CONGRÈS
ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANGE
XL'' SESSION
/ r
SEANCES GENERALES
TENUES
A CHATEAUROUX ^
EX 1893
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
POUR LA CONSERVATION ET LA DESCRIPTION DES MONUMENTS
PARIS
DERACHE, — DIDRON, — DUMOULL\, LIBRAIRES
TOURS
JULES BOUSEREZ, IMPRIMEUR
1874
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES
A CHATEAUROUX
CONGRÈS
ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANCE
XL" SESSION
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES
A CHATEAUROUX
EX 1S93
PAR LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
POUR LA CONSERVATION ET LA DESCRIPTION DES MONUMENTS
PARIS
DERAGHE, — DIDRON, — DUMOULIN, LIBRAIRES
TOURS
JULES BOUSEREZ, IMPRIMEUR
1874
THE J. PAUL GETTV CENVER
LIBRARY
LISTE GENERALE
DES MEMBRES DE LÀ SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ARCHÉOLOGIE
Par ordre Géographique et Alphabétique (1).
Bureau central.
MM. DE COUGNY, directeur de la Société, au château de la Grille, près Chinon.
L'abbé LE PETIT, chanoine honoraire de Reims et de Bayeux, doyen de
Tilly-sur-SeulIes, membre de l'Institut des provinces, secrétaire général.
DE LAURIERE, inspecteur général, 15, rue des Saints-Pères, a Paris.
DE BEAUREPAIRE, conseiller à la Cour d'appel, secrétaire adjoint, à Caen.
DE CHA VIGNY (Félix), secrétaire adjoint, à Chinon.
BOUET, inspecteur des monuments du Calvados, rue de l'Académie, G,
à Caen.
L. GAUGAIN, trésorier archiviste, rue de la Marine, 3, à Caen.
Conseil d'Administration.
Le Conseil se compose du Directeur, de quarante officiers de la
Société et de quarante membres ordinaires résidant dans les diffé-
rentes parties de la France, indiqués, dans la Liste générale, par
des caractères italiques (2).
Les Ministres, le Directeur général des Cultes, l'Inspecteur géné-
ral des monumenis historiques, les Cardinaux, Archevêques et
Évèques de France font de droit partie du Conseil.
(1) Ceux de MM. les Membres de la Société dont les noms seraient omis sur cette
liste, et ceux qui auraient a indiquer des rectifications pour leurs noms, qualités
ou domicile, sont priés d'adresser leurs réclamations à M. le Secrétaire général de
la Société, ou à M. Gal(;ain, trésorier archiviste, rue de la Marine, 3, à Caen.
(2) Le nombre des membres ordinaires actuellement en fonctions, dépassant
quarante, devra être réduit à ce chiffre dans la prochaine réunion du Conseil
administratif.
XL*' SESSION. - A
LISTE 1»ES MEMBRES
LISTE GENERALE DES MEMBRES.
L'astérisque (*) désigne les Membres de la Société abonnés
au Bulletin monumental (4).
(Les noms des membres da Conseil sont désignés par le caractère italique.)
l'-e DIVISION.
:xorçr>. r»AS-x>E-CAiL, aïs , som>ie: et oise.
Inspecteur divisionnaire : ' M. DESCHAMPS DE PAS, ingénieur des
ponts et chaussées, à Saint-Omer.
Inspecteur: M. le comte de CAi'LAiNcotRT, à Lille.
Alart, banquier, membre de l'Institut * Doiai (la Société d'agriculture, scien-
des provinces, à Dunkerquc. ces et arts de).
BoNVARLET (A.),consul de Danemark, Godefroy de Mesxii.(;laise (le niar-
id. quis de), ancien sous-préfet, k Lille,
Callaixcourt (le comte Anatole de), à et à Paris, rue de Grenelle, 93.
Lille. Herv"ïn (Jean-Philippe), à Bergues
CoRTiL(rabbé), membre de l'Académie (Nord).
d'Archéologie de Belgique, curé de La Royère (de), notaire honoraire,
Vyldcr. président de la Commission des
"CfVELiF.R (Auguste), a Lille. moëres françaises, à Bergues.
Delaftf.r (l'abbé), curé doyen de Saint- Lefebre, secrétaire général de la So-
Éloi, h Dunkerque. ciété d'émulation de Cambrai.
(1)Le Bulletin monumental, qui a conquis, depuis W ans, un rang si distin-
gué parmi les publications archéologiques de la France et de l'étranger, parait de
si» semaines en six semaines, illustré d'un grand nombre de figures. Pour le rece-
voir, les membres doivent ajouter Itifr. à leur cotisation annuelle, pour la
France, et 1 S/;-, pour l'étranger.
DE LA SOCIETE FHANCAISE D ARCHEOLOGIE.
m
Leroy, architecte, à Lille.
MiNARD, conseiller à la Cour d'appel
de Douai.
Preux, avocat général, à Douai.
'Régnier (Mgr), archevêque de Cam-
brai.
■ ScDRii (l'abbé), supérieur du grand-
séminaire, a Cambrai.
Vallée (l'abbé), vicaire général, id.
Vendegies (le comte Charles de), à
Cambrai.
Fincent (Charles), chef de division à
la préfecture, à Lille.
Pas-de-Calais.
Inspecteur: M. l'abbé Van Drival, chanoine d'Arras.
■ Alv, artiste-peintre, à Rinxent.
Cardevaoi^e (Alphonse de), proprié-
taire, à Saint-Omer.
'Desciiamps de Pas, ingénieur des
ponts et chaussées, id.
GiVENCHY (Charles de), id.
Grebet (l'abbé Fran(;ois-Joseph), curé
de Wierre-aux-Bois.
Ha(;érie (Amédée de Keugny d'), au
château de Soseingghem.
Héricourt (le comte d'), k Arras.
Hays (E. du), au château de Courset.
Lefebvre (l'abbé F.), à Halinghem.
Leoletïe (Mgr), évoque d'Arras.
Lejeune (Emile-Ernest), président de
la Société Philotechnique, à Calais.
Linas (le chevalier de), à Arras.
Maillard - Géneau ( Antoine - Désiré-
Alexandre), archéologue, à Samer.
Quandalle (Cyprien), receveur muni-
cipal, membre de plusieurs Sociétés
savantes, à Montreuil-sur-Mer.
Richard, archiviste du Pas-de-Calais,
a Arras.
SoL'OL'ET (Achille), à Étaples.
VA>i Drival (l'abbé), chanoine titu-
laire, à Arras.
Ssomine.
Inspecteur : ' M. Mennechet, conseiller a la Cour d'Amiens.
Amyot (Émeric), capitaine au 119'^
régiment d'infanterie de ligne, à
Amiens.
BeaevillE (le vicomte de), a Montdi-
dier.
Delfortrie, tils, architecte, k Amiens.
' Duval, chanoine titulaire, id.
Ermigny (d'), k Péronne.
Jourdain (l'abbé), chanoine titulaire,
id.
JuMEL, curé deQuevauviller (canton de
Mallien-Vidame).
Mathan (le baron Edgard de), lieute-
nant-colonel en retraite, id.
"Mennechet (Eugène-Alexandre), con-
seiller k la cour d'appel, a Amiens.
Morgan (le baron Thomas de), pro-
l)riétaire, id.
IV
LISTE DES MEMBRES
Oise.
Inspecteur: M. de Marsy, à Compiègne.
Bareald, chanoine titulaire de Beau-
vais.
Brcslé, peintre, à Senlis.
Danjou, président du tribunal civil
de Beauvais.
Latteix (Ludovic), directeur do la fa-
brique de vitraux peints, a Mesnil-
Saint-Firmin.
Lécot (l'abbé), directeur de la Foi
picarde, vicaire à Noyon.
Marsy (Arthur de), conservateur du
musée, élève de lÉcole des Chartes,
à Compiègne.
Martin VAL, curé de Saint-Morain-
ville.
2« DIVISION.
AIS:iVE et .VR,r»ElVT>«rES.
Inspecteur divisionnaire : ' M. GOMART, membre de l'Institut des provinces,
à Saint -Quentin.
^Visrve.
Inspecteur : ' M. Le Proux.
■Baii.i.am;iiirt (Gustave de), a Saint-
Simon.
CiiAiVENET (dei, président du tribunal
civil, à Saint-Quentin.
Dersi, juge au tribunal civil de Laan.
Desaixs, à Saint-Quentin.
'GoMART, membre de l'Institut des
provinces, a Saint-Quentin.
Le Clerc de la Prairie (Jules), prési-
dent de la Société Archéologique, a
Soissons.
" Le Prolx, a Saint-Quentin.
Martin, membre du Conseil général
de l'Aisne, a Rozoy-sur-Serre.
TnÉVENART (l'abbé), chanoine hono-
raire, archiprétre de Laon.
WiLLOT, secrétaire de la Société Ar-
chéologique de Soissons.
Arderxnes.
Inspecteur: ' M. Coity, architecte, à Sedan
Gi ii-LAiME (l'abbé), curé de Buzancy.
Choisy, ingénieur des ponts et chaus-
sées, à Réthcl.
PE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE d' ARCHÉOLOGIE.
3e DIVISION.
MATtlSTE et SEI]VE:-JBT->«A.R,ISrB.
Inspecteur divisionnaire: ' M. le comte de MELLET, membre de
l'Institut des provinces.
îMtarne.
Inspecteur: ' M. Givelet, propriétaire, à Reims.
Barré (l'abbé), curé de Plivot.
• Baye (Joseph de), à Baye.
"Bordé (l'abbé), au château de Baye.
Chaubry de Troucenord (le baron de),
à Cougy.
CosQuiN , membre du Conseil général.
CouNAYE , à Suippes.
Denis (Auguste), à Chàlons-sur-Marne.
Dt'PLESSis, notaire honoraire, à Reims.
DuQUENELLE, membre de l'Académie,
id.
Garinet (Jules), conseiller honoraire
de préfecture, à Chàlons.
'Givelet, membre de l'Académie de
Reims.
Godard (Isidore), suppléant du juge de
paix, à Épernay.
Goulet (François- André), négociant à
Reims.
Landriot (Mgr), archevêque de Reims,
membre de l'Institut des provinces.
Lainois, percepteur, à Reims.
LoisEL, architecte, à Chàlons -sur-
Marne.
"Mellet (le comte de), membre de
l'Institut des provinces, au château
de Chaltrait.
Moignon (Ernest), conseiller de pré-
fecture, à Chàlons.
* Morel, membre du conseil admi-
nistratif, percepteur, a Chàlons.
"NicAisE (Auguste), à Chàlons.
PoisEL, architecte, à Chàlons-sur-
Marne.
Robert, propriétaire, à Reims.
Perrier (Emile), a Chàlons.
Savy (Camille), chef de division à la
préfecture, à Chàlons.
Savy, agent voyer eu chef, membre de
l'Institut des provinces, id.
Simon, a Reims.
ToRTRAT, architecte, id.
• Varnier (C), à Avize.
Werlé (Alfred), a Reims.
Seine- et --Marne.
Inspecteur: M. le vicomte de Bonneiil, à Melun, et à Paris,
rue Saint-Guillaume, 29.
BoYER, a Jouarre. Chapuis.
•Erceville (le comte Gabriel), à -Tiercelin (l'abbé), vicaire, à Jouarre.
VI
LISTE DES MEMBRES
4" DIVISION.
CAIL.VA.OOS, >IAIVCHE, OR.IVE, EUïtE
et SEnvE-nvïT-ÉRiEurtE.
Inspecteur divisionnaire: ' M. DE BEAUREPAIRE, couseiller a la
Cour d'appel de Caen.
Calvados.
Inspecteur : ' M. Bolet.
AciiARD DE Vacocnes (Aniédée), à
Bayeux.
Auberl, membre du Conseil de l'Asso-
ciatiou normande, à Caen.
AiVHAY, architecte de la ville, id.
Bazin (Raoul), à Coudé-sur-Noircau.
Bazin (Alphonse), courtier de navires,
à Caen.
Beal'Colrt (le comte de), au châ-
teau de Morainville, au Mesnil-sur-
Blangy.
■ BioArjuLR, notaire honoraire, a Caen.
" Beaikki'aike (de), conseiller à la Cour
d'appel, k Caen.
Bi.a>(;y (vicomte Auguste de), au châ-
teau de Juvigny.
BoNNELMrjsE (de), a Monceaux.
BosCAis, graveur, k Caen.
■ Bolet, id.
Brëcolrt (de), ancien ofticier de ma-
rine, k Caen.
'Bhioleville (le marquis de), a Gue-
ron.
' Campion, avocat, secrétaire général
de la mairie, a Caen.
Castee, agent voyer chef en retraite, a
Bayeux.
* Caimont (M""= de), a Caeu,
Cazin, propriétaire, a Vire.
Chatel (Victor), a Valcongrain.
Challiel' (le baron de), ancien repré-
sentant, a Vire.
CoRMLiER (le marquis de), k Caen.
* Clssy DE Jl'coville (le marquis de),
k la Cambe.
Dalger (le baron), propriétaire, au
château d'Esquay-sur-Seulles.
Delalnay, architecte, k Bayeux.
Desfrieches (l'abbé), curé d'Ussy.
Deshayes, architecte, k Caen.
"DoiESNEL (A.), ancien député, à
Bayeux.
DoiETiL, k Vire.
Dlbolrc;, juge honoraire au tribunal
civil, k Falaise.
De Ferrage, propriétaire, k Caen.
'Du Manoir (le comte), maire de
Juaye.
DrpoNT, sculpteur, k Caen.
• Dupraij-Lamahérie, conseiller a la
cour d'appel, id.
Farcy (Paul de), a Bayeux.
Ferrand, préfet du Calvados.
Féueriqle (Charles-Antoine), avocat,
a Vire.
Flam)in, membre du Conseil général,
a Pont-rÉvéque.
Floolet, correspondant de l'Institut,
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE d'aRCHÉOLOGIE.
VII
au château de Fonnentin, et rue
d'Anjou- Saiut-Houoré. 52, à Paris.
' Fontette (le baron Emmanuel de),
ancien député, h Monts.
' Formîgny de la Londe (de), aCaen.
Foi'OiF.s (l'abbé), curé de Trois-Monts.
FoLRNÈs (le marquis Arthur de) , à
Veaux-sur-Seulles.
FoLRNiER (l'abbé), curé deClinchainps.
'Gaug.mn, propriétaire, à Caen.
' Grasdval (le marquis de), membre
du Conseil général, à Saint-Denis-
de-Maisoncelles.
GuERMF.R, peintre, à Vire.
GuERMER (l'abbé Léon), aumônier des
hospices, id.
* Guilbert (Georges), membre de l'As-
sociation normande, à Caen.
GiiLLARD, conservateur du musée de
peinture, id.
*Handjéri (le prince), au château de
Manerbe.
*Harcoirt (le duc d'), à Thury-Har-
court.
* Hettier, conseiller général, à Caen.
HcGOMN (Mgr), évêque de Bayeux et
Lisieux.
Laffetaij (l'abbé), chanoine titulaire,
à Bayeux.
* La'Mariouze de Prévarin (de), an-
cien directeur des domaines, a Caen.
Lamotte, architecte, id.
La Porte (Augustin de), à Lisieux.
Le Blanc, imprimeur-libraire, à Caen.
Le Coixte (l'abbé), curé de Cormelles.
*Le Ferron de Loxgcha.mp, docteur
en droit, à Caen.
Leffroy, propriétaire, à Caen.
Le Gouix (l'abbé), curé d'Authie.
"Le Petit (l'abbé), curé-doyen de
Tilly-sur-Seulles.
Létot, propriétaire, à Caen.
'LiDEHARD, propriétaire, id.
■ Loir (l'abbé), curé de Bienfaite.
MARdiERiT DE RocMEFORT (Léoncede),
à Vierville.
MoxTcoMMERY (le comte de), a Fer-
vaques.
Morin-Lavallée, à Vire.
Nicolas (Alexandre), architecte de la
ville de Lisieux.
'OiLLiAMSON (le comte Gabriel d'), au
château de Saint-Germain-Langot.
'Olive, maire d'EUon, rue Écho, à
Bayeux.
* Pannier, avocat, à Lisieux.
Pal'lmier, ancien député à Bretteville-
sur-Laize.
Pépin, docteur-médecin, à Saint-Pierre-
sur-Dives.
* Pierres (de), membre du Conseil gé-
néral, à Souvières.
Picot (l'abbé), supérieur des Mission-
naires de la Délivrande.
PoRQiET (le docteur), à Vire.
Rioult DE Neuville (le vicomte Louis
de), a Livarot.
RnAVLT DU Plessis-Vaidiére, conseiller
à la Cour d'appel, à Caen.
Saint-Jean , membre du Conseil géné-
ral, a Bretteville-le-Rabet.
Saint-Remy (de), à Caen.
Tell()t (Henri), rue des Croisiers, à
Caen.
Tiennotte, inspecteur de l'Association
normande, à Caen.
•Tirard (J.), à Condé-sur-Noireau.
* TissoT, conservateur de la Biblio-
thèque, à Lisieux.
ToisTAiN (le vicomte Henri de), ancien
officier de marine, au château de
Vaux-sur-Aure.
* Travers, ancien professeur à la Fa-
culté des lettres, secrétaire perpétuel
de l'Académie de Caen.
Travers ( E.), conseiller de préfecture,
à Caen.
Venceon (l'abbé), curé de Luc.
VIII
LISTE ItES MEMBRES
Vic.vN (llonri de), inspecteur des fon'ts
en retraite, à la Pelile-l.andede-
Cerquem, par Orbec-en-Auue.
/îV/fCs (Georges de), membre de l'In-
slitut des provinces, a Hayeux.
VvoRY, sculpteur, a Bayeux.
Manche.
Inspecteur: * Mgr Bravard, évoque de Coutances.
• ANNovti.i.F. (Michel d'I, maire, à Au-
derville.
• Bravard (Mgr), évi^que de Coutances
d'Avranches.
Deligand, chanoine, k Coutances.
Hasley (labbé Isidore), curé coadju-
teur d'Hémevez.
Laink, président de la Société archéo-
logique, a Avranches.
" Lk Bki k, à Avranches.
Lk Carddnnei- (1 abbé), archiviste du
diocèse, à Coutances.
Lf. Crf.ps, propriétaire, à Saint-Lô.
Lk GuipiLS (l'abbé), curé de Percy.
Lf. Mkslk (l'abbé), curé de Savigny,
près Saint-Hilaire-du-Harcouët.
Mori.iN, inspecteur de l'Association
normande, à Mortain.
Onfroy ueTracy, percepteur, à Gavray.
Pontgidald (le comte César de), au
château de Fontenay, près Monte-
bourg.
' QiÉNAiLT, ancien sous-préfet de Cou-
tances.
RiGNY (de), receveur des linances , à
Valognes.
RoniÉ (le comte de), au château de
Sainl-Symphorien.
TocoiF.viLLE (le comte de), au château
de Nacqueville.
ViALi.KT, procureur de la République,
à Montmorillon.
Insperlfiiir: M. Léon df. La Sicotiére, membre de l'Assemblée nationiile,
a Alencon.
Barrerey (de), au château de Mati-
gnon, à Essay.
■ lilanrhetirre, ancien conducteur des
ponts et chaussées, membre de l'In-
stitut des provinces, u Domfront.
Camvet, inspecteur de l'Association
normande, au château de Chamboy.
Contaoes (le comte de), membre du
Conseil sénéral, à Sainl-.Maurice.
Fay (le vicomte du), au château de la
Guimandiére.
*L\ Kerhierk (le comte de), au chuleau
de Ronfougeray.
La Gakenne (Je), secrétaire général de
la préfecture, à Alencon.
La Sicotière (Léon de), député de
l'Orne, a Alençon.
Latoi k-Mezeray, ancien maire d'Ar-
gentan, membre du Conseil général
de l'Orne, a Argentan.
Le Cointre (Eugène), a Alençon.
Le Vavasseer (Gustave), membre de
l'Institut des provinces, à la Lande-
(le-Lougé.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE d'aRCIIÉOLOGIE.
