture du 7•^ sceau. G'est aussi une partie de la reponse a la priere des martyrs
sous I'autel. Le trait essentiel de cettc scene, en dehors des lieux communs apoca-
lyptiques, c'est que les ennemis de Dieu seront obliges de reconnaitre, a diverses
epoques de i'histoire, des signes precurseurs de son grand Jugement, et de cons-
tater qu'ils ne sauraient toujours echapper a sa justice. Jean a condense ces signes
dans le « tremblement de terre » que lui fournissait la tradition des prophetes et des
Synoptiques, mais qui n'avait pas trouve place dans la vision des Cavaliers. Tout ce
dernier morceau est compose d'emprunts bibliques, mais Jean les a combines avec
un grand art, comme le reconnait Joh. Weiss. Son origiualite a consiste a en faire
un sobre tableau d'ensemble, apte a rendre limpression de sa vision reelle. II va
de soi qu'il n'a pas pris a la lettre les catastrophes cosmiques; si le monde devait,
au sens litteral, subir de tels cataclysmes, alors I'humanite eprouverait autre chose
que de la terreur, et n'aurait pas le loisir de se cacher ni de donner une expression
a son angoisse.
b. Vision de la preservation et du salut des fiddles (vii, 1-17).
Int. — Ce chapitre se divise netlement en deux parties. L% premiere (a, 1-S)
represente la mesure de preservation prise pour les elus des douze Tribus d'lsrai-l,
en vue des catamites qui vont se dechaincr ; la deuxieme (β, 9-17], le sort spirituei
present et futur des saints de toutes les nations, rassembles decant le trone de Dieu.
La plupart des exegetes y voient un « intermede » ; mais il n'y a pas a propre-
ment parler d' « intermede » dans un livre si fortement construit. Une pareille inter-
ruption apparente dans la trame des visions se retrouvera, longue ou breve, a
I'avant-derniere des Trompettes et des Coupes, de sorte qu'on peut y voir un precede
intentionnel. Tout le chapitre VII se rattache au β^ sceau, aussi bien que VI, 12-17.
C'est la seconde partie du tableau : la securite et le triomphe des justes s'oppose a la
panique des ennemis de VAgneau. C'est la reponse au cri desespere de ceux-ci :
« Qui peut tenir? η II y a parallelisnie dans I'idee; quant aux paralleles de detail,
il faut les chercher surtout dans les chapitres XIV, XV et XXI-XXII el, par con-
traste, dans le chap. XIII [vid. ad loc). Les versets VII, 1-3, qui introduisent des
Anges parlant de desastrcs et de salut, sent comme la cliarniere qui tient reunis les
deux volets du diptyque; ils j'ouent le meme role que le chapitre X entre la plaie
de la Sirieme Trompette et la vision des « Deux Tcmoins ».
a. Les serviteurs de Dieu sont marques au front avant que ne commence
I'execution du jugement divin (vii, 1-8).
Int. — Comme ce morceau, avec ses figures des Vents destructeurs et des Douze
Tribus, n'a pas eu d'influence litteraire sur le reste de I'ouvrage, la plupart des
critiques lui assignent une source juive, et le mettent en opposition avec le morceau
suivant. Spitta Vattribue a J' (Apoc. des Trompettes, sous Caligula); Erbes attribue
1-3, et plus loin 9-12, a son Apoc. chretienne de Ian 62, tandis que 4-8 et 13-17
seraient de Van 80, interpolcs d'apres une source juive. Bousset aussi estime que
1-8 pourrait Strc un fragment transporte d'ailleurs, et contenant des elements juifs
traditionnels, sans qu'on puisse affirmer du reste que Jean ait copie un modele
ecrit. Cfr. AVeizsacker, etc. Joh. Weiss considere tout le morceau comme etant de
Jean d'Asie, ecrivant vers CO; seulement il aurait ete compris par V « editeur »
dans un sens nouveau. Charles (Studies, pp. 103-suiv.) croit le lout ecrit de la main de
lauteur de VApocalypse, mais VII, 1-3 et 4-S seraient derives de sources juives.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 91
Volter, Vischer, Weyland, cliacun suicant sa t/ieoric des sources, rattachenl VII,
1-8, aux chapitres precedents. II est possible a notre ai'is (siirtout a cause de
I'omission de Dan), que la source de ce morceau soil juive, ?nais c'est une source au
sens large; Jean la mis en parfaite conlinuite avec cc qui precede et ce qui suit.
A. B. 1. και devant μ.τ. εΤδον, excepte A, G, 1072, g, iuilg.. arm. Prim. — -i pour
7:av (G, Q, beaucoup de rainusc.) n'est guere de la langue de Jean; A : ir.•. οένδοου
(Iktrod., c. X, § II); [χη'τε επι παν sent I'^hebreu; — deux fois I'acc. τέσσα^Ξς dans A (Imrod.,
c. X, § II). — Pour « les 4 Vents », voir Exc. xviii, les paralleles.
C. 1. Ges « 4 Vents » sont identiques aux 4 Fleaux du precedent chapitre, et en
relation avec les 4 Animaux (Exc. xvml, de meme que les 4 Anges des Vents. G'est
« la realite mise pour I'iraage » [Jo/i. ]Veiss, OiTenb. p. 72). Jean a utilise pour son
sj'mbolisme I'idee courante des esprits elementaires, comme xiv, 18 et xvi, 5,
qui etaient des Anges pour les Juifs (v. Bousset, Rel. Jud.2 p. 317). Ges vents ne
reparailront pas, ou, s'ils reparaissent, ce sera sous une forme ditTerente, celle des
Fleaux des Trompettes, apres le cliap. viii.
^— — A. B. 2. La suppression de I'article devant ανατολή;, σφραγίδα (qui, d'apres
I'analogie, doit se traduire « le sceau » plutot que « un sceau »), et, plus bas, devant
υίών et toujours devant φυλή;, serait pour quelques philologues une trace d' « etat
construit » semitique. — εχ.ραζεν pour εζραίεν, A, quelques And. — αύχοΤς, « hebraisme »,
omis dans peu de mss; cfr. in, 8, etc. (Introd., c. x, § II). — Conception d'un
« sceau » divin pour les elus de Dieu, ou les Chretiens, Ezech. ix, 4; II Cor. i, 22;
Eph. I, 13. — L' « Orient », point de depart des manifestations divines, cfr. Is. xli, 2;
Ezech. XLiii, 2 ; Luc i, 78 (Oriens ex altol.
C. 2. Get Ange monte de I'Orient, cote de la Lumiere, comme il sied a I'annon-
ciateur du salut [Ebrard, Diisterdieck, Holtzmann, Bousset, Calmes, Swete, Boll•. II a
quelque analogic de role avec le Premier Gavalier, comme les 4 autres avec les
Cavaliers-fleaux ; ces parallelismes latents ne sont pas rares.
— ^— B. 3. « Le signe sur le front », cfr. Ezech. ix, 4, i; aussi Is. xliv, 5 (sur la
main). Gontre-pariie : le signe de la Bete, voir xiii, 16-17, etc; cfr. la marque de
perdition de Ps. Sal. xv, 10. Les marques du « sceau » divin reparaissent Apoc. ix,
4; XIV, 1; xx, 4. — « Serviteur » de Dieu ou du Ghrist, i, 1; ii, 20; xix, 2, δ; xxii, 3,
6. — Pour toute la scene, cfr. Bar. syr. vi.
C. 3. Les anciens (Orig. And, etc.) avaient deja reconnu que ce symbolisme est
derive d'Ezechiel ix, ou un ange imprime la marque du Tau (-f I sur le front des
justes de Jerusalem pour les preserver du massacre prepare par quatre autres
Anges. La scene rappelle aussi Bar. st/r. — sans doute influence par Ezechiel, —
dans lequel quatre Anges, sur le point de mettre le feu a Jerusalem, en sont
emp^ches par un cinquieme, tant que les objets du Temple ne sont pas mis en
surete. Le mot σφραγίζεσθαι rappelle la terminologie des Mysteres {Iloltzm, al.), et
σφραγ(ς, des le ii^ siecle, a ete un terme technique pour le sacrement du bapteme;
peut-etre y a-t-il done deja ici allusion au bapteme (ou au clireme). Le symbole etait
des plus intelligibles pour un lecteur du i*•• siecle. Ges « serviteurs » sont ainsi
marques comme la propriete de Dieu {Holtzm, I. Weiss, etc.); probablement le
sceau leur imprime-t-il, d'apres xiv, 1, « le nom de Dieu et de I'Agneau ». Ainsi
etaient marques les esclaves, les soldats. II n'existe aucune raison plausible de
penser avec Bousset, Joh. Weiss, que Jean se soit inspire de la croyance aux amu-
lettes et aux charmes, et encore moins, a la suite de Hai'et, de voir ici aucune allu-
sion au taurobole ou au criobole, cere monies fort peu goutees dans le monde grec,
et qui ne se repandirent dans I'Empire que beaucoup plus tard. Les « serviteurs de
Dieu » sont marques comme les maisons des Israelites dans I'Exode avant le passage
92 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
C. VII. 1. *Μετα τοΰτο sTBsv *τέσσαρες αγγέλους έστώτας έπΙ τας τέσσαρα; γοινίας
'^? ϊ^ζ) κρατουντας τ:υς *τέσσαρες άνεμους της γγ5ς, ίνα μή ζνέγ) άνεμος ετΛ τ^ς
γης μήτε έτυΐ της θαλάσσης μήτε έπΙ *7:αν οένΒρον. 2. ΚαΙ είδον άλλον άγγελον
άναβαίνοντα άπο ανατολής ήλιου, έχοντα *σ9ραγίδα θεοΰ ζώντο.ς, και εκραςεν φωνή
μεγάλη τοις τέσσαρσιν άγγέλοις Ο'.ς εδόθη *α^τοΤς άδικήσαι την γήν και την θάλασσαν,
3. λέγων Μή αδικήσατε τήν γ^ν μήτε την θάλασσαν μήτε ιχ δένδρα άχρι σφραγίσω-
μεν τους δούλους του θεοΰ ημών έχΊ των μέτοχων αϋτο)ν. 4. Και ήκουσα τον αριθμόν
de Tang-e exterminateur; ils seront preserves comme doivent Tetre les habitants
de la Terre Sainte, dans Bar. syr. xxviii, des cataclysmes de la fin. Sur quel point
portera cette preservation? Nous allons le discuter bientot; remarquons seulement
ici, pour I'interpretatioa des versets suivants, que tons les serviteurs de Dieu doi-
vent aire ainsi marques et preserves; ce ne seront pas seulement ceux qui appar-
tiennent au peuple d'Israel, comme le prouve I'ordre donne sans restriction, et la
comparaison avec ix, 4; xiv, 1; et xx, 4. Pourquoi, se demanda Holizmann, ne sont-ils
pas deja marques avant la rupture du 6« sceau, qui amene la fin du monde? G'est
que ce sixieme sceau, comme tous les autres, sauf le premier, ne correspond encore
a aucun evenementqui se passe sur terre; I'execution n'a pas encore commence. Et la
scene presente n'est pas la preuve la moins forte de notre these.
' A. B. 4. ηκουσα τον άριθιχίίν, cfr. ix, 16. Plusieurs de ces expressions, le
" sceau », les « serviteurs », celle-ci, montreat bien I'unite d'inspiration de cette
pericope, et des autres parties du livre. — έσφραγισμένο-., sans copule, par ού W-H
voudraient faire commencer la phrase, se rapportant au feminin χιλιάδες, est plutot
un solecisme ou un accord ad sensurn qu'une anacoluthe; εσφραγισαένων, correction
de rec. K.
C. 4. Jean ne volt pas I'Ange imprimer le sceau, il entend seulement le nombre
de ceux qui I'ont re?u, parmi les « fils d'Israel ». L'identification de ces 144.000 — le
carre de 12, nombre sacre, multiplie par 1.000. « sig-ae de solidite » [Orig.
sch. xxxii), ou d'extension indefinie, — a donne lieu a beaucoup de discussions
exegetiques.
Sont-ce les memes que les 144.000 « vierges » du ch. xiv? Nous ne le pensons
pas. Ou les memes que « la foule nombreuse » qui va apparaitre au v. 9? En tout
cas, rien n'indique, cela va de soi, qu'ils representent seulement les martyrs, ni, en
suivant la tradition tardive, le nombre des fideles qui resisteront aux seductions do
I'Antechrist, — a moins qu'on n'entende par I'Antechrist.tous les ennemis du Christ,
en tous les temps. Ce sont les Juifs baptises, pour Victorinus, Andre, semble-t-il,
Holtzmann, Calmes, Bousset, etc. Une autre tradition exegetique, Prim, Bede.
Beatus, etc., de nos jours Renan (Antechrist, p. 390), Sa'ete, γ voit I'lsrael spiritue!
(Gal. VI, 16), c'est-a-dire toute TEglise, Juifs et Gentils. Origene, qui les identifie
aux 144.000 du ch. xiv, etait deja de cette opiaion. Charles (Studies, pp. 103-sui-
vantes) croit aussi qu'il faut les identifier a Γδχλος πολύς de vii, 9-17, et que ce sont
tous les Chretiens contemporains de Jean, mais representes ici comme militants sur
la terre, tandis que dans la pericope suivante, ils apparaitront triomphants au ciel.
Job. Weiss a une opinion compliquee : Jean d'Asie n'aurait pense qu'aux Juifs pre-
destines a la conversion, mais son editeur les eut compris comme les Douze Tribu.-
ideales, les ascetes Chretiens du chap. xiv.
Nous^ estimons, pour noire part, (avec Hohzm., Calmes, Bousset, etc.), qu'il
vaut mieux distinguer ces 144.000 de la « foule » du v. 9, puisque celle-ci est
« innombrable «, dit I'auteur, et que eux, ils sont nombres; Jean a fait ressortir lui-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. <J3
C. VII. 1. Apres cela je vis quatre anges qui etaient debout sur les
qaatre angles de la terre, [et] tenaient les Quatre \^ents de la terra, pour
([uil ne souffle pas de vent sur la terre ni sur la mer, ni sur aucun arbre.
2. Et je vis un autre ange qui montait du lever du soleil, [et] avait le
sceau du Dieu viΛ'ant, et il cria d'une grande voix aux quatre Anges k qui
il a ete donne de nuire a la terre et a la mer, 3. disant : « Ne nuisez pas
a la terre ni a la mer ni aux arbres, jusqu'^ ce que nous ayons marques
du sceau les serviteurs de notre Dieu sur leurs fronts ». i. Et j'eiitendis
m§me Topposition. Tous les « serviteurs de Dieu » ont ete marques du sceau pre-
servateur. Parmi eux, le Prophete, — qui etait Juif de naissance, ne I'oublions pas,
et connaissait, a n'en pas douter, la tradition eschatologique du retablissement des
Dix Tribus (v. Weber 2, p. 367, Volz, pp. 311-312), — a la joie d'apprendre qu'il y a
un grand nombre de ses concitoyens; il est tout naturel qu'il le releve; on sait le
cas qu'il fait du nom de Juif. 144.000 est un chiffre symbolique de plenitude telle,
que Ton peut facilement recounaitre ici I'espoir de la conversion generale, dans un
avenir distant, du peuple d'Abraliam, deja exprime par saint Paul {Honi. xi). Les
Judeo-chretiens de son temps y sont compris, mais I'elevation du chiti're nous
empeche de croire, avec Charles, qu'il s'agisse d'eux seulement. Du reste, le nombre
limite des elus d'Israel se perdra dans la foule innombrable du v. 9.
De quoi ces elus doivent-ils etre preserves? Certainement pas de I'epreuve du mar-
tyre, suivantla conception bienpeu johannique que Joh. TFe/ssattribue a Γ « editeur «.
Jean nepense pas specialement au marlyre, mais, comme I'indique assez le contexte,
a I'ensemble des calamites dont il a eu la prevision aux 2^, 3^, et 4•^ sceau, et que vont
bientot decliainer les Vents et les Anges. Cela ne veut pas dire qu'ils ne souffriront pas
des malheurs communs, auxquels se joindra la persecution; s'ils ne sont pas examples
du combat, il leur est garanli qu'ils n'y succomberont point (cfr la Lettre a Philadel-
phie, III, 10, et, infra, ix, 4). lis seront preserves de I'apostasie [Dusterdieck) et de
toute defaite spirituelle, proteges contre I'emprise des demons {Charles). En cela leur
sort ne sera pas diflerent de celui des autres vrais fideles, marques du merae sceau;
mais saint Jean les a mis a part, parce que, membres du peuple choisi qui a recu le
premier I'Evangile, ils sont des premices, comme le seront, a un autre titre, les
144.000 ascetes de xiv; ceux-ci sont la garde du corps de I'Agneau; mais eux, ils sont,
par le sang, les freres du Verbe incarne.
— — — A. 5-8. Quelques variantes orthographiques dans les noms propres; omis-
sion faulive de quelques tribus, notamment dans n*. — I σφραγισμένοι (corrige en — ναι,
— νων rec. Κ, al.), ne se trouve, contre la Vulgate, qu'au commencement et a la fin de
I'enumeration. —A la place de Γάδ, on lit Λάν seulement dans α 111-9-325, α 107-13-42,
α 115-130-1854; Dan a la place de Manasse dans boh.; partout ailleurs manque le nom
de cette tribu. Spitta et d'autres ont suppose, assez arbitrarrement, que Dan aurait
d'abord figure au v. 6 c, et qu'un scribe, par erreur, aurait ecrit Μάν, qu'on aurait pris
ensuite pour une abreviation de Manasse (celui-ci serait compris, avec Ephraim qui
n'est pas nomme explicitement, dans la tribu de Joseph); mais la confusion de A et de
Μ n'est pas si facile, et d'ailleurs le nom de Dan etait trop conuu.
C. 5-8. Theoriquement du moins, au i«'• siecle, le peuple d'Israel etait cense forme
encore de doiize tribus (Volz, p. 311). Si Dan est omis, ce n'est done pas pour la seule
raison que cette tribu aurait ete eteinlc (contre dc Weiie, DUsierdieck). Une forte tra-
dition exegetique, suivie de presque tous les anciens et de presque tous les modernes,
juge cette omission intentionnelle : Dan ne serait pas nomme, parce que c'est une
94 AI'OCALYPSE DE SAINT JEAN.
των έσ^ραγ'.σμένων εκατόν τεσσαράκοντα τέσσαρες χιλ',άϊες *έσφραγισμ-ένο'. έκ ιζοίστ,ς
φυλ•ϊ5ς *υιών 'Ισραήλ. 5 έκ *ο'^\•ης Ί:ύ3α δώ3εκα χιλιάδες έσφραγ'-σ'Αενοι, έκ ουλί^ς
'Ρουβήν δώδεκα χιλιάδες*, έκ o'Slt^c, Γάδ δώδεκα χιλιάδες' 6 έκ φυλής Άσήρ
δώδεκα χιλιάδες, έκ οχΐ^κτ^ς Νεφθαλείμ δώδεκα χιλιάδες, έκ ουλής Μανασση δώδεκα
χιλιάδες, 7. έκ φυλής Συ;Λεών δώδεκα χιλιάδες, έκ φυλής Λευει δώδεκα χιλιάδες,
έκ φυλής '113^7.-/7.^ δοίδεκα χιλιάδες, 8 έκ φυλής Ζαβουλών δοίδεκα χιλιάδες, έκ
φυλής Ίο^σήφ δο^δεκα χιλιάδες, έκ φυλής Βενια;ΛεΙν δο)δεκα χιλιάδες έσφράγισμένοι.
tribu reprouvee, comme devant donuer naissance a I'Antechrist. Cette idee est due
peut-^tre a une interpretation de Gen. xlix, 17 (Dan compare a un serpent, a una
vipere), ou au recit des mefaits de cette tribu au temps des Juges {Jud. xviii). Toujours
est-il que, dans le Testament de Dan, 5, una alliance semble etre predite antra Dan at
Beliar, et que dans le Talmud, tr. Schabbaih, 66, Dan a son nom associe aux ideas
d'idolatrie et d'apostasie (v. Boussel, Antechr. p. 112-suiv. et Sivete, ad loc). Irenee
(v, 30, 2) donne sous une forme plus precise cette tradition : « Jeremie.. . a manifaste
la tribu d'ou viendra I'Antechrist (Jer. viii, 16 — • Irenee n'a pas vu qu'il ne s'agit la
que de la position geographique de Dan)... at c'est pourquoi cetta tribu n'est pas
comptee dans I'Apocalypse avec celles qui sont sauveas. » Meme interpretation chez
Hippolyte [Antechr. 14), And., Aret/ias, Bede, etc. Notons pourtant qua ca serait trop
dire : UAntechrist dut-il sortir de Dan, ce ne sarait pas une raison pour qu'il n'y eut
un certain nombra de Danitas converlis et sauves. II est possible : a) ou bien que catta
omission soit accidentella : Jean, qui a distingue Manasse de Joseph, aurait sacrifie
au hasard un des autres noms, pour faire exactement douze, an consarvant le nom de
Levi, auquel il tenait; et alors I'opinion exegetique chrelienna, dont la premier
temoin est Irenee, et qui est beaucoup plus claire que les passages juifs indiques, ne
serait fondee qua sur cette omission; b) ou bien cetta opinion, ou quelque autre sam-
blable defavorable a Dan existait deja au ler siecla, et, a cause de cetta croyanca, pour
une raison de symbolisme traditionnel, Jean eut evite de le nommer. Ca pourrait otra
uu sigue qu'il a utilise ici una source juiva. Mais il ne faut pas an tirer trop da conse-
quences; car I'attente d'un Antechrist personnel lui parait, dans tout la livre, absolu-
mant etrangere.
II faut ramarquer an outre qua Joseph est nomme a la place de son fils Ephra'im;
I'enumeration, dont I'ordre ne coincide pas avac celui das listes de ΓΑ. T., est faite
suivant un arrangement qui pent etre suggere en partie par I'ordre de naissance des
patriarclies, en partie par la situation geographique des tribus, a partir du Nord, — la
tribu de Juda, celle du Christ, etant cependant placee en tete (cfr. Sivete, ad loc).
β. Jean voit le sort spiriluel de tons les elus, en celle i<ie el dans I'autre (vii, 9-17).
Int. — Jean vient iii'entendre que beaucoup de ses freres de race seront sauves;
maintenant illes \Q\i, nan pas seals, mais perdus dans la foule innonibrable des elus,
oil il n'y a plus de distinction de Juifs et de gentils ; peut-etre celle foule est-elle
concue comme la posterite spirituelle d'Abraliam (Swete), a cause du lien des deux
scenes. La page qui va suivreest une des plus belles du Nouveau Testament; elle ogale
les Lettres aux sept eglises, et soutient la comparaison avec le IV^ Evangile, dont elle
a beaucoup de traits; deja elle fait presager les radieuses descriptions des ch. XXI-
XXII. Cette scene a inspire des oeuvres dart admirables comme I « Adoration de
lAgneau » des van Eyck, et elle reste une de celles que le cfiretien ne saurait se
lasser de relire et de niediter, dans les peines et les anxietes d'ici-bas.
Volter, Vischer, Plleiderer, Schmidt, attribuent 'J-17 a un auteur secondairc ou a un
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 95
le nombre des marques dii sceau : cent quaraate-quatre niilliers marques
du sceau, de toute tribu des iils d'Israel : 5 de la tribu de Juda, douze
milliers marques du sceau, de la tribu de Ruben douze niilliers, de la
tribu de Gad douze milliers, 6. de la tribu d'Aser douze milliers, de la
tribu de Nephthali douze milliers, de la tribu de Manasse douze milliers,
7. de la tribu de Simeon douze milliers, de la tribu de Levi douze mil-
liers, de la tribu d'Issachar douze milliers, 8. de la tribu de Zabulon
douze milliers, de la tribu de Joseph douze milliers, de la tribu de Benjamin
douze milliers marques du sceau.
redacteur, conune une interpolation purement chreiienne faite dans un ecril juif ou
judeo-cJivelicn; ΛΥογΙαιιά, par centre, considere ces versets comme Juifs [source N), et
en suppriine la mention dc I'Agneau, li c, tandis (/«'Erbes separe 9-12 de 13-11 et
ecartc tons les elements juifs de ce cliapitre. Spitta rattache ces i'ersets a son Apoca-
lypse primitice chretienne, comme continuation du ch. VI, et, les combinant avec VIII,
1 et quelques passages de XXI-XXII, ily voit la conclusion de cette Apocalypse. Toules
ces repartitions, possibles in abstracto, se lieurtent malheureasement au pro fond carac-
tere d'unite que revele I'analyse e.vacte et minutieuse du livre; elles montrent seulement
que loeuvre de Jean est assez ric/ie de materiaux pour qu'on put y trouver la niaticre
de plusieurs Apocalypses moins completes. La pensee y est d'une ampleur et d'une
complexite d'aspects a troubler beaucoup les amateurs d'uni/ateralisme. — Joh. Weiss
i'oit a I'oeuvre, a travers tout le chapitre, la double main de Jean et de son « editeur ».
C'est une suite de sa fausse conception exegetique. — De fait, comme Bousset la deja
observe, la tournure generale de la langue et du style, et certaines expressions carac-
teristiques ([χετα ταΰτα εΐ3ον (/.α\ ιδού). — ΙπΙ παν δένδρον, — εκραξεν φωνϊ) μεγάλη, — οϊς
εδόθη αύτοΐί, δν αριΟμησαι αυτόν, — η/.ουσα τόν αριθμόν, — /ιλιάδες έσφραγισμενοί, — εθνου; χαΐ
φυλών κτλ, — εατωτίς... περιβεβλημένους, — les doxologies a sept membres, — les vete-
ments blancs, — καθ. ίπ\ τω θρο'νω, — κΰκλω του θρο'νου, — έπεσαν Ινώπιον του θρ. etc.), ratta-
chent, soil les deux morceaux du ch. VII entre eux, soit le chapitre tout entier aux
precedents et au corps du livre. A part les « etats construits »(?) de VII, 1-8, il n'y a,
dans la syntaxe ni dans la construction, aucune particularite qui decele une source
transcrite, nicine pour cette premiere pericope (v. supra).
A. 9. μετά ταΰτα εΐδον, stereot. — Au lieu de είδον καΙ... πολύς, on lit είδον δ/λον πολύν A,
boh., lat., syr?'''; ιδού omis N». — αυτόν, « hebra'isme » (Ιλτ. c. x, § II) omis A7id, rcc. A".,
δν change en και dans A. — Remarquer les changements de nombre a φυλών κτλ. —
Ιστώτες, accord ad sensuni (έστωτας rec. K, al; έστώτων o'-G-04, α 1573-38-2020, Orig.)
coordonne avec Taccus. περιβεβλημένους (-vot n<=, a^-P-OSS, al. Bed. Orig. Vict. Vulg.)
et plus loin le nomin. φοίνικες (-κας κ, rec. Κ. Orig. Arethas) : Int. c. x, § II. Ces fluc-
tuations entre Taccusatif et le nominatif, meles dans plusieurs mms., s'expliquent sans
doute par I'hesitation de la tradition textuelle entre εΐδον et ιδού.
Β. 9. εκ παντός έθνους κτλ, formule usuelle, ν, 9; xi, 9; χιιι, 7; χιν, 6; χνιι, 15, c'est-a-
dire dans presque toutes les parties, signe d'unite de main (Int. ch. x, § III). —
« robes blanches » cfr. vi, 11; in, 4-5, etc. — φοίνικες, cfr. ZeV. xxiii, 42; II Esd.
xvni (vui), 15; II Mace, x, 7; I Mace, xiii, 51; surtout Joh. xii, 13. — Pour tout le
morceau, cfr. xxi et xxii, les descriptions du bonheur celeste.
C. 9. La formule μετά ταΰτα (τούτο) εΤδον (ιδού) annonce toujours I'apparition d'une
nouvelle scene ou de nouveaux personnagos, mais pas necessairement un « acte >>
nouveau (cfr. xii, 3 και ώφθη άλλο σημεϊον). Ici, par example, la pericope qui commence
est etroitemont liee, non seulement aux chapilres iv-vi, par I'ldentite de lieu et de
96 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
C. vii, 9. Μετά ταΟτα είοον, *κχΙ Icob όχλος 7:ολύς, *ον άριθμησαι *αΰτον ojcuq
έούνατο, εκ τταντ^ς έθνους καΐ *φυλών και λαών κα\ γλωσσών, *έστώτες ενώτ'.ον του
θρόνου καΐ ένώττιον του αρνιού, *7;εριβεβλημένους στολας λευκάς, καΐ *9θ{ν'.κες έν
ταΐς χερσίν αυτών" 10. Και *κράζουσιν φοινη μεγάλτ, λέγοντες* Ή σωτηρία τώ θεώ
ημών τώ καθ-^με'νω *έτι τώ Ορόνω και τω άρνίω. 11. Και -άντες οί άγγελοι *εξστή-
κεισαν *κΰκλω του θρόνου και τών πρεσβυτέρων και τών τεσσάρων ζώων, και *ε7:εσαν
ενώπιον του θρόνου έπί τά τζρόσίύ-ζα αυτών, και προσεκΰνησαν τώ θεώ, 12. λέγοντες"
'Αμήν, ή ευλογία και ή δόξα και ή σοφία και ή ευχαριστία και ή τψ,ή και ή ουναμις
και ή Ισχυς τώ θεώ ημών εις τους αιώνας τών α'.ώνο)ν' αμήν 13. Και *άπεκρίθη εις έκ
decor, mais encore au morceau vii, 1-8. Cette « foule nombreuse », que Jean voit
apparaitre, s'oppose aux 144.000 Juifs dont il vient d'entendre parler; ceux-ci pou-
vaient encore se denombrer, tandis que personne, fut-ce un Ange, ne s'avisera de
chiffrer cette multitude totale des elus — car c'est ainsi qu'il faut entendre cette foule,
d'apres le v. 14, v. ad loc. — Les « palmes « la caracterisent comme un cortege
triomphal, et rappellent la solennite des Tabernacles {Levitique), ou les celebrations
de victoires dont paa^lent les livres des Macchabees, ou mieux encore les palmes
qu'on agita devant Jesus lors de son entree a Jerusalem, quand il fut acclame Messie
(Joh. XII, 13). Ce dernier rapprochement est meme bien seduisant, si nous sommes
obliges de croire, avec Joh. Weiss, que la grande foule est representee en mouvement
(ερχόμενοι, v. 14), en defile processionnel. Les vetements blancs confirment cette idee
de triomphe (v. Exc. xii). Mais quelles sont cette victoire et ces victorieux? Pour
Tertullien (Scorpiace, 12), ce sont les A'ainqueurs de I'Antechrist; pour Andre, etc.,
aujourd'hui Bousset, Calmes, Joh. Weiss, les martyrs, deja recompenses, du temps
futur ou la persecution aura pris un caractere universel. Joh. Weiss croit bien que,
pour le premier auteur, c'etaient les Chretiens de lagentilite, distfncts des 144.000 Juifs,
qui, sur la terre meme, s'avan^aient en cortege au-devant de leur Roi celeste; mais
Γ « editeur » aurait change le sens de la scene, et, a cause du blanc et des palmes,
il eut compris la foule des martyrs glorifies au ciel; c'est par megarde qu'il aurait
laisse subsister le v. 14, qui combat cette restriction aux martyrs. II aurait done
modifie dans ce sens, d'apres le modele de xxi, 3-suiv. et xxii, 4-suiv. (Jerusalem
celeste), la conception et le tableau de Jean d'Asie; il aurait represente les martyrs,
et eux seuls, comme admis des I'heure de leur mort en presence de Dieu, pour lui
servir de pretres au ciel. Mais cette theorie est completement artificielle, et repose
uniquement sur la fausse interpretation, que Joh. Weiss prete a Γ « editeur », des
symboles de « robes blanches » et de « victoire ».
Que faut-il done admeltre? II est exact que les « vέtements blancs » ne designaient
pas le martyre originairement (Exc. xii). lis ont les deux sens de « purete » et de
'< victoire », — de victoire en general sur le monde, avec ou sans martyre, et ce sont
deux aspects que Ton ne saurait separer. Quant aux « palmes », elles sont devenues
plus tard, il est vrai, I'embleme iconographique du martyre ; mais rien n'indique
que leur signification ait ete si restreinte a cette epoque primitive. Inutile de citer
tous les passages d'auteurs profanes qui en etablissent le sens inconteste : c'est
toujours la joie de la victoire, le triomphe a I'arrivee d'un general, d'un roi, ou,
dans I'Evangile, de Jesus reqn comme Messie. Le mot σ•*.ψο)αει du v. 15 est peut-etre
une allusion a la fete des Tabernacles dont le symbolisme dominerait toute cette
scene ; ou bien encore a la « Schekinah » : pc = σκϊ)νόυν. Mais pourquoi se passe-t-elle
au ciel, quand ce qui I'a precedee, I'impression du sceau, a du se faire sur la terre?
Cette localisation n'est encore qu'un symbole, I'explication des versets suivants va
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 97
C. VII. 9. Apres ces clioses je vis; et voici une foule nombreuse, que
pcrsonne ne pouvait compter, de toute nation, et de [toutes] tribus, peupies
et langues, se tenant debout en face du trone et en face de TAg-neau,
enveloppes de robes blanches, et des palmes dans leurs mains. 10. Et ils
crient d'uiie graade voix, disant : « Le salut [est, ou revienne] k notre
Dieu, qui est assis sur le trone, et a I'Agneau! ». 11. Et tons les Anges se
tenaient debout autour du trone, et des Vieillards et des Quatre Animaux,
et ils tomberent en face du trone sur leurs visages, et ils se prosternerent
devant Dieu, 12. disant : « Amen! La benέdiction, la gloire, la sagesse,
Faction de graces, I'honneur, la puissance et la force k notre Dieu, dans
les siecles des siecles! Amen ». 13. Et I'un des Vieillards prit la parole.
I'etablir. Saint Jean represente sous la forme d'une procession continue vers le ciel
(Ιρχόμενοι), et d'une liturgie celebree au ciel (λατρεύουσιν, v. 15), la vie des elus qui,
au milieu des calamites exterieures, marchent a la recompense eternelle, et dont
I'ame, en quelque sorte, est deja etablie au ciel, grace aux arrhes de la joie et du
triomphe qu'elle possede, pour y louer Dieu en compagnie des Bienheureux. Deja
saint Paul disait aux Philippiens : « Notre vie de citoyens est au ciel » {PJiil. iii, 20).
Swete dit avec une parfaite justesse : « Life before the throne of God is life wherever
spent, if it is dominated by a joyous consciousness of the Divine presence and glory ».
Les derniers versets decriront leur sort futur, dans la beatitude consommee, apres
la mort et le jugement (15c-17). La meme conception se retrouvera aux chapitre,s
XIV, XV, et XX ; elle transparaissait deja dans les Lettres. II y a deux ideas, en relation
etroite d'ailleurs I'une avec I'autre, mais non dualite de mains.
A. B. 10. Pour κράζουσιν, present qui repond bien au caractere actuel, intem-
porel (timeless, Stseie), de la scene, on lit Ικραζον (1073, vulg., Cypr., Prim., arm.) ou
κράζοντες {And., Arethas, boh.) — Ir.l του θρ, N'=, Q, al. (ΓλΤ. ch. x, § II) — ή σωτηρία
κτλ. cfr. xii, 10; xix, 1; Ps. in, 9 : Π2;ϊΙΰ;ΐΠ mnlS.
C. 10. Ces fideles attribuent a Dieu et a I'Agneau, indivisiblement, leur salut
consomme ou en expectative. Dieu est appele « Sauveur » par saint Paul, Tim. alibi);
ce n'est pas I'empereur, dit Swete, qui merite le nom de Σ^οττ^ρ qui lui donnait alors
la flatterie. Gette exclamation se rapproche de Γ « Hosannah » de Joh. xii, 13, ce
qui confirme assez notre exegese. Origene (Sch. xxxiii) a tres bien vu qu'il ne s'agit
pas ici des seuls martyrs; cette foule est sortie de la Ql^i; μεγάλη « par le martyr
et la confession », mais δη'λον 8τι κα\ τών άλλων περιστάσεο^ν των δίά Χριστόν, ας Ιπάγουσιν
τοΓς Ίησοΰ μαΘηταΐς οί πονηροί ανθρο^οί τε καί δχίμονες. Gar tous ceux qui suivent JesuS
ont a souffrir la persecution (saint Paul, II Tim. in, 12) et a en sortir vainqueurs.
■^— ^ A. B. G. 11. Κύκλοι του θρ. cfr. IV, 6. — επεσον pour έπεσαν, comme ν, 8; έπεσαν
κτλ, cfr. IV, 10; χι, 16. « Voyez, dit Andre, il se fait une unique eglise des Anges et
des hommes ».
A. B. C. 12. καΐ ή aocaia maaque dans A, mais ces mots sont certainement
authentiques, car la doxologie est encore septuple. Les termes, sans raison apparente,
different un peu de ceux de toutes les autres; mais ils se retrouvent un a un dans•
diverses doxologies bibliques. — <ii-i-^'>, comme i, 7; v, 14; xix, \. — L'armee des Anges
celeb re la Redemption.
— — — A. B. C. 13. άποκρίνεσθαι, au sens de « prendi'e la parole » (njy) est employe
dans les LXX et dans les Evangiles. Dans cette question (cfr. IV Esd. u, 44, et
modeles dans Zac/i. iv, 2, 5) il ne faut voir aucun symbolisme special; mais elle sert
APOC.'VLYPSE DE SAINT .ΙΕΛΝ. 7
98 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
των ■ττρεσβυτέρων λέγων μοΓ Ou-ci οί ττεριβεβλ-ι^μένο'. τας ατολας τας λευ/.ας τίνες
είσΐν και πόθεν ήλθον ; 14. Και *ειρη•/.α αυτώ" Κύριε μ,ου, συ οιίας. Και ειχέν μοι*
Ουτο( είσιν ct *έρ-/6μενοι ε/, της θλί'^εως της μεγάλης, και έπλυναν τας στολας αυτών
χαι έλεύκαναν αΰτας εν τω αι'ματι τοΰ άρνίου. 15. Δια τουτό *ε'.σιν ενο^πιον του θρόνου
του θεοΐ3, καΐ *λατρε•ύουσιν αΰτω ήμ.έρας και νυκτός εν τω ναω αυτοΰ, και ό καθήμενος
έπΙ του θρόνου *σκηνο)σει έπ' αυτούς. 16. Οΰ πεινάσουσιν *ετι οϋοέ οιψήσουσιν *ετι.
*ούδέ μη ζέση έπ' αϋτοΰς δ ήλιος *οϋοέ παν *καΰμα, 17. 'ότι το άρνίον το *άνά μέσον
του θρόνου *ποιμανεΐ αυτούς και *όδηγήσει αϋτοΰς επί ζωής πηγας ΰδάτο)ν και εξαλεί-
ψει ό θεός παν δάκρυον εκ των οφθαλμών αΰτων.
a dramatiser le recit, et a montrer I'inleret que les plus hautes creatures angeliques
portent a riiumanite rachetee.
•^—-^ A. B. 14. £ipr,xa {rec. K., al. εΤπον) est authentique et employe intention-
nellement, pour rendre la scene plus presente : « Et [alors] je lui ai dit.. » (Boussei,
Sivete. Int, c. x, § III) — άπό pour έκ (Λ) — ή 6Xr|i? ή αεγάλη, cfr. ιι, 22 Mat. χχΐν, 21,
et parall., et pour le sens, θλΐ"ψις de i, 9, et πειρασμός de vii, 10. — « le sang de I'A-
gneau », cfr. xn, 1. — Bien uoter que έρ/όμενοι est au present, et que, si I'auteur avait
voulu parler d'une arrivee qui ne fut pas continuee sous ses yeux, il aurait ecrit
έλθο'ντες ; car il use volontiers du participe aoriste.
C. 14. Puisque saint Jean appelle ce Vieillard « κύρ'.Ξ », c'est quil n'est pas un
simple representant de I'Eglise terrestre (v. au c. iv). — On entend generalement,
a cause de Mat., la « Grande Tribulation » des dernieres persecutions, du temps de
I'Antechrist, etc. Passe, pourvu qu'on se souvienne que les « novissima tempora »,
ainsi que Taction de I'Antechrist, coincident avec toute la vie de I'Eglise (Int. c. viii-
IX, et comment, de xxi-xxii). Geux qui « en viennent » — ce participe present est
tres significatif! — sont, pour la plupart des commentateurs, des martyrs. [Bousset,
Calmes, Joh. Weiss pour Γ « editeur », etc.). Mais Holtzmann a fort bien vu que les
termes memes de ce verset etendent la signification a tous les pecheurs convertis;
et Beatus avait deja tranche peremptoirement la question : « Non, ut aliqui putant,
martyres soli sunt, sed omnis ecclesia; non enim » in sanguine suo « lavari dixit, sed
in sanguine Agni » (cite par S^fete; cfr. Orig. supra). Si, xii, 11, la victoire des
martyrs est attribuee au sang de I'Agneau, c'est que la raort de Jesus est la cause
de leur Constance comme de tout autre acte de vertu surnaturelle; il ne faut jamais
restreindre le sens d'expressions si generates quand le contexte n'y oblige pas, ce qui
n'est point le cas ici.
— — A. B. 15. Remarquer soigneusement les presents εϊσιν, λχτρεύουσιν, qui se
lisent partout, et sont partout suivis du futur σ/.ψώσει (γινώσκει, seulement a). —
λατρεύουσιν, cfr. xxii, 3; pour I'idee, i, 6; v, 10; xx, 6. — σκηνοΰν rend I'heb. pu; dans
les LXX; c'est un mot exclusivement johannique dans le N. T. Jo/i. i, 14; Apoc.,
encore xn, 12; xiii, 6; xxi, 3; d'apres xii et xin, il ne pent signifier une habitation
temporaire (vid. ad loc). — « Nuit et jour », comme les Animaux, iv, 8.
C. 15. La felicite de cette foule revet une forme liturgique, dont le modele, observe
Holtzmann, pourrait ^tre le service du Temple (εν τω νάω) ού residait la « Schekinah » :
de la le mot σκηνώσει, pour signifier la presence de Dieu comme au Saint des Saints,
avec allusion possible a la fete des Tabernacles [Swete). Le « temple de Dieu «.
c'est aussi, dit Andre, toute creature renouvelee par le Saint-Esprit, en laquelle Dieu
fait sa demeure. « Nuit et jour », avec ce commentateur, pourrait se prendre simple-
ment au sens figure (comme iv, 8), pour signifier que les louanges sont ininter-
rompues. Mais on pourrait observer que, dans les chapitres xxi-xxii, qui ofTrent tant
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 99
me disaiit : « Ceux-ci, qui sont enveloppes dans les robes blanches, qui
sont-ils, et d'ou sont-ils veniis? » li. Et je lui ai dit : « iMon seigneur, toi,
tu le sais ». Et il me dit : « Ceux-ci sont ceux qui viennent de la Grande
Tribulation, et ils ont lave leuis robes, et ils les ont blanchies dans ]e
saug• de I'Agneau. 15. A cause de cela, ils sont en face du trone de Dieu,
et ils lui rerident leur culte de jour et de nuit dans son temple, et Celui
qui est assis sur le trone etendra sa tente sur eux. 16. Ils n'auront plus
faim et ils n'auront plus soif, et jamais ne tombera sur eux le soleil ni
aucune ardeur brulante, 17. parce que FAgneau qui est au milieu du trone
sera leur berger, et les g'uidera vers les sources des eaux de la vie; et
Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ».
d'analogies avec ce morceau, 11 est dit formellement qu'il n'y a plus de temple (xxi, 22\
ni de nuit (xxi, 25; xxii, 5). N'y aurait-il done pas la un contraste voulu avec la scene
presente? G'est que la ils'agitde la vue future, ici de la « vie eternelle », comme
dirait le 4« Evangile, de la vie surnaturelle sans distinction de ses deux phases de
grace et de gloire. Quand tout sera consomme, il n'y aura plus lieu a intercession,
plus d'autel, plus de sacrifice, plus d'alternance de lumiere et d'ombre, tandis que
dans I'etat present de la vie sanctifiee, que figurent cette procession et cette liturgie,
la priere des Anges et des bienheureux deja couronnes se fond, pour ainsi dire, avec
celles de la terre, ou le jour et la nuit se combattent.
A la fin du verset, les verbes passent au futur, pour y demeurer, dans tous les
meilleurs temoins. « The vision becomes a prediction » {Swete). Cela n'indique pas,
comme le pretend Cabnes, que tout le tableau regarde I'avenir; mais le changement
est inlentionn.el, et tres significatif (Int. c. x, § III). Les verbes au present se rap-
portent a I'etat inlerieur des fideles, commence des ici-bas; le passage au futur,
accentue encore par les deux ο•3... ϊτι du verset suivant, montre que la vision du
bonheur intime actuel s'epanouit en une prophetie de la vie bienheureuse dont jouiront
les elus, apres la mort et le jugement; il y a succession ou melange, comme ailleurs,
des α εΐσίν avec les α [μέλλει γίνειθα•. μετά ταύτα.
— ^ Α. Β. C. 16. ετι^ omis Χ, quelques And., af., vnlg.,syr., δο//.; ετ-.- dans
quelques mss. grecs differents des precedents, g, boh; ainsi la boha'irique seule omet
les deux. — καυαα, synonyme de καύσων, nom du sirocco. La nature des biens promis,
opposes a la famine, a la soif, a la secheresse du desert, eveille des reminiscences
de I'Exode {Joh. Weiss). Le style est tout a fait « johannique », comme au verset
suiA^aijit; Joh. iv, 14; vi, 35; vii, 37; et Ps. xxni, 2; Is. xxv, 8; xlix, 10. Le double ε'τι,
avec les futurs, montre assez qu'il s'agit de I'avenir : « Et [alors] ils n'auront plus
faim, etc. ».
■■ A. 17. ποιμαίνει pour ποιμανεί", et όδηγεϊ pour δδηγτ|σει rec. Κ (sauf Q), quelques
And., Grig.; mais tous ont le futur Ιξαλείψει (εξελεΐ, qqs. And). — άνχ με'σον veut dire
ici, non pas « entre », sens habituel, mais « au milieu de », comme έν μέσο).
Β, C. 17. ποιαανεΓ, cfr. Joh. χ, 4, et Apoc. xiv, 4, pour le sens, quoiqu'il s'agisse
lade la vie spirituelle sur terrc; mais, comme dit Swete, « the Divine shepherding
and guidance of men belongs to the future as well as to the present life, and in the
future only meets with a full response >>. Le litre de « pasteur » etait donne a Jahweh
Ps. XXII (xxiii), 1-suiv., Ps. lxxix (lxxx), 1; Is. xl, 11; Ezech. xxxiv, 23. La meme
image s'applique ailleurs au Messie, ii, 25; xii, 5; xix, 15, mais dans un tout autre
sens, inspire du Ps. ii, 9, celui de la domination sur ses ennemis. — « Et Dieu
essuiera toute larme de leurs yeux », assurement dans la seule vie future, cfr. Is.
100 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
XXV, 8. Ces figures si douccs et si penetrantes reparaitront dans les deux derniers
cliapitres. G'est une image hardie et admirable, que celle de 1' « Agneau » qui deA'ient
« berger >'. L'Agaeau est un berger-roi, il a pris possession du trone de Dieu (ivi
μ.εσον τοΰ Op.), ce qui etait deja suppose par les doxologies du ch. v. — Les « eaux
de la vie » (grace et gloire, habitation du Saint-Esprit) sont une image babylonienne,
egyptienne, et egalement bibliqiie; Dieu est « la fontaine de vie )> Ps. xxxv (xxxvi),
10; elle est surtout johannique, Joh. iv, 10, 12, 14; vii, 38 et suiv., Apoc. x\i, 6; xxii,
1, 17.
5° Rupture du 7^ et dernier sceau (viii, 1).
Im. — Le Ih're se trouvant desormais oui>ert. I'execution de ses decrets va pouvoir
commencer en detail. Aucun critique ne separe ce verset du corps des chap. VI et VII;
mats Spitta le place avant VII, 9-S'iii>. qui coimncnce pour lui la description du bon-
heur celeste, fin dune apocalypse.
C. ΛΠΙΙ. 1. Κα• *ίτε ήνο'-ςεν τήν σ^ρχγίιχ τήν έβοόμην, έγίνετο σιγή έν τω ςυρανω
ως *r,;j.iojpcv,
«
C. νπί. 1. Et lorsqu'il eut ouvert le septieme sceau, il se fit un silence
au ciel comme [d' une demi-heure.
A-B 1. — 0T£ de x, Q, P, Orig. And., Aretlias, tous les minuscules, est a preferer,
avec Bousset, a όταν de A, G (Tisc/i., W-H, Nestle, Soden), parce que όταν, dans
VApoc, gouverne regulierement le subjonctif. — ή;χ;ώρον, hap. leg. (Ιχτ. c. x, § I)
dans A, G, est admis de Tisch. W-H, Nestle, Swete; ailleurs, ή,αιώρ-.ον, forme correcte,
mais peut-έtre corrigee. — On peut comparer, si Ton veut, avec Bousset. le silence
de Daniel apres le songe de Nabuchodonosor [Dan. iv, βώραν μιίαν Theodotion).
C. 1. Ce silence impressionnant marque I'attente anxieuse des creatures les plus
hautes et les plus spirituelles, pendant que le Livre des destinees, maintenant descelle,
se deroule. Get effet dramatique ne se juge bien que si Ton admet la theorie de Zalin
(Supra, Exc. xvii). II ne faut done pas voir dans ce silence I'incertitude du Deuxieme
Avenement, non plus qu'un bref intervalle -de repos pour I'Eglise apres I'Antechrist
[And., Bede, Albert, medievaux), ou le commencement de I'eternite, avec Vict, et de
vieux auteurs qui appliquaient ici la « recapitulation ». L'ouverture du 7« sceau n'a
rien termine; au contraire, elle donne au jugement la faculte de commencer. G'est
pourquoi elle n'est pas suivie d'une vision propre, comme les precedentes : o'est tout
I'ensemble de I'Apocalypse, et d'abord les catamites des trompettes, qui va sortir en
quelque sorte de ce dernier sceau rompu. II ne faut pas dire ici que « notre attente
est degue », si notre attente est eclairee par une exacte conception du plan de I'auteur.
Β. VISIONS DBS SEPT TROMPETTES
viii, 2-xi, 18.
Ikt. — Desormais Jean, d'line maniere prophetique, va voir s'executer effectivement
Ics decrets du Livre scelle sur I'ensemble de I'Univers, mais principalement sur le
nionde ennemi de Dieu. Λα point oil nous en sommes, Ics agents divins, sous la double
forme de cavaliers ranges devant le Trone, ou d'une nieute de vents tenus en laisse
par des Anges, demeurent encore immobiles, dans Vattente, et, pour ainsi dire, sous
pression. Mais le Livre est deroule, les decrets en deviennent executoires, et le signal
va leur etre donne de selancer sur leur champ de carnage, par Sept Trompettes dont
la derniere sonne la fin du monde. Quand les fieaux s'clanceront, ils auront change
de forme symbolique ; il ne sera plus question de chevaux ni de vents, mais de signes
cosmiques, de chutes d'etoiles [P^-i^ trompettes), de sauterelles fantastiques (5<= trom-
pette), dune armee diabolique de deux cents millions de cavaliers [6^ trompette);
transformations moins etranges pour I'imagination orientate que pour notre gout
d'Europcens logiques. Dans les visions de Jean, ces diverses figures se remplacent
comme des mots synonymes dans une phrase; le proccde pent s'etudier sur le vif,
dans I'exemple typique du chapitre XIV, lS-20'- (v. ad loc).
On pent relever dans la vision des Trompettes assez de traits pour ctablir I'iden-
tite fonciere des fieaux decrits la avec ceux que le Prophete avait vus se preparer au
del. Si les calamites des 4 premieres trompettes rappellent d'abord les plaies d'Egypte,
cependant a la P^{VIII, 7), la destruction des vegetaux fait naturellement penser a la
famine qui doit s'ensuivre {3'^ cavalier). I^es eaux changees en absinthe, a la 3°,
qui font mourir les hommes par leur amertume, ne sont pas sans rapport avec le
i^ cavalier, /'Epidemie {VIII, 10-11). Les bouleversements cosmiques de la 4^ quils
soient a prendre au sens propre ou figure {VIII, 12), rappellent tout a fait ceux
du 6° sceau. A la 5^ I'invasion des sauterelles sortant, sous la conduite de I'Ange
Abaddon, de lAbinie = I Enfer, {IX, 1-11), pourrait expliquer partiellement pourquoi
I' « Hades » a paru avec les Cavaliers. Enfin le carnage de la Cavalerie a la
6'^ trompette realise horriblement la vision du Cavalier au cheval rouge. Pour la
?e trompette, la mer changee en sang, v. ad loc. D'autre part, le ch. XI representera la
conversion des peuples, autrement dit les victoires salutaires du Cavalier au cheval blanc.
Mais, siiivant le procede ordinaire {cfr. ch. VII, 1-3, plus bos VIII, 13, X, etc.)
une vision angelique vient encore s'intercaler entre les deux sections qui se joignent
ici, comme pour faire la transition cntre la Vision des Sceaux et celle des Trom-
pettes; ou bien c'est un prelude aux Trompettes, comme XV, 5-XVI, 1 aux Coupes.
1" Les Anges aux trompettes et I'Ange a VEncensoir; derniere preparation
au chdliment du monde (viii, 2-6).
Ιλτ. — Pour Volter, Weyland, Erbes, Bruston, et pour Job. ^^'eίss aussi {excepte
VIII, '2; 5b-12, qui seraient de Γ « editeur »; cfr. Charles, infra), les deux chapitres
VIII-IX se rattachent (sauf, aux yeux de Vun ou de I'autre, quelques rarcs inter-
polations, notamment le v. 12 de VIII), au corps des chapitres precedents (Jean-Marc
de Volter; Ν de Weyland; « Apoc. de 62 » d'Erbes; « le disciple » de Bruston; Jean
de Joh. Weiss). Mais Spitta fait commencer ici son J* [sous Caligula), Briggs veut
y voir une apocalypse anciennement dctachee, et Schmidt, jusqu'a XI, 15, un des
trois grands morceaux de sa compilation ; la constatation generale de l unite de langue
suffit a ecarler ccs dernieres theories.
102 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
C. VIII. 2. Kx'i ε1$ον τους έτττα αγγίλνυς οΐ έν<')7:',:ν του Οεοΰ έστήκασιν, και
*έΒίΟ•ί;σαν αϋτοίς έζτα σάλττιγγες.
3. Κα; άλλος άγγελος ήλΟεν καΓ έστάΟν; έζΐ ^ου θυσιαστηρίου, έ'/ο^ν *λ'.βανωτον
χρυσοΰν. κα'. έοόΟη αϋτω θυμιάματα τολλά, ϊνα *οο')σε', *ταΤς ττροσευχαΐς των αγίων
τάντων έ-Ί *το θυσιαστήριον το χρυσοΰν το ένώττ'.ον του θρόνου. 4. ΚαΙ άνέβη β κα-νος
των θυμιαμάτων *ταΤς ττροσευχαΐς των άγ(ων έκ χειρός του αγγέλου ένώττιον του θεού.
5. Και *ε•λ•^Φεν ο ά'γγελος τον λιβανωτόν, και έγέμ',σεν αΰτον έκ του -ττυρος του
θυσιαστηρίου, κα\ εβαλεν ε'.ς τήν γην. Κα'; έγένοντο βρονται και φωναι και άστρα-αΐ
και σεισμός.
6. Κα'ι οί έ-τά άγγελοι οί έχοντες τάς επτά σάλ-ιγγας ήτοι'μ.ασαν αυτούς ίνα
σαλττίσωσιν.
Α-Β. 2. τους επτά ou τους omis dans tres peu de mss. (Av 20-r l-l•', al.) — εδόθη, A, al,
« construction pindarique « pour εδόθησαν. — A ces « 7 Anges » cfr. Tobie xn, 15 :
« les sept Anges qui marchent devant la face du Saint » ; les Archanges au nombre de
sept : Hen. etii. xx, xc, Test. Levi viii, rabbins ; ou de six : Hermas Vis. in, 4 Targ, Ps.
Jon. a Deut. xxxiv, 6, rabbins; ou de quatre : Hen. eth., (Parab.) xl, liv, lxxi; al.; ou
de trois dans Hen. si. Cfr. les « Anges de la Face » ou « de la Presence » dans les
Jubiles surtout, i, ii, xv, xxxi, puis dans Hen. eth. (Parab.), Test. etc. — Pour les
Trompettes, v. Exc. xx, infra.
C. 2. C'est une etrange meprise d'estimer que le septieme sceau n'elait la « que
pour faire norabre » ; sa rupture, en realite, permet seule de derouler le livre. II est
naturellement sous-entendu que I'Agneau le lit, et donne ses ordres en consequence
aax Anges qui sent ses agents. Geux-ci, avec leurs trompettes, donneront le signal aux
executeurs immediats des Λ-engeances, cavaliers, vents funestes, demons, ou autres
figures qui s'effacent pour que toute I'attention se concentre sur le resultat de leur
action.
Ces Anges sonl des figures connues, comme le montre I'article τους devant ϊ-τά. Ce
seniles « Anges de la Face » ou les « Anges de la Presence >>. Ce n'est pas le lieu de
discuter ici sur le rapport possible de leur nombre avec celui des AmesliasSpentas
(six, et sept, quand on compte Aliura-Mazda a leur tote); car un emprunt de forme a
une religion etrangere n'entrainerait pas un emprunt d'idees, et ne nuirait en rien a la
verite des croyances juives et chretiennes sur un ordre hierarchique des Anges
(v, Lagraxge, art. Iran dans le Diet. Apol. de d\\les). Leurs « trompettes » sont une
image eschatologique traditionnelle; elles sonnent la destruction du monde profane,
mais sont, par leur origine meme, une masique de joie et de delivrance pour les elus
(v. Exc. xx). EUes sont sept, comme le dit Andre, parce qu'elles conduisent le siecle
present a son « sabbat «, qui est le repos des saints. Aux chapp. xv-sq., il y aura de
meme sept coupes par analogie.
' A. B. 3. Forme έστάδη, cfr. vi, 17, et xii, 18 (v. ad loc.) — i-i το θ. A, al. —
ίνα δώστί, Orig., And, rec. K. (Ιχτ. c. x, § II) Bousset, Soden. — ταϊς προσευχαίς (τας πρ. :
mss. du type Andre, g; vidg. : de orationibus) est un « dativus commodi ». — λιβανωτο'ς
n'a pas ici son sens ordinaire d' « encens » ; mais d'instrument pour I'encensement
(LXX : πυρείΌν, Oubxn, θυμιατνίριον) ; il servait a transporter le feu de I'autel des holo-
causles sur I'autel des parfums ou se faisait I'oblation de I'encens; voir £'.r. xxvii, 1-7
et XXX, 1-10. — Cfr. pour Taction de cet Ange, I'intercession des Anges de la Face qui
sacrifient et ofTrent de I'encens pour les saints Test. Levi in, 5-7; encore xviii, 5; Test.
Juda, XXV, 2; intercession de I'Archange Michel, Bar. grec, xii-xiii, etc.; intercession
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
103
C. VIII. 2, Et je vis les Sept Ang'es qui sont debout en face de Dieu, et
il leur fut donne sept Trompettes.
3. Et im autre Ange Yint,et il se tint debout sur I'autel, ayant un encen-
soir en or, et il lui fut donue des parfams abondants, afin de [les] offrir
{litt. donner) pour les prieres de tons les saints sur I'autel en or qui est en
face du trone. k. Et la funiee des parfums monta avec la priere des saints
de la main de TAnge en face de Dieu. 5. Et I'Ange a pris I'encensoir; et il
le remplit du feu de I'autel, et il [le] jeta sur la terre. Et il se fit des ton-
nerres et des voix et des eclairs et un ebranlement.
6. Et les Sept Anges qui avaient les sept Trompettes se preparerent k
sonner de la trompette.
des Anges, en general, dans la Bible, 7.acli. i, 12; Tobie xii, 12; cfr. Hen. eth. ix, xv,
XL, CIV, etc. — cfr. les coupes de parfums des Vieillards, Apoc. v, 8.
G. 3. Cet Ange est-il Michel, on Γ « Ange de la Paix », comme Charles se le
demande? (Studies, pp. 158-161). Jean ne nous le dit pas, et n'a sans doute point
pense a ces precisions cheres aux apocryphes. L'important, ici, c'est la doctrine de
I'intercession des Anges pour les horames , que nous avons deja notee au cli. v. II
faut, croyons-nous, malgre les autorites de Si\'ete, de Calmes et de Charles, qui n'ad-
mettent ici qu'un seul aulel, I'autel d'or, se representer cet Ange d'abord debout sur le
large aulel des holocaustes (vi, 9), sous lequel on a vu groupees les ames des mar-
tyrs; s'il s'agissait du petit autel des parfums, I'image serait plutot bizarre [Bousset).
II n'aA'ait pas plus ete question jusqu'ici d'un autel des parfums dans le ciel, au
moins d'une maniere explicite, que d'un autel des holocaustes aΛ'ant le chapitre vi. C'est
que les chapitres iv et ν ne fournissaient encore que I'essentiel de la description : en
realite le Prophete voit au ciel tout un decor et un mobilier de temple qu'on ne soup-
Qonnait pas, avec un « Saint » ou est I'autel des parfums (que les « coupes » des Vieil-
lards presupposaient deja), et un « Saint des Saints » qui s'ouvrira plus tard (xi, 19;
XIV, 17; XV, 5-suiv.; 8; xvi, 17 v. ad loc.). Ce temple celeste est de I'Apocalyptique tra-
ditionnelle, 7>si. Levi, Hen. eth. 53, Od. Sal., Talm., Midrashim, etc. (Int. c. v, i, § III).
Peut-etre, suivant une belle idee de Charles, le silence dramatique de viii, 1, s'est-il
fait, en partie du moins, pour qu'on entende au ciel monter la priere des saints souf-
frant sur la terre, oii ils implorent la justice et appellent le Regne de Dieu, qui va se
preparer au son des trompettes. Ce sont les prieres de « tons les saints », et non seu-
lement des martyrs deja immoles de vi, 5, qui ont etc directement regues de Dieu;
mais elies tendent au meme but. Maintenant leur parfum s'exhale au contact des
charbons ardents que I'Ange a apportes du grand autel. Swete, apres Bede, pense ici
au sacrifice du Christ, qui donne I'efiicacite a nos supplications, melangees a I'inter-
cession continuelle de I'Homme-Dieu; Γ « autel d'or », pour Entire, representait le
Christ. Le martyre a ete ci-dessus considere a part, comme un sacrifice ofTert sur
I'autel des holocaustes. Mais la priere, dans la Bible, etait deja comparee au sacrifice
non sanglant de I'encens. Ps. cxli (gxl) 2 : « Que ma priere soil devant ta face comme
I'encens — etl'elevation de mes mains comme ToiTrande du soir. «
— ^ A. C. 4. ταΓς προσευ/αΓς (της προσευ/ης α 1576-150-2057, « de oralionibus » vulg.)
doit-etre ici, selon Moulton, un « datif associatif », varieto du datif instrumental :
« avec les prieres ». — C-o3-04 a ajoute apres του θεού les mots ημέρας /ιλία^ διακοσίας
Ιξτ^κοντα, ce qui est une glose, derivee duch. xi (v. ad loc.), etc., mais une glose juste,
car ces prieres montent en eflfet durant tout le temps de la grande tribulation.
' A. B. 5. και σε:σαο'ς omis chez Arethas ; nous avons traduit « ebranlement »
104 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
parce qu'il n'est pas sur que ce soil un « tremblement de terre », les voix, les ton-
nerres, etc. retenlissant surement au ciel, autour du trone. Ainsi, dans Tepopee
tremble lOlympe quand Zeus engage sa volonte. — βρονταί... φωναί.. κτλ., cfr. en tout
ou en partie, iv, δ; vi, 1; x, 3-4 (les 7 tonnerres); xi, 19; xiv, 2; xvi, 18; xix, 6, c'est-a-
dire des passages de toute la section prophetique. — Le parfait είληιρεν peut viser un
effet dramatique.
C. 5. Les versets 3-5 sont un prelude a la sonnerie des trompettes, comparable a xv,
5-8, prelude de reffusion des coupes (v. ad loc). L'ange jette, non pas I'encensoir,
mais son contenu (Holtzm.) c'est-a-dire ce qui reste de cliarbons ardents non deposes
sur I'autel d'or; il le verse sur la terre, qui revolt ainsi la derniere marque pour la
malediction. Alors les tonnerres, signe de la vengeance imminente de Dieu, rompent
subitement le silence d'une demi-heure. La justice symbolisee par ce feu va fondre
sur le monde coupable [Joh. Weiss; cfr. Mat. in, 10-11; I Cor. iii, 13; II Tliess. 1, 8;
II Pet. Ill, 12). Cast une reminiscence d'Ezec/i. x, 2, oii un Ange prend des charbons
du temple de Jerusalem pour les disperser sur la ville vouee aux calamites.
Remarquons la double action du meme ange intercesseur : le meme feu sert a
degager le parfum des prieres des saints, et a vouer la terre au chatiment. Ce sont,
observe Jo/i. Weiss, les deux grands thfemes des exposes qui vont suivre : Taction
symbolique preliminaire doit a la fois rassurer les communautes fideles et terrifier les
eunemis de Dieu et des Chretiens. II y a un lien, signifie par I'usage du meme instru-
ment, entre les deux actes de I'Ange, et les prieres des martyrs vi, 10, des hommes
marques du sceau vii, 9-17. Des exegetes anciens et modernes, a'Andro a Holtzmann,
voient en effet dans le chatiment I'eiTet des prieres des saints. Le premier note bien du
reste que leur but dernier est la conversion des pecheurs; et les saiqts eux-memes,
ajoutent-ils, desirent la souffrance pour expier leurs fautes en cette vie. S. Augustin
disait, a propos de vi, 10 : « Ipsa est sincera et plena justitiae et misericordiae vin-
dicta martyrum, ut evertatur regnum peccati Non enim contra ipsos homines, sed
contra regnum peccati... petierunt, quo regnante tanta perpessi sunt » (De serm. Domini
in monte, lib. i, 77).
Ce rapport du feu avec la priere fait deja prevoir que les fideles du ch. vii seront
epargnes (v. viii, 4). Mais dans quel sens et dans quelle mesure? II y a deux manieres
d'interpreter les fleaux des trompettes; ou bien on les prendra au sens metaphorique,
ce seront avant tout des punitions morales, au moins directement : ainsi I'absinthe, les
sauterelles, I'inhumanite des Cavaliers, Dieu abandonnant les pecheurs au dechaine-
ment des vices et des remords; et Ton pourrait invoquer en faveur de cette interpre-
tation VEp. aux Romains. chap, i-ii, qui represente apocalyptiquement les chatiments
moraux, les vices prives et publics, comme une descente de la colere de Dieu; ou
encore, et cela est plus probable, il s'agit bien, en general, de calamites directement
materielles ; les justes auront comme tous les hommes leur part de la θλίψις, mais ils
n'en seront pas accables, ils y acheveront leur purification, et en sortiront « ΥΆ\η-
queurs ». C'est une vue plus complete.
—— — A-C. 6. σαλπίζω, mot de basse grecite pour σαλπίγγω. — Tout est pret mainte-
naat pour I'execution des jugements divins; I'ecrivain, par toutes ces scenes prelimi-
naires, a porte a une haute tension I'attente inquiete dulecteur.
EXC. XX. LE SENS DES TROMPETTES APOCALYPTIQUES.
Le son des trompettes Immaines et angeliques a plus d'un effet dramatique
dans ΓΑ. T. II prelude a la promulgation de la Loi sur le Sinai [Ex. xix, 16, 19) ;
les sept trompeltes des pretres font crouler les murailles de Jericho [Josue, vi,
13-20); enfm, JoUlu^ elles annoncent le « jour de Jahweli ». — Dans le N. T., les
Η
ArOCALYPSE DE SAINT JEAN, 105
Anges, avec la irompette, rassembleront les elus des quatre vents [Mat. xxiv,
31). Cfr. I Cor. xv, 52 « au son de la derniere trompelte — car la irompette
retentira, et les morts ressusciteront incorruptibles », et I Thess. iv, 16 : « a la
voix de TArchange, au son de la trompette divine, le Seigneur lui-meme des-
cendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront d'abord ». '
II est certain qu'on a affaire a une tradition, qui se trouve largement repre-
sentee dans les Apocryphes. Dans YApoc. Mo'ise, 22, la trompette (de Michel)
convoque les Anges au jugement d'Adam apres la chute; IV Esd. vi, 23 met son
retentissement au nombre des signes precurseurs de la fm du monde; au meme
livre, v, 4, avant I'apparition de (?) TAntechrist, quelques mss. latins portent
« post tertiam tubam » (al. turbatam, d'autres supposent diem, tempora). Dans
\ Apoc. Abraham xxxi, Dieu lui-meme sonne de la trompette et envoie son Elu
grouper son peuple, Cfr. encore Sib. vm, 239; la Sibylle citee dans Lactance
Inst. div. VII, 16, parmi les ouvrages de Bede (P. L. xc, 1183), et divers autres
apocryphes tardifs mentionnes par Bousset dans son Antechrist. pp. 166-167. En
dehors du Judaismo et du christianisme, on pent meme, avec cet auteur, en
rapprocher le cor qu'embouclie Heimdallr dans le « Crepuscule des Dieux ».
Tous ces derniers lextes joignent la trompette au jugement, mais pas toujours au
jugement pris du cote menagant et lugubre. Dans ΓΑ. T., excepte Joel, il s'agit
d'alliance avec Dieu, puis d'une victoire eclatante d'Israel; dans Mat.^l I Thess..,
la sonnerie annonce le rassemblem.ent et le bonheur definitif des elus; de meme
dans V Apocalypse d' Abraham. Dans la priere Shmone "Esre, 10, les Juifs disent
a Dieu : « Sonne dans la grande trompette pour notre delivrance, et dresse une
banniere pour le rassemblement de nos exiles » ; dans le Ps. Sal. XI, 1, Jerusa-
lem est reveillee par la trompette pour voir ses enfants ramenes par le Seigneur.
Eliezer benHyvkanos et Aqiba [Talm. Babyl., tr. Rosch haschana., 11 b et 16a)
meltcnt. Fun les sonneries du mois de Tischri en relation avec la delivrance
future, qu'il croit devoir se faire en ce mois, Tautre celles de la nouvelle annee
avec les promesses de misericorde qu'elles rappellent a Dieu. Aussi Volz, p. 310,
dit-il assez justement : « Le son de la trompette est destine generalement a
reveiller le salut, et a annoncer que Dieu se leve On se represente la deli-
vrance prenant vie au son des trompettes. »
II nous semble, d'apres cela, qu'on peut bien fixer le sens general des trom-
pettes de notre Apocalypse : en dormant le signal dc la destruction du monde
impie, elles Iiatent le salut et la recompense des justes, la consommation du
regne de Dieu; elles sonnent le triomphe aiix oreilles des elus.
Le passage de I Cor. (rapproche du problematique IV Esd. v, 4 ou, Volz juge
qu'on pourrait voir « vielleicht eine verstiimmelte Trompetenapokalypse »), laisse
presumer qu'il existait une tradition sur plusieurs trompettes eschatologiques,
peut-etre sept. Comme leur retentissement, ainsi que nous I'allons voir, setcnd
sur tout le cours de Thistoire terrestre, depuis la glorification du Christ jusqu'a
la fin du monde, Jean a peut-etre applique, en le restreignant a ces « novissima
tempora », le vieux schema des sept epoques ; peut-etre encore la repartition des
calamites en sept groupes, — ce qui contraste avec les Cavaliers et les Vents, quoi-
qu'il s'agisse des memes realites, — lui a-t-clle ete inspiree uniquement par la
tradition des sept Archanges; a moins que ce ne soit par la division du monde
en sept parties, chez les pythagoricienset ailleurs; il no manquait pas de modeles
106 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
de ce genre, qu'on trouvera enumeres chez Boll, pp. 60 suiv. inutile de dire
que Jei-emias, cedant encore ici a son innocente manie, a rapproche les 7 trom-
pettes de 7 dieux stellaires babyloniens. Enfin, et c'est Fhypotiiese qui nous plai-
rait le mieux, s'il fallait en choisir une, la forme litteraire de la vision a pu subir
■ riniluence dune tradition eschatologique qui transparait IV Escl. vii, 30, d'apres
laquelle la destruction du monde doit sc prolonger sept jours, comme la creation ;
ainsi, depuis que la parole dela « Nouvelle creation » a retenti, une semaine sym-
bolique acheminerait le monde au repos de leternite. Mais ce n'est qu'un sym-
bole, car les trompettes ne repondent ni a des jours,, ni a des periodes (Int. c. v,
", § I, 4).
2^-6". LA SERIE DES TROMPETTES.
Ιλτ. — Ces Trompeltes sonl surcinent eschalologiques, mais d'linc eschatologie qu'il
faitl prendre au sens large (I.m. c. v, vui). Elles commencenl a retentir une demi-
heure apres que le Livre a ete deroule, et le son de la derniere coincide acec la fin
du monde (\r, 15-18); c'esl dire qu'elles embrassent tout I'dge de la Redemption, depuis
I'intronisation de I'Agneau, ou lAscension du Christ (c. v), en d'autres termes toute
la premiere phase du Regne de Dieu, celle qui est μετά διωγμών [Marc, χ, 30).
Parmi les fails qui leur correspondent, et que la « recapitulation », dont it faut savoir
user tnoderement en cetle section, fera reparaitre dans la section XII-XX {sauf
quelques nuances d'extension ct de points de vue), il en est done de passes, d'acluels
et de fulurs par rapport a I'epoque de la vision joliannique.
Les sept « plaics » qui vont suivre decricent sous des traits tout a fait generaux
ct universels, — ce en quoi elles se distinguent des « Sept Coupes » {XV-XVI} qui ant,
au moins en premier lieu, un rapport plus special avec le milieu historique de TEmpire
romain, — la ruine du monde Jiostile a la domination de Dieu. Elles se repartissent,
comme les Sceau.r, et meme les Lettrcs, et plus tard les Coupes, en deux series
respectivement de k et de 3 membres (Int. c. vh). Cette regie qui s''appUque dans
tous les septenaires aurait d/1, comme le note fort bien Boll. p. 67, n. 2, empdc/ier
Joh. Weiss de les attribuer a une autre main que les Coupes. Pour celui-ci, Jean n'eut
compose que le prelude 3-5, la vision de I'Aigle (VIII, 13) et les trois derniers flaaux,
les 3 « Vae » [IX-s.). Le reste, VIII, 2, 6; η-12; 13b; IX, 1; 13-U. 19 seraitde I' « Edi-
teur » qui eat introduit le schematisme des 7 Anges, et ajoute les ί premieres plaies
pour faire sept, en les assimilant aux autres scries. Cette vue est artificielle, comme
toute sa t/ieorie, mais elle vaut mieux pourtant que celle de Galmes, pour qui la serie
primitive eiit ete de i, et les trois derniers fleaux ajoutes pour parfaire le nombre 1 ;
car les « Vae » sont bien moins schematiques que le reste, et n'ont nullement I'air
de remplissage. Charles (Studies, p. 146-152) regarde au contraire VIII, Ί-12 comme
une interpolation, dans leur position ct leur forme actuelle, el propose d'ordonner
autrement le texte de ce qui reste, avec des changenients : trois Anges au lieu de sept.
Tous ses arguments sc Iteurtent au fail que le caractere original du septenaire est
suffisammcnt garanti par les paralleles ; et ses considerations sur la langue out peu
de portee pour ce qu'il affirme; ainsi pour πολλοί των ανθρώπων, VIII, 11, le mot
πολύς est frequent dans I Apocalypse, el rien ne pouvait empecher Jean de le prendre
une f ο is au sens partilif, qui est Ires regulier. Le suj'et, dans VIII, 7-12, precede onze
(ou douze) fois le vcrbe (sur dix-neuf), landis qua partir de VIII, 13, et au ch. IX,
lordre est presque toujours inverse; mais, sur ce point, Jean η a pas de regie fixe;
ainsi au 6^ sceau du ch. VI, le suj'et vient le premier huit fois; on pent noter du reste
que jamais, dans celle pericope, I'objet ne precede le verbe; en somme, il n'y a done
aucunc particulnj'iie serieitse de construction qui indique une source.
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 107
2» Les quatve premieres trompetles (viii, 7-12).
I.\T. — Ces premiers fleau.r, comme ccux dcs quatre Premiers sceaux, ferment un
tableau d'ensemble : c'est la colore de Diea s'appesantissant siir la nature inanimee,
decor de la vie humaine, avant de fondre directement sur I'humanite. lis o/frent
line analogic partielle, deja vue par Irenee, avec les plaies d'Egypte dans I'Exode
(Adv. Haer. iv, 30, 4). lis peuvent aussi repondre aux « Signes dans le ciel » de
I'escliatologie synoptique (Luc, XXI, 11 — Joh. Weiss). II ne faut pas c/ierclier de
progression d'une calamitc a I'autre, ni les prendre a la lettre, ni les considerer
comme representant des realites successives de I'avenir [comparer vm, 7 a ix, 4, ad
loc). C'est un schema etabli d'aprcs le seul principe de la division dii monde en
quatre parties, — ou de la nature en quatre elements, terre, eau [dedoublee sn eaux
marines et en eaux douces), feu et air, si Von en rapproche le septieme fleau; car
Jean, tout en se servant des cadres traditionnels, se permettait pourtant de les
desserrer et de les briser. Nous verrons aux « Sept Coupes » [c. XVI), une repartition
absolument paralUde. L'ordre est logique, non chronologique ; et rien nindique qu'il
faille y voir lallegorie de faits /lumains de I'histoire; toutes les applications de cette
nature faites par les evegetes anciens sortent absolument du sens litteral; les rappro-
chements cherches par Renaa et Tecole « zeitgeschiclitlicli » avec divers cataclysmes
du premier siecle ne proiivent que I'ingeniosite dc ces commentate itrs, qui n'a pourtant
pas suffi a leur faire reconnaitre Ic caractcre traditionnel et schematique de ces
grandioscs lieu.r communs (Ι\τ. c. v).
A. B. 7. εν Άψιχ-ζι, instrum. — « meles de sang• », cfr. xv, 2; « pluie de feu et de
sang », dans Sib. V, vers 377. — Cfr. Ex. ix, 24, la septieme plaie d'Egypte.
C. 7. La prohibition de vii, 1, de nuire aux arbres et a la verdure, est done retiree;
c'est arbitrairement que Holizm. suppose la destruction de la verdure limitee aussi au
tiers. Schoettgen note la meme restriction au tiers dans divers ecrits rabbiniques.
— C'est la plaie de la terre, qui n'a pas une pleine correspondance aA'^ec celle de la
l'••^ Coupe, xvi, 2.
. A. B. 8. Dans les 7 plaies des trompettes, I'adjectif precede invariablement
le substantif (6 5euj. άγγ., etc.), ce qui est en favour de I'unite de main. — ώς montre
que ce n'etait pas a proprement parler une montagne; plutot une etoile. Cfr. J6r. li,
25 (dit de Babylone), et les « montagnes briilantes » a'Hen. 6th. xviii, 13; xxi, 3;
cviii, 4. — Cfr. la plaie du Nil, Ex, vii, 20, et, la « Deuxieme Coupe » Apoc. xvi, 3.
C. 8. Voici la plaie de la mer, qui est frappee comme le Nil a la premiere plaie
d'Egypte; le fait que dans une masse liquide continue 11 n'y a encore qu'^n tiers de
transforme montre qu'il *n'y a, ici comme ailleurs, qu'une figure conventionnelle, qui
ne saurait se realiser a la leltre. La montagne est surnaturelle, puisqu'elle tombe du
ciel; il serait trop mesquin d'y voir un bolide, et contraire a la figuration d'expliquer
I'image par quelque eruption historique d'un volcan sous-marin dans les Cyclades,
etc. (cfr. Renan). D'apres lien. eth. xviii, et le symbolismc des Anges-etoiles, on
pourrail penser que tous ces cataclysmes sont produits par des agents personnels;
Andrd dit que la montagne est le Diable. Ici, toulefois, ce n'est pas certain.
A. 9. τα ε/^οντα, nominatif non construit (Ι?ιτ., c. x, § III, ou apposition a
t-^'tov. — ζιεοθάρ,η, plus regulier, rec. K.
~—^— B. C. 10. Cfr. Is XIV, 12 (?). — Cost au tour des eaux doucos; la limitation
a un tiers dcs llcuves et des sources est encore bien artificielle, a moins, si Ton veut,
que I'etoile n'ait convert de ses debris un tiers de la terre ferme. Getlc etoile est-elle
unAngc?En tout cas, le parallelc de la chute dc I'etoile Gohlkar {Bundchesh, xxx.
108 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C VIII. 7. Κα: c τ.ρωτος έσάλτησεν καί Ιγένετο -/άλαίΤα v.y.l ~\>ρ με;αιγμένα *έν
αι'ματι και εβλήθη εΙς τήν γην" καΐ το τρίτον τη; γης %y--=;/ar^, 7.y.\ το τρίτον των
δένορων κατεκάη, και ττας χόρτος χλωρός κατεκάη.
8. Και *ό οεύτερος άγγελος έοάλκίτεν' καΐ *ώς ορός μέγα ττυρί κα'.όμ.ενον εβλήθη
εις τήν θάλασσαν" και έγένετο το τρίτον της θαλάσσης αίμα, 9 καΐ άτΐεΟανεν το τρίτον
των κτισμάτων των εν τη θαλασσή, *τα έχοντα ψυχάς, και το τρίτον των -πλοίων
διεφθάρησαν.
10. Και ό τρίτος ά'γγελος έσάλ'κίσεν και επεσεν έκ του ουρανού αστήρ μέγας καιό-
μενος ώς λαμτνάς, και εττεσεν έχί το τρίτον των ποταμών και έπι τας πηγας των
ύδάτο)ν. 11. Και το όνομα του αστέρος λέγεται *ο *"Αψινθος. Και έγένετο το τρίτον
των υδάτων ε'.ς ά'ψινθον, και πολλοί των ανθρώπων απέθανον *έκ των υδάτων ότι
επικρ άνθη σαν.
12. Κα; : τέταρτος άγγελος έσά/,π-σεν και έπλήγη το τρίτον του ηλίου και το -tpi-z)
της σελήνης και το τρίτον των αστέρων, *Γνα σκοτισΟή το -ρίτζΊ αυτ(7)ν και ή ήμερα
μή οάνη *το τρίτον αυτής, και ή νυξ όμοίοίς.
18, 31), avant la fin du mcnde, mentionne par Boasset, est un trait qui peut bien
avoir ete emprunte par les Perses a I'apocalyptique juive et chretienne, comme
beauco<ip d'autres. La fin du ch. vi nous a montre toutes les etoiles deja tombees du
ciel; mais il n'y a pas contradiction, car il ne s'agissait pas encore en ce passage
d'effets realises (cfr. Joh. Weiss).
— — A. B. 11. "Αψινθος est feminin ιΙ.\τ. c. x, § II); aussi ό est-il omis N, al, ou
le substantif change en ίϊψίνθιο?. — έκ (A : έ::•) marque ici la cause; c'est un des
nombreux emplois, dans I'Apoc, de cette preposition envahissante (Int. c. v, § I). —
« Absinthe », symbole de souffrances, surtout morales, chez les Prophetes, passim,
par exemple Jer. ix, 14-15; xxin, 15; cfr. iv Esd. v, 9 : in dulcibus aquis salsae
invenientur. — Cfr. la « 3^ Coupe », xvi, 4-7, ou les eaux douces sont changees en sang.
C. 11. L'empoisonnement des sources et des eaux courantes eveille en premier
lieu I'idee d'epidemies, suiΛ'ant les prejuges de I'epoque, comme le 4^ Cavalier; mais
le nom symbolique d' « Absinthe », qui signifie amertumes, chagrins, semble, par
exception, transporter ce ileau dans le domaine moral. Disons que Jean a combine
diverses idees. Sur un autre point le parallelisme avec les autres fleaux se trouve
derange : il ne meurt pas un « tiers » des hommes, mais seulement « beaucoup » ; c'est
que le massacre du tiers des hommes est reserve au ileau de la Sixieme Trompette,
comme le plus graxe de tons : signe de I'unite du morceau. Si Jean n'a employe
qu'ici πολλοί au sens partitif, au lieu dune mesure determinee, c'est qu'il n'a pas eu
ailleurs les memes raisons (cfr. Charles, supra).
A. B. 12. ίνα signifie ici « en sorte que » (Int, c. x, § II). — το τρίτον αΰτης
omis 1573-38-2020, al. — το τοίιο^ αυτών, αύτης est d'excellent grec, et cet emploi de
I'accusatif est ciassique; je ne saisis pas pour quelle raison Charles regarde ce
passage comme incomprehensible, et veut modifier le texte, d'apres le copte, et en
supposant un original hebraique, en τό τρίτον ήμερα; ζαί νυκτο'ς ομοίως [Studies, ρ, 15•).
— Cfr. la 4β Coupe, et les Tenebres de la neuvieme plaie d'Egypte, Ex. x, 21-23.
cfr. Ex. VII, 25; lieu commun qui se retrouve Amos viii, 9; Joel iii (iv), 15; IV Esd.
V, 4, etc.
C. 12. La plupart des exegetes croient qu'il s'agit d'une abreviation de la durce
du jour et de la nuit, ce qui serait assez etrange; il est bien plus naturel d'y voir
une diminution dc I'eclat du jour, et de la lumiere des astres nocturnes (οάντ)).
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 109
C. vi!i. 7. Et le premier sonna de la trompette; et il y eut de la grele et
da feu meles de sang•, et l^cela] fut jete sur la terre; et le tiers de la terre
brula, et le tiers des arbres brula, et toute herbe verte briila.
8. Et le deuxieme Ange sonna de la trompette ; et comme une grande
moatagne briilante de feu fut jetee dans la mer; et le tiers de la mer devint
du sang-, 9. et il mourut le tiers des creatures qui sont dans la mer, [de]
ce qui a des ames, et le tiers des navires farent detruits.
10. Et le troisieme Ange sonna de la trompette; et il tomba du ciei une
grande etoile briilant comme un flambeau, et elle tomba sur le tiers des
fleuves et sur les sources des eaux. 11. Et le nam de Fetoile se dit : « I'Ab-
sintbe ». Et le tiers des eaux devint absinihe, et beaucoup des hommes
moururent ά cause des eaux, parce qu'elles etaient devenues ameres.
12. Et le quatrieme Aoge sonna de la trompette; et fut frappe le tiers du
soleil et le tiers de la lune et le tiers des etoiles, pour qu'ils fussent obscurcis
d'un tiers, et que le jour ne brillat [plus] d'un tiers, et la nuit pareillement.
Ainsi la terre, la mer, les eaux douces et les astres, ont ete alteints successive-
ment. II ne reste plus du monde materiel que I'air (7« trompette), et Γ « Abime »,
I'Hades qui va jouer un role a la trompette suivante, nouΛ'eau eigne que ce qui suit
est joint intimement aux quatre premieres plaies.
3° Proclamation de I'Ange (viii, 13)
Int. — Le trouble est dans la nature, niais jusquici les hommes η ont ete frappes
(juindirectement; maintenant trois « Maledictions » speciales, annoncees a part, vont
j'ondre sur eux. Un Aigle les proclanie. Ce mot (ουαί) qui devrait etre neutre, sera mis
par I'auieur au feminin (infra). C'est sans doute qu'elles sont personnifiees comme
des especes d'Erinnyes {S^vete).
C. VIII. 13. Και c'.ocv, /.αϊ ήκουσα *£ν3ς άετου ττετομ-ένου έν μεσ^υρανήμ.ατ'. λε'γ3ν-
-ζς swv?; [).v;i.\r^' Ojal οϋαΐ cja• *-οί; κατοικοϋντας έ-Ί της γης *έ•/, των λοίτζών
90>νών της σάλπιγγας των τρ'.ών αγγ-λθ3ν των ι^.ελλόντων σαλττίΓε',ν.
C. Λ'ΐιι. 13. Et je vis; et j'entendis un aigle qui volait au zenith, disant
d'une grande voix : « Malheur, malheur, malheur a ceux qui habitent sur
la terre, a cause des voi.\ restantes de la trompette des trois anges qui sont
pres de sonner de la trompette I »
A. B. 13. ενός pour τίνος (Int. c. v, §§ I-II). — Pour άετου, on lit άγγελοι Ρ-α3-025,
quelques mss. du type Andre, arm; dans α 107-13-42 ά/γίλου ώς άετου. — Τους κ. :
I'accusatif est irregulier (Int. c. χ, § II); τοϊς κατοικοΰτίν, A, al. lat. — « Aigle »
cfr. XII, 14; aigle mcssager Bar. syr. lxxvii, 13-suiv. ; embleme du jugement Mat.
XXIV, 28. — έκ causal.
C. 13. II est tres diflicile de preciser si cet aigle est une figure traditionnelle. On
n'est du moins pas oblige d'y voir avec Boll (p. 38) la constellalion de Pegase. C'est
le rapprochement avec Mat. qui est le plus seduisant.
110 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
4° Cinquieine Irompetlc cl premiere malediction : Ics sautereUes (ix, 1-12).
Ιλτ. — Une invasion dc demons, sorlis de I'Ablme sous forme de sautereUes fan-
tasliques, tourmente les hommcs non marques du sceau divin, mats sans les faire
mourir. Sur les rapports des 3 « Vae » ai'ec les i premieres Trompettes, i'id. supra.
C. IX. 1. ΚαΙ *b -έ;λ•κ'::; άγγελος έσάλ7:'.(Τΐν, -/.αΙ iiocv αστέρα έ/. -cli oOpavoij
νετττω'λότίΖ ε'.ς τήν γην, ν.αΐ έοόθη αυτω ή /.λείς του sp-^cto? της αβύσσου. 2. Και
ήνο',ςεν το ^pioLp της αβύσσου, '/.α\ άνέβη κα-νος έκ του φρε'ατος ώς καζνος 7,ait.bo'j
μεγάλης, καΙ έσχοτίσθη ό ήλιος ν.αΐ ό αήρ *ε•/. του y.y-^zj του φρέατος. 3. Και έκ του
κα-νοϋ έςηλ6ον ακρίδες ε'.ς τήν γήν. καΐ εδόθη *αϋταΐς έςουσία ώς εχουσιν έςουσίαν οί
Α. Ε. 1. ό -ψ., raume construction qu'aux 4 autres trompettes. — πεπτωκότα : I'etoile
etait deja tombee quand il la vit, usage exact du parfait. — άβυσσος (lxx, passim),
traduit ahnn, profondeurs de la mer, puis de la terre, puis Sheol, enfin sejour des
demons, des damnes, des fieaux, des monstres {Hen. et/i. xvm, xix, xxi, xc, etc.,
Hen. si. xxviii, 3; ibid, xlii, 2, description des monstres qui tiennent « la cle de
I'abime » ; cfr. Apoc. i, 18, « cles de la mort et de I'enfer », et xx, 1). — Image de
I'etoile tombee : cfr. Sib. v, 137-suiv., Sib. iii, vni, ii, passim; Hen. eth. lxxxvi, 1-sqq.
(Azazel ou Semyaza tombe au milieu des boeufs, avec d'uutres etoiles, dans la « Vision
des Animaux »); lxxxviii, 1; xvii-sqq, les 7 etoiles, moatagnes ardentes, tombees et
enfermees dans un lieu de torture; IV Esd. xv (VI Esd., chretien), 35. Pour le sens,
nous croyons qu'on peut tres bien rapprocher Luc x, 18 : « Je voyais Satan tomber
du ciel comme un eclair », cfr. Is. xiv, 12.
C. 1. Cette etoile tombee, qui regoit une cle, est certainement ici un esprit; I'Apo-
ealyptique nous a habitues a cette representation des Anges (v. supra, et bien
d'autres passages, dans VAsc. Is., le Livre d'Elie hebreu, etc. Ιχτ.). On peut, je crois,
. I'identifier, a 1' « Abaddon » du v. 11, infra, et je me demande meme s'il ne faut
pas y reconnaitre le meme etre qu'au ch. xx (v. ad loc), Satan, dont la chute fut
contemplee par le Seigneur {Luc, supra). Cette chute, supposee deja realisee par
le temps de πεπτω/.ότχ, serait decrite plus tard au ch. xn (v. ad loc); alors la plaie
qui suit aurait quelque rapport avec le dechainement de crimes et de malheurs que
produira la colere du Diable parcourant la terre. Nous aurions ainsi un parallelisme
avec la scene d'ouverture de la 2« section prophetique. Si la plaie des sautereUes
n'arrive qu'en cinquieme lieu, cela n'importe guere; I'ordre est indilferent, parce qu'il
ne s'agit pas de succession chronologique; des raisons traditionnelles ou litteraires
ont pu I'amener a cette place, le fleau actuel, ainsi que nous I'allons A'oir, etant
purement typique comme les precedents. Ou bien, mieux encore, c'est qu'il y a dans
la vision progression de I'ordre physique a I'ordre moraF et humain, du plan indivi-
duel au plan social et religieux (v. infra).
-^^— A. B. C. 2. καϊ... αβύσσου, omis, par homoeoteleuton, N, rec. K, al, Arethas,
Syr^, arm., etc.; — ix... καπνός, omis Av20-rl-l% Av46-35-2018, al572-41-2021, a404-
87-172 — καίομενης pour [μεγάλης, Orig., rec. K. — h. του κα-νοΰ, instrumental, L>T.,
c. X, § II. — Get obscurcissement du soleil rappelle la 4•^ plaie; Jean ne craint pas
de se redire, parce que tout cela est figure, et les images prennent des vaJeurs
nouvelles avec les nouveaux contextes. Uair, le quatrieme element, est frappe a son
tour, et Γ « Abime », la derniere partie du monde, entre aussi en scene.
, A. B. 3. Dans ce Λ-erset et les suivants, les manuscrits presentent de nom-
breuses fluctuations entre αϋταϊς, feminin comme I'exige άκρίοε; {Orig. et And. partout),
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. Hi
C. IX. 1. Et le cinquieme Ange sonna de la trompctie, et je vis uue etoile
qui du ciel etait rorabee sur la terre, et lui fut donnee la cle du puits de
lAbime. 2. Et elle ouvrit le puits de rAbime, et il sortit une fumee du
puits CO mme une fumee de graiide fournaise, et obscurcis furent le soleil
et I'air par la fumee du puits. 3. Et de la fumee sortirent des sauterelles
sur la terre, et il leur fut donne uu pouvoir comme out pouvoir les secr-
et αΰτοϊς, qui peut elre une de ces fautes de distraction assez communes dans ΓΑρο-
calypse, ou bien un accord ad sensum, car ces sauterelles sont des etres intelligents,
des « δαίαονες », genre masculin. Tisch. met partout αύτοΓ;, Soden ne I'accepte qu'au
V, δ, avec X, A, Av20-rl-l'•, al03-7-104, alOl-12-181 ; nous avons suivi son texte,
qui est aussi celui de Swcte. — Sauterelles : cfr. la plaie d'Egypte A'Ejc. x, 12-15,
et Joel I, 4-Suivants. — Scorpion : cfr. Luc. x, 19 : δέδωχα ύαΓν τήν εξουσίαν του πατεϊν
επάνω οφεων κα'ι σκορπιών, και επί πασαν την δύναυ.ίν του ε-/θροΰ.
C. 3. Le lieu d'ou sortent ces insectes, et qui est I'enfer des damnes, le genre de
leur malfaisance, leur structure fantastique, et la royaute de I'Ange de I'Abime,
montrent assez que ces sauterelles ne sont pas des animaux, mais des demons ou
des entites demoniaques.
Ce tableau est, avec le suivant, un des plus originaux du livre. L'idee dune invasion
de sauterelles etait bien fournie par VExode et Joel, mais, ici, la catamite n'est plus
de I'ordre materiel (v. infra). D'abord ce sont des sauterelles-scorpions; le scorpion
(A. T., passim), est, avec le serpent, un des animaux nuisibles a Ihomme qui sym-
bolisent les forces du mal spirituel en action dans le monde [Swete], comme le font
bien ressortir les derniers mots de notre citation de saint Luc. II n'y a du reste de
commun avec Joel, dans le delail, que la comparaison des chevaux, des dents de lion,
et I'image dune armee, et ce ne sont la chez le prophete que des hyperboles poetiques;
ici il en va tout autrement.
Grace a Boll (pp. 68-suiv.), on peut cependant retrouver I'origine probable de ces
traits descriptifs. L'esprit de Jean a ete influence non seulement par la Bible, mais
par des representations figurees de la region et de I'epoque (Int, c, v, ii, § III). Apres
les hommes-scorpions qui gardeot le soleil et la porte de I'enfer [Gilgamesch, tablette
IX, col. II, 3-9), des figures composites voisines avaient trouve place dans la mythologie
et I'astrologie de Babylone; tels les « centaures » graves sur les bornes ou les cylin-
dres [Gunkel, Verst., p. 52, 4; King, Babylonian Boundary Stones, 1912; Ward,
The Seal Cylinders of Western Asia, 1910, pp. 210 et 382; Weidner, Babyloniaca,
VI, 4, pi. VII, 1912) ; parfois ils ont piusieurs queues, mais toujours une de scorpion.
Le meme monstre, representant la constellation du Sagittaire, a passe dans la deco-
ration des temples et des momies d'Egypte, a I'epoque hellenistico-romaine [Boll,
p. 69). Des fantasmagories du meme gout, dans Γ « Histoire veridique » de Lucien,
I, 11-suiv., chevaux-fourmis, etc., montrent, declare Boll avec grande apparence de
raison, qu'au ii'- siecle et au temps de Γ Apocalypse, des representations comme celles
de nos sauterelles etaient choses qui ne surprenaient pas le public {Id. p. 146). II est
done vraisemblable que Jean avait eu occasion de voir de ces figures monstrueuses
qui nous deroutent de nos jours et nous paraissent a tort le produit d'une imagination
echevelee; elles se serout combinees dans sa memoire avec les sauterelles de I'Exode
et de Joel pour lui montrer dans sa vision le present tableau — tout comme Ezechiel
a utilise les « Kirubi » de Babylone (I.vt, c. v). Seulement ces etres ne sont plus
des centaures; ils se sont reduits, comme lidee I'exigeait (v. infra) a la proportion
d'insectes malfaisants.
' A. B. 4. Au lieu de αδικησουσιν (Int. c. x, ^ ID, on a άδικήσωσιν, correction, X,
112 APOCALYPSK DE SAINT JEAX.
ay.ipTi'.o', ττ,ς γης. 4. Και eppi^r, *α'!)ταΤς ί'να μή *άΒ'//.ήσουσ•'.ν τον γ^όρτον της γης *οϋθε
παν χλωρον *οΊ»δέ π5ν δένδρον, *ε? μή τους άνθρ<ό-ους οί'τ',νες ουκ εχουσιν τήν σφρα-
γϊδίΖ του θεού έπι των μετώ-ων. 5. Και εδόθη *αϋτοϊς ϊνα μή άποκτείνωσιν αυτούς,
αλλ' Γνα *βασανισθήσοντα', μήνας πε'ντε" και ό βασανισμός αυτών ώς βασανισμός
σκορ-ίου, όταν ζαίση άνθρο)πον. 6. Και εν ταΐς ήμέραις έκείναις ζητήσουσιν οί
άνθρωποι τον θάνατον και οϋ μή *εύρήσουσιν αυτόν, και έπιθυμήσουσιν άποθανεϊν, κα\
*φεύγει ό θάνατος απ' αυτών. 7. Και τά *όμοια)ματα τών άκρίδων *ομοιοι ϊπποις
ήτοιμασμένοις ε'.ς πόλεμον, κα'ι *έπί τάς κεφάλας αυτών ώς στέφανοι 'όμοιοι χρυσώ,
Ρ, Q, la plupart des minusc, And., Arcthas, — B. Weiss. — Noter Γ « hebraismo »
ούδε παν; — οϋδε παν χλωρόν omis »Ν, Prim., sans doute pour faire de I'harmonisation
avec la l'''! trompeltc. — εί μη, au sens de « mais seulement », qu'il ne faudrait pas
transporter Gal. i, 19; sur six passages de I'Apocalypse, il ne se retrouve que
XXI, 27. — ε! μη κτλ. cfr. Bar. syr. c. xxvui, la protection des habitants de la Terre
Sainte; se reporter a Apoc. vii, 3-suiv.
C. 4. Ce premier « Vae », annonce si solennellement, parait pourtant a premiere
vue moins grave que les precedents; de plus, il semblerait en contradiction αΛ'βο
la premiere plaie, qui n'a pas laisse do verdure a proteger; mais en realile, ce sont la
des tableaux separes et independanls dans leur symbolisme respectif, quoique ranges
dans un meme decor general; il n'y faut pas voir des touches successives apportees
a un meme tableau, encore bien moins une succession rigoureuse dans les temps a
venir qui se devoilent a Jean; la succession n'est que logique (Int. c. v). II y a bien
quand meme en fait aggravation des lleaux, parce qu'ils sont transporles dans
un autre ordre, et atteignent plus directement les honimes, non seulement dans leur
corps, mais dans leur ame. En elTet, cette plaie-ci est reservee a ceux qui n'ont pas
ete marques du sceau, c'est-a-dire aux mechants; et il resulte bien de ce verset que
tous les fideles ont ete marques, et non pas seulement les 144.000 Israelites [Supra
e. vn). II en resulte encore, et la suite le confirme, qu'il s'agit a peu pres surement
et exclusivement de maux spiriluels, peches, terreurs, remords, chagrins, etc. Andre
interprotait deju au sens spirituel ces sauterelles et leur malfaisance ; mais il differait
ce dechainement des esprits de I'Abime jusqu'au temps de I'Antechrist, tandis qu'il
faut plutot y voir les douleurs d'enfer qui tourmentent dans tous les temps les
consciences coupables.
^— — A. 5. Pour βασανισθ^σονται (Ιχτ. C. x, § II), Q et toute la rec. K, Orig., And.,
Aretlias ont βασανισΟώσιν ; al. βασανίσωσιν, tournure plus reguliere.
C. 5. Cette mesure de cinq mois est inconnue par ailleurs dans I'Apocalyptique.
Faut-il y voir seulement un nonibre rond, sans signification symbolique precise,
comme nous disons « quatre ou cinq »? (cfr. Luc xii, 6, 52, al.) Ou bien est-ce la
longueur de la periode durant laquelle les invasions des vraies sauterelles sont a
craindre? Ici I'invasion durerait toute la periode (Bousset). Mais Boll, p. 68, fait unc
observation digne d'interet : les sauterelles, dans les calendriers hellenistiques,
apparaissent dans les mois et les annees qui sont sous les signes du Cancer et du
Scorpion; et, depuis le mois du Scorpion jusqu'a la fm de I'annee, il y a cinq mois.
Cela voudrait done dire, que le lleau durera jusqu'a la fm de I'annee; et nous pou-
vons croire qu'il s'agit de I'annee symbolique du monde, c'est-a-dire qu'il ne cessera
pas avant la consommation, le jugement. Voila qui porterait encore a supposer que
Jean s'est inspire, consciemment ou non, d'un systeme populaire hellenistique, dont
il a spiritualise les donnees.
— — A. B. C. 6. Le futur apres ou μή ne se trouve ailleurs dans I'Apoc. que
XVIII, 14; cfr. pour cette tournure, que Moulton dit archaique et en train de dispa-
APOCALYPSK UE SAINT JEAN. 113
pions de la terre. k. Et il leur fut dit qu'elles ne niiisissent pas a I'herbe
de la terre, ni k aucune verdure ni a aucim arbre, mais seulement k tous
les hommes qui n'ont pas le sceau de Dieu sur les fronts, 5. Et il leiir fut
donne de ne pas les tuer, mais qu'ils fussent tourmentes cinq mois; et leur
tonrment [est] comme uq tourment de scorpion, lorsqu'il vient a piquer
un homme. 6. Et en ces jours-l&, les hommes chercheront la mort, et il
leur sera impossible de la trouver, et ils desireroat moiirir, et la mort
s'enfuit d'eux. 7. Et les apparences de ces sauterelles [soutj pareils [sic) a
des chcvaux qui ont ete prepares pour la g-uerre, et sur leurs tetes, [il y a 1
comme des couronnes pareilles ά de Tor, et leurs visages [sont] comme des
raitre, Mat. xvi, 22 et Luc \\i, 23; εϋρωσιν dans A et a3-P-025. — Pour φεΰγει, Orig.,
And, la rec. K. ont φεύξεται. G'est un present dramatique, ou bien Jean exprime un fait
continu dans riiistoire humaine. L'ame, empoisonnee de peines secretes envoyoes
par I'enfer a la suite du peche, appelle la mort et ne la trouve pas; la pensee et
Texpression sont familieres aux poetes bibliques et profanes, cfr. Jolt, viii, 3, etc.
II est bien superflu d'amener ici avec Boll I'idee des gardiens des enfers (Centaures
ou hommes-scorpions), qui peuvent en interdire I'entree.
— — A. B. 7. Όυ-οίωιχα, qui, dans Ezech. i, 16; x, 21, traduit niD*T, cfr. Rom.
I, 23; viTi, 3; Phil, n, 7, etc., signifierait ici, d'apres Bousset « Gleichgestalt » ou « die
Gestalt, insofern sie einer andern gieich ist « ; le masc. 2;xoiot (δ[Αοια ν, al; o^oImilol Orig.,
όαοιοψατα A, al.) est une des fautes ordinaires de VApoc. (Int. c. v, § II). — On atten-
drait plutot le genitif apres έ::ί; mais, a 1 epoque, I'emploi des trois cas n'etait plus
tres distinct apres επί local [Moulton, p. 174). — Description inspiree en partie de /oe7,
II, 4-suiv.
C. 7. II y a des gens qui trouvent une grossiere ressemblance entre la sauterello
et le cheΛ'■al (cfr., apres Holtzm., I'allemand « Heupferd », ou I'italien « cavaletta »,
et un dicton arabe rapporte par Niebuhr et cite par plusieurs commentateurs : « La
sauterelle ressemble, pour la tete, au cheval, pour le poitrail au lion, pour les pattes
au chameau, pour le corps au serpent, pour les antennes aux cheveux de la vierge »).
Mais c'est surtout ici qu'on peut se rappeler les « centaures », a cause du visage
d'homme, et aussi de la « couronne » ; le Sagittaire de I'astrologie grecqae etait διαδη-
[ΐατοφο'ρος [Boll).
— — A. B. S. εΓ/αν, Ν», A (Ιχτ. c. ν, § II ; Soden veut εΤ/ον) — « dents de lion »
cfr. Joel I, 6, ou ce n'est qu'une metaphore poetique.
C. 8. Boll (p. 70), rappelle que dans Elien, Traite sur les Animaux, les centaures
sont caracterises par des [ίαθεΓαι τρί•/ες; le Sagittaire a parfois aussi une longue cheve-
lure, et d'autres traits feniinins, jusque dans des representations de la Renaissance.
Pour Andre, c'est un symbole de la volupte.
I A. C. 9. Le premier θώρακας ne peut signifier que « poitrines » {Prim. :
« pcclora «), par une espece de jeu de mots. C'est pour Andre le symbole de la durete
de ctjeur des demons. Malgre leur aspect terrible, ct leurs rapports presque evident
avec les centaures, il ne faudrait pas, avec certains auteurs, parlor des « dimensions
extraordinaires » de ces sauterelles; I'auteur n'en souffle mot, ct d'ailleurs tout le
contexte ct le symbolisme entrainent un contraste entre leur petitcsse, qui pourrait
les faire mepriser, et leur nombre enorme, les cuisanles douleurs qu'elles causent,
la durete de leur cuirasse qui emp^che de detruire ces minuscules eunemis ; c'est
quelque chose de mesquin et de terrifiant a la fois, qui s'attaque aux hommes ennemis
de Dieu comme d'insupportables nuees d'insectes.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 8
ΙΙί^ APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
'λχΐ τα τΓοόσωπα αυτών ώς πρόσωττα άνθρώττων. 8. Και *zlyjx^ "^P'-Xolc ώς τρίχας
γυναικίόν, καί οι οδόντες αΐιτών ώς λεόντων ήσαν, 9. Και είχον *Οο)ρακας ώς *θώρακας
σιοηοοΰς, και ή φωνή των πτερύγων αυτών ώς φωνή αρμάτων ϊττ-ων πολλών τρεχόν-
των εις πόλεμον. 10. Και *έχθϋσιν οΰρας όμοιας σκορπίοις και κέντρα, και εν ταϊς
ουραϊς αυτών ή εξουσία αυτών άδικησαι τους ανθρώπους μήνας πέντε. 11. Έχουσιν
έπ' αυτών βασι).έα τον άγγελον της αβύσσου, *ονομα αϋτώ Εβραϊστι *Άβαδδων. και
εν τη Ελληνική όνομα έχει * Απολλύων.
12. *Ή οΰαι ή μία άπηλθεν" 'ιδού *ερχεται ετι δυο ούαΊ μετά ταύτα.
— — Α. Β. 10. "Ε/ουσιν (And. εΤχον), changement de temps, comme au λ'. 6, pour
les meme raisons peut-etre. — κέντρα : Cfr. I Cor. xv, 16.
C. 10. « L'aiguillon de la mort est le peche », disait Saint Paul, loc. cit. Swete, qui
rappelle ce texte, donne du tout une interpretation bien suggestive, quoique parlielle :
« As to the general sense the locusts of the Abyss may represent to us memories of
the past brought home at times of Divine visitations, which hurt by recalling for-
gotten sins. )'
. A. B. 11. Encore Ι'/ουσιν present; rec. Κ ε/^ουσαι, ailleurs Ι/οντες, ε?/ον,
« habebant ». — δνομα αύτω κτλ, rappelle la proposition nominale hebraique (■ji^3K iDUJ)
cfr. Joh. I, 6 δνομα αυτώ 'Ιωάννης; ω propose Ν, α/"., vulg.; And : αϋτοΐί. — Ρ"Τ;ΐΧ (LXX
ά-ώλεια, perditio, « haguel » en ethiopien) Ps. Sal. xiv, Asc. Is. x, Apoc. Abraham.
XXI etc., sio-nifiait d'abord la destruction au Sheol, puis, chez les rabbins, la partie
la plus profonde du Sheol; il est ici personnifie, comme Γ « Hadfes » au ch. vi, 8,
comme « la Mort et I'Hades » xx, 14, mais I'etait deja Job. xxvi, 6; xxviii, 22, —
« Abime » (qui est lui-meme « Abaddon » ou « haguel »), Hen. eth. x, xviii, xc;
Ap. Abraham xxi, EUe hebreu et copte, etc.
C. 11. Ge verset acheve de demontrer que los sauterelles sont des demons, ou
du moins des oeuvres de I'esprit diabolique. Get « Ange de I'Abime » qui est leur roi
peut bien etre, a noire avis, malgre Bousset, le mome que I'etoile tombee du v. 1 ;
Satan, ayant regu le pouvoir de dechainer ses troupes infernales (ouverture du puits
de I'Abime) se met a leur tete pour tourmenter les pecheurs, des avant leur mort,
par les peines morales et le desespoir. Jean a traduit Abaddon en grec, et il est
possible qu'il Fait fait a cause de la paronymie d"Aπoλλύωv avec ApoUon. Ce dieu
faisait souvent du mal avec son arc, et deja les Grecs, comme lo note Joh. Weiss,
rapprochaient 'Απόλλων du verbe ά-ολλυ;^^ [Eschyle, Agamemnon) ; ce prophete aurait
done fait un jeu de mots sarcastique sur le nom d'un des dieux les plus veneres du
pao-anisme; mais le rapport ne va pas plus loin, a moins qu'on ne veuille rapprochor
Tare d'Apollon de celui des centaures et de l'aiguillon des scorpions. Gfr. Gunkel, Sch.
p. 217-suiv., Vei-st, p. 52; Gressmann, p. 188. Celui-ci rappelle que les LXX, dans
Amoswx l,ont introduit Gog parmi les sauterelles, comme leur roi : χαί ϊδου βρύ/ος εΤς
Γώγ δ βασιλεύς; ce qui tend a faire supposer que les sauterelles etaient deja, dans quel-
que tradition eschatologique, identifiees a I'ennemi mythique du Nord (voir au ch. xx).
A. B. 12. 'έρχεται, construction pindarique (Ιλτ. c. x, § II). — Pour μία =
ποιότη (Int. c. x, § II), cfr. Mc. xvi, 2 et paralleles : τ\\ μία τών σαββάτων. — ούαί au
feminin, v. supra, en tete de la pericope, et Int. c. x, § II. — Le v. 12, pour Spitta
et Erhes, est du dernier redacteur.
C. 12. La « malediction » est personnifiee, a moins que, avec Bousset, on ne
veuille sous-entendre quelque mot feminin comme θλίψις. Remarquer la solennite de
I'avertissement. Les demons n'ont encore tourmente que les &mes des hommes; ils
vont maintenant dechainer centre eux les massacres d'une guerre d'extermination.
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 115
visages d'hommes. 8. Et elles avaient des cheveux comme les cheveux des
femmes, et leurs dents etaient comme [des dents] de lions. 9. Et elles avaient
des thorax comma des cuirasses en fer, et la voix de leurs ailes [etait]
comme une voix de chars aux nombreux chevaux courant en guerre. 10. Et
elles ont des queues pareilles c\ des scorpions, et des aiguillons, et dans
leurs queues [est] leur pouvoir de nuire aux hommes cinq mois. 11, 'Elles
ont au-dessus d'elles [comme] roi I'Ange de TAbime ; son nom en hebreu
est Abaddon, et dans la [langue] grecque il a nom ApoUyon.
12. Le « Malheur! » premier a passe ; voici qu'il vient deux « Malheur! »
apres ces choses.
5° Sixieme trompetie. Antitliese : la deuxieme malediction, qui extennine
le tiers de Vhmnanite, avec, eii face, le tnomphe des temoins du Christ
(ix, 13-xi, 14).
IxT. — On pent voir dans cette section une nouvelle forme de I'antithese rencontrce
au 6'' sceau, parce que nous sommes encore arrives a un sixieme moment (Int. c. vii).
Entre les deux tableaux se trouve intercale le cli. X, [qui est d une tres grande impor-
tance), comme VII, 1-3 I'a ete entre VI, 12-17 et VII, 4-J7, et comme VIII, 2-6 entre
les Sceaux et les Trompettes.
a. Deuxieme malediction : le carnage de la cavaleric injernale (ix, 13-21).
IiNT. — Ce fleau presente un grand parallelisme de details avec le precedent; mais
le sens en est tout autre, et tant de similitudes prouvent uniquement I'unite d'inspi-
ration et de main. Les cavaliers, contre Boll et d'autres, ne sont pas une simple
repetition des sauterelles. La langue accumule les fautes ordinaires du livre. Tous
les critiques rattachent ce morceau a la meme source que les « Sauterelles », si ce η est
que Λνβγίαηά attribue le v. 18 a I'editeur cltretien et, que Spitta trouve une Elaboration
du temps de Trajan aux vv. li et 15, transposant a la fin la premiere parlie de
ce dernier.
Tout le tableau, nous le verrons, a des rapports multiples avec divcrses parties du
livre : signe d" unite.
A. B. 13. φωννίς »s'=, al; — [i.iav, pour τίνα (Int. c. x, § II) — τεσσάρων omis N'=, A, al
am, fuld, si/r, boh, eth, των τεασ. κερ. omis o505-78-1948. — τοΰ χρυσού omis δ505-14-β9,
8603-92-61, arm. Au lieu de xsp. τοϋ θυσ. του /p., on a ζώων των έστώτ^ον αδ01-37-4ο2. —
« L'autel d'or » cfr. vni, 3.
C. 13. Cast l'autel lui-meme qui pread la parole; il semble que ce soit une person-
niiicalion des pineres des saints qui y ont ete oifertes (viii, 3-suiv.), et qui atteignent
maintenant un de leurs resultats; car cette plaie est la principale de toutes.
A. B. 14. λέγοντα Κ**, A, V. Ιλϊ. c. χ, § II; apposition, accord ad sensuni (?),
ou plutot solecisme; ailleurs λέγων [rec. K), λέγοντος (Q, Aretlias, Orig., al.), λέγουσαν
(α3-Ρ-025, Av20-rl-l'•, al.), λεγούσης (And., K« qui a φωνής), corrections. — Pour ό ε/ων,
solecisme, car ici on ne peut guore y voir une parenthese (voir analogies hellenistiques
dans les signalements, Moulton, p. 107) on rencontre les corrections τω λέγοντι, δς
εΐχεν; — τέσσαρες (pour τεσσάρας), leQOn de Χ; α404-87-412 (Int. c. χ, § II), recommandee
par Moulton, p. 104. — « Les 4 Anges » cfr. vn, 1; — L'Euphrate, cfr. xvi, 12 et
Hen. eth. lvi, 5 (les Parthes).
τον
ν
ΙΙβ APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. IX. 13. Και b έκτος άγγελος έσάλπισεν' καΐ ήκουσα *9ωνήν *μίαν εκ των
'τεσσάοων κεράτων του θυσιαστηρίου του χρυσού του ένώττιον του θεού, 14. *λέγοντα
τω εκτω άγγέλω, *ό έχων τήν σάλπιγγα' Λΰσον τους *τέσσαρ3ς αγγέλους τους
δεδεμένους έζΐ τω -ττοταμω τω μεγάλω Ευφράτττ;. 15. Και έλύθησαν οί τέσσαρες
άγγελοι οί *ήτοιμασμένοι ε'.ς τήν ώραν και ήμέραν και μήνα και ένιαυτόν, ίνα άτΐοκ-
τείνωσι το τρίτον των άνθρώ'::ων.
16. Και ό άριΟμος των στρατευμάτων του ίζζικου οισμυριάδες μυριάοο)ν, ήκουσα
. αριθμόν αυτών. 17. Και ούτως είοον τους ίττ-ττους εν τη οράσει και τους καθημε-
υς έπ' αυτών *εχοντας θώρακας ττυρίνους και ύακινθίνους και θειώδεις. Και αί κεφαλα'ι
των ίππων ώς κεφαλαι λεόντων, και εκ τών στομάτων αυτών έκ-ορεΰεται πυρ καϊ
καπνός και θείον. 18. *Άπο τών τριών πληγών τούτων άπεκτάνθησαν το τρίτον τών
C. 14. L'Euphrate indique, pour Andre, le pays de rAntechrist ; pour Bede, al,
la puissance mondaine dont le type est Babylone. II etait naturel, au temps de la
terreur parthique, que I'Euphrate entrat dans cette vision de guerre, et dans celle
de la 6^ coupe {infra). Quels sont ces Anges? La dilTerence de situation empeche de
les confondre avec ceux de vii, 1; d'ailleurs ceux de notre passage sont lies, done ils
sont mauvais. L'article fait supposer qu'ils sont connus dans la tradition; Henoch
aussi {loc. cit.) parle des « Parthes » lances par des Anges centre la terre sainte; et
dans le texte syriaque de lY Esdras, on trouve un curieux parallele signale par Boiis-
set : « Que soient dolies ces quatre rois (αΟ^Ώ pour QlDxSa ? Iselin) qui sont enchaines
sur le grand ileuve de I'Euphrate, qui aneantiront un tiers des hommes ». Le chiffre de
4 suppose un cadre ancien qui a deja servi au ch. vii, 1, pour signifier autre chose.
Ces Anges du chatiment vont se mettre a la tete de la Gavalerie diabolique, comme
Abaddon a la tete des sauterelles, comme Satan dechaine excitera Gog et Magog
(ch. xx). La description suivante a done pu s'inspirer des craintes contemporaines
de I'Asie ; mais il faut y voir un tout autre sens que celui d'une invasion historique
des Parthes; c'est le symbole de toutes les invasions, de toutes les divisions meur-
trieres que I'enfer excite dans I'histoire.
. A. B. 15. Spitta et Bousset corrigent arbitrairement άγγελοι en άγέλαι; c'est
meconnaitre le symbolisme du livre. — « Un tiers des hommes » cfr. le « un tiers »
des 4 premiers fleaux. — ή-οιιχασ{Α£νοι : moyen ou passif?
C. 15. La cinquieme trompette n'avait cause que des tortures, surtout morales;
celle-ci amene une horrible extermination. L'action infernale s'etend des consciences
sur les societes; car la guerre est I'oeuvre des anges mauvais, et une consequence des
fautes humaines (cfr. 20-21). Un tiers des hommes en est frappe, comme un tiers
des objets naturels aux plaies 1, 2 et 3. Cette mesure est done amenee par la symetrie,
et ne signifie pas autre chose qu'une grande proportion, pourtant une minorite.
Au ch. VI, il n'y avait qu'un quart de la terre devaste par I'ensemble des fleaux; mais
peu importe cette inconsistance des chifTres, car ces mesures n'ont aucune valeur
precise en elles-memes.
— _ B. C. 16. (c J'en entendis le nombre », s'est deja trouve litteralement vii, 4 :
mais ici Jean voit deja ce dont il parle. Ces myriades de myriades (200.000.000) sont
un chiffre pareil a celui des Anges de la cour celeste (v, 11), ce qui nous porte doja
a croire qu'il s'agit d'Anges de I'Abime; d'ailleurs une telle enormite empeche
d'y voir une cavalerie humaine. Le sens est que tout I'enfer est dechaine pour exciter
parmi les humains des guerres meurtrieres ; ce qui convenait a I'epoque de Jean,
surtout durant I'lnlerregne, et encore niieux a la notre, mais d'une fagon generale a
presque tons les siecles de I'histoire.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 117
C. IX. 13. Et le sixieme Ange sonna de la trompette ; et j'entendis ime
voix [sortant] des quatre comes de I'autel d'or qui est en face de Dieu,
14. disant au sixieme ange, celui qui avait la trompette : « Delic les quatre
Anges qui ont ete enchaines sur le grand fleuve de I'Euphrate ». 15. Et
furent delies les quatre Anges qui s'etaient prepares pour I'heure et le jour
et le mois et I'annee, afm de tuer le tiers des hommes.
16. Et le nombre des armees de la cavalerie [otait de] deux myriades
de myriades; j'entendis leur nombre. 17. Et ainsi vis-je les chevaux dans
la vision, et ceux qui etaient assis sur eux : [je vis qu'] ils avaient des
cuirasses de feu et d'hyacinthe et de soufre. Et les tetes des chevaux [sont]
comme des tetes de lions, et de leurs bouches il sort du feu et de la fumee
etdu soufre. 18. Par suite de ces trois fleaux furent tues le tiers des hommes,
' A. B. 17. Remarquer la construction ε/ον-ας, et le passage au present,
comme dans le tableau des sauterelles.
C. 17. G'est la seule fois que I'auteur parle expresscment des apparences de
la vision (iv τ^ όράσει) ; il se rend done bien compte que ce sont des images comme
celles des reves, et qu'il ne faut pas en attendre la realisation litterale; cette obser-
vation peut s'appliquer a tout I'ensemble. Ici, et au v. 19 [infra), on peut remarquer
une grande analogic, presque un parallelisme, avec la description des sauterelles (cui-
rasses, chevaux, queues malfaisantes) ; rien d'etonnant a cela, si les sauterelles
etaient des especes de centaures en reduction ; ce peuvent etre les monuments qui
ont inspire a Jean ces images.
A. B. 18. Equivalence d'ano et de έχ, tout a fait hellonistique. υπο pour άπο
dans quelques mss. — Pour le feu qui sort de la bouche, cfr. Job. xli, 10-suiv.
(Leviathan); Hen. si. i, 5; animaux crachant du feu, dans la raythologie; cfr. encore
Hab. \, 8-suivants, description de la cavalerie chaldeenne ; et Bahman Yasht, ii, 24-
suiv.
C. 18. La cavalerie demoniaque de la fin du monde, dans le Bahman Yasht, cito
ici par Volter, peut etre un emprunt a notre Apocalypse, ou provenir d'une meme
source traditionnelle. Toute cette description montre assez qu'il s'agit de demons
poussant invisiblement les hommes a se massacrer, et no η de Parthes, meme tres
« embellis » par la legende.
-^^^ A. B. 19. έν instrum. — αί γαρ.,, άδίκουσιν, est omis si/rs'^' ; cfr. les queues des
sauterelles, supra.
G. 19. Les auteurs qui veulent a toute force reconnaitre ici des Parthes, ou d'autres
barbares orientaux, ont donne a ce verset des interpretations assez curieuses : Volkmar
pense aux ruades des chevaux (!); Grotius, a un soldat en croupe, qui tire par
derriere; Spina, tres erudit, se souvient que les Parthes tressaient la queue de
leurs chevaux, d'ou I'apparence de serpents, etc., etc. Holtzmann, plus raisonnablement,
rappelle les membres inferieurs serpentiformes qu'ont les ennemis des dieux dans
la Gigantomachie de Pergame, que Jean avait pu voir; souvent on representait ainsi
les Titans, les Geants, d'autres monstres.
-^-^— A. B. 20. έν instrum. — ουδέ, diiTicile a construire (οΰτε Λ, α3-Ρ-025
Λv20-rl-l^ Av30-36-2019, al., Soden; ου rec. K, o^-G-04, And.; και ou 1073), doit signifier
« pas meme [alors] », comme Mc. vi, 31; I Cor. in, 3; iv, 3; il n'y a pas d'anacoluthe,
comme le suppose Joh. Weiss, qui parle ici de maladresse du rodacteur; ce serait
en effet bien maladroit pour un « editeur » qui redigeait tout a son aise ! — προσκυνησο)σι
Orig., rec. K, etc. Soden (Ιλτ. c. x, § II). — Garacteristiquo des idoles, lieu commun
118 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
άνθροίττων, *£•/. του ζυρος 'm\ του ν.αζνοϋ και του θείου του έκζορευομ,ί'νου έν. των
στομάτων αυτών. 19. Η γάρ εξουσία των ι'πχων έν τω στόματι αυτών έστιν καΐ έν ταϊς
οϋραΐς αυτών' α', γαρ οΰραΐ αυτών ομοιαι οιεσιν, ε)[ουσα'. κεφάλας, -και *έν αΰταϊς
άοικοΰσιν.
20. Και οΙ λο',τυοί τών ανθρώπων, οι ουκ άπεκτάνθησαν *έν ταΐς ττληγαίς ταΰταις,
*ουοέ μ.ετενόησαν εκ τών έργων τών χε'-ρών αυτών, Γνα μ,ή *7:ροσκυνήσουσιν *τα
οαιμόνια και τα εϊοωλα τα χρ'υ'α και τα αργυρά καΐ τα χαλκά και τα λίθινα και τά
ξύλινα, ά ούτε βλέτ:ειν δύνανται ούτε άκοΰειν ούτε ττεριττατεΐν, 21. Και οϋ μετενόησαν
*έκ τών φόνων αυτών ούτε εκ τών φαρμακιών αυτών ούτε εκ τη; ζορνείας αυτών οϋτε
εκ τών κλεμμάτίον αυτών.
de ΓΑ. Τ. Ps. CXIII, 12-suiv. (cxv, 4-7); Dan. ν, 4, 23; Ps. cxxxv, 15-17; /s. xl, etc;
dans les Apocryphes, Hen. elli. xcix, 7; .Sii». v, 80-suiv. etc.
C. 20. D'apres ce verset, c'est le monde paien qui est victime (cfr. 5^ plaie); pour-
tant les 2 3 sont respeetes, pour avoir le temps de se converlir [Orig. sch. xxxv).
Qu'advient-il des chreliens dans cette calamite a laquelle lis ne peuvent cependant
ecliapper aussi conipletenient qua la cinquieme? II n'en est rien dit, mais, d'apres
I'analogie de I'ensemble, on peut conclure qu'ils en sont purifies, au lieu de deses-
perer et de se refugier dans le blaspheme. Voila pourquoi I'auteur parle comme si
le lleau ne les atteignait pas (cfr. lettre a Philadelphie, etc.).
—m— A. 21. φαριιαχιών a conserver (A, Q, al.) centre φαραάκ())ν, de Soden; φαραακία
= malefice, sortilege. — πονηρίας pour πορνείας, A, \•, al. — Remarquer, ici et au verset
precedent, μεταν. έκ, au lieu de επί dat.
C. 31. S'il n'est pas question expressement des adorateurs de la Βέίβ (xtii-suiv,),
c'est que la serie des Trompettes est de portee absolument generale, elle concerne
tous les pays et tous les temps, et ne presenle aucune de ces attaches historiques avec
I'Empire remain que nous trouverons apres le chap, xi (vid ad loc) ; cfr. Joh. Weiss et
Bousset. Depuis le chap, vii, on a I'impression que Jean voit des aspects divers, mais
continus et simultanes , de la realite presente et future. II les donne bien sous forme
de tableaux successifs, mais ces descriptions demeurent, dans une large mesure,
iiidependantes les unes des autres, au point d'ofTrir des trails qui seraient inconci-
liables (p. ex. l^e et 5^ plaies), si on voulait les reduire a I'unite symbolique d'un seul
tableau. Ce sont des fleaux generiques, qui peuvent se realiser historiquement sous
mille et mille formes, successiveraent ou a la fois; rien ne porte a y trouver les
« periodes » des ecoles anciennes (Int. c. v, § I).
Tous ces fleaux, peines vindicatives, afl'aiblissent la puissance du mal, et sont
destines ainsi a faciliter la conversion du monde [And., Orig.) ; toutefois ils ne sont pas
sur ce dernier point efficaces par eux-memes, comme le constate le Prophete dans
les deux derniers versets ; ce qui decidera le retour des pecheurs a Dieu, c'est I'exal-
tation des Deux Temoins symboliques qui vont nous etre presentes au chap. xi. Ce
contraste est conscient et voulu chez I'auteur: il signifie, comme chez saint Paul, la
superiorite^de la loi de grace sur toute loi de crainte ct de colere.
(« Inlermede »). Un Ange vient annoncer la consommalion prochaine, c.l prcciser
a Jean une partie de sa mission [le petit Here ouvert) c. x.
Int. — Nous approchons maintenanl dun lournant du lii're, du passage a une
serie prophetique de caractere different [XII-XX). Un « Ange puissant », analogue,
comme I'a bien note Calmes, a celui de V, ?, vient annoncer la consommation prochaine
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 119
par le feu, et la fumee, et le soufre qui sortait de leurs bouches. 19. Car
le pouvoir des chevaux est dans leur bouche et dans leurs queues; car leurs
queues [sont] pareilles ά des serpents, elles ont des tetes, et [c'est] par elles
[qu'] elles nuisent.
20. Et le reste des hommes, qui ne furent pas tues par ces fleaux, ne
se repentirent meme pas des oeuvres de leurs mains, pour ne [plus] adorer
les demons, et les idoles d'or, et celles d'argent et celles de bronze et celles
de pierre et celles de bois, qui ne peuvent ni regarder ni entendre ni
marcher; 21. Et ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs
malefices, ni de leur fornication ni de leurs vols.
des jugements divins, coinine I'autre en avail, dune cerlaine maniere, annonce et
provoque le commencement. Ce parallelisme, quoique peu apparent, est indeniable.
Le « Mystere de Dien », dont il annonce I'acconiplissement, opere deja dans le niondc^
et prepare son triomplie decisif par I'action des « Deux Temoins » du cli. XI, Ainsi
cet « intcrmede » se relie, par I'idee au moins, avec le second tableau de la 6^ troni-
pette; il nest pas non plus sans lien avec les fleaux qui precedent ; maintendnt qu'ils
ont ele partes a leur comble, dans leurs effets materiels, par la Cavalerie infernale,
il convenait d'en prevenir I'effet demoralisateur par I'annonce du prochain salut,
en vue duquel Dieu les a decretes. Ainsi, dans I' « Apocalypse synoptique », Jesus
disait : « Lorsque vous verrez ces c/ioses arriver, sachez que le Regne de Dieu est
proche » (Luc, XXI, 31; Mat. XXIV, 33; Mc. XIII, 29). Puis, comme la proclamation
de VAnge de V, 2 se rapportait au grand livre des decrets generaux sur I'humanite,
celle du Deuxieme Ange a un second objet, qui est de remettre a Jean « un petit
livre ouvert » contenant de nouveaux details sur une partie de I'avenir, ceux qui ont
le plus d'interSt direct pour les chretiens d'Asie, et qui en mime temps, en s'amplifiant
jusqua des vues generales sur les luttes de I'Eglise et de Satan, montreront la
maniere dont le « Mystere de Dieu » doit saccomplir. Ce sera le sujet des chapitres
XII-XX; nous avons ici le premier et le plus remarquable des six cas d' « emboite-
ment » (V. Int. c. vii). Du reste certains traits de la vision du ch. XI supposent deja,
par anticipation litteraire, ces nouvelles conditions qui ne seront exposees que dans
la section a venir {la victoire de la Bete).
Nous croyons que tous les elements de ce chapitre proviennent dune vraie vision;
il est bicn possible que Jean, en redigeant son livre, ait combine des traits disperses
dans ses extases pour en faire un tout qui servit de transition entre deux sections.
Mais cost tout autre chose qu'une feinte vision destinde seulement a rendre conipte
■ de la disposition ulterieure de I'ecrit, comme le voudraient certains critiques (cfr.
AVeisziicker, Sabatier, Bousset) ; il ne faut pas ainsi se figurer I'auteur de V Apocalypse
comme un ajusteur litteraire inventant de toutes pieces des scenes de liaison dans
la tranquillite de son cabinet. Cette vision a un caraclere tout aussi reel que les autres,
quoiqu'elle prepare bien de fait ce qui suivra jusqu'au ch. XVIII (Bousset, Sabatier),
et au dela.
Ces critiques reconnaissent d'ailleurs, par le fait meme, quelle est de la mdme
main que I'ensemble du livre. Bousset note de nombreuses expressions communes
avec les chapitres precedents et suivants (τους δούλους τους προφητας, Χ, 7, cfr, I, 1;
XI, 18; (XV, 3); XIX, 2, 5; XXII, 3-6. — έπ\ λαοϊς, κτλ, Apoc. passim; ευαγγελίζειν
iransitif, comme XIV, 6). Les fautes notables, les tournures spcciales, sont les m4mes;
la description de VAnge rappelle celle du Fils d' Homme du ch. I; son role, celui de
de V n Ange puissant » de V, 2; le χρόνος ούχέτι εσται de Χ, rappelle VI, 9-suiv;
120 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
remarquer encore les expressions a.Wo^/, πάλιν [1 et 11). Mai fondees apparaissent
done, dit premier coup, les opinions de Volter, qui fait ici conimencer son apocalypse
de Cerint/ie; — de Weyland, qui y trouve le debut de sa source juive 3, sauf le v. 7,
ceuvre de I'edileur; — de Spitta, qui repartit le chapitre enlre 7* {source juive
sous Caligula : la; 2b; 3; 5-7), J* (juive du temps de Pompee : lb; 2a; 8a; 9b;
10-11), et I'editeur chretien sous Trajan (4; 5*; 7a*); Bousset a raison de trouver
cette savante division « ungemein kiinsllich »; — de Bruston, qui separe 2a et 8-11
(Apoc. sous Ncron) de 1; 2b-7 (disciple de Jean); — de Joh. Weiss, qui fail conimencer
sa source Q (juivc, du temps de la guerre contre les Romains) avec 1-9, et attribue
7*, 10-11 a l <( Editeur »; — de Schmidt, qui fait de X, 1-XI, 13 un morceau secon-
daire intercale. Erbes attribue le tout a I'Apocalypse chretienne primitive, de 62;
Schoen ny voit qu'une introduction faite par I'auteur a XT, 1-13, qui serait un fragment
emprunte a une apocalypse juive (v. infra) et Holtzmann croit que les deux eh. X-XI
ne concernent que le sort de Jerusalem et du Temple, nouveaux episodes qui reculent
la catastrophe finale, comme le ch. VII entre le 6" et le 7« sceau. Nous critiquerons
ces dernieres opinions au commentaire du ch. XI.
C. X. 1. ΚαΙ ειδον *ά'λλον άγγελον *ί(7χυρον καταβαίνοντα εκ του ουρανού, περιβεβλη-
μένον νεφέλην, και η Ιρις έ-Ι της κεφαλής αΰτου, και το -ρότωπον αύτου ως ό
ήλιος, και οί *7:όοες αϋτου ώς στύλοι ζυρός. 2. Και *εχων εν ττ) χειρί αυτού *βιβλα-
ρΒιον ήνείογμένον. Και εΟ•/;κεν τον πόδα αΰτοΰ τον δεξΓον επί της θαλάσσης, τον δε
ευώνυμον επί της γΫ;ς. 3. Και εκραςεν φωνή μεγάλη *ώσπερ λέων μ.υκαται. Και οτε
εκραςεν, έλάλησαν *αΙ έπτα βρονταί τας εαυτών φωνάς. 4. ΚαΙ οτε έλάλησαν αϊ
Α. Β. 1. άλλον omis Ρ, Q, Av20-r Ι-Ι"", rec. Κ; ΐτ/υρόν omis syr^'^^. — -όοζς ne peut
ici signifier que jambes, ce qui est parfois le sens de I'hebreu bp ; on aurait done ici
un hebraisme [Charles, Studies, p. 97, qui renvoie a I Sam. xvii, 6; Deut. xxviii, 57;
Is. vn, 20). — όίλλος αγγ. hy. cfr. V, 2, et xviii, 21 (v. ad loc.). — Description : cfr.
celle du « Fils d'Homme » au ch. i, et de I'Ange laoel, Apoc. Abr. xi. — ΐρις, cfr. iv,
3, mais ici il s'agit de I'arc-en-ciel ordinaire — νεφέλην, vehicule des ctres celestes, i, 7;
XI, 12; XIV, 14-suiv.; Ps. cm (civ), 3; Dan. vii, 13; Act. i, 9-suiv.; I Thess. iv, 7, etc.
C. 1. Get « Ange puissant » n'est qu'un Ange, comme au ch. v, et non le Christ,
en depit dune certaine analogic de description avec le « Fils d'Homme », malgre
Vict., Prim, Haymon, Albert et quelques autres. Nous avons parle de son role dans
I'introduction a la pericope. Quoique son aspect inspire la crainte, Γ « arc-en-ciel »
est pourtant le eigne de la misericorde; car le jugement general qu'il va annoncer,
et meme les jugements particuliers qu'il va donner a promulguer au Prophete, satis-
feront les aspirations des fideles.
Jean voit cet Ange descendre du ciel; c'est done qu'il est lui-meme retourne sur
la terre (cfr. verset 4), sans doute a Patmos, puisqu'il a la mer devant lui (cfr. xiii, 11,
ad loc.) ; cependant il assistera encore plus loin a des scenes celestes. C'est I'ordinaire
des visions hellenistiques (Boll, p. 6). L'ame du Voyant, liberee par I'extase, parcourt
I'univers entier, suivant que I'Esprit la transporte; il n'y a meme pas la un change-
ment de scene qu'il faille notifier, tout le champ du monde etant sous ses yeux; aussi
cela n'indique pas un changement de source.
— ^— A. B. 2. και ε/ων, proposition participiale elliptique, ou solecisme (Ιχτ.
c. X, § II). — βιβλαρίδιον, hap. leg. absolu (Ιλτ. c. x, § I), sauf Hermas, vis. n, 1, 3;
IV, 3, change dans plusieurs temoins, ici et aux versets suivants, en βιβλιΌν, βιβλάριον,
βιβλίδιον, βιβλιδάριον; c'est un diminutif du diminutif βιβλάριον, forme lui-meme comme
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 121
d'autres mots du N. T., παιδάριο'ν, ώτάριον. — Cfr. la scene d'Ezeo/i. n, 9 (Int. c. v, ii, § II).
C. 2. La petitesse de ce livre, contrastant avec le grand livre scelle du ch. v,
montre qu'il contient des revelations moins etendues dans leur objet, quoiqu'elles
doivent etre plus developpees dans le detail; de fait, nous verrons qu'il precise un
fragment de la revelation generale du Grand Livre, un fragment deja mur pour
une communication detaillee {Stvete) : ce sont les destinees de I'Empire romain,
considere dans ses relations avec I'Eglise, et pris comme type des puissances qui
doivent etre vaincues par le Christ; nous allons done bientot nous trouver d'accord
en substance avec I'exegese de I'ecole Alcazar-Grotius-Bossuet (Int. c. xiv, § VI).
J'ict. y voyait le registre de toutes les actions des hommes, And. celui des actes
des plus insignes scelerats, notamment, a cause de la position des janibes de I'Ange,
des bandits de terre et de mer. Mais la signification est a la fois moins etendue
et plus precise.
Ajoutons que ce livre est deja confie a un des ministres immediats de la revelation
prophetique, a un Ange. Contrairement au premier livre, il est « ouvert », et cela
C. X. 1. Et je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel, enveloppe
d'une nuoe; et I'arc-ea-ciel [etait] sur sa tete, et son visage comme le soleil,
et ses jambes [litt. ses pieds) comme des colonnes de feu. 2. Et il avait
dans sa main un petit livre ouvert. Et il posa son pied droit sur la mer,
et le gauche sur la terre. 3. Et il cria d'une grande voix, comme un lion
rugit. Et quand il cut crie, les Sept Toniierres parlerent [avec] leurs propres
voix. k. Et quand eurent parle les sept tonnerres, j'etais pres d'ocrire.
pour deux raisons, croyons-nous : 1°) parce que tons les sceaux de I'avenir ayant
deja ete brises par I'Agneau, le contenu du βιβλαρί^ιον doit deja avoir ete revele
sous quelque forme dans la vision des Sept Trompettes; 2°) parce qu'il exposera I'avenir
d'une faQon plus immediatement intelligible pour les lecteurs d'Asie (v. au v. 11). —
La taille et la puissance colossales de I'Ange repondent a la grandeur de sa mission.
A. B. 3. αί, omis devant βρονταί κ, Av20-rl-l'•, 0*•'-4-91, α103-7-104, Av24-
18-94, arm., al., doit cependant ^tre conserve, et cat article montre qu'il s'agit d'une
entile connue, traditionnelle ; on pent y comparer les tonnerres des scenes celestes,
Apoc. passim, la septuple mentioD du tonneri-e comme « voix de Yahweh » dans le
Ps. XXIX [ZiiUig, Holtzm., Swete, etc.), ou la voix celeste qui se fait entendre dans le
Temple, Joh. xii, 28, et que le peuple prend pour un tonnerre [Swete). Mais ces loin-
tains parallfeles ne rendent pas compte de leur determination, ni du chifTre 7. L'origine
premiere du symbole est peut-etre a chercher dans la mythologie babylonienne : la
voix d'Adad,dieude I'orage, retentissant dans les sept spheres planetaires [Boll, p. 18).
— ώί λέων κτλ. construction semblable a i, 16 : ώς δ ήλιος φαίνει.
C. 3. Ces tonnerres sont distincts du cri de I'Ange (cfr. And.), et, puisqu'ils revelent
quelque chose, ne sont pas simplement, contre Holtzm. et Spitta, un echo de cc cri.
Vict, y voyait I'Esprit septiforme, parlant par les Prophetes; Orig. (Sch. xxxvi), des
entilos morales : σοφία, σύνεσις, etc. Nous croyons qu'ils represcnlent tout I'ensemble
de la revelation prophetique accordee par Dieu a Jean, dont celui-ci doit tenir secrete
une partie (v. infra).
— — A. B. 4. δσα pour δτε, χ, al. g, Prim., arm. — αίτά ταΰτα γράφεις (γράψον),
pour [χή αύτα γράψεις, erreur de quelques mss. du type Andre. — Cfr. I'ordre de sceller
la revelation. Is. viii, 16; Dan. vni, 26; xii, 4, 9; IV Esd. xiv, 18-48, les 70 livres
tenus secrets.
122 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
έ-τά βρονταί, εμελλον γράφειν. Και ήκουσα οο)νήν εκ του cupavcij λέγουσαν" Σφράγι-
σον α έλάλησαν αί έτυτα βρονται, και μή αυτά γράφης. 5. Και ό άγγελος, ον είδον
έστώτα έπί της θαλάσσης καΐ επί τν^ς γγ;ς, ηρεν τήν χεϊρα αΰτου τήν δεξιάν εΙς τον
οΰρανόν, 6. Και ώμοσεν *έν τω ζώντι εις τους αιώνας των αιώνων, ος εκτισεν τον
ουρανον και τα εν αυτω και τήν "j^v και τα εν αύτη και τήν θάλασσαν και τα εν αυτή,
οτι *χρόνος ουκέτι εσται, 7. άλλ' έν ταΐς ήμε'ραις τί^ς φοινης του έβδομου αγγέλου,
όταν μέλλη σαλπίζειν, *καΊ *έτελε'σθη το μυστήριον του θεού, ως *ευηγγέλισεν τους
εαυτού δούλους τους προΦήτας. 8. Και ή (ριονή, ήν *ήκουσα εκ του ουρανού, -άλιν
C. 4. Jean a compris ce que disaient les tonncrres, puisqu'il voulait en confier
le secret a recriture. Que signifie done cette interdiction de les ecrire, portee par
Dieu, ou par le Christ, ou par un des Anges demeures au ciel? Una explication qui
a fait fortune, et qu'oii retrouve chez Weiszdcker, Schoen, Pfleiderer, Bousset, Calmes,
Joh. Weiss, etc., consiste a dire que I'auteur utilise ici une source ecrite (Q pour
Joh. Weiss, une Apocalypse juive ou les 7 Tonnerres auraient joue le role des
7 trompettes), mais qu'il I'abrege volontairement, et exprime son procede en disant
qu'il « scelle », — c'est-a-dire qu'il garde pour lui — le contenu de cette revelation,
dont il ne donnera que certains traits choisis, sans doute parce que Dieu lui a rovele
quelque chose de mieux encore [Bousset). Interpretation assez plate, et bien arti-
ficielle; Jean n'elait pas homme a combiner ainsi a tote reposee de ces ruses
d'ecrivain professionnel. Swete, ici encore, a vu beaucoup plus clair, et son inter-
pretation est a la fois beaucoup plus digne de I'auteur inspire, plus simple et plus
naturelle. Jean regoit d'en haut I'ordre de garder pour lui seul, eufouies dans sa
memoire, des connaissances surnaturelles qu'il a regues, mais telles qu'il ne peut ni
se les reraemorer ni les exprimer d'une maniere satisfaisante ; tout de suite on pense
a ces άρρητα ρη';Αατα qu'entendit aussi Paul dans son rapt (II Cor. xn, 4). Cette impuis-
sance a elle seule peut etre pour le Prophete comme un ordre de Dieu. — Cet episode
sert de plus, croyons-nous, a faire ressortir le caractere partiel, particulier, des reve-
lations contenues dans le βιβλαρίδιον, dans ce qu'elles auront de precis, elles ne cons-
tituent qu'un fragment d'un vaste ensemble que Jean a entrevu, d'une connaissance
surnaturelle fulgurante comme des tonnerres, mais intraduisible peut-etre en un
langage huniain qu'eussent compris ses lecteurs. Le « petit livre » se bornera, de fait,
a decrire, en ses grandes lignes, I'avenir de i'Empire romain ainsi que de I'Eglise
dans cet empire, et ce qui, dans la suite des temps, ofTrira de I'analogie avec I'etat
des premiers siecles. Car la mission de Jean etait de fortifier les chretientes d'Asie
centre la persecution. Tout autre est le passage parallele de Daniel : la la revelation
ne doit restei• obscure que jusqu'a I'evenement, tandis qu'ici nous ne pouvons et ne
pourrons jamais savoir ce que la voix articulee des Tonnerres a dit au Prophete.
— Un tel mystere nous invite deja a croire que cette scene sert d'introduction a des
revelations plus vastes que celle du sort futur de Jorusalem, — centre ceux qui voient
dans le ch. χ une introduction a un fragment d'Apocalypse juive sur la Cite Sainte.
— — — A. B. 5. Spitta supprime, sans raison valable, de δν εΐδον a έπ\ της γης. —
Serment de I'Ange, cfr. Dan. xii, 7.
I A. B. 6. έν apres ό;χνύναι, deja signale par Arethas comme une tournure
tres inusitee en grec, a ete supprime iX, rec. K, al., Grig., boh; mais il se trouve
aussi Dan. xn, 7, dans Theodotion. — ουκ 'έστιν pour οΰκέτι 'έσται, dans Κ, 8408-40-141,
boh. — ό ζών εις τους αιώνας κτλ, cfr. ι, 18; IV, 9-Suiv.; XV, 7; Dan. νΐΐ, 12. — δς 'εκτισεν
κτλ; formule biblique frequente. Gen. xiv, 22; Ex. xx, 11; Ps. cxlvi, 6. — Pour χρόνος
ούκέτι 'έσται, cfr. la συντέλεια καφοΰ de Dan. xii, 7 [Holtzmann] .
C. 5-6. II faut prendre ici χρόνο; au sens de « delai », qui est classique [Holtzmann,
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 123
Et j'entendis line voix du ciel qui disait : « Scelle les choses dont oat parle
les Sept Tonnerres, et ne les ecris pas. » 5. Et I'Ange, que je vis debout
sur la mer et sur la terre, leva sa main droite au ciel, 6, et jura par le
Vivant aux si6cles des siecles, qui a cree le ciel et les choses qui sont en
lui, et la terre et les [choses qui sont] en elle, et la mer et les [choses
qui sont] en clle, qu'il n'y aura plus de delai, 7. mais qu'aiix jours de la
voix du septieme Ange, quaud il sonuera de la trompette, est accompli le
Mystere de Dieu, cooime il en a donne la bonne nouvelle a ses serviteurs
les prophetes. 8. Et la voix que j'avais entendue du ciel, de nouveaii
Swete, al.), et ne pas I'entendre, avec des exegetes anciens, Bede, etc., suivis par
Spina, du « Temps » en soi, qui serait sur le point de faire place a I'eternite. Andre
propose les deux sens, « temps », et « delai ». L'idee philosophique du temps oppose
a I'eternite ne parait guere s'accommoder a I'esprit de I'Apocalypse, qui n'a rien
de speculatif ; c'est un rapprochement bien fantaisiste que celui qui est fait par Spitta
avec IX, 14-suiv., oii il trouve des « Anges du temps ». Dans le pretendu parallele
d'Hen. si. xxxiii, 2 et lxv, 6-suiv., il est bien question de la cessation des divisions
du temps apres le jugement, dans le huitieme Milienaire, mais dans un contexte d'idees
si difterent qu'il n'y a pas trace de parallelisme. Jo/i. Weiss, apres Spitta, supprime
7a comme glose de Γ « Editeur », et traduit 6 et 7b : ... « Die Zeit ist vortiber, und
vollendet ist das Geheimnis Gottes » ; mais son exegese tombe avec sa theorie des
sources. Au contraire, le parallelisme est tres visible — et il n'a pas manque d'etre
vu par Holtzinann, Erbes, Bousset, al., — avec Dan. xii, 7, ou I'Ange jure avec le
meme geste et dans les memes termes, qu'il n'y a plus qu'un certain delai avant
la fin. Le present verset fait contraste avec vi, 11, ou un delai, avant le debut des
calamites contenues dans le grand Livre, etait impose aux esperances des martyrs.
Swete, qui le note avec d'autres, observe encore que cette assurance venait bien a
propos a la fin de I'age apostolique, quand I'ancien espoir d'une Parousie immediate
s'etait dissipe, cfr. II Pet. in, 3-suiv. Beaucoup pouvaient etre tentes de se dire :
« Oil est la promesse? Tout durera toujours comme depuis le commencement de la
creation ». — L' « Ange puissant » annoncerait-il done que la Parousie est imminente
a la fin du le'siecle? NuUement; la Parousie est proche par rapport a un moment
de I'avenir qui suivra la sixieme trompette, et non pas, centre Bousset, par rapport
au moment ou Jean eut sa vision. Toutefois c'est une reponse a la sainte impatience
qu'ont le Prophete et I'Eglise de voir le triomphe du Christ; c'est une assurance que
le deploiement des calamites predites ne fera que rapprocher la consummation du
bonheur, que des fleaux en nombre limite suffiront a detruire tout obstacle a I'epa-
nouissement du Regno de Dieu, deja commence, du reste, par I'activite du Premier
Cavalier (ch. vi) et des Deux Temoins (ch. xi, infra).
' A. B. 7. Και a I'apodose, hebra'isme, pourrait etre, comme I'indique Boussci,
le 1 consccutif devant le parfait avec le sens du futur; έτελέσΟη, aoriste d'anticipation
(iS'(veie), corrige en τελεσΟί) (Q, al., Orig., And.), ou τελεσΟησεται (Arethas, hit.), ou
τελεσθηναι. — ευαγγελίζειν, forme active, Int. c. X, § II. — « Mystere de Dieu », chez
Paul, I Cor. II, 1; cfr. ii, 7; iv, 1; Col. ii, 2; μ. τοϊ3 χριστοΐί Epii. πι, 4; Col. iv, 3; μ. της
βασιλείας Marc ιν, 11.
