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Full text of "Séances générales tenues à ... en ... par la Société française pour la conservation des monuments historiques"

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CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


SEANCES  GENERALES 

TENDES 

A  LAON,  A  NEVERS  ET  A  GISORS, 

EN    1851  , 

PAC    LA 

SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

POCR   LA 

CONSERVATION  DES  MONUMENTS  HISTORIQUES. 


PARIS  , 
DERACHE,  RUE  DU  BOULOY,  7; 

CAEN  ,    A.    HARDEL,    IMPRIMEUR-LIBRAIRE, 
Rue  Froide ,  2. 

1852. 


SÉANCES    GÉNÉRALES 


TENUES,  EN  1851  , 

PAR   LA   SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

POUR    LA 

CONSERVATION   DES   MONUMENTS. 


AVERTISSEMENT. 


Le  recouvrement  des  cotisations  étant  devenu 
à  peu  près  impossible ,  par  F  intermédiaire  des 
banquiers ,  le  Trésorier  prie  MM.  les  membres 
de  la  Société  de  vouloir  bien  lui  faire  parvenir 
le  montant  de  leurs  cotisations  et  des  abonne- 
ments au  Bulletin  monumental ,  au  moyen  cTun 
bon  sur  la  poste. 

Le  droit  de  2  fr.  pour  °/0  et  le  prix  du  timbre 
des  mandats  au-dessus  de  10  fr.  pourront  être 
prélevés  sur  la  somme  à  payer  ;  le  port  de  la 
lettre  d'envoi  sera  acquitté  par  le  Trésorier ,  en 
sorte  qu'il  n'y  aura  aucune  augmentation  de 
dépense  pour  MM.  les  membres  de  la  Société. 

Ainsi,  il  suffit  défaire  verser  au  bureau  de 
poste  10  fr.  ou  25  fr.  ;  de  réclamer  un  mandat 
de  gfr.  80  c. ,  ou  de  24  fr.  i5  c.  sur  la  poste  de 
Bayeux,  au  nom  de  M.  Gaugain  ,  trésorier,  et 
de  lui  adresser  ce  mandat  sous  une  simple  enve- 
loppe. 

Le  Conseil  d' administration  compte  sur  V em- 
pressement de  MM.  les  membres  de  la  Société 
à  se  conformer  à  cette  recommandation. 

W->.  Il  n'est  rien  changé  au  mode  de  perception,  dans 
les  villes  où  l'un  de  MM.  les  membres  de  la  Société  a 
bien  voulu  se  charger  du  recouvrement  des  fonds. 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE. 


SUAMES  GENERALES 

TENUES 

A  LAON,   A  NEVERS  ET  A  GISORS, 

EN    1851, 

PAR    LA 

SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

POUR    LA 

CONSERVATION  DES  MONUMENTS  HISTORIQUES. 


PARIS  , 
DERACHE,   RUE  DU  BOULOY,  1  , 

CAEN  ,   CHEZ  A.   IIARDEL,  IMPRIMEUR-LIBRAIRE, 

RUE    FROIDE,    2. 

1852. 


[ïitifô  AiuiiiÉOLOtiiaiiË 

DE  FRANCE. 


XVIIIe.  SESSION 

LE  6  JUIN  1851  ET  JOURS  SUIVANTS. 


La  Société  française  avait  décidé  que  la  session  de  1851 
se  diviserait  en  deux  parties  ;  que  la  première  partie ,  dont 
la  durée  serait  de  trois  jours  seulement ,  s'ouvrirait  à  Laon 
le  6  juillet  sous  la  présidence  de  l'illustre  comte  Félix  de 
Mérode,  un  de  ses  inspecteurs  divisionnaires;  que  la  seconde 
partie  ,  dont  la  durée  serait  de  cinq  jours  ,  s'ouvrirait  le  10 
à  Nevers.  Le  chemin  de  fer  du  Nord  et  celui  du  centre  ,  qui 
mettent  ces  deux  villes  à  quelques  heures  l'une  de  l'autre  , 
quoiqu'elles  soient  séparées  par  une  distance  de  près  de  120 
lieues  ,  justifiait  cet  arrêté  de  la  Société.  Quant  aux  villes  de 
Laon  et  de  Nevers,  elles  offraient  l'une  et  l'autre  des  monu- 
ments très-intéressants  à  étudier ,  et  le  choix  de  la  Société 
française  ne  pouvait  être  plus  heureux. 

1 


6  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

Par  suite  de  cet  arrêté ,  M.  le  Cte.  Félix  de  Mérode  et  le 
bureau  central  de  la  Société  française  se  rendirent  à  Laon 
le  5. 

Le  6  juin  eut  lieu  solennellement  l'ouverture  de  la  pre- 
mière partie  de  la  session  de  1851  ,  dans  le  grand  sallon  de 
l'hôtel-de-ville. 

Première  séance  du  &  jjiain  Itt&l. 

Présidence  de  M.  le  Cl<.  de  Méhode. 

La  séance  est  ouverte  à  onze  heures  sous  la  présidence  de 
M.  le  Cte.  Félix  de  Mérode ,  inspecteur  divisionnaire  des 
monuments  de  France.  Siègent  au  bureau  MM.  de  Caumont, 
directeur  général  delà  Société  française;  l'abbé  Pocquet,  in- 
specteur de  la  Société  pour  le  département  de  l'Aisne  ;  Gau- 
gain  ,  trésorier  de  la  Société  ;  François  ,  recteur  de  l'Acadé- 
mie déple.  de  l'Aisne  ;  Tbévenard  ,  archidiacre  de  Laon  ; 
Huet ,  président  du  tribunal  civil  de  Laon  ;  de  Laprairie  , 
président  de  la  Société  académique  de  Soissons;  de  Beau- 
villé ,  adjoint  au  maire  de  la  ville  de  Laon;  Tarbé  de  Vau- 
clair ,  ingénieur  en  chef  du  dép\  de  l'Aisne.  MM.  Gomard  , 
délégué  de  la  Société  de  Saint-Quentin;  Piette,  auteur  de 
l'histoire  de  l'abbaye  de  Foigny  ;  Vte.  de  Courrai ,  membre 
du  conseil  général  de  l'Aisne;  Martin,  membre  de  la  So- 
ciété de  Soissons ,  et  Fleury  ,  membre  de  plusieurs  Aca- 
démies ,  siègent  également  au  bureau  en  qualité  de  se- 
crétaires. 

Plus  de  120  personnes  occupent  les  sièges  réservés  aux 
membres  du  Congrès  ;  un  assez  grand  nombre  de  dames  ont 
voulu  également  témoigner  par  leur  présence  de  l'intérêt 
qu'elles  portent  aux  études  historiques. 


xviir.   SESSION.  7 

On  remarque  dans  la  salle  les  membres  dont  suivent  les 


noms  : 


MM.    Bévière,  propriétaire,  à  Laon. 

Blanchevoie,  avocat,  membre  du  Conseil  municipal, 
à  Laon. 

Bretagne,  inspecteur  des  contributions  directes,  à  Laon. 

Calliez  ,  agent-voyer  en  chef ,  à  Laon. 

Catillon  ,  professeur  de  rhétorique. 

Caton  ,  curé-doyen ,  à  Craône. 

Chambert  ,  docteur-médecin ,  à  Laon. 

Chauvenet  (de)  ,  juge  d'instruction,  à  St. -Quentin. 

Cocu  ,  ancien  notaire ,  à  Laon. 

Cocu  ,  ancien  maire  ,  à  Laon. 

Comrier  ,  juge  suppléant ,  à  Laon. 

Demazes  ,  procureur  de  la  République  ,  à  Laon. 

Dersu  ,  juge  au  tribunal  civil. 

Descamps,  membre  de  la  Société  archéologique  de 
Soissons. 

Dogny  ,  chirurgien-major  en  retraite. 

Dominé,  pharmacien,  à  Laon. 
Duprat  ,  principal  du  collège  de  Laon. 
Gagnon,  architecte. 
Gelvé,  de  Reims. 

,  à  Reims. 
Genaudet,  avocat,  à  Laon. 
Geoffroy  ,  supérieur  du  petit  séminaire  de  Liesse. 
Goûtant  ,  avoué  ,  à  Laon. 
HYDÉ,  propriétaire,  à  Laon. 
Jardinier  ,  économe  du  petit  séminaire  de  Liesse. 
Lahaigne  (  de  ) ,  curé  de  Fresles. 
LAMOTTE  ,  curé  de  Bruyères. 
LECOINTE  ,  chef  de  bureau  à  la  préfecture. 


8  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

MM.    Lecomte  ,  vicaire  à  Braisnc. 

Leleu,  prêtre  à  Laon. 

Lemaire  ,  au  séminaire  de  Laon. 

Leroux  ,  docteur-médecin  ,  à  Corbeny. 

Loche  ,  directeur  des  contributions  directes. 

Magellan  ,  sculpteur. 

Martin  de  Rosoy,  membre  du  Conseil  général. 

Mastier,  professeur  de  philosophie  au  collège  de  Laon. 

Matton,  archiviste  du  département. 

Mennesson,  avocat,  à  Laon. 

Millet  ,  inspecteur  des  eaux-et-forèts ,  à  Laon. 

Noizet  ,  juge  au  tribunal  civil. 

Oyon  ,  rédacteur  de  l'Observateur. 

Paffe  ,  propriétaire ,  à  Laon. 

Perine  de  la  Campagne  ,  propriétaire  ,  à  Laon. 

Piette  (Edouard),  président  du  tribunal  de  com- 
merce de  Venins. 

Piette  (Amédée  ) ,  contrôleur  des  contributions  di- 
rectes ,  à  Laon. 

Pocquet  (  l'abbé  ) ,  membre  de  plusieurs  Sociétés  sa- 
vantes ,  directeur  de  la  maison  des  sourds-et-muets 
de  St.-Médard. 

Poette  ,  curé  de  Presles. 

Ponthos  (de),  propriétaire,  à  Metz. 

Pourrilr,  secrétaire-général  de  la  préfecture  de  l'Aisne. 

Romain  ,  professeur  au  séminaire  de  Laon. 

Moult  ,  directeur  de  l'École  normale. 

PiOUHier  ,  avoué ,  à  Laon. 

Salmon  ,  avocat ,  à  Laon. 

Savartn,  ingénieur  des  ponts-et-chaussées,  à  Laon. 

Sirien  ,  receveur  de  l'enregistrement,  à  Laon. 

Stocquelet,  vicaire  à  Laon. 

Suun,  membre  de  la  Société  archéologique  de  Soissons. 


XVIII'.    SESSION.  9 

MM.    Tagliomjle,  économe  au  séminaire  de  Laon. 
Tavernier  ,  archidiacre  de  St. -Quentin. 
Tillois,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Laon. 
Van  Kleemputte  ,  architecte  du  département. 
Vaudin  ,  ancien  pharmacien ,  à  Laon. 
Vigoigne,  curé-archidiacre  de  Venins. 
Vinchon  ,  avocat ,  à  Laon. 

Williot,  membre  de    la   Société   archéologique   de 
Soissons. 

M.  le  comte  de  Mérode  ouvre  la  séance  par  le  discours 
suivant  : 

DISCOURS  DE  M.  LE  <:,e.   DE  MÉRODE. 

«  Au  mois  de  septembre  dernier,  ne  pouvant  me  rendre 
au  congrès  scientifique  de  Nancy  ,  je  priai,  par  lettre,  M.  de 
Caumont ,  de  vouloir  bien  proposer  au  conseil  de  la  Société 
Française  la  tenue  d'une  session  archéologique  à  Laon  ,  pour 
l'année  1851.  Ce  projet,  dont  le  but  était  d'appeler  autant 
que  possible  l'intérêt  public  et  l'attention  bienveillante  et 
active  du  gouvernement  sur  les  réparations  urgentes  que 
réclame  la  cathédrale  de  l'un  des  anciens  diocèses  de  France 
les  plus  marquants,  puisque  son  évèque  figurait  parmi  les 
douze  pairs  ecclésiastiques ,  fut  approuvé  ;  c'est  pourquoi , 
Messieurs ,  nous  sommes  aujourd'hui  réunis. 

Quant  au  motif  qui  m'a  valu  l'honneur  de  vous  convoquer, 
il  se  fonde  sur  mon  titre  d'inspecteur  divisionnaire  de  la 
Société  française ,  Société  féconde  en  œuvres  de  conservation 
et  en  savants  mémoires. 

Diverses  causes  m'empêchant  d'exercer  mes  fonctions  de 
manière  quelque  peu  satisfaisante,  j'ai  cru  devoir  au  moins 
témoigner  ma  bonne  volonté  bien  réelle ,  en  m'eflbreant  de 


10       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

provoquer  plus  sérieusement  la  sollicitude  que  mérite  le 
principal  monument  du  pays. 

Et  ici ,  Messieurs ,  afin  d'expliquer  mon  intérêt  spécial 
à  son  égard,  qu'il  me  soit  permis  de  répéter  quelques  mots 
prononcés,  il  y  a  huit  ans,  lorsque  je  présentais  au  grand 
portai]  de  Notre-Dame  de  Laon ,  la  pierre  gravée ,  repré  - 
sentant  l'illustre  évêque  Barthélémy,  exactement  copiée  sm 
la  pierre  tumulaire  qui  existe  encore  à  Foigny,  dans  l'humble 
chapelle  du  bienheureux  Alexandre. 

Laon,  disais-je,  est  la  première  ville  de  l'ancienne 
France  que  j'ai  vue,  allant  à  l'âge  de  seize  ans  des  plaines 
du  Nord  vers  Paris,  et  pendant  un  grand  nombre  d'années 
subséquentes,  ayant  occasion  d'y  passer  fréquemment.  Sa 
cathédrale  ,  ses  clochers  aériens  m'ont  toujours  vivement 
frappé,  comme  aussi  la  remarquable  position  delà  cité  même, 
dominant  de  belles  campagnes  au  sommet  d'une  montagne  , 
où  ses  remparts  se  confondent  avec  les  roches  saillantes  qui 
leur  servent  d'appui. 

J'ai  cru  devoir  vous  indiquer  brièvement,  Messieurs, 
par  quelles  circonstances  je  me  trouve  occuper  aujourd'hui 
le  poste  de  président  dans  cette  enceinte  Où  je  ne  devrais 
figurer  que  comme  simple  assistant,  ami  des  monuments 
français  comme  de  ceux  qui  subsistent  en  Belgique. 

Habitant  successif  des  deux  pays  voisins,  je  suis  affilié 
à  la  Société  Française  que  dirige  M.  de  Caumont.  Je  connais, 
je  visite  Laon  depuis  plus  de  quarante  ans,  j'ai  toujours 
admiré  sa  cathédrale ,  je  désire  ardemment  qu'elle  se  main- 
tienne. Voilà  ce  qui  m'excuse  devant  vous ,  Messieurs  , 
qui  voulez  bien  me  permettre  de  paraître  au  premier  rang 
de  cette  honorable  assemblée.  Je  vais  maintenant  vous 
exposer  quels  sont  mes  vœux  ,  les  limites  de  mes  espé- 
rances. 

Les  deux  tours  qui  ornent  le  portail  de  l'église  surchar- 


XVIIIe.    SESSION.  11 

geiil    leurs  appuis,  vouies  ou   piliers,  dans   l'intérieur  de 
l'édifice. 

Il  est  indispensable  qu'on  les  aide  à  supporter  le  fardeau 
qui  les  accable,  mais  nullement  souhaitable  qu'on  les  en 
délivre,  afin  de  rebâtir  à  neuf;  car  si  les  tours  disparaissaient , 
elles  ne  reparaîtraient  plus  de  nos  jours.  Ce  n'est  pas  là 
une  présomption  :  c'est ,  Messieurs ,  un  fait  certain.  Des 
besoins  toujours  croissants  se  font  sentir  pour  la  consolidation 
d'un  grand  nombre  d'édifices  religieux  très-notables  en 
France.  Le  rapport  récent  de  M.  de  Contencin  l'affirme  et  le 
démontre.  Des  augmentations  importantes  de  subsides  ap- 
plicables à  ces  travaux  sont  extrêmement  nécessaires.  Com- 
ment oser  croire  dès-lors  que  deux  tours,  une  fois  démolies 
à  Laon,  soient  relevées,  lorsqu'il  s'agira  simplement  d'en 
tenir  d'autres  sur  pied  avec  les  fonds  disponibles.  Reste  ainsi 
le  choix  des  moyens  d'assurer  ce  qui  périclite.  Jusqu'ici , 
l'office  de  support  a  été  confié  à  quelques  poutres  qui  ont 
rempli  leur  tache  provisoire ,  il  leur  faut  un  successeur 
définitif  plus  robuste  et  pas  Irop  cher  cependant,  pour  que 
sa  tenue  ne  tarde  pas  trop.  Le  talent  du  constructeur 
consistera  donc  dans  l'art  de  prévenir  la  ruine  sans  trop 
blesser,  s'il  se  peut,  le  coup-d'œil  dirigé  vers  la  région  du 
portail  et  sans  entraîner  d'autre  part  des  frais  qui  rebutent 
les  distributeurs  du  budget  de  l'Étal. 

Vous  le  savez,  Messieurs,  de  nos  jours,  lorsqu'il  s'agit 
de  grands  travaux  purement  utilitaires,  les  millions  abondent. 
Qu'importe  ce  que  coûtent  les  déblais ,  remblais ,  les  ponts 
immenses ,  les  passages  souterrains ,  lorsqu'il  s'agit  des  voies 
destinées  aux  locomotives  qui  franchissent  à  l'heure  dix  et 
quinze  lieues. 

Mais  aussi,  à  l'égard  des  anciens  monuments,  on  est 
parcimonieux.  On  leur  accorde  à  peine  ce  qu'il  faut  à  la 
prolongation  de  leur  existence,  à  L'ajournement  de  leur  chute 


12       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

qui  écraserait  les  bâtisses  voisines.  Les  éludes  archéologiques, 
les  réunions  comme  la  nôtre  luttent  en  faveur  des  souvenirs 
qui  poétisent  la  vie  actuelle  de  l'homme ,  en  retraçant  à  sa 
mémoire  les  goûts,  les  mœurs  des  siècles  durant  lesquels 
vécurent  avant  lui  ses  ancêtres.  Elles  lui  procurent  l'avantage 
si  grand  de  ne  pas  s'ennuyer  au  milieu  d'un  bien-être  qui 
deviendrait  insipide  ,  en  dépit  de  toutes  ses  perfectibilités;  et 
parmi  les  causes  principales  des  révolutions ,  il  faut  consi- 
dérer, ce  me  semble,  l'absence  d'intérêts  suffisants  envers  les 
choses  du  passé ,  intérêts  curieux  que  l'on  ne  doit  jamais 
confondre  avec  l'esprit  rétrograde  mal  entendu;  puisque  le 
passé ,  source  inépuisable  d'enseignements  et  de  nobles  dis- 
tractions est  loin  de  n'offrir  que  des  modèles  de  conduite 
à  suivre  en  tous  points.  Une  sage  disposition  des  intelli- 
gences leur  ferait  accueillir  les  inventions  modernes  et  créer 
ce  qu'elles  ont  imaginé  de  progressif  en  faveur  de  l'aisance 
commune  et  privée,  toutefois,  sans  zèle  exclusif,  sans  trop 
abandonner  le  beau,  le  grandiose  qui  touche  l'âme  ,  pour  la 
magnificence  uniquement  destinée  aux  services  commodes 
d'un  ordre  matériel. 

C'est  dans  ces  idées  de  partage  raisonnable  entre  les 
besoins  de  l'âme  et  du  corps  qu'agirent  les  moines  agriculteurs 
du  XIIe.  siècle.  A  côté  d'églises  pleines  d'inspirations  élevées 
vers  Dieu  ,  ils  bâtissaient ,  pour  serrer  les  épis  de  leurs  vastes 
campagnes  cultivées  soigneusement ,  des  granges  construites 
avec  un  luxe  approprié  à  l'œuvre  et  une  parfaite  solidité,  sur 
lesquelles  M.  Piette  a  donné  d'instructives  notions  dans  son 
excellente  histoire  de  Foigny ,  où  il  a  rappelé  qu'une  de  ces 
granges  merveilleuses  existe  encore  à  Yauclerc.  Là ,  se  trouve 
peu  loin  de  cette  ville  où  nous  sommes  un  véritable  monu- 
ment agricole,  bien  rare  aujourd'hui  dans  son  genre  et  bien 
digne  d'être  plus  connu. 

Comment  a-t-il  pu  demeurer  debout  tout  entier  pendant 


xviir.    SESSION.  13 

sept  siècles  et  traverser  les  vicissitudes  des  révolutions  de 
l'agriculture,  non  moins  dangereuses  pour  lui  que  les  revo- 
ta) lions  politiques  ?  c'est  ce  que  j'ignore.  Me  félicitant  de  le 
connaître,  je  vous  recommande,  Messieurs,  de  le  visiter  ;  car 
il  est  peu  probable  qu'on  élève  ultérieurement  aux  gerbes 
un  tel  abri. 

Je  termine ,  Messieurs ,  par  une  citation  propre  à  nous 
inspirer  des  idées  plus  douces  que  celles  cjui  s'attacbenl  à 
la  disparition  successive  des  objets  remarquables.  Dans  la 
séance  du  25  avril ,  M.  Benoit-d'Azy ,  vice-président  de 
l'Assemblée  législative ,  prononçait  ces  paroles  que  j'ai 
recueillies  avec  bonheur  :  «  On  a  fait  allusion  aux  dépenses 
«  qui  sont  portées  pour  les  frais  du  culte  calbolique  au  budget 
«  de  l'intérieur.  La  France  a  eu  autrefois  une  longue  période 
«  d'existence  dans  laquelle  elle  a  construit  les  cathédrales,  les 
«  monuments  du  culte;  ces  monuments,  voulez-vous  les  laisser 
«  tomber,  voulez-vous  lesdétruire?  (Une  voixà  gauche:  Non!) 
«  Vous  dites  non  ,  réplique  M.  Benoît-d'Àzy ,  et  je  le  crois; 
«  je  suis  sûr  que  vous  ne  le  voulez  pas,  car  c'est  la  gloire  de 
«  notre  pays.  »  Et  j'ajoute  pour  mon  compte,  un  des  éléments 
principaux  de  cette  gloire  monumentale  de  la  France ,  c'est 
la  cathédrale  de  Laon.    » 

M.  de  Caumont  prend  ensuite  la  parole  et  remercie  M.  le 
Cte.  de  Mérode  au  nom  de  la  Société  française  des  soins  qu'il 
a  donnés  depuis  long-temps  à  propager  les  connaissances 
archéologiques  en  France  et  en  Belgique  :  M.  de  ftlérode  a 
donné  un  exemple  qui  porte  toujours  d'heureux  fruits  quand 
il  vient  de  si  haut.  Dernièrement  encore ,  pour  sauver  de 
l'oubli  remplacement  de  la  célèbre  abbaye  de  Foigny  ,  il  a 
acheté  le  terrain  sur  lequel  s'élevait  le  chœur  de  la  grande 
église  ;  précédemment ,  il  avait  offert  à  la  cathédrale  de  Faon 
le  tombeau  d'un  de  ses  évêques.  Rien  ne  serait  impossible  en 


1U  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

fait  de  bonnes  et  grandes  entreprises,  ajoute  M.  de  Cauinont, 
s'il  existait  dans  chacune  de  nos  provinces  seulement  un 
homme  généreux  et  dévoué  comme  M.  de  Mérode.  Nous  le 
remercions,  au  nom  des  départements  du  Nord  de  la  France, 
de  tout  ce  qu'il  a  fait  d'utile  et  sa  présence  à  notre  tête  dans 
la  ville  de  Laon  est  d'un  heureux  augure  pour  nos  tra- 
vaux. 

M.  de  Caumont  explique  ensuite  comment  la  Société  pro- 
cède dans  ses  Congrès  archéologiques ,  comment  elle  fait  des 
enquêtes  sur  des  questions  dirigées  dans  le  but  de  faire  passer 
en  revue  tous  les  faits  qui  se  rattachent  à  l'histoire  monu- 
mentale du  pays. 

Les  premières  questions  sont  celles  qui  se  rattachent  aux 
monuments  attribués  auxCeltes,  c'est-a-dire  les  pierres  levées, 
les  dolmens ,  les  tumulus ,  etc.  ,  etc. 

M.  Piette  lit  une  note  sur  une  pierre  levée  qui  existe  à 
Bois-Pargny   (Aisne). 

NOTE  DE  31.    AM.  PIETTE. 

Parmi  les  monuments  primitifs  que  le  temps  a  épargnés 
dans  nos  contrées,  on  cite  les  dolmens  ou  autels  de  pierre, 
et  les  menhirs  ou  peulvans  ,  sortes  d'obélisques  bruts  qui 
s'élèvent  encore  çà  et  là  sur  quelques  points  de  l'ancienne 
Gaule. 

Un  des  plus  remarquables  monuments  de  ce  genre  ,  qui 
existent  dans  le  département  de  l'Aisne,  est  la  Haute-Borne 
qu'on  remarque  sur  le  territoire  de  Bois-Pargny  (  canton  de 
Crecy-sur-Serre  )  ,  h  peu  de  distance  du  village  de  Sons-et- 
Ronchcres.  C'est  un  monolithe  en  grès  brut ,  planté  vertica- 
lement sur  le  sommet  incliné  d'un  coteau  qui  domine  une 
partie  du  pays ,  et  qui  a  conservé  le  nom  de  champ  de  ba- 
taille. 


XVIII".    SESSION.  15 

Sa  hauteur  est  de  /in,.80c.  ;  sa  largeiar  moyenne  de  1'".  50e. 
et  son  épaisseur ,  qui  mesure 
75°.  à  hauteur  d'homme  ,  at- 
teint 90°.  à  son  extrémité  su- 
périeure.  Des  fouilles  bien 
incomplètes  pratiquées  an  pied 
de  ce  monument  permettent 
d'attribuer  à  sa  partie  enfoncée 
une  dimension  prcsqif  égale  à 
s;i  hauteur  au-dessus  du  sol. 

Il  est  généralement  connu 
sons  le  nom  de  Haute-Borne  : 
mais  les  habitants  du  pays  lui 
donnent  plus  généraient  eut  le 
nom  de  Versicaux  (1)  de  Gar- 
gantua ;  ils  racontent  que  ce 
géant    traversant  un  jour  la 
contrée  laissa  tomber  la  pierre 
avec   laquelle   il   aiguisait   sa 
faiilx  et  qu'elle  demeura  fichée 
au   lieu  où  ou  la  voit  encore 
aujourd'hui. 

Dans  les  temps  éloignés ,  cette  pierre  était  l'objet  d'une 
adoration  vague  et  mystérieuse.  On  y  allait,  dit-on  ,  en  pèle- 
rinage; on  ne  s'en  approchait  qu'avec  une  espèce  de  terreur  ; 
car  elle  était  chaque  nuit  le  lieu  du  rendez-vous  des  esprits 
malfaisants,  qui  venaient  y  ourdir  leurs  complots.  Aujourd'hui 
son  prestige  est  évanoui;  la  pierre  de  Gargantua  n'effraie  plus 
que  les  enfants  indociles;  le  laboureur  indifférent  la  heurte 
avec  sa  charrue  et  l'aurait  déjà  renversée,  si  ce  colosse  n'était 
pas  aussi  solidement  établi  sur  sa  base. 


..M39EH 


(1     Versicaux  ,  en  picard,  pierre  à  aiguiser. 


16  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

La  pierre  de  Pargny  est-elle  un  symbole  de  l'idolâtrie 
celtique?  faut-il  y  voir  l'image  de  l'Hercule  panlopliage  des 
Gaulois  ?  conjecture  à  laquelle  le  nom  de  Gargantua  ,  attri- 
bué à  ces  pierres  dans  un  grand  nombre  de  localités  ,  peut 
donner  quelque  vraisemblance;  — ou  bien  n'est-elle ,  comme 
semble  l'indiquer  le  lieu  de  sa  situation ,  que  le  signe  com- 
mémoratif  d'un  grand  événement  militaire  ,  dont  l'histoire 
n'a  pas  conservé  le  souvenir  ?  C'est  là  le  problème  dont  la 
solution  se  fera  sans  doute  encore  attendre  bien  long- 
temps. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  ce  monolithe  n'en  est  pas  moins  l'un 
monuments  les  plus  anciens  de  la  Tiérache,  et  un  témoignage 
vivant  de  la  patience  des  Celtes ,  qui ,  avec  la  seule  force  des 
bras  humains ,  parvinrent  à  dresser  ces  masses  de  grès ,  que 
nos  plus  puissantes  machines  élèveraient  avec  peine  au- 
jourd'hui. 

M.  le  président  demande  si  quelque  membre  connaît  d'au- 
tres monuments  celtiques  dans  le  département. 

M.  de  Laprairie  donne  quelques  détails  sur  le  dolmen  de 
Vauxrezy  sur  lequel  une  notice  est  publiée  en  ce  moment 
par  la  Société  de  Soissons. 

M.  Piette  signale  un  assez  grand  nombre  de  tumulus  dans 
les  environs  de  Laon  ;  il  en  fait  le  dénombrement  dans  un 
travail  spécial.  Du  reste,  il  y  aurait  beaucoup  de  fouilles  in- 
téressantes à  pratiquer  dans  ces  éminences  qui  n'ont  pas 
encore  été  étudiées. 

Diverses  questions  posées  par  M.  de  Caumont  sur  les  par- 
ticularités remarquées  dans  les  tumulus  et  sur  la  disposition 
intérieure  de  ces  monuments  donnent  lieu  à  quelques  ren- 
seignements peu  précis. 

A  l'abbaye  du  mont  St. -Martin  ,  dans  un  tumulus  fouillé  , 
on  a  trouvé  des  constructions  en  grès.  Certains  tumulus  , 
notamment  ceux  de  Laniscourt  et  de  Puisieux  ont  été  fouillés 


xvnr.  session.  17 

à  une  époque  qu'on  ne  peut  préciser  ;  les  excavations  que 
l'on  voit  le  prouvent,  lui  18l'i  ,  on  y  a  enterré  des  corps  de 
Cosaques,  et  plus  tard  cette  circonstance  pourra  occasionner 
des  erreurs. 

M.  de  Caumont  dit  qu'en  France  on  a  peu  fouillé  les 
tumulus;  en  Angleterre  au  contraire,  on  les  a  beaucoup 
étudiés.  Ils  sont  en  plus  grand  nombre  le  long  des  voies  ro- 
maines. M.  Piette  a  fait  la  même  remarque.  Quant  à  ceux 
qu'on  pourrait  explorer  dans  le  pays ,  on  en  trouverait  de 
très-rapprochés  à  Laon. 

A-t-on  trouvé  des  armes  ou  des  objets  celtiques  dans 
ceux  de  ces  tumidas  qu'on  a  ouverts  ?  demande  M.  de 
Caumont. 

M.  Piette  répond  qu'il  n'y  a  pas  de  musée  à  Laon  ;  que  les 
objets  trouvés  ont  été  perdus  ou  dispersés. 

M.  de  Caumont  désirerait  que  ,  dans  une  ville  aussi  an- 
cienne que  celle  de  Laon  et  qui  peut  fournir  des  objets 
antiques  et  curieux,  on  formât  un  musée  qui  reçût  tout  ce 
qui  serait  découvert  dans  les  environs. 

Camps  et  retranchements.  —  M.  Piette  dit  qu'on  connaît 
des  retranebements  ou  camps  assez  nombreux  ;  ainsi  celui 
qu'on  a  trouvé  à  Condé-sur-Aisne  ,  dont  la  dimension  offre 
environ  1600  mètres  d'étendue  ,  surface  totale  de  110  bec- 
tares;  ainsi  à  St. -Thomas,  ainsi  à  iWacquenoise  ;  il  donne 
d'intéressants  détails  sur  ce  camp. 

M.  Bretagne  pense  qu'il  faudrait  étudier  surtout  le  camp 
de  Condé-sur-Aisne ,  qui ,  détruit  un  peu  par  le  canal  de 
l'Aisne,  offre  cependant  encore  des  traces  très-intéressantes 
de  fortifications.  On  y  a  trouvé  des  haches  antiques  à  côté 
des  boucles  de  ceinturons,  etc. 

M.  de  Caumont  dit  qu'il  faut  bien  faire  attention  à  ces 
boucles  de  ceinturons.  On  en  a  trouvé  ,  même  dans  les  tu- 
mulus ,  qui  évidemment  appartiennent  à  la  fabrication  des 


1  8       CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

VIe.  et  VIIe.  siècles.  Il  est  impossible  de  trouver  une  diffé- 
rence entre  ces  objets  du  moyen  âge  et  ceux  qu'on  attribue 
à  la  fabrication  romaine. 

Passant  à  l'étude  des  voies  romaines ,  M.  de  Caumont 
voudrait  qu'on  dît  quelles  sont  les  voies  indiquées  dans  l'iti- 
néraire d'Antonio ,  si  on  les  a  bien  précisément  reconnues 
et  si  aussi  on  en  a  trouvé  qui  ne  fussent  pas  indiquées  dans 
cet  itinéraire. 

M.  Piette  répond  que  celles  tracées  dans  l'itinéraire  d'An- 
tonin  sont  certainement  reconnues,  et  qu'il  en  est  une  qui  n'y 
est  pas  indiquée  :  celle  qui  vient  de  Reims ,  passe  à  Athies , 
Chambry  ,  Càtillon-du-ïemple    pour   aller   à    St. -Quentin. 

M.  Bretagne  ajoute  qu'une  particularité  remarquable  de  ces 
voies ,  c'est  que  partout  où  elles  passent  elles  délimitent  les 
territoires  des  villages. 

M.  Piette  mentionne  une  autre  voie  reconnue  en  partie 
par  M.  Lemaître  ,  ancien  directeur  des  poudres  et  salpêtres  ; 
elle  reliait  la  voie  de  Reims  à  St. -Quentin  à  celle  de  Reims 
à  Bavay,  en  passant  à  100  mètres  en  avant  du  camp  de  St.- 
Thomaset  aboutissant  à  Nizy-le-Comte.  Il  a  fait  une  carte  qui 
sera  complétée,  et  il  promet  de  faire  un  travail  plus  complet, 
et  qui  renfermera  toutes  les  voies  romaines  du  département. 

A-t-on  trouvé  des  monuments  de  L'époque  romaine  Le  Long 
des  voies  antiques  ,  teLs  que  des  bornes  mULiaires  ? 

M.  de  Laprairie  dit  qu'il  en  existe  trois  à  Juvigny  dans  le 
Soissonnais.  Elles  sont  décrites.  On  les  a  fait  servir  de 
bornes  pour  orner  la  place  publique,  et  la  commune  les  a  fait 
offrir  au  musée  de  la  Société  de  Soissons. 

M.  de  Caumont  dit  que  ,  dans  certaines  contrées ,  à 
l'aide  de  renseignements  précis,  on  a  pu  rétablir  sur  place 
des  fac-similés  de  bornes  milliaires.  Peut-être  pourrait-on 
en  faire  de  même  dans  le  département  de  l'Aisne.  M.  l'abbé 
Pocquet  pense  qu'il  serait  facile  d'arriver  à  ce  résultat  ;  car 


XVIII'.    SESSION.  19 

les  distances  sont  connues  <-t  indiquées  sur  les  pierres  qui 
existent. 

M.  de  Caumont  demande  si  l'on  a  découvert  des  vestiges 
d'établissements  romains. 

M.  Pocquet  annonce  qu'on  a  fait  dernièrement  une  décou- 
verte très-importante  :  celle  d'un  établissement  romain  sur 
le  territoire  de  Nizy-le-Comte. 

M.  Rouit  donne  lecture  d'un  travail  que ,  concurremment 
avec  M.  Bretagne ,  il  a  écrit  sur  cette  découverte. 

MÉMOIRE  DE  MM.  BRETAGNE  ET  ROUÎT  SUR  LA 
PIERRE  VOTIVE  DE  XIZY-LE-UOMTE. 

La  découverte  faite  à  Mzy-le-Comte  de  diverses  colonnes 
antiques  et  d'une  pierre  votive  est  d'un  très-grand  intérêt. 
C'est  sur  ce  débris  des  temps  anciens  que  nous  appelons  l'at- 
tention du  Congrès. 

Celte  pierre ,  analogue  pour  le  grain  et  la  dureté  à  celles 
de  Colligis ,  a  80e.  de  long ,  Zi2  de  large  et  H  d'épaisseur. 
A  l'une  de  ses  extrémités  latérales ,  elle  présente  une  queue 
d'aronde ,  et  de  ce  côté  elle  est  taillée  en  biseau. 

Un  rebord  haut  de  '2e.  encadre  l'inscription. 

Celle-ci  est  d'une  conservation  complète.  Les  lettres  de  la 
première  ligne  ont  7e.  de  hauteur,  celles  des  lignes  suivantes 
n'ont  que  U5  millimètres. 

Les  pleins  ont  environ  5  millimètres  de  largeur  sur  3  de 
profondeur. 

Le  dernier  mot  est  séparé  du  pénultième  par  un  espace  uni 
long  d'un  décimètre. 

On  lit  distinctement  : 

NUM.     AI.  G.    DliO    A  PO 
LU  NI.    PAGO.     VENNECT1 
PltOSCOENILM.     L.    MA 
G1CS.    SF.CUNDUS.    1)0 
NO.    DE    STO.    IIF.DIT. 


20       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

A  la  divinité  d'Auguste,  au  dieu  Apollon  ,  ou  bien  :  «  Sous  la 
«  protection  d'Auguste  ,  en  l'honneur  du  dieu  Apollon,  L. 
«  Magius  secundus  a  fait  don  au  bourg  de  Vennectum  de  ce 
«  proscoenium  élevé  à  ses  propres  frais.  » 

Nous  préférons  l'interprétation  qui  donne  :  Sous  la  pro- 
tection d'Auguste,  parce  que  nous  ne  voyons  pas  dans  les 
mots  Num.  Aug.  une  dédicace,  mais  l'invocation  d'une  sauve- 
garde tutélaire.  On  sait  en  effet  que  les  peines  les  plus  sévères 
atteignant  les  crimes  de  lèse-majesté ,  il  était  d'usage,  pour 
conserver  les  monuments  publics,  de  les  placer  sous  la  pro- 
tection du  prince. 

Cette  pierre  appartient-elle  à  un  monument  élevé  sur  les 
lieux  mêmes  où  elle  a  été  trouvée  ? 

Quelle  signification  donner  au  mot  Vcnnecti? 

Voilà,  MM. ,  la  double  question  qu'il  importait  d'examiner. 
Nous  avons  essayé  d'instruire  le  procès ,  c'est  à  de  plus  ha- 
biles de  décider. 

Et  d'abord  ne  pouvait-on  pas  raisonnablement  admettre 
que  cette  pierre,  d'un  volume  et  d'un  poids  assez  peu  consi- 
dérable, aurait  été  transportée  à  Nizy-le-Comte  avec  d'autres 
matériaux,  d'autant  plus  que  le  pays  ne  possède  aucune  car- 
rière ,  et  qu'il  a  toujours  tiré  d'assez  loin  les  pierres  propres 
à  la  construction  ? 

Cette  hypothèse  devenait  une  certitude  si  la  découverte 
restait  un  fait  isolé,  accidentel;  mais  aussi  elle  perdait 
toute  vraisemblance  si  d'autres  vestiges  révélaient  aux  mêmes 
lieux  la  présence  de  quelques  ruines  importantes. 

C'était  donc  là  le  point  à  vérifier. 

L'un  de  nous  s'est  rendu  à  JNizy-le-Comte,  le  U  mai,  et 
s'est  occupé  d'un  examen  préalable.  Le  mauvais  temps  ne  lui 
a  pas  permis  de  longues  recherches;  mais  elles  ont  pu  être 
utilement  dirigées,  grâce  à  l'obligeance  et  au  zèle  éclairé  de 
MM.  Guérin,  propriétaire,  et  Calais,  instituteur  de  la  com- 
mune. 


xvur.  session.  21 

Nizy-Ie-Comtc ,  sur  la  limite  extrême  du  département  de 
l'Aisne  el  de  celui  des  Ardcnnes,  est  situé  presque  au  der- 
nier degré  d'une  longue  pente  qui  descend  d'un  vaste  plateau. 
Au  sud  du  village  coule  un  ruisseau.  Au-delà  de  ce  ruisseau 
le  terrain  se  relève ,  et  par  une  rampe  douce  d'environ  1000'". 
va  rejoindre  un  autre  plateau,  dont  l'abord  est  désigné  par  les 
cultivateurs  sous  le  nom  de  la  Justice. 

C'est  vers  la  moitié  de  cette  rampe ,  dans  un  petit  jardin 
contigu  aune  maison  isolée,  sur  la  route  de  Reims,  qu'a 
été  trouvée  la  pierre  qui  nous  occupe. 

Mais  cette  pierre  n'était  pas  seule  ;  elle  était  confondue 
avec  d'autres  matériaux ,  des  moellons  de  petit  appareil  très- 
régulier  et  de  grandes  tuiles  à  rebord;  le  tout  se  voit  encore 
à  fleur  de  terre  et  en  immense  quantité. 

Cette  rampe  et  ce  plateau  sont ,  sur  un  espace  considé- 
rable, couverts  de  débris  de  poteries,  de  tuiles,  de  fragments 
de  marbres,  de  moellons  calcinés,  de  charbons.  Eu  un  instant 
il  a  pu  être  recueilli  un  grand  nombre  de  ces  témoignages 
irréfragables  d'antiques  habitations. 

Au  point  culminant,  un  cultivateur,  M.  Froment ,  a  extrait 
d'énormes  pierres  taillées  qu'il  a  transportées  auprès  de  sa 
demeure  et  qu'il  emploie  au  fur  et  à  mesure  de  ses  besoins. 

Ces  pierres  sont  parfaitement  appareillées,  et  toutes  por- 
tent des  entailles  destinées  à  recevoir  des  crampons  qui  les 
liaient  entr'elles,  suivant  l'usage  adopté  par  les  Romains  dans 
la  construction  des  grands  édifices. 

Plusieurs  ,  d'une  entière  conservation  ,  proviennent  d'une 
corniche ,  dont  les  quatre  divisions  principales  mesurent  cha- 
cune 10e. 

Trois  autres  sont  des  chapiteaux  d'ordre  toscan.  On  voit 
aussi  deux  fûts  de  colonne  de  £i5c.  de  diamètre  ;  mais  leur 
module  annonce  une  longueur  qui ,  selon  les  règles  de  Vi- 
truve,  ne  semblerait  pas  en  rapport  exact  avec  la  hauteur  des 
trois  chapiteaux.  2 


22  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

Le  fragment  le  plus  intéressant  est  une  frise  habilement 
fouillée  et  représentant  de  gracieuses  feuilles  d'eau. 

Le  peu  d'épaisseur  de  la  pierre  (  8e.  )  sur  laquelle  cette 
frise  est  sculptée ,  indiquerait  qu'elle  n'a  été  encastrée  à  la 
place  qu'elle  devait  occuper,  qu'après  l'achèvement  de  l'édifice. 

Cette  pierre  est  dans  la  possession  de  M.  Guérin. 

M.  Calais  a  fait  de  ces  divers  fragments  un  dessin  que 
nous  joindrons  à  cette  notice. 

On  rencontre  journellement  sur  le  sol  et  surtout  sur  le  pla- 
teau ,  des  médailles ,  des  ustensiles ,  des  armes ,  des  débris  de 
toute  nature ,  et  c'est  un  fait  de  notoriété  publique  que  tous 
les  ans  des  marchands  de  Reims  et  des  Italiens  (colporteurs) 
viennent  à  Nizy  en  faire  une  récolte  plus  ou  moins  abondante. 

C'est  ainsi  que  dans  les  quelques  heures  que  l'un  de  nous 
y  a  passées ,  il  a  pu  recueillir  les  médailles  suivantes  : 

1°.  Un  petit  bronze  de  Tibère ,  au  revers  l'autel  de  Lyon  ; 

2°.  Un  denier  de  Titus,  tête  à  droite  :  Imp.  Titus.  Cœs. 
Vespasian.  ang.  P.  M. 

Au  revers  :  T.  R.  P.  IX.  cos.  VIII.  P.  P.  Une  couronne 
sur  un  autel  ; 

3°.  Deux  médailles  en  bronze  d'un  chef  des  Rémi ,  tète  à 
gauche  ;  Atisios  : 

Au  revers  un  lion  ;  un  dauphin  au-dessous  ; 

U°.  Une  médaille  gauloise  anépigraphe ,  en  potin  : 

Personnage  courant  à  droite,  cheveux  flottants;  dans  une 
main  une  lance ,  dans  l'autre  une  couronne. 

Au  revers  ,  un  cheval  d'exécution  barbare. 

Cette  médaille,  qu'on  rencontre  souvent  dans  les  diocèses  de 
Reims  et  de  Laon  ,  pourrait,  avec  vraisemblance,  s'attribuer 
aux  Rémi,  dont  le  territoire  de  ]Nizy-le-Comte  faisait  partie. 

Enfin  plusieurs  tombeaux  gaulois  ou  gallo-romains,  représen- 
tant des  personnages  grossièrement  exécutés ,  se  voient  enchâs- 
sés dans  les  murs  de  quelques  maisons  de  Nizy.  Ils  ont  été 
exhumés  sur  les  lieux  mêmes,  lorsqu'on  creusait  les  fondations. 


xvnr.  session.  23 

Dans  les  environs  on  a  encore  reconnu  des  traces  de  con- 
structions ,  mais  moins  considérables  ;  ce  sont  de  simples 
villes.  Une  entr'autres,  au  lieu  dit  Clair-Puits,  à  1  kilomètre 
environ  à  l'Ouest ,  se  distingue  très-bien  à  l'époque  de  la 
maturation  des  blés  :  les  fondations  effleurant  le  sol,  le  blé  y 
est  plus  maigre ,  mûrit  plus  tôt ,  et  dessine  à  ces  places  les 
divers  compartiments  qu'il  recouvre. 

On  y  trouve  de  nombreux  fragments  de  mosaïques,  et  l'on 
nous  a  montré  une  quantité  de  cubes  qu'une  curiosité  peu 
réfléchie  en  a  fait  détacher. 

Ces  vestiges  d'antiquité  ne  sont  pas,  il  est  vrai,  les  seuls 
que  possède  Nizy-le-Comte,  on  en  remarque  encore  d'autres 
au  Nord  et  à  l'extrémité  du  village ,  au-dessus  de  l'église  ; 
mais  ils  proviennent  du  château  que,  dès  1178,  y  possédaient 
les  sires  de  Roucy.  Les  pierres  qu'on  y  rencontre  ont  une 
analogie  complète  avec  celles  que,  sur  le  plateau  opposé ,  on  a 
tirées  du  lieu  dit  la  Justice,  et  permettent  de  croire  que,  suivant 
l'usage  et  par  nécessité  ,  le  donjon  féodal  avait  emprunté  les 
matériaux  de  ses  murs  aux  ruines  dont  le  sol  était  déjà  couvert. 

De  tous  ces  faits  on  doit  nécessairement  conclure  :  1°.  qu'à 
Nizy-le-Comte  existait  non  pas  seulement  une  station,  mais 
une  ville -d'autant  plus  importante  que  sur  la  voie  romaine 
de  Reims  à  Bavay,  venait,  suivant  l'opinion  de  notre  hono- 
rable collègue ,  M.  Piette ,  s'embrancher  une  autre  voie  an- 
tique, communiquant  avec  celle  de  Reims  à  St. -Quentin, 
en  passant  auprès  du  camp  de  St. -Thomas  ;  2°.  que  la  pierre 
votive  appartient  évidemment  au  théâtre  de  cette  ville. 

S'il  est  permis ,  après  un  premier  coup-d'œil  bien  rapide,  de 
former  une  conjecture  sur  la  position  qu'occupait  la  cité  gallo- 
romaine,  on  serait  autorisé  à  croire  qu'elle  était  située  sur  la 
rampe  et  le  plateau  qui  s'élèvent  au  Sud  du  ruisseau  de  Nizy, 
et  non  à  l'endroit  où  se  voit  aujourd'hui  le  village,  puisque 
sur  le  sol  du  village  on  n'a  trouvé  que  des  tombeaux ,  et  que 


2U  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE, 

les  Romains  plaçaient  toujours  leurs  sépultures  en  dehors  des 
murs,  sur  le  bord  des  routes. 

L'existence  d'un  théâtre  étant  justifiée  par  l'importance 
même  de  la  ville  ,  et  clairement  prouvée  par  la  découverte 
de  la  pierre  votive  ,  cpiel  en  était  l'emplacement  ? 

Les  Romains  choisissaient  généralement,  pour  cette  sorte 
de  monuments,  un  accident  de  terrain  qui  offrît  un  amphi- 
théâtre naturel;  les  travaux  étaient  moins  coûteux,  les  gradins 
ayant  pour  base  et  pour  appui  le  sol  lui-même.  Us  avaient 
soin  aussi  que  l'exposition  en  fût  tournée  vers  le  Nord ,  afin 
que  les  spectateurs  n'eussent  pas  à  souffrir  des  ardeurs  du  soleil. 

Si  l'on  place  le  proscœnium  ou  la  scène  à  l'endroit  ou  aux 
environs  de  l'endroit  où  la  pierre  votive  a  été  trouvée,  on 
reconnaît  cette  double  condition  ;  de  ce  point ,  le  sol  continue 
h  s'élever  et  regarde  le  Nord. 

Quelle  était  la  grandeur  du  théâtre  ?  Rien  ne  l'indique  en- 
core; il  faudrait,  pour  s'en  assurer  et  retrouver  les  gradins  , 
exécuter  quelques  fouilles  dans  un  rayon  de  50  à  60m.  au 
plus  ,  à  partir  au  proscœnium. 

Nous  avons  parlé  de  fragments  de  corniches ,  de  frises , 
etc.  ,  trouvés  sur  le  point  culminant  du  plateau.  Ces  débris 
ne  sauraient  appartenir  au  théâtre  ;  la  place  d'où  on  les  a 
tirés  est  distante  d'environ  500m.  du  proscœnium.  L'édifice 
dont  ils  constatent  l'existence  était  probablement  un  temple. 
La  position,  en  effet,  convient  parfaitement  à  cette  destination  ; 
les  anciens  aimaient  à  placer  leurs  monuments  religieux  sur 
les  points  les  plus  élevés  de  la  cité.  Aussi  voit-on  que  chez 
les  poètes  arx  et  templum  étaient  synonymes.  Ovide,  en 
parlant  du  temple  de  Minerve ,  dit  :  Festte  PaUadis  arces. 

La  dédicace  du  Proscœnium  :  Deo  Apolloni  ne  semblerait- 
elle  pas  indiquer  que  ce  temple  était  celui  d'Apollon ,  ou  du 
Bélénus  gaulois  ? 

A  quel  siècle  pourrait-on  attribuer  ces  monuments? 


XVIIIe.    SESSION.  25 

Les  caractères  de  l'inscription  ne  paraissent  pas  de  la  belle 
époque  ;  ils  n'en  ont  ni  la  correction  ni  l'élégance  ;  il  serait 
permis  d'en  inférer  qu'an  moins  le  théâtre  a  été  construit  ou 
restauré  vers  le  IIP.  siècle,  au  commencement  de  la  décadence. 

Reste  maintenant  à  examiner  le  mot  Vennecti. 

Peut-il  désigner  le  lieu  de  naissance  du  donateur  ?  Des 
recherches  multipliées  dans  le  recueil  de  Gruter,  dans  Y  An- 
tiquité de  Mont  faucon,  et  le  Thésaurus  de  Mtiratori  ne  nous 
ont  présenté  aucune  inscription  où  paraisse  le  lieu  de  nais- 
sance du  donateur  sans  que  ce  nom  soit  accompagné  de 
natus,  ou  au  moins  précédé  de  la  préposition  de.  De  plus,  on 
remarquera  que  les  mots  Pago  Vennecti  sont  séparés  par 
celui  de  Proscœnium,  du  nom  L.  Magius  secundus ;  con- 
struction qui  serait  entièrement  contraire  au  génie  de  la  langue 
latine  ,  s'il  y  avait  entre  les  premiers  et  les  derniers  un  rap- 
port aussi  intime. 

Nous  voilà  donc  amenés  à  ne  voir  daus  ce  mot  Vennectum 
que  le  nom  du  bourg  ou  de  la  ville  qu'un  citoyen  généreux 
a  orné ,  à  ses  frais ,  d'un  ouvrage  où  l'architecture  déployait 
de  préférence  toutes  ses  richesses. 

Les  anciens  itinéraires  placent,  il  est  vrai ,  à  l'endroit  où  se 
voit  aujourd'hui  Nizy-le-Comte  ,  une  station  romaine  ,  sur  la 
voie  de  Reims  à  Bavay ,  mais  ils  lui  donnent  un  tout  autre  nom. 

Cette  station  figure  dans  l'itinéraire  d'Antonin  sous  le  nom 
de  Minaticum,  à  6  lieues  gauloises  (2210m.  )  de  Catu- 
siacum  (Chaourse)  et  8  de  la  rivière  Auxenna  (Aisne). 

Dans  la  table  théodosienne  (393  de  J.-C.  ) ,  elle  est  appelée 
Ninùtaci,  à  13  lieues  gauloises  de  Vironum  (Vervins)  ,  et  9 
de  la  rivière  Auxenna. 

Les  distances  indiquées  dans  l'itinéraire  d'Antonin  et  dans 
la  table  théodosienne,  se  retrouvent  assez  exactement  sur  la 
carte  de  Cassini  et  sur  celle  du  dépôt  de  la  guerre  ,  à  l'égard 
de  Chaourse  et  de  Vervins  ;  ce  qui  vient  corroborer  l'opinion 


26       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

de  Danvillc  et  de  Walknaër,  qui  voient  dans  le  village  de  Ni zy 
l'ancien  Minaticum  ou  Ninitlaci. 

Mais  la  concordance  cesse  à  partir  de  ce  point  jusqu'à 
l'Aisne,  et  les  deux  itinéraires,  surtout  la  table  théodosienne , 
donnent,  par  rapport  à  cette  rivière,  des  distances  trop  longues. 

Faut-il  attribuer  cette  différence  à  ce  que  les  calculs  usités 
à  cette  époque  tenaient  compte  des  ondulations  du  terrain  , 
tandis  que  les  cartes  modernes  sont  toutes  rapportées  à  une 
surface  plane  ?  Ou  bien  la  rivière  d'Aisne  ,  comme  tant  d'au- 
tres, aurait-elle  modifié  son  cours,  se  rapprochant  des  falaises 
qui  la  bordent  au  Nord?  Ou  plutôt  ne  serait-ce  là  que  le  ré- 
sultat inévitable  d'études  encore  incertaines  et  dénuées  des 
moyens  de  précision  si  familiers  aujourd'hui  ? 

Quoi  qu'il  en  soit ,  nous  venons  de  trouver  deux  noms  au- 
thentiques ,  Minaticum  et  Ninittaci.  En  voici  un  troisième 
Vennecium,  et  le  témoignage  qu'en  porte  l'inscription  ne 
saurait  être  contesté.  Comment  les  concilier  ? 

Très-peu  de  noms  de  lieux  cités  dans  l'itinéraire  d'An- 
tonin  se  retrouvent,  sans  graves  changements,  dans  la  table 
théodosienne  ;  celle-ci  même ,  bien  que  postérieure  de  deux 
siècles  et  demi  environ  ,  passe  pour  la  plus  incorrecte.  II 
n'est  là  rien  qui  doive  étonner.  A  Rome  et  à  Constantinople , 
avait-on  bien  exactement  le  nom  de  ces  milliers  de  bourgs  et 
de  villes ,  antérieurs  pour  la  plupart  à  la  conquête ,  et  perdus 
aux  extrémités  de  l'empire  ?  Sans  parler  de  la  diversité  des 
idiomes,  si  durs  et  si  brefs  au  Nord ,  si  doux  et  si  nombreux 
au  Sud  et  à  l'Orient,  le  temps  seul  n'en  a-t-il  pas  dû  modifier 
la  prononciation  et  l'orthographe?  Que  l'on  compare  les  deux 
tables ,  et  l'on  reconnaîtra  facilement  que ,  à  l'exception  de  la 
racine,  presque  tous  les  mots  ont  revêtu  d'autres  formes,  d'au- 
tres terminaisons,  que  bien  souvent  même,  ils  ont  été  complè- 
tement remplacés.  C'est  ce  que  prouve  surabondamment  chaque 
jour  la  découverte  de  nouvelles  inscriptions ,  en tr 'au très  celle 
de  Tongres ,  si  peu  d'accord  avec  les  notions  précédentes. 


XVIII*.    SESSION.  27 

Ne  devons-nous  voir  ici,  dans  trois  mots  composés  chacun  de 
neuf  lettres,  qu'un  déplacement  dos  caractères,  une  altération 
fortuite ,  effet  de  l'ignorance  des  copistes  ,  si  l'on  compare  les 
deux  itinéraires,  ou  du  graveur  si  l'on  considère  la  pierrede  Nizy? 

Quand  nous  voyons  M.  Walknacï  lire  Niniitaci  là  même 
où  le  savant  Danville  avait  lu  Nintecasi ,  nous  avouerons  que 
nous  croyons  plus  volontiers  à  l'incorrection  des  anciens  ma- 
nuscrits, ou  à  la  difficulté  de  les  déchiffrer,  qu'à  l'infidélité 
d'un  artiste  qui ,  sur  le  front  d'un  monument  public  dédié  à 
toute  une  ville,  eût,  sous  les  yeux  mûmes  des  habitants,  donné 
à  cette  ville  un  autre  nom  que  le  sien. 

Le  nom  véritable  de  la  station  romaine  de  Nizy-le-Comte  , 
celui  qu'elle  se  donnait  et  sous  lequel  elle  était  désignée  dans 
la  Belgique,  c'est  donc,  à  notre  avis,  et  ce  ne  peut  être  que 
celui  de  Vennectwn. 

Le  papier,  fût-ce  môme  du  papyrus  ou  du  parchemin,  est 
sujet  à  l'erreur  ;  la  pierre  est  toujours  plus  véridique;  chaque 
passant  la  contrôle  et  la  pourrait  démentir. 

Mais  comment  ce  nom  n'aurait-il  laissé  aucune  trace  ?  Mo- 
difié d'abord  ,  puis  défiguré  ,  dénaturé  par  les  causes  dont 
nous  venons  de  parler ,  il  aura  enfin  péri  avec  la  ville  même 
qui  le  portait. 

Les  invasions  germaniques,  ou  plutôt  l'irruption  d'Attila 
qui  renversa  tant  de  cités  sur  son  passage  ,  en  auront  subite- 
ment détruit  par  le  fer  et  par  le  feu  les  édifices  et  les  habi- 
tants. C'est  ce  que  semblent  prouver  ces  débris  calcinés  et 
ces  charbons  trouvés  sur  les  lieux  mômes.  D'ailleurs  que 
d'autres  ruines  semblables  ! 

Grand ,  dans  la  cité  de  Toul ,  n'est  nommé  dans  aucun 
itinéraire,  ni  rappelé  par  aucun  historien;  et  cependant,  sur 
son  sol  jonché  de  débris  de  toute  espèce  ,  on  a  découvert  un 
théâtre  assez  vaste  pour  contenir  15,000  spectateurs.  Cham- 
plieu  (arrondissement  de  Compiègne)  montre  aussi  les  ves- 
tiges d'un  théâtre  ,  et  pourtant  l'histoire  ne  l'a  pas  cité. 


28       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

Les  Barbares  et  la  guerre  ont  bien  détruit  ;  l'ignorance  et 
le  dédain  ont  aggravé  le  mal  ;  c'est  à  l'étude  patiente  et  cu- 
rieuse à  le  réparer.  Rendre  au  jour  quelque  monument  ou- 
blié de  la  vieille  Gaule ,  ne  serait  pas ,  ce  nous  semble ,  un 
travail  sans  fruit  pour  la  France  nouvelle  ;  il  aurait  du  moins 
le  mérite  de  lui  rappeler  que  son  passé  l'oblige  avant  tout  à 
défendre  et  à  maintenir  les  arts  et  la  civilisation ,  comme  son 
légitime  héritage. 

Il  n'eût  pas  été  non  plus  sans  intérêt  de  nous  rendre  compte 
de  la  valeur  exacte  du  mot  Pagus. 

Nous  pensons  que  le  Pagus  gaulois  représente  non  seule- 
ment un  bourg ,  une  ville  secondaire,  mais  encore  un  terri- 
toire d'une  certaine  étendue,  correspondant  h  une  de  nos  di- 
visions départementales  et  diffèrent  en  cela  du  mot  civitas  qui 
comprenait  tout  un  peuple ,  et  laissait  à  la  capitale  son  nom 
particulier. 

En  résumé,  c'est  aujourd'hui  un  fait  établi,  que  sur  l'em- 
placement de  J\izy-le-Comte  s'élevait  autrefois  une  ville  gallo- 
romaine  ;  que  celte  ville  possédait  un  théâtre;  que  son  nom, 
jusqu'alors  inconnu,  était  Vcnncctam;  qu'elle  a  laissé  de  nom- 
breuses traces  de  son  existence;  et  vous  conclurez  avec  nous, 
Messieurs,  que  si  l'on  doit  regretter  les  précieux  débris  que  lui 
ont  sans  doute  enlevés ,  dans  le  cours  de  tant  de  siècles ,  les 
besoins  et  l'ignorance  des  populations ,  il  n'en  serait  que  plus 
honorable  pour  le  département  de  sauver  ce  qui  reste,  en  exé- 
cutant des  recherches  et  des  fouilles  dont  notre  zèle  n'a  pu 
que  pressentir  et  signaler  l'intérêt. 

M.  le  Cte.  de  Mérode  adresse  au  nom  du  Congrès  des 
remercîments  aux  auteurs  de  cette  intéressante  notice. 

M.  de  Caumont,  de  son  côté,  rappelle  que  Grand,  dont 
M.  Rouit  vient  de  parler,  offrait  aussi  une  certaine  con- 
nexité,  une  ressemblance  de  nom  avec  le  nom  de  Grandesina, 
sous  lequel  cette  localité  était  connue  au  moyen  âge. 


XVIIIe.    SESSION.  29 

Il  demande  si  on  a  levé  le  plan  de  quelques  maisons  de 
campagne  gallo-romaines,  s'il  en  a  été  trouvé  depuis  quelques 
années.  M.  l'abbé  Poquet  donne  quelques  détails  sur  les 
fouilles  d' A  Haines  commencées  par  la  Société  archéologique 
de  Soissons. 

M.  Pielte  parle  de  la  trouvaille  fréquente  de  débris  de 
poteries  romaines  autour  de  la  citadelle  de  Laon.  Quant  aux 
autels  dédicatoires ,  on  n'en  connaît  pas  dans  le  Laonnois. 

M.  Bretagne  dit  que  la  pierre  trouvée  à  Nizy  serait  une 
anomalie  pittoresque  dans  le  musée  historique  de  Soissons 
et  qu'elle  devrait  être  déposée  à  Laon. 

M.  de  Caumont,  pressé  de  donner  son  avis  sur  cette  ques- 
tion ,  répond  qu'il  appartient  aux  deux  localités  de  s'entendre 
à  ce  sujet,  mais  qu'en  principe  les  objets  doivent,  autant 
que  possible,  rester  dans  le  pays  où  ils  ont  été  trouvés,  dans 
la  ville  à  la  circonscription  de  laquelle  ils  ont  appartenu. 

M.  de  Caumont  demande  si ,  des  fouilles  étant  faites  à 
Nizy-le-Comte  ,  on  pourrait  réunir,  soit  à  Laon,  soit  ailleurs, 
les  objets  qui  seraient  probablement  trouvés  ;  souvent ,  dit-il , 
les  objets  disparaissent  faute  d'être  réunis  dans  des  locaux 
convenables. 

M.  Bretagne  répond  qu'à  la  bibliothèque  de  Laon  on  pourrait 
réunir  commodément  tout  ce  qui  proviendrait  de  ces  fouilles» 

M.  de  Caumont  demande  si  l'on  a  trouvé  des  pierres  à  in- 
scriptions dans  le  pays  et  si  on  a  levé  des  copies  de  ces  inscrip- 
tions; il  recommande  aux  Sociétés  archéologiques  de  bien  veiller 
à  ces  collections  qu'on  pourrait  coordonner  par  régions.  Il 
faudrait  aussi  constater  les  grandes  trouvailles  de  médailles 
romaines.  M.  l'abbé  Poquet  répond  qu'à  Soissons  on  connaît 
bon  nombre  de  ces  inscriptions  qui  sont  conservées  avec  soin. 

M.  Bretagne  donne  quelques  détails  sur  les  quatre  grands 
enfouissements  de  médailles  constatés  le  plus  récemment. 

M.  l'abbé  Lecomle  parle  d'une  découverte  de  médailles 


30      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

faite  aussi  dans  le  cimetière  dit  des  exemples ,  à  Bruyères 
près  Laon. 

MOYEN  AGE. 

M.  de  Caumont,  poursuivant  l'enquête  archéologique  , 
demande  si  on  a  déterminé  les  limites  des  grandes  divisions 
territoriales  appelées  Pagus ,  Viens  ,  Aiscis  ,  aux  époques 
mérovingienne  et  carloviugienue. 

M.  Pielte  répond  qu'on  connaît  plusieurs  pagus  dans  le 
département  de  l'Aisne  ,  mais  qu'il  serait  très-difficile  d'en 
déterminer  la  circonscription. 

M.  Ch.  Gomard  signale  une  inscription  du  VIIe.  siècle 
(dont  il  donne  un  dessin  très-exact )  trouvée  à  St. -Quentin 
en  janvier  1826  ,  en  creusant  un  terrain  près  la  porte  St.- 
Martin  ,  sur  l'emplacement  de  l'ancien  bastion  de  Colombie. 
Voici  ce  qu'on  lit  sur  la  pierre  malheureusement  brisée  en 
quatorze  morceaux  ,  qui  est  déposée  au  musée  de  la  Société 
académique  de  St. -Quentin  : 

ANNO    •     SEXTO    ;     CENTM 
POSITL'S    ;     FUIT    •     HOC 
MONCMETUM    \     PER 

SSU CLOTHARIUS 

FRANCORL'M    ;     REX 
CUILPER1CI    •     FILIUS    \ 
1TER    ;     FACIES    ;     SUESIONEM 
DIES    •     JAM1ARI    J     VICF.NTI. 

Au  bas  de  cette  pierre ,  on  remarque  trois  petites  plaques 
de  plomb  coulées  avec  soin  ,  à  égale  distance. 

Ce  monument  se  rapporte  à  l'époque  où  Clothaire  II,  battu 
dans  les  plaines  de  Bourgogne ,  cherchait  à  regagner  Soissons, 
sa  capitale. 

M.  Gomard  donne  lecture  en  même  temps,  1°.  d'une  lettre 


XVIIF.    SESSION.  31 

insérée  dans  la  Gazette  de  France  ,  du  6  février  1826  ,  qui 
prétend  qu'on  doit  lire  à  la  quatrième  ligne  jussum  ;  2°. 
d'une  lettre  en  réponse  insérée  dans  le  n°.  339  du  Journal 
de  St.-Quentin,  du  12  février  1826  ,  qui  pense  qu'on  doit 
lire  cussus. 

M.  Gomard  estime  qu'il  y  a  dû  avoir  perjussus,  à  cause 
de  la  queue  du  J  majuscule  qui  est  encore  bien  visible  sur  la 
pierre  et  qui ,  en  aucun  cas ,  ne  pourrait  faire  un  C  ,  et  à 
cause  du  sens  même  de  l'inscription ,  qui  indique  que  ce 
monument  a  été  placé  par  les  ordres  du  roi  Clothaire. 

M.  de  Caumont  demande  quels  sont  les  monuments  qu'on 
peut  attribuer  avec  quelque  certitude  au  XIe.  siècle. 

M.  Piette  indique  le  porche  de  l'église  d'Urcel. 

M.  de  Laprairie  croit  que  l'église  de  Champlieu ,  dans  l'an- 
cien Soissonnais,  appartient  à  cette  époque,  ainsi  que  celles  de 
Berny-Rivière,  Berneuil;  la  crypte  de  St. -Léger  de  Soissons. 

M.  Martin ,  de  Rosoy  ,  signale  l'église  de  Rosoy-sur-Serre. 
Une  charte  du  XIe.  siècle  parle  de  la  construction  de  cette 
église.  31.  Piette  croit  que  cette  église  n'offre  pas  les  carac- 
tères de  l'art  au  XIe.  siècle. 

M.  l'abbé  Lecomte  signale  l'église  de  Laffaux ,  où  l'on  re- 
trouve des  chapiteaux  historiés  très-curieux. 

M.  Delaplanche  conteste  la  date  indiquée  et  croit  que  cette 
église  appartient  au  XIIe.  siècle. 

M.  l'abbé  Lecomte  croit  avec  M.  Piette  qu'il  faut  attribuer 
l'église  d'Urcel  au  XIe.  siècle  ;  tous  les  chapiteaux  en  sont 
très-curieusement  travaillés. 

M.  de  Caumont  pense  qu'en  l'absence  de  documents  et  de 
preuves  bien  précises ,  il  faudrait  s'occuper  seulement  de 
dresser  le  catalogue  des  églises  romanes  les  plus  curieuses. 

Voici  quelques-unes  des  églises  romanes  désignées  :  Bruyè- 
res (abside)  ,  Nouvion-Ic-Vineux ,  Urcel ,  Chivy  ,  Craude- 


32       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

lain  ,  Trucy  ,  Vic-sur-Aisue  ,  Berny-Rivière  ,  Fontenoy  , 
Courraelles  ,  Berzy  ,  Montlevon  ,  Vailly  ,  Condé  ,  Epaux  , 
Vaux-su  r-Laon. 

Le  même  membre  demande  si ,  dans  les  constructions  re- 
ligieuses du  pays,  on  a  remarqué  qu'une  sorte  de  moulures 
quelconque  eût  été  recherchée  et  appliquée  plus  spécialement 
par  les  architectes  du  pays. 

M.  Poquet  signale  à  St.  -Pierre  de  Soissons  et  à  Vic-sur- 
Aisne  des  moulures  qu'il  n'a  rencontrées  nulle  part  ailleurs  ; 
ce  sont  des  plicatures  festonnées.  M.  l'abbé  Lecomte  parle 
d'enroulements  dans  la  chapelle  des  Templiers  à  Laon  ;  dans 
quelques  églises  romanes ,  on  rencontre  des  motifs  affectant 
la  forme  de  cristallisation. 

M.  de  Caumont  dit  qu'il  a  fait  graver  les  moulures  de  la 
chapelle  des  Templiers  de  Laon ,  dont  vient  de  parler  M. 


MOULURES  DE  LA  CHAPELLE  RONDE  DES  TEMPLIERS,  A  LAON. 

l'abbé  Lecomte  ,  et  qu'il  ne  les  a  jamais  vues  ailleurs  ;  il  avait 


XVIIIe.    SESSION.  33 

même  conçu  quelques  doutes  sur  l'origine  de  ces  moulures, 
avant  de  les  avoir  vues  ;  mais  on  vient  de  lui  dire  qu'il  en 
existe  de  pareilles  dans  deux  églises  romanes  du  département 
de  l'Aisne  ;  il  insiste  sur  l'intérêt  que  peut  présenter  dans 
chaque  pays  la  collection  des  moulures  d'ornementation  qui 
ont  été  le  plus  usitées  et  de  celles  qui  pourraient  s'y  rencon- 
trer exclusivement. 

L'heure  à  laquelle  on  doit  se  rendre  à  la  cathédrale  ,  pour 
visiter  ce  beau  monument  étant  arrivée  ,  M.  le  comte  de  Mé- 
rode  propose  de  nommer  une  commission  de  cinq  membres 
pour  assister  le  Congrès  dans  la  visite  qu'il  doit  faire  ,  rece- 
voir les  avis  et  communications  ,  et  rédiger  sur  la  situation 
de  cette  église  et  sur  les  réparations  à  y  faire  ,  un  rapport 
qui  sera  signé  plus  tard  par  les  membres  du  Congrès  et 
adressé  au  gouvernement. 

Cette  proposition  est  accueillie,  et  les  membres  de  la  com- 
mission sont  désignés  par  M.  le  président. 

M.  de  Mérode  fait  part  au  Congrès  d'une  invitation  que 
M.  de  Bcauvillé  ,  l'un  des  adjoints ,  adresse ,  au  nom  de  la 
ville  de  Laon ,  aux  membres  étrangers  pour  une  soirée  qui 
est  offerte  par  la  ville  aux  membres  du  Congrès.  Le  Congrès 
accepte  avec  reconnaissance  cette  gracieuse  invitation  et 
arrête  que  ses  remercîments  seront  exprimés  au  procès- 
verbal. 

M.  Gomard  fait  la  communication  suivante  relative  à  un 
manuscrit  conservé  a  St. -Quentin  et  datant  du  commence- 
ment du  XIIe.  siècle  ;  il  y  joint  le  dessin  d'une  majuscule 
ornée  parmi  plusieurs  autres  qui  se  trouvent  dans  ce  manu- 
scrit. 


34  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 


NOTE  DE  M.  GOMARI). 

On  trouve  dans  la  bibliothèque  de  l'église  de  St. -Quentin 
un  manuscrit  in-4°.  ,  un  peu  oblong ,  couvert  en  cuir ,  avec 
fermoirs,  écrit  sur  parchemin  avec  lettres  majuscules  et 
sujets  peints. 

La  mention  suivante  que  l'on  trouve  sur  la  feuille  de  garde 
indique  le  haut  prix  que  le  chapitre  attachait  à  ce  manuscrit  : 

«  Extractum  e  RegestrisConclusionum  Capitularium  regalis 
«  et  insignis  ecclesiaa  sancti  Quinlini  in  Augustâ  Veroman- 
«  duorum.  Authenticum  vitae  S".  Quintini  in  thesaurariâ 
«  hugus  ecclesiae  asservatum  compingi  curabit  d""\  Paucct 
«  canonicus  vices  gerens  thesaurarii  pro  absentiam  d "'.  Raffec, 
«  eo  quod  folia  non  satis  inter  se  cohaerent  :  Hanc  autem  or- 
«  dinationem  in  capite  illius  inscribi  et  per  me  capituli  se- 
«  çretarium  sublignani  domini  ordinarunt.  Statutum  in  capi- 
«  tulo  feria  seconda  julii  décima  quarta  anni  millesimi  sex- 
«  centesimi  octogesimi  septimi.   » 

Signé  :  Gobert. 

Ce  manuscrit,  connu  sous  le  nom  de  l'authentique,  est 
composé  de  quatre-vingt-onze  feuillets  de  parchemin  ren- 
fermant les  morceaux  suivants  : 

1°.  Texte  et  scènes  de  la  passion  de  saint  Quentin.  2U 
feuillets  ; 

2°.  Sermon  de  grâces  pour  la  fête  de  saint  Quentin,  k 
feuillets; 

3°.  Invention  de  St. -Quentin  par  sainte  Eusébie.  3  feuil- 
lets ; 

h°.  Invention  de  saint  Quentin  par  saint  Eloi ,  au  lieu  où 
l'avait  enseveli  sainte  Eusébie.  h  feuillets  ; 

5°.  Sermon  sur  l'élévation  de  saint  Quentin,  k  feuillets  ; 


XVIIIe.    SESSION.  35 

6".  Texte  (les  miracles  opérés  par  la  vertu  de  saint  Quentin. 
21  feuillets  ; 

7°.   Miracles  arrivés  dans  l'isle.  6  feuillets; 

8°.  Sermon  pour  l'octave  de  saint  Quentin,  h  feuillets  ; 

9°.  Sermon  pour  la  tumulation  de  saint  Quentin  ,  sainte 
Victoria  et  saint  Cassien.  9  feuillets  ; 

10°.  Collectes  pour  l'année.  12  feuillets. 

Ce  manuscrit  fut  donné  à  l'église  de  St. -Quentin  par  un  cha- 
noine nommé  Raimbert,  vers  HOft.  Hémeré  (dans  Aucjusta 
Viromanduorum  Ulustrata,  p.  125)  estime  que  ce  ms.  a  été 
exécuté  de  la  main  de  Raimbert ,  ce  qui  paraît  très-vraisem- 
blable; car  sur  le  premier  feuillet,  dans  l'encadrement  même 
du  prologue,  on  voit  un  moine  tenant  d'une  main  une  plume 
et  de  l'autre  un  cornet.  On  lit  à  droite  et  à  gauche  de  la 
tète  Raim bert. 

Le  récit  du  martyre  de  saint  Quentin  est  surtout  curieux 
par  vingt-trois  illustrations ,  représentant  les  divers  épisodes 
de  sa  passion  et  de  sa  mort ,  rendus  avec  la  naïveté  de 
l'époque. 

L'écriture,  qui  est  du  commencement  du  XIIe.  siècle, 
n'est  pas  la  même  dans  tout  le  manuscrit  ;  elle  paraît  avoir  été 
faite  par  trois  mains  différentes;  elle  est  ornée  de  128  lettres 
majuscules,  dont  le  plus  grand  nombre  ,  d'une  composition 
très-variée,  est  orné  d'or,  d'argent  et  de  couleurs  éclatantes. 

La  première  lettre  du  récit  de  la  passion  de  saint  Quentin, 
le  T ,  nous  a  paru  brillamment  tracée. 

Le  Congrès  lève  la  séance  pour  se  transporter  à  la  cathé- 
drale. 

Le  Secrétaire , 

Ed.  Fleury. 


36  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE  , 

Seconde  séance  du  6  juin. 

NjaSîiîTJB  DIB  IL&  (BA^mâ  JDIBiilLIS 

ET 

DE   QUELQUES  AUTRES  ÉDIFICES  DE  LA  VILLE  DE  LAON. 


A  trois  heures  1/2,  le  Congrès  quitta  l'Hôlel-de-Ville  :  il 
entra  immédiatement  dans  la  cathédrale  au  son  des  cinq 
grosses  cloches  de  cette  basilique ,  ayant  à  sa  tête  M.  le  comte 
de  Mérode,M.  de  Caumont,  M.  Thévenard,  curé-archidiacre, 
qui  voulut  bien  faire  les  honneurs  de  son  église  avec  un  em- 
pressement et  une  bonté  dont  le  Congrès  croit  devoir  ex- 
primer ici  sa  reconnaissance.  M.  Van  Clemput,  architecte, 
que  la  goutte  privait  de  l'usage  de  ses  jambes,  s'était  fait  ap- 
porter dans  l'église  pour  aider  le  Congrès  de  ses  renseigne- 
ments. Pendant  2  heures  1/2,  le  Congrès  a  parcouru  toutes 
les  parties  de  l'édifice  ,  est  monté  sur  les  tours  ,  a  visité  les 
galeries ,  discuté  toutes  les  questions  qui  intéressent  la  con- 
servation de  cette  magnifique  cathédrale.  Il  s'est  ensuite 
transporté  au  palais  de  justice  et  à  l'église  des  Templiers.  Le 
lendemain  M.  l'abbé  Poquet ,  qui  tenait  la  plume  comme  se- 
crétaire, a  lu  le  procès-verbal  suivant  qui  résume  les  résultats 
de  la  visite  faite  à  la  cathédrale  et  aux  deux  autres  édifices 
qui  viennent  d'être  cités. 

Messieurs  , 

Hier  ,  vers  trois  heures ,  tous  les  membres  du  Congrès 
convoqué  à  Laon  par  M.  le  comte  de  Mérode ,  devenu  depuis 


XVIIIe.    SESSION.  37 

son  enfance  ,  l'ami  et  le  défenseur  de  nos  monuments  français 
et  en  particulier  de  la  cathédrale ,  s'acheminaient  au  son  des 
cloches  vers  cette  magnifique  basilique.  —  Si  le  siège  de 
l'église  de  Laon  fut  un  des  plus  illustres  du  moyen  âge ,  sa 
cathédrale  fut  aussi  une  des  plus  belles  et  une  des  plus  inté- 
ressantes de  la  France  ;  sa  vaste  étendue ,  l'élévation  de  ses 
voûtes  et  surtout  la  hardiesse  de  ses  tours  en  ont  fait  un  mo- 
nument du  premier  ordre  et  peut-être  unique  dans  le  monde. 
Oui,  Messieurs,  et  je  ne  crains  pas  de  le  dire,  la  cathédrale  de 
Laon  peut  soutenir,  sous  bien  des  rapports,  le  parallèle  écra- 
sant avec  les  plus  splendides  basiliques ,  Reims ,  Amiens , 
Chartres,  Paris.  — Elle  a  sur  elles  l'avantage  immense  d'être 
plus  ancienne ,  d'offrir  un  curieux  emploi  des  vieilles  tradi- 
tions romanes  se  mariant  aux  nouvelles  formes  ogivales  qui 
dominent.  Il  faut  ajouter  que  la  beauté  de  la  conception ,  la 
variété  des  formes ,  le  grandiose  des  proportions ,  la  richesse 
de  l'exécution  en  font  un  édifice  du  plus  haut  intérêt  pour 
l'histoire  de  l'art. 

Pour  nous ,  Messieurs ,  soit  pieuse  exagération ,  soit  amour 
trop  naturel  pour  un  monument,  à  l'ombre  duquel  nous  avons 
en  quelque  sorte  grandi  et  puisé  nos  premières  impressions 
de  jeunesse ,  rien  ne  pourra  jamais  remplacer  la  cathédrale 
de  Laon,  ses  tours  aériennes  qui  touchent  à  la  région  des 
nuages ,  ses  longues  et  transparentes  ouvertures  où  le  vent 
aime  à  se  jouer,  où  passe  l'éclair  pendant  l'orage,  ses  nom- 
breuses verrières ,  ses  magnifiques  rosaces  où  se  brise  l'éclat 
du  jour ,  ses  longues  allées  ,  ses  forêts  de  colonnes ,  ses  belles 
fermetures  de  chapelles ,  ses  sculptures  de  chapiteaux  si 
variés  ont  produit  de  bonne  heure  sur  nous  un  effet  que  les 
années  n'ont  pas  affaibli  ;  et  chaque  fois  que  nous  revoyons  ces 
tours  mystérieuses,  si  chères  à  notre  enfance,  nous  les  saluons 
toujours  avec  un  souvenir  de  vénération  et  d'amour  que  nous 
avons  rarement  et  à  un  même  degré  pour  d'autres  monuments. 

3 


38       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Pourquoi  faut-il,  Messieurs,  qu'un  édifice  aussi  considérable, 
et  auquel  se  rattachent  des  souvenirs  si  importants  de  gran- 
deur et  de  beauté  pour  la  ville  de  Laon  qui  a  déjà  tant  perdu, 
soit  compromis  ?  Les  membres  du  Congrès  ont  pu  se  convaincre 
de  leurs  propres  yeux  et  après  une  visite  minutieuse ,  sous 
la  conduite  d'un  jeune  architecte  qui  en  a  étudié  tous  les 
détails ,  quelle  était  la  profondeur  du  mal  ;  des  piliers  écrasés 
et  qui  se  disjoignent,  d'affreuses  lézardes  qui  descendent 
depuis  la  voûte  jusqu'au  sol,  des  surplombs  considérables  et 
pouvant  entraîner  la  déviation  des  tours  et  hâter  leur  chute. 
Tels  sont  les  dangers  imminents  et  qui  alarment  tous  ceux  qui 
pénètrent  pour  la  première  fois  dans  la  cathédrale  de  Laon  : 
on  éprouve  en  effet  à  la  vue  de  ces  larges  fissures ,  de  ces 
pierres  qui  s'écrasent  et  se  disjoignent ,  je  ne  sais  quelle  im- 
pression de  terreur  que ,  malgré  les  supports  qui  garnissent  les 
voûtes  des  arcades,  on  se  recule  naturellement  comme  à  la 
vue  d'un  danger» 

Il  est  donc  urgent ,  et  c'est  l'avis  de  tous  les  membres  du 
Congrès ,  d'aviser  à  des  réparations  immédiates  et  importantes 
si  l'on  veut  conserver  à  la  France  un  monument  qui  fait  sa 
gloire.  Mais  la  commission,  après  s'être  rendu  compte  des 
différents  plans  qui  ont  été  dressés  pour  cette  restauration , 
libre  de  tout  engagement  et  justement  préoccupée  des 
moyens  qui  assureront  sa  consolidation  ,  sans  altérer  la  phy- 
sionomie du  monument,  émet  le  vœu  que  l'architecte  qui  en 
sera  chargé  se  contente  ,  comme  moyen  de  soutène- 
ment ,  de  contrebutter  les  piliers  de  manière  à  loger  dans 
l'intervalle  le  buffet  des  orgues ,  cette  masse  recevrait  les 
portes  à  faux  et  remédierait  au  mal  signalé ,  et  d'élever  au- 
dessus  une  grande  arcade  ogivale  qui ,  touchant  les  voûtes , 
viendrait  encadrer  la  grande  rosace  sans  nuire  à  son  effet. 

Quant  à  la  restauration  des  piliers  malades ,  elle  croit  que 
de  bons  matériaux  juxta-posés  leur  donnerait  assez  de  force 


XVIIIe.    SESSION. 


39 


Victor  Petit  del. 

ESCALIER   DES    TOURS   DE   LA    CATHÉDRALE   DE    LAON. 


U()  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 


Siagot    ,1,1.  TRIBUNES    DE    LA    CATHÉDRALE    DE    LAON.  Bréval    scutpt. 


MUT.    SESSION. 


'.1 


CATHÉDRALE    DE    LAOX. 


V2  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE  , 

et  de  reins  sans  être  obligé  de  les  reprendre  en  sous-œuvre , 
opération  qu'elle  croit  inutile,  dangereuse  et  compromet- 
tante pour  l'édifice. 

La  commission  espère,  Messieurs,  que  tous  les  membres  du 
Congrès  partageront  cet  avis  ;  elle  est  intimement  convaincue 
que  le  projet  qui  assurera  à  la  cathédrale  de  Laon  une  par- 
faite consolidation ,  sans  trop  nuire  à  l'effet  pittoresque  du 
monument  est  le  seul  vrai ,  le  seul  réalisable.  Une  somme 
de  200,000  ,  dont  on  pourra  disposer ,  paraîtrait  devoir 
suffire.  —  Si  vous  admettiez  ces  conclusions ,  Messieurs , 
vous  auriez  à  les  formuler  dans  le  rapport  qui  doit  être 
adressé  au  Ministre  de  l'Intérieur. 

La  Société  a  regretté  d'avoir  si  peu  de  temps  à  consacrer 
à  la  visite  de  la  cathédrale ,  elle  aurait  désiré  l'étudier  de  près 
et  dans  tous  ses  détails  afin  de  déterminer  les  époques  succes- 
sives et  se  prononcer  enfin  sur  la  date  de  sa  construction; 
car  enfin ,  il  faut  bien  le  dire ,  la  cathédrale  est  encore  un 
poème  en  pierre  dont  on  ignore  l'auteur  ;  personne  jusqu'ici 
n'a  percé  sa  mystérieuse  origine  ni  décrit  ses  innombrables 
merveilles;  c'est  une  œuvre  de  génie  qui  attend  encore  son 
historien  et  son  architecte. 

En  quittant  la  cathédrale  lé  Congrès  s'est  rendu  à  la  maison 
des  Frères,  où  existe  un  édifice  très-remarquable  et  connu 
sous  le  nom  de  chapelle  des  Templiers. 

Ce  petit  monument ,  d'une  belle  conservation  ,  est  com- 
posé de  trois  parties  :  le  porche ,  une  rotonde  à  huit  pans  et 
une  abside  circulaire.  On  prétend  que  cette  rotonde  a  été 
bâtie  sur  le  modèle  du  St.  -Sépulcre  ;  elle  est  éclairée  par  six 
fenêtres  cintrées  ;  sa  voûte  forme  une  coupole  légère  et  gra- 
cieuse, mais  sans  ouverture  centrale;  on  s'est  contenté  d'y 
insérer  un  bandeau  circulaire  auquel  viennent  aboutir  des 
nervures  en  double  tore. 


XVIII0.    SESSION. 


43 


Uk  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

La  rotonde  est  mise  en  communication  avec  l'abside  au 
moyen  d'une  arcade  de  transition.  —  Celte  abside  est  aussi 
éclairée  par  trois  fenêtres  cintrées  de  la  même  époque. 

Au-dessus  du  porche  règne  une  tribune  dont  l'ouverture 
est  ornée  d'un  encadrement  de  palmettes ,  d'entrelacs  et  de 
pommes  de  pin.  Cet  encadrement  produit  un  effet  très-gra- 
cieux. Cette  ouverture  était  autrefois  une  fenêtre  apparente  ; 
il  est  fâcheux  que  la  vue  de  l'orgue  ne  permette  pas  de  la 
voir  de  l'intérieur  de  l'église.  Le  monument  y  gagnerait  ainsi 
que  l'instrument  de  musique  qui  perd  un  peu  à  se  produire 
trop  ostensiblement.  On  pourrait  aussi  enlever  dans  l'intérieur 
de  la  chapelle  certains  ornements  qui  rompent  l'harmonie  et 
qu'on  placerait  plus  convenablement  ailleurs. 

A  l'extérieur ,  on  remarque  l'entablement ,  en  forme  de 
petites  arcades  aiguës  assez  semblables  à  de  larges  dents  de 
scie ,  dont  les  intervalles  sont  ornés  et  sculptés  ;  des  modillons 
formés  de  têtes  d'animaux  soutiennent  les  extrémités  de  cette 
corniche  ornementée. 

Le  porche  avec  pignon  aigu  est  d'une  date  postérieure  ; 
mais  la  campanille ,  percée  de  ses  deux  ouvertures ,  paraît 
dater  de  l'époque  de  la  chapelle.  Nous  croyons  qu'on  peut 
en  fixer  l'origine  dans  la  première  partie  du  XIIe.  siècle  ,  de 
1130  à  1140. 

De  la  chapelle  des  Templiers ,  le  Congrès  est  allé  visiter  le 
palais  de  justice,  en  examinant  sur  sa  route  quelques  restes  de 
constructions  d'une  maison  qui  paraît  remonter  au  XIIe. 
siècle  ;  elle  est  encore  surmontée  de  deux  cheminées  rondes 
en  forme  de  colonnes,  qui  sont  fort  curieuses. 

Le  palais  épiscopal  n'a  plus  aujourd'hui  toute  la  physio- 
nomie qu'il  offrait  encore  sur  la  fin  du  dernier  siècle, 
puisqu'il  a  été  approprié  à  des  usages  tout  différents. 

L'ancienne  chapelle ,  qui  est  certainement  antérieure  à  la 
cathédrale,  existe  encore  tout  entière  ainsi  que  la  crypte; 


XVIIIe.    SESSION.  45 

toutes  doux  sont  composées  d'une  nef  el  de  deux  collatéraux 
avec  abside  circulaire.  Les  voûtes  ne  portent  sur  aucune  ner- 
vure ,  mais  sur  de  simples  arêtes  des  piliers  carrés  sur  les- 
quels se  détachent  des  pilastres,  aux  bases  et  aux  chapiteaux 
romans.  C'est  certainement  l'église  la  plus  ancienne ,  nous 
apprendrions  avec  bonheur  que  ces  deux  chapelles  seront 
employées  à  l'établissement  d'un  musée  que  la  ville  se  propose 
de  créer. 

La  grande  salle  de  l'évèché,  qui  avait,  avant  la  distribution 
nouvelle,  33'".  de  long,  11  de  large  et  qu'on  croit  avoir  été 
construite  en  1242,  présente  une  façade  très-remarquable, 
flanquée  de  tourelles  et  percée  de  grandes  fenêtres  ogivales. 

Au-dessous  règne  une  galerie  soutenue  par  des  colonnes 
cylindriques  aux  chapiteaux  romans. 

Nous  avons  aussi  remarqué  dans  la  cuisine,  une  vaste  che- 
minée dont  le  chambranle  est  orné  d'une  énorme  guirlande 
de  vignes  et  de  raisins  profondément  fouillée  et  couronnée 
d'un  blason.  Cette  cheminée  a  tous  les  caractères  de  la  fin  du 
XVe.  siècle. 

En  sortant  de  l'évèché,  le  Congrès  a  admiré  une  œuvre 
patiente.  C'est  la  reproduction  de  la  cathédrale  tout  entière 
faite  en  carton  par  un  jeune  Laonnois.  Il  serait  à  désirer, 
s'il  y  avait  un  musée  à  Laon ,  qu'on  pût  obtenir  du  proprié- 
taire cet  objet  fait  avec  beaucoup  de  précision  et  de  talent. 

Voici,  Messieurs,  en  abrégé  et  autant  que  le  temps  me  l'a 
permis,  le  récit  décoloré  de  votre  intéressante  visite,  qui, 
je  l'espère,  aura  un  heureux  résultat  pour  notre  belle  cathé- 
drale ,  et  pour  nous  le  bonheur  d'avoir  passé  en  compagnie 
d'hommes  aussi  honorables  et  aussi  savants  une  des  plus 
belles  journées  de  notre  vie. 

Le  Secrétaire, 

POQUET. 


'l6  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE  , 


mm&JIÏJË 


XVIII0.    SESSION.  hl 

Séance  du  9  juin  1851 

Présidence  de  M.  le  Comte  de  Méhode. 

La  séance  est  ouverte  à  8  heures  du  matin.  Le  bureau  est 
composé  comme  à  la  précédente  séance.  M.  le  Maire  de  Laon 
est  invité  à  siéger  au  bureau  ;  M.  Gomard  remplit  les  fonc- 
tions de  secrétaire. 

Après  la  lecture  du  procès-verbal ,  M.  Millet ,  inspecteur 
des  forêts,  communique  la  note  suivante  sur  une  découverte 
d'urnes  cinéraires  gallo-romaines  faite  dans  la  forêt  de  St.- 
Michel  (Aisne). 

NOTE  DE  M.  MILLET. 

La  forêt  domaniale  de  St. -Michel  est  située  dans  la  portion 
nord-est  du  département ,  sur  la  frontière  de  la  Belgique  , 
entre  le  bourg  de  Lirson  (Aisne)  et  le  village  de  Macquenoise 
(  Belgique  ).  Cette  forêt  n'est  aujourd'hui  qu'un  lambeau  du 
vaste  massif  boisé  qui ,  à  une  époque  très-reculée,  recouvrait 
la  plus  grande  portion  du  territoire  actuel  du  département  de 
l'Aisne ,  du  département  des  Ardennes  et  de  la  province  de 
Chimay,  etc. 

D'après  les  documents  les  plus  anciens ,  la  surface  qui  est 
aujourd'hui  couverte  par  la  forêt  de  St. -Michel  a  toujours  été 
à  l'état  boisé.  Cet  état  est ,  d'ailleurs  ,  nettement  caractérisé 
par  la  nature  même  du  sol  à  des  profondeurs  assez  consi- 
dérables. 

L'on  a  trouvé ,  dans  cette  forêt ,  des  antiquités  très-remar- 
quables ,  notamment  les  traces  d'un  camp  retranché  que  l'on 
attribue  aux  Romains. 

Dans  l'une  de  mes  dernières  visites  à  la  forêt  de  St.  -Michel , 


l\&  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

j'ai  été  assez  heureux  pour  trouver  en  place  trois  pierres , 
dont  la  destination  ne  peut  être  douteuse. 

Ces  trois  pierres  étaient  enfouies  à  une  profondeur  de  30 
à  l\0  centimètres.  Par  leur  réunion,  elles  formaient  une  cavité 
ovoïde  destinée  à  recevoir  une  urne. 

Deux  pierres  juxta-posées  forment  la  partie  principale  de 
cette  cavité  et  reposent  sur  le  sol ,  la  troisième  sert  de  cou- 
vercle. 

Elles  n'étaient  réunies  ou  soudées  entr'elles  ni  par  un 
mortier,  ni  par  un  ciment  quelconque. 

Le  couvercle  ayant  été  déplacé  par  des  charbonniers  qui 
creusaient  le  sol ,  on  en  a  retiré  une  urne  en  terre  cuite  ren- 
fermant des  os  très-friables  et  affectant  une  teinte  blanchâtre. 
Ces  os  appartiennent  incontestablement ,  par  tous  leurs  ca- 
ractères ,  à  l'espèce  humaine. 

Les  pierres  sont  des  poudingues  granitoïdes  ;  elles  sont 
identiques  à  celles  que  l'on  trouve  sur  les  lieux  mêmes , 
notamment  à  proximité  de  Macquenoise  ;  ce  sont  des  couches 
de  poudingues  appartenant  au  terrain  de  transition  ;  elles 
sont  connues  dans  le  pays  sous  le  nom  de  pierres  des  Sar- 
rasins. 

La  pierre  supérieure  qui  sert  de  couvercle  est  légèrement 
creusée  :  on  en  trouve  quelques-unes  éparses  dans  la  forêt. 
Dans  les  fermes  des  villages  voisins,  ce  couvercle  sert  à 
contenir  de  l'eau  pour  la  volaille. 

Plusieurs  observateurs,  qui  ont  visité  Macquenoise  et  la 
forêt  de  St. -Michel,  ont  pensé  que  ces  couvercles  avaient  pu 
servir  de  meule  à  grains,  parce  qu'ils  n'avaient  pas  vu  en 
place  le  groupe  des  trois  pierres  destinées  à  servir  d'enveloppe 
à  une  urne  cinéraire. 

J'ai  pris  les  dispositions  nécessaires  pour  mettre  prochaine- 
ment ces  pierres  à  la  disposition  du  musée  du  département; 
leur  poids  total  est  de  600  kilogrammes  environ. 


xvnr.   SESSION.  69 

Quant  aux  appréciations  historiques  dont  elles  peuvent  être 
l'objet ,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  les  abandonner  aux 
hautes  lumières  du  Congrès. 

M.  de  Caumont  donne  lecture  de  la  lettre  suivante  de  M. 
Voiliez,  relative  à  la  restauration  de  l'IIôtcl-de- Ville  de  St. - 
Quentin. 

lettre  de  m.  voij.lez. 

Monsieur  , 

Je  regrette  profondément  que  mes  occupations  administra- 
tives ne  me  permettent  pas  de  me  rendre  à  Laon  pour  assister 
aux  séances  du  Congrès  archéologique  ;  de  puissants  motifs 
me  feraient  d'ailleurs  un  devoir  de  soumettre  à  une  discussion 
approfondie  les  travaux  de  restauration  que  l'on  va  commencer 
à  l'hôtel-de-ville  de  St.  -Quentin. 

Le  Conseil  municipal  de  cette  ville  a  accepté  un  plan  et  un 
devis,  et  déjà  la  démolition  des  trois  frontons  qui  couronnent 
l'édifice  est  commencée  et  va  se  continuer. 

Je  suis  fâché  de  le  dire  ,  mais  il  est  à  craindre  que  cette 
restauration  n'ait  pas  été  assez  sérieusement  étudiée ,  et  déjà 
j'ai  cru  devoir  faire  de  graves  objections  sur  le  système  de 
décoration  proposé  par  l'architecte  chargé  de  diriger  les 
travaux. 

Dans  l'intérêt  de  la  conservation  de  ce  curieux  monument, 
que  vous  avez  cité  dans  votre  Cours  d'antiquités  comme  pré- 
sentant des  caractères  architectoniques  spéciaux ,  il  serait  à 
désirer  que  la  Commission  de  la  Société  française  pût,  en 
quittant  Laon,  venir  tenir  une  séance  à  St. -Quentin  ,  où  je 
serais  heureux  d'exposer  les  observations  critiques  que  me  sug- 
gèrent les  propositions  qui  ont  été  récemment  faites ,  et  dont 
l'exécution  ne  me  paraît  pas,  je  le  répète,  suffisamment  motivée. 


50       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

On  propose ,  par  exemple ,  de  couronner  le  fronton  central 
par  un  statue  de  saint  Quentin ,  et  les  deux  autres  frontons 
chacun  par  une  figure  d'ange  ;  de  plus  ,  de  placer  au  bas  du 
même  fronton  central,  à  l'extrémité  des  rampans,  un  singe  et 
un  chien  ! 

Tout  cela  n'est  fondé  sur  aucune  tradition ,  sur  aucune 
preuve  ;  d'ailleurs  l'usage  de  surmonter  les  frontons  de  statues 
n'existe  ,  aux  XVe.  et  XVIe.  siècles ,  qu'à  l'égard  de  ceux 
des  églises  ,  mais  je  ne  pense  pas  qu'on  en  trouve  d'exemples 
aux  hôtels-de-ville  ;  je  proposerais  plutôt  d'y  placer  des  ex- 
pansions végétales ,  comme  on  en  rencontre  si  communément 
à  cette  époque ,  et  qui  sont  d'ailleurs  caractéristiques  du  style 
flamboyant. 

L'hôtel-de-ville  de  St. -Quentin  a  été  construit  en  1509; 
c'est  un  précieux  spécimen  de  l'architecture  civile  ,  très-bien 
conservé  dans  certaines  parties  et  qu'il  serait  déplorable  de 
voir  défigurer  par  des  restaurations  ou  des  additions  inexpli- 
cables ;  au  point  de  vue  de  l'art ,  ce  serait  une  profanation , 
et  il  appartient  à  la  Société  française  de  formuler  à  cet  égard 
des  réserves  énergiques. 

On  a  le  projet  de  faire  subir  à  tout  le  monument,  non 
seulement  des  réparations  ,  mais  de  mettre  plusieurs  parties 
anciennes  en  harmonie  avec  la  façade  principale,  c'est-à-dire 
de  détruire  une  des  parties  latérales ,  le  tout  par  amour  pour 
l'uniformité. 

Vous  concevez,  Monsieur,  qu'à  la  vue  du  malheur  dont 
l'hôtel-de-ville  de  St. -Quentin  est  menacé,  mon  cœur  d'ar- 
chéologue a  bondi ,  et  que  je  ne  saurais  voir  de  sang-froid 
transformer,  pour  ne  pas  dire  mutiler,  un  édifice  qui  a  droit 
à  plus  de  respects. 

Ces  considérations  me  font  donc  regretter  vivement  de  ne 
pouvoir  aller  plaider  la  cause  de  ce  monument,  afin  qu'il  soit 
consigné  dans  le  procès-verbal  du  Congrès  de  la  protestation 


XVIIIe.    SESSION.  51 

que  je  fais  à  l'avance  contre  les  projets  de  restauration  qui 
tendraient  malheureusement  à  en  altérer  les  principaux  dé- 
tails, ou  par  un  goût  et  des  connaissances  trop  superficiels  de 
l'étude  de  l'art  au  XVIe.  siècle ,  à  substituer  des  accessoires 
peu  convenables  et  que  n'autorisent  ni  les  besoins ,  ni  la  dé- 
coration du  monument. 

Je  m'occupe  en  ce  moment  à  dessiner  avec  le  plus  grand 
soin  toutes  les  parties  qu'on  démolit ,  et  déjà  j'ai  acquis  la 
certitude  que  l'extrémité  des  frontons  n'avait  jamais  dû  avoir 
de  statues.  On  n'y  trouve  aucune  trace  de  scellement ,  et  les 
boulons  qui  subsistent  paraissent  plutôt  destinés  à  soutenir  un 
ornement  de  peu  de  volume  que  des  personnages. 

Quant  aux  figures  (le  chien  et  le  singe)  qu'on  propose  de 
sculpter  à  la  base  du  fronton  central  ;  vouloir,  comme  31. 
l'architecte ,  leur  donner  un  sens  symbolique  pour  en  légi- 
timer la  présence ,  n'est  pas  admissible  ;  ce  qui  l'est  encore 
moins,  c'est  d'y  voir  d'un  côté  la  fidélité  des  habitants,  et 
de  l'autre  leur  merveilleuse  facilité  à  se  prêter  à  toute  es- 
pèce d'industrie...  (ce  sont  les  explications  données  par  M. 
Lacroix)  :  il  n'y  a  là  rien  de  sérieux ,  et  ce  n'est  pas  ainsi 
qu'on  peut  formuler  des  restaurations  ou  plutôt  des  monstruo- 
sités archéologiques. 

Vous  concevez ,  d'après  ce  simple  exposé  (que  je  ne  puis 
ni  ne  veux  pousser  plus  loin  ) ,  le  danger  dont  nous  sommes 
menacés.  Serait-ce  trop  présumer  de  la  bienveillance  éclairée 
de  MM.  les  membres  du  Congrès,  pour  espérer  qu'ils  daigne- 
ront prendre  en  sérieuse  considération  les  observations  que 
j'ai  l'honneur  d'adresser  ,  et  donner  place  à  ma  réclamation 
dans  le  procès-verbal  d'une  de  leurs  séances. 

Nous  avons  lieu  d'espérer  encore ,  Monsieur ,  que  vous 
voudrez  bien  prendre  l'initiative  dans  l'appel  que  nous  faisons 
au  nom  de  l'art ,  de  la  science  et  de  l'histoire ,  pour  que 
notre  hôtel-de-ville,  déjà  frappé  par  le  marteau  démolisseur, 


52  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE, 

n'ait  pas  plus  tard  à  montrer  aux  yeux  attristés  des  archéo- 
logues sa  façade  hybride  et  défigurée  par  les  blessures  d'un 
ciseau  moderne ,  qui ,  ne  tenant  pas  compte  des  traditions  du 
passé  ,  n'en  dénature  ou  n'en  altère  les  formes  ou  les  détails 
les  plus  essentiels. 

MM.  de  Caumont  et  Tarbé  pensent ,  comme  M.  Voiliez , 
que  les  pignons  de  l'hôtel- de-ville  n'ont  pu  avoir  pour  orne- 
ments que  des  expansions  végétales.  On  cite  l'hôtel-de-ville 
de  Louvain ,  qui  a  été  restauré  tel  qu'il  était  primitivement. 

M.  Ch.  Gomard  expose  qu'il  résulte  de  recherches  faites 
par  lui  dans  le  dossier  des  archives  relatif  à  l'hôtel-de-ville 
de  St  -Quentin ,  qu'il  n'y  a  aucun  indice  de  statues  à  la  fa- 
çade de  l'hôtel-de-ville,  et  encore  moins  de  chien  et  de  singe. 
Il  ajoute  que  M.  Jamin  ,  élève  de  l'Ecole  des  chartes  ,  qui  a 
fait  le  classement  des  archives  de  la  commune  de  St. -Quentin, 
lui  a  écrit  pour  lui  dire  qu'il  n'avait  trouvé  aucun  indice  de 
ces  statues  dans  les  pièces  classées. 

M.  de  Mérode ,  s'associant  aux  opinions  unanimement 
exprimées ,  demande  que  la  proposition  de  M.  l'architecte  soit 
repoussée  ,  et  que  le  monument  soit  restauré  tel  qu'il  était , 
sans  qu'il  y  soit  ajouté  ni  statue,  ni  singe  ,  ni  chien.  Le  Con- 
grès adopte  ces  conclusions. 

MONUMENTS  RELIGIEUX  DES  XIIIe.  ET  XIVe.  SIÈCLES. 

M.  de  Caumont  fait  remarquer  que  ces  monuments ,  dans 
le  Laonnais ,  sont  moins  finement  sculptés  que  dans  d'autres 
parties  de  la  France  ;  il  estime  que  cette  différence  peut  pro- 
venir du  grain  de  la  pierre. 

M.  l'abbé  Poquet  signale  l'église  de  Braisne,  commencée 
en  1180  et  terminée  en  1230  ;  l'église  de  Longpont ,  1220  , 
belle  époque ,  dispositions  remarquables ,  dédicace  faite  du 


XVIIIe.    SESSION.  53 

temps  de  saint  Louis.  Saint  Bernard  a  visité  plusieurs  fois 
cette  église. 

M.  Piette  pense  que  l'église  de  Longpont  n'est  pas  du 
temps  de  saint  Bernard.  Il  cite  l'église  de  Foigny,  de  l'époque 
de  saint  Bernard,  qui  n'avait  pas  le  moindre  rapport  avec  celle 
de  Longpont.  Saint  Bernard  était  très-sobre  d'ornements , 
surtout  à  l'extérieur. 

M.  de  Laprairie  ,  s'appuyant  sur  l'opinion  de  M.  de  Mon- 
talembert,  cite  beaucoup  d'églises  toutes  semblables ,  toutes 
du  temps  de  saint  Bernard ,  entr'autres  l'église  de  Citeaux ,  à 
chevet  droit,  et  Longpont  à  chevet  rond. 

M.  l'abbé  Poquet  signale  l'église  de  St. -Léger,  à  Soissons, 
dont  les  principales  parties  sont  d'une  pureté  de  style  remar- 
quable; l'église  de  St.-Jean-des-Vignes ,  dont  le  portail  a 
été  commencé  en  1206,  continué  en  13&0  et  terminé  en 
1520,  chevet  carré,  chose  rare  dans  les  églises  du  XIIIe. 
siècle;  l'église  d'Ambleny  ,  partie  du  XIIe.  et  du  XIIIe. 
siècles;  l'église  de  Couvrelles,  du  XIIIe.  siècle  ;  l'église  St.- 
Julien ,  du  XIIIe.  siècle  ;  l'église  d'Essommes ,  d'une  beauté 
remarquable. 

M.  de  Laprairie  dit  que  dans  le  Soissonnais  il  y  a,  dans 
les  villages,  beaucoup  d'églises  des  XIIe.  et  XVIe.  siècles, 
et  très-peu  des  XIIIe.  et  XIVe.  Il  attribue  cette  lacune  aux 
guerres  des  Bourguignons  ,  qui,  à  cette  époque,  ont  désolé 
le  Soissonnais. 

M.  de  Chauvenet  signale  comme  église  remarquable  du 
XIIIe.  siècle  l'église  de  St. -Quentin  ,  et  les  ruines  de  la  cha- 
pelle d'Epargnemaille ,  à  St. -Quentin. 

M.  Ch.  Gomard  demande  si ,  dans  les  églises  du  Soisson- 
nais et  du  Laonnais ,  on  rencontre  des  cryptes  de  refuge  , 
immenses  souterrains  avec  galeries  qu'on  remarque  dans 
beaucoup  d'églises  picardes. 

M.  Piette  dit  qu'il  n'en  a  rencontré  que  dans  l'église  de 

U 


5ft  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE  , 

Lehau-Court,  près  St. -Quentin  ;  par  l'entrée,  qui  est  en  avant 
du  portail,  il  a  pu  pénétrer  à  une  certaine  distance. 

M.  de  Laprairie  dit  que,  dans  le  Soissonnais,  les  souterrains 
de  refuge  des  habitants  des  campagnes  ,  les  crentes ,  comme 
on  les  appelle  dans  le  pays ,  étaient  creusées  dans  les  carrières  ; 
le  village  de  Pasly  ,  près  Soissons ,  en  possède  surtout  de 
très-remarquables  et  de  très-curieuses. 

M.  l'abbé  Poquel  signale  beaucoup  d'églises  dans  lesquelles 
on  trouve  un  puits.  Il  cite  St.-Omcr,  St. -Léger  et  St.- 
Médard,  dont  la  crypte  du  XIIIe.  siècle  possède  un  puits 
très-bien  conditionné. 

M.  de  Caumont  pense  que  les  puits  ou  citernes  en  usage 
dans  beaucoup  d'églises ,  avaient  une  eau  à  laquelle  on  attri- 
buait presque  toujours  une  vertu  miraculeuse  et  qu'on  distri- 
buait aux  malades.  Le  voisinage  des  saints  martyrs  ou  des 
personnes  saintes,  enterrées  dans  les  églises,  sanctifiaient  les 
eaux. 

M.  l'abbé  Poquet  demande  à  quel  dessein  on  a  fait  dans  les 
églises  les  labyrinthes  ronds  ou  octogones  qu'on  y  rencontre. 

M.  de  Mérode  cite  l'opinion  qui  a  été  émise  à  ce  sujet  : 
c'était ,  dit-on ,  pour  ceux  qui  ne  pouvant  aller  en  Terre- 
Sainte  remplaçaient  ce  pèlerinage  en  parcourant  à  genoux 
toutes  les  parties  du  labyrinthe. 

RENAISSANCE. 

M.  de  Chauvenet  signale  une  grille  en  fer,  style  renaissance, 
qui  se  trouve  dans  une  chapelle  de  Ribemont  ;  on  y  voit 
beaucoup  d'emblèmes ,  beaucoup  de  têtes  de  rois  et  de  reines  : 
cette  grille ,  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  de  l'église 
de  St. -Germain,  à  Amiens,  a  été  dessinée  dans  l'ouvrage  de 
M.  deTaylor;  l'église  avec  pendentifs  de  Pleine-Selve  du  XVe. 
siècle;  ses  tombeaux  remarquables;  un  ancien  autel,  en  grès, 


XVIIIe.    SESSION.  55 

qui  sert  de  marche  à  l'entrée  de  l'église  d'Essigny-le- 
Grand. 

M.  Piette  signale  l'église  de  Travecy  ,  bâtie  en  1550  par 
Marie  de  Luxembourg ,  comme  remarquable  et  d'une  com- 
plète conservation. 

M.  de  Laprairie  parle  des  peintures  murales  de  l'église  de 
Coucy-la-Ville ,  attribuée  au  XVe.  siècle ,  et  qui  représentent 
la  légende  de  saint  Antoine  avec  des  personnages  jouant  des 
instruments  de  toute  espèce. 

M.  de  Chauvenet  signale  les  peintures  murales  de  la  cha- 
pelle St. -Michel  dans  la  collégiale  de  St. -Quentin. 

Fonts  baptismaux.  —  M.  de  Caumont  ,  après  avoir  fait 
quelques  questions  sur  les  fonts  baptismaux  du  département 
de  l'Aisne ,  parle  de  la  quantité  considérable  de  fonts  baptis- 
maux intéressants  qui  existe  encore  dans  les  départements  du 
Nord  de  la  France. 

M.  Piette  signale  les  fonts  baptismaux  de  Beaumont  près 
Marie,  Monteneau,  Corbeny,  de  la  cathédrale  de  Laon ,  de 
Chaourse  (XIIe.  siècle),  de  Coucy,  de  Cilly,  de  Travecy, 
de  Voyenne  ; 

M.  de  Chauvenet ,  ceux  de  Vermaud ,  Brissay-Choigny ,  et 
beaucoup  d'autres  à  une  ou  quatre  colonnes  ; 

M.  l'abbé  Poquet,  ceux  de  Longueval,  Montigny-Langrin, 
INouvion-le-Vineu ,  Bilry  (arrondissement  de  Compiègne) , 
de  Nogent-l'Artaut.  Il  raconte  que  la  statue  du  chancelier 
Artaut  (1140),  intéressante  par  la  légende  locale,  vient  d'être 
retrouvée. 

Autels ,  rétables.  —  M.  de  Bretagne  parle  de  l'autel  de  la 
chapelle  des  fonts  baptismaux,  à  l'église  de  St. -Quentin. 

M.  de  Chauvenet  dit  qu'il  ne  reste  plus  de  cet  ancien 
autel,  qui  était  t 'autel  du  St.-Scpulchrc ,  que  le  couron- 


56  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

nement  de  l'autel  sous  lequel  il  y  avait  un  calvaire.  —  Il 
indique  ensuite  un  très-ancien  autel  en  forme  d'évier ,  qui 
se  trouve  dans  la  crypte  de  l'église  de  St. -Quentin  avec  des 
inscriptions  des  XIVe.  et  XVe.  siècles. 

M.  Matlon  parle  d'un  rétable  réprésentant  le  martyre 
de  saint  Quentin  qui  se  trouve  dans  l'église  de  Guise.  —  Il 
y  a  à  la  Flamangrie  un  rétable  très-curieux  en  bois  peint  et 
doré. 

M.  l'abbé  Poquet  signale  à  Bezu-les-Fèves ,  près  Château- 
Thierry,  un  rétable  massif  avec  simple  table.  On  n'en  connaît 
pas  de  remarquable  ni  à  Laon ,  ni  à  Soissons. 

M.  de  Chauvenet  indique  l'ensevelissement  qui  se  trouve 
dans  la  chapelle  de  Silly ,  près  Ribemont ,  et  qui  provient  des 
anciens  châtelains  de  Cilly. 

Pierres  tombales.  —  M.  Piette  signale  une  pierre  tom- 
bale en  marbre  noir  qui  se  trouve  dans  l'église  de  Cilly  , 
canton  de  Marie  ;  elle  est  relevée  en  ronde-bosse  ,  et  repré- 
sente un  noble  homme ,  Fery  de  la  Bove ,  seigneur  de  Cilly , 
Estréaupont  et  Thiernu  ,  décédé  le  15  novembre  1573. 

M.  Ch.  Gomard  indique  la  pierre  en  ronde-bosse  repré- 
sentant M.  d'Estourmel  et  sa  femme ,  qui  se  trouve  au  musée 
de  la  Société  académique  de  St.  -Quentin. 

M.  de  Bretagne  indique ,  h  Laon ,  la  tombe  d'un  sire  de 
Coucy  qui  se  trouve  dans  l'église  St.  -Martin ,  celle  d'une 
religieuse  dans  la  même  église ,  et  le  tombeau  très-remar- 
quable de  Jeanne  de  Luxembourg  dans  l'église  de  Lafère. 

M.  l'abbé  Poquet  signale  trois  statues  de  personnages  assez 
célèbres ,  qui  se  trouvent  dans  l'église  de  Soissons  :  les  statues 
de  deux  abbessesel  celle  du  chevalier  de  Conflans  ;  à  Connigies, 
près  Condé,  la  statue  d'une  demoiselle  de  St. -Aubin;  dans 
l'église  d'Essommes  le  tombeau  d'un  moine  couché,  tenant  une 


XVIIIe.    SESSION.  57 

inscription  dans  sa  main  ;  à  Blérancourt ,  deux  tombes  très- 
bien  conservées,  qui  ont  été  retrouvées  et  placées  à  droite  et  à 
gauche  du  portail  de  l'église. 

31.  Ch.  Gomard  demande  que ,  dans  l'intérêt  des  illustra- 
tions locales ,  pour  aider  aux  recherches  biographiques ,  fixer 
des  dates  ,  etc. ,  il  soit  dressé  un  relevé  de  toutes  les  inscrip- 
tions de  pierres  tombales  qui  ont  existé  ou  qui  se  trouvent 
encore  aujourd'hui  dans  les  églises  du  département  ;  il  pense 
que  de  ce  travail  ressortirait  une  foule  de  documents  inté- 
ressants pour  les  familles  et  pour  l'histoire.  Il  propose  que  ce 
relevé  soit  fait  par  l'intermédiaire  du  clergé  ;  il  pense  que 
3131.  les  curés,  sous  la  direction  de  M31.  les  doyens  et  archi- 
diacres ,  sont  plus  à  même  que  qui  que  ce  soit  de  faire  ce 
travail  complet ,  en  signalant  toutes  les  inscriptions  qui  se 
trouvent  dans  leurs  églises. 

31.  de  Caumont  appuie  cette  proposition  ,  mais  il  demande 
qu'on  ne  se  borne  pas  seulement  à  relever  les  inscriptions 
tombales ,  mais  qu'on  relate  en  même  temps  les  inscriptions 
quelles  qu'elles  soient  ayant  rapport  soit  à  des  obits ,  soit  à 
des  fondations.  Il  se  réfère  d'ailleurs  aux  instructions  publiées 
précédemment  à  cet  égard  par  la  Société  française. 

Cette  proposition  est  agréée  par  31 31.  les  archidiacres  de 
Laon,  de  St. -Quentin,  les  doyens  de  Vervins  et  Corbeny, 
et  les  autres  ecclésiastiques  présents  à  la  séance  ;  le  Congrès 
décide  que ,  dans  les  chefs-lieux  d'arrondissement  où  il  existe 
des  Sociétés  savantes  ,  ces  Sociétés  seront  invitées  à  nommer 
un  commissaire  qui  se  mettra  en  rapport  avec  3IM.  les  doyens 
ou  archidiacres  pour  mener  ce  travail  à  bonne  fin. 

31.  l'archidiacre  de  Laon  communique  au  Congrès  un  ma- 
nuscrit de  31.  Delahêgue ,  instituteur  à  Nouvion-le-Vineu  , 
précédemment  sacristain  de  la  cathédrale  de  Laon ,  qui  rap- 
porte toutes  les  inscriptions  de  la  cathédrale  de  Laon. 

Le  Congrès  félicite  l'auteur  de  ce  travail  de  cette  inlé- 


58       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

ressante  communication,  et,  sur  la  proposition  de  M.  de 
Caumont ,  décide  qu'il  sera  décerné  une  médaille  de  bronze 
à  M.  Delahêgue ,  en  récompense  de  ses  patientes  recher- 
ches. 

Reliquaires  ,  orfèvrerie  ,  mobilier.  —  M.  de  Chauvenet 
dît  que  St. -Quentin  ne  possède  rien  de  remarquable. 

M.  l'archidiacre  de  Laon  dit  que  la  cathédrale  possède  un 
petit  calice  en  argent  avec  émaux  du  XIIIe.  siècle. 

M.  Pieltc  cite  le  calice  de  l'église  de  la  Bouteille ,  arrondis- 
sement de  Vervins ,  qui  est  en  vermeil  et  dont  le  pied  est 
orné  de  quelques  émaux  du  XIIIe.  siècle  ;  l'encensoir  de  St.  - 
Pierre ,  canton  de  Sains ,  plus  bas  et  plus  gracieux  que  les 
encensoirs  actuels. 

M.  l'abbé  Poquet  signale  dans  une  commune  du  canton 
de  Braisne  un  ciboire  ostensoir  du  XVe.  siècle  ;  un  calice 
en  vermeil ,  du  XIIIe.  siècle  ,  à  la  cathédrale  de  Soissons  ; 
à  Presles ,  un  reliquaire  formé  d'un  tube  en  cristal  de  roche 
contenant  les  reliques,  soutenu  par  deux  pignons  en  vermeil, 
style  fleuri  du  XIVe.  siècle. 

Cloches.  —  M.  Piette  signale  la  cloche  de  la  paroisse  de  la 
Bouteille ,  provenant  de  l'abbaye  de  Foigny  et  fondue  sous 
l'administration  de  Robert  de  Coucy ,  premier  abbé  commen- 
dataire.  Il  signale  également  une  petite  cloche  provenant  du 
réfectoire  de  l'abbaye  du  Val-St. -Pierre  ;  elle  sert  de  timbre 
à  l'horloge  de  la  ville  de  Vervins;  on  lit  sur  son  pour- 
tour : 

Mon  nom  est  Bonne-Nouvelle  : 
Chacun  à  diner  j'appelle; 
Si  buvez  un  coup  de  trop 
N'oubliez  votre  couteau. 

la  cloche  très-curieuse  de  Camelin ,  du  XIVe.  siècle  ;  la  cloche 


XVIIIe.    SESSION.  59 

de  Rolières ,  du  XVI0.  siècle ,  avec  une  inscription  et  un 
dessin  représentant  saint  Martin. 

M.  Martin  signale  à  Archon  une  petite  cloche  de  IkUk  ;  à 
Rosoy,  une  cloche  de  1687  dont  le  parrain  a  été  le  duc  de 
Mazarin  ,  et  la  marraine  Hortense  Mancini ,  sa  femme. 

M.  l'abbé  Poquet  indique  à  Saconin ,  près  Soissons,  une 
petite  clochette  du  XVIe.  siècle ,  sur  laquelle  est  écrit  Salve 
regina;  la  cloche  de  Marchais,  près  Monlmirail,  de  1500 
à  1520. 

M.  de  Chauvenet  signale  à  St. -Quentin  l'horloge  du 
Cateau. 

M.  l'abbé  Poquet  indique  que  Braisne  possède  la  boîte  qui 
contenait  l'hostie  sainte  qui  avait  été  ,  en  1120  ,  à  Braisne, 
Ja  cause  d'un  miracle  et  de  la  conversion  d'une  juive  ;  plus 
dans  un  vieux  manuscrit ,  le  fac-similé  des  pains  d'autel  qui 
servaient  à  Braisne  à  cette  époque.  Il  signale  aussi  les  tapis- 
series remarquables  de  l'église  de  Vaux ,  qui  représentent  les 
différents  mystères  de  la  vie  de  Jésus-Christ. 

M.  de  Laprairie  indique  les  tapisseries  du  XVIe.  siècle  qui , 
à  Soissons,  représentent  la  légende  de  saint  Gervais  et  de  saint 
Protais. 

Châteaux  du  moyen  âge.  —  M.  de  Caumont  porte  l'en- 
quête archéologique  sur  les  châteaux  du  moyen  âge. 