IX
Mackai- (le baron de), ancien (k'pulé
au Corps législatif, au chiUeau de
Vimer, par Vimoutiers.
Miitii;, architecte de la ville, a Fiers.
■PAsyrii-H-o'AL'Dii-iKKT (le duc), au
château de Sacy, près Argentan.
Euro.
Inspecteur: ' M. Raymond Bordeaux, docteur en droit,
à Evreux.
Bardf.t, docteur-médecin, îi Bernay.
* BuossEViLLi-; Cle niarcjuis de\ ancien
député, au cliàleau d'Auifreville-la-
Canipagne.
Bourdon (l'abbé), curé de Saint-Ger-
main, à Pont-Audemer.
'Bordeaux (Raymond), docteur en
droit, membre de l'Institut des pro-
vinces, à Evreux.
Caresme (l'abbé), curé de Pinterville.
Dauger (le comte), au château de Men-
neval.
DiiiON (Paul), propriétaire, à Louviers.
Duhamel-Marette, peintre- verrier, à
Evreux.
Guillard (E.), avoué à Louviers.
Lair ( Casimir ) , à Saint-Léger-de-
Rostes.
Lalun, architecte, à Louviers.
La RoNCiÈRE le Noury (le baron Clé-
ment de), amiral au château de Cra-
couville.
Le Blond, entrepreneur de bâtiments,
à Gisors.
Leteuil, huissier, à Breteuil.
LoiSEL, ancien maitre de poste, à la
Rivière-Thibouville.
■ Mali!Ranciie, greflierdu tribunal civil
de Bernay.
Méry (Paul), à Evreux.
Petit (Guillaume), ancien député, à
Louviers.
Prétavoine, membre de l'Institut des
provinces, maire de Louviers.
QuKViLLY (Henri), à Beaumesnil.
Rostolan (le comte de), k Evreux.
*ScHiCKLER, au château de Bizy, près
Vernon.
Seixie-Inférieuro.
Inspecteur : ' M. Léonce de Glanville, membre de l'Institut des provinces,
à Rouen.
Argentré (le vicomte d"), à Rouen.
Barbier de la Serre, sous-inspecteur
des forêts, à Rouen.
* Barthélémy père, architecte, id.
Barthélémy fils, architecte, id.
Baudicourt (Théodule de), id.
Baudry (Paul), id.
Beaurepaire (de), archiviste de la pré-
fecture, à Rouen.
XL* SESSION.
Bertiie (le docteur), membre de l'Asso-
ciation normande, rue Etoupée, id.
Belzeville, rédacteur eu chef du Jour-
nal de Rouen, id.
"Bonnet, sculpteur, rampe Bouvreuil,
id.
■ BoNNECHOSE (Mgr de), cardinal-arche-
vêque de Rouen, id.
B
LISTE DES MEMBRES
BoLRDET (Désiré), quai Videcoq, u" 3,
au Havre.
Briancuos, à Gruehet-le-Valassc.
CuABOix, entrepreneur, à Rouen.
Chavknthé, entrepreneur, id.
" CheiTtaux, auchàteaudeBoscniesnil,
prés Saint-Saéns.
Cochet (l'abbé\ conservateur dn musée
d'antiquités, à Rouen.
'Colas (.l'abbé), chanoine titulaire,
conservateur du musée céranii(|ue,
id.
CoMONT (l'abbé), curé de Saint-Pierre-
le-Viger.
CoiRTOs.sE, architecte, à Rouen.
Cl'sson, secrétaire général de la mairie,
id.
* Decorde (,1'abbé), curé de Notre-Dame
d'Âliermont.
Desmarkst (,L.), architecte en chef du
département, à Rouen.
Devalx, artiste-peintre, rueThiébault,
89, au Havre.
' Dlmoxt (E.), employé aux docks, au
Havre.
' Dlranville (Léon de), propriétaire,
à Grancourt.
' DrvAL, percepteur des contributions
directes, à Lillebonne.
EsTAixTOT (le vicomte Robert d'),
avocat, a Rouen.
pALotKT (Octave), filateur, id.
Flelry (Charles), architecte, id.
'Fleury, arciiilecte de la ville, au
Havre.
GAtcoLRT (Enimanuol de), jugedcpaiit,
à Saint-Saéns.
GiLLi':s (P.), maiiuracluricr, à Rouen.
GiRONcoiRT (de), membre du Conseil
général, à Varinipré, près Ncuf-
cbàlel.
'Glanvii.le (del, inspecteur delà So-
ciété, à Rouen.
* Granuin (Gustave -Victor), président
de la Société archéologique, à
Elbeuf.
Grimais, entrepreneur, à Rouen.
GiERouT, ancien notaire, id.
HojiAis, avocat, id.
La Lonue (de), ancien officier de cava-
lerie, id.
Le Comte (l'abbé), professeur à la
Faculté de Théologie, à Rouen.
Lefort, avocat, id.
Legendre, propriétaire, id.
Lemire, avocat, id.
Leseigxelr, filateur, id.
Letellier, photographe, au Havre.
Lisey, propriétaire, à Elbeuf.
LoRMiER (Charles), avocat, id.
LoTii (l'abbé), prof, d'éloquence sacrée
à la Faculté de Théologie, à Rouen.
Mabire, propriétaire, à Neufchâtel.
Margleret (E.), courtier de commerce,
à Rouen.
MAfDirr, avocat, à Neufchâtel.
Méralx (Amédée), compositeur,
membre de l'Institut des provinces, à
Rouen.
Moxtailt (le comte de), au château de
Nointot, près Bolbec.
Pallier, ancien manufacturier, à
Rouen.
Petiteville (de), propriétaire, à Rouen.
Poeyer-Qlertier, ancien ministre des
finances, id.
Provost (l'abbé), curé de Jumiéges.
Quenouille (Léopold), au Mesnil-
Bénard, près Saint-Saens.
Qlesnel (Henri), propriétaire, a Rouen.
QuixET (Edouard), propriétaire, à
Rouen.
■Roessler, au Havre.
Sarrazin, à Rouen.
Sauvage (l'abbé Eugène) , professeur
au petit séminaire du Mont-aux-
Malades, près Rouen.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE d'aRCIIÉOLOGIE.
XI
5« DIVISION.
SKTTVE. SEIIVE-BT-OISE, Y^OIVT^fE. IjOIRET.
AUBE, et ETjrtE-ET-LOIR.
Inspecteur divisionnaire : M. EGGER, membre de l'Institut,
rue Madame, 48, a Paris.
Seine.
Inspecteur: ' M. Darœl, rue de la Chaussée-d'Anlin, 27 his,
à Paris.
•Artik s- Bertrand (M"" veuve) , rue
Hautefeuille, à Paris.
•AiBERT (le chevalier), rue d'Anjou-
Saint-Honoré, 9 bis, id.
'AuBRUN, arch., quai Bourbon, 19, id.
Barthélémy (Anatole de), ancien sous-
préfet, rue d'Anjou-Saint-Honoré, 9,
id.
Barthélémy (Edouard de), maître des
requêtes au Conseil d'État, rue de
l'Université, 80, id.
• Blacas (le comte Stanislas de), rue de
Varennes, 52, id.
BocHiN, rue de Provence, .58, id.
BoNXELiL (de), rue Saint-Guillaume, 31,
id.
"Box VOULOIR (le comte Auguste de),
rue de l'Université, l.*», id.
Bottée de Tovlmon, rue des Saints-
Pères, 7 his, id.
Boivenm; (Aglans), rue de la Chaise,
■1% id.
Bruyère, curé de Saint-Martin, id.
BucAiLLK (Gustave), rue de Paris, 218,
id.
Capelli, boulevard Pigalle, 38, à Mont-
martre, id.
Catlois (le docteur), membre de l'In-
stitut des provinces, rue de Sèvres, 4,
a Paris.
'Château (Léon), directeur à l'Institu-
tion professionnelle d'Ivry.
• CoTTir.NY, rue Saint-Jacques, 240.
CoisDE (J.-P.), membre de plusieurs
académies, id.
*Courtarvel (le marquis de), rue
Saint-Guillaume, 34, id.
Damiens, statuaire, rue du Cherche-
Midi, 55, id.
' Darcel, membre des Comités histo-
riques, rue de la Chaussée-d'Antin,
27 bis, id.
David (le baron), ancien ministre plé-
nipotentiaire, rue de l'Oratoire-du-
Roule, 7, id.
Delamare, rue Rougemont, 12, id.
* Des Cars (le duc), rue de Grenelle-
Saint-Gerinain, 79, id.
Delongueil, graveur, rue Royale-Faint-
HoDoré, 8, id.
Dietricr, graveur, rue des Mathurins-
Saint-Jacques, id.
•Dion (Henri de), ingénieur, rue de
Moscou, 28, id.
Doré père, membre de l'Institut des
provinces, cité Doré, boulevard de la
Gare, 108, id.
XII
LISTE DES MEMBRES
Duxos (R.), «venue de Wacrani, :>0. a
Paris.
DiPONT (A"), professeur de belles-
leltres, avenue de Neuilly, 116 bis,
id.
DiHEAi- (A.)i rue de la Tour d'Au-
vergne, 10, id.
• Estampes île comte Théodore d"), cité
Clary. 7, ruo Neuve-des-Mathurins,
id.
Er.GER, membre de l'Institut, rue
Madame, ^8, id.
FontainedeResbeco (le vicomte Eugène
de), rue du Regard, i-2, id.
Geffrov (Auguste), orfèvre-émailleur,
rue du Bouloy, 10, id.
Godefroy-Mesmlglaise (le marquis
de), ancien sous-préfet, rue de Gre-
nelle-Saint-Germain, 93, id.
HcssoN, propriétaire, rueMeslay, 18,
id.
' JoANNE, rue de Vaugirard, 20, id.
Keller (Emile), ancien député, rue de
Las-Cases, 7, id.
Laharthe (Jules), membre de l'Institut
des provinces, rue Drouot, -2, id.
Labille (Aimable), architecte, boule-
vard Poissonnière, -24, id.
Lambert (Fabien), architecte, inspec-
teur des travaux de la Ville, rue
Monsieur-le-Prince, iH, à Paris.
■ La Tbêmki ille (le duc de), id.
Le Clerc (Julesi, avocat, ruedu Regard,
10, id.
Lk Ci-ERi; (Henri), aichitecte, id.
Le CoRniKR, ingénieur civil, rue du
IVtit-Parc, 67, id.
■ Li. Marivel-Dirocher, de l'Institut
des provinces, rue du Regard, 6, id.
*LiKsvti.i.E idei, au\ Ratiguolles, rue
Gauthey, -2i, id.
LibibR, architecte, rue Blanche, 60, id.
' LissoN, peintre-verrier, id.
Margierye (Mgr de) , ancien évéque
d'Autun, rue de Sèvres, 9."), id.
Marqiis (Léon), ingénieur, rue du
Dragon, 10, id.
Minoret (E.), avocat à la cour d'appel,
boulevard de Strasbourg, à Paris, et
a Cannes (Alpes-Maritimes).
• MiREPoix (le duc de), rue Saint-Domi-
nique-Saint-Germaiu, 102, à Paris.
Mou,, architecte, id.
Montant (Henri de), directeur du
Journal illustré, rue Neuve, 5,
avenue de l'Impératrice, id.
MoNTLAiR lie marquis de), membre de
l'Institut des provinces, député, rue
de Grenelle-Saint-Germain, 7.">, id.
NiGENT (le comte de), ruedu Regard,
5, id.
* OiLLiAMSON (le vicomte d'), rue de la
Ville-l'Évéque, 29, à Paris.
Paris (Louis), ancien bibliothécaire de
la ville de Reims, rueRambuteau, 2,
id.
Paris (Paulin), membre de l'Institut
de France, place Royale, à Paris.
'Perroid, ancien notaire, rue La-
fayette, M 3.
'PoMMEREi (le vicomte Armand de),
rue de Lille, 67, id.
•PoNTOis DE PoNTCARHÉ (le Hiarquis
de), rue d'Anjou-Saiut-Honoré, 42, id.
PosTOs d'Amëcoirt (le vicomte de),
rue d'Enfer, 43, id.
PoPELiN (Claudius), peintre-émailleur,
avenue de Plaisance, 3, id.
Poi ssielgie-Rlsand (Placide), orfèvre,
rue Cassette, 13, id.
' Prévost, lieutenant-colonel du génie,
à Vincennes.
Reboil (Léopold), rue de Boulogne, 3,
à Paris.
Robert, de l'Institut, directeur à VAd-
ministr. de la guerre, id.
Ricuemont (le comte de), rue Saint-
Dominique, 23, id.
DK LA SOCIÉTli FRANÇAISE 1) AUCHÉOLOCilË.
XMI
RncKR i)K La Landk (Ferdinand), bou-
levard Saint-Michel, -27, id.
Ro\s (le vicomte Ernest de), auditeur
au Conseil d'État, 6, place Vendôme,
id.
Sacot, membredeplusieursacadémics,
rue et hôtel Laflltc, id.
•Saint-Pai'l (P.-L. de), avocat, rue
d'Aguesseau, i, id.
Salvandy (le comte Paul de), député,
rue Cassette, 30, id.
Tasciikrkai', directeur général de la
Hibliotheque nationale, id.
"TnÊNARD (le baron), membre de l'In-
stitut, place Saint-Sulpice, id.
•TiiiAc (de), membre (le rinstitut des
provinces, rue Saint-Lazare, 24, id.
Tiiioi.LKT, passage Sainte-Marie, 8, id.
• Vai LDci; (Frantz de) rue du Centre, 8,
id.
• Voca K (le comte Melchior de), rue de
Lille, 90, id.
Seine-et-Oiso.
Inspecteur: ' M. dk Dion, à Montfort-l'Amaury.
Amai RY (l'abbé), curé de Vétheil.
* Dion (Adolphe de), inspecteur de la
Société, id.
GuYOT (Joseph), au château de Dour-
dan.
Helde-Lépine, à Montfort-l'Amaury.
Martin (L.), rue de l'Occident, 18, à
Versailles.
Mesml-Dirand (le baron de), rue
Saint-Honoré, 10, à Versailles.
PiicoiL, archiviste -paléographe, au
château de Villiers, à Draveil, et à
Madrid (Espagne).
PoLLAiLLiER , membre de plusieurs
Sociétés savantes, à Bosny (Seine-el-
Oise).
■Yonne.
Inspecteur: ' M. Cotteal', juge, membre de l'Institut des provinces,
à Auxerre.
'Challe, sous-directeur de l'Institut
des provinces, membre du Conseil
général de l'Yonne, maire d'Auxerre.
Clermont-Tonnerre (le duc de), au
château d'Ancy-le-Franc.
* CoTTEAU, juge, secrétaire général de
l'Institut des provinces, à Auxerre.
Havelt-des-Barres (baron du), au
château des Barres, à Sainpuits, par
Entrains-sur-Nohain.
Héue (Auguste), a Avallon.
Laitier, président du tribunal civil,
membre du Conseil gén., à Sens.
Quantin, archiviste du département, a
Auxerre.
Ravin, notaire à Villiers-Saint-Benolt.
RoGEiER (l'abbé), curé de Sainl-Eusèbe,
à Auxerre.
• Tonnelier, greflier en chef du tribu-
nal civil, il Sens,
\1V
LISTE DES MEMBRES
Loiret.
Inspecteur: " M. labbé Des.>oyers, chanoine, vicaire général, membre de
l'Institut (les provinces, à Orléans.
■ BorcHF.R DE MoLANnoN. à Orléans, et
a Heuilly, par Ponts-au\-Moines.
Hrean, ingénieur à Gien.
BizOMÊRE (de), membre de l'Institut
des provinces, à Orléans.
• Desnoyers d'abbé), chanoine vicaire
général, membre de l'Institut des
provinces, id.
■ DiPANLOUP (Mgr), de l'Académie fran-
çaise, évéque d'Orléans.
Gervaise Emile-Ambroise), avoué, à
Montargis.
GiiNEBERT, ancien maire, id.
Le Roy, avoué, a Montargis.
Léorier (Gaston), au château de Mon-
targis.
Mauciiand, correspondant du ministère
de l'Instruction publique, prés Briare.
Mauteliére (Paul), juge au tribunal
civil, à Pilhiviers.
Poii.i.AiN, conducteur des ponts et
chaussées, a Orléans.
TmiiONNEAV, notaire, à Lorris.
Thomas, architecte, directeur de la
fondatioa Durzy, à Montargis.
Aube.
In.iperteur : .M. l'abbé Coffinet, clianoine de Troyes.
.\ntessamv (l'abbé d'), aunii'uiier de
l'hospice Saint-Nicolas, à Troyes.
BoNNKMAiN (l'abbé) , cliaiioine hono-
raire, curé de Nogeiit-sur Seine.
CirviMONNOi (l'abbé), professeur de
rhélori(iup, au petit séminaire de
Troyes.
C.iifftnel (l'abbé), chanoine, ancien
\ieaire général du diocèse, à Troyes.
■ Fleuii.y-Coisin, archilecle, à Troyes.
liaijoL (Amédée , député, membre de
rin>tilul lies provinces, à Troyes.
(JREAi (Jules), manufacturier, à Troyes.
Haiiekt, ancien notaire, id.
IIehm.y, docteur-médecin, id.
Le Bri n Daliiam;, membre de l'Institut
dos provinces, id.
' Lapérouse (Gustave), président de la
Société académique de l'Aube, id.
Meka, ingénieur en dief des Mines, à
Troyes.
RoisARD il'abbé, clianoine, arthiprètre
de la cathédrale, vicaire général, a
Troyes.
RoYER (J.), archilecle, aux Riceys.
"Vemieivre (le comte Gabriel de),
ancien représentant, à Vendeuvre-
sur-Barse.
Vermlk (A.), propriétaire, à Troyes.
DE LA. SOCIÉTÉ FRANÇAISE D ARCHEOLOGIE.
XV
E II r e-e t-H- o i r .
Inspecteur : ' M. Charles (I'Ai-vimare, à Dreux.
• Almmare (Ch. d'), a Dreux.
'Durand (Paul), de l'Iiistilul des pro-
vinces, a Chartres.
Janson pe CoiET (Reni'), a Dreux.
"Merlet, secrétaire de la Société ar-
chéologique d'Eure-et-Loir.
Morissxire (de), secrétaire du Comice
agric, à Nogent-le-Rotrou.
"Sainï-Lal'MER (de), ancien maire de
Chartres.
6« DIVISION.
SAFtTHE, AIAIIVE-ET-LOIR.E! et >I.V^irEISr]VE.
Inspecteur divisionnaire : ' M. le comte de MAILLY, ancien pair de France, au
château de la Roche-de-Vaux, près le Mans, et à Paris, rue de l'Uuiversité, 53.
Sartlie.
Inspecteur: M. Hucher, membre de l'Institut des provinces.
"Albin (l'abbé), chanoine honoraire,
au Mans.
BoL'CHET (Paul), architecte, id.
Blottière, sculpteur, id.
BorvET (l'abbé), curé de Neuvy.
Chardon, ancien élève de l'École des
Chartes, au Mans.
'Charles (Léopold), antiquaire, à la
Ferté-Bernard.
Charles (l'abbé), professeur au sémi-
naire de Saiut-Calais.
* Chevreau (l'abbé), vicaire général du
Mans.
"Ci'MONT (le vicomte Charles de), à
Sillé-le-Guillaume.
David (A. -G.), architecte, au Mans.
Deslais (l'abbé), curé de la Couture,
id.
Étoc de Mazy, médecin de l'asile des
aliénés, id.
GoMRERT, architecte, id.
Hl'Cher, membre de l'Institut des pro-
vinces, id.
Jaffard, peintre-ornemaniste, id.
Joi'ssET DES Berries, jugc d'instruc-
tion, id.
Ledru (l'abbé), professeur au séminaire
de Précigné.
Le Pelletier, doct.-méd., au Mans.
Livet (l'abbé), chanoine honoraire,
curé du Pré, id.
'Mailly (le comte de), ancien pair de
France, au château de la Roche-de-
Vaux, près le Mans.
* Paillard-DlclErê, membre du Con-
seil général, au Mans.
