w
^k:
J
'1
-rk l
V
X
fj
:^1
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
SEANCES GENERALES
TENDES
A LAON, A NEVERS ET A GISORS,
EN 1851 ,
PAC LA
SOCIÉTÉ FRANÇAISE
POCR LA
CONSERVATION DES MONUMENTS HISTORIQUES.
PARIS ,
DERACHE, RUE DU BOULOY, 7;
CAEN , A. HARDEL, IMPRIMEUR-LIBRAIRE,
Rue Froide , 2.
1852.
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES, EN 1851 ,
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
POUR LA
CONSERVATION DES MONUMENTS.
AVERTISSEMENT.
Le recouvrement des cotisations étant devenu
à peu près impossible , par F intermédiaire des
banquiers , le Trésorier prie MM. les membres
de la Société de vouloir bien lui faire parvenir
le montant de leurs cotisations et des abonne-
ments au Bulletin monumental , au moyen cTun
bon sur la poste.
Le droit de 2 fr. pour °/0 et le prix du timbre
des mandats au-dessus de 10 fr. pourront être
prélevés sur la somme à payer ; le port de la
lettre d'envoi sera acquitté par le Trésorier , en
sorte qu'il n'y aura aucune augmentation de
dépense pour MM. les membres de la Société.
Ainsi, il suffit défaire verser au bureau de
poste 10 fr. ou 25 fr. ; de réclamer un mandat
de gfr. 80 c. , ou de 24 fr. i5 c. sur la poste de
Bayeux, au nom de M. Gaugain , trésorier, et
de lui adresser ce mandat sous une simple enve-
loppe.
Le Conseil d' administration compte sur V em-
pressement de MM. les membres de la Société
à se conformer à cette recommandation.
W->. Il n'est rien changé au mode de perception, dans
les villes où l'un de MM. les membres de la Société a
bien voulu se charger du recouvrement des fonds.
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
SUAMES GENERALES
TENUES
A LAON, A NEVERS ET A GISORS,
EN 1851,
PAR LA
SOCIÉTÉ FRANÇAISE
POUR LA
CONSERVATION DES MONUMENTS HISTORIQUES.
PARIS ,
DERACHE, RUE DU BOULOY, 1 ,
CAEN , CHEZ A. IIARDEL, IMPRIMEUR-LIBRAIRE,
RUE FROIDE, 2.
1852.
[ïitifô AiuiiiÉOLOtiiaiiË
DE FRANCE.
XVIIIe. SESSION
LE 6 JUIN 1851 ET JOURS SUIVANTS.
La Société française avait décidé que la session de 1851
se diviserait en deux parties ; que la première partie , dont
la durée serait de trois jours seulement , s'ouvrirait à Laon
le 6 juillet sous la présidence de l'illustre comte Félix de
Mérode, un de ses inspecteurs divisionnaires; que la seconde
partie , dont la durée serait de cinq jours , s'ouvrirait le 10
à Nevers. Le chemin de fer du Nord et celui du centre , qui
mettent ces deux villes à quelques heures l'une de l'autre ,
quoiqu'elles soient séparées par une distance de près de 120
lieues , justifiait cet arrêté de la Société. Quant aux villes de
Laon et de Nevers, elles offraient l'une et l'autre des monu-
ments très-intéressants à étudier , et le choix de la Société
française ne pouvait être plus heureux.
1
6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Par suite de cet arrêté , M. le Cte. Félix de Mérode et le
bureau central de la Société française se rendirent à Laon
le 5.
Le 6 juin eut lieu solennellement l'ouverture de la pre-
mière partie de la session de 1851 , dans le grand sallon de
l'hôtel-de-ville.
Première séance du & jjiain Itt&l.
Présidence de M. le Cl<. de Méhode.
La séance est ouverte à onze heures sous la présidence de
M. le Cte. Félix de Mérode , inspecteur divisionnaire des
monuments de France. Siègent au bureau MM. de Caumont,
directeur général delà Société française; l'abbé Pocquet, in-
specteur de la Société pour le département de l'Aisne ; Gau-
gain , trésorier de la Société ; François , recteur de l'Acadé-
mie déple. de l'Aisne ; Tbévenard , archidiacre de Laon ;
Huet , président du tribunal civil de Laon ; de Laprairie ,
président de la Société académique de Soissons; de Beau-
villé , adjoint au maire de la ville de Laon; Tarbé de Vau-
clair , ingénieur en chef du dép\ de l'Aisne. MM. Gomard ,
délégué de la Société de Saint-Quentin; Piette, auteur de
l'histoire de l'abbaye de Foigny ; Vte. de Courrai , membre
du conseil général de l'Aisne; Martin, membre de la So-
ciété de Soissons , et Fleury , membre de plusieurs Aca-
démies , siègent également au bureau en qualité de se-
crétaires.
Plus de 120 personnes occupent les sièges réservés aux
membres du Congrès ; un assez grand nombre de dames ont
voulu également témoigner par leur présence de l'intérêt
qu'elles portent aux études historiques.
xviir. SESSION. 7
On remarque dans la salle les membres dont suivent les
noms :
MM. Bévière, propriétaire, à Laon.
Blanchevoie, avocat, membre du Conseil municipal,
à Laon.
Bretagne, inspecteur des contributions directes, à Laon.
Calliez , agent-voyer en chef , à Laon.
Catillon , professeur de rhétorique.
Caton , curé-doyen , à Craône.
Chambert , docteur-médecin , à Laon.
Chauvenet (de) , juge d'instruction, à St. -Quentin.
Cocu , ancien notaire , à Laon.
Cocu , ancien maire , à Laon.
Comrier , juge suppléant , à Laon.
Demazes , procureur de la République , à Laon.
Dersu , juge au tribunal civil.
Descamps, membre de la Société archéologique de
Soissons.
Dogny , chirurgien-major en retraite.
Dominé, pharmacien, à Laon.
Duprat , principal du collège de Laon.
Gagnon, architecte.
Gelvé, de Reims.
, à Reims.
Genaudet, avocat, à Laon.
Geoffroy , supérieur du petit séminaire de Liesse.
Goûtant , avoué , à Laon.
HYDÉ, propriétaire, à Laon.
Jardinier , économe du petit séminaire de Liesse.
Lahaigne ( de ) , curé de Fresles.
LAMOTTE , curé de Bruyères.
LECOINTE , chef de bureau à la préfecture.
8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
MM. Lecomte , vicaire à Braisnc.
Leleu, prêtre à Laon.
Lemaire , au séminaire de Laon.
Leroux , docteur-médecin , à Corbeny.
Loche , directeur des contributions directes.
Magellan , sculpteur.
Martin de Rosoy, membre du Conseil général.
Mastier, professeur de philosophie au collège de Laon.
Matton, archiviste du département.
Mennesson, avocat, à Laon.
Millet , inspecteur des eaux-et-forèts , à Laon.
Noizet , juge au tribunal civil.
Oyon , rédacteur de l'Observateur.
Paffe , propriétaire , à Laon.
Perine de la Campagne , propriétaire , à Laon.
Piette (Edouard), président du tribunal de com-
merce de Venins.
Piette (Amédée ) , contrôleur des contributions di-
rectes , à Laon.
Pocquet ( l'abbé ) , membre de plusieurs Sociétés sa-
vantes , directeur de la maison des sourds-et-muets
de St.-Médard.
Poette , curé de Presles.
Ponthos (de), propriétaire, à Metz.
Pourrilr, secrétaire-général de la préfecture de l'Aisne.
Romain , professeur au séminaire de Laon.
Moult , directeur de l'École normale.
PiOUHier , avoué , à Laon.
Salmon , avocat , à Laon.
Savartn, ingénieur des ponts-et-chaussées, à Laon.
Sirien , receveur de l'enregistrement, à Laon.
Stocquelet, vicaire à Laon.
Suun, membre de la Société archéologique de Soissons.
XVIII'. SESSION. 9
MM. Tagliomjle, économe au séminaire de Laon.
Tavernier , archidiacre de St. -Quentin.
Tillois, bibliothécaire de la ville de Laon.
Van Kleemputte , architecte du département.
Vaudin , ancien pharmacien , à Laon.
Vigoigne, curé-archidiacre de Venins.
Vinchon , avocat , à Laon.
Williot, membre de la Société archéologique de
Soissons.
M. le comte de Mérode ouvre la séance par le discours
suivant :
DISCOURS DE M. LE <:,e. DE MÉRODE.
« Au mois de septembre dernier, ne pouvant me rendre
au congrès scientifique de Nancy , je priai, par lettre, M. de
Caumont , de vouloir bien proposer au conseil de la Société
Française la tenue d'une session archéologique à Laon , pour
l'année 1851. Ce projet, dont le but était d'appeler autant
que possible l'intérêt public et l'attention bienveillante et
active du gouvernement sur les réparations urgentes que
réclame la cathédrale de l'un des anciens diocèses de France
les plus marquants, puisque son évèque figurait parmi les
douze pairs ecclésiastiques , fut approuvé ; c'est pourquoi ,
Messieurs , nous sommes aujourd'hui réunis.
Quant au motif qui m'a valu l'honneur de vous convoquer,
il se fonde sur mon titre d'inspecteur divisionnaire de la
Société française , Société féconde en œuvres de conservation
et en savants mémoires.
Diverses causes m'empêchant d'exercer mes fonctions de
manière quelque peu satisfaisante, j'ai cru devoir au moins
témoigner ma bonne volonté bien réelle , en m'eflbreant de
10 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
provoquer plus sérieusement la sollicitude que mérite le
principal monument du pays.
Et ici , Messieurs , afin d'expliquer mon intérêt spécial
à son égard, qu'il me soit permis de répéter quelques mots
prononcés, il y a huit ans, lorsque je présentais au grand
portai] de Notre-Dame de Laon , la pierre gravée , repré -
sentant l'illustre évêque Barthélémy, exactement copiée sm
la pierre tumulaire qui existe encore à Foigny, dans l'humble
chapelle du bienheureux Alexandre.
Laon, disais-je, est la première ville de l'ancienne
France que j'ai vue, allant à l'âge de seize ans des plaines
du Nord vers Paris, et pendant un grand nombre d'années
subséquentes, ayant occasion d'y passer fréquemment. Sa
cathédrale , ses clochers aériens m'ont toujours vivement
frappé, comme aussi la remarquable position delà cité même,
dominant de belles campagnes au sommet d'une montagne ,
où ses remparts se confondent avec les roches saillantes qui
leur servent d'appui.
J'ai cru devoir vous indiquer brièvement, Messieurs,
par quelles circonstances je me trouve occuper aujourd'hui
le poste de président dans cette enceinte Où je ne devrais
figurer que comme simple assistant, ami des monuments
français comme de ceux qui subsistent en Belgique.
Habitant successif des deux pays voisins, je suis affilié
à la Société Française que dirige M. de Caumont. Je connais,
je visite Laon depuis plus de quarante ans, j'ai toujours
admiré sa cathédrale , je désire ardemment qu'elle se main-
tienne. Voilà ce qui m'excuse devant vous , Messieurs ,
qui voulez bien me permettre de paraître au premier rang
de cette honorable assemblée. Je vais maintenant vous
exposer quels sont mes vœux , les limites de mes espé-
rances.
Les deux tours qui ornent le portail de l'église surchar-
XVIIIe. SESSION. 11
geiil leurs appuis, vouies ou piliers, dans l'intérieur de
l'édifice.
Il est indispensable qu'on les aide à supporter le fardeau
qui les accable, mais nullement souhaitable qu'on les en
délivre, afin de rebâtir à neuf; car si les tours disparaissaient ,
elles ne reparaîtraient plus de nos jours. Ce n'est pas là
une présomption : c'est , Messieurs , un fait certain. Des
besoins toujours croissants se font sentir pour la consolidation
d'un grand nombre d'édifices religieux très-notables en
France. Le rapport récent de M. de Contencin l'affirme et le
démontre. Des augmentations importantes de subsides ap-
plicables à ces travaux sont extrêmement nécessaires. Com-
ment oser croire dès-lors que deux tours, une fois démolies
à Laon, soient relevées, lorsqu'il s'agira simplement d'en
tenir d'autres sur pied avec les fonds disponibles. Reste ainsi
le choix des moyens d'assurer ce qui périclite. Jusqu'ici ,
l'office de support a été confié à quelques poutres qui ont
rempli leur tache provisoire , il leur faut un successeur
définitif plus robuste et pas Irop cher cependant, pour que
sa tenue ne tarde pas trop. Le talent du constructeur
consistera donc dans l'art de prévenir la ruine sans trop
blesser, s'il se peut, le coup-d'œil dirigé vers la région du
portail et sans entraîner d'autre part des frais qui rebutent
les distributeurs du budget de l'Étal.
Vous le savez, Messieurs, de nos jours, lorsqu'il s'agit
de grands travaux purement utilitaires, les millions abondent.
Qu'importe ce que coûtent les déblais , remblais , les ponts
immenses , les passages souterrains , lorsqu'il s'agit des voies
destinées aux locomotives qui franchissent à l'heure dix et
quinze lieues.
Mais aussi, à l'égard des anciens monuments, on est
parcimonieux. On leur accorde à peine ce qu'il faut à la
prolongation de leur existence, à L'ajournement de leur chute
12 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
qui écraserait les bâtisses voisines. Les éludes archéologiques,
les réunions comme la nôtre luttent en faveur des souvenirs
qui poétisent la vie actuelle de l'homme , en retraçant à sa
mémoire les goûts, les mœurs des siècles durant lesquels
vécurent avant lui ses ancêtres. Elles lui procurent l'avantage
si grand de ne pas s'ennuyer au milieu d'un bien-être qui
deviendrait insipide , en dépit de toutes ses perfectibilités; et
parmi les causes principales des révolutions , il faut consi-
dérer, ce me semble, l'absence d'intérêts suffisants envers les
choses du passé , intérêts curieux que l'on ne doit jamais
confondre avec l'esprit rétrograde mal entendu; puisque le
passé , source inépuisable d'enseignements et de nobles dis-
tractions est loin de n'offrir que des modèles de conduite
à suivre en tous points. Une sage disposition des intelli-
gences leur ferait accueillir les inventions modernes et créer
ce qu'elles ont imaginé de progressif en faveur de l'aisance
commune et privée, toutefois, sans zèle exclusif, sans trop
abandonner le beau, le grandiose qui touche l'âme , pour la
magnificence uniquement destinée aux services commodes
d'un ordre matériel.
C'est dans ces idées de partage raisonnable entre les
besoins de l'âme et du corps qu'agirent les moines agriculteurs
du XIIe. siècle. A côté d'églises pleines d'inspirations élevées
vers Dieu , ils bâtissaient , pour serrer les épis de leurs vastes
campagnes cultivées soigneusement , des granges construites
avec un luxe approprié à l'œuvre et une parfaite solidité, sur
lesquelles M. Piette a donné d'instructives notions dans son
excellente histoire de Foigny , où il a rappelé qu'une de ces
granges merveilleuses existe encore à Yauclerc. Là , se trouve
peu loin de cette ville où nous sommes un véritable monu-
ment agricole, bien rare aujourd'hui dans son genre et bien
digne d'être plus connu.
Comment a-t-il pu demeurer debout tout entier pendant
xviir. SESSION. 13
sept siècles et traverser les vicissitudes des révolutions de
l'agriculture, non moins dangereuses pour lui que les revo-
ta) lions politiques ? c'est ce que j'ignore. Me félicitant de le
connaître, je vous recommande, Messieurs, de le visiter ; car
il est peu probable qu'on élève ultérieurement aux gerbes
un tel abri.
Je termine , Messieurs , par une citation propre à nous
inspirer des idées plus douces que celles cjui s'attacbenl à
la disparition successive des objets remarquables. Dans la
séance du 25 avril , M. Benoit-d'Azy , vice-président de
l'Assemblée législative , prononçait ces paroles que j'ai
recueillies avec bonheur : « On a fait allusion aux dépenses
« qui sont portées pour les frais du culte calbolique au budget
« de l'intérieur. La France a eu autrefois une longue période
« d'existence dans laquelle elle a construit les cathédrales, les
« monuments du culte; ces monuments, voulez-vous les laisser
« tomber, voulez-vous lesdétruire? (Une voixà gauche: Non!)
« Vous dites non , réplique M. Benoît-d'Àzy , et je le crois;
« je suis sûr que vous ne le voulez pas, car c'est la gloire de
« notre pays. » Et j'ajoute pour mon compte, un des éléments
principaux de cette gloire monumentale de la France , c'est
la cathédrale de Laon. »
M. de Caumont prend ensuite la parole et remercie M. le
Cte. de Mérode au nom de la Société française des soins qu'il
a donnés depuis long-temps à propager les connaissances
archéologiques en France et en Belgique : M. de ftlérode a
donné un exemple qui porte toujours d'heureux fruits quand
il vient de si haut. Dernièrement encore , pour sauver de
l'oubli remplacement de la célèbre abbaye de Foigny , il a
acheté le terrain sur lequel s'élevait le chœur de la grande
église ; précédemment , il avait offert à la cathédrale de Faon
le tombeau d'un de ses évêques. Rien ne serait impossible en
1U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
fait de bonnes et grandes entreprises, ajoute M. de Cauinont,
s'il existait dans chacune de nos provinces seulement un
homme généreux et dévoué comme M. de Mérode. Nous le
remercions, au nom des départements du Nord de la France,
de tout ce qu'il a fait d'utile et sa présence à notre tête dans
la ville de Laon est d'un heureux augure pour nos tra-
vaux.
M. de Caumont explique ensuite comment la Société pro-
cède dans ses Congrès archéologiques , comment elle fait des
enquêtes sur des questions dirigées dans le but de faire passer
en revue tous les faits qui se rattachent à l'histoire monu-
mentale du pays.
Les premières questions sont celles qui se rattachent aux
monuments attribués auxCeltes, c'est-a-dire les pierres levées,
les dolmens , les tumulus , etc. , etc.
M. Piette lit une note sur une pierre levée qui existe à
Bois-Pargny (Aisne).
NOTE DE 31. AM. PIETTE.
Parmi les monuments primitifs que le temps a épargnés
dans nos contrées, on cite les dolmens ou autels de pierre,
et les menhirs ou peulvans , sortes d'obélisques bruts qui
s'élèvent encore çà et là sur quelques points de l'ancienne
Gaule.
Un des plus remarquables monuments de ce genre , qui
existent dans le département de l'Aisne, est la Haute-Borne
qu'on remarque sur le territoire de Bois-Pargny ( canton de
Crecy-sur-Serre ) , h peu de distance du village de Sons-et-
Ronchcres. C'est un monolithe en grès brut , planté vertica-
lement sur le sommet incliné d'un coteau qui domine une
partie du pays , et qui a conservé le nom de champ de ba-
taille.
XVIII". SESSION. 15
Sa hauteur est de /in,.80c. ; sa largeiar moyenne de 1'". 50e.
et son épaisseur , qui mesure
75°. à hauteur d'homme , at-
teint 90°. à son extrémité su-
périeure. Des fouilles bien
incomplètes pratiquées an pied
de ce monument permettent
d'attribuer à sa partie enfoncée
une dimension prcsqif égale à
s;i hauteur au-dessus du sol.
Il est généralement connu
sons le nom de Haute-Borne :
mais les habitants du pays lui
donnent plus généraient eut le
nom de Versicaux (1) de Gar-
gantua ; ils racontent que ce
géant traversant un jour la
contrée laissa tomber la pierre
avec laquelle il aiguisait sa
faiilx et qu'elle demeura fichée
au lieu où ou la voit encore
aujourd'hui.
Dans les temps éloignés , cette pierre était l'objet d'une
adoration vague et mystérieuse. On y allait, dit-on , en pèle-
rinage; on ne s'en approchait qu'avec une espèce de terreur ;
car elle était chaque nuit le lieu du rendez-vous des esprits
malfaisants, qui venaient y ourdir leurs complots. Aujourd'hui
son prestige est évanoui; la pierre de Gargantua n'effraie plus
que les enfants indociles; le laboureur indifférent la heurte
avec sa charrue et l'aurait déjà renversée, si ce colosse n'était
pas aussi solidement établi sur sa base.
..M39EH
(1 Versicaux , en picard, pierre à aiguiser.
16 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
La pierre de Pargny est-elle un symbole de l'idolâtrie
celtique? faut-il y voir l'image de l'Hercule panlopliage des
Gaulois ? conjecture à laquelle le nom de Gargantua , attri-
bué à ces pierres dans un grand nombre de localités , peut
donner quelque vraisemblance; — ou bien n'est-elle , comme
semble l'indiquer le lieu de sa situation , que le signe com-
mémoratif d'un grand événement militaire , dont l'histoire
n'a pas conservé le souvenir ? C'est là le problème dont la
solution se fera sans doute encore attendre bien long-
temps.
Quoi qu'il en soit , ce monolithe n'en est pas moins l'un
monuments les plus anciens de la Tiérache, et un témoignage
vivant de la patience des Celtes , qui , avec la seule force des
bras humains , parvinrent à dresser ces masses de grès , que
nos plus puissantes machines élèveraient avec peine au-
jourd'hui.
M. le président demande si quelque membre connaît d'au-
tres monuments celtiques dans le département.
M. de Laprairie donne quelques détails sur le dolmen de
Vauxrezy sur lequel une notice est publiée en ce moment
par la Société de Soissons.
M. Piette signale un assez grand nombre de tumulus dans
les environs de Laon ; il en fait le dénombrement dans un
travail spécial. Du reste, il y aurait beaucoup de fouilles in-
téressantes à pratiquer dans ces éminences qui n'ont pas
encore été étudiées.
Diverses questions posées par M. de Caumont sur les par-
ticularités remarquées dans les tumulus et sur la disposition
intérieure de ces monuments donnent lieu à quelques ren-
seignements peu précis.
A l'abbaye du mont St. -Martin , dans un tumulus fouillé ,
on a trouvé des constructions en grès. Certains tumulus ,
notamment ceux de Laniscourt et de Puisieux ont été fouillés
xvnr. session. 17
à une époque qu'on ne peut préciser ; les excavations que
l'on voit le prouvent, lui 18l'i , on y a enterré des corps de
Cosaques, et plus tard cette circonstance pourra occasionner
des erreurs.
M. de Caumont dit qu'en France on a peu fouillé les
tumulus; en Angleterre au contraire, on les a beaucoup
étudiés. Ils sont en plus grand nombre le long des voies ro-
maines. M. Piette a fait la même remarque. Quant à ceux
qu'on pourrait explorer dans le pays , on en trouverait de
très-rapprochés à Laon.
A-t-on trouvé des armes ou des objets celtiques dans
ceux de ces tumidas qu'on a ouverts ? demande M. de
Caumont.
M. Piette répond qu'il n'y a pas de musée à Laon ; que les
objets trouvés ont été perdus ou dispersés.
M. de Caumont désirerait que , dans une ville aussi an-
cienne que celle de Laon et qui peut fournir des objets
antiques et curieux, on formât un musée qui reçût tout ce
qui serait découvert dans les environs.
Camps et retranchements. — M. Piette dit qu'on connaît
des retranebements ou camps assez nombreux ; ainsi celui
qu'on a trouvé à Condé-sur-Aisne , dont la dimension offre
environ 1600 mètres d'étendue , surface totale de 110 bec-
tares; ainsi à St. -Thomas, ainsi à iWacquenoise ; il donne
d'intéressants détails sur ce camp.
M. Bretagne pense qu'il faudrait étudier surtout le camp
de Condé-sur-Aisne , qui , détruit un peu par le canal de
l'Aisne, offre cependant encore des traces très-intéressantes
de fortifications. On y a trouvé des haches antiques à côté
des boucles de ceinturons, etc.
M. de Caumont dit qu'il faut bien faire attention à ces
boucles de ceinturons. On en a trouvé , même dans les tu-
mulus , qui évidemment appartiennent à la fabrication des
1 8 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
VIe. et VIIe. siècles. Il est impossible de trouver une diffé-
rence entre ces objets du moyen âge et ceux qu'on attribue
à la fabrication romaine.
Passant à l'étude des voies romaines , M. de Caumont
voudrait qu'on dît quelles sont les voies indiquées dans l'iti-
néraire d'Antonio , si on les a bien précisément reconnues
et si aussi on en a trouvé qui ne fussent pas indiquées dans
cet itinéraire.
M. Piette répond que celles tracées dans l'itinéraire d'An-
tonin sont certainement reconnues, et qu'il en est une qui n'y
est pas indiquée : celle qui vient de Reims , passe à Athies ,
Chambry , Càtillon-du-ïemple pour aller à St. -Quentin.
M. Bretagne ajoute qu'une particularité remarquable de ces
voies , c'est que partout où elles passent elles délimitent les
territoires des villages.
M. Piette mentionne une autre voie reconnue en partie
par M. Lemaître , ancien directeur des poudres et salpêtres ;
elle reliait la voie de Reims à St. -Quentin à celle de Reims
à Bavay, en passant à 100 mètres en avant du camp de St.-
Thomaset aboutissant à Nizy-le-Comte. Il a fait une carte qui
sera complétée, et il promet de faire un travail plus complet,
et qui renfermera toutes les voies romaines du département.
A-t-on trouvé des monuments de L'époque romaine Le Long
des voies antiques , teLs que des bornes mULiaires ?
M. de Laprairie dit qu'il en existe trois à Juvigny dans le
Soissonnais. Elles sont décrites. On les a fait servir de
bornes pour orner la place publique, et la commune les a fait
offrir au musée de la Société de Soissons.
M. de Caumont dit que , dans certaines contrées , à
l'aide de renseignements précis, on a pu rétablir sur place
des fac-similés de bornes milliaires. Peut-être pourrait-on
en faire de même dans le département de l'Aisne. M. l'abbé
Pocquet pense qu'il serait facile d'arriver à ce résultat ; car
XVIII'. SESSION. 19
les distances sont connues <-t indiquées sur les pierres qui
existent.
M. de Caumont demande si l'on a découvert des vestiges
d'établissements romains.
M. Pocquet annonce qu'on a fait dernièrement une décou-
verte très-importante : celle d'un établissement romain sur
le territoire de Nizy-le-Comte.
M. Rouit donne lecture d'un travail que , concurremment
avec M. Bretagne , il a écrit sur cette découverte.
MÉMOIRE DE MM. BRETAGNE ET ROUÎT SUR LA
PIERRE VOTIVE DE XIZY-LE-UOMTE.
La découverte faite à Mzy-le-Comte de diverses colonnes
antiques et d'une pierre votive est d'un très-grand intérêt.
C'est sur ce débris des temps anciens que nous appelons l'at-
tention du Congrès.
Celte pierre , analogue pour le grain et la dureté à celles
de Colligis , a 80e. de long , Zi2 de large et H d'épaisseur.
A l'une de ses extrémités latérales , elle présente une queue
d'aronde , et de ce côté elle est taillée en biseau.
Un rebord haut de '2e. encadre l'inscription.
Celle-ci est d'une conservation complète. Les lettres de la
première ligne ont 7e. de hauteur, celles des lignes suivantes
n'ont que U5 millimètres.
Les pleins ont environ 5 millimètres de largeur sur 3 de
profondeur.
Le dernier mot est séparé du pénultième par un espace uni
long d'un décimètre.
On lit distinctement :
NUM. AI. G. DliO A PO
LU NI. PAGO. VENNECT1
PltOSCOENILM. L. MA
G1CS. SF.CUNDUS. 1)0
NO. DE STO. IIF.DIT.
20 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
A la divinité d'Auguste, au dieu Apollon , ou bien : « Sous la
« protection d'Auguste , en l'honneur du dieu Apollon, L.
« Magius secundus a fait don au bourg de Vennectum de ce
« proscoenium élevé à ses propres frais. »
Nous préférons l'interprétation qui donne : Sous la pro-
tection d'Auguste, parce que nous ne voyons pas dans les
mots Num. Aug. une dédicace, mais l'invocation d'une sauve-
garde tutélaire. On sait en effet que les peines les plus sévères
atteignant les crimes de lèse-majesté , il était d'usage, pour
conserver les monuments publics, de les placer sous la pro-
tection du prince.
Cette pierre appartient-elle à un monument élevé sur les
lieux mêmes où elle a été trouvée ?
Quelle signification donner au mot Vcnnecti?
Voilà, MM. , la double question qu'il importait d'examiner.
Nous avons essayé d'instruire le procès , c'est à de plus ha-
biles de décider.
Et d'abord ne pouvait-on pas raisonnablement admettre
que cette pierre, d'un volume et d'un poids assez peu consi-
dérable, aurait été transportée à Nizy-le-Comte avec d'autres
matériaux, d'autant plus que le pays ne possède aucune car-
rière , et qu'il a toujours tiré d'assez loin les pierres propres
à la construction ?
Cette hypothèse devenait une certitude si la découverte
restait un fait isolé, accidentel; mais aussi elle perdait
toute vraisemblance si d'autres vestiges révélaient aux mêmes
lieux la présence de quelques ruines importantes.
C'était donc là le point à vérifier.
L'un de nous s'est rendu à JNizy-le-Comte, le U mai, et
s'est occupé d'un examen préalable. Le mauvais temps ne lui
a pas permis de longues recherches; mais elles ont pu être
utilement dirigées, grâce à l'obligeance et au zèle éclairé de
MM. Guérin, propriétaire, et Calais, instituteur de la com-
mune.
xvur. session. 21
Nizy-Ie-Comtc , sur la limite extrême du département de
l'Aisne el de celui des Ardcnnes, est situé presque au der-
nier degré d'une longue pente qui descend d'un vaste plateau.
Au sud du village coule un ruisseau. Au-delà de ce ruisseau
le terrain se relève , et par une rampe douce d'environ 1000'".
va rejoindre un autre plateau, dont l'abord est désigné par les
cultivateurs sous le nom de la Justice.
C'est vers la moitié de cette rampe , dans un petit jardin
contigu aune maison isolée, sur la route de Reims, qu'a
été trouvée la pierre qui nous occupe.
Mais cette pierre n'était pas seule ; elle était confondue
avec d'autres matériaux , des moellons de petit appareil très-
régulier et de grandes tuiles à rebord; le tout se voit encore
à fleur de terre et en immense quantité.
Cette rampe et ce plateau sont , sur un espace considé-
rable, couverts de débris de poteries, de tuiles, de fragments
de marbres, de moellons calcinés, de charbons. Eu un instant
il a pu être recueilli un grand nombre de ces témoignages
irréfragables d'antiques habitations.
Au point culminant, un cultivateur, M. Froment , a extrait
d'énormes pierres taillées qu'il a transportées auprès de sa
demeure et qu'il emploie au fur et à mesure de ses besoins.
Ces pierres sont parfaitement appareillées, et toutes por-
tent des entailles destinées à recevoir des crampons qui les
liaient entr'elles, suivant l'usage adopté par les Romains dans
la construction des grands édifices.
Plusieurs , d'une entière conservation , proviennent d'une
corniche , dont les quatre divisions principales mesurent cha-
cune 10e.
Trois autres sont des chapiteaux d'ordre toscan. On voit
aussi deux fûts de colonne de £i5c. de diamètre ; mais leur
module annonce une longueur qui , selon les règles de Vi-
truve, ne semblerait pas en rapport exact avec la hauteur des
trois chapiteaux. 2
22 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Le fragment le plus intéressant est une frise habilement
fouillée et représentant de gracieuses feuilles d'eau.
Le peu d'épaisseur de la pierre ( 8e. ) sur laquelle cette
frise est sculptée , indiquerait qu'elle n'a été encastrée à la
place qu'elle devait occuper, qu'après l'achèvement de l'édifice.
Cette pierre est dans la possession de M. Guérin.
M. Calais a fait de ces divers fragments un dessin que
nous joindrons à cette notice.
On rencontre journellement sur le sol et surtout sur le pla-
teau , des médailles , des ustensiles , des armes , des débris de
toute nature , et c'est un fait de notoriété publique que tous
les ans des marchands de Reims et des Italiens (colporteurs)
viennent à Nizy en faire une récolte plus ou moins abondante.
C'est ainsi que dans les quelques heures que l'un de nous
y a passées , il a pu recueillir les médailles suivantes :
1°. Un petit bronze de Tibère , au revers l'autel de Lyon ;
2°. Un denier de Titus, tête à droite : Imp. Titus. Cœs.
Vespasian. ang. P. M.
Au revers : T. R. P. IX. cos. VIII. P. P. Une couronne
sur un autel ;
3°. Deux médailles en bronze d'un chef des Rémi , tète à
gauche ; Atisios :
Au revers un lion ; un dauphin au-dessous ;
U°. Une médaille gauloise anépigraphe , en potin :
Personnage courant à droite, cheveux flottants; dans une
main une lance , dans l'autre une couronne.
Au revers , un cheval d'exécution barbare.
Cette médaille, qu'on rencontre souvent dans les diocèses de
Reims et de Laon , pourrait, avec vraisemblance, s'attribuer
aux Rémi, dont le territoire de ]Nizy-le-Comte faisait partie.
Enfin plusieurs tombeaux gaulois ou gallo-romains, représen-
tant des personnages grossièrement exécutés , se voient enchâs-
sés dans les murs de quelques maisons de Nizy. Ils ont été
exhumés sur les lieux mêmes, lorsqu'on creusait les fondations.
xvnr. session. 23
Dans les environs on a encore reconnu des traces de con-
structions , mais moins considérables ; ce sont de simples
villes. Une entr'autres, au lieu dit Clair-Puits, à 1 kilomètre
environ à l'Ouest , se distingue très-bien à l'époque de la
maturation des blés : les fondations effleurant le sol, le blé y
est plus maigre , mûrit plus tôt , et dessine à ces places les
divers compartiments qu'il recouvre.
On y trouve de nombreux fragments de mosaïques, et l'on
nous a montré une quantité de cubes qu'une curiosité peu
réfléchie en a fait détacher.
Ces vestiges d'antiquité ne sont pas, il est vrai, les seuls
que possède Nizy-le-Comte, on en remarque encore d'autres
au Nord et à l'extrémité du village , au-dessus de l'église ;
mais ils proviennent du château que, dès 1178, y possédaient
les sires de Roucy. Les pierres qu'on y rencontre ont une
analogie complète avec celles que, sur le plateau opposé , on a
tirées du lieu dit la Justice, et permettent de croire que, suivant
l'usage et par nécessité , le donjon féodal avait emprunté les
matériaux de ses murs aux ruines dont le sol était déjà couvert.
De tous ces faits on doit nécessairement conclure : 1°. qu'à
Nizy-le-Comte existait non pas seulement une station, mais
une ville -d'autant plus importante que sur la voie romaine
de Reims à Bavay, venait, suivant l'opinion de notre hono-
rable collègue , M. Piette , s'embrancher une autre voie an-
tique, communiquant avec celle de Reims à St. -Quentin,
en passant auprès du camp de St. -Thomas ; 2°. que la pierre
votive appartient évidemment au théâtre de cette ville.
S'il est permis , après un premier coup-d'œil bien rapide, de
former une conjecture sur la position qu'occupait la cité gallo-
romaine, on serait autorisé à croire qu'elle était située sur la
rampe et le plateau qui s'élèvent au Sud du ruisseau de Nizy,
et non à l'endroit où se voit aujourd'hui le village, puisque
sur le sol du village on n'a trouvé que des tombeaux , et que
2U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
les Romains plaçaient toujours leurs sépultures en dehors des
murs, sur le bord des routes.
L'existence d'un théâtre étant justifiée par l'importance
même de la ville , et clairement prouvée par la découverte
de la pierre votive , cpiel en était l'emplacement ?
Les Romains choisissaient généralement, pour cette sorte
de monuments, un accident de terrain qui offrît un amphi-
théâtre naturel; les travaux étaient moins coûteux, les gradins
ayant pour base et pour appui le sol lui-même. Us avaient
soin aussi que l'exposition en fût tournée vers le Nord , afin
que les spectateurs n'eussent pas à souffrir des ardeurs du soleil.
Si l'on place le proscœnium ou la scène à l'endroit ou aux
environs de l'endroit où la pierre votive a été trouvée, on
reconnaît cette double condition ; de ce point , le sol continue
h s'élever et regarde le Nord.
Quelle était la grandeur du théâtre ? Rien ne l'indique en-
core; il faudrait, pour s'en assurer et retrouver les gradins ,
exécuter quelques fouilles dans un rayon de 50 à 60m. au
plus , à partir au proscœnium.
Nous avons parlé de fragments de corniches , de frises ,
etc. , trouvés sur le point culminant du plateau. Ces débris
ne sauraient appartenir au théâtre ; la place d'où on les a
tirés est distante d'environ 500m. du proscœnium. L'édifice
dont ils constatent l'existence était probablement un temple.
La position, en effet, convient parfaitement à cette destination ;
les anciens aimaient à placer leurs monuments religieux sur
les points les plus élevés de la cité. Aussi voit-on que chez
les poètes arx et templum étaient synonymes. Ovide, en
parlant du temple de Minerve , dit : Festte PaUadis arces.
La dédicace du Proscœnium : Deo Apolloni ne semblerait-
elle pas indiquer que ce temple était celui d'Apollon , ou du
Bélénus gaulois ?
A quel siècle pourrait-on attribuer ces monuments?
XVIIIe. SESSION. 25
Les caractères de l'inscription ne paraissent pas de la belle
époque ; ils n'en ont ni la correction ni l'élégance ; il serait
permis d'en inférer qu'an moins le théâtre a été construit ou
restauré vers le IIP. siècle, au commencement de la décadence.
Reste maintenant à examiner le mot Vennecti.
Peut-il désigner le lieu de naissance du donateur ? Des
recherches multipliées dans le recueil de Gruter, dans Y An-
tiquité de Mont faucon, et le Thésaurus de Mtiratori ne nous
ont présenté aucune inscription où paraisse le lieu de nais-
sance du donateur sans que ce nom soit accompagné de
natus, ou au moins précédé de la préposition de. De plus, on
remarquera que les mots Pago Vennecti sont séparés par
celui de Proscœnium, du nom L. Magius secundus ; con-
struction qui serait entièrement contraire au génie de la langue
latine , s'il y avait entre les premiers et les derniers un rap-
port aussi intime.
Nous voilà donc amenés à ne voir daus ce mot Vennectum
que le nom du bourg ou de la ville qu'un citoyen généreux
a orné , à ses frais , d'un ouvrage où l'architecture déployait
de préférence toutes ses richesses.
Les anciens itinéraires placent, il est vrai , à l'endroit où se
voit aujourd'hui Nizy-le-Comte , une station romaine , sur la
voie de Reims à Bavay , mais ils lui donnent un tout autre nom.
Cette station figure dans l'itinéraire d'Antonin sous le nom
de Minaticum, à 6 lieues gauloises (2210m. ) de Catu-
siacum (Chaourse) et 8 de la rivière Auxenna (Aisne).
Dans la table théodosienne (393 de J.-C. ) , elle est appelée
Ninùtaci, à 13 lieues gauloises de Vironum (Vervins) , et 9
de la rivière Auxenna.
Les distances indiquées dans l'itinéraire d'Antonin et dans
la table théodosienne, se retrouvent assez exactement sur la
carte de Cassini et sur celle du dépôt de la guerre , à l'égard
de Chaourse et de Vervins ; ce qui vient corroborer l'opinion
26 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
de Danvillc et de Walknaër, qui voient dans le village de Ni zy
l'ancien Minaticum ou Ninitlaci.
Mais la concordance cesse à partir de ce point jusqu'à
l'Aisne, et les deux itinéraires, surtout la table théodosienne ,
donnent, par rapport à cette rivière, des distances trop longues.
Faut-il attribuer cette différence à ce que les calculs usités
à cette époque tenaient compte des ondulations du terrain ,
tandis que les cartes modernes sont toutes rapportées à une
surface plane ? Ou bien la rivière d'Aisne , comme tant d'au-
tres, aurait-elle modifié son cours, se rapprochant des falaises
qui la bordent au Nord? Ou plutôt ne serait-ce là que le ré-
sultat inévitable d'études encore incertaines et dénuées des
moyens de précision si familiers aujourd'hui ?
Quoi qu'il en soit , nous venons de trouver deux noms au-
thentiques , Minaticum et Ninittaci. En voici un troisième
Vennecium, et le témoignage qu'en porte l'inscription ne
saurait être contesté. Comment les concilier ?
Très-peu de noms de lieux cités dans l'itinéraire d'An-
tonin se retrouvent, sans graves changements, dans la table
théodosienne ; celle-ci même , bien que postérieure de deux
siècles et demi environ , passe pour la plus incorrecte. II
n'est là rien qui doive étonner. A Rome et à Constantinople ,
avait-on bien exactement le nom de ces milliers de bourgs et
de villes , antérieurs pour la plupart à la conquête , et perdus
aux extrémités de l'empire ? Sans parler de la diversité des
idiomes, si durs et si brefs au Nord , si doux et si nombreux
au Sud et à l'Orient, le temps seul n'en a-t-il pas dû modifier
la prononciation et l'orthographe? Que l'on compare les deux
tables , et l'on reconnaîtra facilement que , à l'exception de la
racine, presque tous les mots ont revêtu d'autres formes, d'au-
tres terminaisons, que bien souvent même, ils ont été complè-
tement remplacés. C'est ce que prouve surabondamment chaque
jour la découverte de nouvelles inscriptions , en tr 'au très celle
de Tongres , si peu d'accord avec les notions précédentes.
XVIII*. SESSION. 27
Ne devons-nous voir ici, dans trois mots composés chacun de
neuf lettres, qu'un déplacement dos caractères, une altération
fortuite , effet de l'ignorance des copistes , si l'on compare les
deux itinéraires, ou du graveur si l'on considère la pierrede Nizy?
Quand nous voyons M. Walknacï lire Niniitaci là même
où le savant Danville avait lu Nintecasi , nous avouerons que
nous croyons plus volontiers à l'incorrection des anciens ma-
nuscrits, ou à la difficulté de les déchiffrer, qu'à l'infidélité
d'un artiste qui , sur le front d'un monument public dédié à
toute une ville, eût, sous les yeux mûmes des habitants, donné
à cette ville un autre nom que le sien.
Le nom véritable de la station romaine de Nizy-le-Comte ,
celui qu'elle se donnait et sous lequel elle était désignée dans
la Belgique, c'est donc, à notre avis, et ce ne peut être que
celui de Vennectwn.
Le papier, fût-ce môme du papyrus ou du parchemin, est
sujet à l'erreur ; la pierre est toujours plus véridique; chaque
passant la contrôle et la pourrait démentir.
Mais comment ce nom n'aurait-il laissé aucune trace ? Mo-
difié d'abord , puis défiguré , dénaturé par les causes dont
nous venons de parler , il aura enfin péri avec la ville même
qui le portait.
Les invasions germaniques, ou plutôt l'irruption d'Attila
qui renversa tant de cités sur son passage , en auront subite-
ment détruit par le fer et par le feu les édifices et les habi-
tants. C'est ce que semblent prouver ces débris calcinés et
ces charbons trouvés sur les lieux mômes. D'ailleurs que
d'autres ruines semblables !
Grand , dans la cité de Toul , n'est nommé dans aucun
itinéraire, ni rappelé par aucun historien; et cependant, sur
son sol jonché de débris de toute espèce , on a découvert un
théâtre assez vaste pour contenir 15,000 spectateurs. Cham-
plieu (arrondissement de Compiègne) montre aussi les ves-
tiges d'un théâtre , et pourtant l'histoire ne l'a pas cité.
28 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Les Barbares et la guerre ont bien détruit ; l'ignorance et
le dédain ont aggravé le mal ; c'est à l'étude patiente et cu-
rieuse à le réparer. Rendre au jour quelque monument ou-
blié de la vieille Gaule , ne serait pas , ce nous semble , un
travail sans fruit pour la France nouvelle ; il aurait du moins
le mérite de lui rappeler que son passé l'oblige avant tout à
défendre et à maintenir les arts et la civilisation , comme son
légitime héritage.
Il n'eût pas été non plus sans intérêt de nous rendre compte
de la valeur exacte du mot Pagus.
Nous pensons que le Pagus gaulois représente non seule-
ment un bourg , une ville secondaire, mais encore un terri-
toire d'une certaine étendue, correspondant h une de nos di-
visions départementales et diffèrent en cela du mot civitas qui
comprenait tout un peuple , et laissait à la capitale son nom
particulier.
En résumé, c'est aujourd'hui un fait établi, que sur l'em-
placement de J\izy-le-Comte s'élevait autrefois une ville gallo-
romaine ; que celte ville possédait un théâtre; que son nom,
jusqu'alors inconnu, était Vcnncctam; qu'elle a laissé de nom-
breuses traces de son existence; et vous conclurez avec nous,
Messieurs, que si l'on doit regretter les précieux débris que lui
ont sans doute enlevés , dans le cours de tant de siècles , les
besoins et l'ignorance des populations , il n'en serait que plus
honorable pour le département de sauver ce qui reste, en exé-
cutant des recherches et des fouilles dont notre zèle n'a pu
que pressentir et signaler l'intérêt.
M. le Cte. de Mérode adresse au nom du Congrès des
remercîments aux auteurs de cette intéressante notice.
M. de Caumont, de son côté, rappelle que Grand, dont
M. Rouit vient de parler, offrait aussi une certaine con-
nexité, une ressemblance de nom avec le nom de Grandesina,
sous lequel cette localité était connue au moyen âge.
XVIIIe. SESSION. 29
Il demande si on a levé le plan de quelques maisons de
campagne gallo-romaines, s'il en a été trouvé depuis quelques
années. M. l'abbé Poquet donne quelques détails sur les
fouilles d' A Haines commencées par la Société archéologique
de Soissons.
M. Pielte parle de la trouvaille fréquente de débris de
poteries romaines autour de la citadelle de Laon. Quant aux
autels dédicatoires , on n'en connaît pas dans le Laonnois.
M. Bretagne dit que la pierre trouvée à Nizy serait une
anomalie pittoresque dans le musée historique de Soissons
et qu'elle devrait être déposée à Laon.
M. de Caumont, pressé de donner son avis sur cette ques-
tion , répond qu'il appartient aux deux localités de s'entendre
à ce sujet, mais qu'en principe les objets doivent, autant
que possible, rester dans le pays où ils ont été trouvés, dans
la ville à la circonscription de laquelle ils ont appartenu.
M. de Caumont demande si , des fouilles étant faites à
Nizy-le-Comte , on pourrait réunir, soit à Laon, soit ailleurs,
les objets qui seraient probablement trouvés ; souvent , dit-il ,
les objets disparaissent faute d'être réunis dans des locaux
convenables.
M. Bretagne répond qu'à la bibliothèque de Laon on pourrait
réunir commodément tout ce qui proviendrait de ces fouilles»
M. de Caumont demande si l'on a trouvé des pierres à in-
scriptions dans le pays et si on a levé des copies de ces inscrip-
tions; il recommande aux Sociétés archéologiques de bien veiller
à ces collections qu'on pourrait coordonner par régions. Il
faudrait aussi constater les grandes trouvailles de médailles
romaines. M. l'abbé Poquet répond qu'à Soissons on connaît
bon nombre de ces inscriptions qui sont conservées avec soin.
M. Bretagne donne quelques détails sur les quatre grands
enfouissements de médailles constatés le plus récemment.
M. l'abbé Lecomle parle d'une découverte de médailles
30 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
faite aussi dans le cimetière dit des exemples , à Bruyères
près Laon.
MOYEN AGE.
M. de Caumont, poursuivant l'enquête archéologique ,
demande si on a déterminé les limites des grandes divisions
territoriales appelées Pagus , Viens , Aiscis , aux époques
mérovingienne et carloviugienue.
M. Pielte répond qu'on connaît plusieurs pagus dans le
département de l'Aisne , mais qu'il serait très-difficile d'en
déterminer la circonscription.
M. Ch. Gomard signale une inscription du VIIe. siècle
(dont il donne un dessin très-exact ) trouvée à St. -Quentin
en janvier 1826 , en creusant un terrain près la porte St.-
Martin , sur l'emplacement de l'ancien bastion de Colombie.
Voici ce qu'on lit sur la pierre malheureusement brisée en
quatorze morceaux , qui est déposée au musée de la Société
académique de St. -Quentin :
ANNO • SEXTO ; CENTM
POSITL'S ; FUIT • HOC
MONCMETUM \ PER
SSU CLOTHARIUS
FRANCORL'M ; REX
CUILPER1CI • FILIUS \
1TER ; FACIES ; SUESIONEM
DIES • JAM1ARI J VICF.NTI.
Au bas de cette pierre , on remarque trois petites plaques
de plomb coulées avec soin , à égale distance.
Ce monument se rapporte à l'époque où Clothaire II, battu
dans les plaines de Bourgogne , cherchait à regagner Soissons,
sa capitale.
M. Gomard donne lecture en même temps, 1°. d'une lettre
XVIIF. SESSION. 31
insérée dans la Gazette de France , du 6 février 1826 , qui
prétend qu'on doit lire à la quatrième ligne jussum ; 2°.
d'une lettre en réponse insérée dans le n°. 339 du Journal
de St.-Quentin, du 12 février 1826 , qui pense qu'on doit
lire cussus.
M. Gomard estime qu'il y a dû avoir perjussus, à cause
de la queue du J majuscule qui est encore bien visible sur la
pierre et qui , en aucun cas , ne pourrait faire un C , et à
cause du sens même de l'inscription , qui indique que ce
monument a été placé par les ordres du roi Clothaire.
M. de Caumont demande quels sont les monuments qu'on
peut attribuer avec quelque certitude au XIe. siècle.
M. Piette indique le porche de l'église d'Urcel.
M. de Laprairie croit que l'église de Champlieu , dans l'an-
cien Soissonnais, appartient à cette époque, ainsi que celles de
Berny-Rivière, Berneuil; la crypte de St. -Léger de Soissons.
M. Martin , de Rosoy , signale l'église de Rosoy-sur-Serre.
Une charte du XIe. siècle parle de la construction de cette
église. 31. Piette croit que cette église n'offre pas les carac-
tères de l'art au XIe. siècle.
M. l'abbé Lecomte signale l'église de Laffaux , où l'on re-
trouve des chapiteaux historiés très-curieux.
M. Delaplanche conteste la date indiquée et croit que cette
église appartient au XIIe. siècle.
M. l'abbé Lecomte croit avec M. Piette qu'il faut attribuer
l'église d'Urcel au XIe. siècle ; tous les chapiteaux en sont
très-curieusement travaillés.
M. de Caumont pense qu'en l'absence de documents et de
preuves bien précises , il faudrait s'occuper seulement de
dresser le catalogue des églises romanes les plus curieuses.
Voici quelques-unes des églises romanes désignées : Bruyè-
res (abside) , Nouvion-Ic-Vineux , Urcel , Chivy , Craude-
32 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
lain , Trucy , Vic-sur-Aisue , Berny-Rivière , Fontenoy ,
Courraelles , Berzy , Montlevon , Vailly , Condé , Epaux ,
Vaux-su r-Laon.
Le même membre demande si , dans les constructions re-
ligieuses du pays, on a remarqué qu'une sorte de moulures
quelconque eût été recherchée et appliquée plus spécialement
par les architectes du pays.
M. Poquet signale à St. -Pierre de Soissons et à Vic-sur-
Aisne des moulures qu'il n'a rencontrées nulle part ailleurs ;
ce sont des plicatures festonnées. M. l'abbé Lecomte parle
d'enroulements dans la chapelle des Templiers à Laon ; dans
quelques églises romanes , on rencontre des motifs affectant
la forme de cristallisation.
M. de Caumont dit qu'il a fait graver les moulures de la
chapelle des Templiers de Laon , dont vient de parler M.
MOULURES DE LA CHAPELLE RONDE DES TEMPLIERS, A LAON.
l'abbé Lecomte , et qu'il ne les a jamais vues ailleurs ; il avait
XVIIIe. SESSION. 33
même conçu quelques doutes sur l'origine de ces moulures,
avant de les avoir vues ; mais on vient de lui dire qu'il en
existe de pareilles dans deux églises romanes du département
de l'Aisne ; il insiste sur l'intérêt que peut présenter dans
chaque pays la collection des moulures d'ornementation qui
ont été le plus usitées et de celles qui pourraient s'y rencon-
trer exclusivement.
L'heure à laquelle on doit se rendre à la cathédrale , pour
visiter ce beau monument étant arrivée , M. le comte de Mé-
rode propose de nommer une commission de cinq membres
pour assister le Congrès dans la visite qu'il doit faire , rece-
voir les avis et communications , et rédiger sur la situation
de cette église et sur les réparations à y faire , un rapport
qui sera signé plus tard par les membres du Congrès et
adressé au gouvernement.
Cette proposition est accueillie, et les membres de la com-
mission sont désignés par M. le président.
M. de Mérode fait part au Congrès d'une invitation que
M. de Bcauvillé , l'un des adjoints , adresse , au nom de la
ville de Laon , aux membres étrangers pour une soirée qui
est offerte par la ville aux membres du Congrès. Le Congrès
accepte avec reconnaissance cette gracieuse invitation et
arrête que ses remercîments seront exprimés au procès-
verbal.
M. Gomard fait la communication suivante relative à un
manuscrit conservé a St. -Quentin et datant du commence-
ment du XIIe. siècle ; il y joint le dessin d'une majuscule
ornée parmi plusieurs autres qui se trouvent dans ce manu-
scrit.
34 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
NOTE DE M. GOMARI).
On trouve dans la bibliothèque de l'église de St. -Quentin
un manuscrit in-4°. , un peu oblong , couvert en cuir , avec
fermoirs, écrit sur parchemin avec lettres majuscules et
sujets peints.
La mention suivante que l'on trouve sur la feuille de garde
indique le haut prix que le chapitre attachait à ce manuscrit :
« Extractum e RegestrisConclusionum Capitularium regalis
« et insignis ecclesiaa sancti Quinlini in Augustâ Veroman-
« duorum. Authenticum vitae S". Quintini in thesaurariâ
« hugus ecclesiae asservatum compingi curabit d""\ Paucct
« canonicus vices gerens thesaurarii pro absentiam d "'. Raffec,
« eo quod folia non satis inter se cohaerent : Hanc autem or-
« dinationem in capite illius inscribi et per me capituli se-
« çretarium sublignani domini ordinarunt. Statutum in capi-
« tulo feria seconda julii décima quarta anni millesimi sex-
« centesimi octogesimi septimi. »
Signé : Gobert.
Ce manuscrit, connu sous le nom de l'authentique, est
composé de quatre-vingt-onze feuillets de parchemin ren-
fermant les morceaux suivants :
1°. Texte et scènes de la passion de saint Quentin. 2U
feuillets ;
2°. Sermon de grâces pour la fête de saint Quentin, k
feuillets;
3°. Invention de St. -Quentin par sainte Eusébie. 3 feuil-
lets ;
h°. Invention de saint Quentin par saint Eloi , au lieu où
l'avait enseveli sainte Eusébie. h feuillets ;
5°. Sermon sur l'élévation de saint Quentin, k feuillets ;
XVIIIe. SESSION. 35
6". Texte (les miracles opérés par la vertu de saint Quentin.
21 feuillets ;
7°. Miracles arrivés dans l'isle. 6 feuillets;
8°. Sermon pour l'octave de saint Quentin, h feuillets ;
9°. Sermon pour la tumulation de saint Quentin , sainte
Victoria et saint Cassien. 9 feuillets ;
10°. Collectes pour l'année. 12 feuillets.
Ce manuscrit fut donné à l'église de St. -Quentin par un cha-
noine nommé Raimbert, vers HOft. Hémeré (dans Aucjusta
Viromanduorum Ulustrata, p. 125) estime que ce ms. a été
exécuté de la main de Raimbert , ce qui paraît très-vraisem-
blable; car sur le premier feuillet, dans l'encadrement même
du prologue, on voit un moine tenant d'une main une plume
et de l'autre un cornet. On lit à droite et à gauche de la
tète Raim bert.
Le récit du martyre de saint Quentin est surtout curieux
par vingt-trois illustrations , représentant les divers épisodes
de sa passion et de sa mort , rendus avec la naïveté de
l'époque.
L'écriture, qui est du commencement du XIIe. siècle,
n'est pas la même dans tout le manuscrit ; elle paraît avoir été
faite par trois mains différentes; elle est ornée de 128 lettres
majuscules, dont le plus grand nombre , d'une composition
très-variée, est orné d'or, d'argent et de couleurs éclatantes.
La première lettre du récit de la passion de saint Quentin,
le T , nous a paru brillamment tracée.
Le Congrès lève la séance pour se transporter à la cathé-
drale.
Le Secrétaire ,
Ed. Fleury.
36 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Seconde séance du 6 juin.
NjaSîiîTJB DIB IL& (BA^mâ JDIBiilLIS
ET
DE QUELQUES AUTRES ÉDIFICES DE LA VILLE DE LAON.
A trois heures 1/2, le Congrès quitta l'Hôlel-de-Ville : il
entra immédiatement dans la cathédrale au son des cinq
grosses cloches de cette basilique , ayant à sa tête M. le comte
de Mérode,M. de Caumont, M. Thévenard, curé-archidiacre,
qui voulut bien faire les honneurs de son église avec un em-
pressement et une bonté dont le Congrès croit devoir ex-
primer ici sa reconnaissance. M. Van Clemput, architecte,
que la goutte privait de l'usage de ses jambes, s'était fait ap-
porter dans l'église pour aider le Congrès de ses renseigne-
ments. Pendant 2 heures 1/2, le Congrès a parcouru toutes
les parties de l'édifice , est monté sur les tours , a visité les
galeries , discuté toutes les questions qui intéressent la con-
servation de cette magnifique cathédrale. Il s'est ensuite
transporté au palais de justice et à l'église des Templiers. Le
lendemain M. l'abbé Poquet , qui tenait la plume comme se-
crétaire, a lu le procès-verbal suivant qui résume les résultats
de la visite faite à la cathédrale et aux deux autres édifices
qui viennent d'être cités.
Messieurs ,
Hier , vers trois heures , tous les membres du Congrès
convoqué à Laon par M. le comte de Mérode , devenu depuis
XVIIIe. SESSION. 37
son enfance , l'ami et le défenseur de nos monuments français
et en particulier de la cathédrale , s'acheminaient au son des
cloches vers cette magnifique basilique. — Si le siège de
l'église de Laon fut un des plus illustres du moyen âge , sa
cathédrale fut aussi une des plus belles et une des plus inté-
ressantes de la France ; sa vaste étendue , l'élévation de ses
voûtes et surtout la hardiesse de ses tours en ont fait un mo-
nument du premier ordre et peut-être unique dans le monde.
Oui, Messieurs, et je ne crains pas de le dire, la cathédrale de
Laon peut soutenir, sous bien des rapports, le parallèle écra-
sant avec les plus splendides basiliques , Reims , Amiens ,
Chartres, Paris. — Elle a sur elles l'avantage immense d'être
plus ancienne , d'offrir un curieux emploi des vieilles tradi-
tions romanes se mariant aux nouvelles formes ogivales qui
dominent. Il faut ajouter que la beauté de la conception , la
variété des formes , le grandiose des proportions , la richesse
de l'exécution en font un édifice du plus haut intérêt pour
l'histoire de l'art.
Pour nous , Messieurs , soit pieuse exagération , soit amour
trop naturel pour un monument, à l'ombre duquel nous avons
en quelque sorte grandi et puisé nos premières impressions
de jeunesse , rien ne pourra jamais remplacer la cathédrale
de Laon, ses tours aériennes qui touchent à la région des
nuages , ses longues et transparentes ouvertures où le vent
aime à se jouer, où passe l'éclair pendant l'orage, ses nom-
breuses verrières , ses magnifiques rosaces où se brise l'éclat
du jour , ses longues allées , ses forêts de colonnes , ses belles
fermetures de chapelles , ses sculptures de chapiteaux si
variés ont produit de bonne heure sur nous un effet que les
années n'ont pas affaibli ; et chaque fois que nous revoyons ces
tours mystérieuses, si chères à notre enfance, nous les saluons
toujours avec un souvenir de vénération et d'amour que nous
avons rarement et à un même degré pour d'autres monuments.
3
38 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Pourquoi faut-il, Messieurs, qu'un édifice aussi considérable,
et auquel se rattachent des souvenirs si importants de gran-
deur et de beauté pour la ville de Laon qui a déjà tant perdu,
soit compromis ? Les membres du Congrès ont pu se convaincre
de leurs propres yeux et après une visite minutieuse , sous
la conduite d'un jeune architecte qui en a étudié tous les
détails , quelle était la profondeur du mal ; des piliers écrasés
et qui se disjoignent, d'affreuses lézardes qui descendent
depuis la voûte jusqu'au sol, des surplombs considérables et
pouvant entraîner la déviation des tours et hâter leur chute.
Tels sont les dangers imminents et qui alarment tous ceux qui
pénètrent pour la première fois dans la cathédrale de Laon :
on éprouve en effet à la vue de ces larges fissures , de ces
pierres qui s'écrasent et se disjoignent , je ne sais quelle im-
pression de terreur que , malgré les supports qui garnissent les
voûtes des arcades, on se recule naturellement comme à la
vue d'un danger»
Il est donc urgent , et c'est l'avis de tous les membres du
Congrès , d'aviser à des réparations immédiates et importantes
si l'on veut conserver à la France un monument qui fait sa
gloire. Mais la commission, après s'être rendu compte des
différents plans qui ont été dressés pour cette restauration ,
libre de tout engagement et justement préoccupée des
moyens qui assureront sa consolidation , sans altérer la phy-
sionomie du monument, émet le vœu que l'architecte qui en
sera chargé se contente , comme moyen de soutène-
ment , de contrebutter les piliers de manière à loger dans
l'intervalle le buffet des orgues , cette masse recevrait les
portes à faux et remédierait au mal signalé , et d'élever au-
dessus une grande arcade ogivale qui , touchant les voûtes ,
viendrait encadrer la grande rosace sans nuire à son effet.
Quant à la restauration des piliers malades , elle croit que
de bons matériaux juxta-posés leur donnerait assez de force
XVIIIe. SESSION.
39
Victor Petit del.
ESCALIER DES TOURS DE LA CATHÉDRALE DE LAON.
U() CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Siagot ,1,1. TRIBUNES DE LA CATHÉDRALE DE LAON. Bréval scutpt.
MUT. SESSION.
'.1
CATHÉDRALE DE LAOX.
V2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
et de reins sans être obligé de les reprendre en sous-œuvre ,
opération qu'elle croit inutile, dangereuse et compromet-
tante pour l'édifice.
La commission espère, Messieurs, que tous les membres du
Congrès partageront cet avis ; elle est intimement convaincue
que le projet qui assurera à la cathédrale de Laon une par-
faite consolidation , sans trop nuire à l'effet pittoresque du
monument est le seul vrai , le seul réalisable. Une somme
de 200,000 , dont on pourra disposer , paraîtrait devoir
suffire. — Si vous admettiez ces conclusions , Messieurs ,
vous auriez à les formuler dans le rapport qui doit être
adressé au Ministre de l'Intérieur.
La Société a regretté d'avoir si peu de temps à consacrer
à la visite de la cathédrale , elle aurait désiré l'étudier de près
et dans tous ses détails afin de déterminer les époques succes-
sives et se prononcer enfin sur la date de sa construction;
car enfin , il faut bien le dire , la cathédrale est encore un
poème en pierre dont on ignore l'auteur ; personne jusqu'ici
n'a percé sa mystérieuse origine ni décrit ses innombrables
merveilles; c'est une œuvre de génie qui attend encore son
historien et son architecte.
En quittant la cathédrale lé Congrès s'est rendu à la maison
des Frères, où existe un édifice très-remarquable et connu
sous le nom de chapelle des Templiers.
Ce petit monument , d'une belle conservation , est com-
posé de trois parties : le porche , une rotonde à huit pans et
une abside circulaire. On prétend que cette rotonde a été
bâtie sur le modèle du St. -Sépulcre ; elle est éclairée par six
fenêtres cintrées ; sa voûte forme une coupole légère et gra-
cieuse, mais sans ouverture centrale; on s'est contenté d'y
insérer un bandeau circulaire auquel viennent aboutir des
nervures en double tore.
XVIII0. SESSION.
43
Uk CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
La rotonde est mise en communication avec l'abside au
moyen d'une arcade de transition. — Celte abside est aussi
éclairée par trois fenêtres cintrées de la même époque.
Au-dessus du porche règne une tribune dont l'ouverture
est ornée d'un encadrement de palmettes , d'entrelacs et de
pommes de pin. Cet encadrement produit un effet très-gra-
cieux. Cette ouverture était autrefois une fenêtre apparente ;
il est fâcheux que la vue de l'orgue ne permette pas de la
voir de l'intérieur de l'église. Le monument y gagnerait ainsi
que l'instrument de musique qui perd un peu à se produire
trop ostensiblement. On pourrait aussi enlever dans l'intérieur
de la chapelle certains ornements qui rompent l'harmonie et
qu'on placerait plus convenablement ailleurs.
A l'extérieur , on remarque l'entablement , en forme de
petites arcades aiguës assez semblables à de larges dents de
scie , dont les intervalles sont ornés et sculptés ; des modillons
formés de têtes d'animaux soutiennent les extrémités de cette
corniche ornementée.
Le porche avec pignon aigu est d'une date postérieure ;
mais la campanille , percée de ses deux ouvertures , paraît
dater de l'époque de la chapelle. Nous croyons qu'on peut
en fixer l'origine dans la première partie du XIIe. siècle , de
1130 à 1140.
De la chapelle des Templiers , le Congrès est allé visiter le
palais de justice, en examinant sur sa route quelques restes de
constructions d'une maison qui paraît remonter au XIIe.
siècle ; elle est encore surmontée de deux cheminées rondes
en forme de colonnes, qui sont fort curieuses.
Le palais épiscopal n'a plus aujourd'hui toute la physio-
nomie qu'il offrait encore sur la fin du dernier siècle,
puisqu'il a été approprié à des usages tout différents.
L'ancienne chapelle , qui est certainement antérieure à la
cathédrale, existe encore tout entière ainsi que la crypte;
XVIIIe. SESSION. 45
toutes doux sont composées d'une nef el de deux collatéraux
avec abside circulaire. Les voûtes ne portent sur aucune ner-
vure , mais sur de simples arêtes des piliers carrés sur les-
quels se détachent des pilastres, aux bases et aux chapiteaux
romans. C'est certainement l'église la plus ancienne , nous
apprendrions avec bonheur que ces deux chapelles seront
employées à l'établissement d'un musée que la ville se propose
de créer.
La grande salle de l'évèché, qui avait, avant la distribution
nouvelle, 33'". de long, 11 de large et qu'on croit avoir été
construite en 1242, présente une façade très-remarquable,
flanquée de tourelles et percée de grandes fenêtres ogivales.
Au-dessous règne une galerie soutenue par des colonnes
cylindriques aux chapiteaux romans.
Nous avons aussi remarqué dans la cuisine, une vaste che-
minée dont le chambranle est orné d'une énorme guirlande
de vignes et de raisins profondément fouillée et couronnée
d'un blason. Cette cheminée a tous les caractères de la fin du
XVe. siècle.
En sortant de l'évèché, le Congrès a admiré une œuvre
patiente. C'est la reproduction de la cathédrale tout entière
faite en carton par un jeune Laonnois. Il serait à désirer,
s'il y avait un musée à Laon , qu'on pût obtenir du proprié-
taire cet objet fait avec beaucoup de précision et de talent.
Voici, Messieurs, en abrégé et autant que le temps me l'a
permis, le récit décoloré de votre intéressante visite, qui,
je l'espère, aura un heureux résultat pour notre belle cathé-
drale , et pour nous le bonheur d'avoir passé en compagnie
d'hommes aussi honorables et aussi savants une des plus
belles journées de notre vie.
Le Secrétaire,
POQUET.
'l6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
mm&JIÏJË
XVIII0. SESSION. hl
Séance du 9 juin 1851
Présidence de M. le Comte de Méhode.
La séance est ouverte à 8 heures du matin. Le bureau est
composé comme à la précédente séance. M. le Maire de Laon
est invité à siéger au bureau ; M. Gomard remplit les fonc-
tions de secrétaire.
Après la lecture du procès-verbal , M. Millet , inspecteur
des forêts, communique la note suivante sur une découverte
d'urnes cinéraires gallo-romaines faite dans la forêt de St.-
Michel (Aisne).
NOTE DE M. MILLET.
La forêt domaniale de St. -Michel est située dans la portion
nord-est du département , sur la frontière de la Belgique ,
entre le bourg de Lirson (Aisne) et le village de Macquenoise
( Belgique ). Cette forêt n'est aujourd'hui qu'un lambeau du
vaste massif boisé qui , à une époque très-reculée, recouvrait
la plus grande portion du territoire actuel du département de
l'Aisne , du département des Ardennes et de la province de
Chimay, etc.
D'après les documents les plus anciens , la surface qui est
aujourd'hui couverte par la forêt de St. -Michel a toujours été
à l'état boisé. Cet état est , d'ailleurs , nettement caractérisé
par la nature même du sol à des profondeurs assez consi-
dérables.
L'on a trouvé , dans cette forêt , des antiquités très-remar-
quables , notamment les traces d'un camp retranché que l'on
attribue aux Romains.
Dans l'une de mes dernières visites à la forêt de St. -Michel ,
l\& CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
j'ai été assez heureux pour trouver en place trois pierres ,
dont la destination ne peut être douteuse.
Ces trois pierres étaient enfouies à une profondeur de 30
à l\0 centimètres. Par leur réunion, elles formaient une cavité
ovoïde destinée à recevoir une urne.
Deux pierres juxta-posées forment la partie principale de
cette cavité et reposent sur le sol , la troisième sert de cou-
vercle.
Elles n'étaient réunies ou soudées entr'elles ni par un
mortier, ni par un ciment quelconque.
Le couvercle ayant été déplacé par des charbonniers qui
creusaient le sol , on en a retiré une urne en terre cuite ren-
fermant des os très-friables et affectant une teinte blanchâtre.
Ces os appartiennent incontestablement , par tous leurs ca-
ractères , à l'espèce humaine.
Les pierres sont des poudingues granitoïdes ; elles sont
identiques à celles que l'on trouve sur les lieux mêmes ,
notamment à proximité de Macquenoise ; ce sont des couches
de poudingues appartenant au terrain de transition ; elles
sont connues dans le pays sous le nom de pierres des Sar-
rasins.
La pierre supérieure qui sert de couvercle est légèrement
creusée : on en trouve quelques-unes éparses dans la forêt.
Dans les fermes des villages voisins, ce couvercle sert à
contenir de l'eau pour la volaille.
Plusieurs observateurs, qui ont visité Macquenoise et la
forêt de St. -Michel, ont pensé que ces couvercles avaient pu
servir de meule à grains, parce qu'ils n'avaient pas vu en
place le groupe des trois pierres destinées à servir d'enveloppe
à une urne cinéraire.
J'ai pris les dispositions nécessaires pour mettre prochaine-
ment ces pierres à la disposition du musée du département;
leur poids total est de 600 kilogrammes environ.
xvnr. SESSION. 69
Quant aux appréciations historiques dont elles peuvent être
l'objet , je ne puis mieux faire que de les abandonner aux
hautes lumières du Congrès.
M. de Caumont donne lecture de la lettre suivante de M.
Voiliez, relative à la restauration de l'IIôtcl-de- Ville de St. -
Quentin.
lettre de m. voij.lez.
Monsieur ,
Je regrette profondément que mes occupations administra-
tives ne me permettent pas de me rendre à Laon pour assister
aux séances du Congrès archéologique ; de puissants motifs
me feraient d'ailleurs un devoir de soumettre à une discussion
approfondie les travaux de restauration que l'on va commencer
à l'hôtel-de-ville de St. -Quentin.
Le Conseil municipal de cette ville a accepté un plan et un
devis, et déjà la démolition des trois frontons qui couronnent
l'édifice est commencée et va se continuer.
Je suis fâché de le dire , mais il est à craindre que cette
restauration n'ait pas été assez sérieusement étudiée , et déjà
j'ai cru devoir faire de graves objections sur le système de
décoration proposé par l'architecte chargé de diriger les
travaux.
Dans l'intérêt de la conservation de ce curieux monument,
que vous avez cité dans votre Cours d'antiquités comme pré-
sentant des caractères architectoniques spéciaux , il serait à
désirer que la Commission de la Société française pût, en
quittant Laon, venir tenir une séance à St. -Quentin , où je
serais heureux d'exposer les observations critiques que me sug-
gèrent les propositions qui ont été récemment faites , et dont
l'exécution ne me paraît pas, je le répète, suffisamment motivée.
50 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
On propose , par exemple , de couronner le fronton central
par un statue de saint Quentin , et les deux autres frontons
chacun par une figure d'ange ; de plus , de placer au bas du
même fronton central, à l'extrémité des rampans, un singe et
un chien !
Tout cela n'est fondé sur aucune tradition , sur aucune
preuve ; d'ailleurs l'usage de surmonter les frontons de statues
n'existe , aux XVe. et XVIe. siècles , qu'à l'égard de ceux
des églises , mais je ne pense pas qu'on en trouve d'exemples
aux hôtels-de-ville ; je proposerais plutôt d'y placer des ex-
pansions végétales , comme on en rencontre si communément
à cette époque , et qui sont d'ailleurs caractéristiques du style
flamboyant.
L'hôtel-de-ville de St. -Quentin a été construit en 1509;
c'est un précieux spécimen de l'architecture civile , très-bien
conservé dans certaines parties et qu'il serait déplorable de
voir défigurer par des restaurations ou des additions inexpli-
cables ; au point de vue de l'art , ce serait une profanation ,
et il appartient à la Société française de formuler à cet égard
des réserves énergiques.
On a le projet de faire subir à tout le monument, non
seulement des réparations , mais de mettre plusieurs parties
anciennes en harmonie avec la façade principale, c'est-à-dire
de détruire une des parties latérales , le tout par amour pour
l'uniformité.
Vous concevez, Monsieur, qu'à la vue du malheur dont
l'hôtel-de-ville de St. -Quentin est menacé, mon cœur d'ar-
chéologue a bondi , et que je ne saurais voir de sang-froid
transformer, pour ne pas dire mutiler, un édifice qui a droit
à plus de respects.
Ces considérations me font donc regretter vivement de ne
pouvoir aller plaider la cause de ce monument, afin qu'il soit
consigné dans le procès-verbal du Congrès de la protestation
XVIIIe. SESSION. 51
que je fais à l'avance contre les projets de restauration qui
tendraient malheureusement à en altérer les principaux dé-
tails, ou par un goût et des connaissances trop superficiels de
l'étude de l'art au XVIe. siècle , à substituer des accessoires
peu convenables et que n'autorisent ni les besoins , ni la dé-
coration du monument.
Je m'occupe en ce moment à dessiner avec le plus grand
soin toutes les parties qu'on démolit , et déjà j'ai acquis la
certitude que l'extrémité des frontons n'avait jamais dû avoir
de statues. On n'y trouve aucune trace de scellement , et les
boulons qui subsistent paraissent plutôt destinés à soutenir un
ornement de peu de volume que des personnages.
Quant aux figures (le chien et le singe) qu'on propose de
sculpter à la base du fronton central ; vouloir, comme 31.
l'architecte , leur donner un sens symbolique pour en légi-
timer la présence , n'est pas admissible ; ce qui l'est encore
moins, c'est d'y voir d'un côté la fidélité des habitants, et
de l'autre leur merveilleuse facilité à se prêter à toute es-
pèce d'industrie... (ce sont les explications données par M.
Lacroix) : il n'y a là rien de sérieux , et ce n'est pas ainsi
qu'on peut formuler des restaurations ou plutôt des monstruo-
sités archéologiques.
Vous concevez , d'après ce simple exposé (que je ne puis
ni ne veux pousser plus loin ) , le danger dont nous sommes
menacés. Serait-ce trop présumer de la bienveillance éclairée
de MM. les membres du Congrès, pour espérer qu'ils daigne-
ront prendre en sérieuse considération les observations que
j'ai l'honneur d'adresser , et donner place à ma réclamation
dans le procès-verbal d'une de leurs séances.
Nous avons lieu d'espérer encore , Monsieur , que vous
voudrez bien prendre l'initiative dans l'appel que nous faisons
au nom de l'art , de la science et de l'histoire , pour que
notre hôtel-de-ville, déjà frappé par le marteau démolisseur,
52 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
n'ait pas plus tard à montrer aux yeux attristés des archéo-
logues sa façade hybride et défigurée par les blessures d'un
ciseau moderne , qui , ne tenant pas compte des traditions du
passé , n'en dénature ou n'en altère les formes ou les détails
les plus essentiels.
MM. de Caumont et Tarbé pensent , comme M. Voiliez ,
que les pignons de l'hôtel- de-ville n'ont pu avoir pour orne-
ments que des expansions végétales. On cite l'hôtel-de-ville
de Louvain , qui a été restauré tel qu'il était primitivement.
M. Ch. Gomard expose qu'il résulte de recherches faites
par lui dans le dossier des archives relatif à l'hôtel-de-ville
de St -Quentin , qu'il n'y a aucun indice de statues à la fa-
çade de l'hôtel-de-ville, et encore moins de chien et de singe.
Il ajoute que M. Jamin , élève de l'Ecole des chartes , qui a
fait le classement des archives de la commune de St. -Quentin,
lui a écrit pour lui dire qu'il n'avait trouvé aucun indice de
ces statues dans les pièces classées.
M. de Mérode , s'associant aux opinions unanimement
exprimées , demande que la proposition de M. l'architecte soit
repoussée , et que le monument soit restauré tel qu'il était ,
sans qu'il y soit ajouté ni statue, ni singe , ni chien. Le Con-
grès adopte ces conclusions.
MONUMENTS RELIGIEUX DES XIIIe. ET XIVe. SIÈCLES.
M. de Caumont fait remarquer que ces monuments , dans
le Laonnais , sont moins finement sculptés que dans d'autres
parties de la France ; il estime que cette différence peut pro-
venir du grain de la pierre.
M. l'abbé Poquet signale l'église de Braisne, commencée
en 1180 et terminée en 1230 ; l'église de Longpont , 1220 ,
belle époque , dispositions remarquables , dédicace faite du
XVIIIe. SESSION. 53
temps de saint Louis. Saint Bernard a visité plusieurs fois
cette église.
M. Piette pense que l'église de Longpont n'est pas du
temps de saint Bernard. Il cite l'église de Foigny, de l'époque
de saint Bernard, qui n'avait pas le moindre rapport avec celle
de Longpont. Saint Bernard était très-sobre d'ornements ,
surtout à l'extérieur.
M. de Laprairie , s'appuyant sur l'opinion de M. de Mon-
talembert, cite beaucoup d'églises toutes semblables , toutes
du temps de saint Bernard , entr'autres l'église de Citeaux , à
chevet droit, et Longpont à chevet rond.
M. l'abbé Poquet signale l'église de St. -Léger, à Soissons,
dont les principales parties sont d'une pureté de style remar-
quable; l'église de St.-Jean-des-Vignes , dont le portail a
été commencé en 1206, continué en 13&0 et terminé en
1520, chevet carré, chose rare dans les églises du XIIIe.
siècle; l'église d'Ambleny , partie du XIIe. et du XIIIe.
siècles; l'église de Couvrelles, du XIIIe. siècle ; l'église St.-
Julien , du XIIIe. siècle ; l'église d'Essommes , d'une beauté
remarquable.
M. de Laprairie dit que dans le Soissonnais il y a, dans
les villages, beaucoup d'églises des XIIe. et XVIe. siècles,
et très-peu des XIIIe. et XIVe. Il attribue cette lacune aux
guerres des Bourguignons , qui, à cette époque, ont désolé
le Soissonnais.
M. de Chauvenet signale comme église remarquable du
XIIIe. siècle l'église de St. -Quentin , et les ruines de la cha-
pelle d'Epargnemaille , à St. -Quentin.
M. Ch. Gomard demande si , dans les églises du Soisson-
nais et du Laonnais , on rencontre des cryptes de refuge ,
immenses souterrains avec galeries qu'on remarque dans
beaucoup d'églises picardes.
M. Piette dit qu'il n'en a rencontré que dans l'église de
U
5ft CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Lehau-Court, près St. -Quentin ; par l'entrée, qui est en avant
du portail, il a pu pénétrer à une certaine distance.
M. de Laprairie dit que, dans le Soissonnais, les souterrains
de refuge des habitants des campagnes , les crentes , comme
on les appelle dans le pays , étaient creusées dans les carrières ;
le village de Pasly , près Soissons , en possède surtout de
très-remarquables et de très-curieuses.
M. l'abbé Poquel signale beaucoup d'églises dans lesquelles
on trouve un puits. Il cite St.-Omcr, St. -Léger et St.-
Médard, dont la crypte du XIIIe. siècle possède un puits
très-bien conditionné.
M. de Caumont pense que les puits ou citernes en usage
dans beaucoup d'églises , avaient une eau à laquelle on attri-
buait presque toujours une vertu miraculeuse et qu'on distri-
buait aux malades. Le voisinage des saints martyrs ou des
personnes saintes, enterrées dans les églises, sanctifiaient les
eaux.
M. l'abbé Poquet demande à quel dessein on a fait dans les
églises les labyrinthes ronds ou octogones qu'on y rencontre.
M. de Mérode cite l'opinion qui a été émise à ce sujet :
c'était , dit-on , pour ceux qui ne pouvant aller en Terre-
Sainte remplaçaient ce pèlerinage en parcourant à genoux
toutes les parties du labyrinthe.
RENAISSANCE.
M. de Chauvenet signale une grille en fer, style renaissance,
qui se trouve dans une chapelle de Ribemont ; on y voit
beaucoup d'emblèmes , beaucoup de têtes de rois et de reines :
cette grille , qui a beaucoup d'analogie avec celle de l'église
de St. -Germain, à Amiens, a été dessinée dans l'ouvrage de
M. deTaylor; l'église avec pendentifs de Pleine-Selve du XVe.
siècle; ses tombeaux remarquables; un ancien autel, en grès,
XVIIIe. SESSION. 55
qui sert de marche à l'entrée de l'église d'Essigny-le-
Grand.
M. Piette signale l'église de Travecy , bâtie en 1550 par
Marie de Luxembourg , comme remarquable et d'une com-
plète conservation.
M. de Laprairie parle des peintures murales de l'église de
Coucy-la-Ville , attribuée au XVe. siècle , et qui représentent
la légende de saint Antoine avec des personnages jouant des
instruments de toute espèce.
M. de Chauvenet signale les peintures murales de la cha-
pelle St. -Michel dans la collégiale de St. -Quentin.
Fonts baptismaux. — M. de Caumont , après avoir fait
quelques questions sur les fonts baptismaux du département
de l'Aisne , parle de la quantité considérable de fonts baptis-
maux intéressants qui existe encore dans les départements du
Nord de la France.
M. Piette signale les fonts baptismaux de Beaumont près
Marie, Monteneau, Corbeny, de la cathédrale de Laon , de
Chaourse (XIIe. siècle), de Coucy, de Cilly, de Travecy,
de Voyenne ;
M. de Chauvenet , ceux de Vermaud , Brissay-Choigny , et
beaucoup d'autres à une ou quatre colonnes ;
M. l'abbé Poquet, ceux de Longueval, Montigny-Langrin,
INouvion-le-Vineu , Bilry (arrondissement de Compiègne) ,
de Nogent-l'Artaut. Il raconte que la statue du chancelier
Artaut (1140), intéressante par la légende locale, vient d'être
retrouvée.
Autels , rétables. — M. de Bretagne parle de l'autel de la
chapelle des fonts baptismaux, à l'église de St. -Quentin.
M. de Chauvenet dit qu'il ne reste plus de cet ancien
autel, qui était t 'autel du St.-Scpulchrc , que le couron-
56 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
nement de l'autel sous lequel il y avait un calvaire. — Il
indique ensuite un très-ancien autel en forme d'évier , qui
se trouve dans la crypte de l'église de St. -Quentin avec des
inscriptions des XIVe. et XVe. siècles.
M. Matlon parle d'un rétable réprésentant le martyre
de saint Quentin qui se trouve dans l'église de Guise. — Il
y a à la Flamangrie un rétable très-curieux en bois peint et
doré.
M. l'abbé Poquet signale à Bezu-les-Fèves , près Château-
Thierry, un rétable massif avec simple table. On n'en connaît
pas de remarquable ni à Laon , ni à Soissons.
M. de Chauvenet indique l'ensevelissement qui se trouve
dans la chapelle de Silly , près Ribemont , et qui provient des
anciens châtelains de Cilly.
Pierres tombales. — M. Piette signale une pierre tom-
bale en marbre noir qui se trouve dans l'église de Cilly ,
canton de Marie ; elle est relevée en ronde-bosse , et repré-
sente un noble homme , Fery de la Bove , seigneur de Cilly ,
Estréaupont et Thiernu , décédé le 15 novembre 1573.
M. Ch. Gomard indique la pierre en ronde-bosse repré-
sentant M. d'Estourmel et sa femme , qui se trouve au musée
de la Société académique de St. -Quentin.
M. de Bretagne indique , h Laon , la tombe d'un sire de
Coucy qui se trouve dans l'église St. -Martin , celle d'une
religieuse dans la même église , et le tombeau très-remar-
quable de Jeanne de Luxembourg dans l'église de Lafère.
M. l'abbé Poquet signale trois statues de personnages assez
célèbres , qui se trouvent dans l'église de Soissons : les statues
de deux abbessesel celle du chevalier de Conflans ; à Connigies,
près Condé, la statue d'une demoiselle de St. -Aubin; dans
l'église d'Essommes le tombeau d'un moine couché, tenant une
XVIIIe. SESSION. 57
inscription dans sa main ; à Blérancourt , deux tombes très-
bien conservées, qui ont été retrouvées et placées à droite et à
gauche du portail de l'église.
31. Ch. Gomard demande que , dans l'intérêt des illustra-
tions locales , pour aider aux recherches biographiques , fixer
des dates , etc. , il soit dressé un relevé de toutes les inscrip-
tions de pierres tombales qui ont existé ou qui se trouvent
encore aujourd'hui dans les églises du département ; il pense
que de ce travail ressortirait une foule de documents inté-
ressants pour les familles et pour l'histoire. Il propose que ce
relevé soit fait par l'intermédiaire du clergé ; il pense que
3131. les curés, sous la direction de M31. les doyens et archi-
diacres , sont plus à même que qui que ce soit de faire ce
travail complet , en signalant toutes les inscriptions qui se
trouvent dans leurs églises.
31. de Caumont appuie cette proposition , mais il demande
qu'on ne se borne pas seulement à relever les inscriptions
tombales , mais qu'on relate en même temps les inscriptions
quelles qu'elles soient ayant rapport soit à des obits , soit à
des fondations. Il se réfère d'ailleurs aux instructions publiées
précédemment à cet égard par la Société française.
Cette proposition est agréée par 31 31. les archidiacres de
Laon, de St. -Quentin, les doyens de Vervins et Corbeny,
et les autres ecclésiastiques présents à la séance ; le Congrès
décide que , dans les chefs-lieux d'arrondissement où il existe
des Sociétés savantes , ces Sociétés seront invitées à nommer
un commissaire qui se mettra en rapport avec 3IM. les doyens
ou archidiacres pour mener ce travail à bonne fin.
31. l'archidiacre de Laon communique au Congrès un ma-
nuscrit de 31. Delahêgue , instituteur à Nouvion-le-Vineu ,
précédemment sacristain de la cathédrale de Laon , qui rap-
porte toutes les inscriptions de la cathédrale de Laon.
Le Congrès félicite l'auteur de ce travail de cette inlé-
58 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
ressante communication, et, sur la proposition de M. de
Caumont , décide qu'il sera décerné une médaille de bronze
à M. Delahêgue , en récompense de ses patientes recher-
ches.
Reliquaires , orfèvrerie , mobilier. — M. de Chauvenet
dît que St. -Quentin ne possède rien de remarquable.
M. l'archidiacre de Laon dit que la cathédrale possède un
petit calice en argent avec émaux du XIIIe. siècle.
M. Pieltc cite le calice de l'église de la Bouteille , arrondis-
sement de Vervins , qui est en vermeil et dont le pied est
orné de quelques émaux du XIIIe. siècle ; l'encensoir de St. -
Pierre , canton de Sains , plus bas et plus gracieux que les
encensoirs actuels.
M. l'abbé Poquet signale dans une commune du canton
de Braisne un ciboire ostensoir du XVe. siècle ; un calice
en vermeil , du XIIIe. siècle , à la cathédrale de Soissons ;
à Presles , un reliquaire formé d'un tube en cristal de roche
contenant les reliques, soutenu par deux pignons en vermeil,
style fleuri du XIVe. siècle.
Cloches. — M. Piette signale la cloche de la paroisse de la
Bouteille , provenant de l'abbaye de Foigny et fondue sous
l'administration de Robert de Coucy , premier abbé commen-
dataire. Il signale également une petite cloche provenant du
réfectoire de l'abbaye du Val-St. -Pierre ; elle sert de timbre
à l'horloge de la ville de Vervins; on lit sur son pour-
tour :
Mon nom est Bonne-Nouvelle :
Chacun à diner j'appelle;
Si buvez un coup de trop
N'oubliez votre couteau.
la cloche très-curieuse de Camelin , du XIVe. siècle ; la cloche
XVIIIe. SESSION. 59
de Rolières , du XVI0. siècle , avec une inscription et un
dessin représentant saint Martin.
M. Martin signale à Archon une petite cloche de IkUk ; à
Rosoy, une cloche de 1687 dont le parrain a été le duc de
Mazarin , et la marraine Hortense Mancini , sa femme.
M. l'abbé Poquet indique à Saconin , près Soissons, une
petite clochette du XVIe. siècle , sur laquelle est écrit Salve
regina; la cloche de Marchais, près Monlmirail, de 1500
à 1520.
M. de Chauvenet signale à St. -Quentin l'horloge du
Cateau.
M. l'abbé Poquet indique que Braisne possède la boîte qui
contenait l'hostie sainte qui avait été , en 1120 , à Braisne,
Ja cause d'un miracle et de la conversion d'une juive ; plus
dans un vieux manuscrit , le fac-similé des pains d'autel qui
servaient à Braisne à cette époque. Il signale aussi les tapis-
series remarquables de l'église de Vaux , qui représentent les
différents mystères de la vie de Jésus-Christ.
M. de Laprairie indique les tapisseries du XVIe. siècle qui ,
à Soissons, représentent la légende de saint Gervais et de saint
Protais.
Châteaux du moyen âge. — M. de Caumont porte l'en-
quête archéologique sur les châteaux du moyen âge.
M. de Chauvenet indique le château de Moy et l'enceinte
de Bohain ; à Beaurevoir , une tour avec mâchicoulis, servant
aujourd'hui de moulin à vent ; des souterrains avec voûtes en
ogive très-bien conservées ; les ruines du château du Câtelet ;
le château de Savrienois.