C. 7. Le « /ρόνος ούκέτι εσται » n'indiquait pas la (in immediate, puisqu'il faut encore
attendre la 7<= trompette (Swete). Cette derniero sera celle du jugement, triomphe
de Dieu, de I'Agneau et des fideles. Le « Mystere de Dieu » est I'accomplisseraent
definitif de la volonte bienfaisante d'En Haut, apres la destruction des obstacles;
124 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
*λαλ5ΰσαν *μετ' έμου καΐ *λέγ2υσαν" "Γτταγε λάβε το *βιβλαρίο',ον το ήνεωγμ,ένον εν τί;
χειρί του αγγέλου το'ύ έστώτος έ-ί τ•^ς θαλάσσης καΙ έττΐ τί^ς γ^ς. 9. Κα• *άζηλθα
■ττρος τον άγγελον λέγων αυτί) οουναί μο'. το βιβλαρίο'.ον. ΚαΙ * λέγει μο•." Λάβε και
κατάοαγε αυτό" και πικρανεϊ *σου τήν κοιλίαν, αλλ εν τω στόματί σου έσται γλυκύ ώς
μέλι. 10. Και έλαβον το βιβλαρίΒιον εκ της χειρός του αγγέλου και κατέοαγον αυτό,
και ην έν τω στόματί μου ώς μέλι γλυκύ' και ότε έφαγον αυτό, έζικράνθη ή κοιλία
μου. 11. Και *λέγουσί μοι' Δει σε ττά/,ιν ττοοοητευσαι έττΊ λαοΐς και έθνεσιν και γ/,ώσ-
σαις και βασιλεΰσιν ττολλοΐς.
de la I'emploi du mot ευαγγελίζειν, qui signifie toujours quelque chose de joyeux et
de consolant {BousseD, une nouvelle joyeuse {Holtzm.j; car ce sera alors le repos
eternel des saints {And.). II ne faut pas y voir seulement, comrae Boussei, le drame
du ch. XII, la defaite historique de Satan; d'ailleurs les evenements de xii-suiv. ne
se deroulent pas au son d'une trompette. Ne cherchons pas pour le « Mystere de
Dieu », dans des eglises pauliniennes et pour une expression aussi caracteristique,
un autre sens que le sens paulinien. L'Ange jure que la realisation du plan du salut,
I'union de tons les elus entre eux et a Dieu par le Christ — tel est le αυστηριον —
sera parfaite quand aura sonne la derniere trompette, annonciatrice du jugement
dernier, de la pleine retribution; et que cette sonuerie doit suivre de pres la consom-
mation de la sixieme plaie decrite, la plus horrible de toutes (cfr. ch. xx, la guerre
de Gog et Magog).
— — A. B. C. 8. λαλούσαν en desaccord avec φωνή (Ιχτ. c. χ, § III ; peut-dtre faut-il
sous-entendre un second η/.ουσα avant le participe, qu'Orig., And., etc. mettent au
nominatif; καΊ ηχούσα φωνην... πάλιν λαλούσαν dans α103-7-104, s)/rs^, arm., g, Prim. —
Pour toute la scene, jusqu'au v. 10, cfr. Ezech. in, 1-3 (I.>t. c. v, ii, § II). — La voix
doit 4tre celle de Dieu ou du Christ, comme v, 4.
A. B. 9. kr.y^/M (A, a400-23-367, 1072, 1073) a ete corrige presque partout
en ά-ηλ6ον (Int. c. x, § II). — γλυκύ; dit des jugements de Dieu, Ps. xviii (xix), 10-11,
et cxviii (cxix), 103. Jean a pris cette idee dans Ezcch. in, 3, mais y a joint I'anti-
these de Tamertume.
C. 9. Ce petit livre n'avait pas besoin d'etre ouvert, ni lu publiquement au ciel,
I'Agneau ayant deja deroule tout le grand livre de I'avenir; il faut seulement qu'il
soit consomme par le Voyant, suivant I'image d'Ezechiel, c'est-a-dire que Jean se
penetre de son contenu pour I'annoncer aux eglises. Ce contenu ne peut otre que
le ch. XII et tout ce qui suit [Calmes, Bousset, v. infra); ce n'est pas encore le ch. xi
qui ne renferme pas de propheties detailldes sur « des peuples... et des rois nombreux »
(verset suivant). II est doux et amer a la fois, parce qu'il prophetise le jugement
en meme temps que la misericorde [Si^'ete). Ou, comme dit Andre, douce est la.
connaissance des choses futures que Dieu a decretees, mais, comme les chatiments
y sont compris, le Prophete sera pris de compassion.
— — A. C. 10. Aoristes hellenistiques, χατεφαγα, έφαγα, dans 1073, al. — « Manger
ce livre » veut dire « le confier a sa memoire » [Vict., al.),
•^— A. B. 11. λέγουσ-.ν, indetermine : « on me dit » (Int, c. x, § II); λέγει dans
P, Av20-rl-lr,al03-7-104, al. vidg., syr., boh., arm., eth., Prim. — ΙπΙ λαοΓς κτλ, comme
ν, 9; VII, 9; χι, 9; χιη, 7; χιν, 6, caracteristique du style de I'Apocalypse, mais ici
les βασιλεΤ; remplacent les φυλαί, sans doute a cause des chap, xvi et xvii.
C, 11. On trouve chez les Anciens de curieuses interpretations donnees a cet ordre :
Vict. : Jean sera delivre pour prophetiser encore, apres la mort de Domitien; —
mais il pouvait deja bien prophetiser a Patmos! And., parmi d'autres interpretations
APOCALYPSE DK SAINT JEAN. 125
parla avec moi, et dit : « Va, prends le petit livre qui est ouvert dans la
main de I'Ange qui se tient debout sur la mar et sur la terre. 9. Et je
m'en fus vers i'Ange, lui disant de me donner le petit livre. Et i! me dit :
« Prends, et devore-le; et il te sera amer aux entrailles, mais dans ta
bouche il sera doux comme du miel ». 10. Et je pris le petit livre de la
main de I'Ange, et je le devorai; et il etait dans ma bouche doux comme
du miel; et quand je Teus mange, mes entrailles sentirent I'amertume. 11.
Et on me dit : « Il te faut de nouveau prophetiser sur des nations et des
peuples et des langues et des rois nombreux ».
possibles : Jean ne mourra pas, et reviendra a la fin des temps prophetiser contre
I'Antechrist. Les anciens n'avaient pas compris la grande division de la parlie pro-
phetique en deux sections (Int, c. vii et xiv).
Le vrai sens est que Jean, arrive a la fin des Trompettes, devra encore, avant de
clore son Apocalypse, publier des visions qui s'identifient avec le contenu du βιβλαρίδιον.
Puisque c'est parce que il a mange le livre qu'on lui dit cette phrase, et qu'on lui
donne ce nouveau mandat, ce verset nous aide beaucoup a pr^ciser le sens de
I'episode. II s'agit des scenes des chap, xn a xviii {Calmes, Bousset, Swete), et d'autres
encore qui se rapportent, quoique non uniquement, a l-'Empire romain. De la la
mention de « rois « au lieu de « tribus ». II va venir des « prophelies politiques »,
comme dit Hilgenfeld, (Z.W.T. 1890, 432, cite par Holtzm.) \iX : il faut, c'est una
nocessite interieure qui le presse depuis qu'il a mango le livre, et qu'il s'est rempli
de la science des decrets divins les plus interessants pour ses eglises d'Asie. Πάλιν
n'est pas, comme voudrait Joh. Weiss qui altribue ce verset a 1' « Editeur », I'aveu
que celui-ci, (ou I'auteur meme), s'est approprie un livre deja fait, une ancienne
prophetic qu'il reedite (;:άλιν), pour rappeler a la communaule des predictions non
encore realisees. Nous avons deja dit ce qu'il faut penser de pareils artifices pretes
a Jean. Mais πάλίν \e\ii dire « une seconde fois, une fois encore », par rapport a
toutes les propheties qu'il a deja donnees [Bousset). Sa mission prophetique se
specialise desormais. Et nous pouvons ajouter que ce seront en partie les memes
predictions que precedemment, mais a un autre point de wlc et sous une autre forme ;
I'adverbe πάλιν, selon nous, exprime cela. La theorie de la « recapitulation », restreinte
et amendee, va trouver une juste application. Sweie dit a pen pres la meme chose.
Beckwith, lui, ne veut voir dans le contenu du c petit livre » que I'ordre ecrit donne
a Jean de continuer ses propheties; point n'eut ete besoin de tant d'embarras pour
si pen.
b. Presentation de lEglise au milieu des fleaux et i'ictoire de I'Evangile
sur l'Ant4clirist, par la pjrcdication des « Deux Temoins » (xi, 1-14) .
iNxnoD. 1°) Place et role de cette pericope dans I'Apocalypse. — Ici la marclie de
la Rovelation n'est pas des plus faciles a suivre, a cause de I'enchevetrement des
deux images des Sept Trompettes et des « Trois Vae », dent le dernier ne peut ilre
identifio qua la suite de reconnaissances exegctiques. Cependant une analyse attentive
fail i'oir que I'ecrivain a voulu metlre en contraste le resultat de I'nctivite des « Deux
Temoins » «rcc les calamites du fleau precedent. Nous rctrou^Όns done ici le dipti/que,
I'antiihcse periodique du sixii-mc moment des scptenaires. Nous crayons que le double
tableau de IX et de XI presente en raccourci, sous ses deux faces, toute la suite
de I'execution des volont^s de Dicu consignees dans le Grand Livre du cli. V ;
12G APOCALYPSE DE SAINT JEAN,
dun cote, la 6* plaie met Ic comble au chatiment des profanes, puisqu'elle aneantit
un tiers de I'hinnanite, et pourtant cette justice i'engeressc ne suffil pas a les con-
vertir [IX, 20-^1); ici par contre, saint Jean contemple le tableau de la providence
de Dieu sur I'Eglise, protection permanente qui la mene au triomphe a trovers les
hates et les douleurs; ce spectacle eclatant produit sur les ennemis un effet qui n'avait
pas encore etc atteint par le deploiement de la grande colere : il leur ouvre les yeux,
meme avec une vindicte beaueoup plus moderee (XI, 13). Le precede est le mSme qu'au
Sixieme Sceau, oil Jean a oppose I'accablement des impies affoles par des calamites
sociales {VI, 12-17), a la securite des li^i.OOO et de la grande foule qui afflue a la
patrie celeste (VII, 1-17). De meme un Ange etait intcrvenu entre les deux tableaux
du 6^ sceau, (VII, 2-3), pour proclamer la preservation des elus, absolument comme
I'An're du ch. X pour annoncer la conso-nmation infaillible du mystere de misericorde.
Cet « intermede yi-de X n'empeche done pas davantage les tableaux de IX et de XI
de [aire corps ensemble ; voila pourquoi I'auteur ne parlera qua XI, Ik, et non a la
fin de IX, de la « Deuxieme malediction » qui « a passe »; parce que ce « Vae »
etait toujours reste present a I'esprit du J'oyant; il englobait comme sa contre-partie
la vision des « Deux Temoins », et Jean n'en avait nullement ete distrait par le pre-
tendu « intermede ». La scene de XI, 1-13 n'a pas du tout avec le ch. X ce lien etroit
et exclusif que veulent voir bon nombre de commentateurs, et qui permettrait de les
detacher ensemble; le plan du livre, au contraire, serait trouble par une telle sup-
pression .
Mais on renonce a comprendre I'economie magnifique de I'Apocalypse si Von fait
de XI 1-13 un nouvel « intermede », sans lien essentiel avec ce qui I'entoure, ou si Ion
fait entrer cette perieope dans une serie continue avec ce qui suivra aux chapitres
Xll-suiv. Malgre la prolepse de la B^te (XI, 7), « emboitement » qui est encore moins
ctonnant que celui du ^ιβλαρίδιον au ch. X, notre perieope appartient certainement
a la premiere section prophetique, et non a la seconde. C'est egolement se tromper,
en restreignant beaueoup trop la portee de cette prophetic, que de voir dans la
presente perieope une prediction du sort de Jerusalem et des Juifs (v. infra). Malgre
rori"ine bibliqiie du symbolisme, nous verrons que tous les traits de ce chapitre sont
choisis et combines dune maniere faite expres pour qu'on ne les prenne qu'au sens
fioure et tout a fait universel, et il faut toute la myopic de I'esprit de systeme pour
ne pas en aonvenir.
2°) Opinions sur les sources. — Cependant le materiel des images, et eertaines
particularites de la langue, ont induit la plupart des exegetes et des critiques a
voir ici un morccau disparate, plus juda'ique que I'ensemble.
Pour Volter, // appartient a I'Apocalypse de Cerinthe (70), commencee avec le ch. X,
et comprenant encore XII, 1-10; 12-16; XIV, 8; XV, 5-6, 8; XVI [sauf interpolations),
XVII, 1-18; XIX, lUXX (sauf interp.); XXI, 1-13; 15-21; XXII, ύ-6. Weyland le
rattache a son 2. (Juif, sous Neron) avec X, XII-XVI, XIX-XXI, en tout ou en partie ;
Spitta a J- (j'uif sous Pompee) avec toujours X (sauf interp.), XIV, 1^-20; XV, 2-6, 8;
la majeure partie de XVI; XVII, l-6a; XVIII, moins 2k; XIX, 1-3; 5-8; XXI, 9- fin;
XXII, l-3a; 15. On n'a qua lire a la suite tous ces passages pour apprecier les
de<^res divers d'ingeniosite de ces auteurs.
Vischer trouve a la perieope un caraetere tres special, et c'est une de ses premieres
j^isons pour assigner a tout le livre une origine juive. Weiszacker y voit d'anciens
mqteriaux utilises, des debuts de la guerre juive; pour Schoen et Sabatier, c'est
egalemcnt un emprunt a I'Apocalyptique juive, et I'auteur chretien aurait cree de toutes
pieces le ch. X pour servir de liaison entre cette scene et le eontexte; Pfleiderer i/ecoMtre
de XI a XVIII une source juive, peut-etre continue, du temps de Caligula, incorporce
par I'auteur meme, avec des complements. Schmidt voil de X, 1 a XL 13, un morccau
intercalc dans la compilation principalc.
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 127
Erbes ei Bruston en font cependant unc pavlie de leur Apocalypse primitive da
temps de Neron; pour le premier, cUc sc rattachc, sauf Vi, a ce qui precede, depiiis
Ic ch. I''', pour I'autre a la section qui s'etcnd de X a XX [sauf interpolations da dis-
ciple et du redacteur) .
Pour Calmes, tout le morceau serail une adaptation dan document primitif sur
VAnteclirist, d'abord localise a Rome, puis transporte par le redaeteur a Jerusalem,
apres que cette i'ille eut ete prise par Titus. Bousset, qui s'est bate a I'apparition
inopinee de la « Bote » dans ce contexte (voir v. 7), ne pent croire, a cause de ce trait
abrupt, que le passage soit originairement de la main de I'auteur. II estime done que
XI, 44 serail mieux place apres le ch. IX, et que les ch. X et XI forment un double
episode intercale. Void, pour le ch. XI, le processus qu'il conceit : une vieille source
juive aurait traite d'un Antechrist siegeant a Jerusalem et des Deux Temoins; pen-
dant le siege de 6Ί-Ί0, quelqu'un cut combine ce vieux document avec un petit morceau
apocalyptique [XI, l-'2), destine a lui donner une portee actuclle; I'auteur de notre
Apocalypse, ayant trouce le morceau en cet Stat, y eut joint une introduction, I'eilt
ramene, par quelques interpolations, a un sens chretien, et place entre la 6^ et
la 7« trompette. Nous critiquerons plus loin cette conception. Joh. Weiss (Offenb.
pp. 129-130), j'uge aussi que le fond du morceau estjuif, et date du siege de Jeru-
salem; aussi I'attribue-t-il a sa source Q, dont I'auteur se serait cru au debut d'une
periode de mallieurs de 3 ans lj2, pris a la lettre, qui devait preceder I'arrivee du
Messie et le triomplie definitif de Dieu. Dans ce bref laps de temps, il sc fat attendu
a i'oir se derouler : 1°) I'activite des precurseurs du Messie, Elie et Henoch reparus
(XI, 3-13); 2°) la persecution du peuple de Dieu par le diable (XII, 1-6; li-17);
3°) la venue de I'Anteclirist (XIII); i") I'effondrement de I'Empire remain (XVII,
XVIII, XIX). L' « Editeur » cut adopte tous ces morceaux, dont il eut modifie le sens
et I'esprit en y intercalant des scenes ou des phrases chretiennes.
Bousset et Weiss se sent laisse influencer par un petit roman sorti de I'imagi-
nation de Wellhausen, que nous critiquerons dans un excursus special. Ccst la
couleur juive des symboles qui les y a partes, ainsi que certaines particularites
linguistiques. II nous faut done etudier la langue de cette pericope.
3•^' Langue et style. — Ce qui frappe le lecteur tout d'abord, c'est que les termes de
la proposition ne suivent pas I'ordre ordinaire. Trcs souvent, le regime direct precede
le verbe; on ne trouve guere ailleurs cette construction dans I'Apocalypse que si le
regime est pronominal, ou dans la locution δνομ.α ε/ ει. Elle manque absolument dans
les ch. VII, XIV, XV, XX et XXII. On la trouve pour t ant [abstraction faite des
pronoms) 5 fois sur k6 au ch. II, a peu pres une fois sur onze au ch. Ill, une fois
respectivement aux ch. IV et V (centre 5 et 18), au ch. VI deux fois, de metne
au ch. XIII, au ch. XVI, presque une fois sur cinq au ch. XVII, ce qui est la proportion
la plus elevee apres celle de la pericope que nous etudions. — En outre, nous ne
irouvons qu'ici, au v. 11, la preposition I ν employee fautivcment pour εις; le sujet
precede le verbe plus souvent qu'ailleurs; les temps presents et fiiturs dominent, et
se mglent a I'aoriste d'une etrange maniere; deux fois le verbe δ(δωυ.ι, employe
comme une sorte d'auxiliaire, se fait suivre de και, au lieu de ί'να.
Ces observations suffisent-elles a nous faire reconnaitre une source? Je ne le crois
pas, pour une raison d'un grand poids : c'est que la grammaire et le vocabulaire
jolianniques caraclerisent fortement tout le morceau. On y trouve les memos irregu-
larites qu'ailleurs, parfois encore plus fortes (v. 1 : λέγων; v. 4 : Ιστώτες^ En outre,
αδικέω, bis; δει, semel ; Iv instrumental, v. 6; kv. partitif comme sujet (v. 9), ainsi
que dans I'Evangile (Int. c. xiii, § I) ; la conjugaison thematique d' άφίημι (v. 9);
deux fois, au v. 10, I'expression usuelle de notre auteur ol χατοιζοΰντες (τους κατ.)
επΙ της γης, e^ non την γην, comme XVII, 'J; I enumeration habituelle, λαοί, φυλαί,
κτλ; ονοαατα =; individus, personnes, (v. 13) comme ΠΙ, 4; cnfin le mot johannique
128 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
θεωρέω (11 et 12), qui est caracteristique du IV^ Evangilc (23 fois Job. et 1 fois I Job..
tandis quil n'apparait que 7 fois Marc, 7 fois Luc, li fois Act., 2 fois Mat., 1 fois
Heb., et nulle part ailleurs dans le N. T.). L'anacoluthe Δώί;ω... και... du v. 3 est
une tournure qui ressemble assez a ?δου διδώ... ίδου ποι/Ισω... de la leltre a P/iiladel-
phie, 111,9, ou du mains η est pas plus extraordinaire (vid. ad. loc). Les cliangements
de temps s'expliquent psychologiquement, par le mouvement de la pensee de I'ecrivain,
qui retombe du sentiment renouvele el vivanl de la vision quil a eue, ou de I'etat mental
du prophcte qui a conscience de decrire I'avenir deja en germe dans le temps present,
au simple souvenir da narrateur qui se rappelle un phenomene visionncl (\κϊ. c. x,
§ III). C'etait I'inverse au eh. VII (v. ad. loc), oil il passait du present visionnel au
futur prophetique; les chap. XXI et XXII nous presenteront encore des oscillations
analogues. Quant a I'ordre des mots, les places respectives du sujet et du verbe ne sont
pas tres fixes dans le style de Jean; ici le sujet vient quinzc fois le premier, et six fois
le second; mais dans les Lettres, au cli. V au ch. VII, 9-16, au c/i. XIV, 1-13, et surtout
du c/iapitre XVI jusqua la fin, c'est cette construction qui domine; I'ordre inverse ne
lemporte resolument qu'au ch. IX; il faut croire que Jean se laissait aller sur ce
point au hasard de sa plume. La position du regime direct devant le verbe est quelque
chose de plus rare et significatif; toutefois nous pouvons noter que I'auteur se per-
meltait cette construction chaque fois quil voulail attircr I'attention sur I'obj'et (voir,
par exemple, II, 3, k, 5; III, 19, etc.). Cette particularite de notre pericope peut
provenir, en partie dune intention, en partie du hasard; elle prouverait tout au plus
que Jean la ecrite avec une certaine cmphase, ou dans le meme etat d'animation
que lorsqu'il tracait les lignes de la leltre a Ephese; on nest pas plus fonde a y voir
les vestiges dune source transcrite qu'on ne le serait dans le ch. IX a cause de la
position presque exclusive du verbe devant le sujet. Du resle, si nous y regardons
de pres, I'objel ne precede le verbe que 8 fois contre seize, et, sur ces huit cas, on
trouve trois fois le pronom demonstratif, et une fois I'expression slereotypoe έξουσίαν
ενουσιν, analogue a ύνο[χα ε/ει; la proportion η' est done guere plus forte ciuau ch.XVII
ou dans la lettre a Ephese; dans les 4 cas qui restent, le commentaire fera tres bien
voir la raison de I'ordre des mots; ce n'etait vraimcnt pas la peine d'attacher tant
d'importance a une particularite si minime. Ajoutons que Jean ne s'astreignait pas
sur ce point la une telle regularite ; au ch. IV, 8, il ecrit : άνάπαυσι ν ού/. ε/ ouatv, et
au ch. X/F,li ουκ ε/ ουσιν άνάπαυσιν.
En realite, il n'y a done que la faute εισηλθεν έν αύτοΓς du v. 11 — laquelle nest
meme pas admise de Soden, qui supprime έν — ά etre U7ie particularite linguistique
de notre tableau des 2 Temoins. C'est trop peu pour y decouvrir une source ecrite.
4°) Conclusion. — Nous ne nierons pas categoriquement pour autant qu'il puisse
y en avoir une; jnais c'est une pure possibilite, et il faudrait admettre en tout cas
que Jean ne la citee que de memoire, — puisque son style est si reconnaissable
dans tout le morceau; il I'aurait d'abord mangee et digeree, comme le βιβλαρίδιον,
pour I'exprimer ensuite sous sa forme a lui, en fonetion de scs idees les plus person-
nelles. Alors, a quoi bon s'attacher a une hypothese qui devient inverifiable? Nous
devons en effet maintenir, apres la plus rigoureuse analyse, que cette pericope nest
pas un intermede, mais la contre-partie, conformement au procede johannique, de IX,
13-21. Toutes les images quelle eontient peuvent, nous le verrons, s'expliquer directe-
nient par la Bible, sans recours force a I'Apocalyptique anterieure; /« emboitement »
de la « Bete », au v. Ί, la relie solidenient a la 2^ section prophetique, quoiqu'elle
fasse encore partie de la premiere; el par la cette scene, qui est du 2" Vae, implique
le troisieme (v. ch. XIII, comment.), — preiive nouvelle que tout cela ne represente
pas de succession ehronologique rigoureuse (Int. c. v et vii). Enfin, la puissance des
« Temoins >> et leur resurrection nous aidera fort a comprendre le difficile « Mille-
nium » du ch. XX.
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 129
Concluons done que, si nous nations pas cet « intermede », qui a derange tant
d'analysies, iApocalypse serait moins liee, nioins co/ierente, et moins symetrique,
quelle ne Vest en realite.
A. B. 1. Le singulier participe λέγων, qui ne se rapporte a aucun mot exprime, mais
seulement a I'agent implique dans le passif εδόθη (est-ce I'hebreu iI^nS? Int. c. x,
§ II), a ete change en λε'γίΐ (χ), λέγουσα; καί οωνή λέγουσα, dans quelques mss. du type
Andre; ou bien Ton aintercale apres ράβδΌι les mots καί είστ/ίκει ό άγγελος, (χ<=, syrs^^',
Orig., Vict. etc.). — Έγειρε est pHs ici au sens intransitif; un imperatii" aoriste
« ingressif » suit tres justement le present. — Pour cette mesure symbolique, qui
reparait Apoc. xxi, 15, et provient d'Ezec/i. xl, 1-6; xlii, 20, cfr. Zach. ii, 1; Is. xxxiv,
11; Hen.eth. lxi, 1-suiv.
C. 1. II est evident, nialgre Andre, qui cherche ici quelque symbolisme spirituel,
que λέγων, du a une singuliere neglig-ence de style de I'auteur, ne peut se rapporter a
κάλα[Αο;. Mais qui est-ce qui parle? Est-ce encore I'Ange du ch. χ {Bousset) ? Nous
croirions plutut que cest le Christ lui-meme, a cause de τοις... [χάρτυσί μου du v. 3.
Comment se fail-il alors que Jean ne I'ait pas nomme? Cest peut-etre parce que,
redescendu sur la terre, il y a retrouve le « Fils d'Homme » du ch. lO"". Les grandes
figures rentrent pour un temps dans la penombre, mais ne disparaissent pas; et toutes
ces visions sont censees n'en faire qu'une ; le Christ, comme maitre des eglises et
revelateur, demeure toujours sous les yeux de son prophete. « Leve-toi », lui dit-il,
ne reste pas inactif a reflechir sur la nouvelle mission que mon Ange t'a donnee, mais
« mesure le temple de Dieu, et I'autel « et — ici encore il y a une dure negligence de
style — « [mesure] aussi ceux quiy adorent ».
Que signifient ce temple et cette mesure? Le contexte montre a I'evidence que ce
n'est ni le Temple du ciel connu des Apocryphes, ni I'autel du ciel dont il a ete ques-
tion aux ch. VI et suivants. Cest un temple terrestre, celui de Jerusalem, et le symbo-
lisme de la mesure signifie que Jean, par mandat du Christ, doit le preserver de raal-
heurs a venir, car on mesure symboliquement, ou ce qui doit etre detruit {Is. loc. cit.),
ou ce qui doit etre conserve [Zach. loc. cit.); c'est une maniere d'annoncer les desseins
de Dieu sur les hommes ; ainsi Henoch [loc. cit.) voit au ciel des Anges qui mesurent
la foi et la justice des Justes, et leur residence. Ici il s'agit de sauver une partie du
temple de Jerusalem. II ne faut pas penser a un batiment futur, comme dans Ezecli. xl;
et surtout le contexte est beaucoup trop clair pour qu'on songe, avec Erbcs, a une
menace de destruction du temple juif.
Mais faut-il prendre ce temple au sens propre ou au figure? La plupart des com-
mentaleurs modernes, croyant ce chapitre ecrit avant I'an 70, opinent pour le sens
propre. — « Au moins, explique prudemment Bousset, dans le sens du document pri-
mitif ». — Cest inadmissible, au moins dans le sens actuel, car Jean n'a compose
son Apocalypse que sous Domitien, longtemps apres la guerre juive. Nous discuterons
les opinions des critiques dans ΓΕχο. xxi. Ce ναο'ς est une figure — comme celui de
II T/tess. II, 4 V. Lxtrod. c. ix — etil represente allogoriquement I'Eglise, par une image
paulinienne. Ainsi font bien vu Victorin, Andre, les medievaux, Albert le Grand, etc.
Corn, a lap., etc., Bossuci, et, parini les contemporains, Siveie, qui dit fort justement
que ce temple est I'edifice spirituel dont la forme est suggeree par celle du Temple
de Jerusalem. La partie a mesurer comprend done, si Ton compare le v. 2, le « Saint
des Saints », et les parvis jusqu'a celui des gentils exclusivement {Spiita, Holizni.).
Le θυσιασττίριον peut done aussi bien etre I'autel des holocaustes, dans la cour des pra-
tres, que celui des parfums. Quant a « ceux qui y adorent », nous aliens voir, centre
B. Weiss et Beysc/ilag, que ce ne sont pas seulement les Juifs fideles, les 144.000 du
ch. vu; le sens est bien plus general, et nous le fixerons bientot.
APOCALYPSE DE S.\INT JEAN. y
13(3 APOCALYl'SE DE SAINT .lEAN.
Gh. XI. 1. Και έδέθη μ-οι κάλαμος 'όμοιος ράβοω, *λέγων• *"Εγεφ£ κα: μέΐρτ,σον
τον ναον του θεοΰ καΐ το θυσιαστήριον και τους προσκυνοΰντας έν αυτω. 2. Και *τήν
αύλήν τήν *εξωθεν του ναού εκβαλε έξωθεν, και μη αυτήν μετρήσγ;;, οτι εδόθη τοϊς
εθνεσιν, και *τήν πόλιν τήν άγίαν ττατήσουσιν μήνας τεσσχράκοντα οΰο. 3. Και *οωσω
*τοΐς δυσί μάρτυσί μου, *καΊ προφητεΰσουσιν r,[jApxq yOdaq διακοσίας έξήκοντα
^περιβεβλημένους σάκκους. 4. *Ουτοί ε'ισιν *αί δύο έλαΤαι και *αί δυο 'Kuyyiai αλ
*ένώπιον του -mpio^i της γης *έστώτες. 5. Και ε'ι' τις αυτούς θέλει άδικησαι, ζυρ
Grace a la mesure divine dont Jean, en vision, a ete Tinstrament, — il s'agit sure-
mentici d'une piOmulgalion, non d'une realisation, du plan divin parson moyen (cfr.
Vict.), quoique son Apocalypse elle-meme ait contribue a preserver les fideles; cfr. les
actes symboliques des prophetes, qui n'etaient pas cause de ce qu'ils signifiaient, —
ces adorateurs vont etre sauves des maux dont la description suivra. Rappelons-nous
qu'au ch. vii, 2-3, il y avait aussi une mesure de preservation, entre les deux aspects
du sixieme moment d'un septenaire. Ge parallelisme est a noter. On pent encore rap-
procher cette image, quant au sens, de la « montagne de Sion » du ch. xiv, et du
« camp des saints » du ch. xx (v. ad loc).
^ A. B. 2. τήν αύλήν est prepose pour attirer I'attention de celui qui mesure :
« quant a la cour extericure, ne la mesure pas » ; de meme, plus bas, τήν πόλιν τήν άγίαν.
Ge verset a ete profondement altere dans n*, qui ne donne aucun sens satisfaisant ;
puis έξωθεν^ a ete remplace par εσωθεν, χ, Av20-rl-l•• α 1598-12-181, Αν 46-35-2018, al.,
s?/7'S"•, Vict.^ von Soden; et εξ^οθεν^ par εσω ou ε'σωΟεν (α 3-P-025, al.); on n'y pent voir
que des meprises de scribes, trompes par I'assonance, ou ne croyant pas devoir
repeter le meme mot. — μετρήσουσιν pour πατήσουσιν est une distraction de A. — πατήσουσιν
χτλ peut etre une reminiscence de Zach. xii, •3•,Όαη. viii, 13 (Theod.), de plusieurs
passages des Psanmes, des Ps. Sal. ii, 19; vii, 2; xvii, 25; mais il y a un parallele
direct dans le discours eschatologique de Luc xxi, 24 : Ιερουσαλήμ ^σ-αι πατουμένη ύπο
εθνών ay ρις ου ιτληρωθώσιν καιροί εθνών. — ή πολις ή άγ(α, pour designer Jerusalem, fre-
quent dans la Bible — « 42 mois », mesure consacree pour le temps d'epreuve, est
constante dans I'Apocalypse, mais exprimee ailieurs en annees ou en jours, xi, 3;
xn, 6; 14; xiii, 5. Elle apparait pour la premiere fois Dan. vii, 25; ix, 27 et xii, 7; cfr.
le meme temps assigne a la secheresse produite par la priere du prophete Elie , non
dans ΓΑ. T. ( I Reg. xvii, 1, trois ans), mais Luc iv, 25 et Jac. v, 17.
C. 2. Le parvis exterieur est donne aux nations pour etre profane, avec tout le reste
de la Gite sainte; c'est « le temps des gentils » de Luc (supra), il ne s'agit pas d'« anean-
tir » comme voudrait Bousset, mais de fouler aux pieds, de souiller le parvis et la
ville par leur presence et leur idolatrie. Gomme cela fait contraste avec le sort du
sanctuaire et des parvis interieurs, c'est la preuve certaine que ceux-ci n'etaient
mesures que pour etre epargnes. La « cour exterieure » signiiie pour Andre la syna-
gogue des Juifs infideles et des gentils; pour Sivete, la cour signiiie la religion des
Juifs, la « Gite sainte » leur elat politique. Mais nous ne pensons pas qu'il faille res-
treindre a Israel cette partie de la prophetie, aussi pou que la « montagne de Sion »
du ch. XIV (v. ad loc). 11 parait plus juste, d'apresl'analogie de bien d'autres passages,
de considerer cette « cour exterieure » et cette « Gite Sainte » comme representant
all^goriquement les conditions cxtemes et mondaines dans lesquelles doit vivre
I'Eglise. G'est seulement a I'exterieur qu'elle est foulee, qu'elle souiTre, qu'elle
subit persecution, tandis que, dans le sanctuaire interieur des ames, figuree par les
« adorateurs » du verset precedent, elle demeure prosternee devant Dieu, dans la
priere et dans la paix. Une idee absolument equivalente se trouvera au ch. xii ou la
I
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 131
Ch. XI, 1. Et il me fut donne un roseaii pareil k une canne, [en] disant ;
c< L6ve-toi, et mets-toi a mesurer le temple de Dieu, et I'autel, et ceux qui y
adorent. 2. Et la cour qui est en dehors du temple, rejette-[la] dehors, et
ne la mesure pas, car elle a έΐέ donnee aux nations; et la Ville Sainte, elles
[la] fouleront aux pieds pendant quarante-deux mois. 3. Et je donnerai k
mesDEUX TEMOixs, de prophetiser [litt : et lis prophetiseront) mille deux cent
soixANTE JOURS, s'etaut enveloppes de sacs. » 4. Eux, ce sont les deux
oliviers et les deux flambeaux qui se tiennent debout en face du Seigneur
de la terre. 5. Et si quelqu'un veut leur nuire, du feu sort de leur
Femme (rEglise) est en surete au desert, tandis que « ses enfants » sont persecutes
dans le monde par le Dragon.
Les 42 mois {nlias 3 ans 1/2, 1260 jours =: 12 mois de 30 jours) sont un symbole d'une
signilication certaine; lis designent, depuis Daniel {supra) le temps que durera le regne
des ennemis de Dieu, d'apres celui que dura la persecution d'Antiochus Epipliane;
raais nous A'errons, aux versets suivants et dans I'Exc. xxiii, de quel sens multiple
et profond S. Jean a charge cette mesure, si accidentelle qu'en put etre I'origine.
— ^— A. 3. /.ou. διόσω... καΙ προοητίύσουσιν {Syr"'•''' suppose ί'να au lieu de y.ai'^, CO qui
repond bien au sens), pourrait otre un hebrai'sme : irinJT ••'INajT; cfr. une anacoluthe
du meme genre, Apoc. iii, 9. — π^ριβεοληαένους pour le nominatif, admis par ΙΓ-//,
d'apres N*, Λ, Q-1070-O46, P-a 3-025, 014-4-91, a 103-7-104, α 1580-28-2015, ο 206-48-
242, Αν 40-79-2036, α 1475-96-2041, nous semble authentique, comme une de ces negli-
gences familieres a I'auteur (Int., c .x, § II). L'article τοί; indique que ces « Temoins »
(μάρτυς signifie temoin, et pas encore martyr, sens derive du premier) doivent otre une
figTire connue, traditionnelle.
B. 3. Pour I'attente apocalyptique d'un seul « temoin » — qui est dans ce cas tou-
jours Elie, — cfr. Malachie iii, 1-3; 23-suiv.,• Ecclesiastique xlviii, 10-11; dans le Nou-
veau Testament, Marc vi, 15 et parall.; viii, 28 et parall,; ix, 11 et parall.; Mat. xi, 10,
14 et parall.; Apocryphes et Peres, v. I'Exc. xxii. Pour deux ou plusieurs temoins ou
precurseurs. on peutse reporter a la scene de la Transfiguration, A/a;'c, ix, 4 et parall.;
IV Esd. VI, 26, etc.); traditions rabbiniques posterieures nommeront, avec Elie et
Henoch, ou Elie et Moise, Esdras, Baruch, Jeremie, Job; cfr. aussi le « Messie ben-
Joseph ». VApoc. d'Elie, tardive, connait 60 precurseurs du Messie (Voir Volz, Weber
Lagrange, Bousset, etc. Exc. xxii).
C. 3. L'Eglise est refugiee dans la priere et la contemplation, dans les parties inte-
rieures du temple, tandis que les « gentils » I'entourent et sont les maitres au dehors.
Mais s'interdit-elle pour cela toute action exterieure? Bien au contraire : le Christ
envoie deux « Temoins », revetus d'un « sac », ce vetement grossier des prophetes de
I'Ancien Testament, signe de penitence. lis prechent avec eclat au beau milieu des
ennemis, et leur predication doit durer tout aussi longtemps que la ville sainte sera
profanee (1260 jours = 42 mois) ; ce sera une protestation perpetuelle centre la victoire
apparente du mal.
Les auteurs anciens et medievaux ont presque tous identifie ces Deux Temoins a
Elie et a Henoch; un autre courant d'interpretation, qui remonte au moins a Tyconius
et qui a ete suivi par I'ecole Alcazar-Bossuet, y voit des forces collectives de I'Eo-lise.
C'est la seconde qui nous semble s'imposer, a cause du contexte tr^s clair (vv. 4 et
suiv.) et pour les nombreuses raisons que nous exposons plus loin, Exc. xxii. Mais
grace a I'iniluence de la tradition apocalyptique, leur activite va etre decrite sous des
traits empruntes en grande partie a celle d'Elie et de Moise (non pas d'Henoch).
132 APOCALYPSE DE SAIM JEAN.
kv.Tto ρεύε- Oil έζ. του στόι^-ατος αυτών, και κατεσθίει τους ϊ'/βρώς αυτών. Και ει τις
Οελήστ, αυτιύς άδικτ,σαι, οϋτως δει αΰτον άχοκτανθηναι. 6. Ουτιι εχουσιν την έξουσίαν
κλεΐσαι τον cjpavsv, ί'να μή ύετος βρεχτ, τάς ήμ,έρας της προφητείας αυτών, και
έξουτίαν εχουσιν έ-Ι των υδάτων στρέφειν αΰτα είς αψ,α, και ττατάςαι την γην *έν
πάση πληγή, οσάκις *έάν θελήσωσιν. 7. Και όταν τελέσωσιν την μαρτυρίαν αυτών,
*το θηρίον το αναβαΐνον έκ της αβύσσου ποιήσει μετ' αυτών πόλεμον και νικήσει αυτούς
και άποκτενεΐ αυτούς. 8. Και το πτώμα αυτών *επι της πλατείας της πόλεο)ς της
Α. Β. 4. L'article αί doit encore reporter I'esprit vers les images connues ; il
n'est omis que 1581-46-209; — solecisme εστώτες, masculin (Ιλτ. c. x, §11), corrige en
έστώσαι, rec. K, Hipp. — II n'y a pas a chercher longtemps la reference; Jean I'a faite
tres ostensiblement aZach. iv, 2-suiv., 14 : ϊδοϋ λυχνία /ρυιη δλη (Israel) χαΐ δύο έλαϊαι
έ-άνω αύτης (Jesus le pretre et Zorobabel) ου-rot οίδύο υίοί της τ.ιόττ,τος παρεστι^κασιν Κυρίω
πάσης της γης. Notre passage ne peut etre qu'une adaptation libre de ce texte (λυχνία, δύο
ελαΐαι, ούτοι, κυρ(ω (τζάσης) της γης).
G. 4. Par cette reference, Jean explique lui-meme ce qu'il entend par ses « Deux
Temoins »: II ne renvoie pas au prophete Elie ni au patriarche Henoch, mais au
chef civil et au chef religieux du peuple d'Israel, au retour de la captivite. Jesus fils
de Josedec et Zorobabel etaient eux-memes les representants typiques du sacerdoce et
de la maison de David. Aussi Bossuet etait-il bien fonde a reconnaitre ici « les conso-
lateurs de I'Eglise, pris dans le clergeou dans le peuple ». Sivete y voit « tous les saints
en general ». D'une maniere plus precise, a cause du contexte, nous pouvons dire
qu'il s'agit de tous les bons predicateurs de I'Evangile, qui combattent I'influence de
I'Antechrist, dont le regne est congu comme coextensif en duree, ou presque, a celui
du Messie sur la terre (v. Exc. xxni, et comment, du ch. xx). lis incarnent raction de
I'Eglise, celle qui eclate aux yeux de ses adversaires, en dehors du sanctuaire de la
vie interieure.
— — A. B. 5. Le present εκπορεύεται au lieu du futur, 1072, g, vulg. — Le « feu »
est une allusion possible au chatiment envoye par Elie aux messagers d'Ochozias,
II Reg.i, 10-suiv. Mais il faut comparer surtout Jer. v, 14 : ίδοΰ Ιγώ δέδωχα τους λόγους
μου είς το στοαα σου ώς πϊ3ρ, et Ecclesiastique XLVIII, 1 : και άνεστη Έλίας προοήτης ως πυρ, και
ό λόγος αυτοΰ ώς λααπας εκαίετο.
C. 5. Les Temoins, explique .-l^ci/'e, font des miracles pour neutraliser les prestiges
de I'Antechrist, et il est impossible a toute puissance ennemie de leur nuire jusqu'a
empocher leur temoignage, pour aussi longtemps que Dieu veut qu'il soit rendu. Cette
image du feu qui sort de la bouche rappelle encore diA'ers traits attribues au Messie-
Juge dans les Apocryphes : IV Esd. xiii, 10-suiv.. I'Homme monte de la mer exter-
mine sans armes ni mouvement une armee innombrable, « quoniam emisit de ore sue
sicut flatum ignis, etc. »; Asc. Is. iv, 18 : « le Bien-Aime fera monter un feu de lui-
meme, et il consumera tous les impies ». La, ces images sont a prendre dans un sens
plus ou moins materiel, car il s'agit d'extermination et de damnation au grand Jour du
Seigneur. Mais ici il n'y a pas lieu, avec Diisterdiech , Bousset, etc., de forcer le rappro-
chement avec II Reg. i, 10-suiv. Le feu doit se prendre au sens figure, comme dans les
passages de Jeremieel de VEcclesiasdquc ; c'est une image qui signifie la puissance de
la parole [Victor. : ignem... potestatera verbi dicit), comme Γ « epee » qui sort egale-
ment de la bouche (voir comment, de i, 16 et ii, 12). On peut comparer les deux a
Isa'ie, xi, 4 : « II jugera dans I'equite pour les humbles de la terre; et il frappera la
terre de la verge de sa bouche, et par le soullle de ses levres il fera mourir I'impie «,
qui semble commente, par le Ps. Sal. xvii : « Purifie Jerusalem des paiens qui la foulent...
I
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 133
bouche, et devore leurs ennemis. Et si quelqu'ua veut leur niiire, ainsi
faut-il que lui-meme soit mis a mort. 6. Eux, ils ont le pouvoir de
fermer le ciel, pour qu'il ne tonibe pas de pluie les jours de leur pro-
phetie, et ils ont pouvoir sur les eaux, de les tourner en sang, et de
frapper la terre de tout fleau aussi souvent qu'ils le veulent. 7. Et qnand
ils auront complete leur teraoignage, la Bete qui monte de TAbime guer-
roira avec eux, et les vaincra et les raettra a mort. 8. Et leur cadavre
de maniere a detruire les paiens impies d'une parole de sa bouche,... de maniere a
reprendre les pecheurs par la parole de leur eoeur,... car il reduira la terre par la
parole de sa bouche pour toujours » Ps. Sal. XVII, 25, 27, 39). II peut bien du reste,
dans notre passage, y avoir allusion implicite au feu de la gehenne, ou a I'image du
feu eschatologique, dont les Temoins donneraient aux impies un avant-gout, par leurs
anathemes, les chatiments que leur priere, comme celle d'Elie, attire du haut du ciel,
mais surtout par refficacite de leur predication, qui tient en respect ou fait tomber en
dissolution les forces morales de I'adversaire.
A. B. C. 6. έν πάστ) πληγ^, cfr. I Sam. iv, 8, Ivinstrum. (Int. c. v, § II). — εάν
pour αν, hellenistique. — La secheresse est une reference a I'histoire d'Elie, I Reg. xvii, 1 ,
car Elie etait le type des precurseurs. Luc, iv, 25 et Jac. v, 17, assignent de meme a cette
secheresse une duree de 3 ans 1/2. Le sens general est toujours celui de la puissante
elficacite de leur priere, cfr. Tac, loc. cit. — Pour le pouvoir sur les eaux, cfr. la plaie
d'Egypte, Ex. vii, 19-suivants, Ps. civ (cv), 29, et les fleaux de la 2« Trompette (viii, 8), et
des 2« et 3e Coupes (xvi, 3-5). C'est encore un indice du fait que les diverses plaies —
les Temoins agissent parallelement a la 6^ — peuvent coincider. Apres Elie, voici
qu'on se rappelle Moise; mais il n'est ni ne sera question d'Henoch.
Les versets 4 a 6 pourraient etre consideres comme une continuation de 1-3, encore
de la bouche du Christ. Mais ils sont plutot une explication du prophete lui-meme, qui
voit la prophelie du verset 3 deja realisee de son temps, au moins sous une certaine
forme, en germe : I'Eglise est bien la sous ses yeux, qui affirme sa vigueur defensive et
son pouvoir conquerant. Elie fait reculer, ou du moins arrete, le mal, comme le myste-
rieux χ.α-ε/ων de II Thess. η (V. comment, du ch. xiii, Exc. xxx). C'est pourquoi les
temps sont au present; mais les luttes les plus graves sont encore a venir, et le recit
va alors passer au futur.
— . A. B. 7. οτε τελεσουσιν pour όταν τελέσωσιν dans quelques mss. du type Andre.
— το τέταρτον a ete ajoute apres θηρίον, d'apres Dan. vii, 3, par le cod. A, qui montre
parfois par de telles gloses sa reflexion independante. — Pour la« Bote », cfr. les chap,
xui, XVII, xix, avec les paralleles a cette figure cites dans les excursus. — Pour αβύσσου
(I'Abime a deja ete mentionne ix, 1-suiv.), la syrs^^' a du lire θαλάσσης, ce qui rappelle
encore Dan. vii, 3; il faut se rappelerque ces deux mots ont eu primitivement le meme
sens [Holtzm.].
C. 7. Les Temoins sont done intangibles, immortels, tant que leur office n'apas ete
rempli. Leur temoignage sera-t-il rendu tout entier d'un seul coup, en une seule
periode? Sans doute non. car δταν erabrasse les deux sens de « lorsque » et « pourvu
que », « toutes les fois que », cfr. iv, 9; ici il est suivi regulierement de I'aoriste sub-
jonctif.
Quelle est cette « Bete qui monte de TAbime » ? Nous aurons a en disserter longue-
ment dans ΓΕχο. xxx et au commentaire du ch. xiii. Disons deja qu'elle provient de
Daniel (glose de Ai. et represente I'Antechrist en general, mais d'abord TAntechrist
sous sa forme contemporaine, I'Empire remain persecuteur. Elle vient de Γαβυσσος,
134 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
μεγάλης, ήτις καλείται πνευματικώς Σόδομα καΐ ΑΓγυζτος, 'όπου *-/,σλ ο κύριος αυτών
έσταυρώθη. 9. Και βλέπουσιν *έκ των λαών και φυλών καΐ γλωσσών και εθνών το
πτώμα αυτών •(■^[ΐί^τ.ς τρεις και ήμισυ, και τα πτώματα αΙ~ώ•^ ciiv, *ά9ίουσιν τεθηναι
εις μνήμα. 10. Και οί κατοικουντες έπ'ι της γης *χαίρουσιν έπ' αΰτοϊς και ευφραίνονται,
και δώρα *πέμψουσιν άλλήλοις, οτι ούτοι οί δύο προφηται *έβασάνισαν τους κατοικουντας
επί της γης. 11. Και μετά τάς τρεις ημέρας και ήμισυ, πνεύμα ζωής έκ του θεού
εΐσηλθεν *έν αΰτοΐς, και έστησαν έπι τους πόδας αυτών, και φόβος μέγας ε'πεσεν έπ'ι
parce que c'est I'Enfei• qui la suscite, et aussi, d'apres le double sens du mot, parce
qu'elle s'eleve de la mer, de lOccident; de son ile de Patmos, Jean contemple sa
montee, et la voit venir faire une guerre sanglante a ses eglises.
Nous reservons a I'Exc. xxx I'expose des opinions exegetiques. Ge verset est une
prolepse des chapp. xiii et xvii, un deuxieme et frappant exemple d' « emboitement »
(Int. c. vii). Bousset, faute de comprendre ce mecanisme de style, n'a pu saisir I'iden-
tite de cette Bete avec le pouvoir imporial, et n'y veut voir qu'une figure mythologique,
un Dragon en lutte avec deux heros qui eussent ete transformes en prophetes. Spina,
lui, se debarrasse cavalierement de cette Bete pour faire mourir les temoins de mort
naturelle. Notre commentaire et nos excursus demontreront, je I'espere, quel est le
sens veritable et la profonde unite de la pensee johannique.
Get Antechrist apparait figurativement dans Jerusalem, a cause de la tradition apo-
calyptique; mais ce n'est la qu'une allegorie (v. comment, des versets 8-s. et Exc. xxiv).
II prevaut centre les Temoins, comme la « corne » de la 4*^ Bete de Daniel [Dan.
y\\, 21), qui faisait la guerre aux saints. Les verbes sont au futur : Jean predit, pour
qu'il n'y ait pas d'illusion chez ses lecteurs, quelle sera Tissue — transitoire du reste,
et seulement apparente — des persecutions romaines deja commencees. Mais sa vue
s'etend sans doute bien plus loin : elle embrasse au-dela de Domitien, au-dela des
conflits entre toutes les forces de I'Empire et de I'Eglise, comme il y eut sous Dece et
Galere, tons les martyrs de la verite au cours de I'histoire [Swete).
——— A. B. 8. Καϊ το πτώ{Αα (πτώματα, plus [correct, Χ, Ρ, vulg., syr. And, etc.)
αυτών..., proposition sans verba (Int. c. x, § II). On a supplee « jacebunt » [g, vulg.), al.
« ponet », « projicietur », Ιάσει, εσται, 'έσονται. — Κα\ omis apres δπου, χ^^, boh., syrs^,
al. — Juda est appele Sodome, ou compare a cette ville infame, Is. i, 9-suiv. ; Ezech.
XVI, 42, 55; cfr. Jer. xxiii, 14; Deut. xxxii, 32; « Egypte w nom typique pour « lieu de
servitude », Ps., A.T. passim. — Le nom de « la grande jville » designe Rome dans
VApoc. XIV, 8; xvi, 19; xvii-xviu ; mais il est aussi applique a Jerusalem, Sib. x, aux
vers 154, 226, 413, et dans quelques mss. de VApoc. a xxi, 10.
C. 8. Ώ' Arethas iusqn'k Bossuet, et, de nos jours, a Spitta, beaucoup de commenta-
teurs ont voulu que la « grande ville » soit Rome; aussi plus d'un prend-il le parti
violent de supprimer la mention du crucifiement de Jesus; Bousset y incline, etJoJi.
Weiss y voit une glose de Γ « Editeur » ; Calmes en fait une addition redactionnelle.
Quant a Weyland et a Vischer, qui tiennent pour Jerusalem, ils changent μεγάλη en
άγια (cfr. V. 2). Mais cela n'est pas necessaire; Jerusalem, a plus d'un titre, pouvait
s'appelor une « grande ville », comme dans les passages indiques dos Sibyllins; les
mots δπου κτλ, attestes par tons les temoins, montrent a I'evidence que cette ville est
Jerusalem, et c'est celle-ci qui a ete appelee paries prophetes (πνευ^χατικώς) une Sodome.
Le decor n'a pas change depuis les premiers versets. Swete, tout en reconnaissant que
les symboles, dans leur signification derniere, conviendraient mieux a Rome, ou Jean
pouvait dire que le Christ etait de nouveau crucifie dans ses saints (cfr. la legende des
Actes de Pierre : Vado Romam, iterum crucifigi), tient cependant a Jerusalem, oil le
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
135
[git] sur la place de la grande ville, qui est appelee spirituellement Sodome
et Egypte, ού leur Seigneur aussi a ete crucifie. 9. Et d'entre les nations
et les tribus et les langues et les peuples, [beaucoupj regardent leui•
cadavre dnrant trois jours et demi; et leurs cadavres, on ne permet pas
de [les] mettre au tombeau. 10. Et ceux qui habitent sur la terre se rejouis-
sent a leur sujet, et se felicitent; et ils s'enverront des presents les uns aux
autres, parce que ces deux prophetes tourmenterent ceux qui habitent sur
la terre. 11. Et apres les trois jours et demi, un esprit de vie [venant] de
Dieu entra en eux, et ils se inirent debout sur leurs pieds, et une grande
Christ a ete crucifie en personne, et ού ont eu lieu les premiers martyres. Par une
etrange ironic, dit-il, Jerusalem est representee ici comme I'antagoniste de la Cite de
Dieu. Mais il admet, et nous aussi, que, en fin de compte, Jerusalem represente le
monde entier, de meme que le Temple interieur represente I'Eglise dans sa vie intime.
Toute I'economie de la vision letablit, et surtout les versels qui vont suivre. « Domini
est terra et plenitudo ejus », comme dit le Psaume. Toute la terre est en queJque sorte
la Cite de Dieu, corrompue et profanee par les ennemis du ciel, le paganisme persecu-
teur, comme Test cette Jerusalem symbolique par la Bete et les Gentils qui I'adorent.
L'universalite des images suivantes demontrera la rectitude de cette exegese. Si la
vision a pris ce caractere, qui parait a premiere vue la rapporter aux Juifs, c'est en
raison de ce meme symbolisme qui, apres les Prophetes et saint Paul, a fait repre-
senter I'Eglise par le Temple, puis a cause des traditions eschatologiques sur I'appa-
rition d'un Antechrist juif a Jerusalem, dont on trouve aussi des traces II Thess. ii,
et sur la predication future d'Elie en Palestine. Jean ne reedite pas ces traditions-la,
mais sa vision et sa prophetic leur empruntent des traits dont I'ensemble forme un
tableau tres coherent avec les premieres figures; seulement il les applique a un objet
Chretien el universel.
— — A. B. 9. βλέπουσιν (βλέψουσιν dans δ 600-57-296, g, vulg., boh., eth.. Prim.) et
άφίουσιν [rec. Κ αοκ^σουσιν, al. ιίφίησιν, άφέωνται), temps presents : Jean passe de la prophe-
tie intellectuelle a la vision sensible de I'avenir, (Int. c. x, § III). — Sur la forme
άφίουσιν, cfr. άφεΓ; de II, 20, (et ηφιε de Marc i, 34) voir Int. C. x, § II. — έκ των λαών κτλ,
servant de sujet, cfr. Joh. i, 2i, Int. c. xiii, § I; locution semblable servant de regime
direct, Apoc. Lettre a Smyrne. — L'enumeration λαών, etc., est stereotypee a travers
VApoc. (Int. c. x, § III) : signe d'unite de main.
C. 9. Leurs cadavres gisent sans sepulture 3 jours 1/2; ainsi le triomphe apparent
des gentils et de la Bete durera juste autant de jours que I'activite victorieuse des
Temoins a dure a'annees (And.), c'est-a-dire que le temps d'illusion de ceux qui se
figurent avoir tue I'Eglise est toujours tres court; Bossuet pense ici a la victoire qui
suivit la rude persecution de Diocletien. — Cette mesure de 3 jours 1/2 est formee par
analogic sur les 3 ans 1/2, et doit y etre comprise; en tout cas, elle ne pent repondre
au temps que le Sauveur demeura au tombeau. Holizmann note encore ici « die
gebrochene Siebenzahl », ce qui est juste (Exc. xxiii); mais il admettrait, apres
Wettstein, Eichhorn, Herder et Volter, une allusion aux pretres Ananias et Jesus,
assassines et laisses sans sepulture [Fl. Josephs, Bell. jud. iv, 5, 2), interpretation
« zeitgeschichtlich » qui tombe avec la legende d'une source ocrite entre 67 et 70
(Exc. xxi). Calmes, a contresens, voitdes « annees » dans les jours; Clemen croil assez
gratuitement que ces 3 jours 1/2 sent d'origine mythologique.
— ^— A. B. 10. Avec πέμψουσιν, futur, Jean reprend conscience qu'il prophetise.
On trouve d'ailleurs les future -/αρησονται, εύφρανθησονται, « gaudebunt », et le present
136 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
τους ^εωρο^^τας αυτούς. 12. Και *ή7.:υσα *οωνης [λεγάλης έκ τοΰ cjpavoi λεγοόσης
αυτοϊς" Ανάβατε ώδε. Κα; άνε'βησαν ε'.ς τον cjpavbv έν τν] νεφέλη, και έΟεώρησαν
αυτούς οΐ έ•/θροί αυτών. 13. Και εν έκείν-Λ, τη ώρα έγένετο σεισμός μέγας, και το
οέκατον της πόλεως επεσεν, και ά7:εκτάν0•/;σαν έν τω σεισμω *ονόματα ανθρώπων
χιλιάοες επτά, καΐ οί λοιποί εμφοβοι έγένοντο και *έοωκαν οόςαν τω θεώ του ουρανού .
14. * Η ούαί ή δευτέρα άπηλθεν, ιδού ή ούαί ή τριπη έρχεται ταχύ.
-εμ-ουσιν, a travers And., Arethas, rec. Κ, i'ulg., sr/rr, al573-38-2020, X*, etc. — οί κατ.
Ιπί της γης, foTmule eminemment apocalyptique, surtout avec έπί gen. : in, 10; vi, 10';
Mil, 13; XIII, 8; 12, 14; xvii, 8; seulement xii, 12 et xvii, 2 : κατ. τήν γην. Signe d'unite
de main.
C. 10. Ce melange de temps, present, futur, aoriste, pour des faits evidemment
simultanes, montre bien I'oscillation pathetique de I'esprit de I'ecrivain entre la vision
qui se represente a sa memoire, et la connaissance intellectuelle prophetique qui en
ressort, laquelle aussi, par moments, devient aigue jusqu'a la vision. II faut chercher
a cette singularite une explication psychologique, et non grammaticale, tout en recon-
naissant qu'un Juif a du moins se soucier qu'un autre de ces changements, a cause
de I'alternance des imparfaits et des parfaits dans les recits prophetiques de sa langue.
01 κατ. επι της γης, d'apres I'usage de tout le livre, designe essentiellement le monde
paien. Ge sent done bien encore, malgre Bousset (qui, par exception voudrait que
ή γη signifiat ici la Palestine, au moins dans la « source »), les mgmes que les λαο\,
φυλαί, etc. du verset precedent. Et nous voyons par la que ces « peuples, tribus,
langues », ne pouvaient 6tre seulement des citoyens des diverses nations reunis
comme soldats de I'Antechrist dans la Jerusalem historique; ce n'etait la qu'un pis-aller
exegetique, pour les auteurs qui veulent voir ici une simple prophetie sur le sort
de la nation juive. Mais puisque les » habitants de la terre » en general ont pu
apprendre, de visu. et dans le court intervalle de 3 jours 1/2, la mort des Deux
Temoins, c'est que cette « Jerusalem » ou se rencontrent les peuples, s'etend sur le
monde entier.
— ^— A. B. 11. εΐσηλθεν έν αύτοϊς, faute unique dans I'Apocalypse, est pourtant
tres bien atteste par A, beaucoup de mss. Andre, 1072, 1073, 1576-150-2057, etc.
Corrections : εις αυτούς, έ-' αυτούς, rec. Κ, And. — ΘεωρεΓν, mot Johannique, voir I'lntrod.
a la pericope. — Futurs στησον-αι, etc., dans un petit nombre seulement de mss, et
non des meilleurs. — Les termes sont empruntes a la scene de la resurrection dans
Ezech. xxxvii.
. C. 11. Ainsi la joie des paiens et leur illusion sont tres courtes; Jean a vu —
car les aoristes nous ramenent a un recit de Λάβίοη — I'Eglise des martyrs retrouver
une nouvelle vie apres les persecutions. C'est une vue tout a fait prophetique. Chaque
« resurrection » de FBglise, surtout apres Diocletien, chaque reprise de son activite
exterieure a du frapper d'etonneraent et d'effroi le monde pai'en {Swete). Puisque les
« Temoins » sont des types, leur mort et leur resurrection doivent bien etre symbo-
liques aussi; ce A'^erset et le suivant forment un parallele implicite avec le MilUnaire,
qu'ils aident beaucoup a comprendre (V. comment, du chap. xx).
-^— — A. B. 12. Bousset, Soden, hesitent entre ήκουσα (n":, Q, trente-cinq minuscules,
hoh., arm, Orig., And., Arithas, g, Tyc.) admis de de Wette, Diisterdieck, al., et ή'/.ουσαν
(X, A, beaucoup de mss. And., a3-P-025, vulg., syr. — 1573-38-2020 : άκούσονται)
admis de W-H, Tisch., Nestle, Swete. Nous preferons la premiere personne, a cause
de I'analogie : cfr. i, 10; ix, 13; x, 4; xii, 10, etc. — Genitif φωνής apres ακούω, (accus.
dans A, rec. K, Arethas), comme in. 20; xiv, 13: xvi, 1; xxi, 3 (Ι\τ, c. x, § II). —
φωνή μεγάλη, expression stereotypee : i, 10; v, 12; vi, 10; vn, 2, 10; vni, 13; x, 3; xi,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
137
crainte tomba sui' ceiix qui Ics contemplaient. 12. Et ils entendirent ime
grande voix [descendue] du del qui leur disait : « Montez ici! » Et ils mon-
terent au ciel dans la nuee, et leurs ennemis les contemplerent. 13. Et a
cette heure-la il se fit un grand tremblement de terre, et le dixieme de la
ville tomba, et il perit dans le tremblement de terre des noms humains
[jusqu'^] sept mille, et le reste fut plonge dans la crainte, et rendit gloire
au Dieu du ciel.
14. Le deuxi^me « Malheur! » a passo; voici que le troisieme « Malheur! »
vient promptement.
15; ΧΠ, 10; xiv, 7, 9, 15; xvi, 17; xix, 1, 17; xxi, 3, c'est-a-dire a travers toutes les
sections : signe d'unite de main. — ανάβατε, hellenist., corrige en ανάβητε, rec. K.
C. 12. Les Temoins (= I'Eglise) triomphent ainsi sous les yeux de leurs ennemis,
qui onl pense pour un peu de temps s'etre defaits d'eux a jamais. Non seulement
ils vivent encore, mais ils montent au ciel, d'ou ils exerceront encore plus efficace-
ment leur puissance. Υ a-t-il la une reminiscence de I'enlevement d'Henoch et d'Elie,
et serait-ce une des raisons pour lesquelles on leur a identifie les Deux Temoins?
Ce n'est pas impossible en soi; mais ce trait est plulot inspire de I'Ascension du
Sauveur, quoique celle-ci n'ait eu lieu que devant les disciples. En tout cas, le sens
est celui de la glorification de I'Eglise au sortir de ses luttes avec le monde : « San-
guis martyrum semen christianorum », comme disait Tertullien. Swete, avec les
exegetes catholiques, pense aussi ,au triomphe de I'Eglise par ses martyrs, que les
yeux de la foi voient regner au ciel; sur terre on les canonise, et leur influence se
fait encore sentir sur le monde, et meme sur leurs anciens persecuteurs. Cfr., sous
un certain aspect, la « Premiere Resurrection » du ch. xx [ad loc). — La guerison
ou resurrection de la Premiere Bete (xiii, 3, 12; xvii, 8, 11) sera un contraste et une
parodie de cette vie indefectible du Christ et de I'Eglise (v. ad loc). Je ne sais si
Jean a voulu consciemment cette opposition; elle est au moins latente dans sa pensee,
et sert a fortifier Timpression de I'unite generale.
-^— A. B. 13. ήαϊοα pour ώρα, rec. K. — Au lieu de δέχατον, Q-1070-O46 a lu
τρίτον (par assimilation aux fleaux des trompettes), et αϊ 582-32-201 7, δωοέ/.ατον. —
όνό[χατα ανθρώπων = άνθρωποι, cfr. Apoc. in, 4; Act., i, 15, et les papyrus de Tebtunis
24, 65. Voir Deissmaxiv, N. Bib. St. — Pour le tremblement de terre, cfr. vi, 12 ; xr,
19; XVI, 18, etc.
C. 13. Andre propose soit de prendre ce tremblement de terre a la lettre, soit d'y
voir une revolution qui bouleverse tout pour que tout repose ensuite sur de plus
fermes assises. En effet, dans le style prophetique, c'est I'image perpetuelle des
grandes transformations dans I'ordre social, politique ou moral (Ιχτ. c. v, § I et
comment, a vi, 12). Le chatiment, compare a ceux des fleaux precedents, est tres
modere. Le nombre de 7.000, s'il correspond a peu pres au « dixieme », montre qu'On
e.3t k Jerusalem (symboliqueraent) plutot qua Rome (Bousset, Calmes, al.) Ce ne peut
^tre la consommation, puisque la catastrophe est si limitee; elle contraste avec ix, 21
et XVI, 9.
Et c'est la justement ce qui montre le sens profond de toute cette scene, et meme
de toute la section des Trompettes, laquelle, nous I'avons vu, repond a tout le derou-
Icment de I'histoire. Les troubles de la nature, les revolutions, les peines morales
du vice, les massacres de la guerre, n'avaient pu suffire par eux-memes a ouvrir les
yeux de I'humanite : mais la gloire de I'Eglise indestructible opere a la fin. Le
Cavalier evangelique de vi, 2 « parti vainqueur et pour vaincre » a par la alteint son
138
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
but. Les peuples de la terre rendent gloire au « Dieu du ciel », c'est-a-dire qu'ils
se convertissent au monotheisme issu d'Israel; cette desig-nation, en effet, etait tech-
nique au temps du Syncretisme, et, apres s'etre appliquee d'abord au Baal-Samin
de Syrie (cousidere du reste comme dieu supreme), elle avait passe a Jehovah, Dieu
des Juifs et des Chretiens.
II semble done que le cycle des intentions divines sur I'histoire humaine soit clos;
il n'y a plus a attendre que la consommation et la retribution derniere qu'amenera
la Septieme Trompette. Cependant le 3"» « Vae « n'a pas encore ete decrit. Le chap. \i,
avec sa mention de la victoire de la Bete, le comprenait bien implicitement (car ces
ileaux rentrent les uns dans les autres) ; mais le detail en etait reserve a la deuxieme
serie prophetique, celle qui etait contenue dans le βιβλχρίδιον (V. comment, du ch. xii).
■ A. C. 14. Toujours οΰα( au feminin. — ερ/εσθαι τα/ύ, observe Swete, semble
toujours ailleurs (ii, 16; in, 11; xxii, 7, 12, 20), se rapporter a la venue du Christ,
ou aux evenements qui en sont le prodrome. Peut-etre done ce 3•= Vae inclut-il la
Parousie, comprise au sens que nous verrons (eh. xi\ et xx). — En tout cas, ce
verset, venant a cette place, montre materiellement que Γ « intermede » de xi, 1-13
fait corps, dans I'intention de I'auteur, avec ix, 13-21.
Nous avons demele le sens de ce passage ardu. Mais il reste a demontrer et a
expliquer plus d'une de nos assertions. Nous aliens le faire dans une serie d'excursus.
EXC. XXI. LA PRETENDUE ORIGINE JUIVE DE XI, 1-13.
Pour la plupart des interpretes modernes, ce passage decrirait Ic sort de la
nation juive, soit au temps de sa ruine politique, soit dans les derniers jours.
Henten, Alcazaj- le rapportent aux evenements de I'an 70, Grotius etend sa
vue jusqu'a la revolte de Barcochebas ; de meme plus tard Corrodi, Bleek, etc.
Renaji^ Holtz?nann, Bousset, J. Weiss, Erhes, Calmes, etc. font entrer ces
evenements dans une perspective proprement eschatologique. Nous avons
expose les raisons qui s'opposent a Tadmission de ce point de vue. Mais deja
Victoj'in, Andre ont bien vu qu'il s'agissait de la cliretiente universelle, ainsi
que les medievaux, tels Haymon^ Albert, et autres. L'action de mesurer le
Temple, qu'ils entendent diversement, a pour objet soit I'Eglise militante soit
I'Eglise triomphante; et Jerusalem, s'ils la prennent au sens propre, n'appa-
rait que comme capitale future de I'Antechrist. Le Temple, pour la majorite
des interpretes catholiques, est done allegorique, comme celui de Lactance
{Inst. div. vii), tres probablement celui de II Thess. π (Introd. c. ix). Bossuet
a soutenu ce sens, et, avec Swete, nous nous y tenons tres categoriquement.
Chez les critiques independants, I'interpretation historico-eschatologique,
s'appuie sur un petit roman de Wellhausen qui a eu un grand succes. Le voici
in extenso, a propos de τους προσκυνοΰντας εν αυτω : « Tous les Juifs adorent dans
le Temple a I'occasion; cependant^ en tout cas, I'expression ne doit pas les
embrasser tous, mais presenter a part ceux-la pour qui le sejour dans le Temple
est une marque distinctive. lis doivent done etre tels, que non seulement ils
y viennent et en sortent, mais qu'ils s'y trouvent d'une maniere continuelle.
Or, pour un certain temps, le Temple, en particulier le Temple interieur (a
I'exclusion du Parvis des gentils), fut pendant la guerre romaine le quartier
general des Zelotes. Ils en usaient tout d'abord comme d'une forteresse, mais,
comme leurs predecesseurs au temps de Jeremie et au temps de Sosius et
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 139
d'Herode, ils se cramponnaient en meme temps au sanctuaire de la maison de
Dieu, et, dans un tel lieu, se tenaient pour consacres. Leurs prophetes les
aifermirent dans cette foi fanatique jusqu'a la derniere extremite, quand deja
les Remains avaient penetre dans les ouvrages avances. Un interessant oracle
d'un de ces prophetes zelotes, qui d'api'es Josephe etaient nombreux et avaient
une grande influence, nous a ete conserve dans VApoc. xi, 1-2 : ceux qui atten-
dent jusqu'a la fin dans le Temple, c'est Iq « Reste » messianique, et ils seront
sauves par Dieu ». (Wellhausen, Skizzen a. Vorarbeiten vi, pp. 221-223).
Jiilicher (Einl.•*-^, pp. 247-248), Bousset, de la facon que nous avons vu,
en considerant 3-13 comme plus ancien que 1-2, et Joh. Weiss, avec certaines
reserves, rattachent leurs explications a cette theorie. Ce dernier a le bon sens
d'observer que le grand contexte auquel appartient le morceau n'a pas la cou-
leur de Fesprit zelote, et du reste ces fanatiques, assieges dans le Temple,
avaient autre chose a faire que des Apocalypses; seulement xii, 1-13 aurait ete
ecrit, entre la chute de la ville et celle du Temple (mai-aout 70) par un Juif —
un Pharisien, declare Jiilicher — qui suivait de loin, avec anxiete, les affaires
de Jerusalem [0/fenb. pp. 129-130). L' « Editeur » eut emprunte cette scene
a la source Q, en y ajoutant la mention du crucifiement de Jesus.
Nous croyons inutile, apres notre commentaire, d'entrer ici dans des refuta-
tions de detail. Nous avons vu combien, avec une interpretation plus haute et
plus large que celle de la « Zeitgeschichte », toute cette scene devient cohe-
rente et belle, parfaitement homogene au reste du livre ; nous avons montre le
peu de valeur des raisons linguistiques alleguees. Enfin soulignons I'invrai-
semblance qu'il y a a faire adopter, directement ou non, par un prophete Chre-
tien du 1®'' siecle, ecrivant pour des Hellenes, les reveries d'un de leurs ennemis
acharnes, zelote ou pharisien nationaliste.
EXC. XXII. « ELIE » ET « HENOCH » .
Parmi les anciens et les medievaux, la plupart ont vu dans les « Deux
Temoins » deux prophetes particuliers de I'Ancien Testament, qui doivent
reparaitre parmi les hommes avant la fin du monde. En general, ils nomment
Elie et Henoch. On trouve cette opinion chez Hippolyte, Tertullien (De
Anima, 50), saint Jerome (ep. lix, 3), Primasius, Cassiodore, etc.; — dans les
Apocalypses tardives qui s'inspirent de notre chapitre (v. Bousset, Antichrist,
pp. 134-139); — dans I'ensemble des commentateurs latins du Moyen Age; —
chez Ribera, Cornelius a Lapide, Gallois, Eyzaguirre, etc. Andre rapporte que
telle est, de son temps, I'interpretation de beaucoup de docteurs ; Arethas la
donne comme une tradition.
Pour quelques-uns cependant, ce ne serait pas Elie et Henoch, mais, pour
Victorin — combattu par Ansbert — c'est Elie et Jeremie, car on ne connait
pas la mort de celui-ci, et il doit etre un jour « prophete parmi les nations »
[Jer. I, 5), ce qu'il n'a pas ete dans I'A. T. On a nomme encore Elie et Mo'ise,
qui apparurent tous deux ensemble dans la scene de la Transfiguration; et
certes, ainsi que nous I'avons vu, les symboles de notre passage font penser a
Moise bien plus qu'a Jeremie ou a Henoch. Aussi Bousset croit-il que telle etait
I'idee de I'Apocalyptique; c'est Moise, d'apres beaucoup d'auteurs, que Ton
140 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
attendait avant le Messie comme le « Prophete » par excellence (6 προ:ρ•/,της
Joh. I, 20; VI, 14; vir, 40), a la suite d'une interpretation de Deut. xviii, 15
restreinte a un individu. Ainsi jugent egalement Joh. Weiss, et Calrnes, celui-ci
toutefois ajoutant tres justement que « ils personnifient la portion choisie de
I'humanite, la categorie des saints ».
En face de cette tradition — tradition exegetique, non doctrinale — on peut en
suivre une autre tout a fait differente, mais qui cherche encore des personnes,
non des types : ainsi Nicolas de Lyre, qui admet la multiplicite du sens litte-
ral, n'exclut pas Elie-Henoch, a cause de Tautorite des anciens, mais croit que
Jean a eu principalement en vue le pape Sylvere et le patriarche Mennas, au
temps du monothelisme ; toute cette ecole a ainsi cherche a y reconnaitre des
personnages de I'histoire ecclesiastique. Le jesuite Mariana, avec beaucoup
plus de sens, y a vu Pierre et Paul, mis a mort par Neron, la Bete. Beckwith
y verrait deux prophetes de la fin des temps, pareils a Moise et a Elie.
Enfin reste I'interpretation allegorique et typique, a laquelle nous nous
sommes ranges comme au sens vrai et exclusivement voulu par saint Jean,
parce que, selon nous, c'est celle qu'imposent tout le grand contexte de ΓΑρο-
calypse et la reference a Zacharie. Elle remonte au moins a Tyconius pour
qui les Deux Temoins sont « ecclesia duobus testamentis praedicans et pro-
phetans ». Beaucoup Font reprise, et ont parle de la Loi et des Prophetes,
de la Loi et de TEvangile, etc. Alcazar, avec moins d'abstraction, sans dire
un mot d'Elie ni d'Henoch, a compris que les Deux Temoins, persecutes et
ressuscites au temps de la ruine de Jerusalem, sont I'image typique du chris-
tianisme qui se releve alors avec une nouvelle magnificence, et attire a soi
une partie des Juifs. II faut generaliser ce sens, et I'etendre a toute la vie de
I'Eglise, surtout a ses grandes crises a travers I'histoire, comme il ressortira
des deux excursus suivants, C'est, nous I'avons vu, I'idee du grand Bossuet.
Bien qu'il pense « qu'il faudrait etre plus que temeraire pour improuver la
tradition d'Henoch et d'Elie a la fin des temps, puisqu'elle a ete reconnue de
tous, ou de presque tous les Peres », il ne la trouve cependant pas dans notre
chapitre de I'Apocalypse. Saint Aug ustin (Civ. Dei xx, § 29) penche a admettre
le retour eschatologique d'Elie, parce que « celeberrimum est in sermonibus
cordibusque fidelium.... non immerito speratur esse venturus, quia etiam
nunc vivere non immerito creditur. » Mais il ne s'appuie que sur Malachie
(v. infra), et non sur I'Apocalypse. Quant a saint Jerome, dans son Comment,
sur Matthieu, ch. xi, il donne I'interpretation Elie-Henoch comme etant « de
quelques-uns ».
Ce n'est pas a dire pourtant que la tradition d'Elie et d'Henoch et mieux
encore d'Elie-Moise soit denuee de fondement historique, et qu'elle n'ait
exerce sur le symbolisme a'Apoc. xi une influence qui explique comment ce
systeme d'interpretation a pu devenir si commun. Π avait en sa faveur une
tradition judaique tres ferme (Introd. c. v, i, § HI, 4), au moins pour ce qui est
d'Elie. Le point de depart s'en trouve dans la Bible, Malachie iv, 5-6, cfr iii,
1 : « \'^oici que je vous envoie Elie le prophete, avant que vienne le jour dc
Jehovah, grand et terrible, II ramenera le cceur des peres vers leurs enfants et
le coeur des enfants vers leurs peres, de peur que je ne vienne frapper le pays
danatheme », texte qui a inspire V Ecclesiastique, xlviii, 10 : « Toi [Elie] qui as
APOCALYPSE DR SAINT JEAN. 141
ete designe dans d'austeres oracles pour des temps (futurs), comme devant apaiser
la colere avant qu'elle ne prenne feu, ramener le coeur du Pere vers les enfants,
et restaurer les tribus d'lsrael ». Le grand prophete etait devenu le type des
precurseurs; aiissi I'Ange Gabriel annonce-t-il que Jean-Baptiste doit venir
« dans la force et la vertu d'Elie » [Luc i, 17). Cette attente etait tres populaire
au I*""" siecle, comme il ressort de la question des disciples a Jesus apres la
Transfiguration; et quoique le Sauveur leur eut explique qu' « Elie etait
deja venu », dans la personne de Jean-Baptiste [Marc, ix, 11-13, et parall.,
V. Lagrange, Evangile selon saint Marc, pp. 222-223), on continua a prendre
Malachie au sens litteral. Nous voyons la que c'etait un enseignement courant
des scribes; aussi Notre-Seigneur lui-meme [Marc, vi, 15 et parall.) et Jean-
Baptiste [Joh. I, 21) furent-ils pris pour Elie.
L'origine de I'attente d'Henoch est moins certaine. Mais on salt la popularite
dont jouit, des le ii^ siecle avant notre ere, le nom de ce patrias'che qui, comme
Elie, « etait disparu, car Dieu I'avait pris » [Gen. v, 24 cfr. Eccl. xliv, 16, et
Heb. XI, 5), ainsi que les revelations apocryphes qu'on couvrit de son autorite.
Si le retour du seul Elie est atteste Sib. ii, vers 187-189, dans saint Justin,
Dial, cum Tryphone, viii et xlix, chez Lactance (Inst. div. vii, 17), et dans
I'Apocalyptique juive tardive [Apoc. de Daniel, etc.) oil il est parfois remplace
comme precurseur par le « Messie ben Joseph », a una epoque anterieure les
Juifs lui ont souvent donne un ou plusieurs compagnons; on trouve surtout les
noms de Mo'ise et de Jeremie., mais aussi ceux d'Esdras (cfr. iv Esd. xiv, 9),
de Baruch, et meme de Job [Bousset, Rel. Jud-, pp. 266-267). V Esd. ii, 18
(chretien) introduit par exception le couple Isaie-Jeremie, et \ Apoc. d'Elie
tardive connait jusqu'a soixante precurseurs. Mais, en general, le compagnon
d'Elie, ce fut Henoch, a cause du mystere de son sort, et parfois saint Jean-
Baptiste fut associe aux deux dans des commentaires Chretiens {Methodius,
cite par And. et Arethas sur ce passage, al, abbe Joachim, v. Bousset, Anti-
christ, p. 137). Deja la croyance au retour d'Henoch apparait Hen. eth. xc, 31;
dans les Jub. iv, 23-suiv. ; x, 17, Henoch, dans I'Eden, ecrit le jugement du
monde et les peches des hommes ; il est bien probable aussi qu'il s'agit d'Elie
et d'Henoch IV Esd. vi, 26 : « Et videbunt[ur] qui recepti sunt homines, qui
mortem non gustaverunt a nativitate sua, et mutabitur cor inhabitantium. »
S. Irenee (Adv. Haer. v, 5, 1), Tertullien (De Anima, 50, al.), VApoc. d'Elie
copte et V Evangile de Nicodeme, 25 (qui copient notre chapitre xi), Commo-
dien, VApocalypse de Paul, etc. confirment cette tradition. Ces deux hommes
qui ont echappe a la mort reviendront lutter contre I'Antechrist « morituri
reservantur, ut Antichristum sanguine suo exstinguant » [Tert.). Voir Mal-
VENDA, De Antichristo (1647), ii, 142-159; Bousset, Rel. Jud^, pp. 266-suiv.,
Antichrist, pp. 134-139; Lagrange, Mess. pp. 210-suiv., Szekely, pp. 62-63•
VoLz, pp. 146, 192-suiv., al. L'influence de la tradition touchant Henoch s'est
peut-etre fait sentir jusque dans le texte donne par la Vulgate a'Eccli. xliv, 16 :
« Henoch placuit Deo, et translatus est in Paradisum, ut det gentibus poeni-
tentiam » (LXX : Ένώχ εύηρεστησε κυρίω χαΊ μετετε'θη, υπόδειγμα μετανοίας ταϊς γενεαΐς•
il s'agit en realite des generations d'avant le deluge).
Inutile de se mettre en frais pour dcmontrer qu'il n'y a pas dans tout cela de
« tradition catholique «. Si Bossuet, avant d'interpreter notre passao-e dans le
ll^2 APOCALYPSE BE SAIXT JEAN.
vrai sens, se croyait tenu de prendre les precautions oratoires que son epoque
exigeait, du moins n'a-t-il pas manque de faire remarquer que « I'inviolable auto-
rite des Saints Peres pour I'intelligence des Ecritures » n'est fondee « que dans
leur consentement unanime et dans les matieres de foi et de moeurs « (v. Bossuet,
Apoc, Preface, §§ XIII, XIV, XV).
Mais saint Jean a fort bien pu, apres la reminiscence de Zacliarie, etre ins-
pire secondairement de passages bibliques sur Elie d'abord, — puis sur Mo'ise,
plutot que sur Henoch. Moise et Elie etaient apparus ensemble a la Transfigu-
ration; I'un et Tautre, a des titres divers, pouvaient etre consideres comme
les grands types des precurseurs du Messie et des Temoins de Jahweh devant
le monde paien ou impie. Leur souvenir a done influence le symbolisme. Mais
le sens profond de la vision de Jean lui est absolument propre. et differe de
tout cliche des Apocalypses non inspirees. Swete le rend d'une maniere tres
satisfaisante : « Les Temoins representent I'Eglise dans la fonction qu'elle a
de rendre temoignage [Act. I, 8 : Ισίσθέ μου μάρτυρες.... εως έσχατου της γης); SOU
temoio-nao-e est symbolise par deux temoins, en partie par reference a la loi
bien COnnue du Deut. XIX, 15 (επΙ στόματος δύο μαρτύρων... στησετχι παν ^ημα,
cfr. Joh. VIII, 17 : εν τώ νόμω δε τω υμετέρω γεγραπται οτι δύο άνθρώποιν ή μαρτυρία
αληθής εστίν), en partie par correspondance a Timage de Zach. iv, 2-suiv. ;
Le temoignage de TEglise, rendu par ses martyrs et ses confesseurs, ses saints
et ses docteurs, et par la parole et la vie de tons ceux en qui le Christ vit et
parle, est une prophetic continuelle (cfr. xix, 10 : ή γαρ μαρτυρία του Ίησοΰ εστίν
το πνεύμα της προί-ητείας), qui dure a travers les 1260 jours du triomphe du paga-
nisme », ou de Tincredulite en general. Les Temoins apocalyptiques, dont la
description a emprunte des traits a Mo'ise, a Elie, a Jesus fils de Josedech, a
Zorobabel — et a Henoch bien plus douteusement, — representent tous ceux
qui, au temps de Jean et dans I'avenir, doivent etre animes de cet esprit,
EXC. XXIII. LES « 42 MOIS », « 3 ANS ET DEMI », « 1260 JOURS ».
Ces trois mesures equivalentes se rencontrent : « 42 », Apoc. xi, et xiii, 5
α 3 1/2 », seulement Apoc. xi, 9, 11 (transposee a des jours), mais sous la
forme καιρόν και καιρούς και νίμ'^" καιρού, Apoc. ΧΙΙ, 14; « 1260 », Apoc. Χί, 3
XII, 6. Deux observations preliminaires s'imposent : 1") les 3 jours 1/2 de xi, 9
11, ne representent pas des « annees », comme I'ont cru certains; au contraire
ainsi que nous I'avons vu, I'opposition qu'il y a entre leur breve duree et celle
de 12o0 jours est un trait essentiel du symbolisme; ils n'en forment qu'un 360%
comme un jour dans toute I'annee; 2") la comparaison de xi, 3 avec xi, 2 et
xiii 5, montre que cette mesure s'applique a une seule et meme epoque, et
non a deux epoques contigues d'egale longueur : c'est pendant que les gentils
foulent la Sainte Cite, et pendant que la Bete sevit (xiii, 5. v. ad loc; cfr. xi,
7), que les Deux Temoins exercent leur activite; voila pourquoi elie est pre-
sentee comme une lutte. Saint Jean entend bien faire un synchronisme, ce que
n'ont pas compris Victoria et les autres qui font succeder a la predication
d'Elie et dTlenoch le regne de I'Antechrist. La Bete qui coexiste bien aux
Temoins, puisqu'elle les combat et les tue, n'aura, d'apres xiii, 5, le pouvoir
d'operer que 42 mois, — c'est-a-dire tout le temps de la domination des gentils
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 143
(xi, 2) et de la predication des envoyes de Dieu (xi, 3) ; les 3 jours 1/2 que ceux-ci
passeront dans la mort sont a prendre sur cette periode, a la fin, bien loin d'en
constituer una autre d'egale duree. Bref, il ressort de ce chapitre, compare aux
deux suivants (v. ad loc), que le nombre 3 ans 1/2 et ses substitute mesurent
une periode qui verra a la fois le regne des puissances du Mai, la resistance
de I'Eglise, et la victoire de celle-ci apres que son action exterieure aura paru
detruite a jamais.
Mais quelle pent etre la signification absolue de ces chiffres, que les exegetes
anciens, y compris saint Augustin, ont generalement tendu a prendre a la
lettre, comme, de nos jours, I'exegete independante?
D'abord 3 1/2. L'usage apocalyptique de ce chiffre remonte certainement a
Daniel; il repond chez ce prophete au temps de la persecution d'Antiochus
Epiphane jusqu'a la nouvelle dedicace du Temple de juin 168 a dec. 165, (vir,
25), prise comme type des epreuves eschatologiques, [Dan. xii, 7), et il s'exprime
par les mots arameens pir aSsi '\'^2TJ'] ]n!;, et hebraiques ijfni DnyiD lirln, ou
Ton suppose justement que le pluriel est pour un duel, done « un temps, des
(= deux) temps, et la moitie d'un temps ». Au ch. ix, 27, la devastation du
Temple (cfr. Apoc. xi, 2) durera une demi-semaine d'annees = 3 1/2. Pour
trouver ce nombre applique en propres termes a des annees, il faut chercher
chez LucetJac. [v. supra), oil il repond au temps de la secheresse provoquee
par la priere d'Elie. Avait-il deja anciennement une portee symbolique? Rien
n'est plus probable. Mais c'est par une speculation fort hasardee que Gunkel en
cherche I'origine dans I'astronomie babylonienne, comme s'il s'agissait du
regime de I'liiver, ou le soleil semble mort; car il est absent des sources
assyro-babyloniennes a nous connues. Mieux vaut done recourir simplement
pour conjecturer cette origine, a un raisonnement tres simple de la mystique
des nombres : comme « sept » represente la plenitude normale, « 3 1/2 »
qui en est la moitie, signifi^e ce qui est arrete au milieu de son cours. Telle est
I'opinion tres plausible de Holtzmann et d'autres, qui Tappellent « die gebro-
chene Siebenzahl ». Mais un autre aspect, et des plus interessants, de ce cliiifre
c'est qu'il repond a la duree du ministere public du Sauveur, que saint Jean
tout seul a note dans son Evangile : depuis le bapteme au Jourdain jusqu'a la
Resurrection du Seigneur, il s'e.st ecoule en eifet trois annees, plus une fraction
assez longue entre le bapteme et la premiere Paque, en gros trois ans et demi
(environ, semble-t-il, 3 ans et 3 mois).
Pour 1260, I'auteur n'a employe ce chiffre, peut-etre, que pour varier ses
formules. Dan. xii, 11-12, a parle de 1290 et 1335, chiffres qui ne s'en eloi-
gnent pas beaucoup, et repondent aussi approximativement aux 3 ans 1/2.
Mais nous pensons que saint Jean, qui ne s'en est servi que pour mesurer le
ministere des Temoins (correspondant a la retraite de la Femme au Desert xri 6
idee idcntique a celle de la preservation des adorateurs au Temple xi, 2], avait
une raison particuliere de le choisir : il voulait faire ressortir le contraste entre
le temps de leur activite et celui de leur mort symbolique : 1/360'', un jour en
face d'une annee!
Le chiffre de 42 mois est encore bien plus significatif. Jean est le seul qui ait
converti ainsi en mois les « temps » ou les jours. Dans quel but? SuivaiL-il
encore une tradition ?
144 APOCALYPSE UE SAINT JEAX.
On a voulu trouver a ce nombre un caractere funeraire, provenant soit de la
Babylonie [0. Strauss, Orientalistisclie Literaturzeitung, pures suppositions),
soit de TEgypte : au ch. 125 du Lif^re des Moi-ts il y a 42 juges infernaux, comme
42 nomes en Egypte, 42 peches [Joh. Herrmann, Orient. Literaturzeitung). II
aurait passe de la dans TAncien Testament, comme « Totenzahl » ; en eifet, sur
cinq passages ou il apparait, iVam. xxxv, 6; Jud. xii, 6; II Reg. ii, 24 et x, 14;
Neh. VII, 28 = Esd. ii, 24, il exprime trois fois un nombre de « tues ». Ces specu-
lations, surtout celles des panbabylonistes, sont d'une valeur plus que douteuse.
Mais 42 presente un autre aspect qui merite d'etre approfondi, et qui a tres
bien pu lui donner une valeur speciale dans la Mystique des nombres. C'est
en effet le multiple de 7 par 6. Nous connaissons deja assez Timportance du
nombre 7; le nombre 6 devait bien avoir aussi la sienne dans I'Apocalypse, a
en juger par les tableaux que donne Jean a chaque sixieme moment des sep-
tenaires, et, plus loin, par le mystere du nombre homogene 666, chiffre de la
Bete (xiH, 18). Avait-il une signification determinee? On pent le croire; de
meme que I'addition d'une unite a un chiffre consacre (ainsi 8, I'octave =7 + 1,
le chiffre du Christ 888 Sib. i, v. 326-331) signifie la plenitude surabondante,
ou la mise hors pair du membre ajoute, — p. ex. Prov. xxx, 15, 16; 18, 19, un
ajoute a 3; dans la litlerature profane ou les usages populaires, 31, 101, 1001,
13 pour 12, 15 jours pour 14, etc., ainsi, dans le folk-lore, la souslraction d'une
unite faite a un ensemble est bien souvent une cause de malheur ou un presage
sinistre (v. Richard M. Meyer, ARW, fev. 1907, Mythologische Fragen). Or
6 =i: 7 — 1 ; il y a des raisons de croire qu'il signifie ce qui est tronque, ce qui
manque d'une quantite, d'une note, d'une duree essentielle pour avoir sa pleni-
tude normale, atteindre son but, reussir. On pourrait, en usant d'une metaphore
analogue a « die gebrochene Siebenzahl » de 3 1/2, I'appeler un « verfehlte
Siebenzahl », « un sept manque «. Si cette observation se trouve verifiee, elle
placerait 42 dans la meme categoric que 3 1/2, avec cette idee en plus, que le
but echappe quand 11 parait presque atteint; elle aura son importance pour
I'interpretation du chiffre de la Bete, au ch. xiii.
Une autre raison du choix pourrait etre celle-ci : 6 est le chiffre de la vie pre-
sente, des periodes du monde; et, quoique Jean n'ait pas use de cette division en
periodes, elle a cependant exerce quelque influence sur son symbolisme, comme
nous I'avonsdit a propos des 7 trompettes.
Mais le plus grand interet du chiffre 42 reside ailleurs, et dans un caractere
qui est justement oppose aux precedents; c'est qu'il etait, suivant toute vraisem-
blance, un chiffre messianique.
Un critique catholique allemand, /. M. Heer, a developpe recemment une
theorie fort interessante sur la « genealogie » de saint Matthieu. Dans le ch. I"
du premier evangile, 42 represente la somme des trois series de quatorze genera-
tions qui vont d' Abraham au Christ. Le nombre n'est pas ecrit expressement dans
le texte. excepte dans I'ethiopien, et quelques manuscrits latins ou il a le caractere
d'une interpolation; pourtant il est indeniable que I'Evangeliste a attache del'im-
portance au fait que le nombre total de ces generations etait le triple de quatorze ;
il a meme ramene artificiellement a ce chiffre la serie qui va de David a la
captivite.
Or, 14 represente la valeur numerique du nom hebraique de David, ecrit sui-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. . 145
vant I'orthographe deficiente, mais commune, τ"τ. Gomme τ = 4 et 1 = 6, on a
T-f-1-|-T=44-6+^ = 14, chiffre qui attirait assez naturellement Tattention,
comme double du nombre sacre 7, la « gematria » florissant partout au i" siecle,
Cette reduction a trois fois quatorze, faite en supprimant dans les rois de Juda
plusieurs generations de la race d'Achab, eut ete une maniere, nous ne dirons
pas, avec Heer, de prouver^ mais de signifier symboliquement aux lecteurs
juifs de I'Evangile, que Jesus etait iin nouveau David, un David au degre supreme,
transcendant, ce qu'explime la multiplication par trois.
Heer apporte de curieuses confirmations a cette valeur messianique presumee :
ainsi les trois fois quatorze victimes immolees a Jahweh par Balak et Balaam
Num. xxm-xxiv, en rapport avec la prophetie messianique de ce devin; Rab, ou
Abbi AriqUj un Amora de Babylonie (mort en 247 de notre ere, mais dont telle ou
telle « haggada » pouvait reproduire des idees beaucoup plus anciennes), y voyait
une relation a David qui, selon lui, descendait de Balak par Ruth la Moabite. En
tout cas, le ch. xxm de Num. est surement messianique, et le chiffre des vic-
times immolees n'est point tel par un simple effet du hasard [Talm. U\ Sola, 47*,
tr. Sanhedrin, 105^). — Un trait non moins frappant est fourni par Bar. syr., apo-
cryphe du ii*^, ou de la fin du i*^'' siecle. L'« eclair » qui « guerit le monde » apres
la chute du trelze ondees symboliques, et occupe par consequent le quatorzieme
rang, est interprete parTAnge comme representant I'epoque du Messie [Bar. syr.
ch. 72). Onpeut done conceder, au moins comme une grande vraisemblance, que
le nombre 14, et a fortiori son multiple par trois, 42, avait regu au i*"" siecle
une signification messianique (v. Joseph-Michael Heer, Die Stammbaume Jesu
nach Matthaus und Lukas, ch. iv, 1, pp. 107-129, 1910. — Meme conception,
dans ses traits essentiels, chez W. C. Allen, dans son Commentaire sur saint
Matthieu, p. 7 de la 2* ed., 1907, et G. H. Box The gospel narratives of nativity
and the alleged influence of heathen ideas, dans Υ Interpreter, janv. 1906).
Mais, s'il en est ainsi, il en resulte une consequence d'une immense portee pour
I'exegese : c'est que, dans I'Apocalypse, la duree du pouvoir du mal sur la
terre est representee par un chiffre messianique. En d'autres termes, la phase
terrestre du Regne de Dieu, celle des conquetes de I'Evangile, coincide adequa-
tement avec les derniers et les plus violents efforts de Satan pour empecher ce
Regne. Ce que nous avions deja entrevu a propos de 3 1/2, — temps des persecu-
tions et ministere du Christ, — se trouve ainsi singulierement confirme par 42.
Le second avenement du Christ est prepare par 42 divisions du temps, de memo
que le premier I'avait ete par les 42 generations des croyants du peuple elu (1).
L'abbe Joachim avait bien saisi cela, quoiqu'il ait tire du fait des conclusions
extravagantes. Et si Ton admet avec Swete la division possible du texte de I'Apo-
calypse en 42 sections, en trois series de 14, on ne doutera plus de I'importance
qu'avait ce nombre symbolique dans I'esprit de Jean, comme repondant a toute
la vie de I'Eglise, dont la Revelation trace les destinees.
Cette fusion des perspectives les plus sinistres avec les aspects les plus radieux
du present et de I'avenir n'est nullement inadmissible a priori. Elle ne I'etait pas
dans les milieux juifs, a en juger d'apres les dires de divers rabbins, que les
(1) Ce n'est peut-6lre point non plus par hasard que les Odes de Salomon sont au nombre
de Ί2.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 10
]^40 APOCALYPSE DP. SAINT JEAN.
temps du Messie devaient coiinaitre plus d'une calamite. Khiya ben Nehemia
represente les jours du Messie comme si tristes sous im certain rapport qu'on n'y
saura plus distinguer la faute de I'mnocence [Koheleth rahha, xii, 1; mais aupa-
ravant deja dans le Talmud idees similaires. Voir Volz, pp. 62-63; Lagrange,
Mess. pp. 99-115). L'idee devait etre aussi familiere aux Chretiens qui se repor
talent a I'fivangile. L'Apocalypse synoptique, en effet, envisage la periode du
progres evangelique corame un temps d'apres batailles. Jerusalem doit elre foulee
aux pieds jusqu'a ce que « le temps des nations soit accompli » [Luc, xxi, 24); et
il n'y est pas question d'une periode de paix ct de domination absolue du bien
avant la Parousie du Filsde Tllomme, qui n'arrivera qu'a la fin du monde. D'ail-
leurs, dans notre Apocalypse elle-meme, nous avons deja vu les deux aspects
continuellement melanges : le Cavalier bicnfaisant de vi, 2, part pour vaincre
S'^\v'uMe\\emeTii pendant que les autres cavaliers repandront ledesastre; les elus
de Dieu au ch. vii seront preserves pendant la grande tribulation, etc. (v. infra,
ch. xii). C'est la transposition toute simple des ώδϊνες του Μεσαίου a la preparation
du deuxienie Avenement; eschatologie parfaitement homogene, et dans I'Apoca-
lypse synoptique, et dans Joh. xv-xvi, et dans I Joh. ii, 18-suiv, iv, 3, et chez
saint Paul, II Thess. ii, cfr. I Thess. iv, 13-suiv., et ailleurs. — Elle est pure de
tout chiliasme.
Tyconius avail saisi cette verite, car les 3 1/2 (pour lui les « jours » de xi, 9, 11)
lui representaient les 350 ans qu'il pensait devoir s'ecouler entre I'lncarnation et
la fin du monde. Albert le Grand, apres d'autres medievaux, dit que les 42 mois
representent soit le regne de I'Antechrist, soit « totum tempus vitae praesentis,
propter sex aetates mundi, et septem dies quibus omne tempus volvitur ».
II faut du reste bien nous garder de croire que saint Jean ait pris a la lettre ces
chiffres 3 1/2, 1260, 42. Si, sous leur aspect le plus apparent, ils expriment la
brievete, cette idee de brievete est elle-meme symbolique, et signifie le caractere
precaire et desespere du regne de Satan, qui, des la glorification du Christ, sait
qu'il lui demeure « pen de temps » (xlii, 12); le ch. xvii demontrera jusqu'a Tevi-
dence qu'il est absolument impossible que Jean, ait voulu restreindre a une faible
duree reelle le Regne de I'Antechrist.
Ailleurs, pour une periode coextensive, nous trouverons le chiffre de 1.000 ans.
Cette disproportion dans les symboles pourrait causer un mouvement de sur-
prise et un vif embarras chez les lecteurs qui admettent notre these, si nous
ne nous rappelions un fait general dont nous avons vu deja plus d'une application :
d'une vision a I'autre, Jean ne tient aucun compte du rapport arithmetique de ses
nombres. II en fait abstraction pour ne conserver que leur signification morale, ce
qui pent etablir une identite ou une connexite de sens entre des chiffres en soi tres
disparates; 3 1/2 et 42 signifient un aspect, 1.000 un autre aspect d'une seule et
meme periode (v. comment, du ch. xx),
Les considerations que nous venons d'exposer sont, a nos yeux, d'une valeur
capitale pour Tiutelligence de toute I'Apocalypse.
EXC. XXIV. — l'aNTECHRIST et JERUSALEM.
Nous tenons deja pour acquises plusieurs propositions qui ne seront complete-
ment demontrees qu'aux chapitres xiii et xvii. D'abord, la Bete de xi, 7-suiv.,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 147
en depit dcs scrupules trop sub tils de Bousset, influence par sa croyance a une
source juive, est bien la meme que celle des chapitres ulterieurs. Pour I'unani-
mite — au moins morale — des anciens et des modernes, elle represente TAnte-
christ. L'orig-ine de cette figure presque essentielle a Teschatologie, et des
symboles qui la representent, sera etudiee au ch. xiii. Get Antechrist, nous le
demontrerons egalement la, n'est pas chez Jean une personne unique, mais une
collectivile animee d'un certain esprit (voir I Jch., ii, 18, 22; iv, 3). Irenee,
Hippolt/te, Andre, Areihas, les medievaux en general, y ont vu, comme les
Juifs, une personnalite qui devait surgir a la fin des temps; mais Victorin y
a decouvert la figure de I'ernpire romain (idee qui n'est du reste pas etrangere
aux Peres primitifs), et, semble-t-il, Neron — le Nero redwwus — en s'appuyant
sur II Thess., ii, 7 : « arcanum malitiae Jam molitur ». Pour I'ecole d'Alcazar,
Grotius, Hammond, Bossuet, la Bete represente cet empire. Et, en effet, la
puissance des Augustes est bien la premiere realite visee, de meme que, Dan.
VII, 17, les quatre Betes, prototypes de celle de Jean (d'apres le ch. xiii), sont
des royaumes. La Bete apocalyptique est aussi un pouvoir imperial qui monte
de « TAbime », soit parce que, sous Taspect qu'elle prend aux yeux du Voyant,
ces persecuteurs tirent leur puissance malfaisante de I'Enfer, soit parce que ce
pouvoir s'est etendu sur TAsie des regions de la mer occidentale (cfr. xiii, 1 :
εχ της θαλάσσης Οηρίον άναβαϊνον).
Tout cela, nous le presupposons. Mais la question qui nous interesse propre-
mcnt ici, c'est de savoir pourquoi ce monstre a ete place dans le cadre de Jerusa-
lem plutot qu'ailleurs. Quoique cette Jerusalem soit symbolique (v. comment.,
supra), ce rapprochement de symboles a du etre impose par une tradition. En
effet, « riiomme d'iniquite «, « le fils de perdition » dell Thess. ii, s'assied « dans
le temple de Dieu ». Le « seducteur du monde », κοσμοπλανης », qui apparait sous
forme de « fils de Dieu », Didache, xvi, 3-4, le tyran eschatologique qui fait son
apparition dans un verset d'Esdras (« et regnabit quem non sperant, qui inhabi-
tant super terram » IV Esd., v, 6), pourrait bien aussi etre en rapport etroit
avec les Juifs. Le βδελυγμα της Ιρημώσεο^ς de Dan., IX, 27; Mat., xxiv, 15, cfr.
Marc XIII, 14, sevira aussi dans le temple de Jerusalem; toutefois, dans I'Evan-
gile, il ne s'agit pas des derniers temps, mais de la ruine historique de cette cite,
comme le fait bien voir le parallele de Luc. Enfin rappelons-nous la tradition sur
rAntechrist sorti de la tribu de Dan (v. comment, a vii, 1-8). Bousset pense que
cette modification de I'anciennc donnee de Daniel, pour faire de TAntechrist un
membre de la race d'Israel, a du s'accomplir sur le sol juif avant le christianisme,
au temps des derniers Asmoneens ou d'Herode. Quoi qu'il en soit, la Bete de
I'Apocalypse, bien que siegeant a Jerusalem, apparait comme etant en relation
moins avec les Juifs qu'avec les gentils qui foulent les parvis exterieurs et la
ville Sainte.
II est cependant possible que cette tradition sur un Antechrist juif, ou se don-
nant comme roi des Juifs et conru comme faux Messie, faux prophete, ait influe,
avec la tradition de Daniel, sur la forme do notrc prophetic, comme sur celle de
II Thess. Nous disons seulement « sur la forme » ; car, pour le fond, la Bete est
d'abord, tres certainement, TEmpire romain persecuteur. Mais enfin cette
influence expliquerait pourquoi cette scene d'unc portee universelle, eschato-
logique au sens le plus large, a ete placee a Jerusalem, pourquoi le temple,
148 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
quoique deja detruit, est apparu comme figure, et pourquoi les « Temoins »
ont des traits de Moise, d'Elie, et peut-etre d'Henoch. — A moins que ce ne
soit rinverse, c'est-a-dire que la part de symbolisme empruntee a I'histoire de
ces personnages de I'Ancienne Loi n'ait entraine pour toute la scene oii ils
figurent le decor de la Terre-Sainte,
Existe-t-il quelque parallele a ce rapport des « Temoins » avecl'Antechrist? —
J'entends un parallele formelet explicite; car il etait facile de deduire ce rapport
du role « eschatologique » assigne a lun comme aux autres. — Deux ont ete
signales : d'abord la figure du Messie /ils de Joseph (precurseur du vrai Messie
fils de Juda), qui doit perir danslalutte contre Gog et les paiens. Seulement, c'est
une creation apocalyptique beaucoup trop tardive pour quelle ait influe sur notre
passage. Mais, deja dans VAssomption de Mo'ise, eh. viii-ix, apparait le person-
nage fort enigmatique de Taxo (τάξων{?), participe futur de τάσσω, « ordonner »,
d'apres I'hj'pothese de Clemen^ Kautzsch. ii, p. 326, admise de Bousset, Rel.
Jud. et Antichrist; pour les uns, il pourrait avoir un rapport avec Elie, pour
d'autres, ce qui n'est pas vraisemblable, avec le Messie, ou bien c'est une gema-
tria). Ce Taxo est un vieillard qui fuit avec ses sept fils devant un tyran ennemi
deDieu, melange d'Antiochus et d'Herode, regnant a Jerusalem; Taxo meurt, et
alors vient la fin. Le parallele avec les Temoins, si parallele il y a, est encore
assez lointain; nous en chercherions plutot un avec Thistoire de Mathatias et de
ses fils les Maccbabees.
Le rapprochement le plus etroit qu'on puisse faire, selon nous, ce serait done
avec II Thessal. ii. (v. ixtkod., c. ix, p. cxiv). Le κατέχων et le χάτεχον de saint
Paul, opposes a la pleine manifestation de r«homme d'iniquite » (•:= la Bote),
sont des termes mysterieux qui repondraient a I'activite par laquelle, trois ans et
demi durant, les deux temoins arretent les progres de TAntechrist. Alors I'idee
ne serait pas « traditionnelle », mais purement chretienne et sans attache juive,
malgre le decor symbolique du temple et de Jerusalem.
6° Septieme et derniere Trompette. — La consomination (xi, 15-18).
Int, — La rupture du 1^ sceau ai>ait ete le signal de I'execution des decrets divins ;
ainsi la 7' trompette en amene la consommation. Ces versets n'indiquent done
pas, comme le voudraient Holtzmann, Joh. Weiss et d'autres, une prSparation
au 5® Vae. II y a bien une allusion aux ei'enements du 3^ Vae — qui sont pour nous
aussi la matiere des chapitres XII et suiv. — dans le cantique celeste 17-18. Mais
il y sont notes comme passes deja; les temps au passe, I'absence de ό Ipy ό(χενος dans
la formule stereotypee de 17, montrent que le grand evenement, I'acte essentiel attendu
dans tout le lii're, s'est accompli pendant que la trompette retentissait. Mais Jean
ne Γα pas vu; il a seulement entendu dire au ciel que tout etait consomme. C'est quil
ne convenait pas de decrire la fin du monde avant d'avoir donne les proplieties du
βιβλαρίδιον, annoncees au ch. X. De plus, nous remarquerons ailleurs [ainsi a la
chute de Babylone, ch. XVIIl), que les faits les plus graves, quand ils sont entierement
reserves a I'avenir, et n'ont pas recu au temps de Jean au moins un commencement
de realisation, le prophete ne les contemple pas d'ordinaire de ses yeux, if les connait
seulement par I'ou'ie. S'il est oblige, pour clore les propheties, de donner au ch. XX une
certaine description du jugement, il ne le fera que dans une vision absolument sche-
matique, qui contrastera fort avec celles des sauterellcs, dc la cavalerie ou des Botes
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 149
Les critiques j'oignent encore presquc tons a cetic pericopc le i^. 19, qui pour
beaucoup cUcrirait un fleau, — la plaie de I'air, — correspondanl a la 7* trompette
(v. infra). Grotius y voyait la guerre de Bar-Cochebas, Bossuet la ruine de V empire
romain. Eichhorn, de Wette, etc., le rapporlaient, coniine le reste da chapilre, a
la chute de Jerusalem. Mais la plupart regardent li-19 comme un intermede et une
anticipation. Les mots το?ς φοβουμένοις du v. 18 demontrent le caractere j'uif da
morceau a Vischer, a Weyland (a), a Spitta (15a et 19 de J*, 16-18 de J^j. Volter,
Weiszjicker, Sabatier, Schoen, Erbes, Job. Weiss le rattachent immediatement a
la fin du c/i. IX (par-dessus le pretendu intermede qui commence au ch. X) et
I'attribuent a I' Apocalypse primitive, sauf Job. Weiss qui donne ces versets a I' « Edi-
teur )■>. Volter, pour ne pas voir ici la fin, se met a I'aise par la suppression du juge-
ment des morts, qui serait une interpolation du temps de Trajan; Bruston reconnait
dans li-19 I'oeuvre du « disciple ».
Bousset eiablit que li-19 est d'un aateur qui poss6dait deja une vtie d'ensemble
de I'Apocalypse et la considerait comme for-nant un tout. En effet, le v. 15 fait
allusion a la victoire messianique du ch. XII ; le v. 16 rappelle la vision des Sceaux;
les vv. 17-18 ont rapport aux ch. Xlll-suiv. : colere des Gentils, etc., colere de Dieu
(ch. XIX), jugement des morts [ch. XX), aneantissement des corrupteurs de la terre
(ch. XVI I- XVI II).
Cette vue est juste, a la condition de ne pas parler ici d' anticipation, de prolepse
dans I'esprit des chantres celestes. lis parlent de tout cela comme d'un passe, non
d'un passe prophetique, mais d'un passe littoral. Ce mondc de miseres et de peches a
bien disparu — et, notons-le pour notre future explication du ch, XX, — sans qu'il soil
fait aucune mention d'un Millenaire de pur bonheur. La premiere section des prophe-
ties se termine ici et elle parait complete, elle a embrasse tout I'avenir de I'humanite,
jusquau jugement final. Si I'Apocalypse ne continuait pas plus loin, observe Swete,
en ne se douterait pas qu'il dilt y avoir une suite, et il serait impossible de retablir
par conjecture les scenes qui vont venir a partir du ch. XII. On trouverait seulement
que la mention du jugement est quelque pen ecourtee, et Von se demanderait, sans
pouvoir repondrc, pourquoi I'auteur a introduit au ch. X la scene du βιβλαρίδιον.
A. B. 15. λέγοντες, construction ad sensum[l\r. c. x, § II), dans A, Q, rec. K, cor-
rigo en λέγουσαι X, G, P, Ajid.,Arethas, et von Soden. — θεοΰ pour κυρίου, α1580-28-2015,
syr^', Prim. — Remarquer βασιλεύσει (βασιλεύει, 8505-14-69, al.; έβασίλευσεν suppose par
am., syrs"^) au singulier, malgre le double sujet; ce n'est pas une raison pour que
χριστού soit un mot interpole, mais une negligence de grammaire ou de style, — φωναι
(χεγάλαι, αι. των αι., al, passim.
C. 15. Έγενετο : le Regne de Dieu et du Christ est arrive au but, il s'est etabli
pour toujours; c'est le « factum esse » terminant le « fieri »; le futur βασιλεύσει ne
peut signifier ici que la continuation eternelle d'un regne deja inaugure dans toute
sa perfection et sa splendeur. II revient au meme quant au sens de traduire, avec
Bousset, en faisant dependre τοΰ κυρίου de Ιγένετο : « La domination royale sur le
monde a passe (exclusivement) a Dieu... ». n'ard Gott zu eigen. — Les « voix »
contrastent avec le silence impressionnant qui avait suivi la rupture du septifeme
Sceau (viii, 1). Ce sont peut-etre — a cause de la mention des 24 vieillards qui va
suivre, — celles des 4 Animaux (Swete). Malgre le caractere un peu flottant des
visions, le fond de scene demeure immuable depuisle ch. iv.
-^— A. B. 16. καθτ^αενοι se lit A, et dans la plupart des textes du type And. (oV...
χάθηνται N^ C, 0'-2-82, Ap"-95-2040, Q, nombreux minusc, Aret., syre^; ot... έκάθηντο
α400-69-628); nous conservons le participe,parce qu'il se rencontre 27 fois ailleurs
dans TApocalypse, tandis que χάΟημαι n'apparait a un mode personnel que 3 fois, xvii,
150 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. XI. 15. Και ό έβδομος άγγελος έσάλτησεν* καΐ έγένοντο φωναι μεγάλαι εν τω
οΰρανω *λέγοντες' Έγένετο ή βασιλεία του κόσμου toj κυρίου ημών και του Χρίστου
οί^τοΧ)^ και *βασιλεύσει ε'.ς τους αιώνας τών αιώνων.
16. Και οί είκοσι τέσσαρες πρεσβύτεροι οΐ έν(όπιον του θεοΰ *καΟήμενοι έπΙ τους
θρόνους αυτών, *ε7:εσαν έ•;:ί τα 7:ρόσωπα αυτών και χροσεκΰν^σαν *τώ θεώ, 1"ϊ• λέ-
γοντες'
Ευχαριστουμέν σοι, *κύριε ο θεός ο ■;:αντοκράτο)ρ, ό ών και ο •ζν*, 'ότι νί/.ηφας
τήν δυναμιν σου τήν μεγάλην, και *έβασίλευσας. 18. Και τα έθνη *ώργίσθησαν, και
ήλθεν ή οργή σου και c καιρός *τών νεκρών κριΟ•^ναι, και δούναι τον μισθον τοΤς
*δούλοις σου τοις ττροφήταις και τοΐς άγίοις και τοις φοβουμένοις το ονομά σου, τοΤς
μικροΐς και τοις μεγάλοις, και δια^Οεΐραι τους *διαφΟείροντας τήν γήν.
9, 15; χνιπ, 7. Nous gardens aussi, avec Ρ, centre A, Tarticle ol devant ΙνώΓ.ιο^.
Pour cette tournure o\ ενώπιον του θεοΰ καΟτ^μενοι, cfr. χι, 4 αί ενώπιον του κυρίου της γης
Ιστΰτες. Les mots του Ορο'νου devant τοΰ θεοΰ ne se trouvent que rec. Κ. II ne faut done
pas en faire, avec Bousset, I'indice d'une source au langag-e particulier pour xi, 1-13
(v. supra). — επεσον pour 'έπεσαν, rec. K. al. — Prosternement des Vieillards : cfr. iv,
10; V, 8, 14; xix, 4. — τω θε^,, datif.
C. 16. Les Vieillards se prosternent comme a I'intronisalion de I'Agneau, parce
que c'est le dernier acte de conquete de sa royaute, qui est, pour ainsi dire, devenue
complete avec celle de son Pere.
— ^— A. B. 17. Remarquer le vocatif κύριε (χ : κύριος) suivi d'une apposition au
nominatif (Tint. c. x, § II). — κα\ ό Ιρχο'μενος, qui est ailleurs le complement de la
formule ό ών κα'ί ό ην, a ete omis ici avec intention, et c'est a tort que, trompes par
I'analogie de i, 4, etc., quelques mss. And., δ501-109-205, δ600-δ7-296, vidg. et boh,
I'ont ajoute. — εΐ'ληφις pour ειληφας dans C. Le parfait signifie : tu as fini de prendre ta
grande puissance, tu I'as prise pour la garder toujours, et I'aoriste qui suit, έβασίλευσας,
est « ingressif » : tu t'es mis a regner. — κύριε δ θεο'ς, cfr. xv, 3; xvi, 7. (iv, 8 : κύριος).
C. 17. Si και ό ερχόμενος est omis dans la fameuse formule developpee du nom de
Jahweh, ce n'est pas, comme I'entend Cabncs, une « abreviation sans portee », mais
c'est que Dieu et le Christ n'ont plus a « venir », la Parousie a eu lieu; c'est ce qu'an-
nongait I'Ange du ch. χ sur la consommation du « Mystere de Dieu » (v. ad loc). Celte
abreviation est pleine de sens, elle montre comment il faut interpreter la Τ trompette.
Tout le conlenti du Grand Livre du ch. ν est conς!u comme realise; Dieu a pris en
main sa « Grande Puissance », qui n'est pas I'exercice de sa Providence ordinaire,
mais la plenitude de sa force manifestee (Sivete). 11 n'y a plus d'avenir; Jean
entend le cantique celeste qui ouvre I'eternel Present. Pour les autres interpreta-
tions, voir rintrod. a la pericope. Pour une pareille abreviation xvi, 5, \. ad loc.
^-^— A. B. 18. ώργίσθη pour ώργίσθησαν dans K*. Nous avoQS traduit par le plus-
que-parfait, parce que I'aoriste grec rend notre plus-que-parfait de simple anteriorite,
ou notre passe anterieur; les peuples, en effet, ont fini de s'irriter quand la colere de
Dieu a acheve de les abattre : ηλθεν η όργτί σου. — εθνών pour νεκρών, 1073, quelques mss.
de la rec. K.; νεκρών et κριθηναι dependent tons deux immediateraent de καφο'ς, tournure
unique, qui repond a t'va οί νεκρο\ κριθωσιν. — Au lieu de δούλοις, et des autres datifs, on
trouve des accusatifs, ou un melange d'accusatifs et de datifs, dans un certain nombre
de mss., negligence possible dans ce style couru; ou peut-etre ces mots sont-ils rap-
portes a κριθηναι, comme sujet; W.-H., Weymouth et Si^-ete admettent μικρούς et
μεγάλους (n, C, 1072, 1073; — A : αγίους, φοβούμενους, μικρούς, μεγάλους); Tisch., Nestle et
Soden maintiennent partout le datif, avec N^ P, Q, et presque tous les minuscules. —
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 151
C. XI, 15. Et le Septieme Ange sonna de la trompette; et il se fit de
grandes voix dans le ciel, qui disaient : « Il s'est etabli, le reg-ne sur le
monde de notre Seigneur et de son Christ, et il r^gnera dans les siecles des
siecles >;.
16. Et ies vingt-quatre vieiliards qui devant Dieu sent assis sur leurs
trones, tomberent sur leurs visages, et se prosternorent devant Dieu,
17 disant :
« Nous te rendons graces, Seigneur, [toi] le Dieu tout-puissant, celui [qui
a nom] il est, et il etait, parce que tu as sa'si ta grande puissance, et
es entre dans ton regne. 18. Et les peuples s'etaient mis en fureur, et elle
est venue, ta fureur [a toij, et le moment pour les morts d'etre juges, et
de donner la recompense fl tes serviteurs les prophetes, et aux saints, et
a ceux qui craignent ton nom, aux petils et aux grands, et de detruire ceux
qui detruisaient la terre. »
KotX est omis apres τοις άγ-'οις dans «115-130-1854, et τοϊς devant φοβούμενοι; dans N, ce
qui modifierait le sens, — φθειράντας ou διαφθεφάντας, participe aoriste au lieu du pre-
sent, dans N, C, une dizaine de minuscules, «103-7-104, «1594-10-60, Av46-35-2018,
8507-47-241, ^206-48-242, Av56-49-2023, «404-87-172, «1574-91-1957, «1475-96-2041, « qui
corruperunt » Ci/p., ^ndg., Prim. C'est peut-^tre la vraie legon, en tout cas eile rend
bien le sens; car ils ont fini de corrompre la terre; mais on peut conserver δ'χφθείροντβς
au sens de I'imparfait. — φοβούμενοι, cfr. xix, 5 ; δι«φ&είροντες τήν γην, cfr. xix, 2, dit de
Babylone; cfr. pour t'ensemble des termes Ps. π, 1, 5, 12 et Ps. xcvm (LXX), 1.
C. 18. Quand Joh. Weis traduit ώργίσΟησαν par le present « nun ziirnen », ίΤ prend
ce mot pour un aoriste ing^ressif; natais c'est un contresens, cette colere otantdu passe;
celle de Dieu a mis un terme a celle des hommes. La triple enumeration « prophetes,
saints, craignants-Dieu «, si I'on conserve tous les χαί et tous les articles, qui sont
bien attestes, suscite une difficulte d'exegese. Dansun document juff, φοβούμενοι designe-
rait tout naturellement les proselytes ou les paiens frequentant la synagogue (cfr.
Act,); aussi Vischer, Weyland et Spitta y voient le sigOe d'une origine judaique. Bous-
set croit devoir supprimer καϊ entre άγίοις et τοΐξ φοβ., a moins, considere-t-il, que les
« saints » ne soient les Judeo-chretiens (cfr. Paul : les « saints de Jerusalem »), et les
φοβούμενοι les ethnico-chretiens. J'inclinerais asser vers cette Iiypothese plutot qtre vers
celle de Sivete, qui, ici et xix, 5, suppose qu'il s'agit des catechumenes ,' en tout cas, ce
mo•! n'est pas suffisant pour faire croire a une source juive.
Ici se termine la premiere section prophetique; elte a abouti a la fin du monde, an
Regne complet du Christ. Nous rattachons le v. 19 a la section suivante.
III. DEUXIEME SECTION DES PROPHETIES
(xi, 19-xxi, 8).
OU EXECUTION DES DECRETS DU « PETIT LIVRE OUVERT » SUR l'eGLISE ET SUR l'eNSEMBLE DU
MONDE, CONSIDERE CETTE FOIS DANS SES RAPPORTS AVEC l'eGLISE, ET SPECIALEMENT REPRE-
sente par l'empire ROMAIN.
Int. — Cette section emhrasse les predictions (/ue I'An^c du cli. X a charge Jean de
proclamer « sur des nations et des peuples et des langues et des rois nombreux »
{X, 10). Elle s'etend de fait a toiite I'histoire humaine depuis la naissance du Christ
{XII, 5), jusqu'au jugemeni general {XX, 11-XXI, 8) et presente une « recapitulation »
— au sens large — des chap. VI-XI. Seulement, tout y est concu an point de vue de
I'Eglise, et des luttes quelle a commence a soutenir contre I'Empire remain, pris
comme type de I'Antechrist, et de toutes les puissances futures ennemies de Dieu, dent
elle fait entrevoir le deroulement dans la suite indefinie de I'histoire. Jean insistera
surtout sur le sort de Borne, car c'est la ce qui donnait le plus de souci a ses lecteurs;
mais sa prophetic porte beaucoup plus loin. L'ennemi invisible, le DragOn, declare la
guerre au Christ et a I'Eglise (la Femme), et dirige les operations par I'intermediaire
des Deux Betes, ses suppots humains, qui sont deux esprits historiques, deu.v
puissances visibles et terrestres continues qui pretendent contrefaire et supplanter
I'Agneau, et s'lncament a I'epoque de I'Apocalypse dans Babylone la Gourtisane
(Rome). Mais I'armee du Christ glorifie (Michel et ses anges), a deja vaincu le Dra-
gon, qui ne fait plus qu'epuiser les restes de sa rage. Les Betes trouvent en face d'elles
I'Agneau en personne, qui, a la fin, reapparaissant comme Cavalier invincible, Roi des
Rois, Verbe de Dieu, infligera a I'Antechrist sa defaite supreme. Les puissances hostile»
sont ecrasees dans I'ordre inverse de leur apparition, en allant du particuUer a I'uni-
versel, du visible a I'invisible : Borne, Betes, Dragon. La vision du ch. XX (le Mille-
naire) resume toute cette Iiistoire dans une large vue d'ensemble, qui a pour but de
montrer que, au milieu des plus terribles contingences, I'Agneau a cependant toujour»
regne depuis les jours de I'Incarnation. Alors a lieu le jugement general.
Plusieurs anciens commentateurs ont eu I'idee de cette division des propheties apo-
calyptiques en deux sections exactement, quoique I'ignorance de la « loi des emboite-
ments » les ait empeches de bien reconnaitre oil elles se separaient I'une de I'autre. Ainsi
Brightman voyait dans XI-XIV une recapitulation de I-X; Mede faisait commencer
I'histoire passee, presente et future de I'Eglise au ch. X, qui predisait la Beforme,
tandis que les chapitres precedents se rapportaient a I'Empire; Collado, lui, avait bien
vu que X-XI sont compris sous la 6^ trompette. Henten, le premier, a neltement etabli
la division que nous admettons ; il rapporte la deuxieme section a la destruction du
paganisme, la premiere a celle de la synagogue. Cfr. Alcazar, Grotius, Bossuet,
qui, malgre leurs precisions artificielles, et leur meconnaissance de la « recapitula-
tion y>, ont cependant bien saisi le sens general de la presente section. (Int. c. xiv,
§§ V-VI).
APOCALYPSE DK SAINT JFAX. 153
Petit Prologue symboliqite (xi, 19).
C. XI. 19. Και ήνοι'γη ζ ναός του θεοϋ *ί έν τω οϋρανω, και ώφθη ή κιβωτός τν^ς
διαθήκης αύτοΰ έν τω ναω αυτοϋ, και έγένοντο άστρατταί και φο)ναί και βροντα'ι *καΙ
σεισμός και χάλαζα μ,εγάλη.
C. XI, 19. Et le Temple de Dieu s'ouvrit, celui qui est dans le ciel, et on
\\i I'arche de son alliance dans son temple, et il se fit des foudres et des
voix et des tonnerres, et un ebranlement, et une grande grele.
A. B. 19. Nous conservons ό devant Iv τω ούρανω (quoiqu'il manque n, P, Q, syr.,
Aretli., et dans nombre de minusc), parce qu'il est conforme a I'usage apocalyptique,
et possede ici une vraie valeur deternainative. — Κα"! σεισρς est omis rec K., Aret. —
Le « sanctuaire du ciel » (oppose a celui de \i, 1), cfr. iii, 12; vii, 15; xv, 5-suiv. ; xxi,
22; Γ « arche », cfr. ii, 17 (a la « manne cachee »); άστ^απαί κτλ., cfr. Apoc, passim, et
surtout VIII, 5.
C. 19. Ce verset pourrait sans doute etre considere, conformement a la division en
chapitres et a I'avis de la presque unanimite des commentateurs, comme le dernier de
la premiere section, et etre applique a la fin du monde. Je crois cependant preferable
de suivre, apres Hugues de S^-Cher e.i Albert, la division a! Andre, qui fait commencer
ici sa section περί τών διωγμών της Ικκλησίας των προτέρων και των έπΙ του 'Αντίχριστου, comme
I'a fait Holtzmann, et I'insinue Joh. Weiss {Ojfcnb. p. 81). II est vrai que ce verset fait
la soudure entre la vision precedente des trompettes, et les visions qui vont suivre ; il
semble amener une plaie (les « tonnerres » et la « grele ») qui a un rapport avec
Γ « air », le quatrieme element, et n'avait pas trouve de place speciale dans la serie
VIII, 7-12, oil le premier fleau atteint specialement la « terre ». II se pourrait done que
le schema traditionnel des 4 elements eut influe sur notre verset [Boll, supra); par la,
ce verset 'aurait quclque lien avec la 7« trompette, laquelle, avec un certain defaut
d'equilibre et de cohorence dans la narration, se trouve encore annoncer a la fois la
fin du monde et le « 3^ Vae » (ch. xii-suiv.) qui n'apas ete decrit, chose assez surpre-
nante. Mais ce n'est qu'une afTaire de redaction; essentiellement, quant a la chose
signifiee, le v. 19 est un prologue a la deuxieme section prophetique.'
En eiTet, on pourrait bien le considerer d'abord comme une de ces prolepses
habituelles a noire ecrivain, laquelle, dans le cas, anticiperait sur xv, 5 (v. ad loc).
Mais on doit noter surtout son parallelisme avec le debut du ch. viii, verset 5. Dans
ce passage, les m§mes troubles atmospheriques (moins la gr^le), et le meme σεισμο'ς,
servaient de dernier signal a la sonnerie des Trompettes; ici, ils preparent la repe-
tition des memes fleaux, presentes seulement sous un autre aspect; le rapport le
plus direct existe avec xv, 5-x\i. Ce verset forme aussi la suite logique du chapitre χ
avec son « emboitement ».
Mais, dans sa brievete, il est encore beaucoup plus riche de sens. II montre I'esprit
qui va animer toutes les nouvelles propheties : la perpetuelle antithese de la justice
et de la misericorde, du sort du monde et de celui de I'Eglise, s'y trouve condensee
en Ires peu de mots. C'est un petit prologue celeste qui revele toutes les intentions
de Dieu : en meme temps qu'Il prepare le chatiment du monde, II annonce aux fideles
leur salut. Car le « Saint des Saints « celeste est desormais ouvert pour les hommes,
par I'ciconomie nouvelle de I'lncarnation (c'est tout a fait sans raison que Spitta
supprime ό 2v τω ούρανω). L'apparition de Γ « Arche d'alliance », montre que les derniers
154 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
temps, ceux du Regne dc Dieu et de son Messie, ceux de refTusion des biens spiri-
tuels et de la recompense, sent commences. Ge trait caracterise tout ce qui suit
comma etant de I'eschatologie — au sens large (v. Excursus xxv). Tous les biens
symbolises par la contemplation de I'Arche sont montres aux elus au moment ou
les ennemis de Dieu sont ecrases par la foudre et le grele, et ou le « tremblement
de terre » signifie la transformation da monde present (Andre) par toutes les revo-
lutions qui meneront a un etat d'equilibre mieux assis : Vici. : « Apertum esse Tem-
plum.... manifestatio Domini nostri est... Area testamenti : evangelii praedicatio et
indulgenlia delictorum, et omnia quaecumque (cum) illo advenerunt, illud dicit
apparuisse » [Haussleitcr, p. 104).
Bossuet : « Le Temple de Dieu fut ouvert; c'est le grand eclat de I'Eglise ouverte
a tous les Gentils; et I'Arche d'alliance y parut, a la difference de I'ancien peuple,
ou FArche etait cachee; dans I'Eglise tous les mysteres sont decouverts, et la pre-
sence de Dieu est manifestemcnt declaree. » En effet, les άστρατταί, etc., comme dit
S»-ete, sont les symboles ordinaires de la majeste et de la puissance de la Presence
divine, les « salves de I'artillerie celeste » {Atford).
Cette apparition de I'Arche est quelque chose de nouveau, elle indique un progres
marque, dans la clarte des promesses, sur le prelude des Trompettes (vni, 3-5);
c'est qu'il x?i etre surtout question de I'Eglise. Gependant la aussi le double role de
Γ « encensoir » (v. ad loc) repondait au double aspect de Faction divine, misericorde
pendant et apres la vengeance; et la « gr^Ie » de notre verset pent etre rapprochee
des « charbons » precipites sur la terre.
Un dernier trait qui nous porte a separer le v. 19 de la sceae anterieure, c'est que
les cantiques celestes sont toujours arrives jusqu'ici pour clore une pericope (v. ch. rv
et v); nous verrons s'il n'en \ά pas encore de meme aux ch. xv et xix, en sorte qu'il
y aurait la une loi d'interpretation.
EXC. xxv. LA SIGNIFICATION ESCHATOLCKilQUE DE L ARCHE D ALLIANCE.
(Voir Commentaire de rr, 7). L'apparition de I'arclie rappelle la tradition
d'apres laquelle elle eut, pour etre soustraite aux Chaldeans, ete cachee par
Jeremie, avec Tautel des parfums; on la retrouverait lorsque le peuple revien-
drait de son exil, c'est-a-dire entrerait dans le bonheur messianique : « Ιοις αν
συνάγη δ θεός επισυνχγοιγην τοΐί λάου... χα'ι τότε δ κύριος αναδείξει ταΰτα, και 6'^θησεται ή δοςα
του κυρίου », (II Mace. ιι, 4-8). Ailleurs c'esl un Ange [Bar. syr. vi, 5-10] ou
Josias {Talm., Horajoth, 12 a) qui la met en surete. II n'est guere douteux que
Jean ait utilise, en la transformant, cette donnee de la decouverte de Tarche
d'alliance aux temps futurs du salut. Seulement, chez lui, c'est Tarche celeste,
enfermee dans le sanctuaire celeste, c'est-a-dire un simple symbole des biens
spirituels dus a cette victoire du Christ qui commencera a etre decrite d^s le
ch. XII. L'autel des parfums du ch. viri I'aisait partie de la meme imagerie
(comme celui des holocaustes au ch. vi). Ces deux autels nous montraient
comment les sacrifices et les prieres de Fhumanite ont acces au ciel; mais
I'arche, figure plus mysterieuse, nous devoile le fond intime des misericordes
de Dieu qui y repondent. Ainsi Jean a place toujours une image encourageantc
devant la description des fleaux apocalyptiques.
Α. VISION DE LA FEMME ET DU DRAGON
(c. xii, 1-17).
Int. — Les cliapilres XII et suiv. vont expliquer line situation dont XI, 15-lS a deja
note I ensemble et I'issue. Dans la serie VI-XI, Jean avait represent^ tout I'avenir
terrestre, sous ses formes les plus generales ou les plus profanes; mais il ne pouvait
decrire la beatitude future de la societe des elus avant d'avoir amend les propheties
qui, touehant de plus pres ses lecteurs, etaient si anxieusement attendues. II y procede
dans la secondc inoitie de son lii>re, et eette nouvelle serie a son tour va s'etendre, et
prendre autant d ainpleur que la premiere, avec encore plus de passion et de coloris.
Le ch. XII ouvre cette section comme une « preface grandiose » (Bousset). Le litre
</ Andre (supra) elait fort juste ; car une vision retrospective montre au Propliete les
debuts memes de I'Eglise (περιτών διωγιχών της εκκλησίας τ£5ν προτέρων), et, parlant
de la, son regard embrasse toutes les persecutions quelle aura a subir jusqu'a la fin,
de la part de I'Antechrist (και των ΙτΛ τοΰ Άντι/ ρίστου); mais cet Antichrist nest
pas seulement pour nous une figure de la fin des temps (v. Comment, du chap. xiii).
Notre chapitre represente la cause premiere, dans le monde supra-sensible, de I'etat
de choses qui va se realiser dans I'empire paien et se prolongera, sous d'autres
formes, a travers I'avenir : c'est la haine de Satan, — qui est le principe du mal,
iennemi de Dieu, — contre le Christ et ses fideles. Les persecutions sont un effet
de sa rage, depuis qu'il s'est vu vaincu virtuellement dans I'humanite par la Passion
et la glorification de Jesus. Les conditions exterieures et visibles de cette lutte seront
prophetisees aux chapitres XIII et suivants.
Nous touchons ici au point culminant de la Revelation; le chapitre XII est central
dans I'Apocalypse, car tout le monde reconnatt qu'il en contient ou prepare les pnn-
cipales figures, les allegories maitresses. C'est aussi le developpement du 3^ J ae
(v. Exc. xxvii). Qu'ont pense les critiques du caractere de ce morceau, et de sa place
dans I'organisme apocalyptique? Erbes y fait commencer son apocalypse chretienne
du temps de Caligula {XII; XIII; XIV, 9b-12); pour Bruston, c'est la suite de la
prophetic du temps de Neron; pour Schmidt, le debut dun grand morceau qui, sauf
interpolations, s'rtend jusqu'a XIII, 5; pour Volter, il est de Cerinthe, excepte les vv. 11
ct 17-fin. Alois la plupart le declarent d'originejuive, du fait qu'il presenterait, disent-
ils, la naissance du Mcssie comme future. Ainsi Vischer, AVeyland ("2, mains 11, 17'^ I,
Spitta (J•, moins 6, 11, et quelques mots dans 9, 13, 17). Sabatier et Schoen pcnsent
aussi que I'auteur a intercale ici dans 'son oeuvre un morceau juif [excepte 10-12, 18,
et des modifications rcdactionnelles). Weiszacker, lui, aftribue XII, 1-10 seulement
a une source judeo-chretienne contemporaine du siege de Jerusalem.
D'autres critiques encore, et assez nombreux, veulenl reconnaitre divers recits paral-
Idles. Wellhausen [Sk. und Vorarb. VI, 215-suiv.), trouve deu.c sources (juives) 1-0
et 7-li comhinoes par un redacteur. Calmes (a cause des 572) '^''^^^ ^'<'*'' ^^ continua-
tion de la source « juive » du ch. XI, de Van 69; le document primitif serait 1-9 et
13-17 a, tandis que 10-12 ei 17b s'en detach eraicnl comme element redactionnel chretien.
Gunkel, Dieterich, et autres, decouvrent une source mythique pa'ienne, uiilisee par
I'auteur chretien pour represcnter le triomphe de Jesus sur Satan; Gunkel tient aussi
pour les deux recits paralleles, a cause du v. 6 qui se trouve repete.
Mais alors pourquoi, dil Bousset, eel auteur n'aurait-il pas supprime le v. 6 tout
simplement? Lui ne doule pas dune origine juive pour le combat de Michel el de
Satan (6-12); mais 1-5 et 13-17 seraient un ancicn my the solaire christianise par noire
Apocalyptique : et 17-lR, une addition de la dcrniere main, pour relier cette vision
an ch. XIII; I'adaptalion, d'aillcurs, iic sanraii en aucun cas aire juive. — • Joh. Weiss
156 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
dinse ainsi : a) 1-6 est de la source Juice Q, sauf, au v. 3, une interpolation due
a Γ « Editeur y> (les 7 tites et les 7 couronnes du Dragon); b) 7-12 [le 5« Vae) seraient
seuls de Jean d'Asie, a I'excepiion encore du v. 11, que la mention des martyrs lui fait
attribuer a I' « Editeur »; c) enfin 13-17 sont la construction de Q, sauf 17*^ {le « iemoi-
gnage de Jesus ») qui revient a Γ « Editeur », lequel a combine I'ancienne Apocalypse
ai'ec la source j'uive de 67-70.
^''ous croyons devoir, dans notrc Commeniaire,• ruiner le principe de ces combi-
naisons ; en tout cas I'emprunt a des sources juives, Q ou autres, nous parait inad-
missible. Quant a I'utilisation directe d'un mythe, Bousset reconnait le premier que
cette hypothese est seulement problematique; de fait, nous verrons qu'on peut tri's bien
s'en passer (Comment, et Exc. xxvi).
A propos des repetitions ou Von veut voir la prcuve de recits paralleles mal fondus
ensemble, reportons-nous seulement a ce que disait Bossuet, en parlant des « antici-
pations « el de la 7^ irompette : « Des choses importantes y sont dites tellement encore
en general, qu'elles doivent des la nous faire attendre uh plus grand eclaircissement
dans les chapitres suivants, selon le genie des propheties, et en particulier de celle-ci,
ou Dieu nous mene comme par degres dans une plus grande lumiere, et tout ensemble
dans une consideration plus profonde de ses jugements. » De fait, les conditions
naturelles de I instrument huniain de la revelation sufftraient bien, faute de mieu.r,
a rendre compte de ces anticipations et de ces repetitions. Le ch. XII offre comme
plusieurs esquisses d'un meme tableau, hdtivement placees I'une apres I'autre; elles
pourraient n4tre ainsi juxtaposees que parce que I'ecrivain sacre η a pas eu le temps
de les fondre (Int. c. vi, x, § III, xiii). Si ce procede de composition nest pas conforme
aux regies des ecoles, il est tres connu de beaucoup d'ecrivains, dans leurs ebauches,
et ceux qui le connaissent souriront a voir les critiques s'appuyer seulement la-dessus
pour reconnaitre une multiplicite de sources. II s'en trouve des exemples aussi dans
saint Jean, dans saint Paul, qui ecrivait ses lettres sans plan littoraire, mais tout
penotre d'une puissanle idee revenant sous divcrses formes. On pourrait done ne voir
la qu'un signe de la composition hative, du caractcre inachcve de ce livre sous le
rapport littdraire.
Mais nous y reconnaissons, nous, une intention systematique et artistique. Xous
tenons ici le specimen le plus caracteristique peut-etre de ce style en volutes dont j'ai
parte (Int. c. x, § III). Et, comme il est loin d'itre le seal dans le livre, nous avons
tout lieu decroire que c'est un procede voulu. Voici comment nous divisons ce c/iapitre :
A. ΧΠ, 1-5. Presentation des forces en presence : la Femme, le Dragon et I'Enfant
de la Femme. Le salut et la glorification de I'Enfant, cause de tout ce qui va suivre
sont indiques dun mot.
B. XII, 6-fin, drame exprime en plusieurs tableaux successifs, sous des formes de
plus en plus restreintes, visibles et historiques, jusquau ch. XX. II s'avance en « ondes λ
successives :
b. XII, 6. Ce n'est qu'un litre, un sommaire, mais (jui contient deja les Irois
idees essentielles : a) la Femme est contrainte a la fuite ; β) elle est mise par
Dieu en securite; γ) son peril et sa retraite se prolongeni durant le nombre
fatidique de 1760 jours (c'est-a-dire tant que lAntechrist n'a pas ete defini-
tivemeni vaincu par la Parousie, cfr. ch. XI, et XIII, infra).
b'. XII, 7-16. La pericope diveloppe, en rapport avec les causes celestes, les
trois idees precedentes : a') la Femme a du fuir parce que le Dragon, vaincu
au del par I'armie angelique, est tombe sur la terre oil il la poursuit, tandis
que les saints celebrent la chute et la defaile de cet antique ennemi {7-13);
ψ et γ') Dieu sauve la Femme au desert, pendant 3 ans lj2 (i4); tous les efforts
du Serpent pour I'aneantir sont inutiles (15-16).
h". XII, 17, xiii-suiv. a") Colcre du Dragon centre la Femme {17a); [^''-f"). Le
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 157
Dragon fait la guerre aux cliretiens, an moyen des BStes [c'est-a-dire, d'apres
XIII, pendant 3 ans lj2). Ce qui est la mime lutte que precedemment, mais
rapportee a ses causes terrestres, /lisioriques, et avec un grand luxe de details.
Le germe contenu XII, 6, s'est pleinement epanoui {XII, llb-XIII et suii>.).
Nous poui'ons maintenant passer au commentaire.
A. B. 1. σηαεΐον (cfr. xii, 3; xv, 1; xiii, 13-14; xvi, 14; xix, 20; Synoptiques et Act.,
passim) est un termejpropre a cette deuxieme section (Int. c. x, § III), ou il se
rencontre sept fois ; ainsi certains mots sont repetes sept fois dans I'Evangile de
saint Jean (int. c. xiii, § IV). Dans les LXX, il traduit niN, qui signifie, soit un signe
celeste comme I'arc-en-ciel (Gen. ix, 12-suivants), soit un miracle quelconque. C'est
le premier de ces sens qui convient ici. — περιβεβλημένη, parfait moyen ou passif
(Int. c. X, § II) ; περφλε-οριένη est une distraction de A, nouveau signe que cet excel-
lent manuscrit n'est pas plus exempt de fautes que de corrections interpretatives.
— « Enveloppee dans le soleil », cfr. Ps. civ (vulg. cm), 2 : a II s'enveloppe de lumiere
comme d'un manteau -, et le parallele tres suggestif indique par Swete, Cant. Cant.
VI, 10 : « Quelle est celle-ci qui se montre comme I'aurore, belle comme la lune, pure
comme le soleil, et terrible comme une armee en bataille? » mais encore mieux Test.
Nephtali, 5, ce qui est dit de Levi, et surtout de Juda : /.al 'Ιούδας ^v λαμπρός ώς ή σελι^νη
χαΐ υπο τους πόδας αύτου ήσαν δοίδεκα ά/.τΓνες. — ή σελ στέφανος sont des propositions
sans copule (1>τ. c. χ, § II) ou bien des appositions a σημεΐον, comme γύνη.
^— Δ. B. 2. •/.a( devant χράζει, rejete par Soden, et transporte par A devant
ώδίνουσα, parait cependant authentique (n, al., lat., syr.); ainsi l/oursoi fait une propo-
sition participale (Int. c. x, § II), ou bien qualifie simplement γύνη. — κράζει (Ιχραζεν
C, rec. Κ, al., Hipp., vulg.; Ιχ.ραξεν δ505-14-69, al, Q) : melange de temps presents et
passes, en ce chapitre comme au ch, xi; meme explication, (v. Int. c. x, § III et Vint.
au ch. xi), — ώδίνουσα κτλ., cfr. les douleurs d'enfantement attributes a une femme
qui represente Israel, Mic/tee iv, 9-10; Is. xxvi, 17; lxvi, 7-suiv. : πριν τήν ώδίνουσαν
τεκεΐν, πριν έλθει'ν τον πόνον των ώδίνων, έξέφυγεν και έτεκεν όίρσεν (siC, LXx), ce qui est le
parallele le plus frappant, quoique incomplet, a tout le passage; ώδΓνες, au sens
metaphorique, passim, dans ΓΑ.Τ. et le N.T; « douleurs d'enfantement du Messie »,
terrae consacre dans la litterature rabbinique (v. Weber, Volz, Lagrange, Szekely) ;
cfr. encore IV Esd. xvi, 39; Jo/i. xvi, 21.
C. 1-2. Oil le Prophete est-il place pour voir cette apparition? Depuis le ch. x,
quoique les profondeurs du ciel restent ouvertes a son regard, il parait etre redes-
cendu sur la terre (v. x, 1). Et que signifie « Iv τω οΰρανω » ? II ne faut pas croire avec
Holtzmann, ni avec Boll qui a echafaude la-dessus une theorie (v. Exc. xxvi), que
ce soit un signe « dans le ciel », c'est-a-dire un evenement « celeste » que pourrait
contempler le Voyant, du fait que les regions d'en haut se seraient devoilees a lui (xi,
19). Car les versets 5-6 et 13 montreront a I'evidence que I'enfantement a lieu sur la
terre. Pour bien rendre le sens, il faudrait done traduire non pas « dans le ciel » (« im
Himmel », de Wette, Hengstenberg, Diisterdieck, Spitta, Gunkel), mais « au ciel « (« am
Himmel », Boussei), c'est-a-dire « sur le ciel », qui est comme une toile ou se peint ce
tableau que Jean contemple de la terre, a Patmos. Telle est aussi I'opinion de Sivete.
Quelle pent Stre maintenant cette Femme, dont I'attirail magnifique fait un tel
contraste avec son cruel travail? La cle du probleme, note justemcnt Joh. Weiss,
nous sera fournie par le v. 17 ; o'. λοιποί τοΰ σπέρματος αύτης. « les autres de sa
race », pour designer une multitude de Chretiens. II s'agit done dune mere ideale
ou allegorique. Or, a travers tout I'Ancien Testament et les Apocryphes juifs, revient
la personnification frequente de Sion sous la figure d'une femme [Cant. Cam., d'apres
une interpretation deja anterieure a notre ere, Isa'ic, Ezech. xvi, al. passim; IV Esd.
158 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
C. XII. 1. Και V/;;j,£icv μέγα ώφ6η εν τω ο^ρχνω, γυνή *7:ΐριβεβλημ-ένη τίν ήλιον,
και ή σελήνη υτοκάτω των ττοοών αύτης, καΐ Irt της κεφαλής αυτής στέφανος αστέρων
δο')θεκα, 2. Και εν γαστρι έχουσα, *και κράζει ωοίνουσα και βασανιζομένη τεκεΐν.
3. Και ώφΟη άλλο σημεϊον εν τω ουρανω, και ΐδου δράκων *πυρρος μέγας, εχο^ν
κεφάλας έπτα και κέρατχ δέκα και ζτΛ τάς κεφάλας *αυτοΐ3 έ-τα διαδήματα, Λ. Και
ή ουρά αΰτου σύρει το τρίτον των αστέρων του ουρανού, και εβαλεν αυτούς εις τήν
γην. Και ό δράκων *έστηκεν ένοίπιον της γυναικός της μελλούσης τεκεΐν, ί,'να όταν
τέκη το τέκνον αΰτης καταφάγη. 5. Και έτεκεν υίόν, *ά'ρσεν, ος μέλλει ':τοψ.άινειν
IX, 38-χ, 59, Bar. syr. ιν). Cfr. notre Apocalypse elle-m^me sur la Jerusalem celeste
epouse de I'Agneau, xix, 8; xxi, 11, al. Gette figure avait passe de la natioa Israelite
a I'Eglise chreticnne; cfr. Heb. xi, 10; xii, 22; xm, 14, mais surtout le passag'e allego*
rique de Paul, Gal. iv, 26, sur la « Jerusalem d'en haul » qui est notre mere. Π η y a
done pas a douter que cette Femme soit le peuple de Dieu personnifie. Peut-on
y voir aussi, comme beaucoup d'exegetes, dans un sens secondaire ou spirituel, la
Sainte Vierge? Nous nous expliquerons la-dessus dans ΓΕχο. xxvi. Mais si la signi-
fication immediate est certainement celle d'une « Gommunaute », mere des croyants,
quelle est cette communaute? Pour les uns [Volter^, 63), c'est la Sion celeste ideate,
I'archetype d'Israel {HUgenfeld, Z. W. T. 1890, 444), ou les Judeo - Chretiens
[Weiszcicker-), ou la synagogue [Vischer, Spina,' Erbes). Calmes y voit la communaute
judeo-chretienne « en mέme temps que Marie ». yowy Bousset, c'est Israel personnifie,
qui a a enfanter, soit le Messie, soit les temps messianiques Joh. TFeiss suppose que
Q voulait representer la synagogue, et Γ « Editeur ^i I'eut interpretee comme une
allegoric de I'Eglise chretienne. Mais les anciens interpretes en general ont eu une
interpretation plus large et plus vraie : Hippolyte, Methodius, Victoinn, Andre, Bede,
Beatus, Hugues, Albert, etc. ont tons reconnu I'Eglise, ou la « Cite de Dieu w en gene-
ral. S. Augustin (sur le Ps. cxlii) : « Haec autem mulier antiqua est civitas Dei '.
Enfin, comme dit Swete, c'est la Mere mystique, I'Eglise — (et, selon nous, non pas,
conlre Alcazar, la communaute juive, ni la seule Eglise judeo-chretienne, mais
I'Eglise entiere) — puisque la societe chretienne n'est que « la synagogue arrivee
a sa maturite ».
Son revetement et sa parure de soleil, de lune, d'etoiles, sont destines a relever sa
grandeur. Nous verrons plus loin (Exc. xxvi) si Ton est oblige d'assigner a ces traits
une origine mythologique. En tout cas, ce symbolisme n'etait pas etranger aux Juifs
(cfr. Cant. Cant, et Test. Nephtali). Les 12 etoiles peuvent representer soit les Douze
Tribus, comme le veulent la plupart des exegetes, soit aussi bien les Douze Apotres
(cfr. Apoc.xw, li, les Douze Assises de la Jerusalem celeste). Nous croyons, du reste,
qu'il ne faut faire dans ce chapitre aucune distinction entre judeo-chretiens et Chre-
tiens de la gentilite; cela n'avait guere de portee en Asie, et surtout a I'epoque oii
fut ecrit ce livre, longtemps apres la mine de Jerusalem et du Temple; les problemes
poses par cette distinction etaient depuis longtemps resolus.
Quelles sont ces douleurs, qui ne peuvent evidemment se rapporter, surtout pour
nous, catholiques, a I'enfantement joyeuxet virginal de Bethlehem? Vict, les interprete
des souffrances des saints d'autrefois : « ecclesia est antiqua patrum et prophetarum, et
sanctorum apostolorum quia gemitus et tormenta desiderii sui habuit, usquequo factum
est ex plebe sua secundum carnem suam olim promissum » (ed. Haussleiter, p. 106).
Methodius, Andre rapportent tout a I'enfantement spirituel des regeneres, du Christ
mystique (v. infra], ce qui est trop restreindre le sens. Les versets suivants pourront
nous renseigner.
APOCALYPSE DR SAINT JEAN. 159
C. XII. 1. Et iin signe grand [et merveilleux] apparut au citl : une
Femme enveloppee dans le solcil, et la lune au-dcssous de ses picds, et sur
sa tete une couronne de douze etoiies; 2 et elle a [un enfant] dans le sein,
et elle crie etant dans Ics douleurs, et tourmentoe pour enfanter. 3. Et
il apparu! un autre signe au ciel; et voici un grand Dragon couleur de
feu, ayant sept teles et dix coraes, et sur ses tetes sept diademes, 4 et sa
queue balaie le tiers des etoiies du ciel, et il les precipita sur la terre. Et le
Dragon se tient en face de la FraiME sur le poinl; d'enfanter, afin, quand
elle viendrait h enfanter, de devorer son enfauL 5. Et elle enfanta un Fils,
— — . A. B. 3. πυρός, « de feu », pour πυρρός, dailS C, Q, al, copi., syv., arm. — αυτών
pour αυτοΰ, comme si c'etaient les cornes qui portaient les diademes, dans A, α 404-
87-172. — Le « Dragon »; cfr. le pan de ΓΑ. T. (surtout dans les passages ou il est
represente comme I'ennemi de Dieu) Ps. lxviii, 31; Job vii, 12; Is. xxvii, 1; li, 9;
Jer.hi, 34, 36, 42; Ezech. xxix, 3-6, etc. Figures serablables dans les Apocryphes (ou
les ecrits gnostiques), Ps. Sal. ii, 25-31 (ou le Dragon reprnsente Pompee), Hen. et/i.,
LX, 24-suiv., IV Esd. vi, 52; Bar syr. xxix, 4; Test. Aser vii, etc. Pour les rapports
problematiques avec Tiamat, le Musrussu, Typhon, le Serpent Python, etc., voir Ijnt.,
c. V, § II-III; infra, C, et ΓΕχο. xxvi. — Les « Sept tetes », cfr. la « Bete » du
ch. xiii et XVII, Ps. lxxiv, 14, les t^tes multiples de Leviathan; Pistis Sophia, lxxxviii,
34, les sept t^tes du basilic, etc. — Les « Dix Cornes », cfr. Dan. vii, 4,7; viii, 9-10,
description de la Quatrieme Bete; Apoc. xiii et xvii, la Premiere Bete. — πυρρός, roux
ou rouge&tre^ couleur du feu ou du sang, comme le 2^ Cheval du ch. vi ; ne pas con-
fondre avec κόκκινος, couleur de la Bete, ch. xvii (v. ad loc) — Les « Diademes », embleme
du pouvoir royal de ce monstre qui est le Diable, cfr. Luc. iv, 6; Joh. xii, 31; xiv, 30;
XVI, 11 ό ipywv τοΰ κο'σιχου τούτου; Eph. π, 2, τον dcpyov-a της εξουσίας του άίρος-
C. 3. "Αλλο σήμερον, comme il ne s'agit que de la deuxieme figure d'un meme tableau,
indique que de pareiiles expressions, et, a fortiori, les μετά ταύτα, les καΐ εΐδον, etc., ne
font pas necessairement le passage a de nouveaux sujets.