Persi(;nan (l'abbé), chanoine titulaire,
id.
Rousseau, professeur de dessin, id.
WI
LISTE DES MEMBRES
■ Sai>t-Patf.rne (le comte de), à Saiiit-
Paterne.
'SiNciiKR, directeur gént'ral de la
compagnie d'Assurance mutuelle mo-
bilière, comuiandant de l'Ordre de
Charles III, chevalier de la Légioii-
d'honueur, au Mans.
HduiKK, architecte au Mans, rue aux
Lièvres.
ToiBLET (l'abbé), à Mont-Saint-Jean,
près de Sillé-le-Guillaume.
"Maine-et-IjOire.
Inspecteur : ' M. Godard-Failtrif.h, à Angers.
Anouilh DE Salies (d'), rue Saint-Au-
bin, à Angers.
CiiÉDEAf, avoué, à Saumur.
Chesneau, grand vicaire, rue Sàint-
Evroult, à Angers.
Chevalier (l'abbé), curé de Louvaincs.
CoiRTiLLER (Auguste), ruB d'Orléans,
à Saumur.
' Espinay (d'), membre du Conseil
administratir, conseiller a la Cour
d'appel d'Angers, membre de l'Insti-
tut des provinces.
Far<.y (Louis de), rue du Parvis-Saint-
Maurice, à Angers.
Frepcei. (Mgr), évéque d'Angers.
Garreat (Alexandre), à Saint-Réiny-
la-Varcnne.
* Gai.emhert (le comte de), au château
de Parpacé, prèsBaugé.
■Godaru-Faixtrier, membre de l'In-
stitut des provinces, à Angers.
■ Joly-Leterme, architecte diocésain, à
Saumur.
Lachése (Paul), imprimeur, à Angers.
Lair (Charles), château de Blou, près
Longue.
Lambert (aîné), président du tribunal
de commerce, et de la Chambre con-
sultative des arts et manufactures, à
Saumur.
Le Blanc, inspecteur de la maison cen-
trale de Fontevrault.
LoLVET, ancien ministre, à Saumur.
Mayaid (Albert), a Saumur.
Parrot (A.), de l'Institut historique,
rue de Brissac, a Angers.
Qdatrebarbes (la comtesse de), id.
Roffay, architecte, à Saumur.
Saivage, ancien juge de paix, à Angers.
Tardif, chanoine-secrétaire de l'évêché,
id.
>Iayeixxie.
Inspecteur: ' M. Le Fiselier, à Laval.
Barre (Henri), U Jublains
Bretonmere (Louis), rue de l'Kvéché,
à Laval.
' CiiAMi'Ai.NEY (M"" la marquise de),
au château de Craon.
CiiEKKAf, avoué à .Mayenne.
* GtAVs iiEs TiM (iiKS, propr., id.
■ Li: Fiselier, secrétaire de la Société
de l'industrie, à Laval.
Pointeau (l'abbé), vicaire de Fouge-
rolles.
Prediiomme (l'abbé), curédeLouverné.
Sedaex (l'abbé), supérieur du grand
séminaire, ù Laval.
DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE p'ARCIIÉOLOflIE. XVII
7« DIVISION.
T^Oin-KT-CTIER, CHEn, IIV OÏ^E-ET-LOIRE ,
iisri>iiE. iviï<:viiE.
Inspeclevr dirisionnaire : "M ni; COUGNY, au château de la (irill<-.
près Chiiiou.
TL,olr-et-Clier.
Tnspertenr: ' M. le marquis df, Viuram:, membre de riustitut des provinces,
à Cour-Cheverny.
BoDARi) DE LA jACopiKRr, (Anatole de), Laixay, prof, au col. de Vendôme.
au château de Saint-O.ien. Lf.nail (Ernest), architecte à Blois.
Chai:vin, juge, à Blois. Nkilz (Stanislas), à Courtiras.
Df.lainf. (Jules), avoué licencié, h * Viiiraye (le marquis de), membre de
Romorantin. l'Institut des provinces, a Cour-
Hait.ou (l'abbé), curé des Fontaines. Cheverny.
Cner.
Inspecteur: *M. l'abbé Lenoir, membre de l'Institut dos provinces,
à Chàtillon-sur-Indre.
* Bi-iiOT DE Kersers, de la Soc. des Ant. chaussées, ii Bourges.
du Centre, à Bourges. * Mf.loizes (Albert des\ trésorier de la
CoiT.T (René de\ à Couét, prés San- Société des Antiquaires du Centre, à
carre. Bourges.
"Lalt.ardière (Ch. dc% substitut, à Valois (Georges^ secrétaire général de
Bourges. la préfecture, id.
Maréchal, ingénieur des ponts et
Iiadre-et- Loire.
Inspecteur: ' M. Léon Palistre, a Tours.
Avis.se, imprimeur, à Chinon. Boislève-Desnovfrs, maire de Lan-
" BiRNCoiRT (le marquis de\ à A/ay le- geais.
Rideau. Boiserez, imprimeur, a Tours.
XL^ SESSION. C
xvni
LISTE DES MEMBRES
Bill lOv-DntBKiii.. eoiiseiller (jéiiéral,
au Granil-Pressicny-
Cii.visKM.vRTiN, procureur do la Répu-
blique, à Loches.
•CuAVu.NY( Félix de), secrétaire général
adjoint, à Chiiion.
Cii.iviiiNY (Octave de), au château de
Chavigny.
• Coii;ny iG. de) , au château de la
Grille, près Chiiion.
•CoC(;ny (Hippolyle de), propriétaire,
k Tours.
DuBOz (Félix), à Chinoii.
DiRAND (l'abbé), aumônier de l'iios-
pice, id.
Gallois, architecte, à Chiiion.
' Grandmaison, archiviste d'Indre-et-
Loire, lueinbre de la Société archéo-
logique de Touraine.
Gréban de PoNToiHNY, propriétaire, au
château de Pontourny,près Chinon.
• Guérin lils, architecte, à Tours.
'Hardion, architecte, à Tours.
JiTEAf (l'abbé), aumônier du lycée, à
Tours.
'Lapercue, à Saint -Symphorieii, à
Tours.
Li:(:i.ER<: f/'ablié), aumônier des Dames
du Saint-Esprit, à Tours.
* Lesèiile, à Tours.
LoBiN (LéopolJ), peintre-verrier, a
Tours.
* Michelle, à Tours.
'NoBiLLEAf, propriétaire, id.
* Palestre (Léon), à Tours.
' PrYsÉ(;iR (M""" la comtesse de) , au
château de Beugny.
RouiN (l'abbé), curé de Saint-Ours, à
Loches.
• RociiEjAOLELEis (M""» la comtesse de
la), au château d'Ussé.
"Saint-Georges (le comte de), au châ-
teau de la Brèche, près l'Ile-Bou-
chard.
Saint-Georges (Edmond de), a Tours.
' Salmun de Maisonroege, à Tours.
* Sarcé (de) , au château de Hodbert-
Saint-Cliristophe.
Senilhes (L. de), receveur i)articulier
des finances, à Loches.
Sonnaij (de), à Gravant.
Thomas (Gaétan), inspecteur des forêts,
à Chinon.
Intlre.
Inspecteur : ' M, le docteur Faeco>neae dt Fresne, ii Chàteauroux.
Baruoix, conservateur du musée, à
Chàteauroux.
Blanciiet J'abbé", aumônier du Lycée,
id.
'CiiARoN ;ra')bé\curéde Saint-Marcel,
canton d'Argenton.
Daigeson, juge, a Chàteauroux.
Damoirette (.l'abbé), à Chàteauroux.
* Faeconneae-Defresne (le docteur), à
Chàteauroux.
Ferri-Pisam (le général), id.
Gi'iLLAiiu, ancien agenl-voyer, id.
■Jasmin (Jules), à Biizaiiçais.
■ La Villegille (de\ à Dangi.
"Le Noir, curé de Chàtillon, chanoine
honoraire.
Roeedde, receveur des domaines, à
Chàtillon.
Lexseigne, conducteur des ponts et
chaussées, à Argenton.
' Foisin (l'abbé), curé de Douadic
(canton du Blanc), Chàtillon -sur-
Indre.
UE LA SOCIETE KUANCAlSh: D ARCIlEdlddlE. XIX
Inspecteur: 'M. de Laicardikre, substitut, à Bourges.
Chômer (l'abbé), curé de Marzy. membre de l'Académie nationale de
* Hêhon de Villefosse, archiviste du Lyon et de la Société archéologique
département, k Ncvcrs. de Nevers, au château de Toury-sur-
"SorLTRAiT (le comte Georges de), Abron.
inspecteurdes mouvements du Rhùne, Violette (l'abbé), archipr. de Cosne.
8« DIVISION.
r*uir-r>E-r>oM^E, ma^ute-loire, loifie
ot LOZÈRE.
Inspecteur divisionnaire: ' M. J.-B. BOUILLET, membre de l'Institut des
provinces, a Clermont-Ferrand.
I*uy-tle-DÔjne.
Inspecteur : "M. de Lafaye-l'Hopitae, a Clermont.
* BouiLLET (J.-B.), membre de l'IiistiUil payeur général, a Clermont.
des provinces à Clermont-Ferrand. " Serres de Gauzy (Jules), k Clermont-
CnARDON DU Banquet, id. Ferrand.
* Laf.we-l'Hôpital (de), id. Tardiei: (Ambroise), id.
'Matharel (vicomte de), trésorier-
Haute- LiOi re .
Inspecteur : M. Le Blanc, a Brioude.
CuANALLiLLES (le mar(|uis de), au chà- "Le (irésident de la Société d'agricul-
leau de Chanaleillcs. (ure, sciences, ails, industrie et
Le Blanc, conservateur de la Biblio- commerce du Puy.
Ihcque de Brioude.
W I.ISTK 11 lis MKMllIiKS
Insperlenr : M. le \ iroiule m; Mkmn, a Miiiilbiisoii.
■HiiiM {Kiiuciio). iK'Iaire a Saiiil- Mm.ifai u, laiiilaiiie au 86<' léciineiit de
Elieniie. liu'te, à Moiitbiison.
Cii.vMRn.NUiKK (AuijusIl'), iloL(eur l'ii AIkaix (le vicomte doi, au château
droit, archiviste du doiiarlciiienl, id. J'Ecotay.
DiiUNU (V.). à Alleux, par Koon. 'Noli.as, doctour-niédecin , a Saiul-
'GtKARD, ageiit-voyer eu chef, a Saint- Haou-lc Chàtel.
Etienne. Vier (Louis), adjoint au maire, a Saint-
Gonnard, secrétaire de la mairie, à Etienne.
Saint-Élieniie, rue Saint-Louis, il. " Viry lOctave do), docteur-médecin, k
Lk, Rolx, ingéuicur civil, rue Sainte- Roanne.
Callierine, à Saint-Etienne.
Lozère.
Inspecteur : ' M. K(ii!i.si;L, membre de l'Assenihlce nationale.
Lf. Franc, ingénieur des ponts et l'évédié de Mende.
chaussées, a Mende. ' Rors,si;i,,présidentdelaSociéléd'aBri-
PoLCK (l'abbé), vicaire général de culture, à Mende.
90 DIVISION.
J i^L.)fc;-iî:r- sil.vuve, cox^it;!»- ou-jvojmo.
Insperlenr- divhionnaire : ' .M. AUDHEN ue KERUREL, député a l'Assemblée
nationale, membre de l'Institut des provinces, à Rennes.
lHo-ot-A-ilaino.
Inspecteur : M. L\N(.i.oi>, architrclp, \\ Rennes,
André, conseillera h Cmi .l'appel, 'Aiihiin di Kirdrii., député, rue
membre de l'Institut des provinces, a Saint-Sauveur, .1, id.
Rennes.
Dji i.A S(h;iéti<: 1'1ia.n(jaise i> archéologie.
XXI
Al BiUN, aichilcilo, (|nai Uouidon, 19,
■ BnLii. Di; Landai, (le coiiilo de), au
château ilo Laudal.
Briink (l'abbé), chanoine il Renues.
Danjoi' nr, i.\ Gakiinm;, à Fougères.
• GenouiUac (le vicomte de), au château
de la Chapelle-Chaussée, près et par
Bécherel.
La Hi(;m,-Vii,i,i;m,i:vio (de), ii Ri'uncs.
• l.A HoRi)i;nir. (de), député, nienilirt^ de
l'Institut des provinces, a Vilré.
' Laïu/lc (le comte de), au château des
Tesnières.
Langi.ius, architecte, a Rennes.
TniLMorciii;, membre de plusieurs
académies, id.
Côtos-au-TVorcl.
Inspecteur: M. Gkslin de Boukgoc.ni;, à Saint-Brieuc.
Gautier dl Mottay, a Plérin , prés
Saint-Brieuc.
Gesein de Bolrgogne, de l'Institut des
provinces, a Saint- Brienc.
Hernot, sculpteur, à Laimion.
Keramlecii (le comte de), au château
de Quelenec, par Mur-de-Bretagne.
Pinot (l'abbé) , professeur a l'Institution
Saint-Charles, a Saint-Brieuc.
I^^i nistero.
[nspectevr : * M. le comte de Bl(ii,s, a Quimper.
■ Bluis (le comte A. de), ancien député,
membre de l'Institut des provinces, a
Quimper.
' Du Chatellier, memt)rc de l'Institut
de Franco, au château de Kernuz,
près Pont-l'Abbé.
"Haelêcien, membre de l'Institut des
provinces, à Clilteaulin.
'Madec (Pierre-Marie), professeur au
petit séminaire de Pont-Croix.
>Ioflt>iliti«-
Inspecteur: M. de Kerilec, député a l'Assemblée nationale,
à Hennebont.
Kéridec (de), a Hennebont.
Loi re-ln férié lire.
Insperteui- : * M. Van-Iseghem, architecte, à Nantes.
'La T(HR-ui-Pi\-Cha:\ibly (le baron Leiioix, docteur-médecin, rue de la
Gabriel de), boulevard Delorme, -26, Chalotais, 1, id.
à Nantes.
XXII LISTE DES MEMBRES
Le Macxon (l'abbé), chaiidine, nie Tili.y (le marquis Henri de , rue Tour-
Royale, 10, id. nefort, id.
Marionneau, rue du Calvaire, 1, id. ' f'an-lseghem (Henri), archilecle, rue
Orieix, agent-voyer en chef, id. Félix, I, id.
10« DIVISION.
"VIEIVTVE et I>E3UX: Sl^VnE!*.
Inspecteur divisionnaire : ' M. l'abbé AUBER, chanoine (itulaire, membre
de rinstitul des provinces, à Poitiers.
Vienne.
Inspecteur: M. Le Cointre-Dipont.
'AuBER (l'abbé), chanoine titulaire, La Toirette (Léon de), à Loudun.
membre de l'Institut des provinces. Le Cointre-Dipont, propriétaire, à
à Poitiers. Poitiers.
•Benye (le père), id. 'Ledain, conseiller de préfecture,
'CouGNY (Emile de), au château de id.
Savigny. Redet. archiviste honoraire du dépar-
'GouDON DE Lalandi; (Jules), a Mont- tenient, membre de l'Institut des pro-
morillon, vinces, id.
La Brosse (le comte de), proi>riclaiie, Richard (Alfred), archiviste du dépar-
à Poitiers. temeni, id.
La Tol'rette (Gilles de), propriétaire,
à Loudun.
T>etxx-Sè vres.
Inspecteur : ' M. Ledai.n, conseiller de préfecture, à Poitiers.
David, ancien député au Corps législa- Ravan, trésorier de la Société de stalis-
tif, à Niort. tique, à Parthenay.
Lafosse (Henri), id.
DE LA SOCIETE FFIANCAISE 1) ARCIIEOIOGIE. XXIII
M"» DIVISION.
Inspecteur dirisionnaire : "M. l'abbé LACURIE, chanoine honoraire, ancien
auniôniei- du collège de Saintes.
Cliarente-InférleiïTo.
Inspecteur: M. Brissox, secrétaire en chef de la mairie de la Rochelle.
Avril DE LA Vergnéi: (Ernesl\ avocat, Mraille (A.^ agenl-voyer supérieur,
à la Rochelle. à Jonsac.
Clervalx (Jules de\ à Saintes. Ferson (l'abbé), aumônier du collège
'Laclrie i^l'abbé', clianoine honoraire, de Roehefort.
ancienaumonierducoIlégedeSainles. * Richard (rabbé\ Iiydrogéologue, vie.
Menlt, employé des douanes, h la Ro- général d'Alger, à Monllieu.
chelle. Thomas i.Mgrl, évéque de la Rochelle.
Vendée.
Inspecteur : M. Léon Ballereau, aichitecte, a Luçon.
"Ballereal' (Léon), architecte, a Lu- Giêrin (l'abbé), curé-doyen, à Saint-
çon. Fulgenl.
Baron, ancien député, à Fonfenay. Rociiebruxe (Octave de), à Fontenay.
Baldry (l'abbé F.), curé du Bernard. Staiii d'abbé), curé de Saint-Maurice-
Collet (Mgr), évèque de Luçon. des-Nouhes.
Delidon, not., à Saint-Gilles sur-Vie. Tressay (l'abbé du), chanoine, a Lu-
FiLLON (Benjamin), à Fonfenay. çon.
XXIV I.ISTK DES MEMKIIES
M" DIVISION.
HAtJTIÏÎ-VIEIVîVJE, COR-Rl^ZE, CREUSE
ot r>OI^r>OG>.'E.
Insperifiir dhistonnaire : ' M. Jiu;s DE VERNEILH, membre de
rinstitul (ics provinces, à Bordeaux.
I laiito-Vicmio.
Jnspertein-: ' M. i'ahhé Arrf.lot, chanoine honoraire, curf^-archipri^lre,
a Roihecliouart.
'ARitr.LOT (l'abbé), chanoine honoraire, Mmulanc (de), à Saint-Junien.
curé-archiprélre, à Rocliechouail. Tandkai' ok Marsac (l'abbé), chanoine
FoRCERifN (André), à Chalus. honoraire, à Limoges.
Cr"oiise.
Insperleur: ' M. le comte or. CrssAC, membre de l'inslitul des provinces.
•Callier (Georges), à Guéref. Colstin di: Masnadalu (le marquis
"Cessac (Pierre de), au château Ce Henri de), au château de Sazerat.
Mouchetard, près Guéret. Latoirf.tte (de), ancien député au
Chaussât (le docteur), à Aubusson. Corps législatif.
'CoRMDET (le vicomte dej, membre du Vicier (Antoine), notaire et maire à
Conseil !;énéral, à Crocq. Valliére.
Corrôze.
Inspecteur : M. Octave nr. R(1ffi(;nac.
Massênat (Élie), ii Hrives. petit séminaire de Servières.
PoLLRRiËRE (Tabbé), professeur au Roffignac (Octave de), k Sourie.
l>OTHlogne.
Jns; ecleur: .M. le vicomte Alexis de Goirgies, membre de l'Institut
des provinces, ii Lanquais.
■ Abzac de la Dor/.E (le comte Uliicli Rolrdeilles (le marquis Hélie del, au
d'), à Périgiieux. château de Bourdeilles.
T)E LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE D ARCHÉOLOGIE,
du), au château de
XXV
"BURGUET (M
Portboutout.
Galy (D.-M.), à Périgueux.
GiiRARU (Gaston de), à Sarlat.
GoL'RGL'ES (le vicomte Alexis de), à
Laiiquais.
GoYHENÈcHE (l'abW), au château de
Montréal.
MoNTARDY (Gaston de), à Douzillac.
■RouMEJOux (Anatole de), à Périgueux.
Vassecr (Charles), a Saint-Germain-de
Belvès.
Verneilh (baron Jules de), membre de
l'Institut des provinces, à Puyrazeau.
13" DIVISION.
OIROTVDE, LATVDES. CHA.RE1VTE
et LOT-ET-GA.R,OT*:iVE.
Inspecteur divisionnaire : ' M. le marquis de CASTELNAU-D'ESSENAULT, de
l'Institut des provinces, au château de Paillet (Gironde).