M. Pielte signale les ruines du château de Coucy ; celles
du château d'Auluois , enceinte du XIIIe. siècle très-bien
conservée avec donjon très-élevé ; le château de Cerny-les-
Bucy ayant encore ses grilles , herses et mâchicoulis ; l'en-
60 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
ceinte du château de Clacy ; le château de Presles , ancienne
maison de plaisance des évoques de Laon, ruines très-curieu-
ses ; le Hanoi , enceinte fortifiée , commune de Barenton-
Celle; les ruines du château de Neuville.
M. Matton indique le château de Guise ; le château de
W'iege, du XIe. siècle, détruit en 1424 par Jean de Luxem-
bourg : il en reste encore des constructions ; à Vervins , les
anciennes fortifications , dont il reste encore de nombreuses
traces , ainsi que des 27 tours qui protégeaient l'enceinte ;
à Aubenton, toute l'enceinte fortifiée, dont il reste encore
des traces bien indiquées.
M. de Laprairie signale les ruines des châteaux d'Ambleny;
la Folie, à Braisne; Pont-Arcy; Bieuxy; Droizy ; Cramaille,
Berzy , la tour de Sept-Monts , beau reste du palais des évêques
de Soissons; Cœuvres, Pisseleux , près Villers-Cotterets ;
Oulchy-le-Château; la tour de Viviers.
M. Piette indique le château de Château-Thierry ; celui de
Lafère , en Tardennois ; Coulanges ; La Ferté-Milon ; Gan-
delu; Marigny; St. -Marc.
Abbayes, portes de ville, maisons. — D'autres questions
posées par M. de Caumont provoquent les communications
suivantes :
M. Duchange signale les portes de la ville de Laon, remar-
quables par leur construction et comme dignes d'un grand
intérêt, et il demande qu'elles ne soient pas démolies, comme
il en est question. Il pense qu'il n'est pas impossible de con-
cilier la conservation de ces portes avec la facilité qu'exigent
les nouvelles voies de communication. MM. Piette et de
Caumont appuient vivement cette demande. Le Congrès
adoptant ce vœu, décide qu'il sera transmis à l'autorité ad-
ministrative avec prière d'y accéder. M. de Caumont insiste
sur l'intérêt qu'offrent les portes de Laon ; il présente le
XVIIIe. SESSION. 61
dessin d'une de ces portes du XIIIe. siècle, qu'il recom-
mande particulièrement à la sollicitude des habitants de la
ville.
PORTE d'aRDON, A LAON.
M. Gomard signale les ruines de l'ancienne abbaye de Fer-
vaques , près Fonsomme , et l'abbaye plus moderne de Fer-
vaques, à St. -Quentin, qui sert aujourd'hui de Palais-de-
Justice.
M. Pietle indique l'abbaye de Prémontré. Il signale une
des plus anciennes maisons de Laon , qui se trouve dans la
FiiwUe à la Voûte, à Laon. Cette maison, qu'il fait remonter
à une époque très-reculée , est surtout remarquable par se?
62 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
ouvertures à plein-cintre et par deux cheminées faisant saillie
en-dehors.
M. Duchange indique encore à Laon la maison de refuge
du Val-St. -Pierre , qui a une porte d'entrée remarquable, et
qui présente dans la cour une voûte qui soutenait une cha-
pelle ; la maison de M. d'Hennezel , à Laon , à cause d'un
escalier dans une tour formant saillie ; les portes des maisons
de MM. Tilorier et Buzerolles , à Laon.
M. Gomard signale à St.- Quentin plusieurs maisons en bois
remarquables : celle de la Croix de Fer , du Plat d'argent ,
du Cœur couronné , et par dessus tout la Maison de L'ange ,
remarquable par les sculptures et ornements qui décoraient
XVIIIe. SESSION. 63
toutes les pièces de bois de la façade. (Jette maison a été dé-
molie , en 1846, pour faire place à la nouvelle Salle de
Spectacle ; mais M. le duc de Vicence a racheté la façade
pour la conserver et la faire rétablir dans sa propriété , à
Caulaincourt. On a recueilli l'ancienne croix qui donnait son
nom à la maison de la Croix-de-Fer ; un dessin est présenté
par M. Gomard , et M. de Caumont s'engage à le publier.
CROIX DE FER , A SAINT-QUENTIN.
M. de Caumont exprime combien il est intéressant de faire
connaître aux populations les monuments au milieu desquels
elles vivent , et de les recommander ainsi à leur patriotique
intelligence ; il invite les Sociétés savantes du département ,
pour mieux vulgariser l'intérêt qui s'attache à ces débris de
notre ancienne architecture civile et religieuse , à établir , à
des prix très-bas , des itinéraires pour les diverses parties du
département , comme on l'a fait pour une partie de la Nor-
64 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
mandie. Il demande aussi la formation d'un musée pour le
département , ou au moins pour la commune de Laon. Cette
proposition est vivement appuyée par un grand nombre de
membres, et après une discussion sur les divers locaux qui
pourraient y être consacrés , une des salles de l'ancien hôpital
est regardée comme la plus convenable.
Le Congrès exprime le vœu
que les pierres tombales les
plus remarquables des églises
soient relevées contre les murs
de ces mêmes églises.
Il signale les vitraux de la
chapelle de l'évêché , à Laon ,
comme ayant besoin d'une
prochaine restauration pour
leur conservation.
M. Oyon met sous les yeux
du Congrès un morceau de
sculpture , en pierre calcaire ,
trouvée dans un tumulus, et
dont il a été question dans la
séance précédente. Celle es-
pèce de borne , dans laquelle
M. de Caumont reconnaît un
monument gallo-romain placé
sur le bord d'une route avant
d'être enseveli sous les terres
du tumulus, représente une espèce de borne dont la partie
supérieure se termine par une tête à triple face , coiffée d'une
tête de bélier; plus bas deux personnages, dont l'un tient sur
le poing un coq , sont gravés en bas-relief sur cette borne
dans une espèce d'encadrement. Ce monument est examiné
avec le plus grand intérêt par MM. les membres du Con-
XVIIIe. SESSION. 6f>
grès. M. Perrine en a fait un dessin. ïl a été trouvé dans
une tombelle de la commune de la Mallemaison.
M. Cb. Gomard demande, au nom de la Société académique
de St. -Quentin , que la Société française pour la conservation
des monuments tienne à St. -Quentin sa session de 1852. Il
signale comme dignes d'un haut intérêt le camp romain de
Vermand, l'église collégiale de St. -Quentin et son Hôtel-de-
Yille.
Cette proposition, appuyée par plusieurs membres, est
mise aux voix et adoptée. L'époque de la tenue de cette ses-
sion sera ultérieurement fixée par la Société académique de
St. -Quentin , de concert avec M. de Caumont, président de
la Société française pour la conservation des monuments.
Le Congrès vote des remercîments à M. le maire de Laon ,
pour sa généreuse hospitalité , et aux membres de la Société
académique de Laon pour le zèle qu'ils ont apporté à l'orga-
nisation du Congrès.
L'assemblée décide ensuite qu'elle se transportera dans
l'après-midi à Vauclair pour examiner les ruines de cette ab-
baye et particulièrement un énorme bâtiment bien conservé
et dont la destination n'est pas généralement reconnue.
Demain dimanche , à l'issue de la messe , une visite sera
faite , à midi , à la bibliothèque de la ville de Laon , où la
séance de clôture aura lieu.
Le Secrétaire ,
Ch. Gomard.
66 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
A L'ABBAYE DE VAUCLAIR.
Après la séance du samedi 7 juin , les membres du
Congrès réuni à Laon résolurent de faire une excursion ar-
chéologique jusqu'à l'abbaye de Vauclair, située à 20 kilo-
lomètres de cette ville. Celte exploration devait avoir pour
but de visiter les ruines de ce grand monastère et surtout
d'étudier dans ses détails un magnifique bâtiment qui , dit-
on , aurait servi de grange au XII". siècle , et qu'on nous
donnait comme un spécimen curieux des constructions agri-
coles de cette grande époque.
Cette caravane était composée d'une vingtaine de per-
sonnes, parmi lesquelles on comptait M. le compte de Mérode,
président du Congrès ; M. de Caumont , directeur de la So-
ciété française. MM. Corbin , préfet de l'Aisne ; François ,
recteur de l'Académie ; Perrine , Amédée Piette , Dersu , de
Laprairie , Gaugain , Fleury , rédacteur du journal de l'Aisne ;
Ch. Gomard , secrétaire de la Société académique de St. -
Quentin; l'abbé Poquet, inspecteur des monuments. MM.
Corbin , Perrine et Dersu avaient mis généreusement leurs
voitures à la disposition des voyageurs. Grâces à cette atten-
tion délicate des archéologues Laonnais , le trajet se fit avec
une grande célérité.
Nous pûmes admirer, en descendant la montagne de Laon ,
ces belles plaines qui s'étendent , au nord , vers la Thiérache
et la Flandre et vont se perdre sur les confins de la Belgique.
En sortant le faubourg de Vaux, qui nous offrait une vive
XVIIIe. SESSION. ()7
animation et la vue d'une grande et belle église , nous prîmes
la route de Reims ; nous laissâmes sur notre gauche Athies
devenu célèbre par la bataille de I8I/1. On nous faisait re-
marquer plusieurs monticules qui accidentent le sol et qui
sont sans doute des buttes artificielles construites à cette
époque , à moins qu'on n'aime mieux y voir des tumulus
élevés le long d'une chaussée romaine dont nous traversions
la ligne encore verdoyante.
Tandis qu'à droite et à gauche de notre route nous exa-
minions ici les productions du sol , dont M. de Caumont nous
décrivait les propriétés et la nature , là de magnifiques forêts,
des villages remarquables par leurs monuments ou leurs
anciens souvenirs, nous avions déjà franchi celte chaîne de
collines qui environne , au sud , les campagnes de Laon comme
d'une ceinture , nous faisions notre entrée solennelle dans la
vallée Foulon en traversant le village de Sainte-Croix. C'est
dans le creux de ce vallon , entre le château de La Bove et
Hurtebise , que se trouvait placée l'abbaye de Vauclair ,
fondée en 11 3/t, dans un lieu , disent les anciennes chartes ,
appelé alors Courtmemblain ou Commenblain. Il paraît que
c'est saint Bernard lui-même qui lui avait donné le nom de
Vauclair (ValUsclara). Il y avait alors dans ce désert une
chapelle desservie par un prêtre nommé Robert , qui aban-
donna ses droits en se faisant religieux à Clairvaux ; d'autres
disent à Vauclair (1). L'évêque Barthélémy, ce père de tant
de monastères , passe pour en être le fondateur , ainsi que
Gauthier , comte de Romy et Gérard-Enfant.
Vers 1135, Henry Murdruch, que ses grandes qualités
(1) Ces deux noms sont en effet les mêmes si l'on vient à déplacer
l'un des deux mots qui les composent , et c'est sans doute en mé-
moire de Clairvaux que saint Bernard aura donné à ce nouveau mo-
nastère le nom de Vauclair.
68 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
élevèrent plus tard sur le siège d'Yorck , vint à la tête de
onze religieux pour commencer celle abbaye, bâtie d'abord
sur des proportions assez médiocres , et dans un lieu dit le
Pré du Moulin. Ce ne fut que vers le milieu du XIIIe.
siècle, que l'on construit un abbaye plus vaste (ditLelong,
Histoire du diocèse de Laon) , avec une belle église , et une
vaste cour d'entrée , sur un terrain peu éloigné de la pre-
mière. Cette maison religieuse éprouva , comme tant d'au-
tres, toutes les calamités de la guerre; elle fut pillée et
brûlée en 1359 , avec les fermes dépendantes. On répara
ces désastres dans le cours du XVIe. siècle, vers 15^0 , mais
les guerres de religion et les troubles de la Ligue la ruinè-
rent de nouveau. On assure môme, que dans cette dernière
guerre, plus de 50 personnes, qui s'étaient retirées dans les
greniers pour échapper à la persécution, furent précipitées
du haut des voûtes et périrent de la main de ces fanatiques.
93 s'est chargé d'amonceler d'autres ruines. En effet , nous
n'avons plus retrouvé de celle grande église qu'un pan de
murailles , quelques salles attenantes aux cloîtres et dont les
voûtes s'écroulent. Nous y avons remarqué sur les chapi-
teaux de colonnes des ornements plissés en forme d'éven-
tails, que nous n'avions pas encore observés ailleurs, et
dont nous avons vu peu d'exemples dans les grandes con-
structions de notre pays. Il y a aussi quelques débris de
peintures murales.
L'historien Lelong nous apprend qu'il y avait autrefois
une croix en filigrame , couverte de pierreries de deux pieds
de haut et contenant du bois de la vraie croix. L'abbé Dom
Nicolas, de Reims, l'avait fait faire en 1225.
Plusieurs seigneurs de La Sove, château-fort qui dominait
le coteau au nord , ont été enterrés dans l'église de
Vauclair.
Heureusement, qu'un vaste bâtiment formant un parai-
XVIII". SESSION. 69
kilogramme rectangle, de 68'". de long sur 13 de large,
n'a pas eu le sort de l'église et des lieux réguliers.
« Ses murs, dit M. l'ietlc, à qui nous empruntons
cette description consignée dans son intéressante histoire de
Foigny, construits en pierres de grand appareil, ont une
hauteur d'environ 18m. et une épaisseur de 95e. : ils sont
renforcés par trente-six contreforts , quinze sur chaque face
et trois sur chaque pignon. Ces contreforts qui régnent dans
toute la hauteur de l'édifice , présentent à leur base une
saillie de im. et une épaisseur de 77e. ; ils sont liés entre
eux à leur partie supérieure , par une double arcade à plein-
cintre , qui donne à la masse du bâtiment une légèreté
qu'on lui supposerait difficilement.
Les fenêtres sont au nombre de cent trente-deux, cin-
quante-six sur chaque face et dix sur chaque pignon : au
rez-de-chaussée, les ouvertures sont carrées et encadrées
dans un arc ogival; h l'étage supérieur, elles sont cintrées
et rangées sur deux lignes parallèles , deux sur la première
ligne et une sur la seconde.
La corniche qui couronne l'édifice, est un simple filet
soutenu par des modifions carrés et taillés en biseau.
A l'intérieur , la grange de Vauclair est divisée en un rez-
de-chaussée et un premier étage , tous deux voûtés : ces
voûtes sont partout ogivales, et leurs épaisses nervures,
composées d'un tore appliqué sur un bandeau , retombent
du côté des murailles sur des espèces de consoles engagées,
et au centre du bâtiment, sur de grosses colonnes cylin-
driques disposées dans sa longueur.
Ces colonnes, au nombre de treize, n'ont point de base;
leur fût s'engage dans le dallage des salles, au rez-de-chaus-
sée comme au premier étage; les chapiteaux sont ornés
d'une simple cannelure , tantôt de feuilles plates sans ner-
vures, et dont l'extrémité dans quelques-unes seulement,
5
70 COUCHES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
se recourbait légèrement en crosse. J. '-s tailloirs sont, hexa-
gones et supportent immédiatement la retombée des voûtes.
On pénètre dans L'édifice p-'ir une porte cintrée sans
aucun ornement, s'ouvrait au milieo sur no large couloir,
qui donne accès dans les divers compartimente do reav-de-
chaussée, tandis que l'étage supérieur ne forme qu'une
seule pièce dans tonte son étendue.
La charpente est une des plus belles que nous connais-
sions, et l'on peut dire a juste litre, que ce bâtiment,
quoique d'une grande simplicité, est en effet d'un style
plein 'le noblesse et de rigueur.
Après avoir examiné dans te tails cette immense
con traction, qui offre un mélange de plein-cintre et
d'ogive, les risiteurs te ont demandé quelle avait pu être
la destination de cet édifice, aussi beau, aussi grandiose
qu une cathédrale. Etait-ce une simple grange telle que les
moines d'alors savaient en bâtir? Cette opinion a été com-
battue j-ar M. de Caumonl qui a visité et figuré bon nombre
de granges, dans lesquelles il n'a jamais trouvé de n
blance avec le bâtiment dont il s'agit. Les granges que l'on
connaît, n'ont pas cette forme m cette disposition. D'ail-
a quoi bon ces routes, ces fenéfa étroites, sans
utilité réelle poui a onstroctfons?oà setrou-
vai'-nt les portes d'entrée, les lieux- de déchargement? Cet
édifice prétait si peu a cet usage que rien aujourd'hui,
Dis opérés pooi lui donnei celte appro-
priation, rien ne- vient a l'appui de ce sentiment
Cette dénomination de trouvant impropre, ou
in a fait un magasin et un [ abondance. Rien ne
l'oppose, en effet, ï "■ qu'on puisse établir dam cette vaste
construction < des monceaux 'le- tonneaux an rez de <li
et des amas de graini dan l'étage supérieui ; on pourrait
logei au besoin des avoines sui les cai on- des ■■•
XVIIIe. SESSION. 71
entre les poutres de cette magnifique charpente, si digne
d'admiration. Mais comment échapper aux nombreuses objec-
tions qu'on ne manquera pas de nous faire. Et d'abord ,
pourquoi ces monceaux de tonneaux établis sous des voûtes
peintes , ces portes étroites et d'une rare conservation , après
le maniement de tant de futailles, qu'on exportait en Flan-
dre et jusque dans la Hollande , d'après une tradition dont
la trace nous échappe aujourd'hui ? Si le dessus de ces pré-
tendus magasins servait à loger les grains qu'on mettait en
abondance, pourquoi ces voûtes encore si belles, ces pavés
historiés ? Pour nous , il nous semblerait aussi facile d'en faire
un réfectoire, une salle d'étude, un chapitre, et un dortoir que
toute autre chose, d'autant plus que ce bâtiment touchait au
cloître et presque à l'église , et que les cuisines pouvaient y
attenir. Qu'on en ait fait ensuite un grenier d'abondance, voir
même une grange , comme nous l'avons vu de nos propres
yeux , ceci n'a rien qui puisse nous étonner. Les révolutions
humaines amènent, à certaines époques, des changements
profonds qui déroutent tous les calculs les mieux établis.
Quoi qu'il en soit de sa destination primitive , cette con-
struction ou plutôt ce monument, car c'est le nom qui lui
convient , n'en réclame pas moins une étude sérieuse et le
talent d'un artiste distingué pour en perpétuer le souvenir.
Celte visite terminée, une copieuse collation nous attendait
dans l'ancienne infirmerie de l'abbaye. Messieurs les archéo-
logues , dont la dispute avait aiguisé l'appétit , firent un
honneur mérité aux mets succulents que l'on devait à la gé-
néreuse attention de MM. Perrine, Dersu et de Caumont.
M. le docteur Leroux , de Corbeny ; M. Le Doyen , de
Craonne, et quelques autres personnes qui avaient bien voulu
se réunir aux membres du Congrès, animèrent de leur douce
gaieté un repas champêtre qui pouvait se féliciter d'obtenir
les affections d'estomac comme la science archéologique avait
gagné celles du cœur.
72 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Bientôt nous saluions Vauclair d'un doux regret , et nous
nous acheminions lentement à travers une magnifique forêt ,
vers la belle ferme d'Hurtebise , le principal domaine de
l'abbaye. Cette ferme fut brûlée , en 1590 , par les habitants
de Laon , parce que l'abbé de Vauclair n'avait pas voulu em-
brasser le parti de la Ligue ; la chapelle qui subsiste encore
est postérieure à cet événement , ainsi que le corps de ferme.
Nous reçûmes , à Hurlebise , de la part du fermier et du
propriétaire, M. le marquis de Bougy, du Calvados, un
accueil des plus gracieux.
Nous partîmes avec une douleur , celle de ne pouvoir vi-
siter le champ de bataille de 1814 , si connu sous le nom
de bataille de Craonne. Napoléon avait placé son quartier
général à Hurtebise. Quoique vainqueur, il dut le quitter.
Nous l'imitâmes dans sa retraite glorieuse, et sans avoir à
combattre une confédération aussi redoutable que celle des
puissances coalisées , nous avions à nous défendre dans
un prochain avenir des ténèbres de la nuit.
Heureusement qu'au mois de juin le crépuscule se pro-
longe. Après avoir aperçu Cerny, Chermisy,les vieux débris
du château de Neuville , nous pûmes encore considérer le
beau paysage de la vallée de Bruyères, dont nous admirâmes
l'église romane flanquée de ses trois absides circulaires et
décorées de la plus riche ornementation. Cette église est digne
assurément d'une petite monographie. Ardon , qu'il nous
est impossible de visiter , ainsi que Leuilly , disparaissent , et
à la nuit tombante nous arrivons au pied de la Montagne.
Nous jetons un dernier regard sur ce vaste panorama qui se
déroule au sud et au couchant de la montagne ; nous con-
templons ces bouquets de bois , ces flancs de collines qui se
creusent, , ces monticules isolés qui s'avancent au milieu de
la plaine , ces villages jetés au hasard , ces riches moissons ,
et, pleins de délicieux souvenirs, et surtout pénétrés d'une
profonde reconnaissance pour la généreuse hospitalité de nos
xvnr. SESSION. 73
aimables Laonnais , nous nous séparons avec l'espérance de
nous retrouver l'année prochaine au Congrès de St. -Quentin.
M. de Caumont , qui avait annoncé que M. Victor Petit ne
pouvait , à son grand regret , faire partie de l'excursion , fit
espérer que dans peu de jours il ferait, à sa demande , des
dessins du monument de Vauclair. M. Victor Petit a tenu sa
promesse , et les notes suivantes ont été adressées par lui à
M. de Caumont pour être réunies au procès-verbal.
L'Inspecteur remplissant les fonctions de Secrétaire,
L'abbé Poquet.
DESCRIPTION DES DESSINS
Représentant le bâtiment connu sous le nom de Grange de l'abbaye de Vauclair,
PAR M. VICTOR PETIT,
Membre Je l'Institut des provinces et de la Société française.
Les dessins que nous allons décrire ne reproduisent pas ri-
goureusement l'état actuel du bâtiment magnifique de Vau-
clair. Nous avons retranché les constructions provisoires ou
modernes qui sont venues s'appuyer sur les anciens murs ,
et , de même , nous avons rétabli dans leur état primitif ,
encore fort reconnaissable, les portes et les fenêtres qui ont été
bouchées ou, au contraire, agrandies. Là se bornent scrupu-
leusement les changements que nous avons pensé devoir
adopter, afin de rendre , autant que possible , l'ensemble que
dut présenter autrefois le vaste corps-de-logis qui fut élevé
à quelques mètres seulement de distance du portail de l'église
abbatiale. Aujourd'hui encore, une avenue pavée se dirige
en ligne droite depuis la grande porte d'enceinte de l'abbaye
jusqu'à l'entrée de l'église. Cette disposition se retrouve dans
les diverses abbayes dont les ruines , ou seulement les dessins,
74 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
nous ont été conservés.
Ainsi , dans le Soissonnais ,
à Longpont, St.-Jean-des-
Vignes , St.-Médard , etc. ,
une avenue droite aboutit
au portail de l'église abba-
tiale (1).
Le grand pignon nord
du bâtiment que nous dé-
crivons s'appuie sur le côté
droit de l'avenue qui , après
s'être avancée vers l'église,
tourne subitement à droite
et longe la base de la fa-
çade , tournée à l'est , de
notre bâtiment.
La façade de l'ouest
étant celle que l'on aperçoit
la première , nous allons
la décrire de suite.
Notre dessin représente
cette façade dans tout son
développement , abstraction
faite d'un corps-de-logis
moderne qui est adossé vers
le centre de la façade en
retour d'équerre , entre les
huitième et neuvième con-
treforts. Le mur de cette
façade est consolidé par
(1) Une description générale
d'une de ces abbayes sera l'objet
d'un article spécial.
XVIII*. SESSION. -. 75
quinze contreforts, ayant près de 1"'. d'épaisseur et de saillie,
sur plus de 13'". de hauteur. Nous négligeons ici d'indiquer
les fractions métriques , bien que dans nos dessins elles
soient rigoureusement comptées. Nous ajoutons , comme re-
marque générale , que l'on reconnaît parfaitement l'emploi
de nos anciennes mesures françaises : les toises , les pieds et
les pouces pour les divisions les plus importantes , comme
aussi les plus petites, dans l'établissement du plan de la
construction.
Nos dessins faisant voir la disposition des fenêtres , nous ne
la décrivons pas minutieusement. On remarque, entre le qua-
trième et le cinquième contreforts, une large porte voûtée
en arc de cercle et surmontée d'une autre porte plus étroite.
A droite et à gauche de ces deux portes , et aussi d'une fe-
nêtre , on aperçoit deux corbeaux , ou consoles , destinés à
supporter une charpente qui a complètement disparu. Quelle
était la destination de celte charpente? Nous tâcherons de
la reconnaître tout à l'heure.
Une autre porte placée entre les huitième et neuvième
contreforts s'ouvre sur un passage voûté qui traverse tout
le bâtiment. Un oculus éclaire ce passage lormé par deux
gros murs (fig. 9 et 10), et qui aboutit à la façade op-
posée (fig. 2). Nous avons marqué de la lettre P ce pas-
sage. Nous ne parlons pas des autres portes du rez-de-
chaussée qui sont évidemment modernes ou postérieures
à la date de l'édifice , d'un certain nombre d'années. Mais au
premier étage , indépendamment de la porte dont il a été
question , on peut en remarquer deux autres : l'une entre le
cinquième et sixième contreforts , l'autre à l'extrémité du
bâtiment. Elles communiquaient à des bâtiments qui n'exis-
tent plus.
La belle façade de l'est se développe tout entière devant
nous. Son état de conservation est remarquable et la pierre a
76 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
gardé sa nuance claire et
jaunâtre; c'est une sorte de
calcaire tendre , poreux , et
légèrement sablonneux, que
l'on exploite dans le flanc
d'une haute colline située
à peu de distance , au sud ,
de Vauclair.
C'est par suite de la dé-
molition assez récente de
plusieurs corps-de-logis qui
venaient s'appuyer et se
réunir à celui que nous
décrivons, qu'il est pos-
sible maintenant d'embras-
ser d'un seul coup-d'œil un
édifice qui a plus de 70m.
de longueur. (70m. 40e. )
Toutefois , une certaine
partie de ces bâtiments
semble n'avoir été bâtie
que bien postérieurement
à l'édifice principal. Nous
n'en chercherons point la
disposition, ni la destina-
tion ; bornons-nous , quant
à présent , à la description
de nos dessins.
Quinze contreforts , tous
semblables entr'eux , et que
nous avons déjà vus à la
façade de l'ouest , soutien-
nent celle de l'est, divisée
XVIII". SESSION. 77
par cela même en quatorze travées qui correspondent aux
distributions intérieures que nous admirerons bientôt.
Chacune de ces travées présente en apparence une si-
militude qui disparaît après un examen attentif. Nous donnons
sur une proportion plus grande la travée qui semble devoir
être le résumé de toute la construction ( fig. 5 et 6 ).
Cette construction offre la réunion singulière de l'arc ogi-
val , du plein-cintre et de la plate -bande.
La plate-bande, elle-même , avec ses claveaux en trapèze,
tels que les apparcilleurs du XVIIIe. siècle eussent pu les
faire.
L'écartement qui sépare les deux contreforts est de 3"\
85°. en moyenne; l'élévation atteint la hauteur de 13n>.
50e. en moyenne également , car le nivellement du terrain
présente quelques inégalités ; enfin le mur est formé de
quarante-neuf ou cinquante assises de pierres de taille soi-
gneusement éqoarries et jointoyées. L'épaisseur de ce mur
est d'environ 1 "'. : c'est aussi la saillie des contreforts. Les
voûtes intérieures ont donc pour points d'appui une mu-
raille ayant 2m. d'épaisseur. C'est énorme déjà, et cependant
les constructeurs n'ont pas jugé cette force de résistance
assez considérable ; ils ont employé un moyen ingénieux pour
augmenter cette même force de résistance et qui consiste à
charger le sommet de la muraille, dans un sens vertical ,
d'une voûte ayant ses points d'appui sur la tête des con-
treforts et agissant dans le sens opposé à la poussée des
voûtes intérieures.
On reconnaît bien là, dans cette combinaison si simple,
si vraie et si pleine de bon sens, le génie des constructeurs du
moyen âge. Celte voûte , formée par deux arcs-doubleaux de
25e. d'épaisseur chacun, ajoute donc à l'épaisseur de la muraille
et sur son sommet un poids considérable, puisque cette
muraille atteint ainsi la mesure d'un mètre 50e. , sans
78 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Fig. 5 Ct 6. USE TRAVÉE Dl BATJME.NT DE YAICLAIR.
XVIIIe. SESSION. 79
compter la saillie de la corniche, dont nous donnons un
dessin (fig. 7), et qui supporte
tout le comble qui recouvrait l'édi-
fice.
Butées aussi fortement , les voûtes
intérieures n'ont pas bougé ; une
autre précaution , d'ailleurs , a été
prise contre l'écartement dans le Fig. 7. corniche.
sens de la longueur ; nous en parlerons bientôt.
L'étage du rez-de-chaussée était éclairé par vingt-sept
fenêtres carrées , c'est-à-dire ayant leur quatre angles rectan-
gulaires; elles ont lm. 9e. de large sur 2ni. Zi5c. de haut;
leur linteau est formé de claveaux réguliers , encadrés dans
une arcade ogivale, disposition insolite qui peut sembler
bien bizarre et qui , si elle était reproduite dans un édifice
moderne , ferait jeter les hauts cris d'indignation aux demi-
archéologues.
L'arcade ogivale , parfaitement appareillée , se montre en-
dehors comme à l'intérieur du monument; notre figure 6
en fait voir la coupe.
Entre les huitième et neuvième contreforts , nous retrou-
vons l'arc de cercle de la porte du passage déjà signalé
(fig. 2, P.). Au-dessus s'ouvre une fenêtre ronde, sur-
montée d'une voûte construite pour supporter une sorte de
terrasse , se reliant aux bâtiments démolis et dont les traces
se reconnaissent en de nombreux endroits sur la grande
muraille.
Dans la travée suivante, on trouve une porte presque
semblable , conduisant dans la grande salle A , située vers
la partie sud de l'édifice. La salle B, placée dans la partie
opposée , est plus grande encore , car elle a sept travées au
lieu de six. Enfin , à côté de cette seconde porte , on re-
80 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRAjNCE.
marque un escalier en pierre et conduisant par vingt-quatre
marches au premier étage.
Avant de pénétrer dans ces différentes salles , faisons re-
marquer que, par une disposition que rien ne semble ex-
pliquer ni motiver , les fenêtres de ce premier étage , dis-
posées trois par trois , ne sont point symétriquement placées.
Ainsi, presque toutes les fenêtres placées sous les arcs-dou-
bleaux , sont mises un peu à gauche ou un peu à droite du
milieu réel; cette différence varie de 5e. à 20e. (Voir la
fig. 5,T).
Autre irrégularité encore : les consoles ou corbeaux de
la grande corniche , sont au nombre de sept , entre chaque
tête de contrefort. Eh bien ! loin d'être disposées d'une
manière égale entre ces têtes de contrefort, le hasard sem-
ble les avoir placées n'importe comment (fig. 5, CC. ).
( Voir fig. 7 , pour les détails. )
Nos modernes appareilleurs frémiraient à la vue d'une
telle irrégularité.
Après avoir présenté le dessin des deux façades, nous
donnons celui des deux grands pignons qui les réunissent. —
Celui du nord (fig. 3), est merveilleusement conservé, il
reproduit tous les caractères de construction que nous avons
étudiés sur la grande façade. — Il en est de même pour le
pignon du sud (fig. U). Leur élévation, depuis le sol jusqu'à
la pointe du grand comble, peut être évaluée à 23m. 70 ou
75e. Le contrefort central n'a que lm. 50e. de moins; son
épaisseur est de lm. 20e.
Nos dessins suppléeront à une description plus détaillée.
Pénétrons maintenant dans l'intérieur de ce curieux et re-
marquable édifice.
Salle B (fig. 9). C'est par la grande porte E, ouverte
dans la façade de l'ouest , qu'on pénétrait dans cette salle ;
une seconde porte F, située dans l'angle, près du passage
10 (M
81
Fig. h. riGNON m sid.
82
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
XVIIIe. SESSION. 83
central, établissait une communication avec l'autre côté de
la façade et aussi l'autre salle A.
Cette salle B a 33'". de long sur 13 de largeur; elle est
divisée dans sou milieu, par six colonnes et deux consoles,
ce qui fait huit travées et deux nefs parfaitement bien voû-
tées. L'autre salle n'a que six travées, et elle ne le cède en
rien , comme beauté de construction , à la salle voisine ;
toutefois l'appareil des nervures n'est pas le même : ici elles
sont carrément taillées dans leur profil , tandis que partout
ailleurs elles sont arrondies (Voir fig. 13). Les consoles
4H
Fig. 15
Fig. 13.
présentent, à peu de variantes près, le profil de la fig. 1/i.
Les chapiteaux sont tous d'un seul morceau , corbeille et
tailloir; en voici le dessin le plus généralement reproduit
(fig. 15). Les autres se rapprochent des chapiteaux à feuilles
plates et à crosses du XIIIe. siècle. Leur diamètre inférieur
est de près de 70e. pour les colonnes du rez-de-chaussée ,
et de 65e. ou même 60 , pour celles du premier étage.
Nous donnons (fig. 12) le profil et la coupe des voûtes
et des colonnes , depuis le terrain jusqu'au comble. Le mas-
sif M s'élève pour soutenir le centre de la charpente dont
nous parlerons plus loin.
Voici maintenant la coupe générale de l'édifice (fig. 10) ,
sur les lignes 0 0 (fig. 8 et 9).
Nos lecteurs comprendront instantanément la disposition
8k
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
XVIIIe. SESSION. 85
d'ensemble des deux étages , et pourront , en comparant les
dessins entr'eux , reconnaître sans difficulté les distributions
grandioses de la salle immense du premier étage. Cette salle,
en effet , tient toute la longueur et toute la largeur de l'édi-
fice : elle a 66m. 20e. de longueur sur 12m. M)c. de largeur,
et est divisée en deux nefs par treize colonnes, formant
quinze travées égales entr'elles.
Cette magnifique salle est éclairée par cinquante-deux
fenêtres. C'est par l'escalier S S (fig. 2, 8 et 9), qu'on y
arrivait. Les rares communications établies avec les bâti-
ments qui n'existent plus, sont indiquées par les portes re-
produites dans nos dessins.
La fig. 11 montre la cou-
pe , par le travers , des deux
étages. On remarquera que
l'entrecolonnement n'est pas
le même que dans la fig. 1 0 ,
c'est-à-dire, que chaque tra-
vée ne présente pas en largeur
et en longueur une égale di-
mension : c'est un carré long,
coupé par les nervures diago-
nales qui viennent appuyer
leur retombée sur les chapi-
teaux ou les consoles. Cette Fig. il. coupe imérieure,
disposition qui est générale durant le moyen âge, a pour
but de rapprocher autant que possible , entr'eux , les
grands points d'appui, c'est-à-dire les contreforts et les
arcs-boutants extérieurs, tout en laissant à la nef, ou aux
nefs , une très-grande largeur. C'est dans nos plus admi-
rables cathédrales surtout, qu'il sera facile de se rendre
compte de ce moyen simple et poissant d'avoir de grandes
voûtes. Leur poussée dans le sens de la longueur est nulle ,
6
86 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
et dans le sens de la largeur elle est maintenue par de forts
supports.
Bien que les voûtes du rez-de-chaussée et celles du pre-
mier étage semblent être identiques, on remarque pourtant
plus de finesse dans ces dernières. Enfin , le sol qui , au rez-
de-chaussée, n'est simplement, quant à présent du moins,
qu'en terre battue, est formé au premier étage, par des
carreaux de terre cuite, de différentes formes et dimensions.
A diverses époques , de notables parties de cet immense
carrelage furent remaniées, et c'est à cette circonstance
tout accidentelle de restauration , que l'on doit la dispa-
rition presque entière du carrelage émaillé , dont on ne re-
trouve plus que des fragments çà et là.
Ces carreaux témoignent de la richesse apportée à l'orne-
mentation décorative de l'édifice, pour la salle du premier
étage qui, selon toutes les probabilités, n'a pas dû être
primitivement construite pour servir de grange, destination
actuelle , et que la ruine de l'abbaye , transformée en ferme,
a seule motivée.
Sur trois de ses côtés , cette salle n'a pas une seule ou-
verture qui puisse servir de porte , près de laquelle les voi-
tures puissent approcher, et seulement dans la façade de l'ouest,
on peut remarquer deux véritables, mais très-petites portes
donnant à l'extérieur (fig. ire. ). A l'une de ces portes, sont
posés des corbeaux, destinés à soutenir une charpente qui
s'appuyait sur d'autres corbeaux placés plus haut. Est-ce
parla seulement qu'on entrait le blé, à l'aide d'une grue?
La question est dilficile à résoudre , tant que des recherches
approfondies n'auront point été faites. Était-ce , au con-
traire , par l'escalier S qu'on montait les grains et les pailles
dans la grande salle? Cela est possible à la rigueur, toutefois
jusqu'à preuve contraire, nous ne pouvons voir dans la
destination de cette magnifique salle qu'un dortoir dont
XVIIIe. SESSION. 87
l'entrée principale était par ce même escalier , placé vis-à-vis
de l'une des issues du cloître, qui s'étendait en face de notre
bâtiment en s'appuyant au bas-côté sud de l'église.
Aux angles sud-est et nord-ouest de ce bâtiment, on re-
marque un escalier étroit commençant au Ie*. étage et abou-
tissant au comble par un mouvement en spirale.
De prime abord l'effet d'ensemble de cette longue et haute
charpente , produit un certain mouvement d'admiration qui
s'amoindrit peu à peu lorsque l'examen attentif de la con-
struction commence. Nous avons donné (fig. 10) l'ensemble
des quinze fermes qui divisent le comble. Voici maintenant
l'une de ces fermes (toutes pareilles entr'elles) (fig. 16).
Fig. 16, 17 et 18.
Le système adopté pour cette charpente, est de partager le
poids du comble entre les gros murs et le pilier central, niais
88 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
par le fait même de ce système , les deux tiers du poids pèsent
sur le centre au lieu de peser exclusivement sur les gros
murs. Remarquons aussi que la pièce principale « l'entrait »
(fig. 18) , est formé de deux pièces de bois jointes ensemble
par leur gros bout avec une clef ou forte cheville et quelques
chevilles insignifiantes par leur peu de force. Cette clef se
rompant entraîne toute la charpente dans une chute inévi-
table— et que l'on sait éviter maintenant par le tracé ou trait
de Jupiter : assemblage remarquable que le charpentier de
Vauclair ignorait. Nous donnons (fig. 17) les points d'at-
tache des principales pièces de cette grande charpente qui,
grâce à la solidité du pilier central , s'est conservée debout.
On pourrait sans inconvénient , et ceci n'est pas une mauvaise
plaisanterie , démolir les deux gros murs latéraux — la char-
pente resterait en équilibre sur le pilier central.
Cette même fig. 16 fait voir la coupe des belles voûtes
de la grande salle du 1er. étage.
Les maçons de Vauclair furent d'habiles et savants
ouvriers.
Séance du s jjuille* 1S5I.
Présidence de M. le C,e. de Mérode.
La séance est ouverte à 1 heure dans la salle de la biblio-
thèque publique , hôtel de la préfecture.
M. de Mérode appelle au bureau MM. Huet , président du
tribunal, Dersu , juge, de Beauvillé, 1er. adjoint au maire
de Laon.
M. l'abbé Lecomte adresse au Congrès une note sur divers
monuments intéressants de Soissons , et diverses précautions
xvitr. session. 89
à prendre dans L'intérêt de la conservation des monuments
historiques.
On entend le projet d'adresse au ministre dans le but d'ob-
tenir des fonds pour la consolidation de la cathédrale , et les
observations faites à ce sujet par M. le comte de Mérodc , par
M. Huet , M. Dersu , M. Pcrrine et plusieurs autres mem-
bres de l'assemblée, donnent lieu à diverses modifications dans
la rédaction du projet. Cette adresse, qui exprime les princi-
pales opinions de la Société française au sujet des travaux à
entreprendre à la cathédrale, est adoptée et signée de tous les
membres présents , après la clôture de la discussion.
M. Rouit dépose un mémoire sur les inscriptions histo-
riques que renferme l'église de Bosmonl, canton de Marie ,
relativement à des événements passés pendant les guerres
religieuses et à la mort de d'Haugest, seigneur de Genlis, qui
avait pris parti pour la religion réformée.
MÉMOIRE DE M. ROUIT.
Dans le village de Bosmont , situé à 8 kilomètres de Marie ,
s'élève, sur un petit monticule qui le domine, une église dont
la construction remonte probablement au commencement du
XIIe. siècle , ainsi que l'indique son architecture de transition.
Cette église est flanquée d'une tour carrée et massive , d'une
époque plus récente , et postérieure sans doute à la destruction
du château de Jean de Coucy de Vervins, c'est-à-dire à l'année
13Zi7. Sa force, son assiette militaire sembleraient moins con-
venir à un clocher qu'a une forteresse. Il en est de même ,
assure-t-on , de toutes les églises de la Thiérache ; elles
représentent une ligne de forts détachés , propres h la défense
de la frontière, et destinées à recueillir les populations sur-
prises par quelque incursion de l'ennemi. Ce n'était pas une
précaution inutile dans des temps de trouble et de guerre
90 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
perpétuels, puisqu'en 1712, un parti hollandais mit à con-
tribution ce même Bosmont , que ne protégeait plus son
temple uniquement réservé dès-lors au culte d'un Dieu de
paix.
Il y a quelques mois , j'eus occasion de visiter Bosmont et
son église. La partie basse de la tour, contiguë au côté droit
du chœur , forme une chapelle où se trouvent encastrées dans
la muraille trois inscriptions, dont deux au moins ne me sem-
blèrent pas dénuées d'intérêt. Elles sont en vers ou plutôt en
lignes rimées. Elles présentent bien quelques difficultés, quant
au dessin des caractères et à l'orthographe , mais on doit
les rejeter sur l'ignorance évidente de la main qui les a
gravées.
Les deux premières rappellent un épisode précurseur et ,
suivant les mémoires du temps, cause déterminante de la
Saint-Barthélémy et de notre quatrième guerre de religion.
Elles sont tellement unies par le sujet que je ne crois pas les
devoir séparer. Voici comment j'en proposerais la lecture :
les libertins de ce pays,
contrefaisant le protecteur,
a la requête de genly ,
allant a monts a leur malheur
cinq cents et plus occis a l'heure,
et de quatre mille pendus,
le reste, qui de leur erreur
n'était pour rien renvoyé tout nu.
l'an de jésus-chrit révolu,
mil et cinq cent septante deux.
dix-septième de juillet vaincu
fut genly, protecteur des gueux;
de quoi l'amiral tout ireux
délibérant aller a mons,
occis fut ce séditieux
dix jours après l'assomption
xvur. SESSION. <)1
CONCLU AVAIT l'Ait TRAHISON
OCCIR LE NOBLE SANG ROYAL,
DE CUISE LA SAINTE MAISON
ET RENDRE PARIS ILLOYAL.
Voilà un fait établi et fixé : la défaite de Gcnlis vaincu de-
vant Mons le 17 juillet 1572, et un autre rappelé , le meurtre
de l'amiral de Coligny.
Occupons-nous d'abord du premier; l'histoire le confirme
en tous points et explique ce que l'inscription se contente
d'indiquer.
Jean d'Hangest , seigneur de Genlis et d'Ivroy, était, comme
son frère François, du parti protestant, l'opposition avancée
d'alors. Il en fut l'un des plus actifs capitaines. C'est au
château de Genlis qu'était né Calvin. Fils d'un domestique
de la famille , il avait été instruit par les soins de Charles
d'Hangest, abbé de St.-Eloy de Noyon. Dans un petit ma-
nuscrit laissé par un descendant des d'Hangest , et que l'un
de nos honorables confrères , M. Piette , a bien voulu me
communiquer , cette circonstance est représentée comme le
motif qui détermina les deux frères à embrasser l'opinion de
leur ancien serviteur. C'eût été pousser bien loin le patro-
nage féodal; il est plus naturel d'attribuer le changement des
seigneurs de Genlis h la conviction ou à l'intérêt ambitieux
qui était alors, au moins pour leurs pareils , le culte le plus
sincère et le plus général.
Depuis 1556, les Pays-Bas, où la liberté religieuse servait
de voile à l'affranchissement politique , s'étaient en partie
soulevés contre Philippe II. Malgré l'implacable persécution
du duc d'Albe, les révoltés venaient, en 1752, de surprendre
Mons et Valenciennes ; mais les Espagnols n'avaient pas tardé
à recouvrer Valenciennes, et ils assiégeaient Mons, défendue
par le brave Lanoue. Les prolestants de France , en effet ,
faisaient passer de continuels secours à leurs coreligionnaires ;
92 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
et , pour leur assurer un plus puissant appui , Goligny , pro-
fitant d'un moment de faveur qui devait si tristement finir ,
présentait sans cesse à la fougueuse imagination du jeune
roi la gloire de rattacher au royaume ces riches provinces de
Flandre, qu'un mariage refusé en avait détachées depuis un
siècle.
Mais rompre avec Philippe II , pour s'allier avec les Pays-
Bas , l'Allemagne et l'Angleterre , c'était porter un coup
mortel au catholicisme , réduit dans ce cas h l'Espagne et à
l'Italie seules ; et l'opinion publique , plus puissante encore
que les Guise , qui n'étaient si forts que parce qu'ils sentaient
et parlaient comme elle , se fût aussitôt élevée contre un
prince allié et protecteur des Huguenots. Charles IX fut pré-
venu par sa mère et ses plus intimes conseillers , que c'était
mettre en jeu sa couronne. Ne pouvant méconnaître le péril,
ne voulant pas non plus renoncer à l'idée d'une conquête
facile , il prit un moyen terme qui perdit tout , parce qu'il
n'y avait ni décision , ni loyauté.
Pendant qu'il protestait auprès de Philippe de sa neutralité
et de son dévouement aux intérêts catholiques , il donnait à
Genlis des instructions secrètes et le chargeait de se rendre
dans le Hainaut avec sept ou huit mille hommes, que son zèle
seul semblerait avoir rassemblés , et de faire lever le siège de
Mons, vers lequel s'avançait aussi le prince d'Orange. Mais,
à deux lieues de la place, à St.-Guilhain, son avant-garde,
qu'il commandait en personne , fut surprise par le duc
d'Albe et complètement défaite. Les Espagnols avaient été
bien avertis par les ennemis des Huguenots qui étaient en
France (1) ; c'est Tavannes qui le dit; et nous pouvons l'en
croire , car il était fervent catholique et s'opposait de son
(1) Mémoires de Gaspard de Saulx de Tavannes , maréchal de
France , -par son troisième fils , Jean de Saulx , vicomte de Tavannes
(année 1572).
xvmf. session. 93
crédit et de son éloquence à toute intervention en faveur des
réformés.
Il ajoute. — Demeurèrent plus de deux mille morts que
pris; un petit nombre de dépouillés se sauvent , par pitié en
France ; Genlis et plusieurs signalés pris.
Varillas, qu'on appelle le romancier de l'histoire, mais que
l'on copie souvent sans trop se plaindre de son inexactitude ,
est d'accord sur le fait essentiel avec le grave maréchal; seu-
lement, il donne plus de détails.
Le dépit de l'amiral en fut grand A sa sollicitation ,
le roi écrivit à Claude Mont-Doucet , son agent auprès du
duc d'Albe , de le prier d'élargir les prisonniers ou de les
traiter de bonne guerre, et de les mettre à rançon. Mais les
Espagnols, gui voidaient sans doute, par un exemple sévère,
détourner IcsFranr.ais de se mêler de leurs affaires deFlandre,
avaient, de sang-froid , tué les prisonniers , en les exposant
en but aux arquebusades de leurs soldats , sous prétexte
d'éprouver combien l'arquebuse la plus chargée en pourrait
percer à la fois (1).
A ce sujet, on trouve dans le manuscrit dont j'ai parlé ,
une note où l'auteur , sans élever aucun doute sur ce récit ,
fait cette simple remarque : Genlis fut étranglé dans son lit.
Le descendant des Hangest trouvait-il cette fin plus digne
d'un gentilhomme ?
Quoi qu'il en soit , vous le voyez, MM., concordance par-
faite de l'inscription avec l'histoire :
Les libertins de ce pays : c'est-à-dire les partisans de la
liberté religieuse, les protestants de France, contrefont, imi-
tent, suivent l'exemple de Genlis, protecteur des Gueux:
zélés défenseurs des réformés des Pays-Bas , qui d'une gros-
sière injure échappée à l'un des conseillers de Marguerite de
(1) Varillas, Histoire de Charles IX, livre IX (1685).
9U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Parme, s'étaient fait un surnom qu'ils prétendaient honorer,
à la requête de Genlis : la main du roi était restée cachée ,
c'est l'acteur apparent qu'on accuse seul. Vont à Mons : dans
l'espoir d'en faire lever le siège — pour leur malheur : en
effet , une sanglante défaite les y attendait : le 1 7 juillet 1572,
ils sont battus à Saint-Guilhain, à 2 lieues ouest de Mons.
Cinq cents et plus sont occis sur l'heure ; plus de quatre
mille pendus ; le reste qui de leur erreur n'étaient pour rien
renvoyés tout nus.
Dans ce dernier trait, nous retrouvons la pitié dont parle
Tavannes ; dans les pendus , les arquebuses de Varillas.
La différence dans le chiffre est chose toute naturelle ;
l'imagination populaire , comme l'éloignement , grossit les
objets.
Quant au genre de mort , il importe peu : le résultat est
toujours le même. C'est toujours la tourbe ignorante et sé-
duite qui paie pour qui l'entraîne. Le plectuntur achivi ne
cessera jamais d'être une vérité.
L'influence de la défaite de Genlis , lancé en secret sur les
provinces belges et désavoué tout haut , ne saurait être mise
en doute. Elle eut de terribles conséquences.
De quoi l'amiral tout ireux, délibérait d'aller à Mons.
Cette colère est de la plus scrupuleuse exactitude : Varillas
vient de dire : le dépit de l'amiral en fut grand. Tavannes
nous le montre aussi profondément blessé , mais ne renonçant
pas à l'espoir de délivrer le Pays-Bas. Cette déroute, dit-il ,
jointe aux menaces et impudences des Huguenots , est auteur
de leur perte. La peur saisit la reine des armées espagnoles.
Le dédain, le dépit se conçoit dans l'amiral qui rejette cette
défaite sur ceux qui avaient empêché le roi de se déclarer....
il ne perd courage ; possède le roi, fait de nouvelles levées.
Emporté d'audace, ne considérant ni qui il est, ni où il
est, outrecuidé sur l'assurance du roi , il dit qu'il ne pouvait
XVIIIe. SESSION. 95
plus tenir ses partisans; qu'il fallait une des guerres,
espagnole ou civile.
Celte arrogante parole, habilement commentée, trouble un
jeune prince naturellement ombrageux et colère. Catherine
se rapproche des Guises; on tient conseil, et la mort de
Coligny est résolue. Mais il n'est que blessé. Les réformés
demandent vengeance avec menaces : le même arrêt les frappe
tous , et Paris l'exécute ; exemple que suivent aussitôt et trop
fidèlement la plupart des provinces.
Le reste de l'inscription qui accuse l'amiral d'avoir , par
trahison , conçu le projet de faire périr le noble sang royal et
la sainte famille des Guise, et d'entraîner Paris dans la révolte,
porte , sinon la même vérité dans l'appréciation des faits , du
moins la même sincérité dans l'expression des sentiments.
Celait l'opinion de l'immense majorité de la nation que
l'amiral de Coligny avait armé la main de Poltrot, et qu'il
voulait établir une république fédérative sur les ruines de la
monarchie. Sans aucun doute , le noble amiral ne méritait
aucune de ces accusations ; mais il était chef de parti ; et les
imprudences, les vœux ou les actes coupables de ceux qu'il
semblait diriger , c'était lui seul que la voie publique en
rendait responsable.
Pour terminer, quel intérêt sérieux offrent donc nos deux
inscriptions de Bosmont ? Outre l'avantage de rappeler et de
préciser un fait oublié dont nous avons vu l'importance , elles
me semblent avoir encore le mérite de retracer ingénument
l'état des esprits pendant la funeste période de nos guerres
civiles. Si, dans un obscur village, on gravait sur la pierre des
accusations odieuses , mais que l'on croyait vraies , contre un
parti toujours redoutable quoique vaincu , quelle devait être
l'exaltation des grandes cités où les ennemis étaient en pré-
sence ! C'est une feuille du journal de nos pères ; elle est
naïve et brève, mais du moins pour les faits, elle est d'une
96 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
merveilleuse exactitude; dans ses jugements , elle suit plutôt
la passiou que la justice , il n'est là rien qui doive nous
étonner. Peut-être bien qu'en cherchant un peu , nous
finirions par trouver quelqu'autre de ces simples annales , et
nous pourrions parfois contrôler la grande histoire officielle ,
à l'aide de celle que le peuple aurait écrite de ses propres
mains. Ne serait-ce pas le moyen le plus sûr d'arriver à la
vérité ?
Il ne me reste plus qu'à parler de la troisième inscription.
C'est la pierre tombale d'un homme de bien.
NOMMÉ LOUIS ,
d'armes ET DE VERTUS ENNOBLI,
QUI A NATURE PAYA SA DETTE,
L'AN MIL CINQ CENT SOIXANTE SEPT
LE JOUR HUITIÈME DE SEPTEMBRE.
Rien assurément de plus vulgaire, mais le dernier vers
ne me semble pas indigne de remarque. Au lieu de la for-
mule usitée : Priez pour lui, nous lisons : Prie pour lui ,
qui t'en remembre.
Ce soin de ne s'adresser qu'à ceux qui se rappellent encore
celui qui n'est plus , n'est-il pas une allusion aussi fine que
touchante, à l'oubli qui suit d'ordinaire des noms encore
plus grands et dément si vite les éternelles douleurs de
l'épitaphe ?
La précaution du reste n'était pas inutile; voilà quatre
grandes pages consacrées à un homme de guerre et de sang ,
forçant les villes , ravageant les campagnes : et sur un nom
que ne recommandent que d'utiles et modestes vertus, je
n'ai pas un seul mot à dire.
Le Congrès, par la bouche de M. le président, demande à
M. le bibliothécaire quelques renseignements sur les richesses
de la bibliothèque de Laon. M. Thillot répond que le cata-
XVIIIe. SESSION. 97
Jogue en a été dressé par FEtat : on histoire locale, la biblio-
thèque possède le manuscrit d'IIerrnan , le récit du voyage
des chanoines quêtant pour la reconstruction de l'église ; pour
l'histoire plus récente , le récit de ce qui est arrivé à Laon
pendant la Ligue, par Antoine Richard, bourgeois de Laon ;
un manuscrit sur l'histoire de St. -Quentin, par le colonel
Chabot-Latour; un autre sur l'histoire de IN icole Obry ; un
carlulaire contenant le catalogue du trésor de St.-Rémy, une
des églises de Laon.
M. Piette donne quelques renseignements sur les objets
antiques qui se trouvent à la bibliothèque. La Société de-
mande qu'il soit fait un catalogue.
Sur la demande de MM. de Mérode, de Caumont et de
plusieurs autres membres , le Congrès émet le vœu que l'ad-
ministration préfectorale fasse transporter à la bibliothèque
de h ville tous les objets antiques qu'elle pourrait avoir à sa
disposition , et invite les ingénieurs et agerits-voyers à con-
courir à ces collections en envoyant à la préfecture, pour les
centraliser, tous les objets trouvés, et dont, plus que tous
autres, ils sont à même d'avoir la connaissance.
M. Bretagne donne lecture d'un mémoire sur une médaille
inédite frappée à Coucy.
NOTICE DE Mi BRETAGNE.
C'est jusqu'à présent une opinion reçue que les sires de
Coucy n'ont point battu monnaie. Aucun document historique,
aucune charte n'indique que ce droit régalien leur ait été
concédé.
La terre de Coucy, donnée vers l'an 500 par le roi
Clovis à saint Rémy , fut léguée par ce dernier à l'église de
Reims. Après diverses entreprises tentées par de puissants
voisins contre ce domaine trop éloigné de Reims pour être
98 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
facilement défendu , l'archevêque Baldéric finit en 965 par le
céder à Eudes, fils de Thibaut, comte de Chartres et de
Tours, moyennant un surcens de 60 sols. Cette redevance,
par suite d'un partage qui eut lieu entre l'archevêque de
lleims et l'abbaye de St.-Rémy, fut dévolue à ce dernier
établissement, et on a des titres qui en constatent le paie-
ment par les sires de Coucy , descendants de Thibaut , en
1332, 1336, 1373, 1400, U15, 1416, 1445, 1468,
etc. (1).
Cette terre , peu importante dans son origine , n'était , on
le voit, qu'un simple arrière-fief, et ne pouvait valoir à son
possesseur le droit de battre monnaie , ce qie confirmait
d'ailleurs l'absence de tout monument de cette nature.
Cependant j'ai entre les mains un denier dont l'attribution
à un sire de Coucy est indubitable.
Il faut donc aujourd'hui le reconnaître, quelques-uns au
moins de ces fiers barons ont battu monnaie. De quel droit?
on l'ignore. S'il y a eu concession , peut-être en pourrait-on
porter la date à la minorité de Louis IX, alors que l'autorité
royale menacée cherchait à se faire des appuis, encore serait-
il surprenant qu'une faveur si remarquable et toute par-
ticulière n'eût laissé aucune trace dans l'histoire.
Il paraît plus vraisemblable que ce n'est là qu'une usur-
pation, remontant à cette époque de confusion, où les vassaux
assez forts pour soutenir leurs prétentions , s'érigeaient en
souverains ; les exemples ne manquaient pas , et l'on connaît
l'ambition et l'esprit entreprenant des sires de Coucy.
Il est probable que l'auteur de cet empiétement sur les
prérogatives royales fut un Enguerrand III.
Après la mort de Louis VIII, le trône lui aurait été offert,
à ce qu'on prétend, par les grands feudataires. Ce projet, il est
(1) Histoire de Couçy, par dom Duplcssis, p. 52.
XVIIIe. SESSION. 90
vrai, n'eut pas de suite; mais il ne serait pas étonnant que
l'homme qui s'était fait faire une couronne royale (1) se fût
arrogé , comme tant d'autres bien moins puissants que lui ,
le droit de battre monnaie , et que son fils Raoul II eût
continué cette usurpation.
C'est en effet à ce dernier que je rapporte le denier dont
voici la description :
f radvl 3fc fvs. Croix pattée, cantonnée de deux crois-
sants et de deux ornements en forme iVA.
-,- ® 3fe ciaa 3fc eus. La première lettre de cette légende
n'est pas sortie sous le marteau, c'est certainement un C qui
complète le mot Cociacus.
Chaque syllabe est séparée par un ornement dans l'in-
tention probablement de rendre la légende moins intelligible,
ce qui indiquerait un droit très-équivoque.
Dans le champ, on remarque un château composé de
deux tours dont l'une est plus élevée que l'autre; la herse qui
est levée se voit aussi , ainsi qu'un animal qui paraît être
un lion ; tous ces objets sont microscopiques , mais par-
faitement distincts.
Poids, 1 gramme 8 centigrammes;
Diamètre, 20 millimètres.
Coucy , dans les chartes , est nommé indifféremment
codiciacus ou codiciucum et par contraction cociacus ou
cociacum.
La légende rend bien l'une de ces appellations , mais deux
seigneurs de Coucy ont porté le nom de Raoul.
1°. Raoul I , qui fut tué au siège de Saint-Jean d'Acre
en 1191.
2°. Raoul II qui hérita de la seigneurie en 12^2, et périt
(1 Histoire de Coucy, par doni Duplessis, note 5k.
100 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
héroïquement au milieu des siens à la bataille de la Massoure
en 1250 (1).
Je pense qu'on doit attribuer mon denier à Raoul II , parce
que la tour de Coucy qui y est représentée , et dont les sei-
gneurs étaient avec raison si fiers, puisqu'aujourd'hui encore
elle frappe d'admiration , n'a été construite que par Enguer-
rand III (2) , fils de Raoul Ier. et père de Raoul IL
Cette monnaie donne encore lieu à deux remarques qui ne
sont pas sans valeur.
1°. Raoul n'y prend aucun titre, ce qui est bien d'accord
avec la devise de sa maison , si ambitieuse dans sa simplicité :
« Je ne suis Roi ni Prince aussi ,
a Je suis le sire de Coucy. »
2°. Outre l'image du superbe donjon féodal , on y trouve
rappelé un épisode célèbre , c'est celui du combat qu'En-
guerrand III soutint, dans la foret de St.-Gobain, contre
une bête féroce qu'il tua , et dont un bas-relief , jadis encastré
dans la maîtresse tour, offrait la représentation (3).
Voilà donc un humble monument, une petite monnaie
qui vient confirmer plusieurs points intéressants de l'histoire
et des traditions de l'illustre maison de Coucy.
M. l'abbé Lecomte donne lecture d'un mémoire sur quel-
ques monuments du département de l'Aisne.
(1) Michaut , Histoire des Croisades, tome IV , p. 24.
(2) Histoire de Coucy , par dom Duplessis, p. 54.
(3) Id., ibid. , note 53.
WJII1. SESSION. KM
NOTICE DE M. L'ABBÉ LECOMTE.
PÉRIODE OGIVALE (TRANSITION).
Églises. — Les églises du département de l'Aisne ont pres-
que toutes le caractère de transition , c'est-à-dire que le
plein-cintre se marie à l'ogive à peu près partout. Les ouver-
tures des fenêtres y sont ordinairement à plein-cintre et les
travées de la nef ogivales. Le Soissonnais exclut souvent l'ogive
des travées et ne la réserve que pour le portail et la travée
triomphale du sanctuaire et du chœur. Tel est le caractère
générai des églises de transition dans nos villages , il faut y
ajouter le sanctuaire en demi dôme circulaire... Sept à huit
églises ont à cette partie pour contreforts des colonnes appli-
quées et groupées par trois ; leur diamètre diminue à partir
du cordon établi sous les croisées , et ces colonnes terminées
par des chapiteaux souvent fantastiques ou symboliques, sont
couvertes d'un glacis à la manière des contreforts. La tour
est ordinairement placée sur le chœur ou l'un des transepts ;
rarement , dans le Soissonnais , au portail (je parle des tours
en pierre). Il n'en est pas de même aux environs de Vervins.
Églises ogivales. — La période ogivale se présente avec
solennité dans notre pays, il suffit de rappeler son début
pour l'admirer. La cathédrale de Laon , qu'on ne se lasse
jamais de contempler, où l'œil se perd dans une forêt de
colonnes et dans ce demi-jour mystérieux si propre au-
recueillement de la prière; belle, magnifique, sublime au
dehors, et par sa position, et par ses quatre tours, et par
l'élégance de son portail ; mais plus belle encore au dedans ,
par ce sens religieux , qu'un saint et qu'un homme de génie
pouvait seul deviner : voilà le premier monument véritable-
ment ogival de nos contrées. Près de lui , mais dans des
7
102 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
proportions bien différentes , on voyait s'élever et l'on en voit
encore les restes de l'abbaye de Vauclair, l'église de Saint-
Michel , et celle de Braine qui existent , nous en donnent
une idée. Des chapelles rayonnant autour de la croisée des
transepts, sont des caractères particuliers à ces trois églises.
Longpont avait suivi ce plan mystérieux. Marte possède une
église de cette même époque , la nef et les transeps sont
également décorés de galeries. Laon seul en possède une
double rangée superposée. Il lui était donné de rivaliser un
jour avec la métropole de Paris. Prémontré s'élevait de son
côté , pourquoi donc l'a-t-on privé de sa grande salle capi-
tulaire. Il y a quinze ans , elle existait avec ses trois rangées
de colonnes.
J'ai parlé de Vauclair , d'autres que moi signaleront son
reste de cloître si intéressant , et le vaste bâtiment que les
membres du Congrès ont pu admirer hier. Une église de
cette époque , bien remarquable par la gracieuse compo-
sition de son portail, par l'élégance de ses colonnettes accolées
en faisceau pour soutenir les travées de la nef , et par la finesse
de ses sculptures et de ses chapiteaux. C'est l'église de Vailly.
On admire avec raison les sculptures de cette époque pour
leur naïveté de pose , et pour le naturel du vêtement : aussi
le couronnement de la Vierge par Jésus-Christ, la Vierge
assise de Braine , les seules statues arrachées au vandalisme ,
justifient bien celte prédilection des artistes de nos jours.
Le XIIIe. siècle nous présente la cathédrale de Soissons.
On y tient à la pureté des lignes, on y vise plus à l'élévation ,
on ménage les colonnes, les fenêtres s'élargissent , un meneau
les sépare en deux baies surmontées d'une rosace. St.-Leger
qui vient de sortir de ses ruines et de reprendre tout son
éclat sous le zèle et le dévouement éclairés de notre premier
pasteur , s'élève à la même époque dans des proportions plus
restreintes. — St.-Jcan-dcs-Vignes ne pouvait tarder à
XVIIIe. SESSION. 103
paraître. Il n'en existe plus de ce temps que la partie infé-
rieure des tours et du portail. — A quelques lieues de Sois-
sons , Longpont élevait les voûtes de sa longue église abbatiale
à la hauteur de 120 pieds; il en reste une travée, le reste
est à moitié suspendu en l'air , des pans de galeries arrêtés
dans leur chute effrayent les regards, le reste couvre le sol ,
ou disparaît au milieu du parc de M. de Montesquiou.
Essommes, l'abbaye du bord de la Marne, élevait sa grande
basilique; au même temps et à son exemple, le petit village
de Mczy , à quelques lieues de là , se bâtissait une église sans
transept décoré de galeries dans toute son étendue.
Je me garderai bien d'oublier le plus beau et le plus vaste
monument du département dans le XIIIe. siècle , la collé-
giale de St. -Quentin. Qui pourrait tarir en éloges, sur ses
voûtes suspendues à 110 pieds du sol, sur son labyrintbe , le
seul qui subsiste dans nos contrées, sur le double transept
qui la distingue entre tous les édifices de l'époque ogivale ,
sur la richesse de ses vitraux. Elle possède quatre verrières du
XIIIe. siècle, signées par des chevaliers que l'on voit monter
à l'assaut ou se faire armer par le roi : qui pourrait taire le
fond des transepts, autant et plus ornementés que ceux même
de la cathédrale de Rouen. Oublierait-on son arbre de Jessé
en sculpture au dessus d'une petite porte de clocher au bas
de l'église : la petite porte sud a sur toute sa voûte tant de
sculptures d'anges et tant d'arcatures, que tout excite l'ad-
miration jusqu'aux plus menus détails. La variété des contre-
forts autour du chœur et de la chapelle de la Vierge , n'est
pas moins intéressante.
C'était le coup de grâce , et pourtant le Mont Notre-
Dame élevait encore la nef de sa collégiale, dans le style
fleuri du XIVe. siècle; St. -Martin de Laon élevait son por-
tail, Liesse allait îivoir le sien, les tours de St.-Jea?i des
Vignes , allaient porter dans les airs le style capricieux qu'on
104 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
appelle prismatique ; son cloître faisait l'admiration de tous. La
flèche de Concy- la- Ville perçait les nuages, aussi bien que
celle de beaucoup d'autres églises (à l'imitation de St. -Jean).
On voyait construire les tours des églises de Fère en Tar-
denois, de Château-Thierry , le gracieux clocher de Va-
neny ; la Fertè-Milon présente à N.-D. le clocher limitrophe
du style prismatique et renaissance.
Je m'arrête, pour jeter un coup-d'œil rapide sur les arts
à cette troisième et quatrième époque ; je ne ferai qu'indiquer
les vitraux et rosaces de Laon , au fond du sanctuire; c'est
le XIIIe. siècle pur. Un certain nombre de verrières, de
St.-Quentin, sont également du XIIIe. Longueval possède
deux verrières de cette époque ; il y a des vitraux du XIVe.
siècle h Soissons ; tes XVe. et XVIe. siècles ont doté quantité
d'églises de ces époques de nombreuses verrières; en pre-
mière ligne , je mets la Ferté-Milon , pour le nombre et la
vivacité. A propos de ces verrières , qu'il suffise d'indiquer ,
vingt-huit scènes de l'Apocalypse , rendues avec toute la
verve qu'exigeait le sujet ; il y aussi tout le Credo en ima-
ges. ■ — St. -Quentin, le Grand-Rosoy , Bucy-le-Long , Par-
fondru, Andelain, Fère, Sermoise, Coincy, Château-Thierry
et d'autres, ont conservé plus ou ou moins de vitraux de
ces époques.
Micy , près Soissons , possède un -pied de calice émaillé ,
du XIIe. siècle ; Longueval a un ostensoir gothique , cuivre
doré, du XVe. siècle, j'ai vu un encensoir gothique de
l'époque flamboyante , à Nanteuil-la-Fosse. — Les pavés
émaillès à sujets , sont rares : on en trouve à Andelain , dans
l'église; à Armentières , dans la grande salle de l'ancien
château. — Une tapisserie à caractères gothiques , se trouve
suspendue dans l'église de Soissons.
Sculptures. — Sur les chapiteaux historiés , j'ai peu à
XVIII*. SESSION. 105
dire; déjà j'ai indiqué la plupart des choses. Cependant, à
ceux qui douteraient de la vérité du symbolisme dans les
chapiteaux , je leur montrerais la chute d'Adam et d'Eve;
Adam et Eve chassés du Paradis , Adam et Eve condamnes
au travail , dans l'église cYUrcel. Plus loin , à Filain , je leur
dirais de voir, sous le linteau de pierre du portail, deux
animaux, accroupis aux deux angles et luttant à reculons
contre la porte; forcé de reconnaître, un chien d'un côté
et de l'autre un cochon, qui pourrait me contester le symbo-
lisme de cette parole de saint Paul forts canes et impiidici?
Je recommanderai à l'attention l'enfer de Braisne , placé
à la bibliothèque de Soissons : c'est un tympan représentant
la séparation des bons et les supplices des méchants; les bons,
conduits par J.-C. , sont comme les anges, n'ont pas besoin
de vêtements, parés de leur innocence; les méchants, en-
chaînés, ne cachent pas leurs défauts à Dieu sous leurs divers
habillements , et sont précipités dans la chaudière ardente où
Judas tire la langue et les autres se tordent en mille manières.
— En fait de sculptures , l'histoire de la passion , que l'on
voit colossale à la grande tour de St. - Jean-des-Vignes , est
fort remarquable.
Il y a des boiseries sculptées de L'époque fleurie avec
force rosettes , à Sorbais; elles viennent de l'abbaye de Pierre-
Fontaine. — J'ai vu à Coincxj les douze apôtres couverts de
pinacles et autres ornements à fines découpures. — Il y a
trois magnifiques rétables à la Flamangrie que tout le monde
connaît. A Bray, près Soissons, est un grand christ, en bois,
de St. -Jean-des-Vignes , qui semble appartenir au XIIIe.
siècle ou au XIVe. au plus. Ceux qu'on admire à Andelin et à
Vauxtin sont du XVIe.
Coffres, bahuts, meubles u boiseries, chaires. — Les bahuts
sont rares , je n'en connais que deux : l'un , du XIIe. siècle,
106 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
les ferrements sont terminés par des feuilles d'eau enroulées,
il existe à Chaudarde , derrière l'autel ; le second , du XVIe.
siècle , est à La Croix ; la serrure est un chef-d'œuvre , et la
façade du bahut est riche en sculptures de la renaissance ,
médaillons et arabesques.
Ainsi sont les stalles et boiseries d'Essommes , c'est du
François Ier. , un peu hardi. — Les stalles d'Oulchy , qui rap-
pellent le paradis terrestre , et les clôtures de la chapelle de
la résurrection de Laon ( cathédrale ) , sont de la même
époque (le XVIe. siècle).
Les meubles historiés sont partout : à la ville de Chauni ,
à Pinon , à Marchais , à Longpont , partout où il y a un
amateur opulent.
Les chaires de Laon , de Venins , de Bucilly , de Coincy ,
sont remarquables. Celle d'Oulchy, qui vient de St. -Jean,
est fort curieuse. — Muret a une chaire historiée , peinte et
dorée.
Saintes réserves. — Les saintes réserves sont rares, j'ai cru
en trouver une à Pancy ; elle est du XIIIe. siècle , du style
fleuri , armée de portes peintes de personnages en dedans ,
avec grilles de fer et serrures.
Cuves baptismales.— Nouvion-le-Vieux a une cuve baptis-
male du XIe. siècle , vaste , avec sculpture romane et tête
renversée , échevelée. — Celle de Longueval est historiée ,
du XVe. siècle , ayant le baptême de J. -C. d'un côté , des
statues d'aigles et les signes des quatre évangélistes en mé-
daillon. La plupart de toutes nos cuves baptismales sont du
XIIIe. siècle , avec feuilles d'eau.
Châteaux et fortifications. — Le département de l'Aisne
possédait , il y a peu d'années , un certain nombre de bourgs
et de villages munis de leurs remparts ; Vailly , Bruyères ,
XVIIIe. SESSION. 107
avaient leurs portes, leurs tours, leurs fossés, de tout cela
il ne reste plus rien. Outre ces murs de défense , certaines
bourgades avaient leur fort, quelquefois ce fut l'église même.
Ciry-Salsogne en conserve encore le nom. L'église s'appelle le
fort ; une enceinte fortifiée la défendait ; la tour avait ses
tourelles, et le portail aussi. Le tout greffé deux ou trois
siècles après le roman pur de toute cette église. — Bruyères-
sous-Laon , dont la haute et massive tour domine la contrée ,
était le centre d'une seconde enceinte, ayant ses portes et un
donjon de sept tours en face le portail. — La gracieuse tour
de l'église de Vorges est une forteresse de la plus exquisse
élégance ; l'extrémité des transepts a ses tourelles plates
posées sur les contreforts , le tout encore garni de parapets.
— Laval a sa tour garnie de deux moucharabijs , qu'on me
pardonne l'expression un peu barbare !..
Voilà pour les environs de Laon où d'autres églises ont les
mêmes dispositions. Ces dispositions ont dû être nécessaires
dans les guerres de religion , sous les x\rmaguacs, et peut-être
même auparavant. Le nord du département présente ce ca-
ractère à peu près partout. M. Piette, qui étudie si bien
cette contrée, citera les plus intéressants. J'en ai déjà vu
une dixaine ayant ce caractère de forteresse.
Quant aux forts ruinés , on en voit partout. Dans le Nord ,
on les appelle les caieaux; on en voit d'autres depuis Laon
jusqu'à la Marne où ils ont moins souffert : il est rare qu'il
n'en reste pas quelques vieilles tours. Comme nous sommes
extraordinairement riches en ce genre , je ne ferai qu'in-
diquer pour ne pas lasser la patience.
Le monde nous envie Coucy , ce donjon un des plus beaux
de l'Europe et de l'Asie. Je ne dis rien de sa porte de Laon,
à l'aspect formidable , de ses nombreuses tours d'enceinte ;
les tours qui l'accompagnent et qui étonnent par leurs pro-
portions, leur appareil géant comme pour forcer l'imagination
108 CONGRES ARHÉOLOGiQUE DE FRANCE,
à s'abîmer en présence du donjon qui les regarde comme
des nains couchés à ses pieds. Tout cela est hors ligne et
suffisamment décrit. — Tout près se trouve, au château de
Moyenbrie, une imitation assez jolie de ce donjon. 11 a encore
sa salle d'honneur , son parapet , son manteau de cheminée
armoirié ; l'intérieur semble du XIVe. siècle comme l'exté-
rieur. — Je ne fais qu'indiquer Oulchy-le-Château , Château-
Thierry, tout cela tombe et personne ne le relève, ou ne l'em-
pêche de tomber. — Les comtes de Braisne ont élevé plusieurs
châteaux-forts : le château de Fère en Tardennois , si re-
marquable, rebâti par les Montmorency, et qui subsiste;
le château de Nesle , dont restent encore les tours ; la folie
de Braine qui domine la plaine de la Vesle , ornée de sept
tours encore avec des fossés creusés dans le roc ; enfin Pon-
tarcy dont subsiste une tour. Puis viennent une série de for-
teresses de la maison des Chatillon ; le donjon , débris des
Basoches , flanqué de neuf tours très-fortes et entouré d'une
enceinte de fortifications qui renferme la place et quelques
habitations , avec l'ancien emplacement du martyre, du lieu
de la sépulture et de l'église St. -Rufin et St. -Valère. — Un
reste de fortifications, de tour et d'habitation du château de
Yille-sa-Voye, Lhuys avait encore ses tours et ses oubliettes,
s'il y a jamais eu d'oubliettes. Droizy possède encore un
donjon bâti par les Chatillon de Basoches , etc. Mais je me
hâte d'arriver au château des marquis d'Armentières, près
Oulchy : c'est le château le mieux conservé de ces époques ;
on y trouve encore , dans la salle d'honneur , des pavés
émaillés d'armoiries et de quelques animaux. Je m'empresse
de signaler h la hâte les ruines superbes du château des évo-
ques de Soissons , à Sept-Monts ; Vierzy avec sa galerie du
genre prismatique et ses vastes salles ; Berzy-le-Sec , dont la
porte est si pittoresque ; Cheret possède un petit château
flanqué de tours ; mais je ne comprends pas comment on l'a
X\J1I«. SESSION. 109
mis à la portée de la main du côté de la montagne. Le terrain
arrive presque à la hauteur des toits de ce côté.
Le château de Marchais, la plus gracieuse création de la
renaissance , n'appartient pas à l'époque militaire, que Marie
revendique pour lui encore. Mais je suis obligé de m'arrèter.
M. de Caumont résume quelques-uns des faits qui ont oc-
cupé le Congrès. Il est frappé de l'importance de plusieurs
monuments du département et de sa richesse archéologique ;
il croit qu'il est temps d'explorer à fond les localités où des
vestiges gallo-romains existent , et notamment Nisy-le-Comte,
où déjà tant d'objets importants ont été reconnus. Il se charge
de demander à la Société Française , dans la séance qui dans
quelques jours , à Nevers , sera consacrée à la répartition
des fonds disponibles , une somme de 200 francs pour être
employée à l'exploration de cette curieuse localité gallo-
romaine.
M. le comte de Mérode prend à son tour la parole et dé-
clare close la première partie de la session du Congrès , qui
sera continué le 10 dans la ville de Nevers.
110 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
1 ET AILS DE LA CATHÉDRALE DE LAO.N.
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE.
DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION.
Séance du ÎO juin.
Présidence de Mgr. D. Aug. Dufêtre, évêque de Nevers, membre
de la Société française.
M. Petit de la Fosse , préfet de la Nièvre , qui a bien voulu
honorer de sa présence les différentes réunions et les excur-
sions du Congrès, s'était empressé d'offrir les salons de la
préfecture pour les séances ; la crainte de gêner M. le Préfet
a empêché d'accepter celte offre si bienveillante. On a donc
choisi la salle dite des ouvriers placée dans le cloître St.-
Cyr. Sa proximité de la cathédrale , du palais ducal , de
la porte du Croux, de l'ancienne église St.-Genest et du
musée de la ville , ses dispositions appropriées à de sem-
blables réunions , son étendue , tout semblait la désigner par
avance comme le lieu le plus convenable pour les séances du
Congrès.
Construite sur les anciens murs de la cité , entourée d'une
cour assez vaste , elle domine la magnifique vallée arrosée
par la Loire. En attendant l'ouverture des séances , les mem-
bres pouvaient jouir du ravissant tableau qui se développait
devant eux , et considérer le gigantesque viaduc en fer pro-
venant des usines de Fourchambault qui laisse parvenir jus-
112 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
qu'au pied des murailles de la ville, les wagons partis de la
capitale quelques heures auparavant.
A 11 heures, Monseigneur l'évêque est prié par M. de
Caumont de présider l'assemblée.
« Nous sommes heureux et flattés, Monseigneur , dit l'il-
« lustre fondateur des Congrès , de vous voir présider nos
« séances dans votre ville épiscopale : un des premiers vous
« nous avez encouragés dans la voie que nous avons suivie
« et vous avez par votre influence puissamment contribué
« à propager les études archéologiques ; vous avez , à bien
« des titres, le droit de nous présider. »
M. de Caumont énonce ensuite les raisons qui ont fait
choisir Nevers pour le siège de la XVIIIe. session du Congrès
archéologique; l'heureuse situation de cette ville au centre
des départements où les études archéologiques et artistiques
sont fort suivies, les monuments variés qu'elle renferme, les
hommes éminents de la ville et du département , tout en-
gageait la Société française à choisir Nevers de préférence à
toute autre ville du centre de la France , tout lui a fait espérer
que le Congrès aura des résultats satisfaisants.
MM. Petit de la Fosse , préfet de la Nièvre ; de Caumont,
directeur de la Société française pour la conservation des
monuments; le baron Chaillou des Barres, président delà
Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne ; de
Buzonnière , secrétaire-général du Congrès scientifique de
France ; de Glairville , inspecteur des monuments de la Seine-
Inférieure ; Gaugain , trésorier de la Société française ;
l'abbé Crosnier, secrétaire-général du Congrès archéologique ;
le comte Georges de Soultrait , secrétaire-adjoint , siègent au
bureau.
Une assemblée nombreuse remplit la salle du Congrès.
Mous donnons ici la liste des personnes qui ont assisté à cette
séance et à celles qui l'ont suivie :
XVIIIe. SESSION. 143
MM. Gaume , vicaire-général de Nevers.
Seisgent , recteur de l'Académie de la Nièvre.
Le général Petiet.
De Fontette , ancien député du Calvados.
L'abbé Lepetit, secrétaire-général de la Société
française.
L'abbé Devoucoux , vicaire-général d'Autun.
Bulliot , membre de la Société Educnnc.
Joseph de Fontenay, secrétaire de la Société
Educnne.
Manceau , chanoine de Tours.
BRÛLÉ , aumônier des religieuses de la Sainte-Enfance
à Sens.
Lallter , substitut du procureur de la République,
à Sens.
Le Roux , notaire honoraire, à Sens.
Jeannot , archiprétre de la cathédrale de Nevers.
Rouchance , doyen du chapitre de Nevers.
Souef , chanoine de Nevers.
Marbot , chanoine id.
Laverutre , chanoine , vicaire-général de Nevers.
Le comte de Choulot.
Le comte Victor de Maumigny.
Le comte de Vibraie , d'Avallon.
De Mesnard.
Peruelle , secrétaire de l'Académie.
Clerc , vicaire de St. -Père de Nevers.
Perrève, vicaire de St. -Etienne de Nevers.
Louis Viau , de Nevers.
Migné, de Châteauroux.
Borget, de Bourges.
Débonnaire , de Nevers.
Clément , curé de St. -Arnaud on Puisaye.
\\U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
MM. Le comte Armand de Montrichard , de Nevers.
Millet, chanoine -honoraire, professeur de dogme
au grand séminaire de Nevers.
Colnte , professeur de morale , id.
Roy , professeur d'histoire , id.
Goussot , professeur de philosophie , id.
Delaroche, professeur de philosophie au collège
de Nevers.
Morellet, professeur d'histoire, id.
Cougny , professeur de réthorique , id.
Gressin , sous-principal , id.
Peyridieu , professeur de physique , id.
Bressat , professeur de sixième , id.
Les officiers de cavalerie et d'infanterie de la garnison.
Castel , vicaire-général , supérieur du petit sémi-
naire de Piguelin.
Les professeurs du petit séminaire de Piguelin.
Dauriac , curé de Moux.
Jaupois, archiprêtre de la Charité-sur-Loire.
Prévost , curé de Saincaize.
De Surigny , vice-président de l'Académie de Maçon.
Charles de Fontenay , de Nevers.
Mary-Lépine , juge au tribunel civil , à Nevers.
Le comte de Bréda , de Senlis.
Hypolite Pinet, de Nevers.
Jules Pinet, de Nevers.
Dumont , de Nevers.
Victor Petit , de Paris.
Paulin-Biffé , de Nevers.
De Maisierres, de Nevers.
Desvaux , ancien maire de Nevers.
Louis Rolland , de Nevers.
Lerasle , conseiller de préfecture , à Nevers.
Wlir. SESSION. \\:>
MM. Paul de Maumionv , de Ne vers.
Lenoir, clianoinc honoraire , secrétaire de l'Évêché.
Bouleau, chanoine honoraire, aumônier des sœurs
de la Charité.
De TOYTOT, vice-président du tribunal civildc Nevers.
Meslier, curé-doyen de Moulins-Engilbert,
Buraut , curé-doyen de Pougues.
VÉÉ , chanoine honoraire , curé d'Entrains.
Le commandant Bar AT.
Boucaumont, ingénieur en chef.
BoiviN, architecte diocésain.
Paillard , architecte du département.
Beuriot, chanoine honoraire , curé de St. -Père de
Nevers.
Martin , chanoine honoraire , curé de St. -Etienne de
Nevers.
Quantin , archiviste d'Auxerre.
Léon de Villefosse , archiviste de Nevers.
Le docteur Robineau-Desvoidis , à St. -Sauveur
en Puisaye.
Baudoin , d'Avallon.
Le baron de Bar.
Gustave de Bar.
Galloie, conservateur du musée céramique, àNevers.
Comte Gaspard de Berthier , de Bizy.
Vicomte Adrien de Berthier , de Bizy.
Roy , vicaire de la cathédrale.
Burloy, vicaire de la cathédrale.
Duplessis , chanoine honoraire , aumônier des Car-
mélites, à Nevers.
De Mieulle , receveur général , à Nevers.
Berry , conseiller à la Cour d'appel de Bourges.
De Bengy-Plyvallée, de Bourges.
116 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
MM. COCHIN , adjoint à la mairie du 12e. arrondissement,
à Paris.
Guirert, chanoine, aumônier du grand pensionnai,
à Nevers.
Lerrun , chanoine , aumônier du collège de Nevers.
ïhomassin , principal du collège de Nevers.
Bernay , de Nevers.
Marquis de Saint-Phale , de Montgoublin.
Simonin , chanoine honoraire , curé de Montambert.
Cirode , sculpteur , à Nevers.
Cougny père , sculpteur , h Nevers.
Avril , colonel de la garde nationale , à Nevers.
Lefervre-Frétat, avocat, à Nevers.
Boudant , curé de Chamelle (Allier).
Eugène Froment, artiste, à Nevers.
Chautrier , peintre , à Nevers.
Robert Saint-Cyr , docteur en médecine , à Nevers.
Lenorle , juge de paix, à Nevers.
Alexis Frérault, directeur du comptoir d'escompte,
à Nevers.
Pautre, notaire, à Nevers.
Leclesves , capitaine de recrutement , à Nevers.
Râteau , de Nevers.
Delachaise, capitaine d'artillerie, à Nevers.
Bernot , pharmacien , à Nevers.
Le docteur Lerlanc-Bellevaux , à Nevers.
Emile Delaplace , à Nevers.
Renaut, étudiant en droit.
Le capitaine Ogier , à Nevers.
Donatien Senly , avocat , î» Nevers.
Compadre , receveur principal des contributions
indirectes , à Nevers.
Dufaul , membre du Conseil général.
XVI II". SESSION. 117
MM. Armand , directeur de l'enregistrement.
Faure , à Nevers.
D'autres personnes et un certain nombre de dames assis-
taient aux séances.
M. l'abbé Crosnier , vicaire-général de Nevers et secrétaire-
général , prend la parole en ces termes :
Monseigneur et Messieurs,
« C'est pour la première fois que Nevers reçoit les honneurs
d'un Congrès, c'est pour la première fois que notre antique
cité voit réunis dans ses murs ces hommes qui ont voué leur
vie tout entière à la science , et qui par leurs études ont
entrepris de mettre la génération actuelle en communication
d'idées avec les générations passées.
« Déjà en 1847, l'illustre fondateur de ces réunions, celui
qui le premier a compris tout ce qu'il y avait de vie et de
génie dans les œuvres de nos pères , avait conçu le projet de
tenir à Nevers la XIVe. session du Congrès archéologique ;
l'intérêt que je porte à ma ville natale m'avait engagé à se-
conder de tous mes efforts un projet dont le résultat eût fait
jaillir sur elle un nouveau rayon de splendeur et de gloire.
« Un mal-entendu déplorable ne nous permit pas de voir nos
désirs se réaliser; la ville de Sens fut heureuse d'ouvrir ses
portes aux princes de la science et se réjouit des obstacles
qu'ils avaient rencontrés au moment de leur départ pour
Nevers.
« Aujourd'hui , Messieurs , nous n'avons plus de regrets ;
votre présence dans cette enceinte nous dédommage complè-
tement de nos privations passées, notre joie en vous recevant
est d'autant plus vive que nos désirs avaient été depuis long-
temps comprimés. Nevers voit avec bonheur le génie du
commerce et de l'industrie qui plane depuis si long-temps
8
118 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
sur cette cité fraterniser avec le génie des sciences et des arts.
Je n'ai pas besoin de vous dire , Messieurs , que vous avez
toutes les sympathies de notre vénéré prélat ; vous savez toute
l'importance qu'il attache à vos travaux : plusieurs fois déjà
vous l'avez vu se rendre avec empressement à vos savantes
assemblées et faire partie de vos excursions scientifiques. La
touchante scène de Mettray ne s'est sans doute pas effacée de
vos souvenirs.
« Vous trouverez la même sympathie dans le premier ma-
gistrat du département ; il comprend , lui aussi , le véritable
caractère du beau , et les amis des arts peuvent dire que nos
anciens monuments sont l'objet de sa sollicitude toute spéciale.
A la nouvelle de votre arrivée , il s'est empressé d'offrir ses
salions pour nos réunions ; il eût été heureux de vous recevoir
et de se faciliter le moyen d'honorer plus souvent le Congrès
de sa présence sans porter un préjudice trop notable à ses
nombreuses occupations.
« Pour moi , Messieurs, j'ai compris toute l'importance des
fonctions que vous m'aviez confiées , en me nommant secré-
taire-général du Congrès , et pour me déterminer à accepter
cet honneur, il ne m'a fallu rien moins que l'assurance d'être
aidé dans ces travaux par mon honorable ami , M. Georges
de Soultrait , dont vous avez su apprécier le mérite. MM.
Morellet et Lebrun , dont vous serez heureux de faire la con-
naissance , doivent aussi me prêter leur concours.
« Le secrétaire-général présente à chaque séance le résumé
de la séance précédente. Au défaut de ce résumé , vous me
permettrez aujourd'hui de vous faire connaître ce qu'était
notre Nivernais au moyen âge sous le rapport des monuments,
les différentes révolutions qui ont accumulé ruines sur ruines
dans ce pays , et enfin ce qui a été fait pour réparer une
partie de ces désastres.