Jean, au v. 9, va nous dire quel est ce Dragon : c'est Satan, et le Serpent de la
Genese, qui s'attaque cette fois, non plus a Eve, mais a la Femme ideale.Nous exami-
nerons dans un prochain Excursus ce que peuvent valoir les origines mythologiques
qu'on assigne a cette figure du Dragon, et a sa lutte contre la Femme. Notons seule-
ment ici qu'il apparait comme un roi, a cause de ses diadfemes, le « Prince de ce
Monde » qui faisait orgueilleusement valoir ses pretentions dans la Tentation du Christ
au desert [Mat. iv, 8-9; Luc, iv, 5-7). Sa couleur rouge le caracterise comme meurtrier,
« homicida ab initio » [Andro, Holtzmann, Spitta, Boussct, etc.) et n'a point de rapport
ici avec la « pourpre « des Cesars, non plus que ses t^tes et ses diademes {Spitta,
Bousset, contre Volkmar et autrefois Viciorin) ou Andre voyait les sept esprits les plus
mauvais d'entre ses ministres, et les Dix peches opposes au Decalogue. Le rappro-
chement avec VAngro-Mainyu des Perses et ses suppots les plus puissants, oppo-
ses aux Ameshas-Spentas et a Ahura-Mazda, serait assez tentant; mais il est probable
que ces « Sept t^tes » sont congues tout simplement par opposition aux « Sept
Esprits » de Dieu; quant aux « Dix Cornes », elles viennent do Daniel, vii, 7.
— ^^ A. B. 4. « Trahebat » pour σύρει, vulg.; il faut conserver le present [Int.
supra). — Pour εστηκεν, qui a la valeur d'un present, corrections έστήκει dans C, et ϊστη,
δ 505-14-69. — Cfr. Dan. viii, 10, la « petite corne » qui fait choir des etoiies; I'obscur-
cissementdes corps celestes parle Dragon, Job. iii, 8-9; xxvi, 13; Is. xxvii, 1; peut-elre
le combat des etoiies Sib. v, 512-suiv., imiis ce dernier parallele est assez eloigne.
160 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
πάντα τα έθνη *έν ράβδω σιοηρα" ν,αΐ ήρπάσθη το τέκνων α'ϋτης προς τον θεον καΙ προς
τον θρόνον αυτού.
6. ΚαΙ ή γυνή έφυγε•» ε'ις τον ερημον, 'όπου έχει *εκεϊ τόπον ήτοιμασμενον *άπο του
θεοΰ, ίνα εκεί *τρέ(ρωσιν αυτήν ημίρΛς χιλίας οιακοσίας εςήκοντα.
7. Και *έγένετο πόλεμος εν τω οϋρανω*, ό Μιχαήλ και οι άγγελοι αΰτοΰ *του πολε-
μησαι μετά του δράκοντος" και ό δράκων έπολε'μητεν και ο', άγγελοι αυτοΰ. 8. Και
ουκ *ϊσχϋσεν, ουδέ τόπος ευρέθη αυτών έ'τι εν τω οϋρανω. 9. Καϊ εβλήθη ό οράκων ό
μέγας, ό όφις ο αρχαίος, δ καλούμενος Λιάοολος και *ο Σατανάς, ό πλανών την
ο'.κουμένην *ολην, εβλήθη εις τήν γί^ν, και οί ά'γγελοι αΰτου μετ' αΰτοΰ εβλήθησαν.
— τρίτον pourrait faire supposer que ce passage, dans I'intention de I'auteur, a quelque
rapport avec le schema des Trompettes; le tiers des plantes, das eaux, de la lumiere,
etc.; ce qui parait assez naturel, si I'activite personnelle du Dragon est le « 3^ Vae »,
non encore decrit. .".i
C. 4. L'hypothese de Gunkel, qui soupQonne dans cette chute d'etoiles un mythe
etiologique sur la Voie lactee, manque de fondement, outre qu'elle est assez puorile.
Celle de Boll (les 4 constellations au long de I'Hydre =: le Dragon) merite davan-
tage la discussion (v. Exc. xxvi). De la Bible, ce trait ne rappelle que la « petite
corne » de Daniel {.supra, B), c'est-a-dire Antiochus Epiphane causant des apostasies;
dans le peuple de Dieu. Que signifie-t-il? Le sens pent etre analogue a celui de Daniel;
le Dragon, dont la tete a ete ecrasee, dit Andre, agite encore sa queue (σύρει, present)
et fait choir par ses coups les baptises qui ne sontpas fermes dans la foi, a moins qu'il
ne s'agisse de la chute des Anges apostats, complices de Lucifer, a I'origine des temps.
Cette derniere interpretation est la plus repandue {Aret/ias, Origene sch. xxxviii, etc.).
Mais la precedente Test presque autant {Origene, in Mat.; Ti/conius, etc.). Nous
prefererions, avec Swete, un sens plus simple et plus general : le trait signifierait
simplement la taille et la force monstrueuse du Monstre eiiuemi de la luniere
(cfr. VIII. 12, la Quatrieme Trompette), sans exclure du reste I'application morale ni
I'angelique.
Qu'il attende I'enfant pour le devorer, ce pent ^tre une allusion a Pharaon do at
I'edit guettait I'enfant Mo'ise {Ex. i-ii), ou a Herode poursuivant Jesus ; mais au sens
propre, il s'aglt des embuches que le demon, par le moyen des Juifs, a tendues a No-
tre-Seigneur, apres I'avoir tente, pour le faire crucifier et aneantir son oeuvre. Secon-
dairement, on pent y voir aussi les pieges qu'il tend a tons les hommes regeneres dans
le Christ; car I'idee du Christ mystique est presente dans tout ce recit a cote de celle
du Christ personnel, et il ne faut jamais I'exclure pour peu qu'elle soit admissible
(v. infra et Exc. xxvi).
— i^— « A. B. 5. Pour άρσεν, neutre, le masculin άρρενα {Orig., And., beaucoup de mss.,
Soden), ou αρσενα Ρ, α 1576-150-2057, al, Holtzin.; mais le neutre dans G, A, conserve
par Tisch., W-H, Swete, Nestle, Charles (Studies, pp. 9i-95); celui-ciy voit I'hebraisme
137 71; c'est une apposition emphatique a υίο'ν : « uu fils, un etre male », cfr. Is., lxvi,
7 (LXX). — εν instrumental, comme au Ps. ii, 9 (LXX), dont ces paroles sent certaine-
ment une citation : ποιαχνεΐς αύτους έν ράοδω σιδηρά. — Le « male » cfr. Is., supra, et
Jer. XX, 15. — προς τον Ορόνον αυτοΰ nous reporte a la description celeste du ch. iv;
Spitta, avec sa theorie des sources, est oblige de le considerer arbitrairement comme
une glose.
Paralleles faux ou douteux : Talni Jer. Berachoth ii, 5a: la naissance du Messie
Menahem a Bethlehem; mythes sur la naissance d'Horus ou d'ApoUon (v. Exc. xxvi).
C. 5. La citation du Psaume ne laisse aucundoute sur I'identite de cet enfant « m&le »,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 161
un 6tre male, qui doit paitre toutes les nations avec une verge de fer; et
il fut ravi, son enfant, vers Dieu et vers son trone.
6. Et la Fkmme s'enfuit au desert, oii elle a \k une place preparee de
Dieu, pour qu'on la nourrisse 1^ mille deux cent soixante jours.
7. Et il y eut guerre dans le del — Michel et ses Anges — en sorte qu'ils
combattirent avec le Dragon; et le Dragon combattit ainsi que ses anges.
8. Et il ne fut pas le plus fort, et plus une place ne se trouva pour eux dans
le ciel. 9. Et il fut precipito, le grand dragon, le Serpent antique, celui
qui est appele Diable et le Satan, celui qui egare toute la terre habitee,
il fut precipite sur la terre, et ses anges avec lui furent precipites. 10. Et
c'est-a-dire puissant, et roi des peuples : c'est le Messie Jesus, le Fils de Marie; cette
interpretation est d'autant plus certaine que c'est la seule figure du chapitre qu'on
puisse opposer aux λοιποί du v. 17, au reste de la posterite de la Femme, c'est-a-dire
tous les Chretiens en general, les freres de Jesus. D'ailleurs, etant donnee I'ampleur de
toutes ces images, on n'est pas tenu d'exclure les fideles qui, selon les Lettres aux
Eglises, participent au pouvoir de leur chef [Swete). Mais Methodius et Andre ont eu
tort d'y voir exclusivement ou principalement le Christ mystique . Prim. : « Christus
in singulis membris dicitur nasci... Licet in capite Christo praecesserit,... congruit
tamen et corpori. Hinc sunt illae voces Apostoli : « qui nos ressuscitavit, et consedere
fecit in coelestibus. »
Get enlevement du Messie au ciel et « au trone de Dieu » repond a I'intronisation de
I'Agneau au chapitre v; Jean, dans cette seconde partie, est remonte comma dans la
premiere a I'Ascension; et encore plus haut, a la naissance du Christ, debut des
« novissima tempora », et meme aux temps de la preparation messianique (les douleurs
de la Femme). II est sous-entendu que Jesus devientdu fait le roi du ciel et de la terre,
et le maitre des evenements, comme I'a montre expressement le chapitre vi et la sec-
tion des trompettes.
Cette opinion, qui est commune, et necessaire a notre avis, presente bien une diiTi-
culte. Pourquoi Jesus est-il represente comme un enfant, et pourquoi cette absence de
toute allusion a sa vie terrestre? Elle se resout sans grand'peine, comme nous le ver-
rons a I'Exc. xxvi.
— — A. B. 6. δπου... έκεΓ := DtJ "ιΰ7Ν*? v. Int. c. x, § II. Ce pleonasme populaire est
si frequent dans I'Apocalypse, qu'il ne donne pas lieu d'admettre un original hebraique
ici plus qu'ailleurs {Bousset centre Gunkel); corrige par suppression de έκεΐ dans C,
And., al. — ύπό pour από, And. Orig. — τρέφωσιν, au sens de « on la nourrit », cfr. n,
2Ί (Ιλτ. c. X, ,^ II). — « 1260 » jours, cfr. supra xi, 3; infra xii, et xiii, v. Exc. xxm.
— La Femme « nourrie au desert », cfr. I'histoire d'Elie, I Reg. xvii, 6; xix, 6; ou la
manne donnee a Israel dans I'Arabie Petree, Ex. xvi; Ps. lxxviii, 24; cv, 40. On peut,
car le sens est spirituel, en rapprocher aussi, avec Sivelc, Col. in, 4 : ή ζωή ύ[χών κέκρυπται
σύν τω /.ριστω έν τω θεω, Cette retraite au desert peut etre comparee au refuge du sanc-
tuaire, xi, 1-2. (V. infra, Exc. xxvi).
C. 6. Ce verset, nous I'avons dit, resume dans une breve indication — premiere onde
— la substance de tout ce qui va suivre (Int. c. x, § III). Il ne donne pas encore
expressement la raison de la fuite de la Femme, mais montre sa securite pendant les
persecutions incessantes des 1260 jours (v. supra, Exc. xxm) ou le Dragon pourra
agir contrc elle, jusqu'a la victoire definitive du « Verbe de Dieu » (ch. xx).
Cette image aurait pu etre inspiree au voyant par le souvenir d'Israel echappe a
Pharaon, ou par la fuite d'Elie devant Jezabel, ou par celle de la sainte Famille devant
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 11
1β2 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
10. Και ήκουσα οωνήν μεγάλην έν τω ούρανω λέγο«σαν' "Αρτι έγένετο ή σωτηρία καΐ
ή δύναμι; καΐ ή βασιλεία τοϋ θεοΰ ημών, και ή έςοασίχ του χριστού α^τοΰ, 'ότι εβλήθη
ό *κατήγωρ των άοελφών ημών, c κατηγορών αυτούς ένώζιον του θεοΰ ημών ήμερας
και νυκτός. 11. Κα: *αϋίτοι ένίκησαν αυτόν *δια το αΤμ.α του άρνίου κχ• cia τον λόγον
της μαρτυρίας αυτών και *ουκ ήγάττησαν την ψυχήν αυτών ά'γρι θανάτου. 12. Δια τοΰτο
ευφραίνεσθε *οϋρανοί καΐ d έν αΰτοΐς *σκηνοϋντες' ούαι *τήν γην καΐ τήν θάλασσαν,
'ότι κατέβη ό διάβολος τζρος ύμας έχων θυμον μεγαν, ε'.οως ότι ολίγον καιρόν έχει.
13. Και ότε ειδεν ό δράκων οτι εβλήθη ε'.ς τήν γην, έδίωξεν τήν γυναΤκα *ήτις ετεκεν
τον άρσενα. 14. Κα: εδόθησαν τη γυναικί α: δύο χτε'ρυγες *τοΰ άετου του μεγάλου,
Herode; mais rien du moins dans le texte ne suggere que Jean ait pense a la fuite
materielle des judeo-chretiens quittant Jerusalem pour Pella, avant le siege de la ville
par Titus {v. Eusebc, H. E. iii, v, 31. Si commune que soit devenue cette interpretation
parmi les exegetes « zeitgeschichtlich », des commentateurs anciens avaient deja vu
un sens plus large et plus vrai, qui convient admirablement a cette vision toute spiri-
tuelle. Pour Primasius, le desert est la solitude de cette vie, oil I'Eglise vit comme
« le passereau solitaire ». Bi'de : I'Eglise, a I'instar du peuple de I'Exode, est nourrie
de la parole de Dieu et de I'Eucharistie. Andre rapporte cette fuite, qu'il ne salt trop
s'il faut interpreter spirituellement, ou aussi materiellement, au temps de I'Antechrist
eschatologique. Mais, en realite, il s'agit de tons les temps, et specialement des pre-
miers siecles, lorsque I'Eglise vivait dans le secret et I'isolement ou la condamnaient
la haine et les persecutions paiennes. Mais son exil spirituel la sauve des atteintes du
Dragon, comme le sanctuaire de xi, 1-2 preserve ceux qui y adorent. Nous voyons,
ainsi que 6'«'eie, le meme sens foncier dans ces deux passages. La « Femme » et les
« adorateurs » d'un cote, les « Deux Temoins » de \i, 1-13, de I'autre, representent
I'Eglise catholique sous un double aspect : celui de la vie interieure, et celui de I'acti-
vite exterieure dans un monde hostile [Sweic).
-^^— A. 7. 'EyivcTo... του δρά/.οντο:, construction unique et singulifere, pour laquelle
nous renvoyons a ΓΙντ. c. \, § II, pp. cxxxvii et cxlvi. Beaucoup de mss. ont lente
de la corriger : του omis (iS', rcc. K., quelques And., Orig.), πολεαη(7αι omis, ou cliange
en ΙπολΙμησαν (α 1581-46-209, versions, Diisterdieck); suppression de πόλεμος έν τω ούρανω,
ou addition d'un mot comme ήσαν, 'έστησαν avant τοΰ πολ. Gunkcl supprimerait, pour des
raisons encore plus exegetiques que grammaticales, les mots Μ•/αήλ καΊ οί άγγελο-, αύΐοΰ,
ce qui est tout a fait impossible ; Bousset suppose un έγενετο sous-entendu devant τοΰ
πολ., et considere le nominatif δ Μιχ. κτλ. comme remplagant irregulierement un accu-
satif. Nous le considerons plutot, avec Moulton, comme une sorte de parenthese. Le
τοΰ avec I'infinitif doit etre epexegetique, et expliquer πο'λεμος [Moulton, p. 346); si on
veut le rattacher a έγένετο, cl'r. la tournure a! Act. x, 25 : ώς δέ έγένετο -ou είσελθεΓν τον
Πετρον. (ν. Blass-Deb, § 400, 7). — . μετά apres πολεμεΐν, corrige en κατ», dans quelques
mss. ά^ Andre (Ιχτ. c. χ, § II).
Β. 7. Michel, considere comme I'Archange protecteur de la communaute juive,
Dan.x.lZ, 21; xii, 1; cfr. Hen.elh. x\, 5; Test. Levi 5, Test. Dan. 6, Ass.Mos. x, 2. —
Paralleles paiens allegues pour cette bataille : Mardouk et Tiamat, etc.; paralleles
plus eloignes, et fort problematiques : Bundehesli, iii, 11, 26; raythes manicheens
et mandeens, qu'on trouvera chez Bousset, ad loc; combat des Anges, pi'elude du
combat messianique sur terre. Sib. in, vers 759-807. — Paralleles certains, quant a
I'idee, dans le N. T., voir au v. 8.
C. 7. Michel etait I'Ange protecteur des juifs; dans I'Apocalypse, il devient celui de
Γ « Israel de Dieu «, de I'Eglise chretienne. Cette bataille parait bicn etre le resultat
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 153
j'eiiteiidis une grande voix dans le ciel, qui disait : « Wain tenant il s'est
eta!)li, le salut, et la puissance, et la Royaute de notre Dieu, et I'autorite
de sou Christ; parce qu'il a ete precipite, I'accusateur de nos freres, celui
qui les accusait ea face de notre Dieu de jour et de nuit. 11. Et eux-memes
Tout vaincu a cause du sang de I'Agxeac et k cause de la parole de leur
temoignage, et ils n'ont pas eu d'amour pour leurs am.es, jasqu'a raourir.
12. A cause de cela rejauissez-vous, cieux, et ceux: qui en habitent les
tentes; mallieur, la terre et la mer! car le Diable est descendu vers vous,
ayant une graode fureur, sachant qu'il a peu de temps! » 13. Et quand le
Dragox vil qu'il aΛ'ait ete precipite sur la terre, il poursuivit la Femme,
clle qui avait enfante le Male. 14. Et a la Femme furent donnees les deux
de renlevement du Christ au ciel; c'est Jesus qui lance centre le Dragon rarmee
angelique; car, etant assis sur le trune de Dieu, il agit maintenant comme roi du Ciel;
nous verrons plus tard qu'il continue a teair en ecliec sur la terre, comme Agneau. les
suppots du Diable, en- attendant qu'il vienne les ecraser en personne, comme Verbe
de Dieu (ch. xiv et x\).
D'anciens commentateurs, comme Andre, se sent demande s'il fallait appliquer ce
verset a la premiere chute de Satan (que !devaient plus tard concevoir sous cette
forme Milton et Rubens), ou bien au brisement des forces diaboliques par la Croix
du Christ. C'est evidemment, d'apres le contexte immediat et I'esprit de tout le livre,
ce second sens qu'il faut choisir, peut-etre cependant avec quelque allusion au premier
(v. infra, au v. 8). Victorin rapporte ce verset trop exclusivement a I'avenir, a I'Ante-
christ.
~—~ A. 8. oj/. ίσ/υσεν repond a Thebreu Sil nS [Holtzm., Boussei); pluriel 1'σ/_υσαν
dans N, al, lat. [Nestle, Soden), IV/uov dans Q et δ 505-78-19ί8; mais Vj/utjv est la Ιβςοη
de A, de la rec. K., de quelques And.
B. 8. Pour le sejour de Satan dans le ciel (inferieur), oii Michel descend I'attaquer,
cfr. Asc. Is. vii, 9-suiv. ; Hen. si. vii, 1, etc.; Eph. vi, 12 « spiritualia nequitiae quae
sunt in coelestibus » (Int. c. v, § in, 2). — Chute du Dragon, cfr. Hen. si. xxix, 4. seq. :
Luc, X, 18; Jo/i. xii, 31.
C. 8. L'hymne qui va suivre montre que ce sejour de Dragon dans le Ciel, quoique
. unforme a une donnee traditionnelle, etait compris spirituellement par I'auteur de
I'Apocalypse (v. infra, v. 10).
II n'y a pas a faire dependre cette chute du Dragon de donnees mythiques. Boussei.
quoiqu'il indique le Bundehesh, ainsi que Joh. Weiss, — parallele bien tardif, — recon-
nait pourtanl que ce tableau est tout a fait intelligible d'apres les seules donnees de
la religion juive. Le passage qui s'en rapproche le plus se trouve dans Hen. si. xxix,
4-5. II s'agit d'un Ange qui a voulu s'egaler a Dieu, et dont Dieu dit : « Je I'ai pre-
cipite en bas de la hauteur, lui et ses Anges. » Ce parallele est direct, mais il s'agissait
la du passe primordial; Jean I'a applique, non a I'avenir, mais a la defaite subie par
le Demon quand Jesus a triomphe de la mort. C'est elle que le Sauveur contemplait
paravance, quand il disait {Luc,\, 18) : « Je regardais Satan tomber du ciel comme un
eclair », et {Joh. xii, 31) : « Voici maintenant le jugement du monde; maintenant le
Prince de ce monde va etre jete dehors », peu de jours avant la Passion.
■ A. B. C. 9. 6 a etc omis devanl Σα-α/α; seulement dans la rcc K. et quelques
And. — Kemarquer qu'ici, exceptionnellement, I'article nest pas repete devant 2λην.
La personnalite du Dragon, qui deja a ete identifie avec quelque etre spirituel (puis-
j[g4 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
ίνα χέτηται εΙς τον Ιρημον εΙς τον τόπον αυτής, 'όπου τρέφεται εκεί καιρόν και
καιρούς και ήμ,ισυ καιροΰ άπο προσο)που τοΰ οφεως. 15. Και εβαλεν ό όφις εκ τοΰ
στόματος αϋτοΰ οπίσω της γυναικός ΰδωρ ώς ποταμόν, ίνα αυτήν *ποταμοφόρητον
ποίηση. 16. Και έβοήθησεν ή γη τη γυναικι και ήνοιςεν ή γη το στόμα αύτης και
κατεπιεν τον ποταμον ον εβαλεν 6 δράκων έκ τοΰ στόματος αυτοΰ.
17. Και ώργίσθη ό δράκων έπΙ τη γοναικί, και άπϊ^λθεν ποιησαι πόλεμον μετά των
λοιπών τοΰ σπέρματος αΰτης, των τηρούντων τας έντολας του θεού και εχόντων την
μαρτυρίαν του Ίησοΐ3.
qu'il a des Anges sous ses ordres), est tout a fait determinee ici; c'est ό οψις Ό οίρ/αιος,
le Serpent de la Genese, iii, 1 ; dans le Midrash Rahba, il est appele •':ίΏ1]3Π ΰ^Π^Π.
« Satan » avec I'article, est ici un nom appeliatif, Διάβολος, I'adversaire, comme dans
ΓΑ. T. ; cfr. Zach. iii, 1-suiv. ; Job i, 6-suiv.; ii, 2-suiv. ; Hen. eth. xl, 7.
— — ^ A. B. 10. Ici I'accusatif de la chose, tres regulierement, apres η/.ουσα —
Κατήγορος dans s<, G, P, Q, rec. K., al., au lieu de I'hap. leg. καττ^γωρ de A. Sur cette
derniere forme, admise des critiques, excepte Soden, voir I'Int. c. v, § I. Elle est ana-
logue a συνήγωρ, "liAiJD, de συνήγορος, « defenseur », qualite de Michel qui I'oppose a
I'accusateur Satan dans les Midrashim. Pour cette qualite de « Satan », cfr. les pas-
sages indiquos a B, 9, surtout ceux de Job.
C. 10. Le Diable, avant I'exaltation du Christ, avait, comme dans la scene de Job,
un certain droit d'accuser pres de Dieu, jour et nuit, les hommes, car ils s'etaient fails
ses esclaves volontaires. La voix du ciel doit Stre celle des Anges, probablement des
24 vieillards ; ces Anges peuvent tres bien parler des hommes comme de leurs
« freres » ; ils se rojouissent de ce que Satan, chasse de leurs ames, n'a plus prise sur
eux pour les accuser; c'est que le « Regne de Dieu >> a commence, sur les debris de
celui du « Prince de ce Monde ». Dans I'application hislorique, Jean peut penser a la
Pentecote et aux premieres conversions dont il fut I'un des agents les plus actifs,
d'apres les Actes.
•^-^— A. B. 11. διά avec I'accusatif ^ propter, designant ici une cause eloignee, la
cause de cette force avec laquelle les hommes peuvent lutter centre le Dragon, equi-
vaut presque, pour le sens, a διά avec des genitifs. — ούκ ήγ... άχρι θανάτου est une
ellipse tres intelligible. — ούτοι pour αυτοί dans K; mais il faut conserver ce dernier :
« ils I'ont vaincu eux-memes » ; cfr. ό νικών de la fin des Lettres — « Le sang de
I'Agneau » (ό'νομα dans α 501-37-432 et quelques autres), cfr. ch. v, « I'Agneau egorge »
et VII, 14. — « La parole de leur tomoignage » (αύτοΰ pour αυτών dans quelques
textes And.) : [μαρτυρίας, mot johannique (Int. c. xiii, § I). S'il faut lire αυτών, comme il
semble bien, cela porte a croire que, dans I'expression ή μαρτυρία (τοΰ) Ίησοίί, Jesus
est un genitif d'objet (v. supra, a i, 9). Cfr. Apoc. i, 2, 9; vi, 9; xi, 7; xii, 17; xix, 10;
XX, 4.
C. 11. Cet hymne est proleptique. Les Anges et les bienheureux celebrent a I'avance
— puisque, dans cette perspective allegorique, les persecutions n'ont pas encore
commence — la victoire des martyrs leurs freres, qui vaincront Satan par la vertu du
sacrifice de la Croix comme cause premiere (cfr. vii, 14 : « ils ont lave leurs robes
dans le sang de I'Agneau »), et directement par leurs labeurs et leur propre sacrifice.
Le verset prepare tout ce qui suivra, jusqu'au chap. xx.
— — A. B. 12. ουρανοί, un des rares exemples de vocatif (Lnt. c. x, § II); mais oi
ουρανοί dans A, et de nombreux And., et α 1579-31-2016. — Le mot σκηνουντες pour
I'habitation au ciel, montre que ce verbe ne signifie pas necessairement un sejour
trausitoire; il faudra nous en souvenir pour I'exegese de xxi, 5 (v. ad loc); cfr. encore
^
AI'OCALYPSE DE SAINT JEAX. 165
ailes du grand Aigl•?, pour s'envoler vers le desert, vers sa place, Μ ou
elle est nourrie un temps, et des temps, et la moitie d'un temps, [loin] de la
face du Serpent. 15. Et le Serpent lanca de sa bouche apres la Femme de
I'eau comme un ileuve,pour la faire entrainer par le fleuve. 16. Et la terre
secourut la Femme, et la terre ouvrit sa bouche, et eng-loutit le fleuve que
le Dragon avait lance de sa bouche.
17. Et le Dragon s'irrita contre la Femme, et il s'en alia guerroyer avec le
reste de sa descendance, ceux qui observent les commandements de Dieu
et qui ont le temoignage de Jesus.
VII, 15. (v. adloc); quelques manuscrits ,'N, al.) I'ont remplace par χατοικοΰντες, beau-
coup plus ordinaire, ou συνόντες. C'est un mot johannique (Int. c. xiii, § I). — Accusatifs
apres ουχί (et non datifs comme rec. K., And.), de m^me que viii, 13 : nouveau signe
de I'unite de main. — αγαπτ^ν pour γην, distraction de A.
C. 13. C'est ce verset qui permet d'aflirmer avec quelque certitude que le « 3* Vae »,
annonce ix, 12, et non decrit dans la premiere section, ou il eut pourtant ete a sa place,
s'identifie avec la chute du Dragon sur la terre, et tout ce qui s'ensuivra. (v. Exc.
xxvn). Le mot ολίγον est relatif, comme ailleurs τα/ύ (v. supra, Exc. xiii); ce « peu de
temps » laisse a Satan, ce sont toujours les 3 ans 1/2, comme le determinent les versets
6 et 14, infra. Malheur a ceux qui habitent la terre! c'est-a-dire, explique Andre, « a
ceux qui ont leur droit de cite, non au ciel » (cfr. Phil, in, 20), « mais seulement sur
terra ! » Le sens est que toute I'hostilite des hommes persecuteurs, et aussi leur per-
versite et leur idolatrie, est produite ou attisee par la rage du Demon en personne
contre Dieu et le Christ ; mais c'est la egalement un signe de sa defaite virtuelle ; il se
sent deja juge et condamne, ainsi que ses suppots. « Nunc judicium est mundi ». Le
« ούαί », la malediction causee par sa presence, se retournera done contre lui et ses
complices; il les ruinera (ch. xviii, xix, xx), tandis qu'il ne fera que purifier les vrais
fideles.
Ce cantique termine, comme tons les cantiques celestes, une pericope, celle qui
sert de premier acte, pour ainsi dire, a la seconde ebauche du drame indiquo au v. 6.
Elle constitue une sorte d'introduction aux versets suivants, et au grand developpe-
ment qui commence a 17; tout comme la Vision des Sceaux, la proclamation de I'Ai-
gle au ch. viii, 13, celles des Anges avant les Coupes {infra, ch. xv). Ainsi notre
auteur suit toujours la meme marche. Et nous retrouvons ici encore I'antithese fon-
damentale, comme dans tous les passages analogues (Int. c. vii).
— ^— A. 13. ί)τις : le pronom δστις, dans le N. T., et la langue hellenistique en gene-
ral, est souvent confondu avec 8ς; mais souvent aussi il conserve son sens propre,
(« quicumque », « quisquis », ainsi ch. xx, 4), ou prend celui de « qui quidem »,
« quippe qui », que les Attiques auraient rendu par δσπίρ, disparu de I'usage. C'est
ici ce dernier sens ; le Dragon poursuit la Femme, pour avoir enfante le male.
C. 13. Les versets 13 et 14 sont le premier developpement de la donnee du v. 6,
tandis que 7-11 en exposaient la cause et le futur resultat. L'auteur pense peut-etre a
la persecution de 64 [S^\.'ete), mais aussi a toutes celles qui se preparent, et se derou•
leront jusqu'a la Parousie (ch. xiii-xx). Cette repetition voulue du v. 6 (Int. c, vii)
n'introduit pas une nouvelle id^e; nous renvoyons done au commentaire de 6. Seule-
ment la lutte qui va se livrer sur terre est presentee comme la consequence de celle qui
a ete livree au ciel, aux vv. 7-8 {Holtzm.)
On voit bien que la Femme a enfanto son Fils sur terre, puisqu'il n'est nullement dit
qu'elle ait change de lieu, et que c'est bien sur terre, apres seulement qu'il y est
166 APOCALYPSE DE SAIXT JEAX.
tombe, que le Dragon va la poursuivre; la fuite au desert, mentionnee deja au v. 6,
n'est que la consequence de cette poursuite, elle ne I'a done pas precedee. La Femme
n'etait au ciel que dans la perspective visionnelie, comme une image, a cause de sa
parure stellaire; le Dragon y etait d'abord pour la rneme raison, afin de se trouver en
face d'elle, et aussi a cause de la tradition, et pour I'allegorie morale (v. supra).
— ^— A. B, 14. του, certainement authentique, n'est omis devant άε-οΰ que i<,
syr.'^'^ D"", an?i. — Pleonasme de εκεί, comme v. 6. — L'Aigle », symbole du secours
divin, cfr. Is. xl, 31, rappelle la delivrance d'Egypte, Ex. xix, 4; Deut. xxxii, 11
{Spiita, Holtzin. etc.); cfr. Ass. Mos. x, derivee sans doute d'Exode; pour les pretendus
paralleles paiens, voir TExc. XXVI. — /s'.pov, καΙ καιοούς, και χ^αισυ καφου (και ή[ΐ. κ. omis
seulement C), cfr. Dan. vii, 25; xn, 7; et, sous diverses formes, Apoc. xi, 2, 3; xii, 6;
ΧΠΙ, 5.
C. 14. L'Aigle qui sauve la Femme ne pent guere etre celui du chap. ix. A cause
des articles, dont I'authenticite ne peut etre mise en doute, il faut admettre qu'il y a la
une figure ou une metaphore connue dans I'Apocalyptique, comme pour « Ics 1 ton-
nerres » du chap. x. C'est peut-etre lAigle de I'Exode; (cfr. Ass. Mos.); pour Bruston,
c'est Dieu lui-meme; ou bien une image poetique derivee d'un mylhe que nous ne con-
naissons plus. Ces « ailes » ont ete, par divers auteurs anciens, interpretees spirituel-
lement comme les deux mains du Christ etendu en croix [Hipp.], les Deux Testaments
(Prim., And.), Elie et I'autre prophete qui doivent paraitre sous I'Aatechrist {Vict.).
Elles indiquent la rapidite et la securite du secours porte a la Femme par Dieu. Voir
comment, du v. 6, et Exc. xxvi.
— — — A. B. 15. ποχα[χοφόρ•Λ,τος, hap. leg. absolu ; voir Ιχτ. c. x, § I, — « Torrent »,
pour signifier les tribulations accumulees, soit le dechainement de la colere divine,
Osee, V, 10; Ps. xviii, 5, 17; xxxii, 6; xlii, 8; cxxiv, 4, soit une invasion de peuples
hostiles {Is. viii, 6-8, « le roi d'Assyrie »). Υ a-t-il lieu de penser ici, avec Holtzm.,
Bousset, etc., au caractere de « monstre aquatique » du Dragon, cfr. EzecJi. xxix, 3;
XXXII, 2; Ps. lxxiv, 14? V. Exc. xxvi.
C. 15. Les references que j'ai indiquees aux passages poetiques de ΓΑ. T. peu^ ent
nous dispenser d'insister sur la portee de ce trait, et d'assigner des origines mythiques
au torrent lache par le Liable : « de sa bouche », c'est-a-dire « par le commandement
de sa bouche « {And.). Pour les anciens, Vict., Prim., And., etc., c'est I'assaut des
persecutions; en tout cas, il ne s'agit pas ici du siege de Jerusalem, comme le voudrait
I'exegese « zeitgeschichtlich », car la Femme n'a rien a faire avec la Jerusalem
incredule, et ne symbolise pas non plus les seuls Judeo-chretiens.
— — A. B. 16. -b ύδωρ δ pour τόν π. ov, dans A. — Pour la terre compatissante
et secourable, cfr. Num. xvi, 30-31 [Holtzm.).
C. 16. Malgre Bousset, il n'y a aucune necessite de voir ici un trait mythologique;
c'est la simple continuation de la figure precedente : quand un torrent disparait,
c'est que la source a tari, ou bien qu'il est desseche par le soleil, ou absorbe par la
terre. Ainsi la Femme est sauv^e; on verra comment, a la description des victoires de
son Fils, chap, xix et xx. Rien ne fait soup^onner la moindre allusion a la fin des
persecutions a Jerusalem, ni a la fuite des Judeo-chretiens vers Pella, centre Bousset,
Renan, et la majorite des critiques. C'est I'echec de I'ensemble des persecutions, depuis
celle de Neron, deja passee, dont aucune ne reussira a emporter la Femme [Strete].
_ C. 17. Voici le debut du grand developpement. Pour la troisieme fois, saint
Jean dit que le Dragon s'eleve contre la Femme ; mais il n'est plus dit que c'est
elle-meme qu'il poursuit; il manifeste sa colere contre elle en poursuivant « le reste
de sa descendance ».
Quels peuvent etre ces λοίποί? De I'interpretation de ce petit mot depend en grande
partie celle de toute la scene, et un peu celle de tout le livre. Chaque critique suit ici
sa theorie. Vischcr, Spina, Erbes y ont reconnu les Juifs de la Diaspora : « ceux
I
APOCALYPSE DE SAINT .!EAA. 167
du temps de Caligula, freres des Judeo-chreliens », dit serieusement Erbcs. De meme
Weyland et Joh. Weiss. Ge dernier pense que Q mentionnait la guerre des Remains
centre les Juifs, et que Γ « Editeur » I'a adapte, suivant son ordinaire, a la persecution
de Domitien, reculant dans lo passe cette naissance du Messie, cause de la rage
du Dragon, que sa source attendait dans I'avenir. Ilmveis, Hilgcnfeld, decouvrent
qu'il s'agit des Judeo-chretiens de la Diaspora, et Bleek, Volkmar, Hilgenfeld encore,
Boussct, Calnics, des Chretiens de toute origine disperses dans I'Empire remain, par
opposition a ceux qui se sent mis en securite dans la Transjordane. Pourtant Ziillig;
Diisterdieck, Bruston ne pensent qu'aux Chretiens en general; IJolfzni. y est dispose
aussi, et Volter s'est finalement range a cette opinion.
La confusion qui regno dans les autres interpretations peul reposer sur une meprise
ancienne, car deja il semble qu'elle se trouve dans Andre : celui-ci considere les
λοι-οί comme une classe particuliere de Chretiens, ceux qui vivent dens le monde
au milieu des soucis temporels, et sent plus faciles a vaincre que les solitaires retires
au desert. De meme, des auteurs medievaux, tel Albert, ont distingue ici la perse-
cution des « majores » et des « minores ». Mais I'antiquite ne pent prescrire en favour
d'une faute d'exegese si patente.
Si Ton n'avait pas d'opinion precongue sur la signification symholique de la
« Femme », I'interpretation des λοιποί n'offrirait aucune difTiculte. A qui sont-ils opposes,
en effet, de par le caractere meme du met qui les designed Ce n'est pas a la Femme
leur mere; le « reste de sa descendance » ne pent s'oppeser qu'a « quelqu'un » ou
« quelques-uns de la meme descendance », dent il a du etre question deja. Quel
symbolisme arbitraire ce serait que de considerer la Femme comme identifiee tacite-
ment a une partie de sa descendance, et non aux autres ! Mais il y a deja eu un, un
seal, des enfants de la Femme, qui a ete nomme dans le meme chapitre : c'est le
Messie des premiers versets. Les autres, le « reste », ce sent done tons les freres de
Jesus, c'est-a-dire tons « ceux qui observent les commandements de Dieu et qui ent le
temeignage de Jesus », freres du Dieu incarne [Rom. vni, 29; Heb. ii, 12) et fils de
I'Eglise [Gal. iv, 26). C'est dene toute I'EgUse ; la Femme I'etait aussi; mais c'est
I'Eglise prise sous deux aspects differents, comme elle I'a ete au eh. xi, w. 1-2, et
vv. 3-13. Pendant que la societe chretienne, dans son essence, dans sa vigueur spiri-
tuelle, refugiee dans le sanctuaire ou dans le desert, est indefectible, ses membres
individuels restent cependant exposes a toutes les persecutions du Diable et de ses
suppots, comme freres de Celui que le Dragon halt par-dessus tout, mais qu'il ne
pent atteindre. Tel sera I'ebjet des chapitres suivants.
L'excellent cemmentateur qu'etait Swcte a encore parfaitement recennu ce sens,
et il nous semble qu'il n'y a rien a rependre a une argumentation aussi claire et directe
que celle-la, appuyee sur tant de paralleles dans le mome livre.
EXC. XXVI. lES PRETENDUES OUIGIXES JUIVES, OU ASTRONOMIQUES,
OU MVTHOLOGIQUES, I)E LA VISION DU CHAPITItE XII.
Ce chapitre a eto fort etudie ces dernieres annees, parco que tuut lo monde
reconnait qu'il forme comme le centre de la Revelation, et que les critiques
« religionsgeschichllich » y voient, comme dit Gunkel (Fe/-5/. p. 54), la
« pioce de resistance » ou s'appuieront le mieux les theories qui font deriver la
dogmatique chretienne, vue a travers I'Apocalypse, de mythes orientaux.
Une idee cependant qui devait leur venir avant celle-la, avec leurs theories
des sources, c'etait d'y trouver un mythe juif sur la fin des temps, transporte
par un Chretien aux evenements de la vie du Sauveur. Vischer a cru decouvrir
168 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
le parallele demonstratif dans le Talmud de Jerusalem, tr. Berachoth ii, 5a :
le Messie Menahem, ne a Bethlehem, est emporte par les vents, et sa mere fait
part de cet evenement a quelqu'un qui s'en informe. Mais le rapport est extre-
mement lointain ; et puis cette idee de deux apparitions du Messie, qui doit
demeurer cache dans I'intervalle, le nom meme de « Menahem », tout cela ne
se montre que tr6s tard dans la litterature rabbinique, et ne remonte pas aussi
haut que saint Jean. La theorie juive, dit Bousset, n'explique done rien.
Mais les theories paiennes paraissent de prime abord beaucoup plus spe-
cieuses. Les unes voient dans la scene en question I'adaptation d'un mythe
cosmogonique, les autres, inspirees de Tancien esprit de Dupuis^ celle d'un
mythe astronomique.
La plus celebre des modernes interpretations est celle de Gunkel dans Schop-
fung und Chaos, pp. 171-398. II y voit, appliquee au Christ liberateur des
ames, I'histoire d'un dieu babylonien du soleil printanier, qui met fin a I'oppres-
sion de I'hiver et de ses frimas. Le dieu ne saurait etre que Mardouk, et le
dragon, c'est evidemment son ennemie Tiamat. Quant a la Femme, elle ne
peut 6tre I'expression allegorique d'aucune conception juive ou chretienne;
c'est une figure purement mythique, que la force tyrannique de la tradition a
oblige I'auteur de Γ Apocalypse a faire figurer dans sa vision. On doit y recon-
naitre Damkina, epouse d'Ea et mere de Mardouk. Gunkel suppose la-dessus
qu'il a existe toute une biographic romanesque de Mardouk, commengant au
recit d'embuches dressees par Tiamat a Damkina quand elle le portait dans
son sein, jusqu'au jour ou il eut triomphe de la malfaisante deesse, dans un
appareil voisin de celui que le chapitre xix de I'Apocalypse prete au Verbe
triomphateur, Comme on lui a fait observer qu'il fallait, pour etablir cette
histoire, completer beaucoup les textes assyro-babyloniens que nous connais-
sons, Gunkel a renonce a insister sur les identifications de detail trop precises;
il se contenterait maintenant d'assigner a notre chapitre une origine orientale
quelconque, d'apres un mythe plus ou moins composite, dont les savants de
I'avenir auront k retrouver et a recomposer les elements [Veist. pp. 54-58).
Bousset [Off. p. 351, 433, 436; Rel. Jud. p. 488) inclinerait plutot vers une
origine iranienne, et cette theorie parait au premier abord plus aisee a sou-
tenir. II est vrai que, dans les mythes iraniens, rien ne rappelle avec precision
cette Femme et les peripeties de son enfantement. Mais, outre que le principe
mauvais, Angro-Mainyu, qui lutte sans cesse contra Ahura-Mazda, doit etre
vaincu et precipite un jour, on retrouve, et dans I'Avesta, et dans la litterature
pehlvie, un monstre serpentiforme, Azhi-Dah4ka, qui oiTre de frappantes
ressemblances avec le Dragon de I'Apocalypse : « Azhi-Dah^ka, aux trots bou-
ches, aux trois tέtes, aux six yeux, qui a un millier de sens, le plus puissant, la
plus diabolique parmi les Druges, funeste a I'univers, fort entre les Druges,
qu'Angra-Mainyu a cree contre le monde materiel, pour ]detruire I'univers du
bon principe [Zend-Avesta, Gosh Yasht, iii, 14. Alias, passim) ». C'est un
serpent (Azhi), demon de la tempote, qui a ete frappe et tue par le heros
ThraStaona (Feridoun), ou, selon une tradition du Bundehesh et du Bahman
APOCA1TP5E DE 5AINT JEAJi. 169
Yasht peUvi Bahman Yasht in. 55-suiv.: Bundehesh, xxix, 8-10), seolement
enchaine au mont Damivand. jnsqu'a la fin du monde, ou Π s"echappera de ses
liens, et sera alors tue pour de bon par Keresaspa. Ce sort ressemble fort a celui
du serpent de 1 Apocalypse c. xx . Mais la scene propre du ch. xii n"a pas de
parallele connu dans cette litterature.
Aussi Bousset admettrait-il volontiers l"influence d'autres mythes, par
exemple du m^'the esryptien dOsiris-lsis-Seth-Honis Off", pp. 354-smv.:
cfr. Plutarque. his et Osiris, 12-20 . Apres le meurtre cruel de son epoux,
Isis s'enfuit et. dans les roseaux du Nil. enfante Horus, qui doit triompher du
meurtrier Seth-T%'phon. On pourrait rapprocher de la lutte d"Horu5 centre
Seth la lutt^ quotidienne de Ra, le Dieu solaire, centre le tenebreux serpent
Apophi. Ceux qui cherchent une origine egyptienne a la vision apocalyptique
sont g-iues par ce trait-ci. qu'lsis n'enfante qu'apres sa fuite. et que I'eau est
un element qui la protege, loin d'etre lancee contre elle par I'ennemi. 11 serait
peut-etre plus important de noter que rien ne correspond dans TApocalypse au
meurtre dOsiris.
Pour nous, si nous appartenions a lecole mvthique, et qu'il nous fallut con-
siderer comme un devoir de decouvrir dans une mythologie particuliere I'origine
de la vision de Jean, nous nhesiterions guere: et, malgre les critiques pan-
babylonistes. nous nous rangerions a lopinion exposee par Dieterich dans son
Ηλτ6 Abraxas, pp. 117-suiv. Le parallele qiiil faut trouver, nous le demanderions
a la m}-thologie greccpie, qui fournit I'liistoire de Leto. d'Apollon et du ser-
pent Python. Voici comment elle est racontee par Hygin fab. 140 :
Python. — Python, terrae filius, dr<ico ingens. Hie ante Apollinem in monte Par-
nasso responsa dare solitus erat. Huic ex Laionae partu inieritus erai fato futurus.
Eo tenapore. Jovis cum Latona Poli filia concubuit. Hoc cum Juno resciit, facit ut
Latona ibi pareret. quo sol non [accederet. Python ubi sensit Latonam ex Jove gra-
%"idam esse, persequi ccepit ut earn interficeret. At Latonam Jovis jussu cenius Aquilo
!<;iblatam ad Neptunum pertxilit. lUe earn tutatus est; sed ne resoinderet Junonls
factum, in insulam earn Ortygiam detulit. cfuam insulam fluctibus cooperuit. Quod
cum P\-thon earn non invenisset, Pamassum redit. At Neptunus insulaLm Ortygiam
in superiorem partem retulit, quae postea insula Delos est appellata. Ibi Latona
oleam tenens parit Apollinem et Dianam; quibus Yulcanus sagittas dedit donum
post diem quartum quam essent nati. Apollo matris poena* exsecutus est; nam Par-
nassum venit. et Pythonem sagittis interfecit, inde Pythius est diotus : ossaque ejus
in cortinam conjecit et in templo ejus posuit: ludosque funebres ei fecit, qui ludi
Pythici vocantur.
Hygin na certainement pas invents cette histoire ; elle etait repandue de son
temps, et la fahula est anterieure de pres d"un siecle a notre Apocalypse. J'ai
souligne toutes les expressions qui marquent la correspondance. On doit
negliger. bien entendu, tout ce qui est ouvertement polytheiste, la jalousie de
Junon, la comhinazione de Neptune, puis Diane et Vulcain. ainsi que le Par-
nasse. Ortygie, et tons les elements qui tiennent aux traditions sacrees de
Delphes et de Delos. L etude du folk-lore nous a assez appris que les mythes et
les contes. en voyageant. se depouillent aisement de leur topographic ori-
ginelle. 11 reste le dragon, la ditBculte de la deesse a enfanter, la poursuite,
laide apportee a Leto par Aquilon, genie aile qui nous rappelle « les ailes du
170 APOCALYPSE i)E sAixT .ii:a\.
grand aigle », enfin ]a deception de Python, la conscience qu"il a de sa defaite,
et sa mise a mort par le dieu enfant. Et si nous nous rangions pour toutes ces
raisons, a I'opinion de Dieterich, nous y serious encore affermis par ce fait que
le Verbe du chapitre xix et le cavalier du chapitre vi, qui font un seul et meme
personnage avec Tenfant male, out dans leur costume et leur attitude beaucoup
de traits qui leur donnent une tournure assez apollinienne.
Du reste, la liste des mythes similaires est loin d'etre epuisee avec les his-
toires de Babylone, de llran, de lEgypte et de la Grece. Bousset indique encore,
dans son Antichrist (pp. 169-suiv., passim.), des rapprochements qu'on pour-
rait faire; et Jeremias ira volontiers jusquau !Mexique cherclier des cousins au
Dragon. On pourraii, comme je I'indiquerai plus loin, trouver bien d'autres
legendes, chez les peuples les plus divers, oifrant au moins quelques traits
paralleles. En somme, il est assez malaise do choisir. Aussi les esprits les
plus scientifiques et les plus moderes de I'ecole mythique pensent-ils plutot
voir dans la vision apocalyptique, non un emprunt a des mytliologies etran-
geres, mais une des innombrables variantes d'un my the repandu dans toute
I'antiquite, et racontant sous mille formes la victoire dun jeune Dieu bienfai-
sant, nouvellement arrive au pouvoir celeste, sur une ancienne deite mons-
trueuse, ophidienne ou non. La claire interpretation symbolique dont ce
mythe etait susceptible eut porte naturellement le Voyant de Patmos a I'appli-
quer a Jesus, qui avait triomphe de la mort et des tenebres spirituelles dont
jadis etaient remplies les ames. De telles applications, plus ou moins cons-
cientes, avaient d'ailleurs, croient-ils, fortement contribue a faire naitre et a
developper la croyance a la divinite de Jesus. La theorie, sous cette forme
epuree, aussi eloignee que possible des fantaisies erudites, est d'une portee
bien grave. Trouve-t-elle un appui quelconque dans le chapitre xii de ΓΑρο-
calypse, qu'on a Fhabitude d'utiliser comme fournissant la preuve la plus saisis-
sante en faveur de cette explication donnce aux origines du dogme chretieny
Des speculations inspirees de I'esprit du vieux Dupuis (Orig. de tous les
cultes, abrege, c. ix) sont venues preter du renfort a cette exegese. Recemment,
dans un livre qui contient des pages penetrantes, et que nous avons souvent
cite, Boll a construit un systeme de haute fantaisic, dans lequel la « Femme »
n'est autre que la « Vierge » du zodiaque, identifiee souvent dans le monde
hellenistique a Isis; le « Dragon » est la constellation de Γ« Hydre », qui s'etend,
en dessous de la Vierge, depuis le Cancer jusqu'a la Balance, c'est-a-dire le
long de quatre des parties du zodiaque : il balaie ainsi avec sa queue le tiers
des etoiles du ciel, — du zodiaque, autrement dit. L'auteur suppose done que,
dans le monde juit. le courant des traditions sur le Messie preexistant — dis-
tinct de celui qui en faisait un fils de David, cfr. Par. lien., etc. — aurait com-
porte le mythe d'ua enfantement de ce Messie au ciel avant la creation, par une
Mere celeste (la Vierge stellaire, la Reine du Ciel) ; c'est ce qui expliquerait la
traduction, dans les LXX, de doS" par παρθί'νος [Is. vii, 14). Paul, suivi de Fauteur
de TApocalypse, se fut empare de cette idee. Le Messie, Γ « Urmensch », fut
done ne au ciel, avant de nai'tre comme homme du sein de Marie. (Boll, Aus
der Offenb. Joh., Regina Cadi, pp. 98-124).
Que penser de ces systemes elabores avec soin et grand etalage d'erudition?
Pour ce qui est du dernier, il est facile de voir qu'il ne tient pas debout.
APOCALYPSE ΠΕ SAIXT JEAX. 171
Notre texte ne parle pas du tout d"un « enfantement au ciel » ; les versets 6, 14
et 19 (v. Comment.) le prouveut surabondarament. La « Femme » joue un role
des plus importants, comme nous le verrons encore mieux par la suite; son
identification al'Eglise et a la Jerusalem celeste n'est pas douteuse. Ella n'appa-
rait done pas la uniquement pour le jeu de scene. Qu'est-ce que ce serait que
cette conception, si differente, d'une Mere celeste (angelique?) du Messie
preexistant? Que signifierait alors son enfantement dans les douleurs? Com-
ment, si le Messie celeste etait ne d'une Mere celeste aussi, mais creee, Paul
aurait-il pu I'appeler προίτο'τοχος πάσης κτίσεως, « le premier-ne de toute crea-
tion », ou « engendre avant toute creation » ? Pour trouver quelque analogic a cette
etrange notion, il faudrait aller fouiller parmi les reveries gnostiques des Yalen-
tiniens et autres, car on ne trouve rien qui s'en rapproche dans la litterature biblico-
juive (pour le παρθένος des LXX, v. infra), et elle est formellement inconciliable
avec tous les termes du Nouveau Testament. Le reste des rapprochements faits
par Boll vaut a peine mieux. Ainsi, que le Dragon ait peu ou prou a faire avec
rilydre, il n'est nullement dit qu'il s'attaque au tiers des etoiles du zodiaque,
mais du ciel, du ciel entier, ce qu'explicpie suflisamment le schema du « tiers »
consacre dans I'Apocalypse. Tout, dans ce roman critique, est a I'avenant.
La « Femme » est cependant entouree d'une parure stellaire, dun appareil
divin :
Enveloppee dans le soleil, la lune sous les pieds, couronnee d'etoiles, elle se
presente comme une deesse. Aussi Zimmern (KAT^, p. 460) y voit-il Damkina,
la mere de Mardouk, laquelle aurait peut-etre, en cette occasion, emprunte les
bijoux d'lshtar, reine des cieux. D'ailleurs, c'est Damkina qui, sur un cylindre
de Sargon (1), serait, d'apres le contexte, la belit Hani, la mere des dieux, et la
« dame de la tiare celeste ». Cette denomination nous rappelle les douze etoiles
qui couronnent la Femme apocalyptique. Nous devons mentionner ce rappro-
chement, le seul qui paraisse avoir quelque objectivite parmi ceux que les baby-
lonistes ont indiques pour ce passage. Ces douze etoiles, au sens judeo-chretien,
peuvent representer, comme limage voisine dans le testament de Nephthali
(v. supra), les douze tribus d'Israel, ou meme les douze apotres du Christ
(cf. chap. XXII, les douze assises de la Jerusalem celeste). Nous avons vu, du
reste, que cette femme, raalgre son exterieur de deesse, ne saurait etre qu'une
personnification allegorique de la societe terrestre des croyants.
En effet, toute sa gloire ne I'empeche pas de pousser des cris d'angoisse dans
les douleurs de reniantement qui font immediatement penser aux Νπ"''ώ*α7 nSzn de
la litterature rabbinique, a ces terribles souffrances qu'eprouvera la communaute
des fideles avant, et meme pendant les jours du salut messianique (2). (Cf. Marc,
ώδΐνες, chap, xiii, 8; Joh. xvi, 21-22). Cette metaphore, familiere a I'Anciea Tes-
tament, trouve ici son plus haut emploi.
Quant au Dragon dont les sept tetes, les sept diademes, les dix comes repre-
sentent le pouvoir royal multiforme, il n'est nullement certain qu'il doive ces traits
(1) Ibidem, en note. {Sargon Cyl. 't%. Cfr. Cylindre de Nabopolassar, Mitteilangen der
Dentschen Orient-Gesellschaft , n° 10, g 13 sv.).
(2) Voir VoLZ, Jfidische Eschatologie, p. 173; L.4.Gn.\NGE, le Mcssianisme chez les Juifs,
p. 18(5.
172 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
peu esthetiques aune origine babylonienne (1). Qu'il attendela naissance de I'en-
fant pour le devorer, ce trait le rapprocherait du serpent Python, plutot que de
Tiaraat ou d'Azhi-Dahaka (2).
La femme met au jour un fils, un « otre male » que la citation du Psaume iden-
tifie tout de suite au Messie, c'est-a-dire. pour le Voyant chretien, a Jesus. Pas
un mot de son activite terrestre; mais, immediatement, « il est enleve au trone
de Dieu », preuve qu'il n'est pas ne dans le ciel ou Dieu reside. Ici, I'economie
et le sens de la vision sont bien, a premiere vue, des plus difficiies a comprendre ; il
est mέme impossible de les interpreter comme il faut avec le secours du seul con-
texte immediat. C'estpour cela que maint critique n'a pas voulu y voir une scene
specifiquement chretienne, et que Vischer a trouve son parallele talmudique,
qui, d'ailleurs, ne dit pas grand'chose (v. supra).
Mais certainement la scene est chretienne, et exclusivement chretienne. Toutes
les difficultes s'evanouissent, pour peu qu'on se souvienne : 1° de la multiple vir-
tualite des symboles de notre Apocalypse ; 2° da sens mystique qu avail pris le
mot Χρίστος = Messie, dans les communautes apostoliques, bien longtemps avant
la composition de ce livre [S. Paul, passim).
Le Christ est la tete de FEglise; mais TEglise est le corps du Christ. Le Christ
mystique, le Christ total, comprend la tete et le corps. De meme, dans la vision
de Daniel (ch. vii), le « Fils dhomme » representait a la fois, et le peuple des
saints, et le chef de ce peuple, le Roi-Messie, comme le prouve le parallelisme
avec les quatre Animaux, qui sont a la fois quatre empires et chefs d'empires (3).
Ici, cette virtualite est cause qu'il y a certains traits qui conviennent a la fois au
Christ personnel et au Christ mystique, tandis que dautres concernent le seul
Christ personnel, et d'autres le seul mystique.
Au seul Christ personnel convient le ravissement au trone de Dieu : c'est le
triomphe de la Resurrection et de Γ Ascension, sous les yeux confondus de I'ad-
versaire, qui, meme par le supplice de la croix, n"a pu nuire au Fils de Dieu.
(1) Ce luxe iacroyable de tete, de bras, de queues, se retrouve chez une telle quantito de
dieux ou de monstres en des litteratures si diverses, qu'on n'y pent voir un trait d'origine
determinable. — Les nombres sept et dix ne representent que I'idoe vague de multitude. On
ne s'imagine pas comment le Voyant aurait pu les considorer^comme des chiiTres |exacts ; bien
habile serait le dessinateur qui jsaurait repartir dune maniere exactement ;symboliqae dix
comes sur sept t^tes.
(2) Tres curieuse est I'interprotation de Gunkel, Schopf., p. 387, pour la queue balayanf les
6toiles : « Tiamat ist mit den Gottern verfeindet. An eine Szene aus dem Kampfe mit ihnen
wird erinnert; sie hat einmal ein Drktel der Sterne mit dera Schwanze vom Himmel gewor-
fen. Dieser Zugkann nur als atiologischer Mythus verstanden werden. Die babylonische Natur-
betrachtung flndet am Himmel eine Liicke, deren Entstehung durch diesen Mythus erklart
werden soil : einst haben dort Sterne gestanden, aber das Ghaostier hat sie heruntergeworfen.
Ist vielleicht diese Liicke die Milchstrasse, die man λυοΜ als den dritten Teil des Himmels
erfassen konnte? Man beachte, dass die Milchstrasse sich in zwei « Stroma » teilt. Hat man
vielleicht am Himmel noch die Spur des (fischartigen) Drachenschwanzes in der eigentiimli-
chen Form der Milchstrasse gesehen? » — On aurait un reel plaisir a donner son assentiment
a de si jolies inductions, si seulement les Babyloniens nous avaient un peu parle de ces d^gats
commis par la queue « flschartig » de Tiamat dans le monde stellaire, et si Ton pouvait sup-
poser qu'ils ont considere le blanc fourmilleraent de la Voie lactee comme faisant une « Lucke »,
une breche, un vide dans I'armoe des astres.
(3) Cfr. Lagkange, Les Propheties messianiques de Daniel, RB., octobre 1904.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 173
Ainsi, en apparence, la Femme est laissee toute seule exposee a la vengeance du
Dragon,
Maintenant, comment le Messie a-t-il pu etre represente comme un enfant
nouveau-ne? C'est seulement en tant qu'il est identifie avec ses fideles et son
ceuf^re. Rappelons-nous que toute cette vision est commandee par le point de vue
eschatologique ; les faits evangeliques n"y sont qu'un point de depart, le com-
mencement des « novissima tempora », de ces jours de lutte et de gloire qui vont
se derouler jusqu'au dernier jugement. A cet egard la vie de Jesus, en tant
qu'homme, peut n'etre consideree, dans la realisation historique de Toeuvre mes-
sianique, que comme celle an prernier-ne, aes prentices del'humanite sauvee (1).
De la vient que ne sont decrits ni son ministere, ni sa mort, celle-ci n'etant que
contenue implicitement dans I'indication de son triomphe, comme condition de
son enlevement au ciel. Jesus est I'auteur du salut; sa vie, sa mort el sa resurrec-
tion en sont la cause, mais tons les evenements de son existence terrestre ne
constituent, dans I'ordre du temps, que la phase initiale de la vie du Christ mys-
tique et total, celle de la naissance, peut-on dire; et pas raeme une phase, rien
qu'un instant ; mais un instant qui est Finstant decisif, gros de tout Tavenir. Le
Voyant les a contemples ici sous cet aspect. II n'avait pas besoin d'emprunter a
une source juive une image dun Messie autre que le vrai Messie, Jesus.
Que la femme ait enfante au milieu de telles douleurs, cest un trait qui se
rapporte au Christ en tant qu'il est identifie avec son oeuvre, avec la regeneration
de Thumanite (v. s?//)7-a, Comment.). La femme est la communaute desjustes;
c'est a la fois I'israel d'oii Jesus est sorti suivant la chair, et I'Israel spirituel qui
est I'Eglise du Christ, les deux consideres comme ne faisant qu'un.
Ainsi cette femme est une mere allegorique. Les exigences de Gunkel, qui
ecarte a priori Tallegorie de notre vision, sont des plus surprenantes, et je ne
reussis pas a voir sur quoi d'objectif, historique, psychologique ou litteraire, il
peut les appuyer.
Un dernier trait a expliquer : pourquoi cette mere souiTrante apparait-elle sous
un aspect divin? D'abord, parce que ses ornements astraux pouvaient, dans la
symbolique juive, convenir a la representation glorifiee de grands personnages
ou de grandes realites. (Voir le Testament de Nephthali.) Ici, pourtant, I'ap-
pareil est bien plus grandiose. Cette emphase symbolique surprendra moins, si
Ton admet que la mere allegorique du Messie, la communaute, est ici representee
sous des traits qui conviennent premierement a sa mere reelle, a la naSy d'Isaie,
a la « Femme qui enfante » de Michee ; ce ne serait pas la premiere fois qu'on
trouverait, dans notre livre, deux realites analogiques melees, le type et I'antitype
plus ou moins confondus; le genre allegorique ne ropugne pas a cette impreci-
sion. Or Gressjnann, qui penchc visiblement vers I'interpretation traditionnelle
des fameux passages de ces deux prophetes, donne de fort bonnes raisons pour
faire admettre, en Israel, I'existence d'une tradition extra- biblique glori-
fiantla mere du Messie futur. Nous I'admettrons facilement, a condition d'y voir
(1) Pour nous, cette interpretation est certaine; Bousset, Offenb., p. 355, au bas, la reconnait
possible, quand il dit : « Auch dass der vom Drachen verfolgte Sonnengott als Kind erscheint,
storte nicht so sehr, wie es uns stort. Man war ja gewohnt, das ganze irdische Leben Jesu
nur als etwas Vorlaufiges... anzusehen. »
174 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
une idee prophetique et non pas simplement, comme Faateur liberal, une survi-
vance de la croyance polytlieiste aux Deesses-Meres (cfr. Boll, supra). Hien
nempeclierait du reste, que la representation symbolique de cette mere glorieuse
eut emprunte quelque chose aux images divines de I'Orient (1).
Ainsi, I'application liturgique de ce texte a la Sainte Vierge, a la mere selon la
chair du Messie personnel, ne serait pas purement accommodatice; mome les
douleurs d'enfantement pourraient chretiennement slnterpreter, par la « Com-
passion » de Marie, dans I'enfantement des temps nouveaux et de FEglise (Voir
Luc, la prophetie de Simeon, c. ii, v. 35). Seulement, ce sens est tout au plus
secondaire, ou si Ton veut, spiritnel, et la scene totale peut s'interpreter en
dehors de lui.
Le Dragon est tres clairement identiiie. II peut avoir pris des traits du yip,
des passages poetiques de I'Ancien Testament, c'est-a-dire d'un cousin possible
de Tiamat (v. Int. c. v, § II-III) ; mais ce n'est plus un monstre cosmique, c'est
une puissance essentiellement spirituelle, le chef des esprits mauvais; son armee
est composee d'Anges, il est le meme que le serpent seducteur de la Genese.
Ouand il lutte avec Michel, il ne saurait etre question, au moins directement,
de sa chute primordiale; car il n'est pas alors un etre qui vient recemment
de mal tourner; son passe n'est connu que par des mefaits et des intentions
mechantes.
La Femme qu'il poursuit lui echappe sur « les deux ailes du grand Aigle »,
ce qui signifie la vitesse et la securite de sa fuite, comme dans les mythes disis
et de Leto. Le « grand Aigle » doit etre une figure tradilionnelle; mais, pas
plus que Bousset et Clemen, nous ne decouvrons aucune raison de I'identifier a
I'aigle babylonien d'Etana ou au vautour egyptien de Hathor plutot qu'a tout
autre volatile du genre rapace. — Le « fleuve » lance par le Dragon prouve-t-il
que ce dernier soit un monstre aquatique, comme Tiamat, Leviathan ou le
ThanninV DifTicilement; car « torrents », <( inondations », sonl des metaphores
bibliques courantes ; et si la « terre » vient au sccours de la Femme, elle n'a pas
besoin pour cela detre mythiquement personnifiee; car c'est roffice du sol, a nul
autre communicable, d'absorber les torrents. Sur ce dernier point, Texegese
« zeitgeschichtlich » etait plus curieuse encore que celle de Fecole des religions.
Ainsi quel lecteur de Renaii n'a ete emerveille du nombre et de la grace des
« peut-etre » que le brillant ecrivain sut accumuler pour interpreter dans le mode
historique le fleuve lance par le Dragon : « Des indices portent a croire...., a
(1) Carl Clemen {ReligionsgeschichtUche Erkldrimg des Xenen Testaments, p. 110-113), en
combattant les raisonnemenls par lesquels Gressmann s'efforce de prouver que I'idoe du Messie
etait, chez les Israelites, une importation mythique etrangere, defend I'interpr^tation rationa-
iiste de naS" d'Is. vii, 14 et de mSl'' de Mich, v, 2. Gressmann s'otait servi de ces deux
passages {Ursprung, p. 272 sv., 278, 289) pour relever des traits « divins » dans la naissance de
I'Eramanuel et la figure de sa mere. Les raisons de Clemen en sens contraire sont on ne peul
moins satisfaisantes ; il met en doute I'authenticite de Mich., v, 2 ; ce n'est qu'un expedient assez
tendancieux. Ilinterprete le ΊΊ'Ζμ aS* d'Is. ix, 5, apres B. Dulim, suivantlanalogie de II Sam.
XIV. 17 et 20 et de Zacharie, xu, 8; or, en ces trois passages, il est question de ΟΐΓΠΝ'Π "^ϋΙΏ
et de ΠίΓιΐ "νΗώ non de "liu iH : d'ailleurs, il ne s'agit la que de comparaison et I'hyper-
bole y est ovidente; il n'en est pas de meme Is. ix. 5. Nous adinettons done le fond de Γΐάέβ
de Gressmann, sauf I'importanle reserve indiquee.
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 175
ce qu'il parait une circonstance indiquee a mots couverts peut-etre les
zclotes peut-etre Tescouade... », tout cela au cours de dix-neuf lignes, pour
deraontrer quil s'agit des obstacles inutiles qui auraient pu s'opposer a I'exode
des Chretiens de Jerusalem a Pella? Mais rien, nous I'avons vu, n'indique que la
Femme soit la seule eglise judeo-chretienne; elle apparait clairement comme
lisrael de Dieu, qui est une collectivite beaucoup plus large, et permanente. Et
puis, quelservait ce fleuve lance contre la colonne des emigrants? Un detachement
romain qui eut ete detruit, qui n'eut pu passer le Jourdain, que la terre eut
englouti, quoi encore? L'histoire n'en soufile mot. Et pourquoi les villes de la
Transjordane seraient-elles un « desert « ? Ces divinations pueriles n'ont d'auti'e
appui que ce postulat : le Voyant no doit sinspirer que d'eveuements historiques
et contemporains. 11 est purement arbitraire, et conduit a des interpretations
etonnantes, que Gunkel a tres joliment ridiculisees. Ici Fapplication n'est pas,
en soi, ridicule, mais aussi arbitraire que nulle part ailleurs.
11 faut done nous en tenir au sens large et profond de philosophic de I'iiistoire
et de haute spiritualite que nous avons expose dans le commentaire, en sui-
vant les commentateurs anciens. Le chapitre xu ne contient aucune idee dont
I'ensemble du Nouveau Testament ne rende parfaitement compte, et qui ne
se trouve exposee ailleurs en formules qui n'ont pas la moindre apparence
mythologique.
Ces considerations pourraient suflire a resoudre le probleme souleve par I'ecole
mythico-astronomique. Toutefois, pour en avoir le coeur tout a fait net, plagons-
nous dans Vhypothese οΐι la forme exterieure de ces revelations decelerait des
emprunts precis a la mythologie, astrale ou autre. Car on pourrait se demander,
au cas oil I'ensemble des symboles serait exclusivement emprunte a quelque
systeme paien, si une telle dependence dans la forme ne doit pas faire soup-
(jonner quelque dependance dans Tideo, et si ces images a tournure mythique,
au lieu de n'etre qu'un revetement de dogmes deja formes en dehors d'eux, ne
reveleraient pas la forme originaire de ces doctrines, qui eussent ete formulees
ailleurs, et posterieurement, en langage plus abstrait et ralionnel.
Nous adniettons bien qu'aux siecles hellenisliques, certains mythes, surtout
semitiques ou iraniens, pouvaient servir a vehiculer des idees mi-cosmogo-
niques, mi-rcligieuses, par excmple a symboliser le triomphe de la Lumiere sur
les Tenebres, ou du Bien sur le Mai. Mais nulle part le mythe du jeune dieu
solaire, que postule Gunkel, et qui a seduit la ferveur du pastcur JeremiaSj ne
pent etre reconstitue de maniere a rendre compte de I'ensemble du ch. xii. Aussi
Gunkel lui-meme n'insiste-t-il plus outre mesure sur sa combinaison Damkina-
Mardouk-Tiamat. Pour ce qui est de I'lran, nous ne pouvons surmonter notre
ctonnement de voir que les documents auxquels on se refere avec tant d'assu-
rance ne sont que le liaJiman-YashL et le Bundehesh^ ces compositions tardives
de I'epoque sassanide. Dans VA^'esta, qui est relativement ancien, quelles qu'en
soient les sources, Angro-Main//u et Azhi-Dahika {]) n"ont que des rapports
(1) Sur 1 evolution d'Azhi-Datiuka, son origine peul-fetre aaturisle, son idenliflcalion, deja
176 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
tout a fait vagues et generiques, sans rien qui decele un emprunt litteraire
d'un cote ni de I'autre, avec le Dragon de TApocalypse; quant a la Femme
et a I'Enfant, il n'y a aucune figure qui y corresponde. Par contre, dans la
litterature pehlvie du haut Moyen Age, les details du sort reserve a Azhi-
Dahaka rappellent assez la captivite et la defaite du Dragon, non dans notre
ch. XII, mais au ch. xx de I'Apocalypse (v. ad loc). Seulement, cette similitude
est insuflisante a rendre probable, soit un emprunt, soit meme une commune
origine traditionnelle. Malgre tout, supposons un instant qu'il y ait emprunt;
alors, est-ce la tradition mazdeenne qui devrait etre originale? Pour Taffirmer,
il faut ne plus se souvenir de I'age respectif des documents, et oublier cette
regie toute simple de la critique litteraire, d'apres laquelle, chaque fois quil
s'agit de determiner les sources des traditions, la presomption d'originalite est
toujours, cseteris paribus, en faveur du document le plus ancien. Or, notre
Apocalypse est anterieure de six siecles au moins au Bahman-Yasht pehlvi et
au Bundehesh; ces deux ecrits ont vu le jour dans un pays ou le Nouveau
Testament etait connu depuis quatre cents ans, et ou un syncretisme effrene
pouvait fleurir : temoin les livres des Mandeens et des Manicheens. Rien n'indique
d'autre part qu'ils se soient contentes de reproduire, sans les contaminer par
d'autres traditions, de vieilles legendes avestiques perdues pour nous. Pour
quiconque ne cede pas a la mode recente d'accorder a tout ce qui tient au par-
sisme un traitement de faveur, etranger aux regies generales de la critique,
la litterature pehlvie n'a aucune valeur propre pour la solution des problemes
neotestamentaires, — encore moins, s'il est possible, que le Bouddhisme; avec
cette exegese historico-sentimentale, pourquoi un docte pangermaniste ne
decouvrirait-il pas dans I'Edda scandinave que le mediant dieu Loki ou le serpent
Midgard sont les prototypes du Dragon de I'Apocalypse?
Si Ton considere maintenant les mythes grecs, en relations assez probables
avec les egyptiens, la question change un peu d'aspect.
Gunkel a raison, sans aucun doute, d'affirmer contre Dieterich que notre pro-
phete naurait jamais voulu emprunter d'idee religieuse au paganisme grec
[Schopf. pp. 283-284); mais il a tort de regarder comme impossible Tattribution
de ce morceau a un chretien helleniste. Le theme Leto-Python-Apollon offre
beaucoup de ressemblances partielles avec celui de la Femme et du Dra-
gon; seulement ces details, dans I'Apocalypse, ont germe dans I'imagination
d'un Semite, plus grandiose, moins anthropomorphisante, mais aussi moins
esthetique et moins mesuree. L'element symbolique et plus ou moins plas-
tique de la vision aurait-il done ete fourni par de vagues souvenirs de ce mythe
apollinien?
II n'y aurait pas de repugnance absolue a I'admettre, etant donne que le
Voyant de Patmos a vecu et ecrit dans un milieu hellenistique. La vue
frequente quil a du avoir, dans plus d'une ville asiatique, de groupes sculptu-
dans les yaslits, avec I'ennemi heroditaire, — Chaldeens, puis Arabes, — sa qualito de roi de
Bawn(Babylone), voir Darmesteter, Ormuzd et Ahriniun, p. 1-95; Etudes iraniennes, li, 210.
— II devint enfin la Zohak du Shah-Nameh. A un certain stade de cette evolution, il a bien
un air de parente avec I'Antechrist; mais beaucoup moins avec le principe perpetuel du Mai,
I'Ancien Serpent, qui ne trouve son pendant qu'en Ahriman.
AI'OCALYPSK ηΐί SAINT JEAN. 177
raux, de reliefs ou de peiiitures, representanl la fuite de Lelo devanl le serpeiiL
chtlionien (1), n'eut-elle pu graver ce my the dans son imagination, et, lui rap-
pelant le serpent infernal qui s'acharnait contre I'Eglise, preparer une forme
plastique a sa vision des luttes presentes et futures? Cela n'est certes pas
impossible a priori, mais n'entrainerait point les consequences escomptees par
lecole des religions (Int. c. v, ii, § IV, et Exc. xix).
Tout d'abord, en effet, ce mythe grec parait le moins capable de tous d'exercer
une influence sur le fond des idees religieuses. En remontant a ses origines
probables, on a I'impression qu'il devait se preter plus difficilement qu'un autre
a vehiculer ces liautes allegories morales qu'on y veut voir. L'Archer Apollon,
άλεξίκακος, peut, suivaiit lOccurrcnce, infliger ou guerir les maladies, il purifie
des graves souillures, il preserve des perils de la guerre les lieux qui lui sont
consacres; mais, a part cela, il n'a nullement la specialite d'etre un « dieu
sauveur », et le tilre de Σωτηρ convient a Dionysos, a Asklepios, a Zeus, beau-
coup mieux encore qu'a lui. Sa victoire sur Python a le caractere d'un « mytlie
historique » destine a expliquer comment son culte, a Delphes, s'est substitue
a celui d'un dieu-serpent, male ou femelle, nomme Python, Delphyne, ou
autrement (Voir Wolf Aly, 1908 Der kretische Apollonkult, pp. 13-43; —
Hygin, fab, 140, supra; — Plutarque, Questions grecques, 12; — Elien,
FJist. var. iii, 1; — Pausanias, Descr. de la Grece, u, 7; 30). De meme, a
Amyclee, quand il eut supplante le dieu Hyacinthe, on raconta qu'il I'avait tue.
Cette victoire sur Python, meme dans la version d'Hygin, n'a aucun sens moral.
Le serpent de Delphes, avant d'etre confondu ou allie avec le monstre Typhon,
n'etait pas encore une mauvaise bete comme dans I'hymne homerique; c'etait
un dieu chtlionien (« Python filius terrae ») qui rendait des oracles au profit
des hommes. D'ailleurs, a travers toute la mythologie grecque, les serpents
jouentun role plutot favorable : ce sont les animaux chthoniens caracteristiques,
associes au guerisseur Asklepios (ainsi a Pergame, v. supra, comm. de ii), aux
heros, a I'Agathodaimon, aux Eimes des ancetres. Quand Apollon a tue Python,
il est oblige d'expier ce meurtre, et rend a sa victime des honneurs funebres.
Peut-etre la contamination reciproque, maintes fois constatee, de la mythologie
d'Apollon et de celle d'llerakles, tueur de monstres funestes, a-t-elle contribue
a faire naitre cette histoire du meurtre de Python, et a faire concevoir celui -ci
sous un aspect odieux. II est encore bien plus vraisemblable que le mytlie grec
a ete egyptianise; quand Apollon eut ete rapproche d'llorus. Python le fut de
Typhon-Seth. Malgre tout, les stoiciens, ces allegoristes forcenes, ne voyaient
encore dans toute cette histoire qu'un mythe (jui est du Max Miiller avant la
Icttre, le symbolc de la lutte du soleil contre les exhalaisons serpentantes de
la terre humide (ainsi Antipater, dans Macrobe, Saturnales, i, 17; 57; voir
Deciiarme, Les Traditions religieuses chez les Grecs, pp. 329-330). Dans la
suite, Apollon a pu devenir, pour certaines ecoles philosophiques, le nom
(1) II exislait des jeux pythiques a Milet, Magn^sie, Tripoli. Des monnaies et modailles de la
m6me region reprosentent la fuite de L6to (v. Boussrt, OfT. p. 353). Le vase grec du recueil
de Tischbcin (t. Ill, pi. 10) qui rcprosente Leto fuyanl devant Python, avec Apollon et Artemis
sur ses bras, doit, par contre, etre regardo comme suspect (Sal. Reinach, Repertoire des
rases peints grecs et eirusqnes, ii, 310).
APOCALVP.'iE DE SAINT JBAN. 12
178 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
de Tessence divine elle-meme, et tous ses mytlies en etre considerablement
rehausses; mais rien ne fait supposer qu'ils eussent pris, dans le pays et dans
le milieu ou se trouvait Jean, des significations transcendantes an point d'exercer
une influence latente sur la conscience d'un chretien, et encore d'un chrelien
juif. ennemi-ne du paganisme sous toutes ses formes.
Ainsi les rapprochements qu'a notes Dieterich, ct que nous avons fait, il nous
semble, genereusement valoir, n'augmentent pas d'un grain le poids qui ferait
pencher la balance critique vers Thypothese d'un emprunt, conscient ou non, fait
par I'Apocalypse a la religion grecque. Et s'il s'agissait, non pas d'un emprunt,
mais d'un heritage inconsciemment transmis par les Juifs hellenistes, I'hypothese
est encore moins admissible que pour les pretendus mythes semitiques de
Gunkel, car le mythe delphique se montre, a I'analyse, plus rebelle qu'un autre
aux interpretations morales. Notre opinion est done tout simplement que, dans
Vhypothese ou la vision de xii serait redevable au monde profane de quelques-uns
des traits qui en rehausserent la couleur dans I'esprit du Prophete, il faudrait
chercher I'origine de ces details, moins dans une mythologie particuliere quel-
conque, que dansce residu qui constituait le folklore general. En fait, la lutte d'un
dieu, d'un heros ou d'une heroine, contre un monstre, dragon, serpent, ou autre,
etait un theme commun, autant qu'on en pent juger, a tous les peuples antiques,
dans leurs mythes ou dans leurs contes. Mardouk et Tiamat en Babylonie (cf.
d'autres dieux babyloniens ou semitiques en general aux prises avec des griffons,
des serpents, Gressmann ATOB. i, 31; 11, Abb. 33. suiv., 166, 167, 174, 175;
ZiMMERN ΚΑΤ•'', 504, 512); ailleurs Indra et Vrilra, Horus et Seth, RA et Apophi,
Zeus et Typhon, les Olympiens et les Titans aux raembres serpentiformes,
Dionysos et ces memes Titans, les Dieux et I'Ophioneus de la cosmogonie de
Pherecyde, Bellerophon et la Chimere, QEdipe et la Sphynge, Persee, Andromede
et le monstre marin, Herakles et I'hydre de Lerne, Apollon et Python, Feridoun
et Dahak, Thor et Midgard, Vidar et le loup Fenris, Sigurd et Fafner, le cavalier
solaire et le geant a queue de serpent chez les Celtes du Nord, et encore bien
d'autres dieux, d'autres monstres et d'autres luttes, chez une foule d'autres
peuples, toutcela forme un ensemble assez complet, et des paralleles assez saisis-
sants; mais il serait bien ose de ramener le tout a des origines communes, et
a une meme interpretation. Combien de spectacles dela nature, de souvenirs histo-
riques, de legendes locales, de mythes etiologiques, n'ont-ils pu intervenir pour
donner naissance a ces histoires batailleuses, dans des circonstances variables a
I'infmi? Le trait qui les relie n'est que psychologique : c'est que, le monde etant
plein d'oppositions et de combats, les primitifs sont toujours et partout prets a
les dramatiser et a les personnifier. Puis les artistes et les \'^oyants, surtout les
createurs d'allegorics, puisent dans le grand arsenal d'images et de symboles
que seront toujours le folklore et la poesie populaire; mais si, chez un moderne
cultive, nous trouvons des expressions de la mythologie grecque, hindoue,
polynesienne, nous n'irons pas croire pour autant qu'il s'est laisse circonvenir
par les idees religieuses des GrecSj des Hindous ou des Polynesiens.
Les Israelites avaient des contes de ce genre, qui ont prete des noms ou des
metapliores aux passages poetiques de I'Ancien Testament (Int. c. v, ι § II).
Jean les connaissait peut-etre; puis il residait dans le monde bien plus colore
des villes asiatiques, depuis de nombreuses annees. Malgre son horreur des faux
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 179
dieux et des idees paiennes, ne pouvait-il retenir quelque chose, par habitude,
presque sans le savoir, des traditions de son peuple ou des representations
fig'urees de sa nouvelle patrie? II n'avait aucun titre necessaire a eluder, du fait
qu'il etait inspire, cette loi psychologique ; son cas ne serait pas plus extraor-
dinaire que celui d'Ezechiel attelant au char de Jahweh les Kirubi de Baby-
lone. La sincerite, Tauthenlicite des visions, n'en est nullement compromise; car
Dieu, au surnaturel comme au naturel, meut chaque creature suivant les con-
ditions ou 11 1'a placee.
En parlant ainsi, j'argumente ad hotninem; car cette influence du folklore
semitique ou grec sur la forme exterieure de la vision en cause n'est pas du tout
certaine. II se pent que le souvenir du serpent de la Genese, des personnifica-
tions feminines de la race elue chez les Prophetes, et diverses metaphores des
Psaumes, des Prophetes, des Apocryphes aient fourni toute la matiere plas-
tique a la scene de la Femme et du Dragon.
EXC. XXVII. LE TROISIIiME « VAE ».
C'est avee surprise que Ion arrivait, au bout du chapitre xi, au jugement
general, sans avoir rencontre la description du 3*^ Malheur (Ούαί, ^ae), annonce si
dramatiquement par I'Aigle de viii, 13, et rappele ix, 12, et xi, 14. La septieme
Trompette a suivi immediatement cette derniere annonce. Est-ce elle qui serait
le signal du « Vae κ ? Ce n'est pas possible, car elle n'a pas amene une cala-
mite particuliere, mais la consummation totale (x, 7) ; I'etablissement defini-
tif du regne de Dieu ne saurait etre presente comme un malheur, et la fin
du monde non plus, dans Fesprit de notre Apocalypse; du reste, le 3^ Vae ne
doit pas etre d'un ordre trop different des deux autres, les Sauterelles et la
Cavalerie.
II faut done admettre, comme nous I'avons fait, que les deux dernieres male-
dictions sont amenees par la sixieme, I'avant-derniere trompette; Tune est la
chevauchoe infernale, decrite avec un luxe de details barbares, I'autre n'est pas
detaillee, mais indiquee seulement, dans la scene des 2 Temoins, puis, mais alors
comme passeedeja, dans le cantique celeste de la fin du monde : και τα εΟνη ώργίσθησαν,
και ήλΟεν ή οργή σου (χΐ, 18).
II fallait bien cependant que ce « Vae » fut decrit comme les autres, encore
plus que les autres. II Test, selon nous, a partir de la vision de la Femme et du
Dragon, et dans les chapitres suivants, qui expliquent xii. En d'autres termes,
la deuxieme section prophetique — relative au Regne de I'Antechrist, d'apres
Ribeirn, etc. — n'est autre que le developpement de la troisieme malediction,
qui aboutit au salut du monde, deja celebre dans le cantique de xi, 15-18. On
pcut voir encore la un des « emboitements » dont la serie a commence au cha-
pitre χ ; et cela en porterait juste le nombre a septj observation qui n'est pas
sans interet. (Int., c.viii).
Les chap, xn et suivants ne sont done pas, contre Bousset et d'autres, la vision
correspondant a la 7'' trompette. La vision des Trompettes est finie, le symbo-
lisme a change, quoique le fond de scene demeure invariable. Ces chapitres sont
le contenu du « petit livre » absorbe par le prophete au cli. x, pour qu'il puisse
« prophetiser de nouveau sur des nations, et des peuples, et des langues, et
180 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
dcs rois nombreux ». Quelles nations, quels peuples, .quels rois? Ceux qui
constituent des realites historiques contemporaines et dont saint Jean devait
parler tout a loisir, pour calmer I'anxiete des Sept Eglises en leur promettant
la victoire sur les forces hostiles du monde romain, victoire qui deviendrait le
gage de toutes celles de la societe chretienne dans la suite des temps. Les
allusions a Γ Empire vont devenir tellement claires, au lieu du vague et du sche-
matique de la vision des Trompettes, qu'elles expliquent la position exageree
de cette ecole d'interpretes [Alcazar, Grotius, Bossuet, etc.) qui a ramene la
majeure partie du livre aux predictions des destinees romaines.
Le troisieme Vae est done comme a cheval sur les deux sections ; il y a la un
certain defaut de structure qui diminue la clarte ; et Ton congoit I'embarras des
exegetes. Mais les mots employes dans le cantique celeste de la vision de la
Femme (ούαι τήν γήν και την θάλασσαν, avec la meme singularity grammaticale que
precedemment) sont un indice suiTisant pour qu'on mette ces chapitres en rap-
port etroit avec la proclamation de I'Aigle au chap. viii. Joh. Weiss signale un
nouvel indice, a propos du petit prologue de xi, 19; il dit a bon droit : « Comme
les deux premieres maledictions, au ch. viii, 3-suiv. » (d'apres sa theorie
des sources) « ont ete introduites par une scene dans le Temple (cf. aussi, plus
justement, ix, 13), ce pourrait bien etre le meme cas pour la derniere. »
Telle est la solution la meilleure, a notre avis, de ce difficile probleme
exegetique.
Mais ce « Vae » qui va s'etendre, en somme, sur toute I'histoire des temps
messianiques, en quoi consiste-t-il essentiellement? D'apres xii, 10, 12, c'est
dans la chute sur la terre du Diable vaincu par Michel. D'un cote, c'est un
triomphe, car Satan n'est tombe ainsi que pour avoir ete detronc par la glori-
fication du Christ; d'autre part, c'est une calamite, et la plus menagante pour
les jours qui restent, parce que, se sentant vaincu et voue a une impuissance
prochaine, le Dragon va faire des eff^orts desesperes, les plus violents et les
derniers, pour empecher son divin Adversaire de regner ici-bas, pour empecher
I'Eglise (la Femme) de devenir une societe puissante et publique. En fin de
compte, le 3'^ Vae, ce sont les persecutions religieuses, sous toutes leurs formes,
avec les punitions divines qui tomberont sur les instruments terrestres du
Dragon.
Ces dernieres calamites, Jean va en parler avec plus de passion et de preci-
sion, parce qu'il en voit le commencement des son epoque « Er hat es sclion
erlebt », dit Joh. Weiss de son « Editeur ». La signification des Deux Betes
(ch. xiii) et de Babylone (ch. xvii) demontrera en effet qu'il s'agit d'evenements
contemporains, ou du moins auxquels il est deja prelude. C'est meme la une
bonne preuve nouvelle de la rectitude de notre interpretation des « Deux
Temoins »; puisqu'ils prechent tout le temps (42 mois) que domine la Bete, ce
passage, et d'autres semblables, ne sauraient done etre eschatologiques au sens
strict.
Voici done ce que nous proposons pour I'ensemble de ces mysterieux trois
« Vae » :
l*"" Vae : Finvasion des sauterelles (ch. ix), debordement du peche avec
les peines morales et physiques qui le suivent, dans la societe ennemie de
Dieu ;
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 181
2^ Vae : le bouleversement des guerres, excitees par I'enfer egalement (ch. ix),
qui amenent rextermination d'une grande partie de riiumanite. Ce Vae est en
relation, d'une part, avec les trois derniers cavaliers de la vision des sceaux, ct
de I'autre, infra, avec la ruine de Rome, la guerre des rois contre I'Agneau,
rinvasion de Gog et de Magog.
3^ Vae : le dernier mot de I'idolMrie, le comble de I'aiTolement produit par
I'operation de Satan sur les infideles, et les persecutions des fideles.
Ce Vae est simultane avec les deux premiers, qui reapparaissent sous divers
traits dans son developpement propre. Les plaies apocalyptiques, nous le voyons
ici mieux que nulle part ailleurs, ne sont pas proprement des fleaux successifs;
les « Vae » sont trois aspects des convulsions dernieres, des ώδϊνες τοΰ Μεσσίου, au
milieu desquelles grandit la Jerusalem celeste, qui sera le lieu de repos de
I'humanite rachetee, eprouvee, sauvee.
Β. VISION DINTRODUCnON AUX PROPHETIES HISTORIQUES
(xii, 18-xiv, 5).
I.\T. — Le Demon, bien qu'il se scale irremediablement vaincu, veul profiler cepen-
dant du temps qui lui resle, el il \>a s'efforcer d arreter ou de ruiner dans la mesure du
possible I'oeuvre divine. Ce « singe de Dieu » vent done organiser sa « Cite », comme
disail saint Aiigiistin, stir le modele de son Adversaire.A I'Agncau, qui regne au del,
mais qui csl nussi present mysterieusement sur lerre, Satan oppose sa Bete, Z'Ante-
CHRisT. Celui-ci est comme une odieuse contrefaron du Christ : un animal hyhridc el
feroce qui s" oppose au « Lion de Juda y) ; Satan, en sa faveur, imite de son mieux la
resurrection, Vintronisation de VAgneau, et lui menage une « Parousie » diabolique.
Tout cela se passe sur terre, aux yeux des hommcs effrnyes et seduits, comme Vintro-
nisation de Jesus el sa prise de possession du Livre des destinees s'etaient passees
devant la Cour celeste ; la scene, accompagnce aussi de cantiques, se deroule sous les
yeux du Dragon, comme I'autre sous les yeux du Tout-Puissant.
II faut done noter un parallelisme etroit, quoique peu apparent a premiere vue, entre
cette vision d' introduction ou de presentation et Γ introduction generale des chap. IV et
V. Le chapitre Xllrepond lui-meme au chap. IV, en ce que celui-ci a represenle Dieu
dans sa gloire, I'autre Satan dans son huniiliante defaile. On peul tracer ce schema :
Dieu au ciel (ch. iv) Sataa, prince du monde, virtuellement
depossede, sur la terre (ch. xii).
L'Agxeau « comme egorge », La Bete de la mer, blessee et guerie,
qui prend de la main de Dieu les desti- qui regoitla puissance du Dragon sur toute
nees du monde (v, 6-7), tribu, peuple, etc., pour I'exercercontre les
saints seulenieut pendant quarante-deux
mois (xiii, 1-3 b; 5-7),
puis est glorifie comme egal a Dieu et qui est admiree et adoree, conjointe-
par toutes les creatures, celestes, ter- ment avec le Dragon, par toute la terre
restres, infernales (v, 8-14). (xiii, 3c-4; 8).
Cependant, pour que la ΒέΙβ put ainsi rivaliser avec I'Agneau, il lui a fallu le
sccours d^in autre monstre, la Bete de la Terre [XIII, 11-12), qui sail mieux se don-
ner des airs d'agneau. Elles se sont mises a deux pour contrefaire Jesus; et leur duo
imite aussi les Deux Temoins du Christ {v. ch. XI) par des prestiges caiques sur leurs
miracles, et encore plus grands; c'est ainsi qu'elles remportent un triomphc apparent
[XIII, 13-l.j a). Le parallelisme didoes avec la premiere section s'cnrichit icid'un nou-
veau trait: le Diable choisil aussi ses elus :
Les adoraleurs de la Bete sont
marques dun signe a la main et au
front pour etre epargnes dans les
persecutions (xiii, 15b-17).
de meme que
les scrviteurs de Dieu avaient ete
marques dun signe au front pour
etre epargnes par les fleaux
envoyes du ciel (vii).
Jean explique alors a ses lecleurs d'Asie, dune maniere qui demeure Ires mysterieuse
pour nous, quelle sera la realisation historique de cette Bete adoree (xiii, 18).
Mais cette infdme parodie ne peul avoir, a aucun moment des 42 mois, un plein sue-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
183
ces; le c/t. XI nous a dit que la Bete serait coinbaltue par les Deu.v Temoins, tout le
temps de son rcgne usurpe. La ineine idee rei'ienl [ici, exprimcc dans une frappanle
antitliese.
En face des Elus de la Bete, qui
portent son signe , et de tous les , ,
peuples qui forment son armee (xiii,
1.5b-17).
sur la montagne de Sion, I'Agneau
en personne, entouro des 144.000 vier-
GES, hommes marques au front de son
nom et de celui de son Pere (xiv, 1-5).
Ainsi les deux armees des deux Cites sonl en presence, sous la conduite de leurs chefs
respectifs : I'Antechrist, faux rot, faux Lion el faux Agneau, dedoubli en deux person-
nages, et le vrai et unique Agneau. La terre va etre leur champ de balaille, et les pre-
paratifs de cette lutle, ses peripeties, suivront un cours dont le parallelisme avec les
chapitres Vl-XI sera encore plus net que celui que je viens d'indiquer (v. infra c. xvi).
Tout cela nest que le detail du drame indique deja deux fois au chapitre XII et se
rattache a XII, Π, point d'origine de la troisieme « onde » qui nous a instruits sur les
intentions du Dragon.
B. 1° Le dragon suscite la bete de la mer, pour I'opposer sur terre,
avec I'appui dune autre bete, a I'agneau qui regne au del
(xii, 18-xiii).
Int. — Les critiques decouvreurs de sources ne font guere de diffculte pour ratta-
cher ce chapitre au precedent ; pour Υ/βγίΆπά, il est de 2, juif sous Neron; Erbes et
Spitta le font du temps de Caligula (a cause du v. 18, oil ils lisent 616), le premier
clirelien, le second juif, a I'exception de 9-10 et autres interpolations chrotiennes; de
me'me 0. Holtzmann [chrilien], Weiszacker [enclave sous Vespasien), Schoen et Saba-
iier origine j'uivc, moins 8-10, cfr. Y'lscher). Pour Bruston, i7 rentre dans I'ensemble
commence a X; Briggs y trouve la cinquie/nc Apocalypse, celle de la Bete, distinclc
de celle du Dragon; Joh. Weis attribue 1-2 a; 3-6 a sa source Q, el le reste a Γ « Edi-
teur y>, mais sans oser en certains passages trap rigoureusement distinguer le travail
des deux mains. Volter donne le chapitre entier a I'Editeur sous Trajan.
Pour juger toules ces hypotheses, nous n'avons qua renvoyer a V introduction prece-
dente, ct a remarquer la conlinuile linguistique de ce morceau avec le resle. Quant aux
traditions anciennes qui auraient pa elre uiilisees, nous en ferons I'objet de plusieurs
excursus.
C. XII. 18. Kat *έστά6η ίτ,Χ τήν ά;λμον ■zf^ς θαλάσσης.
C. XII. 18. Et il se plaga sur le sable de la mer.
A. 18. ΈστάΟτ) est une forme passive a sens moyen ou intransitif, cfr. vi, 17, viii, 3,
el Luc xviii, 11, 40, Act. u. 14, v, 20, etc. comme en grec moderne; la troisieme per-
sonne (dansx, A, C, aX, g, vulg.,syr^^^''''', arm.. Diist.,B. Weiss, W-H, Nestle, Swete,
Calmes) est mieux attestee que Ιατάθην de α 3-P-025, α 1070-Q-O46, boh., syrS"'". arm.
And, Arelhas; Spina, Gunkrl, Joh. Weiss et (?) Bousscl.
C. 18. La premiere personne έστάΟην donnerait un beau sens : Jean, sur la plage de
Patmos, va voir surgir des (lots, a lOccident, le Monstre romain qui s'en va ravager
ses chretientes d'Asie. Mais alors ce serait le commencement dun nouveau sujet, et,
184 APOCALYPSE ϋΚ SAINT JEAX.
C. Xill. 1. Ka\ ειδον εκ της θαλάσσης θηρίον άναβαίνον, έχον '/.έρατα δέκα καΐ
κεφάλας έτττά, καΐ έ-ί των κεράτων αυτοί δέκα διαδήματα, καΐ έτυι !*τας κεφάλας
αΰτου όνόΐλατα βλασφημ.ίας. 2. ΚαΙ το θηρίον ο είδον ην όμοιον -ϊταρδάλει, και οι
•ίτόδες α-ΐτου ώς ά'ρκου, καΐ το στόμα αϋτοΟ ως στόμα λέοντος. Και εδωκεν αυτω ό
δράκο)ν την δύναμιν αϋτο3 καΐ τον θρόνον αυτοϋ καΐ έξουσίαν μεγάλην. 3. Και *μ/!αν
εκ των κεφαλών a'jto'u ώς εσφαγμένην ε'.ς θάνατον, και ή πληγή τοΰ θανάτου αΰτοΰ
έθεραττεύθη. Και *έθαΐ)μάσθη όλη ή γη όπίσο) τοΰ Η•ηρίο•ο. 4. Και ιτροσεκύνησαν *τώ
dans ce livre, I'auteur n'attache pas tant d'importance au lieu d'ou il regarde ses
visions, puisque le monde entier est sous ses yeux. D'ailleurs έστάθη I'emporte, et il est
encore mieux en situation, car le verset fait la transition entre le eh. xii et le eh. xiii,
qui n'est que la continuation du precedent [supra, Int. a XII). Ge sens n'est pas moins
grandiose : le Dragon tombe se traine halelant sur la plage de la Mer, qui est Tem-
blerae de I'agitation et de I'inconstance; la, vautre sur le sable sterile, il ose encore
continuer la guerre contre Dieu son vainqueur, qui trone avec I'Agneau dans la tran-
•quille majeste du ciel. Satan appelle de la mer — c'est-a-dire a la fois de I'Abime et
de rOccident — le redoutable allie humain qu'on va voir apparaitre. Ainsi, au ch. vii
de Daniel, les vents etaienten lutte sur la « grande mer », la Mediterranee, avant I'ap-
parition des Quatre Betes. Le contraste de la situation des deux Adversaires montre
deja quelle pourra etre Tissue du combat.
— — A. Ch. xiii, 1. Remarquer le changement arbitraire de cas, d'l-M a επί 2 (Int.,
c. X, § II). ονόματα est lalegon de A, al, rec. K.; mais N*, C, P, ont όνομα.
Β. 1. Pour la description de la Bete, en gros, cfr. celle des « Quatre Betes » qui
parait I'avoir suggeree Dan. vii, 2-suivants; — les « sept tetes »; cfr. le Dragon, xii, 3;
— les « cornes », voir Apoc. xvii, 12, et cfr. les 10 cornes de la 4^ Bete de Daniel vii, 24;
— « blaspheme » cfr. II Tliess. II, 4-suiv. — Voir la prolepse de xi, 7; « de la mer » :
XI, 7 : « de I'Abime » ; cfr. la vision de I'Aigle, IV Esd. xi, 1 : « Ecce ascendebat de mari
aquila ». — Autres rapprochements, infra, C, et Exc. xxx.
C. 1. Cette Bete, pour I'ensemble des exegetes anciens et modernes, est I'Antechrist
(Irenee, v, 28, 2, Hipp., Methodius, And., etc.). Andre parait la mettre en rapport avec
I'empire remain (v. au v. 3) et le rapport est bien plus manifestement exprime par
Victorin : « Regnum Antichristi, cum varietate gentium », puis, a propos du ch. xvii,
« Capita septem..., civitas romana ». Bossuet et son ecole, puis tous les modernes,
meme Gunkel malgre sa mythologie, ont reconnu ce rapport a I'empire romain, qui
est deja sufTisamment clair dans ce chapitre, et deviendra absolument manifeste au
chap. XVII (v. ad he).
Cette Bete, en efTet, d'apres le contexte et I'analogie des Betes de Daniel, ne peut
έtre qu'un pouvoir politique; elle represente — d'abord, mais non exclusivement,
comme nous I'etablirons, — celui de Rome paienne et persecutrice. C'estun des « sym-
boles majeurs » del'Apocalypse; apres qu'elle est apparue fugitivement dans la l'^ sec-
tion (xi, 7-suiv.), elle remplit la seconde de sa presence et de ses mefaits. Nous avons
vu dans ΓΙντ. c. v, ii, § I, 5 et nous preciserons encore dans I'Exc. xxx ses origines
traditionnelles possibles. Quelles que soient d'ailleurs ces lointaines influences, la plus
probable est que Jean n'a emprunte la figure que de Daniel; en effet, tous les traits
particuliers de la description, ici et au verset suivant, se retrouvent dans ce prophete,
ch. vii. Les 4 Betes de Daniel, ses 4 empires, se sont fondues en une seule figure, et le
nombre 7 des tetes reprosenterait I'addition des trois tetes respectives des trois pre-
mieres, avec les quatre tetes de la quatrieme [Holtzin., Joh. Weiss, possible pour
Bousset) ; on trouverait done encore ici une combinaison latente de 3 -|- 4. Ce n'est
d'ailleurs pas la seule raison de ce chiffre (v. Exc. xxx).
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
185
C. xiii. 1. Et je vis monter de la mer une Bete, ayant dix cornes et sept
totes, et sur ces cornes dix diademes, et sur ses tetes des noms de blas-
pheme. 2. Et la Bete que je vis etait pareille k une panthere, et ses pieds
[etaient] com me [ceux] d'un ours, et sa bouche comme la bouche d'un lion.
Et le Drag-on lui donna sa puissance et son trone et une grande autorite.
3. Et I'une de ses tetes, [je la voyais] comme ogorgee k mort, et sa plaie
mortelle {Hit. la plaie de sa mort) avait ete guerie. Et la terre entiere
s'emerveilla derriere la Bete. 4. Et ils se prosternerent devant le Dragon,
La Bete monte de la mer, comme I'Aigle d'Esdras; si nous nous rappelons le rap-
port de la mer et de I'Abime (voir viii, 1 ; xi, 7; xvii, 8), elle a une double origine, I'une
historique : c'est un empire ne a lOccident mediterraneen ; I'autre mystique : elle est
suscitee par I'Enfer. Ses sept tetes, a la difference de celles du Dragon, ne sont pas
les « espints de Beliar «, ou telle autre figure d'ordre moral, mais des empereurs,
comme Jean nous le dira lui-meme; il nous expliquera aussi que les « cornes » sont
des rois ou des royaumes (xvii). On a remarque que ce sont les cornes, et non les tetes
elles-memes, qui sont ici couronnees ; mais les unes et les autres sont des realites du
meme ordre. Ce n'est pas encore le lieu de les identifier, puisque I'attention se porte
tout entiere ici sur le Monstre lui-mSme qui les porte. Notons seulement que, puisque
les tetes sont des empereurs remains, done des souverains qui viennent I'un apres
I'autre, nous trouvons dans cette vision une representation simultanee de realites suc-
cessives, tandis qu'ailleurs (Cavaliers, Trompettes. Vae), c'etaient plutot des realites
simultanees, ou enchevetrees, qui apparaissaient sous forme de succession; I'Apoca-
lypse est on ne peut plus libre dans ses combinaisons symboliques. D'ailleurs, cette
combinaison de 7 tetes et de 10 cornes est bien peu plastique ; elle est plus « pensee »
que « vue » (Int. c. vii, viii, x, § III, xii).
Les « noms de blaspheme » doivent etre les litres divins, « Divus Augustus », etc.
que les empereurs s'arrogeaient. Bede : « Reges enim suos deos appellant, et velut in
coelum atque inter deos translates, quos etiam in terris Augustas, quod est nomen, ut
volunt, deitatis ». Si on lit le singulier ovo[jLa,il est naturel de supposer θεό? ou Σεβασ-ός,
« Augustus », qui avait le sens religieux d'un pouvoir de I'ordre divin. Rappelons-
nous aussi la « Dea Roma », adoree depuis si longtemps dans les adulatrices cites
d'Asie (Int. c. i; in, et comment, des ch. ii-m et Exc. xxx). Dans II Thess., ii, 4-suiv.,
I'Antechrist pretend de meme a la divinite [Holtzmann, Bousset, Calmes, Swete,
presque tons).
B. C. 2. Cette Bele, dit S^vete, condense en elle la puissance et les vices des
trois premieres de Daniel : I'agile ferocite de la panthere [Dan. vii, 6), la force massive
de fours [Dan. vii, 5), I'orgueil du lion [Dan. vii, 4) et aussi (v. infra) f insolence de la
bate innomee, aux dix cornes [Dan. vii, 7-suiv.).
Satan fa appelee de la mer, et il fattend pour lui donner finvestiture, devant le
grand spectacle d'instabilite des Hots. II lui donne sa puissance et son « trohe » ; son
trone de « prince du monde » detrone! L'ironie sereine et souveraine de saint Jean se
sent dans ce passage. C'est une ridicule parodie de fintronisation de f Agneau au
ciel (v. supra, int.); mais les habitants de la terre vont s'y laisser prendre.
L'Empire romain — ainsi que les autres pouvoirs qui lui ressembleront dans I'avenir,
tous symbolises, nous le verrons, par la Bete, — sont done vassaux de Satan, le ser-
pent deja ecrase; c'est pourquoi, si I'oii creuse jusqu'au fond du symbolisme, ils nais-
sent avec une plaie mortelle, qui n'est guerie qu'en apparence (v. 3). Telle avait ete
f experience des persecutions commencees ; la lumiere prophetique montrait au voyant
186 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
δρά-λοντι, 'ότι εδωκεν τήν έξουσίαν τω θηρίω, καο προσεχώνησαν *τω θηρίω λέγοντες*
Τις 'όμοιος τω θηρίω, και τίς δύναται χολεμησαι *μετ' αΰτοΰ ; 5. Και εδόθη αυτω
στόμα λαλούν μεγάλα και βλασφημίας, και εδόθη αυτω εξουσία *χοι•?(σαι μήνας τεσσε-
ράκοντα δύο. 6. Κα• ήνοιξεν το στόμα αϋτου εις *βλασφημ{ας προς τον θεόν, βλασφη-
μησαι το όνομα αυτοϋ και τήν σκηνήν αύτοΰ, *τούς εν τω οΰρανω '''σκηνοΰντας. 7. Και
εδόθη αυτω χοιγ^σαι -όλεμον *μετά των άγί())ν και νικήσαι αυτούς. Και εδόθη αϋτω
εξουσία έπι πασαν φυλή ν και λαόν και γλώσσαν και ε'θνος. 8. Και *προσκυνήσουσιν
que, depuis Neron, il en seraitde plus en plus franchement ainsi. L'Empire ne pouvait
plus etre presente eomme un principe d'ordre, ainsi que I'avait fait saint Paul, Rom.
XIII, 1, et S. Pierre, I Pet. ii, 13. Gomme la I Pet. date elle-meme des dernieres annees
de Neron, ce changement de ton et de point de vue dans I'Apocalypse est a lui seul
I'indice d'un temps assez posterieur (L>t. c. ii, xiii). Gependant, en choses licites et
indifferentes, les recommandations d'obeissance et de civisme des grands Apotres ne
sont pas abrogees pour cela (cfr. xiii, 9-10).
-^— A-B. 3. μίαν, accusatif, senible regi par εΤδΌν du v. 1, qui du reste a ete sup-
plee par Ap 11-95-2040, et plusieurs mss. de la i>ulg. — έθαυμάσθη (Ιθαύμασεν, κ, Ρ, Q,
minusc. pi., Aret.), forme passive a sens intransitif, cf. xvii, 8, v. Blass-Deb. § 78. —
Ισφαγίλένην, contrefaQon de I'Agneau « comme egorge », v, 6; cfr. xiii, 14; xvii, 11. —
« La plaie de sa mort » pour κ sa plaie mortelle » semble un semitisme.
C. 3. La Bete etant, sous un aspect, une caricature de TAgneau-Lion, cette bles-
sure et cette guerison sont rapprochees intentionnellement de la passion et de la resur-
rection du Christ, par I'usage du meme participe (Ισφαγμένην) ; on peut aussi comparer
la resurrection des 2 Tomoins (xi, 11-12). Plus loin, blessure et guerison seront attri-
buees, non a une seule tete, mais a la Bete elle-meme (xiii, 12, 14); c'est qu'il y a
flottement dans le symbolisme entre un empereur determine, et I'Empire dont il re-
presente le mieux le caractere nefaste (Int. c. vi). Nous examinerons plus tard les
rapports possibles de ce symbole onqq. la legende du « Nero redivivus ». Pour le sens, il
ne faut pas penser a une pure figure de I'avenir, a tel ou tel lieutenant de I'Antechrist
personnel, comme plusieurs anciens I'ont fait; mais, parmi les interpretations que
donne Andre, il faut en remarquer deux : a) I'empire romain, fractionne en dix, sera
reconstitue par I'Antechrist sous la forme monarchique d'Auguste; b) I'Antechrist fera
revivre le royaume de Satan, ruine par le Ghrist. Le symbolisme s'est inspire sans
doute de la premiere idee, Jean a pense a la puissance imperiale restauree apres
qu'on a pu croire a sa ruine (v. Int. c. xiv et Exc. xxx) ; mais il en etend le sens, pour
exprimer la seconde. Cette reviviscence perpetuelle de la Bete-Antechrist, c'est un
phenomene historique qui se reproduira a diverses epoques de I'histoire, au cours fati-
dique des 42 mois; nous I'entendons par consequent de la meme fagon que la resurrec-
tion des Deux Temoins (xi, 11-12) dont elle est la contre-partie, aussi bien que de celle
du Christ. Quant aux peripeties de I'histoire d'alors qui ont pu donner occasion a
I'emploi de cette figure, nous en parlous a I'Exc. xxx.
_^.^ A-B. 4. προσχυνεϊν se construit, tantot avec le datif, tantot avec I'accusatif ; ici
il est suivi dans les deux cas du datif (τω δράκοντι, ν, C, A, Q, P, Ajidre, Arethas, etc.,
I'accusatif est rare; et τω θηρίω χ, C, Q, Ρ, Arethas, qqs And., rec. K, contre το θηρίον
dans A, Av 40-79-2036, al.). Le seul accusatif est classique, et le datif est ordinaire
dans les LXX. Dans le N. T., le datif est uniforme, excepte dans Apoc, Joh., Luc et
Mat. (une fois) ou se rencontre occasionnellement I'accusatif. II semble que les cas
difTerents repondent a une double nuance du sens : I'accusatif indiquerait facte int^-
rieur et exterieur a la fois de latrie. qui ne se rend qu'a Dieu ou a un etre considore
APOCALYPSE DK SAINT JEAN. 187
parce qu'il avait donne Fautorite a la Bete, et ils se prosternerent devant
la Bete, disant : « Qui est pareii a la Bote, et qui peut guerroyer avec elle? »
5. Et il lui fut donne line bouche grandiloquente et [proferant] des blas-
phemes, et il lui fut donne faculte de faire [ses] quarante-deux mois. 6. Et
elle ouvrit sa bouche en blasphemes centre Dieu, pour blasphemer son
nom et son tabernacle, ceux qui ont leur tente dans le ciel. 7. Et il lui fut
donne de guerroyer avec les Saints, et de les vaincre. Et il lui fut donne
autorite sur toute tribu et peuple et languc et nation. 8. Et ils Tadoreront,
commedieu; le datif exprime plutot le gesle exterieur de prosternement, soil devant
Dieu, soil devant tout etre qu'on honore comme un superieur. Ces nuances sont tres
visibles si Ton compare Mat. iv, 9 et iv, 10, ou le demon demande a Jesus un acte exte-
rieur de soumission, qui n'est du, lui repond le Glirist, qu'a Dieu qu'on adore; cfr.
Luc. IV, 8, parall. a Mat. iv, 10, et xxiv, 52 (adoration par les disciples du Christ res-
suscite, cfr. Joh. xx, 28); comparer aussi Joh. iv, 21 (rites exterieurs du culte, en
premier lieu) auxversets suivants, 22, 23, 24, oii il s'agit d'adoration a la fois spirituelle
et materielle. Dans VApoc, on lit le datif i v, 10 (geste des Vieillards), vii, 11 (gestes
des Anges), xi, 16 (geste des Vieillards), ici xiii, 4, puis xiii, 15 (veneration de I'image
de la Bete), xiv, 17 (equivalent a « donner gloire a Dieu »), xvi, 2 (image de la Bete);
XIX, 4 ; 10 deux fois (geste) ; id. xxii, 9 ; xix, 20 (devant I'image). Par contre, accusatif ix, 20
(polytheisme), xiii, 8 et 12, ainsi que xiv, 9, 11 et xx, 4, passages oii il s'agit toujours
de la Bete, et que nous aurons a expliquer. Mais deja cette petite enquete nous montre
que la distinction de sens parait bien fondee ; elle est d'une grande importance, comme
nous aliens bientot le voir. Aussi, suivantle cas, avons-nous cru devoir rendre προσκυνάω
par deux mots dilTerents en francais (voir Abbott, Joh. gr., §§ 16Ί0-1651 et 2019). —
πολ. μετ' αύτοΰ, cfr. ii, 16; xii, 7; xvii, 14. Int., c. x, § II. — τ(ς δμοιος κτλ. est comme une
imitation des louanges divines dans Ex. xv, 11 et plusieurs passages des Psaumes
[Sf^'ete).
C. 4. Le monde s'incline devant la force brutale de I'Empire des Cesars, et se
soumet de corps et d'ame au principe qui I'inspire, et qui, pour saint Jean, n'est
autre que le Dragon. Ge Dragon remplit a I'egard de sa Bote le meme role que Dieu
a regard de I'Agneau (ch. v, vid. supra). II ne s'agit pas encore, croyons-nous, —
a cause du datif, — de Tadoration proprement dite des empereurs, mais plutot d'admi-
ration et de soumission servile. Bousset, Calmes, Swete, et presque tons, y voient
deja le culte imperial, parce que le processus en etait deja commence, et cela des
le premier siecle avant notre ere (Exc. xxx). Mais il faut respecter la gradation de
Jean, qui ne parlera en termes sans ambiguite de ce culte qu'a partir du v. 8.
— ^— A. B. 5. εξουσία ποιησαι : il n'est pas necessaire de suppleer δ θέλει (ν) ou
πόλεμον [rec. Κ, qqs And.), ou de changer en πολεμησαι {Orig., al.) : ποιεΤν absolu peut
signifier « agir », ou bien etre pris au sens du latin « facere diem, annum »; comme
Mat. XX, 12 : μίαν ώραν εποίησαν et Act. xx, 3 : ποιτ^σας τε μήνας τρεΓς. L'expression fami-
liere fran^aise que nous avons choisie « faire [ses] quarante-deux mois », y repond
a peu pros litteralement — σττο'μα λαλ. μεγ., expression de Dan. vii, 8, 20; — 42 mois,
cfr. supra, les chapp. xi et xii. — εδόθη, cfr. les sauterelles, ix, 5.
G. 5. « II fut donne » a cette Bete, soit par le Dragon, soit par Dieu, au sens large
d'un decret permissif dans ses desseins mysLerieux, une bouche ari'ogante, blasphe-
matrice, comme a la « petite corne » de la 4<^ Bote de Daniel, c'est-a-dire a Antiochus
Epiphane, type ancien de I'Antechrist [Dan. vii, 8, 20, 25). Elle aura sa liberie d'action
pendant 42 mois, mais pas davantage; son temps est strictement limite {okl-^oz, /.αφο'ς
188 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
*αυτον ζάντες ot κατοικουντες επί της γης, *ου ου γέγραχται το όνομα αυτού εν τω
βιβλ(ω της ζωής τοΰ άρνίου τοΰ έσφαγμ,ένου *άπο καταβολής κόσ;/ου.
9. Ε'ί τις έ'χει οδς, άκουσάτω. 10. Ει' ης *είς αίχμαλωσίαν, εις αίχμαλωσίαν
ύττάγε!," ει τις *έν *μ-αχαίρη ά-οκτενεϊ, δει αϋτον *έν *μ,αχαίρη ά-οκτανθηναι. Ώδε
έστιν ή ύ7:ο;^-ονή και ή χίστις των άγιων.
11. Και ειοον άλλο Οηρίον άναβαΐνον εκ της γης, και ειχεν κέρατα ούο ομ.οια
*αρνύο, και έλάλει ως οράκο^ν. 12. Και την έςουσίαν του ιζρύηοΐ) θηρίου πασαν ποιεϊ
du Dragon, χιι, 12). II durera juste autant que la profanation du Temple et la predi-
cation des 2 Temoins (xi, 3) et que la retraite de la Femme au desert (xii, 6, 14.).
Nous saisissons ici le lien etroit qui unit toutes ces scenes; ce sont evidemment
des evenements simultanes, ou divers aspects d'une meme periode. En realite les
42 mois s'etendront jusqu'a la Parousie (v. Exc. xxiii; comment, du ch. xvii; du ch. xx);
cependant c'est δλίγος κχφός pour le Dragon, etre de nature angelique qui compte les
jours par mille annees, et pour les martyrs deja recompenses au ciel (vi, 11) v. Exc.
XIII.
—^ A. B. 6. βλασφημίας, (Ν, G, etc. vidg.), ailleurs le singulier. — καί ajoute
entre τήν σκ. α. et τουςσκην. (h}*^, Q, nombreux And., versions, Iran.) parait n'etre qu'une
addition pour faciliter le sens. Prim. : « tabernaculum ejus qui in coelis inhabitat »
(του Iv oup. σκηνοΰντος ?) ; τους σχηνον3ντας n'est donc sans doute qu'uue apposition a σκηντήν;
et, puisqu'il s'agit de I'habitation des cieux, σκηνή designe une demeure permanente ;
cfr. XII, 12; vii, 15; xxi, 3; on rencontre epars les solecismes assez habituels σχηνοΰντες
(n), al. /ατοικοΰντες, οίκοΰντες.
C. 6. La Bete « ouvrit la bouche », pour ne plus la farmer; elle prelude a des dis-
cours qui blasphement le « nom de Dieu », peut-etre parce que les Cesars s'arro-
geaient le nom incommunicable. Le « Tabernacle » n'est certainement pas celui de
Jerusalem, centre plusieurs qui voient ici une source juive, et I'apposition de σκηνουντας
a σκηνη'ν rend tres probable I'interpretation spirituelle a'Andri : I'habitation de Dieu
dans le coeur des Saints, meme des ici-bas par la grace, et plus tard au ciel; cfr. vii,
15 : σκηνώσει 1% αυτούς.
—-' Δ. Β. 7. έδο'θη'-2 omis C, A, et quelques autres, par homoioteleuton. — πολ.
[Αετα, Int. c. x, § II. — « Faire la guerre avec les Saints, et les vaincre », comme
Dan. VII, 21, dit de la « petite corne »; cfr. aussi Apoc. xi, 7. — φυλη'ν λαο'ν, etc.,
expression stereotypee, cfr. vii, 9; xi, 9, etc.
C. 7. « II lui fut donne... de vaincre » les saints, comme aux sauterelles, ch. viii,
de tourmenter les hommes. Comme rien ne se fait en dehors du plan divin, c'est
une concession divine temporaire ; les fideles ne doivent donc pas s'en decourager.
L'expression rappelle tout a fait xi, 7; il n'y a donc pas de doute qu'il s'agisse des
memes evenements, se deroulant pendant 42 mois (avec les 3 jours 1/2 de la fin,
apogee de la puissance du mal, νικησαι), et ceci confirme encore I'interpretation des
« Deux Temoins » par les Saints en general. Le pouvoir de la Bete est si etendu
qu'il n'y a pas de refuge contre elle, sauf celui de la vie surnaturelle interieure,
symbolise par la retraite de la Femme au desert et les images similaires (v. xii, 6, etc.),
tandis que le Dragon, au nioyen de sa Bete, fait la guerre a la descendance de la
Femme, cfr. xii, 17.
■ A. B. 8. Bien remarquer le futur ζροσκυνήσουσι, dans I'universalite des textes,
et Vaccusatif αυτόν (masculin, car la Bete est un etre personnel) ; αύτω est beaucoup
moins bien atteste (x, And.). Vid. supra, au v. 4. A. B. — ου... αυτού dans G, A, ών...
αυτών dans Ν", qqs And, syr.; il faut conserver Γ « hebraisme » (Int, c. x, § II), et
sans doute aussi la faute du passage au singulier, contre Soden. — άπο κατ. κόσμου
APOCALYPSK DE SAINT JEAN. 189
tous ceux qui habitent sur la terre, de qui le nom ne se trouve pas ecrit
dans le livre de vie de I'Agneau egorg-e, depuis la fondation du monde.
9. Si quelqu'iin a des oreilles, qu'il ocoute. 10. Si quelqa'un [est destine]
a la captivite, il s'en va en captivite ; si quelqu'un tue avec I'epee, il faut
que lui-meme soittue avec I'^pee. Ici est la patience et la foi des saints.
11. Et je vis une autre Bete monter de la terre, et elle avait deux comes
pareilles a un agneau, et elle parJait comme un dragon. 12. Et I'autorite
de la premiere Bete, elle [Γ] exerce toute en face d'elle. Et elle fait que la
doit etre joint, non a εσραγ[Αένου, malgre le beau sens mystique que cela a fourni a
d'anciens commentateurs, mais a γέγραπται, comme le prouve la comparaison avec
XVII, 8 (v. ad loc.) — « livre de vie », cfr. iii, 5, etc., v. Exc. xvi; il appartient
a Γ « Agneau immole », cfr. v, 6, qui a aussi ouvert le livre aux sept sceaux.
C. 8. Jean a eu la vision du pouvoir immense de cette Bete, et de ses persecutions;
ce sont choses du passe et du present, il employait done des aoristes; maintenant,
la lumiere prophetique lui fait voir qu'on Vadorera, au propre (cfr. ix, 20, encore
Vaccusatif δαιι^ονία, le polytheisme), en la prenant pour un dieu. Personne ne doutc
plus qu'il s'agisse ici du culte imperial. Mais la pleine realisation de ce trait de
la vision, et de tout ce qui suit, 12-suiv., est encore reservee a I'avenir (Exc. xxx).
— — B. C. 9. Formule evangelique; cfr. aussi I'avertissement a la fin des Lettres,
ch. ii-iii. Jean attire I'attention des chretientes d'Asie sur la gravite tres actuelle
de I'avertissement qui va suivre; il est en meme temps d'une portee generale.
— ^— A. 10. ε/ει pour εις [rec. K, qqs And.); αιχμαλωτίζει pour ε?ς atyp.., ou, apres
αίχμ., addition de απάγει ou συνάγει (qqs And., Iran., Orig., Prim., syr.; vulg^^^™- : « duxe-
rit», g). Nous avons choisi la logon de A, de nombreux And., de arm., fuld., avec
W-H, Nestle, etc. ; le second εις άιχμ. a ete aisement omis par suite d'homoioteleuton ;
d'oii la legon pure et simple : ει' τις εις αϊχμαλωσίαν, υπάγει de i<, G, ρ, Q, Apll-95-2040,
And., admise de Soden comme plus probable; Bousset admet απάγει, et ci-oit que ce
mot a ete supprime par assimilation a Jer. xv, 2 : δσοι εις θάνατον κτλ. — εν μαναίοη bis,
εν instrumental et forme ionienne, admise de W-H, etc., non de Soden (Int. c. x, S II)
— ωδε au sens de « ici », cfr. xiii, 18; xiv, 12; xvii, 9; ώδε εστίν, pour attirer I'attention,
au sens local ordinaire, hellenistique, iv, 1; xi, 12.
B. C. 10. Notre-Seigneur, quand on le faisait captif, avait dit a Pierre : « Tous
ceux qui auront pris I'epee periront par I'epee » Mat. xxvi, 52. Jean avertit de meme
les fideles qu'il faudra se resigner aux arrestations et aux autres maux; I'Eo-lise
ne doit pas resistor aux persecutions par la force; confiante dans le secours de Dieu,
elle monlrera ainsi sa foi et sa patience. Ainsi comprend Swete, et tres cxactement,
a notre avis. Ce passage, dont I'importance est reievee par ravertissement du v. 9,
est bon a retenir centre ceux qui, comme Rcnan, parient du « fanatisme » de I'Apo-
calypse. D'autres admonitions de meme nature interrompeut le recit des visions,
dans cette section si actuelle pour les chretiens d'Asie, aux passages cites ci-dessus.
A. B. C. 11. δμοια άρνίω, ellipse tres dure — Και είδον marque ici, non pas un
changement de vision, mais un progres dans la vision unique. Du v. 11 au v. 17
saint Jean montre comment I'univers en viendra a adorer la Bete ; toute cette poricope
lui sert a I'expliquer, par un precede qui lui est habituel (xii, int.) (προσκυντίσουσι du
V. 8). Elle regarde done I'avenir, comme ce verset 8, quoique ces evenements soient
en germe dans le present.
Cette « Autre Bete » monte de la terre, (;'est-a-dire de I'Asie, par opposition a la
« Mer », aux pays occidentaux, d'ou la Premiere etait venue. Par ses cornes, elle res-
190 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
ένώ-ιον ajTSJ. Kai -oieX *την γην καΙ τους εν al)~f^ κατοικοΰντας *ί'να *7:ps!j/,'j-
νήσουσιν το Ητ,ρίοΊ το τρώτον, ου έθερα~εύθη ή πληγή τοΰ θανάτου *Λυτου. 13. Καΐ
*7:οιεϊ σημεία μ.εγάλα, *ϊ'να και ττΰρ τ:οι•?) έκ του ουρανού καταβαίνειν ε'.ς τήν γην
ένώ•;:ιον των άνΟρώζων. 14. Καί ζλανα τους κατοικουντας έ•::ί της γης οια τα σημ.εϊα
α έοόθη αϋτω ζοιησαι ένώχιον τοΰ θηρίου, *λέγων τοις κατοικουσιν έ-ί της γης ποίησα»,
εικόνα τω θηρίω, *ος εγει τήν πληγήν της *μ.αχαίρης και έζησεν. 15. ΚαΙ εδόθη
αΰτω δούναι πνεύμα τη εΐκόνι του ^τ,ρίοΐ), ϊνα και λαλήση ή εΐκών τοΰ θηρίου, και
semble a un agneau, elle est benoite et parait a peine armee; mais son langage est
celui d'un dragon; cf. Asc. Is. iv, 6, ού il est dit de Beliar-Neron : « Faciet ac loquetur
sicut Dilectus. » II y a evidemment, malgre I'absence d'articles, un rapprochement
voulu avec « I'Agneau » et « le Dragon » ; c'est-a-dire que cet etre malfaisant cherchera
aussi, a sa maniere, et sous un autre aspect que la Bete de la Mer, a ressembler au
Christ; ailleurs il reparaitra sous la designation de « Faux Prophete », xix, 20; xvi, 3;
XX, 10; Jesus avait dit, dans le sermon sur la montagne : « Prenez garde aux faux
prop/ieies, ceux qui viennent a vous i'eius en brebis, mais interieurement sont des
loups ravisseurs » [Mat. vii, 15), et, dans I'Apocalypse synoptique, il avait premuni
ses disciples contre I'apparition de tels seducteurs dans les « novissima tempora ». Le
caractere de celte Deuxieme Bete, autochthone, est d'ores et deja suffisamnient indique ;
e'est une puissance d'ordre intellectuel et religieux, et non plus politique, comrae la
Premiere. Nous verrons qu'il est vain de chercher son origine dans aucune mythologie,
et qu'elle ne peut signifier que des religions locales syncretistes, analogues au chris-
tianisme par certaines apparences superficielles, et, secondairement, les philosophies
mystiques futures, peut-etre aussi les heresies (Exc. xxx).
G'est I'autre face de I'Antechrist; le Dragon a reussi, autant qu'il le pouvait, a se
faire son Agneau a lui, mais en deux morceaux, pour I'opposer a Γ « Agneau egorge »,
au « Lion de Juda », qui regno deja sur la terre, et I'a vaincu au ciel.
' ' A. C. 12. Remarquer la construction t.ouX τήν γην... ϊνα... (Ικτ. c. χ, § II);
έ-οίει 0U -οιήσει seulement dans quelques mss. ; προσκυντίσουσι, futur (Int. c. x, § II) dans
G, A, al.; ailleurs, -σωσι. — Le datif τω θηρ. ne se trouve que dans quelques mss.
And.; — Γ « hebraisme » οδ... αυτοΰ. — La guerison de la blessure mortelle est la cause
qui fait la terre entiere adorer la Bete {supra), la « Bete » et la « Tete » sont done ici
identifiees; nous verrons plus loin ce que cela signifie (Ι.\τ. c. vi et Exc. xxx). II s'agit
ici du succes universel du culte imperial; il faut le prendre au sens large de la menta-
lite generale causee par la religion polytheiste, la philosophie mystique et les heresies
paganisantes.
— — — A. B. C. 13. Encore, par-ci par-la, ir.oUi ou ποη\σει — Ici,Tva = ώστε, en sorle
que (Int. c. x, § I-II). — Comparer les miracles des vrais prophetes, comme Elie, I Reg.
xviii, 38; II Beg. i, 10, et ceux des « Temoins », xi, 5. La B^te de la terre donne done
des « signes du ciel », et imite par ses prestiges les merveilles des plus authentiques
envoyes de Dieu. Notre-Seigneur I'avait predit, Marc xiii, 22, et parall. ; cfr. aussi
II Thess. II, 9, les prodiges de Γ « homme de poche ». La base historique de cette
description peut etre le charlatanisme des pretres et des thaumaturges paiens, v. infra,
V. 14 et 15.
A, B. C. 14. λέγων et 2; (pour 8, dans G, A, Q, g, nombreux And.), accords
ad sensum plutot que solecismes. — εΙ'-/εν pour ε/ει, rec. K. ; — ι^α/αίρης, forme ionienne,
comme ci-dessus (L\t. c x, § II). — εδόθη, cfr. v. 5. — Le Faux Prophete opere ses pres-
tiges devant la Bete, c'est-a-dire devant les Empereurs et leurs representants, ayec
leur faveur; le resultat, la mentalite intellectuelle, sociale et mystique, symbolisee par
la 2•-' Bete, est de fortifier le culte imperial. On sait le role que joua la statue de I'em-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 191
terre et ceux qui y habitent adoreront la premiere B6te, dont la plaie mor-
telle [litt. la plaie de sa mort) fut guerie. 13. Et elle fait des signes grands
[et prodigieux], au point meme de faire descendre du feu du ciel sur la
terre en face des hommes. 14. Et elle egare ceux qui habitent sur la terre,
a cause des signes [prodigieux] qu'il lui a ete donne de faire en face de la
B6te, disant k ceux qui habitent sur la terre de faire une image a la Bete,
quia la plaie de Fepee, et a [surjvecu. 15. Et il lui fut donne de donner
un esprit a I'image de la Bete, en sorte meme que I'image de la Bote parMt,
pereur dans le jugement des chretiens devant les proconsuls (Ep. 96 de Pline, etc.,
V. Exc. xx\i. Le culte imperial en vint peu a peu a resumer tout le systeme religieux
du paganisme romain. L'addition du genitif της (χαχαίρης pourrait etre une allusion
a la mort de Neron; nous verrons, dans I'Exc. xxxiv, jusqu'a quel point et dans quel
sens I'idee populaire du « Nero redivwus » a pu induer sur ce symbolisme. Cfr. Asc. Is.
IV, 6-13 (chretien, posterieur a YApoc.) sur le culte de Beliar-Neron.
' A. B. C. 15. εδόθη, v. supra, v. 5, 14. — Par-ci par-la, εικόνα pour εΐ/.όνι, et
ποιήσει. — Ιάν pour οίν, hellenistique. — Deja Andre, pour qui toutefois il s'agit d'un
avenir lointain, sous I'Antechrist de la fin des temps, rapproche ce prodige de ceux
qu'on pretait a Apollonius de Tyane. Ainsi Arethas, (Ecumenius. La superstition des
statues parlantes {Recognitions Clementities in, 47) et mouvantes [Lucien, de Dea Syria,
lOj etait alors assez repandue; c'etait un phenomene de ventriloquisme, ou bien un
homme etait cache a I'interieur. L'auteur prend cela comme type des prestiges de la
superstition syncretiste, mais ce n'est qu'une pure image ou allegorie, car on ne con-
nait pas d'exemple de ces jongleries dans le culte imperial. Les chretiens furent en
efTet condamnes a mort pour refuser de bruler de I'encens devant la statue de I'empe-
reur. Nous pouvons done entendre προσκ. avec le datif comme signifiant ici un acte
exterieur de veneration religieuse (v. supra, A. B. 4.)
■ A. B. 16. /αράγιχατα pour le singulier, Orig., rec. K.; ce terme peut avoir ete
choisi parce que c'etait le nom technique de I'esfampille imperiale sur les pieces ofli-
cielles [Dcissmann, Bill. Stud., cite par Swete; cfr. LO^, pp. 255 suiv.). — Remar-
quer le changement de cas apres le. deuxieme ΙτΛ; ΙπΙ του [χετώπου de C-o3-04, ou ε.
των [χετ. de Q-1070-O46 etc. sont des corrections; mais on a ici affaire a un usage cons-
tant de I'Apocalypse : « Grammar of ungrammar » (Lxt. c. x, § II) — ποιεί πάντας...
Ίνα, cfr. le v. 12. — ποιη'σει pour ποιεί, dans Hipp., {<•=, 1073, vulg. — [χικ. και |χεγ., union
de termes caracteristique du livre, xi, 18; xi\, 5, 18; xx, 12; enumerations du meme
genre, passim (Ιχτ. c. x, .§ III). — Ce « signe de la Bete », qui se retrouvera xiv, 9,
11; XVI, 2; xix, 20, contraste avec le « signe de Dieu » vii, 3; ix, 4, etc.; cfr. Ps. Sal.
XIV, 8-Suiv. : ουκ εκφεύςονται οι ποιουντες άνο;χίαν το κρί[χα κυρίου... το γαρ σηιχεΤοΐί της απώλειας
επ\ του [ΐετώπου αυτών.
C. 16. Ainsi les adorateurs de la Bete seront marques d'un signe, comme I'avaient
ete ceux du vrai Dieu au ch. vii; toujours ce parallelisme, cette contrefagon diabolique
des realites surnaturelles.
Que peut ^tre proprement ce χάραγιχα, impose aux hommes de toute condition, comme
marque d'appartenance a Cesar-Dieu? Ainsi furent marques, a la fa^on des b^tes de
troupeaux, les esclaves, et, a une certaine epoque, les soldats. L'interpretation qui y
voit tout simplement I'usage des monnaies portant I'efligie de I'empereur [Mommsen,
Spitta, Erbcs. Iloltzm., etc.) est assez plate, et tout a fait hors de situation, car cela
ne pourrait etre .symbolise par une marque sur le front, et les chretiens n'ont jamais
ete des fanatiques refusant de se servh• des monnaies courantes. Le /άραγιχα pourrait
i92 APOCALYPSE UE SAINT ,ΙΕΑλ'.
χΰΐήστ] ?va όσοι *εαν [λή ζροσκυνήσωσιν *r?i είκόνι του θηρίου άτϊοκτανθώσιν. 16. Και
ποιεί *πάντας, τους μικρούς και τους μεγάλους, ν.αι τους πλουσίους και τους πτωχούς
και τους έλευθε'ρους και τους οούλους, 'ίνα δώσιν αύτοΤς *-/άραγμα έπΙ *τϊ|ς χειρός
αυτών της οεξίας ή έπΙ *το μέτωπον αυτών. 17. [Και] ίνα μή τις ϊυνηται άγοράσαι
ή πωλησαι ε', μή ό i"/ojv το χάραγμα, *το όνομα του θηρίου ή τον αριθμόν του ονόματος
αύτοΰ.
18. "Ωοε ή σοφία εστίν. Ό έχον; νουν ψηφισάτω τον αριθμόν του θηρίου' αριθμός
γαρ ανθρώπου εστίν. Και ό αριθμός αϋτοΰ εςακόσιοι έςήκοντα ες.
etre le sceau de Tempereur [Deissmann, supra), comme on I'a pense de Grotius a DUs-
terdieck, sous la forme d'un chifTre (verset suivant) ; peut-etre I'auteur a-t-H pense a
quelque chose d'analogue aux « tephillim » des Juifs pieux [Boussei), ou au passage
d'/s. xLiv, 5 : « Un autre (parmi les gentils) ecrira sur sa main : A Jahweh! » On peut
m^me y voir, au sens propre, uu tatouage religieux, suivant un usage alors connu
(v. entre autres,ARW, Avril 1911, P. Perdrizet, La miraculeuse histoire de Pandare et
d'Echedore, suivie de recherches sur la marque dans I'Antiquite, et Clemen, pp. 180-
181). Le sens est surement allegorique, et c'est trop d'esprit de systems que de chercher
encore ici, avec Bousset, d'anciennes traditions eschatologiques; notons seulement,
apres Swete, que, dans III Mace, ii, 29, Ptolemee Philopator fait marquer les Juifs du
signe religieux de Dionysos (cfr. Isa'ie, supra). L'explication la meilleure parait 6tre
celle de Rnmsny, Letters, pp. 110-111 : il s'agirait de certificats, de « libelli », comme
de fait il en fut donne aux apostats pendant la persecution de Dece, et le signe' sur le
front serait la traduction allegorique d'une reputation universellement etablie de
devotion a I'empereur.
— ^— A. 17. τό δνομα κτλ, apposition a το -/άραγμα. — ή = τουτ' εστίν; — το ον. rem-
place par le genitif (C, al., vulg., syr.. Iron), ou omis(o501, al.) ; Q porte τον άρ. τοΰ θηρίου
η τον αριθμόν του δν. αύτοΰ, amplification pour la clarte.
C. 17. II s'agit d'un « boycottage » universel des Chretiens, qui se trouvent mis au
ban de la societe pour ne s'etre pas pretes aux exigences du culte imperial. Bousset a
tort de voir dans ce trait une interpretation rationaliste faite par I'Apocalyptique de
quelque image traditionnelle plus grandiose. Non, il faut le prendre a la lettre, tel qu'il
se realise de fait, mais plus tard. Saint Jean, avec quelque sarcasme, mele la nue
description d'un fait proprement historique (mais de I'histoire future), aux allegories
du morceau. L'idee de Jean est surement originale, et eminemment prophetique, pour
peu qu'on pense a la forme que la procedure contre les Chretiens prit des le ii^ siecle,
mais surtout dans les persecutions du iii^ (Exc. xxx).
— ^— A. B. 18. ους pour νουν, Ν* — δέκα pour εξήκοντα, G et quelques textcs perdus,
critiques par Irenee {infra), ce qui donne 616 au lieu de 666. — ώδ^ε κτλ, formules
analogues xiii, 9; xvii, 9. — άνθριόπου άριΟ[α.ος peut se rapprocher de άνΟρώ-ου μέτρον, xxi,
7 ; mais le sens est sans doute different.
C. 18. Voici bien, de toute I'Apocalypse, le verset qui a le plus tourmente I'esprit
des commentateurs, et stimule la sagacite de beaucoup d'autres qui n'avaient aucun
droit au nom d'exegetes. II serait impossible de dire toutes les divagations auxquelles
il a prete, du Moyen Age aux jours les plus recents ; et peut-etre le mystere n'est-il pas
encore entierement eclairci.
Ce mystere, toutefois, ne devait pas έtre aussi profond pour les premiers lecteurs
d'Asie. Jean ecrivait pour leur utilite; le nombre devait les aider a comprendre cette
vision, qui regardait surtout I'avenir, plutot que les exciter a un jeu pueril de
casse-tete. La dignite de cette scene, et de tout le livre, s'y oppose, non moins que
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 193
et qu'elle fit que tous ceux qui ne se prosterneraient pas devant Finiage cle
la B6te fussent tues. 16. Et elle [les] fait tous, les petits et les grands, les
riches et les pauvres, les hommes libres et les esclaves, [elle fait] qu'ils se
donnent [ou qu'on leur donne) une empreinte sur leur main droite ou sur
leur front. 17. [et] que personne ne puisse acheter ou vendre sinon celui
qui a I'empreinte, le nom de la Bete, ou le chiifre de son nom.
18. Ici est la Sagesse ! Que celui qui a de Fintelligence calcule le chiifre
de la Bete! Car c'est un chifire humain. Et son chiifre [est] six cent soixante-
SIX.
la solennite de I'avertissement. 11 etait important, urgent pour eux de deviner sure-
ment; c'est done qu'ils en avaient les moyens. Par mallieur, ils ne nous les ont pas
transmis; et la tradition, s'il en a existe une, etait perdue des le temps d'Irenee [infra,
Exc, xxxi).
Nous ne pouvons done, sur ce verset fameux, que proposer des conjectures ; mais
il y en a une particulierement plausible.
Que signifie d'abord άνθρωπου «ϋριθμος? Hollzmann (avec Diisterdieck, Wet/land,
Gunkel) repond : Un nombre calculable, un nombre auquel il soit facile de trouver
un nom qui corresponde; cfr. ρέτρον avSpujjTOj de xxi, 7 ; car, dit-il, si cela voulait dire le
chiffre d'un homme determine, il aurait fallu ajouter Ινός ou τίνος. Mais cette exio-ence
grammaticale est contestable (v. Corssen ZNW, iii, 239); d'ailleurs le contexte de
XXI, 7, n'est pas du tout analogue; la il ne s'agit pas d'un secret. 'AptSij-o? άνθρώ-ου ne parait
done pas signifier « un nombre doat le calcul est a la portee de I'homme », mais plutot :
« un nombre d'homme », le chiffre correspondant au nom, ou a la quaiite, d'un homme
determine. Et, ce chiffre etant donne, ψηφισάτω veut dire : « Interpretez-le, cherchez-en
le sens symbolique par un calcul. » II s'agit done evidemment d'une « gematria »
(Int. c. V, i, § II), procede tres usuel a cette epoque, chez tous les peuples mediter-
raneens.
Mais pourquoi tant de mystere? Jean n'etait pas homme a proposer des devinettes
pour le plaisir. L'Apotre voyait une persecution generale poindre a I'horizon; lalumiere
prophetique lui avait devoile le caractere qu'elle prendrait. II tenait a en avertir ses
fideles, pour leur bien, mais d'une maniere qui demeurat obscure pour les pai'ens aux
mains desquels le livre serait tombe. C'est qu'il allait toucher a la sacrosainte majeste
romaine; il ne fallait pas qu'on put y trouver centre les Chretiens une charge de lese-
majesto. Ce n'est done pas la simple habitude apocalyptique, c'est un calcul de pru-
dence qui I'a fait parler de cette fagon obscure ; de meme, au chap, xvi, il cachera
le nom de Rome sous celui de Babylone, et, dans la /» Pet, v, 13, saint Pierre a pro-
bablement choisi ce meme nom pour les memes raisons. L'obscurite ne devait pas
cependant etre trop grande : si les lecteurs n'avaient eu a I'avance la moindre idee du
personnage, au moins de I'espece d'hommes dont il s'agissait, ils n'auraient jamais
pu resoudre d'eux-memes I'enigme, quelle que fut la penetration de leur νους; car une
seule et meme « gematria » peut s'interpreter par une iniinite de noms divers, comme
le prouve bien I'histoiro exegetique de ce verset. Les Asiatiques savaient done ou
chercher la cle; il s'agissait d'un homme, — ou d'une categoric d'hommes, qu'ils
connaissaient suffisamment, et sur lequel leur attention etait deja mise en eveil• le
chiffre doit leur exprimer d'une certaine maniere I'identification de la Bete avec cet
homme ou cette classe d'hommes, qui la represente typiquement, en sorte qu'on puisse,
par le caractere connu du type, etablir siirement I'identite de la Bete, et juger du
caractere de la persecution dont elle menace.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. [3
j^94 APOCALYPSE DF. SAINT JEAN,
Mais cette « gematria » est-elle simple? On peut le supposer; mais on pent penser
aussi bien qu'il y avail encore « isopsephie '» : 666 aurait ete deja le chiffre bien
connu de quelque entile fabuleuse ou eschalologique — soil, a lilre d'exemple, le
« Monslre du Chaos », « T<^hom Qadmoniya » de Gunkel; I'enigme, alors, eut consiste
seulemenl a Irouver un nom d'horame ayant la meme valeur numerique. Ou bien
encore, 666 pouvait avoir par lui-m^me, independamment de loule gematrie, un sens
delermine par la mystique des nombres ; saint Jean eut dit a ses lecleurs : « Parmi
des noms d'hommes connus, decouvrez-en un qui vaille numeriquement 666, chiffre
dont vous connaissez la signification ; quand vous I'aurez trouve, vous comprendrez
alors tout a fait ce que j'entends par la Bete, cela precisera le rapport concret ou vous
serez mis avec elle; vous saurez sous quelle forme el dans quelles circonstances ma
vision doit s'appliquer a vous, et en meme temps vous pourrez entrevoir le sort que
reserve a cet Antechrist le Dieu qui vous protege. »
Tout cela est possible! Pour choisir, il faut avant tout savoir (puisque, en loute
hypothese, 666 est une « gematria «, quoiqu'il puisse etre encore autre chose), quel
nom d'homme il peut representer. Au milieu d'une multitude d'essais de dechiffrement,
la plupart Ires arbitraires, dont nous donnerons plus loin des specimens, il n'y a a se
recommander ά priori que ceux-la qui cherchent parmi les empereurs remains, con-
temporains ou anterieurs, puisque, d'apres le ch. xvii (v. ad loc), que confirme le ton
de tout le morceau, la Bete est le support commun des Sept Teles = sept empereurs,
et la monture de Rome-Babylone. Deux seuls dechiffrements sont vraisemblables :
Γαϊός Καίσαρ, en grcc, {Caligula), OU bien Καίσαρ θεός de Deissmann, LO, p. 258, pour
qui admet le nombre 616; et ρΊ3 IDp, « Q<'sar Neron », pour qui maintient, comme il
se doit, 666. L'exegese, sans doute Iraditionnelle, de Victorin (Int. c. xiv, § II), la con-
naissance que nous donnent I'histoire profane et les Apocryphes de la popularite
qu'avaient, justement a cette epoque, les legendes du « Nero redux » ou c Nero redi-
vivus » enfin plus d'un trait de noire texte, nous font decidement pencher vers cette
deuxieme solution, devenue commune depuis qu'elle a ete lancee par Fritzsche, Benary
et Hitzi"' (Int. c. xiv, § VIII). Les difTicultes qu'elle offre ne sont rien en comparai-
son de ceiles des autres hypotheses; aussi nous y rallions-nous, encore un peu sous
benefice d'inventaire (Exc. xxxi).
Nous sommes encore portes a croire, avec Vischer et Boiisset notamment, que 666,
chiffre de Neron, etait, non une double gematria, mais un nombre au sens mystique
consacre. Forme de Irois six, il exprime au plus haul degre I'idee de ce nombre, que
nous avons cherche a elucider ci-dessus (Exc. xxiii sur 42). La Bete sera un pouvoir
incomplet (6 =: 7 — 1), sa domination est une chose manquee {Briggs, Milligan, Swete) ;
elle s'etendra pourlant sur les six periodes traditionnelles, les six « millenia » de
I'histoire du nionde (idee qui remonte a Ircnee, v. infra) ; de meme que 42, autre
multiple de 6, mais aussi de 7 el de 14, signifiait Ires probablement toute la duree des
temps messianiques [supra, Exc. xxiii). Ainsi, par ce chiffre, avec son double caractere
de \'aleur mystique, et de correspoudant numerique du nom de I'empereur remain le
plus haissable, Jean apprenait aux eglises d'Asie :
1° Que la Bete, incarnee d'abord dans I'empire remain, se comporterait toujours, a
I'eoard des Chretiens, comme I'avait fait Neron;
2° Que toutefois sa domination serait precaire ;
3*= Qu'elle durerait cependant, sous une forme ou sous une autre, jusqu'a la Parousie
du Christ, idee qui sera confirmee par l'exegese des chapitres suivants.
Nous chercherons a justifier ces vues dans I'Exc. xxxi. Ainsi la prophetic des Betes
n' avail plus rien de vague pour les sept Eglises; elle les avertissait nettement du
o-enre d'ennemis et d'epreuves qui allaient s'attaquer a elles; mais, c'etait aussi une
exhortation a la confiance patiente et inebranlable.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 195
B. 2° VAgneau et les l^j'j.OOO vierges en face de la Bele el de ses adorateurs
(xiv, 1-5).
Ιλ'τ. — Voici les opinions des critiques : Vdlter, 1-3 de Jean-Marc, 4-5 de I'editeur
sous Trajan; Vischer, 1-5 interpolation chretienne ; Weyland, 2-3 de >i, 4-5 de I'editeur
Chretien; Spitta, i-7 de /*, sauf 2h-ka, et un cliangement dans kh, qui font la part du
Chretien sous Trajan; Erbes, 1-7, de Ian C'2, saufun changement dans k, remontant a
80: Bruston, 1 du redacteur, 2-5 du disciple; Job. Weiss, 1-7 de I'Apocalypse primi-
tive. Weiszacker, Scboen, Sabatier, Bousset, laissent le morceau dans le corps du
livre. De fait, rien, en dehors de theories preconcues , ne justifie une separation ni un
morcellement ; XIV, 1-5, est appele par le ch. XIII comme second membre d'un tableau
antithetique, conformement aux habitudes constanles de I'auteur. S'il n'a point de
parallele dans les chap. IV et V, c'est que ceux-ci avaient pour theatre le del, et que
le del nest pas un champ de bataille, comnie la terre oil luttent les Deux Cites.
A. B. 1. εστός, neutre forgo par assimilation a Ιστηχ.ός, corrigeen έστη/.ο'ς {rec K, And.),
έστώς, έστηκώς. — « Mont SioQ », cfr. Joel ii, 32 : έν τω δρει Σιών καί έν ΊερουσαλήΐΑ ?σται
άνασωζό[Αενος, mais surtout TV Esd. xiii, 35 : Le Messie « se tiendra sur le sommet de la
montagne de Sion... 39 et... tu I'as vu accueillant alui une autre multitude pacifique,
ce sont les dix triibus » ; cfr. V Esd. ii, 42 : « Moi, Bsdras, je vis sur le mont Sion
une grande foule, que je ne pus compter, et tous louaient le Seigneur par des caa-
tiques, et au milieu d'eux etait un jeune bomme d'une stature elevee, plus grand
qu'eux tous, et sur leurs tetes a chacun il posait des couronnes ». Ge sont les morts
bienbeureux dans ce dernier passage, mais, dans la forme, il peut otre inspire de
I'Apocalypse. — 144.000, cfr. Apoc. vii, 4 — To ονοαα χ. τ. λ., cfr. ιιι, 12, aussi νιιι, 3-8;
IX, 4.
C. 1. Un tableau rassurant oppose a Teffrayante apparition des BStes. II est surement
en contraste voulu avec elle. Le veritable Agneau ressuscite se dresse en face de la
Bete faussement ressuscitee et du Pseudo-Agneau — lesquels, d'apres xi, sont peut-
^tre a Jerusalem ; le Messie est entoure de ces 144.000 hommes marques du sceau de
Dieu, en face des infideles qui ont le stigmate de la Bete. Prim, y voit Ires justement
I'armee du Christ : « invicta quoque Ecclesiae castra oportuit declarari, ne tam vehe-
menti persecutionis impetu vel succubuisse vel periisse eamdem ecclesiam infirmus
animus aestimaret ». II ne s'agit pas comme dans V Esd. du bonheur celeste (contre
Cahnes); la symetrie a elle seule montre que les 144.000 sont des Chretiens sur la terre
{Bousset, Swete, etc.). lis sont sur le mont Sion, embleme, dans ΓΑ. T., de la securite
du peuple de Dieu sous la protection divine, repondant au « lieu prepare » a la Femme
(xii, 6, 14), et au temple interieur (xi, 1-suiv.) Barnes, d'apres Sweie, remarque que
I'Agneau est sur la montagne, le Dragon sur le sable (xii, 18). Meme contraste plus loin
entre la courtisane assise sur les eaux (xvii, 1) et la Fiancee de I'Agneau descendant
du ciel (xxi). Le « nom sur le front » signifie la consecration de la vie au service de
Dieu. Nous verrons plus bas le rapport de ces 144.000 a ceux du chap. vii.