Inspecteur divisionnaire honoraire: M.Charles des MOULINS, commandeur
de l'Ordre pontifical de Saint-Grégoire-le-Grand, sous-directeur de l'Institut
des provinces, à Bordeaux.
Olronde.
Inspecteur: M. Trapal'd de Golombe, à Nérac.
' Aizac de la Martime (d) , proprié-
taire, à Pujols.
*Castelnau-d'Essenai'lt (le marquis
Guillaume de), au château de Paillet.
* Chasteigner (le comte Alexis de), rue
Montbazon, 23, a Bordeaux.
Chasteigner (Paul de), rue du Palais-
Galien, id.
CiROT de la Ville (l'abbé), chanoine
honoraire, professeur d'écriture sainte
à la Faculté de Théologie, membre
de l'Institut des provinces, id.
CoRBLx (l'abbé), curé de Roaillan.
Des Moi'lins (Charles), sous-directeur
de l'Institut des provinces, à Bor-
deaux.
Despaix (l'abbé P.), curé de Verteuil.
Doublet (l'abbé), k Bordeaux.
XL*" SESSION.
'Dlrand (Charles), architecte, rue
Michel, 16, id.
Gères (le vicomte Jules de), id.
* Jabouin, sculpteur, rue Dauphine, id.
Labet (J.-A.), conservateur du musée
d'armes, id.
Marqi'essac (le baron Henri de), rue de
Cheverus, 36, id.
Menou (l'abbé), rue des Ayres, 20,
id.
Mérediel' (de), avoué, rue Castillon, 9,
id.
Piciiard père (de), cours d'Albret, 46,
id.
Piganeau, membre de la Commission
archéologique de la Gironde, id.
Ratiieat, commandant du génie, mem-
bre de l'Institut des provinces, id.
D
XXvr LISTE DES MEMBRES
Sabattier (l'abbé), chanoine honoraire, ' Villkrs (de), trésorier-payeur, a Bor-
doyen de la Faculté de Théologie de Jeaux.
Bordeaux, rue Saubat, 116, id. " Villikt (Joseph), peintre, route d'Es-
Thapaud de Colombe (C), à Florac. pagne, 61, id.
Landes.
Inspecteur: M. Auguste du Peyrat, directeur de la Ferme-Ecole des Landes,
à Beyrie, près Mugroii.
• LoBiT DE MONVAL (de), a Dax. Tollolset (le baron de), a Saint-Sever.
Peyrat (Auguste du), directeur delà 'Villeneuve (Hélion de), sous-inspec-
Ferme-Ecole des Landes, à Beyrie, leur des forêts, a Mont-de-Marsan.
prèsMugron.
Cliarente.
Inspecteur: " M. de Thiac, de l'Institut des provinces, à Angoulénie.
Cousseau (Mgr), ancien évèque d'An- " Lauriére (de), id.
goulêine. Rochebrc.ne (A. de), id.
Des Cordes (Georges), avocat, à Au- Vallier (Joseph), chef d'escadron d'ar-
goulème. tillerie eu retraite, k Pontouvre.
Lambert (René), attaché a la direction Vallier d'Aijssac (Médéric), à Aussac.
des Domaines, à Angouléme.
Lot-et-Garonne.
Inspecteur : ' M. Tholln, à Ageu.
Boi;RBEROL"SSEDELAFFORE(de), k Agen. neuve-sur- Lot.
Brcker, peintre, id. Magen (Adolphe), secrétaire perpétuel
Combes (l.udomir;, a Fumel. de la Société d'agriculture, à Agen.
Faloere-Dubocrg, a Nérac. 'Tuolin, archiviste, id.
La Borie-Salnt-Sclpice (de), a Ville-
DE LA SOCIETE Fl'.ANCAlSE D ARCHEOLOGIE.
XXVII
U" DIVISION.
TA-RTV-TBT-OAFIOIVIVJE:. TART«J^, IjOT. A.VEiY^RO]V
et OERS.
Inspecteur divisionnaire : * M. le comte de TOULOUSE-LAUTREC, à
Rabastens.
Tarn-et-Oaronxie.
Inspecteur : M. l'abbé Pottier, président de la Société archéologique,
a Montauban.
ÀRSous DE "Brossard (d'), à la Croze,
près Saint Porquier.
BoL'RDONXÉ, de la Société de lin-
guistique de Paris, à Valence -
d'Agen.
Brun (Victor), directeur du musée, à
Montaubau.
DuFAVR iProsper), à Larrazet.
FoRESTiÉ i,L.-E.), à Montauban.
FouRMENT ( l'abbé Pierre - Antoine ) ,
curé de Saint-Sauveur, à Castel-Sar-
razin.
Froment (l'abbé^, curé, à Varen.
Garrigues (l'abbé), curé de Laguépie.
Layrolles (le vicomte Edmond de),
au château de Chambord, a Mon-
tauban.
LiMAiRAC (A. de), au château d'Ardus.
MoNBRisoN (Georges de), au château de
Saint-Roch.
MocLENO (François), ancien maire, a
Valence-d'Ageii.
NoNORGLE (l'abbé), curé de Bruni-
quel.
Pagan (Ferdinand), ancien magistrat,
a Montpezai.
'PoTTiER J'abbé), ruedel'Ancien-Col-
lége, à Montauban.
Pradel (Emile), a SaintAntonin.
Saint-Paul de Cardillac (Amédéede),
a Moissac.
"Sorbiers de la Tourasse (du), à
Valence-d'Agen.
Taupiac (Louis), avocat, à Castel-Sar-
razin.
Teuliére, rue Corail, à Montauban.
Inspecteur : ' M. Rossignol, a Montans, près Gaillac.
Aragon (le marquis Charles d'), au
château de Salies, a Albi.
Bonnet (Henri), receveur des Domaines,
à Rabastens.
Canet (Victor), professeur au collège
de Castres, secrétaire de la Société
scientifique et littéraire, membre
de l'Institut des provinces, à Castres.
XXVIII
LISTE DES MEMBRES
Gazais, curé de Florentiu.
■ CûMBETTES Di: Lic (Louis (le) , a
Rabastens.
CoisiN DE LA Valliere (le vicomte
Gabriel), à Sainl-Siilpice-la-PoiDle.
Falgierf.s (Albert de), k Rabasicns.
Goittes-Lagkave (le baron de), au
château de Lagrave, prés Gaillac.
Grellet-Balgverie, juge d'instruction,
k Lavaur.
Madron (Heuri de), k Cadalen.
• Maire, ingénieur civil a Lacaune.
Mazas (Etienne), id.
MiCHAUD (l'abbé), curé de la Madeleiue,
a Albi.
0'BvRNE(Ea\vard\ au château de Saint-
Géry, a Rabastens.
O'Bybne (Henri), id.
• Rivières (le baron Edmond de), au
château de Rivières, près Gaillac.
Rossignol (Élie- Antoine), de Moulans,
près Gaillac.
SAiNT-SALri (Lud. de), a Lavaur.
■ SoLAGES (le marquis de), au château
de la Verrerie de Baye.
* ToMAC- Villeneuve (Henri de), a
Gaillac.
*Toulouse-Laltrec (lecomte Raymond
de), membre de l'Institut des pro-
vinces, a Rabastens.
Veyriac (Auguste), k Carmaux.
ViviÈs (Timoléon de), au château de
Viviès, k Castres.
Voisins-Lavernieres (Joseph de), a
Saint-Georges, a Lavaur.
Y verses (le baron .lean d'), a Gaillac.
Inspecteur : ' M. de Roi;mejoux.
Calvet (Arthur), a Figeac.
Cardaillac (le comte J. de), au chat.
de la Traine.
Colomb (Octave de), juge de iiaix, a
Saint-Céré.
Declaux, propriétaire, a Lentilhac.
' Fontenilles (.Paul de), k Cahors.
Helyot (Louis d'), a Cahors.
Marqlés (Joseph), a Cahors.
Martin, avocat, à Cahors.
Malry (l'abbé Philippe), curé-archi-
prètre de la cathédrale, id.
RoissY (de), a Cahors.
A-veyron.
Inspecteur : M. l'abbé Azémar, curé de Lassouts.
.4libert (l'abbé\ vicaire de la cathé-
drale, a Rodez.
■ Armagnac-Castanet (le vicomte Ber-
nard d'), a Sainl-Côme.
AzÊMAR (l'abbé), curé de Lassouts.
"BiON DE Marlavagse(L.), propriétaire,
a Milhau.
BoNLOLis, professeur de sciences, au
petit séminaire de Saint-Pierre, k
Rodez.
"Cérés (l'abbé), k Rodez.
GissAC (le baron Joseph de), maire, a
Creissel.
TiiÉDENAT, maire d'Espalion.
Valadier, propriétaire, k Rodei.
DE LA SOCIETE FRANÇAISE d'aRCHÉOLOGIE. XXIX
Inspecteur: M. Noulens, directeur de la Revue d' Aquitaine.
NouLENS, directeur de la Revue d'Aqui- Solon, juge au tribunal civil, a Auch.
taine, a Condom.
45* DIVISION.
et j3^SSES-F»Y3aÉlVÉES.
Inspecteur divisionnaire : M. le vicomte de JUILLAC, à Toulouse.
Haute-OaroTxne.
Inspecteur . * M. de Saint-Simon, rue Tolosane, a Toulouse.
Bernard (Bertrand) , peintre décora- Toulouse.
leur, à Bagnères-de-Luchon. * Jlilhac (le vicomte de), de la Société
Carrière (l'abbé) , président de la archéologique du Midi, rue Mage, à
Société archéologique du midi de la Toulouse.
France, à Toulouse. Morel, avocat, à Saint-Gaudens.
Cartais (Emile), à Toulouse. Puyblsqle (le marquis Albert de), à
* Cartailhac (Emile), à Toulouse. Toulouse.
Cassagnavére (François), sculpteur, a 'Saint-Paul (Anthyme), professeur au
Mare-Tolosane. petit séminaire de Polygnan.
Du Bourg (Antoine), rue du Vieux- * Saint-Simon (de), rue Tolosane, 6, à
Raisin, 31 , à Toulouse. Toulouse.
Faure de la Perrière, avocat, rue Trutat (Eugène), conservateur du
Romiguière, 7, id. muséum, id.
•Gantier (A.), au château de Picayne, * Virèrent (Gaston), 4, rue Fourbas-
près Cazères. tard, id.
Gaujac (le baron de), rue Ninau, l.'S, à
Mantes - Fyrénées.
Inspecteur: "M. Dlrand, architecte, à Bayonne.
• Agos (le baron d'), a Tibiran, canton de Nestier.
XXX LISTE DES MEMBRES
Basses -F»>'réTiéos.
Inspecteur : ' iM. Loipot, architecte, a Pau.
EsTEvi I le comte I, a Pau. * Nadaillac (le marquis de), préfet de
Pau.
16e DIVISION.
A.tjr>E;, i>yr,é:]V1ï:es-ojfs,ie:ivta.les et ariéoe;.
Inspecteur divisionnaire: "M. de BONNEFOY, à Castelnaudary.
A.tx<ie.
Inspecteur : M. Coste Reboi-lle des Fonties, à Carcassonne.
AsTBE (l'abbé), chanoine, à Carcas- pagne, à Carcassonne.
sonne. " Lafont, architecte, à Narbonne.
BoN.NEFOY (de), à Castelnaudary. Lézat (l'abbé;, curé-doyen de Salles-
Chef-de-Bien (le vicomte de), a Nar- sur-l'Hers.
bonne. MiR (Achille), à Carcassonne.
Coste de Reboilli: des Fonties, a Car- Zagariga de Chef-de-Bien (le vicomte),
cassonne. au château de Bizanel.
Gaikaid (Godefroy), vice-consul d'Es-
I»y ré nées-Or ierx taies.
Inspecteur : M. Alart, a Perpignan.
Alart, archiviste du dépiiTlcincnl, a Tolra de Bornas (labbe), a 111e.
Perpignan. "Vilar (Edmond de), à Thuir.
■ Df.lmas de Riras (Joseph), à Céret.
Ariégo.
Vidai, dabbéi, curé de NoIre-Dame-de-Camou, a Camou, par Mirepoix.
DE LA SOCIÉTÉ KHANCAISE It AHCHKOI.OGIt;.
XXXI
M" DIVISION.
BOUCIIES-r>U-R,HOIVE , HlinAUX^T. GARD
ot VAXJCLUSE.
Inspecteur divisionnaire : ' M. l'abbé VINAS, curé de Jonquières.
;Boxi.clxes-axx-rt,liôn.e.
Inspecteur: M. de Payan nu Moulin, conseiller k Aix.
Andkk (Constant), avoué a Aix.
Arnaii) (Pierre-André-Marius), ancien
avoué, à Marseille.
Berriat, sculpteur, id.
BoHV, avocat, conseiller municipal,
boulevard Longchamps, 45, id.
Clappier (Félix) , docteur eu droit,
substitut, à Aix.
Gilles (Isidore), rue Saint-Savournin,
48, à Marseille.
GuiLLiBERT (l'abbé), secrétaire de l'Ar-
chevôché, à Aix.
GiMLLiBERT (Henri), homme de lettres,
chevalier de Saint- Grégoire - le -
Grand, rue de Noailles, -22, a Mar-
seille.
LiEUTAUD,bibliothécairede la ville, id.
MoNGES (Jules), négociant, rue La-
fayelle, 2, id.
MoRELi^l'abbé), vicaire de Saint-Victor,
id.
MoNTREi'iL, juge de paix, correspon-
dant de l'Institut, id.
MoiiTET, ancien maire, k Arles.
Payan uu Mollin (de), conseiller a la
Cour d'appel, a Aix.
Penon, conservateur du musée des
Antiques, k Marseille.
RoLLANU (l'abbé) , aumônier du collège,
id.
Roman, photographe, k Arles.
Sabatier, fondeur, rue des Orfèvres, 8,
a Aix.
Saporïa (le comte de), membre de
l'Institut des provinces, id.
Sardou (Jean-Baplisle), archiviste, rue
Cannebière, 14, k Marseille.
Saurel, vérificateur des douanes, id.
Second-Cresp, avocat a Marseille.
Seymard (A.), conseiller k la Cour
d'appel, a Aix.
VoN-KoTHEN, rue Saiut-Bazile, -27, k
Marseille.
Héraiilt.
Inspecteur : ' M. le baron Diraxd de Fontmagne, château de Fontmagne,
par Castries.
Agniéres (Aimé d'), membre de plu-
sieurs sociétés savantes, rue Saint-
Roch, 6, k Montpelliei-.
Besiné (Henri), architecte, rue Petit-
Saint-Jean, id.
XXXII
LISTE DES MEMBRES
Bii.NM-t, conservateur du niusi'p , à
Béziers.
Carenet (Gaston), à Gigean.
Caroi", présideot de la Société archéo-
logique, id.
CuAVis, ancien ofûcier supérieur, à
Montpellier.
CoRONE (l'abbé), curé de Serignan.
* DiRAND DE FoNTMACNE (le barou),
au château de Fontmagne , par
Castries.
* Fabre jeune (l'abbé), à Poussan.
Fabrége (Frédéric) , ancien élève de
l'école des Chartes, à Montpellier.
GixoivÊs fl'abbé), curé-doyen de Mon-
tagnac.
HoT (l'abbé), curé de Cabian, par
Roujan.
LiGAGNE (Louis), membre de plu-
sieurs sociétés archéologiques , à
LodèTe.
Marioge, médecin-vétérinaire, rue de
Toulouse, 8, à Montpellier.
Martel (Paulin), à Lodève.
Méjean (l'abbé), curé de Lacoste, par
Clermont.
■ NoGi'iER (Louis), avocat à Béziers.
Pailhes (l'abbé), curé à Albeilham,
par Béziers.
Revilloit, professeur de littérature
française à la faculté des lettres, à
Montpellier.
'Ricard, secrétaire de la Société archéo-
logique , membre de l'Institut des
provinces, id.
RouoiET (Adolphe), au château de
Gourges, prés Lodève.
Sanchez, chef du contentieux, à Mont-
pellier.
Vin AS (l'abbé), membre de l'Institut
des provinces, curé de Jonquières.
Gara.
Inspecteur : ' M. l'abbé Gareiso, supérieur du séminaire, à Nîmes.
Alégre (Léon), bibliothécaire a Ba- Saint-Esprit.
gnôles. Gareiso d'abbé), supérieur du grand
■ Brigiier-Hoire (Louis), au Pont- séminaire de Nimes.
Vau-Cluse.
Inspectevr : ' M. VALERE-Martin (Joseph-Elz.), membre de l'Institut de»
provinces, à Cavaillon.
Barrés, bibliothécaire de la ville de
Carpentras.
Beri.i K DE Pérlssis (Léon), à Apt.
CHRE.STIAN (Heiiril, directeur du musée
cantonal du Saull.
Delovi: (Augustini, conservateur de la
bibliothèque et du musée Calvet. à
Avignon.
Pougnet (l'abbé Joseph), rue Corderie,
6, id.
Terris (l'abbé Paul), vicaires Apt.
■ Valére-Martin (Joseph-Elz,), membre
de riiislitut des provinces, a Ca-
vaillon.
DE LA SOCIETE FRANÇAISE It ARCHEOLOGIE. XXXIII
18« DIVISION.
At^T»E)=»->I.'VFtITl>rES et CORSE.
Inspecteur divisionnaire: ' M. de BERLUC PERUSSIS, membre de l'Instilut
des provinces, a Apt.
A'^ar.
Inspecteur : ' M. Rost.w, membre de l'Institut des provinces, à Saint-
Maximin.
■ AiîDiFi'RET (le comte d'), trésorier- Liotard (l'abbé), curé des Arcs.
payeur, à Toulon. Ollivier (l'abbé), aumônier militaire
BoYER, architecte à Hyères. de la place de Porquerolles.
Dupui (l'abbé), au Beausset. "Rostan, membre de l'Institut des pro-
GiRAi'D (l'abbé Magloire), chanoine vinces, à Saint-Maximin.
honoraire de Fréjuset d'Ajaccio,offi- Sigaud-Bresc (de), avocat à Aups.
cier de l'Instruction publique, curé Tessier (Octave), correspondant du
de Saint-Cyr. ministère, à Toulon.
Hautes- Alpes.
Inspecteur : M. l'abbé Sauret, chanoine honoraire, curé-doyen de Serres.
'Goulain, arcliitecte diocésain, à Gap. Templier (l'abbé), chanoine honoraire,
Gilbert (Mgr), évèque de Gap. aumùnier de l'école normale, id.
Hasses-Alpos.
Inspectera- : M. Allègre, inspecteur primaire, à Sisteron.
Allègre, inspecteur primaire, à Sis- Rameaux (l'abbé), à Saint-Maime, par
teron. Forcalquier.
Carbonel (l'abbé), h Niozelles. Terrasson (l'abbé), curé de For-
HonoiL (l'abbé), curé de Reuesl-des- lalquier.
Brousses.
XL* SESSION. E
XWIV LISTK ItES MEMBRES
A-lpos-Mari t i nios.
Inspecteur: M. Brin, architecte, à Nice.
Brin, architecte, à Nice. Sardou (Antoine-Léandre), trésorier de
CHEVALirn (Hippolyte), architecte, ave- la Société des lettres, sciences et arts,
nue Delphine, id. id.
Gazan, colonel d'artillerie, à Antibes. Tisserand (l'abbé), aumônier du lycée,
MoLT.iNS nt RoQLLFuRT, à Autibes. id.
Rastoin-Brémond, à Nice.
Corse.
Inspecteur : M. Kezierowiz.
Kezierowiz, ingénieur des ponts et chaussées, à Ajaccio.
49« DIVISION.
RHOIVE:, AFIDÉCHE. AIIV, r>RO>IE, IS^RE
et SA. VOIE.
Inspecteur divisionnaire : ' M. Martin-Daissicny, ii Lyon.
IVlxône.
Inspecteur : ' M. le comte Georges de Soilthait.
■AvAizE(Amédéed'), château dePaners, a Lyon.
par Peneux. * Martin-Dalssigny, conservateur du
'Benoist, architecte, id. musée, id.