« Peu de contrées en France ont réuni autant d'églises re-
XVI ir. SESSION. 119
marquables que notre ancien Nivernais ; je ne vous parlerai
pas de Vézelay qui se trouvait renfermé dans les limites de la
province et qui fait encore , soit par le plan et les dispositions
savantes de son église , soit par la richesse de son ornemen-
tation , l'admiration des archéologues et des touristes. Je ne
vous parlerai pas de la vaste église de la Charité-sur- Loire,
fille aînée de Cluny, maintenant privée de sa nef imposante
et de ses magnifiques clochers; je ne vous parlerai pas des
ruiues de Donzy-le-Pré , de l'Épeau , des églises de St.-Ve-
rain , de Clamecy, de Varzy et de tant d'autres monuments
dont nos villes se glorifient. Il vous suffirait , Messieurs , de
parcourir nos campagnes des Amognes, et à chaque pas
vous rencontreriez , ici un portail encore debout , là une gra-
cieuse abside ornée de sa colonnade et de ses arcalures,
ailleurs des monceaux de ruines desquels roulent par in-
tervalle des chapiteaux fleuris ou historiés. Vous auriez alors
une faible idée des richesses monumentales que possédait
naguère notre pays.
« Si je jette maintenant un regard sur Nevers , je vois ses
rues s'applanir , s'élargir et s'alligner , les places publiques
s'agrandir, ses magasins splendides faire concurrence aux
magasins des villes plus importantes; je vois la Loire sortir
invisiblement de son lit , pour offrir ses eaux salutaires aux
différents quartiers de la ville, je vois les habitants, emportés
par un trait de feu jusqu'à la capitale et revenant rejoindre
leurs foyers avec la même rapidité, et je me réjouis du
bien-être de mon pays, d'une prospérité inconnue à nos
pères; mais en même temps je m'afflige, quand, me reportant
aux temps passés, je vois notre vieille cathédrale isolée
maintenant, elle qui jadis trônait en reine et s'élevait en-
tourée d'une myriade de clochers, comme d'une auréole
de gloire , et je me surprends à donner des regrets à la ville
pointue, comme on l'appelait alors.
120 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
« Que sont devenus les antiques sanctuaires de St. -Martin
et de St.-Arigle, les églises de St. -Père, de St. -Victor et
tant d'autres? Tout a disparu , tout, jusqu'aux fondations;
le temps eût épargné ces magnifiques basiliques, l'ouragan
des révolutions a tout renversé.
« Les guerres de religion avaient déjà fait chanceler sur
leurs fondements une partie des églises de nos contrées,
les autres avaient été rasées ou incendiées; les églises mo-
nacales surtout présentaient , pour la plupart , l'aspect de
sanctuaires environnés de ruines, quand la torche révolu-
tionnaire et le marteau démolisseur de 1793 vinrent ajouter
de nouvelles ruines à celles qui déjà encombraient le pays.
« Cependant le calme succéda à la tempête, mais les amis
de l'ordre ne virent autour d'eux que de tristes débris , et
le prêtre , sans ressource , était réduit à célébrer les saints
mystères dans des sanctuaires ouverts à tous les vents, dans
lesquels le lierre solitaire remplaçait , dans les verrières , les
magnifiques vitraux peints qui faisaient autrefois leurs or-
nements. Il se hâta donc de mettre les fidèles à l'abri , sans
trop s'occuper des exigences de l'art.
« Quand une fois on put respirer à l'aise , et que les com-
munes eurent été en position de recueillir quelques débris de
leurs anciennes possessions, on s'empressa de rétablir nos
temples; mais une trop grande parcimonie, souvent forcée,
des architectes ou intelligents ou no comprenant que les tra-
vaux qui avaient fait partie de leurs incomplètes études, le
goût généralement dépravé, tout contribua à de déplorables
constructions ou à des restaurations plus déplorables encore.
« Il n'est pas facile de faire renoncer à la routine , et les
hommes de science et de goût ne sont pas toujours les plus
nombreux, surtout dans les conseils ruraux qu'on laissa
malheureusement trop long-temps suivre leurs impressions
particulières ; de là le mauvais goût régna encore dans quelques
XVIIIe. SESSION. 121
endroits, depuis même que le mouvement artistique fut
donné.
« Je n'oserais pas , Messieurs , vous parler des églises con-
struites dans notre Nivernais avant 1830 , ni même de
quelques-unes de celles qui l'ont été depuis; jamais elles ne
feront l'ornement d'une commune , et les architectes qui les
ont construites seront loin de s'en glorifier.
« Mais il est important que je vous signale le mouvement
qui fut imprimé à l'art religieux dans le diocèse de Nevers
depuis seize à dix-sept ans environ ; le savant M. de Caumont
trouvera dans ce tableau un encouragement dans ses nobles
travaux , en voyant que ses efforts n'ont point été stériles et
que la science archéologique qu'il a ressuscitée en France ,
j'allais presque dire qu'il a créée , se développe sur tous les
points du pays, d'après les principes qu'il a posés.
« Déjà , avant l'époque que j'ai sigualée , une jolie chapelle
ogivale s'élevait, à grands frais, par les soins de M. de Cer-
taines, auprès du château de Villemolin ; sans doute , je dois
le dire , elle n'est point parfaite , et un œil observateur qui
en étudie les détails y rencontre des ornements incohérents ;
mais, malgré ces quelques défauts , elle est encore digne de
notre admiration , surtout si nous nous reportons au temps
où elle fut construite , et si nous considérons ses gracieuses
proportions ; plus tard on a suivi les principes de la science,
ici on les avait déjà devinés.
« Maintenant, Messieurs J'éprouve le besoin de vous faire
par avance mes excuses et d'implorer votre indulgence ; je
suis obligé de parler de moi et de me mettre en scène.
Nommé eu 1835 dans une paroisse importante dont l'église
tombait en ruines, j'eus la pensée de reconstruire la nef,
car le chœur avait été reconstruit , à la fin du XVe. siècle ,
dans de belles proportions et marié avec les nefs latérales du
XIIIe. qui le flanquaient. J'avais de grandes difficultés à
122 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
vaincre , le mauvais goût qui voulait une construction grecque
et le bon goût qui voulait la continuation de ce qui existait,
mais qui reculait devant la dépense ; je fus assez heureux pour
triompher de ces obstacles. L'église de Donzy fut complè-
tement rétablie , et M. Paillard , architecte du département ,
qui en dirigea les travaux, peut montrer avec orgueil ce pre-
mier essai de ses études dans l'architecture ogivale : Donzy
fut, à juste titre, fier de son église, et les étrangers la visitent
avec intérêt. Le dernier étage de la tour peut seul prêter à
la critique , parce qu'au lieu de se terminer en pyramidant ,
les contreforts n'ont qu'une faible rétraite et se prolongent
jusqu'au sommet, ce qui rend la tour lourde et ôte à la balus-
trade toute sa grâce ; dans cette même partie la ramification
des meneaux qui ornent les ouvertures présente quelques
baies insolites ; mais encore une fois c'était un essai , et on
peut dire qu'il a été heureux. C'était le prélude d'autres
travaux moins importants , sans doute , mais dans lesquels
M. Paillard a su éviter ces incorrections.
« Ne croyez pas, Messieurs, que je revendique ici la gloire
d'avoir imprimé dans notre pays le mouvement à la véri-
table architecture religieuse; j'aurais tort de me laisser aller
à une semblable prétention , car si je comprenais tout ce
qu'il y a de beau, de religieux dans ce genre d'architecture,
je dois le dire, ce n'était qu'un sentiment instinctif dont je
ne me rendais encore aucun compte; pour moi c'était heau ,
j'avais comparé, je copiais ce que j'avais vu et voilà tout.
Monseigneur, à son arrivée dans le diocèse , voulut bien sou-
rire à mes premiers essais, il me pressa de cultiver ce goût
et me dirigea lui-même. Ce fut lui qui fut le véritable moteur.
Dès ce moment , sur tous les points du diocèse , l'étincelle
électrique se fit sentir.
« Les églises de Menou , de Colméry , de Cessy , d'Alligny-
sous-Cosne , de St. -Quentin et autres furent restaurées dans
xvur. SESSION. 123
leur slylc propre, tandis que M. Paillard ressuscitait la riche
ornementation du XIIe. siècle, dans la reconstruction delà
triple nef de St.-Révérien et de l'abside d'Iscnay , dans les
nouvelles églises de Chalaux et de la Celle-sur-Nièvre , et
les nobles proportions du XIIIe. siècle dans celle d'Ar-
bourse.
« Je ne vous parle pas, Messieurs, delà gracieuse chapelle
des orphelines de Varcnnes , j'espère bien que ce lieu sera
le but d'une de nos excursions archéologiques , car j'ai à
cœur de vous prouver que les éloges que j'adresse à l'ar-
chitecte du département ne sont point exagérés , et que le
ciseau nivernais sait façonner la pierre et l'animer en quel-
que sorte; au reste, déjà dans la restauration de St. -Etienne
de Nevers, vous pourrez vous en convaincre.
« Je regrette vivement , Messieurs , que le temps et les
distances ne nous permettent pas de nous transporter jus-
qu'aux places , vous verriez que notre siècle exécute ce que
le moyeu âge n'aurait osé tenter. Au milieu des roches
granitiques du Morvand et des vieilles forêts de cette Suisse
nivernaise, une vaste et magnifique basilique à trois nefs,
avec déambulatoire et transepts , est élevée d'après les plans
de M. Lenormand , par M. le chevalier Feuillet , qui a
consacré une partie de ses ressources personnelles à ce
temple , que bien des évêques envieraient pour leur cathé-
drale.
« Le moyen âge avait bien transporté , à grands frais , à
Sémelay et à Monlambert, les pierres extraites de carrières
lointaines, et les infatigables enfants de saint Benoît avaient
élevé dans ces solitudes les belles églises que nous y admi-
rons , mais jamais on n'avait essayé de façonner en pierres
d'appareil régulier, en chapiteaux , en colonnettes gracieuses ,
le granit du Morvand; jamais surtout on n'aurait cru pos-
sible d'extraire de ces roches les colonnes monolithes qui
124 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
soutiennent la demi-calotte du sanctuaire de l'église des
Places.
« Je ne vous ai pas parlé , Messieurs , de notre vieille cathé-
drale; sans doute, vous admirez la restauration faite à la
tour, mais il est probable que vous n'éprouverez pas le
même sentiment en considérant la maigre galerie qui envi-
ronne le grand comble.
« J'aurais pu, Messieurs, m'étendre davantage , et vous
parler d'un certain nombre d'églises qui sont sur le point
d'être ou reconstruites ou restaurées, toujours d'après les
principes de l'art et avec les caractères si religieux des
siècles du moyen âge ; mais cet exposé , quoique succinct ,
suffit pour vous donner une idée du mouvement archéolo-
gique opéré dans notre département; cependant il serait encore
incomplet, si je n'ajoutais quelques mots sur nos musées.
« Quant à notre palais ducal et aux restaurations qu'on y
exécute en ce moment, vous en jugerez par vous-mêmes.
Honneur aux membres du Conseil général de notre dépar-
tement , en entreprenant de rendre à ce palais l'antique
splendeur dont les princes de Clèves l'avaient entouré, ils
justifient la confiance qui leur a été accordée et font preuve
de bon goût, tout en faisant un acte de bonne adminis-
tration.
« Il y a quelques années, on savait à peine à Nevers ce que
c'est qu'un musée; deux ou trois objets réunis dans le
local de la bibliothèque de la ville composaient toute la
collection ; mais aujourd'hui , Nevers peut montrer aux
étrangers et son musée céramique et son médailler et les
autres objets d'art, antiques et modernes, qui occupent
plusieurs salles voisines de la bibliothèque. Après avoir réuni
avec un zèle et une persévérance admirable tous les objets
curieux qu'il a pu se procurer dans le département, M.
Gallois les a cédés à la ville , à la condition qu'il serait établi
XVIIIe. SESSION. 125
le conservateur du nouveau musée ; ce titre lui convenait
à tous égards. Grâces à lui , notre ville est dotée d'un musée
déjà fort intéressant et qui , tous les jours , prend de nou-
veaux développements.
« Un musée lapidaire a aussi été créé dans les salles de la
porte du Croux, par les soins du commandant Barat, dont
le dévouement pour les arts est devenu proverbial dans
notre département. C'est là qu'il a réuni une curieuse mo-
saïque, des chapiteaux de tout genre, des pierres tombales,
etc. Ces deux honorables conservateurs de nos musées
seront heureux de vous montrer ces collections qu'ils ont
formées.
« Enfin, Messieurs , nous n'avons plus à envier aux dépar-
tements voisins leurs associations scientifiques, Nevers a
maintenant la sienne sous le titre de Société nivernaise des
sciences , Lettres et arts ; elle est définitivement constituée,
et déjà un certain nombre de personnes érainentes par leurs
talents, leurs connaissances et leur position sociale, se sont
empressées de se faire inscrire. Nous avons la confiance
que la Société nivernaise deviendra aussi florissante que
celles des provinces limitrophes, dont nous admirons les
travaux. Vous voudrez bien , Messieurs , nous aider de vos
conseils et de votre expérience ; ainsi votre présence dans
nos murs ne sera pas seulement pour nous un honneur,
elle sera un bienfait. »
Monseigneur répond aux discours de MM. de Caumont
et Crosnier : il repousse trop modestement les éloges qui lui
ont été adressés; il exprime avec cette éloquence , dont il
a donné tant de preuves dans sa carrière apostolique , toute
l'importance qu'il attache aux études archéologiques.
« Depuis long-temps , ajoute-t-il , je me sentais un goût
prononcé pour les merveilles de l'art chrétien, et je puis dire,
126 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
avec M. le secrétaire-général , que c'était pour moi comme
un sentiment instinctif; ce goût ne tarda pas à se développer
par la lecture des savants ouvrages de celui que vous aimez
à proclamer votre guide et votre maître , dès lors j'ai travaillé
à faire naître autour de moi ce sentiment du beau, je dé-
sirais vivement voir l'architecture religieuse reconquérir ses
droits et vivre de la vie qui lui était propre.
« Le succès a couronné mes efforts , et je me félicite d'avoir
contribué à développer ce goût soit à Tours soit à Nevers : ces
deux villes comptent maintenant des archéologues zélés et
instruits. Là s'arrête tout mon mérite.
« Je regrette que mes nombreuses occupations m'aient
toujours empêché de me livrer moi-même , comme je l'aurais
désiré, à cette étude intéressante qui fait partie de notre science
catholique , car l'archéologie , pour me servir du langage de
l'apôtre , est aussi dans un sens la parole abrégée de J. -G.
Verbîim breviatum; elle est l'expression la plus haute de la
pensée chrétienne et de toutes nos traditions catholiques.
« Nos vieilles basiliques soit dans leur plan, soit dans leurs
dispositions, soit dans leur ornementation, nous présentent le
résumé fidèle des dogmes et de la morale évangéliques, toutes
les sciences étaient déjà venues s'incliner devant la science
incrée pour restaurer touten J.-G. , comme dit encore l'apôtre,
instaurare omnia in Christo. L'architecture seule restait sous
l'influence payenne. Depuis trois siècles on élevait en l'hon-
neur du Dieu de vérité des temples semblables à ceux qu'on
eût élevés pour les dieux de Rome ou d'Athènes, quand quel-
ques hommes à haute intelligence sont venus nous révéler tout
ce qu'il y avait de beau et de noble dans l'architecture du
moyen âge où tout est représenté par de gracieux symboles ,
où tout revêt la forme d'une ravissante poésie. L'impiété elle-
même a été forcée de rendre justice à ces chefs-d'œuvre de
l'art chrétien qu'elle avait si long-temps dédaignés, elle a
XVIIIe. SESSION. 127
fini par s'incliner devant leur sublime majesté; au moment
où elle ouvrait la bouche pour prononcer des anathèmes et
des malédictions , frappée tout-à-coup d'admiration, comme
autrefois le faux prophète Balaam à la vue du camp d'Israël ,
elle n'a pu s'empêcher de s'écrier avec lui : que vos pavillons
sont beaux, ô Jacob ; que vos tentes sont magnifiques, ô Israël ;
quant putchra tabcrnacula Jacob , et tentoria tua Israël. »
Des applaudissements unanimes ont accueilli l'éloquente
improvisation de l'éminent prélat.
Après la lecture des questions du programme faite par M.
l'abbé Crosnier , la première question , ainsi conçue, est mise
à l'étude :
Trouve-t-on dans le Nivernais des monuments de l'époque
celtique, tels que dolmens , menhirs, allées couvertes , etc. ?
M. Victor Petit fait remarquer que MM. Gallois, Barat et
Morellet, ayant parcouru le Nivernais dans tous les sens,
sont plus que personne capables de répondre à cette question.
M. Gallois a la parole sur les monuments celtiques ; il en
cite plusieurs déjà connus et en signale d'autres dont on ne
s'était pas encore occupé. « Le monument druidique le plus
« remarquable que nous ayons dans notre Nivernais, est,
« dit-il , celui qui est connu dans le Morvand sous le nom
« de Chaise à Butthiaux. Le chemin qui conduit de Luzy à
« Château-Chinon traverse la partie la plus montagneuse et
« la plus sauvage du Morvand.
« On passe à la Roche-Milay qui ressemble à un bourg
« tranquille de la Suisse ; on se dirige ensuite sur les fous (1)
« de la Gravelle en laissant à droite le mont Beuvray et le
« mont Prenay ; enfin on arrive au hameau de Butthiaux ,
(1) Les Morvandaux nomment ainsi les arbres qui sont au sommet
de la montagne de la Gravelle.
128 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
« situé dans la commune de Villapourçon , à 3000m. environ
« des sources de l'Yonne.
« Au-dessus du village et au sommet de la montagne exis-
« tait encore presqu'intact , il y a 30 ans, le monument dont
« j'ai à vous entretenir. C'était une réunion de roches gra-
« nitiques posées sans art , les unes sur les autres en forme
« de marches, et au-dessus étaient placées deux autres grosses
« pierres debout semblables à des bornes.
« En 1798, M. Simonnet père, médecin distingué de
« notre pays, avait observé ce monument, et, en 1815, lorsque
« je le visitai avec quelques savants de ma connaissance,
« plusieurs pierres avaient déjà été brisées et il ressemblait
« au dessin que j'ai déposé sur le bureau. Aujourd'hui il
« n'existe plus , une seule pierre est encore debout , les au-
« très ont été enlevées et brisées par les habitants de l'endroit
« qui les ont eoiployées dans des constructions.
« Les gens du pays appellent encore cette pierre la Chaise
« à Butlhiaux et prétendent que c'était là que se rendait
« autrefois la justice et que le juge siégeait sur cet amas de
« pierres.
« En 1838, un habitant du pays fut nommé cantonnier
« de la route n°. 78 à Pont-Charraut ; il me remit deux
« petites statuettes eu bronze fortement patiné , trouvées
« non loin du monument avec des tuiles qu'on rencontre
« assez fréquemment dans les environs et que les paysans
« nomment saintes tuiles. »
Le commandant Barat demande ensuite la parole; outre
la Chaise à Butlhiaux dont vient de parler M. Gallois, il
cite la Pierre des fées, près de Quarré-les-Tombes ; la
pierre Bernuchot (1) ou de la Vierge, à St.-Martin-du-
(1) Bernuchot, Bernichon, Brunichout, sont des noms très-connus
dans le Nivernais; la voie romaine qui va d'Autun à Bourges, se nom-
me à St.-Parize-le-Chatel , le Chemin Brunichout, Chemin de Bru-
nehaut , Bruncchildis,
XYUV. SESSION. 129
Puits; le fort Chcvresse, dans la forêt de St.-Brisson, pierre
qui ressemble parfaitement aux dolmens qu'on trouve dans
la Bretagne ; au levant de Château-Chinon , la Maison du
loup qui est aussi un dolmen bien caractérisé ; la Ruchette
perthuse , en face du mont Bcuvray ; Pierre-aigue , peulvcn
placé sur un plateau circulaire en face de St. -Honoré en
Morvand ; le Chailloux magnien, autre peulven près d'Imphy ;
Pierre- fiche , au sud de Clamecy; Pierre-écrite , près de
Saulieu. Quelques traditions, ajoute- t-il, semblent se rat-
tacher à l'ère celtique ; elles ont rapport à des camps ou re-
tranchements à Moux , à Moulins-Engilbert , à Trois- Vesvres,
à Chiddcs , etc. A Moux , un retranchement est nommé le
Champ des Gaulois; à Trois- Vesvres , un semblable retran-
chement porte le nom de Cité de barbarie.
L'honorable commandant fait observer que la plupart des
pierres druidiques dont il a parlé se trouvent dans le Mor-
vand; que les vallées de la Loire et de l'Allier offrent peu de
monuments de ce genre et qu'on peut discuter l'authenticité
de ceux qu'on croit y rencontrer.
M. Morellet ajoute à rénumération d'antiquités gauloises
qui vient d'êlre faite, le menhir de St.-Hilaire en Mor-
vand.
M. de Fontenay, d'Autun, regrette que M. Charleuf n'ait
pas envoyé les dessins qu'il possède de la plupart de ces
monuments.
M. l'abbé Crosnier, faisant toute réserve sur les pierres du
Morvand , fait remarquer qu'on a souvent découvert au pied
des dolmens et des menhirs , non seulement des pièces gau-
loises et romaines, mais encore des monnaies du moyen âge
et des pièces modernes. Il cite en particulier la pierre de la
Vierge, au pied de laquelle on a trouvé des monnaies gau-
loises , de petits bronzes romains , des monnaies et des mé-
vaux de France, enlr'autres une pièce de Louis XIV. Il
130 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
pense que la terreur superstitieuse, dont les monuments cel-
tiques ont été et sont encore l'objet dans nos campagnes,
a dû souvent engager les paysans à. déposer en ces lieux des
offrandes pécuniaires destinées à rendre propices les mauvais
génies dont leur imagination les peuple.
M. de Caumont partage cette opinion et cite à l'appui un
fait assez fréquent dans différentes contrées de la Bretagne et
même de la Normandie : les jeunes filles qui veulent se
marier déposent des pièces de monnaie au pied des pierres
druidiques. Il a notamment observé cette coutume à Colom-
biers (Calvados).
M. Robineau-Desvoidis fait remarquer que M. Baudoin
pourrait entretenir le Congrès des fouilles pratiquées sous des
dolmens , ayant plusieurs fois assisté à ces opérations et les
ayant lui-même dirigées.
M. Baudoin dit qu'il a trouvé dans ces fouilles des mon-
naies gauloises et des casse-tête ; mais ces découvertes ont
eu lieu dans le département de l'Yonne , il n'a rien trouvé
de semblable dans la Nièvre.
Une discussion s'élève entre MM. Morellet, l'abbé Véé,
Gallois et de Fontenay , d'Autun , sur la nature des diverses
médailles trouvées près des monuments celtiques et sur l'âge
qu'on peut leur attribuer.
M. Victor Petit annonce que Mme. de Canillac-Montboissier
vient d'acheter le bois qui renferme le dolmen dit le fort
Chevresse , dont a parlé le commandant Barat , afin d'assurer
la conservation de ce monument le plus curieux de ce genre
en Nivernais.
M. de Caumont voudrait que l'on s'occupât de la position
des antiquités gauloises relativement aux voies romaines;
cette élude pourrait aider à reconstituer la géographie ancienne
qui est encore si peu connue , malgré les nombreuses recher-
ches dont elle a été l'objet.
XVIIIe. SESSION. 131
M. de Fontenay, d'Autun, annonce que les dolmens et les
menhirs qu'il a rencontrés sont en général placés à distance
des voies romaines au milieu des chaumes ; il croit, du reste,
que beaucoup de pierres dites druidiques n'ont jamais été
placées de main d'homme et doivent le culte superstitieux ,
dont elles sont quelquefois l'objet, à la bizarrerie de leur forme
ou de leur position. Cette opinion est appuyée par MM.
Quantin, l'abbé Devoucoux, de Caumontel Bulliot. Ce dernier
croit que les pierres de Quarré-les-Tombes doivent être
rangées dans cette catégorie. M. Crosnier ajoute qu'il se
tient en garde contre la plupart des pierres druidiques si-
gnalées dans le Morvand.
M. de Caumonl demande si on a ouvert assez de tumulus
dans le pays pour pouvoir , en comparant les divers résultats
de ces fouilles , asseoir un système quelconque sur l'origine
de ces monticules et sur leur destination précise.
La parole est à M. Gallois qui fait la description du tu-
mulus découvert dans le champ des Maltroncés, près de la
route de Paris à Antibes, à l,500m. de la ville de St.-Pierre-
le-Moutier.
« Entre ce tumulus et le hameau de Buy , on voit encore
« les vestiges delà voie romaine d'Autun à Bordeaux, passant
« par Decise et Sancoins ; le monument construit en pierres
« plates du pays , posées à la main , avait une forme circulaire
« de 9m. 90 de diamètre sur 2m. 50 de hauteur; il fut détruit,
« en 1867, par les ouvriers de l'entrepreneur chargé de l'en-
« tretien de la route, pour en employer les pierres qui le
« composaient.
« Lors de la démolition , on remarqua dans plusieurs en-
« droits que le terrain calcaire sur lequel il reposait avait été
« soumis à l'action du feu. A h0°. au-dessus du sol les pierres
« étaient d'un rouge foncé et paraissaient avoir été calcinées,
« ce qui pourrait faire présumer que des cérémonies reli-
132 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
« gieuses auraient été pratiquées lors de l'inhumation des
« corps.
« Les tombeaux qui se trouvaient renfermés dans le tu-
« mulus , au nombre de cinq, y compris deux petits , étaient
« construits en pierres sèches sans fondations ni dallage. Les
« ossements étaient bien conservés et quelques-uns portaient
« l'empreinte des bracelets ; toutes les têtes étaient tournées
« vers l'est. Selon la tradition du pays , une grande bataille
« aurait été livrée dans la plaine qui s'étend sur la rive de
« l'Allier et tout près du domaine de Vary. En 1845, on a
« trouvé dans la même contrée plusieurs tumultes semblables
« à celui du champ des Maltroncês. »
M. Robineau-Desvoidis s'étend longuement sur la décou-
verte faite à la Chapelle, près St.-Sauveur-en-Puisaye, d'un
tombeau dans lequel il a cru reconnaître des caractères de
construction gallo-romaine , mais en même temps des objets
d'une époque moins reculée.
M. Morellet donne aussi des détails circonstanciés sur un
tumulus celtique qu'il a fouillé à Chaulgnes ; les ossements
de plusieurs cadavres y étaient déposés les uns sur les autres,
avec des fragments d'armes, des bracelets et des colliers qui
sont actuellement au musée. Au sujet des colliers gaulois,
une discussion s'engage entre MM. de Caumont , Morellet
et Gallois. M. de Caumont dit que cet ornement, quand
il était formé de perles enchâssées, devait être particulier
aux femmes , d'après les recherches nombreuses faites à cet
égard par M. Hugo, bibliothécaire de Colmar; M. Morellet,
au contraire , soutient que des colliers étaient également por-
tés par les hommes.
M. Morellet parle ensuite de quelques tumulus qui lui ont
paru avoir servi à indiquer les limites d'une contrée ; on en
trouve un certain nombre sur les bords des rivières, limites
naturelles, et dans les lieux qui sont indiqués sur les an-
ciennes cartes sous le nom de fines.
wiir. SESSION. 133
M. Robineau-Desvoidis confirme cette observation de M.
Morcllct par les observations qu'il a faites lui-même et dont
il fait part à l'assemblée ; il ajoute qu'il a remarqué que , le
plus souvent, ces tumulus étaient environnés d'un petit fossé
ou d'une espèce de rigole. Ce fossé pourrait être le résultat
des terres enlevées pour former le tumulus.
M. Oosnier rappelle (pie , dans plusieurs contrées du Ni-
vernais, l'usage d'établir des tumulus semble s'être perpétué.
Quand un individu a péri sur un cliemin détourné , soit par
accident , soit par suite d'un crime , les gens de la cam-
pagne , en passant dans cet endroit, y déposent, soit des
brandies d'arbre, soit des mottes de gazon, soit une poignée
d'herbe. Dans les campagnes du nord du Nivernais , on jette
presque partout une poignée d'herbe sur le corps , quand il
est déposé dans la fosse. Quelques membres font observer
que cet usage n'est point particulier au Nivernais , et qu'on
le rencontre dans d'autres contrées.
Résumant toutes les discussions qui ont eu lieu sur cette
matière, M. de Caumont recommande de nouveau l'étude des
dolmens sous le rapport géographique ; il faudrait en arriver,
dit-il, à pouvoir distinguer avec certitude les tombelles d'ori-
gine gauloise ou gallo-romaine de ces mottes féodales qui se
trouvent en grand nombre dans certaines parties de la France;
souvent aussi l'on rencontre dans les tumulus, surtout en
Angleterre et en Allemagne , des objets de provenance évi-
demment mérovingienne , des fibules émaillées et des mon-
naies de cette période de notre histoire : l'étude de ces mo-
numents est plus avancée en Angleterre qu'en France. Il
serait à désirer que nous ne restions pas en arrière de nos
voisins de la Grande-Bretagne pour cette branche de l'ar-
chéologie, et de nouvelles études sont indispensables pour
arriver chez nous à un système de classification des antiquités
gauloises et gallo-romaines.
9
13h CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRAiNŒ ,
Personne ne demandant plus la parole sur la première
question , on passe à la seconde :
Etablir le réseau des voies romaines qui sillonnaient le
Nivernais et leur jonction avec les voies des provinces limi-
trophes.
Le commandant Barat dépose sur le bureau une carte du
Nivernais , qui indique toutes les portions de voies romaines
qu'il a reconnues en parcourant le pays. Ces fragments de
voies sont tracés avec soin. Trois principales mettaient Autun
en communication avec Paris , Bordeaux et Auxerre ; la pre-
mière passait par le Beuvray , traversait tout le Nivernais
en se dirigeant sur St. -Révérien , Menou , Entrains , St. -
Arnaud en Puysaie , et rejoignait la grande voie de Nevers à
Paris; la seconde tombait à Bourbon-Lancy , longeait la Loire
jusqu'à Decise, suivait son cours jusqu'à Rosemont, en pas-
sant par Avril , Fleury , faisait ensuite un coude pour se
diriger sur Langeron el se retrouvait sur l'autre rive de
l'Allier dans la direction de Sancoins ; la troisième allant sur
Auxerre traversait une partie du Morvand ; on en retrouve
des fragments à Pierre-Ecrite et Quarré-les- Tombes. D'autres
lignes moins importantes reliaient entr'eux ces grands che-
mins; ces lignes étaient fort multipliées dans le Nivernais,
à en juger par la carte qui a été dressée par le commandant
Barat.
M. Victor Petit demande la parole : l'honorable membre
ne pense pas que l'on puisse adopter comme parfaitement
exacte la carte des voies romaines que l'on soumet au Con-
grès. Il pense que l'honorable préopinaut s'est peut-être trop
laissé influencer par les traditions locales. M. Victor Petit,
reprenant la question sous un autre point de vue , s'attache
à démontrer la différence notable qu'il remarque entre les
voies gallo-romaines qui traversent le département de la Niè-
vre , et celles qui se retrouvent encore dans les départements
XVIIIe. SESSION. 135
voisins cl même les provinces assez éloignées. Ainsi , dans
la Picardie, la Normandie, l'Ile-de-France, la Champagne et
L'Orléanais, on remarque encore les traces incontestables
des voies antiques qui traversaient toutes ces provinces. Se
prolongeant en lignes droites , et au milieu des vastes pla-
teaux dont elles suivaient autant que possible la ligne de faîte,
ces voies antiques se reconnaissent non à leur empierrement
primitif, mais seulement à leur direction constante d'une
ville à une autre. Si l'empierrement primitif a disparu sous
des empierrements successifs , le tracé est resté le même ;
à peine est-il altéré dans sa direction par les empiétements
des champs riverains. Ainsi, pour citer un exemple assez rap-
proché, la grande voie romaine allant de Sens à Orléans,
se retrouve encore sur un alignement de plus de 15 lieues de
longueur. Les environs de Reims , Soissons , Saint-Quentin ,
Beauvais, etc. , montrent encore des alignements d'une étendue
semblable. M. Victor Petit appuie sur ce fait : que dans les
provinces qu'il vient de citer , les traces des voies romaines
sont parfaitement visibles , quant à leur tracé général , mais
presque nulles pour ce qui concerne la nature et le mode
d'empierrement primitifs ; tandis que dans le Nivernais , au
contraire , on retrouve des tronçons épars , mais assez bien
conservés pour être étudiés avec sûreté. Ces tronçons de che-
mins antiques sont isolés et ne semblent se diriger en aucune
façon sur telle ou telle ville. La raison peut en être reconnue
et admise. Le Nivernais est une contrée très-ondulée et même
montagneuse dans une notable partie des régions du Nord
et de l'Est. De ce côté du département surtout, il fut im-
possible de tracer les chemins en lignes directes; la confi-
guration du sol s'y oppose complètement. On ne doit donc
point chercher ici de ces longs alignements qui , en général ,
font reconnaître les chemins antiques.
Les itinéraires d'Antonin et de Peutinger ne laissent aucun
1 36 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
doute sur l'existence des grands chemins qui traversaient le
Nivernais , pour aller d'Autun à Paris , d'Autun à Bourges ,
de Nevers à Orléans, etc. Mais toutes ces voies n'ont
laissé que peu de traces sur le sol, et on est réduit à des
conjectures sur leur itinéraire réel dans beaucoup de localités
intermédiaires : les points de départ sont seuls connus, et
quelques points de passage isolés ne peuvent donner que des
indications assez vagues, malgré leur bel état de conservation
il y a quelques années. M. Victor Petit insiste donc pour que
des recherches nouvelles et entreprises au point de vue his-
torique d'abord , et descriptif ensuite , soient commencées
afin de résumer , d'analyser les nombreuses éludes déjà faites,
mais restées isolées entr'elles et conçues sous des rapports
fort divers.
Plusieurs savants se sont occupés des antiquités gallo-
romaines que renferment le département de la Nièvre , mais
jusqu'ici on peut regretter le manque d'ensemble dans les
recherches. Il est résulté de ce fait, qu'une déplorable con-
fusion s'est établie dans les descriptions qui mentionnaient
d'une manière différente une seule et même voie. Cet état
de chose ne doit plus durer, et la Société Nivernaise tiendra
à honneur de provoquer la réunion des savants qui vouent
leur temps et leurs connaissances à l'élude de la province
qu'ils habitent.
En résumant ses observations , relativement aux localités
qu'il a explorées dans le but de reconnaître les voies antiques,
M. Victor Petit pense que la carte archéologique présentée
au Congrès indique un trop grand nombre de chemins gallo-
romains. Il ajoute que rien n'est plus évident que des che-
mins anciens n'aient existé autrefois , que ces chemins ont
dû être nombreux , mais que dans l'état actuel des choses ,
le tracé réel de ces mêmes chemins est resté inconnu, et que
ce ne peut êlre que par approximation , ou sur de simples
XVIIIe. SESSION. 137
conjectures, que ces chemins sont tracés sur la carte du
département de la Nièvre. Les études se modifieront peu à
peu , et il n'est pas douteux que de nouvelles recherches ne
lassent reconnaître l'itinéraire antique des voies tortueuses et
irrégulières du Nivernais. A cet égard , la grande carte du
dépôt de la guerre peut donner d'utiles renseignements, bien
que pour le Nivernais cette magnifique carte n'ait pas été
dressée avec tout le soin désirable sous le rapport archéo-
logique. D'autres provinces ont été plus soigneusement étu-
diées. Les feuilles des premières éditions de la carte de Cas-
sini sont précieuses. Enfin , dit en terminant M. Victor
l'élit, espérons que la Société Nivernaise, en se mettant
de suite en rapport avec les sociétés voisines , arrivera promp-
tement à dresser d'une manière exacte « le réseau des voies
« romaines qui sillonnaient le Nivernais et leur jonction avec
« les voies des provinces limitrophes. »
M. Robineau-Desvoidis prétend que l'abbaye de St. -Ger-
main a été le point précis vers lequel se dirigeaient toutes les
voies romaines aboutissant à Auxerre.
M. l'abbé Brûlé fait remarquer que les monastères étaient
en général placés sur les grandes routes , afin d'offrir l'hospi-
talité aux voyageurs ; qu'il ne serait donc pas étonnant que
l'abbaye de St. -Germain ait été construite à la jonction de
plusieurs voies romaines.
M. l'abbé Crosnier confirme l'observation faite par M.
l'abbé Brûlé, en rappelant que des hôtelleries furent con-
struites par les premiers moines de la Charité en même temps
que le monastère , souvenir qui a été conservé jusqu'à nos
jours , car la rue qui conduit à l'ancien monastère se nomme
encore rue des Hôtelleries.
M. Quantin, tout en reconnaissant en général fa justesse de
ces observations, ne peut admettre que des voies romaines aient
jamais passé au pied de l'abbaye de St. -Germain qui était
138 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
séparée par un élang de la ville gallo-romaine entourée de
murailles.
M. l'abbé Devoucoux demande la parole pour communi-
quer à l'assemblée une note relative à la seconde question
du programme que lui a remise M. Laureau de Thory , pré-
sident de la Société Eduenne. On peut , dit M. Devoucoux ,
s'en rapporter à notre honorable président ; jamais il n'émet
son avis sans avoir approfondi la matière qu'il a à traiter , il
s'abstient quand il ne peut motiver son jugement d'une ma-
nière solide.
NOTE DE M. LAUREAU DE THORY.
La question des voies romaines qui sillonnaient le Nivernais,
ne peut nous concerner que très-secondairement et seulement
pour quelques-unes d'entr'elles qui traversaient aussi notre
arrondissement ; mais il serait bien important que cette ma-
tière fût spécialement étudiée sur les lieux mêmes, par des
archéologues consciencieux et exempts, autant que possible,
de tout esprit de système. Nous pourrions puiser dans leurs
travaux , des lumières précieuses sur la continuation de plu-
sieurs de nos voies qui aboutissent à cette contrée et en com-
pléter en grande partie l'étude.
Les voies romaines partant d'Autun et pénétrant dans la
province du Nivernais sont , à ma connaissance , au nombre
de quatre. Elles sortaient, ainsi que d'autres, par la porte
d'Arroux , réunies d'abord en un seul faisceau qui , à l'extré-
mité du pont , se bifurquait et dont une branche tournant à
gauche, presqu'à angle droit, traversait la rivière de Tarrenay
(ou ïernin) sur un pont depuis long-temps détruit, passait
près du temple de Janus et coupait un peu obliquement la
direction actuelle de la route de Ghàteau-Chinon. Près de là,
XVIIIe. SESSION. 139
une nouvelle branche se séparait sur la droite et tendait à la
Celle où elle se bifurquait de nouveau. L'embranchement de
droite passe à la Petite- Verrière , dans le territoire de la
commune d'Anost , pénètre dans le département de la Nièvre
par la commune de Planchey , puis passant par Ouroux ,
l'Huis-Guillot, Pré-Fontaine, arrive à Lorme, d'où, selon
toute apparence, partaient d'autres embranchements qui ne
peuvent être étudiés avec succès dans leurs directions et leurs
détails que par les archéologues du pays.
Le second embranchement de la Celle s'écarte du premier
sur la gauche , gravit par une pente rapide la montagne où
l'on en reconnaît quelques vestiges et entre dans la Nièvre
sur le territoire de la commune d'Arleuf, passant près du
hameau des Paquelins où il en existait, il y a quelques années,
un morceau remarquable qui a été détruit.
C'est de ce point que les archéologues du Nivernais doi-
vent l'étudier avec soin à raison de son importance , et vé-
rifier sa direction que quelques auteurs ont sommairement
indiquée par Aulnay, St. -Révérien , Entrains, qui est I'in-
taranvm du marbre d'Autun , où elle aurait coupé la voie
d'Auxerre à la Loire, décrite sur le même marbre, Arquian
et enfin Bonny et Briare. Ces deux derniers points sont si-
tués , à la vérité , dans le département du Loiret , mais à si
peu de distance de celui de la Nièvre, qu'il ne serait pas diffi-
cile de continuer jusques-là les investigations. Cette direction
bien vérifiée dans ses détails et rectifiée s'il était nécessaire ,
ferait juger si cette voie, comme on le présume, établissait
une communication directe d'Autun à Orléans, sans faire le
long détour qu'exige le passage par Decise , Nevers et la
grande voie de la Loire.
L'exploration de cette route et de la précédente est aussi
très-essentielle pour l'explication d'un passage d'Ammien
Marcellin, fort controversé entre les archéologues sur la
1^0 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
traversée de l'empereur Julien, d'Autun à Auxerre, par une
route autre que celle de Saulieu et Chora.
La voie principale d'où sont sortis ces divers rameaux con-
tinue sa direction , passe près de la Verrerie et s'approche de
la route actuelle de Bourbon-Lancy, qu'elle suit à peu de dis-
tance jusqu'au hameau des Quatre- Vents. Mais dans cette
traversée , et à 5 ou 6 kilomètres d'Autun , sort une troi-
sième branche qui, s'écartant sur la droite , se dirige au ha-
meau de Mechet , à Vaultheot , aux Ïrois-Cheminées , à la
Chaurotte, à la Boutière , passe dans le territoire de St. -Prix
et entre dans le département de la Nièvre 3 à l'Echenault ,
commune de Glux, au pied même du mont Beuvray. Au-
delà de ce point , sa direction est signalée par le Foudon ,
Sanglier , le Niret , et enfin St. -Honoré. Cependant l'étude
de cette partie aurait besoin d'être complétée dans ses détails;
mais c'est surtout au-delà de St. -Honoré que doivent porter
les investigations. Une autre voie semble croiser celle- ci près
de St. -Honoré et aller rejoindre celle d'Autun à Decise; mais
il n'est pas présumable que cette dernière direction soit la
continuation delà route d'Autun à St. -Honoré, qui, dans ce
cas, eût fait double emploi avec celle de Decise. Il serait
donc important de chercher s'il n'existerait pas un prolon-
gement dans la direction de Revers à travers le pays des
Amognes ; dans ce cas , cette voie aurait établi une com-
munication directe entre Aulun et Revers , en évitant le détour
par Decise et la voie de la Loire. C'est un point sur lequel
on doit appeler spécialement les explorations des archéologues
du pays.
Quant aux embranchements qui liaient l'établissement ro-
main du plateau de Beuvray aux deux voies principales de
Decise et de St. -Honoré, l'un d'eux, partant du hameau de
la Boutière , a été exploré par moi jusqu'au sommet de la
montagne, et les autres sur lesquels nous n'avons encore
XVIIl'. ShSSION. 141
que des présomptions plus ou moins fortes , se trouvant à
une dislance très-rapprochée de la limite des départements
de Saône-et-Loire et de la Nièvre, peuvent être également
explorés par les archéologues des deux pays.
La quatrième voie , et la plus importante sans contredit ,
est la route d'Autan à Decise que nous avons laissée près du
hameau des Quatre- Vents ; de ce point elle s'écarte sur la
droite de la route actuelle de Bourbon-Lancy, passe au moulin
de Baux , derrière la montagne de la Cornette et entre dans
le département de la Nièvre , près de Chassagne et de Poil.
Elle se rapproche ensuite de la route de Bourbon , passe près
du château de Thil , à Magny , aux Draillots, à Cherrette, au
moulin Dangny, à la Garde, etc. Les archéologues de la Nièvre
auront à vérifier les détails de ce tracé et surtout à en étudier
la continuation jusqu'à Decise, et s'assurer si, suivant l'opinion
de quelques auteurs , il passe en effet par Apponay et Fours.
Ils auront aussi à explorer un embranchement qui, à la
sortie de Magny, s'écartant du précédent sur la gauche, tire
droit à la roule actuelle de Bourbon et semble disparaître. Il
serait intéressant de s'assurer si cette branche n'aurait point
fait partie d'une voie de communication d'Autun à Bourbon-
Lancy. Il est d'autant plus essentiel d'explorer avec soin, dans
toutes ses parties, la voie d'Autun à Decise, qu'elle forme le
tronc commun de deux routes principales rapportées dans
l'itinéraire d'Antonin et la carte de Peutinger , l'une comme
route d'Autun à Paris, et l'autre d'Autun à Bordeaux.
Voici maintenant les difficultés que cette partie présente à
résoudre.
L'itinéraire d'Antonin place entre Autun et Decise une sta-
tion nommée alisincvm, à 22 lieues gauloises d'Autun et à 14
de Decise , et la carte de Peutinger indique entre ces deux
mêmes villes deux stations, l'une nommée boxvm , à 8 lieues
gauloises d'Autun, et la seconde, figurée sur celte carte comme
142 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
un établissement thermal , est nommée aqvis nisinèii , et
marquée à 22 lieues gauloises de roxvm et à \k de Decise.
Ces différences, soit dans les stations, soit dans la distance
totale , ont fait penser à plusieurs auteurs qu'il n'était pas
question de la même voie , du moins dans toute son étendue.
Banville a cru devoir fixer la position d'ALisiNCVM à Anizy,
soit à raison de l'étymologie , soit surtout parce que les dis-
tances de ce point à Autun et à Decise présentent une con-
formité très-approximative avec celles indiquées dans l'itiné-
raire. On peut objecter sans doute que ce tracé s'écarte
sensiblement de la ligne droite ; mais on trouve assez souvent
des exemples de semblables écarts. D'autres archéologues ,
frappés de la découverte de ruines romaines considérables à
Alluy , ont proposé d'y placer alisincvm ; mais ce lieu se
trouve tellement écarté de la direction d'Autun à Decise,
qu'il est bien difficile de l'adopter comme point intermédiaire
entre ces deux villes.
Il serait important pour la solution de ces difficultés, de
reconnaître les voies romaines qui peuvent passer à Anizy et
Alluy , d'en bien déterminer les directions et les lieux de
passage et de les comparer avec celle dont nous possédons les
restes et qui paraît se diriger par Apponay et Fours.
Quant aux stations de la carte de Peutinger , Danville a
pensé que celle d'AQVis nisineii figurée sur cette carte , ainsi
que nous venons de le dire, comme un établissement thermal,
ne pouvait se placer qu'à Bourbon-Lancy , et a fixé celle de
BOXVM au hameau de Bussière , sur la route d'Autun à Toulon-
sur-Arroux. Mais cette fixation , basée en partie sur l'étymo-
logie , présente de grandes difficultés ; elle supposerait que les
routes de Toulon et de Decise auraient eu un tronc commun
d'Autun à roxvm , et l'aspect seul de la carte de Peutinger
détruit complètement cette supposition , en présentant ces
deux voies comme entièrement distinctes depuis leur point de
départ d'Autun.
xvnr. SESSION. 143
En somme , il paraît résulter des distances indiquées, que
c'est dans l'arrondissement d'Autan qu'il faut chercher la
station de BOXVM , et que c'est dans la Nièvre que doit se
trouver celle d'ALISINCVM. Il serait à désirer que les explo-
rations relatives à ces points fussent faites simultanément par
les archéologues des deux pays. »
M. Berry insiste sur la nécessité, pour les départements
limitrophes , de faire coïncider leurs études sur les voies ro-
maines ; il dépose sur le bureau une carte du Berry qui indique
les différentes voies qui le sillonnent et fait remarquer leur
rapport avec quelques-unes de celles qui aboutissent à la
Loire , signalées par le commandant Barat.
« Après les différentes explications qui ont eu lieu , dit
l'honorable membre, sur les voies romaines plus ou moins
complètes qui sillonnent le sol du Nivernais , je puis aborder
la seconde partie de la question , et examiner quel est le
point de jonction de ces voies avec celles des provinces
voisines : on vient de nous entretenir des grands chemins
qui se dirigeaient d'Autun soit vers Nevers, soit vers
Auxerre, je vais m'occuper de leur communication avec
les Bituriges. >
< On rencontre aussi dans le département du Cher un
grand nombre de voies romaines ; on y compte jusqu'à
huit voies principales, une, au nord, se dirigeant de Bourges
sur Orléans , dont on trouve les traces apparentes dans les
communes de St.-Eloi , Vasselay , Allogny , jusqu'à Neuvy
où la trace se perd dans les bruyères de la Sologne.
« Une seconde, à l'est, conduisait de Bourges aux bords de
la Loire au-dessous de Sancerre. Cette voie est encore
reconnaissable dans une grande partie de son parcours ;
elle traverse les communes de Ste. -Solange , les Aix ,
Montigny ; aux abords de la Loire , entre Sancerre et
hkk CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
« Ménétreol, on lui a donné jusqu'à huit noms : dans la
« partie comprise entre Bourges et Montigny on la nomme
« tantôt Levée de César, tantôt Levée de Jacques-Cœur; près
« de Sancerre on la nomme Chaussée de la reine Blanche ,
« parce que ce fut le chemin que suivit la mère de saint
« Louis quand elle vint passer les fêtes de Pâques à Sancerre.
« Cette seconde voie devait franchir la Loire dans la direc-
« tion d'Auxerre et de Sens; mais à quel point cette com-
« munication d'une rive à l'autre avait-il lieu? C'est une
« question qui semble indécise en présence de deux faits
« maintenant reconnus ; l'un qu'il existe une voie se dirigeant
« sur Entrains , Toucy , Auxerre ; dans ce cas ce serait au
« Peseau, presque vis-à-vis Cosne, que la voie aurait franchi
« la Loire. Cette opinion serait d'autant plus probable qu'en
« 1849 M. de Vogué découvrit, dans sa propriété du Peseau,
« des vestiges d'une vaste construction romaine dont le gise-
« ment paraissait indiquer un travail assez important comme
« serait la tête d'un pont. L'autre qu'il existait au-dessous de
« Sancerre, entre St.-Satur et St. -Thibault, une station
« militaire considérable, le castrum gordianum, qui aurait
v pu également servira protéger à St. -Thibault le passage
« de la Loire. En admettant ce fait, le passage effectué à
« St. -Thibault aurait rejoint Entrains par la voie du littoral
« en descendant la Loire jusque vis-à-vis le Peseau. Dans
« tous les cas , cette voie devait se diriger sur Auxerre et
« Sens.
« Une troisième voie partant de Bourges conduisait à
« Autun ; les traces , dans le département du Cher, sont bien
'< connues et constatées dans les communes d'Auvoye ,
« Russy , Lantan , Sagonne , Sancoins. Le passage de la Loire
« s'effectuait au port de Mornay ; c'est par ces deux voies
« que les Bituriges communiquaient avec Autun et Auxerre
« en traversant le Nivernais.
xvnr. SESSION. 1^5
« Le commandant Barat a signalé une autre voie romaine
de Nevcrs à Bourges , par la Gucrche; cette voie nous est
inconnue dans le Cher , c'est donc le cas de la laire étu-
dier, et la Commission du Cher s'en occupera immédiate-
ment; les documents que nous pourrons nous procurer
pour éclairer cette question , seront communiqués à la
Société archéologique de la Nièvre pour compléter ses
travaux.
« Une quatrième route partait de Bourges, se dirigeant
sur Lyon en passant par Dun-le-Roy.
« Une cinquième allait de Bourges h Hery. Les communes
de Lissay, Alichamps, la Celle-Bruère , etc. , en ont con-
servé de longs et magnifiques tronçons.
« La sixième allait de Bourges à Poitiers , et une autre
ligne reliait Poitiers à Nery.
« La huitième voie se dirigeait à l'ouest de Bourges sur
Tours.
« La Commission historique du Cher s'occupe en ce mo-
ment d'un travail sur l'ensemble des voies romaines et leur
direction dans les provinces limitrophes; elle a déjà com-
mencé cette étude , elle a suivi presque tous les tronçons
de chemins dont plusieurs se reconnaissent à la surface
sur une longueur de plusieurs myriamètres. Une carte du
département indique tous les points déjà reconnus. Les
travaux auxquels la Commission se livre actuellement com-
plétera bientôt le réseau. Cette carte que j'ai eu l'honneur
de déposer sur le bureau et d'offrir au Congrès, peut
servir à contrôler les directions des voies de la Nièvre.
« C'est en s'aidant mutuellement que la Société archéolo-
gique de Nevers et la Commission historique de Bourges
parviendront à établir cette partie importante de la géo-
graphie ancienne du centre de la France.
« L'inspection de cette carte suffira pour démontrer que
U6 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
« notre système actuel de communication ne fait que repro-
« duire l'œuvre des Romains. Nos roules modernes suivent
« presque le même tracé que celles que nous avons re-
« connues préexistantes ; c'est que les mêmes intérêts néces-
« sitaienl les mêmes directions; seulement des rectifications
« de ligne sont devenues indispensables en raison du dépla-
« cernent de certains centres de population. »
Le commandant Rarat fait observer que la carte de Peu-
tinger est inexacte dans les indications des fleuves; la Ga-
ronne , par exemple , est indiquée à la place de la Loire et la
Loire prend la place de la Seine.
M. l'abbé Crosnier dépose sur le bureau un fragment de
la carte de Peutinger établie sur une grande échelle , et de-
mande la parole pour rétablir certains points importants de la
géographie ancienne du pays.
« L'observation présentée par le commandant Barat est,
« dit-il , de la plus grande importance ; il est évident que
« le fleuve que la carte de Peutinger fait passer à Luteci,
« Paris, ne peut être que la Seine et non la Loire , que celui
« qui arrose Bourbon , Decise et une partie du Nivernais ,
« ne peut être que la Loire et non la Garonne. Une fois
« celte rectification faite , nous pouvons nous rendre compte
« en partie de notre ancienne géographie et restituer à quel-
« ques localités leurs anciens noms , reconnaître d'une ma-
« nière indubitable des lieux que les géographes n'avaient
« pas encore reconnus.
« Le savant Banville s'est laissé entraîner dans des erreurs
« qu'il eût bien certainement évitées , s'il eût vécu de notre
« temps. Il avait remarqué sur la rive droite de la Loire
« deux établissements d'eaux thermales indiqués sur ia carte
« de Peutinger par les bâtiments carrés par lesquels il dé-
« signait ces sortes d'établissements ; il crut qu'il y avait ici
« une transposition , il assigna à Bourbon-Lancij le lieu in-
xvnr. session. U7
« diqué sous le nom CYAquœ Nisinœi et Aquœ Bormonis
« devint Bourbon-Ï Archambautt.
« Les eaux thermales de St. -Honoré en Morvand étaient
« inconnues à Danville; de son temps elles étaient encore
« cachées sous un amas de ruines couvertes de broussailles ;
« ce ne fut qu'en 1821 qu'on commença les déblayements
« et que l'on découvrit l'ancien établissement romain. Dès-
ce lors il fut facile de comprendre que la carte de Peulinger
« était exacte sur ce point; Aquœ Bormonis, Bourbon-
« Lancy , placé sur la rive droite du fleuve , occupe la place
« qui lui convient; et Aquœ Nisinœi dans l'intérieur des
« terres sur une des voies qui part de Decise , Degena ,
« pour se diriger sur le Morvand , est évidemment le lieu
« qui a pris plus tard le nom de St. -Honoré. Mais il est
« impossible de reconnaître avec Danville, Bourbon-iAr-
« chambault dans Y Aquœ Bormonis, situé sur la Loire, et
« Bourbon-Lancy dans Y Aquœ Nisinœi reporté dans l'in-
« térieur des terres.
« Je dois ajouter que le village d'Anizy semble avoir con-
« serve dans le pays le souvenir de Y Aquœ Nisinœi qu'il
« représente en abréviation A...nisy. Sans doute, il est en-
« core un peu éloigné des eaux de St. -Honoré, mais ne
« serait-il pas possible que les habitants , après la ruine de
« Uurs habitations placées auprès de ces eaux , ruine qu'on
« attribue aux Sarazins quand ils se portèrent sur Autun et
« sur les pays voisins jusque dans l'intérieur du Morvand,
« se soient fixés au bas des montagnes et aient donné à
« leurs nouvelles habitations le nom du lieu qui les avait
« vus naître.
« Il est encore important de rectifier ici une autre erreur
« de Danville. Il prétend qu' Anizy , dont nous venons de
« parler, est l'ancien Alisincum indiqué dans l'itinéraire
« d'Antonin sur une autre voie allant de Decise à Autun ;
1Ù8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
« mais il est certain que jamais on n'a trouvé à Anizy au-
« cunes traces de constructions romaines, ce qui ne serait
« pas étonnant si, comme je le disais tout à l'heure, Anizy doit
« sa fondation à la ruine de Acjuœ Nisincei, depuis St. -Honoré,
« par les Sarazins , au milieu du VIIIe. siècle. A Alluy , au
« contraire , toutes les fouilles qui ont été opérées ont cons-
« taté la présence d'un ancien et vaste établissement. Ce sont
• des mosaïques magnifiques , des statuettes , des médailles
« en grand nombre , des ustensiles de toute sorte et de nom-
« breuses fondations. Nous devons donc reconnaître dans
« Alluy YAlisincum de l'itinéraire d'Antonin. »
Après quelques observations faites par M. l'abbé De-
voucoux , pour confirmer ce que vient de dire M. Crosnier ,
l'assemblée paraît adopter l'opinion qui vient d'être émise.
M. de Caumont profite de cette circonstance pour en-
gager de nouveau à se livrer dans chaque localité à l'étude
de la géographie ancienne encore si peu connue.
Personne ne demandant plus la parole , on passe à la troi-
sième question du programme :
Où doit-on fixer L'emplacement de L'ancienne Gergovia
Boiorum ?
La parole est à M. l'abbé Crosnier.
« Avant de répondre à cette question, dit-il, il est nécessaire
de jeter un coup-d'œil rapide sur l'histoire des Boïens, qui ont
joué un rôle si important dans les guerres entre les Gau-
lois et les Romains ; cet aperçu ne sera pas sans intérêt
pour nous Nivernais , puisque nous regardons ce peuple
comme ayant habité nos contrées. Il nous sera plus facile
ensuite de bien établir la portion de notre territoire qui leur
fut concédée , et par conséquent de nous fixer sur l'emplace-
ment de leur ville principale. Les Boïens formaient une nation
nombreuse de la Gaule celtique ; quoiqu'on ne puisse indi-
XVIIIe. SESSION. 149
quor (l'une manière incontestable le pays qu'ils habitaient
avant leurs différentes migrations, on pense communément
qu'ils occupaient le Bourbonnais actuel et la partie du Niver-
nais qui l'a voisine.
Nous voyons ce peuple guerrier et aventureux s'établir et
s'étendre dans différentes contrées de l'Europe et de l'Asie,
se mêlant à toutes les grandes entreprises de leurs compa-
triotes et marchant toujours en tête de ces fiers Gaulois qui
portaient leurs droits au bout de leurs épees , et qui préten-
daient que tout appartient à des gens de cœur.
Sous le règne dcTarquin l'ancien, Ambigat, roi des Celtes,
voyant la population de ses Étals s'accroître d'une manière
excessive, engagea Bcllovèse et Sigovèse , ses neveux, à se
mettre à la tète de ce qu'il y avait de surabondant dans la
population qui lui était soumise , pour aller fonder ailleurs
d'autres établissements. Bcllovèse marcha vers l'Italie et Si-
govèse vers la Germanie. Les Boïens, qui suivirent ces der-
niers , s'emparèrent de la Pannonie et de l'illyrie , et éten-
dirent leurs conquêtes sur les deux rives du Danube et jusque
dans le pays qui prit depuis le nom de Boiohemum, Bohême.
Us fondèrent à l'embouchure du Danube une ville qu'ils
nommèrent Noviodunum , nom qui leur rappelait la capitale
du pays qu'ils avaient quitté. Vers l'an 278 avant J.-C. , ces
peuples ayant leur Brenn à leur tête marchent sur la Grèce ;
mais, arrivés dans le pays des Dardaniens , la dissention se
met parmi eux et ils se séparent en deux corps. Le Brenn
s'avance dans l'intérieur de la Grèce à la tête de 150,000
hommes, les autres au nombre de 20,000 suivent Léo-
norius et Lutharius leurs chefs, traversent la Thrace, s'em-
parent de Bizance et font payer le tribut à toutes les villes
de la Propontide. Bientôt ils se rendent maîtres de la Cher-
sonnèse , passent dans l'Asie-Mineure qu'ils soumettent jus-
qu'au mont ïaurus , et après toutes ces conquêtes ils s'éta-
10
150 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Missent aux environs du fleuve Halys , dans le pays connu
depuis sous le nom de Galatie. Ils étaient si redoutables que
les rois de Syrie leur payaient tribut pour avoir la paix avec
eux; au rapport de Justin, aucun prince d'Orient ne se
croyait solide sur son trône , s'il n'avait nos Gaulois pour le
garder; et s'il avait perdu sa couronne, il ne pensait pas
pouvoir la recouvrer sans les Gaulois. Plus tard ils furent
vaincus par le consul Manlius. Le consul , auquel ils deman-
dèrent la paix, leur imposa pour condition de ne point sortir
du pays qu'ils habitaient pour aller inquiéter leurs voisins
(188 avant J.-C. ). Depuis cette époque, ils ne firent plus
rien de mémorable.
Quant à ceux qui avaient suivi le Brenn jusqu'à Delphes,
voyant leur armée détruite, ils passèrent les uns en Asie,
tandis que les autres reprirent le chemin de la Thrace pour
retourner dans leur patrie. Une de leurs troupes s'arrêta à
l'endroit où la Save se jette dans le Danube; ces derniers
succombèrent plus tard sous les armes de Bérébistes, roi des
Gètes, qui ravagea leur pays ; c'est ce pays dépeuplé par cette
guerre que Pline appelle Déserta Boiorum.
Malgré tout l'intérêt qui se rattache aux expéditions de
l'Italie par la colonie conduite par Bellovèse, je ne veux
pas entrer dans ces détails qui nous entraîneraient trop loin ;
en effet, il faudrait parcourir pendant cinq siècles l'histoire
de la république romaine pour avoir une idée du courage de
nos Celtes, à la tête desquels nous voyons toujours les Boïens.
A peine ont-ils frayé le chemin qu'Annibal devait plus tard
parcourir en franchissant les Alpes , qu'ils fondent des villes et
leur donnent, comme aux rivières qui les arrosent, des noms
qui leur rappellent le pays qu'ils ont quitté. Mediolanum ,
Bononia , Senagallia, la patrie de l'immortel Pie IX, sont
leurs premières fondations , et la rivière qui coule dans ce
pays prit le nom de Senna. Ils ne tardèrent pas à s'avancer
wnr. SESSION. 151
|iis<|n'à Rome, qu'ils tinrent en échec jusqu'au moment où ils
ini|)(is( inii des lois à ceux qui s'étaient réfugiés dans leCapi-
lole. Polybe dit qu'ils se retirèrent non pas devant Camille,
mais parce que les Yenètcs qui attaquaient leur pays conquis
les forcèrent de voler au secours de leurs nouvelles villes.
Depuis cette époque jusqu'en l'année 192 avant J.-C. , les
Romains et les Boïens furent constamment en guerre. Alors
ces derniers succombèrent sous les armes de Publias Corné-
lius Scipion , après avoir été pendant plusieurs siècles la ter-
reur de Rome.
Pendant ces guerres avec les Gaulois, le sénat déclarait
qu'il y avait tumulte , expression qui indiquait l'imminence du
danger; dès-lors tout citoyen devenait soldat; toute exemption
cessait, et les prêtres eux-mêmes devaient prendre les armes.
Revenons maintenant à ceux des Boïens que nous avons
laissés plus rapprochés des sources du Danube, et qui ne
suivirent pas leurs compatriotes en Thrace , en Grèce et en
Asie ; ce sont eux qui , sortis du Nivernais , à ce qu'on
présume, vont y rentrer et y établir la Gergovia Boiorum.
Us avaient fondé, sur les deux rives du Danube, deux co-
lonies qui conservèrent le nom du peuple conquérant : le
Boioliemwn , la Bohême , et le Boiarium , la Bavière. Sous
Auguste, les Marcomans, voulant éviter la domination romaine,
s'éloignèrent du Rhin et forcèrent les Boïens à leur aban-
donner le Boiohemum. Les Boïens furent donc rédurts à se
renfermer dans le Boiarium , qu'ils agrandirent en s'empa-
rant du Noricum, maintenant l'Autriche, où ils construi-
sirent la ville de Boiodurum.
L'année même du consulat de César, les Helvétiens se
trouvant trop resserrés dans leur pays , conçoivent le projet
de s'emparer d'une partie de la Gaule celtique , projet dont
ils remettent l'exécution a l'année suivante. Après avoir brûlé
leurs villes et leurs villages , ils fixent le rendez-vous général
152 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
sur les bords du Rhône. Les Boïens el les Stulingiens , leurs
voisins , demandent à faire partie de l'expédition et sont
reçus dans la Société des Helvétiens. Le corps des Boïens
était de 32,000.
A la nouvelle de ces préparatifs , César se dispose à mar-
cher contre eux , craignant pour la province romaine. Ils
furent donc obligés de changer de route ; ils obtinrent l'as-
sentiment des Séquaniens et des Eduens auxquels ils pro-
mirent une part de leurs conquêtes pour traverser les pays
qui leur appartenaient. Mais en s'avançant dans ces pays, ils y
firent bien des ravages , auxquels les habitants trop faibles
ne pouvaient s'opposer. Il était d'ailleurs impossible qu'une
armée de près de 360,000 âmes, car ils avaient avec eux
leurs femmes et leurs enfants , pût traverser un pays aussi
resserré sans y commettre aucun dégât. Les Eduens se re-
pentirent d'avoir donné leur consentement et envoyèrent des
députés à César pour implorer son secours. César qui voyait
une circonstance favorable pour augmenter sa gloire et éten-
dre la puissance romaine, se mit aussitôt en marche, vint
surprendre les Helvétiens au moment où ils passaient la
Saône et les mit en déroute.
Les Helvétiens se réfugièrent dans les forêts voisines, d'où
ils envoyèrent au général romain des députés , à la tête des-
quels se trouvait Divicon , pour réclamer un établissement
dans les Gaules. Divicon parla à César avec fierté, et lorsque
celui-ci lui demandait des otages , il lui répondit « que son
peuple était habitué à en recevoir et non à en donner , comme
les Romains devaient le savoir. »
Les Helvétiens continuèrent leur marche , et pendant quel-
que temps les deux armées se contentèrent de faire de légères
escarmouches. Enfin on en vint à un combat décisif. Au
moment où les Helvétiens attaquaient l'arrière-garde de l'ar-
mée romaine, César profitant d'une position qui lui semblait
XVIIIe. SESSION. 153
avantageuse , rangea son année en bataille sur une hauteur
voisine.
Les Helvéticns, de leur côté, serrent leurs rangs et donnent
l'attaque; mais les Romains, forts de leur position, les acca-
blent de traits. Ceux-ci ne perdent pas courage, ils jettent
leurs boucliers pour combattre plus librement , mais bientôt
couverts de blessures, ils lâchent pied et se retirent vers une
montagne où les Romains les suivent, quand tout-à-coup un
corps de 15,000 Boïens et Stulingiens, qui formaient l'armée
de réserve , fond sur l'armée romaine et l'enveloppe de telle
manière qu'elle eut à faire face de tous côtés.
De part et d'autre il y eut des prodiges de valeur , mais la
victoire resta aux Romains , les Helvéticns furent obligés de
regagner leur pays.
Les Eduens , témoins de la bravoure des Boïens , obtinrent
du vainqueur qu'ils resteraient avec eux. César y consentit ,
avouant qu'il n'en avait pas vu un seul tourner le dos pendant le
combat. Les Eduens leur donnèrent donc des terres, et dans la
suite ils les admirent à partager leurs droits et leurs privilèges.
C'est maintenant qu'il nous reste à étudier la contrée du
pays éduen qui leur fut concédée et où ils fondèrent leur
Gergovia. Ici quatre opinions diverses sont en présence , les
uns , comme Pierre de Frasnay , veulent que Bourbon-1'Ar-
chambault ait été l'emplacement de la Gergovia Boiorum ;
les autres , comme les auteurs de l'Ancien Bourbonnais , lui
assignent Moulins ou les environs , mais toujours la rive gau-
che de l'Allier; d'autres veulent reconnaître Gergovia Boio-
rum dans la ville gallo-romaine découverte dans les forêts de
St.-Révérien; d'autres enfin reconnaissent avec les auteurs
de l'Ancien Bourbonnais que cette ville devait nécessairement
se trouver dans le pays compris entre la Loire et l'Allier,
mais non pas sur l'emplacement de Moulins , ville moderne ,
ni même dans les environs de cette ville.
15k CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Commençons par dire que l'opinion de ceux qui placent
Gergovia Boiorum sur la rive gauche de l'Allier , soit à
Bourbon-l'Archambault , soit à Souvigny , n'est pas soute-
nable. L'Allier était la limite du pays des Eduens ; les contrées
placées sur la rive gauche appartenaient aux Arvernes et aux
Berruyers. Or , d'après César , les Eduens leur abandonnèrent
une portion de leur territoire ; il ne faut donc pas les placer
au-delà de l'Allier. Il reste maintenant à examiner si nous
devons admettre leur colonie dans le centre du Nivernais ,
ou bien entre la Loire et l'Allier ; puis nous essayerons de
reconnaître l'emplacement de leur ville.
Après la découverte de la ville gallo-romaine dans la forêt
de St.-Révérien , M. Boniard a été le premier à supposer
que ces ruines pourraient bien être celles de l'ancienne Ger-
govia Boiorum ; et bientôt étayanl cette supposition des noms
donnés aux lieux voisins , Arsembouy , Bouille , Bouillet ,
etc. , il crut avoir démontré jusqu'à l'évidence que jusqu'alors
on s'était trompé en plaçant les Boïens entre la Loire et
l'Allier, que c'était dans la forêt de St.-Révérien qu'était
leur ville principale. D'Anville, Sanson , de Valois, tous les
géographes et les historiens qui ont écrit sur cette matière se
trouvaient en défaut ; ils avaient tort de donner la Loire et
l'Allier pour limites au pays éduen, la Loire seule arrosait ses
frontières , et M. Boniard donne en preuve la conférence que
César tint à Decise pour régler la contestation qui s'était
élevée entre deux prétendants eduens à la souveraine magis-
trature, pour se soumettre à la loi de ce peuple qui défendait
au Vergobret de sortir des limites de la cité ; il est évident,
selon lui , que leur territoire ne devait pas s'étendre au-delà
de cette ville , autrement le proconsul eût choisi un autre lieu
plus rapproché du Berri , où il se trouvait alors. M. Boniard
oublie que la ville des Boïens où il eût voulu que César, dans
l'opinion contraire à la sienne, eût indiqué la conférence ,
wiir. session. 155
n'était qu'une ville nouvelle et de peu d'importance, que César
ne tenait aucun compte , dans cette circonstance , des places
plus rapprochées du lieu où il se trouvait, autrement il aurait
pu choisir Novioduniim, Nevers; il ouhlie surtout ce qui est
admis de tout le monde , que les anciens diocèses indiquent
les véritables limites des anciens peuples de la Gaule , et que
le diocèse d' Anton , avant 1791 , s'étendait jusqu'à l'Allier,
que Moulins en Bourbonnais et ses environs en faisaient par-
tie , et que primitivement , avant le démembrement qui en
fut fait pour former le diocèse de Nevers , non seulement la
contrée située entre la Loire et l'Allier, mais tout l'ancien
diocèse de Nevers dépendait des Eduens ; c'est un point qui
n'a jamais été contesté.
Quant au passage de Pline cité par M. Boniard, il ne prouve
rien, absolument rien. Pline faisant rénumération des peuples
qui composent la Gaule Lyonnaise, cite les Eduens, les Car-
nutes, les Boïens, les Senons, lesAulerques, etc. M. Boniard
raisonne comme s'il était constant que l'auteur eût voulu suivre
dans ce dénombrement un ordre topographique , et conclut
qu'il faut placer les Boïens sur les confins des Eduens , des
Carnutes et des Senons. En partant de ce principe , nous pla-
cerions les Carnutes entre les Eduens et les Senons , ce qui
est inadmissible.
Au reste, suivons César dans sa marche lorsqu'il va au se-
cours des Boïens.
Yercingétorix veut se mettre à la tête des peuples de la
Gaule pour arrêter les envahissements du proconsul romain ;
déjà plusieurs peuples lui ont confié le souverain pouvoir ;
les Berruyers et les Eduens refusent d'entrer dans la coalition.
Bientôt il gagne les Berruyers; mais les Eduens demeurent
inébranlables. L'armée de Vercingétorix occupe une portion du
Berri ; il s'avance avec une partie de ses troupes pour faire
le siège de la Gergovia Boiorum. A la nouvelle de ce soulè-
156 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
veinent des Gaulois, César quitte Vienne et se rend à Langrcs
où il avait deux légions. Ce fut là qu'il apprit le siège de la
ville des Boïens. Aussitôt il envoie demander des vivres aux
Eduens et fait en même temps avertir les Boïens de tenir
ferme , qu'il se dispose à leur porter secours. En effet , il
part laissant à Agcndicum (Sens) deux légions et les bagages
de l'armée.
Cependant ne voulant pas s'exposer à être inquiété par les
ennemis qui resteraient derrière lui , qui pourraient d'ailleurs
lui couper les vivres , il se dirige sur Vellauduuum (Château-
Landon ) , qui tenait au parti de Vercingétorix , et en trois
jours il se rend maître de la place. De là il marche sur Gen-
nabum qui se disposait à venir au secours de Vellandunum ,
s'en empare , passe la Loire , traverse le Berri et fait en
passant le siège de Noviodunum.
Vercingétorix avait eu connaissance de la marche de César
et avait aussitôt abandonné Gergovia pour aller au secours de
Noviodunum ; mais les Romains s'en rendent maîtres malgré
l'avant-garde de l'armée de Vercingétorix qui fut mise en
déroute.
Les Boïens n'avaient plus besoin du secours de l'armée
romaine , l'ennemi s'était retiré , il n'était plus nécessaire
que César continuât sa roule ; c'est pourquoi il prend une
autre détermination et va mettre le siège devant Avaricum ,
Bourges , qui était entré dans le parti des Arvernes. Pendant
ce temps César ne cessa de réclamer des vivres aux Eduens
et aux Boïens , mais ces derniers resserrés dans leur coin de
terre eurent bientôt épuisé leurs ressources , en sorte que les
Romains eurent beaucoup à souffrir, vu la négligence des
Eduens et la pauvreté des Boïens.
Tel est en substance le récit de César. Il est facile main-
tenant de se rendre compte de sa marche, il soumet avant
tout VcUauduniim et Gcnnabum, puis passe la Loire, tra-
xvur. SESSION. 157
verse le Béni marchant droit à Gcrgovia; il prend en pas-
sant in via JSoviodunum. Danville fait remarquer que ce ne
peut être ni Neuvi-sur-Baranjeon , ni Nonain-le-Fuzelier ,
localités qui dépendaient des Carnutes, mais M oh an , car il
s'agit d'une ville des Berruyers , Oppidum Biturigum ; or ,
Nohan-eo-Gracey se trouve placé entre Bourges et la contrée
que nous assignons aux Boïcns. Il n'est pas possible de re-
connaître la Gcrgovia Boiorum dans la ville gallo-romaine
de St.-Révérien, quand on a lu attentivement le VIP. livre
des Commentaires de César.
Supposons un instant que l'opinion de M. Boniard soit la
vraie. Vcrcingétorix ne pouvait assiéger la ville des Boïcns
qu'en traversant une grande partie du territoire des Eduens,
et ceux-ci ne se plaignent pas ; on ne leur voit faire au-
cune démarche pour s'y opposer , et César n'adresse pas un
seul mot d'encouragement à ces fidèles alliés, il ne leur
promet pas de les venger , il se contente de leur envoyer de-
mander des vivres ; les Boïens seuls l'occupent. En vérité ,
une semblable conduite serait inexplicable et la politique de
César ne permet pas de la supposer.
Il est donc évident que ceux qui, avec Sanson, Danville,
Adrien de Valois, les auteurs de l'Ancien Bourbonnais, etc.,
placent les Boïens entre la Loire et l'Allier , sont seuls dans
le vrai.
Selon nous, l'emplacement de Gergovia Boiorum serait le
château de Buy, situé dans la commune de Sl.-Pierre-le-
Mou tiers. Les fosses de tanneries qu'on a trouvées en creu-
sant aux environs du château , d'anciennes fondations qui s'y
rencontrent, ainsi que celles qu'on voit aux environs des bois
de Grand-Bourg et de Petit-Bourg, tout fait croire que ces
lieux furent autrefois le centre d'une population assez nom-
breuse. La position de ce château et le nom qu'il porte
viennent encore à l'appui de notre opinion.
1.58 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Buy est placé sur la grande voie romaine d'Autun à Bour-
ges. Cette voie , en quittant Decise , longe la Loire , coupe
les bois d'Uxeloup, puis fait un coude entre St.-Parize et
Azy-le-Vif pour passer à la fontaine des Vertus , eaux mi-
nérales maintenant à peu près inconnues, mais frécpientées
autrefois, à en juger par d'anciens travaux qui ont été dé-
couverts au lieu de la source , et enfin à Buy d'où elle se
dirige sur Sancoins. Danville , sur sa carte , indique bien le
coude que nous signalons, mais sans en expliquer la cause.
Il serait en effet difficile de l'indiquer, rien n'empêchait de
conduire cette route en ligne droite; les accidents de terrain
ne se font pas plus remarquer d'un côté que de l'autre. On
sait au reste que ces accidents n'arrêtaient pas les Romains
dans ces sortes de travaux , puisque nous rencontrons leurs
roules dans les bas-fonds aussi bien que sur de hautes mon-
tagnes. Dans notre opinion cette courbe s'explique, elle de-
venait nécessaire pour faire jouir Gergovia des avantages qui
devaient en résulter.
Il est encore certain que les embranchements de roule
chez les Romains n'avaient lieu qu'aux endroits de quelqu'im-
portance , comme une ville , un établissement d'eaux ther-
males ; pour s'en convaincre il n'y a qu'à consulter les cartes
anciennes ; or, nous trouvons, en partant du vieux château de
Tâches en la commune de St.-Parize-le-Châtel, une voie
connue dans le pays sous le nom de chemin ferré, qui semble
être une communication entre Nevers et le lieu dont nous
parions; on en perd la trace dans le bois de Grand-Bourg,
mais il est impossible de méconnaître sa direction sur Buy où
elle se joignait à la grande voie d'Autun à Bourges.
Quant au nom de Buy , ne rappellerait-il pas les anciens
habitants et leur ville Urbs, Civitas ou Gergovia Boiorum.
Nous avons parlé du bois de Grand-Bourg qui avoisine
Buy; ce Grand-Bourg n'aurait-il pas été le Grand-Bourg des
xvjir. session. 159
Boïens, pour prendre plus tard le nom de Bourg-des-Gentils,
Pagus GemUicus, dont il est fait mention dans les vieilles
légendes de la vie de saint Patrice.
En effet, jusqu'au milieu du VIe. siècle , ce pays demeura
attaché à l'idolâtrie , tandis que tous les peuples voisins avaient
ouvert les yeux à la lumière de l'Evangile, et c'est sans doute
ce qui fut la cause que le nom de Bourg-des-Gentils rem-
plaça son ancien nom. La religion chrétienne avait été prèchée
à Nevers depuis long-temps, les uns disent par saint Austre-
moine, au milieu du IIP. siècle, d'autres par saint Andoche,
disciple de saint Polycarpe , et d'autres prétendent qu'elle
y fut annoncée dès le I". siècle et du temps même des apô-
tres. Ce qui est certain, c'est que Nevers était chrétien depuis
long-temps , qu'il avait déjà eu plusieurs évêques, tandis que
le pays dont nous parlons était idolâtre lorsque saint Patrice
y arriva. Faut-il présumer qu'avant l'érection de l'évêché de
Nevers, les évêques d'Autun aient laissé ce pays sans l'in-
struire, et que les évêques de Nevers aient aussi négligé une
contrée voisine de leur ville épiscopale? Cette supposition
serait injurieuse à la mémoire de ces saints évêques. Il est
plutôt à croire que ce peuple aura été long-temps sourd à
leurs leçons et se sera converti plus difficilement que les po-
pulations voisines, ce qui s'explique aisément. Les Gaulois
et les Eduens , en particulier par leurs rapports avec les Ro-
mains , av aient déjà dû établir des modifications importantes
dans leur culte religieux , et quoique César nous présente la
nation gauloise comme lout-à-fait attachée à ses cérémonies
religieuses, nous ne pouvons douter que la confraternité qui
existait entre les Eduens et les Romains n'aient déjà mélangé
les deux cultes. Or, l'expérience prouve qu'en fait de religion
on ne peut ébranler un seul point sans ruiner l'édifice. Ces
modifications devaient donc les préparer à recevoir plus faci-
lement la lumière de la foi ; la langue romaine leur était fa-
160 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
milière et les premiers prédicateurs de l'Evangile parlaient
cette langue et étaient compris.
Il ne dut pas en être de même des Boïens auxquels la langue
romaine était étrangère; ils n'avaient connu les Romains
qu'au champ de bataille. Agglomérés en famille dans un coin
de terre qui leur rappelait leur défaite , ils devaient éprouver
une grande défiance à l'égard de ceux qui leur annonçaient
une religion nouvelle , et surtout dans une langue qui était
celle de leurs vainqueurs ; nous ne nous étonnons plus de
voir, pour les convertir, tous les efforts infructueux jusqu'au
milieu du VIe. siècle , quand saint Patrice vint y jeter la
semence de l'Evangile.
Une tradition populaire du pays rapporte qu'il y avait aux
environs de St.-Parize une grande ville qui fut brûlée. C'est
peut-être celle dont nous parlons.
Toutes ces considérations méritent d'être approfondies et
me semblent déjà jeter un grand jour sur la question. Nous
trouvons encore dans la même contrée, sur les bords de
l'Allier , un autre endroit qui porte aussi le nom de Buy.
Il nous reste a parler de Boia dont il est fait mention dans
les Commentaires de César, livre VII. Vercingétorix , au
moment où César marchait sur Bourges après s'être rendu
maître de Veilaudunum, de Gennabum et de Noviodunum,
conçoit le projet de priver les Romains de vivres et de four-
rages ; pour cela il réunit ses gens et , de concert avec eux, il
fait mettre le feu à tous les endroits placés depuis Boia jus-
qu'à Bourges. Que Boia soit civitas Boia, le pays des Boïens,
ou Gergovia Boia3 la Gergovie des Boïens, peu importe ; c'est
le pays où, pendant le siège de Bourges, les Romains pouvaient
venir fourrager, quopabidabundi causa adiré posse videantur.
Je comprends les Romains s'avançant jusqu'au bassin de
l'Allier pour fourrager; mais qu'on ne vienne pas nous dire
qu'ils pouvaient de Bourges aller fourrager dans le centre
XVIIIe. SESSION. 101
du Nivernais, dans les forcis de St.-Révérien. Il est donc
évident que le pays des Boïens était entre la Loire et l'Allier,
comme l'ont pensé d'Anville, Sanson, Adrien de Vallois, les
auteurs de l'Ancien Bourbonnais , les rédacteurs de l'Album
du Nivernais, etc. C'était entre les deux rivières qu'était
située leur Gergovia, et probablement dans le canton de St.-
Picrre à Buy. »
M. de Caumont annonce qu'à h heures 1/2 on visitera la
curieuse église de St. -Etienne. Le rendez-vous est fixé devant
le grand portail de cette église.
La séance est levée à 3 heures.
Le Secrétaire- adjoint ,
G. DE SOULTRAIT.
Seconde Séance «In ÎO.
A la fin de la première séance, M. de Caumont avait an-
noncé que, le soir à quatre heures et demie, on visiterait l'église
de St. -Etienne. A l'heure indiquée, les membres du Congrès
se trouvèrent en grand nombre réunis dans la cour qui
règne devant la façade occidentale de cette église.
On ne devait pas être étonné de ce concours : il s'agissait
d'étudier une des églises de France les plus remarquables par
l'unité de style , par ses belles proportions et par ses détails
curieux, quoique sobres d'ornements. Une église du XIe. siècle
complète est un monument assez rare.
Avant de pénétrer dans l'intérieur, on s'arrêta à considérer
la façade , et bientôt il fut facile de reconnaître que le mur
carré qui s'élève au-dessus des fenêtres trilobées est un mur
de construction récente , intercallé entre les deux tours qui
s'élevaient aux angles.
102 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Immédiatement au-dessus du cordon qui s'étend vers le
sommet du portail et qui devait servir de rivet à la toi-
ture du narthex qu'on y voyait autrefois , on remarque
quatre pierres d'un appareil plus considérable que l'ap-
pareil voisin et d'une autre nature; une d'elles a conservé
le corps et une des serres d'un aigle , ce qui porte à croire
que le sculpteur avait représenté sur ces quatre pierres les
animaux symboliques évangéliques , dont l'aigle faisait
partie.
On s'est surtout arrêté à considérer la forme des claveaux
qui composent les cintres du portail , qu'un des membres a
proposé de nommer
claveaux alvéolés. Ce
genre de claveaux [ \^ /\/ ^( { y \s\ ^/
assez rares se fait
remarquer dans plu-
sieurs édifices reli-
gieux du Nivernais , tels qu'à Garchisy et à Parigny-les-Vaux ;
l'église de iNantilly , faubourg de Saumur , offre les mêmes
caractères à une des fenêtres de la paroi septentrionale. L'in-
trados des cintres est orné de peintures ; ce sont des rubans
polychromes zigzagues , avec des roses dans l'angle rentrant
et des oiseaux affrontés h ailes déployées.
Les colonnes qui flanquent les pieds-droits du portail ont
aussi attiré l'attention des membres du Congrès ; les chapi-
teaux des grosses colonnes sont complètement lisses , sauf
quelques légères moulures. Un semé de fleurs de lis peintes,
a fait penser que ces chapiteaux étaient si unis parce que
l'architecte avait eu l'intention de les relever par la peinture,
observation qui a été renouvelée pour la plupart des chapi-
teaux de l'intérieur. M. l'abbé Devoucoux, vicaire-général
d'Autun, a fait remarquer que ces chapiteaux paraissaient
avoir été tournés au lieu d'être taillés, et a rappelé à ce sujet
XVIII*. SESSION.
le:
que les deux autres
colonnes annelées du
portail, de moindre
/nodule que les pre-
mières , auraient été
façonnées par le mê-
me procédé.
Toutes lescolonnes
de l'église non en-
gagées présentent k
même caractère, soit
les colonnes mono-
lithes qui entourent
le sanctuaire, soit les
colonnes raccourcies
et fuselées pour la
plupart qui soutien-
nent l'arcature du
premier étage du
rond-point et qui pa-
raissent écrasées sous
leur large et épais
tailloir.
Itprès avoir étudié
le portail, on entra
dans l'église ; tous
les membres admi-
rèrent son plan uni-
forme d'un seul jet
et ses gracieuses pro-
portions. On regretta
seulement de voir les
galeries de la nef à
46h CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
arcades géminées
bouchées par de la
maçonnerie. Il y a
eu unanimité parmi
les membres du
Congrès pour de-
mander qu'on ren-
dît à l'église toute
sa grâce et son ca-
ractère en débou-
chant ces arcades.
L'inspection des ga-
leries a prouvé
comme tout dans
cet édifice avait été
soigné sous le rapport du plan et de la consolidation ; leur
UN DES ARCS-BOUTANTS DE LA MEF DE SAINT-ETIENNE DE NEVEKS.
voûte au quart de cercle venait contrebouter la voûte en
XVIIIe. SESSION. 165
berceau de la grande nef , et c'est par suite de cette dispo-
sition qu'on n'y rencontre aucun déchirement.
Le plan de celte église est la croix latine à trois nefs avec
déambulatoire ; trois chapelles absidales en hémicycle de peu
de profondeur rayonnent autour du sanctuaire. Deux autres
absides existaient dans les parois orientales du transept : une
a été détruite, celle du croisillon méridional, pour faire place
à une chapelle du XVIe. siècle ; l'autre est maintenant en
état de restauration , ainsi que la façade du croisillon septen-
trional , et cette restauration , dirigée par M. Paillard , a
prouvé au Congrès que les éloges que j'adressais hier à cet
architecte n'étaient point exagérés : les nouveaux éloges que
lui ont adressés les différents membres du Congrès seront puur
lui un puissant encouragement pour l'engager à persévérer
dans une voie qui prouve combien il comprend l'art
religieux.
A l'extrémité des croisillons du transept, les façades, soit à
l'intérieur, soit à l'extérieur, présentent des arcatures en
plein-cintre alternées avec des frontons triangulaires , dispo-
sition qu'on remarque dans une autre église du Nivernais,
la petite église rurale de Neuville-les-Decise , et que nous
avons retrouvée dans celle de Notre-Dame-du-Port , à Cler-
mont. C'est ici qu'on a pu remarquer l'identité qui existe
entre St. -Etienne de Nevers et Notre-Dame-du-Port; non
seulement à cause du caractère que nous venons d'indiquer,
mais encore à cause de la galerie à jour suspendue à la nais-
sance de chaque croisillon du transept , disposition que les
archéologues anglais nomment screen , dénomination que M.
Mérimée a cru devoir conserver chez nous.
M. de Surigny, de Màcon, a fait observer que cette église
lui présentait deux caractères : le caractère auvergnat dans
la nef, et le caractère bénédictin dans la région absidale
Cependant on peut dire que si le caractère bénédictin se fait
11
166 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE I)E FRANCE,
remarquer , il est peu sensible , surtout si on vient à consi-
dérer la sobriété d'ornementation.
Le Secrétaire-général ,
L'abbé Crosnier.
Pi'CBîaièB'C Séance du IB juin.
Présidence de M. Petit-Delafosse, préfet de la Nièvre.
La séance est ouverte à huit heures.
Siègent au bureau : M. Petit-Delafosse, préfet de la Nièvre ;
Mgr. l'évèque deNevers; MM. deCaumont,le baron Chailloux
des Barres , le général Pétiet , de Buzonnière , de Glanville ,
Gaugain , l'abbé Crosnier , secrétaire-général , le comte
Georges de Soultrait , secrétaire-adjoint.
M. le Préfet remercie les membres du Congrès de l'hon-
neur qu'ils lui font en l'appelant à les présider; déjà, étant
sous-préfet de Valenciennes , il avait été nommé président
de la Société des lettres et des sciences de cette ville , et il
avait fait tout ce qui dépendait de lui pour favoriser les tra-
vaux de cette Société ; il s'associera avec le plus vif intérêt
aux études auxquelles doit se livrer le Congrès pendant le
cours de la session , et fera en sorte de combiner ses mo-
ments de telle manière, que les hautes fonctions qu'il a à rem-
plir comme préfet ne soient pas un obstacle qui l'empêche de
profiter de ces réunions qui l'intéressent à un si haut degré.
M. le secrétaire-général donne communication de la cor-
respondance.
MM. Thiollet, de Paris ; Precy, membre du Conseil général
de l'Yonne ; Paul Huot , substitut du procureur de la répu-
blique à Orléans , expriment leurs regrets de ne pouvoir
assister au Congrès.
xvnr. session. 167
Il a été fait hommage au Congrès des ouvrages suivants :
De la part de M. de Caumont.