Ce tableau a du rapport avec xv, 2-4, et xx, 9 (v. ad loc). L'analogie avec Esdras
revele I'existence d'unc tradition apocalyptique connue sur le mont Sion.
— — — A. B. C. 2. φωνής pour φωνϊίν dans qqs And. — φων. Ix του ούρ. cfr. χ, 4 ; χιν 5 •
XVIII, 4; — υδάτων πολλών, cfr. ι, 15; IV Esd. νι, 17; — φ. βροντής, cfr. νι, 1; χιχ 6
κιθάραις, cfr. ν, 8; χν, 2; χνιιι, 22. — La voix qui retentit ne peut etre que celle des
Bienheureux, puisqu'elle vient du ciel, et a cause du verset suivant (v. ad loc). Saint
Jean revient tout naturellement au decor du ch. iv, car rien de ce qui a passe depuis
sous ses yeuxn'a change le fond de sa vision.
196 APOCAL\'PSE DE SAIXT JEAN.
C. XIV, 1. ΚαΙ εΓοον, y.xt ίοου το άρνίον *έστος έπΙ το ορός Σιών, και μετ' αϋτοΰ
εκατόν τεσσεράκοντα τέσσαρες χιλιάοες έ'χουσαι το όνομα αϋτου και το ονομ,α τοΰ
πατρός αΰτοΰ γεγραμμένον έ-ι των μετώπων αυτών. 2. Και ήκουσα *φωνήν έκ τοΰ
ουρανοΰ ώς οωνήν υδάτων πολλών κα• ώς φωνήν βροντής μεγάλης, και ή φωνή ήν
ηκουσα *ώς κιθαρωδών κιθαριζόντων εν ταΐς κιθάραις αυτών. 3. Και *αδουσιν *ώς
ωδήν καινήν ενώπιον τοΰ θρόνου και ενώπιον τών τεσσάρων ζώων και τών πρεσβυτέρων.
και ουδείς *έδύνατο μαθεϊν την ωδήν ε', μή ο'. εκατόν *τεσσεράκοντα τέσσαρες χιλιάδες,
οί ήγορασμένοι άπο της γης. 4. *Ουτοί είσιν οι μετά γυναικών ουκ έμολύνθησαν*
παοθένοι γάρ ε'ισιν. *Ουτοι οι άκολουθουντες τω άρνίω οπού αν *6πάγη. *Ουτοι ήγο-
ράσθησαν ^άπο τών ανθρώπων απαρχή τω θεώ και τώ άρνίω. 5. Και εν τω στόματι
αυτών οΰχ ευρέθη ψευδός" *ά'μωμοί ε'ισιν.
— ^ Α. Β. 3. Changement de temps : αδουσιν... Ιδύνατο. — ώς ajoute devant ώδτίν G, Α,
W-H, Weymouth, Swete, Bousset, possible pour Soden. — Le « chant nouveau » est
celui de v, 9; 3a rappelle le ch. iv, 3b le ch. v. — Forme τεσσεράκοντα (Int., c. x, § Π).
C. 3. Ges 144.000 de la terra doiveat apprendre, par leurs eiTorts, le chant qu'en-
toanent au ciel les A.nimaux et les Vieillards en I'honneur de I'Agneau immole, roi de
la terre et maitre de Tavenir, qui a rachete les hommes pour en faire des rois; ils sau-
ront ainsi Fopposer aux hymnes insolents des esclaA^es de la Bete (xiii, 4). Get entou-
rage terrestre de I'Agneau, ce sont done ceux-la qui comprennent le mieux, avec la
plus entiere conviction, le regne de Jesus-Christ. Le mot μαΟεΓν indique que la voix du
verset precedent n'etait pas la leur; ils I'ecouteat seulement, et s'efTorcent d'en repro-
duire les paroles et la musique. Bossuet a exprime ici la tree belle pensee qu'il faut
avoir experimente la felicite des saints pour la comprendre. Nous pouvons admirer
une fois de plus la haute spiritualite de cette « materielle » Apocalypse.
— — ^ A. B. 4. Remarquer I'emphase et Tenlhousiasme de cette triple repetition de
ouxot (le premier omis A). — 4b rappelle vii, 17; 4c, v, 9. — ύ-άγει, au lieu de υπάγη,
d'apres G, A, qqs And., W-H., Weymouth, al. (Int. c. x, § 2).
C. 4. Ge verset montre de qui il s'agit, et determine la signification de la scene
entiere. Aucune raison d'y distinguer avec JoJi. Weiss un sens primitif et un sens ela-
bore : pour Jean, ce seraient les judeo-chretiens du ch. vii, qui, resistant aux prestiges
des Botes, n'ont pas apostasie (cfr. II Thess. ii, 3); pour Γ « Editeur », ils seraient
devenus les chretiens en general, auxquels le martyre doit etre epargne. Outre I'arbi-
traire de cette division des sources, c'est un veritable contresens spirituel que cette
idee de I'exemption du martyre (v. Lettre a Philadelphie, in, 7-14, com.). Le seul mot
qui puisse determiner le sens, c'est παρθέ>^οι. Sont-ce les « continents », les membres les
plus irreprochables de la communaute, les « purs de coeur », par opposition a la
corruption paienne [Calmes, Sivete]? Bossuet y voit aussi d'abord « les ames inno-
centes et courageuses », qui ne se sont pas melees aux faiblesses humaines, et il rap-
pelle II Cor. XI, 2 : « despondi enim vos univiro, virginem castam exhibere Ghristo ».
Mais le sens qu'il indique en second lieu, de « \'ierges », ou d' « ascetes », au sens
propre, est ici, croyons-nous, le seul vrai (v. .S'. Augustin, De virginibus, xxvii-xxix;
S. Jerome, Adv. Jovin. i, 40; Tertullien, Res. earn. 27, Andre, Bede, etc.) Le sens
d' « ascetes chretiens » est celui que Holtzmann indique le tout premier, et Bousset
I'admet, avec la plupart des exeg«Hes catholiques, et quelques protestants, comme Dils-
terdieck. Du reste « ακολουθοΰντες τω άρνίω » rappelle la parole de N. S. « ακολουθεί [lot »
[Joh. I, 44; XXI, 19, 22; Mat. x, 38; xvi, 24-suiv.; Marc ii, 14; x, 21; Luc ix, 59; etc.)
adressee aux disciples que Jesus A'oulait associer plus etroitement a sa mission. II ne
s'agit pas ici d'un etat futur; ils suivent actuellement I'Agneau « par la pratique des
I
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 197
C. XIV, 1. Et je vis; et voici I'agneau qui se tenait debout sur la mon-
tagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre milliers ayant son nom et
le nom de son pere ecrit sur leurs fronts. 2. Et j'entendis une voix [venant]
du ciel comme la voix d'abondantes eaux, et comme la voix d'uQ grand
tonnerre, et la voix que j'entendis [etait] comme la voix de citharistes
jouant de la cithare sur leurs cithares. 3. Et ils chantent comme un cantique
nouveau en face du trone et en face des quatre animaux et des vieillards;
et personne ne pouvait apprendre le cantique, sinon les cent quarante-
quatre mille, ceux qui ont ete rachetes de la terre. 4. Ge sont ceux-la qui ne
se sont pas soiiilles avec des femmes; car ils sont vierges; ce sont ceux-la
qui suivent I'Agneau partout oil il va ; ceux-la ont ete achetes [et separes]
des hommes, [en] promices pour Dieu et pour I'Agneau. δ. Et dans leur
bouche il ne s'est pas trouve de mensonge : ils sont irreprochables.
conseils » (Bossuet),']usq\\di\i martyre s'il le faut, bien entendu ; tcnitefois il n'y a pas de
raison suffisante de voir ici les martyrs specialement designee, ni associes aux ascetes
(centre Calmes). — Le motanap/ni iraplique Men I'idee de vie otTerte en sacrifice, comme
doit I'etre celle de tout chretien, mais pas necessairement en sacrifice sanglant. Nous
ne voyons done pas en ces « premices » (contre Swete), I'ensemble de la generation
chretienne de la fin du i^r siecle (cfr. Rom. xvi, 5 et I Cor. xvi, 15), consideree comme
de simples « premices » par rapport a la masse des Chretiens futurs, mais une catego-
rie tres determinee de Chretiens de tous les temps, laquelle, etant plus specialement
consacree a Dieu et a son service, est comme des « premices » en regard de la mois-
son universelle des elus. Et c'est celle-la qui sert de garde du corps a I'Agneau; cette
troupe demeure dans une securite (spirituelle) parfaite sur le mont Sion, c'est elle qui
s'oppose le plus actlA'ement au culte de la Bete; elle se presse sur la montagne comme
en une forteresse; sa vue est un signe de ralliementpour le reste des fideles.
De la vient que le nombre 144.000, modere en soi, a ete employe de meme que vii, 1-
8; ce qu'il y a de commun entre ces deux categories, judeo-chretiens et ascetes, c'est
qu'ils sont des « premices » de la moisson divine; a des titres divers, il est vrai, mais
d'une fagon analogique qui est tres suffisante pour que notre Apocalypse les rapproche
par I'identite du nombre symbolique (v. Comment, de vii, 1-8).
^— . A. B. C. 5. (ί[ΐωαος, mot de la langue poetique ou mystique, qu'on trouve dans
le style funeraire, papyrus magiques, LXX, Epitres de la captivite, ad Heb. ix, 14,
I Pet. 1, 19, et Jiide 24 (v. Moidton-Milligan) . — γάρ, admis de Tisch., n'a ete ajoute
apres ά,αωαοι que par N% rec. K, boh., Orig., Methodius, qqs And.; son absence rend I'affir-
mation plus solennelle. — L'absence du mensonge fait partie integrante de I'eloge
du juste, Ps. XXXII [vulg. xxxi), 2; Sophonie in, 13; Mai. ii, 6; Is. Liii,9; il est applique
a Nathanael, Joh. i, 47; (aussi δόλος pour ψεΰδος dans nombreux temoins And.); au
Christ I Pet. ii, 22.
C. 5. La veracite, la fidelite a ses engagements, est le caractere le plus distinctif
des Chretiens apres la chastete, par opposition au monde paien [Swete). On pent croire
que saint Jean pense ici a la nettete et a la purete de leur confession de foi, opposee
aux compromis des Nicolaites et autres (v. Lettres, c. II-III).
198 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
EXC. XXVIII. RAPPORTS DE XIV 1-5 AVEC LE MILLENIUM DU CHAP. XX.
Bousset, contre toute theorie de sources, remarque justement que la main de
I'auteur lui-meme se decouvre a chaque verset de cette pericope; pour lui, le
chiffre de 144.000 serait fourni par une tradition ancienne — ce qui est bien
douteux (v. comm. de vii,.l-8); — la source du ch. vii les aurait representes
comma marques pour le salut, et, au ch. xiv, ils reapparaitraient comme sauves
deja; ce serait une prolepse du Millenium.
Nous voulons bien; nous sommes meme persuades de la verite de ce rappro-
chement avec le Millenium. Seulement, les 144.000 ne sont pas les memes que
ceux du ch. vii, qui etaient des Israelites, lei ce sont les ascetes Chretiens,
identifies en partie avec les beneficiaires du « Millenium », parmi ceux du
moins dont la vie terrestre dure encore; cette identite fournira une nouvelle
preuve a I'assertion que le « Millenium » est pour Jean une realite, non pure-
ment future, mais deja actuclle en substance. Dans sa perspective, la comme
ici, et encore vn, 9-17, xxi-xxn, I'Eg-lise du cicl et ccUe de la terre ferment
une indivisible unite.
Aussi n'est-ce pas a proprement parler une « prolepse », mais Texpression
d'une des idees maitresses du livre. Elle a sa place partout, mais ici elle arrive
particulierement a propos : les adorateurs de la Bete et ceux de TAgneau forment
comme deux armees en presence, avant que la lutte finale et le triomphe du
Messie soient decrits aux chap, xix et xx — ou il sera encore justement question
du « camp des saints » et du siege de la « cite bien-aimee ». L'Agneau qui est
au milieu d'eux, est en meme temps le « lion de Juda », (v, 5), beaucoup
plus redoutable que le lion-panthere-ours du Diable ; il se prepare a la guerre
(c. xvii), et s'identifie, comme « Roi des rois » fxvii, 14] au Verbe victorieux
du ch. XIX. 11 est interessant de noter ici une correspondance entre les deux
sections du corps de I'Apocalypse, dans la maniere de presenter le Christ : meme
dedoublement en « Agneau » et en « Cavalier », suivant son double aspect de
Sauveur personnel et de Parole conquerante, ce dernier flottant entre I'idee
de la personnalite du Verbe et celle du developpement historique de I'Evangile,
par les predicateurs qu'il envoie).
Agneau Cavalier
1'"® section. Au ciel : ch. ν ch. vi.
2" section. Sur la terre : ch. xiv , . ch. xix.
II reapparaitra aussi en « Fils d'homme » au chap, xiv, comme au ch. i*''.
EXC. XXIX. l'anTECHRIST DES JUIFS ET CELUI DE l'aPOCALYPSE.
L'Antechrist (Αντίχριστος, contre-partie, adversaire ou rival du Messie] est
une figure quasi essentielle de I'eschatologie juive. Sans essayer ici de faire
riiistoire de ce concept, qui demeure du reste assez obscure, nous renvoyons le
lecteur aux ecrits ou traites speciaux des editeurs d'Apocryphes, Kautzsch, etc.,
puis a SzEKELY, Lagrange, Bousset Rel. Jud., Volz, Charles Introduction a
VAsc. d'Isaie; et surtout a Bousset, Der Antichrist, pour le developpement
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 199
de cette idee dans les milieux Chretiens. II semble qu'elle ait pris corps au milieu
des luttes que le peuple juif eut a soutenir centre les Seleucides, pour defendre
son existence politique et religieuse restauree par Esdras et Nehemie. L'attente
de TAntechrist etait fort repandue, et les Chretiens I'adopterent pleinement au
le"^ siecle : « Vous avez entendu dire que I'Antechrist vient » , dit saint Jean dans
sa premiere epitre, ch. ii, 18. Charles [Asc. Is. li-lxxiii) cherche a en fixer
revolution de la sorte : 1") Au plus ancien stade, on constaterait I'existence
de trois mythes separe's : celui d'un prince paien adversaire de Dieu, et decrit
sous la forme du Dragon, avec des attributs diaboliques; on le reconnut tour
a tour dans Antiochus Epiphane, et dans Pompee, ou on I'attendait dans un
empereur romain [Dan. viii, 10; xi, 36-suiv. ; Ps. Sal, ii, 1, 25; xvii, 11; Bar.
syr. xxxvi, 5-suiv., xl, 1-suiv. ; IV Esd. v, 6); cette tradition se reflete dans
II Thess. II, 4; — en face, nous voyons le mythe de Belial (Beliar, Berial), qui
est un nom de Satan, et que Charles veut mettre en rapport avec le Dragon
babylonien [Jub. i, 20; Test. Levi, in, 3; xvm, 12; Test. Ruben, Test. Dan., etc.
Hen. si. xviii, 3; xxix, 4; Asc. Is. vii, 9, etc.); il se prolongerait dans notre
Apocalypse, ch. xii; — enfin, le raythe du retour ou de la resurrection de Neron
[Sib. IV, v; Apoc. xvii, etc.); 2°) Le premier et le second mythe se seraient
fondus entre eux deja avant Neron, puis le premier avec le troisieme vers la fin
du I" siecle; II Thess. et notre Apocalypse seraient les temoins de ce fait;
3°) enfin, de la confusion des trois serait nee I'idee soit de I'incarnation de Belial
en Neron revenu de chez les Parthes [Sib. in, 63), ou sous I'apparence de Neron,
deja mort (Asc. Is. iv, 2-4), soit de la resurrection de Neron [Sib. v, 28-suiv, ;
viii, 88, 157 : Apoc. xni, xvii). Cette theorie, en ce qui concerne notre Apoca-
lypse, devra etre remise au point dans notre commentaire du ch. xvii, oii nous
nous occuperons du « Nero redivivus » ; mais nous pouvons admettre avec Charles,
sous quelques reserves, les trois traditions originaires. La figure de I'Antechrist
se complique et varie en se precisant a partir du ii'' siecle de notre ere. C'est
un pseudo-Messie, un tyran juif, ipour Irenee, Hippolyte, saint Jerome, Theo^
doret, etc. ; d'autres, Victorin, saint Cyrille de Jerusalem y voient un empereur
romain, ou le « Nero redivivus » ; quelques-uns, tels que Commodien, Lactance,
le dedoublent en empereur romain et en Antechrist de la tribu de Dan (v. com-
ment, du ch. vii, c. 5-8). Dans quelques ecrits juifs du Moyen Age, il apparaitra
comme un ills preternaturel du Diable, sous le nom d' « Armillus » (Romulus?
ερημο'λαος?) et tuera le Messie fils de Joseph. En dehors de toutes ces interpre-
tations personnelles, il y a aussi la tendance dans certaines ecoles, joachimites,
disciples de Nicolas de Lyre, protestants antipapistes, a y voir des collectivites
historiques, diverses selon I'erudition ou les convictions de chacun (V. Int.
c. v, I, §111, 4).
11 faut certaineinent reconnaitre I'Antechrist dans Γάνομος de saint Paul, et
dans Tune au moins des Botes de I'Apocalypse. Mais comment les ecrivains du
Nouveau Testament se le sont-ils represente? Nous avons deja touche a cette
question dans notre commentaire (v. ch. xi, G 4; C 7; Exc. xxiv) ; dans I'Intro-
DucTioN, c. IX, ^ III, nous avons cherche a ctablir, justement par une compa-
raison avec I'Apocalypse, confirmee par d'autres passages eschatologiques de
saint Paul, que le grand Apotre a vu dans « I'homme de pcche » une collectivite
historique continue, qui avait deja commence a agir de son temps. Pour I'Apo-
200 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
calypse au moins il est absolument certain que la seule figure qui puisse
repondre a rAntechrist juif, c'est la Bete de la Mer, — et, dans une mesure
que nous fixerons dans I'excursus suivant, la Deuxieme Bete aussi. Or, Torigine
de cette Bete, qui remonte a Daniel, ses sept tetes et ses dix cornes, symbo-
lisme connu, et qui sera d'ailleurs explique authentiφιement par Tauteur lui-
meme au chap, xvii, montrent avec une pleine evidence que la Bete n'est pas
une personne, mais une collectivite, un empire ou des empires. La fluctuation
du symbolisme entre la Bete et une de ses tetes n'est pas suifisante, nous le
verrons au ch. xvri, pour revoquer en doute cette interpretation.
Jean ne fait done pas mention d'un Antechrist personnel. A-t-il rejete cette
tradition juive? Nous n'oserions raflTirmer, mais il faut du moins reconnaitre
qu'il ne s'en sert pas dans sa prophetie eschatologique. Si la majorite des Peres
y est revenue, cela n'est pas du a I'influence de I'Apocalypse, pas plus, a
notre avis, que leur attente du retour d'Elie et d'Henoch (v. comment, du ch. xi,
Exc. xxii).
Le mot d'« Antechrist » fait cependant partie de la terminologie johannique;
I'idee, pour beaucoup d'exegetes, apparaitrait Joh. v, 43 : « Je suis venu au nom
de mon Pere, et vous ne me recevez pas: qu'un autre vienne en son propre nom,
vous le recevrez ». En tout cas, le terrae apparait dans les Epitres johanniques
(I Joh. II, 18, deux fois; 22; iv, 3 ; II Joh. 7), et c'est meme de la qu'il a ete tire,
car il ne se retrouve nulle part ailleurs dans la Bible ni dans les anciens Apo-
cryphes. Mais que veut-il dire sous la plume de Jean? \'^oici les textes :
I Joh. II, 18. Παιδία, εσ/άτη ωρα εστίν, κα\ καθώς ήκουσατε οτι αντίχριστος έρχεται, και
νυν αντίχριστοι πολλοί γεγο'νασιν οΟεν γινώσκουιεν οτι εσ/άτη ώρα εστίν. 19 ες ήμίον
εςηλθαν
22. Τίς εστίν δ ψευστης ε'ι μη δ αρνούμενος οτι Ίησους ουκ εστίν δ χριστός; ουτός Ιστιν δ
'Αντίχριστος, δ αρνούμενος τον πατέρα και τον υίο'ν. Cfr. II Joh. 7.
IV, 3. Και παν ττνεΐίμα β μη δμολογεΤ (ou bien t λύει) τον Ίησουν εκ του θεοΰ ουκ εστίν και
τοΐίτο' Ιστιν το του Άντιχρίστου^ δ άκηκο'ατε δτι έρχεται, και νυν εν τίο κοσμώ εστίν
η δη.
Tout celaparait assez clair : Jean interprete la vieille tradition de I'Antechrist,
familiere a ses lecteurs. En son sens principal et actuel, — s'il y en ad'autres qu'il
faille aussi admettre, il ne le dit pas, — I'Antechrist est I'ensemble des hommes
qui nient le Christ, avant tout les heretiques et les apostats, et ils operent deja
dans le monde, tout comme le « mystere d'iniquite » de saint Paul. C'est meme
le signe, I'Antechrist etant une entite eschatologique, que I'humanite est entree
dans la periode des « derniers temps » (Ixtrgd. c. ix, § II).
Rien de plus conforme en gros a la doctrine de notre ch. xiii ; nous verrons
par I'excursus prochain ce rapport se preciser encore mieux.
EXC. XXX. LES DEUX BETES, LE CULTE IMPERIAL EN ASIE, ET
LE CARACTERE PROPHETIQUE DU CHAPITRE XIII.
L'erudition s'est necessairement mise en frais pour rattacher le couple des
Deux Betes a quelque tradition mythologique; mais il ne nous semble pas qu'elle
soit arrivee cette fois a aucun resultat plausible. S'il est quelque evidence rela-
tive en pareille matiere, la V^ Bete est comme le resume et la quintessence des
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 201
Quatre Betes de Daniel ; or le symbolisme de ce dernier parait moins inspire
d'une tradition que rationnel et historique, puisque les quatre tetes du troisieme
monstre repondent aux quatre grandes royautes des Diadoques(lNT. c. v, ii, § II).
Cast a la lumiere de ce fait qu'on pourra le mieux juger les theories de Bousset
Rel. Jud. pp. 292-suiv. et passim, de Jeremias BNT, pp. 42, al., de Clemen,
pp. 98-104, de Gunkel, de Gressmann, etc., et des divers commentateurs.
A cote de cette origine danielique, et de la coincidence voulue, mais approxi-
mative, avec laserie des empereurs depuis Neron (v. comment, de xvii), nous ne
rejetterions pas absolument I'idee de Bousset (ad loc.) qui fait dependre le
symbolisme des sept tetes soit de quelque vieille tradition sur sept gouverneurs
du monde, a travers les Eons ou les millenaires successifs, soit d'une autre sur
un monstre cosmique a sept tetes (le « Chaostier » de Gunkel; cfr. Bousset^ Joh.
WeisSy V. infra). Ces influences — problematiques d'ailleurs — contribueraient
d'une fagon tres appropriee a faire ressortir le caractere de la l""® Bete : elle serait
une puissance qui dure a travers tons les ages, et, sous son apparence de formi-
dable unite, un principe de division et de desordre ; mais ces sens-la sont secon-
daires, meme douteux; car il est certain, d'apres le chap, xvii, que les Tetes
sont des personnages historiques passes, presents et futurs, tres differentes en
cela de celles du Dragon, qui s'interpretent au mieux par des entiles morales (les
7 esprits de Beliar, c. xii, 3, d'apres Test. Ruben). Jean reste ainsi tout a fait
dans laligne de Daniel; dans le sens formellement voulu par lui, il n'y a qu'une
rencontre presque accidentelle (due seulement en partie au caractere mystique
du nombre sept), avec les autres monstres polycephales de la tradition. C'est
done par acquit de conscience que nous rappellerons le Leviathan biblique, le
Musmahhu babylonien, grand serpent a sept tetes [Ziminern. KAT^, 504, 512,
mentionne dans un hymne a Ninib, Clemen.., p. 101) ou le Musrussu de laporte
d'IshtaraBabylone, etre fabuleux qui tient de la panthere, de I'aigle, du serpent,
du scorpion, mais qui n'a qu'une tete [Gressmann AOTB II, Abb. 166; musrussu
tamtin= « rotglanzende Schlange des Meeres » ? Jeremias, A. T. im Lichte A. 0.,
p. k2).\j'Azhi-Dahaka parsi a aussi plusieurs tetes, et c'est la figure qui se rap-
prochele plus de I'Antechrist (v. xn, Exc. xxvi et comm. de xx).
Ces relations lointaines n'autorisent nullement a affirmer que la Premiere Bete
apocalyptique soit la transposition d'aucune de ces figures ; mais elle ressemble
encore bien moins a la fameuse Tidmat, la mer chaotique (Int. c. v, i, § III, 3),
qui n'a qu'une tete, etdoit plutot revetir I'aspect d'un poisson ou d'un crocodile.
Si la Bete imperiale monte aussi de la mer, ce n'est la qu'un trait d'histoire et de
geographie, combine peut-etre avec un sens mystique latent [supra, comment,
de XIII, 1); elle n'a rien d'un monstre marin dans tout son aspect.
Aussi il est tres aleatoire de vouloir identifier nos Deux Betes avec le couple
divin Tidmat- Qingu du Poeme de la Creation. D'abord on ne sait pas comment
etait fait ce Qingu, figure tres effacee qui ne joue aucun role, et n'apparait que
comme le mari de Tiamat, un simple nora. Les Deux Betes de I'Apocalypse ne
sont point mari et femme. Quant a Leviathan et Behemoth (Int., c. v, i, § III), si
I'on pent conceder que la Premiere Bέte a de commun avec Leviathan sa polyce-
phalie, la Deuxieme n'a rien dans sa description si sobre qui la relie au monstre
mythologique des fleuves. Ainsi le couple diabolique du ch. xiii n'est pas du
tout manifestement transmis par une tradition (cfr. Holtzmann, Bousset,
202 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
/. Weiss, etc. et autres ecrivains de I'ecole « religionsgeschichtlich ») (1).
Nous estimons pour notre part que Jean a eu ici una vision absolument origi-
nale; la 1''* Bete a bien un lien avec les monstres de Daniel, mais la Deuxieme
est une creation de I'Apocalypse. La breve indication qui caracterise son aspect
ne rappelle qu'un seul autre passage connu : c'est le signalement des faux pro-
phetes donne par le Christ dans les Synoptiques [supra). II ne faut sans doute pas
chercher d'autre source.
S'il en est ainsi, que peuvent-elles signifier toutes les deux? Bien longtemps
avant les exegetes modernes, on a reconnu le rapport de la premiere, generale-
ment avec I'Antechrist [Irenee, etc.), assez souvent avec I'empire remain, et
quelques-uns meme avec lAntechrist et Fempire romain a la fois (v. Comment,
et Exc. precedent). Les interpretes de I'ecole « d'histoire ecclesiastique »y ont
trouve divers personnages ou societes, I'lslam, tel ou tel heresiarque, la Papaute
pour les protestants fanatiques et leurs precurseurs (Int., ch. xiv, § IV-V).
Quant a la seconde, on I'a naturellement expliquee en function de I'autre, dont
clle est la servante et le prophete.
II est clair quelle represente, elle aussi, lAntechrist, mais sous forme reli-
gieuse. Joh. Weiss estime que, a partir du v, 11, Γ « Editeur » utilise une vision
de Jean, et combinant le « faux agneau » johannique avec I'Antechrist politique
fourni par Q, lui fait representer le proconsulat d'Asie, ou tel proconsul de
I'epoque qui employait les magiciens a propager le culte imperial. Pure supposi-
tion, ettout a fait gratuite, quoique Ramsay lui-meme la favorise un peu [Let"
ters, c. ix) : Ihistoire ne nous dit rien d"un tel personnage; puis cette Bete qui
vient de la terre, — c'est-a-dire de I'Asie Mineure, et non de la Palestine, contre
ceux qui voient ici une source juive, — ne pent etre qu'un produit du sol, et non
un magistrat envoye de Rome ; enfin, si c'etait un magistrat, ou une collectivite
de magistrate, ce serait. encore un pouvoir politique, une emanation de la Pre-
miere Bete, et Jean n'aurait pas si nettement distingue les deux; on ne voit guere
alors non plus comment son apparence eut pu se rapprocher de celle du Christ,
surtoat sous forme d'agneau, avec cette conti'efacon d'humilite.
Parmi les interpretations anciennes, les unes se tiennent dans des generalites
vagues qui n'aident guere a preciser le sens de la figure. Pour Irenee [Adv.
Haer. v, 28, 2), c'est Γ « armiger », I'ecuyer de I'Antechrist; ce sera encore
« un grand et faux Prophete » ( Vict.) ; pour d'autres, d'apres Andre, Satan,
lui-meme, ayant deux comes, I'Antechrist et le Faux Prophete; plusieurs y
ont vu I'Antechrist en personne, ainsi Hippolyte. Mais, insistant justement sur
son caractere de faux prophete, ils ont bien reconnu que c'etait un pouvoir d'ordre
spirituel, I'Antechrist etant un faux Christ; ainsi Andre, etc. Hipp. : εξομοιοΰσθαι
μέλλει τω υίω του θεοΰ. Prim : « Agnum fingit, ut agnum invadat. » Beatus va
jusqu'ay reconnaitre les pretres indignes, « prsepositi mali in ecclesia » ; Haymon,
Albert, etc., les predicateurs futurs de I'Antechrist, les membres de son eglise.
Joachim, Nicolas de Lyre et leurs ecoles, les anciens protestants ont fait les
identifications qu'ils ont voulu; par exemple, pour Ubertin de Casale, les Deux
(1) La Bele d'Hermas [Vis. in et iv), la Bete de la Pistis Sophia, les monslres composites
des Mandoens ou des Manichoens peuvent etre aussi des croations spontanees, ou des lieux
communs symboliques, s'ils ne sont pas simplement inspires de notre Apocalypse.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 203
Betes sont les papas Boniface VIII at Banoit XI (βενεδικτός = 666) ! La plupart
des modernes ont apporte des precisions qui, pour etre accommodees au i^"" siecle,
n'en sont pas moins trop restreintes at assez arbitraires. Ce sera Simon le
Magicien pour S pitta et Erbes, Alexandre d'Abonotique ou Herode Atticus (?!)
pour Volter. Plusieurs pensent a Apollonius de Tyane,tel Ptamsay qui, du reste,
apres Mommsen, an fait una image plus complexe, et y voit les proconsuls aides
par les magiciens. Notons le fait que deja Andro rapprochait les prestiges
attendus de la part da TAntecIirist des miracles attribues au fameux thauma-
turge neo-pythagoricien. Mais I'image de la 2*-' Bete doit couvrir une realite
proportionnee a cella de la Premiere; alia accompagne toujours cella-ci, et dure
aussi longtemps qu'elle (xix, 20) ; pas plus que I'autre, alia na saurait done etre
une parsonnalite unique.
Le plus grand nombre, en consequence, a vu dans la 2^ Bete le sacerdoce
paien en general [Grotius, Hammond, Eichhorn, Eivald, de Wette, Ousterdieck,
Hilgenfeld). Bossuet pensait a la philosophic neo-pythagocienne (ou mieux
neoplatonicienne?) venant en aide a I'idolatrie; et, si les deux cornes represen-
taient des parsonnas, il proposerait Plotin et Porphyre. C'est la meilleure voie
ouverte a Texegesc. Elle mene a des interpretations bian plus conformas au
symbolisme at aux faits que ne Test Texplication par le sacerdoce imperial pura-
ment at simplement, ou par une personnalite quelconque promouvant la culta des
Cesars (centre Bousset, al.). Car, a part les pretendus miracles de Vespasien
ou les traditions sur la naissance d'Auguste, ce culte, considero tout seul, parait
ete plutot rationaliste et administratif, et on na sait pas trop pourquoi Jean I'aurait
ainsi symbolise par un faux prophete ou un faux agneau. Du resta, la 2^ Bete se
confondrait encore trop ainsi avec la premiere ; elle est la cause de ce culte, done
elle representa des realites qui existaiant deja avant lui.
Or, ce symbolisme devient tres transparent des que Ton considera I'ensembla
da I'etat religieux a la fin du i*"' siecle, surtout dans les pays les mieux connus da
saint Jean. C'est d'abord, sous toute espece de formes, les syncretisme greco-
oriental, si vivace en Anatolia at an Syrie : qu'on pense a ces centre fagons du
Christ qu'etaient Adonis, Attis, Osiris, Dionysos ; a leurs mysteres florissants a
Pergame, a leur mystique, qui, par certains cotes exterieurs, et sa recherche de
I'union des croyants a la divinite, pouvait paraitre une contrefagon de la doctrine
et de I'ascese chretiennes; a leurs superstitions, miracles d'Asklepios, statue
parlante d'TIierapolis. Puis ce sont les Juifs, ces pretendus fideles du vrai Dieu,
qui vivent dans I'attente du Messie, et s'unissent pourtant aux gentils pour per-
secuter les disciples du vrai Messie, de I'Agneau. Ce sont les thaumaturges pre-
tendus philosophes et inspires de Dieu, comme Apollonius de Tyane, contampo-
rain et devenu presque concitoyen de saint Jean; c'est la Gnose commengante,
avec des mages comma Simon, les faux docteurs attaques dans les dernieres
epitres de saint Paul, Judey la II'' de Pierre, plus tard la Γ' et la II'' Joh.; ce sont
les infiltrations paiennes denoncees chaz les Nicolaites; enfin tout ce deborde-
ment de faussc mystique, de doctrines a la fois grossieres et transcendantes,
d'immoralite, de sorcellerie, de superstition qui inondait alors I'Asie et tout
TEmpire remain, avec la pretention de purifier les hommes pour les menar au
cial. Tel est le milieu d'idees ou prospera le culte des empereurs ; d'un cote, tons
ces facteurs le favoriserent a divers degres, m^me les Juifs par leur haine centre
204 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
les Chretiens (voir le Marty re de Polycarpe) ; et ce culte meme, avec ses Cesars
appeles χυριος, σο^τηρ, qui avaient leurs « epiphanies », leurs « parousies », fut
vite en voie de devenir un pendant paien du christianisme, dont il s'afficha comme
le plus dangereux ennemi.
Nous croyons done que la Deuxieme Bete, avec ses airs doucereux et per-
suasifs, symboh'se d'abord cet ensemble religieux si varie, puis I'union qui se fit
plus tard entre ces doctrines et la philosophie degeneree, pour tourner finale-
ment, comme nous I'allons voir, au profit de la deification du pouvoir politique,
au culte de TAntechrist.
Mais, lorsque Jean ecrivait, les choses n'en etaient pas encore arrivees a ce
point; aussi le caractere prophetique de I'Apocalypse n'eclate nulle part plus
manifestement que dans ce chapitre xiii.
Une revue rapide de I'histoire du culte imperial pent nous en convaincre. Elle
nous montrera que le Prophete de Patmos a decrit un etat de choses qui, quoi-
que en germe de son temps, ne s'est pourtant realise qu'entre le ii* et le iii* siecle
(Int. c. I et iii).
La deification des rois, chez les peuples de haute culture de lOrient, apparait
des la primitive histoire, et elle se rattache peut-etre aux conceptions, trop
systematiques du reste, exposees dans VEarly Kingship de Frazer. Depuis le
chaldeen Goudea et les plus anciens Pharaons, les pays du Nil, de I'Euphrate et
du Tigre voient defiler d'interminables theories d'hommes divinises ; en Mesopo-
tamie, les rois sont d'origine divine, par leur pere ou par leur mere [Dhorme, La
Religion assyro-babylonienne, pp. 166-173), et, en Egypte, la theologie des
pretres apporte a cette adoration de I'homme de parfaites precisions : I'^me du
Pharaon est un double detache du soleil ou d'Horus, les monarques sont des
incarnations successives de Ra. Alexandre, ayant conquis I'Egypte, se fit declarer
fils d'Ammon identifie a Zeus, done fils de Zeus. Beaucoup des diadoques, et
surtout les Ptolemees, ne se firent pas faute de suivre cet exemple politique; on
a retrouve en Asie meme des mines de temples, « Ptolemaeons », eleves en leur
honneur. De meme les Attalides.
Les Grecs, avec leur culte des heros, ou morts superieurs, et des demi-dieux,
nes d'une divinite et d'une creature mortelle, etaient assez disposes a suivre
I'influence orientale. Lysandre, le vainqueur d'Athenes, s'etait fait honorer
comme dieu en Asie. Les seuls Spartiates, dit-on, se moquerent des pretentions
d'Alexandre; quant aux Asiatiques, ils etaient habitues de longue date a adorer
leurs maitres; c'etait la marque du loyalisme; se mettre de I'opposition devenait
ainsi une impiete. Chez les Grecs degeneres d'Europe ou d'Asie, le procede le
plus ordinaire de I'apotheose fut I'incarnation d'une divinite connue dans la per-
sonne d"un de leurs conquerants; Marc-Antoine, par exemple, devenu Bacchus,
celebra a Athenes ses noces avec Pallas. On dressa aussi des autels a des gene-
raux, a des proconsuls romains, a leurs vertus, par exemple a celles de Quintus
Ciceron. Puis, de meme qu'on divinisait des abstractions ou des formes de la
Providence, Τύχη, 'Ελευθερία, Δημοκρατία, etc., le culte de la « Deesse Rome », cette
deito terrestre si tangible, s'introduisit a Smyrne des le ii* siecle avant notre ere.
Nous avons vu plus haut comment presque toutes les cites apocalyptiques don-
nerent de nombreuses marques de leur ferveur pour le Dieu-Auguste, et obtinrent
I'une apres I'autre leur neocorat (Int. c. ι et ii et comment, des ch. ii-iii).
APOCALYPSE DE SAINT .lEAN, 205
Les Remains avaient imite plus on moins les Grecs dans leur culte des'he'ros ;
la veneration du Genius de chaque homme, et des Di Manes, preparait le terrain
aux apotheoses imperiales; mais I'influence de I'Orient, et surtout Timitation
des Ptolemees, eut une action preponderante. Jules Cesar, de son vivant meme,
eut des pretres, son image iigura avec celles des dieux aux processions solen-
nelles, et le senat, apres en avoir fait un demi-dieu, decreta enfin qu'il etait
une hypostase de Jupiter, Juppiter Julius, et qu'on lui b^tirait un temple ; son
culte fut definitivement constitue en 712, sous les triumvirs, il se propagea
rapidement dans I'univers soumis. Apres sa victoire d'Actium, Octave eut natu-
rellement son tour; moitie par crainte et flatterie, moitie par sincere recon-
naissance, le monde entier se precipita a genoux devant le nouveau maitre qui
lui apportait enfin la paix. A Rome meme, pour rester homme de bonne compa-
gnie, et ne pas ressembler a un despote oriental, I'empereur interdit cette
nouvelle religion {Suetone, Auguste, lii) ; mais, comme il en etait flatte au fond,
et que sa politique en etait favorisee, il laissa les poetes, Horace, Virgile, le
declarer divin a leur aise. Proclame « Auguste », ce qui etait un titre surnaturel,
« Summus Pontifex », inviolable et sacre comme tribun a vie, il permit d'adorer
son « Genius » associe aux Lares publics. Apres sa mort, le ciel lui fut decerne
par le Senat (« coelum decretum »), et Ton vit un aigle emporter son ame parmi
les dieux; I'apotheose etait complete, meme dans la capitale. D'apres les idees
deja courantes, les ames grandes ou vertueuses pouvaient aller resider dans
rOlympe; et, entre le fait d'etre « avec les dieux » ou d' « etre dieu », la nuance,
comme le prouvent force inscriptions, n'etait pas bien saisie. Ce n'etait pas que
I'homme eut ete I'incarnation d'un dieu, comme en Grece ou en Asie; mais,
grace a son « Genius » et a ses efforts personnels, il etait monte en grade jus-
qu'au rang supreme.
Mais, dans les provinces, Auguste s'etait laisse purement et simplement deifier,
bien qu'il voulut parfois, par elegance, se donuer des airs de pince-sans-rire
a regard de ce culte. II exigea seulement qu'on ne le separat point de celui de la
deesse Rome, et nous savons que Pergame eut de bonne heure son temple de
Rome et d'Auguste. Les Augustales des municipes, et une foule d'associations
religieuses particulieres en Occident, surtout parmi les petites gens, plus recon-
naissants a I'Empire, entretinrent et propagerent le culte imperial. Les assemblees
des provinces, les κοινά, I'organiserent ofTiciellement (Ιχτ, c. i et iii). Apres leur
mort, beaucoup d'empereurs, Claude, Vespasien, Titus, Nerva, etc., jouirent de
I'apotheose a I'instar d'Auguste. Bien plus, des personnages de la famille ou de
I'entouragc des empereurs, Livie, Germanicus, Poppee et la fille de Neron,
Antinoiis le mignon d'lladrien obtinrent, de diverses manieres et a divers titres,
les honneurs divins.
Bien plus, des le premier siecle de notre ere, le monde remain, au moins
dans les provinces, honorait comme une divinite son chef vivant. Si les docu-
ments litteraires sont pauvres en attestations de ce culte, celles des inscriptions
et des papyrus sont innombrables. Tons les predicats divins, ceux-la memes
que les Chretiens attribuerent a Notre-Seigneur, sont donnes a I'empereur vivant,
fut-il Neron : θεο';, υίος θεοΰ, κύριος, σοιτηρ, σιοτήρ του κόσμου, σο>σιχο'σμιος ; \\ a ses jOUrs
de fete, χυριακ•/|, σεβαστή, son εύαγγελιον, SOU επίϊ/ανεία, sa παρουσία quand il daio-no
visiter une cite.
206 APOCALYPSE DE SAINT .lEAX.
Ne pourrait-on pas croire, d'apres tout cela, que saint Jean, dans notre clia-
pitre, au lieu de faire une prophetie, se borne a decrire symbouquement ce qui
existait de son temps, et que les Chretiens subissaiept deja toute sorte de violences
officielles pour etre, sous peine de la vie, forces a adorer Tempereur, c'est-a-dire
alors Domitien? La plupart des auteurs le croient; mais une observation plus
attentive montre qu'ils ne s'appuient formellement, en somme, que sur notre
chapitre xiii. interprete du present, et non de Tavenir; ils tranchent done la
question a priori, et nous croyons que cela n'est pas necessaire ni legitime.
Au temps de I'Apocalypse, on nadorait pas encore a Rome le Cesar vivant.
Des empereurs avises comme Tibere refusaient avec pudeur le titre divin de
« dominus ». Caligula voulut avoir son temple, ses pretres, ses sacrifices, s*as-
socia a Castor et Pollux, fut appele par quelques flatteurs « Jupiter Latin »
[Suet. Calig. xxii); on sait ^SiV Philon, « Legation a Caius », qu'il aurait voulu
faire placer sa statue dans le temple de Jerusalem. Neron s'imagina aussi que
tel ou tel dieu apparaissait dans son ignoble personne ; mais Caligula etait un
fou, Neron un demi-fou, et leurs extravagances, qui du reste ne tendaient pas
encore a introduire le culte de Tempereur en tant qu'empereur, n'etaient pas de
nature a imposer la religion imperiale ; les Romains intelligents ne firent qu'en
liausser les epaules ou s'eu indigner. Domitien fit avancer les choses ; puisque
I'empereur, dans les provinces, recevait assez couramment des titres divins, non
content d'eriger un temple a la famille Flavia en bloc, il insinua lui-meme
publiquement qu'il etait dieu, quand il reprit sa femme divorcee Domitia,
readmise dans son « lit divin » [pulvinar, terme qui signifiait les coussins sur
lesquels on portait les statues des dieux) ; le couple, en plein amphitheeitre, fut
acclame « dominus et domina ». Enfin « il poussa I'insolence jusqu'a dieter,
dans une lettre de cliancellerie « Dominus et deus noster hoc fieri jubet «, et
depuis ce temps il fut ordonne qu'on I'appellerait ainsi » [Suet. Domitien xiii),
c"est-a-dire dans sa domesticite et ses bureaux, ou les usages orientaux s'intro-
duisaient; pourtant ces noms n'entrerent point dans la titulature officielle,
reconnue de tons. Les pays d'Asie, avec leur adulation degoutante, devaient
etre les plus prompts a se courber sous de pareilles fantaisies; mais si Ton fait
abstraction de notre chapitre apocalyptique, auquel on ne saurait recourir dans
la question que nous debattons sans faire une petition de principe, on ne voit
pas que I'adoration de I'empereur fut passee en loi; malgre les « Concilia » et
la rage de servilite des Asiatiques, on ne voit pas, a considerer I'ensemble
du livre, particulierement les Lettres, que labstention des ceremonies du culte
imperial fut deja la raison principale pour rechercher et punir les chretiens;
il est bien possible seulement qu'a Pergame, par exemple, cette abstention
contribuat a attirer sur eux I'attention malveillante des aiitorites, parce que la
« Satan avait son siege ». Ce n'est qu'un indice assez faible. Au second siecle,
dans la meme province et en Bithynie, lorsque des chretiens sout amenes devant
les proconsuls, ceux-ci les invitent a bruler de I'encens a Trajan : « imagini
tuae, quam propter hoc jusseram cum simulacris numinum adferri, ture ac vino
supplicarent » [Plin. Jun. Epist, 96], ou bien a dire : Κύριος Καίσαρ [Mart. Polyc.
viii), ou a jurer « par la fortune de Cesar » (ibid, ix, x). Mais ce sont des faits
sporadiques; nous ignorons si cette procedure etait universelle; en tout cas,
rien η indique quon ait fait la chasse aux chretiens pour les y contraindre.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 207
Le chapitre xiii de Γ Apocalypse, a lui tout seul, est insuffisant pour demontrer
que le culte imperial fut si generalise et si obligatoire a I'epoque de Jean; le
reseau devait etre encore trop peu serre pour que la masse des fideles, meme
connus comme tels, ne put facilement passer a travers ses mailles, et rien
n'indique que ce fut la deja la cause principale des persecutions. Mais il y a
plus; on n'insiste pas assez sur un point, dont I'importance nous parait capitale.
C'est que la Deuxieme Bete, qui provoque une persecution generale pour le
refus d'adorer I'empereur, est caracterisee comme faux Agneau et faux proph'etey
— comme une puissance de persuasion, intellectuelle, mystique, non comme
un pouvoir administratif, ni une politique, ni un brutal courant populaire. Ce
ne pent etre, nous Tavons dit, qu'un mouvement spirituel ayant quelque analogic
de surface avec I'evangelisation, tout un ensemble d'influences philosophico-
religieuses.
On pensera d'abord, naturellement, aux religions a mysteres. Mais elles etaient
beaucoup moins repandues qu'aux siecles suivants; et si la plus celebre alors,
celle d'Isis, propageait deja a travers Γ « orbis romanus » la foi dans la divinite
des chefs d'Etat d'apres la croyance egyptienne antique, on ne pent la consi-
derer pourtant comme une alliee du pouvoir, qui meme la persecutait de temps
a autre. Quant aux autres cultes greco-orientaux, — en laissant de cote pour
le moment le mithriacisme, — ce que Ton connait de leurs dogmes et de leurs
tendances ne semble pas reveler une propension particuliere a I'adoration des
pouvoirs terrestres, puisque tons s'occupaient surtout des mysteres de I'Autre
Monde.
Les protognostiques ne sont pas non plus specialement suspects de complai-
sance pour cette aberration religieuse. Et moins encore, peut-etre, la philosophic
encore dominante; car c'etait toujours le stoicisme, et les stoiciens, quand ils
n'etaient pas indifferents a Tegard de la politique contingente, etaient plutut
consideres comme un parti d'opposition. N'eurent-ils pas sous Neron leurs
martyrs, Seneque, Thraseas? Domitien crut meme, en 90, devoir promulo-uer un
edit qui bannissait tous les philosophes de Rome et de I'ltalie, et dont Epictete
fut victime [Suet. Domitien, x, alii). Certes le bon empereur stoicien Marc-
Aurele, et cela beaucoup plus tard que notre epoque, ne se considerait guere
comme un dieu. Mais en dehors aussi du stoicisme, des dissidents mystiques
comme Apollonius de Tyane auraient, a en croire Philostrate, fait montre de la
plus noble independance en face des empereurs d'alors; Plutarque' et les plalo-
niciens de Fepoque se tiennent a un niveau religieux encore bien plus eleve et
spiritualiste.
Nous pouvons done conclure, avec une probabilite touchant a la certitude, que
les conditions du culte imperial, sous le regne de Domitien, etaient bien loin de
repondre a la description donnee par saint Jean ; il n'y avait pas encore de
Deuxieme Bete, ou du moins elle ne s'etait pas deja alliee avec la premiere.
A la fin du second siecle, et plus tard, sous Dece, sous Diocletien, il n'en va
plus ainsi. Le culte imperial en est venu a resumer tout le systeme religieux de
I'Empire romain; ses exigences servent de pierre de touche pour reconnaitre si
oui ou non un accuse est hors la loi de I'Empire, blasphomateur de la religion
ofTicielle, digne de mort; au fort des crises perseculrices, on nc pent plus guere
« ni acheter ni vendre sans avoir I'empreinte de la B^te ».
208 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C'est que des fails nouveaux s'etaient produits : la philosophie s'etait mise au
service des religions mystiques, et celles-ci, syncretisees sous I'influence du
mithraisme et des cultes solaires, avaient definitivement deifie I'empereur A'ivant,
comme tel, quel qu'il fiit. Resumons la-dessus la these de I'autorite la plus com-
petente, Franz Cumont, en y melant le moins possible de nos reflexions :
« A la fin du ii* siecle, la complaisance plus ou moins circonspecte que les
Cesars avaient temoignee aux mysteres iraniens, se transforme tout a coup en
appui effectif ». Commode adopte le mithraisme; lui-meme cependant, notons-le,
se contente comme dieu d'etre un avatar d'Hercule; les mithriastes sont devoues
aux Severes, a Philippe; le mouvement va s'accentuant avec Aurelien, ado-
rateur du « Sol Invictus », jusqu'a Diocletien, enfin Julien I'Apostat. Les
empereurs furent pousses a cette politique religieuse pai- la raison d'etat. lis
virent dans le mithriacisme le meilleur auxiliaire de leur autorite.
Les Perses, comme les Egyptiens, se prosternaient devant leurs souverains,
mais ils ne les consideraient pas comme des dieux; ils honoraient le « demon »
du roi, qu'on pent rapprocher du « Genius » de Fempereur, sans y voir autre
chose que Felement divin qui forme une partie de Tame de tout liomme et de
toute femme. Mais les rois perses possedaient de plus la « Gr4ce » du Createur.
« Les Iraniens se representaient cette grace comme une espece defeu surnaturel,
d'aureole brillante, de « gloire », qui appartenait avant tout aux divinites, mais
qui eclairait aussi les princes et consacrait leur puissance. » Le « Hvareno »,
comme FAvesta Fappelle, illumine les souverains legitimes, et s'ecarte des
usurpateurs ainsi que des impies, qui perdent bientot avec sa possession la
couronne et la vie. Les peuples etrangers assimilerent la Gloire mazdeenne a la
Fortune : « Gad » chez les Semites, Τύχη chez les Grecs. Ces idees se propa-
gerent dans les royaumes de Cappadoce, du Pont, de Bactriane, chez les Seleu-
cides, mais en se melant aux conceptions semitiques de la fatalite astrale. Le
« Soleil Invincible », "Ηλιος ανίκητος, identifie avec Mithra, fut durant la poriode
alexandrine generalement considere comme le dispensateur du Hvareno et de la
victoire, et le monarque qui possedait cette « gr^ce », venere a Fegal des Immor-
tels. Apres la disparition de ces dynasties, leurs anciens honneurs se reporterent
sur Fempereur romain. A Rome, un vieux culte national s'adressait a la « For-
tune du peuple romain »; la « Fortune Auguste », imitation de la Τύχη βασιλέως,
apparait sur les monnaies a partir de Vespasien; mais c'est la theorie mazdeenne
qui seule « permet de penetrer la signification de la titulature imperiale ». La
doctrine que le sort des etats comme celui des individus est lie au cours des
astres, — idee fort favorisee par le stoicisme lui-meme, — entraina celle que le
chef des planetes etait le maitre de la fortune des rois. Le Soleil devint « comes »,
« conser^>ator » de FEmpereur, « fautor imperii sui » (Diocletien, sur Mithra).
« En se donnant le nom dilnvincihles, les Cesars proclamaient done Falliance
intime qu'ils avaient coatractee avec le Soleil, et ils tendaient a s'assimiler a
lid (1). » L'epithete d'« aeterni », appliquee aux souverains, apres avoir ete
portee surtout par les divinites solaires de I'Orient, revele encore mieux la con-
viction d'une communion intime entre eux et le Soleil, d'une identite de nature;
la couronne radiee^ que prit le premier Neron, a Fimitation des Ptolemees et
(1) Nous soulignons.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 209
des Seleucides, le figura d'line maniere emblematique. De meme que les rois
Sassanides etaient « freres du soleil et de la lune », les Cesars, en Asie, furent
a peu pres consideres comme des avatars successifs d'Helios. LOccident fut
plus lent a entrainer; pourtant la conception que le Soleil a I'empereui• sous sa
garde — elle apparait tres nettement a partir d'Aurelien — conduisit peu a peu
a celle de leur consubstantialite.
Cumont I'explique par la psychologic enseignee dans les Mysteres mithriaques.
Suivant ces doctrines, les ames preexistantes dans I'empyree traversent, pour
venir animer les corps ou elles s'enfermeront, toutes les spheres des planetes,
recevant de chacune quelques-unes de leurs qualites. Or, en astrologie, le. Soleil
est la planete royale, c'est lui qui appelle ses elus a regner. « Les Cesars...
deviennent veritablement maitres par droit de naissance;.., ils sent divins,
car ils ont en eux certains elements du soleil. » La double idee du « Hvareno »,
devenue celle de la « Fortune du roi», et de I'origine de I'ame du monarque,
permettait de soutenir que I'empereur participait a la divinite du soleil et etait
son representant sur la terre. Cela s'appliquait a tous les empereurs egalement,
du moment qu'ils avaient pu, de par cette predestination, arriver au trone ;
mais ces idees datent du triomphe du Mithriacisme, c'est-a-dire du troisieme
siecle, elles n'etaient pas assez nettes au temps de saint Jean pour inspirer la
politique religieuse de I'empire.
Nous n'avons pas besoin d'insister maintenant sur I'appui que les religions
orientales, avec toutes leurs consequences, jusqu'au dogme de la divinite de
I'empereur vivant, trouverent dans la philosophic. Mais cette philosophic, ce ne
fut ni la stoique, ni le platonisme a la Plutarque, mais le neoplatonisme, qui
s'epanouit aussi a partir du iii^ siecle, jusqu'a Jamblique et Julien. C'est alors
que la philosophie se transforma en theologie des religions les plus heteroclites ;
qu'elle se fondit avec la theurgie et I'ascese, et prit des airs de « faux pro-
phete » et de « faux Agneau ». La fusion ou la confusion des religions a mys-
teres, des cultes nationaux, de la philosophie theurgique, er du culte imperial
apparut parfaite sous Julien I'Apostat, lors du dernier grand assaut de la « Bete
de la mer » contre I'Eglise. Les grands pretres (άρ/ιερεΐς) du culte de I'empereur
dans les provinces « devinrent done alors, c'est Julien lui-meme qui nous
I'apprend, les chefs ofTiciels du paganisme [Julien, Lett. 49) ; et Ton pent jusqu'a
un certain point pretendre que toute la religion romaine, dans le dernier combat
qu'elle livra aux Chretiens, se groupa autour du culte de Rome et d'Auguste »
(G. Boissier, Rel. rom. I, p. 158).
Nous n'avons rien a ajouter desormais pour justifier notre assertion. Saint
Jean, dans I'Apocalypse, a decrit un e tat qui, bien qu'en germe de son temps, ne
s'est realise que plus d'un siecle apres lui. La 1'" Bete etait nee au plus tard sous
Neron; mais la Deuxieme ne naquit veritablement qu'entre le π" et le iii^ siecle.
C'est au moins une intuition de I'avenir extraordinairement juste, que d'avoir
ainsi fixe longtemps a I'avance le caractere que prendrait la lutte contre le Dra-
gon; mais pour nous, croyants, c'est une prophetie absolument caracterisee.'
Jean n'a-t-il cependant vu, dans ce chapitre fameux, que I'Empire romain et
les courants religieux et intellectuels qui favoriserent sa tyrannic sur les cons-
ciences? Non, car la Rome pa'ienne doit perir, et la Bete, les Deux Betes, lui
survivront, pour n'etre vaincues qu'a la fin des ages (v. comment, de xvi-xx). Ne
APOCALYPSE UE SAINT JEAN. 14
210 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
les voyons-uous pas encore a I'ceuvre de nos jours? L'epouvantable crise mon-
diale que nous venons de traverser a donne occasion a bien des applications
actuelles de cette prophetie, qui ont au moins le defaut d'etre trop etroites; le
chiffre 666, surtout, a excite, comme au Moyen Age et au temps de la Reforme,
les imaginations les plus saugrenues. Mais il est un fait : c'est que la force
brutale a pretendu, plus que jamais, supprimer ou asservir toutes les forces
morales et spirituelles, et que le terrain lui etait prepare par tons les courants
d'idees, toutes les societes secretes ou publiques, qui, au lieu de la vie future,
nous presentaient les biens terrestres comme la fin derniere de notre activite ;
franc-magonnerie et socialisme antichretiens, scientisme materialiste, bumani-
tairerie illusoire, culte de la richesse ou de la force, en un mot tout ce qui, a
I'ideal divin, substituait I'Etat, la matiere ou le succes, c'etait une realisation
assez reussie de I'apparent Agneau qui parle comme un dragon, et mene dou-
cement les liommes a abdiquer toute conscience devant la puissance de Tor et
du fer. La prophetie de saint Jean nous affirme qu'un jour les Deux Betes seront
expulsees du monde et plongees a jamais dans I'etang de feu. II a predit d'une
maniere precise le cuisant echec qu'elles devaient subir aux premiers siecles,
par la mine de I'immense empire paien, presage de ce qui doit leur arriver
toujours, en quelque temps et milieu qu'elles redressent leurs tetes : ώδε εστίν ή
υπομονή και ή πίστις τίον αγιο^ν.
(Voir IxTROD. c. ν, I § HI, 3, 4 et ii, § IV; c. ix, § III-IV ; puis, entre autres,
Deissmaxx, L.O^ pp. 248-288; G. Boissier, La Religion romaine d'Auguste aux
Antonins, i, ch. ii, pp. 109-186, Paris, 1906; F. Cumoxt, Les Mysteres de
Mithra, ch. iii, pp. 71-87, Bruxelles, 1902; V. Chapot, La province romaine
proconsulaire d'Asie, Paris, 1904; J. Reville, La Religion a Rome sous les
Sei>eresy Paris, 1886; B. Allo, L'Evangile en face du syncretisme paien, Paris,
1911; commentaires de Boisset, de Savete, etc. (1) ).
EXC. XXXI. — LE ΧΟΜΒΠΕ DE LA BETE.
Le lecteur qui, parmi tous les ecrits de ce genre litteraire, ne connait que
I'Apocalypse, se trouve assez desoriente par le singulier verset 18. Mais la
lecture des apocryphes lui apprendrait que rien n'etait alors plus commun que
la « gematria » dans la litterature juive. II ne faut done pas en faire un grief a
saint Jean. La Bible en use deja, ou du moins d'un procede fort analogue, dans
Jer. XXV, 26; li, 41 : ηΓ'ιΓ pour hll\ elle est surtout commune dans les Sibyllins,
juifs ou Chretiens, sous des formes plus ou moins compliquees {Sib. v, vers
10-50; VIII, vers 148-150; i, vers .325-331; egalement xi, xii, xiii, xiv). II s'agit
d'empereurs remains, entre autres Neron, du nom de Rome correspondant a sa
duree predile, du roi de Palmyre Odenath, et du nom de Jesus lui-meme, dans
un passage qui merite particulierement d'etre cite :
Sib. I, 324-331 : « Alors viendra vers les hommes le Fils du grand Dieu, revetu
de chair, pareil aux mortels sur la terre ; aijant quatre voyelles, la consonne
en lui est doublee. Mais je veux te dire le nombre entier : huit unites, autant
(1) Je n'ai malheureusement pu consulter le savant ouvrage de Beurlier. Le culte impr-
rial. son liisfuire et son organisation, Paris, 1891.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 211
de dizaines en outre, et hu'it centaines, νυι'Ια ce qaaux amis de I'incredulitc,
aux hommes, le Nom rei>elera (Ίησους = 888); mais toi, dans ton esprit, pense
bien a Fimmortel et tres haut Fils de Dieu, au Christ ».
Certains auteurs pensent voir aussi une gematrie dans le Taxo d'A.w. Mas.
Nous avons surtout des exemples posterieurs a rApocalypse, sous les Antonins,
et jusqu'au iii^ siecle, mais rien ne montre du moins qu'ils s'en s'inspirent.
La gematrie n'etait pas un procede particulier aux Juifs. Grecs et Romains en
usaient egalement dans les ecrits mythiques ou prophetiques. Ainsi dans le
« Roman d'Alexandre » du Pseudo-Callisthene, ch. xxxii, le dieu Sarapis revele
son nom en chiffres : 200 (σ) + 1 (α) + 100 (ρ) -f- 1 («) -f- 80 (π) + 10 (ι) -f- 200
(σ) = 592. L'usage n'etait pas borne a ce genre de litterature; il apparait dans
les inscriptions de Pergame, ville apocalytique, a I'epoque imperiale (Inscr. de
Pergame, 333, 339, 587). Deissmann note le fait, et rappelle encore que, d'apres
Fr. Bucheler (Rheinisches Museum fur Philologie, 1906, pp. 307-suiv.), le
ch. 39 de la vie de Ne^'on par Suetone contient, parmi les epigrammes que le
peuple de Rome dirigeait contre Neron, un jeu de chiffres sur Neron et matri-
cide. Enfin la gematrie apparait dans des documents tout a fait populaires,
commeles graffiti de Pompei, done un pen avant TApocalypse [Sogliano, Isopsepha
Pompeiana. Rendiconti della reale Accademia dei Lincei, 1901, pp. 256-259), Un
amoureux ecrit sur la muraille : « J'aime celle dont le nombre est bk5. » Un
autre : « Amerimnos a eii un bon souvenir pour sa mattresse Harmonia (nom
conventionnel). Le nombre de son beau nom est k5 » (ou bien 1035, με' ou αλε'),
Jean, avec son chiffre de I'Antechrist, ne faisait done rien d'insolite aux yeux
d'un milieu greco-asiatique (Voir Deissmann, LO, pp. 207-208, qui renvoie aussi
a Perdrizet, Revue des Etudes grecques, 1904, pp. 350-360, et aux Lexiques
grecs sur ισόψηφος).
Les circonstances justifiaient pareille precaution {supra, comment, de 18, et
Deissmann, p. 208) ainsi que les habitudes du genre litteraire. Le Nouveau
Testament η use pas ailleurs de ce procede singulier, malgre les exegetes qui
ont voulu le retrouver Gal. iv, 25 (voir Lagrange, Epitre aux Galates, 1918,
p. 127). Mais I'epitre de Barnabe, peu posterieure a FApocalypse, presente a
propos d'Abraham une gematria sur Jesus et la croix [Barn, ix, 8) et Irenee en a
une Adv. Haer. li, 24, 1-2 (justement aussi en lettres hebraiques).
Le meme Irenee affirme que, d'apres les meilleurs manuscrits, le chifCre est
666, non 616 [supra, com. 18). Nous nous tiendrons done a 666, malgre I'autorite
de S3-C-04, tout en reconnaissant que I'autre chiffre, prefere encore par bien des
auteurs, n'est pas non plus denue de vraisemblance.
Des la fin du ii^ siecle, on a donne au probleme de ce chiffre la solution la plus
simple, qui est de nen pas chercher du tout. Saint Irenee (Adv. Haer. v, 30, 2^
declare bien franchement : « άσφαλέστερον καΐ άκινδύνοτερον το περιμένειν τήν εκβασιν τής
προ'^ητείας Vj το καταστο/άζεσθαι και άπομαντευεσθαι όνο'ματα τυχόντα, πολλών ovouoctwv ευρεθη-
ναι δυναμε'νον ε/όντων τον προειρημενον αριθμόν ». Mais si, au lieu de remettre a lavenir
I'accomplissement de cette prophetie qui en amenera I'intelligence, avec irenee
suivi d'Origene (Sch. xxxix) et d'Andre, nous croyons au contraire qu'elle a ete
realisee de la maniere la plus caracteristique sous Tempire remain, nous ne nous
contenterons pas avec Andre de faire « des recherches par mode d'exercice » et
de proposer au hasard des noms comme λαμπε'τη;, Τειτα'ν, en grcc, Benedictns on
212 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
latin, Sarmnaeus en persan, ou bien κακός δ5ηγος, etc. ; Prim, donne ΑΝΤΕΜΟΣ
(αντίτιαος?), ct beaucoup Tont repete au Moyen Age; Beatus propose sept noms
divers. L'avertissement du v. 17, et lulilite actuelle que le dechiffrement avait
pour les Chretiens d'Asie, empeche absolument d'esquiver ainsi la difiiculte.
Toute espece d'hypotheses ont ete faites, quelques-unes absurdes, surtout
apres Nicolas de Lyre, la plupart arbitraires. Nous ne nous attarderons pas a
critiquer le n^^ivzip cinn de Gunkel, ou le ΐΣ^Ί: "jz "711^2:, de Bruston. Mais, des
les premiers temps, les commentateurs les plus aulorises ont senti qu'il aurait
fallu un nom designant de quelque maniere le paganisme, ou mieux encore
Vempire romain. Ainsi 7re/zee (v, 30, 1), a cote d'EOavOa; ou de n'importe quel
autre, signalait τειτάν, nom d'Apollon (cfr. I'interpretation d"A':roX}.uo)v de ix, 11)
ou Αατεϊνος, disant qu'il prefererait celui-ci ; Viclorin de Capoue a note ce dernier
nom en marge de son exemplaire; Hippolyte^ a cote d'apvou[/.e (άρνοΰμαι, « je
renie », Antechrist apostat), donne aussi Α^τεινος, de meme qu'Eiisebe. En ces
dernieres annees, Clemen a propose η λατινη βασίλεια ou ,η ιταλ•/; βασίλεια; Ewald
(1828) s'etait decide pour a^ll IDip (616), et Manchot pour avziT ηρ''ρ (666);
Deissmann (LO, p. 258) propose καΤσαρ θεός (616). Ces solutions s'accorderaient
bien avec le sens; mais si Ton en trouve de mieux determinees, elles seront
certainement preferables. D'autres, qu'il serait fastidieux d'enumerer, ont ete
proposees par van den Ber-gh van Eysinga, etc.
Or, Ires anciennement deja. on a cherche le nom propre d'un empereur. Aprin-
gius (non pas Victorinus, qui, malgre sa tlieorie du « Nero redivivus », n'a pas
donne d'interpretalion dans son texte original) (1) propose ϊειταν ou « DICLUX »
{die : lux), parce que TAntechrist se donnera pour un ange de lumiere; mais cet
etrange terme de « Diclux » a ete forme des lettres a valeur numerique quon
pent isoler dans le nom de Diocletien, Diodes Augustus : DIoCLes AVgVstVs,
en joignant en un seul signe deux cliiffres V pour en faire un X ; ainsi Ton obtient
DCLXVI = 666 = Diclux par une interversion. Gette explication, admise de
Bossuet, qui applique le chiirre a Julien lApostat, comme a un Diocletien res-
suscite, atteste au moins, si recherchee et arbitraire qu'elle puisse etre, la tres
ancienne preoccupation de decouvrir un empereur individuel. De nos jours, en
suivant certaines theories sur les sources, on y a vu Trajan ρηπ ou ijiin) —
deja Grotius decouvrait Οΰλπιο;, nom de Trajan (Cfr. Hadorn, ZNW, 1919, H. 1),
— ou encore [VoUer, ii) Trajan et Hadrian (c^:n~N D^:n•:: = 666, ou "j'lTi'c
0ίΐ3ΐηΐΝ = 616). Beaucoup d'auteurs, onlevoit, seservent de I'alphabet hebraique.
Mais on pourrait multiplier indefiniment les cles de ce genre.
Deux interprelalions par un nom d empereur ont eu plus desucces, et parais-
sent plus admissiblcs a priori. L'une, se servant de l"alphabet grec et de 616,
trouve Caligula, Γαιος Καίσαρ [Spilta, 0. Holtz'nann, etc.) La mort et la resurrec-
tion de la Bete seraient une allusion a la dangereuse maladie a laquelle Caligula
tichappa au commencement de son regne [Suet. Caligula xiv); car πληγή pent
signifier « maladie » a xiii, 3, 12, et της αα/αίρης de xiii, 14, ne serait qu une
glose. C'est faire trop d'lionneur a Caligula, dont Jean se souciaitpeu; il fau-
drait, pour recourir a cette tlieorie, admettre les « sources » de ces critiques. —
(1) Y. I'edilion de Ilaussleilev, p. 124, et Dom Morin, Analecla maredsolana, vol. Ill, par.
in, 1903, p. 1%.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 213
La seconde, bien plus solidement fondee, trouve le nom de Neron, ecrit en let-
tres hebraiques iiJ iDp (616) ou "jiij iDp (666), suivant qu'on emploie la forme
latine ou la forme grecque de ce nom propre. Depuis Fritzsche, Denary etHitzig,
cette tlieorie a ete admise, au moins comme la plus probable, par la grande ma-
jorite des exegetes {Reuss, Renan,H. Holtzmann, Calmes^ Swete, Joh. Weiss,
Bousset^ etc.); Hort la declare la seule qui merite consideration, avec Λατεϊνος ; nous
y joindrions volontiers le χαΤσαρ θεο'ς (= 616) de Deissmann; mais destrois, c'estla
premiere que nous preferons nous aussi (v. Exc. xxxi, a ch. xvii). L'objection qu'il
aurait fallu ecrire lOip, en « scriptio plena », ce qui eiit donne 676, est conside-
reeaujourd'hui comme sans valeur. Renan a etabli [L'Antechrist, p. 415-suiv.) que
I'ecriture defective, sans iod, signalee par Bi'ixtorf deja chez les rabbins, n'etait
nullement inusitee ; Jean a bien pu la choisir expres pour aboutir au chifTre
symetrique 666 (v. infra; alnsi Holtzm., Bousset). Cette explication a de plus
I'avantage, suivant qu'on ecrit ou non le noun a la fin du nom de Neron, de s'ac-
commoder aux deux chifFres transmis par la tradition /ξς' et χις' ; ce dernier, 616,
correspondant a la forme latine Qesar Nero, se trouve justement, observe Bous-
set, dans les temoins occidentaux (? : a cause de C), et la mention symbolique
de Neron est naturelle, comme nous le verrons au chap. xvii. Au contraire, I'idee
de Caligula ne pent s'appuycr que sur le cliiffre 616; or, d'apres Irenee, v, 30, 1
(cfr. 28, 2 ; 39), il n'y a pas de doute que 666 soit mieux atteste.
II reste une grave objection malgre tout; pour arriver k Qesar Neron, il faut
recourir a I'alphabet hebraique, dans un livre ecrit en grec, et destine, comme
Tobserve/Zo/'i, a des gens qui ne connaissaient pas sans doute un mot d'hebreu.
Qu'on replique avec Holtzmann que I'alphabet hebreu ayant etc utilise pour une
gematria par Irenee lui-meme, (ii, 24, 2), il pouvait I'etre, a fortiori, par I'auteur
de TApocalypse; ou, avec Bousset, que Jean a pris I'hebreu justement afm do
pouvoir arriver au nombrefatidique 666, et que d'ailleurs, pour un judeo-chretien
habitue a la gematria juive, il etait plus naturel d'employer cet alphabet qu'aucun
autre; la reponse ne satisfera pas tout le monde, car elle ne resout pas en-
tierement la difficuite en ce qui concerne les lecteurs d'Asie ; Jean aurait du au
moins les avertir qu'il se servait de chiffres aussi inusites pour eux.
Mais aussi, qui nous dit qu'il ne I'a pas fait? N'oublions pas qu'il y avait plus
d'un Juif dans ces eglises anatoliennes. Puisque le nom etait dangereux a ecrire,
la cle ne pouvait etre non plus donnee par ecrit; mais, a la lecture publique, dans
un local soigneusement ferme, I'anagnoste, renseigne par celui qui porta la kttre
de Patmos sur le continent, pouvait fort bien orienter les fideles, et meme leur
dire : « II s'agit du nom de Neron, ecrit en hebreu; transmettez-vous ce secret
de bouche en bouche. » Et plut a Dieu qu'ils eussent fait ainsi! mais ils ont trop
bien respecte le mystere, puisque I'Asiatique Irenee ne le connaissait deja plus.
Quoi qu'il en soit, I'emploi de cet alphabet etranger ne devait pas tant les sur-
prendre, si nous nous rappelons que, dans les papyrus magiques, et quand il
s'agissait de reveler quelque chose de tres mysterieux, les Grecs de I'Empire
aimaient a introduire des noms hebreux ou semitiques, qu'ils forgeaient au besoin.
Done, jusqu'a ce qu'on ait trouve mieux, a cause du contexte, du chap, xvii, et
des textes contemporains sur le « Nero redux » (Exc. xxxiv), nous admettrons
que la Bete a ete designee par le nom de I'empereur qui en a le mieux represente
le caractere vicieux, cruel, despotique et persecuteur. Le secret exigeant de
214 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
rintelligence consistait a reconnaitre I'empereur regnant, Domitien — et ses
successeurs, car il s'agit plus de I'avenir que du present, — sous le nom de
Neron Cesar {Joh. Weiss]\ ils seront tous, ces empereurs adores, comme autant
de Nerons revenus de Tabime : la grande energie du Mai, I'Antechrist perpetuel,
c'est d'abord la puissance romaine, personnifiee en des empereurs pareils a
Neron dans leurs rapports avec I'Eglise, et, apres elle, d'autres puissances qui
lui ressembleront.
Yoila pour le nom propre de la Bete; mais nous avons indique des sens sub-
sidiaires, tires du caractere meme du chiifre. D'abord 666, forme de trois « sept
moins un » pouvait d'autant mieux convenir arAntechrist qu'il s'opposait au nom
du Christ, Ίησοίίς = 888 = trois « sept plus un », tout compose d'octaves, c'est-
a-dire de perfections. Quoique le passage de Sib. qui donne cette gematrie soit
posterieur a Γ Apocalypse, rien n'empeche de croi^e que ce calcul mystique
eut deja ete fait au temps de Jean. Puis il pent y avoir aussi allusion, puisque
I'Antechrist est indestructible jusqu'a la Parousie, aux six millenia tradition-
nels de la duree de ce bas monde. Cette idee, sauf quelques nuances, remonte
au moins a Saint Irenee, et elle est bien dans I'esprit general du livre. Adv.
Haer. V, 30, 1, I'eveque de Lyon reconnait dans 666 I'age de Noe au temps du
Delude, image de la catastrophe finale, additionne des dimensions de la statue de
Nabuchodonosor, type de I'Antechrist. Auparavant, il s'est exprime ainsi : χαΐ τον
άριθαον Cit του ονο'αατος αύτοϋ φησιν και άλλα τινά, και είναι τον αριθμόν /ςς', ο εστίν εκατον-
τάδες εξ και δεκάοε; ε; και αονάοες εξ, εις άνακε;5αλαίο3(7ΐν πάσης της εν τοις εξακισχιλίοις
ετεσιν γεγονυίας αποστασίας. "Οσαις γαρ ήμεραις εγε'νετο δοε 6 κόσμος, τοσαυταις χιλιονταετεσι
συντελείται ' και δια τούτο φησιν ή γραφή * και συνετέλεσεν, φησί, δ θεός |ν τη ήμε'ρα τη έκτη
τα έργα αυτοΐ), οσα εποι'ησεν Και δια τ^^χο το θηρίον το Ιρ/όμενον άνακεφαλαίοισις γίνεται
πάσης της αδικίας και παντός δόλου, ι'να εν αύτω συνρεύσασα πάσα ούναμις άποστατιχη εις
τον κάαινον βληθη του πυρός* χαταλληλοίς ουν και το όνομα αύτοΰ Ι^ει τον αριθμόν χςς ,
άνακεφαλαιούαενον εν έαυτω την προ τοΐ3 κατακλυσμού πασαν της κακίας επιμιξίαν εξ αγγελικής
αποστασίας γεγενημε'νης" Νίοε γαρ ην ετών χ', κτλ. [Adv. Haer. ν, 28-30; cf. Orig.
sch. xxxviii).
Ainsi la Bete qui porte le chiffre 666 condenserait en elle tout le mal du passe,
des six millenia, selon I'idee courante alors sur la duree du monde — en excep-
tant, pour Irenee qui etait chiliaste, le 7'=millenaire, celui du Christ ; — en realite,
suivant I'interpretation que nous defendons, les 3 ans 1/2, les 1260 jours des
temps mauvais, iront se repetant a travers toute I'histoire, y compris I'age mes-
sianique (les 42, voir Exc. xxiii). Les series septenaires comme celle des Trom-
pettes, qui devaient s'etendre sur tout I'avenir, n'avaient egalement que six termes
developpes, le dernier coincidant avec la consommation; ainsi le nombre six, ici
666, representerait toute revolution, toute la duree, comme le fait a un autre
point de vue 42 = 6 X 7. La bete appelee Neron durera, sous des formes chan-
geantes, jusqu'a la fin.
Nous pouvons clore cette enquete aride, et encore un peu conjecturale, par
cette phrase de Bousset : « L'Apocalyptique dit a ses lecteurs : Ί raitez le nom
de la Bete au moyen de I'art de la gematrie; vous le pouvez, car vous savez bien
que la Bete, au sens ou je lentends, est en meme temps identique (1) a sa]tete,
(!■) En un certain sens c'est vrai.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 215
— im personnage qui ne vous est pas tout a fait inconnu. Alors vans obtiendrez,
si vous calculez bien, le nombre qui indique la mechancete terrible et mys-
terieuse de la Bete, — de cet hoinme, — c'est-a-dire 666! »; nombre qui en
meme temps, pour nous, signifiait la longue duree, mais aussi le caractere
incomplet et precaire d'une domination a laquelle les fideles pourraient toujours
echapper, et que le Christ aneantirait.
G. VISION PREPARATOIRE A LA LUTTE DES FORCES MISES EN PRESENCE
(XIV, 6-20).
Int. — Avant de contempler la guerre cles Betes contre I'Agneaii, Jean a une vision,
ou une serie de visions, qui en presage deja le resultat. L'unite de cetle pericope res-
sort deja du fait qu'il y parait sept pcrsonnages celestes (v. infra). De meme que XII-
XIV, 5 correspondait assez bien aux « visions d'introduction » des chap. IV-V, ainsi
XIV, 6-20 est parallcle, niais d'une maniere bien plus etroite, aux « visions de prepa-
ration » de VI- VII. En e/fet :
XIV, 6-11, proclamations prenlables des trois Anges, repond ti VI, 1-8, les quatre
Cavaliers.
XIV, 12-13, I'annonce du bonlieur des saints repond h VI, 9-11, la consolation aux
Martyrs (5^ sceau).
XIV, li-20, vision anticipee da double jugement, repond a VI, 12- VII, 6^ sceau, avec
la meme antithese du sort des bons et de celui des mechants.
C. 1° Les trois Anges qui predisent la victoire et les vengeances de Dieu
(xvi, 6-11).
I.-VT. — Les intentions de Dieu et de I'Agneau, pour le cliatiment et le salut du monde,
avaient ete, dans la premiere section, manifestoes au Prophete par Vapparition de
quatre cavaliers symboliques; ici, elles le sont par les proclamations de trois Anges;
un sc/iema de 3 [cfr. les 3 Γαβ) remplace done un schema de k. II y a d'autres diffe-
rences; ainsi les Anges annonciateurs du chatiment ne se tiennent pas dans les lieur
communs, Guerre, Famine, Peste; I'un annonce les malheurs temporels, I autre les mal-
heurs spirituels, la damnation, qui menacent les adorateurs de la Bete; la vue propJie-
tique est done plus precise et plus profonde, ce qui est ordinaire dans cette deuxieme
section. Mais la ressemblance avec la vision de VI, 1-8, est frappante d'autre part, en
ce que la proclamation de V Evangile avec ses promesses (cfr. le pr cavalier) precede
la menace des fleaux. Nous verrons plus loin comme ce parallelisme continue jusquau
bout.
Inutile ici d'exposer et de discuter en detail les opinions des critiques, et les decou-
pages divers qu'ils ont opcres d'apres leurs theories sur les sources (Int. c. xi). L'iden-
tite continue du plan et l'unite de la langue suffsent 'amplement a demontrer l'unite
d'inspiration et de main.
G. XIV. 6. Kac elaov *ά'λλον άγγελον *7:ετόμενον έν *μ.εσουρανήματι, ε'χοντα ευαγ-
γέλιον α'.ώνιον *ε'!)αγγελίσαι έπι τους *7.αθγ;μ.ένους *έ7:1 της γης καΐ *έτ:Ί ταν έθνος καΐ
ουλή ν καΙ γλώσσαν κα: λαόν, 7. *λέγων *έν οωνη μεγάλη * Φοβήθητε τον θεον και
δότε αΰτω δόςαν, 'ότι ηλθεν ή ώρα της κρίσεως αυτοϋ, και *7:ροσκυνή3•ατε τω ■ττοιήσαντι
τον οϋρανον και τήν γην και *6άλασσαν και ζηγάς υδάτων.
Α. Β. 6. άλλον ne manque que o2-n*-01, rec. Κ, quelques And. — Remarquer la
forme -ετάαενον de Ν ; — μεσουοαν., cfr. Mil, 13 et IX, 17. — έναγγελίσαί, sans preposition
ni article, correct; And. I'a fait preceder de έρ/ο'μενον, sans necessite. — χαθημένου; ΙπΙ
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
217
της γης, expression de Jcr. xxxii (xxv), 25 = γΐκπ 121^1 ne sc irouve qu'ici, quoif[ue re
participe soil tres frequent dans VApoc: aussi o''-A-02 et beaucoup a\ind. ΓοηΙ change
en χατοικουντας, par assimilation a la formule ordinaire. — Remarquer les changements
de cas apres επί, « Grammar of Ungrammar », v. Int. c. x, § II. — 'έθνος καΐ φυλήν κτλ,
cfr. ν, 9; νιι, 9; χ, 11; χι, 9; χιιι, 7, etc. (Int., c. χ, § III). — Pour la mise en scene,
cfr. Γ «Aigle » de viii, 13, et (?) Γ « Evangile » de x, 7.
C. 6. Le mot άλλος — que Bousset supprimerait volontiers, et que Joh. Weiss croit
sans raison substitue a αετός, — distingue probablement cet Ange du 7^ Ange des
trompettes, le dernier mentionne [Swete), ou de tous les precedents {Spitta, B. Weiss),
ou de I'Ange de x, 1, avec lequel il a quelque rapport {Diisterdieck) ; mais en tout cas
ce n'est point, contre Hilgenfeld, de Γ « Agneau » considere comme un « premier
Ange ». II parait con^u en opposition avec I'Aigle de viii, 13; comme lui il vole au
zenith, mais c'est pour proclamer une bonne nouvelle au lieu de maledictions.
Qu'est-ce que cet « Evangile eternel »? Ce n'est ni un Evangile venant perfection-
ner celui de Jesus-Christ, comme I'ont reve Joachimites et Lutheriens, ni la revelation
du siecle futur {Orig. in Rom. i, 4), ni la predication du prophete Elie avant le regne
de I'Antechrist {Vict.) ou de tout autre predicateur fanieux dans I'histoire. La meilleure
interpretation (surtout si Ton se rappelle I'analogie de vi, 1) est celle qui le rapporte a
I'Evangile pur et simple, dit « eternel » parce qu'il ne change pas, par opposition a la
loi de Moise [Bossuet). Par consequent, contre Bousset et d'autres, I'idee n'est pas la
meme que celle de x, 7, ou la « bonne nouvelle » consiste a annoncer que le triomphe
des saints ne sera pas indefiniment differe. Ce peut etre, comme dit Holtzmann « le
dessein eternel de Dieu concernant » — mais non exclusivement — « le sort final du
monde » ; ce n'est pas non plus exclusivement le regne definitif de I'Agneau, decrit
aux chapp. xxi-xxii (cfr. Calmes). And. : un evangile qui a ete predetermine par
Dieu ab aeterno: Joh. Weiss, un Evangile « fur die Ewigkeit giiltig )>. C'est le meme qui
se repand d'ores et deja sous la figure du Premier Cavalier; d'ailleurs, observe encore
Joh. Weiss, I'Evangile, dans le N. T., n'est pas purement et simplement une « joyeuse
nouvelle », puisqu'il promulgue la necessite de la penitence, et le jugement contre les
impies.
^^^ A. B. 7. λέγουν, sans accord, Int,, c. x, § II; Orig., etc. : λέγοντα; — έν instrum.
(omis A et lat.) devant φων^, comme v, 2; xiv, 9, 15; xviii, 2; en general on a le simple
datif; oojv. [ΐεγ., cfr. i, 10; v, 12; vi, 10, etc — προσκυντ^σατε := « prosternez-vous «, a
cause du datif; il s'agit d'exprimer I'adoration par des actes exterieurs, devant le
jugement qu'on sent venir; — « ciel, terre, mer, sources », meme division qu'aux
Trompettes et aux Coupes, infra.
C. 7. II faut entendre le « jugement » au sens large; ici, comme la suite le montre,
il s'applique specialem.ent a Babylone et a la Bete, realites historiques. Ce n'est pas
un « dernier avertissement » avant la catastrophe definitive (contre Holtzm.), et ce
G. XIV. 6. Et je vis un autre Ange volant au zenith, qui avait un evangile
eternel pour repandre TEvangile sur ceux qui sont assis sur la terre, et
sur toute nation et tribu et langue et peuple, 7. disant d'une grande voix :
« Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car [elle] est venue Theure de son
jugement! Et prosternez-vous devant Celui qui a fait Ic ciel et la terre, et
[la] mer et [les] sources des eaux. »
signe ne se rapporte meme pas uniquement k Babylone (contre Calmes, Bousset);
mais il est commando a tous les habitants de la terre d'adorer le vrai Dieu, et non
la Bete, sous quelque forme que se presente celle-ci.
218 APOCALYPSE DE SAINT JEA\.
8. Και *ά'λ/.ος άγγελος οεύτερος ήκολούθητεν λέγων* "Εζεσεν ετζεσεν Βαβυλών ή
μεγάλη, ή ε•/. το3 ol'vcu του θυμοΰ της -ορνείας αϋτης ττε-ότικεν ζάντα τα έθνη.
9. Και άλλος άγγελος τρίτος ήν.ολούθησεν αϋτοΐς λε'γων *εν οωνη μεγάλη " Ει' τις
ζροσκυνεΐ το θηρίον καΊ τήν εικόνα αϋτοΰ, και λαμβάνει yi^y.-^\}.a έπί *τοΰ μετώπου
αΰτοϋ ή έπι τήν χείρα arJjxoXi^ 10. καΐ αϋτος ζίεται *έκ του o'tvou του θυμοΰ τοϋ θεοΰ
του κεκερασμε'νου ακράτου εν το) ζοτηρύο της όργης αυτού, καΐ *βασανισθήσεται *έν
ζυρι καΐ θείω ενώπιον *άγγέλων αγίων και ενώπιον του άρνίου. 11. Και ό καπνός του
βασανισμ-οΰ αυτών ε'.ς α'.ώνας ααόνων αναβαίνει, και ουκ έχουσιν άνάπαυσιν ημέρας
και νυκτός οί προσκυνοίντες το θηρίον και τήν εΐκίνα αϋτοΰ, και *ε'ί τις λαμβάνει το
χάραγμα του ονόματος αϋτοΰ.
Α. 8. δεύτερος manque 5505-14-69, 3600-57-296, α201-22-632, vidg. — « ceci-
derunt », de Prim., suppose 7:έ;:τωκαν pour πέπο^καν, substitue άπεπότικεν κ', al., boh., arm.
B. C. 8. Get Ange est I'annonciateur des malheurs lemporels et politiques des
ennemis de Dieu, lous reprosentes sous la figure de Babylone = Rome. II parle au
passe prophetique, tant cette chute est certaine, et clame toute sa joie dans le double
επεσεν. Les lecteurs de I'Apocalypse sont supposes familiers deja avec ce nom sym-
bolique, qui designe certainement Rome, d'apres les chapitres xvi-xviii•, Rome est
ainsi appelee Sib. v, vers 143, 159; Bar. syr. lxvii, 1; I Pet. v, 13, etc.; la designation
devait etre courante dans les milieux juifs et chretiens du i^r siecle. Cette chute fera
I'objet des propheties de xvii-xviii; nous avons done encore ici un « emboitement »,
le troisieme ou quatrieme. EUe est annoncee en termes analogues a ceux des prophetes
parlant de I'empire assyrien, Is. xxi, 9; Jer. l, 2; li, 8; Isa'ie, Nahum, etc. fletrissent
egalement Ninive, Babylone, Tyr, pour leur πορνεία. Ce reproche, qui reparaitra
comme stereotype xvi, 19; xvii, 5; xix, 15, vise a la fois I'idolatrie et les moeurs dis-
solues de la Rome paienne; le « vin » signifie a la fois I'enivrement sensuel de ses
debauches, et celui de la colere de Dieu (v. infra), qui permet une telle ivresse
comme chatiment de la perversion religieuse; ainsi Rom. i, 18-suiv. [Bousset). Du
reste, en ce passage de portee tres generale, Babylone-Rome pent 6tre comprise
symboliquement, comme la capitale de la Bete, quelle qu'elle soit, « la confusion
de ce monde et les troubles de la vie presente » {And.).
• A. B. C. 9. Ici la reference au ch. xiii devient tout a fait directe. — h φων.
μεγ., supra, v. 7. — προσκ. avec I'accusatif (excepte C et quelques autres, datif) =
« adorer » — το devant χάραγμα, dans qqs And. et 1073. — Changements de cas apres
Ir.i, V. supra, au v. 6 ; τω μέτωπο» dans X. — « Le vin de la colere de Dieu », cfr. Jer.
LI, 7; Osae vii, 5, est oppose sarcastiquement au « vin de Fa prostitution ». Mieux
vaut subir tous les maux dont les paiens menacent les fideles, la mise au ban de
la societe, meme la mort (v. ch. xiii), que de boire a cette coupe-la!
— — A. 10. La particule καί doit etre le 1 hebreu de I'apodose [Bousset). — A et
o505- 14-69 ont le pluriel βασανισθ^σοντα-., accord ad scnsuni, justiiie par αυτών du
verset suivant. — oVvov κεραννύναι signifie litteralement « meler le vin », mais, puisque
ce vin est άκρατος, il faut bien admettre ici le sens derive de « preparer, servir le vin »
(Holtzm.): il y a la une sorte de jeu de mots peut-^tre inconscient. — τών devant
άγγέλο>ν, de rec. Κ et quelques And., est admis de B. Weiss.
B. C. 10. Les malheurs annonces par I'Ange precedent fondaient sur une ville,
une societe, done ils etaient temporels; le troisieme Ange menace de la damnation
les individus qui adorent la Bete, car I'indivldu est iiamortel. lis seront tortures en
presence de saints anges, ce qui joindra la honte a leur supplice, et, chose encore
plus eflfroyable, en presence de I'Agneau leur Redempteur; cfr. « la colere de I'Agneau »
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 219
8. Et un autre Ange, un deuxieme, [le] suivit, disant : « Eile est tombee,
elle est tombee Babyloxe la grande, qui du vin de la fureur de sa prosti-
tution a abreuve tous les peuples! »
9. Et un autre A.nge, un troisieme, les suivit, disant d'une grande voix :
« Si quelqu'un adore la Bete et son image, et [en] recoit [I'jempreinte sur
son front ou sur sa main, 10. Iui-m6me boira du vin de la fureur de Dieu,
qui a ete verse sans melange dans le calice de sa colere, et il sera tourmente
dans le feu et le soufre, en face d'anges Sainis et en face de I'Agneau.
11. Et la fumee de leur tourment s'eleve pour des siecles de siecles, et ils
n'ont pas de repos, de jour ni de nuit, ceux qui adorent la Bete et son
image, et si quelqu'un recoit I'empreinte de son nom ».
VI, 10 ct, I, 7 : « videbit eum omnis oculus, et qui eum pupugerunt. « Si I'Agneau
n'est nomme qu'apres les Anges, ce peut etre aussi a cause de I'habitude juive d'as-
socier les Anges a Dieu immediatement, cfr. i, 4-suiv. [Boussei). Le supplice du feu
dans I'enfer est compare a un « vin non mole », non melange d'eau, pour exprimer
la violence de la douleur.
— — A. B. 11. αυτών, accord ad sensum. Pour αναβαίνει, qui n'est peut-etre pas
un present prophetique, puisque I'enfer est deja trop peuple, on rencontre aussi
αναβαίνουν et άναβηθι^σεται. — προτκ. acc. = adorer; par-ci par-la le datif, corrections mal
entendues. — χάραγ[Λα, cfr. xiii, 10.
C. 11. C'est un vrai manifeste guerrier, dit Bousset, contre le culte des Cesars;
— αιώνας αιώνων : I'article ne manque qu'ici dans cette formule si frequente. Ce pas-
sage enseigne I'eternite des peines infernales ; si αΥων, en ionien et chez les tragiques,
signifiait « vie », la prose attique I'employait au sens d' « eternite », qui a passe
dans la Bible. Les papyrus I'emploient tantot pour signifier « periode de vie » (d'ou
le sens derive « age du monde », et Eons = personnalites divines qui y president),
tantot, meme au singulier, pour designer toute la suite des ages (V. Moulion-Milligan.),
ainsi dans les acclamations populaires aux empereurs-dieux. « Ni jour ni nuit », c'est
la contre-partie infernale de la louange sans repos des Gherubins, iv, 8. [Holtzmann).
C. 2°. Promesse dc beatitude adressee aux saints (xiv, 12-13).
L\T. — Le honheur promis aux fideles du Christ s'oppose a la menace de damnation
contre les sectateurs dc la Bete. De meme, au 5^ sceau, auquel cette petite pericopc
correspond tres exactement par la place et le sens general, la plainte des martyrs
etait calmee, non seulement par I'annonce du triomphe relativement procliain, rnais
par le don dune robe blanche, c'est-a-dire de la beatitude, sans attcndrc la consom-
mation (VI, 9-suiv.).
Volter donne 12 a I' « Editeur » et 13 au « Reviseur »; Weyland, les deux a
V « Editeur »; Spitta, id.; Erbes les divise entre ses deux premieres apocalypses ;
Bruston les attribue probablement a Jean. Le mieux est certainement de considerer
ces deux versets comme lies, avec Vischer, Bruston, Job. Weiss, etc., ainsi (pie nous
essaierons de I'etablir. Ils font d'ailleurs trcs bien suite a ce qui precede.
220 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. XIV. 12. Ώοε ή ύ-ιμ,ονή των άγιων εστίν, *ζ'. τηρ^ΰντες τας έντολάς του θεού
7.7.1 τήν πίστιν Ιησοΰ. 13. ΚαΙ ήκουσα φωνής εκ τοϋ ουρανοί λεγούσης' Γράψον
Μακάριοι οι νεκροί οί έν κυρίω αποθνήσκοντες *ά7:άρτι. *Να(, λέγει το ζνεΰμα, *ϊνα
*άναπαήσονται *έκ των κόπων αυτών' τα γαρ έργα αυτών ακολουθεί *μετ' αυτών.
Α. Β. 12. Le nominatif τηροΰντες, apres αγίων, peut etre une sorte de parenthese
(Int, c. X, § II); X, al. : των τηρούντων. — τηρείν, έντολη', mots surtout johanniques
(Int, c. XIII, II, § I). — Avertissements semblables, avec ώδε, xm, 9; xvii, 9. — τήν
πίσχιν Ίησοΰ, cfr. II, 13 τήν πίστιν μου, et Paul, Gal. Rom., toujours le genitif objectif.
C. 12. La formule ώδε, d'apres les paralleles ci-dessus, a toujours pour efTet d'attirer
lattention sur ce qui suit; dans notre passage, le καί du verset suivant pourrait faire
difficulte, car il paraitrait de prime abord introduire une idee nouA'^elle ; mais I'auteur a
pu lemployer simplement par habitude. Avec d'autres traducteurs, nous rapportons
done cet avertissement a la promesse qui suit. Elle n'est cependant pas sans lien avec
les menaces precedentes : la patience des saints est fortifiee aussi par la certitude de
la ruine de leurs persecuteurs. Qu'on se figure, dit Bousset, Teffet de tels avertisse-
ments dans la lecture publique, quand Jean s'ecarte un moment de son role de voyant
et de narrateur pour exhorter comme un prophete et un pasteur inspire!
— ^-^ A. B. 13. φωνήν, dans 1073. — ναί omis N*, boh ; la Vulg. I'a remplace par
jam; — άπάρτι, hellenistique (en deux mots άπ' άρτι Mat. xxiii, 39, xxvi, 29, 64; Joh. xiii,
19; XIV, 7, formation analogue a έως ίρτι), signifie chez Matthieu « bientot, d'ici peu,
dans quelque temps » (pour le commencement d'un etat qui doit se prolonger) plutot
que strictement « desormais » ; mais chez Jean, precisement, il signifie « des a pre-
sent » ; ά'ρτι, dit du moment strictement present, est habituel dans la Κοινή, papyrus et
N. T. ; en ionien, άπαρτί, oxyton, signifiait « exactement ». άπάρτι doit etre relie a un
des mots precedents, μακάριοι ou αποθνήσκοντες, et non a ce qui suit comme I'a cru la Vul-
gate, qui n'a pas lu la particule ναί^ marquant une separation. — Done λέγει το -νεύμα
(cfr. la fin des Lettres) est une incise. — Pour le sens de ϊνα, assez inattendu ici, et
suivi d'un futur, v. Int. c. x, § II, cfr. Int. xiii, ii, § I. — άνακαήσονται de X, C, A, Tisch,
W.-H., Nestle, etc. (άναπχύσωνται rec. K., al., Soden; αναπαύσονται Q, al. ; αναπαύονται, α504-
135-1876, al.) est un futur deponent hellenistique de αναπαύομαι; cfr. άναπαήσεται dans
un logion de Jesus, Ox. Pap. iv, 654, έπαναπαήσεται Luc. x, 6, X, B* ; καταπαήσεταν et
formes similaires, dans des inscriptions et papyrus; Ιπάην a ete forme, semble-t-il
d'apres εκάην de καίω, aor. l^•" 'ε'/.αυσα, semblable a έπαυσα [Blass-Deb. § 78): — Emploi de
έκ (Int. c. x, § I-II); et de μετά apres άκολουΟεΓν, (ΙλΤ. c. χ, § Π). — οί έν κυρίω άποθ. cfr.
Ι Cor. XV, 18 οί κοιμηθέντες Ιν Χριστώ; Ι Thess. ιν, 16 : οί νεκρο\ έν Χριστώ. — Μακάριοι,
deuxieme « beatitude » de I'Apocalypse ; il y en a sept en tout, i, 3; xiv, 13; xvi, 15;
XIX, 9; XX, 6; xxii, 7, 14.
C. 13. Ce verset est de la plus haute importance. Tandis que les adorateurs de la
Bete vont a la damnation, les fideles, declare solennellement le Prophete au nom de
I'Esprit-Saint, peuvent compter des leur mort, c'est-a-dire sans attendre la Parousie,
sur la recompense de leurs CBuvres ; car ellesles accompagnent dans I'autre monde, etla
bonte paternelle de Dieu ne voudra pas leur faire attendre la retribution de leurs merites.
lis « se reposeront », non moins que les martyrs (vi, 11), probablement parce qu'ils
reeevront, comme dans cet autre passage, la celeste robe blanche. Cela ne veut done
pas dire que la recompense approche parce que la catastrophe finale ne sera plus dif-
feree (άπάρτι signifie le present; — contre Diisterdieck, Holtzm.); ce n'est pas non plus
une invitation au martyre, proclamant bienheureux ceux qui vont tomber dans la lutte
contre la Bete (cfr. Bousset, Joh. Weiss); ce bonheur est promis«a tons ceux qui resis-
teront a la seduction, mέme sans etre obliges d'y laisser leur vie; car ίποθ. έν κυρίω ne
APOCALYPSE DE SAINT JEAN, 221
C. XIV. 12. Ici [est] la patience des Saints — ceux qui observent les com-
mandements de Dieu et la foi de Jesus! 13 Et j'entendis une voix [venant] du
ciel qui disait : « Ecris : Bienheuieux les morts qui meurent dans le Sei-
gneur, des ά present! Oui, dit I'Esprit, pour qu'ils se reposent de leurs
labeurs; car leurs oeuvres suivent avec eux! »
peut ^tre qu'une expression de sens general, comme κοιρ.ηθέντες έν κυρίο); le verbe άποθντΙ-
σκω remplace bien en certains cas le passif ά'άποκτείνω; mais, en soi, a moins que le
contexte ne le determine autrement, il est synonyme de Ονήσκω, et sig-nifie « mourir »
en general, non n^cessairement « etre tue ».
Done tous les fideles qui ont observe les commandements, place leur foi en Jesus,
jusqu'au jour de leur mort, qu'ils soient martyrs ou non, jouiront au ciel, sans attendre
la fin du monde, de la recompense meritoe par leurs oeuvres. Ce jour de la delivrance
et du repos est tout pres pour chaque individu; que pourraient done leur faire les
menaces de Satan et de ses Betes, deja condamnes a la ruine eternelle?
G. 3° Vision anticipee et andthelique da double jiigement siir les 4lus et les
reproiwes (xiv, 14-20).
Ιλτ. — Ce petit morceau est un des plus remarquables de I'Apocalypse, au moins
pour la composition. « Par sa simplicite d'allure et sa vivacite d'images, dit fort juste-
ment Calmes, il rappelle I'inspiration des anciens propJtetes. » Le parallelisme est
dune rigueur qui n'a guere d'exemple dans le reste du livre; enfin le Christ y est
presente dune maniere nouvelle, qu on est oblige de mettre d' accord avec la chrislolo-
gie evidcnte de Jean. Pour toutes ces raisons, on y voit d'ordinaire une source juive
(Weyland : N; Sabatier, depuis le v. G; Spitta; J^; al. ; cependant Volter I'attribue a
.Jean-Marc, mais transpose la pericope apres XIX, k; Erbes, au chretien de 62; Brus-
ton, a I'Apocalypse sous Neron; Joh. Weiss, a Jean d'Asie). Nous croirions volontiers,
avec Sabatier, que, dans sa forme primitive, cette scene etait un morceau isole d'une
Apocalypse juive. (Int. c. xi et xii).
11 est plus facile d'en determiner le sens que I'origine, La plupart des critiques y
volent la fin d'une source, ou dune Apocalypse partielle inseree dans le grand ecrit ;
leur raison est quelle d4crit la Parousie et le jugement final, ce qui ne saurait dtre
qu'une conclusion. Ainsi, pour Joh. Weiss, c'est la fin de I'ecrit fondamental de Jean
d'Asie. Bousset /?e«se que, ci I'origine, c'clait bien une description du dernier jugement;
mais I'Apocalyptique de derniere main I'aurait autrement comprise, en V empruntant ;
peut-etre ledt-il trouvee dans un contexte elendu, auqucl il aurait pris encode XI,
3-13 [a cause de έ'ξω τίς πόλεως, XIV, 20), VII, 1-8, XIV, 1-3, et quelques passages de
XIII, 11-suiv., mais en fondant si bien tous ces elements qu'il est difficile de delimiter
les emprunts.
II est en effet incontestable que la langue particuliere de Jean s'affirme dans ce mor-
ceau en tout ce quelle a de plus individuel {^[xo ιοί υίόν άνθρωπου, etc.) ; certains traits,
Γ « autel », la α ville », les « chevaux », ne peuvent se comprendre qu'en fonction d'au-
tres passages du livre. Si done une source ecritc est demeuree ici dans I'imagination
du Voyant, I'inspiration et le travail litteraire I'ont profondement transformee pour
I'adaptcr au contexte general.
A la place quelle occupe, ce n' est plus du tout, en effet, une conclusion d' Apocalypse,
mais une vision anticipee placee a la fin dune serie preparatoire, avant les Fleaux des
Coupes, absolumcnt comme la vision du 6^ sceaii {VI, 12- VII), avant ceux des Trom-
222 APOCALYPSE DE SAIXT JEAX.
pettes. Meme symetrie, nieme antithese periodique, comme le commentaire vci le demon-
trer; le plan general de I'Apocalypse se poursuit ainsi avec une rigueiir remarquable
dans toutes les grandcs lignes. Un autre signe du lien de XIV, li-QO avec XIV, 6-13,
c'est qu'en Jinissani ces deux morceau.r, on trouve encore un septenaire divise en 3 -|- 4;
apres les trois personnages celestes isoles de XIV, 6Ί1, il en apparatt quatre groupcs
dans une scene antithetique ; I'auteur, decidement, tient a ce precede surprenant! XIV,
12-13, forinait une sorte d'intermede, absolument comme VI, 9-11. Tout cela, c'est la
signature de Jean, et, a notre avis, Vindication ires nette, par cette symetrie, du sens
qn'il attachait a cette scene, — un sens siinplement preparaloire : il voit, ici encore,
non pas une execution, mais le resultat anticipe de ce qui s'executera sous ses yeux
aux visions suivantes. Les trois premiers Anges ont annonce le sort futur de Rome, des
Betes et de leurs adorateurs, en meme temps que la predication de I'Evangile, qui
assure (12-13) le bonheur eternel et rapproc/ie des croyants; les quatre derniers per-
sonnages etendent cette vue au monde entier, dont le Prophete entrevoit dans une
echappee le sort final. Si la vision de VI, 12-J'II repi'esentait plutot le double jugement
de Dieu a travers I'histoire, ce morceau-ci est plus strictement esc/iatologique, parce
que nous approchons de la βη de la Revelation; il est done naturel que les vues de
Jean aillent se precisant.
En fin de compte, XIV, li-20 est mis la pour f'aire presager le resultat dernier des
scenes qui vont se derouler du cJiap. XV au chap. XX, et meme la derniere partic,
XXI-XXII.
C. XIV. li. *Και s'!sov y.xl lozb νΞ^έλη λευκή, και έζι τήν νεφέλην *καθήμενον
*'όμοιον u'.bv άνθρίό-ου. *ε7(»)ν έ::ί ΤΓ,ς y.i^y'/.r,: αΰτοϋ *ffTisavcv )^ρυσοΰν, καί έν τγ]
χειρί αϋτοΰ δ-ρέ•;:ανον οξύ. 15. Ka'. ά'λλος άγγελος έξηλθεν έκ του ναού, κράζων *έν
Φθ)νη μεγάλττ; τω καθημένω έττΐ της νεφέλης' Πέμψον το ορέττανόν σου καΐ θέρισον,
ότι -^λθεν ή ώρα *θερίσαι, 'ότι *έξηράνθη ο θερισμ.ος της γης. 16. Και εβαλεν ό καθή-
μενος έττΊ της νεφέλης το δρέττανον αϋτου έ-ί την γην, και έθερίσθη ή γη.
Α. Β. 14. κα"ι εΤδον και ιδού, meme formule de transition que iv, 1; vi, 2, 5, 8; xiv, 1;
— καθημενον. accus., un second εΤδον peut bien etre sous-entendu (Ιχτ. c. x, § II) —
δμοιον υΓον άνθρώ-ου, clr. I, 13 (v. ad loc.) et noter la persistance de ce singulier accord,
Corrections : And., καθτ^ια,ενος όμοιος; υίω pour υίο'ν, q^-C-04:, And., g, vulg.. Prim. — ε•/ων
pour I'accus. (Int. c. x, § II) ; correction ε'-/οντα, ν, al., g, vulg. — στέφανος ici synonyme
de διάδημα [infra] — επί την νεφέλην, cfr. la venue du F'ils de I'Homme pour le jugement,
Dan. vn, 13-14; Mat. xxiv, 30, et paralleles; Synopt., passim; Apoc. i, 7.
C. 14. Le Fils de THomrae apparait ici dans le meme appareil que chez Daniel, sur
une nuee blanche, ce qui est un signe favorable (E\c. xii), car il vient moissonner le
bon grain des elus. Ce n'est done point, dans cette eschatologie chretienne, pour faire
la guerre; car le στέφανος peut aussi bien etre I'embleme de la royaule que de la con-
quete, et Andre I'a compris dans ce sens. Qu'il apparaisse en tete d'une serie d'Anges,
ce n'est pas la un trait sur lequel il faille insisler comme le font Holtzm. et Spitta,
qui I'interpretent par Hen. eth. xlvi, 1 ou le Fils de I'homme a « une figure pleine de
grace, comme un des Anges saints » ; il pourrait cependant tenir a une origine juive
du morceau; mais il y a d'autres fagons de I'expliquer [infra, \. 15). Notons la reserve
de la description : « quelqu'un d'assis sur une nuee », comme Dieu, eh. iv, etait
« quelqu'un d'assis sur le trone ». Dans tous les passages ou Jean jntroduit Dieu ou le
Christ en vision, ch. i, iv, v, xii, xiv, xix, xxii, il evite de les nommer directement; une
crainte, un respect mysterieux les distinguent ain.si de tous les autres personnages.
APOCALYPSF. DK SAINT JEAN. 223
^urtout il se donne bien garde d'appeler le « Fils d'Homme » du nom d'Ange. II a
d'ailleurs trop clairement exprime, a travers tout son livre, la transcendance divine
du Messie, pour qu'il y eut moyen, ici, de se meprendre.
— — A. 15. And. ajoute σου devant ή ώρα. — τοΰ prepose a θερίσαι rec. Κ., θερισίΑου
Ν, al. — έν φων. α£γ., ν. supra Α-Β. 7; plus bas, v. 18, φων. μεγ. sans εν. — εξηράνΟη,
aoriste « constatif » : la moisson a seche, c'est-a-dire est arrivee a la maturite parfaite ;
le grain doit secher pour murir : ce n'est pas le ble seche en herbe, comme Joel, i,
17 : έξηράνθη σΓτο;.
Β. 15. Pour δρε-ανον, θερια^Λο'ς, cfr. Marc iv, 29; Mat. xiii, 39. Pour le sens de la mois-
son, cfr. I T/iess, IV, 17 ; Mat. ix, 37; Joh. iv, 35-38, et les paraboles synoptiques sur
le semeur et la semence. — Le ναός est-il celui de xi, 19; xiv. 17, ou bien de xi, 1?
question diificile a trancher (v. infra). Pour le theme de tout le morceau, cfr. Joel iii,
13 (iv, 1-Suiv.) : έξαποστείλατε δρέπανα, δτι παρεστηκεν τρυγητός- — είσ-ορεύεσΟε, πατείτε, δίοτι
πλήρης ό ληνός; comme dans I'Apoc, I'image est double, moisson et vendange.
C. 15. L'adjectif άλλος ne degrade pas, malgre Bousset, la figure du Messie, rabaissee
jusqu'a celle des Anges; car il pent tout naturellement se rapporter a I'Ange du v. 9,
et non au mysterieux et royal καΘήαενος. Devons-nous etre surpris qu'un Ange appelle
le Ghrist-Juge, lui donne, pour ainsi dire, un avertissement et un signal? Si Ton ne
veut pas y voir une trace litteraire d'origine juive, n'influant d'ailleurs nullement sur
la christologie manifeste de I'Apotre, on n'a qu'a se rappeler que, au ch. vi, e'est un
C. XIV. 14. Et je vis; et voici une nuee blanche, et sur la nuee [quelqu'un]
d'assis, pareil a un Fils d'homme, qui avait sur sa tete une couronne d'or, et
dans sa main une faucille aig-uisee. 15. Et un autre Ang-e sortit du temple,
criant d'une grande voix a Celui qui etait assis sur la nuee : « Envoie ta
faucille et moissonne, parce que I'heure est venue de moissonner, parce
qu'elle est seche, ia moisson de la terre ». IG. Et Celui qui etait assis sur
la nuee jeta sa faucille sur la terre, et la terre fut moissonnee.
Cherubin qui a dit : « Viens » fiu Cavalier de I'Evangile. La mise en scene serait la
mSme ici : I'Ange qui sort du Temple — si c'est le Temple celeste — est, coninie le
Cherubin, un des plus hauts messagers de Dieu le Pere, son intervention montrerait
que c'est la Divinite elle-meme, cachee dans le Temple, qui dit a Jesus, jugeant comme
homme, comme Messie, d'executer son oeuvre definitive. Mais, si Ton considere le ναός
comme I'image de TEglise (xi, 1), oppose ainsi a celui du v. 18, alors le sens sera
encore plus satisfaisant : c'est I'Ange gardien des fideles qui exprime a son chef le
Λ'οοη devenu irresistible de I'Epouse dont les merites sont complets : « I'Esprit et
I'Epouse disent : Viens! », (xxii, 17). Ainsi Hugues : « I'universalite des saints »;
Albert, et d'autres au Moyen Age.
Mais que signifie la « moisson » metaphorique? Dans Joel, et d'autres passages de
ΓΑ. T., il s'agit des ennemis de Dieu, Is. xviii, 5; Jer. li, 33; le sens d'Osee vi, 11, est
plus douteux. Dans un passage du N. T. Mat. xiii, 39, la moisson est prise au sens le
plus general : « La moisson est la copsommation du siecle »; mais ailleurs, Mat. ix,
37-38, Luc X, 2, Mat. xiii, 30, le sens est franchement favorable, il s'agit des ames
appelees a la foi et au salut, meme des elus dans le dernier passage (σΰον) et jamais
de la recolte des reprouves.
Ici, il faut necessairement admettre ce dernier sens (les elus), sans quoi la seconde
image, celle de la vendange, ferait double emploi, sans rien ajouter a I'idee, fait sans
autre exemple dans I'Apocalypse; car on ne sauraitparler ici d' « ondulations », les deux
224 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
17. ΚαΙ aAAc; άγγελος έξηλΟεν εκ του vaci του εν τω ουρανω. έχων καΙ αΰτος
δρε'-avcv οξύ. 18. Και άλλος άγγελος ές^/λθεν εκ του θυσιαστηρίου, [ό] έχων έξουσίαν
έζΐ του ττυρός, καΐ έ-νώνησεν φωνή μεγάλ'^ τω εχοντι το δρέττανον το όξυ λέγων.
Πέμψον 7ου το δρέζανον το οξύ, κα• τρύγτ,σον τους βότρυας της άμζε'λου της γης,
'ότι ήκμασαν αΐ σταφυλαί αύτης. 19. Και εβαλεν δ άγγελος το δρέττανον αϋτου εις την
γην, και έτρύγησεν τήν άμ,ττελον της γης, και εβαλεν ε'.ς την ληνον του θυμού του
θεοΰ Vov μέγαν. 20. Και έ-ατήθη ή ληνός εξοιθεν της -όλεως, κα': έξηλθεν αΤμα έκ
της ληνοΰ άχρι των χαλινών των ί'-ττοιν *a-b σταδίων χιλίο)ν έςακοσίοιν.
visions etant de mome etendue, tout a fait sur lememe plan et strictement paralleles; la
premiere, contra Hugues, Albert, al., n'est pas plus generale que I'autre. Aussi Joh.
Weiss a-t-il bien reconnu qu'il y a deux jugements; mais il les specifie a tort comme
un jugement general sur les nations (moisson), et un autre sur Israel, la « vigne de la
terre » Jer. ii, 21. Dans une scene de jugement, il serait etrange qu'il ne fut pas ques-
tion des elus : ce serait contraire a I'esprit d'encouragement et d'enthousiasme de tout
le livre. Aussi avons-nous non pas la repetition d'une seule idee sous deux figures,
comme dans le distique de Joel, mais deux scenes coordonnees et antithetiques, 14-16,
et 17-20 (contre Vict., Bossuet, qui pense aux deux devastations de Rome ou de I'Em-
pire par Alaric et Attila, Holtzmann, Bousset, Calmes, qui reconnait pourtant que
I'idee de jugement vindicatif se rattache plus specialement a la Λ^endange). Mais Andre
r^ferait deja ce passage a la parabole du bon grain qui rapporte trente, soixante et
cent; ainsi I'ont compris un certain nombre d'auteurs que cite Holtzmann, Bengel,
Storr, Hofmann, Ebrard, puis Alford, Bruston et Swete. Si le passage de Joel a eu
quelque influence, elle est de pure forme; la vision de Jean en a modifie profonde-
ment le sens, comme pour la vision des chars de Zacharie au ch. vi (contre Bousset).
La blancheur de la nuee, le parallelisme de I'ensemble avec les Sceaux, fortifient notre
interpretation.
^— — A. C. 16. τί) νεφελττ, rec. Κ., τήν νεφ. C, And. passim. — Swete, rappelant inge-
nieusement Mat. x, 34 : ουκ ήλΟον [ίαλεΐ'ν εϊρτ^νην, observe que le mot ϊοαλεν ne suggere
pas necessairement I'idee de violence ou de chatiment; et puis, que I'accomplissement
de ce travail pent occuper une generation ou ua age du monde; cependant, ici, le sens
proprement eschatologique predomine.
—^-^ B.C. 17. Ici commence une scene parallele antithetiquement a 14-16. — τοΰ ναοΰ
του εν τω οϋρ., cfr. χι, 19. — Noter, apres Aret/tas, que cite et approuve Swete, cette
nuance d'une delicate beaute : tandis que le Seigneur recolte lui-meme la moisson des
elus, il laisse a un esprit subordonne, a un Ange, la charge de la vengeance. De meme
les Anges des trompettes faisaient pleuvoir les fleaux sur le monde que le Premier
Cavalier parcourait seulement pour le convertir.
—— A. B. 18. Verset parallele a 15. — έχ τοΰ θυσ. cf. vi, 9 ou viii, 3. — ό, dans
Tisc/i., B. Weiss, douteux pour W-H., rejete de Soden, etc. — Ange prepose au feu,
cfr. I'Ange des eaux, xvi, 5.
C. 18. Get Ange vient « de I'autel ». Est-ce celui des holocaustes, ou celui des par-
fums? Dans le premier cas, il y aurait une relation insinu^e entre ce jugement de
colere et la priere des martyrs au 5' sceau; dans le second, avec la priere des saints,
VIII, 3, par laquelle est amenee la sonnerie des trompettes, prodrome de la consomma-
tion. Comme cet Ange a « pouvoir sur le feu » — ce qui nous apprend, dit Andre, qu'il
y a des Anges preposes aux divers domaines de la nature, v. L\t. c. v, i, § III, i et ii, §
I, 1, — nous verrions plus volontiers unlien entre cette scene et celle de I'autel despar-
fums, viii, 3-5; il y a peut-etre aussi une affinite entre cet Ange du feu et le feu infernal.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 225
17. Et iin autre ange sortit du temple qui est dans le ciel, ayant lui aussi
une faucille aiguisee. 18. Et un autre Ange sortit de I'autel, celui qui a
autorite sur le feu, et il se fit entendre avec une grande voix a celui qui
avait la faucille aiguisee, disant : « Envoie ta faucille aiguisee, et vendange
les grappes de la \igne de la terre, parce qu'ils ont muri, ses raisins! »
19. Et I'Ange jeta sa faucille sur la terre, et il vendangea la vigne de la
terre, et il jeta dans la cuve de la colere de Dieu, la grande [cuve]. 20. Et
la cuve fut foulee en dehors de la ville, et il sortit du sang de la cuve
jusqu'aux mors des chevaux, k une distance de mille six cents stades.
qui est le vrai sens de la « cuve de colere w du verset suivant. ηκ[ΐ.αί;αν, les crimes des
impies, comme les merites des justes, sont arrives a leur comble.
' Α.. Β. 19. ληνός etait generalement masculin, et feminin en poesie, ce qui
explique que Jean ait pu employer simultanement les deux genres (τον μεγαν); ce ne
peut etre qu'une faute de distraction, qui montre la rapidite excessive de la redaction
de ce livre (Ιλτ. c. x, π et xiii, fin). Corrections : τον α. omis (030-55-468, ami.), τήν
αεγάλην, (x. And., rec. A'.). — La « cuve de la colere de Dieu », cfr. xix, 15; I'image est
inspiree d'Isaie, lxii, 2-3.
■— — A, B. 20. oL-.o marquant la distance, johannique, cfr. Joh. xi, 18; xxi, 8,
(Bousset; Int. c. χ et xni). — Pour le « sang » et les « chevaux », description parallele
dans He7i. eth. C, 3.
C. 20. Quelle peut etre cette « ville » en dehors de laquelle la cuve est foulee ?
Bousset estime que, si elle n'est pas deterrainoe, c'est qu'on aurait ici un fragment
utilise ; que ce pourrait etre Jerusalem, d'apres le ch. xi, ou Babel, d'apres xiv, 8, et
que I'Apocalyptique de derniere main y a peut-etre vu Rome. Mais n'est-il pas tout
indique de I'identifier a la « Sion » de ce chapitre meme, au debut? Par consequent
c'est Jerusalem [Joh. Weiss, Swete), comme xi, 2, mais Jerusalem idealisee, Jerusalem
quartier general de I'Agneau, la « Cite bien-aimee » de xx, 9, ou meme le sejour des
elus de xxi. Les anciens prophetes, et les apocryphes apeupres contemporainsde Jean,
representaient le jugement de vengeance, au grand jour de Jahweh, comme s'execu-
tant dans la vallee de Josaphat [Joel iii, 12), sur le mont des Oliviers [7.ach. xiv, 4), a
Sion (IV Esd. xiii, 35; Bar. syr. xl, 1). Au ch. xvi, 16, la grande bataille contre les
rois se livrera aussi en Palestine (« Armagedon », v. ad loc.).
1600 vient sans doute ici comme carre du nombre sacre 40, pour montrer la grandeur
du desastre. Beaucoup d'exegetes I'ont entendu de la longueur approximative de la
Palestine, de Dan a Bersabee, etc. ; il en est meme qui pensent au golfe de Suez, fort
inattendu ici (voir Holtzm.) Contentons-nous, avec Iloltzmann, de remarquer que c'est
encore un multiple de 4, nombre des regions du monde et des vents. Vict : « omnes
mundi quatuor partes » ; la terre entiere sera inondee de sang, quand I'Agneau se sera
elance de Sion.
L'image du sang jusqu'au frein des chevaux, qui se retrouve chez Henoch, doit atre
tradilionnelle. Rien, dans le contexte immediat, n'explique ces « chevaux », image
tout a fait isolee, meme heterogene. Nous ne I'interpreterons pas mystiquement avec
Andre. Faut-il croire, comme Bousset, que ce soit encore I'indice d'un fragment inter-/
cal6 ? Mais plutot on serait tente de I'interpreter par les chevaux du ch. vi, ou la
chevauchee infernale de la 6•= trompette, plaie temporelle supreme, ou la cavalerie des
rois de I'Orient qui sera ecrasee au ch. xvi, ou I'armee des Betes du ch. xix, ou les
chevaux blancs de xix, 14, ou Gog et Magog du ch. xx. Voici la solution qui nous
parait, a nous, la mieux fondee. Elle est interessante, parce qu'elle nous montre com-
APOCALYl'SE DE SAINT JEAN. 15
226 APOCALYPSH DE SAINT JEAN.
ment certains symboles demeurent a I'etat continu, sous-jacents, dans Tespril du
Prophete, et passent d'une scene a I'autre sans qu'il songe a le noter expressement :
Le grand jour de Jahweh etait figure chez les anciens par une bataille extermina-
trice (A. T. passim); cette image se retrouvera aux chap, xix et xx. Ensuile cette
victoire a ete signifiee par la metapliore d'une cuve foulee, d'oii jaillit le sang comme
le jus rouge du raisin : « Torcular calcavi solus », dit le Vainqueur d'Edom, Is. lxiii.
II y a eu alliance et superposition de symboles consacres; on a pris indilTeremment
I'un pour I'autre ; la cuve, dans notre chapitre, symbolise une bataille, sym.bole elle-
meme de la condamnation des reprouves ; c'est un symbolisme a plusieurs degres, les
metaphores s'echangeant comme des mots synonymes (Int. c. vi). Au ch..xix, 15, ou une
bataille sera decrite, la cuve reparaitra. Ici la vision ilotte entre le Messie comme fou-
leur (xix, 15 d'apres Is. lxiii), et I'Ange son ministre pour les vengeances.
Nous reconnaissons done les traits d'un tableau assez harmonique, et constamment
present a I'esprit du voyant, qui emerge aux chap, xiv, xix et xx. Les chevaux sont
ceux des ennemis, ou ceux de I'armee du ciel qui suit le Verbe triomphateur (xix, 14).
Malgre la variabilite deconcertante des symboles, il y a une grande continuite de des-
cription pour qui salt la voir; loin de faire penser a des sources differentes, malgre
I'enchevetrement avec d'autres figures, c'est un signe d'unite de conception et de
main.
D. EXECUTION DES VENGEANCES DIVINES SUR LES BETES ET BABYLONE
(xv-xix).
Ιλ'Τ. — Cette section assez considerable, qui correspond a VIII-XI, condent la peri-
petie et le denouement du drame liistorique dont les personnages ont ete presenles
XII-XIV, 6, et dont tissue a ete prcvue XIV, 6- fin. Elle se divise ellememe en trois
parties :
1° Vision des 7 coupes de colere, plus ou moins calquee sur celle des Trompettes, et
qui, commc celle-ci, decrit schematiquement la punition des ennemis de Dieu, les Betes
et I'Empire romain {type de la Cite du Diable), d'une maniere indivise et tout a fait
generate (xv-xvi).
2° Jugement de la puissance contemporaine qui personnifie actuellenient la Bete,
c'est-a-dire de Rome-Babylone (xvii-xix, 10) ;
5" Jugement universel contre les Betes en soi, sous toutes leurs formes (xix, 11-21).
D 1° LES SEPT COUPES DE LA COLERE DE DIEU (xV-XVl).
Int. — L'auteur nonime les fleaux qu'il va decrire 7:ληγάς επτά τα? εσχάτας, δτι έν
αύταΐς έτελέσΟη δ θυ[χος του θεοΰ. Faut-il entendre par la que ce sont les tout derniers
chdtiments de Dieu, ceux qui consommeront la ruine du monde pervers, en s'ajoutant
aux fleaux des Trompettes? Mais, observe Joh. Weiss, qui attribue εσχάτας a une
adaptation, plutot maladroite, de I' « Editeur », ces fleaux ne sont pas pires ni plus
decisifs que les precedents. D'ailleurs nous aeons vu la 7•= trompette amener deja la
fin du monde; cette serie nouvelle nest done pas « derniere », contre Holtzmann, par
rapport aux πληγαί mentionnees IX, 20. Swete explique le qualificatif non par le fait
qu'il ne doive arriver encore d'autres fleaux apres les Coupes, mais parce que ce
seraient les dernicres manifestations « cosmiques » de la colere de Dieu. Cette opinion
ne nous parait guere admissible, attendu que ces sept plaies ne sont pas exclusivement
cosmiques, quelques-unes meme ne le sont pas du tout. Nous preferons la solution qu'in-
dique trop brievement Bousset :
Les fleaux des Coupes sont dits « derniers » — soit parce qu'ils sont les derniers
dans la redaction, les luttes qui suivront a partir de XVII y etant deja implicitement
contenues; — soit plutot parce qu'ils presentent, sous un angle plus etroit que les Trom-
pettes, I'ensemble des calamites des « derniers temps »; — soit, ce qui nous satisferait
mieux encore, parce qu'ils sont « derniers » en regard du malheur du regne des Betes,
(le 3^ Vae, c. XIII), etant la destruction de leur empire. (Voir comm. de xvi, 21). En
tout cas, ils ne sauraient etre posterieurs aux fleaux des Trompettes, qui embrassaient
tout le cours de I'liistoirc, jusqu'a la fin inclusivement. C'en est plutot une « recapitula-
tioa ».
Adniettre ici la tlieorie de la « Recapitulation », appuyce sur tant d'autorites (Int.
c. VII et c. xiv), ce nest pas dire que l'auteur se repete purement et simplement, sans
autre but que de varier ses images, et de causer de nouvelles impressions de terreur ou
d'esperance. Les 7 Coupes se distingueront des 7 Trompettes en ce que celles-ci avaient
un sens ty pique general et indetermine, tandis que les Coupes sont plus « historiques t,
ay ant un rapport etroit avcc les Betes; elles visent done d'abord V Empire romain, et il
y a une part de verite dans I'exegese de Bossuet, malgre les precisions trop grandcs
d'un systeme qui rapporte exclusivement ces propheties au regne de Valcricn ou
228 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
d'autres empereurs determines ; metis les Coupes n'en gardcnt pas moins lenr valeur
typique j)our toutes les autres periodes qui pourront suivre la chute de Borne, jusqua
la destruction parfaite de I'Anteclirist perpetuel.
Avant de decrire Vexecution, saint Jean fait encore une preface.
D 1*^ a-b. Les Anges recoivent les coupes devant la foule celeste (xv-xvi, 1).
IiST. — Cette pericope presente une grande analogic avec VIII, 2-6, dernicre prepa-
ration aux chatiments des Trompettes ; seulement elle a plus d'ampleur. De part el
d'autre, les Anges du cJtdtiment sont mentionnes au commencement et a la fin du mor-
ceau; dans I'intervalle, une scene celeste qui est une sorte de ceremonie liturgique . La
difference consiste en ce que, au ch. VIII, c'etait un Ange qui servait d'intermediaire
pour offrir a Dieu les prieres anxieuses des saints; ici c'est toute I'Eglise qui apparait
transportee au del [comme VII, 9- fin et infra, XXI-XXII); elle ne prie plus seulement,
mais elle chante avec ent/iousiasme la certitude de la victoire divine et de la conver-
sion du monde. C'est que nous approchons du terme de la Revelation, les visions
deviennent de plus en plus sereines et triompliantes.
La structure de cette scene est remarquable ; nous y trouvons trois « volutes », comme
au ch. XII, avec des precisions successives : 1°) au v. 1, dans une sorte de litre,
d' « Uebersclirift » (Boussetj, la mention des 7 Anges et des 7 plaies; 2° aux vv. 5-6, ces
Anges, magnifiquement decrits, sortent du Temple celeste, avec leurs fleaux en main;
3" aux vv. XV, 7-XVI, 1, on les voit recevoir leur mission et leurs coupes de la main
d'un des quatre Animaux ; car le decor du ch. IV subsiste toujours. C'est faute d'avoir
compris cette disposition caracteristique que force critiques ne voient encore en tout
cela que des doublets oiseux, qui reveleraient des sources mal juxtaposees. Ainsi Joli.
Weiss attribue a Q les versets 5-6 {sauf interpolation des mots « la tente du temoi-
gnage dans le del »), et 8; a I' « Editeur n, les vv. 1-4; interpolation de 5; 7. Dans
notre systeme, il devient super flu de discuter ces vues.
Remarquons encore un trait qui montre combien est etroit le parallelisme entre les
visions preliminaires des deux grandes sections prophetiques. Nous y retrouvons le
meme schema de 3, qui se mele dans I'Apocalypse a ceux de 7 et de 4. En effet, dans
la premiere partie, avant la sonnerie des Trompettes, s'est deroulee une triple scene
despair ou de triornphe :
1° La promesse aux martyrs (VI, 9-11); — 2° la procession montant de la terre au
del (VII, 9-17) — 3° I'effet des prieres des saints (VIII 3-5).
Et, dans la presente section, avant I'effusion des Coupes, nous trouvons :
1° La securite de I'armee de I'Agneau, sur le mont Sion (XIV, 1-5); — 2° la moisson
des elus {XIV, li-16) ; — 3° le triornphe anticipe des vainqueurs de la Bete (XV, 2-4) (i).
C'est d'abord I Eglise en armes sur la terre; puis I'Eglise dans le jugement qui la
sauve; enfin la cohabitation an del de I'Eglise mililante et triomphante, comme aux
chap. VII, et, infra, XX, puis XXI-XXII.
Parmi ces scenes, les deux premieres respectivement, VI, 9-11 et VII, 9-17, d'une
part, XIV, 1-5 et XIV, li-16 de I'autre, appartiennent aux visions preliminaires; les
troisiemes, VIII, 3-5 et XV, 2-4, font partie de I'exorde des « visions d execution ».
A. B. G. 1. /at εΤοον, formule de transition ordinaire. — σηριεΤον est refere par άλλο a
xii, 1-3; le style, comme la composition (Ι.>τ. supra) rappelle ce chap. xii. — εν instrum.
il) II y aurail quatre passages de eel esprit dans les preparations aux Coupes, si nous
ajoutons xiv, 12-13. Mais ces versets, quoique paralleles a vi, 9-11, pour la place et en partie
pour le sens, ne sont pas une description, non plus que vi, 1, el xiv, 6-7.
I
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
229
(Int. c. X, § II) — έτελέσθη, aoriste equivalant a un parfait prophetique, voir x, 7. —
Comparer ce verset a 5-6 et 7-suiv., c'est comme une « premiere onde », une indication,
un litre. — Les 7 Anges, d'apres leur fonction, doivent etre les memes que ceux des
Trompettes, voir viii, 2 C.
— - A. B. 2. — ώς montre que I'auteur a bien conscience de ne voir que des
symboles de realites transcendantes (Int. c. v, 1§ I, et c. xii). — θάλασσαν, κτλ, cfr. iv, 6;
I'auteur revient au decor du chap, iv, qu'il n'a jamais perdu de vue, et I'absence d'ar-
ticle ne prouve pas qu'il s'agisse de quelque chose de nouveau; c'est sa maniere,
cfr. XIII, 1, Or.pcov s&ns article (Stvete); le temple celeste, les 4 Animaux vont aussi
reparaitre ; — νικώντας, participe present, cfr. le δ νικών (τω νικ.) de la fin des Lettres. — εκ
apres vt/.. est assez irregulier. Holtzm. : « h. τοΰ θηρ. κτλ, die Macht andeutend, aus Avelcher
der Sieg befreit » ; la Bete, etc., c'est un monde d'ennemis d'ok ils savent se degager.
— θηρ. εικ. αριθ. cfr. xiii, 1,14, 17; xiv, 9,11; infra xix, 20; xx, 4. — Ge chapitre montre
done qu'il y a un lien intime entre les deux sections prophetiques, dont les principales
figures se trouvent ici combinees.
C. 2. La mer de cristal (le firmament du chap, iv), est ici melee de feu, trait nou-
veau qui s'expliquerait bien par les vues cosmologiques des anciens, la foudre melee
a I'ocean celeste {Hen. si. xxi\, 2, Bousset), ou encore la flamme des etoiles; cela
n'exclut pas d'ailleurs les interpretations spirituelles des anciens : le bapt^me (Vict.),
la purete, et le feu qui eprouve les «uvres, d'apres I Cor. iii, 13 {Andre). Le present
νικώντας montre qu'il ne s'agit point d'une victoire passee, mais plutot d'un succes que
les fideles sont en train de remporter. Aussi, dans ces heureux vainqueurs, ne ver-
rons-nous pas exclusivement des martyrs, malgre Calmes, Bousset, Joh. Weiss et meme
Swete; pas meme uniquement des morts arrives au salut. La comparaison avec la
scene analogue de vii, 9-fin, et, plus loin, avec le Millenium du ch. xx, nous fait
croire bien plutot qu'il s'agit de taute I'Eglise, militante et triomphante, qui se revele
au Prophete dans son indissoluble unite; ceux qui vivent ici-bas de la grace sont deja,
en leur vie interieure, transportes au ciel, concitoyens des bienheureux qui sont dans
la gloire [Phil, iii, 20). Deja ils peuvent faire vibrer les harpes divines, cfr. xiv, 2.
A. B. 3. Κύριε δ θεο'ς δ -αντ. cfr. ιν, 8; χι, 17; χνι, 7; χχι, 22. Alliance du voca-
tif, si rare dans YApoc, avec le nominatif, voir Int., c. x, § II ; plus bas, δ βασ. pour le
vocatif, corrige en βασιλεΰ »s*. And. — αιώνων (cfr. Tobie xiii, 6) au lieu d'l0va>v, i^*, C,
Λρ11-95-2040, al. vulg., syr. — « Le chant de I'Agneau » cfr. sans doute v, 9-13
{Holtzm., Volter), et le « chant nouveau » de xiv, 3 ; le « chant de Moise » Ex. xv, 1-21.
Le cantique entier est uae composition libre faite surtout d'apres les Ps. cxlv, 17, et
Lxxxi, 9; [ΐεγ. καΊ θαυ;α. τα έργα σου, cfr. Ps. cxi, 2; cxxxix, 4; δικ.καΐ άληθ., union de mots
familiere a VApoc., (Int., c. x, § III) cfr. Deut. xxxii, 4; Ps. cxlv, 17; ό βασ. τών έθν.,
cfr. Zach. xiv, 9.
C. 3. L'allusion au chant que Moise, le « serviteur de Dieu », comme TappelleTA. T.,
entonna apres le passage de la mer Rouge, s'harmonise bien avec la « mer de cristal »
au-dessus de laquelle les Vainqueurs ont reussi a monter, en passant par le feu. La
plupart des critiques veulent supprimer τήν ωδήν τοΰ άρν(ου, operation que Bousset recon-
nait bien n'etre pas necessaire. II y a deux cantiques, celui de I'Agneau (qui est proba-
blement celui que les etres celestes ont entonne a son intronisation, ch. v), et celui de
Moise; les vainqueurs celebrent ainsi et leur delivrance spirituelle de I'Egypte nouvelle
et de ses Pharaons, et le Christ qui les associe a son triomphe sur le peche et la mort
{Sivete). Les anciens, ^nrf., Prim, ont pourtant cru qu'il s'agissait de cantiques respec-
tivement chantes par les saints de I'Ancicn et du Nouveau Testament. On pourrait
supposer aussi, pour eviter une contradiction avec le symbolisme de xiv, 3 (v. ad
loc.) que le cantique de Moise est chante par tons les rachetes, quels qu'ils soient, ct
le cantique de I'Agneau seuleracnt par les Bienheureux et les 144.000 ascetes « qui seuls
peuvent I'apprendre ».
230 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. XV. 1. Kat slocv άλλο σημείον εν τω cjpavoj, μ.έγα και Οαυμαστόν, αγγέλους
έχτα έχοντας πληγας επτά τάς έσχάτας, 'ότι *έν αυταϊς *έτελέσθη ό θυμός τοΰ θεοΰ.
2. Και είδον *ώς θάλασσαν ύαλίνην μεμιγμένην πυρί, και τους *νικωντας *έκ του
θηρίου καΐ εκ της εικόνος αυτοΰ καΐ εκ του αριθμού του ονόματος αΰτοΰ έστώτας έπΙ
τήν θάλασσαν την υαλίνη ν, έχοντας κιθάρας του θεοΰ. 3. Και αοουσιν την ωοήν Μωϋ-
σέως του οούλου του θεοΰ και τήν ωοήν του άρνίου λέγοντες" Μεγάλα και θαυμαστά τα
ε'ργα σου, κύριε *ό θεός ο παντοκράτωρ" οίκαιαι και άληθιναι αϊ οδοί σου, *ό βασιλεύς
των *έθνών. 4. Τίς *οΰ μή οοβηθη, *κΰριε, και *οοξάσει το ονομά σου; οτι μόνος 'όσιος,
οτι πάντα τα έθνη ή'ςουσιν και προσκυνήσουσιν *ένώ7;ιον σου, 'ότι τα δικαιώματα σου
έφανερώθησαν.
— — Α. Β. 4. οΰ [χή, ν. Int., c. λ, § Π; μή omis Ν', al.; on attendrait δοξάστ], pour
repondre a φοβηθη, mais le fut. δοξάσει est bien atteste par A, C, P, et de nombreux
autres mss; c'est peut-etre que celte « glorification « est surtout reservee a I'avenir,
quand les peuples seront convertis, tandis que, des a present, a cause des fleaux,
ils doivent au moins connaitre la crainte. — τίς ού μή φοβ., cfr. Jir. χ, 7, en hebreu;
— ήξ. χ.αΐ προσκ., cfr. Ps. lxxxv (lxxxvi), 9; — ενώπιον apres προσκ. donne a ce verbe
le sens clair de « se prosterner », mieux encore que s'il y avait le datif (v. supra, xiii,
4). — δικαίω|χα (cfr. XIX, 8), signifie « acte de justice « present par la loi [Luc i, 6;
Rom. II, 26, al.) ou « juste sentence » rendue par Dieu, Rom. i, 32; c'est le sens ici, a
moins qu'il ne veuille dire : « les pieces justificatives de ton jugement », comme dans
des papyrus cites par Moulton-Milligan. La « manifestation » en serait alors la predi-
cation de I'Evangile.
G, 4. Swete remarque bien, mais sans en tirer la consequence voulue, qu'il n'y a pas
en ce cantique d'allusion au martyre — parce que, dit-il, les martyrs s'oublient eux-
memes en presence de la gloire de Dieu. Mais ce trait negatif s'explique beaucoup
mieux si tous ne sont pas des martyrs; ils peuvent etre vainqueurs de la Bete au sens
general de νικαν chez Jean, sans avoir ete mis dans le cas de verser leur sang. Prenons
bien soin de remarquer que, avant la ruee des fleaux , ce n'est pas la A'engeance que
celebrent ces vainqueurs, mais la conversion des Gentils, a laquelle les fleaux eux-
memes sont ordonnes; c'est I'esprit de I'Apocalypse chretienne. EUe se rejouit du
triomphe messianique, non de la fin du monde.
— ^ A. B. 5. On constate ici combien la formule μετά ταΰτα ειδον, en depit de sa
teneur litterale, est loin d'indiquer toujours une succession d'evenements. — « Le
Temple de la tente du temoignage », done type celeste du temple et du tabernacle de
I'A. T. a la fois, cfr. xi, 19.
G. 5. II ne s'agit pas, fut-ce dans une source (centre /. Weiss), du temple terrestre —
d'ailleurs figuratif — de xi, 1-suiv., mais de celui qu'on a vu deja ouvert au ciel, xi,
19, pour montrer I'Arche d'Alliance. La misericorde et les chatiments viennent done
egalement du sanctuaire, comme de I'autel (viii, 2-6), parce que les rigueurs elles-
memes sont ordonnees au salut du Regne de Dieu. Si xi, 19 fait partie de la deuxieme
section prophetique, comme nous avons cherche a I'etablir, alors on pourrait croire,
ou que le sanctuaire, entr'ouvert un instant aux yeux du Prophete, s'etait referme, ou
que cette figure s'etait efTacee quelque temps de I'esprit du Voyant; ainsi beaucoup de
traits particuliers s'eclipsent ou changent, pour reparaitre subitement. Mais je croirais
plutot que le verset xi, 19, etait une anticipation de ce passage; il faut joindre les
deux pour avoir le sens spirituel complet de cette ouverture du Temple (v. comm. a xi,
19, et E\c. xxv). — Notre verset n'indique pas un nouvel acte des 7 Anges; il precise
seulement le v. 1; c'est la « deuxieme onde ».
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 231
C. XV. 1. Et je vis un autre signe dans le ciel, grand et merveilleux, sept
Anges qui avaient sept plaies, les dernieres, car par ellcs est consommee la
colere de Dieu.
2. Et je vis comrae une mer de verre melee de feu, et ceux qui [sortaient]
vainqueurs de [la lutte centre] la Bete et son image et le nombre de son
nom, se tenant debout sur la mer de verre, ayant des citbares de Dieu.
3. Et ils chantent le cantique de Moise le serviteur de Dieu, et le cantique
de I'Agneau, disant : « Grandes et admirables [sont] tes oeuvres, Seigneur,
Dieu tout-puissant! justes et veritables tes voies, roi des nations! 4. Qui
pourrait ne pas te redouter. Seigneur, et [qui ne] glorifiera ton nom? parce
que seul tu es saint, parce que tons les peuples viendront et se prosterne-
ront devant toi, parce que tes justifications ont ete manifestees! »
A. B. 6. εκ τοΰναοΰ omisrec.K. — PourXtvov ontrouve λίΟον (C, A, « lapidem « dans
quelques exempt, de i'ulg.) ; λίθον, admis de W.-H., semble une erreur de scribe, pour-
tant And. connait un certain nombre de codex qui le portaient {(Eciunenius, d'apres
Diekamp) ; λίνον = λινοΰν est un mot tres rare, mais des formes rares et poetiques
se rencontrent dans I'Apocalypse ; le mot se trouve en ce sens dans Homere, Iliade
IX, 661, et Odyssee xiii, 73, 118, ainsi que dans Eschyle {Swete). — Si λίθον etait exact,
cfr. Ezech. xxviii, 13, sur le roi de Tyr : πάντα λίθον -/ρηστόν Ινδέδεσαι — Pour I'tiabille-
ment des Anges, cfr. Ezech. ix, 2, et le costume du Fils de I'Homme, Apoc. i, 13-suiv.
C. 6. Le costume des Anges rappelle celui des Anges d'Ezechiel, ix, qui sortent du
Temple pour chatier Jerusalem, et, si Ton admet λίθον, on pent voir une allusion au
pectoral du grand pretre. Ces Anges sont vetus en pretres, parce qu'ils sont des
λειτουργικά πνεύματα [Heb. I, 14) ; ils vont, en chatiant, offrir comme un sacrifice a la jus-
tice divine [Swete).
— — A. B. 7. άΐΑτ^ν ajoute apres αιώνων, comme dans une doxologie X, boh., al. —
<( Coupes de colere » cfr. xiv, 10 ; c'est une figure usuelle dans ΓΑ. T. — « un des Ani-
maux » cfr. ch. iv, etc.
C. 7. Ces coupes contiennent le breuvage dont ont ete menaces les adorateurs de la
Bete (xiv, 10); elles forment la contre-partie des coupes d'or remplies de parfums que
les Aniniaux et les Vieillards tiennent dans leurs mains (c. v, 8), tandis qu'ils adorent
I'Agneau (Calmes). C'est a tort que St^'ete y voit des brule-parfums comme viii, 5. Les
coupes sont distribuees par un dee Animaux; c'etaient eux deja qui avaient appele les
Cavaliers au ch. vi, car ils sont les representants de la nature, associee a la vengeance
de son createur [Swete) ; cependant il ne s'agit pas uniquement de fleaux naturels. —
Le symbolisme des coupes n'entraine en soi qu'une idee de chatiment, contrairement a
celui des Trompettes (v. Exc. xx) ; mais I'idee de misericorde est toujours correlative.
■ A. B. 8. Ικ της δόξης (εκ omis dans le codex d'CEcumonius 010-121-250) signi-
fie que le flamboiement de la Gloire est la cause de cette fumee, cfr. Ex. xix, 18 ; Is.
VI, 4; Ezech. xliv, 4. — « Personne ne pouvait entrer », cfr. Ex. xl, 34-35; I Reg. viii,
10-11.
C. 8. Cette fumoe est dans I'A. T. un trait des theophanies : « Deus noster ignis con-
sumens est » (Heb. xii, 29). Le sanctuaire devient inaccessible; cela veut dire peut-etre
que les jugemcnts de Dieu sont impenetrablcs, jusqu'a ce qu'on les comprenne en les
voyant executes completeraent au retour du Seigneur [Bede). L'ideo de Γ « etat inter-
mediaire » des ames, incompatible avec xiv, 12-13 (v. ad loc.) est ici tres arbitrairc-
ment introduite par Andre. IfoUzm. I'interprote ainsi : Dieu reste inaciessible jusqu'a
ce que sa colere se soit dechargee, c'est-a-dire qu'aucune intercession tardive ne peut
232 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
5. ΚαΙ *μετα ταϋτα ειδον, καΙ ήνοίγη ό ναός νης σκηνής του μαρτυρίου έν τω ojpavo),
6 y.od έξί^λθον ct επτά άγγελοι οί έχοντες τας έζτα ζληγας έκ τοΰ ναοΰ, ένοεουμε'νοι
*λίνον καθαρον λαμζρον και περιεζωσμένοι περί τα στήθη ζώνας χρυσας.
7. ΚαΙ έν έκ των τ£σσάρο)ν ζώων εδωκεν τοις έτττα άγγε'λοις επτά ιιάλας χρυσας
γεμούσας του θυμοΰ του Οεοΰ τοΰ ζώντος ε'.ς τους αιώνας τών αιώνων. 8. Και έγεμίσθη
ό ναός καπνού έκ της δόξης τοΰ θεοΰ και έκ της δυνάμεως αϋτοΟ, και ουδείς έδύνατο
εισελθεϊν ε'.ς τον ναον άχρι τελεσθώσιν αί επτά πληγα'ι τών επτά αγγέλων.
C. XVI. 1. Και ήκουσα μεγάλης φωνής *έκ τοΰ ναοΰ λεγούσης τοις επτά άγγέλοις"
Γπάγετε, και *έκχέετε τάς επτά οιάλας τοΰ θυμοΰ τοΰ θεοΰ εις την γην.
arr^ter ses jugements. D'ailleurs, c'est la une image consacrce, d'apres Ex. et I Reg.,
mais tres susceptible d'interpretation spirituelle; elle n'indique nuUement, contre
Joh. Weiss et autres, qu'il se soit d'abord agi ici du temple terrestre.
— — A. B. C. XVI, 1. h. τοΰ ναοΰ omis I'ec. K. — h,yia.-:t, rec. K., And. — « Coupes
de la colere » cfr. xv, η. — Cette grande \o\yi qui sort de la demeure de Dieu peut
bien έΐρβ celle de Dieu lui-meme, cfr. vi, 6. Si les coupes sont dites versees « sur
la terre », quoiqu'elles affectent aussi I'air et les astres, c'est que les ileaux visent
plutot les hommes, les adorateurs de la Bete, que les Elements.
D. 1° c. Les Anges versent leurs Coupes (xvi, 2-21).
Int. — Bousset, apres Weizsacker, a bien compris que cette pericope nest qu'une
reprise, faite par le mime auteur, des propheties de VIII-XI, mais sous un rapport
plus concret avec les Betes et Rome, pour en faire une introduction aux chapi-
tres XVII-XVIII, — auxquels nous devrons ajouter XIX. Joh. Weiss a une tlteorie Ires
compliquee sur des combinaisons de Q et de I' « Editeur », celui-ci ay ant transpose la
scene, qui devait etre une conclusion dans la source juive, a une place qui ne lui con-
vient pas; Jean n'y aurait aucune part. Erbes attribue le morceau entier a la 3^ Apo-
calypse, de Van 80; pour Volter il est de Cerinthe, mains des notes de redaction;
Weyland et Spitta y entremelent leurs sources juives — t< ei 2; J2 ei J' — avec des ver-
sets Chretiens, comme le 15°. Bruston donnc tout au dernier redacteur, a part 13-16 et
19^, fragments de lApoc. de Neron; pour Sabatier, 13, li, 16 sont juifs d'origine.
En realite, il n'y a pas de sources reconnaissables ; c'est une « recapitulation » —
restreinte et adaptee — des plaies des 7 trompettes, avec lesquelles celles-ci ont une
analogic frappante, ainsi qu'avec les plaies d'Egypte, Ex. vn-x. La quatrieme seule
est presque entierenient ncuve, au moins dans ses e/fets ; puis dies ne sont pas, comme
les precedentes, restreintes a un tiers des obj'ets attaques. La 2^, la 5®, la 5", la 6•= et la
7^ correspondent en gi'os aux trompettes, et toutes sont librement adaptees, pour que
I'humanite soit plus directement et plus uniformement attcinte.
La difference essentielle, c'est qiie la 7« coupe ne semble pas, comme la derniere
trompette, amener la ruine totale du monde, car des Iiommes subsistent encore apres
elle, et non convertis. Nous nous I'expliquons du fait qu'elles sont conrues, d'abord et
principalement, en rapport avec des realites contemporaines, Rome-Baby lone, dont
I empire s'ecroulera longtemps avant la Parousie [v. ch. XVII). La « recapitulation »
n'est done que relative. Mais, puisque Rome se confond en partie avec la P^ Bete
{XVII-XVIII), ct que la Bete est encore un symbole plus etendu, signifiant la puissance
de I'Anteclirist dans tous les ages, le schema des sept coupes peut etre considere comme
typique aussi, et destine a se reproduire aussi souvent que les periodes de « 42 mois »,
jusqu'a la destruction complete de I'ennemi, au ch. XIX. Xous avons vu plus haut en
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 233
5. Et apres ces choses, je vis; et il s'ouvrit, le temple de la tente du
temoignage dans le ciel ; 6 et les Sept Anges qui ont les sept plaies sortirent
du temple, revetus d'lm lin pur, brillant, et ceints autour de leurs poitrines
de ceintures d'or.
7. Et I'un des Qltatre Andiaux donna aux sept Anges sept Coupes d'or
remplies de la fureur du Dieu qui vit aux siecles des siecles. 8. Et le Temple
futrempli de fumee, en raison de la gloire de Dieu et de sa puissance; et
personne ne pouvait entrer dans le Temple, jusqu'^i ce que fussent consom-
mees les Sept plaies des Sept Anges.