M.  de  Chauvenet  indique  le  château  de  Moy  et  l'enceinte 
de  Bohain  ;  à  Beaurevoir  ,  une  tour  avec  mâchicoulis,  servant 
aujourd'hui  de  moulin  à  vent  ;  des  souterrains  avec  voûtes  en 
ogive  très-bien  conservées  ;  les  ruines  du  château  du  Câtelet  ; 
le  château  de  Savrienois. 

M.  Pielte  signale  les  ruines  du  château  de  Coucy  ;  celles 
du  château  d'Auluois ,  enceinte  du  XIIIe.  siècle  très-bien 
conservée  avec  donjon  très-élevé  ;  le  château  de  Cerny-les- 
Bucy  ayant  encore  ses  grilles ,  herses  et  mâchicoulis  ;  l'en- 


60  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

ceinte  du  château  de  Clacy  ;  le  château  de  Presles ,  ancienne 
maison  de  plaisance  des  évoques  de  Laon,  ruines  très-curieu- 
ses ;  le  Hanoi ,  enceinte  fortifiée  ,  commune  de  Barenton- 
Celle;  les  ruines  du  château  de  Neuville. 

M.  Matton  indique  le  château  de  Guise  ;  le  château  de 
W'iege,  du  XIe.  siècle,  détruit  en  1424  par  Jean  de  Luxem- 
bourg :  il  en  reste  encore  des  constructions  ;  à  Vervins ,  les 
anciennes  fortifications ,  dont  il  reste  encore  de  nombreuses 
traces ,  ainsi  que  des  27  tours  qui  protégeaient  l'enceinte  ; 
à  Aubenton,  toute  l'enceinte  fortifiée,  dont  il  reste  encore 
des  traces  bien  indiquées. 

M.  de  Laprairie  signale  les  ruines  des  châteaux  d'Ambleny; 
la  Folie,  à  Braisne;  Pont-Arcy;  Bieuxy;  Droizy  ;  Cramaille, 
Berzy ,  la  tour  de  Sept-Monts ,  beau  reste  du  palais  des  évêques 
de  Soissons;  Cœuvres,  Pisseleux ,  près  Villers-Cotterets  ; 
Oulchy-le-Château;  la  tour  de  Viviers. 

M.  Piette  indique  le  château  de  Château-Thierry  ;  celui  de 
Lafère ,  en  Tardennois  ;  Coulanges  ;  La  Ferté-Milon  ;  Gan- 
delu;  Marigny;  St. -Marc. 

Abbayes,  portes  de  ville,  maisons.  —  D'autres  questions 
posées  par  M.  de  Caumont  provoquent  les  communications 
suivantes  : 

M.  Duchange  signale  les  portes  de  la  ville  de  Laon,  remar- 
quables par  leur  construction  et  comme  dignes  d'un  grand 
intérêt,  et  il  demande  qu'elles  ne  soient  pas  démolies,  comme 
il  en  est  question.  Il  pense  qu'il  n'est  pas  impossible  de  con- 
cilier la  conservation  de  ces  portes  avec  la  facilité  qu'exigent 
les  nouvelles  voies  de  communication.  MM.  Piette  et  de 
Caumont  appuient  vivement  cette  demande.  Le  Congrès 
adoptant  ce  vœu,  décide  qu'il  sera  transmis  à  l'autorité  ad- 
ministrative avec  prière  d'y  accéder.  M.  de  Caumont  insiste 
sur  l'intérêt  qu'offrent  les   portes  de  Laon  ;  il  présente  le 


XVIIIe.    SESSION.  61 

dessin  d'une  de  ces  portes  du  XIIIe.  siècle,  qu'il  recom- 
mande particulièrement  à  la  sollicitude  des  habitants  de  la 
ville. 


PORTE    d'aRDON,    A    LAON. 

M.  Gomard  signale  les  ruines  de  l'ancienne  abbaye  de  Fer- 
vaques ,  près  Fonsomme ,  et  l'abbaye  plus  moderne  de  Fer- 
vaques,  à  St. -Quentin,  qui  sert  aujourd'hui  de  Palais-de- 
Justice. 

M.  Pietle  indique  l'abbaye  de  Prémontré.  Il  signale  une 
des  plus  anciennes  maisons  de  Laon ,  qui  se  trouve  dans  la 
FiiwUe  à  la  Voûte,  à  Laon.  Cette  maison,  qu'il  fait  remonter 
à  une  époque  très-reculée  ,  est  surtout  remarquable  par  se? 


62  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

ouvertures  à  plein-cintre  et  par  deux  cheminées  faisant  saillie 
en-dehors. 


M.  Duchange  indique  encore  à  Laon  la  maison  de  refuge 
du  Val-St. -Pierre  ,  qui  a  une  porte  d'entrée  remarquable,  et 
qui  présente  dans  la  cour  une  voûte  qui  soutenait  une  cha- 
pelle ;  la  maison  de  M.  d'Hennezel ,  à  Laon  ,  à  cause  d'un 
escalier  dans  une  tour  formant  saillie  ;  les  portes  des  maisons 
de  MM.  Tilorier  et  Buzerolles  ,  à  Laon. 

M.  Gomard  signale  à  St.- Quentin  plusieurs  maisons  en  bois 
remarquables  :  celle  de  la  Croix  de  Fer ,  du  Plat  d'argent , 
du  Cœur  couronné ,  et  par  dessus  tout  la  Maison  de  L'ange , 
remarquable  par  les  sculptures  et  ornements  qui  décoraient 


XVIIIe.    SESSION.  63 

toutes  les  pièces  de  bois  de  la  façade.  (Jette  maison  a  été  dé- 
molie ,  en  1846,  pour  faire  place  à  la  nouvelle  Salle  de 
Spectacle  ;  mais  M.  le  duc  de  Vicence  a  racheté  la  façade 
pour  la  conserver  et  la  faire  rétablir  dans  sa  propriété ,  à 
Caulaincourt.  On  a  recueilli  l'ancienne  croix  qui  donnait  son 
nom  à  la  maison  de  la  Croix-de-Fer  ;  un  dessin  est  présenté 
par  M.  Gomard  ,  et  M.  de  Caumont  s'engage  à  le  publier. 


CROIX    DE   FER  ,    A    SAINT-QUENTIN. 


M.  de  Caumont  exprime  combien  il  est  intéressant  de  faire 
connaître  aux  populations  les  monuments  au  milieu  desquels 
elles  vivent ,  et  de  les  recommander  ainsi  à  leur  patriotique 
intelligence  ;  il  invite  les  Sociétés  savantes  du  département , 
pour  mieux  vulgariser  l'intérêt  qui  s'attache  à  ces  débris  de 
notre  ancienne  architecture  civile  et  religieuse  ,  à  établir ,  à 
des  prix  très-bas ,  des  itinéraires  pour  les  diverses  parties  du 
département ,  comme  on  l'a  fait  pour  une  partie  de  la  Nor- 


64       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

mandie.  Il  demande  aussi  la  formation  d'un  musée  pour  le 
département ,  ou  au  moins  pour  la  commune  de  Laon.  Cette 
proposition  est  vivement  appuyée  par  un  grand  nombre  de 
membres,  et  après  une  discussion  sur  les  divers  locaux  qui 
pourraient  y  être  consacrés ,  une  des  salles  de  l'ancien  hôpital 
est  regardée  comme  la  plus  convenable. 

Le  Congrès  exprime  le  vœu 
que  les  pierres  tombales  les 
plus  remarquables  des  églises 
soient  relevées  contre  les  murs 
de  ces  mêmes  églises. 

Il  signale  les  vitraux  de  la 
chapelle  de  l'évêché  ,  à  Laon , 
comme  ayant  besoin  d'une 
prochaine  restauration  pour 
leur  conservation. 

M.  Oyon  met  sous  les  yeux 
du  Congrès  un  morceau  de 
sculpture ,  en  pierre  calcaire , 
trouvée  dans  un  tumulus,  et 
dont  il  a  été  question  dans  la 
séance  précédente.  Celle  es- 
pèce de  borne ,  dans  laquelle 
M.  de  Caumont  reconnaît  un 
monument  gallo-romain  placé 
sur  le  bord  d'une  route  avant 
d'être  enseveli  sous  les  terres 
du  tumulus,  représente  une  espèce  de  borne  dont  la  partie 
supérieure  se  termine  par  une  tête  à  triple  face ,  coiffée  d'une 
tête  de  bélier;  plus  bas  deux  personnages,  dont  l'un  tient  sur 
le  poing  un  coq ,  sont  gravés  en  bas-relief  sur  cette  borne 
dans  une  espèce  d'encadrement.  Ce  monument  est  examiné 
avec  le   plus  grand  intérêt  par  MM.  les  membres  du  Con- 


XVIIIe.    SESSION.  6f> 

grès.  M.  Perrine  en  a  fait  un  dessin.  ïl  a  été  trouvé  dans 
une  tombelle  de  la  commune  de  la  Mallemaison. 

M.  Cb.  Gomard  demande,  au  nom  de  la  Société  académique 
de  St.  -Quentin ,  que  la  Société  française  pour  la  conservation 
des  monuments  tienne  à  St. -Quentin  sa  session  de  1852.  Il 
signale  comme  dignes  d'un  haut  intérêt  le  camp  romain  de 
Vermand,  l'église  collégiale  de  St. -Quentin  et  son  Hôtel-de- 
Yille. 

Cette  proposition,  appuyée  par  plusieurs  membres,  est 
mise  aux  voix  et  adoptée.  L'époque  de  la  tenue  de  cette  ses- 
sion sera  ultérieurement  fixée  par  la  Société  académique  de 
St. -Quentin  ,  de  concert  avec  M.  de  Caumont,  président  de 
la  Société  française  pour  la  conservation  des  monuments. 

Le  Congrès  vote  des  remercîments  à  M.  le  maire  de  Laon , 
pour  sa  généreuse  hospitalité ,  et  aux  membres  de  la  Société 
académique  de  Laon  pour  le  zèle  qu'ils  ont  apporté  à  l'orga- 
nisation du  Congrès. 

L'assemblée  décide  ensuite  qu'elle  se  transportera  dans 
l'après-midi  à  Vauclair  pour  examiner  les  ruines  de  cette  ab- 
baye et  particulièrement  un  énorme  bâtiment  bien  conservé 
et  dont  la  destination  n'est  pas  généralement  reconnue. 

Demain  dimanche  ,  à  l'issue  de  la  messe ,  une  visite  sera 
faite ,  à  midi ,  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Laon ,  où  la 
séance  de  clôture  aura  lieu. 

Le  Secrétaire , 

Ch.  Gomard. 


66  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

EXCURSION  ARCHÉOLOGIQUE 

A  L'ABBAYE  DE  VAUCLAIR. 


Après  la  séance  du  samedi  7  juin ,  les  membres  du 
Congrès  réuni  à  Laon  résolurent  de  faire  une  excursion  ar- 
chéologique jusqu'à  l'abbaye  de  Vauclair,  située  à  20  kilo- 
lomètres  de  cette  ville.  Celte  exploration  devait  avoir  pour 
but  de  visiter  les  ruines  de  ce  grand  monastère  et  surtout 
d'étudier  dans  ses  détails  un  magnifique  bâtiment  qui ,  dit- 
on  ,  aurait  servi  de  grange  au  XII".  siècle ,  et  qu'on  nous 
donnait  comme  un  spécimen  curieux  des  constructions  agri- 
coles de  cette  grande  époque. 

Cette  caravane  était  composée  d'une  vingtaine  de  per- 
sonnes, parmi  lesquelles  on  comptait  M.  le  compte  de  Mérode, 
président  du  Congrès  ;  M.  de  Caumont ,  directeur  de  la  So- 
ciété française.  MM.  Corbin ,  préfet  de  l'Aisne  ;  François , 
recteur  de  l'Académie  ;  Perrine  ,  Amédée  Piette ,  Dersu  ,  de 
Laprairie  ,  Gaugain  ,  Fleury  ,  rédacteur  du  journal  de  l'Aisne  ; 
Ch.  Gomard ,  secrétaire  de  la  Société  académique  de  St.  - 
Quentin;  l'abbé  Poquet,  inspecteur  des  monuments.  MM. 
Corbin  ,  Perrine  et  Dersu  avaient  mis  généreusement  leurs 
voitures  à  la  disposition  des  voyageurs.  Grâces  à  cette  atten- 
tion délicate  des  archéologues  Laonnais  ,  le  trajet  se  fit  avec 
une  grande  célérité. 

Nous  pûmes  admirer,  en  descendant  la  montagne  de  Laon , 
ces  belles  plaines  qui  s'étendent ,  au  nord ,  vers  la  Thiérache 
et  la  Flandre  et  vont  se  perdre  sur  les  confins  de  la  Belgique. 
En  sortant  le  faubourg  de  Vaux,  qui  nous  offrait  une  vive 


XVIIIe.    SESSION.  ()7 

animation  et  la  vue  d'une  grande  et  belle  église ,  nous  prîmes 
la  route  de  Reims  ;  nous  laissâmes  sur  notre  gauche  Athies 
devenu  célèbre  par  la  bataille  de  I8I/1.  On  nous  faisait  re- 
marquer plusieurs  monticules  qui  accidentent  le  sol  et  qui 
sont  sans  doute  des  buttes  artificielles  construites  à  cette 
époque ,  à  moins  qu'on  n'aime  mieux  y  voir  des  tumulus 
élevés  le  long  d'une  chaussée  romaine  dont  nous  traversions 
la  ligne  encore  verdoyante. 

Tandis  qu'à  droite  et  à  gauche  de  notre  route  nous  exa- 
minions ici  les  productions  du  sol ,  dont  M.  de  Caumont  nous 
décrivait  les  propriétés  et  la  nature ,  là  de  magnifiques  forêts, 
des  villages  remarquables  par  leurs  monuments  ou  leurs 
anciens  souvenirs,  nous  avions  déjà  franchi  celte  chaîne  de 
collines  qui  environne ,  au  sud ,  les  campagnes  de  Laon  comme 
d'une  ceinture  ,  nous  faisions  notre  entrée  solennelle  dans  la 
vallée  Foulon  en  traversant  le  village  de  Sainte-Croix.  C'est 
dans  le  creux  de  ce  vallon ,  entre  le  château  de  La  Bove  et 
Hurtebise ,  que  se  trouvait  placée  l'abbaye  de  Vauclair , 
fondée  en  11 3/t,  dans  un  lieu  ,  disent  les  anciennes  chartes  , 
appelé  alors  Courtmemblain  ou  Commenblain.  Il  paraît  que 
c'est  saint  Bernard  lui-même  qui  lui  avait  donné  le  nom  de 
Vauclair  (ValUsclara).  Il  y  avait  alors  dans  ce  désert  une 
chapelle  desservie  par  un  prêtre  nommé  Robert ,  qui  aban- 
donna ses  droits  en  se  faisant  religieux  à  Clairvaux  ;  d'autres 
disent  à  Vauclair  (1).  L'évêque  Barthélémy,  ce  père  de  tant 
de  monastères ,  passe  pour  en  être  le  fondateur ,  ainsi  que 
Gauthier ,  comte  de  Romy  et  Gérard-Enfant. 

Vers  1135,  Henry  Murdruch,  que  ses   grandes  qualités 

(1)  Ces  deux  noms  sont  en  effet  les  mêmes  si  l'on  vient  à  déplacer 
l'un  des  deux  mots  qui  les  composent ,  et  c'est  sans  doute  en  mé- 
moire de  Clairvaux  que  saint  Bernard  aura  donné  à  ce  nouveau  mo- 
nastère le  nom  de  Vauclair. 


68       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

élevèrent  plus  tard  sur  le  siège  d'Yorck ,  vint  à  la  tête  de 
onze  religieux  pour  commencer  celle  abbaye,  bâtie  d'abord 
sur  des  proportions  assez  médiocres ,  et  dans  un  lieu  dit  le 
Pré  du  Moulin.  Ce  ne  fut  que  vers  le  milieu  du  XIIIe. 
siècle,  que  l'on  construit  un  abbaye  plus  vaste  (ditLelong, 
Histoire  du  diocèse  de  Laon)  ,  avec  une  belle  église  ,  et  une 
vaste  cour  d'entrée ,  sur  un  terrain  peu  éloigné  de  la  pre- 
mière. Cette  maison  religieuse  éprouva ,  comme  tant  d'au- 
tres, toutes  les  calamités  de  la  guerre;  elle  fut  pillée  et 
brûlée  en  1359  ,  avec  les  fermes  dépendantes.  On  répara 
ces  désastres  dans  le  cours  du  XVIe.  siècle,  vers  15^0 ,  mais 
les  guerres  de  religion  et  les  troubles  de  la  Ligue  la  ruinè- 
rent de  nouveau.  On  assure  môme,  que  dans  cette  dernière 
guerre,  plus  de  50  personnes,  qui  s'étaient  retirées  dans  les 
greniers  pour  échapper  à  la  persécution,  furent  précipitées 
du  haut  des  voûtes  et  périrent  de  la  main  de  ces  fanatiques. 
93  s'est  chargé  d'amonceler  d'autres  ruines.  En  effet ,  nous 
n'avons  plus  retrouvé  de  celle  grande  église  qu'un  pan  de 
murailles ,  quelques  salles  attenantes  aux  cloîtres  et  dont  les 
voûtes  s'écroulent.  Nous  y  avons  remarqué  sur  les  chapi- 
teaux de  colonnes  des  ornements  plissés  en  forme  d'éven- 
tails, que  nous  n'avions  pas  encore  observés  ailleurs,  et 
dont  nous  avons  vu  peu  d'exemples  dans  les  grandes  con- 
structions de  notre  pays.  Il  y  a  aussi  quelques  débris  de 
peintures  murales. 

L'historien  Lelong  nous  apprend  qu'il  y  avait  autrefois 
une  croix  en  filigrame ,  couverte  de  pierreries  de  deux  pieds 
de  haut  et  contenant  du  bois  de  la  vraie  croix.  L'abbé  Dom 
Nicolas,  de  Reims,  l'avait  fait  faire  en  1225. 

Plusieurs  seigneurs  de  La  Sove,  château-fort  qui  dominait 
le  coteau  au  nord  ,  ont  été  enterrés  dans  l'église  de 
Vauclair. 

Heureusement,    qu'un  vaste  bâtiment  formant  un  parai- 


XVIII".    SESSION.  69 

kilogramme  rectangle,  de  68'".    de  long  sur  13  de  large, 
n'a  pas  eu  le  sort  de  l'église  et  des  lieux  réguliers. 

«  Ses  murs,  dit  M.  l'ietlc,  à  qui  nous  empruntons 
cette  description  consignée  dans  son  intéressante  histoire  de 
Foigny,  construits  en  pierres  de  grand  appareil,  ont  une 
hauteur  d'environ  18m.  et  une  épaisseur  de  95e.  :  ils  sont 
renforcés  par  trente-six  contreforts ,  quinze  sur  chaque  face 
et  trois  sur  chaque  pignon.  Ces  contreforts  qui  régnent  dans 
toute  la  hauteur  de  l'édifice ,  présentent  à  leur  base  une 
saillie  de  im.  et  une  épaisseur  de  77e.  ;  ils  sont  liés  entre 
eux  à  leur  partie  supérieure ,  par  une  double  arcade  à  plein- 
cintre  ,  qui  donne  à  la  masse  du  bâtiment  une  légèreté 
qu'on  lui  supposerait  difficilement. 

Les  fenêtres  sont  au  nombre  de  cent  trente-deux,  cin- 
quante-six sur  chaque  face  et  dix  sur  chaque  pignon  :  au 
rez-de-chaussée,  les  ouvertures  sont  carrées  et  encadrées 
dans  un  arc  ogival;  h  l'étage  supérieur,  elles  sont  cintrées 
et  rangées  sur  deux  lignes  parallèles ,  deux  sur  la  première 
ligne  et  une  sur  la  seconde. 

La  corniche  qui  couronne  l'édifice,  est  un  simple  filet 
soutenu  par  des  modifions  carrés  et  taillés  en  biseau. 

A  l'intérieur ,  la  grange  de  Vauclair  est  divisée  en  un  rez- 
de-chaussée  et  un  premier  étage ,  tous  deux  voûtés  :  ces 
voûtes  sont  partout  ogivales,  et  leurs  épaisses  nervures, 
composées  d'un  tore  appliqué  sur  un  bandeau ,  retombent 
du  côté  des  murailles  sur  des  espèces  de  consoles  engagées, 
et  au  centre  du  bâtiment,  sur  de  grosses  colonnes  cylin- 
driques disposées  dans  sa  longueur. 

Ces  colonnes,  au  nombre  de  treize,  n'ont  point  de  base; 
leur  fût  s'engage  dans  le  dallage  des  salles,  au  rez-de-chaus- 
sée comme  au  premier  étage;  les  chapiteaux  sont  ornés 
d'une  simple  cannelure ,  tantôt  de  feuilles  plates  sans  ner- 
vures,  et  dont  l'extrémité  dans  quelques-unes  seulement, 

5 


70  COUCHES  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

se  recourbait  légèrement  en  crosse.  J. '-s  tailloirs  sont,  hexa- 
gones et  supportent  immédiatement  la  retombée  des  voûtes. 

On  pénètre  dans  L'édifice  p-'ir  une  porte  cintrée  sans 
aucun  ornement,  s'ouvrait  au  milieo  sur  no  large  couloir, 
qui  donne  accès  dans  les  divers  compartimente  do  reav-de- 
chaussée,  tandis  que  l'étage  supérieur  ne  forme  qu'une 
seule  pièce  dans  tonte  son  étendue. 

La  charpente  est  une  des  plus  belles  que  nous  connais- 
sions, et  l'on  peut  dire  a  juste  litre,  que  ce  bâtiment, 
quoique  d'une  grande  simplicité,  est  en  effet  d'un  style 
plein  'le  noblesse  et  de  rigueur. 

Après  avoir  examiné  dans  te  tails  cette  immense 

con  traction,  qui  offre  un  mélange  de  plein-cintre  et 
d'ogive,  les  risiteurs  te  ont  demandé  quelle  avait  pu  être 
la  destination  de  cet  édifice,  aussi  beau,  aussi  grandiose 
qu  une  cathédrale.  Etait-ce  une  simple  grange  telle  que  les 
moines  d'alors  savaient  en  bâtir?  Cette  opinion  a  été  com- 
battue j-ar  M.  de  Caumonl  qui  a  visité  et  figuré  bon  nombre 
de  granges,  dans  lesquelles  il  n'a  jamais  trouvé  de  n 
blance  avec  le  bâtiment  dont  il  s'agit.  Les  granges  que  l'on 
connaît,  n'ont  pas  cette  forme  m  cette  disposition.  D'ail- 
a  quoi  bon  ces  routes,  ces  fenéfa  étroites,  sans 
utilité  réelle  poui  a  onstroctfons?oà  setrou- 

vai'-nt  les  portes  d'entrée,  les  lieux-  de  déchargement? Cet 
édifice        prétait  si  peu  a  cet  usage  que  rien  aujourd'hui, 
Dis  opérés  pooi  lui  donnei  celte  appro- 
priation, rien  ne-  vient  a  l'appui  de  ce  sentiment 

Cette  dénomination  de  trouvant  impropre,  ou 

in  a  fait  un  magasin  et  un   [  abondance.   Rien  ne 

l'oppose,  en  effet,  ï  "■  qu'on  puisse  établir  dam  cette  vaste 
construction <  des  monceaux  'le-  tonneaux  an  rez  de  <li 
et  des  amas  de  graini   dan    l'étage  supérieui  ;  on  pourrait 
logei  au  besoin  des  avoines  sui  les  cai   on-  des  ■■• 


XVIIIe.    SESSION.  71 

entre  les  poutres  de  cette  magnifique  charpente,  si  digne 
d'admiration.  Mais  comment  échapper  aux  nombreuses  objec- 
tions qu'on  ne  manquera  pas  de  nous  faire.  Et  d'abord , 
pourquoi  ces  monceaux  de  tonneaux  établis  sous  des  voûtes 
peintes ,  ces  portes  étroites  et  d'une  rare  conservation ,  après 
le  maniement  de  tant  de  futailles,  qu'on  exportait  en  Flan- 
dre et  jusque  dans  la  Hollande ,  d'après  une  tradition  dont 
la  trace  nous  échappe  aujourd'hui  ?  Si  le  dessus  de  ces  pré- 
tendus magasins  servait  à  loger  les  grains  qu'on  mettait  en 
abondance,  pourquoi  ces  voûtes  encore  si  belles,  ces  pavés 
historiés  ?  Pour  nous ,  il  nous  semblerait  aussi  facile  d'en  faire 
un  réfectoire,  une  salle  d'étude,  un  chapitre,  et  un  dortoir  que 
toute  autre  chose,  d'autant  plus  que  ce  bâtiment  touchait  au 
cloître  et  presque  à  l'église ,  et  que  les  cuisines  pouvaient  y 
attenir.  Qu'on  en  ait  fait  ensuite  un  grenier  d'abondance,  voir 
même  une  grange ,  comme  nous  l'avons  vu  de  nos  propres 
yeux ,  ceci  n'a  rien  qui  puisse  nous  étonner.  Les  révolutions 
humaines  amènent,  à  certaines  époques,  des  changements 
profonds  qui  déroutent  tous  les  calculs  les  mieux  établis. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  sa  destination  primitive ,  cette  con- 
struction ou  plutôt  ce  monument,  car  c'est  le  nom  qui  lui 
convient ,  n'en  réclame  pas  moins  une  étude  sérieuse  et  le 
talent  d'un  artiste  distingué  pour  en  perpétuer  le  souvenir. 

Celte  visite  terminée,  une  copieuse  collation  nous  attendait 
dans  l'ancienne  infirmerie  de  l'abbaye.  Messieurs  les  archéo- 
logues ,  dont  la  dispute  avait  aiguisé  l'appétit  ,  firent  un 
honneur  mérité  aux  mets  succulents  que  l'on  devait  à  la  gé- 
néreuse attention  de  MM.  Perrine,  Dersu  et  de  Caumont. 
M.  le  docteur  Leroux ,  de  Corbeny  ;  M.  Le  Doyen ,  de 
Craonne,  et  quelques  autres  personnes  qui  avaient  bien  voulu 
se  réunir  aux  membres  du  Congrès,  animèrent  de  leur  douce 
gaieté  un  repas  champêtre  qui  pouvait  se  féliciter  d'obtenir 
les  affections  d'estomac  comme  la  science  archéologique  avait 
gagné  celles  du  cœur. 


72       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

Bientôt  nous  saluions  Vauclair  d'un  doux  regret ,  et  nous 
nous  acheminions  lentement  à  travers  une  magnifique  forêt , 
vers  la  belle  ferme  d'Hurtebise ,  le  principal  domaine  de 
l'abbaye.  Cette  ferme  fut  brûlée ,  en  1590 ,  par  les  habitants 
de  Laon ,  parce  que  l'abbé  de  Vauclair  n'avait  pas  voulu  em- 
brasser le  parti  de  la  Ligue  ;  la  chapelle  qui  subsiste  encore 
est  postérieure  à  cet  événement ,  ainsi  que  le  corps  de  ferme. 
Nous  reçûmes ,  à  Hurlebise ,  de  la  part  du  fermier  et  du 
propriétaire,  M.  le  marquis  de  Bougy,  du  Calvados,  un 
accueil  des  plus  gracieux. 

Nous  partîmes  avec  une  douleur ,  celle  de  ne  pouvoir  vi- 
siter le  champ  de  bataille  de  1814  ,  si  connu  sous  le  nom 
de  bataille  de  Craonne.  Napoléon  avait  placé  son  quartier 
général  à  Hurtebise.  Quoique  vainqueur,  il  dut  le  quitter. 
Nous  l'imitâmes  dans  sa  retraite  glorieuse,  et  sans  avoir  à 
combattre  une  confédération  aussi  redoutable  que  celle  des 
puissances  coalisées ,  nous  avions  à  nous  défendre  dans 
un  prochain  avenir  des  ténèbres  de  la  nuit. 

Heureusement  qu'au  mois  de  juin  le  crépuscule  se  pro- 
longe. Après  avoir  aperçu  Cerny,  Chermisy,les  vieux  débris 
du  château  de  Neuville  ,  nous  pûmes  encore  considérer  le 
beau  paysage  de  la  vallée  de  Bruyères,  dont  nous  admirâmes 
l'église  romane  flanquée  de  ses  trois  absides  circulaires  et 
décorées  de  la  plus  riche  ornementation.  Cette  église  est  digne 
assurément  d'une  petite  monographie.  Ardon ,  qu'il  nous 
est  impossible  de  visiter ,  ainsi  que  Leuilly  ,  disparaissent ,  et 
à  la  nuit  tombante  nous  arrivons  au  pied  de  la  Montagne. 
Nous  jetons  un  dernier  regard  sur  ce  vaste  panorama  qui  se 
déroule  au  sud  et  au  couchant  de  la  montagne  ;  nous  con- 
templons ces  bouquets  de  bois ,  ces  flancs  de  collines  qui  se 
creusent, ,  ces  monticules  isolés  qui  s'avancent  au  milieu  de 
la  plaine ,  ces  villages  jetés  au  hasard  ,  ces  riches  moissons , 
et,  pleins  de  délicieux  souvenirs,  et  surtout  pénétrés  d'une 
profonde  reconnaissance  pour  la  généreuse  hospitalité  de  nos 


xvnr.  SESSION.  73 

aimables  Laonnais ,  nous  nous  séparons  avec  l'espérance  de 
nous  retrouver  l'année  prochaine  au  Congrès  de  St. -Quentin. 
M.  de  Caumont ,  qui  avait  annoncé  que  M.  Victor  Petit  ne 
pouvait ,  à  son  grand  regret ,  faire  partie  de  l'excursion ,  fit 
espérer  que  dans  peu  de  jours  il  ferait,  à  sa  demande ,  des 
dessins  du  monument  de  Vauclair.  M.  Victor  Petit  a  tenu  sa 
promesse ,  et  les  notes  suivantes  ont  été  adressées  par  lui  à 
M.  de  Caumont  pour  être  réunies  au  procès-verbal. 

L'Inspecteur  remplissant  les  fonctions  de  Secrétaire, 

L'abbé  Poquet. 


DESCRIPTION   DES  DESSINS 

Représentant  le  bâtiment  connu  sous  le  nom  de  Grange  de  l'abbaye  de  Vauclair, 

PAR  M.  VICTOR  PETIT, 

Membre  Je  l'Institut  des  provinces  et  de  la  Société  française. 

Les  dessins  que  nous  allons  décrire  ne  reproduisent  pas  ri- 
goureusement l'état  actuel  du  bâtiment  magnifique  de  Vau- 
clair. Nous  avons  retranché  les  constructions  provisoires  ou 
modernes  qui  sont  venues  s'appuyer  sur  les  anciens  murs , 
et ,  de  même ,  nous  avons  rétabli  dans  leur  état  primitif , 
encore  fort  reconnaissable,  les  portes  et  les  fenêtres  qui  ont  été 
bouchées  ou,  au  contraire,  agrandies.  Là  se  bornent  scrupu- 
leusement les  changements  que  nous  avons  pensé  devoir 
adopter,  afin  de  rendre ,  autant  que  possible ,  l'ensemble  que 
dut  présenter  autrefois  le  vaste  corps-de-logis  qui  fut  élevé 
à  quelques  mètres  seulement  de  distance  du  portail  de  l'église 
abbatiale.  Aujourd'hui  encore,  une  avenue  pavée  se  dirige 
en  ligne  droite  depuis  la  grande  porte  d'enceinte  de  l'abbaye 
jusqu'à  l'entrée  de  l'église.  Cette  disposition  se  retrouve  dans 
les  diverses  abbayes  dont  les  ruines ,  ou  seulement  les  dessins, 


74  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE, 

nous  ont  été  conservés. 
Ainsi ,  dans  le  Soissonnais , 
à  Longpont,  St.-Jean-des- 
Vignes  ,  St.-Médard ,  etc. , 
une  avenue  droite  aboutit 
au  portail  de  l'église  abba- 
tiale (1). 

Le  grand  pignon  nord 
du  bâtiment  que  nous  dé- 
crivons s'appuie  sur  le  côté 
droit  de  l'avenue  qui ,  après 
s'être  avancée  vers  l'église, 
tourne  subitement  à  droite 
et  longe  la  base  de  la  fa- 
çade ,  tournée  à  l'est ,  de 
notre  bâtiment. 

La  façade  de  l'ouest 
étant  celle  que  l'on  aperçoit 
la  première ,  nous  allons 
la  décrire  de  suite. 

Notre  dessin  représente 
cette  façade  dans  tout  son 
développement ,  abstraction 
faite  d'un  corps-de-logis 
moderne  qui  est  adossé  vers 
le  centre  de  la  façade  en 
retour  d'équerre ,  entre  les 
huitième  et  neuvième  con- 
treforts. Le  mur  de  cette 
façade    est    consolidé    par 

(1)  Une  description  générale 
d'une  de  ces  abbayes  sera  l'objet 
d'un  article  spécial. 


XVIII*.    SESSION.        -.  75 

quinze  contreforts,  ayant  près  de  1"'.  d'épaisseur  et  de  saillie, 
sur  plus  de  13'".  de  hauteur.  Nous  négligeons  ici  d'indiquer 
les  fractions  métriques  ,  bien  que  dans  nos  dessins  elles 
soient  rigoureusement  comptées.  Nous  ajoutons ,  comme  re- 
marque générale  ,  que  l'on  reconnaît  parfaitement  l'emploi 
de  nos  anciennes  mesures  françaises  :  les  toises ,  les  pieds  et 
les  pouces  pour  les  divisions  les  plus  importantes ,  comme 
aussi  les  plus  petites,  dans  l'établissement  du  plan  de  la 
construction. 

Nos  dessins  faisant  voir  la  disposition  des  fenêtres ,  nous  ne 
la  décrivons  pas  minutieusement.  On  remarque,  entre  le  qua- 
trième et  le  cinquième  contreforts,  une  large  porte  voûtée 
en  arc  de  cercle  et  surmontée  d'une  autre  porte  plus  étroite. 
A  droite  et  à  gauche  de  ces  deux  portes ,  et  aussi  d'une  fe- 
nêtre ,  on  aperçoit  deux  corbeaux ,  ou  consoles ,  destinés  à 
supporter  une  charpente  qui  a  complètement  disparu.  Quelle 
était  la  destination  de  celte  charpente?  Nous  tâcherons  de 
la  reconnaître  tout  à  l'heure. 

Une  autre  porte  placée  entre  les  huitième  et  neuvième 
contreforts  s'ouvre  sur  un  passage  voûté  qui  traverse  tout 
le  bâtiment.  Un  oculus  éclaire  ce  passage  lormé  par  deux 
gros  murs  (fig.  9  et  10),  et  qui  aboutit  à  la  façade  op- 
posée (fig.  2).  Nous  avons  marqué  de  la  lettre  P  ce  pas- 
sage. Nous  ne  parlons  pas  des  autres  portes  du  rez-de- 
chaussée  qui  sont  évidemment  modernes  ou  postérieures 
à  la  date  de  l'édifice ,  d'un  certain  nombre  d'années.  Mais  au 
premier  étage ,  indépendamment  de  la  porte  dont  il  a  été 
question ,  on  peut  en  remarquer  deux  autres  :  l'une  entre  le 
cinquième  et  sixième  contreforts  ,  l'autre  à  l'extrémité  du 
bâtiment.  Elles  communiquaient  à  des  bâtiments  qui  n'exis- 
tent plus. 

La  belle  façade  de  l'est  se  développe  tout  entière  devant 
nous.  Son  état  de  conservation  est  remarquable  et  la  pierre  a 


76  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

gardé  sa  nuance  claire  et 
jaunâtre;  c'est  une  sorte  de 
calcaire  tendre ,  poreux ,  et 
légèrement  sablonneux,  que 
l'on  exploite  dans  le  flanc 
d'une  haute  colline  située 
à  peu  de  distance ,  au  sud , 
de  Vauclair. 

C'est  par  suite  de  la  dé- 
molition assez  récente  de 
plusieurs  corps-de-logis  qui 
venaient  s'appuyer  et  se 
réunir  à  celui  que  nous 
décrivons,  qu'il  est  pos- 
sible maintenant  d'embras- 
ser d'un  seul  coup-d'œil  un 
édifice  qui  a  plus  de  70m. 
de  longueur.  (70m.   40e.  ) 

Toutefois ,  une  certaine 
partie  de  ces  bâtiments 
semble  n'avoir  été  bâtie 
que  bien  postérieurement 
à  l'édifice  principal.  Nous 
n'en  chercherons  point  la 
disposition,  ni  la  destina- 
tion ;  bornons-nous ,  quant 
à  présent ,  à  la  description 
de  nos  dessins. 

Quinze  contreforts ,  tous 
semblables  entr'eux ,  et  que 
nous  avons  déjà  vus  à  la 
façade  de  l'ouest ,  soutien- 
nent celle  de  l'est,  divisée 


XVIII".    SESSION.  77 

par  cela  même  en  quatorze  travées  qui  correspondent  aux 
distributions  intérieures  que  nous  admirerons  bientôt. 

Chacune  de  ces  travées  présente  en  apparence  une  si- 
militude qui  disparaît  après  un  examen  attentif.  Nous  donnons 
sur  une  proportion  plus  grande  la  travée  qui  semble  devoir 
être  le  résumé  de  toute  la  construction  (  fig.  5  et  6  ). 

Cette  construction  offre  la  réunion  singulière  de  l'arc  ogi- 
val ,  du  plein-cintre  et  de  la  plate -bande. 

La  plate-bande,  elle-même  ,  avec  ses  claveaux  en  trapèze, 
tels  que  les  apparcilleurs  du  XVIIIe.  siècle  eussent  pu  les 
faire. 

L'écartement  qui  sépare  les  deux  contreforts  est  de  3"\ 
85°.  en  moyenne;  l'élévation  atteint  la  hauteur  de  13n>. 
50e.  en  moyenne  également ,  car  le  nivellement  du  terrain 
présente  quelques  inégalités  ;  enfin  le  mur  est  formé  de 
quarante-neuf  ou  cinquante  assises  de  pierres  de  taille  soi- 
gneusement éqoarries  et  jointoyées.  L'épaisseur  de  ce  mur 
est  d'environ  1  "'.  :  c'est  aussi  la  saillie  des  contreforts.  Les 
voûtes  intérieures  ont  donc  pour  points  d'appui  une  mu- 
raille ayant  2m.  d'épaisseur.  C'est  énorme  déjà,  et  cependant 
les  constructeurs  n'ont  pas  jugé  cette  force  de  résistance 
assez  considérable  ;  ils  ont  employé  un  moyen  ingénieux  pour 
augmenter  cette  même  force  de  résistance  et  qui  consiste  à 
charger  le  sommet  de  la  muraille,  dans  un  sens  vertical  , 
d'une  voûte  ayant  ses  points  d'appui  sur  la  tête  des  con- 
treforts et  agissant  dans  le  sens  opposé  à  la  poussée  des 
voûtes  intérieures. 

On  reconnaît  bien  là,  dans  cette  combinaison  si  simple, 
si  vraie  et  si  pleine  de  bon  sens,  le  génie  des  constructeurs  du 
moyen  âge.  Celte  voûte ,  formée  par  deux  arcs-doubleaux  de 
25e. d'épaisseur  chacun,  ajoute  donc  à  l'épaisseur  de  la  muraille 
et  sur  son  sommet  un  poids  considérable,  puisque  cette 
muraille  atteint  ainsi   la    mesure   d'un   mètre  50e.  ,   sans 


78       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 


Fig.    5    Ct    6.    USE    TRAVÉE   Dl    BATJME.NT    DE   YAICLAIR. 


XVIIIe.    SESSION.  79 

compter  la  saillie  de  la  corniche,  dont  nous  donnons  un 
dessin  (fig.   7),   et  qui  supporte 
tout  le  comble  qui  recouvrait  l'édi- 
fice. 

Butées  aussi  fortement ,  les  voûtes 
intérieures  n'ont  pas  bougé  ;  une 
autre  précaution ,  d'ailleurs ,  a  été 
prise  contre  l'écartement  dans  le  Fig.  7.  corniche. 

sens  de  la  longueur  ;  nous  en  parlerons  bientôt. 

L'étage  du  rez-de-chaussée  était  éclairé  par  vingt-sept 
fenêtres  carrées ,  c'est-à-dire  ayant  leur  quatre  angles  rectan- 
gulaires; elles  ont  lm.  9e.  de  large  sur  2ni.  Zi5c.  de  haut; 
leur  linteau  est  formé  de  claveaux  réguliers ,  encadrés  dans 
une  arcade  ogivale,  disposition  insolite  qui  peut  sembler 
bien  bizarre  et  qui ,  si  elle  était  reproduite  dans  un  édifice 
moderne ,  ferait  jeter  les  hauts  cris  d'indignation  aux  demi- 
archéologues. 

L'arcade  ogivale ,  parfaitement  appareillée ,  se  montre  en- 
dehors  comme  à  l'intérieur  du  monument;  notre  figure  6 
en  fait  voir  la  coupe. 

Entre  les  huitième  et  neuvième  contreforts ,  nous  retrou- 
vons l'arc  de  cercle  de  la  porte  du  passage  déjà  signalé 
(fig.  2,  P.).  Au-dessus  s'ouvre  une  fenêtre  ronde,  sur- 
montée d'une  voûte  construite  pour  supporter  une  sorte  de 
terrasse ,  se  reliant  aux  bâtiments  démolis  et  dont  les  traces 
se  reconnaissent  en  de  nombreux  endroits  sur  la  grande 
muraille. 

Dans  la  travée  suivante,  on  trouve  une  porte  presque 
semblable ,  conduisant  dans  la  grande  salle  A ,  située  vers 
la  partie  sud  de  l'édifice.  La  salle  B,  placée  dans  la  partie 
opposée ,  est  plus  grande  encore ,  car  elle  a  sept  travées  au 
lieu  de  six.  Enfin ,  à  côté  de  cette  seconde  porte ,  on  re- 


80  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRAjNCE. 

marque  un  escalier  en  pierre  et  conduisant  par  vingt-quatre 
marches  au  premier  étage. 

Avant  de  pénétrer  dans  ces  différentes  salles ,  faisons  re- 
marquer que,  par  une  disposition  que  rien  ne  semble  ex- 
pliquer ni  motiver ,  les  fenêtres  de  ce  premier  étage ,  dis- 
posées trois  par  trois ,  ne  sont  point  symétriquement  placées. 
Ainsi,  presque  toutes  les  fenêtres  placées  sous  les  arcs-dou- 
bleaux  ,  sont  mises  un  peu  à  gauche  ou  un  peu  à  droite  du 
milieu  réel;  cette  différence  varie  de  5e.  à  20e.  (Voir  la 
fig.  5,T). 

Autre  irrégularité  encore  :  les  consoles  ou  corbeaux  de 
la  grande  corniche ,  sont  au  nombre  de  sept ,  entre  chaque 
tête  de  contrefort.  Eh  bien  !  loin  d'être  disposées  d'une 
manière  égale  entre  ces  têtes  de  contrefort,  le  hasard  sem- 
ble les  avoir  placées  n'importe  comment  (fig.  5,  CC.  ). 
(  Voir  fig.  7 ,  pour  les  détails.  ) 

Nos  modernes  appareilleurs  frémiraient  à  la  vue  d'une 
telle  irrégularité. 

Après  avoir  présenté  le  dessin  des  deux  façades,  nous 
donnons  celui  des  deux  grands  pignons  qui  les  réunissent.  — 
Celui  du  nord  (fig.  3),  est  merveilleusement  conservé,  il 
reproduit  tous  les  caractères  de  construction  que  nous  avons 
étudiés  sur  la  grande  façade.  —  Il  en  est  de  même  pour  le 
pignon  du  sud  (fig.  U).  Leur  élévation,  depuis  le  sol  jusqu'à 
la  pointe  du  grand  comble,  peut  être  évaluée  à  23m.  70  ou 
75e.  Le  contrefort  central  n'a  que  lm.  50e.  de  moins;  son 
épaisseur  est  de  lm.  20e. 

Nos  dessins  suppléeront  à  une  description  plus  détaillée. 
Pénétrons  maintenant  dans  l'intérieur  de  ce  curieux  et  re- 
marquable édifice. 

Salle  B  (fig.  9).  C'est  par  la  grande  porte  E,  ouverte 
dans  la  façade  de  l'ouest ,  qu'on  pénétrait  dans  cette  salle  ; 
une  seconde  porte  F,  située  dans  l'angle,  près  du  passage 


10  (M 


81 


Fig.  h.  riGNON  m   sid. 


82 


CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE  , 


XVIIIe.  SESSION.  83 

central,  établissait  une  communication  avec  l'autre  côté  de 
la  façade  et  aussi  l'autre  salle  A. 

Cette  salle  B  a  33'".  de  long  sur  13  de  largeur;  elle  est 
divisée  dans  sou  milieu,  par  six  colonnes  et  deux  consoles, 
ce  qui  fait  huit  travées  et  deux  nefs  parfaitement  bien  voû- 
tées. L'autre  salle  n'a  que  six  travées,  et  elle  ne  le  cède  en 
rien ,  comme  beauté  de  construction  ,  à  la  salle  voisine  ; 
toutefois  l'appareil  des  nervures  n'est  pas  le  même  :  ici  elles 
sont  carrément  taillées  dans  leur  profil ,  tandis  que  partout 
ailleurs   elles  sont   arrondies  (Voir  fig.    13).   Les  consoles 

4H 


Fig.   15 


Fig.   13. 


présentent,  à  peu  de  variantes  près,  le  profil  de  la  fig.  1/i. 
Les  chapiteaux  sont  tous  d'un  seul  morceau  ,  corbeille  et 
tailloir;  en  voici  le  dessin  le  plus  généralement  reproduit 
(fig.  15).  Les  autres  se  rapprochent  des  chapiteaux  à  feuilles 
plates  et  à  crosses  du  XIIIe.  siècle.  Leur  diamètre  inférieur 
est  de  près  de  70e.  pour  les  colonnes  du  rez-de-chaussée  , 
et  de  65e.  ou  même  60  ,  pour  celles  du  premier  étage. 

Nous  donnons  (fig.  12)  le  profil  et  la  coupe  des  voûtes 
et  des  colonnes ,  depuis  le  terrain  jusqu'au  comble.  Le  mas- 
sif M  s'élève  pour  soutenir  le  centre  de  la  charpente  dont 
nous  parlerons  plus  loin. 

Voici  maintenant  la  coupe  générale  de  l'édifice  (fig.  10)  , 
sur  les  lignes  0  0  (fig.  8  et  9). 

Nos  lecteurs  comprendront  instantanément  la  disposition 


8k 


CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 


XVIIIe.    SESSION.  85 

d'ensemble  des  deux  étages ,  et  pourront ,  en  comparant  les 
dessins  entr'eux ,  reconnaître  sans  difficulté  les  distributions 
grandioses  de  la  salle  immense  du  premier  étage.  Cette  salle, 
en  effet ,  tient  toute  la  longueur  et  toute  la  largeur  de  l'édi- 
fice :  elle  a  66m.  20e.  de  longueur  sur  12m.  M)c.  de  largeur, 
et  est  divisée  en  deux  nefs  par  treize  colonnes,  formant 
quinze  travées  égales  entr'elles. 

Cette  magnifique  salle  est  éclairée  par  cinquante-deux 
fenêtres.  C'est  par  l'escalier  S  S  (fig.  2,  8  et  9),  qu'on  y 
arrivait.  Les  rares  communications  établies  avec  les  bâti- 
ments qui  n'existent  plus,  sont  indiquées  par  les  portes  re- 
produites dans  nos  dessins. 

La  fig.  11  montre  la  cou- 
pe ,  par  le  travers ,  des  deux 
étages.  On  remarquera  que 
l'entrecolonnement  n'est  pas 
le  même  que  dans  la  fig.  1 0 , 
c'est-à-dire,  que  chaque  tra- 
vée ne  présente  pas  en  largeur 
et  en  longueur  une  égale  di- 
mension :  c'est  un  carré  long, 
coupé  par  les  nervures  diago- 
nales qui  viennent  appuyer 
leur  retombée  sur  les  chapi- 
teaux ou  les  consoles.  Cette  Fig.  il.  coupe  imérieure, 
disposition  qui  est  générale  durant  le  moyen  âge,  a  pour 
but  de  rapprocher  autant  que  possible  ,  entr'eux ,  les 
grands  points  d'appui,  c'est-à-dire  les  contreforts  et  les 
arcs-boutants  extérieurs,  tout  en  laissant  à  la  nef,  ou  aux 
nefs ,  une  très-grande  largeur.  C'est  dans  nos  plus  admi- 
rables cathédrales  surtout,  qu'il  sera  facile  de  se  rendre 
compte  de  ce  moyen  simple  et  poissant  d'avoir  de  grandes 
voûtes.   Leur  poussée  dans  le  sens  de  la  longueur  est  nulle , 

6 


86  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

et  dans  le  sens  de  la  largeur  elle  est  maintenue  par  de  forts 
supports. 

Bien  que  les  voûtes  du  rez-de-chaussée  et  celles  du  pre- 
mier étage  semblent  être  identiques,  on  remarque  pourtant 
plus  de  finesse  dans  ces  dernières.  Enfin  ,  le  sol  qui ,  au  rez- 
de-chaussée,  n'est  simplement,  quant  à  présent  du  moins, 
qu'en  terre  battue,  est  formé  au  premier  étage,  par  des 
carreaux  de  terre  cuite,  de  différentes  formes  et  dimensions. 
A  diverses  époques ,  de  notables  parties  de  cet  immense 
carrelage  furent  remaniées,  et  c'est  à  cette  circonstance 
tout  accidentelle  de  restauration ,  que  l'on  doit  la  dispa- 
rition presque  entière  du  carrelage  émaillé ,  dont  on  ne  re- 
trouve plus  que  des  fragments  çà  et  là. 

Ces  carreaux  témoignent  de  la  richesse  apportée  à  l'orne- 
mentation décorative  de  l'édifice,  pour  la  salle  du  premier 
étage  qui,  selon  toutes  les  probabilités,  n'a  pas  dû  être 
primitivement  construite  pour  servir  de  grange,  destination 
actuelle  ,  et  que  la  ruine  de  l'abbaye ,  transformée  en  ferme, 
a  seule  motivée. 

Sur  trois  de  ses  côtés ,  cette  salle  n'a  pas  une  seule  ou- 
verture qui  puisse  servir  de  porte ,  près  de  laquelle  les  voi- 
tures puissent  approcher,  et  seulement  dans  la  façade  de  l'ouest, 
on  peut  remarquer  deux  véritables,  mais  très-petites  portes 
donnant  à  l'extérieur  (fig.  ire.  ).  A  l'une  de  ces  portes,  sont 
posés  des  corbeaux,  destinés  à  soutenir  une  charpente  qui 
s'appuyait  sur  d'autres  corbeaux  placés  plus  haut.  Est-ce 
parla  seulement  qu'on  entrait  le  blé,  à  l'aide  d'une  grue? 
La  question  est  dilficile  à  résoudre ,  tant  que  des  recherches 
approfondies  n'auront  point  été  faites.  Était-ce  ,  au  con- 
traire ,  par  l'escalier  S  qu'on  montait  les  grains  et  les  pailles 
dans  la  grande  salle?  Cela  est  possible  à  la  rigueur,  toutefois 
jusqu'à  preuve  contraire,  nous  ne  pouvons  voir  dans  la 
destination    de    cette   magnifique   salle   qu'un  dortoir  dont 


XVIIIe.    SESSION.  87 

l'entrée  principale  était  par  ce  même  escalier ,  placé  vis-à-vis 
de  l'une  des  issues  du  cloître,  qui  s'étendait  en  face  de  notre 
bâtiment  en  s'appuyant  au  bas-côté  sud  de  l'église. 

Aux  angles  sud-est  et  nord-ouest  de  ce  bâtiment,  on  re- 
marque un  escalier  étroit  commençant  au  Ie*.  étage  et  abou- 
tissant au  comble  par  un  mouvement  en  spirale. 

De  prime  abord  l'effet  d'ensemble  de  cette  longue  et  haute 
charpente ,  produit  un  certain  mouvement  d'admiration  qui 
s'amoindrit  peu  à  peu  lorsque  l'examen  attentif  de  la  con- 
struction commence.  Nous  avons  donné  (fig.  10)  l'ensemble 
des  quinze  fermes  qui  divisent  le  comble.  Voici  maintenant 
l'une  de  ces  fermes  (toutes  pareilles  entr'elles)  (fig.  16). 


Fig.   16,   17  et  18. 


Le  système  adopté  pour  cette  charpente,  est  de  partager  le 
poids  du  comble  entre  les  gros  murs  et  le  pilier  central,  niais 


88       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

par  le  fait  même  de  ce  système ,  les  deux  tiers  du  poids  pèsent 
sur  le  centre  au  lieu  de  peser  exclusivement  sur  les  gros 
murs.  Remarquons  aussi  que  la  pièce  principale  «  l'entrait  » 
(fig.  18) ,  est  formé  de  deux  pièces  de  bois  jointes  ensemble 
par  leur  gros  bout  avec  une  clef  ou  forte  cheville  et  quelques 
chevilles  insignifiantes  par  leur  peu  de  force.  Cette  clef  se 
rompant  entraîne  toute  la  charpente  dans  une  chute  inévi- 
table— et  que  l'on  sait  éviter  maintenant  par  le  tracé  ou  trait 
de  Jupiter  :  assemblage  remarquable  que  le  charpentier  de 
Vauclair  ignorait.  Nous  donnons  (fig.  17)  les  points  d'at- 
tache des  principales  pièces  de  cette  grande  charpente  qui, 
grâce  à  la  solidité  du  pilier  central ,  s'est  conservée  debout. 
On  pourrait  sans  inconvénient ,  et  ceci  n'est  pas  une  mauvaise 
plaisanterie ,  démolir  les  deux  gros  murs  latéraux  — la  char- 
pente resterait  en  équilibre  sur  le  pilier  central. 

Cette  même  fig.  16  fait  voir  la  coupe  des  belles  voûtes 
de  la  grande  salle  du  1er.  étage. 

Les  maçons    de    Vauclair    furent   d'habiles     et    savants 


ouvriers. 


Séance   du   s  jjuille*    1S5I. 

Présidence  de  M.  le  C,e.  de  Mérode. 

La  séance  est  ouverte  à  1  heure  dans  la  salle  de  la  biblio- 
thèque publique ,  hôtel  de  la  préfecture. 

M.  de  Mérode  appelle  au  bureau  MM.  Huet ,  président  du 
tribunal,  Dersu ,  juge,  de  Beauvillé,  1er.  adjoint  au  maire 
de  Laon. 

M.  l'abbé  Lecomte  adresse  au  Congrès  une  note  sur  divers 
monuments  intéressants  de  Soissons  ,  et  diverses  précautions 


xvitr.  session.  89 

à  prendre  dans  L'intérêt  de  la  conservation  des  monuments 
historiques. 

On  entend  le  projet  d'adresse  au  ministre  dans  le  but  d'ob- 
tenir des  fonds  pour  la  consolidation  de  la  cathédrale  ,  et  les 
observations  faites  à  ce  sujet  par  M.  le  comte  de  Mérodc  ,  par 
M.  Huet ,  M.  Dersu  ,  M.  Pcrrine  et  plusieurs  autres  mem- 
bres de  l'assemblée,  donnent  lieu  à  diverses  modifications  dans 
la  rédaction  du  projet.  Cette  adresse,  qui  exprime  les  princi- 
pales opinions  de  la  Société  française  au  sujet  des  travaux  à 
entreprendre  à  la  cathédrale,  est  adoptée  et  signée  de  tous  les 
membres  présents  ,  après  la  clôture  de  la  discussion. 

M.  Rouit  dépose  un  mémoire  sur  les  inscriptions  histo- 
riques que  renferme  l'église  de  Bosmonl,  canton  de  Marie  , 
relativement  à  des  événements  passés  pendant  les  guerres 
religieuses  et  à  la  mort  de  d'Haugest,  seigneur  de  Genlis,  qui 
avait  pris  parti   pour  la  religion  réformée. 

MÉMOIRE  DE  M.   ROUIT. 

Dans  le  village  de  Bosmont ,  situé  à  8  kilomètres  de  Marie , 
s'élève,  sur  un  petit  monticule  qui  le  domine,  une  église  dont 
la  construction  remonte  probablement  au  commencement  du 
XIIe.  siècle ,  ainsi  que  l'indique  son  architecture  de  transition. 
Cette  église  est  flanquée  d'une  tour  carrée  et  massive ,  d'une 
époque  plus  récente ,  et  postérieure  sans  doute  à  la  destruction 
du  château  de  Jean  de  Coucy  de  Vervins,  c'est-à-dire  à  l'année 
13Zi7.  Sa  force,  son  assiette  militaire  sembleraient  moins  con- 
venir à  un  clocher  qu'a  une  forteresse.  Il  en  est  de  même , 
assure-t-on  ,  de  toutes  les  églises  de  la  Thiérache  ;  elles 
représentent  une  ligne  de  forts  détachés ,  propres  h  la  défense 
de  la  frontière,  et  destinées  à  recueillir  les  populations  sur- 
prises par  quelque  incursion  de  l'ennemi.  Ce  n'était  pas  une 
précaution  inutile  dans  des  temps  de  trouble  et  de  guerre 


90  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

perpétuels,  puisqu'en  1712,  un  parti  hollandais  mit  à  con- 
tribution ce  même  Bosmont  ,  que  ne  protégeait  plus  son 
temple  uniquement  réservé  dès-lors  au  culte  d'un  Dieu  de 
paix. 

Il  y  a  quelques  mois ,  j'eus  occasion  de  visiter  Bosmont  et 
son  église.  La  partie  basse  de  la  tour,  contiguë  au  côté  droit 
du  chœur ,  forme  une  chapelle  où  se  trouvent  encastrées  dans 
la  muraille  trois  inscriptions,  dont  deux  au  moins  ne  me  sem- 
blèrent pas  dénuées  d'intérêt.  Elles  sont  en  vers  ou  plutôt  en 
lignes  rimées.  Elles  présentent  bien  quelques  difficultés,  quant 
au  dessin  des  caractères  et  à  l'orthographe ,  mais  on  doit 
les  rejeter  sur  l'ignorance  évidente  de  la  main  qui  les  a 
gravées. 

Les  deux  premières  rappellent  un  épisode  précurseur  et , 
suivant  les  mémoires  du  temps,  cause  déterminante  de  la 
Saint-Barthélémy  et  de  notre  quatrième  guerre  de  religion. 
Elles  sont  tellement  unies  par  le  sujet  que  je  ne  crois  pas  les 
devoir  séparer.  Voici  comment  j'en  proposerais  la  lecture  : 

les  libertins  de  ce  pays, 
contrefaisant  le  protecteur, 
a  la  requête  de  genly , 
allant  a  monts  a  leur  malheur 
cinq  cents  et  plus  occis  a  l'heure, 
et  de  quatre  mille  pendus, 
le  reste,  qui  de  leur  erreur 
n'était  pour  rien  renvoyé  tout  nu. 
l'an  de  jésus-chrit  révolu, 
mil  et  cinq  cent  septante  deux. 

dix-septième  de  juillet  vaincu 
fut  genly,  protecteur  des  gueux; 
de  quoi  l'amiral  tout  ireux 
délibérant  aller  a  mons, 
occis  fut  ce  séditieux 
dix  jours  après  l'assomption 


xvur.    SESSION.  <)1 

CONCLU  AVAIT  l'Ait  TRAHISON 
OCCIR  LE  NOBLE  SANG  ROYAL, 
DE  CUISE  LA  SAINTE  MAISON 
ET  RENDRE  PARIS  ILLOYAL. 

Voilà  un  fait  établi  et  fixé  :  la  défaite  de  Gcnlis  vaincu  de- 
vant Mons  le  17  juillet  1572,  et  un  autre  rappelé ,  le  meurtre 
de  l'amiral  de  Coligny. 

Occupons-nous  d'abord  du  premier;  l'histoire  le  confirme 
en  tous  points  et  explique  ce  que  l'inscription  se  contente 
d'indiquer. 

Jean  d'Hangest ,  seigneur  de  Genlis  et  d'Ivroy,  était,  comme 
son  frère  François,  du  parti  protestant,  l'opposition  avancée 
d'alors.  Il  en  fut  l'un  des  plus  actifs  capitaines.  C'est  au 
château  de  Genlis  qu'était  né  Calvin.  Fils  d'un  domestique 
de  la  famille ,  il  avait  été  instruit  par  les  soins  de  Charles 
d'Hangest,  abbé  de  St.-Eloy  de  Noyon.  Dans  un  petit  ma- 
nuscrit laissé  par  un  descendant  des  d'Hangest ,  et  que  l'un 
de  nos  honorables  confrères ,  M.  Piette ,  a  bien  voulu  me 
communiquer ,  cette  circonstance  est  représentée  comme  le 
motif  qui  détermina  les  deux  frères  à  embrasser  l'opinion  de 
leur  ancien  serviteur.  C'eût  été  pousser  bien  loin  le  patro- 
nage féodal;  il  est  plus  naturel  d'attribuer  le  changement  des 
seigneurs  de  Genlis  h  la  conviction  ou  à  l'intérêt  ambitieux 
qui  était  alors,  au  moins  pour  leurs  pareils  ,  le  culte  le  plus 
sincère  et  le  plus  général. 

Depuis  1556,  les  Pays-Bas,  où  la  liberté  religieuse  servait 
de  voile  à  l'affranchissement  politique ,  s'étaient  en  partie 
soulevés  contre  Philippe  II.  Malgré  l'implacable  persécution 
du  duc  d'Albe,  les  révoltés  venaient,  en  1752,  de  surprendre 
Mons  et  Valenciennes  ;  mais  les  Espagnols  n'avaient  pas  tardé 
à  recouvrer  Valenciennes,  et  ils  assiégeaient  Mons,  défendue 
par  le  brave  Lanoue.  Les  prolestants  de  France ,  en  effet , 
faisaient  passer  de  continuels  secours  à  leurs  coreligionnaires  ; 


92  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

et ,  pour  leur  assurer  un  plus  puissant  appui ,  Goligny  ,  pro- 
fitant d'un  moment  de  faveur  qui  devait  si  tristement  finir  , 
présentait  sans  cesse  à  la  fougueuse  imagination  du  jeune 
roi  la  gloire  de  rattacher  au  royaume  ces  riches  provinces  de 
Flandre,  qu'un  mariage  refusé  en  avait  détachées  depuis  un 
siècle. 

Mais  rompre  avec  Philippe  II ,  pour  s'allier  avec  les  Pays- 
Bas  ,  l'Allemagne  et  l'Angleterre  ,  c'était  porter  un  coup 
mortel  au  catholicisme ,  réduit  dans  ce  cas  h  l'Espagne  et  à 
l'Italie  seules  ;  et  l'opinion  publique ,  plus  puissante  encore 
que  les  Guise ,  qui  n'étaient  si  forts  que  parce  qu'ils  sentaient 
et  parlaient  comme  elle ,  se  fût  aussitôt  élevée  contre  un 
prince  allié  et  protecteur  des  Huguenots.  Charles  IX  fut  pré- 
venu par  sa  mère  et  ses  plus  intimes  conseillers ,  que  c'était 
mettre  en  jeu  sa  couronne.  Ne  pouvant  méconnaître  le  péril, 
ne  voulant  pas  non  plus  renoncer  à  l'idée  d'une  conquête 
facile ,  il  prit  un  moyen  terme  qui  perdit  tout ,  parce  qu'il 
n'y  avait  ni  décision ,  ni  loyauté. 

Pendant  qu'il  protestait  auprès  de  Philippe  de  sa  neutralité 
et  de  son  dévouement  aux  intérêts  catholiques ,  il  donnait  à 
Genlis  des  instructions  secrètes  et  le  chargeait  de  se  rendre 
dans  le  Hainaut  avec  sept  ou  huit  mille  hommes,  que  son  zèle 
seul  semblerait  avoir  rassemblés  ,  et  de  faire  lever  le  siège  de 
Mons,  vers  lequel  s'avançait  aussi  le  prince  d'Orange.  Mais, 
à  deux  lieues  de  la  place,  à  St.-Guilhain,  son  avant-garde, 
qu'il  commandait  en  personne ,  fut  surprise  par  le  duc 
d'Albe  et  complètement  défaite.  Les  Espagnols  avaient  été 
bien  avertis  par  les  ennemis  des  Huguenots  qui  étaient  en 
France  (1)  ;  c'est  Tavannes  qui  le  dit;  et  nous  pouvons  l'en 
croire ,  car  il  était  fervent  catholique  et  s'opposait  de  son 

(1)  Mémoires  de  Gaspard  de  Saulx  de  Tavannes  ,  maréchal  de 
France ,  -par  son  troisième  fils  ,  Jean  de  Saulx ,  vicomte  de  Tavannes 
(année  1572). 


xvmf.  session.  93 

crédit  et  de  son  éloquence  à  toute  intervention  en  faveur  des 
réformés. 

Il  ajoute. — Demeurèrent  plus  de  deux  mille  morts  que 
pris;  un  petit  nombre  de  dépouillés  se  sauvent ,  par  pitié  en 
France  ;  Genlis  et  plusieurs  signalés  pris. 

Varillas,  qu'on  appelle  le  romancier  de  l'histoire,  mais  que 
l'on  copie  souvent  sans  trop  se  plaindre  de  son  inexactitude  , 
est  d'accord  sur  le  fait  essentiel  avec  le  grave  maréchal;  seu- 
lement, il  donne  plus  de  détails. 

Le  dépit  de  l'amiral  en  fut  grand A  sa  sollicitation , 

le  roi  écrivit  à  Claude  Mont-Doucet ,  son  agent  auprès  du 
duc  d'Albe ,  de  le  prier  d'élargir  les  prisonniers  ou  de  les 
traiter  de  bonne  guerre,  et  de  les  mettre  à  rançon.  Mais  les 
Espagnols,  gui  voidaient  sans  doute,  par  un  exemple  sévère, 
détourner  IcsFranr.ais  de  se  mêler  de  leurs  affaires  deFlandre, 
avaient,  de  sang-froid ,  tué  les  prisonniers ,  en  les  exposant 
en  but  aux  arquebusades  de  leurs  soldats ,  sous  prétexte 
d'éprouver  combien  l'arquebuse  la  plus  chargée  en  pourrait 
percer  à  la  fois  (1). 

A  ce  sujet,  on  trouve  dans  le  manuscrit  dont  j'ai  parlé  , 
une  note  où  l'auteur ,  sans  élever  aucun  doute  sur  ce  récit , 
fait  cette  simple  remarque  :  Genlis  fut  étranglé  dans  son  lit. 
Le  descendant  des  Hangest  trouvait-il  cette  fin  plus  digne 
d'un  gentilhomme  ? 

Quoi  qu'il  en  soit ,  vous  le  voyez,  MM.,  concordance  par- 
faite de  l'inscription  avec  l'histoire  : 

Les  libertins  de  ce  pays  :  c'est-à-dire  les  partisans  de  la 
liberté  religieuse,  les  protestants  de  France,  contrefont,  imi- 
tent, suivent  l'exemple  de  Genlis,  protecteur  des  Gueux: 
zélés  défenseurs  des  réformés  des  Pays-Bas ,  qui  d'une  gros- 
sière injure  échappée  à  l'un  des  conseillers  de  Marguerite  de 

(1)  Varillas,  Histoire  de  Charles  IX,  livre  IX  (1685). 


9U  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

Parme,  s'étaient  fait  un  surnom  qu'ils  prétendaient  honorer, 
à  la  requête  de  Genlis  :  la  main  du  roi  était  restée  cachée , 
c'est  l'acteur  apparent  qu'on  accuse  seul.  Vont  à  Mons  :  dans 
l'espoir  d'en  faire  lever  le  siège  —  pour  leur  malheur  :  en 
effet ,  une  sanglante  défaite  les  y  attendait  :  le  1 7  juillet  1572, 
ils  sont  battus  à  Saint-Guilhain,  à  2  lieues  ouest  de  Mons. 

Cinq  cents  et  plus  sont  occis  sur  l'heure  ;  plus  de  quatre 
mille  pendus  ;  le  reste  qui  de  leur  erreur  n'étaient  pour  rien 
renvoyés  tout  nus. 

Dans  ce  dernier  trait,  nous  retrouvons  la  pitié  dont  parle 
Tavannes  ;  dans  les  pendus ,  les  arquebuses  de  Varillas. 

La  différence  dans  le  chiffre  est  chose  toute  naturelle  ; 
l'imagination  populaire  ,  comme  l'éloignement ,  grossit  les 
objets. 

Quant  au  genre  de  mort ,  il  importe  peu  :  le  résultat  est 
toujours  le  même.  C'est  toujours  la  tourbe  ignorante  et  sé- 
duite qui  paie  pour  qui  l'entraîne.  Le  plectuntur  achivi  ne 
cessera  jamais  d'être  une  vérité. 

L'influence  de  la  défaite  de  Genlis ,  lancé  en  secret  sur  les 
provinces  belges  et  désavoué  tout  haut ,  ne  saurait  être  mise 
en  doute.  Elle  eut  de  terribles  conséquences. 

De  quoi  l'amiral  tout  ireux,  délibérait  d'aller  à  Mons. 
Cette  colère  est  de  la  plus  scrupuleuse  exactitude  :  Varillas 
vient  de  dire  :  le  dépit  de  l'amiral  en  fut  grand.  Tavannes 
nous  le  montre  aussi  profondément  blessé ,  mais  ne  renonçant 
pas  à  l'espoir  de  délivrer  le  Pays-Bas.  Cette  déroute,  dit-il , 
jointe  aux  menaces  et  impudences  des  Huguenots ,  est  auteur 
de  leur  perte.  La  peur  saisit  la  reine  des  armées  espagnoles. 
Le  dédain,  le  dépit  se  conçoit  dans  l'amiral  qui  rejette  cette 
défaite  sur  ceux  qui  avaient  empêché  le  roi  de  se  déclarer.... 
il  ne  perd  courage  ;  possède  le  roi,  fait  de  nouvelles  levées. 
Emporté  d'audace,  ne  considérant  ni  qui  il  est,  ni  où  il 
est,  outrecuidé  sur  l'assurance  du  roi ,  il  dit  qu'il  ne  pouvait 


XVIIIe.    SESSION.  95 

plus  tenir  ses  partisans;  qu'il  fallait  une  des  guerres, 
espagnole  ou  civile. 

Celte  arrogante  parole,  habilement  commentée,  trouble  un 
jeune  prince  naturellement  ombrageux  et  colère.  Catherine 
se  rapproche  des  Guises;  on  tient  conseil,  et  la  mort  de 
Coligny  est  résolue.  Mais  il  n'est  que  blessé.  Les  réformés 
demandent  vengeance  avec  menaces  :  le  même  arrêt  les  frappe 
tous ,  et  Paris  l'exécute  ;  exemple  que  suivent  aussitôt  et  trop 
fidèlement  la  plupart  des  provinces. 

Le  reste  de  l'inscription  qui  accuse  l'amiral  d'avoir ,  par 
trahison ,  conçu  le  projet  de  faire  périr  le  noble  sang  royal  et 
la  sainte  famille  des  Guise,  et  d'entraîner  Paris  dans  la  révolte, 
porte ,  sinon  la  même  vérité  dans  l'appréciation  des  faits ,  du 
moins  la  même  sincérité  dans  l'expression  des  sentiments. 

Celait  l'opinion  de  l'immense  majorité  de  la  nation  que 
l'amiral  de  Coligny  avait  armé  la  main  de  Poltrot,  et  qu'il 
voulait  établir  une  république  fédérative  sur  les  ruines  de  la 
monarchie.  Sans  aucun  doute  ,  le  noble  amiral  ne  méritait 
aucune  de  ces  accusations  ;  mais  il  était  chef  de  parti  ;  et  les 
imprudences,  les  vœux  ou  les  actes  coupables  de  ceux  qu'il 
semblait  diriger ,  c'était  lui  seul  que  la  voie  publique  en 
rendait  responsable. 

Pour  terminer,  quel  intérêt  sérieux  offrent  donc  nos  deux 
inscriptions  de  Bosmont  ?  Outre  l'avantage  de  rappeler  et  de 
préciser  un  fait  oublié  dont  nous  avons  vu  l'importance ,  elles 
me  semblent  avoir  encore  le  mérite  de  retracer  ingénument 
l'état  des  esprits  pendant  la  funeste  période  de  nos  guerres 
civiles.  Si,  dans  un  obscur  village,  on  gravait  sur  la  pierre  des 
accusations  odieuses ,  mais  que  l'on  croyait  vraies ,  contre  un 
parti  toujours  redoutable  quoique  vaincu ,  quelle  devait  être 
l'exaltation  des  grandes  cités  où  les  ennemis  étaient  en  pré- 
sence !  C'est  une  feuille  du  journal  de  nos  pères  ;  elle  est 
naïve  et  brève,  mais  du  moins  pour  les  faits,  elle  est  d'une 


96       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

merveilleuse  exactitude;  dans  ses  jugements ,  elle  suit  plutôt 
la  passiou  que  la  justice ,  il  n'est  là  rien  qui  doive  nous 
étonner.  Peut-être  bien  qu'en  cherchant  un  peu ,  nous 
finirions  par  trouver  quelqu'autre  de  ces  simples  annales ,  et 
nous  pourrions  parfois  contrôler  la  grande  histoire  officielle , 
à  l'aide  de  celle  que  le  peuple  aurait  écrite  de  ses  propres 
mains.  Ne  serait-ce  pas  le  moyen  le  plus  sûr  d'arriver  à  la 
vérité  ? 

Il  ne  me  reste  plus  qu'à  parler  de  la  troisième  inscription. 
C'est  la  pierre  tombale  d'un  homme  de  bien. 

NOMMÉ    LOUIS  , 
d'armes   ET   DE  VERTUS   ENNOBLI, 
QUI    A    NATURE    PAYA    SA    DETTE, 
L'AN    MIL    CINQ    CENT    SOIXANTE    SEPT 
LE   JOUR    HUITIÈME   DE    SEPTEMBRE. 

Rien  assurément  de  plus  vulgaire,  mais  le  dernier  vers 
ne  me  semble  pas  indigne  de  remarque.  Au  lieu  de  la  for- 
mule usitée  :  Priez  pour  lui,  nous  lisons  :  Prie  pour  lui  , 
qui  t'en  remembre. 

Ce  soin  de  ne  s'adresser  qu'à  ceux  qui  se  rappellent  encore 
celui  qui  n'est  plus ,  n'est-il  pas  une  allusion  aussi  fine  que 
touchante,  à  l'oubli  qui  suit  d'ordinaire  des  noms  encore 
plus  grands  et  dément  si  vite  les  éternelles  douleurs  de 
l'épitaphe  ? 

La  précaution  du  reste  n'était  pas  inutile;  voilà  quatre 
grandes  pages  consacrées  à  un  homme  de  guerre  et  de  sang , 
forçant  les  villes ,  ravageant  les  campagnes  :  et  sur  un  nom 
que  ne  recommandent  que  d'utiles  et  modestes  vertus,  je 
n'ai  pas  un  seul  mot  à  dire. 

Le  Congrès,  par  la  bouche  de  M.  le  président,  demande  à 
M.  le  bibliothécaire  quelques  renseignements  sur  les  richesses 
de  la  bibliothèque  de  Laon.  M.  Thillot  répond  que  le  cata- 


XVIIIe.    SESSION.  97 

Jogue  en  a  été  dressé  par  FEtat  :  on  histoire  locale,  la  biblio- 
thèque possède  le  manuscrit  d'IIerrnan  ,  le  récit  du  voyage 
des  chanoines  quêtant  pour  la  reconstruction  de  l'église  ;  pour 
l'histoire  plus  récente  ,  le  récit  de  ce  qui  est  arrivé  à  Laon 
pendant  la  Ligue,  par  Antoine  Richard,  bourgeois  de  Laon  ; 
un  manuscrit  sur  l'histoire  de  St. -Quentin,  par  le  colonel 
Chabot-Latour;  un  autre  sur  l'histoire  de  IN icole  Obry  ;  un 
carlulaire  contenant  le  catalogue  du  trésor  de  St.-Rémy,  une 
des  églises  de  Laon. 

M.  Piette  donne  quelques  renseignements  sur  les  objets 
antiques  qui  se  trouvent  à  la  bibliothèque.  La  Société  de- 
mande qu'il  soit  fait  un  catalogue. 

Sur  la  demande  de  MM.  de  Mérode,  de  Caumont  et  de 
plusieurs  autres  membres ,  le  Congrès  émet  le  vœu  que  l'ad- 
ministration préfectorale  fasse  transporter  à  la  bibliothèque 
de  h  ville  tous  les  objets  antiques  qu'elle  pourrait  avoir  à  sa 
disposition ,  et  invite  les  ingénieurs  et  agerits-voyers  à  con- 
courir à  ces  collections  en  envoyant  à  la  préfecture,  pour  les 
centraliser,  tous  les  objets  trouvés,  et  dont,  plus  que  tous 
autres,  ils  sont  à  même  d'avoir  la  connaissance. 

M.  Bretagne  donne  lecture  d'un  mémoire  sur  une  médaille 
inédite  frappée  à  Coucy. 

NOTICE  DE  Mi  BRETAGNE. 

C'est  jusqu'à  présent  une  opinion  reçue  que  les  sires  de 
Coucy  n'ont  point  battu  monnaie.  Aucun  document  historique, 
aucune  charte  n'indique  que  ce  droit  régalien  leur  ait  été 
concédé. 

La  terre  de  Coucy,  donnée  vers  l'an  500  par  le  roi 
Clovis  à  saint  Rémy ,  fut  léguée  par  ce  dernier  à  l'église  de 
Reims.  Après  diverses  entreprises  tentées  par  de  puissants 
voisins  contre  ce  domaine  trop  éloigné  de  Reims  pour  être 


98  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

facilement  défendu  ,  l'archevêque  Baldéric  finit  en  965  par  le 
céder  à  Eudes,  fils  de  Thibaut,  comte  de  Chartres  et  de 
Tours,  moyennant  un  surcens  de  60  sols.  Cette  redevance, 
par  suite  d'un  partage  qui  eut  lieu  entre  l'archevêque  de 
lleims  et  l'abbaye  de  St.-Rémy,  fut  dévolue  à  ce  dernier 
établissement,  et  on  a  des  titres  qui  en  constatent  le  paie- 
ment par  les  sires  de  Coucy ,  descendants  de  Thibaut ,  en 
1332,  1336,  1373,  1400,  U15,  1416,  1445,  1468, 
etc.  (1). 

Cette  terre ,  peu  importante  dans  son  origine ,  n'était ,  on 
le  voit,  qu'un  simple  arrière-fief,  et  ne  pouvait  valoir  à  son 
possesseur  le  droit  de  battre  monnaie ,  ce  qie  confirmait 
d'ailleurs  l'absence  de  tout  monument  de  cette  nature. 

Cependant  j'ai  entre  les  mains  un  denier  dont  l'attribution 
à  un  sire  de  Coucy  est  indubitable. 

Il  faut  donc  aujourd'hui  le  reconnaître,  quelques-uns  au 
moins  de  ces  fiers  barons  ont  battu  monnaie.  De  quel  droit? 
on  l'ignore.  S'il  y  a  eu  concession ,  peut-être  en  pourrait-on 
porter  la  date  à  la  minorité  de  Louis  IX,  alors  que  l'autorité 
royale  menacée  cherchait  à  se  faire  des  appuis,  encore  serait- 
il  surprenant  qu'une  faveur  si  remarquable  et  toute  par- 
ticulière n'eût  laissé  aucune  trace  dans  l'histoire. 

Il  paraît  plus  vraisemblable  que  ce  n'est  là  qu'une  usur- 
pation, remontant  à  cette  époque  de  confusion,  où  les  vassaux 
assez  forts  pour  soutenir  leurs  prétentions ,  s'érigeaient  en 
souverains  ;  les  exemples  ne  manquaient  pas ,  et  l'on  connaît 
l'ambition  et  l'esprit  entreprenant  des  sires  de  Coucy. 

Il  est  probable  que  l'auteur  de  cet  empiétement  sur  les 
prérogatives  royales  fut  un  Enguerrand  III. 

Après  la  mort  de  Louis  VIII,  le  trône  lui  aurait  été  offert, 
à  ce  qu'on  prétend,  par  les  grands  feudataires.  Ce  projet,  il  est 

(1)  Histoire  de  Couçy,  par  dom  Duplcssis,  p.  52. 


XVIIIe.    SESSION.  90 

vrai,  n'eut  pas  de  suite;  mais  il  ne  serait  pas  étonnant  que 
l'homme  qui  s'était  fait  faire  une  couronne  royale  (1)  se  fût 
arrogé ,  comme  tant  d'autres  bien  moins  puissants  que  lui , 
le  droit  de  battre  monnaie ,  et  que  son  fils  Raoul  II  eût 
continué  cette  usurpation. 

C'est  en  effet  à  ce  dernier  que  je  rapporte  le  denier  dont 
voici  la  description  : 

f  radvl  3fc  fvs.  Croix  pattée,  cantonnée  de  deux  crois- 
sants et  de  deux  ornements  en  forme  iVA. 

-,-  ®  3fe  ciaa  3fc  eus.  La  première  lettre  de  cette  légende 
n'est  pas  sortie  sous  le  marteau,  c'est  certainement  un  C  qui 
complète  le  mot  Cociacus. 

Chaque  syllabe  est  séparée  par  un  ornement  dans  l'in- 
tention probablement  de  rendre  la  légende  moins  intelligible, 
ce  qui  indiquerait  un  droit  très-équivoque. 

Dans  le  champ,  on  remarque  un  château  composé  de 
deux  tours  dont  l'une  est  plus  élevée  que  l'autre; la  herse  qui 
est  levée  se  voit  aussi ,  ainsi  qu'un  animal  qui  paraît  être 
un  lion  ;  tous  ces  objets  sont  microscopiques ,  mais  par- 
faitement distincts. 

Poids,  1  gramme  8  centigrammes; 

Diamètre,  20  millimètres. 

Coucy ,  dans  les  chartes  ,  est  nommé  indifféremment 
codiciacus  ou  codiciucum  et  par  contraction  cociacus  ou 
cociacum. 

La  légende  rend  bien  l'une  de  ces  appellations ,  mais  deux 
seigneurs  de  Coucy  ont  porté  le  nom  de  Raoul. 

1°.  Raoul  I ,  qui  fut  tué  au  siège  de  Saint-Jean  d'Acre 
en  1191. 

2°.  Raoul  II  qui  hérita  de  la  seigneurie  en  12^2,  et  périt 

(1     Histoire  de  Coucy,  par  doni  Duplessis,  note  5k. 


100  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE  , 

héroïquement  au  milieu  des  siens  à  la  bataille  de  la  Massoure 
en  1250  (1). 

Je  pense  qu'on  doit  attribuer  mon  denier  à  Raoul  II ,  parce 
que  la  tour  de  Coucy  qui  y  est  représentée  ,  et  dont  les  sei- 
gneurs étaient  avec  raison  si  fiers,  puisqu'aujourd'hui  encore 
elle  frappe  d'admiration ,  n'a  été  construite  que  par  Enguer- 
rand  III  (2)  ,  fils  de  Raoul  Ier.  et  père  de  Raoul  IL 

Cette  monnaie  donne  encore  lieu  à  deux  remarques  qui  ne 
sont  pas  sans  valeur. 

1°.  Raoul  n'y  prend  aucun  titre,  ce  qui  est  bien  d'accord 
avec  la  devise  de  sa  maison  ,  si  ambitieuse  dans  sa  simplicité  : 

«  Je  ne  suis  Roi  ni  Prince  aussi , 
a  Je  suis  le  sire  de  Coucy.  » 

2°.  Outre  l'image  du  superbe  donjon  féodal ,  on  y  trouve 
rappelé  un  épisode  célèbre ,  c'est  celui  du  combat  qu'En- 
guerrand  III  soutint,  dans  la  foret  de  St.-Gobain,  contre 
une  bête  féroce  qu'il  tua  ,  et  dont  un  bas-relief ,  jadis  encastré 
dans  la  maîtresse  tour,  offrait  la  représentation  (3). 

Voilà  donc  un  humble  monument,  une  petite  monnaie 
qui  vient  confirmer  plusieurs  points  intéressants  de  l'histoire 
et  des  traditions  de  l'illustre  maison  de  Coucy. 

M.  l'abbé  Lecomte  donne  lecture  d'un  mémoire  sur  quel- 
ques monuments  du  département  de  l'Aisne. 

(1)  Michaut ,  Histoire  des  Croisades,  tome  IV  ,  p.  24. 

(2)  Histoire  de  Coucy ,  par  dom  Duplessis,  p.  54. 

(3)  Id.,  ibid.  ,  note  53. 


WJII1.    SESSION.  KM 

NOTICE    DE    M.    L'ABBÉ    LECOMTE. 

PÉRIODE  OGIVALE  (TRANSITION). 

Églises.  — Les  églises  du  département  de  l'Aisne  ont  pres- 
que toutes  le  caractère  de  transition ,  c'est-à-dire  que  le 
plein-cintre  se  marie  à  l'ogive  à  peu  près  partout.  Les  ouver- 
tures des  fenêtres  y  sont  ordinairement  à  plein-cintre  et  les 
travées  de  la  nef  ogivales.  Le  Soissonnais  exclut  souvent  l'ogive 
des  travées  et  ne  la  réserve  que  pour  le  portail  et  la  travée 
triomphale  du  sanctuaire  et  du  chœur.  Tel  est  le  caractère 
générai  des  églises  de  transition  dans  nos  villages ,  il  faut  y 
ajouter  le  sanctuaire  en  demi  dôme  circulaire...  Sept  à  huit 
églises  ont  à  cette  partie  pour  contreforts  des  colonnes  appli- 
quées et  groupées  par  trois  ;  leur  diamètre  diminue  à  partir 
du  cordon  établi  sous  les  croisées  ,  et  ces  colonnes  terminées 
par  des  chapiteaux  souvent  fantastiques  ou  symboliques,  sont 
couvertes  d'un  glacis  à  la  manière  des  contreforts.  La  tour 
est  ordinairement  placée  sur  le  chœur  ou  l'un  des  transepts  ; 
rarement ,  dans  le  Soissonnais ,  au  portail  (je  parle  des  tours 
en  pierre).  Il  n'en  est  pas  de  même  aux  environs  de  Vervins. 

Églises  ogivales.  —  La  période  ogivale  se  présente  avec 
solennité  dans  notre  pays,  il  suffit  de  rappeler  son  début 
pour  l'admirer.  La  cathédrale  de  Laon ,  qu'on  ne  se  lasse 
jamais  de  contempler,  où  l'œil  se  perd  dans  une  forêt  de 
colonnes   et    dans  ce   demi-jour  mystérieux  si  propre  au- 
recueillement  de  la  prière;  belle,  magnifique,  sublime  au 
dehors,  et  par  sa  position,  et  par  ses  quatre  tours,  et  par 
l'élégance  de  son  portail  ;  mais  plus  belle  encore  au  dedans , 
par  ce  sens  religieux ,  qu'un  saint  et  qu'un  homme  de  génie 
pouvait  seul  deviner  :  voilà  le  premier  monument  véritable- 
ment ogival  de   nos  contrées.  Près  de  lui ,  mais  dans  des 

7 


102      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

proportions  bien  différentes ,  on  voyait  s'élever  et  l'on  en  voit 
encore  les  restes  de  l'abbaye  de  Vauclair,  l'église  de  Saint- 
Michel  ,  et  celle  de  Braine  qui  existent ,  nous  en  donnent 
une  idée.  Des  chapelles  rayonnant  autour  de  la  croisée  des 
transepts,  sont  des  caractères  particuliers  à  ces  trois  églises. 
Longpont  avait  suivi  ce  plan  mystérieux.  Marte  possède  une 
église  de  cette  même  époque  ,  la  nef  et  les  transeps  sont 
également  décorés  de  galeries.  Laon  seul  en  possède  une 
double  rangée  superposée.  Il  lui  était  donné  de  rivaliser  un 
jour  avec  la  métropole  de  Paris.  Prémontré  s'élevait  de  son 
côté ,  pourquoi  donc  l'a-t-on  privé  de  sa  grande  salle  capi- 
tulaire.  Il  y  a  quinze  ans ,  elle  existait  avec  ses  trois  rangées 
de  colonnes. 

J'ai  parlé  de  Vauclair ,  d'autres  que  moi  signaleront  son 
reste  de  cloître  si  intéressant ,  et  le  vaste  bâtiment  que  les 
membres  du  Congrès  ont  pu  admirer  hier.  Une  église  de 
cette  époque  ,  bien  remarquable  par  la  gracieuse  compo- 
sition de  son  portail,  par  l'élégance  de  ses  colonnettes  accolées 
en  faisceau  pour  soutenir  les  travées  de  la  nef ,  et  par  la  finesse 
de  ses  sculptures  et  de  ses  chapiteaux.  C'est  l'église  de  Vailly. 
On  admire  avec  raison  les  sculptures  de  cette  époque  pour 
leur  naïveté  de  pose ,  et  pour  le  naturel  du  vêtement  :  aussi 
le  couronnement  de  la  Vierge  par  Jésus-Christ,  la  Vierge 
assise  de  Braine  ,  les  seules  statues  arrachées  au  vandalisme  , 
justifient  bien  celte  prédilection  des  artistes  de  nos  jours. 

Le  XIIIe.  siècle  nous  présente  la  cathédrale  de  Soissons. 
On  y  tient  à  la  pureté  des  lignes,  on  y  vise  plus  à  l'élévation  , 
on  ménage  les  colonnes,  les  fenêtres  s'élargissent ,  un  meneau 
les  sépare  en  deux  baies  surmontées  d'une  rosace.  St.-Leger 
qui  vient  de  sortir  de  ses  ruines  et  de  reprendre  tout  son 
éclat  sous  le  zèle  et  le  dévouement  éclairés  de  notre  premier 
pasteur ,  s'élève  à  la  même  époque  dans  des  proportions  plus 
restreintes.  —  St.-Jcan-dcs-Vignes    ne    pouvait    tarder    à 


XVIIIe.    SESSION.  103 

paraître.  Il  n'en  existe  plus  de  ce  temps  que  la  partie  infé- 
rieure des  tours  et  du  portail.  — A  quelques  lieues  de  Sois- 
sons  ,  Longpont  élevait  les  voûtes  de  sa  longue  église  abbatiale 
à  la  hauteur  de  120  pieds;  il  en  reste  une  travée,  le  reste 
est  à  moitié  suspendu  en  l'air ,  des  pans  de  galeries  arrêtés 
dans  leur  chute  effrayent  les  regards,  le  reste  couvre  le  sol , 
ou  disparaît  au  milieu  du  parc  de  M.  de  Montesquiou. 
Essommes,  l'abbaye  du  bord  de  la  Marne,  élevait  sa  grande 
basilique;  au  même  temps  et  à  son  exemple,  le  petit  village 
de  Mczy ,  à  quelques  lieues  de  là ,  se  bâtissait  une  église  sans 
transept  décoré  de  galeries  dans  toute  son  étendue. 

Je  me  garderai  bien  d'oublier  le  plus  beau  et  le  plus  vaste 
monument  du  département  dans  le  XIIIe.  siècle ,  la  collé- 
giale de  St. -Quentin.  Qui  pourrait  tarir  en  éloges,  sur  ses 
voûtes  suspendues  à  110  pieds  du  sol,  sur  son  labyrintbe  ,  le 
seul  qui  subsiste  dans  nos  contrées,  sur  le  double  transept 
qui  la  distingue  entre  tous  les  édifices  de  l'époque  ogivale , 
sur  la  richesse  de  ses  vitraux.  Elle  possède  quatre  verrières  du 
XIIIe.  siècle,  signées  par  des  chevaliers  que  l'on  voit  monter 
à  l'assaut  ou  se  faire  armer  par  le  roi  :  qui  pourrait  taire  le 
fond  des  transepts,  autant  et  plus  ornementés  que  ceux  même 
de  la  cathédrale  de  Rouen.  Oublierait-on  son  arbre  de  Jessé 
en  sculpture  au  dessus  d'une  petite  porte  de  clocher  au  bas 
de  l'église  :  la  petite  porte  sud  a  sur  toute  sa  voûte  tant  de 
sculptures  d'anges  et  tant  d'arcatures,  que  tout  excite  l'ad- 
miration jusqu'aux  plus  menus  détails.  La  variété  des  contre- 
forts autour  du  chœur  et  de  la  chapelle  de  la  Vierge ,  n'est 
pas  moins  intéressante. 

C'était  le  coup  de  grâce ,  et  pourtant  le  Mont  Notre- 
Dame  élevait  encore  la  nef  de  sa  collégiale,  dans  le  style 
fleuri  du  XIVe.  siècle;  St. -Martin  de  Laon  élevait  son  por- 
tail, Liesse  allait  îivoir  le  sien,  les  tours  de  St.-Jea?i  des 
Vignes ,  allaient  porter  dans  les  airs  le  style  capricieux  qu'on 


104      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

appelle  prismatique  ;  son  cloître  faisait  l'admiration  de  tous.  La 
flèche  de  Concy- la- Ville  perçait  les  nuages,  aussi  bien  que 
celle  de  beaucoup  d'autres  églises  (à  l'imitation  de  St. -Jean). 
On  voyait  construire  les  tours  des  églises  de  Fère  en  Tar- 
denois,  de  Château-Thierry ,  le  gracieux  clocher  de  Va- 
neny  ;  la  Fertè-Milon  présente  à  N.-D.  le  clocher  limitrophe 
du  style  prismatique  et  renaissance. 

Je  m'arrête,  pour  jeter  un  coup-d'œil  rapide  sur  les  arts 
à  cette  troisième  et  quatrième  époque  ;  je  ne  ferai  qu'indiquer 
les  vitraux  et  rosaces  de  Laon  ,  au  fond  du  sanctuire;  c'est 
le  XIIIe.  siècle  pur.  Un  certain  nombre  de  verrières,  de 
St.-Quentin,  sont  également  du  XIIIe.  Longueval  possède 
deux  verrières  de  cette  époque  ;  il  y  a  des  vitraux  du  XIVe. 
siècle  h  Soissons  ;  tes  XVe.  et  XVIe.  siècles  ont  doté  quantité 
d'églises  de  ces  époques  de  nombreuses  verrières;  en  pre- 
mière ligne ,  je  mets  la  Ferté-Milon  ,  pour  le  nombre  et  la 
vivacité.  A  propos  de  ces  verrières ,  qu'il  suffise  d'indiquer , 
vingt-huit  scènes  de  l'Apocalypse ,  rendues  avec  toute  la 
verve  qu'exigeait  le  sujet  ;  il  y  aussi  tout  le  Credo  en  ima- 
ges. ■ —  St. -Quentin,  le  Grand-Rosoy  ,  Bucy-le-Long  ,  Par- 
fondru,  Andelain,  Fère,  Sermoise,  Coincy,  Château-Thierry 
et  d'autres,  ont  conservé  plus  ou  ou  moins  de  vitraux  de 
ces  époques. 

Micy ,  près  Soissons ,  possède  un  -pied  de  calice  émaillé  , 
du  XIIe.  siècle  ;  Longueval  a  un  ostensoir  gothique ,  cuivre 
doré,  du  XVe.  siècle,  j'ai  vu  un  encensoir  gothique  de 
l'époque  flamboyante  ,  à  Nanteuil-la-Fosse.  —  Les  pavés 
émaillès  à  sujets ,  sont  rares  :  on  en  trouve  à  Andelain ,  dans 
l'église;  à  Armentières ,  dans  la  grande  salle  de  l'ancien 
château.  —  Une  tapisserie  à  caractères  gothiques ,  se  trouve 
suspendue  dans  l'église  de  Soissons. 

Sculptures.  —  Sur   les    chapiteaux    historiés ,   j'ai   peu  à 


XVIII*.    SESSION.  105 

dire;  déjà  j'ai  indiqué  la  plupart  des  choses.  Cependant,  à 
ceux  qui  douteraient  de  la  vérité  du  symbolisme  dans  les 
chapiteaux ,  je  leur  montrerais  la  chute  d'Adam  et  d'Eve; 
Adam  et  Eve  chassés  du  Paradis ,  Adam  et  Eve  condamnes 
au  travail ,  dans  l'église  cYUrcel.  Plus  loin  ,  à  Filain ,  je  leur 
dirais  de  voir,  sous  le  linteau  de  pierre  du  portail,  deux 
animaux,  accroupis  aux  deux  angles  et  luttant  à  reculons 
contre  la  porte;  forcé  de  reconnaître,  un  chien  d'un  côté 
et  de  l'autre  un  cochon,  qui  pourrait  me  contester  le  symbo- 
lisme de  cette  parole  de  saint  Paul  forts  canes  et  impiidici? 

Je  recommanderai  à  l'attention  l'enfer  de  Braisne  ,  placé 
à  la  bibliothèque  de  Soissons  :  c'est  un  tympan  représentant 
la  séparation  des  bons  et  les  supplices  des  méchants;  les  bons, 
conduits  par  J.-C.  ,  sont  comme  les  anges,  n'ont  pas  besoin 
de  vêtements,  parés  de  leur  innocence;  les  méchants,  en- 
chaînés, ne  cachent  pas  leurs  défauts  à  Dieu  sous  leurs  divers 
habillements ,  et  sont  précipités  dans  la  chaudière  ardente  où 
Judas  tire  la  langue  et  les  autres  se  tordent  en  mille  manières. 
—  En  fait  de  sculptures ,  l'histoire  de  la  passion ,  que  l'on 
voit  colossale  à  la  grande  tour  de  St.  -  Jean-des-Vignes ,  est 
fort  remarquable. 

Il  y  a  des  boiseries  sculptées  de  L'époque  fleurie  avec 
force  rosettes ,  à  Sorbais;  elles  viennent  de  l'abbaye  de  Pierre- 
Fontaine.  —  J'ai  vu  à  Coincxj  les  douze  apôtres  couverts  de 
pinacles  et  autres  ornements  à  fines  découpures.  —  Il  y  a 
trois  magnifiques  rétables  à  la  Flamangrie  que  tout  le  monde 
connaît.  A  Bray,  près  Soissons,  est  un  grand  christ,  en  bois, 
de  St. -Jean-des-Vignes ,  qui  semble  appartenir  au  XIIIe. 
siècle  ou  au  XIVe.  au  plus.  Ceux  qu'on  admire  à  Andelin  et  à 
Vauxtin  sont  du  XVIe. 

Coffres,  bahuts,  meubles  u  boiseries,  chaires. — Les  bahuts 
sont  rares ,  je  n'en  connais  que  deux  :  l'un  ,  du  XIIe.  siècle, 


106      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

les  ferrements  sont  terminés  par  des  feuilles  d'eau  enroulées, 
il  existe  à  Chaudarde  ,  derrière  l'autel  ;  le  second ,  du  XVIe. 
siècle  ,  est  à  La  Croix  ;  la  serrure  est  un  chef-d'œuvre ,  et  la 
façade  du  bahut  est  riche  en  sculptures  de  la  renaissance  , 
médaillons  et  arabesques. 

Ainsi  sont  les  stalles  et  boiseries  d'Essommes ,  c'est  du 
François  Ier.  ,  un  peu  hardi.  — Les  stalles  d'Oulchy  ,  qui  rap- 
pellent le  paradis  terrestre ,  et  les  clôtures  de  la  chapelle  de 
la  résurrection  de  Laon  (  cathédrale  )  ,  sont  de  la  même 
époque  (le  XVIe.  siècle). 

Les  meubles  historiés  sont  partout  :  à  la  ville  de  Chauni , 
à  Pinon ,  à  Marchais ,  à  Longpont ,  partout  où  il  y  a  un 
amateur  opulent. 

Les  chaires  de  Laon  ,  de  Venins  ,  de  Bucilly  ,  de  Coincy , 
sont  remarquables.  Celle  d'Oulchy,  qui  vient  de  St. -Jean, 
est  fort  curieuse.  —  Muret  a  une  chaire  historiée ,  peinte  et 
dorée. 

Saintes  réserves. — Les  saintes  réserves  sont  rares, j'ai  cru 
en  trouver  une  à  Pancy  ;  elle  est  du  XIIIe.  siècle ,  du  style 
fleuri ,  armée  de  portes  peintes  de  personnages  en  dedans , 
avec  grilles  de  fer  et  serrures. 

Cuves  baptismales.—  Nouvion-le-Vieux  a  une  cuve  baptis- 
male du  XIe.  siècle ,  vaste ,  avec  sculpture  romane  et  tête 
renversée ,  échevelée.  —  Celle  de  Longueval  est  historiée , 
du  XVe.  siècle ,  ayant  le  baptême  de  J.  -C.  d'un  côté ,  des 
statues  d'aigles  et  les  signes  des  quatre  évangélistes  en  mé- 
daillon. La  plupart  de  toutes  nos  cuves  baptismales  sont  du 
XIIIe.  siècle  ,  avec  feuilles  d'eau. 

Châteaux  et  fortifications.  —  Le  département  de  l'Aisne 
possédait ,  il  y  a  peu  d'années ,  un  certain  nombre  de  bourgs 
et  de  villages  munis  de  leurs  remparts  ;  Vailly  ,  Bruyères , 


XVIIIe.    SESSION.  107 

avaient  leurs  portes,  leurs  tours,  leurs  fossés,  de  tout  cela 
il  ne  reste  plus  rien.  Outre  ces  murs  de  défense ,  certaines 
bourgades  avaient  leur  fort,  quelquefois  ce  fut  l'église  même. 
Ciry-Salsogne  en  conserve  encore  le  nom.  L'église  s'appelle  le 
fort  ;  une  enceinte  fortifiée  la  défendait  ;  la  tour  avait  ses 
tourelles,  et  le  portail  aussi.  Le  tout  greffé  deux  ou  trois 
siècles  après  le  roman  pur  de  toute  cette  église.  — Bruyères- 
sous-Laon ,  dont  la  haute  et  massive  tour  domine  la  contrée  , 
était  le  centre  d'une  seconde  enceinte,  ayant  ses  portes  et  un 
donjon  de  sept  tours  en  face  le  portail.  —  La  gracieuse  tour 
de  l'église  de  Vorges  est  une  forteresse  de  la  plus  exquisse 
élégance  ;  l'extrémité  des  transepts  a  ses  tourelles  plates 
posées  sur  les  contreforts ,  le  tout  encore  garni  de  parapets. 
—  Laval  a  sa  tour  garnie  de  deux  moucharabijs ,  qu'on  me 
pardonne  l'expression  un  peu  barbare  !.. 

Voilà  pour  les  environs  de  Laon  où  d'autres  églises  ont  les 
mêmes  dispositions.  Ces  dispositions  ont  dû  être  nécessaires 
dans  les  guerres  de  religion ,  sous  les  x\rmaguacs,  et  peut-être 
même  auparavant.  Le  nord  du  département  présente  ce  ca- 
ractère à  peu  près  partout.  M.  Piette,  qui  étudie  si  bien 
cette  contrée,  citera  les  plus  intéressants.  J'en  ai  déjà  vu 
une  dixaine  ayant  ce  caractère  de  forteresse. 

Quant  aux  forts  ruinés ,  on  en  voit  partout.  Dans  le  Nord  , 
on  les  appelle  les  caieaux;  on  en  voit  d'autres  depuis  Laon 
jusqu'à  la  Marne  où  ils  ont  moins  souffert  :  il  est  rare  qu'il 
n'en  reste  pas  quelques  vieilles  tours.  Comme  nous  sommes 
extraordinairement  riches  en  ce  genre  ,  je  ne  ferai  qu'in- 
diquer pour  ne  pas  lasser  la  patience. 

Le  monde  nous  envie  Coucy ,  ce  donjon  un  des  plus  beaux 
de  l'Europe  et  de  l'Asie.  Je  ne  dis  rien  de  sa  porte  de  Laon, 
à  l'aspect  formidable ,  de  ses  nombreuses  tours  d'enceinte  ; 
les  tours  qui  l'accompagnent  et  qui  étonnent  par  leurs  pro- 
portions, leur  appareil  géant  comme  pour  forcer  l'imagination 


108  CONGRES   ARHÉOLOGiQUE   DE   FRANCE, 

à  s'abîmer  en  présence  du  donjon  qui  les  regarde  comme 
des  nains  couchés  à  ses  pieds.  Tout  cela  est  hors  ligne  et 
suffisamment  décrit.  — Tout  près  se  trouve,  au  château  de 
Moyenbrie,  une  imitation  assez  jolie  de  ce  donjon.  11  a  encore 
sa  salle  d'honneur ,  son  parapet ,  son  manteau  de  cheminée 
armoirié  ;  l'intérieur  semble  du  XIVe.  siècle  comme  l'exté- 
rieur. —  Je  ne  fais  qu'indiquer  Oulchy-le-Château  ,  Château- 
Thierry,  tout  cela  tombe  et  personne  ne  le  relève,  ou  ne  l'em- 
pêche de  tomber. — Les  comtes  de  Braisne  ont  élevé  plusieurs 
châteaux-forts  :  le  château  de  Fère  en  Tardennois  ,  si  re- 
marquable, rebâti  par  les  Montmorency,  et  qui  subsiste; 
le  château  de  Nesle ,  dont  restent  encore  les  tours  ;  la  folie 
de  Braine  qui  domine  la  plaine  de  la  Vesle ,  ornée  de  sept 
tours  encore  avec  des  fossés  creusés  dans  le  roc  ;  enfin  Pon- 
tarcy  dont  subsiste  une  tour.  Puis  viennent  une  série  de  for- 
teresses de  la  maison  des  Chatillon  ;  le  donjon  ,  débris  des 
Basoches  ,  flanqué  de  neuf  tours  très-fortes  et  entouré  d'une 
enceinte  de  fortifications  qui  renferme  la  place  et  quelques 
habitations  ,  avec  l'ancien  emplacement  du  martyre,  du  lieu 
de  la  sépulture  et  de  l'église  St.  -Rufin  et  St.  -Valère.  —  Un 
reste  de  fortifications,  de  tour  et  d'habitation  du  château  de 
Yille-sa-Voye,  Lhuys  avait  encore  ses  tours  et  ses  oubliettes, 
s'il  y  a  jamais  eu  d'oubliettes.    Droizy  possède  encore  un 
donjon  bâti  par  les  Chatillon  de  Basoches ,  etc.  Mais  je  me 
hâte  d'arriver  au  château  des  marquis  d'Armentières,  près 
Oulchy  :  c'est  le  château  le  mieux  conservé  de  ces  époques  ; 
on  y  trouve   encore ,   dans   la  salle  d'honneur ,  des  pavés 
émaillés  d'armoiries  et  de  quelques  animaux.  Je  m'empresse 
de  signaler  h  la  hâte  les  ruines  superbes  du  château  des  évo- 
ques de  Soissons ,  à  Sept-Monts  ;  Vierzy  avec  sa  galerie  du 
genre  prismatique  et  ses  vastes  salles  ;  Berzy-le-Sec ,  dont  la 
porte  est  si  pittoresque  ;  Cheret  possède  un    petit  château 
flanqué  de  tours  ;  mais  je  ne  comprends  pas  comment  on  l'a 


X\J1I«.     SESSION.  109 

mis  à  la  portée  de  la  main  du  côté  de  la  montagne.  Le  terrain 
arrive  presque  à  la  hauteur  des  toits  de  ce  côté. 

Le  château  de  Marchais,  la  plus  gracieuse  création  de  la 
renaissance ,  n'appartient  pas  à  l'époque  militaire,  que  Marie 
revendique  pour  lui  encore.  Mais  je  suis  obligé  de  m'arrèter. 

M.  de  Caumont  résume  quelques-uns  des  faits  qui  ont  oc- 
cupé le  Congrès.  Il  est  frappé  de  l'importance  de  plusieurs 
monuments  du  département  et  de  sa  richesse  archéologique  ; 
il  croit  qu'il  est  temps  d'explorer  à  fond  les  localités  où  des 
vestiges  gallo-romains  existent ,  et  notamment  Nisy-le-Comte, 
où  déjà  tant  d'objets  importants  ont  été  reconnus.  Il  se  charge 
de  demander  à  la  Société  Française ,  dans  la  séance  qui  dans 
quelques  jours ,  à  Nevers ,  sera  consacrée  à  la  répartition 
des  fonds  disponibles ,  une  somme  de  200  francs  pour  être 
employée  à  l'exploration  de  cette  curieuse  localité  gallo- 
romaine. 

M.  le  comte  de  Mérode  prend  à  son  tour  la  parole  et  dé- 
clare close  la  première  partie  de  la  session  du  Congrès ,  qui 
sera  continué  le  10  dans  la  ville  de  Nevers. 


110  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE. 


1  ET  AILS    DE    LA    CATHÉDRALE    DE    LAO.N. 


CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE. 

DEUXIÈME  PARTIE  DE  LA  SESSION. 

Séance  du  ÎO  juin. 

Présidence  de  Mgr.  D.  Aug.  Dufêtre,  évêque  de  Nevers,  membre 
de  la  Société  française. 

M.  Petit  de  la  Fosse ,  préfet  de  la  Nièvre ,  qui  a  bien  voulu 
honorer  de  sa  présence  les  différentes  réunions  et  les  excur- 
sions du  Congrès,  s'était  empressé  d'offrir  les  salons  de  la 
préfecture  pour  les  séances  ;  la  crainte  de  gêner  M.  le  Préfet 
a  empêché  d'accepter  celte  offre  si  bienveillante.  On  a  donc 
choisi  la  salle  dite  des  ouvriers  placée  dans  le  cloître  St.- 
Cyr.  Sa  proximité  de  la  cathédrale  ,  du  palais  ducal  ,  de 
la  porte  du  Croux,  de  l'ancienne  église  St.-Genest  et  du 
musée  de  la  ville ,  ses  dispositions  appropriées  à  de  sem- 
blables réunions ,  son  étendue  ,  tout  semblait  la  désigner  par 
avance  comme  le  lieu  le  plus  convenable  pour  les  séances  du 
Congrès. 

Construite  sur  les  anciens  murs  de  la  cité  ,  entourée  d'une 
cour  assez  vaste  ,  elle  domine  la  magnifique  vallée  arrosée 
par  la  Loire.  En  attendant  l'ouverture  des  séances ,  les  mem- 
bres pouvaient  jouir  du  ravissant  tableau  qui  se  développait 
devant  eux ,  et  considérer  le  gigantesque  viaduc  en  fer  pro- 
venant des  usines  de  Fourchambault  qui  laisse  parvenir  jus- 


112      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

qu'au  pied  des  murailles  de  la  ville,  les  wagons  partis  de  la 
capitale  quelques  heures  auparavant. 

A  11  heures,  Monseigneur  l'évêque  est  prié  par  M.  de 
Caumont  de  présider  l'assemblée. 

«  Nous  sommes  heureux  et  flattés,  Monseigneur  ,  dit  l'il- 
«  lustre  fondateur  des  Congrès ,  de  vous  voir  présider  nos 
«  séances  dans  votre  ville  épiscopale  :  un  des  premiers  vous 
«  nous  avez  encouragés  dans  la  voie  que  nous  avons  suivie 
«  et  vous  avez  par  votre  influence  puissamment  contribué 
«  à  propager  les  études  archéologiques  ;  vous  avez ,  à  bien 
«  des  titres,  le  droit  de  nous  présider.    » 

M.  de  Caumont  énonce  ensuite  les  raisons  qui  ont  fait 
choisir  Nevers  pour  le  siège  de  la  XVIIIe.  session  du  Congrès 
archéologique;  l'heureuse  situation  de  cette  ville  au  centre 
des  départements  où  les  études  archéologiques  et  artistiques 
sont  fort  suivies,  les  monuments  variés  qu'elle  renferme,  les 
hommes  éminents  de  la  ville  et  du  département ,  tout  en- 
gageait la  Société  française  à  choisir  Nevers  de  préférence  à 
toute  autre  ville  du  centre  de  la  France  ,  tout  lui  a  fait  espérer 
que  le  Congrès  aura  des  résultats  satisfaisants. 

MM.  Petit  de  la  Fosse  ,  préfet  de  la  Nièvre  ;  de  Caumont, 
directeur  de  la  Société  française  pour  la  conservation  des 
monuments;  le  baron  Chaillou  des  Barres,  président  delà 
Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne  ;  de 
Buzonnière ,  secrétaire-général  du  Congrès  scientifique  de 
France  ;  de  Glairville ,  inspecteur  des  monuments  de  la  Seine- 
Inférieure  ;  Gaugain  ,  trésorier  de  la  Société  française  ; 
l'abbé  Crosnier,  secrétaire-général  du  Congrès  archéologique  ; 
le  comte  Georges  de  Soultrait ,  secrétaire-adjoint ,  siègent  au 
bureau. 

Une  assemblée  nombreuse  remplit  la  salle  du  Congrès. 
Mous  donnons  ici  la  liste  des  personnes  qui  ont  assisté  à  cette 
séance  et  à  celles  qui  l'ont  suivie  : 


XVIIIe.    SESSION.  143 

MM.   Gaume  ,  vicaire-général  de  Nevers. 

Seisgent  ,  recteur  de  l'Académie  de  la  Nièvre. 
Le  général  Petiet. 

De  Fontette  ,  ancien  député  du  Calvados. 

L'abbé  Lepetit,  secrétaire-général  de  la   Société 
française. 

L'abbé  Devoucoux  ,  vicaire-général  d'Autun. 

Bulliot  ,  membre  de  la  Société  Educnnc. 

Joseph  de    Fontenay,    secrétaire    de    la    Société 
Educnne. 

Manceau  ,  chanoine  de  Tours. 

BRÛLÉ ,  aumônier  des  religieuses  de  la  Sainte-Enfance 
à  Sens. 

Lallter  ,  substitut  du  procureur  de  la  République, 

à  Sens. 
Le  Roux  ,  notaire  honoraire,  à  Sens. 

Jeannot  ,  archiprétre  de  la  cathédrale  de  Nevers. 

Rouchance  ,  doyen  du  chapitre  de  Nevers. 

Souef  ,  chanoine  de  Nevers. 

Marbot  ,  chanoine    id. 

Laverutre  ,  chanoine ,  vicaire-général  de  Nevers. 

Le  comte  de  Choulot. 

Le  comte  Victor  de  Maumigny. 

Le  comte  de  Vibraie  ,  d'Avallon. 

De  Mesnard. 

Peruelle  ,  secrétaire  de  l'Académie. 

Clerc  ,  vicaire  de  St.  -Père  de  Nevers. 

Perrève,  vicaire  de  St. -Etienne  de  Nevers. 

Louis  Viau  ,  de  Nevers. 

Migné,  de  Châteauroux. 

Borget,  de  Bourges. 

Débonnaire  ,  de  Nevers. 

Clément  ,  curé  de  St. -Arnaud  on  Puisaye. 


\\U  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

MM.    Le  comte  Armand  de  Montrichard  ,  de  Nevers. 

Millet,  chanoine -honoraire,  professeur  de  dogme 
au  grand  séminaire  de  Nevers. 

Colnte  ,  professeur  de  morale  ,  id. 

Roy  ,  professeur  d'histoire ,  id. 

Goussot  ,  professeur  de  philosophie ,     id. 

Delaroche,  professeur  de  philosophie  au  collège 
de  Nevers. 

Morellet,  professeur  d'histoire,  id. 

Cougny  ,  professeur  de  réthorique ,  id. 

Gressin  ,  sous-principal ,  id. 

Peyridieu  ,  professeur  de  physique  ,  id. 

Bressat  ,  professeur  de  sixième ,  id. 

Les  officiers  de  cavalerie  et  d'infanterie  de  la  garnison. 

Castel  ,  vicaire-général ,  supérieur  du  petit  sémi- 
naire de  Piguelin. 

Les  professeurs  du  petit  séminaire  de  Piguelin. 

Dauriac  ,  curé  de  Moux. 

Jaupois,  archiprêtre  de  la  Charité-sur-Loire. 

Prévost  ,  curé  de  Saincaize. 

De  Surigny  ,  vice-président  de  l'Académie  de  Maçon. 

Charles  de  Fontenay  ,  de  Nevers. 

Mary-Lépine  ,  juge  au  tribunel  civil ,  à  Nevers. 

Le  comte  de  Bréda  ,  de  Senlis. 

Hypolite  Pinet,  de  Nevers. 

Jules  Pinet,  de  Nevers. 

Dumont  ,  de  Nevers. 

Victor  Petit  ,  de  Paris. 

Paulin-Biffé  ,  de  Nevers. 

De  Maisierres,  de  Nevers. 

Desvaux  ,  ancien  maire  de  Nevers. 

Louis  Rolland  ,  de  Nevers. 

Lerasle  ,  conseiller  de  préfecture ,  à  Nevers. 


Wlir.    SESSION.  \\:> 

MM.    Paul  de  Maumionv  ,  de  Ne  vers. 

Lenoir,  clianoinc  honoraire ,  secrétaire  de  l'Évêché. 

Bouleau,  chanoine  honoraire,  aumônier  des  sœurs 
de  la  Charité. 

De TOYTOT,  vice-président  du  tribunal  civildc  Nevers. 

Meslier,  curé-doyen  de  Moulins-Engilbert, 

Buraut  ,  curé-doyen  de  Pougues. 

VÉÉ  ,  chanoine  honoraire ,  curé  d'Entrains. 

Le  commandant  Bar  AT. 

Boucaumont,  ingénieur  en  chef. 

BoiviN,  architecte  diocésain. 

Paillard  ,  architecte  du  département. 

Beuriot,  chanoine  honoraire ,  curé  de  St. -Père  de 
Nevers. 

Martin  ,  chanoine  honoraire  ,  curé  de  St. -Etienne  de 
Nevers. 

Quantin  ,  archiviste  d'Auxerre. 

Léon  de  Villefosse  ,  archiviste  de  Nevers. 

Le  docteur  Robineau-Desvoidis  ,  à  St. -Sauveur 
en  Puisaye. 

Baudoin  ,  d'Avallon. 

Le  baron  de  Bar. 

Gustave  de  Bar. 

Galloie,  conservateur  du  musée  céramique,  àNevers. 

Comte  Gaspard  de  Berthier  ,  de  Bizy. 

Vicomte  Adrien  de  Berthier  ,  de  Bizy. 

Roy  ,  vicaire  de  la  cathédrale. 

Burloy,  vicaire  de  la  cathédrale. 

Duplessis  ,  chanoine  honoraire ,  aumônier  des  Car- 
mélites, à  Nevers. 

De  Mieulle  ,  receveur  général ,  à  Nevers. 

Berry  ,  conseiller  à  la  Cour  d'appel  de  Bourges. 

De  Bengy-Plyvallée,  de  Bourges. 


116       CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

MM.    COCHIN  ,  adjoint  à  la  mairie  du  12e.  arrondissement, 

à  Paris. 
Guirert,  chanoine,  aumônier  du  grand  pensionnai, 

à  Nevers. 
Lerrun  ,  chanoine  ,  aumônier  du  collège  de  Nevers. 
ïhomassin  ,  principal  du  collège  de  Nevers. 
Bernay  ,  de  Nevers. 

Marquis  de  Saint-Phale  ,  de  Montgoublin. 
Simonin  ,  chanoine  honoraire ,  curé  de  Montambert. 
Cirode  ,  sculpteur ,  à  Nevers. 
Cougny  père ,  sculpteur ,  h  Nevers. 
Avril  ,  colonel  de  la  garde  nationale ,  à  Nevers. 
Lefervre-Frétat,  avocat,  à  Nevers. 
Boudant  ,  curé  de  Chamelle  (Allier). 
Eugène  Froment,  artiste,  à  Nevers. 
Chautrier  ,  peintre ,  à  Nevers. 
Robert  Saint-Cyr  ,  docteur  en  médecine ,  à  Nevers. 
Lenorle ,  juge  de  paix,  à  Nevers. 
Alexis  Frérault,  directeur  du  comptoir  d'escompte, 

à  Nevers. 
Pautre,  notaire,  à  Nevers. 
Leclesves  ,  capitaine  de  recrutement ,  à  Nevers. 
Râteau  ,  de  Nevers. 

Delachaise,  capitaine  d'artillerie,  à  Nevers. 
Bernot  ,  pharmacien  ,  à  Nevers. 
Le  docteur  Lerlanc-Bellevaux  ,  à  Nevers. 
Emile  Delaplace  ,  à  Nevers. 
Renaut,  étudiant  en  droit. 
Le  capitaine  Ogier  ,  à  Nevers. 
Donatien  Senly  ,  avocat ,  î»  Nevers. 
Compadre  ,    receveur    principal    des  contributions 

indirectes ,  à  Nevers. 
Dufaul  ,  membre  du  Conseil  général. 


XVI II".   SESSION.  117 

MM.   Armand  ,  directeur  de  l'enregistrement. 

Faure  ,  à  Nevers. 
D'autres  personnes  et  un  certain  nombre  de  dames  assis- 
taient aux  séances. 

M.  l'abbé  Crosnier  ,  vicaire-général  de  Nevers  et  secrétaire- 
général  ,  prend  la  parole  en  ces  termes  : 

Monseigneur  et  Messieurs, 

«  C'est  pour  la  première  fois  que  Nevers  reçoit  les  honneurs 
d'un  Congrès,  c'est  pour  la  première  fois  que  notre  antique 
cité  voit  réunis  dans  ses  murs  ces  hommes  qui  ont  voué  leur 
vie  tout  entière  à  la  science ,  et  qui  par  leurs  études  ont 
entrepris  de  mettre  la  génération  actuelle  en  communication 
d'idées  avec  les  générations  passées. 

«  Déjà  en  1847,  l'illustre  fondateur  de  ces  réunions,  celui 
qui  le  premier  a  compris  tout  ce  qu'il  y  avait  de  vie  et  de 
génie  dans  les  œuvres  de  nos  pères ,  avait  conçu  le  projet  de 
tenir  à  Nevers  la  XIVe.  session  du  Congrès  archéologique  ; 
l'intérêt  que  je  porte  à  ma  ville  natale  m'avait  engagé  à  se- 
conder de  tous  mes  efforts  un  projet  dont  le  résultat  eût  fait 
jaillir  sur  elle  un  nouveau  rayon  de  splendeur  et  de  gloire. 

«  Un  mal-entendu  déplorable  ne  nous  permit  pas  de  voir  nos 
désirs  se  réaliser;  la  ville  de  Sens  fut  heureuse  d'ouvrir  ses 
portes  aux  princes  de  la  science  et  se  réjouit  des  obstacles 
qu'ils  avaient  rencontrés  au  moment  de  leur  départ  pour 
Nevers. 

«  Aujourd'hui ,  Messieurs ,  nous  n'avons  plus  de  regrets  ; 
votre  présence  dans  cette  enceinte  nous  dédommage  complè- 
tement de  nos  privations  passées,  notre  joie  en  vous  recevant 
est  d'autant  plus  vive  que  nos  désirs  avaient  été  depuis  long- 
temps comprimés.  Nevers  voit  avec  bonheur  le  génie  du 
commerce  et  de  l'industrie  qui  plane  depuis  si  long-temps 

8 


118      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

sur  cette  cité  fraterniser  avec  le  génie  des  sciences  et  des  arts. 
Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire ,  Messieurs ,  que  vous  avez 
toutes  les  sympathies  de  notre  vénéré  prélat  ;  vous  savez  toute 
l'importance  qu'il  attache  à  vos  travaux  :  plusieurs  fois  déjà 
vous  l'avez  vu  se  rendre  avec  empressement  à  vos  savantes 
assemblées  et  faire  partie  de  vos  excursions  scientifiques.  La 
touchante  scène  de  Mettray  ne  s'est  sans  doute  pas  effacée  de 
vos  souvenirs. 

«  Vous  trouverez  la  même  sympathie  dans  le  premier  ma- 
gistrat du  département  ;  il  comprend  ,  lui  aussi ,  le  véritable 
caractère  du  beau  ,  et  les  amis  des  arts  peuvent  dire  que  nos 
anciens  monuments  sont  l'objet  de  sa  sollicitude  toute  spéciale. 
A  la  nouvelle  de  votre  arrivée  ,  il  s'est  empressé  d'offrir  ses 
salions  pour  nos  réunions  ;  il  eût  été  heureux  de  vous  recevoir 
et  de  se  faciliter  le  moyen  d'honorer  plus  souvent  le  Congrès 
de  sa  présence  sans  porter  un  préjudice  trop  notable  à  ses 
nombreuses  occupations. 