1°. Compte-rendu des Séances de la Société française
tenues en 1850 à Auxcrre, à Cluny et à Clermont;
2°. Relation d'une promenade archéologique faite en Bre-
tagne en 1849;
3°. De la réforme académique en France;
Un. Notes sur les tombeaux des cryptes de Jouarre ;
5°. Mon opinion sur plusieurs questions qui doivent être
soumises au Congrès des délégués des Sociétés savantes ;
6°. Un numéro des Annales agricoles ;
7°. Statistique routière de Normandie ;
8°. Rapport fait à la Société d'Agriculture et de Com-
merce de Caen.
De la part de l'Académie de Mâcon :
1°. Comptes-rendus des travaux de cette académie pendant
les années 1827, 1833, 1840. 2 vol. in-8°. Deux exemplaires ;
2°. Rapport fait à la Société d'Agriculture , Sciences et
Belles-Lettres de Mâcon dans sa séance du 15 janvier 1829.
Tn-8°. Deux exemplaires;
3°. Rapport fait à la même Société en 1834. In-8°. Deux
exemplaires.
De la part de Mgr. Dufôtre , évêque de Nevers :
Esquisse archéologique des principales églises du diocèse
de Nevers , par M. l'abbé Bourassé.
De la part de M. l'abbé Crosnier ;
1°. Iconographie chrétienne; in-8°. ;
2°. Eléments d'archéologie ; in-18 ;
3°. Tableau synoptique de l'histoire du Nivernais et du
Donziais.
De la part de M. Morellet :
Analyse des travaux de la Société littéraire de Colmar.
De la part de l'Institut des provinces:
De la stabilité comme principe primordial de toute archi-
168 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
tecture appliqué à l'origine et à l'établissement du style ogival,
par M. Aulnetle de Vautenet.
De la part de la Société centrale d'Agriculture de la Seine-
Inférieure :
Sur les nouveaux engrais concentrés.
De la part de M. P. Martin , de Lyon :
Recherches sur l'architecture , la sculpture, etc. Deux nu-
méros.
De la part de M. Hippolyte Sauvage, avocat :
Recherches historiques sur l'arrondissement de Mortain ,
ouvrage des plus intéressants sous le rapport historique et
sous le rapport de l'art ; gros in-8°.
De la part de M. Georges de Soultrait :
1°. Quatrième cahier de la Statistique monumentale du
département de la Nièvre, contenant le canton de Nevers;
2°. Notice sur le Château de Villeneuve en Auvergne.
M. de Caumont annonce que tous les ans on publie en un
volume le compte-rendu des séances du Congrès archéologique
ainsi que les mémoires présentés qui auraient paru mériter
l'impression. Ce volume est distribué gratis à tous les mem-
bres de la Société française pour la conservation des monu-
ments ; quant aux personnes étrangères à la Société qui dé-
sireraient le recevoir, elles doivent verser une cotisation de
10 francs entre les mains de M. le trésorier de la Société.
Sur la demande de M. de Caumont , la visite de la cathé-
drale aura lieu de une heure à trois.
M. le secrétaire-général donne lecture du procès-verbal
de la visite du Congrès à l'église de St. -Etienne de Nevers.
M. le Préfet demande qu'il soit fait mention de sa présence
dans cette visite; je veux , dit-il, témoigner hautement toute
ma sympathie pour les utiles travaux du Congrès, et je désire
qu'on sache combien ils ont d'attrait pour moi.
Ces paroles ont été accueillies par un murmure d'appro-
bation et de reconnaissance par toute l'assemblée.
xvnr. session. 169
M. Victor Petit a remarqué que les fenêtres pratiquées dans
l'abside du croisillon septentrional, qu'on s'occupe de restaurer,
étaient de moindre dimension que les autres ; il demande si
l'architecte chargé des restaurations de l'église de St. -Etienne
ne s'est pas un peu écarté du style général de l'église en di-
minuant la largeur des baies de cette abside. M. Paillard ,
absent au moment où M. Victor Petit posait cette question ,
entre dans la salle un instant après ; la question est posée de
nouveau ; M. Paillard répond qu'il n'a fait que reproduire ce
qui existait déjà , ajoutant que dans les restaurations qui lui
sont confiées , il ne cherche jamais à innover mais qu'il met
l'attention la plus minutieuse à faire revivre les types pri-
mitifs.
Plusieurs membres félicitent M. Paillard de sa manière
d'agir et l'engagent à persévérer dans cette voie.
Avant de passer à la quatrième question du programme ,
quelques membres annoncent que M. Bernay s'étantdéjà oc-
cupé de l'emplacement à assigner à la Gergovia Boiorum,
pourrait peut-être avoir quelque chose à ajouter à ce qui a
été dit dans la séance précédente.
M. Bernay répond qu'il pourrait seulement citer quelques
passages d'un travail qu'il a autrefois publié sur cette matière,
mais qu'il n'a point en ce moment ce travail entre les mains;
que , d'ailleurs , il partage entièrement l'opinion de M. l'abbé
Crosnier , qui a développé toutes les raisons qui constatent
l'établissement des Boïens entre la Loire et l'Allier.
On passe à la question suivante.
Pourquoi la Gergovia Boiorum, Interranum (Entrains)
et la ville gallo-romaine découverte depuis peu dans les
forêts de St. -Rcvèrien ne sont-elles pas mentionnées dans
l'itinéraire d'Antonin , 7ii dans la carte de Peutingcr?
M. Victor Petit répond que la carte et l'itinéraire ne fai-
saient mentijon que des lieux traversés par les voies qui ser-
170 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE
vaientaux légions romaines et formant stations militaires; qu'il
ne serait donc pas étonnant que des localités, même impor-
tantes, situées à quelque distance de ces grandes voies, aient
été omises. Cette observation de M. Victor Petit est appuyée
par une note de M. Laureau de Thory dont M. Devoucoux
fait part à l'assemblée :
« Quant au défaut de mention sur l'itinéraire d'Antonin
v et la carte de Peutinger de Gergovia Boiorum , de la ville
« gallo-romaine de St.-Révérien et dlntaramim auxquelles
« on peut ajouter celle de Boxa mentionnée au livre VII des
« Commentaires de César , il me paraît tenir à ce que ces
« points ne se trouvaient pas situés sur les lignes principales
« de communication , les seules dont les stations aient pu
« trouver place dans ces recueils géographiques. Nous de-
« vons rappeler au sujet $ Intaranum que cette omission est
« réparée par le marbre géographique d'Autun dans la des-
« cription de la voie d'Auxerre à la Loire , et que ce point
« paraît généralement reconnu pour la petite ville d'En-
« trains. »
M. Devoucoux prend la parole pour entretenir le Congrès
du marbre géographique dont M. Laureau de Thory vient de
faire mention , et en même temps M. Crosnier dépose sur le
bureau un calque de l'inscription gravée sur ce marbre qui est
conservé au musée d'Autun.
AVTESSIODVRO
VI SIDVO.. ABMPXX
AVTESSIODVRO
II INTARANVMABMPXX
AVTESSIODVRO
SIC
ODOVNA
INTARANV
XX INTARA
XVIIIe. SIÎSSION. 171
Auxerrc est mentionné jusqu'à trois fois sur ce fragment,
ainsi qu'Fntrains; Saulicu et Odoirna y sont aussi indiqués.
M. de Surigny voudrait connaître l'origine de cette in-
scription géographique ; il s'étonne qu'elle ait été trouvée à
Autun , tandis que toutes les dislances qu'elle indique se
rapportent à Auxcrre.
M. Dcvoucoux répond que ce fragment a été trouvé dans
les fouilles de St.-Jean-le-Grand. C'est sans doute, ajoute-
t-il, un morceau de la grande inscription géographique dont
parle l'abbé Lebœuf, qui fut découverte à Autun au commen-
cement du XVIIIe. siècle : cette inscription offrait un très-
grand nombre de noms des principaux lieux des Gaules et le
nom d'une ville d'Italie. Des cartes de l'empire romain
étaient peintes sur les murs des écoles Mœniennes à Autun ;
il paraît probable que la curieuse pierre dont il s'agit n'était
qu'un fragment d'une de ces cartes murales.
M. de Fontenay partage le sentiment de M. Devoucoux.
M. Victor Petit s'informe si cette inscription a été publiée ;
sur la réponse affirmative de M. de Fontenay , il exprime le
désir de voir ce document précieux reproduit par le moulage.
MM. Devoucoux et de Fontenay , représentants de la So-
ciété éduenne , s'engagent à faire exécuter ce moulage.
M. l'abbé Crosnier prend la parole ; il déclare que tout
en admettant les raisons qui ont été développées par M. Victor
Petit et qui se trouvent reproduites dans la note de M. Lau-
reau de Thory, tout en reconnaissant combien leurs obser-
vations sont justes , il croit cependant qu'on pourrait encore
ajouter une cause d'un autre genre. On sait que les savants
ne sont pas d'accord sur l'origine de l'itinéraire d'Antonin ,
les uns l'attribuent à Antonin-le-Pieux , les autres à Antonin
Caracalla, d'autres lui donnent pour auteurs d'autres empe-
reurs qui ont porté le même nom , enfin le plus grand nombre
sont d'avis que cet itinéraire a été rédigé en l'an 337 de l'ère
172 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
chrétienne. On sait encore que la table Théodosienne repro-
duite sur la carte de Peutinger a été dressée au commen-
cement du Ve. siècle. Ne pourrait-on pas supposer que ces
localités auraient été détruites dans la guerre des Bagaudes ;
s'il en était ainsi , comme la chose est possible , il ne serait
pas étonnant que leurs noms ne se retrouvassent pas dans des
documents d'une époque postérieure.
Le lieu nommé Odouna sur la ■pierre militaire trouvée à
Aulun , était-il renfermé dans les anciennes limites du Ni-
vernais , ou faut-il chercher ailleurs son emplacement ?
M. Devoucoux demande la parole pour communiquer une
nouvelle note de M. Laureau de Thory , ainsi conçue : « Le
lieu nommé Odouna sur le marbre d'Autun est considéré
par les archéologues comme le village Ouane , situé comme
Entrains sur la voie d'Auxerre à la Loire. Ce lieu est dans
le diocèse d'Auxerre ; à la vérité , les chiffres indicateurs
de la distance d'Auxerre à Odouna, qui lèveraient toute in-
certitude à ce sujet, ne se trouvent point sur le marbre
< d'Autun , mais ce qui n'est pas moins décisif est le réglé-
es ment processionnal de saint Aunaire, évèque d'Auxerre,
fait aux environs de 596, ainsi que celui de sainf Tétrice ,
un de ses successeurs, fait en 691, qui tous deux mention-
nent ce village parmi les paroisses du diocèse d'Auxerre
sous le nom iïOdonœ viens. »
M. Crosnier fait remarquer qu'Odouna était en effet dans
le Nivernais , quoique du diocèse dMuxerre, car le Nivernais
avait été augmenté en 1199 par l'adjonction du Donziais dont
faisait partie St. -Sauveur en Puysaie et Ouenne.
M. Quantin appuie cette observation et la développe.
M. le président, résumant la discussion, dit que M.
Quantin a parfaitement démontré qu'Oduna était autrefois
renfermé dans les limites du Nivernais, quoique dépendant
d'Auxerre pour le spirituel.
XVIIIe. SESSION. 173
M. Dcvoucoux demande à ajouter quelques mots sur la
question des Boïens. Il déclare qu'il se range complètement
de l'avis de M. Crosnicr ; il regarde comme lui la contrée
située entre la Loire et l'Allier, comme la partie du pays
éduen concédée aux Boïens; c'est aussi, dit-il, l'opinion de
M. Laureau de Thory , que je regarde comme d'un grand
poids pour éclaircir la question. « L'emplacement de l'an-
« cienne ville de Gergovia Boiorum , dit M. Laureau de
« Thory , me semble ne pouvoir être étudiée avec chance de
« succès que par la réunion des archéologues du Nivernais
« et de la partie limitrophe du Bourbonnais. »
M. Dcvoucoux ajoute à l'appui de l'attachement des Boïens
pour le paganisme, comme l'a fait observer M. Crosnier,
qu'on doit se rappeler le soulèvement religieux suscité dans
le pays éduen par un certain Mariais qui se disait Dieu.
Tacite , qui rapporte ce fait , dit que les révoltés étaient des
Boïens, e plèbe Boionim; qu'il ne serait pas éloigné de croire
cependant qu'il y avait aussi des Boïens répandus sur d'autres
parties du sol éduen.
M. Baudoin , d'Àvallon , est prié d'entretenir le Congrès
des découvertes faites dans la foret de St.-Révérien , où
quelques antiquaires ont pensé que pouvait être la Gergovia
Boiorum. M. Baudoin répond que les premières fouilles ont
déjà offert des découvertes fort intéressantes; que dans les
accidents de terrain qu'il a observés avec soin , il a cru re-
marquer des murailles flanquées de tours. Le plan de ces
ruines que 31. l'abbé Crosnier a déposé sur le bureau, prouve
que cet établissement était considérable; il aurait eu en lon-
gueur , d'après M. Boniard , 1100 mètres et de 250 à 300 de
largeur en moyenne. A un kilomètre au nord-ouest, un autre
établissement occupant la surface de huit hectares a laissé son
tracé par ses ruines au milieu de terres labourables. Une voie
romaine allant d'Autun à Entrains traverse ces ruines.
174 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
M. Baudoin ne croit pas que l'étude de cette ville gallo-
romaine ait été suffisante pour qu'on puisse se prononcer sur
son importance.
M. Gallois ne pense pas que St.-Révérien ait été une
cité gallo-romaine ; il croit plutôt qu'en ce lieu s'élevait une
villa comme celles que l'on découvre dans d'autres parties du
Nivernais : cette opinion n'est point admise par les personnes
qui ont visité ces ruines ; les nombreuses fondations qu'on
y découvre ne permettent pas de n'y voir qu'une simple
villa.
Comment expliquer les médailles grecques trouvées à
Entrains et aux environs au milieu des médailles romaines
et gallo-romaines , ainsi que les divinités orientales qu'on
y rencontre ?
M. l'abbé Crosnier dépose sur le bureau un assez grand
nombre d'empreintes en plâtre qu'il a relevées lui-même
dans le cabinet d'antiquités formé par M. Regnault, à Entrains;
on y reconnaît entr' autres, les empreintes des monnaies de
Syracuse, deThèbes , d'Athènes, un Ptolémée d'Egypte, un
Lysimaque successeur d'Alexandre , un sicle d'argent des
Hébreux , etc. , une statuette égyptienne trouvée dans un
tombeau, parfaitement semblable à celle qui a été trouvée à
Lormes , un cachet inédit d'un oculiste romain , le quarante-
troisième connu. Ce cachet présente la forme d'une tesserre
et avait été jusqu'à présent considéré comme tel par les
antiquaires; il porte sur les quatre côtés des inscriptions :
1 lterentpaterni
diatesser'm
2 lterentpaerni
MELINVM
3 LTERENPATEKM
DIAILIPIIDVM
Il LTERENPATERM!
DIASHVRNEN
XVIII*. SESSION. 175
Lucii tcrcntii paterhi diatcsserius
Collyre diatessaron de Lucius tcrcntius paternus
Collyre melinum de Lucius tcrcntius paternus
Collyre Dialcpidum de Lucius tcrcntius paternus
Collyre diasmyrnen de Lucius terentius paternus
Ce cachet a été expliqué en 1845 par le docteur Sichel,
après avoir été relevé par M. Adrien de Longpérier qui vou-
lait en faire l'acquisition pour le cabinet du roi. Un grand
nombre d'objets curieux se rencontrent encore dans le ca-
binet de M. Regnault , entr'autres des statuettes de divinités
orientales dont les dessins ont été reproduits dans Y Album du
Nivernais.
M. Gallois conteste l'authenticité des découvertes faites à
Entrains, il pense que la plupart des médailles et des sta-
tuettes orientales trouvées dans cette localité sont fausses,
ou du moins ont été apportées depuis peu par des mar-
chands pour être vendues aux antiquaires de l'endroit ; il
assure qu'il a été lui-même la dupe d'un de ces faussaires
numismates et qu'il sait que le même individu a parcouru le
déparlement faisant un grand nombre de dupes.
M. Robineau-Desvoidis partage l'avis de M. Gallois, et
certifie qu'à St.-Sauveur, localité peu éloignée d'Entrains,
l'individu dont parle M. Gallois a exercé le même com-
merce. M. Victor Petit fait remarquer qu'il faut toujours
beaucoup se défier des objets prétendus antiques qu'on pré-
sente , qu'il est des gens qui ont le talent de les mouler
parfaitement et qui les vendent ensuite comme originaux.
M. l'abbé Véé, curé d'Entrains, interrogé par M. le pré-
sident , répond qu'il est à sa connaissance qu'on a souvent
découvert à Entrains des statuettes en bronze et en cuivre
de l'époque gallo-romaine, ainsi que des médailles de la même
époque , qu'on lui a souvent présenté de ces médailles , mais
176 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
que jamais on n'est venu lui offrir d'objets grecs ou orien-
taux.
Monseigneur demande à M. Crosnier comment on pour-
rait expliquer que M. Regnault ait pu réunir tous ces objets
orientaux , tandis que M. le curé d'Entrains déclare qu'on ne
lui a jamais offert que des objets gallo-romains.
M. Crosnier répond qu'il n'en est pas étonné : on savait
dans le pays que M. Regnault faisait une collection , on s'a-
dressait donc d'abord a lui quand on faisait cpielque décou-
verte, il retenait les objets qui lui paraissaient dignes de
figurer dans son musée , et le plus souvent il refusait les mé-
dailles romaines , soit parce qu'il en avait déjà de semblables
dans son médailler, soit parce qu'elles étaient par trop frustes.
On ne présentait ces objets à M. le curé d'Entrains, qui ne
faisait point de collection , qu'après le refus formel de M.
Regnault d'en faire l'acquisition.
M. l'abbé Clément, curé de St.-Amand, soutient l'authen-
ticité des divers objets antiques trouvés à Entrains ; ce lieu ,
dit-il , était important à l'époque gallo-romaine ; dans les lé-
gions se trouvaient des soldats de Marseille, colonie grecque
qui aurait fort bien pu conserver et qui devait conserver des
relations avec la mère-patrie et porter avec eux des médailles
et des monnaies de leur pays primitif.
Quant aux divinités orientales, il serait tenté de croire
que leur origine dans ce pays se rattache aux dernières in-
vasions des Kimris, peuples indiens qui refoulèrent les Gaulois
dans le midi de la Gaule.
M. Crosnier demande la parole ; il déclare que sans vouloir
se prononcer sur les raisons alléguées par M. le Curé de St.-
Amand , et sur l'authenticité de tous les objets déposés à
Entrains , dans le cabinet de M. Regnault ; il croit cependant
qu'il ne faut pas établir en principe général comme ont semblé
le faire MM. Gallois et Robineau-Desvoidis , que ce cabinet
XVII r. SESSION. 177
ait été composé d'objets de contre-façon; il est certain qu'En-
trains était une localité importante, trois fois il en est fait men-
tion sur le marbre trouvé à Autun, le grand nombre de voies
romaines qui rayonnaient autour suffiraient pour constater
son importance , si on ne découvrait encore à chaque instant
soit dans son enceinte actuelle, soit dans les terrains voisins
de la ville , les fondations des anciennes habitations gallo-
romaines : j'ai pu, ajoute-t-il , plusieurs fois le vérifier par
moi-même.
Je ne veux pas examiner si les objets qu'à recueillis M.
Rcgnault ont tous le degré d'authenticité qu'on pourrait dé-
sirer , mais je dis que par cela môme qu'on ne peut pas se
rendre compte d'un fait, on n'est pas autorisé à le nier , on
peut suspendre son jugement à l'égard de certains objets ,
mais voilà tout. Au reste , plusieurs antiquaires instruits et
consciencieux ont visité la curieuse collection de M. Regnault ;
ils se sont bien gardé de considérer les objets qui font le sujet
de cette discussion comme contre-façon. En 18/45, M. Adrien
de Longpérier , de la bibliothèque royale , a fait le voyage du
Nivernais pour étudier, dit-il, la station romaine d'Entrains,
et il exprime au docteur Siebel la satisfaction qu'il a éprouvée
en visitant le cabinet de M. Regnault. Sa lettre est en entier
dans le mémoire que fit imprimer le docteur Sichel sur le
cachet d'oculiste dont j'ai déjà parlé.
Je crois donc, sans avoir la prétention de décider la ques-
tion et en supposant certaines les médailles et autres objets
grecs et égyptiens trouvés à Entrains, qu'il est possible d'ex-
pliquer leur présence dans cette localité.
Si nous parcourons l'histoire pour savoir ce qu'ont fait
ces vieux Gaulois, dont nous sommes les arrières-descendants,
nous sommes forcés de reconnaître en eux un besoin pres-
sant d'agir; ce sont des migrations continuelles et des combats
sans fin , soit pour fonder des colonies, soit pour augmenter
178 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
leur bien-être. Nous avons déjà parlé des différentes migra-
tions des Boïens. Tite-Live , Justin et d'autres auteurs nous
font l'éloge de leur bravoure. Us sortent de la Gaule comme un
torrent qui inonde l'Europe et l'Asie; nous pouvons les suivre en
Italie et en Grèce, en Egypte eldansl'Asie-Mineure, en Bithinie,
en Tbrace , en Ulyrie , en Phrygie , en Sicile et à Garthage ,
sur les bords du Danube et sur ceux du fleuve Halys ; nous
les voyons parcourir en vainqueurs la Macédoine, le Bospbore
et les côtes de l'Hellespont ; ici , ils prêtent le secours de leurs
armes à Eumène, roi de Pergame, et à Antigone , roi de
Macédoine; là , à Anthiocus le grand, roi de Syrie; à Pyrrhus,
roi d'Epire , à Persée , dernier roi des Macédoniens ; à Mi-
thridate, roi du Pont ; partout ce sont principalement les Geltes
qui paraissent en première ligne et surtout ces fiers Boïens
dont le nom a rempli l'univers. Justin dit formellement qu'ils
étaient répandus dans toute l'Asie , et que les rois leur
payaient tribut. Aucun , ajoute-t-il , ne se croyait capable
d'entreprendre une guerre, s'il n'avait dans son armée des
Gaulois pour la soutenir ; si leur couronne était chancelante,
c'était aux Gaulois à la raffermir; s'ils l'avaient perdue, ils ne
pouvaient la reconquérir que par leur secours. ( Lib. 25 ,
cap. 2.)
Quand ils étaient las des combats , ils rentraient dans leur
mère-patrie et étaient remplacés par de nouvelles recrues.
Ils rapportaient avec eux le prix de leur valeur et quelques
objets que le sort des armes avait fait tomber entre leurs
mains. Quand ces princes, qu'ils regardaient comme leurs
tributaires , ne les payaient pas assez largement , ils se dé-
dommageaient par le pillage.
Il me semble que ce simple coup-d'œil sur les mœurs
belliqueuses de nos ayeux peut nous faire comprendre com-
ment nous retrouvons maintenant dans certaines localités,
et principalement à Entrains , des objets d'origine orientale.
XVIII8. SESSION. 179
J'ai trouvé celte pensée , que j'avais conçue depuis long-
temps , confirmée par les savants auteurs des Annales de
philosophie. On lit dans le numéro du 3 mars I8/4O : « Les
« Eduens, comme la plupart des peuplades Galliques, se
« servaient sans doute avant l'arrivée des Romains de l'ai—
« phabetgrec; ils avaient pu l'apporter de l'Orient ou des
« colonies phéniciennes qui fondèrent à quelques lieues de
« Bibracte Alesia, surnommée l'Athènes des Gaules. Peut-
« être dans les fréquentes excursions qui conduisaient les
« Gaulois jusque dans la Grèce , l'avaient-ils recueilli avec
« ces milliers de médailles au type grec qui attestent leur
a brigandage. »
M. l'abbé Clément, curé-doyen de St.-Amand-en-Puysaie,
dépose sur le bureau un large bracelet en bronze , orné de
dessins géométriques d'un assez bon goût. Ce bracelet , trouvé
dans un tumulus auprès d'Alligny-sous-Cosne , est offert par
M. Armand-Frossard au musée archéologique de Nevcrs. M.
l'abbé Clément demande ensuite la parole pour entretenir
l'assemblée de fouilles faites a St.-Amand.
COMMUNICATION DE M. L'ABBÉ CLÉMENT.
La Puysaie, déjà explorée par de savants observateurs , ne
leur a pas révélé tout ce qu'elle renferme d'objets dignes
d'être mentionnés dans les Annales de la science archélogique.
Ainsi , St. -Amand , qui semble n'avoir attiré l'attention sé-
rieuse d'aucun d'eux , ou dont ils n'ont parlé que comme
d'une station propre à figurer dans l'itinéraire d'un touriste ,
St.-Amand possédait naguère un temple payen , un amphi-
théâtre et de plus un dolmen. De tout cela il n'existe plus
aujourd'hui sans doute de vestiges reconnaissables , mais il
n'y a que très-peu de temps qu'ils ont disparu.
L'existence du temple et du cirque est certaine. Le temple
180 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
était situé à l'extrémité sud de la ville , à gauche de la route
de St.-Amand à Entrains.
M. Delafont, propriétaire actuel de l'emplacement où se
trouvait ce monument, en découvrit la naissance des murs
il n'y a que quelques années. Il est regrettable que la néces-
sité l'ait forcé de les détruire complètement.
Cette construction , de forme circulaire , était à double en-
ceinte , et pouvait avoir dans œuvre 8m. de diamètre. La
deuxième enceinte n'était éloignée de la première que de 50
à 60e. , ce qui donnait l'espace nécessaire pour le passage
d'un homme.
C'est en observant cette disposition des murs que j'ai cru
devoir assigner à ce monument la destination désignée plus
haut. On sait que les temples payens affectaient , dans nos
contrées comme en Italie , des formes très-variées , et si
l'édifice dont je donne la description eût été simplement cir-
culaire et à une seule enceinte , il ne m'eût pas été possible
d'en conclure qu'il était consacré à l'usage dont j'ai parlé ;
mais la double enceinte me semble devoir lever tout doute à
cet égard. A part le plan circulaire, cet édifice avait été
élevé dans les mêmes conditions que le temple découvert dans
la ville gallo-romaine de St.-Révérien, temple dont j'ai vu
les ruines nouvellement mises à nu , il y a six ans.
La pierre employée pour les murs était la pierre ferrugi-
neuse du pays à laquelle on avait donné , autant que possible ,
la grandeur et la forme du petit appareil tel que j'ai pu en-
core l'observer à St. -Révérien.
Une autre découverte vient confirmer le sentiment émis
au sujet de l'origine et de la destination de cet édifice : ce
sont deux fragments de cratère , en pierre calcaire , tirés du
milieu même des décombres , et qui sont en ma possession.
On peut , au moyen de ces débris , reconstituer le vase en-
tier , et l'on voit qu'il a les proportions et la forme des autres
XVIIIe. SESSION. 181
vases de ce genre trouvés dans plusieurs localités du dépar-
tement très-certainement habitées par les Romains.
L'amphithéâtre , ou ce que je crois devoir appeler de ce
nom, était également circulaire et pouvait avoir 16'". de dia-
mètre ou A .S1", de circuit à l'intérieur. Un cirque de cette
étendue pourra peut-être paraître trop exigu, mais je prie
de remarquer que l'on voulait alors imiter au moins en petit
ce qui se faisait ailleurs en grand. Je fais observer en
deuxième lieu, que St.-Amand n'était éloigné d'Entrains que
d'un myriamètre et demi et placé sur la grande voie de cette
dernière ville à Genabum ou Orléans , voie dont les traces
sont encore très- visibles sur la pente de la colline où St.-
Amand est situé , et enfin que les environs offrent partout
des restes reconnaissables pour avoir appartenu à des villas
romaines.
Tel que je le décris , l'amphithéâtre avait une étendue
proportionnée au nombre des habitants que possédait alors
St.-Amand. Il a été observé au bas de la ville, dans les jar-
dins qui bordent la prairie; son enceinte n'était indiquée que
par trois ou quatre assises de pierres de forme irrégulière,
qu'on m'a dit être plus grosses que celles employées dans les
constructions établies au-dessus du sol.
Je ne sais si à l'époque à laquelle remontent ces deux
monuments il existait un système arrêté pour la position to-
pographique qu'ils devaient occuper, mais j'ai observé qu'à
St.-Révérien, comme à St.-Amand, le temple s'élevait sur un
monticule , et que l'amphithéâtre , dont les débris jonchent
encore le sol , était situé au pied de la colline sur laquelle la
villa était assise. Il en était de même à Autun et à Nîmes
comme il est facile de le constater.
Cette analogie m'a frappé.
Quant à l'autel druidique ou dolmen dont j'ai parlé , il
devait être dans l'emplacement où l'on voit aujourd'hui le
12
1S2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
village des Thas. J'ai été conduit à en supposer l'existence
dans cet endroit par le nom même du village , par la confi-
guration de l'éminence où il est situé et par la découverte
d'une hache celtique en silex très-bien conservée , trouvée
dans la plaine qui s'étend au-dessous du village.
La dénomination de Tkus , donnée à ce village , est évi-
demment d'origine celtique. Elle reproduit presqu'inlégra-
lement le mot Theut , nom d'une des divinités adorées chez
les Gaulois , et auxquelles un usage cruel faisait immoler des
victimes humaines (c'est le même que ïeutatès). Ue Theut
on aura fait Thus , ou plutôt il faut dire que ces deux appella-
tions sont identiques et se confondent très-probablement dans
la langue parlée de nos pères.
St.-Amand devait être alors, selon toute probabilité , un
établissement romain pour l'exploitation des mines de fer
dont le sol de la Fuysaie était si riche à cette époque. Cette
conjecture est d'autant plus rationnelle qu'il existe dans tous
les environs de nombreux et énormes amas de scorie , pro-
venant de la fonte du minerai de ce métal. Des médailles
romaines se rencontrent à chaque pas.
Je dois citer encore comme se rapportant à l'ère gallo-
romaine , les ruines des Pasquiers , entre St. -Amand et Dam-
pierre. Des fouilles ayant été faites dernièrement dans ce
lieu par le propriétaire pour en extraire les pierres , afin de
les faire servir à des constructions nouvelles, elles ont amené
la découverte d'une très-grande quantité de médailles frappées
à l'effigie des empereurs romains, de nombreux fragments
de briques à rebords, de vases antiques, de morceaux de
marbre de différentes couleurs , très-polis , et de diverses
formes , qui ont dû servir à composer des mosaïques , des
tronçons de colonnes, des chapiteaux, plusieurs styles, dont
l'un très-bien conservé est entre les mains de 31. Delafont ,
et l'autre appartient à M. Gillois , conseiller général du dé-
XVIIF. SESSION. 183
parlement. J'ai su de ce dernier , à mon départ pour le Con-
grès , qu'il a observé sur place une baignoire ayant la forme
d'une conque ; cette baignoire qui était solidement établie
dans un massif de maçonnerie avait les parois composées de
plaques de marbre engagées dans la maçonnerie même.
Enfui on trouve aux Pasquiers beaucoup d'autres objets
dont la figure ou la destination connue ne laissent aucun
doute sur l'origine de ces débris.
Il y avait là une villa construite avec un grand luxe.
Je dois ajouter que dans une des pièces du principal corps-
de-logis , et qui m'a semblé même être celle du milieu , des
ossements humains étaient entassés en désordre , mais de
manière cependant à laisser facilement reconnaître tous ceux
de ces ossements qui appartenaient à la même charpente.
La séance est levée ail heures. M. de Caumont prévient
l'assemblée qu'on se réunira à midi et 1/2 à la cathédrale
pour visiter en détail le monument.
Le Secrétaire-adjoint ,
G. DE SOULTRAIT.
Deuxième Séance du mercredi 11 juin.
Présidence de M. Petit de La Fosse, préfet de la Nièvre.
La séance est ouverte à 2 heures. Siégeaient au bureau
MM. de Caumont, de Fontenay , d'Autun, le général Petiet,
Chailloux des Barres, Devoucoux , Crosnier , Gaugain et
Quantin , secrétaire-adjoint.
M. de Fontenay, d'Autun, fait hommage au Congrès d'un ou-
vrage ayant pour titre : Des libertés de la Bourgogne d'après
les jetons de ses Etats, publication de la Société éduenne.
M. Bulliot est invité à donner lecture du mémoire qu'il
484 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
a préparé sur le mont Beuvray. Il présente l'histoire détaillée
de cette montagne renommée dans nos pays et dont l'étude
avait été jusqu'à présent si incomplète. L'époque celtique ,
les temps romains et les vestiges du moyen âge y sont des-
sinés avec vérité et poésie ; on reconnaît toutes les phases
successives par lesquelles le mont Beuvray a passé. Ce mémoire
que l'auteur fatigué n'a pu lire lui-même, a été commu-
niqué à l'assemblée par l'entremise de M. l'abbé Devoucoux ,
qui suspendait de temps à autre cette lecture déjà si intéres-
sante par elle-même pour y ajouter de judicieuses observations.
Des applaudissements unanimes ont prouvé à l'auteur et au
lecteur le plaisir indicible qu'ils avaient fait naître. Il serait
impossible de faire l'analyse de ce travail vraiment remar-
quable sous tous les rapports ; on nous saura gré de le re-
produire ici en entier.
MÉMOIRE DE M. BUEEIOT SUR EE MONT BEUVRAY.
De tous les points du sol éduen où les souvenirs celtiques
et romains ont laissé une empreinte , nul peut-être n'a plus
généralement fixé l'attention que le mont Beuvray. Situé aux
confins du Nivernais et de la Bourgogne , comme une limite
de séparation ou plutôt comme un terrain neutre où ces deux
provinces se tendent la main , il a , des deux côtés de son
horizon , fait souvent lever la tête aux antiquaires et aux
érudits. L'histoire, l'archéologie, la linguistique , lui ont
consacré leurs loisirs et leurs éludes; elles ont interrogé ses
terrassements gigantesques, ses substructions romaines, ses
voies brisées , ses étymologies inconnues , et rien n'a pu faire
sortir de la conjecture. Depuis la renaissance des recherches
scientifiques , on s'est attaché à ce monument mystérieux en
raison même des ombres qui l'enveloppent. Diodore de Sicile
et Strabon , mis à la torture , sont restés muets ; les opinions
xvnr. SESSION. 185
les plus hasardées ont été soutenues ; on est allé jusqu'à trans-
planter la Bibracie de César, Y Augustodwium d'Auguste,
de Constantin , de Julien , sur ce sommet désert. Après les
travaux du XVI'. et du XVIIe. siècle, la question est à peu
près aussi avancée qu'au jour où elle fut posée.
Ce résultat était inévitable. On n'a pas assez étudié les
antiquités du mont Beuvray avec le fil de l'histoire locale ,
et trop avec des systèmes. Toutes les époques ont planté sur
son sommet un jalon , rasé au niveau du sol, dépourvu de
signe caractéristique. Pour fixer aujourd'hui la date de ses
constructions du moyen âge, entées sur des débris romains
reposant eux-mêmes sur une fondation gauloise , il faudrait
des travaux de déblai qui effraient , un système de fouilles
qu'on ne peut espérer réaliser de si tôt. Ce lieu n'a pas
toujours été aussi dépeuplé qu'aujourd'hui; il a été habité
jusqu'au XVIIe. siècle, et les substructions parsemées à
son sommet et sur ses flancs réclament la défiance de
l'archéologue.
L'investigation de l'ère celtique et romaine de ce mont
sacré des Eduens semble donc ne devoir acquérir de certi-
tude que dans des limites bornées. Les textes sont nuls ; les
documents tirés du sol rares et incertains. Le moyen âge
seul pourra quelque jour être mis en lumière , lorsqu'un
assez grand nombre de matériaux auront été recueillis dans
les chartriers. C'est la rencontre de quelques-uns de ces
documents épars , de quelques dates échappées à l'oubli ,
qui nous fourniront le fonds principal des notes incomplètes
réunies dans ce faible travail.
En examinant attentivement le mont Beuvray , en inter-
rogeant ses traditions, les usages dont la pratique a persisté
depuis des époques reculées et inconnues, on arrivera facile-
ment à cette conclusion, la seule certaine, que trois époques,,
correspondant aux trois grandes phases de notre histoire , et
186 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
ayant conservé leur caractère distinctif, se sont successive-
ment arraché le privilège de marquer leur passage sur ce
plateau célèbre. En suivant les longues lignes du double ter-
rassement connu dans les titres du XVe. siècle , comme au-
jourd'hui , sous le nom de Fossés du Beuvraij, il n'est guère
possible de mettre en doute l'existence d'un de ces retran-
chements formidables , mais grossiers , dont nos ancêtres
couronnaient les cimes les plus élevées et les plus abruptes,
pour s'y retraire au premier danger. Ces énormes mouve-
ments de terrain, soutenus seulement à la base par une faible
muraille , indiquent suffisamment l'énergie d'une race neuve,
mais non l'intelligence d'un peuple civilisé. Il n'entre dans
leur composition que deux éléments : la matière et la force ,
et cette simplicité les a rendus éternels.
Le mont Beuvray , à cette époque , était véritablement la
clef de la cité d'Autun. Il commandait les voies dirigées sur
la Loire , et dominait , de ce côté , les issues du bassin de
l'Arroux. Devenu ainsi l'avant-poste de Bibracte, on s'explique
jusqu'à un certain point, l'erreur qui l'a fait quelquefois iden-
tifier avec cette dernière , et lui a attribué la qualification de
place-forte , Qpovoiov , dont Strabon se sert en son IVe. livre
pour désigner Bibracte.
Derrière ce rempart national, ce camp des tribus de la
vallée , s'abrite un culte en harmonie avec l'esprit de ces
peuples-enfants. Ce qui les frappe, c'est toujours la force,
dans la nature comme dans les hommes. Les hauts lieux, les
arbres , les rochers, les fontaines, tous les éléments apparents
du monde, tout ce qui étonne l'ignorance, tels sont les dieux
qui prennent vie dans leur imagination.
Si le druidisme cachait sous ces symboles une philosophie
de la nature, il avait frappé juste dans le choix de ses images.
Le sommet du mont Beuvray était marqué d'avance pour un
pareil culte. Tantôt voilé de toutes les brumes du Morvan ,
xvnr. SESSION. 187
qui s'y donnent rendez-vous , tantôt livrant à l'œil un espace
sans bornes, qui embrassait presque toute la confédération
t'ducnne, il devenait forcément le centre religieux de la cité.
De tous les points du territoire , la demeure des dieux pro-
tecteurs apparaissait dans sa puissante majesté ; elle résumait
l'unité des tribus. Le sanctuaire druidique était sorti complet
du sein de la nature , il ne fallait qu'en prendre possession.
Une végétation vigoureuse sème sur ses flancs les forets vé-
nérées. De tous côtés les sources coulent , des rochers élèvent
la tète , et c'est à ces témoins immobiles que nous avons de-
mandé l'histoire.
Immédiatement au-dessous du sommet s'allonge , sur un
contrefort de la montagne , avec laquelle il se confond , un
vaste plateau tourné au couchant. Dominant à pic la vallée
qui le sépare du hameau de Glux , il est couvert d'une lande
désignée dans les terriers du moyen âge , comme aujourd'hui ,
sous la dénomination significative de Finage de la Pierre }
Champ de la Pierre. Au bord extérieur de la lande s'élève
un bloc de rocher gris , haut d'environ 5m. et de 20ni. de
tour. Sa base a été évidemment déchaussée pour augmenter
la saillie ; il a été pour ainsi dire taillé dans la carrière (1).
Sur son sommet , une petite cavité contient de l'eau la plus
grande partie de l'année. Les bergers prétendent que c'est
une source , et si le fait était certain , cette circonstance eût
été une raison de plus de le consacrer au culte druidique. Ce
bloc porte dans le pays le nom bizarre de Pierre Salvée.
(1) Les pierres consacrées au culte druidique étaient généralement
des blocs purement naturels, façonnés quelquefois par un travail
grossier, quelquefois entièrement bruts. Des exemples multipliés et
des traditions certaines prouvent le culte d'un grand nombre de ces
pierres , autres que les dolmens , menbirs et monuments de ce genre.
Ou peut citer, dans le Morvan, les pierres des fées de Quarré-les-Tombes.
La question soumise au Congrès de Nevers a été résolue en ce sens.
188 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Pourrail-on y voir une altération , une réminiscence confuse
des pierres soulevées , pierres levées des Gaulois , quoique
celle dont il s'agit n'ait aucun rapport avec les menhirs?
A gauche et en face de ce rocher , sur le versant occi-
dental , par-delà une vallée profonde , parallèle au Champ
de la Pierre, un autre bloc se dresse, à &00m. du premier.
Il s'appelle , comme lui , Pierre Salvèe. Cette désignation
reçoit une sorte de justification. En faisant sauter quelques
quartiers intermédiaires dans le massif, ou peut-être par
une cause toute naturelle , une aiguille verticale d'environ
2m. de hauteur est restée détachée et présente toutes les ap-
parences d'une véritable pierre levée. A gauche , une vaste
et énorme table s'appuie encore sur une des parois du ro-
cher. Le support opposé ayant failli , elle a perdu son hori-
zontalité et fléchi vers le sol; elle présente l'aspect des mo-
numents connus sous le nom de demi-dolmen. Une cavité
remarquable existe au-dessous , et l'on s'assure facilement
que la partie comblée n'est remplie que de terrain d'alluvion.
Nous avons ramassé , sous ce dolmen à moitié renversé , un
fragment de vase grossier en terre noire. Pour nous , une
autre preuve nous convainc de la consécration de cette
pierre au culte des Druides. Une fontaine jaillissant un peu
plus haut dans la montagne porte le nom de St. -Pierre. Ce
misérable jeu de mot fera peut-être sourire , et pourtant ce
fut à de pareils rapprochements que le christianisme fut
obligé de s'humilier pour pénétrer dans les campagnes. Il fut
contraint de traiter le paganisme en enfant , de jouer avec
lui. Seulement , il éleva ces jeux de toute la hauteur de sa
doctrine et de sa morale. Il mit les saints à la place et même
dans les oratoires des dieux : saint Saturnin à la place de Sa-
turne , Sequanus à la place de la déesse Sequana ; mais c'était
la substitution des vertus aux vices, du spiritualisme à la
matière , du sacrifice à la sensualité ; c'était la résurrection
XVIIIe. SESSION. 189
de la dignité de l'homme. Ce fait fut général à partir du VIe.
siècle. Les églises, les cctla élevées sur l'emplacement de
monuments payées précédents , reçurent presque toujours le
vocable de saints dont le nom ou les actes fournissaient des
rapprochements avec le culte détrôné. On détourna ainsi les
habitudes payennes en faveur du christianisme. Dans ce siècle
même , saint Grégoire-le-Grand n'écrivait-il pas au moine
Augustin , occupé alors à la conversion des Bretons : « Con-
servez les temples payens qui peuvent servir aux usages
chrétiens. La foule, en voyant respecter ses temples, dépo-
sera son erreur, et, connaissant le vrai Dieu , viendra plus
familièrement se presser aux lieux où elle avait l'habitude
de se rendre. »
Sur les versants opposés à la fontaine St. -Pierre, d'autres
sources sacrées furent également l'objet d'un culte. Celle de
St. -Martin, avant l'époque où elle reçut le nom de l'évêque
de Tours , doit être signalée comme ayant joui du renom le
plus populaire et de la vénération la plus soutenue. Il suffit
de constater qu'aujourd'hui les paysans morvandeaux , du
pur Morvan , déposent encore mystérieusement sur ses bords
des œufs et des pièces de monnaie , pour perdre la fièvre.
Du reste , le culte des fontaines ou les superstitions qui s'y
rattachent , nous forceront de revenir sur ce sujet.
Après ces origines celtiques , le mont Beuvray sentit la
main de Rome. Elle s'établit dans les retranchements gaulois ,
et leur imprima son cachet militaire. Sou plateau , couronné
par ce beau camp dont les parapets de terre et les voies in-
destructibles surprennent encore le regard, donna l'hospita-
lité non seulement aux légions , mais aux dieux. Exilées loin
de la patrie sur ce sommet %lacé , elles y transportèrent les
fêtes qui leur rappelaient les printemps d'Italie. Le culte de
Flore , la déesse des fleurs , celui que leur pays célébrait par
des danses et des chants entachés de dissolution , réunit , à
190 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
la décadence du druidisme , ou simultanément avec lui , les
populations voisines (1). On sait que dans ces fêtes on ornait
de verdure , de fleurs et de banderolles la statue de la déesse.
Le mont Beuvray devint le théâtre de ces réunions licen-
cieuses. Elles s'acclimatèrent avec la facilité que rencontrent
toujours les doctrines qui flattent les passions, et leurs der-
nières traces n'ont point encore disparu. Les promeneurs
qui se rendent au Beuvray , le premier mercredi de mai ,
ignorent peut-être qu'ils continuent, après dix-huit siècles,
la célébration des jeux floraux marqués à cette époque dans
le calendrier antique. Mais en voyant les nourrices se laver
le sein dans la fontaine de St. -Martin , consacrée jadis à la
déesse qui donnait le lait; en voyant les Morvandeaux atta-
cher des banderolles , des jarretières de couleur , des fleurs à
la croix du saint qui a chassé cette déesse , ou déposer au
pied des baguettes de coudrier en ex-voto , ils peuvent être
certains que le souvenir des rits païens est resté. A défaut
d'histoire , le peuple , historien vivant des traditions , s'est
chargé de nous transmettre ces signes du passé. Dans la cam-
pagne de Naples , sous un ciel bien différent , les villageois
attachent en même temps que ceux du Beuvray les mêmes
ornements à leurs croix : le même culte a laissé les mêmes
traces.
Les établissements romains ne s'écartèrent pas sensiblement
hors du camp , sur le Beuvray. Toutefois , une grande quan-
tité de briques rouges , dispersées sur la montagne , donnent
quelques indices. Une villa avait précédé la construction du
petit couvent des Cordeliers , dont nous parlerons plus tard ,
comme l'oratoire de Flore dut précéder celui de saint Martin.
Dans ses substructions , on a trouvé , il y a quelques années ,
(1) Le culte de Flore n'existait pas seulement au Beuvray ; il élait
très-répandu à Autun et dans ses alentours.
XVIIIe. SESSION. 101
plusieurs amphores. Un champ , appelé la Cagnotte, semble
aussi avoir enfermé quelque édifice , à en juger par l'abon-
dance des fragments de briques qu'on y rencontre. La plus
grande partie des fondations en pierres parsemées dans la
montagne ne semblent pas romaines. On ne trouve dans
leurs alentours ni médailles , ni autres objets indiquant une
origine de cette époque. La grossièreté des constructions ac-
cuse encore moins la main de cette race qui bâtissait pour
l'éternité ; elle signale plus clairement la pauvreté des con-
structions rurales des trois derniers siècles. Des murs de
clôture, élevés de môme le long des voies , ne paraissent pas
d'une époque plus reculée.
Le druidisme et le polythéisme romain vécurent ainsi côte
à côte, avec leurs adeptes séparés ou réunis, durant les trois
premiers siècles de l'ère chrétienne. Au IVe. , apparaît un
nom qui opéra une révolution dans les campagnes , et parti-
culièrement dans le pays éduen : nous avons cité saint
Martin.
Saint Martin , telle est pour nous la date importante de
l'histoire du Beuvray , en même temps qu'elle constate l'exis-
tence du paganisme sur cette montagne. Partout où apparaît
le nom de saint Martin , à ces époques reculées , on peut
affirmer que le polythéisme eut un sanctuaire , et le christia-
nisme une lutte à soutenir. La multiplicité des lieux marqués
de ce nom caractéristique n'a rien qui doive étonner. On
connaît la prodigieuse activité , les courses continuelles de
l'infatigable apôtre qui semblait s'être imposé la tâche d'ex-
tirper l'idolâtrie des Gaules. Il parcourut leurs diverses pro-
vinces , la Touraine , les montagnes d'Auvergne, les plages
de l'Armorique , les forêts du pays Chartrain, étouffant dans
leur berceau les traditions druidiques , chassant de leurs
temples les divinités venues de Rome avec la conquête.
Son apostolat s'exerça surtout dans les campagnes , là où
192 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
les populations, moins sensibles aux vérités morales qu'aux
signes extérieurs , repoussaient avec plus de ténacité la pré-
dication. Le culte des arbres et des fontaines , tous ces sym-
boles pris dans la nature au sein de laquelle elles vivaient ,
furent autant d'obstacles contre lesquels il lutta avec son
énergie victorieuse.
Ce fut en 376 que, revenant de Trêves, saint Martin
visita Autun , du temps de l'évèque Simplicius qui se signala
comme lui contre le culte des idoles. Il évangélisa le pays
éduen , et parcourut les campagnes aux alentours d'Augusto-
dunum.
Dans ces courses , où son éloquence familière , la pau-
vreté de son vêtement , sa charité sans bornes , sa foi forte
jusqu'au miracle, le mettaient en communication directe avec
les pauvres et les simples , il allait , monté sur un âne , vêtu
d'une longue tunique et d'un manteau noir en tissu de poil ,
sans autres armes que la prédication et la prière.
Assisté de quelques moines, il annonçait la venue du Sau-
veur, la fin des expiations sanglantes, l'espérance d'une vie
immortelle , l'impuissance des dieux et de la nature sur les
destinées de l'homme. Il renversait les temples, les cella,
les statues, les arbres sacrés, érigeant à leur place une petite
église , une cellule , un oratoire. Ces oratoires , en souvenir
de son passage , lui furent généralement dédiés dans la suite.
Deux fois menacé dans nos contrées par les paysans ameutés,
il échappa deux fois miraculeusement à la mort. L'un de ces
lieux est connu : c'est celui où s'éleva , au VIe. siècle , l'ab-
baye de Saint-Martin d'Autun. Un oratoire, élevé par le saint,
y avait remplacé précédemment le dieu mythologique renversé
par lui.
Quant au second, on l'ignore, Sulpice Sévère ayant laissé
des détails peu précis. Observons seulement qu'un second
oratoire consacré à saint Martin se rencontre dans le pays
XVIIIe. SESSION. 193
éduon : celui du mont Beuvray. Los légendes locales éclaire-
ront L'histoire de son origne.
Les peuplades du Morvan , que saint Martin arracha aux
erreurs des cultes antiques , ont conservé l'impression vivace
de cet important souvenir ; on la retrouve encore , après
quinze siècles , dans leurs récits traditionnels. En gravissant
le Beuvray , du côté de la Roche-Millay , on rencontre un
rocher à pic , surplombant de quinze pieds sur la vallée. Le
villageois qui vous guide s'arrête avec respect : c'est la Roche
du pas de l'âne. Une empreinte creusée dans la pierre offre ,
en effet, l'image grossière du pied de cet animal. Saint Martin,
d'après le récit populaire, poursuivi par les païens, non loin
d'une de ces pierres consacrées au druidisme , dont il a
été question plus haut , fit franchir à son humble monture
une vallée profonde pour échapper au danger ; elle alla s'a-
battre sur la Roche du pas de l'âne , où le pied est resté
marqué (1). La vallée ainsi franchie a conservé un nom en
rapport avec cet événement : elle s'appelle encore la mauvaise
vallée, le Malvaux.
Sans donner trop de réalité à ces vagues , mais précieux
(1) Cette tradition, à travers les fables dont l'imagination du peuple
Ta entourée, mérite une sérieuse attention. Dans les autres lieux où
les saints et les héros ont laissé de pareilles traces, à Saint-Emiland,
près Autun, par exemple, il est toujours question du pas d'un cheval.
N'est-il pas étonnant de voir la tradition locale déroger à cette règle
générale pour conserver le souvenir de l'âne historique de saint Martin.
Elle confirme , en second lieu, d'une manière formelle, ce que l'étude
des documents contemporains de saint Martin autorise à supposer, c'est
que le Beuvray est ce lieu inconnu du pays éduen, dont parle Sulpice
Sévère, où saint Martin faillit être victime de son zèle et de la fureur
des païens. ■
La popularilé de saint Martin dans ces contrées a conservé une
preuve vivante aujourd'hui : un grand nombre de familles portent son
nom , aux alentours du Beuvray.
19Û CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
échos d'un autre âge, l'examen seul du temps et du lieu
autoriserait suffisamment à mettre hors de doute le voyage
de saint Martin au Beuvray.
Il nous a semblé peu probable que cet apôtre, évangélisant
les environs d'Autun , n'ait pas été attiré au mont Beuvray.
L'importance des réunions populaires qui affluaient à son
sommet, les superstitions séculaires dont il était le siège,
les fontaines sacrées où les tribus voisines venaient chercher
la santé, les fêtes païennes qu'on y célébrait à l'époque des
jeux floraux , le signalèrent nécessairement à son zèle , comme
le centre le mieux assis du polythéisme et du druidisme dans
le Morvan. Il soutint là ses luttes habituelles, et son nom est
resté deux fois inscrit sur la montagne. Ce n'est point par un
jeu du hasard que la source antique et l'oratoire qui la do-
minait ont conservé un double souvenir. La même main qui
effaçait l'idolâtrie élevait l'autel chrétien , et ces deux carac-
tères, exprimés si textuellement dans les écrits contemporains
du grand évêque, reçurent là une nouvelle confirmation. La
source d'où fuyait la divinité païenne et le temple où descen-
dait le Christ ont gardé , sur le champ de bataille , le nom
du vainqueur.
La haute antiquité de l'oratoire de St. -Martin de Beuvray
acquiert un nouveau degré de certitude lorsqu'on le voit
placé, dès l'origine, sous le patronage de l'abbaye de St.-
Symphorien d'Autun , fondation monastique du Ve. siècle.
Ce monastère , entretenu jusqu'au VIP. siècle sur les fonds
communs de l'église cathédrale , reçut alors de l'évêque
Ansbert une dotation particulière. Les terres qui lui furent
attribuées remontaient généralement , par leur origine , jus-
qu'aux temples païens , dont elles avaient été distraites à la
chute du paganisme pour passer aux églises qui leur avaient
succédé.
La partie importante du mont Beuvray, sur laquelle St.-
xvnr. SESSION. 195
Symphoricn avait des droits nombreux , se composait spécia-
lement du plateau (1) où s'étaient autrefois tenues les fêtes
païennes. Les flancs de la montagne appartenaient aux sei-
gneurs de la Rochc-Millay et aux bonnes gens d'autour le
pays, d'après le langage des anciennes chartes. L'antiquité
de cette possession de l'abbaye Autunoise est telle, qu'on ne
lui trouve d'autre origine que celle du fait ; elle ne figure
dans aucune donation. Le culte de saint Martin y fut en hon-
neur dès son origine , et le missel du VIP. siècle , du mo-
nastère, l'appelle le père des moines de St.-Symplwrien.
La destruction de presque tous les titres écrits , antérieurs
au XIe. siècle, nous a sans doute privés de documents pré-
cieux sur la chapelle du mont Beuvray. Mais aussitôt que les
chartes reparaissent, elles la signalent comme l'objet de
l'hommage du peuple et de la féodalilé, et parfois aussi de la
convoitise de cette dernière. En retrouvant , plus tard , quel-
ques-unes des dîmes de l'oratoire de St. -Martin , perçues par
moitié avec les sires de la Roche-Millay , on ne peut guère
se dissimuler que cette portion n'eût été acquise au moyen
de ïavouerie qui, sous prétexte de donner un défenseur
à une église , lui donnait en réalité pour protecteur un
larron.
D'autres seigneurs se montrèrent plus favorables. Dans
le Nivernais et la Bourgogne , plusieurs , pour le remède de
leur âme, lèguent leur offrande à la chapelle de Buvrait,
comme on disait alors ; elle figure dans les testaments im-
portants.
(1) Les bois appartenant à la chapelle St.-Martin sont situés entre
les fossés de Beuvray et terrautts anciens. Ces biens tiennent d'une
part à ceux de M. de la Roche de Millay, et de l'autre à ceux des
bonnes gens d'autour le pays. Les fossés, terraults d'entre deux sont
et appartiennent à St.-Syniphorien.
(Terrier du XVe. siècle. )
196 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
En 1233, Jean, abbé de Belvaux, recevait l'hospitalité au
château de Glenne , situé sur une vallée qui le sépare de
Beuvray. Alix , châtelaine du lieu , mère de Eudes , seigneur
de Châtillon , désigne dans une charte les aumônes qu'elle
veut répandre à sa mort sur les églises des deux provinces
voisines : elle lègue à l'église de Buvrait 2 1., et prie l'abbé
de Belvaux de confirmer cette charte de son scel.
Après la prise de possession du Beuvray par le christia-
nisme, il fallut épurer l'esprit des fêtes du mois de mai.
L'oratoire de saint Martin devint le but d'un pèlerinage fré-
quenté , où l'on se rendait en foule , non seulement au mois
de mai, mais encore aux deux fêtes de saint Martin (1).
Les nombreuses offrandes qu'y déposaient les fidèles formaient
son principal revenu.
Ces réunions attiraient une foule extraordinaire. Elles
semblent avoir eu , dès l'origine , un caractère politique à
côté de leur caractère religieux. Placées à cette époque de
l'année où , s'ouvrant la saison de l'activité , les hommes ont
besoin de se concerter , l'importance qu'elles occupent dans
les chartes les représente assez semblables aux mallum des
Franks, aux plaids des Karlovingiens. Si tant de documents
n'avaient disparu des archives de la Nièvre , nous devrions
trouver au Beuvray le centre de réunion de la féodalité et des
peuplades du Morvan et du Nivernais , le champ de mai des
comtes de Nevers, des sires de Châtillon , de Glenne , de la
Roche-Millay ; toute une aristocratie batailleuse , ennemie
d'Autun et de son église, dont les droits lui pesaient; les
seigneurs de Glenne , impatients de sentir la moitié de leur
châtellenie dans le fief de l'évèque , et cherchant à étendre à
ses dépens leurs domaines, composés déjà en partie de ce
qu'ils avaient enlevé à l'abbaye de St.-Symphorien, lorsqu'ils
(1) Terrier du Beuvray.
XVIII'. SESSION. 197
étaient ses avoués (1) ; Jean de la Roche-Millay , sire de Chà-
tillon , organisant, en 1 2 ."> 3 (2) , l'audacieux coup de main
dans lequel il força le château d'Autun cum armis et equita-
turis, pour enlever à la justice ecclésiastique Guy de la Per-
rière, damoiseau, et d'autres seigneurs de ses amis (3).
Quelques aimées avant , en 1239 , Guy II , comte de Nevers,
terminait, avec Girard, évêque d'Autun, leurs différents
sur la cbâtellenie de Glenne ; il est dit qu'on ne pourra
rien se redemander pour raison de blessures , infractions,
incendies de villes et de maisons faites de part et d'autre.
Il se tenait alors deux assemblées par an au mont Beuvray.
On les trouve mentionnées encore dans les titres du XVe.
siècle. L'époque de la seconde nous est inconnue ; il est pro-
bable, toutefois, qu'elle avait lieu vers septembre , a l'époque
du plaid d'automne (h), de mêmequ'Autun avait au printemps
la sienne , appelée la descente de Beuvray. La réunion de
septembre dut perdre en raison de sa proximité avec la St.-
Ladre d'/Vutun , qui entraînait alors la Bourgogne et le Ni-
vernais. Celle de mai , mieux placée et mieux enracinée ,
persista sans concurrence, et l'on peut juger de son importance
en la trouvant sur la même ligne que la St. -Ladre. On prenait
terme pour acquitter les redevances à ces deux époques. En
1361, Jean Bruley, abbé de St. -Martin d'Autun, fondant
une messe quotidienne à la ebapeile de la Vierge, dans son
(1) Ponce de Glenne, avoué de St.-Sympkorien, en 1077; Gauthier,
en 1232.
(2) La sentence de Jean de la Roche fut rendue environ un mois
après la foire de Beuvray. 11 suivit pieds nus, en chemise, un cierge
à la main, une procession exp'atoire, à Autun , à Chàlons et à Nevers.
(3) L'esprit de cette féodalité ne s'affaiblit point chez ses descendants.
Le l'r. septembre 1561, Philippe de Vichy, seigneur du Jeu, au pied
du Beuvray, ayant rencontré à Autun deux sergents du chapitre qui
emmenaient un prisonnier, les contraignit à le relâcher.
(à) Nous avons appris depuis qu'elle se tenait en juillet.
13
198 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
abbaye , déclare que les revenus attachés à cette fondation se
paieront moitié à la St. -Ladre, moitié a la foire suivante de
Beuvray, ad nundinas Biffracti (1). Douze ans plus tard,
un autre abbé du même lieu , Alexandre , cède à ses moines
les terres de Sermiselles et de Girolles, près Avallon,
moyennant certaines redevances payables à la St. -Ladre et aux
foires de Beuvray. En iWSk , un tenancier de la chapelle St.-
Martin s'engage à payer « aux foires de Beuvray, chacun
an , sous peine d'être traduit en la cour de M. le Duc , no-
nobstant sentence a" ' excommuniement. »
Cet usage durait encore au XVIe. siècle. En 1561, plu-
sieurs habitants de Verrière-sous-Glenne, débiteurs d'une
somme de 140 livres envers le chapitre d'Àutun, paient en
trois années et en trois termes , dont le premier à la St. -
Ladre, le second à la foire de la descente de Beuvray à Autun,
et le troisième à la foire même de Beuvray.
Avec la fin de l'indépendance féodale , la réunion du mois
de mai baissa peu à peu aux proportions d'un rendez-vous
d'affaires et de plaisir. Un terrier curieux , relatif aux rede-
vances , dîmes , censés , etc. , de la chapelle de M. saint
Martin, en l'haut de Beuvray, dressé par ordre du cardinal
Rolin, évêque d'Autun et prieur de St. -Symphorien , nous
a conservé quelques détails sur cette foire en 1454 (2).
(1) Des chartes de la même époque écrivent Biffrati.
(2) On lit dans ce terrier : a Les hommes, laboureurs et autres
parochiens de St.-Pierre de la Roche-Milay, qui vont labourer hors de
ladite paroiche, quelque part qu'ils aillent labourer hors d'icelle, St.-
Symphorien, ou ceux qui admodient le disme doivent aller prendre
le disme.
« A St.-Gengoul , au hameau de Velle, la chapelle a moitié du disme.
Un quart appartient au prieur de Vanoise, l'autre au prieur de Mar-
cigny, excepté au terrage de Pierre de la Bussière, où St. -Symphorien
ne prend rens. A Champrobert, à Mesle, à Périgny, paroisse d'Issy-
XVIII*. SESSION. 199
La montagne renfermait alors un certain nombre d'habi-
tations ; un cimetière s'étendait autour de la chapelle. Vers
les Gaignonnes , un des lieux où l'on doit supposer l'existence
d'un établissement romain , une maison appartenant à saint
S\ mphorien , et connue sous le nom de Maison de Beuvray,
servait de retraite au moine chargé de la chapelle. Plusieurs
chaumières de cultivateurs sont désignées sur différente points,
et différentes terres en culture chargées de dîmes. Des Loges
permanentes ou mobiles recevaient les principaux marchands;
des tentes se dressaient sur le cimetière, où l'on ven-
dait du vin ; des étaux pour toutes sortes de marchandises
couvraient le sommet; d'autres marchands campaient en plein
air. On y voyait figurer , outre la draperie , occupant la grande
loge, les instruments d'agriculture nécessaires à une exploi-
tation peu compliquée ; du fer en euvre grosse et en ouvre
factisse, des barillets pour la boisson, des pelles de bois, des
congles (jougs) de bœufs, des cordes; les objets de consom-
mation journalière; les ustensiles indispensables à une vie
presque sans besoins , du sel menu et du sel en pain , des
aulx, la mercerie, la poterie, tous les articles des feroillons ,
des paesliers , des frnetiers , des sauniers , des verriers , des
tepiniers (1) et des vandeurs de vin en bon nombre (2).
l'Evêque, àMagny, à la Boutrille, à la Planche, à Pierrefitte, à la
Chèze, etc. , à la Montague des châteaulx , en venant de Tkoulon à la
Roche , au Champ de la pierre ou Champ au sire , commune de Poil,
la chapelle de St. -Martin de Beuvray lève des dismes entières ou con-
jointes. »
(1) Potiers de terre.
(2) Rentes et redebvances qui se quittent et se reçoivent à cause de
la chapelle de M. saint Martin de Beuvray, le jour que les foires se
tiennent en haut dudit Beuvray.
Les offrandes, baise-main, oblacions qui sont et adviennent au long
de l'an tant es jours des deux foires comme es deux festes de saint
200 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Tous ces marchands payaient un droit à la chapelle de
M. saint Martin : la grande loge de la draperie payait cinq
sols à chaque foire; les paesliers ( marchands de pelles) en
estau, trois sols, et for estau 18 deniers; chacun feroillon
(forgeron) pour euvre grosse , 15 deniers ; pour euvre fac-
tisse, h , ainsi que les marchands de congtes à bœufs ; les
sauniers, 7 deniers; les vandeurs de vin, 2 deniers. Ceux
qui vendaient les barillets, devaient un barillet ou un denier;
les verriers , un verre ; les tepiniers ( potiers de terre ) , un
tepin le plus grant emprès le premier grant ; aussi ne sera-
t-on pas étonné de voir tous ces revenus s'élever par an à
deux ou trois francs.
Avant de courir aux affaires , la foule allait prier à l'oratoire
de saint Martin. Aussi les oblacions, offrandes et baisse-main
s'élevaient-ils par an à 1 5 liv. , cinq ou six fois plus que tous
les droits levés sur la foire.
Martin, sont et appartiennent seulement au prieur dudit St.-Sympho-
rien, qui peuvent bien valoir de an pour autre de 12 à 15 fr. , comme
l'ont relaté et affermé.... qui ont esté fermiers et admodiateurs de
ladite chapelle de St. -Martin de l'haut de Beuvray, et mesmement
Girart Boulard, demeurant à Lachenal, lequel passé a et sont XII ans
amodiés les baise-main, offrandes et oblacions chascun an la somme de
12 fr.
La grande loge de la draperie doit cinq sols toutes fois que la foire
se tient et que les drapiers y mettent leurs marchandises.
Item, chacun paeslier (marchand de pelles) logé en estau, doit 3
soubz pour chacune foire qu'ils viennent mettre leurs marchandises.
Item , chascun paeslier logé for estau doit 18 deniers pour chascune
foire de Beuvray.
Item , chacun paeslier laissant lesdits estaux et s'y loge de for, doit
3 soubs pour chacune foire qu'il vient au Beuvray.
Item, chacun feroillon qui vaut euvre grosse doit 15 deniers à cha-
cune foire dudit Beuvray qu'il vient mettre avant pour vandre ladite
euvre grosse.
XYII1*. SESSION. 201
Une seconde fondation religieuse arrêtait encore les fidèles
au Bcuvray. C'était la maison des Cordeliers , le couvent de
Bibracte, nom sous lequel le désigne un historien de l'ordre
de saint François (1). « Le vulgaire, dit-il, tient, par je ne
sais quelle tradition , que Bibracte estoil en la montagne de
Beuvray. Encore y a-t-il de nos pères qui sont de celle opi-
Item , chacun feroillon qui vant euvre factisse doit 4 deniers.
Item , ceux qui vendent congles à neufs (conjugla, Gloss. français) ,
doivent un denier pareillement à chascune desdites foires pour tout ce
qu'ils peuvent vandre.
Item, chacun saulnier qui vant sel menu doit 6 deniers, et avec ce
il doit une denrée de sel ; ainsi doit à chascune desdites foires 7 deniers.
Item, chascun saulnier qui vaut sel blanc en pain doibt 12 deniers.
Item, doibt chacun mercier logié en ladite foire il deniers, et à
chacune d'icelles foires k deniers.
Item, doibt chacun mercier qui vant fors de loge, un denier.
Item , doit chacune loge en laquelle on vant du vin, 2 deniers.
Es loges qui sont au cimetière es quelles on vant vin , ne prend rens
le seigneur de la Roche ; mais St.-Symphorien y prend et doit avoir sur
chacune loge k deniers, toutes fois qu'on y vand vin.
Item, chacun cordier doit ung denier pour chacune fois qu'il vient
auxdites foires.
Item , chacun pennetier doit ung denier qui vant pain.
Item , ceux qui vandent barillets doivent ung barillet ou ung denier.
Item , chacun verrier qui vant verres doit ung verre toutes fois qu'il
vient vendre es dites foires.
Item, chacun tépinier (potier) doit ung tepin le plus grant einprès
le premier grant.
Item , chacun fructier doit 2 deniers ou deux denrées de fruict.
Item , chacun qui vant aulx doit 2 deniers ou deux denrées d'aulx.
Lesquelles droictures et redevances devant escriptes peuvent bien
valoir chacun an, aux deux foires dudit Beuvray, comme l'ont certifié
à leur advis discrette personne messire Jehan de Roy, curé de Brion,
Guenin le clerc d'Autevaul, et autres qui ont reçeu lesdites droitures
par plusieurs années, de 2 à 3 francs.
(1) Fodéré, Histoire de l'Ordre de Saint-François , p. 434.
202 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
nion , et de mon jeune âge , je l'ay ainsi ouy dire à nos an-
ciens religieux ; et je crois qu'ils prennent leur fondement
sur ce que, devant les premiers troubles de 1562, nous
avions un couvent en cette montagne , nommé en latin Bi-
bracte , et c'est encore ainsi escrit dans le livre de la Pro-
vince ; mais ce n'est qu'une simple opinion favorisée seule-
ment par le vulgaire. »
Ce monastère, le plus jeune établissement du mont Beu-
vray , n'est guère mieux connu que ceux des druides. Les
moines l'avaient élevé sur les débris d'une habitation romaine ,
fixés là sans doute par la facilité avec laquelle ils trouvèrent
dans les ruines les matériaux de leur construction. Du sein
de leurs humbles cultures, où la fertilité est restée après eux,
ils apercevaient les restes des grandeurs déchues d'Autun :
cette plaine historique sillonnée par toutes les races du monde
romain ; ce paysage empreint de la tristesse du passé. Assis
eux-mêmes sur quelques pierres remuées jadis pour les
jouissances d'une société étouffée par le sensualisme , l'ho-
rizon ouvert devant eux était un enseignement de toutes les
heures, un champ suffisant de méditations. L'obscurité qu'ils
cherchèrent dans cette solitude ne les a point trompés ; le
nom d'aucun d'entre eux n'est arrivé jusqu'à nous. On montre ,
au milieu des ronces, les traces de leur monastère entouré
d'un étroit jardin; une lande, située sur le versant méri-
dional , conserve le nom de Pâture du Couvent.
Quelques dates isolées, quelques rapprochements histo-
riques permettent seuls de constater de loin en loin son
existence. Sans avoir rien de précis sur les fondateurs du
couvent de Beuvray, que l'historien de l'ordre semble n'avoir
pas mieux connus que nous, on est porté à croire qu'il fut
érigé par les seigneurs de la Roche-Millay , dans le courant
du XIVe. siècle au plus tard. On lit dans un terrier contem-
porain : « Le seigneur de la Roche de Millay , et madame
XVIIIe. SESSION. 203
sa femme, et leurs hoirs, par certain accord fait entre lesdits
seigneurs et feu messire Jehan EsperOD , juieur de Saint-
Symphorien, en 1432, paient chaque année à Saint-Sympho-
rien ung franc , et ce , à cause de la chapelle des cordeliers
de Beuvray. »
Il n'était pas rare de voir la nohlesse féodale élever ainsi
de petits couvents de cet ordre , témoins , dans nos contrées ,
les sires de Chastellux qui avaient érigé celui de La Cordelle,
à mi-côte de Vézelay. Les fondateurs élisaient ordinairement
leur sépulture dans la chapelle. La pauvreté des frères de
Saint-François leur valut cette faveur; elle les mit à l'abri
des convoitises aristocratiques qui , durant tout le moyen-
âge , attirèrent de si cruelles tribulations à l'ordre de Saint-
Benoît.
Les frères du mont Beuvray avaient d'autres revenus. On
trouve dans les papiers du cardinal Rolin , aux archives de
l'évêché d'Autun : « Qu'en IkkS , les frères mineurs du
couvent de Beuvray firent la quête à Ostun ; le cardinal Rolin
leur donna ung franc. »
Ailleurs : « Le 19 juillet 1567, messieurs les chanoines
de l'église d'Autun ont octroyé par aulmosnes aux religieux
et gardien du couvent de Beuvray, pour et afin de plus soi-
gneusement vacquer à l'estude des lettres sainctes et oraisons,
ung ponson de vin d'anniversaire et deux sextiers seigle, man-
dant à leurs commis es caves et contrerolleur es greniers , à
chascun d'eux à leur endroict , leur délibérer lesdits ponson
de vin et sextiers de graine. »
Cette trace est la dernière qui signale l'existence du cou-
vent. Toutefois, le passage de Fodéré cité plus haut, où
l'auteur laisse entrevoir que cette maison n'existait plus en
1562, ne doit pas être suivi à la lettre, puisqu'on voit les
moines faire la quête à Autun en 1567. Elle dut subsister
jusqu'en 1570.
21M CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
A celte époque , les protestants de Vézelay firent des incur-
sions jusqu'à Saint-Prix et dans le territoire d'Autun. Les
moines du Beuvray , connaissant le sort qui les attendait ,
durent abandonner leur monastère.
Après les guerres de religion , ils semblent avoir fait un
effort pour ressusciter leur monastère : à la faveur de l'ad-
ministration vigoureuse de Richelieu , ils essayèrent de re-
lever l'établissement. Une cloche, conservée aujourd'hui dans
l'église de Poil , a perpétué la date de cette tentative ; on lit
sur son pourtour : « Jean Gaudar a fondé cette cloche du
couvent de Bocvvret. 1632. » Une autre cloche sans inscrip-
tion , placée dans la même église , passe pour avoir la même
origine. L'essai resta sans résultat durable.
L'oratoire de Saint-Martin subit le même sort et le dut
aux mêmes causes. A la fin du XVIe. siècle, il menaçait
ruine. Les populations, habituées à s'y agenouiller , le voyaient
avec tristesse à la veille de disparaître; leurs murmures trou-
vèrent un écho.
En 160ft, le procureur du roi de Saint-Fierre-le-Moutier
réclama de Saint-Symphorien la reconstruction de la cha-
pelle de Beuvray , pendant que celui d'Autun en saisissait
les revenus pour les décimes. L'argent resta sans doute entre
ses mains , et rien ne fut reconstruit. Le XVIIe. siècle
s'écoula.
Vers 1725, Bénigne Germain, théologal de la cathédrale
d'Autun , occupé alors de ses recherches historiques , visita
la montagne ; il a laissé ces lignes manuscrites : « La maison
des Cordeliers de Beuvray est à présent toute ruinée du côté
du nord. On voit encore quelques ruines d'une douzaine
de maisons de paysans , et celles d'une petite chapelle de
Saint-Martin. » Seul débris de cette chapelle, une statuette
du saint, qui y figurait autrefois, s'est conservée dans le
pays. Un vieillard aveugle , assis au pied de la croix , le
XV III". SESSION. 205
premier mercredi de mai , la présente a la vénération des
fidèles agenouillés, et reçoit en échange des œufs et des pièces
de monnaie, souvenir des anciennes ablations.
Ainsi disparurent du mont Bcuvray les monuments chré-
tiens, dont l'un rappelait le souvenir de l'apôtre le plus po-
pulaire des Gaules. Ce qui reste aujourd'hui ne mérite pas
même le nom de ruine. Debout sur l'emplacement de l'an-
tique oratoire , la croix de Saint-Martin vient de céder aussi
à la pluie et aux vents. Elle est à terre depuis quelques
années , suivie dans sans chute des mêmes hommages qu'au-
trefois. En voyant ce dernier jalon près de disparaître , on se
demande quelle main aura l'honneur d'entretenir l'histoire
sur ce plateau où elle date de trois mille ans.
Ce rôle, messieurs, appartient à la Société française. Elle
relèvera , sur ce tombeau du druidisme et du polythéisme ,
le seul symbole qui ait le droit de défier le temps et les ré-
volutions.
M. Victor Petit frappé des faits signalés par M. Bulliot
au sujet des voies romaines du Mont-Beuvray , lui demande
quelques éclaircissements sur cette partie de son travail.
M. Bulliot répond qu'il n'a pas rencontré de traces de
voies romaines sur le sommet , mais seulement à la base
de la montagne , et que des chemins transversaux formaient
' embranchement pour conduire au sommet.
M. Devoucoux signale l'orthographe du mot mons Bif-
fractus. Il y voit une dernière trace du nom donné par les
Gaulois à l'antique capitale des Eduens; il regarde le Beuvray
comme le lieu élevé et fortifié qui devait au besoin protéger
Bibracte et servir de refuge à ses habitants. En terminant
ses observations , M. Devoucoux exprime le regret de n'avoir
pu amener au Congrès M. Laureau de Thory retenu par
ses occupations ; l'honorable président de la Société éduenne
206 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
a fait de sérieuses études sur le Bcuvray , il aurait pu
donner au Congrès des renseignements utiles et précis.
M. Victor Petit ajoute qu'il serait important que les travaux
qui seront faits en ce genre dans le département delà Nièvre,
pussent par leur exactitude et leurs détails bien circonstanciés
servir de base aux ouvrages généraux qui se préparent au
sein de la capitale.
M. Quantin rend compte des résultats des fouilles faites
par ordre de la Société française sur le plateau de Chora ,
PLAN DE L'ENCEINTE FORTIFIÉE DE CHORA.
au-dessus de St. -More , non loin de la voie romaine d'Autun
à Boulogne , dans la partie entre Avallon et Auxerre. Il con-
state que sur ce plateau M. Baudouin a découvert la muraille
XVIIIe. SESSION.
qui en défendait l'unique accès du côté du nord-ouest
autres parties étaient protégées par la rivière ou par
pentes abruptes.
207
; les
des
La muraille dont on vient de parler est flanquée de demi-
tours de distance en distance , et présente le petit appareil
208 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
rustique comme dans une construction faite à la hâte. On y
remarque un cordon de pierres inclinées qui rappelle le mode
-t I M. »
APPAREIL EXTÉRIEUR. PLAN d'u\E DES TOURS DE LA MURAILLE.
romain. Des débris , en petite quantité , de tuiles , de poterie
de terre noirâtre et des caneaux de fer , ont été recueillis sur
divers points aux alentours de la muraille. M. Victor Petit ne
pense pas que cette construction puisse être reportée à l'épo-
que gallo-romaine; selon lui, ces murailles de Chora parais-
sent avoir été élevées à la hâte dans un moment de guerre ; il fait
remonter leur construction du VIIIe. au X\ siècle. Il ajoute
que les objets des temps antérieurs qu'on y rencontre ne
prouvent rien pour l'antiquité de ce camp. Ils prouveraient
seulement qu'on aurait adopté pour ces travaux une position
déjà préparée par des travaux antérieurs et qu'on aurait em-
ployé les débris de constructions préexistantes.
M. Baudoin défend son opinion sur l'antiquité des murs de
Chora.
M. de Caumont fait remarquer qu'en général il ne faut pas
toujours attacher une grande importance à la qualité du ciment
romain , que cette qualité varie selon les matériaux qui entrent
dans leur confection et qui ne sont pas les mêmes partout. Il a
vu à Corseult, en Bretagne, des murs très-négligés et pourtant
incontestablement romains : ailleurs il a trouvé des murs
romains maçonnés en terre au lieu de chaux , et même quel-
quefois des murs en pierres sèches.
M. l'abbé Crosnier , s'appuyant sur les aperçus présentés par
M. Quantin et sur l'époque indiquée du VHP. au Xe. siècle,
XYIIle. SESSION. 209
à laquelle il fixe la construction des murailles de Clwra, de-
mande si on ne pourrait pas attribuer ces fortifications au
temps de l'invasion des Sarrazius ou des Normands. On sait ,
dit-il , que les Sarrazius , après avoir ravagé Autun , se ré-
pandirent dans le Nivernais qu'ils couvrirent de ruines sur
plusieurs points; on sait aussi que les Normands, au com-
mencement du Xe. siècle, après avoir remonté la Loire, se
répandirent dans l'Auxerrois et ravagèrent le Donziais ; saint
Gérau, évêque d'Auxerre, qui ne se contentait pas de porter
la pacifique houlette du pasteur , mais qui , au besoin , ne
craignait pas de prendre l'épée pour protéger son peuple, les
avait déjà battus sous les murs de Chartres; il leur fit encore
subir un cruel échec au pied de ceux d'Auxerre , et trouvant
que Richard-le-.ïusticier ne montrait pas assez de vigueur, il
le devança et les atteignit de nouveau proche Cessy-les-Cois
dont ils venaient de piller le monastère. Une nouvelle dé-
faite les engagea à ne plus s'exposer aux coups de ce prélat ;
ils quittèrent ce pays pour n'y plus reparaître. Dans ces
guerres, les habitants de Clwra, effrayés à l'approche des
barbares , ont pu s'établir dans un lieu déjà fortifié par sa
position et y former les murailles que M. Quantin déclare
avoir été construites à la hâte.
Cette observation frappe le Congrès qui recommande de
diriger les recherches historiques à faire sur Clwra dans la
voie qui vient d'être indiquée.
M. Lallier insiste pour que de nouvelles fouilles y soient
faites afin d'aider à déterminer , s'il est possible , l'époque
précise de la construction de ce camp. Il serait à désirer,
ajoute-t-il, qu'on étudiât sous le même point de vue les diffé-
rents camps anciens qu'on rencontre dans les diverses con-
trées de la France.
La matière étant épuisée et personne ne demandant plus
la parole, on passe à la question suivante.
210 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
A quelle époque remontent les églises les plus anciennes
connues dans le Nivernais ?
Avant qu'on ne traite cette question , M. Berry, conseiller
à la Cour d'appel de Bourges, étant obligé de partir le len-
demain, demande la parole pour rendre compte d'un ou-
vrage important qu'il a composé sur les monnaies des rois
de France. Il fait observer avec raison que le traité de
Leblanc sur les monnaies de France, ouvrage le plus com-
plet qui avait été composé sur cette matière , est encore
bien incomplet ; il a voulu combler les nombreuses lacunes
laissées par Leblanc.
Dans ce nouveau travail , dont M. Berry a déposé sur le
bureau le manuscrit et les nombreux dessins des monnaies
qui doivent l'enrichir, la matière est considérée sous tous les
rapports ; l'art, l'histoire, la valeur intrinsèque et extrinsèque,
tout a été examiné avec détails. L'auteur a ajouté quelques
recherches sur les monnaies baronales. L'importance du
travail de M. Berry est reconnue par le Congrès qui exprime
le vœu de le voir prochainement publié.
M. de Caumont promet à cette publication l'appui de la
Société française.
M. le baron Chaillou des Barres invile l'auteur à faire
connaître à quel prix reviendrait chaque exemplaire. M.
Berry répond qu'il lui est impossible pour le moment d'éta-
blir aucun prix, n'ayant pas encore traité avec l'imprimeur
ni avec le graveur.
Invité à entrer dans quelques détails sur son travail, M.
Berry choisit le règne de Philippe-le-Bel pour établir l'his-
toire des variations monétaires à cette époque ; il a singuliè-
rement intéressé l'assemblée par le récit des manœuvres plus
qu'étranges de ce prince dans la fabrication des monnaies. Il
nous l'a représenté portant le matin un édit qu'il modifiait le
soir , toujours au profit de sa caisse. Voyant ses finances
XVIIIe. SESSION. 211
épuisées par les guerres qu'il avait eu à soutenir contre ses
voisins , il altéra tellement les monnaies qu'on lui donna le
nom peu honorable de faux monnayeur.
Après ces intéressantes explications, on passe à la septième
question.
M. l'abbé Millet croit qu'après la crypte de St. -Are, à
Decise , le monument religieux le plus ancien dans le diocèsi
de Nevers serait la petite abside de Souvigny-les-Chanoines,
qu'il attribuerait aux premières années du IXe. siècle. On
sait , dit-il , qu'à cette époque , saint Jérôme , évèque de
INevers, fit construire à Souvigny une chapelle sous le vocable
de saint Etienne ; or, en considérant la petite abside latérale
qui sert maintenant de sacristie, il m'a semblé que cet édicule
était d'une époque bien antérieure à l'église, construction du
XIIe. siècle; j'ai pensé que lors de la construction de l'église
paroissiale, ou avait voulu respecter l'œuvre de saint Jérôme,
et qu'on aurait conservé la petite abside dont je parle , qui
était l'oratoire fondé par ce saint évèque.
M. Georges de Soullrait combat cette opinion. Il a visité
avec soin l'église dont parle M. Millet , et il est intimement
convaincu que l'abside en question est contemporaine de
l'église.
Monseigneur l'évèque de Nevers appuie celte dernière
opinion.
M. l'abbé Crosnier demande la parole ; il déclare qu'il ne
reconnaît aucun monument dans le pays antérieur au XIe.
siècle , si on en excepte la crypte de Decise , qu'on croit gé-
néralement être la chapelle primitive qui servait aux saints
ermites Eufraise et Auxille du temps de saint Are, vers le mi-
lieu du VIe. siècle , et que ce saint évèque avait choisi pour
le lieu de sa sépulture. On y voit encore une partie de son
tombeau. Cependant il croit devoir faire remarquer que cette
crypte ne présente aucun caractère particulier au moyen du-
212 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
quel on puisse constater celte haute antiquité. Le sarcophage
de saint Are n'offre lui-même aucun signe.
Dans le reste du diocèse nous rencontrons encore d'autres
cryptes qui pourraient être , au moins en partie , antérieures
au XIe. siècle, mais de simples présomptions sans preuves
ne sont pas suffisantes pour asseoir un jugement.
M. Petit émet le vœu que M. l'abbé Crosnier fasse pour
Nevers, ce que M. Quantin a fait pour Auxerre, un tableau
chronologique des diverses constructions religieuses du Ni-
vernais.
M. Crosnier répond que ce travail existe déjà sur le tableau
synoptique de l'histoire du Nivernais et du Donziais qu'il a
publié en 18^0, mais qu'il consent volontiers à établir un
tableau chronologique comprenant seulement les diverses con-
structions religieuses du pays.
En même temps, M. Crosnier dépose sur le bureau une
carte monumentale du département ; les diverses époques y
sont indiquées par des signes de couleurs variées.
M. Victor Petit n'approuve pas ce mode d'indication ; il
rappelle que l'Institut des provinces siégeant au Luxembourg
a nommé une commission chargée d'examiner quels seraient
les signes les plus commodes à employer sur ces cartes monu-
mentales. Les couleurs différentes furent repoussées comme
étant d'un emploi trop difficile et trop dispendieux. Il est
plus facile en effet dans une course archéologique de porter
avec soi une carte déjà dressée , et d'indiquer à l'encre ordi-
naire et au crayon le genre du monument par des signes
convenus et l'époque ou les époques auxquelles il se rattache
par des chiffres : il serait difficile pour un voyageur d'avoir
toujours ses couleurs délayées.
M. de Surigny ajoute que si l'on veut publier ces cartes
monumentales , les signes coloriés nécessiteraient l'emploi de
plusieurs planches et rendraient ces cartes fort dispendieuses.
XV IIP. SESSION. 213
Toutes ces raisons ont déterminé l'Institut des provinces à
adopter définitivement pour ces sortes de travaux les signes
indicatifs de la carte de Gassini , et les chiffres arabes pour
indiquer les époques. Ces signes ont clé publiés dans le
bulletin monumental.
M. l'abbé Crosnier déclare qu'il n'a pas l'intention de
combattre un fait accompli , ni de lutter contre une décision
prise par l'Institut des provinces, il croit cependant devoir
soumettre à l'assemblée ses observations à cet égard. Il trouve
que les signes indicatifs de Cassini et les chiffres employés
pour indiquer l'âge ou les différents âges des monuments,
chargent tellement une carte qu'il sera difficile de s'y recon-
naître ; d'un autre côté , il comprend que les chiffres peuvent
bien indiquer les différentes époques qui ont concouru à la
confection d'un monument , mais sans préciser les parties du
monument qui appartiennent à chaque époque. Il ne trouve
pas ces inconvénients en employant les couleurs , la carte est
nette, nullement chargée, on peut distinguer de suite la
forme des églises, le parallélogramme est indiqué par un trait,
la forme cruciale par une croix , etc. , chaque partie avec
la couleur qui lui est propre ; ainsi , lorsque l'église est du
XIIIe. siècle et qu'un transept a été ajouté au XIVe. , la nef
prend la couleur du XIIIe. et le transept celle du XIVe.
siècle.
Un autre avantage que M. Crosnier trouve dans ce système ,
c'est que d'un seul coup-d'ceil on dislingue sur une carte les
différents siècles qui ont dominé dans chaque contrée ; ainsi ,
dit-il , sur la carte que je vous présente , le jaune indique le
XIIe. siècle et le vert la fin du XVe. et le commencement du
XVIe. ; vous voyez de suite que le XIIe. domine dans l'an-
cien diocèse de devers et le XVe. dans la partie du diocèse
d'Auxerre qui lui est maintenant réunie.
M. de Caumont reconnaît les avantages du procédé de M.
M
1\k CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Crosnier, mais il reconnaît en même temps que les couleurs
passent, ce qui est un inconvénient assez grave ; il ajoute que
la question a été décidée par la commission de l'Institut des
provinces , il a été arrêté que les signes graphiques seraient
seuls employés afin de mettre de l'unité dans les travaux des
diverses Sociétés savantes des départements.
31. Crosnier voudrait que les cartes monumentales ordi-
naires adoptassent les signes graphiques; mais il prétend que
les cartes administratives des évêchés et des préfectures pré-
senteraient de grands avantages en adoptant les couleurs.
M. Gallois , conservateur du musée céramique de Nevers ,
appelle l'attention de MM. les membres du Congrès sur un
objet antique trouvé dans les fouilles faites au bois de St.-
Révérien , et en dépose sur le bureau un fac-similé en argile.
L'original est en pierre noire et dure étrangère au pays, a
18 millimètres de haut, 26 de large à ses deux bases, est
légèrement renflé au centre. Il est percé d'un trou de 3 mil-
limètres environ , et à ses deux orifices il est orné d'un dessin
festonné. Sur le renflement est cette inscription gravée sur
deux lignes circulaires ; la voici déroulée :
JIONIGNATI FAGABI
BVBBVTIO NIMON.
Personne n'a pu donner immédiatement l'explication de
cette inscription.
La séance est levée à 5 heures.
Le Secrétaire-adjoint ,
QlJANTIN.
xvnr. session. 215
Première séance dia fi juin
Présidence de M. le général Pétiet.
Prennent place au bureau : Mgr. l'évoque de Nevers, MM.
de Caumont, l'abbé Sergent, recteur de l'académie de la
INièvrc; le baron Chaillou des Barres, l'abbé Le Petit, Gau-
gain , l'abbé Crosnier , secrétaire-général du Congrès , 3Io-
rellet , professeur d'histoire au collège de Nevers , secrétaire-
adjoint. M. le général Pétiet est invité par M. de Caumont
à présider et déclare la séance ouverte.