* Canat de Chizij (Paul), rue Jarandc, " Savoye (A.), architecte, id.
id. Savy (C. Vays), rue de Cuire, 19, à la
' Desjardins, architecte, id. Croix-Rousse, id.
JtSTKR (Louis), à la Banque de l'rance.
UE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE d'ARCIIÉOLOGIE. XXXV
A.r<ièclie.
Inspecteur : ' M. Ollier-Jules Dr, Marichard, à Vallon.
La Toi KiûTTr; (le marquis de), ancien logue, à Vallon.
députtS maire- de Tournon. Montravel (le comte Louis de), a
•Marichard (Ollier-Jules de), archéo- Joyeuse.
A-in..
Inspecteur: 'M. Desjardins, architecte, membre de l'inslitut des provinces,
a Lyon (Rhône).
JoLiBOis (l'abbé), curé de Trévoux. Martin (l'abbé), curé de Foissiat.
•MARTiGXYCl'abbé), chanoine de Bellay. Richard (Mgr), évêque de Belley.
Inspecteur: ' M. Valkntin, juge, à Moniélimart.
Nlgiks (Alphonse), à Romans. PoiuROix (du), à Romans.
Perrossieh (l'abbé), professeur de ma- 'VALiiNTiN iLudovic),juged'instruclion,
thématiques au petit séminaire, a îi Montélimart.
Valence.
Isère.
Inspecteur : * M. Le Blanc, professeur, à Vienne.
BizOT (Ernest), architecte, a Vienne. *Li; Blanc, professeur au collège de
Caillemer, professeur à la Faculté de Vienne.
droit, à Grenoble. Pailinier (Mgr), évéque de Grenoble.
Dardelet, graveur, id. Piciior (l'abbé), curé de Sermerieu
DAvm (Auguste), docteur-médecin, a canton de Morestel.
Morestel. Qcérancal (M"" de), à Vienne.
•Gariel, conservateur de la bibliothé- Saint-Andéol (de), à Moirans.
que publique de Grenoble. VaelieR (Gustave), propriétaire, place
Jaillet (l'abbé), curé de Salaize. Saint-André, à GrenotJe.
XXXVI
I.13TE DK? MEMBRES
*^avoie.
Inspecteur . M. VtiiLLOi. toiilrùleur des contributions directes, à Annecy.
FivtL (Th.), architecte, a Chanibéry.
MossiERE (François), secrétaire de la
Société savoisienne d'histoire et d'ar-
chéologie, à Chanibéry.
Vkullot, contrôle ir iiriiicipal des con-
tributions directes, à Annecy iHaulL--
Savoie).
iO» DIVISION.
COTE-nOR. !-5A0XE:-BT-JL.0IR,E, AI^LIER et
HAUTE ->I A. RIVE.
Insperteur divisionnaire: ' M. le comte de L'ESTOILE, à Moulins (Allier).
Côte- d'Or.
Inspecteur : M. Bacdot, membre de l'Institut des provinces.
Arbai'mont (Jules d'), de l'Institut des
provinces , aux Argentières , près
Dijon.
B.MDOT (Henri), président de la Com-
mission archéologique de la Côte-
d'Or, à Dijon.
Bbetemere (Edmond de), id.
Cissey (le comte Louis de), au château
de Cissey.
Degré (Pierre), architecte, à Dijon.
Détolkbet, président du Comice agri-
cole, membre de l'Institut des pro-
vinces, à Dijon.
DiPARC (le comte), rue Vannerie, 3,ï, id.
GuiLLi;.MOT, président honoraire du tri-
bunal civil de Beauiie.
Ligieu-Belair (le comte dei, a Uijon.
Suisse, architecte du département, id.
Saôn.e-et-I^oire.
Inspecttvr : M. de Sibigny, membre de l'Institut des piovincos, a Màcon.
BsTMAiiT (Henri), secrétaire de la Bk.mot (rabbé\ aumônier militaire,
Société archéologique de Chalons- missionnaire apostolique, id.
sur-Saône.
DE LA SOCIÉTÉ KKAiNOAlSK d'aUGHÉOLOGIE.
XXXVIl
• BuLLiOT, iiiésideiit de la Société
Édueniie, ii Autun.
' Canat de Chizij (Marcel\ président
de la Société archéologique , à
ChAloiis-sur-Saône.
CiiKVRiLR (Jules), id.
EsTERNO (le comte d'), au château de
Vesore, près Autun.
FoNTENAY(de), archiviste paléographe,
k Autun.
Lacroix père, pharm. à Màcon.
• MoTïiN DE LA Falconmere (Alix), à
Charnay.
NicOT (Charles), à la Villeneuve, près
Cuiscry.
• Pailloix (le docteur), membre de
l'Institut des provinces , maire de
Saint-Ambreuil.
• SuRKiNY (de), membre de l'Institut
des provinces, à Màcon.
Allier.
Inspecteur : M. Albert de Bvrei, à Moulins.
Arc\ (le comte d'), trésorier-payeur, à
Moulins.
Bailleau (Jh.), médecin, à Pierrefitte-
sur-Loire.
Bletterie (l'abbé J.-A.) , chanoiue
honoraire, curé de Saint-Clément.
Bi:res (Albert de), à Moulins.
Bouchard, avocat, membre de l'Insti-
tut des provinces, id.
Dadole (E.), archiiecte, à Moulins.
Desrosiers (l'abbé), curé de Bourbon-
l'Archambault.
Dreux- Brézé (Mgr de), évêque de
Moulins.
* EsMONOT, architecte du département,
id.
* EsTOiLE (le comte de 1'), membre de
l'Institut des provinces, id.
La CoLTiRE ^Ernest), a Franchesse.
Le CouTiRiER, architecte a Vichy.
Meilleirat des Prureaux (Louis), id.
MiGNOT (D.-M.), à Chantclle.
Monllaur (le marquis Eugène de), de
l'Institut des provinces, à Chantelle
et à Paris, rue de Grenelle-Saint-
Germain, 7S.
Qleroy, directeur du musée, membre
de l'Institut des provinces, a Mou-
lins.
TixiER (Victor), membre de l'Institut
des provinces, à Saint-Pons.
Haiite-lMtame.
'Gvèrin (Mgr), évêque de Langres.
XXWlll LISTE Ulià .MEMBRES
21« DIVISION.
DOUI3S. JURA et HAUTE -SAOIVE.
Inspecteur divisionnaire: 'M. Eu. CLERC, piésideiil de la Cour dappel
de ResaïU'on.
r>ouV)s.
Inspecteur : M. Victor Bailll, architecte, à Besançon.
• Cast.\n (A.), conservateur de la ' Clerc (Edouard), président honoraire
bibliothèque publique, membre de à la Cour d'appel, id.
riiistilut des provinces, à Besançon. 'Viilleret, rue Saint-Jean, 11, id.
•J lira.
Inspecteur : ' M. C.vstan, conservateur de la Bibliothèque publique de Besançon.
Hante-Saono.
Inspecle^ir: ' M. Jules de Biyeh, a la Chaudeau.
22° DIVISION.
MEUSE. M<>!-*EL,L,Li: . MKUIVTHE, VOSOES ,
liAirJ-ltllIIV ot HAUT-ItlIllV.
Inspecteur divisionnaire: M. le colonel ui. MORLET, de l'Institut
des provinces, a Nancy.
>le\xse.
Inspecteur : ' M. Lienahd, secrétaire de la Société IMiilonialiquc, a Vcniun.
I»i Ml, Miii (Armand), membre de l'in- 'Lienahd, secrétaire de la Société
slltnt des provinces, a Verdun. Philoniatique il Verdun.
■ LAi.i.on.ni;, peintre, il Juvigny-les- ' Morel (l'abbé), curé de Sampigny.
l)aines, près Moniniédy. Peieioi-Beelavoine, à Verdun.
\m LA SOCIÉTÉ FUANÇAISK d'aUCIIÉOI.OGIE. XXXTX
iMoselle.
Inspecteur : M. Auguste Prost, à Melz.
Dérobe, architecte du département, a Fan der Slraten (le comte de),
Melz. membre de l'Institut des provinces,
* Prost (Auguste), id. id.
>Ieiartlxe.
Inspecteur : M. Hlmbert, architecte.
DiiMAST (P.-G. de), membre de l'Iusti- Morlet (colonel de), commandeur de
tut de France, à Nancy. la Légion d'honneur, id.
HuMBF.RT (Lucien), architecte, id.
Vosges.
Inspecteur: M.
Bas-Rlain.
Inspecteur : M. l'abbé Straub, directeur du collège Saint-Arbogats,
a Strasbourg.
Faviers (le baron Matthieu de), à Rhiel (l'abbé Léon), curé de Venden-
Kintzheim. heim.
Gcerber (l'abbé V.), curé de Saint- Salm, conservateur de la bibliothèque,
Georges, à Hagueneau. a Strasbourg.
Klotz, architecte de l'OEuvrc Notre- Spach (Louis), archiviste eu chef du
Dame, à Strasbourg. département, id.
MuRY (l'abbé Pantaléon), sup. du petit Stralb (l'abbé), directeur du grand
séminaire de Strasbourg. séminaire, id.
Rauch, docteur-médecin, a Oberbronu. Wolf (Gustave), avoué, id.
II a »x t-PMi 1 11 .
Inspecteur : M. Poisat , architecte de la ville, a Belfort.
Frey (Henri), à Guebwiller.
LX LISTK DES MEMBRES
23» DIVISION.
A L G É R I K.
Inspecteur divisionnaire : M. CHERBONNEAU, professeur d'arabe, à Alger.
Province d'Alger.
Trehealx, à Cberchell.
r»i*ovlTice ae CoTistantlne.
Inspecteur : ' M. Roger , conservateur du Musée, à Philippeville.
Battandier, président de la Société Boissé, à Lambessa.
archéologique de Constantine. Delaparu (l'abbé), curé de Tebessa.
• K I.\ SCtCirCÏK l'Il.WCAISK I» A IICII Kdf.OCIK.
MEMBRES ÉTRANGERS
s. M LE KOI DES BELGES, à Bruxelles.
AiNswoinii {\e général), à Monnel
(Vorkshire).
ALiii'.Rni.NC.-LiiiJM, il Amsierdani.
Ai.FORT (le Rdv.), doyen ile Cantorbéry
(Angleterre).
Alvin, direcleur de l'inslruclion pu-
blique à Bruxelles.
Amahi (Michel), sénaleur, a Florence.
Andriks (l'abbé J.-O.), chanoine à
Bruges.
AiKSWOLD, piésident de la Régence, à
Trêves.
AiTKSSES (le baron d'), direcleur de la
Sociélé du Musée germanique, à
Nuremberg.
Baehr, conseiller aulique, professeur
à l'Université de Heidelberg.
Balksïra (l'abbé Séraphin), professeur
au séminaire à Come (Italie).
Barlifi (G.-1.^, professeur émOrilc ii
l'Université de Turin.
Bayer (A. de), conservateur des monu-
ments historiques du grand-duché
de Bade, à Carlsruhe.
Bayi.i;y (W.-H.), a Londres.
Hi;nioRD (Sa Grâce le duc de), Brigh-
ton-square, id.
Bi,Tin\n (Mgr), chanoine de la
cathédrale, professeur d'archéologie
au grand séminaire de Bruges.
Bi.N(;nAM (le colonel), membre de la
Société archéologique du comté de
Kent, juge de paix de ce comté, a
Bochester (Angleterre).
Bi.NGHAM (M™"), a Bochester (Angle-
terre).
BoLD (Ed.), capitaine do la marine
royale, à Soulhampton.
Brinckel; (de), conseiller d'État a
Brunswick.
Brow.n (le docteur William-Henri), a
Londres.
Briyenne (Justin), architecte à Tour-
nay.
BLRnrRE (le chevalier Léon de), vice.-
président de l'académie d'archéolo-
gie de Belgique, membre de l'Institut
des provinces de France, à Anvers.
Bt'RdES, architecte h Londres.
Bl'Rke (Peter), membre de l'Institut
des architectes, id,
BissciiER (Edmond de), membre de
l'Académie royale de Belgique, à
Gand.
Castermax , colonel
Bruxelles.
du génie, a
XI. SESSION.
Mil
LISTE HES MEMBRES
Aiilciiio Damv^o i>i Castro (le coiii-
iiiaiidour ablië), a Sou/a (Kloroiice).
CiiARLLs ...., membre du Pailemeiil
d'Aiislelerre.
Clément (.Georges-Edward), à Londres.
CONESTABILE DE PlHHlGlA (le Cûlllle
de).
CONONDAC (de), conservateur des Ar-
chives, à Zurich.
CoppiETERS (le docJeur), à Ypres.
CdX, vice-président de la Société d'his-
toire naturelle du comté de Kent, à
Fordwich, près Cantorbéry.
Cox (M™'! à Fordwich, près Cantor-
béry.
"CzOERNiNG (le baron de), président
de la Commission impériale d'Au-
triche pour la conservation des mo-
numents, il Vienne.
■ DiiNAi.sTON , sccrélaiie <lc rinslilul
des architectes à Londres
Driiry (John-Henri), membre de la
Société des antiquaires de Londres,
à Norwich (Angleterre).
DiiiY, pasteur protestant, à Genève.
Dlmortier, membre de la Chambre
des représentants, à Tournay.
DrRLET (F.), à Anvers.
EiciiWALn (d') , conseiller d'État, à
Saint-Pétersbourg.
ÏT-
" A. VON Decune VAN Varick, à la
Haye.
'Da SiLVA (J.), architecte du roi de
Portugal, membre de l'Institut des
provinces de France, a Lisbonne.
Decharme, ingénieur en chef a Bo-
logne (Italie).
Dectoff (le comte), à Gothingen.
Delvigne (A.), professeur d'archéolo-
gie au séminaire archiépiscopal de
Malines (Belgique).
Devey (Esq.), architecte, à Londres.
Devilliers (Léopold), président du
Cercle archéologique, à Mons.
DiEGLiticii , professeur à l'Athénée
d'Anvers (Belgique).
UoGNÊE DE ViLLERs, membre de l'In-
stitut des provinces, à Liège.
■ DoGNÊE DE ViLLEiis (Eugène), mem-
bre de l'Institut des provinces, id.
Fabry-Rosshs , docteur ès-Iettres, à
Liège.
Fazy, conservateur du Musée d'anti-
quités, a Genève.
FiORF.LLi, sénateur, directeur des tra-
vaux de Pompéï.
FiRMENicii (Jean-Mathieu), homme de
lettres, à Berlin.
Florencoirt (de), membre de plu-
sieurs Académies, administrateur du
musée d'anti(iuilés, a Trêves.
FoRSTER, membre de plusieurs acadé-
mies, à Munich.
FoRSTER, professeur d'architecture à
l'Académie des Beaux -Arts, à
Vienne.
Franks (Auguste W. ), au British
Muséum, à Londres.
Free.man, antiquaire, à Londres.
Fry (Miss Katherine), Plashet près
Slialfort (Angleterre).
■ Fi iiSTi..Mi!i;«(; Stanurim (le comte de),
il ApoUinarisberg, près Cologne.
DE LA SOCIETE FRANnA.lSE 1» ARCHEOLOGIE.
LXIII
O
Gellhand dk Mertem (Louis), iiumis-
inatc, k Bruxelles.
Gelvet (le comte de), à Eslon, pics
Maestricht.
■ Genard (P.), conseivatcur des archi-
ves, membre de l'iiislilul des pro-
vinces de France, a Anvers.
Gergens, secrOtaire de la Sociélé
archéologique de Maycuce.
GiLDUEMii'is, ancien nt'uociant a Rol-
terdam.
Glavany (F.), chargé d'affaires de la
Sublime Porte, à Bruxelles.
GoNELLA, a Turin.
Gosse lils, à Genève (Suisse).
Grangacnage, premier président de la
cour d'appel, à Liège.
* Grant (.Mgr), évéi[ue de Soutwarlh,
à Saint-Georges, à Londres.
Greenslade ( Révérend William ) ,
Stoke-sub-Hambdon Ilminsler (An-
gleterre).
* Griolet (Ernest), numismatiste, à
Genève.
GuiLERY, professeur, membre de l'Aca-
démie, à Bruxelles.
Hadji Cueik MosiiiN Kai- (le général),
aide de camp de S. M. J. le shah de
Perse, et conseiller d'ambassade.
Hagemans, membre de la Chambre des
représentants, à Bruxelles.
Hamman (Th.), nég. à Ostende.
Hartsiiume (Rév. C.-A.), archéologue
il Londres.
Haili.eville (de), littérateur, à
Bruxelles.
' Hennerioie, arcliilecte, a Courtrai,
(Belgique).
J.-C. Hezemians.
L.-C. Hezenmans.
Heurard (Paul), à Bruxelles.
HoDY (le baron Ludovic de), docteur
en droit, rue Marie-Thérèse, S'i, à
Bruxelles.
HiGiE-r (l'abbé), a Ath (Belgique).
Hixsii, membre du Conseil supérieur
des bâtiments, à Carlsruhc.
J.VMES (sir Walter), baronnet, membre
de la Société archéologique du comté
de Kent, à Sandwich (Angleterre).
JiST (Théodore), conservateur du Mu-
sée d'antiquités, membre de l'Acadé-
mie royale de Belgique, à Bruxelles.
K.
■ Kellek (le docteur), secrétaire de la
Société archéologique de Zurich.
Kervy.n de Letenhove (le baron),
ancien ministre du roi des Belges,
membre de l'Institut des provinces
de France, à Bruxelles.
Kestelood, propriétaire, à Gand.
Keysek (N. de), membre de l'Académie
d'archéologie de Belgique, directeur
. de l'école des Beaux-Arts d'Anvers,
membre de l'Institut des provinces
de France.
KuEisEK, membre de plusieurs Sociétés
savantes, k Cologne.
KiRCiillOEER (Théodore), a Stutigard.
KuiEG DE HocFEEUEN, aidc-de-cauip de
XLIV
J.ISTE HES .MEMUKES
S. A. U. le Qi-aiiil-duc de Bade, â
liadea-Badeii.
K11.LKR (Franc.'', professeur à TAcadé-
inie de Berliu.
KiLL, id.
KiucKKK (Edward), es»i., ancien maire
de Douvres, membre de la Socidlé
arcliéoloiîique du comté de Kent, à
Castel-Hiil (Anclelerre).
Loi'tz (le cumniaiidcur) , ancien
conservateur du Musée d'antiquités
de Parme.
La FitNTE (vicomte de), membre de
l'Académie royale d'histoire de Ma-
drid, à Madrid.
Lancia di drolo (le duc Frédérico),
secrétaire de l'Académie des sciences,
membre de l'Institut des provinces
de France, à Palerme.
■ Li.NDE.ssciiMim, conservateur du Mu-
sée de Mayence.
Larkino, secrétaire de la Société ar-
chéologique du comté de Kent, à
Ryarsh (Angleterre).
Laurent (Mgr), évéïiue de Luxem-
bourg.
Leicmans (le docteur), directeur des
Musées, à Leyde.
Li; Grand de Rel'landt, secrétaire de
l'Académie archéologique, à Anvers.
Leniiart (F.), sculp., à Cologne.
"Le Roi, professeur d'archéologie à
rUhiversité de Liège.
LosANA (Mgr), évé(|iie de Bielle, mem-
bre de 1 Inslitnt des provinces de
France.
Leitscii (Charles-Chrétien de), a W'etï-
lar (Prusse).
LiciiLTÉ (l'abbé), curé catholique de
Christiania (Norvège).
LiMELtnE (Auguste), conservateui- iln
Musée, a Namur.
Cercle archéologi(iue (le) de la ville de
Muns.
Marcis (Gustave), libraire, à Bonn.
Mavi:m-iscii (le baron de), chambellan
de S. M. le roi de Prusse et de S. A.
le prince de Hobenzollcrn-Sigmariii-
gen, a Sigmaringen (Prusse).
Mayeh (Joseph), membre de l'Institut
des provinces de France, kLiverpool.
Mayer (F.), k Fraiicfort-sur-Meiu).