«  Pour  moi ,  Messieurs,  j'ai  compris  toute  l'importance  des 
fonctions  que  vous  m'aviez  confiées ,  en  me  nommant  secré- 
taire-général du  Congrès ,  et  pour  me  déterminer  à  accepter 
cet  honneur,  il  ne  m'a  fallu  rien  moins  que  l'assurance  d'être 
aidé  dans  ces  travaux  par  mon  honorable  ami ,  M.  Georges 
de  Soultrait ,  dont  vous  avez  su  apprécier  le  mérite.  MM. 
Morellet  et  Lebrun ,  dont  vous  serez  heureux  de  faire  la  con- 
naissance ,  doivent  aussi  me  prêter  leur  concours. 

«  Le  secrétaire-général  présente  à  chaque  séance  le  résumé 
de  la  séance  précédente.  Au  défaut  de  ce  résumé  ,  vous  me 
permettrez  aujourd'hui  de  vous  faire  connaître  ce  qu'était 
notre  Nivernais  au  moyen  âge  sous  le  rapport  des  monuments, 
les  différentes  révolutions  qui  ont  accumulé  ruines  sur  ruines 
dans  ce  pays ,  et  enfin  ce  qui  a  été  fait  pour  réparer  une 
partie  de  ces  désastres. 

«  Peu  de  contrées  en  France  ont  réuni  autant  d'églises  re- 


XVI ir.    SESSION.  119 

marquables  que  notre  ancien  Nivernais  ;  je  ne  vous  parlerai 
pas  de  Vézelay  qui  se  trouvait  renfermé  dans  les  limites  de  la 
province  et  qui  fait  encore ,  soit  par  le  plan  et  les  dispositions 
savantes  de  son  église ,  soit  par  la  richesse  de  son  ornemen- 
tation ,  l'admiration  des  archéologues  et  des  touristes.  Je  ne 
vous  parlerai  pas  de  la  vaste  église  de  la  Charité-sur- Loire, 
fille  aînée  de  Cluny,  maintenant  privée  de  sa  nef  imposante 
et  de  ses  magnifiques  clochers;  je  ne  vous  parlerai  pas  des 
ruiues  de  Donzy-le-Pré ,  de  l'Épeau ,  des  églises  de  St.-Ve- 
rain  ,  de  Clamecy,  de  Varzy  et  de  tant  d'autres  monuments 
dont  nos  villes  se  glorifient.  Il  vous  suffirait ,  Messieurs ,  de 
parcourir  nos  campagnes  des  Amognes,  et  à  chaque  pas 
vous  rencontreriez  ,  ici  un  portail  encore  debout ,  là  une  gra- 
cieuse abside  ornée  de  sa  colonnade  et  de  ses  arcalures, 
ailleurs  des  monceaux  de  ruines  desquels  roulent  par  in- 
tervalle des  chapiteaux  fleuris  ou  historiés.  Vous  auriez  alors 
une  faible  idée  des  richesses  monumentales  que  possédait 
naguère  notre  pays. 

«  Si  je  jette  maintenant  un  regard  sur  Nevers ,  je  vois  ses 
rues  s'applanir ,  s'élargir  et  s'alligner ,  les  places  publiques 
s'agrandir,  ses  magasins  splendides  faire  concurrence  aux 
magasins  des  villes  plus  importantes;  je  vois  la  Loire  sortir 
invisiblement  de  son  lit ,  pour  offrir  ses  eaux  salutaires  aux 
différents  quartiers  de  la  ville,  je  vois  les  habitants,  emportés 
par  un  trait  de  feu  jusqu'à  la  capitale  et  revenant  rejoindre 
leurs  foyers  avec  la  même  rapidité,  et  je  me  réjouis  du 
bien-être  de  mon  pays,  d'une  prospérité  inconnue  à  nos 
pères;  mais  en  même  temps  je  m'afflige,  quand,  me  reportant 
aux  temps  passés,  je  vois  notre  vieille  cathédrale  isolée 
maintenant,  elle  qui  jadis  trônait  en  reine  et  s'élevait  en- 
tourée d'une  myriade  de  clochers,  comme  d'une  auréole 
de  gloire ,  et  je  me  surprends  à  donner  des  regrets  à  la  ville 
pointue,  comme  on  l'appelait  alors. 


120      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

«  Que  sont  devenus  les  antiques  sanctuaires  de  St. -Martin 
et  de  St.-Arigle,  les  églises  de  St. -Père,  de  St. -Victor  et 
tant  d'autres?  Tout  a  disparu  ,  tout,  jusqu'aux  fondations; 
le  temps  eût  épargné  ces  magnifiques  basiliques,  l'ouragan 
des  révolutions  a  tout  renversé. 

«  Les  guerres  de  religion  avaient  déjà  fait  chanceler  sur 
leurs  fondements  une  partie  des  églises  de  nos  contrées, 
les  autres  avaient  été  rasées  ou  incendiées;  les  églises  mo- 
nacales surtout  présentaient ,  pour  la  plupart ,  l'aspect  de 
sanctuaires  environnés  de  ruines,  quand  la  torche  révolu- 
tionnaire et  le  marteau  démolisseur  de  1793  vinrent  ajouter 
de  nouvelles  ruines  à  celles  qui  déjà  encombraient  le  pays. 

«  Cependant  le  calme  succéda  à  la  tempête,  mais  les  amis 
de  l'ordre  ne  virent  autour  d'eux  que  de  tristes  débris ,  et 
le  prêtre ,  sans  ressource  ,  était  réduit  à  célébrer  les  saints 
mystères  dans  des  sanctuaires  ouverts  à  tous  les  vents,  dans 
lesquels  le  lierre  solitaire  remplaçait ,  dans  les  verrières ,  les 
magnifiques  vitraux  peints  qui  faisaient  autrefois  leurs  or- 
nements. Il  se  hâta  donc  de  mettre  les  fidèles  à  l'abri ,  sans 
trop  s'occuper  des  exigences  de  l'art. 

«  Quand  une  fois  on  put  respirer  à  l'aise ,  et  que  les  com- 
munes eurent  été  en  position  de  recueillir  quelques  débris  de 
leurs  anciennes  possessions,  on  s'empressa  de  rétablir  nos 
temples;  mais  une  trop  grande  parcimonie,  souvent  forcée, 
des  architectes  ou  intelligents  ou  no  comprenant  que  les  tra- 
vaux qui  avaient  fait  partie  de  leurs  incomplètes  études,  le 
goût  généralement  dépravé,  tout  contribua  à  de  déplorables 
constructions  ou  à  des  restaurations  plus  déplorables  encore. 

«  Il  n'est  pas  facile  de  faire  renoncer  à  la  routine  ,  et  les 
hommes  de  science  et  de  goût  ne  sont  pas  toujours  les  plus 
nombreux,  surtout  dans  les  conseils  ruraux  qu'on  laissa 
malheureusement  trop  long-temps  suivre  leurs  impressions 
particulières  ;  de  là  le  mauvais  goût  régna  encore  dans  quelques 


XVIIIe.    SESSION.  121 

endroits,  depuis  même  que  le  mouvement  artistique  fut 
donné. 

«  Je  n'oserais  pas ,  Messieurs ,  vous  parler  des  églises  con- 
struites dans  notre  Nivernais  avant  1830  ,  ni  même  de 
quelques-unes  de  celles  qui  l'ont  été  depuis;  jamais  elles  ne 
feront  l'ornement  d'une  commune ,  et  les  architectes  qui  les 
ont  construites  seront  loin  de  s'en  glorifier. 

«  Mais  il  est  important  que  je  vous  signale  le  mouvement 
qui  fut  imprimé  à  l'art  religieux  dans  le  diocèse  de  Nevers 
depuis  seize  à  dix-sept  ans  environ  ;  le  savant  M.  de  Caumont 
trouvera  dans  ce  tableau  un  encouragement  dans  ses  nobles 
travaux  ,  en  voyant  que  ses  efforts  n'ont  point  été  stériles  et 
que  la  science  archéologique  qu'il  a  ressuscitée  en  France , 
j'allais  presque  dire  qu'il  a  créée  ,  se  développe  sur  tous  les 
points  du  pays,  d'après  les  principes  qu'il  a  posés. 

«  Déjà  ,  avant  l'époque  que  j'ai  sigualée  ,  une  jolie  chapelle 
ogivale  s'élevait,  à  grands  frais,  par  les  soins  de  M.  de  Cer- 
taines, auprès  du  château  de  Villemolin  ;  sans  doute  ,  je  dois 
le  dire ,  elle  n'est  point  parfaite  ,  et  un  œil  observateur  qui 
en  étudie  les  détails  y  rencontre  des  ornements  incohérents  ; 
mais,  malgré  ces  quelques  défauts ,  elle  est  encore  digne  de 
notre  admiration  ,  surtout  si  nous  nous  reportons  au  temps 
où  elle  fut  construite ,  et  si  nous  considérons  ses  gracieuses 
proportions  ;  plus  tard  on  a  suivi  les  principes  de  la  science, 
ici  on  les  avait  déjà  devinés. 

«  Maintenant,  Messieurs  J'éprouve  le  besoin  de  vous  faire 
par  avance  mes  excuses  et  d'implorer  votre  indulgence  ;  je 
suis  obligé  de  parler  de  moi  et  de  me  mettre  en  scène. 
Nommé  eu  1835  dans  une  paroisse  importante  dont  l'église 
tombait  en  ruines,  j'eus  la  pensée  de  reconstruire  la  nef, 
car  le  chœur  avait  été  reconstruit ,  à  la  fin  du  XVe.  siècle , 
dans  de  belles  proportions  et  marié  avec  les  nefs  latérales  du 
XIIIe.  qui  le  flanquaient.   J'avais  de   grandes  difficultés  à 


122      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

vaincre ,  le  mauvais  goût  qui  voulait  une  construction  grecque 
et  le  bon  goût  qui  voulait  la  continuation  de  ce  qui  existait, 
mais  qui  reculait  devant  la  dépense  ;  je  fus  assez  heureux  pour 
triompher  de  ces  obstacles.  L'église  de  Donzy  fut  complè- 
tement rétablie  ,  et  M.  Paillard  ,  architecte  du  département , 
qui  en  dirigea  les  travaux,  peut  montrer  avec  orgueil  ce  pre- 
mier essai  de  ses  études  dans  l'architecture  ogivale  :  Donzy 
fut,  à  juste  titre,  fier  de  son  église,  et  les  étrangers  la  visitent 
avec  intérêt.  Le  dernier  étage  de  la  tour  peut  seul  prêter  à 
la  critique  ,  parce  qu'au  lieu  de  se  terminer  en  pyramidant , 
les  contreforts  n'ont  qu'une  faible  rétraite  et  se  prolongent 
jusqu'au  sommet,  ce  qui  rend  la  tour  lourde  et  ôte  à  la  balus- 
trade toute  sa  grâce  ;  dans  cette  même  partie  la  ramification 
des  meneaux  qui  ornent  les  ouvertures  présente  quelques 
baies  insolites  ;  mais  encore  une  fois  c'était  un  essai ,  et  on 
peut  dire  qu'il  a  été  heureux.  C'était  le  prélude  d'autres 
travaux  moins  importants ,  sans  doute ,  mais  dans  lesquels 
M.  Paillard  a  su  éviter  ces  incorrections. 

«  Ne  croyez  pas,  Messieurs,  que  je  revendique  ici  la  gloire 
d'avoir  imprimé  dans  notre  pays  le  mouvement  à  la  véri- 
table architecture  religieuse;  j'aurais  tort  de  me  laisser  aller 
à  une  semblable  prétention ,  car  si  je  comprenais  tout  ce 
qu'il  y  a  de  beau,  de  religieux  dans  ce  genre  d'architecture, 
je  dois  le  dire,  ce  n'était  qu'un  sentiment  instinctif  dont  je 
ne  me  rendais  encore  aucun  compte;  pour  moi  c'était  heau , 
j'avais  comparé,  je  copiais  ce  que  j'avais  vu  et  voilà  tout. 
Monseigneur,  à  son  arrivée  dans  le  diocèse ,  voulut  bien  sou- 
rire à  mes  premiers  essais,  il  me  pressa  de  cultiver  ce  goût 
et  me  dirigea  lui-même.  Ce  fut  lui  qui  fut  le  véritable  moteur. 
Dès  ce  moment ,  sur  tous  les  points  du  diocèse ,  l'étincelle 
électrique  se  fit  sentir. 

«  Les  églises  de  Menou ,  de  Colméry ,  de  Cessy ,  d'Alligny- 
sous-Cosne ,  de  St. -Quentin  et  autres  furent  restaurées  dans 


xvur.    SESSION.  123 

leur  slylc  propre,  tandis  que  M.  Paillard  ressuscitait  la  riche 
ornementation  du  XIIe.  siècle,  dans  la  reconstruction  delà 
triple  nef  de  St.-Révérien  et  de  l'abside  d'Iscnay ,  dans  les 
nouvelles  églises  de  Chalaux  et  de  la  Celle-sur-Nièvre ,  et 
les  nobles  proportions  du  XIIIe.  siècle  dans  celle  d'Ar- 
bourse. 

«  Je  ne  vous  parle  pas,  Messieurs,  delà  gracieuse  chapelle 
des  orphelines  de  Varcnnes ,  j'espère  bien  que  ce  lieu  sera 
le  but  d'une  de  nos  excursions  archéologiques ,  car  j'ai  à 
cœur  de  vous  prouver  que  les  éloges  que  j'adresse  à  l'ar- 
chitecte du  département  ne  sont  point  exagérés ,  et  que  le 
ciseau  nivernais  sait  façonner  la  pierre  et  l'animer  en  quel- 
que sorte;  au  reste,  déjà  dans  la  restauration  de  St. -Etienne 
de  Nevers,  vous  pourrez  vous  en  convaincre. 

«  Je  regrette  vivement ,  Messieurs ,  que  le  temps  et  les 
distances  ne  nous  permettent  pas  de  nous  transporter  jus- 
qu'aux places ,  vous  verriez  que  notre  siècle  exécute  ce  que 
le  moyeu  âge  n'aurait  osé  tenter.  Au  milieu  des  roches 
granitiques  du  Morvand  et  des  vieilles  forêts  de  cette  Suisse 
nivernaise,  une  vaste  et  magnifique  basilique  à  trois  nefs, 
avec  déambulatoire  et  transepts ,  est  élevée  d'après  les  plans 
de  M.  Lenormand ,  par  M.  le  chevalier  Feuillet ,  qui  a 
consacré  une  partie  de  ses  ressources  personnelles  à  ce 
temple ,  que  bien  des  évêques  envieraient  pour  leur  cathé- 
drale. 

«  Le  moyen  âge  avait  bien  transporté ,  à  grands  frais ,  à 
Sémelay  et  à  Monlambert,  les  pierres  extraites  de  carrières 
lointaines,  et  les  infatigables  enfants  de  saint  Benoît  avaient 
élevé  dans  ces  solitudes  les  belles  églises  que  nous  y  admi- 
rons ,  mais  jamais  on  n'avait  essayé  de  façonner  en  pierres 
d'appareil  régulier,  en  chapiteaux ,  en  colonnettes  gracieuses , 
le  granit  du  Morvand;  jamais  surtout  on  n'aurait  cru  pos- 
sible d'extraire  de  ces  roches  les  colonnes  monolithes  qui 


124      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

soutiennent   la   demi-calotte  du  sanctuaire  de  l'église  des 
Places. 

«  Je  ne  vous  ai  pas  parlé ,  Messieurs ,  de  notre  vieille  cathé- 
drale; sans  doute,  vous  admirez  la  restauration  faite  à  la 
tour,  mais  il  est  probable  que  vous  n'éprouverez  pas  le 
même  sentiment  en  considérant  la  maigre  galerie  qui  envi- 
ronne le  grand  comble. 

«  J'aurais  pu,  Messieurs,  m'étendre  davantage ,  et  vous 
parler  d'un  certain  nombre  d'églises  qui  sont  sur  le  point 
d'être  ou  reconstruites  ou  restaurées,  toujours  d'après  les 
principes  de  l'art  et  avec  les  caractères  si  religieux  des 
siècles  du  moyen  âge  ;  mais  cet  exposé ,  quoique  succinct , 
suffit  pour  vous  donner  une  idée  du  mouvement  archéolo- 
gique opéré  dans  notre  département;  cependant  il  serait  encore 
incomplet,  si  je  n'ajoutais  quelques  mots  sur  nos  musées. 

«  Quant  à  notre  palais  ducal  et  aux  restaurations  qu'on  y 
exécute  en  ce  moment,  vous  en  jugerez  par  vous-mêmes. 
Honneur  aux  membres  du  Conseil  général  de  notre  dépar- 
tement ,  en  entreprenant  de  rendre  à  ce  palais  l'antique 
splendeur  dont  les  princes  de  Clèves  l'avaient  entouré,  ils 
justifient  la  confiance  qui  leur  a  été  accordée  et  font  preuve 
de  bon  goût,  tout  en  faisant  un  acte  de  bonne  adminis- 
tration. 

«  Il  y  a  quelques  années,  on  savait  à  peine  à  Nevers  ce  que 
c'est  qu'un  musée;  deux  ou  trois  objets  réunis  dans  le 
local  de  la  bibliothèque  de  la  ville  composaient  toute  la 
collection  ;  mais  aujourd'hui ,  Nevers  peut  montrer  aux 
étrangers  et  son  musée  céramique  et  son  médailler  et  les 
autres  objets  d'art,  antiques  et  modernes,  qui  occupent 
plusieurs  salles  voisines  de  la  bibliothèque.  Après  avoir  réuni 
avec  un  zèle  et  une  persévérance  admirable  tous  les  objets 
curieux  qu'il  a  pu  se  procurer  dans  le  département,  M. 
Gallois  les  a  cédés  à  la  ville ,  à  la  condition  qu'il  serait  établi 


XVIIIe.    SESSION.  125 

le  conservateur  du  nouveau  musée  ;  ce  titre  lui  convenait 
à  tous  égards.  Grâces  à  lui ,  notre  ville  est  dotée  d'un  musée 
déjà  fort  intéressant  et  qui ,  tous  les  jours ,  prend  de  nou- 
veaux développements. 

«  Un  musée  lapidaire  a  aussi  été  créé  dans  les  salles  de  la 
porte  du  Croux,  par  les  soins  du  commandant  Barat,  dont 
le  dévouement  pour  les  arts  est  devenu  proverbial  dans 
notre  département.  C'est  là  qu'il  a  réuni  une  curieuse  mo- 
saïque, des  chapiteaux  de  tout  genre,  des  pierres  tombales, 
etc.  Ces  deux  honorables  conservateurs  de  nos  musées 
seront  heureux  de  vous  montrer  ces  collections  qu'ils  ont 
formées. 

«  Enfin,  Messieurs ,  nous  n'avons  plus  à  envier  aux  dépar- 
tements voisins  leurs  associations  scientifiques,  Nevers  a 
maintenant  la  sienne  sous  le  titre  de  Société  nivernaise  des 
sciences ,  Lettres  et  arts  ;  elle  est  définitivement  constituée, 
et  déjà  un  certain  nombre  de  personnes  érainentes  par  leurs 
talents,  leurs  connaissances  et  leur  position  sociale,  se  sont 
empressées  de  se  faire  inscrire.  Nous  avons  la  confiance 
que  la  Société  nivernaise  deviendra  aussi  florissante  que 
celles  des  provinces  limitrophes,  dont  nous  admirons  les 
travaux.  Vous  voudrez  bien ,  Messieurs ,  nous  aider  de  vos 
conseils  et  de  votre  expérience  ;  ainsi  votre  présence  dans 
nos  murs  ne  sera  pas  seulement  pour  nous  un  honneur, 
elle  sera  un  bienfait.   » 

Monseigneur  répond  aux  discours  de  MM.  de  Caumont 
et  Crosnier  :  il  repousse  trop  modestement  les  éloges  qui  lui 
ont  été  adressés;  il  exprime  avec  cette  éloquence ,  dont  il 
a  donné  tant  de  preuves  dans  sa  carrière  apostolique ,  toute 
l'importance  qu'il   attache  aux  études  archéologiques. 

«  Depuis  long-temps  ,  ajoute-t-il ,  je  me  sentais  un  goût 
prononcé  pour  les  merveilles  de  l'art  chrétien,  et  je  puis  dire, 


126  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

avec  M.  le  secrétaire-général ,  que  c'était  pour  moi  comme 
un  sentiment  instinctif;  ce  goût  ne  tarda  pas  à  se  développer 
par  la  lecture  des  savants  ouvrages  de  celui  que  vous  aimez 
à  proclamer  votre  guide  et  votre  maître ,  dès  lors  j'ai  travaillé 
à  faire  naître  autour  de  moi  ce  sentiment  du  beau,  je  dé- 
sirais vivement  voir  l'architecture  religieuse  reconquérir  ses 
droits  et  vivre  de  la  vie  qui  lui  était  propre. 

«  Le  succès  a  couronné  mes  efforts ,  et  je  me  félicite  d'avoir 
contribué  à  développer  ce  goût  soit  à  Tours  soit  à  Nevers  :  ces 
deux  villes  comptent  maintenant  des  archéologues  zélés  et 
instruits.  Là  s'arrête  tout  mon  mérite. 

«  Je  regrette  que  mes  nombreuses  occupations  m'aient 
toujours  empêché  de  me  livrer  moi-même ,  comme  je  l'aurais 
désiré,  à  cette  étude  intéressante  qui  fait  partie  de  notre  science 
catholique  ,  car  l'archéologie ,  pour  me  servir  du  langage  de 
l'apôtre ,  est  aussi  dans  un  sens  la  parole  abrégée  de  J.  -G. 
Verbîim  breviatum;  elle  est  l'expression  la  plus  haute  de  la 
pensée  chrétienne  et  de  toutes  nos  traditions  catholiques. 

«  Nos  vieilles  basiliques  soit  dans  leur  plan,  soit  dans  leurs 
dispositions,  soit  dans  leur  ornementation,  nous  présentent  le 
résumé  fidèle  des  dogmes  et  de  la  morale  évangéliques,  toutes 
les  sciences  étaient  déjà  venues  s'incliner  devant  la  science 
incrée  pour  restaurer  touten  J.-G.  ,  comme  dit  encore  l'apôtre, 
instaurare  omnia  in  Christo.  L'architecture  seule  restait  sous 
l'influence  payenne.  Depuis  trois  siècles  on  élevait  en  l'hon- 
neur du  Dieu  de  vérité  des  temples  semblables  à  ceux  qu'on 
eût  élevés  pour  les  dieux  de  Rome  ou  d'Athènes,  quand  quel- 
ques hommes  à  haute  intelligence  sont  venus  nous  révéler  tout 
ce  qu'il  y  avait  de  beau  et  de  noble  dans  l'architecture  du 
moyen  âge  où  tout  est  représenté  par  de  gracieux  symboles , 
où  tout  revêt  la  forme  d'une  ravissante  poésie.  L'impiété  elle- 
même  a  été  forcée  de  rendre  justice  à  ces  chefs-d'œuvre  de 
l'art  chrétien  qu'elle  avait  si   long-temps  dédaignés,  elle  a 


XVIIIe.    SESSION.  127 

fini  par  s'incliner  devant  leur  sublime  majesté;  au  moment 
où  elle  ouvrait  la  bouche  pour  prononcer  des  anathèmes  et 
des  malédictions ,  frappée  tout-à-coup  d'admiration,  comme 
autrefois  le  faux  prophète  Balaam  à  la  vue  du  camp  d'Israël , 
elle  n'a  pu  s'empêcher  de  s'écrier  avec  lui  :  que  vos  pavillons 
sont  beaux, ô  Jacob  ;  que  vos  tentes  sont  magnifiques,  ô  Israël  ; 
quant  putchra  tabcrnacula  Jacob ,  et  tentoria  tua  Israël.    » 

Des  applaudissements  unanimes  ont  accueilli  l'éloquente 
improvisation  de  l'éminent  prélat. 

Après  la  lecture  des  questions  du  programme  faite  par  M. 
l'abbé  Crosnier ,  la  première  question ,  ainsi  conçue,  est  mise 
à  l'étude  : 

Trouve-t-on  dans  le  Nivernais  des  monuments  de  l'époque 
celtique,  tels  que  dolmens ,  menhirs,  allées  couvertes ,  etc.  ? 

M.  Victor  Petit  fait  remarquer  que  MM.  Gallois,  Barat  et 
Morellet,  ayant  parcouru  le  Nivernais  dans  tous  les  sens, 
sont  plus  que  personne  capables  de  répondre  à  cette  question. 

M.  Gallois  a  la  parole  sur  les  monuments  celtiques  ;  il  en 
cite  plusieurs  déjà  connus  et  en  signale  d'autres  dont  on  ne 
s'était  pas  encore  occupé.  «  Le  monument  druidique  le  plus 
«  remarquable  que  nous  ayons  dans  notre  Nivernais,  est, 
«  dit-il ,  celui  qui  est  connu  dans  le  Morvand  sous  le  nom 
«  de  Chaise  à  Butthiaux.  Le  chemin  qui  conduit  de  Luzy  à 
«  Château-Chinon  traverse  la  partie  la  plus  montagneuse  et 
«  la  plus  sauvage  du  Morvand. 

«  On  passe  à  la  Roche-Milay  qui  ressemble  à  un  bourg 
«  tranquille  de  la  Suisse  ;  on  se  dirige  ensuite  sur  les  fous  (1) 
«  de  la  Gravelle  en  laissant  à  droite  le  mont  Beuvray  et  le 
«  mont  Prenay  ;  enfin  on  arrive  au  hameau  de  Butthiaux , 

(1)  Les  Morvandaux  nomment  ainsi  les  arbres  qui  sont  au  sommet 
de  la  montagne  de  la  Gravelle. 


128     CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

«  situé  dans  la  commune  de  Villapourçon ,  à  3000m.  environ 
«  des  sources  de  l'Yonne. 

«  Au-dessus  du  village  et  au  sommet  de  la  montagne  exis- 
«  tait  encore  presqu'intact ,  il  y  a  30  ans,  le  monument  dont 
«  j'ai  à  vous  entretenir.  C'était  une  réunion  de  roches  gra- 
«  nitiques  posées  sans  art ,  les  unes  sur  les  autres  en  forme 
«  de  marches,  et  au-dessus  étaient  placées  deux  autres  grosses 
«  pierres  debout  semblables  à  des  bornes. 

«  En  1798,  M.  Simonnet  père,  médecin  distingué  de 
«  notre  pays,  avait  observé  ce  monument,  et,  en  1815,  lorsque 
«  je  le  visitai  avec  quelques  savants  de  ma  connaissance, 
«  plusieurs  pierres  avaient  déjà  été  brisées  et  il  ressemblait 
«  au  dessin  que  j'ai  déposé  sur  le  bureau.  Aujourd'hui  il 
«  n'existe  plus ,  une  seule  pierre  est  encore  debout ,  les  au- 
«  très  ont  été  enlevées  et  brisées  par  les  habitants  de  l'endroit 
«  qui  les  ont  eoiployées  dans  des  constructions. 

«  Les  gens  du  pays  appellent  encore  cette  pierre  la  Chaise 
«  à  Butlhiaux  et  prétendent  que  c'était  là  que  se  rendait 
«  autrefois  la  justice  et  que  le  juge  siégeait  sur  cet  amas  de 
«  pierres. 

«  En  1838,  un  habitant  du  pays  fut  nommé  cantonnier 
«  de  la  route  n°.  78  à  Pont-Charraut  ;  il  me  remit  deux 
«  petites  statuettes  eu  bronze  fortement  patiné ,  trouvées 
«  non  loin  du  monument  avec  des  tuiles  qu'on  rencontre 
«  assez  fréquemment  dans  les  environs  et  que  les  paysans 
«  nomment  saintes  tuiles.    » 

Le  commandant  Barat  demande  ensuite  la  parole;  outre 
la  Chaise  à  Butlhiaux  dont  vient  de  parler  M.  Gallois,  il 
cite  la  Pierre  des  fées,  près  de  Quarré-les-Tombes ;  la 
pierre  Bernuchot  (1)  ou  de  la   Vierge,  à  St.-Martin-du- 

(1)  Bernuchot,  Bernichon,  Brunichout,  sont  des  noms  très-connus 
dans  le  Nivernais;  la  voie  romaine  qui  va  d'Autun  à  Bourges,  se  nom- 
me à  St.-Parize-le-Chatel ,  le  Chemin  Brunichout,  Chemin  de  Bru- 
nehaut ,  Bruncchildis, 


XYUV.    SESSION.  129 

Puits;  le  fort  Chcvresse,  dans  la  forêt  de  St.-Brisson,  pierre 
qui  ressemble  parfaitement  aux  dolmens  qu'on  trouve  dans 
la  Bretagne  ;  au  levant  de  Château-Chinon ,  la  Maison  du 
loup  qui  est  aussi  un  dolmen  bien  caractérisé  ;  la  Ruchette 
perthuse ,  en  face  du  mont  Bcuvray  ;  Pierre-aigue ,  peulvcn 
placé  sur  un  plateau  circulaire  en  face  de  St. -Honoré  en 
Morvand  ;  le  Chailloux  magnien,  autre  peulven  près  d'Imphy  ; 
Pierre- fiche ,  au  sud  de  Clamecy;  Pierre-écrite ,  près  de 
Saulieu.  Quelques  traditions,  ajoute- t-il,  semblent  se  rat- 
tacher à  l'ère  celtique  ;  elles  ont  rapport  à  des  camps  ou  re- 
tranchements à  Moux ,  à  Moulins-Engilbert ,  à  Trois- Vesvres, 
à  Chiddcs ,  etc.  A  Moux ,  un  retranchement  est  nommé  le 
Champ  des  Gaulois;  à  Trois- Vesvres ,  un  semblable  retran- 
chement porte  le  nom  de  Cité  de  barbarie. 

L'honorable  commandant  fait  observer  que  la  plupart  des 
pierres  druidiques  dont  il  a  parlé  se  trouvent  dans  le  Mor- 
vand; que  les  vallées  de  la  Loire  et  de  l'Allier  offrent  peu  de 
monuments  de  ce  genre  et  qu'on  peut  discuter  l'authenticité 
de  ceux  qu'on  croit  y  rencontrer. 

M.  Morellet  ajoute  à  rénumération  d'antiquités  gauloises 
qui  vient  d'êlre  faite,  le  menhir  de  St.-Hilaire  en  Mor- 
vand. 

M.  de  Fontenay,  d'Autun,  regrette  que  M.  Charleuf  n'ait 
pas  envoyé  les  dessins  qu'il  possède  de  la  plupart  de  ces 
monuments. 

M.  l'abbé  Crosnier,  faisant  toute  réserve  sur  les  pierres  du 
Morvand ,  fait  remarquer  qu'on  a  souvent  découvert  au  pied 
des  dolmens  et  des  menhirs ,  non  seulement  des  pièces  gau- 
loises et  romaines,  mais  encore  des  monnaies  du  moyen  âge 
et  des  pièces  modernes.  Il  cite  en  particulier  la  pierre  de  la 
Vierge,  au  pied  de  laquelle  on  a  trouvé  des  monnaies  gau- 
loises ,  de  petits  bronzes  romains ,  des  monnaies  et  des  mé- 
vaux  de  France,   enlr'autres  une  pièce  de  Louis  XIV.    Il 


130      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

pense  que  la  terreur  superstitieuse,  dont  les  monuments  cel- 
tiques ont  été  et  sont  encore  l'objet  dans  nos  campagnes, 
a  dû  souvent  engager  les  paysans  à.  déposer  en  ces  lieux  des 
offrandes  pécuniaires  destinées  à  rendre  propices  les  mauvais 
génies  dont  leur  imagination  les  peuple. 

M.  de  Caumont  partage  cette  opinion  et  cite  à  l'appui  un 
fait  assez  fréquent  dans  différentes  contrées  de  la  Bretagne  et 
même  de  la  Normandie  :  les  jeunes  filles  qui  veulent  se 
marier  déposent  des  pièces  de  monnaie  au  pied  des  pierres 
druidiques.  Il  a  notamment  observé  cette  coutume  à  Colom- 
biers (Calvados). 

M.  Robineau-Desvoidis  fait  remarquer  que  M.  Baudoin 
pourrait  entretenir  le  Congrès  des  fouilles  pratiquées  sous  des 
dolmens ,  ayant  plusieurs  fois  assisté  à  ces  opérations  et  les 
ayant  lui-même  dirigées. 

M.  Baudoin  dit  qu'il  a  trouvé  dans  ces  fouilles  des  mon- 
naies gauloises  et  des  casse-tête  ;  mais  ces  découvertes  ont 
eu  lieu  dans  le  département  de  l'Yonne ,  il  n'a  rien  trouvé 
de  semblable  dans  la  Nièvre. 

Une  discussion  s'élève  entre  MM.  Morellet,  l'abbé  Véé, 
Gallois  et  de  Fontenay  ,  d'Autun  ,  sur  la  nature  des  diverses 
médailles  trouvées  près  des  monuments  celtiques  et  sur  l'âge 
qu'on  peut  leur   attribuer. 

M.  Victor  Petit  annonce  que  Mme.  de  Canillac-Montboissier 
vient  d'acheter  le  bois  qui  renferme  le  dolmen  dit  le  fort 
Chevresse ,  dont  a  parlé  le  commandant  Barat ,  afin  d'assurer 
la  conservation  de  ce  monument  le  plus  curieux  de  ce  genre 
en  Nivernais. 

M.  de  Caumont  voudrait  que  l'on  s'occupât  de  la  position 
des  antiquités  gauloises  relativement  aux  voies  romaines; 
cette  élude  pourrait  aider  à  reconstituer  la  géographie  ancienne 
qui  est  encore  si  peu  connue ,  malgré  les  nombreuses  recher- 
ches dont  elle  a  été  l'objet. 


XVIIIe.    SESSION.  131 

M.  de  Fontenay,  d'Autun,  annonce  que  les  dolmens  et  les 
menhirs  qu'il  a  rencontrés  sont  en  général  placés  à  distance 
des  voies  romaines  au  milieu  des  chaumes  ;  il  croit,  du  reste, 
que  beaucoup  de  pierres  dites  druidiques  n'ont  jamais  été 
placées  de  main  d'homme  et  doivent  le  culte  superstitieux  , 
dont  elles  sont  quelquefois  l'objet,  à  la  bizarrerie  de  leur  forme 
ou  de  leur  position.  Cette  opinion  est  appuyée  par  MM. 
Quantin,  l'abbé  Devoucoux,  de  Caumontel  Bulliot.  Ce  dernier 
croit  que  les  pierres  de  Quarré-les-Tombes  doivent  être 
rangées  dans  cette  catégorie.  M.  Crosnier  ajoute  qu'il  se 
tient  en  garde  contre  la  plupart  des  pierres  druidiques  si- 
gnalées dans  le  Morvand. 

M.  de  Caumonl  demande  si  on  a  ouvert  assez  de  tumulus 
dans  le  pays  pour  pouvoir  ,  en  comparant  les  divers  résultats 
de  ces  fouilles ,  asseoir  un  système  quelconque  sur  l'origine 
de  ces  monticules  et  sur  leur  destination  précise. 

La  parole  est  à  M.  Gallois  qui  fait  la  description  du  tu- 
mulus découvert  dans  le  champ  des  Maltroncés,  près  de  la 
route  de  Paris  à  Antibes,  à  l,500m.  de  la  ville  de  St.-Pierre- 
le-Moutier. 

«  Entre  ce  tumulus  et  le  hameau  de  Buy  ,  on  voit  encore 
«  les  vestiges  delà  voie  romaine  d'Autun  à  Bordeaux, passant 
«  par  Decise  et  Sancoins  ;  le  monument  construit  en  pierres 
«  plates  du  pays ,  posées  à  la  main  ,  avait  une  forme  circulaire 
«  de  9m.  90  de  diamètre  sur  2m.  50  de  hauteur;  il  fut  détruit, 
«  en  1867, par  les  ouvriers  de  l'entrepreneur  chargé  de  l'en- 
«  tretien  de  la  route,  pour  en  employer  les  pierres  qui  le 
«  composaient. 

«  Lors  de  la  démolition ,  on  remarqua  dans  plusieurs  en- 
«  droits  que  le  terrain  calcaire  sur  lequel  il  reposait  avait  été 
«  soumis  à  l'action  du  feu.  A  h0°.  au-dessus  du  sol  les  pierres 
«  étaient  d'un  rouge  foncé  et  paraissaient  avoir  été  calcinées, 
«  ce  qui  pourrait  faire  présumer  que  des  cérémonies  reli- 


132      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

«  gieuses  auraient  été  pratiquées  lors  de  l'inhumation  des 
«  corps. 

«  Les  tombeaux  qui  se  trouvaient  renfermés  dans  le  tu- 
«  mulus ,  au  nombre  de  cinq,  y  compris  deux  petits  ,  étaient 
«  construits  en  pierres  sèches  sans  fondations  ni  dallage.  Les 
«  ossements  étaient  bien  conservés  et  quelques-uns  portaient 
«  l'empreinte  des  bracelets  ;  toutes  les  têtes  étaient  tournées 
«  vers  l'est.  Selon  la  tradition  du  pays ,  une  grande  bataille 
«  aurait  été  livrée  dans  la  plaine  qui  s'étend  sur  la  rive  de 
«  l'Allier  et  tout  près  du  domaine  de  Vary.  En  1845,  on  a 
«  trouvé  dans  la  même  contrée  plusieurs  tumultes  semblables 
«  à  celui  du  champ  des  Maltroncês.    » 

M.  Robineau-Desvoidis  s'étend  longuement  sur  la  décou- 
verte faite  à  la  Chapelle,  près  St.-Sauveur-en-Puisaye,  d'un 
tombeau  dans  lequel  il  a  cru  reconnaître  des  caractères  de 
construction  gallo-romaine ,  mais  en  même  temps  des  objets 
d'une  époque  moins  reculée. 

M.  Morellet  donne  aussi  des  détails  circonstanciés  sur  un 
tumulus  celtique  qu'il  a  fouillé  à  Chaulgnes  ;  les  ossements 
de  plusieurs  cadavres  y  étaient  déposés  les  uns  sur  les  autres, 
avec  des  fragments  d'armes,  des  bracelets  et  des  colliers  qui 
sont  actuellement  au  musée.  Au  sujet  des  colliers  gaulois, 
une  discussion  s'engage  entre  MM.  de  Caumont ,  Morellet 
et  Gallois.  M.  de  Caumont  dit  que  cet  ornement,  quand 
il  était  formé  de  perles  enchâssées,  devait  être  particulier 
aux  femmes ,  d'après  les  recherches  nombreuses  faites  à  cet 
égard  par  M.  Hugo,  bibliothécaire  de  Colmar;  M.  Morellet, 
au  contraire ,  soutient  que  des  colliers  étaient  également  por- 
tés par  les  hommes. 

M.  Morellet  parle  ensuite  de  quelques  tumulus  qui  lui  ont 
paru  avoir  servi  à  indiquer  les  limites  d'une  contrée  ;  on  en 
trouve  un  certain  nombre  sur  les  bords  des  rivières,  limites 
naturelles,  et  dans  les  lieux  qui  sont  indiqués  sur  les  an- 
ciennes cartes  sous  le  nom  de  fines. 


wiir.   SESSION.  133 

M.  Robineau-Desvoidis  confirme  cette  observation  de  M. 
Morcllct  par  les  observations  qu'il  a  faites  lui-même  et  dont 
il  fait  part  à  l'assemblée  ;  il  ajoute  qu'il  a  remarqué  que  ,  le 
plus  souvent,  ces  tumulus  étaient  environnés  d'un  petit  fossé 
ou  d'une  espèce  de  rigole.  Ce  fossé  pourrait  être  le  résultat 
des  terres  enlevées  pour  former  le  tumulus. 

M.  Oosnier  rappelle  (pie  ,  dans  plusieurs  contrées  du  Ni- 
vernais, l'usage  d'établir  des  tumulus  semble  s'être  perpétué. 
Quand  un  individu  a  péri  sur  un  cliemin  détourné ,  soit  par 
accident ,  soit  par  suite  d'un  crime ,  les  gens  de  la  cam- 
pagne ,  en  passant  dans  cet  endroit,  y  déposent,  soit  des 
brandies  d'arbre,  soit  des  mottes  de  gazon,  soit  une  poignée 
d'herbe.  Dans  les  campagnes  du  nord  du  Nivernais ,  on  jette 
presque  partout  une  poignée  d'herbe  sur  le  corps ,  quand  il 
est  déposé  dans  la  fosse.  Quelques  membres  font  observer 
que  cet  usage  n'est  point  particulier  au  Nivernais ,  et  qu'on 
le  rencontre  dans  d'autres  contrées. 

Résumant  toutes  les  discussions  qui  ont  eu  lieu  sur  cette 
matière,  M.  de  Caumont  recommande  de  nouveau  l'étude  des 
dolmens  sous  le  rapport  géographique  ;  il  faudrait  en  arriver, 
dit-il,  à  pouvoir  distinguer  avec  certitude  les  tombelles  d'ori- 
gine gauloise  ou  gallo-romaine  de  ces  mottes  féodales  qui  se 
trouvent  en  grand  nombre  dans  certaines  parties  de  la  France; 
souvent  aussi  l'on  rencontre  dans  les  tumulus,  surtout  en 
Angleterre  et  en  Allemagne ,  des  objets  de  provenance  évi- 
demment mérovingienne ,  des  fibules  émaillées  et  des  mon- 
naies de  cette  période  de  notre  histoire  :  l'étude  de  ces  mo- 
numents est  plus  avancée  en  Angleterre  qu'en  France.  Il 
serait  à  désirer  que  nous  ne  restions  pas  en  arrière  de  nos 
voisins  de  la  Grande-Bretagne  pour  cette  branche  de  l'ar- 
chéologie, et  de  nouvelles  études  sont  indispensables  pour 
arriver  chez  nous  à  un  système  de  classification  des  antiquités 
gauloises  et  gallo-romaines. 

9 


13h      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRAiNŒ  , 

Personne  ne  demandant  plus  la  parole  sur  la  première 
question ,  on  passe  à  la  seconde  : 

Etablir  le  réseau  des  voies  romaines  qui  sillonnaient  le 
Nivernais  et  leur  jonction  avec  les  voies  des  provinces  limi- 
trophes. 

Le  commandant  Barat  dépose  sur  le  bureau  une  carte  du 
Nivernais ,  qui  indique  toutes  les  portions  de  voies  romaines 
qu'il  a  reconnues  en  parcourant  le  pays.  Ces  fragments  de 
voies  sont  tracés  avec  soin.  Trois  principales  mettaient  Autun 
en  communication  avec  Paris ,  Bordeaux  et  Auxerre  ;  la  pre- 
mière passait  par  le  Beuvray  ,  traversait  tout  le  Nivernais 
en  se  dirigeant  sur  St.  -Révérien ,  Menou ,  Entrains  ,  St.  - 
Arnaud  en  Puysaie ,  et  rejoignait  la  grande  voie  de  Nevers  à 
Paris;  la  seconde  tombait  à  Bourbon-Lancy ,  longeait  la  Loire 
jusqu'à  Decise,  suivait  son  cours  jusqu'à  Rosemont,  en  pas- 
sant par  Avril ,  Fleury ,  faisait  ensuite  un  coude  pour  se 
diriger  sur  Langeron  el  se  retrouvait  sur  l'autre  rive  de 
l'Allier  dans  la  direction  de  Sancoins  ;  la  troisième  allant  sur 
Auxerre  traversait  une  partie  du  Morvand  ;  on  en  retrouve 
des  fragments  à  Pierre-Ecrite  et  Quarré-les- Tombes.  D'autres 
lignes  moins  importantes  reliaient  entr'eux  ces  grands  che- 
mins; ces  lignes  étaient  fort  multipliées  dans  le  Nivernais, 
à  en  juger  par  la  carte  qui  a  été  dressée  par  le  commandant 
Barat. 

M.  Victor  Petit  demande  la  parole  :  l'honorable  membre 
ne  pense  pas  que  l'on  puisse  adopter  comme  parfaitement 
exacte  la  carte  des  voies  romaines  que  l'on  soumet  au  Con- 
grès. Il  pense  que  l'honorable  préopinaut  s'est  peut-être  trop 
laissé  influencer  par  les  traditions  locales.  M.  Victor  Petit, 
reprenant  la  question  sous  un  autre  point  de  vue ,  s'attache 
à  démontrer  la  différence  notable  qu'il  remarque  entre  les 
voies  gallo-romaines  qui  traversent  le  département  de  la  Niè- 
vre ,  et  celles  qui  se  retrouvent  encore  dans  les  départements 


XVIIIe.    SESSION.  135 

voisins  cl  même  les  provinces  assez  éloignées.  Ainsi ,  dans 
la  Picardie,  la  Normandie,  l'Ile-de-France,  la  Champagne  et 
L'Orléanais,  on  remarque  encore  les  traces  incontestables 
des  voies  antiques  qui  traversaient  toutes  ces  provinces.  Se 
prolongeant  en  lignes  droites ,  et  au  milieu  des  vastes  pla- 
teaux dont  elles  suivaient  autant  que  possible  la  ligne  de  faîte, 
ces  voies  antiques  se  reconnaissent  non  à  leur  empierrement 
primitif,  mais  seulement  à  leur  direction  constante  d'une 
ville  à  une  autre.  Si  l'empierrement  primitif  a  disparu  sous 
des  empierrements  successifs ,  le  tracé  est  resté  le  même  ; 
à  peine  est-il  altéré  dans  sa  direction  par  les  empiétements 
des  champs  riverains.  Ainsi,  pour  citer  un  exemple  assez  rap- 
proché, la  grande  voie  romaine  allant  de  Sens  à  Orléans, 
se  retrouve  encore  sur  un  alignement  de  plus  de  15  lieues  de 
longueur.  Les  environs  de  Reims  ,  Soissons ,  Saint-Quentin , 
Beauvais,  etc. ,  montrent  encore  des  alignements  d'une  étendue 
semblable.  M.  Victor  Petit  appuie  sur  ce  fait  :  que  dans  les 
provinces  qu'il  vient  de  citer ,  les  traces  des  voies  romaines 
sont  parfaitement  visibles ,  quant  à  leur  tracé  général ,  mais 
presque  nulles  pour  ce  qui  concerne  la  nature  et  le  mode 
d'empierrement  primitifs  ;  tandis  que  dans  le  Nivernais ,  au 
contraire ,  on  retrouve  des  tronçons  épars ,  mais  assez  bien 
conservés  pour  être  étudiés  avec  sûreté.  Ces  tronçons  de  che- 
mins antiques  sont  isolés  et  ne  semblent  se  diriger  en  aucune 
façon  sur  telle  ou  telle  ville.  La  raison  peut  en  être  reconnue 
et  admise.  Le  Nivernais  est  une  contrée  très-ondulée  et  même 
montagneuse  dans  une  notable  partie  des  régions  du  Nord 
et  de  l'Est.  De  ce  côté  du  département  surtout,  il  fut  im- 
possible de  tracer  les  chemins  en  lignes  directes;  la  confi- 
guration du  sol  s'y  oppose  complètement.  On  ne  doit  donc 
point  chercher  ici  de  ces  longs  alignements  qui ,  en  général , 
font  reconnaître  les  chemins  antiques. 

Les  itinéraires  d'Antonin  et  de  Peutinger  ne  laissent  aucun 


1  36  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE  , 

doute  sur  l'existence  des  grands  chemins  qui  traversaient  le 
Nivernais ,  pour  aller  d'Autun  à  Paris ,  d'Autun  à  Bourges , 
de  Nevers  à  Orléans,  etc.  Mais  toutes  ces  voies  n'ont 
laissé  que  peu  de  traces  sur  le  sol,  et  on  est  réduit  à  des 
conjectures  sur  leur  itinéraire  réel  dans  beaucoup  de  localités 
intermédiaires  :  les  points  de  départ  sont  seuls  connus,  et 
quelques  points  de  passage  isolés  ne  peuvent  donner  que  des 
indications  assez  vagues,  malgré  leur  bel  état  de  conservation 
il  y  a  quelques  années.  M.  Victor  Petit  insiste  donc  pour  que 
des  recherches  nouvelles  et  entreprises  au  point  de  vue  his- 
torique d'abord ,  et  descriptif  ensuite ,  soient  commencées 
afin  de  résumer ,  d'analyser  les  nombreuses  éludes  déjà  faites, 
mais  restées  isolées  entr'elles  et  conçues  sous  des  rapports 
fort  divers. 

Plusieurs  savants  se  sont  occupés  des  antiquités  gallo- 
romaines  que  renferment  le  département  de  la  Nièvre ,  mais 
jusqu'ici  on  peut  regretter  le  manque  d'ensemble  dans  les 
recherches.  Il  est  résulté  de  ce  fait,  qu'une  déplorable  con- 
fusion s'est  établie  dans  les  descriptions  qui  mentionnaient 
d'une  manière  différente  une  seule  et  même  voie.  Cet  état 
de  chose  ne  doit  plus  durer,  et  la  Société  Nivernaise  tiendra 
à  honneur  de  provoquer  la  réunion  des  savants  qui  vouent 
leur  temps  et  leurs  connaissances  à  l'élude  de  la  province 
qu'ils  habitent. 

En  résumant  ses  observations ,  relativement  aux  localités 
qu'il  a  explorées  dans  le  but  de  reconnaître  les  voies  antiques, 
M.  Victor  Petit  pense  que  la  carte  archéologique  présentée 
au  Congrès  indique  un  trop  grand  nombre  de  chemins  gallo- 
romains.  Il  ajoute  que  rien  n'est  plus  évident  que  des  che- 
mins anciens  n'aient  existé  autrefois ,  que  ces  chemins  ont 
dû  être  nombreux ,  mais  que  dans  l'état  actuel  des  choses , 
le  tracé  réel  de  ces  mêmes  chemins  est  resté  inconnu,  et  que 
ce  ne  peut  êlre  que  par  approximation ,  ou  sur  de  simples 


XVIIIe.    SESSION.  137 

conjectures,  que  ces  chemins  sont  tracés  sur  la  carte  du 
département  de  la  Nièvre.  Les  études  se  modifieront  peu  à 
peu  ,  et  il  n'est  pas  douteux  que  de  nouvelles  recherches  ne 
lassent  reconnaître  l'itinéraire  antique  des  voies  tortueuses  et 
irrégulières  du  Nivernais.  A  cet  égard  ,  la  grande  carte  du 
dépôt  de  la  guerre  peut  donner  d'utiles  renseignements,  bien 
que  pour  le  Nivernais  cette  magnifique  carte  n'ait  pas  été 
dressée  avec  tout  le  soin  désirable  sous  le  rapport  archéo- 
logique. D'autres  provinces  ont  été  plus  soigneusement  étu- 
diées. Les  feuilles  des  premières  éditions  de  la  carte  de  Cas- 
sini  sont  précieuses.  Enfin ,  dit  en  terminant  M.  Victor 
l'élit,  espérons  que  la  Société  Nivernaise,  en  se  mettant 
de  suite  en  rapport  avec  les  sociétés  voisines ,  arrivera  promp- 
tement  à  dresser  d'une  manière  exacte  «  le  réseau  des  voies 
«  romaines  qui  sillonnaient  le  Nivernais  et  leur  jonction  avec 
«  les  voies  des  provinces  limitrophes.   » 

M.  Robineau-Desvoidis  prétend  que  l'abbaye  de  St. -Ger- 
main a  été  le  point  précis  vers  lequel  se  dirigeaient  toutes  les 
voies  romaines  aboutissant  à  Auxerre. 

M.  l'abbé  Brûlé  fait  remarquer  que  les  monastères  étaient 
en  général  placés  sur  les  grandes  routes ,  afin  d'offrir  l'hospi- 
talité aux  voyageurs  ;  qu'il  ne  serait  donc  pas  étonnant  que 
l'abbaye  de  St. -Germain  ait  été  construite  à  la  jonction  de 
plusieurs  voies  romaines. 

M.  l'abbé  Crosnier  confirme  l'observation  faite  par  M. 
l'abbé  Brûlé,  en  rappelant  que  des  hôtelleries  furent  con- 
struites par  les  premiers  moines  de  la  Charité  en  même  temps 
que  le  monastère ,  souvenir  qui  a  été  conservé  jusqu'à  nos 
jours ,  car  la  rue  qui  conduit  à  l'ancien  monastère  se  nomme 
encore  rue  des  Hôtelleries. 

M.  Quantin,  tout  en  reconnaissant  en  général  fa  justesse  de 
ces  observations,  ne  peut  admettre  que  des  voies  romaines  aient 
jamais  passé  au  pied  de  l'abbaye  de  St. -Germain  qui  était 


138  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE, 

séparée  par  un  élang  de  la  ville  gallo-romaine  entourée  de 
murailles. 

M.  l'abbé  Devoucoux  demande  la  parole  pour  communi- 
quer à  l'assemblée  une  note  relative  à  la  seconde  question 
du  programme  que  lui  a  remise  M.  Laureau  de  Thory ,  pré- 
sident de  la  Société  Eduenne.  On  peut ,  dit  M.  Devoucoux , 
s'en  rapporter  à  notre  honorable  président  ;  jamais  il  n'émet 
son  avis  sans  avoir  approfondi  la  matière  qu'il  a  à  traiter ,  il 
s'abstient  quand  il  ne  peut  motiver  son  jugement  d'une  ma- 
nière solide. 

NOTE  DE  M.  LAUREAU  DE  THORY. 


La  question  des  voies  romaines  qui  sillonnaient  le  Nivernais, 
ne  peut  nous  concerner  que  très-secondairement  et  seulement 
pour  quelques-unes  d'entr'elles  qui  traversaient  aussi  notre 
arrondissement  ;  mais  il  serait  bien  important  que  cette  ma- 
tière fût  spécialement  étudiée  sur  les  lieux  mêmes,  par  des 
archéologues  consciencieux  et  exempts,  autant  que  possible, 
de  tout  esprit  de  système.  Nous  pourrions  puiser  dans  leurs 
travaux ,  des  lumières  précieuses  sur  la  continuation  de  plu- 
sieurs de  nos  voies  qui  aboutissent  à  cette  contrée  et  en  com- 
pléter en  grande  partie  l'étude. 

Les  voies  romaines  partant  d'Autun  et  pénétrant  dans  la 
province  du  Nivernais  sont ,  à  ma  connaissance ,  au  nombre 
de  quatre.  Elles  sortaient,  ainsi  que  d'autres,  par  la  porte 
d'Arroux ,  réunies  d'abord  en  un  seul  faisceau  qui ,  à  l'extré- 
mité du  pont ,  se  bifurquait  et  dont  une  branche  tournant  à 
gauche,  presqu'à  angle  droit,  traversait  la  rivière  de  Tarrenay 
(ou  ïernin)  sur  un  pont  depuis  long-temps  détruit,  passait 
près  du  temple  de  Janus  et  coupait  un  peu  obliquement  la 
direction  actuelle  de  la  route  de  Ghàteau-Chinon.  Près  de  là, 


XVIIIe.    SESSION.  139 

une  nouvelle  branche  se  séparait  sur  la  droite  et  tendait  à  la 
Celle  où  elle  se  bifurquait  de  nouveau.  L'embranchement  de 
droite  passe  à  la  Petite- Verrière ,  dans  le  territoire  de  la 
commune  d'Anost ,  pénètre  dans  le  département  de  la  Nièvre 
par  la  commune  de  Planchey ,  puis  passant  par  Ouroux , 
l'Huis-Guillot,  Pré-Fontaine,  arrive  à  Lorme,  d'où,  selon 
toute  apparence,  partaient  d'autres  embranchements  qui  ne 
peuvent  être  étudiés  avec  succès  dans  leurs  directions  et  leurs 
détails  que  par  les  archéologues  du  pays. 

Le  second  embranchement  de  la  Celle  s'écarte  du  premier 
sur  la  gauche ,  gravit  par  une  pente  rapide  la  montagne  où 
l'on  en  reconnaît  quelques  vestiges  et  entre  dans  la  Nièvre 
sur  le  territoire  de  la  commune  d'Arleuf,  passant  près  du 
hameau  des  Paquelins  où  il  en  existait,  il  y  a  quelques  années, 
un  morceau  remarquable  qui  a  été  détruit. 

C'est  de  ce  point  que  les  archéologues  du  Nivernais  doi- 
vent l'étudier  avec  soin  à  raison  de  son  importance ,  et  vé- 
rifier sa  direction  que  quelques  auteurs  ont  sommairement 
indiquée  par  Aulnay,  St. -Révérien ,  Entrains,  qui  est  I'in- 
taranvm  du  marbre  d'Autun ,  où  elle  aurait  coupé  la  voie 
d'Auxerre  à  la  Loire,  décrite  sur  le  même  marbre,  Arquian 
et  enfin  Bonny  et  Briare.  Ces  deux  derniers  points  sont  si- 
tués ,  à  la  vérité ,  dans  le  département  du  Loiret ,  mais  à  si 
peu  de  distance  de  celui  de  la  Nièvre,  qu'il  ne  serait  pas  diffi- 
cile de  continuer  jusques-là  les  investigations.  Cette  direction 
bien  vérifiée  dans  ses  détails  et  rectifiée  s'il  était  nécessaire , 
ferait  juger  si  cette  voie,  comme  on  le  présume,  établissait 
une  communication  directe  d'Autun  à  Orléans,  sans  faire  le 
long  détour  qu'exige  le  passage  par  Decise ,  Nevers  et  la 
grande  voie  de  la  Loire. 

L'exploration  de  cette  route  et  de  la  précédente  est  aussi 
très-essentielle  pour  l'explication  d'un  passage  d'Ammien 
Marcellin,  fort  controversé  entre  les    archéologues  sur  la 


1^0  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

traversée  de  l'empereur  Julien,  d'Autun  à  Auxerre,  par  une 
route  autre  que  celle  de  Saulieu  et  Chora. 

La  voie  principale  d'où  sont  sortis  ces  divers  rameaux  con- 
tinue sa  direction ,  passe  près  de  la  Verrerie  et  s'approche  de 
la  route  actuelle  de  Bourbon-Lancy,  qu'elle  suit  à  peu  de  dis- 
tance jusqu'au  hameau  des  Quatre- Vents.  Mais  dans  cette 
traversée ,  et  à  5   ou  6  kilomètres  d'Autun ,  sort  une  troi- 
sième branche  qui,  s'écartant  sur  la  droite ,  se  dirige  au  ha- 
meau de  Mechet ,  à  Vaultheot ,  aux  Ïrois-Cheminées ,  à  la 
Chaurotte,  à  la  Boutière  ,  passe  dans  le  territoire  de  St. -Prix 
et  entre  dans  le  département  de  la  Nièvre  3  à  l'Echenault , 
commune  de  Glux,  au  pied  même  du  mont  Beuvray.  Au- 
delà  de  ce  point ,  sa  direction  est  signalée  par  le  Foudon , 
Sanglier ,  le  Niret ,  et  enfin  St.  -Honoré.  Cependant  l'étude 
de  cette  partie  aurait  besoin  d'être  complétée  dans  ses  détails; 
mais  c'est  surtout  au-delà  de  St. -Honoré  que  doivent  porter 
les  investigations.  Une  autre  voie  semble  croiser  celle-  ci  près 
de  St. -Honoré  et  aller  rejoindre  celle  d'Autun  à  Decise;  mais 
il  n'est  pas  présumable  que  cette  dernière  direction  soit  la 
continuation  delà  route  d'Autun  à  St. -Honoré,  qui,  dans  ce 
cas,  eût  fait  double  emploi  avec  celle  de  Decise.  Il  serait 
donc  important  de  chercher  s'il  n'existerait  pas  un  prolon- 
gement dans  la  direction  de  Revers  à  travers  le  pays  des 
Amognes  ;  dans  ce  cas ,  cette  voie  aurait  établi  une  com- 
munication directe  entre  Aulun  et  Revers ,  en  évitant  le  détour 
par  Decise  et  la  voie  de  la  Loire.  C'est  un  point  sur  lequel 
on  doit  appeler  spécialement  les  explorations  des  archéologues 
du  pays. 

Quant  aux  embranchements  qui  liaient  l'établissement  ro- 
main du  plateau  de  Beuvray  aux  deux  voies  principales  de 
Decise  et  de  St. -Honoré,  l'un  d'eux,  partant  du  hameau  de 
la  Boutière ,  a  été  exploré  par  moi  jusqu'au  sommet  de  la 

montagne,  et  les  autres  sur  lesquels  nous  n'avons  encore 


XVIIl'.    ShSSION.  141 

que  des  présomptions  plus  ou  moins  fortes ,  se  trouvant  à 
une  dislance  très-rapprochée  de  la  limite  des  départements 
de  Saône-et-Loire  et  de  la  Nièvre,  peuvent  être  également 
explorés  par  les  archéologues  des  deux  pays. 

La  quatrième  voie ,  et  la  plus  importante  sans  contredit , 
est  la  route  d'Autan  à  Decise  que  nous  avons  laissée  près  du 
hameau  des  Quatre- Vents  ;  de  ce  point  elle  s'écarte  sur  la 
droite  de  la  route  actuelle  de  Bourbon-Lancy,  passe  au  moulin 
de  Baux ,  derrière  la  montagne  de  la  Cornette  et  entre  dans 
le  département  de  la  Nièvre ,  près  de  Chassagne  et  de  Poil. 
Elle  se  rapproche  ensuite  de  la  route  de  Bourbon ,  passe  près 
du  château  de  Thil ,  à  Magny ,  aux  Draillots,  à  Cherrette,  au 
moulin  Dangny,  à  la  Garde,  etc.  Les  archéologues  de  la  Nièvre 
auront  à  vérifier  les  détails  de  ce  tracé  et  surtout  à  en  étudier 
la  continuation  jusqu'à  Decise,  et  s'assurer  si,  suivant  l'opinion 
de  quelques  auteurs  ,  il  passe  en  effet  par  Apponay  et  Fours. 

Ils  auront  aussi  à  explorer  un  embranchement  qui,  à  la 
sortie  de  Magny,  s'écartant  du  précédent  sur  la  gauche,  tire 
droit  à  la  roule  actuelle  de  Bourbon  et  semble  disparaître.  Il 
serait  intéressant  de  s'assurer  si  cette  branche  n'aurait  point 
fait  partie  d'une  voie  de  communication  d'Autun  à  Bourbon- 
Lancy.  Il  est  d'autant  plus  essentiel  d'explorer  avec  soin,  dans 
toutes  ses  parties,  la  voie  d'Autun  à  Decise,  qu'elle  forme  le 
tronc  commun  de  deux  routes  principales  rapportées  dans 
l'itinéraire  d'Antonin  et  la  carte  de  Peutinger ,  l'une  comme 
route  d'Autun  à  Paris,  et  l'autre  d'Autun  à  Bordeaux. 

Voici  maintenant  les  difficultés  que  cette  partie  présente  à 
résoudre. 

L'itinéraire  d'Antonin  place  entre  Autun  et  Decise  une  sta- 
tion nommée  alisincvm,  à  22  lieues  gauloises  d'Autun  et  à  14 
de  Decise ,  et  la  carte  de  Peutinger  indique  entre  ces  deux 
mêmes  villes  deux  stations,  l'une  nommée  boxvm  ,  à  8  lieues 
gauloises  d'Autun,  et  la  seconde,  figurée  sur  celte  carte  comme 


142  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

un  établissement  thermal ,  est  nommée  aqvis  nisinèii  ,  et 
marquée  à  22  lieues  gauloises  de  roxvm  et  à  \k  de  Decise. 

Ces  différences,  soit  dans  les  stations,  soit  dans  la  distance 
totale ,  ont  fait  penser  à  plusieurs  auteurs  qu'il  n'était  pas 
question  de  la  même  voie ,  du  moins  dans  toute  son  étendue. 

Banville  a  cru  devoir  fixer  la  position  d'ALisiNCVM  à  Anizy, 
soit  à  raison  de  l'étymologie ,  soit  surtout  parce  que  les  dis- 
tances de  ce  point  à  Autun  et  à  Decise  présentent  une  con- 
formité très-approximative  avec  celles  indiquées  dans  l'itiné- 
raire. On  peut  objecter  sans  doute  que  ce  tracé  s'écarte 
sensiblement  de  la  ligne  droite  ;  mais  on  trouve  assez  souvent 
des  exemples  de  semblables  écarts.  D'autres  archéologues , 
frappés  de  la  découverte  de  ruines  romaines  considérables  à 
Alluy ,  ont  proposé  d'y  placer  alisincvm  ;  mais  ce  lieu  se 
trouve  tellement  écarté  de  la  direction  d'Autun  à  Decise, 
qu'il  est  bien  difficile  de  l'adopter  comme  point  intermédiaire 
entre  ces  deux  villes. 

Il  serait  important  pour  la  solution  de  ces  difficultés,  de 
reconnaître  les  voies  romaines  qui  peuvent  passer  à  Anizy  et 
Alluy  ,  d'en  bien  déterminer  les  directions  et  les  lieux  de 
passage  et  de  les  comparer  avec  celle  dont  nous  possédons  les 
restes  et  qui  paraît  se  diriger  par  Apponay  et  Fours. 

Quant  aux  stations  de  la  carte  de  Peutinger ,  Danville  a 
pensé  que  celle  d'AQVis  nisineii  figurée  sur  cette  carte ,  ainsi 
que  nous  venons  de  le  dire,  comme  un  établissement  thermal, 
ne  pouvait  se  placer  qu'à  Bourbon-Lancy  ,  et  a  fixé  celle  de 
BOXVM  au  hameau  de  Bussière  ,  sur  la  route  d'Autun  à  Toulon- 
sur-Arroux.  Mais  cette  fixation  ,  basée  en  partie  sur  l'étymo- 
logie ,  présente  de  grandes  difficultés  ;  elle  supposerait  que  les 
routes  de  Toulon  et  de  Decise  auraient  eu  un  tronc  commun 
d'Autun  à  roxvm  ,  et  l'aspect  seul  de  la  carte  de  Peutinger 
détruit  complètement  cette  supposition ,  en  présentant  ces 
deux  voies  comme  entièrement  distinctes  depuis  leur  point  de 
départ  d'Autun. 


xvnr.  SESSION.  143 

En  somme  ,  il  paraît  résulter  des  distances  indiquées,  que 
c'est  dans  l'arrondissement  d'Autan  qu'il  faut  chercher  la 
station  de  BOXVM  ,  et  que  c'est  dans  la  Nièvre  que  doit  se 
trouver  celle  d'ALISINCVM.  Il  serait  à  désirer  que  les  explo- 
rations relatives  à  ces  points  fussent  faites  simultanément  par 
les  archéologues  des  deux  pays.   » 

M.  Berry  insiste  sur  la  nécessité,  pour  les  départements 
limitrophes ,  de  faire  coïncider  leurs  études  sur  les  voies  ro- 
maines ;  il  dépose  sur  le  bureau  une  carte  du  Berry  qui  indique 
les  différentes  voies  qui  le  sillonnent  et  fait  remarquer  leur 
rapport  avec  quelques-unes  de  celles  qui  aboutissent  à  la 
Loire ,  signalées  par  le  commandant  Barat. 

«  Après  les  différentes  explications  qui  ont  eu  lieu  ,  dit 
l'honorable  membre,  sur  les  voies  romaines  plus  ou  moins 
complètes  qui  sillonnent  le  sol  du  Nivernais ,  je  puis  aborder 
la  seconde  partie  de  la  question ,  et  examiner  quel  est  le 
point  de  jonction  de  ces  voies  avec  celles  des  provinces 
voisines  :  on  vient  de  nous  entretenir  des  grands  chemins 
qui  se  dirigeaient  d'Autun  soit  vers  Nevers,  soit  vers 
Auxerre,  je  vais  m'occuper  de  leur  communication  avec 
les  Bituriges.    > 

<  On  rencontre  aussi  dans  le  département  du  Cher  un 
grand  nombre  de  voies  romaines  ;  on  y  compte  jusqu'à 
huit  voies  principales,  une,  au  nord,  se  dirigeant  de  Bourges 
sur  Orléans  ,  dont  on  trouve  les  traces  apparentes  dans  les 
communes  de  St.-Eloi ,  Vasselay ,  Allogny  ,  jusqu'à  Neuvy 
où  la  trace  se  perd  dans  les  bruyères  de  la  Sologne. 
«  Une  seconde,  à  l'est,  conduisait  de  Bourges  aux  bords  de 
la  Loire  au-dessous  de  Sancerre.  Cette  voie  est  encore 
reconnaissable  dans  une  grande  partie  de  son  parcours  ; 
elle  traverse  les  communes  de  Ste.  -Solange ,  les  Aix  , 
Montigny  ;   aux  abords  de  la  Loire ,   entre   Sancerre  et 


hkk  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

«  Ménétreol,  on  lui  a  donné  jusqu'à  huit  noms  :  dans  la 
«  partie  comprise  entre  Bourges  et  Montigny  on  la  nomme 
«  tantôt  Levée  de  César,  tantôt  Levée  de  Jacques-Cœur;  près 
«  de  Sancerre  on  la  nomme  Chaussée  de  la  reine  Blanche , 
«  parce  que  ce  fut  le  chemin  que  suivit  la  mère  de  saint 
«  Louis  quand  elle  vint  passer  les  fêtes  de  Pâques  à  Sancerre. 

«  Cette  seconde  voie  devait  franchir  la  Loire  dans  la  direc- 
«  tion  d'Auxerre  et  de  Sens;  mais  à  quel  point  cette  com- 
«  munication  d'une  rive  à  l'autre  avait-il  lieu?  C'est  une 
«  question  qui  semble  indécise  en  présence  de  deux  faits 
«  maintenant  reconnus  ;  l'un  qu'il  existe  une  voie  se  dirigeant 
«  sur  Entrains ,  Toucy ,  Auxerre  ;  dans  ce  cas  ce  serait  au 
«  Peseau,  presque  vis-à-vis  Cosne,  que  la  voie  aurait  franchi 
«  la  Loire.  Cette  opinion  serait  d'autant  plus  probable  qu'en 
«  1849  M.  de  Vogué  découvrit,  dans  sa  propriété  du  Peseau, 
«  des  vestiges  d'une  vaste  construction  romaine  dont  le  gise- 
«  ment  paraissait  indiquer  un  travail  assez  important  comme 
«  serait  la  tête  d'un  pont.  L'autre  qu'il  existait  au-dessous  de 
«  Sancerre,  entre  St.-Satur  et  St. -Thibault,  une  station 
«  militaire  considérable,  le  castrum  gordianum,  qui  aurait 
v  pu  également  servira  protéger  à  St. -Thibault  le  passage 
«  de  la  Loire.  En  admettant  ce  fait,  le  passage  effectué  à 
«  St. -Thibault  aurait  rejoint  Entrains  par  la  voie  du  littoral 
«  en  descendant  la  Loire  jusque  vis-à-vis  le  Peseau.  Dans 
«  tous  les  cas ,  cette  voie  devait  se  diriger  sur  Auxerre  et 
«  Sens. 

«  Une  troisième  voie  partant  de  Bourges  conduisait  à 
«  Autun  ;  les  traces  ,  dans  le  département  du  Cher,  sont  bien 
'<  connues  et  constatées  dans  les  communes  d'Auvoye , 
«  Russy  ,  Lantan ,  Sagonne ,  Sancoins.  Le  passage  de  la  Loire 
«  s'effectuait  au  port  de  Mornay  ;  c'est  par  ces  deux  voies 
«  que  les  Bituriges  communiquaient  avec  Autun  et  Auxerre 
«  en  traversant  le  Nivernais. 


xvnr.   SESSION.  1^5 

«  Le  commandant  Barat  a  signalé  une  autre  voie  romaine 
de  Nevcrs  à  Bourges ,  par  la  Gucrche;  cette  voie  nous  est 
inconnue  dans  le  Cher ,  c'est  donc  le  cas  de  la  laire  étu- 
dier, et  la  Commission  du  Cher  s'en  occupera  immédiate- 
ment; les  documents  que  nous  pourrons  nous  procurer 
pour  éclairer  cette  question  ,  seront  communiqués  à  la 
Société  archéologique  de  la  Nièvre  pour  compléter  ses 
travaux. 

«  Une  quatrième  route  partait  de  Bourges,  se  dirigeant 
sur  Lyon  en  passant  par  Dun-le-Roy. 
«  Une  cinquième  allait  de  Bourges  h  Hery.  Les  communes 
de  Lissay,  Alichamps,  la  Celle-Bruère ,  etc.  ,  en  ont  con- 
servé de  longs  et  magnifiques  tronçons. 
«  La  sixième  allait  de  Bourges  à  Poitiers ,  et  une  autre 
ligne  reliait  Poitiers  à  Nery. 

«  La  huitième  voie  se  dirigeait  à  l'ouest  de  Bourges  sur 
Tours. 

«  La  Commission  historique  du  Cher  s'occupe  en  ce  mo- 
ment d'un  travail  sur  l'ensemble  des  voies  romaines  et  leur 
direction  dans  les  provinces  limitrophes;  elle  a  déjà  com- 
mencé cette  étude ,  elle  a  suivi  presque  tous  les  tronçons 
de  chemins  dont  plusieurs  se  reconnaissent  à  la  surface 
sur  une  longueur  de  plusieurs  myriamètres.  Une  carte  du 
département  indique  tous  les  points  déjà  reconnus.  Les 
travaux  auxquels  la  Commission  se  livre  actuellement  com- 
plétera bientôt  le  réseau.  Cette  carte  que  j'ai  eu  l'honneur 
de  déposer  sur  le  bureau  et  d'offrir  au  Congrès,  peut 
servir  à  contrôler  les  directions  des  voies  de  la  Nièvre. 
«  C'est  en  s'aidant  mutuellement  que  la  Société  archéolo- 
gique de  Nevers  et  la  Commission  historique  de  Bourges 
parviendront  à  établir  cette  partie  importante  de  la  géo- 
graphie ancienne  du  centre  de  la  France. 
«  L'inspection  de  cette  carte  suffira  pour  démontrer  que 


U6      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

«  notre  système  actuel  de  communication  ne  fait  que  repro- 
«  duire  l'œuvre  des  Romains.  Nos  roules  modernes  suivent 
«  presque  le  même  tracé  que  celles  que  nous  avons  re- 
«  connues  préexistantes  ;  c'est  que  les  mêmes  intérêts  néces- 
«  sitaienl  les  mêmes  directions;  seulement  des  rectifications 
«  de  ligne  sont  devenues  indispensables  en  raison  du  dépla- 
«  cernent  de  certains  centres  de  population.  » 

Le  commandant  Rarat  fait  observer  que  la  carte  de  Peu- 
tinger  est  inexacte  dans  les  indications  des  fleuves;  la  Ga- 
ronne ,  par  exemple ,  est  indiquée  à  la  place  de  la  Loire  et  la 
Loire  prend  la  place  de  la  Seine. 

M.  l'abbé  Crosnier  dépose  sur  le  bureau  un  fragment  de 
la  carte  de  Peutinger  établie  sur  une  grande  échelle ,  et  de- 
mande la  parole  pour  rétablir  certains  points  importants  de  la 
géographie  ancienne  du  pays. 

«  L'observation  présentée  par  le  commandant  Barat  est, 
«  dit-il ,  de  la  plus  grande  importance  ;  il  est  évident  que 
«  le  fleuve  que  la  carte  de  Peutinger  fait  passer  à  Luteci, 
«  Paris,  ne  peut  être  que  la  Seine  et  non  la  Loire ,  que  celui 
«  qui  arrose  Bourbon ,  Decise  et  une  partie  du  Nivernais , 
«  ne  peut  être  que  la  Loire  et  non  la  Garonne.  Une  fois 
«  celte  rectification  faite ,  nous  pouvons  nous  rendre  compte 
«  en  partie  de  notre  ancienne  géographie  et  restituer  à  quel- 
«  ques  localités  leurs  anciens  noms ,  reconnaître  d'une  ma- 
«  nière  indubitable  des  lieux  que  les  géographes  n'avaient 
«  pas  encore  reconnus. 

«  Le  savant  Banville  s'est  laissé  entraîner  dans  des  erreurs 
«  qu'il  eût  bien  certainement  évitées ,  s'il  eût  vécu  de  notre 
«  temps.  Il  avait  remarqué  sur  la  rive  droite  de  la  Loire 
«  deux  établissements  d'eaux  thermales  indiqués  sur  ia  carte 
«  de  Peutinger  par  les  bâtiments  carrés  par  lesquels  il  dé- 
«  signait  ces  sortes  d'établissements  ;  il  crut  qu'il  y  avait  ici 
«  une  transposition ,  il  assigna  à  Bourbon-Lancij  le  lieu  in- 


xvnr.  session.  U7 

«  diqué  sous  le  nom  CYAquœ  Nisinœi  et  Aquœ  Bormonis 
«  devint  Bourbon-Ï Archambautt. 

«  Les  eaux  thermales  de  St. -Honoré  en  Morvand  étaient 
«  inconnues  à  Danville;  de  son  temps  elles  étaient  encore 
«  cachées  sous  un  amas  de  ruines  couvertes  de  broussailles  ; 
«  ce  ne  fut  qu'en  1821  qu'on  commença  les  déblayements 
«  et  que  l'on  découvrit  l'ancien  établissement  romain.  Dès- 
ce  lors  il  fut  facile  de  comprendre  que  la  carte  de  Peulinger 
«  était  exacte  sur  ce  point;  Aquœ  Bormonis,  Bourbon- 
«  Lancy  ,  placé  sur  la  rive  droite  du  fleuve  ,  occupe  la  place 
«  qui  lui  convient;  et  Aquœ  Nisinœi  dans  l'intérieur  des 
«  terres  sur  une  des  voies  qui  part  de  Decise ,  Degena , 
«  pour  se  diriger  sur  le  Morvand  ,  est  évidemment  le  lieu 
«  qui  a  pris  plus  tard  le  nom  de  St. -Honoré.  Mais  il  est 
«  impossible  de  reconnaître  avec  Danville,  Bourbon-iAr- 
«  chambault  dans  Y  Aquœ  Bormonis,  situé  sur  la  Loire,  et 
«  Bourbon-Lancy  dans  Y  Aquœ  Nisinœi  reporté  dans  l'in- 
«  térieur  des  terres. 

«  Je  dois  ajouter  que  le  village  d'Anizy  semble  avoir  con- 
«  serve  dans  le  pays  le  souvenir  de  Y  Aquœ  Nisinœi  qu'il 
«  représente  en  abréviation  A...nisy.  Sans  doute,  il  est  en- 
«  core  un  peu  éloigné  des  eaux  de  St. -Honoré,  mais  ne 
«  serait-il  pas  possible  que  les  habitants ,  après  la  ruine  de 
«  Uurs  habitations  placées  auprès  de  ces  eaux ,  ruine  qu'on 
«  attribue  aux  Sarazins  quand  ils  se  portèrent  sur  Autun  et 
«  sur  les  pays  voisins  jusque  dans  l'intérieur  du  Morvand, 
«  se  soient  fixés  au  bas  des  montagnes  et  aient  donné  à 
«  leurs  nouvelles  habitations  le  nom  du  lieu  qui  les  avait 
«  vus  naître. 

«  Il  est  encore  important  de  rectifier  ici  une  autre  erreur 
«  de  Danville.  Il  prétend  qu' Anizy ,  dont  nous  venons  de 
«  parler,  est  l'ancien  Alisincum  indiqué  dans  l'itinéraire 
«  d'Antonin  sur  une  autre  voie  allant  de  Decise  à  Autun  ; 


1Ù8  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE  , 

«  mais  il  est  certain  que  jamais  on  n'a  trouvé  à  Anizy  au- 
«  cunes  traces  de  constructions  romaines,  ce  qui  ne  serait 
«  pas  étonnant  si,  comme  je  le  disais  tout  à  l'heure,  Anizy  doit 
«  sa  fondation  à  la  ruine  de  Acjuœ  Nisincei,  depuis  St.  -Honoré, 
«  par  les  Sarazins ,  au  milieu  du  VIIIe.  siècle.  A  Alluy ,  au 
«  contraire ,  toutes  les  fouilles  qui  ont  été  opérées  ont  cons- 
«  taté  la  présence  d'un  ancien  et  vaste  établissement.  Ce  sont 
•  des  mosaïques  magnifiques ,  des  statuettes ,  des  médailles 
«  en  grand  nombre ,  des  ustensiles  de  toute  sorte  et  de  nom- 
«  breuses  fondations.  Nous  devons  donc  reconnaître  dans 
«  Alluy  YAlisincum  de  l'itinéraire  d'Antonin.   » 

Après  quelques  observations  faites  par  M.  l'abbé  De- 
voucoux ,  pour  confirmer  ce  que  vient  de  dire  M.  Crosnier , 
l'assemblée  paraît  adopter  l'opinion  qui  vient  d'être  émise. 

M.  de  Caumont  profite  de  cette  circonstance  pour  en- 
gager de  nouveau  à  se  livrer  dans  chaque  localité  à  l'étude 
de  la  géographie  ancienne  encore  si  peu  connue. 

Personne  ne  demandant  plus  la  parole ,  on  passe  à  la  troi- 
sième question  du  programme  : 

Où  doit-on  fixer  L'emplacement  de  L'ancienne  Gergovia 
Boiorum  ? 

La  parole  est  à  M.  l'abbé  Crosnier. 

«  Avant  de  répondre  à  cette  question,  dit-il,  il  est  nécessaire 
de  jeter  un  coup-d'œil  rapide  sur  l'histoire  des  Boïens,  qui  ont 
joué  un  rôle  si  important  dans  les  guerres  entre  les  Gau- 
lois et  les  Romains  ;  cet  aperçu  ne  sera  pas  sans  intérêt 
pour  nous  Nivernais  ,  puisque  nous  regardons  ce  peuple 
comme  ayant  habité  nos  contrées.  Il  nous  sera  plus  facile 
ensuite  de  bien  établir  la  portion  de  notre  territoire  qui  leur 
fut  concédée ,  et  par  conséquent  de  nous  fixer  sur  l'emplace- 
ment de  leur  ville  principale.  Les  Boïens  formaient  une  nation 
nombreuse  de  la  Gaule  celtique  ;  quoiqu'on  ne  puisse  indi- 


XVIIIe.    SESSION.  149 

quor  (l'une  manière  incontestable  le  pays  qu'ils  habitaient 
avant  leurs  différentes  migrations,  on  pense  communément 
qu'ils  occupaient  le  Bourbonnais  actuel  et  la  partie  du  Niver- 
nais qui  l'a  voisine. 

Nous  voyons  ce  peuple  guerrier  et  aventureux  s'établir  et 
s'étendre  dans  différentes  contrées  de  l'Europe  et  de  l'Asie, 
se  mêlant  à  toutes  les  grandes  entreprises  de  leurs  compa- 
triotes et  marchant  toujours  en  tête  de  ces  fiers  Gaulois  qui 
portaient  leurs  droits  au  bout  de  leurs  épees ,  et  qui  préten- 
daient que  tout  appartient  à  des  gens  de  cœur. 

Sous  le  règne  dcTarquin  l'ancien,  Ambigat,  roi  des  Celtes, 
voyant  la  population  de  ses  Étals  s'accroître  d'une  manière 
excessive,  engagea  Bcllovèse  et  Sigovèse ,  ses  neveux,  à  se 
mettre  à  la  tète  de  ce  qu'il  y  avait  de  surabondant  dans  la 
population  qui  lui  était  soumise ,  pour  aller  fonder  ailleurs 
d'autres  établissements.  Bcllovèse  marcha  vers  l'Italie  et  Si- 
govèse vers  la  Germanie.  Les  Boïens,  qui  suivirent  ces  der- 
niers ,  s'emparèrent  de  la  Pannonie  et  de  l'illyrie ,  et  éten- 
dirent leurs  conquêtes  sur  les  deux  rives  du  Danube  et  jusque 
dans  le  pays  qui  prit  depuis  le  nom  de  Boiohemum,  Bohême. 
Us  fondèrent  à  l'embouchure  du  Danube  une  ville  qu'ils 
nommèrent  Noviodunum ,  nom  qui  leur  rappelait  la  capitale 
du  pays  qu'ils  avaient  quitté.  Vers  l'an  278  avant  J.-C. ,  ces 
peuples  ayant  leur  Brenn  à  leur  tête  marchent  sur  la  Grèce  ; 
mais,  arrivés  dans  le  pays  des  Dardaniens ,  la  dissention  se 
met  parmi  eux  et  ils  se  séparent  en  deux  corps.  Le  Brenn 
s'avance  dans  l'intérieur  de  la  Grèce  à  la  tête  de  150,000 
hommes,  les  autres  au  nombre  de  20,000  suivent  Léo- 
norius  et  Lutharius  leurs  chefs,  traversent  la  Thrace,  s'em- 
parent de  Bizance  et  font  payer  le  tribut  à  toutes  les  villes 
de  la  Propontide.  Bientôt  ils  se  rendent  maîtres  de  la  Cher- 
sonnèse ,  passent  dans  l'Asie-Mineure  qu'ils  soumettent  jus- 
qu'au mont  ïaurus ,  et  après  toutes  ces  conquêtes  ils  s'éta- 

10 


150  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

Missent  aux  environs  du  fleuve  Halys ,  dans  le  pays  connu 
depuis  sous  le  nom  de  Galatie.  Ils  étaient  si  redoutables  que 
les  rois  de  Syrie  leur  payaient  tribut  pour  avoir  la  paix  avec 
eux;  au  rapport  de  Justin,  aucun  prince  d'Orient  ne  se 
croyait  solide  sur  son  trône  ,  s'il  n'avait  nos  Gaulois  pour  le 
garder;  et  s'il  avait  perdu  sa  couronne,  il  ne  pensait  pas 
pouvoir  la  recouvrer  sans  les  Gaulois.  Plus  tard  ils  furent 
vaincus  par  le  consul  Manlius.  Le  consul ,  auquel  ils  deman- 
dèrent la  paix,  leur  imposa  pour  condition  de  ne  point  sortir 
du  pays  qu'ils  habitaient  pour  aller  inquiéter  leurs  voisins 
(188  avant  J.-C.  ).  Depuis  cette  époque,  ils  ne  firent  plus 
rien  de  mémorable. 

Quant  à  ceux  qui  avaient  suivi  le  Brenn  jusqu'à  Delphes, 
voyant  leur  armée  détruite,  ils  passèrent  les  uns  en  Asie, 
tandis  que  les  autres  reprirent  le  chemin  de  la  Thrace  pour 
retourner  dans  leur  patrie.  Une  de  leurs  troupes  s'arrêta  à 
l'endroit  où  la  Save  se  jette  dans  le  Danube;  ces  derniers 
succombèrent  plus  tard  sous  les  armes  de  Bérébistes,  roi  des 
Gètes,  qui  ravagea  leur  pays  ;  c'est  ce  pays  dépeuplé  par  cette 
guerre  que  Pline  appelle  Déserta  Boiorum. 

Malgré  tout  l'intérêt  qui  se  rattache  aux  expéditions  de 
l'Italie  par  la  colonie  conduite  par  Bellovèse,  je  ne  veux 
pas  entrer  dans  ces  détails  qui  nous  entraîneraient  trop  loin  ; 
en  effet,  il  faudrait  parcourir  pendant  cinq  siècles  l'histoire 
de  la  république  romaine  pour  avoir  une  idée  du  courage  de 
nos  Celtes,  à  la  tête  desquels  nous  voyons  toujours  les  Boïens. 
A  peine  ont-ils  frayé  le  chemin  qu'Annibal  devait  plus  tard 
parcourir  en  franchissant  les  Alpes  ,  qu'ils  fondent  des  villes  et 
leur  donnent,  comme  aux  rivières  qui  les  arrosent,  des  noms 
qui  leur  rappellent  le  pays  qu'ils  ont  quitté.  Mediolanum , 
Bononia ,  Senagallia,  la  patrie  de  l'immortel  Pie  IX,  sont 
leurs  premières  fondations ,  et  la  rivière  qui  coule  dans  ce 
pays  prit  le  nom  de  Senna.  Ils  ne  tardèrent  pas  à  s'avancer 


wnr.   SESSION.  151 

|iis<|n'à  Rome,  qu'ils  tinrent  en  échec  jusqu'au  moment  où  ils 
ini|)(is(  inii  des  lois  à  ceux  qui  s'étaient  réfugiés  dans  leCapi- 
lole.  Polybe  dit  qu'ils  se  retirèrent  non  pas  devant  Camille, 
mais  parce  que  les  Yenètcs  qui  attaquaient  leur  pays  conquis 
les  forcèrent  de  voler  au  secours  de  leurs  nouvelles  villes. 

Depuis  cette  époque  jusqu'en  l'année  192  avant  J.-C.  ,  les 
Romains  et  les  Boïens  furent  constamment  en  guerre.  Alors 
ces  derniers  succombèrent  sous  les  armes  de  Publias  Corné- 
lius Scipion  ,  après  avoir  été  pendant  plusieurs  siècles  la  ter- 
reur de  Rome. 

Pendant  ces  guerres  avec  les  Gaulois,  le  sénat  déclarait 
qu'il  y  avait  tumulte ,  expression  qui  indiquait  l'imminence  du 
danger;  dès-lors  tout  citoyen  devenait  soldat;  toute  exemption 
cessait,  et  les  prêtres  eux-mêmes  devaient  prendre  les  armes. 

Revenons  maintenant  à  ceux  des  Boïens  que  nous  avons 
laissés  plus  rapprochés  des  sources  du  Danube,  et  qui  ne 
suivirent  pas  leurs  compatriotes  en  Thrace  ,  en  Grèce  et  en 
Asie  ;  ce  sont  eux  qui ,  sortis  du  Nivernais  ,  à  ce  qu'on 
présume,  vont  y  rentrer  et  y  établir  la  Gergovia  Boiorum. 

Us  avaient  fondé,  sur  les  deux  rives  du  Danube,  deux  co- 
lonies qui  conservèrent  le  nom  du  peuple  conquérant  :  le 
Boioliemwn ,  la  Bohême ,  et  le  Boiarium ,  la  Bavière.  Sous 
Auguste,  les  Marcomans, voulant  éviter  la  domination  romaine, 
s'éloignèrent  du  Rhin  et  forcèrent  les  Boïens  à  leur  aban- 
donner le  Boiohemum.  Les  Boïens  furent  donc  rédurts  à  se 
renfermer  dans  le  Boiarium ,  qu'ils  agrandirent  en  s'empa- 
rant  du  Noricum,  maintenant  l'Autriche,  où  ils  construi- 
sirent la  ville  de  Boiodurum. 

L'année  même  du  consulat  de  César,  les  Helvétiens  se 
trouvant  trop  resserrés  dans  leur  pays ,  conçoivent  le  projet 
de  s'emparer  d'une  partie  de  la  Gaule  celtique ,  projet  dont 
ils  remettent  l'exécution  a  l'année  suivante.  Après  avoir  brûlé 
leurs  villes  et  leurs  villages ,  ils  fixent  le  rendez-vous  général 


152      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

sur  les  bords  du  Rhône.  Les  Boïens  el  les  Stulingiens ,  leurs 
voisins ,  demandent  à  faire  partie  de  l'expédition  et  sont 
reçus  dans  la  Société  des  Helvétiens.  Le  corps  des  Boïens 
était  de  32,000. 

A  la  nouvelle  de  ces  préparatifs ,  César  se  dispose  à  mar- 
cher contre  eux  ,  craignant  pour  la  province  romaine.  Ils 
furent  donc  obligés  de  changer  de  route  ;  ils  obtinrent  l'as- 
sentiment des  Séquaniens  et  des  Eduens  auxquels  ils  pro- 
mirent une  part  de  leurs  conquêtes  pour  traverser  les  pays 
qui  leur  appartenaient.  Mais  en  s'avançant  dans  ces  pays,  ils  y 
firent  bien  des  ravages ,  auxquels  les  habitants  trop  faibles 
ne  pouvaient  s'opposer.  Il  était  d'ailleurs  impossible  qu'une 
armée  de  près  de  360,000  âmes,  car  ils  avaient  avec  eux 
leurs  femmes  et  leurs  enfants ,  pût  traverser  un  pays  aussi 
resserré  sans  y  commettre  aucun  dégât.  Les  Eduens  se  re- 
pentirent d'avoir  donné  leur  consentement  et  envoyèrent  des 
députés  à  César  pour  implorer  son  secours.  César  qui  voyait 
une  circonstance  favorable  pour  augmenter  sa  gloire  et  éten- 
dre la  puissance  romaine,  se  mit  aussitôt  en  marche,  vint 
surprendre  les  Helvétiens  au  moment  où  ils  passaient  la 
Saône  et  les  mit  en  déroute. 

Les  Helvétiens  se  réfugièrent  dans  les  forêts  voisines,  d'où 
ils  envoyèrent  au  général  romain  des  députés ,  à  la  tête  des- 
quels se  trouvait  Divicon ,  pour  réclamer  un  établissement 
dans  les  Gaules.  Divicon  parla  à  César  avec  fierté,  et  lorsque 
celui-ci  lui  demandait  des  otages ,  il  lui  répondit  «  que  son 
peuple  était  habitué  à  en  recevoir  et  non  à  en  donner ,  comme 
les  Romains  devaient  le  savoir.   » 

Les  Helvétiens  continuèrent  leur  marche  ,  et  pendant  quel- 
que temps  les  deux  armées  se  contentèrent  de  faire  de  légères 
escarmouches.  Enfin  on  en  vint  à  un  combat  décisif.  Au 
moment  où  les  Helvétiens  attaquaient  l'arrière-garde  de  l'ar- 
mée romaine,  César  profitant  d'une  position  qui  lui  semblait 


XVIIIe.    SESSION.  153 

avantageuse ,  rangea  son  année  en  bataille  sur  une  hauteur 
voisine. 

Les  Helvéticns,  de  leur  côté,  serrent  leurs  rangs  et  donnent 
l'attaque;  mais  les  Romains,  forts  de  leur  position,  les  acca- 
blent de  traits.  Ceux-ci  ne  perdent  pas  courage,  ils  jettent 
leurs  boucliers  pour  combattre  plus  librement ,  mais  bientôt 
couverts  de  blessures,  ils  lâchent  pied  et  se  retirent  vers  une 
montagne  où  les  Romains  les  suivent,  quand  tout-à-coup  un 
corps  de  15,000  Boïens  et  Stulingiens,  qui  formaient  l'armée 
de  réserve ,  fond  sur  l'armée  romaine  et  l'enveloppe  de  telle 
manière  qu'elle  eut  à  faire  face  de  tous  côtés. 

De  part  et  d'autre  il  y  eut  des  prodiges  de  valeur ,  mais  la 
victoire  resta  aux  Romains ,  les  Helvéticns  furent  obligés  de 
regagner  leur  pays. 

Les  Eduens ,  témoins  de  la  bravoure  des  Boïens ,  obtinrent 
du  vainqueur  qu'ils  resteraient  avec  eux.  César  y  consentit , 
avouant  qu'il  n'en  avait  pas  vu  un  seul  tourner  le  dos  pendant  le 
combat.  Les  Eduens  leur  donnèrent  donc  des  terres,  et  dans  la 
suite  ils  les  admirent  à  partager  leurs  droits  et  leurs  privilèges. 

C'est  maintenant  qu'il  nous  reste  à  étudier  la  contrée  du 
pays  éduen  qui  leur  fut  concédée  et  où  ils  fondèrent  leur 
Gergovia.  Ici  quatre  opinions  diverses  sont  en  présence ,  les 
uns ,  comme  Pierre  de  Frasnay ,  veulent  que  Bourbon-1'Ar- 
chambault  ait  été  l'emplacement  de  la  Gergovia  Boiorum  ; 
les  autres ,  comme  les  auteurs  de  l'Ancien  Bourbonnais ,  lui 
assignent  Moulins  ou  les  environs ,  mais  toujours  la  rive  gau- 
che de  l'Allier;  d'autres  veulent  reconnaître  Gergovia  Boio- 
rum dans  la  ville  gallo-romaine  découverte  dans  les  forêts  de 
St.-Révérien;  d'autres  enfin  reconnaissent  avec  les  auteurs 
de  l'Ancien  Bourbonnais  que  cette  ville  devait  nécessairement 
se  trouver  dans  le  pays  compris  entre  la  Loire  et  l'Allier, 
mais  non  pas  sur  l'emplacement  de  Moulins ,  ville  moderne , 
ni  même  dans  les  environs  de  cette  ville. 


15k      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Commençons  par  dire  que  l'opinion  de  ceux  qui  placent 
Gergovia  Boiorum  sur  la  rive  gauche  de  l'Allier ,  soit  à 
Bourbon-l'Archambault  ,  soit  à  Souvigny ,  n'est  pas  soute- 
nable.  L'Allier  était  la  limite  du  pays  des  Eduens  ;  les  contrées 
placées  sur  la  rive  gauche  appartenaient  aux  Arvernes  et  aux 
Berruyers.  Or ,  d'après  César ,  les  Eduens  leur  abandonnèrent 
une  portion  de  leur  territoire  ;  il  ne  faut  donc  pas  les  placer 
au-delà  de  l'Allier.  Il  reste  maintenant  à  examiner  si  nous 
devons  admettre  leur  colonie  dans  le  centre  du  Nivernais , 
ou  bien  entre  la  Loire  et  l'Allier  ;  puis  nous  essayerons  de 
reconnaître  l'emplacement  de  leur  ville. 

Après  la  découverte  de  la  ville  gallo-romaine  dans  la  forêt 
de  St.-Révérien  ,  M.   Boniard  a  été  le  premier  à  supposer 
que  ces  ruines  pourraient  bien  être  celles  de  l'ancienne  Ger- 
govia Boiorum  ;  et  bientôt  étayanl  cette  supposition  des  noms 
donnés   aux  lieux  voisins  ,  Arsembouy ,  Bouille  ,   Bouillet , 
etc.  ,  il  crut  avoir  démontré  jusqu'à  l'évidence  que  jusqu'alors 
on  s'était  trompé  en  plaçant  les  Boïens  entre  la  Loire  et 
l'Allier,  que  c'était  dans  la  forêt  de  St.-Révérien  qu'était 
leur  ville  principale.  D'Anville,  Sanson ,  de  Valois,  tous  les 
géographes  et  les  historiens  qui  ont  écrit  sur  cette  matière  se 
trouvaient  en  défaut  ;  ils  avaient  tort  de  donner  la  Loire  et 
l'Allier  pour  limites  au  pays  éduen,  la  Loire  seule  arrosait  ses 
frontières ,  et  M.  Boniard  donne  en  preuve  la  conférence  que 
César  tint  à  Decise  pour  régler  la  contestation  qui  s'était 
élevée  entre  deux  prétendants  eduens  à  la  souveraine  magis- 
trature, pour  se  soumettre  à  la  loi  de  ce  peuple  qui  défendait 
au  Vergobret  de  sortir  des  limites  de  la  cité  ;  il  est  évident, 
selon  lui ,  que  leur  territoire  ne  devait  pas  s'étendre  au-delà 
de  cette  ville ,  autrement  le  proconsul  eût  choisi  un  autre  lieu 
plus  rapproché  du  Berri ,  où  il  se  trouvait  alors.  M.  Boniard 
oublie  que  la  ville  des  Boïens  où  il  eût  voulu  que  César,  dans 
l'opinion  contraire  à   la  sienne,  eût  indiqué  la  conférence  , 


wiir.  session.  155 

n'était  qu'une  ville  nouvelle  et  de  peu  d'importance,  que  César 
ne  tenait  aucun  compte  ,  dans  cette  circonstance  ,  des  places 
plus  rapprochées  du  lieu  où  il  se  trouvait,  autrement  il  aurait 
pu  choisir  Novioduniim,  Nevers;  il  ouhlie  surtout  ce  qui  est 
admis  de  tout  le  monde ,  que  les  anciens  diocèses  indiquent 
les  véritables  limites  des  anciens  peuples  de  la  Gaule ,  et  que 
le  diocèse  d' Anton  ,  avant  1791  ,  s'étendait  jusqu'à  l'Allier, 
que  Moulins  en  Bourbonnais  et  ses  environs  en  faisaient  par- 
tie ,  et  que  primitivement ,  avant  le  démembrement  qui  en 
fut  fait  pour  former  le  diocèse  de  Nevers ,  non  seulement  la 
contrée  située  entre  la  Loire  et  l'Allier,  mais  tout  l'ancien 
diocèse  de  Nevers  dépendait  des  Eduens  ;  c'est  un  point  qui 
n'a  jamais  été  contesté. 

Quant  au  passage  de  Pline  cité  par  M.  Boniard,  il  ne  prouve 
rien,  absolument  rien.  Pline  faisant  rénumération  des  peuples 
qui  composent  la  Gaule  Lyonnaise,  cite  les  Eduens,  les  Car- 
nutes,  les  Boïens,  les  Senons,  lesAulerques,  etc.  M.  Boniard 
raisonne  comme  s'il  était  constant  que  l'auteur  eût  voulu  suivre 
dans  ce  dénombrement  un  ordre  topographique  ,  et  conclut 
qu'il  faut  placer  les  Boïens  sur  les  confins  des  Eduens ,  des 
Carnutes  et  des  Senons.  En  partant  de  ce  principe ,  nous  pla- 
cerions les  Carnutes  entre  les  Eduens  et  les  Senons  ,  ce  qui 
est  inadmissible. 

Au  reste,  suivons  César  dans  sa  marche  lorsqu'il  va  au  se- 
cours des  Boïens. 

Yercingétorix  veut  se  mettre  à  la  tête  des  peuples  de  la 
Gaule  pour  arrêter  les  envahissements  du  proconsul  romain  ; 
déjà  plusieurs  peuples  lui  ont  confié  le  souverain  pouvoir  ; 
les  Berruyers  et  les  Eduens  refusent  d'entrer  dans  la  coalition. 
Bientôt  il  gagne  les  Berruyers;  mais  les  Eduens  demeurent 
inébranlables.  L'armée  de  Vercingétorix  occupe  une  portion  du 
Berri  ;  il  s'avance  avec  une  partie  de  ses  troupes  pour  faire 
le  siège  de  la  Gergovia  Boiorum.  A  la  nouvelle  de  ce  soulè- 


156      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

veinent  des  Gaulois,  César  quitte  Vienne  et  se  rend  à  Langrcs 
où  il  avait  deux  légions.  Ce  fut  là  qu'il  apprit  le  siège  de  la 
ville  des  Boïens.  Aussitôt  il  envoie  demander  des  vivres  aux 
Eduens  et  fait  en  même  temps  avertir  les  Boïens  de  tenir 
ferme ,  qu'il  se  dispose  à  leur  porter  secours.  En  effet ,  il 
part  laissant  à  Agcndicum  (Sens)  deux  légions  et  les  bagages 
de  l'armée. 

Cependant  ne  voulant  pas  s'exposer  à  être  inquiété  par  les 
ennemis  qui  resteraient  derrière  lui ,  qui  pourraient  d'ailleurs 
lui  couper  les  vivres ,  il  se  dirige  sur  Vellauduuum  (Château- 
Landon  ) ,  qui  tenait  au  parti  de  Vercingétorix ,  et  en  trois 
jours  il  se  rend  maître  de  la  place.  De  là  il  marche  sur  Gen- 
nabum  qui  se  disposait  à  venir  au  secours  de  Vellandunum  , 
s'en  empare ,  passe  la  Loire ,  traverse  le  Berri  et  fait  en 
passant  le  siège  de  Noviodunum. 

Vercingétorix  avait  eu  connaissance  de  la  marche  de  César 
et  avait  aussitôt  abandonné  Gergovia  pour  aller  au  secours  de 
Noviodunum  ;  mais  les  Romains  s'en  rendent  maîtres  malgré 
l'avant-garde  de  l'armée  de  Vercingétorix  qui  fut  mise  en 
déroute. 

Les  Boïens  n'avaient  plus  besoin  du  secours  de  l'armée 
romaine ,  l'ennemi  s'était  retiré ,  il  n'était  plus  nécessaire 
que  César  continuât  sa  roule  ;  c'est  pourquoi  il  prend  une 
autre  détermination  et  va  mettre  le  siège  devant  Avaricum , 
Bourges ,  qui  était  entré  dans  le  parti  des  Arvernes.  Pendant 
ce  temps  César  ne  cessa  de  réclamer  des  vivres  aux  Eduens 
et  aux  Boïens ,  mais  ces  derniers  resserrés  dans  leur  coin  de 
terre  eurent  bientôt  épuisé  leurs  ressources ,  en  sorte  que  les 
Romains  eurent  beaucoup  à  souffrir,  vu  la  négligence  des 
Eduens  et  la  pauvreté  des  Boïens. 

Tel  est  en  substance  le  récit  de  César.  Il  est  facile  main- 
tenant de  se  rendre  compte  de  sa  marche,  il  soumet  avant 
tout  VcUauduniim  et  Gcnnabum,  puis  passe  la  Loire,  tra- 


xvur.   SESSION.  157 

verse  le  Béni  marchant  droit  à  Gcrgovia;  il  prend  en  pas- 
sant in  via  JSoviodunum.  Danville  fait  remarquer  que  ce  ne 
peut  être  ni  Neuvi-sur-Baranjeon ,  ni  Nonain-le-Fuzelier , 
localités  qui  dépendaient  des  Carnutes,  mais  M  oh  an ,  car  il 
s'agit  d'une  ville  des  Berruyers ,  Oppidum  Biturigum  ;  or  , 
Nohan-eo-Gracey  se  trouve  placé  entre  Bourges  et  la  contrée 
que  nous  assignons  aux  Boïcns.  Il  n'est  pas  possible  de  re- 
connaître la  Gcrgovia  Boiorum  dans  la  ville  gallo-romaine 
de  St.-Révérien,  quand  on  a  lu  attentivement  le  VIP.  livre 
des  Commentaires  de  César. 

Supposons  un  instant  que  l'opinion  de  M.  Boniard  soit  la 
vraie.  Vcrcingétorix  ne  pouvait  assiéger  la  ville  des  Boïcns 
qu'en  traversant  une  grande  partie  du  territoire  des  Eduens, 
et  ceux-ci  ne  se  plaignent  pas  ;  on  ne  leur  voit  faire  au- 
cune démarche  pour  s'y  opposer ,  et  César  n'adresse  pas  un 
seul  mot  d'encouragement  à  ces  fidèles  alliés,  il  ne  leur 
promet  pas  de  les  venger ,  il  se  contente  de  leur  envoyer  de- 
mander des  vivres  ;  les  Boïens  seuls  l'occupent.  En  vérité , 
une  semblable  conduite  serait  inexplicable  et  la  politique  de 
César  ne  permet  pas  de  la  supposer. 

Il  est  donc  évident  que  ceux  qui,  avec  Sanson,  Danville, 
Adrien  de  Valois,  les  auteurs  de  l'Ancien  Bourbonnais,  etc., 
placent  les  Boïens  entre  la  Loire  et  l'Allier ,  sont  seuls  dans 
le  vrai. 

Selon  nous,  l'emplacement  de  Gergovia  Boiorum  serait  le 
château  de  Buy,  situé  dans  la  commune  de  Sl.-Pierre-le- 
Mou tiers.  Les  fosses  de  tanneries  qu'on  a  trouvées  en  creu- 
sant aux  environs  du  château ,  d'anciennes  fondations  qui  s'y 
rencontrent,  ainsi  que  celles  qu'on  voit  aux  environs  des  bois 
de  Grand-Bourg  et  de  Petit-Bourg,  tout  fait  croire  que  ces 
lieux  furent  autrefois  le  centre  d'une  population  assez  nom- 
breuse. La  position  de  ce  château  et  le  nom  qu'il  porte 
viennent  encore  à  l'appui  de  notre  opinion. 


1.58  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

Buy  est  placé  sur  la  grande  voie  romaine  d'Autun  à  Bour- 
ges. Cette  voie ,  en  quittant  Decise ,  longe  la  Loire ,  coupe 
les  bois  d'Uxeloup,  puis  fait  un  coude  entre  St.-Parize  et 
Azy-le-Vif  pour  passer  à  la  fontaine  des  Vertus ,  eaux  mi- 
nérales maintenant  à  peu  près  inconnues,  mais  frécpientées 
autrefois,  à  en  juger  par  d'anciens  travaux  qui  ont  été  dé- 
couverts au  lieu  de  la  source ,  et  enfin  à  Buy  d'où  elle  se 
dirige  sur  Sancoins.  Danville ,  sur  sa  carte ,  indique  bien  le 
coude  que  nous  signalons,  mais  sans  en  expliquer  la  cause. 
Il  serait  en  effet  difficile  de  l'indiquer,  rien  n'empêchait  de 
conduire  cette  route  en  ligne  droite;  les  accidents  de  terrain 
ne  se  font  pas  plus  remarquer  d'un  côté  que  de  l'autre.  On 
sait  au  reste  que  ces  accidents  n'arrêtaient  pas  les  Romains 
dans  ces  sortes  de  travaux ,  puisque  nous  rencontrons  leurs 
roules  dans  les  bas-fonds  aussi  bien  que  sur  de  hautes  mon- 
tagnes. Dans  notre  opinion  cette  courbe  s'explique,  elle  de- 
venait nécessaire  pour  faire  jouir  Gergovia  des  avantages  qui 
devaient  en  résulter. 

Il  est  encore  certain  que  les  embranchements  de  roule 
chez  les  Romains  n'avaient  lieu  qu'aux  endroits  de  quelqu'im- 
portance ,  comme  une  ville ,  un  établissement  d'eaux  ther- 
males ;  pour  s'en  convaincre  il  n'y  a  qu'à  consulter  les  cartes 
anciennes  ;  or,  nous  trouvons,  en  partant  du  vieux  château  de 
Tâches  en  la  commune  de  St.-Parize-le-Châtel,  une  voie 
connue  dans  le  pays  sous  le  nom  de  chemin  ferré,  qui  semble 
être  une  communication  entre  Nevers  et  le  lieu  dont  nous 
parions;  on  en  perd  la  trace  dans  le  bois  de  Grand-Bourg, 
mais  il  est  impossible  de  méconnaître  sa  direction  sur  Buy  où 
elle  se  joignait  à  la  grande  voie  d'Autun  à  Bourges. 

Quant  au  nom  de  Buy ,  ne  rappellerait-il  pas  les  anciens 
habitants  et  leur  ville  Urbs,  Civitas  ou  Gergovia  Boiorum. 

Nous  avons  parlé  du  bois  de  Grand-Bourg  qui  avoisine 
Buy;  ce  Grand-Bourg  n'aurait-il  pas  été  le  Grand-Bourg  des 


xvjir.  session.  159 

Boïens,  pour  prendre  plus  tard  le  nom  de  Bourg-des-Gentils, 
Pagus  GemUicus,  dont  il  est  fait  mention  dans  les  vieilles 
légendes  de  la  vie  de  saint  Patrice. 

En  effet,  jusqu'au  milieu  du  VIe.  siècle  ,  ce  pays  demeura 
attaché  à  l'idolâtrie ,  tandis  que  tous  les  peuples  voisins  avaient 
ouvert  les  yeux  à  la  lumière  de  l'Evangile,  et  c'est  sans  doute 
ce  qui  fut  la  cause  que  le  nom  de  Bourg-des-Gentils  rem- 
plaça son  ancien  nom.  La  religion  chrétienne  avait  été  prèchée 
à  Nevers  depuis  long-temps,  les  uns  disent  par  saint  Austre- 
moine,  au  milieu  du  IIP.  siècle,  d'autres  par  saint  Andoche, 
disciple  de  saint  Polycarpe  ,  et  d'autres  prétendent  qu'elle 
y  fut  annoncée  dès  le  I".  siècle  et  du  temps  même  des  apô- 
tres. Ce  qui  est  certain,  c'est  que  Nevers  était  chrétien  depuis 
long-temps ,  qu'il  avait  déjà  eu  plusieurs  évêques,  tandis  que 
le  pays  dont  nous  parlons  était  idolâtre  lorsque  saint  Patrice 
y  arriva.  Faut-il  présumer  qu'avant  l'érection  de  l'évêché  de 
Nevers,  les  évêques  d'Autun  aient  laissé  ce  pays  sans  l'in- 
struire, et  que  les  évêques  de  Nevers  aient  aussi  négligé  une 
contrée  voisine  de  leur  ville  épiscopale?  Cette  supposition 
serait  injurieuse  à  la  mémoire  de  ces  saints  évêques.  Il  est 
plutôt  à  croire  que  ce  peuple  aura  été  long-temps  sourd  à 
leurs  leçons  et  se  sera  converti  plus  difficilement  que  les  po- 
pulations voisines,  ce  qui  s'explique  aisément.  Les  Gaulois 
et  les  Eduens  ,  en  particulier  par  leurs  rapports  avec  les  Ro- 
mains ,  av  aient  déjà  dû  établir  des  modifications  importantes 
dans  leur  culte  religieux  ,  et  quoique  César  nous  présente  la 
nation  gauloise  comme  lout-à-fait  attachée  à  ses  cérémonies 
religieuses,  nous  ne  pouvons  douter  que  la  confraternité  qui 
existait  entre  les  Eduens  et  les  Romains  n'aient  déjà  mélangé 
les  deux  cultes.  Or,  l'expérience  prouve  qu'en  fait  de  religion 
on  ne  peut  ébranler  un  seul  point  sans  ruiner  l'édifice.  Ces 
modifications  devaient  donc  les  préparer  à  recevoir  plus  faci- 
lement la  lumière  de  la  foi  ;  la  langue  romaine  leur  était  fa- 


160  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE, 

milière  et  les  premiers  prédicateurs  de  l'Evangile  parlaient 
cette  langue  et  étaient  compris. 

Il  ne  dut  pas  en  être  de  même  des  Boïens  auxquels  la  langue 
romaine  était  étrangère;  ils  n'avaient  connu  les  Romains 
qu'au  champ  de  bataille.  Agglomérés  en  famille  dans  un  coin 
de  terre  qui  leur  rappelait  leur  défaite  ,  ils  devaient  éprouver 
une  grande  défiance  à  l'égard  de  ceux  qui  leur  annonçaient 
une  religion  nouvelle ,  et  surtout  dans  une  langue  qui  était 
celle  de  leurs  vainqueurs  ;  nous  ne  nous  étonnons  plus  de 
voir,  pour  les  convertir,  tous  les  efforts  infructueux  jusqu'au 
milieu  du  VIe.  siècle ,  quand  saint  Patrice  vint  y  jeter  la 
semence  de  l'Evangile. 

Une  tradition  populaire  du  pays  rapporte  qu'il  y  avait  aux 
environs  de  St.-Parize  une  grande  ville  qui  fut  brûlée.  C'est 
peut-être  celle  dont  nous  parlons. 

Toutes  ces  considérations  méritent  d'être  approfondies  et 
me  semblent  déjà  jeter  un  grand  jour  sur  la  question.  Nous 
trouvons  encore  dans  la  même  contrée,  sur  les  bords  de 
l'Allier  ,  un  autre  endroit  qui  porte  aussi  le  nom  de  Buy. 

Il  nous  reste  a  parler  de  Boia  dont  il  est  fait  mention  dans 
les  Commentaires  de  César,  livre  VII.  Vercingétorix ,  au 
moment  où  César  marchait  sur  Bourges  après  s'être  rendu 
maître  de  Veilaudunum,  de  Gennabum  et  de  Noviodunum, 
conçoit  le  projet  de  priver  les  Romains  de  vivres  et  de  four- 
rages ;  pour  cela  il  réunit  ses  gens  et ,  de  concert  avec  eux,  il 
fait  mettre  le  feu  à  tous  les  endroits  placés  depuis  Boia  jus- 
qu'à Bourges.  Que  Boia  soit  civitas  Boia,  le  pays  des  Boïens, 
ou  Gergovia  Boia3  la  Gergovie  des  Boïens,  peu  importe  ;  c'est 
le  pays  où,  pendant  le  siège  de  Bourges,  les  Romains  pouvaient 
venir  fourrager,  quopabidabundi  causa  adiré posse  videantur. 
Je  comprends  les  Romains  s'avançant  jusqu'au  bassin  de 
l'Allier  pour  fourrager;  mais  qu'on  ne  vienne  pas  nous  dire 
qu'ils  pouvaient  de  Bourges  aller  fourrager  dans  le  centre 


XVIIIe.    SESSION.  101 

du  Nivernais,  dans  les  forcis  de  St.-Révérien.  Il  est  donc 
évident  que  le  pays  des  Boïens  était  entre  la  Loire  et  l'Allier, 
comme  l'ont  pensé  d'Anville,  Sanson,  Adrien  de  Vallois,  les 
auteurs  de  l'Ancien  Bourbonnais ,  les  rédacteurs  de  l'Album 
du  Nivernais,  etc.  C'était  entre  les  deux  rivières  qu'était 
située  leur  Gergovia,  et  probablement  dans  le  canton  de  St.- 
Picrre  à  Buy.   » 

M.  de  Caumont  annonce  qu'à  h  heures  1/2  on  visitera  la 
curieuse  église  de  St. -Etienne.  Le  rendez-vous  est  fixé  devant 
le  grand  portail  de  cette  église. 

La  séance  est  levée  à  3  heures. 

Le  Secrétaire- adjoint , 

G.    DE  SOULTRAIT. 


Seconde  Séance  «In  ÎO. 

A  la  fin  de  la  première  séance,  M.  de  Caumont  avait  an- 
noncé que,  le  soir  à  quatre  heures  et  demie,  on  visiterait  l'église 
de  St. -Etienne.  A  l'heure  indiquée,  les  membres  du  Congrès 
se  trouvèrent  en  grand  nombre  réunis  dans  la  cour  qui 
règne  devant  la  façade  occidentale  de  cette  église. 

On  ne  devait  pas  être  étonné  de  ce  concours  :  il  s'agissait 
d'étudier  une  des  églises  de  France  les  plus  remarquables  par 
l'unité  de  style ,  par  ses  belles  proportions  et  par  ses  détails 
curieux, quoique  sobres  d'ornements.  Une  église  du  XIe.  siècle 
complète  est  un  monument  assez  rare. 

Avant  de  pénétrer  dans  l'intérieur,  on  s'arrêta  à  considérer 
la  façade ,  et  bientôt  il  fut  facile  de  reconnaître  que  le  mur 
carré  qui  s'élève  au-dessus  des  fenêtres  trilobées  est  un  mur 
de  construction  récente ,  intercallé  entre  les  deux  tours  qui 
s'élevaient  aux  angles. 


102      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Immédiatement  au-dessus  du  cordon  qui  s'étend  vers  le 
sommet  du  portail  et  qui  devait  servir  de  rivet  à  la  toi- 
ture du  narthex  qu'on  y  voyait  autrefois  ,  on  remarque 
quatre  pierres  d'un  appareil  plus  considérable  que  l'ap- 
pareil voisin  et  d'une  autre  nature;  une  d'elles  a  conservé 
le  corps  et  une  des  serres  d'un  aigle  ,  ce  qui  porte  à  croire 
que  le  sculpteur  avait  représenté  sur  ces  quatre  pierres  les 
animaux  symboliques  évangéliques  ,  dont  l'aigle  faisait 
partie. 

On  s'est  surtout  arrêté  à  considérer  la  forme  des  claveaux 
qui  composent  les  cintres  du  portail ,  qu'un  des  membres  a 
proposé  de  nommer 
claveaux  alvéolés.  Ce 

genre  de  claveaux  [  \^  /\/  ^(  {  y  \s\  ^/ 
assez  rares  se  fait 
remarquer  dans  plu- 
sieurs édifices  reli- 
gieux du  Nivernais ,  tels  qu'à  Garchisy  et  à  Parigny-les-Vaux  ; 
l'église  de  iNantilly  ,  faubourg  de  Saumur ,  offre  les  mêmes 
caractères  à  une  des  fenêtres  de  la  paroi  septentrionale.  L'in- 
trados des  cintres  est  orné  de  peintures  ;  ce  sont  des  rubans 
polychromes  zigzagues ,  avec  des  roses  dans  l'angle  rentrant 
et  des  oiseaux  affrontés  h  ailes  déployées. 

Les  colonnes  qui  flanquent  les  pieds-droits  du  portail  ont 
aussi  attiré  l'attention  des  membres  du  Congrès  ;  les  chapi- 
teaux des  grosses  colonnes  sont  complètement  lisses ,  sauf 
quelques  légères  moulures.  Un  semé  de  fleurs  de  lis  peintes, 
a  fait  penser  que  ces  chapiteaux  étaient  si  unis  parce  que 
l'architecte  avait  eu  l'intention  de  les  relever  par  la  peinture, 
observation  qui  a  été  renouvelée  pour  la  plupart  des  chapi- 
teaux de  l'intérieur.  M.  l'abbé  Devoucoux,  vicaire-général 
d'Autun,  a  fait  remarquer  que  ces  chapiteaux  paraissaient 
avoir  été  tournés  au  lieu  d'être  taillés,  et  a  rappelé  à  ce  sujet 


XVIII*.    SESSION. 


le: 


que  les  deux  autres 
colonnes  annelées  du 
portail,  de  moindre 
/nodule  que  les  pre- 
mières ,  auraient  été 
façonnées  par  le  mê- 
me procédé. 

Toutes  lescolonnes 
de  l'église  non  en- 
gagées  présentent  k 
même  caractère,  soit 
les  colonnes  mono- 
lithes qui  entourent 
le  sanctuaire,  soit  les 
colonnes  raccourcies 
et  fuselées  pour  la 
plupart  qui  soutien- 
nent l'arcature  du 
premier  étage  du 
rond-point  et  qui  pa- 
raissent écrasées  sous 
leur  large  et  épais 
tailloir. 

Itprès  avoir  étudié 
le  portail,  on  entra 
dans  l'église  ;  tous 
les  membres  admi- 
rèrent son  plan  uni- 
forme d'un  seul  jet 
et  ses  gracieuses  pro- 
portions. On  regretta 
seulement  de  voir  les 
galeries  de  la  nef  à 


46h  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

arcades  géminées 
bouchées  par  de  la 
maçonnerie.  Il  y  a 
eu  unanimité  parmi 
les  membres  du 
Congrès  pour  de- 
mander qu'on  ren- 
dît à  l'église  toute 
sa  grâce  et  son  ca- 
ractère en  débou- 
chant ces  arcades. 
L'inspection  des  ga- 
leries a  prouvé 
comme  tout  dans 
cet  édifice  avait  été 
soigné  sous  le  rapport  du  plan  et  de  la  consolidation  ;  leur 


UN    DES  ARCS-BOUTANTS    DE    LA  MEF  DE    SAINT-ETIENNE    DE    NEVEKS. 

voûte  au  quart  de  cercle  venait  contrebouter  la  voûte  en 


XVIIIe.    SESSION.  165 

berceau  de  la  grande  nef ,  et  c'est  par  suite  de  cette  dispo- 
sition qu'on  n'y  rencontre  aucun  déchirement. 

Le  plan  de  celte  église  est  la  croix  latine  à  trois  nefs  avec 
déambulatoire  ;  trois  chapelles  absidales  en  hémicycle  de  peu 
de  profondeur  rayonnent  autour  du  sanctuaire.  Deux  autres 
absides  existaient  dans  les  parois  orientales  du  transept  :  une 
a  été  détruite,  celle  du  croisillon  méridional,  pour  faire  place 
à  une  chapelle  du  XVIe.  siècle  ;  l'autre  est  maintenant  en 
état  de  restauration  ,  ainsi  que  la  façade  du  croisillon  septen- 
trional ,  et  cette  restauration  ,  dirigée  par  M.  Paillard ,  a 
prouvé  au  Congrès  que  les  éloges  que  j'adressais  hier  à  cet 
architecte  n'étaient  point  exagérés  :  les  nouveaux  éloges  que 
lui  ont  adressés  les  différents  membres  du  Congrès  seront  puur 
lui  un  puissant  encouragement  pour  l'engager  à  persévérer 
dans  une  voie  qui  prouve  combien  il  comprend  l'art 
religieux. 

A  l'extrémité  des  croisillons  du  transept, les  façades,  soit  à 
l'intérieur,  soit  à  l'extérieur,  présentent  des  arcatures  en 
plein-cintre  alternées  avec  des  frontons  triangulaires ,  dispo- 
sition qu'on  remarque  dans  une  autre  église  du  Nivernais, 
la  petite  église  rurale  de  Neuville-les-Decise ,  et  que  nous 
avons  retrouvée  dans  celle  de  Notre-Dame-du-Port ,  à  Cler- 
mont.  C'est  ici  qu'on  a  pu  remarquer  l'identité  qui  existe 
entre  St. -Etienne  de  Nevers  et  Notre-Dame-du-Port;  non 
seulement  à  cause  du  caractère  que  nous  venons  d'indiquer, 
mais  encore  à  cause  de  la  galerie  à  jour  suspendue  à  la  nais- 
sance de  chaque  croisillon  du  transept ,  disposition  que  les 
archéologues  anglais  nomment  screen ,  dénomination  que  M. 
Mérimée  a  cru  devoir  conserver  chez  nous. 