M." de Caumont donne communication de deux lettres
adressées au Congrès ; par l'une , M. d'Allonville , de Metz ,
s'excuse de ne pouvoir prendre part aux travaux de la
XVIIIe. session; par l'autre, M. Drouet, du Mans, inspec-
teur divisionnaire , demande une allocation pour acheter un
fauconneau du XVIe. siècle.
M. l'abbé Brûlé , de Sens , communique le dessin d'un
suaire trouvé dans un sarcophage dont on attribue la fabri-
cation à l'orfèvre saint Eloi , et qui renferme les reliques de
sainte Colombe à Sens. Ce suaire a 1"". 18e. de long suri"1.
16e. de large. C'est un tissu assez épais, composé de lin et de
soie , et orné d'un dessin seize fois répété dans un ovale den-
telé, deux lions affrontés. En-dehors de l'ovale, quatre chiens
courent en sens inverse et en tournant la tète vers un arbuste
qui les sépare. Ce suaire , dont on a pu constater le tissu et
les dessins d'ornement dans une visite récemment faite à la
châsse de sainte Colombe, parait venir de l'orient et re-
monter à une époque fort reculée ; peut-être faut-il en placer
la fabrication entre le IXe. siècle et le VIIe.
M. l'abbé Brûlé communique au Congrès le dessin d'un
tissu de soie rouge, de même grandeur que le suaire de
216 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
sainte Colombe. Ce tissu est orné d'une bordure de 0'". 5e.
de large, de fleurs , d'un animal courant et de deux colombes
tournant gracieusement la tète pour becqueter la plante qui
les sépare.
M. l'abbé Manceau , après avoir examiné le dessin du suaire
de sainte Colombe , en trouve le tissu semblable à celui du
suaire de saint Mesme ( Maximus ) , à Chinon , figuré dans le
Bulletin monumental de M. de Caumonl et dans son Abécé-
daire d'arcbéologie.
M. l'abbé Devoucoux a vu clans l'église d'Autun un tissu
tout semblable aux suaires de sainte Colombe et de saint
Mesme, mais enrichi de trilobés et d'autres ornements qui
rappellent le XIIIe. siècle.
M. de Caumont a figuré un suaire de même style que celui
de saint Mesme, lequel a été décrit par M. Hucher, du Mans.
M. l'abbé Crosnier prend la parole et s'exprime ainsi :
En faisant la lecture du mémoire si intéressant de M. Bul-
liot sur le mont Beuvray, M. Devoucoux, entr'autres obser-
vations très-judicieuses dont il assaisonna la lecture de ce
mémoire , vous fit remarquer qu'au moyen âge on rencontrait
souvent des abus et quelquefois même des crimes , mais que
l'expiation suivait de près.
C'est en effet , Messieurs , à cet esprit d'expiation que sont
dus une grande partie des monuments et des établissements
charitables qui sont encore l'objet de notre admiration ; qu'il
me soit permis, pour compléter cette pensée, de vous ra-
conter une histoire de notre pays et d'y joindre sa légende
populaire. La scène se passait en 1199. Pierre de Courtenay,
comte de Nevers, d'Auxerre et de Tonnerre, était la terreur
de ses voisins ; fier de sa naissance , car il était petit-fils de
Louis-le-Gros , il avait épousé , par l'entremise de Philippe-
Auguste , son cousin-germain , Agnès , riche et unique héri-
xviir. SESSION. 217
lière de l'ancienne maison de Nevcrs , qui était morte lui lais-
sant une seule fille du nom de Mahaut. Sa puissance , ses ri-
ches possessions, la parenté et la protection du roi, tout
contribuait à entretenir en lui ce caractère tracassicr et in-
quiet. Il voulut s'attaquer à Hervé , baron de Donzy ; il pré-
tendit que par suite d'arrangements faits avec Geoffroy , son
aïeul , le comté de Gien devait lui appartenir , cl comme
Hervé n'était pas d'humeur a se laisser déposséder, Pierre
lui déclara la guerre.
En vain le comte de Nevcrs avait réuni tous ses vassaux ,
en vain il avait soudoyé les Cotereaux qui ravageaient alors
les bords de la Loire , son armée fut battue et lui-même , fait
prisonnier par Hervé , fut enfermé dans le château de Donzy.
Philippe-Auguste, soit pour procurer la liberté à son pa-
rent , soit parce qu'il devait y trouver son avantage , s'en-
tremit comme médiateur entre les deux seigneurs. Il fil
épouser , par Hervé , Mahaut de Courtenay. Par ce mariage ,
le baron de Donzy eut le comté de Nevers et l'espérance d'y
réunir plus lard ceux d'Auxerre et de Tonnerre après la mort
de Pierre , car il avait été ainsi stipulé dans le contrat. A ces
conditions Pierre de Courtenay fut remis en liberté. Quant
au roi , il voulut que ses peines fussent récompensées ; il se
fit céder par Hervé le comté de Gien qu'il réunit à la cou-
ronne ; c'est ainsi qu'il prit l'huître , laissant les écailles aux
plaideurs. Dans tous les cas , Hervé n'eut pas à se plaindre ,
son écaille était assez belle.
A l'époque dont il s'agit , l'église avait cru devoir étendre
jusqu'au septième degré les empêchements de parenté , afin
d'étendre davantage la charité dans ces temps de guerre et
de discorde. Hervé et Mahaut se trouvaient parents à un de
ces degrés prohibés , et cependant ils vivaient maritalement
sans avoir obtenu la dispense qui leur était nécessaire; depuis
neuf ans ils étaient ensemble , quand enfin , ne pouvant plus
218 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
résister aux reproches de leurs consciences , ils s'adressèrent
au souverain pontife. Celui-ci consentit à lever l'empêche-
ment , mais à condition qu'Hervé construirait trois monas-
tères sur ses terres ; telle fut l'origine des monastères de
l'Epeau et de Vielmannay et de la Chartreuse de Bellary.
Il est facile de reconnaître encore ici l'action civilisatrice
de l'église, elle ne se contente pas de multiplier les empêche-
ments de mariage pour étendre la charité par les liens de
famille; elle offre aux opprimés un lieu de refuge dans les
nombreux monastères qu'elle établissait partout et qui jouis-
saient du droit d'asile.
Bellary, comme je l'ai dit, était un des établissements
fondés par Hervé en réparation de la faute qu'il avait com-
mise. Permettez-moi, Messieurs, de rapprocher une légende
populaire du trait d'histoire que vous venez d'entendre.
Mahaut, disent les gens du pays, vivait avec Hervé sans
avoir fait bénir son mariage par l'église ; mais souvent elle
était triste et des larmes abondantes inondaient son visage ,
car son crime était toujours présent devant ses yeux. Souvent
Hervé lui avait demandé la cause de sa tristesse et de ses
larmes , le silence était sa seule réponse. Un jour qu'il la
voyait plus triste que de coutume, il lui fit de nouvelles et
plus pressantes instances ; Mahaut finit par lui rappeler l'inva-
lidité de leur mariage. Le comte, pour la consoler, lui promit
de demander au souverain pontife la dispense nécessaire, alors
la belle a ri , et le nom de Bellary fut donné au monastère
fondé dans le lieu même où la belle avait ri. Sans doute ,
comme vous , je me garderai d'admettre cette étymologie ;
cependant nous devons remarquer que la légende se rapproche
beaucoup de l'histoire.
M. Morellet, appuyant une observation de M. Crosnier, fait
remarquer que la royauté au XIIe. siècle ne laissait échapper
xvur. SESSION. 219
aucune occasion de s'agrandir et que son iulervenlion comme
pouvoir médiateur était rarement gratuite.
M. l'abbé Devoucoux fait remarquer que les monastères
étaient tenus de prier sans doute, mais que l'aumône fré-
quente, l'aumône journalière leur était imposée et par les
règles monastiques et par les chartes de fondation.
M. l'abbé Crosnicr rapelle à cette occasion un épisode de
l'époque de la fondation du monastère de La Charité-sur-Loire.
Cette ville se nommait Seyr, avant qu'une colonie d'enfants
de St. -Benoit s'y établît, sous la direction de saint Gérard ,
premier prieur de ce célèbre monastère. Vous savez, leur
dit en arrivant Gérard , la louable coutume de nos monas-
tères, nous devons donner aux pauvres la dîme de tout ce
qui îious est nécessaire pour notre nourriture; et comme ,
dès les premiers moments, la communauté de Seyr était déjà
fort nombreuse , la dîme des pauvres était considérable , et
on les voyait accourir de tous les environs se dirigeant vers
le monastère. Allons, disaient ces pauvres, allons à La Cha-
rité des bons pères. Le nom de Seyr fut oublié et remplacé
par celui que lui ont donné les pauvres allons à La Charité.
M. Morellet ajoute que les armes du prieuré de La Charité
sont trois bourses d'or ouvertes sur un champ d'azur et
qu'elles rappellent le précepte et la constante pratique de
l'aumône.
Le XIe. siècle présente-t-il des caractères précis, et
remarque-t-on quelque différence dans les caractères du
commencement et de la fin de ce siècle?
Dès le commencement du XIe. siècle, dit M. Crosnicr, on
remarque déjà une grande régularité dans le plan , au moins
dans les églises importantes, les chapiteaux sont peu fouillés
et l'ornementation végétale l'emporte de beaucoup sur l'or-
nementation animale; on ne voit point encore de déambu-
latoire, car il serait difficile d'assurer que les basses-nefs
220 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
circulant autour du sanctuaire remontent à cette première
partie du XIe. siècle, toutes les églises que j'ai visitées et
qui ont le déambulatoire présentent les caractères de la
fin du XIe. siècle ou du commencement du XIIe. Un carac-
tère qui semble être particulier à la première moitié de ce
siècle est la baguette peu accentuée qui dissimule les parties
anguleuses des tailloirs ; cette baguette se remarque à Nevers
dans la crypte de St.-Cyr et dans la chapelle de Ste-Julitte :
on la voit dans les cryptes de St. -Etienne d'Auxerre, et dans
l'église de St.-Savinien de Sens. Nous avons les dates pré-
cises de la construction de ces édifices, la crypte de St.-Cyr et
la chapelle de Ste.-Julitte sont de 1028, la crypte d'Auxerre
de 1030, et, si je ne me trompe, l'église de St.-Savinien de
Sens est aussi de 1028; or, ces trois églises placées à dis-
tance les unes des autres, portant le caractère que j'ai signalé,
les angles dissimulés par des baguettes peu accentuées, pour-
raient être considérées comme présentant le type de cette
BASES DES COLONNES DE LA CRÏPTE DE S'.-CTB, A NEVERS.
époque, au moins pour la contrée où elles se trouvent placées.
M. de Caumont a fait la même observation pour d'autres
contrées, dans des églises de la même époque.
Quant à la seconde moitié du XIe. siècle , M. Grosnier fait
remarquer que ces baguettes disparaissent, que les tailloirs
XVIIIe. SESSION. 221
sont garnis de moulures et d'ornements déjà variés, comme
nous l'avons observé à l'église de St. -Etienne de Nevers.
Peut-on rendre compte des causes qui ont fait établir au
XIe. siècle l'abside occidentale de la cathédrale de Nevers ?
M. l'abbé Devoucoux prétend qu'on rencontre souvent deux
absides dans les églises du pays où saint Colomban avait
exercé quclqu'iniluence , par suite de l'établissement de deux
clergés , l'un séculier , l'autre régulier , qui se partageaient
l'église et qui avaient chacun leur autel pour les offices.
M. Crosnier ne comprend point cette influence de saint
Colomban pour la cathédrale de Nevers; il sait bien que saint
Colomban est venu à Nevers et qu'il y a fondé des monas-
tères, entr'autres celui de St. -Etienne de Nevers; mais cette
influence dont parle M. Devoucoux ne se fait aucunement
remarquer dans l'église de St. -Etienne. Il pense donc qu'il
faut attribuer à une autre cause, s'il y en a une , l'abside oc-
cidentale de la cathédrale.
L'orientation des églises , question qui déjà a été souvent
étudiée , remonte , on ne saurait en douter , à la plus haute
antiquité ; c'était un usage constamment reçu de se tourner
vers l'orient pour prier. Les chrétiens considéraient le soleil
comme l'image de la lumière incréée qui éclaire tout homme
venant dans le monde et dont les premiers rayons avaient
éclairé l'orient d'une si vive splendeur ; mais comme, dans le
principe , l'autel n'était qu'une simple table , le prêtre ou
l'évêque, siégeant au fond de l'abside, venait pour célébrer les
saints mystères se placer devant cette table , de manière à se
trouver en face des fidèles , ayant l'autel entre eux et lui. Il
n'eût plus été tourné vers l'orient si l'église eût été disposée
comme les nôtres ; c'était au chef de la prière , à celui qui
était chargé de réunir les vœux du peuple pour les offrir à
Dieu , de se soumettre aux prescriptions marquées dans les
constitutions apostoliques. L'église était donc orientée en sens
222 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
inverse des nôtres, comme on en rencontre encore des exem-
ples en Italie. L'église de Nevers aura peut-être tenu plus
long-temps que d'autres à cet autique usage.
Peut-être encore était-ce là que saint Jérôme, évêque de
Nevers, avait élevé en l'honneur de saint Cyr la chapelle qu'il
avait primitivement adjointe à sa cathédrale avant sa recon-
struction , comme on le lit dans sa vie , et qu'ensuite , par
respect pour le saint enfant que Nevers avait adopté pour son
patron , on aura voulu que le berceau de son culte dans le
Nivernais continuât à être le sanctuaire de la basilique érigée
en son honneur.
Le XIIe. siècle est-il bien caractérisé? Quels sont ses ca-
ractères dans le Nivernais?
Personne ne demandant la parole pour répondre à cette
question, M. Victor Petit exprime le désir que M. l'abbé
Crosnier fasse part de ses observations.
M. Crosnier dit qu'en thèse générale , on pourrait consi-
dérer le XIIe. siècle comme le complément du XIe. ; c'est
toujours le môme arbre, mais qui s'est développé : ses bran-
ches se sont étendues et multipliées , son feuillage est plus
touffu , ses fleurs se sont épanouies. Il y a plus de hardiesse
dans l'idée , plus d'habileté dans l'exécution ; les ornements
sont plus nombreux , plus élégants , plus soignés , mieux
étudiés. Dans les grandes églises , nous rencontrons souvent
le déambulatoire admis déjà dans la seconde moitié du siècle
précédent , mais prenant plus de développement.
Pour bien nous rendre compte des églises du Nivernais qui
remontent à cette époque , il est important , ajoute-t-il , de
les diviser en deux catégories : les églises du Morvan et celles
de ce qu'on appelle le Bon-Pays. Les églises du Morvan , par
suite des difficultés que présentaient à l'ouvrier les matériaux
dont il était obligé de se servir , les roches granitiques qu'il
brisait pour en employer les débris dans ses constructions ,
XVIIIe. SESSION. 223
n'offrent pas ces caractères précis qu'on remarque ailleurs ; on
reconnaît la forme générale , l'abside en hémicycle , les fenê-
tres en meurtrières, en un mot le plan adopté au XL. et au
XII0. siècle, mais rien de bien précis ; l'art est seul dans cette
contrée.
Une seule église fait exception , c'est celle de Sémelay qui
semble avoir été transportée d'une autre région ; c'est un
plan largement conçu et exécuté avec des matériaux conduits
à grands frais de carrières éloignées. La sculpture l'a enrichie
de décoration ; on reconnaît une église bénédictine dans
laquelle rien n'a été épargné. Les bases des colonnes ont
même un genre de décoration insolite dans notre ancienne
Bourgogne et que M. Mallay a retrouvé dans une église
d'Auvergne ; une guirlande de fleurs les entoure.
M. L'abbé Devoucoux fait observer que dans l'Autunois,
l'église d'Anzy présente le même genre de décoration que
M. Crosnier signale à Sémelay. La chose, ajoute-t-il,ne vous
paraîtra pas étonnante quand vous saurez que ces deux églises
sont bénédictines et ont eu les mêmes fondateurs.
M. l'abbé Crosnier reprenant ses explications , dit que les
églises construites dans les campagnes du Bon-Pays ont des
caractères plus précis et méritent en général l'attention de
l'observateur. L'église de La Charité-sur-Loire imprima son
caractère à un grand nombre de ces églises ; ce célèbre
prieuré avait plus de 400 obédiences, et la riche contrée des
Amogues lui appartenait presqu'en entier ; là se trouvent
encore aujourd'hui des églises évidemment imitées de celle
de La Charité-sur-Loire , du moins pour le genre de dé-
coration.
M. Crosnier signale à l'attention du Congrès l'intéressante
église de Jailly , qu'on voit à U kilomètres de St. -Saulge , qui
était une dépendance de La Charité. Cette église n'est plus
entière, le temps et les révolutions l'on réduite presque à
22k CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
l'état de ruines. Elle avait jadis trois nefs et trois absides avec
transept et coupole à l'intertransept. Les absides et le transept
sont de la fin du XIe. siècle. A cette époque l'église de Jailly
fut donnée aux moines de La Charité et ils s'empressèrent de
la compléter. Ce fut au XIIe. siècle que furent construites les
trois nefs aboutissant au transept, ainsi que le portail. Ce
portail encore debout est composé de deux colonnes élégantes
garnissant les pieds-droits de chaque côté ; les chapiteaux de
ces colonnes sont variés : ce sont des feuilles grasses, des feuilles
à crochet, des feuilles d'acanthe agencées de telle sorte qu'elles
rappellent la corbeille corinthienne, puis des bandelettes
entrelacées ornées de petites perles. L'archivolte est garnie de
feuilles de fantaisie , d'une ligne perlée , d'une autre de têtes
de clous et enfin d'un entrelacs de galons perlés surmonté de
bezans peu saillants. Les piliers qui restent sont flanqués de
colonnes engagées cantonnées en croix ; mais par une sin-
gulière disposition , cette église adossée à la montagne en suit
la pente. Au lieu de couper le rocher pour établir un plan
uni pour toute la nef, le maître de l'œuvre a suivi l'incli-
naison du coteau à partir du portail; le premier pilier a sa
base élevée de 60 centimètres environ au-dessus de la base
du portail; le second, le troisième, le quatrième pilier ont
leurs bases élevées aussi de 60e. au-dessus de celui qui les
précède , en sorte qu'à chaque travée il y avait des degrés
pour monter à la travée suivante. Cette disposition m'a paru
assez curieuse pour être signalée au Congrès.
La partie construite au XIe. siècle , ajoute M. Crosnier ,
sert dans ce moment d'église paroissiale et mérite bien qu'on
fasse quelques démarches et quelques sacrifices pour la con-
server ; au-dessus de la coupole de l'intertransept s'élève un
clocher byzantin assez gracieux , quoiqu'il paraisse tronqué ; il
est à huit pans garnis d'arcatures géminées. J'ai conseillé à M.
le curé d'ouvrir une souscription pour subvenir aux répara-
XVIII0. SESSION. 225
lions indispensables que réclame l'état de cet édifice, et je lui
ai promis de m'adresser à la Société française pour obtenir
quelques secours à cet effet. Ces secours, Messieurs, vous ne
les refuserez pas , et , si vous voulez le permettre , je me
chargerai de diriger moi-même les premiers travaux de
consolidation auxquels je les destine. Je me propose aussi de
m'adresser au gouvernement afin de l'intéresser à cette res-
tauration et obtenir quelques secours.
M. de Soultrait fait observer que les églises de la fin du
XIe. siècle et du commencement du XIIe. sont généralement
assez grandes et plus régulières que celles qui les ont précé-
dées. Les trois absides s'y rencontrent assez fréquemment ;
il cite pour exemple les églises de Chantcnay , de Vcrneuil ,
de Montigny , et il ajoute que les ornements géométriques
sont rares dans cette contrée , quoiqu'on en remarque sur
différents points; Jaugenay , Huez, INeuville-la-Decise , ont
des tores chevronnés.
M. Devoucoux fait remarquer que la plupart des églises
un peu importantes , consacrées durant les premières années
du XIIe. siècle, ont été conçues dans le XIe. ; il donne pour
exemple l'église de Cluny, consacrée en 1132, et dont le
plan est assurément antérieur.
M. Crosnier reconnaît la justesse de l'observation faite par
le savant archéologue Autunois.
M. Morellet ajoute qu'il faut aussi faire honneur au XIe.
siècle , sinon de toute l'église de La Charité-sur-Loire , au
moins de quelques parties considérables, car cette église a
été consacrée en 1106 par le pape Pascal IL
M. de Buzonnière demande la permission de détourner un
instant le Congrès du cours de ses études pour lui soumettre
le désir de quelques personnes qui voudraient obtenir une
séance dimanche prochain, 15 courant, pour s'y occuper
spécialement d'industrie et d'agriculture.
M. Avril, président de la Société d'agriculture de Nevers,
226 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
insiste sur l'utilité d'une séance qui serait donnée spécia-
lement à l'agriculture. Tout le inonde convient que peu de
travaux seraient aussi utiles qu'une carte agronomique de la
France. La Société d'agriculture de la Nièvre avait commencé
une œuvre de ce genre pour le département, lorsque la Ré-
volution de février est venue l'arrêter. M. Avril demande que
M. de Caumont, dont le nom n'est pas moins recommandable
en agronomie qu'en archéologie , que les hommes émincnts
qui siègent avec lui au bureau , communiquent leurs idées et
le résultat de leur expérience aux agronomes de Nevers.
M. de Caumont se met à la disposition de MM. les membres
du Congrès; et, sur la proposition de M. l'abbé Crosnier et
de M. de Maumigny , il indique pour cet objet la séance qui
se tiendra le samedi soir, ïh courant, à 7 heures, au retour
de l'excursion archéologique à l'église de La Charité.
MM. les membres de la Société nivernaise seront convoqués
par la voie des journaux.
M. Chaillou des Barres appelle l'attention du Congrès sur
la ville d'Entrains, dont l'importance est incontestable dans
l'antiquité et à laquelle M. l'abbé Devoucoux vient de resti-
tuer son véritable nom iïlntaranum, d'après le fragment de
carte murale trouvé dernièrement à Autun. Là , des fouilles
seront assurément fructueuses. Le gendre de M. Roy, M. de
Lariboissière , qui a de grandes propriétés dans le pays, est
on ne peut mieux disposé à se livrer à ce genre de travaux ;
et il s'empressera de les commencer sans doute , si le Con-
grès lui en exprime le désir.
M. le Président du Congrès est prié de vouloir bien écrire
dans ce sens à M. de Lariboissière.
La séance est levée à 10 heures; MM. les membres du
Congrès sont invités à se réunir à l'évêché où un déjeûner et
des voitures les attendent.
Le Secrétaire-adjoint,
J.-N. MORELLET.
XVIIIe. SESSION. 227
Deuxième séance «lu jeudi at juin.
Présidence de M. le baron Ciiaillou des Barres, membre de 1 Institut
des provinces.
La séance est ouverte à trois heures.
Siégeaient au bureau : Mgr. l'évèque de Nevers; MM.
Petit de la Fosse, préfet de la Nièvre; le général Pétiet, de
Caumont, l'abbé Le Petit, secrétaire-général de la Société
française; de Glanvillc , inspecteur de la Seine-Inférieure;
l'abbé Crosnier, secrétaire-général du Congrès; leCle. Georges
de Soultrait, secrétaire-adjoint.
L'on remarque parmi les personnes présentes MM. le Cte.
de Vibraye; l'abbé Manceau, chanoine de Tours; Augustin
Cochïn , adjoint au maire du 10e. arrondissement de Paris;
leCte. de Choulot; Joseph de Fontenay , d'Autan ; Laitier, de
Sens ; de Buzonnicre ; le C,e. de Bréda ; de St. -Maur ; le
B°". de Bar; Victor Petit; l'abbé Bridé; Louis Pinet; de
Glanviile; Quantin; le Cle. de Ménard; de Mieulie , rece-
veur-général des finances ; le C,e. de Maumiyny; Bidliot, etc.
M. de Glanviile fait hommage au Congrès de l'ouvrage
suivant : Histoire des miracles qui se sont faits lors de la pre-
mière restauration de l'église de l'abbaye de St.-Pierre-sur-
Dive , augmentée d'une introduction de chartes et de notes
nombreuses.
M. de Caumont et M. le Président insistent sur le mérite
de ce curieux volume qui fait connaître des particularités fort
intéressantes sur la construction d'un des beaux édifices de
la Normandie.
M. l'abbé Crosnier demande la parole pour compléter ce
qu'il a dit des églises du XIIe. siècle ; le dessin détaillé de
l'ancien portail de l'église de St. -Père de Nevers étant déposé
sur le bureau , il fait remarquer que les sculptures dont ce
228 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
portail était enrichi , tout en conservant le grand sujet que
les artistes se plaisaient à reproduire à la fin du XIIe. siècle ,
et pendant le cours du XIIIe. , offrait cependant certaines
particularités qui ne se rencontraient pas ailleurs et qu'il est
important de constater; on sait que souvent à cette époque
on représentait l'église et la synagogue, la première person-
nifiée par une femme magnifiquement parée portant la cou-
ronne de reine en tête et tenant à la main l'étendard triom-
phal surmonté d'une croix ; la seconde, maigre et décharnée,
tenant en main le livre de la loi renversé , chancelante , et ne
pouvant soutenir son étendard hrisé ; un bandeau couvre ses
yeux et la couronne tombe de sa tète, car son règne est
passé. A St.-Seurin de Bordeaux, au lieu du bandeau c'est
un scorpion, symbole de la nation juive, qui repose sur l'épaule
de cette reine détrônée et qui lui couvre les yeux de sa queue.
Au portail de Nevers, ces deux personnages symboliques
présentent d'autres particularités. L'église soutient de la main
gauche une basilique; la synagogue, au lieu du livre delà foi,
tient une lampe renversée de laquelle l'huile s'échappe ; elle
n'est plus chargée de procurer la lumière au monde.
Parmi les six statues qui ornaient le portail , on remarque ,
dans le dessin dont nous parlons , la reine Pedauque avec
son pied d'oie.
La description de ce portail est interrompue tout-à-coup
par une discussion très-animée qui s'établit entre plusieurs
membres du Congrès.
M. Victor Petit conteste la présence d'une reine de France
ayant un pied d'oie , placée aux portails de quelques-unes de
nos églises. L'authenticité d'une semblable statue peut être
révoquée en doute sous plusieurs rapports. Toutefois , il faut
reconnaître que la légende de la « reine Berthe-au-Grand-
Pied » est très-populaire surtout parmi les bedeaux et les
sacristains qui la racontent aux voyageurs ; mais cette popu-
XVIIIe. SESSION. 229
larité ne doit poinl arrêter les recherches des archéologues
d'à-présent. Ceux-ci doivent au contraire étudier sérieuse-
ment les statues signalées par la croyance ou plutôt la crédu-
lité publique, comme représentant aux portails de nos églises
la reine Pédauque. M. Victor Petit ajoute qu'il a cherché
partout cette reine au pied d'oie et qu'il est tenté de croire
qu'elle n'existe réellement que dans les livres et les gravures
publiés au siècle dernier.
Ainsi , tout en acceptant la légende de « Berthe-aux-
Grands-Pieds » , en prenant même plaisir à lire cette légende
qui est populaire , M. Victor Petit croit fermement que ja-
mais , aux portails des églises du moyen âge , on n'a pu
placer cette reine de France parmi les statues représentant
les saints les plus vénérés ou les rois de l' Ancien-Testament.
Il n'existe d'ailleurs que des gravures d'une exactitude
fort contestable , ou bien des descriptions que l'on peut révo-
quer en doute sans pour cela douter de l'entière bonne foi
des écrivains qui ont contribué à propager ce qu'on peut
appeler aujourd'hui une « erreur » archéologique. Au sur-
plus , ajoute M. Victor Petit , cette question si vieille pour-
tant et depuis long-temps débattue , est venue surprendre le
Congrès. Les honorables membres qui eussent pu éclairer la
question n'ont pas le temps de réunir ni de résumer leurs
recherches; c'est donc une question à débattre plus lard;
mais dès maintenant on doit avouer que les monuments eux-
mêmes , c'est-à-dire les prétendues statues de la reine Pé-
dauque , ou plutôt de la reine Berlhe , n'ont jamais été pla-
cées aux portails de nos églises.
M. Morellet demande la parole. Il s'est étonné aussi ,
comme l'honorable préopinant , de l'élrangeté du simulacre
dont il est question en ce moment, mais cela ne lui paraît
pas une raison suffisante pour repousser le fait qui est attesté
par des hommes graves dont le nom fait autorité dans les
15
230 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
sciences historiques. Montfaucon , dans les Monuments de la
monarchie française; Dom de la Planche , Histoire de La
Bourgogne ; Lebeuf, Mémoire de L'Académie des inscrip-
tions ; Dom Vayssette, Histoire générale du Languedoc;
Chabanel, Antiquités de la Daurade, etc. Que ces savants
aient mal expliqué le fait , cela est possible , mais ils l'ont
vu , d'autres aussi l'ont vu , et notamment les dessinateurs
qui ont fait les planches qui devaient orner les publications
des savants historiens.
M. Morellet ajoute que l'existence de la reine Pédauque
est un fait attesté par un vieux dessin représentant le portail
de St. -Père de Nevers; ce dessin a été fait en 1771 par M.
Martin, ingénieur, qui habitait Nevers; il est exécuté à
l'encre de Chine et appartient à la bibliothèque de M. Pinet
père. Voilà un document authentique , car M. Martin a des-
siné ce qu'il a vu sans que ce soit dans un but systématique
et pour corroborer une fable. M. Morellet s'est occupé de
recherches sur la reine Pédauque et s'est mis en rapport
avec des savants de diverses provinces , et il a reçu la confir-
mation du fait archéologique contesté par M. Victor Petit.
Reprenant la parole , M. Victor Petit fait remarquer que le
dessin dont il est question est précisément rechargé de gros
traits noirs qui dénaturent et cachent le trait primitif dans
l'endroit où le fameux « pied d'oie » devait se trouver. Au
surplus, continue l'orateur, il ne faudrait pas nier d'une
manière absolue la présence d'un pied d'oie h la place d'un
pied humain dans une statue ou des statues datant du moyen-
âge. Cette monstruosité a pu exister, bien qu'il soit fort
difficile de s'en rendre compte au point de vue iconogra-
phique , mais ce qui peut être contesté , c'est la personnifi-
cation au milieu des saints les plus illustres et des rois de
l' Ancien-Testament , d'une reine de France , Berthc-aux-
Grands-Pieds.
XVIIP'. SESSION. 231
Les études archéologiques actuelles sont dégagées d'une
foule d'erreurs et de préjugés ; il y a donc lieu d'étudier de
nouveau la question et de reconnaître d'une manière défini-
tive la part plus ou moins grande que la légende si populaire
de la reine Berthe a eu dans l'imagerie du moyen-âge. Jus-
qu'ici les documents cités ne sont que des attestations mo-
dernes qui s'appuient sur les anciennes sans les confirmer.
M. Morellet lit une lettre à lui adressée par M. le curé de
St.-Pourçain, et de laquelle il résulterait que la présence
des statues au pied d'oie ne peut être contestée. Quant au
sens de ce pied d'oie , M. Morellet l'ignore , mais il serait
tenté d'y voir un souvenir de la mythologie germanique , où
le pied de cygne et le pied d'oie marquent d'ordinaire une
nature intermédiaire entre l'homme et la divinité, etc.
M. l'abbé Crosnier repousse l'intervention de la mythologie
germanique. Il expose les diverses et fort contradictoires ex-
plications données par les savants et déclare s'en rapporter à
celle qui voit dans la reine Pédauque la reine de Saba , dont
les vilains pieds contrastaient , dit-on , avec la beauté de son
visage. Il pense aussi que le « pied d'oie » marque la sa-
gesse de cette reine d'Orient qui vint visiter Salomon à
Jérusalem. L'oie serait le symbole de l'esprit et de la pru-
dence dans l'antiquité.
M. Victor Petit interrompt l'orateur en disant qu'au-
jourd'hui on dit partout « bête comme une oie. »
Cette citation provoque une grande hilarité , à laquelle le
savant orateur prend lui-même part.
La discussion continue entre MM. de Surigny, de Soul-
trait , Devoucoux , de Villefosse et Morellet , qui confirment
les observations présentées par M. Crosnier. Une liste de
plusieurs auteurs modernes qui ont parlé de la légeude de la
« reine au pied d'oie » est donnée par M. Morellet. De tout
ceci , il résulte que la question a besoin d'être sérieusement
232 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
étudiée sur les monuments eux-mêmes. A cet égard , le Con-
grès pourrait inviter les amis des sciences archéologiques à
s'occuper de cette question déjà bien vieille, et qui pourtant
est restée indécise.
M. Crosnier demande à résumer la discussion. On ne peut,
dit-il, nier l'existence de cette statue de reine au pied d'oie,
sans accuser Dom Mabillon , le père Montfaucon , notre
savant critique l'abbé Lebeuf, d'avoir agi et écrit en aveugles,
sans preuves , sans motifs plausibles ; sans accuser les artistes
qui ont enrichi leurs œuvres, elles autres qui nous ont laissé
les dessins des différents monuments où cette reine au pied
d'oie était représentée , comme des ignorants ou des fourbes.
Il faut donc reconnaître le fait.
Quant au personnage désigné par la reine Pédauque, est-
ce la reine Clotilde, est-ce la reine Berthe? je ne balance
pas à répondre non. Au moyen-âge, on a bien représenté
dans des médaillons, sur des frises, certaines légendes popu-
laires, certains personnages historiques, mais il est main-
tenant reconnu par tous les archéologues sérieux que les
grandes statues qui flanquent les pieds-droits des portails ne
peuvent être que des saints reconnus par l'église ou des per-
sonnages de lWncien-Testament. Comme sainte Clotilde ne
se trouve d'une manière incontestable sur aucun monument,
il faut donc reconnaître avec un certain nombre de savants
la reine de Saba dans la statue de la reine Pédauque ; reine
sage et vigilante qui ne craignit pas d'entreprendre un long
voyage pour venir admirer la sagesse du grand roi.
M. le président résumant à son tour la discussion, dit que
la présence de la reine Pédauque sur certains monuments
paraît incontestable ; qu'une seule chose peut être contestée ,
c'est le personnage qu'elle représente ; mais qu'il paraît plus
probable que la reine de Saba est ainsi désignée.
M. l'abbé Devoucoux devant quitter Nevers le soir même ,
xvur. SESSION. 233
demande la parole pour faire des communications qui peu-
vent intéresser ceux qui s'occupent de l'histoire du Nivernais.
Il s'agissait d'abord de restituer au diocèse de Nevers un
saint qui lui appartenait déjà sous un rapport, car le Ni-
vernais avait été pour lui un lieu de refuge quand ou voulait
lui imposer le fardeau de l'épiscopat; de plus, selon M.
Devoucoux , le Nivernais avait été son lieu de naissance.
Saint Eptade, une des grandes figures des temps mérovin-
giens dans nos contrées , était né , selon les bollandistes , au
bourg de Marnay (Castrum rnaternense) , près d'Autun ; M.
Devoucoux fait observer qu'il y a dans la paroisse de Lormes
un hameau qui porte le même nom et qui aurait bien pu
être le berceau du saint. Il ne balance pas à adopter cette
opinion qui lui paraît incontestable , si on examine avec
attention les actes de la vie de ce saint. On parle dans la
légende du long trajet qu'il avait à faire pour se rendre à
Autun et les distances qui y sont indiquées ne sauraient
s'appliquer au JMarnay , près d'Autun , mais bien au lieu qui
porte le même nom, auprès de Lormes; il ne peut donc
plus y avoir aucun doute à cet égard , c'est un point d'his-
toire qui doit être rétabli.
La vie tout entière de saint Eptade fut une vie de charité,
il passa sa jeunesse à délivrer les captifs , il voyageait pour
obtenir des aumônes qui le missent en état de soulager les
veuves et les orphelins, s'adressant non seulement aux catho-
liques, mais encore aux païens et aux barbares dont il adou-
cissait les mœurs par ses saintes prédications soutenues par
l'exemple de ses vertus.
Après la destruction du Castrum Diinum , il écrivit au roi
Sigismond en faveur des captifs nombreux faits dans cette
circonstance , et il en fit délivrer plus de trois mille de dif-
férents âges et de différent sexe. Tant d'éminenles qualités
ne purent échapper à Flavien , évêque d'Autun, qui voulut
234 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
l'ordonner prêtre; mais l'humilité de saint Eptade l'engagea
à refuser cet honneur ; il paraît cependant que plus tard il
consentit à recevoir l'onction sacerdotale, puis il se retira
dans la solitude.
En 502, le siège épiscopal d'Auxerre devint vacant par la
mort de saint Censure. Le clergé et le peuple de cette ville
qui connaissaient les vertus d'Eptade désiraient avec ardeur
de l'avoir pour évêque. Mais Auxerre ne faisait plus partie
du royaume des Burgondes et il fallait le consentement de
Gondebaud, roi de Bourgogne. La paix avait été conclue
entre les deux pays , le roi de France supplia donc Gonde-
baud de lui céder le saint homme Eptade afin qu'on l'or-
donnât évêque d'Auxerre. Le roi Burgonde refusa d'abord
de donner son consentement, mais ne pouvant résister plus
long-temps aux sollicitations réitérées de Clovis , il finit par
céder. Les bollandistes le considèrent comme évêque, mais
il paraît certain qu'il refusa constamment le fardeau de
l'épiscopat. Pour se soustraire aux sollicitations qui lui étaient
adressées , il se réfugia dans les forêts du Morvand Cervi-
dunum, la montagne des cerfs; Cervon fut le lieu de sa
retraite. Ce fut là que quelques compagnons qui avaient pu
admirer ses vertus, vinrent le joindre pour vivre sous sa
direction. Il continua à avancer dans la sainteté et fut après
sa mort compté au nombre des saints.
Ce fut vers la même époque, ajouta M. Devoucoux, que
ut érigé l'évêché de Nevers, car il est à remarquer que Nevers
n'est point cité dans les différents exemplaires de la notice
des provinces rédigée vers le temps de l'empereur Honorius ,
c'est-à-dire vers le commencement du Ve. siècle. Depuis
l'an 439 jusqu'en 500, il s'est tenu dix conciles dans le
royaume de Bourgogne, sans qu'on y lise parmi les souscrip-
tions le nom d'aucun évêque de Nevers. Il est donc indubi-
table que l'évêché de cette ville n'est pas antérieur au VIe..
xvnr. SESSION. 235
siècle. Mais en 505 , il est parlé pour la première fois d'un
évêque de Nevers du nom d'Euladius , dans la vie de saint
Séverin , abbé d'Agaune , écrite par Fauste, son disciple.
Puis les actes du concile d'Epaône, en 517, présentent la sous-
cription de Tauricianus qui prend le titre d'Epïscopus civi-
tatis Nivernensium. C'est donc vers le commencement du
VIe. siècle que fut érigé cet évêcbé , qui comprit dans son
territoire une partie notable du pays attribué aux Eduens.
Le seul événement politique qui puisse rendre compte de cet
établissement nouveau est le mariage de Clovis avec sainte
Clotilde : ce mariage donna au roi de France des droits sur
une partie du royaume de Bourgogne. M. Parmentier, dans
son Histoire des évèques de Nevers , après avoir longuement
disserté sur cette question , résolue différemment par l'auteur
des questions bourguignonnes, p. 178, conclut comme il suit :
« Nous croyons que Clovis, par son mariage avec sainte
Clotilde, a réuni toute la partie du royaume de Bourgogne
qui n'était pas dans les environs du Rbône et de la Saône, et
qu'il y a joint les diocèses ou provinces de Langres, Auxerre,
Sens et Orléans, avec la partie où est aujourd'hui le Niver-
nais , aux provinces déjà conquises par les Français ; Gonde-
baud et Godégésile étant demeurés maîtres du pays situé le
long du Rhône et de la Saône, et jusqu'à la mer de Mar-
seille. »
Il est resté dans les monuments de l'histoire ecclésiastique
du diocèse d'Autun une trace de cet événement : on voit en
effet dans la vie de saint Eptade le passage suivant que nous
rapportons textuellement , parce que l'abbé Claude Joly , les
bollandistes et le père Lecointe n'ont pas su le lire exacte-
ment , ne connaissant pas les localités :
« Eodem tempore (circa annum 500) quo se ad fluvium
" Quorandam , pacis mediante concordià , duorum regum
« super litigiosa est complexa polentia , id est Burgondionum
236 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
« gentis et francorum , a rege Gundobaldo prsecellentissimus
« rex fraucorum suppliciter exoravit, ut hune beatissimum
« virum Dei Eptadium civitatis sua? autissiodorensis praestaret
« antistitem ordinandum, cui petitioni vel electioni praedicti
« régis ita restitit voluntas offensa , lanquam sibi maximas
« vires deposceret possidendas. ïamen propler praesentis
« concordiam populi , pacis et caritatis intuilu , quod poterat
« negare non potuit; cujus accepta promissione auctoritatis ,
« slatim eligitur , consensusque universitatis sequitur popu-
« lorum. »
On voit par ce passage que Gondebaud et Clovis, au
moment où ils conclurent un traité de paix , avaient à s'en-
tendre sur le pays qu'arrose la rivière de Cure, qu'à la suite
de ce traité, l'évêché d'Autun continua à faire partie du
royaume de Bourgogne , tandis que l'évêché d'Auxerre fut
attribué au royaume de France. Saint Eptade était en effet
du diocèse d'Autun, et c'est la raison pour laquelle Clovis, qui
voulait le placer sur le siège d'Auxerre , avait besoin du con-
sentement de Gondebaud dont ce saint homme était le sujet.
Ce même texte nous apprend encore que les deux princes
arrêtant les frontières nouvelles de leurs deux royaumes ,
s'occupèrent des affaires de l'église. On ne saurait trouver
une circonstance plus favorable et concourant davantage avec
la chronologie pour expliquer le démembrement d'une partie
du diocèse d'Autun et l'érection du diocèse de Nevers attaché
à la métropole de Sens, vers le commencement du VIe. siècle.
L'assistance de l'évêque de Nevers au concile d'Epaône , com-
posé d'évêques du royaume desBurgondes, prouve que cette
portion de la métropole de Sens avait conservé encore d'in-
times relations avec l'église d'Autun dont elle venait d'être si
récemment détachée.
M. Morellel, tout en remerciant M. l'abbé Devoucoux de
a glorieuse restitution qu'il vient de faire au Nivernais et au
xviir. SESSION. 237
Morvand, demande la permission de rectifier le récil que
le savant archéologue a fait, d'après Parmentier (Histoire des
évêques de Nevers),dc la réunion du Nivernais au royaume
des Francs. M. Morcllet ne pense pas que le Nivernais ait
jamais fait partie de la dot de la princesse Burgonde, qui
épousa Clovis en Zi93. Ce n'était pas l'usage de démembrer
le territoire en faveur des femmes : on leur donnait des effets
mobiliers, des esclaves, des étoffes, des chariots, des vases
précieux , de l'argent et de l'or en lingot et en numéraire ,
comme l'historien Grégoire de Tours le fait remarquer pour
le mariage de Rigonthc, fdle du roi Chilperik et de Frédé-
gonde ; on ne donnait pas de terre.
M. Devoucoux et M. Bulliot objectent que Brunehaut et
Galsuinthe avaient pourtant reçu des terres à leur mariage :
Brunehaut avait les siennes entre Nevers et Moulins (1) ;
Galsuinthe possédait plusieurs villes dans l'Aquitaine méri-
dionale.
Cela est vrai, reprend M. Morellet, mais ces terres ne
provenaient pas d'une dot émanant du roi des AVisigoths d'Es-
pagne, père des deux princesses. Elles constituaient le présent
du matin , le morgen gab des peuples germaniques , le don
que l'épouse recevait de son mari le lendemain des noces
pour prix de sa virginité ; c'était une sorte de douaire con-
stitué par l'époux. La princesse Burgonde, en épousant Clovis,
Importa sans doute beaucoup d'effets mobiliers, mais ne lui
porta aucune parcelle de territoire. Ce n'est donc pas à
l'époque de son mariage qu'il faut placer la réunion du Ni-
vernais au royaume des Francs. M. Morellet la recule de
quelques années encore; il croit que le Nivernais ne passa
sous la domination des Francs qu'après la guerre de l'an
(1) Voir la savante Histoire de l'abbaye de St. -Martin d'Autun par
M. Bulliot.
238 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
500, qui rendit Gondebaud, roi des Burgondes , vassal el
tributaire de Clovis; et il en trouve une preuve dans le
fragment de la légende de saint Eptade , que M. Devoucoux
vient de lire et où il est question des ravages d'une guerre
terrible et de la joie que les peuples eurent du retour de
paix. Les expressions de la légende de saint Eptade s'appli-
quent évidemment à la guerre de l'an 500 qui fut bien
désastreuse, si l'on en juge d'après les récits de saint Gré-
goire de Tours. M. Morellet raconte brièvement cette guerre
de Clovis contre les Burgondes , guerre qui fut suscitée par
l'ambition du roi Godégésile; et il termine en ajoutant que,
quant à la date qu'il faut assigner à l'érection de l'évêché
de Nevers, il est heureux de partager l'avis du savant ar-
chéologue d'Autun.
M. l'abbé Devoucoux déclare n'avoir rien à dire contre
cette explication de M. Morellet et l'accepter sous bénéfice
d'inventaire.
M. Devoucoux parle ensuite d'un pouillé du diocèse de
Nevers, dont l'original existe dans la bibliothèque de l'évêché
de cette ville , mais dont on n'avait pu jusqu'à présent fixer
la date d'une manière certaine ; il entre dans de grands dé-
tails sur l'histoire d'une copie de ce pouillé , appartenant à
l'évêché d'Autun, copie qui fut faite au commencement du
XVIe. siècle, pour servir à un procès entre l'abbesse de St.-
Pierre de Lyon et une religieuse de ce monastère , et qui
fait connaître que le pouillé fut dressé en ihlU par ordre de
l'évêque de Nevers , Pierre de Fontenay. Enfin le savant
vicaire-général d'Autun entretient le Congrès de la magni-
fique bibliothèque qu'avait formée Mgr. de Tinseau, évêquede
Nevers , au milieu du XVIIIe. siècle , bibliothèque qui est
conservée dans la famille de ce prélat en Franche-Comté.
Elle prouve, ajoute-t-il , tout ce qu'il y avait de science dans
cet évêque , car sa composition seule peut être considérée
XVIIIe. SESSION. 239
comme un chef-d'œuvre ; il a fallu des connaissances variées
et une érudition profonde, pour réunir tous les ouvrages
qui forment cette bibliothèque; et si on peut supposer qu'elle
est l'œuvre des personnes qui entouraient le prélat , son mé-
rite n'en serait point affaibli ; il en résulterait qu'il savait
choisir et attirer auprès de lui les hommes les plus éminents.
Puis, s'adressant à Monseigneur, « l'antique siège épiscopal de
Nevers n'a rien perdu, dit-il, de sa splendeur et de sa gloire,
maintenant , comme alors , on y voit encore briller la science
et la vertu. »
Monseigneur remercie M. l'abbé Devoucoux des savantes
communications qu'il vient de faire; déjà, dit-il, nous ho-
norions saint Eptadc comme ayant sanctifié notre pays par
ses vertus ; d'après les intéressantes recherches de M. De-
voucoux , le Nivernais peut encore se glorifier de lui avoir
servi de berceau. Ces précieux documents , nous les devons
à un Nivernais , car M. Devoucoux est Nivernais d'origine ,
nous tenons à le dire bien haut , nous nous en faisons gloire.
M. Crosnier appelle l'attention de l'assemblée sur un
christ , un reliquaire et une custode émaillés , qui sont dé-
posés sur le bureau. Le christ , qui pourrait être antérieur
au XIe. siècle, porte en tête une couronne royale; la tète est
légèrement inclinée à droite ; les bras sont tendus horizonta-
lement. Tout ce qui est chair est doré , ainsi que la cou-
ronne ; les yeux sont deux points émaillés ; une double tu-
nique couvre tout le corps ; une première tunique, en forme
d'aube, descend jusqu'aux pieds; la seconde, en forme de
dalmalique à manches , ouverte un peu par le côté et laissant
apercevoir l'émail blanc de l'aube , descend au-dessous du
genou ; elle est d'un bleu foncé , enrichi de filets d'or et
bordée au bas d'un liseret bleu clair.
La custode présente une forme cylindrique surmontée d'un
couvercle conique avec une croix; ce genre de custode se
2/40 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
trouve assez fréquemment dans le Nivernais et dans l'ancien
Auxerrois ; le cylindre et le cône sont ornés de larges feuilles
et d'enroulements à émaux variés enrichis de filets d'or.
Cette custode nous a paru remonter à la fin du XIIe. siècle
ou au commencement du XIIIe.
Quand au grand reliquaire émaillé , il est dans un état de
conservation tel que quelques membres étaient tentés de le
considérer comme une contrefaçon. Cependant après l'avoir
bien étudié, on a abandonné cette pensée. Il présente la forme
d'un édifice à deux pignons avec comble à deux pentes , une
crête découpée à jour orne le sommet du toit. La face prin-
cipale se distingue par les sujets qui y sont représentés ; c'est
d'abord , dans la partie droite , le Sauveur en croix ; le soleil
et la lune dominent le croisillon; la ceinture du Sauveur a
les proportions du tablier et retombe jusqu'au dessus du
genoux ; à droite est la Sainte-Vierge debout au pied de la croix;
à gauche est saint Jean tenant un livre; deux autres personnages
sont debout, un de chaque côté: ce sont deux apôtres sans at-
tributs autres que le livre qu'ils portent, les pieds sont nuds.
Sur cette face la figure seule des personnages est en relief,
le corps est au trait ; et sur les autres faces tout est au trait.
Le toit qui domine J.-C. en croix représente J.-C. juge
dans une gloire circulaire , l'A et Va sont de chaque côté de
la tète du Sauveur, il tient de la main gauche un livre, de la
droite il bénit ; les angles du tableau sont remplis par les têtes
nimbées des animaux symboliques ; de chaque côté deux
anges , dont la partie inférieure du corps est cachée dans les
nuages , tiennent chacun un livre , tout le reste du reliquaire
est garni de bustes d'anges sur des nuages et renfermés dans
des cadres circulaires. Le fond de l'émail est d'un bleu foncé ,
orné de losanges , de perles , de roses , d'émaux variés ; les
cadres de ces différents tableaux sont dorés ainsi que les
personnages.
XA IIIe. SESSION. 241
Ce reliquaire est évidemment une œuvre de la fin du XIP.
siècle.
Un autre petit reliquaire en argent, orné de filigranes d'or ,
était aussi déposé sur le bureau ; c'est une boîte bivalve dont
le fond extérieur est garni d'une inscription grecque; 31.
Didron en a donné le dessin et l'explication dans les Annales
archéologiques; il appartient à 31gr. l'évèque de Nevers : on
l'attribue au XIVe. siècle.
Trouvc-t-on des exemples du plan rectangulaire de
l'église de Clamecy avec un déambulatoire ?
M. Grosnier donne quelques explications nécessaires pour
bien faire comprendre la question : il ne s'agit pas, dit-il,
de savoir si on connaît des églises dont les absides sont à
angle droit ou plutôt qui n'ont point d'abside proprement
dite ; les églises de ce genre , sans être les plus communes ,
se rencontrent cependant assez fréquemment surtout dans les
provinces du centre. L'église de Clamecy est un parallélo-
gramme parfait avec trois nefs, et le déambulatoire, au lieu
d'être circulaire comme on le voit partout, se coupe aussi à
angle droit. Quatre faisceaux de colonnettes sur une même
ligne horizontale forme le fond du sanctuaire.
31. de Caumont demande à 31. Crosnier si le chevet de
l'église est éclairé. 31. Crosnier répond que les trois fenêtres
symboliques généralement admises à cette époque, surtout
dans les grands édifices, se remarquent dans le mur du chevet
et répandent la lumière d'abord dans le déambulatoire , puis
dans le sanctuaire, dans l'eutrecolonnement du fond. Tous les
membres du Congrès déclarent qu'ils ne connaissent pas
d'autres exemples d'un semblable plan.
L'inclinaison de l'axe est-il propre au XJll". siècle ?
En trouve-t-on des exemples avant ou après celte époque?
En faveur des dames qui assistent en grand nombre à cette
séance et qui probablement ne sont point encore très-versées
dans les termes archéologiques , 31. l'abbé Crosnier explique
2^1 2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
ce qu'on entend par inclinaison de l'axe ; c'est , dit-il , cette
déviation qu'on remarque dans certaines églises par suite de
laquelle la partie du chœur est inclinée à droite ou à gauche
au lieu de suivre la ligne droite qui est imprimée à la nef.
Au moyen âge , ajoute-t-il , à l'époque romane et surtout au
XIIIe. siècle, on cherchait à inspirer les sentiments religieux
en multipliant les symboles soit dans le plan des édifices sacrés,
soit dans leur genre d'ornementation. Il est évident que cette
inclinaison de l'axe si souvent reproduite et dans des pays
éloignés les uns des autres, devait être le résultat d'une
idée prédominante. L'église, avec sa forme cruciale, forme le
plus communément adoptée , représentait le corps du Sauveur
étendu sur la croix , le chœur naturellement figurait la tête ;
pour exprimer le moment suprême, le complément du grand
sacrifice qui n'a été parfait qu'au moment où la grande victime
a rendu le dernier soupir, il fallait traduire le passage de
l'évangile, et inclinato capite tradidit spirititm, c'est ce
qu'on fit en inclinant cette partie de l'église. Presque toutes
les grandes églises du XIIIe. présentent ce caractère , mais il
serait important de savoir , si les églises antérieures ou posté-
térieures à cette époque le présentent d'une manière aussi
générale.
M. Devoucoux a remarqué la déviation de l'axe dans trois
églises du XIe. siècle ; ces églises sont, il est vrai, de con-
struction peu soignée, et il se pourrait que ce fût une irrégu-
larité involontaire.
M. Morellet ne pense pas qu'il faille considérer la déviation
de l'axe dans les églises du XIe. siècle comme une irrégularité.
C'est un fait qu'il a remarqué dans les grandes églises du
XIe. siècle qu'il a eu l'occasion de visiter, et il en a visité
beaucoup soit au centre , soit au Nord , soit au Midi de la
France, car le Ministre de l'Instruction publique l'a plus
d'une fois envoyé se promener malgré lui. Du moins il s'est
consolé dans ses excursions forcées en faisant de l'archéologie.
XVIIIe. SESSION. 2/|3
Partout il a vu l'axe dévier et s'incliner tantôt à droite, tantôt
à gauche. Dans le Nivernais, cette déviation se trouve dans
l'église de Saint-Etienne de Nevers (XIe. siècle) et dans celle
de la Charité-sur-Loire (XIIe. siècle). Elle est dans l'église
de Vézelay , dans la cathédrale de Nevers au XIIIe. siècle.
M. Morellct a remarqué, au XIVe. siècle, la déviation de
l'axe dans la belle église de Varzy , tout entière du XIVe,
siècle. Toutes les églises de Paris , quel qu'en soit l'âge, mais
antérieures au siècle de Louis XIV , ont l'inclinaison de
l'axe , même la magnifique église de Saint-Eustache qui est
le chef-d'œuvre de la renaissance.
M. Devoucoux comprendrait plutôt cette déviation au
XIIIe. siècle qu'au XIIe. ; en effet, à l'époque romane , l'ico-
nographie avait un champ plus vaste ; on pouvait placer sur
les chapiteaux les représentations symboliques qui plus lard
ont pris place dans le plan général et les lignes de l'église.
Il rappelle qu'en jetant un coup-d'œil attentif sur la cathé-
drale d'Autun , on retrouve d'une manière évidente l'intention
de représenter le Sauveur en croix ; ainsi à l'endroit qui
correspond à la plaie du côté , est figurée la chute de l'homme;
à la proximité on voit les quatre fleuves du paradis terrestre,
figure des grâces qui se répandirent dans le monde à la mort
du Sauveur.
M. de Glanville cite l'église de Saint-Ouen de Rouen où a
déviation n'existe pas.
La discussion continue pour savoir s'il y a toujours eu in-
tention formelle d'établir l'inclinaison , ou bien si on ne pour-
rait pas l'attribuer quelquefois à l'inhabileté des architectes
ou à la disposition des lieux.
M. Quantin appuie cette dernière opinion.
M RI. de Caumont et de Surigny citent les églises de Brugers
et de Souvigny , dans lesquelles l'inclinaison est de quatre à
cinq pieds. M. de Caumont ajoute qu'il n'y a rien de bien
ïkk CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
positif sur la direction de la déviation ; on trouve aux mêmes
époques cette direction tantôt à droite, tantôt à gauche, mais
le plus souvent à droite.
M. l'abbé Crosnier propose de répondre ainsi à la ques-
tion : L'inclinaison de l'axe existe ordinairement à droite;
toutefois on en trouve des exemples a gauche , comme à
St.-Cyr de Nevers et a St. -Are de Décise. Aux XIe. et XIIe.
siècles, cette déviation est ordinairement presqu'insensible et
souvent elle n'existe pas; au XIIIe. siècle, elle est plus mar-
quée et presque générale ; au XIVe. siècle , l'on commence à
abandonner tout symbolisme, elle devient de plus en plus
rare pour ne plus se retrouver qu'exceptionnellement aux XVe.
et XVIe siècles. La grande majorité du Congrès approuve celte
rédaction.
M. Crosnier fait observer encore que des églises du XIIIe.
siècle se rencontrent sans qu'on remarque cette déviation ,
du moins d'une manière sensible; qu'il serait important de
considérer si les fondations de ces églises n'auraient pas été
jetées à une époque antérieure; comme aussi lorsqu'on re-
trouve cette inclinaison au XIVe. et au XVe. siècles, si ces
églises n'auraient pas été élevées sur des fondations établies
au XIIIe.
Les églises du XIIIe. , du XIVe. et du XVe. siècle ont-
elles , dans te Nivernais , des caractères particidiers?
M. Victor Petit , rattachant cette question à l'influence des
styles généraux d'architecture au moyen-âge, dit qu'en jetant
un rapide coup-d'œil sur l'ensemble des différents édifices reli-
gieux de la province du Nivernais, on remarque que cette
contrée n'a pas de style qui lui soit particulier. En effet, le
Nivernais est entouré et dominé, si on peut dire ainsi, par
de grandes églises cathédrales et abbatiales dont il suffit
de rappeler les noms pour faire reconnaître l'importance
archéologique. Les cathédrales d'Autun et d'Auxerre , les
XVIIIe. SESSION. 2ù5
abbatiales de Cluny, Paray-Ie-Monial, Vézelay, et enfin,
pour le département de la Nièvre lui-même , les grandes
églises de Nevers et celle si célèbre de La Charité, ont déve-
loppé autour d'elles l'influence de leur caractère sous le
double rapport de la construction et de l'ornementation.
Pour se renfermer dans les limites posées par la 13e. ques-
tion, il ne faut donc pas comparer entr'elles les grandes églises
qui viennent d'être nommées, elles sont justement célèbres et
M. Victor Petit appuie beaucoup sur ce point. Ce qu'il faut :
c'est étudier la part d'influence que chacun de ces magni-
fiques monuments a exercée autour de lui, et rechercher
quelle a été la plus ou moins bonne réussite des parties
imitées.
Dans le Nivernais, les monuments des XIIIe. , XIVe. et
XVe. siècles n'ont point de caractères particuliers qui puissent
être, avec certitude, signalés aux archéologues étrangers.
Ici comme partout , on retrouve l'empreinte de l'immense
influence qu'exerce sans cesse, et d'une manière invincible,
la nature des matériaux mis en œuvre. Dans beaucoup de
vallées, c'est le calcaire dur qui est employé, tandis que dans
d'autres contrées c'est le granité. Il en résulte donc des dif-
férences notables. Toutefois, on peut assez facilement recon-
naître l'origine du modèle qui a servi de type. D'ailleurs , le
voisinage de l'un des grands édifices signalés tout à l'heure
peut donner d'utiles indications, soit pour constater la simi-
litude et l'analogie des détails, soit au contraire pour en
faire remarquer les dissemblances. C'est ainsi qu'on arrive à
classer chronologiquement les églises de village et aussi les
plus humbles chapelles isolées. Dans le Nivernais , comme
partout , l'analogie d'ornementation est tellement frappante
qu'on est amené à penser que les ouvriers qui ont travaillé
aux grandes églises ont aussi travaillé aux petites. Cette
conjecture serait irréfutable en ce qui concerne l'orne-
16
2'l6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
mentation proprement dite. Il n'est pas douteux que les
sculpteurs , ayant terminé leurs travaux aux cathédrales ,
n'aient été employés aux sculptures des églises secondaires
et même aux petites chapelles particulières. Les périgrinations
d'un certain nombre de ces ouvriers peuvent expliquer
parfaitement les exceptions que l'on trouve de temps en
temps à la règle « d'influence locale » que les grands centres
religieux ont exercée autour d'eux.
Les nombreuses et curieuses églises du Nivernais n'auraient
donc pas, d'après l'opinion de M. Victor Petit, de caractères
particuliers de construction et d'ornementation pour les
siècles indiqués dans la treizième question. Ces caractères se
modifient, tout en conservant pour modèles les différents types
qu'on admire à Cluny , Autun , Paray-le-Monial , et surtout à
Auxerre, Nevcrs et La Charité.
M. de Surigny prend vivement et à diverses reprises la
parole , non pour contester entièrement le système d'imitation,
indiqué par le préopinant comme pouvant se généraliser en
Nivernais, mais pour démontrer que l'influence monacale
était plus certaine que l'influence locale ou régionale.
L'orateur entre dans de curieux et longs développements
relatifs à l'influence incontestable qu'a exercée la puissante
abbaye de Cluny ; puissance qui s'étendait sans s'affaiblir jus-
qu'au fond des contrées les plus éloignées. M. de Surigny décrit
avec animation les caractères qui , selon lui , feront toujours
reconnaître partout et sans hésitation le type adopté par
l'Ordre de Cluny. Il ajoute que , bien souvent , il devina la
présence ou l'influence exercée autrefois dans un certain
nombre de localités par l'Ordre de Cluny, et cela à des
signes certains qui, d'ailleurs, étaient confirmés par les té-
moignages non suspects des habitants de la contrée.
M. Victor Petit répond à M. de Surigny , en cherchant à
ramener la discussion dans les limites posées par le pro-
xvnr. session. 247
gramme : nous sommes en Nivernais, n'en sortons pas , répèle
plusieurs fois l'orateur.
M. l'abbé Crosnier veut bien avec M. Victor Petit faire la
part des influences locales; ainsi il reconnaît dans l'église de
Clamecy, soit dans le tracé des moulures, soit dans certaines
parties ornementées, l'influence et peut-être même la main de
l'architecte qui a dirigé les travaux de la cathédrale d'Auxerre ;
par exemple , dans les tètes qui se voient à la retombée et à la
jonction des arcs du pourtour d'une partie des basses-nefs et
du déambulatoire , mais il ne voudrait pas qu'on accordât
trop d'importance à ces influences locales ; il y reconnaît une
autre influence dont il a parlé ailleurs, l'influence de corps.
Le monastère de La Charité a imprimé son cachet, non pas
seulement aux églises qui l'environnaient, mais bien plutôt à
celles qui étaient sous sa dépendance , aussi nous retrouvons
dans les Amognes grand nombre d'églises qui nous rappellent
les gracieux détails d'ornementation que nous admirons à La
Charité.
M. Devoucoux parle de l'influence architecturale de Cluny
et de la lutte entre le clergé régulier et le clergé séculier.
M. de Surigny reconnaît plutôt, avec M. Crosnier qui a
développé au Congrès de Bourges les principes qui lui paraissent
incontestables, d'abord les influences monacales, puis plus tard
l'influence ecclésiastique et l'influence laïque.
MM. Quantin et de Soulîrait appuient cette opinion ; Mgr.
l'évêque qui la partage ne concevrait pas comment au moyen-
âge les églises rurales , qui pour la plupart dépendaient des
monastères, auraient pu être construites autrement que sous la
direction des religieux auxquels elles appartenaient et qui
reproduisaient dans ces modestes constructions le style de
leurs grandes églises. M. de Soultrait signale les chapiteaux de
l'ancienne église de St. -Sauveur de Nevers, qui offrent des
caractères byzantins incontestables. Sur l'un se voit une église
2^8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
dont le clocher est de forme tout-à-fait orientale; sur d'autres
sont figurés un chameau , une chasse au crocodile et d'autres
animaux fantastiques. L'église de St. -Pierre-le-Moutier pré-
sente des animaux analogues; du reste, M. de Soultrait s'élève
contre le nom de byzantine donnée trop généralement à l'ar-
chitecture du XIIe. siècle. Toutefois, les coupoles que l'on
trouve dans beaucoup d'églises du Nivernais sont en effet un
caractère que l'on peut appeler byzantin.
M. de Surigny pense que l'introduction de la coupole en
Bourgogne et dans les pays voisins de Cluny , où cette forme
architectonique aurait été apportée de l'Orient, est d'autant
plus curieuse à étudier, que cette disposition est inconnue
dans le Nord , tandis que dans nos pays elle se rencontre. M.
Crosnier fait observer que la plupart des églises à coupoles du
Nivernais relevaient de La Charité.
M. Crosnier ajoute pour compléter la question du pro-
gramme, que ce qu'on a nommé pointe-mousse , c'est-à-
dire ce léger bourrelet qu'on remarque souvent sur les ner-
vures et quelquefois sur les colonnes et colonnettes , avait
été considéré primitivement comme propre à l'ancienne
Bourgogne dont dépendait le Nivernais; mais qu'il a re-
trouvé cette pointe-mousse plus ou moins accentuée sur
différents points de la France. Il pense donc que ce serait
à tort qu'on la présenterait comme un caractère propre à la
Bourgogne.
Dans le Nivernais, dit-il, cette pointe-mousse semble
suivre les différents développements de l'ogive , on dirait
que les nervures auraient été coulées , selon les époques
auxquelles elles appartiennent, dans un moule ogival; la pointe-
mousse, légère d'abord au XIIIe. siècle, plus accentuée
au XIVe. , semble prendre la forme de l'arc à contre-
courbe au XVe. et finit au XVIe. par devenir complètement
prismatique.
XVlll". SESSION. 2/|9
Les nervures purement prismatiques se rencontrent-elles
avant la fin du X V". siècle dans le Nivernais ?
M. l'abbé Crosnier fait observer que l'ancienne Bourgogne
n'a pas adopté facilement les nervures purement prismatiques,
et que si , dans d'autres pays , dans la Touraine , par exemple,
les formes anguleuses se rencontrent dans le cours du XVe.
siècle , dans le Nivernais on semble ne les avoir adoptées qu'à
regret, on a préféré les formes arrondies qu'on a long-temps
conservées ; à la fin du XVe. et au commencement du XVIe.
on retrouve fréquemment le prisme alterné avec le tore ; il
pourrait citer un grand nombre d'exemples , surtout dans le
nord du département , mais il suffit de jeter un coup-d'œil
sur la tour de la cathédrale qui est des premières années du
XVIe. et on verra que les formes arrondies sont mélangées
aux formes anguleuses.
A l'appui de ce que vient de dire M. Crosnier sur l'emploi
tardif des moulures prismatiques dans le Nivernais , M. de
Soultrait fait observer que le portail de l'église St. -Are de
Decise , qui offre des moulures prismatiques et qui a toute
l'apparence d'une construction du commencement du XVIe.
siècle, a été refait en 1583 ; il a retrouvé la date de cette
reconstruction dans les archives de Decise.
M. de Soultrait dépose sur le bureau un buste de Théodore
de Bèze , en terre cuite très-fine , qui lui a été donné par
M. Joseph de Fontenay pour enrichir sa collection niver-
naise , déjà fort considérable , dont il compte un jour faire
don à la ville de Nevers; ce buste portant le nom de Théo-
dore de Bèze et la date de 160& est d'un travail admirable.
C'est probablement le portrait le plus exact qui existe de ce
célèbre hérésiarque nivernais.
M. de Surigny a remarqué dans la partie occidentale du
croisillon septentrional du transept de la cathédrale de Nevers ,
250 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
des peintures à fresque fort curieuses ; elles lui paraissent
d'une haute antiquité , il serait porté à les considérer comme
contemporaines de cette partie de l'église , c'est-à-dire du
XIIe. ou du XIIIe. siècle. Il émet le vœu qu'on mette tout
en œuvre pour les conserver et surtout qu'on tâche de les
garantir des eaux pluviales découlant d'une fenêtre qui leur
est superposée.
La séance est levée à 5 heures.
Le Secrétaire-adjoint ,
C,e. Georges de Soultrait.
ire. Séance «Su vendredi 13 JnSn.
Présidence de M. Lallier.
La séance est ouverte à huit heures.
Siègent au hureau : MM. le général Pétiet ; Barat; le baron
de Fontette; l'abbé Lepetit; de Caumont ; l'abbé Manceau ,
chanoine de Tours et inspecteur des monuments d'Indre-
et-Loire ; Gaugain ; l'abbé Crosnier , secrétaire-général du
Congrès, et le comte Georges de Soultrait, secrétaire-adjoint.
On remarque parmi les membres présents : MM. le comte
de Bizy ; l'abbé Millet ; le comte de Chaumigny ; de Buzon-
nière ; Victor Petit; l'abbé Vée ; l'abbé Clément; Gallois;
le comte de Choulot ; Bernay , etc.
Le procès-verbal de la visite du Congrès aux divers établis-
sements de Yarennes-les-Nevers , rédigé par M. Bulliot , est
entendu :
xvur. SESSION. 251
rapport de m. rulliot sdr l'excursion du
congrès de nevers a varennes (1).
Messieurs ,
Le Congrès , acceptant avec reconnaissance l'offre bien-
veillante , faite par Mgr. Dufèlre , de visiter la chapelle de
Varennes, s'est réuni le 12 àl'évêché. Après l'honorable récep-
tion dont il a été l'objet, il s'est rendu sur les lieux accompagné
de Monseigneur et de M. le Préfet , qui , après avoir suivi avec
assiduité vos séances , n'ont pas voulu se séparer de vous dans
vos excursions.
Le petit séminaire , placé sur votre route , a été le premier
point de halte. Cette belle construction , située sur une émi-
nence dominant la plaine de la Loire et les usines de Four-
chambault, a excité une admiration méritée. Sa position
salubre , l'air pur qu'on y respire , une campagne riche-
ment boisée , y réunissent le charme du paysage aux condi-
tions hygiéniques les plus favorables , vous avez été frappés
de l'excellente tenue de l'établissement.
Les dortoirs , cette partie si importante d'un pensionnat
bien conduit , ont été disposés avec une prévoyance irrépro-
chable. Une sollicitude maternelle a placé sous la main de
chaque élève tout ce que la propreté la plus exigeante et
l'hygiène réclament , en évitant toutefois les soins superflus
du corps dont la jeunesse sérieuse doit strictement s'affran-
(1) Varennes est situé à 6 kilomètres de Nevers, au bas du plateau
sur lequel Mgr. Dufêtre a fait construire le petit séminaire de Pignelin.
Outre rétablissement des orphelines, Monseigneur a réuni dans le même
local, en évitant cependant toute communication, un lieu de refuge pour
les fdles repentantes, un asile pour les sœurs de La Charité malades ou
infirmes et une classe d'externes pour les petites filles de la paroisse.
252 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
chir. Vous avez tous remarqué , messieurs , la santé pros-
père , l'expression heureuse de la physionomie des élèves.
Vous avez reconnu là , non point seulement le résultat de
l'équilibre des organes , mais l'effet certain de l'influence
morale. Les premiers médecins sont la paix du cœur , le
calme de la conscience , le sentiment du devoir accompli.
Un élève , au nom de ses condisciples , a remercié Mon-
seigneur et MM. les membres du Congrès de la marque d'in-
térêt et de bienveillance dont ils étaient l'objet.
Ses paroles courtes et réfléchies font honneur à son intel-
ligence et à ses sentiments sérieux.
Monseigneur , dans une allocution paternelle , a rappelé à
ses jeunes auditeurs les souvenirs religieux de la dernière se-
maine , où l'église célébrait la communication de la lumière
divine à l'homme. Il leur -a en même temps rappelé que la
science est la lumière de ce monde , et que , par le travail et
des efforts soutenus , ils arriveraient à en prendre possession.
M. de Caumont, pour faciliter aux élèves les éludes archéo-
logiques, a fait don à la bibliothèque du séminaire de ses
propres ouvrages et des publications de la Société française
pour la conservation des monuments. Il a en même temps
demandé et obtenu un congé.
Cette partie du discours est vivement applaudie par l'audi-
toire intéressé.
Les membres du Congrès ont ensuite visité la chapelle ro-
mane , construite à Varennes par les soins de Monseigneur
et sous sa direction. Cet édifice , conçu sur un plan sévère ,
reproduit fidèlement les dispositions de l'architecture chré-
tienne au XIIe. siècle. Un autel , composé dans la rigueur
des principes de cet art, des chapiteaux et des modillons scru-
puleusement modelés sur les types les plus certains , ont dé-
montré ce que l'on peut attendre d'effet artistique et reli-
gieux de l'emploi intelligent de cette architecture.
XVIIIe. SESSION. 253
M. Paillard , architecte du département , chargé de ce
travail , a su , contrairement aux précédents d'un grand
nombre de ses collègues, se garantir delà tentation d'innover,
et s'est limité avec une louable abnégation dans toutes les
exigences du style reproduit.
Le sculpteur, M. Sirode, a fait preuve d'un véritable
talent. Il semble avoir retrouvé le sentiment qui animait les
artistes proposés à son imitation. Nous avons pensé un mo-
ment avoir à lui reprocher trop de fini dans ses chapiteaux ,
mais en examinant de près la sculpture , nous avons reconnu
qu'une partie de ce défaut était due à la qualité de ses ma-
tériaux ; la finesse du grain nuit au nerf des saillies.
Sur la proposition de 31. de Caumont , deux médailles
d'argent ont été votées , l'une à M. Paillard , architecte de la
chapelle , l'autre à 31. Sirode , le sculpteur. Ce témoignage
sera pour eux un motif de persévérer dans la ligne qu'ils ont
adoptée.
3Iaintenant, Messieurs, nous n'avons plus à juger, mais
à nous incliner. Vous avez traversé les salles d'asile , où de
jeunes orphelines ont retrouvé ces soins de la famille , qui
ne se retrouveraient jamais sans la religion ; les ateliers , où
un travail proportionné à leur âge et à leurs forces les initie
doucement aux exigences futures de la vie. Vous avez vu sur
tous ces jeunes fronts cette dignité modeste , issue de l'esprit
chrétien , qui ennoblit l'humanité sous tous les vêtements.
Vous avez respiré la paix qui régnait dans toutes ces âmes ,
dont plusieurs étaient destinées peut-être à un avenir au moins
incertain , et visité avec intérêt la retraite où les enseigne-
ments du cœur et de l'exemple rendent à l'honneur et à la
société celles qu'un premier écart de l'inexpérience pouvait
sans retour abandonner au mal (1). C'est avec un recueille-
(l)On ne saurait trop féliciter l'administration qui a enlevé ces jeunes
254 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
ment mêlé de respect que vous avez vu passer ces sœurs in-
valides de la charité, se survivant à elles-mêmes pour produire
le bien, et trouvant encore le moyen d'être utiles dans les in-
firmités mêmes qui les ont condamnées à l'inaction.
Vous signaliez , il y a deux jours , dans vos travaux les
maisons d'hospitalité semées le long des voies romaines par
les premiers évêques et les premiers moines ; les hôtelleries
ouvertes à tout le monde , à l'entrée des monastères du
moyen-âge. Eh bien ! messieurs , ce qu'il y a de moins
nouveau sous le soleil depuis le christianisme , c'est la charité
chrétienne. Vous avez vu aujourd'hui , à quelques pas de
cette cité populeuse , les hôtelleries de l'enfance , de la jeu-
nesse , du repentir , du dévouement. Sous le dernier suc-
cesseur de ces premiers évêques , vous avez retrouvé , sous
des formes nouvelles nécessitées parles modifications sociales,
les mêmes monuments qui vous apparaissent aux premiers âges
des églises. Après vous , d'autres viendront, qui, à leur tour ,
interrogeront l'histoire et le passé. Placés assez loin de notre
siècle pour l'apprécier sans prévention , ils porteront sur lui
le jugement qu'il aura mérité. Quel sera-t-il ? Nous l'ignorons ;
mais ce qu'ils constateront à coup sûr, c'est que le christia-
nisme n'aura point failli à sa tâche. S'ils avaient à porter ,
sous plus d'un rapport , un jugement sévère , ils n'oublieraient
pas les mains assez heureuses pour fonder , au nom de la
religion , et protéger , au nom des lois , ces établissements
qui sauvent les nations , ou du moins prolongent leur vie ,
lorsqu'elles ne veulent plus se sauver.
De vifs applaudissements accueillent cette communication ;
on décide qu'une seconde lecture en sera faite à la séance du
soir , en faveur des dames qui s*y rendent en plus grand
nombre.
filles aux maisons purement pénitencières , pour coniier leur réhabilitation
à des soins religieux.
XVIIIe. SESSION. 255
M. Victor Petit fait ensuite la lecture du procès-verbal de
la visite faite au musée nivcrnais de l'IIôtel-de-Ville.
VISITE DU CONGRÈS AU MUSÉE NIVERNAIS.
Le 13 juin , à 11 heures , les membres du Congrès se sont
rendus au musée qui occupe une partie du second étage de
l'Hôtel-de-Ville. Ce musée, nommé spécialement ni vernais, a
été formé par M. Gallois , ancien conducteur des ponts-et-
chaussées, qui, depuis long-temps, recueille tout ce qu'il peut
trouver d'intéressant pour le pays. Le musée occupe quatre
salles; la première renferme des faïences : près de 400 pièces
de diverses époques et de formes variées sont rangées sur des
rayons ou suspendues aux murs; la plupart de ces faïences sont
de fabrique nivernaise , fabrique établie à Nevers à la fin du
XVIe. siècle par le duc Louis de Gonzague qui avait fait venir
de Faenza des ouvriers habiles; au XVIIe. siècle, cette
industrie devint très-florissante et le nombre des manufactures
se multiplia tellement, qu'en 1742 un arrêt du parlement en
fixa le nombre à onze , puisa huit quelques années plus tard :
les prescriptions de ces arrêts ne furent jamais , il est vrai ,
observées d'une manière bien rigoureuse. Aucune ville de
France ne produisit des faïences comparables à celles de
Nevers , surtout à celles du XVIe. siècle , dont quelques-unes
peuvent être comparées aux plus beaux produits de l'Italie en
ce genre.
L'assemblée a examiné avec intérêt une magnifique col-
lection de faïences nivernaises, dont la beauté de forme et de
couleurs mérite d'attirer l'attention des archéologues et des
artistes. Il serait trop long de décrire ici les nombreuses pièces
qui ont été admirées : ce sont des vases de toutes formes ,
des fontaines , des plats , des tableaux , des statuettes , etc.
256 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE,
Celles du XVIe. siècle sont plus petites et leur ornementation
est beaucoup plus fine , les tons jaunes et bleus y abondent ;
elles offrent souvent des scènes marines , des Naïades et des
Tritons jouant au milieu des flots. Au XVIIe. siècle, les pièces
sont plus grandes et l'ornementation en est plus variée , on y
trouve des scènes tirées de la mythologie et des Romains de
l'époque ; mais à mesure que l'on avance vers le XVIIIe.
siècle , le dessin est moins correct ; enfin , à cette dernière
époque , les manufactures de Nevers ne produisirent plus
guère que des objets de médiocre grandeur el d'un usage
vulgaire , dont l'ornementation , généralement fort grossière,
consista en figures et en inscriptions d'un goût tout-à-fait
rabelaisien. Un plat entr'autres, portant la date 1758 , offre
deux ou trois scènes tellement légères qu'il nous serait diffi-
cile de les décrire , puis au-dessous , un homme couché au
pied d'un arbre , adresse à saint Lâche l'oraison suivante
qui se lit auprès de sa tête :
Oraison
a
Sains Lâche
Patron de la société des paresseux
Bien heureux sains Lâche qui possédée le
royaume de la féniantisse faite que par votre
interselions nous puissions bien boire et bien mange
sans jamais travaillier. Ses ceque nous vous
demandons grand sains. Amen.
Un travailleur des ateliers nationaux n'aurait pas mieux dit.
Dans la salle des faïences se trouvent aussi divers fragments
de carreaux rouges , de dessins blancs du XIIIe. siècle ,
trouvés dans les ruines du château de Buley ; l'un offre un
château et des fleurs de lis ; l'autre des rinceaux d'un joli
dessin , puis des carreaux éraaillés du XVIe. siècle , provenant
du château ducal de Nevers , orné d'initiales et d'emblèmes
\\iue. session. 257
de la maison de Gonzaguc , encadrés de feuillages et peints de
couleurs diverses , sans beaucoup de soins , sur un fond
blanc. Enfin d'autres carreaux , aussi de fabrique nivernaise ,
portant sur un fond jaune des personnages en costumes orien-
taux , peints en bleu.
La seconde salle renferme une bibliothèque formée d'ou-
vrages relatifs au Nivernais , deux verrines , sous lesquelles se
trouvent divers objets antiques et du moyen-âge, et enfin des
collections d'histoire naturelle. Les membres du Congrès ont
examiné avec intérêt les antiquités contenues dans les deux
verrines: ce sont de la période gallo-romaine, des fibules, des
colliers, des statuettes en bronze et en terre cuite , des bra-
celets et des clefs du moyen-âge et de la renaissance : des
sceaux, des manuscrits à miniatures et des livres des premiers
temps de l'impression , de petits ustensiles divers et enfin de
petites figures plates en terre cuite qui étaient clouées à la tête
d'un cercueil trouvé dans l'église St. -Sauveur de Nevers ; on
y voit un moine , un personnage vêtu d'une sorte de cotte
d'armes , des religieuses, et il a paru difficile de préciser l'âge
de ces petites statuettes. Tous ces divers objets ont été trouvés
dans le département de la Nièvre. On a placé contre la fenêtre
un assez joli fragment de vitrail de la fin du XVe. ou du com-
mencement du XVIe. siècle représentant saint Jacques en
pèlerin , prêchant devant une nombreuse assemblée.
Dans la troisième salle se trouve une collection d'environ
1500 médailles et monnaies antiques et du moyen-âge , au
milieu de laquelle on a remarqué la série presque complète
des monnaies et jetons du Nivernais : voici l'indication de
quelques objets qui ont particulièrement attiré l'attention de
la réunion.
Un bel émail de la fin du XIIe. siècle représente le Christ
en croix , accompagné de la Vierge et de saint Jean , et au
haut du soleil et de la lune personnifiés. Aux pieds de la
croix , Adam est figuré par un homme dont on ne voit que la
258 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
tête et les mains sortant du tombeau. Les couleurs de ce ta-
bleau sont fort brillantes et les parties de cuivre que l'on
voit , sont dorées et damassées ; la bordure offre une in-
scription en lettres onciales :
Un tout petit émail peint , des deux côtés , en camaïeu avec
beaucoup de talent ; d'un côté est une belle tète de saint Pierre ,
de l'autre un Christ en croix ;
Un fort beau plat en émail de Pierre Reyman ( XVIe. siècle)
représentant Psyché , avec une bordure d'arabesques d'un
charmant dessin ;
Un panneau de bois du XVe. siècle sur lequel un arbre de
Jessé est très-finement sculpté ; ce morceau provient de
l'église St. -Sauveur de Nevers ;
Une charmante petite statuette en marbre blanc , du XVIe.
siècle ;
Un fragment de bas-relief en ivoire , provenant d'une croix
qui se voyait autrefois à la cathédrale ; le style de ce morceau
accuse une époque fort reculée ;
Enfin quelques autres émaux et panneaux sculptés de la
renaissance.
Le Congrès a terminé sa visite par une quatrième salle ren-
fermant divers objets peu archéologiques , mais au milieu de
laquelle a été placé , depuis peu , un magnifique épi en
faïence du commencement du XVIIe. siècle , le plus beau
peut-être , qui existe en France, a dit M. de Caumont. Cet
épi est composé d'une profusion de fleurs et d'ornements
divers en faïence , montés sur une tige de fer , il a 2'". 60e.
de hauteur ; il couronnait une maison située près de la cathé-
drale. Enfin , dans la même salle , un fourreau de poignard orné
d'émaux et d'incrustations en cuivre , a paru à quelques
antiquaires pouvoir dater de l'ère mérovingienne.
Les membres du Congrès , en quittant le musée nivernais ,
ont adressé a M. Gallois de vives félicitations sur les belles
XVIIIe. SESSION. 259
collections qu'il a réunies et surtout sur sa collection de
faïences de ISevers qui est unique en son genre. Ils ont en-
suite visité la bibliothèque publique, qui, sans être très-
riche , est fort bien tenue par M. Delaroche , professeur au
collège , et s'augmente tous les jours. Un buste en bronze
d'Adam, brillant ouvrage du sculpteur David d'Angers , et
quelques tableaux , placés dans une salle derrière la biblio-
thèque , ont aussi attiré l'attention de l'assemblée qui a
quitté l'Hôtel-de-VilIe à 1 heure.
M. le président pose la 15e. question du programme.
Pourquoi la plupart des églises de l'ancien Auxerrois
ont-elles été reconstruites au XVe. ou au XVIe. siècle?
M. Victor Petit pense que la mauvaise qualité des pierres
employées dans ces contructions a pu hâter leur ruine.
M. l'abbé Crosnier demande la parole : il déclare qu'il ne
pourrait partager l'avis de l'honorable M. Victor Petit ; qu'en
général on ne peut pas dire que les pierres tirées de l'ancien
Auxerrois soient de mauvaise qualité, qu'au contraire celte
contrée est remarquable par ses carrières; qu'il faut donc
chercher une autre cause , qu'il croit trouver dans les guerres
qui ont ravagé le diocèse d'Auxerre et la partie du diocèse de
Nevers qui l'avoisine pendant le cours du XIVe. siècle et une
partie du XVe. Nous trouvons soit à St. -Laurent l'abbaye,
soit à St.-Agnan de Cosne, soit encore à Lépaux, à Donzy-
le-Pré et à Bellary , des preuves que les pierres employées
alors pouvaient résister à l'action du temps; ces monuments
en ruine prouvent seulement la barbarie des hommes en
temps de guerres ou de révolutions.
C'est à la guerre des Armagnacs et des Bourguignons qu'il
faut en partie attribuer la cause de la reconstruction de ces
églises. On sait que les armées des deux partis ont foule
pendant long-temps le sol de l'Auxerrois, du Donziais et
260 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
même de la contrée Nord et Est de l'ancien diocèse deNevers ;
l'histoire fait foi que ces armées, quoique catholiques, n'épar-
gnaient pas les monuments religieux qui servaient quelquefois
de place de défense. A cette occasion , M. Crosnier rapporte
un fait consigné dans les mémoires de Lebœuf ; les Anglais
et les Navarrois ravageaient la Puisaie, au mois d'avril 1359,
les habitants des bourgs et des villages se virent dans la
nécessité d'abandonner leurs demeures pour éviter les vexa-
tions et les cruautés des ennemis; de là ils se trouvèrent dans
l'impossibilité de célébrer en son temps la fête de Pâques.
Au mois de septembre, le pays fut débarrassé des troupes
anglaises et les habitants purent rentrer dans leurs foyers.
Ils célébrèrent alors la solennité de Pâques, et tous les ans, en
mémoire de leur retour , ils renouvelèrent au mois de sep-
tembre cette solennité à laquelle ils donnèrent le nom de
Ste.-Bienaïse. On la célébrait encore à Fontenay près d'Auxerre
quand éclata la grande révolution française.
M. l'abbé Millet confirme la pensée émise par M. Crosnier ;
il paraît hors de doute, dit-il, que la cause principale du fait
signalé ne soit l'invasion anglaise, principalement lorsqu'au
commencement du XVe. siècle ils se répandirent sur les
bords de la Loire. Pendant le règne si orageux de Charles
VII , nous les voyons à Cosne , à La Charité , et dans d'autres
places voisines en 1621.
Dans le même temps , les factions des Armagnacs et des
Bourguignons, dans le Nord du Nivernais surtout, se livraient
partout au pillage et à l'incendie. A Corbigny, l'abbé Hugues
de Maison-Comte , que la chronique gratifie de l'épithète peu
flatteuse de Vu' pessÎ7nus , tenait pour les Armagnacs, tandis
que les habitants de la ville étaient pour le roi de France et
le duc de Bourgogne ; l'abbé ouvrit l'abbaye aux Armagnacs
qui firent le siège delà ville en 1623, mais ayant trouvé
une résistance trop énergique de la part des moines et des
XVIIIe. SESSION. 261
habitants de Corbigny, ils s'en vengèrent sur leurs propres
partisans en mettant le feu à l'église , aux cloîtres et aux
autres bâtiments de l'abbaye qui lurent presqu'entièrement
détruits par les flammes.
Vingt ans plus tard une autre cause particulière au diocèse
de Nevers a nécessité la reconstruction de plusieurs églises.
En I/4/45, Jean d'Etampes fut élu évêque de Nevers par le
chapitre, conformément au droit ancien remis en vigueur par
le concile de Bàle et la pragmatique sanction ; de son côté, le
pape qui n'avait pas ratifié le concile de Bfde avait nommé
Jean Tronson. Ce dernier , appuyé par le duc de Bourgogne,
entraîna dans son parti presque toute la ville épiscopale et la
noblesse du pays ; de là le partage du diocèse en deux partis.
Chaque compétiteur nommait aux églises vacantes , et les
élus se disputaient ces églises à main armée. Dans ce triste
conflit plusieurs églises du diocèse furent pillées et incendiées,
entr'autres les églises de Lurcy-le-Bourg et de Challement.
Les guerres des Anglais d'un côté, de l'autre les dissentions
survenues dans le diocèse de Nevers paraissent avoir nécessité
dans nos contrées, à la fin du XVe. siècle et au commencement
du XVIe. , la reconstruction de la plupart des églises qui datent
de cette époque.
M. de Caumont propose de remettre à la séance du soir
les trois dernières questions du programme ; il désirerait
aussi que dans cette dernière séance l'on s'occupât des allo-
cations de fonds que la Société applique tous les ans à des
restaurations de monuments sur la proposition des membres
de la Société. Il pose aux archéologues du pays quelques ques-
tions sur l'ameublement ancien des églises : quels sont les
fouts baptismaux les plus anciens et les plus curieux que l'on
trouve dans le Nivernais ?
M. de Soultrait répond à cette question pour l'arrondisse-
ment de Nevers et une partie de celui de Cosne qu'il a par-
17
262 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
courus en détail; il essaiera aussi de répondre aux diverses
autres questions de M. de Caumont , pour la partie Sud du
département de la Nièvre ; M. l'abbé Crosnier connaît par-
faitement l'ancien Auxerrois et il lui sera facile de compléter
les renseignements demandés pour le Nord du département.