G. XVI. 1. Et j'entendis une grande voix [sortant] du Temple, qui disait
aux Sept Anges : « AUez, et repandez les Sept coupes de la colere de Dieu
sur la terre. »
quel sens ces fleau.v sont dits « les derniers ». Bede y voyait les hates de I'Eglise conlre
I'Antechrist eschatologiqiie, se referant a la sixieme trompette; Albert, un sens spirituel,
la condainnation des reprouves par la predication des saints. Bossuet les rattacliait
au 2*^ Vae {IX, li, cfr. XVI, 1'2-suiv.) et se representait toiites les' coupes versees a la
fois, ou dans un temps fort court — a la difference du son des troinpettes — pour
figurer les malheurs de I'Empire entre Galien et Maximin Da'ia. En realite, quoiqu'ils
visent d'abord I'Antechrist des premiers siecles, ces fleaux s'etendent sur tous les temps
et I'univers entier; par des prolepses, des eniboitements, ils signifient deja la mine de
Rome et des Betes, qui fera la matiere etendue des cliapitres suivants. Si les coupes
repondent aux memes realites que les trompettes, I'ordre est pourtant inverse : les Troin-
pettes descendaient des fleaux cosmiques jusquau 5*^ Vae, domination de Satan et des
Betes, tandis que les Coupes prennent Icur point de depart dans cettc domination
meme, pour decrire les fleaux cosmiques ou hisloriques qui la ruineront ainsi que
I'univers materiel. C'est pourquoi les anciens commcnlateurs rapportaient les Coupes a
une epoque posterieurc au moins ci celles des cinq premieres Trompettes; mais cette vue
etait superficielle, car Jean fait abstraction, autant que faire se pent, de toute succes-
sion chronologique, de memo que, dans son Evangile, il ne montrc que peu de souci des
developpements parliels des faits ou des idccs.
A. B. 2. εΰο'να dans quelques mss. seulemenl (supra, xui, 3). — ^Ά?•^ 7.*Ρ•ι ''^--j
V. supra, ch. xiii-xiv. — « Ulcere » cfr. Ex. ix, 9-10, sixieme plaie d'Egypte; Oeut.
xwiii, 35. — Quelque rapport avec la l''^ trompette (plaie de la Terre) et avee la citi-
quieme (piqure des sauterelles-scorpions).
C. 2. C'est la menace du deuxieme Ange des preparations (xiv, 9-11), qui commence
a s'accomplir ici ; un ulcere, pareil a celui qui frappa les magiciens de Pharaon, s'at-
tache aux chairs des adoratcurs que la magie a procures a la Bete [Swetc). On peut
I'entendre, avec Andro, al., au sens physique ou au sens moral.
——— A. B. 3. Dans ce verset et les suivants, quelques lemoins, mais pas toujours
les memes chaque fois, ajoutent άγγελος apres le nombre ordinal {rec. A'., And., vulg.,
syr., boll., a, Prim. — ζωής est la Ιβςοη de Λ, C, syr.; ailleurs, ζώσα, ζώων; — ώς
parfois omis. — Cfr. la 2« trompette, viii, 8-suiv., amplifie d'apros Ex. vii, 17-21,
premiere plaie d'Egypte. — Apposition du pluriel τα κτλ a un singulier, ce qui ne sur-
prend pas dans VApoc.
C. 3. Ici le desastre do la mer n'est pas limite au tiers, commc a la deuxieme
trompette; ces restrictions n'apparaissent pas dans la section des coupes. Je ne pense
234 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
C. XVI. 2. Και άπηλθεν ό πρώτος, κχί έςέχεεν τήν οιάλην αύτου εΙς τήν γν^ν, κα?
έγενετο έλκος κακόν και πονηρον έπι τους άνθροί-ους τους έχοντας το χάραγμα του
θηρίου και τους προσκύνοντας τϊ] *ε'.κόνι αύτοΰ.
3. Και ό δεύτερος *έξέχεεν τήν φιάλην αύτου ε'.ς τήν θάλασσαν' και έγενετο αίμ.α ώς
•^ζν.ρο^, και χασα ψυχή *ζο)ης άπέθανεν, *τά εν τη θαλάσσγ;.
4. Και 6 τρίτος έξέχεεν τήν φιάλην αυτοΰ εΙς τους ττοταμ,ούς και τας ζηγάς των
υδάτων' και *έγε'νετο αίμα. 5. Και ήκουσα του ayyi'ho-J των ύδάτο)ν λέγοντος' Δίκαιος
ει, ό ων και ο ην , ό όσιος, *οτι ταύτα εκρινας, 6 ότι α-.μα άγίο)ν και προφητών έςε'χεαν,
*καΊ *ά!μα vJj-cXq δέδο)κας *χεΐν' άξιο-! ε'.σιν.
pas qu'il faille altacher grande importance a ce detail; rexpression est simplement
plus generale. Ainsi Mo'ise avait change en sang les eaux du Nil.
— — A. B. 4. Amplification de viii, 10, a la troisieme Trompette, encore d'apres
Ex. vn, 17-21. — πηγας των υδάτων, expression caracteristique de VApoc. (Ixx. c. x, § III)
— Ιγένοντο A, af., g.
C. 4. Les eaux douces sont done frappees a part de la mer, comme dans la section
des Trompettes; c'est surement la meme imagination qui est a Treuvre. Les hommes
devraient tous mourir, faute d'eau. Mais il n'y a ni succession chronologique, ni fleaux
a prendre a la lettre (Int. c. v, ι § I).
— — A. B. 5. δσιος seulement ici, et xiv, 5; — δ ών καΐ δ ην, expression caracteris-
tique (Int. c. X, § II), qui demontre encore I'unite de main; δ Ιρ/οιχενος manque ici
comme xi, 17; δς ην rec Κ.; δ οιιος = vocatif (Int. c. χ, § Π); sans article A, G, Q et
une trentaine de minuscules ; de la vient sans doute la fausse liaison de Vulg. : « qui
es et qui eras sanctus ». — δτι explicatif, non causatif.
C. 5. Le raonde angelique et les saints, figures plus bas par I'autel, s'unissent pour
approuver ce jugement rigoureux. L' « Ange des eaux » rappelle Γ « Ange du feu » de
XIV, 18, et les « Anges des vents » de vn, 1; cfr. Hen. cth. lxvi, 2. Les rabbins usaient
souvent de telles expressions; ils donnaient des Anges a presque toute creature, idee
qui a peut-etre ete developpee sous I'influence des Perses. Voir Int. c. v, ι § II-III et
II, § I, 1. Dieu n'est pas appele ici δ έρ-/6[χενος, parce qu'il est la deja, en pleine activite
de juge, ce qui se verifiait encore plus rigoureusement xi, 17, a la 7^ trompette.
A. B. 6. αΥματα, Ν», Av30-36-2019, α403-39-1918. — Καί pourrait etre aussi
considere comme le 1 hebraique de I'apodose. — πεΓν, forme vulgaire, pour πιεΓν, se
trouve A et C; cfr. xviii, 24 et Ps. lxxix, 3.
C. 6. La remarque de I'Ange exprime I'indignation concentree du Prophete devant
le spectacle cruel des persecutions; les « saints et les prophetes », alliance de mots
rencontree ailleurs, sont ceux de I'Ancien et du Nouveau Testament ; I'asyndeton άξιοί
εισιν accentue I'impression; c'est la contrepartie de xiv, 5.
— — A. B. 7. h, ajoute devant θυσιαστ., Q, And. passim; Av63-160-2066 ajoute
οίλλον [ά'γγελον?]; g traduit άλλον, et tous deux suppriment la mention de I'autel. — άληθ.
και δί/.., expression stereotypee, comme xv, 3 ; xix, 2. — Κύριε, vocatif. Int. c. x, § II. —
ό Θ. δ παντοκράτωρ, cfr. I, 8; IV, 8; xi, 17; xv, 3 ; xvi, 14; xix, 6, 15; xxi, 22.
C. 7. L'autel est personnifie, comme I'indiquerait deja I'emploi du genitif apres
ηκουσα; ce n'est pas « le genie du sacrifice » (cfr. Holtztn.), ni le Christ ou les Anges
intercesseurs en personne {And., al.), mais plutot le retentissement des prieres des
saints qui y sont oiTertes comme un encens; cette voix, qui part du centre des suppli-
cations humaines et des intercessions angeliques, exprime la conformite des volontes
de I'Eglise avec celles de Dieu. Ainsi viii, 3-5 et ix, 13, le parfum qui monte de I'aulel
a hate les chatiments, car ceux-ci contribuent au regne de Dieu, et au salut de I'huma-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 235
C. XVI. 2. Et le premier s'en alia, et repandit sa coupe dans la terre, et il
se lit un ulcere malin et pernicieux sur les hommes qui avaient I'empreiiite
de la Bete et qui se prosternaient devant son image.
3. Etle deuxieme repandit sa coupe dans la mer; et elle devint du sang,
comme [le sang] d'un mort, et tout etre anime perit, ceux qui sont dans la
mer.
4. Et le troisieme repandit sa coupe dans les fleuves et les sources des
eaiix; et [ce] devint du sang. 5. Et j'entendis I'Ange des eaux qui disait :
(( Tu es juste, [toi qui as nom] il est et il etait, le Saint, d'avoir accompli
ces jugements ! 6 parce qu'ils ont repandu le sang des saints et des prophetes,
tu leur as donne aussi du sang a boire ! lis [en] sont dignes. »
nite. Tel est le magnifique opitimisme de I'Apocalypse. Cfr. le role de I'autel des
holocaustes, vi, 9.
A. B. 8. iv instrum. (Int. c. x, § II), omis N, Av31-Ser.466-598; vidg. : « et » —
Cfr. la 4*^ Trompette viii, 12; mais la transformation apportee dans les corps celestes
est toute differente; la ils sont obscurcis, ici la flamme du soleil est attisee. De fait il
faut prendre ensemble la 4« et la 5^ coupes (v. infra) pour avoir un parallele complet a
la 4« Trompette. — Ιοο'θη αϋτω, meme formule que vii, 2; viii, 3; ix, 5; xui, 7, 15, unite
de main.
C. 8. Les 4 premieres coupes ont atteint immediatement la nature (terre, eaux et feu),
et par elle les hommes; les trois dernieres frappent les hommes plus directement;
c'est done encore un vestige d'une division en 4 + 3 ; mais il faut reconnaitre qu'elle
est moins marquee qu'ailleurs, car, a la 7e plaie, le cosmique (Fair, 4* element) se
combinera avec I'humain. Un second vestige de ce precede, c'est la mention de I'impe-
nitence des hommes, depuis cette plaie-ci, au verset prochain, jusqu'a la derniere;
mais il ne coincide pas avec le premier; il y a done deux divisions de la serie des
Coupes, respectivement en 4 -}- 3 et en 3 -}- 4.
' A. B. 9. Ινώ-'.ον substitue a το δνομα, est une erreur de A; — δοΰναι δόξαν,
comme xi, 13 et xiii, 6. Le passage xi, 13 fait contraste, tandis que ix, 20, exprime
sous une autre forme la meme idee.
C. 9. Les hommes ne sont pas immediatement convertis par ces punitions, depuis
les ulceres de la l""^ coupe jusqu'a la fievre de la 4«; le premier resultat, — mais non le
dernier prevu de Dieu, — est au contraire de leur faire blasphemer le nom du « Dieu
du ciel » d'apres xvi, 11, infra (sur I'origine de^ cette expression, voir a xi, 13), c'est-a-
dire la Providence invisible, qui les maltraite ainsi, eux et leurs dieux visibles. Ce
sinistre refrain va reparaitre a la 5* eta la 7^ coupe, et, equivalemment, a la 6e. Au sens
litteral immediat, il pent s'agir ici de I'endurcissement des paiens de I'Empire, qui, on
le sait, attribuerent a Γ « impiete » des Chretiens les nombreuses catastrophes natu-
relles et politiques des premiers siecles.
A. B. 10. από pour i/., N, al. (Int., c. x, § II). — Ιαασώντο, image tres forte et
tres expressive : les hommes se machent la langue, pour ne pas devoiler leurs craintcs
ou ne pas crier leurs douleurs ; — έσκοτωίΑένη, cfr., comme precedemment, viii, 12; aussi
IX, 2, d'apres Ex. x, 22, neuvieme plaie d'Egypte, et Is. viii, 22. — Le « trone de la
Bete », cfr. xiii, 2, et le « trone de Satan » a Pergame, ii, 13.
C. 10. II s'agit, au premier sens, de Rome et de la puissance romainc, qui dechoit de
sa force ct de sa splendeur « faute de la lumiore du soleil do justice », comme dit
Andre. Cette plaie n'apas proprement do parallele dans la serie des trompettes; cepen-
dant elle rappelle lobscurcissementdes astres, et I'ombre produite par les sauterelles.
236 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
7. Kxl ήκουσα *τοΰ θυσιαστηρίου λέγοντος* Νχί, *-/.upi£ ό θεός ό παντοκράτωρ,
άληθινχί καί δίκαιαι αί κρίσεις σου.
8. Καί ό τέταρτος έξέχεεν την φιάλην αϋτοΰ Ιτ:\ τον ήλιον' και εδόθη αυτω καu[J,ατ''-
σαι τους ανθρώπους *έν -υρί. 9. ΚχΙ έκαυματίσθησαν οί άνθρω-ο', καύμα μέγα, και
έβλασΐίήμησαν *το όνομα του θεού του έχοντος την έξουσίαν έ-': τας πληγας ταύτας,
και CJ μετενόησαν οουναι αΰτω δόςαν.
10. Και ό πέμπτος έςέχεεν τήν οιάλην αυτού έπί τον θρόνον του θηρίου' και έγενετο
ή βασιλεία αυτού έσκοτωμένη, και *έμασώντο τχς γλώσσας αυτών *έκ του πόνου.
11. Και έβλασφήμ.ησαν τον θεον του ουρανού εκ των πόνων αυτών και έκ τών ελκών
αυτών, και ου μετενόησαν έκ τών έργων αυτών.
Comme ce dernier fleau (la 5etrompette ou !'=■■ Vae), la 5•^ coupe parait amener un flot
de douleurs morales, vraisemblablement les blessures d'orgueil, les ambitions deques,
la prosperite morte; car c'est le siege meme du pouvoir hostile, le lieu d'ou I'Ante-
christ gouvernait et eblouissait le monde, qui est maintenant attaque. Mais I'humanite,
d'apres le verset suivant, ne comprend pas encore la legon.
^^.^ A. B. 11. Omissions dans κ, qui en est si plein (par faute ordinairement
d'homoioteleuton), que nous ne les notons plus. — έλ/.ών, cfr. xvi, 2, resume les maux
physiques — « Dieu du ciel », v. supra. — Les πόνοι sont surtout les fatigues et les
peines morales, qui se multiplient, avec les maux physiques, aux temps des deca-
dences; cfr. Col. IV, 13; Apoc. xxi, 4.
— ^ A. B. 12. L'article τόν est place devant Ευφρ. dans C, Α., Apll-95-2040,
And., admis de Soden, et omis rec. K, κ, al., Nestle, Tisch.; hesitations chez W-H et
Bousset. — Cfr. 6^ trompette, ix, 13-21. — Les « rois », cfr. xvi, 14; xvii, 12, etc.;
« rois de I'Orient », voir Apoc. ix, 14-15, et les passages des Sibyllins qui menacent
d'une inΛ^asion des Parthes conduits par Neron, Sib. iv, 137-139; Sib. v, 363-364, etc.
(Exc. xxxiv). — Pour I'image du fleuve desseche, cfr. £'j:.xiv (la mer Rouge), Josue, iii,
13-17 (le Jourdain), et Is. xi, 15-16; xliv,27; li, 10; cfr. Esd. xiii, 43-47.
C. 12. La pericope 12-16 contient la plaie la plus interessante par ses rapports avec
le reste du livre, et celle qui effraie le plus par ses insinuations mysterieuses; Jean
etait vaolemment emu quand il a ecrit ces lignes, il en resulte quelque chose d'incohe-
herent et de rocailleux dans le style. La mention de I'Euphrate la fait correspondre
exactement a la 6•^ trompette (ix, 14-15), bien qu'elle soit traitee sur un tout autre ton.
C'est I'abominable fleau de la guerre qui reparait, comme vi, 4; ix, 13-21; xiv, 19-20,
et plus loin xvii, 16; xix, 17-21; xx, 7-9 (ainsi exactement encore sept mentions!) Jean
I'a toujours represente comme la principale calamite exterieure, suivant en cela
I'exemple des prophetes et I'experience douloureuse de I'histoire. Bousset, a bon
droit, reconnait ici une prolepse (« emboitement ») de xvii, 16; les « rois » sont deja
les « 10 cornes » alliees de la Bete (v. ad lac.); de meme Holtzmann, Weizsdcker. Jean
a congu ces ennemis, symboliquement, sous la figure des Parthes (cfr. ch. ix), qui
etaient alors les plus dangereux adversaires de Rome. Quant au rapport que pent
avoir cette prophetic avec la legende du « Nero redux », d'apres Eichhorn, Heinrici,
Ewald, Volkniar, Hilgenfeld, Volter, Holtzmann, Bousset, etc., nous en traiterons plus
loin (Exc. xxxiv). Disons deja que le Prophete,sans partager les croyances superstitieuses
de son temps, a condense ici les terreurs flottantes que le nom des Parthes inspirait
a I'Asie, pour en faire la plus frappante image de la devastation. Andre identifiait deja
ces ennemis a Gog et Magog (cfr. xx, 7-10), venant de la region des Scythes, et con-
duits par I'Antechrist, qui naitra dans la Perse orientale, de la tribu de Dan qui y a ete
exilee. Mais Gog et Magog, comme les Parthes, ne sont qu'une figure. Les « rois de
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 237
7. Et j'entendis I'autel qui disait : « Oui, Seigneur, Dieu tout-puissant,
veritables et justes [sont] tes jugetnents! »
8. Et le quatrieme repandit sa coupe sur le soleil; et il lui fut donne de
briiler les hommes par le feu. 9. Et les hommes fureut brules d'une grande
(?) fievre, et ils blasphemerent le nom du Dieu qui a Tautorite sur ces plaies,
et ils ne se convertirent pas pour lui rendre gloire.
10. Et le cinquieme repandit sa coupe sur le trone de la Bete; et son
royaume devint entenebre, et ils se machaient la langue k force d'affliction.
11. Et ils blasphemerent le Dieu du ciel par suite de leurs afflictions et de
leu IS ulceres, et ils ne se convertirent pas de leurs oeuvres.
rOrient », rennemi le plus proche au i'"•' siecle, sont les avant-coureurs des forces qui
se rassembleroDt pour la grande guerre (infra, v. 14; Swete). Pour ces instruments de
sa vengeance, Dieu opere le meme miracle qu'il fit pour le peuple elu dans la mer
Roug'e et le Jourdain, et au moyen duquel les Prophetes ont plusieurs fois figure I'ae-
ces facile donne par Dieu vers les peuples qu'il veut chatier.
Ainsi I'Empire romain, comme ses antitypes, apres I'affaiblissement interieur figure
a la 5^ Coupe, se trouve maintenant expose aux assauts exterieurs de la guerre etran-
gere.
— A. B. 13. έδοθη pour εΐοον, X. — Quelques temoins omettent τρία, ou ακάθαρτα,
ou ώς βάτρα/οι (remarquer le nominatif. Int., c. x, §11); d'autres portent ώς βατρχ/ους (χ*),
δμοια βατρά/οις; And. lit ^a^payoL et ajoute έκπορευθέντα, pour la clarte. — « Grenouilles »,
cfr. Hernias, Vis. iv, 1, les sauterelles qui sortent de la bouche du Monstre; les gre-
nouilles rappellent la 2" plaie d'Egj^te, Ex.wu, 1-suiv. — Dragon, Bete, cfr. xii, xiii,
XVII, etc.; « Faux Prophete «, cfr. xiii, 11, pour le sens, et, pour le mot lui-meme,
xix, 20; XX, 10.
C. 13. Le Dragon reparatt; il est sans doute reste sur le sable ou Jean I'a vu xii, 18,
epuise et blesse, mais surveillant le travail de ses lieutenants. Cette mention inatten-
due montre encore une fois la continuite parfaite de toute cette partie. Nous connais-
sons la Bete; quant au « Faux Prophete », raalgre Calmes, qui fait ici bien des confu-
sions, c'est evidemment la Deuxieme Bete du chap, xiii; le verset xix, 20, rapproche
de ΧΠΙ, 14, le demontrerait s'il en etait besoin (v. adloc).
Que signifient les « grenouilles » ? La plaie d'Egypte a pu suggerer celte figure ;
mais nous les trouvons ici transformees en demons (v. 14). Elles peuvent avoir une
analogic, par leur malfaisance, avec les sauterelles de la 5« trompette (cfr. Hernias,
supra); ainsi, dans les deux sections, les animaux jouent un role. Andre I'explique,
» δια το ιώδες αυτών, και βορβορώδες, και άκάθαρτον », des tentations qui excitent les passions
impures. S. Augustin dit mieux : « Rana est loquacissima vanitas » {Aug. in Ps. lxxvii,
§ 27). C'est le sens preferable; avec leur « ceaseless, aimless βρεκεκεκεξ κοαξ κοαξ »
(OM'cie), leurs croassements importuns et infatigables, elles figurent bien les criaille-
ries, les agitations vaines, les suspicions, les susceptibilites innombrables et mesquines,
que les demons attisent pour fairs se lancer les nations les unes contre les autres, et
contre Dieu. — Bossuet cherche a identifier ces grenouilles avectrois imposteurs fameux
sous Valerien, Diocletien et Maximin Daia; remarquons plutot, avec Holtzmann, que
ces trois esprits impurs correspondent par contraste, un contraste qui fait encore mieux
ressortir tout ce qu'ils ont de mesquin et de ridicule, avec les trois grands Anges
avertisseurs de xiv, 6-suiv. ; ils travaillent pour le Dragon, comme les Anges pour le
Christ. — Comme il s'agit, en premier lieu au moins, dune lulte contre Rome, on voit
deja que les Deux Betes, qui emettent ces grenouilles de leur bouche, ne sont pas
238 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
12. Και b έκτος έξέχεεν τήν οιάλην άϋτου έτι τον ποταμ,ον τον μέγάν [τον] Είιφρά-
την" και έςηράνθη το ΰοωρ αΰτοΰ, Γνα έτοιμασθ^ ή όδος των βασιλέων των ά-ο ανατολής
ηλίου. 13. Και ειδον εκ τοΐ) στόματος του οράκοντος κζί εκ του στόματος του θηρίου
και εκ του στόματος του ψευδοπροοήτου πνεύματα τρία ακάθαρτα ώς *βάτραχοΓ
14 ε'.σίν ^αρ πνεύματα δαιμ,ονίων ποιοΰντα σημεία, α εκπορεύεται έπΙ τους βασιλείς
της οικουμένης όλης, συναγαγείν αυτούς εΙς τον πόλεμον της ημέρας της μεγάλης
του θεοΰ του παντοκράτορος. 15. 'Ιδού έρχομαι ώς κλέπτης' μακάριος ό '^ρψ^ορω•^ και
τηρών τα ιμάτια αύτοΰ, 'ίνα μη γυμνός περιπατη και *βλέπωσιν τήν άσχημοσύνην αύτου.
16. Και *συνήγαγεν αυτούς ε'.ς τον τόπον τον καλοΰμενον ε^ρσΧΰχΙ *Άρμαγεδών.
liees necessairement a I'Empire remain, et embrassent des realites bien plus etendues.
^^^— A. B. 14. εκείνης ajoute apres ήαέρας, rec. K., Av 20'Γ l-l••; — δαιμονίων, genitif
epexegetique, plutot que possessif comme « les Anges du Dragon », xi, 9. — Le
« grand Jour » annonce xvii, 14 et xix, 11-suivants; cfr. Joel n, 11, 31; Soph, i, 14;
cfr. Jude 6; meme sens que ή ηρ^έρα ή εκείνη (χίππ 01\1 des Prophetes), expression
paulinienne pour la Parousie (11 T/iess., II Tim.), comme ή ήρ-έρα τοΰ κυρίου (Ι-ΙΙ Cor.,
Phil, etc.), ή του θεοΰ -/JiJ-lpa (II Pet. in, 12).
C. 14. Nous n'admettons pas, avec Boiisset, que ces rois de la terre entiere soient
absolument differents des « rois de I'Orient », comme s'il s'agissait d'une double pre-
paration; les Parthes (symboliques) ne sont que I'aA^ant-garde de Timmense armee
rassemblee par les demons. Est-ee une lutte qui se prepare entre ces rois, comme I'ont
cru les commentateurs grecs? Oui, en partie; mais ces instruments inconscients des
vengeances divines, quoiqu'ils puissentse massacrer entre eux et doivent detruire Rome
(xvii, 16 : les « Dix Cornes »), ne s'en uniront pas moins pour diriger leurs coups contre
I'Agneau (xvii, 14 ; xix), et Dieu les exterminera; ainsi peut-on repondre a Calmes, qui
estime qu'il appartiendrait plutot aux bons Anges qu'aux demons de precher une croi-
sade contre Rome paienne. Car le « Grand Jour, etc. » est le jour decisif de la colere
de Dieu, a la Parousie du Christ : « dies irae, dies ilia » ; il s'agit done du dernier
triomphe, mais entrevu seulement comme terme de beaucoup de chatiments historiques
qui doivent le preparer.
Devant la terreur de cette perspective pour les fideles eux-memes, le Christ lui-
meme va prendre la parole afin de les rassurer.
~—^^ A. B. 15. ερ/ε-αι pour ερ/^ομαι, inopportune correction de X*, Oa41-1778, al573-
38-2020. — « Je viens comme un voleur », cfr. I'avertissement a Sardes, iii, 3 (v. ad
Zoc.) et in, 11, ερ-/οριαι τα/ύ, encouragement a Philadelphie ; infra, xxii, 7,12, 20. —
Ordre de « A'eiller » cfr. Luc. xxii, 37 — « Voir la honte » (βλέπωσιν impersonnel, Ιλτ.,
c. X, § II), comme in, 18. — Ce macarisme est le 3« de I'Apocalypse.
C. 15. Passage subit du recit prophetique a une exhortation du Seigneur, comme au
chapitre xxii. L'idee du « Grand jour » de Dieu appelait naturellement celle de la
recompense apres laquelle soupiraient les justes, et dont I'attente devait les armer
contre la depression des malheurs temporels. Comme nous sommes arrives au sixieme
moment d'un septenaire, c'est la place ordinaire de I'antithese fondamentale (Im. c. vii).
Ici elle est seulement indiquee, non developpee largement comme vi, 12-17; vii, ou
celle de la 6« Trompette, ix, 13-21; xi, 1-13. Dans cette serie des Coupes, les procedes
artificiels de composition familiers a I'Apocalypse sont attenues, mais ne disparaissent
pas pour autant. L'Avenement promis du Seigneur fait la contrepartie de I'invasion
des rois. Les « vetements » que le fidele doit garder signifient la grace, les bonnes
oeuvres, la foi qui opere par la charite, d'apres in, 4-5 [ad loc.) et xix, 8 : τό γαρ βύσσινον
τα δικαιώματα των άγιων εστίν.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 239
12. Et le sixieme repandit sa coupe sur le fleuve, le grand [fleuve]
Enphrate; et son eau fut dessechoe, pour que fut preparee la voie des rois
[qui viennent] du lever du soleil. 13. Et je vis de ia bouche du Dragon, et
de la bouche de la Bete, et de la bouche du Faux Prophete [sortir] trois
esprits impurs, comme des grenouilles; 14 car ce sont des esprits de demons
faisant des signes [prodigieux], qui [en] sortent vers les rois de toute la
terre habitee, [aiin de] les rassembler pour la guerre du grand jour de
Dieu le Tout-puissant. 15. — « Voici que je viens comme un voleur! heureux
qui veille et garde ses vetements, pour ne pas s'avancer nu, et pour qu'oa
ne voie pas sa honte! » — 16. Et ils les rassemblerent dans le lieu qui est
appele en hebreu Harmagedon.
—^ A. 16. Pour Άρ[ΐ.αγε3'ών, on trouve Μαγεδών {rec. K., quelques And.), ou
Μαγεδδόν, Μαχεδδών, Μαγεοδιόν, Άρμεγηδών, « AiTmagedon » [vulg'^'^•). — Le sujet de συντ^-
γαγεν est πνεύματα du V. 14, pluriel neutre ; ailleurs συνήγαγαν Κ, syrs^^ « congregabit »
dans quelques codex vulg.
C. 16. Gette reunion des rois, a I'appel des grenouilles, n'a que bien peu de rapport
avec celle des Anges sur THermon [Hen. etii. vi, 6), que Ton cite souvent comme
parallele. Mais que signifie Άρμαγεδών, qui est un hapaxlegomene absolu? La forme
hebraique insinue deja que ce norn est un symbole (cfr. « Abaddon », de ix, 11). Pres-
que tons reconnaissent que c'est p^αΏ ΊΠ, le « mont de Megiddo » et non ■ij;(=-ii3;),
piaO la « ville de Megiddo ». II est d'autant plus difficile de i'interpreter que Mageddo
est dans la plaie d'Esdrelon, et non sur une montagne. Andre, autrefois, speculait
sur un sens presume de ce mot, qui eut signifie « amputation, separation », a savoir
de la vie de la grace ; Bede, al., ont aussi cherche des sens mystiques. Calines, Cheyne
(Encycl. bibl. coL 3010), Bousset, apres Gunkel, y flairent quelque tradition mytho-
logique perdue. « Verset inexplicable, dit Calmes, d'un ancien document ou Ton
racontait une lutte entre les habitants du ciel. » Le plus curieux dans ce genre est
I'idee du panbabyloniste Jensen (Rlieinisches Museum, xlix, p. 49, cite par Bousset),
qui retrouve ici la divinite infernale 'ϊεσεμιγαδοίν, mari d'Ereshkigal, la deesse de
I'Arallu babylonien ; mais ce nom n'existe que dans un texte magique grec d'Egypte,
En-ald, cite par Holtzmann, en ecrivant IK pour "in, decouvre une isopsephie de Rome
= 304 = nSlian ΆΏΤ\, « Rome la grande ».
Ce trait n'est pourtant pas si mysterieux. Un auteur aussi vieux que Bossuet apporte
une explication qui parait tout a fait adequate. Mageddo, en eiTet, c'est, dans i'histoire,
« le lieu ou les rois perissent », Sisara [Jud. iv et v;) Ochozias de Juda (II Beg. ix,
27) ; Josias (II Beg. xxiii, 29 ; II Chron. xxxv, 22). La plaine avoisinante etait un celebre
champ de bataille, maintes fois ensanglante; c'est la que se heurtaient les armees
venues du Nord centre celles de I'Egypte, de la Palestine, et que se decidait le sort de la
Syrie. La mort de Josias, particulierement, avait rendu ce nom lugubre dans la tradi-
tion juive ; c'etait aussi le lieu des lamentations rituelles d'un culte paien, Zacli. xii, 11.
11 est vrai que Mageddo n'a jamais ete sur une montagne; mais, observe Swcte, cette
ville etait pourtant presque a la base des collines qui descendent du Carmel; peut-
etre le Galileen Jean, qui n'ignorait pas cette topographic, a-t-il cree, — et legilime-
ment, — I'expression « montagne de Megiddo )>, pour assimiler sa prophetic a. ceile
d'Ezechiel qui place le conilit final, la defaite de Gog, sur les « mouts d'Israel » [Ezech.
xxxviii, 8, 21; xxxix, 2, 4, 17; cfr. Apoc. xx, 8-suiv.) ; car notre passage semble bien
presager la catastrophe de xix, 11, 14 (Holtzm.), et meme celle de xx; c'est encore un
240 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
17. Και b εβοομος έςέχεεν τήν φιάλην αΰτοΰ ϊτΛ τον άερχ' και έςηλθεν φο^νή μεγάλη
*£7. τοΰ ναοϋ *άπο του θρόνου λέγουσα' Γέγονεν. 18. Και έγένοντο άστρατται και φωναί
και βρονταί και σεισμός έγένετο μέγας, οίος ουκ έγένετο άφ' ου άνθρωπος έγένετο έζί
της γης, τηλικοΰτος σεισμός οϋτω μέγας. 19. Και έγένετο ή πολις ή μεγάλη εις τρία
μέρη, και αί ζόλεις των εθνών έπεσαν' και Βαβυλων ή μεγάλη έμνήσθη ενώπιον του
θεού δούναι αυτή το ποτήριον του οϊνου του θυμού της οργής αυτοΰ. 20. Και πάσα νήσος
εφυγεν, και ορη ουχ ευρέθησαν. 21. Και χάλαζα μ.εγάλη ώς ταλαντιαία ''καταβαίνει
εκ του ουρανού επί τους ανθρώπους' και έβλασφήμ.ησαν ο! ά'νθρωποι τον θεον εκ της
πληγής της χαλάζης, οτι μεγάλη *έστιν ή πληγή αυτής σφόορα.
« emboitement ». Les rois s'assemblent sur les moats du nord de la Palestine, pen-
dant que I'Agneau et son armee sont campes dans Sion (xiv, 1-5; cfr. xx, 9 et xiv, 20) ;
le choc aura lieu dans la plaine.
« Harmagedon » est done un mot tout a fait symbolique, une localite allegorique dont
le nom seul est une prophetie de desastre; car le passage de Zach. xii, 11 fait voir,
comme dit Bossuet, que « ce lieu, dans le style prophetique, est I'image des grandes
douleurs » ; ou les Juifs se rappelaient que Josias avait peri, et ou les pa'iens pleuraient
Hadad-Rimmon [Zach. ibid).
— — A. B. 17. άπο pour εκ, rec. K., al.; του ναοΰ omis (nombreux And., g, arm.) —
του ουρανού, ajoute par beaucoup de temoins apres ναοΰ, et admis de Soden, manque A,
boh., plusieurs And., syr., vulg.. Prim.; il est inutile; N* porte του θεοΰ, autre addition;
— άπο του θρο'νου omis Χ, al., g. — La preposition έκ signifie le lieu d'ou la voix retentit,
et άπο' doit etre le point meme d'ou elle part; le trone ou Dieu siege est done erige dans
le Temple meme, ce qui est assez naturel. — Cette plaie affecte I'atmosphere et va
produire un orage et de la grele; cfr. vni, 7, premiere Trompette, et la plaie d'Egypte
Ex. IX, 18-25. — γέγονεν, cfr. xxi, 6.
C. 17. Les derniers versets du chapitre decrivent une derniere plaie qui ne trouve
pas de correspondance exacte dans la serie des Trompettes ; car le rapport avec viii,
7, n'est qu'a la surface, et pent n'etre pas intentionnel. Gela n'a rien d'etonnant : la
derniere Trompette sonnait la fin du monde, tandis que la derniere Coupe ne fait que
miner une realite historique qui revivra sous d'autres formes, puisque la Bete subsiste
toujours.
La voix qui part du trone ne pent etre que celle de Dieu lui-meme, comme, plus loin,
a XXI, 6. « C'en est fait » declare le Tout-Puissant; mais ce n'est pas la fin de I'histoire,
centre Holtzmann, c'est seulement I'execution d'un decree particulier de Dieu, d'un
decret d'une immense importance, il est vrai, pour les Chretiens d'Asie et pour les
Betes, puisque, comme nous lallons voir, il s'agit de la ruine de Rome, du premier et
du plus puissant empire de la Bete. D'autre part, Rome sert de type; les puissances
futures qui lui ressembleront seront detruites comme elles et de la meme maniere. On
pent done dire que la solennite de la declaration divine est motivee par I'extension du
sens a toute royaute possible de I'Antechrist; c'est une prolepse du chapitre xix. Mais,
au sens le plus propre, il ne s'agit que de Babylone; c'est pourquoi I'auteur, dont la
vision et la pensee flottent entre la realite particuliere et la realite generale, decrira
encore des luttes posterieures; tout n'est pas fini, si ce n'est en presage.
^— — B. C. 18. άστρ. φωνα'ι βρονταί κτλ, formule stereotypee, caracteristique de I'Apo-
calypse, cfr. iv, 5, viii, 5, etc.; σεισ[Αος comme vi, 12; viii, 5; xi, 19; οΓος ουκ έγένετο κτλ,
expression de Dan. xii, 1. — Ce" tremblement de terre, qui rappelle k And. celui qui
eut lieu quand Jahweh descendit sur le Sinai, ne saurait etre, malgre Weizsdcker, le
meme que xi, 13; il est bien plus grave, et seulement Aandicatif, destructif; il signifie
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 241
17. Et le septietne repandit sa coupe siir I'air; et il sortit une grande
voixdu Temple [partant] du trone, qui disait : « G'est fait. » 18. Et il se fit
des eclairs et des voix et des tonnerres, et il se fit un grand tremblement
de terre, tel qu'il n'y en cut point depuis qu'il y a des liommes sur la terre,
un pareil tremblement de terre, aussi grand! 19. Et la grande ville s'en
alia {litt. devinfi en trois morceaux, et les villes des nations tomberent; et
Babylone la gran le fat remise en memoire en face de Dieu, [pour] lui
donner le calice du vin de la fureur de sa colere, 20. Et toute lie s'enfuit,
et on ne trouva plus de montagnes 21. Et une grande gr6le, [pesante]
comme des talents, descend du ciel sur les hommes; et les hommes blas-
phomerent Dieu k la suite de la plaie de la grele, parce qu'elle est grande,
la plaie de cette [gr^le], extremement.
le bouleversement des puissances humaines necessaire pour aboutii• a un etat d'oqui-
libre meilleur.
A. B. 19. Correction επεσον pour 'έπεσαν [rec. K., al.). V. Int. c. v, § II.
ajouto avant δοΰναι, correction de x, quelques And. — « Babylone », cfr. xiv, 8, xvii-
xvni; έμ-ντ^σθη, cfr. XVIII, 5; ^oi/fptov, cfr. xiv, 10.
C. 19. La « grande ville » n'est pas Jerusalem, comme xi, 8, contre Weizsdcker,
Joli. Weiss, et jadis Andre, qui distingue : « la grande ville », ou ensemble des Juifs
et des Chretiens, divisee spirituellement; « Babylone », monde profane en general; les
« cites des nations », paganisme. C'est Babylone; la fin du verset ne fait qu'en expli-
quer le commencement; et Babylone est Rome {Bossuet, qui voyait ici la prise de
Rome par Alaric, Holtzmann, Bousset, Sa'ete, etc.). Arethas I'entendait de la Constan-
tinople de son temps; chaque epoque a sa Babylone.
Ce tremblement de terre est plus qu'un chatiment preliminaire (contre Bousset, Joh.
Weiss); c'est deja la ruine qui sera decrite aux chapitres xvii et xviii; encore un
« emboitement ». Holtzmann a bien senti ici une prolepse, et il a tort d'en etre sur-
pris ; depuis le ch. x, de tels emboitements ou anticipations se multiplient. Dieu s'est
souvenu de Babylone (19 c) pour la briser en trois morceaux, c'est-a-dire aneantir sa
puissance (19 a) ; la chute des « cites des nations » qui, soumises a Rome, sont les
capitales des provinces de TAntechrist, s'ensuit comme une consequence. Ce desastre,
d'apres le ch. xvii, doit s'accomplir par la main des rois. Pen importe que, xvii, 16
ils la detruisent par le feu, tandis qu'ici I'image est celle d'un tremblement de terre; ce
σΞΐα[χός, comme ailleurs, est metaphorique, et Jean est assez indifferent a I'egard de ses
metaphores (Iat., c. vi, viii). Le fait lui importait seul, non le mode de son accomplis-
sement.
.. B. C. 20. Cfr. VI, 14; xx, 11, et Ezech. xxvi, 15, 18. — Les « lies qui fuient »,
etc., sont i'image de la chute et de la transformation des grands empires.
A. B. C. 21. καταβαίνει, έστιν, presents narratifs irregulierement meles aux
aoristes. — Cfr. la 4^ plaie d'Egypte, Ex. ix, 18-25, et, si Ton veut, la 1"••^ trompette, viii,
7. — Le talent etait, d'apres Josephe, le poids des pierres lancees paries machines de
siege, a peu pres 40 kg.; cette grele represeote metaphoriqucment le poids ecrasant de
la colere de Dieu (Andre, Bossuet). Mais cette plaie, si grande qu'elle soit, laisse
survivre I'humanite pecheresse, etnefait tout d'abord que surexciter ses blasphemes
comme les fleaux qui ont precode ; c'est un contraste marquo avec la fin de la scene
des Deux Temoins (xi, 1-14), qui closait la scrie des llcaux amends par les Trompettes.
C'est que la serie de celles-ci cmbrassait I'histoire totale, tandis que les coupes n'en
presentenl, nous I'avons vu, qu'unc application partielle aux puissances contempo-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. Jg
242 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
raines, — laquelle, du reste, peut se repeter periodiquement, dans des conjonctures
analogues, apres chacune des « resurrections » de la B^te alternant avec celles des
Temoins (v. comment, de xi, xiii et xvii infra).
Ge Λ'. 21 acheve de demontrer que I'epithete d'la/axa? de xv, 1, appliquee aux plaies
des Coupes, ne pouvait etre prise que dans un sens tout a fait relatif.
EXC. XXXII. L ORDRE DES COUPES.
Point nest besoin de recourir aux precisions de Grotius ct de Bossuet pour
reconnaitre et admirer la haute valeur de symbole et de prophetie que possede
cette vision des Coupes. Elle est, dans I'ordre et le detail, moins conventionnelle
que celle des Trompettes, et le Prophete a du sentir plus d'emotion en la repro-
duisant. Au lieu de recourir, pour eclairer les tenebres de Ihistoire future, a des
combinaisons d'images violentes d'origine plus ou moins mythique, il s'est tenu
en contact etroit avec les grandes realites de son epoque, recouvertes de sym-
boles qui, a des Juifs et a des Grecs du i'"' siecle, devaient paraitre assez ration-
nels et transparents. II venait de leur predire Tapproche du Regne de la Bete, et
le culte sacrilege qu'elle se ferait rendre sous peine de mort. La terre et scs
puissances allaient s'efforcer de remplacer le ciel. Mais Dieu et I'Agneau sont la;
les evenements, diriges par Tordre de Dieu et I'intermediaire des pouvoirs ange-
liques, vont faire echouer pitoyablement I'entreprise insensee des Cesars romains
et de leurs thuriferaires, et conduire Rome elle-meme a la mine. D'abord Γ « em-
preintede la Bete», imposeecomme une condition s//ie qua non pour une vie hono-
ree et tranquille, se changera en un ulcere qui devorera les chairs, ou plutot les
consciences, et fera des adorateurs de la Force, de I'ordre materiel, un objet de
degoiit moral (1'"'^ Coupe; cfr. Rom. i, 24. sqq.'. Le desordre, la cruaute des
moeurs fera du monde comme un abattoir ou il ne coulera plus que du sang,
oil Ton en boira; I'Ocean lui-meme sera comme une mare de sang corrompu.
Comme les persecutions, les guerres entre legions, les assassinats reguliers
d'empereurs, et la frivolite sanguinaire des jeux romains, se sont bien unis pour
realiser cette prophetie, surtoul en ce iii'^ siecle qui a να lorganisation parfaite
d'un culte imperial obligatoire, favorisee par tant de « faux agneaux » et « faux
prophetes » ! (2'' et 3^ coupe). Toute la vie devient une maladie fievreuse ; le soleil,
au lieu de ses rayons bienfaisants, semble verser sur les hommes un pessimisme
irrite (4' coupe). Alors I'avenir politique, economique, social, qui avait paru si
brillant aux debuts de Γ Empire, quand Auguste etait proclame sincerement « le
Sauveur du monde », n'apparaitra plus que morne, tenebreux, sans esperance
(δ^ coupe). Et I'alourdissement, Tenervement des ames, I'usure des rouages politi-
ques et sociaux, livrera I'empire sans defense aux invasions etrangeres (6^ coupe),
qui ameneront la ruine d'une culture et d'un monde : « C'en est fait », dira le
Dieu vengeur, c'en est fait au moins de cette premiere creation de I'Antechrist.
Meme progression dans la decadence attend, apres Rome, a tout ^ge et dans
toute race, les nouvelles fondations des Betes, qui reposeront toujours sur les
memes principes illusoires, de naturalisme, de blaspheme et d'oppression. Car
I'Antechrist est marque au chiffre 6 : il ne peut faire que des oeuvres qui n'attei-
gnent jamais leur but, et manquent toujours, faute d'un point, a I'heure ou Ton
attend leur succes.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 243
Tel est le cours symbolique perpetuel de I'histoire, pour la Cite profane, les
Babylones diverses qui suivront les errements de I'etatisme romain. Mais, apres
ces vastes vues de philosophic prophetique, Jean allait montrer mieux encore a
ses lecteurs, avecdesdeveloppements d'une grande precision, la mine ineluctable
de I'Ennemi actuel, de cette Rome qui pretendait etouffer I'Evangile at renverser
la Jerusalem celeste,
Notons encore, a la fin de cette belle et penetrante description de Favenir, un
point interessant pour I'intelligence du Millenium, au chapitre xx : la chute de
Babylone, ou deTEmpire paien, n'amene pas la conversion du monde, nila ces-
sation des blasphemes; c'est un art>umeat contre les auteurs qui entendent le
Millenium dans le sens historique d'un triomphe exterieur de FEglise, comme
une periode qui aurait commence avec Constantin, a I'Edit de Milan.
D. 2°-3° SORT FINAL DE l'eMPIRE ROMAIN ET DE l'aNTECHRISY (xVH-XIt).
Int. — Trois ennemis s'opposent au Regne de Dieii et de IrAgneau; le premier, qui
est I'adversaire direct de Dieu, le Dragon, est invisible; il deineure comme cache dans
I'ombre pendant le dcroulement du drame actuel. Les deux autres sont visibles, mais
sur des plans differents : d'abord la Premiere Bete, qui, aidee du Faux Prophete,repre-
sente la continuite des efforts du mal politique, social, religieux ou antireligieux dans
I'histoire humaine, en un mot V Antichrist ; le troisieme, c'est Rome, capitale actuelle
de cet AntecJirist, laquellea dija paru dans une echappee au cours de la vision des
Coupes. Jean va decrire la ruine de ces trois adversaires, deja annoncee ou presagee
sous bicn des formes, mais dans I'ordre inverse de leur apparition. II est parti, au
chap. XII, du fond cache des choses et des evenements, pour arriver a ce qui affleure a
la surface, aux yeux de tons, c'est-a-dire a I'hostilite de Rome, qu'il va maintenant
decrire ; ensuite il va passer du drame visible et contemporain au drame visible et per-
petuel, puis au drame invisible. Cet ordre doit co'incider avec un certain ordre chrono-
logique. D'abord {XVII-XIX, 10), nous allons assister a la ruine de Rome, le premier de
de ces evenements vengeurs qui se produira ; puis {XfX, 11-fin) a la destruction totale
des Betes. Telles seront les deux phases de la victoire de I'Agneau sur ses adversaires
humains; c'est I'issue du drame ouvert aux chap. XIII-XIV, 5. — // presentera enfin
a part, au chap. XX, la defaite de VAdversaire essentiel, le Dragon.
D. 2° La vengeance divine sur Rome (xvii-xix, 10).
Int. — Cette vision, d'autant plus copieusement decrite quelle avait une importance
capitale pour les premiers lecteurs de I'Apocalypse, ne fait que developper ce qui
vient d'etre realise par la 7« Coupe, — tout comme la section entiere, de XII a XX,
nest que le developpement du 3^ f^ae, signale a la fin du chapitre XI. ]\ous retrouvons
dona un des procedes constants de I'auteur, la compenetration des diverses visions, et
les notations breves qui s'epanouissent en grands tableaux dramatiques. On peut ainsi
diviser cette partie :
a. Vision de presentation (analogue a iv-v et a xni-xiv, 5). — Un des Anges porteurs
des coupes inontre au Prophete la Gourtisane babylone dans sa magnificence et ses vices,
et lui en predit la ruine future (xvil, 1-18).
b. Une preparation (analogue a vi-vn et a xiv, 6-fin). — Deux proclamations celestes
retentissent contre Babylone (xvui, 1-8).
c. d. La ruine de la Gourtisane (cfr. les Trompettes et les Goupes) sous forme de
lamentations, qui sont suivics de I'action ptroplicliquc d'un autre Angc, ct des cantiques
244 APOCALYPSE DE SAINT JEAN-
de la foule celeste ice qui forme justement encore une antithese, avec une scene inter-
posee, conime a la fin des Trompettes). Ces chants celebrent /'epocse de l'Agneau, Jeru-
salem I antilhese de Rome, et I Ange qui a montre a Jean la courtisane proclame Jieu-
reux ceux qui seront incites a ces noces. C'est la preparation des cliapilres XXI-XXII,
3^ grande parlie de la Revelation.
On peut remarquer ici que trois Anges, peut-etre quatre, interviennent ; et que la
ruine de Babylone, en partant de la vision preparatoire aux coupes, est annoncee ou
decrite juste sept fois (xiv, 8; — xvi, 17-21; — xvn, 16; — xviii, 1-3; — xviii, 4-8; —
xvni, 9-20, morceau principal; — xvni, 21-24).
D. 2° a. La courtisane Babylone, sa relation avec la Bete (xvii).
I:vT, Xous avons assez vu deja comment les diverses visions jolianniques s'ajustent
et s'emboitent, se correspondent en s'enc/ievetrant. Ne soyons done pas surpris que Ba-
bylone entre en scene exactement comme le fera plus tard la Jerusalem ce/es/e (xxi, 9).
Car ces deux figures, qui sont parmi les « symboles majeurs « de I Apocalypjse, se font
pendant exactement, comme les « Deux Cites » de Dieu et du Dragon. Babylone est
une ville, mais une ville figuree par une Femme. selon I'usage biblique; comme ville,
elle s'oppose a Jerusalem, comme femme a la «Femme » du ch. XII, ainsi que la bien
vu Holtzmann; mais celle-ci est deja I'Eglise- Jerusalem; d'ailleurs Jerusalem elle-
meme sera presentee dans la 3^ partie comme une ville qui est en meme temps une
femme, une fiancee. Done, somme toute.^ Babylone, qui, au sens premier, nest que
Rome paienne, sert de type a la contre-eglise, a I'Eglise de I'Antechrist.
Dans une premiere partie {3-6), nous assisterons a I'apparition splendid^ et odieuse
de la Courtisane; dans une seconde, I Ange qui la montree expliquera qui elle est, et
annoncera son sort futur (7-lin).
Ce chapitre est rempli d une lumiere prophelique eclatante; mais la lot du genre
alle^orique et I obligation oil Jean se trouvait de ne purler qu avec prudence, en termes
voiles, en font un des plus difficiles a interpreter. Aussi les commentateurs I'expliquent-
ils de manieres fort divergentes, tandis que les critiques lui assignent les origines les
plus diverses. Les conservateurs meme ne sont pas d'acccrd sur sa date; quelques-uns
le reculent au temps de Vespasien. Volter le donne a Cerintlie, excepti 6*, li, 16-
17, qui viennent de I'editeur, et voudrait le transporter a la suite de X, 1-11; il le
separe ainsi, non sans quelque fantaisie, de XVIII-XIX, 10, qui reviendrait a Jean-
Marc; Weizsacker le distingue du corps du livre; pour Weyland, XVII-XVIII, XIX,
1-6 font partie diH,juif, mains XVII, U; Sabatier fait aussi XVH-XVIII d'origine juive ;
pour Schoen, XVII est I'addition dun editeur cliretien, XVIII {sauf 20] est juif; Spitta
divise le bloc entre J-, du temps de Pompee, auquel reviendrait presque tout XVIII, et
le Redacteur cliretien sous Trajan; Erbes assigne les deux chapitres a I Apocalypse
de Van 80. Schmidt decouvre dans XVII-XIX, 5, un morceau independant intercale.
Pour Bruston, XVII-XVIII sont de VApocalypse la plus ancienne, qui a commence au
ch. X; Job. Weiss fait des repartitions equitables entre Q, juif et I' « Editeur », qui
aurait a son compte XVII, 9 a, li et XVIII, 20 seulement; dailleurs le morceau aurait
pu avoir une existence independante avant d'etre utilise par Q. Bousset lui-meme ne
croit pas le ch. XVII homogene, car le compte du v. 10 nous reporterait a Vespasien,
tandis que I'emploi de la legende de Neron suppose la fin du I^' siecle; il distingue
une source juive, et une elaboration chretienne [8; 12-li; mots isoles 6, 9, 11).
A not re avis, ces deux chapitres sont si unis, et tellement lies au reste du livre, quit
n'y a aucune raison valable d'y chercher des sources; I'unite d-e langue est parlante.
On s'explique aussi fort bien comment Jean lui-meme a pu voir ces choses. et a Pat-
mos, sous Domilien. Dans des excursus, nous chercherons a resoudre le problcme des
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 245
Tetes, et a bien fixer les rapports eventuels de la vision avec la legende de Neron; le
commentaire donnera succinctement nos solutions.
A. B. 1. κα\ ηλθεν χτλ, phrase d'introduction pareille a xxi, 9. — έπ\ υδάτων, comme
Babylone, dans Jer. li (Septante xxviii), 12-suiv. ; cfr. aussi Is. xxi, 1. — λαλεΐν μετά.,.
Int. c. x, § II.
C. 1. La courtisane va bientot etre identifiee a Babylone (= Rome, d'apres -βα/•. syr.,
Lxvn, 7, avec fiction allegorique; Sib. v, 143, 159; I Pet. v, 13. Int. c. v, i, § III);
la Babylone historique a ete souvent representee par les prophetes comme une pros-
tituee. Prim. : « meretricem vocans, quia relicto Creatore daemonibus se prostituit ».
L'image des « eaux » sera expliquee au verset 15, comme I'amas agite des peuples
siir lesquels Rome domine.
C'est un des Anges « qui avaient les Coupes » qui appelle Jean; 11 semble qu'il
ait encore sa coupe en main, sans doute il n'en a pas encore verse le contenu; c'est
dire qu'il y a ici regression; le Prophete revient, pour les developper, sur des faits
dont la substance lui a d^ja eto revelee dans une vision plus generale, ici xvi, 19 :
Βαβυλών ή μεγάλη ΙμνήσΟη κτλ. Le fait que la mise en scene correspond exactement a celle
de la revelation de la Jerusalem celeste (ch. xxi], montre la place hors pair que
tenait cette vision dans les preoccupations de Jean et de ses lecteurs; c'est que
Rome est le type de la cite du Diable.
' A. B. 2. κατοικοΰντες την γην, regime direct sans Ιπί, se trouve ici seulement
dans I'Apocalypse; mais bientot, v. 8, reparaitra I'expression stereotypee χατοιχ. έπΙ
τηί γης, Ιντ, c. Χ, § Π. — μεθ' ης Ιπόρν.,οί βασ. της γης, cfr. XIV, 8; χνιιι, 9; Nalium, ιιι, 4,
sur Ninive.
C. 2. Bossuet voit justement ici le culte de Rome et des empereurs par les rois
vassaux ou allies. La « fornication » des rois consiste a admettre tons les vices de
Rome, ainsi que sa suzerainete et sa religion [Swete]. II y avait alors peu de rois
dans I'Empire; mais Jean pouvait penser a ceux d'autrefois, tels les Herodes.
A. B. 3. τω ajoute devant πνεύματι (Αν 59-163-2069, δ 500-88-205), donnerait
le sens d'Esprit-Saint; mais, d'apres i, 10, il s'agit ici de I'etat extatique. — Pour
εΤδον, A porte ϊδα, une des particularites de ce codex qui montre qu'il etait assez
independant, et qu'il ne faut pas toujours se fier a ses graphics, ni meme aux mots
de son texte (Int., c. xv). — γε'μοντα... 'ε'/ον, accord ad sensum qui n'est pas poursuivi,
legon de Nestle; -γίμο'/ τά ονόματα, pour Diisterdieck, Β. Weiss, ce qui souffle difficulty,
car il faudrait alors, note Bousset, της βλασφημίας; S^vete admet γέμοντα... 'ε'χοντα, et
considere γέμον... 'ε'χον comme des corrections, ce qui est fort possible; Bousset, γέμοντα...
'έχων; IV-H, έχων; Tisch. ?χοντα. On lit γέμοντα A, a3-P-025, 1073; 'έ/οντα, K-^2.oi,
P, 'έχον, Hipp., Q, al.; 'έχων, A, et beaucoup de minuscules; il est difficile de choisir
(Int., c. xv). — Quelques temoins, dont 5500-88-205, ajoutent immediatement apres
la fin de ce verset le v. 18, remaniement mal inspire, qui afTaiblit la force de ce tableau
(v. ad loc). — « Noms de blaspheme », xiii, 1.
C 3. La B^te et la Femme, centre Bossuet, ne sont pas la meme chose, meme
au fond. La Bete est evidemment la meme qu'au ch. xiii; sa couleur ecarlate —
et non « rouge sang » comme le Dragon — designe ici, non la cruaute, mais la
richesse et la magnificence. C'est I'esprit de luxe et d'ostentation des empireg ennemis
de Dieu, et non du seul empire remain; car la Bete ne sert de monture a Rome que
pour un temps, comme la suite va le montrer. La Femme, dit Jo/i. Weiss, pourrait
tirer plus d'un de ses traits de quelque image divine; c'est comme une deesse assise
sur un animal, et Ton pent penser a des modeles semitiques, egyptiens, a Cybele
dans son char, etc. Le prophete se la represente comme une bacchante chevauchant
une sorte de panthere. La distinction et la splendeur eclatent dans tout ce tableau.
246 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
C. ΧΛΊΙ. 1. ΚαΙ ηλθεν ε'.ς εκ των έττα άγγέλοίν των έ'/όντο)ν τάς έ-τά φιάλας,
7.3ίΙ έλάλησεν μετ' έΐΑοΰ λέγων" Δείρο, δείξω σοι το κρίμα της ζόρνης της μεγάλης
της καθήμενης έπΙ υδάτων ζολλών, 2 μεθ' ης έχόρνευσαν ο•. βασιλεΤς της γης, καΐ
έμ-εθύσθησαν ct κχτοικοϋντες *τήν γην έκ τοϊ) civsu της πορνείας αυτής.
3. Και άπήνεγκέν μ,ε εις ερημον έν "πνεύματι. Και *εΤδον γυναίκα καθημένην έπι
θηρίον κόκκινον, *γέμ.οντα ονόματα βλασφημίας, *εχον κει^^αλας έπτα και κε'ρατα δέκα.
4. Και ή γύνη ην περιβεβλημένη ζορφυροΰν και κόκκινον, και κεχρυσο^μένη γροσίω
ν.7.1 λίΟω τιμίω και μαργαρίταις, έχουσα ποτήριον χρυσοΰν έν τη "/ειρι αϋτης, γέμον
βδελυγμάτων και *τά ακάθαρτα της πορνείας αΰτης. 5. ΚαΙ επί το μέτοιπον αυτής
Pourquoi est-elle « dans le desert », trait qui semble destine a fairo contraste avec
la « montagne » ού descendra la Jerusalem celeste, xxi, 10? Holtzmann rappelle ici
le litre d'une prophetie d'Isaie conlre Babylone : « Oracle touchant le desert de la
mer » Is. xxi, 1. Bousset coraprend ce desert comme une vue anticipee de sa deso-
lation future; mais ce ne serait guere en situation ici. Swete, apres Prim, et And.,
propose avec plus de raison un sens spirituel, le desert de la vie sans Dieu, bien
different de la solitude recueillie ou I'autre Femme du ch. xii a trouve son refuge.
II est plus que certain que cette courtisane est Rome antique; Andre connaissait
deja cette interpretation, basee surtout sur la mention des « Sept collines », au v. 9;
mais, croyant, ainsi qu'apres lui I'ensemble des medievaux, que ce chapitre se rap-
portait a I'avenir eschatologique le plus eloigne, il y voyait personnellement un empire
universel, une grande ville, peut-etre Rome restauree dans son antique puissance,
qui devait dominer le monde jusqu'au temps de I'Antechrist. 11 n'y a toutefois aucun
doute que cette ville soit la Rome historique des Augustes.
' A. B. 4. Remarquer le changement de cas τα ακάθαρτα, apres le genitif
βδελυγμάτων; γέαω, dans XApoc.^ peut gouverner ces deux cas; mais il est possible,
a la rigueur, que (ί/.άθ. soit un second regime direct de ε/ ούσα. — « Vase d'or » a la
main, cfr. Jer. li, 7 (Septante xxviii), mais avec adaptation, car la Babylone est elle-
meme un ποττ^ριον dans la main de Dieu. — Swete signale un parallele frappant a cette
description dans le Tableau de Cebes, oil est drcj-ite une femme, qui est I'a-a-rJ, assise
sur un trone avec un ποτηρ;ον qui enivre de -λάνη et d'ayvoia.
C. 4. La pourpre represente le pouvoir imperial; les « abominations », le culte
romain et les moeurs romaines. Rome, dit Calmes, est « centre et foyer de toutes les
abominations, ce qui doit s'entendre du paganisme international, du syncretisme
cosmopolite, auquel le Pantheon romain servait de sanctuaire ». La Prostituee,
paree de loutes les vanites de la terre, est tout a fait la contrepartie de la Femme
du ch. xn, velue du soleil et couronnee d'etoiles; elle s'oppose a cette « Mere »,
comme a la « Fiancee » du ch. xxi.
■ A. 5. -ορνων peut etre le genitif soit de -ι^ρνη, soit de πόρνος « debauche »,
suivant qu'on accentue πορνών ou πόρνων; -les deux sens conviennent egalement. —
Μυσττίριον est une sorte d'exclamation, ou de parenthese, pour attirer I'attention sur
les mots qui suivent.
C. 5. Get avertissement montre que « Babylone » n'est pas le vrai nom, qu'il faut
le prendre πνευματικώς; or, nous savons que Babylone signifiait Rome {supra, v. 1
A. B.), et pourquoi Jean restait dans ce mystere (cfr. xiii, 18). Les βδελ. sont I'idol^trie
du monde entier confluant a Rome {Spina, Bousset, etc.) Holtzmann, se referant a
Soneque et a Juvenal, parle de I'usage qu'auraient eu les courlisanes romaines
d'afficher ainsi leur nom.
— — — A. B. 6. Le part, present μεθύουσαν montre que la Femme est en train de
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 247
C. XVII. 1. Et il vint iin d'entre les Sept Anges qui avaient les sept coupes,
et il parla avec moi, disant : « Arrive! je te montrerai le jugement de la
grande Prostituee, qui est assise sur d'abondantes eaux, 2 avec laquelle
ont fornique les rois de la terre, et se sont enivres ceux qui habitent la terre
du vin de sa fornication. »
3. Et il m'emmena dans ua desert, en esprit. Et je vis une Femme assise
sur une Bote ecarlate reinplie de noms de blaspheme, ayant Sept Tetes et
Dix Cornes. 4. Et la Femme s'etait enveloppee de pourpre et d'ecarlate, et
doree d'or, et de pierre precieuse {sic au sing.), et de perles, [et] elle avait
un calice d'or dans sa main, plein d'abominations, et des {on les) impuretes
de sa fornication. 5. Et sur son front un nom [etait] ecrit... — Mystere! —
s'enivrer au moment ού Jean la voit; cfr. xvi, 6 et xviii, 24. — Ίησοΰ omis dans de
nombreux mss du type And.
C. 6. Le Prophete contemple Rome en pleine puissance, et en pleine rage de
persecutions. Gependant une premiere impression, qu'il ne peut prevenir, est d' admirer
cette apparition imposante, si odieuse qu'elle soit; il est etonne, dit Bossuet, qu'une
telle richesse doive etre, d'apres la prophetie, soudainement precipitee.
— — C. 7. L'Ang-e reproche a Jean ce mouvement d'admiration involontaire;
il va lui dire ce qu'est cette reine, et quel sort miserable et juste attend Babylone.
Tout le reste du chapitre est occupe par le commentaire qu'appoi'te a la vision I'Ange
reΛ'elateuΓ; c'est la un procede frequent dans les Apocalypses, (Int. c. v, ι § I).
^^— A. 8. υπάγειν pour υπάγει, ce qui ne change pas le sens, dans x, P, Q, la plu-
part des cursifs, Hipp., boh., eth., Soden, Stvete, possible pour W.-H. — Pour
θαυιχασθτίαοντχι, forme de A, plus conforme a I'usage hellenistique, (cfr. xiii, 3) on trouve
ciussi la forme moyenne θαυ[χάσονται, et dans Hipp. θαυ[χ«σουσιν. — βλεπόντων, genitif du a
I'attraction de ών, corrige en βλε'ποντες, quelques And., Hipp., g, vulg.. Prim. — La
tournure το θηρίον οτι ην, quoique admissible en grec, corrigee en Gaj;x. δτι ήν το Οηρ., rec.
Κ., quelques And., Hipp., g, vulg., syr., arm.. Prim. — πάλιν, ajoute apres παρέσται Κ* ;
contresens plutot qu'eclaircissement; car -αρεσται a ici la valeur d'un mot technique,
qu'il faut rapprocher de παρουσία, terme du style ofliciel pour designer I'arrivee solen-
nelle d'un souverain (v. Deissmann, LO, pp. 278-suiv., 332, 334-suiv.) ; les Chretiens
I'adopterent pour I'Avenement glorieux de leur Maitre ; quelques scribes, ne I'ayant
pas compris, ont ecrit έ'σται; ailleurs, παρέστιν.
Β. 8. Elle « remontera bientot de I'Abime », cfr. xi, 7; xiii, 1, elle monte « de la
mer » ; — pour aller « a la perdition », idee qui sera developpee xix, 11-xx, 10. — Cfr.
cette ascension de I'Abime a la guerison de la blessure mortelle, xni, 2, 3, 12, 14. —
« Livre de vie » cfr. in, 5; xin, 8; από καταβ. χοσ[Α., efr. xiii, 8. — κατοικ. επΙ της γης repa-
rait, cfr. xvn, 2. — παρεσται; pour I'idee, cfr. xiii, 8, 12-17 ; egalement II T/iess. ii, 8, 9 :
δ avoij-o;... ου έσ-.ιν ή παρουσία κατ' ένεργείαν τοϋ σατανά'. — ■ Και θαυμασΟι^σονται, cfr. χΐιΐ, 3.
C. 8. Nous discuterons dans I'Exc. xxxiii les tres diverses interpretations donnees a
ce verset, solidaire de 9-11. Disons seulement ici que la Bete-Antechrist, contrefa^on
du Christ, aura I'air, comme le Seigneur, de mourir et de ressusciter, pour avoir, elle
aussi, son Avfenement glorieux, et recevoir les adorations de toute la terra; c'est,
comme au chap, xiii, une allusion a I'apogee du culte imperial, prcsente, notons-le bien,
comme futur (v. Exc. xxx|, ainsi qu'aux phenomenes historiques plus eloignes qui
pourront y ressembler. Le commentaire du v. 10 resoudra la contradiction apparentc
entre ce verset 8 et le ch. xiii, oii la Bete a ete vue guerie de sa blessure, tandis qu'ici
elle est representee comme m'orte (οΰκ εσ-ιν), et descendue a I'Abime, d'ou elle est sur
248 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
ζ'/ομα γεγραμμένον' Μυστήριον' Βαβϋλών ή μεγάλη, ή μήττ,ρ των *πίρνών κάΙ των
βοελυγμάτων της γης. 6. Κλ\ εΤδον τήν γυναΤκα *μεθύουσαν εκ του αίματος των
μαρτύρων Ιησοΰ. Καΐ έθαύμασα ΐδών αυτήν θαύμα μέγα.
7. ΚαΙ ειπεν μοι ο άγγελος' Δια τί έθαύμασας ; εγώ έρώ σοι το μυστήριον τν;ς
γυναικός και του θηρίου του βαστάζοντος αυτήν του έχοντος τάς επτά κεφάλας και τα
δέκα ν.έρατα. 8. Το θηρίον ο είδες ην και ουκ έστιν, και μέλλει άναβαίνειν εκ τγ|ς
αβύσσου και εις αττωλείχν *ύπάγει και *θαυμασθήσονται οι κατοικοΰντες *έτϊί ττ^ς γης,
d)v οΰ γέγραπται το όνομα k~\ το βιβλίον της ζοιης άπο καταβολής κόσμου, *βλ£-όντο^ν
το θηρίον, *οτι ην και ουκ εστίν και *παρέσται.
le point (μέλλει), quand Jean ecrit, de remonter. Le monde admirera la vitalite de la
Bete, del'Empire romain se relevant apres les pires malheurs; I'Antechrist aura done sa
Parousie (II T/iess., supra), comma I'Agneau; mais celui-ci viendra du ciel, I'autre de
TAbime; I'Agneau pour triompher a jamais, I'autre pour recevoir son chatinient final.
Nous avons vu deja I'intronisation de I'Agneau (ch. v), puis celle de la Bete (ch. xiii);
ici se complete le parallelisme, ou plutot la parodie. La formule meme ο ην κα\ ουκ 'έστιν
και παρέσται, parait formee intentionnellement sur le nom hieratique divin δ ην και ό ών
και δ έρ•/ομενος.
— — Α. Β. 9. δ έχων σοφίαν est une interpellation, et vaut un vocatif. — ώδε δ νους,
cfr. XIII, 18 ; ώδε omis Q. — Pleonasme έπ' χυτών apres δπου, voir Int. c. x, § II.
C. 9. Ce qui va etre revele est de la meme importance, comme I'indique I'avertisse-
ment solennel, que le « chiffre de la Bete » xiii, 18. L'explication sera elle-meme assez
enigmatique; il le fallait, a cause de la police; c'est pourquoi elle s'adresse a « qui a
de I'intelligence ». II s'agit du « Septimontium », des sept collines de Rome, ce qui
fixe tout a fait le sens symbolique de la Courtisane. La coincidence entre ce trait topo-
graphique et le symbolisme des « 7 Rois » dont I'Ange va parler, a frappe I'ecrivain
dans le cas de Rome, c'est pour cela que, ne voulant laisser aucun doute a I'auditeur
intelligent, il a signale cette double signification des Tetes, dont la premiere n'est
qu'une indication assez peu attendue, sans signification prophetique ou religieuse,
mais qui sert a faire trouver la cle de I'ensemble. II ne faut done pas la rejeter comme
une interpolation, quoiqu'elle mette un disparate dans le symbolisme general; c'est
une combinaison A <^ (v. Int. c. vi). Bousset concede qu'un pareil precede n'indique
Γ Γ
pas necessairement, dans une Apocalypse, une dualite de mains. La Bete, ici et aux
versets suivants, s'identifie done a la Rome historique; mais cette identification n'est
que partielle et temporaire (v. infra).
—— A. B. 10. βασιλεύς equivalait des lors a « imperator » latin, voir I Pet. ii, 13-
17; I Tim. ii, 2. — επεσον pour έπεσαν, rec. K., moins Q, al. (Int. c. x, § II). — Pour le
calcul des Tetes, cfr. eelui des ailes et des ailerons de I'Aigle de IV Esd., xii, 10-33.
C. 10. Les versets 10 et 11 expliquent tout a fait la signification totale de la Cour-
tisane, et la signification contemporaine de la Bete, les deux se trouvant, pour cette
epoque-la, repondre a une meme realite historique. lis forment I'abrege d'une histoire
et d'une prophetie relatives au seul empire remain.
Avec le chifi're 666, il n'y a pas dans toute I'Apocalypse de pareille crux interpretum.
Sans discuter ici les opinions des commentateurs et des critiques, reservees a I'Exc.
xxxm, contentons-nous d'exposer la notre, qui sera justifiee plus tard.
Jean nous dit lui-meme que les tetes repondent a des regnes successifs d'empereurs
remains. Nous pensons qu'il faut les compter a partir du moment ou I'Empire, par son
hostdite deelaree, est veritablement devenu pour I'Eglise une bete feroce, c'est-a-dire
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 249
« Babylone la GRANDE, la πΐ6Γ6 des prostituees et des abominations de la
terre. » 6. Et je vis la Fenime s'enivrer du sang- des martyrs de Jesus. Et
je m'omerveillai, I'ayant vue, d'un grand emerveillement.
7. Et I'Ange me dit : « Poiirquoi t'es-tu emerveille? Je te dirai, moi, le
mystere de la Femme et de la Bete qui la porte, qui a les sept Tetes et les
Dix CoRNES, 8. La Bete que tu as vue etait, et n'est plus [litt. pas), et elle
est pres de monter de I'Abime, et e'est a la perdition qu'elle s'en va;
et ils s'emerveilleront, ceux qui habiteut sur la terre, dont le nom n'a pas
ete ecrit au livre de vie depiiis la fondation du monde, en regardant la
Bete, de ce qu'elle etait, et n'est plus (/. pas), et aura son Avenement.
depuis Neron. Les cinq qui sont tombes sont done Neron — Galba ou Ot/ion — Othon
ou Vitelliiis — Vespasien — Titus. Gelui « qui est » est I'empereur actuel, Domitien.
Celui qui doit venir sera son successeur, quel qu'il soit, el il est meotionne, non pour
lui-meme, mais afin de completer le chifTre fatidique de Sept (v. Exc. xxxiii).
Jean a dit ci-dessus que la Bete « n'est plus », et pourtant I'une de ses tetes est en
vie ; c'est done que la mort de la Bete ne devait etre comprise qu'en un sens tout rela-
tif. Elle vit sous un rapport, elle est morte sous un autre. Le verset suivant donnera
I'explication de cette antinomie.
■ A. C. 11. ούτος pour αυτός, rec. K. — Ce verset souleve I'interessante question
de la legende du « Nero redivivus », et de la mesure dans laquelle saint Jean y eut
ajoute foi ou en eut tire parti (v. Exc. xxxiv).
Un double caractere est assigne a la Bete (καί... χαί...) : 1°) apres que sept empereurs,
depuis Neron inclus, auront regne, I'Empire romain ne cessera pas pour cela; une
simple serie de sept ne le menera pas a son terme, comme aurait pu se le figurer un
prophete apocryphe, attachant une valeur superstitieuse aux septenaires. La Bete
apres avoir vu ses sept tetes se succeder, et tomber I'une apres I'autre, subsistera
cependant encore, et subsistera comme empire romain. Gombien y aura-t-il d'empe-
reurs a suivre le septieme? Jean ne le dit pas, et sans doute ne le prevoit pas; il salt
seulement qu'ils incarneront encore la Bete, et il abandonne deliberement le symbo-
lisme des sept Tetes, insuflisant pour la duree prolongee qu'il veut faire entrevoir. La
Bete-Empire durera encore un temps indefini, peu importe de preciser lequel; la serie
des Augustes, loin d'etre epuisee a son septieme membre, recommencera. Ce ne sera
pas un septenaire, mais une octave, chifTre de la plonitude debordante. Et il n'est pas
dit que le huitieme empereur sera le dernier; le « huilieme » sera la Bete, voila tout,
c'est-a-dire, en soi, une collectivite ; des tetes pourront repousser au Monstre tant que
Dieu le permettra. Jean designe tons ces monarques en bloc comme des incorporations
de I'Antechrist. Car 2°) cette Bete incarnee actuellement dans I'Empire romain conser-
vera le meme caractere bestial et persecuteur. Quoique devant survivre aux sept,
« elle est des sept », sans aucun doute au sens moral. Cela veut dire, selon nous,
puisque la Bete est identifiee sous quelque rapport a Tunc de ses Tetes, a celle qui a
mieux que les autres represent^ son essence diabolique, qu'elle reprendra le caractere
de cette tete disparue, qu'un des empereurs anciens de la serie des sept revivra a
multiples exemplaires. Sous quel rapport? Sans aucun doute, a un point de vue
defavorable — puisque c'est la « Bete » — eta celui qui doit le plus interesser et preoc-
cuper les chretieiis lecteurs de I'Apocalypse, sous I'aspect d'ennemi, de persecuteur,
d'Antechrist. II y avait un empereur lout designe pour symboliscr ce caractere, c'elait
Xrron, ce Neron que le pcuple croyait alors pres de reparaitre. Le sens du verset est
done, en definitive, que la Bete romaiue durera plus longtemps que le regne de sept
250 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
9. "Ωδε ό ν^υς, *ό έχων σοφίαν. Αί έπτα κεφαλαί έπτα Ιρ'η εισίν, cttcu ή γύνη
καθήται *έχ' αυτών. 10. Και βασιλείς έχτά είσιν" ct πέντε *ε7:£σαν, ό εΙς εστίν, ο
άλλος ουχω ήλθεν, καΐ όταν Γλθη ολίγον αυτόν δεϊ μεϊναι. 11. Και το θηρίον ο ήν και
ουκ έ'στιν, και αυτός ογοοός έστιν, και εκ των έχτά έστιν, και εΙς αχο)λείαν υπάγει.
12. Και τα οέ'λτ. κέρατα ά είδες δέκα βασιλείς ε'.σιν, *οϊτιν£ς βασιλείαν *ουχο) ελαβον,
άλλα έξουσίαν ώς βασιλείς *μίαν ώραν *λαμ.βάνουσιν μετά *τοΰ θηρίου. 13. Οΰτοι μίαν
γνιόμην έχουσιν, και τήν δΰναμιν και εζ,ζ^σία^^ αυτών τω θηρίω διδόασιν. 14. Ούτοι
μετά του άρνίου πολεμήσουσιν, και το αρνιού νικήσει αυτούς, οτι κύριος κυρίων έστιν και
βασιλεύς βασιλέο)ν, και οί μετ' αύτου κλητοί και εκλεκτοί και χιστοί. 15. Και *λάλει
empereurs, et que, a I'egard des Chretiens, elle sera comme un Neron ressuscite, per-
petuel, parce qu'elle reprendra et affermira le regime neronien. Cette vue s'accorde
parfaitement avec I'lnterpretation la plus plausible du nombre 666 de I'Antechrist
{supra, XIII, 18, Exc. xxxi). Un autre trait mysterieux s'interprete au mieux dans
cette conception : la Tete blessee a mort et guerie au chap, xiii, c'est Neron. Avec son
suicide, la lignee des Jules s'eteignait, et FEmpire etait profondement ebranle : les
guerres civiles et les malheurs de I'Interregne paraissaient racheminer vers la ruine.
Mais avec Vespasien tout se retablit; et Jean avait ete temoin de cette « guerison », de
cette resurrection; il avait vu les provinces se mettre a honorer avec une nouvelle
ferveur « la Premiere Bete — la Bete politique — dont la blessure mortelle avait ete
guerie » (xin, 12).
Mais une autre image, tout a fait similaire, s'entrelace avec celle-la, et parait d'abord
embrouiller le sens, creer une antinomie entre les chapitres xiii et xvii. En ce dernier,
en effet, la Bete « n'est plus », elle est tombee dans I'Abime, d'ou sa monteeest encore
future. Cette resurrection ne pent signifier le retablissement de la puissance imperiale,
dans sa stabilite et son eclat, sous Vespasien, malgre Topinion des auteurs que nous
critiquerons plus tard ; car c'etait une chose faite, et non reservee a I'avenir. II ne faut
done pas confondre, pensons-nous, la guerison du chap, xiii avec la resurreciion du
ch. XVII, malgre I'etroite aiTinite de ces deux images. La guerison, c'etait la consolida-
tion du pouvoir imperial, ebranle par les troubles qui suivirent la mort de Neron;
I'empereur en soi, I'empereur inconteste, paraissait mourir avec Neron ; le triomphe de
Vespasien lui rend sa puissance ; la resurrection de la Bete, — qui n'etait pas morte a
tout point de vue puisqu'une de ses Tetes etait bien vivante quand Jean ecrivait I'Apo-
calypse, — c'est la reprise du regime neronien, qui pouvait sembler mort, ou fort atte-
nue, depuis la mort du tyran, quoique Domitien tendit a le retablir. Neron, le Neron-
type, la Bete neronienne, paraissait englouti dans I'Abime ; il en remontera. En d'autres
termes, la Bete, guerie de sa blessure politique, demeure encore morte, non comme
empire, mais dans son caractere propre de Bete, de persecutrice follement brutale; elle
rcvivra en plein sous cet aspect, et cela dans peu de temps, ce qui est exprime par la
breve duree du septieme regne (6λίγον αύτον δει μείναι). Les deux images se rapportent
respectivement a Neron comme empereur, et a Neron comme Neron. La guerison
politique, en meme temps que le regime religieux renouvele des plus mauvais jours
d'un passe recent, sont deux facteurs qui s'uniront pour consolider le despotisme du
culte imperial, I'adoration de lAntechrist.
Ce passe est trop loin de nous pour que nous saisissions facilement la portee de ces
images, et leur nettete; elles etaient certainement beaucoup plus frappantes et plus
claires pour un chretien d'Asie vivant sous Domitien, et encore tout emu du souvenir
des guerres civiles, et de la persecution cruelle que I'empereur actuelleraent regnant
semblait deja prendre a tache de recommencer.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 251
9. Ici est rintelligence, celui qui a de la sagesse! Les Sept Tetes sont sept
montagnes, oil la Femme est assise dessus. 10. Et ce sont sept Rois : les
cinq [premiers] sont tombes, Fun existe, Fautre n'est pas encore venu, et
une fois v^enii, il faut qu'il demeure peu. 11. Et [quant k] la Bete qui etait
et n'est plus (/. pas), et elle est elle-meme un huitieme, et elle est [pour-
tant] d'entre les sept, et c'est k la perdition qu'elle s'en va.
12. Et les Dix Corxes que tu as vues sont dix rois, ceux qui n'ont pas
encore reou la royaute, mais qui recoivent Fautorito, comme rois, pour une
heure, avec la Bete. 13. Eux n'ont qu'une [meme] resolution, et leur puis-
sance et leur autorite, [c'est] k la Bete qu'ils [les] donnent. ik. Eux guer-
roiront avec FAgneau, et FAgneau les vaincra, parce qu'il est Seigneur des
Pour la discussion, voir infra, les Exc. xxxi, xxxiii, xxxiv.
— — A. B. 12. οΤτίνες, ici encore, ne parait pas etre purement synonyme de o'l,
mais signiOer « quicunique », ou « quippe qui », ο'ίτ.ερ = pour autant qiiils n'ont pas
encore regu la royaute », cfr. xii, 13. — οϋ pour οϋ-ω, erreur de A. — μ(αν ώραν signifie
« pour une seule heure », accusatif de duree, et a ete tres mal traduit par Joh. Weiss :
« zur selben Stunde wie das Tier ». — Xa[j.6avouatv, present prophetique ; — pour [χετά
του θηρ{ου, « avec la Bete », la Vulg. doit avoir lu [/.ετά το θηρίον, « apres la Bete », grand
changement de sens, qui detruit la prophetie (v. infra). — Dix cornes = dix rois, cfr.
Dan. VII, 7, 20, 24; voir Apoc. xiii, 1.
G. 12. Les cornes sont empruntees a la 4" Bote de Daniel; chez I'ancien prophete,
une de ces cornes devient une tete (vn, 20). Pour Daniel, les tetes (les 4 tetes de la
3^ Bete) etaient des royaumes, pour Jean ce sont des souverains individuels; les cornes
aussi; mais comme I'image represente quelque chose de moins considerable que les
Tetes, cette difference des symboles repond a une difference, au moins a une nuance,
dans la chose signifiee : les dix rois en question ne sont figures que par des cornes,
non par des tetes, parce qu'ils ne sont pas encore rois, — au moins au point de vue
remain, — parce qu'ils ont encore a grandir, comme la corne de Dan. vii, 20, 24 pour
arriver a une souverainete comparable a celle des Tetes. Au reste, le symbolisme
johannique est si flottant qu'on peut aussi bien voir dans ces cornes des royaumes de
I'avenir que des rois individuels.
Ce que les rois-cornes auront de commun avec les Tetes, c'est qu'ils regneront avec
la Bete (μετά του θηρίου), qui aura done survecu a ses sept tetes, et meme au mysterieux
« huitieme » en qui elle se sera pleinement incarnee, lequel ne peut representer,
comme la serie des sept, que la puissance imperiale romaine.
Les versets suivants vont montrer I'attitude de ces cornes a I'egard de Rome : elles
la detruiront. Beaucoup veulent que ce soit sous la conduite du Nero redux ou redivi-
t'us; mais c'est introduire dans I'Apocalypse une idee qui n'y est meme pas insinuee
(V. Exc. xxxiv). Puisque ces rois seront ennemis de Rome, il est tout a fait arbitraire,
sinon contradictoire, d'y voir soit les generaux remains qui s'eleverent centre Neron,
comme Galba, Vindex, etc., soit des proconsuls remains revoltes, amenant par leurs
armes la dissolution de I'Empire.
La vieille interpretation de Berengaud, reprise par Bossuet, al., est toujours la plus
solide, et, a notre avis, la seule qui convienne. Les dix rois, qui n'ont pas de puis-
sance dans I'Empire a I'epoque de Jean (βασιλείαν οΰ'πω 'έλαβον) sont les Barbares qui
ruineront Rome, — principalement ceux d'Occident, quoique Jean ne poiisse pas la
precision jusque-la, et puisse les avoir mis en rapport confus avec les Parthes (v. com-
ment, de xvi, 12-suiv.), ces avant-coureurs des « rois de la terre » (xvi, 14) qui seront
252 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
μο',• Τα ύ'δατα α είδες, oj ή ζόρνη κάθηται, λαοί και όχλοι είσίν και έ'θνη και γλώσσαι.
16. Και τα δέκα κε'ρατα α είδες *καΊ το θηρίον, *ουτοι μισήσουσιν τήν TCopvYjv, και
ήρημο)μένην ττοιήσουσιν αυτήν και *γυμνήν, και τας <si^y,:f.q αυτής φάγονται, και αυτήν
κατακάυσουσιν εν πυρί. 17. Ό γαρ θεός *εδωκεν ε'ις τάς καρδίας αυτών ποι^σαι τήν
γνωμην αΰτοΰ και *•κθΐησαι μίαν γνώμην, και δούναι τήν βασιλείαν αυτών τω θηρίω,
άχρι *τελεσθήσονται οί λόγοι τοΰ θεού.
18. Και ή γύνη, ήν είδες, εστίν *ή πόλις *ή μεγάλη *ή έχουσα βασιλείαν έπι τών
βασιλέο)ν της γης.
en meme temps les vainqueurs de la Courtisane [infra, xvii, 16) et les ennernis de
I'Agneau (xvii, 14; xix). Cette interpretation ramene a un tout tres coherent les chapi-
tres xvi-xix. Les critiques devraient I'admettre sans peine, si leurs prejuges n'etaient
effrayes par une prophetie si manifestement realisee.
Ces rois ne regneront qu' « une heure » ; expression a prendre en un sens tout rela-
tif, que nous expliquerons dans I'Exc. xxxiii.
— — — C. 13. L'unanimite de ces rois ou de ces royaumes futurs apparaitra dans
leur attitude a I'egard du Christ. « Le voyant n'entretient pas d'illusions ;... la Bete
subsistera, et les pouvoirs nouveaux seront ses allies « (Swete). Puisqu'ils « donnent »
leur puissance a la Bete, ils ne I'ont done pas recue d'elle, pour autant que la Bete
est I'Empire, et ce ne sauraient etre des magistrate ou generaux remains.
^— — Α.. Β. 14. ούτοι, repete xvii, 16, est du style de I'Apocalypse. — « Seigneur
des seigneurs et Roi des rois », cfr. xix, 16 et Deut. x, 7; Ps. cxxxvi, 3; II Mace.
XIII, 4. Paul, I Cor. vni, 5-6 : « θεοί πολλο\ και κύριοι πολλοί... εΤς Κύριος Ίησοΰς ■/ ριστός ; cfr.
aussi I Tim. vi, 15 (v. infra).
C. 14. Les Rois-cornes, comme les Tetes qui les ont precedes, oseront done faire
la guerre a I'Agneau; Tissue de cette lutte a ete representee symboliquement, xvi, 14
et XVI, 16, par leur concentration a « Harmagedon », le lieu du desastre; elle sera
decrite xix, 11-suiv. L'Agneau vaincra les coalitions de I'avenir aussi siirement qu'il
aura surmonte la resistance de lapresente Babylone. « .Geux qui sont avec lui, appeles,
et elus, et fideles », participeront a son triomphe, spirituel et exterieur; ce sera
Taccomplissement de la promesse des Lettres, ii, 26-27, et voila pourquoi tout vrai et
sincere chretien est appele dans les premiers chapitres . ό νικών, le vainqueur. —
L'expression ό βασιλεύς των βασιλέων qui, dans II Tim. [supra) designe le Fere, a ete par
Jean transportee au Fils, egal du Fere (Int. c. ii).
■ A. B. 15. λέγει, present narratif; εΤπεν dans A, boh., I'ulg., Prim. — λαοί /τλ,
quatre synonyraes, de meme que vii, 9 (Int. c. x, § III). — Les « eaux », image des
peuples, cfr. Is. viii, 7; Jer. xlvii, 2.
C. 15. Malgre beaucoup de critiques, ce verset ne rompt pas le fil du discours; il
pent en realite, observe Swete, former le lien entre 14 et 16. Le grand danger de Rome,
c'etait cette multitude de peuples, qu'elle dominait de fagon directe ou indirecte, par
son administration, ses arraes ou son prestige, et d'oii les Dix Rois devaient un jour
sortir.
— — A. 16. Κα\ τό θηρίον est la logon a peu pres universelle; cependant on lit έπϊ χό
θηρίον, certainement a rejeter, dans Av63-160-2066, syr., arm. La Vulgate est partagee :
am., fuld., demid., tol., lips.^ lisent « et bestiam (-a) », non « in beslia ». En realite,
θηρίον est un nominatif, sujet partiel de μισήσουσιν. Les scribes qui ont change καί en ir.(,
par assimilation a ce qui precede, n'ont pas compris le vrai sens, dont I'importance
est cependant capitale. Tous les critiques maintiennent καί. — Remarquer le masculin
ούτοι. — ήρημωμένην convient mieux a un lieu, γυΐΑνήν ne peut se dire que d'une personne ;
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 253
Seigneurs et Roi des Rois, — ainsi que ceux qui sont avec liii, appeles, et
61us, etfideles. 15. Et il me dit : « Les eaux que tu as \'ues, ou la Prostituee
siege, sont des peuples et des foules et des nations et des langues. 16. Et
les dix Gornes que tu as vues, ainsi que la B6te, ceux-lci hairont la Pros-
tituee, et ils la rendront devastee et nue, et lis mangeront ses chairs, et ils
la consumeront par le feu. 17. Gar Dieii a mis (Jitt. donne) dans leurs coeurs
d'executer sa resolution, et d'executer une [m6me] resolution, et de donner
leur royaute k la Bete, jusqu'a ce que soient accomplies les paroles de Dieu.
18. Et la Femme que tu as vue, c'est la ville, la grande [Ville], celle qui a
royaute sur les rois de la terre ! »
flottement admissible dans les allegories (mais caracteristique surtout du symbolisrae
de Jean, qui est rarement tout a fait consistant), entre I'image, une Femme, et la rea-
lite, une ville; cfr, xiv, 20, comment. (Int. c. vi). — έν omis devant πυρί ,χ, Q, Ρ, O'**-
121-250 et d'autres mss. d'QEcumenius, g, vulg. — Comparer ces menaces, pour
I'expression, avec Osie ii, 3; Ezech. xxni, 29; cfr. Apoc. xviii, 8, 18.
C. 16. Ces versets ne sont pas, comme le pretendent certains commentateurs, « une
serie de gloses incoherentes ». Quand meme il y aurait concordance 'avec une prevision
du Talmud que Rome perira par la main des Parthes (v. Weber, p. 349), ou avec la
crainte repandue de I'invasion devastatrice du « Nero redux » (Exc. xxxiv), ces idees
etrangeres n'ont pu fournir qu'une occasion a la prophetic johannique; la Bete n'est pas
seulement Neron, et les rois ne sont pas seulement ceux d'au-dela de I'Euphrate. Ils
sont representes a la fois comme des incendiaires et des animaux carnassiers; leurs
ravages sont le « tremblement de terre » de xvi, 18-19, et la « grole » de xvi, 20 (v. ad
loc.) Cast une prophetic qui s'est realisee en substance par la chute de I'Empire sous
les coups des Barbares; les critiques « independants » ne peuvent naturellement
chercher si loin. Jean, I'inspire, ne borne pas sa vue aux peripeties politiques qui
devaient suivre la mort prevue de Domitien [Swete).
• A. C. 17. εδωκεν hebraisant = "rnJ, cfr. iii, 9, etc. Int. c. x, § II. — χα\ π. μ.
γνώαην, omis A, al., g, vulg. — τελεσθώσιν, rec. K. — C'est un decret permissif de Dieu,
qui usera de ces suppots de la Bote pour punir Rome, et eprouver son Eglise. Le
meme esprit de domination brutale dont la Bete animait les empereurs romains se
retournera centre eux, et c'est pour cela que la Bete elle-meme, I'ambition de I'Ante-
christ, poussera les peuples a detruire Rome ; mais ensuite la m^me Bete continuera
a s^vir, par eux, centre les disciples du Christ, par les Sassanides, les hereliques
ariens, tons les despotes de I'histoire.
— -^ A. G. 18. L'article est triple, non sans emphase. II faut voir dans ce verset
un sarcasme d'un effet puissant : « Oui, cette ville dont je t'ai montre le sort miserable,
c'est pourtant elle qui se croit, dans sa puissance presente, la dominatrice eternelle de
la terre ! »
EXC. XXXIII. LE CALCUL DES TETES ET DES CORNES. CARACTERE PROPHETIQUE
DU CH. XVII.
L'unanimite morale est aujourd'hui acquise sur un point d'interpretation : la
Bete, dans notre chapitre, est ['Empire romain, — bien qu'elle ne soit pas que
cela, autrement elle n'eut pas ete distinguee de la Courtisane, — et ses Tetes
sont des empereurs romains. Quoiqu'elle ait pris des traits d'une de ses tetes, de
254 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
Tempereur qui Tavait deja superieurement representee, Neron, et qu'il y ait un
va-et-vient d'attributs analogiqaes entre la Bete et I'Empereur (Int. c. vi), nulle
part cependant, meme xvii, 8, elle ne s'identifie purement et simplement a ce
seul empereur (contre Boussety al.)
II n'y a done guere plus lieu de citer que pour memoire les opinions des anciens.
Irenee, croyant trouver une cle dans Dan. VII, 20, reporte le tout a la fin des
temps, et identifie les 10 cornes avec les 7 tetes, celles-ci n'etant que le meme
groupe diminue de 3 par les armes de I'Anteclirist (juif, de la tribu de Dan) qui
sassociera comme huilieme, pour gouverner I'Empire romain, avec les 7 rois
restants. Cctte opinion est encore donnee comme probable par Bede et d'autres
au Moyen Age. — Primasins spiritualise, mais fait toujours de I'Anteclirist un
roi des Juifs. — Pour Hippolyte, la Deuxi^me Bete, qui est FAnteclirist, guerira
la Premiere, c'est-a-dire retablira Tunite de I'Empire romain qu'elle trouvera
divise en dix Royaumes par les dix conies (cfr. Lactance). Le meme saint Hip-
polyte entendait par les Tetes des « ages du monde », les sept millenaires, Jean
vivant au cours du sixieme. Andre voit pareillement dans les 7 tetes sept empires
universels, depuis les Assyriens, le septieme pouvant etre celui de Constantinople,
ou bien celui de I'Antechrist, qui, ne durant que 42 mois, sera beaucoup plus
court (ολίγον) que les autres. Joachim etendit la prophetie aux conditions precises
de son epoque. Les sept Tetes sont sept empires paiens, heretiques ou mauvais
Chretiens, etlui vit sous le sixieme, Babylone, le Saint-Empire degenere; la Bete
est le Diable. — Ge genre d'interpretations, depuis Hippolyte, tient au moins
compte du caractere successif des Tetes, ce qui est un trait essentiel ; mais pour
expliquer « les cinq qui sont tombees », les uns, recourant a Daniel, sont obli-
ges de faire une identification impossible entre les Tetes et les Cornes, quitte a
donner aux Tetes deux significations heterogenes; et ceux-la m^mes qui evitent
cette confusion supposent toujours que saint Jean n'a porte sa vue que jusqu'a
leur epoque, qui serait proche de I'Antechrist et de la consommation. Nicolas de
Lyre a reconnu que les chap, xvii-xviii sont I'explication de la 7*^ plaie des coupes,
mais il rapporte celle-ci aux croisades, Babylone devant etre I'lslam (de meme
Henten, pour la Bete de xiii). Le lecteur trouvera bon que je lui fasse grace des
divagations dont les ecoles vite degenerees de Joachim et de Nicolas, ainsi que
les premiers protestants, ont ensuite rempli I'exegese.
Tyconius avait ouvert une voie plus large et plus rationnelle a I'interpretation.
L'Antechrist est tout I'ensemble des forces hostiles a la religion, et, apres avoir
produit les Dix Cornes et les sept Tetes, qui representent tous les rois et les
royaumes ennemis du Christ, il va s'incarner dans un souverain pire que ses pre-
decesseurs; le « huitieme » n'est autre que le sacerdoce mondain. Saint Augustin
voit dans la Bete toute la cite du Diable, y compris les mauvais Chretiens [Civ.
Dei, XX, 9), et il se demande [ibid, xx, 23) si les Dix cornes ne signifient pas
« tous les rois » qui doivent preceder I'avenement de TAntechrist, et son regne
de trois ans et demi. Rien de plus juste, abstraction faite du litteralisme des
42 mois de I'Antechrist ; mais cette interpretation, quoique parfaitement conforme
au sens foncier de I'Apocalypse, et a la signification la plus etendue de la Bete,
neglige les rapports evidents ou la Bete se trouve en ce chapitre avec I'Empire
romain et les empereurs du i*"" siecle. Beaucoup d'auteurs catholiques se sont
tenus dans cette ligne jusqu'a nos jours [Gallois, Belser, Eyzagiiirre, Sales, etc.).
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 255
parfois avec des precisions plus ou moins arbitraires. — Ceux du Moyen Age
ont ete aussi, en general, portes a s'attacher au sens universel, qui est juste,
mais qui n'est pas le seul, et ne rend pas compte des precisions du verset 10;
pour Bede, la Bete est le Diable ou le « corpus Diaboli », forme des impies (cfr.
Tyc, Aug.)\ les « Tetes » sont les ages du monde, le « huitieme » est I'Ante-
christ; les « Dix cornes » sont des rois futurs indetermines, a moins d'etre inter-
pretees d'apres Daniel (cfr. Hipp,). Berengaud considere au contraire I'Antechrist
comme le « septieme », et les sept Tetes representent tous les rois reprouves,
aboutissant a lui; les 10 cornes sont les Barbares qui ont ruine Rome. Hai/mon,
Ungues, Albert, al., voient dans les 7 et les 10 I'universalite desroyaumes impies
dans tous les temps, et la Courtisane est « malorum collectio ». Albert : la Bete
est, soil I'Antechrist (« fuit et non est : magnificabitur, sed cito deprimetur »,
comme si Jean s'etait transporte par la pensee au temps de I'Avenement du Christ,
et le παρεσται reste ainsi sans explication concordante), soit le Diable, enchaine pour
I'instant depuis I'lncarnation (« non est »). Id. Hugues de saint Cher, pour qui la
Bete est le Diable, dont les Tetes sont les peches capitaux. Mais ces grands
auteurs medievaux restent encore fideles a la theorie des sept Ages du monde ; le
systeme futur sera celui de I'Antechrist, ou du Diable, qui est dit encore
« huitieme », non a cause d'une succession chronologique, mais a cause du sens
symbolique de I'octave, parce que « universitatem malorum transcendit in mali-
tia )). Alors ils sont obliges de faire du « sixieme » (« unus est ») I'epoque pre-
sente, « status gratiae in Christo » [Albert, Hugues), sans etre arretes par I'etran-
gete qu'il y aurait de la part de Jean a faire representer I'age de la Redemption
par une tete de la Bete! Albert ajoute que les Dix cornes sont les rois qui parta-
geront I'Empire romain sous TAntechrist. Mentionnons pour en finir I'interpre-
tation spirituelle des « cinq qui sont tombes » par le regne des « cinq sens » qui
ont gouverne le monde avant I'age adulte et rationnel de la venue du Christ
[W. Strabon, Haymon, Hugues, al.).
En faisant la part qui est due au sens universel, si bien mis en valeur par
I'exegese augustinienne et medievale, il• faut cependant maintenir fermement le
rapport de ce chapitre avec I'Empire romain historique, tel qu'il evoluait sous
les yeux du Prophete ; ni le nom de Babylone, ni les « 7 montagnes », (qu'il ne
sulTit pas d'interpreter moralement, comme une allegorie de I'orgueil), ni surtout
le verset 10, ne permettent de restreindre le sens premier a des generalites. Or
deja Victorin de Pettau, suivant sans doute une tradition, obscurcie chez d'au-
tres par Daniel ou I'allegorisme spirituel, avait saisi un rapport tres net de notrc
prophetie a Thistoire du i*^"" siecle. La « tete blessee » de xiii etait Neron suicide,
Icquel devait, aux jours de la consommation, reparaitre comme Antechrist et
Messie juif; les 7 tetes figuraient les empereurs de Galba a Nerva (V. Exc.
suivant). Bibliander (1549) et Mariana (1619-1624) sont les premiers modernes
qui ont ramene I'exegese dans cette voie; I'un compte les tetes comme Victorin,
le second depuis Caligula, persecuteur des Juifs, en negligeant les trois noms de
rinterregnc.
Depuis lors, les commentateurs, a part ceux qui ont applique tres bizarrement
le chapitre a la Synagogue [Abauzit, Ziillig, al.), et ceux qui ne decouvrent
qu'un sens typique universel (v. supra), ont bien reconnu qu'il s'agissait de Rome
et d'evenemenls de I'histoire romaine; non pas d'une Rome future [Ribeira al.
256 APOCALYPSE DE SAIXT JEA\.
cfr. Irenee et Hippolyte, qui pensaient au sort eschatologique de TEmpire), mais
de cette Rome paienne qui tenait Jean exile a Patmos. Ainsi Alcazar, qui ne
cherche pourtant dans les traits particuliers qu'un allegorisme moral. Mais en
general, on a reconnu dans les Tetes des empereurs determines. Bossuet, croyant
que la prophetie se rapportait a la defaite de Maxence par Constantin (ούχ Ιστιν,
resurrection de I'Eglise, rapprochee de celle des Temoins, ch. xi), a cherche les
sept empereurs a Tepoque de la derniere persecution (les cinq : Dioclotien,
Maximien, Constance Chlore, Galere, Maxence; — celui qui est : Maxiinin
Daia; — le septieme : Licinius, qui voulut reveiller la persecution; — le huitieme
qui est des sept : Maximien^ qui revint sur son abdication). Calmet le suit, mais
substitue Julien I'Apostat a Maximien Hercule. Celte exegese est contraire au
texte, car on ne peut meconnaitre que le Prophete a parle d'hommes et d'evene-
ments de son opoque (oi πέντε έπεσαν, δ εΤς εστίν). Aussi des protestants et des
catlioliques de la meme ecole s'en sont tenus a des personnalites du i*"" siecle.
Grotius compte de Claude a Titus, le sixieme etant Vespasien, qui guerit la
blessure faite a I'Empire par la mort de Neron, et le « huitieme » Domitien, le
« Nero calvus » (quoiqu'il rapporte le nombre 666 a Trajan, Οίίλπιος). Herve
compte de Galba a. Domitien, « Nero redux » ; Aubert de Verse considere
Caligula comme la « tete blessee » .
La difficulte du calcul est double : il faudrait savoir a quel nom Jean commence
la serie, et s'il y comprend ou non les trois empereurs de Tlnterregne, Galba,
Oihon, Vitellius, qu'il pouvait facilement omettre, car ils regnerent peu de
temps, et n'eurent pas d'autorite universelle dans les provinces. Les auteurs sont
loin d'etre d'accord la-dessus. Ainsi Ton peut partir de Jules Cesar, et compter
Auguste, Tibere, Caligula, Claude, Neron, Galba {Aubert de Verse, Renan,
Holtzmann pour la « source », Joh. Weiss pour Q, Bruston, Calmes) ou
Vespasien [Joh. Weiss pour Γ « Editeur », al.) ; le sixieme « qui est », c'est alors
Neron, quoique I'auteur ecrive sous son successeur, parce que Neron n'est pas
mort et doit reparaitre comme « huitieme » [Calmes, apres d'autres). — Une
autre theorie part, non de Cesar, mais d'Auguste; alors le sixieme, sous lequel
la prophetie a bien reellement ete redigee, c'est Vespasien (sans I'lnterregne), et
le 7^5 qui doit peu regner, c'est Titus, dont la fin prematuree est prevue; le « hui-
tieme », c'est le «Nero redux » ou bien Dojnitien, reeditionde Neron [Holtzmann,
pour le redacteur tardif, Bousset, pour une source juive, qui comprendrait 1-7 ;
9-11; 15-18, cWeie, al.).
II faut pourtant se fixer, car Jean avait certainement en vue quelque chose de
determine. Procedons par ordre, et cherchons a etablir : A) la signification des
7 tetes; B) celle des 10 comes; C) celle du « huitieme », ce qui est le point le
plus difficile.
A. Les Sept Tetes-Empereurs. — Nous maintenons avant tout que, si les Tetes
doivent etre des individus, la Bete reste toujours une collectivite ; les versets 8
et 11, separes du contexte, pourraient la reduire a ne plus signifier qu'une
personne; tel serait, d'apres Joh. Weiss, le sens voulu par Γ « Editeur », pour
harmoniser xvii avec xiii, 18; mais, en realite, cette identification partielle et
symholique de deux symboles connexes ne signifie pas autre chose que I'unite
de caractere moral d'un individu et de I'ensemble (voir comment, de xiii, 18 ;
Int., c. vi). Car si Ton examine le tout en function des versets 9-10, on voittout
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 257
de suite que la Bete est toujours la, presente et vivante, puisqu'une de ses Tetes
vit (δ εΤς Ισ-ιν) ; son caractere moral, sa « bestialito » a subi seulement une eclipse
temporaire, elle ne parait plus ouvertement en tant que Bete, elle sommeille,
ουκ έ'στιν; c'est faire violence au texte, et preter a I'auteur une maladresse ou
une superclierie, que de supposer qu'il ecrivait sous le septieme, qu'il dit n'etre
pas encore venu.
Mais, cela etant, sommes-nous d'abord obliges de croire que saint Jean s'est
preoccupe de compter exactement le nombre des empereurs passes avant celui
qui regno actuellement? Bousset declare : « S'il a donne sept Tetes a sa Bete,
ce n'est pas parce quil connaissait precisement sept empereurs romains; mais il
a en tout cas applique a sept empereurs romains — et cela probablement d'une
maniere tres artificielle — I'image a lui transmise par tradition de la Bete a sept
tetes » [Offenb., p. 359). Nous faisons nos reserves sur I'epithete d' « artificielle »
[infra); mais nous croyons comme Bousset, dussions-nous aller centre les appa-
rences et I'opinion de la grande majorite des exegetes modernes, que ce qui etait
essentiel pour Jean dans le chiffre 7 des Tetes, e'en etait la valeur symholique.
Comme le chiiTre 10 des cornes, c'est un nombre rond, mais bien plus usite,
j'allais dire bien plus necessaire, dans des visions ovi les septenaires abondent.
Nous ne manquons pas, dans la litterature apocalyptique, d'analogies qui mon-
trent que les scliemas de 7, — ailleurs de 12, — s'imposaient pour ainsi dire dans
ce genre de visions relatives a Thistoire. Lisons, par exemple, le III^ Sibyllin^
vers 192-suiv., 318, 608-suiv. Ecrivant sous Ptolemee VI Pliilometor ou sous
Ptolemee VII Physeon (I'ombre de regne de Ptolemee Eupator, qu'on nomme
parfois Ptolemee VII, pour designer Pliyscon comme Ptolemee VlII, ne compte
pas), I'auteur de la principale partie du livre predit au spectacle des invasions
syriennes que I'Egypte est sur le point de perir, et que le peuple de Dieu va
regner. Cela arrive sous le septieme roi de la race des Grecs; le poete a ete, sans
aucundoute, confirme dans cet espoir parce que ce roi, etaiil le septieme, devait
etre le dernier d'une race peclieresse. On discute d'ailleurs pour savoir si
I'oracle date de Ptolemee VI ou de Ptolemee VII. En tout cas, c'est laun signe
que le chiffre 7 s'imposait en de telles visions comme le dernier, pourvu que
I'histoire fournit quelque pretexte d'y voir la fin d'une serie : ce qui a atteint a
sept est complet, epuise. De meme, dans la septieme vision de IV Esd. (xiv, 11-
12), le siecle present est divise en douze parties et I'auteur croit ap.procher de la
fm, car il juge que dix et demie (neuf et demie, d'apres certains temoins) sont
deja ecoulees. Que le schema fut de sept ou de douze, le Voyant se jugeait
toujours proche de la derniere partie, et ne supposait pas que la serie put se
prolonger au dela du nombre fatidique.
D'apres I'analogie de ces exemples, nouspourrions presumer que les habitudes
apocalyptiques ont impose, pour ainsi dire, ce chiffre sept a I'auteur inspire de
I'Apocalypse. Chez lui, en effet, tout a Fair d'un pur schema, ou apparait peu le
souci de faire des adaptations detaillees a I'histoire. Comparons, par exemple,
nos versets de XVII, je ne dis pas seulement aux propheties historiques minu-
ticusas de Daniel, mais a la « Vision de I'Aigle » de IV Esd. xi, relative aussi a
une serie d'empereurs romains. Chez Jean, c'est le nombre symbolique ordinaire
sept; chez le Pseudo-Esdras, ou los rapports des tetes, des ailes, des ailerons
de I'Aigle sont evidemment caiques sur le detail des evencments historiques ce
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 17
258 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
sont des nombres compliques, sans symbolisme bien defini en eux-memes. La
difierence du traitement peut repondre a une difference notable d'intention.
L'auleur inspire peut parfaitement avoir clioisi sept, rien que pour signifier que
le regne de la Bete aura son cours complet, normal.
Cependant cette explication, qui est si commode, ne saurail passer pour
suffisante et totale; le contexte montre que Jean avait porte son attention sur
I'ordre reel des Tetes, et le caractere individuel de Tune ou de I'autre. Le schema
consacre a done ete adapte parlui a Thistoire: — au moius approximativement,
car il nest pas necessaire d'etablir un tel accord de details entre les realites de
I'histoire et les figures dune prophetie allegorique; I'inspiration s'attache d'or-
dinaire a reveler I'avenir par de grandes images qui devoilent la nature, I'esprit
des evenements, plutut que leurs formes accidentelles de realisation. Voici done
les conclusions auxquelles nous croyons devoir nous arreter :
a) Cette prophetie, comme les autres du livre, a ete redigee sous Domitien,
conformement a la date traditionnelle de lexil a Patmos. C'est done cet empe-
reur, et non Vespasien, qui est le sixieme; car il faut prendre δ εΤς εστίν a la
lettre. Admettre avec Swete, pourtant si respectueux de I'inspiration et de la
date traditionnelle, que lauleur a transporte ici son point de vue sous Vespasien,
par une fiction retrospective, ou bien qu'il aurait eu cette vision avant d'etre a
Patmos, c'est introduire dans Γ Apocalypse un element de desordre, un change-
ment de perspective que rien ne pouvait faire soupgonner aux lecteurs, et qui
eut ete aussi embarrassant pour les Sept Eglises que pour nous. — Le septieme
n'est done pas Titus dont Jean eut pressenti la fin prematuroe comme resultat
des embuches peu fraternelles de Domitien, prince au caractere deja connu; ce
sera un empereur quelconque, un numero qui complete le septenaire, et il
« durera peu », soit quil ne faille voir dans ce trait qu'un lieu commun apoca-
lyptique (cfr. [χίαν ωραν des Cornes, xvii, 12, v. infra]^ soit que I'auteur insinue
par la que I'arrivee redoutable du « huitieme » est assez prochaine.
b) Parmi les cinq Tetes disparues doit se trouver celui qui reapparaitra
comme « huitieme », et qui, dans un sens, « est des sept ». Ce ne peut etre en
effet le septieme, qui doit se distinguer de son successeur; ni le sixieme, car
celui-ci « est «, tandis que le huitieme s'identifiera d'une fagon toute particuliere
avec la Bete, qui « n'est plus ». Rien de plus naturel, etant donne Timportance
quil a dans la prophetie, que de I'identifier avec la Tέte qui joue le principal
role, et qui passe a la Bete de ses attributs symboliques, blessure mortelle,
disparition, reviviscence. Serait-ce, comme plusieurs le veulent, Jules Cesar,
dont la dictature, detruite par I'assassinat, fut plus que restauree par I'empire
dAuo'uste? ou, selon d'autres, Caligula, apres le meurtre duquel le Senat pensa
a retablir le regime republicain? [Suet. Caligula, lx; Claude, x). Mais il faudrait
supposer que le prophete de Patmos s'occupait de politique plus qu'il ne I'a fait.
La mort de Cesar etait bien ancienne, et bientrop etrangere aux destinees du
christianisme, pour qu'un prophete d'Asie-Mineure, vivant plus d'un siecle
apres, lui attachat tant d'importance; pourquoi pas aussi bien Pompee, I'ennemi
des Juifs, le Dragon des Psaumes de Salomon? De meme les Asiatiques ni les
Juifs n'avaient pas du faire une telle place dans leurs souvenirs a I'inconsistante
velleite republicaine du Senat, entre Caligula et Claude. Ne perdons pas de
vue ce fait que la blessure, etc., doit avoir un sens en rapport avec le symbolisme
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 259
general de la Bete, I'Antechrist persecuteur, et avec les grandes lignes de la
Revelation. Nous croyons done, avec la plupart des modernes, que I'allusion
historique porte sur Neron. Son renom de cruaute, la persecution de 64, les faux
Neron qui surgirent en Orient, la grande place que tient dans les Apocryphes
la legende du « Nero redux », enfin I'interpretation la plus plausible du chiffre
666, et I'exegese, aussi ancienne au moins que Victorin, qui identifie Neron et la
Bete, tout cela met pour nous hors de doute que le plus mauvais des empereurs
a servi de type dans nos chapitres xiii et xvii ; nous disons seulement « detype » ;
comment il sera le « huitieme », nous le verrons au prochain Excursus.
Done, la set'ie des sept doit comprendre Neron parmi ses cinq premiers
membres; il est par suite impossible de la faire commencer seulement a Galba,
son successeur (centre les auteurs susnommes). lis out pourtant raison en un
point, c'est de ne vouloir remonter ni a Cesar, ni a Auguste.
c) Cesar et Auguste, en effet, importaient peu a notre prophete, qui n'entendait
pas symboliser Thistoire politique de Fempire, mais seulement ses rapports
hostiles avec les chretiens ; car c'est par ce caractere antireligieux que la puis-
sance romaine etait devenue I'Antechrist, la Bete munie des pouvoirs de Satan,
et commengant a exercer sa tyrannic de 42 mois (xiii, 2, 5.) Le plus naturel est
done de placer I'apparition de la Bete au temps de I'empereur sous lequel Rome
est devenue I'ennemie declaree du Christ, c'est-a-dire sous Neron encore, qu'il
faut preferer sous cet aspect a Caligula, lequel n'a fait que menacer les Juifs,
et a Claude, qui a seulement expulse de Rome Juifs et chretiens. On pent tres
bien negliger Fun ou I'autre des empereurs de I'lnterregne, d'autant plus que ni
Othon ni Vitellius ne furent reconnus dans toutes les provinces. Ainsi nous
aurions la serie :
1 Neron, 2 Galba, 3 Othon ou Vitellius, 4 Vespasien, 5 Titus, 6 Domitien
ce qui donne une adaptation encore un peu approximative, mais tres suffisante,
du symbolisme a I'histoire. Cettevue adeja trouve des defenseurs aussi autorises
que Bousset; leur tort est de compter depuis Neron exclusivement, si Neron est
le « huitieme », « qui est des sept », et la pire incarnation de la Bete.
B.Xes Dix Comes. — Ces rois de I'avenir ne doivent apparaitre qu'apres la
serie des tetes-empereurs, done aussi apres le « huitieme », qui sera encore de
meme nature que les empereurs romains (v. infra). Les Cornes, au contraire,
sont ennemies de Rome. II est done assez extraordinaire d'y voir des proconsuls
[Ewald, Volkmar, Renan, Hilgenfeld, Hausrath, B. Weiss, Monimsen, CaU
mesj etc.), et leur activite parait bien peu proportionnee a celle que pouvaient
avoir les petits princes d'Asie Mineure que Jean connaissait (centre Vischer
Pfleiderer). C'est une solution trop etroite que de les identifier purement et
simplement aux Parthes, avec Eichhorn, de Wette, Bleek, Lilcke, Bousset, etc.
Ce sont des figures inconnues de I'avenir [Weizsdcker, Joh. Weiss pour Q),
futurs destructeurs de Rome, ce qu'avaient deja bien saisi Irenee, Hippolyte
Arethas. Sont-ils allies pour cela au « huitieme », au « Nero redivivus », comme
le soutient Bousset (qui en fait, pour Γ « elaborateur », des etres infernaux), et
toute cette ecole avec lui y Rien ne I'indique ni ne Tinsinue dans le texle, qui ne
les rapproche en aucune facon du « huitieme » ; cette theorie introduit subrep-
ticement dans I'Apocalypse des traits legendaires qui se trouvent bien dans les
Sibyllins, mais dont I'ecrit inspire ne presente aucune trace reconnaissable
260 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
(v. Excursus xxxiv). Les Cornes seront bien soumises a la Bete; mais la Bote
n'est pas seulement Neron, meme « redux » ou « redivivus ». Laissons done cette
figure dans son indetermination, la realisation de la prophetie nous designe
seuls les Barbares, comme a Berengaud, a Bossuei et a Swete.
Dans rintention du prophete, les Cornes devaient-elles regner toutes ensemble
[Joh. Weiss, pour V « Editeur ») ou I'une apres I'autre? II serait certainement
possible de les concevoir, avec les anciens, comme des puissances simultanees,
en lesquelles se decomposerait la monarchie des Tetes, Γ Empire romain. Mais
riiypothese n'est nullement exclue que ces dix Cornes representent, comme les
Tetes, des regnes ou des royaumes successifs, ou en partie simultanes, en partie
successifs. Dix n'est qu'un nombre rond (cfr. ii, 10), qui n'a pas la meme pre-
tention a Texactitude qu'un septenaire. II est certain que les 7 Tetes, bien
qu'apparaissant toutes a la fois, representent des empereurs regnant I'un apres
I'autre; or I'imagerie d'une meme vision doit etre tenue pour homogene, si rien
n'indique le contraire. S. Augustin les comprenait deja comme etant tous les
souverains impies, jusqu'a la fin des temps (v. supra). C'est bien la solution la
plus naturelle. II est bien dit (xvii, 12) que les Cornes ne regnent qu'une lieure
(μίαν ώραν) avec la Bete qu'elles servent. Est-ce a dire que leur royaute a tous, ou
les regnes respectifs de chacun, n'auront qu'une duree tres raccourcie ? A coup
sur, cette « heure unique » n'est pas a prendre a la lettre, cette brievete est
relative. Relative a quoi? A toute la duree des temps? C'est possible. Tout est
ephemere dans le regne des ennemis de Dieu ; Satan ne fonde point pour I'eter-
nite. Mais on pent aussi bien rapporter la comparaison a la duree totale du regne
de la Bete elle-meme, qui, lui, se prolongera sous toutes ces formes changeantes.
Chaque corne, chaque roi, ou dynastie, ou etat, pent participer pour un temps,
pour « une heure », a cette royaute du Monstre. II disparait etle Monstre subsiste
toujours. Car c'est lui, non tel potentat ou tel royaume, qui represente la con-
tinuite de la Cite du mal. Ses formes historiques n'ont rien de durable; Rome
elle-meme, la « ville eternelle » avec ses « huit » empereurs, n'a occupe qu'une
heure de I'histoire,
C. Le « Huitieme ». — Entre les sept empereurs et les dix rois, un « huitieme «
empereur trouvera place, qu'on pent assimiler a la Bete (το θηρίον... αυτός ογδοός
εστίν) et a Neron (χαι εκ των επτά εστίν, V. supra), tant son caractere, a I'egard
des Chretiens sans doute, sera bestial et neronien. C'est en lui que la Bete, qui
semble n'etre plus, remontera de I'Abime.
Qui peut-il representer dans I'histoire? Surement lempereur romain, puisqu'il
continue la serie des sept. Mais sera-ce un empereur individuel? Sera-ce Neron
reparu en personne?
L'ecole de Γ « histoire des traditions » tient ferme a cette solution individuelle
et legendaire. Bousset, Joh. Weiss, etc., pretendront que le mythe du Neron
redux ou redinvus a inspire jusqu'aux dernieres modalites de la conception
johannique. Le Prophete, disent-ils, est persuade qu'il ne saurait y avoir plus
de sept empereurs remains, car il prend ses chifTres a la lettre comme les
Apoci-yphes; il se trouvc vivre vers la fin de la serie, et croit la consomraation,
au moins le Regne millenaire du Christ, tres prochaine; done il faut que I'An-
techrist personnel apparaisse bien vite, et comme ce sera un empereur romain.
et qu'il n'y en peut avoir que sept, et que ce ne sera pas le septieme, qu'on
APOCALYPSE DE SAIXT JEAN. 261
connait deja, ce sera done I'un des anciens reparus ; autrement le dogme du
septenaire tomberait en pieces. Mais la croyance populaire attend le retour de
Neron; done, ce sera Neron, qui s'alliera aux dix Comes, aux Parthes, pour se
venger de Rome qui I'a proscrit et bruler cette Babylone.
Pour apprecier cette theorie, il serait bon de connaitre deja en detail la legende
neronienne; mais nous en devons reserver le traitement a un excursus special.
Cherchons seulement a present si le chiffre 8 ne pourrait avoir une valeur
caracteristique, propre a eclaircir le mystere.
Nous Savons que « octava summa perfectionis est ». Par malheur, I'octave,
dans les Apocryphes, n'apparait que tres rarement, et nous n'en connaissons pas
d'exemple biblique. Dans le Vll^ Sihyllin (ii' siecle; gnostique), nous lisons aux
vers 140-suiv. : « Dans la troisieme partie de la premiere ogdoade, dans la
rotation des annees, il apparaitra un autre monde. Partout sera la nuit, longue
et impitoyable. » Deja, dans Hen. eth., xci, 12-17 (que les critiques rattachent a
Γ Apocalypse des Semaines), la huitieme des Dix Semaines « sera celle de la
justice » etouvrira I'ere messianique. Ces exemples ne sont pas tres significatifs
pour notre enquete. Plus importante a noter est la gematrie du Christ, Sib. 1
[Supra, XIII, 18), 888, dont la parfaite symetrie d'octaves est certes notee
dans I'intention d'exprimer que le Christ est le dernier mot de la perfection
(cfr. par contrasto, le chiffre 666 de la Bete, Exc. xxxi). Nous aimerions cepen-
dant a trouver, dans la litterature apocalyptique de I'epoque, quelque parallele
plus rapproche a'Apoc. xvii, 11 ; celui qui aurait peut-etre le plus de valeur,
c'est le passage a'Henoch sla{>e xxxii, 2-xxxiii, 2, que voici :
« Et je benis (dit Dieu) le septieme jour, qui est le sabbat, car en ce jour je
me reposai de tons mes travaux. Alors aussi j'etablis le huitieme jour. Quele
huitieme soit le premier apres mon travail, et que les jours soient a la maniere
de sept mille (millenaires). Qu'il y ait au commencement du huitieme (millenaire)
un temps ou il n^y a ni calcul., ni fin, ni annees, ni mois., ni semaines, ni jours,
ni heures ». C'est-a-dire le jour de I'eternite. La meme idee apparait dans
VEpttre de Barnabe, xv, 8 : Όρατε, πως λέγει* Ου τα νυν σάββατα εμοί δεκτά, άλλα δ
πεποίηχα, εν φ καταπαύσας τα πάντα άρχην ήμε'ρας ογδόης ποιήσω, ο εστίν άλλου χο'σμου άρχην.
Ces exemples autorisent la supposition que le nombre 8, a cause de sa valeur
de 7 -|- 1, signifiait un « tournant » des evenements, ou le commencement d'une
serie nouvelle (comme I'octave en musique), o-n la plenitude surabondante, la
quantite si grande qu'elle echappe au calcul.
En dehors des Apocalypses juives et chretiennes, nous connaissons les huit
spheres des astres, qui demontraient aux pythagoriciens que I'ogdoade est le
principe de I'harmonie celeste, I'ogdoade des Eons superieurs de Valentin, les
huit cieux des Mithriastes ou du Poimandres, dont le plus haut est le sejour des
dieux et des 4mes bienheureuses. II est certain que I'ogdoade a joue plus tard un
grand role dans la symbolique. Et Ton pent croire que la repartition des « bea-
titudes » en huit, dans saint Matthieu, revele deja au temps de Notre-Seigneur
Tinfluence de cette idee.
La signification la plus generale du nombre huit nous semble done etre celle
ae plenitude surabondante, presque incalculable, en partie a cause de specula-
tions astronomiques, en partie parce que « huit » marque le commencement d'une
nouvelle serie apres « sept », chiffre de la plenitude normale.
262 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
S'il en est ainsi, nous devons, pour decouvrir le sens du « huitieme » de notre
Apocalypse, prendre exactement le contrepiedde la theorie de Joh. Weiss.
Notons d'abord que ce « huitieme » poursuit la ligne d'une serie d'empereurs
remains, et qu'il a deja fait partie de cette serie meme ; ce ne pent done etre la
figure d'un pouvoir hostile a Rome ; il est Ικ των επτά, ce qui ne veut pas dire
simplement, centre certains, qu'il s'ajoute a la serie des sept, dont il precede
comme une suite, mais qu'il en etait deja un membre — sous un certain aspect,
— car έκ est partitif, comme plusieurs fois dans Joh.y et Apoc. ii, 7, 10; v, 5:
VI, 1, etc. (Int. c. x, § II). De plus, il ne figure pas, — si ce n'est dans un sens
partiel et moral, — une nouvelle Tete, symbole individuel, mais s'identifie a la
Bete elle-meme, symbole collectif. Que pouvons-nous en conclure? C'est que la
Bete continuera a regner, comme empire remain, apres la disparition de sa
septieme Tete, et avant la domination des Dix Cornes ; elle pourra etre alors
representee indistinctement par une nouvelle octave, un nombre quelconque
d'empereurs, tons semblables par leur caractere neronien ^ I'egard des fideles.
Par rapport aux tetes qui procedent, cette « huitieme » entite pourrait avoir un
caractere indistinct, excluant le calcul, comme quasi illimite [Aubert de Verse :
tous les empereurs paiens). Ainsi Jean, bien loin de croire que I'Empire remain
n'auraitque sept empereurs, aurait voulu exprimer, tres prophetiquement, qu'il
durera encore tres longtemps, bien au dela des previsions precises que Ton pent
faire a son epoque, apres Domitien et son successeur immediat. En admettant
meme que le huitieme empereur fut encore a ses yeux un individu, il n'a pas dit
qu'il serait le dernier ; ce sera plutot le recommencement d'une serie.
Deux observations complementaires, mais capitales I'une et I'autre, ont leur
place ici.
D'abord, la Bete est encore, sous I'empereur regnant, comme confinee dans
I'Abime; elle en remontera (μίλλει άναβαίνειν), avec le « huitieme » empereur. En
depit de I'actuelle persecution qui I'avait exile dans son ile, la vue du Prophete
est done attiree vers quelque chose de futur, de pire, de bien plus follement
neronien, qu'un avenir proche ou lointain apportera; pour le moment, en compa-
raison de ses rages attendues, la Bete sommeille, elle n'est plus (ουκ εστίν).
N'avions-nous done pas raison de rejeter dans cet avenir les evenements prophe-
tises au chapitre xiii, 8, 12-17, puisqu'ils representent, evidemment, la forme
la plus grave des persecutions imperiales? Si elles avaient ete telles sous Domi-
tien, la Bete eut ete deja ressuscitee.
Ensuite, n'oublions pas que le regne total dela Bete est mesure par « quarante-
deux mois ». Que d'evenements accuraules dans un temps si reduit, si nous
devious prendre cette mesure a la lettre! Joh. Weiss n'y voit pas de difficulte.
En I'espace de trois ans et demi, la Bete (Domitien ou Nero redux), doit s'allier
aux rois coalises ensemble centre le Christ, puis tous se tourneront centre
Rome qu'ils detruiront, et leur grande defaite par Γ Agneau suivra de pres ! Mais
I'etude un peu plus attentive et moins prevenue du contexte nous a montre que
de ces quarante-deux mois, il faut d'abord deduire le regne successif de cinq
empereurs passes ; il faut ensuite laisser au sixieme le temps d'achever son regne,
et la place pour un septieme, pour un huitieme, qui parait presque indefini;
apres cela viendra la domination des Dix cornes, sans doute successives !
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 263
Quarante-deux mois seraient vraiment un peu courts. II est done hors de doiite
que ce chiffre est purement symbolique (Exc. xxiii et Int, c. ix, iii); evident
aussi que la Parousie est deja rcculee dans un avenir indefini [ibid.). Et enfin,
contrairement a I'attente de beaucoup de Chretiens posterieurs, la domination do
Rome-Babylone doit faire place a d'autres, a beaucoup d'autres peut-etre avant
I'arrivee du grand Jour [ibid.).
Ce chapitre xvii est done aussi prophetique, au sens le plus strict du mot,
que le chapitre xin.
EXC. XXXIV. l'apocalypse et la legende de nhron.
Nous avons vu le role que toute une ecole assigne aux eroyances populaires
sur Neron dans I'origine de ces visions. 11 est done bon de connaitre la legende;
nous examinerons ensuite en toute connaissanee de cause quelles influences ellc
a pu exercer sur le fond ou la forme des conceptions johanniques.
Quand Neron se fut suicide, en 67, pour echapper aux poursuites du Senat,
la populace romaine, a laquelle ses vices memes Tavaient rendu sympathique,
et aveeelle bien des provinciaux, ne purent se faire a I'idee que I'histrion de leur
gout, en merae temps le dernier de la lignee des Cesars, eut si soudain et si
piteusement disparu. Plus d'un, d'apres Tacite et Saetone, crut qu'il n'etait pas
vraiment mort ; il avait du se refugier chez les Parthes. Du reste, il en avait
annonce I'intention ; il entretenait des rapports amicaux avee Vologese, et ne lui
avait-on pas predit qu'il regnerait un jour sur I'Orient, a Jerusalem? {Tacite^
Hist. II, 8; Suetone, Nero, 40, 47, 57). Aussi fut-il possible a certains agitateurs
de se faire passer pour Neron, dans les pays orientaux, comme il y a eu de faux
Dmitri en Russie et de faux Louis XVII en France. L'un d'eux, sous Othon,
en 69, agita I'Asie Mineure et la Grece ( Tac. Hist, ii, 8, 9 ; Dion Cassias lxiv, 9 ;
Zonaras Annales, xi, 5). Un autre, de son vrai nom Terentius Maximus, au
temps de Titus, fut soutenu un moment sur I'Euphrate par le general partlie
Artaban [Zonaras, xi, 12). C'est peut-etre du meme que parle Suetone, Nero, 57;
on lit aussi dans Tacite, Hist, i, 2 : « mota etiam prope Parthorum arma falsi
Neronis ludibrio. »
Cette eroyance populaire passa aux Juifs et aux Chretiens, et les Apocryphes
s'en saisirent pour annoncer la ruine de Rome sous la vengeance du tyran, ou
reconnaitre dans le retour du sinistre persecuteur I'avenement redoute de I'Antc-
christ ; apres le i" siecle, comme le Neron historique ne pouvait qu'etre mort,
on crut qu'il ressusciterait, ou que ce nouveau Neron serait meme une incarnation
du diable [Sib. iv, aux environs de I'an 79-80, vers 119-120, 137-139; Asc. Is. in,
24-iv, 18; Sib. v, vers 1-51, 100-110, 123-suiv., 215-246, 361-suiv., en des parties
dont telle pent etre anterieure, d'apres Geifcken, a la guerre de Trajan centre les
Parthes, et la premiere du temps d'Hadrien; Sib. viii, sous les Antonins, v. 38-
106; cfr. douteusement / Κ £'.s<i. v, 6; Lactance, Inst, vii, 15-suiv. ; Commodien,
vers 823-suiv.). Moins les ouvrages sontanciens, plus la figure de Neron devient
importante et fantastique, jusqu'a έtΓe le Dragon ou I'incarnation de Berial.
Les traits les plus generaux, c'est qu'il reviendra de I'Asie, de chez les Perses
ou d'au dcla de I'Euphrate [Sib. iv, v, viii); c'est un matricide [Sib. iv, v,
Asc. Is.) ; et meme un « saxieide », parce qu'il aurait voulu de son vivant percer
264 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
I'isthme de Corinthe [Sib. v): il cherchera a s'egaler a Dieu (cSVo. v), et regnera
« trois ans, sept mois et vingt jours » a sa reapparition (Asc. Is.).
Des commentateurs de TApocalypse, Victoria est le premier a notre connais-
sance qui ait applique rigoureusement a Neron notre prophetie. Pour le martyr
du IV* siecle, assez peu lettre, la « tete blessee a mort » de xiii, 13 est cet empe-
reur en pcrsonne : « Unuin autem de capilibiis occisum in mortem et plaga
mortis ejus ciirata est : Neronetn dicit; constat enim, cum eundem insequeretur
equitatus missus a senatu, ipsum sibi gulam succidisse. Hanc ergo deus
suscitatnm mittere deiun regent dignuni dignis ^ Judaeis et persecutoribus
Chrisii, <^ et Christum ^ talem, qualem meruerunt persecutores et Judaei.
Et quoniam alium nomen affecturus est, aliam etiam vitam instituturus est, ut sic
eumdem tanquam Christum accipiant. Ait enim Danihel, etc (Suitune application
hasardee de Dnti. xi, 37)... Sanctos non ad aliud compellet nisi ad circumci-
sionem accipiendam... Qui tamen licet mutato nomine veniat, ait Spiritus
Sanctus : Humerus illius DCLXVI; ad litteram graecam hunc numerum
explebit. » Sur le chiffre, Foriginal de Victorin ne s'explique pas davantage.
Ailleurs : « Capita VII montes, supra quos mulier sedet; id est civitas romana.
Et reges septem sunt... et bestia quae vidisti de VII est et octava est : intellegi
igitur oportet <^ tempus >■ quo scribitur Apocalypsis, quoniam tunc erat
Caesar Domitianus\... unus est,... scilicet Domitianus. Alius nondum venit :
Nervam dicit... Et bcstiam quam vidisti, inquit, de VII est : quoniam ante istos
reges (de Galba a Nerva) Nero regnavit. Et octava est : ait, modo ilia cum
advenerit, computans loco octavo, et quoniam in illo fiet consummatio, adjecit :
et in interitum vadit. » Les dix rois seront envoyes de Rome centre Neron
s'avan^ant de I'Orient. Mais, trois etant detruits, sept se soumettront a I'Ante-
christ, et detruiront Rome (cfr. Dan., Iren., Hipp.). Ailleurs, sur Apoc. xi, 7,
Victorin dit de I'Antechrist : « fuisse autem eum in regno regnorum et fuisse
inter Caesares et Paulus contestatur (d'apres II Thess. ii, 7-9),.. Et ut scirent
ilium esse venturu?n [qui tunc erat venturus] qui tunc erat princeps (quand
Paul ecrivit son epitre, sous Neron), adjecit : arcanum malitiae jam molitur. »
(ed. Haussleiter, pp. 120, 122, 118, 102). Victorin a done admis toute la legende
du « Nero redivivus », et Ta combinee avec les interpretations d'lrenee et
d'Hippolyte. Est-ce lui qui a trouve le premier cette solution, sous I'influence des
Apocryphes, et en I'appuyant sur le texte de II Thessalon. ? Nous serions plutot
portes a croire qu'il suivait, pour I'interpretation de la « tete blessee » et du
« huitieme », une vieille tradition exegetique, remontant peut-etre au i*^' siecle,
dont il aurait affaibli le temoignage en la melant aux combinaisons exegetiques
en favour depuis le ii•^ (Int., c. xiv, xv, i-ii), et aux legendes apocryphes.
Saint Jerome {in Dan. xi, 30), Saint Augustin (Civ. Dei., xx, 19), ont repousse
fortement le mythe du « Nero redivivus »; et personne n'y est revenu jusqu'a
Mariana, tandis que Ribeira rejetait expressement Neron. Aujourd'hui elle a le
succes que nous savons.
Que devons-nous penser ? Eichhorn, contre de Wette et d'autres de son temps,
etablissait fort bien que Neron ne pouvait etre qu'un type. C'est la vraie solu-
tion. Que Saint Jean ait pense a Neron, le coryphee des persecutions, pour en
faire la figure de I'Antechrist, c'est on ne peut plus probable, corame nous
I'avons vu a propos du chiffre de la Bete, de la tete blessee et guerie, de la
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 265
disparition temporaire de la Bete. Nous admettrons volontiers de plus que la
croyance populaire au « Nero redux », qui deja apparait dans des apocryphes
du I" siecle, a pu lui fournir un theme pour representer d'une fagon saisissante,
topique pour ses lecteurs, les futures rages de I'Antechrist. Mais rien absolument
n'indique qu'il ait partage cette croyance, ni voulu I'eriger en prophetie. S'il
s'est servi de I'attente populaire, c'est en relevant a un sens bien plus general.
Pourquoi, s'il avait voulu predire le retour de Neron en personne, aurait-il
supprime justement tons les traits, a part celui de sa mort, qui pouvaient en
indiquer Tindividualite ? II n'a jamais dit que le « huitieme » se confondrait avec
les Cornes, ni qu'il scrait le destructeur de Rome; rien n'indique que le « hui-
tieme » viendra d'Orient; mettre tout cela dans le texte, c'est par trop lire antra
ses lignes. Aucunc mention non plus du matricide, ni du « saxicide », ni du
faux messianisme. En somme, si nous n'avions pas Tinterpretation vraisemblable
du nombre 666, autour delaquell^se groupent bien quelques autres traits, tons
englobant aussi un sens plus etendu (puisqu'ils expriment la crise imperiale
at le ralentissement de la persecution), s'il n'y avait aussi notre connaissance
des idees courantes alors, rien ne nous ferait soupgonner que saint Jean a pense
specialement a Neron.
S'il y a pense, comme nous le croyons bien, ce n'a ete que pour en faire un
pur symbole; un syrabole de I'empire romain, qui est de son cote un symbole de
la Bote, qui est uu symbole elle-meme de I'Antechrist. On ne trouve done Neron
qu'au troisieme etage du synibolisme! L'Apocalypse montre bien en cela encore
son caractere de livra inspire, rationnel et spirituel, qui merite un autre traite-
ment que les Sibyllins ou I'Ascension d'lsaie.
D. 2° b. Preambides de la mine de Babylone : deux proclamations celestes
(xvni, 1-8).
Int. — Le chapitre XVIII tout entier fait corps avec le precedent, dont il est la suite
logique, et sc rapproche meine par beaucoup de tournures. Le fait est reconnu de
AVeyland (n), rfc Schoen ei Sabatier(l) [origine jui\>e), de Bousset (ίίΐί., sous Vespasicn)
d'Erbes (Apoc. de 80), de Bruston [Neron] de Joh. Weiss (Q, moins 20 et 2i), de Spitta
(/- et i?). Volter, cependant I'attribue a Jean-Marc et non a Cerinthe. Les auteurs qui
croicnt a I'origine juive sont obliges d'emonder les traits chreticns.
Dans cette scene prcparatoire, un Ange d'abord [XVIII, 1-3), ensuite une voix du
del [-1-8] annoncent la chute de Babylone; le premier pour son idoldtrie impure, I'au-
tre pour sa tyrannie et son orgueil.
— ^ A. B. 1. Μετά ταύτα, transition ordinaire, — εκ de valeur instrumentale, Int.,
c. X, § II. — Cfr. les Anges de x, 1; xx, 1 ; Ezech. xlhi, 2.
C. 1. Get Ange est dit « autre » par rapport a cclui de xvn, 1, 7, 15. Son aspect
g'randiose convicnt a la portee du drame qu'il annoncc.
— — — A. B. 2. h instrumental, oniis n, rec. K. — επεσεν Ir.. cfr. \iv, 8; Is. xxi,
9 : πέπτωκεν πέπτωκεν Βαβυλών ; — pour I'ensemble, cfr. les propheties centre Babel, Is. xni,
19, 21-22 (les D""'jf, etc., Andre) et XLvn [Apringius); xxxiv, 11-15, contre Edom; puis
Jer. L, 39; li, 37; Soph, u, 15; Baruch iv, 35, etc.
(1) Sabaticr croil cependant que xvn et xviii sont deux fragment? divers.
266 APOCALYPSE D£ SAINT JEAN.
G. XVIII. 1. Μετά ταύτα είδον άλλον xyyekow /,αταδαίνοντα εκ του οΰρχνοΰ έχοντα
έξουσίαν μεγάλην, και ή γη έφωτίσθη *έκ της δοςης αΰτοϋ. 2. Καΐ εκραξεν *έν Ισχυρά
φων?] λέγων Έχεσεν έ'χεσεν Βαβυλών ή μεγάλη, καΐ έγένετο κατοικητήριον δαιμονίων
και φυλακή χαντος χνεύματος ακαθάρτου και φυλακή χαντος όρνέου ακαθάρτου και
μεμΛσημε'νου, 3 'ότι εκ του οϊνου του θυμοΰ της χορνείας αΰτης *χε'χωκαν χάντα τα
έθνη, και οί βασιλείς της γ•7;ς μετ' αΰτης έχόρνευσαν, και οι εμχοροι της γης εκ της
δυνάμεως του στρήνους αυτής έχλούτησαν.
4. Και ήκουσα άλλη ν φο^νήν εκ του ουρανού λε'γουσαν' *Έξέλθατε *ό λαός μου
ές αϋτης, ινα μή συνκοινο^νήσητε ταϊς άμαρτίαις αΰτης, και *έκ των χληγών αϋτης
Ινα μή λάβητε' 5. οτι έκολλήθησαν αΰτης αί άμαρτίαι άχρι του ουρανού, και έμνημό-
νευσεν ό θεός τα αδικήματα αΰτης. 6. Άχόδοτε αυτή ως καΐ αυτή άχέδωκεν, *καί
διχλωσατε τα διπλά κατά τα ερ-'^α αυτής" έν τω χοτηριω *ώ *έκέρασεν κεράσατε αυτή
διχλοΰν. 7. "Οσα εδόξασεν αυτήν καΐ έστρηνίασεν^ τοσούτον δότε αυτή βασανισμον και
χένθος. "Οτι έν τή καρδία αυτής λέγει οτι κάθημαι βασίλισσα, και γτ,ρα οΰκ ε'.μί και
χένθος οΰ μή 'ίδω. 8 Δια τούτο *έν μία ήμερα ήξουσιν α•. χληγαΊ αυτής, *θάνατος
και χένθος και λιμός, και *έν χυρί κατακαυθήσεται" ότι 'ισχυρός κύριος ό θεός ό κρίνας
αυτήν.
C. 2. La clameur de I'Ange est enthousiaste; il parle au passe prophetique (cfr. xiv,
8) pour grandir Fimpression de certitude; on ne peut croire qu'il execute lui-m^me
ce qu'il dit, au meme instant, car la seconde voix (4-suiv.) parlera au futur; ce seront
les versets 9-suivants qui tiendront lieu d'une vision d'execution. Les termes du ver-
set rappellent le style des anciens prophetes (supra, B) ; ce sont des lieux communs
descriptifs, et il ne faut pas etre plus exigeant pour leur realisation litterale qu'on ne
Test a propos des propheties sur Tyr, Edom ou Babylone. La meme observation vau-
dra pour le threne suivant, 9-fin.
— — A. B. 3. έκ partitif, Int., c. x, §Π. — τοΰ οίνου (cfr. xiv, 10; xvi, 19) omis C-o'-
04, A-o^-02, του θυμοΰ omis si/ r., cfr. xvii, 2, et Ezecli. xxvii, 9-25. — Remarquer la
forme πέπωκαν (Int., c. x, § II), conforme a I'usage de i'Apocalypse; qu'on y joigne les
εκ partitifs ou instrumentaux, les iv, les nominatifs-vocatifs, etc., et on aura peine a
comprendre que Bousset ne retrouve pas dans ce chapitre les caracteristiques de
r« auteur de derniere main ». On trouve encore πέπτωκαν (-ασι), qui est moins appro-
prie, quoiqu'il puisse faire image, dans i<. A, G, Q-ft 1070-046, Hipp., de nombreux
And., g, copte, arm.
C 3. Le luxe de Rome, qui a multiplie ses seductions, ses debauches, sa tyrannic
et ses idoles, est aux yeux de saint Jean une des principales causes de son chatiment.
II est bien ainsi dans I'esprit des prophetes, comme dans la verite de I'histoire.
A. B. 4. αλλην omis bo/i., arm.; άλλης, C, quelques And. On trouve aussi
εξέλθετε ou έξελθε. — ό λαός comme vocatif, Int., c. X, § II. — Cfr. I'ordre aux disciples de
fuir Jerusalem, Mat. xxiv, 16-20 et parall. — "να μή συνκ., cfr. Is. xlviii, 20; lii; 11;
Jer. L, 8; li, 6, 9, 45 (ce dernier verset, ou le parallele est le plus etroit, manque dans
les LXX); Bar, syr. ii, 1. — La voix est anonyme, comme vi, 6; ix, 13; x, 4; xi. 12;
XIV, 13; XVI, 1, 17; infra, xix, 5; xxi, 3. — έκ των πλ., partitif (Int. c. x, § II).
C. 4. II n'est pas dit ici que la voix parte du trone; mais ό λαός μου, et la mention
de Dieu a la troisieme personne, qui va suivre au v. 5 (a moins que ce ne soit une
parenthese de I'auteur), laissent supposer que cette voix est celle de I'Agneau lui-
merae (cfr. Jer. li, 45). On peut interpreter moralement, comme un ordre de se sepa-
APOCALYPSE D£ SAINT JEAN. 267
C. xviii. 1. Apres ces choses, je vis un autre ange descendre du ciel,
ayant grande autorite, et la terre fut illuminee de sa gioire. 2. Et il cria
d'une voix puissaate, disant : « Elle est tombee, elle est tombee, Babylone
la grande, et elle est devenue un sejour de demons, et une retraite pour
tout esprit impur, et une retraite pour tout oiseau impur et deteste; 3 parce
que du vin de la fureur de sa prostitution ont bu toutes les nations, et
les rois de la terre ont fornique avec elle, et les marchands de la terre se
sont enrichis de la puissance de son luxe! »
4. Et j'entendis une autre voix [venant] du ciel, disant : « Sortez, mon
peuple, du milieu delle, afin que vous ne communiquiez point a ses
peches, et que de ses plaies vous ne receviez [aucune part]. 5. Car ils se•
sont agglomeres, ses peches, jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses
injustices. 6, Rendez-lui suivant qu'elle-meme a rendu, et doublez-[le] au
double suivant ses cEuvres; dans le vase ou elle a verse, versez-lui au
double. 7. Autant elle s'est glorifiee et livree au luxe, autant donnez-lui de
tourment et de deuil. Parce qu'elle dit dans son coeur : « Je suis assise [en]
reine, et je ne suis pas une veuve, et de deuil je n'[en] verrai jamais », 8 a
cause de cela, en un seul jour viendront ses plaies, mort (peste?) et deuil
et famine, et elle seraconsumee au feu ; parce qu'[il est] puissant, le Seigneur
Dieu qui Fa jugee! »
rer des oeuvres de la Cite du Diable {Aug. Civ. Dei, xviii, 18), comme II Cor. m, 14 :
« Nolite jugum ducere cum infidelibus n;Ep/i. \i, 11; I Tim. v, 22. Jean s'est peut-
etre rappele I'exode des Chretiens de Jerusalem vers Pella.
— -^— B. 5. Ι/.ολλη'θησαν « se sont colles », cfr. Jer. u, 9, rappelle a Holtzmann,
comme Bar. syr. i, 20, I'image d'un rouleau interminable qui contiendrait la liste des
peches de Babylone. — s;-tvri[j.. ό θεός, cfr. xvi, 19.
A. B. 6. υ[χΐν, ajoute apres ά-έδω/.εν (quelques And., vulg., arm), change le
sens. — Pour ce talion, cfr. Ps. cxxxvii, 8; Is. xl, 2; Jer. l, 15, 29. — ώ, exemple inu-
site d'attraction (Int., c. x, § II) ; car κεράννυμι, a cause de son regime direct διπλούν, doit
signifier ici « verser».
C. 6. L'ordre est donne aux ministres de la justice divine, probablement aux Anges
du chatiment d'apres Joh. Weiss, ou aux « elements » d'apres Calmes, mais surtout
aux rois du ch. xvii. En tout cas, ce n'est pas aux Chretiens; Andre, qui admet υι^Γν,
I'applique aux Anges, qui considerent comme un outrage personnel les vices et les
cruautes de la grande ville ; c'est un sens trop recherche.
■ A. B. 7. εαυτήν pour αύτην, K•^, al. — βασίλισσα, d'apres Is. xlvii, 7-8, sur la
ruine de Babel (dans I'hebreu). Dans tout ce morceau, on a remarque un grand nom-
bre d'expressions communes avec la Bible hebraique, et etrangeres aux LXX;ce n'est
pasune raison suffisante pour penser a une autre main. — Cfr. Sib. v, 173. — ου μή.
Int., c. x, § II.
. A. B. C. 8. εν αία ή[ζέρα, plus classique que μία ώρα du V. 10, infra; af.. Prim
ont lu ώρα pour ήμερα. — θάνατος est peut etrc la peste, comme vi, 8. — έν πυρί, instrum.
Int. c. X, § II. — dv. Is. xi.vn, 8-9 (heb.) Jer. l, 32; li, 25, etc. — ισχυρός κύριος, cfr.
Jer. L, 34. — Le luxe et I'orgueil sont done la cause directe (δια τοΰχο) de la chute de
Rome.
268 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
D. 2" c-d. La ruine de Babylone; pleurs sur la terre et joie au del (xviii, 9-xix, 10).
Int. — Cette « vision d'execution » (c) se partage en trois, suivant un rythme exac-
tement semblable a celui de la 6^ Trompette [IX, 13-XI, li). En effet, nous avons ici :
a) line description de I'incendie de Rome [XVIII, 9-20).
β) I'intervention dun Ange qui prophetise [XVIII, 21-2i);
γ) la Jubilation de la foule celeste a cette occasion {XIX, 1-8).
Nous retrouvons done I'antithcse periodique, ici cntre les lamentations du monde
profane et la joie des bienheureiix {cfr. le 6^ sceau et la 6" Trompette, et meme la
6^ Coupe, XVI, 12-16). Entre les deux tableaux s'interpose une scene angelique, comme
le ch. X entre IX, 13-21 et XI, 1-li. De part et d'autre, le messager coleste a pour
mission d'annoncer la certitude ineluctable des j'ugements divins {comparer XVIII,
21-suiv. a X, 5-7).
Les versets XIX, 9-10 (d) sont I'epilogue de toute la section commencee a XVII.
D. 2" c. a. Tlirene sur la ruine de Babylone (xviii, 9-20).
Int. — Ce morceau a de particulier qii'il ne parait phs itre un ricit de vision
a proprement parler, mais une prophetic descriptive directe, itnitee surtout des pre-
dictions d'Isa'ie et d'Ezechiel centre Tyr, la grande ville commerciale d' autrefois [Is.
XXIII; Ezech. XXVI, 16-XXVII). La forme, comme celle de ces anciens oracles, si
eloquents et si pittoresques, est celle d'une lamentation, dun « threne ». Tour a tour
on entend gemir sur le sort de Rome : les rois [9-10); — les marchands (11-16); —
les marins {17-19); — et c'est de leur bouche que nous apprenons ce qui est arrive,
tandis que le del et les saints de la terre sont invites a se rejouir de la justice faite,
{20), ce qui amorce XIX, 1-8.
Pour I'origine de cette pericope, suivant les critiques, voir Introd. a D. 2° b.
C. XVIII. 9. Kar, *κΛαϋσουσιν και *•/.όψονται *έ-' αυτήν οί βασιλείς της γί^ς οί μετ'
αύτης ττορνεύσαντες καΐ στρηνιάσαντες, όταν βλέποσιν τον καττνον της πυρώσεως
αύτης, 10. α-ο μακρόθεν έστηκότες δια τον φόβον τοΐ> βασανισμού αυτΫ5ς, λέγοντες"
Ουαί ούαι *ή πόλις ή μεγάλη, Βαβυλών ή πόλις ή '.σχυρά, ότι *μ(α ώρα ήλθεν ή κρίσις
σοΧ).
11. Και οΐ έμποροι της γης *κλαίοϋσιν και ττενθοΰσιν έπ' αυτήν, ότι τον γόμον αυτών
ουδείς αγοράζει οΰκέτι, 12 γόμον χρυσού και αργύρου και λίθου τιμίου και μαργαριτών
και βύσσινου και πορφύρας και σιρικοΰ και κοκκίνου, και *πάν ξύλον θΰϊνον και πάν
σκεύος έλεφάντινον και πάν σκεύος ες ξύλου τιμιωτάτου και χαλκού και σιδήρου και
μαρμάρου, 13. Και *κιννάμωμον και άμο^μον και θυμιάματα και μύρον και λίβανον
καίοϊνον κα'ι ελαιον και σεμίδαλιν και σΐτον και κτήνη και πρόβατα, και *ί'ππων και
ρεδών και σοψάτων, και *ψυχας άνθρώπο)ν. 14. Και ή όπώρα σου της επιθυμίας της
Α. Β. 9. Noter les futurs χλαύσουσιν, κο'ψ. — Κόψεσθαι, un des rares exemples du
moyen (Int, c. x, § II), se retrouve en ce sens Apoc. i, 7, et Mat. xi, 17; xxiv, 30;
Luc VIII, 52; xxiii, 27; ce dernier le fait suivre du regime direct; on rencontre aussi
dans quelques temoins d'Apoc. It:' αϋτ»ί et Ιπ' αϋτης. — Plainte des rois, cfr. Ezec/i.
XXVI, 16-18; — Is. xxxiv, 10.