M.  de  Surigny,  de  Màcon,  a  fait  observer  que  cette  église 
lui  présentait  deux  caractères  :  le  caractère  auvergnat  dans 
la  nef,  et  le  caractère  bénédictin  dans  la  région  absidale 
Cependant  on  peut  dire  que  si  le  caractère  bénédictin  se  fait 

11 


166      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  I)E  FRANCE, 

remarquer ,  il  est  peu  sensible  ,  surtout  si  on  vient  à  consi- 
dérer la  sobriété  d'ornementation. 

Le  Secrétaire-général , 
L'abbé  Crosnier. 


Pi'CBîaièB'C  Séance  du  IB  juin. 

Présidence  de  M.  Petit-Delafosse,  préfet  de  la  Nièvre. 

La  séance  est  ouverte  à  huit  heures. 

Siègent  au  bureau  :  M.  Petit-Delafosse,  préfet  de  la  Nièvre  ; 
Mgr.  l'évèque  deNevers;  MM.  deCaumont,le  baron  Chailloux 
des  Barres ,  le  général  Pétiet ,  de  Buzonnière  ,  de  Glanville , 
Gaugain  ,  l'abbé  Crosnier ,  secrétaire-général ,  le  comte 
Georges  de  Soultrait ,  secrétaire-adjoint. 

M.  le  Préfet  remercie  les  membres  du  Congrès  de  l'hon- 
neur qu'ils  lui  font  en  l'appelant  à  les  présider;  déjà,  étant 
sous-préfet  de  Valenciennes ,  il  avait  été  nommé  président 
de  la  Société  des  lettres  et  des  sciences  de  cette  ville ,  et  il 
avait  fait  tout  ce  qui  dépendait  de  lui  pour  favoriser  les  tra- 
vaux de  cette  Société  ;  il  s'associera  avec  le  plus  vif  intérêt 
aux  études  auxquelles  doit  se  livrer  le  Congrès  pendant  le 
cours  de  la  session  ,  et  fera  en  sorte  de  combiner  ses  mo- 
ments de  telle  manière,  que  les  hautes  fonctions  qu'il  a  à  rem- 
plir comme  préfet  ne  soient  pas  un  obstacle  qui  l'empêche  de 
profiter  de  ces  réunions  qui  l'intéressent  à  un  si  haut  degré. 

M.  le  secrétaire-général  donne  communication  de  la  cor- 
respondance. 

MM.  Thiollet,  de  Paris  ;  Precy,  membre  du  Conseil  général 
de  l'Yonne  ;  Paul  Huot ,  substitut  du  procureur  de  la  répu- 
blique à  Orléans ,  expriment  leurs  regrets  de  ne  pouvoir 
assister  au  Congrès. 


xvnr.  session.  167 

Il  a  été  fait  hommage  au  Congrès  des  ouvrages  suivants  : 
De  la  part  de  M.  de  Caumont. 

1°.  Compte-rendu   des   Séances  de   la  Société   française 
tenues  en  1850  à  Auxcrre,  à  Cluny  et  à  Clermont; 

2°.  Relation  d'une  promenade  archéologique  faite  en  Bre- 
tagne en  1849; 

3°.   De  la  réforme  académique  en  France; 

Un.  Notes  sur  les  tombeaux  des  cryptes  de  Jouarre  ; 

5°.  Mon  opinion  sur  plusieurs  questions  qui  doivent  être 
soumises  au  Congrès  des  délégués  des  Sociétés  savantes  ; 

6°.  Un  numéro  des  Annales  agricoles  ; 

7°.  Statistique  routière  de  Normandie  ; 

8°.  Rapport  fait  à  la  Société  d'Agriculture  et  de  Com- 
merce de  Caen. 

De  la  part  de  l'Académie  de  Mâcon  : 

1°.  Comptes-rendus  des  travaux  de  cette  académie  pendant 
les  années  1827, 1833, 1840.  2  vol.  in-8°.  Deux  exemplaires  ; 

2°.  Rapport  fait  à  la  Société  d'Agriculture ,  Sciences  et 
Belles-Lettres  de  Mâcon  dans  sa  séance  du  15  janvier  1829. 
Tn-8°.  Deux  exemplaires; 

3°.  Rapport  fait  à  la  même  Société  en  1834.  In-8°.  Deux 
exemplaires. 

De  la  part  de  Mgr.  Dufôtre ,  évêque  de  Nevers  : 

Esquisse  archéologique  des  principales  églises  du  diocèse 
de  Nevers ,  par  M.  l'abbé  Bourassé. 

De  la  part  de  M.  l'abbé  Crosnier  ; 

1°.  Iconographie  chrétienne;  in-8°. ; 

2°.  Eléments  d'archéologie  ;  in-18  ; 

3°.  Tableau  synoptique  de  l'histoire  du  Nivernais  et  du 
Donziais. 

De  la  part  de  M.  Morellet  : 

Analyse  des  travaux  de  la  Société  littéraire  de  Colmar. 

De  la  part  de  l'Institut  des  provinces: 

De  la  stabilité  comme  principe  primordial  de  toute  archi- 


168  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

tecture  appliqué  à  l'origine  et  à  l'établissement  du  style  ogival, 
par  M.  Aulnetle  de  Vautenet. 

De  la  part  de  la  Société  centrale  d'Agriculture  de  la  Seine- 
Inférieure  : 

Sur  les  nouveaux  engrais  concentrés. 
De  la  part  de  M.  P.  Martin ,  de  Lyon  : 
Recherches  sur  l'architecture ,  la  sculpture,  etc.  Deux  nu- 
méros. 
De  la  part  de  M.  Hippolyte  Sauvage,  avocat  : 
Recherches  historiques  sur  l'arrondissement  de  Mortain  , 
ouvrage  des  plus  intéressants  sous  le  rapport  historique  et 
sous  le  rapport  de  l'art  ;  gros  in-8°. 
De  la  part  de  M.  Georges  de  Soultrait  : 
1°.  Quatrième  cahier  de  la  Statistique  monumentale  du 
département  de  la  Nièvre,  contenant  le  canton  de  Nevers; 
2°.   Notice  sur  le  Château  de  Villeneuve  en  Auvergne. 
M.  de  Caumont  annonce  que  tous  les  ans  on  publie  en  un 
volume  le  compte-rendu  des  séances  du  Congrès  archéologique 
ainsi  que  les  mémoires  présentés  qui  auraient  paru  mériter 
l'impression.  Ce  volume  est  distribué  gratis  à  tous  les  mem- 
bres de  la  Société  française  pour  la  conservation  des  monu- 
ments ;  quant  aux  personnes  étrangères  à  la  Société  qui  dé- 
sireraient le  recevoir,  elles  doivent  verser  une  cotisation  de 
10  francs  entre  les  mains  de  M.  le  trésorier  de  la  Société. 

Sur  la  demande  de  M.  de  Caumont ,  la  visite  de  la  cathé- 
drale aura  lieu  de  une  heure  à  trois. 

M.  le  secrétaire-général  donne  lecture  du  procès-verbal 
de  la  visite  du  Congrès  à  l'église  de  St. -Etienne  de  Nevers. 

M.  le  Préfet  demande  qu'il  soit  fait  mention  de  sa  présence 
dans  cette  visite;  je  veux ,  dit-il,  témoigner  hautement  toute 
ma  sympathie  pour  les  utiles  travaux  du  Congrès,  et  je  désire 
qu'on  sache  combien  ils  ont  d'attrait  pour  moi. 

Ces  paroles  ont  été  accueillies  par  un  murmure  d'appro- 
bation et  de  reconnaissance  par  toute  l'assemblée. 


xvnr.  session.  169 

M.  Victor  Petit  a  remarqué  que  les  fenêtres  pratiquées  dans 
l'abside  du  croisillon  septentrional,  qu'on  s'occupe  de  restaurer, 
étaient  de  moindre  dimension  que  les  autres  ;  il  demande  si 
l'architecte  chargé  des  restaurations  de  l'église  de  St. -Etienne 
ne  s'est  pas  un  peu  écarté  du  style  général  de  l'église  en  di- 
minuant la  largeur  des  baies  de  cette  abside.  M.  Paillard , 
absent  au  moment  où  M.  Victor  Petit  posait  cette  question , 
entre  dans  la  salle  un  instant  après  ;  la  question  est  posée  de 
nouveau  ;  M.  Paillard  répond  qu'il  n'a  fait  que  reproduire  ce 
qui  existait  déjà  ,  ajoutant  que  dans  les  restaurations  qui  lui 
sont  confiées ,  il  ne  cherche  jamais  à  innover  mais  qu'il  met 
l'attention  la  plus  minutieuse  à  faire  revivre  les  types  pri- 
mitifs. 

Plusieurs  membres  félicitent  M.  Paillard  de  sa  manière 
d'agir  et  l'engagent  à  persévérer  dans  cette  voie. 

Avant  de  passer  à  la  quatrième  question  du  programme  , 
quelques  membres  annoncent  que  M.  Bernay  s'étantdéjà  oc- 
cupé de  l'emplacement  à  assigner  à  la  Gergovia  Boiorum, 
pourrait  peut-être  avoir  quelque  chose  à  ajouter  à  ce  qui  a 
été  dit  dans  la  séance  précédente. 

M.  Bernay  répond  qu'il  pourrait  seulement  citer  quelques 
passages  d'un  travail  qu'il  a  autrefois  publié  sur  cette  matière, 
mais  qu'il  n'a  point  en  ce  moment  ce  travail  entre  les  mains; 
que ,  d'ailleurs ,  il  partage  entièrement  l'opinion  de  M.  l'abbé 
Crosnier ,  qui  a  développé  toutes  les  raisons  qui  constatent 
l'établissement  des  Boïens  entre  la  Loire  et  l'Allier. 

On  passe  à  la  question  suivante. 

Pourquoi  la  Gergovia  Boiorum,  Interranum  (Entrains) 
et  la  ville  gallo-romaine  découverte  depuis  peu  dans  les 
forêts  de  St. -Rcvèrien  ne  sont-elles  pas  mentionnées  dans 
l'itinéraire  d'Antonin ,  7ii  dans  la  carte  de  Peutingcr? 

M.  Victor  Petit  répond  que  la  carte  et  l'itinéraire  ne  fai- 
saient mentijon  que  des  lieux  traversés  par  les  voies  qui  ser- 


170      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE 

vaientaux  légions  romaines  et  formant  stations  militaires;  qu'il 
ne  serait  donc  pas  étonnant  que  des  localités,  même  impor- 
tantes, situées  à  quelque  distance  de  ces  grandes  voies,  aient 
été  omises.  Cette  observation  de  M.  Victor  Petit  est  appuyée 
par  une  note  de  M.  Laureau  de  Thory  dont  M.  Devoucoux 
fait  part  à  l'assemblée  : 

«  Quant  au  défaut  de  mention  sur  l'itinéraire  d'Antonin 
v  et  la  carte  de  Peutinger  de  Gergovia  Boiorum ,  de  la  ville 
«  gallo-romaine  de  St.-Révérien  et  dlntaramim  auxquelles 
«  on  peut  ajouter  celle  de  Boxa  mentionnée  au  livre  VII  des 
«  Commentaires  de  César ,  il  me  paraît  tenir  à  ce  que  ces 
«  points  ne  se  trouvaient  pas  situés  sur  les  lignes  principales 
«  de  communication ,  les  seules  dont  les  stations  aient  pu 
«  trouver  place  dans  ces  recueils  géographiques.  Nous  de- 
«  vons  rappeler  au  sujet  $ Intaranum  que  cette  omission  est 
«  réparée  par  le  marbre  géographique  d'Autun  dans  la  des- 
«  cription  de  la  voie  d'Auxerre  à  la  Loire ,  et  que  ce  point 
«  paraît  généralement  reconnu  pour  la  petite  ville  d'En- 
«  trains.   » 

M.  Devoucoux  prend  la  parole  pour  entretenir  le  Congrès 
du  marbre  géographique  dont  M.  Laureau  de  Thory  vient  de 
faire  mention  ,  et  en  même  temps  M.  Crosnier  dépose  sur  le 
bureau  un  calque  de  l'inscription  gravée  sur  ce  marbre  qui  est 
conservé  au  musée  d'Autun. 


AVTESSIODVRO 
VI  SIDVO..    ABMPXX 
AVTESSIODVRO 
II   INTARANVMABMPXX 
AVTESSIODVRO 
SIC 
ODOVNA 
INTARANV 
XX  INTARA 


XVIIIe.    SIÎSSION.  171 

Auxerrc  est  mentionné  jusqu'à  trois  fois  sur  ce  fragment, 
ainsi  qu'Fntrains;  Saulicu  et  Odoirna  y  sont  aussi  indiqués. 

M.  de  Surigny  voudrait  connaître  l'origine  de  cette  in- 
scription géographique  ;  il  s'étonne  qu'elle  ait  été  trouvée  à 
Autun ,  tandis  que  toutes  les  dislances  qu'elle  indique  se 
rapportent  à  Auxcrre. 

M.  Dcvoucoux  répond  que  ce  fragment  a  été  trouvé  dans 
les  fouilles  de  St.-Jean-le-Grand.  C'est  sans  doute,  ajoute- 
t-il,  un  morceau  de  la  grande  inscription  géographique  dont 
parle  l'abbé  Lebœuf,  qui  fut  découverte  à  Autun  au  commen- 
cement du  XVIIIe.  siècle  :  cette  inscription  offrait  un  très- 
grand  nombre  de  noms  des  principaux  lieux  des  Gaules  et  le 
nom  d'une  ville  d'Italie.  Des  cartes  de  l'empire  romain 
étaient  peintes  sur  les  murs  des  écoles  Mœniennes  à  Autun  ; 
il  paraît  probable  que  la  curieuse  pierre  dont  il  s'agit  n'était 
qu'un  fragment  d'une  de  ces  cartes  murales. 

M.  de  Fontenay  partage  le  sentiment  de  M.  Devoucoux. 
M.  Victor  Petit  s'informe  si  cette  inscription  a  été  publiée  ; 
sur  la  réponse  affirmative  de  M.  de  Fontenay ,  il  exprime  le 
désir  de  voir  ce  document  précieux  reproduit  par  le  moulage. 

MM.  Devoucoux  et  de  Fontenay  ,  représentants  de  la  So- 
ciété éduenne ,  s'engagent  à  faire  exécuter  ce  moulage. 

M.  l'abbé  Crosnier  prend  la  parole  ;  il  déclare  que  tout 
en  admettant  les  raisons  qui  ont  été  développées  par  M.  Victor 
Petit  et  qui  se  trouvent  reproduites  dans  la  note  de  M.  Lau- 
reau  de  Thory,  tout  en  reconnaissant  combien  leurs  obser- 
vations sont  justes  ,  il  croit  cependant  qu'on  pourrait  encore 
ajouter  une  cause  d'un  autre  genre.  On  sait  que  les  savants 
ne  sont  pas  d'accord  sur  l'origine  de  l'itinéraire  d'Antonin , 
les  uns  l'attribuent  à  Antonin-le-Pieux ,  les  autres  à  Antonin 
Caracalla,  d'autres  lui  donnent  pour  auteurs  d'autres  empe- 
reurs qui  ont  porté  le  même  nom ,  enfin  le  plus  grand  nombre 
sont  d'avis  que  cet  itinéraire  a  été  rédigé  en  l'an  337  de  l'ère 


172  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

chrétienne.  On  sait  encore  que  la  table  Théodosienne  repro- 
duite sur  la  carte  de  Peutinger  a  été  dressée  au  commen- 
cement du  Ve.  siècle.  Ne  pourrait-on  pas  supposer  que  ces 
localités  auraient  été  détruites  dans  la  guerre  des  Bagaudes  ; 
s'il  en  était  ainsi ,  comme  la  chose  est  possible  ,  il  ne  serait 
pas  étonnant  que  leurs  noms  ne  se  retrouvassent  pas  dans  des 
documents  d'une  époque  postérieure. 

Le  lieu  nommé  Odouna  sur  la  ■pierre  militaire  trouvée  à 
Aulun  ,  était-il  renfermé  dans  les  anciennes  limites  du  Ni- 
vernais ,  ou  faut-il  chercher  ailleurs  son  emplacement  ? 

M.  Devoucoux  demande  la  parole  pour  communiquer  une 
nouvelle  note  de  M.  Laureau  de  Thory ,  ainsi  conçue  :  «  Le 
lieu  nommé  Odouna  sur  le  marbre  d'Autun  est  considéré 
par  les  archéologues  comme  le  village  Ouane  ,  situé  comme 
Entrains  sur  la  voie  d'Auxerre  à  la  Loire.  Ce  lieu  est  dans 
le  diocèse  d'Auxerre  ;  à  la  vérité ,  les  chiffres  indicateurs 
de  la  distance  d'Auxerre  à  Odouna,  qui  lèveraient  toute  in- 
certitude à  ce  sujet,  ne  se  trouvent  point  sur  le  marbre 
<  d'Autun ,  mais  ce  qui  n'est  pas  moins  décisif  est  le  réglé- 
es ment  processionnal  de  saint  Aunaire,  évèque  d'Auxerre, 
fait  aux  environs  de  596,  ainsi  que  celui  de  sainf  Tétrice , 
un  de  ses  successeurs,  fait  en  691,  qui  tous  deux  mention- 
nent ce  village  parmi  les  paroisses  du  diocèse  d'Auxerre 
sous  le  nom  iïOdonœ  viens.  » 
M.  Crosnier  fait  remarquer  qu'Odouna  était  en  effet  dans 
le  Nivernais ,  quoique  du  diocèse  dMuxerre,  car  le  Nivernais 
avait  été  augmenté  en  1199  par  l'adjonction  du  Donziais  dont 
faisait  partie  St. -Sauveur  en  Puysaie  et  Ouenne. 

M.  Quantin  appuie  cette  observation  et  la  développe. 
M.    le   président,   résumant  la   discussion,    dit   que  M. 
Quantin  a  parfaitement  démontré  qu'Oduna  était  autrefois 
renfermé  dans  les  limites  du  Nivernais,  quoique  dépendant 
d'Auxerre  pour  le  spirituel. 


XVIIIe.   SESSION.  173 

M.  Dcvoucoux  demande  à  ajouter  quelques  mots  sur  la 
question  des  Boïens.  Il  déclare  qu'il  se  range  complètement 
de  l'avis  de  M.  Crosnicr  ;  il  regarde  comme  lui  la  contrée 
située  entre  la  Loire  et  l'Allier,  comme  la  partie  du  pays 
éduen  concédée  aux  Boïens;  c'est  aussi,  dit-il,  l'opinion  de 
M.  Laureau  de  Thory ,  que  je  regarde  comme  d'un  grand 
poids  pour  éclaircir  la  question.  «  L'emplacement  de  l'an- 
«  cienne  ville  de  Gergovia  Boiorum  ,  dit  M.  Laureau  de 
«  Thory ,  me  semble  ne  pouvoir  être  étudiée  avec  chance  de 
«  succès  que  par  la  réunion  des  archéologues  du  Nivernais 
«  et  de  la  partie  limitrophe  du  Bourbonnais.    » 

M.  Dcvoucoux  ajoute  à  l'appui  de  l'attachement  des  Boïens 
pour  le  paganisme,  comme  l'a  fait  observer  M.  Crosnier, 
qu'on  doit  se  rappeler  le  soulèvement  religieux  suscité  dans 
le  pays  éduen  par  un  certain  Mariais  qui  se  disait  Dieu. 
Tacite ,  qui  rapporte  ce  fait ,  dit  que  les  révoltés  étaient  des 
Boïens,  e  plèbe  Boionim;  qu'il  ne  serait  pas  éloigné  de  croire 
cependant  qu'il  y  avait  aussi  des  Boïens  répandus  sur  d'autres 
parties  du  sol  éduen. 

M.  Baudoin ,  d'Àvallon ,  est  prié  d'entretenir  le  Congrès 
des  découvertes  faites  dans  la  foret  de  St.-Révérien ,  où 
quelques  antiquaires  ont  pensé  que  pouvait  être  la  Gergovia 
Boiorum.  M.  Baudoin  répond  que  les  premières  fouilles  ont 
déjà  offert  des  découvertes  fort  intéressantes;  que  dans  les 
accidents  de  terrain  qu'il  a  observés  avec  soin ,  il  a  cru  re- 
marquer des  murailles  flanquées  de  tours.  Le  plan  de  ces 
ruines  que  31.  l'abbé  Crosnier  a  déposé  sur  le  bureau,  prouve 
que  cet  établissement  était  considérable;  il  aurait  eu  en  lon- 
gueur ,  d'après  M.  Boniard ,  1100  mètres  et  de  250  à  300  de 
largeur  en  moyenne.  A  un  kilomètre  au  nord-ouest,  un  autre 
établissement  occupant  la  surface  de  huit  hectares  a  laissé  son 
tracé  par  ses  ruines  au  milieu  de  terres  labourables.  Une  voie 
romaine  allant  d'Autun  à  Entrains  traverse  ces  ruines. 


174  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE   FRANCE, 

M.  Baudoin  ne  croit  pas  que  l'étude  de  cette  ville  gallo- 
romaine  ait  été  suffisante  pour  qu'on  puisse  se  prononcer  sur 
son  importance. 

M.  Gallois  ne  pense  pas  que  St.-Révérien  ait  été  une 
cité  gallo-romaine  ;  il  croit  plutôt  qu'en  ce  lieu  s'élevait  une 
villa  comme  celles  que  l'on  découvre  dans  d'autres  parties  du 
Nivernais  :  cette  opinion  n'est  point  admise  par  les  personnes 
qui  ont  visité  ces  ruines  ;  les  nombreuses  fondations  qu'on 
y  découvre  ne  permettent  pas  de  n'y  voir  qu'une  simple 
villa. 

Comment  expliquer  les  médailles  grecques  trouvées  à 
Entrains  et  aux  environs  au  milieu  des  médailles  romaines 
et  gallo-romaines ,  ainsi  que  les  divinités  orientales  qu'on 
y  rencontre  ? 

M.  l'abbé  Crosnier  dépose  sur  le  bureau  un  assez  grand 
nombre  d'empreintes  en  plâtre  qu'il  a  relevées  lui-même 
dans  le  cabinet  d'antiquités  formé  par  M.  Regnault,  à  Entrains; 
on  y  reconnaît  entr' autres,  les  empreintes  des  monnaies  de 
Syracuse,  deThèbes ,  d'Athènes,  un  Ptolémée  d'Egypte,  un 
Lysimaque  successeur  d'Alexandre  ,  un  sicle  d'argent  des 
Hébreux ,  etc. ,  une  statuette  égyptienne  trouvée  dans  un 
tombeau,  parfaitement  semblable  à  celle  qui  a  été  trouvée  à 
Lormes ,  un  cachet  inédit  d'un  oculiste  romain ,  le  quarante- 
troisième  connu.  Ce  cachet  présente  la  forme  d'une  tesserre 
et  avait  été  jusqu'à  présent  considéré  comme  tel  par  les 
antiquaires;  il  porte  sur  les  quatre  côtés  des  inscriptions  : 

1  lterentpaterni 
diatesser'm 

2  lterentpaerni 

MELINVM 

3  LTERENPATEKM 

DIAILIPIIDVM 

Il    LTERENPATERM! 

DIASHVRNEN 


XVIII*.    SESSION.  175 

Lucii  tcrcntii  paterhi  diatcsserius 

Collyre  diatessaron  de  Lucius   tcrcntius  paternus 

Collyre  melinum  de  Lucius  tcrcntius  paternus 

Collyre  Dialcpidum  de  Lucius  tcrcntius  paternus 

Collyre  diasmyrnen  de  Lucius  terentius  paternus 

Ce  cachet  a  été  expliqué  en  1845  par  le  docteur  Sichel, 
après  avoir  été  relevé  par  M.  Adrien  de  Longpérier  qui  vou- 
lait en  faire  l'acquisition  pour  le  cabinet  du  roi.  Un  grand 
nombre  d'objets  curieux  se  rencontrent  encore  dans  le  ca- 
binet de  M.  Regnault ,  entr'autres  des  statuettes  de  divinités 
orientales  dont  les  dessins  ont  été  reproduits  dans  Y  Album  du 
Nivernais. 

M.  Gallois  conteste  l'authenticité  des  découvertes  faites  à 
Entrains,  il  pense  que  la  plupart  des  médailles  et  des  sta- 
tuettes orientales  trouvées  dans  cette  localité  sont  fausses, 
ou  du  moins  ont  été  apportées  depuis  peu  par  des  mar- 
chands pour  être  vendues  aux  antiquaires  de  l'endroit  ;  il 
assure  qu'il  a  été  lui-même  la  dupe  d'un  de  ces  faussaires 
numismates  et  qu'il  sait  que  le  même  individu  a  parcouru  le 
déparlement  faisant  un  grand  nombre  de  dupes. 

M.  Robineau-Desvoidis  partage  l'avis  de  M.  Gallois,  et 
certifie  qu'à  St.-Sauveur,  localité  peu  éloignée  d'Entrains, 
l'individu  dont  parle  M.  Gallois  a  exercé  le  même  com- 
merce. M.  Victor  Petit  fait  remarquer  qu'il  faut  toujours 
beaucoup  se  défier  des  objets  prétendus  antiques  qu'on  pré- 
sente ,  qu'il  est  des  gens  qui  ont  le  talent  de  les  mouler 
parfaitement  et  qui  les  vendent  ensuite  comme  originaux. 

M.  l'abbé  Véé,  curé  d'Entrains,  interrogé  par  M.  le  pré- 
sident ,  répond  qu'il  est  à  sa  connaissance  qu'on  a  souvent 
découvert  à  Entrains  des  statuettes  en  bronze  et  en  cuivre 
de  l'époque  gallo-romaine,  ainsi  que  des  médailles  de  la  même 
époque ,  qu'on  lui  a  souvent  présenté  de  ces  médailles  ,  mais 


176  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

que  jamais  on  n'est  venu  lui  offrir  d'objets  grecs  ou  orien- 
taux. 

Monseigneur  demande  à  M.  Crosnier  comment  on  pour- 
rait expliquer  que  M.  Regnault  ait  pu  réunir  tous  ces  objets 
orientaux ,  tandis  que  M.  le  curé  d'Entrains  déclare  qu'on  ne 
lui  a  jamais  offert  que  des  objets  gallo-romains. 

M.  Crosnier  répond  qu'il  n'en  est  pas  étonné  :  on  savait 
dans  le  pays  que  M.  Regnault  faisait  une  collection ,  on  s'a- 
dressait donc  d'abord  a  lui  quand  on  faisait  cpielque  décou- 
verte, il  retenait  les  objets  qui  lui  paraissaient  dignes  de 
figurer  dans  son  musée ,  et  le  plus  souvent  il  refusait  les  mé- 
dailles romaines ,  soit  parce  qu'il  en  avait  déjà  de  semblables 
dans  son  médailler,  soit  parce  qu'elles  étaient  par  trop  frustes. 
On  ne  présentait  ces  objets  à  M.  le  curé  d'Entrains,  qui  ne 
faisait  point  de  collection ,  qu'après  le  refus  formel  de  M. 
Regnault  d'en  faire  l'acquisition. 

M.  l'abbé  Clément,  curé  de  St.-Amand,  soutient  l'authen- 
ticité des  divers  objets  antiques  trouvés  à  Entrains  ;  ce  lieu , 
dit-il ,  était  important  à  l'époque  gallo-romaine  ;  dans  les  lé- 
gions se  trouvaient  des  soldats  de  Marseille,  colonie  grecque 
qui  aurait  fort  bien  pu  conserver  et  qui  devait  conserver  des 
relations  avec  la  mère-patrie  et  porter  avec  eux  des  médailles 
et  des  monnaies  de  leur  pays  primitif. 

Quant  aux  divinités  orientales,  il  serait  tenté  de  croire 
que  leur  origine  dans  ce  pays  se  rattache  aux  dernières  in- 
vasions des  Kimris,  peuples  indiens  qui  refoulèrent  les  Gaulois 
dans  le  midi  de  la  Gaule. 

M.  Crosnier  demande  la  parole  ;  il  déclare  que  sans  vouloir 
se  prononcer  sur  les  raisons  alléguées  par  M.  le  Curé  de  St.- 
Amand ,  et  sur  l'authenticité  de  tous  les  objets  déposés  à 
Entrains ,  dans  le  cabinet  de  M.  Regnault  ;  il  croit  cependant 
qu'il  ne  faut  pas  établir  en  principe  général  comme  ont  semblé 
le  faire  MM.  Gallois  et  Robineau-Desvoidis ,  que  ce  cabinet 


XVII r.    SESSION.  177 

ait  été  composé  d'objets  de  contre-façon;  il  est  certain  qu'En- 
trains était  une  localité  importante,  trois  fois  il  en  est  fait  men- 
tion sur  le  marbre  trouvé  à  Autun,  le  grand  nombre  de  voies 
romaines  qui  rayonnaient  autour  suffiraient  pour  constater 
son  importance ,  si  on  ne  découvrait  encore  à  chaque  instant 
soit  dans  son  enceinte  actuelle,  soit  dans  les  terrains  voisins 
de  la  ville ,  les  fondations  des  anciennes  habitations  gallo- 
romaines  :  j'ai  pu,  ajoute-t-il ,  plusieurs  fois  le  vérifier  par 
moi-même. 

Je  ne  veux  pas  examiner  si  les  objets  qu'à  recueillis  M. 
Rcgnault  ont  tous  le  degré  d'authenticité  qu'on  pourrait  dé- 
sirer ,  mais  je  dis  que  par  cela  môme  qu'on  ne  peut  pas  se 
rendre  compte  d'un  fait,  on  n'est  pas  autorisé  à  le  nier  ,  on 
peut  suspendre  son  jugement  à  l'égard  de  certains  objets , 
mais  voilà  tout.  Au  reste ,  plusieurs  antiquaires  instruits  et 
consciencieux  ont  visité  la  curieuse  collection  de  M.  Regnault  ; 
ils  se  sont  bien  gardé  de  considérer  les  objets  qui  font  le  sujet 
de  cette  discussion  comme  contre-façon.  En  18/45,  M.  Adrien 
de  Longpérier  ,  de  la  bibliothèque  royale ,  a  fait  le  voyage  du 
Nivernais  pour  étudier,  dit-il,  la  station  romaine  d'Entrains, 
et  il  exprime  au  docteur  Siebel  la  satisfaction  qu'il  a  éprouvée 
en  visitant  le  cabinet  de  M.  Regnault.  Sa  lettre  est  en  entier 
dans  le  mémoire  que  fit  imprimer  le  docteur  Sichel  sur  le 
cachet  d'oculiste  dont  j'ai  déjà  parlé. 

Je  crois  donc,  sans  avoir  la  prétention  de  décider  la  ques- 
tion et  en  supposant  certaines  les  médailles  et  autres  objets 
grecs  et  égyptiens  trouvés  à  Entrains,  qu'il  est  possible  d'ex- 
pliquer leur  présence  dans  cette  localité. 

Si  nous  parcourons  l'histoire  pour  savoir  ce  qu'ont  fait 
ces  vieux  Gaulois,  dont  nous  sommes  les  arrières-descendants, 
nous  sommes  forcés  de  reconnaître  en  eux  un  besoin  pres- 
sant d'agir;  ce  sont  des  migrations  continuelles  et  des  combats 
sans  fin  ,  soit  pour  fonder  des  colonies,  soit  pour  augmenter 


178      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

leur  bien-être.  Nous  avons  déjà  parlé  des  différentes  migra- 
tions des  Boïens.  Tite-Live ,  Justin  et  d'autres  auteurs  nous 
font  l'éloge  de  leur  bravoure.  Us  sortent  de  la  Gaule  comme  un 
torrent  qui  inonde  l'Europe  et  l'Asie;  nous  pouvons  les  suivre  en 
Italie  et  en  Grèce,  en  Egypte  eldansl'Asie-Mineure,  en  Bithinie, 
en  Tbrace  ,  en  Ulyrie  ,  en  Phrygie  ,  en  Sicile  et  à  Garthage  , 
sur  les  bords  du  Danube  et  sur  ceux  du  fleuve  Halys  ;  nous 
les  voyons  parcourir  en  vainqueurs  la  Macédoine,  le  Bospbore 
et  les  côtes  de  l'Hellespont  ;  ici ,  ils  prêtent  le  secours  de  leurs 
armes  à  Eumène,  roi  de  Pergame,  et  à  Antigone  ,  roi  de 
Macédoine;  là ,  à  Anthiocus  le  grand,  roi  de  Syrie;  à  Pyrrhus, 
roi  d'Epire ,  à  Persée  ,  dernier  roi  des  Macédoniens  ;  à  Mi- 
thridate,  roi  du  Pont  ;  partout  ce  sont  principalement  les  Geltes 
qui  paraissent  en  première  ligne  et  surtout  ces  fiers  Boïens 
dont  le  nom  a  rempli  l'univers.  Justin  dit  formellement  qu'ils 
étaient  répandus  dans  toute  l'Asie ,  et  que  les  rois  leur 
payaient  tribut.  Aucun  ,  ajoute-t-il ,  ne  se  croyait  capable 
d'entreprendre  une  guerre,  s'il  n'avait  dans  son  armée  des 
Gaulois  pour  la  soutenir  ;  si  leur  couronne  était  chancelante, 
c'était  aux  Gaulois  à  la  raffermir;  s'ils  l'avaient  perdue,  ils  ne 
pouvaient  la  reconquérir  que  par  leur  secours.  (  Lib.  25 , 
cap.  2.) 

Quand  ils  étaient  las  des  combats  ,  ils  rentraient  dans  leur 
mère-patrie  et  étaient  remplacés  par  de  nouvelles  recrues. 
Ils  rapportaient  avec  eux  le  prix  de  leur  valeur  et  quelques 
objets  que  le  sort  des  armes  avait  fait  tomber  entre  leurs 
mains.  Quand  ces  princes,  qu'ils  regardaient  comme  leurs 
tributaires ,  ne  les  payaient  pas  assez  largement ,  ils  se  dé- 
dommageaient par  le  pillage. 

Il  me  semble  que  ce  simple  coup-d'œil  sur  les  mœurs 
belliqueuses  de  nos  ayeux  peut  nous  faire  comprendre  com- 
ment nous  retrouvons  maintenant  dans  certaines  localités, 
et  principalement  à  Entrains  ,  des  objets  d'origine  orientale. 


XVIII8.    SESSION.  179 

J'ai  trouvé  celte  pensée ,  que  j'avais  conçue  depuis  long- 
temps ,  confirmée  par  les  savants  auteurs  des  Annales  de 
philosophie.  On  lit  dans  le  numéro  du  3  mars  I8/4O  :  «  Les 
«  Eduens,  comme  la  plupart  des  peuplades  Galliques,  se 
«  servaient  sans  doute  avant  l'arrivée  des  Romains  de  l'ai— 
«  phabetgrec;  ils  avaient  pu  l'apporter  de  l'Orient  ou  des 
«  colonies  phéniciennes  qui  fondèrent  à  quelques  lieues  de 
«  Bibracte  Alesia,  surnommée  l'Athènes  des  Gaules.  Peut- 
«  être  dans  les  fréquentes  excursions  qui  conduisaient  les 
«  Gaulois  jusque  dans  la  Grèce ,  l'avaient-ils  recueilli  avec 
«  ces  milliers  de  médailles  au  type  grec  qui  attestent  leur 
a  brigandage.   » 

M.  l'abbé  Clément,  curé-doyen  de  St.-Amand-en-Puysaie, 
dépose  sur  le  bureau  un  large  bracelet  en  bronze ,  orné  de 
dessins  géométriques  d'un  assez  bon  goût.  Ce  bracelet ,  trouvé 
dans  un  tumulus  auprès  d'Alligny-sous-Cosne ,  est  offert  par 
M.  Armand-Frossard  au  musée  archéologique  de  Nevcrs.  M. 
l'abbé  Clément  demande  ensuite  la  parole  pour  entretenir 
l'assemblée  de  fouilles  faites  a  St.-Amand. 

COMMUNICATION    DE  M.  L'ABBÉ  CLÉMENT. 

La  Puysaie,  déjà  explorée  par  de  savants  observateurs  ,  ne 
leur  a  pas  révélé  tout  ce  qu'elle  renferme  d'objets  dignes 
d'être  mentionnés  dans  les  Annales  de  la  science  archélogique. 
Ainsi ,  St.  -Amand ,  qui  semble  n'avoir  attiré  l'attention  sé- 
rieuse d'aucun  d'eux ,  ou  dont  ils  n'ont  parlé  que  comme 
d'une  station  propre  à  figurer  dans  l'itinéraire  d'un  touriste  , 
St.-Amand  possédait  naguère  un  temple  payen ,  un  amphi- 
théâtre et  de  plus  un  dolmen.  De  tout  cela  il  n'existe  plus 
aujourd'hui  sans  doute  de  vestiges  reconnaissables ,  mais  il 
n'y  a  que  très-peu  de  temps  qu'ils  ont  disparu. 

L'existence  du  temple  et  du  cirque  est  certaine.  Le  temple 


180      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

était  situé  à  l'extrémité  sud  de  la  ville ,  à  gauche  de  la  route 
de  St.-Amand  à  Entrains. 

M.  Delafont,  propriétaire  actuel  de  l'emplacement  où  se 
trouvait  ce  monument,  en  découvrit  la  naissance  des  murs 
il  n'y  a  que  quelques  années.  Il  est  regrettable  que  la  néces- 
sité l'ait  forcé  de  les  détruire  complètement. 

Cette  construction ,  de  forme  circulaire ,  était  à  double  en- 
ceinte ,  et  pouvait  avoir  dans  œuvre  8m.  de  diamètre.  La 
deuxième  enceinte  n'était  éloignée  de  la  première  que  de  50 
à  60e. ,  ce  qui  donnait  l'espace  nécessaire  pour  le  passage 
d'un  homme. 

C'est  en  observant  cette  disposition  des  murs  que  j'ai  cru 
devoir  assigner  à  ce  monument  la  destination  désignée  plus 
haut.  On  sait  que  les  temples  payens  affectaient ,  dans  nos 
contrées  comme  en  Italie  ,  des  formes  très-variées ,  et  si 
l'édifice  dont  je  donne  la  description  eût  été  simplement  cir- 
culaire et  à  une  seule  enceinte  ,  il  ne  m'eût  pas  été  possible 
d'en  conclure  qu'il  était  consacré  à  l'usage  dont  j'ai  parlé  ; 
mais  la  double  enceinte  me  semble  devoir  lever  tout  doute  à 
cet  égard.  A  part  le  plan  circulaire,  cet  édifice  avait  été 
élevé  dans  les  mêmes  conditions  que  le  temple  découvert  dans 
la  ville  gallo-romaine  de  St.-Révérien,  temple  dont  j'ai  vu 
les  ruines  nouvellement  mises  à  nu ,  il  y  a  six  ans. 

La  pierre  employée  pour  les  murs  était  la  pierre  ferrugi- 
neuse du  pays  à  laquelle  on  avait  donné ,  autant  que  possible , 
la  grandeur  et  la  forme  du  petit  appareil  tel  que  j'ai  pu  en- 
core l'observer  à  St.  -Révérien. 

Une  autre  découverte  vient  confirmer  le  sentiment  émis 
au  sujet  de  l'origine  et  de  la  destination  de  cet  édifice  :  ce 
sont  deux  fragments  de  cratère ,  en  pierre  calcaire ,  tirés  du 
milieu  même  des  décombres ,  et  qui  sont  en  ma  possession. 
On  peut ,  au  moyen  de  ces  débris ,  reconstituer  le  vase  en- 
tier ,  et  l'on  voit  qu'il  a  les  proportions  et  la  forme  des  autres 


XVIIIe.    SESSION.  181 

vases  de  ce  genre  trouvés  dans  plusieurs  localités  du  dépar- 
tement très-certainement  habitées  par  les  Romains. 

L'amphithéâtre ,  ou  ce  que  je  crois  devoir  appeler  de  ce 
nom,  était  également  circulaire  et  pouvait  avoir  16'".  de  dia- 
mètre ou  A  .S1",  de  circuit  à  l'intérieur.  Un  cirque  de  cette 
étendue  pourra  peut-être  paraître  trop  exigu,  mais  je  prie 
de  remarquer  que  l'on  voulait  alors  imiter  au  moins  en  petit 
ce  qui  se  faisait  ailleurs  en  grand.  Je  fais  observer  en 
deuxième  lieu,  que  St.-Amand  n'était  éloigné  d'Entrains  que 
d'un  myriamètre  et  demi  et  placé  sur  la  grande  voie  de  cette 
dernière  ville  à  Genabum  ou  Orléans ,  voie  dont  les  traces 
sont  encore  très- visibles  sur  la  pente  de  la  colline  où  St.- 
Amand  est  situé ,  et  enfin  que  les  environs  offrent  partout 
des  restes  reconnaissables  pour  avoir  appartenu  à  des  villas 
romaines. 

Tel  que  je  le  décris ,  l'amphithéâtre  avait  une  étendue 
proportionnée  au  nombre  des  habitants  que  possédait  alors 
St.-Amand.  Il  a  été  observé  au  bas  de  la  ville,  dans  les  jar- 
dins qui  bordent  la  prairie;  son  enceinte  n'était  indiquée  que 
par  trois  ou  quatre  assises  de  pierres  de  forme  irrégulière, 
qu'on  m'a  dit  être  plus  grosses  que  celles  employées  dans  les 
constructions  établies  au-dessus  du  sol. 

Je  ne  sais  si  à  l'époque  à  laquelle  remontent  ces  deux 
monuments  il  existait  un  système  arrêté  pour  la  position  to- 
pographique qu'ils  devaient  occuper,  mais  j'ai  observé  qu'à 
St.-Révérien,  comme  à  St.-Amand,  le  temple  s'élevait  sur  un 
monticule  ,  et  que  l'amphithéâtre ,  dont  les  débris  jonchent 
encore  le  sol ,  était  situé  au  pied  de  la  colline  sur  laquelle  la 
villa  était  assise.  Il  en  était  de  même  à  Autun  et  à  Nîmes 
comme  il  est  facile  de  le  constater. 

Cette  analogie  m'a  frappé. 

Quant  à  l'autel  druidique  ou  dolmen  dont  j'ai  parlé ,  il 
devait  être  dans  l'emplacement  où  l'on  voit  aujourd'hui  le 

12 


1S2      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

village  des  Thas.  J'ai  été  conduit  à  en  supposer  l'existence 
dans  cet  endroit  par  le  nom  même  du  village ,  par  la  confi- 
guration de  l'éminence  où  il  est  situé  et  par  la  découverte 
d'une  hache  celtique  en  silex  très-bien  conservée  ,  trouvée 
dans  la  plaine  qui  s'étend  au-dessous  du  village. 

La  dénomination  de  Tkus ,  donnée  à  ce  village ,  est  évi- 
demment d'origine  celtique.  Elle  reproduit  presqu'inlégra- 
lement  le  mot  Theut ,  nom  d'une  des  divinités  adorées  chez 
les  Gaulois ,  et  auxquelles  un  usage  cruel  faisait  immoler  des 
victimes  humaines  (c'est  le  même  que  ïeutatès).  Ue  Theut 
on  aura  fait  Thus ,  ou  plutôt  il  faut  dire  que  ces  deux  appella- 
tions sont  identiques  et  se  confondent  très-probablement  dans 
la  langue  parlée  de  nos  pères. 

St.-Amand  devait  être  alors,  selon  toute  probabilité  ,  un 
établissement  romain  pour  l'exploitation  des  mines  de  fer 
dont  le  sol  de  la  Fuysaie  était  si  riche  à  cette  époque.  Cette 
conjecture  est  d'autant  plus  rationnelle  qu'il  existe  dans  tous 
les  environs  de  nombreux  et  énormes  amas  de  scorie ,  pro- 
venant de  la  fonte  du  minerai  de  ce  métal.  Des  médailles 
romaines  se  rencontrent  à  chaque  pas. 

Je  dois  citer  encore  comme  se  rapportant  à  l'ère  gallo- 
romaine  ,  les  ruines  des  Pasquiers ,  entre  St.  -Amand  et  Dam- 
pierre.  Des  fouilles  ayant  été  faites  dernièrement  dans  ce 
lieu  par  le  propriétaire  pour  en  extraire  les  pierres ,  afin  de 
les  faire  servir  à  des  constructions  nouvelles,  elles  ont  amené 
la  découverte  d'une  très-grande  quantité  de  médailles  frappées 
à  l'effigie  des  empereurs  romains,  de  nombreux  fragments 
de  briques  à  rebords,  de  vases  antiques,  de  morceaux  de 
marbre  de  différentes  couleurs ,  très-polis ,  et  de  diverses 
formes ,  qui  ont  dû  servir  à  composer  des  mosaïques ,  des 
tronçons  de  colonnes,  des  chapiteaux,  plusieurs  styles,  dont 
l'un  très-bien  conservé  est  entre  les  mains  de  31.  Delafont , 
et  l'autre  appartient  à  M.  Gillois  ,  conseiller  général  du  dé- 


XVIIF.    SESSION.  183 

parlement.  J'ai  su  de  ce  dernier ,  à  mon  départ  pour  le  Con- 
grès ,  qu'il  a  observé  sur  place  une  baignoire  ayant  la  forme 
d'une  conque  ;  cette  baignoire  qui  était  solidement  établie 
dans  un  massif  de  maçonnerie  avait  les  parois  composées  de 
plaques  de  marbre  engagées  dans  la  maçonnerie  même. 

Enfui  on  trouve  aux  Pasquiers  beaucoup  d'autres  objets 
dont  la  figure  ou  la  destination  connue  ne  laissent  aucun 
doute  sur  l'origine  de  ces  débris. 

Il  y  avait  là  une  villa  construite  avec  un  grand  luxe. 

Je  dois  ajouter  que  dans  une  des  pièces  du  principal  corps- 
de-logis  ,  et  qui  m'a  semblé  même  être  celle  du  milieu ,  des 
ossements  humains  étaient  entassés  en  désordre ,  mais  de 
manière  cependant  à  laisser  facilement  reconnaître  tous  ceux 
de  ces  ossements  qui  appartenaient  à  la  même  charpente. 

La  séance  est  levée  ail  heures.  M.  de  Caumont  prévient 
l'assemblée  qu'on  se  réunira  à  midi  et  1/2  à  la  cathédrale 
pour  visiter  en  détail  le  monument. 

Le  Secrétaire-adjoint , 

G.    DE   SOULTRAIT. 


Deuxième  Séance  du  mercredi  11  juin. 

Présidence  de  M.  Petit  de  La  Fosse,  préfet  de  la  Nièvre. 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures.  Siégeaient  au  bureau 
MM.  de  Caumont,  de  Fontenay  ,  d'Autun,  le  général  Petiet, 
Chailloux  des  Barres,  Devoucoux  ,  Crosnier  ,  Gaugain  et 
Quantin ,  secrétaire-adjoint. 

M.  de  Fontenay,  d'Autun,  fait  hommage  au  Congrès  d'un  ou- 
vrage ayant  pour  titre  :  Des  libertés  de  la  Bourgogne  d'après 
les  jetons  de  ses  Etats,  publication  de  la  Société  éduenne. 

M.  Bulliot  est  invité  à  donner  lecture  du  mémoire  qu'il 


484  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

a  préparé  sur  le  mont  Beuvray.  Il  présente  l'histoire  détaillée 
de  cette  montagne  renommée  dans  nos  pays  et  dont  l'étude 
avait  été  jusqu'à  présent  si  incomplète.   L'époque  celtique , 
les  temps  romains  et  les  vestiges  du  moyen  âge  y  sont  des- 
sinés avec  vérité  et  poésie  ;  on  reconnaît  toutes  les  phases 
successives  par  lesquelles  le  mont  Beuvray  a  passé.  Ce  mémoire 
que  l'auteur  fatigué  n'a  pu  lire  lui-même,  a  été  commu- 
niqué à  l'assemblée  par  l'entremise  de  M.  l'abbé  Devoucoux , 
qui  suspendait  de  temps  à  autre  cette  lecture  déjà  si  intéres- 
sante par  elle-même  pour  y  ajouter  de  judicieuses  observations. 
Des  applaudissements  unanimes  ont  prouvé  à  l'auteur  et  au 
lecteur  le  plaisir  indicible  qu'ils  avaient  fait  naître.  Il  serait 
impossible  de  faire  l'analyse  de  ce  travail  vraiment  remar- 
quable sous  tous  les  rapports  ;  on  nous  saura  gré  de  le  re- 
produire ici  en  entier. 

MÉMOIRE  DE  M.  BUEEIOT  SUR  EE  MONT  BEUVRAY. 

De  tous  les  points  du  sol  éduen  où  les  souvenirs  celtiques 
et  romains  ont  laissé  une  empreinte  ,  nul  peut-être  n'a  plus 
généralement  fixé  l'attention  que  le  mont  Beuvray.  Situé  aux 
confins  du  Nivernais  et  de  la  Bourgogne ,  comme  une  limite 
de  séparation  ou  plutôt  comme  un  terrain  neutre  où  ces  deux 
provinces  se  tendent  la  main  ,  il  a  ,  des  deux  côtés  de  son 
horizon  ,  fait  souvent  lever  la  tête  aux  antiquaires  et  aux 
érudits.  L'histoire,  l'archéologie,  la  linguistique  ,  lui  ont 
consacré  leurs  loisirs  et  leurs  éludes;  elles  ont  interrogé  ses 
terrassements  gigantesques,  ses  substructions  romaines,  ses 
voies  brisées ,  ses  étymologies  inconnues ,  et  rien  n'a  pu  faire 
sortir  de  la  conjecture.  Depuis  la  renaissance  des  recherches 
scientifiques ,  on  s'est  attaché  à  ce  monument  mystérieux  en 
raison  même  des  ombres  qui  l'enveloppent.  Diodore  de  Sicile 
et  Strabon  ,  mis  à  la  torture ,  sont  restés  muets  ;  les  opinions 


xvnr.  SESSION.  185 

les  plus  hasardées  ont  été  soutenues  ;  on  est  allé  jusqu'à  trans- 
planter la  Bibracie  de  César,  Y  Augustodwium  d'Auguste, 
de  Constantin ,  de  Julien  ,  sur  ce  sommet  désert.  Après  les 
travaux  du  XVI'.  et  du  XVIIe.  siècle,  la  question  est  à  peu 
près  aussi  avancée  qu'au  jour  où  elle  fut  posée. 

Ce  résultat  était  inévitable.  On  n'a  pas  assez  étudié  les 
antiquités  du  mont  Beuvray  avec  le  fil  de  l'histoire  locale , 
et  trop  avec  des  systèmes.  Toutes  les  époques  ont  planté  sur 
son  sommet  un  jalon  ,  rasé  au  niveau  du  sol,  dépourvu  de 
signe  caractéristique.  Pour  fixer  aujourd'hui  la  date  de  ses 
constructions  du  moyen  âge,  entées  sur  des  débris  romains 
reposant  eux-mêmes  sur  une  fondation  gauloise  ,  il  faudrait 
des  travaux  de  déblai  qui  effraient ,  un  système  de  fouilles 
qu'on  ne  peut  espérer  réaliser  de  si  tôt.  Ce  lieu  n'a  pas 
toujours  été  aussi  dépeuplé  qu'aujourd'hui;  il  a  été  habité 
jusqu'au  XVIIe.  siècle,  et  les  substructions  parsemées  à 
son  sommet  et  sur  ses  flancs  réclament  la  défiance  de 
l'archéologue. 

L'investigation  de  l'ère  celtique  et  romaine  de  ce  mont 
sacré  des  Eduens  semble  donc  ne  devoir  acquérir  de  certi- 
tude que  dans  des  limites  bornées.  Les  textes  sont  nuls  ;  les 
documents  tirés  du  sol  rares  et  incertains.  Le  moyen  âge 
seul  pourra  quelque  jour  être  mis  en  lumière  ,  lorsqu'un 
assez  grand  nombre  de  matériaux  auront  été  recueillis  dans 
les  chartriers.  C'est  la  rencontre  de  quelques-uns  de  ces 
documents  épars  ,  de  quelques  dates  échappées  à  l'oubli , 
qui  nous  fourniront  le  fonds  principal  des  notes  incomplètes 
réunies  dans  ce  faible  travail. 

En  examinant  attentivement  le  mont  Beuvray ,  en  inter- 
rogeant ses  traditions,  les  usages  dont  la  pratique  a  persisté 
depuis  des  époques  reculées  et  inconnues,  on  arrivera  facile- 
ment à  cette  conclusion,  la  seule  certaine,  que  trois  époques,, 
correspondant  aux  trois  grandes  phases  de  notre  histoire ,  et 


186      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

ayant  conservé  leur  caractère  distinctif,  se  sont  successive- 
ment arraché  le  privilège  de  marquer  leur  passage  sur  ce 
plateau  célèbre.  En  suivant  les  longues  lignes  du  double  ter- 
rassement connu  dans  les  titres  du  XVe.  siècle ,  comme  au- 
jourd'hui ,  sous  le  nom  de  Fossés  du  Beuvraij,  il  n'est  guère 
possible  de  mettre  en  doute  l'existence  d'un  de  ces  retran- 
chements formidables ,  mais  grossiers ,  dont  nos  ancêtres 
couronnaient  les  cimes  les  plus  élevées  et  les  plus  abruptes, 
pour  s'y  retraire  au  premier  danger.  Ces  énormes  mouve- 
ments de  terrain,  soutenus  seulement  à  la  base  par  une  faible 
muraille ,  indiquent  suffisamment  l'énergie  d'une  race  neuve, 
mais  non  l'intelligence  d'un  peuple  civilisé.  Il  n'entre  dans 
leur  composition  que  deux  éléments  :  la  matière  et  la  force , 
et  cette  simplicité  les  a  rendus  éternels. 

Le  mont  Beuvray ,  à  cette  époque ,  était  véritablement  la 
clef  de  la  cité  d'Autun.  Il  commandait  les  voies  dirigées  sur 
la  Loire ,  et  dominait ,  de  ce  côté ,  les  issues  du  bassin  de 
l'Arroux.  Devenu  ainsi  l'avant-poste  de  Bibracte,  on  s'explique 
jusqu'à  un  certain  point,  l'erreur  qui  l'a  fait  quelquefois  iden- 
tifier avec  cette  dernière ,  et  lui  a  attribué  la  qualification  de 
place-forte ,  Qpovoiov ,  dont  Strabon  se  sert  en  son  IVe.  livre 
pour  désigner  Bibracte. 

Derrière  ce  rempart  national,  ce  camp  des  tribus  de  la 
vallée ,  s'abrite  un  culte  en  harmonie  avec  l'esprit  de  ces 
peuples-enfants.  Ce  qui  les  frappe,  c'est  toujours  la  force, 
dans  la  nature  comme  dans  les  hommes.  Les  hauts  lieux,  les 
arbres ,  les  rochers,  les  fontaines,  tous  les  éléments  apparents 
du  monde,  tout  ce  qui  étonne  l'ignorance,  tels  sont  les  dieux 
qui  prennent  vie  dans  leur  imagination. 

Si  le  druidisme  cachait  sous  ces  symboles  une  philosophie 
de  la  nature,  il  avait  frappé  juste  dans  le  choix  de  ses  images. 
Le  sommet  du  mont  Beuvray  était  marqué  d'avance  pour  un 
pareil  culte.   Tantôt  voilé  de  toutes  les  brumes  du  Morvan  , 


xvnr.   SESSION.  187 

qui  s'y  donnent  rendez-vous ,  tantôt  livrant  à  l'œil  un  espace 
sans  bornes,  qui  embrassait  presque  toute  la  confédération 
t'ducnne,  il  devenait  forcément  le  centre  religieux  de  la  cité. 
De  tous  les  points  du  territoire  ,  la  demeure  des  dieux  pro- 
tecteurs apparaissait  dans  sa  puissante  majesté  ;  elle  résumait 
l'unité  des  tribus.  Le  sanctuaire  druidique  était  sorti  complet 
du  sein  de  la  nature ,  il  ne  fallait  qu'en  prendre  possession. 
Une  végétation  vigoureuse  sème  sur  ses  flancs  les  forets  vé- 
nérées. De  tous  côtés  les  sources  coulent ,  des  rochers  élèvent 
la  tète ,  et  c'est  à  ces  témoins  immobiles  que  nous  avons  de- 
mandé l'histoire. 

Immédiatement  au-dessous  du  sommet  s'allonge ,  sur  un 
contrefort  de  la  montagne ,  avec  laquelle  il  se  confond  ,  un 
vaste  plateau  tourné  au  couchant.  Dominant  à  pic  la  vallée 
qui  le  sépare  du  hameau  de  Glux ,  il  est  couvert  d'une  lande 
désignée  dans  les  terriers  du  moyen  âge ,  comme  aujourd'hui , 
sous  la  dénomination  significative  de  Finage  de  la  Pierre } 
Champ  de  la  Pierre.  Au  bord  extérieur  de  la  lande  s'élève 
un  bloc  de  rocher  gris ,  haut  d'environ  5m.  et  de  20ni.  de 
tour.  Sa  base  a  été  évidemment  déchaussée  pour  augmenter 
la  saillie  ;  il  a  été  pour  ainsi  dire  taillé  dans  la  carrière  (1). 
Sur  son  sommet ,  une  petite  cavité  contient  de  l'eau  la  plus 
grande  partie  de  l'année.  Les  bergers  prétendent  que  c'est 
une  source ,  et  si  le  fait  était  certain ,  cette  circonstance  eût 
été  une  raison  de  plus  de  le  consacrer  au  culte  druidique.  Ce 
bloc  porte  dans  le  pays  le  nom  bizarre  de  Pierre  Salvée. 

(1)  Les  pierres  consacrées  au  culte  druidique  étaient  généralement 
des  blocs  purement  naturels,  façonnés  quelquefois  par  un  travail 
grossier,  quelquefois  entièrement  bruts.  Des  exemples  multipliés  et 
des  traditions  certaines  prouvent  le  culte  d'un  grand  nombre  de  ces 
pierres ,  autres  que  les  dolmens ,  menbirs  et  monuments  de  ce  genre. 
Ou  peut  citer,  dans  le  Morvan,  les  pierres  des  fées  de  Quarré-les-Tombes. 
La  question  soumise  au  Congrès  de  Nevers  a  été  résolue  en  ce  sens. 


188  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

Pourrail-on  y  voir  une  altération  ,  une  réminiscence  confuse 
des  pierres  soulevées ,  pierres  levées  des  Gaulois ,  quoique 
celle  dont  il  s'agit  n'ait  aucun  rapport  avec  les  menhirs? 

A  gauche  et  en  face  de  ce  rocher ,  sur  le  versant  occi- 
dental ,  par-delà  une  vallée  profonde  ,   parallèle  au  Champ 
de  la  Pierre,  un  autre  bloc  se  dresse,  à  &00m.  du  premier. 
Il  s'appelle ,  comme  lui  ,  Pierre  Salvèe.  Cette  désignation 
reçoit  une  sorte  de  justification.    En  faisant  sauter  quelques 
quartiers   intermédiaires  dans  le  massif,  ou  peut-être  par 
une  cause  toute  naturelle ,  une  aiguille  verticale  d'environ 
2m.  de  hauteur  est  restée  détachée  et  présente  toutes  les  ap- 
parences d'une  véritable  pierre  levée.  A  gauche  ,  une  vaste 
et  énorme  table  s'appuie  encore  sur  une  des  parois  du  ro- 
cher. Le  support  opposé  ayant  failli ,  elle  a  perdu  son  hori- 
zontalité et  fléchi  vers  le  sol;  elle  présente  l'aspect  des  mo- 
numents connus  sous  le  nom  de  demi-dolmen.  Une  cavité 
remarquable  existe  au-dessous ,  et  l'on  s'assure  facilement 
que  la  partie  comblée  n'est  remplie  que  de  terrain  d'alluvion. 
Nous  avons  ramassé  ,  sous  ce  dolmen  à  moitié  renversé  ,  un 
fragment  de  vase  grossier  en  terre  noire.   Pour  nous ,  une 
autre  preuve  nous  convainc  de    la   consécration    de  cette 
pierre  au  culte  des  Druides.  Une  fontaine  jaillissant  un  peu 
plus  haut  dans  la  montagne  porte  le  nom  de  St. -Pierre.  Ce 
misérable  jeu  de  mot  fera  peut-être  sourire ,  et  pourtant  ce 
fut   à   de  pareils  rapprochements  que  le  christianisme   fut 
obligé  de  s'humilier  pour  pénétrer  dans  les  campagnes.  Il  fut 
contraint  de  traiter  le  paganisme  en  enfant ,  de  jouer  avec 
lui.  Seulement ,  il  éleva  ces  jeux  de  toute  la  hauteur  de  sa 
doctrine  et  de  sa  morale.  Il  mit  les  saints  à  la  place  et  même 
dans  les  oratoires  des  dieux  :  saint  Saturnin  à  la  place  de  Sa- 
turne ,  Sequanus  à  la  place  de  la  déesse  Sequana  ;  mais  c'était 
la  substitution  des  vertus  aux  vices,  du  spiritualisme  à  la 
matière ,  du  sacrifice  à  la  sensualité  ;  c'était  la  résurrection 


XVIIIe.    SESSION.  189 

de  la  dignité  de  l'homme.  Ce  fait  fut  général  à  partir  du  VIe. 
siècle.  Les  églises,  les  cctla  élevées  sur  l'emplacement  de 
monuments  payées  précédents  ,  reçurent  presque  toujours  le 
vocable  de  saints  dont  le  nom  ou  les  actes  fournissaient  des 
rapprochements  avec  le  culte  détrôné.  On  détourna  ainsi  les 
habitudes  payennes  en  faveur  du  christianisme.  Dans  ce  siècle 
même  ,  saint  Grégoire-le-Grand  n'écrivait-il  pas  au  moine 
Augustin ,  occupé  alors  à  la  conversion  des  Bretons  :  «  Con- 
servez les  temples  payens  qui  peuvent  servir  aux  usages 
chrétiens.  La  foule,  en  voyant  respecter  ses  temples,  dépo- 
sera son  erreur,  et,  connaissant  le  vrai  Dieu  ,  viendra  plus 
familièrement  se  presser  aux  lieux  où  elle  avait  l'habitude 
de  se  rendre.   » 

Sur  les  versants  opposés  à  la  fontaine  St. -Pierre,  d'autres 
sources  sacrées  furent  également  l'objet  d'un  culte.  Celle  de 
St. -Martin,  avant  l'époque  où  elle  reçut  le  nom  de  l'évêque 
de  Tours ,  doit  être  signalée  comme  ayant  joui  du  renom  le 
plus  populaire  et  de  la  vénération  la  plus  soutenue.  Il  suffit 
de  constater  qu'aujourd'hui  les  paysans  morvandeaux ,  du 
pur  Morvan ,  déposent  encore  mystérieusement  sur  ses  bords 
des  œufs  et  des  pièces  de  monnaie  ,  pour  perdre  la  fièvre. 
Du  reste ,  le  culte  des  fontaines  ou  les  superstitions  qui  s'y 
rattachent ,  nous  forceront  de  revenir  sur  ce  sujet. 

Après  ces  origines  celtiques ,  le  mont  Beuvray  sentit  la 
main  de  Rome.  Elle  s'établit  dans  les  retranchements  gaulois , 
et  leur  imprima  son  cachet  militaire.  Sou  plateau  ,  couronné 
par  ce  beau  camp  dont  les  parapets  de  terre  et  les  voies  in- 
destructibles surprennent  encore  le  regard,  donna  l'hospita- 
lité non  seulement  aux  légions ,  mais  aux  dieux.  Exilées  loin 
de  la  patrie  sur  ce  sommet  %lacé ,  elles  y  transportèrent  les 
fêtes  qui  leur  rappelaient  les  printemps  d'Italie.  Le  culte  de 
Flore ,  la  déesse  des  fleurs ,  celui  que  leur  pays  célébrait  par 
des  danses  et  des  chants  entachés  de  dissolution ,  réunit ,  à 


190      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

la  décadence  du  druidisme ,  ou  simultanément  avec  lui ,  les 
populations  voisines  (1).  On  sait  que  dans  ces  fêtes  on  ornait 
de  verdure ,  de  fleurs  et  de  banderolles  la  statue  de  la  déesse. 
Le  mont  Beuvray  devint  le  théâtre  de  ces  réunions  licen- 
cieuses. Elles  s'acclimatèrent  avec  la  facilité  que  rencontrent 
toujours  les  doctrines  qui  flattent  les  passions,  et  leurs  der- 
nières traces  n'ont  point  encore  disparu.  Les  promeneurs 
qui  se  rendent  au  Beuvray ,  le  premier  mercredi  de  mai , 
ignorent  peut-être  qu'ils  continuent,  après  dix-huit  siècles, 
la  célébration  des  jeux  floraux  marqués  à  cette  époque  dans 
le  calendrier  antique.  Mais  en  voyant  les  nourrices  se  laver 
le  sein  dans  la  fontaine  de  St. -Martin  ,  consacrée  jadis  à  la 
déesse  qui  donnait  le  lait;  en  voyant  les  Morvandeaux  atta- 
cher des  banderolles  ,  des  jarretières  de  couleur ,  des  fleurs  à 
la  croix  du  saint  qui  a  chassé  cette  déesse ,  ou  déposer  au 
pied  des  baguettes  de  coudrier  en  ex-voto  ,  ils  peuvent  être 
certains  que  le  souvenir  des  rits  païens  est  resté.  A  défaut 
d'histoire ,  le  peuple ,  historien  vivant  des  traditions ,  s'est 
chargé  de  nous  transmettre  ces  signes  du  passé.  Dans  la  cam- 
pagne de  Naples ,  sous  un  ciel  bien  différent ,  les  villageois 
attachent  en  même  temps  que  ceux  du  Beuvray  les  mêmes 
ornements  à  leurs  croix  :  le  même  culte  a  laissé  les  mêmes 
traces. 

Les  établissements  romains  ne  s'écartèrent  pas  sensiblement 
hors  du  camp ,  sur  le  Beuvray.  Toutefois  ,  une  grande  quan- 
tité de  briques  rouges  ,  dispersées  sur  la  montagne ,  donnent 
quelques  indices.  Une  villa  avait  précédé  la  construction  du 
petit  couvent  des  Cordeliers ,  dont  nous  parlerons  plus  tard , 
comme  l'oratoire  de  Flore  dut  précéder  celui  de  saint  Martin. 
Dans  ses  substructions ,  on  a  trouvé ,  il  y  a  quelques  années , 

(1)  Le  culte  de  Flore  n'existait  pas  seulement  au  Beuvray  ;  il  élait 
très-répandu  à  Autun  et  dans  ses  alentours. 


XVIIIe.    SESSION.  101 

plusieurs  amphores.  Un  champ  ,  appelé  la  Cagnotte,  semble 
aussi  avoir  enfermé  quelque  édifice ,  à  en  juger  par  l'abon- 
dance des  fragments  de  briques  qu'on  y  rencontre.  La  plus 
grande  partie  des  fondations  en  pierres  parsemées  dans  la 
montagne  ne  semblent  pas  romaines.  On  ne  trouve  dans 
leurs  alentours  ni  médailles ,  ni  autres  objets  indiquant  une 
origine  de  cette  époque.  La  grossièreté  des  constructions  ac- 
cuse encore  moins  la  main  de  cette  race  qui  bâtissait  pour 
l'éternité  ;  elle  signale  plus  clairement  la  pauvreté  des  con- 
structions rurales  des  trois  derniers  siècles.  Des  murs  de 
clôture,  élevés  de  môme  le  long  des  voies  ,  ne  paraissent  pas 
d'une  époque  plus  reculée. 

Le  druidisme  et  le  polythéisme  romain  vécurent  ainsi  côte 
à  côte,  avec  leurs  adeptes  séparés  ou  réunis,  durant  les  trois 
premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne.  Au  IVe. ,  apparaît  un 
nom  qui  opéra  une  révolution  dans  les  campagnes ,  et  parti- 
culièrement dans  le  pays  éduen  :  nous  avons  cité  saint 
Martin. 

Saint  Martin ,  telle  est  pour  nous  la  date  importante  de 
l'histoire  du  Beuvray ,  en  même  temps  qu'elle  constate  l'exis- 
tence du  paganisme  sur  cette  montagne.  Partout  où  apparaît 
le  nom  de  saint  Martin ,  à  ces  époques  reculées ,  on  peut 
affirmer  que  le  polythéisme  eut  un  sanctuaire ,  et  le  christia- 
nisme une  lutte  à  soutenir.  La  multiplicité  des  lieux  marqués 
de  ce  nom  caractéristique  n'a  rien  qui  doive  étonner.  On 
connaît  la  prodigieuse  activité ,  les  courses  continuelles  de 
l'infatigable  apôtre  qui  semblait  s'être  imposé  la  tâche  d'ex- 
tirper l'idolâtrie  des  Gaules.  Il  parcourut  leurs  diverses  pro- 
vinces ,  la  Touraine  ,  les  montagnes  d'Auvergne,  les  plages 
de  l'Armorique  ,  les  forêts  du  pays  Chartrain,  étouffant  dans 
leur  berceau  les  traditions  druidiques ,  chassant  de  leurs 
temples  les  divinités  venues  de  Rome  avec  la  conquête. 

Son  apostolat  s'exerça  surtout  dans  les  campagnes ,  là  où 


192  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

les  populations,  moins  sensibles  aux  vérités  morales  qu'aux 
signes  extérieurs ,  repoussaient  avec  plus  de  ténacité  la  pré- 
dication. Le  culte  des  arbres  et  des  fontaines ,  tous  ces  sym- 
boles pris  dans  la  nature  au  sein  de  laquelle  elles  vivaient , 
furent  autant  d'obstacles  contre  lesquels  il  lutta  avec  son 
énergie  victorieuse. 

Ce  fut  en  376  que,  revenant  de  Trêves,  saint  Martin 
visita  Autun  ,  du  temps  de  l'évèque  Simplicius  qui  se  signala 
comme  lui  contre  le  culte  des  idoles.  Il  évangélisa  le  pays 
éduen ,  et  parcourut  les  campagnes  aux  alentours  d'Augusto- 
dunum. 

Dans  ces  courses ,  où  son  éloquence  familière ,  la  pau- 
vreté de  son  vêtement ,  sa  charité  sans  bornes ,  sa  foi  forte 
jusqu'au  miracle,  le  mettaient  en  communication  directe  avec 
les  pauvres  et  les  simples ,  il  allait ,  monté  sur  un  âne  ,  vêtu 
d'une  longue  tunique  et  d'un  manteau  noir  en  tissu  de  poil , 
sans  autres  armes  que  la  prédication  et  la  prière. 

Assisté  de  quelques  moines,  il  annonçait  la  venue  du  Sau- 
veur, la  fin  des  expiations  sanglantes,  l'espérance  d'une  vie 
immortelle ,  l'impuissance  des  dieux  et  de  la  nature  sur  les 
destinées  de  l'homme.  Il  renversait  les  temples,  les  cella, 
les  statues,  les  arbres  sacrés,  érigeant  à  leur  place  une  petite 
église ,  une  cellule  ,  un  oratoire.  Ces  oratoires  ,  en  souvenir 
de  son  passage  ,  lui  furent  généralement  dédiés  dans  la  suite. 
Deux  fois  menacé  dans  nos  contrées  par  les  paysans  ameutés, 
il  échappa  deux  fois  miraculeusement  à  la  mort.  L'un  de  ces 
lieux  est  connu  :  c'est  celui  où  s'éleva ,  au  VIe.  siècle ,  l'ab- 
baye de  Saint-Martin  d'Autun.  Un  oratoire,  élevé  par  le  saint, 
y  avait  remplacé  précédemment  le  dieu  mythologique  renversé 
par  lui. 

Quant  au  second,  on  l'ignore,  Sulpice  Sévère  ayant  laissé 
des  détails  peu  précis.  Observons  seulement  qu'un  second 
oratoire  consacré  à  saint  Martin  se  rencontre  dans  le  pays 


XVIIIe.    SESSION.  193 

éduon  :  celui  du  mont  Beuvray.  Los  légendes  locales  éclaire- 
ront L'histoire  de  son  origne. 

Les  peuplades  du  Morvan ,  que  saint  Martin  arracha  aux 
erreurs  des  cultes  antiques ,  ont  conservé  l'impression  vivace 
de  cet  important  souvenir  ;  on  la  retrouve  encore  ,  après 
quinze  siècles  ,  dans  leurs  récits  traditionnels.  En  gravissant 
le  Beuvray ,  du  côté  de  la  Roche-Millay ,  on  rencontre  un 
rocher  à  pic ,  surplombant  de  quinze  pieds  sur  la  vallée.  Le 
villageois  qui  vous  guide  s'arrête  avec  respect  :  c'est  la  Roche 
du  pas  de  l'âne.  Une  empreinte  creusée  dans  la  pierre  offre , 
en  effet,  l'image  grossière  du  pied  de  cet  animal.  Saint  Martin, 
d'après  le  récit  populaire,  poursuivi  par  les  païens,  non  loin 
d'une  de  ces  pierres  consacrées  au  druidisme  ,  dont  il  a 
été  question  plus  haut ,  fit  franchir  à  son  humble  monture 
une  vallée  profonde  pour  échapper  au  danger  ;  elle  alla  s'a- 
battre sur  la  Roche  du  pas  de  l'âne ,  où  le  pied  est  resté 
marqué  (1).  La  vallée  ainsi  franchie  a  conservé  un  nom  en 
rapport  avec  cet  événement  :  elle  s'appelle  encore  la  mauvaise 
vallée,  le  Malvaux. 

Sans  donner  trop  de  réalité  à  ces  vagues ,  mais  précieux 

(1)  Cette  tradition,  à  travers  les  fables  dont  l'imagination  du  peuple 
Ta  entourée,  mérite  une  sérieuse  attention.  Dans  les  autres  lieux  où 
les  saints  et  les  héros  ont  laissé  de  pareilles  traces,  à  Saint-Emiland, 
près  Autun,  par  exemple,  il  est  toujours  question  du  pas  d'un  cheval. 
N'est-il  pas  étonnant  de  voir  la  tradition  locale  déroger  à  cette  règle 
générale  pour  conserver  le  souvenir  de  l'âne  historique  de  saint  Martin. 
Elle  confirme ,  en  second  lieu,  d'une  manière  formelle,  ce  que  l'étude 
des  documents  contemporains  de  saint  Martin  autorise  à  supposer,  c'est 
que  le  Beuvray  est  ce  lieu  inconnu  du  pays  éduen,  dont  parle  Sulpice 
Sévère,  où  saint  Martin  faillit  être  victime  de  son  zèle  et  de  la  fureur 
des  païens.  ■ 

La  popularilé  de  saint  Martin  dans  ces  contrées  a  conservé  une 
preuve  vivante  aujourd'hui  :  un  grand  nombre  de  familles  portent  son 
nom ,  aux  alentours  du  Beuvray. 


19Û      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

échos  d'un  autre  âge,  l'examen  seul  du  temps  et  du  lieu 
autoriserait  suffisamment  à  mettre  hors  de  doute  le  voyage 
de  saint  Martin  au  Beuvray. 

Il  nous  a  semblé  peu  probable  que  cet  apôtre,  évangélisant 
les  environs  d'Autun ,  n'ait  pas  été  attiré  au  mont  Beuvray. 
L'importance  des  réunions  populaires  qui  affluaient  à  son 
sommet,  les  superstitions  séculaires  dont  il  était  le  siège, 
les  fontaines  sacrées  où  les  tribus  voisines  venaient  chercher 
la  santé,  les  fêtes  païennes  qu'on  y  célébrait  à  l'époque  des 
jeux  floraux ,  le  signalèrent  nécessairement  à  son  zèle  ,  comme 
le  centre  le  mieux  assis  du  polythéisme  et  du  druidisme  dans 
le  Morvan.  Il  soutint  là  ses  luttes  habituelles,  et  son  nom  est 
resté  deux  fois  inscrit  sur  la  montagne.  Ce  n'est  point  par  un 
jeu  du  hasard  que  la  source  antique  et  l'oratoire  qui  la  do- 
minait ont  conservé  un  double  souvenir.  La  même  main  qui 
effaçait  l'idolâtrie  élevait  l'autel  chrétien ,  et  ces  deux  carac- 
tères, exprimés  si  textuellement  dans  les  écrits  contemporains 
du  grand  évêque,  reçurent  là  une  nouvelle  confirmation.  La 
source  d'où  fuyait  la  divinité  païenne  et  le  temple  où  descen- 
dait le  Christ  ont  gardé ,  sur  le  champ  de  bataille ,  le  nom 
du  vainqueur. 

La  haute  antiquité  de  l'oratoire  de  St. -Martin  de  Beuvray 
acquiert  un  nouveau  degré  de  certitude  lorsqu'on  le  voit 
placé,  dès  l'origine,  sous  le  patronage  de  l'abbaye  de  St.- 
Symphorien  d'Autun  ,  fondation  monastique  du  Ve.  siècle. 
Ce  monastère ,  entretenu  jusqu'au  VIP.  siècle  sur  les  fonds 
communs  de  l'église  cathédrale ,  reçut  alors  de  l'évêque 
Ansbert  une  dotation  particulière.  Les  terres  qui  lui  furent 
attribuées  remontaient  généralement ,  par  leur  origine ,  jus- 
qu'aux temples  païens ,  dont  elles  avaient  été  distraites  à  la 
chute  du  paganisme  pour  passer  aux  églises  qui  leur  avaient 
succédé. 

La  partie  importante  du  mont  Beuvray,  sur  laquelle  St.- 


xvnr.    SESSION.  195 

Symphoricn  avait  des  droits  nombreux ,  se  composait  spécia- 
lement du  plateau  (1)  où  s'étaient  autrefois  tenues  les  fêtes 
païennes.  Les  flancs  de  la  montagne  appartenaient  aux  sei- 
gneurs de  la  Rochc-Millay  et  aux  bonnes  gens  d'autour  le 
pays,  d'après  le  langage  des  anciennes  chartes.  L'antiquité 
de  cette  possession  de  l'abbaye  Autunoise  est  telle,  qu'on  ne 
lui  trouve  d'autre  origine  que  celle  du  fait  ;  elle  ne  figure 
dans  aucune  donation.  Le  culte  de  saint  Martin  y  fut  en  hon- 
neur dès  son  origine ,  et  le  missel  du  VIP.  siècle ,  du  mo- 
nastère, l'appelle  le  père  des  moines  de  St.-Symplwrien. 

La  destruction  de  presque  tous  les  titres  écrits ,  antérieurs 
au  XIe.  siècle,  nous  a  sans  doute  privés  de  documents  pré- 
cieux sur  la  chapelle  du  mont  Beuvray.  Mais  aussitôt  que  les 
chartes  reparaissent,  elles  la  signalent  comme  l'objet  de 
l'hommage  du  peuple  et  de  la  féodalilé,  et  parfois  aussi  de  la 
convoitise  de  cette  dernière.  En  retrouvant ,  plus  tard ,  quel- 
ques-unes des  dîmes  de  l'oratoire  de  St. -Martin ,  perçues  par 
moitié  avec  les  sires  de  la  Roche-Millay  ,  on  ne  peut  guère 
se  dissimuler  que  cette  portion  n'eût  été  acquise  au  moyen 
de  ïavouerie  qui,  sous  prétexte  de  donner  un  défenseur 
à  une  église  ,  lui  donnait  en  réalité  pour  protecteur  un 
larron. 

D'autres  seigneurs  se  montrèrent  plus  favorables.  Dans 
le  Nivernais  et  la  Bourgogne ,  plusieurs ,  pour  le  remède  de 
leur  âme,  lèguent  leur  offrande  à  la  chapelle  de  Buvrait, 
comme  on  disait  alors  ;  elle  figure  dans  les  testaments  im- 
portants. 

(1)  Les  bois  appartenant  à  la  chapelle  St.-Martin  sont  situés  entre 
les  fossés  de  Beuvray  et  terrautts  anciens.  Ces  biens  tiennent  d'une 
part  à  ceux  de  M.  de  la  Roche  de  Millay,  et  de  l'autre  à  ceux  des 
bonnes  gens  d'autour  le  pays.  Les  fossés,  terraults  d'entre  deux  sont 
et  appartiennent  à  St.-Syniphorien. 

(Terrier  du  XVe.  siècle.  ) 


196      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

En  1233,  Jean,  abbé  de  Belvaux,  recevait  l'hospitalité  au 
château  de  Glenne ,  situé  sur  une  vallée  qui  le  sépare  de 
Beuvray.  Alix  ,  châtelaine  du  lieu  ,  mère  de  Eudes  ,  seigneur 
de  Châtillon  ,  désigne  dans  une  charte  les  aumônes  qu'elle 
veut  répandre  à  sa  mort  sur  les  églises  des  deux  provinces 
voisines  :  elle  lègue  à  l'église  de  Buvrait  2  1.,  et  prie  l'abbé 
de  Belvaux  de  confirmer  cette  charte  de  son  scel. 

Après  la  prise  de  possession  du  Beuvray  par  le  christia- 
nisme, il  fallut  épurer  l'esprit  des  fêtes  du  mois  de  mai. 
L'oratoire  de  saint  Martin  devint  le  but  d'un  pèlerinage  fré- 
quenté ,  où  l'on  se  rendait  en  foule  ,  non  seulement  au  mois 
de  mai,  mais  encore  aux  deux  fêtes  de  saint  Martin  (1). 
Les  nombreuses  offrandes  qu'y  déposaient  les  fidèles  formaient 
son  principal  revenu. 

Ces  réunions  attiraient  une  foule  extraordinaire.  Elles 
semblent  avoir  eu ,  dès  l'origine ,  un  caractère  politique  à 
côté  de  leur  caractère  religieux.  Placées  à  cette  époque  de 
l'année  où  ,  s'ouvrant  la  saison  de  l'activité ,  les  hommes  ont 
besoin  de  se  concerter ,  l'importance  qu'elles  occupent  dans 
les  chartes  les  représente  assez  semblables  aux  mallum  des 
Franks,  aux  plaids  des  Karlovingiens.  Si  tant  de  documents 
n'avaient  disparu  des  archives  de  la  Nièvre  ,  nous  devrions 
trouver  au  Beuvray  le  centre  de  réunion  de  la  féodalité  et  des 
peuplades  du  Morvan  et  du  Nivernais ,  le  champ  de  mai  des 
comtes  de  Nevers,  des  sires  de  Châtillon  ,  de  Glenne  ,  de  la 
Roche-Millay  ;  toute  une  aristocratie  batailleuse ,  ennemie 
d'Autun  et  de  son  église,  dont  les  droits  lui  pesaient;  les 
seigneurs  de  Glenne  ,  impatients  de  sentir  la  moitié  de  leur 
châtellenie  dans  le  fief  de  l'évèque ,  et  cherchant  à  étendre  à 
ses  dépens  leurs  domaines,  composés  déjà  en  partie  de  ce 
qu'ils  avaient  enlevé  à  l'abbaye  de  St.-Symphorien,  lorsqu'ils 

(1)  Terrier  du  Beuvray. 


XVIII'.    SESSION.  197 

étaient  ses  avoués  (1)  ;  Jean  de  la  Roche-Millay ,  sire  de  Chà- 
tillon  ,  organisant,  en  1 2 ."> 3    (2) ,   l'audacieux  coup  de  main 
dans  lequel  il  força  le  château  d'Autun  cum  armis  et  equita- 
turis,  pour  enlever  à  la  justice  ecclésiastique  Guy  de  la  Per- 
rière,   damoiseau,  et  d'autres  seigneurs  de  ses  amis  (3). 
Quelques  aimées  avant ,  en  1239  ,  Guy  II ,  comte  de  Nevers, 
terminait,    avec  Girard,  évêque  d'Autun,   leurs   différents 
sur  la  cbâtellenie  de  Glenne  ;    il  est  dit   qu'on  ne   pourra 
rien  se   redemander  pour  raison  de  blessures ,  infractions, 
incendies  de  villes  et  de  maisons  faites  de  part  et  d'autre. 
Il  se  tenait  alors  deux  assemblées  par  an  au  mont  Beuvray. 
On  les  trouve  mentionnées  encore  dans  les  titres  du  XVe. 
siècle.  L'époque  de  la  seconde  nous  est  inconnue  ;  il  est  pro- 
bable, toutefois,  qu'elle  avait  lieu  vers  septembre  ,  a  l'époque 
du  plaid  d'automne  (h), de  mêmequ'Autun  avait  au  printemps 
la  sienne ,   appelée  la  descente  de  Beuvray.   La  réunion  de 
septembre  dut  perdre  en  raison  de  sa  proximité  avec  la  St.- 
Ladre  d'/Vutun ,  qui  entraînait  alors  la  Bourgogne  et  le  Ni- 
vernais.  Celle  de  mai ,  mieux  placée  et  mieux  enracinée , 
persista  sans  concurrence,  et  l'on  peut  juger  de  son  importance 
en  la  trouvant  sur  la  même  ligne  que  la  St. -Ladre.  On  prenait 
terme  pour  acquitter  les  redevances  à  ces  deux  époques.  En 
1361,  Jean  Bruley,  abbé  de  St. -Martin  d'Autun,  fondant 
une  messe  quotidienne  à  la  ebapeile  de  la  Vierge,  dans  son 

(1)  Ponce  de  Glenne,  avoué  de  St.-Sympkorien,  en  1077;  Gauthier, 
en  1232. 

(2)  La  sentence  de  Jean  de  la  Roche  fut  rendue  environ  un  mois 
après  la  foire  de  Beuvray.  11  suivit  pieds  nus,  en  chemise,  un  cierge 
à  la  main,  une  procession  exp'atoire,  à  Autun  ,  à  Chàlons  et  à  Nevers. 

(3)  L'esprit  de  cette  féodalité  ne  s'affaiblit  point  chez  ses  descendants. 
Le  l'r.  septembre  1561,  Philippe  de  Vichy,  seigneur  du  Jeu,  au  pied 
du  Beuvray,  ayant  rencontré  à  Autun  deux  sergents  du  chapitre  qui 
emmenaient  un  prisonnier,  les  contraignit  à  le  relâcher. 

(à)  Nous  avons  appris  depuis  qu'elle  se  tenait  en  juillet. 

13 


198  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

abbaye ,  déclare  que  les  revenus  attachés  à  cette  fondation  se 
paieront  moitié  à  la  St. -Ladre,  moitié  a  la  foire  suivante  de 
Beuvray,  ad  nundinas  Biffracti  (1).  Douze  ans  plus  tard, 
un  autre  abbé  du  même  lieu ,  Alexandre ,  cède  à  ses  moines 
les  terres  de  Sermiselles  et  de  Girolles,  près  Avallon, 
moyennant  certaines  redevances  payables  à  la  St. -Ladre  et  aux 
foires  de  Beuvray.  En  iWSk  ,  un  tenancier  de  la  chapelle  St.- 
Martin  s'engage  à  payer  «  aux  foires  de  Beuvray,  chacun 
an ,  sous  peine  d'être  traduit  en  la  cour  de  M.  le  Duc ,  no- 
nobstant sentence  a" '  excommuniement.   » 

Cet  usage  durait  encore  au  XVIe.  siècle.  En  1561,  plu- 
sieurs habitants  de  Verrière-sous-Glenne,  débiteurs  d'une 
somme  de  140  livres  envers  le  chapitre  d'Àutun,  paient  en 
trois  années  et  en  trois  termes ,  dont  le  premier  à  la  St.  - 
Ladre,  le  second  à  la  foire  de  la  descente  de  Beuvray  à  Autun, 
et  le  troisième  à  la  foire  même  de  Beuvray. 

Avec  la  fin  de  l'indépendance  féodale ,  la  réunion  du  mois 
de  mai  baissa  peu  à  peu  aux  proportions  d'un  rendez-vous 
d'affaires  et  de  plaisir.  Un  terrier  curieux  ,  relatif  aux  rede- 
vances ,  dîmes ,  censés ,  etc.  ,  de  la  chapelle  de  M.  saint 
Martin,  en  l'haut  de  Beuvray,  dressé  par  ordre  du  cardinal 
Rolin,  évêque  d'Autun  et  prieur  de  St. -Symphorien  ,  nous 
a  conservé  quelques  détails  sur  cette  foire  en  1454  (2). 

(1)  Des  chartes  de  la  même  époque  écrivent  Biffrati. 

(2)  On  lit  dans  ce  terrier  :  a  Les  hommes,  laboureurs  et  autres 
parochiens  de  St.-Pierre  de  la  Roche-Milay,  qui  vont  labourer  hors  de 
ladite  paroiche,  quelque  part  qu'ils  aillent  labourer  hors  d'icelle,  St.- 
Symphorien,  ou  ceux  qui  admodient  le  disme  doivent  aller  prendre 
le  disme. 

«  A  St.-Gengoul ,  au  hameau  de  Velle,  la  chapelle  a  moitié  du  disme. 
Un  quart  appartient  au  prieur  de  Vanoise,  l'autre  au  prieur  de  Mar- 
cigny,  excepté  au  terrage  de  Pierre  de  la  Bussière,  où  St. -Symphorien 
ne  prend  rens.   A  Champrobert,  à  Mesle,  à  Périgny,  paroisse  d'Issy- 


XVIII*.  SESSION.  199 

La  montagne  renfermait  alors  un  certain  nombre  d'habi- 
tations ;  un  cimetière  s'étendait  autour  de  la  chapelle.  Vers 
les  Gaignonnes ,  un  des  lieux  où  l'on  doit  supposer  l'existence 
d'un  établissement  romain ,  une  maison  appartenant  à  saint 
S\  mphorien ,  et  connue  sous  le  nom  de  Maison  de  Beuvray, 
servait  de  retraite  au  moine  chargé  de  la  chapelle.  Plusieurs 
chaumières  de  cultivateurs  sont  désignées  sur  différente  points, 
et  différentes  terres  en  culture  chargées  de  dîmes.  Des  Loges 
permanentes  ou  mobiles  recevaient  les  principaux  marchands; 
des  tentes  se  dressaient  sur  le  cimetière,  où  l'on  ven- 
dait du  vin  ;  des  étaux  pour  toutes  sortes  de  marchandises 
couvraient  le  sommet;  d'autres  marchands  campaient  en  plein 
air.  On  y  voyait  figurer ,  outre  la  draperie ,  occupant  la  grande 
loge,  les  instruments  d'agriculture  nécessaires  à  une  exploi- 
tation peu  compliquée  ;  du  fer  en  euvre  grosse  et  en  ouvre 
factisse,  des  barillets  pour  la  boisson,  des  pelles  de  bois,  des 
congles  (jougs)  de  bœufs,  des  cordes;  les  objets  de  consom- 
mation journalière;  les  ustensiles  indispensables  à  une  vie 
presque  sans  besoins ,  du  sel  menu  et  du  sel  en  pain ,  des 
aulx,  la  mercerie,  la  poterie,  tous  les  articles  des  feroillons , 
des  paesliers ,  des  frnetiers ,  des  sauniers ,  des  verriers ,  des 
tepiniers  (1)  et  des  vandeurs  de  vin  en  bon  nombre  (2). 

l'Evêque,  àMagny,  à  la  Boutrille,  à  la  Planche,  à  Pierrefitte,  à  la 
Chèze,  etc.  ,  à  la  Montague  des  châteaulx ,  en  venant  de  Tkoulon  à  la 
Roche ,  au  Champ  de  la  pierre  ou  Champ  au  sire ,  commune  de  Poil, 
la  chapelle  de  St. -Martin  de  Beuvray  lève  des  dismes  entières  ou  con- 
jointes. » 

(1)  Potiers  de  terre. 

(2)  Rentes  et  redebvances  qui  se  quittent  et  se  reçoivent  à  cause  de 
la  chapelle  de  M.  saint  Martin  de  Beuvray,  le  jour  que  les  foires  se 
tiennent  en  haut  dudit  Beuvray. 

Les  offrandes,  baise-main,  oblacions  qui  sont  et  adviennent  au  long 
de  l'an  tant  es  jours  des  deux  foires  comme  es  deux  festes  de  saint 


200      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Tous  ces  marchands  payaient  un  droit  à  la  chapelle  de 
M.  saint  Martin  :  la  grande  loge  de  la  draperie  payait  cinq 
sols  à  chaque  foire;  les  paesliers  (  marchands  de  pelles)  en 
estau,  trois  sols,  et  for  estau  18  deniers;  chacun  feroillon 
(forgeron)  pour  euvre  grosse ,  15  deniers  ;  pour  euvre  fac- 
tisse,  h  ,  ainsi  que  les  marchands  de  congtes  à  bœufs  ;  les 
sauniers,  7  deniers;  les  vandeurs  de  vin,  2  deniers.  Ceux 
qui  vendaient  les  barillets,  devaient  un  barillet  ou  un  denier; 
les  verriers  ,  un  verre  ;  les  tepiniers  (  potiers  de  terre  )  ,  un 
tepin  le  plus  grant  emprès  le  premier  grant  ;  aussi  ne  sera- 
t-on  pas  étonné  de  voir  tous  ces  revenus  s'élever  par  an  à 
deux  ou  trois  francs. 

Avant  de  courir  aux  affaires ,  la  foule  allait  prier  à  l'oratoire 
de  saint  Martin.  Aussi  les  oblacions,  offrandes  et  baisse-main 
s'élevaient-ils  par  an  à  1 5  liv. ,  cinq  ou  six  fois  plus  que  tous 
les  droits  levés  sur  la  foire. 

Martin,  sont  et  appartiennent  seulement  au  prieur  dudit  St.-Sympho- 
rien,  qui  peuvent  bien  valoir  de  an  pour  autre  de  12  à  15  fr. ,  comme 
l'ont  relaté  et  affermé....  qui  ont  esté  fermiers  et  admodiateurs  de 
ladite  chapelle  de  St. -Martin  de  l'haut  de  Beuvray,  et  mesmement 
Girart  Boulard,  demeurant  à  Lachenal,  lequel  passé  a  et  sont  XII  ans 
amodiés  les  baise-main,  offrandes  et  oblacions  chascun  an  la  somme  de 
12  fr. 

La  grande  loge  de  la  draperie  doit  cinq  sols  toutes  fois  que  la  foire 
se  tient  et  que  les  drapiers  y  mettent  leurs  marchandises. 

Item,  chacun  paeslier  (marchand  de  pelles)  logé  en  estau,  doit  3 
soubz  pour  chacune  foire  qu'ils  viennent  mettre  leurs  marchandises. 

Item ,  chascun  paeslier  logé  for  estau  doit  18  deniers  pour  chascune 
foire  de  Beuvray. 

Item ,  chacun  paeslier  laissant  lesdits  estaux  et  s'y  loge  de  for,  doit 
3  soubs  pour  chacune  foire  qu'il  vient  au  Beuvray. 

Item,  chacun  feroillon  qui  vaut  euvre  grosse  doit  15  deniers  à  cha- 
cune foire  dudit  Beuvray  qu'il  vient  mettre  avant  pour  vandre  ladite 
euvre  grosse. 


XYII1*.    SESSION.  201 

Une  seconde  fondation  religieuse  arrêtait  encore  les  fidèles 
au  Bcuvray.  C'était  la  maison  des  Cordeliers ,  le  couvent  de 
Bibracte,  nom  sous  lequel  le  désigne  un  historien  de  l'ordre 
de  saint  François  (1).  «  Le  vulgaire,  dit-il,  tient,  par  je  ne 
sais  quelle  tradition  ,  que  Bibracte  estoil  en  la  montagne  de 
Beuvray.  Encore  y  a-t-il  de  nos  pères  qui  sont  de  celle  opi- 

Item ,  chacun  feroillon  qui  vant  euvre  factisse  doit  4  deniers. 

Item ,  ceux  qui  vendent  congles  à  neufs  (conjugla,  Gloss.  français) , 
doivent  un  denier  pareillement  à  chascune  desdites  foires  pour  tout  ce 
qu'ils  peuvent  vandre. 

Item,  chacun  saulnier  qui  vant  sel  menu  doit  6  deniers,  et  avec  ce 
il  doit  une  denrée  de  sel  ;  ainsi  doit  à  chascune  desdites  foires  7  deniers. 

Item,  chascun  saulnier  qui  vaut  sel  blanc  en  pain  doibt  12  deniers. 

Item,  doibt  chacun  mercier  logié  en  ladite  foire  il  deniers,  et  à 
chacune  d'icelles  foires  k  deniers. 

Item,  doibt  chacun  mercier  qui  vant  fors  de  loge,  un  denier. 

Item ,  doit  chacune  loge  en  laquelle  on  vant  du  vin,  2  deniers. 

Es  loges  qui  sont  au  cimetière  es  quelles  on  vant  vin ,  ne  prend  rens 
le  seigneur  de  la  Roche  ;  mais  St.-Symphorien  y  prend  et  doit  avoir  sur 
chacune  loge  k  deniers,  toutes  fois  qu'on  y  vand  vin. 

Item,  chacun  cordier  doit  ung  denier  pour  chacune  fois  qu'il  vient 
auxdites  foires. 

Item ,  chacun  pennetier  doit  ung  denier  qui  vant  pain. 

Item ,  ceux  qui  vandent  barillets  doivent  ung  barillet  ou  ung  denier. 

Item ,  chacun  verrier  qui  vant  verres  doit  ung  verre  toutes  fois  qu'il 
vient  vendre  es  dites  foires. 

Item,  chacun  tépinier  (potier)  doit  ung  tepin  le  plus  grant  einprès 
le  premier  grant. 

Item ,  chacun  fructier  doit  2  deniers  ou  deux  denrées  de  fruict. 

Item ,  chacun  qui  vant  aulx  doit  2  deniers  ou  deux  denrées  d'aulx. 

Lesquelles  droictures  et  redevances  devant  escriptes  peuvent  bien 
valoir  chacun  an,  aux  deux  foires dudit  Beuvray,  comme  l'ont  certifié 
à  leur  advis  discrette  personne  messire  Jehan  de  Roy,  curé  de  Brion, 
Guenin  le  clerc  d'Autevaul,  et  autres  qui  ont  reçeu  lesdites  droitures 
par  plusieurs  années,  de  2  à  3  francs. 

(1)  Fodéré,  Histoire  de  l'Ordre  de  Saint-François ,  p.  434. 


202  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

nion ,  et  de  mon  jeune  âge  ,  je  l'ay  ainsi  ouy  dire  à  nos  an- 
ciens religieux  ;  et  je  crois  qu'ils  prennent  leur  fondement 
sur  ce  que,  devant  les  premiers  troubles  de  1562,  nous 
avions  un  couvent  en  cette  montagne  ,  nommé  en  latin  Bi- 
bracte ,  et  c'est  encore  ainsi  escrit  dans  le  livre  de  la  Pro- 
vince ;  mais  ce  n'est  qu'une  simple  opinion  favorisée  seule- 
ment par  le  vulgaire.    » 

Ce  monastère,  le  plus  jeune  établissement  du  mont  Beu- 
vray ,  n'est  guère  mieux  connu  que  ceux  des  druides.  Les 
moines  l'avaient  élevé  sur  les  débris  d'une  habitation  romaine , 
fixés  là  sans  doute  par  la  facilité  avec  laquelle  ils  trouvèrent 
dans  les  ruines  les  matériaux  de  leur  construction.  Du  sein 
de  leurs  humbles  cultures,  où  la  fertilité  est  restée  après  eux, 
ils  apercevaient  les  restes  des  grandeurs  déchues  d'Autun  : 
cette  plaine  historique  sillonnée  par  toutes  les  races  du  monde 
romain  ;  ce  paysage  empreint  de  la  tristesse  du  passé.  Assis 
eux-mêmes  sur  quelques  pierres  remuées  jadis  pour  les 
jouissances  d'une  société  étouffée  par  le  sensualisme ,  l'ho- 
rizon ouvert  devant  eux  était  un  enseignement  de  toutes  les 
heures,  un  champ  suffisant  de  méditations.  L'obscurité  qu'ils 
cherchèrent  dans  cette  solitude  ne  les  a  point  trompés  ;  le 
nom  d'aucun  d'entre  eux  n'est  arrivé  jusqu'à  nous.  On  montre , 
au  milieu  des  ronces,  les  traces  de  leur  monastère  entouré 
d'un  étroit  jardin;  une  lande,  située  sur  le  versant  méri- 
dional ,  conserve  le  nom  de  Pâture  du  Couvent. 

Quelques  dates  isolées,  quelques  rapprochements  histo- 
riques permettent  seuls  de  constater  de  loin  en  loin  son 
existence.  Sans  avoir  rien  de  précis  sur  les  fondateurs  du 
couvent  de  Beuvray,  que  l'historien  de  l'ordre  semble  n'avoir 
pas  mieux  connus  que  nous,  on  est  porté  à  croire  qu'il  fut 
érigé  par  les  seigneurs  de  la  Roche-Millay  ,  dans  le  courant 
du  XIVe.  siècle  au  plus  tard.  On  lit  dans  un  terrier  contem- 
porain :  «  Le  seigneur  de  la  Roche  de  Millay  ,  et  madame 


XVIIIe.   SESSION.  203 

sa  femme,  et  leurs  hoirs,  par  certain  accord  fait  entre  lesdits 
seigneurs  et  feu  messire  Jehan  EsperOD  ,  juieur  de  Saint- 
Symphorien,  en  1432,  paient  chaque  année  à  Saint-Sympho- 
rien  ung  franc ,  et  ce ,  à  cause  de  la  chapelle  des  cordeliers 
de  Beuvray.   » 

Il  n'était  pas  rare  de  voir  la  nohlesse  féodale  élever  ainsi 
de  petits  couvents  de  cet  ordre ,  témoins ,  dans  nos  contrées  , 
les  sires  de  Chastellux  qui  avaient  érigé  celui  de  La  Cordelle, 
à  mi-côte  de  Vézelay.  Les  fondateurs  élisaient  ordinairement 
leur  sépulture  dans  la  chapelle.  La  pauvreté  des  frères  de 
Saint-François  leur  valut  cette  faveur;  elle  les  mit  à  l'abri 
des  convoitises  aristocratiques  qui ,  durant  tout  le  moyen- 
âge  ,  attirèrent  de  si  cruelles  tribulations  à  l'ordre  de  Saint- 
Benoît. 

Les  frères  du  mont  Beuvray  avaient  d'autres  revenus.  On 
trouve  dans  les  papiers  du  cardinal  Rolin ,  aux  archives  de 
l'évêché  d'Autun  :  «  Qu'en  IkkS  ,  les  frères  mineurs  du 
couvent  de  Beuvray  firent  la  quête  à  Ostun  ;  le  cardinal  Rolin 
leur  donna  ung  franc.   » 

Ailleurs  :  «  Le  19  juillet  1567,  messieurs  les  chanoines 
de  l'église  d'Autun  ont  octroyé  par  aulmosnes  aux  religieux 
et  gardien  du  couvent  de  Beuvray,  pour  et  afin  de  plus  soi- 
gneusement vacquer  à  l'estude  des  lettres  sainctes  et  oraisons, 
ung  ponson  de  vin  d'anniversaire  et  deux  sextiers  seigle,  man- 
dant à  leurs  commis  es  caves  et  contrerolleur  es  greniers ,  à 
chascun  d'eux  à  leur  endroict ,  leur  délibérer  lesdits  ponson 
de  vin  et  sextiers  de  graine.    » 

Cette  trace  est  la  dernière  qui  signale  l'existence  du  cou- 
vent. Toutefois,  le  passage  de  Fodéré  cité  plus  haut,  où 
l'auteur  laisse  entrevoir  que  cette  maison  n'existait  plus  en 
1562,  ne  doit  pas  être  suivi  à  la  lettre,  puisqu'on  voit  les 
moines  faire  la  quête  à  Autun  en  1567.  Elle  dut  subsister 
jusqu'en  1570. 


21M      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

A  celte  époque ,  les  protestants  de  Vézelay  firent  des  incur- 
sions jusqu'à  Saint-Prix  et  dans  le  territoire  d'Autun.  Les 
moines  du  Beuvray  ,  connaissant  le  sort  qui  les  attendait , 
durent  abandonner  leur  monastère. 

Après  les  guerres  de  religion ,  ils  semblent  avoir  fait  un 
effort  pour  ressusciter  leur  monastère  :  à  la  faveur  de  l'ad- 
ministration vigoureuse  de  Richelieu ,  ils  essayèrent  de  re- 
lever l'établissement.  Une  cloche,  conservée  aujourd'hui  dans 
l'église  de  Poil ,  a  perpétué  la  date  de  cette  tentative  ;  on  lit 
sur  son  pourtour  :  «  Jean  Gaudar  a  fondé  cette  cloche  du 
couvent  de  Bocvvret.  1632.  »  Une  autre  cloche  sans  inscrip- 
tion ,  placée  dans  la  même  église ,  passe  pour  avoir  la  même 
origine.  L'essai  resta  sans  résultat  durable. 

L'oratoire  de  Saint-Martin  subit  le  même  sort  et  le  dut 
aux  mêmes  causes.  A  la  fin  du  XVIe.  siècle,  il  menaçait 
ruine.  Les  populations,  habituées  à  s'y  agenouiller ,  le  voyaient 
avec  tristesse  à  la  veille  de  disparaître;  leurs  murmures  trou- 
vèrent un  écho. 

En  160ft,  le  procureur  du  roi  de  Saint-Fierre-le-Moutier 
réclama  de  Saint-Symphorien  la  reconstruction  de  la  cha- 
pelle de  Beuvray  ,  pendant  que  celui  d'Autun  en  saisissait 
les  revenus  pour  les  décimes.  L'argent  resta  sans  doute  entre 
ses  mains ,  et  rien  ne  fut  reconstruit.  Le  XVIIe.  siècle 
s'écoula. 

Vers  1725,  Bénigne  Germain,  théologal  de  la  cathédrale 
d'Autun ,  occupé  alors  de  ses  recherches  historiques ,  visita 
la  montagne  ;  il  a  laissé  ces  lignes  manuscrites  :  «  La  maison 
des  Cordeliers  de  Beuvray  est  à  présent  toute  ruinée  du  côté 
du  nord.  On  voit  encore  quelques  ruines  d'une  douzaine 
de  maisons  de  paysans ,  et  celles  d'une  petite  chapelle  de 
Saint-Martin.  »  Seul  débris  de  cette  chapelle,  une  statuette 
du  saint,  qui  y  figurait  autrefois,  s'est  conservée  dans  le 
pays.   Un  vieillard  aveugle  ,  assis  au  pied  de  la  croix ,   le 


XV III".    SESSION.  205 

premier  mercredi  de  mai ,  la  présente  a  la  vénération  des 
fidèles  agenouillés,  et  reçoit  en  échange  des  œufs  et  des  pièces 
de  monnaie,  souvenir  des  anciennes  ablations. 

Ainsi  disparurent  du  mont  Bcuvray  les  monuments  chré- 
tiens, dont  l'un  rappelait  le  souvenir  de  l'apôtre  le  plus  po- 
pulaire des  Gaules.  Ce  qui  reste  aujourd'hui  ne  mérite  pas 
même  le  nom  de  ruine.  Debout  sur  l'emplacement  de  l'an- 
tique oratoire ,  la  croix  de  Saint-Martin  vient  de  céder  aussi 
à  la  pluie  et  aux  vents.  Elle  est  à  terre  depuis  quelques 
années ,  suivie  dans  sans  chute  des  mêmes  hommages  qu'au- 
trefois. En  voyant  ce  dernier  jalon  près  de  disparaître ,  on  se 
demande  quelle  main  aura  l'honneur  d'entretenir  l'histoire 
sur  ce  plateau  où  elle  date  de  trois  mille  ans. 

Ce  rôle,  messieurs,  appartient  à  la  Société  française.  Elle 
relèvera  ,  sur  ce  tombeau  du  druidisme  et  du  polythéisme , 
le  seul  symbole  qui  ait  le  droit  de  défier  le  temps  et  les  ré- 
volutions. 

M.  Victor  Petit  frappé  des  faits  signalés  par  M.  Bulliot 
au  sujet  des  voies  romaines  du  Mont-Beuvray ,  lui  demande 
quelques  éclaircissements  sur  cette  partie  de  son  travail. 

M.  Bulliot  répond  qu'il  n'a  pas  rencontré  de  traces  de 
voies  romaines  sur  le  sommet ,  mais  seulement  à  la  base 
de  la  montagne ,  et  que  des  chemins  transversaux  formaient 
'  embranchement  pour  conduire  au  sommet. 

M.  Devoucoux  signale  l'orthographe  du  mot  mons  Bif- 
fractus.  Il  y  voit  une  dernière  trace  du  nom  donné  par  les 
Gaulois  à  l'antique  capitale  des  Eduens;  il  regarde  le  Beuvray 
comme  le  lieu  élevé  et  fortifié  qui  devait  au  besoin  protéger 
Bibracte  et  servir  de  refuge  à  ses  habitants.  En  terminant 
ses  observations  ,  M.  Devoucoux  exprime  le  regret  de  n'avoir 
pu  amener  au  Congrès  M.  Laureau  de  Thory  retenu  par 
ses  occupations  ;  l'honorable  président  de  la  Société  éduenne 


206      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

a  fait  de  sérieuses  études  sur  le  Bcuvray  ,  il  aurait  pu 
donner  au  Congrès  des  renseignements  utiles  et  précis. 

M.  Victor  Petit  ajoute  qu'il  serait  important  que  les  travaux 
qui  seront  faits  en  ce  genre  dans  le  département  delà  Nièvre, 
pussent  par  leur  exactitude  et  leurs  détails  bien  circonstanciés 
servir  de  base  aux  ouvrages  généraux  qui  se  préparent  au 
sein  de  la  capitale. 

M.  Quantin  rend  compte  des  résultats  des  fouilles  faites 
par  ordre  de  la  Société  française  sur  le  plateau  de  Chora , 


PLAN    DE   L'ENCEINTE    FORTIFIÉE    DE    CHORA. 

au-dessus  de  St. -More ,  non  loin  de  la  voie  romaine  d'Autun 
à  Boulogne ,  dans  la  partie  entre  Avallon  et  Auxerre.  Il  con- 
state que  sur  ce  plateau  M.  Baudouin  a  découvert  la  muraille 


XVIIIe.    SESSION. 

qui  en  défendait  l'unique  accès  du  côté  du  nord-ouest 
autres  parties  étaient  protégées  par  la  rivière  ou  par 
pentes  abruptes. 


207 

;  les 
des 


La  muraille  dont  on  vient  de  parler  est  flanquée  de  demi- 
tours  de  distance  en  distance ,  et  présente  le  petit  appareil 


208  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

rustique  comme  dans  une  construction  faite  à  la  hâte.  On  y 
remarque  un  cordon  de  pierres  inclinées  qui  rappelle  le  mode 


-t   I  M.  » 
APPAREIL    EXTÉRIEUR.  PLAN  d'u\E  DES  TOURS  DE  LA    MURAILLE. 

romain.  Des  débris ,  en  petite  quantité  ,  de  tuiles ,  de  poterie 
de  terre  noirâtre  et  des  caneaux  de  fer ,  ont  été  recueillis  sur 
divers  points  aux  alentours  de  la  muraille.  M.  Victor  Petit  ne 
pense  pas  que  cette  construction  puisse  être  reportée  à  l'épo- 
que gallo-romaine;  selon  lui,  ces  murailles  de  Chora  parais- 
sent avoir  été  élevées  à  la  hâte  dans  un  moment  de  guerre  ;  il  fait 
remonter  leur  construction  du  VIIIe.  au  X\  siècle.  Il  ajoute 
que  les  objets  des  temps  antérieurs  qu'on  y  rencontre  ne 
prouvent  rien  pour  l'antiquité  de  ce  camp.  Ils  prouveraient 
seulement  qu'on  aurait  adopté  pour  ces  travaux  une  position 
déjà  préparée  par  des  travaux  antérieurs  et  qu'on  aurait  em- 
ployé les  débris  de  constructions  préexistantes. 

M.  Baudoin  défend  son  opinion  sur  l'antiquité  des  murs  de 
Chora. 

M.  de  Caumont  fait  remarquer  qu'en  général  il  ne  faut  pas 
toujours  attacher  une  grande  importance  à  la  qualité  du  ciment 
romain ,  que  cette  qualité  varie  selon  les  matériaux  qui  entrent 
dans  leur  confection  et  qui  ne  sont  pas  les  mêmes  partout.  Il  a 
vu  à  Corseult,  en  Bretagne,  des  murs  très-négligés  et  pourtant 
incontestablement  romains  :  ailleurs  il  a  trouvé  des  murs 
romains  maçonnés  en  terre  au  lieu  de  chaux ,  et  même  quel- 
quefois des  murs  en  pierres  sèches. 

M.  l'abbé  Crosnier ,  s'appuyant  sur  les  aperçus  présentés  par 
M.  Quantin  et  sur  l'époque  indiquée  du  VHP.  au  Xe.  siècle, 


XYIIle.    SESSION.  209 

à  laquelle  il  fixe  la  construction  des  murailles  de  Clwra,  de- 
mande si  on  ne  pourrait  pas  attribuer  ces  fortifications  au 
temps  de  l'invasion  des  Sarrazius  ou  des  Normands.  On  sait , 
dit-il ,  que  les  Sarrazius  ,  après  avoir  ravagé  Autun  ,  se  ré- 
pandirent dans  le  Nivernais  qu'ils  couvrirent  de  ruines  sur 
plusieurs  points;  on  sait  aussi  que  les  Normands,  au  com- 
mencement du  Xe.  siècle,  après  avoir  remonté  la  Loire,  se 
répandirent  dans  l'Auxerrois  et  ravagèrent  le  Donziais  ;  saint 
Gérau,  évêque  d'Auxerre,  qui  ne  se  contentait  pas  de  porter 
la  pacifique  houlette  du  pasteur ,  mais  qui ,  au  besoin ,  ne 
craignait  pas  de  prendre  l'épée  pour  protéger  son  peuple,  les 
avait  déjà  battus  sous  les  murs  de  Chartres;  il  leur  fit  encore 
subir  un  cruel  échec  au  pied  de  ceux  d'Auxerre  ,  et  trouvant 
que  Richard-le-.ïusticier ne  montrait  pas  assez  de  vigueur,  il 
le  devança  et  les  atteignit  de  nouveau  proche  Cessy-les-Cois 
dont  ils  venaient  de  piller  le  monastère.  Une  nouvelle  dé- 
faite les  engagea  à  ne  plus  s'exposer  aux  coups  de  ce  prélat  ; 
ils  quittèrent  ce  pays  pour  n'y  plus  reparaître.  Dans  ces 
guerres,  les  habitants  de  Clwra,  effrayés  à  l'approche  des 
barbares ,  ont  pu  s'établir  dans  un  lieu  déjà  fortifié  par  sa 
position  et  y  former  les  murailles  que  M.  Quantin  déclare 
avoir  été  construites  à  la  hâte. 

Cette  observation  frappe  le  Congrès  qui  recommande  de 
diriger  les  recherches  historiques  à  faire  sur  Clwra  dans  la 
voie  qui  vient  d'être  indiquée. 

M.  Lallier  insiste  pour  que  de  nouvelles  fouilles  y  soient 
faites  afin  d'aider  à  déterminer ,  s'il  est  possible ,  l'époque 
précise  de  la  construction  de  ce  camp.  Il  serait  à  désirer, 
ajoute-t-il,  qu'on  étudiât  sous  le  même  point  de  vue  les  diffé- 
rents camps  anciens  qu'on  rencontre  dans  les  diverses  con- 
trées de  la  France. 

La  matière  étant  épuisée  et  personne  ne  demandant  plus 
la  parole,  on  passe  à  la  question  suivante. 


210      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

A  quelle  époque  remontent  les  églises  les  plus  anciennes 
connues  dans  le  Nivernais  ? 

Avant  qu'on  ne  traite  cette  question  ,  M.  Berry,  conseiller 
à  la  Cour  d'appel  de  Bourges,  étant  obligé  de  partir  le  len- 
demain, demande  la  parole  pour  rendre  compte  d'un  ou- 
vrage important  qu'il  a  composé  sur  les  monnaies  des  rois 
de  France.  Il  fait  observer  avec  raison  que  le  traité  de 
Leblanc  sur  les  monnaies  de  France,  ouvrage  le  plus  com- 
plet qui  avait  été  composé  sur  cette  matière ,  est  encore 
bien  incomplet  ;  il  a  voulu  combler  les  nombreuses  lacunes 
laissées  par  Leblanc. 

Dans  ce  nouveau  travail ,  dont  M.  Berry  a  déposé  sur  le 
bureau  le  manuscrit  et  les  nombreux  dessins  des  monnaies 
qui  doivent  l'enrichir,  la  matière  est  considérée  sous  tous  les 
rapports  ;  l'art,  l'histoire,  la  valeur  intrinsèque  et  extrinsèque, 
tout  a  été  examiné  avec  détails.  L'auteur  a  ajouté  quelques 
recherches  sur  les  monnaies  baronales.  L'importance  du 
travail  de  M.  Berry  est  reconnue  par  le  Congrès  qui  exprime 
le  vœu  de  le  voir  prochainement  publié. 

M.  de  Caumont  promet  à  cette  publication  l'appui  de  la 
Société  française. 

M.  le  baron  Chaillou  des  Barres  invile  l'auteur  à  faire 
connaître  à  quel  prix  reviendrait  chaque  exemplaire.  M. 
Berry  répond  qu'il  lui  est  impossible  pour  le  moment  d'éta- 
blir aucun  prix,  n'ayant  pas  encore  traité  avec  l'imprimeur 
ni  avec  le  graveur. 

Invité  à  entrer  dans  quelques  détails  sur  son  travail,  M. 
Berry  choisit  le  règne  de  Philippe-le-Bel  pour  établir  l'his- 
toire des  variations  monétaires  à  cette  époque  ;  il  a  singuliè- 
rement intéressé  l'assemblée  par  le  récit  des  manœuvres  plus 
qu'étranges  de  ce  prince  dans  la  fabrication  des  monnaies.  Il 
nous  l'a  représenté  portant  le  matin  un  édit  qu'il  modifiait  le 
soir ,  toujours  au  profit  de  sa  caisse.   Voyant  ses   finances 


XVIIIe.    SESSION.  211 

épuisées  par  les  guerres  qu'il  avait  eu  à  soutenir  contre  ses 
voisins ,  il  altéra  tellement  les  monnaies  qu'on  lui  donna  le 
nom  peu  honorable  de  faux  monnayeur. 

Après  ces  intéressantes  explications,  on  passe  à  la  septième 
question. 

M.  l'abbé  Millet  croit  qu'après  la  crypte  de  St. -Are,  à 
Decise  ,  le  monument  religieux  le  plus  ancien  dans  le  diocèsi 
de  Nevers  serait  la  petite  abside  de  Souvigny-les-Chanoines, 
qu'il  attribuerait  aux  premières  années  du  IXe.   siècle.  On 
sait ,  dit-il ,  qu'à  cette  époque  ,  saint  Jérôme ,   évèque  de 
INevers,  fit  construire  à  Souvigny  une  chapelle  sous  le  vocable 
de  saint  Etienne  ;  or,  en  considérant  la  petite  abside  latérale 
qui  sert  maintenant  de  sacristie,  il  m'a  semblé  que  cet  édicule 
était  d'une  époque  bien  antérieure  à  l'église,  construction  du 
XIIe.  siècle;  j'ai  pensé  que  lors  de  la  construction  de  l'église 
paroissiale,  ou  avait  voulu  respecter  l'œuvre  de  saint  Jérôme, 
et  qu'on  aurait  conservé  la  petite  abside  dont  je  parle ,  qui 
était  l'oratoire  fondé  par  ce  saint  évèque. 

M.  Georges  de  Soullrait  combat  cette  opinion.  Il  a  visité 
avec  soin  l'église  dont  parle  M.  Millet ,  et  il  est  intimement 
convaincu  que  l'abside  en  question  est  contemporaine  de 
l'église. 

Monseigneur  l'évèque  de  Nevers  appuie  celte  dernière 
opinion. 

M.  l'abbé  Crosnier  demande  la  parole  ;  il  déclare  qu'il  ne 
reconnaît  aucun  monument  dans  le  pays  antérieur  au  XIe. 
siècle ,  si  on  en  excepte  la  crypte  de  Decise ,  qu'on  croit  gé- 
néralement être  la  chapelle  primitive  qui  servait  aux  saints 
ermites  Eufraise  et  Auxille  du  temps  de  saint  Are,  vers  le  mi- 
lieu du  VIe.  siècle  ,  et  que  ce  saint  évèque  avait  choisi  pour 
le  lieu  de  sa  sépulture.  On  y  voit  encore  une  partie  de  son 
tombeau.  Cependant  il  croit  devoir  faire  remarquer  que  cette 
crypte  ne  présente  aucun  caractère  particulier  au  moyen  du- 


212      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

quel  on  puisse  constater  celte  haute  antiquité.  Le  sarcophage 
de  saint  Are  n'offre  lui-même  aucun  signe. 

Dans  le  reste  du  diocèse  nous  rencontrons  encore  d'autres 
cryptes  qui  pourraient  être ,  au  moins  en  partie  ,  antérieures 
au  XIe.  siècle,  mais  de  simples  présomptions  sans  preuves 
ne  sont  pas  suffisantes  pour  asseoir  un  jugement. 

M.  Petit  émet  le  vœu  que  M.  l'abbé  Crosnier  fasse  pour 
Nevers,  ce  que  M.  Quantin  a  fait  pour  Auxerre,  un  tableau 
chronologique  des  diverses  constructions  religieuses  du  Ni- 
vernais. 

M.  Crosnier  répond  que  ce  travail  existe  déjà  sur  le  tableau 
synoptique  de  l'histoire  du  Nivernais  et  du  Donziais  qu'il  a 
publié  en  18^0,  mais  qu'il  consent  volontiers  à  établir  un 
tableau  chronologique  comprenant  seulement  les  diverses  con- 
structions religieuses  du  pays. 

En  même  temps,  M.  Crosnier  dépose  sur  le  bureau  une 
carte  monumentale  du  département  ;  les  diverses  époques  y 
sont  indiquées  par  des  signes  de  couleurs  variées. 

M.  Victor  Petit  n'approuve  pas  ce  mode  d'indication  ;  il 
rappelle  que  l'Institut  des  provinces  siégeant  au  Luxembourg 
a  nommé  une  commission  chargée  d'examiner  quels  seraient 
les  signes  les  plus  commodes  à  employer  sur  ces  cartes  monu- 
mentales. Les  couleurs  différentes  furent  repoussées  comme 
étant  d'un  emploi  trop  difficile  et  trop  dispendieux.  Il  est 
plus  facile  en  effet  dans  une  course  archéologique  de  porter 
avec  soi  une  carte  déjà  dressée ,  et  d'indiquer  à  l'encre  ordi- 
naire et  au  crayon  le  genre  du  monument  par  des  signes 
convenus  et  l'époque  ou  les  époques  auxquelles  il  se  rattache 
par  des  chiffres  :  il  serait  difficile  pour  un  voyageur  d'avoir 
toujours  ses  couleurs  délayées. 

M.  de  Surigny  ajoute  que  si  l'on  veut  publier  ces  cartes 
monumentales ,  les  signes  coloriés  nécessiteraient  l'emploi  de 
plusieurs  planches  et  rendraient  ces  cartes  fort  dispendieuses. 


XV  IIP.    SESSION.  213 

Toutes  ces  raisons  ont  déterminé  l'Institut  des  provinces  à 
adopter  définitivement  pour  ces  sortes  de  travaux  les  signes 
indicatifs  de  la  carte  de  Gassini ,  et  les  chiffres  arabes  pour 
indiquer  les  époques.  Ces  signes  ont  clé  publiés  dans  le 
bulletin  monumental. 

M.  l'abbé  Crosnier  déclare  qu'il  n'a  pas  l'intention  de 
combattre  un  fait  accompli ,  ni  de  lutter  contre  une  décision 
prise  par  l'Institut  des  provinces,  il  croit  cependant  devoir 
soumettre  à  l'assemblée  ses  observations  à  cet  égard.  Il  trouve 
que  les  signes  indicatifs  de  Cassini  et  les  chiffres  employés 
pour  indiquer  l'âge  ou  les  différents  âges  des  monuments, 
chargent  tellement  une  carte  qu'il  sera  difficile  de  s'y  recon- 
naître ;  d'un  autre  côté ,  il  comprend  que  les  chiffres  peuvent 
bien  indiquer  les  différentes  époques  qui  ont  concouru  à  la 
confection  d'un  monument ,  mais  sans  préciser  les  parties  du 
monument  qui  appartiennent  à  chaque  époque.  Il  ne  trouve 
pas  ces  inconvénients  en  employant  les  couleurs  ,  la  carte  est 
nette,  nullement  chargée,  on  peut  distinguer  de  suite  la 
forme  des  églises,  le  parallélogramme  est  indiqué  par  un  trait, 
la  forme  cruciale  par  une  croix  ,  etc.  ,  chaque  partie  avec 
la  couleur  qui  lui  est  propre  ;  ainsi ,  lorsque  l'église  est  du 
XIIIe.  siècle  et  qu'un  transept  a  été  ajouté  au  XIVe. ,  la  nef 
prend  la  couleur  du  XIIIe.  et  le  transept  celle  du  XIVe. 
siècle. 