Les anciennes cuves baptismales , dit M. de Soultrait , ont
généralement été renouvelées à une époque moderne ; la
seule qui reste de l'époque romane se voit encore devant l'église
de Devay dont elle a été expulsée : c'est une cuve en forme
de carré long, ornée sur trois de ses faces de neuf trous
creusés en rond dans la pierre , disposés trois à trois. La
quatrième face présente trois arcatures cintrées également
en creux , le tout grossièrement fait. Cette cuve paraît re-
monter au XIIe. siècle.
L'orateur ne connaît pas de fonts du XIIIe. siècle ni duXIVe. ,
mais ceux du XVe. siècle et du XVIe. sont fort communs.
Les plus anciens et les plus grands sont en général à pans;
sur une des faces un prolongement carré offre la piscine et
reçoit les eaux qui ont servi au baptême; ils reposent sur un
pied garni de moulures en usage h cette époque , et leurs côtés
sont également ornés de moulures et de sculptures. Les fonts
de l'église de Lutbenay sont hexagones ; on y remarque des
personnages en bas-relief sur plusieurs des côtés, c'est J. -G. en
croix, saint Jean, la Sainte Vierge, un évêque , probablement
saint Agnan, patron de la paroisse. Les fonts de Garchizy,
de Ste. -Marie , de Fleury-sur-Loire, de Chitry-les- Mines ,
affectent la forme qui vient d'être indiquée. Au commence-
ment du XVIe. siècle on fit quelquefois des fonts plus petits
avec une cuve circulaire ou à pans soutenue par un pied
orné de moulures ; ceux de Verneuil sont garnis de canne-
lures en zigzags et d'une guirlande de chêne d'un joli tra-
vail ; ceux de Parigny-sur-Sardolles , un peu plus modernes,
sont dans le même genre ; leur cuve octogone présente des
XVIII*. SESSION. 26o
personnages étendus, tenant des pampres et des branches de
chêne; on y lit aussi celte inscription en caractères gothiques :
Ces fonts.... a fotet faire fax vlntljoenr Honora
le 10 mars HtfKS 1T3J (ÎS4T).
On voit à Jailly un bénitier rond fort simple , porté sur
une colonnelte ornée d'une croix au pied Fiché et d'une
moulure ronde, il est probablement du XIe. siècle; un autre,
dans la même église , octogone et porté par deux colonnettes
sans aucun ornement, remonte au XVIe. , peut-être a-t-il
servi de fonts? Enfin l'on trouve souvent des bénitiers en
fonte et en bronze, des XVe. et XVIe. siècles, offrant des
versets de l'Écriture-Sainte et des figures de saints; nous
citerons en ce genre ceux de Decise qui sont fort remar-
quables par le fini de leur exécution et leur état de con-
servation.
M. l'abbé Crosnier prend la parole sur la même question.
Il ne connaît dans le Nord du Nivernais aucune cuve bap-
tismale digne d'intérêt ; dans le cimetière qui environne les
ruines de Donzy-le-Pré est déposée une cuve de dimension
extraordinaire provenant de l'ancienne église, mais elle est
brisée en partie et ne présente aucun caractère bien précis.
Il fait remarquer un genre de fonts qui se rencontre dans
l'ancien Auxerrois; sans avoir la dimension d'un autel, ces
fonts en ont la forme. La table de l'autel s'ouvre et découvre
deux piscines, l'une destinée à recevoir le bassin contenant
l'eau baptismale , l'autre perforée et servant véritablement de
piscine pour l'écoulement des eaux. Entre les deux bassins ,
une espèce de boîte carrée, taillée dans la pierre, est destinée
à recevoir les vases des Saintes Huiles. Quoique ces fonts
n'aient de remarquable que leur forme et qu'ils ne remon-
tent pas au-delà du XVIIe. siècle , il croit devoir les si-
gnaler.
26/l COiNGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
M. de Caumont voudrait savoir à quelle époque, en
Nivernais, les cuves des fonts commencèrent à être di-
visées.
M. Crosnier pense qu'il est assez difficile de répondre
d'une manière précise à cette question; cependant il a re-
marqué qu'en général, les fonts du XVe. siècle et ceux du
XVIe. ont une piscine qui leur est adjointe en dehors de
la cuve baptismale , ou qui est creusée dans une des dalles
voisines des fonts. Il n'a remarqué cette division que depuis
la renaissance, mais il n'oserait affirmer qu'on n'en ren-
contre point à une époque antérieure.
M. l'abbé Clément parle d'un bénitier de l'église de Pé-
reuse , dans le département de l'Yonne , qui offre en relief
un cochon , un poisson et un homme ; il pense que ce bé-
nitier aurait autrefois servi de fonts qu'il ferait remonter aux
premiers siècles de l'Église. Il voit dans les figures qui y
sont sculptées les symboles de l'homme sous l'empire du
péché, puis régénéré par les eaux du baptême et trouvant
comme le poisson sa vie dans ces eaux salutaires.
M. Crosnier désirerait voir un dessin de ce bénitier avant
de se prononcer ; il admet les explications symboliques don-
nées par M. l'abbé Clément , mais il ne peut admettre que
ce bénitier, ou ces fonts baptismaux, remontent aux pre-
miers siècles de l'Église. Le baptême a été primitivement
administré par immersion ; on ne peut donc faire remonter
à cette époque reculée une cuve qui aurait les modestes di-
mensions d'un bénitier. Les symboles sculptés sur cette pierre
se retrouvent au XIIe. siècle, et il pense qu'on peut lui
assigner cette époque.
M. de Caumont demande si on connaît dans le Nivernais
des autels anciens ou curieux , des tryptiques , des peintures
murales et des meubles d'église dignes d'intérêt.
M. de Soultrait répond que les autels des cryptes qui se
xvnr. session. 265
trouvent dans quelques églises du Nivernais sont probable-
ment anciens , mais qu'ils n'offrent aucun caractère.
On trouve dans beaucoup d'églises, ajoute le même orateur,
de jolis rétables des XVe. et XVIe. siècles. Le plus remarquable
de tous est sans contredit celui qui représente la vie de saint
Jean-Baptiste , dans une chapelle de la cathédrale ; il s'en ren-
contre aussi d'intéressants à St.-Pierre-le-Moutier, à Decisc, à
St.-Ouen,à Neuville-les-Decise, à Azy-le-Vif, etc. Ces rétables
offrent en général des saints qui accompagnent la Vierge , la
plupart de ces bas-reliefs étaient peints ; ceux du XVIe. siècle
sont à peu près de même. Deux de cette époque sont particu-
lièrement remarquables : l'un provenant de l'ancienne église
priorale de Montempuy , se trouve maintenant dans la cha-
pelle du Bon-Pasteur , fondée à Dornes par Mme. Lefebvre ;
ce bas-relief présente trois arcades en anse de panier,
dont l'intrados est orné de fleurs de lis saillantes et qui s'ap-
puient sur d'élégantes colonnettes ; sous l'arcade du milieu ,
la Vierge assise tient sur ses genoux le corps de J.-C. ; sous
l'arcade de gauche, un personnage en costume de chanoine,
l'aumusse au bras, est agenouillé devant un prie-Dieu, por-
tant un écusson armorié; l'arcade de droite est occupée par
un chevalier armé de toutes pièces, l'épée au côté , agenouillé
comme le chanoine. Ces deux personnages sont sans doute
les deux fondateurs de l'église de Montempuy qui est du
XVIe. siècle. Au-dessus et au-dessous des arcades régnent
deux frises où se dessinent de charmants arabesques ; les
angles supérieurs sont formés de consoles ornées de petites
figures d'anges. Toute cette sculpture était peinte avec beau-
coup de goût , les couleurs se voyaient encore fort bien , on
n'a eu qu'à les raviver. L'autre se trouve actuellement dans
la chapelle des fonts de l'église St. -Are de Decise , il avait
été malheureusement cassé en deux et placé, lors de la Ré-
volution, dans le dallage de l'église. Ce bas-relief est partagé
266 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
en cinq sujets par des pilastres fort délicatement ornés, chacun
de ces tableaux est couronné par un amortissement en co-
quille; ce sont cinq scènes de l'histoire de la Vierge. Le
premier sujet à droite représente l'Assomption : Marie res-
suscitée est enlevée par les anges dans une gloire elliptique
vers Dieu le Père qui, la tiare en tête et accosté de deux
anges jouant de la viole , bénit à la manière latine. La
donatrice, en costume du temps, est agenouillée aux pieds de
la Vierge. La seconde scène , fort mutilée , représente la
Visitation. Dans la troisième , l'ange annonce aux bergers la
naissance du Sauveur : les trois pasteurs sont à genoux et
leur attitude exprime une sainte frayeur ; une femme tenant
un enfant, des moutons, dont l'un est emporté par un loup,
animent le paysage au fond duquel une ville du moyen-âge
montre, au-dessus de ses murailles, des pignons aigus et
des donjons crénelés : tout ce tableau est charmant de mou-
vement et d'expression ; dans l'amortissement on remarque
un écusson en losange, aux armes d'Henriette de Clèves,
duchesse de Nevers. La quatrième scène a pour objet la Puri-
fication : le grand-prêtre est assis devant l'autel, accompagné
de quelques acolytes; saint Joseph apporte un agneau, après
lui vient la Vierge, suivie d'une femme présentant les deux
colombes. Le dernier sujet, à gauche, est le pendant du pre-
mier : c'est encore la Vierge s'élevant vers le Père éternel
qui est ici accosté du soleil et de la lune ; Marie a de longs
cheveux épars et les mains jointes, autour d'elle sont les em-
blèmes des litanies, une rose, un lys, un vase, une porte
de ville , etc. ; dans le bas, à gauche, le donataire est à genoux.
Au-dessus de ces tableaux se trouvait un couronnement
qui a été en grande partie détruit. On remarque , dans le
bas du rétable, plusieurs écussons aux armes des donateurs
Jean de Vaux, seigneur de Germancy , et Marie Baudreuil, sa
femme. Il est facile de reconnaître d'une manière certaine
xviuv session. 267
l'âge de ce charmant morceau à l'aide de l'écusson d'Henriette
de Clèves qui figure au milieu ; cet écusson est en losange
et il n'est point parti des armes de Gonzague , donc il a été
sculpté avant le mariage d'Henriette de Clèves, lorsqu'elle
était seule duchesse de Nevers , c'est-à-dire du 6 septembre
156û , date de la mort de son frère Jacques dont elle hérita,
au U mars 1565, jour de son mariage avec Louis de Gon-
zague. Ce bas-relief n'a jamais été peint.
Enfin un rétable des dernières années du XVIe. siècle,
qui ne manque pas de caractère , se voit dans l'église de
Beaumont-sur-Sardolles ; il représente l'ensevelissement de
J.-C. et les douze apôtres.
Le badigeon a fait disparaître la plupart des peintures
murales qui devaient orner quelques églises ; cependant on
voit encore des restes de peintures à personnages, proba-
blement du XIIe. siècle , contre les murs de l'ancienne église
de Parigny-sur-Sardolles , et quelques autres fragments plus
modernes, dans la partie occidentale de la cathédrale de
Nevers; l'abside de l'église ruinée d'Aubigny-le-Chétif
offre , sur ses parois intérieures , six grandes figures d'apôtres
qui ne paraissent pas antérieures au XI Ve. siècle; un cha-
noine du XVe. siècle, à genoux devant la Vierge mère, accom-
pagné de saint Pierre , est représenté sur le mur de clôture
du chœur de la cathédrale ; ce même mur présente encore
quelques peintures de la même époque à demi effacées. Dans
l'église de Neuville-les-Decise se trouvent, sur le mur de
la nef, quatre figures de grande proportion dont on ne voit
plus guère que la silhouette se détachant sur un fond jaune ,
ce sont : un ange , deux vieillards portant des livres et un
évêque tenant une grande croix fleuronnée; puis, dans la
même église , une donatrice agenouillée , en costume du
temps, accompagnée de sa patronne sainte Catherine. Le
tympan de l'église de Jailly était orné d'une Annonciation
268 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
peinte probablement au XVe. siècle ; c'est à peine si l'on en
distingue encore quelque chose. Dans une chapelle de l'église
de Saxi-Bourdon un prêtre donateur est peint agenouillé ,
cette peinture est du XVIIe. siècle.
Presque toutes les figures des rétables étaient peintes, il en
était fort souvent de même de l'ornementation des portails
et des chapiteaux ; les archivoltes du portail de Jailly étaient
revêtues de diverses couleurs. Il est fort probable que l'église
de St. -Etienne de Nevers avait la plupart de ses chapiteaux
peints ; on voit des traces de fleurs de lis sur ceux du portail ;
les nervures de la jolie église priorale de Montempuy sont
de couleur rouge et retombent sur des culs-de-lampe déli-
catement ornementés, peints en bleu et or.
L'ameublement de nos églises est tout-à-fait moderne, ou
du moins u'offre en général rien de curieux. Une assez jolie
cage d'escalier dans l'église de Decise , et une boiserie sous
le porche de l'église de Marzy , datent de la fin du XVe.
siècle et sont d'un travail assez fin. Il y avait dans la cathé-
drale un triple siège du XVIe. siècle armorié et richement
ornementé ; cette chaire figure maintenant dans la grande
salle de l'évêché. Chantenay et Monlapas ont conservé des
croix de procession en bois , recouvertes en cuivre repoussé ,
du commencement du XVIe. siècle.
Le Congrès a examiné à l'évêché une belle chape du
commencement du XVIe. siècle qui se trouvait autrefois à
Verneuil, ainsi qu'un encensoir probablement de la même
époque.
L'église de Lamenay possède un fer pour la confection des
pains d'autel qui peut dater des premières années du XVIIe.
siècle; ce fer contient deux moules : sur l'un se voit J.-G.
avec le soleil , la lune et des monogrammes ; sur l'autre le
Sauveur dans un fond semé d'étoiles, assis sur une chaire,
tient le monde et bénit à la manière latine.
XVIIIe. SESSION. 269
M. l'abbé Millet cite les rétables de Ste. -Marie-de-Flagelles
et de Challement qui offrent quelqu'intérèt; celui de Ste.-
Marie a été donné en exvolo, comme on le voit par l'in-
scription dont il est revêtu. Ils sont du XVIe. siècle.
M. l'abbé Crosnier prend ensuite la parole en ces termes :
Le diocèse de Nevers possède des autels de toutes les
époques, à partir du XIe. siècle; mais avant d'indiquer ceux
que j'ai remarqués, il est important de rappeler qu'il faut
distinguer deux sortes d'autels : les autels principaux et les
autels secondaires. Les premiers, placés dans le sanctuaire,
étaient destinés au saint sacrifice; les autres , placés dans les
absidioles, étaient des espèces de tables de pierre sur lesquels
on déposait les ornements et les vases sacrés. Tels sont les
autels qu'on remarque dans quelques chapelles de l'église
de La Charité et dans les deux absides latérales de l'église de
Jailly, qu'on peut attribuer au XIe. et au XIIe. siècle. Or-
dinairement, ces petits autels qui ne portent aucune trace de
consécration, parce qu'en effet ils n'étaient pas consacrés,
ont leur table incrustée dans le mur circulaire de l'absidiole
et sont soutenus sur le devant par une ou plusieurs colonnettes
portant les caractères de l'époque.
Au XIIIe. siècle, ces autels secondaires prennent de plus
grandes dimensions et portent des signes de consécration ,
sans doute ils pouvaient encore servir de dépôt pour les orne-
ments et les vases sacrés , mais au besoin on y offrait le saint
sacrifice. A Lépaux , près Donzy , il reste un de ces autels
secondaires du XIIIe. siècle, parfaitement conservé. Il peut
nous indiquer la forme des autels principaux de cette époque
et même du XIIe. siècle , car je crois qu'ils différaient peu.
C'est une table de 2m. environ de longueur sur lm. de pro-
fondeur, taillée en champfrein sur les bords, et faisant saillie
sur le carré de maçonnerie qui lui sert de support. Cette
maçonnerie n'est pas pleine, mais laisse sous la table d'autel
270 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
un vide considérable; une ouverture de &0C. carrés, pra-
tiquée sur le devant, au centre de la maçonnerie, laisse voir
le vide de l'intérieur. L'autel n'était donc qu'un véritable
tombeau qui renfermait le corps entier d'un saint, ou au
moins un énorme reliquaire qui contenait quelque relique
considérable. Des traces de ferrements scellés dans la pierre
de l'ouverture, prouvent qu'il y avait une porte qui fermait
le tombeau et qu'on ouvrait sans doute à certaines solennités
pour laisser vénérer les saintes reliques. Tel est l'autel de
Lépaux. Au lieu des reliques des saints qui ont été profanées
et dissipées en 1662, lors de la prise de Donzy par les pro-
testants, on y trouve des débris de cloches, fondues à la
même époque dans l'incendie de la magnifique église de ce
monastère.
Ces autels sont peu gracieux, mais aux jours de fêtes ils
étaient revêtus de parements enrichis d'or et de pierreries.
L'usage de ces parements d'autel a subsisté jusqu'au XVII*.
siècle. J'en ai retrouvé un de cette dernière époque dans
l'église de Ste.-Colombe-des-Bois, en cuir gaufré, peint et
doré.
Cependant , au XVe. siècle et au XVIe. , on trouve des
autels dont les parois sont enrichies des arcatures et des
ornements de l'époque; d'autres qui ont la forme d'une
simple table , posée sur quatre colonnes , avec bases et
moulures en usage alors. On voit un de ces autels dans,
une chapelle de l'église de Donzy.
M. de Soultrait a parlé d'un fer à hosties du XVIIe. siècle;
j'en connais plusieurs plus anciens dans le diocèse. Alligny-
sous-Cosne en possède un du commencement du XVIe.
siècle ; j'en ai un en ma possession , provenant de Donzy, qui
est de la fin du XVe. ou du commencement du XVIe. La
description de ce fer a été imprimée dans le Bulletin des
Comités historiques.
XVIIIe. SESSION. 271
L'église de Ternan possède deux triptiques fort remar-
quables, du milieu du XVe. siècle; ils remontent à la fon-
dation du chapitre de Notre-Dame de Ternan , en \hkh, par
Philippe de Ternan, chambellan de Philippe-le-Bon , duc de
Bourgogne , et un des premiers chevaliers de la Toison-d'Or.
Le premier présente l'histoire de la Passion de N.-S. L'un
des battants représente, en peinture, le Sauveur au jardin des
Olives , et les commencements de sa douloureuse Passion ;
le tableau central est une réunion de gracieuses statuettes ,
groupées au sommet du calvaire. Des anges reçoivent dans
des calices le sang qui jaillit des plaies de J. -C. suspendu
à la croix ; les deux larrons , attachés à leur potence , indi-
quent par leur posture quel est le véritable pénitent et le
réprouvé. Au pied delà croix , sont les soldats qui ont conduit
J.-C. au calvaire et les bourreaux; au milieu de ces scènes
si émouvantes, la pâmoison de Marie, soutenue par saint
Jean. Les fondateurs sont agenouillés au premier plan du
tableau. Sur le second battant est peinte la Résurrection du
Sauveur, les gardes renversés auprès du sépulcre ouvert,
tandis que J.-C. , armé de sa croix triomphale, en sort glo-
rieux. Dans le lointain , on aperçoit les saintes femmes qui se
rendent au sépulcre. Puis la descente de J.-C. aux enfers.
Le vainqueur de la mort a renversé de sa croix triomphale
les portes de l'abîme , représenté par une forteresse du haut
de laquelle les démons combattent et font de vains efforts
pour retenir les prisonniers; mais les justes de l'ancienne loi
partent et s'avancent avec reconnaissance vers leur libérateur.
L'autre triplique représente la mort et l'Assomption de la
Sainte Vierge, soit sur les tablettes peintes, soit dans les
gracieuses sculptures du fond ; on remarque en outre sur les
tablettes l'Annonciation. Puis d'un côté , le seigneur de
Ternan est agenouillé devant saint Jean-Baptiste ; l'habit du
seigneur donataire porte les émaux de ses armes , il est écki-
272 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
quêté d'or et de gueules; de l'autre , la dame de Ternan est
aussi agenouillée devant sainte Catherine , qu'on reconnaît
à sa couronne royale et à sa roue.
Ce tableau de la mort de Marie et de ses funérailles re-
produit tout ce que nous lisons à ce sujet dans la légende
dorée. On y remarque cependant quelques variantes qui
semblent se rapprocher de l'iconographie grecque. Le grand
prêtre, par exemple, qui veut renverser le cercueil, au lieu
de suivre malgré lui le convoi , les mains fixées sur la bierre,
a les deux poignets détachés des bras et le sang coule.
L'église de Varzy, monument remarquable du XIV. siècle,
le seul complet que nous ayons dans le Nivernais de cette
époque, possède une riche peinture sur bois de grande
dimension. On peut ranger ce tableau parmi les triptiques ,
car il a aussi ses deux battants peints qui , en se fermant ,
garantissaient la scène principale ; c'est la vie et le martyre
de sainte Eugénie , patronne de l'ancienne collégiale de
Varzy. L'abbé Lebeuf l'attribue à Félix Chrétien, chanoine
d'Auxerre; sa date est de 1535. Depuis long-temps les deux
battants détachés avaient été mis au rebut ; on ignorait sans
doute leur valeur artistique , mais on vient de les faire sortir
de l'oubli et de les joindre à la scène principale.
M. de Caumont demande si l'on connaît dans le Nivernais
des pierres tombales intéressantes.
M. de Soultrait répond que la plus ancienne qu'il connaisse
se trouve dans la crypte de l'église de SL-Parize-le-Châtel ,
où elle forme le marchepied d'un autel qui heureusement
ne sert pas. Cette pierre porte, gravée au trait, la figure d'un
prêtre en chasuble ronde tenant un calice ; l'inscription en
lettres onciales donne la date 135. , le dernier chiffre ne
se voit plus. Une autre dalle un peu plus moderne , de
1390, provenant de l'église St. -Victor de Nevers et déposée
au musée , offre les figures de deux bourgeois agenouillés ;
XVIIIe. SESSION. 273
l'inscription est en lettres gothiques. Dans le chœur de la ca-
thédrale , du côlé de l'évangile , on voit encore une dalle en
pierre noire qui était incrustée de marbre blanc et proba-
blement de cuivre , sur laquelle on distingue avec peine la
représentation d'un évêque vêtu de ses ornements pontificaux;
c'est la tombe de Maurice de Coulanges , évêque de Nevers ,
mort le 16 janvier 1394. Enfin deux pierres tumulaires de
1508 et 1522 portent les figures de deux chevaliers des fa-
milles du Chailloux et de Damas. Elles n'offrent du reste
rien de bien remarquable. Sur quelques dalles sont gravées
des croix ou d'autres emblèmes, aucune n'est assez ancienne
ou assez intéressante pour mériter une mention, si ce n'est
pourtant celle qui se trouve dans l'église de St.-Révérien,
qui porte une croix accostée d'une épée et d'un écusson, et
qui doit dater des premières années du XIVe. siècle.
M. Barat cite une dalle funéraire, de la fin du XIVe. siècle,
sur laquelle sont gravés deux personnages, un chevalier et
une dame , qui se trouve dans l'église de Lys.
M. l'abbé Millet annonce qu'il copie les inscriptions tom-
bales partout où il s'en trouve.
M. l'abbé Crosnier exprime le regret de voir, sous prétexte
d'embellissement ou de restauration , disparaître sous le
badigeon ou le recrépissage, les litres qu'on remarquait soit
à l'intérieur , soit à l'extérieur des anciennes églises seigneu-
riales; ces litres ornées d'armoiries sont souvent d'un grand
secours pour compléter l'histoire d'un pays, et on devrait les
conserver avec le plus grand soin. M. de Soullrait appuie
vivement l'observation faite par M. Crosnier.
M. de Caumont voudrait savoir si quelques églises du
département ont conservé des cloches anciennes ou curieuses.
M. l'abbé Crosnier pense que la cloche la plus ancienne
du Nivernais se trouve dans l'église de Donzy. C'est une
petite cloche de 50 kilogrammes environ, qui porte pour
274 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
inscription Bonne-d' Hartois (sic) : elle aurait été donnée par
cette princesse à l'hospice de cette ville. Bonne-d'Artois fut
comtesse de Nevers de 1413 à 1429; on a donc l'époque
approximative de la fonte de cette cloche.
M. de Soultrait prend ensuite la parole sur le même sujet :
les deux plus anciennes cloches qui existent dans l'arron-
dissement de Nevers sont celles de St.-Pierre-le-Moustier,
ce sont aussi les plus curieuses; la plus ancienne porte cette
inscription :
f MARIE. SVIS. NOMMEE.
OV. NON. DE. LA. VIERGE. HONORÉE.
CONTRE. CES. ENNEMIS. ORDONNEE, f
BRESSOLLES.
Chacun de ces espèces de vers est séparé par un écusson
bandé de six pièces, armes des Bréchard, sires de Bressolles;
les points qui sont entre les mots offrent aussi un écusson.
Au-dessous de cette inscription se voit la date 1455 et des
médaillons représentant Jésus-Christ , la Vierge et des saints.
L'autre cloche , un peu moins grosse , était jadis dans un
beffroi , au-dessus d'une des portes de la ville ; son origine
municipale est constatée par l'inscription en lettres gothiques
qu'elle porte sur ses flancs :
(£n l'an mil cccc lïts me firent faire les bourgeois et habitants ht
Saint pierre le iïtaustier.
Au-dessous de l'inscription se trouvent des écussons de
France, surmontés d'une couronne fleurdelisée et accostés
de deux petites églises, avec cette légende: Sig. preposkure
Sancli Pétri monasterii, puis , en grosses lettres , cette autre
inscription : Sit nomen Domini benedictum. Sur la même
cloche on voit encore des écussons de France et d'autres
XVIIIe. SESSION. 27f>
aux armes de la ville : semé de France, à une église bro-
chant sur le tout. Quelques autres églises de l'arrondissement,
celles de St.-Ouen, de Sauvigny-les-Chanoincs, de Saincaize,
deChaluy.ont conservé des cloches des XVe. et XVIe. siècles,
mais qui n'ont rien de curieux ; elles portent en général pour
légendes les noms des saints patrons des églises , quelques
invocations et leurs dates.
M. de Caumont annonce que M. le curé de St.-Sym-
phorien , aux environs de Thorigny, s'occupe de faire l'his-
toire des cloches; il prie les personnes qui auraient quelques
documents à lui communiquer sur les cloches anciennes de
les lui faire parvenir.
M. l'abbé Crosnier , pour compléter ce qui vient d'être
dit sur les cloches, ajoute quelques mots sur les cloches
de la cathédrale de Nevers.
Avant 1760, six cloches de différente grosseur annonçaient
aux habitants de Ncvers les jours de fête par leurs joyeux
carillons; du haut de la tour de St. -Cyr, elles enveloppaient
la ville tout entière dans leurs harmonieuses ondulations.
Pourquoi à cette époque quatre d'entre elles furent-elles
brisées pour être de nouveau jetées dans le creuset? nous
l'ignorons, car l'histoire locale se tait sur le motif de cette
refonte. Peut-être voulait-on par ce baptême de feu les pu-
rifier d'une origine trop roturière, pour les rendre dignes des
titres pompeux qu'on devait leur conférer.
1°. La grosse cloche ne fut pas refondue, elle portait pour
inscription : >< L'an du Seigneur 1582. A la gloire de Jésus-
Christ, de la vierge Marie et des bienheureux saint Cyr, sainte
Julitte et saint Louis — ont été parrain Louis de Gonzague,
la marraine Henriette de Gonzague et de Clèves. » Leurs
écussons ornaient la cloche; vers le milieu était gravé : « Di-
mancles Jacquin et Etienne Jacquin m'ont faite. »
2°. La seconde « a eu pour parrain très-haut et très-puissant
276 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
seigneur Philippe-Julieu-François-Mazarini-Mancini, duc de
Nivernois et Donziois , pair de France , grand d'Espagne ,
prince du St. -Empire, noble vénitien , baron romain, gou-
verneur du Nivernois et Donziois; et pour marraine dame
Hélène-Françoise-Angélique Phelippaux de Pontcbarlrain ,
épouse de très-haut et très-puissant seigneur Louis-Jules-
Mazarini-Mancini , duc de Nivernois et Donziois. » Sa devise
était sainte Cyrice ora pro nobis. On l'appelait la Duchesse.
3°. La troisième. « L'an du Seigneur 1760. Mon parrain
a été Illustrissime et Révérendissime , Monseigneur Jean-
Antoine ïinseau , évèque de Nevers, et ma marraine très-
haute et très-puissante dame Julie-Ilélène-Rosalie-Mazarini-
Mancini Douairière. » On l'appela la Comtesse.
k°. La quatrième « a eu pour parrain très-haut et très-
puissant seigneur , Jean-Charles-Megrigny , chevalier comte
d'Aunay, baron d'Epiry , Marcilly, etc., lieutenant-général
des armées du roi , inspecteur des fortifications , chevalier de
l'ordre militaire de St. -Louis; et pour marraine haute et
puissante dame madame Marie-Claudine de Megrigny Lepel-
letier de Rosambos , épouse du président-à-mortier au par-
lement de Paris. » La devise était : audite populi à longé.
Elle fut appelée la Présidente et aussi la Sermonière ,
parce qu'on la sonnait pour appeler aux instructions.
5°. La cinquième « a eu pour parrain très-haut et très-
puissant seigneur Charles Audras , chevalier, comte de
Marcy , baron de Poiseux , et pour marraine dame Angélique
Desprès de Couguy , son épouse. » On l'appela la Baronne.
6°. La sixième n'avait aucune inscription qui indiquât son
parrain ou sa marraine; elle ne fut point refondue, son
inscription était: à la gloire de Dieu, de la Sainte Vierge
et des saints Martyrs, saint Cyret sainte Julitte : en 1560,
elle fut nommée la Chanoinesse. ■
La refonte des cloches eut lieu le 3 juillet 1760 et le 6 août
xvnie. session. '277
de la même année. Mgr. Jean-Antoine Tinseau, évoque de
Nevcrs, en fit la bénédiction solennelle dans la grande nef
de la cathédrale.
De toutes ces cloches la Révolution ne nous a laissé que
la Sermonière , qui est la seconde cloche actuelle de la
cathédrale.
La grosse cloche , fondue en 1821 , haptisée le 20 décem-
bre de la même année, se fit entendre pour la première
fois la veille de Noël.
M. de Caumont demande si l'on connaît en Nivernais
d'anciens bâtiments ayant servi aux usages de la vie monas-
tique. Il s'étend longuement sur l'importance des recherches
à faire dans toutes les provinces , sur les dispositions géné-
rales des abbayes des divers ordres religieux : dans quelques
maisons religieuses , il y avait deux réfectoires , l'un pour le
gras et l'autre pour le maigre , et deux cheminées dans la
cuisine. Divers monastères possédaient d'immenses exploi-
tations agricoles et de vastes granges; celle d'une abbaye
située près de Laon, n'avait pas moins de 300 pieds de long
sur 70 de hauteur ; les moines de Vauclair faisaient le
commerce des blés ; leurs grands magasins étaient construits
avec luxe, les pavés en étaient émaillés et les voûtes peintes.
Ces recherches sont importantes, non seulement pour l'ar-
chéologie et l'histoire des ordres religieux, mais encore pour
arriver à faire connaître comment étaient régies les grandes
exploitations agricoles au moyen-âge; car il est prouvé qu'à
cette époque les moines étaient presque seuls à faire de
l'agriculture avec fruit , sur une grande échelle.
M. Petit ne croit pas qu'en Nivernais il se trouve aucun
reste intéressant des anciens établissements religieux.
M. de Soultrait cite les magasins semi-souterrains qui
s'étendent sous une partie des bâtiments de l'ancienne abbaye
Notre-Dame, à Nevers; ces caves, construites avec soin au
18
278 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
XIIIe. siècle, ont des voûtes d'arêtes à nervures toriques,
retombant sur de courtes colonnes rondes à chapiteaux
ornées de crochets. Il parle aussi d'une fort belle cave voûtée
qui se trouve à St. -Pierre-le-Moustier , sous des bâtiments
modernes , au Nord de la ville ; cette substruction , connue
sous le nom de cave du Sabbat , est divisée en deux dans sa
longueur, et comprend quatre travées voûtées d'arête avec
de grosses nervures prismatiques retombant sur des piliers
octogones sans chapiteaux; cette cave ne présente pas de
caractères bien certains , toutefois M. de Soultrait la croit de
la fin du XIVe. siècle. Ce devait être au moyen-âge un
magasin dépendant du prieuré. On prétend que son nom lui
vient des Juifs et que plus tard les prolestants y tinrent
des réunions.
M. de Caumont demande si l'on connaît en Nivernais
l'emplacement des logements destinés aux étrangers dans les
maisons religieuses.
M. l'abbé Millet parle des restes de la Chartreuse d'Apponay,
et il cite le passage suivant d'une notice manuscrite sur
cette maison religieuse :
« Dom Authelme deMangaron, profôsde Paris, fut envoyé
procureur à Bellary, en 1618, et fait prieur de la même
maison en 1621. De là , il fut appelé, en 1627 , à Apponay,
pour y remplir les mêmes fonctions. Il a gouverné cette
maison pendant trente-cinq ans , avec toute la sagesse et le
succès possible. C'est lui qui a fait bâtir, en 1629 ou en
1630, le grand bâtiment qui donne sur le jardin, où sont
les appartements des hôtes. Le visiteur de la province, qui
était alors Dom Augustin Joyeux, prieur de Paris, étant
venu visiter cette maison , trouva ce bâtiment si superbe ,
qu'il fut délibéré en chapitre si on ne le ferait point abattre,
comme trop somptueux et trop éloigné de la simplicité car-
thusienne. La pauvreté de la maison fut la seule raison qui
détermina à le laisser subsister. »
XVIIIe. SESSION. 279
M. Victor Petit voudrait que la Société française publiât le
plan de l'ensemble d'une grande abbaye restaurée; un tel plan
serait fort utile aux antiquaires qui voudraient faire des re-
cherches sur les anciennes dispositions des communautés
religieuses.
M. de Caumont dit que la bibliothèque du Luxembourg
possède les planches du Monasiicon Gailicanum, où sont
figurées beaucoup d'abbayes; il approuve du reste l'idée
émise par M. Petit ; la Société française priera ce dernier de
la mettre à exécution.
Sur la demande de RI. le président , le Congrès émet le vœu
que le pouillé complet de l'ancien diocèse de Nevers soit publié.
M. l'abbé Clément indique sur différents points de la
Puisaye, des fouilles et des explorations à entreprendre : il
demande que la Société française y contribue.
31. Petit désirerait que M. l'abbé Clément indiquât d'une
manière positive, sur une carte, l'emplacement de ces fouilles.
M. l'abbé Vée confirme ce qu'a dit M. l'abbé Clément, sur
les incendies qui ont détruit divers lieux de la Puisaye ; il
demande une subvention pour faire continuer des fouilles qui
ont déjà donné des résultats importants.
On statuera sur cette demande , quand on réglera l'emploi
des fonds dont peut disposer la Société.
M. l'abbé Millet lit encore quelques fragments de la notice
sur la Chartreuse d'Apponay; puis il appelle l'attention sur
un monument celtique nommé le cliaillou magnin (le grand
caillou), qui existe dans la commune d'fmphy, près Nevers,
et sur le nom d'un bois, situé près de là, dont le nom rap-
pelle le culte des Druides; ce bois se nomme le bois du Guy
l'an neuf.
M. l'abbé Crosnier annonce que l'on fera le lendemain une
excursion à La Charité-sur-Loire, et invite les personnes qui
désireraient en faire partie à se faire inscrire.
280 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
M. Victor Petit lit le procès-verbal suivant de la visite faite
la veille au musée de la Porte-du-Croux :
PROCÈS-VERBAL
DE LA VISITE AU MUSÉE DE l.A PORTE-DU-CROUX.
A l'issue de la séance, le Congrès s'est rendu hier au musée
d'antiquités , établi récemment dans la grande salle de la
Porte-du-Croux. L'honorable commandant Barat, conser-
vateur du musée, accompagnait et dirigeait le Congrès.
Avant d'arriver au musée , le Congrès remarqua les restes
V. Petit dcl.
du curieux portail de l'ancienne église de St. -Genest, dont
XVIII*. SESSION. 281
l'arcature ogivale est richement décorée de ciselures qui
semblent appartenir au style du XIIe. siècle. L'intérieur de
l'église , rempli maintenant par les appareils d'une brasserie ,
ne peut être visité. Quelques détails du portail de St.-Genest
seront dessinés et gravés pour le Compte-Rendu des
séances.
Le Congrès s'est ensuite arrêté quelques minutes près de
l'abside circulaire d'une autre église, également du XIIe.
siècle , et qui faisait partie de l'abbaye des Bénédictines de
Notre-Dame. On remarqua une inscription placée de côté
dans l'angle de la muraille de la nef; l'honorable M. de
Soultrait copia cette inscription qui offre quelque difficulté
d'interprétation.
Bientôt on arriva près de la Porte-du-Croux, édifice
militaire fort intéressant et d'un aspect très-pittoresque. C'est
une tour assez haute et de forme carrée que surmontent
deux petites tourelles placées en encorbellement et réunies
par une galerie autrefois crénelée , soutenue par de longues
consoles. On pense que cette porte aurait été commencée
vers l'an 1395; mais il résulte d'un examen attentif que ce
monument, l'un des plus complets que le département de la
Nièvre ait conservé, ne daterait, dans son ensemble, que
des premières années du XVe. siècle.
Une petite porte d'assez chétive apparence, placée à
gauche , conduit, par un escalier de quelques marches, à une
plate-forme sur laquelle ont été déposés divers fragments de
sculptures , des chapiteaux de l'époque romane , des tombes
en pierre , des dalles funéraires et aussi un fragment de
canon ancien, cerclé de bandes de fer, et trouvé en 18^0 à
Nevers, près du Château-Ducal.
Le prolongement de l'escalier conduit à la porte d'entrée
de la salle du musée. Cette salle , dont la voûte est ornée de
nervures , servait autrefois de corps-de-garde et cemmu-
282 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
niquait par deux portes avec le chemin-de-ronde établi sur les
murailles d'enceinte. C'est dans cette môme salle que le musée,
riche et curieuse collection d'antiquités locales, a été établi
par les soins de l'honorable commandant Barat, qui voulut
bien expliquer aux membres du Congrès l'origine ou la pro-
venance des objets recueillis avec un zèle digne d'éloges, Le
Congrès examina avec attention une large mosaïque romaine
découverte près de Villars, commune de Biches (Nièvre) ,
lors de l'achèvement du canal du Nivernais , et donnée au
musée par M. Poule. Cette mosaïque d'une belle conservation
représente différents dessins enclavés dans neuf compartiments
carrés et n'offre point de sujets historiques. Voici l'indication
sommaire de quelques-uns des autres fragments d'antiquités
que l'on remarque plus spécialement — une amphore trouvée
en 1822 dans les fossés de l'antique cité de Decise, petite ville
située sur la rive droite de la Loire, — un cippe antique très-
mutilé trouvé à Nevers , place St. -Laurent, — un autre cippe
trouvé a Narcy , enfin un troisième découvert à Nevers , —
un grand nombre d'objets gallo-romains , tels que chapi-
teaux , vases , meules à bras , etc. , ayant été trouvés à
Nevers , ou dans le département de la Nièvre , donnent à
cette collection une importance réelle. Remarquons ici que
les médailles et les bronzes sont déposés dans un autre
musée ( celui de M. Gallois ).
Le Congrès a examiné ensuite avec un intérêt soutenu ,
une nombreuse et très-importante série de sculptures datant
des premiers temps du moyen-âge, et ayant appartenu à
divers monuments de Nevers ou du département de la
Nièvre. On peut suivre , sans lacune trop grande , une série
des différents types qui , en Nivernais , caractérisent les pé-
riodes archéologiques. L'honorable M. Crosnier a bien voulu
signaler l'intérêt que présentent plusieurs chapiteaux provenant
principalement des églises de St. -Sauveur et de St. -Martin, et,
xvur. cession. 28:
comme toujours, il a su captiver l'attention de ses auditeurs.
CHAPITEAU DE L EGLISE DE SAINT-MARTIN , A NEVERS.
Un très-grand nombre d'autres objets de différentes
époques mériteraient une mention spéciale ; des tombes , des
dalles tumulaires couvertes d'inscriptions , etc. , etc. Il en est
de même pour l'époque de la renaissance largement repré-
sentée au musée des antiquités de Nevers.
Le Congrès témoigne ses remercîments à M. le conser-
vateur, et se sépare à 6 heures et 1/2.
Après une observation de M. de Buzonnicre , le procès-
verbal est adopté.
M. Victor Petit , rapporteur , demande à ajouter quelques
28/* CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
mois relativement au musée d'antiquités. Ce musée, suivant
l'orateur , serait susceptible de recevoir diverses améliorations
faciles à exécuter. M. Victor Petit rappelle au Congrès que
l'Institut des provinces de France , durant sa session annuelle
de 1851 , a longuement et mûrement délibéré sur la question
importante « de l'organisation des musées des provinces. »
Ou décida que les œuvres d'art seraient classées chronolo-
giquement et que chacune des grandes divisions artistiques ,
c'est-à-dire les objets romains , ceux du moyen-âge et enfin
ceux de la renaissance, devraient, autant que possible, être
rangés dans des salles spéciales. Eh bien ! par une disposition
heureuse , la tour de la Porte-du-Croux renferme trois salles.
La première , celle d'en bas , serait réservée aux œuvres d'art
gallo-romaines ; la seconde salle recevrait les œuvres du
moyen-âge, et enfin, dans la troisième salle, on placerait
toute la série se rattachant à la renaissance, ainsi que les
nombreux plâtres classiques donnés au musée. Un catalogue
soigneusement rédigé d'après les indications présentées par
M. de Caumont dans un « projet de catalogue » adopté par
l'Institut des provinces, servirait utilement aux recherches
que les antiquaires pouraient faire concernant les antiquités
conservées dans le département de la Nièvre. Ce catalogue
serait la base et le point de départ heureux des travaux futurs
de la Société Nivernaise qui vient d'être fondée à Nevers.
Ce serait le plus sur moyen de commencer par la publication
de ce travail , les recherches historiques qui devront avant
peu de temps établir des rapports précieux avec les Sociétés
savantes des départements voisins.
Cette proposition est accueillie avec faveur par le Congrès.
M. de Caumont pense que , dès les premiers temps , le pro-
duit de la vente de ce catalogue détaillé et en quelque sorte
historique couvrirait la dépense d'impression , etc. M. de
Caumont ajoute encore qu'il serait utile d'accompagner le
texte descriptif de quelques gravures sur bois.
XVIIIe. SESSION. 285
A cet égard M. Victor Petit présente quelques observations
pratiques et , résumant sa pensée , il termine en disant que
le catalogue illustré dont parle M. de Caumont serait la plus
belle et la meilleure carte de visite que la Société Nivernaise
pût envoyer à ses sœurs de la province pour leur annoncer
sa bienvenue parmi elles.
Le Secrétaire-adjoint ,
Cte. G. DE SOULTRAIT.
Deuxième Séance du vendredi 13 juin.
Présidence de Mgr. FÉvèque de Nevers.
La séance est ouverte à 3 heures.
Siègent au bureau : MM. le baron Petit de La Fosse , préfet
de la Nièvre ; de Buzonnière ; l'abbé Manceau , inspecteur
des monuments d'Jiidre-et-Loire ; l'abbé Le Petit, secrétaire-
général de la Société française ; de Caumont ; de Glanville ;
Gaugain ; l'abbé Crosnier , secrétaire-général du Congrès ; et
le comte G. de Soultrait , secrétaire-adjoint.
L'assemblée est fort nombreuse ; on remarque parmi les
personnes présentes , MM. Joseph de Fontenay ; Paillard ,
architecte du département ; l'abbé Vée , curé d'Entrains ;
l'abbé Clément; Morellet; Gallois; Barat; le comte de Bréda;
Charles de Fontenay ; Riffé ; l'abbé Devoucoux ; Bulliot ; le
comte de Bizy ; Pinet; le vicomte de Maumigny; Sirode,
sculpteur ; Boiviu , architecte de la cathédrale , etc.
Le procès-verbal de la visite du Congrès à Varennes est
lu de nouveau et accueilli par d'unanimes applaudissements.
Mgr. l'évêque , tout en félicitant M. Bulliot de la grâce de
286 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
style et de la hauteur de sentiments dont il a fait preuve dans
la narration de sa visite à Varennes, dit qu'il ne lui appar-
tient pas de répondre aux éloges qu'il a donnés aux divers
établissements de Varennes , fondés par lui ; il remet ensuite
à MM. Paillard, architecte, et Sirode, sculpteur, les mé-
dailles d'argent qui leur ont été votées par la Société fran-
çaise , pour les beaux travaux de restauration des édifices du
moyen-âge , qu'ils ont exécutés cl qu'ils exécutent encore en
ce moment.
MM. Paillard et Sirode remercient la Société française de
la récompense qui leur a été accordée , et Mg1'. l'évêque ,
des bienveillantes paroles et des encouragements qu'il a bien
voulu leur adresser.
Mgr. l'évêque pose ensuite la dix-septième question du
programme :
Le Nivernais renferme-t-il des châteaux du XIIIe. siècle?
Quels sont ces châteaux ? Quels sont les autres châteaux que
Von y rencontre antérieurs à la renaissance?
M. de Soultrait prend la parole : il commence par émettre
quelques considérations générales sur l'architecture militaire
au moyen-âge; les premières constructions militaires de la
féodalité furent grossièrement imitées de celles des Romains;
du reste, il est à remarquer que jamais les traditions romaines
ne furent tout-à-fait oubliées par les architectes militaires
du moyen-âge. Antérieurement au XP. siècle, les châteaux
se composaient ordinairement de deux enceintes concen-
triques , formées par des fossés plus ou moins profonds et
par des remparts de terre surmontés de palissades; au centre,
se trouvait le donjon , solide tour , ordinairement carrée , en
bois ou en maçonnerie , reposant sur une butte artificielle ;
c'était la demeure du baron et le dernier refuge , en cas de
prise des ouvrages extérieurs. Les logements des soldats , les
écuries et les autres bâtiments de servitude, étaient placés
entre les deux enceintes.
XMIF. SESSION. 287
Au XIe. siècle, la forme des châteaux resta presque la
même, seulement les constructions prirent plus d'importance
et de solidité ; les beaux donjons de Baugency , de Loches et
de Chàteaudun en sont la preuve. A celte époque, les châ-
teaux renfermaient des garnisons peu nombreuses qui se
fiaient surtout à l'épaisseur et à la solidité de leurs murs. Il
en fut autrement plus tard, on diminua la force des murailles
pour en étendre le front ; ce fut le principe du changement
qui s'opéra , à la fin du XIIe. siècle , dans l'architecture
militaire. Sous l'empire de cette nouvelle méthode de fortifi-
cations, de solides remparts comprirent dans leurs courtines
crénelées , une bien plus vaste étendue de terrain ; ces en-
ceintes furent uniformément carrées pour les châteaux de
médiocre importance , mais elles affectèrent des formes di-
verses pour les châteaux plus considérables , elles furent
souvent doubles et môme triples : leurs angles étaient défendus
par de grosses tours rondes pour la plupart.
La porte d'entrée , située ordinairement au milieu de l'une
des faces du polygone, devint elle-même une petite for-
teresse. Le donjon était toujours la résidence du seigneur ,
mais il avait pris un grand développement , souvent il ren-
fermait une cour intérieure ; la chapelle , le chartrier et les
principaux appartements y étaient compris. Les bâtiments de
service étaient toujours placés entre les diverses enceintes.
Quelques-unes des tours qui flanquaient les murailles furent
construites de manière h pouvoir être défendues séparément.
C'était du reste un usage général au moyen-âge de rendre
le plus possible indépendants les uns des autres les divers
ouvrages militaires qui défendaient une ville ou un château.
Comme on le voit , la plus belle période de l'architecture
militaire fut le XIIIe. siècle; au XIVe. et au commencement
du XVe. , on construisit encore quelques forteresses sur le
même plan polygonal, mais après les guerres des Anglais,
288 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
on chercha moins à rendre les châteaux forts qu'à en faire
une résidence agréable. La féodalité guerroyante du moyen-
âge avait été abattue par tous nos désastres , et le règne de
Louis XI venait de lui porter le dernier coup ; on ne bâtit
plus dès-lors que des manoirs , et les ouvrages de défense
dont on continua à les entourer , n'eurent pour but , le plus
souvent, que de témoigner de la puissance de leurs pos-
sesseurs.
Après ces données générales qui peuvent fort bien être
appliquées aux constructions féodales élevées en Nivernais
aux diverses époques , M. de Soultrait désigne et décrit
sommairement quelques châteaux de cette province qui peu-
vent servir de type pour chaque époque : la commune de
Toury-en-Séjour renferme un lieu où, dit-on, existait jadis
une réunion de constructions féodales fort anciennes , peut-
être du XIe. siècle, on désigne ce lieu sous le nom de
Fossés-Matigny ; on y voit quatre tertres de hauteurs et de
grandeurs différentes, séparés par des fossés à demi comblés;
le plus élevé de ces tertres devait supporter le donjon , deux
autres les bâtiments de servitude et le quatrième la chapelle,
mais il ne reste plus aucune trace de constructions.
La grosse tour de Tcury-sur-Abron date très-probablement
du XIIe. siècle ; cette tour fort élevée a perdu son couron-
nement lors de la Révolution ; trois assommoirs peu saillants,
portés par des consoles en retrait , flanquent ses parois à des
hauteurs différentes; il ne reste aucune ouverture de la
construction primitive, excepté la porte d'entrée qui est
carrée et grossièrement faite ; les meurtrières sont fort longues
et étroites. On n'entre dans cette tour que par une porte
pratiquée à km. du sol ; le rez-de-chaussée est occupé par
une sorte de cave voûtée , le mur de cette partie a 3m. d'é-
paisseur ; le premier étage est voûté , on monte au second
par un escalier pratiqué dans le mur qui a 2M. d'épaisseur.
XVIIIe. SESSION. 289
Cette tour est construite en beau moellon d'appareil et sa
base est conique.
Le XIIIe. siècle a laissé en Nivernais quelques châteaux ;
les deux plus remarquables sont ceux de St.-Verain et de
Ilosemont : le premier situé à l'une des extrémités de la petite
ville de St.-Verain, elle-même entourée de fortes murailles,
n'était en quelque sorte que le donjon de la place ; il se com-
posait d'une grosse tour ronde s'élevant au milieu d'un terre-
plain renfermé dans un carré de murailles flanqué de quatre
tours également rondes; il ne reste aucune trace des anciennes
ouvertures , et les tours découronnées sont en partie
détruites ; deux enceintes séparaient ce donjon du reste de
la ville.
Le château de Rosemont est la plus belle ruine féodale du
Nivernais; cette forteresse ayant été construite suivant toutes
les règles de la castramétation du XIIIe. siècle , mérite une
description détaillée. Le château est bâti à mi-côte , le choix
de cette position est conforme à l'esprit qui présidait aux con-
structions militaires de celte époque ; rarement on bâtissait
sur les cimes élevées, on préférait le faire à mi-côte, soit
pour la facilité des approvisionnements, soit pour avoir de
l'eau plus commodément ; on se préoccupait peu du voisinage
des hauteurs dominant les enceintes fortifiées, pourvu qu'elles
fussent hors de la portée assez faible des machines alors en
usage pour lancer des projectiles; du reste, Rosemont n'est
dominé par aucune hauteur, sa position était donc parfaite-
ment choisie.
La forteresse forme un polygone irrégulier entouré de fortes
courtines flanquées autrefois de neuf grosses tours , dont sept
sont encore debout, et d'un haut bâtiment carré sous lequel
se trouve l'entrée ; toutes ces constructions ont été très-soi-
gnées, le revêtement extérieur qui malheureusement tombe
ou est enlevé tous les jours , est en belle pierre d'appareil.
290 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE ERANCE ,
Presque tous les châteaux étaient environnés de fossés sus-
ceptibles d'être remplis d'eau ; ici, à cause de la disposition
du terrain, une partie seule des fossés pouvait être sub-
mergée.
La porte est placée dans un fort bâtiment carré situé à
l'Ouest , mais elle s'ouvre dans la partie Sud de ce bâtiment ,
en sorte que, pour y arriver , l'ennemi était obligé de pré-
senter le flanc droit aux soldats qui garnissaient une grosse
tour d'angle et une longue courtine qu'il fallait longer pour
arriver à cette entrée. Cette disposition, habituelle dans les
constructions importantes du moyen-âge , était une tradition
des ingénieurs romains qui ne voulaient pas que l'on pût
arriver tout droit aux portes principales. Quoiqu'il n'en reste
plus de traces, il y avait certainement un fossé devant la porte,
on voit encore la place des pièces de bois qui servaient à
relever le pont-levis. L'entrée est en anse de panier et assez
grande; sous le passage on remarque le plan de la herse. Au-
dessus de ce passage se trouve la chapelle dont la fenêtre ogi-
vale assez grande s'ouvre dans le haut du bâtiment carré à
l'Ouest ; elle est placée à une trop grande hauteur pour que
des projectiles aient jamais pu y arriver et la rendre dange-
reuse. Le bâtiment carré est couvert d'un toit élevé assez
ancien, mais qui sans doute n'existait pas lors de la construc-
tion du château.
Il est difficile de juger des dimensions primitives des fossés
creusés dans la terre sans revêtements , ils sont en partie com-
blés et les éboulements en ont dénaturé la forme. Il n'y a pas
de traces de ces ouvrages extérieurs qui se trouvaient ordi-
nairement à la tête du pont-levis et en d'autres endroits et
qui étaient destinés à protéger les reconnaissances et les sor-
ties de la garnison.
Les tours ont leurs parois verticales sur des bases coni-
ques; cette disposition était la plus usitée , elle donnait plus
xvnr. session. 291
de solidité aux murs et, en même temps, elle pouvait faire
ricocher avec force les projectiles que l'on jetait d'en haut.
Les murailles sont d'une grande épaisseur, en quelques
endroits elles ont plus de 2 mètres.
Les tours sont toutes découronnées , il est donc impossible
de savoir comment elles se terminaient , mais on voit encore
en quelques endroits des courtines , des créneaux rectangu-
laires peu élevés et assez larges. Quelques moucharabys flan-
quent les tours.
Les mâchicoulis n'étaient point en usage au XIIIe. siècle ;
on n'en voit point à Rosemont , mais toutes les tours et la
partie ouest des courtines qui défendait l'entrée , sont
encore garnies dans le haut de trous et de corbeaux destinés
à supporter des hourds; on donnait ce nom à des échafauds
en saillie que l'on plaçait en temps de guerre sur le haut des
tours et des murailles pour proléger les soldats qui les défen-
daient; de ces hourds percés dans le bas, on pouvait aussi
lancer des projectiles sur les assaillants, comme on le fit plus
tard par les mâchicoulis de pierre à poste fixe.
Le sommet des courtines offre presque partout un chemin
de ronde assez large ; la partie est du château , qui est
moins élevée et plus faible , à cause de la disposition du ter-
rain , était défendue par un plus grand nombre de tours.
Toutes les meurtrières sont de longues fentes verticales
destinées au tir de l'arc. L'intérieur du château n'offre plus
guère de caractères , les tours renfermaient un ou deux étages
de pièces voûtées.
Il est difficile de reconnaître où se trouvait le donjon ,
c'était sans doute l'une des plus grosses tours de l'enceinte,
peut-être celle de l'angle sud-ouest qui paraît plus forte que
les autres.
La chapelle est voûtée en berceau ogival avec un arc-dou-
bleau retombant sur des colonnes engagées à chapiteaux fort
292 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
simples ; on n'y voit aucune trace d'ornementation , à part
quelques fleurs de lis de forme ancienne peintes en rouge ; la
fenêtre ogivale et l'autel sans caractère sont à l'ouest.
Un puits se trouve dans la cour et des caves occupent le bas
des tours ; sous la partie ouest s'étend un vaste souterrain dans
les parois duquel s'ouvrent des niches de 2 mètres de haut
sur un de large , c'étaient des magasins et non point des
cachots, comme on le pense dans le pays.
Le château de Verneuil , quoique fort dénaturé , présente
encore les quatre tours et quelques restes des courtines de
son enceinte carrée. Celui de Meauce fut , dit la chronique ,
bâti par saint Louis pour un chevalier de la famille de Rofïi-
gnac à qui les infidèles avaient crevé les yeux ; ce château est
rond avec une cour intérieure et des restes de fossés tout
autour; il devait être très-fort, mais il a été tellement remanié
qu'il est fort difficile même de conjecturer quels étaient ses
moyens de défense ; pas une seule ouverture n'est restée ce
qu'elle était autrefois et les bâtiments sont uniformément cou-
verts de toits; à l'intérieur de la cour tout a été refait à la fin
du XVe. ou au commencement du XVIe. siècle.
Le Nivernais possède quelques châteaux du XIVe. siècle ,
bâtis sur le même plan que ceux du XIIIe. ; tels sont ceux
de Villars , de la Chasseigne , de Chandiou , ce dernier de la
fin du siècle ; mais ces châteaux furent construits avec moins
de soin et de solidité que ceux du XIIIe. ; au lieu du
moellon d'appareil qui forme le revêtement des murailles de
ces derniers , on trouve uniformément au XIVe. des moel-
lons plats assemblés avec assez peu de soin ; les murs sont
aussi moins épais et quelques ouvertures extérieures y
sont pratiquées comme à Chandiou. D'autres demeures
féodales de celte époque , construites sur un autre plan ,
consistent en un corps-de-logis plus ou moins déve-
loppé , flanqué quelquefois de tours et de tourelles enga-
XVIIIe. SESSION. 293
gécs, ce ne lurent plus que des maisons fortes. Le plus
considérable des châteaux bâtis sur ce nouveau plan est celui
de Chevcnon dont voici la description : ce château se compose
d'un corps- de-logis, appuyé de deux grosses tours rondes,
avec une enceinte de murs qui jadis comprenait un carré, le
corps-de-logis seul est resté debout.
La façade Sud est anglée des deux tours ; au milieu, la porte
d'entrée en ogive un peu surbaissée est défendue h droite et
à gauche par des tourelles engagées, terminées en encor-
bellement et soutenues par de fortes engives ; au-dessus de
cette entrée , entre les tourelles , se voit un petit moucha-
raby , porté par des consoles à trois retraits dont l'une est
ornée d'une tête de femme , et plus haut une rangée de
forts corbeaux qui pouvaient recevoir des hourds ; des fe-
nêtres irrégulières de forme et de disposition , presque toutes
percées après coup ou agrandies , se trouvent en divers en-
droits; les grosses tours offrent encore des meurtrières lon-
gues , un peu élargies par le bas , avec un court croisillon au
milieu terminé des deux côtés en queue d'aronde ; les tours
et le corps-de-logis ont été découronnés et sont couverts de
toits peu anciens.
On entre dans le château par un passage voûté où se voit
encore la place de la herse , à droite et à gauche sont un
corps-de-garde et une prison ; au bout du passage l'on se
trouve dans l'ancienne cour intérieure , formée par le corps-
de-logis et les murailles; tout dans cette cour a été refait au
XVe. siècle, il en est de même de l'intérieur qui n'offre plus
de caractères.
Les portes des châteaux de Premery et de Druy sont de
la même époque et construites dans le même genre. Le
Tremblay est une haute maison forte carrée qui ressemble à
une tour , avec un toit fort élevé.
19
2% CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Le château d'ArisolIes a tous les caractères des anciennes
forteresses , et pourtant il a été bâti très-probablement pen-
dant la première moitié du XVe. siècle. Voici sur quoi celte
opinion est basée : une charte de 1375, conservée aux ar-
chives du royaume , nomme Lorin de Pierrepont seigneur de
la métairie d'ArisolIes ; or , cette terre ne figure point dans
l'énoncé des possessions de Pierre de Pierrepont, héritier de
Lorin en 1W3; puis, en 1Zi53 , Guillaume de Pierrepont,
descendant des deux autres Pierrepont , s'intitule seigneur
du château-fort d'ArisolIes , haut-justicier, etc. La tradition
rapporte que ce fut Agnès Sorel qui fit bâtir ce château ; il
est fort possible , en effet , qu'Agnès Sorel , qui avait des
relations de parenté en Bourbonnais , étant devenue proprié-
taire d'ArisolIes dans la première moitié du XVe. siècle, en
ait fait bâtir le château et que le droit de haute-justice ait
été accordé à cette seigneurie en sa faveur.
Quelques autres châteaux du XVe. siècle furent bâtis
avec des tours de défense : ceux du Bessay , de Riéjot , et
du Marais sont dans ce cas, mais la plupart des autres con-
sistent en des corps-de-logis flanqués d'une tourelle h pans
renfermant l'escalier et quelquefois de tourelles engagées;
les manoirs de Trougny, de Giverdy, de Villemenan , du
Chaillou et bien d'autres affectent cette forme. A cette même
époque, on bâtit sur le plan de Chevenon, le château de
Passy qui , au premier abord , semble du XIVe. siècle , mais
où tout trahit la fin du XVe.
Le XVIe. siècle a laissé le château ducal de Ne vers , dont
la façade, encadrée de deux grosses tours et de deux tou-
relles à pans, offrait sur les faces de sa tour d'escalier de
nombreux bas-reliefs, puis les jolis manoirs de Dornes, de
la Motte-Farchat , de Tâches et le beau château des Bordes
qui , de même que Passy , a été bâli sur un plan ancien.
xviir. session. 295
A cette époque les façades des demeures féodales se couvrent
de sculptures et de devises pieuses ou chevaleresques; on
lit à Dornes :
VOTIS POTIOB.
à la Motte-Farchat :
NULLIUS PAVEBIT OCCURSUM.
Puis, en ce même lieu, au-dessus d'une statue de la Vierge, ce
distique par lequel le seigneur du château et sa femme se
consacrent à Marie :
VILLA INES ET DURET A LA MÈRE DE DIEU
OFFRENT SON EFFIGIE ET LEUR AME ET CF. LIEU.
Le château de Frasnay-le-Ravier offre une belle porte
du XVIIe. siècle. Sermoise, Bizy et Urzy sont de beaux châ-
teaux du XVIIIe. siècle. Enfin , MM. le V,e. Benoist-d'Azy ,
Humann et Boignes font construire dans les communes d'Azy,
de St. -Germain et de Decise, des châteaux qui rivaliseront
avec ce que la renaissance nous a laissé de plus beau comme
ordonnance générale et comme ornementation.
M. de Caumont demande à quelle époque on commence
a trouver en Nivernais des mâchicoulis et des traces des
poutres qui servaient à dresser nos ponts-levis.
M. de Soultrait répond que presque tous les châteaux
ayant été découronnés, on ne peut guère savoir comment
leurs murs étaient terminés ; la Porte-du-Croux, à Nevers, que
le Congrès a visitée , offre des mâchicoulis , ce sont les seuls
bien marqués qu'il connaisse : le château de Chandiou en
a encore aussi deux ou trois du commencement du XVe.
siècle. Quant aux poutres des ponts-levis , on en trouve la
trace dans divers châteaux du XIIIe. et du XIVe. siècle,
notamment h Rosemont.
296 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
M. Barat insiste sur l'importance du château de St.-
Verain et fait observer que M. de Soultrait a oublié de
parler du château de la Motte-Josscrand , qui cependant
est assez curieux et assez ancien pour mériter une men-
tion.
M. de Soultrait répond qu'en effet la Motte-Josserand est
l'un des plus beaux châteaux que le XIVe. siècle ait laissé
en Nivernais, mais qu'il n'a pas pu, en essayant de répondre
à la question du programme , mentionner toutes les demeures
féodales intéressantes du département de la Nièvre qui en
a conservé un fort grand nombre.
M. Crosnier annonce que le beau château de St. -Verain
dont on a parlé , sert de carrière de pierre à tout le pays ,
et que , si l'on n'y met ordre , il est menacé d'une destruc-
tion complète; il croit se rappeler que ces belles ruines
avaient été données à la ville à condition qu'on n'y loucherait
point; il demande que le Congrès veuille bien prier M. le
Préfet de s'occuper de cette affaire et de voir s'il n'y aurait
pas moyen de conserver au département l'une de ses plus
nobles ruines féodales. L'orateur ajoute que l'on a trouvé
dernièrement dans les murs de St. -Verain, des oboles de
Mahaud , comtesse de Nevers.
Une discussion s'engage entre MM. Gallois, Crosnier et
Barat au sujet des pièces du moyen-âge que l'on trouve le
plus souvent en Nivernais. M. de Soultrait rappelle que Ma-
haud battit monnaie à son nom à la fin du XIIe. siècle seu-
lement , avant son mariage avec Hervé de Donzy dont on a
plusieurs variétés de monnaies; les deniers de Mahaud sont
assez communs , mais les oboles sont rares. Les pièces que
l'on trouve le plus communément dans le pays , sont les
deniers de Gien , portant les légendes Gosedus cos (cornes)
et Giemis ca (strum).
Mgr. l'Évèque pose la 17e. question du programme :
XVIIIe. SESSION. 297
Quelle était la destination des voies souterraines qui ont
leur ouverture dans la plupart des anciens châteaux?
M. de Buzonnièrc explique la présence de ces passages
souterrains faisant communiquer ensemble les diverses par-
ties d'un château, les tours par exemple, par l'usage où
étaient les ingénieurs militaires du moyen-âge d'isoler, autant
que possible , les divers ouvrages militaires d'une même for-
teresse : ces souterrains permettaient à la garnison de passer
d'une tour à une autre sans que les assiégeants s'en aper-
çussent, quand bien même ils auraient déjà pénétré dans la
place. L'orateur a vu de ces conduits dans les murailles
d'Orléans, et dans l'un de ces conduits un puits, au milieu
de l'une des parois duquel s'ouvre une sorte de porte grillée
de fer , disposée à peu près comme l'ouverture d'une boîte
aux lettres , qui communique avec une petite pièce ; quelle
pouvait être l'utilité d'une semblable cachette?
M. de Soultrait ne se rappelle pas avoir vu de ces souterrains
faisant communiquer entr'eux les divers ouvrages de défense
d'une place. Quant aux longs souterrains partant des caves
et allant aboutir dans la campagne à une grande dislance ,
que la tradition place dans presque tous les châteaux un
peu importants, il voudrait voir leur existence bien constatée;
il a souvent entendu parler de souterrains de ce genre , mais
personne ne les avait parcourus , personne même n'y était
entré ; il ne nie pas que de pareils conduits n'aient existé dans
quelques châteaux , mais il ne croit pas qu'il y en ait jamais
eu beaucoup.
M. de Caumonl a vu des galeries qui faisaient le tour de
murailles du XIIe. siècle ; quant aux souterrains faisant com-
muniquer l'intérieur du château avec la campagne, son
opinion est qu'il y en avait que les éboulemenls de terrains
ont fait disparaître en grande partie, mais il est évident qu'on
a exagéré outre-mesure la longueur de leur parcours.
298 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
M. l'abbé Crosnier se rappelle avoir vu un souterrain qui,
partant du château ducal de Nevers, aboutissait dans les
fossés, puis allait plus loin ; il y est entré dans sa jeunesse.
M. Gallois appuie ce que vient de dire M. Crosnier. On
voyait une entrée de ce conduit dans l'intérieur des fossés ,
près de la porte neuve maintenant détruite , il passait sous le
parc et il se bifurquait ; mais des décombres et de l'eau em-
pêchaient de le parcourir en entier.
Mgr. l'Évêque pose alors la XVIIIe. question :
Pourquoi rencontre-t-on fréquemment daîis les murs des
anciens châteaux, tels qu'à St.-Verain , Bulcy , etc., des
conduits qui circulent dans l'intérieur des murailles'}
M. l'abbé Crosnier explique ce que sont ces conduits à
St.-Verain. Ce sont, dit-il, des espèces de tuyaux pratiqués
dans l'intérieur des murs et qui circulent à différentes hau-
teurs dans toute l'enceinte des murailles ; dans le peu de
ruines qui restent de l'ancien château de Bulcy , j'ai retrouvé
ces conduits jusque dans les cachots et les oubliettes.
M. de Buzonnière demande s'ils sont horizontaux.
M. l'abbé Clément dit que ces conduits , à St. -Verain ,
tournent dans les murs, donnent dans plusieurs pièces du
château et aboutissent à l'extérieur , au pied du donjon. Sans
doute en ce lieu se trouvait une sentinelle qui , au moyen de
ces conduits , pouvait donner l'alarme et prévenir de ce qui se
passait au loin.
M. de Buzonnière ne conçoit pas comment une sentinelle
placée au pied du donjon pouvait y voir de loin, cette posi-
tion lui paraît singulière. M. Clément fait observer que la tour
supérieure du donjon s'élevait au dessus du terre-plein ren-
fermé dans le carré des tours et des courtines inférieures, sa
base même était assez haute pour que la vedette pût de là
observer la campagne.
M. Crosnier ajoute que ces conduits se voient encore non
xvnr. session. 299
seulement dans les murs du donjon , mais encore dans les
murailles extérieures ; ils auraient donc pu également servir à
faire communiquer entr'elles les troupes qui garnissaient les
diverses enceintes.
M. de Caumont , qui a cité des faits semblables dans le Ve.
volume de son Cours d'antiquités , dit que ces trous ne sont
que l'emplacement de poutres qui ont disparu et sont tombées
en poussière. Ces poutres, dont il a vu encore des morceaux
à Gisors et à Brionne (Eure) , avaient pour but de relier les
murs et d'éviter les dislocations qui pouvaient arriver par
suite du tassement inégal des terres sur lesquelles reposaient
les murs. Le château de Gisors est , sous ce rapport , très-
connu et étudié. M. de Caumont renvoie au t. Ve. de son
Cours d'antiquités, publié en 1835 (V. la page 257).
M. de Soultrait a observé au château de Montgilbert, dans
le département de l'Allier, l'ouverture d'un conduit qui, cir-
culant dans les murs , venait aboutir à l'intérieur de la porte
d'entrée des ouvrages avancés ; ce conduit rond, formé par des
tuyaux en terre cuite de cinq ou six pouces de diamètre , ne
pouvait être qu'un conduit acoustique destiné à faire com-
muniquer la garnison intérieure du château avec le poste qui
gardait les ouvrages avancés.
M. Morellet cite le château de Chevenon où un conduit
vertical , partant du haut des murs , vient aboutir à la porte
d'entrée où se trouvait un corps-de-garde.
La discussion continue entre MM. Crosnier, de Buzon-
nière , de Glanville , Morellet et de Soultrait.
M. le Président la résume en disant que les détails de l'ar-
chitecture militaire sont encore peu connus , et que les faits
qui peuvent en éclairer l'histoire doivent être soigneusement
recueillis. Il donne ensuite la parole à M. de Buzonnière, se-
crétaire-général de la XVIIlr. session du Congrès scientifique
de France , qui annonce que cette session s'ouv ri a à Orléans
300 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
le 10 septembre prochain , et qui invite les personnes présentes
à s'y rendre : diverses expositions auront lieu, des courses ar-
chéologiques seront faites, et la commission d'organisation
fera de son mieux pour rendre le séjour d'Orléans agréable
aux personnes qui viendront assister au Congrès.
M. de Soultrait demande la parole et annonce que M. l'abbé
Grosnier a préparé une monographie de la cathédrale de St. -
Cyr de Nevers; il n'existe aucun travail sur cette belle église
dont le Congrès a pu apprécier toute l'importance archéologique
et artistique, et nul mieux que 31. Grosnier n'est en état d'en
faire l'histoire et d'en donner la description ; il demande donc
que le Congrès émette le vœu de voir ce travail bientôt
publié.
Le Congrès , par l'organe de son président , émet ce vœu
à l'unanimité ; M. de Caumont promet de faire son possible
pour encourager la publication de cette monographie.
Au sujet de la cathédrale, 31gr. l'Évêque demande à 31.
Boivin, architecte, chargé de la restauration de cet édi-
fice , que l'on renferme le plus tôt possible le terrain situé
derrière la crypte occidentale , terrain où l'on dépose des
ordures dont l'odeur infecte la crypte.
31. de Caumont dit que l'on va procéder à la répartition
des fonds que la Société accorde chaque année pour la répa-
ration des monuments; mais auparavant il demande que le
Congrès décide quelle sera la ville où se tiendra l'année pro-
chaine la XIXe. session du Congrès archéologique , il pro-
pose Dijon. Aucune objection ne s' élevant contre le choix de
cette ville , 3Igr. l'Évêque président annonce que la XIXe.
session du Congrès archéologique s'y ouvrira à une époque
qui sera ultérieurement fixée. Monseigneur demande ensuite
dans quelles conditions sont répartis les fonds alloués par la
Société française ; M. de Caumont répond que ces fonds sont
accordés aux membres de la Sociélé, pour l'entretien des
XVI [Ie. SESSION. 301
monuments importants antérieurs à la lin du XVI'. siècle,
el pour des fouilles dont on a reconnu l'utilité.
On passe à la discussion concernant les allocations. Plusieurs
membres font alors des demandes de fonds pour être appliqués
à la restauration de divers édilices : M. Crosnier pour la cu-
rieuse église romane de Jailly, dont il a parlé dans l'une des
séances du Congrès, et pour les fouilles de St. -Révérien ; M.
V. Petit pour des fouilles prés d'Avallon ; M. le curé de Pou-
gues pour son église que le Congrès doit visiter; M. le comte
de Kréda pour des fouilles dans le département de l'Oise.
Mgr. l'Evêque appuie la demande de M. Crosnier pour
l'église de Jailly ; il voudrait aussi quelques fonds pour faire
consolider les curieux vitraux de St.-Saulge.
M. l'abbé Le Petit , secrétaire-général de la Société fran-
çaise , donne aussi connaissance de demandes de fonds adres-
sées à la Société par MM. Quentin, pour les fouilles d'Auxerre ;
David , inspecteur de la Sarthe , pour diverses églises de ce
pays ; Drouet , pour divers achats d'objets à déposer au
musée du Mans ; de Glanville , pour l'église de Branville ;
enfin par lui-même pour consolider les murs de la chapelle
d'Evrecy.
M. de Caumont, à l'occasion d'une somme assez considé-
rable qui est demandée pour le département de la Sarthe ,
explique comme quoi il est juste que la répartition des fonds
se fasse en ayaut égard au plus ou moins grand nombre de
membres que la Société française compte dans chaque dépar-
tement; or, il y en a plus de quatre-vingt dans la Sarthe. Les
allocations suivantes sont accordées après discussion :
Fouilles aux environs de Laon 200 fr.
Rétablissement de la croix du mont Beuvray
(Nièvre) 100
302 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Église de Branville (Calvados) 100 iï.
Vilrail de Notre-Dame de Touchet. . . . 100
Église de Jailly (Nièvre) 200
St. -Sauge 100
Montmartre 100
Églises des environs de Bordeaux. . . . 100
Auxerre 100
Fouilles à St.- A mand 50
id. à Sens 50
Division du Mans 300
Église de Chaillot 100
Évrecy 100
Fouilles de St.-Révérien 200
M. de Soultrait lit la note suivante de M. le Cte. Jaubert.
Il existe dans la commune de Cours-les-Barres , canton do
la Guerche (Cher) , autrefois du diocèse de Nevers, un
domaine isolé au milieu des bois , où la tradition place une
ancienne maison religieuse ; dans un enclos attenant , on a
trouve un cimetière contenant des tombes en pierre différente
de celle du pays, c'est une espèce de granité analogue à
celui du département de l'Allier. Dans ces tombes étaient
beaucoup d'ossements qui ont été soigneusement transportés
au cimetière de la paroisse, quelques débris d'ustensiles, etc.
Long-temps on a conservé dans une niche au pignon de l'an-
cien domaine aujourd'hui reconstruit , une statuette qui s'est
brisée, et dont on n'a aujourd'hui que la tête.
Dans l'étang voisin on a trouvé une portion de colonnette
en basalte moucheté d'Auvergne.
Les noms même de saint Gris ou saint Grésil (car l'un et
l'autre se trouvent pour la même localité dans les cartes
géographiques et les vieux plans d'arpentage) ont donné lieu
à des recherches dont les trois lettres ci-incluses peuvent
donner une idée.
XVIIIe. SESSION. 303
M. le Secrétaire donne communication des trois lettres qui
sont de Mgr. Dupanloup, actuellement évèque d'Orléans, de
M. l'abbé Cahier et de lui-même ; son opinion est (pic saint
Gris est une abréviation du nom de saint Austregesille ,
ancien évèque de Bourges , ou de saint Géry. Il continue
ensuite la lecture de la note :
Sang saint Gris ! par saint Gris ! sont des jurons employés
dans Rabelais. — Ventre saint Gris! était le juron favori
d'Henri IV. — Voir à ce sujet le commentaire de Duchat sur
Habelais (Pantagruel, ebap. ix, note 17 ; — ibid. , ebap. xxvm,
note lk), duquel il résulte que saint Gris ne serait autre que
saint François d'Assise , patriarche des moines gris , des
moines ceints de gris.
Quelques personnes croient que saint Gris pourrait être une
abréviation de saint Gervais G-r. i. s.
Que conclure de ces documents? Qu'est-ce que saint Gris
ou saint Grésil? A-t-il existé réellement un saint de ce nom
et sa légende a-t-elle été retrouvée ?
Le Congrès regrette de n'avoir pas sous les yeux le frag-
ment de la statue de saint Gris ; on ne connaît pas de légende
de saint de ce nom ; l'opinion émise dans la lettre de M. de
Soultrait est acceptable , mais on ne peut rien dire de certain
à cet égard.
Mgr. l' Évèque remet ensuite à M. Georges de Soultrait une
médaille d'argent qui lui a été votée par la Société française
pour ses travaux sur l'épigraphie de l'arrondissement de
Nevcrs; il félicite cet archéologue du zèle avec lequel il pour-
suit ses études sur les monuments du Nivernais.
La séance est terminée par un éloquent discours de l'émi-
nent prélat qui remercie les membres du Congrès des encou-
ragements qu'ils sont venus donner à l'étude de l'histoire et
des monuments du Nivernais; il est heureux de celle trop
courte réunion qui a mis en rapport les hommes d'études du
306 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
pays avec les savants étrangers qui ont honoré la ville de
Nevers de leur présence; il ne doute pas que les résultats les
plus satisfaisants ne soient la conséquence de ce Congrès dont
la ville de Nevers gardera long-temps le souvenir.
D'unanimes applaudissements prouvent que l'auditoire ap-
prouve complètement les pensées que Mgr. l'Évoque vient de
rendre d'une manière si brillante.
La séance est levée à six heures.
Le Secrétaire-adjoint ,
Cu. Georges de Soultrait.
EXCURSION A LA CHARITÉ.
Le \h juin, dès cinq heures du matin, les membres du
Congrès, fidèles au rendez-vous, se trouvaient en nombre au
bas du parc attendant que les voitures fussent organisées et
que les retardataires fussent arrivés. Chacun, en considérant
cette vaste et magnifique promenade, dont les nivernistes
sont fiers à juste raison, faisait part de ses impressions; et
les habitants du pays surtout étaient heureux de communiquer
à leurs aimables hôtes les souvenirs historiques qui se ratta-
chent à ces lieux enchantés. C'était là que le marquis de
Montigny assiégeant Nevers en 1617 sous les ordres du
maréchal d'Ancre a fait établir son camp, et que le soldat
faisait tomber sous sa hache les arbres séculaires qu'il fallut
remplacer plus tard; c'était là que s'inspirait la muse d'Adam
Billaut, notre poète menuisier, quand il composait ses che-
XVIIIe. SESSION. 305
villes et son villebrequin ; c'était là que la princesse Marie
d<; Gonzague se plaisait à errer à l'ombre avec ses dames
d'atours; c'était là Mais voilà les trois omnibus au grand
complet, ils partent escortés de plusieurs cabriolets et roulent
avec rapidité sur la route qui conduit à b'ourchamhault , à
peine a-t-on le temps d'apercevoir, en passant sur le baut
de la côte, l'ancienne église de St.-Gildard; il est facile d'y
reconnaître des traces des XIIe. et XIIIe. siècles, elle dut en
remplacer une autre élevée dans cet endroit , où , en 898 ,
Ratbier, comte de Nevers, fut appelé en champ clos par
Richard le justicier son seigneur suzerain, pour avoir voulu,
dit la chronique, attenter à l'honneur de sa femme. Rathier
succomba tout en protestant de son innocence. Avant 1793,
le chapitre de la cathédrale se rendait pour les Rogations en
station à St.-Gildard, mais avant de quitter l'église, on
chantait un libéra pour le repos de l'âme du comte Rathier.
Tout en nous entretenant de ces vieilles chroniques
locales, nous nous éloignions des lieux qui en furent le théâtre,
et déjà nous apercevions les tourbillons de fumée qui
s'échappent des hautes cheminées pyramidales de Fourcham-
bault , pour former un sombre rideau au-dessus des forges
et de la fonderie ; bientôt nous parcourions la longue rue qui
forme cette ville nouvelle. Il y a moins de U0 ans, cet
emplacement était désert et nous n'avons pas oublié les
heureux moments de notre jeunesse , quand le jeudi nous
engagions des parties de barres dans ces lieux maintenant
si animés. Ce fut, je crois, en 1823 que M. Boignes jeta les
premiers fondements de ce vaste établissement. Insensi-
blement la forge et la fonderie ont vu se grouper les habi-
tations coquettes que nous admirons à droite et à gauche.
Bientôt il fallut songer à construire une église pour cette
population toujours croissante et ériger une nouvelle succur-
sale. Ne disons rien de l'église, car à l'époque à laquelle elle
300 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
fut construite, la science archéologique était encore peu
développée et l'art religieux peu connu : hâtons-nous d'arriver
au milieu de ces travailleurs actifs à la figure enluminée par
le travail et par le feu. Voyez avec quelle dextérité ils
manient à l'extrémité de leurs longues tenailles ces masses
énormes de fer igné , comme ils les soumettent aux diffé-
rentes filières qui les façonnent au milieu des explosions
produites par l'air comprimé qu'ils renferment; voyez en
un clin-d'œil cette masse, d'abord informe, s'allonger insen-
siblement et courir comme de longs serpents de feu dans
toute l'étendue de l'atelier. Quelle vie ! quel mouvement ! et
cependant grâces aux funestes doctrines qui ont paralysé
toutes les grandes œuvres de notre société, il n'y a plus
que 400 à 500 ouvriers où naguère on pouvait en occuper
1200 à 1500.
Malgré le plaisir que nous éprouvions à considérer ces
importants travaux , il nous fallut continuer notre course ,
d'autant mieux que plusieurs membres de cette excursion
désiraient arriver promptement à Garchisy pour contempler
son église romane dont ils avaient entendu parler.
Cette église , placée à mi-côte sur un coteau qui domine
la Loire , présente toutes les richesses de détail de l'époque
romano-byzantine. Son portail formé de quatre colonnes,
dont deux en retraite, est remarquable par ses chapiteaux
historiés , dont plusieurs ont rapport à la vie de saint Martin ,
patron de cette église. Le partage de son manteau avec un
pauvre à la porte d'Amiens ne pouvait être oublié. Ici encore
nous retrouvons les claveaux que nous sommes convenus
d'appeler alvéolés, tels que nous les avons remarqués à St.-
Etienne de Nevers. L'église est bâtie sur un plan cruciforme,
mais les croisillons sont légèrement indiqués ; notre honorable
collègue , M. Georges de Soultrait , appelle avec raison rudi-
ment de transept ces sortes de croisillons à peine accusés.
XVIIIe. SESSION. 307
La tour octogone s'élève au-dessus de la coupole de l'inter-
transept. Tout le monde a été frappé de l'analogie qui existe
entre l'ornementation de cette tour et celle de La Charité.
Cependant on peut dire que la tour de Garchisy paraît lourde
et réclamerait un second étage. M. de Surigny a fait remarquer
l'influence de Cluny dans ce clocher carré à sa base, puis
octogone au moyen de petits toits qui couvrent les angles
du carré. Le voisinage de La Charité a dû évidemment
exercer une grande influence dans la construction de cette
église.
A trois kilomètres environ de Garchizy , une église du
XP. siècle nous engagea à faire une nouvelle halte ; c'est
celle de Fougues. La nef n'a aucun caractère ainsi que le
clocher, mais à partir du transept l'église est bien caractérisée,
la région absidale surtout présente une disposition savante
qui se rencontre rarement à cette époque dans les églises de
campagne; c'est une travée entre le transept et l'abside , et
dans cette travée des arcatures aveugles. Sur un des chapiteaux
on a remarqué un animal excessivement grossier ; quelques
personnes le faisaient remonter à une époque fort reculée ,
mais il est évident que c'est l'œuvre d'un ouvrier inhabile.
Après avoir considéré un tableau du déluge qui nous a paru
d'un mérite incontestable , nous reprîmes la route de La
Charité. Entre Pougues et Lamarche, confins de l'antique
Nivemie, on fit remarquer un très-modeste cabaret auquel
on a donné le nom pompeux d'Hôtel du Pape. Pie VII se
rendant à Paris en 180i, arrivé à cet endroit, fit arrêter sa
voiture et demanda une tasse de lait qu'on lui apporta de
ce cabaret. C'est pour conserver le souvenir de ce fait que
le propriétaire donna à son cabaret le titre d'Hôtel du
Pape.
Nous ne tardâmes pas à apercevoir les clochers élancés
de La Charité et les tours en ruine qui flanquaient les vieilles
308 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
murailles de cette ville qui avait été monacale et militaire ;
nous laissâmes de côté la ville militaire qui du reste n'a plus
rien de remarquable, pour nous occuper exclusivement de
la ville monacale. Instinctivement nous nous dirigeâmes vers
cette église qui prenait autrefois le titre de fille aînée de
Cluny, soit à raison de sa fondation primitive qui datait de
la même époque que celle de sa mère , selon quelques histo-
riens, soit à raison de ses dimensions colossales. En effet, en
entrant dans l'église de La Charité par la porte occidentale ,
on ne peut s'empêcher d'admirer le vaste plan de ce monu-
ment, mais si par la pensée on y joint l'espace qui existe
jusqu'à la grande tour du portail, on se demande si cette
portion appartenait réellement à l'église ou bien si ce n'était
pas une autre église soudée à la première.
Sans examiner le fait historique qui établit la première
fondation des enfants de saint Benoit à La Charité dans le temps
où Guillaume-le-Pieux, comte de Nevers , fondait Cluny l'an
910 , il nous fut facile de constater que rien de ce que nous
voyons ne rappelait cette époque ; tandis que nous rencon-
trions des traces nombreuses de la dernière fondation qui eut
lieu au XIe. siècle entre 1052 et 1509 et qui se développa
au XIIe.
Le plan général de cette église est un des plus vastes conçus
à cette époque ; cinq nefs conduisaient au transept , deux de
ces nefs se détachaient pour former déambulatoire autour du
sanctuaire, les deux autres longeant les murailles paraissaient
aussi s'étendre au-delà du transept, et après une travée se
terminaient en absidiole semi-circulaire ; deux autres absidioles,
mais sans travée, garnissaient la partie occidentale des
croisillons.
L'histoire nous a laissé les détails de la consécration de
cette église qui fut faite par le pape Pascal II en 1 106 ; il fallait
donc qu'alors le travail commencé au milieu du XIe. siècle
xvur. SESSION.
309
fut sinon terminé , du moins fort avancé. Cependant l'aspect
général rappelle le XIF. siècle et non le XIe. Mais en exa-
ÉGLISE DE LA CHARITÉ-SUR-LOIRE.
minant plus attentivement , on remarque que dans les murs
des nefs les colonnettes qui ornent les fenêtres présentent
bien les caractères du XIe. ainsi que la partie inférieure des
croisillons jusqu'au-dessus des absidioles et des arcades qui
20
310 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
ouvrent le déambulatoire et même une partie du déambu-
latoire qui est de cette époque. Il est évident que l'histoire
et l'archéologie sont ici parfaitement d'accord. Vers le milieu
du XIIe. siècle, époque accusée par le sanctuaire, les cha-
pelles rayonnantes et toute la partie supérieure des murs,
on aura voulu exécuter sur un plus large plan celui déjà
si largement conçu un siècle environ plutôt.
Impossible de rien voir de plus gracieux que la région du
sanctuaire où se développe toute la richesse de l'ornementation
byzantine à ses différents étages; c'est d'abord la colonnade
qui environne l'autel faisant suite aux piliers flanqués de
colonnes engagées , cantonnées en croix , qu'on remarque à
partir de l'intcrtransept. Les chapiteaux qui couronnent ces
colonnes sont d'un fini au-delà de toute expression et peuvent
supporter la comparaison avec ce que l'antiquité nous a
laissé de plus parfait en ce genre; plusieurs reproduisent la
corbeille corinthienne ; d'autres sont animées , mais quoique
gracieux dans leur ensemble, ces derniers sont défectueux
quand on en étudie les détails : il en est de même des deux
chapiteaux historiés qui couronnent deux des colonnes en-
o-a^ées. A cette époque, les fleurs et les feuilles sont exécutées
avec une grande perfection, mais il n'en est pas ainsi des
oiseaux, des quadrupèdes et surtout des formes humaines.
Les chapiteaux historiés dont nous venons de parler , repré-
sentent, l'un, Daniel, dans la fosse aux lions; vis-à-vis sont
deux personnages environnés de serpents; l'un de ces rep-
tiles a sa tête dans la bouche d'un homme et paraît lui
mordre la langue ; l'autre personnage paraît être une femme ,
et deux serpents lui rongent les seins. Ordinairement ce
qu'on nomme la femme aux reptiles , ayant les seins rongés
par des serpents, des dragons ou des crapauds, est l'em-
blème de l'impureté; mais ici il est impossible de ne pas
reconnaître une autre idée indiquée par ces figures symbo-
XVIIIe. SESSION. 311
Tltincs. D'un côté , on voil Daniel dans la fosse aux lions,
victime de la jalousie et de la calomnie; il est calme et les
lions l'environnent presque de respect , tandis que ses en-
nemis sont en proie à d'affreux tourments. La calomnie est
indiquée par l'homme, dont un serpent mord la langue, et
la jalousie par les serpents suspendus aux seins d'une femme.
Il nous a été impossible de pouvoir étudier les figures his-
toriques ou symboliques qui se rencontrent sur les chapiteaux
du premier et du second étage ; leur élévation et le badigeon
qui les couvre , ne permettent pas de saisir parfaitement les
détails. Cependant nous avons remarqué facilement deux
colombes buvant dans un calice , symbolisant les dispositions
nécessaires pour s'approcher du banquet eucharistique , l'in-
nocence , la simplicité et la douceur.