C. 9. Les verbes au futur fixent le caractere du morceau; c'est directement une
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 269
prophetie, non le recit d'une vision passee de portee prophetique. Si plus loin les
verbes passent au present et a I'aoriste, c'est que Jean est entraine par la vivacite
de sa pensee, qui lui fait toucher I'avenir. On pent hositer sur la fonction organique
de cette pericope : faudrait-il en faire une suite des versets precedents, et I'attribuer
aussi a la « voix du ciel » ? II parait plus naturel d'en faire un morceau a part, et de
I'attribuer immediatement a I'ecrivain. — Les rois sont ceux de xvii, 2, les vassaux
et allies de Rome, et non les « Cornes » qui doivent la detruire, xvii, 12-13, 16-17;
avec Siveie, on peut relever une pointe de sarcasme — d' « ironie johannique »
— dans cette prudence qui les fait se contenter de gemissements, a bonne distance
de I'incendie. Leur lamentation est breve a cote de celles qui suivront. Malgre la
repetition de certains refrains, le prophete, plein de son sujet et s'expriraant d'abon-
dance, ne s'est pas astreint a une symetrie strophique.
■ A. 10. άπο [^ακρο'θεν : liaison hellenistique, dans les papyrus, de la preposition
avec un adverbe [Moitlton, p. 159); ici c'est un vrai pleonasme. — ή πόλις peut equi-
valoir a un vocatif (Int., c. x, § II), ce qui est moins irregulier apres ούαί que I'accu-
satif de xii, 12 ; il faudrait le datif en bonne grammaire. — μία ώρα, « locatif de temps »,
cfx'. Luc. VIII, 29 (πολλοίς χρο'νοις, etc. Moulton, p. 116), hellenistique, frequent dans les
papyrus; on trouve aussi [λίαν ώραν (A) et έν μία ώρα, comma xviii, 8.
— — — A. B. 11. Passage au present; le rec. K. maintient le futur — Plainte des
marchands cfr. Ezech. xxvii, 30-36.
C. 11. Jean ne va pas consacrer moins de sept versets a la lamentation des nego-
ciants, dont il a soin de bien mettre en relief le caractere purement personnel. L'im-
mense et luxueuse cite de Rome etait en eifet la cliente du monde entier. Pline (H. N.
XII, 41), evalue a 100 millions de sesterces au moins ses transactions annuelles rien
qu'avec I'Extreme-Orient [Si\'ete); Orose, plusieurs siecles apres, appellera Rome
G. xviii. 9. Kt ils pleureront et ils se frapperont [la poitrine] k son sujet,
les rois de la terre qui avec elie ont fornique et se sont livres au luxe, une
fois qu'ils regarderont la fumee de son embrasement, 10 se tenant [a
regarder] de loin k cause dela peurde sontourment, [et] disant : « Malheur,
malheur! la ville, la grande [ville] , Babyloae la ville puissante, parce
qu'en une seule heure est venu ton j ugement ! »
11. Et les marchands de la terre pleurent et se lamentent a son sujet,
parce que leur cargaison, personne ne [I'Jachete plus, 12 cargaison d'or
et d'argent, et de pierre precieuse et de perles, et de byssus et de pourpre
et de sole et d'ecarlate, — ainsi que tout bois de thuya et tout ouvrage
d'ivoire et tout ouvrage du bois le plus precieux, et d'airain et de fer et de
marbre, 13 et le cinnamome et raniome, et les parfuins et I'huile aroma-
tique, et I'encens, et le vin et I'huile, et la fleur de farine et le Iroment et
les betes de somme et les brebis — et de chevaux et de voitures, et de corps
[humains] — ainsi que les Ames d'hommes! 14. Et la saison des fruits de la
encore « un ventre insatiable » qui engloutit tout ce que produit I'univers. Jean s'etend
avec profusion sur ce commerce; on dirait qu'il en est plus toucho encore que de la
puissance politique, et c'est bien la, nonobstant son elevation a I'apostolat et a la mys-
tique la plus haute, un vieux trait de nature d'un Juif de la Diaspora, vivant dans les
riches entrepots de I'Asie, apres avoir ete dans sa jeunesse un humble vendeur de pois-
sons au bord du lac galiloen. L'enumeration qui suit est inspiree de celle d'Ezechiel
270 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
ψυχ•^ς άτττ^λθεν a.~o σου. και -ττάντα τα λι-αρα και τα λαμζρα ά^ττώλετ: άττο σου, και
ουκέτι cj μ.ή άΰτα *εύρήσουσιν. 15. Οί εμ.χοροι τούτων, οί πλουτήσαντες ά-' αυτής, άτυο
μακρόθεν *στήσονται δια τον φόβον τοΰ βασανισμού αυτής κλαίοντες και ττενθουντες,
16, λέγοντες* Οΐ'αι ουαΐ *ή πόλις ή μεγάλη, ή περιβεβλημένη βύσσινον και πορφυρουν
και κόκκινον, και κεχρυσοιμένη *έν χρυσίω και λίθω τιμίω και μαργαρίτη, 17 ότι μία
ώρα ήρημο')Οη ο τοσούτος 'ττλουτος.
Και ττας κυβερνήτης και πας ό έττί *τότ:ον 7:λέο)ν και ναΰται και όσοι τήν θάλασσαν
εργάζονται, α-ζ μακρόθεν *'έσ-τ,σ7.Ί, 18 και *εκραςον βλέποντες τον καπνον της
πυροισεως αΰτης, λέγοντες' Τίς *ομοία τη πόλει τη μεγάλη; 19. Και *εβαλον '/ουν
έκί τας κεφάλας αυτών και *εκραζον κλαίοντες και πενθοΰντες λέγοντες" Οϋαί ουαι ή
πόλις ή μεγάλη, έν η έπλούτησαν πάντες οί έχοντες τα πλοία εν τη θαλασσή *έκ της
τψ,ιότητος αυτής, οτι μία ώρα ήρημωθη.
20. Ευοοαίνου έπ αυτή *οϋρανέ και οί άγιοι και οί απόστολοι και οί προφηται, ότι
εκοινεν ο θεός το κρίμα υμών* ες άυτης.
χχνπ; elle ne presente pas le vif interet du modele, cet incomparable document de
geographie commerciale des vn*= et vi^ siecles; mais Jean non plus n'a pas reproduit
des cliches; les termes de cette « exposition universelle », comme dit Holtzmann, sont
choisis par un homme qui I'a bien regard^e, et non sans quelque interet.
• A. B. 12. Remarquer le passage du genitif a I'accusatif, παν ξύλον; ces mots
pourraient etre le regime direct de αγοράζει, coordonne a γόΐΑον; mais, comme, plus bas
(14, Ί'ππων), il y aura un retour tres inattendu au genitif, mieux vaut voir ici une
des incoherences de la langue apocalyptique (Ιλτ., c. x, § II). Nous ne relevons pas
les variantes nombreuses de forme et d'orthographe dans les noms de ces denrees.
— Cfr. Ezech. xxvii, 5-7 ; 12-25.
C. 12. Calmes est trop severe, quand il voit ici « un exercice de rhetorique dans
lequel on a multiplie les mots a plaisir «. C'est au moins « ein kleines kulturge-
schichtliches Bild », dit- Joh. TFeiss qui a bien plus de sentiment litteraire et historique
que la moyenne des critiques. Les denrees ne sont pas choisies au hasard; ainsi le θύϊνον
(le citreum, un thuya, ou une sorte de cedre blanc), etait de fait un bois polychrome
tres recherche pour le mobilier romain. Si I'enumeration est en soi peu poetique, elle
ne deplaira pas a qui sait apprecier, par exemple, le style accumulatif de Flaubert;
ce deballage eveille des idees pittoresques comme un bazar d'Orient.
II A. 13. Retour singulier au genitif (ίππ. κ. ρεδ. κ. σωμάτων), pour finir enfin sur
un accusatif; v. supra. — κιννάμωαον καΙ ά;Αωμον, assonance qui manque Q-al070-O46,
et ailleurs, ou «μωμον est supprime; le second mot a pu etre ajoute par dittographie,
(BoKsset), ou omis par homo'ioteleuton. — Cfr. Ezech.
C. 13. Le cinnamome et I'amome, parfums que citent les auteurs latins comme
usites dans les banquets : done allusion a un des traits les plus caracteristiques du
luxe et de la debauche romaine. — κτήνη, le gros betail et les betes de trait. — ρεδών :
la rheda etait une voiture gauloise a quatre roues, devenue a la mode chez les
Romains de I'empire — Σώματα, pour signifier « esclaves », est familier aux LXX;
la cruaute de ce commerce est accentuee par le dernier mot ψυ•/ας άνθ. II peut etre
question des prostituees, gladiateurs, etc. C'est le comble de I'egoisme romain, cette
abondance d'esclaves, de chair a amphitheatres et a lupanars.
. A. 14. δπώρα, fruit d'automne, bon a cueillir — ευρ>5σουσιν est probablement
impersonnel, si ce sont les marchands qui continuent a gemir, et non une parenthese
de Jean |Ιχτ., c. x, § II). — σοΰ transporte apres ψυ/ης {Hipp., rec. K), ou omis.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 271
passion de ton iime s'en est allee [loin] de toi, et tout ce qu'il y a d'opulent
et d'eclatant a peri pour toi, et jamais, jamais plus on ne le trouvera'
15. Les vendeurs de tout cela, qui s'etaient enrichis par elle, se tiendront
[pour regarder] de loin, a cause de la peur de son tourment, pleurant et se
lamentant, 16 [et] disant : « Malheur, malheur, la ville, la grande [ville],
qui t'etais envelopp^e de byssus et de pourpre et d'ecarlate, et doree d'or
et de pierre precieuse et de perle [sic, au singulier), 17, parce qu'en une
heure a ete devastee cette richesse si grande ! »
Et tout pilote, et tous ceux qui naviguent de place en place ; et les marins,
et tous ceux qui travaillent la mer, se tinrent [pour regarder] de loin,
18, et lis criaient en regardant la fumee de son embrasement, disant :
« Qui [etait] pareil k la ville, k la grande [ville]? » 19. Et ils jeterent de la
poussiere sur leurs tetes, et ils criaient pleurant et se lamentant, disant :
« Malheur, malheur, la ville, la grande [villej, dans laquelle s'etaient
enrichis tous ceux qui ont les bateaux sur la mer, k cause de Felevation de
ses prix, car en une heure elle a ete devastee! »
20. Rejouis-toi k son sujet, ciel ! et [vous] les saints et les apotres et les
prophetes, parce que Dieu a jugo [et rendu son] arret [pour] vous contre elle !
G. 14. Depuis Vitringa, beaucoup d'auteurs, aujourd'hui Weizsdcker, Holtzmann,
Cahnes, etc., ont voulu transporter ee verset au milieu du v. 23. Ce n'est pas neces-
saire. « Juste au moment ou le fruit du travail de generations multiples semblait pres
de tomber dans la bouche, il s'est evanoui comme un songe » [Sivete).
• A. B. C. 15. σττ^σονται, retour au futur. — Cfr. Εζέοΐι. xxvii, 30-31. — Les
versets 15-17 a repetent 10 d'une part et 11 de I'autre. Si les rois gemissaientsur la
puissance eteinte, les negociants regrettent les somptueuses d^penses de la capitate
leur cliente. Ce singulier melange de precision presque technique en une foule de
details, avec un esprit intuitif, presque metaphysique, se retrouve si accuse dans le
IV« Evangile (Int., c. xiii, n, § III) qu'on peut le tenirpour caracteristique de I'auteur;
aussi n'est-il nullement necessaire de chercher des sources utilisees, a part Ezechiel,
qui encore n'est suivi que tres librement.
— — — A. B. 16. ojat ή πολ., v. verset 10. — Iv (instr.) -^f^. ■/. λίθ. τιμ. και μαργαρίττ],
cfr. XVII, 4 ([Λαργαρίταις, ici la vulg. a « margaritis »). — L'auteur donne ainsi deux
variantes des plaintes des marchands, auxquelles il parait attacher une specialo
importance.
_____ A. B. C. 17. La premiere partie du verset repond a 10 c, sauf la nuance d'un
sentiment plus terre a terre. Puis l'auteur passe, 17b-19, a la lamentation des marins,
qui n'est pour le sens qu'une repetition de celle des marchands, mais sous une forme
plus mouvementee. Remarquer I'aoriste ϊστιησαν (έστί^κασιν, εστηκότες dans quelques And.],
apres les futurs et les presents ; le mouvement de la pensee rappelle celui du chap, xi
(comment, ad loc. et Int., c. viii). — πλεΓν ζκ\ τόπον (τον το'πον χ, Q, quelques And.) se
dit des vaisseaux qui faisaient le cabotage (dc Wctte, Boiisset, J. Weiss.); ceux qui
« travaillent la mer », expression assez poetique, doivent etre les marins au Ion!>•
cours. La sa/i. a lu Ird των ποταΐΑών, Prim, traduit « omnis super mare navigans ».
Nestle conjecture la-dessus, sans necessite, que τόπον est une erreur pour ΠΟΝΤΟΝ
ecrit ΠΟΤΟΝ.
. A. 18. εκραζον, imparfail narralif, d'etTet dramatique, et qui varie le style;
272 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
D. 2° c. β. Un ange prophetise en action le jugeinent cle Babylone (xvm, 21-24).
Int. — Opinions des critiques, supra, Int. a D 2" b. Fonction de cette pcricope
voir lint, a D 2 c-d.
C. XVlii. 21. Και ήρεν *ε'.ς άγγελος Ισχυρός λίθον ώς *[Αύ)ανον μέγαν, και εβαλεν
ε'.ς την θάλασσαν λέγο)ν Οΰτίος όρμήματι βληθήσεται Βαβυλών ή μεγάλη ζόλις, και
C'j μή εύρεθί) ε'τι. 22. Καΐ φωνή κιθαρωοών και μ-ουσικών και αυλητών και σαλπιστών
ου μη άκουσθη εν σοι ετι, και *πάς τεχνίτης τζάσης τέχνης *οΰ μη εύρεθη εν σοι ετι,
και Φωνή μύλου ου μή άκουσθη εν σοι ετι, 23 Και φως λ•>/νου οϋ μή φάνη εν σοι
ετι, και φωνή νυμφίου κα'ι νύμφης ου μή άκουσθη εν σοι έ'τι" οτι οι εμποροί σου ήσαν οί
*μεγιστανες της γης, ότι *έν τη φαρμάκια σου έπλανήθησαν χάντα τα έθνη, 24 Και εν
αΰτη *αΤμα προφητών και αγίων ευρέθη και πάντων των έσφαγμένων έπι της γης.
έκραξαν dans G. et Λ., quelques And., g, vulg, Hipp., ailleurs ε/.λαιον ou έκραύγαζον. —
Pour καπνόν, A lit τόπον, \>ulg. « locum ».
— ^.^ A. B. 19. έ'βαλον... εκραζον, finesse de style appreciable; mais les mSmes
temoins que ci-dessus portent Ιχραξαν. — έκ causatif (Int., c. x, § II). — oual ούα\... δτι (jlix
ωρα, cfr. 10, 16, 17. — Τ(ς δμοία (par attraction) ττ] πόλ., cfr. Ezech. xxvii, 32, dans la
lamentation des marins sur le sort de Tyr.
A. B. 20. ουρανέ, un des rares vocatifs du livre (Int., c. x, § II), suivi, comme
ailleurs, de norainatifs. — II ne se trouve qu'ici, et xxi, 4, de mention des Apotres du
Christ; aux passages paralleles, xvi, 6 et xviii, 24, les prophetes seuls sont mentionnes,
non les apotres; κα\ οί, entre άγ. et αποστ., manque G, (•«/»., al. — έξ ici signifie « a ses
depens » Int., c. x, §11, p. cxxxv. C'estune dette rcclamee. — Joie du ciel, comme xii,
12; cfr. Is. xliv, 23; imitation de Jer. n, 48 (heb.).
— — C. 20. Ce verseL fait antithese avec tout le reste du tableau ; les sentiments
du ciel, qui sont selon la justice, contrastent avec ceux des rois, etc., et de tons les
hommes animes de sentiments terrestres. Quelle etait, aux yeux de Jean, I'importance
de cette chute de Rome dans le plan de I'avenir, pour qu'elle fut celebree ainsi par les
memes voix qui ont chante la chute du Dragon ! Cette invitation prepare xix, 1-9, la
seconde partie du diptyque.
A. B. 21. εΤς pour τις, Int., c. x, § II. — μύλινος, synonyme vulgaire du μυλικός. —
5γγ. ίσ/υρός, cfr. χ, 1 et ν, 2 Σσ/υρός omis A, syr.; ailleurs, N, al., Γσχυρόν, rapporte a
λίθον. —Pour ces trois versets, cfr. le modele de cette scene dans Jer. li (xxviii) 63-64,
ou Seraia, sur I'ordre de Jeremie, jette une pierre dans I'Euphrate pour symboliser la
ruine irremediable de Babylone. Pour le Voyant de Patmos, ce sera naturellement
dans la mer; la mer, on I'aura remarque, apparait partout dans la mise en scene, vii,
1; VIII, 18-suiv.; x, 2-suiv.; xii, 12, 18; xiii, 1; xvi, 3-4, et infra.
G. 21. Les Anges qualifies de « puissanls » (ίσ/υρός) sont ceux dont la mission a trait
a des jugements generaux de Dieu; ainsi celui qui invitait a ouvrir le livre scelle(v, 2),
et celui qui annouQait la certitude de la consummation et apportait au prophete le
βιβλαρίδιον (ch. x). La ruine de Babylone n'est pas predite par un moindre messager;
c'est dire la place qu'elle tient dans I'economie de la Revelation. Ce petit morceau, qui
fait charniere entre deux tableaux plus considerables, n'est pas d'une autre main que
le reste. On veut que le style en soit plus « poetique » ; mais c'est un autre genre de
poesie, plus pareille a celle des prophetes ante-exiliens qu'aux descriptions exube-
rantes d'Ezechiel.
—— A. B. C. 22. πάς.... ou.., hebraisme, Int., c. x, § II. — Cfr. Is. xxiv, 8; xxv,
APOCALYPSE Dfe SAINT JEAN. 273
C. XVIII. 21. Et un Ang-e puissant leva une pierre graiide coninie une
[meule] de moulia, et [la] jeta dans la mer, disant : « Ainsi d'lin [seul]
coup sera jetee Babylone la grande ville, et jamais plus elle ne se trouvera.
22. — Et la voix des citharistes et des musiciens et des fltitistes et des
joueurs de trompette, ne se fera plus jamais entendre en toi, et aucun
artisan d'aucun artne se trouvera plus jamais en toi, et la voix de la meule
ne se fera plus entendre jamais en toi, 23. Et la lumiere d'une lampe ne
brillera plus jamais en toi, et plus une voix de fiance et de fiancee ne se fera
jamais entendre en toi; parce que tcs marchands etaient les grands de la
terre, parce qu'en ton malefice ont ete egaroes toutes les nations! — 24, Et
en elle s'est trouve le sang des prophetes et des saints, et de tons ceux qui
ont ete egorges sur la terre. »
10; Ezech. xxvi, 13. « Aucun bruit de rejouissance, ni de vie industrielle, ni meme de
travaux domestiques, ne sera plus entendu a Babylone » [Sivete). C'est a prendre au
sens moral, et non purement litteral, comme aussi les anciennes propheties sur la
Babylone antique.
— — ~. A. B. C. 23. μεγιστάνες, cfr. VI, 15. — φαρμακία = malefice, « Zauberei » ; cfr.
Na/iiim, in, 4, sur Ninive. — δτι οί εμπ. σου, cfr. Jer. xxiii, 8. II est bien vrai qu'au pre-
mier siecle avant, et au premier siecle apres J. C, les έμποροι remains, ou Ton pent
voir les gz-ands publicains, etaient les maitres des provinces, qu'ils avaient si horrible-
ment tyranniseesa la fin de la Republique. On dirait que Jean rappelle avecinsistance
a I'Asie, maintenant reconciliee par la prosperite economique, les anciennes iniquites
qui ont fait la puissance de Rome; ce n'est pas seulement I'Eglise, c'est Thumanite qui
est riche en griefs de toute sorte centre cette Babylone. — « Lampe « cfr. Jer. xxv, 10 ;
« voix de fiance », cfr. Jer. vii, 34; xvi, 9.
— — A. C. 24. αιαατα pour αίμα, rec. K. — Ge sang n'est pas seulement celui dea>
martyrs (prophetes et saints), mais de toutes les victimes (πάντων τών έσφ,) du regime
politique et social de Rome, qui sacrifiait tant de vies humaines dans ses guerres et
dans ses plaisirs.
D 2° c γ. — Joie du del, opposes aux lamentations de la terre (xix, 1-8).
Int. — La pensoe prophetique de Jean le transporte maintenant au ciel — car tout
Vespace lui est ouvert, supra, c. XI, — et il voit et entend la contre-partie du deuil
terrestre. Cette scene o/fre une analogie frdppante avec les liturgies celestes duck. IV,
autour du trone de Dieu; du ch. V, lors de I'intronisation de I'Agneau; du ch. VII, a
I'arrivee de la procession des elus; du cli. XI, 15-18, a la consomniation de la 7^ trom-
pette; du chap. XII, 10-12, a la chute du Dragon. C'est que la ruine de Home —
comme celle de Jerusalem dans les Synoptiques — est consideree comme une des grandes
manifestations de puissance de I'Agneau pour le salut des hommes; nous pouvons y
voir une application de la regie posce IV, 9-10 : « Chaquc fois que les Animaux ren-
dront gloire... les 24 vieillards tomberont devant celui qui est assis sur le trone etc. »
On peut aussi (aire un rapprochement, mais moins elroit, avec les cantiques de XIV
1-5, etXV, 2-4. La I'adieuse perspective des noces de I'Agneau avec I'Eglise sa Fiancee
est amenee par opposition aux prostitutions dont la Courlisane a recu le chdtiment.
Les critiques font done ici bien it tort leurs divisions et combinaisons in<^anieuses.
Mentionnons specialement VOlter, qui altribue bien XIX, l-fjt; 5-10'* a Jean-Marc
comme Ic chapitre precedent, mais intercale cntrc i el 5 la scene de XIV, l^i-W, pour
AIOCALYPSE DE SAINT JEAN. Ijj
274 APOCALYPSE DE SAIXT JEAN.
faire ainsi la conclusion de son Apocalypse primitive. Weyland : 1-6 revient a H,
coinme XVII-XVIII, 7-10 est dii redacteur chretien. Spitta : 1-Z et 5-8 sont de P, 9^-10
de I'Apoc. primitive, 8'^-9^, et quelques I'etouclies, du « Redacteur; Erbes : l~i, coinme
XVII-XVIII. est de I'Apoc. de 80 (ainsi que 0^-21), et 5-9^ de I'Apoc. de 62; Bruston :
1-3 et 11-21 sont du temps de Neron, i-10 du disciple de Jean; Joh. Weiss : 1-10
est de I' « Editeur ».
C. XIX. 1. *Μετα ταΰτα ήκουσα *ώς *φωνήν μεγάλην όχλου ζιλλου έν τω c'jpiX'fM
*λ£γόν-0)ν Αλληλούια" ή σωτηρία και ή Βόξα *[•/.αι ή τιμή] και ή ούναμις *τοΰ θεοί;
ήμ,ών, 2 'ότι άληθιναί και δίκαιαι αί κρίσεις αυτού" 'ότι έ'κρινεν την χόρνην τήν μεγάλην,
*ήτις εφθεφεν τήν γην *έν τη ■ττορνεία αΰτης, και έξεοίκησεν το αίμα των δούλων
αΰτοΰ εκ χειρός αυτής. 3. Και δεύτερον *ε'ίρηκαν' Αλληλούια" και 6 καπνός αΰτης
αναβαίνει ε;ς τους αιώνας των a'.o)vo)V. 4. Και *ε'::εσαν οι πρεσβύτεροι οι είκοσι τέσ-
σαοεα ν.οίΐ τα *τέσσεοα ζώα, και ποοσεκύνησαν *τώ θεώ τώ καθημ.ένο) έ-ι τώ θρόνοι
ι* ^ ^ ' t • 111 it. ill
λέγοντες' 'Αμήν αλληλούια.
5. Και φωνή άπο του Βρζ^ού έςήλΟεν λέγουσα" Αινείτε *τώ θεώ ημών, πάντες οι
δούλοι αϋτοΰ, *[καί] οί φοβούμενοι αυτόν, οί μικροί και οί μεγάλοι. 6 Και ήκουσα ώς
*φωνήν όχλου πολλού, και ώς οωνήν υδάτων πολλών, και ώς φωνήν ^pov-ij)^ ισχυρών,
*λεγόντων" 'Αλληλούια, 'ότι *έβασίλευσεν κύριος δ θεός ημών ό παντοκράτο)ρ. 7. Χαί-
ρωμεν και *άγαλλιώμεν, καΐ δώσομεν τήν δόςαν αΰτώ, Οτι ήλθεν ό γάμος του άρνίου,
και ή γυνή αύτοΰ ήτοίμασεν *έαυτήν, 8 καΐ *έδόθη αυτή ί'να περιβάληται βύσσινον
λαμ.προν καθαρόν" το ^χρ βύσσινον τα δικαιοίματα τών άγιων εστίν.
■ Α. Β. 1. μετά ταΰτα, formule ordinaire. — ώς omis And. passim, g, syr., arm.
Prim. — φ'ονης pour φωνήν, quelques And. — λέγοντος, dans δ 505-14-69, all, pour
λεγόντων, qui est un accord ad sensum (Int. c. x, § II). — "/.αΊ ή τιαή, ajoute apres δόξα,
quelques And., syr., pourrait etre authentique, car on a ainsi une doxologie a quatre
membres, ce qui est plus conforrae a Γ « usus loquendi » habituel, cfr. v, 13; cependant
on en trouve une a trois membres iv, 11. — τω θεω pour του θ., δ 500-88-205 al., vulg.,
syr. boll. Prim. — Cfr. Jer. li, 48. — δ/, πολ., sans doute les myriades d'Anges de v, 11.
— « Alleluia » n'apparait qu'ici et versets 3, 4, 6, dans le Nouveau Testament; pour la
tournure de la doxologie, cfr. vii, 10; xi, 15; xii, 10.
C. 1. Dans ces quatre premiers versets, ce sont les puissances celestes et les bien-
heureux qui louent Dieu. L'objet de leurs louanges est la justice qui s'est manifestee
dans la punition de la Courtisane. Sur terre on ne I'entrevoit que dans I'avenir; mais,
au ciel, on I'envisage comme deja faite.
— -^ A. B. 2. ήτις a ici toute sa valeur (cfr. supra, xii, 13). — έν instr. (Int. c. x, § II).
— άληθ. y.x\ δίκ. αϊ κρίσεις cfr. xv, 3 (άληΟ. αί οδοί σου) ; χνΐ, 7 ; irepithete αληθινός, passim,
johannique (Int. c. xm, ii, § I). — ήτις Ιφθειρεν, cfr. pour I'idee seule ou les mots et
I'idee, xiv, 8 ; xvii, 2; xviii, 3, etc., encore xi, 18 — έξεδίκ. το αΤμα έκ χειρ., cfr. xviii, 20.
— — — Α. Β. 3. Au lieu de la forme εί'ρηκαν (cfr. πέπωκαν, xviil, 3; γεγοναν, xxi, 6,
Int. c. X, § II), on trouve εί'ρηκασι dans And., ailleurs εΤρηκεν, εΤπον. — « Fumee », cfr.
XVIII, 9, 18 ; encore xiv, 11 ; 75. xxxiv, 10 (jugement d'Edom).
' A. B. C. 4. Remarquer έπεσαν (Int. c. x, § II; And. επεσον) et τέσσερα (A, G), a
cote de τέσσαρες (Int. c. x, § II). — L'auteur revient a la mise en scene des chap, iv-v,
qui ne s'est jamais completement eiTacee; « Vieillards « cfr. iv, 4, etc.; xi, 16; « Ani-
maux », IV, 6, etc. ; -οοσκ. avec le datif, « se prosterner », comme aux passages indiques.
' A. B. 5. αίνέοί suivi du datif {rec. K.., And. : τον θεο'ν), hebraisant, d'apres Jer.
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 275
C. XIX. 1. Apres ces choses j'entendis comme iine grande voix d'ane
foule nombreuse dans le ciel, [de gens] quidisaient : « Alleluia! le salut et
la gloire [et riionneup (?)] et la puissance [sont] a notre Dieu, 2 parce que
veridiques et justes [sont] ses jiigements; parce qu'il a juge la grande
Prostituee, celle qui corrompait la terre par sa prostitution, et il a reclame
le sang de sesserviteurs de sa main ». 3. Et une deuxieme fois ils ont dit :
« Alleluia! » Et sa fumee monte aux siecles des siecles. 4. Et ils tomberent
[k terre], les vixgt-ouatre vieillards et les quatre ammaux, et ils se pros-
ternerent devant le Dieu qui est assis sur le trone, [en] disant : « Amen!
Alleluia I »
5. Et une voix sortit du trone, disant : « Louez notre Dieu, [vous] tous
ses serviteurs fet] ceux qui le craignent, les petits et les grands! » 6. Et
j'entendis comme une voix d'eaux abondantes, et comme une voix de
puissants tonnerres, qui disaicnt : « Alleluia! car il a etabli son r^gne, le
Seigneur notre Dieu, Ic Tout-Puissant. 7. Rejouissons-nous et soyons dans
Tallegresse! Et nous lui donnerons la gloire, parce qu'elles sont arrivees,
les NOCES DE l'Agxeau, et son epouse s'est preparee, 8 et il lui a ete donne
de s'envelopper de pur byssus eclatant ». Gar le byssus, ce sont les actes de
justice des saints.
XX, 13 {Holtzmann). — Κα\ devant o'. φοβ. se trouve A, Q, I'ensemble des minusc, viilg.,
syv:, Prim., And., Arethas, et est possible pour Soden; il manque N, C, P, B. Weiss;
s'il faut le lire, λόϊγ pour le sens de φοβού[χενο[ au commentaire de xi^ 18 ; — o\ μιχ. κα\
οί [χεγ., cfr. egalement χι, 18 et xix, 18; xx, 12; xxi, 16, c'est une des expressions
caracteristiques a'Apoc.
C. 5. Quelle est cette voix innommee qui, comme celle dexvi, 17, « part du trone »?
— Q est a peu pres seul a porter τοΰ ουρανού pour -οΰ θρόνου. — Elle exhorte tous les
fideles de la terre a s'associer aux louanges celestes, toujours, bien entendu, a
lOecasion de la chute deja escomptee de Babylone. Ce n'est pas celle de Dieu meme,
puisqu'elle parle de « notre Dieu » ; mais c'est peut-etre celle du Christ, parlant
comme homme, puisque Lui aussi siege sur le trone de son Pere (vii, 17), ou de I'un
des Animaux qui portent le trone (voir vi, 1-2, comment.).
— — A. B. 6. Pour λεγο'ντων, qui convient dans ce style, (A, P, Ap 11-95-2040,
vidg. Prim.), on trouve toutes les variantes possibles : λέγοντες [rec. K., peut-etre a con-
server, a cause meme de son irregularite, Boussei), λέγοντας, λέγοντος, λεγούσων, λεγούσης
(apres φωνής, pour 9'ονήν, dans And.). — έβασίλευσεν, aoriste ingressif, doit s'entendre de
I'acte par lequel Dieu est entro en possession de sa royaute, cfr. xi, 17. cc Voix de
tonnerres » et « d'eaux abondantes », cfr. xiv, 2, et i, 15.
C. 6. C'est I'Eglise universelle qui loue Dieu ; mais sa joie rend une note qui n'avait
pas ete exprimee dans celle des etres celestes, v. infra, v. 7. — Les trois versets 6-8
donnent a la section « romaine » une finale triomphale comparable a celle des Trom-
pettes. La chute de Babylone, I'ennemi actuel, le plus dangereux, qui paraissait tout a
fait inebranlable, fait presager deja le salut consomme, qui aura lieu a I'etablissement
definitif du Royaume. Ce n'est pas encore cet etablissement, puisqu'il y aura d'autres
luttes centre la Bote et ses « cornes » ; mais c'est un gage eclatant de la toute-puis-
sance du Sauveur, de meme que, dans les Synoptiques, la chute de Jerusalem inlidele
est un (( Avcnement » du Fils de rilomme, qui garaiilit I'avenir auxycuxdes croyanls;
276 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
C. XVIII. 9. ΚαΙ *λέγ£ΐ μοι" Γράψον" Μακάριοι ci ε\ς τι δεϊ-νον *τοΰ γάμιυ του
άονίου κεκλημένοι. Και λέγει μοί' Ojtci οι λόγοι αληθινοί *το;> Οεοΰ εισιν.
10. Και *ε7:εσα έμπροσθεν των χόοων αυτοΰ προσκυνησαι *αΰτω. Και *λέγει μ.οι'
*'Όοα μή' συνοουλός σου εΐμι ν.αι των άοελφών σου των έχόντοιν τήν μαρτυρίαν Ιησοΰ'
*τω θεω τροσκΰνησον. Ή γαρ μ7.ρ-\)ρ<.7. Ίησου έστιν το πνεύμα της προφητείας.
βασιλεία, βασιλεύειν ont dans I'Apocalypse le meme sens analogique et progressif que
dans les Evangiles. Aussi I'Eglise va-t-elle entrevoir et celebrer par avance le grand
jour bienheureux, \. 7.
. A. B. 7. yalp. κα\ άγαλλ., m6me alliance de mots que Mat. v, 12 ; άγαλλιώμεν,
forme active qui ne se trouve qu'ici dans le N. T.; ?'ec. K. : άγαλλιο^αεθα. — Le reflechi
Ιαυτου n'est pas d'un usage ferme dans VApoc, cfr. αύτη'ν de xviii, 7, d'apres A, C. —
Comparer iii, 20 (pour I'idee au moins), et xix, 9; xxi, 2, 9; xxn, 17; pour I'idee gene-
rale des noces divines, v. Excursus xxxyiii.
C. 7. L'Epouse de I'Agneau, c'est la Jerusalem celeste, et ce verset prepare la der-
niere partie du livre, chapp. xxi-xxii, suivantleprocede analyse si souvent des « emboi-
tements ». (Int. c. vii). Comme I'auteur s'est refere aux images des chapp. iv-v, ainsi il
forme de toutes ses visions prophetiques comme une seule extase (Calmes; v. Int.
c. xii).
—— B. C. 8. έΰο'Οη, tournure frequente a travers tout le livre. — λαμπρύν χαθαρόν,
comme xv, 6. C'est un vetement d'innocence (cfr. λευκον καθαρον, v. 14, infra, et voir
Exc. xii); il est la contre-partie de celui de Babylone. Mais ce qu'il faut surtout
remarquer ici, pour sa haute portee doctrinale, c'est que ce vetement de bonnes actions
a ete donne par Dieu, tout a fait selon I'enseignement de saint Paul, Eph. ii, 10 :
κτισΟέντες έν Χριστώ Ίησοϋ έπ'ι ε'ργοις αγαθούς, οίς :;ροητοίρ.ασεν ό θεός Ί'να εν αύτοΓς περιπαττ^σΌμεν.
D. 2" d. Epilogue de la section de Babylone (xix, 9-10).
IxT. — Nous avons fenconire des prologues dej'h; inais aucune des sections jusquici
commentees n'avait d'epilogue. Nous en trouverons deux autres, plus developpes, I'un
a la fin de la section proplielique {XXI, 5-8), V autre a celle de tout le livre (XXII,
6-21). Le fait que saint Jean ajoute encore ces deux versets, XIX, 9-10, a la copieuse
description de I'avenir de Rome, s'explique par I'impression profonde que cette reve-
lation dun interet si actuel avait produite dans son dine, et devait aussi produire en
celle de ses premiers lecteurs.
L'epilogue a de la valeur doctrinale, touchant le culte des Anges, et la nature du
charisme prop/ietique. — Pour ses origines aux yeux des critiques, et notre opinion,
voir ci-dessus, Ιλτ. a D 2" c γ.
A. B. 9. /αϊ λέγει, « et il me dit », au present, dans les deux versets. — του γάαου
omis Ν, Ρ, al., g. — του Οεοΰ pourrait etre une glose, intercalee d'apres xxi, 5, car ces
mots se trouvent a trois places diverses dans les mss. — Μακάριοι, quatrieme beati-
tude; cfr. I, 3; xiv, 13; xvi, 15; xx, 6; xxii, 7, 14. Image du feslin pour la beatitude,
cfr. Ill, 20; Luc. xiv, 15 : μακάριος δστις φάγεται άο-ον έν τί) βασίλεια του θεοϋ; Is. χχν, 6;
Mat. VIII, 11; χχνι, 29; Luc χ\η, ί8; IV Esd. η, 38. (F Esd., Chretien).
C. 9. Celui qui prend la parole ne pent etre que I'Ange du v. 10, le meme qui a
montre a Jean le sort de Babylone au ch. xvii. Un autre Ange des Coupes, qui lui
aura montre la Jerusalem celeste, parlera et agira de la meme maniere au ch. xxi.
Le messager d'en haut s'attache a penetrer I'homme de confiance dans ces pers-
pectives si rassurantes et radieuses qu'il pourrait avoir peine a y croire.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 277
C. xvln. 9. Et il me dit : « Ecris : Heureux ceux qui ont ete appeles au
festin des noces de TAgneau ! >> Et il me dit : « Ces paroles sont [les paroles]
veridiques de Dieu. »
10. Et je tombai devant ses pieds pour me prosterner devant lui. Et il
me dit : « Non! prends garde,..., je suis ton compaguon de service, [k toi] el
a tes freres qui ont le temoignage de Jesus; prosterne-toi devant Dieu. »
Car I'esprit de prophetie est le temoignage de Jesus.
A. B. 10. έπεσα, Int., c. x, § II. — προσκ. avec le datif, « se prosterner »
"Opa (xrj, comme infra, xxii, 9, ellipse qui doit etre tres familiere; sous-entendu
ποιηστις; notre traduction : « Non! prends garde [de]... » est assez litterale, puisqu'ellc
rend les deux mots, avec la suspension. — Scene toute pareille xxii, 9; elle rappelle,
non Hen. eth. lxxi, 11-12, ou il n'est pas question d'ange (cfr. Spina), mais littera-
lement Asc. Is. vii, 21. — μαρτ. Ιτ^σ. cfr. i, 2, 9; xx, 4; « ceux qui ont le tern, de
Jesus », comme xii, 17; vi, 9.
C. 10. Dans son enthousiasme, Jean se jette aux pieds de I'Ange, et celui-ci proteste
centre cet honneur, car un prophete est presque son egal. Cette scene peut etre
traditionnelle, car on la retrouve dans V Ascension d'lsa'ie, vii, 21 : « Et je tombai
sur ma face afin de I'adorer, et I'ange qui me conduisait ne me le permit pas, mais
il me dit : « N'adore ni trone ni ange qui soit des six cieux — d'oii j'ai ete envoys
pour te conduire, mais seulement (celuij que je te dirai dans le septieme ciel » (trad.
Tisserant). Comme la « Vision d'lsaie » [Asc. Is. vi, 1-xi, 1, 23-40) est un ecrit Chretien
a placer, d'apres Tisserant, vers le milieu du ii" siecle, il est possible encore que cet
Apocryphe se soit inspire directement de notre Apocalypse.
En tout cas, Jean a donne a cet incident la portee d'un enseignement polemique
contre les exces du culte juif, ou judeo-chretien, des Anges; ou, mieux encore, contra
des pratiques gnostiques contemporaines, peut-etre en usage chez les Nicolaites des
Lettres; cfr. Col. ii, 18; Ileb. i-ii; Jiide, 6; II Pet. ii, 4, 11 (Int., c. ii).
Μαρτυρία Ίησου, en d'autres passages, signifie la revelation chretienne commime;
serait-il ici, comme croit Bousset, restreint tendancieusement au charisme des pro-
phetes? Pas du tout; le sens est que la prophetie s'appuie sur le temoignage rendu
par Jesus, et touchant Jesus (Ί/ισου serait ici, peut-etre, genitif de sujet et d'objet
a la fois), et que possedent, avec plus ou moins de profondeur d'intelligence, tous
ceux qui ont la foi, mais les prophfetes a un degre plus eminent. Nous faisons πνεΰαα
sujet de la proposition, et μαρτυρία predicat. Apringius : « Testimonium Jesu, catho-
licae confessionis est vera professio... Spiritus enim prophetiae Veritas et judicium
et justitia est, quae in catholicae fidei plenitudine continetur. » L'Apotre, par la bouche
de I'Ange, ou en expliquant I'attitude de I'Ange, ailirme done que son Apocalypse
inspiree n'est qu'une explication des enseignements du Maitre, et de la lui vient sa
valeur « The possession of the prophetic Spirit, which makes a true prophet, shews
itself in a life of witlness to Jesus which perpetuates Ilis wittness to the Father
and to Himself. The two things are in practice identical; all true prophets are
witlnesses to Jesus, and all who have the wittness of Jesus in the highest sense
are prophets » [Swete).
D. 3°. JUGEME.NT DU VERBE DE DIEU SUR LES BETES, PRISES DANS TOUTE
l'amPLEUR DE LEUR SIGIVIFICATIOIV OU RUINE DE l'aNTECHRIST EN GENERAL (XIX, 11-21).
Int. — C'est I' extension a tous les lieux et a tous les temps des j'ugements deja
esquisses dans la vision des Coupes, et presentes c.etle fois comme une seconde p/iase,
278 APOCALYPSE 1)E SAINT JEAN.
C. XIX. 11. Και είδον τον cijpavbv ήνεωγμ-ένον, και tcs'j l~~cq λευκός, και 6
καθήμενος έ•::' αατον καλούμενος ττιστος καί αληθινός, και *έν δικαιοσύνη y.piwzi και
πολεμεΐ. 12. Οί *δέ οφθαλμοί αυτοΰ *[ώς] φλόξ ■ττυρός, και ϊτ.Ι τήν κεφαλήν αυτοϋ
διαδήματα χολλά, *εχων όνομα γεγραμμε'νον ο ουδείς οΓδεν ει μή αυτός, 13 και περι-
βεβλημένος ίμ,άτιον βεβαμ,μένον αίματι, και κέκληται το όνομα αΰτου ό λόγος του
θεού, 14. Και τα στρατεύματα τα εν τω οΰρανω ήκολούθει *αΰτω εφ' ί'χττοις λευκοϊς,
*ένδεδυμένοι βυσσινον λευκον καΟαρόν. 15. Και εκ τοϊ5 στόματος αΰτοΟ εκπορεύεται
ρομφαία οξεία, ίνα *έν αυτή χατά^η τα εΟνη" και *αυτος χοιμανεί αυτούς *εν ράβδω
σιδηρά' και *αυτος χατεϊ την ληνον του οϊνου του θυμού της οργής τοΰ θεοΰ του τταντο-
κράτορος. 16. Και έχει έχΊ το *ΐμ.άτιον και έπι τον μηρον αυτοΰ όνομα γεγραμμένον*
Βασιλεύς βασιλέων και κύριος κυρίων.
17. Και ειδον *ένα αγγελον έστώτα έν τω ήλίω, και έκραςεν *[έν] φωνή μεγάλη
plus generale, des vengeances du Christ contre I'Anlechrist. L'cmpire des Cesars,
I'ennemi actuel de Dieu, a ete prophetiquemcnt ancanti; il nc sera plus question de
Rome, elle est tombec dans I'abime du jugement. Mais, apres que les « Tetes » ant
disparu, la « Bote » survit ccpendant avec ses Comes, toujours aidee par le Pseudo-
Agneau qui la fait adorer. Que deviendra finalement cet Anteclirist a deux faces?
Jean va nous le dire, dans une vision rapide ct fulgurante, oil il ne s'attac/ie plus
a aucune contingence historique, car il devoile ici des fails trop generiques ou trap
eloigncs. Du plan des evenemcnis contemporains , il transporte ses lecteurs dans celui
de I'histoire universclle, ct condense I'ensenible des triomplies du Christ, jusqu'a la
Parousie inclusivement, dans Vitnage, chere aux anciens prophetes, de la grandc
bataille du « Jour de Jehovah », qu'il a deja touchee XIV, 20; Xf'I. 16; XVII, 13-li.
La structure de ce niorceau est absolumcni idenlique a celle de la section precedente,
et de I'ensenible de la partie prophctigue :
a) Presentation des personnages {XIX, 11-16), avec un passage dogmatiquc de la
plus haute valeur, sur le « Verbe de Dieu » ;
b) Preamhule a I'action, XIX, 17-18 : un Ange proclanie la victoire, ainsi qu'aux
visions de preparation, VI-VIII, 1 et XIV, 6-W.
c) Execution, XlX, 19-21.
L'origine de la pericope, pour un bon nonibre de critiques, serait j'uive, sauf le λόγος
τοΰ θεοΰ, qui serait une interpolation. (Weyland : 2; — Sabatier; — Spitta : J'; —
Job. Weiss : conclusion de Q, qui ne comprendrait plus ensuite que XXI, 9-13; 15-βη
et XXII, 1-2. — Voller I'attribue, lui, a Cerinthe). Mais Erbes retrouve ici I'Apoc.
chretienne de Ian 80, Bruston celle du temps de Xeron; Weizsacker, Schoen [qui
croit le niorceau refondu par un editeur), Bousset, reconnaissent bien la continuitc
du niorceau avec I'ensenible. Job. AVeiss declare peremptoirenient que ce combat
du Messic, quoique arrange par Γ « Editeur », ne saurait, pas plus que I'enlevement
du Messie au chap. XII et la majeure partie de XIII et de XVII, appartenir a I'Apo-
calypse primitive; c'est « un des plus indubitables resultats de toute la critique ».
Ce serait, replique Bousset, bien facheux pour « toute la critique ». En effet, la pericope
est liee tres organiquement a ce qui precede : le Messie transporte au del au chapitre
XII reparait triomphant sur la terre. II est encore niieux de dire que I'Agneau et
son armce, campes en face des Betes au cliap. XIV, prennent enfin I'offensive qui va
aneantir le Regne de V Anteclirist. Pen importe que I'aspect du Messie ait change;
Jean est coutumier de ces variations. Ici il revient a la figure du chap. VI, le Cavalier
au cheval hlanc, qui represcute le Verbe ou I'oeuvre du conquete du Verbe, tandis que
I'Agneau, sur terre, figure surtout le sejour paisible du Christ au milieu des siens.
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 279
C. XIX. 11. Etjevis que le ciel s'etait ouvert, et voici un cheval blanc,
et Celui qui etait assis sur lui [est] appele Fidele et Veridique, et c'est dans
la justice qu'il juge et fait la guerre. 12. — Or ses yeux [sont] [comme(?)j une
flainme de feu, et sur sa tete [il y a] des diademes nombreux ; ayant un nom
ecrit que personne ne connait si ce n'est lui, 13 et enveloppe d'un manteau
trempe de sang; et son nom a ete appele : le verbe de Dieu. li Et les armees
qui sont au ciel Faccompagnaient sur des chevaux blancs,[et etaient] revetus
{.sic) de byssus blanc Tet] pur. 15. Et de sa bouche il sort une epee aigue,
afin qu'il en frappe les nations; ct lui il les paitra avec une verge de I'er; et
lui il foule la cuve du vin de la fureur de la colere de Dieu le Tout-Puis-
sant, 16. Et il a sur son manteau et sur sa cuisse un nom ecrit : Roi des
Rois ET Seigxeuu des Seigxeurs.
17. Et je vis un Ange qui se tenait debout dans le soleil, et il cria d'une
Concluons done avec Bousset que « tons les motifs » — au moins les principaux —
« mis en avant jusqu'ici s'accordent dans une triomp/iantc finale »; et cette considera-
tion a plus de poids que toutes les reussites des « Literarkritiker ».
A. B. 11. « Ciel ouvert », cfr. iv, 1; Ezech. i, 1. — ίππος λ£υ/.ος, cfr. vi, 2. — καλού-
μενος, omis A, P, And. en general, Hipp., von Soden, ou transpose. — πυ-. et άλτ,θ.
comme i, 5; in, 7, etc.; termes unis iii, 14, et appliques au Christ, puis xxi, δ et xxii, 6,
appliques aux paroles divines. — έν διχ. κρ. cfr. Is. xi, 3, 4; έν instr.
C. 11. Nousavons entreprisde demontrers«/)ra, Exc. xix, I'unite de cette figure avec
celle de vi, 2. Joh. Weiss, qui attribue ceci a Q, et prend les 3 ans 1/2 des Betes a la
lettre, se demande gravement comment le Messie, qui n'etait qu'un enfant au ch. xii,
et quand la Bete a paru, a pu atteindre si vite Γ « age adulte du Christ » {Eph. iv, 13),
dans I'idee de Γ « Editeur » ? L'ingenuite de cette question montre combien il est
impossible de voir dans 3 i/2, 42, des mesures litterales. — Le Messie, qui etait
adulte au ciel, et parcourait deja le monde par sa parole (vi, 2), et residait au milieu de
I'Eglise (xiv, l-sui\'.), tient la parole donnee aux croyants de leur assurer la victoire
(Lettres); car il est « le Fidele » et celui qui ne trompe jamais (iii, 14). Les verbes
« juge » et « fait la guerre » sont des presents, parce que, malgre le choix du « Jour
de Jahweh « pour le symbolisme de cette scene, les jugements du Christ se sont tou-
jours, depuis I'lncarnation, exerces dans le monde, d'une maniere plus ou moins
visible.
. A. B. 12. δέ, rare dans I'Apocalypse (Lnt., c. x, § I), ne marque pas iei oppo-
sition. — ε/ων equivaut ici a un verbe fini (Ιλτ., c. x, § ii). — ώς devant φλο'ς se trouve
A, nombreux Jnrf., lat., syr., boh., Orig., il n'est pas admis de Soden; Tl-Zf hesite. —
φλο? πυρός, cfr. I, 14; II, 18; — διαδήματα, cfr. στέφανος de \I, 2 (V. Exc. xix). — όνομα δ
ουδείς κτλ, cfr. π, 17.
C. 12. Cette nouvelle image du Clirist conquerant correspond pour I'essentiel a celle
du ch. VI, 2; mais elle s'est enrichie de plusieurs traits empruntes a la vision du ch. i•^"•
et aux Lettres, ou nous les avons expliques deja; on voit comme il est raal a propos de
chercher ici une source dilTorente. II porte des « diademes nombreux », a cause de
tous Ics peuples qu'il a deja conquis au cours indetermine de I'histoire, et ce vrai Roi
apparait ainsi comme la contre-partiedu Dragon, prince de ce monde (xii, 3), et de I'An-
techrist (xiii, 1), avec leurs multiples totes couronnees. Mais quel est ce « nom que
personne nc connait, si ce n'est lui-meme » ? II est peut-etre ecrit sur son front (cfr.
280 APOCALYPSE 1)E SAINT JEAN.
λέγουν ττατιν τοις ορνεοις tcic ζετομένοις έν μεσςυρανήματι" Δεϋτε. συνάχΟητε ε'.ς το
osiTTVCV το μέγα του θεού, 18 ίνα ©άγητε σάρκας βασιλέων και σάρκας χιλιάρχων κα•
σάρκας ισχυρών κα'ι σάρκας ϊττττων και των καθημ,ένων *έ•::' αυτών, κα'ι σάοκας πάντων
ελευθέρων τε και οοΰλϋ)ν και μικρών και μεγάλο^ν.
19. Και ειδον το θηρίον και τους βασιλείς της γης και τα στρατεύματα αυτών συνηγ-
μένα ζοιησαι τον ττόλεμον μετά του καθήμενου *έ7:Ί του ί'ζπου και μετά του στρατεύ-
ματος αυτού. 20. Και *εκΐάσθγ; το fiT,piow και μετ αυτού ό ψευδο-ροοήτης ο ττοιήσας
τα σημεία ένιότιον αϋτου, *έν οίς έ'κλάνησε τους *λαβόντας το χάραγμα του Br,pic-j και
τους *7:ροσκυνοΰντας *τη εΐκόνι αυτού" ζώντες *έβλήθησαν οι δυο ε'.ς τήν λίμνην του
ζυρος *της καιομένης *έν θείω. 21. Και οί λοιττοι ά-εκτάνθησαν *έν τη ρομφαία του
καθήμενου έ::Ί του ί'•;:7:ου τη έξελθούση εκ του" στόματος αΰτοΰ, και ττάντα τα ορνεα
έχορτάσθησαν έκ των σχρ'/Μ'^ αυτών.
XVIII, 5). Est-ce en traits que le voyant lui-meme ne peut pas dechiffrer IHolizmann)?
Bien plutot c'est un nom dont on ne saurait penetrer la signification totale dans I'etat
present; car οΤδα, dans le style johannique, signifie « penetrer, connaitre a fond »
(Abbott, Joh. voc. 1621-1629, 1715). Ce nom exprime son essence, qui n'est penetrable
qu'a la science divine (voir a ii, 17). Pour le determiner, il n'y a pas a chercher bien
loin, ni a penser, avec Bousset, a un nom magique ; rien ici ne sent le paganisme. Le
Voyant a lu ce nom, mais I'a trouve insondable; c'est « ό λόγος τοΰ θεοΰ », qu'il ecrira en
toutes lettres au \. 13. Andre : I'Homme-Dieu est connu sous beaucoup de noms,
tires de ses vertus et de ses ceuvres ; mais a Lui seul, ainsi qu'au Pere et a I'Esprit, il
est connu parfaitement selon sa substance ; το δέ αγνωστον τοΰ ονόματος το της ο5σίας αύτοΰ
σημαίνει (ί/.ατάληπτον. Ainsi Calines et la plupart des catholiques anciens et modernes,
Swete, meme J oh. Weiss, qui irrterprete ainsi I'idee de Γ « Editeur », formee dans les
cercles johanniques d'Ephese.
I A. B. 13. Pour βεβαμμένον (de A, Q-1070-O46, al., Soclen, Bousset, \estle), on
trouve ailleurs divers synonymes approximatifs, entre autres ρεραμμένον « arrose » ;
mais βάτζτω signifie « baigner », reference certaine a Is. lxiii, 3, le guerrier vainqueur
dEdom. — « Verbe de Dieu «, expression qui ne s'etait trouv'ee jusque-la que Sap.
Sal. xviii, 4-25; dans Heb. iv, 2, elle ne parait pas avoir pris encore le sens personnel.
C. 13. Le sang qui baigne I'habit du Messie, d'apres Isaie, signifie dabord, figura-
tivement, celui de ses enneniis ecrases, qui a rejailli de la cuve de colere {infra xix,
15, et XIV, 20) ; mais il peut y avoir aussi allusion au sang du propre sacrifice de
I'Homme-Dieu. — Le nom secret, « δ λόγος τοΰ θεοΰ », fournit un des signes les plus
lumineux de I'origine johannique de I'Apocalypse (Int. c. xiii, ii, § II). II ne manque
dans aucun lemoin; si les commentateurs liberaux en mettent en doute I'authenticite,
au moins le caractere primitif, — ce serait une glose « johannique » pour expliquer le
verset precedent, Bousset, al., — ils ont leurs raisons pour raisonner ainsi, mais leur
critique n'a d'autre fondement que leurs prejuges litteraires, et leur incapacite a
s'elever a cette vue doctrinale, elementaire pourtant dans la theologie catholique,
qu' Apringius expose en ces termes : « Sicut pro inetTabilitate \irtutis ejus supra fate-
tur incognitum omnibus esse nomen..., ad professionem nostrae fidei... Verbum Dei
esse significat » ; parce que le nom de Verbe lui-meme ne nous donne qu'une connais-
sance imparfaite et purement analogique de I'etre divin du Fils. Ainsi le comprend
toute I'exegese catholique, et les anglicans orthodoxes. — La recherche de I'origine
historique de I'expression « Verbe de Dieu », des rapports avec la « Sagesse » de ΓΑ.
T., le « Memra « des rabbins, les conceplions d'Heraclite, des stoiciens, de Philon,
appartient au commentaire du IV* Evangile.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
281
grande voix, disant ci tous les oiseaux qui volent au milieu du ciel : « Arri-
vez! rassemblez-vous pour le grand repas de Dieu, 18 afin que vous mau-
giez des chairs de rois et des chairs de chiliarques, et des chairs de puis-
sants et des chairs de chevaux et de ceux qui sont assis sur eux, et des
chairs de tous les homines libres et esclaves, et pctits et grands! »
19. Et je vis la bete et les rois de la terre et lours armees qui s'etaient
rassemblees pour faire la guerre avec celui qui est assis sur le cheval, et
avec son armee. 20. Et elle fut saisie la bete, et avec elle le faux prophete,
celui qui avait fait les signes [prodigieux] en face d'elle, par lesquels il
avait egare ceux qui avaient recu i'empreinte de la Bete et ceux qui se
prosternent devant son image; vivants ils furent jetes tous deux dans
Tetang du feu, embrase de soufre. 21. Et le reste fut mis a mort par I'epee
de Celui qui etait assis sur le cheval, [I'epee] qui etait sortie de sa bouche, et
tous les oiseaux furent rassasies de leurs chairs.
A. B. C. 14. Ici αύτώ, 'regulier, et non [ΐετ' αυτοΰ, comme vi, 8; xiv, 13, apres
ήκολούΟει. — Le masculin £v5£ou[jivoi, accoi'd ad sensum. — Pour Γ « armee du ciel »,
cfr. XII, 7, les Anges de Michel. — Comme Agneau, le Christ est suivi des saints;
comme guerrier celeste, venant juger, il amene les Anges {Swete). C'est un luxe de
rapprochements bien superflu que de citer ici, avec Volter, les Fravashis des Perses.
I A. B. 15. έν instrum. bis; — noter I'emphase de κα\ αύτος... κα\ αύτος. — ot-
στο;χος apres pojAcpata, d'apres i, 16, dans rec. K, Tert., Cyprien. — του Ou[j.ou omis af., g,
syr.. Prim., pour ameliorer le style. — « Glaive sortant de la bouche », cfr. i, 16; ii,
12. — « Verge defer », cfr. ii, 27; xii, 5; d'apres Ps. ii, 9; Ps. Sal. xvii, 26-27. — La
« cuve » foulee, voir xiv, 19.
C. 15. Nous avons vu, au ch. ι^•", que le glaive est une arme spirituelle plutot que
materielle. Apringius, al. : « percutere dicitur... liberare, damnare, justificare, eripere,
salvare ». Jo/i. Weiss : V « Editeur » fait sortir le glaive de la bouche, pour signifier
que le jugement sera moral, s'executant par la parole. On pent comparer Heb. iv, 12,
et noter raffinite avec I'esprit du IV^ Evangile, ού I'homme se juge lui-mSme en se
refusant a la foi de I'Evangile qu'il entend, Job. in, 18-20. — La « verge de fer »
symbolise le pouvoir ineluctable et infrangible, et la metaphore de la « cuve >>, le cote
terrible de cette domination, a I'egard des pecheurs obstines.
' A. B. 16. [λέτωπον pour ίιχάτιον, dans α 503-156-616; to bx. κα( omis Λ. — Βασ.
βασιλέων και κυρ. κυρίων, comme xvil, 14 (Γ Agneau).
C. 16. Le Cavalier divin porte, inscrit probablement sur un ceinturon ou un bau-
drier militaire [Diisterdieck, Holtzm., Bousset, etc.), un titre intelligible en soi, et qu'il
ne faut pas confondre avec le nom mysterieux du v. 12. La designation « roi des rois »
avait autrefois distingue en Asie des souverains au vaste empire, comme les Acheme-
nides, et elle etait aussi un predicat divin. Puis des monarques moins puissants, ceux
d'Armenie, du Bosphore, de Palmyre, se I'approprierent, d'apres des monnaies et des
inscriptions. Jean la rend a celui-Ia seul a qui elle convient, et la fait suivre de « Sei-
gneur des Seigneurs », car Jesus est le maitre du pretendu « dominus et deus » qui siege
a Rome de son temps. Cfr. I Cor. viii, 6.
' A. B. 17. ?va pour τίνα (Lnt. c. x, § II) omis rec. K., et remplace par ά')νλον χ,
α 503-156-616, syr., copt. — έν instrum, dans rec. ΑΓ., al., rejete par Soden. — Cfr.
pour les vv. 17-18, Ezech. xxxix, 4; 17-20, extermination de Gog; pour I'appel aux
oiseaux cfr. aussi Mat. xxiv, 28.
282 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
A. B. 18. Pour Ιπ' αύτων de Ν, etc. que nous conservons avec Soden, al., a cause
do I'usage caracteristique de Jean (Int. c. x, § II), Λ lit έπ' αυτούς, d'autres έπ' αύτοΓς.
— τε, omis dans quelques And., n'apparait qu'iei. — Cfr. Ezecliiel. — L'enumeration
βασιλέων κτλ. rappclle celle de vi, 15.
C. 17-18. Jean s'est inspire dans cette pericope d'Ezechiel et de son realisme assez
brutal; inutile d'adoucir I'image, et de prendre, avec Andre, les oiseaux carnassiers
pour les Anges dont la nourriture est raccomplissement de la volonte de Dieu; I'in-
fluence litteraire de la tradition relative a Gog et Magog reparaitra plus explicitement
au ch. XX, 7-suiv. II ne faut pas toutefois oublier que, si saint Jean a fait cette conces-
sion au style apocalyptique, les triomphes du Verbe sont avant tout spirituels. Ce
combat contre les « rois de la terre «, vassaux de la Bete, s'identifie a celui qui se
preparait a Harmagedon, xvi, 16, — et, pensons-nous aussi, a celui de xx, 8 (v. infra),
I'un et I'autre passage s'inspirant visiblement de la meme description d'Ezechiel.
-^— A. B. 19. επί του ίππου, genitif a cause de χαθημένου (Int. c. x, § II). — « Rois
de la terre », cfr. xvi, 14.
A. B. 20. έπιάσθη, forme dorienne pour έπιέσθη; πιάζειν, a divers temps et modes,
se trouve huit fois dans le IV« Evangile, — c'est done un mot « johannique », —
deux fois dans les Actes, et une fois II Cor., contre une seule fois πιέζε-.ν, Luc vi,
38. — bi instrum, deux fois. — Remarquer la coordination de I'aoriste λαβ. et du
present προσκ., qui est peut-etre intentionnelle; — προσκ. avec datif, « se prosternant »;
— βληθτ^σονται pour έβλη'θησαν, dans quelques And. — την λί(Λνην... της καιομένης, faute de
distraction (ν, A, C), amenee peut-etre par le voisinage de πυρός; vulg. « ignis
ardentis » (Int. c. x, ,ii II, et c. xiii). — « Faux prophete « cfr. xvi, 3, et xiii — « Em-
brase de soufre », Is. xxx, 33; Dan. vn, 11, etc.
A. B. 21. έν instrum. — Le repas de cadavres, supra v. 18, d'apres Ezech. cfr. Hen.
eth. XLVi, 4-6.
G. 19-21. La Bete cherche a s'echapper, mais elle est capturee, έπιάσθη {Swete).
Le combat n'est pas decrit, mais seulement son resultat; c'est la encore un trait
« johannique », car, dans le IV« Evangile, nous voyons que les miracles ne sont guere
decrits dans leur fieri; I'Apocalypse elle-meme a quelque chose de cette reserve. (Int.
c. XIII, II, §§ IV-V).
C'est la destruction definitive des deux systemes allies d'opposition a I'Evangile que
representent les Deux Betes; il n'en restera plus rien des que le Christ voudra, et c'est
ce que veut dire la metaphore qu'elles seront livrees au feu; ce trait n'implique nuUe-
ment que ces monstres soient des personnes plutot que des coUectivites; plus loin, ce
sont des abstractions comme la « Mort » et Γ « Hades » qui seront aussi jetees dans
I'etang de feu (xx, 14). Dans I'abime de perdition, qui represente a la fois I'enfer des
damnes et le neant oii sombrent les institutions humaines hostiles a Dieu, Jean
precipite pele-mele les personnalites et les personnifications auxquelles son ardent
esprit a donne vie.
Malgre les details realistes qui sont tout a fait dans le gout juif, n'oublions pas
que le scenario traditionnel couvre une victoire qui est spirituelle avant tout, et que
Γ « epee » est, dans son principal sens, la force de persuasion de la parole divine, cette
arme dont parle saint Paul, Eph. vi, 17 : τήν [jia/aipav του -νεύ;αατος, δ εστίν ρήμα Οεοΰ, ainsi
que Heh. ιν, 12. Cette vision trouvera sa pleine realisation a la Parousie de Notre-
Seigneur; mais aussi elle s'accomplit et s'accomplira, dit Swete, dans tout grand
mouvement de conversion au christianisme; on pent en esperer des accomplissements
plus entiers dans I'avenir.
C'est de la fantaisie d'evoquer ici Tiamat ou I'eschatologie des Perses; nous revien-
drons sur ces questions, pour une solution definitive, au chap. xx.
Ε. DEFAITE PERSONNELLE DU DRAGON : SON INCARCERATION
PENDANT MILLE ANS, ET L'ANEANTISSEMENT DE GOG ET DE MAGOG
(XX, 1-10).
Int. — Dans I'ordre inverse de celui de leur apparition, Jean nous fait assister a la
mine des adversaires du Regne divin. Rome pa'ienne a ete bralee el devoree par la
Rote elle-mcme et les rots de la terre; puis le pouvoir des Retes, ou de I'Anteclirist,
est aneanti par le glaive du Verbe. Restait le dernier et perpetuel adversaire, dont les
autres n'etaient que les instruments /listoriques, le Dragon. Des le ch. XII, nous le
voyions virtuellement vaincu, depuis que Michel la precipite du ciel; le tableau pre-
sent nous montre Vimpuissance oil, des lors, il a ete reduit si Ion a regard au fond des
choses, et I'echec de la supreme tentative qu'il fait pour retablir son pouvoir. L'lwrizon
s'elargit toujours aux yeux du Voyant; d'abord il a embrasse I'histoire de son epoque,
ensuite I'histoire universelle, maintenant son regard plonge dans les grands evenements
invisibles et surnaturels, dont tous les precedents n'etaient qu'une manifestation el une
consequence. II ne faut pas s'etonner si le ton change, et devient celui de la plus iriom-
pfianle securite, avcc une mention presque negligcnte, dans un raccourci conventionncl,
de la slralcgie defensive de Satan et de son echec final.
Avec celle breve pericope nous abordons le probleme, sinon le plus ardu, du moins le
jilus discule, de I'Apocalypse, celui du MILLENIUM. Les lignes precedentcs montrent
comment nous le resoudrons. Selon nous, ce tableau nest qu'une « recapitulation » des
precedents ; mais 7ious ne disons pas une « repetition » pure et simple ; il n'en est da
reste point de lelles dans ce livre si savamment construit (Ιλτ. c. VII). Degage des
contingences historiques el de tout le va-et-vienl des apparences, le regard de I'homme
■qui ecrira plus lard Γ « Evangile spirituel η penetre ici jusqu'aux dernieres profondeurs,
et oublie pour ainsi dire I'accidentel pour ne contempler que la marche rectiligne du
plan immuable de notre salut. C'est une page transcendante, comme celle qui a servi
de prologue a celle partie, la vision de la Femme et du Dragon; on pourrait joindre
XX, 1-10 a XII, 9, car e'en est la suite logique, aprcs une longuc parenthese de pro-
pliclies particulieres; le cycle s'achcve dans le monde surnaturel oil il avail com-
mence, il rejoint le plan du spirituel et de I'invisible, comme un courant de lumiere
divine qui n'a fait que traverser le monde varie des realiles huinaines, pour montrer
oil les entraine la volonte irresistible de Dieu et de I'Agneau.
Ainsi, dans I'inlerprelation du Millenium, nous suivrons la solution definitive donnee
par saint Augustin. Elle a bien a se defendre contre des objections qui paraissent trcs
graves a premiere vue; il faudra done j'ustifier noire exegese, en dehors du commen•
laire direct, par une dissertation d'unc certaine anipleur, Exc. xxxvii.
Les critiques indcpendants ne sonl plus des « niillenaristes » comme les anciens, mais
presque tous altribuent a Jean un « chiliasme » juda'ique, du meme ordre que celui de
Papias; nous verrons ce qu'il faut penser de leurs affirmations peremploires. Pour ce
qui est de I'origine litteraire du morceau, Volter voit dans XX; XXI, 1-13; 15-21;
XXII, i-6, la conclusion de I'Apoc. de Cerinthe ; Weyland, la fin de 1, juif, avec XX,
ll-fin, XXI, 1-8; Sabatier, dans XX, 1-10, un fragment d'origine Juive; Spitta attribue
1-3; 8-15 a /', tandis que 2*, k-T, 12*, apparliendraient au « Redacteur » ; Erbes
date 1-10 et li* de Ian 80, et 11-15 de Ian 62 (le tout chretien): Briggs termine ioi
son Apoc. du Dragon: Job. Weiss laisse i-4»; 6-il a Jean, et donne i^-5; 12^-15 a
V a Editeur ». Etc. Inutile de revenir sans ces$e a la critique deces theories ingenieuses.
284 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
Nous ροΐΗ•οη5 partager le morcenu en trois parties : '
1") XX, 1-3. Position respective des forces divines et angeliqnes sous le regime de
V Incarnation.
2°) i-6. Le Regne spirituel des Saints, resultant de I'impuissance relative du Dragon;
Jean emprunte ici ses images aux idees courantes des Juifs sur le « Regne interme-
diaire » du Messie.
3°) 7-10. La rebellion infructueuse du Dragon, avec Gog et Magog; schema, rac-
courci, dont la donnee est traditionnelle egalement, et empruntee a Ezechiel.
La forme de cette vision est presque toute empruntee a la tradition, et demeure assez
abstraite, h cause justement de son etendue et de sa profondeur. « L'Ange, dit fort bien
Bossuet, apres lui avoir represento {a Jean) par les images les plus vives et les plus ex-
pressives ce qui etait plus pri's de son temps » — disons plus Iiumain, exteriedr et visible
— « ... lui monlre de loin ct comme en confusion les c/ioses plus eloignees » — ou plus spi-
rituelles et cachees — « a la maniere dun peintre qui, apres avoir peint avec de vives
couleurs ce qui fait le principal sujet de son tableau, trace encore dans un lointain
obscur et confus d'autres choses plus eloignees de cet objet ».
C. XX. 1. Και ειδον άγγελον καταβαίνοντα εκ του ουρανού, έχοντα τήν *κλεΐν της
αβύσσου, καΐ άλυσιν μ.εγάλην έπι τήν χείρα αυτού. 2. Και έκράτησεν τον δράκοντα,
*ο όφις 6 αρχαίος, ος έστιν Διάβολος κα\ ό Σατανάς, κα\ εδησεν αϋτον χίλια ετη.
3. Και εβαλεν αυτόν εις τήν άβυσσον, και εκλεισεν και έσφράγισεν έ-άνω αΰτου, ϊνα
μ.ή πλανήσγ] ετι τά ^'θνη, άχρι τελεσθη τα χίλια ετη" μετά ταϋτα δεΐ λυθηναι αϋτον
μικρόν χρόνον.
Α. Β. 1. κλεΓν (pour κλεΓδα), forme attique qui revenait en usage, cfr. i, 18, τάς χλεί"ς:
cfr. Bl.-Deb. § 47, 3. — « Cle de lAbime «, cfr. ix, 1 (I'etoile tombee que nous identi-
fions, apres Alford, a Satan), et i, 18, le Christ tenant les « cles de la mort et de I'enfer ».
C. 1. L'expression χαί εΤδον, comme le note Swete, n'equivaut pas a μετά ταύτα εΙδον;
comparer XIX, 11, 17, 19, et plus loin xx, 4, 11, 12; xxi, 1, avec xviii, 1 ou xix, 1. Elle ne
determine pas, comme la seconde, I'ordre chronologique des visions, mais etablit sim-
plement un lien entre des visions que I'ecrivain, pour n'importe quelle raison, a juge
bon de rapprocher dans une meme partie de son livre. Cette remarque a son importance ;
car il s'ensuit qu'on ne pent afTirmer que les evenements introduits par χα\ εΤδον devront
suivre dans I'ordre du temps la destruction de la Bete.
• A. B. 2. ό ό'φι; coordonne a δράκοντα, Ιχτ. c. χ, § II; cfr. xii, 9. — εδησεν,
cfr. Is. XXIV, 22, eschatologique. — -/(λια έ'τη, cfr. Ps. civ, 8, I'alliance pour mille gene-
rations. — Sur les rapports avec I'eschatologie pehlvie, voir Exc. xxxvi.
C. 2. Joli. Weiss trouve surprenant que, pour vaincre et lier Satan, I'ennemi person-
nel de Dieu, il ne faille que la main d'un Ange. Mais rappelons-nous que Satan a ete
vaincu, au ch. xii, par Michel et ses Anges. Le Verbe en personne a paru contre ses
ennemis humains, au ch. xix, parce qu'il les subjuguait par le glaive de sa Parole,
qui n'a rien a faire contre I'inconA'ertissable Satan. D'ailleurs, ce sont aussi des Anges,
au ch. \u, qui ont marque au front les olus, pour les preserver ainsi des seductions
diaboliques; ce rapprochement est bon a noter pour I'intelligence du Millenium.
Le sens doit etre le meme que Mat. xii, 29; Luc xi, 21 sur le « Fort lie » par Jesus ;
et les « Mille Ans » sont un nombre rond, marquant une duree quasi indefinie (Exc.
XXXVII et Int., c. v, 1, § II). Depuis saint Augustin, et apres la mine du chiliasme, les
commentaires, Andre, Beatus, etc., Font toujours ainsi entendu.
■' B. C. 3. χρο'νον μικρόν est relatif, comme vi, 11. — L'abime est le lieu, le reser-
APOCALYPSE DE SAINT JEAX. 285
voir des fleaux spirituels surtout (cfr. ix, 1,2, 11; xi, 7; xvii, 8). Pour I'Abime clos,
cfr. Oratio Manassis, 2-4. C'est une demeure tout a fait appropriee a Satan, lequei
peut bien etre le meme que I'Ange de rAbime, rApolIyon de ix, 11. Mais il ne peut
plus y entrer ni en sortir a son gre, car I'Ange y a enferme sa rage impuissante :
I'Ennemi de Dieu et des homnies est bloque dans son fort, d'ou il ne peut plus pour
longtemps faire de sorties, du moins de sorties aussi dangereuses que celles du passe.
Malgre la force des termes, le contexte (7-suiv.) indique que cette incarceration n'etait
que relative (vid. ad loc). Les seductions de Satan ne seront plus aussi dangereuses
pendant ces mille ans (Bossiiet, etc., apres saint Aug. Civ. Dei xx, \ii et vni). Saint Jerome,
(dans le comment, de Victorin corrige), saint Augustin, et toute I'exegese qui precede
d'eux, comptent ces mille ans depuis le premier Avenement du Christ jusqu'a la con-
summation; quant a lacourte periode de delivrance de Satan, ils ridentifientjustement
avec les 3 ans 1/2 de I'Antechrist; les anciens les prenaient a la lettre; nous avons
largement explique comment, selon nous, le texte oblige a les entendre (Exc. xxiii).
— — — A. B. 4. Le sujet d' έκάΘισαν n'est pas exprime; seule la tradition et le con-
texte peuvent nous apprendre quels sont ces assesseurs de Dieu. On pourrait penser
C. XX. 1. Et je vis un ange qui descendait du ciel, ayant la cle de I'Abime,
et une grande chalne sur sa main. 2. Et il saisit le Dragoiv, — le serpent
ancien, qui est diable et le Satan, — et il le lia pour mille ans. 3. Et il le
jeta dans I'Abime, et il ferma et mit un sceau au-dessus de lui, pour qu'il
n'egarAt plus les nations^ jusqu'ci ce que fussent acheves les mille ans; apres
ces [mille ans], il faut qu'il soit delie un peu de temps.
aux 24 Vieillards, et comparer /s. xxiv, 23, et Dan. vii, 9-10, 22; mais des passages du
Nouveau Testament lui-meme. Mat. xix, 28; Luc xxii, 30: I Co/•, vi, 3, portent plutot a
etendre le sens. Charles n'a peut-^tre pas tort de penser qu'il faut transposer 4 a : « Et
je vis des trones, et ils s'y assirent », a la fin du verset; malheareusement cette rectifi-
cation ne s'appuie sur aucun temoin. — τας ψ^/άς est coordonne a θρόνους. — Κα\ o'txivs;
a ete diversement traduit ; κ I'avait change en εΓ τίνες ουν, ce qui est plus clair, mais au
detriment du sens veritable; Aug., Prim, paraissent avoir lu aussi εΙ' τίνες. La plupart
des critiques modernes, et meme des traducteurs, prennent la liberie de negligerxai,
pour rapporter ο'ίτινές aux πεπελεκισμένοι, (cfr. vi, 9) comme s'il s'agissait uniquement des
martyrs (Holtzmann; Joh. Weis : « und die nicht... »; Cahnes : « c'etaient ceux qui
n'avaient pas adore la Bete... », etc.). C'est faire violence au texte, avec quelque desin-
volture, pour se tirer d'embarras. ΚαΙ οί'τινες introduit certainement une nouvelle cate-
goric, a moins qu'on ne veuille le coordonner au participe πεπελ., ce qui n'est pas
impossible en soi, mais ferait un « hysteron proteron » tres dur. — ΟΊ'τινες est un
nominatif coordonne a un accusatif, mais V Apoc.se souciepeu de cette incongruite. —
προσέκυν. accus. = adorer, cfr. xiii, 12; θηρίω, εικο'νι, (dans And.) sont beaucoup moins
bien attestes; — επ"^ το [χέτωπον, Int., c. χ, § II; — μαρτ. Ιησοΰ... λογ. του Θεού, cfr. Ι, 9. —
'έζησαν pourrait, dans le style, de VApoc, signifier « ils revecurent » (άνέζησαν), cfr. ii, 8;
XIII, 14 et XX, 5; mais cette .synonymic n'est pas necessaire partout, on peut juger
diversement en divers contextes. — Χριστός ne se rencontre qu'ici, et xi, 15; xii, 10;
XX, 6. — έβασίλευσαν, cfr. i, 6; v, 10.
C. 4. Qu'on admette ou non I'hypothese de Charles, la meilleurc explication de 4=»
est de faire asseoir sur les trones ceux qui, d'apres la fin du verset, doivent vivre et
rcgner avec le Christ, c'est-a-dire les fideles eux-memes; Notre-Seigneur {Mat. Luc,
supra) avait promis aux Apotres qu'ils jugeraient les Douze tribus, et saint Paul va
286 APOCALYPSK DE SAINT JEAN.
4. Και sTocv θρόνους y.y.l *ey.a6tcav έ-' αυτούς, y.al -/.ρψ.χ έοόθη αυτοΐς, και *τας
ψυχάς των ζεπελεκισμένων δια τήν μαρτυρίαν Ίησου και οιά τον λόγον του θεού, *κα\
οιτινες oj ττροσεκύν/ισ-αν *το Οηρίον οΰοέ τήν εικόνα αϋτοϋ και ουκ ελαβον το χάραγμα
*έ•::ί το μ,έτωτυον και έ-ι τήν '/βΐ^οί αυτών' και *έζ•Γ,σαν και έβασίλεϋίταν μετά του
Χρίστου χίλια εττ^. 5. Οι λοιποί των νεκρών ουκ έζησαν άχρι τελεσΟί; τα χίλια Ιτη.
Αυτή ή άνάστασις ή πρώτη. 6. Μακάριος και άγιος ό έχων μέρος έν τ?; άναστάσει τη
προΊτη• έπι *τουτων ό δεύτερος θάνατος ουκ *εχει έξουσίαν, άλλ' *εσονται ιερείς του
Οεοΰ και του Χρίστου, καΐ *βασιλεύσουσιν μετ αΰτου τα χίλια ε'τη.
jusqu'a declarer aux Corinthiens qu'ils jugeront les Anges. Cnlmes, J. Weiss, S(\-eir,
al., apres des anciens, Andre, etc., ont tres bien vu le rapport de ces textes, contraire-
ment a Bousset, qui voit dans ces juges le Christ et les Anges, procedant a un jiige-
ment preliminaire a I'etablissement du « Regne intermediaire ». Or, c'est la deja une
bonne raison pour ne pas restreindre cette gloire aux Martyrs (ce que le texte n'aulo-
rise pas du tout), malgre Bossuct, qui appliquait οί'τινες aux martyrs de Rome, et les
auteurs cites ci-dessus, excepte .Swe/e et Bousset (v. infra). Saint Jean parait faire une
distinction intentionnelle cntre les « ames » des martyrs, c'est-a-dire de morts (cfr. v. 5.
oi λοιποί των νεκρών), et une categorie bien plus generate, tous ceux (ο?τινες) qui ont
resiste aux seductions de I'Antechrist, sans fixer leur etat, sans fixer aucune epoque.
« Le Royaumc millenaire n'est pas promis a ceux-la seulement qui ont acquis la per-
fection du martyre, mais a tous ceux qui ont persevero dans la lutte, sans avoir preci-
sement soufTert la mort » [Bousset). C'est tres juste : a cote des martyrs, le Prophetc
place les confesseurs [Cyprien, ad Fortunatum, 12; Swcte). Mais faut-il croire que ce
sent les confesseurs morts? Jeanne dit pas qu'il ait a'u leurs (c ames «, comme ilja_vu
celle des martyrs, incontestablement defunts. Saint Aug. (Civ. Dei, xx, § 3) voit les
vivants aussi bien que les morts. lis « vivent » — le terme έζησαν est tout a fait gene-
ral — les uns parce qu'ils naissent a la vie de la grace par la « Premiere resurrection »
(v. infra) ou bien y perseverent; et les autres parce que, etant deja morts, « ils parti-
cipent aux honneurs rendus aux saints et aux martyrs, par leur pouvoir de juger les
demons qui deja se manifesto « [Andre ; cfr. la resurrection des Temoins, ch. xi). Cette
royaute, plusieurs fois deja promise aux fideles, et des la vie presente, est done a la
fois celle des ames bienheureuses qui sont au ciel, et des saints, des « Vainqueurs »,
vetus de « robes blanches » (Lettres, in, 5) qui sont encore sur la terre; i'auteur a plu-
sieurs fois note I'eifet souverain de leurs prieres sur le cours des evenements. C'est le
regno indivis de I'Eglise militante et triomphante, une des idees mattresses de ΓΑρο-
calypse (Int., c. viii; comment, a vii, xiv, xv, et, infra, xxi-xxii). Seulement 11 est
manifesto que I'ecrivain, dans ce passage, a utilise comme symbolel'idee courante alors
chez les Juifs du « Regno intermediaire », qui s'etendait pour eux a tous les temps
messianiques (Exc. xxxvii). Mais il n'est dit nulle part que ce regno sera proprement
terrestre, s'exergant par des moyens terrestres; Jean a evite d'ajouter έπΐ τις γης a
έβασίλευσαν.
Α. Β. 5. On rencontre ανΟροϋπων pour νεκρών (Q-a 1070-046, et quelques yi/irf.);
ανέζησαν ou άνέστησαν pour 'ε'ζησαν. — « Le reste des morts ne vecut pas », cfr. Is. XXVI,
14 (sur les adversaires de Dieu extermines a jamais).
C. 5. Les anciens chiliastes, et la plupart des independanls, ont cm que Jean ensei-
gnait ici une double resurrection corporelie, I'une des martyrs et des saints, au debut
du Millenium, I'autre generale, a la fin du monde. Mais I'ensemble des catholiques a
compris qu'il y avait opposition seulement entre la resurrection spirituelle (cfr. Fph.
V, 14; JoJi. V, 24-25, Bossuet), et la corporelie qui aura lieu, pour tous ensemble, seuie-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN, 287
4. Et je vis des trones — et ils s'assirent sur eux, et il leur fut donne [de
rendre] nne sentence — et [je vis] les ames de ceux qui avaient ete frappcs
de la hache k cause du temoig-nage de Jesus et de la parole de Dieu, et tons
ceux qui n'avaient pas adore la bete ni son image, et n'avaient pas regu
I'empreinte sur leur front et sur leur main; et ils vecurent, et regnerent
avec le Christ, mille ans. 5. Le reste des morts ne vecut pas jusqu'a ce que
fussent acheves les mille ans. G'est la la resurrection premiere. 6. Heureux
et saint qui a part a la resurrection premiere! sur ceux-ΐέι la seconde mort
n'a pas de pouvoir, mais ils seront pretres de Dieu et du Christ, et ils regne-
ront avec lui les mille ans.
ment a la fin des Mille ans. La pericope suivante, xx, 11-15, montrera qu'on ne saurait
comprendre le texte johannique d'line autre maniere. Le « reste des morts », qui sont
mis en contraste avec les martyrs ou les confesseurs sortis de ce monde, ce sont tous
ceux qui ont quitte la vie sans etre regenores; ils ne vivront d'aucune maniere durant
le Millenium, mais demeureront morts et spirituellement et corporellement; comme
morts spirituels, on peut leur associer peut-etre, (car les vues de Jean sont toujours
tres synthetiques), les impies meme vivants qui rejettent la conversion. Cette classe
d'hommes a bien a altendre une resurrection corporelle, qui sera le comble du mal-
heur; mais, pour bien montrer que cette resurrection generale des corps ne doit pas
etre confondue avec celle dont il a ete d'abord parle, Jean insiste sur le fait' qu'elle
n'aura lieu qu'apres I'ecoulement entier du Millenaire.
II n'y a rien dans ce passage d'analogue a I Tliess. iv, 16, ou il ne s'agit pas de deux
classes de morts, mais de la double classe des fideles, ceux qui seront morts, et ceux qui
seront encore vivants, au jour de la Parousie. Swete, qui a fort bien explique tout ce
passage, apporte une observation tres precieuse pour confirmer la these augustinienne
et traditionnelle que nous defendons : I'Apocalypse arrange toutes les grandes realites
de la vie et de la mort par couples, dont les membres concernent respectivement
Vordre present, ei Vordre fatiir : πρώτος ουρανός, πρ^ότη γη, δεύτΕρος θάνατο?, cfr. χχ. 6 Ct
XXI, 1. La « Premiere resurrection » est done celie qui s'accomplit deja dans la vie
presente, suivant une idee commune a saint Paul et a saint Jean (Exc. xxxvu), en con-
traste avec celle qui s'accomplira a la Parousie; puisqu'elle est dite « premiere »,
c'est qu'elle sertde preparation a une seconde, dont les memes sujets, croyons-nous,
et non pas exclusivement d'autres, seront encore beneficiaires (voir Exc. xxxvii). Le
verset suivant confirme cette exegese.
A. B. 6. A donne βασιλεύουσιν, present, pour le futur. Bousset admet cette
legon; elle ne change pas le sens, cfr. i, G; v, 10. — επΙ τούτων, accord ad sensum (Int.
c. X, § II). — ουκ ε/ει, present, a remarquer. — Ίερζΐς... βασιλεύσουσ^ν, cfr. i, 6; v, 10, et
la scene de vn, 15, etc. — Μακάριος, cinquieme beatitude.
C. &. « Heureux et saint qui a part a cette premiere resurrection, sur eux la seconde
mort n'a point de pouvoir. » Ces presents confirment bien I'interpretation ci-dessus.
La « seconde mort «, opposee a la mort corporelle, est celle de I'ame par le peche ici-
bas, par la damnation dans I'autre vie. « lis rfegneront » non pas qu'ils ne regnent
deja, car Jean les a presentos en plusieurs passages comme des rois in actu, mais
parce que leur regno, deja commence, se prolongera ά travers I'avenir infini. Ce r6gne
s'exerce a la fois au ciel, oil est leur cite, et sur la terre, — bien que Joan ait evite ici,
intentionnellement peut-etre, d'ajouter ir.l ττ,ς γης (comme il I'avait fait vi, 10), pour
bien distinguer sa conception de celle du millenarisme juif ; en tout cas, puisqu'il ne I'a
pas ecrit, il ne faut pas, dirons-nous avec Stvete, le lire entre les lignes. « lis seront »
288 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
7. Και *οταν τελείΟ•?^ τά χίλια ετγ], λυθήσεται c Σατανάς εκ τγ^ς φυλακν5ς αΐιτου,
8 -/.αι έξελεύσεται πλανησαι τα έθνη τα εν ταίς τεσσαρσιν γωνίαις τί^ς γης, τον Γώγ
και Μαγώγ, συναγαγεϊν αυτούς εΙς τον πόλεμον, ων c άριΟμ.ος *αύτών ώς ή άμ,μος τ'ής
θαλάσσης• 9. Και *άνέβγ;σαν έτ:ι το πλάτος της γ^ς, και έκΰκλευσαν την τταρεμβολήν
των αγίων καΐ τήν -όλιν τήν ήγατημε'νην. Καΐ κατέβη 7:υρ εκ του ουρανού και κατέφαγεν
αυτούς. 10. Και ό διάβολος ό τλανών αυτούς εβλήθη εις τήν λίμνην του τ.•ορος και
θείου, οπού και το θηρίον και ό ψευοοπροφήτης, και βασανισθήσονται ημέρας και νυκτός
εις τους αιώνας των α'.ωνων.
— et ils sont deja — « ρΓέΙρββ de Dieu et du Christ » ; c'est ici le seul passage oil il
soit parle explicitement de « pretres du Christ « ; il est important, rapproche de tous
ceux oil est affirmee ou supposee la divinite de Jesus (Ιλ'τ. ch. ii).
A. B. 7. όταν τελεσθί] (μετά, Q, quelques And. — έτελέσΟησαν, quelques And.);
όταν marque I'incertitude de la duree de cette periode. — Cfr. xx, 3.
C. 7. Les versets 7-10 presentent en abreg-e tous les efforts du demon pour troubler
le Reo-ne des saints, et son echec definitif. Jean a emprunte a Ezecliiel I'image de
Gog et Magog, « I'ennemi eschatologique du Nord », comme dit Gressmann (Ursprung,
pp. 174-192). Satan travaillait depuis longtemps a cette seduction et a cette prise
d'armes {Bossuei). Bien que cette guerre soit symboliquement presentee comme
rompant d'une maniere subite une longue periode de paix, nous croyons pouvoir
affirmer que ce n'est la qu'un effet de perspective, comme on en rencontre souvent
chez les Prophetes (Exc. xxxvii). Jean lui-mgme est coutumier de ces raccourcis, et de
ces classifications en tranches successives d'evenements qui peuvent fort bien etre
simultanes; n'a-t-il pas condense les maladies morales sous la cinquieme Trompette,
les devastations de la guerre sous la sixieme, et dissimule le « 3^ Vae » sous les
deux premiers? Toujours aussi le meme procede de « recapitulation ».
— — A. B. 8. Pleonasme « hebraisant » ών ... αυτών, Im., c. x, § II. — « Gog et
Magog » cfr. Ezechiel xxxvni-xxxix, et de nombreux apocryphes (Exc. xxxv). — τά 'έθνη
τα ίν ται"ς τέσσαρσιν γωνίαις της γης, cfr. XVI, 14 τους βασιλείς της οικουμένης δλης. [Holtzmann,
al.), rassembles par les emissaires du Dragon.
C. 8. II s'agit d'une levee en masse de toutes les nations contre I'Eglise, sous la
figure de peuples scythiques qui, depuis leur invasion en Asie (630 av. J. G.) etaient,
dans la litterature juive, devenus legendaires pour leur ferocite (Exc. xxxv). Les
auteurs anciens les ont identifies en general avec les envahisseurs les plus barbares
de leur propre epoque, Goths, Huns, Turcs, etc., qui seraient un jour entraines eontre
I'Eglise par I'Antechrist; Holtzm. y voit les barbares subsistant encore apres la ruine
de I'Empire romain. De fait, saint Jean a emprunte ces noms a Ezechiel et a la
tradition, sans meltre I'accent sur leur race ni leur pays d'origine; ils occupant,
pour lui, « les quatre coins de la terre «. II faut bien que ce soient les memos que
i'armee des Betes du ch. xix, puisque « tous les rois de la terre », convoques a
Harmagedon, ont deja ete extermines avec I'Antechrist. Nous voyons done ici une
recapitulation. Seulement Jean a choisi les noms de Gog et Magog, parce qu'il a
voulu etre aussi vague que possible; dans Ezechiel, ces peuplades envahiront la
Terre Sainte apres le retablissement glorieux du Temple et de la theocratie; ce sera
le dernier ennemi ; dans I'Apocalypse, ces noms sont I'embleme, uon plus, comme
les Betes, d'une organisation politique, philosophique et religieuse contre I'Eglise,
car cette organisation n'est pas universelle, mais des instincts de rapine et de carnage
de la bete humaine, de ce qui restera toujours de bestial et de diabolique dans I'huma-
nite, pour faire obstacle perpetuellement au liegne de Dieu. L'image est done beau-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 289
7. Et uiie fois que seront achev^s les mille ans, le Satan sera delie de sa
prison, 8 el; il sortira [pour] egarer les nations qui sent aux quatre angles de
1 1 lerre, Gog et Magog, les rasseinbler pour la guerre, [eux] dont le nombre
est comme le sable de la mer. 9. Et ils montorent sur Tetendue de la terre,
et ils investirent le camp des saints et la ville bien-aimee. Et il descendit
un feu du ciel, et il les devora. 10. Et le diable qni les egarait fut jete dans
Tetang du feu et du soufre oii [sont] aussi la Bete et le Faux Prophete, et
ils seront tourmentes jour et nuit aux siecles des siecles.
coup moins determinee que celle des Betes; mais les Betes elles-memes peuvent etre
comprises dans « Gog et Magog » carleur empire s'appuie sur ces instincts.
^^^— B. 9. πλάτος της γης, cfr. Habacuc I, 6; le mot άνέβησαν fait supposer que
πλάτος designe (symboliquement) le haut plateau de la Judee, autour de Jerusalem,
la « Cite Bien-Aimeo »; — ή ήγαπηαένη, rappelle Ps. lxxvii (lxxviii), 68; Ps. lxxxvi
(lxxxvii), 2; Osee ii, 23 (Dm); τήν πόλ. τήν ήγαπ., dit de Sion, Hab. xii, 22. — Cfr. xiv,
1-5, ainsi que pour παρεαβ. των άγ. — Remarquer le passage a I'aoriste άνέβησαν, comme
au ch. XI, etc. (Int. c. x, § in). — Pour le feu du ciel qui les devore, cfr. I'histoire
d'Elie, II Reg. i, 10, 12; Ezech. xxxviii, 22; Asc. Is. v; etc.
C. 9. Les hordes du Diable assiegent Jerusalem (cfr. Hab. supra, et Ezech. xxxviii,
8, 12. Peut-etre montent-elles de la plaine d'Esdrelon [Saxte). Pour Andre, Prim., etc.,
jusqu'a Sivete et a nous aussi, le « camp des saints », la « Cite bien-aimee », c'est
I'Eglise universelle, sous la figure dont Jean s'est deja servi au ch. xiv, 1-5. Elle sera
bloquee par i'ennemi, mais non prise ni devastee. « S'il fallait prendre ici au pied
de la lettre une ville οΐι J.-C. viendrait regner avec ses martyrs ressuscites et glorieux,
en corps et en ame, on ne saurait plus ce que voudraient dire ces nations qui
viendraient assleger la ville oil il y aurait un peuple immortel, et un Dieu qui regnerait
visiblement au milieu d'eux. II faut done entendre ici une ville spirituelle, telle que
I'Eglise,... par consequent aussi un combat spirituel tel qu'est celui que les heretiques
ne cessent de nous livrer, et qui se redoublera a la fin des siecles avec un nouvel
acharnement... » Ainsi parle Bossuet, qui ajoute : « Pour le surplus, c'est un secret
de I'avenir, ού j'avoue que je ne vois rien. » Le grand eveque refute a cette occasion
la singuliere theorie du millenariste Jurteu, qui voudrait que les nations attaquent
la cite sainte, mais non le Christ, qui serait remonte au ciel apres les 1.000 ans ecoules.
Tons ceux ({ui font de saint Jean un chiliaste lui attribuent, au fond, des incoherences
absurdes. Seulement, sa maniere de presenter les choses a bien change avec cette
pericope, fait qui du reste ne doit nullement surprendre un conuaisseur de I'imagi-
nation johannique. Dans les chapitres precedents, I'attention de I'ecrivain etait attiree
sur les luttes initiales avec I'Empire remain, si violentes, d'ou il resultait une couleur
sombre pour les visions; ici il envisage le tout de I'histoire chretienne, ού, en somme,
le bien divin, quoiquo souvent invisible, I'emporte de beaucoup sur le mal; il a
noglige les peripeties du commencemiuit, et represente comme une guerre unique
celle qui ne finira qu'avec le siecle present. S'il ne s'est pas prcoccupe de faire
concorder les chifTres de sa « chronologic » pretendue, c'est que chaque nombre avait
pour lui sa valeur absolue, independante des autres, et que leurs rapports arithme-
tiques n'entraient pas dans son symbolisme (I.nt., c. v, ii, § I, 4).
B. 10. Cfr. XIV, 10-11 ; xix, 20.
C. 10. Le Diablo, apros cette dofaite supreme, est pour toujours enferme dans
les llammes infernales — qui ne sont pas expliciteineiit identifiees a Γ « Abime »,
lequel etait plutot un lieu moral que materiel. Saint Augustin y voyait « le camr des
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 19
290 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
impies ». Rien, dans le contexte, n'indique si la « Bete « at le « Faux Prophete » y
ont ete precipites avant lui, ou en menie temps que lui, puisque la proposition manque
de verbe; ce peut etre simplement un rappel de xix, 20, pour montrer I'identite
fonciere de ces deux scenes. D'ailleurs, comme le dit Swete, « since two of the three
subjects of the βασανισμός represent systems, and not persons, it is safer to regard
them as belonging to the scenery of the vision rather than to its eschatological
teaching ».
Les luttes sont finies, tous les ennemis de Dieu et du Christ sont aneantis, il ne
nous reste plus qua entendre la sentence de I'univers, prononcee pour I'eternite.
EXC. XXXV. GOG ET MAGOG.
Dans Ezechiel, Gog « Γβηηβιηί mythique du Nord », est « roi de Magog ».
Nous connaissons ce dernier nom par la table des peuples de la Genese, x. 2, et
I Chron. i, δ : c'est celui d'un fils de Japhet, habitant probable ment du cote des
steppes de la mer Caspienne. Quant au no in de a Gog », il est peut-etre simple-
ment forme par apocope du precedent. On ne peut I'expliquer par « Gyges », roi
de Lydie, transcrit Gugii dans les documents cuneiformes. Cependant, dans une
des lettres de Tell-el-Amarna (vers 1400 av. J.-C), on trouve mention dun
peuple barbare appele Gaga, et dans une inscription assyrienne transmise par
Ilorjimel [Gesch. Babyl. und Assyr., Berlin, 1885, p. 727), le prince des « Saki »,
ou Scythes asiatiques qui devasterent TAsie jusqu'a Cyaxare, se nomme Gdgi.
C'est done peut-etre dans Thistoire qu'Ezechiel a trouve ce nom.
Cette invasion des Scythes [Herodote, i, 104-106), qui avait laisse de si terribles
souvenirs, devint un motif escliatologique ; mais le sens de cette origine histo-
rique s'etant perdu, on fit de Gog et de Magog deux noms de peuples. Le « livre
d Eldadet de Modad » (Ιχτ. c. v, I), d'apres le Targum dn Pseudo- Jonathan (sur
Num. XI, 26-suiv.), donne au roi de Magog (« Gog et Magog » d'apres le Targ.
de Jerusalem) le meme role qu'Ezechiel et I'Apocalypse : il attaquera Jerusalem
et sera detruit par le feu du ciel, les oiseaux devoreront les cadavres de son
armee (Le Tai-g. Hieros. attribue cette victoire au Roi-Messie). Ensuite aura lieu
la resurrection des morts. De meme Sifrd, 143^ D'apres Vayyikra rabba, 30;
Bereschith rabba, 88; tr. Schofedm, 19; Tanchuma, etc., I'invasion suit le
regne messianique. On en trouve encore des mentions tr. Aboda Saj-a, 3^; puis
Pesikta, 1^" et Mechilta, 48^ ou le Ps. ii est applique a Gog et Magog. Jean a
done emprunte une tradition judaique bien etablie, car il est invraisemblable que
tous ces textes rabbiniques aient puise a notre Apocalypse; mais il lui a donne
le sens purement symbolique que nous nous sommes efforces d'etablir.
EXC. XXXVI. — LES PARALLELES PAIEXS A LA DOUBLE DEFAITE DU DRAGON.
La nombreuse ecole qui veut retrouver le Dragon babylonien, avec toute son
histoire transposee, dans le Satan de I'Apocalypse (v. Exc. xxvi et Int. c. v, i,
§§ II-lII) se trouve embarrassee quand il s'agit d'expliquer la delivrance et la
derniere revolte du monstre. Dans YEnunia Elis et les autres documents baby-
loniens, Tiamat a bien ete tuee une fois pour toutes par Mardouk, son corps a
ete depece, et elle serait bien incapable d'aucun retour offensif contre son vain-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 291
queur. De meme, dans la tradition poetique des Jiiifs, le monstre marin dompte
par Jehovah ne trouve plus d'occasions de s'insurger; de meme, chez les Egyp-
tiens, Apophi est diiment reduit a rien par le dieu Ra. Serait-on du moins
autorise, en appliquant le principe « τα εσ/ατα ώς τα πρώτα », a postuler un mythe
astral qui ne nous serait pas parvenu? Si le Dragon, comme le veut I'ecole
astronomique, est a Torigine une constellation, ne pourrait-on pas croire que
les Anciens, au recommencement de la Grande Annee du Monde, amene par la
« precession des equinoxes », s'attendaient a lui voir reprendre la lutte ancienne
centre le dieu son vainqueur? Mais la precession des equinoxes n'a ete decou-
verte que par I'astronome grec Hipparque (161-120 av. J.-C), et il est aujourd'hui
demontrc que les Babyloniens ne I'avaient point calculee, et que I'entree du
soleil dans le point vernal ou automnal n'avait aucune importance pour leur
calendrier {F. X. Kugler, S. J. Sternkund und Sterndienst in Babel. Zur alteren
babylonischen Topographic des Sternhimmels. Miinster, 1913). Berose a compte
432.000 ans {= 36.000 X 12) pour les Dix Rois antediluviens ; mais il n'a pas
parle du « mois du monde » de 36.000 ans (cfr. Syncelle, Chronographie, v.
Clemen., p. 102). De meme le recours que Ton ferait a I'annee platonicienne de
20.400 ans, aux periodes cosmiques des stoiciens et a leur « Retour eternel »,
seraient trop precaires pour qu'on put batir la-dessus aucune conjecture solide
sur les traditions orientales concernant reschatologie.
II est pourtant un parallele assez exact — ou meme deux — a I'incarceration
et a la defaite finale du Dragon apocalyptique. Le plus important se trouve dans
la litterature pehlvie du haut Moyen Age, Bahman Yasht in, 52-60, dont le
recit est presuppose Bundehesh, xxix, 7-suiv. (S. B. E. v, 119). Azhi-Dahaka le
serpent (v. Exc. xxvi). enchaine pour 9000 ans au mont Demavend, se delivrera,
pour etre finalement aneanti par le heros Feridoun (Thraetaona). De la Volte?;
Bousset, et plusieurs autres, concluent que I'auteur de I'Apocalypse a combine la
tradition iranienne de la lutte des Deux Principes avec le mythe babylonien
du Dieu et du Dragon [Bousset, Rel. Jud^, p. 588; Offenb. ad loc. — Clem.,
p. 102, etc.).
Le second parallele, qu'on oserait moins invoquer, est la delivrance de Loki et
de ses enfants monstrueux dans le « Crepuscule des dieux » de la Vieille Edda.
On admet gcneralement que la Voluspa scandinave a subi des influences chre-
tiennes; mais ne peut-on supposer a bon droit la meme chose des deux ecrits
pehlvis? L'Avesta ne connait pas ce drame en deux actes sur Azhi-Dahaka
(v. Exc. xxvi).
Admettons done plutot, pour roster sur un terrain sur, que la double defaite du
Dragon, sous cette forme visionnelle, est une creation de Tesprit johannique,
inspiree par la seule reflexion sur I'Evangile, qui, apres avoir montre la victoire
du Christ sur Satan, predisait un dechainement de peches a la fin des temps.
Saint Jean ayant utilise la tradition eschatologique de Gog et Magog, il etait tout
naturel qu'il expliquAt ces dernieres convulsions du monde hostile par un retour
offensif du vieil enncmi.
292 Al'OCALYPSE DE SAINT JEAN.
EXC. XXXVII. LE MILLENIUM JUIF ET JUUEO-CHRETIEN ET
CELUI DE l'aPOCALYPSE.
Si nous avons vu juste, la Vision des Trompettes aboutit a la fin du monde
(xi, 15-fin), et les chapitres des Betes la « recapitulent » a un point de vue plus
special, mais qui s'etend aussi jusqua la Parousie (xix, 11-21). II n'y a done plus
aucune place apres les « Vae » pour y introduire une longue periode de felicite
pai'faite et sans trouble. II faut par consequent que cette felicite du Millenium
ne soit que relative, puisque, si Ton ne veut mettre dans I'Apocalypse une con-
tradiction intolerable, elle a du pouvoir concorder, au moins partiellement, avec
les periodes de maledictions et de catastrophes cosmiques. Cela ne repugne pas
au symbolisme du Millenaire sabbatique (v. infra et Exc. xxiii). Nous nous
sommes deja permis de suggerer un rapprochement, assez douteux il est vrai,
entre I'incarceration du diable, suivie de sa liberation, et lun des fleaux des
Trompettes, le cinquieme (ix, 1-suiv., 11, v. ad loc). L'etoile qui est tombee sur
la terre, et qui delivre les puissances malfaisantes de I'Abime, pent aisement,
d'apres les usages connus du symbolisme astral, etre identifiee a Satan precipite
sur terre au ch. xii. La fumee qui obscurcit le ciel, les sauterelles qui nuisent
moralement aux liommes, en attendant le dechainement de la guerre a la plaie
suivante, peuvent etre rapprochees de la « seduction des nations » du cha-
pitre XX, cet asservissement au Diable etant d'abord presente sous son aspect
douloureux de peches et de remords qui piquent comme des scorpions. L'Ange de
I'Abime, Abaddon, ApoUyon, mis en liberte pour diriger les nuees des horribles
sauterelles, a bien quelque ressemblance avec le Diable sorti de lAbime a la fin
du Millenium. Toute mention de mille ans manque bien au chapitre ix; mais
I'auteur a pu condenser dans une meme perspective, sans en distinguer les
diverses peripeties, toute la derniere campagne que mene centre Dieu le demon
deja vaincu par Michel et ses Anges. Le lien du premier et du deuxieme Vae,
des sauterelles et de I'invasion des cavaliers (ix, 13. suiv.), repondrait a celui de
la seduction et de lassaut guerrier de Gog et Magog. Au reste, nous ne donnons
ces considerations que comme hypothetiques.
En outre, il nous parait a peine utile de remarquer que la periode de Mille
Ans doit preceder la Parousie, et non pas la suivre, ou commencer par elle.
Quand le Christ apparaitra sur les nuees (i, 7), tons les peuples de la terre le
verront, et tons ses ennemis seront plonges dans le remords et les lamentations.
II ne restera plus, aux quatre points cardinaux, de Gog et de Magog capables
de se soulever encore contre lui. Or, il n'y a qu'une Parousie, et c'est celle-la.
Nous avons done pose en these que le Reg/ie de Mille Ans se confond avec toute
Ία phase terrestre da Regne de Dieu etabli depuis la gloi-ification du Chj'ist.
Mais, d'apres I'exegese independante, qui a pour principe premier d'enfermer
I'Apocalypse dans le cercle d'idees des ecrits similaires, I'auteur aurait voulu
eiiseigner tout autre chose. Le Christ, apres la defaite des Betes, ayant reduit
Satan a Timpuissance, demeure visiblement sur la terre, dans une Jerusalem
restauree, et s'entoure d'une cour de martyrs ressuscites corporellement. Ce
regne prend fin au bout des Mille Ans, dernier jour de la semaine du monde,
apres la rebellion infructueuse de Gog et de Magog. Alors a lieu la resurrection
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 293
generale et le jugement univcrsel. II y a done deux resurrections corporelles,
separees parun intervalle de Mille Ans, Tune pour les seuls martyrs, Fautre pour
le commun des hommes, bons ou mechants, qui sera decrite xx, 11-15. Cette
interpretation litterale serait la seule scientifique, et tout a fait necessaire, parce
qu'elle s'accorde avec les paralleles judaiques, et que les premiers commenta-
teurs Chretiens, les mieux places pour connaitre I'idee de I'auteur, ont a peu pres
tons compris noire passage de cette maniere. Le « chiliasme » eut ete un vrai
dogme, et pour Jean, et pour les premiers Peres de I'Eglise.
Pour juger de la valeur de cette theorie, passons en revue d'abord le Millena-
risme juif, puis le Millenarisme chretien ; ensuite nous verrons si cette « tradi-
tion », — en admettant que e'en fut une a la fin du i^•" siecle, — rend si parfaite-
ment compte des idees et des termes de Jean, consideres en eux-memes et dans
le contexte du livre.
I. Le Millenarisme juif. — Dans la seconde partie du Livre d'lsaie et dans
Ezechiel, le bonheur des derniers temps avait ete presente sous forme d'une
restauration magnifique et surnaturelle de Jerusalem et de I'etat Israelite, qui
dominerait, politiquement et religieusement, toute la terre; I'invasion de Gog,
dans Ezechiel, ne serait pour ainsi dire qu'un incident exterieur, qui mettrait
le seeau a cette victoire du peuple elu; et cet etat messianique paraissait devoir
se prolonger a rindeiini, au lieu d'etre une preparation a quelque chose de
meilleur encore ; car il reunissait les biens visibles et les biens transcendants.
Cette conception, qui apparait surtout Is. liv et lx, Ezech. xl-xlvii, semble
generale chez les prophetes postexiliens; c'etait I'expression derniere, dans
I'Ancien Testament, la formule la plus transcendante du salut collectif de ce
« Reste » d'Israel qui deviendrait une benediction pour toute la terre. A quel
moment, et sous quelles influences, se fit-il un dedoublement dans ces perspec-
tives messianiques, celles qui touchaient le « monde a venir », I'eternite, se sepa-
rant nettement de I'attente d'une domination glorieuse sur la terre? Les specia-
listes discutent encore ce point-la. Toujours est-il que, a partir du ii^ siecle avant
notre ere, se fait jour I'idee du « Millenaire », qui serait mieux appele le « Regno
intermediaire » [Zwischenreich des Allemands), car le nombre de ses annees est
tres diversement fixe. Avant d'entrer dans le bonheur du ciel, le peuple des
saints jouira sur la terre d'une haute felicite, temporelle et spirituelle, dans un
lieu de gloire et de delices, qui sera la vraie Jerusalem, descendue du ciel ou elle
etait tenue en reserve (cfr. Apoc. xxi-xxii; voir Int., c. v, 1,§III et I'Exc. xxxviii)
et souvent plus ou moins identifiee ou combinee avec le Paradis terrestre, trait
qui apparait deja dans Ezechiel. Cette theorie eschatologique fait son apparition
litteraire dans Hen. eth., xci, 12-17, (les trois dernieres « semaines » avant le
Jugement general); puis Sib. in, vers 652-730, qui se rapproche pourtant d'Ezc-
chiel, et oii le grand Jugement consiste encore dans la defaite ou la conversion
des peuples ennemis, par Tintermediaire du Roi-jNIessie; IV Esd. vii, 28-suiv.,
qui devient beaucoup plus precis (le Mcssie doit regner 400 ans, puis le monde
sera detruit, et le Nouvel Eon apparaitra); cfr. xii, 31-34; meme conception Bar.
syr. XXX (Ic Messie retournc au ciel, et la resurrection a lieu alors) ; cfr. Bar stjr.
XXXII ; XL, 3. L'idee du Regne intermediaire se trouve encore dan^ le Test. Juda,
\q Livre d'Elie hebreu, le Talmud, les Midraschim, etc., avec ou sans Messie,
mais presque partout a cote de conceptions plus ou moins contraires. Quant au
294 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
passage eschatologique chretieii d'Asc. Is. iv, 14-17, Tisserant juge qu'on nc
peut en etablir avec certitude le caractere chiliaste.
II ne semble pas, en somme, que le chiliasme, a la fin du i*"" siecle, fut devenu
chez les Juifs momes une doctrine d'une consistance parfaite, capable de s'im-
poser universellement. Le plus interessant pour nous, c'est le rapport du Mil-
lenium avec la resurrection des morts. Le P. Lagrange (Mess. pp. 176-185)
pense, centre Schfirer, que, dans les temps les plus anciens du rabbinisme, la
resurrection des morts inaugurait la periode finale, ou plutot eternelle, et sui-
vait par consequent la periode messianique; c'est d'ailleurs I'opinion tradition-
nelle du judaisme. Mais, vers la fin du ii'' siecle de notre ere, quelques tannaites
ont dit clairement que les morts devaient ressusciter pour les temps du Messie
[Talm. /eras. Kilayim, Sclnvab, ii, p. 319. — Sola, ix, 15, la resurrection se
produit par I'entremise d'Elie, — voir Jellinek, Beth-ha-Midrasch, vi, pp. 148-
suiv.). Mais les beneficiaires de cette premiere resurrection ne devaient etre que
les saints decedes en Palestine — (les rabbins cnterres ailleurs rouleraient,
entoures d'une motte de terre, jusqu'en Terre Sainte, Talm. jer., supra) — et
aussi les martyrs, pour qu'ils pussent jouir des jours du Messie. Cette idee appa-
rait apres les dernieres et malheureuses guerres des Juifs pour leur indepen-
dance, sous Trajan et Iladrien.
Quant a la duree du Regne intermediaire, elle etait calculee tres diversement
par les Rabbins : quarante ans (d'apres Ps. xcv, 10; Deut. viii, 3; Ps. xc, 15);
soixante~dix QXiS (d'apres Is. xxiii, 15); trois generations (d'apres Ps. lxxii, 5) ;
365 ans, d'apres Is. lxiii, 4) ; quatre cents ans (d'apres Gen. xv, 13 et Ps. xc, 15),
D'autres rabbins tenaient pour QOO ans; pour mille ans, car ν un jour de Dieu,
c'est mille annees » [Ps. xc, 4; Is. lxiii, 4); ailleurs, on I'estime a 200Q, 6000,
1000, et jusqu'a 365.000 ans. (Voir deux baraithas Talm. de Babylone, hah
Sanhedrin 97'', et Pesikta rahhathi, ch. i, qui representent la tradition d'un
Midrasch palestinieri bah Sanhedrin, 99=*, cites par Lagrange, Mess. pp. 205-
209).
II. he Millenarisme chez les chretiens. — En mettant a part I'Apocalypse,
puisqu'elle est en cause, c'est dans la premiere moitie du ii^ siecle, avec Papias,
que nous constatons la penetration du chiliasme juif dans les milieux chretiens.
Ce phenomene sans doute pouvait etre anterieur, et remonter a d'anciens pres-
bytres d'Asie ; il se pourrait que le grand mouvement millenariste qui parait s'etre
propage chez les Juifs quand ils eurent vu en 70 la ruine de la ville sainte —
temoin Esdras et Baruch — eut atteint en meme temps les milieux judeo-chre-
tiens, pour se communiquer par eux a beaucoup de leurs coreligionnaires d'ori-
gine paienne. Nous ne ferions done pas trop de difficultes pour admettre que le
chiliasme s'etait repandu des le temps de la vieillesse de Jean, et en Asie. Tou-
jours est-il qu'il n'y en a pas trace, pas plus que de double resurrection, chez
saint Paul, ni Rom. viii, 19-23, ni I Cor. xv, 20, 23, ou I Thess. iv, 16 (v. les
commentaires, et Gry, Millenarisme, pp. 45-47). Selon nous, il serait fort hasar-
deux de chercher le chiliasme dans l^Didache, x, ou memexvi, 6-8, qui ne repro-
duit que le schema traditionnel de la resurrection des elus, d'apres I Thess. II
ne s'agit pas plus que chez saint Paul d'une double resurrection des morts, car la
scene du jugement n'est nullement dedoublee. La phrase : άνάστασις νεχρων, ού πάν-
των δί•, αλλ' ό)ς ερρεθη• Ίίξει δ κύριος και π^τζς ο: άγιοι [Λετ' αύτοΰ, montrc que Fautcur,
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 295
par άνάστασις, n'entend que la resurrection pour la gloire, celle des saints, et non
celle des damnes; de meme saint Paul, dans les passages mentionnes, ne s'etait
OCCupe que de celle-la, et quand il dit : οί νεκροί εν Χριστώ άναστησονται πρώτον,
έπειτα ήμεις οί ζώντες κτλ, les mots πρώτον et έπειτα indiquent manifestement que la
comparaison porte sur les fideles morts et les iideles trouves en vie, non sur
deux categories de defunts,
Mais riieresiarque Cerinthe, contemporain de Jean, enseignait deja le mille-
narisme le plus grossier (Int. c. xiii, i). L'idee que le monde devait durer une
semaine de millenaires, — parce qu'un jour du Seigneur est comme mille ans,
• — entraine deja dans VEpUre de Barnabe, ecrit egyptien du temps d'Ha-
drien, cettc consequence que le septieme millcnaire sera le sabbat du monde,
precedant le « huitieme jour », celui de I'eternite qui doit commencer par le
jugement general. « Done, mes enfants, eii six mille ans, I'univers sera con-
somme. « Et il se reposa le septieme jour » a la signification suivante : Quand
son Fils sera venu mettre fin an delai accorde aux pecheurs, juger les impies,
transformer le soleil, la lune et les etoiles, alors il se reposera glorieusement le
septieme jour... II dit encore aux Juifs : « Je ne supporle pas vos neomenies et
vos sabbats. » Voyez bien ce qu'il veut dire : Ce ne sont point les sabbats actuels
qui me plaisent, mais celui que j'ai fait et dans lequel, mettant fin a I'univers,
finaugurerai le huitieme jour, c'est-a-dire un autre monde » [Up. Barn, xv, 4,
5, 8, trad. Laurent). Cette distinction entre le « septieme jour » et le « huitieme»
ne parait explicable que par le Millenium. Quant a Papias — qui a connu les
plus anciens presbytres d'Asie, s'il reste douteux qu'il ait connu Jean I'Apotre, —
on connait ses dires naifs sur la prodigieuse fecondite future du sol que Notre-
Seigneur aurait predite, et dont les presbytres auraient entendu la description
de la bouche meme de Jean [Irenee, Adv. Haer. v, 33, 3-4). D'apres Eusebe, H. E.,
XXXIX, 11-13, le vieil eveque d'Hierapolis plagait cette periode merveilleuse apres
la resurrection des morts, le Christ regnant mille annees visiblpment sur la terre.
Le millenarisme de saint Justin, quoique plus spirituel, n'est pas moins
decide; apres I'Antechrist, Jerusalem rebatie sera habitee mille ans par les
Chretiens, en compagnie du Christ, — et des morts resuscites, puisque les Pa-
triarches et les Proplietes seront de la fete ; et il attribue ces idees a I'auteur de
TApocalypse [Dial. Tnjph. lxxx, lxxxi); il faut cependant remarquer que, dans
son Apologie a Antonin, Justin n'a pas un mot qui sente le chiliasme.
Apres Papias et Justin, saint //-e/zee (Adv. Haer. v, 28, 3; 31, 1-2; 32-35); Meli~
ton de Sardes, tres probablement (d'apres Gennade, De eccl. dogm. 4) ; Tertul-
lieny a la suite des Montanistes, qui avaient deja vu la Jerusalem du Millenaire
apparaitre en Phrygie au-dessus de Pepouza [Adv. Marcionem, iv, 24; etZ)e spe
fidelium, ouvrage perdu); saint Hippolytc; Teveque Nepos, au temps de saint
Denys d'Alexandrie; Methodius dOlympe (Symposion, ix, 1; De Resurrect. 9);
Apollinaire de I^aodicee qui, d'apros saint Basile et saint Jerome, entreprit de
refuter Denys; Commodien, Lactance (De vita beata), et sans doute beaucoup
d'autres, entrerent tous dans les memes vues : double resurrection, regne de
mille ans avant le jugement general.
Cette enumeration contient de tres grands noms de I'histoire ecclesiastique ;
il ne faudrait cependant pas croire que le millenarisme fut un dogme de I'Eglise
primitive. Saint Justin note qu'il trouvait des contradicteurs, qu il n'ose taxcr
296 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
d'heresie [Dial. Tryph. lxxx, 2). Si saint Irenee en fait une verita de foi, c'est
que, dans son systeme, il a envisage cette conception comme solidaire du dogme
de la resurrection corporelle ; il sait que beaucoup la repoussent, et croit qu'ils le
font sous I'influence d'idees gnostiques. Mais Clement d'Alexandrie a ignore le
chiliasme, ainsi que Clement de Rome, Hermas, Cyprien. Le grand Origene I'a
combattu et traite d'ineptie judaique [Prol. au Cantique des Cantiques; Περί
άρχων, II, 11, 2); saint Denys d'Alexandrie s'attacha a convertir les disciples de
Nepos. En Syrie, saint Ephrem ne connait qu'un jugement. Dans Teglise de
Uome, Hippolyte apparait seul avoir ete milldnariste ; les symboles de foi n'ont
jamais parle que d'un seul avenement du Christ comme juge.
A la fin du iii'= et au iv^ siecle, en Occident, Victorin de Pettau professe encore
le chiliasme dans son commentaire authentique {Haussleiter, pp. 138-142), et
pretend meme I'appuyer sur saint Paul (en distinguant la « trompette » de
I Thess. IV, 15, et la « dernierc trompette » de 1 Cor. xv, 52, v. Exc. xx); plus
tard Sulpice-Severe suivait encore les memes crrements [Dial. Gallus, ii, 14.
Migne P. L, xx; mais le dialogue a ete plus tard epure), et saint Amhroise lui-
meme expose en divers ecrits des opinions peu nettes; il met au moins une
epoque intermediaire entre la resurrection des justes et celle des pecheurs
[Enarr. in Ps. i Migne PL, xiv). Mais saint Jerome et saint Augustin rompent
deliberement avec cette tradition judaisante, comme Tyconiiis I'avait deja fait.
Jerome, dans son edition expurgee de Victorin et de nombreux passages de ses
oeuvres, interprete au sens spirituel I'incarceration du Dragon, sa delivrance, la
resurrection premiere, et applique a TEglise, depuis I'lncarnation, tous les textes
favoris des Millenaristes, dans les Prophetes ou I'Apocalypse. Quant au grand
docteur africain, apres avoir cru lui aussi au sabbat du monde, dans le septieme
millenaire — mais seulement apres le grand jugement de Dieu — [Sermon 259, 2)
il se retracte dans la Cite de Dieu, et traite le chiliasme de ramassis de fables
ridicules. Satan a deja ete lie parle premier Avenement du Christ; I'Eglise regne
deja, avec les saints, sans quoi elle ne serait pas appelee le « Royaume des
cieux » ; les « trones » sont les sieges des chefs qui la gouvernent; Satan sortira
del'Abime, c'est-a-dire du coeur des impies oil il est tenu enferme, seulement
durant les 3 ans 1/2 de TAntechrist, a la fin des temps. Augustin fait done con-
corder le chap, xx, par recapitulation, avec tous les chapitres des Betes qui le
precedent (CzV. Dei, xx, ch. 7-13; al.).
C'est cette interpretation qui a triomphe dans I'Eglise, tant en Orient qu'en
Occident. Auconcile d'Ephese (431), on nomme deja le Millenarisme « les diva-
gations, et les dogmes fabuleux du malheureux Apollinaire » [Labbe, Coll.
Concil. II, 837). Et le profond discredit de ces doctrines trouve une expression
encore plus forte en Occident, ou le catalogue de Gelase, a la fin du V siecle,
range pele-mele Nepos, Tertullien, Montan, Commodien, Lactance, Victorin,
tous les millenaristes a peupres, parmi les « apocryphes ».
Au Moyen Age, Joachim de Flore et son ecole ont bien enseigne une doctrine
qui etait une sorte de semi-inontanisme, de semi-millenarisme spirituel, mais
qu'il ne faut cependant pas confondre avec le chiliasme ancien. Celui-ci n'a per-
severe que chez certains lutheriens (Int. c. xiv, § vii) ou dans d'obscures sectes
prolestaiiles; bien rares sont les exegetes catholiques qui prennent encore la
peine de s'evertuer a le renouveler sous une forme attenuee et conciliable avec
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
297
I'orthodoxie. Quoique le chiliasme n'ait pas ete note d'heresie, le sentiment com-
mun des theologiens de toute ecole y voit une doctrine « erronee », oii certaines
conditions des ages primitifs ont pu entrainer quelques anciens Peres.
III. Le Millenium de Γ Apocalypse. — Est-ce saint Augustin, et I'enseigne-
ment ecclesiastique commun, qui se seraient trompes dans Finterpretation de
I'idee johannique^ Loin de la; car on pent prouver : 1° que le caractere de ce
Regne est purement spirituel; 2° que cette domination miilenaire ne s'etend pas
a tons les hommes, d'ou il suit que la captivite de Satan n'est pas absolue;
3° que ce Regne ne suivra pas I'epoque des fleaux et des luttes, mais leur
coexistera.
1. Ca,ractere spirituel du Regne miilenaire. — Pour etablir ce premier point,
il faut considerer : a qui aura part a cette royaute ; b ce que signifient les mille
ans; c comment on doit comprendre la « Premiere Resurrection ».
a. — Les assesseurs de Dieu qui s'assoient sur des trones pour juger le monde,
sont peut-etre des creatures celestes, comme dans Daniel VII; mais, a cote
d'elles, ce doivent etre aussi les elus de I'humanite, suivant la promesse du
Christ aux apotres et ces paroles de saint Paul (I Cor. vi, 2) : Ne savez-vous
pas que les saints jugeront le monde? Ce trait pent bien n'etre pas entierement
et strictement eschatologique, puisque les jugements de Dieu, provoques par les
prieres des saints [Apoc. viii, 3-5) s'exercent deja de mille manieres. A cote des
juges, et peut-etre parmi eux, Jean voit deux categories d'etres humains : d'abord
les ames des decapites, c'est-a-dire de Tensemble des martyrs faits par la Bete,
et, ensuite, les confesseurs, les Chretiens fideles et perseverants, tous ceux (και
οϊτινες) quin'ont pas adore le monstre (vid. supra). Ces confesseurs sont-ils seule-
ment ceux qui sont morts ? Rien ne I'indique et on pent meme supposer le con-
traire, car il n'estpas dit qu'on voie lews dnies, comme il a ete dit des martyrs;
mais ils sont presentes sans distinction : tous ceux, οιτινες, ames bienheureuses
ou hommes vivanls qui n'ont pas adore la Bete.
Des descriptions analogues ne sont pas rares a travers le livre. Au chapitre vii,
9-10, 14-15, et au chapitre xv, 2-4, le Prophete a vu les fideles de la terre pre-
sents au ciel meme, en compagnie des Anges et des bienheureux, et remplissant
avec eux des fonctions liturgiques de pretres et de chantres; car deja ils sont au
ciel par leurs pensees et leurs sentiments. Un parallele encore plus proche se
trouve au chapitre xiv, 1-5. L'analogie est si frappante avec le regne miilenaire,
que Bousset lui-meme admet I'identite de signification : Les 144.000 sont en
communication directe avec les etrcs celestes, dont ils entendent, apprennent et
redisent le cantique. Ces 144.000 ne sont pas, il est vrai, tous les fideles de la
terre, mais ils eti sont les premices, les ascetes, ceux qui s'opposent de la fagon
la plus alfichee, avec les martyrs, au regne de la Bete; ils s'identifient done avec
une partie des vivants qui regnent pendant les mille ans.
b. — Signification des 1000 ans. Rappelons-nous dans THenoch Slave, chcz
Irenee, chez Hippolyte, et autrcs vieux auteurs, la division du monde en sept
millenaires, dont le dernier repond au sabbat de I'Heptameron, au repos divin
apres la creation, 1000 ans formant un « jour de Dieu ». C'est la le « sabbatisme »
dont parle TEpitre aux Hebreux, ch. m et iv, oil les fideles doivent entrer, d'a-
pres la promesse divine, et oil ils entrcnt deja dans cette vie, par la gr^ce, et d6s
apres leur niort, d apres I'Apocalypse, xiv, 13, sans attendre la Parousie. Comme
298 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
la section des Trompettes, et, semble-t-il aussi, celle des Betes, ne laissent
aucune place dans I'histoire pour une felicite sans melange avant la consomma-
tion, il faut que ces 1000 ans, ce septieme jour spirituel, coincident avec le tout
ou avec une partie des six autres jours livres aux luttes et aux epreuves.
c. — La premiere resurrection. II est dit, xx, 4, des coparticipants du Regne
du Christ, qu'ils « vecurent » (έζησαν). Ceci n'entraine pas la consequence neces-
saire que tous etaient morts auparavant. Cependant cette vie est appelee « pre-
miere resurrection ». Elle est partielle, et s'oppose a la resurrection generale,
mais, de plus, a une resurrection corporelle. Comme la premiere mort, qui est
la separation du corps et de Tame, s'oppose a la seconde mort, ou damnation,
commencec par le peche, de meme la « premiere resurrection » a toute chance
d'appartenir a I'economie presente, puisqu'elle s'oppose implicitement a une
deuxieme resurrection qui suivra la Parousie, et qui sera corporelle et genorale.
Or, nous savons par ailleurs ce qu'est cette premiere resurrection. Pour ceux
qui sont « morts dans le Seigneur », specialement pour les martyrs, c'est, comme
I'ont vu Bossuet et nombre d'autres exegetes orthodoxes, leur glorification au
ciel, et les signes de leur gloire qui apparaissent sur la terre. D'ailleurs, dans
I'Apocalypse elle-meme, au chapitre xi, la meme image apparait employee dans
un sens tout voisin : les Deux Temoins, qui sont morts allegoriquement chaque
fois que I'Eglise parait aneantie, ou peu s'en faut, aux yeux de ses ennemis,
ressuscitent, allegoriquement aussi, quand I'Eglise, apres chaque persecution,
reprend sa vie intense avec toute son activite exterieure, et que le monde com-
mence a comprendre la gloire et la victoire des temoins qui ont paru succomber.
Quant a la part qu'ont actuellement les vivants a la resurrection premiere (Ό l/(ov
μέρος), elle est encore plus facile a comprendre, si nous n'avons pas oublie que
la figure de la resurrection servait continuellement a saint Paul pour signifier la
naissance a la vie du Christ, donnee par la foi et le bapteme [Rom. passim;
Eph. v, 14; Col. iii, 1), et que Jean lui-meme dans I'Evangile s'est servi de la
meme expression pour signifier la vie de la grace (Joh. v, 25) : Venit hora et
nunc est, quando mortui audient vocem Filii Dei, et qui audierint vivent (Ij.
Le Regne de mille ans des hommes avec le Christ a done un caractere spiri-
tuel : c'est la vie de la grace pour les uns, la vie dans la gloire pour les autres.
Nous avons la un tableau de la vie de I'Eglise, dont elle jouit soit au ciel, soit
Tneme deja sur la terre, abstraction faite de ses epreuves exterieures. Et ce
tableau est tout a fait dans I'esprit du livre, comme le montre une comparaison
avec les chapitres vii, xiv, xv, xxii, meme avec le v. 1 du chapitre xi et les vv. 6
et 14 du chapitre xii, qui parlent de la tranquillite interieure du peuple de Dieu.
— Cette conclusion capitale va etre fortifiee par les deux paragraphes suivants.
2° Le Regne millenaire ne s'etend pas a toute I'humanite. — Les bienheureux,
surtout les martyrs, ainsi que les fideles en general, regnent done avec le Christ,
deja avant la Parousie. Mais oii regnent-ils? Est-ce sur toute la terre? Non, puis-
(1) Joh. V, 24, indique bien que ce « nunc est « du verset suivant dosigne le pr6sent, et non
un futur imm^diat, et par consequent que cette resurrection est spirituelle : « qui verbum
meum audit, ct credit ei qui misit me. hnhet vitam aefernam, et in judicium non venit, sed
Irnnsiif a morle in vitam w. Celte image de resurrection prise 24-2.5 au sens spirituel, passe
au sens littcral au verset 28.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 299
que, aux quatre angles de la terre^ ϋ y a encore Gog et Magog. Le nom seul de
ces peuples suffit a montrer qu'ils ne sent pas de ceux sur qui la seconde mort
n'aura pas de prise, et qui auraient deja reconnu la royaute de Christ. De memo
que, au chap, xiv, on a vu la garde du corps de I'Agneau campee sur le mont
Sion, au milieu d'un monde livre aux Betes et a leurs complices, ainsi le Christ
et ses iideles, dans notre pericope, semblent n'occuper que la cite bien-aimee
(v. 9), qui est la meme Sion, qui est I'Eglise. Cette cite deviendra « le camp
des saints », lorsque Gog et Magog, rassembles par le Diable, sans doute a
Harmagedon, pres de la Megiddo symbolique de xvi, 16, monteront sur la
haute plaine de la Judee (επΙ το πλάτος της γής) pour faire le siege de la Jerusalem
spirituellc.
Nous voyons aussi par la ce que c'est que I'incarceration de Satan pour mille
ans. Cette impuissance oh. il est mis, pour mille annees, de « seduirc les nations »,
ne peut etre absolue au point que toute action diabolique ait ete suspendue dans
le monde. Car I'immense peuple de Gog et Magog ne parait pas avoir ete sou-
mis, au moins sincerement et pleinement, au Christ, qui ne regnait que dans la
Sion spirituelle, I'Eglise, avec les saints et sur les saints. Le Diable ne pouvait
done etre lie que relativement (v. saint Augustiii, Civ. Dei, XX, vii et viii; Bos-
suet, ad loc). Virtuellement vaincu et aneanti, il ne pouvait plus seduire de nou-
velles nations ni etendre son regne, mais il pouvait, avec beaucoup d'efforts,
maintenir sur certains points son armee de reserve et la preparer a I'assaut final.
Aussi saint Augustin [loc. laud.) rapproche-t-il cette incarceration de Satan de
I'image evangelique du « Fort » enchaine (Marc, in, 27; Luc. xi, 22). Et c'est a
tres juste titre; il est meme possible que le souvenir de ces paroles du Christ ait
influe sur la vision. Satan a ete lie quand Jesus a commence apiller son empire et
a detruire sa maison. Meme au milieu des persecutions, le Fort, I'ancien Prince
du monde, perdait continuellement du terrain, car sa grande arme lui avait ete
enlevee (xii, 10). Sa reclusion dans I'Abime peut n'etre pas essentiellement dif-
ferente, pour le sens, de sa chute sur la terre au chapitre xn. On salt que Jean,
pour representer des realites foncierement les memes, fait facilement varier ses
images d'une vision a Tautre.
3° 11 n'y a pas propreinent succession chronologique, mais plutSt simulta-
neite, entre les realites du Millenaire et celles des (visions precedentes.
Repetons d'abord, s'il le faut, que le Millenaire ne saurait commencer avec la
Parousie : il precede necessairement celle-ci. Mais le point le plus delicat et le
plus discute est de savoir s'il doit saivve chronologiquement les evenements pre-
cedemment prophetises, ou s'il ne peut aussi bien les accompagner, representer
une autre face de I'histoire future? Nous avons juge qu'il ne pent pas les suivre,
qu'il doit par consequent Icur coexister.
En dehors du rapprochement indique ci-dcssus avec le chap, ix, 1, 11, la com-
paraison avec la section xii-suiv. nous parait decisive. On y voit d'abord le Dra-
gon reduit a une impuissance relative des I'Ascension du Christ (xn), ce qui ne
I'empeche pas depoursuivre la Femme, et de susciter les B6tes contre TEglise.
Mais on y voit surtout que la defaite des Betes ne peut pas prcceder Vinsurrec-
tion et la ruine de (jog el Magog. En effet « reus les rois de la terre » suscep-
tibles de devenir les allies de I'Antechrist ont etc ameutes et concentres a Har-
magedon par les grenouilles-demons sorties do la bouche de la Bete, du Faux.
300 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
Propliete, — et du Dragon (xvi, 13-16; remarquer la « seduction » au v. 14, cfr.
XX, 8). Cette armee des Betes a ete tout entiere vaincue et aneantie au cli. xix,
19-21. Oil resterait-il des ennemis possibles, apres cette victoire decisive du
"Verbe? 11 a done fallu que ceux qui sont representee par Gog et Magog fussent
deja inclus dans ce desastre. Par consequent, la bataille de xx, 8-10, contre les
saints du Millenaire, n'est qu'une « recapitulation » de celle des Betes contre
TEglise; par consequent, /e Millenaire coexislait a I'empire de I'Antechrist. —
La comparaison avec le ch, xiv, 1-5 fortifie encore cette conclusion, car Tarmee
d'ascetes concentree autour du Christ dans Sion (= la Cite bien-aimee de xx, 9)
s'oppose a la masse de ceux qui adoreront un jour la Bete, et qui sont deja les
paiens de I'empire romain (xiii, 14-17). Ce sont done des contemporains de
Jean, et la description de xiv, 1-5, repond bien a des faits que le Prophete a
deja sous les yeux; ce n'est pas seulement une prolepse d'un millenium futur,
comme le veut Bousset. D'ailleurs, les fideles ont deja ete marques au front du
signe de Dieu (xiv, 1), des avant que le livre aux sept sceaux ait ete comple-
tement ouvert, c'est-a-dire des que le Christ est entre au ciel (vii, 3) et a pris
possession, en droit, de sa royaute universelle. Cette occupation de Sion par
I'Agneau et ses forces, est done un fait dont les debuts peuvent etre anterieurs
au temps meme ou Jean a eu sa vision. Or, le parallelisme remarquable que
nous avons deja releve, en nous appuyant sur Bousset lui-meme, montre que
Toccupation de Sion est identique au millenium. Done le Millenium, ce regne
spirituel des Saints, a commence des I'epoque des Apotres. II s'identifie avec
ce Regne du Christ dans I'Eglise et dans le monde qu'ont notifie une foule
d'autres passages. Qu'il n'ait pas commence seulement au repos de I'Eglise avec
Constantin, c'est ce que prouve, selon nous, le ch. xvi, 21 [ad loc).
Nous pensons que ces considerations ne manquent pas de force convaincante.
Le Millenaire ne constitue pas une periode chronologiquement distincte du reste
des ciges messianiques. Ainsi I'ont compris saint Augustin, Andre de Cesaree, et,
on peut le dire, toute la tradition catholique depuis la ruine du Chiliasme, Joa-
chimites a part. II est vrai que les anciens auteurs ne comprennent pas Fassaut
de Gog et de Magog comme s'identifiant avec I'ensemble des attaques sanglantes
livrees par le monde a I'Eglise, mais seulement avec la guerre de rAntechrist
personnel, qui n'aura lieu pour eux qu'a la fin des temps. Mais nous pouvons
concilier avec cette interpretation celle que nous soutenons. Le Prophete envi-
sage bien la continuite du pouvoir hostile des Betes, y compris Gog et Magog.
Seulement, dans les visions xii-xix, il insistait sur les persecutions et les luttes,
tandis que dans la pericope xx, 1-10, il a mis I'accent sur la tranquillite royale
que conserve I'Eglise au milieu de ces peripeties (tranquillite deja figuree, repe-
tons-le, par les scenes deja mentionnees du chapitre vii et du chapitre xv, par la
preservation du temple interieur au ch. xi, par la retraite de la Femme au cha-
pitre XII, par le cantique de Sion au chapitre xiv). Les persecutions des Betes,
considerees une a une, lui apparaissent toutes comme breves et precaires, ce
qu'il exprime par I'emploi du chiifre symbolique 3 1/2, tandis que les « 42 mois )i
signifient leur repetition constante a travers les ages messianiques (Exc. xxiii).
Au contraire, les destinees glorieuses de I'Eglise se poursuivent sans interrup-
tion, quoique non sans combats, et cette stabilite est figuree par les 1.000 ans.
Dans la vision de xx, son attention prophetique passant par-dessus les siecles
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 301
des persecutions romaines, a pu se fixer principalement sur le repos relatif dont
devait jouir TEglise apres la fin de I'empire paien; c'est pourquoi Grotius et
d'autres font commencer le Millenaire a Constantin; vue trop exclusive. Saint
Augastin a mieux vu que ce Millenium comprenait tous les temps messianiques
depuis I'Incarnation. En tout temps d'ailleurs, le repos millenaire n'est que rela-
tif, comma I'impuissance de I'Adversaire. Le Regne du Christ est expose a des
retours violents de I'ennemi, et, suivant Topinion commune, a une attaque plus
violente que toutes les autres vers la fin des temps, lors de cette Parousie de
I'Antechrist (Ap. xvii, 8 : παρέσται; 11 Thessal. ii, 9), qui, parmi toutes les luttes
de I'histoire, aurait absorbe dans notre pericope (xx, 8-10) I'attention de saint
Jean et qu'il aurait figuree par la campagne de Gog et de Magog, apres lui avoir
fait, aux cli. xiii-xvii, signifier I'apogee du culte imperial et des persecutions. II
se place done, en ce chapitre, a un point de vue different de celui des visions
precedentes; mais ce sont bien les memes evenements qu'il predit la et dans le
reste du livre; seulement ces evenements sont presentes sous une autre face, et
les deux aspects peuvent parfaitement se concilier, puisque des traits nombreux,
dans toutes les sections de I'Apocalypse, les montrent deja simultanes.
Nous pouvons maintenant revenir a notre assertion principale, et repeter ce
qui est suifisamment prouve desormais :
La prophetie du Millenium, qui fait parfaitement corps avec les autres pro-
pheties du livre, est simplement la figure de la domination spirituelle de
I'Eglise militante, unie a I'Eglise triomphante, depuis la glorification de Jesus
jusqu'a la fin du monde.
Comment se fait-il alors que tant d'anciens auteurs si respectables, si proches
del'epoque de Jean, et meme Asiatiques comme Papias et Irenee, I'aient compris
dans le sens litteral? Nous ne pouvons guere nous I'expliquer que par les memes
influences juives qui iirent attacher tant d'importance a I'Antechrist personnel.
Quand les illusions du i" siecle sur la proximite de la Parousie se mirent a decli-
ner, les plus impatients de la felicite entrevue se rel'ugierent dans le mezzo ter-
miiie d'une prochaine conquete de la terre, calquee sur I'espoir populaire qui
soutint quelque temps les Juifs apres la ruine de la Ville Sainte. II est pro-
bable que les judeo-chretiensou des heretiques judaisants, comme Cerinthe, don-
nerent les premiers dans ces idees ; de la elles auraient passe a quelques presbytres
d'Asie. — si toutefois Papias a bien compris leurs dires. Car on pourrait etre
tente de supposer avec Eusebe que le vieil eveque d'Hierapolis — surtout s'il
elait vraiment « σμικρός τον νουν » — interpreta a sa fagon les rapports aposto-
liques, sans se rendre compte que les anciens avaient parle en figures et en sym-
boles [Eus. H, E. iii, 39, 12). Peut-etre aussi faut-il rejeter la faute sur des pres-
bytres anterieurs; au moins n'oublions pas que Papias n'appuyait ses dires que
sur des traditions orales, Ix παραδόσεως άγραφου, sans recourir expressement a
I'Apocalypse que pourtant il a connue (Int. c. xiir, 1). Eusebe ajoute que c'est a
cause de lui que noml)re d'auteurs ecclesiastiques, en consideration de I'antiquite
de son temoignage, adopterent I'opinion millonariste : ωσπερ oOv Κίρηναίω και ει τις
άλλος — par exemple Justin avant Irenee — τά δαοια φοονων άναπε'φηνεν. [Eus. ibid. 13).
302 APocALYi'Si: de saim jean.
Et Ton sail comment les idees qui ont reussi a se faire passer pour une tradition
exegetique sont ensuite difficiles a deraciner. Rien n'etait plus naturel, apres
avoir herite de ces ideas des Juifs, que de les introduire de bonne foi dans ΓΑρο-
calypse, vu le genre du symbolisme dont elle avait use.
Un dernier mot s'impose sur le Millenium. Puisque 1000 est de soi un nombre
rond, qui doit s'entendre d'une duree quasi indefinie, et que saint Jean, nulle
part ailleurs, n'a enseigne que le monde present dut vivre exactement sept mille-
naires (Exc. xxiii et Int. c. y, ii, § i, 4), il n'y a pas lieu de supposer quil ait
pris ici ce chiffre a la lettre. Cela veut dire tout simplement des siecles et des
siecles, une succession tres longue, aussi longue que Dieu le voudra pour com-
pleter la moisson des elus. Par consequent il n'a parle de /po'vov μικρόν au ch. vi,
11, et d'oXiyov καιρόν au ch. xii, 12, qu'en se plagant au point de vue de person-
nages vivant dans FAu-Dela, les martyrs au ciel et le Demon, qui font Jeurs
calculs sur reternite, et pour qui aussi « mille ans sont comme unjour»(V. Exc.
XIII, sur "Ερ/οααι τα/ύ). Nous avons vu de plus que le regne des Betes, qui doit
s'ecouler tout entier avant le retour du Christ, semble devoir se prolonger dans
une longue periode. Concluons done que la Parousie, aux yeux du prophete
inspire, le seul qui ait parle dc son epoque ex professo, etait reculee dans un
lointain absolument indefini (cfr. Int., ch. ix, iii).
(VoirScHURER II, 496-556 — Szekely, pp.C4-75, — Bousset, Rel. Jud^. pp. 330-
333; et Offenb. ad loc. — Gry, Le Millenarisme dans son origine et son deve-
loppenient. Paris, 1904. — Lagrange, Mess, ii, c. v, pp. in, c. iv-v — Weber,
VoLz. Charles, Kautzsch, etc.).
F. LE JUGEMENT GENERAL DEVANT LE TRONE DE DIEU
ET LA VIE FUTURE
(xx, 11-xxi, 4).
Int. — La vision precedente a resume, coinme la preface au ch. XII, I'ensemble des
hilLes de I'Eglise contre le Diable, mats en y ajoutant le resullat definitif. Dans la
premiere section, on pouvait trouver un rapport semblable entrc VI, 2-VII et XI, 1-13.
Maintenant un point final est mis a toutes les agitations terrestres ; toute opposition au
Regne de Dieu et de lAgneau est aneantie a jamais. Dieu va assigner a chacun, pour
I'eterniie, le sort que lui ont merite ses osuvres. Jean decrit done, en termes dune
sobre majeste, le Jugement general (xx, 11-13), mentionne VEnfer (14-15) et insiste avec
complaisance sur le del, sejour de la beatitude (xxi, 1-4); c'est le point d'aboutisse-
ment de I'antitliese qui a couru ci travers le livre entier. La maniere tres dijferente
dont le Prophete traite de VEnfer et du Ciel, se debarrassant en deux versets de la
triste vue du premier, pour se plonger avec amour dans la contemplation de la Jerusa-
lem celeste, c'est quelque chose de tout a fait remarquable, et tres revelaleur de V es-
prit de ce livre, oeui're d' encouragement, de consolation et d'optimisme.
La deuxieme section proplietique se termine done comme la premiere [cfr. XI, 15-
18); mais la le Jugement general n'etait qu'indique, tandis quid il devait etre naturel-
lement traite avec quelque ample ur, puisque nous touclions a la fin de la Revelation.
Reniarquons cependant combien la description, si saisissante quelle soil, reste sobre, et
comme Jean a evite d'y meler aucun trait fantastique emprunte aux traditions du
genre. Le contraste avec des passages comme les chapitres VIII et IX, par exemple,
est notable.
Les critiques en general n'ont pas separe ce passage du reste du chapitre —
excepte Erbes, qui classe XX, 11-XXI, 4 dans I'Apoc. de 62, pour revenir avec XXI, 5
a celle de 80, et Schoea qui vait dans XX, 7-15 une addition redactionnelle. Cependant
Bruston assigne XXI, 1-8, a la seconde Apocalypse ; Spitta aitribue XX, 8-15; XXI,
1, ό^ 6^ a J^ , dont ce serait la conclusion; Job. Weiss laisse I'ensemble a Jean d'Asie,
mais donne XX, 15 et XXI, i^-8 a I' « Editeur » ; Sabatier retrouve dans XX, 11-XXI, 8,
la main chretienne originate, et Weyland/a/i de tout le morceau, jusqu' a XXI, 8, la fin
de 2, Jiiif II ^'^ sans dire que leurs theories des sources imposent a la plupart de
decouvrir cci el la des interpolations redactionnelles.
En realite, le present morceau est la suite du precedent, sans indice dime main
nouvelle; et il fournit un dernier argument en faveur de notre interpretation du Mil-
lenaire, argument qui resterait valable dans toute hypothese. Ou bien en effet XX,
11-suiv. fait logiquement suite a XX, 1-10, ou bien cette pericope est independantc
de la premiere. Si elle est independante, elle contredirait la premiere entendue au
sens d'une « premiere resurrection » corporelle, ear elle parte de tous les morts,
quels qu'ils soient, sans aucune marque de restriction, et les fait ressusciter ensemble.
Si XX, 11-suiv. est uni intimement a la pericope du Millenaire, la conclusion est la
mime, et encore plus manifeste ; en effet, s'il y avait deja eu une resurrection partielle,
on attendrait au v. 12 quelque expression comme άλλους νεκρούς, τους λοιπούς των νεκρών,
tandis qu'il y a tout simplement νεκρούς, sans distinction : les bons et les mauvais ressus-
citent a la fois, puisque chacun est j'uge « selon ses ceuvres », Ce morceau exclut done
I'hypotliese que la resurrection corporelle ait ete deja partiellement accomplie — a
moins qu'on ne veuille faire les ressuscites du Millenium mourir une seconde fois
avant le grand jugement; — idee singuliere d'une double mort corporelle des saints,
qu'on ne trouverait mime pas c/iez Esdras.
304 APOCALYPSE UE SAIXT JEAN.
C. XX. 11. Και εΤδον θρ6νον μέγαν Xsuxbv, και τον καθήμενον *έζ' αυτόν οΖ a-c
τοΰ zpocoj-su *£9υγεν ή γ^ και b ουρανός, κα\ τό-ος 5υχ ευρέθη αυτοϊς. 12. Και
εΤοον τους νεκρούς, τους μεγάλους και τους μικρούς, έστώτας ένιόττιον τοΰ θρόνου,
και βιβλία ήνοίχθησαν' κα\ άλλο βιβλίον ήνοίχθη, ο έστιν της ζωής" να\ εκρίθησαν ο•
νεκροί εκ των γεγραμμένων έν τοις βιβλίοις κατά τα ε'ργα αΰτων. 13. Και Ι$ωκεν ή
θάλασσα τους νεκρούς τους έν αυτή, και ό θάνατος κα\ ό αοης εοωκαν τους νεκρούς τους
έν αϋτοΐς, και *έκρ''θησαν έκαστος κατά τα έργα αυτών.
14. Και ό θάνατος και ό α$ης εβλήθησαν εΙς την λίμνην τοΰ ^υρός' ούτος ό θάνατος
ο δεύτερος έστιν, ή />ίμνη τοΰ πυρός. 15. Και ε'ί τις οΰχ ευρέθη έν τη βίβλω της ζωής
γεγραμμενος, εβλήθη εΙς την λίμνην τοΰ ζυρός.
Α. Β. 11. Pour έ-' αυτόν, on trouve aussi έπ' αύτου (Α-ο'*-02), αϋτώ. — Apres προσώπου,
Αν 41-67-2031, Αν 42-153-2060 ajoutent αύτοΰ, ce qui serait bien de la grammaire de
Jean. — Erection d'un trone (qui n'est pas oelui du del, i\), cfr. Hen. eth. xc, 20, et les
trones allegoriques de xx, 4; cfr. aussi IV Esd. vn, 33 : « Revelabitur Altissimus
super sedera judicii, et pertransibunt miseriae ». — καΙ τόπος κτλ, cfr. Dan. ii, 35 (LXX),
et Apoc. xii, 8.
C. 11. Le trone du jugement est blanc, ce qui est le signe de la misericorde surpas-
sant la justice, comme la « nuee blanche » oii etait assis le Fils de I'Homme, xiv, 14.
(V. Exc. XII). Encore ici, I'auteur ne designe Dieu qu'avec sa reserve mysterieuse; si
le .luge est le Christ lui-meme, il ne le dit pas (Int. c. xiii, ii, § V). La scene qui va
suivre a ete vue par prolepse xiv, 14-20; ici elle n'est pas moins sobre, mais le style
est moins metaphorique. « Le ciel et la terre s'enfuient », ce qui rappelle I'image pro-
phetique du ciel « roule comme un livre »; mais ce n'est pas pour gtre aneantis; les
anciens auteurs, Jrenee (Adv. Haer. v, 36, 1), Prim., And., Aretltas, ont fort insiste sur
ce point. Voir au verset xxi, 1.
— — A. B. 12. On trouve le singulier, ou ηνοιξαν [rec. K) pour ήνοί/θ. — jitSXfa,
cfr. Dan. vii, 10; Mai. in, 16; Jer. xvii, 1; Hen. eth. xc, 20; IV Esd. vi, 20; άλλο βιβλίον_,
le « livre de vie », comme in, 5; xiii, 8; xvii, 8 (V. Exc. xvi). Ces images qui reparais-
sent raontrent bien I'oeuvre de Γ « Apocalyptique de derniere main » comme dit Bous-
sel. — Cfr. le jugement des morts. Hen. eth. xlvii, 3; xc, 24; etc.
C, 12. Les versets 12 et 13 anlicipent le reste de la description, et 12=^ anticipe 13,
selon le precede caracteristique de notre auteur (v. Int. a ch. xii). Bousset et d'autres
ont tort de lire entre les lignes que les ressuscites du « Zwischenreich » seront exempts
de ce jugement (v. Int., supra). Les termes sont absolument universels.
— — A. B. 13. κατίχ.ρίθ/,ααν de K, pour έχρίΟτ,ταν, est un contre-sens, car il s'agit du
jugement des bons comme des inechants. — Cfr. Hen. eth., lxi, 5 et IV Esd. vii 32. —
La « Mort » et Γ « Hades », cfr. vi, 8, mais le sens est autre ici.
C. 13. L'Enfer et la Mort sont ici personnifies comme deux raonstres insatiables;
mais θάνατος n'est plus la peste, comme au ch. vi : c'est toute cause de fin et de ruine.