Un  autre  avantage  que  M.  Crosnier  trouve  dans  ce  système , 
c'est  que  d'un  seul  coup-d'ceil  on  dislingue  sur  une  carte  les 
différents  siècles  qui  ont  dominé  dans  chaque  contrée  ;  ainsi , 
dit-il ,  sur  la  carte  que  je  vous  présente  ,  le  jaune  indique  le 
XIIe.  siècle  et  le  vert  la  fin  du  XVe.  et  le  commencement  du 
XVIe.  ;  vous  voyez  de  suite  que  le  XIIe.  domine  dans  l'an- 
cien diocèse  de  devers  et  le  XVe.  dans  la  partie  du  diocèse 
d'Auxerre  qui  lui  est  maintenant  réunie. 

M.  de  Caumont  reconnaît  les  avantages  du  procédé  de  M. 

M 


1\k  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

Crosnier,  mais  il  reconnaît  en  même  temps  que  les  couleurs 
passent,  ce  qui  est  un  inconvénient  assez  grave  ;  il  ajoute  que 
la  question  a  été  décidée  par  la  commission  de  l'Institut  des 
provinces ,  il  a  été  arrêté  que  les  signes  graphiques  seraient 
seuls  employés  afin  de  mettre  de  l'unité  dans  les  travaux  des 
diverses  Sociétés  savantes  des  départements. 

31.  Crosnier  voudrait  que  les  cartes  monumentales  ordi- 
naires adoptassent  les  signes  graphiques;  mais  il  prétend  que 
les  cartes  administratives  des  évêchés  et  des  préfectures  pré- 
senteraient de  grands  avantages  en  adoptant  les  couleurs. 

M.  Gallois ,  conservateur  du  musée  céramique  de  Nevers  , 
appelle  l'attention  de  MM.  les  membres  du  Congrès  sur  un 
objet  antique  trouvé  dans  les  fouilles  faites  au  bois  de  St.- 
Révérien ,  et  en  dépose  sur  le  bureau  un  fac-similé  en  argile. 
L'original  est  en  pierre  noire  et  dure  étrangère  au  pays,  a 
18  millimètres  de  haut,  26  de  large  à  ses  deux  bases,  est 
légèrement  renflé  au  centre.  Il  est  percé  d'un  trou  de  3  mil- 
limètres environ ,  et  à  ses  deux  orifices  il  est  orné  d'un  dessin 
festonné.  Sur  le  renflement  est  cette  inscription  gravée  sur 
deux  lignes  circulaires  ;  la  voici  déroulée  : 


JIONIGNATI    FAGABI 
BVBBVTIO    NIMON. 


Personne  n'a  pu  donner  immédiatement  l'explication  de 
cette  inscription. 
La  séance  est  levée  à  5  heures. 

Le  Secrétaire-adjoint , 

QlJANTIN. 


xvnr.  session.  215 

Première  séance  dia  fi  juin 

Présidence  de  M.  le  général  Pétiet. 

Prennent  place  au  bureau  :  Mgr.  l'évoque  de  Nevers,  MM. 
de  Caumont,  l'abbé  Sergent,  recteur  de  l'académie  de  la 
INièvrc;  le  baron  Chaillou  des  Barres,  l'abbé  Le  Petit,  Gau- 
gain  ,  l'abbé  Crosnier  ,  secrétaire-général  du  Congrès ,  3Io- 
rellet ,  professeur  d'histoire  au  collège  de  Nevers ,  secrétaire- 
adjoint.  M.  le  général  Pétiet  est  invité  par  M.  de  Caumont 
à  présider  et  déclare  la  séance  ouverte. 

M."  de  Caumont  donne  communication  de  deux  lettres 
adressées  au  Congrès  ;  par  l'une  ,  M.  d'Allonville  ,  de  Metz , 
s'excuse  de  ne  pouvoir  prendre  part  aux  travaux  de  la 
XVIIIe.  session;  par  l'autre,  M.  Drouet,  du  Mans,  inspec- 
teur divisionnaire ,  demande  une  allocation  pour  acheter  un 
fauconneau  du  XVIe.  siècle. 

M.  l'abbé  Brûlé ,  de  Sens ,  communique  le  dessin  d'un 
suaire  trouvé  dans  un  sarcophage  dont  on  attribue  la  fabri- 
cation à  l'orfèvre  saint  Eloi ,  et  qui  renferme  les  reliques  de 
sainte  Colombe  à  Sens.  Ce  suaire  a  1"".  18e.  de  long  suri"1. 
16e.  de  large.  C'est  un  tissu  assez  épais,  composé  de  lin  et  de 
soie ,  et  orné  d'un  dessin  seize  fois  répété  dans  un  ovale  den- 
telé, deux  lions  affrontés.  En-dehors  de  l'ovale,  quatre  chiens 
courent  en  sens  inverse  et  en  tournant  la  tète  vers  un  arbuste 
qui  les  sépare.  Ce  suaire ,  dont  on  a  pu  constater  le  tissu  et 
les  dessins  d'ornement  dans  une  visite  récemment  faite  à  la 
châsse  de  sainte  Colombe,  parait  venir  de  l'orient  et  re- 
monter à  une  époque  fort  reculée  ;  peut-être  faut-il  en  placer 
la  fabrication  entre  le  IXe.  siècle  et  le  VIIe. 

M.  l'abbé  Brûlé  communique  au  Congrès  le  dessin  d'un 
tissu  de  soie   rouge,  de  même  grandeur  que  le  suaire  de 


216  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

sainte  Colombe.  Ce  tissu  est  orné  d'une  bordure  de  0'".  5e. 
de  large,  de  fleurs  ,  d'un  animal  courant  et  de  deux  colombes 
tournant  gracieusement  la  tète  pour  becqueter  la  plante  qui 
les  sépare. 

M.  l'abbé  Manceau  ,  après  avoir  examiné  le  dessin  du  suaire 
de  sainte  Colombe ,  en  trouve  le  tissu  semblable  à  celui  du 
suaire  de  saint  Mesme  (  Maximus  ) ,  à  Chinon ,  figuré  dans  le 
Bulletin  monumental  de  M.  de  Caumonl  et  dans  son  Abécé- 
daire d'arcbéologie. 

M.  l'abbé  Devoucoux  a  vu  clans  l'église  d'Autun  un  tissu 
tout  semblable  aux  suaires  de  sainte  Colombe  et  de  saint 
Mesme,  mais  enrichi  de  trilobés  et  d'autres  ornements  qui 
rappellent  le  XIIIe.  siècle. 

M.  de  Caumont  a  figuré  un  suaire  de  même  style  que  celui 
de  saint  Mesme,  lequel  a  été  décrit  par  M.  Hucher,  du  Mans. 

M.  l'abbé  Crosnier  prend  la  parole  et  s'exprime  ainsi  : 

En  faisant  la  lecture  du  mémoire  si  intéressant  de  M.  Bul- 
liot  sur  le  mont  Beuvray,  M.  Devoucoux,  entr'autres  obser- 
vations très-judicieuses  dont  il  assaisonna  la  lecture  de  ce 
mémoire ,  vous  fit  remarquer  qu'au  moyen  âge  on  rencontrait 
souvent  des  abus  et  quelquefois  même  des  crimes  ,  mais  que 
l'expiation  suivait  de  près. 

C'est  en  effet ,  Messieurs  ,  à  cet  esprit  d'expiation  que  sont 
dus  une  grande  partie  des  monuments  et  des  établissements 
charitables  qui  sont  encore  l'objet  de  notre  admiration  ;  qu'il 
me  soit  permis,  pour  compléter  cette  pensée,  de  vous  ra- 
conter une  histoire  de  notre  pays  et  d'y  joindre  sa  légende 
populaire.  La  scène  se  passait  en  1199.  Pierre  de  Courtenay, 
comte  de  Nevers,  d'Auxerre  et  de  Tonnerre,  était  la  terreur 
de  ses  voisins  ;  fier  de  sa  naissance  ,  car  il  était  petit-fils  de 
Louis-le-Gros  ,  il  avait  épousé ,  par  l'entremise  de  Philippe- 
Auguste  ,  son  cousin-germain ,  Agnès ,  riche  et  unique  héri- 


xviir.   SESSION.  217 

lière  de  l'ancienne  maison  de  Nevcrs ,  qui  était  morte  lui  lais- 
sant une  seule  fille  du  nom  de  Mahaut.  Sa  puissance ,  ses  ri- 
ches possessions,  la  parenté  et  la  protection  du  roi,  tout 
contribuait  à  entretenir  en  lui  ce  caractère  tracassicr  et  in- 
quiet. Il  voulut  s'attaquer  à  Hervé  ,  baron  de  Donzy  ;  il  pré- 
tendit que  par  suite  d'arrangements  faits  avec  Geoffroy  ,  son 
aïeul ,  le  comté  de  Gien  devait  lui  appartenir ,  cl  comme 
Hervé  n'était  pas  d'humeur  a  se  laisser  déposséder,  Pierre 
lui  déclara  la  guerre. 

En  vain  le  comte  de  Nevcrs  avait  réuni  tous  ses  vassaux , 
en  vain  il  avait  soudoyé  les  Cotereaux  qui  ravageaient  alors 
les  bords  de  la  Loire ,  son  armée  fut  battue  et  lui-même  ,  fait 
prisonnier  par  Hervé ,  fut  enfermé  dans  le  château  de  Donzy. 

Philippe-Auguste,  soit  pour  procurer  la  liberté  à  son  pa- 
rent ,  soit  parce  qu'il  devait  y  trouver  son  avantage ,  s'en- 
tremit comme  médiateur  entre  les  deux  seigneurs.  Il  fil 
épouser  ,  par  Hervé  ,  Mahaut  de  Courtenay.  Par  ce  mariage  , 
le  baron  de  Donzy  eut  le  comté  de  Nevers  et  l'espérance  d'y 
réunir  plus  lard  ceux  d'Auxerre  et  de  Tonnerre  après  la  mort 
de  Pierre ,  car  il  avait  été  ainsi  stipulé  dans  le  contrat.  A  ces 
conditions  Pierre  de  Courtenay  fut  remis  en  liberté.  Quant 
au  roi ,  il  voulut  que  ses  peines  fussent  récompensées  ;  il  se 
fit  céder  par  Hervé  le  comté  de  Gien  qu'il  réunit  à  la  cou- 
ronne ;  c'est  ainsi  qu'il  prit  l'huître ,  laissant  les  écailles  aux 
plaideurs.  Dans  tous  les  cas ,  Hervé  n'eut  pas  à  se  plaindre  , 
son  écaille  était  assez  belle. 

A  l'époque  dont  il  s'agit ,  l'église  avait  cru  devoir  étendre 
jusqu'au  septième  degré  les  empêchements  de  parenté  ,  afin 
d'étendre  davantage  la  charité  dans  ces  temps  de  guerre  et 
de  discorde.  Hervé  et  Mahaut  se  trouvaient  parents  à  un  de 
ces  degrés  prohibés ,  et  cependant  ils  vivaient  maritalement 
sans  avoir  obtenu  la  dispense  qui  leur  était  nécessaire;  depuis 
neuf  ans  ils  étaient  ensemble ,  quand  enfin  ,  ne  pouvant  plus 


218  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

résister  aux  reproches  de  leurs  consciences ,  ils  s'adressèrent 
au  souverain  pontife.  Celui-ci  consentit  à  lever  l'empêche- 
ment ,  mais  à  condition  qu'Hervé  construirait  trois  monas- 
tères sur  ses  terres  ;  telle  fut  l'origine  des  monastères  de 
l'Epeau  et  de  Vielmannay  et  de  la  Chartreuse  de  Bellary. 

Il  est  facile  de  reconnaître  encore  ici  l'action  civilisatrice 
de  l'église,  elle  ne  se  contente  pas  de  multiplier  les  empêche- 
ments de  mariage  pour  étendre  la  charité  par  les  liens  de 
famille;  elle  offre  aux  opprimés  un  lieu  de  refuge  dans  les 
nombreux  monastères  qu'elle  établissait  partout  et  qui  jouis- 
saient du  droit  d'asile. 

Bellary,  comme  je  l'ai  dit,  était  un  des  établissements 
fondés  par  Hervé  en  réparation  de  la  faute  qu'il  avait  com- 
mise. Permettez-moi,  Messieurs,  de  rapprocher  une  légende 
populaire  du  trait  d'histoire  que  vous  venez  d'entendre. 

Mahaut,  disent  les  gens  du  pays,  vivait  avec  Hervé  sans 
avoir  fait  bénir  son  mariage  par  l'église  ;  mais  souvent  elle 
était  triste  et  des  larmes  abondantes  inondaient  son  visage , 
car  son  crime  était  toujours  présent  devant  ses  yeux.  Souvent 
Hervé  lui  avait  demandé  la  cause  de  sa  tristesse  et  de  ses 
larmes ,  le  silence  était  sa  seule  réponse.  Un  jour  qu'il  la 
voyait  plus  triste  que  de  coutume,  il  lui  fit  de  nouvelles  et 
plus  pressantes  instances  ;  Mahaut  finit  par  lui  rappeler  l'inva- 
lidité de  leur  mariage.  Le  comte,  pour  la  consoler,  lui  promit 
de  demander  au  souverain  pontife  la  dispense  nécessaire,  alors 
la  belle  a  ri ,  et  le  nom  de  Bellary  fut  donné  au  monastère 
fondé  dans  le  lieu  même  où  la  belle  avait  ri.  Sans  doute  , 
comme  vous ,  je  me  garderai  d'admettre  cette  étymologie  ; 
cependant  nous  devons  remarquer  que  la  légende  se  rapproche 
beaucoup  de  l'histoire. 

M.  Morellet,  appuyant  une  observation  de  M.  Crosnier,  fait 
remarquer  que  la  royauté  au  XIIe.  siècle  ne  laissait  échapper 


xvur.   SESSION.  219 

aucune  occasion  de  s'agrandir  et  que  son  iulervenlion  comme 
pouvoir  médiateur  était  rarement  gratuite. 

M.  l'abbé  Devoucoux  fait  remarquer  que  les  monastères 
étaient  tenus  de  prier  sans  doute,  mais  que  l'aumône  fré- 
quente, l'aumône  journalière  leur  était  imposée  et  par  les 
règles  monastiques  et  par  les  chartes  de  fondation. 

M.  l'abbé  Crosnicr  rapelle  à  cette  occasion  un  épisode  de 
l'époque  de  la  fondation  du  monastère  de  La  Charité-sur-Loire. 
Cette  ville  se  nommait  Seyr,  avant  qu'une  colonie  d'enfants 
de  St. -Benoit  s'y  établît,  sous  la  direction  de  saint  Gérard  , 
premier  prieur  de  ce  célèbre  monastère.  Vous  savez,  leur 
dit  en  arrivant  Gérard ,  la  louable  coutume  de  nos  monas- 
tères, nous  devons  donner  aux  pauvres  la  dîme  de  tout  ce 
qui  îious  est  nécessaire  pour  notre  nourriture;  et  comme  , 
dès  les  premiers  moments,  la  communauté  de  Seyr  était  déjà 
fort  nombreuse ,  la  dîme  des  pauvres  était  considérable ,  et 
on  les  voyait  accourir  de  tous  les  environs  se  dirigeant  vers 
le  monastère.  Allons,  disaient  ces  pauvres,  allons  à  La  Cha- 
rité des  bons  pères.  Le  nom  de  Seyr  fut  oublié  et  remplacé 
par  celui  que  lui  ont  donné  les  pauvres  allons  à  La  Charité. 

M.  Morellet  ajoute  que  les  armes  du  prieuré  de  La  Charité 
sont  trois  bourses  d'or  ouvertes  sur  un  champ  d'azur  et 
qu'elles  rappellent  le  précepte  et  la  constante  pratique  de 
l'aumône. 

Le  XIe.  siècle  présente-t-il  des  caractères  précis,  et 
remarque-t-on  quelque  différence  dans  les  caractères  du 
commencement  et  de  la  fin  de  ce  siècle? 

Dès  le  commencement  du  XIe.  siècle,  dit  M.  Crosnicr,  on 
remarque  déjà  une  grande  régularité  dans  le  plan  ,  au  moins 
dans  les  églises  importantes,  les  chapiteaux  sont  peu  fouillés 
et  l'ornementation  végétale  l'emporte  de  beaucoup  sur  l'or- 
nementation animale;  on  ne  voit  point  encore  de  déambu- 
latoire, car  il  serait  difficile  d'assurer  que  les  basses-nefs 


220      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

circulant  autour  du  sanctuaire  remontent  à  cette  première 
partie  du  XIe.  siècle,  toutes  les  églises  que  j'ai  visitées  et 
qui  ont  le  déambulatoire  présentent  les  caractères  de  la 
fin  du  XIe.  siècle  ou  du  commencement  du  XIIe.  Un  carac- 
tère qui  semble  être  particulier  à  la  première  moitié  de  ce 
siècle  est  la  baguette  peu  accentuée  qui  dissimule  les  parties 
anguleuses  des  tailloirs  ;  cette  baguette  se  remarque  à  Nevers 
dans  la  crypte  de  St.-Cyr  et  dans  la  chapelle  de  Ste-Julitte  : 
on  la  voit  dans  les  cryptes  de  St. -Etienne  d'Auxerre,  et  dans 
l'église  de  St.-Savinien  de  Sens.  Nous  avons  les  dates  pré- 
cises de  la  construction  de  ces  édifices,  la  crypte  de  St.-Cyr  et 
la  chapelle  de  Ste.-Julitte  sont  de  1028,  la  crypte  d'Auxerre 
de  1030,  et,  si  je  ne  me  trompe,  l'église  de  St.-Savinien  de 
Sens  est  aussi  de  1028;  or,  ces  trois  églises  placées  à  dis- 
tance les  unes  des  autres,  portant  le  caractère  que  j'ai  signalé, 
les  angles  dissimulés  par  des  baguettes  peu  accentuées,  pour- 
raient être  considérées  comme  présentant  le  type  de  cette 


BASES   DES    COLONNES    DE   LA    CRÏPTE   DE    S'.-CTB,    A    NEVERS. 

époque,  au  moins  pour  la  contrée  où  elles  se  trouvent  placées. 

M.  de  Caumont  a  fait  la  même  observation  pour  d'autres 
contrées,  dans  des  églises  de  la  même  époque. 

Quant  à  la  seconde  moitié  du  XIe.  siècle ,  M.  Grosnier  fait 
remarquer  que  ces  baguettes  disparaissent,  que  les  tailloirs 


XVIIIe.    SESSION.  221 

sont  garnis  de  moulures  et  d'ornements  déjà  variés,  comme 
nous  l'avons  observé  à  l'église  de  St. -Etienne  de  Nevers. 

Peut-on  rendre  compte  des  causes  qui  ont  fait  établir  au 
XIe.  siècle  l'abside  occidentale  de  la  cathédrale  de  Nevers  ? 

M.  l'abbé  Devoucoux  prétend  qu'on  rencontre  souvent  deux 
absides  dans  les  églises  du  pays  où  saint  Colomban  avait 
exercé  quclqu'iniluence ,  par  suite  de  l'établissement  de  deux 
clergés ,  l'un  séculier ,  l'autre  régulier ,  qui  se  partageaient 
l'église  et  qui  avaient  chacun  leur  autel  pour  les  offices. 

M.  Crosnier  ne  comprend  point  cette  influence  de  saint 
Colomban  pour  la  cathédrale  de  Nevers;  il  sait  bien  que  saint 
Colomban  est  venu  à  Nevers  et  qu'il  y  a  fondé  des  monas- 
tères, entr'autres  celui  de  St. -Etienne  de  Nevers;  mais  cette 
influence  dont  parle  M.  Devoucoux  ne  se  fait  aucunement 
remarquer  dans  l'église  de  St. -Etienne.  Il  pense  donc  qu'il 
faut  attribuer  à  une  autre  cause,  s'il  y  en  a  une  ,  l'abside  oc- 
cidentale de  la  cathédrale. 

L'orientation  des  églises ,  question  qui  déjà  a  été  souvent 
étudiée ,  remonte ,  on  ne  saurait  en  douter ,  à  la  plus  haute 
antiquité  ;  c'était  un  usage  constamment  reçu  de  se  tourner 
vers  l'orient  pour  prier.  Les  chrétiens  considéraient  le  soleil 
comme  l'image  de  la  lumière  incréée  qui  éclaire  tout  homme 
venant  dans  le  monde  et  dont  les  premiers  rayons  avaient 
éclairé  l'orient  d'une  si  vive  splendeur  ;  mais  comme,  dans  le 
principe  ,  l'autel  n'était  qu'une  simple  table ,  le  prêtre  ou 
l'évêque,  siégeant  au  fond  de  l'abside,  venait  pour  célébrer  les 
saints  mystères  se  placer  devant  cette  table ,  de  manière  à  se 
trouver  en  face  des  fidèles ,  ayant  l'autel  entre  eux  et  lui.  Il 
n'eût  plus  été  tourné  vers  l'orient  si  l'église  eût  été  disposée 
comme  les  nôtres  ;  c'était  au  chef  de  la  prière ,  à  celui  qui 
était  chargé  de  réunir  les  vœux  du  peuple  pour  les  offrir  à 
Dieu ,  de  se  soumettre  aux  prescriptions  marquées  dans  les 
constitutions  apostoliques.  L'église  était  donc  orientée  en  sens 


222      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

inverse  des  nôtres,  comme  on  en  rencontre  encore  des  exem- 
ples en  Italie.  L'église  de  Nevers  aura  peut-être  tenu  plus 
long-temps  que  d'autres  à  cet  autique  usage. 

Peut-être  encore  était-ce  là  que  saint  Jérôme,  évêque  de 
Nevers,  avait  élevé  en  l'honneur  de  saint  Cyr  la  chapelle  qu'il 
avait  primitivement  adjointe  à  sa  cathédrale  avant  sa  recon- 
struction ,  comme  on  le  lit  dans  sa  vie ,  et  qu'ensuite ,  par 
respect  pour  le  saint  enfant  que  Nevers  avait  adopté  pour  son 
patron ,  on  aura  voulu  que  le  berceau  de  son  culte  dans  le 
Nivernais  continuât  à  être  le  sanctuaire  de  la  basilique  érigée 
en  son  honneur. 

Le  XIIe.  siècle  est-il  bien  caractérisé?  Quels  sont  ses  ca- 
ractères dans  le  Nivernais? 

Personne  ne  demandant  la  parole  pour  répondre  à  cette 
question,  M.  Victor  Petit  exprime  le  désir  que  M.  l'abbé 
Crosnier  fasse  part  de  ses  observations. 

M.  Crosnier  dit  qu'en  thèse  générale ,  on  pourrait  consi- 
dérer le  XIIe.  siècle  comme  le  complément  du  XIe.  ;  c'est 
toujours  le  môme  arbre,  mais  qui  s'est  développé  :  ses  bran- 
ches se  sont  étendues  et  multipliées ,  son  feuillage  est  plus 
touffu ,  ses  fleurs  se  sont  épanouies.  Il  y  a  plus  de  hardiesse 
dans  l'idée ,  plus  d'habileté  dans  l'exécution  ;  les  ornements 
sont  plus  nombreux  ,  plus  élégants ,  plus  soignés ,  mieux 
étudiés.  Dans  les  grandes  églises ,  nous  rencontrons  souvent 
le  déambulatoire  admis  déjà  dans  la  seconde  moitié  du  siècle 
précédent ,  mais  prenant  plus  de  développement. 

Pour  bien  nous  rendre  compte  des  églises  du  Nivernais  qui 
remontent  à  cette  époque ,  il  est  important ,  ajoute-t-il ,  de 
les  diviser  en  deux  catégories  :  les  églises  du  Morvan  et  celles 
de  ce  qu'on  appelle  le  Bon-Pays.  Les  églises  du  Morvan ,  par 
suite  des  difficultés  que  présentaient  à  l'ouvrier  les  matériaux 
dont  il  était  obligé  de  se  servir ,  les  roches  granitiques  qu'il 
brisait  pour  en  employer  les  débris  dans  ses  constructions , 


XVIIIe.    SESSION.  223 

n'offrent  pas  ces  caractères  précis  qu'on  remarque  ailleurs  ;  on 
reconnaît  la  forme  générale ,  l'abside  en  hémicycle ,  les  fenê- 
tres en  meurtrières,  en  un  mot  le  plan  adopté  au  XL.  et  au 
XII0.  siècle,  mais  rien  de  bien  précis  ;  l'art  est  seul  dans  cette 
contrée. 

Une  seule  église  fait  exception ,  c'est  celle  de  Sémelay  qui 
semble  avoir  été  transportée  d'une  autre  région  ;  c'est  un 
plan  largement  conçu  et  exécuté  avec  des  matériaux  conduits 
à  grands  frais  de  carrières  éloignées.  La  sculpture  l'a  enrichie 
de  décoration  ;  on  reconnaît  une  église  bénédictine  dans 
laquelle  rien  n'a  été  épargné.  Les  bases  des  colonnes  ont 
même  un  genre  de  décoration  insolite  dans  notre  ancienne 
Bourgogne  et  que  M.  Mallay  a  retrouvé  dans  une  église 
d'Auvergne  ;  une  guirlande  de  fleurs  les  entoure. 

M.  L'abbé  Devoucoux  fait  observer  que  dans  l'Autunois, 
l'église  d'Anzy  présente  le  même  genre  de  décoration  que 
M.  Crosnier  signale  à  Sémelay.  La  chose,  ajoute-t-il,ne  vous 
paraîtra  pas  étonnante  quand  vous  saurez  que  ces  deux  églises 
sont  bénédictines  et  ont  eu  les  mêmes  fondateurs. 

M.  l'abbé  Crosnier  reprenant  ses  explications ,  dit  que  les 
églises  construites  dans  les  campagnes  du  Bon-Pays  ont  des 
caractères  plus  précis  et  méritent  en  général  l'attention  de 
l'observateur.  L'église  de  La  Charité-sur-Loire  imprima  son 
caractère  à  un  grand  nombre  de  ces  églises  ;  ce  célèbre 
prieuré  avait  plus  de  400  obédiences,  et  la  riche  contrée  des 
Amogues  lui  appartenait  presqu'en  entier  ;  là  se  trouvent 
encore  aujourd'hui  des  églises  évidemment  imitées  de  celle 
de  La  Charité-sur-Loire ,  du  moins  pour  le  genre  de  dé- 
coration. 

M.  Crosnier  signale  à  l'attention  du  Congrès  l'intéressante 
église  de  Jailly ,  qu'on  voit  à  U  kilomètres  de  St.  -Saulge ,  qui 
était  une  dépendance  de  La  Charité.  Cette  église  n'est  plus 
entière,  le  temps  et  les  révolutions  l'on  réduite  presque  à 


22k  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

l'état  de  ruines.  Elle  avait  jadis  trois  nefs  et  trois  absides  avec 
transept  et  coupole  à  l'intertransept.  Les  absides  et  le  transept 
sont  de  la  fin  du  XIe.  siècle.  A  cette  époque  l'église  de  Jailly 
fut  donnée  aux  moines  de  La  Charité  et  ils  s'empressèrent  de 
la  compléter.  Ce  fut  au  XIIe.  siècle  que  furent  construites  les 
trois  nefs  aboutissant  au  transept,  ainsi  que  le  portail.  Ce 
portail  encore  debout  est  composé  de  deux  colonnes  élégantes 
garnissant  les  pieds-droits  de  chaque  côté  ;  les  chapiteaux  de 
ces  colonnes  sont  variés  :  ce  sont  des  feuilles  grasses,  des  feuilles 
à  crochet,  des  feuilles  d'acanthe  agencées  de  telle  sorte  qu'elles 
rappellent   la   corbeille  corinthienne,  puis  des  bandelettes 
entrelacées  ornées  de  petites  perles.  L'archivolte  est  garnie  de 
feuilles  de  fantaisie ,  d'une  ligne  perlée ,  d'une  autre  de  têtes 
de  clous  et  enfin  d'un  entrelacs  de  galons  perlés  surmonté  de 
bezans  peu  saillants.   Les  piliers  qui  restent  sont  flanqués  de 
colonnes  engagées  cantonnées  en  croix  ;  mais  par  une  sin- 
gulière disposition ,  cette  église  adossée  à  la  montagne  en  suit 
la  pente.   Au  lieu  de  couper  le  rocher  pour  établir  un  plan 
uni  pour  toute  la  nef,  le  maître  de  l'œuvre  a  suivi  l'incli- 
naison du  coteau  à  partir  du  portail;  le  premier  pilier  a  sa 
base  élevée  de  60  centimètres  environ  au-dessus  de  la  base 
du  portail;  le  second,  le  troisième,  le  quatrième  pilier  ont 
leurs  bases  élevées  aussi  de  60e.  au-dessus  de  celui  qui  les 
précède ,  en  sorte  qu'à  chaque  travée  il  y  avait  des  degrés 
pour  monter  à  la  travée  suivante.  Cette  disposition  m'a  paru 
assez  curieuse  pour  être  signalée  au  Congrès. 

La  partie  construite  au  XIe.  siècle ,  ajoute  M.  Crosnier , 
sert  dans  ce  moment  d'église  paroissiale  et  mérite  bien  qu'on 
fasse  quelques  démarches  et  quelques  sacrifices  pour  la  con- 
server ;  au-dessus  de  la  coupole  de  l'intertransept  s'élève  un 
clocher  byzantin  assez  gracieux ,  quoiqu'il  paraisse  tronqué  ;  il 
est  à  huit  pans  garnis  d'arcatures  géminées.  J'ai  conseillé  à  M. 
le  curé  d'ouvrir  une  souscription  pour  subvenir  aux  répara- 


XVIII0.    SESSION.  225 

lions  indispensables  que  réclame  l'état  de  cet  édifice,  et  je  lui 
ai  promis  de  m'adresser  à  la  Société  française  pour  obtenir 
quelques  secours  à  cet  effet.  Ces  secours,  Messieurs,  vous  ne 
les  refuserez  pas ,  et ,  si  vous  voulez  le  permettre ,  je  me 
chargerai  de  diriger  moi-même  les  premiers  travaux  de 
consolidation  auxquels  je  les  destine.  Je  me  propose  aussi  de 
m'adresser  au  gouvernement  afin  de  l'intéresser  à  cette  res- 
tauration et  obtenir  quelques  secours. 

M.  de  Soultrait  fait  observer  que  les  églises  de  la  fin  du 
XIe.  siècle  et  du  commencement  du  XIIe.  sont  généralement 
assez  grandes  et  plus  régulières  que  celles  qui  les  ont  précé- 
dées. Les  trois  absides  s'y  rencontrent  assez  fréquemment  ; 
il  cite  pour  exemple  les  églises  de  Chantcnay  ,  de  Vcrneuil , 
de  Montigny  ,  et  il  ajoute  que  les  ornements  géométriques 
sont  rares  dans  cette  contrée ,  quoiqu'on  en  remarque  sur 
différents  points;  Jaugenay  ,  Huez,  INeuville-la-Decise ,  ont 
des  tores  chevronnés. 

M.  Devoucoux  fait  remarquer  que  la  plupart  des  églises 
un  peu  importantes  ,  consacrées  durant  les  premières  années 
du  XIIe.  siècle,  ont  été  conçues  dans  le  XIe.  ;  il  donne  pour 
exemple  l'église  de  Cluny,  consacrée  en  1132,  et  dont  le 
plan  est  assurément  antérieur. 

M.  Crosnier  reconnaît  la  justesse  de  l'observation  faite  par 
le  savant  archéologue  Autunois. 

M.  Morellet  ajoute  qu'il  faut  aussi  faire  honneur  au  XIe. 
siècle ,  sinon  de  toute  l'église  de  La  Charité-sur-Loire ,  au 
moins  de  quelques  parties  considérables,  car  cette  église  a 
été  consacrée  en  1106  par  le  pape  Pascal  IL 

M.  de  Buzonnière  demande  la  permission  de  détourner  un 
instant  le  Congrès  du  cours  de  ses  études  pour  lui  soumettre 
le  désir  de  quelques  personnes  qui  voudraient  obtenir  une 
séance  dimanche  prochain,  15  courant,  pour  s'y  occuper 
spécialement  d'industrie  et  d'agriculture. 

M.  Avril,  président  de  la  Société  d'agriculture  de  Nevers, 


226  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

insiste  sur  l'utilité  d'une  séance  qui  serait  donnée  spécia- 
lement à  l'agriculture.  Tout  le  inonde  convient  que  peu  de 
travaux  seraient  aussi  utiles  qu'une  carte  agronomique  de  la 
France.  La  Société  d'agriculture  de  la  Nièvre  avait  commencé 
une  œuvre  de  ce  genre  pour  le  département,  lorsque  la  Ré- 
volution de  février  est  venue  l'arrêter.  M.  Avril  demande  que 
M.  de  Caumont,  dont  le  nom  n'est  pas  moins  recommandable 
en  agronomie  qu'en  archéologie ,  que  les  hommes  émincnts 
qui  siègent  avec  lui  au  bureau ,  communiquent  leurs  idées  et 
le  résultat  de  leur  expérience  aux  agronomes  de  Nevers. 

M.  de  Caumont  se  met  à  la  disposition  de  MM.  les  membres 
du  Congrès;  et,  sur  la  proposition  de  M.  l'abbé  Crosnier  et 
de  M.  de  Maumigny ,  il  indique  pour  cet  objet  la  séance  qui 
se  tiendra  le  samedi  soir,  ïh  courant,  à  7  heures,  au  retour 
de  l'excursion  archéologique  à  l'église  de  La  Charité. 

MM.  les  membres  de  la  Société  nivernaise  seront  convoqués 
par  la  voie  des  journaux. 

M.  Chaillou  des  Barres  appelle  l'attention  du  Congrès  sur 
la  ville  d'Entrains,  dont  l'importance  est  incontestable  dans 
l'antiquité  et  à  laquelle  M.  l'abbé  Devoucoux  vient  de  resti- 
tuer son  véritable  nom  iïlntaranum,  d'après  le  fragment  de 
carte  murale  trouvé  dernièrement  à  Autun.  Là ,  des  fouilles 
seront  assurément  fructueuses.  Le  gendre  de  M.  Roy,  M.  de 
Lariboissière  ,  qui  a  de  grandes  propriétés  dans  le  pays,  est 
on  ne  peut  mieux  disposé  à  se  livrer  à  ce  genre  de  travaux  ; 
et  il  s'empressera  de  les  commencer  sans  doute ,  si  le  Con- 
grès lui  en  exprime  le  désir. 

M.  le  Président  du  Congrès  est  prié  de  vouloir  bien  écrire 
dans  ce  sens  à  M.  de  Lariboissière. 

La  séance  est  levée  à  10  heures;  MM.  les  membres  du 

Congrès  sont  invités  à  se  réunir  à  l'évêché  où  un  déjeûner  et 

des  voitures  les  attendent. 

Le  Secrétaire-adjoint, 

J.-N.    MORELLET. 


XVIIIe.    SESSION.  227 

Deuxième  séance  «lu  jeudi  at  juin. 

Présidence  de  M.  le  baron  Ciiaillou  des  Barres,  membre  de  1  Institut 
des  provinces. 

La  séance  est  ouverte  à  trois  heures. 

Siégeaient  au  bureau  :  Mgr.  l'évèque  de  Nevers;  MM. 
Petit  de  la  Fosse,  préfet  de  la  Nièvre;  le  général  Pétiet,  de 
Caumont,  l'abbé  Le  Petit,  secrétaire-général  de  la  Société 
française;  de  Glanvillc ,  inspecteur  de  la  Seine-Inférieure; 
l'abbé  Crosnier,  secrétaire-général  du  Congrès;  leCle.  Georges 
de  Soultrait,  secrétaire-adjoint. 

L'on  remarque  parmi  les  personnes  présentes  MM.  le  Cte. 
de  Vibraye;  l'abbé  Manceau,  chanoine  de  Tours;  Augustin 
Cochïn  ,  adjoint  au  maire  du  10e.  arrondissement  de  Paris; 
leCte.  de  Choulot;  Joseph  de  Fontenay ,  d'Autan  ;  Laitier,  de 
Sens  ;  de  Buzonnicre  ;  le  C,e.  de  Bréda  ;  de  St.  -Maur  ;  le 
B°".  de  Bar;  Victor  Petit;  l'abbé  Bridé;  Louis  Pinet;  de 
Glanviile;  Quantin;  le  Cle.  de  Ménard;  de  Mieulie ,  rece- 
veur-général des  finances  ;  le  C,e.  de  Maumiyny;  Bidliot,  etc. 

M.  de  Glanviile  fait  hommage  au  Congrès  de  l'ouvrage 
suivant  :  Histoire  des  miracles  qui  se  sont  faits  lors  de  la  pre- 
mière restauration  de  l'église  de  l'abbaye  de  St.-Pierre-sur- 
Dive ,  augmentée  d'une  introduction  de  chartes  et  de  notes 
nombreuses. 

M.  de  Caumont  et  M.  le  Président  insistent  sur  le  mérite 
de  ce  curieux  volume  qui  fait  connaître  des  particularités  fort 
intéressantes  sur  la  construction  d'un  des  beaux  édifices  de 
la  Normandie. 

M.  l'abbé  Crosnier  demande  la  parole  pour  compléter  ce 
qu'il  a  dit  des  églises  du  XIIe.  siècle  ;  le  dessin  détaillé  de 
l'ancien  portail  de  l'église  de  St. -Père  de  Nevers  étant  déposé 
sur  le  bureau ,  il  fait  remarquer  que  les  sculptures  dont  ce 


228     CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

portail  était  enrichi ,  tout  en  conservant  le  grand  sujet  que 
les  artistes  se  plaisaient  à  reproduire  à  la  fin  du  XIIe.  siècle , 
et  pendant  le  cours  du  XIIIe. ,  offrait  cependant  certaines 
particularités  qui  ne  se  rencontraient  pas  ailleurs  et  qu'il  est 
important  de  constater;  on  sait  que  souvent  à  cette  époque 
on  représentait  l'église  et  la  synagogue,  la  première  person- 
nifiée par  une  femme  magnifiquement  parée  portant  la  cou- 
ronne de  reine  en  tête  et  tenant  à  la  main  l'étendard  triom- 
phal surmonté  d'une  croix  ;  la  seconde,  maigre  et  décharnée, 
tenant  en  main  le  livre  de  la  loi  renversé ,  chancelante ,  et  ne 
pouvant  soutenir  son  étendard  hrisé  ;  un  bandeau  couvre  ses 
yeux  et  la  couronne  tombe  de  sa  tète,  car  son  règne  est 
passé.  A  St.-Seurin  de  Bordeaux,  au  lieu  du  bandeau  c'est 
un  scorpion,  symbole  de  la  nation  juive,  qui  repose  sur  l'épaule 
de  cette  reine  détrônée  et  qui  lui  couvre  les  yeux  de  sa  queue. 

Au  portail  de  Nevers,  ces  deux  personnages  symboliques 
présentent  d'autres  particularités.  L'église  soutient  de  la  main 
gauche  une  basilique;  la  synagogue, au  lieu  du  livre  delà  foi, 
tient  une  lampe  renversée  de  laquelle  l'huile  s'échappe  ;  elle 
n'est  plus  chargée  de  procurer  la  lumière  au  monde. 

Parmi  les  six  statues  qui  ornaient  le  portail ,  on  remarque , 
dans  le  dessin  dont  nous  parlons ,  la  reine  Pedauque  avec 
son  pied  d'oie. 

La  description  de  ce  portail  est  interrompue  tout-à-coup 
par  une  discussion  très-animée  qui  s'établit  entre  plusieurs 
membres  du  Congrès. 

M.  Victor  Petit  conteste  la  présence  d'une  reine  de  France 
ayant  un  pied  d'oie ,  placée  aux  portails  de  quelques-unes  de 
nos  églises.  L'authenticité  d'une  semblable  statue  peut  être 
révoquée  en  doute  sous  plusieurs  rapports.  Toutefois ,  il  faut 
reconnaître  que  la  légende  de  la  «  reine  Berthe-au-Grand- 
Pied  »  est  très-populaire  surtout  parmi  les  bedeaux  et  les 
sacristains  qui  la  racontent  aux  voyageurs  ;  mais  cette  popu- 


XVIIIe.    SESSION.  229 

larité  ne  doit  poinl  arrêter  les  recherches  des  archéologues 
d'à-présent.  Ceux-ci  doivent  au  contraire  étudier  sérieuse- 
ment les  statues  signalées  par  la  croyance  ou  plutôt  la  crédu- 
lité publique,  comme  représentant  aux  portails  de  nos  églises 
la  reine  Pédauque.  M.  Victor  Petit  ajoute  qu'il  a  cherché 
partout  cette  reine  au  pied  d'oie  et  qu'il  est  tenté  de  croire 
qu'elle  n'existe  réellement  que  dans  les  livres  et  les  gravures 
publiés  au  siècle  dernier. 

Ainsi ,  tout  en  acceptant  la  légende  de  «  Berthe-aux- 
Grands-Pieds  » ,  en  prenant  même  plaisir  à  lire  cette  légende 
qui  est  populaire ,  M.  Victor  Petit  croit  fermement  que  ja- 
mais ,  aux  portails  des  églises  du  moyen  âge ,  on  n'a  pu 
placer  cette  reine  de  France  parmi  les  statues  représentant 
les  saints  les  plus  vénérés  ou  les  rois  de  l' Ancien-Testament. 

Il  n'existe  d'ailleurs  que  des  gravures  d'une  exactitude 
fort  contestable  ,  ou  bien  des  descriptions  que  l'on  peut  révo- 
quer en  doute  sans  pour  cela  douter  de  l'entière  bonne  foi 
des  écrivains  qui  ont  contribué  à  propager  ce  qu'on  peut 
appeler  aujourd'hui  une  «  erreur  »  archéologique.  Au  sur- 
plus ,  ajoute  M.  Victor  Petit ,  cette  question  si  vieille  pour- 
tant et  depuis  long-temps  débattue  ,  est  venue  surprendre  le 
Congrès.  Les  honorables  membres  qui  eussent  pu  éclairer  la 
question  n'ont  pas  le  temps  de  réunir  ni  de  résumer  leurs 
recherches;  c'est  donc  une  question  à  débattre  plus  lard; 
mais  dès  maintenant  on  doit  avouer  que  les  monuments  eux- 
mêmes  ,  c'est-à-dire  les  prétendues  statues  de  la  reine  Pé- 
dauque ,  ou  plutôt  de  la  reine  Berlhe ,  n'ont  jamais  été  pla- 
cées aux  portails  de  nos  églises. 

M.  Morellet  demande  la  parole.  Il  s'est  étonné  aussi  , 
comme  l'honorable  préopinant ,  de  l'élrangeté  du  simulacre 
dont  il  est  question  en  ce  moment,  mais  cela  ne  lui  paraît 
pas  une  raison  suffisante  pour  repousser  le  fait  qui  est  attesté 
par  des  hommes  graves  dont  le  nom  fait  autorité  dans  les 

15 


230      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

sciences  historiques.  Montfaucon  ,  dans  les  Monuments  de  la 
monarchie  française;  Dom  de  la  Planche ,  Histoire  de  La 
Bourgogne  ;  Lebeuf,  Mémoire  de  L'Académie  des  inscrip- 
tions ;  Dom  Vayssette,  Histoire  générale  du  Languedoc; 
Chabanel,  Antiquités  de  la  Daurade,  etc.  Que  ces  savants 
aient  mal  expliqué  le  fait ,  cela  est  possible ,  mais  ils  l'ont 
vu  ,  d'autres  aussi  l'ont  vu  ,  et  notamment  les  dessinateurs 
qui  ont  fait  les  planches  qui  devaient  orner  les  publications 
des  savants  historiens. 

M.  Morellet  ajoute  que  l'existence  de  la  reine  Pédauque 
est  un  fait  attesté  par  un  vieux  dessin  représentant  le  portail 
de  St. -Père  de  Nevers;  ce  dessin  a  été  fait  en  1771  par  M. 
Martin,  ingénieur,  qui  habitait  Nevers;  il  est  exécuté  à 
l'encre  de  Chine  et  appartient  à  la  bibliothèque  de  M.  Pinet 
père.  Voilà  un  document  authentique ,  car  M.  Martin  a  des- 
siné ce  qu'il  a  vu  sans  que  ce  soit  dans  un  but  systématique 
et  pour  corroborer  une  fable.  M.  Morellet  s'est  occupé  de 
recherches  sur  la  reine  Pédauque  et  s'est  mis  en  rapport 
avec  des  savants  de  diverses  provinces ,  et  il  a  reçu  la  confir- 
mation du  fait  archéologique  contesté  par  M.  Victor  Petit. 

Reprenant  la  parole ,  M.  Victor  Petit  fait  remarquer  que  le 
dessin  dont  il  est  question  est  précisément  rechargé  de  gros 
traits  noirs  qui  dénaturent  et  cachent  le  trait  primitif  dans 
l'endroit  où  le  fameux  «  pied  d'oie  »  devait  se  trouver.  Au 
surplus,  continue  l'orateur,  il  ne  faudrait  pas  nier  d'une 
manière  absolue  la  présence  d'un  pied  d'oie  h  la  place  d'un 
pied  humain  dans  une  statue  ou  des  statues  datant  du  moyen- 
âge.  Cette  monstruosité  a  pu  exister,  bien  qu'il  soit  fort 
difficile  de  s'en  rendre  compte  au  point  de  vue  iconogra- 
phique ,  mais  ce  qui  peut  être  contesté ,  c'est  la  personnifi- 
cation au  milieu  des  saints  les  plus  illustres  et  des  rois  de 
l' Ancien-Testament ,  d'une  reine  de  France ,  Berthc-aux- 
Grands-Pieds. 


XVIIP'.    SESSION.  231 

Les  études  archéologiques  actuelles  sont  dégagées  d'une 
foule  d'erreurs  et  de  préjugés  ;  il  y  a  donc  lieu  d'étudier  de 
nouveau  la  question  et  de  reconnaître  d'une  manière  défini- 
tive la  part  plus  ou  moins  grande  que  la  légende  si  populaire 
de  la  reine  Berthe  a  eu  dans  l'imagerie  du  moyen-âge.  Jus- 
qu'ici les  documents  cités  ne  sont  que  des  attestations  mo- 
dernes qui  s'appuient  sur  les  anciennes  sans  les  confirmer. 

M.  Morellet  lit  une  lettre  à  lui  adressée  par  M.  le  curé  de 
St.-Pourçain,  et  de  laquelle  il  résulterait  que  la  présence 
des  statues  au  pied  d'oie  ne  peut  être  contestée.  Quant  au 
sens  de  ce  pied  d'oie ,  M.  Morellet  l'ignore ,  mais  il  serait 
tenté  d'y  voir  un  souvenir  de  la  mythologie  germanique  ,  où 
le  pied  de  cygne  et  le  pied  d'oie  marquent  d'ordinaire  une 
nature  intermédiaire  entre  l'homme  et  la  divinité,  etc. 

M.  l'abbé  Crosnier  repousse  l'intervention  de  la  mythologie 
germanique.  Il  expose  les  diverses  et  fort  contradictoires  ex- 
plications données  par  les  savants  et  déclare  s'en  rapporter  à 
celle  qui  voit  dans  la  reine  Pédauque  la  reine  de  Saba ,  dont 
les  vilains  pieds  contrastaient ,  dit-on ,  avec  la  beauté  de  son 
visage.  Il  pense  aussi  que  le  «  pied  d'oie  »  marque  la  sa- 
gesse de  cette  reine  d'Orient  qui  vint  visiter  Salomon  à 
Jérusalem.  L'oie  serait  le  symbole  de  l'esprit  et  de  la  pru- 
dence dans  l'antiquité. 

M.  Victor  Petit  interrompt  l'orateur  en  disant  qu'au- 
jourd'hui on  dit  partout  «  bête  comme  une  oie.    » 

Cette  citation  provoque  une  grande  hilarité ,  à  laquelle  le 
savant  orateur  prend  lui-même  part. 

La  discussion  continue  entre  MM.  de  Surigny,  de  Soul- 
trait ,  Devoucoux ,  de  Villefosse  et  Morellet ,  qui  confirment 
les  observations  présentées  par  M.  Crosnier.  Une  liste  de 
plusieurs  auteurs  modernes  qui  ont  parlé  de  la  légeude  de  la 
«  reine  au  pied  d'oie  »  est  donnée  par  M.  Morellet.  De  tout 
ceci ,  il  résulte  que  la  question  a  besoin  d'être  sérieusement 


232      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

étudiée  sur  les  monuments  eux-mêmes.  A  cet  égard  ,  le  Con- 
grès pourrait  inviter  les  amis  des  sciences  archéologiques  à 
s'occuper  de  cette  question  déjà  bien  vieille,  et  qui  pourtant 
est  restée  indécise. 

M.  Crosnier  demande  à  résumer  la  discussion.  On  ne  peut, 
dit-il,  nier  l'existence  de  cette  statue  de  reine  au  pied  d'oie, 
sans  accuser  Dom  Mabillon ,  le  père  Montfaucon  ,  notre 
savant  critique  l'abbé  Lebeuf,  d'avoir  agi  et  écrit  en  aveugles, 
sans  preuves ,  sans  motifs  plausibles  ;  sans  accuser  les  artistes 
qui  ont  enrichi  leurs  œuvres,  elles  autres  qui  nous  ont  laissé 
les  dessins  des  différents  monuments  où  cette  reine  au  pied 
d'oie  était  représentée ,  comme  des  ignorants  ou  des  fourbes. 
Il  faut  donc  reconnaître  le  fait. 

Quant  au  personnage  désigné  par  la  reine  Pédauque,  est- 
ce  la  reine  Clotilde,  est-ce  la  reine  Berthe?  je  ne  balance 
pas  à  répondre  non.  Au  moyen-âge,  on  a  bien  représenté 
dans  des  médaillons,  sur  des  frises,  certaines  légendes  popu- 
laires, certains  personnages  historiques,  mais  il  est  main- 
tenant reconnu  par  tous  les  archéologues  sérieux  que  les 
grandes  statues  qui  flanquent  les  pieds-droits  des  portails  ne 
peuvent  être  que  des  saints  reconnus  par  l'église  ou  des  per- 
sonnages de  lWncien-Testament.  Comme  sainte  Clotilde  ne 
se  trouve  d'une  manière  incontestable  sur  aucun  monument, 
il  faut  donc  reconnaître  avec  un  certain  nombre  de  savants 
la  reine  de  Saba  dans  la  statue  de  la  reine  Pédauque  ;  reine 
sage  et  vigilante  qui  ne  craignit  pas  d'entreprendre  un  long 
voyage  pour  venir  admirer  la  sagesse  du  grand  roi. 

M.  le  président  résumant  à  son  tour  la  discussion,  dit  que 
la  présence  de  la  reine  Pédauque  sur  certains  monuments 
paraît  incontestable  ;  qu'une  seule  chose  peut  être  contestée  , 
c'est  le  personnage  qu'elle  représente  ;  mais  qu'il  paraît  plus 
probable  que  la  reine  de  Saba  est  ainsi  désignée. 

M.  l'abbé  Devoucoux  devant  quitter  Nevers  le  soir  même , 


xvur.   SESSION.  233 

demande  la  parole  pour  faire  des  communications  qui  peu- 
vent intéresser  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  du  Nivernais. 
Il  s'agissait  d'abord  de  restituer  au  diocèse  de  Nevers  un 
saint  qui  lui  appartenait  déjà  sous  un  rapport,  car  le  Ni- 
vernais avait  été  pour  lui  un  lieu  de  refuge  quand  ou  voulait 
lui  imposer  le  fardeau  de  l'épiscopat;  de  plus,  selon  M. 
Devoucoux ,  le  Nivernais  avait  été  son  lieu  de  naissance. 
Saint  Eptade,  une  des  grandes  figures  des  temps  mérovin- 
giens dans  nos  contrées ,  était  né  ,  selon  les  bollandistes ,  au 
bourg  de  Marnay  (Castrum  rnaternense) ,  près  d'Autun  ;  M. 
Devoucoux  fait  observer  qu'il  y  a  dans  la  paroisse  de  Lormes 
un  hameau  qui  porte  le  même  nom  et  qui  aurait  bien  pu 
être  le  berceau  du  saint.  Il  ne  balance  pas  à  adopter  cette 
opinion  qui  lui  paraît  incontestable ,  si  on  examine  avec 
attention  les  actes  de  la  vie  de  ce  saint.  On  parle  dans  la 
légende  du  long  trajet  qu'il  avait  à  faire  pour  se  rendre  à 
Autun  et  les  distances  qui  y  sont  indiquées  ne  sauraient 
s'appliquer  au  JMarnay  ,  près  d'Autun  ,  mais  bien  au  lieu  qui 
porte  le  même  nom,  auprès  de  Lormes;  il  ne  peut  donc 
plus  y  avoir  aucun  doute  à  cet  égard ,  c'est  un  point  d'his- 
toire qui  doit  être  rétabli. 

La  vie  tout  entière  de  saint  Eptade  fut  une  vie  de  charité, 
il  passa  sa  jeunesse  à  délivrer  les  captifs ,  il  voyageait  pour 
obtenir  des  aumônes  qui  le  missent  en  état  de  soulager  les 
veuves  et  les  orphelins,  s'adressant  non  seulement  aux  catho- 
liques, mais  encore  aux  païens  et  aux  barbares  dont  il  adou- 
cissait les  mœurs  par  ses  saintes  prédications  soutenues  par 
l'exemple  de  ses  vertus. 

Après  la  destruction  du  Castrum  Diinum ,  il  écrivit  au  roi 
Sigismond  en  faveur  des  captifs  nombreux  faits  dans  cette 
circonstance ,  et  il  en  fit  délivrer  plus  de  trois  mille  de  dif- 
férents âges  et  de  différent  sexe.  Tant  d'éminenles  qualités 
ne  purent  échapper  à  Flavien ,  évêque  d'Autun,  qui  voulut 


234  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

l'ordonner  prêtre;  mais  l'humilité  de  saint  Eptade  l'engagea 
à  refuser  cet  honneur  ;  il  paraît  cependant  que  plus  tard  il 
consentit  à  recevoir  l'onction  sacerdotale,  puis  il  se  retira 
dans  la  solitude. 

En  502,  le  siège  épiscopal  d'Auxerre  devint  vacant  par  la 
mort  de  saint  Censure.  Le  clergé  et  le  peuple  de  cette  ville 
qui  connaissaient  les  vertus  d'Eptade  désiraient  avec  ardeur 
de  l'avoir  pour  évêque.  Mais  Auxerre  ne  faisait  plus  partie 
du  royaume  des  Burgondes  et  il  fallait  le  consentement  de 
Gondebaud,  roi  de  Bourgogne.  La  paix  avait  été  conclue 
entre  les  deux  pays ,  le  roi  de  France  supplia  donc  Gonde- 
baud de  lui  céder  le  saint  homme  Eptade  afin  qu'on  l'or- 
donnât évêque  d'Auxerre.  Le  roi  Burgonde  refusa  d'abord 
de  donner  son  consentement,  mais  ne  pouvant  résister  plus 
long-temps  aux  sollicitations  réitérées  de  Clovis ,  il  finit  par 
céder.  Les  bollandistes  le  considèrent  comme  évêque,  mais 
il  paraît  certain  qu'il  refusa  constamment  le  fardeau  de 
l'épiscopat.  Pour  se  soustraire  aux  sollicitations  qui  lui  étaient 
adressées ,  il  se  réfugia  dans  les  forêts  du  Morvand  Cervi- 
dunum,  la  montagne  des  cerfs;  Cervon  fut  le  lieu  de  sa 
retraite.  Ce  fut  là  que  quelques  compagnons  qui  avaient  pu 
admirer  ses  vertus,  vinrent  le  joindre  pour  vivre  sous  sa 
direction.  Il  continua  à  avancer  dans  la  sainteté  et  fut  après 
sa  mort  compté  au  nombre  des  saints. 

Ce  fut  vers  la  même  époque,  ajouta  M.  Devoucoux,  que 
ut  érigé  l'évêché  de  Nevers,  car  il  est  à  remarquer  que  Nevers 
n'est  point  cité  dans  les  différents  exemplaires  de  la  notice 
des  provinces  rédigée  vers  le  temps  de  l'empereur  Honorius , 
c'est-à-dire  vers  le  commencement  du  Ve.  siècle.  Depuis 
l'an  439  jusqu'en  500,  il  s'est  tenu  dix  conciles  dans  le 
royaume  de  Bourgogne,  sans  qu'on  y  lise  parmi  les  souscrip- 
tions le  nom  d'aucun  évêque  de  Nevers.  Il  est  donc  indubi- 
table que  l'évêché  de  cette  ville  n'est  pas  antérieur  au  VIe.. 


xvnr.   SESSION.  235 

siècle.  Mais  en  505 ,  il  est  parlé  pour  la  première  fois  d'un 
évêque  de  Nevers  du  nom  d'Euladius ,  dans  la  vie  de  saint 
Séverin ,  abbé  d'Agaune ,  écrite  par  Fauste,  son  disciple. 
Puis  les  actes  du  concile  d'Epaône,  en  517,  présentent  la  sous- 
cription de  Tauricianus  qui  prend  le  titre  d'Epïscopus  civi- 
tatis  Nivernensium.  C'est  donc  vers  le  commencement  du 
VIe.  siècle  que  fut  érigé  cet  évêcbé ,  qui  comprit  dans  son 
territoire  une  partie  notable  du  pays  attribué  aux  Eduens. 
Le  seul  événement  politique  qui  puisse  rendre  compte  de  cet 
établissement  nouveau  est  le  mariage  de  Clovis  avec  sainte 
Clotilde  :  ce  mariage  donna  au  roi  de  France  des  droits  sur 
une  partie  du  royaume  de  Bourgogne.  M.  Parmentier,  dans 
son  Histoire  des  évèques  de  Nevers ,  après  avoir  longuement 
disserté  sur  cette  question ,  résolue  différemment  par  l'auteur 
des  questions  bourguignonnes,  p.  178,  conclut  comme  il  suit  : 

«  Nous  croyons  que  Clovis,  par  son  mariage  avec  sainte 
Clotilde,  a  réuni  toute  la  partie  du  royaume  de  Bourgogne 
qui  n'était  pas  dans  les  environs  du  Rbône  et  de  la  Saône,  et 
qu'il  y  a  joint  les  diocèses  ou  provinces  de  Langres,  Auxerre, 
Sens  et  Orléans,  avec  la  partie  où  est  aujourd'hui  le  Niver- 
nais ,  aux  provinces  déjà  conquises  par  les  Français  ;  Gonde- 
baud  et  Godégésile  étant  demeurés  maîtres  du  pays  situé  le 
long  du  Rhône  et  de  la  Saône,  et  jusqu'à  la  mer  de  Mar- 
seille.  » 

Il  est  resté  dans  les  monuments  de  l'histoire  ecclésiastique 
du  diocèse  d'Autun  une  trace  de  cet  événement  :  on  voit  en 
effet  dans  la  vie  de  saint  Eptade  le  passage  suivant  que  nous 
rapportons  textuellement ,  parce  que  l'abbé  Claude  Joly ,  les 
bollandistes  et  le  père  Lecointe  n'ont  pas  su  le  lire  exacte- 
ment ,  ne  connaissant  pas  les  localités  : 

«  Eodem  tempore  (circa  annum  500)  quo  se  ad  fluvium 
"  Quorandam  ,  pacis  mediante  concordià ,  duorum  regum 
«  super  litigiosa  est  complexa  polentia  ,  id  est  Burgondionum 


236  CONGRES    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

«  gentis  et  francorum ,  a  rege  Gundobaldo  prsecellentissimus 
«  rex  fraucorum  suppliciter  exoravit,  ut  hune  beatissimum 
«  virum  Dei  Eptadium  civitatis  sua?  autissiodorensis  praestaret 
«  antistitem  ordinandum,  cui  petitioni  vel  electioni  praedicti 
«  régis  ita  restitit  voluntas  offensa ,  lanquam  sibi  maximas 
«  vires  deposceret  possidendas.  ïamen  propler  praesentis 
«  concordiam  populi ,  pacis  et  caritatis  intuilu ,  quod  poterat 
«  negare  non  potuit;  cujus  accepta  promissione  auctoritatis , 
«  slatim  eligitur ,  consensusque  universitatis  sequitur  popu- 
«  lorum.    » 

On  voit  par  ce  passage  que  Gondebaud  et  Clovis,  au 
moment  où  ils  conclurent  un  traité  de  paix ,  avaient  à  s'en- 
tendre sur  le  pays  qu'arrose  la  rivière  de  Cure,  qu'à  la  suite 
de  ce  traité,  l'évêché  d'Autun  continua  à  faire  partie  du 
royaume  de  Bourgogne ,  tandis  que  l'évêché  d'Auxerre  fut 
attribué  au  royaume  de  France.  Saint  Eptade  était  en  effet 
du  diocèse  d'Autun,  et  c'est  la  raison  pour  laquelle  Clovis,  qui 
voulait  le  placer  sur  le  siège  d'Auxerre  ,  avait  besoin  du  con- 
sentement de  Gondebaud  dont  ce  saint  homme  était  le  sujet. 
Ce  même  texte  nous  apprend  encore  que  les  deux  princes 
arrêtant  les  frontières  nouvelles  de  leurs  deux  royaumes , 
s'occupèrent  des  affaires  de  l'église.  On  ne  saurait  trouver 
une  circonstance  plus  favorable  et  concourant  davantage  avec 
la  chronologie  pour  expliquer  le  démembrement  d'une  partie 
du  diocèse  d'Autun  et  l'érection  du  diocèse  de  Nevers  attaché 
à  la  métropole  de  Sens,  vers  le  commencement  du  VIe.  siècle. 
L'assistance  de  l'évêque  de  Nevers  au  concile  d'Epaône ,  com- 
posé d'évêques  du  royaume  desBurgondes,  prouve  que  cette 
portion  de  la  métropole  de  Sens  avait  conservé  encore  d'in- 
times relations  avec  l'église  d'Autun  dont  elle  venait  d'être  si 
récemment  détachée. 

M.  Morellel,  tout  en  remerciant  M.  l'abbé  Devoucoux  de 
a  glorieuse  restitution  qu'il  vient  de  faire  au  Nivernais  et  au 


xviir.    SESSION.  237 

Morvand,  demande  la  permission  de  rectifier  le  récil  que 
le  savant  archéologue  a  fait,  d'après  Parmentier  (Histoire  des 
évêques  de  Nevers),dc  la  réunion  du  Nivernais  au  royaume 
des  Francs.  M.  Morcllet  ne  pense  pas  que  le  Nivernais  ait 
jamais  fait  partie  de  la  dot  de  la  princesse  Burgonde,  qui 
épousa  Clovis  en  Zi93.  Ce  n'était  pas  l'usage  de  démembrer 
le  territoire  en  faveur  des  femmes  :  on  leur  donnait  des  effets 
mobiliers,  des  esclaves,  des  étoffes,  des  chariots,  des  vases 
précieux ,  de  l'argent  et  de  l'or  en  lingot  et  en  numéraire , 
comme  l'historien  Grégoire  de  Tours  le  fait  remarquer  pour 
le  mariage  de  Rigonthc,  fdle  du  roi  Chilperik  et  de  Frédé- 
gonde  ;  on  ne  donnait  pas  de  terre. 

M.  Devoucoux  et  M.  Bulliot  objectent  que  Brunehaut  et 
Galsuinthe  avaient  pourtant  reçu  des  terres  à  leur  mariage  : 
Brunehaut  avait  les  siennes  entre  Nevers  et  Moulins  (1)  ; 
Galsuinthe  possédait  plusieurs  villes  dans  l'Aquitaine  méri- 
dionale. 

Cela  est  vrai,  reprend  M.  Morellet,  mais  ces  terres  ne 
provenaient  pas  d'une  dot  émanant  du  roi  des  AVisigoths  d'Es- 
pagne, père  des  deux  princesses.  Elles  constituaient  le  présent 
du  matin  ,  le  morgen  gab  des  peuples  germaniques ,  le  don 
que  l'épouse  recevait  de  son  mari  le  lendemain  des  noces 
pour  prix  de  sa  virginité  ;  c'était  une  sorte  de  douaire  con- 
stitué par  l'époux.  La  princesse  Burgonde,  en  épousant  Clovis, 
Importa  sans  doute  beaucoup  d'effets  mobiliers,  mais  ne  lui 
porta  aucune  parcelle  de  territoire.  Ce  n'est  donc  pas  à 
l'époque  de  son  mariage  qu'il  faut  placer  la  réunion  du  Ni- 
vernais au  royaume  des  Francs.  M.  Morellet  la  recule  de 
quelques  années  encore;  il  croit  que  le  Nivernais  ne  passa 
sous  la  domination  des    Francs  qu'après  la  guerre  de  l'an 

(1)  Voir  la  savante  Histoire  de  l'abbaye  de  St. -Martin  d'Autun  par 
M.  Bulliot. 


238      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

500,  qui  rendit  Gondebaud,  roi  des  Burgondes ,  vassal  el 
tributaire  de  Clovis;  et  il  en  trouve  une  preuve  dans  le 
fragment  de  la  légende  de  saint  Eptade ,  que  M.  Devoucoux 
vient  de  lire  et  où  il  est  question  des  ravages  d'une  guerre 
terrible  et  de  la  joie  que  les  peuples  eurent  du  retour  de 
paix.  Les  expressions  de  la  légende  de  saint  Eptade  s'appli- 
quent évidemment  à  la  guerre  de  l'an  500  qui  fut  bien 
désastreuse,  si  l'on  en  juge  d'après  les  récits  de  saint  Gré- 
goire de  Tours.  M.  Morellet  raconte  brièvement  cette  guerre 
de  Clovis  contre  les  Burgondes ,  guerre  qui  fut  suscitée  par 
l'ambition  du  roi  Godégésile;  et  il  termine  en  ajoutant  que, 
quant  à  la  date  qu'il  faut  assigner  à  l'érection  de  l'évêché 
de  Nevers,  il  est  heureux  de  partager  l'avis  du  savant  ar- 
chéologue d'Autun. 

M.  l'abbé  Devoucoux  déclare  n'avoir  rien  à  dire  contre 
cette  explication  de  M.  Morellet  et  l'accepter  sous  bénéfice 
d'inventaire. 

M.  Devoucoux  parle  ensuite  d'un  pouillé  du  diocèse  de 
Nevers,  dont  l'original  existe  dans  la  bibliothèque  de  l'évêché 
de  cette  ville ,  mais  dont  on  n'avait  pu  jusqu'à  présent  fixer 
la  date  d'une  manière  certaine  ;  il  entre  dans  de  grands  dé- 
tails sur  l'histoire  d'une  copie  de  ce  pouillé  ,  appartenant  à 
l'évêché  d'Autun,  copie  qui  fut  faite  au  commencement  du 
XVIe.  siècle,  pour  servir  à  un  procès  entre  l'abbesse  de  St.- 
Pierre  de  Lyon  et  une  religieuse  de  ce  monastère ,  et  qui 
fait  connaître  que  le  pouillé  fut  dressé  en  ihlU  par  ordre  de 
l'évêque  de  Nevers ,  Pierre  de  Fontenay.  Enfin  le  savant 
vicaire-général  d'Autun  entretient  le  Congrès  de  la  magni- 
fique bibliothèque  qu'avait  formée  Mgr.  de  Tinseau,  évêquede 
Nevers ,  au  milieu  du  XVIIIe.  siècle ,  bibliothèque  qui  est 
conservée  dans  la  famille  de  ce  prélat  en  Franche-Comté. 
Elle  prouve,  ajoute-t-il ,  tout  ce  qu'il  y  avait  de  science  dans 
cet  évêque ,  car  sa  composition  seule  peut  être  considérée 


XVIIIe.    SESSION.  239 

comme  un  chef-d'œuvre  ;  il  a  fallu  des  connaissances  variées 
et  une  érudition  profonde,  pour  réunir  tous  les  ouvrages 
qui  forment  cette  bibliothèque;  et  si  on  peut  supposer  qu'elle 
est  l'œuvre  des  personnes  qui  entouraient  le  prélat ,  son  mé- 
rite n'en  serait  point  affaibli  ;  il  en  résulterait  qu'il  savait 
choisir  et  attirer  auprès  de  lui  les  hommes  les  plus  éminents. 
Puis,  s'adressant  à  Monseigneur,  «  l'antique  siège  épiscopal  de 
Nevers  n'a  rien  perdu,  dit-il,  de  sa  splendeur  et  de  sa  gloire, 
maintenant ,  comme  alors ,  on  y  voit  encore  briller  la  science 
et  la  vertu.  » 

Monseigneur  remercie  M.  l'abbé  Devoucoux  des  savantes 
communications  qu'il  vient  de  faire;  déjà,  dit-il,  nous  ho- 
norions saint  Eptadc  comme  ayant  sanctifié  notre  pays  par 
ses  vertus  ;  d'après  les  intéressantes  recherches  de  M.  De- 
voucoux ,  le  Nivernais  peut  encore  se  glorifier  de  lui  avoir 
servi  de  berceau.  Ces  précieux  documents ,  nous  les  devons 
à  un  Nivernais ,  car  M.  Devoucoux  est  Nivernais  d'origine , 
nous  tenons  à  le  dire  bien  haut ,  nous  nous  en  faisons  gloire. 

M.  Crosnier  appelle  l'attention  de  l'assemblée  sur  un 
christ ,  un  reliquaire  et  une  custode  émaillés ,  qui  sont  dé- 
posés sur  le  bureau.  Le  christ ,  qui  pourrait  être  antérieur 
au  XIe.  siècle,  porte  en  tête  une  couronne  royale;  la  tète  est 
légèrement  inclinée  à  droite  ;  les  bras  sont  tendus  horizonta- 
lement. Tout  ce  qui  est  chair  est  doré ,  ainsi  que  la  cou- 
ronne ;  les  yeux  sont  deux  points  émaillés  ;  une  double  tu- 
nique couvre  tout  le  corps  ;  une  première  tunique,  en  forme 
d'aube,  descend  jusqu'aux  pieds;  la  seconde,  en  forme  de 
dalmalique  à  manches ,  ouverte  un  peu  par  le  côté  et  laissant 
apercevoir  l'émail  blanc  de  l'aube ,  descend  au-dessous  du 
genou  ;  elle  est  d'un  bleu  foncé ,  enrichi  de  filets  d'or  et 
bordée  au  bas  d'un  liseret  bleu  clair. 

La  custode  présente  une  forme  cylindrique  surmontée  d'un 
couvercle  conique  avec  une  croix;  ce  genre  de  custode  se 


2/40  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

trouve  assez  fréquemment  dans  le  Nivernais  et  dans  l'ancien 
Auxerrois  ;  le  cylindre  et  le  cône  sont  ornés  de  larges  feuilles 
et  d'enroulements  à  émaux  variés  enrichis  de  filets  d'or. 
Cette  custode  nous  a  paru  remonter  à  la  fin  du  XIIe.  siècle 
ou  au  commencement  du  XIIIe. 

Quand  au  grand  reliquaire  émaillé  ,  il  est  dans  un  état  de 
conservation  tel  que  quelques  membres  étaient  tentés  de  le 
considérer  comme  une  contrefaçon.  Cependant  après  l'avoir 
bien  étudié,  on  a  abandonné  cette  pensée.  Il  présente  la  forme 
d'un  édifice  à  deux  pignons  avec  comble  à  deux  pentes ,  une 
crête  découpée  à  jour  orne  le  sommet  du  toit.  La  face  prin- 
cipale se  distingue  par  les  sujets  qui  y  sont  représentés  ;  c'est 
d'abord ,  dans  la  partie  droite ,  le  Sauveur  en  croix  ;  le  soleil 
et  la  lune  dominent  le  croisillon;  la  ceinture  du  Sauveur  a 
les  proportions  du  tablier  et  retombe  jusqu'au  dessus  du 
genoux  ;  à  droite  est  la  Sainte-Vierge  debout  au  pied  de  la  croix; 
à  gauche  est  saint  Jean  tenant  un  livre;  deux  autres  personnages 
sont  debout, un  de  chaque  côté:  ce  sont  deux  apôtres  sans  at- 
tributs autres  que  le  livre  qu'ils  portent,  les  pieds  sont  nuds. 

Sur  cette  face  la  figure  seule  des  personnages  est  en  relief, 
le  corps  est  au  trait  ;  et  sur  les  autres  faces  tout  est  au  trait. 

Le  toit  qui  domine  J.-C.  en  croix  représente  J.-C.  juge 
dans  une  gloire  circulaire ,  l'A  et  Va  sont  de  chaque  côté  de 
la  tète  du  Sauveur,  il  tient  de  la  main  gauche  un  livre,  de  la 
droite  il  bénit  ;  les  angles  du  tableau  sont  remplis  par  les  têtes 
nimbées  des  animaux  symboliques  ;  de  chaque  côté  deux 
anges ,  dont  la  partie  inférieure  du  corps  est  cachée  dans  les 
nuages ,  tiennent  chacun  un  livre ,  tout  le  reste  du  reliquaire 
est  garni  de  bustes  d'anges  sur  des  nuages  et  renfermés  dans 
des  cadres  circulaires.  Le  fond  de  l'émail  est  d'un  bleu  foncé , 
orné  de  losanges ,  de  perles ,  de  roses ,  d'émaux  variés  ;  les 
cadres  de  ces  différents  tableaux  sont  dorés  ainsi  que  les 
personnages. 


XA  IIIe.    SESSION.  241 

Ce  reliquaire  est  évidemment  une  œuvre  de  la  fin  du  XIP. 
siècle. 

Un  autre  petit  reliquaire  en  argent,  orné  de  filigranes  d'or , 
était  aussi  déposé  sur  le  bureau  ;  c'est  une  boîte  bivalve  dont 
le  fond  extérieur  est  garni  d'une  inscription  grecque;  31. 
Didron  en  a  donné  le  dessin  et  l'explication  dans  les  Annales 
archéologiques;  il  appartient  à  31gr.  l'évèque  de  Nevers  :  on 
l'attribue  au  XIVe.  siècle. 

Trouvc-t-on  des  exemples  du  plan  rectangulaire  de 
l'église  de  Clamecy  avec  un  déambulatoire  ? 

M.  Grosnier  donne  quelques  explications  nécessaires  pour 
bien  faire  comprendre  la  question  :  il  ne  s'agit  pas,  dit-il, 
de  savoir  si  on  connaît  des  églises  dont  les  absides  sont  à 
angle  droit  ou  plutôt  qui  n'ont  point  d'abside  proprement 
dite  ;  les  églises  de  ce  genre ,  sans  être  les  plus  communes , 
se  rencontrent  cependant  assez  fréquemment  surtout  dans  les 
provinces  du  centre.  L'église  de  Clamecy  est  un  parallélo- 
gramme parfait  avec  trois  nefs,  et  le  déambulatoire,  au  lieu 
d'être  circulaire  comme  on  le  voit  partout,  se  coupe  aussi  à 
angle  droit.  Quatre  faisceaux  de  colonnettes  sur  une  même 
ligne  horizontale  forme  le  fond  du  sanctuaire. 

31.  de  Caumont  demande  à  31.  Crosnier  si  le  chevet  de 
l'église  est  éclairé.  31.  Crosnier  répond  que  les  trois  fenêtres 
symboliques  généralement  admises  à  cette  époque,  surtout 
dans  les  grands  édifices,  se  remarquent  dans  le  mur  du  chevet 
et  répandent  la  lumière  d'abord  dans  le  déambulatoire  ,  puis 
dans  le  sanctuaire,  dans  l'eutrecolonnement  du  fond.  Tous  les 
membres  du  Congrès  déclarent  qu'ils  ne  connaissent  pas 
d'autres  exemples  d'un  semblable  plan. 

L'inclinaison  de  l'axe  est-il  propre  au  XJll".  siècle  ? 
En  trouve-t-on  des  exemples  avant  ou  après  celte  époque? 

En  faveur  des  dames  qui  assistent  en  grand  nombre  à  cette 
séance  et  qui  probablement  ne  sont  point  encore  très-versées 
dans  les  termes  archéologiques ,  31.  l'abbé  Crosnier  explique 


2^1 2      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

ce  qu'on  entend  par  inclinaison  de  l'axe  ;  c'est ,  dit-il ,  cette 
déviation  qu'on  remarque  dans  certaines  églises  par  suite  de 
laquelle  la  partie  du  chœur  est  inclinée  à  droite  ou  à  gauche 
au  lieu  de  suivre  la  ligne  droite  qui  est  imprimée  à  la  nef. 
Au  moyen  âge ,  ajoute-t-il ,  à  l'époque  romane  et  surtout  au 
XIIIe.  siècle,  on  cherchait  à  inspirer  les  sentiments  religieux 
en  multipliant  les  symboles  soit  dans  le  plan  des  édifices  sacrés, 
soit  dans  leur  genre  d'ornementation.  Il  est  évident  que  cette 
inclinaison  de  l'axe  si  souvent  reproduite  et  dans  des  pays 
éloignés  les  uns  des  autres,  devait  être  le  résultat  d'une 
idée  prédominante.  L'église,  avec  sa  forme  cruciale,  forme  le 
plus  communément  adoptée ,  représentait  le  corps  du  Sauveur 
étendu  sur  la  croix ,  le  chœur  naturellement  figurait  la  tête  ; 
pour  exprimer  le  moment  suprême,  le  complément  du  grand 
sacrifice  qui  n'a  été  parfait  qu'au  moment  où  la  grande  victime 
a  rendu  le  dernier  soupir,  il  fallait  traduire  le  passage  de 
l'évangile,  et  inclinato  capite  tradidit  spirititm,  c'est  ce 
qu'on  fit  en  inclinant  cette  partie  de  l'église.  Presque  toutes 
les  grandes  églises  du  XIIIe.  présentent  ce  caractère ,  mais  il 
serait  important  de  savoir ,  si  les  églises  antérieures  ou  posté- 
térieures  à  cette  époque  le  présentent  d'une  manière  aussi 
générale. 

M.  Devoucoux  a  remarqué  la  déviation  de  l'axe  dans  trois 
églises  du  XIe.  siècle  ;  ces  églises  sont,  il  est  vrai,  de  con- 
struction peu  soignée,  et  il  se  pourrait  que  ce  fût  une  irrégu- 
larité involontaire. 

M.  Morellet  ne  pense  pas  qu'il  faille  considérer  la  déviation 
de  l'axe  dans  les  églises  du  XIe.  siècle  comme  une  irrégularité. 
C'est  un  fait  qu'il  a  remarqué  dans  les  grandes  églises  du 
XIe.  siècle  qu'il  a  eu  l'occasion  de  visiter,  et  il  en  a  visité 
beaucoup  soit  au  centre ,  soit  au  Nord ,  soit  au  Midi  de  la 
France,  car  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  l'a  plus 
d'une  fois  envoyé  se  promener  malgré  lui.  Du  moins  il  s'est 
consolé  dans  ses  excursions  forcées  en  faisant  de  l'archéologie. 


XVIIIe.    SESSION.  2/|3 

Partout  il  a  vu  l'axe  dévier  et  s'incliner  tantôt  à  droite,  tantôt 
à  gauche.  Dans  le  Nivernais,  cette  déviation  se  trouve  dans 
l'église  de  Saint-Etienne  de  Nevers  (XIe.  siècle)  et  dans  celle 
de  la  Charité-sur-Loire  (XIIe.  siècle).  Elle  est  dans  l'église 
de  Vézelay ,  dans  la  cathédrale  de  Nevers  au  XIIIe.  siècle. 
M.  Morellct  a  remarqué,  au  XIVe.  siècle,  la  déviation  de 
l'axe  dans  la  belle  église  de  Varzy ,  tout  entière  du  XIVe, 
siècle.  Toutes  les  églises  de  Paris ,  quel  qu'en  soit  l'âge,  mais 
antérieures  au  siècle  de  Louis  XIV  ,  ont  l'inclinaison  de 
l'axe ,  même  la  magnifique  église  de  Saint-Eustache  qui  est 
le  chef-d'œuvre  de  la  renaissance. 

M.  Devoucoux  comprendrait  plutôt  cette  déviation  au 
XIIIe.  siècle  qu'au  XIIe.  ;  en  effet,  à  l'époque  romane ,  l'ico- 
nographie avait  un  champ  plus  vaste  ;  on  pouvait  placer  sur 
les  chapiteaux  les  représentations  symboliques  qui  plus  lard 
ont  pris  place  dans  le  plan  général  et  les  lignes  de  l'église. 
Il  rappelle  qu'en  jetant  un  coup-d'œil  attentif  sur  la  cathé- 
drale d'Autun  ,  on  retrouve  d'une  manière  évidente  l'intention 
de  représenter  le  Sauveur  en  croix  ;  ainsi  à  l'endroit  qui 
correspond  à  la  plaie  du  côté ,  est  figurée  la  chute  de  l'homme; 
à  la  proximité  on  voit  les  quatre  fleuves  du  paradis  terrestre, 
figure  des  grâces  qui  se  répandirent  dans  le  monde  à  la  mort 
du  Sauveur. 

M.  de  Glanville  cite  l'église  de  Saint-Ouen  de  Rouen  où  a 
déviation  n'existe  pas. 

La  discussion  continue  pour  savoir  s'il  y  a  toujours  eu  in- 
tention formelle  d'établir  l'inclinaison ,  ou  bien  si  on  ne  pour- 
rait pas  l'attribuer  quelquefois  à  l'inhabileté  des  architectes 
ou  à  la  disposition  des  lieux. 

M.  Quantin  appuie  cette  dernière  opinion. 

M  RI.  de  Caumont  et  de  Surigny  citent  les  églises  de  Brugers 
et  de  Souvigny ,  dans  lesquelles  l'inclinaison  est  de  quatre  à 
cinq  pieds.   M.  de  Caumont  ajoute  qu'il  n'y  a  rien  de  bien 


ïkk  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE , 

positif  sur  la  direction  de  la  déviation  ;  on  trouve  aux  mêmes 
époques  cette  direction  tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche,  mais 
le  plus  souvent  à  droite. 

M.  l'abbé  Crosnier  propose  de  répondre  ainsi  à  la  ques- 
tion :  L'inclinaison  de  l'axe  existe  ordinairement  à  droite; 
toutefois  on  en  trouve  des  exemples  a  gauche  ,  comme  à 
St.-Cyr  de  Nevers  et  a  St. -Are  de  Décise.  Aux  XIe.  et  XIIe. 
siècles,  cette  déviation  est  ordinairement  presqu'insensible  et 
souvent  elle  n'existe  pas;  au  XIIIe.  siècle,  elle  est  plus  mar- 
quée et  presque  générale  ;  au  XIVe.  siècle ,  l'on  commence  à 
abandonner  tout  symbolisme,  elle  devient  de  plus  en  plus 
rare  pour  ne  plus  se  retrouver  qu'exceptionnellement  aux  XVe. 
et  XVIe  siècles.  La  grande  majorité  du  Congrès  approuve  celte 
rédaction. 

M.  Crosnier  fait  observer  encore  que  des  églises  du  XIIIe. 
siècle  se  rencontrent  sans  qu'on  remarque  cette  déviation , 
du  moins  d'une  manière  sensible;  qu'il  serait  important  de 
considérer  si  les  fondations  de  ces  églises  n'auraient  pas  été 
jetées  à  une  époque  antérieure;  comme  aussi  lorsqu'on  re- 
trouve cette  inclinaison  au  XIVe.  et  au  XVe.  siècles,  si  ces 
églises  n'auraient  pas  été  élevées  sur  des  fondations  établies 
au  XIIIe. 

Les  églises  du  XIIIe. ,  du  XIVe.  et  du  XVe.  siècle  ont- 
elles  ,  dans  te  Nivernais ,  des  caractères  particidiers? 

M.  Victor  Petit ,  rattachant  cette  question  à  l'influence  des 
styles  généraux  d'architecture  au  moyen-âge,  dit  qu'en  jetant 
un  rapide  coup-d'œil  sur  l'ensemble  des  différents  édifices  reli- 
gieux de  la  province  du  Nivernais,  on  remarque  que  cette 
contrée  n'a  pas  de  style  qui  lui  soit  particulier.  En  effet,  le 
Nivernais  est  entouré  et  dominé,  si  on  peut  dire  ainsi,  par 
de  grandes  églises  cathédrales  et  abbatiales  dont  il  suffit 
de  rappeler  les  noms  pour  faire  reconnaître  l'importance 
archéologique.    Les  cathédrales  d'Autun  et    d'Auxerre ,  les 


XVIIIe.    SESSION.  2ù5 

abbatiales  de  Cluny,  Paray-Ie-Monial,  Vézelay,  et  enfin, 
pour  le  département  de  la  Nièvre  lui-même  ,  les  grandes 
églises  de  Nevers  et  celle  si  célèbre  de  La  Charité,  ont  déve- 
loppé autour  d'elles  l'influence  de  leur  caractère  sous  le 
double  rapport  de  la  construction  et  de  l'ornementation. 

Pour  se  renfermer  dans  les  limites  posées  par  la  13e.  ques- 
tion, il  ne  faut  donc  pas  comparer  entr'elles  les  grandes  églises 
qui  viennent  d'être  nommées,  elles  sont  justement  célèbres  et 
M.  Victor  Petit  appuie  beaucoup  sur  ce  point.  Ce  qu'il  faut  : 
c'est  étudier  la  part  d'influence  que  chacun  de  ces  magni- 
fiques monuments  a  exercée  autour  de  lui,  et  rechercher 
quelle  a  été  la  plus  ou  moins  bonne  réussite  des  parties 
imitées. 

Dans  le  Nivernais,  les  monuments  des  XIIIe.  ,  XIVe.  et 
XVe.  siècles  n'ont  point  de  caractères  particuliers  qui  puissent 
être,  avec  certitude,  signalés  aux  archéologues  étrangers. 
Ici  comme  partout ,  on  retrouve  l'empreinte  de  l'immense 
influence  qu'exerce  sans  cesse,  et  d'une  manière  invincible, 
la  nature  des  matériaux  mis  en  œuvre.  Dans  beaucoup  de 
vallées,  c'est  le  calcaire  dur  qui  est  employé,  tandis  que  dans 
d'autres  contrées  c'est  le  granité.  Il  en  résulte  donc  des  dif- 
férences notables.  Toutefois,  on  peut  assez  facilement  recon- 
naître l'origine  du  modèle  qui  a  servi  de  type.  D'ailleurs ,  le 
voisinage  de  l'un  des  grands  édifices  signalés  tout  à  l'heure 
peut  donner  d'utiles  indications,  soit  pour  constater  la  simi- 
litude et  l'analogie  des  détails,  soit  au  contraire  pour  en 
faire  remarquer  les  dissemblances.  C'est  ainsi  qu'on  arrive  à 
classer  chronologiquement  les  églises  de  village  et  aussi  les 
plus  humbles  chapelles  isolées.  Dans  le  Nivernais ,  comme 
partout ,  l'analogie  d'ornementation  est  tellement  frappante 
qu'on  est  amené  à  penser  que  les  ouvriers  qui  ont  travaillé 
aux  grandes  églises  ont  aussi  travaillé  aux  petites.  Cette 
conjecture    serait   irréfutable  en   ce   qui    concerne   l'orne- 

16 


2'l6  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE, 

mentation  proprement  dite.  Il  n'est  pas  douteux  que  les 
sculpteurs ,  ayant  terminé  leurs  travaux  aux  cathédrales , 
n'aient  été  employés  aux  sculptures  des  églises  secondaires 
et  même  aux  petites  chapelles  particulières.  Les  périgrinations 
d'un  certain  nombre  de  ces  ouvriers  peuvent  expliquer 
parfaitement  les  exceptions  que  l'on  trouve  de  temps  en 
temps  à  la  règle  «  d'influence  locale  »  que  les  grands  centres 
religieux  ont  exercée  autour  d'eux. 

Les  nombreuses  et  curieuses  églises  du  Nivernais  n'auraient 
donc  pas,  d'après  l'opinion  de  M.  Victor  Petit,  de  caractères 
particuliers  de  construction  et  d'ornementation  pour  les 
siècles  indiqués  dans  la  treizième  question.  Ces  caractères  se 
modifient,  tout  en  conservant  pour  modèles  les  différents  types 
qu'on  admire  à  Cluny ,  Autun  ,  Paray-le-Monial ,  et  surtout  à 
Auxerre,  Nevcrs  et  La  Charité. 

M.  de  Surigny  prend  vivement  et  à  diverses  reprises  la 
parole ,  non  pour  contester  entièrement  le  système  d'imitation, 
indiqué  par  le  préopinant  comme  pouvant  se  généraliser  en 
Nivernais,  mais  pour  démontrer  que  l'influence  monacale 
était  plus  certaine  que  l'influence  locale  ou  régionale. 
L'orateur  entre  dans  de  curieux  et  longs  développements 
relatifs  à  l'influence  incontestable  qu'a  exercée  la  puissante 
abbaye  de  Cluny  ;  puissance  qui  s'étendait  sans  s'affaiblir  jus- 
qu'au fond  des  contrées  les  plus  éloignées.  M.  de  Surigny  décrit 
avec  animation  les  caractères  qui ,  selon  lui ,  feront  toujours 
reconnaître  partout  et  sans  hésitation  le  type  adopté  par 
l'Ordre  de  Cluny.  Il  ajoute  que ,  bien  souvent ,  il  devina  la 
présence  ou  l'influence  exercée  autrefois  dans  un  certain 
nombre  de  localités  par  l'Ordre  de  Cluny,  et  cela  à  des 
signes  certains  qui,  d'ailleurs,  étaient  confirmés  par  les  té- 
moignages non  suspects  des  habitants  de  la  contrée. 

M.  Victor  Petit  répond  à  M.  de  Surigny ,  en  cherchant  à 
ramener  la  discussion  dans  les  limites  posées  par  le  pro- 


xvnr.  session.  247 

gramme  :  nous  sommes  en  Nivernais,  n'en  sortons  pas ,  répèle 
plusieurs  fois  l'orateur. 

M.  l'abbé  Crosnier  veut  bien  avec  M.  Victor  Petit  faire  la 
part  des  influences  locales;  ainsi  il  reconnaît  dans  l'église  de 
Clamecy,  soit  dans  le  tracé  des  moulures,  soit  dans  certaines 
parties  ornementées,  l'influence  et  peut-être  même  la  main  de 
l'architecte  qui  a  dirigé  les  travaux  de  la  cathédrale  d'Auxerre  ; 
par  exemple ,  dans  les  tètes  qui  se  voient  à  la  retombée  et  à  la 
jonction  des  arcs  du  pourtour  d'une  partie  des  basses-nefs  et 
du  déambulatoire ,  mais  il  ne  voudrait  pas  qu'on  accordât 
trop  d'importance  à  ces  influences  locales  ;  il  y  reconnaît  une 
autre  influence  dont  il  a  parlé  ailleurs,  l'influence  de  corps. 
Le  monastère  de  La  Charité  a  imprimé  son  cachet,  non  pas 
seulement  aux  églises  qui  l'environnaient,  mais  bien  plutôt  à 
celles  qui  étaient  sous  sa  dépendance ,  aussi  nous  retrouvons 
dans  les  Amognes  grand  nombre  d'églises  qui  nous  rappellent 
les  gracieux  détails  d'ornementation  que  nous  admirons  à  La 
Charité. 

M.  Devoucoux  parle  de  l'influence  architecturale  de  Cluny 
et  de  la  lutte  entre  le  clergé  régulier  et  le  clergé  séculier. 

M.  de  Surigny  reconnaît  plutôt,  avec  M.  Crosnier  qui  a 
développé  au  Congrès  de  Bourges  les  principes  qui  lui  paraissent 
incontestables,  d'abord  les  influences  monacales,  puis  plus  tard 
l'influence  ecclésiastique  et  l'influence  laïque. 

MM.  Quantin  et  de  Soulîrait  appuient  cette  opinion  ;  Mgr. 
l'évêque  qui  la  partage  ne  concevrait  pas  comment  au  moyen- 
âge  les  églises  rurales ,  qui  pour  la  plupart  dépendaient  des 
monastères,  auraient  pu  être  construites  autrement  que  sous  la 
direction  des  religieux  auxquels  elles  appartenaient  et  qui 
reproduisaient  dans  ces  modestes  constructions  le  style  de 
leurs  grandes  églises.  M.  de  Soultrait  signale  les  chapiteaux  de 
l'ancienne  église  de  St. -Sauveur  de  Nevers,  qui  offrent  des 
caractères  byzantins  incontestables.  Sur  l'un  se  voit  une  église 


2^8  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE, 

dont  le  clocher  est  de  forme  tout-à-fait  orientale;  sur  d'autres 
sont  figurés  un  chameau ,  une  chasse  au  crocodile  et  d'autres 
animaux  fantastiques.  L'église  de  St.  -Pierre-le-Moutier  pré- 
sente des  animaux  analogues;  du  reste,  M.  de  Soultrait s'élève 
contre  le  nom  de  byzantine  donnée  trop  généralement  à  l'ar- 
chitecture du  XIIe.  siècle.  Toutefois,  les  coupoles  que  l'on 
trouve  dans  beaucoup  d'églises  du  Nivernais  sont  en  effet  un 
caractère  que  l'on  peut  appeler  byzantin. 

M.  de  Surigny  pense  que  l'introduction  de  la  coupole  en 
Bourgogne  et  dans  les  pays  voisins  de  Cluny ,  où  cette  forme 
architectonique  aurait  été  apportée  de  l'Orient,  est  d'autant 
plus  curieuse  à  étudier,  que  cette  disposition  est  inconnue 
dans  le  Nord ,  tandis  que  dans  nos  pays  elle  se  rencontre.  M. 
Crosnier  fait  observer  que  la  plupart  des  églises  à  coupoles  du 
Nivernais  relevaient  de  La  Charité. 

M.  Crosnier  ajoute  pour  compléter  la  question  du  pro- 
gramme, que  ce  qu'on  a  nommé  pointe-mousse  ,  c'est-à- 
dire  ce  léger  bourrelet  qu'on  remarque  souvent  sur  les  ner- 
vures et  quelquefois  sur  les  colonnes  et  colonnettes  ,  avait 
été  considéré  primitivement  comme  propre  à  l'ancienne 
Bourgogne  dont  dépendait  le  Nivernais;  mais  qu'il  a  re- 
trouvé cette  pointe-mousse  plus  ou  moins  accentuée  sur 
différents  points  de  la  France.  Il  pense  donc  que  ce  serait 
à  tort  qu'on  la  présenterait  comme  un  caractère  propre  à  la 
Bourgogne. 

Dans  le  Nivernais,  dit-il,  cette  pointe-mousse  semble 
suivre  les  différents  développements  de  l'ogive ,  on  dirait 
que  les  nervures  auraient  été  coulées ,  selon  les  époques 
auxquelles  elles  appartiennent,  dans  un  moule  ogival;  la  pointe- 
mousse,  légère  d'abord  au  XIIIe.  siècle,  plus  accentuée 
au  XIVe. ,  semble  prendre  la  forme  de  l'arc  à  contre- 
courbe  au  XVe.  et  finit  au  XVIe.  par  devenir  complètement 
prismatique. 


XVlll".    SESSION.  2/|9 

Les  nervures  purement  prismatiques  se  rencontrent-elles 
avant  la  fin  du  X  V".  siècle  dans  le  Nivernais  ? 

M.  l'abbé  Crosnier  fait  observer  que  l'ancienne  Bourgogne 
n'a  pas  adopté  facilement  les  nervures  purement  prismatiques, 
et  que  si ,  dans  d'autres  pays ,  dans  la  Touraine  ,  par  exemple, 
les  formes  anguleuses  se  rencontrent  dans  le  cours  du  XVe. 
siècle  ,  dans  le  Nivernais  on  semble  ne  les  avoir  adoptées  qu'à 
regret,  on  a  préféré  les  formes  arrondies  qu'on  a  long-temps 
conservées  ;  à  la  fin  du  XVe.  et  au  commencement  du  XVIe. 
on  retrouve  fréquemment  le  prisme  alterné  avec  le  tore  ;  il 
pourrait  citer  un  grand  nombre  d'exemples  ,  surtout  dans  le 
nord  du  département ,  mais  il  suffit  de  jeter  un  coup-d'œil 
sur  la  tour  de  la  cathédrale  qui  est  des  premières  années  du 
XVIe.  et  on  verra  que  les  formes  arrondies  sont  mélangées 
aux  formes  anguleuses. 

A  l'appui  de  ce  que  vient  de  dire  M.  Crosnier  sur  l'emploi 
tardif  des  moulures  prismatiques  dans  le  Nivernais ,  M.  de 
Soultrait  fait  observer  que  le  portail  de  l'église  St. -Are  de 
Decise ,  qui  offre  des  moulures  prismatiques  et  qui  a  toute 
l'apparence  d'une  construction  du  commencement  du  XVIe. 
siècle,  a  été  refait  en  1583  ;  il  a  retrouvé  la  date  de  cette 
reconstruction  dans  les  archives  de  Decise. 

M.  de  Soultrait  dépose  sur  le  bureau  un  buste  de  Théodore 
de  Bèze ,  en  terre  cuite  très-fine ,  qui  lui  a  été  donné  par 
M.  Joseph  de  Fontenay  pour  enrichir  sa  collection  niver- 
naise  ,  déjà  fort  considérable  ,  dont  il  compte  un  jour  faire 
don  à  la  ville  de  Nevers;  ce  buste  portant  le  nom  de  Théo- 
dore de  Bèze  et  la  date  de  160&  est  d'un  travail  admirable. 
C'est  probablement  le  portrait  le  plus  exact  qui  existe  de  ce 
célèbre  hérésiarque  nivernais. 

M.  de  Surigny  a  remarqué  dans  la  partie  occidentale  du 
croisillon  septentrional  du  transept  de  la  cathédrale  de  Nevers , 


250      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

des  peintures  à  fresque  fort  curieuses  ;  elles  lui  paraissent 
d'une  haute  antiquité  ,  il  serait  porté  à  les  considérer  comme 
contemporaines  de  cette  partie  de  l'église  ,  c'est-à-dire  du 
XIIe.  ou  du  XIIIe.  siècle.  Il  émet  le  vœu  qu'on  mette  tout 
en  œuvre  pour  les  conserver  et  surtout  qu'on  tâche  de  les 
garantir  des  eaux  pluviales  découlant  d'une  fenêtre  qui  leur 
est  superposée. 
La  séance  est  levée  à  5  heures. 

Le  Secrétaire-adjoint , 

C,e.  Georges  de  Soultrait. 


ire.  Séance  «Su  vendredi  13  JnSn. 

Présidence  de  M.  Lallier. 

La  séance  est  ouverte  à  huit  heures. 

Siègent  au  hureau  :  MM.  le  général  Pétiet  ;  Barat;  le  baron 
de  Fontette;  l'abbé  Lepetit;  de  Caumont  ;  l'abbé  Manceau , 
chanoine  de  Tours  et  inspecteur  des  monuments  d'Indre- 
et-Loire  ;  Gaugain  ;  l'abbé  Crosnier  ,  secrétaire-général  du 
Congrès,  et  le  comte  Georges  de  Soultrait,  secrétaire-adjoint. 

On  remarque  parmi  les  membres  présents  :  MM.  le  comte 
de  Bizy  ;  l'abbé  Millet  ;  le  comte  de  Chaumigny  ;  de  Buzon- 
nière  ;  Victor  Petit;  l'abbé  Vée  ;  l'abbé  Clément;  Gallois; 
le  comte  de  Choulot  ;  Bernay ,  etc. 

Le  procès-verbal  de  la  visite  du  Congrès  aux  divers  établis- 
sements de  Yarennes-les-Nevers  ,  rédigé  par  M.  Bulliot ,  est 
entendu  : 


xvur.   SESSION.  251 


rapport  de  m.  rulliot  sdr  l'excursion  du 
congrès  de  nevers  a  varennes  (1). 

Messieurs  , 

Le  Congrès ,  acceptant  avec  reconnaissance  l'offre  bien- 
veillante ,  faite  par  Mgr.  Dufèlre  ,  de  visiter  la  chapelle  de 
Varennes,  s'est  réuni  le  12  àl'évêché.  Après  l'honorable  récep- 
tion dont  il  a  été  l'objet,  il  s'est  rendu  sur  les  lieux  accompagné 
de  Monseigneur  et  de  M.  le  Préfet ,  qui ,  après  avoir  suivi  avec 
assiduité  vos  séances ,  n'ont  pas  voulu  se  séparer  de  vous  dans 
vos  excursions. 

Le  petit  séminaire  ,  placé  sur  votre  route  ,  a  été  le  premier 
point  de  halte.  Cette  belle  construction  ,  située  sur  une  émi- 
nence  dominant  la  plaine  de  la  Loire  et  les  usines  de  Four- 
chambault,  a  excité  une  admiration  méritée.  Sa  position 
salubre ,  l'air  pur  qu'on  y  respire  ,  une  campagne  riche- 
ment boisée  ,  y  réunissent  le  charme  du  paysage  aux  condi- 
tions hygiéniques  les  plus  favorables ,  vous  avez  été  frappés 
de  l'excellente  tenue  de  l'établissement. 

Les  dortoirs ,  cette  partie  si  importante  d'un  pensionnat 
bien  conduit ,  ont  été  disposés  avec  une  prévoyance  irrépro- 
chable. Une  sollicitude  maternelle  a  placé  sous  la  main  de 
chaque  élève  tout  ce  que  la  propreté  la  plus  exigeante  et 
l'hygiène  réclament ,  en  évitant  toutefois  les  soins  superflus 
du  corps  dont  la  jeunesse  sérieuse  doit  strictement  s'affran- 

(1)  Varennes  est  situé  à  6  kilomètres  de  Nevers,  au  bas  du  plateau 
sur  lequel  Mgr.  Dufêtre  a  fait  construire  le  petit  séminaire  de  Pignelin. 
Outre  rétablissement  des  orphelines,  Monseigneur  a  réuni  dans  le  même 
local,  en  évitant  cependant  toute  communication,  un  lieu  de  refuge  pour 
les  fdles  repentantes,  un  asile  pour  les  sœurs  de  La  Charité  malades  ou 
infirmes  et  une  classe  d'externes  pour  les  petites  filles  de  la  paroisse. 


252  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

chir.  Vous  avez  tous  remarqué ,  messieurs ,  la  santé  pros- 
père ,  l'expression  heureuse  de  la  physionomie  des  élèves. 
Vous  avez  reconnu  là ,  non  point  seulement  le  résultat  de 
l'équilibre  des  organes ,  mais  l'effet  certain  de  l'influence 
morale.  Les  premiers  médecins  sont  la  paix  du  cœur ,  le 
calme  de  la  conscience  ,   le  sentiment  du  devoir  accompli. 

Un  élève  ,  au  nom  de  ses  condisciples  ,  a  remercié  Mon- 
seigneur et  MM.  les  membres  du  Congrès  de  la  marque  d'in- 
térêt et  de  bienveillance  dont  ils  étaient  l'objet. 

Ses  paroles  courtes  et  réfléchies  font  honneur  à  son  intel- 
ligence et  à  ses  sentiments  sérieux. 

Monseigneur  ,  dans  une  allocution  paternelle  ,  a  rappelé  à 
ses  jeunes  auditeurs  les  souvenirs  religieux  de  la  dernière  se- 
maine ,  où  l'église  célébrait  la  communication  de  la  lumière 
divine  à  l'homme.  Il  leur  -a  en  même  temps  rappelé  que  la 
science  est  la  lumière  de  ce  monde ,  et  que ,  par  le  travail  et 
des  efforts  soutenus ,  ils  arriveraient  à  en  prendre  possession. 
M.  de  Caumont,  pour  faciliter  aux  élèves  les  éludes  archéo- 
logiques, a  fait  don  à  la  bibliothèque  du  séminaire  de  ses 
propres  ouvrages  et  des  publications  de  la  Société  française 
pour  la  conservation  des  monuments.  Il  a  en  même  temps 
demandé  et  obtenu  un  congé. 

Cette  partie  du  discours  est  vivement  applaudie  par  l'audi- 
toire intéressé. 

Les  membres  du  Congrès  ont  ensuite  visité  la  chapelle  ro- 
mane ,  construite  à  Varennes  par  les  soins  de  Monseigneur 
et  sous  sa  direction.  Cet  édifice  ,  conçu  sur  un  plan  sévère , 
reproduit  fidèlement  les  dispositions  de  l'architecture  chré- 
tienne au  XIIe.  siècle.  Un  autel ,  composé  dans  la  rigueur 
des  principes  de  cet  art,  des  chapiteaux  et  des  modillons  scru- 
puleusement modelés  sur  les  types  les  plus  certains ,  ont  dé- 
montré ce  que  l'on  peut  attendre  d'effet  artistique  et  reli- 
gieux de  l'emploi  intelligent  de  cette  architecture. 


XVIIIe.  SESSION.  253 

M.  Paillard  ,  architecte  du  département ,  chargé  de  ce 
travail ,  a  su  ,  contrairement  aux  précédents  d'un  grand 
nombre  de  ses  collègues,  se  garantir  delà  tentation  d'innover, 
et  s'est  limité  avec  une  louable  abnégation  dans  toutes  les 
exigences  du  style  reproduit. 

Le  sculpteur,  M.  Sirode,  a  fait  preuve  d'un  véritable 
talent.  Il  semble  avoir  retrouvé  le  sentiment  qui  animait  les 
artistes  proposés  à  son  imitation.  Nous  avons  pensé  un  mo- 
ment avoir  à  lui  reprocher  trop  de  fini  dans  ses  chapiteaux  , 
mais  en  examinant  de  près  la  sculpture  ,  nous  avons  reconnu 
qu'une  partie  de  ce  défaut  était  due  à  la  qualité  de  ses  ma- 
tériaux ;  la  finesse  du  grain  nuit  au  nerf  des  saillies. 

Sur  la  proposition  de  31.  de  Caumont ,  deux  médailles 
d'argent  ont  été  votées  ,  l'une  à  M.  Paillard  ,  architecte  de  la 
chapelle  ,  l'autre  à  31.  Sirode ,  le  sculpteur.  Ce  témoignage 
sera  pour  eux  un  motif  de  persévérer  dans  la  ligne  qu'ils  ont 
adoptée. 

3Iaintenant,  Messieurs,  nous  n'avons  plus  à  juger,  mais 
à  nous  incliner.  Vous  avez  traversé  les  salles  d'asile  ,  où  de 
jeunes  orphelines  ont  retrouvé  ces  soins  de  la  famille ,  qui 
ne  se  retrouveraient  jamais  sans  la  religion  ;  les  ateliers  ,  où 
un  travail  proportionné  à  leur  âge  et  à  leurs  forces  les  initie 
doucement  aux  exigences  futures  de  la  vie.  Vous  avez  vu  sur 
tous  ces  jeunes  fronts  cette  dignité  modeste ,  issue  de  l'esprit 
chrétien  ,  qui  ennoblit  l'humanité  sous  tous  les  vêtements. 
Vous  avez  respiré  la  paix  qui  régnait  dans  toutes  ces  âmes , 
dont  plusieurs  étaient  destinées  peut-être  à  un  avenir  au  moins 
incertain ,  et  visité  avec  intérêt  la  retraite  où  les  enseigne- 
ments du  cœur  et  de  l'exemple  rendent  à  l'honneur  et  à  la 
société  celles  qu'un  premier  écart  de  l'inexpérience  pouvait 
sans  retour  abandonner  au  mal  (1).  C'est  avec  un  recueille- 

(l)On  ne  saurait  trop  féliciter  l'administration  qui  a  enlevé  ces  jeunes 


254      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

ment  mêlé  de  respect  que  vous  avez  vu  passer  ces  sœurs  in- 
valides de  la  charité,  se  survivant  à  elles-mêmes  pour  produire 
le  bien,  et  trouvant  encore  le  moyen  d'être  utiles  dans  les  in- 
firmités mêmes  qui  les  ont  condamnées  à  l'inaction. 

Vous  signaliez ,  il  y  a  deux  jours  ,  dans  vos  travaux  les 
maisons  d'hospitalité  semées  le  long  des  voies  romaines  par 
les  premiers  évêques  et  les  premiers  moines  ;  les  hôtelleries 
ouvertes  à  tout  le  monde  ,  à  l'entrée  des  monastères  du 
moyen-âge.  Eh  bien  !  messieurs ,  ce  qu'il  y  a  de  moins 
nouveau  sous  le  soleil  depuis  le  christianisme ,  c'est  la  charité 
chrétienne.  Vous  avez  vu  aujourd'hui ,  à  quelques  pas  de 
cette  cité  populeuse  ,  les  hôtelleries  de  l'enfance ,  de  la  jeu- 
nesse ,  du  repentir ,  du  dévouement.  Sous  le  dernier  suc- 
cesseur de  ces  premiers  évêques ,  vous  avez  retrouvé ,  sous 
des  formes  nouvelles  nécessitées  parles  modifications  sociales, 
les  mêmes  monuments  qui  vous  apparaissent  aux  premiers  âges 
des  églises.  Après  vous  ,  d'autres  viendront,  qui,  à  leur  tour , 
interrogeront  l'histoire  et  le  passé.  Placés  assez  loin  de  notre 
siècle  pour  l'apprécier  sans  prévention  ,  ils  porteront  sur  lui 
le  jugement  qu'il  aura  mérité.  Quel  sera-t-il  ?  Nous  l'ignorons  ; 
mais  ce  qu'ils  constateront  à  coup  sûr,  c'est  que  le  christia- 
nisme n'aura  point  failli  à  sa  tâche.  S'ils  avaient  à  porter , 
sous  plus  d'un  rapport ,  un  jugement  sévère  ,  ils  n'oublieraient 
pas  les  mains  assez  heureuses  pour  fonder ,  au  nom  de  la 
religion  ,  et  protéger ,  au  nom  des  lois ,  ces  établissements 
qui  sauvent  les  nations ,  ou  du  moins  prolongent  leur  vie , 
lorsqu'elles  ne  veulent  plus  se  sauver. 

De  vifs  applaudissements  accueillent  cette  communication  ; 
on  décide  qu'une  seconde  lecture  en  sera  faite  à  la  séance  du 
soir ,  en  faveur  des  dames  qui  s*y  rendent  en  plus  grand 
nombre. 

filles  aux  maisons  purement  pénitencières ,  pour  coniier  leur  réhabilitation 
à  des  soins  religieux. 


XVIIIe.    SESSION.  255 

M.  Victor  Petit  fait  ensuite  la  lecture  du  procès-verbal  de 
la  visite  faite  au  musée  nivcrnais  de  l'IIôtel-de-Ville. 


VISITE  DU  CONGRÈS  AU   MUSÉE  NIVERNAIS. 

Le  13  juin  ,  à  11  heures ,  les  membres  du  Congrès  se  sont 
rendus  au  musée  qui  occupe  une  partie  du  second  étage  de 
l'Hôtel-de-Ville.  Ce  musée,  nommé  spécialement  ni  vernais,  a 
été  formé  par  M.  Gallois  ,  ancien  conducteur  des  ponts-et- 
chaussées,  qui,  depuis  long-temps,  recueille  tout  ce  qu'il  peut 
trouver  d'intéressant  pour  le  pays.  Le  musée  occupe  quatre 
salles;  la  première  renferme  des  faïences  :  près  de  400  pièces 
de  diverses  époques  et  de  formes  variées  sont  rangées  sur  des 
rayons  ou  suspendues  aux  murs;  la  plupart  de  ces  faïences  sont 
de  fabrique  nivernaise  ,  fabrique  établie  à  Nevers  à  la  fin  du 
XVIe.  siècle  par  le  duc  Louis  de  Gonzague  qui  avait  fait  venir 
de  Faenza  des  ouvriers  habiles;  au  XVIIe.  siècle,  cette 
industrie  devint  très-florissante  et  le  nombre  des  manufactures 
se  multiplia  tellement,  qu'en  1742  un  arrêt  du  parlement  en 
fixa  le  nombre  à  onze  ,  puisa  huit  quelques  années  plus  tard  : 
les  prescriptions  de  ces  arrêts  ne  furent  jamais  ,  il  est  vrai , 
observées  d'une  manière  bien  rigoureuse.  Aucune  ville  de 
France  ne  produisit  des  faïences  comparables  à  celles  de 
Nevers ,  surtout  à  celles  du  XVIe.  siècle ,  dont  quelques-unes 
peuvent  être  comparées  aux  plus  beaux  produits  de  l'Italie  en 
ce  genre. 

L'assemblée  a  examiné  avec  intérêt  une  magnifique  col- 
lection de  faïences  nivernaises,  dont  la  beauté  de  forme  et  de 
couleurs  mérite  d'attirer  l'attention  des  archéologues  et  des 
artistes.  Il  serait  trop  long  de  décrire  ici  les  nombreuses  pièces 
qui  ont  été  admirées  :  ce  sont  des  vases  de  toutes  formes , 
des  fontaines ,  des  plats  ,  des  tableaux  ,  des  statuettes  ,  etc. 


256      CONGRES  ARCHEOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Celles  du  XVIe.  siècle  sont  plus  petites  et  leur  ornementation 
est  beaucoup  plus  fine  ,  les  tons  jaunes  et  bleus  y  abondent  ; 
elles  offrent  souvent  des  scènes  marines  ,  des  Naïades  et  des 
Tritons  jouant  au  milieu  des  flots.  Au  XVIIe.  siècle,  les  pièces 
sont  plus  grandes  et  l'ornementation  en  est  plus  variée ,  on  y 
trouve  des  scènes  tirées  de  la  mythologie  et  des  Romains  de 
l'époque  ;  mais  à  mesure  que  l'on  avance  vers  le  XVIIIe. 
siècle  ,  le  dessin  est  moins  correct  ;  enfin  ,  à  cette  dernière 
époque  ,  les  manufactures  de  Nevers  ne  produisirent  plus 
guère  que  des  objets  de  médiocre  grandeur  el  d'un  usage 
vulgaire ,  dont  l'ornementation ,  généralement  fort  grossière, 
consista  en  figures  et  en  inscriptions  d'un  goût  tout-à-fait 
rabelaisien.  Un  plat  entr'autres,  portant  la  date  1758  ,  offre 
deux  ou  trois  scènes  tellement  légères  qu'il  nous  serait  diffi- 
cile de  les  décrire  ,  puis  au-dessous ,  un  homme  couché  au 
pied  d'un  arbre  ,  adresse  à  saint  Lâche  l'oraison  suivante 
qui  se  lit  auprès  de  sa  tête  : 

Oraison 

a 

Sains  Lâche 

Patron  de  la  société  des  paresseux 

Bien  heureux  sains  Lâche  qui  possédée  le 

royaume  de  la  féniantisse  faite  que  par  votre 

interselions  nous  puissions  bien  boire  et  bien  mange 

sans  jamais  travaillier.  Ses  ceque  nous  vous 

demandons  grand  sains.   Amen. 

Un  travailleur  des  ateliers  nationaux  n'aurait  pas  mieux  dit. 
Dans  la  salle  des  faïences  se  trouvent  aussi  divers  fragments 
de  carreaux  rouges  ,  de  dessins  blancs  du  XIIIe.  siècle  , 
trouvés  dans  les  ruines  du  château  de  Buley  ;  l'un  offre  un 
château  et  des  fleurs  de  lis  ;  l'autre  des  rinceaux  d'un  joli 
dessin  ,  puis  des  carreaux  éraaillés  du  XVIe.  siècle  ,  provenant 
du  château  ducal  de  Nevers ,    orné  d'initiales  et  d'emblèmes 


\\iue.   session.  257 

de  la  maison  de  Gonzaguc  ,  encadrés  de  feuillages  et  peints  de 
couleurs  diverses ,  sans  beaucoup  de  soins ,  sur  un  fond 
blanc.  Enfin  d'autres  carreaux  ,  aussi  de  fabrique  nivernaise  , 
portant  sur  un  fond  jaune  des  personnages  en  costumes  orien- 
taux ,  peints  en  bleu. 

La  seconde  salle  renferme  une  bibliothèque  formée  d'ou- 
vrages relatifs  au  Nivernais ,  deux  verrines  ,  sous  lesquelles  se 
trouvent  divers  objets  antiques  et  du  moyen-âge,  et  enfin  des 
collections  d'histoire  naturelle.  Les  membres  du  Congrès  ont 
examiné  avec  intérêt  les  antiquités  contenues  dans  les  deux 
verrines:  ce  sont  de  la  période  gallo-romaine,  des  fibules,  des 
colliers,  des  statuettes  en  bronze  et  en  terre  cuite ,  des  bra- 
celets et  des  clefs  du  moyen-âge  et  de  la  renaissance  :  des 
sceaux,  des  manuscrits  à  miniatures  et  des  livres  des  premiers 
temps  de  l'impression ,  de  petits  ustensiles  divers  et  enfin  de 
petites  figures  plates  en  terre  cuite  qui  étaient  clouées  à  la  tête 
d'un  cercueil  trouvé  dans  l'église  St. -Sauveur  de  Nevers  ;  on 
y  voit  un  moine ,  un  personnage  vêtu  d'une  sorte  de  cotte 
d'armes ,  des  religieuses,  et  il  a  paru  difficile  de  préciser  l'âge 
de  ces  petites  statuettes.  Tous  ces  divers  objets  ont  été  trouvés 
dans  le  département  de  la  Nièvre.  On  a  placé  contre  la  fenêtre 
un  assez  joli  fragment  de  vitrail  de  la  fin  du  XVe.  ou  du  com- 
mencement du  XVIe.  siècle  représentant  saint  Jacques  en 
pèlerin  ,  prêchant  devant  une  nombreuse  assemblée. 

Dans  la  troisième  salle  se  trouve  une  collection  d'environ 
1500  médailles  et  monnaies  antiques  et  du  moyen-âge  ,  au 
milieu  de  laquelle  on  a  remarqué  la  série  presque  complète 
des  monnaies  et  jetons  du  Nivernais  :  voici  l'indication  de 
quelques  objets  qui  ont  particulièrement  attiré  l'attention  de 
la  réunion. 

Un  bel  émail  de  la  fin  du  XIIe.  siècle  représente  le  Christ 
en  croix ,  accompagné  de  la  Vierge  et  de  saint  Jean ,  et  au 
haut  du  soleil  et  de  la  lune  personnifiés.  Aux  pieds  de  la 
croix ,  Adam  est  figuré  par  un  homme  dont  on  ne  voit  que  la 


258      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

tête  et  les  mains  sortant  du  tombeau.  Les  couleurs  de  ce  ta- 
bleau sont  fort  brillantes  et  les  parties  de  cuivre  que  l'on 
voit ,  sont  dorées  et  damassées  ;  la  bordure  offre  une  in- 
scription en  lettres  onciales  : 

Un  tout  petit  émail  peint ,  des  deux  côtés  ,  en  camaïeu  avec 
beaucoup  de  talent  ;  d'un  côté  est  une  belle  tète  de  saint  Pierre , 
de  l'autre  un  Christ  en  croix  ; 

Un  fort  beau  plat  en  émail  de  Pierre  Reyman  (  XVIe.  siècle) 
représentant  Psyché ,  avec  une  bordure  d'arabesques  d'un 
charmant  dessin  ; 

Un  panneau  de  bois  du  XVe.  siècle  sur  lequel  un  arbre  de 
Jessé  est  très-finement  sculpté  ;  ce  morceau  provient  de 
l'église  St. -Sauveur  de  Nevers  ; 

Une  charmante  petite  statuette  en  marbre  blanc ,  du  XVIe. 
siècle  ; 

Un  fragment  de  bas-relief  en  ivoire  ,  provenant  d'une  croix 
qui  se  voyait  autrefois  à  la  cathédrale  ;  le  style  de  ce  morceau 
accuse  une  époque  fort  reculée  ; 

Enfin  quelques  autres  émaux  et  panneaux  sculptés  de  la 
renaissance. 

Le  Congrès  a  terminé  sa  visite  par  une  quatrième  salle  ren- 
fermant divers  objets  peu  archéologiques  ,  mais  au  milieu  de 
laquelle  a  été  placé ,  depuis  peu ,  un  magnifique  épi  en 
faïence  du  commencement  du  XVIIe.  siècle  ,  le  plus  beau 
peut-être  ,  qui  existe  en  France,  a  dit  M.  de  Caumont.  Cet 
épi  est  composé  d'une  profusion  de  fleurs  et  d'ornements 
divers  en  faïence  ,  montés  sur  une  tige  de  fer  ,  il  a  2'".  60e. 
de  hauteur  ;  il  couronnait  une  maison  située  près  de  la  cathé- 
drale. Enfin ,  dans  la  même  salle ,  un  fourreau  de  poignard  orné 
d'émaux  et  d'incrustations  en  cuivre ,  a  paru  à  quelques 
antiquaires  pouvoir  dater  de  l'ère  mérovingienne. 

Les  membres  du  Congrès  ,  en  quittant  le  musée  nivernais , 
ont  adressé  a  M.  Gallois  de  vives  félicitations  sur  les  belles 


XVIIIe.    SESSION.  259 

collections  qu'il  a  réunies  et  surtout  sur  sa  collection  de 
faïences  de  ISevers  qui  est  unique  en  son  genre.  Ils  ont  en- 
suite visité  la  bibliothèque  publique,  qui,  sans  être  très- 
riche  ,  est  fort  bien  tenue  par  M.  Delaroche  ,  professeur  au 
collège ,  et  s'augmente  tous  les  jours.  Un  buste  en  bronze 
d'Adam,  brillant  ouvrage  du  sculpteur  David  d'Angers ,  et 
quelques  tableaux  ,  placés  dans  une  salle  derrière  la  biblio- 
thèque ,  ont  aussi  attiré  l'attention  de  l'assemblée  qui  a 
quitté  l'Hôtel-de-VilIe  à  1  heure. 

M.  le  président  pose  la  15e.  question  du  programme. 

Pourquoi   la  plupart  des  églises  de   l'ancien  Auxerrois 
ont-elles  été  reconstruites  au  XVe.  ou  au  XVIe.  siècle? 

M.  Victor  Petit  pense  que  la  mauvaise  qualité  des  pierres 
employées  dans  ces  contructions  a  pu  hâter  leur  ruine. 

M.  l'abbé  Crosnier  demande  la  parole  :  il  déclare  qu'il  ne 
pourrait  partager  l'avis  de  l'honorable  M.  Victor  Petit  ;  qu'en 
général  on  ne  peut  pas  dire  que  les  pierres  tirées  de  l'ancien 
Auxerrois  soient  de  mauvaise  qualité,  qu'au  contraire  celte 
contrée  est  remarquable  par  ses  carrières;  qu'il  faut  donc 
chercher  une  autre  cause ,  qu'il  croit  trouver  dans  les  guerres 
qui  ont  ravagé  le  diocèse  d'Auxerre  et  la  partie  du  diocèse  de 
Nevers  qui  l'avoisine  pendant  le  cours  du  XIVe.  siècle  et  une 
partie  du  XVe.  Nous  trouvons  soit  à  St. -Laurent  l'abbaye, 
soit  à  St.-Agnan  de  Cosne,  soit  encore  à  Lépaux,  à  Donzy- 
le-Pré  et  à  Bellary ,  des  preuves  que  les  pierres  employées 
alors  pouvaient  résister  à  l'action  du  temps;  ces  monuments 
en  ruine  prouvent  seulement  la  barbarie  des  hommes  en 
temps  de  guerres  ou  de  révolutions. 

C'est  à  la  guerre  des  Armagnacs  et  des  Bourguignons  qu'il 
faut  en  partie  attribuer  la  cause  de  la  reconstruction  de  ces 
églises.  On  sait  que  les  armées  des  deux  partis  ont  foule 
pendant  long-temps  le  sol  de   l'Auxerrois,   du  Donziais  et 


260      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

même  de  la  contrée  Nord  et  Est  de  l'ancien  diocèse  deNevers  ; 
l'histoire  fait  foi  que  ces  armées,  quoique  catholiques,  n'épar- 
gnaient pas  les  monuments  religieux  qui  servaient  quelquefois 
de  place  de  défense.  A  cette  occasion ,  M.  Crosnier  rapporte 
un  fait  consigné  dans  les  mémoires  de  Lebœuf  ;  les  Anglais 
et  les  Navarrois  ravageaient  la  Puisaie,  au  mois  d'avril  1359, 
les  habitants  des  bourgs  et  des  villages  se  virent  dans  la 
nécessité  d'abandonner  leurs  demeures  pour  éviter  les  vexa- 
tions et  les  cruautés  des  ennemis;  de  là  ils  se  trouvèrent  dans 
l'impossibilité  de  célébrer  en  son  temps  la  fête  de  Pâques. 
Au  mois  de  septembre,  le  pays  fut  débarrassé  des  troupes 
anglaises  et  les  habitants  purent  rentrer  dans  leurs  foyers. 
Ils  célébrèrent  alors  la  solennité  de  Pâques,  et  tous  les  ans,  en 
mémoire  de  leur  retour  ,  ils  renouvelèrent  au  mois  de  sep- 
tembre cette  solennité  à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom  de 
Ste.-Bienaïse.  On  la  célébrait  encore  à  Fontenay  près  d'Auxerre 
quand  éclata  la  grande  révolution  française. 