Au-dessus de l'arcature inférieure qui environne le sanc-
tuaire , on remarque huit médaillons représentant des ani-
maux réels ou fantastiques : au milieu d'eux se trouve l'agneau
divin portant la croix triomphale. Il est évident qu'il y a ici
une idée cachée et que le sculpteur n'a point jeté au hasard
le résultat d'un caprice. Il nous a semblé que l'agneau divin,
environné de ces animaux, indique les fruits de la prédication
de l'évangile , la douceur de sa morale ; la pureté de sa doc-
trine a adouci et réuni les nations les plus sauvages, les peu-
ples dont les mœurs paraissaient tout-à-fait opposées.
Tous les membres du Congrès faisant partie de cette excur-
sion ont admiré la multiplicité et la variété des ornements
jetés avec tant de grâce sur les différents membres de ce vaste
édifice , soit sur les pilastres , soit sur les archivoltes des ar-
cades, soit sur les cordons qui séparent les différents étages,
soit sur les frises qui enveloppent la tour de leurs larges et
gracieux rubans. Les besans, les perles, les dents de scie,
les enroulements , les chevrons, les méandres, les étoiles,
les roses détachées, les larges rosaces, les billettes, les da-
312 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
miérs, etc. , en un mot, tous les détails d'ornementation en
usage au XIIe. siècle sont reproduits à La Charité.
Au sortir de l'église, une discussion s'est engagée entre
plusieurs membres sur l'âge à donner aux arcades qu'on re-
marque au Mord , séparant l'église de la tour. Les grandes
arcades du bas ont des formes ogivales largement dessinées,
tandis que les arcades supérieures établies en forme de niches
sont en plein-cintre. Quelques membres prétendaient que les
arcades ogivales pouvaient remonter à l'époque de transition ,
et attribuaient cette partie au XIIe. siècle ; malgré la forme
de ses arcades , d'autres croyaient que ce travail appartenait
à une époque postérieure. D'autres membres enfin, parmi
lesquels on remarquait M. de Surigny , de Maçon , tout en
adoptant cette dernière opinion que les arcades ogivales étaient
bien postérieures, reconnaissaient que ces arcades, substruc-
tion du XVe. et peut-être du XVIe. siècle , avaient été enga-
gées dans des pans de murs du XIIe. Cette dernière opinion
confirmée par le genre de moulure des arcades a été généra-
lement adoptée.
Après avoir jeté un dernier coup-d'œil sur la magnifique
tour de l'église de La Charité qui semble réunir tous les or-
nements que nous avons admirés déjà à l'intérieur, jusqu'aux
arcatures quintulobées , nous nous disposâmes à faire, quoiqu'à
regret , nos adieux à la fille aînée de Cluny.
Avant de quitter la ville , nous allâmes visiter l'ancien
couvent des Bénédictines occupé maintenant par les saintes
filles de la Visitation , si riches en reliques précieuses. Nous
sommes heureux de pouvoir ici offrir l'hommage public de
notre reconnaissance h la vénérable supérieure de ce monas-
tère qui s'est empressée de satisfaire notre pieuse curio-
sité en mettant sous nos yeux la chasuble de saint François-de-
Sales, sa mitre confectionnée par sainte Françoise-de-Chantal et
le cœur de cette sainte renfermé dans son reliquaire de crista/.
XV III'. SESSION.
313
3U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Puis nous serrâmes affectueusement la main de nos collègues
de Sens et d'Àuxerre qui devaient nous quitter pour conti-
nuer leur route , et le soir nous rentrâmes à Nevers.
Le Secrétaire-général ,
Crosnier.
VISITE A LA CATHÉDRALE DE NEVERS.
A l'heure indiquée , les membres du Congrès se réunirent
en grand nombre dans la vaste nef de la cathédrale , lieu du
rendez-vous; Mgr. Du Fôtre et M. le Préfet qui avaient ho-
noré de leur présence la plupart de nos séances, ne pou-
vaient nous faire défaut dans cette circonstance. M. de
Caumont pria M. Crosnier de vouloir bien exposer
à l'assemblée le résultat de ses observations sur la cathé-
drale.
Pour bien se rendre compte de ce monument , à la con-
struction duquel tous les siècles depuis le IXe. , semblent
avoir concouru , il est nécessaire de jeter un coup-d'œil
rapide sur son histoire; il sera plus facile ensuite de l'étudier
sous le rapport artistique en rapprochant les caractères archi-
tectoniques des données historiques.
La foi fut prêchée dans le Nivernais dès les premiers siècles
de l'église , mais la ville de Nevers ne devint siège épiscopal
qu'à la fin du Ve. siècle ou au commencement du VFe. Saint
Séverin , en passant à Nevers en 505 , guérit saint Eulade ,
notre premier évêque , malade depuis deux ans. Saint Eulade
XVIIIe. session. ;'>l>
«lait donc évoque de Nevers dès 503 , nous ne trouvons
aucune autre date précise avant cette époque. La première
cathédrale était sous le vocable de saint Gervais et de saint
Protais qui demeurèrent patrons du diocèse jusqu'au IXe.
siècle ; saint Jérôme , évêque de Nevers au commencement
du IXe. siècle , éprouvait une dévotion toute particulière
pour saint Cyr et sainte Julilte, sa mère; il construisit dans
sa cathédrale, ou du moins auprès, une chapelle en l'honneur
de ces saints martyrs.
Bientôt, soit que l'ancienne cathédrale tombât de vétusté,
soit qu'elle eût été ravagée par les Sarrazins qui dévastaient
alors les environs de Nevers, soit enfin que saint Jérôme fût
mu par le désir de l'agrandir, il conçut le projet de la rebâtir
et de mettre son diocèse sous la protection des saints qui lui
étaient si chers.
Dieu favorisa son pieux désir : avec les secours qu'il
obtint de Charlemagne il put compléter le projet qu'il avait
déjà mis à exécution , et de plus , il obtint un des bras du
jeune saint Cyr, dont saint Amatre, évèque d'Auxerre, avait
autrefois transporté le corps d'Orient dans sa ville épiscopale;
rien ne s'opposait plus à ce que la nouvelle cathédrale fût
sous le vocable de saint Cyr , c'est ce qui eut lieu en effet.
Un siècle plus tard, la cathédrale construite par saint
Jérôme s'écroulait ; Alton , qui avait été archidiacre de Nevers,
étant monté sur le siège épiscopal de cette ville vers
908, entreprit de la reconstruire et fut assez heureux pour
réussir : il l'établit sur un plan carré. Vers 933, Cédalgrin,
un de ses successeurs, obtint d'Héribald, évèque d'Auxerre, le
chef de saint Cyr, que le roi Raoul lit enchâsser en or.
Un traité passé entre Hugues II, évèque de Nevers , et son
chapitre en 1028 d'après Parmentier, et en 1031 d'après
Guy-Coquille, nous apprend que la cathédrale construite par
Alton n'eut pas une durée plus longue que celle que saint
316 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Jérôme avait fait élever. Dans ce traité, il est convenu
que les chanoines feront faire à leurs dépens tout un côté
de l'église.
L'évêque Thibault, en 1188 , fit couvrir l'église cathédrale
lapide sectili, en tuiles, ardoises ou dalles : il est difficile de
donner une traduction incontestable.
Guillaume de St. -Lazare monta sur le siège épiscopal de
Nevers en 1201, il mourut en 1222; l'histoire rapporte
qu'il fut le premier qui fit construire en pierre la cathédrale
opère lapideo et qu'il fut assez heureux pour compléter à
peu près cette construction el pro magnâ parte peregit. Le
même historien dit qu'en 1211 un incendie consuma le cloître
des chanoines et la plus grande partie de l'église. Ici s'élève
une difficulté : Guillaume de St. -Lazare exécuta-t-il son projet
de construction avant ou après l'incendie ; je serais porté à
croire que son œuvre aurait été complétée avant l'incendie
et que toute la région du chœur , qui présente les caractères
du XIVe. et du XVe. siècle, aurait nécessité ces reconstructions
plus récentes par suite de ce sinistre.
En 1280, on construisait le portail de St. -Christophe ou du
doyenné au Nord, et en 1331 Pierre de La Palu, patriarche de
Jérusalem , consacrait la cathédrale de Nevers en vertu des
pouvoirs à lui concédés par l'évêque Bertrand , alors malade.
L'histoire reste muette sur les parties de l'édifice qui appar-
tiennent au XIVe. et au XVe. siècle : nous ne rencontrons
plus que quelques dates éparses. La sacristie fut construite
en 1^73 , le portail de Loire et la chapelle qui le bute sont
dus à l'évêque Pierre de Fontenay qui les fit exécuter en
1^90. La tour, commencée en 1509 sous l'épiscopat de Jean
Boyer, fut terminée en 1598 , sous l'évêque Jean d'Albret.
En 1590, Louis de Gonzague, duc de Nevers, fitconstruire
sous le sanctuaire le caveau destiné à la sépulture des évêques
et des princes de la maison de Nevers.
XVIIIe. SESSION. 317
En 1739, Fontaines Des Montées Ht couvrir la cathédrale
d'ardoises , et lit élever le petit clocher de l'horloge.
En 1770, Mgr. Antoine Tinseau fit exécuter les stalles du
chœur : ce fut aussi à lui qu'on fut redevable des marbres
dont il fut pavé en 1772.
Après avoir jeté un coup-d'œil rapide sur l'historique de
la cathédrale, on suivra avec plus d'intérêt les rapports frap-
pants qui existent entre les dates conservées par l'histoire et
les époques indiquées par les caractères architectoniques.
Mais avant d'établir ces rapprochements, il est important
d'étudier sommairement le plan général.
Ce plan est celui qui a été suivi dans toutes les grandes
basiliques du XIIIe. siècle; trois nefs avec déambulatoires et
chapelles rayonnantes. Nous ne trouvons point ici de tran-
sept avant le chœur, exception qui se fait aussi remarquer
à St. -Etienne de Bourges; nous essayerons, quand nous
étudierons cette partie du monument, de nous rendre compte
de l'absence du transept oriental : si nous regrettons de ne
pas le rencontrer , nous sommes dédommagés par un tran-
sept occidental qui règne au bas de la nef, en sorte que si
le plan du XIIIe. siècle eût été complet, et nous croyons
qu'il l'a été, l'église aurait eu deux transepts, comme elle a
encore deux absides, l'une orientale et l'autre plus ancienne
placée à l'occident.
Si nous espérons trouver des traces des constructions anté-
rieures au XIe. siècle, nous ne les rencontrerons que dans
quelques substruclions sans caractère du transept, et peut-
être dans les fragments de chapiteaux , couverts en partie par
les colonnettes du XIIIe. siècle qu'on y a accolées. Nous
sommes aussi portés à croire avec certains archéologues que les
deux colonnes monocyliudriques qui partagent les deux croi-
sillons à leur naissance , sont des restes de la cathédrale bâtie
par Alton. Du reste , cette région , je veux dire , le transept ,
318 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
remarquable par ses larges dimensions , ne serait-il pas cons-
truit sur le plan carré de la cathédrale du Xe. siècle, dont on
aurait voulu utiliser les fondations? Ce sentiment n'est pas
dépourvu de vraisemblance. Mais laissons les constructions
antérieures au XIe. siècle, pour nous occuper de celles dont
les caractères sont incontestables.
Il est impossible de ne pas reconnaître le cachet du XIe.
siècle dans la crypte de St.-Cyr et dans l'abside occidentale
connue sous le nom de chapelle de Ste.-Julitte; ici nous
trouvons un caractère précis qui se rencontre encore à St.-
Savinien de Sens et dans la crypte de St. -Etienne d'Auxerre,
ce caractère est la baguette qui dissimule les parties angu-
leuses des bases , des chapiteaux et des corniches. Cette crypte
remarquable est divisée en trois travées. A Nevers, comme
à Auxerre, les arcs-doubleaux de la nef centrale sont com-
posés d'énormes tores qui viennent retomber sur une des
colonnes engagées dans les piliers carrés , car ces piliers sont
flanqués de colonnes cantonnées en croix. St.-Savinien de
Sens a été , dit-on , reconstruit vers 1028 ; la crypte de St.-
Etienne d'Auxerre est , d'après Lebœuf, de 1030; la crypte
de Nevers et l'abside sont de 1028, selon Parmentier, et de
1031 selon Guy-Coquille; nous pouvons donc conclure que
cette baguette que nous remarquons sur les angles et à Sens,
et à Auxerre, et à Nevers, est un des caractères distinctifs
de la première moitié du XIe. siècle. A la fin de ce siècle ,
ce caractère disparaît.
Il est facile de reconnaître dans le transept , surtout dans
le croisillon septentrional , des traces du XIIe. siècle; c'est à
cette époque que nous devons rapporter des colonnes annelées ,
des fenêtres au plein-cintre, maintenant obstruées, et quelques
substructions.
Le XIIIe. siècle présente la partie la plus considérable de
l'édifice , l'œuvre exécutée si habilement et sur un si vaste
XVIIIe. SESSION. 319
plan par Guillaume de Si. -Lazare, l'Opus Lapideum dont
nous avons déjà parlé. Pour nous rendre compte de cette
expression, il faut nous rappeler que les maîtres de l'œuvre
employaient deux sortes d'ouvriers: les Cœmeniarii, maçons,
et les Lapidarii, tailleurs de pierre. Nous reconnaissons dans
les parties du XIe. et du XII'. siècle, le travail des premiers,
dans la construction en moellons; tandis, que les Lapidarii,
employés par Guillaume de St. -Lazare, ont construit en
pierre de bon appareil. Le XIIIe. siècle dont on ne peut se
lasser d'admirer partout les belles proportions, les lignes si
pures , l'ornementation si majestueuse , présente à Nevers des
détails qu'on rencontre rarement ailleurs et qui lui donnent
une physionomie toute particulière. Des constructions attri-
buées à Guillaume de Saint-Lazare, il nous reste cinq travées
à partir du transept jusqu'à et compris la première travée
du chœur qu'on a , bien à tort, distrait de la nef.
Les piliers qui soutiennent la grande arcade qui ouvre la
nef centrale à l'intertransept occidental , et ceux qui soutien -
nent l'arcade qui la termine à l'intertransept oriental ( car
nous supposons toujours que ce transept devait exister), sont
garnis d'un plus grand nombre de colonnettes que les piliers
intermédiaires. Ces derniers sont cylindriques et flanqués de
quatre colonnettes au quart engagées et cantonnées en croix.
Tous les chapiteaux sont ornés de feuilles parfaitement fouil-
lées , tantôt formant la crosse végétale , tantôt présentant des
touffes artistement jetées contre la corbeille.
Nous avons parlé du transept oriental qui devait exister
dans le plan primitif; celte opinion est conlirmée première-
ment par ces piliers plus saillants et plus ornés que nous re-
marquons dans la première travée du chœur, par cette ar-
cade aux moulures plus fournies, qui évidemment ouvrait
l'intertransept , et s'il restait quelque doute , nous n'aurions
qu'à monter sur les basses voûtes et le retour d'équerre du
320 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
triforium qu'on y remarque encore achèverait de nous con-
vaincre.
Les parois sont divisées en deux étages , le triforium
obscur ménagé dans l'épaisseur des murs et le triforium
transparent occupant l'étage supérieur ; deux lancettes ac-
colées circonscrites dans un arc en plein-cintre garnissent
chacune des travées.
Quant au premier étage , véritable triforium avec ses
trois arcades très fores soutenues par trois colonnettes en
faisceau, c'est la partie qui a souvent excité l'admiration des
connaisseurs par son genre d'ornementation qu'on rencontre
rarement.
Le faisceau de colonnettes soutenant les arcades du trifo-
rium est appuyé sur un dé , et h chaque dé est accolée une
figurine en forme de cariathide. Toutes ces statuettes ont une
pose et une physionomie différentes. Les unes indiquent un
état de souffrance , les autres semblent livrées à la prière ou
plongées dans une méditation profonde , ou bien ont les yeux
élevés vers le ciel. Ceux qui ont fait une étude spéciale de
l'art chrétien au moyen-âge, auront peine à se persuader
qu'il n'y a ici qu'un caprice d'artiste; la symbolique chré-
tienne qui fécondait d'une manière si admirable le génie des
artistes dans les siècles de foi , a dû diriger le ciseau des sculp-
teurs chargés de l'ornementation de cette galerie. Tous ceux
qui ont jusqu'à présent écrit sur l'église de Ne vers ont bien
fait remarquer cette curieuse disposition , mais sans oser en
donner l'explication.
Nous croyons reconnaître dans ces figurines la grande fa-
mille des enfants d'Adam, régénérée par J.-C. , l'église
militante. Pour nous la terre est une vallée de larmes, et c'es1
dans la prière que nous devons chercher le remède à nos
maux ; par de saintes méditations entretenons en nous la foi ,
et pour ranimer notre espérance élevons souvent nos regards
xvur. SESSION. 321
vers les montagnes saintes d'où nous viendra tont secours :
souffrir, prier, croire, aimer et espérer", voilà la vie du chré-
tien sur la terre , et ces différents actes semblent être exprimés
par les poses des figurines.
Ce n'est sans doute pas sans motif que cette pensée a été
traduite contre le triforium inférieur, obscur par lui-même
et éclairé par 'des rayons qui lui viennent de plus haut; aux
élus seuls déjà glorifiés , il est donné de nager dans un océan
de lumière , et avant que la fureur de l'impiété eût brisé les
magnifiques vitraux qui ornaient la galerie transparente , on y
voyait et les triomphes des saints et leurs titres au souverain
bonheur. Quant à leurs frères encore éloignés de la patrie, les
ombres de la foi les enveloppent encore ; la nuit couvre la terre
d'Egypte, la lumière la plus pure est pour le peuple dont
Dieu a brisé les chaînes.
Aux retombées des arcs trilobés les anges viennent com-
pléter le tableau. Ces amis que Dieu dans sa bonté a donnés
aux hommes semblent ici suspendus entre le ciel et la terre
pour indiquer les fonctions qu'ils ont à remplir dans ces deux
contrées. Aux trois premières travées, à partir du transept
du côté du Midi , ils ont la main étendue en signe de pro-
tection ; à la quatrième travée , ils montrent du doigt les
personnages placés au-dessous ; à la cinquième ils portent
des philactères déroulés , car ils sont chargés d'inscrire les
bonnes actions des hommes et de conserver le souvenir du
juste résigné dans ses peines.
Au Nord, les deux travées plus rapprochées du chœur
nous montrent encore les anges avec des philactères; puis
d'autres anges balancent l'encensoir et portent jusqu'au trône
de Dieu les prières des saints avec la fumée de l'encens. Plus
loin, c'est une couronne royale, une thiare et un vase qu'ils
tiennent entre les mains et qu'ils montrent aux enfants de
l'exil comme pour leur indiquer le sacerdoce royal qu'ils
322 CONÇUES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
exerceront un jour, le trône qui leur est réservé et les coupes
pleines de parfums qu'ils offriront de concert avec les vingt-
quatre vieillards à celui qui règne dans les siècles des siècles.
Enfin, à la travée qui touche le transept occidental, nous
voyons d'autres anges, les palmes à la main; c'est la fin du
combat , c'est la victoire.
Après avoir contemplé les statuettes du triforium si remar-
quables par la souplesse de leurs poses , par la régularité des
formes , on regrette vivement de ne pouvoir étudier tous les
détails du portail septentrional. Il ne reste plus que les ombres
de cet admirable tableau , dont nous devenons le sujet par la
silhouette des personnages qui le composaient. Sous les niches
trilobées qui garnissent les pieds-droits du portail, étaient les
statues des apôtres et des évangélistes composant le jury des
grandes assises du genre humain, carie sujet du tympan était
le jugement dernier sur le linteau supporté par le pilier sym-
bolique qui sépare la double baie ; l'archange saint Michel ,
tenant en main la redoutable balance, procédait au pèsement
des âmes; à sa droite, Abraham, recevait dans son giron
celles qui avaient supporté l'épreuve; à sa gauche, satan sai-
sissait les victimes qui lui étaient livrées, pour les précipiter
dans l'enfer indiqué par une gueule enflammée. Au-dessus le
souverain juge paraissait dans toute sa gloire; deux person-
nages étaient agenouillés à ses pieds; à droite, Marie, tou-
jours bonne, toujours compatissante , qui veut encore exercer
son rôle d'avocate des pécheurs ; à gauche , Jean Baptiste ,
apôtre de la pénitence , qui semblait répéter à ceux qui con-
sidéraient cet effrayant tableau : faites pénitence, car la
coignèe est déjà à la racine de l'arbre. En un mot, le grand
sujet du XIIIe. siècle se trouvait exprimé avec tous ses
terribles détails.
Avant de nous éloigner du XIIIe. siècle , il faut remarquer
qu'un des chapiteaux ou plutôt une guirlande symbolique et
xvnr. SESSION. 323
historiée qui orne un des piliers que nous attribuons à celte
époque , n'avait été qu'épanuelée; les sculptures indiquent le
X\"'. siècle avancé.
La légende développée sur ce chapiteau est toute niver-
naise ; c'est le songe de Charlemagne qui nous a été conservé
par nos vieux chroniqueurs. Lorsque saint Jérôme travaillait
à la construction de sa nouvelle cathédrale , eut lieu à Paris
une assemblée d'évêques à laquelle il fut convoqué. Après l'as-
semblée , Charlemagne qui y assistait, raconta aux évêques
un songe qui l'avait fort agité la nuit précédente : il se trou-
vait à la chasse , et s'élant égaré au milieu d'une foret , il
aperçut un sanglier furieux qui allait s'élancer sur lui. Sa
première pensée à la vue d'un si pressant danger fut de se jeter
à genoux et d'implorer la protection divine. En même temps
il vit auprès un enfant nu qui lui promit de le délivrer du
danger qu'il courait , s'il voulait lui donner un voile pour le
couvrir. L'empereur ne balança pas à faire cette promesse ,
et aussitôt l'enfant sauta sur le sanglier et le tenant par ses
défenses , il le conduisit à Charlemagne qui le perça de son
épée et le tua.
Chacun des évèques réunis faisait des réflexions sur le songe
extraordinaire du prince, sans cependant donner aucune in-
terprétation , quand saint Jérôme croyant la circonstance
favorable au pieux projet qu'il avait conçu , se chargea d'en
donner l'interprétation. Il fit entendre au prince que son
église cathédrale était dédiée à saint Cyr, mais qu'elle était
excessivement pauvre, car, pendant les guerres, tous ses biens
lui avaient été enlevés; que l'enfant qui lui avait apparu était
le jeune saint Cyr et qu'il réclamait , en reconnaissance de sa
protection, la restitution des biens et du patrimoine qui
appartenaient à l'église qui portait son nom.
Le prince , pour accomplir sa promesse , accorda à l'évèque
ce qui lui était nécessaire pour parachever son œuvre , et de
Z2U CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
plus lui fit rendre les terres d'Urzy , Parzy et Premery qui
avaient autrefois appartenu à ses prédécesseurs.
Les armoiries du chapitre , le jeune saint Cyr monté sur
un sanglier , et celles de l'évêché , de gueules à trois châteaux
d'or 2 et 1 au chef d'azur semé de France, ont conservé le
souvenir de ce songe, à l'occasion duquel Charlemagne avait
fait briller sa munificence.
Cette légende est reproduite en partie sur le chapiteau
qui nous occupe. Le prince , au pied d'un arbre , fléchit le
genou devant le saint enfant monté sur le sanglier, et se
prépare à percer de son épée l'animal furieux. Un autre
chapiteau voisin nous montre un autre enfant ailé, monté
sur une licorne qui perce de sa corne terrible un animal
monstrueux à ailes membraneuses comme la chauve-souris.
Ce chapiteau nous paraît être la traduction symbolique de
la légende. Dans l'iconographie chrétienne, la licorne, à
cause de sa force, est un des emblèmes sous lequel on re-
présente J.-C. L'animal monstrueux à ailes de chauve-souris
est une des raille formes qu'on donne au démon , esprit de
ténèbres; enfin l'âme est souvent rendue sensible sous les
traits d'un petit être humain. Charlemagne a dû son salut
à la prière , et nous aussi nous devons recourir à la prière
quand l'ennemi du salut nous attaque, n'importe sous quelle
forme; prenons les ailes de la colombe et recourons à la
force de Dieu lui-même.
Toute la région du chœur, ainsi que plusieurs des cha-
pelles rayonnantes , accuse le XIVe. siècle déjà avancé , et
même le XVe. ; quant aux chapelles qui flanquent l'église
dans toute sa longueur , elles sont pour la plupart de la fin
du XVe. siècle ou des premières années du XVIe.
Les deux chapelles à gauche en entrant par la porte du
doyenné, ont excité l'admiration des membres du Congrès,
soit sous le rapport archéologique , soit sous le rapport icono-
XTIIP. session. 32.r>
graphique, La voâtc do la première est clone hardiesse
étonnante; les uervures sont ornées de gracieux festons qui
viennent se réunir à la clef supendue de la voûte; c'est un
des tours de force des architectes du commencement du
X\Te. siècle.
Le rétable de l'autel est malheureusement mutilé d'une
manière horrible , le marteau démolisseur de 1793 a voulu
faire disparaître le glorieux triomphe de la mère de Dieu qu'il
représentait. Maigre ces mutilations, on peut encore y re-
connaître la mort et l'Assomption de Marie. L'artiste a suivi la
légende dorée , sans cependant la copier servilement : an
premier plan c'est Marie mourante environnée des apôtres
parmi lesquels on remarque saint Jean tenant en main la
palme virginale dont il est parlé dans la légende.
Au second plan, c'est 1" Assomption de Marie : ici le sculp-
teur semble puiser toutes les inspirations de nos livres saints.
Quelle est celle qui s'élève du désert , comblée de délices ,
appuyée sur son bien-aimé ? Cest cette pensée qu'il a essayé
de traduire sur la pierre. Marie s'élève vers les cieux et J.-C.
lui-même accompagne et soutient sa sainte mère, des rayons
de gloire l'environnent , un semé d'étoiles indiquent soh
nouvel empire , et une multitude d'anges escortent leur
reine. Au-dessus les trois personnes de la Sainte Trinité at-
tendent pour la couronner cette créature privilégiée dont le
nom sera à l'avenir béni de générations en générations.
La chapelle voisine n'offre pas dans la voûte la même ri-
chesse d'ornementation , mais en revanche son retable l'em-
porte sur le premier sous le rapport de l'exécution. C'est la
vie détaillée de saint Jean-Baptiste depuis la mystérieuse vision
qui a précédé sa naissance jusqu'à sa mort et ses funérailles.
Tous ces différents tableaux, admirablement traités, sont
accompagnés de scènes de la vie champêtre et de gracieux
paysages exécutés avec le plus rare talent; les bords du ,lour-
21
320 CONÇUES ARCHÉOLOCIOUE DE FRANCE,
dain surtout sont pleins de mouvement et de vie. Ce rétable
curieux est environné d'un cadre orné d'une gracieuse guir-
lande et sur lequel on voit les armes de Marie d'Albret qui
nous indiquent la date de 1521 à 1537.
On découvre encore ça et là quelques fresques sous l'épais
badigeon qui couvre les murs de la cathédrale , vis-à-vis la
porte du doyenné , c'est une sainte famille assez bien con-
servée : un chanoine en soutane rouge , revêtu d'un simple
surplis et portant l'aumusse sur le bras, est agenouillé devant
la Sainte Vierge tenant son divin enfant. Une inscription in-
dique l'année 1412. Vis-à-vis la porte de Loire, une autre
fresque , un peu moins ancienne et moins bien conservée ,
représente aussi un chanoine dans le même costume que le
précédent, à genoux au pied d'une croix, avec un autre
personnage moins bien conservé et qu'il est difficile de re-
connaître. On lit cette inscription sur une banderolle qui
part de la bouche du chanoine : Me collocet cum sanctorwn
agmine , per snam cracem qnca manavil sanguine. On sait
que Dreux Godard, chanoine de Nevcrs, mort en 1515,
avait fondé un autel en l'honneur de saint Fiacre, en face
de la porte de Loire : cette fresque était sans doute au-dessus
de l'autel.
Enfin, dans la portion du transept que nous attribuons au
XIIe. siècle, des parties de badigeon s'étant détachées, ont
mis à découvert des fresques plus anciennes. M. de Surigny,
de Màcon, au jugement duquel on peut se rapporter, les
attribue au XIIe. siècle ou au commencement du XIIIe. ; il
les a étudiées avec soin et a cru y reconnaître le martyre de
saint Laurent.
Après avoir étudié l'intérieur de cette basilique dont toutes
les substructions , habilement combinées, présentent un en-
semble imposant et gracieux, coordonné par le génie des
dilférents siècles, et offrant à l'archéologue un vaste musée
xviii'. session. 327
lapidaire, les membres du Congrès sortirent pour contempler
la magnifique tour qui domine la vieille cathédrale.
Commencée, comme nous l'avons dit, en 1509, elle fui
terminée en 1528. Son élévation est de 51m. 50e. , elle se
divise en trois étages couronnés chacun d'une guirlande de
feuilles entablées et surmontés de galeries à jour. Quatre
contreforts à tourelles à pans coupés, flanquent les quatre
angles. Le second et le troisième étage sont garnis d'élégantes
niches occupées par de belles statues de grandeur au-dessus
de nature, au nombre de k5. Ce sont les personnages de
l'Ancien Testament avec leurs philactères, et quelques-uns
avec des attributs distinctifs , tels que Moïse avec ses cornes
lumineuse* et ses Tables de la loi ; David avec sa harpe et
son sceptre , etc. ; puis les apôtres , les évangélistes et les
saints les plus célèbres, saint Jean-Baptiste, sainte Magde-
laine portant le vase de parfums', saint Etienne revêtu de la
dalmatique : il tient de la main gauche le livre des Evangiles,
et de la droite une pierre qui rappelle son glorieux martyre;
saint Michel terrassant le dragon, l'ange Gabriel annonçant
la grande nouvelle à Marie, etc. Cette tour est sans contredit
une des plus riches de France.
Le Secrétaire- général du Congrès ,
Crosmer.
RAPPORT
Adressé à M. LE PETIT , secrétaire-général de la Jociélé français,.
SUR
LES CONDUITS DU CHÂTEAU DE SAINT-VERAIN
Par IM I abbé CLÉMENT J
Membre de la Société»
Parmi les questions qui ont été agitées à la dernière ses-
sion du Congrès archéologique, tenue à Nevers, il en est
une qui m'a semblé fixer, d'une manière particulière, l'at-
tention de 31. de Caumont et de plusieurs autres membres
de la réunion : je veux parler de la question relative aux
conduits qui circulent dans l'intérieur des murs de certains
châteaux-forts du moyen-âge.
La discussion qui s'est élevée à ce sujet , et que j'ai en
l'honneur de soutenir, ayant porté principalement sur les
conduits du château de St -Verain (Nièvre) , j'ai voulu les
visiter de nouveau, afin de mieux m'assurer si l'on peut
réellement leur donner la destination que je leur ai assignée
dans les débats.
J'ai cru que , après un examen attentif des lieux , il serait
possible d'arriver, quant aux conclusions, à un résultat
précis, et de faire disparaître par là le vague des suppositions
qui renaissent toujours au sujet de ces mystérieux témoins
de l'industrie d'un autre âge.
xvnr. session. 329
Ce résultat, je crois l'avoir obtenu, Monsieur, et j'ai
l'honneur de vous l'adresser dans ce mémoire , en vous lais-
sant la faculté d'en faire tel emploi (|iie bon vous semblera.
Je joins à ce travail le plan de la ville de St.-Verain, afin
de faire juger de l'ensemble des fortifications qui l'entourent,
mais surtout de la position du donjon et de ses moyens de
défense.
On verra par la , ainsi que par la description que je fais
des lieux , si la stratégie militaire en usage au XIIIe. siècle ,
qui est l'époque de la construction de ce château-fort , n'a
pas dû rendre nécessaires ou au moins très-utiles , comme
porte-voix , les conduits dont il est question.
St.-Verain est situé sur un plan incliné du Sud-Ouest au
Nord-Est ; la forteresse et le donjon occupent la partie supé-
rieure du plan.
Cette partie , la plus importante de la place , est protégée,
du côté de la pente , par un triple rang de fortifications , dont
les murs, formés d'un blocage compact, ont un double pare-
ment de pierres appareillées, et s'élèvent à 7 ou 8m. de hau-
teur. L'épaisseur de ces murs est partout , a la base , de 2m.
au moins, et, dans toute leur étendue, ils sont accompagnés,
à l'extérieur, d'un fossé de 8m. d'ouverture, ayant une pro-
fondeur à peu près égale à sa largeur.
On voit déjà , par ces dispositions , que la place était suffi-
samment protégée sur la ligne qui descend du donjon à la
partie basse de la ville, pour n'avoir point à craindre de
surprise de ce côté ; franchir le fossé , escalader les murs de
la première, de la deuxième et de la troisième enceinte, pour
arriver au donjon qu'il eût encore fallu attaquer en contre-
bas , devait paraître chose presqu'impossible aux assiégeants ,
et cela l'était en effet.
Il s'agit de savoir si l'ennemi ne pouvait pas tenter une
attaque avec plus de chances de réussir , par d'autres côtés ,
contre la forteresse elle-même , on va le voir.
330 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
La forteresse proprement dite consiste en un massif énorme
de maçonnerie de 8m. d'élévation , ayant trois faces latérales
unies, reliées ensemble à angle droit par trois grosses tours;
ces trois faces correspondent, l'une au Midi, l'autre à l'Ouest,
et la troisième au Nord.
Au-dessous et au milieu du massif, qui se termine en
plate-forme, s'élance, à une très-grande hauteur, la tour
cylindrique du donjon. Enfin l'eau profonde d'un large fossé
forme un demi-cercle , a la base de la forteresse , du côté de
l'Ouest, et complète le système de défense du gigantesque
manoir féodal et guerrier.
On ne remarque au-delà du fossé , aucune autre fortifi-
cation avancée qui défende l'approche de la citadelle, à la
portée des projectiles en usage à l'époque précitée. Les restes
d'une tour s'observent , il est vrai , de ce côté , mais à un
grand éloignement , et malgré ce point d'observation et de
résistance, l'ennemi pouvait, sans grand effort, venir se
poster à 50"'. du donjon ; c'est à noter.
Autre côté faible. Il avait été nécessaire de pratiquer,
transversalement au fossé , sur les deux points Nord et Midi ,
deux digues en talus, pour retenir les eaux, ce qui pouvait
fournir un double passage, pour aborder le pied de la forteresse.
Il y avait en outre , au côté Nord , une porte donnant
entrée dans la première enceinte , et à laquelle on arrivait
par un pont-levis ou un pont tournant jeté sur le fossé plein
d'eau , qui s'étendait un peu au-delà.
Enfin, des trois points, Midi, Ouest et Nord, le plateau
de la colline à laquelle est adossé St.-Verain, régnait et
règne encore à la hauteur du massif de la citadelle.
Cela posé, j'arrive à la question capitale , celle des conduits
pratiqués dans l'intérieur des murs; c'est sur ce point que
je dois insister.
Je dirai d'abord qu'il n'existe aucune de ces ouvertures
continues dans les murailles de la première , de la deuxième
xvnr. SESSION. 331
et de la troisième enceinte, et la raison de leur absence doit
paraître évidente : c'est qu'on était en sûreté de ce côté, et
qu'il ne fallait qu'une vigilance ordinaire pour prévenir toute
tentative d'attaque faite sur ce point par les ennemis. On ne
rencontre ces conduits que dans les murs de la forteresse et
du donjon. Cette remarque est importante ; on entrevoit
déjà par suite de cette observation et de celles qui précèdent,
l'usage probable de ces vides préparés à dessein ; mais tout
doute à cet égard sera levé, je crois, si l'on examine 1".
leur point de départ , 2°. leur direction ou leur parcours, et
3°. ce que j'appellerai leur point d'incidence.
Les assiégeants n'avaient que deux moyens d'inquiéter les
assiégés. Le premier était de couper les digues par les-
quelles étaient retenues les eaux du fossé qui entourait toute
la partie du fort comprise entre les deux points Nord et Midi,
ou de se servir de ces digues pour s'avancer au pied des murs.
Le second était de lancer des projectiles du liant du pla-
teau; mais ce mode d'attaque devait laisser presqu'indiffé-
rents les gens du château , à raison de la distance à laquelle
on devait être obligé de se placer pour cette opération.
Néanmoins , c'était sur ce point , mais plus encore sur les
deux autres désignés plus haut, qu'il était important d'établir
une surveillance incessante , surtout en temps de guerre.
Aussi, je trouve deux conduits qui partent de l'extérieur
de la forteresse , des deux points indiqués comme étant les
plus exposés, c'est-à-dire de la tète des deux chaussées. L'un,
qui correspond exactement à la digue du Midi , a son orifice
dans un angle saillant du rempart , à 25m. à peu près de
la forteresse. Parti de là , il va circuler horizontalement dans
les murailles de la forteresse même, du côté de la triple en-
ceinte ; puis , arrivé au point de jonction du rempart du
Nord avec la citadelle, il se brise à angle droit, pour
s'enfoncer et disparaître dans le plein du mur.
332 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
Ce premier conduit, dont le parcours est de 75"'. , a 20e.
d'ouverture à son point de départ , et j'ai observé qu'à l'en-
droit où il alteinl les murs de la forteresse, il acquiert un pei*
plus de capacité.
L'autre digue est un peu plus bas que la porte qui donnai?
entrée dans la première enceinte, et dont j'ai parlé plus haut-
Là , les murs de fortification ont complètement disparu , dans
un espace de 20m. ; mais à l'endroit même où ils se
reliaient avec celui de la forteresse , vient se joindre au pre-
mier conduit un autre conduit qui partait évidemment d'un
autre angle placé à la tête de la seconde cha ussée. Là , ces
deux conduits n'en font plus qu'un ; ils ont donc le même
point d'incidence à l'intérieur.
Il doit déjà paraître au moins très-probable , par leurs
points de dépars, que ces conduits servaient à mettre en dé-
fense les gardiens du château. S'il en était autrement, pour-
quoi partiraient-ils des seuls points qui pouvaient favoriser le
plus l'approche de l'ennemi ?
Mais à ces observations viennent s'en joindre d'autres qui
corroborent puissamment celte opinion.
La porte de la citadelle est à une très-faible distance de
l'ouverture intérieure de ces deux voies acoustiques. Un pont,
qui devait être en forme d'escalier , venait butter contre le
seuil de la porte dont le vide se voit à 3m. au-dessus du
sol extérieur. A côté de la porte se trouvait sans doute, dans
le massif qui supporte le donjon , un caveau servant de corps-
de-garde. C'est là que les deux conduits venaient déboucher.
Je n'ai pas vu ce caveau ; mais il en existait de semblables
dans beaucoup de châteaux-forts de la même époque , et r
n'eût-on pas la raison que j'allègue pour en supposer l'exis-
tence , on pourrait encore croire qu'il existe. L'ouverture en
est probablement obstruée par les décombres; s'il n'existait
pas, le massif qui sert de base au donjon serait entièrement
xvnr. session. 333
plein , et , clans ce cas , il faudrait désespérer de pouvoir
jamais assigner aux conduits dont je parle un usage quel-
conque, puisqu'ils iraient se perdre sans but dans le massif
même. Cela ne peut pas être.
C'est ici d'ailleurs le lieu de réfuter l'opinion d'après la-
quelle ces conduits seraient des moyens de ventilation. Qu'ils
aient été disposés pour cet usage dans d'autres constructions
du moyen-âge , je l'ignore , mais il me paraît démontré qu'à
St.-Verain le grand conduit ne pouvait avoir une telle des-
tination. Il eût été fort inutile de lui faire parcourir 75™.
dans les murs, pour l'amener dans un appartement qui n'était
séparé du vide extérieur que par une muraille de 2'".
d'épaisseur. On n'eût pas manqué , du reste , dans cette hy-
pothèse , de le faire ouvrir à l'opposé de celui qui vient du
Nord , et , dans tous les cas , on ne l'eût pas fait arriver par
la même ouverture. L'hypothèse n'est donc pas soutenable.
Il est une autre observation que je dois consigner ici
comme servant h démontrer l'importance qu'on attachait à
ces conduits , sinon leur destination. Celui de 75m. de
longueur que j'ai observé , se maintient , dans tout ce par-
cours, à 0,10e. au plus des pierres du parement extérieur
des murailles où il circule. Aussi est-il à découvert sur
un très-grand espace, où l'on a fait des arrachements. Il
est naturel de se demander pourquoi ce conduit a été établi
à si peu de distance des parois extérieures , et non dans le
centre , ou dans un point encore plus rapproché des parois
intérieures des murs. Pour moi , je trouve deux raisons de
cette disposition , en raisonnant dans l'hypothèse que ces
ouvertures continues étaient des voies destinées à transmettre
les sons.
On a cru , en premier lieu , qu'étant du côté où le mur
était entièrement dégagé de toute construction , il aurait plus
de sonorité ; secondement, on a pensé qu'il pouvait s'obstruer,
33fr CONGRÈS ARCHÉOEOGIQUE DE FRANCE ,
et l'on s'est réservé la facilité de le dégorger au besoin , en
enlevant les assises de moellons qu'il suit constamment.
Ce ne peut être que pour ces deux raisons qu'il contourne,
par exemple, jusqu'aux angles saillants des contreforts , car
on aurait pu facilement, plus facilement même lui faire suivre
une ligne moins brisée. Mais il est certain qu'en le pratiquant
dans la partie la plus concentrique des murs, on perdait le
double avantage que j'ai signalé.
Je monte maintenant au donjon , que le lecteur veuille
bien m'y suivre.
Cberchons avant tout quelle devait être la disposition inté-
rieure. Actuellement, on peut s'assurer qu'il y avait au moins
trois étages , car on y voit encore dans les murs , sur trois
lignes parallèles et horizontales , les trous pratiqués pour
recevoir l'extrémité des solives destinées à supporter les plan-
chers. Ces trois rangs de cavités, toutes carrées, sont à la
distance de 3m. 1/2 les uns des autres. C'est juste la hauteur
d'un étage.
Il pouvait y avoir encore d'autres appartements plus haut.
La porte donnait au levant ; deux ouvertures peu larges et
peu élevées versaient un jour obscur à l'intérieur de chaque
étage. En tournant le donjon , en dehors , on voit à la paroi
extérieure, du côté du Nord-Ouest, une ouverture de 0,30e.
de largeur sur 0,20e. à peu près de hauteur. Cette ouverture
est placée à l"1. à peine au-dessus de la plate-forme actuelle ,
en sorte qu'il faut maintenant se baisser un peu pour que l'œil
puisse pénétrer dans l'intérieur.
C'est là l'orifice unique de trois conduits de même forme
que ceux déjà décrits, et servant très-certainement au même
usage. A partir de l'orifice même, ces trois voies acoustiques
commencent à diverger., ce qui permet de déterminer leur
direction. L'un , celui de gauche, paraît s'incliner insensible-
ment , aussi en relrouve-l-on la sortie au rez-de-chaussée.
XVIII". SESSION. 3.V>
Des deux autres , l'un s'avance horizontalement dans l'inté-
rieur du mur, où il se bifurque pour aller aboutira l'étage
du milieu, du côté de L'Est et de l'Ouest; et l'autre monte à
l'étage supérieur , où l'on aperçoit son ouverture du côté du
Midi. Je n'ai pas pu m'assurcr s'il se partage, comme l'autre,
pour porter la voix dans plusieurs directions , c'est probable ,
il devait d'ailleurs desservir encore les étages plus élevés.
A leur point d'incidence , les uns se brisent à angle droit
dans l'intérieur du mur, et leur ouverture donne directement
dans l'axe du donjon ; les autres s'ouvrent obliquement par
rapport aux parois intérieures du mur, c'est-à-dire (pie leur
orifice est en biais.
Mais, chose remarquable, ils débouchent tous dans la ligne
des planchers ; il faut même examiner attentivement pour les
distinguer des trous des solives ; on ne les reconnaît qu'à leur
profondeur ou à l'obliquité de leur ouverture.
Faudrait-il inférer de là qu'ils n'avaient pas la destination
que je leur attribue ? Je ne le crois pas. Il n'était nullement
nécessaire que, pour être employés comme conduits auditifs,
ils sortissent dans le \ide des appartements. Cette disposition
de leur ouverture, au lieu de nuire à la transmission des sons
venant du dehors, devait au contraire, selon moi, la rendre
plus facile. La vedette qui faisait le guet au dehors était sans
doute obligée de prévenir du danger, la nuit comme le jour,
et plutôt encore la nuit que le jour. Il est donc présumable
que quelques-uns de ces conduits sortaient à l'endroit où se
trouvaient les lits; et qu'un tube amenait la voix du gardien
jusqu'à l'oreille des personnes qui y dormaient. On conviendra
que ce n'était point là une précaution exagérée, si l'on sait
se dire qu'il fallait être constamment sur le qui-vive dans ces
demeures féodales, si souvent exposées à être attaquées ino-
pinément par des seigneurs rivaux et prompts à se venger,
ou toujours disposés à faire des coups de main. La voix du
336 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE,
gardien qui jetait l'alarme , en donnant dans le plancher , et
à la place même des lits, devait produire un ébranlement
facile à ressentir par les personnes endormies ; ébranlement
qui n'aurait pas eu lieu si le conduit se fût ouvert dans le vide
intérieur.
Toutes ces voies acoustiques ne s'ouvraient cependant pas
auprès des lits; j'en ai vu une au côté droit du foyer du rez-
de-chaussée , elle était là sans doute toujours par suite des
mêmes précautions. On avait voulu qu'elles sortissent toutes
dans les parties du château le plus constamment occupées par
les habitants. Il en fallait donc une auprès du foyer , prin-
cipal séjour des châtelains dans le jour , pendant une grande
partie de l'année.
D'ailleurs quelles que soient les suppositions que l'on fasse,
au sujet de l'ouverture de ces conduits, quand on considère
leur point de convergence au dehors, on est toujours amené
à conclure qu'ils ne pouvaient servir qu'à transmettre les
sons. J'ai déjà dit que l'orifice commun d'où ils partent tous
est au Nord-Ouest. C'est de ce côté, je prie le lecteur de le
remarquer , que les terrains environnants sont à la hauteur de
la plate-forme ou terrasse du château. Il était important d'éta-
blir un poste de gardiens pour veiller de ce côté pendant la
nuit. En supposant même qu'il en existât déjà un dans l'une
des tours qui flanquent la forteresse aux angles Nord-Ouest
et Sud-Ouest , ou sur les créneaux , qui vraisemblable-
ment bordaient le haut des murs qui s'étendent de l'une à
l'autre tour de ce côté , il fallait encore une autre sentinelle
chargée de donner l'éveil au château. Elle ne pouvait être
que là , pour être bien placée. Mais suffisait-il que cette sen-
tinelle veillât ? — Évidemment non ; elle devait avoir un
moyen de communication avec l'intérieur , qui ne l'obligeât
pas à quitter son poste. Or , de ce côté , il n'existe aucune
autre ouverture qu'une petite fenêtre en forme de meurtrière,
XVIIIe. SESSION. ?t?,l
à gauche de l'orifice des conduits, et à la hauteur du premier
éltige. Il était impossible de donner l'éveil par cet endroit à
tout le château : je sais que, selon la remarque du poète,
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable ,
et réciproquement ; mais ici la vraisemblance résulte de tant
d'observations qu'elle se convertit en certitude.
J'ai fait connaître au Congrès la structure de ces conduits.
Ce que j'ai dit était exact, mais je veux le répéter ici, afin de
compléter mon travail.
On ne semble pas avoir procédé avec de grandes précautions
pour établir dans les murs ces ouvertures continues; une
planche était d'abord posée à plat sur le plan où devait passer
le conduit, et portait sur un lit de mortier. Deux autres
étaient placées sur champ, longitudinalement à la première ,
et sur ses bords; puis on les recouvrait par une autre, posée
dans le même sens, de manière à fournir un carré long. Ces
planches étant ainsi disposées, ou maçonnait tout autour, et
le conduit se prolongeait de la sorte par le retrait et le repla-
cement successif des planches. Il est facile de juger que tel
a été le moyen employé pour la confection de ces ouvertures
prolongées, aux traînées faites à l'intérieur par le mortier
qui s'infiltrait dans les jointures des planches , et par d'autres
lignes de mortier qui coupent transversalement les premières,
à l'endroit où les planches s'ajustaient bout à bout.
Les planches n'étaient pas du reste exclusivement employées.
On voit qu'on s'est servi , dans quelques endroits des murs ,
de pièces de bois rondes ou carrées.
Voilà, M. le secrétaire-général, le résultat complet des
observations que j'ai faites en examinant avec soin toutes les
parties du château-fort de St.-Verain, et des fortifications
qui s'y rattachent.
338 CONGRÈS ARCIIÊOI.OOIQUK DE FRANCE.
Le grandiose et l'étendue des ruines de celte place forte
du XIIIe. siècle, ou peut-être de la fin du XIIe., l'état
parfait de conservation de quelques pans considérables des
murailles d'enceinte, l'imposante grandeur du massif au
milieu duquel pose le donjon , et la majestueuse élévation du
donjon lui-même , quoiqu'il soit à moitié ruiné , toutes ces
choses, dis-je, méritent au plus haut degré d'attirer l'attention
des hommes voués à l'étude des anciens monuments d'archi-
tecture.
Un des membres les plus distingués du Congrès , M. Victor
Petit, a signalé ces restes gigantesques de fortifications,
comme devant être cilés et classés parmi les plus importants
du moyen-âge qui existent en France. C'était un motif qui ,
joint à d'autres, devait m'engagera les faire connaître, étant
mieux placés qu'aucun des autres membres de la Société pour
en faire l'exploration.
Je ne tairai pas que l'intérêt avec lequel vous m'avez inter-
rogé vous même en particulier, pour avoir une idée plus com-
plète de ces ruines, m'a puissamment stimulé.
Enfin, il m'a semblé qu'on était mieux placé à St.-Verain
que partout ailleurs, pour examiner et résoudre la question
des conduits muraux traitée au Congrès , et qui fait l'objet
de ce mémoire.
Il se peut que mon opinion , qui n'est pas nouvelle, puis-
qu'elle est celle de beaucoup d'autres archéologues, ne soit
pas encore assez solidement basée , aux yeux de plusieurs
hommes de la science , pour devenir la leur ; mais si vous
pensez, Monsieur, que ce travail puisse servira confirmer
dans la même idée ceux qui se sont occupés de s'éclairer
sur ce point; si , surtout, ce que je dis des conduits muraux
de St. -Verain , vous paraît applicable à tous ceux qu'on a
| u observer ailleurs , je serai heureux d'avoir contribué à jeter
un plus grand jour sur cette question, ainsi généralisée.
SEANÇï
TENUE A GISORS (Eore),
Le samedi 4 octobre iS."sl,
PENDANT LA RÉUNION DE L'ASSOCIATION NORMANDE.
Présidence de M. Stanislas de Saint-Geiimaix,
Inspecteur de la Société française, membre de l'Institut des provinces.
Siègent au bureau : MM. de Caumont , directeur de la
Société; le général Rémond, de l'Institut des provinces; le
baron de Montreuil, président du comice agricole ; Thierry,
maire de la ville de Gisors; Coville, juge de paix; de la
Mairie, ancien maire de Gisors, auteur d'une histoire de
cette ville; Mme. Philippe- Lemaîlre , membre de plusieurs
Académies ; le doyen de l'église de Gisors. M. R. Bordeaux,
inspecteur divisionnaire de l'Association normande , tient la
plume comme secrétaire. Un grand nombre de dames assis-
tent à la séance.
A l'ouverture de la séance, M. de Saint-Germain lit le
discours suivant qui est vivement applaudi :
Messieurs,^
» Depuis un certain nombre d'années , des Congrès scien-
tiliques, plus ou moins complexes , siègent tour à tour dans
nos différentes cités. Tout les favorise. Le vœu des populations,
l'accueil des administrations municipales, les votes des con-
3&0 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
seils généraux , les subventions ministérielles , leur sont de
précieux encouragements , de puissants auxiliaires. Aussi
voit-on , chaque jour , se multiplier leur nombre , s'accroître
leur importance; et notre temps pourra vraiment s'appeler :
v Le siècle des Congrès ».
Un fait général qui se reproduit avec tant de persévérance,
indique une tendance formelle de l'époque. Bien des causes,
qu'il serait superflu d'apprécier ici , ont contribué au rap-
prochement des hommes qui se livraient isolément à la science,
et les ont fait chercher un lien commun , une même direc-
tion à leurs travaux. Si les recherches patientes de l'étude
réclament le silence et le calme de la solitude , il faut à leurs
résultats le contrôle de l'association où naissent la controverse
et la critique. Elaborés dans l'ombre et le recueillement, ils
veulent être éprouvés au grand jour de la publicité. Vous
avez donc vu s'établir une foule de sociétés savantes, et celles-
ci , par une conséquence aussi heureuse qu'inévitable ,
suivant à leur tour la loi des individus, ont voulu se mettre
en communication entr'elles par des Congrès.
Les hommes qui ont pris la tête de ce mouvement ont
acquis des titres imprescriptibles à la reconnaissance du
monde savant, car prévenir les instincts de son époque, et
y satisfaire à point nommé, est le don de l'esprit supérieur ,
véritablement utile à l'humanité. Parmi eux, il en est un
qui se distingue encore par une initiative plus ardente , un
zèle plus infatigable , et une hardiesse qu'on aurait taxée de
témérité si elle n'avait été couronnée d'un plein succès. J'ai
nommé le fondateur de la Société française et de l'Association
normande, ces deux compagnies qui ont déjà tant fait pour
les sciences et l'industrie. Non content de les avoir établies
par des efforts persistants , des luttes inouies , et même au
prix de grands sacrifices de tous genres, il a triomphé de
nouveaux obstacles pour couronner son œuvre. Il est parvenu
XVIIIe. SESSION. 3/4 1
à réunir , à coordonner dans un même corps toutes les So-
ciétés savantes du pays, et cette appellation d'Institut des
provinces en désignerait assez le but s'il n'était d'ailleurs
hautement proclamé. Chaque année, maintenant, V Institut
des provinces convoque toutes les Sociétés savantes des
départements à ses paciliques et solennelles assises , et à la
clôture de sa dernière session, où les délégués de soixante
Sociétés étaient réunis au Palais du Luxembourg, l'Institut
a , d'une voix unanime , décerné à M. de Caumont le titre si
légitimement acquis de « Père des Congrès ».
La solennité scientifique de Gisors, que nous devons encore
à la même impression, se résumera dans ces deux arts :
architecture et agriculture. Ces deux arts ne semblent pas
avoir une liaison bien étroite, mais pourtant ils n'ont qu'une
même origine. Ils sont venus répondre aux deux plus im-
périeux besoins physiques de l'homme déchu; ils sont la
conséquence immédiate de la nudité et de la faim. L'homme
se trouvant nu se lit un abri contre les injures de l'air ; et
sa honte, il voulut la voiler, en établissant un toit entre le
ciel et lui. L'architecture est loule dans ce mot de l'écriture :
Abscondit se. Et l'anathème : In sudore vultus lui vesceris
pane, annonce les rudes labeurs de l'homme des champs,
présage les luttes opiniâtres du cultivateur avec une terre
avare , et contient en germe les merveilleuses conquêtes du
génie de l'agriculteur. D'abord matériels et grossiers , ces arts
s'enrichirent successivement des inventions de l'esprit hu-
main aux prises avec la matière inerte , et si l'architecture
semble avoir atteint au XIIIe. siècle son apogée spiritualiste,
nous sommes destinés, je crois, à voir au XIXe. siècle l'agri-
culture arriver à sa dernière puissance.
Mais j'abandonne à vos lumières, Messieurs, ces consi-
dérations de haute philosophie , dont le développement serait
au moins inopportun en ce qui touche l'agriculture. Moins
22
3/|2 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
qu'à personne il m'appartient d'anticiper sur les intéressants
travaux de la journée de demain ; d'ailleurs parmi ceux qui
ont l'indulgence de m'écouter , et sans sortir du comice de
Gisors , je sais des hommes à qui ces questions sont familières ,
et qui les traiteraient au besoin avec tout ce que l'éloquence
de la parole peut avoir de vigueur et de charme.
Dans cette première séance, uniquement consacrée à l'ar-
chéologie , et qui ne peut être longue , nous ne perdrons pas
le temps en paroles inutiles. Je n'ai plus qu'un mot à dire du
but que la Société française se propose dans les visites qu'elle
fait en diverses contrées, et notamment en venant aujourd'hui
prendre sa part dans cette session. Si vous consultez les
procès- verbaux de ses séances , vous verrez combien elle est
fidèle à l'esprit de son institution. Elle procède partout avec
la même méthode. Après avoir exploré les plus curieux mo-
numents d'un pays, elle ouvre une enquête sur leur âge,
leur état , leur entretien , vote de généreuses allocations pour
les travaux utiles h faire ou en voie d'exécution, guide de ses
conseils les architectes qui ont le bon esprit de les accepter ,
combat le vandalisme de restauration , fait pratiquer des
fouilles , organise des musées , sauve de la ruine ou de l'oubli
des objets d'antiquité, émet des vœux propres à fixer l'at-
tention publique sur des points historiques importants ,
provoque d'intéressantes discussions où chacun vient s'éclairer
et fournir sa lumière , entend la lecture de notices et de
mémoires relatifs aux recherches qu'elle dirige , et en un
mot encourage par tous les moyens qui sont en son pouvoir
le mouvement archéologique. Tous les ans elle tient ainsi
plusieurs réunions en différents lieux. Le département de
l'Eure l'a reçue avec reconnaissance à Evreux au mois de
septembre 1845, et à Bcrnay au mois de juillet 18/i8. Son
passage a puissamment stimulé les travailleurs.
Sans doute , Messieurs , si l'on avait consulté l'importance
xvnr. SESSION. 34 5
historique , il y a long-temps que la ville de Gisors aurait été
visitée par la Société française , car dans cette Normandie ,
patrie de l'architecture nationale , où chaque ville, et presque
chaque village , a son église ou son château du moyen-âge ,
la ville de Philippe-Auguste se distingue glorieusement par
son magnifique donjon, l'ensemble et les piquants détails
de ses fortifications , son église où l'art ogival semble avoir
réuni les plus gracieux produits de chacune de ses périodes ,
exposés là presque avec autant de coquetterie que dans un
musée. Tant de richesses monumentales accumulées, sem-
blaient dès long-temps convier les amateurs. Bon nombre
d'antiquaires, en effet, n'ont pas attendu jusqu'à ce jour
pour visiter les imposantes ruines auxquelles les dessins et
les monographies n'ont pas manqué. Il y a vingt ans que le
Cours d'antiquités monumentales de M. de Caumont les a
signalées au touriste. Cependant , il est bien certain , malgré
tout , qu'il y avait délaissement et abandon. Et pourquoi ?
Voici le mot de l'énigme. Gisors qui avait naguères tant de
célébrité, n'est plus qu'une petite ville de province. C'est en
vain qu'une famille d'artistes, pour qui les anciens sculpteurs
sur bois n'ont plus de secrets , illustrent leur terre natale de
l'éclat d'un talent tout nouveau.
L'économie sociale des temps modernes a tué Gisors autant
que le moyen-âge l'avait fécondé. Mais nous voulons ramener
la vie dans les provinces , et affranchir les communes de cette
centralisation brutale et encyclopédique dont la conséquence
la plus nette est l'abaissement du sens moral et religieux , la
ruine de l'esprit de nationalité. Quand le sang se conges-
tionne à la tête ou au cœur , la paralysie gagne tous les
membres d'un corps dont la mort a bientôt fait sa proie.
Mais la tête et le cœur n'en seraient pas moins les premiers
agents de la vie pour ne pas absorber à leur profit tous les
esprits vitaux. Au contraire, une répartition équitable et
ZkU CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
naturelle du sang est le mobile de la santé. Ainsi, ce n'est
pas une décentralisation radicale que nous demandons , nous
voulons seulement conjurer les excès , et ( pour revenir à la
comparaison) nous voulons prévenir une congestion délétère.
Pour rendre à la province ce spiraculum vaade l'intelligence,
les études archéologiques sont des moyens efficaces et con-
cluants. L'archéologie mène à une connaissance approfondie
de l'histoire. Or, jamais, dans aucun temps, on n'a eu plus
besoin des leçons de cette grande expérience des siècles.
Un pays qui contemple sa splendeur déchue veut la ressusciter.
Voilà comment en étudiant le passé , on travaille pour le
présent. A voir les réhabilitations historiques qui ont lieu de
toutes parts, il est aisé de reconnaître un mot d'ordre. La
province s'agite , elle veut vivre , elle vivra !
Oui. Messieurs, elle vivra. Le beau spectacle que nous
avons sous les yeux augmente en nous cette confiance, pour
la province de Normandie en particulier. Quand on voit une
petite ville, dénuée de ressources, entreprendre par des
souscriptions volontaires et avec le dixième à peine de ses
anciens revenus, d'aussi vastes restaurations que celles du
château-fort , et conduire ces délicats et importants travaux
avec un succès qui atteste de la part des directeurs de l'œuvre
tant d'intelligence de l'art , on peut tout espérer de l'avenir.
Honneur à l'administration municipale, qui comprend à ce
degré les intérêts de sa commune.
Honneur surtout au chef de celte administration, dont la
sollicitude avancée est ici le plus heureux symptôme de la
régénération des arts 1 »
M. de Caumont au nom de la Société française exprime la
satisfaction que les membres de cette Société ont éprouvée à
la vue des travaux entrepris pour la consolidation et le dé-
I laicment du château -fort de (iisors, l'une des plus remar-
xvur. session. 3A5
quabies forteresses du inoyen-àge qui existent en France. Il
offre à M. le maire de Gisors, qui a conçu l'idée de ces tra-
vaux de dégagement et qui les a dirigés avec une entente par-
faite, une médaille décernée par la Société française. La
Société vote en outre une allocation de 150 francs pour con-
tribuer a l'achèvement des mesures prises par l'autorité mu-
nicipale pour la conservation de ce monument bors ligne.
Outre la grande tour dite de saint Thomas de Canlorbéry
qui s'élève au milieu du donjon , il existe à l'un des angles de
la première enceinte de cette grande forteresse , une tour
fameuse par une légende et appelée la tour du Prisonnier. A
l'occasion des bas-reliefs taillés sur la face intérieure des mu-
railles d'une salle basse de cette tour , bas-reliefs depuis long-
temps célèbres, M. le baron de Montreuil fait une communi-
cation relative au prisonnier inconnu qui armé , dit-on ,
d'un clou arraché à la porte de son cachot, charmait les
longs ennuis de sa captivité en sculptant ces bas-reliefs singu-
liers.
Voici une analyse décolorée du très-attachant récit de M.
de Montreuil , fait en partie au point de vue historique , partie
au point de vue purement légendaire :
On sait les recherches tentées à plusieurs reprises pour
découvrir le nom du captif qui fut renfermé dans la tour
Ferrée , aujourd'hui appelée la tour du Prisonnier. Malgré
l'obscurité profonde qui environne tout ce qui se rattache à ce
personnage, on peut supposer que ce fut un prisonnier d'Etat,
conséquemment un homme d'une certaine importance histo-
rique. Tout le monde est d'accord là dessus, et la commisé-
ration s'attache naturellement au souvenir de ce mystérieux
héros. Mais il est permis de croire en outre que plusieurs
infortunés , à diverses reprises , passèrent de longues années
sous la voûte des cachots de cette tour. Cependant la pensée
publique, comme la tradition de la cité de Gisors, résumant
346 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRAiNCE ,
toutes les infortunes , toutes les douleurs en une seule ,
s'obstine à n'attacher qu'une dénomination et qu'une souf-
france au plus profond des cachots qu'elle renferme : la tour
du Prisonnier de Gisors.
La chronique locale veut que ce prisonnier d'État ail cherché
un jour à s'échapper à la faveur du relief des sculptures qu'il
avait entaillées dans la muraille , et qu'étant parvenu à
écarter le barreau de fer qui divisait une meurtrière placée à
la naissance de la voûte, il se soit élancé dans les fossés encore
aujourd'hui béants au pied de la tour. Brisé dans une chute
affreuse, les gardes avertis par ses gémissements entrecoupés
seraient accourus, et à partir de ce jour la nuit du tombeau et
celle de l'histoire l'auraient enveloppé.
Quoi qu'il en soit, voici un document inédit, découvert au
Britisk muséum, et qui atteste qu'à plusieurs reprises cette
tour, si chère aux amateurs de vieilles légendes, a servi de
prison à des personnages notables. Il remonte au commence-
ment du XIVe. siècle.
« A touz ceus qui ces lettres verront, Jehan Loncle, vis-
« conte de Gisors, salut. Sachent touz que lan de grâce mil
« ecc et quatorze le samedi devant Penthecouste nous re-
« cheusmes les lettres notre segneur le roy de France con-
« tenant la fourme qui ensieut :
« Philippus, Dei gratia Francorum Rex , vicecomiti Gi-
« sorcii salutem. Quemdam prisionarium nostrum per dilectos
« Oliverium Britonis et Roberlum Barbitonsoris, servientes
« nostros armorum , tibi tradendum miltimus mandantes
« quatenùs ipsum quem tuis periculis custodiri volumus ,
« in turri ferreta talitcr et adèo firmiter mancipari facias
« quodque nullus cum eo colloquium habeat nisi de speciali
« mandato nostro, quod de ipso opus fuerit valeas respon-
« dere.
« Par la vertu desquelles lettres nous faisons assavoir à
XVIIIe. SESSION. 347
« louz que le jour de samedi dessus dil noble monseigneur
« Guillaume de Montagu chevalier, mareschal de lostel de
«• très-excellent prince Odouarl par la grâce de Dieu roy
« d'Engletcrre , Olivier de la Hoche dit le Breton et Robert
« le Barbier serjans (larmes nostre segneur le roy de France
« nous baillèrent en garde comme prisonnier monseigneur
« Symon de Macy, chevalier, autrement dit Cordelier, et le
« tenons en prison el chastel de G y sors et oen certifions nous
« a touz par la teneur de ces lettres. Donné souz le séel de
« li vicomte de Gysors l'an dessus dit le dicmenche jour de
ç Penthecouste. »
(Original en parchemin au Bristiah muséum, mss. Cnligula , D.
111, f°. 4.)
Mais la date de 1314 écarte tout rapprochement entre
ce prisonnier d'Etat et le personnage qui grava, près de deux
siècles plus tard, les bas-reliefs en question. Toutefois, ce
document, enseveli à la Tour de Londres, se rattache trop
à l'histoire de la forteresse de Gisors et de la tour Ferrée,
pour qu'il ne soit pas piquant de le publier.
« Quoi qu'il en soit, ajoute M. de Monlrcuil , ce cordelier ,
ce chevalier, monseigneur Symon de Macy , n'est pas évi-
demment le prisonnier que nous cherchons.
« Deux pièces de 1425 et de 1430 contenant, l'une les
ordres donnés par le duc de Bedford à Jean de Beauchamp,
chevalier, et à Jean Boingh , écuyer, bailli de Gisors, pour
passer la revue de William Bissoplon , capitaine du Château-
Gaillard (1); l'autre contrôlant les 20 lances et les 65 archers
,1) Paris, 16 novembre 1425. Commission donnée par le régent
(duc de Bedford) ù Jean de Beauchamp, chevalier, et à Jean Boingh,
écuyer, bailli de Gisors, de passer la revue de William Bissoplon,
grand-maître d'hôlel de la duchesse de Bedford , capitaine du Château-
Gaillard et de sa retenue. {Ar,lii>;s nationales , K. 70, liasse 11. )
368 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
qui formaient les garnisons de la ville et du château de Gisors,
sous monseigneur le comte de Mortaing, alors son capitaine (1 );
ces deux pièces, dis-je, recueillies antérieurement aux
Archives nationales, ne pouvaient me faire perdre de vue
mes recherches. Une troisième pièce importante met sur la
trace de l'état de la ville de Gisors et de ses fortifications
quand Ricard Widewil rendait ses comptes d'ancien sénéchal
de Gisors, au roi d'Angleterre, Henri V (2). Ce précieux
filon de notre vieille histoire irritait ma curiosité sans la satis-
faire, lorsqu'un autre, plus heureux et me faisant heureux à
mon tour , m'a confié les recherches qu'il avait faites et m'a
chargé de vous soumettre son travail. »
« Suivant M. Blangis, ancien principal du collège de Gisors,
qui a étudié avec une patiente application la question , le
(1) Gisors, 12 janvier 1430. Revue par Giles Dulac, lieutenant au
bailliage de Gisors de M. le bailli de Rouen et de Gisors, Jehan Chief
d'ostel , grenetier dudit Gisors, Jehan (ibren, capitaine de Dangu ,
Jehan RufTaut, receveur des aides audit Gisors et Jehan Wcnlok, con-
trôleur de ladite garnison do 20 lances à cheval, 7 à pied et 65 archers
formant la garnison des ville et château de Gisors sous Jehan Topclif,
écuyer, lieutenant de monseigneur le comte de Morlaing, absent,
capitaine dudit lieu. ( Archives nationales, hôtel Soubise, K. 80,
liasse 7).
Gisors, 1er. février 1430. Revue semblable à la précédente (Ibidem).
(2j II y a dans les anciennes archives de l'Echiquier, déposées au-
jourd'hui à Carlton-Ride , un compte d'un capitaine de Gisors, sous
Henri V, dans lequel on trouverait d'utiles renseignements sur l'état
de la ville et des fortifications à celte époque. Ce compte est intitulé :
Compotus Ricardi Widewil, armigeri , nuper tant senescatli ducatus
régis Normannie quant capitanei castri et ville de Gisors ac turres de
Chaumont in eodem ducatu de receptis , vadiis et regardis suis ac
diversorum hominum ad arma et sagiltarum secum super salva eus-
todia ville, castri et turris predictortim nec non super fortificationc
executionis dicti officii senescallia infra ducatum prédiction retento-
rum. Du 25 décembre 1421 au mois d'aofit 1422.
xvnr. skssiox. 349
prisonnier qui a gravé ainsi son nom au milieu des bas-reliefs
de la tour de Gisors :
O MATER DEl, MEMENTO ME!
POVLAIN.
ne serait autre que Wolfgang de Polheim, personnage im-
portant de la cour de Bourgogne, enfermé par ordre du roi
Louis XI. Il est question de ce AVolfang Poulhain , homme
de confiance de Marguerite de Bourgogne, dans l'histoire
des ducs de Bourgogne de M. de Bnrante et dans les études
historiques de M. de Chateaubriand. Pour établir que c'est
à Gisors que ce "Wolfang Poulhain fut tenu prisonnier, M.
Blangis, cité par M. de Montreuil , s'étaye des sculptures
tracées dans la tour. Suivant lui, tous ces sujets, en appa-
rence détachés, se lient par une pensée commune, et retra-
cent l'histoire et les affections du captif. Ces tournois, ce
sont des souvenirs de la cour de Bourgogne; ces écussons
où figurent des cœurs , ce seraient les armoiries de Bour-
gogne ; Marguerite de Bourgogne elle-même serait repré-
sentée sur ces murs Parlant de cette interprétation,
l'auteur fait un récit touchant des infortunes et de l'amour du
brave chevalier de Polheim... »
M. Raymond Bordeaux , tout en rendant justice à ce que
celte interprétation présente d'ingénieux, ne peut y voir la
base que d'une légende poétique. Il regrette vivement d'op-
poser à cette attachante chronique, parée de tout le brillant
de l'imagination , les objections sèches et rigoureuses de la
science historique. A ses yeux, il n'y a qu'un rapprochement
d'acceptable : celui des deux noms de Poulain et de Polheim.
Quant aux bas-reliefs, leur style atteste qu'il sont postérieurs
à Louis XI et au moins du temps de François p'. Puis M:
Bordeaux se refuse à voir une idée générale dans l'exécution
350 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
de ces bas-reliefs. Pour lui , tous ces sujets sont le fruit du
caprice; un prisonnier retrouvant dans une éducation soignée
des notions assez développées de l'art du dessin, charmait
ses tristes loisirs en découpant sur le mur, à l'aide d'un clou
ou d'un couteau , les sujets populaires à son époque. Tantôt
il entreprenait une représentation légendaire; tantôt, au con-
traire, il retraçait de souvenir quelques-uns des fabliaux que
les sculpteurs de son temps ouvrageaient sur les bahuts ou
les façades des maisons. Bien loin de suivre avec constance les
péripéties d'une épopée personnelle , il allait à peu près au
hasard, au gré de sa fantaisie , et surtout , selon les exigences
d'un mince rayon de soleil qui , pénétrant par la meurtrière,
éclairait la paroi où l'on remarque ces figures, et dont il
était forcé de suivre le déplacement dans son travail. L'in-
fortuné ne pouvait sur un point travailler que le matin : c'était
de l'autre côté de la tour qu'il devait reporter ses efforts
lorsque venait l'après-midi. Tous les sujets représentés pa-
raissent à 31. Bordeaux être exactement les mêmes que ceux
exécutés au commencement du XVIe. siècle sur les verrières,
sur les boiseries des églises, sur les poutres des vieilles maisons,
sur les meubles de vieux chêne, sur les marges des manuscrits
et dans les premières gravures sur bois. La manière de traiter
les sujets est parfaitement la même ; les traditions iconogra-
phiques de l'époque s'y retrouvent toutes entières. Les scènes
de la Passion, les souffrances du Christ et les douleurs de sa
mère, Adam et Eve, saint Georges combattant le dragon et
délivrant la vierge de Cappadoce , saint Nicolas et les trois
enfants, sainte Barbe et la tour où l'enferma son père, saint
Martin partageant son manteau avec un pauvre, sont les
mêmes personnages où son honorable contradicteur voit des
contemporains de Louis XL Ce diable armé d'un soufflet,
présenté comme un souvenir probable d'Olivier- lc-Diable,
c'est tout simplement l'ennemi acharné de sainte Gudule,
XVIIIe. SESSION. • >">1
représenté ainsi dans toutes les images de celle sainte. La
légende dorée et les romans de chevalerie, continue M. Bor-
deaux, ont fourni au prisonnier l'idée de tous ses sujets. Ces
animaux où l'on a voulu voir l'imparfaite représentation de
nobles lévriers, ce sont simplement les semblables des animaux
plus ou moins fantastiques que les artistes d'alors figuraient
à profusion.
Au reste, la manière dont ces sujets ont été traités atteste
que le personnage inconnu qui les a tracés, s'il était peu
familier avec les procédés de la sculpture et dépourvu des
outils nécessaires, savait donner à ses figures souvent beau-
coup de tournure et d'entrain , et n'ignorait certainement
pas l'art du dessin. Il y a loin de ces productions tracées il
y a trois siècles, aux charges informes que l'on charbonne
à notre époque sur les murs. La supériorité du captif inconnu
de Gisors n'est pas douteuse.
M. Bordeaux partage d'ailleurs toul-à-fait l'avis de M. de
Montreuil quant à l'existence probable de différents prisonniers
dans cette tour. Les bas-reliefs même ne lui paraissent pas
l'œuvre de la même main. Il y en a de beaucoup mieux
exécutés que les autres. D'ailleurs , comme l'a déjà remarqué
M. Léon de Laborde, dans de curieux articles sur Gisors (1),
(1) Publiés dans les Annales archéologiques de M. Didron , t. IX, p.
156.
M. de la Mairie a donné sous le litre de Lettres sur Gisors , une
histoire de celle ville. 11 existe à la bibliothèque de Rouen une autre
histoire manuscrite composée au XVIIe. siècle par Itoberl Deniau, curé
de Gisors. M. Antoine Passy, ancien préfet de l'Eure, piépare, dit-on,
un nouveau travail sur Gisors.
On trouve dans les Archives de ta Normandie (Caen, 182(i ) une
élégie de M. Ern st de Blosseville sur le prisonnier de Gisors, et une
ballade sur le même sujet dans les Néusi tiennes de M. Alphonse Le
Flaguais.
352 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
on retrouve plusieurs noms sur ces murs. Outre le nom de
Povlain tracé en lettres très-visibles , on peut remarquer un
autre nom gravé en lettres gothiques courantes et qui paraît
celui de l'auteur des dessins les moins parfaits. Seulement
où M. de la Borde a cru lire le nom au moins singulier
d'Alexandre le Kalender , M. Bordeaux lirait plutôt celui
de le Boulanger ou de Bellenger, précédé d'un prénom à
peu près illisible. M. Bordeaux, dans un examen rapide,
lisait Jeremie Bellenger.
Le même membre signale l'importance des archives ren-
fermées dans cette tour. Ce sont celles du bailliage de Gisors,
l'un des cinq grands bailliages de Normandie. Beaucoup de
dossiers sont encore en place dans des casiers sur lesquels
on lit le nom des justices inférieures qui en relevaieni , telles
que Averny, Doudeauville, Guitry, Garencières près d'Evreux,
Plessis-Hébert , etc. Ces archives sont donc infiniment pré-
cieuses pour l'histoire des circonscriptions judiciaires et féo-
dales , mais elles ont grand besoin d'être remises en ordre ,
car des amas de titres en parchemin gisent à terre.
M. Boudin , sculpteur , fait passer sous les yeux des mem-
bres de la Société , les dessins très-fidèles qu'il a faits des
sculptures de la tour du Prisonnier.
M. Braine , professeur , donne verbalement des détails
historiques sur diverses localités de la vallée de la Troesne ,
voisine de Gisors. Il est question de ces localités dans divers
documents , notamment dans les Olim.
M. de Saint-Germain, de l'Institut des provinces , lit des
fragments de sa troisième lettre sur le chant catholique, qui
complète un vaste travail dont la publication a été commencée
dans le Bulletin monumental. Celte troisième partie paraîtra
incessamment dans le Bulletin.
Mmo. Philippe-Lemaîtrc , de la Société française et de la
Société libre de l'Eure , lit le compte-rendu d'une excur-
XV II Ie. SESSION. 353
sion archéologique dans les églises de la rive gauche de la
Hille, celles qui faisaient partie de l'ancien diocèse de Li-
sieux. — En terminant celte lecture , suivie d'unanimes ap-
plaudissements , M Philippe-Lemaître émet le vœu que
l'église de St.-Mards, qui appartient à M, le comte d'Osmoy,
et qui sert aujourd'hui de magasins ruraux , soit restituée au
culte, (l'est une église romane qui renferme de curieuses pierres
tombales et qui est digue de tout l'intérêt de son propriétaire.
M. de Saint-Germain , en faisant part à la réunion de
l'urgence qu'il y aurait à entreprendre des travaux confor-
tatifs h la belle église des Andelys , demande que la Société
émette le vœu qu'une commission consultative, mi-partie
d'ecclésiastiques et d'archéologues , soit formée par l'admi-
nistration pour donner son avis sur les travaux entrepris de
toutes parts dans les églises et les autres monuments publics.
i\l. Raymond Bordeaux appuie vivement cette proposition.
Jamais l'opportunité d'une pareille commission n'a été plus
grande. Il y a peu d'églises de campagne et même de ville
qui n'aient été victimes de restaurations inconsidérées. De
tous côtés on commet des actes de vandalisme. Tout derniè-
rement la ville de Vernon , désireuse sans doute de se donner
l'apparence d'un grand village, a fait abattre la porte de Bizy,
qui avait été élevée à l'entrée de cette ville par les ducs de
Fenthièvre. Cette porte, en forme d'arc de triomphe, était
l'ornement d'un des boulevards de Vernon. Il faut espérer
que le curieux château qui fortifie l'entrée du pont du côté
de Vernonnet n'aura pas le même sort.
A Evreux , la façade d'une maison de bois sculpté du com-
mencement du XVIe. siècle, et que tons les étrangers re-
marquaient dans la grande rue, vient d'être remplacée (en
août 1851 ) par une mauvaise devanture en briques. M. Bor-
deaux possède heureusement une élévation avec détails de
cette façade sculptée.
354 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
A ce sujet , M. Bordeaux signale à l'attention des habitants
de Gisors la curieuse maison de la renaissance , en bois
sculpté, qui existe non loin de l'hôtel-de-ville et sur la façade
de laquelle on lit :
MARIA" — 0* SALVTARIS* HOSTIA* QVAE" COELI'PANDIS' OSTIVM* — MABIA*
Il serait intéressant de rechercher l'origine de cette maison,
fort digne d'être conservée et qui est une des curiosités mo-
numentales de la ville.
Revenant au vœu à émettre pour la constitution par les
autorités diocésaine et préfectorale , d'une commission con-
sultative d'archéologues , il signale quelques travaux regret-
tables opérés tout récemment dans les églises du département.
Un membre rappelle notamment l'étrange idée que l'on a
eue à St. -André, près d'Evreux , d'établir un plafond de
bois de sapin au-dessous des voûtes de l'église, afin, disent les
auteurs de cette inconcevable opération , de rendre l'église
moins froide , sans avoir besoin de réparer la voûte. On a
consacré le produit d'une loterie à « l'exécution de ces tra-
vaux d'un goût moderne et d'un très-bel effet » selon le
programme.
A ce sujet, une personne présente dit quelques mots des
travaux faits avec une regrettable précipitation dans la grande
église de Breleuil (Eure) , dont le vaisseau d'architecture ro-
mane a été transformé presqu'en un clin-d'œil, afin de le
mettre en harmonie avec les nouveaux ornements qui devaient
le remplir. C'est encore une loterie qui a servi à couvrir les
frais de cette besogne faite à la hâte et avant qu'aucun ar-
chéologue ail été prévenu.
M. de Caumont approuve fort la création dans chaque dé-
parlement de commissions consultatives d'archéologie. Mais
ces commissions doivent être bien composées. Dans le Cal-
vados il existe une commission de ce genre, mais comme elle
XVIIIe. SESSION. 355
est formée d'architectes et d'employés dos bureaux , et qu'on
a eu soin d'en exclure tous ceux précisément dont le contrôle
eût été efficace, elle ne sert à rien, si ce n'est à sanctionner
par une approbation complaisante, des projets qu'une com-
mission plus indépendante eût modifiés ou même repoussés.
Sous le bénéfice de ces observations, l'assemblée adopte la
proposition et émet le vœu que M. le Préfet de l'Eure et î\lgr.
l'Evèquc d'Evreux organisent au plus vile cette commission
protectrice. Deux membres seront chargés de transmettre ce
vœu à l'autorité.
Un autre vœu est formulé en faveur de la belle église de
Gisors, la seule du département de l'Eure qui possède de
doubles collatéraux. Cette église, bien conservée et que le
badigeon a généralement respectée, a besoin de quelques ré-
parations, mais la Société espère que les travaux seront exé-
cutés avec réserve , et n'aboutiront pas , comme en trop
d'endroits, à une reconstruction presque totale.
Le membre du Conseil de la Société faisant fonctions de
Secrétaire ,
Raymond Bordeaux.
Depuis la visite de la Société française à Gisors, le déblaie-
ment du château a été continué. On a ouvert dans la cour du
donjon, un ancien puits qui, traversant la motte de ce
donjon , avait d'abord été pris pour un moyen de communi-
cation avec les souterrains de l'enceinte extérieure. Ce puits
a été déblayé jusqu'à l'eau : il est muré , sur une grande
profondeur , en pierres de taille de très-grand appareil. On a
trouvé au fond, la mardelle, ronde en dedans, polygonale
en dehors, qui garnissait l'orifice. Les décombres, dont ce
puits avait été rempli, provenaient évidemment des toitures
et des cloisons du donjon , car , parmi ces gravois on a retrouvé
un bon nombre de pavés émaillés, et des morceaux d'ardoises
d'une épaisseur extraordinaire.
3">6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
M. Leblond, architecte entrepreneur et membre de la
Société française à Gisors, qui a eu l'obligeance de nous
adresser ces détails, a calqué les pavés éinaillés dont voici les
dessins.
Nous y joignons le dessin d'un autre pavé de la même
époque, qui faisait partie du carrelage de la chapelle de St.-
Thomas de Càntorbéry , dont les ves-
tiges se voient encore dans le donjon ,
et qui n'a été détruite qu'il y a peu
d'années. Nous avons pris un calque de
ce pavé , lors de la séance dont nous
venons de signer le procès-verbal.
R. R.
XVIIIe. SESSION. 357
EXCURSION A SAIKT-GERS1ËR,
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE,
I.K 6 OCTORRK 1851.
La Société française, représentée par iMIM. deCaumont, di-
recteur, Y'°. deCussy, Raymond Bordeaux, de la Bigottière ,
EdgardLachèvre, Stanislas do Saint-Germain, et M'"e. Philippe-
Lemaître, membres de cette compagnie, et escortée de plu-
sieurs touristes , quitte Gisors à 9 heures du matin , pour se
rendre au bourg de St. -Germer. Prenant la route de Gournay,
elle s'arrête d'abord au château de Tierceville, où M. le baron
de Montreuil , de l'Institut des provinces, lui offre le repas du
matin.
Tierceville est une belle , bonne et élégante propriété , si-
tuée agréablement , et riche de tout ce qui donne du prix aux
terres du Vexin. Du mamelon verdoyant où s'élève le castel ,
l'œil embrasse un vaste amphithéâtre de prairies abondam-
ment pourvues de troupeaux , arrosées par la rivière d'Epte,
et couronnées par des bois. A l'un des détours du jardin
anglais, et sous un aspect très-heureusement ménagé, une
chapelle nouvellement construite dresse son toit et sa tourelle.
Après avoir goûté pendant quelques heures trop rapides la
cordiale hospitalité de M. et M'"e. de iMontreuil , la caravane ,
sous la conduite du gracieux amphytrion , reprend sa course
vers St. -Germer. Les chemins de traverse qu'il faut suivre
occasionnent un retard considérable, et il est plus de 2 heures
lorsque la Société met pied à terre sous les murs mêmes de
la Sainte-Chapelle, actuellement en voie de restauration.
Les monuments de St. -Germer , long-temps oubliés , sont
23
358 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
aujourd'hui bien connus , au moins de réputation , des archéo-
logues un peu au courant de la science. Le Bulletin monu-
mental en a maintes fois entretenu ses lecteurs ; les Mémoires
des antiquaires de Picardie , t. V , p. 173 , contiennent une
description historique de l'église et de la chapelle , par M.
l'abbé Jules Corblet ; enfin les Annales archéologiques doivent
à M. Boeswilwald d'intéressantes communications sur ce mo-
nastère.
II serait donc inutile de répéter ce que tout le monde peut
déjà savoir. Voici seulement quelques appréciations nouvelles
qui s'ajouteront aux études précédentes.
En présence de deux monuments, types distingués de deux
riches périodes de l'architecture catholique , et qui donnent
une haute idée de la splendeur de St. -Germer, aux grands
siècles de l'art , les visiteurs évoquent d'abord le souvenir des
principales phases historiques de l'ancienne abbaye.
Sa fondation , qui remonte au VIP. siècle , est l'œuvre de
saint Germer lui-même. Ce haut et puissant seigneur de War-
des , qui , selon Louvet, possédait des terres à dix lieues à la
ronde , ce prince de la cour de Dagobert Ier. et de Clovis II ,
s'était retiré d'un monde où il brillait du double éclat des talents
et de la fortune , pour se vouer aux austérités du cloître. Sur
les conseils d'Audoen (1), archevêque de Rouen , il jette , l'an
655 , au milieu du désert de Flay , les fondements d'un vaste
monastère. Des religieux en grand nombre viennent peupler
cette solitude , et pratiquer la règle de saint Benoît , sous sa
conduite. Germer meurt le 2k septembre 658. Son corps , in-
humé dans son église , est plus tard transféré à Beauvais, où
le saint est honoré comme un patron du diocèse. Après sa
canonisation, l'abbaye prend le nom de cet illustre fondateur.
Anségise, cinquième abbé (807), reconstruit le monastère.
(4) Saint Ouen, archevêque de Rouen.
xvnr. session. S59
Deux fois ruiné de fond en comble par les Normands , ces
fougueux dévastateurs des couvents, il est réédifié en 1036
par Drogon , quarante-unième évèque de Beauvais. A cette
date semblerait appartenir l'église qui est encore debout, mais
la construction d'un monastère n'était pas l'affaire d'une
année, et tout porte à croire que l'église de St. -Germer ne
fut bâtie que cinquante ans plus tard, au commencement du
XIIe. siècle.
Pierre Guillaume de Vessencourt , appelé par Louvet Guil-
laume de Vastcmont, élève en 1259, à l'honneur de la Vierge
Marie, la Sainte-Chapelle encore existante, dont la construction
dure douze ans.
Vers l'an 1380 , sous Jean de Silly , la garnison de Gournay ,
pendant la guerre des Bourguignons , vient fondre les cloches
et raser les deux tours et le portail de l'église. Jean y fait
quelques réparations qu'on reconnaît facilement encore au
cachet du XIVe. siècle.
A la mort de l'abbé Guy de Villers de l'Isle Adam , le 23 juin
1536, l'abbaye tombe en commende. En 1644, François Tier-
celin de Brosses , commendataire , établit dans l'abbatiale un
collège pour les gentilshommes pauvres de la contrée.
La destruction définitive du couvent est consommée par les
événements de 93. La chapelle, l'église, l'abbatiale, quelques
autres bâtiments claustraux , quelques pans des murs d'en-
ceinte encore flanqués de tourelles, ont survécu ace désastre.
Un double intérêt s'attache à la visite que la Société française
fait aujourd'hui à St. -Germer ; l'exploration des anciens monu-
ments, et l'examen des travaux de restauration entrepris de-
puis plusieurs années. Du chantier de pierres où ils sont des-
cendus, les membres de la Société observent attentivement les
réparations extérieures de la Sainte-Chapelle. La toiture étant
rétablie dans sa forme primitive , les fenêtres ont pu recon-
quérir leurs archivoltes saillantes , les contreforts leurs pyra-
3(30 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
midions, la corniche sa balustrade, le chêneau pluvial ses gar-
gouilles. Car dans un temps où l'entretien du monument avait
sans doute paru trop onéreux, frontons aigus, pinacles, galeries,
gouttières et crachoirs avaient été rasés pour permettre au toit
d'abaisser lourdement ses rallonges économiques, mais peu
tutélaires. On ne sait trop à qui doit être attribué cet acte de
barbarie , soit aux derniers moines , soit à l'administration ré-
volutionnaire de la commune. Les deux tourelles octogones
formant un avant corps aux deux angles de la chapelle , ont
aussi recouvré leur couronnement pyramidal. Elles accom-
pagneraient naturellement le portail , s'il n'était remplacé par
un couloir qui communique avec l'église, et donne entrée dans
la chapelle. Ces diverses restaurations paraissent bien dans
le style de l'époque , mais il leur manquera long-temps cette
teinte des âges, véritable patine monumentale , qui ajoute uii
tel prestige aux anciens édifices. Le mur qui séparait la cha-
pelle de la voie publique a été jeté bas , sans doute pour faci-
liter les travaux. Etait-ce une raison bien suffisante pour sacri-
fier ce pan de mur d'enceinte de l'antique abbaye , qui était un
souvenir respectable?
En descendant de l'orienta l'occident, on longe le flanc méri-
dional de la grande église abbatiale à laquelle la Sainte-Chapelle
est annexée. Il est important, pour bien déterminer l'âge de ce
monument, d'en examiner avec soin le plan et l'ornementation.