Comme dans Hen. eth., supra, il n'est pas de lieu si cache qui ne doive restituer toute
la poussiere humaine; si Γ « Hades » est I'enfer proprement dit, ce serait un nouveau
temoignage pour la resurrection des damnes ; mais il signifie plus probablement les
dessous les plus perdus de la terre.
B. C. 14. « La seconde mort «, cfr. xx, 6. — L'aneantissement de la mort,
idee qui se trouve Is. xxv, 6, et IV Esd. vii, 31, rappelle justement a Andre le passage
de saint Paul, I Cor. xv, 26 (cfr. 54-55) : « Le dernier ennemi qui sera detruit, c'est la
mort. » Le chatiment de ces deux etres allegoriques ne pent signifier que la ruine
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 305
C. XX. 11. Et je vis un grand troae blanc, et Celui qui y etait assis,
devant la face de qui s'enfuit la terre et le ciel, et il ne leui' fut plus
trouve de place. 12. Et je vis les morts, les grands et les petits, se tenant
debout en face du trone ; et des livres farent ouverts ; et un autre livre fut
ouvert, qui est [celui] de la vie; et les morts furent juges sur les [choses]
ecrites dans les livres, d'apres leurs oeuvres. 13. Et la mer donna les morts
qui 6taient en elle, et la mort et FHades donnerent les morts qui etaient en
eux, et ils furent juges chacun d'apres leurs oeuvres.
14. Et la Mort et I'Hades farent jetes dans I'etang du feu; cette [mort] est
la deuxieme mort, I'etang du feu. 15. Et si quelqu'un ne se trouva pas
inscrit dans le livre de la vie, il fut jete dans I'etang du feu.
de leur pouvoir sur la creation restauree, et il montre, selon nous, comment il faut en-
tendre celui de la Bete et du Faux Prophete (xix, 20; xx, 9).
A. B. 15. ^'Jpε^σzτa^ι (X*) pour ευρέθη. — Cfr. supra, 12; Hen. et/i. xc, 20, 24, 26
C. 15. Qu'ilyait une resurrection pour la mort comme pour la vie, Dan. x\, 12,
I'avait deja enseigne explicitement dans ΓΑ. T.; cette verite de foi est claire surtout
dans le IV^ Evang-ile, Joli.\, 29, οί τα φαΰλα τζράξανχες εις άνάατασιν κρίσεως.
Α. Β. XXI, 1, Forme ά-ηλθαν (χ, Α, Tisch., W-H,etc.; Ii\t.,c. χ, § II);ailleurs
άτςηλθον, (Q, al.), άπηλθεν, παρηλθεν. — Pour ή θαλ. κτλ, Α a ecritκα\ θάλασσαν ουκ εΐδον, peut-
§tre par reminiscence de xxi, 22. — « Ciel nouveau » et « terre nouvelle », la « palin-
g-enesie » de Mat. xix, 28; pour ce renouvellement du monde, cfr. Js. lxv, 17; lxvi, 22;
Hen. ei/i.xxiv-suiv.; xlv, 4-5; lxxii, 1; xci, 14-16; civ, 1-6; Jub. i, 29; Hen. si. lxv, 6-
suiv.; Ass. Mos. x, 6; IV Esd., vii, 31; viii, 52-54. Dans le N. T., les passages II Cor^ v,
17, et Gal. vi, 13 (ainsi que Ep. Barnabe vi, 13), parlent de la regeneration spirituelle;
mais I'idee et les termes de II Pet. in, 13, correspondent absolument a ceux de notre
Apocalypse, et le sens profond est exprime Rom. viii, 20-22 : la creation elle-meme sera
delivree du regne de la coi-ruption et de I'instabilite, de la ιχαταιο'της.
C. XXI, 1. Les huit premiers versets du chapitre ont un double role : ils comple-
tent d'abord la pericope qui nous occupe, en donnant le second membre de I'antithese;
apres avoir rapidement, et comme avec repugnance, mentionne I'Enfer, Jean s'etend
avec enthousiasme sur la vie bienheureuse dans la creation restauree; mais ils servent
aussi d'introduction aux visions de la Jerusalem celeste, qui forment la derniere partie
du livre (cfr. le role de viii, 3-5 avant les Trompettes, etc.).
L'eschatologie de ce passage est, dans un sens, une repetition de la Genese, ce qui
deviendra encore bien plus manifeste dans la troisieme partie du livre. La mer dispa-
rait, car c'etait I'embleme des agitations de la vie presente [And.], ou « un vestige du
chaos » [Calines). Swete note avec beaucoup de delicatesse que pour Jean, I'exilede Pat-
mos, la mer est « ce qui separe ». Cette disparition de la mer n'est point precisement
parallele a Sib. v, 158-suiv., car la c'etait une consequence de I'embrasement general,
et il n'est pas question d'^κ7Iύpωσ^; dans I'Apocalypse; mais le passage indique de
VAssoinption de Mo'ise nous y fait Voir un trait de l'eschatologie traditionnelle; les Juifs
n'aimaient pas I'ocoan; et c'est de la que la Bete etait montee xiii, 1.
— — A. B. 2. έκ... άπό : « εκ gibt den Urspung, oltm den Urheber an » (Bousset). —
Cfr. Ill, 12 pour cette Jerusalem nouvelle, et les pericopes suivantes; sous un certain
aspect aussi, xi, 2; — ήτοΐ[χ. ώς νύμφην, cfr. XIX, 7. La vraie Jerusalem qui sera revelee
n'est pas celle qui a ete detruite, Bar. syr. iv, 3-suiv.; cfr. Sib. v, 420-suiv., et beau-
coup d'autres apocryphes (Exc. xxxviii). Happrocher le curieux passage de IV Esd.
X, 27-suiv., la Femme qui se change en ville.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 20
306 APOCALYPSE DE SAINT JEAX.
G. XXI. 1. Κα: εΤοον oupavbv καινον και γην καινήν' δ γαρ πρώτος ουρανός καΙ
ή πρώτη γη *ά7:ήλθαν, και *ή θάλασσα ουκ εστίν ετι. 2. Και τήν πόλιν τήν άγίαν
Ίεριυσαλήμι καινήν ειοον καταβαίνουσαν *έκ του ουρανοΰ *άπο του 6εου, ήτοψ-ασμένην
ώς νύμφην κεκοσμημένην τω άνορί αυτής, 3. Και ήκουσα *2;ωνί;ς μεγάλης εκ του
*θοόνου λεγοΰσης' Ίδου ή σκηνή του θεού μετά των ανθρώπων, και *σκηνώσει μετ
αυτών, και αυτοί λαοΊ αΰτοΰ έσονται, και *αυτος ο θεός μετ αυτών εσται, k. Καί
έςαλείψει πάν οάκρυον εκ των οφθαλμών αυτών, και δ θάνατος ουκ εσται ετι, ούτε
πε'νθος ούτε κραυγή ούτε πόνος ουκ εσται ετι' ότι τα πρώτα απήλθαν.
C. 2. Jean utilise symboliquement la croj-ance des Juifs a la Jerusalem preexistante,
qui devait etre revelee aux derniers jours, la cite future et ideale vers laquelle les
Israelites, a I'exemple d'Ezechiel (xL-fin) avaient tourne leurs esperances apres la
catastrophe de Tan 70. Mais il ne I'entend pas dans un sens materiel; c'est I'Eglise, la
societe des ames sanctifiees, qui existe deja, quoique plongee en partie dans les souf-
frances terrestres, et ne possedant pas encore sa gloire totale. II la voit ici dans son
etat definitif. Ainsi toute I'exegese catholique, Andre, Prim., Apringius, les modie-
vaux, etc. Bossuet explique que les mots « Je vis descendre du ciel, etc. » veulent
dire, dans le sens mystique, que I'Eglise qui est dans le ciel est la meme que celle qui
est sur la terre, et que c'est du ciel, en effet, que nous sommes citoyens. La suite du
commentaire etablira la justesse de cettevue. Jean fait plutot ici de Jerusalem Vhabita-
tion que \ά personnification des elus; pourtant elle est la « fiancee », en tant que, habi-
tation spirituelle, elle ne fait qu'un avec ceux qui I'habitent; c'est du reste la meme,
sous un autre aspect, que la Femme-Mere du ch. xii, et elle s'oppose a la capitale
mondaine, Babylone, comme metropole de la nouvelie terre (v. infra).
— ^^ A. 3. Au lieu de ηχούσα φωνής (Int., C. X, § II), X* omet ηκ. et lit : φωνή μεγάλη...
λ-αλουσα. — ϋρόνου est la Ιβςοη de κ, A, vulg.. Irenie, Ambroise, Aug., les autres portent
o'jsavou. — έσκήνωσεν pour σκηνώσει Ν*, g. — Κα\ αυτός ό θεός ιχετ' αυτών εσται : complete par
les mots αυτών θεός (θ. α.) dans Α, Ρ, al, Iron., vulg., syr. Cette addition semble explica-
tive : le « Dieu avec eux » sera lui-meme leur Dieu. Gfr. Is. vii, 14 : Sn liQJ?, nom du
Messie predit; elle est accepteede B. Weiss. TF-^ hesitent; Tisch., Soden la rejettent,
et lisent εσται αετ' αυτών avec Ν, And., al. A cause du parallelisme de κα\αύτο(... και
αυτό:..., nous faisons de ό θεός μετ' αυτών, un predicat, comme λαοΊαύτοΰ.
Β. 3. Gfr. Ezech. xxxvii, 27 : « Mon habitation sera au-dessus d'eux; je serai leur Dieu
et lis seront mon peuple » ; id. Jer. xxxi, 33; Zach. viii, 8; apres Gen. xvii, 8; Livit..
XXVI, 11-12, cite librement II Cor. vi, 16. — σκηνώσει, cfr. vii, 15; xiii, 6; xv, 5, et Heb.
VIII 2; IX, 11.
C. 3. La fraicheur et la penetrante suavite des versets 3-4 rappellent la description
du ch. VII, 15-17. Puisqu'il s'agit de Dieu a la troisieme personne, et, croyons-nous
egalement, de Γ « Emmanuel » qui sera leur Dieu, la voix qui prononce ces paroles
doit etre angelique, celle d'un « Ange de la Face ». On voit nettement ici encore, comme
XIII, 6, que σκηνόω ne signifie pas une habitation temporaire; cfr. Heb. supra : σκηνή
αληθινή, αείζων κα\ τελειότερα σκήνη.
.^— . Δ. Β. C. 4. Cfr. VII, 17; termes inspires d'Isa'ie, xxv, 8; xxxv, 10; lxv, 16-19
ά::ηλθαν, de A, comme au v. 1 ; ailleurs ά-ηλθον, άπηλ^ε,. On pent comparer, si Ton veut,
II Cor. V, 17 : τα αρχαία -αρηλΟεν, ΐδοϋ γέγονεν καινά. Mais saint Paul parle de la vie indivi-
duelle du chretien, et saint Jean de la palingenesie totale.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 307
C. xxi. 1. Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle; car le premier
ciel et la premiere terre s'en etaient alles et la mer n'existe plus. 2. Et la
ville sainte, Jerusalem nouvelle, je [la] vis qui descendait du ciel, d'aupresde
Dieu, preparee comme une fiancee qui s'est paree pour son epoux. 3. Et
j'entendis une grande voix, [venue] du trone, qui disait : « Voicile tabernacle
de Dieu avec les hommes, et il dressera sa tente avec eux, et eux, ils seront
ses peuples, et lui il sera « Dieu-avec-eux ». 4. Et il essuiera toute larme de
leurs yeux, et la mort n'existera plus; ui deuil, ni cri, ni peine n'existera
plus; parce que les premieres [choses] s'en sont allies. »
EXC. XXXVIII. LA NOUVELLE JERUSALEM, FIANCEE DE l'aGNEAU.
Cast deja le lieu d'expliquer ici les origines et le sens de cette Jerusalem, qui
est a la fois une ville et une femme. Nul connaisseur de I'Ancien Testament ne
s'etonnera de voir une nation ou une cite personnifiee en femme ; I'allegorie pent
done lui attribuer aussi d'etre une « fiancee » ou une « epouse ». Jahweh, par la
bouche des prophetes, s'etait souvent donne comme le fiance ou le mari de la
nation Israelite ; voir Osee, ii, 19, 21 ; Isa'ie, liv, 6 ; Ezechiel, xvi ; le Ps. xliv (xlv),
deja considere comme messianique dans les Targums; le Cantique des Can-
tiques, pris au sens mystique, et bien d'autres passages qui s'inspirent du meme
symbolisme. Dans le Nouveau Testament, I'union du Messie a Israel, et la recon-
naissance de cette union, est souvent representee comme un mariao-e; voir
Mat. xxii, 1-suiv. ; xxv, 1-suiv. : Marc, ii, 19; Joh. iii, 29, avec tons ces termes
de νυ[χφη, νυμφίος , νυμφιόν, υίοι του νυμ(ρωνος, γάμος, φίλος του νυμφίου; cfr.
II Cor. ΧΙ, 2 ; Eph. ν, 25-suiv. Ces metaphores sont devenues des plus cheres au
langage mystique; et il faut n'avoir pratique que bien superficiellement I'Apo-
calypse pour ignorer toute la tendresse qui est au fond du terrible ecrit. Pour
recourir a cette gracieuse figure, si traditionnelle, si evangelique, Jean n'avait
pas besoin, comme le voudrait Bousset et I'ecole « religionsgeschiclitlich », d'etre
a son insu sous I'influence d'un mythe babylonien relatif aux noces de Mardouk
et deZarpanit; — je ne parle pas du mariage gnostiquedu Sauveur et de Sophie!
II faudrait au moins prouver d'abord que les noces de Mardouk tenaient une
telle place dans la mythologie, et marquaient le debut de I'annee, la periode
nouvelle ; Zimmern ne I'a pas fait, que je sache, non plus que Gunkel, Bousset,
Jeremias et les autres. Et Mardouk n'est pas un agneau (v. Exc. x\'),
Jean a done figure tres naturellement I'Eglise en Jerusalem, et Jerusalem
comme une femme, parce que c'etait de tradition. Nous avons vu que la Femme
du chap, xn est aussi I'Eglise, consideree toutefois sous un autre aspect. Ces
deux aspects sont du reste complementaires. La meme Eglise, qui est la mere
des fils de Dieu, dont le Messie est le premier-ne, est aussi la fiancee ou I'epouse
du Christ-Dieu, comme la Synagogue Fetait de Jahweh. Cette imao-e est celle
qui convient le mieuxa I'epoque de la palingenesie, pour rendre la jeunesse tou-
jours nouvelle, et I'eternel emerveillement de I'amour beatifiant, une vie d'a-
mour qui, apres des milliers de siecles, sera aussi fraiche que si elle venait de
commencer. La maternite a ses douleurs, tandis que les fiangailles et les noces
n'eveillent, en soi, que des idees de joie.
308 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
Mais Jean ne peut oublier qu'il a donne a cette Fiancee mystique les noms
d'une ville, de la Ville Sainte qu'il a opposee a Babylone la courtisane, cite de
I'Anteclirist. Cette double designation entraine une double serie d'attributs,
convenant les uns a une femme, les autres a une cite; le Prophete les alterne,
les combine meme, d'une fagon assez surprenante pour notre gout, mais dont il
a deja donne de nombreux specimens dans son style (Int. c. vi). Pen d'auteurs
ont use plus spontanement des libertes de Pallegorie, genre qui admet un cer-
tain flottement des metaphores. Dans la 3" partie, c'est limage de la ville qui
dominera absolument, Tautre demeurant cependant toujours presente dans la
penombre. Esdras a donne un specimen beaucoup plus naif du meme precede.
Dans sa quatrieme vision, il voit une femme qui se plaint de lar perte de ses
enfants, etil lui fait des reproches de se laisser absorber par ses malheurs person-
nels, cai il ne reconnait pas que cette femme est Sion desolee ; mais tandis qu'il
lui parlait, le visage de I'affligee « se mit tout a coup a etinceler, et son aspect
devint comme la clarte de la foudre;... elle cria tout a coup d'une voix haute et
effrayante, si bien que la terre trembla a ce cri. Et quand je regardai, ce n'etait
plus la femme que j'avais sous les yeux, mais une cite construite, et une place se
montrait a moi, assise sur de puissants fondements » [IV Esd. x, 25-27). L'Ange
Uriel explique au Voyant que c'est I'image prophetique de la transformation
fflorieuse de Jerusalem.
ο
Jean se conformait done a une tradition apocalyptique en vigueur depuis Eze-
chiel, xL-suiv. De tout temps, Jerusalem glorifiee avait ete le lieu assigne au
bonheur de la fin des temps. Si la ville terrestre avait ete raise en mines, il exis-
tait au ciel, dans les reves des Apocryphes, une ville preparee par Dieu, dont
celle de la terre n'etait qu'une pale copie, et qui devait un jour se reveler et .
s'ouvrir aux elus. Deja dans He7i. eth., xc, 28-32, il etait question d'une « nou-
velle maison » que Dieu substituerait toute faite a I'ancienne. Les Apocryphes
posterieurs dirent en termes expres qu'elle preexistait deja au ciel toute b^tie
[Bar. syr. iv, 2-6). Dieu I'avait montree a Adam avant la chute, puis a Abraham,
a Moise sur le Sinai, quand il lui commanda de construire le Tabernacle ; cette
Jerusalem preexistante est associee, sinon plus ou moins identifiee, au Paradis
terrestre, qui est aussi conserve pres de Dieu. Les passages de IV Esd. vii, 26
(« la ville invisible et la terre cachee »), et x, 27-suiv., 54 [supra] parlent au
moins de la meme origine celeste, sinon de la preexistence; cfr. IV Esd. xiii, 6,
36; vni, 52. Dans Hen. si. lv, 2, le patriarche, dans son voyage au ciel, y voit
cette Jerusalem, ou deja sont reunis les bienheureux. Des traces de cette
croyance, qui devait revetir un caractere plus materiel chez les uns, plus spiri-
tuel chez d'autres, peuvent encore etre relevees, dans le Test, de Dan, 5, les
Paraboles A' Hen. eth. (liii, 6, peut-etre xxxviii, 1, d'apres le cod. D), ainsi qu'en
d'autres apocryphes, peut-etre meme dans les Jiibiles iv, 26 (v. Volz, pp. 336-
suiv., Schilrer, ii, 536-suiv., etc.).
Jean avait deja utilise ce genre d'imagerie, en plagant au ciel, comme sespre-
decesseurs, des autels et un temple (ch. vi, viii, xiii, xv). II lui etait d'autant plus
naturel d'employer aussi la figure de la Jerusalem du ciel, pour signifier a la fois
I'Eglise triomphante et le sejour des elus, que le N. T. [Gal. iv, 26; Heb. xii, 22)
avait parle avant lui de la Jerusalem « d'en haut » ou « celeste ». Mais n'allons
pas croire qu'il en ait fait, plus que saint Paul, une ville materielle, a I'instar de
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 309
certains Juifs; la preuve peremptoire que ces expressions sont purement allego-
riques, et doivent s'interpreter spirituellement, c'est que la « Fiancee » = la
Jerusalem celeste, est aussi sur la terre, ou elle souJBfre et prie (voir xxii, 17). Ce
point, que nous aurons plus loin a defendre contre Charles, montre I'identifica-
tion substantielle dc la « Fiancee de I'Agneau » avec la « Femme » de XII, refu-
giee au desert devant les embuches du Dragon. Ainsi I'Eglise est une Vierge-
Mere dans la Lettre des martyrs de Lyon.
IV. EPILOGUE DE TOUTE LA SECTION PROPHETIQUE
(XXI, 5-8).
Int. — Les critiques, en general, ne separent pas ces versets des precedents ; cepen-
dant Erbes les rattaclie a la pericope suivante, comme appartenant a I'Apoc. de 80;
tSpitta y voit encore un melange de J* et d'additions redactionnelles, et Joh. Weiss
attribue a son « Editeur » i^-8. Bousset reconnait dans 1-8 V esprit et le style de
Γ « Apocalyptique de derniere main «.
Les paroles qu'ils contiennent sont placees dans la bouche du Dieu Juge, et c'est
(peut-etre) la premiere fois dans I'Apocalypse que Dieu prendlui-meme la parole. La
gravite des dernicres revelations preparait a cette intervention supreme. Jean doit
ecrire ce qu'il a vu, sur Vordre meme de Dieu, dont la bouche prononce promesses et
menaces. Telle est la majestueusc conclusion de toute cette parlie prophetique, par-
tagee en deux sections, qui a commence au ch. IV, et dont le sujet etait : S [λέλλει γενέσθαι
μετά ταϋτα. L'enthousiasme est porte a son comble, mais I'ecrivain ne se departit pas de
sa serenite vraiment « joliannique y>, ou plutot divine.
G. XXI. 5. Και *εΐ7:εν ό καθήμενος *έτ:ί τω θρόνω" 'Iccj /.αινα -οιώ ττάντα. Και
*λέγει• Γράψον, *'ότι οΟτοι ζ\ λόγοι ττιστοί και αληθινοί είσιν. 6. Και *είπεν μοι"
*Γέγοναν. 'Εγώ το αλίοα και το ώ, ή άρχη και το τέλος. Εγω τω διψώντι δοίσω εκ
της πηγής του ύδατος της ζωής δωρεάν. 7. Ο νικών *κληρονομήσει ταίτα, καΐ εσομ-αι
*αυτώ θεός και *αυτος εσται μοι *υ'.ός. 8. Τοις οϊ δειλοίς και άττίστοις και έβδελυγ-
μένοις και οονεΰσιν και πόρνοις και φαρμακοΐς και εΐδωλολάτραις και πασιν τοΐς
*ψευδέσιν το με'ρος αυτών εν τη λίμνη τη καιομένη πυρΊ και θείω, ο έστιν ο θάνατος
ο δεύτερος.
Α. Β. 5. Remarquer, ici et au verset suivant, les chang-ements de temps sans cause
apparente, εΐπεν, λέγει, εΤπεν. — On trouve aussi le genitif apres irJ., dans And. — 8τι peut
etre enonciatif ou causal; le second sens parait preferable, comme plus energique. —
λόγοι-ιστοΊ και άλ. cfr. xxii, 6; encore XIX, 9 (λόγος αληθ.) et III, 14, xix, 11 (;:ιοτ. και αληθινός).
— Καινέι ποιώ πάντα (ce dernier mot est omis α104-45-459), cfr. Is. xliii, 18-19; II Cor. v,
17; Ep. Barnabe vi, 13 : « τα εσ/ατα ώς τάποώτα η.
—^■^ Α. Β. 6. εΙπεν, ν. supra. — Γεγοναν : sur cette forme, Ιντ,, C. χ, § Π. C'est
la leqon de ν•<^, A, Αν 41-67-2031, Irenee, Prim., ailleurs γεγο'νασιν regulier. Mais on
trouve aussi γέγονεν, ou γέγονα, (x*, Q-al070-O46, P-a3-025 et rec. K, Soden), qui est
difficile a comprendre, a moins qu'on ne le joigne aux mots suivants : γέγονα εγώ το
α κα\ το ώ, « je suis devenu I'Alpha et I'Omega », avec And.; id. rec. K, avec omis-
sion de εγώ. Nous croyons pourtant, avec W-H et la plupart des critiques, devoir
maintenir γέγοναν, a cause du parallele de γέγονεν, xvi, 17, dans une autre scene finale;
le sujet doit etre ούτοι ot λόγοι. Si Ton admet γέγονα, alors Dieu declare que toutes choses
sont retournees a lui, leur principe. — αυτω ajoute apres δώσω (Q, 2402-97 (Scr. 67)-
498, al., rec.K, Arethas) serait bien de la grammaire apocalyptique (Int., c. x, § II). —
έκ partitif johannique (Int., c. x, § II, et c. xiii). — της πηγής omis A, της ζωής omis
quelques And. — της πτγ- κτλ., cfr. vii, 17; xxii, 1 ; xxii, 17, le plus proche, v. adloc;
d'apres Is. lv, 1. — To άλφα καΐ το ω a ete dit du Pere i, 8, et le sera xxii, 13, du Fils.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 311
C. XXI. 5. Et il dit, Celui qui otait assis siir le trone : « Voici que je fais
nouvelles toutes choses. » Et il dit : « Ecris! parce que {ou que) ces paroles-
ci sont fideles et voridiques. » 6. Et il me dit : « Elles sont accomplies. Moi
[je suis] ['Alpha et I'Omega, le principe et la fin. Moi, a qui a soif je don-
nerai de la source de I'eau de la vie, gratuitement. 7. Le victorieux heritera
de ces choses, et je hii serai Dieu, et lui me sera un fils. 8. Mais aux laches
et aux infideles et aux abominables et aux meurtriers et aux fornica-
teurs et aux empoisonneurs et aux idolatres, et k tous les menteurs, leur
partage [est] dans I'etang embrase de feu et de soufre, ce qui est la seconde
Mort. »
C. 6. Ces promesses sont transcendantes au temps, comme Swete I'a bien vu. Elles
ont deja leur accomplissement partiel dans I'Eglise, par la grace gratuite (δωρεάν,
comparer pour le sens /oh. iv, 10) et les sacrements; en attendant la gloire, apres la
Parousie, elles sont deja potentiellement realisees dans les decrets divins. La « soif >>
des fideles convient deja a I'Eglise et au monde dans leur condition presente (cfr. xxii,
17); elle ne sera parfaitement etanchee qu'au ciel.
— — A. B. 7. ό νικών, cfr. ii, 7, et la fin des autres Lettres. — Au lieu de κληρονο-
μήσει, la rec. ^porte δο5σω αύτω, sans doute par contamination des premiers chapitres.
— On trouve, dans A et de nombreux And., les pluriels αΰτό5ν θεο'ς... έσονται υιοί; pour
cette promesse, cfr. Gen. xvii, 7-suiv.; II Samuel, vii, 14; Ps. lxxxvui (lxxxix), 27;
aussi Zach. viii, 8, avec une nuance (« nion peuple... leur Dieu »).
C. 7. LOffre des eaux a ete faite a tous, car chaque homme, ici-bas, a une soif au
moins inconsciente des biens supremes; mais I'heritage effectif n'est promis qu'a ceux
qui auront le courage d'aller chercher les eaux ou elles sont, et deviendront ainsi
« les vainqueurs ». Comp. Bom. viii, 23 (Swete). Deja cependant nous sommes « fils
de Dieu » (I Joh. iii, 1). Le futur κληρονοια.ήσει favorise I'idee que saint Jean considere
cette Jerusalem celeste comme une realite existante deja, mais en jouissance de
laquelle on n'entrera pleinement que dans I'autre vie, apres le jugement. Nous le
verrons mieux a la 3^ partie.
— ^— . A. B. 8. Les βδελύγ[χαχα sont les vices monstrueux des paiens. — And. et le
rec. A'ajoutent και ά;ΐαρτωλοΓς apres απίστοις. — ψεύσταις pour ψευδέσι dans A (L>'T., c. Xlll,
II, § I). — έν τ?ί λίαντ) κτλ, cfr. χιχ, 20; χχ, 10, 14, 15. — « Deuxieme Mort », ιι, 11; χχ,
6, 14.
G. 8. Apres la douce assurance des promesses, le Juge menace ceux qui dedaigneront
les eauxrafraichissantes. Les peches sont ceux de la societe romaine principalement;
remarquons bien que I'enumeration commence par δειλοί"?, les laches qui faibliraient
devant les seductions et les menaces des Botes, et se termine par les « menteurs >>,
tous ceux qui ont un coeur et une conduite doubles.
TROISIEME PARTIE
(xxi, 9-xxii, 5)
Vue synthetiqiie de I'Eglise, dans le temps et dans I'eternitS.
Int. — Cette derniere partie est tres courte, mais non moins difficile que les autres,
II nest pas d'ahord tellement aise den bien fixer le rapport avec les precedentes.
A ne considerer que ^'architecture exterieure du livre, on devrait ne point la separer
de la seconde. En effet, la mise en scene I'y unit par un lien tres organique. Cette des-
cription de la Jerusalem celeste nest que I'ipanouissement, la « derniere onde » du
theme traite XXI, 1-5, et apparu deja, par emboitement, XIX, 7-8; 9, sans parler d'in-
dications anterieures, telles que XV, k, etc. (v. infra). De plus, il y a le parallelisme
antithetique le plus strict et le plus voulu entre I'apparition de cette Cite celeste, et
celle de la mondaine Babylone au ch. XVII : de part et d'autre, c'est un Ange des
Coupes qui introduit le Prophete au spectacle, de I'histoire humaine d'abord, puis du
monde surnaturel ; les deux descriptions dependent done litterairement du ch. XV, 5-8.
Mais nous sai'ons aussi combien toutes les parties de I'Apocalypse, malgre leur diver-
site de sujet, se soudent et se compenetrent. Avec I'ensemble des commentateurs, nous
separons done le present morccau de la precedente section prophetique, parce que, en
realite, et malgre tous les points de contact, il sort par la matiere traitee, et I'angle
sous lequel il presente les c/ioses, du cadre des propheties relatives a des evenements
contingents, jusques et y compris la Parousie. Sans aucun retour sur les luttes hislo-
riques par lesquelles s'etablira le Regne de Dieu, cette derniere partie consiste en une
vision absolument transcendante du Regne, du « Nouvel Eon », et dans le temps et
dans I'eternite, en insistant spccialement sur la phase definitive, eternelle, mais sans
omettre les cotes spirituels et permanents de sa phase de formation en cette vie. Les
deux phases sont d'ailleurs absolument fondues 'dans la m4me vision, et la ligne qui
les separe nest nulle part tracee, ni m4me indiquee; tout au plus, un trait, un mem-
bre de phrase par- ci par-la s'applique-t-il exclusivement soil au del, soit a I'etat
terrestre; en ce cas, comme dans la vision du chap. VII, 9-17, la difference des
temps verbaux, soit present, soit futur, est assez soigneusement observee. Mais, dans
I ensemble, la vision fait abstraction complete du « fieri » et du « factum esse »,
II n'y a pas la de quoi nous surprendre : la synthese est absolument la m^me que
celle de la « Vie eternelle » du quatrieme Evangile (Int., c. xiii, ii, § II-III). Et I'Apoca-
lypse elle-mSme a constamment mis en avant, comme un de ses leitmotivs essentiels,
cette idee de I'union entre la terre et le del, entre I'Eglise militante et I'Eglise triom-
phante. Quon se reporte au commentaire des ch. VII, 9-17; XIV, 1-5; XV, 2-4, et
XX, i-6, ainsi qu'aux promesses de la fin des Lettres pour le « Vainqueur ». La Jeru-
salem celeste est-elle « le del nouveau et la terre nouvelle » qui apparaitront apres le
Jugement general, ou bien Tidee de I'Eglise, de la societe des saints qui ne sera plei-
nement realisee qu'alors aussi? C'est une image transcendante qui embrasse tout cela,
del et citoyens du del, avant et apres leur glorification, avant et apres le jugement,
temps et eternite, regime de la grace et regime de la gloire. Elle recouvre encore
bien d'autres conceptions que nous avons dej'a rencontrees, et qui exprimaient des
aspects' partiels ou temporaires de cette supreme rialite : dons spirituels du Christ
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 313
au « Vainqiieur » {II-III), marchc victorieuse du Premier Cavalier (VI, 2), sanc-
tuaire celeste {VII, 15; XI, 19; XVI, 5, 17, et ailleurs), resurrection des Temoins {XI,
11-12), Temple interieur (XI, 1-2), montagne de Sion (XIV, 1), Millenaire et Cite bien-
aimee (XX), et image de la « Femme » au ch. XII; mais la Jerusalem de nos cliapitres a
ccci de particulier que c'est le triomphe definitif, lajoie indefectible de I'eternite, qui
fixe les yeux du Voyant, et projette ses rayons sur la description entiere (comme au
chap. VII, 9-15), tandis que les passages de XI et XII, de XIV et de XV , represen-
taient uniquement I'etat militant.
En un mot, cette derniere partie couronne la Revelation par une synthese des « α
ε?σιν » et des « α [χελλει γενέσθαι μετά ταύτα «, qui avaient fait respectivement ΙΌ bjet prin-
cipal des deux premieres; mais elle s'en tient aux realites spirituelles et cternelles,
inaugurecs ici-bas dans le temps present, epanouies dans I'eternite, sous un regard con-
templatif qui ne daigne plus s'arreter au monde du devenir.
Void done, en definitive, I'allure que V imagination johannique et I'art johanhique
ont imprimee a toute la Revelation :
Apres avoir recu sa mission den haut (cJi. I), Jean a fait souvenir les 7 Eglises de
Icurs devoirs presents, plus ou moins negliges, en leur rappelant leur vocation aux
biens eternels [ch. II-III). — Ensuite, pour les fortifier centre le peril des persecutions
imminentes, il leur a decouvert tout I'avenir, dans ses lignes essentielles,jusqu'ala fin
du monde et aujugement general. D'abord il les a convaincues, en magnifique langage
de vision, que tout cet avenir est entre les mains du Christ-Agneau, leur redempteur,
qui fait tout pour le progres de son Regne et le bien des elus (IV- VII). Puis il a
depeint le sort exterieur, prisent et futur, du monde, depuis I'Ascension du Christ jus-
quau jugement, en larges traits symboliques, parfois un peu charges et confus, qui ne
devoilent aucune evolution historique (VIII-XI), et qui s'entassent sur un seul plan.
Comme ces vues, bien qu'impressionnantes, neussent pas suffi a produire I'effet moral
voulu, qui elait de premunir les fideles centre les tentntions et les soucis de I'heure, Jean
reprend ses predictions et les precise dans un ordre progressif, sur Irois plans cette
fois-ci; par un precede trcs analogue a celui des « ondes » qu'il emploie pour le
deroulement interne de chaque vision, I'Apotre superpose comme plusieurs registres,
embrassant des horizons toujours plus vastes, par oil le temps se fond graduellement
avec I'eternite : le plan de Rome, I'ennemi actuel; le plan de I'hisloire universelle vi-
sible, oil le role hostile est tenu par ces vastes personnifications que sent les Betes; enfin
celui des dessous mysterieux de I'histoire, de I'histoire surnaturelle, qui η est qu'un duel
continu, a plusieurs phases, entre Dieu mime et Satan. Les personnages de ce drame
unique en soi, et triple dans ses aspects, ont ete d'abord presentes (XII-XIV, 5); les
peripeties se deroulent dans les chapitres XIV, 6-XX, 10; le denouement commun, c'est
le jugement general et la vie future, heureuse ou malheureuse, terme oil chaque plan
aboutissait, d' une facon plus ou moins immediate, plus ou moins explicite {XX, 11-XXI,
8). Precedes litteraires qui, a la fois, rappellent la gaucherie des primitifs et seniblent
une ebauche de ce qu'il y a de plus savamment raffine dans I'art moderne.
Dans toute cette seconde partie, c'est I'Eglise historique qui nous apparaissait :
d'abord I'Eglise qui combat avcc I'aide du del, mais au milieu d'epreuves indicibles ;
puis lEglise ay ant deja rempli le del de ses enfants, et assoyant sa domination spiri-
tuelle sur la terre, dans le Millenium, qui fait la transition entre le plan des combats
et celui du triomphe final. La peinture du Jugement devait suivre aussitot, car il fallait
bien que le dernier reglement de comptes ne demeurdt pas dans I'ombre, et preceddt
les visions de I'eternite. Reslait a etendre sous les yeux des fideles un quatrieme plan,
plus vaste et plus synthetupie que tous les autres, celui de I'Eglise degagee de toute
ombre et de toute lutte, lieu spirituel de tous les biens proniis, qui recoit les vivants,
assure leur salut a travers les fluctuations de la vie, et, apres la mqrt et le jugement,
leur revele l essence dc tous les tresors dont ils avaient eu leur pari secrete ici-bas, ct
314 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
dont Us jouiront desormais dans line allegresse eternelle. Cest le sujet des cliapitres
qui nous occupent.
II faut dire que leur caractere de synthcse n'ayant pas ete, en general, franchement
reconnu, les commentate urs se troiwent dans I'embarras pour en donner une interpreta-
tion coherente et liomogene. lis ne peuvent en rapporter indistinctement .e tout a la vie
ressuscitee sans etre obliges de forcer la portee de certains traits. Cest pourtant ce
qua fait la majorite des anciens et des medievaux. Alcazar argumenle assez longue-
ment, et a bon droit, confre ceux -qui, dans les siecles precedents, appliquaient toute
la description a I'Eglise militanle, specialement contre ceux qui y voyaient encore
le Millenium, Joachimites, Ubertin de Casale, etc.; mais les arguments vont trop loin
dans la refutation de lopinion de quelques auteurs qu'ilcite (Hortulanus, etc.) qui avaient
reconnu dans la Jerusalem celeste I'Eglise dans ses deux etats. Dans la « Citi de
Dieu » (XX, c. 17), saint Augustin s'exprime ainsi : « Nam hoc de isto tempore acci-
pere, quo regnat cum Rege siio mille annis, impudentiae nimiae mild videtur; cum
apertissime dicat : « Absterget Deus omnem lacrimam... etc... » Quis i^ero tarn sit
absurdus et obstinatissima contentione vesaniis, qui audeat affirmare in hujus mortali-
tatis aeriimnis, non dico populum sanctum, sed unumquemque sanctorum nullas
habentem lacrimas et dolores...? Verum in his verbis, ubi ait : « Absterget
Deus, etc... », lanta luce dicta sunt de saeculo futuro et immortalitate atque aeternitate
sanctorum,... ut nulla debeamus in litteris sacris quaerere vel Icgere manifesta, si
haec putaverimus obscura. » Cest evident; mais il y a d'autres passages qui s'appli-
quent moins aisement a la vie bienlieureuse, et le saint docteur a donne lui-meme (ibid,
supra) le principe d' interpretation dont nous nous servons, lorsquil ecrivait : « De coelo
descendere ista civitas dicitur, quoniam coelestis est gratia, qua Deus cam fecit... Et
de coelo quidem ab initio sui descendit, ex quo per hujus saeculi tempus, gratia Dei
desuper veniente per lavacrum regenerationis in Spiritu sancto misso de coelo, subinde
cives ejus accrescunt. Sed per judicium Dei, quod erit novissimum per ejus Filium
Jesum Christum, tanta ejus et tam nova de Dei munere claritas apparebit, ut nulla
remaneant vetustatis vestigia. » La Jerusalem celeste existe done dejci; le regard de
Jean se parte tantot sur son etat futur, qui est son principal objet de contemplation,
tantSt sur V etat present par lequel elle s'y est acheminee; aussi, bien des commenta-
teurs serieux sont obliges de relever des allusions au bapteme, qui est pourtant de cette
vie-ci, et Bede, par exemple, fait des retours continuels a la vie presente, ou se trou-
vait en germe tout ce qui nous est promis pour ce temps-la. Ainsi, sur les vv. '23-2(i, il
ecrit : « Et civitas non eget sole neque luna ut luceant in ea : quia non lumine aut ele-
mentis mundi regitur Ecclesia, sed Ghristo aeterno sole deducitur per mundi tenebras.
Et ambulabunt genles per lumen ejus : significat quod idem ipse Agnus nunc sit pere-
grinantibus via, qui tunc civibus vita. »
Les critiques contemporains ont ete surtout frappes par la discordance apparenle
des traits qui ne s'appliquent sans violence qua la terre avec sa variete de peuples,
et de ceux qui supposent que la consommation finale a eu lieu deja. Us voudront se
I expliquer par une combinaison de sources : I'auteur aurait pris dans les prophetes,
ou les apocalypses anterieurcs, des traits juifs traditionnels, sur la reslaiiration de la
Jerusalem terrestre, incompatibles avec la conception chretienne du del, et les eut
males aux conceptions les plus spirituelles de lEvangile, sans grand souci de se mettre
d accord avec lui-meme. Nous aurions done encore affaire a des sources juives oujuda'i-
santes, alterees et trans formoes, mais insufpsamment, par une elaboi'ation chretienne.
Ainsi Vischer, Pileiderer, Sabatier, Schmidt, etc. Volter fait un partage entre Cerinthe
[XXI, 1-13; 15-21; XXII, 4-6) et I'Editeur sous Trajan [XXI, U; 22.21; XXII, 1-2), plus
des inteιψolations dans Cerinthe, XXI, 9 et XXII, 3; Weyland reconnait a (juif, sous
Titus) dans XXI, 9^-27 et XXII, 1-6, laissant a I'editeur chretien 9^ et Ik^; Spitta
irouve la fin de P• {sous Pompee), mais attribue au redacteur [chretien, sous Trajan)
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 315
des modifications dans XXI, 9, li,2'2, 23, 27; XXII, 1, ainsi que la paternite de XXII,
3^-7. Joh. Weiss donne a Q, juif, XXI, 9-13; 15-27; XXII, 1-2, et a I' ι Editeur » XXI,
li; XXII, 6-7, laissant a Jean d'Asie XXII, 3-5. Calmes considere XXI, 3-lla comme
iin dei'eloppement intercale entre deux parties dun ineme recit, avec des interpolations
redactionnelles, d'une couleur plus universaliste que I'original, an debut de XXll. Bous-
set presume, sous toutes reserves, que I'auteur a utilise des fragments de la meme
source juive qui est apparue aux chapp. XVI I- XVIII, Joints a XXI par la figure speci-
fique de Γ « Ange revelateur » qui n'apparait point ailleurs, si ce nest IX, 1-XI, 13, et
dans les deux passages XIX, 9-10 et XXII, 6-9. Quant a Erbes, a Bruston et a Charles,
ils ne c/ierc/ient pas de source Juive; mais, pour le premier, XXI, 5-27; XXII, 1-2,
appartient a I'Apoc. de 80; XXII, 3-25 a celle de 62. Bruston fait de XXI, 9 -XXII, 5
I'oeuvre du dernier redacteur, et Charles a une theorie tres curieuse : Jean serait mort
sans avoir aclieve son livre quand il I'eut ecrit Jusqu'a XX, 3; il laissait des notes
eparses qu'eut ensuite Juxtaposees, dans I'ordre qu'il croyait bon, « un fidele niflis
inintelligent disciple ». Ce malencontreux redacteur cut brouille deux visions, en rea-
lite tres distinctes : I une, dans I'idee de Jean, se rapportait a la Jerusalem du Mille-
nairc, — car Jean etait chiliaste, — descendue du ciel avant la destruction de la terre
actuelle, quand il y aurait encore du mal en ce monde et des nations a evangeliser; elle
comprendrait XXI, 9-fin; XXII, 2, li-15, 17; I'autre avait pour objet la Jerusalem vrai-
ment celeste, oil les bienheureux habiteront apres la consommation de toutes choscs
{XXI, 5% 4<i, 5^• i-4=''"=; XXII, 3-5). Le disciple aurait bouleverse tout I'ordre des clia-
pitres XX-XXII, et fondu les deux visions, pour narriver qua une intolerable confusion, a
une description oil abondent les traits contradictoires (Charles, An Attempt to recover
the original order of the text of Revelation, xx, 4-xxii. — Proceedings of the British
Academy, vol. VII, Oxford, 1915). Sans rappeler toutes les raisons qui etablissent
a nos yeux que saint Jean n'etait pas millenariste, contentons-noiis de faire remarquer
a I'eminent critique que la « Nouvelle Jerusalem » de XXI, 2 s'appelle « la Fiancee »
et « descend du ciel » tout aussi bien que celle de XXI, 9-10; que XXII, 17, parlera
dune « Fiancee », qui est I'Eglise du temps et de tons les temps; enfin que Jean aurait
bien du, dans ses notes, distinguer par quelque designation speciale ces deux Jerusa-
lem futures, et indiquer de maniere ou d'autre que la premiere des deux devait etre
enlevee de terre, ou detruite, avant le Jugement general.
Toutes ces etroitesses d' interpretation, ou ces fantaisies de critique, resultent de ce
qu'on ne comprend pas assez I'elasticite des symboles de Jean, ni ses recapitulations,
ni I'ampleur divine de ses vues; on cherche I'unite materielle la ou, il n'y avait que des
concepts analogiques. Quant a nous, qui avons suivi la meme ligne que I'excellent
commenlaire de Swete, repetons la refiexion de Bossuet sur XXII, 2 : s'il y a, pour
peindre la Jerusalem celeste, des traits qui « semblent marquer... I'Eglise presente,
c'est que c'est la meme. Les remedes dont se sert I'Eglise qui est sur la terre viennent
d'en haut, et toute la gloire que les gentils convertis y apportent est transportee dans
le ciel ».
Une fois reconnu le sens general et la portee de la description, il y reste a resoudre
bien des difjicultes de detail, surtout si Von veut determiner la forme arcliitecturale de
la Cite future (Exc. xxxix). Le tout est ecrit, comme le chap. XVIII, avec une somp-
tueuse imagination d Oriental, ou de Juif de la Diaspora. Mais, dans cette peinture
paradisiaque, la couleur Johannique reste tres accusee, et Joh. Weiss le reconnait dans
son commentaire; les images, a limitation d'Ezechiel, et d'apocalyptiques anterieurs,
sont en grande partie empruntees au Paradis terrestre de la Gencse, et coincident avec
celles des promesses faites aux Eglises d'Asie dans les premiers chapitres; ainsi les
dernieres pages de I Apocalypse rejoigncnt les premieres, ce qui est un bon signe
d'unite de main, et les dernieres du dernier livre de notre Bible nous ramenent aux
premieres du premier livre, comme le [era encore le quatricmc Evangilc, dans son
316 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
Prologue. « Ecce facio novissima sicut prima »; image mystique de cette haute verite,
que I'economie de la Redemption a retabli, en mieu.x, le premier plan du Createur
pour le honlieur des hommes.
D'ailleurs, en ces pages, I'enseignement directement dogmatique est voile sous les
figures. Nous verrons, avec les explications du commentaire, la Trinite residant au
del, et donnant lajoie aux elus par une vision face a face. Nous trouverons meme, clai-
rement indique, ce qu'on appelle aujourd'hui les quatre notes de I'Eglise : unite, sain-
tete, catholicite, apostolicite.
Ainsi se divise le texte :
I. L'Ange montre a Jean la descente de Jerusalem (XXI, 9-10).
II. Description de la Jerusalem nouvelle (XXI, 11-23) : 1° son eclat, du a la presence
de Dieu [11); 2° sa structure exterieure, « catholicite » et « apostolicite » (12-14); 3° ses
dimensions geometriques, mesurees par I'Ange revelateur, qui sont I'embleme de son
« unito » indefectible (15-17); i° les materiaux precieux de sa construction, image du
bonheur lumineux et varie qui la remplit (18-21); δ'* la presence personnelle et sensible
de Dieu et de I'Agneau dans le del (22-23).
III. Ce que cette Jerusalem est pour ses habitants (XXI, 2i-XXII, 5) : i° dans la vie
presente : a) son acces ouvert a tous, « catholicite » (24-26), et sa purete (27), ou sa
« saintete » ; β) son fleuve des eaux de la vie (grace et Saint-Esprii) et ses arbres qui
guerissent les nations (XXII, 1-2), encore la « saintete «; 2° dans la vie future : purete
parfaite, vision boatifique, jour divin et eternel, eternelle royaute (XXII, 3-5).
I. UN ANGE MONTRE A JEAN LA JERUSALEM NOUVELLE
DESCENDANT DU CIEL (xxi, 9-10).
C. XXI. 9. Και ήλθεν *εΤς *έκ των έπτα αγγέλων των εχόντων τας έπτα φιάλας
*τών γεμόντων των έπτα πληγών των εσχάτων, καΐ έλάλησεν *μετ' έμοΰ λέγων
Δεΰρο, δείξω σοι *τήν νύμφην *τήν γυναίκα του άρνίου. 10. Και άπήνεγκέν με εν
πνεύματιέπι ορός μέγα και ύψηλόν, και εδειξέν μοιτήν πόλιν τήν.*άγίαν 'Ιερουσαλήμ
καταβαίνουσαν έκ του ουρανού, 11 εχουσαν τήν δόξαν του θεού...
Α. Β. 9. εις pour τις (Int., c. χ, § Π). — έκ partitif (Int., c. ν, § II), omis dans de nom-
breux And. — ιών γε[χόντων (corrige en [τας] γεμούσας dans la rec. K.et beaucoup d'And.)
est un singulier defaut d'accord, cause sans douteparle voisinage d' αγγέλων ; il denote
une telle precipitation, qu'on dirait que I'auteur ne s'est pas meme relu (Int., c. xiii,
fin). — έλάλ. μετ. v. Int., c. x, § II. — τήν γυν. est place avant τήν νύ(Αφην dans la rec. K,
ou apres <ipv(ou dansquelques And.; a cause de ces fluctuations, Bousset veut y voir une
glose. — Cfr. XV, 1, 6; xvii, 1, pour les Anges des Coupes; — cfr. « noces de I'A-
gneau » XIX, 7, et le fameux passage Eph. v, 25-suiv. sur I'union conjugale du Christ
et de I'Eglise.
C. 9. Ce verset correspond absolument a xvii, 1, pour la raise en scene et les mots
eux-memes. II se peut que ce soit le meme Ange, qui, au ch. xix, 9, apres avoir montre
la mine de Babylone, faisait allusion aux noces de I'Agneau. La « Fiancee » est I'an-
tithese de la Courtisane. Jerusalem est a la fois « fiancee » et « epouse » ; ce dernier
mol peut fort bien n'etre pas une glose, mais ces deux termes unis exprimeraient la
purete virginale et perpetuelle de I'Epouse mystique, de memo que la Sainte Vierge,
dans une le^on probablement authentique de Luc, ii, 5, et admise de Soden, est appelee
μεμνηστευμένττ;... γυναικί (si on ne lit dans Luc que έμνηστευμέντ) , la portec de I'expression
reste la meme, puisque la sainte Vierge etait certainement mariee).
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 317
C. XXI. 9. Et il vint im des sept Anges qui avaient les sept coupes rem-
plies des dernieres plaies, et il conversa avec moi, disant : « Arrive! je te
montrerai la fiancee, I'epouse de l'Agneau. » 10. Et il m'emmena en esprit
sur une montagne grande et elevee, et il me niontra la Ville Sainte Jerusa-
lem, qui descendait du ciel, 11, ayant la gloire de Dieu.
A. B. 10. [Αεγάλην καί ajoute devant άγίαν, And. cfr. xi, g. — La « nouvelle Je-
rusalem )), voir pour les paralleles I'Excursus precedent.
C. 10. La « montagne », symbole mystique : Jerusalem sera comme I'Acropole de la
creation nouvelle, attirant de loin tous les hommes, et fondee pour I'eternite; cfr. Mat.
V, 14 : « Vous etes la lumifere du monde. Une ville ne peut Stre cachee si elle est fondee
sur une montagne. » Peut-etre le contraste est-il voulu avec le « desert » ou apparut la
Courtisane, xvii, 3. Apringius : « in fidei altitudine elevatur ». — Nous verrons que cette
ville a de telles dimensions qu'elle ne pourrait tenir sur une montagne terrestre; ce
n'est done pas, et ce ne sera jamais une cite materielle.
Jean abandonne ici la figure de la Fiancee pour ne plus traiter Jerusalem que comme
une ville (cfr. IV Esd. xiii, 35-36. Voir Exc. xxxviii).
II. DESCRIPTION DE LA JERUSALEM NOUVELLE
(XXI, 11-2 3).
C. XXI. 11. (... εχοασαν τήν δόςαν *του θεού') ό φωστήρ αΰτης 'όμοιος λίθω τιμιω-
τάτω, ώς λίΟω Ιάσπιδι κρυσταλλίζοντι' 12 *εχουσα τείχος μέγα και ύψηλόν, έχουσα
ττυλώνας δώδεκα, *καί έχΐ τοις πυλώσιν αγγέλους δώδεκα, καΐ ονόματα έπιγεγραμ.-
μένα, α έστιν των δο^δεκα ουλών *υίών Ισραήλ. 13. *Λτ:ο ανατολής πυλώνες τρεΐς,
και oir:o βορρά πυλώνες τρεΐς, καΐ ά-ο νότου πυλώνες τρεϊς, και άπο δυσμών πυλώνες
,τρεϊς. 14•. ΚαΙ το τείχος της πόλεως *εχων *θεμελ(ους δώδεκα, ΛΛαί έπ' αυτών δώδεκα
ονόματα τών δοίδεκα αποστόλων του άρνίου.
Ιδ. Και ό λαλών μετ' έμοΰ ειχεν μέτρον κάλαμ-ον χρυσουν, ίνα μετρήσ•/; τήν πόλιν
και τους πυλώνας αΰτίίς *καΙ το τείχος αυτής. 16. Και ή πόλίς *τετράγωνος κείται, και
το μήκος αΰτης όσον το πλάτος. Και έμέτρησεν τήν πόλιν τώ καλάμω έπι σταδίων
δώδεκα χιλιάδων" το μήκος και το πλάτος και το υψος αυτής ϊσα εστίν. 17. Και έμέτρη-
σεν το τείχος αυτής εκατόν *τεσσεράκοντα τεσσάρων πηχών, μέτρον άνθρώπον, ο έστιν
αγγέλου. *
Α. Β. 11. Ν, g, Ircnee portent χήν οόξαν άπο χοΰ θεοΰ, ce qui change le sens; cfr. plus
has, V. 23. ή δόξα του θ. έφώτισεν αυτήν.
C. 11. La Jerusalem celeste possede la « gloire de Dieu « c'est-a-dire la divine pre-
sence; et deja cet etat est commence pour chaque ame fidele, qui, reflechissant celte
gloire, peut marcher de clarte en clarte, comme le dit si magnifiquement saint Paul,
II Cor. Ill, 18. L'eclat (φωστήρ) — ou peut etre le < luminaire » — de la Cite sainte, c'est
son temoignage, son enseignement, ses sacrements, les vertus de ses saints (Sfvete et
les catholiques).
^^— A. 12. Noter le retour au nominatif, ε/ουσα (Int., c. x, § II), qui equivaut ici
au verbe fini. — Kat Ιπ\ τοΐ; πυλ. αγγ. δώδ. omis A, deux ou trois And., sj/z-e^^, ftilcl.,
par homoioteleuton. — υίών sans article, comme λ^ιι, 4.
Β. C. 12. Toute la description qui suit, jusqu'au v. 23, parait etre calquee sur la fin
d'Ezec/iiel \L\'in, 30-35, qui donne les mesures de I'enceinte de Jerusalem restauree ;
mais elle est beaucoup plus riche, coloree et profonde de sens que le modele. Les
Anges qui veillent aux portes peuvent etre une figure inspiree d'/s. lxii, 6 : « Sur
tes murailles je placerai des veilleurs. » Ezechiel dit aussi xlviii, 31 : « Les portes de
la ville prendront les noms des tribus d'Israel. » Saint lean a eu sans doute en vue
risrael spirituel, ou bien, s'il parle ici de I'lsrael historique, et plus bas (v. 14) des
« Douze Apotres », il a voulu montrer I'union de I'Ancien et du Nouveau Testament;
en tout cas, I'enseignement de ces versets, c'est I'universalite, la « catholicite » de la
Jerusalem celeste, idee qui sera completee dans la pericope suivante, xxi, 24-26; xxii, 2.
A. B. C, 13. άπο marquant la direction, Im., c. x, § II. Pour JnfZ/-e, le nom-
bre « trois « marque la Trinite.
A. B. 14. ?χ.ων, masculin pour le neutre (Int.,c. x, § II),legon de A, Q, P, al.
Tisc/t., W-H, Nestle, omis N*, al., remplace par I'/^ov (n<=. And., Arethas, al, Soden),
lailleurs είγε (al573-38-2020). — θεμέλιος est un adjectif, pris ici substantivement, au
lieu de θ^;Jέλιov, « fondement » ; cfr. Eph. Il, 20 : έποικοίομηθε'ντες ίτλ τω θεμελίω τών
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 319
C. XXI. 11. (... ayant [en elle] la gloire de Dieu) ; son eclat [est] pareil a
une pierre tres precieuse, comme a une pierre de jaspe crystallin. 12. Elle a
un mur grand et eleve, elle a douze portes, et sur les portes, douze anges,
etdes noms inscrits, qui sont [ceux] des douze tribus des fils d'Israel. 13. Du
cote de I'Orient trois portes, et du cote du Nord trois portes, et du cote du
Midi trois portes, et du cote de TOccident trois portes. 14. Et le mur de la
ville a douze fondements, et sur eax douze noms, [ceux] des douze apotres
de I'Agneau.
15. Et celui qui parlait avec moi avait une mesure, un roseau d'or,
afin de mesurer la ville et ses portes et son mur. 16. Et la ville repose [sur
une base] quadrangulaire, et sa longueur [est] telle que la largeur. Et il
mesura la ville avec le roseau : douze mille stades; la longueur et la
largeur et sa hauteur sont egales. 7. Et il mesura son mur : cent quarante-
quatre coudees, mesure d'homme, c'est-A-dire d'ange.
αποστόλων κα\ προφητών, ό'ντος ακρογωνιαίου αϋτου Χρίστου Ίησοΰ ; et Heb. XI, 10 έξεδένετο
γαρ τήν τοΙ»ς θε[Αελίους έ'/ουσαν πολιν, ής τε/νίτης κα\ δηι^ιουργος ό θεός. — αποστολών, cfr. la
promesse a Pierre, Mat. xvi, 18.
C. 14. Ces fondements sont done supposes visibles, puisqu'on peut lire les noms qui
y sont inscrits. On peut se representer la muraille reposant sur douze assises, ou
exhaussee sur douze gradins; ou bien chacune des sections de mur, determinees res-
pectivement par les douze portes, repose sur un seul bloc de magonnerie, qui porta le
nom d'un Apotre. G'est que tout I'enseignement de I'Eglise est fonde sur celui des
Douze : apostolicite.
I A. B. C. 15. κα\ το τεΓχος αύτης omis rec. Κ. — Pour cette mesure operee par
I'Ange, symbole en ce passage de I'immutabilite de la volonte divine, qui ne restrein-
dra jamais les vastes dimensions de la Cite, voirxi, 1-2; et cfr. Ezech. xl, 3, 48; xli, etc.;
VaicIi. II, 1-5.
I A. B. 16. τετράγωνος κείται veut dire que la base est quadrangulaire, plus
precisement carree; car jamais τετράγωνος n'a signilie « cubique ». Cfr. Ezecliiel xlv, 2;
xLviii, 16-20.
C. 16. 12.000 stades font environ 1.500 kilometres; est-ce le perimetre ou seulement
le cote? Dans tons les cas, c'est une mesure enorme, qui demontre bien que cette Jeru-
salem ne peut descendre que figurativement sur une montagne terrestre. II semblerait
qu'elle ait la forme — assez surprenante — d'un cube, et c'est ainsi qu'on I'entend en
general; mais on pourrait aussi bien penser que la cite, enveloppant le sommet d'une
montagne, s'eleve en pyramide pentaedrique, dont la hauteur est egale au cote de la
base carree; sa silhouette rappellerait ainsi celle de monuments babyloniens bien
connus (v. Exc. xxxix).
. A. 17. Forme τεσσεράκοντα de N, A, C, plus loin τεσσάρας. (Int., c. x. § II). —
jAl-pov ανθρώπου (cfr. xvHi, 18 άριθ[ΑΟς ανΟρ.) δ έστιν αγγέλου, est pour nous bien difllcile a
comprendre. L'Ange se sert de la meme mesure que les hommes ; est-ce parce qu'il est
leur σύνδουλος? (Sivete).
C. 17. Une hauteur de 144 coudees, c'est au plus 70 metres. Si la cite a la forme
d'un cube, il y aurait une etrange disproportion entre I'enceinte et I'interieur. Est-ce
parce que la cite serait originairement le monde stellaire et son mur le zodiaque?
[Boiissci, al.). Si la forme est pyramidale, tout s'explique (Exc. xxxix).
— — A. B. 18. ένδώριησις ou ένδο'ριησις hellenistique signilie construction, materiaux
320 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
18. Kxl ή *ένδώΐΛησις του τείχους αυτής ϊ'ασπις, και ή ττόλις χρυσίον καθαρον ομοιον
ύάλω καθαρω. 19. 0•. θεμέλιοι του τείχους της ζόλεως παντί λίθω τψ.ίω κεκοσμη-
μένοι• 6 θεμέλιος ό πρώτος Ιασπις, ό δεύτερος σάπφειρος, ο τρίτος χαλκηδών, ό
τέταρτος σμάραγδος, 20. δ πέμπτος σαρδόνυξ, ό έκτος σάρδιον, ό έβδομος χρυσόλιθος,
ό όγδοος βήρυλλος, δ ένατος τοπάζιον, ό δέκατος χρυσόπρασος, ό ενδέκατος υάκινθος,
ό δωδέκατος αμέθυστος. 21. Και οί δώδεκα πυλώνες δώδεκα μαργαρϊται" *άνα εΤς
εκασ-οςτών πυλο)νων ην έξ ένος μαργαρίτου* και ή πλατεΤα τν;ς πόλεως χρυσίον καθα-
ρον ως ΰαλος διαυγής.
22. Και ναον ουκ εΤδον εν αΰτη" ό γαρ κύριος ό θεός ό παντοκράτωρ ναός αυτής
έστιν, καΐ το χρ^ήο^. 23. Και ή πόλις ου χρείαν έχει του ηλίου οΰδε της σελήνης, ϊνα
φαίνωσιν αΰτη' ή γαρ δόξα του θεοΰ εφώτισεν αυτήν, και ό λύχνος αϋτης το άρνίον.
employes aune construction, de ένδοαίω; le sens classique etait « digue » pour la pro-
tection d'un port; — « verre pur », cfr. le « cristal », xxi, 11 et iv, 6; xv, 2 I'ocean
celeste.
—i^— A. B. 19-20. Diverses variantes orthographiques dans les noms des pierres.
Cfr. pour cette joaillerie Ex. xxvni, 17-20 et Ezech. xxviii, 13. Bousset cherche a expli-
quer I'ordre des pierres precieuses par I'enumeration de I'Exode, en disposant les
noms sur trois colonnes de quatre, en depla^ant une colonne, et faisant une lecture
« boustrophedique », de droite a gauche, puis de gauche a droite ; c'est bien com-
plique. D'ailleurs■/αλκr,δώv, y ρυσόπρασος, υάκινθος et σαρδόνυξ ne se trouvent pas dans I'enu-
meration des LXX, ni ailleurs dans la Bible grecque, ού υάκινθος n'est pas le nom dune
pierre. L'idee d'une construction en pierres precieuses vient d'Isa'ie, liv, 11, cfr. Tob.
XIII, 16; et les noms, en partie de la description du pectoral du grand-pretre (^"^,) et
des ornements du roi de Tyr [Ezech.).
C. 19-20. II ne semble pas que les assises ou les gradins soient faits eux-memes de
pierreries mais plutot qu'ils en sont ornes, reconverts. Chacune de ces pierres pou-
vait avoir dans I'esprit de saint Jean un sens symbolique; les anciens et les medievaux
Font cherche, et reparti les pierres entre les Apotres, les vertus, etc. Speculations trop
compliquees et incertaines dans le detail pour que nous les reproduisions ici. Pour les
sens possibles, on peut \oir Pline, Hist. nat. xxxvii, al. Quant a I'identification des
pierreries, elle peut se faire approximativement. Le « jaspe » (cfr. Is. nv, 12) est, pen-
sons-nous, le jaspe vert (v. iv, 3, C). Le « saphir » des anciens serait probablement
notre lapis-lazuli. La « chalcedoine » {Pline, H. N. xxxvni, 18) est une pierre verte et cha-
toyante comme la queue des paons ou la gorge des pigeons. L' « emeraude » est con-
nue. Le « sardonyx « est une variete d'onyx ou le blanc semele au rouge; Pline le com-
pare a la chair autour de I'ongle humain, qui est d'un beau rose quand on le regarde
par transparence devant une lumiere. La « sardoine » est la cornaline, d'un rouge
fonce demi-transparent. Le « chrysolithe » est peut-etre un beryl jaune. Le « beryl »,
different de I'emeraude, est vert de mer (Pline, ibid., 20). La « topaze » est vert dore.
L'ancien « chrysoprase » [Pline, ibid., 32), d'un vert plus pale que le beryl. L'« hya-
cinthe » est peut-etre notre saphir, avec son bleu magnifique. L' « amethyste » est
violette. L'harmonie de ces couleurs, ou la grace et I'opulencese melent, leur ensemble
lumineux, «-ai et tendre, n'eveille que des idees de joie, de fraicheur, de repos, et leur
choix est bien du meme coloriste qui a depeint le tronede Dieu au ch, π . C'est le violet
et le bleu (amethyste, hyacinthe, saphir) ; le rouge (sardonyx, sardoine) ; le vert et le
iaune d'or (jaspe?, chalcedoine, emeraude, beryl, topaze, chrysoprase). Prises toutes
ensemble, elles rappellent I'arc-en-ciel et font a la Cite celeste une ceinture d'une
variete et d'une richesse incomparables; elles peuvent signifier la diversite des dons
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 321
18 Et les materiaux de son mur sont de jaspe, et la ville [est] de Tor pur
pareil a du verre pur. 19. Les fondements du mur de la ville ont έϊβ ornes
de toute pierre precieuse; le premier fondement [n'est que] jaspe, le
deuxieme saphir, le troisieme chalcedoine, le quatri^me emeraude, 20 le
cinquieme sardonyx, le sixieme cornaline, le septieme chrysolithe, le
huitieme beryl, le neuvieme topaze, le dixieme chrysoprase, le ouzieme
hyacinthe, le douzieme amethyste. 21. Et les douze portes [sont] douze
perles; chacune des portes respectivement etait d'une seule perle; et la
place (ow les rues) de la ville, [c'est] de Tor pur comme du verre transpa-
rent.
22. Et de temple, je n' [en] vis pas en elle ; ear le Seigneur Dieu le Tout-
Puissant en est le temple, ainsi que TAgneau. 23. Et la ville n'a pas besoin
du soleil ni de la lune, pour qu'ils brillent sur elle; car la gloire de Dieu
I'ailluminee, et son flambeau [est] I'Agneau.
de la grace et des vertus des bienheureux. Chaque fondement, comme chaque pierre,
observe Sn'ete, garde dans cette Jerusalem son individualite et son oclat special.
— — A. B. C. 21. άνα dislributif (Int., c, x, § II). — ώς ajoute devant έξ ενός [χαργ.
d'/s. dansQ, Ρ, quelques And. — « Perle », cfr. les portes en rubis d'/s. liv, 12. Dans
le tr. Baba bathra, Ib'^, R. Jochanan parle de perles excavees, longues et larges
de trente aunes, que Dieu utilisera pour faire les portes de la cite future. Gressmann
(p. 223) pense a propos de ces rues ou de ces places d'or transparent a la voie des
dieux mythiques, et a la voie de procession de Mardouk, entre Babylone et Borsippa.
— — B. C. 22-23. Rien n'indique ici un changement de source, et I'idee que I'A-
gneau est la lumiere de cette cite demontre sufTisamment I'origine chretienne du tout
(cfr. XXII, 5, d'aprfes Is. lx, 19-20; rapprocher aussi le dernier verset a'Ezech. xlviii, 35 :
« Et le nom de la ville sera desormais : Jahweh est la ».) Dieu et I'Agneau sont encore
une fois mis sur pied d'egalite, comme vii, 9-suiv.; xiv, 4; xxii, 1-suiv. C'est la cite
tout entiere qui est devenue leur temple; il n'y a pas de place en elle ou leur pre-
sence soit moins immediate ou sensible qu'ailleurs. Ge trait-la se rapporte plus specia-
lement a I'Eglise du ciel, apres la resurrection; le Temple et les autels qu'on y voyait
auparavant (ch. viii, 3; xi, 19) n'ontplus de raison d'etre, car le temps de I'intercession
est fini.
Les versets 24-27 sont une reproduction libra d'/s. lx, 19-21. Aussi y ti'ouve rait-on
de nombreux paralleles rabbiniques, inutiles a citer.
EXC. XXXIX. ORIGINES TRADITIOXNELLES ET FORME DE
LA JERUSALEM CELESTE.
11 est possible, nous ne songeons pas a le contester, que I'idee premiere d'une
ville surnaturelle soit a chercher dans la Cite des dieux babylonienne, sur la
montagne du Nord (cfr. I'Olympe) ; ou plutot encore, que son prototype soit la
ville qui repose sur la voute du ciel, ou la voute du ciel elle-m^me, par laquelle
Jean, apres les autres apocalyptiques, a deja figure Thabitation eternelle du
Tout-Puissant (ch. iv). Ainsi s'expliquerait la forme carree : les quatre points
cardinaux. Pour Boll (p. 39-suiv.), il n'est pas douteux que les θεμέλιοι = στοιχίία
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 21
322 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
= ζώδια (d'apres Diogene Laerce, vi, 2 et I'etude άΌ. Lagercrantz, « Elemen-
tum », pp.41, 54, 62-suiv.) soient le zodiaque, corame le « fleuve » dont il sera
question est la Voie lactee. Bousset, ad loc. et Gressmann [Urspr. pp. 114, 166)
voient ιηέηιβ dans les Douze Anges des portes un souvenir des Douze dieux
zodiacaux, et Gressmann les compare aux douze « Taxiarques » a'Hen. eth.
Lxxxii. Mais, quoi qu'il en soit, Jean n'avait plus tout cela dans I'esprit, et n'en-
tendait presenter que des symboles ; ses sources immediates paraissent avoir ete
seulement les descriptions de la Jerusalem renouvelee dans Isaie et Ezechiely
avec des traits du Paradis de la Genese (v. infra) .
La plus grande difficulte est de se representer la forme d'une ville dont les
trois dimensions sont egales. On comprendrait la forme cubique, derivte de la
spherique, pour la cite des etoiles; mais la il n'y a plus d'astres, plus m^me de
soleil et de lune (xxi, 23). II est bien dit de la nouvelle Jerusalem [Baba bathra,
75) qu'elle aura trois milles dans ses trois dimensions. D autre part, le cube etait
pour les Grecs I'embleme de la solidite inebranlable. Le pythagoricien Philolaos
et Proclus faisaient de la terre un cube. Aux Juifs cette figure rappelait la forme
du Saint des Saints ; toute la ville serait ainsi le sanctuaire de Dieu, qu'il remplit
comme il etait cense remplir le « Debir » ; le mur, d'une hauteur si dispropor-
tionnee, si minime en comparaison, ne serait plus alors qu'une ceinture d'orne-
ment, et non une enceinte de protection. Mais comment arriverait-on jamais a se
representer une ville cubique? Et comment y disposer un fleuve, des rues, des
arbres?ll faudrait alors voir dans ces traits inconciliables les « disjecta mem-
bra » de traditions diverses, ou bien penser que la vision n'a pas ete « imagina-
tive », que toute la description, impossible a reproduire plastiquement, est
« pensee ■» plutot que « vue ».
Certes cela n'estpas inadmissible a priori. Mais nous croyons qu'il y a une solu-
tion meilleure. Jean, malgre son gout des mesures precises, reste dans le vague
et I'embarras des expressions quand il doit fixer la forme et la position respec-
tive des objets qu'il groupe ; ainsi pour les quatre Animaux autour du trone (iv, 6^) ,
les tetes et les cornes; ici, au verset xxi, 16, sa maniere de parler convient aussi
bien k une pyramide a base carr^e qu'a un cube. La forme pyramidale exprime
aussi bien la solidite ; un allegoriste pouvait penser aux pyramides d'Egypte, ces
« demeures d'eternite » et conserver peut-^tre un souvenir traditionnel de la
« ziggourat » assyrienne ; de plus le prophete d'Asie Mineure se rappelait certai-
nement la splendide ville qu'il a tant louee, I'aimable Smyrne, qui alors, plus
etendue et compacte qu'aujourd'hui, grimpait en amphitheatre, avec sa « rue
d'or », jusqu'a I'Acropole occupant le sommet du Pagus.
Si Ton admetnotre hypothese, le crayon pent sans peine tracer la silhouette de
la celeste Jerusalem. G'est une ville d'une regularite geometrique, qui recouvre
le sommet d'une immense montagne figurant toute la terre, ou plutot toute la
creation, materielle et spirituelle. En has, une muraille I'entoure de I'eclat et du
chatoiement de ses pierreries, embleme etale aux yeux de I'univers de toutes
les vertus et de toutes les richesses qu'elle renferme. Par-dessus la Crete du
mur s'eleve jusqu'a I'infini la masse doree et crystalline des constructions, des
rues, jusqu'au sommet, ou probablement repose le trone de Dieu et de I'Agneau
(xxii, 1). Malgre la limpidite des couleurs, I'aspect en serait encore trop mine-
ral, et pourrait rappeler le fantastique et dur « Reve parisien » de Baudelaire;
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 323
mais la douceur de la vie vient I'egayer : il y a des arbres, ceux du Paradis, et
aussi de I'eau (pericope suivante). Le fleuve part du trone, c'est-a-dire du som-
met de la montagne; cela n'est sans doute pas pris dans la nature, mais pent se
representer. Le cours des eaux ne sera pas trop torrentiel, si on se figure les
« eaux de la vie » coulant en spirale sur les flancs, ou faisant de norabreux
meandres avec les rues, au milieu des bosquets. Enfin toute la cite brille de sa
propre lumiere, penetree qu'elle est de la « gloire de Dieu » et des rayons qui
emanent de I'Agneau.
Telle est, du raoins, I'image qui nous satisfait le mieux; rien, dans le texte ne
s'oppose a ce qu'on Fadopte. Mais le « cube » allegorique, je ne sais pas quel
paysagiste ou quel geometre arrivera a se I'imaginer.
III. LA JERUSALEM CELESTE ET L'HUMANITE
(xxi, 24-xxii, 5).
C. XXI. 24. Ka\ νεριπατήσουσιν τα I'Ovr^ eta του οωτος C(\j-f,c, καΐ ol βασιλείς ττ5ς
γ^ς *φέρο•υσιν τήν δόςαν *αϋτών εις αυτήν. 25. Και οι τυλώνες αΰτης *οΰ [χή κλεισθώ-
σιν ημέρας, νυ; γαρ ουκ *έσται έκεΐ* 26. καΐ *οϊσου!7ΐν τήν δόξαν καί τήν τιμήν των
εθνών εΙς αυτήν 27. Και *οΰ μή ε'.σέλθ•/; ε'.ς αυτήν *παν κοινον καϊ *ό ποιών βδέλυγμα
και ψευδός, *ε'. μή οι γεγραμ.μ.ένοι έν τώ βιβλίω της ζωής *τοΰ άρνίου. XXII. 1. Και
εδειξεν μο\ τοταμον ύδατος ζωτ,ς λαμπρον ώς κρΰσταλλον, έκπορευόμενον εκ του
*θρόνου του Οεοΰ και του άρνίου. 2. Έν μέσω της πλατείας αυτής και του ποταμού
Α. Β. 24. -εριπαττίσουσιν et tous les autres verbes, jusqu'au v. 27, sont au futur,
ou indiquent le futur par ού μτί, excepte φίρουσιν. — τών εθνών pour αυτών, rec. Κ. — Gfr.
Ps. Lxxii, 10; Is. xnx, 23; lx, 3, 5-7 ; aussi Is. u, 2-3, al.
A. B. 25. ού μή κλ. v. Int. c. X, § II, et supra, 24 A. B. — νυξγαρ κτλ, sera repete
XXII, δ; cfr. Is. lx, 20, et, avec une portee differente, Zac/i. xiv, 7. — Pour I'ensemble
et le sens, Is. lx, 11. — L'expression de ce verset est fortement elliptique : « Les
portes ne seront pas fermees de jour, [c'est-a-dire jamais], car la ne sera point de
nuit » ; ou bien ήμ^Ρ^'? = parce qu'il fera jour, [ίε\ οΰ'σης]ήμΙρας.
Β. 26. Cfr. Is. lx, 5, 11.
A. B. 27. ού μη παν κα\ δ ποιών, sent Thebraisme (Ιλτ. c. χ, § Π). — ε1 μή a ici le
sens plus rare de « mais seulement ». — ποιοΰν pour δ ποιών, dans Q-al070-O46, et
de nombreux And. — τοΰ άρνίου manque dans le texte d'Irenee. — « Livre de vie de
I'Agneau «, cfr. xni, 8 (manque /renee egalement) — « Paen d'impur n'entrera », cfr.
Is. XXXV, 8; Lii, 1; Ezech. xliv, 9. — (ίδέλυγμα, cfr. Apoc. xvn, 4, 5, et Luc xvi, 15, aux
Pharisiens : υμεΐς εστε οί δικαιοΰντες εαυτούς ενώπιον τών ανθροίπων..... το έν άνθρώποις ύψηλον
βδέλυγμα ένοίπιον του θεοΰ: et το βδέλυμα της έρημώσεως , expression qui a certainemeat
rapport a I'idolatrie, Mat. xxiv, 15; Marc xiii, 14. — ψεΰδος, cfr. Apoc. xiv, 5; xxi, 8;
XXII, 15; /o//. VIII, 44, 55; I Joh. i, 6, 10; ii, 4,21, 22, 27; iv, 20; v, 10.
C. 24-27. C'est bien ici que les decouvreurs de source pretendent relever des traits
archaiques inconciliables avec la conception propre de Jean, qui est le « ciel nouveau »
et la « terre nouvelle «. La vision de la Jerusalem celeste se serait affaiblie par le
melange d'une autre conception, celle de Jerusalem restauree sur la terre, et attirant a
elle les nations pour les convertir. Nous devons admettre que les deux idees sont lb. a
la fois; mais ce n'est point par inadvertance qu'un redacteur, ou Jean lui-meme, les
aurait juxtaposees; s'il traite ses symboles avec quelque laisser-aller, il ne met pas une
telle negligence a harmoniser ses idees. L'apparente contradiction s'explique au mieux
par la transcendance de son concept. Le prophete a en vue les conquetes de I'Eglise
sur terre, qu'il a deja figurees par le Millenaire, et la fin de xi, 1-13; ces succes ne sont
qu'a leur debut, voila pourquoi il emploie des verbes futurs, car il porte son attention
sur leur plein developpement, qui est encore a ses yeux tres recule. Les « rois de la
terre », qui, en d'autres sections, designaient les ennemis de I'Agneau, seront alors,
du moins en grande partie, ses fideles. Mais, parce qu'il envisage I'histoire de cette
Jerusalem, en ce monde et dans I'autre, comme un tout continu, son regard qui domine
tout le deroulement du plan redempteur, s'otend jusqu'a I'eternite, la ou « il n'y aura
plus de nuit ». Une telle synthese lui paraissait toute naturelle, et elle etait facilitee
par le caractere de ses modeles prophetiques, ού la phase lerrestre et la phase trans-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 325
C. XXI. 24. Et les nations s'avanceront dans sa lumiere, et les rois de la
terre portent leur gloire en elle. 25. Et ses portes ne seront jamais fermees
de [tout Ic] jour ; car Ik ne sera point de nuit. 26. Et ils portent en elle la gioire
et I'honneur des nations. 27. Et jamais n'entrera en elle rien d'impur, ni
celui qui fait abomination et mensonge, mais seulement ceux qui ont ete
inscrits dans le livre de vie de I'Agneau. xxii. 1. Et il me montra un fleuve
d'eau de [la] vie, oclatant comme du cristal, qui sortait du trone de Dieu et
de I'Agneau. 2. Dans le milieu de sa place {ou de sa rue) et du fleuve, de
φ et de Ιέ, [estj un bois de vie, faisant des fruits douze [fois], k chaque
cendante des « derniers temps » n'etaient jamais distinguees expressement. Les portes
de Jerusalem ne sont jamais fermees : des a present tous les peuples sont invites a y
entrer, et au jour bienheureux de la Resurrection, ils s'y trouveront tous reunis.
Apres qu'il a prophetise ainsi la catholicite de I'Eglise, il commence a parler de sa
saintete (v. 27). Gette purete parfaite ne se realisera pleinement qu'apres la Parousie;
jusque-la, d'apres les paraboles evangoliques, la moisson demeure melee d'ivraie, le
filet contient de bons et de mauvais poissons. Jean ne fait pas attention a ce melange
temporaire; la vision ne lui montre que I'Eglise ideale, le droit plutot que le fait; des
a prosent, I'Eglise est absolument sainte dans son essence, et, si elle contient dans son
corps des membres qui ne sont pas inscrits au « livre de vie de I'Agneau «, ceux-la ne
sont pas destines ;'! y demeurer (cfr. I Jolt, ii, 18 : « lis sont sortis d'entre nous, mais
ils n'etaient pas d'entre nous; car s'ils avaient ete d'entre nous, lis seraient demeures
avec nous. ») Ge qui est dit la des heretiques s'applique aussi bien aux pecheurs impe-
nitents, autres Antechrists ; et le v. xxii, 2 montrera qu'il envisage fort bien la pre-
sence dans I'Eglise de fideles qui ont besoin de guerisou morale, Le v, 27, si tant
est qu'il ne parte pas de I'Eglise triomphante, fondue dans la memo perspective que
I'autre, se rapporte a ce que les theologiens appellent aujourd'hui « lame de TEglise »,
ou simplement au concept de I'Eglise dans I'esprit divin, absirac:ion aite des temps
du « devenir » ; plus vraisemblablement, tous ces points do vue sont synthetiquement
combines. Rappelons-nous du reste que Paul et les ecnvains du Nouveau Testament,
excepte la ou ils traitent specialement de morale, n'envisagent pas volontiers le cas
d'un baptise qui se perdrait en mentant aux promesses de son bapteme; tout cliretien,
pour έtre un chretien vrai, doit esperer fermement qu'il est au nombre des predesti-
nes; c'est I'esprit de Rom. viii, 29-30 et de beaucoup d'autres passages.
• Ges considerations nous paraissent suifire; nous pouvons toutefois en ajouter une
autre fort importante. Le βδέλυγμια [supra A-B 27), ce sont surtout les souillurei:
paiennes; le ψεΰδος, c'est avant tout le mensonge a la verite religieuse, le culte des
faux dieux, I'heresie, I'apostasie formelle ou pratique ; et I'impur, le /.οϊνον, quand il
designe deshommes, signifie ceux qui restent etrangers aux prescriptions de la reli-
gion du salut. Le terme s'appliquait aux Gentils qui n'observaient pas la Loi (cfr. Act.
X, 12-14; 28). Si Ton prend done tous ces mots dans le sens strict que leur avait
donne I'usage, toute diificulte d'interprctation disparait : il ne s'agit plus que de la
purete absolue de la doctrine et du culte dans la Jerusalem nouvelle, c'est-a-dire
I'Eglise indefectible.
— — . A. B. XXII. 1. στόΐΑατος pour θρόνου, dans 1073. — υδ. ζωής, cfr. vii, 17; XXI, 6;
XXII, 17. — « Trone de Dieu et de I'Agneau », cfr. iii, 21; vii, 17; et tout le chap. v. —
Pour le « fleuve », cfr. Ezcch. xlvii, 1-12, Ps. xlvi (xlv), 4: « Fluminis impetus laetificat
civitatem Dei », et Gen. ji, 9-suiv.
C. XXII. 1. Ghez Ezechiel, la riviere sort du roc qui est sous le temple, et va assai-
326 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
έντεϋθβν καΐ εκείθεν *ξύλον ζωής *ποΐ3θν καρπούς δο)δεκα, κατά μήνα εκαιτον *ar.z-
διδοϋν τον καρπον αύτοΰ, και τα φύλλα τοΰ ξύλου ε!ς θεραπείαν των εθνών.
3. ΚαΙ παν κατάθεμα *ουκ *εσται *ετι. Κα\ ό θρόνος τοϋ θεοϋ και τοΟ άρνίου εν
αυτή εσται, και οι δούλοι αυτοΟ *λατρεύσοϋσιν αυτω, 4 και *οψονται το πρόσωπον
αυτοΰ, και το ο'νομα αυτοΰ Ιπϊ των μετώπων αυτών. 5. ΚαΙ νύξ ουκ *εσται ετι, και ουκ
εχουσιν χρείαν φωτός λύχνου και φωτός ηλίου, οτι κύριος ό θεός *φωτίσει έπ' αυτούς,
και βασιλεύσουσιν είς τους αΙώνας τών αιώνων.
nir la Mer Morte; ici eile emane du trone lui-meme, place sans doute au sommet de
la pyramide (Exc. xxxix), et elle arrose toute la Cite de Dieu. L'origine traditionnelle
de cette figure, ce sont, a cause des « arbres de vie » du verset suivant, les fleuves
de I'Eden; raais le sens est spirituel, et des plus profonds. En premier lieu ressort le
rapport de ces eaux avec le bapteme, d'ou nait la vie. Tons les commentateurs anciens
I'ont saisi, en appliquant parfois les eaux vives a la personne du Christ (Apringius,
alii), ou a la beatitude a laquelle conduit le bapteme (Albert, al.). Mais, pour Andre,
ces eaux representent le bapteme dans la vie presente, et le Saint-Esprit dans la Jeru-
salem d'en haut. Nous voyons la, avec St^'ete, Texplication la plus exacte, car, dans la
litterature johannique, I'eau de la vie signifie a la fois le sacrement de la renaissance,
et le don de I'Esprit-Saint (voir Joh. vii, 38-39). Autrement, il n'y aurait pas de men-
tion du Saint-Esprit dans la derniere partie de I'Apocalypse, qui se relie si etroite-
ment a la premiere, ou I'Esprit parait sept fois ; et ce serait bien etonnant. Ge fleuve
qui a sa source dans le trone ou siegent Dieu et I'Agneau, c'est Dieu communique, la
troisieme personne divine representee par son operation. Ainsi, au sommet de Jerusa-
lem, nous voyons la Trinite tout entiere : le Pere penetre toute la Cite de sa gloire,
I'Agneau I'illumine de sa doctrine, I'Esprit I'arrose et y fait naitre partout la vie, d'a-
bord par le sacrement de bapteme.
Ces images conviennent proportionnellement a la vie presente et a la vie future.
Jean s'est abstenu, avec intention peut-^tre, de placer dans ce verset, non plus que
dans le suivant, aucun verbe fini qui en eut restreint I'application a I'avenir.
" A. 2. Ce verset montre encore la difficulte qu'eprouvait le style de Jean a
bien fixer les positions respectives des objets. TF-ZTjoignent έν («σω της πλ. κ. au ν. 1,
et font gouverner τοΰ πόταμου par Ιντίΰθίν καΐ εκείθεν ; raais c'est peu nature! ; car ces
mots sont des adverbes ; moins naturelle serait aussi la place de έν μέσο^ a la fin d'une
phrase. Έν μέσα) = άνα μέσον, comme v, 6 (v. ad loc.). hes deux adverbes de lieu ont fort
embarrasse les scribes; on trouve εντεύθεν repete pour έκεΓθεν [And.), ou ce dernier
simplement omis, ou des substitutions de 'ε'νθεν. — ξύλον est ici un nom collectif : des
arbres, un bois ou une foret. — κατηγγελται apres ξύλου Ap 11-95-2040, 010-121-250 al.
— Pour αποδίδουν, la plupart des temoins ont le solecisme αποδιδούς, sauf A, α 1471-30-
429, α1582-32-2017, 012-34-424, o507-47-241. Αν 45-80-2037, o403-94-201, 010-121-250,
Αν 52-161-2067; (Αν 20-r l-l"" et α 506-29-385 ont αποδίδοντα); si nous ne I'adoptons
pas, c'est a cause de I'autorite de A, qui ne laisse pas d'ecrire a cote, peut-etre avec
raison, ποιών pour ποιοΰν, seul avec Av 21-18-94.
B. 2. « arbre de vie » cfr. Gen. n, 9; iii, 22; et Apoc. n, 7 (v. ad loc); nombreux pas-
sages des Apocryphes. Des images du Paradis Terrestre s'associent a celles d'une
ville, comme avec le Temple dans Ezec/i. xlvii, 1, 7, 12. — Cfr. Hen. eth. xxv, 6 :
ό κάρπος αύτοΰ τοϊς έκλεκτοϊ{ ε?ς ζωην, ε?ς βοράν. — κάρπου; δοίδεκα, cfr. Schemoth rabba, 15 :
les arbres des temps futurs fructifiant tons les mois.
C. 2. L'arbre de la vie du Paradis terrestre s'est multiplie a I'infini; il forme des
bosquets sur les deux bords du fleuve, entre les eaux de la vie et les rues d'or. Non
seulement son fruit, qui murit toute I'annee, c'est-a-dire pour toute la duree du temps
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
327
mois rendant son fruit, et les feuilles du bois [sent] pour la guerison des
nations.
3. Et aucun objet de malediction ne sera plus. Et le trone de Dieu et de
I'Agneau sera en elle, et ses serviteurs I'adoreront, k et ils verront son
visage, et son nom [sera] sur leurs fronts.
5. Et il n'y aura plus de nuit, et ils n'ont pas besoin de lumiere de flam-
beau ni de lumiere de soleil, parce que le Seigneur Dieu epandra sa lumiere
sur eux, et ils regneront dans les siebles des siecles.
et de reternite, entretient la vie des habitants de Jerusalem, mais ses feuilles elles-
memes rendent la sante « aux nations », c'est-a-dire a tous les habitants de la terre
' qui veulent en profiter. L'arbre de vie pourrait se rattacher au Verbe qui se donne en
nourriture, comma le ileuve au Saint-Esprit, et les fruits etre pris comme symboles de
rEucharistie (v. comment, de ii, 7). Ainsi reparaissent les images des Lettres; la fin du
livre rappelle le commencement. Ge qui est dit de la vertu guerissante des feuilles ne
pent s'appliquer qu'a la vie presente, ou il y a encore dans I'Eglise des hommes faibles
et pecheurs. II est arbitraire de chercher ici avec Calmes ou d'autres une distinction
entre les fruits, qui seraient reserves aux seuls Israelites, — ce dont le texte ne dit
absolument rien, — et les feuilles qui serviraient aux Gentils, comme si ce passage
manquait d'universalisrae ; I'esprit de I'Apocalypse n'est pas celui-la ; arbitraire aussi
de parler avec Andre de deux degres de gloire. Ce passage reieve uniquement la
fecondite de l'arbre; non seulement les fruits nourrissent, mais les feuilles ont une
vertu surnaturelle de guerison ; les feuilles des plantes etaient en effet plus employees
comme remedes que les fruits. Les peches doivent §tre remis pour que Ton s'ap-
proche de la sainte Table.
^.^— i A. B. 3. παν... ουκ hebraisant. — κατάβε[χα, hap. leg. dans la Bible (Int. c. x,
5; I) se retrouve Didaclie xvi, 5; mais Mat. xxvi, 74, porte le verbe καταθερ-ατίζειν,
« faire des imprecations ». — ?σται, λατρεύσουσιν ( — εύουτιν rec. Κ), etc. : tousles verbes
des versets 3-5 sent au futur, excepte ε/,ουσιν, v. 5. — ετι omis (a*, boh.) ou remplace
par έ/.εΐ (la plupart des And.). — « παν κατάθ. ο. ε. ε. », cfr. xxii, 27. — « Trone de Dieu
et de I'Agneau » supra, v, 1. — λατρ. cfr. vn, 15.
— ^— B. 4. δψ. τό προσ. α., cfr. Ps. xvii, 15; xui, 3; Mat. v, 8; I Cor. xiii, 12; I Jo/i.
Ill, 2. — Le « nom sur les fronts », vii, 3-4; xiv, 1 ; cfr. aussi iii, 12.
•—— A. B. 5. οωτο'ς omis rec. K. — έ'ξουσιν pour Ιχουσιν, A, g, vulg. — L'attique
φο)τιεϊ pour φωτίσει, A, P; present φωτίζει (quelques And., vulg.). — νύξ κτλ, cfr. xxi, 25.
— Κύρ. h θεός φωτ., cfr. xxi, 23. — βασιλ. ε?ς τους αιώνας των αιώνων, d'aprfes Dan. νΐΐ, 27,
differe de βασ. έπ\ της γης de ν, 10, ainsi que de χχ, 4-6, pour le sens.
C. 3-5. Ces versets, avec leurs verbes au futur, nous transportent franchement apres
la Resurrection. 11 n'y aura plus alors d'ombres dans Jerusalem, « ni nuitdu peche, ni
plus aucun besoin de lumiere de science » (Apringius). Dieu donnera a ses elus la
lumiere de gloire, grace a laquelle ils contempleront son visage. « Nous le verrons tel
qu'Il est », a dit Jean ailleurs; et saint Paul : « Alors nous Le verrons face a face. » Et
alors les saints regneront, non plus de cette royaute inauguree sur la terre, et com-
battue par tant de rebellidns iaterieures et d'ennerais du dehors, qu'ils ont deja goutee
dans I'actuel Millenaire, mais sans contradiction, sur tout I'uniA'ers, et cela d'eternite
en eternite.
Telles sent les paroles qui devaient clore la derniere prophetic de la Bible, la plus
complete et la plus sublime. Un epilogue attirera I'attention du lecteur sur son impor-
tance capitale.
EPILOGUE
(xxii, 6-21).
Int. — La prophetic s'est done perdue et aclievee dans I'immuable serenite de la
patrie celeste. Le livre se terminera par quelques declarations qui I'authentiquent, et
disent I'usage qu'il faut en faire. Elles se suivent sans ordre rigoureux, sortant de la
bouche des principaux personnages qui sont garants de la Revelation : le Christ,
I'Ange, le Prophcte. II est parfois difficile de determiner le sujet qui parle, et le style
porte des traces de negligence; mais cet epilogue a une haute valeur instructive, et, en
plusieurs passages, une grande beaute mystique.
J.es mots, la grammaire, le ton, les idees, tout rappelle etroitement les diverses par-
ties du livre, dont nous avons sans cesse cherche a d4montrer I' unite de composition.
Nous nous dispenserons done de discuter les opinions des critiques litteraires. Pour
Vischer, toute cette fin est de la main chritienne ; Volter accorde le v. 6 a Cerinthe, 8-9
a I'Editeur sous Trajan; 7, 10-20 au dernier reviseur. 'Weyland reconnait son Η juif dans
6-11 et li-15 (ainsi que XXII, 1-5 et la seconde partie de XXI) et I'Editeur chretien 7»,
12-13, 16-21. Spitta est plus que jamais merveilleux de sagacite : les versets 8, 10-13,
16^, 17; 18^; 20^-21 appartiennent a I'Apocalypse chretienne d'apres Van 60; 15 est de
J^, sous Pompee; 3^-7, 9, li, 16^, 18^-20 du redacteur operant sous Trajan. Erbes
assigne le tout, depuis le v. 3, a I'Apoc. de 62, sauf peut-etre 18-19, qui se rattache-
raient a celle de 80; Brustoa reconnait sa seconde Apocalypse, excepte li-l'j; 18-19,
qui pourraient itre I'oeuvre du Redacteur. Enfin Joh. Weiss retrouve son Editeur,
excepte dans 8-9, venus du fond primitif. Bousset verrait dans 6-9 la fin dune Apo-
calypse, celle de la Femme et de la Bete. Moffatt croii I'ordre des versets derange, et
propose le suivant : 8-9, 6-7, 10-11, U-16, 13, 12, 17, [18-19], 20-21. Pour Charles, voir
I'Introd. ά XXI, 9-xxii, 5, supra.
Nous pouvons partager ainsi :
I. Triple attestation de I'Ange, du Christ et du Prophete {XXII, 6-9).
II. Paroles du Christ (10-16), auxquelles repond son epouse (17).
III. Jean commande de respecter son livre {18-19).
IV. Derniere attestation de Jesus, et imploration de I'auteur [XXII, 20).
Enfin I'Apocalypse, puisque c'est une letlrc, sc termine par une\formule epistolaire
(21).
A. B. 6. εΐπεν, a Taoriste, sans sujet. — iyiojv au lieu de τών πνευμάτων (And.) — αε
apres άπέστειλεν, glose juste, dans N*^ 0'41-1778, syr.; dans α 503-156-616 : μοι. — λογ.
πιστ. χ. αληθ. cfr. XIX, 9; χχι, 5. — άπεστ. τον άγγελον, cfr. ι, 1. — πνευμ. των προφητών
cfr. Ι Cor. XII, 10; χιν, 12, 32.
C. 6. Cette conclusion nous ramene au tout premier verset du livre. Les vv. 6-7 cor-
respondent a I, 1-3, et 12-13 a i, 8. Ainsi le style de I'epilogue est le memeque celui du
prologue; quelles que soient les sources, il y a eu pour I'ouvrage un cadre unique, et
une parfaite unite de redaction.
Qui est-ce qui parle? Le dernier interlocuteur du Prophete, c'etait I'Ange qui lui
montrait Jerusalem (xxi, 9). C'est encore lui ici, d'autant plus vraisemblablement que
les paroles « ούτοι οί λόγοι χτλ » sont presque les memes que celles de xix, 10, pronon-
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 329
I. TRIPLE ATTESTATION QUI AUTHENTIQUE LOUVRAGE (xxii, 6-9).
C. XXII. 6. Και είπεν μοΓ Ούτοι οι λόγοι πιστοί και αληθινοί, και ό κύριος ό
θεός *τών πνευμάτων των προφητών άπέστειλεν *τον ά'γγελον αΰτοϋ δεϊξαι τοις δούλοις
α•!)του α δει γενέσθαι εν τάχει.
7. Και 'ιδού έρχομαι ταχύ. Μακάριος ό *τηρών τους λόγους της προφητείας του
βιβλίου τούτου.
8. Κάγώ 'Ιωάννης ό άκούων και βλε'πων ταΰτα. Κα: ότε ήκουσα και εβλεψα, *επεσα
προσκυνησαι έμπροσθεν των ποδών του αγγέλου του δεικνύοντος μοι ταΰτα. 9. Και
*λέγει μοι" * Ορα μη* σΰνδουλός σου ε'ιμι και των αδελφών σου των προφητών και τών
*τηροΰντων τους λόγους του βιβλίου τούτου* *τώ θεώ προσκΰνησον.
C. XXII. 6. Et il me dit : « Ces paroles sont fideles et veritables, et le
Seigneur, le Dieu des esprits des proph^tes, a envoye son Ange pour mon-
trer a ses serviteurs ce qu'il taut qu'il arrive avec promptitude. »
7. « Et voici que je viens promptement. Heureux celui qui observe les
paroles de la prophetie de celivrel »
8. Et [c'est] moi, Jean, qui entendais et regardais ces choses! Et quand
j'eus entendu et regarde, je tombai pour me prosterner devant les pieds de
I'Ange qui me montrait ces choses. 9. Et il me dit : « Non, prends garde...
Je suis [ton] compagnon de service, k toi et a tes freres les prophetes, et ά
ceux qui observent les paroles de ce livre; prosterne-toi devant Dieu! »
cees par I'Ange qui fit voir Babylone. Elles correspondent plus litteralement a celles
de Dieu, xxi, 5, mais les contextes sont moins analogues.
Get Ange parle de lui-meme conime envoye par « le Seigneur des esprits des pro-
plicies » ; cette expression doit s'interpreter par saint Paul [supra) et non par les Para-
boles d'Henoch {Hen. eth. wxvii, 2, al : « Seigneur des esprits », c'est-a-dire des
Anges). Ce ne sont pas les « esprits de Dieu » de i, 4; v, 6, mais les dons prophe-
tiques dont la source est en Dieu. Nous avons vu dans I'Exc. xiii comment interpreter
« έν τά•/όΐ ».
— — Α. Β. 7. 'έρχονται (Ν<^), έρχεται (α 1578-12-181) pour 'sp/0[JLat, avec a osT κτλ. pour
sujet, est une correction erronee, pour mettre plus de liaison. — τηρο;ν, johannique
(Int., c. xiii, ii, § I), — ερ7.°!^•«^ '^'^Ί?•> cfr. i, 12, 20; in, 11. — Μακάριος κτλ., sixleme beati-
tude de I'Apocalypse; cfr. xxii, 14, dans rec. Κ [ad ioc).
C 7. Seul le contenu du verset montre qu'il y a changement d'interlocuteur, mais
c'estbien le Christ lui-meme qui prend la parole, pour confirmer les dires de son pro-
phete, et recommander I'attention a ses predictions et I'observation de ses preceptes.
Peut-etre aussi « ΊοοΙ» Ιρ/ομαι τα/ύ β serait-il un rappel, fait par le Prophete lui-meme,
ou par I'Ange, avec une emotion grave, des paroles prononcees plusieurs fois par le
Seigneur au cours de la Revelation.
mmm^m^ A. 8. άχούων et βλέπων sont intervertis A, rec. K., W-H, Nestle, etc. — Les
mots χάγω κτλ. etaient rattaches, au temps de Denys d'Alexandrie, a la phrase prece-
dente, ce qui parait une mauvaise coupure (Int. c. xiii, § I). — Ιπεσα (Int. c. x, § II),
corrige en 'έπεσον And., rec. K.
330 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
B. C. 8. Les versets 8 et 9 sont une repetition de xix, 10; voir leur explication, ad
loc. Le parallelisme entre I'Ange qui a montre Babylone et celui qui montre Jerusalem
se poursuit ainsi jusqu'au bout. — Andre rapproche raffirmation χάγώ 'Ιωάννης, κτλ. de
la declaration du IV* Evangile, xix, 35. Ces paroles de Jean, rapprochees de xxii, 18-
19 [ad loc.) devraient inspirer quelque reserve dans la recherche des <f sources ». EUes
montrent quel enthousiasme, mele d'une sorte de confusion, eprouvait le Prophete, a
I'idee d'avoir ete favorise d'une revelation pareille.
' A. B. C. 9. λέγει, au present cette fois. — δρα |χτ5, mSme locution eliiptique que
XIX, 10 (v. ad loc). — τηρούντων, johannique. — προσκ. avec le datif {\. comment, de xiii,
3). — La seule difference avec xix, 10, c'est que τηρούντων τους λόγ. τοΰ βι6. τ. remplace
έ/ο'ντων την [χαρτυρίαν Ίησου. Les deux expressions s'equivalent en fait, les paroles de la
Revelation etant le temoignage meme de Jesus (v. xix, 10-fin).
II. PAROLES DU CHRIST (xxii, 10-16), — REPONSE DE L'ESPRIT ET
DE L'EGLISE (xxii, 17).
G. XXII. 10. ΚαΙ λέγει μ,οι' Μή σφραγίσγ]ς τους λόγους της 7:ρ3(ρητείας του βιβλίου
τούτου" ο καιρός γαρ εγγύς έστιν. 11. Ό άδικων άδικησάτω έ'τι, και ό ρυπαρος ρυπαν-
θήτω έ'τι, και ο δίκαιος δικαιοσύνην χοιησάτω Ξτι, και ό άγιος άγιασθήτω ετι. 12. 'Ιδού
έρχομαι ταχύ, και δ μισθός μου μετ' έμοί, άποδοΰναι έκάστω *ώς το έργον *έ(Γτιν
αυτοΰ. 13. Εγω το άλφα και το ώ, ό 7:ρώτος και ό έσχατος, ή αρχή και το τέ)«.ος.
14. Μακάριοι *οί •τζλύνοντες τάς στολας αυτών, ινα *εσται ή εξουσία αυτών ϊτλ τ5 ξύλον
της ζωί5ς, κα• τοις ττυλώσιν είσέλθωσιν εις την πόλιν. 15. "Εξω οί κύνες και οί φαρμα-
κοΊ και οί χόρνοι καΐ οι φονεΐς και οί είδωλολάτραι και πας φιλών *καί ποιών ψευδός.
16. Εγω Ιησούς εχεμψα τον άγγελόν μου μαρτυρησαι ύμΐν ταύτα *ϊτ:\ ταΐς έκκλη-
σίαις. Εγώ ε'ιμι ή ρίζα και το γένος Δαυείδ, ό αστήρ ό λάμπρος ό πρωινός.
17. Και το πνεύμα και ή νύμφη λέγουσιν' Έρχου. Και ο οιψών έρχέσθω, ό θελων
λαβέτω ί>δωρ ζωής δωρεάν.
Β. 10. τοΰ βιβ. τ., cfr. ι, 1, 19, etc. — μη σφραγ. κτλ. s'oppose a Dan. νπι, 26; χιι, 4-9;
cfr. Apoc. χ, 4, et Is. viii, 16.
C. 10. Nous croyons que, de 10 a 16, c'est Jesus qui parle (et non pas I'Ange jus-
qu'a 12, centre Calmes), a cause de la gravite divine de I'ordre et des declarations
suivantes. Si le sujet de λέγει n'est pas exprime, c'est sans doute un autre signe de
redaction precipitee. Le contraste avec Daniel et Isaie, sans parler des Apocryphes,
montre que le contenu du livre interesse la generation presente (Calmes, Bousset,
Si^'ete, etc.), et, de plus, que ces visions qui noussemblent parfois si obscures devaient
^tre assez facilement intelligibles aux premiers lecteurs : elles etaient destinees a tous,
non a un petit groupe d'inities. C'est qu'en effet elles commengaient a s'accomplir
(ό καιρός έγγύςΐ, il etait urgent d'en tirer profit ; cela s'applique particulierement aux
quelques propheties contenues dans les Lettres, et au debut ou aux prodromes de la
persecution des B^tes au ch. xiii. D'ailleurs, c'est un encouragement pour tous les
fideles futurs a lire I'Apocalypse et a la sender.
■ Δ. B. G. 11. Ce versetoffre dans la rec. Κ ou Andre quelques variantes de
forme et amplifications, que nous pouvons negliger comrae sans portee. Andre a bien
exphque le sens : ώς Sv είποί' "Εκαστος το αρεσκον αϋτω ποιησάτω" ού βιάζω την προαίρεσιν.
Jesus, par son Prophete, a averti tous les hommes; a chacun d'en profiter. Quel que
APOCALYPSE DE SAINT JEAN. 331
C. XXII. 10, Et il me dit ; « Ne scelle pas les paroles de la prophetie
de ce livre; car le moment est proche! 11. Que rinjuste fasse encore I'injus-
tice, et que I'immonde se fasse encore [plus] immonde, et que le juste fasse
encore la justice, et que le saint se sanctifie encore. 12. Voici que je viens
promptement, et ma recompense [est] avec moi, pour rendre έ, chacun
selon ce qu'est son oeuvre. 13. Moi [je suis] I'Alpha et TOmega, le premier
et le dernier, le principe et la fin. 14, Heureux ceux qui lavent leurs vete-
ments, afin qu'il y ait pour eux droit a I'arbre de vie, et que par les portes
ils entrent dans la ville. 15. Dehors les chiens, et les empoisonneurs et
les fornicateurs et les meurtriers ^t les idolatres, et quiconque aime et fait
lemensonge! 16. Moi, Josus, j'ai envoye mon Ange vous t^moignerceschoses
au sujet des Eglises, Moi je suis la racine et la race de David, Fetoile ecla-
tante du matin, »
17. Et I'esprit et la fiancee disent : « Viens! » Et que celui qui a soif
vienne, que celui qui veut prenne de I'eau de la vie, gratuitement I
soit raccueil que Ton fera au livre, Jean doit le publier. « Quelle pleine assurance de
la victoire, dit Bousset, eclate en ces mots! » Cfr. Dan. xii, 10, et Ezech., ii, 27 : δ άκούων
άκουέτω, και ό άπείθων άπίΐθέτω. Ce n'est pas Tindifference ou rhostilite des hommes qui
changera rien au plan providentiel. L'epithete ρυπαρός, « sale, sordide », s'applique sur-
tout a rimmoralite et a la cupidite paiennes.
^— A. B. 12. Ίδοίι έ'ρχο[ΐαι ταχύ, cfr. I, 7, etc. — Ισται pour £3itv [rec. K], — κατά
τα 'έργα remplace ώς το έ'ργον κτλ dans quelques And. et chez les Latins, On a voulu voir
une citation iraplicite dans I Clem, xxxiv, 3 : ίδοΙ> δ κύριος• καΐ ό μίσθος αύτοΰ προ προσώπου
αύτοΰ, άποδοΰναι έχάστω κατά τό έργον αύτοΰ; mais cette formule pBUt dependre d'/s„ XL, 10;
Lxii, 11; Ps. Lxi, 13. Voir Int. c. xiii, § I.
C, 12. La retribution qu'annonce le Christ s'operera et sur terra, et immediatement
apres ia mort, et au jugement general; tous ces sens sont compris dans I'avertisse-
ment, comme I'annonce de la venue prochaine du Juge embrasse aussi toutes les
manifestations de la puissance du Christ, sans etre bornee a la Parousie (Exc, xiii et
InT, C. IX, ii-ni).
— — A. B. 13. ή αρχή xaWb τέλος, omis 5 500-88-205. — Cfr. i, 8, 17; ii, 8; xxi, 6.
C. 13, Le Christ, — comme i, 17; ii, 8, — s'applique ici a lui-meme les predicats
divins. La formule ό ών καΐ ό ην καΐ δ έρχο[χενος est peut-etre la seule qui ne soit pas
appliquee au Fils, parce qu'elle signifie la source meme de la vie divine [Swete).
• A. B. 14. Parallele a xxi, 7; pour les « portes », cfr. xxi, 12, 13, 27, — Au
lieu de πλύνοντες κτλ, (cfr. vii, 14, — La vulf^. ajoute « in sanguine agni », cfr. i, 5), on
lit dans And., Q, all5-130-1854, al., bo/t., syr., TerL, Cypr., Prim., Arethas, ποωυντες
(τηροίντες, arm.) τας έντολας αύτοδ (l[io3), expression johannique (Int.c. xni). II est assez
difficile de choisir; Soden admet ποιουντες, — 'ίνα avec le futur indicatif, comme vi,
4, 11; !x, 5, 20; xni, 12; xiv, 13 (Lvr, c. x, § II).
C. 14. Les versets 13-16 sont parfaitement paralleles a xxi, 6-8, avec cette difference
que c'estici le Christ qui parle. Ils se relient etroitement a la premiere, comme a la
troisieme partie de I'ouvrage. C'est ici la septicme et derniore beatitude.
— — A. B. 15. /.xi ποκον omis δ 1576-150-2057. — Cfr. xxi, 8, — κύνες, cfr. P/iil.
in, 2.
C. 15. Ce verset est plutot une apostrophe qu'une affirmation; car la perspective
de Jean n'est pas celle de I'eternite, apres le Jugement general (cfr. Su'ete), mais il
332 APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
s'adresse, avec autant de vigueur qu'autrefois saint Paul, aux « chiens » de son temps
et de I'avenir, c'est-a-dire aux paiens, que vise presque toute I'enumeration des vices,
et aussi, comme le note Andre, aux baptises qui, comme des chiens, retourneraient
a leur vomissement (II Pet. ii, 22).
Citons ici le beau developpement de Bossuet : « Tout attire dans cette cite bienheu-
reuse, tout y est riche et eclatant; mais aussi tout y inspire de la frayeur, car on nous
y marque encore plus de purete que de richesse. On ne sait comment on osera mar-
cher dans ces places dun or si pur, transparent comme du cristal; entrer dans ce lieu
ού tout brille de pierres precieuses, et seulement aborder de ces portes dont chacune
est une perle ; on tremble a cet aspect, et on ne voit que trop que tout ce qui est souille
n'en pent approcher. Mais d'autre cote on voit decouler une fontaine qui nous purifie :
c'est la grace et la penitence, xxii, 1; on a le sang de Jesus-Christ, dont saint Jean
venait de dire : Heureux celui qui lave son vetement au saag de I'Agneau, afin
qu'il ait droit a I'arbre de vie, et qu'il entre dans la ville par les portes ! »
Remarquons que Γ « arbre de vie » et I'entree dans la Cite resument toutes les pro-
messes spirituelles pour le temps et pour I'eternite.
— — A. B. 16. έπί omis K, Q, nombreux And., ou remplacc par έν dans A, al.,
g, vulg.: il signifie « au sujet de », comme x, 11. — τον άγγ. μςυ, fr. ι, ι (v. ad loc). —
ρίζα, cfr. V, 5. — « Etoile du matin », cfr. ii, 28 (v. ad loc),
C. 16. L'Ange ne pent etre Jean lui-meme, contre B. Weiss. Le Christ est le maitre
des Anges, parce qu'il est Dieu. II est la « racine de David », « the beginning (as the
end) of the whole economy associated with the Davidic family » I'Swete). II est I'astre
radieux du matin, dont I'eclat tempere, dans la vie presente, rassure les fideles sur
I'incertitude du present et de I'avenir, et les prepare a contempler dans son plein le
Soleil de Justice.
— — — A. B. 17. το πνεΰ[ΐ.α καί est omis Ν; ce manuscrit est coutumier du fait. —
πνεύμα cfr. xiv, 13, et les Lettres. — νύμφη, cfr. xxi, 2, 9 {ad loc.) — ό θελ. λαβ. Ο'δωρ ζωής
δωρεάν, cfr. χχι, 6 (ν. ad loc.) ; « eau de la \ie » Apoc. passim et , oh. iv, 6. — Compa-
rer des exclamations semblables, xiii, 9; xiv, 12-13.
C. 17. C'est la reponse des fideles aux paroles si douces du Christ qui brille en
leurs coeurs comme I'etoile du matin. Tout commentaire, nous le sentons, ne saurait
qu'obscurcir la beaute de cet appel, de ces paroles d'extase, qui remuent jusqu'au
fond du coftur. C'est Γ « Adveniat regnum tuum » du Notre Pere yAnd.); I'Esprit-Saint,
qui habite I'Eglise et non seulement Tintelligence des prophetes, mais I'ame de tous
les vrais fideles, ou « il intercede par des gemissements inenarrables » {Rom. viii),
fait jaillir cet appel de leurs levres. iLa « Fiancee » qui supplie, ce ne pent etre que
I'Eglise qui soufTre encore sur la terre; par la designation caracteristique de νύμφη, elle
est identifiee sans ambiguite a la Jerusalem nouvelle, preuve que cette Jerusalem et
I'Eglise en tous ses etats ne font qu'un (supra, int. a xxi, 9-xxii, 5 et Int., c. viii).
Quoique ayant sa part des ileaux, en tant qu'elle est encore plongee dans les vicissitudes
du monde, elle appelle cependant de tous ses voeux I'Avenement de son Bien-Aime,
de son Fiance et Epoux, si douloureux que soient les moyens par lesquels seront apla-
nies les voies pour cette venue triomphale; elle implore aussi sa descente invisible et
continuelle dans les ames. Et si I'Eglise — ou le Prophete — promet d'ores et deja,
a tous ceux qui ont soif de Dieu, les eaux de la vie que Ton a A'ues couler dans la
Jerusalem celeste, c'est done, encore une fois, que cette cite celeste touche deja a la
terre; deja nous y vivons; elle ne sera pas batie de toutes pieces apres le Jugement
general, pas plus qu'elle n'est une habitation tenue en reserve jusque-la dans quelque
lieu inaccessible de I'univers.
III. REGOMMANDATIONS DE JEAN AU SUJET DE SON LIVRE
(xxii, 18-19).
C. XXII. 18. Μαρτυρώ εγώ *χαν':ί τω άκουοντι τους λόγους της ττροφητείας του
βιβλίου τούτου' Έάν τις έζιθίί έ::' αυτά, έ-ιθήσει ο θεός ε::' αΰτον τάς ττληγας τάς
γεγραμμένας εν τω βιβλίω τούτω' 19 και εάν τις άφελγ; άττο των λόγων του βιβλίου
τί;ς προφητείας ταύτης, άφελεϊ δ θεός το [J.ipoq αΰτου ά-ο του ξύλου της ζωής και εκ
της πόλεως τΐ5ς αγίας, των γεγραμμένων έν τω βιβλίω τούτω.
C. XXII. 18. J'atteste, moi, k quiconque entend les paroles de la pro-
phetie de ce livre : Si quelqu'un y ajoute, Dieu ajoutera sur lui les plaies
qui ont ete decrites dans ce livre; 19 et si quelqu'un retranche aux paroles
du livre de cette prophetie, Dieu [lui] retranchera sa part de I'arbre de la
vie et de la ville sainte, qui ont ete decrits dans ce livre.
A. B. 18. -a; ό et le participe, locution affectionnee de la I^ Jo/i. (Int., c. xtii, ι § I). —
La Lettre d Aristvv, 311, raconte qu'une malediction pareille fut portee par les traduc-
teurs des Septante, apres I'achevement de leur version; cfr. Dent, iv, 2; xii, 32.
C. 18-19. Celui qui parle avec cetle autorite pourrait etre le Christ lui-meme; mais
c'est plutot .Jean, usant de tout son pouvoir de prophete et d'apotre. Bousset appelle ces
versets « la formule de canonisation » et ajoute : « Quelle etrange surete de cons-
cience prophetique trouve ici son expression! » Reflexion juste et instructive. Ce ne
pent etre une « addition redactionnelle », comma le pretend Holtzmann, avec ce faible
sentiment des realites psycholog-iques que les critiques montrent souvent sous leur
minutieuse profondeur. Comment un simple redacteur, a moins de vouloir tromper
sou monde, eut-il ose ajouter cela? C'eut ete se condamner lui-meme. La phrase a
aussi son importance pour I'histoire du Canon, et, ne pouvant etre que de Jean en
personne, nous fait penser que des croyants y auraient regarde a plusleurs fois avant
de se risquer a alterer un texte garanti par de telles menaces.
IV. DERNIERE PROMESSE ET DERNIER APPEL. — SALUTATION
(xxii, 20-21).
C. XXII. 20. Λέγει b μαρτύρων ταύτα' *Ναί, έρχομαι ταχύ. *Άμήν, ερχου κύριε
21. Ή *χάρις του κυρίου Ίησου *μετα *τάντων. *Άμήν.
C. XXII, 20. 11 dil, Gelui qui temoigne ces choses : « Oui, je viens promp-
tement! » — Amen! Viens, Seigneur Jesus.
21. La grace du Seigneur Jesus [soit] avec tons! Amen.
A. B. 20. Λ'αί... άμτ^ν, cfr. i, 7. — ερχου, cfr. xxii, 17. — Ναί est ajoute devant Ιρ/ου
dans la rec. K, excepte α 1070-Q-O46, et quelques aulres codex. — 'AfxTj'v est omis N,
hoh., quelques And., g, syr. — Χριστέ apres Ίησου, dans N"=, bolt., la plupart des And.,
al., arm.
C. 20. Pour la septieme et derniere fois, I'auteur emploie la formule ερ-/£ΐθαι τα/ύ,
qui presque toujours est raise dans la bouche du Christ. Ce dernier avertissement met
le sceau a tous les autres. Ναί, dit Swete, est I'assentiment du Seigneur a I'appei, et άΐΑτ^ν
exprime la foi parfaite du Voyant et de ceux qu'il represente (cfr. supra 17), leur joie
a cette promesse de I'arrivee du Seigneur. Jean concentre toute sa ferveur dans cette
derniere imploration; ses ^'^sions Font eleve au plus serein enthousiasme. Cast une
pure imagination de se figurer, avec Ca/mes, qu'on trouve ici combinees rannonce d'une
visite de Jean, comme image de la Parousie, et celle de la Parousie elle-meme. Ge
commentateur rappelle ii, 5, 16; in, 16, qu'il a interpretes de la meme maniere; mais
c'est rabaisser I'idee, bien arbitrairement. Mieux vaut avec Bousset se rappeler la for-
mule liturgique « Marana tha » (ainsi ecrite) de I Cor. xvi, 22. « Dieu fasse la grace,
dit Bossuet, a ceux qui liront cette prophetic de repeter en silence les derniers versets,
et de gouter en leurs cceurs le plaisir d'etre appeles de Jesus, et de lappeler en
secret! »
-..-. Δ. 21. Χρίστου, apres 'Iriaoti, est frequent, mais ne se trouve pas N, A, G-o^-04,
α 1588-154-2061 ; ημών ajoute apres κυρίου, dans quelques And., g, vulg. — La fin de
ce verset a des lectures tres diverses :
Prim. I'omet tout entier; il finit par αετα πάντων dans A eiVAmiatinus, cest la leQon
la plus courte, que nous avons suivie. Mais d'autres sent egalement possibles : μετχ
των αγίων. Άατ^ν dans Ν, g (celui-ci sans Amen), Swete; μετά πάντων ύμων, dans δ 600-57-
296, al, '^idg. : « Domini nostri Jesu Christi cum omnibus vobis. Amen » : του κυρ. ημών
Ί. Χ. αετα πάντων των αγίων. Άμην dans Andre, ainsi que Q, α115-130-1854, et plus de
quarante minuscules, Arcthas, syr., arm., Soden, Bousset. 'A;j.r;v n'est guere omis que
dans A, Arethas, et le Fiddensis; aussi I'avons-nous maintenu.
B. 21. Les saints — si ce mot est authentique — designent les membres des eglises,
comme dans Paul; cfr. viii, 3-suiv.; xi, 18; xiii, 7, 10; xiv, 12; xvi, 6; xvii, 6: xviii, 20.
24; XIX, 8; xx, 9. — 7.άρι? n'apparait dans I'.lpoc. qu'ici et i, 4, dans la salutation ini-
tiale (Int., c. x, § I|.
C. 21. L'Apocalypse, etant une lettre, devait finir par une salutation epistolaire, que
sa forme rapproche de celles de saint Paul. Jean y manifeste sa charite non seu-
lement a I'egard des fideles d'Asie, mais de tous les chretiens (μ. πάντων των άγ.), ou
meme de tous ceux qui liront sa prophetic (μ. πάντων), et il souhaite que la grace les
eclaire, ou les soutienne une fois eclaires, et les mene au salut si suavement et magni-
fiquement decrit.
FIN.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
Pages,
Ch. I". — Le milieu religieux et le but de I'Apocalypse i-v
Ch II — Les caracteristiques personnelles de I'auteur de I'Apocalypse, et sa theo-
logie vi-xii
Ch. hi. — Les destinataires de I'Apocalypse xiii-xvii
Ch. IV. — La forme apocalyptique du message johannique xviii-xxvi
Ch. v. — Les materiaux symboliquesde I'Apocalypse de Jean et leurorigine. . xxvii-lviii
I. Les Apocalypses apocryphes , xxvii-xlvi
Genoralites xxvii-xxix
g I. _ Principes genoraux d'interpretation des symboles apoca-
lyptiques xxix-xxxi
g II. — Origine des symboles apocalyptiques xxxi-xxxvi
g III. — Essai de syntiiese de la « Tradition apocalyptique » . xxxvi-xlvi
1. Le monde celeste, xxxvi-xxxviii; 2. Le monde infernal,
xxxviii-xxxix; 3. La terre et les evenements terrestres :
pasteurs, periodes, animaux et monstres, xxxix-xlti;
4. L'Eschatologie : signes precurseurs, Messie, Antechrist,
Elie et son compagnon, Millenaire, Gog et Magog, roles
divers du Messie, Jugement, Rosurrection. xliii-xlvi. —
Caractere goneral, xlvi,
II. _ Comparaison des symboles de I'Apocalypse de saint Jean avec
la tradition apocalyptique generale, et les deux Testaments, xlvi-lviii
I I. — Jean et I'Apocalyptique traditionnelle xlvii-lv
1. Dieu, la cour celeste et les Anges, xlvii-l; 2. Le Messie, l;
3. Le monde des esprits raauvais, l-li; 4. Le monde
terrestre, I'histoire future, et les signes de la fin : absence
de poriodes, propheties sur Rome, usage des nombres,
floaux, Li-Liii ; 5. L'Eschatologie : Regne intermediaire, la
Bete-Ant6christ, Gog et Magog, Jugements, Jorusalem
nouvelle, liii-lv.
g II. — Les symboles johanniques et I'Ancien Testament lv-lvi
I III. — Les symboles johanniques et le Nouveau Testament .... lvi
g IV. — Symboles propres a Jean; son hellonisme lvii-lviii
Ch. VI. — Les rapporls mutuels des symboles dans I'Apocalypse Johannique. . lix-lxvii
Ch. VII. — Les precedes de composition littoraire de I'Apocalypse lxviii-lxxxiii
Ch. VIII. — Lecontenuet le Plan de I'Apocalypse. — Son caractere synthotique. lxxxiv-xgvi
Ch. IX. — L'Apocalypse et les autres livres du Nouveau Testament compares au
point de vue de I'eschatologie xcvil-cxxvili
336 TABLE DES MATIKRES.
I. G^neralites doctrinales; la question du syncretisme xcvii-xcviir
II. L'EschatoIogie de I'Apocalypse, et celle des autres ecrits neotesta-
raentaires, dans sa conception gonerale xcviii-civ
III. La duroe des temps messianiques, dans I'Apocalypse et les autres
ecrits du Nouveau Testament; date de la Parousie civ-cxxiii
IV. Les Propheties sp6ciales de I'Apocalypse cxxiv-cxxvill
Gh. X. — La langue de I'Apocalypse cxxix-cliv
Generalites cxxix-cxxx
I. Vocabulaire cxxx-cxxxv
II. Gramraaire cxxxv-cl
III. Style cl-cliv
Ch. XI. — Unite de I'Apocalypse clv-clxiii
Gh. XII. — Authenticite des visions de Γ Apocalypse. Question des sources. . . clxiv-clxx
Gh. XIII. — L'identification du « Jean y de I'Apocalypse. — Date de la compo-
sition CLXXI-CCXV
I. Tomoignages traditionnels clxxii-glxxx
II. La these.de I'unite d'auteur des ecrits johanniques devant la cri-
tique interne clxxxi-cciii
§ I. — Gomparaison au point de vue de la langue. . . clxxxii-clxxxix
§ II. — Gomparaison au point de vue de la doctrine cxc-cxcii
§ III. — Gomparaison de I'esprit de I'Apocalypse avec celui du
IV» Evangile cxcii-cxcviii
g IV. — Gomparaison au point de vue du style et des precedes
de composition cxcviii-cci
§ V. — Quelques autres traits personnels communs respecti-
vement a I'auteur de I'Apocalypse et a celui de
I'Evangile cci-cciil
Conclusion ." L'auteur de I'Apocalypse est I'aputre Jean ccii
Dale de composition de I'Apocalypse cciii-ccxiii
L'Apocalypse et le Ganon ccxiii-ccxv
Gh. XIV. — Les Gommentateurs de I'Apocalypse ccxvi-ccl
Generalites; les diverses tendances et Jeur explication ccxvi-ccxviii
I. Les premiers auteurs qui se sont occupos de I'Apocalypse. . . ccxviii-ccxx
II. Premiers coramentateurs proprement dits, de Victorin a saint
Augustin CGxx-ccxxiv
III. Du v° siecle aux grands scolastiques ccxxiv-ccxxviir
IV. Joachim de Flore et son ecole ccxxviii-ccxxxi
V. Nicolas de Lyre et son ecole ccxxxi-ccxxxix
M. Roaction scientifique au temps de la Renaissance et au xvii*
siecle ccxxxiv-ccxxxix
VII. Du xviii= siecle a I'epoque de la « Gritique littoraire » . . . ccxxxix-ccxli
VIII. Les commentateurs a partir du milieu du xix« siecle. . . . ccxli-ccxlviii
IX. Notre methode d'interprotation ccxlviii-ccl
Gh. XV. — Le texte de I'Apocalypse ccli-cclxiv
Texte grec cgli-gclviii
Versions cglviii-gglx
Versions latines gclyiii-cclix
Versions syriaques gglx
Versions coptes cclx
Versions armeniennes et autres gglx
Les problemes textuels ; classification ; jugement cglxi-cglxiii
Notre texte et notre traduction gclxiii-gglxiv
BibLIOGRAPHIE CCLXV-GCLXVIII
COMMENTAIRE
rages
PROLOGUE GENERAL (I, 1-8) (1)
Titre, salutation, doxologie (ch. i, 1-8) 1-8 (9)
Exc. 1 8-9
PREMIERE PARTIE (I, 9-III)
Rovelation aux Eglises d'Asie sur leur etat spirituel 10-51
I. Vision d'introduction a la premiere partie [et au livre entier]
(ch. I, 9-20) 10-15 (18;
Exc. II 15-17
Exc. Ill 17-18
II. Les sept lettres dictees par le fils de l'homme (ch. ii-iii) 19-51
A. Ephese (ll, 1-7) 20-23 (25)
Exc. IV 23-25
B. Smyrne (ir. s-ll 25-27
Exc. V 26-27
G. Pergame (ii, 12-17) 27-30 (31)
Exc. VI 30-31
D. Thyatire (ii. 18-2ii) 32-35 (36)
Exc. VII 35-36
E. Sardes (ch. in, 1-6) 36-38 (39)
Exc. viii .38-39
F. Philadelphie (iii, 7-13) 38-42
Exc. IX 42
G. Laodicee (τιι, 14-22) 42-45 (46)
Exc. X 45-46
Exc. XI 46-48
Exc. XII 48-50
Exc. XIII 50-51
DEUXIEME PARTIE (IV-XXI, 8)
Prophetie de tout I'avenir du monde et de I'Eglise, a partir de la glorlflcation
du Christ jusqu'au dernier jugement 52-311
I. — Vision d'jntroduction generale a la partie prophetique (c. iv-v). . 52-69
A. ch. IV 53.59
Exc. XIV 59.60
B• ch. Υ 60-66
Exc. XV 66-67
Exc. XVI 67-68
Exc. XVll 68-69
II. — Premiere sectiox des propheties (VI-XI, 18) 70-151
A. ch. vi-viii, 1. (Vision d'introduction) : les Sceaux 70-100
l''-2<' (VI, 1-8) 71_76
Exc. XVIII 76_78
Exc. XIX 78.85
3" (VI, 9-llj 85-87
4° (VI, 12-vil) ..... 88-100
a• (VI, 12-17) 88-90
^ (V". 1-^7) gO-iOO
«• (vn, i-s; 90_94
β' ^"' -'-1') 94-100
5° (VIII, 1) 100
B. (Vision des 7 Trompettes), ch. viii, 2-xi, 18 101-151
(1) La division est expliqu^e Introductiox, ch. viii, pp. lxxxv-xciii.
apocalypse de saint jean. .•>.,
338 TABLE DU COMMENTAIRE.
Pages.
1° (vill, 2-6) 101-104
Exc. XX 104-106
2'>-6''(v]ii, 7-xi, 18) 106-151
2" (vill, 7-12) 107-109
3° (viii, 13) 109
4• (IX, 1-12) 110-115
5° (IX, 13-xi, 14) 115-U8
a (IX, 13-21) 115-119
« Intermede » (c. x) 118-125
b (XI, 1-14); les 2 Temoins; 1-25-138 {li8)
Exc. XXI 138-139
Exc. XXII 139-142
Exc. XXIII 142-146
Exc. XXIV 146-148
6° (XI, 15-18) : Jugement dernier 148-151
III. — DeUXIEME SECTION DES PROPHETIES (xi, 19-XXI, 8) 152-309
Prologue symbolique (xi, 19) 153-174
Exc. XXV 154
A. ch. XII, 1-17 (Vision d'ouverture : la « Femme « et le Dragon). 155-167 (181)
Exc. XXVI 167-179
Exc. XXVII 179-181
B. ch. XII, 18-xiv, 5 (Vision de prosentation : les Betes et I'Agneau). 182-215
1° XII, 18-XlIl 183-194
2° XIV, 1-5 195-197
Exc. XXVIII 198
Exc. XXIX 198-200
Exc. XXX 201-210
Exc. XXXI 210-215
G. ch. XIV, 6-20 (Vision preparatoire a la lutte) 216-226
1° XIV, 6-Jl 216-219
2° XIV, 12-i3 219-221
3• XIV, 14-20 221-226
D. ch. xv-xix (Ruine des enneinis terrestres de Dieu) 227-282
i" xv-xvi (Vision des Coupes) 227-243
a.-b. (c. xv-xvi, 1) 228-232
c. (c. XVI, 2-21) 232-242
Exc. XXXII 242-243
2°-3° xvii-xix 2i3-282
2" xvii-xix, 10 (Vision de Babylone) 243-277
a. XVII 244-253
Exc. XXXIII 253-263
Exc. XXXIV 263-265
b, XVIII, 1-8 ' 265-267
c-d, XVIII, 9-xix, 10 268-277
c. a, XVIII, 9-20 268-271
β, XVIII, 21-2Ί 272-273
γ, XIX , 1-8 273-276
d, XIX, 9-10 276-277
3° XIX, 11-21 (Vision du Verbe de Dieu) 277-282
E. ch. XX. 1-10 (le Millenium; ruine du Dragonj 283-290 {302]
Exc. XXXV 290
Exc. XXXVI 290-291
Exc. XXXVII 292-302
F. ch. XX, 11-χχτ, 4 (le Jugement dernier) 303-307
Exc. XXXVIII 307-309
IV. — Epilogue de la partie prophetique, xxi, 5-8 310-311
TABLE DU COMMENTAIRE. 339
Pages.
TROISIEME PARTIE (XXI, 9-XXII, 5)
Vue synthelique de I'Eglise dans le temps et dans I'Eternite, Jerusalem
celeste 312-327
I. — XXI, 9-10 316-317
II. — XXI, 11-23 318-321 (323)
Exc. XXXIX 321-323
III. — XXI, 24-xxll, 5 324-327
EPILOGUE (XXII, 6-21)
I. — XXII, 6-9 328-330
II. — XXII, 10-17 330-332
III. — XXII, 18-19 333
IV. — XXII, 20-21 334
EXCURSUS
Exc. I•^'. — Les Sept Esprits 8-9
Exc. II. — Le choix des sept eglises 15-17
Exc. III. — La signification des « Anges » des Eglises 17-18
Exc. IV. — Ephese et I'egiise d'Ephese 23-25
Exc. V. — Smyrne et I'egiise de Smyrne 26-27
Exc. VI. — Pergarae et I'egiise de Pergame 30-31
Exc. VII. — Thyatire et I'egiise de Thyatire 35-36
Exc. VIII. — Sardes et I'egiise de Sardes 38-39
Exc. IX. — Philadelphie et I'egiise de Philadephie 42
Exc. X. — Laodicoe et I'oglise de Laodicee 45-46
Exc. XI. — Les Nicolaftes 46-48
Exc. XII. — La couleur blanche dans I'Apocalypse 48-50
Exc. XIII. — Ερχομαι taxy 50-51
Exc. XIV. — Le ciel et la cour celeste 59-60
Exc• XV. — L' « Agneau « dans I'Apocalypse 66-67
Exc. XVI. — Les « livres » apocalyptiques 67-68
Exc. XVII. — La forme du « livre scelle » 68-69
Exc. XVIII. — Les chevaux apocalyptiques 76-78
Exc. XIX. — Le Cavalier au cheval blanc 78-85
Exc. XX. — Le sens des trompettes apocalyptiques 104-106
Exc. XXI. — La pretendue origine juive de XI, 1-14 138-139
Exc. XXII. — « Elie » et « Henoch » 139-142
Exc. XXIII. — Les" « 42 mois », « trois ans et demi », « 1.260 jours » 142-146
Exc. XXIV. — L'Antechrist et Jerusalem 146-148
Exc. XXV. — La signification eschatologique de I'Arche d'Alliance 154
Exc. XXVI. — Les pretendues origines juives, ou astronoraiques, ou mythologiques,
de la vision du ch. xii 167-179
Exc. XXVII. — Le Troisieme « Vae » 179-181
Exc. XXVIII. — Rapports de xiv, 1-5, avec le Millenium du ch. xx 198
Exc. XXIX. — L'Antechrist des Juifs et celui de I'Apocalypse. 198-200
Exc. XXX. — Les Deux Botes, le culte imporial en Asie, et le caractere propho-
tique du ch. xiii 201-210
Exc. XXXI. — Le nombre de la Bete 210-215
Exc. XXXII. — L'ordrc des coupes 242-243
Exc. XXXIII. — Lecalculdes totes et des cornes. — Garactore prophetique du ch. xvii. 253-263
Exc. XXXIV. — L'Apocalypse et la legende de Neron 263-265
Exc. XXXV. — Gog et Magog 290
Exc. XXXVI. — Les paralleles paiens a la double dofaite du Dragon 290-291
Exc. XXXVII. — Le Millenium juif et judeo-cliretien et celui de I'Apocalypse. . . 292-302
Exc. XXXVIII. — La Nouvelle Jerusalem, fiancee de I'Agneau 307-309
Exc. XXXIX. — Origines traditionnelles et forme de la Jorusalem coleste 321-323
INDEX ANALYTIQUE
A et a, 8, 43, 310, 311, 331.
(Voir Christ, Christologie, Theologie.)
Abaddon, 110, 114, 292.
(V. Ange del'Abime, Apollyon.)
Abime, 110, 133, 147, 184, 247, al.
(V. Enfer, Hades, Mer. Satan, Sauterellcs.)
Agneau, X, LVI, LX, LXIV, XGV, CXCVI,
62, 66-67, 89, 97, 100, 152, 161, 164, 181, 182,
183, 186, 187, 190, 195-suiv., 198, 217, 218, 219,
225, 243, 248, 252, 273, 299, 307, 313, 323. —
Les sept yeux de I'Agneau, 63; — Gantique
de ΓΑ., 196, 229; — A. Redempteur, X, 64;
— Trone de ΓΑ., 63, 322; — Noces de
I'Agneau, LXXV, GUI, 273, 276, 316, al.
(V. Christ, Cavalier-Messie, Verhe, Emma-
nuel, Etoile (lu matin, Lion de Jiida, Mar
douk; Millenium, Parousie; Christologie:
Epouse de I'Agneau; Saint-Esprif; Betes;
Sept.)
Ahriman, XXXV, L, 159, 168, 175, 176.
(V. Iranisme, Antechrist, Dragon.)
Aigles, 109, 217. — Le grand Aigle, XLVII.
166, 1/4.
Alcazar et son έοοίβ, CGXXXVI-CGXXXVIII.
Allegorie, XXI-suiv., CXGIV, 173, 308, al.
(V. Genre apocalyptique.)
Ameshas Spentas, XXXVIII, 9, 102, 159.
(V. Iranisme, Archanges.)
Angelologie, XI, XXXIV, XXXVI-XXXVIII.
XL, XLVIII, 55, 57, 58, 60, al.
(V. Anges, Caractere de V Apocalypse, Apo-
cryphes.)
Ange de I'Abime, 114, 116.
(V. Abaddon, Satan, Sauterelles.)
Anges divers, 55, 65, 91, 116, 119, 120, 216, 217,
218, 219, 223, 224, 228, 244, 247, 265, 272,
276, 328, passim. — Anges intercesseurs,
XXXVIII, XLIX, 64, 102-suiv., 104, 234, al.
— Anges de la Face, XXXVII, 8, 56, 102.
— Ange de la Paix, XXXVIII, XLIX, 103.
— Ange de I'eau, 224, 234. — Ange du feu,
XXXIII, 224. — Archanges, XXXVII,
XLVIII, 9, 102, 105, 228. — Anges des Trom-
pettes, 102-suivants. — Anges des Goupes,
229-suivants. — Culte des Anges, XI, 277,
330, — Seraphins, XXVII, 57. — Gherubins
(v. ce mot.)
(Voir Cherubins, Animaux, Vieillards, Ophan-
nim, laoel, Sept, Septenaires, Trompettes,
Coupes, Babylonc, Jerusalem celeste, Apo-
cryphes, Intermediaires, Iranisme.)
Anges des Eglises, VII, XLVIII, LXV, 15,
17-18.
(V. Sept Eglises.)
Angro-Mainyu (V. Ahriman.)
Animaux symboliques, XL, al.; — chez les
Grecs. 111.
{V. Apocryphes, Daniel, Leviathan, Behemoth,
Dragon, etc.. Animaux. Symbolisme.)
Animaux (les Quatre),ou Khayyoth, XXXVIII.
XLVII, XLVIII, 56-58, 91, 196, 228, 231,
273, 274.
(V. Ezechiel, Cherubins, Trone de Dieu,
Astronomic, Ciel.)
Annee symbolique du monde (V. Astronomic,
Cinq mois.)
Antechrist, III, XLIV, LIII, XGV, CXII-CXIX,
GXXIII, GXXV, GXX\'I, GXGI, GGXVIII,
94, 98, 116, 125, 133, 134, 135, 155, 176, 179,
182, 183, 184-s., 186, 190, 194, 198, 200-204,
212, 214, 228, 232, 233, 236, 240, 242, 243,
250, 259, 265, 277-279, 285, 299, 300, 325. —
Sa parousie, 247. — L'Ant. et Jerusalem.
146-suiv.
(V. Bete [1'^), Belial, Azhi-Dahdka, Em-
pereurs romains, Caligula, Neron, Culte
des Empereurs; Agneau, Temoins, Elie ;
Dan : Eschaiologie, Parousie, Harmagedon ;
Pergame; Heresies; Chiffre de la Bete;
Vac [3°); Saint Paul; Verbe.)
Antipas, 28. (V. Pergame, Martyrs.)
Antithese, LXX, LXXXVI-LXXXVIII,
GXGXIII, 272, passim. — Perp6tuite de
I'antithese dans I'Apoc, LXXVi, 153, 216,
224, 244, 305, al. — Periodicit6, LXXVI, 88,
115, 125, 224, 238, 244, 268, al.
(V. Cites, Eglises, Jerusalem, Babylone, Betes,
Temoins, Construction de I'Apocalypse,
Sixieme.)
Apocalypse : sens du mot, XVIII ; — ΓΑροο.
INDEX ANALYTIQUE.
341
vis-a-vis des Apocryphes, et de la Tradi-
tion apocalyptique, XVIII-suivant, XXV-
XLVII-LV; de I'Ancien Testament, LV,
LVI, passim. (V. Ezechiel, Daniel, Joel,
Zacharie, Penlaleiique) ; du Nouveau Tes-
tament, LVI. — Girconstances de publica-
tion de I'Apoc, IV-suiv. ; son but I-suiv. ;
ses propheties sp6ciales, GXXIV-GXXVIII,
al. — Synthese des pensees raaitresses
XGIV-XGVI, 313. — Homogen6ite,LXXXII ;
Multiplicite pretendue, unite et continuite
du plan, LXXIII, CLV-GLXIII. GLXVI,
59, 62, 92, 101, 106, 115, 119-120, !35, 137,
149, 216, 226, 234, 237, 276. 313-314, 328, al.
— Doctrinesdel'Apocalypse, IX-XII,XGVII,
al.(V. Theologie, Cliristologie,Escliatologie),
comparees a cellos du quatrieme Evangile,
GXG-GXGII.-- Lecture publique de ΓΑροο-,
VII, 3-4, 333.
(Voir Caractere de V Apocalypse, Composition,
Langue, Style, Sources, Symbolisme, Plan
et resume, Figures mattresses, Visions,
Date, Auteur, Jean, Caractere de Jean,
Nomhres.)
Apocryphes, XlX-suiv. , XXVII-XXXI, passim.
— Sources apocalyptiques en goneral, XXXI-
XXXVI. — Tradition apocalyptique, XX VIII-
XLVI. — Pseudonymieet fictions litteraires,
XXIII-XXV. — Embellissements, XXX. —
Periodes apocalyptiques (absentee chez
Jean), XXII, XXX, XL, LI, LII, 105, 118,
144, al. — Secrets cosmiques (absents chez
Jean), XXVI. — Narration el prediction,
XXIII.
(V. Apocalypse, Caractere de I'Apoc, Symbo-
lisme, Babylonisme, Astronomic, Cosmo-
gonie. Genre apncalyplique, Mythologie,
Eschatologie, Antechrist, Jugements escha-
tologiques, Messianisme, Millenium.)
Apollon, LVII, 83, 114, 160, 169-s., 176-suiv.
(V. Mythologie, Leto, Premier Cavalier,
Femme et Dragon, Delphes, Python,
Horus.)
Apollyon, GXXXIII, 114.
(V. Abaddon, Apollon, Satan, Sauterc.lles.)
Apollonius de Tyane, XIV, GXXVI, 27, 191.
203, 207.
(V. Bete {Deuxieme), Ephese, Asie.)
Apophi, XLI, 178.
(V. Mythologie, lid, Egyple, Dragon, Femme
cl Dragon.)
Apostasie eschatologique, GXVII-s.
(V. Eschatologie, Saint Paul, Antechrist.)
Apotres dans I'Apoc, 319. (V. Eglise, Jerus.
celeste.)
Arbre de vie, XXXVI, XLV, LV, LXXX, 19,
22, 25, 326, 327, 332.
(V. Ephese, Pentateaque, Paradis terrestre,
Jer. celeste, Eucharistie.)
Arc, 79, 81, 82, 83.
(V. Premier Cavalier, Parthes, Apollon.)
Arc-en-ciel, 54, 120, 320. (V. Caract. de I'Apoc.,
Theologie.)
Archanges. (Voir Anges, Ameshas-Spentas,
Michel.)
Arche d'alliance, 153, 154. (V. Caractere de
I'Apoc, Composition.)
Archontes, XXXVIII, 9. (V. Gnose, Mithra,
Sept Esprits.)
Artjohannique, GXGVIII-GGI, al. — Coloris,
LVII, LXI-LXII, 54, 315, 316, 320, al. —
Ondulations ou volutes, LXXVI, GLIII-
GLIV, 156. 161, 183, 223-s., 230, 312, etc. —
Phases, LXXIX, 99, al. — Unite de pers-
pective, (v. Caract. de I'Apoc.)
(V. Caractere de I'Apocalypse, Quatrieme Evan-
gile, Imagination johannique, Construction
de I'Apoc, Langue, Symbolisme, Visions.)
Asie proconsulaire, VII, Xlll-suiv. — Routes
de I'Asie, XVI, 16. — Commune d'Asie,
XIII, 24, al.
(V. Ephese, Smyrne, etc., CuUe des Em-
pereurs, Cultes asiatiques, Caractere de
Jean; Letlres.)
Asklepios, 31, 32, 203. (V. Cultes asiatiques,
Pergame, Serpent, Mysteres.)
Astronomie et Astrologie, XXXIII, 55, 113,
143, 170-s., 291, 319, 321, al. — Zodfaque,
XXXIII, XLIX, 112, 170, 171, -319, 322, al.
— VoieLactee, 172, 322. (V. Tiamat).—Con?.-
tellations, 57, 58, 66, 77, 109, 113, 160, 170,
al. — Etoiles, XXXVII-suiv., LI, 18, 88,
107, 109, 110, 114, 158, 159, 160, al. — Pla-
netes, XXXIII, XXXVII, etc. — Precession
des equinoxes, 291. — Αηηέβ symbolique
du monde, 112, 291.
(V. Babylonisme, Cultes astraux, Ecole astro-
nomique, Agneaux, Animaux {Khayyoth),
del, Etoile du matin, Angelologie, Femme
el Dragon, Mythologie, Autels, Temple
celeste, Vieillards, Hellenisme, etc)
Auguste, XIII, 185, 204, 205, 242, 259.
(V. Teles, Empereurs romains.)
Aiitels, Autel des holocaustes, 85, 103, 154,
224, 308. — Autel d'or ou des parfums, 64,
103, 115, 154, 224, 234, 308. — Autel de Zeus
a Pergame, LVIII (v. Pergame, et Gigan•
tomachie.)
(V. Temple cdleste. Martyrs, Cavaleric infer-
nale, Ciel, Jerusalem celeste.)
Auteur de I'Apocalypse, devant la tradition,
GLXXII-GLXXX ; devantla critique interne,
GLXXXI-GGIII. — Anonymat de plusieurs
6crits jphanniques, GCI-CGII. — Son e.xil.
\U-2
IXDEX ANALYTIQUE.
XII, CCXI-CGXIII. — Patmos, XII, CCIIk,'
CGX-CCXXII, 11, 89, 120, 134, 183, 305.
— Aloges, GLXXIV-CLXXVII, 8.
V. Jean, Jean le Presbytre, Caractere de
VApoc, Caractere de Jean, Ecoles, Qua-
trieme tlvangile, Aloges, etc.)
Azhi-Dahaka, XLII, 168-s., 175-s., 201, 291.
(V. iranisme. Dragon, Satan, Antechrisf,
Femme et Dragon.)
Babylone dans I'Apocalypse, LX. LXXIV,
GXXV, 148, 152, 180, 217, 218, 227, 240, 241.
244-s., 265-277, 306, 312, 316, 329.
(Voir Cites, Courtisane, Rome, Jerusalem
celeste. Figures mditresses, Antithese, Si-
byllins.)
Babylonisme, XXXII, XXXIII, XXXVII, 55,
67, 100, 111, 121, 143, 144, 172, 199, 204, 239,
290-S., .307, 321.
(V. Astronomic, Cavaliers, Femme et Dragon,
Ecole de I'histoire des religions, del, etc.)
Balaam, XII, 22. (V. Heresies, Nicolaites,
Pentateuque.)
Bapteme, 326. (V. Euux de la vie, Fleuve de
Jerusalem.)
Beatitude celeste, 219-s., 303.
(V. Vie eternelle, Vision beatifique, Jerusa-
lem celeste.)
Behemoth, XXXII, XXXV, XLI, 201.
(V. Apocryphes, Monstres, Bete [Deuxieme).)
Belial, XLIV, L, 199, al. (V. Apocr., Ante-
chrisf, Satan.)
Betes de I'Apocalypse, LI, LX, GXIV, CXXV,
5J, 152, 156, 180, 200-suiv., 210, 225, 227, 237,
242, 243, 275,277-suiv., 282, 289, 299,302, 311.
(V. Apocryphes, Sijmbolisme, Daniel, Mons-
tres, Bete p'. Bete 2«, Antithese.)
Bete de la mer, ou Premiere Bete, LVI, LXIV,
LXXX, GXIV, CXXV, 128,1.33, 135, 137, 147,
182, 185-189, 194, 199, 200-202, 209, 214, 217,
232, 235, 240, 242, 245, 257, 262, 265, 290,
305, al. — Son origine danielique, 184-s.,
200-s.; — Ses blessure, guerison, resurrec-
tion, 249-s., 262, al; — la Bote et I'Abime,
247-s.; — sa Parousie, CGVII, 247-s., al.
(V. Betes, Monstres, Figures mattresses ; Da-
niel, Babylonisme, Antechrist, Rome, Culte
des Empereurs, Temoins, Coupes, Chiffre
de la Bete, Caligula, IVeron, tlcole de I'his-
toire de I'epoque, Tidmat, Leviathan ; Har-
magedon; Verhe, Agneau : Quarante-deux
mois, etc.)
Bete de la terre ou Deuxieme Bete, LVII,
LXXX, GXIV. GXXV, GXXVI, 182, 189-191,
200, 203-suiv., 207, 209, 237, al. — Symbole
propre a Jean. (V. Apocalypse, ses prophe-
ties speciales.)
(V• Betes, Premiere Bete: Faux Prophete,
Pseudo-Agneau, Apotlonius de Tyane, He-
resies; Behemoth, Qingu; Syncretisme,
Sixicme coupe; Culte des Empereurs, etc.)
Blanc (couleur symbolique dans I'Apocalypse),
X, LXX, 13, 44, 48-50, 73, 81, 87, 95, 96,
219-220, 222, 224, 304, al.
Cams, GLXXlV-s. (Voir Canon et Auteur de
t'Apoc.)
Caligula, 194, 206, 212-s., 258, al.
(V. Empereurs romains, Premiere Bete, Chif-
fre de la Bete, Ecole de I'histoire de I'epo-
que.)
Canon (I'Apoc. dans le), GGXIII-GCXV. —
Defaveur passagere de I'Apocalypse ,
XXVII, al.
(V. Auteur de I'Apocalypse, Calus, S. Denys
d'Alexandrie, Citations, Jean le Presbytre,
al.)
Cantiques de TApocalypse, 154, 165, 196, al.
(V. Agneau, Mo'ise. Animaux, Vieillards:
Construction, Fin du monde, lii.OOO Vier-
ges, Femme et Dragon.)
Caractere de I'Apocalypse : perpetuellement
symbolique, LIX , al., et intellectuel, LXI,
al. — Spiritualite, absence de promesses
matorielles, transcendance, LIV, 196, 2S1,
311, 312, 313, al. — Evangelique et univer-
saliste, ser6nite, 56, 86, 230, 306, 310, 327,
334, al. — Prophetique, 136, 192, 204, 209,
252, 253-s., 262, 263, al. — Optimisme,
XXVI, XGVI, 66, 73, 234, 235, 289, al. ; pre-
servation des fideles, LIV, 40, 90-94, 104, 112,
118, 130, 146, al. : — Unite de perspective,
GI, 95, 118, 145-suiv., 276, 300-301, 309,
312, 314, 324-325; perspective toujours es-
chatologique (au sens large), XGV, GXGI,
GGXLVIII, 106, etc.; plan celeste et plan
terrestre, LXXI, al. ; successions logiques,
et non chronologiques, 107, 110, 112, 118, 128.
181, 188, 234, 299-301, al. ; phases du Regno
de Dieu et decelui des Betes, LIV, LXXIX
99, al. ; philosophic de I'histoire, XXIV, al.
— Homogeneite, LXXXII, al., incoherences
pretendues, LVI, al.; hyperboles, XXIX,
al. — Travail de reflexion sur les visions,
GLXVI, GLXVIII-s., al.; rythme des idoes,
LXIX, LXXII, al.; parallolisme, LXX,
LXXX, LXXXI, passim ; mystique des nom-
bres (V. Nombres). — Sobriete relative des
descriptions, XLIX-s., LI, 301-suiv., 304, al.;
absence de secrets cosmiques; XXVI, al;
absence de chiliasrae, 297-301, 303, 313, 324,
327. — Garactere artistique, LIII, 59, 90, 270,
313, 323, al. (V. Art johannique, coloris).
— Assurance, VII, 333, al. ; ironie, 269, al.
INDEX ANALYTIQUE.
343
(Voir Apocalypse, Arl Johannique, Imagina-
tion, Composition, Aombres, Symbolisme,
Caraciere tie Jean, Quatricme ilvangile.)
Caractere de Jean (coinme prophete, theolo-
gien, ecrivain, etc.), VIII-IX, LXXIX,
CXCIV, 119, 189. 193, 269, al.
(V. Apocalypse, Aiileur de I'Apoc, Car. de
I'Apoc.)
Cavalerie infernale du chapitre IX, 101, 115-
118, 179.
(V. Demons. Guerre, Parlhes, Gigantomachie.)
Cavaliers du chapitre VI, LI, 70, 71-76, 83,
86, 101, 105, 146, 216, 225.
(V. Vents, Fleanx, Zacharie, Premier Cava-
lier.)
Cavalier an cheval blanc, ou Premier Cava-
lier, L, LXI, LXIV, 73, 78-85, 84, 101, 137,
146, 152, 198, 216, 223, 279-suiv., 281, 313.
(V. Verbe, Christ, Agneau, Eschatologie, Za-
charie.)