M.  l'abbé  Millet  confirme  la  pensée  émise  par  M.  Crosnier  ; 
il  paraît  hors  de  doute,  dit-il,  que  la  cause  principale  du  fait 
signalé  ne  soit  l'invasion  anglaise,  principalement  lorsqu'au 
commencement  du  XVe.  siècle  ils  se  répandirent  sur  les 
bords  de  la  Loire.  Pendant  le  règne  si  orageux  de  Charles 
VII ,  nous  les  voyons  à  Cosne ,  à  La  Charité ,  et  dans  d'autres 
places  voisines  en  1621. 

Dans  le  même  temps ,  les  factions  des  Armagnacs  et  des 
Bourguignons,  dans  le  Nord  du  Nivernais  surtout,  se  livraient 
partout  au  pillage  et  à  l'incendie.  A  Corbigny,  l'abbé  Hugues 
de  Maison-Comte ,  que  la  chronique  gratifie  de  l'épithète  peu 
flatteuse  de  Vu'  pessÎ7nus  ,  tenait  pour  les  Armagnacs,  tandis 
que  les  habitants  de  la  ville  étaient  pour  le  roi  de  France  et 
le  duc  de  Bourgogne  ;  l'abbé  ouvrit  l'abbaye  aux  Armagnacs 
qui  firent  le  siège  delà  ville  en  1623,  mais  ayant  trouvé 
une  résistance  trop  énergique  de  la  part  des  moines  et  des 


XVIIIe.    SESSION.  261 

habitants  de  Corbigny,  ils  s'en  vengèrent  sur  leurs  propres 
partisans  en  mettant  le  feu  à  l'église  ,  aux  cloîtres  et  aux 
autres  bâtiments  de  l'abbaye  qui  lurent  presqu'entièrement 
détruits  par  les  flammes. 

Vingt  ans  plus  tard  une  autre  cause  particulière  au  diocèse 
de  Nevers  a  nécessité  la  reconstruction  de  plusieurs  églises. 
En  I/4/45,  Jean  d'Etampes  fut  élu  évêque  de  Nevers  par  le 
chapitre,  conformément  au  droit  ancien  remis  en  vigueur  par 
le  concile  de  Bàle  et  la  pragmatique  sanction  ;  de  son  côté,  le 
pape  qui  n'avait  pas  ratifié  le  concile  de  Bfde  avait  nommé 
Jean  Tronson.  Ce  dernier ,  appuyé  par  le  duc  de  Bourgogne, 
entraîna  dans  son  parti  presque  toute  la  ville  épiscopale  et  la 
noblesse  du  pays  ;  de  là  le  partage  du  diocèse  en  deux  partis. 
Chaque  compétiteur  nommait  aux  églises  vacantes  ,  et  les 
élus  se  disputaient  ces  églises  à  main  armée.  Dans  ce  triste 
conflit  plusieurs  églises  du  diocèse  furent  pillées  et  incendiées, 
entr'autres  les  églises  de  Lurcy-le-Bourg  et  de  Challement. 

Les  guerres  des  Anglais  d'un  côté,  de  l'autre  les  dissentions 
survenues  dans  le  diocèse  de  Nevers  paraissent  avoir  nécessité 
dans  nos  contrées,  à  la  fin  du  XVe.  siècle  et  au  commencement 
du  XVIe. ,  la  reconstruction  de  la  plupart  des  églises  qui  datent 
de  cette  époque. 

M.  de  Caumont  propose  de  remettre  à  la  séance  du  soir 
les  trois  dernières  questions  du  programme  ;  il  désirerait 
aussi  que  dans  cette  dernière  séance  l'on  s'occupât  des  allo- 
cations de  fonds  que  la  Société  applique  tous  les  ans  à  des 
restaurations  de  monuments  sur  la  proposition  des  membres 
de  la  Société.  Il  pose  aux  archéologues  du  pays  quelques  ques- 
tions sur  l'ameublement  ancien  des  églises  :  quels  sont  les 
fouts  baptismaux  les  plus  anciens  et  les  plus  curieux  que  l'on 
trouve  dans  le  Nivernais  ? 

M.  de  Soultrait  répond  à  cette  question  pour  l'arrondisse- 
ment de  Nevers  et  une  partie  de  celui  de  Cosne  qu'il  a  par- 

17 


262      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

courus  en  détail;  il  essaiera  aussi  de  répondre  aux  diverses 
autres  questions  de  M.  de  Caumont ,  pour  la  partie  Sud  du 
département  de  la  Nièvre  ;  M.  l'abbé  Crosnier  connaît  par- 
faitement l'ancien  Auxerrois  et  il  lui  sera  facile  de  compléter 
les  renseignements  demandés  pour  le  Nord  du  département. 

Les  anciennes  cuves  baptismales ,  dit  M.  de  Soultrait ,  ont 
généralement  été  renouvelées  à  une  époque  moderne  ;  la 
seule  qui  reste  de  l'époque  romane  se  voit  encore  devant  l'église 
de  Devay  dont  elle  a  été  expulsée  :  c'est  une  cuve  en  forme 
de  carré  long,  ornée  sur  trois  de  ses  faces  de  neuf  trous 
creusés  en  rond  dans  la  pierre ,  disposés  trois  à  trois.  La 
quatrième  face  présente  trois  arcatures  cintrées  également 
en  creux ,  le  tout  grossièrement  fait.  Cette  cuve  paraît  re- 
monter au  XIIe.  siècle. 

L'orateur  ne  connaît  pas  de  fonts  du  XIIIe.  siècle  ni  duXIVe. , 
mais  ceux  du  XVe.  siècle  et  du  XVIe.  sont  fort  communs. 
Les  plus  anciens  et  les  plus  grands  sont  en  général  à  pans; 
sur  une  des  faces  un  prolongement  carré  offre  la  piscine  et 
reçoit  les  eaux  qui  ont  servi  au  baptême;  ils  reposent  sur  un 
pied  garni  de  moulures  en  usage  h  cette  époque ,  et  leurs  côtés 
sont  également  ornés  de  moulures  et  de  sculptures.  Les  fonts 
de  l'église  de  Lutbenay  sont  hexagones  ;  on  y  remarque  des 
personnages  en  bas-relief  sur  plusieurs  des  côtés,  c'est  J.  -G.  en 
croix,  saint  Jean,  la  Sainte  Vierge,  un  évêque  ,  probablement 
saint  Agnan,  patron  de  la  paroisse.  Les  fonts  de  Garchizy, 
de  Ste. -Marie  ,  de  Fleury-sur-Loire,  de  Chitry-les- Mines , 
affectent  la  forme  qui  vient  d'être  indiquée.  Au  commence- 
ment du  XVIe.  siècle  on  fit  quelquefois  des  fonts  plus  petits 
avec  une  cuve  circulaire  ou  à  pans  soutenue  par  un  pied 
orné  de  moulures  ;  ceux  de  Verneuil  sont  garnis  de  canne- 
lures en  zigzags  et  d'une  guirlande  de  chêne  d'un  joli  tra- 
vail ;  ceux  de  Parigny-sur-Sardolles ,  un  peu  plus  modernes, 
sont  dans  le  même  genre  ;  leur  cuve  octogone  présente  des 


XVIII*.    SESSION.  26o 

personnages  étendus,  tenant  des  pampres  et  des  branches  de 
chêne;  on  y  lit  aussi  celte  inscription  en  caractères  gothiques  : 

Ces  fonts....  a  fotet  faire  fax  vlntljoenr  Honora 
le  10  mars  HtfKS  1T3J  (ÎS4T). 

On  voit  à  Jailly  un  bénitier  rond  fort  simple ,  porté  sur 
une  colonnelte  ornée  d'une  croix  au  pied  Fiché  et  d'une 
moulure  ronde,  il  est  probablement  du  XIe.  siècle;  un  autre, 
dans  la  même  église ,  octogone  et  porté  par  deux  colonnettes 
sans  aucun  ornement,  remonte  au  XVIe.  ,  peut-être  a-t-il 
servi  de  fonts?  Enfin  l'on  trouve  souvent  des  bénitiers  en 
fonte  et  en  bronze,  des  XVe.  et  XVIe.  siècles,  offrant  des 
versets  de  l'Écriture-Sainte  et  des  figures  de  saints;  nous 
citerons  en  ce  genre  ceux  de  Decise  qui  sont  fort  remar- 
quables par  le  fini  de  leur  exécution  et  leur  état  de  con- 
servation. 

M.  l'abbé  Crosnier  prend  la  parole  sur  la  même  question. 

Il  ne  connaît  dans  le  Nord  du  Nivernais  aucune  cuve  bap- 
tismale digne  d'intérêt  ;  dans  le  cimetière  qui  environne  les 
ruines  de  Donzy-le-Pré  est  déposée  une  cuve  de  dimension 
extraordinaire  provenant  de  l'ancienne  église,  mais  elle  est 
brisée  en  partie  et  ne  présente  aucun  caractère  bien  précis. 

Il  fait  remarquer  un  genre  de  fonts  qui  se  rencontre  dans 
l'ancien  Auxerrois;  sans  avoir  la  dimension  d'un  autel,  ces 
fonts  en  ont  la  forme.  La  table  de  l'autel  s'ouvre  et  découvre 
deux  piscines,  l'une  destinée  à  recevoir  le  bassin  contenant 
l'eau  baptismale  ,  l'autre  perforée  et  servant  véritablement  de 
piscine  pour  l'écoulement  des  eaux.  Entre  les  deux  bassins , 
une  espèce  de  boîte  carrée,  taillée  dans  la  pierre,  est  destinée 
à  recevoir  les  vases  des  Saintes  Huiles.  Quoique  ces  fonts 
n'aient  de  remarquable  que  leur  forme  et  qu'ils  ne  remon- 
tent pas  au-delà  du  XVIIe.  siècle  ,  il  croit  devoir  les  si- 
gnaler. 


26/l  COiNGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

M.  de  Caumont  voudrait  savoir  à  quelle  époque,  en 
Nivernais,  les  cuves  des  fonts  commencèrent  à  être  di- 
visées. 

M.  Crosnier  pense  qu'il  est  assez  difficile  de  répondre 
d'une  manière  précise  à  cette  question;  cependant  il  a  re- 
marqué qu'en  général,  les  fonts  du  XVe.  siècle  et  ceux  du 
XVIe.  ont  une  piscine  qui  leur  est  adjointe  en  dehors  de 
la  cuve  baptismale ,  ou  qui  est  creusée  dans  une  des  dalles 
voisines  des  fonts.  Il  n'a  remarqué  cette  division  que  depuis 
la  renaissance,  mais  il  n'oserait  affirmer  qu'on  n'en  ren- 
contre point  à  une  époque  antérieure. 

M.  l'abbé  Clément  parle  d'un  bénitier  de  l'église  de  Pé- 
reuse ,  dans  le  département  de  l'Yonne ,  qui  offre  en  relief 
un  cochon ,  un  poisson  et  un  homme  ;  il  pense  que  ce  bé- 
nitier aurait  autrefois  servi  de  fonts  qu'il  ferait  remonter  aux 
premiers  siècles  de  l'Église.  Il  voit  dans  les  figures  qui  y 
sont  sculptées  les  symboles  de  l'homme  sous  l'empire  du 
péché,  puis  régénéré  par  les  eaux  du  baptême  et  trouvant 
comme  le  poisson  sa  vie  dans  ces  eaux  salutaires. 

M.  Crosnier  désirerait  voir  un  dessin  de  ce  bénitier  avant 
de  se  prononcer  ;  il  admet  les  explications  symboliques  don- 
nées par  M.  l'abbé  Clément ,  mais  il  ne  peut  admettre  que 
ce  bénitier,  ou  ces  fonts  baptismaux,  remontent  aux  pre- 
miers siècles  de  l'Église.  Le  baptême  a  été  primitivement 
administré  par  immersion  ;  on  ne  peut  donc  faire  remonter 
à  cette  époque  reculée  une  cuve  qui  aurait  les  modestes  di- 
mensions d'un  bénitier.  Les  symboles  sculptés  sur  cette  pierre 
se  retrouvent  au  XIIe.  siècle,  et  il  pense  qu'on  peut  lui 
assigner  cette  époque. 

M.  de  Caumont  demande  si  on  connaît  dans  le  Nivernais 
des  autels  anciens  ou  curieux ,  des  tryptiques ,  des  peintures 
murales  et  des  meubles  d'église  dignes  d'intérêt. 

M.  de  Soultrait  répond  que  les  autels  des  cryptes  qui  se 


xvnr.  session.  265 

trouvent  dans  quelques  églises  du  Nivernais  sont  probable- 
ment anciens ,  mais  qu'ils  n'offrent  aucun  caractère. 

On  trouve  dans  beaucoup  d'églises,  ajoute  le  même  orateur, 
de  jolis  rétables  des  XVe.  et  XVIe.  siècles.  Le  plus  remarquable 
de  tous  est  sans  contredit  celui  qui  représente  la  vie  de  saint 
Jean-Baptiste ,  dans  une  chapelle  de  la  cathédrale  ;  il  s'en  ren- 
contre aussi  d'intéressants  à  St.-Pierre-le-Moutier,  à  Decisc,  à 
St.-Ouen,à  Neuville-les-Decise,  à  Azy-le-Vif,  etc. Ces  rétables 
offrent  en  général  des  saints  qui  accompagnent  la  Vierge ,  la 
plupart  de  ces  bas-reliefs  étaient  peints  ;  ceux  du  XVIe.  siècle 
sont  à  peu  près  de  même.  Deux  de  cette  époque  sont  particu- 
lièrement remarquables  :  l'un  provenant  de  l'ancienne  église 
priorale  de  Montempuy ,  se  trouve  maintenant  dans  la  cha- 
pelle du  Bon-Pasteur ,  fondée  à  Dornes  par  Mme.  Lefebvre  ; 
ce  bas-relief  présente  trois  arcades  en  anse  de  panier, 
dont  l'intrados  est  orné  de  fleurs  de  lis  saillantes  et  qui  s'ap- 
puient sur  d'élégantes  colonnettes  ;  sous  l'arcade  du  milieu  , 
la  Vierge  assise  tient  sur  ses  genoux  le  corps  de  J.-C.  ;  sous 
l'arcade  de  gauche,  un  personnage  en  costume  de  chanoine, 
l'aumusse  au  bras,  est  agenouillé  devant  un  prie-Dieu,  por- 
tant un  écusson  armorié;  l'arcade  de  droite  est  occupée  par 
un  chevalier  armé  de  toutes  pièces,  l'épée  au  côté  ,  agenouillé 
comme  le  chanoine.  Ces  deux  personnages  sont  sans  doute 
les  deux  fondateurs  de  l'église  de  Montempuy  qui  est  du 
XVIe.  siècle.  Au-dessus  et  au-dessous  des  arcades  régnent 
deux  frises  où  se  dessinent  de  charmants  arabesques  ;  les 
angles  supérieurs  sont  formés  de  consoles  ornées  de  petites 
figures  d'anges.  Toute  cette  sculpture  était  peinte  avec  beau- 
coup de  goût ,  les  couleurs  se  voyaient  encore  fort  bien ,  on 
n'a  eu  qu'à  les  raviver.  L'autre  se  trouve  actuellement  dans 
la  chapelle  des  fonts  de  l'église  St. -Are  de  Decise  ,  il  avait 
été  malheureusement  cassé  en  deux  et  placé,  lors  de  la  Ré- 
volution, dans  le  dallage  de  l'église.  Ce  bas-relief  est  partagé 


266  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

en  cinq  sujets  par  des  pilastres  fort  délicatement  ornés,  chacun 
de  ces  tableaux  est  couronné  par  un  amortissement  en  co- 
quille; ce  sont  cinq  scènes  de  l'histoire  de  la  Vierge.  Le 
premier  sujet  à  droite  représente  l'Assomption  :  Marie  res- 
suscitée  est  enlevée  par  les  anges  dans  une  gloire  elliptique 
vers  Dieu  le  Père  qui,  la  tiare  en  tête  et  accosté  de  deux 
anges  jouant  de  la  viole  ,  bénit  à  la  manière  latine.  La 
donatrice,  en  costume  du  temps,  est  agenouillée  aux  pieds  de 
la  Vierge.  La  seconde  scène ,  fort  mutilée ,  représente  la 
Visitation.  Dans  la  troisième  ,  l'ange  annonce  aux  bergers  la 
naissance  du  Sauveur  :  les  trois  pasteurs  sont  à  genoux  et 
leur  attitude  exprime  une  sainte  frayeur  ;  une  femme  tenant 
un  enfant,  des  moutons,  dont  l'un  est  emporté  par  un  loup, 
animent  le  paysage  au  fond  duquel  une  ville  du  moyen-âge 
montre,  au-dessus  de  ses  murailles,  des  pignons  aigus  et 
des  donjons  crénelés  :  tout  ce  tableau  est  charmant  de  mou- 
vement et  d'expression  ;  dans  l'amortissement  on  remarque 
un  écusson  en  losange,  aux  armes  d'Henriette  de  Clèves, 
duchesse  de  Nevers.  La  quatrième  scène  a  pour  objet  la  Puri- 
fication :  le  grand-prêtre  est  assis  devant  l'autel,  accompagné 
de  quelques  acolytes;  saint  Joseph  apporte  un  agneau,  après 
lui  vient  la  Vierge,  suivie  d'une  femme  présentant  les  deux 
colombes.  Le  dernier  sujet,  à  gauche,  est  le  pendant  du  pre- 
mier :  c'est  encore  la  Vierge  s'élevant  vers  le  Père  éternel 
qui  est  ici  accosté  du  soleil  et  de  la  lune  ;  Marie  a  de  longs 
cheveux  épars  et  les  mains  jointes,  autour  d'elle  sont  les  em- 
blèmes des  litanies,  une  rose,  un  lys,  un  vase,  une  porte 
de  ville ,  etc.  ;  dans  le  bas,  à  gauche,  le  donataire  est  à  genoux. 
Au-dessus  de  ces  tableaux  se  trouvait  un  couronnement 
qui  a  été  en  grande  partie  détruit.  On  remarque  ,  dans  le 
bas  du  rétable,  plusieurs  écussons  aux  armes  des  donateurs 
Jean  de  Vaux,  seigneur  de  Germancy ,  et  Marie  Baudreuil,  sa 
femme.  Il  est  facile  de  reconnaître  d'une  manière  certaine 


xviuv  session.  267 

l'âge  de  ce  charmant  morceau  à  l'aide  de  l'écusson  d'Henriette 
de  Clèves  qui  figure  au  milieu  ;  cet  écusson  est  en  losange 
et  il  n'est  point  parti  des  armes  de  Gonzague ,  donc  il  a  été 
sculpté  avant  le  mariage  d'Henriette  de  Clèves,  lorsqu'elle 
était  seule  duchesse  de  Nevers ,  c'est-à-dire  du  6  septembre 
156û ,  date  de  la  mort  de  son  frère  Jacques  dont  elle  hérita, 
au  U  mars  1565,  jour  de  son  mariage  avec  Louis  de  Gon- 
zague. Ce  bas-relief  n'a  jamais  été  peint. 

Enfin  un  rétable  des  dernières  années  du  XVIe.  siècle, 
qui  ne  manque  pas  de  caractère ,  se  voit  dans  l'église  de 
Beaumont-sur-Sardolles  ;  il  représente  l'ensevelissement  de 
J.-C.  et  les  douze  apôtres. 

Le  badigeon  a  fait  disparaître  la  plupart  des  peintures 
murales  qui  devaient  orner  quelques  églises  ;  cependant  on 
voit  encore  des  restes  de  peintures  à  personnages,  proba- 
blement du  XIIe.  siècle ,  contre  les  murs  de  l'ancienne  église 
de  Parigny-sur-Sardolles ,  et  quelques  autres  fragments  plus 
modernes,  dans  la  partie  occidentale  de  la  cathédrale  de 
Nevers;  l'abside  de  l'église  ruinée  d'Aubigny-le-Chétif 
offre ,  sur  ses  parois  intérieures ,  six  grandes  figures  d'apôtres 
qui  ne  paraissent  pas  antérieures  au  XI Ve. siècle;  un  cha- 
noine du  XVe.  siècle,  à  genoux  devant  la  Vierge  mère,  accom- 
pagné de  saint  Pierre ,  est  représenté  sur  le  mur  de  clôture 
du  chœur  de  la  cathédrale  ;  ce  même  mur  présente  encore 
quelques  peintures  de  la  même  époque  à  demi  effacées.  Dans 
l'église  de  Neuville-les-Decise  se  trouvent,  sur  le  mur  de 
la  nef,  quatre  figures  de  grande  proportion  dont  on  ne  voit 
plus  guère  que  la  silhouette  se  détachant  sur  un  fond  jaune , 
ce  sont  :  un  ange ,  deux  vieillards  portant  des  livres  et  un 
évêque  tenant  une  grande  croix  fleuronnée;  puis,  dans  la 
même  église ,  une  donatrice  agenouillée ,  en  costume  du 
temps,  accompagnée  de  sa  patronne  sainte  Catherine.  Le 
tympan  de  l'église  de  Jailly  était  orné  d'une  Annonciation 


268  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

peinte  probablement  au  XVe.  siècle  ;  c'est  à  peine  si  l'on  en 
distingue  encore  quelque  chose.  Dans  une  chapelle  de  l'église 
de  Saxi-Bourdon  un  prêtre  donateur  est  peint  agenouillé , 
cette  peinture  est  du  XVIIe.  siècle. 

Presque  toutes  les  figures  des  rétables  étaient  peintes,  il  en 
était  fort  souvent  de  même  de  l'ornementation  des  portails 
et  des  chapiteaux  ;  les  archivoltes  du  portail  de  Jailly  étaient 
revêtues  de  diverses  couleurs.  Il  est  fort  probable  que  l'église 
de  St. -Etienne  de  Nevers  avait  la  plupart  de  ses  chapiteaux 
peints  ;  on  voit  des  traces  de  fleurs  de  lis  sur  ceux  du  portail  ; 
les  nervures  de  la  jolie  église  priorale  de  Montempuy  sont 
de  couleur  rouge  et  retombent  sur  des  culs-de-lampe  déli- 
catement ornementés,  peints  en  bleu  et  or. 

L'ameublement  de  nos  églises  est  tout-à-fait  moderne,  ou 
du  moins  u'offre  en  général  rien  de  curieux.  Une  assez  jolie 
cage  d'escalier  dans  l'église  de  Decise ,  et  une  boiserie  sous 
le  porche  de  l'église  de  Marzy  ,  datent  de  la  fin  du  XVe. 
siècle  et  sont  d'un  travail  assez  fin.  Il  y  avait  dans  la  cathé- 
drale un  triple  siège  du  XVIe.  siècle  armorié  et  richement 
ornementé  ;  cette  chaire  figure  maintenant  dans  la  grande 
salle  de  l'évêché.  Chantenay  et  Monlapas  ont  conservé  des 
croix  de  procession  en  bois ,  recouvertes  en  cuivre  repoussé , 
du  commencement  du  XVIe.  siècle. 

Le  Congrès  a  examiné  à  l'évêché  une  belle  chape  du 
commencement  du  XVIe.  siècle  qui  se  trouvait  autrefois  à 
Verneuil,  ainsi  qu'un  encensoir  probablement  de  la  même 
époque. 

L'église  de  Lamenay  possède  un  fer  pour  la  confection  des 
pains  d'autel  qui  peut  dater  des  premières  années  du  XVIIe. 
siècle;  ce  fer  contient  deux  moules  :  sur  l'un  se  voit  J.-G. 
avec  le  soleil ,  la  lune  et  des  monogrammes  ;  sur  l'autre  le 
Sauveur  dans  un  fond  semé  d'étoiles,  assis  sur  une  chaire, 
tient  le  monde  et  bénit  à  la  manière  latine. 


XVIIIe.    SESSION.  269 

M.  l'abbé  Millet  cite  les  rétables  de  Ste.  -Marie-de-Flagelles 
et  de  Challement  qui  offrent  quelqu'intérèt;  celui  de  Ste.- 
Marie  a  été  donné  en  exvolo,  comme  on  le  voit  par  l'in- 
scription dont  il  est  revêtu.  Ils  sont  du  XVIe.  siècle. 

M.  l'abbé  Crosnier  prend  ensuite  la  parole  en  ces  termes  : 
Le  diocèse  de  Nevers  possède  des  autels  de  toutes  les 
époques,  à  partir  du  XIe.  siècle;  mais  avant  d'indiquer  ceux 
que  j'ai  remarqués,  il  est  important  de  rappeler  qu'il  faut 
distinguer  deux  sortes  d'autels  :  les  autels  principaux  et  les 
autels  secondaires.  Les  premiers,  placés  dans  le  sanctuaire, 
étaient  destinés  au  saint  sacrifice;  les  autres ,  placés  dans  les 
absidioles,  étaient  des  espèces  de  tables  de  pierre  sur  lesquels 
on  déposait  les  ornements  et  les  vases  sacrés.  Tels  sont  les 
autels  qu'on  remarque  dans  quelques  chapelles  de  l'église 
de  La  Charité  et  dans  les  deux  absides  latérales  de  l'église  de 
Jailly,  qu'on  peut  attribuer  au  XIe.  et  au  XIIe.  siècle.  Or- 
dinairement, ces  petits  autels  qui  ne  portent  aucune  trace  de 
consécration,  parce  qu'en  effet  ils  n'étaient  pas  consacrés, 
ont  leur  table  incrustée  dans  le  mur  circulaire  de  l'absidiole 
et  sont  soutenus  sur  le  devant  par  une  ou  plusieurs  colonnettes 
portant  les  caractères  de  l'époque. 

Au  XIIIe.  siècle,  ces  autels  secondaires  prennent  de  plus 
grandes  dimensions  et  portent  des  signes  de  consécration , 
sans  doute  ils  pouvaient  encore  servir  de  dépôt  pour  les  orne- 
ments et  les  vases  sacrés ,  mais  au  besoin  on  y  offrait  le  saint 
sacrifice.  A  Lépaux ,  près  Donzy ,  il  reste  un  de  ces  autels 
secondaires  du  XIIIe.  siècle,  parfaitement  conservé.  Il  peut 
nous  indiquer  la  forme  des  autels  principaux  de  cette  époque 
et  même  du  XIIe.  siècle ,  car  je  crois  qu'ils  différaient  peu. 
C'est  une  table  de  2m.  environ  de  longueur  sur  lm.  de  pro- 
fondeur, taillée  en  champfrein  sur  les  bords,  et  faisant  saillie 
sur  le  carré  de  maçonnerie  qui  lui  sert  de  support.  Cette 
maçonnerie  n'est  pas  pleine,  mais  laisse  sous  la  table  d'autel 


270  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

un  vide  considérable;  une  ouverture  de  &0C.  carrés,  pra- 
tiquée sur  le  devant,  au  centre  de  la  maçonnerie,  laisse  voir 
le  vide  de  l'intérieur.  L'autel  n'était  donc  qu'un  véritable 
tombeau  qui  renfermait  le  corps  entier  d'un  saint,  ou  au 
moins  un  énorme  reliquaire  qui  contenait  quelque  relique 
considérable.  Des  traces  de  ferrements  scellés  dans  la  pierre 
de  l'ouverture,  prouvent  qu'il  y  avait  une  porte  qui  fermait 
le  tombeau  et  qu'on  ouvrait  sans  doute  à  certaines  solennités 
pour  laisser  vénérer  les  saintes  reliques.  Tel  est  l'autel  de 
Lépaux.  Au  lieu  des  reliques  des  saints  qui  ont  été  profanées 
et  dissipées  en  1662,  lors  de  la  prise  de  Donzy  par  les  pro- 
testants, on  y  trouve  des  débris  de  cloches,  fondues  à  la 
même  époque  dans  l'incendie  de  la  magnifique  église  de  ce 
monastère. 

Ces  autels  sont  peu  gracieux,  mais  aux  jours  de  fêtes  ils 
étaient  revêtus  de  parements  enrichis  d'or  et  de  pierreries. 
L'usage  de  ces  parements  d'autel  a  subsisté  jusqu'au  XVII*. 
siècle.  J'en  ai  retrouvé  un  de  cette  dernière  époque  dans 
l'église  de  Ste.-Colombe-des-Bois,  en  cuir  gaufré,  peint  et 
doré. 

Cependant ,  au  XVe.  siècle  et  au  XVIe. ,  on  trouve  des 
autels  dont  les  parois  sont  enrichies  des  arcatures  et  des 
ornements  de  l'époque;  d'autres  qui  ont  la  forme  d'une 
simple  table ,  posée  sur  quatre  colonnes  ,  avec  bases  et 
moulures  en  usage  alors.  On  voit  un  de  ces  autels  dans, 
une  chapelle  de  l'église  de  Donzy. 

M.  de  Soultrait  a  parlé  d'un  fer  à  hosties  du  XVIIe.  siècle; 
j'en  connais  plusieurs  plus  anciens  dans  le  diocèse.  Alligny- 
sous-Cosne  en  possède  un  du  commencement  du  XVIe. 
siècle  ;  j'en  ai  un  en  ma  possession ,  provenant  de  Donzy,  qui 
est  de  la  fin  du  XVe.  ou  du  commencement  du  XVIe.  La 
description  de  ce  fer  a  été  imprimée  dans  le  Bulletin  des 
Comités  historiques. 


XVIIIe.    SESSION.  271 

L'église  de  Ternan  possède  deux  triptiques  fort  remar- 
quables, du  milieu  du  XVe.  siècle;  ils  remontent  à  la  fon- 
dation du  chapitre  de  Notre-Dame  de  Ternan  ,  en  \hkh,  par 
Philippe  de  Ternan,  chambellan  de  Philippe-le-Bon ,  duc  de 
Bourgogne ,  et  un  des  premiers  chevaliers  de  la  Toison-d'Or. 
Le  premier  présente  l'histoire  de  la  Passion  de  N.-S.  L'un 
des  battants  représente,  en  peinture,  le  Sauveur  au  jardin  des 
Olives ,  et  les  commencements  de  sa  douloureuse  Passion  ; 
le  tableau  central  est  une  réunion  de  gracieuses  statuettes  , 
groupées  au  sommet  du  calvaire.  Des  anges  reçoivent  dans 
des  calices  le  sang  qui  jaillit  des  plaies  de  J. -C.  suspendu 
à  la  croix  ;  les  deux  larrons ,  attachés  à  leur  potence ,  indi- 
quent par  leur  posture  quel  est  le  véritable  pénitent  et  le 
réprouvé.  Au  pied  delà  croix  ,  sont  les  soldats  qui  ont  conduit 
J.-C.  au  calvaire  et  les  bourreaux;  au  milieu  de  ces  scènes 
si  émouvantes,  la  pâmoison  de  Marie,  soutenue  par  saint 
Jean.  Les  fondateurs  sont  agenouillés  au  premier  plan  du 
tableau.  Sur  le  second  battant  est  peinte  la  Résurrection  du 
Sauveur,  les  gardes  renversés  auprès  du  sépulcre  ouvert, 
tandis  que  J.-C.  ,  armé  de  sa  croix  triomphale,  en  sort  glo- 
rieux. Dans  le  lointain ,  on  aperçoit  les  saintes  femmes  qui  se 
rendent  au  sépulcre.  Puis  la  descente  de  J.-C.  aux  enfers. 
Le  vainqueur  de  la  mort  a  renversé  de  sa  croix  triomphale 
les  portes  de  l'abîme  ,  représenté  par  une  forteresse  du  haut 
de  laquelle  les  démons  combattent  et  font  de  vains  efforts 
pour  retenir  les  prisonniers;  mais  les  justes  de  l'ancienne  loi 
partent  et  s'avancent  avec  reconnaissance  vers  leur  libérateur. 
L'autre  triplique  représente  la  mort  et  l'Assomption  de  la 
Sainte  Vierge,  soit  sur  les  tablettes  peintes,  soit  dans  les 
gracieuses  sculptures  du  fond  ;  on  remarque  en  outre  sur  les 
tablettes  l'Annonciation.  Puis  d'un  côté ,  le  seigneur  de 
Ternan  est  agenouillé  devant  saint  Jean-Baptiste  ;  l'habit  du 
seigneur  donataire  porte  les  émaux  de  ses  armes ,  il  est  écki- 


272  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

quêté  d'or  et  de  gueules;  de  l'autre  ,  la  dame  de  Ternan  est 
aussi  agenouillée  devant  sainte  Catherine ,  qu'on  reconnaît 
à  sa  couronne  royale  et  à  sa  roue. 

Ce  tableau  de  la  mort  de  Marie  et  de  ses  funérailles  re- 
produit tout  ce  que  nous  lisons  à  ce  sujet  dans  la  légende 
dorée.  On  y  remarque  cependant  quelques  variantes  qui 
semblent  se  rapprocher  de  l'iconographie  grecque.  Le  grand 
prêtre,  par  exemple,  qui  veut  renverser  le  cercueil,  au  lieu 
de  suivre  malgré  lui  le  convoi ,  les  mains  fixées  sur  la  bierre, 
a  les  deux  poignets  détachés  des  bras  et  le  sang  coule. 

L'église  de  Varzy,  monument  remarquable  du  XIV.  siècle, 
le  seul  complet  que  nous  ayons  dans  le  Nivernais  de  cette 
époque,  possède  une  riche  peinture  sur  bois  de  grande 
dimension.  On  peut  ranger  ce  tableau  parmi  les  triptiques , 
car  il  a  aussi  ses  deux  battants  peints  qui ,  en  se  fermant , 
garantissaient  la  scène  principale  ;  c'est  la  vie  et  le  martyre 
de  sainte  Eugénie ,  patronne  de  l'ancienne  collégiale  de 
Varzy.  L'abbé  Lebeuf  l'attribue  à  Félix  Chrétien,  chanoine 
d'Auxerre;  sa  date  est  de  1535.  Depuis  long-temps  les  deux 
battants  détachés  avaient  été  mis  au  rebut  ;  on  ignorait  sans 
doute  leur  valeur  artistique ,  mais  on  vient  de  les  faire  sortir 
de  l'oubli  et  de  les  joindre  à  la  scène  principale. 

M.  de  Caumont  demande  si  l'on  connaît  dans  le  Nivernais 
des  pierres  tombales  intéressantes. 

M.  de  Soultrait  répond  que  la  plus  ancienne  qu'il  connaisse 
se  trouve  dans  la  crypte  de  l'église  de  SL-Parize-le-Châtel , 
où  elle  forme  le  marchepied  d'un  autel  qui  heureusement 
ne  sert  pas.  Cette  pierre  porte,  gravée  au  trait,  la  figure  d'un 
prêtre  en  chasuble  ronde  tenant  un  calice  ;  l'inscription  en 
lettres  onciales  donne  la  date  135.  ,  le  dernier  chiffre  ne 
se  voit  plus.  Une  autre  dalle  un  peu  plus  moderne  ,  de 
1390,  provenant  de  l'église  St. -Victor  de  Nevers  et  déposée 
au  musée  ,  offre  les  figures  de  deux  bourgeois  agenouillés  ; 


XVIIIe.    SESSION.  273 

l'inscription  est  en  lettres  gothiques.  Dans  le  chœur  de  la  ca- 
thédrale ,  du  côlé  de  l'évangile ,  on  voit  encore  une  dalle  en 
pierre  noire  qui  était  incrustée  de  marbre  blanc  et  proba- 
blement de  cuivre ,  sur  laquelle  on  distingue  avec  peine  la 
représentation  d'un  évêque  vêtu  de  ses  ornements  pontificaux; 
c'est  la  tombe  de  Maurice  de  Coulanges  ,  évêque  de  Nevers , 
mort  le  16  janvier  1394.  Enfin  deux  pierres  tumulaires  de 
1508  et  1522  portent  les  figures  de  deux  chevaliers  des  fa- 
milles du  Chailloux  et  de  Damas.  Elles  n'offrent  du  reste 
rien  de  bien  remarquable.  Sur  quelques  dalles  sont  gravées 
des  croix  ou  d'autres  emblèmes,  aucune  n'est  assez  ancienne 
ou  assez  intéressante  pour  mériter  une  mention,  si  ce  n'est 
pourtant  celle  qui  se  trouve  dans  l'église  de  St.-Révérien, 
qui  porte  une  croix  accostée  d'une  épée  et  d'un  écusson,  et 
qui  doit  dater  des  premières  années  du  XIVe.  siècle. 

M.  Barat  cite  une  dalle  funéraire,  de  la  fin  du  XIVe.  siècle, 
sur  laquelle  sont  gravés  deux  personnages,  un  chevalier  et 
une  dame ,  qui  se  trouve  dans  l'église  de  Lys. 

M.  l'abbé  Millet  annonce  qu'il  copie  les  inscriptions  tom- 
bales partout  où  il  s'en  trouve. 

M.  l'abbé  Crosnier  exprime  le  regret  de  voir,  sous  prétexte 
d'embellissement  ou  de  restauration ,  disparaître  sous  le 
badigeon  ou  le  recrépissage,  les  litres  qu'on  remarquait  soit 
à  l'intérieur  ,  soit  à  l'extérieur  des  anciennes  églises  seigneu- 
riales; ces  litres  ornées  d'armoiries  sont  souvent  d'un  grand 
secours  pour  compléter  l'histoire  d'un  pays,  et  on  devrait  les 
conserver  avec  le  plus  grand  soin.  M.  de  Soullrait  appuie 
vivement  l'observation  faite  par  M.  Crosnier. 

M.  de  Caumont  voudrait  savoir  si  quelques  églises  du 
département  ont  conservé  des  cloches  anciennes  ou  curieuses. 

M.  l'abbé  Crosnier  pense  que  la  cloche  la  plus  ancienne 
du  Nivernais  se  trouve  dans  l'église  de  Donzy.  C'est  une 
petite  cloche  de   50   kilogrammes  environ,  qui  porte   pour 


274      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

inscription  Bonne-d' Hartois  (sic)  :  elle  aurait  été  donnée  par 
cette  princesse  à  l'hospice  de  cette  ville.  Bonne-d'Artois  fut 
comtesse  de  Nevers  de  1413  à  1429;  on  a  donc  l'époque 
approximative  de  la  fonte  de  cette  cloche. 

M.  de  Soultrait  prend  ensuite  la  parole  sur  le  même  sujet  : 
les  deux  plus  anciennes  cloches  qui  existent  dans  l'arron- 
dissement de  Nevers  sont  celles  de  St.-Pierre-le-Moustier, 
ce  sont  aussi  les  plus  curieuses;  la  plus  ancienne  porte  cette 
inscription  : 

f    MARIE.    SVIS.    NOMMEE. 
OV.    NON.    DE.    LA.    VIERGE.    HONORÉE. 
CONTRE.    CES.    ENNEMIS.    ORDONNEE,    f 

BRESSOLLES. 

Chacun  de  ces  espèces  de  vers  est  séparé  par  un  écusson 
bandé  de  six  pièces,  armes  des  Bréchard,  sires  de  Bressolles; 
les  points  qui  sont  entre  les  mots  offrent  aussi  un  écusson. 
Au-dessous  de  cette  inscription  se  voit  la  date  1455  et  des 
médaillons  représentant  Jésus-Christ ,  la  Vierge  et  des  saints. 
L'autre  cloche  ,  un  peu  moins  grosse  ,  était  jadis  dans  un 
beffroi ,  au-dessus  d'une  des  portes  de  la  ville  ;  son  origine 
municipale  est  constatée  par  l'inscription  en  lettres  gothiques 
qu'elle  porte  sur  ses  flancs  : 

(£n  l'an  mil  cccc  lïts  me  firent  faire  les  bourgeois  et  habitants  ht 
Saint  pierre  le  iïtaustier. 

Au-dessous  de  l'inscription  se  trouvent  des  écussons  de 
France,  surmontés  d'une  couronne  fleurdelisée  et  accostés 
de  deux  petites  églises,  avec  cette  légende:  Sig.  preposkure 
Sancli  Pétri  monasterii,  puis  ,  en  grosses  lettres  ,  cette  autre 
inscription  :  Sit  nomen  Domini  benedictum.  Sur  la  même 
cloche  on  voit  encore  des  écussons   de  France   et  d'autres 


XVIIIe.  SESSION.  27f> 

aux  armes  de  la  ville  :  semé  de  France,  à  une  église  bro- 
chant sur  le  tout.  Quelques  autres  églises  de  l'arrondissement, 
celles  de  St.-Ouen,  de  Sauvigny-les-Chanoincs,  de  Saincaize, 
deChaluy.ont  conservé  des  cloches  des  XVe.  et  XVIe.  siècles, 
mais  qui  n'ont  rien  de  curieux  ;  elles  portent  en  général  pour 
légendes  les  noms  des  saints  patrons  des  églises  ,  quelques 
invocations  et  leurs  dates. 

M.  de  Caumont  annonce  que  M.  le  curé  de  St.-Sym- 
phorien  ,  aux  environs  de  Thorigny,  s'occupe  de  faire  l'his- 
toire des  cloches;  il  prie  les  personnes  qui  auraient  quelques 
documents  à  lui  communiquer  sur  les  cloches  anciennes  de 
les  lui  faire  parvenir. 

M.  l'abbé  Crosnier ,  pour  compléter  ce  qui  vient  d'être 
dit  sur  les  cloches,  ajoute  quelques  mots  sur  les  cloches 
de  la  cathédrale  de  Nevers. 

Avant  1760,  six  cloches  de  différente  grosseur  annonçaient 
aux  habitants  de  Ncvers  les  jours  de  fête  par  leurs  joyeux 
carillons;  du  haut  de  la  tour  de  St. -Cyr,  elles  enveloppaient 
la  ville  tout  entière  dans  leurs   harmonieuses  ondulations. 

Pourquoi  à  cette  époque  quatre  d'entre  elles  furent-elles 
brisées  pour  être  de  nouveau  jetées  dans  le  creuset?  nous 
l'ignorons,  car  l'histoire  locale  se  tait  sur  le  motif  de  cette 
refonte.  Peut-être  voulait-on  par  ce  baptême  de  feu  les  pu- 
rifier d'une  origine  trop  roturière,  pour  les  rendre  dignes  des 
titres  pompeux  qu'on  devait  leur  conférer. 

1°.  La  grosse  cloche  ne  fut  pas  refondue,  elle  portait  pour 
inscription  :  ><  L'an  du  Seigneur  1582.  A  la  gloire  de  Jésus- 
Christ,  de  la  vierge  Marie  et  des  bienheureux  saint  Cyr,  sainte 
Julitte  et  saint  Louis —  ont  été  parrain  Louis  de  Gonzague, 
la  marraine  Henriette  de  Gonzague  et  de  Clèves.  »  Leurs 
écussons  ornaient  la  cloche;  vers  le  milieu  était  gravé  :  «  Di- 
mancles  Jacquin  et  Etienne  Jacquin  m'ont  faite.  » 

2°.  La  seconde  «  a  eu  pour  parrain  très-haut  et  très-puissant 


276      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

seigneur  Philippe-Julieu-François-Mazarini-Mancini,  duc  de 
Nivernois  et  Donziois ,  pair  de  France ,  grand  d'Espagne , 
prince  du  St. -Empire,  noble  vénitien ,  baron  romain,  gou- 
verneur du  Nivernois  et  Donziois;  et  pour  marraine  dame 
Hélène-Françoise-Angélique  Phelippaux  de  Pontcbarlrain , 
épouse  de  très-haut  et  très-puissant  seigneur  Louis-Jules- 
Mazarini-Mancini ,  duc  de  Nivernois  et  Donziois.  »  Sa  devise 
était  sainte  Cyrice  ora  pro  nobis.  On  l'appelait  la  Duchesse. 

3°.  La  troisième.  «  L'an  du  Seigneur  1760.  Mon  parrain 
a  été  Illustrissime  et  Révérendissime  ,  Monseigneur  Jean- 
Antoine  ïinseau  ,  évèque  de  Nevers,  et  ma  marraine  très- 
haute  et  très-puissante  dame  Julie-Ilélène-Rosalie-Mazarini- 
Mancini  Douairière.  »  On  l'appela  la  Comtesse. 

k°.  La  quatrième  «  a  eu  pour  parrain  très-haut  et  très- 
puissant  seigneur  ,  Jean-Charles-Megrigny ,  chevalier  comte 
d'Aunay,  baron  d'Epiry ,  Marcilly,  etc.,  lieutenant-général 
des  armées  du  roi ,  inspecteur  des  fortifications ,  chevalier  de 
l'ordre  militaire  de  St. -Louis;  et  pour  marraine  haute  et 
puissante  dame  madame  Marie-Claudine  de  Megrigny  Lepel- 
letier  de  Rosambos ,  épouse  du  président-à-mortier  au  par- 
lement de  Paris.  »  La  devise  était  :  audite  populi  à  longé. 
Elle  fut  appelée  la  Présidente  et  aussi  la  Sermonière , 
parce  qu'on  la  sonnait  pour  appeler  aux  instructions. 

5°.  La  cinquième  «  a  eu  pour  parrain  très-haut  et  très- 
puissant  seigneur  Charles  Audras ,  chevalier,  comte  de 
Marcy ,  baron  de  Poiseux ,  et  pour  marraine  dame  Angélique 
Desprès  de  Couguy  ,  son  épouse.  »  On  l'appela  la  Baronne. 

6°.  La  sixième  n'avait  aucune  inscription  qui  indiquât  son 
parrain  ou  sa  marraine;  elle  ne  fut  point  refondue,  son 
inscription  était:  à  la  gloire  de  Dieu,  de  la  Sainte  Vierge 
et  des  saints  Martyrs,  saint  Cyret  sainte  Julitte  :  en  1560, 
elle  fut  nommée  la  Chanoinesse.    ■ 

La  refonte  des  cloches  eut  lieu  le  3  juillet  1760  et  le  6  août 


xvnie.  session.  '277 

de  la  même  année.  Mgr.  Jean-Antoine  Tinseau,  évoque  de 
Nevcrs,  en  fit  la  bénédiction  solennelle  dans  la  grande  nef 
de  la  cathédrale. 

De  toutes  ces  cloches  la  Révolution  ne  nous  a  laissé  que 
la  Sermonière ,  qui  est  la  seconde  cloche  actuelle  de  la 
cathédrale. 

La  grosse  cloche  ,  fondue  en  1821 ,  haptisée  le  20  décem- 
bre de  la  même  année,  se  fit  entendre  pour  la  première 
fois  la  veille  de  Noël. 

M.  de  Caumont  demande  si  l'on  connaît  en  Nivernais 
d'anciens  bâtiments  ayant  servi  aux  usages  de  la  vie  monas- 
tique. Il  s'étend  longuement  sur  l'importance  des  recherches 
à  faire  dans  toutes  les  provinces ,  sur  les  dispositions  géné- 
rales des  abbayes  des  divers  ordres  religieux  :  dans  quelques 
maisons  religieuses  ,  il  y  avait  deux  réfectoires ,  l'un  pour  le 
gras  et  l'autre  pour  le  maigre ,  et  deux  cheminées  dans  la 
cuisine.  Divers  monastères  possédaient  d'immenses  exploi- 
tations agricoles  et  de  vastes  granges;  celle  d'une  abbaye 
située  près  de  Laon,  n'avait  pas  moins  de  300  pieds  de  long 
sur  70  de  hauteur  ;  les  moines  de  Vauclair  faisaient  le 
commerce  des  blés  ;  leurs  grands  magasins  étaient  construits 
avec  luxe,  les  pavés  en  étaient  émaillés  et  les  voûtes  peintes. 
Ces  recherches  sont  importantes,  non  seulement  pour  l'ar- 
chéologie et  l'histoire  des  ordres  religieux,  mais  encore  pour 
arriver  à  faire  connaître  comment  étaient  régies  les  grandes 
exploitations  agricoles  au  moyen-âge;  car  il  est  prouvé  qu'à 
cette  époque  les  moines  étaient  presque  seuls  à  faire  de 
l'agriculture  avec  fruit ,  sur  une  grande  échelle. 

M.  Petit  ne  croit  pas  qu'en  Nivernais  il  se  trouve  aucun 
reste  intéressant  des  anciens  établissements  religieux. 

M.  de  Soultrait  cite  les  magasins  semi-souterrains  qui 
s'étendent  sous  une  partie  des  bâtiments  de  l'ancienne  abbaye 
Notre-Dame,  à  Nevers;  ces  caves,  construites  avec  soin  au 

18 


278  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

XIIIe.  siècle,  ont  des  voûtes  d'arêtes  à  nervures  toriques, 
retombant  sur  de  courtes  colonnes  rondes  à  chapiteaux 
ornées  de  crochets.  Il  parle  aussi  d'une  fort  belle  cave  voûtée 
qui  se  trouve  à  St.  -Pierre-le-Moustier ,  sous  des  bâtiments 
modernes ,  au  Nord  de  la  ville  ;  cette  substruction ,  connue 
sous  le  nom  de  cave  du  Sabbat ,  est  divisée  en  deux  dans  sa 
longueur,  et  comprend  quatre  travées  voûtées  d'arête  avec 
de  grosses  nervures  prismatiques  retombant  sur  des  piliers 
octogones  sans  chapiteaux;  cette  cave  ne  présente  pas  de 
caractères  bien  certains ,  toutefois  M.  de  Soultrait  la  croit  de 
la  fin  du  XIVe.  siècle.  Ce  devait  être  au  moyen-âge  un 
magasin  dépendant  du  prieuré.  On  prétend  que  son  nom  lui 
vient  des  Juifs  et  que  plus  tard  les  prolestants  y  tinrent 
des  réunions. 

M.  de  Caumont  demande  si  l'on  connaît  en  Nivernais 
l'emplacement  des  logements  destinés  aux  étrangers  dans  les 
maisons  religieuses. 

M.  l'abbé  Millet  parle  des  restes  de  la  Chartreuse  d'Apponay, 
et  il  cite  le  passage  suivant  d'une  notice  manuscrite  sur 
cette  maison  religieuse  : 

«  Dom  Authelme  deMangaron,  profôsde  Paris,  fut  envoyé 
procureur  à  Bellary,  en  1618,  et  fait  prieur  de  la  même 
maison  en  1621.  De  là  ,  il  fut  appelé,  en  1627 ,  à  Apponay, 
pour  y  remplir  les  mêmes  fonctions.  Il  a  gouverné  cette 
maison  pendant  trente-cinq  ans ,  avec  toute  la  sagesse  et  le 
succès  possible.  C'est  lui  qui  a  fait  bâtir,  en  1629  ou  en 
1630,  le  grand  bâtiment  qui  donne  sur  le  jardin,  où  sont 
les  appartements  des  hôtes.  Le  visiteur  de  la  province,  qui 
était  alors  Dom  Augustin  Joyeux,  prieur  de  Paris,  étant 
venu  visiter  cette  maison ,  trouva  ce  bâtiment  si  superbe , 
qu'il  fut  délibéré  en  chapitre  si  on  ne  le  ferait  point  abattre, 
comme  trop  somptueux  et  trop  éloigné  de  la  simplicité  car- 
thusienne.  La  pauvreté  de  la  maison  fut  la  seule  raison  qui 
détermina  à  le  laisser  subsister.    » 


XVIIIe.    SESSION.  279 

M.  Victor  Petit  voudrait  que  la  Société  française  publiât  le 
plan  de  l'ensemble  d'une  grande  abbaye  restaurée;  un  tel  plan 
serait  fort  utile  aux  antiquaires  qui  voudraient  faire  des  re- 
cherches sur  les  anciennes  dispositions  des  communautés 
religieuses. 

M.  de  Caumont  dit  que  la  bibliothèque  du  Luxembourg 
possède  les  planches  du  Monasiicon  Gailicanum,  où  sont 
figurées  beaucoup  d'abbayes;  il  approuve  du  reste  l'idée 
émise  par  M.  Petit  ;  la  Société  française  priera  ce  dernier  de 
la  mettre  à  exécution. 

Sur  la  demande  de  RI.  le  président ,  le  Congrès  émet  le  vœu 

que  le  pouillé  complet  de  l'ancien  diocèse  de  Nevers  soit  publié. 

M.   l'abbé    Clément  indique  sur  différents  points   de   la 

Puisaye,  des  fouilles  et  des  explorations  à  entreprendre  :  il 

demande  que  la  Société  française  y  contribue. 

31.  Petit  désirerait  que  M.  l'abbé  Clément  indiquât  d'une 
manière  positive,  sur  une  carte,  l'emplacement  de  ces  fouilles. 
M.  l'abbé  Vée  confirme  ce  qu'a  dit  M.  l'abbé  Clément,  sur 
les  incendies  qui  ont  détruit  divers  lieux  de  la  Puisaye  ;  il 
demande  une  subvention  pour  faire  continuer  des  fouilles  qui 
ont  déjà  donné  des  résultats  importants. 

On  statuera  sur  cette  demande ,  quand  on  réglera  l'emploi 
des  fonds  dont  peut  disposer  la  Société. 

M.  l'abbé  Millet  lit  encore  quelques  fragments  de  la  notice 
sur  la  Chartreuse  d'Apponay;  puis  il  appelle  l'attention  sur 
un  monument  celtique  nommé  le  cliaillou  magnin  (le  grand 
caillou),  qui  existe  dans  la  commune  d'fmphy,  près  Nevers, 
et  sur  le  nom  d'un  bois,  situé  près  de  là,  dont  le  nom  rap- 
pelle le  culte  des  Druides;  ce  bois  se  nomme  le  bois  du  Guy 
l'an  neuf. 

M.  l'abbé  Crosnier  annonce  que  l'on  fera  le  lendemain  une 
excursion  à  La  Charité-sur-Loire,  et  invite  les  personnes  qui 
désireraient  en  faire  partie  à  se  faire  inscrire. 


280      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

M.  Victor  Petit  lit  le  procès-verbal  suivant  de  la  visite  faite 
la  veille  au  musée  de  la  Porte-du-Croux  : 

PROCÈS-VERBAL 

DE  LA  VISITE  AU  MUSÉE  DE  l.A  PORTE-DU-CROUX. 


A  l'issue  de  la  séance,  le  Congrès  s'est  rendu  hier  au  musée 
d'antiquités  ,  établi  récemment  dans  la  grande  salle  de  la 
Porte-du-Croux.  L'honorable  commandant  Barat,  conser- 
vateur du  musée,  accompagnait  et  dirigeait  le  Congrès. 

Avant  d'arriver  au  musée  ,  le  Congrès  remarqua  les  restes 


V.  Petit  dcl. 

du  curieux  portail  de  l'ancienne  église  de  St. -Genest,  dont 


XVIII*.    SESSION.  281 

l'arcature  ogivale  est  richement  décorée  de  ciselures  qui 
semblent  appartenir  au  style  du  XIIe.  siècle.  L'intérieur  de 
l'église ,  rempli  maintenant  par  les  appareils  d'une  brasserie  , 
ne  peut  être  visité.  Quelques  détails  du  portail  de  St.-Genest 
seront  dessinés  et  gravés  pour  le  Compte-Rendu  des 
séances. 

Le  Congrès  s'est  ensuite  arrêté  quelques  minutes  près  de 
l'abside  circulaire  d'une  autre  église,  également  du  XIIe. 
siècle ,  et  qui  faisait  partie  de  l'abbaye  des  Bénédictines  de 
Notre-Dame.  On  remarqua  une  inscription  placée  de  côté 
dans  l'angle  de  la  muraille  de  la  nef;  l'honorable  M.  de 
Soultrait  copia  cette  inscription  qui  offre  quelque  difficulté 
d'interprétation. 

Bientôt  on  arriva  près  de  la  Porte-du-Croux,  édifice 
militaire  fort  intéressant  et  d'un  aspect  très-pittoresque.  C'est 
une  tour  assez  haute  et  de  forme  carrée  que  surmontent 
deux  petites  tourelles  placées  en  encorbellement  et  réunies 
par  une  galerie  autrefois  crénelée  ,  soutenue  par  de  longues 
consoles.  On  pense  que  cette  porte  aurait  été  commencée 
vers  l'an  1395;  mais  il  résulte  d'un  examen  attentif  que  ce 
monument,  l'un  des  plus  complets  que  le  département  de  la 
Nièvre  ait  conservé,  ne  daterait,  dans  son  ensemble,  que 
des  premières  années  du  XVe.  siècle. 

Une  petite  porte  d'assez  chétive  apparence,  placée  à 
gauche ,  conduit,  par  un  escalier  de  quelques  marches,  à  une 
plate-forme  sur  laquelle  ont  été  déposés  divers  fragments  de 
sculptures ,  des  chapiteaux  de  l'époque  romane ,  des  tombes 
en  pierre ,  des  dalles  funéraires  et  aussi  un  fragment  de 
canon  ancien,  cerclé  de  bandes  de  fer,  et  trouvé  en  18^0  à 
Nevers,  près  du  Château-Ducal. 

Le  prolongement  de  l'escalier  conduit  à  la  porte  d'entrée 
de  la  salle  du  musée.  Cette  salle ,  dont  la  voûte  est  ornée  de 
nervures ,  servait  autrefois  de   corps-de-garde  et   cemmu- 


282  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE  , 

niquait  par  deux  portes  avec  le  chemin-de-ronde  établi  sur  les 
murailles  d'enceinte.  C'est  dans  cette  môme  salle  que  le  musée, 
riche  et  curieuse  collection  d'antiquités  locales,  a  été  établi 
par  les  soins  de  l'honorable  commandant  Barat,  qui  voulut 
bien  expliquer  aux  membres  du  Congrès  l'origine  ou  la  pro- 
venance des  objets  recueillis  avec  un  zèle  digne  d'éloges,  Le 
Congrès  examina  avec  attention  une  large  mosaïque  romaine 
découverte  près  de  Villars,  commune  de  Biches  (Nièvre) , 
lors  de  l'achèvement  du  canal  du  Nivernais ,  et  donnée  au 
musée  par  M.  Poule.  Cette  mosaïque  d'une  belle  conservation 
représente  différents  dessins  enclavés  dans  neuf  compartiments 
carrés  et  n'offre  point  de  sujets  historiques.  Voici  l'indication 
sommaire  de  quelques-uns  des  autres  fragments  d'antiquités 
que  l'on  remarque  plus  spécialement — une  amphore  trouvée 
en  1822  dans  les  fossés  de  l'antique  cité  de  Decise,  petite  ville 
située  sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  —  un  cippe  antique  très- 
mutilé  trouvé  à  Nevers ,  place  St.  -Laurent,  — un  autre  cippe 
trouvé  a  Narcy ,  enfin  un  troisième  découvert  à  Nevers ,  — 
un  grand  nombre  d'objets  gallo-romains ,  tels  que  chapi- 
teaux ,  vases ,  meules  à  bras  ,  etc.  ,  ayant  été  trouvés  à 
Nevers  ,  ou  dans  le  département  de  la  Nièvre  ,  donnent  à 
cette  collection  une  importance  réelle.  Remarquons  ici  que 
les  médailles  et  les  bronzes  sont  déposés  dans  un  autre 
musée  (  celui  de  M.  Gallois  ). 

Le  Congrès  a  examiné  ensuite  avec  un  intérêt  soutenu , 
une  nombreuse  et  très-importante  série  de  sculptures  datant 
des  premiers  temps  du  moyen-âge,  et  ayant  appartenu  à 
divers  monuments  de  Nevers  ou  du  département  de  la 
Nièvre.  On  peut  suivre ,  sans  lacune  trop  grande  ,  une  série 
des  différents  types  qui ,  en  Nivernais ,  caractérisent  les  pé- 
riodes archéologiques.  L'honorable  M.  Crosnier  a  bien  voulu 
signaler  l'intérêt  que  présentent  plusieurs  chapiteaux  provenant 
principalement  des  églises  de  St.  -Sauveur  et  de  St.  -Martin,  et, 


xvur.  cession.  28: 

comme  toujours,  il  a  su  captiver  l'attention  de  ses  auditeurs. 


CHAPITEAU    DE    L  EGLISE    DE    SAINT-MARTIN  ,     A    NEVERS. 

Un  très-grand  nombre  d'autres  objets  de  différentes 
époques  mériteraient  une  mention  spéciale  ;  des  tombes ,  des 
dalles  tumulaires  couvertes  d'inscriptions ,  etc. ,  etc.  Il  en  est 
de  même  pour  l'époque  de  la  renaissance  largement  repré- 
sentée au  musée  des  antiquités  de  Nevers. 

Le  Congrès  témoigne  ses  remercîments  à  M.  le  conser- 
vateur, et  se  sépare  à  6  heures  et  1/2. 

Après  une  observation  de  M.  de  Buzonnicre ,  le  procès- 
verbal  est  adopté. 


M.  Victor  Petit ,  rapporteur ,  demande  à  ajouter  quelques 


28/*      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

mois  relativement  au  musée  d'antiquités.  Ce  musée,  suivant 
l'orateur ,  serait  susceptible  de  recevoir  diverses  améliorations 
faciles  à  exécuter.  M.  Victor  Petit  rappelle  au  Congrès  que 
l'Institut  des  provinces  de  France ,  durant  sa  session  annuelle 
de  1851 ,  a  longuement  et  mûrement  délibéré  sur  la  question 
importante  «  de  l'organisation  des  musées  des  provinces.  » 
Ou  décida  que  les  œuvres  d'art  seraient  classées  chronolo- 
giquement et  que  chacune  des  grandes  divisions  artistiques , 
c'est-à-dire  les  objets  romains ,  ceux  du  moyen-âge  et  enfin 
ceux  de  la  renaissance,  devraient,  autant  que  possible,  être 
rangés  dans  des  salles  spéciales.  Eh  bien  !  par  une  disposition 
heureuse ,  la  tour  de  la  Porte-du-Croux  renferme  trois  salles. 
La  première ,  celle  d'en  bas ,  serait  réservée  aux  œuvres  d'art 
gallo-romaines  ;  la  seconde  salle  recevrait  les  œuvres  du 
moyen-âge,  et  enfin,  dans  la  troisième  salle,  on  placerait 
toute  la  série  se  rattachant  à  la  renaissance,  ainsi  que  les 
nombreux  plâtres  classiques  donnés  au  musée.  Un  catalogue 
soigneusement  rédigé  d'après  les  indications  présentées  par 
M.  de  Caumont  dans  un  «  projet  de  catalogue  »  adopté  par 
l'Institut  des  provinces,  servirait  utilement  aux  recherches 
que  les  antiquaires  pouraient  faire  concernant  les  antiquités 
conservées  dans  le  département  de  la  Nièvre.  Ce  catalogue 
serait  la  base  et  le  point  de  départ  heureux  des  travaux  futurs 
de  la  Société  Nivernaise  qui  vient  d'être  fondée  à  Nevers. 
Ce  serait  le  plus  sur  moyen  de  commencer  par  la  publication 
de  ce  travail ,  les  recherches  historiques  qui  devront  avant 
peu  de  temps  établir  des  rapports  précieux  avec  les  Sociétés 
savantes  des  départements  voisins. 

Cette  proposition  est  accueillie  avec  faveur  par  le  Congrès. 
M.  de  Caumont  pense  que ,  dès  les  premiers  temps ,  le  pro- 
duit de  la  vente  de  ce  catalogue  détaillé  et  en  quelque  sorte 
historique  couvrirait  la  dépense  d'impression ,  etc.  M.  de 
Caumont  ajoute  encore  qu'il  serait  utile  d'accompagner  le 
texte  descriptif  de  quelques  gravures  sur  bois. 


XVIIIe.   SESSION.  285 

A  cet  égard  M.  Victor  Petit  présente  quelques  observations 
pratiques  et ,  résumant  sa  pensée ,  il  termine  en  disant  que 
le  catalogue  illustré  dont  parle  M.  de  Caumont  serait  la  plus 
belle  et  la  meilleure  carte  de  visite  que  la  Société  Nivernaise 
pût  envoyer  à  ses  sœurs  de  la  province  pour  leur  annoncer 
sa  bienvenue  parmi  elles. 

Le  Secrétaire-adjoint , 

Cte.  G.  DE  SOULTRAIT. 


Deuxième  Séance  du  vendredi  13  juin. 

Présidence  de  Mgr.  FÉvèque  de  Nevers. 

La  séance  est  ouverte  à  3  heures. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  le  baron  Petit  de  La  Fosse ,  préfet 
de  la  Nièvre  ;  de  Buzonnière  ;  l'abbé  Manceau ,  inspecteur 
des  monuments  d'Jiidre-et-Loire  ;  l'abbé  Le  Petit,  secrétaire- 
général  de  la  Société  française  ;  de  Caumont  ;  de  Glanville  ; 
Gaugain  ;  l'abbé  Crosnier ,  secrétaire-général  du  Congrès  ;  et 
le  comte  G.  de  Soultrait ,  secrétaire-adjoint. 

L'assemblée  est  fort  nombreuse  ;  on  remarque  parmi  les 
personnes  présentes ,  MM.  Joseph  de  Fontenay  ;  Paillard  , 
architecte  du  département  ;  l'abbé  Vée ,  curé  d'Entrains  ; 
l'abbé  Clément;  Morellet;  Gallois;  Barat;  le  comte  de  Bréda; 
Charles  de  Fontenay  ;  Riffé  ;  l'abbé  Devoucoux  ;  Bulliot  ;  le 
comte  de  Bizy  ;  Pinet;  le  vicomte  de  Maumigny;  Sirode, 
sculpteur  ;  Boiviu ,  architecte  de  la  cathédrale ,  etc. 

Le  procès-verbal  de  la  visite  du  Congrès  à  Varennes  est 
lu  de  nouveau  et  accueilli  par  d'unanimes  applaudissements. 

Mgr.  l'évêque ,  tout  en  félicitant  M.  Bulliot  de  la  grâce  de 


286      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

style  et  de  la  hauteur  de  sentiments  dont  il  a  fait  preuve  dans 
la  narration  de  sa  visite  à  Varennes,  dit  qu'il  ne  lui  appar- 
tient pas  de  répondre  aux  éloges  qu'il  a  donnés  aux  divers 
établissements  de  Varennes ,  fondés  par  lui  ;  il  remet  ensuite 
à  MM.  Paillard,  architecte,  et  Sirode,  sculpteur,  les  mé- 
dailles d'argent  qui  leur  ont  été  votées  par  la  Société  fran- 
çaise ,  pour  les  beaux  travaux  de  restauration  des  édifices  du 
moyen-âge ,  qu'ils  ont  exécutés  cl  qu'ils  exécutent  encore  en 
ce  moment. 

MM.  Paillard  et  Sirode  remercient  la  Société  française  de 
la  récompense  qui  leur  a  été  accordée ,  et  Mg1'.  l'évêque , 
des  bienveillantes  paroles  et  des  encouragements  qu'il  a  bien 
voulu  leur  adresser. 

Mgr.  l'évêque  pose  ensuite  la  dix-septième  question  du 
programme  : 

Le  Nivernais  renferme-t-il  des  châteaux  du  XIIIe.  siècle? 
Quels  sont  ces  châteaux  ?  Quels  sont  les  autres  châteaux  que 
Von  y  rencontre  antérieurs  à  la  renaissance? 

M.  de  Soultrait  prend  la  parole  :  il  commence  par  émettre 
quelques  considérations  générales  sur  l'architecture  militaire 
au  moyen-âge;  les  premières  constructions  militaires  de  la 
féodalité  furent  grossièrement  imitées  de  celles  des  Romains; 
du  reste,  il  est  à  remarquer  que  jamais  les  traditions  romaines 
ne  furent  tout-à-fait  oubliées  par  les  architectes  militaires 
du  moyen-âge.  Antérieurement  au  XP.  siècle,  les  châteaux 
se  composaient  ordinairement  de  deux  enceintes  concen- 
triques ,  formées  par  des  fossés  plus  ou  moins  profonds  et 
par  des  remparts  de  terre  surmontés  de  palissades;  au  centre, 
se  trouvait  le  donjon ,  solide  tour ,  ordinairement  carrée ,  en 
bois  ou  en  maçonnerie ,  reposant  sur  une  butte  artificielle  ; 
c'était  la  demeure  du  baron  et  le  dernier  refuge ,  en  cas  de 
prise  des  ouvrages  extérieurs.  Les  logements  des  soldats ,  les 
écuries  et  les  autres  bâtiments  de  servitude,  étaient  placés 
entre  les  deux  enceintes. 


XMIF.    SESSION.  287 

Au  XIe.  siècle,  la  forme  des  châteaux  resta  presque  la 
même,  seulement  les  constructions  prirent  plus  d'importance 
et  de  solidité  ;  les  beaux  donjons  de  Baugency  ,  de  Loches  et 
de  Chàteaudun  en  sont  la  preuve.  A  celte  époque,  les  châ- 
teaux renfermaient  des  garnisons  peu  nombreuses  qui  se 
fiaient  surtout  à  l'épaisseur  et  à  la  solidité  de  leurs  murs.  Il 
en  fut  autrement  plus  tard,  on  diminua  la  force  des  murailles 
pour  en  étendre  le  front  ;  ce  fut  le  principe  du  changement 
qui  s'opéra  ,  à  la  fin  du  XIIe.  siècle ,  dans  l'architecture 
militaire.  Sous  l'empire  de  cette  nouvelle  méthode  de  fortifi- 
cations, de  solides  remparts  comprirent  dans  leurs  courtines 
crénelées ,  une  bien  plus  vaste  étendue  de  terrain  ;  ces  en- 
ceintes furent  uniformément  carrées  pour  les  châteaux  de 
médiocre  importance ,  mais  elles  affectèrent  des  formes  di- 
verses pour  les  châteaux  plus  considérables ,  elles  furent 
souvent  doubles  et  môme  triples  :  leurs  angles  étaient  défendus 
par  de  grosses  tours  rondes  pour  la  plupart. 

La  porte  d'entrée ,  située  ordinairement  au  milieu  de  l'une 
des  faces  du  polygone,  devint  elle-même  une  petite  for- 
teresse. Le  donjon  était  toujours  la  résidence  du  seigneur , 
mais  il  avait  pris  un  grand  développement ,  souvent  il  ren- 
fermait une  cour  intérieure  ;  la  chapelle ,  le  chartrier  et  les 
principaux  appartements  y  étaient  compris.  Les  bâtiments  de 
service  étaient  toujours  placés  entre  les  diverses  enceintes. 
Quelques-unes  des  tours  qui  flanquaient  les  murailles  furent 
construites  de  manière  h  pouvoir  être  défendues  séparément. 
C'était  du  reste  un  usage  général  au  moyen-âge  de  rendre 
le  plus  possible  indépendants  les  uns  des  autres  les  divers 
ouvrages  militaires  qui  défendaient  une  ville  ou  un  château. 
Comme  on  le  voit  ,  la  plus  belle  période  de  l'architecture 
militaire  fut  le  XIIIe.  siècle;  au  XIVe.  et  au  commencement 
du  XVe.  ,  on  construisit  encore  quelques  forteresses  sur  le 
même  plan  polygonal,  mais  après  les  guerres  des  Anglais, 


288      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

on  chercha  moins  à  rendre  les  châteaux  forts  qu'à  en  faire 
une  résidence  agréable.  La  féodalité  guerroyante  du  moyen- 
âge  avait  été  abattue  par  tous  nos  désastres ,  et  le  règne  de 
Louis  XI  venait  de  lui  porter  le  dernier  coup  ;  on  ne  bâtit 
plus  dès-lors  que  des  manoirs ,  et  les  ouvrages  de  défense 
dont  on  continua  à  les  entourer ,  n'eurent  pour  but ,  le  plus 
souvent,  que  de  témoigner  de  la  puissance  de  leurs  pos- 
sesseurs. 

Après  ces  données  générales  qui  peuvent  fort  bien  être 
appliquées  aux  constructions  féodales  élevées  en  Nivernais 
aux  diverses  époques ,  M.  de  Soultrait  désigne  et  décrit 
sommairement  quelques  châteaux  de  cette  province  qui  peu- 
vent servir  de  type  pour  chaque  époque  :  la  commune  de 
Toury-en-Séjour  renferme  un  lieu  où,  dit-on,  existait  jadis 
une  réunion  de  constructions  féodales  fort  anciennes ,  peut- 
être  du  XIe.  siècle,  on  désigne  ce  lieu  sous  le  nom  de 
Fossés-Matigny  ;  on  y  voit  quatre  tertres  de  hauteurs  et  de 
grandeurs  différentes,  séparés  par  des  fossés  à  demi  comblés; 
le  plus  élevé  de  ces  tertres  devait  supporter  le  donjon ,  deux 
autres  les  bâtiments  de  servitude  et  le  quatrième  la  chapelle, 
mais  il  ne  reste  plus  aucune  trace  de  constructions. 

La  grosse  tour  de  Tcury-sur-Abron  date  très-probablement 
du  XIIe.  siècle  ;  cette  tour  fort  élevée  a  perdu  son  couron- 
nement lors  de  la  Révolution  ;  trois  assommoirs  peu  saillants, 
portés  par  des  consoles  en  retrait ,  flanquent  ses  parois  à  des 
hauteurs  différentes;  il  ne  reste  aucune  ouverture  de  la 
construction  primitive,  excepté  la  porte  d'entrée  qui  est 
carrée  et  grossièrement  faite  ;  les  meurtrières  sont  fort  longues 
et  étroites.  On  n'entre  dans  cette  tour  que  par  une  porte 
pratiquée  à  km.  du  sol  ;  le  rez-de-chaussée  est  occupé  par 
une  sorte  de  cave  voûtée ,  le  mur  de  cette  partie  a  3m.  d'é- 
paisseur ;  le  premier  étage  est  voûté ,  on  monte  au  second 
par  un  escalier  pratiqué  dans  le  mur  qui  a  2M.  d'épaisseur. 


XVIIIe.    SESSION.  289 

Cette  tour  est  construite  en  beau  moellon  d'appareil  et  sa 
base  est  conique. 

Le  XIIIe.  siècle  a  laissé  en  Nivernais  quelques  châteaux  ; 
les  deux  plus  remarquables  sont  ceux  de  St.-Verain  et  de 
Ilosemont  :  le  premier  situé  à  l'une  des  extrémités  de  la  petite 
ville  de  St.-Verain,  elle-même  entourée  de  fortes  murailles, 
n'était  en  quelque  sorte  que  le  donjon  de  la  place  ;  il  se  com- 
posait d'une  grosse  tour  ronde  s'élevant  au  milieu  d'un  terre- 
plain  renfermé  dans  un  carré  de  murailles  flanqué  de  quatre 
tours  également  rondes;  il  ne  reste  aucune  trace  des  anciennes 
ouvertures ,  et  les  tours  découronnées  sont  en  partie 
détruites  ;  deux  enceintes  séparaient  ce  donjon  du  reste  de 
la  ville. 

Le  château  de  Rosemont  est  la  plus  belle  ruine  féodale  du 
Nivernais;  cette  forteresse  ayant  été  construite  suivant  toutes 
les  règles  de  la  castramétation  du  XIIIe.  siècle ,  mérite  une 
description  détaillée.  Le  château  est  bâti  à  mi-côte ,  le  choix 
de  cette  position  est  conforme  à  l'esprit  qui  présidait  aux  con- 
structions militaires  de  celte  époque  ;  rarement  on  bâtissait 
sur  les  cimes  élevées,  on  préférait  le  faire  à  mi-côte,  soit 
pour  la  facilité  des  approvisionnements,  soit  pour  avoir  de 
l'eau  plus  commodément  ;  on  se  préoccupait  peu  du  voisinage 
des  hauteurs  dominant  les  enceintes  fortifiées,  pourvu  qu'elles 
fussent  hors  de  la  portée  assez  faible  des  machines  alors  en 
usage  pour  lancer  des  projectiles;  du  reste,  Rosemont  n'est 
dominé  par  aucune  hauteur,  sa  position  était  donc  parfaite- 
ment choisie. 

La  forteresse  forme  un  polygone  irrégulier  entouré  de  fortes 
courtines  flanquées  autrefois  de  neuf  grosses  tours ,  dont  sept 
sont  encore  debout,  et  d'un  haut  bâtiment  carré  sous  lequel 
se  trouve  l'entrée  ;  toutes  ces  constructions  ont  été  très-soi- 
gnées, le  revêtement  extérieur  qui  malheureusement  tombe 
ou  est  enlevé  tous  les  jours ,  est  en  belle  pierre  d'appareil. 


290      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  ERANCE  , 

Presque  tous  les  châteaux  étaient  environnés  de  fossés  sus- 
ceptibles d'être  remplis  d'eau  ;  ici,  à  cause  de  la  disposition 
du  terrain,  une  partie  seule  des  fossés  pouvait  être  sub- 
mergée. 

La  porte  est  placée  dans  un  fort  bâtiment  carré  situé  à 
l'Ouest ,  mais  elle  s'ouvre  dans  la  partie  Sud  de  ce  bâtiment , 
en  sorte  que,  pour  y  arriver ,  l'ennemi  était  obligé  de  pré- 
senter le  flanc  droit  aux  soldats  qui  garnissaient  une  grosse 
tour  d'angle  et  une  longue  courtine  qu'il  fallait  longer  pour 
arriver  à  cette  entrée.  Cette  disposition,  habituelle  dans  les 
constructions  importantes  du  moyen-âge ,  était  une  tradition 
des  ingénieurs  romains  qui  ne  voulaient  pas  que  l'on  pût 
arriver  tout  droit  aux  portes  principales.  Quoiqu'il  n'en  reste 
plus  de  traces,  il  y  avait  certainement  un  fossé  devant  la  porte, 
on  voit  encore  la  place  des  pièces  de  bois  qui  servaient  à 
relever  le  pont-levis.  L'entrée  est  en  anse  de  panier  et  assez 
grande;  sous  le  passage  on  remarque  le  plan  de  la  herse.  Au- 
dessus  de  ce  passage  se  trouve  la  chapelle  dont  la  fenêtre  ogi- 
vale assez  grande  s'ouvre  dans  le  haut  du  bâtiment  carré  à 
l'Ouest  ;  elle  est  placée  à  une  trop  grande  hauteur  pour  que 
des  projectiles  aient  jamais  pu  y  arriver  et  la  rendre  dange- 
reuse. Le  bâtiment  carré  est  couvert  d'un  toit  élevé  assez 
ancien,  mais  qui  sans  doute  n'existait  pas  lors  de  la  construc- 
tion du  château. 

Il  est  difficile  de  juger  des  dimensions  primitives  des  fossés 
creusés  dans  la  terre  sans  revêtements ,  ils  sont  en  partie  com- 
blés et  les  éboulements  en  ont  dénaturé  la  forme.  Il  n'y  a  pas 
de  traces  de  ces  ouvrages  extérieurs  qui  se  trouvaient  ordi- 
nairement à  la  tête  du  pont-levis  et  en  d'autres  endroits  et 
qui  étaient  destinés  à  protéger  les  reconnaissances  et  les  sor- 
ties de  la  garnison. 

Les  tours  ont  leurs  parois  verticales  sur  des  bases  coni- 
ques; cette  disposition  était  la  plus  usitée ,  elle  donnait  plus 


xvnr.  session.  291 

de  solidité  aux  murs  et,  en  même  temps,  elle  pouvait  faire 
ricocher  avec  force  les  projectiles  que  l'on  jetait  d'en  haut. 
Les  murailles  sont  d'une  grande  épaisseur,  en  quelques 
endroits  elles  ont  plus  de  2  mètres. 

Les  tours  sont  toutes  découronnées ,  il  est  donc  impossible 
de  savoir  comment  elles  se  terminaient ,  mais  on  voit  encore 
en  quelques  endroits  des  courtines ,  des  créneaux  rectangu- 
laires peu  élevés  et  assez  larges.  Quelques  moucharabys  flan- 
quent les  tours. 

Les  mâchicoulis  n'étaient  point  en  usage  au  XIIIe.  siècle  ; 
on  n'en  voit  point  à  Rosemont ,  mais  toutes  les  tours  et  la 
partie  ouest  des  courtines  qui  défendait  l'entrée ,  sont 
encore  garnies  dans  le  haut  de  trous  et  de  corbeaux  destinés 
à  supporter  des  hourds;  on  donnait  ce  nom  à  des  échafauds 
en  saillie  que  l'on  plaçait  en  temps  de  guerre  sur  le  haut  des 
tours  et  des  murailles  pour  proléger  les  soldats  qui  les  défen- 
daient; de  ces  hourds  percés  dans  le  bas,  on  pouvait  aussi 
lancer  des  projectiles  sur  les  assaillants,  comme  on  le  fit  plus 
tard  par  les  mâchicoulis  de  pierre  à  poste  fixe. 

Le  sommet  des  courtines  offre  presque  partout  un  chemin 
de  ronde  assez  large  ;  la  partie  est  du  château ,  qui  est 
moins  élevée  et  plus  faible ,  à  cause  de  la  disposition  du  ter- 
rain ,  était  défendue  par  un  plus  grand  nombre  de  tours. 

Toutes  les  meurtrières  sont  de  longues  fentes  verticales 
destinées  au  tir  de  l'arc.  L'intérieur  du  château  n'offre  plus 
guère  de  caractères ,  les  tours  renfermaient  un  ou  deux  étages 
de  pièces  voûtées. 

Il  est  difficile  de  reconnaître  où  se  trouvait  le  donjon , 
c'était  sans  doute  l'une  des  plus  grosses  tours  de  l'enceinte, 
peut-être  celle  de  l'angle  sud-ouest  qui  paraît  plus  forte  que 
les  autres. 

La  chapelle  est  voûtée  en  berceau  ogival  avec  un  arc-dou- 
bleau  retombant  sur  des  colonnes  engagées  à  chapiteaux  fort 


292  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

simples  ;  on  n'y  voit  aucune  trace  d'ornementation ,  à  part 
quelques  fleurs  de  lis  de  forme  ancienne  peintes  en  rouge  ;  la 
fenêtre  ogivale  et  l'autel  sans  caractère  sont  à  l'ouest. 

Un  puits  se  trouve  dans  la  cour  et  des  caves  occupent  le  bas 
des  tours  ;  sous  la  partie  ouest  s'étend  un  vaste  souterrain  dans 
les  parois  duquel  s'ouvrent  des  niches  de  2  mètres  de  haut 
sur  un  de  large ,  c'étaient  des  magasins  et  non  point  des 
cachots,  comme  on  le  pense  dans  le  pays. 

Le  château  de  Verneuil ,  quoique  fort  dénaturé  ,  présente 
encore  les  quatre  tours  et  quelques  restes  des  courtines  de 
son  enceinte  carrée.  Celui  de  Meauce  fut ,  dit  la  chronique , 
bâti  par  saint  Louis  pour  un  chevalier  de  la  famille  de  Rofïi- 
gnac  à  qui  les  infidèles  avaient  crevé  les  yeux  ;  ce  château  est 
rond  avec  une  cour  intérieure  et  des  restes  de  fossés  tout 
autour;  il  devait  être  très-fort,  mais  il  a  été  tellement  remanié 
qu'il  est  fort  difficile  même  de  conjecturer  quels  étaient  ses 
moyens  de  défense  ;  pas  une  seule  ouverture  n'est  restée  ce 
qu'elle  était  autrefois  et  les  bâtiments  sont  uniformément  cou- 
verts de  toits;  à  l'intérieur  de  la  cour  tout  a  été  refait  à  la  fin 
du  XVe.  ou  au  commencement  du  XVIe.  siècle. 

Le  Nivernais  possède  quelques  châteaux  du  XIVe.  siècle  , 
bâtis  sur  le  même  plan  que  ceux  du  XIIIe.  ;  tels  sont  ceux 
de  Villars  ,  de  la  Chasseigne ,  de  Chandiou ,  ce  dernier  de  la 
fin  du  siècle  ;  mais  ces  châteaux  furent  construits  avec  moins 
de  soin  et  de  solidité  que  ceux  du  XIIIe.  ;  au  lieu  du 
moellon  d'appareil  qui  forme  le  revêtement  des  murailles  de 
ces  derniers ,  on  trouve  uniformément  au  XIVe.  des  moel- 
lons plats  assemblés  avec  assez  peu  de  soin  ;  les  murs  sont 
aussi  moins  épais  et  quelques  ouvertures  extérieures  y 
sont  pratiquées  comme  à  Chandiou.  D'autres  demeures 
féodales  de  celte  époque  ,  construites  sur  un  autre  plan , 
consistent  en  un  corps-de-logis  plus  ou  moins  déve- 
loppé ,   flanqué  quelquefois  de  tours  et  de  tourelles  enga- 


XVIIIe.    SESSION.  293 

gécs,  ce  ne  lurent  plus  que  des  maisons  fortes.  Le  plus 
considérable  des  châteaux  bâtis  sur  ce  nouveau  plan  est  celui 
de  Chevcnon  dont  voici  la  description  :  ce  château  se  compose 
d'un  corps- de-logis,  appuyé  de  deux  grosses  tours  rondes, 
avec  une  enceinte  de  murs  qui  jadis  comprenait  un  carré,  le 
corps-de-logis  seul  est  resté  debout. 

La  façade  Sud  est  anglée  des  deux  tours  ;  au  milieu,  la  porte 
d'entrée  en  ogive  un  peu  surbaissée  est  défendue  h  droite  et 
à  gauche  par  des  tourelles  engagées,  terminées  en  encor- 
bellement et  soutenues  par  de  fortes  engives  ;  au-dessus  de 
cette  entrée ,  entre  les  tourelles ,  se  voit  un  petit  moucha- 
raby ,  porté  par  des  consoles  à  trois  retraits  dont  l'une  est 
ornée  d'une  tête  de  femme  ,  et  plus  haut  une  rangée  de 
forts  corbeaux  qui  pouvaient  recevoir  des  hourds  ;  des  fe- 
nêtres irrégulières  de  forme  et  de  disposition  ,  presque  toutes 
percées  après  coup  ou  agrandies ,  se  trouvent  en  divers  en- 
droits; les  grosses  tours  offrent  encore  des  meurtrières  lon- 
gues ,  un  peu  élargies  par  le  bas ,  avec  un  court  croisillon  au 
milieu  terminé  des  deux  côtés  en  queue  d'aronde  ;  les  tours 
et  le  corps-de-logis  ont  été  découronnés  et  sont  couverts  de 
toits  peu  anciens. 

On  entre  dans  le  château  par  un  passage  voûté  où  se  voit 
encore  la  place  de  la  herse ,  à  droite  et  à  gauche  sont  un 
corps-de-garde  et  une  prison  ;  au  bout  du  passage  l'on  se 
trouve  dans  l'ancienne  cour  intérieure  ,  formée  par  le  corps- 
de-logis  et  les  murailles;  tout  dans  cette  cour  a  été  refait  au 
XVe.  siècle,  il  en  est  de  même  de  l'intérieur  qui  n'offre  plus 
de  caractères. 

Les  portes  des  châteaux  de  Premery  et  de  Druy  sont  de 
la  même  époque  et  construites  dans  le  même  genre.  Le 
Tremblay  est  une  haute  maison  forte  carrée  qui  ressemble  à 
une  tour ,  avec  un  toit  fort  élevé. 

19 


2%      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Le  château  d'ArisolIes  a  tous  les  caractères  des  anciennes 
forteresses ,  et  pourtant  il  a  été  bâti  très-probablement  pen- 
dant la  première  moitié  du  XVe.  siècle.  Voici  sur  quoi  celte 
opinion  est  basée  :  une  charte  de  1375,  conservée  aux  ar- 
chives du  royaume ,  nomme  Lorin  de  Pierrepont  seigneur  de 
la  métairie  d'ArisolIes  ;  or ,  cette  terre  ne  figure  point  dans 
l'énoncé  des  possessions  de  Pierre  de  Pierrepont,  héritier  de 
Lorin  en  1W3;  puis,  en  1Zi53  ,  Guillaume  de  Pierrepont, 
descendant  des  deux  autres  Pierrepont  ,  s'intitule  seigneur 
du  château-fort  d'ArisolIes  ,  haut-justicier,  etc.  La  tradition 
rapporte  que  ce  fut  Agnès  Sorel  qui  fit  bâtir  ce  château  ;  il 
est  fort  possible ,  en  effet ,  qu'Agnès  Sorel ,  qui  avait  des 
relations  de  parenté  en  Bourbonnais  ,  étant  devenue  proprié- 
taire d'ArisolIes  dans  la  première  moitié  du  XVe.  siècle,  en 
ait  fait  bâtir  le  château  et  que  le  droit  de  haute-justice  ait 
été  accordé  à  cette  seigneurie  en  sa  faveur. 

Quelques  autres  châteaux  du  XVe.  siècle  furent  bâtis 
avec  des  tours  de  défense  :  ceux  du  Bessay ,  de  Riéjot ,  et 
du  Marais  sont  dans  ce  cas,  mais  la  plupart  des  autres  con- 
sistent en  des  corps-de-logis  flanqués  d'une  tourelle  h  pans 
renfermant  l'escalier  et  quelquefois  de  tourelles  engagées; 
les  manoirs  de  Trougny,  de  Giverdy,  de  Villemenan ,  du 
Chaillou  et  bien  d'autres  affectent  cette  forme.  A  cette  même 
époque,  on  bâtit  sur  le  plan  de  Chevenon,  le  château  de 
Passy  qui ,  au  premier  abord ,  semble  du  XIVe.  siècle ,  mais 
où  tout  trahit  la  fin  du  XVe. 

Le  XVIe.  siècle  a  laissé  le  château  ducal  de  Ne  vers ,  dont 
la  façade,  encadrée  de  deux  grosses  tours  et  de  deux  tou- 
relles à  pans,  offrait  sur  les  faces  de  sa  tour  d'escalier  de 
nombreux  bas-reliefs,  puis  les  jolis  manoirs  de  Dornes,  de 
la  Motte-Farchat ,  de  Tâches  et  le  beau  château  des  Bordes 
qui ,  de  même  que  Passy ,  a  été  bâli  sur  un  plan  ancien. 


xviir.  session.  295 

A  cette  époque  les  façades  des  demeures  féodales  se  couvrent 
de  sculptures  et  de  devises  pieuses  ou  chevaleresques;  on 
lit  à  Dornes  : 

VOTIS    POTIOB. 

à  la  Motte-Farchat  : 

NULLIUS    PAVEBIT    OCCURSUM. 

Puis,  en  ce  même  lieu,  au-dessus  d'une  statue  de  la  Vierge,  ce 
distique  par  lequel  le  seigneur  du  château  et  sa  femme  se 
consacrent  à  Marie  : 

VILLA  INES    ET    DURET    A    LA    MÈRE    DE    DIEU 
OFFRENT    SON    EFFIGIE    ET    LEUR    AME    ET    CF.    LIEU. 

Le  château  de  Frasnay-le-Ravier  offre  une  belle  porte 
du  XVIIe.  siècle.  Sermoise,  Bizy  et  Urzy  sont  de  beaux  châ- 
teaux du  XVIIIe.  siècle.  Enfin ,  MM.  le  V,e.  Benoist-d'Azy , 
Humann  et  Boignes  font  construire  dans  les  communes  d'Azy, 
de  St. -Germain  et  de  Decise,  des  châteaux  qui  rivaliseront 
avec  ce  que  la  renaissance  nous  a  laissé  de  plus  beau  comme 
ordonnance  générale  et  comme  ornementation. 

M.  de  Caumont  demande  à  quelle  époque  on  commence 
a  trouver  en  Nivernais  des  mâchicoulis  et  des  traces  des 
poutres  qui  servaient  à  dresser  nos  ponts-levis. 

M.  de  Soultrait  répond  que  presque  tous  les  châteaux 
ayant  été  découronnés,  on  ne  peut  guère  savoir  comment 
leurs  murs  étaient  terminés  ;  la  Porte-du-Croux,  à  Nevers,  que 
le  Congrès  a  visitée ,  offre  des  mâchicoulis ,  ce  sont  les  seuls 
bien  marqués  qu'il  connaisse  :  le  château  de  Chandiou  en 
a  encore  aussi  deux  ou  trois  du  commencement  du  XVe. 
siècle.  Quant  aux  poutres  des  ponts-levis ,  on  en  trouve  la 
trace  dans  divers  châteaux  du  XIIIe.  et  du  XIVe.  siècle, 
notamment  h  Rosemont. 


296      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

M.  Barat  insiste  sur  l'importance  du  château  de  St.- 
Verain  et  fait  observer  que  M.  de  Soultrait  a  oublié  de 
parler  du  château  de  la  Motte-Josscrand ,  qui  cependant 
est  assez  curieux  et  assez  ancien  pour  mériter  une  men- 
tion. 

M.  de  Soultrait  répond  qu'en  effet  la  Motte-Josserand  est 
l'un  des  plus  beaux  châteaux  que  le  XIVe.  siècle  ait  laissé 
en  Nivernais,  mais  qu'il  n'a  pas  pu,  en  essayant  de  répondre 
à  la  question  du  programme ,  mentionner  toutes  les  demeures 
féodales  intéressantes  du  département  de  la  Nièvre  qui  en 
a  conservé  un  fort  grand  nombre. 

M.  Crosnier  annonce  que  le  beau  château  de  St.  -Verain 
dont  on  a  parlé  ,  sert  de  carrière  de  pierre  à  tout  le  pays  , 
et  que  ,  si  l'on  n'y  met  ordre  ,  il  est  menacé  d'une  destruc- 
tion complète;  il  croit  se  rappeler  que  ces  belles  ruines 
avaient  été  données  à  la  ville  à  condition  qu'on  n'y  loucherait 
point;  il  demande  que  le  Congrès  veuille  bien  prier  M.  le 
Préfet  de  s'occuper  de  cette  affaire  et  de  voir  s'il  n'y  aurait 
pas  moyen  de  conserver  au  département  l'une  de  ses  plus 
nobles  ruines  féodales.  L'orateur  ajoute  que  l'on  a  trouvé 
dernièrement  dans  les  murs  de  St. -Verain,  des  oboles  de 
Mahaud  ,  comtesse  de  Nevers. 

Une  discussion  s'engage  entre  MM.  Gallois,  Crosnier  et 
Barat  au  sujet  des  pièces  du  moyen-âge  que  l'on  trouve  le 
plus  souvent  en  Nivernais.  M.  de  Soultrait  rappelle  que  Ma- 
haud battit  monnaie  à  son  nom  à  la  fin  du  XIIe.  siècle  seu- 
lement ,  avant  son  mariage  avec  Hervé  de  Donzy  dont  on  a 
plusieurs  variétés  de  monnaies;  les  deniers  de  Mahaud  sont 
assez  communs ,  mais  les  oboles  sont  rares.  Les  pièces  que 
l'on  trouve  le  plus  communément  dans  le  pays ,  sont  les 
deniers  de  Gien ,  portant  les  légendes  Gosedus  cos  (cornes) 
et  Giemis  ca  (strum). 

Mgr.  l'Évèque  pose  la  17e.  question  du  programme  : 


XVIIIe.    SESSION.  297 

Quelle  était  la  destination  des  voies  souterraines  qui  ont 
leur  ouverture  dans  la  plupart  des  anciens  châteaux? 

M.  de  Buzonnièrc  explique  la  présence  de  ces  passages 
souterrains  faisant  communiquer  ensemble  les  diverses  par- 
ties d'un  château,  les  tours  par  exemple,  par  l'usage  où 
étaient  les  ingénieurs  militaires  du  moyen-âge  d'isoler,  autant 
que  possible ,  les  divers  ouvrages  militaires  d'une  même  for- 
teresse :  ces  souterrains  permettaient  à  la  garnison  de  passer 
d'une  tour  à  une  autre  sans  que  les  assiégeants  s'en  aper- 
çussent, quand  bien  même  ils  auraient  déjà  pénétré  dans  la 
place.  L'orateur  a  vu  de  ces  conduits  dans  les  murailles 
d'Orléans,  et  dans  l'un  de  ces  conduits  un  puits,  au  milieu 
de  l'une  des  parois  duquel  s'ouvre  une  sorte  de  porte  grillée 
de  fer ,  disposée  à  peu  près  comme  l'ouverture  d'une  boîte 
aux  lettres ,  qui  communique  avec  une  petite  pièce  ;  quelle 
pouvait  être  l'utilité  d'une  semblable  cachette? 

M.  de  Soultrait  ne  se  rappelle  pas  avoir  vu  de  ces  souterrains 
faisant  communiquer  entr'eux  les  divers  ouvrages  de  défense 
d'une  place.  Quant  aux  longs  souterrains  partant  des  caves 
et  allant  aboutir  dans  la  campagne  à  une  grande  dislance , 
que  la  tradition  place  dans  presque  tous  les  châteaux  un 
peu  importants,  il  voudrait  voir  leur  existence  bien  constatée; 
il  a  souvent  entendu  parler  de  souterrains  de  ce  genre  ,  mais 
personne  ne  les  avait  parcourus ,  personne  même  n'y  était 
entré  ;  il  ne  nie  pas  que  de  pareils  conduits  n'aient  existé  dans 
quelques  châteaux  ,  mais  il  ne  croit  pas  qu'il  y  en  ait  jamais 
eu  beaucoup. 

M.  de  Caumonl  a  vu  des  galeries  qui  faisaient  le  tour  de 
murailles  du  XIIe.  siècle  ;  quant  aux  souterrains  faisant  com- 
muniquer l'intérieur  du  château  avec  la  campagne,  son 
opinion  est  qu'il  y  en  avait  que  les  éboulemenls  de  terrains 
ont  fait  disparaître  en  grande  partie,  mais  il  est  évident  qu'on 
a  exagéré  outre-mesure  la  longueur  de  leur  parcours. 


298  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

M.  l'abbé  Crosnier  se  rappelle  avoir  vu  un  souterrain  qui, 
partant  du  château  ducal  de  Nevers,  aboutissait  dans  les 
fossés,  puis  allait  plus  loin  ;  il  y  est  entré  dans  sa  jeunesse. 

M.  Gallois  appuie  ce  que  vient  de  dire  M.  Crosnier.  On 
voyait  une  entrée  de  ce  conduit  dans  l'intérieur  des  fossés  , 
près  de  la  porte  neuve  maintenant  détruite ,  il  passait  sous  le 
parc  et  il  se  bifurquait  ;  mais  des  décombres  et  de  l'eau  em- 
pêchaient de  le  parcourir  en  entier. 

Mgr.  l'Évêque  pose  alors  la  XVIIIe.  question  : 

Pourquoi  rencontre-t-on  fréquemment  daîis  les  murs  des 
anciens  châteaux,  tels  qu'à  St.-Verain ,  Bulcy ,  etc.,  des 
conduits  qui  circulent  dans  l'intérieur  des  murailles'} 

M.  l'abbé  Crosnier  explique  ce  que  sont  ces  conduits  à 
St.-Verain.  Ce  sont,  dit-il,  des  espèces  de  tuyaux  pratiqués 
dans  l'intérieur  des  murs  et  qui  circulent  à  différentes  hau- 
teurs dans  toute  l'enceinte  des  murailles  ;  dans  le  peu  de 
ruines  qui  restent  de  l'ancien  château  de  Bulcy  ,  j'ai  retrouvé 
ces  conduits  jusque  dans  les  cachots  et  les  oubliettes. 

M.  de  Buzonnière  demande  s'ils  sont  horizontaux. 

M.  l'abbé  Clément  dit  que  ces  conduits ,  à  St.  -Verain , 
tournent  dans  les  murs,  donnent  dans  plusieurs  pièces  du 
château  et  aboutissent  à  l'extérieur ,  au  pied  du  donjon.  Sans 
doute  en  ce  lieu  se  trouvait  une  sentinelle  qui ,  au  moyen  de 
ces  conduits ,  pouvait  donner  l'alarme  et  prévenir  de  ce  qui  se 
passait  au  loin. 

M.  de  Buzonnière  ne  conçoit  pas  comment  une  sentinelle 
placée  au  pied  du  donjon  pouvait  y  voir  de  loin,  cette  posi- 
tion lui  paraît  singulière.  M.  Clément  fait  observer  que  la  tour 
supérieure  du  donjon  s'élevait  au  dessus  du  terre-plein  ren- 
fermé dans  le  carré  des  tours  et  des  courtines  inférieures,  sa 
base  même  était  assez  haute  pour  que  la  vedette  pût  de  là 
observer  la  campagne. 

M.  Crosnier  ajoute  que  ces  conduits  se  voient  encore  non 


xvnr.  session.  299 

seulement  dans  les  murs  du  donjon ,  mais  encore  dans  les 
murailles  extérieures  ;  ils  auraient  donc  pu  également  servir  à 
faire  communiquer  entr'elles  les  troupes  qui  garnissaient  les 
diverses  enceintes. 

M.  de  Caumont ,  qui  a  cité  des  faits  semblables  dans  le  Ve. 
volume  de  son  Cours  d'antiquités  ,  dit  que  ces  trous  ne  sont 
que  l'emplacement  de  poutres  qui  ont  disparu  et  sont  tombées 
en  poussière.  Ces  poutres,  dont  il  a  vu  encore  des  morceaux 
à  Gisors  et  à  Brionne  (Eure) ,  avaient  pour  but  de  relier  les 
murs  et  d'éviter  les  dislocations  qui  pouvaient  arriver  par 
suite  du  tassement  inégal  des  terres  sur  lesquelles  reposaient 
les  murs.  Le  château  de  Gisors  est ,  sous  ce  rapport ,  très- 
connu  et  étudié.  M.  de  Caumont  renvoie  au  t.  Ve.  de  son 
Cours  d'antiquités,  publié  en  1835  (V.  la  page  257). 

M.  de  Soultrait  a  observé  au  château  de  Montgilbert,  dans 
le  département  de  l'Allier,  l'ouverture  d'un  conduit  qui,  cir- 
culant dans  les  murs ,  venait  aboutir  à  l'intérieur  de  la  porte 
d'entrée  des  ouvrages  avancés  ;  ce  conduit  rond,  formé  par  des 
tuyaux  en  terre  cuite  de  cinq  ou  six  pouces  de  diamètre ,  ne 
pouvait  être  qu'un  conduit  acoustique  destiné  à  faire  com- 
muniquer la  garnison  intérieure  du  château  avec  le  poste  qui 
gardait  les  ouvrages  avancés. 

M.  Morellet  cite  le  château  de  Chevenon  où  un  conduit 
vertical ,  partant  du  haut  des  murs ,  vient  aboutir  à  la  porte 
d'entrée  où  se  trouvait  un  corps-de-garde. 

La  discussion  continue  entre  MM.  Crosnier,  de  Buzon- 
nière ,  de  Glanville ,  Morellet  et  de  Soultrait. 

M.  le  Président  la  résume  en  disant  que  les  détails  de  l'ar- 
chitecture militaire  sont  encore  peu  connus ,  et  que  les  faits 
qui  peuvent  en  éclairer  l'histoire  doivent  être  soigneusement 
recueillis.  Il  donne  ensuite  la  parole  à  M.  de  Buzonnière,  se- 
crétaire-général de  la  XVIIlr.  session  du  Congrès  scientifique 
de  France ,  qui  annonce  que  cette  session  s'ouv  ri  a  à  Orléans 


300      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

le  10  septembre  prochain ,  et  qui  invite  les  personnes  présentes 
à  s'y  rendre  :  diverses  expositions  auront  lieu,  des  courses  ar- 
chéologiques seront  faites,  et  la  commission  d'organisation 
fera  de  son  mieux  pour  rendre  le  séjour  d'Orléans  agréable 
aux  personnes  qui  viendront  assister  au  Congrès. 

M.  de  Soultrait  demande  la  parole  et  annonce  que  M.  l'abbé 
Grosnier  a  préparé  une  monographie  de  la  cathédrale  de  St.  - 
Cyr  de  Nevers;  il  n'existe  aucun  travail  sur  cette  belle  église 
dont  le  Congrès  a  pu  apprécier  toute  l'importance  archéologique 
et  artistique,  et  nul  mieux  que  31.  Grosnier  n'est  en  état  d'en 
faire  l'histoire  et  d'en  donner  la  description  ;  il  demande  donc 
que  le  Congrès  émette  le  vœu  de  voir  ce  travail  bientôt 
publié. 

Le  Congrès ,  par  l'organe  de  son  président ,  émet  ce  vœu 
à  l'unanimité  ;  M.  de  Caumont  promet  de  faire  son  possible 
pour  encourager  la  publication  de  cette  monographie. 

Au  sujet  de  la  cathédrale,  31gr.  l'Évêque  demande  à  31. 
Boivin,  architecte,  chargé  de  la  restauration  de  cet  édi- 
fice ,  que  l'on  renferme  le  plus  tôt  possible  le  terrain  situé 
derrière  la  crypte  occidentale ,  terrain  où  l'on  dépose  des 
ordures  dont  l'odeur  infecte  la  crypte. 

31.  de  Caumont  dit  que  l'on  va  procéder  à  la  répartition 
des  fonds  que  la  Société  accorde  chaque  année  pour  la  répa- 
ration des  monuments;  mais  auparavant  il  demande  que  le 
Congrès  décide  quelle  sera  la  ville  où  se  tiendra  l'année  pro- 
chaine la  XIXe.  session  du  Congrès  archéologique ,  il  pro- 
pose Dijon.  Aucune  objection  ne  s' élevant  contre  le  choix  de 
cette  ville ,  3Igr.  l'Évêque  président  annonce  que  la  XIXe. 
session  du  Congrès  archéologique  s'y  ouvrira  à  une  époque 
qui  sera  ultérieurement  fixée.  Monseigneur  demande  ensuite 
dans  quelles  conditions  sont  répartis  les  fonds  alloués  par  la 
Société  française  ;  M.  de  Caumont  répond  que  ces  fonds  sont 
accordés  aux  membres  de  la  Sociélé,  pour  l'entretien  des 


XVI  [Ie.    SESSION.  301 

monuments  importants  antérieurs  à  la   lin  du  XVI'.   siècle, 

el  pour  des  fouilles  dont  on  a  reconnu  l'utilité. 

On  passe  à  la  discussion  concernant  les  allocations.  Plusieurs 
membres  font  alors  des  demandes  de  fonds  pour  être  appliqués 
à  la  restauration  de  divers  édilices  :  M.  Crosnier  pour  la  cu- 
rieuse église  romane  de  Jailly,  dont  il  a  parlé  dans  l'une  des 
séances  du  Congrès,  et  pour  les  fouilles  de  St. -Révérien ;  M. 
V.  Petit  pour  des  fouilles  prés  d'Avallon  ;  M.  le  curé  de  Pou- 
gues  pour  son  église  que  le  Congrès  doit  visiter;  M.  le  comte 
de  Kréda  pour  des  fouilles  dans  le  département  de  l'Oise. 

Mgr.  l'Evêque  appuie  la  demande  de  M.  Crosnier  pour 
l'église  de  Jailly  ;  il  voudrait  aussi  quelques  fonds  pour  faire 
consolider  les  curieux  vitraux  de  St.-Saulge. 

M.  l'abbé  Le  Petit ,  secrétaire-général  de  la  Société  fran- 
çaise ,  donne  aussi  connaissance  de  demandes  de  fonds  adres- 
sées à  la  Société  par  MM.  Quentin,  pour  les  fouilles  d'Auxerre  ; 
David ,  inspecteur  de  la  Sarthe  ,  pour  diverses  églises  de  ce 
pays  ;  Drouet ,  pour  divers  achats  d'objets  à  déposer  au 
musée  du  Mans  ;  de  Glanville  ,  pour  l'église  de  Branville  ; 
enfin  par  lui-même  pour  consolider  les  murs  de  la  chapelle 
d'Evrecy. 

M.  de  Caumont,  à  l'occasion  d'une  somme  assez  considé- 
rable qui  est  demandée  pour  le  département  de  la  Sarthe , 
explique  comme  quoi  il  est  juste  que  la  répartition  des  fonds 
se  fasse  en  ayaut  égard  au  plus  ou  moins  grand  nombre  de 
membres  que  la  Société  française  compte  dans  chaque  dépar- 
tement; or,  il  y  en  a  plus  de  quatre-vingt  dans  la  Sarthe.  Les 
allocations  suivantes  sont  accordées  après  discussion  : 

Fouilles  aux  environs  de  Laon 200  fr. 

Rétablissement  de  la  croix  du  mont  Beuvray 
(Nièvre) 100 


302  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE, 

Église  de  Branville  (Calvados) 100  iï. 

Vilrail  de  Notre-Dame  de  Touchet.    .     .     .  100 

Église  de  Jailly  (Nièvre) 200 

St. -Sauge 100 

Montmartre 100 

Églises  des  environs  de  Bordeaux.     .     .     .  100 

Auxerre 100 

Fouilles  à  St.- A mand 50 

id.      à  Sens 50 

Division  du  Mans 300 

Église  de  Chaillot 100 

Évrecy 100 

Fouilles  de  St.-Révérien 200 

M.  de  Soultrait  lit  la  note  suivante  de  M.  le  Cte.  Jaubert. 

Il  existe  dans  la  commune  de  Cours-les-Barres ,  canton  do 
la  Guerche  (Cher)  ,  autrefois  du  diocèse  de  Nevers,  un 
domaine  isolé  au  milieu  des  bois ,  où  la  tradition  place  une 
ancienne  maison  religieuse  ;  dans  un  enclos  attenant ,  on  a 
trouve  un  cimetière  contenant  des  tombes  en  pierre  différente 
de  celle  du  pays,  c'est  une  espèce  de  granité  analogue  à 
celui  du  département  de  l'Allier.  Dans  ces  tombes  étaient 
beaucoup  d'ossements  qui  ont  été  soigneusement  transportés 
au  cimetière  de  la  paroisse,  quelques  débris  d'ustensiles,  etc. 
Long-temps  on  a  conservé  dans  une  niche  au  pignon  de  l'an- 
cien domaine  aujourd'hui  reconstruit ,  une  statuette  qui  s'est 
brisée,  et  dont  on  n'a  aujourd'hui  que  la  tête. 

Dans  l'étang  voisin  on  a  trouvé  une  portion  de  colonnette 
en  basalte  moucheté  d'Auvergne. 

Les  noms  même  de  saint  Gris  ou  saint  Grésil  (car  l'un  et 
l'autre  se  trouvent  pour  la  même  localité  dans  les  cartes 
géographiques  et  les  vieux  plans  d'arpentage)  ont  donné  lieu 
à  des  recherches  dont  les  trois  lettres  ci-incluses  peuvent 
donner  une  idée. 


XVIIIe.    SESSION.  303 

M.  le  Secrétaire  donne  communication  des  trois  lettres  qui 
sont  de  Mgr.  Dupanloup,  actuellement  évèque  d'Orléans,  de 
M.  l'abbé  Cahier  et  de  lui-même  ;  son  opinion  est  (pic  saint 
Gris  est  une  abréviation  du  nom  de  saint  Austregesille , 
ancien  évèque  de  Bourges ,  ou  de  saint  Géry.  Il  continue 
ensuite  la  lecture  de  la  note  : 

Sang  saint  Gris  !  par  saint  Gris  !  sont  des  jurons  employés 
dans  Rabelais.  —  Ventre  saint  Gris!  était  le  juron  favori 
d'Henri  IV. — Voir  à  ce  sujet  le  commentaire  de  Duchat  sur 
Habelais  (Pantagruel,  ebap.  ix,  note  17  ; — ibid. ,  ebap.  xxvm, 
note  lk),  duquel  il  résulte  que  saint  Gris  ne  serait  autre  que 
saint  François  d'Assise ,  patriarche  des  moines  gris ,  des 
moines  ceints  de  gris. 

Quelques  personnes  croient  que  saint  Gris  pourrait  être  une 
abréviation  de  saint  Gervais  G-r.  i.  s. 

Que  conclure  de  ces  documents?  Qu'est-ce  que  saint  Gris 
ou  saint  Grésil?  A-t-il  existé  réellement  un  saint  de  ce  nom 
et  sa  légende  a-t-elle  été  retrouvée  ? 

Le  Congrès  regrette  de  n'avoir  pas  sous  les  yeux  le  frag- 
ment de  la  statue  de  saint  Gris  ;  on  ne  connaît  pas  de  légende 
de  saint  de  ce  nom  ;  l'opinion  émise  dans  la  lettre  de  M.  de 
Soultrait  est  acceptable  ,  mais  on  ne  peut  rien  dire  de  certain 
à  cet  égard. 

Mgr.  l' Évèque  remet  ensuite  à  M.  Georges  de  Soultrait  une 
médaille  d'argent  qui  lui  a  été  votée  par  la  Société  française 
pour  ses  travaux  sur  l'épigraphie  de  l'arrondissement  de 
Nevcrs;  il  félicite  cet  archéologue  du  zèle  avec  lequel  il  pour- 
suit ses  études  sur  les  monuments  du  Nivernais. 

La  séance  est  terminée  par  un  éloquent  discours  de  l'émi- 
nent  prélat  qui  remercie  les  membres  du  Congrès  des  encou- 
ragements qu'ils  sont  venus  donner  à  l'étude  de  l'histoire  et 
des  monuments  du  Nivernais;  il  est  heureux  de  celle  trop 
courte  réunion  qui  a  mis  en  rapport  les  hommes  d'études  du 


306  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

pays  avec  les  savants  étrangers  qui  ont  honoré  la  ville  de 
Nevers  de  leur  présence;  il  ne  doute  pas  que  les  résultats  les 
plus  satisfaisants  ne  soient  la  conséquence  de  ce  Congrès  dont 
la  ville  de  Nevers  gardera  long-temps  le  souvenir. 

D'unanimes  applaudissements  prouvent  que  l'auditoire  ap- 
prouve complètement  les  pensées  que  Mgr.  l'Évoque  vient  de 
rendre  d'une  manière  si  brillante. 

La  séance  est  levée  à  six  heures. 

Le  Secrétaire-adjoint , 
Cu.  Georges  de  Soultrait. 


EXCURSION  A  LA  CHARITÉ. 

Le  \h  juin,  dès  cinq  heures  du  matin,  les  membres  du 
Congrès,  fidèles  au  rendez-vous,  se  trouvaient  en  nombre  au 
bas  du  parc  attendant  que  les  voitures  fussent  organisées  et 
que  les  retardataires  fussent  arrivés.  Chacun,  en  considérant 
cette  vaste  et  magnifique  promenade,  dont  les  nivernistes 
sont  fiers  à  juste  raison,  faisait  part  de  ses  impressions;  et 
les  habitants  du  pays  surtout  étaient  heureux  de  communiquer 
à  leurs  aimables  hôtes  les  souvenirs  historiques  qui  se  ratta- 
chent à  ces  lieux  enchantés.  C'était  là  que  le  marquis  de 
Montigny  assiégeant  Nevers  en  1617  sous  les  ordres  du 
maréchal  d'Ancre  a  fait  établir  son  camp,  et  que  le  soldat 
faisait  tomber  sous  sa  hache  les  arbres  séculaires  qu'il  fallut 
remplacer  plus  tard;  c'était  là  que  s'inspirait  la  muse  d'Adam 
Billaut,  notre  poète  menuisier,  quand  il  composait  ses  che- 


XVIIIe.    SESSION.  305 

villes  et  son  villebrequin  ;  c'était  là  que  la  princesse  Marie 
d<;  Gonzague  se  plaisait  à  errer  à  l'ombre  avec  ses  dames 

d'atours;  c'était  là Mais  voilà  les  trois  omnibus  au  grand 

complet,  ils  partent  escortés  de  plusieurs  cabriolets  et  roulent 
avec  rapidité  sur  la  route  qui  conduit  à  b'ourchamhault ,  à 
peine  a-t-on  le  temps  d'apercevoir,  en  passant  sur  le  baut 
de  la  côte,  l'ancienne  église  de  St.-Gildard;  il  est  facile  d'y 
reconnaître  des  traces  des  XIIe.  et  XIIIe.  siècles,  elle  dut  en 
remplacer  une  autre  élevée  dans  cet  endroit ,  où ,  en  898 , 
Ratbier,  comte  de  Nevers,  fut  appelé  en  champ  clos  par 
Richard  le  justicier  son  seigneur  suzerain,  pour  avoir  voulu, 
dit  la  chronique,  attenter  à  l'honneur  de  sa  femme.  Rathier 
succomba  tout  en  protestant  de  son  innocence.  Avant  1793, 
le  chapitre  de  la  cathédrale  se  rendait  pour  les  Rogations  en 
station  à  St.-Gildard,  mais  avant  de  quitter  l'église,  on 
chantait  un  libéra  pour  le  repos  de  l'âme  du  comte  Rathier. 

Tout  en  nous  entretenant  de  ces  vieilles  chroniques 
locales,  nous  nous  éloignions  des  lieux  qui  en  furent  le  théâtre, 
et  déjà  nous  apercevions  les  tourbillons  de  fumée  qui 
s'échappent  des  hautes  cheminées  pyramidales  de  Fourcham- 
bault ,  pour  former  un  sombre  rideau  au-dessus  des  forges 
et  de  la  fonderie  ;  bientôt  nous  parcourions  la  longue  rue  qui 
forme  cette  ville  nouvelle.  Il  y  a  moins  de  U0  ans,  cet 
emplacement  était  désert  et  nous  n'avons  pas  oublié  les 
heureux  moments  de  notre  jeunesse ,  quand  le  jeudi  nous 
engagions  des  parties  de  barres  dans  ces  lieux  maintenant 
si  animés.  Ce  fut,  je  crois,  en  1823  que  M.  Boignes  jeta  les 
premiers  fondements  de  ce  vaste  établissement.  Insensi- 
blement la  forge  et  la  fonderie  ont  vu  se  grouper  les  habi- 
tations coquettes  que  nous  admirons  à  droite  et  à  gauche. 

Bientôt  il  fallut  songer  à  construire  une  église  pour  cette 
population  toujours  croissante  et  ériger  une  nouvelle  succur- 
sale. Ne  disons  rien  de  l'église,  car  à  l'époque  à  laquelle  elle 


300      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

fut  construite,  la  science  archéologique  était  encore  peu 
développée  et  l'art  religieux  peu  connu  :  hâtons-nous  d'arriver 
au  milieu  de  ces  travailleurs  actifs  à  la  figure  enluminée  par 
le  travail  et  par  le  feu.  Voyez  avec  quelle  dextérité  ils 
manient  à  l'extrémité  de  leurs  longues  tenailles  ces  masses 
énormes  de  fer  igné ,  comme  ils  les  soumettent  aux  diffé- 
rentes filières  qui  les  façonnent  au  milieu  des  explosions 
produites  par  l'air  comprimé  qu'ils  renferment;  voyez  en 
un  clin-d'œil  cette  masse,  d'abord  informe,  s'allonger  insen- 
siblement et  courir  comme  de  longs  serpents  de  feu  dans 
toute  l'étendue  de  l'atelier.  Quelle  vie  !  quel  mouvement  !  et 
cependant  grâces  aux  funestes  doctrines  qui  ont  paralysé 
toutes  les  grandes  œuvres  de  notre  société,  il  n'y  a  plus 
que  400  à  500  ouvriers  où  naguère  on  pouvait  en  occuper 
1200  à  1500. 

Malgré  le  plaisir  que  nous  éprouvions  à  considérer  ces 
importants  travaux ,  il  nous  fallut  continuer  notre  course , 
d'autant  mieux  que  plusieurs  membres  de  cette  excursion 
désiraient  arriver  promptement  à  Garchisy  pour  contempler 
son  église  romane  dont  ils  avaient  entendu  parler. 

Cette  église ,  placée  à  mi-côte  sur  un  coteau  qui  domine 
la  Loire ,  présente  toutes  les  richesses  de  détail  de  l'époque 
romano-byzantine.  Son  portail  formé  de  quatre  colonnes, 
dont  deux  en  retraite,  est  remarquable  par  ses  chapiteaux 
historiés ,  dont  plusieurs  ont  rapport  à  la  vie  de  saint  Martin  , 
patron  de  cette  église.  Le  partage  de  son  manteau  avec  un 
pauvre  à  la  porte  d'Amiens  ne  pouvait  être  oublié.  Ici  encore 
nous  retrouvons  les  claveaux  que  nous  sommes  convenus 
d'appeler  alvéolés,  tels  que  nous  les  avons  remarqués  à  St.- 
Etienne  de  Nevers.  L'église  est  bâtie  sur  un  plan  cruciforme, 
mais  les  croisillons  sont  légèrement  indiqués  ;  notre  honorable 
collègue  ,  M.  Georges  de  Soultrait ,  appelle  avec  raison  rudi- 
ment de  transept  ces  sortes  de  croisillons  à  peine  accusés. 


XVIIIe.    SESSION.  307 

La  tour  octogone  s'élève  au-dessus  de  la  coupole  de  l'inter- 
transept.  Tout  le  monde  a  été  frappé  de  l'analogie  qui  existe 
entre  l'ornementation  de  cette  tour  et  celle  de  La  Charité. 
Cependant  on  peut  dire  que  la  tour  de  Garchisy  paraît  lourde 
et  réclamerait  un  second  étage.  M.  de  Surigny  a  fait  remarquer 
l'influence  de  Cluny  dans  ce  clocher  carré  à  sa  base,  puis 
octogone  au  moyen  de  petits  toits  qui  couvrent  les  angles 
du  carré.  Le  voisinage  de  La  Charité  a  dû  évidemment 
exercer  une  grande  influence  dans  la  construction  de  cette 
église. 

A  trois  kilomètres  environ  de  Garchizy ,  une  église  du 
XP.  siècle  nous  engagea  à  faire  une  nouvelle  halte  ;  c'est 
celle  de  Fougues.  La  nef  n'a  aucun  caractère  ainsi  que  le 
clocher,  mais  à  partir  du  transept  l'église  est  bien  caractérisée, 
la  région  absidale  surtout  présente  une  disposition  savante 
qui  se  rencontre  rarement  à  cette  époque  dans  les  églises  de 
campagne;  c'est  une  travée  entre  le  transept  et  l'abside  ,  et 
dans  cette  travée  des  arcatures  aveugles.  Sur  un  des  chapiteaux 
on  a  remarqué  un  animal  excessivement  grossier  ;  quelques 
personnes  le  faisaient  remonter  à  une  époque  fort  reculée , 
mais  il  est  évident  que  c'est  l'œuvre  d'un  ouvrier  inhabile. 
Après  avoir  considéré  un  tableau  du  déluge  qui  nous  a  paru 
d'un  mérite  incontestable  ,  nous  reprîmes  la  route  de  La 
Charité.  Entre  Pougues  et  Lamarche,  confins  de  l'antique 
Nivemie,  on  fit  remarquer  un  très-modeste  cabaret  auquel 
on  a  donné  le  nom  pompeux  d'Hôtel  du  Pape.  Pie  VII  se 
rendant  à  Paris  en  180i,  arrivé  à  cet  endroit,  fit  arrêter  sa 
voiture  et  demanda  une  tasse  de  lait  qu'on  lui  apporta  de 
ce  cabaret.  C'est  pour  conserver  le  souvenir  de  ce  fait  que 
le  propriétaire  donna  à  son  cabaret  le  titre  d'Hôtel  du 
Pape. 

Nous  ne  tardâmes  pas  à  apercevoir  les  clochers  élancés 
de  La  Charité  et  les  tours  en  ruine  qui  flanquaient  les  vieilles 


308  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

murailles  de  cette  ville  qui  avait  été  monacale  et  militaire  ; 
nous  laissâmes  de  côté  la  ville  militaire  qui  du  reste  n'a  plus 
rien  de  remarquable,  pour  nous  occuper  exclusivement  de 
la  ville  monacale.  Instinctivement  nous  nous  dirigeâmes  vers 
cette  église  qui  prenait  autrefois  le  titre  de  fille  aînée  de 
Cluny,  soit  à  raison  de  sa  fondation  primitive  qui  datait  de 
la  même  époque  que  celle  de  sa  mère ,  selon  quelques  histo- 
riens, soit  à  raison  de  ses  dimensions  colossales.  En  effet,  en 
entrant  dans  l'église  de  La  Charité  par  la  porte  occidentale , 
on  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  le  vaste  plan  de  ce  monu- 
ment, mais  si  par  la  pensée  on  y  joint  l'espace  qui  existe 
jusqu'à  la  grande  tour  du  portail,  on  se  demande  si  cette 
portion  appartenait  réellement  à  l'église  ou  bien  si  ce  n'était 
pas  une  autre  église  soudée  à  la  première. 