La décoration extérieure, les chapelles en cul-de-four adossées
au rond-point, les contreforts naissants , le cordon d'archivolte
des fenêtres terminé à chaque bout par une tête fantastique,
la porte bouchée du croisillon méridional dont les voussures
dentelées, les chapiteaux et la coupe indiquent la transition, la
grande corniche où l'ogive s'engendre de l'intersection des
cintres, les consoles d'un travail aussi délicat que varié, tout
accuse le style roman secondaire du XIIe. siècle. Le dôme
oblong en ardoise qui s'élève sur la croisée ne datequede 1 740.
xvill". MissiOiN. 361
Antérieurement , il } préexistait une tour centrale terminée
en batière , couronnée elle-même d'une dentelle de fer. La
croix actuelle est une oeuvre de serrurerie assez originale.
M. l'abbé Mauger , chanoine-honoraire, curé-doyen de St. -
Germer , veut bien s'adjoindre à la Société française , et lui
faire les honneurs de son église avec une grâce parfaite.
On entre dans l'ancienne enceinte de l'abbaye par une grande
porte ogive pratiquée dans toute l'épaisseur d'un bâtiment. En
retour , on arrive sur une place qui sépare l'église de l'abbatiale.
A gauche, règne cette agrégation de bâtiments qui faisaient le
domaine particulier de l'abbé , nous allons y revenir; à droite ,
est l'église où nous entrons. Ce qui frappe d'abord tout le monde
est l'absence du portail : la façade est d'une nudité complète.
Ce refend de briques jeté comme un rideau pour fermer la
nef et combler le vide de la grande voûte, celte fenêtre du XVP.
siècle assez maladroitement encadrée dans cette muraille, cette
galerie ouverte sur les bas-côtés , ces piliers découverts , enfin
cette maçonnerie interrompue des plans inférieurs , annoncent
au premier coup-d'œil , quand on ne le sait déjà par l'histoire ,
que le fer de la destruction est passé par là. La porte d'entrée
est moderne et d'un pauvre effet. A l'intérieur , il y a une
élévation et une distribution nobles et imposantes. Comparati-
vement à la nef, le chœur est très-court, car les deux rangées
de stalles ne prennent qu'aux transepts, et se prolongent dans
la nef. Cette économie parait d'ailleurs assez naturelle dans une
église monacale où les fidèles laïques ne devaient être admis
que par exception. Nous faisons la même remarque qu'à l'ex-
térieur. Partout la forme et la variété des chapiteaux, les mou-
lures aplaties des bases agrafées, la disposition des piliers, le
prolongement du déambulatoire derrière le chœur , l'égale
élévation du vaisseau , l'agencement du triforium , les arcs
ogives en zigzag du sanctuaire, les chapelles qui rayonnent au
pourtour, les arcs diagonaux de l'hémicycle surchargés de rin-
362 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
VUE Dl CHOEUB DE SAINT-GERMEB,
XVIIIe. SESSION. 363
ceaux, les détails des clefs de voûte, et particulièrement ce
griffon tortillé qui se mord l'aile, sculpté à jour dans une cou-
ronne, tout ce luxe d'ornements, et surtout le style, indiquent,
à ne pas s'y méprendre , l'ère de la transition du plein-cintre
à l'ogive.
Quelques amateurs présents font observer que l'histoire at-
tribue à Dragon , qui gouvernait l'église de Beauvais'au'XP.
siècle, la reconstruction de cette église. M. de Caumont répond
qu'en faisant toutes les concessions possibles a la précocité de
l'art dans le pays de Bray , il est impossible d'admettre cette
opinion. Pour les archéologues , et après les études multipliées
qui ont été faites depuis vingt ans, les pierres valent des dates
et contredisent au besoin la chronique. Or, si l'on considère
la distribution générale , l'emploi fréquent de l'ogive transi-
lionnelle et le genre des ornements , dans cet édiiice , on ne
36^ CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
peut y méconnaître les caractères du roman secondaire,
connu seulement au XIIe. siècle. Il y a des exemples de
ce style employés au siècle suivant, comme à St.-Tro-
phime d'Arles, mais on n'en connaît pas qui soient anté-
rieurs au XIIe. Nul doute ne saurait donc subsister à cet
égard. Les membres de la Société française partagent l'opinion
de M. de Caumont.
Et puis que dit l'histoire ? L'histoire dit que l'abbaye dé-
truite en 906 par Rollon , à ce point que les revenus en étaient
touchés par l'évêque deBeauvais, fut relevée de ses ruines en
1036, par Drogon surnommé grand bastisseur de moustiers.
Est-il question de l'église ? Point. Rien ne prouve que la re-
construction du monastère ait commencé par elle , et il est
présumable , au contraire , qu'un monument de cette impor-
tance aura été réservé. Il fallait avant tout pourvoir au loge-
ment des moines , qui pouvaient chanter leur office dans un
temple provisoire , et quand l'abbaye aura recouvré sa gran-
deur et ses richesses , elle aura voulu se bâtir une église monu-
meniale. Tout cela explique très-bien un retard de soixante
ans, en ce moyen-âge où l'on ne se pressait guères, et où l'on
savait attendre pour faire en temps opportun une œuvre digue
et durable.
La Société fait d'intéressantes observations dans l'intérieur
du monument. Le triforium qui règne sur les collatéraux et
fait avec eux le tour du chœur , est orné de sculptures d'une
grande richesse ; malheureuse-
ment ses triples arcades sont bou-
chées dans la nef. Une grille en
fer forgé comble à hauteur d'homme
l'enlrecolonnement du sanctuaire
et du chœur. M. Bordeaux , qui
Ja croit du XIIIe. siècle , en prend
les dessins que voici.
xvnr. session.
3fi5
Le système de l'ancien pavage en terre cuite, est assez recon-
naissable par les fragments qui en subsistent çà et là. La nef
était pavée en carreaux monochromes verts et jaunes alter-
nativement ; le collatéral septentrional en carreaux jaunes et
violets, et le collatéral méridional
en carreaux jaunes et brun-rouges.
Dans les chapelles, ce genre de dé-
coration étant plus recherché, les
carreaux émaillés représentent des
griffons , ou des dessins qui forment
par leur assemblage des rosaces ou
des bordures.
sptra
CARREAUX ÉMAILLÉS FO.M> VEUT A DESS1.NS JAUNES, A SAIXT-GERMtT..
366 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
On voil aussi un autel du temps dont le dessin a été bien
divulgué par le Cours d'antiquités de 31. de Caumont et par
les Revues archéologiques. Ce monument d'un haut prix,
qui semblait imposer le respect par sa rareté et son exé-
cution , a été refait à neuf, de manière à perdre son cachet.
Cependant la restauration était indispensable , puisqu'il tombait
en ruine. Plusieurs colonnetles brisées étaient remplacées par
des pièces de bois , le rebord de la table sacrée était scié
par devant, et les sculptures fortement avariées. Mais il aurait
fallu tailler la pierre à facettes moins vives, et la fouiller
davantage , en un mot faire de l'art et non de la pacotille.
AUTEL A SAINT-GERMER.
Encore eût-il été convenable de respecter les fragments du
pavage émaillé de la chapelle et de ne pas les engluer d'un
mortier épais (1).
(4) Lorsque M. Paul Durand , mon purent el mon ami, découvrit cet
xvnr. SESSION. 367
De nombreuses dalles funéraires pavaient autrefois la nef et
les bas-côtés. Presque toutes ont disparu , et de celles qui sub-
sistent, les gravures au trait et les inscriptions sont très-allérées.
Nous n'insisterons pas sur ces inscriptions tumulaires, non
plus que sur d'autres curiosités architecturales fidèlement con-
signées dans l'excellente notice de M. l'abbé Bourgeois (1). On
sort de l'église pour aller visiter l'intérieur de la Sainte-
Chapelle, dont le vestibule est actuellement muré pour la
convenance des travaux.
En face du perron de l'église est située l'abbatiale. La Société
s'arrête un instant devant le bâtiment principal , dont le mur
de façade , couronné par un tore roman primitif, est , à notre
sens , le plus antique morceau de l'abbaye. Il peut , sans dif-
liculté, appartenir aux travaux exécutés au XI*. siècle sous
l'épiscopat de Drogon. Cet emplacement a été occupé dès
l'origine du couvent; car, en l'année 1829 , au grand
élonnement d'ouvriers terrassiers qui perçaient une cave ,
d'énormes tronçons de colonnes bien assis sur leurs larges
bases , apparurent de distance en distance , rangés avec
symétrie. Selon toute probabilité , ces débris provenaient des
constructions faites si magnifiquement par Anségise , et ren-
versées par les Normands. Le collège des gentilshommes fondé
par Tierceliu en 16W , paraît avoir existé dans cette maison.
Au-dessus de la porte, on déchiffre sur un écusson, sous le badi-
geon qui le couvre , ce mot : COLLEG1 VM , en grandes lettres
autel ou mois d'octobre 1835, une ignoble devanture en papier bleu,
véritable devant de cbeminée du plus mauvais goût , le masquait hideu-
sement. Le dessin qui l'ut pris immédiatement, est devenu une double
curiosité.
(2) Voir la Description de l'église abbatiale de St.-Germer , par M.
l'abbé Bourgeois, ancien professeur de rhétorique et d'archéologie, au-
jourd'hui vicaire-général de Béarnais. Bulletin monumental, XIIIe. vol.,
page 55.
308 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
capitales. Le même abbé commendataire fit reprendre eu
sous-œuvre la façade , percer la porte et les fenêtres , doubler
la maison et poser la charpente , travaux qu'on reconnaît
facilement aux caractères du XVIIe. siècle. Enfin, cet hôtel
abbatial réveille encore un autre souvenir, souvenir plus
récent, mais que ne dédaignera pas la Société française. C'est
laque, pendant quatorze ans, a existé un petit séminaire,
le premier en France où l'archéologie ait pris faveur. A me-
sure que paraissaient les volumes du Cours d'antiquités mo-
numentales de M. de Caumont , ils y étaient avidement étu-
diés. Les élèves des hautes classes, en guise de délassement ,
s'initiaient aux éléments d'une science qui avait alors tous
les charmes de la nouveauté. Ils entreprenaient des courses
dans les campagnes, quelquefois dans les villes, pour ap-
pliquer leurs connaissances et comparer leurs observations;
ils retrouvaient toujours avec admiration ces beaux types de
St. -Germer qui s'offraient constamment à leurs regards. Le
moyen d'avoir habité ce lieu sans cîre archéologue? (Jette
maison d'éducation, si remarquable à tant de titres, si re-
grettable pour le pays, a été transférée à St.-Lucicn-Iez--
Bcauvais, en 1837.
On rentre dans la chapelle par une porte latérale de l'élé-
gant atrium qui la précède. Qui a vu la Sainte-Chapelle du
palais de justice à Paris, connaît celle de St. -Germer. Même
disposition, même économie , si ce n'est que les proportions
sont ici beaucoup moindres. Plus heureuse que le brillant
oratoire de St. -Louis, la chapelle de St. -Germer a conservé
intacte sa grande rose d'un dessin admirablement pur. C'est
une des plus belles œuvres architectoniques du XIIIe. siècle.
Elle va, dit-on, être reprise pierre à pierre, et probablement
regarnie de vitraux, si l'on peut suffire à la dépense. Les
vitraux ont disparu partout, excepté dans les trois fenêtres
centrales de l'hémicycle. Là , on voit quelques traits de la vie
XVIIIe. SliSSION. 369
monastique de saint Germer, la date de l'érection de la
chapelle , quelques traits de la vie de J.-C. et de la Sainte
BAPTÊME d'aMALBEBT PAK SAINT-OUEN.
17e. panneau de la lrc. fenêtre.
Vierge. Tous ces tableaux sont en médaillons, selon l'usage
du XIIIe. siècle. Le haut des vitres est décoré de la tour de
Caslille alternant avec des fleurs de lis. M. de Caumont fait
observer que ces armes ne prouveraient cependant rien pour
la date du monument. Blanche de Castille était vénérée par
les maçons francs et les verriers à l'égal d'une patronne, en
reconnaissance de toutes les fondations architecturales dont
elle avait enrichi le sol de la chrétienté , et ces armes ont été
reproduites pendant plus d'un siècle en sa mémoire. — La
principale porte de la chapelle est latérale et percée au Nord.
Extérieurement , ce portail présente des traces bien évidentes
de coloration. La chapelle élait d'ailleurs entièrement peinte ,
on peut s'en assurer par des lavages partiels. Plusieurs dalles
370 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE ,
tumulaires se rencontraient au pavage. Elles sont presque
toutes redressées.
MM. Bordeaux et Lachèvre s'empressent de prendre l'em-
preinte des figures à caractère de Gerardus (Gérard d'Hérai-
gny, abbé, 1216-1236) et de Michad (Michel de Castenoy,
abbé, 1272-1284) qui enrichissent depuis long-temps nos col-
lections d'estampages. On a placé, provisoirement sans doute,
la plus magnifique pierre tombale qui existe à St. -Germer,
au fond même de la chapelle. Cette pierre était dans l'église ,
sous la marche de l'autel du transept méridional. 31. l'abbé
Corblet la désigne, par inadvertance, pour celle de Guy de
Villiers de l'Isle-Adam, qui est inhumé au bas des marches
des stalles. C'est la tombe de Jean de Silly , trente-cinquième
abbé, 1380-1390. Les plus délicates ciselures l'enrichissent.
La tête , les mains et la crosse du père abbé sont en marbre
blanc. Revêtu des ornements pontificaux, celui-ci repose
dans la mort , entouré de J. -C. et des douze apôtres.
L'ornementation consiste en une multitude de colonnettes ,
de clochetons et de niches, encadrés dans une guirlande de
chêne. A l'entour, règne l'inscription, très-altérée et a peine
déchiffrable :
Sub liac tumba jacet tumulatus
Pius pastor ac pruclcns prclatus
Jehanncs de Syliiaco natus
. . pic rccordalionis
Abbas hujus conrjregationis
décent er rexit
. . ipse doctor fuit
In
Aspernans cremis custodiam
. . . oves gubernavit
Hinc destructom Xti. ecclesiam
malitiam
XVIIIe. SESSION. 37!
. . quod tenct ci succcssorcs
Fore pic semper oratorcs
Num igitur fratres attentius
llix hovtor ut vos devotius
Exoratis pro lanto pastore
Hic , rclicto mundano labore
Expiravit in anno millcno
. . . octogeno deno.
L'autel primitif existe encore au fond de l'abside. Deux
statues du XIIIe. siècle, coloriées, sont déposées
sur cet autel. Des ramages et des fleurons sont
exécutés en or sur le fond coloré de leurs robes.
Sur l'une des statues, cette peinture simule
une étoffe violette semée d'angemmes d'or.
Les draperies de l'autre statue sont d'un bleu
indigo parsemé de l'ornement ci-contre :
On voit de fort belles crédences excavées dans le mur
méridional de l'hémicycle.
Enfin M. Bordeaux fait aussi un croquis
d'un ornement gravé sur la pierre tombale de
Gérard d'Héraigny, et qui, placé sous les
pieds de ce personnage, semble représenter
une espèce de tapis. On y remarque des aigles
placés dans des cercles , et des points qui forment par leur
disposition à peu près des quinte-feuilles , comme sur cer-
taines étoffes très-anciennes.
Stanislas de Saint-Germain,
De l'Institut des provinces.
P. S. Aux divers précis sur le prisonnier de Gisors déjà indiqués, il
faut ajouter : La Tour du prisonnier , article de M. de la Mairie, dans
le Bulletin de l'Académie ébroïcienne, 1er. vol. de d835, p. 287;
Blanche d'Evrcux , ou le Prisonnier de Gisors , roman-historique par
Mme. Simons-Candeille ; le Prisonnier dans les Légendes rouges, par M.
Famiu ; et l'article Gisors dans les Voyages dans l'ancienne France.
TABLEAU
Des Inspecteurs nommés par le Conseil , aux
termes du règlement de la Société (1).
Nord M. LEGLAY, à Lille.
Pas-de-Calais M. de Givenchy.
Somme M Rigolot.
Oise M. l'abbé Barradd.
M le comte DE MÉRODE.
Aisne M. l'abbé Poqcet.
Ardennes M. Beglot.
Meuse. M. E. de Barthélémy.
_ . M. DE BONNKUIL.
Seine-et-Marne „
M. Paty.
Marne M. le comte de Mellet.
Calvados M. DE CAUMONT, à Caen.
Manche M. le Vie. du Moncel.
Orne M. Léon de La Sicotièke.
Eure M. de St.-Germain.
Seine-Inférieure M. de Glanville.
Seine M. le Ve. DE CUSSY.
Seine-et-Oise M. Dcchatellier.
Yonne Mgr. Joly, archevêque de Sens.
Aube M. l'abbé Tridon.
Eure-et-Loire M. d'Alvimare , à Dreux.
Sarthe M. DROUET, au Mans.
M. David, architecte.
Maine et-Loire M. Godard Faultrier.
Mayenne m. de La Bauluère.
(1) Les majuscules distinguent les noms de MM. les Inspecteurs
divisionnaires.
INSPECTEURS DE DÉPARTEMENT. 373
Loir-et-Cher M. DE LA SAUSSAYE.
M. le Mq ». de Viisbayh.
Cher M. le Mqls. de Vogi é.
Indre-et-Loire M. l'abbé Manckau.
Indre M. Cuari.emagne.
Nièvre M l'abbé Cbosrier.
Puy-de-Dôme . M DOUILLET , à Clermont.
Cantal M. le B°". Delzons.
Haute-Loire M
Loire M. Roux.
Lozère M. Kl alla y.
Côtes-du-Nord M- BARTHÉLÉMY.
M
Ille-et- Vilaine M. Langlois.
Finistère M. Dcmarhalla.
Morbihan. M. de Dlois.
Loire-Inférieure M. Nau, architecte.
Vienne. . M. l'abbé AUBER.
M. DE CUERGÉ.
Deux-Sèvres M. Avril de la Vergnêb.
Charente-Inférieure M. l'abbé LA CURIE.
Vendée M. Fillon.
Haute Vienne M- Félix DE VERNE1LH.
M. l'abbé Texier.
Creuse M. Bonafocs.
Gironde M. DES MOULINS.
M. Léo Drouym.
Dordogne M. le Cte. de Gourgues.
Charente M. de Chancel.
Lot-et-Garonne M. Bessières.
Tarn-el Garonne M. le baron DE CRAZANNES.
Lot M. Calvet.
Aude M. Mahcl.
Arriège M
24
37/» INSPECTEURS DE DÉPARTEMENT.
Hérault M. J. RENOUVIER.
M. Ricard.
Gard M. Pelet.
Bouches-du-Rhône M leMis. dk Jessé Charlfval.
Vaucluse M. Benacx.
M. DECOMMARMONT.àLyon.
Rhône M. Peyré, à Villefranche.
Ardèche M. de Valgorge.
Ain M. Dupasqcier.
Drôme M. l'abbé Jouve.
Isère M. de Luorme.
Côte-d'Or M.leCte.DEMONTALEMBERT.
M. Marion.
Saône-et-Loire M. du Cissay.
Allier M. de Soultrait.
Haute-Marne M. Giradlt de Prangey.
Doubs M' WEIS-
M. Victor Huile
Jura M. Ed. Clerc.
Haute-Saône M. de Bcybr.
Moselle M. V. SIMON.
M. Prost.
Meurthe M. Digot.
Vosges M. Pcton.
Bas-Rhin M. Arth.
Haut Rhin M. Bayei.aer.
Bureau central.
De Caumont , directeur.
Le Petit , secrétaire.
L. Gacgain , trésorier.
LISTE GÉNÉRALE
Des Membres de la Société française pour la
conservation des Monuments 3 par ordre alpha-
bétique.
(L'astérisque * désigne les membres delà Société abonnés
au Bulletin monumental (1)).
Vhw.u de Vacognes (Aniértée),
propriétaire, à Bayeux.
Alègre (Léon) , peintre, à Bagnols
(Gard).
* Alleaume-Desmottes, proprié-
taire, à Pont-1'Evêque.
Allonville (le comte Pierre d'),
à Moulins-les-Metz.
Alluaud, président de la Société
archéologique du Limousin, à
Limoges.
Alix (l'abbé), Céleste-Hippolyte,
à Bourges.
* Alvimare (Charles d'), à Dreux.
Amiet ( l'abbé ) , curé d'Aulnay
( Charente-Inférieure ).
Anjubault, bibliothécaire, au
Mans.
* Arbellot( l'abbé), vicaire de la
cathédrale, à Limoges.
Ardant, chef de bataillon du génie,
à Thionville.
* Arjuzox (d'), à Paris.
Arnauld (Charles), correspondant
du ministère de l'Intérieur, à
Niort.
Astaix , pharmacien , à Limoges.
* Auber (l'abbé), chanoine, mem-
bre de l'Institut des provinces,
à Poitiers.
Aubert, propriétaire, membre du
Conseil de l'Association Nor-
mande, à Caen.
(1) Le Bulletin monumental, qui a conquis depuis 18 ans un rang si
distingué parmi les publications archéologiques de la France et de
l'étranger, paraît de deux mois en deux mois, illustré d'un grand
nombre de figures.
376 LISTE DES MEMBRES DE
Aubremer (<T), capitaine d'artil-
lerie, à Vincennes.
Aubry , notaire , à Gorze ( Mo-
selle).
Ai'dé (Léon), maire de la ville de
Napoléon.
Audierne (l'abbé), vicaire-général,
à Périgueux.
Alger (l'abbé), chanoine hono-
raire, à Paris.
* Aulanier, aumônier de la com-
munauté des Oiseaux, à Paris.
Aumont, avocat, président de la
Société académique, à Pont-
l'Evêque.
Auvray (l'abbé), curé de Moult.
* Avril de La Vergnée, proprié-
taire, à Niort.
Avril de La Vergnée (Ernest),
avocat, à La Rochelle.
Azais, président de la Société ar-
chéologique , à Béziers.
B
Bacot de Romans (Jules), pro-
priétaire, à Tours.
Bailhache, professeur de rhéto-
rique, au Mans.
* Baille, architecte, à Bczançon.
* Baillif (l'abbé), chanoine ho-
noraire, au Mans.
Bâillon de La Brosse, proprié-
taire, à Saumur.
Balthasar, à Arles.
Balthasar (l'abbé), à Beauvais.
Bandeville (l'abbé), membre de
l'Académie, à Reims.
Barat , officier supérieur en re-
traite, à Nevers.
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
* Barbier, docteur-médecin, au
Mans.
* Barraud (l'abbé), membre de
l'Institut des provinces, à Beau-
vais.
* Barthélémy, architecte, à Rouen.
Barthélémy ( Anatole de) , secré-
taire-général de la préfecture , à
St.-Brieux.
* Barthélémy (Edouard de),
propriétaire , à Châlons.
Basse, ancien député, au Mans.
Bastard (Léon de), archiviste
paléographe, à Paris, place de
Bourgogne, n°. 3.
Bastard du Mesmeur (Le), pro-
priétaire, a Rennes.
Bastien, curé de St. -Martin, à
Pont-a-Mousson.
Baudouin, architecte, 5 Avallon.
* Baudot, président de la Com-
mission archéologique de la Côte-
d'Or, à Dijon.
* Baudry ( Paul ) , à Rouen.
* Baux, archiviste, à Bourg.
Bazin (Charles), ancien magistrat,
au château de Furnerault , par
Aillant-sur-Cholon (Yonne).
Beauchamp ( Charles de ), proprié-
taire, à Pons ( Charente-Infre. ).
Beaucourt (de), à Mesnil-sur-
Blangy (Calvados).
* Beau fort (le comte de), pro-
priétaire, à Picauville (Manche;.
Beaulieu, vice-président de la So-
ciété de statistique, à Niort.
Beauluère (de la), inspecteur des
monuments, à Laval.
POUR LA. CONSERVATION DES MONUMENTS.
177
Beaurepaire de Louvagny (le
comte de), propriétaire, à Lou-
vagny, près Falaise.
* Béchade, percepteur, à St.-Bar-
thélemy ( Lot-et-Garonne ).
* Beglot, propriétaire, à Reims.
Bédel , avocat, au Mans.
* Bellefond (Mrae, la CtC8se. de),
à Caen.
* Bellet de Tavernoz, proprié-
taire, à Lyon.
Bengy-Puyvallée (de), président
de la Société d'agriculture, à
Bourges.
Bengy-Puyvallée (Henry de), à
Bourges.
* Bénoist, architecte, à Lyon.
Bérard aîné, propriétaire ù Pont-
lieue (Sarlhe).
* Bergeret, architecte, à Lyon.
* Bergues la Garde, membre de
l'Université , à Castel-Jaloux
(Lot-et-Garonne).
Berry , conseiller à la Cour d'ap-
pel , à Bourges.
* Bertrand de Doue, président de
la Société académique, au Puy.
* Bertrand, doyen de la Faculté
des Lettres, maire de Caen.
Béru (de), à Béru (Yonne).
Bessert, chef d'escadron d'artillerie
en retraite, à Metz.
Bessières, directeur des contribu-
tions directes, à Pau.
Bethuis, avocat, au Mans.
Bevière, propriétaire, à Laon.
Bezier-Lafosse, architecte, à St.-
Servan (Ille-et-Vilaine).
Bigant , conseiller a la Cour d'ap-
pel, a Douai.
Bigotière ( de la ) , à la Bigotière
(Eure).
Bilart, archiviste, au Mans.
* Billon, docteur-médecin, àLi-
sieux.
Binaut, docteur en médecine, à
Lille.
* Bizeul, membre de l'Institut
des provinces, ù Blain (Loire-
Inférieure).
Bizy ( le Vte. Adrien de ) , à Bizy ,
près Guérigny ( Nièvre ).
Bizy ( le G,e. Gaspard de), à Bizy,
près Guérigny.
* BLACAs(leducXavierde),àParis.
Blains (des ), à Ambronay (Ain).
* Blais (l'abbé Auguste), curé
deBrestot (Eure ).
* Blanchetière, conducteur des
ponls-et-chaussées, à Caen.
* BLANCMESNiL(C,e. de ) , à Paris.
Blaudy (l'abbé), curé de St.-
Maxime, a Confolens.
* Bligny , propriétaire, à Rouen.
Blin, payeur du déparlement, à
Bourges.
* Blois ( Ch. de ) , ancien député ,
à Qu imper.
Blottière, sculpteur, au Mans.
Boislève-Df.sroyers, maire, à
Langeais (Indre-et-Loire).
Boisrenaud (le comte de), pro-
priétaire, à Paris.
* Boissieu (Alphonse de), à Lyon.
Boivin, architecte du déparlement,
à Auxene.
378 LISTE DES MEMBRES DE
* Bonald (Mgr. de) , cardinal,
archevêque de Lyon.
Bonnechose (de) , à Bayeux.
* Bonneuil (le comte de), à Paris.
Bonnetat ( l'abbé ) , curé de Cas-
telnau-d'Urban.
Bonneton, architecte, à Gannat.
Bonvouloir (Cie. de), à Morlain.
* Bordeaux (Raymond), docteur
en droit , à Evreux.
Bordecôte (de), substitut du pro-
cureur de la République, à Pont-
Audemer.
Bossm, horticulteur, à Paris.
Bottin, membre de plusieurs Aca-
démies , à Paris.
* Boucher-du-Vigny, propriétaire,
à Coutances.
* Boucher de Molandon , à Or-
léans, et à Reuilly, par Pont-
aux-Moines ( Loiret ).
Bouchet (Paul), architecte, au
Mans.
* Boudant (l'abbé), membre de
l'Institut des provinces , curé de
Chantelle (Allier).
Boudin , sculpteur , à Gisors.
Bouet (Ch. ), à Caen.
* Bouillet, membre de l'Institut
des provinces , à Clermont-Fer-
rand.
* Boulangé, membre de l'Institut
des provinces, ingénieur des
ponts-et-chaussées , à Metz.
Boulart (Emile), juge de paix, à
Richelieu.
Bouquerel de Plainville, pro-
priétaire, à Bayeux.
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Bourassé (l'abbé), chanoine, à
Tours.
Bourdon-Durocher , officier en re-
traite , au Mans.
Bourdont, directeur delà fabrique
de verres peints , à Paris.
Bourgeois (Justin), propriétaire,
à Saintes.
Bourgoing (le C,c. François), à
Paris , rue de la Ferme-des-
Mathurins , 15.
Bocrmont ( le comte Charles de ) ,
propriétaire, à Caen.
Bourse (l'abbé), curé, à Neuvy.
Boutton-l'Evêque , maire des
Ponts-de-Cé.
Bouvet (l'abbé), curé de Foui-
tourte (Sarthe).
Mgr. Bouvier, évoque du Mans.
Boyer, ancien professeur, au Mans.
* Brébisson ( de) , à Falaise.
Bréda (le comte Raymond de),
propriétaire, à Paris.
* Breil de Landal (Cte.), proprié-
taire, à Landal (Ille-et-Vilaiue).
Bretagne ( de ) , inspecteur des
contributions directes , à Laon.
Bréville, à Caen.
Briand (l'abbé), chanoine hono-
raire , à Saintes.
Briffaut (l'abbé), curé de Saumur.
* Eriges (Mqs. de), propriétaire,
à Caen.
* Brion, docteur-médecin, à Li-
sieux.
Brisson, secrétaire en chef de la
Mairie, à la Rochelle.
Bkoc ( du ) , à Moulins.
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
379
Brûlé (l'abbé) , aumônier des
religieuses de la Ste. -En Tance,
à Sens.
Brun-Lavaine , propriétaire, à
Turcoing (Nord).
Bucaille (Gustave), propriétaire,
à Paris.
Budillon, curé de Bavin ( Isère ).
Bulliot, à Autun.
Bures (de), conseiller de préfec-
ture, à Moulins.
Bussières (Emile), architecte, à
Bourges.
* Buyer (Jules de), propriétaire,
• la Chaudeau.
Buzonnière (de), membre de l'In-
stitut des provinces , à Orléans.
C.
Cabaret, propriétaire, à Lille.
* Caix (de), propriétaire, àQues-
nay (Calvados).
* Campion , avocat, à Lisieux.
Canat ( Marcel ) , membre de la
Société archéologique de Chà-
lons-sur-Saône.
Caneto (l'abbé) , supérieur du
séminaire, à Auch.
Canchy (de ), propriétaire, à Sens.
* Cardin, ancien magistrat, à
Poitiers.
Caresme (l'abbé), curé, au Bec-
Hellouin (Eure).
Carné (l'abbé), curé de St.-Hi-
laire-du-Harcouet (Manche).
* CAnRAUD, propriétaire, à Lyon.
Castel, agent-voyerchef, àBayeux,
secrétaire-général de la Société
académique.
* Castel\au d'Essenault (Guil-
laume de), propriétaire, a Bor-
deaux.
Caulaincourt ( le comte de ), pro-
priétaire, à Lille.
* Caumont (de), directeur de la
Société française, à Caen.
Caumont (Mmc. de), à Caen.
Caumont ( S'VCroix) , proprié-
taire, à Avranches.
* Caussin de Perceval , procu-
reur-général , à Caen ( Cal-
vados ).
* Cayrol (de), ancien député, à
Compiègne.
Caze (de) , à Rouen.
* Chailloit des Barres (le baron
de ), à Sainpuis (Yonne).
Challe père, avocat, à Auxerre.
* Champagney ( Mme. la marquise
de), à Craon (Mayenne).
Champoiseau (Noël), membre de
plusieurs Académies, à Paris.
Cuancel (de), président de la
Société archéologique, à An-
goulême.
Chaources (le comte de), pro-
priétaire, à Piacé (Sarthe).
* Charbonnier de la Guesnerie,
propriétaire, à Angers.
* Chardon du Ranquet, à Cler-
mont-Ferrand.
Charié, juge suppléant, à Auxerre.
Charles (Louis), à la Ferté-Ber-
nard.
Charon ( l'abbé ), curé de St.-
Marcel (Indre).
Charton, conseiller d'Etat, direc-
380 LISTE DES MEMBRES DE
teur du Magasin pittoresque, à
Paris.
* Chasteignier (comte Alexis de),
officier des haras, à Villeneuve-
sur-Lot.
* Chastellux ( le comte de) , pro-
priétaire, à Paris.
Chatel, peintre, directeur de la
fabrique des vitraux peints , au
Mans.
Chaulieu (le baron Hugues de),
à Vire.
Chalsotte [ l'abbé ), curé de St.-
Mandé.
Chauvenet (de), juge d'instruc-
tion , à St.-Quentin.
Chauvet, ingénieur, à Clermont-
Ferrand.
Chergé (de), inspecteur des mo-
numents, à Poitiers.
* Chevalier (l'abbé ) , à Vaulan-
dry (Maine-et-Loire).
Chevalier, membre du Conseil
général, à La Châtre.
* Chevalier, rue Duc-de-Chartres,
à Rouen.
Chevreau (l'abbé), supérieur du
séminaire, au Mans.
* Chipier, architecte, à Ecuilly,
près Lyon.
Choisy, professeur au collège de
Falaise.
Choulot (le Ctr. de ) , à Savigny-
les-Vaux , près Nevers.
Cirot (l'abbé), a Bordeaux.
* Cissey (Louis de), propriétaire,
à Cissey (Côte-d'Or).
Clément (l'abbé), curé de SU-
LA. SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Amand-en-Puysaie (Nièvre ).
* Clerc (Edouard), conseiller à
la Cour d'appel, à Besançon.
Clermont-Gallerande (de), au
Mans.
Clermont-Tonnerre ( le marquis
de), à Amiens.
Clermont-Tonnerre (de), à Ancy-
le-Franc (Yonne).
Clervacx (Jules de), propriétaire,
à Saintes.
CLiNCHAMPs(de), propriétaire, au
Mans.
* Cochet (l'abbé), ancien aumô-
nier du collège de Rouen.
Cochin , adjoint au maire du 10e.
arrondissement, a Paris.
Coetlosqlet .( Cbarles de ) , à
Metz.
Coetlosqlet (Maurice de), pro-
priétaire, à Metz.
Coffinet (l'abbé), secrétaire de
l'évêché deTroyes.
* Collan-Castaigne, propriétaire,
à Bolbec ( Calvados ).
* Collart, capitaine d'artillerie,
à Metz.
Collas ( l'abbé ) , cbapelain de la
Maison des Sis. -Anges, à Rouen.
Collombel (del, propriétaire, à
Cristot (Calvados).
* Commarmont , conservateur du
Musée, membre de l'Institut des
provinces, à Lyon.
* Contencin (baron de), directeur
de l'administration des cultes.
Coqi'Art (l'abbé), curédeGuibray.
Cornillet, notaire, à Lamballe.
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
381
* Courbon, avoué, à St.-Etienne
( Loire ).
Courcelles ( comle de), proprié-
taire, à Lille.
Courty, avocat, a Caen.
CounvAL ( le Ve. de , , à Piuon
( Aisne ) .
Mgr. Cousseau, évêque d'Angou-
lême, membre de l'Institut des
provinces.
Cosette-Emont, à Amiens.
* Croiset (l'abbé), curé de Ne-
chers, près d'Issoire.
* Crosnier (l'abbé), vicaire-géné-
ral , à Nevers.
Cruvelier fils , propriétaire , à
Celles ( Deux-Sèvres).
Beauvuis.
* Daicnkacx (le marquis Paul),
propriétaire, à l'Isle-Marie
( Manche '.
Dan de la Vautekie, docteur-
médecin , à Caen.
* Darcel, propriétaire, à Paris,
rue Blanche, 6.
* Darras (l'abbé), à Soissons.
Daru (l'abbé), chapelain de l'hô-
pital général, à Auxerre.
* Daudifret (le comte), receveur-
général , à Nantes.
David, ancien député, à Niort.
* David, architecte, au Mans.
Decroi;y, ancien notaire, à Com-
piègne.
Curial (le Ve. ), au château de Dkfontaine (Louis), propriétaire
Mouchy-Humières, près Corn- à Lille.
piègne.
* Ccsson, avocat, à Caen.
* Cossy ( le vicomte de ) , membre
de l'Institut des provinces, a
St. -Mandé, près Paris.
* Cussy ( le comte de), proprié-
taire, à Caen.
* Cuvelier (Auguste), proprié-
taire, à Lille.
D.
Daciiez , inspecteur des domaines,
à Auxerre.
Dally, architecte, à Paris.
Damas (le Ve. Edmond de), pro-
priétaire, à Paris.
Damourette (l'abbé), aumônier
du collège, à Chàteauroux.
* Danjou, juge, à Beauvais.
* Danse, président du tribunal, à
Decoltin (Alphonse), substitut
du procureur delà République,
a Briey.
Dehamel-Bellenglise , proprié-
taire, à Lille.
De La Bigne-Villenelve, à Rennes.
* De La Cbouquais, président à
la Cour d'appel, à Caen.
* Delafosse , propriétaire , à
Rennes ; Ille-et-Vilaine ).
Delaigle ( l'abbé), curé de Presles-
Thierny*( Aisne ).
* Delaplagne (l'abbé Louis ), vi-
caire de St.-Chamond (Loire).
Delaplanche ( Henri ) , membre du
Conseil général , à Aulun.
De La Bochette, membre de l'Aca-
démie de Màcon , à Autun.
Delarue, architecte du départe-
1k *
382 LISTE DIS MEMBRES DE
ment de la Sarthe, au Mans.
De La Sicotière, membre de l'In-
stitut des provinces, à Alençon.
* Delatour-Du-Pin-Gouvernet,
propriétaire, à Pise.
Delaunat , architecte, à Bayeux.
* Delhorme , directeur du Musée ,
à Vienne.
* Deligand , statuaire , à Paris.
* Delzons ( le baron ) , juge , à
Aurillac.
* Dents, ancien maire, à Com-
mercy.
Dermigny , à Péronne.
Dérobe, architecte du départe-
ment, à Metz.
Dersu , juge au tribunal civil de
Laon.
* Desbouis, bibliothécaire de la
ville de Clermont-Ferrand.
Des Cars ( l'abbé 1, chanoine ho-
noraire, principal du collège, à
Château-Gonthier.
* Des Cars (le comte François ) ,
à Paris.
Deshayes, architecte, a Caen.
* Desjardins, architecte, à Lyon.
* Des Moulins ( Charles 1 , membre
de l'Institut des provinces, à
Bordeaux (Gironde).
Desnoyers (Charles), avocat, à
Beauvais.
Desnoyers, avocat, à Bayeux.
* Desnoyers (l'abbé) , vicaire-
général, membre de l'Institut
des provinces, à Orléans.
* Desponts (l'abbé), curé de SU-
Nicolas, à Coutances.
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Desportes, conservateur du musée,
au Mans.
* Des Roberts (Adolphe), proprié-
taire, à Metz.
* Devoucoux (l'abbé) , vicaire-
général, à Autun.
* Didion, capitaine d'artillerie,
professeur a l'école d'application,
à Metz.
* Didron, secrétaire du comité des
arts, à Paris.
* Dol, avocat, à Marseille.
* Douesnel (Alexandre), ancien
député, à Bayeux.
Mgr. de Dreux-Brézé, évêque de
Moulins.
Driolet , architecte, à Nantes.
* Drolet , ancien maître de forges,
membre de l'Institut des pro-
vinces, au Mans.
* Drouyn (Léo), à Bordeaux.
* Dubier, maire, à Vallennes.
* Duboys (Albert), ancien magis-
trat, à Grenoble.
Duboys (Auguste), pharmacien,
à Limoges.
Duboueg, juge au tribunal civil
de Falaise.
* Du Broc de Seganges, à Moulins
(Allier).
Duchange , chevalier de la Légion
d'honneur, à Laon.
* Duchatellier , membre de l'In-
stitut des provinces, à Versailles.
* Ducoin (Auguste), à Lyon.
Dudf.zers.eul (ils, propriétaire, à
Bennes.
* Mg\ DufAtre, évêque de Nevers.
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
383
Ducuk, ancien notaire, a Conlye
(Sarthe).
* Du Manoir (le comte), maire,
a Juaye.
Dumesnil-Dubuisson (le comte), à
La Garenne ( Eure).
* Du Moncf.l (vicomte Théodose),
propriétaire, à Cherbourg.
Dumont de St.-Priest , à Limoges.
Dumorisson, juge de paix, ù Pont
\ Charente-Inférieure).
Dumoutet, sculpteur, à Bourges.
* Dupasquier (Louis), architecte,
à Lyon.
Duplessis (l'abbé), aumônier des
Caimélites de Nevers.
* Dupont-Loncrais ( Auguste ) ,
propriétaire, à Caen.
Dupray-Lamahérie, substitut, à
Argentan.
* Dupuis, vice-président du tri-
bunal chil d'Orléans.
Duquenelle, membre de l'Aca-
démie, à Reims.
Durand (Louis), propriétaire, à
Metz.
* Durand, architecte du dépar-
tement, à Bayonne.
* Duranville (Léon de), à Rouen.
Duru, aumônier de l'Ecole nor-
male, à Auxerre.
* Duval, vicaire de la cathédrale,
ù Amiens.
Duvivier (Antony), propriétaire,
à Nevers.
E.
Eblé, lieutenant-colonel d'artil-
lerie , à Metz.
Edom, recteur de l'Académie, au
Mans.
Elie Bigot, propriétaire, à Angers.
Emont, vicaire du Pré, au Mans.
* Escars (le duc d' ) , à la Roche-
de-Bran (Vienne).
* Espaulart (Adolphe), proprié-
taire, au Mans.
Espiard (Edouard d') vice-prési-
dent de la Société éduenne, à
Autun.
Espiard (Henri d'), à Autun.
Estera (le comte d' ) , au château
de Vesore, près Autun.
Etoc dk Mazy, médecin de l'asile
des aliénés , au Mans.
Eudeline (l'abbé), vicaire, à Vil-
lers-Bocage.
F.
Feuille* , juge de paix, à Lyon.
Fialeix, peintre, directeur de la
fabrique de vitraux peints, au
Mans.
* Flechet, architecte, à Lyon.
Fleury (Edouard), à Laon.
Foblant (Maurice de), ancien
député, à Nancy.
* Fontenay (Joseph de), proprié-
taire, à Autun.
* Fontette (baron Emmanuel de),
ancien député du Calvados, à
Caen.
* Formigny de la Londe (de),
propriétaire, à Caen.
Fortin (l'abbé), curé de la cathé-
drale, à Auxerre.
Foucault (le comte de), au
Mans.
384 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Francheville (Amédée de), à Sar-
zeau ( Morbihan ).
Franchepin (de), propriétaire, à
Metz.
Franqueville (de), à Toumebu
( Calvados).
Fremainville (Raoul de), pro-
priétaire, à St.-Brieux.
* Frémiot (le baron de), rue du
Faubourg St.-Honoré, 58, à
Paris.
Fresnais ( l'abbé ), vicaire, à Passy.
Fresnaye (baron de la), membre
de l'Institut des provinces, à
Falaise.
Froment, propriétaire, à St.-Tho-
mas (Aisne).
Fruchaud (l'abbé), vicaire-général,
à Angoulûme.
G.
Gaide (l'abbé), curé de St. -Jac-
ques, à Reims.
Gagnon, architecte, à Laon.
Gallard, propriétaire, à Mont-
Coutant ( Deux-Sèvres \
Gallois, conservateur du musée
archéologique de ÎNevers.
Garcan (le baron de), membre
de l'Académie, à Metz.
* Garinet, conseiller de préfec-
ture, à Chàlons-sur-Marne.
Garoteau, notaire, à Champde-
niers (Deux-Sèvres).
Garod (Pierre), propriétaire, à
Lyon.
* Gaugain, propriétaire, à Bayeux.
Gaultier, conseiller à la Cour de
cassation , à Paris.
Gaultry , conservateur des hypo-
thèques, à Sens.
Gaumé, professeur de dessin, au
Mans.
Gautier-du-Mottay , à Flerin
( Côtes-du-Nord ).
Gelineau, procureur de la Répu-
blique, à Montmorillon.
Genoiillac (le vicomte de), à
Rennes.
Gérallt (l'abbé) , chanoine hono-
raire, curé de St.-Vénérand, à
Laval (Mayenne).
* Gf.slin de Bourgogne, à Saint-
Brieux.
Girault de Prangey, inspecteur
des monuments, à Langres.
Givelet (Charles), à Reims.
* Givenchy fde) , membre de
l'Institut des provinces, à St.-
Omer.
Givenchy (Charles de), à St.-Omer.
* Glanville (Léonce de), pro-
priétaire, à Rouen.
* Godard-Saint-Jean (l'abbé), pro-
fesseur au grand séminaire, à
Langres.
* Godard-Faultrier, à Angers.
Godefroy (l'abbé), curé de Blos-
seviile-Bon-Secours, près Rouen.
Godefroy (de), ancien sous-préfet,
à Paris.
Godefroy (l'abbé), professeur au
séminaire, a Nancy.
* Goguel, membre de l'Institut des
provinces, principal du collège
de Bouxviller (Bas-Rhin).
* Gonidec de Tressan ( Le ) père,
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS. 3»D
à Montanel, pris
propriétaire, à Vitré.
Goum (Henri), propriétaire, à
Tours.
Gourgues (le comte Alexis de),
membre de l'Institut des provin-
ces, à Lanquais (Dordogne).
* Mg\. Gousset , membre de l'In-
stitut des provinces, cardinal-
archevêque de Reims.
* Grandval (marquis de), proprié-
taire, à St.-Denys-Maisoncelles
(Calvados).
Grégoire, architecte du départe-
ment de la Seine-Inférieure, à
Rouen.
Grignï (Alexandre), architecte,
à Arias.
Grimault, membre du Conseil
général, au Mans.
Gris de la Pommera ye (Le), pro-
priétaire, au Mans.
Giéranger, chimiste, au Mans.
Giérin fils, architecte, à Tours.
Guerrier de Dumas, membre de
lTnstitut des provinces, président
de l'Académie , à Nancy.
Guillaud (l'abbé), professeur
d'histoire au petit séminaire, à
Grenoble.
Guillemin (Félix), avocat, à
Avesnes.
Guillois (l'abbé), curé du Pré,
au Mans.
Guillory aîné, président de la So-
ciété industrielle, à Angers.
Guinoiseau fils, propriétaire, à
Angers.
* Guiton (le vicomte de), pro-
priétaire ,
Avranches.
* Guy, architecte, à Caen.
H.
Hache, propriétaire, à Paris.
Haigneuy (Daniel), professeur,
à Roulognc-sur-Mer.
* Halléguen (le docteur ) , à Cha-
teaulin ( Finistère).
Hamon, membre du Conseil général,
au Mans.
* Hardel, imprimeur, à Caen.
* Hardouin, membre de plusieurs
académies , à Valformand , près
Rennes.
Hatat, archiviste du département,
à Chàlons-sur-Marne.
Hauteclooue (le baron de), ancien
maire d'Arras.
Herbigny (d' ) , conseiller de pré-
fecture, à Lille.
* Héricourt (le comte d'), pro-
priétaire, à Arras.
* Hermand (Alexandre), membre
de lTnstitut des provinces, a
St. -Orner.
Hekmand (Octave), propriétaire,
à St. -Orner.
Hehpin, docteur-médecin, à Metz.
Hespel d'Hogrok (Albéric d'), pro-
priétaire, à Lille.
Hespel (le comte d'), propriétaire,
à Haubourin ( Nord ).
* Heudreville (d' ), secrétaire de
la Société d'émulation, a Lisieux.
Hidé, propriétaire, à Bruyères,
près Laon.
* Hollandre, ancien bibliothé-
386 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
caire, à Metz.
IIoudet, propriétaire, à Nantes.
Houel (Ephrem) , inspecteur-
général des Haras, à St.-Lo.
Ho art (baron Emmanuel d'),
membre de l'Académie , à Metz.
* Hucher, membre de l'Institut
des provinces , à Paris.
Hlchot (l'abbé), curé archiprôtre,
à Conflans (Moselle).
Humbert, architecte, à Nancy.
Hurault (l'abbé) , curé de Pou-
ques-les-Eaux, près Nevers.
I.
* Izarn (Armand d'), proprié-
taire, à Nantes.
J.
* Jabouin, sculpteur, à Bordeaux.
Jacob, imprimeur-libraire, à Or-
léans.
Jarossay, antiquaire, au Mans.
* Jessé-Charleval (le marquis de),
à Arles.
Jeannot (l'abbé), curé de la ca-
thédrale de Nevers.
Jobal (de), propriétaire, à Blois.
Joffroy (Auguste), architecte du
département , à Avignon.
* Mgr. Joly, archevêque de Sens.
Joly-le-Terme, architecte, à Sau-
mur.
* Jouin (l'abbé), vicaire-général,
à Evreux.
Jousset des Berries, juge d'in-
struction , au Mans.
* Jouve (Gustave), chanoine, à
Valence.
K
Kerdrel ( de ) , député , mem-
bre de l'Association bretonne ,
à Bennes.
Kercariou fils (le comte de ), pro-
priétaire , à Bennes.
Kercorlay ( de ) , membre de l'In-
stitut des provinces.
* Kéridec ( de ) , député , pro-
priétaire , à Hennebont (Mor-
bihan ).
I
* Labbé, juge de paix, à Hérieux.
Labille ( Amable) , architecte , à
Paris.
Laboirt , ancien magistrat , à
Doullens.
La Chèvre (Edgard), avocat, à
Evreux.
Mgr. Lacroix , évêque de Ba-
yonne.
Lacroix ( l'abbé ) , curé , à Mon-
tierneuf.
Lacroix, pharmacien, à Màcon.
* Lacurie (l'abbé), membre de
l'Institut des provinces, à Saintes.
* Laffetay (l'abbé), chanoine,
a Bayeux.
Lagarenne (de), à Alençon.
* Lair , conseiller de préfecture ,
membre de plusieurs Académies,
à Caen.
Lallier, substitut du procureur
de la Bépublique, à Sens.
Lalondf. (Arthur de), rue de la
Bochefoucault, à Bouen.
La Londe (de), ancien officier de
cavalerie, à Bouen.
POUR LA CONSERVATION OIvS MONUMENTS. 387
* Lambert, conservateur de la bi- Leblanc ( Léon \ juge, à Auxerre.
bliolhèque , à Bayeux. * Le Blond, entrepreneur de bati-
* Lambron de Lignim , membre de ments, à Gisors.
lTiisliluL des provinces, à Tours. Le Boucher , propriétaire, à Caen.
Lamort ( l'abbé ), chanoine hono- Lebrun, aumônier du collège de
raire, curé doyen à Oisy (Pas- Nevers.
de-Calais ). * Le Carpentier fds, à Honfleur.
Lamotte, architecte, à Caen. Le Chat, propriétaire, au Mans.
Landel , ancien conseiller de pré- Léchaudé-d'Anisy , propriétaire , à
fecture, au Mans. Paris.
* Lanc:le( Ve. de) ! propriétaire J Le Chevalier, avoué, à Pont-
à Vitré. l'Evèque.
* Langlois, architecte, a Rennes. Leclerc (Achille'
* Lapoudaye, président du tribu-
nal civil , ù La Béole.
Large, inspecteur de l'Académie,
à Cîermond-Ferrand.
Larivière le Moigne, procureur
de la République, à Paimbœuf.
* La Rivière (Mme. la comtesse
de) , à Caen.
Lassagne ( l'abbé ) , aumônier des
membre de
l'Institut , à Paris.
Leclerc, maire de Falaise.
* Leclerc de la Prairie (Jules ) ,
président de la Société archéo-
logique , à Soissons.
Leclerc-Guillory, propriétaire, à
Angers.
Le Cointre-Dupont, propriétaire,
à Poitiers.
prisons, chanoine honoraire, à Le Cointre (Eugène), propriétaire,
St..-Etienne ( Loire ).
* Latouche (Lucien de), proprié-
taire, à Mayenne.
Lainay, professeur au collège de
Vendôme.
Laurance, principal du collège, à
Perpignan.
à Poitiers.
* Le Comte (l'abbé), vicaire de
St. -François, au Havre.
* Le Comte (l'abbé), curé de
Cuffies ( Aisne ).
* Le Cordier, ancien député, à
Paris.
Ladreau (l'abbé), directeur au Lecourt, avoué, à Pont-1'Évêque.
Le Couvreur (l'abbé), principal
du collège de Domfront.
Le Creps fds, à Caen.
Le Dicte du Flos, président du
tribunal civil, à Clermont (Oisel.
Leblanc, ancien ingénieur en chef, Le Febvre (l'abbé François), pro-
à Auxerre. fesseur à Boulogne-sur-Mer.
séminaire , à Auxerre.
Laurent-Lesseré , ancien maire,
à Auxerre.
Lavirotte, archéologue, a Arnay-
le-Duc.
388 LISTE DES MEMBRES DE
Le Fèvre du Rufflé , ministre des
travaux publics , à Paris.
Lefranc (l'abbé), professeur à
l'institution de St. -Vincent, à
Senlis.
Leger-Tailhardat, architecte, à
Montluçon.
* Le Glay, membre de l'Institut,
à Lille.
* Mgr. Le Herpeur , évoque de
la Martinique.
Le Lièvre (Ernest), maire de Loos
(Nord).
Le Lyon, chanoine, à Evreux.
Lemaire (l'abbé ), au petit sémi-
naire, à Laon.
Le Maxon (l'abbé), à St.-Jean-
Beuré (Loire-Inférieure).
Lemerchier, propriétaire^ Amiens.
* Le Monnier, propriétaire, au
Havre.
Lenglart (Louis), propriétaire,
à Lille.
Le Noir (l'abbé), curé de Font-
gombault (Indre).
Le Normand de Courmel, direc-
teur des contributions directes,
au Mans.
Le Prince , archiviste de la Société
d'agriculture, sciences et arts,
au Mans.
Lereffait, propriétaire, à Pont-
Audemer.
Leroux, docteur-médecin, à Cor-
beny (Aisne).
Leroux, notaire honoraire, à Sens.
Leroy, horticulteur, à Angers.
Le Roy (Octave), procureur de
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
la République, à Cherbourg.
* Lesseville (Edouard de), à
Chalons.
* Lestoile (de), à Lande-Chasle,
près Angers.
Le Sueuu, propriétaire, à Huppain
(Calvados).
Le Tertre, bibliothécaire, à Cou-
tances.
Le Trône, au Mans.
Leutre (de), président du tribu-
nal civil , à Gaillac ( Tarn ).
Le Vavasseur (Gustave), à Ar-
gentan.
Le Voyer, supérieur du séminaire
de Combrée ( Maine-et-Loire).
* Liberge, architecte, à Nantes.
Liger, architecte, à Rouen.
Limal, juge, à Saintes.
Livet (l'abbé ), aumônier de l'hos-
pice, au Mans.
Lochet ( l'abbé ) , vicaire de la
Couture , au Mans.
Lonclas, sous-intendant militaire,
à Auxerre.
Lorière (Gustave de ) , avocat à la
Cour de Paris, à Moulin-Vieux ,
commune d'Asnières (Sarthe).
* Lottin (l'abbé), chanoine, mem-
bre de l'Institut des provinces,
au Mans.
Louvel ( l'abbé ), membre de l'Aca-
démie de Rouen, principal du
collège de Dieppe.
* Loyac (marquis de), à Ven-
dée livre (Sarthe).
* Lusson (Antoine), peintre ver-
rier, à Paris.
FOUR LA CONSERVATION DUS MONUMENTS.
* Luynes (le duc de), membre
de l'Institut, à Paris.
* Lizarches, propriétaire, à Tours.
m.
Maciiart, ingénieur en chef des
ponts-et-chaussées, à Bourses.
Mac-Mahon (le comte), proprié-
taire, à Autun.
* Machbco (M'ue. la comtesse de),
à Alleret (Haute-Loire).
Magdeleine, ancien ingénieur en
chef, à Amiens.
Magny (Benjamin de), maire de
Rapilly.
Mahul, ancien préfet, à Paris.
Magnan, maire de Nointel (Oise).
* Mailly (le comte de), à Requeil
(Sarthe).
Maisniel de Liercoirt (le comte
de), à Abbeville.
Malbos (de), à Privas (Ardèche).
Malezieux (de) , à Senlis.
* Mallay, architecte, a Clermont-
Fcrrand.
Mallet, ancien notaire, à Bayeux.
* Manceau (l'abbé), chanoine, à
Tours.
Mandelot (le comte de), à Autun.
Manin, avocat, à Lauzun.
Marchand, correspondant du mi-
nistère de l'Instruction publique,
près Briare (Loiret).
Maréchal, ingénieur des ponts-et-
chaussées, à Bourges.
Marey-Monge (Ernest), à Nuits.
Margueron, propriétaire, à Tours.
Mgr. de Marguerye, évèque de
St.-Flour.
389
* Mamulla (du), à Quimper.
* Marion (Jules), inspecteur de
la Côte-d'Or, à Paris.
* Martainville (le marquis de),
rue de l'Université, a Paris.
* Martin (l'abbé Arthur), à Paris.
Martin, membre du Conseil géné-
ral de l'Aisne, à Rosoy-sur-
Serre.
Massardière ( de la ) , secrétaire de
la Société d'émulation, à Châ-
tellerault.
Masson (l'abbé), curé de Dieuse
( Meurthe).
Massot, instituteur, à Tancin
(Isère).
Massot, avocat, à Auxerre.
Matiian (le baron Edgard de) ,
chef d'escadron au 1er. régiment
de spahis, à Milianah.
Mathieu, propriétaire, à Auxerre.
Mathon, bibliothécaire, à Neuf-
cbâtel.
Mathon , archiviste de la préfec-
ture, à Laon.
Maubué, ingénieur des ponts-et-
chaussées , à Niort.
Malmigny (le comte Victor de), à
Nevers.
Mecflet (de), propriétaire, à
Quesnay.
Mefre, architecte, à Rambouillet.
* Mège ( l'abbé ) , curé du canton
de Morestel (Isère).
* Mellet (le comte de), à Chal-
trait (Marne).
Menard-Bournichon, chef de ba-
taillon du génie, au Mans.
25
390 LISTE DES MEMBRES DE
Menuet de Lathonne, notaire, à
St.-Claude (Charente).
* Mérode (le comte de), à Trelon
(Nord).
* Mesmin ( de St. ) , correspondant
de l'Institut, à Dijon.
* Métayer (Le), avocat, à Pont-
PÉvêque.
Métayer (Léon), à Evreux.
Michelaos ( François ) , sculpteur ,
à Valence.
Mieulles (de), receveur général ,
à Nevers.
Migné, imprimeur-typographe, à
Châteauroux.
Millet, inspecteur des forêts, à
Laon.
Millet (l'abhé) , chanoine hono-
raire , directeur du grand sémi-
naire, à Nevers.
Milly (Alphonse de), à Milly
(Manche).
Minard, conseiller à la Cour d'appel
de Douai.
Minoret (E. ), avocat, à la Cour
d'appel de Paris.
* Mirbeau ( l'abbé 1, à Rayma-
lard (Orne ).
Moll, architecte, à Paris.
* Montalembekt ( le comte de ) ,
député, à Paris.
* MoNTENARD(le C'e. de), au châ-
teau de Tancin , près Grenoble.
* Montlair (C,c. de), directeur
de l'art en province , à Moulins.
Moqdin-Tandon, professeur à la
faculté , à Toulouse.
Mordret, docteur-médecin, au
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Mans.
* Morière, directeur des cours
spéciaux du Lycée, à Caen.
Morin , avoué, à Saintes.
Morissure (de) fils, à Nogent-le-
Rotrou.
Molfflet, proviseur du Lycée,
à Grenoble.
* Moi'quet, receveur particulier
des finances , à Dieppe.
Molsseron, conseiller de pré-
fecture, au Mans.
Moyriat { le vicomte Arthur de ) ,
à Paris.
Mozel ( Alcide ) , substitut, à
Paimbœuf.
IV.
* Nau, architecte, inspecteur des
monuments, à Nantes.
Nanquette, curé de St.-Maurice,
à Reims.
Nettencourt f comte de), colonel
en retraite, à St.-Laurs (Deux-
Sèvres ).
* Nicolaï (le marquis de), à Mont-
fort { Sarthe ).
Nicolas, (Alexandre), architecte
de la ville de Lisieux.
* Niepce, président de la Société
d'histoire et d'archéologie , à
Châlons-sur-Saône.
* Noget (l'abbé), supérieur du
séminaire de Sommervieu.
Ncgent (de), à Paris.
©
Ochier , docteur en médecine, à
Cluny (Saône-et-Loire).
* Oilliamson (le marquis d'), à
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
391
St.-Germain-Langot (Calvados }.
* Olive, docteur-médecin, à Ba-
veux.
Oppkrmann, capitaine de lanciers ,
à Tours.
P.
Fallu, juge, au Mans.
* Passy, ancien préfet, à Paris.
* Pastoret ( le marquis Amédée
de ) , à Paris.
* Pat y, membre de l'Institut des
provinces, a Dreux.
* Pauffin, juge honoraire, à
Rethel ( Ardennes ).
Pautet, conservateur de la biblio-
thèque, a Beaune.
Pavie ( Victor ) , imprimeur , à
Angers.
" Pelet (Auguste), inspecteur des
monuments, à Nîmes.
* Pelfresne, architecte, à Caen.
Peribnke, propriétaire, à Laon.
Pernot, peintre, à Vassy (Haute-
Marne).
Perrin, architecte, à Strasbourg.
Perrot de Chezf.lles, substitut, à
Chàlons-sur-Marne.
* Person (l'abbé), à Rochefort.
* Petit (l'abbé Le), curé à Tilly-
sur-Seulles.
* Petit (Victor- , membre de l'In-
stitut des provinces, à Paris.
Petit-Sigallt, maître de pension,
à Auxerre.
Petit deRosen, à Tongres (Bel-
gique ).
* Peyré, membre du Conseil gé-
néral, à Villefranche (Rhône).
Pezet, président du tribunal civil,
à Bayeux.
Pezet (Gustave), juge suppléant,
à Pont-1'Évéque.
* Pmilbert (l'abbé), au Mans.
* Mme. Philippe-Lemaître, pro-
priétaire, à Illeville (Eure).
Picot de Va u logé (comte de),
propriétaire, a Vaulogé (Sarthe).
Piette (Edouard), président du
tribunal de commerce, à Vervins
( Aisne ).
Piette (Amédée), contrôleur des
contributions directes, à Laon.
* Pigeon de la gineste, avocat,
à Couze (Dordogne).
Pigeory, architecte, à Paris, quai
Malaquais, n°, 15.
* Pinard, rue de Tournon , 23 , à
Paris.
Pimel'x (le chevalier de), à Paris.
Piquenot, sculpteur, à Séez.
Poeydavant, receveur de l'enre-
gistrement, à Luçon.
Pomereu (le vicomte Armand de),
à Paris.
Ponsort (Anatole de), proprié-
taire, à Chalons-sur-Marne.
* Pontgibald (le comte César de) ,
au château de Fontenay, par
Montebourg (Manche).
* Poquet (l'abbé), directeur de
rétablissemeut des sourds-muets,
à Soissons.
Potier (Hubert) , peintre, à Paris,
rue de la Visitation des Dames
Sie.-Marie, ancien n°. \k.
Poussielgle (Placide), orfèvre, à
392 LISTE DES MEMBRES DE
Paris.
Preaulx (le Mq 8 de), a Pouancé
( Maine-et-Loire ).
Précy, membre du Conseil gé-
néral de l'Yonne, à Auxerre.
Prost ( Auguste ), propriétaire, à
Metz.
Q
* Quantin , archiviste du départe-
ment de l'Yonne, à Auxerre.
Quatrebarbes (lecomte Théodore
de ) , à Angers.
* Quenault, conseiller de préfec-
ture, à Chartres.
Qi'erry (l'abbé), vicaire-général,
à Reims.
Quertier (l'abbé), vicaire de la
cathédrale, à Rouen
Queyras (l'abbé), curé, à la Roche-
de-GIun (Drôme).
K.
Rabillaud (l'abbé) , curé de Mail-
lezais.
* Raymond (de), architecte, à
Nantes.
Raymond (l'abbé ), curé de Notre-
Dame, à Bourges.
* Raynal, awcat-général à la Cour
de cassation , à Paris.
Redet, archiviste du département,
membre de l'Institut des pro-
vinces, à Poitiers.
Mgr. Régnier, arche\êque de
Cambrai.
Régnier (l'abbé), curé, à Dives.
Renault, membre de l'Institut,
juge d'instruction, à Coutances.
Mmc. Renault, à Paris.
LÀ SOCIÉTÉ FRANÇAISE
ReiNneville (comte de), proprié-
taire, à Amiens.
Rey (Victor), maire, ù Autun.
* Ricard, secrétaire de la Société
archéologique, à Montpellier.
Richard de Nancy, docteur-mé-
decin , à Lyon.
Richard, adjoint au maire du
Mans.
Richebourg (de), propriétaire,
au Mans.
Rigault de Grannet (de), à Chà-
lons-sur-Marne.
Rigolot, docteur-médecin, mem-
bre de l'Institut des provinces,
à Amiens.
Riobé , substitut du procureur de
la République, au Mans.
* Riol'St de l'Argentaye, député,
propriétaire, à Argeiilaye (Côles-
du-Nord).
* Robert , intendant militaire, à
Metz.
Robert (l'abbé), curé de Notre-
Dame, à Poitiers.
M"e. Robin , propriétaire , à
Bourges.
* Mgr. Robin, évêque de Baveux.
Rocher (l'abbé), curé de la Cha-
pelle St.-Mesmin.
Rochet (l'abbé) , à St.-Jean-
d'Angely.
* Roisin ( le baron de ) , membre
de l'Institut des provinces, a
Trêves.
Romain (l'abbé), professeur au
séminaire de Notre-Dame de
Liesse (Aisne).
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
3 9 3
Rondier , juge d'instruction , à
Molles.
* Rostan, avocat, à St.-Muxiiniii
(Var).
* Rostolan (de), à Evrcux.
Rouit, directeur de l'Ecole nor-
male, à Laon.
* Rougniard (161 chevalier), pro-
priétaire, a Lyon.
* Roulière ( Victorin de lu ) , pro-
priétaire, à Niort.
Rousseau (l'abbé), curé de Ver-
ruyes (Deux- Sèvres).
Rousseau, professeur de dessin,
au Mans.
* Rousteau (l'abbé), professeur
d'archéologie au séminaire de
Nantes.
* Roux ( l'abbé), à Feurs (Loire).
* Roux(P.-M. !, docteur en mé-
decine, membre de l'Institut des
provinces , à Marseille.
Rouyer, employé des postes, à
Paris.
Royer-Vial, à Lyon.
Roze-Cartier , propriétaire , à
Tours.
Roze (Henri;, ancien ingénieur
en cbef des ponts-et-ebaussées,
à Sens.
Ruillé, conseiller de préfecture,
au Mans.
* Ruillé (de), propriétaire, à
Ruillé (Mayenne).
Ruprick (Robert), architecte du
gouvernement, à Paris.
S.
Sagette (l'abbé), professeur au
petit séminaire de Bergerac.
* Sagot, membre de plusieurs
académies, à Paris.
Sagot (K. ), architecte, à Paris.
* Saint-Aldcgonde (de), ù Outre-
laize.
Saint-Aignan (le vicomte de), con-
seiller d'Etat, à Paris.
Saint-Florent (de), propriétaire,
à Vendeuvre , près Nancy.
Sainte-Foy (Mme de), née mar-
quise de Rois-d'Ennemets, aux
Thilliers-en-Vexin (Eure ).
Saint-Germain (de), propriétaire,
à Apilly (Manche).
* Saint-Germain (de), propriétaire,
à Evreux.
Saint- Rémy (de), directeur de
l'asile des aliénés, au Mans.
* Saint-Simon ( de ) , à Toulouse.
* Saint-Seine (le marquis de), à
Dijon.
Sallot, docteur-médecin, à Vesoul.
* Salmon , membre du Conseil
général de la Sarthe, à Sablé.
Santerre (l'abbé), vicaire-général,
à Pamiers.
* Sarcé (de), propriétaire, à
Hodbert-St. -Christophe (Indre-
et-Loire1.
Saubinet, membre de l'Académie,
à Reims.
* Saullay de Laistre, président
de la Société archéologique, à
St.-Brieux.
* Saussaye (de la), membre de
ITnstilut, à Paris.
Sauvage, avocat, a Mortain.
39fr LISTE DES MEMBRES DE
Savin, curé doyen de la Made-
leine, à Lille.
Savoye (Amédée), architecte, à
Lyon.
Scelles( l'abbé), professeur de rhé-
torique , à Vire.
Sebaux (l'abbé), secrétaire parti-
culier de Mgr. l'Evêque, au
Mans.
Segrestain, architecte du départe-
ment, à Niort.
* Seheult, architecte du départe-
ment , à Nantes.
Sénécuant , curé de Massognes
(Vienne).
Senonnes (le marquis de), pro-
priétaire, à Angers.
Sergent (l'abbé;, recteur de l'Aca-
démie, vicaire-général, à Ne-
vers.
Sesmaisons (le comte de), proprié-
taire, à Flamanville (Manche).
Sevin, propriétaire, à Falaise.
Sicamois, oflicier de l'Université , à
St.-Brieux.
Simon, membre de l'Institut des
provinces, secrétaire de l'Aca-
démie , à Metz.
Simon ( Félix ) , à Metz.
* Shinger, directeur de la compa-
gnie d'assurance mutuelle mobi-
lière, au Mans.
Solerac (de), au Pavillon du Sacq.
* Soultrait (comte Georges de) ,
membre de plusieurs Académies ,
au château de Toury (Nièvre).
Soi'rdeval ( de ) , juge , membre de
l'Institut des provinces, à Tours.
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Stengel, oflicier supérieur en re-
traite, à Paris.
Stoclet (l'abbé), vicaire de la ca-
thédrale, à Laon.
Surrault, principal du collège, à
Melles.
* Surigny (de), à Màcon.
T.
Tambour fils, à Mâcon.
Tarbé de Vauxclairs , ingénieur
en chef des ponts-et-chaussées ,
à Laon.
Tarnaud (Frédéric), banquier, à
Limoges.
TASsiLLY,maître de pension, à Caen.
Taunay , juge suppléant près le tri-
bunal de première instance, à
Poitiers.
Tavernier (l'abbé), curé-archi-
diacre de St.-Quentin (Aisne).
Tavigny, avocat, a Bayeux.
* Tellot ( Henry ) , propriétaire ,
a Dreux.
* Teste-] )ou et, membre du comité
des arts et monuments, à Paris.
Tévenart , curé-archiprêtre , à
Laon (Aisne).
* Texier (l'abbé), supérieur du
séminaire du Dorât ( Haute-
Vienne ).
* Thevenot , membre de l'Institut
des provinces, à Clermont-Fer-
rand.
* Thibault ( Emile) , membre de
l'Académie, à Clermont-Ferrand.
Thiollet, dessinateur au dépôt
central de l'artillerie, à Paris.
TnouROUDF.,curédePlanches(Orne).
POUR LA CONSERVATION OES MONUMENTS.
19 5
Th.lt (le comte de), propriétaire ,
au Mans.
Tirard, curé, à Vire.
* Tonnelier , greffier en chef du
tribunal civil, à Sens.
Van-der-Straten ( le baron de ) , à
Metz.
* VahIsbgbbw, architecte, à Nantes.
Varin (l'abbé} , curé de Vaucelles ,
à Caen.
Tonnelier, juge d'instruction, à Varnet, cure de Carlin (Isère).
Auxerre.
Tourette ( Gilles delà), proprié-
taire , à Loudun.
* Tournesac (l'abbé), chanoine,
au Mans.
Torquat ( l'abbé de ) , vicaire de
St.-Aignan, a Orléans.
Touvre, curé d'Olley ( Moselle).
Vaudev (l'abbé), curé de St.-
Georges (Yonne).
Vaudjon, sous-inspecteur des écoles
primaires, à Alençon.
* Vauqcelin ^ baron de) , proprié-
taire, à Ailly (Calvados).
Vautenet ide^, à Paris.
* Vautier (Abel , député, à Caen.
Toustain (Henry de) , au château Vacher (l'abbé ), curé de Thury-
de Vaux-sur-Aure.
TnANciiANT,curéde.Iort (Calvados,!.
Tridon (l'abbé), à Troyes.
Troppé (l'abbé), chanoine, prin-
cipal du collège , à Bayeux.
* Turgot ( le marquis de ) , ancien
Ilarcourt ( Calvados ).
Vée, curé d'Enlrains (Nièvre).
Verdier, professeur de mathéma-
tiques, au Mans.
Virnanges, docteur en théologie,
à Lyon.
pair de France, à Lantheuil Verneilh (de), de l'Institut des
(Calvados). provinces, à Nonlron (Dordo-
V. gne .
Vagner , imprimeur, membre de Verneilh (Jules de), à Nontron.
l'Académie , à Nancy.
Valgorge (de), à l'Argentière
( Ardèche ).
Vallée (l'abbé), vicaire-général,
à Cambrai.
Vallée (Platon), docteur-médecin,
au Mans.
Valorï (le comte Gabriel de ) , à
St. -André-sur-Cail ly.
Valroger (l'abbé), chanoine, à
Bayeux.
Vanackf.re, imprimeur-libraire, à
Lille.
* Veriiolles f Paul , architecte du
département, à Caen.
Vesvrottes (Clc. de), à Paris.
* Vibraye (le marquis de), membre
de l'Institut des Provinces, à
Court-Cheverny (Loir-et-Cher).
Vibraye ( le Cie. de ) , au château
de Bazoches (Nièvre).
Vigneral (le comte de), à Ry
(Orne).
Vignon , ingénieur en chef de la
rivière d'Yonne, à Auxerre.
Vignoine (l'abbé), archidiacre de
396 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
* Voisin (l'abbé), vicaire du Pré,
au Mans.
* VuatriNj avocat, à Béarnais.
W.
Vervins ( Aisne ).
Villars (Mme. de), au Havre.
Villefossf. (de), archiviste du
département de la Nièvre , à
Nevers.
* Villecille ( de la ) , secrétaire
du comité bistorique, à Paris.
ViLLF.its (François), architecte, à
Angers.
* Villers (Georges), propriétaire,
à Bayeux.
Villiers ( de ), contrôleur des con-
tributions , à Paris.
Vin as (l'abbé Léon), curé de
Monferrier.
Vincent (Charles1, chef de bureau
a la préfecture, à Lille.
Vincent (Gustave ), peintre orne-
maniste, à Bordeaux.
Vincent (l'abbé), vicaire-général,
au Mans.
Violette (l'abbé), curé de Cosne
(Nièvre).
Voillemer, docteur-médecin, à
Senlis.
Walsh (le vicomte Edouard), à
Paris.
Watteau (l'abbé), chanoine ho-
noraire, à Angoulême.
Weil, architecte du gouvernement,
à Beauvais.
* Weis, membre de l'Institut,
conservateur de la bibliothèque,
à Besançon.
Williot, secrétaire de la Société
archéologique de Soissons.
* Wint ( Paul de ) , à Paris.
Woillez, membre de plusieurs
académies, à Senlis.
Y.
* Yemeniz, négociant, à Lyon.
* Youf (l'abbé), supérieur du
Don-Sauveur, à Caen.
Yvory, sculpteur, à Baveux.
Membres étrangers.
MM.
A
Ainsworth ( le général ), à Monnet
( Yorkshire ).
Alvin, directeur de l'instruction
publique, a Bruxelles.
Aleswold, président de la régence,
à Trêves.
Avei.lino (le chevalier) , conserva-
teur en chef du musée de Naples.
B.
Bavley (W. H.), de Londres.
Boeh, conseiller aulique, professeur
à l'Université de Heidelberg.
Boissei:ée Sulpice), correspondant
de l'Institut de France, à Mu-
nich.
Bold (Ed.), capitaine de la marine
royale , à Southampton.
* Biunckeu (de), conseiller d'Etat,
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS. M7
GONELLA.
Gueiilache (le baron de), premier
président de la Cour de cassa-
tion, a Bruxelles.
Guillery, professeur, membre de
l'Académie, a Bruxelles.
à Brunswick.
Buitton , à Londres.
Bukaanj), membre étranger de
l'Institut des provinces, doyen
de Westminster, professeur de
géologie, à Oxford.
C
* Carton (l'abbé), directeur de
l'établissement des sourds-muets,
à Bruges.
* Coeverden (de), docteur en droit,
conseiller intime de S. M. le Boi
de Prusse, à Coblentz.
Coppietters ( le docteur) , à Iprcs.
D.
* Donalston, secrétaire de l'Institut
des architectes, à Londres.
Dcmortier, membre de la chambre
des représentants, à Tournay.
Duby, pasteur protestant, à Genève.
W.
* Fabry-Rossius, docteur ès-lettres,
à Liège.
Florencocrt (de), membre de
plusieurs académies, adminis-
trateur du musée d'antiquités,
à Trêves.
* Fustemberg-Sta.nheim (le comte
de ) , chambellan du roi de
Prusse, à Apollinarisberg, près
Cologne.
G.
Mg\ Geissei. , archevêque de Co-
logne.
Grlvet (comte de ), à Esloo, près
MEaestrech.
GhjHkhuis , négociant, h Botter-
dam.
II.
Hubsch, membre du conseil supé-
rieur des bâtiments, à Carlsruhe.
H.
Kesteloodt, propriétaire, à Gand.
Kreuser, membre de plusieurs
Sociétés savantes , à Cologne.
* Krieg de Hochfelden, aide-de-
camp de S. A. B. le grand-duc
de Bade , à Carlsruhe.
Kugler (Franz), professeur à l'Aca-
démie de Berlin.
Kull, professeur à l'Académie de
Berlin.
L
Mgr. Labis , évêque de Tournay.
Mgr. Laurent, évêque de Luxem-
bourg.
* Le Maistke d'Anstaing, pro-
priétaire , à Tournay.
* Lenhart, sculpteur, à Cologne.
* Lopez (le chevalier), conser-
vateur du musée d'antiquités de
Parme.
m
Makcos (Gustave), libraire, à Bonn.
Mone, directeur des archives géné-
rales du grand duché de Bade,
a Carlsruhe.
Mosler (Charles, professeur à
l'Académie royale de Dusseldorf!
* MgT. Miller, évêque de Munster.
25
398 LISTE DES MEMBRES DE
M.
Nryf.n (Auguste), propriétaire, à
Luxembourg.
NicnoLS ( John-Gough ) , membre
de la Société des Antiquaires de
Londres.
Noël (de), propriétaire, à Cologne.
Panizzi (Antonio), l'un des con-
servateurs de la bibliothèque de
Londres.
* Parker, membre de la Société
architecturale, ù Oxford.
Q
* Quast (le baron de), conservateur
général des monuments histori-
ques de Prusse, membre étran-
ger de l'Institut des provinces
de France.
R.
Ramboux, conservateur du musée
de Cologne.
Reichensperger, conseiller à la
Cour d'appel , à Cologne.
Reider, professeur à l'école poly-
technique de Bamberg.
Respileux, chanoine, doyen de la
cathédrale de Tournay.
Ring (de), membre de plusieurs
Sociétés savantes , à Fribourg ,
en Brisgaw.
Roulex, professeur de l'Université
de Gand, membre étranger de
l'Institut des provinces.
S.
San Quintino (le comte de),
membre de plusieurs Sociétés
savantes, à Turin.
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
Sauzail Socmeigne (baron de),
à Francfort.
Schayes, membre de l'Académie,
à Bruxelles.
Schenase (Charles), procureur du
Roi, à Dusseldorf.
Schneman, professeur au collège
royal de Trêves.
Schrierer, professeur des sciences
auxiliaires historiques à l'Uni-
versité de Fribourg.
* Serra di Falco (duc de), prince
de San Pietro, membre étranger
de l'Institut des provinces, à
Palerme.
Sheffield-Grace, ù Knowle-House,
comté de Kent.
Smolveren , membre de la députa-
tion permanente de la province
d'Anvers.
Stampfe (de), vice-président du
tribunal de Munster.
T.
Tempest, membre de la Société
des Antiquaires de Londres.
U.
Uruciis, professeur, directeur du
musée d'antiquités, à Bonn.
V.
Voisin ( l'abbé ) , vicaire-général ,
à Tournay.
W.
Walsch, rue de l'Université, 82 ,
à Paris.
Wardel (William), architecte,
membre de l'Institut royal des
architectes d'Angleterre, à Lon-
dres.
POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
399
* Warnkoenio, membre de lTn-
stitut, et professeur à Tubingen,
membre étranger de l'Institut
des provinces.
Wetter, membre de plusieurs
Académies, à Mayence.
* Whewel , docteur en théologie ,
professeur, à Cambridge.
archéologique de Sinsheim.
Willis, membre de plusieurs Aca-
démies, professeur, à Cambridge.
Y.
* Yates, membre de plusieurs
Sociétés savantes, à Londres.
Yobio (l'abbé de), chanoine, l'un
des conservateurs du musée de
Wilhem, directeur de la Société Naples.
COMPTE
RENDU PAU LE TRÉSORIER DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE POUR LA CONSERVATION DES
MONUMENTS HISTORIQUES,
DES RECETTES & DÉPENSES DE L'ANNÉE 1851
RECETTES.
Excédant du compte de 1850 15,600 77
Cotisations recouvrées sur l'année 1849. ... 10 »
Id. sur l'année 1850. ... 870 »
Recettes de 1851 6,135 »
Total. . . 22,615 77
DÉPENSES.
RECOUVREMENT DES COTISATIONS.
Frais de recouvrement 242 19
CONCIERGE.
Traitement du concierge et fournitures 60 »
IMPRESSIONS.
Mémoire de l'imprimeur en 1851 2,233 »
A reporter. . . . 2,535 19
COMPTE RENDU PAU LE TRÉSORIER. Ml
Report. . . 2,535 19
Gravure et tirage d'une planche pour le compte-
rendu de 1850 ' 60 »
Vignettes pour le compte-rendu des séances. . . 185 »
PORTS DE LETTRES ET AFFRANCHISSEMENTS.
Ports de lettres t paquets et affranchissement. . 108 60
Affranchissement de l'Abécédaire archéologique
et du Compte-rendu des Séances 351 Ih
SÉANCES GÉNÉRALES.
irais relatifs aux séances générales à Paris ,
Laon , Nevers et Gisors 309 40
Cotisations au Congres d'Orléans 20 >
Dépenses de la division du Mans 03
ALLOCATIONS SOLDÉES.
Membres chargés de la sur-
veillance des travaux.
M. Delaunay. Réparations à l'église de
St. -Loup 100 »
M, Leclerc. Souscription pour la statue
de G uillaume - le - Con-
quérant 200 »
M. l'abbé Boudant. Réparations à l'église de
Chantclle 100 »
M. l'abbé Clément. Fouilles aux Pasquicrs. . . 50 »
M. Piette. Id. à Nisy-le-Comte. . . . 200 >•
M. le Curé de Suèvres. Id. à Suèvres 100 »
MM. de Coetlosquet
et Boulangé. Restauration d'un monu-
A reporter. ... 4,562 93
/i02
COMPTE
M. leCurédeSuèvres
M. de Brébisson.
M. DE Beaurepaire.
M. DE VERNEILH.
M. DE BONNEUIL.
M. VÉROLLES.
M. le Maire de Gisors.
M. Baudouin.
M. Quantum.
MM.DROUETetDAMD
Id.
ld.
Id.
Id.
ld.
Id.
RENDU PAR LE TRÉSORIER.
Report. . . 4,562 93
ment dans l'église de St.-
Martin de Metz 100 »
Réparations à l'église de
Suèvres. 50 ».
Fouilles au M1. -d'Eraines. 100 »
Restauration d'une verrière
de l'église de Notre- Dame
duTouchet 100 »
Réparations à l'église St.-
Martialde Valette. ... 145 »
Id. à l'église collégiale de
Melun 100 »
Id. à l'église du Breuil. . 150 »
Id. au château de Gisors. 150 »
Fouilles à Si. -Révérien. . 100 »
A-compte sur des fouilles
à Auxerre 60 >
. Achat d'antiquités pour le
musée archéologique du
Mans (en 1850 et 1851). 500 »
Réparations à l'église du
Pré 100 »
ld. à l'église de Sillé-le-
Guillaumc 100 »
Id. à l'église de Châleau-
rilermilage ( en 1850
et 1851 ) 200 ..
ld. à celle de Neuvy. . . 100 »
ld. , id. de Chcux 100 »
Souscription pour le buste
du générai Négrier. . . 25 »
Total. .... 6,722 93
COMPTE RENDU PAR LE TRÉSORIER 403
BALANCE.
Recette 22,615 77
Dépense. . . . (3,722 93
Excédant en caisse. . 15,892 8/i
ALLOCATIONS NON ENCORE ACQUITTÉES.
Membres chargea de lu sur-
veillance des travaux.
M. Tabbé Barraud. Eglise de St. -Germer. . . 500 »
M. le Maire d'Orléans. Souscription à la statue
équestrede Jeanne d'Arc. 200 »
Fouilles a Fcurs 50 »
MM.deBeaukepaire
et de Bréiusson. Tour de Rouvres 300 »
M. des Moulins. Réparations à la croix de
Nérigean 50 »
M. l'abbé Arbellot. Moulages à Limoges. . . 150 »
M. des Moulins. Somme à la disposition de
l'inspecteur divisionnaire
de Bordeaux 278 «
M. l'abbé Charron. Crypte de St. -Marcel. . . 100 >
M. E. THIRAUD. Réparations à l'église de
St. -Georges-ès- Ailiers. . 100 >
M. Bulliot. Rétablissement de la croix
du Mont-Beuvray. ... 100 >
M. de Glahville. Réparations à l'église de
Branville 100
M. l'abbé Crosnier. Réparations à l'église de
Jaillv 200
A reporter. . . . 2,128 »
404 COMPTE RENDU PAR EE TRÉSORIER.
Report. . . 2,128 »
M. l'abbé Lepetit. Restauration d'une chapelle
de l'église d'Evrecy. . . 1 00 »
Mgr. I'Evêque de Ne-
vers. Réparations - à l'église de
St. -Sauge 100 »
M. Quantin. Fouilles à Montmartre et à
Auxerre 60 »>
M. Lallier. Id. à Sens 50 »
2,438 .»
SITUATION FINANCIÈRE.
Excédant 15,892 84
Allocations à solder 2,438 »
Fonds libres. ... 13,454 84
Arrêlé à Bayeux, le 26 juin 1852.
Le Trésorier ,
L. Gaugain.
TABLE
DES MATIÈRES
Congrès archéologique de France, XVIIIe. session
tenue à Laon et à Nevers 5
Première séance du 6 juin 6
Discours de M. te comte de Mérode 9
Note de M. Am. Piette \k
Mémoire de MM. Bretagne et Rouit sur ta
pierre votive de Nizy-te- Comte 18
Note de M. Gomart 34
Seconde séance dît d juin 36
Visite de ta cathédrale et de quelques autres
édifices de la ville de Laon ld.
Séance du 7 juin Ul
Note de M. Millet Id.
Lettre de M, VoiLLEZ 49
Excursion archéologique à l'abbaye de Vau-
clair 66
Description des dessins représentant le bâti-
ment connu sous le nom de grange de l'ab-
baye de Vauclair , par M. Victor Petit. . 73
Séance du 8 juillet 88
406 TABLE DES MATIÈRES.
Mémoire de M. UotTT 89
Notice de M. Bretagne 97
Notice de M. l'abbé Lecomte 101
Deuxième partie de la session, à Nevers Ht
Première séance du 10 juin Id.
Note de M. Laureau de ïhory 138
Seconde séance du 10 juin ICI
Première séance du 11 juin 160
Communication de M. l'abbé Clément. ... 179
Deuxième séance du 11 juin 183
Mémoire de M. Bulliot sur lemontBeuvray. 184
Première séance du 12 juin 215
Deuxième séance du 12 juin 227
Première séance du l'djuin 250
Rapport de M. Bulliot sur l'excursion du
Congrès de Nevers ci Varennes 251
Visite du Congrès au musée nivernais 255
Procès-verbal de la visite aumuséede la Porte-
du-Croux 280
Deuxième séance du 13 juin 285
Excursioîi à La Charité 30/j
Visite à la cathédrale de Nevers. ...... 31/|
Rapport adressé à M. Le Petit , secrétaire-général de
la Société française , sur les conduits du château de
St.-Verain; par M. l'abbé Clément, membre de
la Société 328
TABLE DES MATIÈRES. /l()7
Séance tenue à Gisors ( Eure ) , le samedi k octobre
1851, pendant ta réunion de l'Association Nor-
mande 339
Excursion à St. - Germer , par la Société française , le
6 octobre 1851 357
Tableau des Inspecteurs nommés par le Conseil , aux
termes du règlement de la Société 372
Liste générale des membres de la Société française
pour la conservation des monuments par ordre al-
phabétique 375
Compte-rendu par le trésorier de la Société pour
la conservation des monuments historiques, des
recettes et dépenses de l'année 1851 400
FIN DE LA TABLE,
ADDITION,
Ajouter au tableau des inspecteurs : division do la Bretagne
M. Geslin de Bourgogne ,
Inspecteur des Côtes-du-Nord.
Caen,iui|. de A. I'jmiil.
CONGRES ARCHÉOLOGIQUE
Les membres de la Société française sont convoqués, à Dijon ,
pour le ier. juillet i85'2.- M. Baudot, un des secrétaires-
généraux de la session, recevra les notices qui seront destinées
au Congrès.
Indication des villes dans lesquelles se sont tenus les Congrès archéo-
logiques annuels de la Société française , depuis l'année 1834.
(834 — Caen.
,855— Douai.
,836 — Blois.
1837 — Le Mans.
1 858 — Tours.
1859 — Amiens.
1840 — Niort.
1841 — Angers.
1842 — Bordeaux.
1843 — Poitiers.
i844 — Saintes.
i845— Lille.
1846 — Metz.
1847 — Sens.
I849 — Bourges.
i85o — Auxerre.
i85r — Nevers.
iS5s — Dijon.
Indépendamment de ces Congrès, la Société a tenu des sessions
ou des séances générales, plus ou moins importantes, à Rennes, à
Nantes , à Vannes , à Avranches , à St.-Lo , à Coutances , à
Cherbourg, à Bayeux, à Vire, à Mortain. à Falaise,* Alencon,
à Mortagne ,à Rouen, à Dieppe, à Pont-Audemer , à Honfleur,
à Besancon, à Metz, à Strasbourg, à Lyon, à Clermont, à Ninies,
à Neufchâtel, à Reims, à Evreux, à Paris, à Autun, à Châlons-
sur-Saône, à Marseille, à Angoulême, à Limoges, à Lillebonne
et à Bernay.
Statistique Monumentale du Calvados; par M. de Caumout .
tome 2e., comprenant l'arrondissement de Falaise, on volume de
600 pages, orné de 200 vignettes. — Le. 5e. volume est sous presse.
( acn, Typ. de A. Hàïdil ,
GETTY CENTER LINRARY
3 3125 00671 3818
1
A
/
~c
X
-M»
A
,-?.
/■