Meester de Ravestein (de), ministre
plénipotentiaire, au château de Ra-
vestein, près Matines (Belgique).
Aîenarrêa (le comte), président du
conseil des ministres du roi d'Italie,
membre de l'Institut des provinces, a
Florence.
Messmer ( le docteur ) , professeur,
conservateur du Musée, à Munich,
(Bavière).
Milliga.m (le Rev. H. M. M. A.),
membre de la Société archéolo-
gique du comté de Kent, a Sulton
Valence (Angleterre.)
MiNERViNi (Giuliano), conservateur du
Musée de Naples,
Mouammed-Hassan-Kae (le colonel),
secrétaire d'ambassade de S. M. i.
le shali de Perse.
MoNE, directeur des archives générales
du grand- duché de Bade, a Carls-
ruhe.
Mdsler (Charles), professeur à l'Aca-
démie royale de Dusseldorf.
Miiii;r (le docteur Charles), a Stutt-
gard.
DE LA SOCIETE FRANÇAISE D AUCIIEOLOGIE.
hXV
Naul'ys (le comte de), membre de plu-
sieurs sociétés savantes, à Wies-
badeii.
NANMNC.A-UmERDi.iK , archiviste , à
Kanipeii.
Nazaiie-Aga, ciivoyr de S. M. J. le
shah de Perse, et secrétaire d'aui-
bassadc.
Neykn (Auguste), propriétaiie a
Luxembourg.
NicuoLS ( Johii-Gouth ) , nieuibre de
la Soc. des Aiitiq. de Londres.
NiLSOs (S.), ancien professeur d'his-
toiie, à Luiid (.Suède).
Noue (le comte Arsène de), docteur eu
droit, à Malnièdy.
* Olfers (d'), directeur général des
musées, a Berlin.
Ogvlvy (G.), esq. Museum-Streel, 41,
à Londres (Angleterre).
O'Kelly de Galway (le comte Alph.^,
rue Sans-Souci, .')3, à Biuxelies.
OKi'iiRY (John-Henri), membre de la
Société des antiquaires de Londres,
à Norwich, comté de Norfolk (An-
gleterre).
' Otrei'PE de Bolvette (d'), président
de l'Institut liégeois, membre de
l'Institut des provinces de France, a
Liège (.Belgique).
Oudare, uégociant à Gènes (Italie).
Pamzzi (Antonio), l'un des conserva-
teurs de la bibliothèque de Londres.
Pai;n, ancien maire de Douvres (An-
gleterre).
* Farkcrs, nicnilire de la Société
architect. d'Angleterre, de l'Institut
des provinces de Fiance, a Oxford.
Pety ue Rusen (Jules), a Grunes, près
Marches (province de Luxembourg).
Pleyté, conservateur du Musée des
Antiques, à Leyde.
Fir.ers, professeur de l'Université et
directeur du musée d'archéologie
chrétienne, à Berlin.
Quast (le baron), conservateur géné-
ral des monuments historiques de
Prusse, membre étranger de l'Insti-
tut des provinces de France,, à Ber-
lin.
R!;icnENSi'ERGER, conseiller à la cour
de Cassation, vice-président de la
Chambre des députés de Berlin, à
Berlin.
Reichensperger, conseiller à la Cour
de cassation, id.
Reider, professeur a l'école polytech-
nique de Bamberg.
Respileix (.l'abbé), chanoine, doyen
de la cathédrale de Tournay.
■Reusens, docteur en théologie, biblio-
thécaire de l'Université, à Louvain
(Belgique).
' RiEOLiM (.le docteur), directeur du
Musée d'antiquités de Parme.
XLVl
LISTE DES MEMBRES
KioEL (sir W.-B.), baruiiiiel, membre
de la Sociélé arclK^oiogiiiue du comté
de Kent, à Londres.
■ R 100 tN BACH, architecte à Bâle.
HiPALDA (le comte de), de l'Académie
espagnole d'arclicologie, h Madrid,
membre étranger de 1 Institut des
provinces de France.
" RoACii Smith, membre de la Société
des Antiquaires, à Woods, près de
Rochcstcr.
RoBSON (Edward), architecte à Dur-
ham (Angleterre).
■ Roisin (le baron Ferdinand de), che-
valier de Malte, à Touniay.
RoNSE (Edmond), archiviste, a l'urnes
(.Belgique).
■ Rossi Je commandeur de), membre
de l'institut des provinces de France,
à Rome.
Roulez, professeur a rL'iiiversité de
Gand, membre étranger du l'institut
des provinces.
RcssEL (lord Ch.), a Londres.
Rl'ssel (Uasting), id.
Salinas (de), prolésscur d'archéologie
a l'Université de Palerme.
Salsail-Soihaim; (le baron de), a
Francfort.
Savedua (de), ingénieur eu chef des
ponts et chaussées, à Madrid.
SoHEMAN, professeur au collège royal
de Trêves.
ScMENASE (Charles), conseiller a la
cour de cassation de Berlin.
SciiotTEi.TE (le chevalier dei, de l'Aca-
démie d'archéologie de Belgi(iue.
ScAim-.iiEii , professeur des sciences
auxiliaires historiiiucs, k l'Univer-
sité de Fiibourg.
ScLoi'is (le comte), i)résident de l'Aca-
démie de Turin.
ScuL'ERMANs (H ), membre de l'Aca-
démie d'archéologie de Belgique ,
conseiller à la Cour royale de
Liège.
Segrltain, chef de bataillon du génie,
a Rome.
ScniLTE (l'abbé^, doyen de Frekendorf,
diocèse de Munster.
Sharpes (Edmond), architecte anglais,
membre de l'Institut des provinces,
à Genève.
SciiEFi'iELT- Grâce, à Know-House,
comté de Kent.
SiHET (Ad.), sous-préfet, a Saint-Nico-
las (Belgique).
Smoliehen, membre de la députa-
tion permanente de la province
d'Anvers.
Sterne\vski(J.), membre de l'Académie
des sciences de Saint-Pétersbourg.
SrA.Mi'E (de), président du tribunal de
Munster.
Stielfried (le baron de), grand maître
des cérémonies du palais, à Berlin.
Stirlixg (sir Walter), baronnet, mem-
bre de la Société archéulogi(iue du
comté de Kent, a Tuiibridge-Wcls
(Angleterre).
Stone (Rév.-Can.), membre de la
Sociélé archéologique du comté de
Kent, à Cantorbéry (Angleterre).
Sti aht-Menteau (Ch.), à Entry-Hill-
Housc-Bath (Anglcleire).
SnAKT-MENTEAH lils , a Enliy-Hill-
Ilouse-Bath (Angleteri-e).
Stiers (Victor de), à la Haye.
Temi'Esi, menilire de la Société des
antiquaires de Londres.
DE LA SOCIKTK FRANÇAISE H AIlCIlEOIOfilE.
XI.VII
Ti;\ liiti.NCK, il la Iliiyc.
Toni's (Louis), luembie coricsiioiidaii
lie rAcadémie il'aicliéolofiic <Io lîcl-
gique, à Anvers.
U
Zestf.rmann, professeur, à Leipzig.
Urliciis, professeur, directeur du Mu-
scle d'antiquités, à Bonn.
VANnuAME-BERNii.K, trésorier de la
Société royale des Beaux-Arts et
conseiller principal, à Gand.
■ Vanden-Peerboom , ministre d'Etat,
h Bruxelles.
Van der iiaiche, rue de Courtrai, S, a
Gand (Belgique).
Vax der Rltte, chanoine, curé-doyen
a Poperinge (Belgique).
Van uer Viver, ii Jersey (Angleterre).
Vax Limpoel, de Niemuster, membre
de la chambre des représentants et
ancien sénateur, a Bruxelles.
' Veliaminoio-Zerxow (de), genlil-
liomnie de la Chambre de l'empereur
de Russie, a Saint-Pétersbourg.
Ville (Emile de), chevalier de l'ordie
de Charles 111, a Liège (Belgique).
AV
Wagener, membre de plusieurs socié-
tés savantes, rue Hareng-Spec, 21,
a Gand (Belgique).
* Wallerstein, (le prince) , ancien
minisire à Munich.
" Weale (James), a Bruges (Belgique).
Wetter, membre de plusieurs aca-
démies, a Maycnce.
WiESEXFELD, professeur d'architecture,
à Prague (Bohème).
Willem , directeur de la Société
archéologique de Sinsheim.
WniEHAM-MARTix (Charles) , membre
du Parlement, vice-président de la
Société archéologi([ue du comté de
Kent, au château de Leeds, prés de
Maidstone (Angleterre).
WiTMANX , directeur de la Société
archéologique de Mayence.
WoRSAAE (J.), inspecteur général des
monuments du Danemark, membre
de l'Institut des provinces de France,
à Copenhague.
Yates, membre de plusieurs sociétés
savantes, k Londres.
La Société française d' Archéologie renouvelle à ses associés la
recommandation qu'elle letu- a faite antérieurement, de faire tous
leurs efforts your augmenter le nombre des membres de la
Xl.Vlir I.ISTK IlES MEMBRES DE I.A SOCIETE,
Coin pa (/nie: il iicsl pns «le momltre qui ne puisse, dans sa circon-
scription, trouver clia(|ue année deux ou trois nouveaux associes.
Quand on songe qu'en Angleterre certaines associations comptent
ilix mille membres et plus, nous devons croire qu'avec un peu de
/.èle nous pourrions (piadrupler le nombre des membres de la Société
française d'nrchéohyie.
Le Bulletin monumental, qui paraît de six semaines en six
semaines, avec de nombreuses figures, sous la direction de la Société
française d'archéologie, est la plus ancienne revue archéologique
l'ondée eu France. — Le prix de l'abonnemenl est de 15 francs
par an pour la France, et 18 francs pour l'étranger.
ADDITIONS ET RECTIFICATIONS
A LA LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
Bardât de Bignicoirt (Arthur) , à
Reims.
Barry, professeur à la Faculté des
lettres, à Toulouse.
Begoi'en (le comte), trésorier-payeur
général, a Toulouse.
Berge ( Stéphane ) , avocat , rue des
Saints-Pères, i, à Paris.
BosREDON (de), capitaine au 3"= chas-
seurs d'Afrique, chef du bureau des
affaires indigènes à Tebessa (Algérie).
Calmon (Cyprieu), statuaire à Cahors.
Cardavacque (de), à Arras.
Celier (Alexandre), au Mans.
Combette-Labourelie (Louis de), châ-
teau de Labourélie (Tarn).
CoYON ( Charles ) , à Vaudsincourt
(Marne).
DiTMESNiL (Révérend), juge de paix, à
Meximieux (Ain).
Durand de Fontmagne (François), à
Fleurieu (Rhône).
Du Temple (Alph.), à Loudun (Vienne).
Engerard , avocat , rue Pémagnie , à
Caen.
Falgliêre (le baron de), à Rabastens
(Tarn).
Hannion (l'abbé), aumônier du lycée,
à Bar-le-Duc (Meuse).
HuART, conservateur du Musée, à Arles.
Jautrou, a la Hoberdière (Indre-et-
Loire).
JouRON (Léon), a Avise (Marne).
Lalonde (Philibert) , à Brives (Cor-
rèze).
XL* SESSION.
Lambert (René), attaché à la direction
des Domaines, à Moulins (Allier).
Lavergne ( Adrien ) , à Castillon de
Bats (Gers).
Malafosse (de), à Toulouse.
Martl'ré (le docteur), médecin mili-
taire, a Toulouse.
Menjot d'Ébenne (Samuel), au château
de Couléon (Sarthe).
Montferrand (Charles de), au château
de Montréal (Dordogne).
Perroid, membre de l'Institut des
provinces, rue Lafayette, !37, Paris.
Petit-Thouars (G. du), au château du
Petit-Thouars (Indre-et-Loire).
PoL Mahuet, vice -président du con-
seil de préfecture, à Châlons-sur-
Marne.
Prêville (l'abbé de), à Vendôme.
Rangognes (de), archiviste du départe-
ment, à Angoulême (Charente).
Saint-Geniez (le marquis de), au châ-
teau de l'Hermitage (Hérault).
Salverte-Bellenaves (de), a Belle-
naves (Allier).
Mgr Sebaux, évêque d'Angoulême.
SoLAGES (le comte Paul de), à Tou-
louse.
Turge ( Honoré de ) , à Montbrison
(Tarn-et-Garonne).
Van der Vyner, docteur-médecin, à
Jersey.
Veuillot , contrôleur principal des
contributions directes, à Lyon.
COMPTE DES RECETTES ET DÉPENSES
DE L'ANNÉE 1873
RENDU PAR LE TRÉSORIER
ARRÊTÉ PAR LE COMITÉ PERMANENT DE LA SOCIÉTÉ, DANS
SA SÉANCE DU 11 SEPTEMBRE 1874.
RECETTES.
Excédant du compte de 1872 4,351 25
Rente sur l'Etat 2,000 •
Recette» de 1873 (1) 10,298 50
Total 16,849 73
DEPENSES.
Frais de recouvrement des cotisations, par la poste, par les
banquiers et par les membres correspondants
Frais de retour de traites non payées
Dessins, gravures et lithographies pour le Compte-reudu du
Congrès de Chàteauroux
Impressions à Caen, à Angers, a Chiaon et à Chàteauroux. .
Payé à valoir sur l'impression du Compte-rendu du Congrès
de Chàteauroux (2)
A reporter . . . .
Ikk
82
123
68
1,443
30
2,308
83
2,000
»
6,620 65
(1) Daof cette gomme sont comprises les cotisations qui restaient k recouvrer sur
l'année 1872, lors de la reddition du compte de cette année. Les cotisations non
encore encaissées sur l'année 1873, au nombre de deux cents environ, figureront
dans le compte de 1874.
(9) Il reste h payer environ l,80O fr. aux imprimeurs d'Angers et de Tours
COMPTE RENDU PAR LE TRESORIER.
LI
Report
Frais généraux de ce Congrès et d'une séance k Tours. . .
Excursion archéologique dans le département de l'Indre. .
Achat et gravures de médailles
Affranchissement par la poste du Compte-rendu du Congrès
de Vendôme
Ports de lettres, de caisses, de livres, affranchissement de cir-
culaires et envoi de médailles
Timbre de traites et timbres mobiles
Travaux de menuiserie et de serrurerie au Musée de la
Société
Traitement d'employés et frais généraux d'administration.
Location d'appartements pour le dépôt des livres de la Société.
Traitement des concierges du pavillon et du musée. . . .
6,620 65
613 .
200 »
237 70
691 55
495
45
34
50
296
65
,000
»
150
»
59
>
ALLOCATIONS.
Membres chargés de la sur-
veillance et lia la direction
des travaux.
M. Palustre. Restauration d'un retable a Nouàtre.
M. Al'diot. Fouilles à Saintes
M. l'abbé Cérès. Fouilles dans l'Aveyron
M. l'abbé Chagnôn. Restauration de la partie romane du
chevet de l'église de Déols. . . .
M. HucHER. Réparation a la crypte de Sillé-le-
Guillaume
M. l'abbé Decorde. Réparation du portail de l'église de
Notre-Dame d'Aliermont
M. Allègre. Réparation de la crypte d'Uzès.. . .
M. Arthur Calvet. Fouilles à Bapteste
C" DE Rochambeal. Travaux de consolidation au château de
Lavardin
M. Ledaln. Fouilles sur l'emplacement de l'abbaye
de Saint-Cyprien, à Poitiers. . .
M. Dauvergne. Restauration de deux bas-reliefs dans
la chapelle de l'hospice d'Issoudun.
M. Delaporte. Fouilles archéologiques a Lizieux. .
M. Morel. Fouilles dans le camp d'Attila. . . .
M. Brugl'ier-Rocre. Réparation a la toiture du logis du
Pont-Saint-Esprit
Total
100 »
100 »
100 »
100 »
100 »
100 '.
200 »
300 •
150 •
100 »
100 •
50 »
100 .
12,006 50
LII
COMPTE RENDU PAR LE TRESORIER.
BALANCE.
Recettes . . . .
1 6,849 7.5
12,006 .50
Excédant. . .
/«,843 25
ita, le M septembre 1874.
Le Trésorier,
L. Gaigain.
ALLOCATIONS A SOLDER.
Membres chargés de la sur-
Teillance et de la direction
det travaux.
M. LE D' Nou-AS. Fouilles à Saint-Haon-le-Chàtel . . <00
M. DE BoNNEFOY. Soinmc à la disposition de M. de Bon-
iiefoy, pour fouilles à Amélie-les-
Baiiis 130
H. D'EspiNAT. Somme à la disposition de M. d'Espi-
nay 200
M. DK BiRES. Fouilles dans le département de
l'Allier 1.50
M. DE CoLCNY. Restauration du tabernacle du baptis-
tère de Saint-Mexme de Chinon. . 100
MM. l'abbé Voisin et! Réparations au fanal de Notre-Dame
Fai coNNF.Ai-DiFRESNE. ( d'Estréc 150
M. Makionmal'. Fouilles dans la Loire-Inférieure. . 100
M. l'abbé Cochet. Réparations a l'église de Sainl-Pierre
de Touques 200
M. Ratmond-Bobdeacx. Extraction des blocs des murs gallo-
romains d'Évreui 75
M. l'abbé Lezat. Réparations à l'église de Barague. . 100
M. UE Mabicolrt. Fouilles dans l'église de Saint-Gilles
de Montoire 50
M. DE Cessac. Fouilles à Gueret 100
M. Liénari). Fouilles a Verdun 150
M. Vincent-Dcrasd. Fouilles à Feurs 50
M. Vallier- Fouilles d'uu tumulus près le lac
Paladu 60
COMPTE RENDU PAR LE TRESORIER. LUI
Suite des allocations à solder.
M. HoYER. Fouilles dans les environs d'Uyèrcs. . JOO »
M. Fauconneau-Dufresnf, Fouilles à Levroux 150 "
M. Battandier. Fouilles au tombeau de Medracen, a
Constantine » »
M. l'abbé Delapard. Consolidation de l'église de Tebessa,
ancien temple de Minerve. . . . 200 »
M. Bruguier-Roure. Subvention pour la conservattion des
peintures du xv* siècle dans le logis
de rOEuvre du Saint-Esprit. . . 42 «
Somme votée pour l'érection d'un Monument à la mémoire
de M. de Caumout, sur une place publique de Bayeux, sa
ville natale •'•>W0 "
Le Trésorier,
L. Gaugain.
DÉCRET
RECONNAISSANT LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DAR CHÉOLOG lE
n'UTILITÉ PUBLIQUE.
Le Président du conseil, chef du pouvoir exécutif,
Sur le rapport du Ministre de l'Instruction publique, des
Cultes et des Beaux-Arts;
Vu la demande formée par la Société française d'Archéologie
de Caen ; •
Vu la délibération de la Société en date du 12 mai IcSTO ;
Vu son règlement constitutif et la liste de ses membres;
Vu l'état de sa situation financière et de ses publications;
Le Conseil d'État entendu;
Arrête :
Art. 1«^
La Société française d' Archéologie pour la conservation
des monuments historiques, dont le siège est à Caen, est
reconnue comme établissement d'utilité publique.
Art. 2.
Les Statuts constitutifs sont approuvés tels qu'ils sont annexés
au présent arrêté. Aucune modification n'y pourra être faite
sans autorisation.
Art. 3.
Le ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des
Beaux-Arts, est chargé du présent Arrêté.
Fait à Versailles, le 1 4 août \ 871 .
Signé : A. Thiers.
Par le Président du Conseil, chef du pouvoir exécutif.
Le ininistre de r Instruction publique et des Cultes,
Signé : Jules Simon.
Pour ampliation :
Le Secrétaire général,
S. -il. Taillandier.
STATUTS DE LA SOCIÉTÉ
Article ^".
Une société est établie pour la conservation et la description
des monuments de l'Empire (1), sous le titre de Société fran-
çaise d'archéologie pour la conservation et la description
des monuments historiques.
Art. 2,
La Société se propose de faire le dénombrement complet des
monuments français, de les décrire, de les classer dans un ordre
chronologique et de publier des documents sur la statistique
monumentale des départements dans un Bulletin périodique.