Sans  examiner  le  fait  historique  qui  établit  la  première 
fondation  des  enfants  de  saint  Benoit  à  La  Charité  dans  le  temps 
où  Guillaume-le-Pieux,  comte  de  Nevers ,  fondait  Cluny  l'an 
910  ,  il  nous  fut  facile  de  constater  que  rien  de  ce  que  nous 
voyons  ne  rappelait  cette  époque  ;  tandis  que  nous  rencon- 
trions des  traces  nombreuses  de  la  dernière  fondation  qui  eut 
lieu  au  XIe.  siècle  entre  1052  et  1509  et  qui  se  développa 
au  XIIe. 

Le  plan  général  de  cette  église  est  un  des  plus  vastes  conçus 
à  cette  époque  ;  cinq  nefs  conduisaient  au  transept ,  deux  de 
ces  nefs  se  détachaient  pour  former  déambulatoire  autour  du 
sanctuaire,  les  deux  autres  longeant  les  murailles  paraissaient 
aussi  s'étendre  au-delà  du  transept,  et  après  une  travée  se 
terminaient  en  absidiole  semi-circulaire  ;  deux  autres  absidioles, 
mais  sans  travée,  garnissaient  la  partie  occidentale  des 
croisillons. 

L'histoire  nous  a  laissé  les  détails  de  la  consécration  de 
cette  église  qui  fut  faite  par  le  pape  Pascal  II  en  1 106  ;  il  fallait 
donc  qu'alors  le  travail  commencé  au  milieu  du  XIe.  siècle 


xvur.    SESSION. 


309 


fut  sinon  terminé ,  du  moins  fort  avancé.  Cependant  l'aspect 
général  rappelle  le  XIF.  siècle  et  non  le  XIe.  Mais  en  exa- 


ÉGLISE    DE    LA    CHARITÉ-SUR-LOIRE. 

minant  plus  attentivement ,  on  remarque  que  dans  les  murs 
des  nefs  les  colonnettes  qui  ornent  les  fenêtres  présentent 
bien  les  caractères  du  XIe.  ainsi  que  la  partie  inférieure  des 
croisillons  jusqu'au-dessus  des  absidioles  et  des  arcades  qui 

20 


310      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

ouvrent  le  déambulatoire  et  même  une  partie  du  déambu- 
latoire qui  est  de  cette  époque.  Il  est  évident  que  l'histoire 
et  l'archéologie  sont  ici  parfaitement  d'accord.  Vers  le  milieu 
du  XIIe.  siècle,  époque  accusée  par  le  sanctuaire,  les  cha- 
pelles rayonnantes  et  toute  la  partie  supérieure  des  murs, 
on  aura  voulu  exécuter  sur  un  plus  large  plan  celui  déjà 
si  largement  conçu  un  siècle  environ  plutôt. 

Impossible  de  rien  voir  de  plus  gracieux  que  la  région  du 
sanctuaire  où  se  développe  toute  la  richesse  de  l'ornementation 
byzantine  à  ses  différents  étages;  c'est  d'abord  la  colonnade 
qui  environne  l'autel    faisant  suite  aux  piliers  flanqués  de 
colonnes  engagées ,  cantonnées  en  croix ,  qu'on  remarque  à 
partir  de  l'intcrtransept.  Les  chapiteaux  qui  couronnent  ces 
colonnes  sont  d'un  fini  au-delà  de  toute  expression  et  peuvent 
supporter   la   comparaison  avec  ce   que  l'antiquité    nous   a 
laissé  de  plus  parfait  en  ce  genre;  plusieurs  reproduisent  la 
corbeille  corinthienne  ;  d'autres  sont  animées ,  mais  quoique 
gracieux  dans  leur   ensemble,  ces  derniers  sont  défectueux 
quand  on  en  étudie  les  détails  :  il  en  est  de  même  des  deux 
chapiteaux  historiés  qui  couronnent  deux   des  colonnes  en- 
o-a^ées.  A  cette  époque,  les  fleurs  et  les  feuilles  sont  exécutées 
avec  une  grande  perfection,  mais  il  n'en  est  pas  ainsi  des 
oiseaux,  des  quadrupèdes  et  surtout  des  formes  humaines. 
Les  chapiteaux  historiés  dont  nous  venons  de  parler ,  repré- 
sentent, l'un,  Daniel,  dans  la  fosse  aux  lions;  vis-à-vis  sont 
deux  personnages  environnés  de  serpents;  l'un   de  ces  rep- 
tiles a  sa  tête  dans  la  bouche  d'un  homme    et  paraît   lui 
mordre  la  langue  ;  l'autre  personnage  paraît  être  une  femme , 
et  deux   serpents  lui   rongent   les  seins.    Ordinairement  ce 
qu'on  nomme  la  femme  aux  reptiles  ,  ayant  les  seins  rongés 
par  des  serpents,  des  dragons  ou  des  crapauds,  est  l'em- 
blème de  l'impureté;  mais  ici  il  est  impossible  de  ne  pas 
reconnaître  une  autre  idée  indiquée  par  ces  figures  symbo- 


XVIIIe.    SESSION.  311 

Tltincs.  D'un  côté  ,  on  voil  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions, 
victime  de  la  jalousie  et  de  la  calomnie;  il  est  calme  et  les 
lions  l'environnent  presque  de  respect ,  tandis  que  ses  en- 
nemis sont  en  proie  à  d'affreux  tourments.  La  calomnie  est 
indiquée  par  l'homme,  dont  un  serpent  mord  la  langue,  et 
la  jalousie  par  les  serpents  suspendus  aux  seins  d'une  femme. 
Il  nous  a  été  impossible  de  pouvoir  étudier  les  figures  his- 
toriques ou  symboliques  qui  se  rencontrent  sur  les  chapiteaux 
du  premier  et  du  second  étage  ;  leur  élévation  et  le  badigeon 
qui  les  couvre ,  ne  permettent  pas  de  saisir  parfaitement  les 
détails.  Cependant  nous  avons  remarqué  facilement  deux 
colombes  buvant  dans  un  calice  ,  symbolisant  les  dispositions 
nécessaires  pour  s'approcher  du  banquet  eucharistique  ,  l'in- 
nocence ,  la  simplicité  et  la  douceur. 

Au-dessus  de  l'arcature  inférieure  qui  environne  le  sanc- 
tuaire ,  on  remarque  huit  médaillons  représentant  des  ani- 
maux réels  ou  fantastiques  :  au  milieu  d'eux  se  trouve  l'agneau 
divin  portant  la  croix  triomphale.  Il  est  évident  qu'il  y  a  ici 
une  idée  cachée  et  que  le  sculpteur  n'a  point  jeté  au  hasard 
le  résultat  d'un  caprice.  Il  nous  a  semblé  que  l'agneau  divin, 
environné  de  ces  animaux,  indique  les  fruits  de  la  prédication 
de  l'évangile ,  la  douceur  de  sa  morale  ;  la  pureté  de  sa  doc- 
trine a  adouci  et  réuni  les  nations  les  plus  sauvages,  les  peu- 
ples dont  les  mœurs  paraissaient  tout-à-fait  opposées. 

Tous  les  membres  du  Congrès  faisant  partie  de  cette  excur- 
sion ont  admiré  la  multiplicité  et  la  variété  des  ornements 
jetés  avec  tant  de  grâce  sur  les  différents  membres  de  ce  vaste 
édifice  ,  soit  sur  les  pilastres ,  soit  sur  les  archivoltes  des  ar- 
cades, soit  sur  les  cordons  qui  séparent  les  différents  étages, 
soit  sur  les  frises  qui  enveloppent  la  tour  de  leurs  larges  et 
gracieux  rubans.  Les  besans,  les  perles,  les  dents  de  scie, 
les  enroulements ,  les  chevrons,  les  méandres,  les  étoiles, 
les  roses  détachées,  les  larges  rosaces,  les  billettes,  les  da- 


312      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

miérs,  etc.  ,  en  un  mot,  tous  les  détails  d'ornementation  en 
usage  au  XIIe.  siècle  sont  reproduits  à  La  Charité. 

Au  sortir  de  l'église,  une  discussion  s'est  engagée  entre 
plusieurs  membres  sur  l'âge  à  donner  aux  arcades  qu'on  re- 
marque au  Mord ,  séparant  l'église  de  la  tour.  Les  grandes 
arcades  du  bas  ont  des  formes  ogivales  largement  dessinées, 
tandis  que  les  arcades  supérieures  établies  en  forme  de  niches 
sont  en  plein-cintre.  Quelques  membres  prétendaient  que  les 
arcades  ogivales  pouvaient  remonter  à  l'époque  de  transition  , 
et  attribuaient  cette  partie  au  XIIe.  siècle  ;  malgré  la  forme 
de  ses  arcades  ,  d'autres  croyaient  que  ce  travail  appartenait 
à  une  époque  postérieure.  D'autres  membres  enfin,  parmi 
lesquels  on  remarquait  M.  de  Surigny ,  de  Maçon ,  tout  en 
adoptant  cette  dernière  opinion  que  les  arcades  ogivales  étaient 
bien  postérieures,  reconnaissaient  que  ces  arcades,  substruc- 
tion  du  XVe.  et  peut-être  du  XVIe.  siècle ,  avaient  été  enga- 
gées dans  des  pans  de  murs  du  XIIe.  Cette  dernière  opinion 
confirmée  par  le  genre  de  moulure  des  arcades  a  été  généra- 
lement adoptée. 

Après  avoir  jeté  un  dernier  coup-d'œil  sur  la  magnifique 
tour  de  l'église  de  La  Charité  qui  semble  réunir  tous  les  or- 
nements que  nous  avons  admirés  déjà  à  l'intérieur,  jusqu'aux 
arcatures  quintulobées ,  nous  nous  disposâmes  à  faire,  quoiqu'à 
regret ,  nos  adieux  à  la  fille  aînée  de  Cluny. 

Avant  de  quitter  la  ville ,  nous  allâmes  visiter  l'ancien 
couvent  des  Bénédictines  occupé  maintenant  par  les  saintes 
filles  de  la  Visitation ,  si  riches  en  reliques  précieuses.  Nous 
sommes  heureux  de  pouvoir  ici  offrir  l'hommage  public  de 
notre  reconnaissance  h  la  vénérable  supérieure  de  ce  monas- 
tère qui  s'est  empressée  de  satisfaire  notre  pieuse  curio- 
sité en  mettant  sous  nos  yeux  la  chasuble  de  saint  François-de- 
Sales,  sa  mitre  confectionnée  par  sainte  Françoise-de-Chantal  et 
le  cœur  de  cette  sainte  renfermé  dans  son  reliquaire  de  crista/. 


XV III'.    SESSION. 


313 


3U      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Puis  nous  serrâmes  affectueusement  la  main  de  nos  collègues 
de  Sens  et  d'Àuxerre  qui  devaient  nous  quitter  pour  conti- 
nuer leur  route  ,  et  le  soir  nous  rentrâmes  à  Nevers. 

Le  Secrétaire-général , 

Crosnier. 


VISITE  A  LA  CATHÉDRALE  DE  NEVERS. 

A  l'heure  indiquée ,  les  membres  du  Congrès  se  réunirent 
en  grand  nombre  dans  la  vaste  nef  de  la  cathédrale ,  lieu  du 
rendez-vous;  Mgr.  Du  Fôtre  et  M.  le  Préfet  qui  avaient  ho- 
noré de  leur  présence  la  plupart  de  nos  séances,  ne  pou- 
vaient nous  faire  défaut  dans  cette  circonstance.  M.  de 
Caumont  pria  M.  Crosnier  de  vouloir  bien  exposer 
à  l'assemblée  le  résultat  de  ses  observations  sur  la  cathé- 
drale. 

Pour  bien  se  rendre  compte  de  ce  monument ,  à  la  con- 
struction duquel  tous  les  siècles  depuis  le  IXe.  ,  semblent 
avoir  concouru ,  il  est  nécessaire  de  jeter  un  coup-d'œil 
rapide  sur  son  histoire;  il  sera  plus  facile  ensuite  de  l'étudier 
sous  le  rapport  artistique  en  rapprochant  les  caractères  archi- 
tectoniques  des  données  historiques. 

La  foi  fut  prêchée  dans  le  Nivernais  dès  les  premiers  siècles 
de  l'église ,  mais  la  ville  de  Nevers  ne  devint  siège  épiscopal 
qu'à  la  fin  du  Ve.  siècle  ou  au  commencement  du  VFe.  Saint 
Séverin ,  en  passant  à  Nevers  en  505  ,  guérit  saint  Eulade , 
notre  premier  évêque  ,  malade  depuis  deux  ans.  Saint  Eulade 


XVIIIe.  session.  ;'>l> 

«lait  donc  évoque  de  Nevers  dès  503 ,  nous  ne  trouvons 
aucune  autre  date  précise  avant  cette  époque.  La  première 
cathédrale  était  sous  le  vocable  de  saint  Gervais  et  de  saint 
Protais  qui  demeurèrent  patrons  du  diocèse  jusqu'au  IXe. 
siècle  ;  saint  Jérôme ,  évêque  de  Nevers  au  commencement 
du  IXe.  siècle ,  éprouvait  une  dévotion  toute  particulière 
pour  saint  Cyr  et  sainte  Julilte,  sa  mère;  il  construisit  dans 
sa  cathédrale,  ou  du  moins  auprès,  une  chapelle  en  l'honneur 
de  ces  saints  martyrs. 

Bientôt,  soit  que  l'ancienne  cathédrale  tombât  de  vétusté, 
soit  qu'elle  eût  été  ravagée  par  les  Sarrazins  qui  dévastaient 
alors  les  environs  de  Nevers,  soit  enfin  que  saint  Jérôme  fût 
mu  par  le  désir  de  l'agrandir,  il  conçut  le  projet  de  la  rebâtir 
et  de  mettre  son  diocèse  sous  la  protection  des  saints  qui  lui 
étaient  si  chers. 

Dieu  favorisa  son  pieux  désir  :  avec  les  secours  qu'il 
obtint  de  Charlemagne  il  put  compléter  le  projet  qu'il  avait 
déjà  mis  à  exécution  ,  et  de  plus ,  il  obtint  un  des  bras  du 
jeune  saint  Cyr,  dont  saint  Amatre,  évèque  d'Auxerre,  avait 
autrefois  transporté  le  corps  d'Orient  dans  sa  ville  épiscopale; 
rien  ne  s'opposait  plus  à  ce  que  la  nouvelle  cathédrale  fût 
sous  le  vocable  de  saint  Cyr ,  c'est  ce  qui  eut  lieu  en  effet. 

Un  siècle  plus  tard,  la  cathédrale  construite  par  saint 
Jérôme  s'écroulait  ;  Alton ,  qui  avait  été  archidiacre  de  Nevers, 
étant  monté  sur  le  siège  épiscopal  de  cette  ville  vers 
908,  entreprit  de  la  reconstruire  et  fut  assez  heureux  pour 
réussir  :  il  l'établit  sur  un  plan  carré.  Vers  933,  Cédalgrin, 
un  de  ses  successeurs,  obtint  d'Héribald,  évèque  d'Auxerre,  le 
chef  de  saint  Cyr,  que  le  roi  Raoul  lit  enchâsser  en  or. 

Un  traité  passé  entre  Hugues  II,  évèque  de  Nevers  ,  et  son 
chapitre  en  1028  d'après  Parmentier,  et  en  1031  d'après 
Guy-Coquille,  nous  apprend  que  la  cathédrale  construite  par 
Alton  n'eut  pas  une  durée  plus  longue  que  celle  que  saint 


316      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

Jérôme  avait  fait  élever.  Dans  ce  traité,  il  est  convenu 
que  les  chanoines  feront  faire  à  leurs  dépens  tout  un  côté 
de  l'église. 

L'évêque  Thibault,  en  1188  ,  fit  couvrir  l'église  cathédrale 
lapide  sectili,  en  tuiles,  ardoises  ou  dalles  :  il  est  difficile  de 
donner  une  traduction  incontestable. 

Guillaume  de  St. -Lazare  monta  sur  le  siège  épiscopal  de 
Nevers  en  1201,  il  mourut  en  1222;  l'histoire  rapporte 
qu'il  fut  le  premier  qui  fit  construire  en  pierre  la  cathédrale 
opère  lapideo  et  qu'il  fut  assez  heureux  pour  compléter  à 
peu  près  cette  construction  el  pro  magnâ  parte  peregit.  Le 
même  historien  dit  qu'en  1211  un  incendie  consuma  le  cloître 
des  chanoines  et  la  plus  grande  partie  de  l'église.  Ici  s'élève 
une  difficulté  :  Guillaume  de  St. -Lazare  exécuta-t-il  son  projet 
de  construction  avant  ou  après  l'incendie  ;  je  serais  porté  à 
croire  que  son  œuvre  aurait  été  complétée  avant  l'incendie 
et  que  toute  la  région  du  chœur ,  qui  présente  les  caractères 
du  XIVe.  et  du  XVe.  siècle,  aurait  nécessité  ces  reconstructions 
plus  récentes  par  suite  de  ce  sinistre. 

En  1280,  on  construisait  le  portail  de  St. -Christophe  ou  du 
doyenné  au  Nord,  et  en  1331  Pierre  de  La  Palu,  patriarche  de 
Jérusalem ,  consacrait  la  cathédrale  de  Nevers  en  vertu  des 
pouvoirs  à  lui  concédés  par  l'évêque  Bertrand ,  alors  malade. 

L'histoire  reste  muette  sur  les  parties  de  l'édifice  qui  appar- 
tiennent au  XIVe.  et  au  XVe.  siècle  :  nous  ne  rencontrons 
plus  que  quelques  dates  éparses.  La  sacristie  fut  construite 
en  1^73 ,  le  portail  de  Loire  et  la  chapelle  qui  le  bute  sont 
dus  à  l'évêque  Pierre  de  Fontenay  qui  les  fit  exécuter  en 
1^90.  La  tour,  commencée  en  1509  sous  l'épiscopat  de  Jean 
Boyer,  fut  terminée  en  1598  ,  sous  l'évêque  Jean  d'Albret. 

En  1590,  Louis  de  Gonzague,  duc  de  Nevers,  fitconstruire 
sous  le  sanctuaire  le  caveau  destiné  à  la  sépulture  des  évêques 
et  des  princes  de  la  maison  de  Nevers. 


XVIIIe.    SESSION.  317 

En  1739,  Fontaines  Des  Montées  Ht  couvrir  la  cathédrale 
d'ardoises ,  et  lit  élever  le  petit  clocher  de  l'horloge. 

En  1770,  Mgr.  Antoine  Tinseau  fit  exécuter  les  stalles  du 
chœur  :  ce  fut  aussi  à  lui  qu'on  fut  redevable  des  marbres 
dont  il  fut  pavé  en  1772. 

Après  avoir  jeté  un  coup-d'œil  rapide  sur  l'historique  de 
la  cathédrale,  on  suivra  avec  plus  d'intérêt  les  rapports  frap- 
pants qui  existent  entre  les  dates  conservées  par  l'histoire  et 
les  époques  indiquées  par  les  caractères  architectoniques. 
Mais  avant  d'établir  ces  rapprochements,  il  est  important 
d'étudier  sommairement  le  plan  général. 

Ce  plan  est  celui  qui  a  été  suivi  dans  toutes  les  grandes 
basiliques  du  XIIIe.  siècle;  trois  nefs  avec  déambulatoires  et 
chapelles  rayonnantes.  Nous  ne  trouvons  point  ici  de  tran- 
sept avant  le  chœur,  exception  qui  se  fait  aussi  remarquer 
à  St. -Etienne  de  Bourges;  nous  essayerons,  quand  nous 
étudierons  cette  partie  du  monument,  de  nous  rendre  compte 
de  l'absence  du  transept  oriental  :  si  nous  regrettons  de  ne 
pas  le  rencontrer ,  nous  sommes  dédommagés  par  un  tran- 
sept occidental  qui  règne  au  bas  de  la  nef,  en  sorte  que  si 
le  plan  du  XIIIe.  siècle  eût  été  complet,  et  nous  croyons 
qu'il  l'a  été,  l'église  aurait  eu  deux  transepts,  comme  elle  a 
encore  deux  absides,  l'une  orientale  et  l'autre  plus  ancienne 
placée  à  l'occident. 

Si  nous  espérons  trouver  des  traces  des  constructions  anté- 
rieures au  XIe.  siècle,  nous  ne  les  rencontrerons  que  dans 
quelques  substruclions  sans  caractère  du  transept,  et  peut- 
être  dans  les  fragments  de  chapiteaux ,  couverts  en  partie  par 
les  colonnettes  du  XIIIe.  siècle  qu'on  y  a  accolées.  Nous 
sommes  aussi  portés  à  croire  avec  certains  archéologues  que  les 
deux  colonnes  monocyliudriques  qui  partagent  les  deux  croi- 
sillons à  leur  naissance  ,  sont  des  restes  de  la  cathédrale  bâtie 
par  Alton.  Du  reste ,  cette  région ,  je  veux  dire ,  le  transept , 


318  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

remarquable  par  ses  larges  dimensions ,  ne  serait-il  pas  cons- 
truit sur  le  plan  carré  de  la  cathédrale  du  Xe.  siècle,  dont  on 
aurait  voulu  utiliser  les  fondations?  Ce  sentiment  n'est  pas 
dépourvu  de  vraisemblance.  Mais  laissons  les  constructions 
antérieures  au  XIe.  siècle,  pour  nous  occuper  de  celles  dont 
les  caractères  sont  incontestables. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  le  cachet  du  XIe. 
siècle  dans  la  crypte  de  St.-Cyr  et  dans  l'abside  occidentale 
connue  sous  le  nom  de  chapelle  de  Ste.-Julitte;  ici  nous 
trouvons  un  caractère  précis  qui  se  rencontre  encore  à  St.- 
Savinien  de  Sens  et  dans  la  crypte  de  St. -Etienne  d'Auxerre, 
ce  caractère  est  la  baguette  qui  dissimule  les  parties  angu- 
leuses des  bases ,  des  chapiteaux  et  des  corniches.  Cette  crypte 
remarquable  est  divisée  en  trois  travées.  A  Nevers,  comme 
à  Auxerre,  les  arcs-doubleaux  de  la  nef  centrale  sont  com- 
posés d'énormes  tores  qui  viennent  retomber  sur  une  des 
colonnes  engagées  dans  les  piliers  carrés ,  car  ces  piliers  sont 
flanqués  de  colonnes  cantonnées  en  croix.  St.-Savinien  de 
Sens  a  été  ,  dit-on  ,  reconstruit  vers  1028  ;  la  crypte  de  St.- 
Etienne  d'Auxerre  est ,  d'après  Lebœuf,  de  1030;  la  crypte 
de  Nevers  et  l'abside  sont  de  1028,  selon  Parmentier,  et  de 
1031  selon  Guy-Coquille;  nous  pouvons  donc  conclure  que 
cette  baguette  que  nous  remarquons  sur  les  angles  et  à  Sens, 
et  à  Auxerre,  et  à  Nevers,  est  un  des  caractères  distinctifs 
de  la  première  moitié  du  XIe.  siècle.  A  la  fin  de  ce  siècle , 
ce  caractère  disparaît. 

Il  est  facile  de  reconnaître  dans  le  transept ,  surtout  dans 
le  croisillon  septentrional ,  des  traces  du  XIIe.  siècle;  c'est  à 
cette  époque  que  nous  devons  rapporter  des  colonnes  annelées , 
des  fenêtres  au  plein-cintre,  maintenant  obstruées,  et  quelques 
substructions. 

Le  XIIIe.  siècle  présente  la  partie  la  plus  considérable  de 
l'édifice ,  l'œuvre  exécutée  si  habilement  et  sur  un  si  vaste 


XVIIIe.    SESSION.  319 

plan  par  Guillaume  de  Si. -Lazare,  l'Opus  Lapideum  dont 
nous  avons  déjà  parlé.  Pour  nous  rendre  compte  de  cette 
expression,  il  faut  nous  rappeler  que  les  maîtres  de  l'œuvre 
employaient  deux  sortes  d'ouvriers:  les  Cœmeniarii, maçons, 
et  les  Lapidarii,  tailleurs  de  pierre.  Nous  reconnaissons  dans 
les  parties  du  XIe.  et  du  XII'.  siècle,  le  travail  des  premiers, 
dans  la  construction  en  moellons;  tandis,  que  les  Lapidarii, 
employés  par  Guillaume  de  St. -Lazare,  ont  construit  en 
pierre  de  bon  appareil.  Le  XIIIe.  siècle  dont  on  ne  peut  se 
lasser  d'admirer  partout  les  belles  proportions,  les  lignes  si 
pures ,  l'ornementation  si  majestueuse ,  présente  à  Nevers  des 
détails  qu'on  rencontre  rarement  ailleurs  et  qui  lui  donnent 
une  physionomie  toute  particulière.  Des  constructions  attri- 
buées à  Guillaume  de  Saint-Lazare,  il  nous  reste  cinq  travées 
à  partir  du  transept  jusqu'à  et  compris  la  première  travée 
du  chœur  qu'on  a  ,  bien  à  tort,  distrait  de  la  nef. 

Les  piliers  qui  soutiennent  la  grande  arcade  qui  ouvre  la 
nef  centrale  à  l'intertransept  occidental ,  et  ceux  qui  soutien  - 
nent  l'arcade  qui  la  termine  à  l'intertransept  oriental  (  car 
nous  supposons  toujours  que  ce  transept  devait  exister),  sont 
garnis  d'un  plus  grand  nombre  de  colonnettes  que  les  piliers 
intermédiaires.  Ces  derniers  sont  cylindriques  et  flanqués  de 
quatre  colonnettes  au  quart  engagées  et  cantonnées  en  croix. 
Tous  les  chapiteaux  sont  ornés  de  feuilles  parfaitement  fouil- 
lées ,  tantôt  formant  la  crosse  végétale ,  tantôt  présentant  des 
touffes  artistement  jetées  contre  la  corbeille. 

Nous  avons  parlé  du  transept  oriental  qui  devait  exister 
dans  le  plan  primitif;  celte  opinion  est  conlirmée  première- 
ment par  ces  piliers  plus  saillants  et  plus  ornés  que  nous  re- 
marquons dans  la  première  travée  du  chœur,  par  cette  ar- 
cade aux  moulures  plus  fournies,  qui  évidemment  ouvrait 
l'intertransept ,  et  s'il  restait  quelque  doute  ,  nous  n'aurions 
qu'à  monter  sur  les  basses  voûtes  et  le  retour  d'équerre  du 


320      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

triforium  qu'on  y  remarque  encore  achèverait  de  nous  con- 
vaincre. 

Les  parois  sont  divisées  en  deux  étages ,  le  triforium 
obscur  ménagé  dans  l'épaisseur  des  murs  et  le  triforium 
transparent  occupant  l'étage  supérieur  ;  deux  lancettes  ac- 
colées circonscrites  dans  un  arc  en  plein-cintre  garnissent 
chacune  des  travées. 

Quant  au  premier  étage ,  véritable  triforium  avec  ses 
trois  arcades  très  fores  soutenues  par  trois  colonnettes  en 
faisceau,  c'est  la  partie  qui  a  souvent  excité  l'admiration  des 
connaisseurs  par  son  genre  d'ornementation  qu'on  rencontre 
rarement. 

Le  faisceau  de  colonnettes  soutenant  les  arcades  du  trifo- 
rium est  appuyé  sur  un  dé ,  et  h  chaque  dé  est  accolée  une 
figurine  en  forme  de  cariathide.  Toutes  ces  statuettes  ont  une 
pose  et  une  physionomie  différentes.  Les  unes  indiquent  un 
état  de  souffrance ,  les  autres  semblent  livrées  à  la  prière  ou 
plongées  dans  une  méditation  profonde ,  ou  bien  ont  les  yeux 
élevés  vers  le  ciel.  Ceux  qui  ont  fait  une  étude  spéciale  de 
l'art  chrétien  au  moyen-âge,  auront  peine  à  se  persuader 
qu'il  n'y  a  ici  qu'un  caprice  d'artiste;  la  symbolique  chré- 
tienne qui  fécondait  d'une  manière  si  admirable  le  génie  des 
artistes  dans  les  siècles  de  foi ,  a  dû  diriger  le  ciseau  des  sculp- 
teurs chargés  de  l'ornementation  de  cette  galerie.  Tous  ceux 
qui  ont  jusqu'à  présent  écrit  sur  l'église  de  Ne  vers  ont  bien 
fait  remarquer  cette  curieuse  disposition ,  mais  sans  oser  en 
donner  l'explication. 

Nous  croyons  reconnaître  dans  ces  figurines  la  grande  fa- 
mille des  enfants  d'Adam,  régénérée  par  J.-C. ,  l'église 
militante.  Pour  nous  la  terre  est  une  vallée  de  larmes,  et  c'es1 
dans  la  prière  que  nous  devons  chercher  le  remède  à  nos 
maux  ;  par  de  saintes  méditations  entretenons  en  nous  la  foi , 
et  pour  ranimer  notre  espérance  élevons  souvent  nos  regards 


xvur.    SESSION.  321 

vers  les  montagnes  saintes  d'où  nous  viendra  tont  secours  : 
souffrir,  prier,  croire,  aimer  et  espérer",  voilà  la  vie  du  chré- 
tien sur  la  terre ,  et  ces  différents  actes  semblent  être  exprimés 
par  les  poses  des  figurines. 

Ce  n'est  sans  doute  pas  sans  motif  que  cette  pensée  a  été 
traduite  contre  le  triforium  inférieur,  obscur  par  lui-même 
et  éclairé  par 'des  rayons  qui  lui  viennent  de  plus  haut;  aux 
élus  seuls  déjà  glorifiés ,  il  est  donné  de  nager  dans  un  océan 
de  lumière ,  et  avant  que  la  fureur  de  l'impiété  eût  brisé  les 
magnifiques  vitraux  qui  ornaient  la  galerie  transparente ,  on  y 
voyait  et  les  triomphes  des  saints  et  leurs  titres  au  souverain 
bonheur.  Quant  à  leurs  frères  encore  éloignés  de  la  patrie,  les 
ombres  de  la  foi  les  enveloppent  encore  ;  la  nuit  couvre  la  terre 
d'Egypte,  la  lumière  la  plus  pure  est  pour  le  peuple  dont 
Dieu  a  brisé  les  chaînes. 

Aux  retombées  des  arcs  trilobés  les  anges  viennent  com- 
pléter le  tableau.  Ces  amis  que  Dieu  dans  sa  bonté  a  donnés 
aux  hommes  semblent  ici  suspendus  entre  le  ciel  et  la  terre 
pour  indiquer  les  fonctions  qu'ils  ont  à  remplir  dans  ces  deux 
contrées.  Aux  trois  premières  travées,  à  partir  du  transept 
du  côté  du  Midi ,  ils  ont  la  main  étendue  en  signe  de  pro- 
tection ;  à  la  quatrième  travée ,  ils  montrent  du  doigt  les 
personnages  placés  au-dessous  ;  à  la  cinquième  ils  portent 
des  philactères  déroulés ,  car  ils  sont  chargés  d'inscrire  les 
bonnes  actions  des  hommes  et  de  conserver  le  souvenir  du 
juste  résigné  dans  ses  peines. 

Au  Nord,  les  deux  travées  plus  rapprochées  du  chœur 
nous  montrent  encore  les  anges  avec  des  philactères;  puis 
d'autres  anges  balancent  l'encensoir  et  portent  jusqu'au  trône 
de  Dieu  les  prières  des  saints  avec  la  fumée  de  l'encens.  Plus 
loin,  c'est  une  couronne  royale,  une  thiare  et  un  vase  qu'ils 
tiennent  entre  les  mains  et  qu'ils  montrent  aux  enfants  de 
l'exil  comme  pour  leur  indiquer   le  sacerdoce  royal  qu'ils 


322  CONÇUES   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

exerceront  un  jour,  le  trône  qui  leur  est  réservé  et  les  coupes 
pleines  de  parfums  qu'ils  offriront  de  concert  avec  les  vingt- 
quatre  vieillards  à  celui  qui  règne  dans  les  siècles  des  siècles. 
Enfin,  à  la  travée  qui  touche  le  transept  occidental,  nous 
voyons  d'autres  anges,  les  palmes  à  la  main;  c'est  la  fin  du 
combat ,  c'est  la  victoire. 

Après  avoir  contemplé  les  statuettes  du  triforium  si  remar- 
quables par  la  souplesse  de  leurs  poses ,  par  la  régularité  des 
formes ,  on  regrette  vivement  de  ne  pouvoir  étudier  tous  les 
détails  du  portail  septentrional.  Il  ne  reste  plus  que  les  ombres 
de  cet  admirable  tableau ,  dont  nous  devenons  le  sujet  par  la 
silhouette  des  personnages  qui  le  composaient.  Sous  les  niches 
trilobées  qui  garnissent  les  pieds-droits  du  portail,  étaient  les 
statues  des  apôtres  et  des  évangélistes  composant  le  jury  des 
grandes  assises  du  genre  humain,  carie  sujet  du  tympan  était 
le  jugement  dernier  sur  le  linteau  supporté  par  le  pilier  sym- 
bolique qui  sépare  la  double  baie  ;  l'archange  saint  Michel , 
tenant  en  main  la  redoutable  balance,  procédait  au  pèsement 
des  âmes;  à  sa  droite,  Abraham,  recevait  dans  son  giron 
celles  qui  avaient  supporté  l'épreuve;  à  sa  gauche,  satan  sai- 
sissait les  victimes  qui  lui  étaient  livrées,  pour  les  précipiter 
dans  l'enfer  indiqué  par  une  gueule  enflammée.  Au-dessus  le 
souverain  juge  paraissait  dans  toute  sa  gloire;  deux  person- 
nages étaient  agenouillés  à  ses  pieds;  à  droite,  Marie,  tou- 
jours bonne,  toujours  compatissante ,  qui  veut  encore  exercer 
son  rôle  d'avocate  des  pécheurs  ;  à  gauche  ,  Jean  Baptiste , 
apôtre  de  la  pénitence ,  qui  semblait  répéter  à  ceux  qui  con- 
sidéraient cet  effrayant  tableau  :  faites  pénitence,  car  la 
coignèe  est  déjà  à  la  racine  de  l'arbre.  En  un  mot,  le  grand 
sujet  du  XIIIe.  siècle  se  trouvait  exprimé  avec  tous  ses 
terribles  détails. 

Avant  de  nous  éloigner  du  XIIIe.  siècle ,  il  faut  remarquer 
qu'un  des  chapiteaux  ou  plutôt  une  guirlande  symbolique  et 


xvnr.    SESSION.  323 

historiée  qui  orne  un  des  piliers  que  nous  attribuons  à  celte 
époque  ,  n'avait  été  qu'épanuelée;  les  sculptures  indiquent  le 
X\"'.  siècle  avancé. 

La  légende  développée  sur  ce  chapiteau  est  toute  niver- 
naise  ;  c'est  le  songe  de  Charlemagne  qui  nous  a  été  conservé 
par  nos  vieux  chroniqueurs.  Lorsque  saint  Jérôme  travaillait 
à  la  construction  de  sa  nouvelle  cathédrale ,  eut  lieu  à  Paris 
une  assemblée  d'évêques  à  laquelle  il  fut  convoqué.  Après  l'as- 
semblée ,  Charlemagne  qui  y  assistait,  raconta  aux  évêques 
un  songe  qui  l'avait  fort  agité  la  nuit  précédente  :  il  se  trou- 
vait à  la  chasse ,  et  s'élant  égaré  au  milieu  d'une  foret ,  il 
aperçut  un  sanglier  furieux  qui  allait  s'élancer  sur  lui.  Sa 
première  pensée  à  la  vue  d'un  si  pressant  danger  fut  de  se  jeter 
à  genoux  et  d'implorer  la  protection  divine.  En  même  temps 
il  vit  auprès  un  enfant  nu  qui  lui  promit  de  le  délivrer  du 
danger  qu'il  courait ,  s'il  voulait  lui  donner  un  voile  pour  le 
couvrir.  L'empereur  ne  balança  pas  à  faire  cette  promesse  , 
et  aussitôt  l'enfant  sauta  sur  le  sanglier  et  le  tenant  par  ses 
défenses ,  il  le  conduisit  à  Charlemagne  qui  le  perça  de  son 
épée  et  le  tua. 

Chacun  des  évèques  réunis  faisait  des  réflexions  sur  le  songe 
extraordinaire  du  prince,  sans  cependant  donner  aucune  in- 
terprétation ,  quand  saint  Jérôme  croyant  la  circonstance 
favorable  au  pieux  projet  qu'il  avait  conçu ,  se  chargea  d'en 
donner  l'interprétation.  Il  fit  entendre  au  prince  que  son 
église  cathédrale  était  dédiée  à  saint  Cyr,  mais  qu'elle  était 
excessivement  pauvre,  car,  pendant  les  guerres,  tous  ses  biens 
lui  avaient  été  enlevés;  que  l'enfant  qui  lui  avait  apparu  était 
le  jeune  saint  Cyr  et  qu'il  réclamait ,  en  reconnaissance  de  sa 
protection,  la  restitution  des  biens  et  du  patrimoine  qui 
appartenaient  à  l'église  qui  portait  son  nom. 

Le  prince ,  pour  accomplir  sa  promesse ,  accorda  à  l'évèque 
ce  qui  lui  était  nécessaire  pour  parachever  son  œuvre ,  et  de 


Z2U  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

plus  lui  fit  rendre  les  terres  d'Urzy ,  Parzy  et  Premery  qui 
avaient  autrefois  appartenu  à  ses  prédécesseurs. 

Les  armoiries  du  chapitre  ,  le  jeune  saint  Cyr  monté  sur 
un  sanglier ,  et  celles  de  l'évêché ,  de  gueules  à  trois  châteaux 
d'or  2  et  1  au  chef  d'azur  semé  de  France,  ont  conservé  le 
souvenir  de  ce  songe,  à  l'occasion  duquel  Charlemagne  avait 
fait  briller  sa  munificence. 

Cette  légende  est  reproduite  en  partie  sur  le  chapiteau 
qui  nous  occupe.  Le  prince ,  au  pied  d'un  arbre ,  fléchit  le 
genou  devant  le  saint  enfant  monté  sur  le  sanglier,  et  se 
prépare  à  percer  de  son  épée  l'animal  furieux.  Un  autre 
chapiteau  voisin  nous  montre  un  autre  enfant  ailé,  monté 
sur  une  licorne  qui  perce  de  sa  corne  terrible  un  animal 
monstrueux  à  ailes  membraneuses  comme  la  chauve-souris. 
Ce  chapiteau  nous  paraît  être  la  traduction  symbolique  de 
la  légende.  Dans  l'iconographie  chrétienne,  la  licorne,  à 
cause  de  sa  force,  est  un  des  emblèmes  sous  lequel  on  re- 
présente J.-C.  L'animal  monstrueux  à  ailes  de  chauve-souris 
est  une  des  raille  formes  qu'on  donne  au  démon ,  esprit  de 
ténèbres;  enfin  l'âme  est  souvent  rendue  sensible  sous  les 
traits  d'un  petit  être  humain.  Charlemagne  a  dû  son  salut 
à  la  prière ,  et  nous  aussi  nous  devons  recourir  à  la  prière 
quand  l'ennemi  du  salut  nous  attaque,  n'importe  sous  quelle 
forme;  prenons  les  ailes  de  la  colombe  et  recourons  à  la 
force  de  Dieu  lui-même. 

Toute  la  région  du  chœur,  ainsi  que  plusieurs  des  cha- 
pelles rayonnantes ,  accuse  le  XIVe.  siècle  déjà  avancé ,  et 
même  le  XVe.  ;  quant  aux  chapelles  qui  flanquent  l'église 
dans  toute  sa  longueur ,  elles  sont  pour  la  plupart  de  la  fin 
du  XVe.  siècle  ou  des  premières  années  du  XVIe. 

Les  deux  chapelles  à  gauche  en  entrant  par  la  porte  du 
doyenné,  ont  excité  l'admiration  des  membres  du  Congrès, 
soit  sous  le  rapport  archéologique ,  soit  sous  le  rapport  icono- 


XTIIP.   session.  32.r> 

graphique,  La  voâtc  do  la  première  est  clone  hardiesse 
étonnante;  les  uervures  sont  ornées  de  gracieux  festons  qui 
viennent  se  réunir  à  la  clef  supendue  de  la  voûte;  c'est  un 
des  tours  de  force  des  architectes  du  commencement  du 
X\Te.  siècle. 

Le  rétable  de  l'autel  est  malheureusement  mutilé  d'une 
manière  horrible ,  le  marteau  démolisseur  de  1793  a  voulu 
faire  disparaître  le  glorieux  triomphe  de  la  mère  de  Dieu  qu'il 
représentait.  Maigre  ces  mutilations,  on  peut  encore  y  re- 
connaître la  mort  et  l'Assomption  de  Marie.  L'artiste  a  suivi  la 
légende  dorée ,  sans  cependant  la  copier  servilement  :  an 
premier  plan  c'est  Marie  mourante  environnée  des  apôtres 
parmi  lesquels  on  remarque  saint  Jean  tenant  en  main  la 
palme  virginale  dont  il  est  parlé  dans  la  légende. 

Au  second  plan,  c'est  1" Assomption  de  Marie  :  ici  le  sculp- 
teur semble  puiser  toutes  les  inspirations  de  nos  livres  saints. 
Quelle  est  celle  qui  s'élève  du  désert ,  comblée  de  délices , 
appuyée  sur  son  bien-aimé  ?  Cest  cette  pensée  qu'il  a  essayé 
de  traduire  sur  la  pierre.  Marie  s'élève  vers  les  cieux  et  J.-C. 
lui-même  accompagne  et  soutient  sa  sainte  mère,  des  rayons 
de  gloire  l'environnent ,  un  semé  d'étoiles  indiquent  soh 
nouvel  empire  ,  et  une  multitude  d'anges  escortent  leur 
reine.  Au-dessus  les  trois  personnes  de  la  Sainte  Trinité  at- 
tendent pour  la  couronner  cette  créature  privilégiée  dont  le 
nom  sera  à  l'avenir  béni  de  générations  en  générations. 

La  chapelle  voisine  n'offre  pas  dans  la  voûte  la  même  ri- 
chesse d'ornementation ,  mais  en  revanche  son  retable  l'em- 
porte sur  le  premier  sous  le  rapport  de  l'exécution.  C'est  la 
vie  détaillée  de  saint  Jean-Baptiste  depuis  la  mystérieuse  vision 
qui  a  précédé  sa  naissance  jusqu'à  sa  mort  et  ses  funérailles. 
Tous  ces  différents  tableaux,  admirablement  traités,  sont 
accompagnés  de  scènes  de  la  vie  champêtre  et  de  gracieux 
paysages  exécutés  avec  le  plus  rare  talent;  les  bords  du  ,lour- 

21 


320       CONÇUES  ARCHÉOLOCIOUE  DE  FRANCE, 

dain  surtout  sont  pleins  de  mouvement  et  de  vie.  Ce  rétable 
curieux  est  environné  d'un  cadre  orné  d'une  gracieuse  guir- 
lande et  sur  lequel  on  voit  les  armes  de  Marie  d'Albret  qui 
nous  indiquent  la  date  de  1521  à  1537. 

On  découvre  encore  ça  et  là  quelques  fresques  sous  l'épais 
badigeon  qui  couvre  les  murs  de  la  cathédrale ,  vis-à-vis  la 
porte  du  doyenné ,  c'est  une  sainte  famille  assez  bien  con- 
servée :  un  chanoine  en  soutane  rouge ,  revêtu  d'un  simple 
surplis  et  portant  l'aumusse  sur  le  bras,  est  agenouillé  devant 
la  Sainte  Vierge  tenant  son  divin  enfant.  Une  inscription  in- 
dique l'année  1412.  Vis-à-vis  la  porte  de  Loire,  une  autre 
fresque ,  un  peu  moins  ancienne  et  moins  bien  conservée , 
représente  aussi  un  chanoine  dans  le  même  costume  que  le 
précédent,  à  genoux  au  pied  d'une  croix,  avec  un  autre 
personnage  moins  bien  conservé  et  qu'il  est  difficile  de  re- 
connaître. On  lit  cette  inscription  sur  une  banderolle  qui 
part  de  la  bouche  du  chanoine  :  Me  collocet  cum  sanctorwn 
agmine ,  per  snam  cracem  qnca  manavil  sanguine.  On  sait 
que  Dreux  Godard,  chanoine  de  Nevcrs,  mort  en  1515, 
avait  fondé  un  autel  en  l'honneur  de  saint  Fiacre,  en  face 
de  la  porte  de  Loire  :  cette  fresque  était  sans  doute  au-dessus 
de  l'autel. 

Enfin,  dans  la  portion  du  transept  que  nous  attribuons  au 
XIIe.  siècle,  des  parties  de  badigeon  s'étant  détachées,  ont 
mis  à  découvert  des  fresques  plus  anciennes.  M.  de  Surigny, 
de  Màcon,  au  jugement  duquel  on  peut  se  rapporter,  les 
attribue  au  XIIe.  siècle  ou  au  commencement  du  XIIIe.  ;  il 
les  a  étudiées  avec  soin  et  a  cru  y  reconnaître  le  martyre  de 
saint  Laurent. 

Après  avoir  étudié  l'intérieur  de  cette  basilique  dont  toutes 
les  substructions ,  habilement  combinées,  présentent  un  en- 
semble imposant  et  gracieux,  coordonné  par  le  génie  des 
dilférents  siècles,  et  offrant  à  l'archéologue  un  vaste  musée 


xviii'.  session.  327 

lapidaire,  les  membres  du  Congrès  sortirent  pour  contempler 
la  magnifique  tour  qui  domine  la  vieille  cathédrale. 

Commencée,  comme  nous  l'avons  dit,  en  1509,  elle  fui 
terminée  en  1528.  Son  élévation  est  de  51m.  50e. ,  elle  se 
divise  en  trois  étages  couronnés  chacun  d'une  guirlande  de 
feuilles  entablées  et  surmontés  de  galeries  à  jour.  Quatre 
contreforts  à  tourelles  à  pans  coupés,  flanquent  les  quatre 
angles.  Le  second  et  le  troisième  étage  sont  garnis  d'élégantes 
niches  occupées  par  de  belles  statues  de  grandeur  au-dessus 
de  nature,  au  nombre  de  k5.  Ce  sont  les  personnages  de 
l'Ancien  Testament  avec  leurs  philactères,  et  quelques-uns 
avec  des  attributs  distinctifs ,  tels  que  Moïse  avec  ses  cornes 
lumineuse*  et  ses  Tables  de  la  loi  ;  David  avec  sa  harpe  et 
son  sceptre ,  etc.  ;  puis  les  apôtres ,  les  évangélistes  et  les 
saints  les  plus  célèbres,  saint  Jean-Baptiste,  sainte  Magde- 
laine  portant  le  vase  de  parfums',  saint  Etienne  revêtu  de  la 
dalmatique  :  il  tient  de  la  main  gauche  le  livre  des  Evangiles, 
et  de  la  droite  une  pierre  qui  rappelle  son  glorieux  martyre; 
saint  Michel  terrassant  le  dragon,  l'ange  Gabriel  annonçant 
la  grande  nouvelle  à  Marie,  etc.  Cette  tour  est  sans  contredit 
une  des  plus  riches  de  France. 

Le  Secrétaire- général  du  Congrès , 

Crosmer. 


RAPPORT 


Adressé  à  M.  LE  PETIT  ,  secrétaire-général  de  la  Jociélé  français,. 
SUR 

LES  CONDUITS  DU  CHÂTEAU  DE  SAINT-VERAIN 

Par  IM    I  abbé  CLÉMENT  J 

Membre  de  la  Société» 


Parmi  les  questions  qui  ont  été  agitées  à  la  dernière  ses- 
sion du  Congrès  archéologique,  tenue  à  Nevers,  il  en  est 
une  qui  m'a  semblé  fixer,  d'une  manière  particulière,  l'at- 
tention de  31.  de  Caumont  et  de  plusieurs  autres  membres 
de  la  réunion  :  je  veux  parler  de  la  question  relative  aux 
conduits  qui  circulent  dans  l'intérieur  des  murs  de  certains 
châteaux-forts  du  moyen-âge. 

La  discussion  qui  s'est  élevée  à  ce  sujet ,  et  que  j'ai  en 
l'honneur  de  soutenir,  ayant  porté  principalement  sur  les 
conduits  du  château  de  St  -Verain  (Nièvre)  ,  j'ai  voulu  les 
visiter  de  nouveau,  afin  de  mieux  m'assurer  si  l'on  peut 
réellement  leur  donner  la  destination  que  je  leur  ai  assignée 
dans  les  débats. 

J'ai  cru  que  ,  après  un  examen  attentif  des  lieux ,  il  serait 
possible  d'arriver,  quant  aux  conclusions,  à  un  résultat 
précis,  et  de  faire  disparaître  par  là  le  vague  des  suppositions 
qui  renaissent  toujours  au  sujet  de  ces  mystérieux  témoins 
de  l'industrie  d'un  autre  âge. 


xvnr.  session.  329 

Ce  résultat,  je  crois  l'avoir  obtenu,  Monsieur,  et  j'ai 
l'honneur  de  vous  l'adresser  dans  ce  mémoire ,  en  vous  lais- 
sant la  faculté  d'en  faire  tel  emploi  (|iie  bon  vous  semblera. 

Je  joins  à  ce  travail  le  plan  de  la  ville  de  St.-Verain,  afin 
de  faire  juger  de  l'ensemble  des  fortifications  qui  l'entourent, 
mais  surtout  de  la  position  du  donjon  et  de  ses  moyens  de 
défense. 

On  verra  par  la ,  ainsi  que  par  la  description  que  je  fais 
des  lieux ,  si  la  stratégie  militaire  en  usage  au  XIIIe.  siècle  , 
qui  est  l'époque  de  la  construction  de  ce  château-fort ,  n'a 
pas  dû  rendre  nécessaires  ou  au  moins  très-utiles ,  comme 
porte-voix ,  les  conduits  dont  il  est  question. 

St.-Verain  est  situé  sur  un  plan  incliné  du  Sud-Ouest  au 
Nord-Est  ;  la  forteresse  et  le  donjon  occupent  la  partie  supé- 
rieure du  plan. 

Cette  partie ,  la  plus  importante  de  la  place ,  est  protégée, 
du  côté  de  la  pente ,  par  un  triple  rang  de  fortifications ,  dont 
les  murs,  formés  d'un  blocage  compact,  ont  un  double  pare- 
ment de  pierres  appareillées,  et  s'élèvent  à  7  ou  8m.  de  hau- 
teur. L'épaisseur  de  ces  murs  est  partout ,  a  la  base ,  de  2m. 
au  moins,  et,  dans  toute  leur  étendue,  ils  sont  accompagnés, 
à  l'extérieur,  d'un  fossé  de  8m.  d'ouverture,  ayant  une  pro- 
fondeur à  peu  près  égale  à  sa  largeur. 

On  voit  déjà ,  par  ces  dispositions ,  que  la  place  était  suffi- 
samment protégée  sur  la  ligne  qui  descend  du  donjon  à  la 
partie  basse  de  la  ville,  pour  n'avoir  point  à  craindre  de 
surprise  de  ce  côté  ;  franchir  le  fossé ,  escalader  les  murs  de 
la  première,  de  la  deuxième  et  de  la  troisième  enceinte,  pour 
arriver  au  donjon  qu'il  eût  encore  fallu  attaquer  en  contre- 
bas ,  devait  paraître  chose  presqu'impossible  aux  assiégeants , 
et  cela  l'était  en  effet. 

Il  s'agit  de  savoir  si  l'ennemi  ne  pouvait  pas  tenter  une 
attaque  avec  plus  de  chances  de  réussir ,  par  d'autres  côtés , 
contre  la  forteresse  elle-même  ,  on  va  le  voir. 


330      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

La  forteresse  proprement  dite  consiste  en  un  massif  énorme 
de  maçonnerie  de  8m.  d'élévation ,  ayant  trois  faces  latérales 
unies,  reliées  ensemble  à  angle  droit  par  trois  grosses  tours; 
ces  trois  faces  correspondent,  l'une  au  Midi,  l'autre  à  l'Ouest, 
et  la  troisième  au  Nord. 

Au-dessous  et  au  milieu  du  massif,  qui  se  termine  en 
plate-forme,  s'élance,  à  une  très-grande  hauteur,  la  tour 
cylindrique  du  donjon.  Enfin  l'eau  profonde  d'un  large  fossé 
forme  un  demi-cercle ,  a  la  base  de  la  forteresse  ,  du  côté  de 
l'Ouest,  et  complète  le  système  de  défense  du  gigantesque 
manoir  féodal  et  guerrier. 

On  ne  remarque  au-delà  du  fossé ,  aucune  autre  fortifi- 
cation avancée  qui  défende  l'approche  de  la  citadelle,  à  la 
portée  des  projectiles  en  usage  à  l'époque  précitée.  Les  restes 
d'une  tour  s'observent ,  il  est  vrai ,  de  ce  côté ,  mais  à  un 
grand  éloignement ,  et  malgré  ce  point  d'observation  et  de 
résistance,  l'ennemi  pouvait,  sans  grand  effort,  venir  se 
poster  à  50"'.  du  donjon  ;  c'est  à  noter. 

Autre  côté  faible.  Il  avait  été  nécessaire  de  pratiquer, 
transversalement  au  fossé ,  sur  les  deux  points  Nord  et  Midi , 
deux  digues  en  talus,  pour  retenir  les  eaux,  ce  qui  pouvait 
fournir  un  double  passage,  pour  aborder  le  pied  de  la  forteresse. 

Il  y  avait  en  outre ,  au  côté  Nord ,  une  porte  donnant 
entrée  dans  la  première  enceinte  ,  et  à  laquelle  on  arrivait 
par  un  pont-levis  ou  un  pont  tournant  jeté  sur  le  fossé  plein 
d'eau  ,  qui  s'étendait  un  peu  au-delà. 

Enfin,  des  trois  points,  Midi,  Ouest  et  Nord,  le  plateau 
de  la  colline  à  laquelle  est  adossé  St.-Verain,  régnait  et 
règne  encore  à  la  hauteur  du  massif  de  la  citadelle. 

Cela  posé,  j'arrive  à  la  question  capitale  ,  celle  des  conduits 
pratiqués  dans  l'intérieur  des  murs;  c'est  sur  ce  point  que 
je  dois  insister. 

Je  dirai  d'abord  qu'il  n'existe  aucune  de  ces  ouvertures 
continues  dans  les  murailles  de  la  première ,  de  la  deuxième 


xvnr.    SESSION.  331 

et  de  la  troisième  enceinte,  et  la  raison  de  leur  absence  doit 
paraître  évidente  :  c'est  qu'on  était  en  sûreté  de  ce  côté,  et 
qu'il  ne  fallait  qu'une  vigilance  ordinaire  pour  prévenir  toute 
tentative  d'attaque  faite  sur  ce  point  par  les  ennemis.  On  ne 
rencontre  ces  conduits  que  dans  les  murs  de  la  forteresse  et 
du  donjon.  Cette  remarque  est  importante  ;  on  entrevoit 
déjà  par  suite  de  cette  observation  et  de  celles  qui  précèdent, 
l'usage  probable  de  ces  vides  préparés  à  dessein  ;  mais  tout 
doute  à  cet  égard  sera  levé,  je  crois,  si  l'on  examine  1". 
leur  point  de  départ ,  2°.  leur  direction  ou  leur  parcours,  et 
3°.  ce  que  j'appellerai  leur  point  d'incidence. 

Les  assiégeants  n'avaient  que  deux  moyens  d'inquiéter  les 
assiégés.  Le  premier  était  de  couper  les  digues  par  les- 
quelles étaient  retenues  les  eaux  du  fossé  qui  entourait  toute 
la  partie  du  fort  comprise  entre  les  deux  points  Nord  et  Midi, 
ou  de  se  servir  de  ces  digues  pour  s'avancer  au  pied  des  murs. 

Le  second  était  de  lancer  des  projectiles  du  liant  du  pla- 
teau; mais  ce  mode  d'attaque  devait  laisser  presqu'indiffé- 
rents  les  gens  du  château ,  à  raison  de  la  distance  à  laquelle 
on  devait  être  obligé  de  se  placer  pour  cette  opération. 

Néanmoins ,  c'était  sur  ce  point ,  mais  plus  encore  sur  les 
deux  autres  désignés  plus  haut,  qu'il  était  important  d'établir 
une  surveillance  incessante ,  surtout  en   temps   de  guerre. 

Aussi,  je  trouve  deux  conduits  qui  partent  de  l'extérieur 
de  la  forteresse ,  des  deux  points  indiqués  comme  étant  les 
plus  exposés,  c'est-à-dire  de  la  tète  des  deux  chaussées.  L'un, 
qui  correspond  exactement  à  la  digue  du  Midi ,  a  son  orifice 
dans  un  angle  saillant  du  rempart ,  à  25m.  à  peu  près  de 
la  forteresse.  Parti  de  là ,  il  va  circuler  horizontalement  dans 
les  murailles  de  la  forteresse  même,  du  côté  de  la  triple  en- 
ceinte ;  puis ,  arrivé  au  point  de  jonction  du  rempart  du 
Nord  avec  la  citadelle,  il  se  brise  à  angle  droit,  pour 
s'enfoncer  et  disparaître  dans  le  plein  du  mur. 


332  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

Ce  premier  conduit,  dont  le  parcours  est  de  75"'.  ,  a  20e. 
d'ouverture  à  son  point  de  départ ,  et  j'ai  observé  qu'à  l'en- 
droit où  il  alteinl  les  murs  de  la  forteresse,  il  acquiert  un  pei* 
plus  de  capacité. 

L'autre  digue  est  un  peu  plus  bas  que  la  porte  qui  donnai? 
entrée  dans  la  première  enceinte,  et  dont  j'ai  parlé  plus  haut- 
Là  ,  les  murs  de  fortification  ont  complètement  disparu ,  dans 
un  espace  de  20m.  ;  mais  à  l'endroit  même  où  ils  se 
reliaient  avec  celui  de  la  forteresse ,  vient  se  joindre  au  pre- 
mier conduit  un  autre  conduit  qui  partait  évidemment  d'un 
autre  angle  placé  à  la  tête  de  la  seconde  cha ussée.  Là ,  ces 
deux  conduits  n'en  font  plus  qu'un  ;  ils  ont  donc  le  même 
point  d'incidence  à  l'intérieur. 

Il  doit  déjà  paraître  au  moins  très-probable  ,  par  leurs 
points  de  dépars,  que  ces  conduits  servaient  à  mettre  en  dé- 
fense les  gardiens  du  château.  S'il  en  était  autrement,  pour- 
quoi partiraient-ils  des  seuls  points  qui  pouvaient  favoriser  le 
plus  l'approche  de  l'ennemi  ? 

Mais  à  ces  observations  viennent  s'en  joindre  d'autres  qui 
corroborent  puissamment  celte  opinion. 

La  porte  de  la  citadelle  est  à  une  très-faible  distance  de 
l'ouverture  intérieure  de  ces  deux  voies  acoustiques.  Un  pont, 
qui  devait  être  en  forme  d'escalier ,  venait  butter  contre  le 
seuil  de  la  porte  dont  le  vide  se  voit  à  3m.  au-dessus  du 
sol  extérieur.  A  côté  de  la  porte  se  trouvait  sans  doute,  dans 
le  massif  qui  supporte  le  donjon ,  un  caveau  servant  de  corps- 
de-garde.  C'est  là  que  les  deux  conduits  venaient  déboucher. 
Je  n'ai  pas  vu  ce  caveau  ;  mais  il  en  existait  de  semblables 
dans  beaucoup  de  châteaux-forts  de  la  même  époque  ,  et  r 
n'eût-on  pas  la  raison  que  j'allègue  pour  en  supposer  l'exis- 
tence ,  on  pourrait  encore  croire  qu'il  existe.  L'ouverture  en 
est  probablement  obstruée  par  les  décombres;  s'il  n'existait 
pas,  le  massif  qui  sert  de  base  au  donjon  serait  entièrement 


xvnr.  session.  333 

plein ,  et  ,  clans  ce  cas ,  il  faudrait  désespérer  de  pouvoir 
jamais  assigner  aux  conduits  dont  je  parle  un  usage  quel- 
conque,  puisqu'ils  iraient  se  perdre  sans  but  dans  le  massif 
même.  Cela  ne  peut  pas  être. 

C'est  ici  d'ailleurs  le  lieu  de  réfuter  l'opinion  d'après  la- 
quelle ces  conduits  seraient  des  moyens  de  ventilation.  Qu'ils 
aient  été  disposés  pour  cet  usage  dans  d'autres  constructions 
du  moyen-âge ,  je  l'ignore ,  mais  il  me  paraît  démontré  qu'à 
St.-Verain  le  grand  conduit  ne  pouvait  avoir  une  telle  des- 
tination. Il  eût  été  fort  inutile  de  lui  faire  parcourir  75™. 
dans  les  murs,  pour  l'amener  dans  un  appartement  qui  n'était 
séparé  du  vide  extérieur  que  par  une  muraille  de  2'". 
d'épaisseur.  On  n'eût  pas  manqué ,  du  reste ,  dans  cette  hy- 
pothèse ,  de  le  faire  ouvrir  à  l'opposé  de  celui  qui  vient  du 
Nord ,  et ,  dans  tous  les  cas  ,  on  ne  l'eût  pas  fait  arriver  par 
la  même  ouverture.  L'hypothèse  n'est  donc  pas  soutenable. 

Il  est  une  autre  observation  que  je  dois  consigner  ici 
comme  servant  h  démontrer  l'importance  qu'on  attachait  à 
ces  conduits  ,  sinon  leur  destination.  Celui  de  75m.  de 
longueur  que  j'ai  observé ,  se  maintient ,  dans  tout  ce  par- 
cours, à  0,10e.  au  plus  des  pierres  du  parement  extérieur 
des  murailles  où  il  circule.  Aussi  est-il  à  découvert  sur 
un  très-grand  espace,  où  l'on  a  fait  des  arrachements.  Il 
est  naturel  de  se  demander  pourquoi  ce  conduit  a  été  établi 
à  si  peu  de  distance  des  parois  extérieures  ,  et  non  dans  le 
centre ,  ou  dans  un  point  encore  plus  rapproché  des  parois 
intérieures  des  murs.  Pour  moi ,  je  trouve  deux  raisons  de 
cette  disposition  ,  en  raisonnant  dans  l'hypothèse  que  ces 
ouvertures  continues  étaient  des  voies  destinées  à  transmettre 
les  sons. 

On  a  cru  ,  en  premier  lieu ,  qu'étant  du  côté  où  le  mur 
était  entièrement  dégagé  de  toute  construction  ,  il  aurait  plus 
de  sonorité  ;  secondement,  on  a  pensé  qu'il  pouvait  s'obstruer, 


33fr      CONGRÈS  ARCHÉOEOGIQUE  DE  FRANCE  , 

et  l'on  s'est  réservé  la  facilité  de  le  dégorger  au  besoin  ,  en 
enlevant  les  assises  de  moellons  qu'il  suit  constamment. 

Ce  ne  peut  être  que  pour  ces  deux  raisons  qu'il  contourne, 
par  exemple,  jusqu'aux  angles  saillants  des  contreforts  ,  car 
on  aurait  pu  facilement,  plus  facilement  même  lui  faire  suivre 
une  ligne  moins  brisée.  Mais  il  est  certain  qu'en  le  pratiquant 
dans  la  partie  la  plus  concentrique  des  murs,  on  perdait  le 
double  avantage  que  j'ai  signalé. 

Je  monte  maintenant  au  donjon  ,  que  le  lecteur  veuille 
bien  m'y  suivre. 

Cberchons  avant  tout  quelle  devait  être  la  disposition  inté- 
rieure. Actuellement,  on  peut  s'assurer  qu'il  y  avait  au  moins 
trois  étages ,  car  on  y  voit  encore  dans  les  murs ,  sur  trois 
lignes  parallèles  et  horizontales  ,  les  trous  pratiqués  pour 
recevoir  l'extrémité  des  solives  destinées  à  supporter  les  plan- 
chers. Ces  trois  rangs  de  cavités,  toutes  carrées,  sont  à  la 
distance  de  3m.  1/2  les  uns  des  autres.  C'est  juste  la  hauteur 
d'un  étage. 

Il  pouvait  y  avoir  encore  d'autres  appartements  plus  haut. 
La  porte  donnait  au  levant  ;  deux  ouvertures  peu  larges  et 
peu  élevées  versaient  un  jour  obscur  à  l'intérieur  de  chaque 
étage.  En  tournant  le  donjon ,  en  dehors  ,  on  voit  à  la  paroi 
extérieure,  du  côté  du  Nord-Ouest,  une  ouverture  de  0,30e. 
de  largeur  sur  0,20e.  à  peu  près  de  hauteur.  Cette  ouverture 
est  placée  à  l"1.  à  peine  au-dessus  de  la  plate-forme  actuelle  , 
en  sorte  qu'il  faut  maintenant  se  baisser  un  peu  pour  que  l'œil 
puisse  pénétrer  dans  l'intérieur. 

C'est  là  l'orifice  unique  de  trois  conduits  de  même  forme 
que  ceux  déjà  décrits,  et  servant  très-certainement  au  même 
usage.  A  partir  de  l'orifice  même,  ces  trois  voies  acoustiques 
commencent  à  diverger.,  ce  qui  permet  de  déterminer  leur 
direction.  L'un  ,  celui  de  gauche,  paraît  s'incliner  insensible- 
ment ,  aussi  en  relrouve-l-on  la  sortie  au  rez-de-chaussée. 


XVIII".    SESSION.  3.V> 

Des  deux  autres ,  l'un  s'avance  horizontalement  dans  l'inté- 
rieur du  mur,  où  il  se  bifurque  pour  aller  aboutira  l'étage 
du  milieu,  du  côté  de  L'Est  et  de  l'Ouest;  et  l'autre  monte  à 
l'étage  supérieur ,  où  l'on  aperçoit  son  ouverture  du  côté  du 
Midi.  Je  n'ai  pas  pu  m'assurcr  s'il  se  partage,  comme  l'autre, 
pour  porter  la  voix  dans  plusieurs  directions  ,  c'est  probable  , 
il  devait  d'ailleurs  desservir  encore  les  étages  plus  élevés. 

A  leur  point  d'incidence ,  les  uns  se  brisent  à  angle  droit 
dans  l'intérieur  du  mur,  et  leur  ouverture  donne  directement 
dans  l'axe  du  donjon  ;  les  autres  s'ouvrent  obliquement  par 
rapport  aux  parois  intérieures  du  mur,  c'est-à-dire  (pie  leur 
orifice  est  en  biais. 

Mais,  chose  remarquable,  ils  débouchent  tous  dans  la  ligne 
des  planchers  ;  il  faut  même  examiner  attentivement  pour  les 
distinguer  des  trous  des  solives  ;  on  ne  les  reconnaît  qu'à  leur 
profondeur  ou  à  l'obliquité  de  leur  ouverture. 

Faudrait-il  inférer  de  là  qu'ils  n'avaient  pas  la  destination 
que  je  leur  attribue  ?  Je  ne  le  crois  pas.  Il  n'était  nullement 
nécessaire  que,  pour  être  employés  comme  conduits  auditifs, 
ils  sortissent  dans  le  \ide  des  appartements.  Cette  disposition 
de  leur  ouverture,  au  lieu  de  nuire  à  la  transmission  des  sons 
venant  du  dehors,  devait  au  contraire,  selon  moi,  la  rendre 
plus  facile.  La  vedette  qui  faisait  le  guet  au  dehors  était  sans 
doute  obligée  de  prévenir  du  danger,  la  nuit  comme  le  jour, 
et  plutôt  encore  la  nuit  que  le  jour.  Il  est  donc  présumable 
que  quelques-uns  de  ces  conduits  sortaient  à  l'endroit  où  se 
trouvaient  les  lits;  et  qu'un  tube  amenait  la  voix  du  gardien 
jusqu'à  l'oreille  des  personnes  qui  y  dormaient.  On  conviendra 
que  ce  n'était  point  là  une  précaution  exagérée,  si  l'on  sait 
se  dire  qu'il  fallait  être  constamment  sur  le  qui-vive  dans  ces 
demeures  féodales,  si  souvent  exposées  à  être  attaquées  ino- 
pinément par  des  seigneurs  rivaux  et  prompts  à  se  venger, 
ou  toujours  disposés  à  faire  des  coups  de  main.  La  voix  du 


336  CONGRÈS    ARCHEOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

gardien  qui  jetait  l'alarme ,  en  donnant  dans  le  plancher ,  et 
à  la  place  même  des  lits,  devait  produire  un  ébranlement 
facile  à  ressentir  par  les  personnes  endormies  ;  ébranlement 
qui  n'aurait  pas  eu  lieu  si  le  conduit  se  fût  ouvert  dans  le  vide 
intérieur. 

Toutes  ces  voies  acoustiques  ne  s'ouvraient  cependant  pas 
auprès  des  lits;  j'en  ai  vu  une  au  côté  droit  du  foyer  du  rez- 
de-chaussée  ,  elle  était  là  sans  doute  toujours  par  suite  des 
mêmes  précautions.  On  avait  voulu  qu'elles  sortissent  toutes 
dans  les  parties  du  château  le  plus  constamment  occupées  par 
les  habitants.  Il  en  fallait  donc  une  auprès  du  foyer ,  prin- 
cipal séjour  des  châtelains  dans  le  jour ,  pendant  une  grande 
partie  de  l'année. 

D'ailleurs  quelles  que  soient  les  suppositions  que  l'on  fasse, 
au  sujet  de  l'ouverture  de  ces  conduits,  quand  on  considère 
leur  point  de  convergence  au  dehors,  on  est  toujours  amené 
à  conclure  qu'ils  ne  pouvaient  servir  qu'à  transmettre  les 
sons.  J'ai  déjà  dit  que  l'orifice  commun  d'où  ils  partent  tous 
est  au  Nord-Ouest.  C'est  de  ce  côté,  je  prie  le  lecteur  de  le 
remarquer ,  que  les  terrains  environnants  sont  à  la  hauteur  de 
la  plate-forme  ou  terrasse  du  château.  Il  était  important  d'éta- 
blir un  poste  de  gardiens  pour  veiller  de  ce  côté  pendant  la 
nuit.  En  supposant  même  qu'il  en  existât  déjà  un  dans  l'une 
des  tours  qui  flanquent  la  forteresse  aux  angles  Nord-Ouest 
et  Sud-Ouest ,  ou  sur  les  créneaux ,  qui  vraisemblable- 
ment bordaient  le  haut  des  murs  qui  s'étendent  de  l'une  à 
l'autre  tour  de  ce  côté ,  il  fallait  encore  une  autre  sentinelle 
chargée  de  donner  l'éveil  au  château.  Elle  ne  pouvait  être 
que  là  ,  pour  être  bien  placée.  Mais  suffisait-il  que  cette  sen- 
tinelle veillât  ?  —  Évidemment  non  ;  elle  devait  avoir  un 
moyen  de  communication  avec  l'intérieur ,  qui  ne  l'obligeât 
pas  à  quitter  son  poste.  Or ,  de  ce  côté ,  il  n'existe  aucune 
autre  ouverture  qu'une  petite  fenêtre  en  forme  de  meurtrière, 


XVIIIe.    SESSION.  ?t?,l 

à  gauche  de  l'orifice  des  conduits,  et  à  la  hauteur  du  premier 
éltige.  Il  était  impossible  de  donner  l'éveil  par  cet  endroit  à 
tout  le  château  :  je  sais  que,  selon  la  remarque  du  poète, 

Le  vrai  peut  quelquefois  n'être  pas  vraisemblable , 

et  réciproquement  ;  mais  ici  la  vraisemblance  résulte  de  tant 
d'observations  qu'elle  se  convertit  en  certitude. 

J'ai  fait  connaître  au  Congrès  la  structure  de  ces  conduits. 
Ce  que  j'ai  dit  était  exact,  mais  je  veux  le  répéter  ici,  afin  de 
compléter  mon  travail. 

On  ne  semble  pas  avoir  procédé  avec  de  grandes  précautions 
pour  établir  dans  les  murs  ces  ouvertures  continues;  une 
planche  était  d'abord  posée  à  plat  sur  le  plan  où  devait  passer 
le  conduit,  et  portait  sur  un  lit  de  mortier.  Deux  autres 
étaient  placées  sur  champ,  longitudinalement  à  la  première  , 
et  sur  ses  bords;  puis  on  les  recouvrait  par  une  autre,  posée 
dans  le  même  sens,  de  manière  à  fournir  un  carré  long.  Ces 
planches  étant  ainsi  disposées,  ou  maçonnait  tout  autour,  et 
le  conduit  se  prolongeait  de  la  sorte  par  le  retrait  et  le  repla- 
cement successif  des  planches.  Il  est  facile  de  juger  que  tel 
a  été  le  moyen  employé  pour  la  confection  de  ces  ouvertures 
prolongées,  aux  traînées  faites  à  l'intérieur  par  le  mortier 
qui  s'infiltrait  dans  les  jointures  des  planches  ,  et  par  d'autres 
lignes  de  mortier  qui  coupent  transversalement  les  premières, 
à  l'endroit  où  les  planches  s'ajustaient  bout  à  bout. 

Les  planches  n'étaient  pas  du  reste  exclusivement  employées. 
On  voit  qu'on  s'est  servi ,  dans  quelques  endroits  des  murs  , 
de  pièces  de  bois  rondes  ou  carrées. 

Voilà,  M.  le  secrétaire-général,  le  résultat  complet  des 
observations  que  j'ai  faites  en  examinant  avec  soin  toutes  les 
parties  du  château-fort  de  St.-Verain,  et  des  fortifications 
qui  s'y  rattachent. 


338  CONGRÈS   ARCIIÊOI.OOIQUK    DE    FRANCE. 

Le  grandiose  et  l'étendue  des  ruines  de  celte  place  forte 
du  XIIIe.  siècle,  ou  peut-être  de  la  fin  du  XIIe.,  l'état 
parfait  de  conservation  de  quelques  pans  considérables  des 
murailles  d'enceinte,  l'imposante  grandeur  du  massif  au 
milieu  duquel  pose  le  donjon ,  et  la  majestueuse  élévation  du 
donjon  lui-même ,  quoiqu'il  soit  à  moitié  ruiné ,  toutes  ces 
choses,  dis-je,  méritent  au  plus  haut  degré  d'attirer  l'attention 
des  hommes  voués  à  l'étude  des  anciens  monuments  d'archi- 
tecture. 

Un  des  membres  les  plus  distingués  du  Congrès ,  M.  Victor 
Petit,  a  signalé  ces  restes  gigantesques  de  fortifications, 
comme  devant  être  cilés  et  classés  parmi  les  plus  importants 
du  moyen-âge  qui  existent  en  France.  C'était  un  motif  qui , 
joint  à  d'autres,  devait  m'engagera  les  faire  connaître,  étant 
mieux  placés  qu'aucun  des  autres  membres  de  la  Société  pour 
en  faire  l'exploration. 

Je  ne  tairai  pas  que  l'intérêt  avec  lequel  vous  m'avez  inter- 
rogé vous  même  en  particulier,  pour  avoir  une  idée  plus  com- 
plète de  ces  ruines,  m'a  puissamment  stimulé. 

Enfin,  il  m'a  semblé  qu'on  était  mieux  placé  à  St.-Verain 
que  partout  ailleurs,  pour  examiner  et  résoudre  la  question 
des  conduits  muraux  traitée  au  Congrès ,  et  qui  fait  l'objet 
de  ce  mémoire. 

Il  se  peut  que  mon  opinion ,  qui  n'est  pas  nouvelle,  puis- 
qu'elle est  celle  de  beaucoup  d'autres  archéologues,  ne  soit 
pas  encore  assez  solidement  basée ,  aux  yeux  de  plusieurs 
hommes  de  la  science ,  pour  devenir  la  leur  ;  mais  si  vous 
pensez,  Monsieur,  que  ce  travail  puisse  servira  confirmer 
dans  la  même  idée  ceux  qui  se  sont  occupés  de  s'éclairer 
sur  ce  point;  si ,  surtout,  ce  que  je  dis  des  conduits  muraux 
de  St. -Verain ,  vous  paraît  applicable  à  tous  ceux  qu'on  a 
|  u  observer  ailleurs ,  je  serai  heureux  d'avoir  contribué  à  jeter 
un  plus  grand  jour  sur  cette  question,  ainsi  généralisée. 


SEANÇï 

TENUE   A   GISORS   (Eore), 

Le  samedi  4  octobre  iS."sl, 

PENDANT   LA   RÉUNION    DE   L'ASSOCIATION   NORMANDE. 


Présidence  de  M.  Stanislas  de  Saint-Geiimaix, 

Inspecteur  de  la  Société   française,  membre  de  l'Institut  des  provinces. 

Siègent  au  bureau  :  MM.  de  Caumont ,  directeur  de  la 
Société;  le  général  Rémond,  de  l'Institut  des  provinces;  le 
baron  de  Montreuil,  président  du  comice  agricole  ;  Thierry, 
maire  de  la  ville  de  Gisors;  Coville,  juge  de  paix;  de  la 
Mairie,  ancien  maire  de  Gisors,  auteur  d'une  histoire  de 
cette  ville;  Mme.  Philippe- Lemaîlre ,  membre  de  plusieurs 
Académies  ;  le  doyen  de  l'église  de  Gisors.  M.  R.  Bordeaux, 
inspecteur  divisionnaire  de  l'Association  normande ,  tient  la 
plume  comme  secrétaire.  Un  grand  nombre  de  dames  assis- 
tent à  la  séance. 

A  l'ouverture  de  la  séance,  M.  de  Saint-Germain  lit  le 
discours  suivant  qui  est  vivement  applaudi  : 

Messieurs,^ 

»  Depuis  un  certain  nombre  d'années ,  des  Congrès  scien- 
tiliques,  plus  ou  moins  complexes ,  siègent  tour  à  tour  dans 
nos  différentes  cités.  Tout  les  favorise.  Le  vœu  des  populations, 
l'accueil  des  administrations  municipales,  les  votes  des  con- 


3&0  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

seils  généraux ,  les  subventions  ministérielles ,  leur  sont  de 
précieux  encouragements ,  de  puissants  auxiliaires.  Aussi 
voit-on  ,  chaque  jour  ,  se  multiplier  leur  nombre  ,  s'accroître 
leur  importance;  et  notre  temps  pourra  vraiment  s'appeler  : 
v  Le  siècle  des  Congrès  ». 

Un  fait  général  qui  se  reproduit  avec  tant  de  persévérance, 
indique  une  tendance  formelle  de  l'époque.  Bien  des  causes, 
qu'il  serait  superflu  d'apprécier  ici ,  ont  contribué  au  rap- 
prochement des  hommes  qui  se  livraient  isolément  à  la  science, 
et  les  ont  fait  chercher  un  lien  commun ,  une  même  direc- 
tion à  leurs  travaux.  Si  les  recherches  patientes  de  l'étude 
réclament  le  silence  et  le  calme  de  la  solitude ,  il  faut  à  leurs 
résultats  le  contrôle  de  l'association  où  naissent  la  controverse 
et  la  critique.  Elaborés  dans  l'ombre  et  le  recueillement,  ils 
veulent  être  éprouvés  au  grand  jour  de  la  publicité.  Vous 
avez  donc  vu  s'établir  une  foule  de  sociétés  savantes,  et  celles- 
ci  ,  par  une  conséquence  aussi  heureuse  qu'inévitable , 
suivant  à  leur  tour  la  loi  des  individus,  ont  voulu  se  mettre 
en  communication  entr'elles  par  des  Congrès. 

Les  hommes  qui  ont  pris  la  tête  de  ce  mouvement  ont 
acquis  des  titres  imprescriptibles  à  la  reconnaissance  du 
monde  savant,  car  prévenir  les  instincts  de  son  époque,  et 
y  satisfaire  à  point  nommé,  est  le  don  de  l'esprit  supérieur  , 
véritablement  utile  à  l'humanité.  Parmi  eux,  il  en  est  un 
qui  se  distingue  encore  par  une  initiative  plus  ardente ,  un 
zèle  plus  infatigable ,  et  une  hardiesse  qu'on  aurait  taxée  de 
témérité  si  elle  n'avait  été  couronnée  d'un  plein  succès.  J'ai 
nommé  le  fondateur  de  la  Société  française  et  de  l'Association 
normande,  ces  deux  compagnies  qui  ont  déjà  tant  fait  pour 
les  sciences  et  l'industrie.  Non  content  de  les  avoir  établies 
par  des  efforts  persistants ,  des  luttes  inouies ,  et  même  au 
prix  de  grands  sacrifices  de  tous  genres,  il  a  triomphé  de 
nouveaux  obstacles  pour  couronner  son  œuvre.  Il  est  parvenu 


XVIIIe.    SESSION.  3/4 1 

à  réunir ,  à  coordonner  dans  un  même  corps  toutes  les  So- 
ciétés savantes  du  pays,  et  cette  appellation  d'Institut  des 
provinces  en  désignerait  assez  le  but  s'il  n'était  d'ailleurs 
hautement  proclamé.  Chaque  année,  maintenant,  V Institut 
des  provinces  convoque  toutes  les  Sociétés  savantes  des 
départements  à  ses  paciliques  et  solennelles  assises  ,  et  à  la 
clôture  de  sa  dernière  session,  où  les  délégués  de  soixante 
Sociétés  étaient  réunis  au  Palais  du  Luxembourg,  l'Institut 
a ,  d'une  voix  unanime  ,  décerné  à  M.  de  Caumont  le  titre  si 
légitimement  acquis  de  «  Père  des  Congrès  ». 

La  solennité  scientifique  de  Gisors,  que  nous  devons  encore 
à  la  même  impression,  se  résumera   dans  ces  deux  arts  : 
architecture  et  agriculture.   Ces  deux  arts  ne  semblent  pas 
avoir  une  liaison  bien  étroite,  mais  pourtant  ils  n'ont  qu'une 
même  origine.   Ils  sont  venus  répondre  aux  deux  plus  im- 
périeux  besoins  physiques   de  l'homme  déchu;  ils  sont  la 
conséquence  immédiate  de  la  nudité  et  de  la  faim.  L'homme 
se  trouvant  nu  se  lit  un  abri  contre  les  injures  de  l'air  ;  et 
sa  honte,  il  voulut  la  voiler,  en  établissant  un  toit  entre  le 
ciel  et  lui.  L'architecture  est  loule  dans  ce  mot  de  l'écriture  : 
Abscondit  se.  Et  l'anathème  :  In  sudore  vultus  lui  vesceris 
pane,  annonce  les  rudes  labeurs  de  l'homme  des  champs, 
présage  les  luttes  opiniâtres  du  cultivateur  avec  une  terre 
avare ,  et  contient  en  germe  les  merveilleuses  conquêtes  du 
génie  de  l'agriculteur.  D'abord  matériels  et  grossiers ,  ces  arts 
s'enrichirent  successivement  des  inventions  de  l'esprit  hu- 
main aux  prises  avec  la  matière  inerte ,  et  si  l'architecture 
semble  avoir  atteint  au  XIIIe.  siècle  son  apogée  spiritualiste, 
nous  sommes  destinés,  je  crois,  à  voir  au  XIXe.  siècle  l'agri- 
culture arriver  à  sa  dernière  puissance. 

Mais  j'abandonne  à  vos  lumières,  Messieurs,  ces  consi- 
dérations de  haute  philosophie  ,  dont  le  développement  serait 
au  moins  inopportun  en  ce  qui  touche  l'agriculture.   Moins 

22 


3/|2  CONGRES   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

qu'à  personne  il  m'appartient  d'anticiper  sur  les  intéressants 
travaux  de  la  journée  de  demain  ;  d'ailleurs  parmi  ceux  qui 
ont  l'indulgence  de  m'écouter ,  et  sans  sortir  du  comice  de 
Gisors ,  je  sais  des  hommes  à  qui  ces  questions  sont  familières , 
et  qui  les  traiteraient  au  besoin  avec  tout  ce  que  l'éloquence 
de  la  parole  peut  avoir  de  vigueur  et  de  charme. 

Dans  cette  première  séance,  uniquement  consacrée  à  l'ar- 
chéologie ,  et  qui  ne  peut  être  longue ,  nous  ne  perdrons  pas 
le  temps  en  paroles  inutiles.  Je  n'ai  plus  qu'un  mot  à  dire  du 
but  que  la  Société  française  se  propose  dans  les  visites  qu'elle 
fait  en  diverses  contrées,  et  notamment  en  venant  aujourd'hui 
prendre  sa  part  dans  cette  session.  Si  vous  consultez  les 
procès- verbaux  de  ses  séances  ,  vous  verrez  combien  elle  est 
fidèle  à  l'esprit  de  son  institution.  Elle  procède  partout  avec 
la  même  méthode.  Après  avoir  exploré  les  plus  curieux  mo- 
numents d'un  pays,  elle  ouvre  une  enquête  sur  leur  âge, 
leur  état ,  leur  entretien  ,  vote  de  généreuses  allocations  pour 
les  travaux  utiles  h  faire  ou  en  voie  d'exécution,  guide  de  ses 
conseils  les  architectes  qui  ont  le  bon  esprit  de  les  accepter  , 
combat  le  vandalisme  de  restauration ,  fait  pratiquer  des 
fouilles ,  organise  des  musées  ,  sauve  de  la  ruine  ou  de  l'oubli 
des  objets  d'antiquité,  émet  des  vœux  propres  à  fixer  l'at- 
tention publique  sur  des  points  historiques  importants , 
provoque  d'intéressantes  discussions  où  chacun  vient  s'éclairer 
et  fournir  sa  lumière ,  entend  la  lecture  de  notices  et  de 
mémoires  relatifs  aux  recherches  qu'elle  dirige ,  et  en  un 
mot  encourage  par  tous  les  moyens  qui  sont  en  son  pouvoir 
le  mouvement  archéologique.  Tous  les  ans  elle  tient  ainsi 
plusieurs  réunions  en  différents  lieux.  Le  département  de 
l'Eure  l'a  reçue  avec  reconnaissance  à  Evreux  au  mois  de 
septembre  1845,  et  à  Bcrnay  au  mois  de  juillet  18/i8.  Son 
passage  a  puissamment  stimulé  les  travailleurs. 

Sans  doute  ,  Messieurs ,  si  l'on  avait  consulté  l'importance 


xvnr.   SESSION.  34 5 

historique ,  il  y  a  long-temps  que  la  ville  de  Gisors  aurait  été 
visitée  par  la  Société  française  ,  car  dans  cette  Normandie , 
patrie  de  l'architecture  nationale  ,  où  chaque  ville,  et  presque 
chaque  village ,  a  son  église  ou  son  château  du  moyen-âge  , 
la  ville  de  Philippe-Auguste  se  distingue  glorieusement  par 
son  magnifique  donjon,  l'ensemble  et  les  piquants  détails 
de  ses  fortifications ,  son  église  où  l'art  ogival  semble  avoir 
réuni  les  plus  gracieux  produits  de  chacune  de  ses  périodes  , 
exposés  là  presque  avec  autant  de  coquetterie  que  dans  un 
musée.  Tant  de  richesses  monumentales  accumulées,  sem- 
blaient dès  long-temps  convier  les  amateurs.  Bon  nombre 
d'antiquaires,  en  effet,  n'ont  pas  attendu  jusqu'à  ce  jour 
pour  visiter  les  imposantes  ruines  auxquelles  les  dessins  et 
les  monographies  n'ont  pas  manqué.  Il  y  a  vingt  ans  que  le 
Cours  d'antiquités  monumentales  de  M.  de  Caumont  les  a 
signalées  au  touriste.  Cependant ,  il  est  bien  certain  ,  malgré 
tout ,  qu'il  y  avait  délaissement  et  abandon.  Et  pourquoi  ? 
Voici  le  mot  de  l'énigme.  Gisors  qui  avait  naguères  tant  de 
célébrité,  n'est  plus  qu'une  petite  ville  de  province.  C'est  en 
vain  qu'une  famille  d'artistes,  pour  qui  les  anciens  sculpteurs 
sur  bois  n'ont  plus  de  secrets ,  illustrent  leur  terre  natale  de 
l'éclat  d'un  talent  tout  nouveau. 

L'économie  sociale  des  temps  modernes  a  tué  Gisors  autant 
que  le  moyen-âge  l'avait  fécondé.  Mais  nous  voulons  ramener 
la  vie  dans  les  provinces ,  et  affranchir  les  communes  de  cette 
centralisation  brutale  et  encyclopédique  dont  la  conséquence 
la  plus  nette  est  l'abaissement  du  sens  moral  et  religieux ,  la 
ruine  de  l'esprit  de  nationalité.  Quand  le  sang  se  conges- 
tionne à  la  tête  ou  au  cœur ,  la  paralysie  gagne  tous  les 
membres  d'un  corps  dont  la  mort  a  bientôt  fait  sa  proie. 
Mais  la  tête  et  le  cœur  n'en  seraient  pas  moins  les  premiers 
agents  de  la  vie  pour  ne  pas  absorber  à  leur  profit  tous  les 
esprits  vitaux.   Au  contraire,    une   répartition  équitable   et 


ZkU  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE , 

naturelle  du  sang  est  le  mobile  de  la  santé.  Ainsi,  ce  n'est 
pas  une  décentralisation  radicale  que  nous  demandons ,  nous 
voulons  seulement  conjurer  les  excès ,  et  (  pour  revenir  à  la 
comparaison)  nous  voulons  prévenir  une  congestion  délétère. 
Pour  rendre  à  la  province  ce  spiraculum  vaade  l'intelligence, 
les  études  archéologiques  sont  des  moyens  efficaces  et  con- 
cluants. L'archéologie  mène  à  une  connaissance  approfondie 
de  l'histoire.  Or,  jamais,  dans  aucun  temps,  on  n'a  eu  plus 
besoin  des  leçons  de  cette  grande  expérience  des  siècles. 
Un  pays  qui  contemple  sa  splendeur  déchue  veut  la  ressusciter. 
Voilà  comment  en  étudiant  le  passé ,  on  travaille  pour  le 
présent.  A  voir  les  réhabilitations  historiques  qui  ont  lieu  de 
toutes  parts,  il  est  aisé  de  reconnaître  un  mot  d'ordre.  La 
province  s'agite  ,  elle  veut  vivre  ,  elle  vivra  ! 

Oui.  Messieurs,  elle  vivra.  Le  beau  spectacle  que  nous 
avons  sous  les  yeux  augmente  en  nous  cette  confiance,  pour 
la  province  de  Normandie  en  particulier.  Quand  on  voit  une 
petite  ville,  dénuée  de  ressources,  entreprendre  par  des 
souscriptions  volontaires  et  avec  le  dixième  à  peine  de  ses 
anciens  revenus,  d'aussi  vastes  restaurations  que  celles  du 
château-fort ,  et  conduire  ces  délicats  et  importants  travaux 
avec  un  succès  qui  atteste  de  la  part  des  directeurs  de  l'œuvre 
tant  d'intelligence  de  l'art ,  on  peut  tout  espérer  de  l'avenir. 

Honneur  à  l'administration  municipale,  qui  comprend  à  ce 
degré  les  intérêts  de  sa  commune. 

Honneur  surtout  au  chef  de  celte  administration,  dont  la 
sollicitude  avancée  est  ici  le  plus  heureux  symptôme  de  la 
régénération  des  arts  1   » 

M.  de  Caumont  au  nom  de  la  Société  française  exprime  la 
satisfaction  que  les  membres  de  cette  Société  ont  éprouvée  à 
la  vue  des  travaux  entrepris  pour  la  consolidation  et  le  dé- 
I  laicment  du  château -fort  de  (iisors,  l'une  des  plus  remar- 


xvur.  session.  3A5 

quabies  forteresses  du  inoyen-àge  qui  existent  en  France.  Il 
offre  à  M.  le  maire  de  Gisors,  qui  a  conçu  l'idée  de  ces  tra- 
vaux de  dégagement  et  qui  les  a  dirigés  avec  une  entente  par- 
faite, une  médaille  décernée  par  la  Société  française.  La 
Société  vote  en  outre  une  allocation  de  150  francs  pour  con- 
tribuer a  l'achèvement  des  mesures  prises  par  l'autorité  mu- 
nicipale pour  la  conservation  de  ce  monument  bors  ligne. 

Outre  la  grande  tour  dite  de  saint  Thomas  de  Canlorbéry 
qui  s'élève  au  milieu  du  donjon ,  il  existe  à  l'un  des  angles  de 
la  première  enceinte  de  cette  grande  forteresse ,  une  tour 
fameuse  par  une  légende  et  appelée  la  tour  du  Prisonnier.  A 
l'occasion  des  bas-reliefs  taillés  sur  la  face  intérieure  des  mu- 
railles d'une  salle  basse  de  cette  tour ,  bas-reliefs  depuis  long- 
temps célèbres,  M.  le  baron  de  Montreuil  fait  une  communi- 
cation relative  au  prisonnier  inconnu  qui  armé  ,  dit-on , 
d'un  clou  arraché  à  la  porte  de  son  cachot,  charmait  les 
longs  ennuis  de  sa  captivité  en  sculptant  ces  bas-reliefs  singu- 
liers. 

Voici  une  analyse  décolorée  du  très-attachant  récit  de  M. 
de  Montreuil ,  fait  en  partie  au  point  de  vue  historique ,  partie 
au  point  de  vue  purement  légendaire  : 

On  sait  les  recherches  tentées  à  plusieurs  reprises  pour 
découvrir  le  nom  du  captif  qui  fut  renfermé  dans  la  tour 
Ferrée ,  aujourd'hui  appelée  la  tour  du  Prisonnier.  Malgré 
l'obscurité  profonde  qui  environne  tout  ce  qui  se  rattache  à  ce 
personnage,  on  peut  supposer  que  ce  fut  un  prisonnier  d'Etat, 
conséquemment  un  homme  d'une  certaine  importance  histo- 
rique. Tout  le  monde  est  d'accord  là  dessus,  et  la  commisé- 
ration s'attache  naturellement  au  souvenir  de  ce  mystérieux 
héros.  Mais  il  est  permis  de  croire  en  outre  que  plusieurs 
infortunés ,  à  diverses  reprises ,  passèrent  de  longues  années 
sous  la  voûte  des  cachots  de  cette  tour.  Cependant  la  pensée 
publique,  comme  la  tradition  de  la  cité  de  Gisors,  résumant 


346  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRAiNCE  , 

toutes  les  infortunes ,  toutes  les  douleurs  en  une  seule , 
s'obstine  à  n'attacher  qu'une  dénomination  et  qu'une  souf- 
france au  plus  profond  des  cachots  qu'elle  renferme  :  la  tour 
du  Prisonnier  de  Gisors. 

La  chronique  locale  veut  que  ce  prisonnier  d'État  ail  cherché 
un  jour  à  s'échapper  à  la  faveur  du  relief  des  sculptures  qu'il 
avait  entaillées  dans  la  muraille ,  et  qu'étant  parvenu  à 
écarter  le  barreau  de  fer  qui  divisait  une  meurtrière  placée  à 
la  naissance  de  la  voûte,  il  se  soit  élancé  dans  les  fossés  encore 
aujourd'hui  béants  au  pied  de  la  tour.  Brisé  dans  une  chute 
affreuse,  les  gardes  avertis  par  ses  gémissements  entrecoupés 
seraient  accourus,  et  à  partir  de  ce  jour  la  nuit  du  tombeau  et 
celle  de  l'histoire  l'auraient  enveloppé. 

Quoi  qu'il  en  soit,  voici  un  document  inédit,  découvert  au 
Britisk  muséum,  et  qui  atteste  qu'à  plusieurs  reprises  cette 
tour,  si  chère  aux  amateurs  de  vieilles  légendes,  a  servi  de 
prison  à  des  personnages  notables.  Il  remonte  au  commence- 
ment du  XIVe.  siècle. 

«  A  touz  ceus  qui  ces  lettres  verront,  Jehan  Loncle,  vis- 
«  conte  de  Gisors,  salut.  Sachent  touz  que  lan  de  grâce  mil 
«  ecc  et  quatorze  le  samedi  devant  Penthecouste  nous  re- 
«  cheusmes  les  lettres  notre  segneur  le  roy  de  France  con- 
«   tenant  la  fourme  qui  ensieut  : 

«  Philippus,  Dei  gratia  Francorum  Rex ,  vicecomiti  Gi- 
«  sorcii  salutem.  Quemdam  prisionarium  nostrum  per  dilectos 
«  Oliverium  Britonis  et  Roberlum  Barbitonsoris,  servientes 
«  nostros  armorum ,  tibi  tradendum  miltimus  mandantes 
«  quatenùs  ipsum  quem  tuis  periculis  custodiri  volumus , 
«  in  turri  ferreta  talitcr  et  adèo  firmiter  mancipari  facias 
«  quodque  nullus  cum  eo  colloquium  habeat  nisi  de  speciali 
«  mandato  nostro,  quod  de  ipso  opus  fuerit  valeas  respon- 
«  dere. 

«  Par  la  vertu    desquelles  lettres  nous  faisons  assavoir  à 


XVIIIe.    SESSION.  347 

«  louz  que  le  jour  de  samedi  dessus  dil  noble  monseigneur 

«  Guillaume  de  Montagu  chevalier,   mareschal  de  lostel  de 

«•  très-excellent  prince   Odouarl  par  la  grâce  de  Dieu  roy 

«  d'Engletcrre ,  Olivier  de  la  Hoche  dit  le  Breton  et  Robert 

«  le  Barbier  serjans  (larmes  nostre  segneur  le  roy  de  France 

«  nous  baillèrent  en  garde  comme  prisonnier  monseigneur 

«  Symon  de  Macy,  chevalier,  autrement  dit  Cordelier,  et  le 

«  tenons  en  prison  el  chastel  de  G  y  sors  et  oen  certifions  nous 

«  a  touz  par  la  teneur  de  ces  lettres.  Donné  souz  le  séel  de 

«  li  vicomte  de  Gysors  l'an  dessus  dit  le  dicmenche  jour  de 

ç  Penthecouste.   » 

(Original  en  parchemin  au  Bristiah  muséum,  mss.  Cnligula ,  D. 
111,  f°.  4.) 

Mais  la  date  de  1314  écarte  tout  rapprochement  entre 
ce  prisonnier  d'Etat  et  le  personnage  qui  grava,  près  de  deux 
siècles  plus  tard,  les  bas-reliefs  en  question.  Toutefois,  ce 
document,  enseveli  à  la  Tour  de  Londres,  se  rattache  trop 
à  l'histoire  de  la  forteresse  de  Gisors  et  de  la  tour  Ferrée, 
pour  qu'il  ne  soit  pas  piquant  de  le  publier. 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  ajoute  M.  de  Monlrcuil ,  ce  cordelier , 
ce  chevalier,  monseigneur  Symon  de  Macy ,  n'est  pas  évi- 
demment le  prisonnier  que  nous  cherchons. 

«  Deux  pièces  de  1425  et  de  1430  contenant,  l'une  les 
ordres  donnés  par  le  duc  de  Bedford  à  Jean  de  Beauchamp, 
chevalier,  et  à  Jean  Boingh ,  écuyer,  bailli  de  Gisors,  pour 
passer  la  revue  de  William  Bissoplon ,  capitaine  du  Château- 
Gaillard  (1);  l'autre  contrôlant  les  20  lances  et  les  65  archers 


,1)  Paris,  16  novembre  1425.  Commission  donnée  par  le  régent 
(duc  de  Bedford)  ù  Jean  de  Beauchamp,  chevalier,  et  à  Jean  Boingh, 
écuyer,  bailli  de  Gisors,  de  passer  la  revue  de  William  Bissoplon, 
grand-maître  d'hôlel  de  la  duchesse  de  Bedford  ,  capitaine  du  Château- 
Gaillard  et  de  sa  retenue.  {Ar,lii>;s  nationales ,  K.  70,  liasse  11.  ) 


368  CONGRÈS    ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

qui  formaient  les  garnisons  de  la  ville  et  du  château  de  Gisors, 
sous  monseigneur  le  comte  de  Mortaing,  alors  son  capitaine  (1  ); 
ces  deux  pièces,  dis-je,  recueillies  antérieurement  aux 
Archives  nationales,  ne  pouvaient  me  faire  perdre  de  vue 
mes  recherches.  Une  troisième  pièce  importante  met  sur  la 
trace  de  l'état  de  la  ville  de  Gisors  et  de  ses  fortifications 
quand  Ricard  Widewil  rendait  ses  comptes  d'ancien  sénéchal 
de  Gisors,  au  roi  d'Angleterre,  Henri  V  (2).  Ce  précieux 
filon  de  notre  vieille  histoire  irritait  ma  curiosité  sans  la  satis- 
faire, lorsqu'un  autre,  plus  heureux  et  me  faisant  heureux  à 
mon  tour ,  m'a  confié  les  recherches  qu'il  avait  faites  et  m'a 
chargé  de  vous  soumettre  son  travail.    » 

«  Suivant  M.  Blangis,  ancien  principal  du  collège  de  Gisors, 
qui  a  étudié  avec  une  patiente  application  la  question ,   le 

(1)  Gisors,  12  janvier  1430.  Revue  par  Giles  Dulac,  lieutenant  au 
bailliage  de  Gisors  de  M.  le  bailli  de  Rouen  et  de  Gisors,  Jehan  Chief 
d'ostel ,  grenetier  dudit  Gisors,  Jehan  (ibren,  capitaine  de  Dangu  , 
Jehan  RufTaut,  receveur  des  aides  audit  Gisors  et  Jehan  Wcnlok,  con- 
trôleur de  ladite  garnison  do  20  lances  à  cheval,  7  à  pied  et  65  archers 
formant  la  garnison  des  ville  et  château  de  Gisors  sous  Jehan  Topclif, 
écuyer,  lieutenant  de  monseigneur  le  comte  de  Morlaing,  absent, 
capitaine  dudit  lieu.  (  Archives  nationales,  hôtel  Soubise,  K.  80, 
liasse  7). 

Gisors,   1er.  février  1430.  Revue  semblable  à  la  précédente  (Ibidem). 

(2j  II  y  a  dans  les  anciennes  archives  de  l'Echiquier,  déposées  au- 
jourd'hui à  Carlton-Ride ,  un  compte  d'un  capitaine  de  Gisors,  sous 
Henri  V,  dans  lequel  on  trouverait  d'utiles  renseignements  sur  l'état 
de  la  ville  et  des  fortifications  à  celte  époque.  Ce  compte  est  intitulé  : 
Compotus  Ricardi  Widewil,  armigeri ,  nuper  tant  senescatli  ducatus 
régis  Normannie  quant  capitanei  castri  et  ville  de  Gisors  ac  turres  de 
Chaumont  in  eodem  ducatu  de  receptis ,  vadiis  et  regardis  suis  ac 
diversorum  hominum  ad  arma  et  sagiltarum  secum  super  salva  eus- 
todia  ville,  castri  et  turris  predictortim  nec  non  super  fortificationc 
executionis  dicti  officii  senescallia  infra  ducatum  prédiction  retento- 
rum.  Du  25  décembre  1421  au  mois  d'aofit  1422. 


xvnr.  skssiox.  349 

prisonnier  qui  a  gravé  ainsi  son  nom  au  milieu  des  bas-reliefs 
de  la  tour  de  Gisors  : 

O  MATER  DEl,  MEMENTO  ME! 
POVLAIN. 

ne  serait  autre  que  Wolfgang  de  Polheim,  personnage  im- 
portant de  la  cour  de  Bourgogne,  enfermé  par  ordre  du  roi 
Louis  XI.  Il  est  question  de  ce  AVolfang  Poulhain  ,  homme 
de  confiance  de  Marguerite  de  Bourgogne,  dans  l'histoire 
des  ducs  de  Bourgogne  de  M.  de  Bnrante  et  dans  les  études 
historiques  de  M.  de  Chateaubriand.  Pour  établir  que  c'est 
à  Gisors  que  ce  "Wolfang  Poulhain  fut  tenu  prisonnier,  M. 
Blangis,  cité  par  M.  de  Montreuil  ,  s'étaye  des  sculptures 
tracées  dans  la  tour.  Suivant  lui,  tous  ces  sujets,  en  appa- 
rence détachés,  se  lient  par  une  pensée  commune,  et  retra- 
cent l'histoire  et  les  affections  du  captif.  Ces  tournois,  ce 
sont  des  souvenirs  de  la  cour  de  Bourgogne;  ces  écussons 
où  figurent  des  cœurs ,  ce  seraient  les  armoiries  de  Bour- 
gogne ;  Marguerite  de  Bourgogne  elle-même  serait  repré- 
sentée sur  ces   murs Parlant  de  cette  interprétation, 

l'auteur  fait  un  récit  touchant  des  infortunes  et  de  l'amour  du 
brave  chevalier  de  Polheim...  » 

M.  Raymond  Bordeaux ,  tout  en  rendant  justice  à  ce  que 
celte  interprétation  présente  d'ingénieux,  ne  peut  y  voir  la 
base  que  d'une  légende  poétique.  Il  regrette  vivement  d'op- 
poser à  cette  attachante  chronique,  parée  de  tout  le  brillant 
de  l'imagination ,  les  objections  sèches  et  rigoureuses  de  la 
science  historique.  A  ses  yeux,  il  n'y  a  qu'un  rapprochement 
d'acceptable  :  celui  des  deux  noms  de  Poulain  et  de  Polheim. 
Quant  aux  bas-reliefs,  leur  style  atteste  qu'il  sont  postérieurs 
à  Louis  XI  et  au  moins  du  temps  de  François  p'.  Puis  M: 
Bordeaux  se  refuse  à  voir  une  idée  générale  dans  l'exécution 


350      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

de  ces  bas-reliefs.  Pour  lui ,  tous  ces  sujets  sont  le  fruit  du 
caprice;  un  prisonnier  retrouvant  dans  une  éducation  soignée 
des  notions  assez  développées  de  l'art  du  dessin,  charmait 
ses  tristes  loisirs  en  découpant  sur  le  mur,  à  l'aide  d'un  clou 
ou  d'un  couteau ,  les  sujets  populaires  à  son  époque.  Tantôt 
il  entreprenait  une  représentation  légendaire;  tantôt,  au  con- 
traire, il  retraçait  de  souvenir  quelques-uns  des  fabliaux  que 
les  sculpteurs  de  son  temps  ouvrageaient  sur  les  bahuts  ou 
les  façades  des  maisons.  Bien  loin  de  suivre  avec  constance  les 
péripéties  d'une  épopée  personnelle ,  il  allait  à  peu  près  au 
hasard,  au  gré  de  sa  fantaisie  ,  et  surtout ,  selon  les  exigences 
d'un  mince  rayon  de  soleil  qui ,  pénétrant  par  la  meurtrière, 
éclairait  la  paroi  où  l'on  remarque  ces  figures,  et  dont  il 
était  forcé  de  suivre  le  déplacement  dans  son  travail.  L'in- 
fortuné ne  pouvait  sur  un  point  travailler  que  le  matin  :  c'était 
de  l'autre  côté  de  la  tour  qu'il  devait  reporter  ses  efforts 
lorsque  venait  l'après-midi.  Tous  les  sujets  représentés  pa- 
raissent à  31.  Bordeaux  être  exactement  les  mêmes  que  ceux 
exécutés  au  commencement  du  XVIe.  siècle  sur  les  verrières, 
sur  les  boiseries  des  églises,  sur  les  poutres  des  vieilles  maisons, 
sur  les  meubles  de  vieux  chêne,  sur  les  marges  des  manuscrits 
et  dans  les  premières  gravures  sur  bois.  La  manière  de  traiter 
les  sujets  est  parfaitement  la  même  ;  les  traditions  iconogra- 
phiques de  l'époque  s'y  retrouvent  toutes  entières.  Les  scènes 
de  la  Passion,  les  souffrances  du  Christ  et  les  douleurs  de  sa 
mère,  Adam  et  Eve,  saint  Georges  combattant  le  dragon  et 
délivrant  la  vierge  de  Cappadoce ,  saint  Nicolas  et  les  trois 
enfants,  sainte  Barbe  et  la  tour  où  l'enferma  son  père,  saint 
Martin  partageant  son  manteau  avec  un  pauvre,  sont  les 
mêmes  personnages  où  son  honorable  contradicteur  voit  des 
contemporains  de  Louis  XL  Ce  diable  armé  d'un  soufflet, 
présenté  comme  un  souvenir  probable  d'Olivier- lc-Diable, 
c'est  tout  simplement  l'ennemi  acharné  de  sainte  Gudule, 


XVIIIe.    SESSION.  •  >">1 

représenté  ainsi  dans  toutes  les  images  de  celle  sainte.  La 
légende  dorée  et  les  romans  de  chevalerie,  continue  M.  Bor- 
deaux, ont  fourni  au  prisonnier  l'idée  de  tous  ses  sujets.  Ces 
animaux  où  l'on  a  voulu  voir  l'imparfaite  représentation  de 
nobles  lévriers,  ce  sont  simplement  les  semblables  des  animaux 
plus  ou  moins  fantastiques  que  les  artistes  d'alors  figuraient 
à  profusion. 

Au  reste,  la  manière  dont  ces  sujets  ont  été  traités  atteste 
que  le  personnage  inconnu  qui  les  a  tracés,  s'il  était  peu 
familier  avec  les  procédés  de  la  sculpture  et  dépourvu  des 
outils  nécessaires,  savait  donner  à  ses  figures  souvent  beau- 
coup de  tournure  et  d'entrain ,  et  n'ignorait  certainement 
pas  l'art  du  dessin.  Il  y  a  loin  de  ces  productions  tracées  il 
y  a  trois  siècles,  aux  charges  informes  que  l'on  charbonne 
à  notre  époque  sur  les  murs.  La  supériorité  du  captif  inconnu 
de  Gisors  n'est  pas  douteuse. 

M.  Bordeaux  partage  d'ailleurs  toul-à-fait  l'avis  de  M.  de 
Montreuil  quant  à  l'existence  probable  de  différents  prisonniers 
dans  cette  tour.  Les  bas-reliefs  même  ne  lui  paraissent  pas 
l'œuvre  de  la  même  main.  Il  y  en  a  de  beaucoup  mieux 
exécutés  que  les  autres.  D'ailleurs ,  comme  l'a  déjà  remarqué 
M.  Léon  de  Laborde,  dans  de  curieux  articles  sur  Gisors  (1), 


(1)  Publiés  dans  les  Annales  archéologiques  de  M.  Didron ,  t.  IX,  p. 
156. 

M.  de  la  Mairie  a  donné  sous  le  litre  de  Lettres  sur  Gisors  ,  une 
histoire  de  celle  ville.  11  existe  à  la  bibliothèque  de  Rouen  une  autre 
histoire  manuscrite  composée  au  XVIIe.  siècle  par  Itoberl  Deniau,  curé 
de  Gisors.  M.  Antoine  Passy,  ancien  préfet  de  l'Eure,  piépare,  dit-on, 
un  nouveau  travail  sur  Gisors. 

On  trouve  dans  les  Archives  de  ta  Normandie  (Caen,  182(i  )  une 
élégie  de  M.  Ern  st  de  Blosseville  sur  le  prisonnier  de  Gisors,  et  une 
ballade  sur  le  même  sujet  dans  les  Néusi tiennes  de  M.  Alphonse  Le 
Flaguais. 


352      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 

on  retrouve  plusieurs  noms  sur  ces  murs.  Outre  le  nom  de 
Povlain  tracé  en  lettres  très-visibles ,  on  peut  remarquer  un 
autre  nom  gravé  en  lettres  gothiques  courantes  et  qui  paraît 
celui  de  l'auteur  des  dessins  les  moins  parfaits.  Seulement 
où  M.  de  la  Borde  a  cru  lire  le  nom  au  moins  singulier 
d'Alexandre  le  Kalender ,  M.  Bordeaux  lirait  plutôt  celui 
de  le  Boulanger  ou  de  Bellenger,  précédé  d'un  prénom  à 
peu  près  illisible.  M.  Bordeaux,  dans  un  examen  rapide, 
lisait  Jeremie  Bellenger. 

Le  même  membre  signale  l'importance  des  archives  ren- 
fermées dans  cette  tour.  Ce  sont  celles  du  bailliage  de  Gisors, 
l'un  des  cinq  grands  bailliages  de  Normandie.  Beaucoup  de 
dossiers  sont  encore  en  place  dans  des  casiers  sur  lesquels 
on  lit  le  nom  des  justices  inférieures  qui  en  relevaieni ,  telles 
que  Averny,  Doudeauville,  Guitry,  Garencières  près  d'Evreux, 
Plessis-Hébert ,  etc.  Ces  archives  sont  donc  infiniment  pré- 
cieuses pour  l'histoire  des  circonscriptions  judiciaires  et  féo- 
dales ,  mais  elles  ont  grand  besoin  d'être  remises  en  ordre , 
car  des  amas  de  titres  en  parchemin  gisent  à  terre. 

M.  Boudin  ,  sculpteur ,  fait  passer  sous  les  yeux  des  mem- 
bres de  la  Société ,  les  dessins  très-fidèles  qu'il  a  faits  des 
sculptures  de  la  tour  du  Prisonnier. 

M.  Braine ,  professeur ,  donne  verbalement  des  détails 
historiques  sur  diverses  localités  de  la  vallée  de  la  Troesne  , 
voisine  de  Gisors.  Il  est  question  de  ces  localités  dans  divers 
documents ,  notamment  dans  les  Olim. 

M.  de  Saint-Germain,  de  l'Institut  des  provinces ,  lit  des 
fragments  de  sa  troisième  lettre  sur  le  chant  catholique,  qui 
complète  un  vaste  travail  dont  la  publication  a  été  commencée 
dans  le  Bulletin  monumental.  Celte  troisième  partie  paraîtra 
incessamment  dans  le  Bulletin. 

Mmo.  Philippe-Lemaîtrc ,  de  la  Société  française  et  de  la 
Société   libre  de  l'Eure  ,  lit  le  compte-rendu  d'une  excur- 


XV  II  Ie.  SESSION.  353 
sion  archéologique  dans  les  églises  de  la  rive  gauche  de  la 
Hille,  celles  qui  faisaient  partie  de  l'ancien  diocèse  de  Li- 
sieux.  —  En  terminant  celte  lecture  ,  suivie  d'unanimes  ap- 
plaudissements ,    M Philippe-Lemaître   émet  le  vœu  que 

l'église  de  St.-Mards,  qui  appartient  à  M,  le  comte  d'Osmoy, 
et  qui  sert  aujourd'hui  de  magasins  ruraux ,  soit  restituée  au 
culte,  (l'est  une  église  romane  qui  renferme  de  curieuses  pierres 
tombales  et  qui  est  digue  de  tout  l'intérêt  de  son  propriétaire. 

M.  de  Saint-Germain  ,  en  faisant  part  à  la  réunion  de 
l'urgence  qu'il  y  aurait  à  entreprendre  des  travaux  confor- 
tatifs  h  la  belle  église  des  Andelys ,  demande  que  la  Société 
émette  le  vœu  qu'une  commission  consultative,  mi-partie 
d'ecclésiastiques  et  d'archéologues  ,  soit  formée  par  l'admi- 
nistration pour  donner  son  avis  sur  les  travaux  entrepris  de 
toutes  parts  dans  les  églises  et  les  autres  monuments  publics. 

i\l.  Raymond  Bordeaux  appuie  vivement  cette  proposition. 
Jamais  l'opportunité  d'une  pareille  commission  n'a  été  plus 
grande.  Il  y  a  peu  d'églises  de  campagne  et  même  de  ville 
qui  n'aient  été  victimes  de  restaurations  inconsidérées.  De 
tous  côtés  on  commet  des  actes  de  vandalisme.  Tout  derniè- 
rement la  ville  de  Vernon  ,  désireuse  sans  doute  de  se  donner 
l'apparence  d'un  grand  village,  a  fait  abattre  la  porte  de  Bizy, 
qui  avait  été  élevée  à  l'entrée  de  cette  ville  par  les  ducs  de 
Fenthièvre.  Cette  porte,  en  forme  d'arc  de  triomphe,  était 
l'ornement  d'un  des  boulevards  de  Vernon.  Il  faut  espérer 
que  le  curieux  château  qui  fortifie  l'entrée  du  pont  du  côté 
de  Vernonnet  n'aura  pas  le  même  sort. 

A  Evreux  ,  la  façade  d'une  maison  de  bois  sculpté  du  com- 
mencement du  XVIe.  siècle,  et  que  tons  les  étrangers  re- 
marquaient dans  la  grande  rue,  vient  d'être  remplacée  (en 
août  1851  )  par  une  mauvaise  devanture  en  briques.  M.  Bor- 
deaux possède  heureusement  une  élévation  avec  détails  de 
cette  façade  sculptée. 


354  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE   DE    FRANCE, 

A  ce  sujet ,  M.  Bordeaux  signale  à  l'attention  des  habitants 
de  Gisors  la  curieuse  maison  de  la  renaissance  ,  en  bois 
sculpté,  qui  existe  non  loin  de  l'hôtel-de-ville  et  sur  la  façade 
de  laquelle  on  lit  : 

MARIA" — 0*   SALVTARIS*    HOSTIA*    QVAE"    COELI'PANDIS'    OSTIVM* —  MABIA* 

Il  serait  intéressant  de  rechercher  l'origine  de  cette  maison, 
fort  digne  d'être  conservée  et  qui  est  une  des  curiosités  mo- 
numentales de  la  ville. 

Revenant  au  vœu  à  émettre  pour  la  constitution  par  les 
autorités  diocésaine  et  préfectorale  ,  d'une  commission  con- 
sultative d'archéologues ,  il  signale  quelques  travaux  regret- 
tables opérés  tout  récemment  dans  les  églises  du  département. 
Un  membre  rappelle  notamment  l'étrange  idée  que  l'on  a 
eue  à  St. -André,  près  d'Evreux  ,  d'établir  un  plafond  de 
bois  de  sapin  au-dessous  des  voûtes  de  l'église,  afin,  disent  les 
auteurs  de  cette  inconcevable  opération ,  de  rendre  l'église 
moins  froide ,  sans  avoir  besoin  de  réparer  la  voûte.  On  a 
consacré  le  produit  d'une  loterie  à  «  l'exécution  de  ces  tra- 
vaux d'un  goût  moderne  et  d'un  très-bel  effet  »  selon  le 
programme. 

A  ce  sujet,  une  personne  présente  dit  quelques  mots  des 
travaux  faits  avec  une  regrettable  précipitation  dans  la  grande 
église  de  Breleuil  (Eure)  ,  dont  le  vaisseau  d'architecture  ro- 
mane a  été  transformé  presqu'en  un  clin-d'œil,  afin  de  le 
mettre  en  harmonie  avec  les  nouveaux  ornements  qui  devaient 
le  remplir.  C'est  encore  une  loterie  qui  a  servi  à  couvrir  les 
frais  de  cette  besogne  faite  à  la  hâte  et  avant  qu'aucun  ar- 
chéologue ail  été  prévenu. 

M.  de  Caumont  approuve  fort  la  création  dans  chaque  dé- 
parlement de  commissions  consultatives  d'archéologie.  Mais 
ces  commissions  doivent  être  bien  composées.  Dans  le  Cal- 
vados il  existe  une  commission  de  ce  genre,  mais  comme  elle 


XVIIIe.    SESSION.  355 

est  formée  d'architectes  et  d'employés  dos  bureaux ,  et  qu'on 
a  eu  soin  d'en  exclure  tous  ceux  précisément  dont  le  contrôle 
eût  été  efficace,  elle  ne  sert  à  rien,  si  ce  n'est  à  sanctionner 
par  une  approbation  complaisante,  des  projets  qu'une  com- 
mission plus  indépendante  eût  modifiés  ou  même  repoussés. 

Sous  le  bénéfice  de  ces  observations,  l'assemblée  adopte  la 
proposition  et  émet  le  vœu  que  M.  le  Préfet  de  l'Eure  et  î\lgr. 
l'Evèquc  d'Evreux  organisent  au  plus  vile  cette  commission 
protectrice.  Deux  membres  seront  chargés  de  transmettre  ce 
vœu  à  l'autorité. 

Un  autre  vœu  est  formulé  en  faveur  de  la  belle  église  de 
Gisors,  la  seule  du  département  de  l'Eure  qui  possède  de 
doubles  collatéraux.  Cette  église,  bien  conservée  et  que  le 
badigeon  a  généralement  respectée,  a  besoin  de  quelques  ré- 
parations, mais  la  Société  espère  que  les  travaux  seront  exé- 
cutés avec  réserve  ,  et  n'aboutiront  pas  ,  comme  en  trop 
d'endroits,  à  une  reconstruction  presque  totale. 

Le  membre  du  Conseil  de  la  Société  faisant  fonctions  de 
Secrétaire , 

Raymond  Bordeaux. 

Depuis  la  visite  de  la  Société  française  à  Gisors,  le  déblaie- 
ment du  château  a  été  continué.  On  a  ouvert  dans  la  cour  du 
donjon,  un  ancien  puits  qui,  traversant  la  motte  de  ce 
donjon ,  avait  d'abord  été  pris  pour  un  moyen  de  communi- 
cation avec  les  souterrains  de  l'enceinte  extérieure.  Ce  puits 
a  été  déblayé  jusqu'à  l'eau  :  il  est  muré ,  sur  une  grande 
profondeur ,  en  pierres  de  taille  de  très-grand  appareil.  On  a 
trouvé  au  fond,  la  mardelle,  ronde  en  dedans,  polygonale 
en  dehors,  qui  garnissait  l'orifice.  Les  décombres,  dont  ce 
puits  avait  été  rempli,  provenaient  évidemment  des  toitures 
et  des  cloisons  du  donjon  ,  car ,  parmi  ces  gravois  on  a  retrouvé 
un  bon  nombre  de  pavés  émaillés,  et  des  morceaux  d'ardoises 
d'une  épaisseur  extraordinaire. 


3">6  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

M.  Leblond,  architecte  entrepreneur  et  membre  de  la 
Société  française  à  Gisors,  qui  a  eu  l'obligeance  de  nous 
adresser  ces  détails,  a  calqué  les  pavés  éinaillés  dont  voici  les 
dessins. 


Nous  y  joignons  le  dessin  d'un  autre  pavé  de  la  même 
époque,  qui  faisait  partie  du  carrelage  de  la  chapelle  de  St.- 
Thomas  de  Càntorbéry  ,  dont  les  ves- 
tiges se  voient  encore  dans  le  donjon  , 
et  qui  n'a  été  détruite  qu'il  y  a  peu 
d'années.  Nous  avons  pris  un  calque  de 
ce  pavé ,  lors  de  la  séance  dont  nous 
venons  de  signer  le  procès-verbal. 

R.   R. 


XVIIIe.    SESSION.  357 

EXCURSION  A  SAIKT-GERS1ËR, 

PAR   LA    SOCIÉTÉ    FRANÇAISE, 

I.K    6   OCTORRK    1851. 

La  Société  française,  représentée  par  iMIM.  deCaumont,  di- 
recteur, Y'°.  deCussy,  Raymond  Bordeaux,  de  la  Bigottière  , 
EdgardLachèvre,  Stanislas  do  Saint-Germain,  et  M'"e.  Philippe- 
Lemaître,  membres  de  cette  compagnie,  et  escortée  de  plu- 
sieurs touristes  ,  quitte  Gisors  à  9  heures  du  matin  ,  pour  se 
rendre  au  bourg  de  St. -Germer.  Prenant  la  route  de  Gournay, 
elle  s'arrête  d'abord  au  château  de  Tierceville,  où  M.  le  baron 
de  Montreuil ,  de  l'Institut  des  provinces,  lui  offre  le  repas  du 
matin. 

Tierceville  est  une  belle  ,  bonne  et  élégante  propriété  ,  si- 
tuée agréablement ,  et  riche  de  tout  ce  qui  donne  du  prix  aux 
terres  du  Vexin.  Du  mamelon  verdoyant  où  s'élève  le  castel  , 
l'œil  embrasse  un  vaste  amphithéâtre  de  prairies  abondam- 
ment pourvues  de  troupeaux  ,  arrosées  par  la  rivière  d'Epte, 
et  couronnées  par  des  bois.  A  l'un  des  détours  du  jardin 
anglais,  et  sous  un  aspect  très-heureusement  ménagé,  une 
chapelle  nouvellement  construite  dresse  son  toit  et  sa  tourelle. 

Après  avoir  goûté  pendant  quelques  heures  trop  rapides  la 
cordiale  hospitalité  de  M.  et  M'"e.  de  iMontreuil ,  la  caravane , 
sous  la  conduite  du  gracieux  amphytrion  ,  reprend  sa  course 
vers  St. -Germer.  Les  chemins  de  traverse  qu'il  faut  suivre 
occasionnent  un  retard  considérable,  et  il  est  plus  de  2  heures 
lorsque  la  Société  met  pied  à  terre  sous  les  murs  mêmes  de 
la  Sainte-Chapelle,  actuellement  en  voie  de  restauration. 