Centaures, 111, 113. (V. Sauterelles.)
Cerinthe, GLXXIV, CLXXVII.
(V. Anteur de I'Apoc, Canon. Commenla-
teurs.]
Cent quarante-quatre mille, 92, 96. 112, 195-
s., 197, 198, 229, 297.
(V. Sceau de Dieu, Vierges, Mille, Douze,
Nombres, Juifs; Agneau, Sion.)
Cesar, 258, 259. (V. Tetes. Emperenrs ro-
mains.)
Chalcadres, XXXVIII. (V. Apocryphes, Ani-
maiix.)
Chant nouveau, 65, 196, 229. (V. Canliqiies,
Agneau, Sion, Vierges.)
Char de Dieu, 57, al.
(V. Ezechiel, Apocryphes. Trone de Dieu,
Quatre Animaux.)
Cherubins, XXXVII, 57, 223.
(V. Kirubi. Anges, Ezechiel, Trone de Dieu,
Quatre Animaux, Vents.)
Chevaux apocalyptiques, 72, 76, 78, 221, 225.
(V. (.avoliers, Zacharie, V^ents, Fleaux.)
Chiffre de la Bete, CGIII-CGIV, GCXXVI,
210-215, 248.
(V. 666, 616, Antechrist, Neron. Six.)
Chiffres messianiques, 144, 211, 214.
(V. Octave, 888, Quatorze, Quarante-deux, Si-
byllins, Chiffre de la Bete.)
Chiliasme (V. Millenium.)
Christ, — sept fois noninie. Index a χριστό;.
— cgal a son Pere, (V. Christologie). —
Fils d'Homme, IX, XXXVI, XLV, L, LXI,
LXIV, 12, 13, 80, 119, 120, 129, 222-suiv.,
231. — Fils de la « Femme «, 165-suiv., 173.
— Premier-ne des morts, IX, LVI, 6. — Τέ-
moin fldele, 4, 6. — Vie mortelle du Ghrisl,
X. — Ascension et intronisation an ciel.
61-suivanls, 161. — Maitre des ev6nements
(V. Livre scelle). — Redemption, X, βί-s.
— Ghrist Roi, X, 6, 13, 281; Protre, X, 13;
Juge, GXGI-GXGII, 279, 304, 331, al. (V.
Jugements). — Verbe de Dieu (V. a ce mot).
— Ghrist personnel et Ghrist mystique,
160-suiv., 172, 173. — Habitation du Ghrist
dans I'homme, X.
(Voir Theologie, Christologie, Agneau, Pre-
mier Cavalier, Verbe; Millenium, Parou-
sie : Antechrist.)
Christologie de ΓΑρόο., IX-X, 4,6, 13, 19, 25,
37, 43, 63, 64, 221-suiv., 223, 288, 321, 322, al.
(V. Christ, Agneau, Apocalypse, Theologie.
Saint- Ε sprit.)
Chute des Anges, 160-163. (V. Dragon.)
Ciel (et cour celeste, decor celeste), XXXIII-
s., 59-60, 89, 157, 160, 166, 195, 228, 321, al.
(V. Autels, Temple celeste, Arche d'alliance,
Vieillards, Animaux -khayyoth, Jerusalem
celeste; Astronomic, Cosmogonie, Babylo-
nisme, Apocryphes; Exemplaires, Anges.)
Cinq mois, 112. (V. Sauterelles, Annie du
monde.)
Cinquieme Trompette, 292.
(V. Sauterelles. Dragon, Coupes.)
Citations de I'Apoc. chez les Peres, GGL. (V.
Auteur, Canon, Commentateurs.)
Cites apocalyptiques. Les Deux Giles rivales,
LXXVI, 227, 244, al. — Gito de Dieu, (et
ses deux etats), LXXVIII-LXXIX, 135, 158,
182, 313, 319, 321-323, 332; cite bien-aimee.
225, 289. (V. Sion). — Gite du Diable, 227,
243, al. (V. Babylone.)
(V. Eglise, Sion, Jerusalem celeste, Femme
et Dragon, Epouse de V Agneau, Race de la
« Femme », Beatitude; Babylone, Courti-
sane. Antechrist, Betes, Rome; Parousie,
Patingenesie ; « Cube «, Montagne ; Mille-
nium, Regne de Dieu; Astronomic; Anli-
these.)
Claude, GGVI. (V. Empereurs rom., Tetes,
Date de I'Apoc.)
Cle de David, 39, 40, (V. Christ).
« Comme » ώς, sens de ce mot dans les vi-
sions, XXIX, GLII, 74, 75, 107, 196, 229, al.
(V. Visions.)
Commentateurs de I'Apoc., GGXVI-GGXLIX.
(V. Ecoles.)
Commission biblique, GX.
Composition de I'Apocalypse (proc^dos de).
LXVIII-LXXXIII, al: — comparoe au Qua-
Irieme Evangile, GXGVIII-GGI; — Theorie
de la compilation, LXVI, al; Hypotheses
diverses des critiques : redactionnelle,
GGXLIV-GGXLV ; des « Sources » GGXLV :
des fragments, GGXLV-GGXLVII (Voir
344
INDEX ANALYTIQUE.
Apocalypse, homogeneite, unite et Auteur
de I'Ap.); pretendues interpolations,
LXXXIII,• al. — Parties narratives et par-
ties prophetiques, LXXI, al. — Divisions
en sections tranchees, LXX-suivants,
LXIX, LXXVII, LXXXIV-suivants , 125,
126, 128, 145, 151, 152, 278, 313-314, al. —
Rylhme des idees, LXIX, al.; rythme ter-
naire, LXXIX, XCIII, al.; septenaire, (V.
Seplenaires). — Parallelisme et « Reca-
pitulation », XXX, LXXVI, XCIV, CII,
CGXLIX, 100, 125, 152, 227, 232, al.; d'a-
pres Victorin, GGXXI; d'apres Tyconius,
CCXXII; d'apres S. Augustin, GCXXIV,
al.; d'apres I'Abbo Joachim, GGXXIX, al.;
• synchronisme symbolique, 142-s., 145, al. —
Glissements de symboles, LXIII-suiv.,
GXGVII, passim; « emboitements », LXXII,
LXXIII-LXXV, 126, 128, 134, 179, 218, 233,
236, 240, 241, 276, al. ; « ondulations », LXXVI,
156, etc. — Prologues, et profaces symboli-
ques, XGIII, 1-8, 153, 155, 180, al.; Visions
de presentation, de preparation ou d'aver-
tissement, d'ex^cution (V. Visions); epilo-
gues, 268, 276-277, 327-suivants.
(Voir Apocalypse, Caract. de I'Apoc, Plan et
resume; Sources; Nombres, Septenaires,
Sixieme moment; Antitheses; Style; Genre
apocalyptique : Visions; ^coles d' interpre-
tation.)
Constantin, 243, 300-s. (V. Millenium.)
Conversion : du monde, 126; des Juifs, GXVI-
GXVIII, 40, 93; des Gentils, GXXIV, 137-
138, 230, 235,
(Voir Millenium, Temoins, Jerusalem celeste,
Philadelphie, Ui.OOO, Juifs.)
Gomes, 159, 184, 236, 238, 251-suiv., 253-suiv.,
257, 259-260, 262, 275.
(V. Agneau, Dragon, Premiere Bete, Rois,
Pseudo-Agneau).
Cosmogonies et theogonies anciennes, XIX,
56, 57, 59-60, 61, 89, 225, 229, al.
(V. Apocryphes, Mythotogie, del, Jerusalem
celeste.)
Coupes, LI, LXX, LXXIV, 160, 221, 227-sui-
vants, 231, 232, 233, 241, 245, 312.
Leur division, 235. — Leur ordre, 242.
(Voir Rome, Antichrist, Betes, Trompetles ;
Composition, ricapitulation; Visions [d'eore-
cution).)
Couronne, 81, 82; couronne de vie, 27, 41.
Courtisane, 244-suivants, 273, 316.
(V. Baby lone, Rome, tlpouse de I Agneau,
Jerusalem celeste, Femme et Dragon, Bete
de la mer.)
Crepuscule des dieux, XX, LVII, al. (V.
Apocryphes, Scandinaves.)
« Cube », 322, 323, (V. Jerus. celeste, Montague
mystique.)
Cultes asiatiques, XV. (V. Asie procons.,
Culle des Empereurs, Ephese, Smyrne,
Pergame.)
Cultes astraux, GXXVII, GGXLVII, aK (V.
Astronomic, Babylonisme.)
Culte des Empereurs et de Rome, II, XIII,
XV, GGVII. 20, 27, 31, .38, 42, 185, 187, 188,
189, 190, 191, 203-210, 219, 242, 245, 250, al.
— Deesse Rome, 27, 31, 185, 204, 205, al.
(V. Smyrne, Pergame, Asie, Antechrist, Pre-
miere Bete, Deuxieme Bete, Rome, Neron,
Domitien; Ptolemees, Egypte, Iranisme,
Mithra, Empereurs du IP - ill^ siecle;
Temoins, -Apocalypse, son caractere prophe-
lique.)
Cybele, III. 27, 38, 245. (V. Cultes asiatiques,
Courtisane.)
Damkina, 168, \l\.{\.Murdouk, Femme et Dra-
gon, Babylonisme.)
Damnation, 218, 220, 304-suiv. — Eternite des
peines, XI, 219, 319, al.
(Voir Enfer, Etang de feu, Deuxieme Mart,
Jugement; Ciel; AntUhese.)
Dan, XLIV, 90, 93-94, 147, 236. (V. Ui.OOO,
Antechrist, Irenee.)
Daniel, XXV, GGXVIII, 50, passim. — Pas-
sages d'Apoc. inspires de Daniel,130, 131,
133, 134, 143, 159, 160, 184, 185, 200, 201, 251,
297, al.
Date de I'Apocalypse, CCIII-CCX, 129, 186, 258.
(Voir Auteur, Claude, Domitien, Laodicee,
Neron, Vespasien; Epiphane, Ecole d'his-
loire de I'epoque.)
David, 144-s. (V. Messie, Jesus, Quatorze.)
Decret de Jerusalem, 34. (V. Thyatire.)
Deesses-Meres, 170, 174. (V. Femme et Dra-
gon.)
Delphes, 177-178. (V. Apollon, Leto, Python.)
Demons, et Monde infernal, dans les Apo-
cryphes, XXXVIII-XXXIX; — chez Jean,
L-LI, passim. — Demons-grenouilles. LI,
237, 299.
(Voir Satan, Bete, Abimes, Saulerelles, Cava-
lerie, Enfers.)
Denysd'Alexandrie,GLXXVI-suiv..GLXXXII-
suiv., GLXXXV, GGII.
(V. Auteur de lApoc, Canon.)
Destinataires de I'Apocalypse, Dlll-suivants.
(V. Leltres. Asie, Ephese, Smyrne, etc.)
Deuxieme Mort, LIV. 26, 287, 304, 311. (Voir
Damnation.)
Diable, XLIV, 50, 163, 165, 284, 289. (Voir
Satan.)
Diademe, 159. (V. Couronne.)
INDEX ANALYTIQUE.
345
Dionysos, 31, 178, 192. (V. Asie, Cultes asiat.,
Ciilte des Empereiirs, Per game. My s teres,
Idolothytes, Myi/iologie.)
Dix, XXXIII. CV, al. — Dix jours, 26. (V.
Smyrne.)
(V. Comes, Rois, iXoinhres, Apocryphes.)
Domitien, CXXVII, GGIV, CGVI, GGVIII-
GCX, 206, 250, 258, 262, al.
(V. Date de I Apocalypse, Antechrisf,, CiiUe
des Empereurs, Teles, Huilieme.)
Douze, XXXIII, XLIX, XGIV, i)2-suiv. . 158,
257, al.
(V. Nombres, VieiUards, Apolres, Jer. ce-
leste, Jiiifs.)
Doxologies, (a Dieu et a rAgneau), 5, 58, 65,
66, 97, 150, (164), 274, — a sept, quatre et
trois membres, 65, 66, 274.
(Voir Christologie, Caiitiques, Septenairc,
Quatre, Trois.)
Dragon, XXXIX, XL, XLI, XLII, L, LVI, LX,
XGV, 152, 159, 163, 171-suiv., 174, 176, 184,
187, 237, 243, 279, 283-suiv., 300.
(V. Satan, Serpent, 3" Vae, Femme et Dragon,
Millenium; Babylonisme, Tiamat, etc.)
Eaux de la vie, XXXIV, 100, 311, 325-suiv.,
332.
(V. Bapteme, Fleuve, Jerusalem celeste,
St-Esprit; Babylonisme. Apocryphes.^
£coles d'interpretation de I'Apoc. : Ecole de
Tyconius et des Latins, CGXXII-
CGXXVIII; Ec. de I'abbe Joachim,
CCXXVIII-CGXXXII, al.;Ec. de Nicolas
de Lyre, GGXXXI-GCXXXIV; ec. des Je-
suites espagnols, et d'Alcazar-Grolius-Bos-
suet, GGXXXV-GGXXXVIII; ec. de la
« critique litteraire », GGXL-suiv. ; ecole de
« I'histoire de I'epoque » (zeitgeschichtlich),
GLXII, GGXLIII-suiv., GGXLIX, 107, 162,
166, passim.; 6cole de « I'histoire des reli-
gions » (religionsgeschichtlich) , CGXLVII-
CGXLIX, 168-175, 175-179, .308, passim. ;
ecole astronomique, GGXLI, GGXLVII,
170, al. (V. Astronomic, Babylonisme.)
(V. Comment al ears.)
« ficole Johannique », CLXXX, GLXXXIX.
(V. Auteur, Langue.)
£glise, dans son unite et son universalite, sur
laterre et au ciel, XI, LX, 94-suivants, 129,
132, 133, 137, 138, 152, 158, 162, 173, 223, 228,
229, 275, 300, 306, 307, 309, 312-suivants. —
Notes de I'Eglise, 316, al. : apostolicite,
319; saintete et calholicito, 324-suivants.
(V. Apocalypse doctrine; Cites, Jerusalem
celeste, Femme et Dragon, Temple ter-
restre.)
Eglises d'Asie. (V. Asie, Ephese, etc.) —
Pourquoi elles sont comptoes comme sept,
15^ 17. _ Leurs perils interieurs, XVII, al.
(V. Nicolaites, Heresies.)
figypte, XXXV, GXXVII, 100, 144, 169, 204,
208, 322.
(V. Mythologie, Apocryphes, Femme et Dra-
gon.)
Elements, XI, 91, 107, 153, 232, al.
(V. Anges, Στοιχεία, Sept, Pythagoriciens.)
Elie, XLIV-XLV, LIII, LV, GGXVII, 131,
135, 137, 139-142, 148, 161, 166, 190, 217, 289,
294.
(V. Temoins, Henoch, Rabbinisme, Apocry-
phes, Antechrist.)
Emmanuel, 306. (V. Vision bealifique.)
Empereurs romains, 248-250, 256-suiv.. 258-
suiv. (V. Auguste, Caligula, Claude, Neron,
Vespasien, Domitien). — Empereurs paiens
du IP-IV« siecle, GXXVI, 204, 207-suiv. ;
Aurelien, 209; Dioclotien, 212, al. ; Julien,
209.
(V. Rome, Bete, Culte des Empereurs. Ante-
christ, Chiffre de la Bete, Teles.)
Enfer, LIV, 75, 76, 84, 101, 109, 134, 219, 289,
303-305.
(V. Abime, Hades, Mart et Enfer, Ε tang de
feu, Damnation.)
Eons, XL, LI, XGIX, 201, 219, 261.
Epee sortant de la bouche, 13, 28, 81,281.
(Voir Christ Fils d'Homme, Verbe de Dieu.)
Ephese, XIII, 21, 23-25, 47, 128. — έφέσια
γράμματα, XIV.
(V. Aste, Lettres, tlgUses, Arbre de vie: Cultes
asiatiques, Culte des Empereurs, Magie,
Mythologie; Jean, Auteur de I'Apoc.)
fipiphane (S'), CGVI. (V. Date de I'Apoc.)
fipouse de TAgneau, XLVIII, 195, 223, 244,
276, 307-s., 316.
(Voir Agneau, Eglise, Fiancee, Jerusalem
celeste; Antilhese; Courtisane.)
Eschatologie : chez les Apocryphes, XLIII-
XLVII; chez Jean, LIII-LV, 279-suivants,
297-suivants, etc. — Dans ie N. T. en gene-
ral, XGVII-GXXVIII;Synoptiques,GV-suiv.,
S' Paul, GVI-GXXII; Ep. aux Hebreux.
GXX; Epitres catholiques, GXXII-suiv. —
« Derniers Temps » dans le N. T., LIV,
XGV, GXXI, GCXLVIII, 98, 106, 153-s.'
161, 173, 227, al.
(V. Apocalypse, Caractere de I'Apoc. ; Apo-
cryphes ; Purousie, Jugrment ; Messianisme,
Millenium.)
Eschatologiste (Ecole), XGIX, etc.
(V. Commentateurs.)
Esprits : Saint-Iisprit (v. a co mot). — Sept
esprits de Dieu, 8-9, 19, 23, 36, 63, 159. —
Esprit de propliotie, XI, 277, 329-330. —
346
INDEX ANALYTIQUE.
Esprits de B61iar,201 {\. Dragon). — Esprifs
iropurs, 239.
[Wi^ainf-Espril , Agneau, Prophetes : Dragon;
Grenouilles.)
tt&ng de feu, LIV, 218, 282, 289, 305.
(V. Enfcr, Damnation, Deuxieme Mori.)
« Etat intermediaire », qI, 86, 220-221, 231.
(V. Martyrs, Vision l>eatifiqne.]
^toiles. (V. Astronomie.)
itoile du matin, LXXX, 34-3.5, .3», 332.
(V. Christ, son habitation dans I'homme;
Astronomie, Magic: Caracl. de I'Apoc.,
evangelique el spiriluel.)
Eucharistie, XI, 19, 326.
{W. Apocalypse doctrines ; Lellres; Arbj-e de
vie, Manne.)
Euphrate, 116, 236. (Voir Parlhes, Neron,
Cavalerie.)
£vangile eternel, 217. (V. Joachim, Luthe-
riens.)
Executeurs des jugements divins, XLVIII,
passim.)
(Voir Anges, Demons, Cavaliers, Vents.
Fleaux.)
Exemplaires celestes. (V. Symbolisme, Jer.
eel.. Temple.)
Ezechiel (passages inspires d), LV, 91, 104,
121, 124, 129, 179. 231, 269-suiv., 2oi2, 288,
318, .325-s., al.
(V. Apocalypse, Livre oiiverl, Animanx, Jer.
eel., etc.)
Famine, 74, 79. (V. Cavaliers, Fleaux, Lieux
communs.)
« Faux Prophete », CXXVII, 190, 207, 237,
290.305. (V. DenxiemeBete, Pseudo-Agneau ;
Agneau.)
Femmes apocalyptiques, XXXI, LV, LX,
LXXIIl, 157-sui\., 244-suiv., 305, 307-308.
(V. Apocalypse et A. T.; Apocryphes; Femme
et Dragon; Courtisnne; Jerusalem celeste;
Symbolisme, Cites.)
« Femme » et Dragon, LXXIII, XGVIII, 131,
143, 152. 155-179 (157-suiv., 167-suiv., 171,
174, 176), 188, 246, 28-3, 306, 309, 313, al. —
Sens purement Chretien, 157-158, 175. — Son
« Fils » (v. Christ). — Sa « race >', 167.
(V. Symbolisme, Femmes, Mylhologie, Astro-
nomic, Babylonisme, Egypte, Jlellenisme.
Leto, Isis, Damliina: Eglise, Jerusalem
celeste, Trois et demi; Babylone, Coiir tisane:
Figures maitresses; Ecole astronomiqiie,
Ecole religionsgeschichtlich, Ec- zeitge-
schichllich.)
« Femme » de Thyatire, 32. (V. Thyatire,
Heresies, Jezabel.)
Feu symboliquc, 132, 289.
(V. Epee, Temoins. Elie. Verbc, Gog.)
Fiancee de I'Agneau, 246, 306, .307, 3)6, 332.
(V. Epouse.)
Figures maitresses de I'Apocalypse, LX-suiv.,
passim.
(Voir Plan el resume, Symbolisme, Agneau,
Dragon, Femmes, Betes, Bafjylone, Jeru-
salem celeste, etc.).
Fils de la Femme, Fils d'homme. (V. Christ.)
Fin du monde, 148-151, 240, 304. — Ciel
nouveau et terre nouvelle, 305.
(V. Eschatologie, Parousie, Trompetles, Ju-
gemenl dernier.)
Fleaux : cosmiques, 101-suiv., 107-109,241, al ;
— moraux, 112, 113, 236, al. — Leur suc-
cession, non chronologique, raais logique
(λ'. Caractere de I'Apoc.) — Leur division
symbolique, ibid.. LII, LXX, al. (v. Trom-
petles.) — « Derniers » fleaux, LX, 227,
242.
(Voir Apocryphes, Genre apocalyptique, Lieux
communs. Cavaliers, Trompettes, Coupes,
Antichrist, Dragon, etc.)
Fleuves : de Jorusalem, XI, 322, 325-326.
(V. Eaux de la vie, Baptome, Saint-Espril) ;
— fl. celeste, XXXVI (V. Astronomie, Voie
Lactee); fleuves infernaux, XXXV. (V. Apo-
cryphes, Mythologie hellenist.)
Folklore : de I'Asie antorieure, XXXI, XXXII,
al. ; hellenistique. (V. Mythologie, Helle-
nisme, Astronomie, Pergame); — folklore
gennral, 178.
(V. Cosmogonie, Femme et Dragon, Serpent.
Monstres, etc.)
Fond de scene de TApocalypse, invariable,
LXX, 149, al. (V. Ciel, Animaux, Vieillards,
Cantiques, Apocalypse et son unite. Com-
position.)
Foudres, 56, a!.
Galba, 259. (V. Empereurs, Tetes.)
Gematria, XXXIV, LIII, 192-suiv., 210-suiv.
— Isopsephie, XXXIV, LIII, 194, 239. —
Gem. dans les graffiti de Pompei, XXXIV,
211. — Alphabet hobreu, 213.
(V. Apocryphes, Rabbinisme, Sibyllins, Hel-
lenisme, Chiffres, Premiere Bete, Antechrist,
Xeron.)
Genre apocalyptique, XXI-suivanls.
(V. Apocryphes, Apocalypse, Allegoric, Sym-
bolisme.)
Gigantomachie, LVIII, 32, 117. (V. Pergame.
Cavalerie.)
Gnose et gnostiques, 4, 6, 34^ 203-suiv., 207,
277, 307, al.
(V. Heresies, Nicolaitos, Manicheens. Asie,
Deuxieme Bete, etc.)
INDEX ANALYTIQUK.
347
Gog et Magog, XLV. XIII, 114, 124, 181, 225,
23t), 281, 282, 28;}, 288-suiv., 290, 291, 292,
299, 300, 301.
(Voir Gaerre, Parthes, Dragon, Millenium,
Eschatologie, Ezechicl.)
Grammaire de lApocalypse, GXXXV-GL,
passim. ; — Comparee a celle du IV* Evan-
gile, CLXXXV-CLXXXIX (V. Langiie.)
Grecs, leur mythologie dans Tapocalyptique,
XXXV, al. (V. Apollon, Python. Femme et
Dragcr. Hcllenisme. FoUdore, etc.)
Grenouilles, 237, 299.
(V. Esprils impiivs, Demons, Dragon, Betes 1"
et 2e, Guerre, llarmagedon; Agneau, Anges.)
Guerison de la Bele. (V. Prem. Bete, Rome,
Vespasien.)
Guerre, 74, 79. 115-118, 23G, etc.
(V. I'leaax, Lieiix communs, Cavaliers, Cava-
lerie. Parthes, Gog, Sixieme moment, Sept.
llarmagedon; Agneau, Verbe.)
Hades, 2S2. al. (V. Enfer, Mori et Enfer.)
Haggadas, XX 160, 167-s. (V. Rabbinisme,
Femme el Dragon.)
flarmagedon, 225, 239, 240, 252, 282, 299.
(V. Gaerre, Coupes, Rois, Sixieme moment,
Gog; Agneau, Ezechiel, Zacharie.)
Hebraismes dans I'Apoc. (et araraaisraes),
CXXXIV-CXXXV, CXLIX-suiv..86, 91,95,
112, 120, 131, 160, 161, 234, 274, 324, 327, al.
(V. Auteur, Grammaire. Langue.)
Hebreux anciens, leurs traditions melees,
XXXII. (V. Apocryphes.)
Hellenisme, XXXII, passim. (V. surtout Astro-
no mie.)
Henoch commo precurseur, XV, GCXVII.
131, 137, 139-142, 148.
(V. Elie, Temoins, AntechrisI, Eschatologie,
Apocryphes.)
Heresies, XI, al. (V. surtout Nicolaites.)
Hermetiste (litterature), XX, CXXVII, 8.
(V. .1 rt Ω.)
Horus, XLI, 160, 169, 170, al. (V. Egypte. Isis,
Apollon, Femme et Dragon.)
Huit XL, (V. .\onil>res. Octave.)
Huitcent quatre-vingt-huit, XXXIV, 211, 214.
(V. Sibyllins, Chiffrcs mcssianiques, Octave;
666.)
Huitieme, XL, CV, 249, 256, 258, 259-262.
(V. Octave, Premiere Bete, Empereurs romains,
Culle des empereurs, AntechrisI, Acron.)
Hvareno (ou « Gloire »), CXXVII, 54, 208-s.
(V. frnnisme,Mithra, Empereurs, Culte emp.
laoel, 13, 120 (V. Anges. Apocryphes.)
Idolothytes, XVII, 34, 47. (V. Lettrcs. Mco-
laltcs.)
Imagiuation johannique, GXCIII-CXCVIII.
(V. Caractere de I'Apoc. Art johannique, Qua-
trieme Evangile.)
Indra. XLI. 178. 'V. Mythologie, Folklore.)
Interdiction d'ecrire, son sens. 122;
(V. Sept Tonnerros, Daniel.)
Intermediaires (dans la tradition apocalyp-
tique), XXIII. al. (V. Anges, Demons,
Apocr.)
Iranisme, XXXII, XXXIII, XXXIV, XVII,
4, 6, 102, 107-108, 168-suiv., 175-suiv., 208-
suiv., 234, 263, 282, 291, al.
(V. Apocryphes, Anges, Femme et Dra-
gon. Mifhra, Culte des Empereurs, Hva-
reno.)
Irenee (S'), GCIII-CCIV, 94. (V. Domitien,
Date, Dan, Commentateurs.)
Isaie (passages inspires d'), 57, 226, 280, 306.
al. (V. Apocalypse et A. T.)
Ishtar, XXXIX, 87, 171. (V. Damkina, Baby-
lonisme.)
Isis, 48, 169, 170, 207.
(V. Egypte, Horus, Femme et Dragon, Astro-
nomie.)
Isopsephie (V. Gematri(f.)
Israel spiritual, 318. ^V. Wi.OOO, Juifs. Jer.
celest.)
Jean, auteur de I'Apoc. Ses notes person-
nelles (V. Ca?-aetere de Jean, Art, Imagi-
nation,) — II est le meme que I'auteur du
IX" Evangile, Jean fits de Zebedee, GLXXI-
GGXIII. — Le Martyre de Jean, GGV. (V.
Auteur de I'Apoc.)
Jean le Presbytre, GLXXVII-s, CLXXX. (V.
Auteur.)
Jeremie precurseur, 139. (V. Elie, Henoch,
Temoins.)
Jerusalem, Jerus. terrestre, image de I'Eglise
ou du moiide, 134, 135, 136, 162, 166, 225,
267. (V. Temple, Temoins, AntechrisI.) —
Jerusalem celeste, V, XXXVI, XLVII,
XLVIII, LIII, LVII, XGVI. 39, 158, 181,
244, 245, 276, 305, 306, 307-309, 311, 312-327,
332. Sa forme allegorique, 319, 321-323.
(V. « Cube », Montague.) Jer. c61esle et
riuimanite, 324-327.
(V. Figures maitresses. Cites, Epouse de
I'Agneau, Regne de Dieu, Millenium, Beati-
tude; Art johannique, unite de perspective;
Femmes apocal., Femme et Dragon; Baby-
lone, Courtisane, Rome.)
Jesus, nommo quatorze fois. (V. « Addi-
tions » aux pages 2 et 145.
(V. (Jualorze, David, quaranle-deux.)
Jezabel, XI, 22, 32-33, 36. (V. Nicolaites,
l^annie de Tiiyatirc.)
348
INDEX ANAl.yTIQUE.
Joachim de Flore et son ocole, CGXXVIII-
CGXXXI, 199, 217, 296, al.
(V. Commentaieurs, Millenium.)
Joel (passages inspiros de), 111, 113, 224.
(V. Sautei'elles, Apocal. et Anc. Test.)
Jugements divins. Jug. eschatologiques,
XXXI, 148, 217, 226, passim; Jour de Jah-
weh. Introduction passim, 104, 226. — Ju-
gement dernier, 148, 152, 216, 221-226,
303-suivaots, 313, 331, 332.
(V. Eschatologie. Parousie; Apocryphes ,
Apoc. et A. T., Trompetles, Septieme Trom-
pette, Coupes, Gog, Dragon; Beatitude,
Damnation.)
Juifs, IV, VIII, XI, 25, 40, 92, 93, 126, 129,
130, 134, 147, 158, 203, 213, 277. — Douze
tribus, 92-suiv., 158. — Judaisants, XI. —
Judoo-chretiens et ethnico-chretiens, 92-
suiv., 151, 158, 162, 166, 167, 277.
(V. Smyrne,Philadelphie, Conversion; Caract.
de Γ Apoc, son universalisme.)
Kirubi, XXXVII, 57, 111, 179. (V. Cherubins,
Ezechiel, Babyl.)
Κοινή, CXXIX. CCLXI, 12, 220, al. (V. Langne
de I'Apoc.)
Langne de Γ Apocalypse, CXXIX- CLIV,
CGIII, 20, 127-128, 216, al. (V. Jean, Art
johanniquc, Grammaire. Vocabulaire, Qua-
trieme Evangile.)
Laodicee, XIII, GCVII, 43-46, 47. (V. Asie,
Phrygie, Eglises.)
Leto, LVII, 174, 176-suiv. (V. ApoUon. Py-
thon, Femme et Dragon.)
Lettres apocalyptiques, 20-46, 327. {Asie. Egli-
ses d'Asie, Caractere de Jean.)
Leviathan, XXXII, XXXV, XLI, L, 117, 174,
201.
(V. Animau-x symboliques. Monsires, Dragon,
Premiere Bete, Babylonisme. Tiamat, Es-
chatologie, Apocryphes.)
Lieux communs apocalyptiques, XLIII, LIII,
LXXXII, 70, 79, 83, 216, passim. —Guerre,
Peste, Famine, Tremblement de terre,
Etoiles tombees, etc. (Voir a ces mots.)
(V. Apocryphes, Symbolisme, Imagin. Joh.)
Lion de Juda, 62. (V. Agneau.)
Livres celestes apocalyptiques, XXXIX, 67-
68, 325, al. — Livre de vie, livre de I'Agneau
immole, LXXX, 38, 189, 324. — Livre aux
sept sceaux, LXXII, 60-61, 66, 67, 125, al.,
qui est un rouleau opisthographe, 68-69, 70.
— Petit livre ouvert, et son contenu, LXXIII,
119, 121, 122, 124, 148, 152, 179; mange par
le prophete, LV, 124-125.
(V. Sceau-x, Tronipelles. 3" Vae ; Apocryphes,
Babylonisme, Mardouh; Ezechiel.)
Logos, CXG. (V. Verbe, Memru, Slo'iciens.)
Loki, XLII, al. (V. Dragon, Satan; Crepuscule
des dieux; Apocryphes, tradition apocal.)
Lutheriens, 217. (V. Commentaieurs, Joa-
chim.)
Magie, absente de I'Apocalypse, 30. 34, 91,
213, 280, al. (V. Pierre blanche, Etoile du
matin, al.).
Mandeens, Manicheens, 176, 202. {Y. Pre-
miere Bete.)
Manne, 19, 29, 153, 161. (V. Pentateuque. Ea-
ch ar is tie.)
Mardouk, XXXIX, XLI, LVII, 63, 66, 162,
290, 307.
(V. Babylonisme, Agneau; Noces de I'Agn.,
Livres, Femme et Dragon, Damkina.)
Manuscrits grecs de I'Apoc, GGLI-GGLVII,
GGLX-GGLXII.
Martyrs, 38, 41, 45, 70, 85-87, 90, 93, 96, 97,
98, 103, 134, 135, 197, 216, 219, 220„ 224, 229,
230, 292, 297, 299-suiv.
Medes, XLV. (V. Parthes.)
Memra, GXC, 280. (V. Logos, Rabbinisme.)
Mer, 56, 57, 184, 305.
Messie el Messianisme, chez les Apocryphes,
XLIII-XLV; — chez Jean, L, 279-suiv., al.
— « Douleurs messianiques, » XLIII, GUI,
GIV, 146, 157, 158, 171, 181. — Messie ben
Joseph, 141, 148.
(V. Apocryphes; Agireau, Christ. Verl-e;
Femme et Dragon; Eschatologie, Parousie,
Jagement.)
Mesure du Temple et de la Gite, 129, 319.
(V. Temple, Jerusalem celeste, Ezechiel, Ζά-
charie; Car. de I'Apoc, preservation des
fideles.)
Michel, XXXVIH, 103, 152, 162.
(V. Archanges ; Apocryphes ; Daniel: Femme
et Dragon.)
Midgard, XLII, al. (V. Crepuscule des dieux.
Serpent,)
Mille, XXXIV, 146, 297-suiv., 300, 302.
(V. No?nbres, lenrs rapports arilhmeliques;
Millenium.)
Mille deux cent soixante, 142-suiv., 1.56, 161,
214.
(V. Trois et denii, Quaranfe-deux.)
Mille six cents, 225. (V. Qaatre.)
Millenium et Millenaristes ; — Regne inter-
mediaire, chez les Juifs, 293-294: chez les
Chretiens, 294-297, 301-302. — « Mille Ans »
de I'Apoc, coextensifs aux temps messia-
niques, 289. 297-301. — Encore XLV, XLVI,
LI, LII, LIII, LIV, CV, CXVI. GXXIV,
INDEX AXALYTIQUE,
349
GLXXVI-suiv-, CXC, 51, 65, 128, 135,• 146,
149, 152, 198, 229, 243, 283-suiv., 286, 292;
chiliasme chez Papias, CCXVII ; chez d'an-
ciens Peres, CCXVIII-GGXXI.
(V. Plan de I'Apocalypse, Apocryphes, Com-
menlateurs. Qiwranle-Deux, Mille, Tiom-
pettes, Semaine du inonde, Regne des Saints,
Temoins.)
Millenaires, 194, 201. 294. (V. Semainc du
Monde, Sabbat du Monde.)
Mithra, Mithraisme, LVII, CXXVII. 49, 83,
208-suiv., 261. (V. Iranisme, Arc, Ciilte des
Empereurs, Hvareno.)
Moise, LV, 131, 139, 140, 148, 160, 229. —
Moise precurseur du Messie dans I'Apoca-
lyptique, 140, 141.
(V. Apocryphes; Temoins; C.antiques; Penta-
teuqiie.)
Moisson (et vendange,) eschatol., 223. (V. Fils
de I'Homme, Jugements.)
Monstres apocalyptiques, XXXIV, XL-XLIL
al. — M. identifies au Dragon ou aux Betes'
168-suiv., 201, al.
(V. Animaiix symb.. Babylonisme, Iranisme,
Tiamat, Leviathan, Behemoth, .Python;
Daniel; Apocryphes, etc.. Folklore etc.)
Montagne mystique, 317, 322. (V. Jer. celeste.)
Montagnes (les 7), 248. (V. Babylone, Rome.)
Montanistes, XV, GXXV, GLXXV, 33, 295.
(V. Phrygie.)
Mort (V. Peste) — Deu.\'ieme Mort (V. a ce
mot.)
Mort et Enfer, 75, 84, 114, 282, 304.
Musmahhu, Musrussu, XLI, XLII, L, 201.
(V. Babylonisme. Monstres.)
Mysteres et Mystes, GXXVII, 91, 203, 207,
209, al. (V. Hetlenisme.)
Mystere de Dieu, 119, 123, 150. (V. Jerusalem
celeste. Fin du Monde: Saint Paul.)
Mystique des Nombres. (V. Nombres, Gema-
tria, Pythagoricicns, Apocryphes, Rabbins,
Sibyltins.)
Mythes, Mythologie, XXXI, XXXV, passim.
— Mylhes juit's, 167-suiv. (V. Behemoth,
Leviathan, Taureau) ; protosemitiques,
XXXII, babyloniens (V. Babylonisme, Dra-
gon, Astronomie, etc.); egyptiens (V. Egypte,
Ru, Isisetc); heilenistiques {Y. Astronomie,
Apollon, Python, etc.), — Encore 112, 155,
166, 167-suivants, 175, 177, 178, 239, 321,
322. — Mythes de Platon, XX.
(Voir Apocryphes, Folklore, Monstres, etc.).
Neoplatonisme, GXXVII, 203-s, 209. (V.
Deuxiemc Bete, Culle des Empereurs, Syn-
crelisme. Philosophic.)
Neron, IV, XLIV, LXIV, CGVIII, 147, 186,
191, 194, 199, 205, 207, 208, 213-suiv., 259,
262. — Pietour ou rosurrection de Neron,
GGVII, GGXXI, GGXLIX, 186, 236, 245,
249-suiv., 253, 256, 259-suiv.; faux Nerons,
GGIX, al. ^- L'Apocal. et la legende de
Neron, surtout 263-265.
(V. Antechrist, Belial, Rome, Empereurs, Pre.
miere Bete, Teles. Huitieme, Parthes.)
Nicolaites, V, XVII, 22, 31, 33, 46-48, 203,
277, Antinomianisme, IV. (V. Asie, Eglises
d'Asie, Heresies, 2' Bete.)
Nicolas, XI, 48. (V. Nicolaites.)
Nicolas de Lyre et son 6cole, CCXXXI-
GGXXXIV, 199, 254, etc. (V. Commenta-
teurs, Ecoles.)
Noces de I'Agneau (V. Agneau, Epouse, Jer^
celeste.)
Noms nouveaux, mysterieux, Nom nouveau
des fideles, 30, 41, 42, 91, al. — Verbe :
279 suiv. — Gourtisane Rome, 246.
Nombres apocalyptiques, XXXIII, XXXIV,
Lll-suiv., L,XX etc. — Mystique des nom-
bres, XXXIV, 144, 194, etc. (V. Gematria.
Rabbinisme, Pythagoriciens.) — Gomment
Jean les prenait, 146; successions non chro-
nologiques(V. Caract. de T^/joc. );leurvaleur
symbolique est indopendante de leur rapport
arithmetique, LIII, 289, al.
(V. Trois, Tiers, Trois et demi, Quatre, Cinq
mois, Six, Sept, Huit, Huitieme, Octave,
Dix, Douze, Quatorze, Vingt-quatre, Qua.
rante-deux. Six cent soixante-six, Mille.
Mille deux cent soLxante, Mille six cents.
Cent quarante-quatre mille; Apocryphes,
tradition; Babylonisme, Astronomie, etc.)
j Octave, 144, 214, 249, 261, 262. (V. Huitieme,
888, Premiere Bete, Empire romain, Neron,
Antechrist ; Apocryphes.)
Ophannim, XXXV, XXXVII, 57. (V. Quatre
Animaux, Anges, Ezechiel.)
Organisation ecclesiastique,XI. (Voir Lettres,
Eglises d'Asie, Anges des Eglises.)
Ormuzd (Ahura - Mazda), XXXV, al. (V.
Iranisme.)
Orphisme, littorature orphique, XXXV, LIV.
(V. Genre apocal.)
Palmgenesie, XXXV, 305, 306, 307. (V. Fin
du Monde.)
Palmes, 96. (V. Vainqueur. Martyrs, Vie
etornelle.)
Papyrus avec fragments d'Apocal., CCL. (V.
Texte.)
Papyrus magiques, 213, al. (V. Magie.)
Paradis terrestre, XXXI, 19, 315, 322, 326, al.
i ;V. Apocalypse, unito; Leltres; Jerusalem
J50
INDEX ANALYTIOUE.
celeste, Arbro dc vie, euu dc la vie, Penla-
teuque.)
Parousie, I,XCVIII, GXXIII, CGXVII, 50-51,
123, 138, 150, 188, 214, 220, 221, 232, 282.
292,302,312,325,331, 334, al. — Saproximite
prelendue, CV-suivants. al.
(V. Eschalologie ; Jugemenls , Millenium,
Verhe ; Gog, Satan.)
Parthes, IV, XLV, LXXIII, CGXVII, 48,
79-80, 82-suiv., 89, 116, 199, 236, 238, 251,
253, 263.
(Y.Arc, Premier Cavalier, Cavalerie, Guerre,
Gog, Neron.)
Paul (S'), V, GLXV-GLXVI. 6, 43, 104, 122.
156, 199, 325, 334, passiin. — Son eschato-
logie (V. a ce mot et Antechrist). — Son
langage apocalyptique, GXIV-CXV.
Patmos. (V. Auteur de I'Apoc.)
Penitence, 136, 327, 332. — Les fleaux inca-
pables a eux seuls de converlir le monde,
118, 235, 236, 241.
Pentateuque, LV, al. (Voir Paradis, Plaies
d'Egypte, Mo'ise, Apoc. et Anc. Test.)
Pergame, XIII, GGVII, .30-32, 47, 117, 205,
211, 235. — Autel de Zeus (V. ce mot) —
Rois Attalides, XII, XIII, 31, 204.
(V. Asie, Leltres, Ciilte des Empereurs, As-
klepios, Dionysos, Serpent, Gigantomachie,
Cavalerie, Antipas.)
Periodes. (V. Apocryphes.)
Persecutions. (V. Asie, Antipas, Betes, Culte
des Emp., Smyrne, Pergame, Philadelpliie ;
Neron, Empereurs, Rome, Courtisane. —
Huitieme, 666, Comes, 3" Vae, Date de
ν Apocalypse.)
Perses (V. Iranisme.)
Peste (θάνατος, « mort »), 75, 79, 82-suiv.
(V. Fleaux, Lieux communs.)
Pheuix, XXXV, XXXVIII. (V. Ciel, Anim.,
Symb., Apocr.)
Philadelphie, XIV, 39-42.
(V. Asie, Juifs, Nom. nouveau.)
Philosophie, philosophes, XIX, 190, 207, 209.
— Philosophie de I'histoire (V. Caract. de
I'Apoc.)
(V. Deuxieme Bete, Neoplatonisme, etc.)
Phrygie, XIV, 42, 295. (V. Asie, Laodicee,
Montanisme-)
Pierre (S'), V, GUI, passim. (V. Eschalolo-
gie.)
Pierre blanche, 30. (V. Blanc, Nom nouveau,
Pergame, Magie.)
Pierres precieuses, LVII, 54, 320-s. (V. Ima-
gin. johannique, Tronc de Dieu, Jerusalem
celeste.)
Plaies d'figypte, XXXI, hY, 101, 107-109, 111,
133, 232, al.
(\' Fleaux, Trompettes, Coupes, Mo'ise, Elie,
Temoins, Penlaleuque.)
Plan et resume de I'Apoc, LXXXV-XGIII.
(Voir Composition de I'Apoc.)
Platon, Platonisme, XXXVI, al. (V. Exem-
plaires, Ral)binisme.)
Pompee, XLII, XLIV, 159. (V. Apocryphes,
Dragon.)
Prophetic et Prophetes, de I'Anc. Test., LV;
— dans le Nouveau Testament et I'Apoc,
VI, VII, 277. — Prophetie et Apocalypse,
XXI-XXVI.
(V. Caract. de I'Apoc. Isa'ie, Ezechiel, Da-
niel; Esprit de prophetic.)
Psaumes, Icur imagerie, LVI.
Pseudo-Agneau. GXXVII, 189-190. (V. Faux
Prophi'te, Deuxieme Bete.)
Pseudonymie, (V. Apocryphes.)
Ptolemees, 257, al. (V. S(φt, Culte des Empe-
reurs.)
Pythagoriciens, XXXIV, 105, 261, 322. (V.
Gematria, Octave, « Cube ».)
Python, XLII, LVII, 159, 169-suiv., 176-suiv.
(V. Dragon, Femme el Dragon, Monstres,
Apollon, Delphes.)
Qingu, XL, 201. (V. Babylonisme, TiOmat,
2« Bete.)
Quarante-deux mois, LIII, 130, 131, 142-3uiv.,
146, 180, 187-suiv., 194, 214, 232, 262, 300.
(V Trois et demi, Six, Quatorze, 1260, Mille;
Bete, Antechrist: Temple, Temoins, Femme
et Dragon; Carac.tere de I'Apoc, unite
de perspective; Eschalologie, « derniers
temps », Messie.)
Quart, 76, 116. (V. Gavaliers.)
Quatorze, 144. (V. Sept, Quarante-deux, Da-
vid, Jesus.)
Quatre, XXXIII, XGIV, 66, 84, 225, al. —
Quatre parties de I'univers, 107-suiv., al.
(V. Nombres ; Animaux, Elements ; Cavaliers,
Symbolisme, Douze, Sept.)
Quatrieme fivangile, LXVII, GXGII-
GXGVIII, 40, 67, 282, 312, 315-suivants,
passim. — Virlualisme de style, LXVII;
style compare a celui de I'Apoc. GXGVIII-
GGI; vocabulaires coraparns, GLXXXII-
GLXXXV.
(V. Apocalypse, Caractere de I'Apoc, Langue,
Grammaire, Auteur de I'Apoc, Date. Jean.)
Ra, XLI, 178, 204, 291. (V. Egypte, Apophi,
Myfhes, Folklore, Femme et Dragon.)
Rabbins, rabbinisme, XLV, 131, 145-suiv.,
157, 234, 290, 294, 321, 322, 326.
(V. Apocryphes, Mytl/cs.)
INDEX ANALYTIQUE.
351
Race de la « Femme », 131, 157, 161, 166-suiv.,
307.
(V. Femme et Dragon, Chr is ί personnel el mys-
lique.)
Rahab, XLI. (V. Monstres, Dragon.)
« Recapitulation ». (V. Compos, de I'Apoc.)
Regne de Dieu (en deux phases) , LIV,
LXXVIII, G, 145, 164, 287, 303, 312-suiv.
(V. Cites, Eglise, Jerusalem, Millenium, Te-
moins, Quarante-deux ; Art johannique.)
Regne des Saints, 5, 6, 34, 45, 65, 136-suiv.,
284, 286-s., 300, al.
(V. Vainqueur, Temoins, Millenium. Resur-
rection, Sion.)
Resurrection, CVII, al., 212, 242, 305, al. —
Universelle, pour las bons et les mechants,
305. — Double resurrection, chez les Millena-
ristes, XLVI, CV, 286-suiv., 292-suiv.: pre-
miere resurrection, CV, 35. 137, 303, au
sens figure chez Jean, GXVI, al. ; resur-
rection des « Temoins », 128, 137, 186, 242.
— Resurrection de la Bete, 186, 248-suiv.,
al.
(V. Temoins, Millenium, Jugement, Jer. ce-
leste, etc.)
Retour eternel, XXXV. (V. Stoiciens, Perio-
des, Apocr.)
Rois, ennemis de I'Agneau, CV, 181, 236, 250-
suiv. (V. Dix, Comes), rois de I'Orient apo-
calyptiques, LXXIV, 238, 241, 299, al. (V.
Parthes, Neron.) — Ptolemees. (V. ce mot.)
Seleucides, 199, al. — Rois de Pergame. (V.
Pergame.) — Christ Roi (V. Christ, Verbe,
Agneau).
Rome et Empire remain, LIT, CIII, CXXV,
CXXVII, 121, 134, 147, 152, 180, 181, 182,
184, 185-suiv., 202 209, 218, 227, 232, 235,
237, 238, 240, 242, 243, 244-suivants, 259-
suiv., 263, 266-277, 289,300. — Deesse-Rome
(V. Culte des Emp.)
(V. Asie, Empereurs, Culte des Empereurs,
Premiere Bete, Antechrist; Neron, Baby-
lone, Courtisane; Jerusalem; Apocalypse,
prophelies speciales.)
Rythme des idoes dans I'Apoc. (V, Art johan-
niques, Caractere de I'Apoc, Composition.)
— Rythme ternaire, LXXIX, XCIII.
Sabbat des saints, 102, 297-suiv. (V. Regne
des saints, Regne de Dieu, Millenium.)
Saint-Esprit, X-suiv., 6, 8-9, 19, 22-23 (et
passages similaires dans les letlres), 63,159,
220, 326, 327.
(V. Tfieologie, Esprifs, Eau de la vie, Bap-
teme; Vainqueur.)
Sarapis, 211. (V. Gematria.)
Sardes, XIII, GCVII, 36, 37, 38-39, 47.
(V. Asie, Eglises dAsie, Lettres.)
Satan, XXXI. XL, 110, 119, 159, 180-181, 182
290, 299, al. — Sa chute, 110?, 163. — Son
incarceration dans I'abime 284, 299.
(V. Dragon, Diable, Serpent, Femme et Dra-
gon, Etoiles, Millenium, Jugement.)
Sauterelles diaboliques, LI, LVI, 101, 110-
114, 113, 117, 179, 180, 235.
(V. Abime, Abaddon, Joel, Centaures, Cin-
quieme Trompette, Fleaax moraux.)
Scandinaves, XX, XLII, 176, 291, al. (V. Crc-
puscule des dieux.)
Sceaux (les 7), 68, 73-100. — Sixieme sceau,
88-100. — Septieme sceau, loo.
(V. Livre scelle, Visions preparatoires , Cava-
liers, Antithese, Martyrs, Agneau.)
Sceau de Dieu au front, 90-94, 91 182, 195.
(V. Car. de I'Apoc. preservation, lii.OOO, Sion,
Juifs, Vierges; CJiiffre de la Bete.)
Shekinah, 96.
Scolastiques, CCXXVII-suivants. (V. Com-
mentateurs.)
Scythes, 290, (V. Gog. Guerre.)
Semaine de la creation, XXXV, — type de la
semaine du monde = 7.000 ans, XXXV,
XL, 105, 292, 295.
(V. Millenaires, Millenium, Apocryphes.)
Sept, XXXIII, XGIV, 6, 9, 63, 65, 66, 89, 97,
157, 172, 179, 257, al. Esprits, Eglises, Let-
tres, Yeux de lAgneau, Sceaux, Anges,
Trompettes, Tonnerres, Coupes, Tetes du
Dragon et de la Bete. (V. a tons ces mots.)
— Sept parties du monde, 105; sept men-
tions de la guerre, 236; sept mentions de
Babj'lone, 244; sept fois έρχομαι ταχύ, 334;
sept fois Χζιίστός, V. Index a ce mot. — Sept
mille, 137. (V. Nombres, Genre apocalyp-
tique, Apocryphes, tradition; Astronomie.)
Septenaires, LXX, LXXXI, CXCXV, 6, 62,
65, 89, 97, 102, 157, 179, 214, 220, 222-suiv.,
236, 244, 248, 331, 334, al. — Lettres, etc.,
voir I'enumeration a « Sept » ; puis : σημεία
(signes), XGIII-XCIV, al. ; Personnages
avertisseurs avant les coupes, 222; Maca-
rismes, 220, 331; Doxologies (v. a ce mot);
mentions du Christ (V. Christ), etc. — Divi-
sion des Septenaires. (V. Trois plus quatre).
— Sixieme moment des Septenaires,
LXXVII-LXXVIII, 88-100, 115, 125, 126,
130, 144, 236, 238, al.
(V. Sept, Douze, Quatre.)
Septieme sceau. (V. Sceaux) ; — Septieme
Trompette, 138, 148, 150, 153, 179, 240. (V,
Trompettes, Fin du monde); — Septieme
Coupe, 232, 240, 243. (V. Coupes, Recapitu-
lation); — Septieme Tote (V. Tetes, Em-
pereurs.)
352
INDEX ANALYTIQUE.
Seraphins. (Y.Anges.)
Serpent, XLI, 159, 164, 177.
(V. Dragon, Python, Apophi. Tkannin, Mid-
gard, Monstres ; Femme et Dragon; Penta-
teuque; Mythologie.)
Seth egyptien, XLI, 169. 178. (V. Egypte, My-
thologie, Femme et Dragon.)
Sibylle chaldeenne, 33, 36. (V. Thyatire.)
Sibyllins (livres), XIX, V, XXXLII, 210.suiv.
passim.
(V. Apocryphes, Babylone, Neron.) ■
Siecles (les deux), XL, al. (V. Eons.)
Signe de la Bete, 91, 182, 183, 191-siiiv.
195.
(V. 1'" Bete, Ciilte, des Empereurs ; Antithese,
Sceau de Dieu.)
Sion, 130, 195-suiv., 225, 240. (V. Cites, Jeru-
salem.)
Six, signification de ce chiffre, XXXIV, 144,
194, 214, 242.
(V. Sept, Quarante-deux, 666; Mystique des
nombres.)
Six cent seize, 213.
(V. Chiffre de la Bete, Caligula, Date de
I'Apoc., Sources, Commentateurs .)
Six cent soixante-six, XXXIV, 192-194, 210,
215, 250. (V. Six, Chiffre de la Bete, 888-
Antithese, Antcchrist, Neron.)
Sixieme moment des Septenaires (V. Septe-
naires.) — Sixieme sceau (V. Sceaux.) —
Sixieme Trompelte, 115-suiv. — Sixieme
Coupe, 236-suiv. — Sixieme Tete, 258. (V.
Domitien, Vespasien.)
(V. Antithese. sa periodicite ; Semaine.)
Smyrna, II, XIII, CCVII, CGIX, ^6-28, 204,
322.
(V. Asie, Lettres, Eglises, Juifs, Culte des
Empereurs; Caractere de Jean.)
Sol Invictus, 83, 208-suiv. (V. Mithra, Culte
des Emp.)
Solecismes dans I'Apocal., CXLV-suiv., 39,
54, 115, 127, 132, 231, etc. (V. Grammaire,
Langue.)
Sources apocalyptiques, en general, XXXI-
XXXVI. (V. Apocryphes, Tradition.)
Sources de I'Apocalypse johannique, CLXIX-
CLXX, 20-suiv.. 87, 90-91, 94, 95, 106, 120,
122, 126-suiv., 138-suiv., 149, 150, 151, 155-
suiv., 161, 167-suivants, 226, 278, 314-315,
321, 324, 328, al., passim.
(V. Visions, Unite, Langue, Art johannique,
Commentateurs.)
Sraosha, 49. (V. Blanc, Iranisme, Premier
Cavalier.)
Stoiciens, «, 177, 207, 280; — Periodes sto'i-
ciennes,XXX V. (V. Pέriodes, Palingenesie.)
Στοιχεία, 58, 321. (V. Elements, Zodiaque.)
Style de I'Apocalypse, LXXI, XGIV, GL-
GLIV, passim., 328. — Changement des
temps, 63, 64, 98, 99, 114, 128, 133, 1-34, 135-
suiv., 289, 310, 324.
(V. Art johannique, Imagin. joh., Quatr.
Evang., Langue, Composition de I'Apoc.)
Symbolisme apocalyplique : origine des sym-
boles, XXXI-suivants, passim.; — tradition
symbolique, XXVIII-XLVI; — Lois du
symbolisme, XXVII, XXIX-XXXI; —
Exemplaires colesles, XXXVI, al. ; — Rap-
ports mutuels des symboles, LIX-LXVII,
63, 81, 226, 248, al. — D6doublement des
symboles, et leur sens double, 63, 81, 84,
passim. — Doublets, LXX, LXXII, LXXV-
suiv., 63, 165, al. ; Recapitulation. (V. ce
mot). — Symbolisme etage, 265, al.
(V. Apocalypse, Apocryphes, Composition de
I'Apoc, etc.)
Syncretisme, III, 138. 190, 203, al.
(V. Asie, Mythologie.)
Synthese de la tradition apocalyptique,
XXXVI-XLVII.
(V. Apocalypse, Apocryphes.)
Syrie, 203, al. .
Tartare, XXXIX. (V. Mythes grecs, Fleuves
inf.)
Taureau mythique, XXXV. (V. Iranisme,
Mythes juifs.)
Taxo, 148. (V. Temoins; Apocr.)
Temoins (les Deux) LV, LXXIV, LXXX,
CXIV, 118,119, 125-suivant.s, 128, 131, 132,
133, 143, 148, 162, 179, 180, 182, 186, 188,
190, 241, 298, 313.
(V. Antcchrist et Jerusalem, Premiere Bete,
Elie, Henoch, Mo'ise, Plaies d'Egypte, Qua-
rante-deux, Millenium, Resurrection, Regne
des saints, Antithese, Sixieme moment.
Soui-ces, Langue.)
Temple : terrestre, symbolique, 129, 135,
223, 313, 322. {V. Jerusalem; Temoins; Car.
de I'Apoc, preservation, 1260.) — Temple
celeste, 60, 98, 103, 153, 230, 308, 321. (V•
Exemplaires, Ciel, Cite de Dieu, Arche
dalliance, Autels.)
Temps (χρόνος) = Delai, 122-suiv. (V. Sep-
tieme Trompelte, Fin du Monde, Mystere de
Dieu.)
Temps des verbes, leur usage, CLII-suiv. ; —
leur changement. (V. Style.)
(V. Grammaire, Langue, Style, Art johan-
nique.)
Tetes de la Bete, GGVII, 159, 184, 190, 194,
248-suiv., 253-suiv., 256-suiv. — Tete
blessee et guerie, 190, al. (V. Neron.)
(V. 1" Bete, Rome, Courtisane, Empereurs,
INDEX AXALYTIQUE.
353
Antechrisi, Symbolismc rapports, Comes,
Sept, Septenaires, Octave.)
Texte de I'Apocalypse, CCL-CCLXII•
{V .Manuscrits, Papiji-us, Versions, Citations.)
Thannin, XXXII, XLI-suiv., 159, 174. (V.
Monstres, Dragon, Serpent, Tiamut.)
Thoologie de I'Apocalypse, IX-suiv., 54, 56,
63, passim. — Trinite, 56, 316, 326, al.
(V. Apocalypse, doctrine; C/iristologie; Saint-
E sprit.)
Thehom, XLI. (V. Tiamat.)
Thyatire, XIII, 32, 35-36, 47.
(V. Asie, Eglises, Angcs des Eglises, Nico-
lailes, Idolothytes, Jezabel.)
Tiamat, XXXII, XL-suiv., LVII, 66, 159, 162,
174, 201, 282, 290-suiv.
(Voir Babylonisme, Mardouk, Dragon, Mons-
tres, Femme et Dr.)
Tiers, 66, 107-109, 117, 159, 160, 233.
(V. Trompettes, FUanx cosmiqiies, Cavalerie.)
Titus, 258. (V. Empereurs, Tetes.)
Tonnerres (les Sept), XLVII, 121. (V. Sept,
Interdiction d'ecrire. Visions.)
Tradition : apocalyptique (V. Apocryphes,
etc.); — sur I'auleur de I'Apoc. (V. Auteur.)
Tremblements de terre, 71, 84, 88, 137, 154,
240. (V. Flenux, Licua; communs, Temoins,
Baby lone.)
Trinite. (V. Theologie.)
Trisagion, 57. (V. i Animaiix, Isaie, Sera-
phins.)
Trois, XXXIII, 216, al. — Trois « Vae » (V.
« Vae »). — Trois plus quatre on Quatre
plus trois, LXXXII, 21, 34, 184, 222-suiv.,
235, Index a χριστός, al. — Trois et demi,
XXXIV, LIII," CV, 127, 142-suivants, 146.
214, 279, 300; trois jours et demi, 135.
(V. Quarante-dcux, 1260, Sept, Mystique
des notnbres.)
Trompettes, LI, LVI, 84, 100, 101-151, (102,
104-406, 137), 153, 160, 179, 214, 224, 227, 231,
232, 233, 235, 240, 242, 292, 297. — Tr. chez
St Paul, GXIV. — Sixieme Trompette. (V.
Sixieme, Guerre, Temoins, Antithese.) —
Septieme trompette. (V. Septieme, Fin du
Monde, Cantiques.)
(V. Fleaux, Anges, Vae, Septenaires, Quatre
parties du Monde, Trois plus quatre ; Coupes.)
Trone de Dieu (et de I'Agneau), 53-3ηΐΛ•., 57,
58, 304, 322, 325.
(V. Ciel, 4 Animaux, Jugement, Agneau,
Blanc, Theologie, Art johannique.)
Tubingiens, GLXXIX, (V. Auteur.)
Unite de I'Apocalypse (V. Apocalypse, Com-
position, Caractcre de VApoc, Langue,
Commentateurs.)
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
« Vae » ou' Maledictions, LXXXI, 112, 114,
125-suiv., 128, 148, 153, 155, 165, 233, 236, —
Troisieme « Vae », CII, 138, 165, 179-181,
243.
(Voir Trompettes, Trois plus quatre, Fleaux;
Composition.)
« Vainqueur », 19, etc. a la fin des Lettres,
82, 229, 232. (V. Lettres, Paradis terrestre,
Viei:ternelle,Eucharistie;Caract.del'Apoc.,
absence de promesses temporelles, spiri-
tualite.)
Vendange escliatol., 223. (V. Moisson, Execu-
teurs, Jugement dernier, damnation,
Antithese.)
Vents, XXXVII, 63, 70, 77, 78, 84, 91,
105.
(V. Cherubins, Cavaliers, Fleaux, Symbo-
lisme etage.)
Verba de Dieu, IX, GXC, 42, 80, 152, 277, 278-
280, 284.
(V. Christ, Betes, Parousie, Epee, Quatrieme
Evangile, Auteur.)
Versions de I'Apoc, CCLVII-GGLIX. (V.
Texte.)
Vespasien, 258, al. (V. Empereurs, Teles;
1" Bete, guerison.)
Vie eternelle, et ses deux phases, GXG-
suiv., 97, 98-99, 312, 314, al.
(V. Vainqueur, Sixieme Sceau, Regne des
Saints, Eglise, Beatitude, Quatrieme
Evangile, Apocalypse doctrines.
" Vieillards », XLIX, 54-suiv.,64, 97, 150, 196,
273, 274.
(V. Ciel, Anges intercesscnrs, Cantiques,
Vingt-qualrc, Astronomie, Babylonisme.)
Vierge Marie, 158, 174, 316. V. Femme et
Dragon.)
« Vierges »(ascetes), 92, 183, 195, 197.
(V. Sion, lii.OOO, Antithese, Agneau.)
Vingt-quatre, XLIX, XGIV, 54, etc.
(V. Nombres, Astronomie, Babylonisme,
Douze, Vieillards.)
Visions de I'Apocalypse : d'introduction. de
preparation, LXXVII, 70-suivants, 216-sui-
vants, 228, 243, 265-268, al. — d'execution
268-suivants, etc. (V. Trompettes, Coupes,
Courtisane, Verbe, Gog, etc.). — Leur
authenticite, GLXIV-GLXX. — Garactere
imaginatif et surtout intellectuel, GLXVI-
suiv. — Leur arrangement, 53, 313, al. —
Leur Equivalence, 226. (V. Recapitulation.
Ondulations, perpetuite et periodicite de
I'Antithese, etc.)
(V. Apocalypse, Composition, Art et Imag,
johann.)
Vision beatifique, XI, 327, al. iV. Beatitude,
Jerusalem celeste.)
23
354
IXDfiX ANALYTIQUE.
Vocabulaire de lApoc, GXXX-CXXXV.
(V. Langue, Quatrieme EvangUe, Κοινή.)
Vritra, XLI, 178. (V. Indra, Serpent, Mytho-
. logie.)
Vulgarismes hell^nistiques, CXXXV, GXL,
passim. (V. Grammaire, Hebraismes.)
Zflcharie (passages inspires de), 77. 78, 84,
129, 132, al.
{\ . Apocalypse ef Anc-, Test., Chevaur, Vents,
Τέηιοϊη8.)
Zodiaque (V. Astronomie.)
OUVRAGES CITES (1)
SAIXTES ECRITURES. — LES PLCS ANCIENS PERES. — RABBINISME, APOCRYPHES JUIFS
ET CHRETIEXS. — LIVRES HERETIQUES ET PAIEXS.)
Genese, LV, 22, 56, 62, 94, 1Ί1, 157. 290, 294.
306, 311, 315, 325, 326.
Exode, LV, 6, 12, 29, 54, 56, 57, 60, 67, 99,
102, 104, 107, 108, 111, 133, 160, 161, 166,
187, 232, 233, 234, 235, 236.237, 240, 241, 320.
Levitique, 86, 95, 96, 306.
Nombres, 29, 144. — Chap. XXIII-XXIV : 145.
Deuteronome, 76, 120, 134, 140, 142, 166, 233,
252, 294, 333.
Josue, 104, 236.
Juges, 94, 144, 239.
Samuel I, 120.
Samuel II, 311.
Rois l-II, 33. 41, 53, 76, 1-30, 132. 133, 144,
161, 190, 232. 239, 289.
Chroniques I-II, 41, 54, 239, 290.
Esdras et Nehemie, 95, 144.
Tobie, 102. 103, 229, 320.
Machabees I, 95.
Machabees II, 29, 50, 72. 77, 95, 252. — Ch.
II, i-S : 154.
Job, XLT, XLII, 57, 113, 114, 117. 159, 164.
Psaumes, XXXVII, XLI, LVI, CLII, 29, 34,
44, 53, 64, 65. 67, 89, 99, 100, 117, 120, 121,
130, 133, 134, 151, 157, 159, 160, 161, 166, 197,
229, 230, 234, 252, 267, 281, 284, 289. 29'i,
307, 311, 324. 325. 327, 331.
Proverbes, 44, 75, 144.
Ecclesiaste, 50.
Cantique des Cantiques, 157, 307.
Sagesse, 12, 83. 280.
Ecclesiastique, XVIII, 131. 132. 140, 141.
Isaie, XXXVII. XLI, XLIX, 8, 29, 39, 41, 43,
54, 57, 60, 62, 65, 75, 83, 89, 91, 99, 110, 117,
120, 121, 129, 132, 134, 157, 159. 160, 166,
173, 174, 192, 197, 218, 223, 226, 235, 236,
245, 246, 252, 265, 266, 267, 268, 272, 274,
276, 280, 282, 284, 285, 286, 293, 294, 304,
305, 306, 307, 310, 318, 320, .321, 324, 330, 331.
Jeremie, 34, 67, 75, 77, 89, 107, 108, 132, 134,
139, 160, 189, 210, 217, 218, 223, 224, 23o',
245, 246, 252, 265, 266, 267, 272, 273, 274,'
304, 306.
Baruch, 265.
Ezechiel, VIII, XIX. XXXVII, XXXVIII,
XLI, XLII,XLV, XLVII, LV, LVI, LVIII^
GXLVI, 11, 53, 56, 57, 60, 64, 74, 75, 77, 91,
99, 113, 129, 134, 136, 157, 159, 166, 231, 239^
241, 253, 265, -266, 268, 269, 270, 271, 272,
273, 279, 281, 282, 289, 293, 307, 308, 315, 318^
319, 320, 321, 324, 325, 326, 331. — Ch. Ill,
1-3 : 124; ch. IX : 91; ch. X, 5 .• 104;
ch. XXXVIII-XXXIX:i%%-^M.\^.; ch. XL-
fin : 306.
Daniel, VIII, XIX, XXXVI, XLIV. XLIX,
L, LVI, LXXX, GXIV, GXXIV, GGXVII,
GGXIX-suiv., 2, 12, 13, 17, 50, 54, 60, 62,
65, 77, 100, 118, 120, 121, 122,123, 130, 131,
133, 143, 147, 159, 166, 172, 187, 183, 199,
201, 202, 222, 240, 264, 282, 285, 297, 304, 305,
327, 330, 331. — Ch. VII : iSi, 251, 254, al.;
ch. XII, 3 .• 184.
Osee, LV, 44, 166. 223, 253, 289, 307.
Joel, VIII. XIX, LVI, 88, 89, 104, 108, 195,
225, 238. — Ch. I, 4. suir. : 111 ; ch. Ill, 13 :
223-224.
Amos, XLI, 75, 108, 114.
Michee, 157, 173, 174.
Nahum, 89, 218, 245, 273.
Habacuc, 86, 117, 289,
Sophonie, 89, 197, 238, 265.
Aggee, 17, 88.
Zacharie, VIII. XIX, LΛ^ LVI, LXXXI, 2. 8,
12, 62, 72, 77, 83, 97, 103, 129, 130, 164, 174,
224, 225, 229, 239, 240, 306, 311, 319, 324. —
Ch. I, 8-11 : 78; ch. IV, 2-siiivanis, li .•
132, 142.
Malachie, 17, 07, 131, 140, 197, 304.
(1) Le.s passages qui pretont aux rapprochements les plus significatifs avec I'Apocalypse
sont mis a part et imprimi^s en italiques.
356
OUVRAGES CITES.
Matthieu, I, LII, LVI, GUI, CIV, CXVIII,
CXXIV, GXXXIV, CLI, GGXXIX, 14, 37,
39, 4S, 65, 72, 74, 75, 98, 104, 105, 109, 119,
128, 131, 147, 159, 189, 190, 196, 222, 223,
261, 266, 268, 276, 281, 284, 285, 305, 307,
319, 324, 327. — Chap. 1 : 144-suiv.; ch. IV,
9-10 .• 186-187.
Marc, I, GUI, GIV, GXXV, GXXIX, GXXX,
GXXXIV, GLXXI, 7, 72, 73, 75, 88, 114,
119, 123, 128, 131, 141, 147, 171, 190, 196,
223, 299, 307, 324.
Luc, I, XVIII, GUI, GXXIV, GXXX.
GXXXIV, GXXXVII, GLI, 23, 37, 45, 66, 67,
72, 75, 89, 91, 110, HI, 112, 119, 128, 130,
183, 141, 147, 159, 163, 174, 186, 187, 196,
223, 230, 268, 269, 276, 282, 284, 285, 299,
316, 324.
Jean, IX, XXVI, LVI, LXVII, XCVI, XGVII,
GXVI, GXXIV, GXXX, GXXXIV, GXXXIX,
GXLII, GLXXX-GGIII, GXGIII, GXGIV,
CXGV-suiv.; 2, 3, 4, 6, 14, 25, 29, 36, 37,
41, 43, 45, 62, 63, 72, 82, 94, 95, 96, 97, 98,
99, 100, 114, 121, 127, 128, 135, 140, 141, 142,
146, 157, 159, 171, 186, 187, .196, 197, 223, 225,
271, 280, 281, 282, 286, 298, 305, .307, 311, 312,
326, 330, 332.
Actes des Apotres, VI, XIV, XV, CIII,CXXIV,
GXXX, GXCII, CGVI, 5, 11, 14, 15, 16, 17,
24, 27, 34, 36, 37, 46, 47, 50, 63, 120, 128,
137, 142, 162, 282, 325.
Romains, V, GIV, GVI, GXIV, CXVII,
GXXIV, GXXXVII, 2, 7, 32, 40, 72, 89, 93,
104, 167, 186, 197, 218, 220, 230, 242, 294,
298, 305, 311, 325. — Chap. ΛΊ, 11-12; 15;
25-suiv. : CXV-GXX.
Corinthiens I, II, VI, XVIII, CII, GIV, CVI,
GVII, GXIV, CXXII, GLXVI, GXGII, 2,
11, 30, 32, 40, 44, 62, 65, 104, 105, 114, 123,
197, 220, 229, 238, 252, 285, 294, 296, 297,
304, 327, 328, 334. — Chap. XV, 15-saiv. :
GVII.
Corinthiens II, CII, GVI, GVIII, CXVI,
GXGII, 32, 40, 50, 91, 122, 196, 238, 267, 305,
306, 307, 310, 318.
Galates, 2, 3, 7, 41, 42, 65, 92, 158, 167, 220,
305, 308.
Ephesiens, VI, XLIX, CVI, GXXV, 2, 15, 66,
83, 91, 123, 159, 163, 267, 276, 279, 282, 286,
298, 307, 316, 318.
Philippiens, XGVI, GVI, GCII, 15, 61, 66, 85,
97, 165, 229, 238, 331.
Colossiens, IX, XI, XLIX, LVI, CVI, 6, 15, 40,
43, 46, 123, 161, 236, 277, 298. — Ch. I, 18 : 5.
Thessaloniciens I, LVI, GVI, GXIV, CXVII,
GXXIV, GXGII, GCII, 37, 105, 120, 146,
220, 223, 287, 294, 296. — Chap. IV, 13-V,
11 : CIX-CXI; ch. IV, 16 : 105.
Thessaloniciens II, I, XVIII, LVI, CXVII,
CXVIII, CXIX, CXXI, CXXII, GXXIV,
GXGII, GCII, GGXVI, GCXXIII, 2, 104,
129, 133, 135, 138, 146, 148, 184, 185, 190,196,
199, 238, 247, 248, 264, 301. — Chap. II,
1-13 : GXI-CXV.
Timothee I, GVI, 3, 4, 97, 248, 252, 267. —
Chap. IV, l-suiv. : CXXI; ch. VI, 13-15 :
CXX-suiv.
Timothee II, GVI, CXI, 2, 85, 97, 238. —
Ch. Ill, i .• CXXI.
Tite, GVI, 2. — Chap. II, 13 : CXX.
Philemon, GCII.
Hebreux, XI, CIV, CVI, 6, 8, 32, 41, 83, 85,
158, 167, 197, 231, 277, 280, 281, 282, 306, 308,
319. — Chap. X, 25, 37 : CXX.
Jacques, CXXIII, 2, 45, 130, 133.
Pierre I, I, XVIII, LII, LVI, GIV, CXXII-
suiv., 2, 3, 16, 44, 62, 68, 186, 1-97, 245, 248.
— Chap. V, 13 : V, 218; ch. V, U, Π .-XVII.
Pierre II, I, 2, 29, 35, 104, 123, 203, 238, 277,
305, 332. — Chap. Ill, 3-10 : GXXIII.
Jean I, CXXII, CXXIII, GXGIV, CGI, 2, 30,
35, 82, 146, 147, 203, 311, 324, 325, 327, 333,
al. —Chap. II, 18-22, et IV, 1-i : CXGI, 200.
Jean II, 2, 6, 203. — Verset 7 ; 200.
Jean III, CCII.
Jude, GIV, CXXII, 2, 29, 89, 19,7, 203, 238, 277.
Clement de Rome, I, 296, 331.
Didache, VI, VII, CLXXVII, 7, 11, 22, 147,
294-suiv., 327. — Chap. XIII-XV : VI.
Lettre de Barnabe, XL, 11, 211, 305, 310. —
Chap. XV, 4, 7, 8 : 261, 295.
Ignace d'Antioche (Lettres de S'), VII,
CLXXII, 11, 22, 25, 40, 47.
Papias, LIV, CLXXII, GGXVII, GCXVIII,
294, 295, 301.
Polycarpe, CLXXIL
Martyre de Polycarpe, 25, 26, 27, 204, 206.
Pasteur d'Hermas, XX, XXVIII, XXXIII,
XXXVII, GLXII, CLXXII, CLXXVII, 50,
67, 102, 120, 237, 296. — Visions III et IV :
202.
Lettre des Martyrs de Lyon, 309.
Pirke Aboth, 67.
Targums, XL, CGLXVI, 6, 26, 102, 146, 164,
290. — P.S.- Jonathan Deut. XXXIII, 39,
al. : 6; Id. Nombres XI, 26-suiv. : XXXV.
Talmuds, XXXV, XXXVI, XXXIX, XLV, 30,
85, 86, 94, 103, 105, 146, 154, 290, 293, 294,
.301, 322, al. — Talm. Jer. Berakhoth II,
5 a : 160, 168.
Midraschim, XXXVI, XXXIX, XL, XLV, 6,
OUVr.AGES CITES.
357
54, 8δ, 86, 103, 290, 293, 294. — Schemofh
rabba, 15 : 326.
Schmone Esre, 105.
Aristee fLettre d'), 333.
Machabees III, 192.
Jubiles, XIX, XXVII, XXIX, XXXVII,
XXXVIII, XXXIX, XL, XLIII, XLIV, XLV,
XLVI, LIV, G, 67, 102, 141, 199, 305, 308, al.
Henoch ethiopien, XIX, XXVII, XXXIII,
XXXIV, XXXV, XXXVI, XXXVII,
XXXVIII, XXXIX, XL, XLIII, XLIV, XLV,
XLVI, L, LXV, LXXXIII, GGXVII, 12, 13,
29, 41, 45, 49, 50, 53, 56, 57, 59, 60, 62, 65,
66, 67, 77, 85, 86, 87, 102, 103, 107, 110, 114,
115, 116, 117, 129, 141, 159, 162, 164, 222,
225, 229, 234, 239, 261, 277, 282, 293, 304, 305,
308, 326, 329.
Secrets d'Heaoch (Hen. slave), XIX, XXVII,
XXXV, XXXVI, XXXVII, XXXVIII,
XXXIX, XL, XLIV, 41, 50, 53, 56, 57, 67,
102, 110, 117, 123, 199, 229, 297, 305, 308. —
Chap. XXIX, 4-5 / 163; chap. XXXII-
XXXIII : 261.
Livre d'Henoch hebraique, XXXVIII.
Psaumes ^de Salomon, XIX, XXVII, XLIV,
62, 75, 91, 114, 130, 132-suiv., 191, 199, 258,
281. — Psaume II : XLII.
Assumption de Moise, XIX, XXVII, XLIII,
XLV, GGXVII, 88, 162, 166, 211, 305. —
Chap. VIII-IX : 148.
Eldad et Modad (Livre d), XXVIII, XXXV,
XLV, 290.
Testaments des XII Patriarches, XIX, XXVII,
XXXVI, XXXVII, XXXVIII, XXXIX, XL,
XLIII-suiv., XLV, 53, 56, 57, 67, 85, 102,
159, 162, 199, 293, 308, al. — Test. Ruben :
L, 201; Test. Levi :XhIY; Test. Dan : 94;
Test. Nephthali 5 : 157, 158, 173 ; Test'.
Joseph, Benjamin : XLIV, 62, 66.
Testament d'Abraham, XL, 67.
Apocalypse d'Abraham, XIX, XXVIII,
XXXVI, XXXVIII, XLVI, XLVII, 13, 53,
57, 105, 114. — Chap. XVIII : 56.
Apocalypse de Moise, XXXVI, XXXVII, 53,
105.
Vie d'Adam et d'five, XIX, 29, 53.
Oratio Mauassis, 285.
Esdras IV, XIX, XXVII-suiv., XXX, XXXVI,
XL, XLII, XLIII, XLIV, XLV, XLVI,
XLVII, LIII, LXVI, 12, 41, 67, 86, 97, 105,
106, 108, 116, 121, 131, 132, 141, 147, 157,
159, 163, 184, 185, 195, 199, 225, 236, 248,
257, 263, 276, 293, 304, 305, 317, 324, ai. —
Chap. IV, 35. 37 : 87; ch. X, 25-27 : 308;
ch. XIII, 35 .195.
Baruch syriaque, XIX, XXVIII, XXX,
XXXVI, XXXIX, XLIII, XLIV, XLV,
XLVI, LIV, 29, 41, 53, 56, 57, 67, 86, 92,
109, 112, 154, 158, 159, 199, 225, 245, 266,
267, 293, 305, 308, al. — Chap. VI: 91;
ch. LIII : 95; ch. LXVII, 1 : 218; ch.
LXXII : 145.
Baruch grec, XIX, XXVIII, XXXV, XXXVIII,
XXXIX, 53, 60, 66, 102.
Apocalypses d'Elie, XXVIII, XXXIII, XXXVI,
XXXVIII, XLIII, XLV, XLVI," 110, 114,
131, 141, 293.
Apocalypse de Daniel, XLIV, 28, 141.
Simoon ben Jocha'i (Revelation de), XXXVI,
XLIV.
Sibyllins (livres), en genoral, XIX, XXVIII,
XXXI, LII, LIII, 33, passim,
Sibyllins I, II, VI, VII, VIII, XI-XIV, XXVII,
110. — Sib. II : XLV, 110, 141; Sib. VII :
29, 261, Sib. VIII : XLIII, 77, 105, 110, 263.
Sibyllin III, XXVII-suiv., XLIII, XLV, 29,
49, 110, 162, 199, 293. — Vers 192-suiv., 318,
608-suiv. : 257.
Sibyllin IV : XXVIII, XLIV, 199, 236, 263.
Sibyllin V : XXVIII, XXXIII, XXXVIII,
XLIV, 107, 110, 117, 159, 199, 236, 245, 263,
267, 305. — Vers li3, 159 : 218.
Ascension d'Isaie, XIX, XXVII, XXVIII,
XXXVII, XXXVIII, XXXIX, XLIV, XLVI,
29, 41, 50, 56, 57, 67, 110, 114, 120, 132, 163,
199, 263, 264, 289, 294, al. — Chap. IV, 6 :
190-191; ch. VII, 21 : 277.
Odes de Salomon, XXVIII, XXXVI, 38, 85,
103. — Od. XXII : XLII; Od. XXIII, 5 : 83
Livre d'Adam armenien, XL.
Esdras V et VI, XXVIII, 49, 110, 141, 276. —
V. Esd. II, 42 .• 195.
£vangile de Pierre, 11.
Apocalypse de Pierre, XXVIII, LIV,
GLXXVII, 13.
Apocalypse syriaque de Pierre, 77.
Apocalypse de Jean (Pseudo-), 77.
Actes de Pierre, 134.
Actes de Paul, GLXXVII.
Actes de Jean, GGV.
Apocalypse de Paul, XXVIII, 64, 67, 141.
£vangile de Nicodeme, 141.
Pistis Sophia, XX, 159, 202.
Littorature mandeenne et manicheenne, 176,
202.
Adapa (.Mythe d'), XXXIV.
358
OUVnAGES CITES.
Enuma elish, XL, XLI, XLII, 63, 67, 201, 290,
al.
Poeme de Gilgamesh, XXXIV.
Tell-el-Amarna (Lettres de), 290,
Livre des Morts ogyptien, 144.
Avesta, XXXVII, L, 49, 55, 159, 195-suiv.,
al. — Gosh Vasht, III, 44 .• 168.
Bahman-Yasht pehlvi, XX, 57, 117, 175-suiv.
— ///, 52-60 : 169, 291.
Bundehesh, XX, 166, 168, 175-suiv. — ///, 11-
26 : 162; J[XIX, 7-10 : 169, 291 ; XXX, 18,
31 : 107-suiv.
Litterature orphique, XXXV.
Tableau de Cebes, 246.
I sis et Osiris (de Plutarque), 12-20 : 169.
Dea Syria (de Lucien), 191.
Hygin (Fables d'), fab. liO : 169-suiv., 177.
Litterature hermetique, XX, XXVIII.
Poimandres, XX, 8, 261.
Papyrus magiques grecs, 8, 21.3, al.
Saturnales (de Macrobe), 177.
Abraxas (de Dieterich), 169.
Mithrasliturgie (Dieterich), 14.
Vieille Edda (au raythe du « Crepuscule des
Dieux )), Voluspa), XX, LVII, 176, 291, al.
LISTE DES AUTEURS MENTIONNES (1)
Abauzit, GCXV, GCXXXIX, 255.
Abbadie, GCXXXIX.
Abdias (chroniqueur), CCV.
Abbott (E. A), GLXXXIII, GLXXXIV,
GLXXXVI, GLXXXVIII, GXCII, CXGV,
GGLXVI, 72, 187, 280, al.
Addai (Doctrine d'), GCXIII.
^Lius Aristide, XIII, 32.
Albert le Grand, CCXXVIII, CGLXVIII, 54,
79, 100, 120, 129, 138, 146, l.i3, 158, 167, 202,
223, 224, 233, 255, 326, al.
ALCAZAR, CCXXXVI - suiv. , GGXXXVIII,
GGXLIX, GCLXVIII, 7G, 121, 131, 138, 140,
152, 158, 180,256, 31Ί.
Alcuin, CGXXVII, GGLIX.
Alford, CGXLIII, 154,224,284.
Ali.ard,GGVIII.
Allen, 145.
Allioli, GGXLI.
Allo, 210.
Ambroise (S.), 296.
ΑΜέΕΐΝΕΑυ, CGLX, GGLXVII.
Amphiloque (S.), CLXXVIII, GCXIII.
Anastase le Sinaite, CGXIV.
Anderson Scott, GGXLVI,
Andre de Gi^saiibe, LXXXIV, GXLVI,
GLXXII, GLXXIX, GGIX, GGXIV, CGXXV,
GGXLVIII, GCLVI, GGLX, GGLXI,
GGLXII, GGLXIII, GGLXVIII, 18, 44, 58,
59,61,74,81, 83, 84,88, 92, 94, 100, 102,118,
123,124,129,130, 135, 137, 138, 139, 147,153,
154, 155, 158,159, 160, 161,162, 163, 166, 167,
184, 186, 188, 189, 191, 196, 202, 203, 211, 217,
222,224, 229, 231, 233, 237, 240, 241,246, 254,
267, 280, 282, 284, 2^3^ 289, 300, 304, 306, 318,
326, 327, 330, 332, al.
Ansbert, GGXXII, GGXXVII, CCXXVIII,
139.
Anselme de Laon, GGXXVIII.
Aphraates, CLXXVIII, CGXIII,
Apollinaire, 295.
Apollomus d'Alexandrle, CXXXVI.
Apollonius d'Ephese, GLXXIII.
Apringius, GGVI, CCXXVI, GGXXVII, 61,
212, 265, 277, 280,281, 306, 326, 327.
Aqiba, 105.
Arethas, GGXIV, CCXXV-s., CGLVI, 45, 59,
94, 122, 134, 139, 191, 224, 241, 259, 304, al.
Aristophane, GLXXXIX, 26.
Aristote, 46.
Artop.eus, CCXXXV.
Athanase (S.), CLXXVIII.
Athanase (Synopse d'), GGXIV.
ΑΤΠΕΝΕΕ, 74.
AuBERLEN, GGXLI, GGXLIII.
AuBERT DE VERSE, GGXXXVIII, 256, 262.
AuGUSTiN (Saint), LXXVI, CXII, GXIV,
CGXXIII-s., CCXXVIII, GCXLVin,
GGXLIX, GGLIX, GGLXVIII, 104, 140,
143, 158, 196, 237, 254, 255, 260, 264, 267, 283,
284, 285, 286, 289, 296, 297, 299, 300, 314.
AUGUSTIN (Pseudo-), CCXXVI.
AUREOLUS, GGXXXI, GCXXXII.
Baguez, CGXLII.
Baljon, GLXI, GGXLVI.
Barhebr.eus, GGXIV.
Barnes, 195.
Basile (S.), CLXXVIII, GCXIII.
Batiffol, CGVIII.
Baudelaire, 322.
Baur, CLXXIX, GGVI.
Beatus, GGXXII, GGXXVII, 8, 18, 34, 92, 98,
158, 202, 212, 284.
Βεοκλυιτη, CCL, 55, 69, 79, 125, 140.
Bede le Vonorable, LXXXIV, GGXXII,
CGXXVI-s.jGCXXVII, GGXXVIII, GCXXIX,
CCXXXV, CCXXXVI, GGLXVIII, 17, 34,
54, 76, 79, 86,92, 94, 100, 123, 158, 162, 185,
196, 231, 233, 254, 255, 314.
Beelen, GGXLI.
Bellarmin. CCXXXIV, CCXXXVI.
Belser, CCXLIII, CCXLVII, 254.
Belsheim, GCLVIII, GGLIX.
(1) Les caracteres gras renvoient au ch. xiv de rintroduclion, ou les commentateurs et Ιθ8
critiques sont approcios. — — — al. signifie : alUeurs encore.
360
LISTE DES AUTEUUS MENTIONNES.
Benary, CCXL, 194, 213.
Bengel, LXXXIV, CCXXXIX, 22i.
Benson, CXLI, GCXLIII.
Berengaud, GGXXVII-s., GCXXXI, 76, 251,
255, 260.
Berger (Samuel), CGLVIII.
Bergh ran Eysinga (van den), 212.
Berose, 291.
Beurlier, 210.
Beyschlag, CGVI, 129.
Beze, GCXV, CCXXXIV.
Bibliander, CGXXXV, 76, 255.
Billot, GGLXVII.
Bisping, CGXLII.
Blass (et Debrunner), GXXIX, GXXXV,
CXXXVIII, GXXXIX, GXLII, CXLVII,
CXLIX, CCLXVI, 220, 284, pas,sim.
Bleek, GLXXIX, GGXL, GGXLIV, 259.
BoiSSIER, GCLXVIII, 209, 210.
Boll, LVIII, GGXLVII, GCLXVIII, 30, 35,
56, 58, 66, 77, 80, 82, 85, 106, 111, 112, 113,
115, 120, 153, 160, 170, 174, 321.
BOLLANDISTES, GGIX.
Bonwetsch, GGLXVII.
Bossuet, CGXXVII, CGXXXIV, GGXXXVIII,
CGXLII, CCXLIX, GCLXVIII, 76, 79, 121,
129, 131, 132, 134, 135, 138, 141-s., 147, 149,
152, 154, 156, 180, 184, 196, 197, 203, 212,217,
224, 227, 233. 237, 239, 240, 241, 245,247, 251,
256,260, 285,286, 288, 289, 299,300, 315, 332,
334, al.
Bousset, IX, XII, XXXVI, XLIV, XCVII,
XCVIII, GXXIX, GXXXV -suiv., GXL,
CXLII, CXLIV, CXLVII, CXLVIII,
CXLIX, CL. CLIII, CLIV, GLXI, GLXV,
CLXXX, CLXXXIV. CLXXXVII ,
CLXXXIX, CGIII, CGVI, CCXIII, GCXVII,
GCXXXI, CGXXXV, CCXL, CGXLIV,
CGXLV, GGXLVII, CGLI, GGLXI, CCLXII,
CGLXIII, GGLXVII, GCLXVIII, 21, 30,
43,45,50, 52, 55, 56, 57, 58, 79-80, 81, 86, 87,
92, 94, 95, 105, 114, 116, 119, 122, 123, 124,
125, 127, 130, 131, 134, 136, 139, 141, 147, 148,
149, 150, 151, 155, 157, 158, 159, 162, 168, 169,
170, 173, 174, 177, 179, 189, 192, 194, 195, 196,
198, 201, 210,213, 214, 217, 219, 220, 223,224,
225, 227, 228, 229,232, 236,241, 244, 248, 254,
256, 257, 259, 260, 265, 266, 275, 277, 278, 279,
280,281, 286, 291, 300, 302, 304, 305, 307, 310,
315, 316, 319, 320, 322, 328, 330, 331, 333, 334, al.
BovET (de), CGXLI.
BovoN, GGIV.
Box, 145.
Brassac, CLXXX, GGXLVII.
Briggs, GLX, CGXLV, 101, 183, 194, 283, al.
Brightman, GGXXXIV, CCXLIX, 152.
Bruno d'asti, CGXXVIII.
Bruston, CLX, GGXLV, 79, 120, 149, 155, 167,
212, 224, 244, 256, 265, 274, 278, 303, 315, 328, al.
Bruttil'S, GGIX.
Buchanan, CGLVIII.
Bucheler, 211.
BULLINGER, GGXXXV.
Burgon, GCLI.
BuRKiTT, CCXXII.
Caius, CLXXI, GLXXIV, CLXXV, CGXIII,
GCXXVI.
Cajetan, CCXIV.
Gallisthene (Pseudo-), 211.
Galmes, CLXI, CLXXX, GGXLVI, GCLXVIII,
9, 22, 34, 35, 42, 44, 55, 70. 85, 92, 99, 122,
127,134,135,140,150, 158, 196, 197,213,221,
224, 229, 231, 237, 238, 246, 256, 259, 267, 270,
271, 276, 280, 285, 286, 305, 330, al.
Calmet, GGXXXVIII, 256.
Calovius, GGXXXIII-s.
Calvin, GCXV, CGXXXV.
Camerarius, GGXXXIV.
Care (Shirley Jackson), V. Addition a la
p. CCL.
Carthage (Goncile de), CCXIII.
Gasinense (Spicileguim), CCXXII.
Cassiodore, GGXXVI, 139.
Castellio, GGXXXIV.
Catherine de Sienne (Ste), GLXVI.
Ghapot, GGLXVII, 31, 210.
Charles, XXIX, XLIX, GXXIX, CXXXIV,
CXLIV, CXLVIII, CXLIX, CLVI, GLXI.
CLXXXIX, CGXLI, CGXLIV, GGXLVI,
GCLXVIII, 85, 90, 92, 103, 106, 120, 198, 199,
285, 302, 309, 315, 328.
Chase, GGIV
Ghetardie (de la), GGXXXIII.
Gheyne, 239.
Ciceron, 74.
Claromontanus (catal.), CGXIII.
Clemen, GGXLVII, CC-LXVII, 30, 56, 58, 66,
77, 87, 135, 148, 174, 192, 201, 212, 291.
Cle.ment d'Alexandrie, CLXXIII, CCV,
CGXIX, CGLI, 48, 296.
CoccEius, GGXXXI, CCXXXIV, CCXXXIX,
CCXLIX.
CoELius Pannonius, GGXXXIII.
GOLLADO, GGXXXI, 152.
Commodien, XXVIII, XLIV. GGXXI, 141, 199,
263, 295.
Gonybeare. CCLX.
GORLUY, CLXXXI.
Cornelius a lapide,GCXXXVI, 68, 76,129, 139.
CORNELY, GVIII, CCXXXII, GCXLII.
Corrodi, GGXL.
GORSSEN, 193.
GOSMAS INDICOPLEUSTES, CCXIV.
LISTE DES AUTEURS MENTIONXES.
361
Cramer, GCXXVI.
CrOISEt (A.) et Petitjean, CCLXV.
CUMONT, XXXV, CCLXVII, 83, 208-suiv., 210.
Cyprien (S.). CLXXIV. CCLIX, CCLXII,
286, 296.
Cyrille d'Alexanduie (S.), CLXXVIII.
Cyrille de Jerusalem ( S. ), XLIV,
CLXXVIII, CCXIII, 199.
Cyrille Lukaris, CGXIV.
Damase (et Gelape). CCXIII.
Dante, XX.
Darmesteter, CCLXVIII. 176.
Davidson, CLXXII.
Dean, V. Addition a la p. CGL.
Decharme, 177.
Detssmann, CXXXIII, CCLXV, CCLXVII,
31, 37, 137, 191, 194, 210, 211, 212, 247.
Delaporte, CCLX.
Denys Bar-salibi, CLXXV, CCXIV, CCXIX,
CCXXVI, 8, 12, 23.
Denys d'Alexandrie (S.), LXVIII, CLXXI,
CLXXIV, CLXXVI-suiv., CLXXXII,
GLXXXV-suiv., ecu, 296, 329.
Denys de Corinthe (S.), CLXXII.
Denys le chartreux, CGXXVIII.
Dhorme, 204.
Dickens, CL.
DIDYME d'ALEXAXDRIE, CLXXVIII.
Diekamp, CCXXV.
DiETERICH, CCLXVII. 14, 155, 169, 176.
DiEU (L. de), CGXXXIV, CCLX.
DiOBOUNiOTis, CLXXIV, CCXX.
Diodore de Sicile, XVIII, XLIX, CXLII, 55.
DiOGENE Laerce, 322.
Dion Cassius, CCVIII, CCIX, 49, 263.
Dion Chrysostome, 56.
dorothee, ccvi.
Dragh, CGXLII.
Drews, CCXLVII.
Driver, CXLVIII.
Drummond, CLXXX.
Drusius, GCXXXIV.
Duchesne, CCVIII.
DuPiN, GGXXXVIII.
Dupuis,GGXLI, CCXLVII, 43, 58, 168, 170.
Dusterdieck, CLXXIX, CCVI, GGXL,
CCLXVIII, 30, 35, 57, 79, 157. 167, 192, 193,
196,203, 217, 220, 281, al.
Ebedjesu, CLXXV, CCXIII.
Ebrard, 22't.
Ederus, GGXXXIII.
ElGHMORN, GGXL, 135, 149, 203. 259, 264.
Elien, 113, 177.
Eliezer ben hyrkanos, 105.
Elliott, GCXLI.
Ephrem [S.), CLXXVIII, CCXIII, 47, 296.
Epictete, CXLII, CLXXXIX.
EPIPH.iNE (S.), CLXXV, CLXXVIII, CCVI.
Erasme, CCXIV, GGXXXV.
Erbes, CLVI, CLIX, GGXLIV, CCXLV, 74,
95, 114, 123,129, 149., 158, 166, 203, 244,265,
274, 278, 283, 303, 310, 315, 328, al.
Eschyle, 114, 231.
Escobar υ mendoza, GGXXXVI.
EURIPIDE, GXXXIX.
EusEBE, CLXXV, CLXXVII, CGIV, CCVI,
CCVIII, CCIX, CGLI, 162, 212, 295, 301, al.
EUTHALIUS. CCXIV.
EVHEMERE, XXIV.
EwALD, LXXXIV. CLXXIX, GGXL, 17, 203,
212, 239, 259.
Eyzaguirre. GGXLII, 139, 254.
Fabre, 23. 35.
Ferotin, CCXXVI.
Flaubert, 270.
Flavu s .JosEPHE, XLVI, 135, 241.
FoxE, GGXXXIV .
Frazer, 204.
Frey, 52.
Fritzsche. GGXL, 194, 213.
FULGENCE (S.), GCLIX.
Galien, 46.
Gallois, GGXLII, 139, 254.
Geffgken, 263.
Gelase (catal. de). 296.
Gennade, 295.
Georgios hamartolos, CLXXXI.
Gesenius(-Kautzsgh), GXLVII.
Gigot, V. Addition a la p. CGL.
Gim.\rey. GCXLI.
Godet, CLXXIX.
Goltz (von der), CLXXXIX.
GooDSPED, CCLXV.
GoussEX, CCLX.
Grapin, CLXXVII, GLXXXVI.
Gregoire de Nazianze(S.),CLXXVIII,CCXIII.
Gregoire de Nysse (S.), CLXXVIII, CCXIII.
Gregory, CCLI-s., CCLVI. CCLX, CCLXIV,
CCLXV, al.
Gressmann, XXXII, XLV, GGXLVII, CCLXVI,
CCLXVII. 13, 48, 50, 77, 114, 173-s., 174, 178,
201,288,321, 322.
Grotius. GLVI. GLXIX. CCXV, CGXXXIV,
GCXXXVII-s., GGXLIV, 33, 76, 121,138,149,
152,180, 192, 203,301.
Gry, CCLXVII, 52, 294, 302.
Gunkel, LXVI, XGVII, GCXLVI, CGXLIX,
CCLXVI, CCLXVII, 55, 56, 57, 58, 68, 77,
83,111, 114, 143, 155, 157, 160, 162, 167, 172,
175, 176, 184, 194, 201, 212, 307.
362
LISTE DliS AUTEUnS MENTIONNES.
GUYAUX, CCXLI.
GWYN, CLXXV, CCXIX, CGLX.
HADORN, 212.
Hammond, CCXXXVIII, GCXLIV, 203.
Harduin, CCXXXIX.
Harenberg, CCXXXIX.
Harnack, GLXXIV, GLXXIX, GXGII, GGVI,
GGXX, GCXLIV, 7i, 75.
Hase, GLXXIX.
Hausrath, 259.
Haussleiter, GGXX, GGLIX. 154, 1.58, 212,
264, 296.
Havet, 91.
Haymon d'HALHERSTADT,CCXXVII, GGXXVIII,
54, 120, 138, 202, 255.
Heer, 144-s.
Heitmuller, CGI.
Hengstenberc, CCXLI, 157.
Hennecke, GGV, CGLXVn.
Henten, LXXXIV, CCXXXVI, GGXLIX, 138,
152, 254.
Heraclite, 280.
Herder, CCXL, 135.
Herodote, 290.
Herrenschneider, CCXL.
Herrmann, 144.
Herve, CCXXXVIII, 256.
Hesiode, XLI.
Hesychius le grammalrien. GXXXII.
Hesychius I'editeur biblique, GGLXI.
Heumann, 47,
Hilgenfeld, GLXXIV, GGVI, 79, 125, 158,
203, 217, 259.
Hipparque, 291.
Hippolyte (S.), XXVIII, XLIV . LVII
GLXXIV, GLXXV, GGXIII. GGXVIl'
CCXIX, GGXX, GGXXVI, GGXLVIIl'
GGLI, GGLXI, GGLXII, GGLXill,
GGLXVIII, 47, 94, 139, 147, 158, 166, 184,
199,202, 212, 254, 259, 264, 295, 296, 297, al.
Hippone (Goncile d'), GGXIII.
Hitzig, GGXL, 194, 213.
Hoe von Hoenegg, CCXXXIII.
Hoffmann (M.), CCXXXV.
Hoffmann (J. G. von), CCXLII, 68, 224.
Holtzmann (H. J.), GLXI, GLXXIX, GCVI,
GCXLIV, GGLXVIII, 18, 79, 92, 98, 104, 117,
120, 122, 123, 124,135,143, 148, 153, 165, 166^
167, 191, 193, 196, 201, 213, 217, 219, 220, 222,
224,225, 227, 229, 231, 236, 237, 2.39, 240, 24l',
246,256, 267, 270,271, 275, 280, 281, 285, 288,
333, al.
Holtzmann (O.), GLX, CGXLV,35.
Holzhauser, CCXXXIII, GGXLI, CGXLIL
GGXLIX.
Homere, GXLI, 231.
IIOMMEL, GGXLVII, 290.
Horner, CGLX.
Hort, CGIV, GGVI, GGVII, CGXLVII,
GGLXVIII, 4, 18, 21, 34, 35, 213.
HORTULANUS, 31 Ί.
Hug, GLXXIX.
HuGUES de Saint-Gher, CCXXVIII, 153, 158,
223, 255.
Hunt (et Grenfell), GGLI, GGLXV.
Huschke, 68.
Hygin, 169, 177.
Hyperide, GXXXVI.
Ignace d'ANTiocnE (S,), VII, CLXXII, 22,40,
47.
Innocent I", GGXIIL
Irenke (S.), XLIV, GLXXIII, GGIII, GGVI,
CCXVIII, GGXX. GGXXIII, GGXLVIIl,
GGLI, 8, 47,94, 107, 141, 147, 184, 193, 194,
199, 202. 211, 214, 254, 259, 264, 295, 297, 301,
304, al.
IsELIN, 116.
Jagquier, GXLIX, GLVI, iGLXXIII, GLXXX,
GLXXXVI, GCXI, GGXIII, CGXLIV,
CCXLVII, GGLII, GGLXV, GGLXVIII.
Janus, 47.
Jean Ghrysostome (S.), GLXXVIII, GGXIII,
Jean Damascene (S.), GGXIV.
Jellinek, 294.
Jensen, 239.
Jeremias, CCXLVI, CGLXVII, 43, 56, 58, 66,
77,87, 106, 170, 175, 201, al.
Jerome (S.), XVIII, XLIV, GLXVIII, GGV,
GGVI, GGXVIII, GGXXI, CCXXIII,
GGXXIV, 139, 140, 196, 199, 264, 285, 296.
Joachim de Fi.ohe, GGXXIV, CCXXVIIIr
CCXXX , GGXXXI, GGXXXVI, GGLXVIII,
76, 141, 145, 202, 254,296, 31'..
Jochanan (Rabbi), 321.
JuLiCHER, GLXI, GLXII, GLXIII, GGVI,
CCXLVI, 1.39.
Julie Ν (empereur), 209.
JuNiLius, GLXXVIII.
JuRiEu, CCXXXIV, 289.
Juvenal, 246.
Justin (S.), XLV, GLXXII, GLXXXII,
CCXVIII, GGLI, 9, 33, 141, 295, .301.
Kaulen, CCXLII.
Kautzsch, GGLXVL 1'*8, 198, 302.
KenyOn, GXXXIII.
Khiya ben nehemia, 146.
King, 111.
Kliefofh, CCXLII.
KOHLHOFER, CCXLVII.
Krementz, CCXLII.
LISTE DES AUTEUnS MENTIONNES.
363
KUGLER, 291.
KuHNER, GXL, CCLXV.
Labbe, 296.
Labourt (et Batiffol), CGLXVII.
Labriolle (de), CLXXV.
Lachmann, 28.
Lactance, XXVIII, XLIV, CCVIII, CCXXI,
GCXXIII, 105, 141, 199, 254, 263, 295.
Lafont-Sentenac, CCXLII.
Lagercrantz, 322.
Lagrange, XXI, XXIX, XXXV, XLI, XLIV,
XLVI, CV, GXVII, CGXVni, CGLXVI.
GGLXVII, 102, 131, 141, 146, 157, 171, 172,
198, 211, 294, 302.
Laixemant, CCXXXVIII.
Lambertus, CCXXXV.
L.-vODiCEE (Goncile de), GGXIII.
Laurent, 295.
Lebreton, XI, 9.
Lemonnyer, CXII.
Lepin, GLXXX-s., CGIIL
Lepsius, CCXLVII.
Leusden (et Schaaf), CGLX.
Lightfoot, CCVI, 42.
Lindeb, CGVI.
Lizarazus, CGXXXIII.
LoiSY, CXCIV.
LORENTz (von), CCXLIII.
LuciEN, 111, 191.
Lucre, CLXXIX, CGVI, GCXL, 259.
Luther. CGXIV, GCXXXI, CGXXXIII.
Macrobe, 177.
Mai, CGLIX.
Malvenda, 141.
ManghOt, 212.
Margion, GLXXIV.
Margkius, CCXXXIV.
Mariana, CCXXXIX, CGXLIX, 140, 255, 264.
Marquardt, 68.
Martim, CGLXVII.
Martin de Leon, GCXXVIII.
Μάξιμο;, CGLVI.
Mayser, GXXXVI, CGLXV.
Meghithar, CCXrV.
Mede, CGXXXIV, CCXXXIX, CGXLIX, 152.
Meillet, GXXIX, GXXXVII, CGLX\•.
Meliton, CLXXII, CCVIII, GGXIX.
Memain, CCXLII.
Menoghius, CCXXXVI.
Mktaphraste, CCIX.
Methodius, CLXXVIII, GCXX,CCLI, 141, 158,
161, 184, 295.
Meyer (R. M.), 144.
MiGNE, CCLXVIII, pas.sim.
MiLLiG.vN, CGVI, CCXLIII, 19Ί.
xMiLLs, CCLXVIII.
Milton, 163.
MOFFATT, LXXXIV, GLXI, CGXLVI, 328.
Mommsen, CCXI, 89, 191, 203, 259.
Mommsenianus (Catal.), GGXIII.
Morfill (et Gh.\rles), CGLXVII.
MORiN, 212.
MoROsow, CCXLVII.
MouLTOX, GXXIX, CXXX, CXXXV,
GXXXVII, GXL, CXLI, CXLIII, GXLVI,
CXLIX, CCXI, CGLXVI, 112, 113, 162,269,
passim.
MouLTON et MiLLiGAN, GXXXVI, CGLXVI, 197,
219, 230, al.
MuRATORi (Canon de), GLXXIII, GGV,
GGXIII,
Napier, CCXXXIV.
Nestle, CXXXV, GCLXII, CGLXIII,
CGLXV, 28, 189, 245, 271, passim.
Newton, CGXXXIV.
Nicephore Calliste, CGXIV.
NiCEPHORE de Constantinople, CCXIV,
Nicolas de Lyre, LXXVI, GCXXIV,
CCXXVIII, GGXXXI-GGXXXIII, CCXXXV,
C CXLIX, CCLXVIII, 76, 140, 202, 212, 254,
al.
NlEBUHR, 113•
Nilsson, XXXIIL
(Egumenius, CGXIV, CCXXV-s., CGLVI,
GGLXL GGLXn, 191, 231, 253.
(Eder, CCXV.
Oliva, CCXXX.
Origene, GLXXIV, GGV, CGXX, CCLI,
GGLXI, GCLXIII, 35, 36, 92, 118, 160, 211,
214, passim.
Orose, CCVIII, 269.
Osiander, GGXXXIII.
Par^eus, CCXXXL
Parmenide, XIX.
Paul de Buugos, CGXXXIII.
Pausanias, 33, 177.
PerdiUZET, 192, 211.
Pereyra, CCXXXVI.
Pfleiderer, XCVII, GLXI, CGXLVI, 94, 122,
126, 259, 314.
Philastre (S.), 47.
Philippe de Side, CLXXXI.
PllILOLAOS, 322.
PhilON. CXC, 206, 280.
PniLOSTRATE, (^XXVI, 207.
Photius, CGXIV.
Platon, XVIII, XX, 26.
Platt, GGLX.
PlINE I'Ancien, 269, 320-s.
364
LISTE DES AUTEURS MENTIONNES.
Pline le JeuxNE, 206.
Plutarque, XVIIL XX, CXLII, 48, 169, 177.
Porter, GLXI, CCXLVI.
. Pressense (de), CLXXIX.
Preuschen, CGLXVI.
Prlmasius, CCIV, CCXII, CCXXII, CCXXVI,
CGXXVII, CGLIX, GGLXII, GCLXIIL
GGLXVIII, 92, 120, 139, 161, 162, 166, 195,
212, 229, 245, 246, 254, 271, 285, 289, 304, 306,
334, al.
PrOCLUS, 322.
Pseudo-Dorothee, 48.
Pseudo-Tertullien, 47-48.
PURV.EUS, CCXXXI.
K\B, 145.
Radermacher, GXXXV, GGXI, GGLXVI.
Ramsay, XIII, XVI, LVIII, GGXI, GGXII,
CGXIII, GGXLVII. CGXLVIII, GGLXVIII,
16, 17, 25,26, 27, 28, 30, 32, .36, .39, 42, 44,46,
49, 79, 192, 202, 203.
Rauch, CCXLV.
Reinagh (Salomon), GGX, 74-75, 177.
Reitzenstein, GGLXVIII, 8.
Kenan, VIII, GXXVI, GLVL GLXII, GGVI.
CCXLIII-s., GGLXVIII, 11, 18, 28, 34, 74.
79, 107, 166, 174-s., 189, 213, 256, 259.
Reuss, GLXXIX, GGVI, GGXL,X:CXLIII, 213.
Reville (Jean), GLXXIX, GXG. GGLXVIII,
210.
Ribeira, CCXXXV-s., 79, 139, 255, 264.
Richard de S. Victor, CCXXVIII.
Robertson, GGXI, GGLXVI.
Rupert de Deutz, CCXXVIII, GGXXXI, 76.
Sabatier (Α.), GLVIII, CCXLV, 119, 126, 149,
155, 221, 244, 265, 278, 283, 303, 314, aL
Salmeron, CCXXXVI.
Sales, CGXLII, 254.
Sand.^y, GLXXX, GGIV, CCXLVI-CCXLVII.
SCALIGER, GGXXXV.
ScH^iFER (-Meinertz), GLXXX, GGXI.
CCXLII, CCXLVII.
Schleiermacher, GLXIX, CCXL, GGXLIV.
Schmidt, GLX, CCXLV, 94, 101, 126, 314, al.
SCHffilN, GLVIII, CCXLV, 122, 126, 149, 155,
244, 265, 278, 303.
Schoettgen, 8, 107.
SCHURER, LXVI, GGLXVI, 33, 302, 308.
Schwab, XXX, 294.
Scrivener, GGLI.
SECTig (Liber de), GGXIV.
Sedlacek, GGXXVI.
Semler, GGXV.
Seneque, 246.
Servius, 5i9.
Simeon bbn Jochai, XLIV.
Smyly, GGLXV.
SODEN (Hermann von), GXXXIII, GLXXX,
CCXLIV, CCLI-s., GCLVI, GGLIX, GGLXI,
GGLXIII, GGLXIV, GGLXV, 128, 189, 275,
306, 316, 331, passim.
SOGLIANO, 211.
SpItta, LXVII, GLVI, GLVIII, CCXLV,
GGLXVIII, 55, 64, 85, 95, 101, 114, 115, 116,
120, 123, 134, 149, 153, 155, 157, 158, 159, 166,
203, 217, 222, 244, 265, 274, 277, 278, 283, 303,
310, 314, 328, al.
Stephen Langton, LXXXIV.
Stern, CCXLII.
StrabON, 23, 30, 42.
Strauss (O.), 144.
SUETONE, GG VIII, 49, 74, 76, 205, 206, 207, 258,
263.
Sulpice-Severe, GGV, GGVIII, 296.
SwETE, XI, LXXXIV, GXXIX, GXXX,
GXXXV, GXLII, GXLIX, 'GL, GLXII,
GLXIII, GLXXXVIII, GGVI, GGXI, GGXIX,
CGXXVI,GGXXVII,CCXLVII-s .GGLXVIII,
9, 35, 36, 42, 44,50, 61, 79, 81,94, 98, 99, 114,
121, 123, 125, 129, 130, 132, 134, 138, 142, 145,
149, 150, 157, 158, 160, 161, 162, 166, 167, 185,
189, 192, 194, 195, 197, 210, 213, 217, 224, 225,
227,229, 231, 2.33, 237, 239, 245, 246, 252, 253,
256, 260, 269, 271, 273, 277, 280, 281, 282, 286,
287,289,290,305, 311, 315, 318, 319, 321, 326,
330, 331, 332, 334, al.
Sylveira, CCXXXVI.
Syncelle, 291.
SzEKELY, XXVIII, XXIX, GGLXVI, 141, 157.
198, 302.
Tacite, CGVII, GGVIII, 46, 59, 76, 263.
Tertullien, CLXXIII-s., GGV, GGVI,
GGVIII, GGIX, CCXIX, GGXXI, GGXXIII,
GGLIX, GGLXI, 47, 139, 141, 196, 295.
Thagker.\y, GXXXV.
Theodore de Mopsueste; GGXIII.
Theodoret, XLIV, GLXXVIII, GGXIII, 48,
199,
Theodulfe, GGLIX.
Theophile d'ANTiocHE, GLXXIII.
Theophylacte, GGVI, GGLVI.
Thomas d'AQum (S.), XXXVII, GLXVII.
Thomas d'AQUiN (Pseudo-), CCXXX.
Thucydide, 26.
Thumb, GXXXVI, GGLXV, GGLXVI.
TiLLMANN, XGIX, GXXI, GGLXVII.
Tischendorf, GGLI-s., GGLXIII, GGLXIV,
passim.
TisSERANT, XXXVIII, GGLXVII, 277, 294.
Trente (Goncile de), GGXV.
Trullo (Goncilium in), GLXXIX, GGXIV.
Tyconius, CCXXII-s., CGXXIV, GGXXVI,
LISTE DES AUTEURS MENTIONNES.
365
GCXXVII, CGXLVIII, GGXLIX GCLIX,
CGLXII, CCLXVIII, 131, 140, I'ifi, 160, 25i,
296.
Ubertin de Casale, CCXXX,202, 314.
Ulfilas, GCLX.
Vaganay, CCLXVII.
Versghr.ege, CCXLI.
Victor de Gapoue, 212.
ViCTORiN de Pettau, XLIV, GGIV, CGXII,
CGXX-s., CCXXIII, CGXXVII, CCXLIX,
GGLIX, CGLXVIII, 47, 62, 92, 100, 120, 124,
129, 138, 139, 142,147, 154, 158, 159, 163, 166,
184, 194, 199, 212, 217, 224, 225, 229, 255, 259,
264, al.
ViEGAS, CCXXXVI.
ViRGILE, XX, GXLVI, 49, 205.
VisCHER, GLVII, GLXI, GLXII, GXCII,
CCXLIV,53, 94, 126, 134, 149, 135, 158, 166,
167-s., 194, 259, 314, 328, al.
VlTEAU, CXLIX, GGLXV, GCLXMI.
VlTRINGA, CCXXXIX, 271.
VOGEL, CLVI, CCXL, GGXLIV.
VoGELs, Voir Addition a la p. GGLXV.
VOLKMAR, CCXL, 159, 259.
VoLTER(l), CLVI, CLXI, CCXLI V, CCXLV, 22,
94, 117, 120, 126, 149, 158, 167, 203, 212, 229,
244, 265, 273, 278, 281, 283, 294, 314, 328, aL
VOLZ, CCLXVI, 52, 93, 105, 131, 141, 157, 171,
198, 302, 308.
VOSTE, GIX.
Walafrid Strabon, CCXXVII, GGXXVIli
CGXXXV, GGXXXVI, 255.
Waller, CCXLII.
Ward, 111.
Weber, XXXVIII, GGLXVI, 52, 56, 93, 131,
157, 253, 302.
Weidner, 111.
Weihrich, GCLIX.
Weiss (Bernhard), GXXXVI, CLXXIX,
CCXLVII, GCLXI, 79, 129, 217, 259, 275, 306,
.332.
Weiss (Johannes), XGIX, C, GLIV, CLX,
GLXXX, CCXLV, CGLXVIII, 8, 19, 20-2ΐ|
30,34, 41, 45, 61, G2, 68, 73, 79, 82, 83, 84,
95, 104, 107, 114, 122, 123, 127, 139, 148, 149,
151,153, 155,158, 180, 201, 213, 214, 217,220,
224, 225, 227, 228, 229, 230,232, 241,244, 245,
256, 259, 260, 262, 265,267, 270, 271, 274, 278,
280, 281, 284, 285, 286, 303, 310, 315, 328, al.
WeizsaCKEr, CLVI, GLVII, CCXLV, 119, 122,
126, 149, 155, 158, 232, 236, 240, 241, 244, 259,
271, 278, al.
Wellhausen, LXVII, CLXXXVI,
CLXXXVIII, 127, 138-s, 155.
Wendt, LXVII.
Wesley, CCXXXIX.
West, CCLXVIII.
Westcott, CLXXIX, GXGV.
Westcott et Hurt, CXXXV, GXXXVI,
CLXXXVII, GGLIX, GCLXI, CGLXIII,
GGLXV, 21, 28, 189, 306, 326, passim.
Wette (de), CLXXIX, CCXL, 53, 57, 68, 149,
203, 259, 264, 271.
Wetstein, CCXXXIX, CGLII, 135.
Weyland, GLVII, CCXLIV, CCXLV, 53. 95,
120, 126, 134, 149, 155, 244, 265, 274, 278,283,
303, 314, 328, al.
Weymouth, GXXXV.
Whiting, V. Addition a la p. GGL.
WiCLEFF, CCXXXI, GCLX.
WiNCKLER, 43. Voir Zimmern.
Winer (-Schmiedel), GXXXV, CCLXVI.
Wolf aly, 177.
Wordsworth (et White), GGLXV.
Wuilleret (de), GGXXXIII, CCXLI.
Xenophon, 26.
Zahn, LXXXIV, CLXXIII, CLXXIX, 61, 68,
73, 79, 100.
Zimmern, XLI, CCLXVII, 58, 171, 178,201,307.
Zohrab, GCLX.
ZONARAS, 263.
ZiiLLIG, CCVI, CCXL, 167, 255.
Zwingli, CCXV.
(1) Voir Additions aux pp. GLVI-GLVII et CCXLIV
INDEX DES MOTS &RECS
DONNANT LIEU A DES OBSERVATIONS
Άβαδδών, GXXXIII, 114.
άβυσσος, 110, 1.33-Suiv., 284-285.
άγαλλιάω, 276.
άγαπαν GXXXIV.
αγάπη, GXXXIV, GLXXXIII.
άγγελος, GXXX, 17-18.
αδελφός, 11.
άδικεΐν, 26, 127.
α εϊσίν, LXIX, 15.
Λ ενώπιον, CXLV, 5.
αί εστώτες, CXLVIII, 127, 132.
αίνεΡν, CXL. 274.
αϊων, 219.
άκολουΟείν, CXLL 220, 281.
άχούεον, GXL, GLXXXVII, 44, 136, al.
αληθινός, GL, GLXXXIII, 43, passim.
άλλα, GLXXXV.
άλλάσσεσθαι, GVIL GXXII.
άλλος, GXXXIV, GLXXXV.
&λφα, GXXXIII, 8, 310, .331.
άμ^ιν, 7, 43.
δμωμον, GXXXIII, 270.
άμωμος, 197.
&ν, GXXXIV, GXLII.
ανά, GLXXXIV, 321.
ανά μέσον, 99.
άναπαήσονται. 220.
άνέβη ό χαπνός ... ταΐς προσευχαϊς, CXL. 102.
όίπαρτι, 220.
απήλθαν, GXXXVI, 305, 306.
από, GXLII, CLXXXVIII, 117, 225, 240, 305,
318, al.
από μακρόθεν, 269.
άποθνήσκειν, 220-suiv.
άποκαλύπτεσθαι, XVIII, GXII.
άποκάλυψις, XVIII, GXXXIV, 1, 2, 3.
άποχρίνεσθαι, 97.
Άπολλύων, GXXXIII, 114.
αποστασία, αποστάτης, GXII.
Άρμαγεδών, GXXXIII, 239.
άρνίον GLXXXIL GLXXXIII, 43, al.
άρσεν, 160.
αρχή της χτίβεως, 43.
άίρχων, 7.
αστέρες accusatlf, GXXXV, 12.
αυτός, GLXXXVIII, ah
άφεις, άφίουσιν, GXXXV-suiv.. 32, 127, 135.
άφί|χες, GXXXVI, 22.
άχρι, GXXXIV, GLXXXIV.
άψινθος (ό), GXXXIII, GXXXVIII, GXL VIII,
108.
βαθέα, GXXXV, 34.
βάλλειν, 224; έβαλαν, GXXXVI.
βασιλείαν ίερεϊ'ς, 5, 7, 65.
βασιλευειν : έβασίλευσεν, 275; Ιβαβίλευβας,
150.
βδέλυγμα, 311, 324.
βιβλαρίδιον, LXXIII. GXXXIII, 120.
βιβλίον, 11.
βίβλος της ζωής, GL.
βρονταί φωναί άστραπαί, GLI, aL
γάρ, GLXXXV.
γεγοναν, GXXXVI, 310.
γέγονεν, 240.
γέμειν, GXL-suiv., 56. 246. 316.
γίνεσΟαι, GGLXII, 11, 149.
δέ, GXXXIV, GLXXXV, 279.
δει, 3, 125.
δειχνύναι (-ειν), GXXXV, GLXXXIII, al.
δεύτερος. 287.
διά, GXXXIV, GXLII, GLXXXIV, 164.
διάδημα, 84, 279.
διαυγής, GXXXIII.
διδάσκειν, GXL, 29.
διδόναι, GXXXV. GXLIII, 127, 128, 253.
διδώ, GXXXV, 40.
δίχαιαι και άληθινάι, GXLV, al.
δικαίωμα, 230.
διπλούν, GXXXIII, 266.
INDEX DES MOTS GRECS.
367
δισμυρςάς, CXXXIII, 116.
διψαν, GLXXXIII.
δόξα, GLXXXIII.
δύναμις, GCLXII; — έν δυνάμει, GXXVUI.
δώσωσιν, CXXXVI-suiv., CXXXIX. 58-59.
εάν, GXXXIV, GXLII, 44, 133.
έαυτοΰ, — τήν, etc., GXXXVIII, 276.
έβραϊστό, GLXXXII, GLXXXIII.
εγγύς, GLXXXIV.
έγενόμην, H. έγενετο, 149.
εγώ, GLXXXVIII.
ες μή, 112, 324.
είδα, GXXXVI .
εΤληφα, CXXXIX, 150; είληφες. (iXXXVI.
150.
είπον, CXXXIX.
εΚρηκα, 98.
είρηχαν, GXXXVI, 274.
εΙς, GXXXV, GXXXVIII, GLXXXVII. Gl.
272, 281, 31G.
εϊστίλθεν έν αύτοις. 127, 128. 136.
είστήκεισαν, GXL, 'J6.
είχαν, GXXXVI, 113.
έχ,έξ, GXXXIV, GXXXV, GXLII. GLXXXIV.
117, 127, 272, 305, 316; instrumental,, 265;
partitif, GXLII, 22, 266; ragime direct, 26.
64, al.; sujel. GXLII, 135. ^
εκείνος, GXXXIV, GXXXVIII, GLXXXVIII.
έκκεντεϊ'ν, GLXXXII, 7.
ελληνικός, GXXXIII.
έμός, GXXXIV, GXXXVIII, GLXXXVII, 32.
έν, GXXXIV, GXXXV, GXLI, 127, passim.,
instrumental, GXLI-suiv., GLXXXIV, 5,
38, 133, 253, 265, 279, passim,
έν μέσω .... έν μέσω, 62.
έν μέσω και κύκλω, 56.
έν μέσο> ... εντεύθεν καϊ εκείθεν, 326.
ένδώμησις, GXXXIII, 319-suiv.
ένέστηκεν, GXI.
εντολή, GLXXXIII, passim., 331.
ενώπιον, GXXXIV, GXLIX, GLXXXIV.
GGLXII, passim,
έξέλθατε, 266.
εξουσία, GGLXII; έξουβίαν εχειν, 128, al.
έπεσα, GXXXVI. 14, 88, 89, 97, 150, 241, 248,
274. 277, 329.
έπί, GXXXIV, GXLII, GLXXXIV, al.
έραυνών, 34.
έρχεται έτι δύο ούαί, CXXXIX, 114.
έρχομαι σοι, CXL, 29.
ερχόμενος, -οι, LXXIX, GI, 97, 98, 148, 234, al.
έσχάται πληγαί, LX, 227.
εύαγγελίζειν, CXL, GLXXXIII, 119, 123.
έωράΟη, έωρακότος, GGIV.
ζεστός, GXXXIII, 42.
ζηλεύειν, GXXXIII, 44.
ζην : έζησεν, 25, έζησαν, 285-suiv., 298.
ζωή, GLXXXIII.
ζωή έκ νεκρών, GXVI.
ζών (ό), 14.
ζών εις τους αιώνας τών α. GL, al.
ζώον, XXXVIII, comment, du ch. IV, al.
ζώον έχων, et fautes semblables, GXL VII,
passim .
ήλθεν ή ήμερα, GLI.
ημέρας (genitifj, 324.
ημέρας Άντίπας ό μάρτυς, GXLVI, 28.
ήμίωρον, GXXXIII, 100. — ^ota. Ce mot a
encore ete retrouve dans un papyrus du
temps d'Hadrien; voir Moulton-Milligan,
The Vocabulary of the Greek Testament.
Part III, publiee trop lard pour que j'en
eusse connaissance quand mon coramen-
taire a ete imprime.
ήν ουδείς δύναται κλεισαι αυτήν, et fautes
semblables, CXLVIII, GXLIX-suiv., .39, al.
θάνατος, GXXXV, GLXXXIII, 33, 75. 267.
θαυμάζειν, GLXXXVII; έθαυμάσΟη. 186.
θειώδης, GXXXIII, 116.
θεμέλιος, 318, 321.
θεωρεϊν, GLXXXIII. 128, 136.
θλι•ψις (ou θλίψις), CIV. GGVII, .33, .34, 98.
θύϊνον, CXXXIII, 270.
θώραξ, 113.
ϊδα, GXXXVI.
ιδού, GXXXIV, GXLIX, GLXXXIII, al.
Ιερουσαλήμ, GLXXXIII.
Ίησοΰ... ό μάρτυς, et fautes semblables,
GXLVI, 5, al. passim,
ϊνα, GXXXIV, GXXXV, GXLII, GXLIII,
CLXXXV, GLXXXVII, 73, 108, 331, al.
ϊνα τρέφωσιν, et autres pluriels imperson-
nels, GXL, al.
κάΟημαι, 149, 217; καθήμενος έπί..., GXLI,
282, al.
καί, GXXXIV, GXLIII, GLXXXVIII, 44, 123,
218, 2.34, 285; και καΐ..., 15, 86, 281;
και δώσω ....και..., GLXXXVIII, 131.
368
INDEX UES MOTS GRECS.
καΐ έγένετο πόλεμος... Μιχαήλ.. το\> πολε-
μήσαι..., CXXXVII, CXLVL• 162.
%(xi εΤδον (χαΐ ίδού), CLI, 284, al.
χαιρός, GX.
χατά, GXXXIV, GLXXXIV, al.
κατάΟεμα, CXXXIII, 327.
καταλαμ-βΑνειν, CXCIX.
κατέχων et κάτεχον, CXII-suiv.. 133.
χατήγωρ, GXXXIII, CXLIX, 164.
ϊΐατοΐϊίειν, κατ. έπΙ της γης, CXLI, 127, 136,
247.
χαΰμα, 99.
χεχοπίαχες, GXXXVI, 22.
κεραννύναι, 267.
κιθαρωδός, CXXXIII, 196, 272.
χλεϊς (τάς), κλειν, 14, 284.
κολλούριον, 46.
χόψονται, GXXXIX, 7, 267.
χρυσταλλίζειν, GXXXIII, 318.
κυχλεύειν, GLXXXII, 288.
κυριαχή ήμ,έρα, 11.
κύριος, CXXXVII, κύριος ό θεός, ibid.;
κύριος ό θεός ό παντοκράτωρ, GL; κύριε
ό θεός, CXLIII, 150, al.
λαλεϊν, CXLI, CLXXXVII, 11, 245, al.
λαός (ό), vocatif, 266.
λέγει κύριος ό θεός, 7.
λέγων, CXLVII, 127, 129.
λευκός, CLI, 37, 81, al.
ληνός (τήν ληνόν τόν μέγαν), 225.
λιβάνωτος, 102.
λίμνη το\> πυρός, GLI, al.; της καιομένης,
282.
λίνος, 231.
λόγος του θεοΰ, GXC, GXCVL• 280.
λόγος του θ. και μαρτυρία Ίησοΰ, CL, 10,
al. 285.
μακάριος, 3, al., 329, 331.
μαρτυρειν, CLXXXIII, 3. al.
μαρτυρία (Ίηβοΰ), CLXXXIII, 3, 85, al.
μάρτυς, 131.
μαχαίρης, -τ^, GXXXV, 189, 190.
μεγιστάνες, 89, 273.
μεσουράνημα, CXXXIII, 109, 280-s.
μετά, GXXXIV, CXLI, CLXXXVII, 11, 245,
al. ; μετά ταΰτα, GLXXXIV, 95, 159, 265,
al. ; μετά ταΰτα ειδον, GLI, 230, al.
μετανοειν, 118.
μηδείς, CXXXVIII.
μία, GXXXV, CXXXVIII, 72, 114. 251.
μία ώρα, 269.
μικροί και μεγάλοι, CLI. al.
μόσχος, 57.
μύλινος, GXXXIII, 272.
μυστήριον, GXII, 15, 123-?uiv., 246.
νικαν, CLXXXIII, GXGIV, 22, 26, 28, etc..
61. 72, 81, 82, 230, 252, 311, al.
Χικολαίτης, CXXXIII, al.
νικοΰντι, -τας, CXXXVI, 22, 29, 229.
νύμφη, CLXXXIII, al.
ξύλον τής ζωής, 22, 326, al.
ξηραίνω : έξηράνθη, 223.
ό ή τό repete, CLXXXVI. al.
ό έν τω..., GXLV, al.
ό Θε6ς μετ' αυτών, 306.
ό ών καΐ ό ην (και ό ερχόμενος), CXLVIII-
suiv., GLI, 4-suiv.. 7. 150, 234, 248.
ό νικών... δώσω αύτω, et tournures senibla-
bles, CXLVII, al.
οιδα, 22, 280.
οικουμένη, 40.
όμνόναι έν...., 122.
δμοιον υίόν ανθρώπου, CXLIII, 12, 221, 222.
όνομα, CXXXV, CXLIV : ονόματα, 37, 127,
137 : όνομα αύτω, GXLV. 114; όνομα έχει.
127, 128.
όπου &ν υπάγει, GXXXIX, 196.
όπου εκεί, 161.
όπώρα, 270.
όρα μη.., 277, 330.
όρασις, 54, 117.
δρμημα, GXXXIII, al.
όστις, CXXXII, 165, 251, 274, 285.
όταν, GXXXIX, 59, 133, 288.
ότι, GLXXXV. 310,
ού μή, GXXXIX, CXLIII, 37, 112, 230, 324,
al.
ού παν... και ό ποιών, 324.
ουκ ίσχυσε ν, 163.
ούαί, CXLIII, 109, 114, 180, 269, 271.
ουδέ, 117,
ουδείς. CXLXVIII. al.
ουν, GXXXIV, GLXXXV.
ουρανός γή ύποκάτω της γής, CLI, al.
ούτος, CXXXVIII, CLXXXVIII, 252, al.
όψις, GLXXXII, CLXXXIII, 13.
πάλιν, 125.
παρά, GXXXIV, GLXXXIV.
INDEX DBS MOTS GRECS.
369
παρεσται, GGVII, 247, 301.
παρθένοι, 196-suiv.
πας, GXXXIV, GXXXVIII, CXLIX,
GLXXXVII; πας ό.., 333, al. ; πας ού, 272,
327, al.
πείν, 234.
πειρασμ.ός, GGVII, 40-41.
πελεκίζεον, GXXXIII, 285.
πέπτωχες, CXXXVI, 22.
πέπωχαν, GXXXVI, 218, 266.
πεπυρωμένης, 12.
περί, GXXXIV, GLXXXIV.
περιβάλλεται (-λείται), GXXXIX, 38.
περιλειπόμενοι, GXXII.
περιπατειν, LI, 324, al.
πηγαι υδάτων, GLI, GXGVI, al.
πιάζειν, 282.
πιστεύειν, GXGVII.
πλεϊν επί τόπον, 271.
πλην, GXXXIV, GLXXXIV.
πνε\>μα, 22, al. ; εν πνεύματι, GLXV, 11, 53.
πόδες, GXXXIV-suiv., GXLIX, 120.
ποδήρης, 12.
ποίαν ώραν, GXLI, 37.
ποιειν, GXXXV, GXLIII, 191, al.; ποιήσαι
μήνας, 187.
πολεμειν, GXLI, 187, al.
πολλοί, 108.
πορνεία, 29, 33, al.
πορφυρούς, CLXXXII, al.
ποταμοφόρητος, GXXXIII, 166.
πρεσβύτεροι, 56.
προς, GXXXIV, GLXXXIV.
προσχυνεΓν (avec datif ou accusatifj, GXL,
GLXXXVII, 186-suiv., 190, 191, 217, 218, 219,
230, 274, 277, 285, 330.
προφηται <£γιοι, GLI.
πρώτος, 287.
ρέδη, GXXXIII, 270.
^υπαίνεοθαι, GXXXIII.
σαλπίζω, 104.
σαλπίστης, GXXXIII, al.
σαρδόνυξ, GXXXIII, 320.
Σατανάς (ό), GXXXVI, 163, al.
σεισμός 103, 153, 241.
σημαίνειν, 2.
σημειον, XGIII, 159.
σιριχός, GXXXIII, al.
σχηνή, GXGVI, 188.
σχηνοΰν, GLXXXII, GXGVI, 96, 98, 163, 188,
306.
σταθ^ΐναι, 89; έστάΟη, 184; έστάΟησαν, 102.
σταυροΰν, GXXXIV, al.
στέφανος, 81, 122.
σύ, GLXXXVIII.
σγραγίς, 91.
σώματα, 270.
ταλαντιαιος, GXXXIII, al.
ταχύ, εν τάχει, 3-suiv., 50, 51.
τε, GXXXIX, GLXXXV, 282.
τέσσαρες accusatif, GXXXV, 12, 115, al.
τέσσερα, GXXXV, 274.
τετράγωνος χεΐται, 319.
τήν λήνον τ6ν μέγαν, et fautes semblables
GXLVIII, al.
τηρείν, GLI, 2, 37, 40, 329, 330, al.
τιμιότης, GXXXIII, 270.
τις, GXXXIV, GXXXVIII.
τω λούσαντι... χαΐ έποίησεν, et tournures
semblables, GXLVIII, GLXXXIX, 5, al.
ύάχινθος, 320.
υάλινος, GXXXIII, al.
ύμεις, GLXXXVIII.
υπέρ, GGXIX.
ύπό, GXXXIV, GXLII, GLXXXIV, 117.
υπομονή, 10.
φαρμαχία, 273.
φοίνιξ, GLXXXII, al.
φυγή, GGIV.
φυλαΐ γλώσσαι λαοί έθνη, GL, al.
φωνή... πάλιν λαλούσαν, et fautes sembla-
bles, GXLVI, al.
φωναί άστραπαΐ βρονταί, 56, al.
χαλχηδών, GXXXIII, 320.
χαλχολίβανος, GXXX, GXXXIII, 13.
χάρις GXXXIV, 5, 6, 334.
χλιαρός, GXXXIII, 43.
Χριστός, 2, al., 286 (7 fois dans I'Apocalypse,
I, 1, 2, 5; XI, 15,; XII, lo; XX, 4,-6, dont
3 fois avec Ίησοΰς, ch. I").
χρόνος, GX, 119, 122-suiv.
χρυσέων, χρυσεους, χρυσέας. γρυσαν
GXXXV, 12, al.
χρυσόπρασος, GXXXIII, 320.
ψευδής, GLXXXIII, 311.
ώδε, 220, 248.
ώδινβς, CIV.
ών ... αυτών, et fautes semblables, 288, al.
ώς, GXXXIV, GLXVIII, GLXXXV, 75, 229, al.
ώς λέγουσιν impersonnel, C.XL, 34.
APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
24
CORRECTIONS ET ADDITIONS
Page III, ligne 19, lire trouverait au lieu de trouvait.
P. XX, 1. 11-12, I. le au I. de les Poimandres.
P. XXI, 1. 5• avant la fin. I. ou au I. de on.
Ρ XXV, 1. 17* av. la fin. I. Qoheleth.
P. XXX, 1. 22, mettre une virgule apres habitude.
— 1. 29, avancer la virgule rf'instructif ά corrompu.
P. XLi, 1. 5• avant la fin, lire \^2T].
P. XLIV, 1. 5, lire ήελίοιο. au 1. de ήελ.
P. Lxxxv, A. lettre a Eph^se, lire 1-7.
P. xc, ς, lire Harmagedon.
P. xci, 1. 2, I. 11-16.
P. xcv, 1. 13* av. la fin, I. (ch. xii).
P. xcvi, 1. 5• av. la fin. I. ce fleuve.
P. XGVii, 1. 14« av. la fin, I. systeme.
P. CVII, 1. 24, I. έξουσιν.
— 1. 25, I. τοιούτοι.
— 1. 26, I. σχήμα.
P. cvni, 1. 5, I. έξβγερεΐ.
P. GX, 1. 23, I. ήμεϊς.
P. CXI, 1. 11* avant la fin, I. parussent au lieu de pussent .
P. CXV, 1. 16, I. κατέχων.
— 1. 27, I. partagent.
PP. Gxxx-Gxxxili, il y a quelques i6geres erreurs d'addition; lire: άγγελος, 67 fois; — γή,
81 fois; —εξουσία, 21 fois; — έργον, 20 fois; — ζώον, 20 fois; — θάνατος, 19 fois; — θρόνος,
47 fois; — φώνη, 55 fois; — όμοιος, 21 fois; — δεϊ, 8 fois; — εγώ, 17 fois; — πάς, 57 fois; —
τρίτος, 23 fois; — έξωθεν, 2 fois, ch. XI et xiv; — ιδού, 26 iois ; — εις 80 fois — έκ, έξ, 135 fois;
— έν, 157 fois; — ενώπιον, 36 fois; — apres ήμίωρον, ajouter : Voir ce mot a I'lndex des
mots grecs. — II se pent que j'aie laisse encore echapper quelques fautes, mais insigni-
fiantes.
P. CXLVI, 1. 14° av. la fin, I. ήν au lieu de ήν.
P. GXLVII, 1. 17, I. έχων au I. de έχων.
P. cxLViii, 1. 9, I. ΙψΗ, deux fois.
P. CLi, 1. 16, ajouter καί apres απόστολοι.
PP. CLVi-GLVii. J'en demande bien pardon a M. Volter, le tableau de son d6coupage
n'est pas au point. J'ignorais — et je ne I'aurais point du — qu'il eut encore perfec-
tionno ses vues critiques en 1911. En gros, Jean-Marc s'est enrichi aux dopens de
C6rinthe des ch. x, xvii, xi, 1-3 ; les deux derniers redacteurs ont έΐέ remontes au temps
de Domitien. (Voir Addition a la p. cgxliv). Gomme je ne savais point cela, ne I'ayant
appris que par les iltudes de Critique el de Philologie de M. Jacquier, je m'en suis tenu
toujours a I'exposo et a la discussion des vues de Die Offenbarung Jo/iannis de 1904.
P. CLxxii, 1. 10 et 11, transporter la deuxieme virgule apres possodons.
P. CLXXiii, avant-derniere ligne de la note, lire ημετέρων.
P. Gxxv, 1. 6• av. la fin du texte, lire baptise au lieu de baptiste.
P. CLXXiv, note, 1. 2, I. sunt au I. de sund; — 1. 5, 1. Diubouniotis.
CORRECTIONS ET ADDITIONS. 371
P. CLXxviii, 1. 2!i,apres philoxenienne, ajoiiter : (cependant Gwyn, pour cette derniere ver-
sion, est d'un avis contraire, voir pages ccxiii et cclx),
P. CLXxix, 1. b" avant la fin, lire : die die Apokalypse.
P. CLXxxi, I. 4 de la note, I. viii. 1-11 ; — 1. 5, I. dans les dernieres annees.
P. CLXXXii, 1. 15, I. IDT; — a la note (1), lire cxviii, 1, au lieu de cvviii, 3.
P. CLXxxvi, a la note, lire Wellhausen.
P. cLxxxviii, 1. 4° et 5" avant la fin du texte, au lieu de quand il... article, lire : procede le
substantif possesseur, avec I'article entre deux.
P. cxcvii, a la fin de la 1. 20, I. du au I. de de.
P. cxGViii, 1. 13, I. : individuelle : 1. 21» avant la fin, I. xi, 1-13.
P. ccx, 1. 14* av. la fin, I. la critique.
P. ccxi, I. 10, snpprimer les chiffres.
P. ccxiii, avant-derniere ligne du texte, apres (vi« siecle), ajouter : d'apros I'autorite de
Gwyu.
P. ccxxiii, 1. 19, virgule au lieu d'un point apres Latinorum.
P. ccxxxvii, 1. 8° av. la fin, I. representent.
P. ccxL, lire Fritzsche.
P. ccxLiv. A la fin de la notice sur Volter, ajouter :
(1911.) Die Offenbarung Johannis, 2° edition, Strassburg. (Voir Addition aux PP. glvi-
CLVII.)
P. ccxLvi, 1. 11, lire le Bible Dictionary.
— 1. 16, mettre un astorique devant Bauon.
P. CCL (numerotee faussement gcxl), apres la note, ajouter : D'autres travaux, dont je n'ai
pu profiter, ont encore paru en ces dernieres annees : F. Gigot, The Apocalypse of St-
John, Londres, 1915; — *Dean, The Book of the Revelation, Edimbourg, 1915; —
*Whiting, The Revelation of John, Boston, 1918; — *Shirley Jackson Care, The
Revelation of John, Chicago, 1920.
P. ccLxv, apres Jacquier, ajouter : Vogels, Untersuchungen zur Geschichte der laleinis-
chen Apokalypse-Uebersetzung, Diisseldorf, 1920. — Ouvrage excellent, dont j'eusse pro-
fito s'il avait paru plus tot.
P. GGLXvi, 1. 16, lire : zu den Schriften;— 1. 6' av. la fin, I. 1913 au lieu de 1903. — A la
fin des lignes sur J. H. Moulton, ajouter : La grammaire de Moulton, qui etail presque
terminie a la mort de son auteur, en 1917, est en cours de publication, par les soins
de W. H. Howard. Ont paru le vol. I : Prolegomena (3° odition); le vol. II, tome I,
Sounds and Writing (avril 1920.) Clark, Edimbourg. — A la suite de Moulton-Milligan,
ajouter : La partie III, qui va de Ε a Θ, a 6te publiee depuis la mort de Moulton, par
Milligan, en 1918; la p. iv est sous presse.
P. 2, 1. 3 du grec, lii'e Ίωάννιτ); ligne 5 du grec, mettre un point en haul apres γεγραμμένα; a
B, 1-2-3,1. 11, lire {3 fois) au lieu de (5 fois); puis : et peut-6tre dans la salutation finale,
XXII, 21. Si on n'adraet pas Χρίστου a ce dernier passage, alors le mot Χριστός apparait
dans I'Apocalypse exactement sept fois (ici, ter, et xi, 15; xii, 10; xx,4, 6), tandis que
Ίησοϋζ apparait quatorze fois. Ne serait-ce pas intentionnel? Bien plus, sur les sept fois
ou on lit Χριστός, il est joint exactement trois fois a 'Ιησούς, et quatre fois il apparait
seul : ainsi une division en 3 + 4, la serie de 3 d'abord, celle de 4 ensuite, absolument
comme dans les Lettres. Est-ce un hasard? — A I'avant-derniere ligne, lire 61 fois au I.
de 76.
P. 4, 1. 1 du grec, I. 'Ιωάννης.
P. 10, Idem.
P, 12, avant-dernifere ligne du grec, lire δεξιφ et όξεΐα.
P. 13, 1. 6 de la traduction, transporter le {sic) apres embrasoe, et supprimer la derniere
virgule.
P. 14, 1. 1 du grec, lire δεξιάν. — 1. 6 du comment., supprimer le guillemet.
P. 17, 1. 1 point et virgule apres Meandre.
P. 19, 1. 9 de riNTROD., a la fin, lire : celui.
P. 20, 1. 2 du grec, lire : δεξιά.
P. 21, 1. 13 de riNTROD., lire : Weizsacker.
— 1. 1 de A. 1, lire, au lieu de syr. grec : syr.i*•
372 CORRECTIONS ET ADDITIONS.
P. 23, Exc. IV, 1. 1, /. άγιος.
P. 24, derniere ligne, I. froideur.
P. 27, 1. 6 de A. 12-13, I. ό κ. μου.
P. 32, 1. 1 de A. B. 20, ajouter apres άφιέω : ou άφίω.
P. 34, 1. 7 du grec, I. σκεΰη au I. de σκαΰη. — 1. 1 de A. B. C. 26, I. Ό νικών.
P. 35, 1. 6 du comment., I. ανατολής.
P. 39, 1. 3 de A. B. 7, I. οίκου.
P. 40, 1. 5 du grec, lire γράψω au I. de φράψω.
P. 43, 1. 8 du comment., ajouter apres (Stvete, al.) : Voir II COR. il, 20.
P. 44, I. 1 du grec, lire πλουτήσγις.
P. 52, 1. 1 de riNTROD. I. γίνεσθαι au I. de γενέσθαι.
P. 54, 1. 10 de C. 3, I. Hvareno.
P. 55, 1. 7 de la trad., remplacer sardonyx par cornaline.
P. 57, 1. 3, de la trad., I, brulent au I. de brulaient.
P. 59, 1. 6, de la trad. I. qui vit au I. de qui est.
P, 60, 1. au titre, I. destinies .
— grec, 1. 1, Z. δεξιάν.
— 1. 2 de A. B. 1, I. έξωθεν OB lieu de όπισθεν 2.
P. 62, 1. 3 du grec, I. δεξιάς.
P. 68, 1. 7 avant la fin, lire rupture et non lecture.
P. 71, au titre 1•-2•, l. (vi, 1-8) au I. de (iv, 1-8).
P. 73, 1. 7 de la traduction I. AxiimaX plutot g^'Amiral.
P. 74, 1. 5 de G. 3-4, supprimer le point et virgule a la fin.
— 1. 1 de A. B. 5-6, I. αύτοϋ ; 1, 3, 1, άδικήστ,ς.
P. 86, 1. 1 de A. B. 10, I. Ικραζον — 1. 3 de A. B. 11, πληρωθώσιν; 1. 8, στολή λευκή.
P. 92, grec, derniere ligne, I. αυτών.
P. 93, 1. 7 de la trad., I. marque.
P. 96, 1. 3' avant la fin, I. σχηνοϋν.
P. 97, 1. 3 de G. 10, 1, que lui donnait etnon qui lui donnait; 1. 7. I. δηλον.
P. 98, 1. 5 de A. B. 14, I. XII, 11 au I. de xii, 1. — 1. 3 de A. B. 15, I. ]3ψ.
P. 100, 1. 2 du grec, et 1. 3 de A. B. 1, I. ήμίωρον. Voir ce mot a I'lndex.
P. 102, 1. 4 de A. B. 2, apres Vis. in, 4, mettre un point et virgule.
P. 106, 1. 3, I. des sept dieux, et non de sept dieux.
P. 110, 1. 3 de A. B. 1, lire Dinri; — 1. 4 de G. 1, apres je me demande raSrae, ajouter .
apres Alford.
P. 113, 1. 5 du comment., I. Job, au lieu de : Joh. ; — 1. 1 de A. B. 8, I. είχαν.
P. 115, 1. 9 de la trad., apres il vient, ajouter : encore.
P. 117, 1. 1 de C. 17, apres la seule fois, ajouter : (sauf iv, 3).
P. 119, 1. 27 de riNTROD., I. Weizsacker; 1. 34, I. δούλους.
P. 121, 1. 1, I. παιδάριον.
P. 122, 1. 2 du grec, I. γράψι^ς, et non γράφης. — 1. 4 du comment., Weizsacker.
P. 123, derniere ligne de A B. 7, I. βασιλείας.
P. 124, derniere 1. de A. B. G. 8, I. vi, 6, el non v, 4.
P. 125, 1• 2 de la trad., fermer les guillemets apres sur la terre.
P. 126, 1. 7 avant la fin, I. Weizsacker.
P. 132, 1. 1 du comment., I. vers des images; — derniere ligne de A. B, 5, I. λαμπάς ; —
— C. 5, derniere ligne, supprimer la virgule.
P. 145. Ajouter a la fin du deuxieme paragraphe ."Dans notre Apocalypse, le mot 'Ιησούς
apparait quatorze fois, ch. i, 1, 2, 5, 9 (2 fois); ch. xii, 17; ch. xiv, 12; ch. xvil, 6;
ch. xix, 10 (deux fois); ch. xx, 4; ch. xxii, 16, 20, 21. Les considorations procedentes
rendent malaiso d'admettre que ce soit la un pur hasard, et elles s'en trouvent en retour
singulierement confirmees ; surtout si Ton se rappelle que Χριστός (probablement) n'appa-
rait que 7 fois, et donne lieu, avec Ίησοϋς, a une combinaison 3 + 4. Voir Γ « Addition »
a la page 2, ci-dessus.
P. 149, 1. 8, I. Weizsacker.
P. 154, 1. 5, I. la grele.
P. 155, av. -derniere 1. du second paragraphe, I. Weizsacker.
CORRECTIONS ET ADDITIONS.
373
p. 157, 1. 3 de A. B. 2, I. γυνή.
P. 158, grec, 1. 7, Ιστηχεν; — comment., I. 11, I. WeissQcker.
P. 160, grec, 1. 3, I. έκεϊ; 1. 4, I. έξήκοντα; 1. 8, I. Διάβολος.
— Comment., 1. 9, supprimer la ponctuation apres apostasies.
P. 183, I. 5 de B. 1' Introd., I. WeizsScker.
P. 187, 1. 4 de A. B. 5, ajouter apres μήνας τρεις : ou // Cor. XI. 25, νυχθήμ,ερον έν τφ βυθω
πεποίηκα.
Ρ. 189, I'av.-derniere de A, 10, I. ωδέ έστιν.
P. 192, 1. 4 du grec, I. δεξιάς; — 1. 1 de A. B. 18, I. έξήκοντα.
P. 194, 1. 22, I. Γάϊος.
P. 195, 1. 6 de riNTROD., I. Weizsacker; — 1. 5 du comment., I. tribus.
F. 198, I. 28 de I'Exc., ouvrir la parenthese devant ce dernier.
P. 201, 1. av.-derniere du 2• paragraphe, I. Azh'i-Dahaka.
P. 208, 1. 21, I. « Hvareno ». Idem 1. 29.
P. 209, I. 13, idem.
P. 212, 1. 7. I. HijiOlpj —1. 12, I. Victor an I. de Victorin.
P. 216, avant-derniere ligne, I. εύαγγελίσαι.
P. 220, 1. 7 avant la fin de A. B. 13, I. καταπαήσεται.
P. 221, 1. 7 de Int., mettre deux-points au lieu du point-virgule apres Spitta.
P. 224, grec, derniere ligne, I. εξακοσίων.
P. 230, 1. 2 du commentaire, I. φοβηθή.
P. 232, 1. 9 d'iNT., I. Ν et 3 au I. de X et 2.
P. 238, I. 5 du grec, I. α au lieu de ά. '
P. 239, 1. 2 du comment., lire Armagedon; — I. 7, I. Άρμαγεδών.
P. 243, au titre D. 2''-3% I. Anteghrist (xvii-xix).
P. 252, 1. 3 de A, B. 14, ecrire Χριστός.
P. 264, 1. 7* av. la fin, 1. 11 au I. de elle.
P. 272, supprimer le iiret devant G 20, et le mettre devant A. B. 21.
— 1. 2 de A. B. 21, I. Ισχυρόν.
P. 283, avant-dernifere ligne, lire 4" au lieu de 4^.
P. 284, 1. 2, I. diaboliques, et non ang^liques.
P. 289, 1. 14 de G. 10, I. Jnrieu.
P. 303, 1. 3 d'iNT., I. VI, 2; vii au I. de vi, 2-vii.
P. 306, 1. 1 de A. 3, I. ήχ. au lieu de ήχ.
P. 318, 1. 11, I. ίσα εστίν; — 1. 12, I. άνθρωπου.
Typograpliie Finnin-Didot el C". - Paris.
TABLE GENERALE
Pages.
Introduction i-cclxiv
bibliographie cclxv-cclxviii
gommentaire 1-334
Table des matieres 335-339
Index analytique 340-354
Index des ouvrages cites 355-358
liste dbs auteurs mentionnes 359-365
Index des mots grecs a remarquer 366-369
Additions et corrections 370-373
BS 2825 .A49 1921 SMC
Bible. N.T. Revelation.
Greek. 1921.
Saint Jean, L'Apocalypse
/
AKM-7846 (mcsk)