Elle fait tous ses efforts : 'l» pour empêcher la destruction des
anciens édifices et les dégradations qui résultent de restaurations
mal entendues ; 2° pour obtenir le dénombrement et la conser-
vation des ebjets d'antiquité et des pièces manuscrites qui inté-
ressent l'histoire.
Art. 3.
La Société fait près du gouvernement les démarches qu'elle
juge convenables pour arriver à ce but, et provoque la création
de musées d'antiquités dans les chefs-lieux de département.
Art. 4.
La Société étend ses soins à toutes les parties de la France,
(1) Le dépôt des Statuts au ministère de rinstruction publique a eu lieu le
12 mai «870.
LVI STATUTS DE LA SOCIÉTÉ.
sans acception de localité ; mais le chef-lieu de l'administration
qui la dirige est, quant à présent, lixé dans la ville de Caen.
Sur une délibération prise dans une assemblée générale convo-
quée ad Itoc, le chef-lieu pourrait être transporté dans une
autre ville.
Art. 5.
Chaque membre paie une cotisation annuelle dont le minimum
est de dix francs et le maximum de cent francs. Le nombre des
membres est illimité. Pour faire partie de la Société, il faut avoir
donné son adhésion aux statuts, avoir déclaré quel chiffre on
adopte pour sa cotisation annuelle, et avoir été nommé dans une
séance du conseil.
Art. 6.
La Société peut, en se conformant aux règles du droit com-
mun, tenir des séances dans toutes les villes de l'Empire. Aucune
nomination ne devra être faite dans les séances tenues par la
Société hors du chef-lieu, qu'autant que le Comité permanent
l'aura permis par une délibération formelle. Aucune nomination,
môme dans ce cas, ne peut avoir lieu si la séance n'est présidée
par le directeur de la Société ou par un dignitaire désigné par
lui pour le remplacer. Pour qu'il y ait élection, les candidats
doivent réunir l'unanimité des suffrages des membres du conseil
présents à la réunion.
Cet article est applicable à l'élection des inspecteurs et mem-
bres du conseil.
Art. 7.
Les ministres, l'inspecteur général des monuments, nommé
par le gouvernement, les membres du conseil supérieur des
bâtiments, ceux de la 2« classe de l'Institut, les préfets, les évéques
et les recteurs d'académie, sont de droit membres de la Société.
Art. 8.
L'administration est confiée à un conseil administratif et à des
STATUTS DE LA SOCIÉTÉ. LVII
olliciers, dont le règlement intérieur dolermine le mode de
nomination, ie nombre et les attributions.
Art. 9.
Les délibérations dn ('onsci! administratif relatives à des
ac(|uisitions, aliénations ou échanges d'immeubles et à l'accepta-
tion de dons ou legs, sont soumises à l'autorisation préalable dn
gouvernement,
AuT. 40.
Le directeur représente la Société vis-à-vis de l'autorité pu-
blique et des tiers.
Art. 11.
Le trésorier en chef est chargé de recevoir les cotisations ; il
solde les dépenses arrêtées par le conseil, et présente chaque
année le compte des recettes et dépenses de la Société.
Art. 12.
Le conseil administratif se compose du directeur, de quarante
officiers de la Société dont la désignation est faite par le règle-
ment intérieur, et de quarante membres ordinaires, dont dix au
moins devront être pris parmi les membres résidant dans le
département du chef-lieu. Les quarante membres ordinaires sont
renouvelés tous les deux ans, et immédiatement rééligibles (1).
Art. 13.
Le conseil tient chaque année une session dans laquelle tout
ce qui intéresse la Société est mis en discussion. On s'occupe
principalement, dans cette réunion, des mesures à prendre pour
(1) Jusqu'à ce jour, tous les inspecteurs de la Société ont fait de droit partie
du conseil g<^'néral administratif. Cet usage devra être modifié, pour se con-
former aux prescriptions de l'article 12. Pour le mùme motif, le nombre des
membres ordinaires du conseil, s'élevant aujourd'hui a soixante environ, devra
être réduit à quarante.
XL^ SESSION. H
LVIII STATUTS DE LA SOCIÉTÉ.
la conservation des édifices, des publications à faire dans l'année
(modèles, circulaires, etc.) et de l'emploi des fonds.
Cette session se tient dans une ville désignée à l'avance par la
Société ; tous les archéologues de l'Empire y sont convoipiés par
une circulaire. Le compte-rendu de chaiiue congrès est envoyé à
tous les membres de la Société.
Art. 14.
Le directeur et les membres du conseil général résidant dans
le département du chef-lieu forment, avec le secrétaire et le tré-
sorier en chef de la Société, le comité permanent, chargé de
l'expédition des affaires courantes. 11 se réunit une fois par mois.
Les membres du conseil qui, vu leur éloignement, ne peuvent
prendre part à ces délibérations, sont invités à exprimer leur
opinion par écrit.
Art. 15.
Outre le secrétaire général rééligible, deu.K membres du con-
seil, désignés par le directeur, sont chargés de tenir la plume
dans les réunions et de remplir les fonctions de secrétaires
adjoints.
Art. 16.
Le conseil nomme chaque année une commission de trois
membres au moins, qui font un rapport sur les travaux de la
Société.
Art. 17.
Un règlement intérieur, arrêté par le conseil administratif,
détermine toutes les dispositions de détail destinées à assurer
l'exécution des statuts.
Art. 18.
En cas de dissolution de la Société, la destination ultérieure
de ses biens sera réglée par une délibération du conseil adminis-
tratif, qui sera soumise à l'autorisation du gouvernement.
STATUTS DE LA SOCIETE. LIX
Les présents statuts ont été délibérés et adoptés par le Conseil
d'État, dans sa séance du 6 août 1870.
Le Conseiller d'État, secrétaire général du Conseil d'État,
De LANOUE-BILLAULT.
Certifié conforme à l'original déposé aux archives du ministère
de rin.>-truction puMiciue et des cultes et annexé à l'arrêté du
chef du pouvoir exécutif du M août ISTI.
Paris, le U septembre 'ISTi.
Le Secrétaire général du ministère,
S. R. TAILLANDIER.
REGLEMENT INTÉRIEUR
ARRÊTÉ PAR LE CONSEIL ADMINISTRATIF DE LA SOCIÉTÉ
CONFORMÉMENT A l'aRTICLE 17 DES STATUTS.
AUTICLE PRÉLIMINAIRE.
Les expressions : Conseil administratif. Conseil général et
Conseil, ont, dans les termes des statuts, la même signification.
Attributions du Directeur.
Art. 1<"".
Le Directeur est nommé par le Conseil administratif réuni
au (.hel-licu de la Société. Le vote par écrit est admis. Le
Directeur, pour être nommé, doit réunir les deux tiers des
suffrages exprimés. La durée de ses fonctions est de cinq ans;
il est rééligible.
IX KEGLEMEM INTÉRIEUR.
AUT. 2.
Il a la tlirt'ction des congrès, le choix des secrétaires géné-
raux, l'approbation des programmes, et l'envoi des convocations
et autres.
Art. 3.
Il préside le Comité inMinanent, par Uii-méme ou par son
délégué, lequel est pris, à son choix, parmi les ofliciers de la
Société.
Art. 4.
Il a seul la direction du Bulletin, dont quarante exemplaires
sont mis à sa disposition pour échanges avec d'autres revues
archéologiques ou abonnements gratuits.
Art. 5.
Il est autorisé à l'aire choix d'un membre de la Société qui,
sous le titre iVarchivisfe adjoint, est chargé de recouvrer les
abonnements des souscripteurs étrangers à la Société, et de
surveiller le service matériel de la publication.
Art. 6.
Il est autorisé également à louer, au lieu où se publient le
le Bulletin et le Comple-remlu des Congrès, un local pour le
service de ces publications.
Art.. 7
En cas de décès ou de démission, le Directeur sera rem-
placé par 1(! Secrétaire général, qui devra, dans un délai de
trois mois au pbis, provo(pier une réunion du Conseil adminis-
tratif afin (ju'il soit jiouivu à la vacance.
Attributions du Secrétaire général.
Art. R.
Le Secrétaire général est nommé de la même façon et par les
mêmes électeurs que le Directeur. La durée de ses fonctions est
de cinq ans; il est rééligible.
RÈGLEMENT INTÉRIEUR. LXI
Art. 9.
Il tient et conserve la correspondance adressée directement
au Comité permanent, ainsi que les registres des délibérations
de ce Comité.
Art, 10.
Il rédige les procès-verhaux des séances, et les transcrit après
qu'ils ont été approuvés; res procès-verbaux sont signés par le
Président et par lui ; il en envoie une expédition au Directeur.
Art. 14.
Il dresse les diplômes qui sont signés par le Directeur et par
lui.
Art. 12.
Il est au besoin remplacé par l'un des secrétaires adjoints.
Trésorier.
Art. 13.
Le Trésorier est nommé par le Conseil pour cinq ans; il est
rééligible.
Art. 14.
En outre des attributions spécifiées à l'art. 11 des statuts, le
Trésorier perçoit les abonnements au Bulletin des membres de
la Société française; il fournit, sur les fonds provenant de ces
versements, ceux nécessaires aux frais de publication du Bul-
letin.
Art. 15.
Dans le cas où le montant des deux sortes d'abonnements
serait insuffisant à couvrir les frais de publication, le Trésorier
devra, sur les autres ressources annuelles de la Société, complé-
ter la différence, le Bulletin mentionné à l'article 2 des sta-
tuts étant publié sous les auspices de la Société, dont il a tou-
jours été, soit en France, soit à l'étranger, l'organe officiel et
périodique, comme il est entre les membres de la Société un
lien indispensable. Il est arrêté aussi que, si le Bulletin faisait
des bénéfices, la caisse de la Société en profiterait. Le Trésorier
1^X11 RÈGLEMENT INTÉRIEUR.
iviid ses coiiiples au Comité permanent et en remet un double
au Directeur.
Conseil administratif.
Art. 16.
Le Conseil administratif se compose : 1° du Directeur; 2° De
quarante officiers de la Société, savoir : le Secrétaire général,
l'Inspecteur général, le Trésorier, les vingt-deux Inspecteurs
divisionnaires et quinze Inspecteurs de département nommés
par les vingt-six officiers ci-dessus désignés; 3° de quarante
memlires ordinaires {art. 12 des statuts), lesquels sont nommés
par les quarante et un dignitaires ci-dessus, dont dix au moins
devront être pris parmi les membres résidant dans le départe-
ment du cbef-lieu de la Société.
Comité permanent.
Art. m.
LeC-omité permanent se compose comme il est dit à l'art. U
des statuts.
Art. 18.
La première réélection des quarante membres ordinaires sera
faite pour la première fois à la fin de la quatrième année, à
partir de la présente délibération : ils pourront ainsi concourir,
un an après, à la nomination du Directeur et des Lispecteurs.
Art. 19.
Le présent règlement intérieur, réglé et arrêté par le Conseil
administratif, est exécutoire à partir de ce jour, 6 juin 1874.
(Suirent les sif/natures des membres p7-ésents à la déii-
héiation.)
Certifié conforme à l'original.
G. UK COUGNY.
SÉANCES GÉNÉRALES
TENUES
A CHATEAUROUX
EN 1873
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE
DE FRANGE
cr55SjA::,K'=>
XU SESSION
TENUE
A CHATEAUROUX
EN JUIN 4873
SÉANCE D'OUVERTURE DU 10 JUIN
PRÉSIDENCE DE M. DE COUGNY,
Directeur de la Société française d'Archéologie.
La séance est ouverte à deux heures, dans la salle de la
bibliothèque, à l'hôtel de ville.
Siègent au bureau : MM. d'Haranguier de Quincerot,
archiprètre de Châteauroux ; Matron, premier adjoint,
faisant fonction de maire; de Laurière, inspecteur général
de la Société ; de Cessac, inspecteur du département de la
Creuse; Fauconneau-Dufresne, inspecteur de l'Indre.
M. Buhot de Kersers est désigné comme secrétaire de
la séance.
Une nombreuse assistance, composée de dames et des
XL" SESSION. "*
2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
plus notablfis habitants de Chàteauroux et du départe-
ment de l'Indre, remplit la belle salle de la bibliothèque.
M. de Cougny prend la parole pour déclarer le Congrès
ouvert, et lit immédiatement le discours suivant :
Mesdames, Messieurs,
Sa Grandeur Mgr l'Archevêque de Bourges nous avait
fait espérer qu'elle viendrait présider cette séance d'inau-
guration du Congrès archéologique de France ; un em-
pêchement imprévu a mis obstacle à la réalisation de sa
promesse. La lettre dont je vais avoir l'honneur de vous
donner lecture vous fera connaître le motif de l'absence si
regrettée de Sa Grandeur.
« Monsieur le Directeur,
« Je viens, à mon très-grand regret, vous annoncer
a que je ne pourrai pas prendre part à la session de la
a Société française d'Archéologie, qui doit s'ouvrir à
0 Chàteauroux mardi prochain, iO courant. Le sacre de
a Mgr l'évêque de Carcassonne, précédemment fixé au
« 29 mai, a été remis, par une circonstance indépendante
0 de ma volonté, au H ; et, par suite, je devrai me
a trouver à Boulogne-sur-Mer la veille, c'est-à-dire
a le 10.
« Je regrette d'autant plus ce contre-temps entièrement
« imprévu au moment où je recevais votre invitation que,
« outre le plaisir d'assister aux développements des
« questions si intéressantes pour le Berry, que renferme
« le programme, j'avais le désir de témoigner hautement
a mes sympathies pour la Société si éminemment fran-
« çaise que vous dirigez, et dont les résultats peuvent
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 3
« être si grandement utiles, tant pour le réveil de la -vie
« provinciale que pour la décentralisation de la science,
« s'il m'est permis de m'exprimer ainsi.
« Veuillez donc. Monsieur le Directeur, recevoir tous
« mes regrets, en même temps que l'assurance de ma
« considération la plus distinguée.
(f G. -A., archevêque de Bourges. »
C'a été, je vous l'avoue. Mesdames et Messieurs, une
vive satisfaction pour moi de vous communiquer cette
lettre, non pas tant à cause de ce qu'elle a de flatteur
pour la Société française d'Archéologie, que parce
que j'y vois un hommage à la mémoire si chère et si
vénérée de son illustre fondateur, de l'homme éminent
qui, durant cinquante ans de sa vie, se voua avec une
ardeur infatigable à la propagation de l'œuvre que nous
poursuivons aujourd'hui, et dont il est devenu, hélas 1 le
martyr.
Notre Société, son titre seul : Société française d" Ar-
chéologie pour la conservation et la description des
monuments historiques , suftit pour faire connaître ce
qu'elle est et le but qu'elle se propose.
Elle est française, parce qu'elle étend ses ramifications
sur tous les points du territoire et parce qu'elle se voue à
l'étude de tous nos monuments nationaux, en quelque
lieu et en quelque région qu'ils soient situés, même dans
notre nouvelle province d'Algérie. Je pourrais ajouter de
plus qu'elle est internationale, si cette expression n'avait
reçu en ces derniers temps une si triste acception, puis-
qu'elle compte parmi ses membres la plupart des savants
de l'Europe, et même deux souverains, LL. MM. les rois
de Saxe et de Belgique.
i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Nous conservons les monuments, Messieurs, ou plutôt
nous cherchons à contribuer à leur conservation en signa-
lant leur valeur artistique ou historique, ou bien encore
en mettant à la disposition des administrations publiques
et des particuliers des allocations destinées à la restaura-
tion ou à l'entretien de ces monuments.
Depuis la fondation de notre Société, c'est-à-dire depuis
quarante ans, plus de 100,000 francs ont reçu cette utile
allectation. Ce seul chiffre suffit pour faire apprécier le
concours matériel qu'une Société comme la nôtre peut
apporter à la conservation de nos anciens monuments.
Quant à l'étude de ces mêmes monuments, second but
de la Société française d'Archéologie, elle se fait au moyen
de nos publications et en particulier du Bulletin monu-
mental, notre organe spécial, et du compte rendu de nos
Congrès annuels.
Parmi les monuments du passé, Messieurs, il n'en est
aucun, notre programme est là pour le démontrer, qui ne
soit l'objet de nos recherches et de nos investigations.
Depuis l'époque reculée où les grottes et les cités lacustres
servaient de refuges et de demeures à nos aïeux, jusqu'aux
temps moins éloignés où ils abritaient leur indépendance
derrière les murs de leurs forteresses et de leurs cités,
rien de ce qui peut servir à faire connaître leurs mœurs
et leurs usages, ou à élucider les grandes questions d'art,
de linguistique, de géographie ou d'histoire, rien de tout
cela n'est par nous négligé ni laissé de côté.
Je viens de prononcer le mot d'histoire. Messieurs.
Quelle page plus belle et plus glorieuse que celle qui,
dès l'aurore des temps historiques, inaugura les annales
de vos ancêtres, de nos ancêtres, le grand et noble peuple
biturige, à qui appartenait le privilège de donner des rois
à la «laule celtique? Comment oublier ici le jour à jamais
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 5
mémorable où , par le sentiment du plus héroïque
patriotisme, ils livrèrent aux flammes vingt de leurs plus
opulentes cités? sacrifice inutile, hélas! à l'aide duquel ils
espéraient arrêter l'envahisseur étranger. Aujourd'hui ,
Messieurs, je viens au nom de la Société française d'Ar-
chéologie réclamer de vous une œuvre de dévouement d'un
caractère tout opposé, et qui n'exigera aucun douloureux
sacrifice. Conservez pieusement, je vous en conjure, aimez
et protégez vos antiques monuments, comme l'on con-
serve, comme l'on aime, comme l'on protège les précieuses
reliques de ses pères. Votre patriotisme bien connu est
pour moi un sûr garant que notre appel sera entendu.
Je ne veux pas terminer cette courte allocution sans
remercier l'administration municipale de cette ville, qui
a bien voulu mettre à notre disposition la belle salle où
nous sommes aujourd'hui réunis. Je remercie également
tous ceux qui, à un titre quelconque, ont travaillé à
l'organisation de ce Congrès, et en particulier nos
deux secrétaires généraux, MM. Fauconneau-Dufrène et
Daiguzon, et notre obligeant trésorier, M. Emile Damou-
retle.
Merci aussi à vous, Mesdames, qui, sans vous laisser
effrayer par la prétendue aridité de nos discussions
pacifiques, avez bien voulu rehausser par votre présence
l'éclat de cette brillante solennité.
Quant à vous, mes chers collègues, que j'aperçois en
si grand nombre, et qui êtes venus de points si divers
prendre part à ce Congrès , permettez-moi de vous en
exprimer ma sincère et profonde reconnaissance. Par
votre présence ici, vous exprimez la force et la vitalité de
notre Société. Oui, je puis le dire aujourd'hui avec bon-
heur et en toute confiance, désormais pour nous l'avenir
est assuré. Notre Société vivra, se maintiendra et perpé-
6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tuera longtemps encore l'œuvre et les traditions que nous
a laissées notre cher et illustre fondateur.
Ce discours est accueilli par l'auditoire avec sympathie
et applaudissements.
M. le directeur donne ensuite lecture de diverses com-
munications qui lui sont parvenues relativement au Con-
grès, notamment :
D'une lettre de M. Cartailhac, qui exprime le désir que
le Congrès de la Société française pour l'année i874 soit
tenu à Toulouse. En conséquence, M. le directeur annonce
dès aujourd'hui la tenue d'un Congrès archéologique à
Toulouse à une époque indéterminée de l'année pro-
chaine;
D'une lettre de la Société royale des Architectes d'Angle-
terre exprimant les regrets qu'a fait éprouver à cette Société
la mort de M. de Caumont;
D'une lettre de M. da Silva, architecte du roi de Portu-
gal, qui manifeste des sentiments analogues;
De lettres par lesquelles plusieurs membres de la Société
française expriment leurs regrets de ne pouvoir assister au
Congrès. M. le général Ferri-Pisani, commandant la sub-
division de Châteauroux, expose qu'il est retenu loin du
Congrès par l'impossibilité d'obtenir un congé au moment
des conseils de révision. M. le marquis de Montlaur et plu-
sieurs autres expriment de môme leurs regrets.