Les  monuments  de  St. -Germer  ,  long-temps  oubliés  ,  sont 

23 


358      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

aujourd'hui  bien  connus  ,  au  moins  de  réputation ,  des  archéo- 
logues un  peu  au  courant  de  la  science.  Le  Bulletin  monu- 
mental en  a  maintes  fois  entretenu  ses  lecteurs  ;  les  Mémoires 
des  antiquaires  de  Picardie  ,  t.  V  ,  p.  173  ,  contiennent  une 
description  historique  de  l'église  et  de  la  chapelle ,  par  M. 
l'abbé  Jules  Corblet  ;  enfin  les  Annales  archéologiques  doivent 
à  M.  Boeswilwald  d'intéressantes  communications  sur  ce  mo- 
nastère. 

II  serait  donc  inutile  de  répéter  ce  que  tout  le  monde  peut 
déjà  savoir.  Voici  seulement  quelques  appréciations  nouvelles 
qui  s'ajouteront  aux  études  précédentes. 

En  présence  de  deux  monuments,  types  distingués  de  deux 
riches  périodes  de  l'architecture  catholique  ,  et  qui  donnent 
une  haute  idée  de  la  splendeur  de  St. -Germer,  aux  grands 
siècles  de  l'art ,  les  visiteurs  évoquent  d'abord  le  souvenir  des 
principales  phases  historiques  de  l'ancienne  abbaye. 

Sa  fondation  ,  qui  remonte  au  VIP.  siècle ,  est  l'œuvre  de 
saint  Germer  lui-même.  Ce  haut  et  puissant  seigneur  de  War- 
des ,  qui ,  selon  Louvet,  possédait  des  terres  à  dix  lieues  à  la 
ronde  ,  ce  prince  de  la  cour  de  Dagobert  Ier.  et  de  Clovis  II , 
s'était  retiré  d'un  monde  où  il  brillait  du  double  éclat  des  talents 
et  de  la  fortune ,  pour  se  vouer  aux  austérités  du  cloître.  Sur 
les  conseils  d'Audoen  (1),  archevêque  de  Rouen  ,  il  jette ,  l'an 
655  ,  au  milieu  du  désert  de  Flay  ,  les  fondements  d'un  vaste 
monastère.  Des  religieux  en  grand  nombre  viennent  peupler 
cette  solitude  ,  et  pratiquer  la  règle  de  saint  Benoît ,  sous  sa 
conduite.  Germer  meurt  le  2k  septembre  658.  Son  corps ,  in- 
humé dans  son  église  ,  est  plus  tard  transféré  à  Beauvais,  où 
le  saint  est  honoré  comme  un  patron  du  diocèse.  Après  sa 
canonisation,  l'abbaye  prend  le  nom  de  cet  illustre  fondateur. 
Anségise,  cinquième  abbé  (807),  reconstruit  le  monastère. 

(4)  Saint  Ouen,  archevêque  de  Rouen. 


xvnr.  session.  S59 

Deux  fois  ruiné  de  fond  en  comble  par  les  Normands ,  ces 
fougueux  dévastateurs  des  couvents,  il  est  réédifié  en  1036 
par  Drogon ,  quarante-unième  évèque  de  Beauvais.  A  cette 
date  semblerait  appartenir  l'église  qui  est  encore  debout,  mais 
la  construction  d'un  monastère  n'était  pas  l'affaire  d'une 
année,  et  tout  porte  à  croire  que  l'église  de  St. -Germer  ne 
fut  bâtie  que  cinquante  ans  plus  tard,  au  commencement  du 
XIIe.  siècle. 

Pierre  Guillaume  de  Vessencourt ,  appelé  par  Louvet  Guil- 
laume de  Vastcmont,  élève  en  1259,  à  l'honneur  de  la  Vierge 
Marie,  la  Sainte-Chapelle  encore  existante,  dont  la  construction 
dure  douze  ans. 

Vers  l'an  1380 ,  sous  Jean  de  Silly  ,  la  garnison  de  Gournay  , 
pendant  la  guerre  des  Bourguignons  ,  vient  fondre  les  cloches 
et  raser  les  deux  tours  et  le  portail  de  l'église.  Jean  y  fait 
quelques  réparations  qu'on  reconnaît  facilement  encore  au 
cachet  du  XIVe.  siècle. 

A  la  mort  de  l'abbé  Guy  de  Villers  de  l'Isle  Adam  ,  le  23  juin 
1536,  l'abbaye  tombe  en  commende.  En  1644,  François  Tier- 
celin  de  Brosses  ,  commendataire  ,  établit  dans  l'abbatiale  un 
collège  pour  les  gentilshommes  pauvres  de  la  contrée. 

La  destruction  définitive  du  couvent  est  consommée  par  les 
événements  de  93.  La  chapelle,  l'église,  l'abbatiale,  quelques 
autres  bâtiments  claustraux  ,  quelques  pans  des  murs  d'en- 
ceinte encore  flanqués  de  tourelles,  ont  survécu  ace  désastre. 

Un  double  intérêt  s'attache  à  la  visite  que  la  Société  française 
fait  aujourd'hui  à  St.  -Germer  ;  l'exploration  des  anciens  monu- 
ments, et  l'examen  des  travaux  de  restauration  entrepris  de- 
puis plusieurs  années.  Du  chantier  de  pierres  où  ils  sont  des- 
cendus, les  membres  de  la  Société  observent  attentivement  les 
réparations  extérieures  de  la  Sainte-Chapelle.  La  toiture  étant 
rétablie  dans  sa  forme  primitive ,  les  fenêtres  ont  pu  recon- 
quérir leurs  archivoltes  saillantes  ,  les  contreforts  leurs  pyra- 


3(30      CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE  , 

midions,  la  corniche  sa  balustrade,  le  chêneau  pluvial  ses  gar- 
gouilles. Car  dans  un  temps  où  l'entretien  du  monument  avait 
sans  doute  paru  trop  onéreux,  frontons  aigus,  pinacles,  galeries, 
gouttières  et  crachoirs  avaient  été  rasés  pour  permettre  au  toit 
d'abaisser  lourdement  ses  rallonges  économiques,  mais  peu 
tutélaires.  On  ne  sait  trop  à  qui  doit  être  attribué  cet  acte  de 
barbarie ,  soit  aux  derniers  moines ,  soit  à  l'administration  ré- 
volutionnaire de  la  commune.  Les  deux  tourelles  octogones 
formant  un  avant  corps  aux  deux  angles  de  la  chapelle ,  ont 
aussi  recouvré  leur  couronnement  pyramidal.  Elles  accom- 
pagneraient naturellement  le  portail ,  s'il  n'était  remplacé  par 
un  couloir  qui  communique  avec  l'église,  et  donne  entrée  dans 
la  chapelle.  Ces  diverses  restaurations  paraissent  bien  dans 
le  style  de  l'époque ,  mais  il  leur  manquera  long-temps  cette 
teinte  des  âges,  véritable  patine  monumentale  ,  qui  ajoute  uii 
tel  prestige  aux  anciens  édifices.  Le  mur  qui  séparait  la  cha- 
pelle de  la  voie  publique  a  été  jeté  bas ,  sans  doute  pour  faci- 
liter les  travaux.  Etait-ce  une  raison  bien  suffisante  pour  sacri- 
fier ce  pan  de  mur  d'enceinte  de  l'antique  abbaye ,  qui  était  un 
souvenir  respectable? 

En  descendant  de  l'orienta  l'occident,  on  longe  le  flanc  méri- 
dional de  la  grande  église  abbatiale  à  laquelle  la  Sainte-Chapelle 
est  annexée.  Il  est  important,  pour  bien  déterminer  l'âge  de  ce 
monument,  d'en  examiner  avec  soin  le  plan  et  l'ornementation. 
La  décoration  extérieure,  les  chapelles  en  cul-de-four  adossées 
au  rond-point,  les  contreforts  naissants ,  le  cordon  d'archivolte 
des  fenêtres  terminé  à  chaque  bout  par  une  tête  fantastique, 
la  porte  bouchée  du  croisillon  méridional  dont  les  voussures 
dentelées,  les  chapiteaux  et  la  coupe  indiquent  la  transition,  la 
grande  corniche  où  l'ogive  s'engendre  de  l'intersection  des 
cintres,  les  consoles  d'un  travail  aussi  délicat  que  varié,  tout 
accuse  le  style  roman  secondaire  du  XIIe.  siècle.  Le  dôme 
oblong  en  ardoise  qui  s'élève  sur  la  croisée  ne  datequede  1 740. 


xvill".   MissiOiN.  361 

Antérieurement ,  il  }  préexistait  une  tour  centrale  terminée 
en  batière  ,  couronnée  elle-même  d'une  dentelle  de  fer.  La 
croix  actuelle  est  une  oeuvre  de  serrurerie  assez  originale. 

M.  l'abbé  Mauger ,  chanoine-honoraire,  curé-doyen  de  St.  - 
Germer  ,  veut  bien  s'adjoindre  à  la  Société  française  ,  et  lui 
faire  les  honneurs  de  son  église  avec  une  grâce  parfaite. 

On  entre  dans  l'ancienne  enceinte  de  l'abbaye  par  une  grande 
porte  ogive  pratiquée  dans  toute  l'épaisseur  d'un  bâtiment.  En 
retour ,  on  arrive  sur  une  place  qui  sépare  l'église  de  l'abbatiale. 
A  gauche,  règne  cette  agrégation  de  bâtiments  qui  faisaient  le 
domaine  particulier  de  l'abbé ,  nous  allons  y  revenir;  à  droite  , 
est  l'église  où  nous  entrons. Ce  qui  frappe  d'abord  tout  le  monde 
est  l'absence  du  portail  :  la  façade  est  d'une  nudité  complète. 
Ce  refend  de  briques  jeté  comme  un  rideau  pour  fermer  la 
nef  et  combler  le  vide  de  la  grande  voûte,  celte  fenêtre  du  XVP. 
siècle  assez  maladroitement  encadrée  dans  cette  muraille,  cette 
galerie  ouverte  sur  les  bas-côtés ,  ces  piliers  découverts ,  enfin 
cette  maçonnerie  interrompue  des  plans  inférieurs ,  annoncent 
au  premier  coup-d'œil ,  quand  on  ne  le  sait  déjà  par  l'histoire , 
que  le  fer  de  la  destruction  est  passé  par  là.  La  porte  d'entrée 
est  moderne  et  d'un  pauvre  effet.  A  l'intérieur ,  il  y  a  une 
élévation  et  une  distribution  nobles  et  imposantes.  Comparati- 
vement à  la  nef,  le  chœur  est  très-court,  car  les  deux  rangées 
de  stalles  ne  prennent  qu'aux  transepts,  et  se  prolongent  dans 
la  nef.  Cette  économie  parait  d'ailleurs  assez  naturelle  dans  une 
église  monacale  où  les  fidèles  laïques  ne  devaient  être  admis 
que  par  exception.  Nous  faisons  la  même  remarque  qu'à  l'ex- 
térieur. Partout  la  forme  et  la  variété  des  chapiteaux,  les  mou- 
lures aplaties  des  bases  agrafées,  la  disposition  des  piliers,  le 
prolongement  du  déambulatoire  derrière  le  chœur  ,  l'égale 
élévation  du  vaisseau  ,  l'agencement  du  triforium  ,  les  arcs 
ogives  en  zigzag  du  sanctuaire,  les  chapelles  qui  rayonnent  au 
pourtour,  les  arcs  diagonaux  de  l'hémicycle  surchargés  de  rin- 


362      CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  FRANCE, 


VUE    Dl    CHOEUB    DE    SAINT-GERMEB, 


XVIIIe.    SESSION.  363 

ceaux,  les  détails  des  clefs  de  voûte,  et  particulièrement  ce 
griffon  tortillé  qui  se  mord  l'aile,  sculpté  à  jour  dans  une  cou- 


ronne, tout  ce  luxe  d'ornements,  et  surtout  le  style,  indiquent, 
à  ne  pas  s'y  méprendre  ,  l'ère  de  la  transition  du  plein-cintre 
à  l'ogive. 

Quelques  amateurs  présents  font  observer  que  l'histoire  at- 
tribue à  Dragon  ,  qui  gouvernait  l'église  de  Beauvais'au'XP. 
siècle,  la  reconstruction  de  cette  église.  M.  de  Caumont  répond 
qu'en  faisant  toutes  les  concessions  possibles  a  la  précocité  de 
l'art  dans  le  pays  de  Bray  ,  il  est  impossible  d'admettre  cette 
opinion.  Pour  les  archéologues ,  et  après  les  études  multipliées 
qui  ont  été  faites  depuis  vingt  ans,  les  pierres  valent  des  dates 
et  contredisent  au  besoin  la  chronique.  Or,  si  l'on  considère 
la  distribution  générale  ,  l'emploi  fréquent  de  l'ogive  transi- 
lionnelle  et  le  genre  des  ornements  ,  dans  cet  édiiice  ,  on  ne 


36^  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE   FRANCE, 

peut  y  méconnaître  les  caractères  du  roman  secondaire, 
connu  seulement  au  XIIe.  siècle.  Il  y  a  des  exemples  de 
ce  style  employés  au  siècle  suivant,  comme  à  St.-Tro- 
phime  d'Arles,  mais  on  n'en  connaît  pas  qui  soient  anté- 
rieurs au  XIIe.  Nul  doute  ne  saurait  donc  subsister  à  cet 
égard.  Les  membres  de  la  Société  française  partagent  l'opinion 
de  M.  de  Caumont. 

Et  puis  que  dit  l'histoire  ?  L'histoire  dit  que  l'abbaye  dé- 
truite en  906  par  Rollon  ,  à  ce  point  que  les  revenus  en  étaient 
touchés  par  l'évêque  deBeauvais,  fut  relevée  de  ses  ruines  en 
1036,  par  Drogon  surnommé  grand  bastisseur  de  moustiers. 
Est-il  question  de  l'église  ?  Point.  Rien  ne  prouve  que  la  re- 
construction du  monastère  ait  commencé  par  elle ,  et  il  est 
présumable  ,  au  contraire ,  qu'un  monument  de  cette  impor- 
tance aura  été  réservé.  Il  fallait  avant  tout  pourvoir  au  loge- 
ment des  moines  ,  qui  pouvaient  chanter  leur  office  dans  un 
temple  provisoire  ,  et  quand  l'abbaye  aura  recouvré  sa  gran- 
deur et  ses  richesses  ,  elle  aura  voulu  se  bâtir  une  église  monu- 
meniale.  Tout  cela  explique  très-bien  un  retard  de  soixante 
ans,  en  ce  moyen-âge  où  l'on  ne  se  pressait  guères,  et  où  l'on 
savait  attendre  pour  faire  en  temps  opportun  une  œuvre  digue 
et  durable. 

La  Société  fait  d'intéressantes  observations  dans  l'intérieur 
du  monument.  Le  triforium  qui  règne  sur  les  collatéraux  et 
fait  avec  eux  le  tour  du  chœur ,  est  orné  de  sculptures  d'une 
grande  richesse  ;  malheureuse- 
ment ses  triples  arcades  sont  bou- 
chées dans  la  nef.  Une  grille  en 
fer  forgé  comble  à  hauteur  d'homme 
l'enlrecolonnement  du  sanctuaire 
et  du  chœur.  M.  Bordeaux  ,  qui 
Ja  croit  du  XIIIe.  siècle  ,  en  prend 
les  dessins  que  voici. 


xvnr.  session. 


3fi5 


Le  système  de  l'ancien  pavage  en  terre  cuite,  est  assez  recon- 
naissable  par  les  fragments  qui  en  subsistent  çà  et  là.  La  nef 
était  pavée  en  carreaux  monochromes  verts  et  jaunes  alter- 
nativement ;  le  collatéral  septentrional  en  carreaux  jaunes  et 
violets,  et  le  collatéral  méridional 
en  carreaux  jaunes  et  brun-rouges. 
Dans  les  chapelles,  ce  genre  de  dé- 
coration étant  plus  recherché,  les 
carreaux  émaillés  représentent  des 
griffons ,  ou  des  dessins  qui  forment 
par  leur  assemblage  des  rosaces  ou 
des  bordures. 

sptra 


CARREAUX    ÉMAILLÉS   FO.M>    VEUT    A    DESS1.NS    JAUNES,   A    SAIXT-GERMtT.. 


366  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE   DE   FRANCE  , 

On  voil  aussi  un  autel  du  temps  dont  le  dessin  a  été  bien 
divulgué  par  le  Cours  d'antiquités  de  31.  de  Caumont  et  par 
les  Revues  archéologiques.  Ce  monument  d'un  haut  prix, 
qui  semblait  imposer  le  respect  par  sa  rareté  et  son  exé- 
cution ,  a  été  refait  à  neuf,  de  manière  à  perdre  son  cachet. 
Cependant  la  restauration  était  indispensable ,  puisqu'il  tombait 
en  ruine.  Plusieurs  colonnetles  brisées  étaient  remplacées  par 
des  pièces  de  bois  ,  le  rebord  de  la  table  sacrée  était  scié 
par  devant,  et  les  sculptures  fortement  avariées.  Mais  il  aurait 
fallu  tailler  la  pierre  à  facettes  moins  vives,  et  la  fouiller 
davantage  ,  en  un  mot  faire  de  l'art  et  non  de  la  pacotille. 


AUTEL    A    SAINT-GERMER. 


Encore  eût-il  été  convenable  de  respecter  les  fragments  du 
pavage  émaillé  de  la  chapelle  et  de  ne  pas  les  engluer  d'un 
mortier  épais  (1). 


(4)  Lorsque  M.  Paul  Durand ,  mon  purent  el  mon  ami,  découvrit  cet 


xvnr.    SESSION.  367 

De  nombreuses  dalles  funéraires  pavaient  autrefois  la  nef  et 

les  bas-côtés.  Presque  toutes  ont  disparu  ,  et  de  celles  qui  sub- 
sistent, les  gravures  au  trait  et  les  inscriptions  sont  très-allérées. 
Nous  n'insisterons  pas  sur  ces  inscriptions  tumulaires,  non 
plus  que  sur  d'autres  curiosités  architecturales  fidèlement  con- 
signées dans  l'excellente  notice  de  M.  l'abbé  Bourgeois  (1).  On 
sort  de  l'église  pour  aller  visiter  l'intérieur  de  la  Sainte- 
Chapelle,  dont  le  vestibule  est  actuellement  muré  pour  la 
convenance  des  travaux. 

En  face  du  perron  de  l'église  est  située  l'abbatiale.  La  Société 
s'arrête  un  instant  devant  le  bâtiment  principal ,  dont  le  mur 
de  façade  ,  couronné  par  un  tore  roman  primitif,  est ,  à  notre 
sens ,  le  plus  antique  morceau  de  l'abbaye.  Il  peut ,  sans  dif- 
liculté,  appartenir  aux  travaux  exécutés  au  XI*.  siècle  sous 
l'épiscopat  de  Drogon.  Cet  emplacement  a  été  occupé  dès 
l'origine  du  couvent;  car,  en  l'année  1829  ,  au  grand 
élonnement  d'ouvriers  terrassiers  qui  perçaient  une  cave  , 
d'énormes  tronçons  de  colonnes  bien  assis  sur  leurs  larges 
bases  ,  apparurent  de  distance  en  distance ,  rangés  avec 
symétrie.  Selon  toute  probabilité  ,  ces  débris  provenaient  des 
constructions  faites  si  magnifiquement  par  Anségise  ,  et  ren- 
versées par  les  Normands.  Le  collège  des  gentilshommes  fondé 
par  Tierceliu  en  16W  ,  paraît  avoir  existé  dans  cette  maison. 
Au-dessus  de  la  porte,  on  déchiffre  sur  un  écusson,  sous  le  badi- 
geon qui  le  couvre  ,  ce  mot  :  COLLEG1 VM ,  en  grandes  lettres 

autel  ou  mois  d'octobre  1835,  une  ignoble  devanture  en  papier  bleu, 
véritable  devant  de  cbeminée  du  plus  mauvais  goût ,  le  masquait  hideu- 
sement. Le  dessin  qui  l'ut  pris  immédiatement,  est  devenu  une  double 
curiosité. 

(2)  Voir  la  Description  de  l'église  abbatiale  de  St.-Germer  ,  par  M. 
l'abbé  Bourgeois,  ancien  professeur  de  rhétorique  et  d'archéologie,  au- 
jourd'hui vicaire-général  de  Béarnais.  Bulletin  monumental,  XIIIe.  vol., 
page  55. 


308  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE, 

capitales.  Le  même  abbé  commendataire  fit  reprendre  eu 
sous-œuvre  la  façade  ,  percer  la  porte  et  les  fenêtres ,  doubler 
la  maison  et  poser  la  charpente  ,  travaux  qu'on  reconnaît 
facilement  aux  caractères  du  XVIIe.  siècle.  Enfin,  cet  hôtel 
abbatial  réveille  encore  un  autre  souvenir,  souvenir  plus 
récent,  mais  que  ne  dédaignera  pas  la  Société  française.  C'est 
laque,  pendant  quatorze  ans,  a  existé  un  petit  séminaire, 
le  premier  en  France  où  l'archéologie  ait  pris  faveur.  A  me- 
sure que  paraissaient  les  volumes  du  Cours  d'antiquités  mo- 
numentales de  M.  de  Caumont  ,  ils  y  étaient  avidement  étu- 
diés. Les  élèves  des  hautes  classes,  en  guise  de  délassement , 
s'initiaient  aux  éléments  d'une  science  qui  avait  alors  tous 
les  charmes  de  la  nouveauté.  Ils  entreprenaient  des  courses 
dans  les  campagnes,  quelquefois  dans  les  villes,  pour  ap- 
pliquer leurs  connaissances  et  comparer  leurs  observations; 
ils  retrouvaient  toujours  avec  admiration  ces  beaux  types  de 
St. -Germer  qui  s'offraient  constamment  à  leurs  regards.  Le 
moyen  d'avoir  habité  ce  lieu  sans  cîre  archéologue?  (Jette 
maison  d'éducation,  si  remarquable  à  tant  de  titres,  si  re- 
grettable pour  le  pays,  a  été  transférée  à  St.-Lucicn-Iez-- 
Bcauvais,  en  1837. 

On  rentre  dans  la  chapelle  par  une  porte  latérale  de  l'élé- 
gant atrium  qui  la  précède.  Qui  a  vu  la  Sainte-Chapelle  du 
palais  de  justice  à  Paris,  connaît  celle  de  St. -Germer.  Même 
disposition,  même  économie  ,  si  ce  n'est  que  les  proportions 
sont  ici  beaucoup  moindres.  Plus  heureuse  que  le  brillant 
oratoire  de  St. -Louis,  la  chapelle  de  St. -Germer  a  conservé 
intacte  sa  grande  rose  d'un  dessin  admirablement  pur.  C'est 
une  des  plus  belles  œuvres  architectoniques  du  XIIIe.  siècle. 
Elle  va,  dit-on,  être  reprise  pierre  à  pierre,  et  probablement 
regarnie  de  vitraux,  si  l'on  peut  suffire  à  la  dépense.  Les 
vitraux  ont  disparu  partout,  excepté  dans  les  trois  fenêtres 
centrales  de  l'hémicycle.  Là ,  on  voit  quelques  traits  de  la  vie 


XVIIIe.    SliSSION.  369 

monastique  de  saint  Germer,    la    date  de  l'érection  de  la 
chapelle  ,   quelques  traits  de  la  vie  de  J.-C.   et  de  la  Sainte 


BAPTÊME    d'aMALBEBT    PAK    SAINT-OUEN. 
17e.    panneau  de  la   lrc.   fenêtre. 

Vierge.  Tous  ces  tableaux  sont  en  médaillons,  selon  l'usage 
du  XIIIe.  siècle.  Le  haut  des  vitres  est  décoré  de  la  tour  de 
Caslille  alternant  avec  des  fleurs  de  lis.  M.  de  Caumont  fait 
observer  que  ces  armes  ne  prouveraient  cependant  rien  pour 
la  date  du  monument.  Blanche  de  Castille  était  vénérée  par 
les  maçons  francs  et  les  verriers  à  l'égal  d'une  patronne,  en 
reconnaissance  de  toutes  les  fondations  architecturales  dont 
elle  avait  enrichi  le  sol  de  la  chrétienté ,  et  ces  armes  ont  été 
reproduites  pendant  plus  d'un  siècle  en  sa  mémoire.  —  La 
principale  porte  de  la  chapelle  est  latérale  et  percée  au  Nord. 
Extérieurement ,  ce  portail  présente  des  traces  bien  évidentes 
de  coloration.  La  chapelle  élait  d'ailleurs  entièrement  peinte  , 
on  peut  s'en  assurer  par  des  lavages  partiels.  Plusieurs  dalles 


370  CONGRÈS   ARCHÉOLOGIQUE    DE    FRANCE  , 

tumulaires  se  rencontraient  au  pavage.  Elles  sont  presque 
toutes  redressées. 

MM.  Bordeaux  et  Lachèvre  s'empressent  de  prendre  l'em- 
preinte des  figures  à  caractère  de  Gerardus  (Gérard  d'Hérai- 
gny,  abbé,  1216-1236)  et  de  Michad  (Michel  de Castenoy, 
abbé,  1272-1284)  qui  enrichissent  depuis  long-temps  nos  col- 
lections d'estampages.  On  a  placé,  provisoirement  sans  doute, 
la  plus  magnifique  pierre  tombale  qui  existe  à  St. -Germer, 
au  fond  même  de  la  chapelle.  Cette  pierre  était  dans  l'église , 
sous  la  marche  de  l'autel  du  transept  méridional.  31.  l'abbé 
Corblet  la  désigne,  par  inadvertance,  pour  celle  de  Guy  de 
Villiers  de  l'Isle-Adam,  qui  est  inhumé  au  bas  des  marches 
des  stalles.  C'est  la  tombe  de  Jean  de  Silly ,  trente-cinquième 
abbé,  1380-1390.  Les  plus  délicates  ciselures  l'enrichissent. 
La  tête ,  les  mains  et  la  crosse  du  père  abbé  sont  en  marbre 
blanc.  Revêtu  des  ornements  pontificaux,  celui-ci  repose 
dans  la  mort  ,  entouré  de  J. -C.  et  des  douze  apôtres. 
L'ornementation  consiste  en  une  multitude  de  colonnettes , 
de  clochetons  et  de  niches,  encadrés  dans  une  guirlande  de 
chêne.  A  l'entour,  règne  l'inscription,  très-altérée  et  a  peine 
déchiffrable  : 

Sub  liac  tumba  jacet  tumulatus 
Pius  pastor  ac  pruclcns  prclatus 
Jehanncs  de  Syliiaco  natus 

.     .     pic  rccordalionis 
Abbas  hujus  conrjregationis 
décent er  rexit 
.     .     ipse  doctor  fuit 
In 

Aspernans  cremis  custodiam 
.     .     .     oves  gubernavit 
Hinc  destructom  Xti.  ecclesiam 
malitiam 


XVIIIe.  SESSION.  37! 

.     .     quod  tenct  ci  succcssorcs 
Fore  pic  semper  oratorcs 
Num  igitur  fratres  attentius 
llix  hovtor  ut  vos  devotius 
Exoratis  pro  lanto  pastore 
Hic  ,  rclicto  mundano  labore 
Expiravit  in  anno  millcno 
.     .     .     octogeno  deno. 

L'autel  primitif  existe  encore  au  fond  de  l'abside.  Deux 
statues  du  XIIIe.  siècle,  coloriées,  sont  déposées 
sur  cet  autel.  Des  ramages  et  des  fleurons  sont 
exécutés  en  or  sur  le  fond  coloré  de  leurs  robes. 
Sur  l'une  des  statues,  cette  peinture  simule 
une  étoffe  violette  semée  d'angemmes  d'or. 
Les  draperies  de  l'autre  statue  sont  d'un  bleu 
indigo  parsemé  de  l'ornement  ci-contre  : 

On  voit  de  fort  belles   crédences  excavées  dans  le  mur 
méridional  de  l'hémicycle. 

Enfin  M.  Bordeaux  fait  aussi  un  croquis 
d'un  ornement  gravé  sur  la  pierre  tombale  de 
Gérard  d'Héraigny,  et  qui,  placé  sous  les 
pieds  de  ce  personnage,  semble  représenter 
une  espèce  de  tapis.  On  y  remarque  des  aigles 
placés  dans  des  cercles ,  et  des  points  qui  forment  par  leur 
disposition  à  peu  près  des  quinte-feuilles ,  comme  sur  cer- 
taines étoffes  très-anciennes. 

Stanislas  de  Saint-Germain, 

De  l'Institut  des  provinces. 


P.  S.  Aux  divers  précis  sur  le  prisonnier  de  Gisors  déjà  indiqués,  il 
faut  ajouter  :  La  Tour  du  prisonnier ,  article  de  M.  de  la  Mairie,  dans 
le  Bulletin  de  l'Académie  ébroïcienne,  1er.  vol.  de  d835,  p.  287; 
Blanche  d'Evrcux ,  ou  le  Prisonnier  de  Gisors ,  roman-historique  par 
Mme.  Simons-Candeille  ;  le  Prisonnier  dans  les  Légendes  rouges,  par  M. 
Famiu  ;  et  l'article  Gisors  dans  les  Voyages  dans  l'ancienne  France. 


TABLEAU 

Des   Inspecteurs    nommés  par   le   Conseil ,   aux 
termes  du  règlement  de  la  Société  (1). 

Nord M.  LEGLAY,  à  Lille. 

Pas-de-Calais M.  de  Givenchy. 

Somme M    Rigolot. 

Oise M.  l'abbé  Barradd. 

M    le  comte  DE  MÉRODE. 

Aisne M.  l'abbé  Poqcet. 

Ardennes M.  Beglot. 

Meuse. M.  E.  de  Barthélémy. 

_    .  M.    DE   BONNKUIL. 

Seine-et-Marne „ 

M.  Paty. 

Marne M.  le  comte  de  Mellet. 

Calvados M.  DE  CAUMONT,  à  Caen. 

Manche M.  le  Vie.  du  Moncel. 

Orne M.  Léon  de  La  Sicotièke. 

Eure M.  de  St.-Germain. 

Seine-Inférieure M.  de  Glanville. 

Seine M.  le  Ve.  DE  CUSSY. 

Seine-et-Oise M.  Dcchatellier. 

Yonne Mgr.  Joly,  archevêque  de  Sens. 

Aube M.  l'abbé  Tridon. 

Eure-et-Loire M.  d'Alvimare  ,  à  Dreux. 

Sarthe M.  DROUET,  au  Mans. 

M.  David,  architecte. 

Maine  et-Loire M.  Godard  Faultrier. 

Mayenne m.  de  La  Bauluère. 

(1)  Les  majuscules  distinguent  les  noms  de  MM.  les  Inspecteurs 
divisionnaires. 


INSPECTEURS   DE    DÉPARTEMENT.  373 

Loir-et-Cher M.  DE  LA  SAUSSAYE. 

M.  le  Mq  ».  de  Viisbayh. 

Cher M.  le  Mqls.  de  Vogi  é. 

Indre-et-Loire M.  l'abbé  Manckau. 

Indre M.  Cuari.emagne. 

Nièvre M    l'abbé  Cbosrier. 

Puy-de-Dôme .  M    DOUILLET ,  à  Clermont. 

Cantal M.  le  B°".  Delzons. 

Haute-Loire M 

Loire M.  Roux. 

Lozère M.  Kl  alla  y. 

Côtes-du-Nord M-  BARTHÉLÉMY. 

M 

Ille-et- Vilaine M.  Langlois. 

Finistère M.  Dcmarhalla. 

Morbihan. M.  de  Dlois. 

Loire-Inférieure M.  Nau,  architecte. 

Vienne.  .     M.  l'abbé  AUBER. 

M.    DE    CUERGÉ. 

Deux-Sèvres M.  Avril  de  la  Vergnêb. 

Charente-Inférieure M.  l'abbé  LA  CURIE. 

Vendée M.  Fillon. 

Haute  Vienne M-  Félix  DE  VERNE1LH. 

M.  l'abbé  Texier. 
Creuse M.  Bonafocs. 

Gironde M.  DES  MOULINS. 

M.  Léo  Drouym. 

Dordogne M.  le  Cte.  de  Gourgues. 

Charente M.  de  Chancel. 

Lot-et-Garonne M.  Bessières. 

Tarn-el  Garonne M.  le  baron  DE  CRAZANNES. 

Lot M.  Calvet. 

Aude M.  Mahcl. 

Arriège M 

24 


37/»  INSPECTEURS   DE   DÉPARTEMENT. 

Hérault M.  J.  RENOUVIER. 

M.  Ricard. 

Gard M.  Pelet. 

Bouches-du-Rhône M    leMis.  dk  Jessé  Charlfval. 

Vaucluse M.  Benacx. 

M.  DECOMMARMONT.àLyon. 

Rhône M.  Peyré,  à  Villefranche. 

Ardèche M.  de  Valgorge. 

Ain M.  Dupasqcier. 

Drôme M.  l'abbé  Jouve. 

Isère M.  de  Luorme. 

Côte-d'Or M.leCte.DEMONTALEMBERT. 

M.  Marion. 

Saône-et-Loire M.  du  Cissay. 

Allier M.  de  Soultrait. 

Haute-Marne M.  Giradlt  de  Prangey. 

Doubs M'  WEIS- 

M.  Victor  Huile 

Jura M.  Ed.  Clerc. 

Haute-Saône M.  de  Bcybr. 

Moselle M.  V.  SIMON. 

M.  Prost. 

Meurthe M.  Digot. 

Vosges M.  Pcton. 

Bas-Rhin M.  Arth. 

Haut  Rhin M.  Bayei.aer. 

Bureau  central. 

De  Caumont  ,  directeur. 
Le  Petit  ,  secrétaire. 
L.  Gacgain  ,  trésorier. 


LISTE  GÉNÉRALE 


Des  Membres  de  la  Société  française  pour  la 
conservation  des  Monuments  3  par  ordre  alpha- 
bétique. 


(L'astérisque  *  désigne  les  membres  delà  Société  abonnés 
au  Bulletin  monumental  (1)). 


Vhw.u  de  Vacognes  (Aniértée), 
propriétaire,  à  Bayeux. 

Alègre  (Léon) ,  peintre,  à  Bagnols 
(Gard). 

*  Alleaume-Desmottes,  proprié- 
taire, à  Pont-1'Evêque. 

Allonville  (le  comte  Pierre  d'), 

à  Moulins-les-Metz. 
Alluaud,  président  de  la  Société 

archéologique  du  Limousin,   à 

Limoges. 
Alix  (l'abbé),  Céleste-Hippolyte, 

à  Bourges. 

*  Alvimare  (Charles  d'),  à  Dreux. 
Amiet   (  l'abbé  ) ,    curé  d'Aulnay 

(  Charente-Inférieure  ). 


Anjubault,  bibliothécaire,  au 
Mans. 

*  Arbellot( l'abbé),  vicaire  de  la 
cathédrale,  à  Limoges. 

Ardant,  chef  de  bataillon  du  génie, 
à  Thionville. 

*  Arjuzox  (d'),  à  Paris. 
Arnauld  (Charles),  correspondant 

du  ministère  de  l'Intérieur,   à 
Niort. 
Astaix  ,  pharmacien  ,  à  Limoges. 

*  Auber  (l'abbé),  chanoine,  mem- 
bre de  l'Institut  des  provinces, 
à  Poitiers. 

Aubert,  propriétaire,  membre  du 
Conseil  de  l'Association  Nor- 
mande, à  Caen. 


(1)  Le  Bulletin  monumental,  qui  a  conquis  depuis  18  ans  un  rang  si 
distingué  parmi  les  publications  archéologiques  de  la  France  et  de 
l'étranger,  paraît  de  deux  mois  en  deux  mois,  illustré  d'un  grand 
nombre  de  figures. 


376       LISTE  DES  MEMBRES  DE 

Aubremer  (<T),  capitaine  d'artil- 
lerie, à  Vincennes. 

Aubry  ,  notaire  ,  à  Gorze  (  Mo- 
selle). 

Ai'dé  (Léon),  maire  de  la  ville  de 
Napoléon. 

Audierne  (l'abbé),  vicaire-général, 
à  Périgueux. 

Alger  (l'abbé),  chanoine  hono- 
raire, à  Paris. 

*  Aulanier,  aumônier  de  la  com- 
munauté des  Oiseaux,  à  Paris. 

Aumont,  avocat,  président  de  la 
Société  académique,  à  Pont- 
l'Evêque. 

Auvray  (l'abbé),  curé  de  Moult. 

*  Avril  de  La  Vergnée,  proprié- 
taire, à  Niort. 

Avril  de  La  Vergnée  (Ernest), 
avocat,  à  La  Rochelle. 

Azais,  président  de  la  Société  ar- 
chéologique ,  à  Béziers. 
B 

Bacot  de  Romans  (Jules),  pro- 
priétaire, à  Tours. 

Bailhache,  professeur  de  rhéto- 
rique, au  Mans. 

*  Baille,  architecte,  à  Bczançon. 

*  Baillif  (l'abbé),  chanoine  ho- 
noraire, au  Mans. 

Bâillon  de  La  Brosse,  proprié- 
taire, à  Saumur. 

Balthasar,  à  Arles. 

Balthasar  (l'abbé),   à  Beauvais. 

Bandeville  (l'abbé),  membre  de 
l'Académie,  à  Reims. 

Barat ,  officier  supérieur  en  re- 
traite, à  Nevers. 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

*  Barbier,  docteur-médecin,  au 
Mans. 

*  Barraud  (l'abbé),  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  Beau- 
vais. 

*  Barthélémy,  architecte,  à  Rouen. 

Barthélémy  (  Anatole  de) ,  secré- 
taire-général de  la  préfecture ,  à 
St.-Brieux. 

*  Barthélémy  (Edouard  de), 
propriétaire ,  à  Châlons. 

Basse,  ancien  député,  au  Mans. 

Bastard  (Léon  de),  archiviste 
paléographe,  à  Paris,  place  de 
Bourgogne,  n°.  3. 

Bastard  du  Mesmeur  (Le),  pro- 
priétaire, a  Rennes. 

Bastien,  curé  de  St. -Martin,  à 
Pont-a-Mousson. 

Baudouin,  architecte,  5  Avallon. 

*  Baudot,  président  de  la  Com- 
mission archéologique  de  la  Côte- 
d'Or,  à  Dijon. 

*  Baudry  (  Paul  ) ,  à  Rouen. 

*  Baux,  archiviste,  à  Bourg. 
Bazin  (Charles),  ancien  magistrat, 

au  château  de  Furnerault ,  par 
Aillant-sur-Cholon  (Yonne). 

Beauchamp  (  Charles  de  ),  proprié- 
taire, à  Pons  (  Charente-Infre.  ). 

Beaucourt  (de),  à  Mesnil-sur- 
Blangy  (Calvados). 

*  Beau  fort  (le  comte  de),  pro- 
priétaire, à  Picauville  (Manche;. 

Beaulieu,  vice-président  de  la  So- 
ciété de  statistique,  à  Niort. 

Beauluère  (de  la),  inspecteur  des 
monuments,  à  Laval. 


POUR  LA.  CONSERVATION  DES  MONUMENTS. 


177 


Beaurepaire  de  Louvagny  (le 
comte  de),  propriétaire,  à  Lou- 
vagny, près  Falaise. 

*  Béchade,  percepteur,  à  St.-Bar- 
thélemy  (  Lot-et-Garonne  ). 

*  Beglot,  propriétaire,  à  Reims. 
Bédel  ,  avocat,  au  Mans. 

*  Bellefond  (Mrae,  la  CtC8se.  de), 
à  Caen. 

*  Bellet  de  Tavernoz,  proprié- 
taire, à  Lyon. 

Bengy-Puyvallée  (de),  président 
de  la  Société  d'agriculture,  à 
Bourges. 

Bengy-Puyvallée  (Henry  de),  à 
Bourges. 

*  Bénoist,  architecte,  à  Lyon. 
Bérard  aîné,  propriétaire  ù  Pont- 
lieue  (Sarlhe). 

*  Bergeret,  architecte,  à  Lyon. 

*  Bergues  la  Garde,  membre  de 
l'Université  ,  à  Castel-Jaloux 
(Lot-et-Garonne). 

Berry  ,  conseiller  à  la  Cour  d'ap- 
pel ,  à  Bourges. 

*  Bertrand  de  Doue,  président  de 
la  Société  académique,  au  Puy. 

*  Bertrand,  doyen  de  la  Faculté 
des  Lettres,  maire  de  Caen. 

Béru  (de),  à  Béru  (Yonne). 

Bessert,  chef  d'escadron  d'artillerie 
en  retraite,  à  Metz. 

Bessières,  directeur  des  contribu- 
tions directes,  à  Pau. 

Bethuis,  avocat,  au  Mans. 

Bevière,  propriétaire,  à  Laon. 

Bezier-Lafosse,  architecte,  à  St.- 
Servan  (Ille-et-Vilaine). 


Bigant  ,  conseiller  a  la  Cour  d'ap- 
pel, a  Douai. 

Bigotière  (  de  la  ) ,  à  la  Bigotière 
(Eure). 

Bilart,  archiviste,  au  Mans. 

*  Billon,  docteur-médecin,  àLi- 
sieux. 

Binaut,  docteur  en  médecine,  à 
Lille. 

*  Bizeul,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  ù  Blain  (Loire- 
Inférieure). 

Bizy  (  le  Vte.  Adrien  de  ) ,  à  Bizy  , 
près  Guérigny  (  Nièvre  ). 

Bizy  (  le  G,e.  Gaspard  de),  à  Bizy, 
près  Guérigny. 

*  BLACAs(leducXavierde),àParis. 
Blains  (des  ),  à  Ambronay  (Ain). 

*  Blais   (l'abbé   Auguste),    curé 

deBrestot  (Eure  ). 

*  Blanchetière,  conducteur  des 
ponls-et-chaussées,  à  Caen. 

*  BLANCMESNiL(C,e.  de  ) ,  à  Paris. 
Blaudy   (l'abbé),    curé    de    St.- 

Maxime,  a  Confolens. 

*  Bligny  ,  propriétaire,  à  Rouen. 
Blin,  payeur  du  déparlement,  à 

Bourges. 

*  Blois  (  Ch.  de  ) ,  ancien  député , 
à  Qu imper. 

Blottière,  sculpteur,  au  Mans. 

Boislève-Df.sroyers,  maire,  à 
Langeais  (Indre-et-Loire). 

Boisrenaud  (le  comte  de),  pro- 
priétaire, à  Paris. 

*  Boissieu  (Alphonse  de),  à  Lyon. 
Boivin,  architecte  du  déparlement, 

à  Auxene. 


378        LISTE  DES  MEMBRES  DE 

*  Bonald  (Mgr.  de)  ,  cardinal, 
archevêque  de  Lyon. 

Bonnechose  (de) ,  à  Bayeux. 

*  Bonneuil  (le  comte  de),  à  Paris. 
Bonnetat  (  l'abbé  ) ,  curé  de  Cas- 

telnau-d'Urban. 
Bonneton,  architecte,  à  Gannat. 
Bonvouloir  (Cie.  de),  à  Morlain. 

*  Bordeaux  (Raymond),  docteur 
en  droit ,  à  Evreux. 

Bordecôte  (de),  substitut  du  pro- 
cureur de  la  République,  à  Pont- 
Audemer. 

Bossm,  horticulteur,  à  Paris. 

Bottin,  membre  de  plusieurs  Aca- 
démies ,  à  Paris. 

*  Boucher-du-Vigny,  propriétaire, 
à  Coutances. 

*  Boucher  de  Molandon  ,  à  Or- 
léans, et  à  Reuilly,  par  Pont- 
aux-Moines  (  Loiret  ). 

Bouchet  (Paul),  architecte,  au 
Mans. 

*  Boudant  (l'abbé),  membre  de 
l'Institut  des  provinces ,  curé  de 
Chantelle  (Allier). 

Boudin  ,  sculpteur  ,  à  Gisors. 
Bouet  (Ch.  ),  à  Caen. 

*  Bouillet,  membre  de  l'Institut 
des  provinces ,  à  Clermont-Fer- 
rand. 

*  Boulangé,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  ingénieur  des 
ponts-et-chaussées ,  à  Metz. 

Boulart  (Emile),  juge  de  paix,  à 
Richelieu. 

Bouquerel  de  Plainville,  pro- 
priétaire, à  Bayeux. 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

Bourassé  (l'abbé),  chanoine,  à 
Tours. 

Bourdon-Durocher  ,  officier  en  re- 
traite ,  au  Mans. 

Bourdont,  directeur  delà  fabrique 
de  verres  peints ,  à  Paris. 

Bourgeois  (Justin),  propriétaire, 
à  Saintes. 

Bourgoing  (le  C,c.  François),  à 
Paris ,  rue  de  la  Ferme-des- 
Mathurins  ,  15. 

Bocrmont  (  le  comte  Charles  de  ) , 
propriétaire,  à  Caen. 

Bourse  (l'abbé),  curé,  à  Neuvy. 

Boutton-l'Evêque  ,  maire  des 
Ponts-de-Cé. 

Bouvet  (l'abbé),  curé  de  Foui- 
tourte  (Sarthe). 

Mgr.  Bouvier,  évoque  du    Mans. 

Boyer,  ancien  professeur,  au  Mans. 

*  Brébisson  (  de) ,  à  Falaise. 
Bréda  (le  comte  Raymond  de), 

propriétaire,  à  Paris. 

*  Breil  de  Landal  (Cte.),  proprié- 
taire, à  Landal  (Ille-et-Vilaiue). 

Bretagne  (  de  )  ,  inspecteur  des 
contributions  directes ,  à   Laon. 

Bréville,  à  Caen. 

Briand  (l'abbé),  chanoine  hono- 
raire ,  à  Saintes. 

Briffaut  (l'abbé),  curé  de  Saumur. 

*  Eriges  (Mqs.  de),  propriétaire, 
à  Caen. 

*  Brion,  docteur-médecin,  à  Li- 
sieux. 

Brisson,  secrétaire  en  chef  de  la 

Mairie,  à  la  Rochelle. 
Bkoc  (  du  )  ,  à  Moulins. 


POUR  LA  CONSERVATION  DES  MONUMENTS. 


379 


Brûlé  (l'abbé)  ,  aumônier  des 
religieuses  de  la  Ste. -En Tance, 
à  Sens. 

Brun-Lavaine ,  propriétaire,  à 
Turcoing  (Nord). 

Bucaille  (Gustave),  propriétaire, 
à  Paris. 

Budillon,  curé  de  Bavin  (  Isère  ). 

Bulliot,  à  Autun. 

Bures  (de),  conseiller  de  préfec- 
ture, à  Moulins. 

Bussières  (Emile),  architecte,  à 
Bourges. 

*  Buyer  (Jules  de),  propriétaire, 

•  la  Chaudeau. 

Buzonnière  (de),  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces ,  à  Orléans. 
C. 

Cabaret,  propriétaire,  à  Lille. 

*  Caix  (de),  propriétaire,  àQues- 
nay  (Calvados). 

*  Campion  ,  avocat,  à  Lisieux. 
Canat  (  Marcel  ) ,  membre   de   la 

Société  archéologique  de  Chà- 

lons-sur-Saône. 
Caneto    (l'abbé)  ,    supérieur    du 

séminaire,  à  Auch. 
Canchy  (de  ),  propriétaire,  à  Sens. 

*  Cardin,  ancien  magistrat,  à 
Poitiers. 

Caresme  (l'abbé),  curé,  au  Bec- 

Hellouin  (Eure). 
Carné  (l'abbé),  curé  de   St.-Hi- 

laire-du-Harcouet  (Manche). 

*  CAnRAUD,  propriétaire,  à  Lyon. 
Castel,  agent-voyerchef,  àBayeux, 

secrétaire-général  de  la  Société 
académique. 


*  Castel\au  d'Essenault  (Guil- 
laume de),  propriétaire,  a  Bor- 
deaux. 

Caulaincourt  (  le  comte  de ),  pro- 
priétaire, à  Lille. 

*  Caumont  (de),  directeur  de  la 
Société  française,  à  Caen. 

Caumont  (Mmc.  de),  à  Caen. 
Caumont   (  S'VCroix)  ,    proprié- 
taire, à  Avranches. 

*  Caussin  de  Perceval  ,  procu- 
reur-général ,  à  Caen  (  Cal- 
vados ). 

*  Cayrol  (de),  ancien  député,  à 
Compiègne. 

Caze (de) ,  à  Rouen. 

*  Chailloit  des  Barres  (le  baron 
de  ),  à  Sainpuis  (Yonne). 

Challe  père,  avocat,  à  Auxerre. 

*  Champagney  (  Mme.  la  marquise 
de),  à  Craon  (Mayenne). 

Champoiseau  (Noël),  membre  de 
plusieurs  Académies,  à  Paris. 

Cuancel  (de),  président  de  la 
Société  archéologique,  à  An- 
goulême. 

Chaources  (le  comte  de),  pro- 
priétaire, à  Piacé  (Sarthe). 

*  Charbonnier  de  la  Guesnerie, 
propriétaire,  à  Angers. 

*  Chardon  du  Ranquet,  à  Cler- 
mont-Ferrand. 

Charié,  juge  suppléant,  à  Auxerre. 
Charles  (Louis),  à  la  Ferté-Ber- 

nard. 
Charon  (  l'abbé  ),    curé   de  St.- 

Marcel  (Indre). 
Charton,  conseiller  d'Etat,  direc- 


380        LISTE  DES  MEMBRES  DE 

teur  du  Magasin  pittoresque,  à 
Paris. 

*  Chasteignier  (comte  Alexis  de), 
officier  des  haras,  à  Villeneuve- 
sur-Lot. 

*  Chastellux  (  le  comte  de) ,  pro- 
priétaire, à  Paris. 

Chatel,  peintre,  directeur  de  la 
fabrique  des  vitraux  peints  ,  au 
Mans. 

Chaulieu  (le  baron  Hugues  de), 
à  Vire. 

Chalsotte  [  l'abbé  ),  curé  de  St.- 
Mandé. 

Chauvenet  (de),  juge  d'instruc- 
tion ,  à  St.-Quentin. 

Chauvet,  ingénieur,  à  Clermont- 
Ferrand. 

Chergé  (de),  inspecteur  des  mo- 
numents, à  Poitiers. 

*  Chevalier   (l'abbé  ) ,    à  Vaulan- 

dry  (Maine-et-Loire). 
Chevalier,     membre   du    Conseil 
général,  à  La  Châtre. 

*  Chevalier,  rue  Duc-de-Chartres, 
à  Rouen. 

Chevreau  (l'abbé),  supérieur  du 
séminaire,  au  Mans. 

*  Chipier,  architecte,  à  Ecuilly, 
près  Lyon. 

Choisy,  professeur  au  collège  de 

Falaise. 
Choulot  (le  Ctr.  de  ) ,  à  Savigny- 

les-Vaux ,  près  Nevers. 
Cirot  (l'abbé),  a  Bordeaux. 

*  Cissey  (Louis  de),  propriétaire, 
à  Cissey  (Côte-d'Or). 

Clément   (l'abbé),    curé   de  SU- 


LA.  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

Amand-en-Puysaie  (Nièvre  ). 

*  Clerc  (Edouard),  conseiller  à 
la  Cour  d'appel,  à  Besançon. 

Clermont-Gallerande   (de),    au 

Mans. 
Clermont-Tonnerre  (  le   marquis 

de),  à  Amiens. 
Clermont-Tonnerre  (de),  à  Ancy- 

le-Franc  (Yonne). 
Clervacx  (Jules  de),  propriétaire, 

à  Saintes. 
CLiNCHAMPs(de),  propriétaire,  au 

Mans. 

*  Cochet  (l'abbé),  ancien  aumô- 
nier du  collège  de  Rouen. 

Cochin  ,  adjoint  au  maire  du  10e. 
arrondissement,  a  Paris. 

Coetlosqlet  .(  Cbarles  de  )  ,  à 
Metz. 

Coetlosqlet  (Maurice  de),  pro- 
priétaire, à  Metz. 

Coffinet  (l'abbé),  secrétaire  de 
l'évêché  deTroyes. 

*  Collan-Castaigne,  propriétaire, 
à  Bolbec  (  Calvados  ). 

*  Collart,  capitaine  d'artillerie, 
à  Metz. 

Collas  (  l'abbé  )  ,  cbapelain  de  la 
Maison  des  Sis. -Anges,  à  Rouen. 

Collombel  (del,  propriétaire,  à 
Cristot  (Calvados). 

*  Commarmont  ,  conservateur  du 
Musée,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  à  Lyon. 

*  Contencin  (baron de),  directeur 
de  l'administration  des  cultes. 

Coqi'Art  (l'abbé),  curédeGuibray. 
Cornillet,  notaire,  à  Lamballe. 


POUR    LA   CONSERVATION    DES   MONUMENTS. 


381 


*  Courbon,  avoué,  à  St.-Etienne 
(  Loire  ). 

Courcelles  ( comle  de),  proprié- 
taire, à  Lille. 

Courty,  avocat,  a  Caen. 

CounvAL  (  le  Ve.  de , ,  à  Piuon 
(  Aisne  ) . 

Mgr.  Cousseau,  évêque  d'Angou- 
lême,  membre  de  l'Institut  des 
provinces. 

Cosette-Emont,  à  Amiens. 

*  Croiset  (l'abbé),  curé  de  Ne- 
chers,  près  d'Issoire. 

*  Crosnier  (l'abbé),  vicaire-géné- 
ral ,  à  Nevers. 

Cruvelier  fils  ,  propriétaire  ,  à 
Celles  (  Deux-Sèvres). 


Beauvuis. 

*  Daicnkacx  (le  marquis  Paul), 
propriétaire,  à  l'Isle-Marie 
(  Manche  '. 

Dan  de  la  Vautekie,   docteur- 
médecin  ,  à  Caen. 

*  Darcel,  propriétaire,  à  Paris, 
rue  Blanche,  6. 

*  Darras  (l'abbé),  à  Soissons. 
Daru  (l'abbé),  chapelain  de  l'hô- 
pital général,  à  Auxerre. 

*  Daudifret  (le comte),  receveur- 
général  ,  à  Nantes. 

David,  ancien  député,  à  Niort. 

*  David,  architecte,  au  Mans. 
Decroi;y,  ancien  notaire,  à  Com- 

piègne. 


Curial  (le  Ve.  ),  au  château  de     Dkfontaine  (Louis),  propriétaire 
Mouchy-Humières,    près  Corn-         à  Lille. 


piègne. 

*  Ccsson,  avocat,  à  Caen. 

*  Cossy  (  le  vicomte  de  ) ,  membre 
de  l'Institut  des  provinces,  a 
St. -Mandé,  près  Paris. 

*  Cussy  (  le  comte  de),  proprié- 
taire, à  Caen. 

*  Cuvelier  (Auguste),  proprié- 
taire, à  Lille. 

D. 

Daciiez  ,  inspecteur  des  domaines, 
à  Auxerre. 

Dally,  architecte,  à  Paris. 

Damas  (le  Ve.  Edmond  de),  pro- 
priétaire, à  Paris. 

Damourette  (l'abbé),  aumônier 
du  collège,    à  Chàteauroux. 

*  Danjou,  juge,  à  Beauvais. 

*  Danse,  président  du  tribunal,  à 


Decoltin  (Alphonse),  substitut 
du  procureur  delà  République, 
a  Briey. 

Dehamel-Bellenglise  ,  proprié- 
taire, à  Lille. 

De  La  Bigne-Villenelve,  à  Rennes. 

*  De  La  Cbouquais,  président  à 
la  Cour  d'appel,  à  Caen. 

*  Delafosse  ,  propriétaire  ,  à 
Rennes  ;  Ille-et-Vilaine  ). 

Delaigle  (  l'abbé),  curé  de  Presles- 
Thierny*(  Aisne  ). 

*  Delaplagne  (l'abbé  Louis  ),  vi- 
caire de  St.-Chamond  (Loire). 

Delaplanche  (  Henri  ) ,  membre  du 
Conseil  général ,  à  Aulun. 

De  La  Bochette,  membre  de  l'Aca- 
démie de  Màcon ,  à  Autun. 

Delarue,  architecte  du  départe- 

1k   * 


382        LISTE  DIS  MEMBRES  DE 

ment  de  la  Sarthe,  au  Mans. 
De  La  Sicotière,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces,  à  Alençon. 

*  Delatour-Du-Pin-Gouvernet, 
propriétaire,  à  Pise. 

Delaunat  ,  architecte,  à  Bayeux. 

*  Delhorme  ,  directeur  du  Musée , 
à  Vienne. 

*  Deligand  ,  statuaire ,  à  Paris. 

*  Delzons  (  le  baron  ) ,  juge  ,  à 
Aurillac. 

*  Dents,  ancien  maire,  à  Com- 
mercy. 

Dermigny  ,  à  Péronne. 

Dérobe,  architecte  du  départe- 
ment, à  Metz. 

Dersu  ,  juge  au  tribunal  civil  de 
Laon. 

*  Desbouis,  bibliothécaire  de  la 
ville  de  Clermont-Ferrand. 

Des  Cars  (  l'abbé  1,  chanoine  ho- 
noraire, principal  du  collège,  à 
Château-Gonthier. 

*  Des  Cars  (le  comte  François ) , 
à  Paris. 

Deshayes,  architecte,  a  Caen. 

*  Desjardins,  architecte,  à  Lyon. 

*  Des  Moulins  (  Charles  1 ,  membre 
de  l'Institut  des  provinces,  à 
Bordeaux  (Gironde). 

Desnoyers   (Charles),    avocat,    à 

Beauvais. 
Desnoyers,  avocat,  à  Bayeux. 

*  Desnoyers  (l'abbé)  ,  vicaire- 
général,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Orléans. 

*  Desponts  (l'abbé),  curé  de  SU- 
Nicolas,  à  Coutances. 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

Desportes,  conservateur  du  musée, 
au  Mans. 

*  Des  Roberts  (Adolphe),  proprié- 
taire, à  Metz. 

*  Devoucoux  (l'abbé)  ,  vicaire- 
général,  à  Autun. 

*  Didion,  capitaine  d'artillerie, 
professeur  a  l'école  d'application, 
à  Metz. 

*  Didron,  secrétaire  du  comité  des 
arts,  à  Paris. 

*  Dol,  avocat,  à  Marseille. 

*  Douesnel  (Alexandre),  ancien 
député,  à  Bayeux. 

Mgr.   de  Dreux-Brézé,  évêque  de 

Moulins. 
Driolet  ,  architecte,  à  Nantes. 

*  Drolet  ,  ancien  maître  de  forges, 
membre  de  l'Institut  des  pro- 
vinces, au  Mans. 

*  Drouyn  (Léo),  à  Bordeaux. 

*  Dubier,  maire,  à  Vallennes. 

*  Duboys  (Albert),  ancien  magis- 
trat, à  Grenoble. 

Duboys   (Auguste),  pharmacien, 

à  Limoges. 
Duboueg,    juge   au   tribunal  civil 

de  Falaise. 

*  Du  Broc  de  Seganges,  à  Moulins 
(Allier). 

Duchange ,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  à  Laon. 

*  Duchatellier  ,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces,  à  Versailles. 

*  Ducoin  (Auguste),  à  Lyon. 
Dudf.zers.eul  (ils,   propriétaire,   à 

Bennes. 

*  Mg\  DufAtre,  évêque  de  Nevers. 


POUR    LA    CONSERVATION    DES    MONUMENTS. 


383 


Ducuk,  ancien  notaire,  a  Conlye 
(Sarthe). 

*  Du  Manoir  (le  comte),  maire, 
a  Juaye. 

Dumesnil-Dubuisson  (le  comte),  à 
La  Garenne  (  Eure). 

*  Du  Moncf.l  (vicomte  Théodose), 
propriétaire,  à  Cherbourg. 

Dumont  de  St.-Priest  ,  à  Limoges. 
Dumorisson,  juge  de  paix,  ù  Pont 

\  Charente-Inférieure). 
Dumoutet,  sculpteur,  à  Bourges. 

*  Dupasquier  (Louis),  architecte, 
à  Lyon. 

Duplessis  (l'abbé),  aumônier  des 
Caimélites  de  Nevers. 

*  Dupont-Loncrais  (  Auguste  ) , 
propriétaire,  à  Caen. 

Dupray-Lamahérie,  substitut,  à 
Argentan. 

*  Dupuis,  vice-président  du  tri- 
bunal chil  d'Orléans. 

Duquenelle,  membre  de  l'Aca- 
démie, à  Reims. 

Durand  (Louis),  propriétaire,  à 
Metz. 

*  Durand,  architecte  du  dépar- 
tement, à  Bayonne. 

*  Duranville  (Léon  de),  à  Rouen. 
Duru,  aumônier  de  l'Ecole   nor- 
male, à  Auxerre. 

*  Duval,  vicaire  de  la  cathédrale, 
ù  Amiens. 

Duvivier  (Antony),  propriétaire, 
à  Nevers. 

E. 

Eblé,  lieutenant-colonel  d'artil- 
lerie ,  à  Metz. 


Edom,  recteur  de  l'Académie,  au 

Mans. 
Elie  Bigot,  propriétaire,  à  Angers. 
Emont,  vicaire  du  Pré,  au  Mans. 

*  Escars  (le  duc  d'  ) ,  à  la  Roche- 
de-Bran  (Vienne). 

*  Espaulart  (Adolphe),  proprié- 
taire, au  Mans. 

Espiard  (Edouard  d')  vice-prési- 
dent de  la  Société  éduenne,  à 
Autun. 

Espiard  (Henri  d'),  à  Autun. 

Estera  (le  comte  d' ) ,  au  château 
de  Vesore,  près  Autun. 

Etoc  dk  Mazy,  médecin  de  l'asile 
des  aliénés ,  au  Mans. 

Eudeline  (l'abbé),  vicaire,  à  Vil- 
lers-Bocage. 

F. 

Feuille* ,  juge  de  paix,  à  Lyon. 

Fialeix,  peintre,  directeur  de  la 
fabrique  de  vitraux  peints,  au 
Mans. 

*  Flechet,  architecte,  à  Lyon. 
Fleury  (Edouard),  à  Laon. 
Foblant    (Maurice  de),     ancien 

député,  à  Nancy. 

*  Fontenay  (Joseph  de),  proprié- 
taire, à  Autun. 

*  Fontette  (baron  Emmanuel  de), 
ancien  député  du  Calvados,  à 
Caen. 

*  Formigny  de  la  Londe  (de), 
propriétaire,  à  Caen. 

Fortin  (l'abbé),  curé  de  la  cathé- 
drale, à  Auxerre. 

Foucault  (le  comte  de),  au 
Mans. 


384       LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 


Francheville  (Amédée  de),  à  Sar- 
zeau  (  Morbihan  ). 

Franchepin  (de),  propriétaire,  à 
Metz. 

Franqueville  (de),  à  Toumebu 
(  Calvados). 

Fremainville  (Raoul  de),  pro- 
priétaire, à  St.-Brieux. 

*  Frémiot  (le  baron  de),  rue  du 
Faubourg  St.-Honoré,  58,  à 
Paris. 

Fresnais  (  l'abbé  ),  vicaire,  à  Passy. 
Fresnaye  (baron  de  la),  membre 

de   l'Institut   des  provinces,    à 

Falaise. 
Froment,  propriétaire,  à  St.-Tho- 

mas  (Aisne). 
Fruchaud  (l'abbé),  vicaire-général, 

à  Angoulûme. 

G. 
Gaide   (l'abbé),  curé  de  St. -Jac- 
ques, à  Reims. 
Gagnon,  architecte,  à  Laon. 
Gallard,    propriétaire,    à   Mont- 

Coutant  (  Deux-Sèvres  \ 
Gallois,    conservateur  du  musée 

archéologique  de  ÎNevers. 
Garcan   (le  baron  de),    membre 

de  l'Académie,  à  Metz. 

*  Garinet,  conseiller  de  préfec- 
ture, à  Chàlons-sur-Marne. 

Garoteau,   notaire,   à  Champde- 

niers  (Deux-Sèvres). 
Garod    (Pierre),   propriétaire,   à 

Lyon. 

*  Gaugain,  propriétaire,  à  Bayeux. 
Gaultier,  conseiller  à  la  Cour  de 

cassation ,  à  Paris. 


Gaultry  ,  conservateur  des  hypo- 
thèques, à  Sens. 

Gaumé,  professeur  de  dessin,  au 
Mans. 

Gautier-du-Mottay  ,  à  Flerin 
(  Côtes-du-Nord  ). 

Gelineau,  procureur  de  la  Répu- 
blique, à  Montmorillon. 

Genoiillac  (le  vicomte  de),  à 
Rennes. 

Gérallt  (l'abbé) ,  chanoine  hono- 
raire, curé  de  St.-Vénérand,  à 
Laval  (Mayenne). 

*  Gf.slin  de  Bourgogne,  à  Saint- 
Brieux. 

Girault  de   Prangey,  inspecteur 

des  monuments,  à  Langres. 
Givelet  (Charles),  à  Reims. 

*  Givenchy  fde)  ,  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  St.- 
Omer. 

Givenchy  (Charles  de),  à  St.-Omer. 

*  Glanville  (Léonce  de),  pro- 
priétaire, à  Rouen. 

*  Godard-Saint-Jean  (l'abbé),  pro- 
fesseur au  grand  séminaire,  à 
Langres. 

*  Godard-Faultrier,  à  Angers. 
Godefroy  (l'abbé),  curé  de  Blos- 

seviile-Bon-Secours,  près  Rouen. 
Godefroy  (de),  ancien  sous-préfet, 

à  Paris. 
Godefroy  (l'abbé),  professeur  au 

séminaire,  a  Nancy. 

*  Goguel,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  principal  du  collège 
de  Bouxviller  (Bas-Rhin). 

*  Gonidec  de  Tressan  (  Le  )  père, 


POUR  LA  CONSERVATION  DES  MONUMENTS.  3»D 

à     Montanel,    pris 


propriétaire,  à  Vitré. 

Goum  (Henri),  propriétaire,  à 
Tours. 

Gourgues  (le  comte  Alexis  de), 
membre  de  l'Institut  des  provin- 
ces, à  Lanquais  (Dordogne). 

*  Mg\.  Gousset  ,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces,  cardinal- 
archevêque  de  Reims. 

*  Grandval  (marquis  de),  proprié- 
taire, à  St.-Denys-Maisoncelles 
(Calvados). 

Grégoire,  architecte  du  départe- 
ment de  la  Seine-Inférieure,  à 
Rouen. 

Grignï  (Alexandre),  architecte, 
à  Arias. 

Grimault,  membre  du  Conseil 
général,  au  Mans. 

Gris  de  la  Pommera ye  (Le),  pro- 
priétaire, au  Mans. 

Giéranger,  chimiste,  au  Mans. 

Giérin  fils,  architecte,  à  Tours. 

Guerrier  de  Dumas,  membre  de 
lTnstitut  des  provinces,  président 
de  l'Académie ,  à  Nancy. 

Guillaud  (l'abbé),  professeur 
d'histoire  au  petit  séminaire,  à 
Grenoble. 

Guillemin  (Félix),  avocat,  à 
Avesnes. 

Guillois  (l'abbé),  curé  du  Pré, 
au  Mans. 

Guillory  aîné,  président  de  la  So- 
ciété industrielle,  à  Angers. 

Guinoiseau  fils,  propriétaire,  à 
Angers. 

*  Guiton    (le   vicomte  de),   pro- 


priétaire , 
Avranches. 

*  Guy,  architecte,  à  Caen. 

H. 

Hache,  propriétaire,  à  Paris. 
Haigneuy     (Daniel),    professeur, 
à  Roulognc-sur-Mer. 

*  Halléguen  (le  docteur  ) ,  à  Cha- 
teaulin  (  Finistère). 

Hamon,  membre  du  Conseil  général, 
au  Mans. 

*  Hardel,  imprimeur,  à  Caen. 

*  Hardouin,  membre  de  plusieurs 
académies ,  à  Valformand ,  près 
Rennes. 

Hatat,  archiviste  du  département, 
à  Chàlons-sur-Marne. 

Hauteclooue  (le  baron  de),  ancien 
maire  d'Arras. 

Herbigny  (d'  ) ,  conseiller  de  pré- 
fecture, à  Lille. 

*  Héricourt  (le  comte  d'),  pro- 
priétaire, à  Arras. 

*  Hermand  (Alexandre),  membre 
de  lTnstitut  des  provinces,  a 
St. -Orner. 

Hekmand  (Octave),  propriétaire, 
à  St. -Orner. 

Hehpin,  docteur-médecin,  à  Metz. 

Hespel  d'Hogrok  (Albéric  d'),  pro- 
priétaire, à  Lille. 

Hespel  (le  comte  d'),  propriétaire, 
à  Haubourin  (  Nord  ). 

*  Heudreville  (d'  ),  secrétaire  de 
la  Société  d'émulation,  a  Lisieux. 

Hidé,  propriétaire,  à  Bruyères, 
près  Laon. 

*  Hollandre,     ancien    bibliothé- 


386        LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 


caire,  à  Metz. 

IIoudet,  propriétaire,  à  Nantes. 

Houel  (Ephrem)  ,  inspecteur- 
général  des  Haras,  à  St.-Lo. 

Ho  art  (baron  Emmanuel  d'), 
membre  de  l'Académie ,  à  Metz. 

*  Hucher,  membre  de  l'Institut 
des  provinces ,  à  Paris. 

Hlchot  (l'abbé),  curé archiprôtre, 

à  Conflans  (Moselle). 
Humbert,  architecte,  à  Nancy. 
Hurault  (l'abbé) ,   curé  de  Pou- 

ques-les-Eaux,  près  Nevers. 
I. 

*  Izarn  (Armand  d'),  proprié- 
taire, à  Nantes. 

J. 

*  Jabouin,  sculpteur,  à  Bordeaux. 
Jacob,  imprimeur-libraire,  à  Or- 
léans. 

Jarossay,  antiquaire,  au  Mans. 

*  Jessé-Charleval  (le  marquis  de), 
à  Arles. 

Jeannot  (l'abbé),  curé  de  la  ca- 
thédrale de  Nevers. 

Jobal  (de),  propriétaire,  à  Blois. 

Joffroy  (Auguste),  architecte  du 
département ,  à  Avignon. 

*  Mgr.  Joly,  archevêque  de  Sens. 
Joly-le-Terme,  architecte,  à  Sau- 

mur. 

*  Jouin  (l'abbé),  vicaire-général, 
à  Evreux. 

Jousset  des  Berries,  juge  d'in- 
struction ,  au  Mans. 

*  Jouve  (Gustave),  chanoine,  à 
Valence. 


K 

Kerdrel  (  de  )  ,  député  ,  mem- 
bre de  l'Association  bretonne  , 
à  Bennes. 

Kercariou  fils  (le  comte  de  ),  pro- 
priétaire ,  à  Bennes. 

Kercorlay  (  de  ) ,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces. 

*  Kéridec  (  de  )  ,  député ,  pro- 
priétaire ,  à  Hennebont  (Mor- 
bihan ). 

I 

*  Labbé,  juge  de  paix,  à  Hérieux. 
Labille  (  Amable) ,  architecte  ,  à 

Paris. 
Laboirt  ,    ancien    magistrat  ,     à 

Doullens. 
La  Chèvre  (Edgard),   avocat,   à 

Evreux. 
Mgr.    Lacroix  ,    évêque   de    Ba- 

yonne. 
Lacroix  (  l'abbé  ) ,  curé  ,   à  Mon- 

tierneuf. 
Lacroix,  pharmacien,  à  Màcon. 

*  Lacurie  (l'abbé),  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  Saintes. 

*  Laffetay  (l'abbé),  chanoine, 
a  Bayeux. 

Lagarenne  (de),  à  Alençon. 

*  Lair  ,  conseiller  de  préfecture , 
membre  de  plusieurs  Académies, 
à  Caen. 

Lallier,  substitut  du  procureur 
de  la  Bépublique,  à  Sens. 

Lalondf.  (Arthur  de),  rue  de  la 
Bochefoucault,  à  Bouen. 

La  Londe  (de),  ancien  officier  de 
cavalerie,  à  Bouen. 


POUR  LA  CONSERVATION  OIvS  MONUMENTS.  387 

*  Lambert,  conservateur  de  la  bi-  Leblanc  ( Léon  \  juge,  à  Auxerre. 
bliolhèque  ,  à  Bayeux.  *  Le  Blond,  entrepreneur  de  bati- 

*  Lambron  de  Lignim  ,  membre  de         ments,  à  Gisors. 

lTiisliluL  des  provinces,  à  Tours.  Le  Boucher  ,  propriétaire,  à  Caen. 

Lamort  (  l'abbé  ),  chanoine  hono-  Lebrun,  aumônier  du   collège  de 

raire,   curé  doyen  à  Oisy  (Pas-         Nevers. 

de-Calais  ).  *  Le  Carpentier  fds,  à  Honfleur. 

Lamotte,  architecte,  à  Caen.  Le  Chat,  propriétaire,  au  Mans. 

Landel ,  ancien  conseiller  de  pré-  Léchaudé-d'Anisy  ,  propriétaire  ,  à 

fecture,  au  Mans.  Paris. 

*  Lanc:le(  Ve.  de)  !  propriétaire  J  Le   Chevalier,    avoué,   à    Pont- 
à  Vitré.  l'Evèque. 

*  Langlois,  architecte,  a  Rennes.  Leclerc    (Achille' 


*  Lapoudaye,  président   du  tribu- 
nal civil ,  ù  La  Béole. 

Large,  inspecteur  de  l'Académie, 

à  Cîermond-Ferrand. 
Larivière  le   Moigne,   procureur 

de  la  République,  à  Paimbœuf. 

*  La  Rivière   (Mme.   la  comtesse 
de) ,  à  Caen. 

Lassagne  (  l'abbé  ) ,  aumônier   des 


membre  de 
l'Institut ,  à  Paris. 

Leclerc,  maire  de  Falaise. 

*  Leclerc  de  la  Prairie  (Jules  ) , 
président  de  la  Société  archéo- 
logique ,  à  Soissons. 

Leclerc-Guillory,  propriétaire,  à 
Angers. 

Le  Cointre-Dupont,  propriétaire, 
à  Poitiers. 


prisons,   chanoine  honoraire,  à      Le  Cointre  (Eugène),  propriétaire, 


St..-Etienne  (  Loire  ). 

*  Latouche  (Lucien  de),  proprié- 
taire, à  Mayenne. 

Lainay,  professeur  au  collège  de 
Vendôme. 

Laurance,  principal  du  collège,  à 
Perpignan. 


à  Poitiers. 

*  Le  Comte  (l'abbé),   vicaire  de 
St. -François,  au  Havre. 

*  Le  Comte    (l'abbé),    curé     de 
Cuffies  (  Aisne  ). 

*  Le   Cordier,   ancien  député,    à 
Paris. 


Ladreau   (l'abbé),   directeur  au     Lecourt,  avoué,  à  Pont-1'Évêque. 

Le  Couvreur    (l'abbé),  principal 

du  collège  de  Domfront. 
Le  Creps  fds,  à  Caen. 
Le  Dicte  du  Flos,    président   du 
tribunal  civil,  à  Clermont  (Oisel. 
Leblanc,  ancien  ingénieur  en  chef,      Le  Febvre  (l'abbé  François),  pro- 
à  Auxerre.  fesseur  à  Boulogne-sur-Mer. 


séminaire ,  à  Auxerre. 
Laurent-Lesseré  ,  ancien   maire, 

à  Auxerre. 
Lavirotte,  archéologue,  a  Arnay- 

le-Duc. 


388        LISTE  DES  MEMBRES  DE 

Le  Fèvre  du  Rufflé  ,  ministre  des 

travaux  publics ,  à  Paris. 
Lefranc    (l'abbé),    professeur    à 

l'institution    de    St. -Vincent,    à 

Senlis. 
Leger-Tailhardat,    architecte,  à 

Montluçon. 

*  Le  Glay,  membre  de  l'Institut, 
à  Lille. 

*  Mgr.  Le  Herpeur  ,  évoque  de 
la  Martinique. 

Le  Lièvre  (Ernest),  maire  de  Loos 
(Nord). 

Le  Lyon,  chanoine,  à  Evreux. 

Lemaire  (l'abbé  ),  au  petit  sémi- 
naire, à  Laon. 

Le  Maxon  (l'abbé),  à  St.-Jean- 
Beuré  (Loire-Inférieure). 

Lemerchier,  propriétaire^  Amiens. 

*  Le  Monnier,  propriétaire,  au 
Havre. 

Lenglart    (Louis),    propriétaire, 

à  Lille. 
Le  Noir   (l'abbé),   curé  de  Font- 

gombault  (Indre). 
Le  Normand  de   Courmel,   direc- 
teur des  contributions  directes, 

au  Mans. 
Le  Prince  ,  archiviste  de  la  Société 

d'agriculture,  sciences  et  arts, 

au  Mans. 
Lereffait,  propriétaire,   à  Pont- 

Audemer. 
Leroux,  docteur-médecin,  à  Cor- 

beny  (Aisne). 
Leroux,  notaire  honoraire,  à  Sens. 
Leroy,  horticulteur,  à  Angers. 
Le  Roy   (Octave),   procureur  de 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

la  République,  à  Cherbourg. 

*  Lesseville  (Edouard  de),  à 
Chalons. 

*  Lestoile  (de),  à  Lande-Chasle, 
près  Angers. 

Le  Sueuu,  propriétaire,  à  Huppain 
(Calvados). 

Le  Tertre,  bibliothécaire,  à  Cou- 
tances. 

Le  Trône,  au  Mans. 

Leutre  (de),  président  du  tribu- 
nal civil ,  à  Gaillac  (  Tarn  ). 

Le  Vavasseur  (Gustave),  à  Ar- 
gentan. 

Le  Voyer,  supérieur  du  séminaire 
de  Combrée  (  Maine-et-Loire). 

*  Liberge,  architecte,  à  Nantes. 
Liger,  architecte,  à  Rouen. 
Limal,  juge,  à  Saintes. 

Livet  (l'abbé  ),  aumônier  de  l'hos- 
pice, au  Mans. 

Lochet  (  l'abbé  ) ,  vicaire  de  la 
Couture ,  au  Mans. 

Lonclas,  sous-intendant  militaire, 
à  Auxerre. 

Lorière  (Gustave  de  ) ,  avocat  à  la 
Cour  de  Paris,  à  Moulin-Vieux  , 
commune  d'Asnières  (Sarthe). 

*  Lottin  (l'abbé),  chanoine,  mem- 

bre de  l'Institut  des  provinces, 
au  Mans. 
Louvel  (  l'abbé  ),  membre  de  l'Aca- 
démie de  Rouen,  principal  du 
collège  de  Dieppe. 

*  Loyac  (marquis  de),  à  Ven- 
dée livre  (Sarthe). 

*  Lusson  (Antoine),  peintre  ver- 
rier, à  Paris. 


FOUR   LA    CONSERVATION    DUS   MONUMENTS. 

*  Luynes   (le  duc  de),    membre 
de  l'Institut,  à  Paris. 

*  Lizarches,  propriétaire,  à  Tours. 


m. 

Maciiart,  ingénieur  en  chef  des 
ponts-et-chaussées,  à  Bourses. 

Mac-Mahon  (le  comte),  proprié- 
taire, à  Autun. 

*  Machbco  (M'ue.  la  comtesse  de), 
à  Alleret  (Haute-Loire). 

Magdeleine,   ancien  ingénieur  en 

chef,  à  Amiens. 
Magny    (Benjamin  de),    maire  de 

Rapilly. 
Mahul,  ancien  préfet,  à  Paris. 
Magnan,  maire  de  Nointel  (Oise). 

*  Mailly  (le  comte  de),  à  Requeil 
(Sarthe). 

Maisniel  de  Liercoirt   (le  comte 

de),  à  Abbeville. 
Malbos  (de),  à  Privas  (Ardèche). 
Malezieux  (de) ,  à  Senlis. 

*  Mallay,  architecte,  a  Clermont- 
Fcrrand. 

Mallet,  ancien  notaire,  à  Bayeux. 

*  Manceau  (l'abbé),  chanoine,  à 
Tours. 

Mandelot  (le  comte  de),  à  Autun. 

Manin,  avocat,  à  Lauzun. 

Marchand,  correspondant  du  mi- 
nistère de  l'Instruction  publique, 
près  Briare  (Loiret). 

Maréchal,  ingénieur  des  ponts-et- 
chaussées,  à  Bourges. 

Marey-Monge  (Ernest),  à  Nuits. 

Margueron,  propriétaire,  à  Tours. 

Mgr.  de  Marguerye,  évèque  de 
St.-Flour. 


389 

*  Mamulla  (du),  à  Quimper. 

*  Marion  (Jules),  inspecteur  de 
la  Côte-d'Or,  à  Paris. 

*  Martainville  (le  marquis  de), 
rue  de  l'Université,  a  Paris. 

*  Martin  (l'abbé  Arthur),  à  Paris. 

Martin,  membre  du  Conseil  géné- 
ral de  l'Aisne,  à  Rosoy-sur- 
Serre. 

Massardière  (  de  la  ) ,  secrétaire  de 
la  Société  d'émulation,  à  Châ- 
tellerault. 

Masson  (l'abbé),  curé  de  Dieuse 
(  Meurthe). 

Massot,  instituteur,  à  Tancin 
(Isère). 

Massot,  avocat,  à  Auxerre. 

Matiian  (le  baron  Edgard  de) , 
chef  d'escadron  au  1er.  régiment 
de  spahis,  à  Milianah. 

Mathieu,  propriétaire,  à  Auxerre. 

Mathon,  bibliothécaire,  à  Neuf- 
cbâtel. 

Mathon  ,  archiviste  de  la  préfec- 
ture, à  Laon. 

Maubué,  ingénieur  des  ponts-et- 
chaussées  ,  à  Niort. 

Malmigny  (le  comte  Victor  de),  à 
Nevers. 

Mecflet  (de),  propriétaire,  à 
Quesnay. 

Mefre,  architecte,  à  Rambouillet. 

*  Mège  (  l'abbé  ) ,  curé  du  canton 
de  Morestel  (Isère). 

*  Mellet  (le  comte  de),  à  Chal- 
trait  (Marne). 

Menard-Bournichon,  chef  de  ba- 
taillon du  génie,  au  Mans. 


25 


390       LISTE  DES  MEMBRES  DE 
Menuet  de  Lathonne,  notaire,  à 
St.-Claude  (Charente). 

*  Mérode  (le  comte  de),  à  Trelon 
(Nord). 

*  Mesmin  (  de  St.  ) ,  correspondant 
de  l'Institut,  à  Dijon. 

*  Métayer  (Le),  avocat,  à  Pont- 
PÉvêque. 

Métayer  (Léon),  à  Evreux. 

Michelaos  (  François  ) ,  sculpteur , 
à  Valence. 

Mieulles  (de),  receveur  général , 
à  Nevers. 

Migné,  imprimeur-typographe,  à 
Châteauroux. 

Millet,  inspecteur  des  forêts,  à 
Laon. 

Millet  (l'abhé)  ,  chanoine  hono- 
raire ,  directeur  du  grand  sémi- 
naire, à  Nevers. 

Milly  (Alphonse  de),  à  Milly 
(Manche). 

Minard,  conseiller  à  la  Cour  d'appel 
de  Douai. 

Minoret  (E.  ),  avocat,  à  la  Cour 
d'appel  de  Paris. 

*  Mirbeau  (  l'abbé  1,  à  Rayma- 
lard  (Orne  ). 

Moll,  architecte,  à  Paris. 

*  Montalembekt  (  le  comte  de  )  , 
député,  à  Paris. 

*  MoNTENARD(le  C'e.  de),  au  châ- 
teau de  Tancin ,  près  Grenoble. 

*  Montlair  (C,c.  de),  directeur 
de  l'art  en  province  ,  à  Moulins. 

Moqdin-Tandon,    professeur   à   la 

faculté ,  à  Toulouse. 
Mordret,     docteur-médecin,     au 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

Mans. 

*  Morière,  directeur  des  cours 
spéciaux  du  Lycée,  à  Caen. 

Morin  ,  avoué,  à  Saintes. 
Morissure   (de)  fils,  à  Nogent-le- 

Rotrou. 
Molfflet,    proviseur  du  Lycée, 

à  Grenoble. 

*  Moi'quet,  receveur  particulier 
des  finances ,  à  Dieppe. 

Molsseron,  conseiller  de  pré- 
fecture, au  Mans. 

Moyriat  { le  vicomte  Arthur  de  )  , 
à  Paris. 

Mozel  (  Alcide  ) ,  substitut,  à 
Paimbœuf. 

IV. 

*  Nau,  architecte,  inspecteur  des 
monuments,  à  Nantes. 

Nanquette,  curé  de  St.-Maurice, 
à  Reims. 

Nettencourt  f comte  de),  colonel 
en  retraite,  à  St.-Laurs  (Deux- 
Sèvres  ). 

*  Nicolaï  (le  marquis  de),  à  Mont- 
fort  { Sarthe  ). 

Nicolas,  (Alexandre),  architecte 
de  la  ville  de  Lisieux. 

*  Niepce,  président  de  la  Société 
d'histoire  et  d'archéologie ,  à 
Châlons-sur-Saône. 

*  Noget  (l'abbé),  supérieur  du 
séminaire  de  Sommervieu. 

Ncgent  (de),  à  Paris. 

© 
Ochier  ,  docteur  en  médecine,   à 
Cluny  (Saône-et-Loire). 

*  Oilliamson  (le  marquis  d'),  à 


POUR    LA    CONSERVATION    DES   MONUMENTS. 


391 


St.-Germain-Langot  (Calvados }. 

*  Olive,  docteur-médecin,  à  Ba- 
veux. 

Oppkrmann,  capitaine  de  lanciers  , 
à  Tours. 

P. 
Fallu,  juge,  au  Mans. 

*  Passy,  ancien  préfet,  à  Paris. 

*  Pastoret  (  le  marquis  Amédée 
de  ) ,  à  Paris. 

*  Pat  y,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  a  Dreux. 

*  Pauffin,  juge  honoraire,  à 
Rethel  (  Ardennes  ). 

Pautet,  conservateur  de  la  biblio- 
thèque, a  Beaune. 

Pavie  (  Victor  ) ,  imprimeur ,  à 
Angers. 

"  Pelet  (Auguste),  inspecteur  des 
monuments,  à  Nîmes. 

*  Pelfresne,   architecte,  à  Caen. 
Peribnke,  propriétaire,  à  Laon. 
Pernot,  peintre,  à  Vassy  (Haute- 
Marne). 

Perrin,  architecte,  à  Strasbourg. 
Perrot  de  Chezf.lles,  substitut,  à 
Chàlons-sur-Marne. 

*  Person  (l'abbé),  à  Rochefort. 

*  Petit  (l'abbé  Le),  curé  à  Tilly- 
sur-Seulles. 

*  Petit  (Victor- ,  membre  de  l'In- 
stitut des  provinces,  à  Paris. 

Petit-Sigallt,  maître  de  pension, 
à  Auxerre. 

Petit  deRosen,  à  Tongres  (Bel- 
gique ). 

*  Peyré,  membre  du  Conseil  gé- 
néral, à   Villefranche  (Rhône). 


Pezet,  président  du  tribunal  civil, 

à  Bayeux. 
Pezet  (Gustave),  juge  suppléant, 

à  Pont-1'Évéque. 

*  Pmilbert  (l'abbé),  au  Mans. 

*  Mme.  Philippe-Lemaître,  pro- 
priétaire, à  Illeville  (Eure). 

Picot    de   Va u logé     (comte  de), 

propriétaire,  a  Vaulogé  (Sarthe). 
Piette   (Edouard),   président  du 

tribunal  de  commerce,  à  Vervins 

(  Aisne  ). 
Piette  (Amédée),  contrôleur  des 

contributions  directes,  à  Laon. 

*  Pigeon  de  la  gineste,  avocat, 
à  Couze  (Dordogne). 

Pigeory,  architecte,  à  Paris,  quai 
Malaquais,  n°,  15. 

*  Pinard,  rue  de  Tournon ,  23 ,  à 
Paris. 

Pimel'x  (le  chevalier  de),  à  Paris. 

Piquenot,  sculpteur,  à  Séez. 

Poeydavant,  receveur  de  l'enre- 
gistrement, à  Luçon. 

Pomereu  (le  vicomte  Armand  de), 
à  Paris. 

Ponsort  (Anatole  de),  proprié- 
taire, à  Chalons-sur-Marne. 

*  Pontgibald  (le  comte  César  de)  , 
au  château  de  Fontenay,  par 
Montebourg  (Manche). 

*  Poquet  (l'abbé),  directeur  de 
rétablissemeut  des  sourds-muets, 
à  Soissons. 

Potier  (Hubert) ,  peintre,  à  Paris, 
rue  de  la  Visitation  des  Dames 
Sie.-Marie,  ancien  n°.  \k. 

Poussielgle  (Placide),  orfèvre,  à 


392        LISTE  DES  MEMBRES  DE 

Paris. 

Preaulx  (le  Mq  8  de),  a  Pouancé 
(  Maine-et-Loire  ). 

Précy,  membre  du  Conseil  gé- 
néral de  l'Yonne,  à  Auxerre. 

Prost  (  Auguste ),  propriétaire,  à 
Metz. 

Q 

*  Quantin  ,  archiviste  du  départe- 
ment de  l'Yonne,  à  Auxerre. 

Quatrebarbes  (lecomte  Théodore 
de  ) ,  à  Angers. 

*  Quenault,  conseiller  de  préfec- 
ture, à  Chartres. 

Qi'erry  (l'abbé),  vicaire-général, 

à  Reims. 
Quertier  (l'abbé),   vicaire  de  la 

cathédrale,  à  Rouen 
Queyras  (l'abbé),  curé,  à  la  Roche- 

de-GIun  (Drôme). 
K. 
Rabillaud  (l'abbé) ,  curé  de  Mail- 

lezais. 

*  Raymond  (de),  architecte,  à 
Nantes. 

Raymond  (l'abbé  ),  curé  de  Notre- 
Dame,  à  Bourges. 

*  Raynal,  awcat-général  à  la  Cour 
de  cassation ,  à  Paris. 

Redet,  archiviste  du  département, 
membre  de  l'Institut  des  pro- 
vinces, à  Poitiers. 

Mgr.  Régnier,  arche\êque  de 
Cambrai. 

Régnier  (l'abbé),  curé,  à  Dives. 

Renault,  membre  de  l'Institut, 
juge  d'instruction,  à  Coutances. 

Mmc.  Renault,  à  Paris. 


LÀ  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

ReiNneville  (comte  de),   proprié- 
taire, à  Amiens. 
Rey  (Victor),  maire,  ù  Autun. 

*  Ricard,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique,  à  Montpellier. 

Richard  de  Nancy,  docteur-mé- 
decin ,  à  Lyon. 

Richard,  adjoint  au  maire  du 
Mans. 

Richebourg  (de),  propriétaire, 
au  Mans. 

Rigault  de  Grannet  (de),  à  Chà- 
lons-sur-Marne. 

Rigolot,  docteur-médecin,  mem- 
bre de  l'Institut  des  provinces, 
à  Amiens. 

Riobé  ,  substitut  du  procureur  de 
la  République,  au  Mans. 

*  Riol'St  de  l'Argentaye,  député, 
propriétaire,  à  Argeiilaye  (Côles- 
du-Nord). 

*  Robert  ,  intendant  militaire,  à 
Metz. 

Robert  (l'abbé),  curé  de  Notre- 
Dame,  à  Poitiers. 

M"e.  Robin  ,  propriétaire  ,  à 
Bourges. 

*  Mgr.  Robin,  évêque  de  Baveux. 
Rocher  (l'abbé),  curé  de  la  Cha- 
pelle St.-Mesmin. 

Rochet  (l'abbé)  ,  à  St.-Jean- 
d'Angely. 

*  Roisin  (  le  baron  de  ) ,  membre 
de  l'Institut  des  provinces,  a 
Trêves. 

Romain  (l'abbé),  professeur  au 
séminaire  de  Notre-Dame  de 
Liesse  (Aisne). 


POUR  LA  CONSERVATION  DES  MONUMENTS. 


3  9  3 


Rondier  ,  juge  d'instruction  ,  à 
Molles. 

*  Rostan,  avocat,  à  St.-Muxiiniii 
(Var). 

*  Rostolan  (de),  à  Evrcux. 
Rouit,  directeur  de  l'Ecole  nor- 
male, à  Laon. 

*  Rougniard  (161  chevalier),  pro- 
priétaire, a  Lyon. 

*  Roulière  (  Victorin  de  lu  ) ,  pro- 
priétaire, à  Niort. 

Rousseau   (l'abbé),   curé  de  Ver- 

ruyes  (Deux- Sèvres). 
Rousseau,    professeur  de   dessin, 

au  Mans. 

*  Rousteau  (l'abbé),  professeur 
d'archéologie  au  séminaire  de 
Nantes. 

*  Roux  (  l'abbé),  à  Feurs  (Loire). 

*  Roux(P.-M.  !,  docteur  en  mé- 
decine, membre  de  l'Institut  des 
provinces ,  à  Marseille. 

Rouyer,    employé   des   postes,    à 

Paris. 
Royer-Vial,  à  Lyon. 
Roze-Cartier  ,      propriétaire  ,     à 

Tours. 
Roze   (Henri;,    ancien    ingénieur 

en  cbef  des  ponts-et-ebaussées, 

à  Sens. 
Ruillé,  conseiller  de  préfecture, 

au  Mans. 

*  Ruillé  (de),  propriétaire,  à 
Ruillé  (Mayenne). 

Ruprick  (Robert),  architecte  du 
gouvernement,  à  Paris. 
S. 
Sagette  (l'abbé),    professeur  au 


petit  séminaire  de  Bergerac. 

*  Sagot,  membre  de  plusieurs 
académies,  à  Paris. 

Sagot  (K.  ),  architecte,  à  Paris. 

*  Saint-Aldcgonde  (de),  ù  Outre- 
laize. 

Saint-Aignan  (le  vicomte  de),  con- 
seiller d'Etat,  à  Paris. 

Saint-Florent  (de),  propriétaire, 
à  Vendeuvre ,  près  Nancy. 

Sainte-Foy  (Mme  de),  née  mar- 
quise de  Rois-d'Ennemets,  aux 
Thilliers-en-Vexin  (Eure ). 

Saint-Germain  (de),  propriétaire, 
à  Apilly  (Manche). 

*  Saint-Germain  (de),  propriétaire, 

à  Evreux. 
Saint- Rémy     (de),    directeur   de 
l'asile  des  aliénés,  au  Mans. 

*  Saint-Simon  (  de  ) ,  à  Toulouse. 

*  Saint-Seine  (le  marquis  de),  à 
Dijon. 

Sallot,  docteur-médecin,  à  Vesoul. 

*  Salmon  ,  membre  du  Conseil 
général  de  la  Sarthe,  à  Sablé. 

Santerre  (l'abbé),  vicaire-général, 
à  Pamiers. 

*  Sarcé  (de),  propriétaire,  à 
Hodbert-St. -Christophe  (Indre- 
et-Loire1. 

Saubinet,  membre  de  l'Académie, 
à  Reims. 

*  Saullay  de  Laistre,  président 
de  la  Société  archéologique,  à 
St.-Brieux. 

*  Saussaye  (de  la),  membre  de 
ITnstilut,  à  Paris. 

Sauvage,  avocat,  a  Mortain. 


39fr        LISTE  DES  MEMBRES  DE 

Savin,  curé  doyen  de  la  Made- 
leine, à  Lille. 

Savoye  (Amédée),  architecte,  à 
Lyon. 

Scelles( l'abbé),  professeur  de  rhé- 
torique ,  à  Vire. 

Sebaux  (l'abbé),  secrétaire  parti- 
culier de  Mgr.  l'Evêque,  au 
Mans. 

Segrestain,  architecte  du  départe- 
ment, à  Niort. 

*  Seheult,  architecte  du  départe- 
ment ,  à  Nantes. 

Sénécuant  ,  curé  de  Massognes 
(Vienne). 

Senonnes  (le  marquis  de),  pro- 
priétaire, à  Angers. 

Sergent  (l'abbé;,  recteur  de  l'Aca- 
démie, vicaire-général,  à  Ne- 
vers. 

Sesmaisons  (le  comte  de),  proprié- 
taire, à  Flamanville  (Manche). 

Sevin,  propriétaire,  à  Falaise. 

Sicamois,  oflicier  de  l'Université  ,  à 
St.-Brieux. 

Simon,  membre  de  l'Institut  des 
provinces,  secrétaire  de  l'Aca- 
démie ,  à  Metz. 

Simon  (  Félix  ) ,  à  Metz. 

*  Shinger,  directeur  de  la  compa- 
gnie d'assurance  mutuelle  mobi- 
lière, au  Mans. 

Solerac  (de),  au  Pavillon  du  Sacq. 

*  Soultrait  (comte  Georges  de) , 
membre  de  plusieurs  Académies , 
au  château  de  Toury   (Nièvre). 

Soi'rdeval  (  de  ) ,  juge ,  membre  de 
l'Institut  des  provinces,  à  Tours. 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

Stengel,  oflicier  supérieur  en  re- 
traite, à  Paris. 

Stoclet  (l'abbé),  vicaire  de  la  ca- 
thédrale, à  Laon. 

Surrault,  principal  du  collège,  à 
Melles. 

*  Surigny  (de),  à  Màcon. 

T. 

Tambour  fils,  à  Mâcon. 

Tarbé  de  Vauxclairs  ,  ingénieur 
en  chef  des  ponts-et-chaussées , 
à  Laon. 

Tarnaud  (Frédéric),  banquier,  à 
Limoges. 

TASsiLLY,maître  de  pension,  à  Caen. 

Taunay  ,  juge  suppléant  près  le  tri- 
bunal de  première  instance,  à 
Poitiers. 

Tavernier  (l'abbé),  curé-archi- 
diacre de  St.-Quentin  (Aisne). 

Tavigny,  avocat,  a  Bayeux. 

*  Tellot  (  Henry  ) ,  propriétaire , 
a  Dreux. 

*  Teste-]  )ou  et,  membre  du  comité 
des  arts  et  monuments,  à  Paris. 

Tévenart  ,  curé-archiprêtre ,  à 
Laon  (Aisne). 

*  Texier  (l'abbé),  supérieur  du 
séminaire  du  Dorât  (  Haute- 
Vienne  ). 

*  Thevenot  ,  membre  de  l'Institut 
des  provinces,  à  Clermont-Fer- 
rand. 

*  Thibault  (  Emile) ,  membre  de 
l'Académie,  à  Clermont-Ferrand. 

Thiollet,    dessinateur    au   dépôt 

central  de  l'artillerie,  à  Paris. 
TnouROUDF.,curédePlanches(Orne). 


POUR  LA  CONSERVATION  OES  MONUMENTS. 


19  5 


Th.lt  (le  comte  de),  propriétaire  , 

au  Mans. 
Tirard,  curé,  à  Vire. 
*  Tonnelier  ,  greffier  en  chef  du 

tribunal  civil,  à  Sens. 


Van-der-Straten  (  le  baron  de  ) ,  à 

Metz. 
*  VahIsbgbbw,  architecte,  à  Nantes. 
Varin  (l'abbé} ,  curé  de  Vaucelles  , 

à  Caen. 


Tonnelier,  juge  d'instruction,    à     Varnet,  cure  de  Carlin  (Isère). 


Auxerre. 

Tourette  (  Gilles  delà),  proprié- 
taire ,  à  Loudun. 

*  Tournesac  (l'abbé),  chanoine, 
au  Mans. 

Torquat  (  l'abbé  de  )  ,  vicaire  de 
St.-Aignan,  a  Orléans. 

Touvre,  curé  d'Olley  (  Moselle). 


Vaudev    (l'abbé),    curé    de  St.- 

Georges  (Yonne). 
Vaudjon,  sous-inspecteur  des  écoles 

primaires,  à  Alençon. 

*  Vauqcelin  ^ baron  de) ,   proprié- 
taire, à  Ailly  (Calvados). 

Vautenet  ide^,  à  Paris. 

*  Vautier  (Abel  ,  député,  à  Caen. 


Toustain  (Henry  de) ,  au  château     Vacher  (l'abbé  ),  curé  de  Thury- 


de  Vaux-sur-Aure. 

TnANciiANT,curéde.Iort  (Calvados,!. 

Tridon  (l'abbé),  à  Troyes. 

Troppé  (l'abbé),  chanoine,   prin- 
cipal du  collège ,  à  Bayeux. 

*  Turgot  (  le  marquis  de  ) ,  ancien 


Ilarcourt  (  Calvados  ). 

Vée,  curé  d'Enlrains  (Nièvre). 

Verdier,  professeur  de  mathéma- 
tiques, au  Mans. 

Virnanges,  docteur  en  théologie, 
à  Lyon. 


pair    de    France,    à    Lantheuil  Verneilh    (de),    de  l'Institut  des 

(Calvados).  provinces,   à  Nonlron    (Dordo- 

V.  gne  . 

Vagner ,   imprimeur,   membre  de  Verneilh  (Jules  de),   à  Nontron. 


l'Académie ,  à  Nancy. 
Valgorge    (de),    à    l'Argentière 

(  Ardèche  ). 
Vallée  (l'abbé),    vicaire-général, 

à  Cambrai. 
Vallée  (Platon),  docteur-médecin, 

au  Mans. 
Valorï  (le  comte  Gabriel  de  ) ,    à 

St. -André-sur-Cail  ly. 
Valroger  (l'abbé),    chanoine,    à 

Bayeux. 
Vanackf.re,  imprimeur-libraire,  à 

Lille. 


*  Veriiolles  f  Paul  ,  architecte  du 
département,  à  Caen. 

Vesvrottes  (Clc.  de),  à  Paris. 

*  Vibraye  (le  marquis  de),  membre 
de  l'Institut  des   Provinces,    à 

Court-Cheverny  (Loir-et-Cher). 
Vibraye  (  le  Cie.  de  )  ,  au  château 

de  Bazoches  (Nièvre). 
Vigneral    (le   comte  de),    à   Ry 

(Orne). 
Vignon  ,  ingénieur  en   chef  de  la 

rivière  d'Yonne,  à  Auxerre. 
Vignoine  (l'abbé),  archidiacre  de 


396       LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

*  Voisin  (l'abbé),  vicaire  du  Pré, 
au  Mans. 

*  VuatriNj  avocat,  à  Béarnais. 

W. 


Vervins  (  Aisne  ). 
Villars  (Mme.  de),  au  Havre. 
Villefossf.    (de),    archiviste  du 

département    de    la    Nièvre  ,    à 

Nevers. 

*  Villecille  (  de  la  ) ,    secrétaire 
du  comité  bistorique,  à  Paris. 

ViLLF.its  (François),   architecte,  à 
Angers. 

*  Villers  (Georges),  propriétaire, 
à  Bayeux. 

Villiers  (  de  ),  contrôleur  des  con- 
tributions ,  à  Paris. 
Vin  as    (l'abbé   Léon),    curé    de 
Monferrier. 

Vincent  (Charles1,  chef  de  bureau 
a  la  préfecture,  à  Lille. 

Vincent  (Gustave  ),   peintre  orne- 
maniste, à  Bordeaux. 

Vincent  (l'abbé),  vicaire-général, 
au  Mans. 

Violette  (l'abbé),  curé  de  Cosne 
(Nièvre). 

Voillemer,    docteur-médecin,     à 
Senlis. 


Walsh  (le  vicomte  Edouard),  à 
Paris. 

Watteau  (l'abbé),  chanoine  ho- 
noraire, à  Angoulême. 

Weil,  architecte  du  gouvernement, 
à  Beauvais. 

*  Weis,  membre  de  l'Institut, 
conservateur  de  la  bibliothèque, 
à  Besançon. 

Williot,  secrétaire  de  la  Société 
archéologique  de  Soissons. 

*  Wint  (  Paul  de  ) ,  à  Paris. 
Woillez,     membre    de  plusieurs 

académies,  à  Senlis. 

Y. 

*  Yemeniz,  négociant,  à  Lyon. 

*  Youf  (l'abbé),  supérieur  du 
Don-Sauveur,  à  Caen. 

Yvory,  sculpteur,  à  Baveux. 


Membres  étrangers. 


MM. 


A 


Ainsworth  (  le  général  ),  à  Monnet 
(  Yorkshire  ). 

Alvin,  directeur  de  l'instruction 
publique,  a  Bruxelles. 

Aleswold,  président  de  la  régence, 
à  Trêves. 

Avei.lino  (le  chevalier) ,  conserva- 
teur en  chef  du  musée  de  Naples. 


B. 

Bavley  (W.  H.),  de  Londres. 

Boeh,  conseiller  aulique,  professeur 
à  l'Université  de  Heidelberg. 

Boissei:ée  Sulpice),  correspondant 
de  l'Institut  de  France,  à  Mu- 
nich. 

Bold  (Ed.),  capitaine  de  la  marine 
royale ,  à  Southampton. 

*  Biunckeu  (de),  conseiller  d'Etat, 


POUR   LA   CONSERVATION    DES  MONUMENTS.  M7 

GONELLA. 

Gueiilache  (le  baron  de),  premier 
président  de  la  Cour  de  cassa- 
tion, a  Bruxelles. 

Guillery,  professeur,  membre  de 
l'Académie,  a  Bruxelles. 


à  Brunswick. 
Buitton  ,  à  Londres. 
Bukaanj),    membre    étranger    de 

l'Institut  des  provinces,   doyen 

de  Westminster,  professeur  de 

géologie,  à  Oxford. 
C 

*  Carton  (l'abbé),  directeur  de 
l'établissement  des  sourds-muets, 
à  Bruges. 

*  Coeverden  (de),  docteur  en  droit, 
conseiller  intime  de  S.  M.  le  Boi 
de  Prusse,  à  Coblentz. 

Coppietters  (  le  docteur) ,  à  Iprcs. 
D. 

*  Donalston,  secrétaire  de  l'Institut 

des  architectes,  à  Londres. 
Dcmortier,  membre  de  la  chambre 

des  représentants,  à  Tournay. 

Duby,  pasteur  protestant,  à  Genève. 

W. 

*  Fabry-Rossius,  docteur ès-lettres, 
à  Liège. 

Florencocrt  (de),  membre  de 
plusieurs  académies,  adminis- 
trateur du  musée  d'antiquités, 
à  Trêves. 

*  Fustemberg-Sta.nheim  (le  comte 
de  ) ,  chambellan  du  roi  de 
Prusse,  à  Apollinarisberg,  près 
Cologne. 

G. 

Mg\  Geissei.  ,  archevêque  de  Co- 
logne. 

Grlvet  (comte  de  ),  à  Esloo,  près 
MEaestrech. 

GhjHkhuis  ,  négociant,  h  Botter- 
dam. 


II. 

Hubsch,  membre  du  conseil  supé- 
rieur des  bâtiments,  à  Carlsruhe. 
H. 

Kesteloodt,  propriétaire,  à  Gand. 

Kreuser,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes ,  à  Cologne. 

*  Krieg  de  Hochfelden,  aide-de- 
camp  de  S.  A.  B.  le  grand-duc 
de  Bade ,  à  Carlsruhe. 

Kugler  (Franz),  professeur  à  l'Aca- 
démie de  Berlin. 

Kull,  professeur  à  l'Académie  de 
Berlin. 

L 

Mgr.  Labis  ,  évêque  de  Tournay. 

Mgr.  Laurent,  évêque  de  Luxem- 
bourg. 

*  Le  Maistke  d'Anstaing,  pro- 
priétaire ,  à  Tournay. 

*  Lenhart,  sculpteur,  à  Cologne. 

*  Lopez  (le  chevalier),  conser- 
vateur du  musée  d'antiquités  de 
Parme. 

m 

Makcos  (Gustave),  libraire,  à  Bonn. 

Mone,  directeur  des  archives  géné- 
rales du  grand  duché  de  Bade, 
a  Carlsruhe. 

Mosler  (Charles,  professeur  à 
l'Académie  royale  de  Dusseldorf! 

*  MgT.  Miller,  évêque  de  Munster. 


25 


398        LISTE  DES  MEMBRES  DE 

M. 
Nryf.n  (Auguste),  propriétaire,  à 

Luxembourg. 
NicnoLS   (  John-Gough  ) ,   membre 

de  la  Société  des  Antiquaires  de 

Londres. 
Noël  (de),  propriétaire,  à  Cologne. 


Panizzi  (Antonio),  l'un  des  con- 
servateurs de  la  bibliothèque  de 
Londres. 

*  Parker,  membre  de  la  Société 
architecturale,  ù  Oxford. 

Q 

*  Quast  (le  baron  de),  conservateur 
général  des  monuments  histori- 
ques de  Prusse,  membre  étran- 
ger de  l'Institut  des  provinces 
de  France. 

R. 
Ramboux,  conservateur  du  musée 

de  Cologne. 
Reichensperger,    conseiller   à    la 

Cour  d'appel ,  à  Cologne. 
Reider,  professeur  à  l'école  poly- 
technique de  Bamberg. 
Respileux,  chanoine,  doyen  de  la 

cathédrale  de  Tournay. 
Ring  (de),  membre  de  plusieurs 

Sociétés  savantes ,  à  Fribourg  , 

en  Brisgaw. 
Roulex,  professeur  de  l'Université 

de   Gand,  membre  étranger  de 

l'Institut  des  provinces. 
S. 

San  Quintino  (le  comte    de), 

membre    de  plusieurs    Sociétés 

savantes,  à  Turin. 


LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE 

Sauzail   Socmeigne   (baron   de), 

à  Francfort. 
Schayes,  membre  de  l'Académie, 

à  Bruxelles. 
Schenase  (Charles),  procureur  du 

Roi,  à  Dusseldorf. 
Schneman,   professeur   au  collège 

royal  de  Trêves. 
Schrierer,  professeur  des  sciences 
auxiliaires  historiques  à    l'Uni- 
versité de  Fribourg. 
*  Serra  di  Falco  (duc  de),  prince 
de  San  Pietro,  membre  étranger 
de  l'Institut   des  provinces,    à 
Palerme. 
Sheffield-Grace,  ù  Knowle-House, 

comté  de  Kent. 
Smolveren  ,  membre  de  la  députa- 
tion  permanente  de  la  province 
d'Anvers. 
Stampfe   (de),    vice-président  du 
tribunal  de  Munster. 
T. 
Tempest,   membre   de    la  Société 
des  Antiquaires  de  Londres. 
U. 
Uruciis,  professeur,  directeur  du 
musée  d'antiquités,  à  Bonn. 
V. 
Voisin   (  l'abbé  ) ,  vicaire-général , 
à  Tournay. 

W. 
Walsch,  rue  de  l'Université,  82  , 

à  Paris. 
Wardel    (William),     architecte, 
membre  de  l'Institut  royal  des 
architectes  d'Angleterre,  à  Lon- 
dres. 


POUR    LA   CONSERVATION    DES   MONUMENTS. 


399 


*  Warnkoenio,  membre  de  lTn- 
stitut,  et  professeur  à  Tubingen, 
membre  étranger  de  l'Institut 
des  provinces. 

Wetter,  membre  de  plusieurs 
Académies,  à  Mayence. 

*  Whewel  ,  docteur  en  théologie , 
professeur,  à  Cambridge. 


archéologique  de  Sinsheim. 

Willis,  membre  de  plusieurs  Aca- 
démies, professeur,  à  Cambridge. 
Y. 

*  Yates,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes,  à  Londres. 

Yobio  (l'abbé  de),  chanoine,  l'un 
des  conservateurs  du  musée  de 


Wilhem,  directeur   de  la  Société        Naples. 


COMPTE 


RENDU  PAU  LE  TRÉSORIER  DE  LA  SOCIÉTÉ  FRANÇAISE  POUR  LA  CONSERVATION  DES 
MONUMENTS  HISTORIQUES, 

DES  RECETTES  &  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  1851 


RECETTES. 

Excédant  du  compte  de  1850 15,600  77 

Cotisations  recouvrées  sur  l'année  1849.    ...  10  » 

Id.                   sur  l'année  1850.   ...  870  » 

Recettes  de  1851 6,135  » 

Total.    .   .         22,615  77 

DÉPENSES. 

RECOUVREMENT  DES  COTISATIONS. 
Frais  de  recouvrement 242  19 

CONCIERGE. 

Traitement  du  concierge  et  fournitures 60     » 

IMPRESSIONS. 

Mémoire  de  l'imprimeur  en  1851 2,233     » 

A  reporter.  .  .  .       2,535  19 


COMPTE   RENDU   PAU   LE   TRÉSORIER.  Ml 
Report.  .  .  2,535  19 
Gravure  et  tirage  d'une  planche  pour  le  compte- 
rendu  de  1850 ' 60     » 

Vignettes  pour  le  compte-rendu  des  séances.  .  .  185     » 

PORTS  DE  LETTRES  ET  AFFRANCHISSEMENTS. 

Ports  de  lettres  t  paquets  et  affranchissement.    .  108  60 

Affranchissement  de  l'Abécédaire  archéologique 
et  du  Compte-rendu  des  Séances 351   Ih 

SÉANCES  GÉNÉRALES. 

irais  relatifs  aux   séances  générales  à  Paris  , 
Laon  ,  Nevers  et  Gisors 309  40 

Cotisations  au  Congres  d'Orléans 20     > 

Dépenses  de  la  division  du  Mans 03 

ALLOCATIONS    SOLDÉES. 

Membres  chargés  de  la  sur- 
veillance des  travaux. 

M.  Delaunay.  Réparations  à  l'église  de 

St.  -Loup 100     » 

M,  Leclerc.  Souscription  pour  la  statue 
de  G  uillaume  -  le  -  Con- 
quérant         200     » 

M.  l'abbé  Boudant.    Réparations  à  l'église   de 

Chantclle 100     » 

M.  l'abbé  Clément.     Fouilles  aux  Pasquicrs.  .  .  50     » 

M.  Piette.  Id.  à  Nisy-le-Comte.  .  .  .        200     >• 

M.  le  Curé  de  Suèvres.  Id.  à  Suèvres 100     » 

MM.  de  Coetlosquet 
et  Boulangé.  Restauration  d'un   monu- 

A  reporter.  ...       4,562  93 


/i02 


COMPTE 


M.  leCurédeSuèvres 

M.  de  Brébisson. 
M.  DE  Beaurepaire. 


M.  DE  VERNEILH. 

M.  DE  BONNEUIL. 

M.   VÉROLLES. 
M.  le  Maire  de  Gisors. 
M.  Baudouin. 
M.  Quantum. 

MM.DROUETetDAMD 

Id. 
ld. 
Id. 


Id. 
ld. 
Id. 


RENDU   PAR   LE    TRÉSORIER. 

Report.  .  .       4,562  93 
ment  dans  l'église  de  St.- 

Martin  de  Metz 100     » 

Réparations  à  l'église  de 

Suèvres. 50     ». 

Fouilles  au  M1. -d'Eraines.  100  » 
Restauration  d'une  verrière 

de  l'église  de  Notre-  Dame 

duTouchet 100     » 

Réparations  à  l'église  St.- 

Martialde  Valette.  ...        145     » 
Id.  à  l'église  collégiale  de 

Melun 100     » 

Id.  à  l'église  du  Breuil.  .  150  » 
Id.  au  château  de  Gisors.  150  » 
Fouilles  à  Si. -Révérien.  .  100  » 
A-compte  sur  des  fouilles 

à  Auxerre 60     > 

.  Achat  d'antiquités  pour  le 

musée  archéologique  du 

Mans  (en  1850  et  1851).        500     » 
Réparations  à  l'église  du 

Pré 100     » 

ld.   à  l'église   de  Sillé-le- 

Guillaumc 100     » 

Id.  à  l'église  de  Châleau- 

rilermilage    (  en    1850 

et  1851  ) 200     .. 

ld.   à  celle  de  Neuvy.   .   .         100     » 

ld. ,  id.  de  Chcux 100     » 

Souscription  pour  le  buste 

du  générai  Négrier.  .   .  25     » 

Total.   ....     6,722  93 


COMPTE  RENDU  PAR  LE  TRÉSORIER  403 

BALANCE. 

Recette 22,615  77 

Dépense.     .  .  .       (3,722  93 

Excédant  en  caisse.  .     15,892  8/i 

ALLOCATIONS  NON  ENCORE  ACQUITTÉES. 

Membres    chargea   de    lu    sur- 
veillance des  travaux. 

M.  Tabbé  Barraud.     Eglise  de  St. -Germer.  .  .        500     » 
M.  le  Maire  d'Orléans.   Souscription   à    la    statue 

équestrede  Jeanne  d'Arc.       200     » 

Fouilles  a  Fcurs 50     » 

MM.deBeaukepaire 

et  de  Bréiusson.      Tour  de  Rouvres 300     » 

M.  des  Moulins.        Réparations  à  la  croix  de 

Nérigean 50     » 

M.  l'abbé  Arbellot.    Moulages  à  Limoges.    .  .         150     » 
M.  des  Moulins.        Somme  à  la  disposition  de 

l'inspecteur  divisionnaire 

de  Bordeaux 278     « 

M.  l'abbé  Charron.    Crypte  de  St. -Marcel.  .  .        100     > 
M.  E.  THIRAUD.  Réparations   à    l'église  de 

St. -Georges-ès- Ailiers.  .        100     > 
M.  Bulliot.  Rétablissement  de  la  croix 

du  Mont-Beuvray.  ...         100     > 
M.  de  Glahville.       Réparations   à    l'église   de 

Branville 100 

M.  l'abbé  Crosnier.   Réparations  à   l'église    de 

Jaillv 200 


A  reporter.   .   .   .        2,128     » 


404       COMPTE  RENDU  PAR  EE  TRÉSORIER. 

Report.  .   .        2,128     » 
M.  l'abbé  Lepetit.      Restauration  d'une  chapelle 

de  l'église  d'Evrecy.  .  .        1 00     » 
Mgr.  I'Evêque  de  Ne- 
vers.  Réparations  -  à  l'église   de 

St. -Sauge 100     » 

M.  Quantin.  Fouilles  à  Montmartre  et  à 

Auxerre 60     »> 

M.  Lallier.  Id.  à  Sens 50     » 

2,438     .» 

SITUATION    FINANCIÈRE. 

Excédant 15,892  84 

Allocations  à  solder 2,438     » 

Fonds  libres.  ...       13,454  84 
Arrêlé  à  Bayeux,  le  26  juin  1852. 

Le  Trésorier , 
L.  Gaugain. 


TABLE 

DES    MATIÈRES 


Congrès  archéologique  de  France,  XVIIIe.    session 

tenue  à  Laon  et  à  Nevers 5 

Première  séance  du  6  juin 6 

Discours  de  M.  te  comte  de  Mérode 9 

Note  de  M.  Am.  Piette \k 

Mémoire  de  MM.  Bretagne  et  Rouit  sur  ta 

pierre  votive  de  Nizy-te- Comte 18 

Note  de  M.  Gomart 34 

Seconde  séance  dît  d  juin 36 

Visite  de  ta  cathédrale  et  de  quelques  autres 

édifices  de  la  ville  de  Laon ld. 

Séance  du  7  juin Ul 

Note  de  M.  Millet Id. 

Lettre  de  M,  VoiLLEZ 49 

Excursion  archéologique  à  l'abbaye  de  Vau- 

clair 66 

Description  des  dessins  représentant  le  bâti- 
ment connu  sous  le  nom  de  grange  de  l'ab- 
baye de  Vauclair ,  par  M.   Victor  Petit.  .  73 
Séance  du  8  juillet 88 


406  TABLE   DES  MATIÈRES. 

Mémoire  de  M.  UotTT 89 

Notice  de  M.  Bretagne 97 

Notice  de  M.  l'abbé  Lecomte 101 

Deuxième  partie  de  la  session,  à  Nevers Ht 

Première  séance  du  10  juin Id. 

Note  de  M.  Laureau  de  ïhory 138 

Seconde  séance  du  10  juin ICI 

Première  séance  du  11  juin 160 

Communication  de  M.  l'abbé  Clément.  ...  179 

Deuxième  séance  du  11  juin 183 

Mémoire  de  M.  Bulliot  sur  lemontBeuvray.  184 

Première  séance  du  12  juin 215 

Deuxième  séance  du  12  juin 227 

Première  séance  du  l'djuin 250 

Rapport  de  M.   Bulliot  sur  l'excursion  du 

Congrès  de  Nevers  ci  Varennes 251 

Visite  du  Congrès  au  musée  nivernais 255 

Procès-verbal  de  la  visite  aumuséede  la  Porte- 

du-Croux 280 

Deuxième  séance  du  13  juin 285 

Excursioîi  à  La  Charité 30/j 

Visite  à  la  cathédrale  de  Nevers.   ......  31/| 

Rapport  adressé  à  M.  Le  Petit  ,  secrétaire-général  de 
la  Société  française  ,  sur  les  conduits  du  château  de 
St.-Verain;  par  M.  l'abbé  Clément,  membre  de 

la  Société 328 


TABLE   DES  MATIÈRES.  /l()7 
Séance  tenue  à  Gisors  (  Eure  ) ,  le  samedi  k   octobre 
1851,  pendant  ta  réunion  de  l'Association   Nor- 
mande       339 

Excursion  à  St.  -  Germer ,  par  la  Société  française ,  le 
6  octobre  1851 357 

Tableau  des  Inspecteurs  nommés  par  le  Conseil ,  aux 
termes  du  règlement  de  la  Société 372 

Liste  générale  des  membres  de  la  Société  française 
pour  la  conservation  des  monuments  par  ordre  al- 
phabétique       375 

Compte-rendu  par  le  trésorier  de  la  Société  pour 
la  conservation  des  monuments  historiques,  des 
recettes  et  dépenses  de  l'année  1851 400 


FIN  DE  LA  TABLE, 


ADDITION, 


Ajouter  au  tableau  des  inspecteurs  :  division  do  la  Bretagne 


M.  Geslin  de  Bourgogne  , 
Inspecteur  des  Côtes-du-Nord. 


Caen,iui|.  de  A.  I'jmiil. 


CONGRES  ARCHÉOLOGIQUE 


Les  membres  de  la  Société  française  sont  convoqués,  à  Dijon  , 
pour  le  ier.  juillet  i85'2.-  M.  Baudot,  un  des  secrétaires- 
généraux   de   la   session,  recevra  les  notices  qui  seront  destinées 


au  Congrès. 


Indication  des  villes  dans  lesquelles  se  sont  tenus  les  Congrès  archéo- 
logiques annuels  de  la  Société  française  ,  depuis  l'année  1834. 


(834  —  Caen. 
,855— Douai. 
,836  —  Blois. 
1837 —  Le  Mans. 
1  858  — Tours. 
1859  —  Amiens. 
1840  —  Niort. 


1841  —  Angers. 

1842  —  Bordeaux. 

1843  —  Poitiers. 
i844 —  Saintes. 
i845— Lille. 
1846 — Metz. 
1847  —  Sens. 


I849  —  Bourges. 
i85o —  Auxerre. 
i85r  —  Nevers. 
iS5s —  Dijon. 


Indépendamment  de  ces  Congrès,  la  Société  a  tenu  des  sessions 
ou  des  séances  générales,  plus  ou  moins  importantes,  à  Rennes,  à 
Nantes ,  à  Vannes  ,  à  Avranches  ,  à  St.-Lo  ,  à  Coutances ,  à 
Cherbourg,  à  Bayeux,  à  Vire,  à  Mortain.  à  Falaise,*  Alencon, 
à Mortagne ,à  Rouen,  à  Dieppe,  à  Pont-Audemer ,  à  Honfleur, 
à  Besancon,  à  Metz,  à  Strasbourg,  à  Lyon,  à  Clermont,  à  Ninies, 
à  Neufchâtel,  à  Reims,  à  Evreux,  à  Paris,  à  Autun,  à  Châlons- 
sur-Saône,  à  Marseille,  à  Angoulême,  à  Limoges,  à  Lillebonne 
et  à  Bernay. 


Statistique  Monumentale  du  Calvados;  par  M.  de  Caumout . 
tome  2e.,  comprenant  l'arrondissement  de  Falaise,  on  volume  de 
600  pages,  orné  de  200  vignettes.  —  Le. 5e.  volume  est  sous  presse. 


(  acn,  Typ.    de   A.  Hàïdil    , 


GETTY  CENTER  LINRARY 


3  3125  00671  3818 


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