M. le directeur donne ensuite lecture d'une communi-
cation de M. Léon Allègre, qui envoie les dessins de la
crypte d'Uzès ;
D'une lettre de M"" la vicomtesse du Soulier, qui signale
à M. le directeur l'existence d'antiquités romaines à Vaas,
dans le département de la Sarthe. M. le directeur se pro-
pose défaire une excursion à Vaas à la suite du Congrès.
XL« SESSION, A CIIATEAUROUX. 7
M. le directeur lit une lettre de la Société centrale des
Architectes de France à Paris, qui délègue M. Tarlier,
architecte, inspecteur des travaux diocésains à Bourges,
pour la représenter à la session du Congrès archéologique
de France séant à Châteauroux.
Après ces diverses communications, M. le président
donne la parole à M. Fauconneau-Dufresne, qui lit un
précis rapide et intéressant de l'histoire de Châteauroux.
Introduction utile et naturelle aux travaux du Congrès
sur les faits historiques de la contrée.
Aperçu sur l'histoire de Châteauroux et sur
les lieux que devra visiter le Congrès.
Nous avons pensé. Messieurs, vous qui êtes pour la
plupart étrangers à notre ville, et qui désirerez la visiter,
que vous recevriez avec intérêt un court aperçu sur son
histoire et sur les lieux qui méritent votre attention.
Châteauroux est une ville relativement récente. La pre-
mière pierre de son château fut posée en 935, et il ne fut
habité qu'en 950. Il eut pour fondateur le prince Raoul
de Déols.
Mais si notre ville est récente, elle procède d'une localité
très-ancienne, qui date de l'ère chrétienne. C'est le boui^^
de Déols, qui n'est séparé de Châteauroux que par la
rivière d'Indre. Vous y trouverez les vestiges d'une riche
abbaye. Dans l'Histoire de Déols, nous ne voyons au
commencement que Léocade, sénateur romain, contempo-
rain de saint Ursin et converti par lui. Après Léocade,
dont vous aurez à voir le tombeau (restitué par les soins
de xM. le curé Chagnon), ainsi que le tombeau de samt
Ludre, fils de Léocade, une grande obscurité règne sur
8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
nos contrées. Au i\' siècle seulement le jour se fait, et
nous trouvons Ebbes le Noble, qui fonda, en 917, l'abbaye
de Déols et presque en même temps celle de Saint-Gildas.
Dans notre faubourg actuel de Saint-Christophe, vous pou-
vez encore trouver des vestiges de cette dernière abbaye.
Ces deux abbayes ont duré 700 ans.
Raoul, fils d'Ebbes le Noble, laissa son château aux bé-
nédictins et s'en fit construire un autre sur un monticule
des bords de l'Indre. C'est ce château, nommé Château-
Raoul, qui fut le commencement de notre ville.
Huit princes de la Maison de Déols se sont succédé dans
ce château; cette illustre maison a duré 241 ans. Son vaste
territoire s'étendait du Cher à la Gartempe.
Le dernier prince de Déols laissa une héritière unique,
Denise, dont le roi d'Angleterre, Henri II, s'attribua la
tutelle. Nos seigneurs d'alors qui prenaient le titre de
barons de Châteauroux, étaient complètement aquitains,
et malheureusement pour notre pays, car il devint le
théâtre des guerres entre Philippe-Auguste, Henri II et
son fils Richard Cœur-de-Lion. Châteauroux, en 1187,
eut à soutenir contre Philippe-Auguste un siège mémo-
rable.
Richard, en 1189, maria Denise à Andréde Chauvigny,
son compagnon d'armes, et les Chauvigny régnèrent sur
la principauté pendant 373 ans.
Le dernier des Chauvigny étant mort sans enfants, sa
succession fut partagée entre les familles de Maillé de La-
tour-Landry et d'Aumont. La première habita le Château-
Raoul, et la seconde le château du Parc, sorte de maison
de plaisance des Chauvigny, où se trouve aujourd'hui notre
grande manufacture de draps.
Les Maillé de Latour-Landry et les d'Aumont, après des
procès interminables et 111 ans de possession, vendirent
XL'' SESSION, A CHATEAUROUX. 0
leurs domaines au prince Henri II de Cordé, dont la t'a-
niille posséda la principauté pendant 422 ans.
Elle la vendit en 1735 à Louis XV, lequel en fit présent
à la marquise de la ïoiirnelle, qui prit le titre de duchesse
de Chàteauroux; mais cette favorite du roi n'y vint jamais,
et comme elle mourut sans enfants, la terre fit retour à la
couronne.
Enfin, un peu plus tard, la principauté de Chàteauroux
fit partie de l'apanage du comte d'Artois, et à l'époque
de la révolution, elle fut vendue en détail. — Telle est,
en quelques mots, notre histoire politique.
Vous aurez à visiter, Messieurs, le vieux Château- Raoul,
qui, depuis son origine, a été détruit, incendié et rebâti;
vous y constaterez une façade, charmant spécimen du style
fleuri, et qui offre les caractères de la fin du xV siècle;
nous vous conduirons aussi au château du Parc, où vous
verrez la tour dans laquelle fut enfermée, pendant 23 ans,
la malheureuse épouse du grand Condé, Claire-Clémence
de Maillé-Brézé, nièce du cardinal de Richelieu.
Vous attacherez, assurément, un véritable intérêt à
constater renceinte du Château- Raoul, qui nous présente
encore ses tours, ses murailles et les traces de ses fossés,
ainsi que son ancienne et unique entrée.
Vous serez bien aises également, sans doute, que l'on
vous montre l'enceinte de la ville, ou du moins ce qui en
reste, enceinte qui parait être de la fin du xv' siècle ou du
commencement du xvI^
Toutefois, cette enceinte n'était certainement pas celle
qui existait lorsque Philippe-Auguste assiégea Château-
roux 237 ans après sa fondation, ni même celle qui devait
exister en 1356, année dans laquelle le prince de Galles,
appelé le prince Noir à cause de la couleur de ses armes,
incendia la ville qui n'avait que 406 ans d'existence. Nous
10 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ue connaissons aucun document relatif à ces autres en-
ceintes, et nous ne possédons aucun plan qui puisse nous
faire connaître où se trouvaient alors les remparts de Châ-
teauroux, ville qui passait dans ces temps-là pour une
place importante. Mais, Messieurs, si l'on examine avec
soin le grand plan de Châtsauroux de 1783, revu en 1784
par le célèbre ingénieur Bouchot, grand-père de notre gé-
néral Bertrand, on pourra se convaincre qu'il a dû y avoir
avant l'enceinte aujourd'hui encore visible, deux autres
enceintes fortifiées, l'une s'arrêtant au carrefour des rues
du Tripot et Bertrand. La condensation des maisons en
ces deux endroits semble on être une preuve; la ville an-
cienne se dirigeait du Ghàteau-Raoul vers le nord-est, et
formait, comme disent quelques chroniques, une sorte
d'éperon.
Outre les fortifications, vous aurez à examiner celles
de la rue d'Indre, qui devint à la fin du xii'' siècle une
baronnie particulière relevant des comtes de Blois. Non-
seulement cette rue, habitée uniquement autrefois par
des drapiers, était fermée à ses deux extrémités, mais
elle avait, du c-^'té de la prairie, un ciicuit très-re-
connaissable encore aujourd'hui par ses tours et ses
murailles.
Ces souvenirs des temps féodaux ont leur importance ;
après eux, nous n'avons que peu de curiosités historiques
à vous montrer. Cependant tout mérite d'être étudié, et
nous vous conduirons à Y ancien couvent des Cordcliers,
fondé en 1212 par ( Guillaume I" de Ciiauvigny. Son
église est aujourd'hui la paroisse principale de la ville, et
le couvent a été converti en caserne. Un établissement
qui a duré 517 ans, qui a eu pour premier fondateur le
bienheureux Bonnencontre et où a séjourné saint Antoine
de Padoue, ne peut pas mamjucr d'exciter votre curiosité.
XL^ SESSION, A CIIATEAUROUX. H
L'ordre des franciscains, qui l'habitait, faisait vœu de pau-
vreté, l'intérêt ne sera donc pas dans le luxe des construc-
tions ; mais dans les souvenirs qu'elles rappellent.
Un autre couvent, très-peu nombreux et bien moins
ancien, n'a pour ainsi dire pas d'histoire; son église, plus
célèbre par la tenue des élections du bailliage pour les états
généraux de 1789 que par le séjour de quelques capucins,
est devenue paroissiale depuis 1808. Il vous suffira d'y
donner un coup d'oeil.
Vous vous arrêterez un peu plus sur une autre église
du XV" siècle, avec un clocher de la renaissance. Elle est
sous le vocable de Saint- Martial. Son clocher, comme celui
de Déols forme le point de mire de nos routes principales.
— A son côté est l'ancien petit hospice qui était destiné à
loger les pèlerins qui se rendaient à Saint- Jacques de
Compostelle.
Mais nous vous demanderons, Messieurs, votre avis sur
une crypte à double nef, séparée par des colonnes orne-
mentées qui soutiennent des arcades en ogive. Nous n'avons
aucun document sur cette ancienne construction qui sert
aujourd'hui de cave à un boulanger. Les terrains du voi-
sinage appartenaient à l'ordre du Temple, et l'on se
demande si cette crypte n'était pas tout simplement une
cave des Templiers ; deux caves du même genre se trou-
vent à Saint-Marcel et à Vouillon.
Une église existait dans l'enceinte du Château-Raoul ;
elle n'a jamais eu rien de remarquable, mais un souvenir
s'y rattache particulièrement : c'est là qu'a été inhumée la
malheureuse princesse de Condé, dont j'ai déjà dit un mot.
Nous vous ferons visiter un vaste et beau local, qui a été
en grande partie construit de 1750 à 1760, par un ordre
enseignant de religieuses, la. Comji-égation de Notre-Dame.
C'est aujourd'hui le lycée.
12 CONGRÈS ARGHÉULOGIOUE UE FRA.NGE.
Nous VOUS conduirons à un ancien prieuré, celui
de Saint-Denis, qui «lépendait de l'abbaye de Déols, et qui
forme actuellement le dépôt de mendicité et une sorte
d'hospice.
Panni les édifices religieux modernes, vous aurez à voir
l'église de Saint-Christophe et celle des pères rédempto-
ristes. Vous visiterez ensuite notre église principale, que
construit en ce moment l'habile architecte du département
et dont on peut admirer déjà l'élégance et la légèreté. —
Vous ferez une excursion au château de Touvent, com-
mune de Châteauroux, et cela en vaudra la peine. Vous y
trouverez une chapelle romane délicieuse, due à M. Ver-
dier, architecte de Paris. Les peintures sont de M. Denuelle,
et les vitraux de M. Oudinot. Vous remarquerez la statue
de la Vierge, qui a pour auteur un jeune artiste très-
distingué, M. Blanchard. Le château de Touvent et son
parc ont été l'œuvre de la vie de M. Bertrand-Boislarge,
frère du général Bertrand. Vous trouverez au rond-pointdu
parc la statue du général, par Marochetti. — Si vous voulez
bien. Messieurs, tourner un instant vos regards sur le
fond de cette salle, vous apercevrez, dans des vitrines, des
cadeaux faits à notre ville par notre illustre compatriote :
le sabre que portait le général Bonaparte à la bataille
d'Aboukir, les croix que porta pendant longtemps l'empe-
reur sur son uniforme, son nécessaire de campagne et le
manuscrit de l'expédition d'Egypte , dicté au général
Bertrand et annoté par l'empereur lui-rnèmc.
Après notre bibliothèque, il faut mentionner les arc/a"ycs
de la préfecture, dépôt précieux, inestimable pour l'ar-
chéologie. Les archivistes qui s'y sont succédé se sont
faits remarquer par leurs travaux. L'excellent M. Le-
maigre a laissé le souvenir de son assiduité à classer les
manuscrits. M. UcspUuKjue en a retiré les plus^savants
XI.'' SESSION, A CHATEAUROUX. \^
mémoires, et M. Hubert, l'archiviste actuel, a déjà publié
un volume de Y Inventaire sommaire de ces richesses. Un
second volume va paraître; il y en aura trois. Ce même
travail s'e.xécutant par toute la France, les chercheurs sau-
ront où ils devront s'adresser quand ils auront besoin de
documents.
C'est dans l'hôtel de ville, Messieurs, que vous tenez
vos séances, et au milieu de nos richesses bibliographiques.
Cette salle contient iO,000 volumes. Un don de M. Bour-
dillon, dont la iamille avait quitté notre ville à l'époque
de la révocation de l'édit de Nantes, nous a gratihés d'ou-
vrages précieux qui forment tout le côté de cette pièce. A
son lit de mort, il s'est souvenu du berceau de sa famille,
telle a été son expression dans son testament, et, outre sa
bibliothèque, il lui a légué deux maisons à Genève, des
objets précieux, un missel dont la Bibliothèque nationale
a offert 40,000 francs, des valeurs diverses, et une rente
pour les pompiers, afin de mettre sous leur protection les
legs faits par lui à notre ville.
Vous considérerez avec intérêt le buste de M. Bourdillon.
Ce travail remarquable mérite d'autant plus votre atten-
tion que nous le devons à un artiste amateur, M. Emile
Barbou, qui est le «conservateur de notre Musée et qui se
fera un plaisir et un devoir de vous le montrer et de vous
en expliquer les diverses parties.
Je n'ai parlé que des choses qui frappent les yeux ; mais
notre ville, comme toute autre, mérite d'être étudiée à fond.
11 faudrait pour cela y séjourner, l'observer attentivement,
recueillir les documents de toutes sortes. Ici, Messieurs, je
n'ai pour but que de vous fournir quelques indications
pour les visites essentielles que vous aurez à faire, et pour
lesquelles vous nous trouverez toujours prêts à vous servir
de guides.
i\ CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. le Président donne ensuite la parole à M. de Beau-
fort fils, qui lit le mémoire suivant, à l'appui duquel il
présente un album de dessins très-bien exécutés et du
plus haut intérêt :
Messieurs,
Simple amateur des sciences, excité par l'intérêt que je
porte à la contrée que j'habite, peut-être un peu par un
sentiment d'amour filial, j'ai assumé une tâche difficile
pour moi : celle de vous rendre un compte sommaire des
travaux archéologiques de M. le docteur Elie de Beaufort,
qui rentrent dans le programme des questions que vous
avez à traiter.
Mon honorable père eût beaucoup désiré d'être collabo-
rateur direct ; mais son âge, l'état de sa santé, ne lui per-
mettent plus de supporter un déplacement pénible et trop
au-dessus de ses forces : il me prie.de vous témoigner ses
vifs regrets.
M. Alfred Jacobs, membre de la commission de la topo-
graphie des Gaules, et, par conséquent, plus autorisé que
moi, va me servir d'introducteur et m'éviter une appré-
ciation générale qui serait au-dessus de mes forces :
« Dans l'Indre, écrit-il dans le Journal général de
a l'Instruction publique, nous avons à mentionner un
a remarquable travail de M. Elie de Beaufort. Ce savant
« a recueilli avec un soin minutieux les antiquités, les a
a représentées sur une carte bien faite, et a envoyé un
a relevé de la voie romaine qui traverse son arrondis-
a sèment, sur une grande échelle, d'après le cadastre, et
a avec de tels détails que l'étude de son mémoire vaut
« presque l'exploration .les lieux; éloge que l'on ne sau-
ce rait adresser que bien rarement, môme aux meilleurs
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 45
« travaux. Nous avons seulement à regretter que des
« recherches semblables ne se soient pas étendues aux
« autres parties du département.
SOUTERRAINS.
« C'est encore M. Elle de Beaufort qui a traité une des
« questions les plus intéressantes de l'archéologie celtique :
« il s'agit de ces souterrains, sortes de refuge, dont la date
« a été très-controversée, que l'on retrouve en plusieurs
« endroits de l'Europe et de la France et dont l'Indre four-
ce nit de très-curieux spécimens (1).., Les souterrains exa-
« minés parM.Elie de Beaufort sont pour la plupart taillés
8 dans le granit et dans le schiste : leur profondeur au-
« dessous de la surface du sol varie de un à deux mètres,
« et ils consistent en cavités de grandeur variable mais
toujours supérieure en largeur et en élévation aux
galeries des couloirs qui s'en détachent et dont les issues
y rentrent après quelques circuits, tandis que les autres
aboutissent à l'extérieur et servent d'entrées et de sorties.
La partie principale, qu'on peut regarder comme le
corps du souterrain, varie beaucoup dans sa forme ; on
en voit d'elliptiques, et ce sont les plus communes, de
circulaires, de demi-circulaires, de rectangulaires, etc.:
les formes les plus bizarres y sont représentées. Les
dimensions varient de deux à sept mètres pour la lon-
gueur, et de un à trois pour la largeur. La hauteur est
toujours un peu au-dessus de deux mètres. Le sol est
plan et la voûte dessine une courbe demi-elliptique et
jamais en plein-cintre. Le fait le plus variable consiste
dans le nombre, la direction et la longueur des petits
(1) Plutôt la Creuse et la Haute-Vienne.
16 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
a couloirs qui s'y uuvrcut : quelquefois il y en a un seul,
« d'autres fois on en compte jusqu'à cinq; plusieurs
« d'entre eux sont très-bas, d'autres dépassent un mètre ;
« la moyenne est de 0,80 centimètres, et il est extrême-
« ment rare que ces ouvertures soient en ligne droite.
« Dans ces souterrains on a trouvé des fragments de fer
« oxvdé, du charbon, des os de mouton, des vases en terre
« rouge, uneécuelle de bois tourné, une assiette d'étain. »
— J'ajouterai une petite meule à moudre le grani.
Lors de la publication des Recherches archéologiques
des environs de Sanit-Benoit, dans le XIX" volume des
Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, cin-
quante-deux souterrains ont été décrits et portés sur la
carte archéologique qut accompagne le volume.
Aujourd'hui vous en trouverez quatre-vingt-cinq sur la
carte que j'ai l'honneur de soumettre au Congrès.
Voici les noms des nouveaux inscrits :
La Cuussardière, commune de Mouhet, canton de Saint-
Benoît (Indre).
La Chirade, commune de Saint-Sulpice-les-Feuilles
(Haute-Vienne).
Arnac, 1, canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles (Haute-
Vienne).
Arnac, 2, id.
Le I3ost, commune d'Arnac.
Villagrand, commune de Saint-Léger-Magnaseix, can-
ton de Magnac-Laval (Haute-Vienne).
Montulat, \ , commune de Saint-Sernin-Loubat, canton
de Chàteauponsac (Haute- Vienne).
Montulat, 2, id.
La Zaphix, môme commune.
Le Galateau, commune de Fromental, canton de Des-
sines (Haute- Vienne).
\L« SESSION, A CIIATEAUROUX. 47
Montautre, même commune,
Biessac, commune de Saint-Pricst-le-Betoux, canton de
Chàteauponsac (Haute- Vienne).
Les Valettes, commune de Dun (Creuse).
Le Carré, commune de Saint-Sébastien, canton de Dun
(Creuse).
Chezopion, commune de Bazelat, canton de la Souter-
raine (Creuse).
Lagedumont, même commune.
De la Fontfresne, commune d'Azerables, canton de la
Souterraine (Creuse).
Les Champs, même commune.
Pierrefitte, commune de Saint-Germain-Beaupré, can-
ton de la Souterraine (Creuse).
Maisonbrand, même commune.
Forgevieille, même commune.
Le Boucheron, 1, commune de Saint-Aignan-de-Ver-
cillac, canton de la Souterraine (Creuse).
Le Boucheron, 2, id.
Chénedière, même commune.
Le Puyroland, même commune.
Les Champs, même commune.
La Rue, commune de Saint-Léger-Bridereix, canton de
la Souterraine (Creuse).
La Bussière, même commune.
La Souterraine, 1 (Creuse).
La Souterraine, 2, id.
La Pouillade, commune de la Souterraine (Creuse).
Le Châtelar, même commune.
Château-Renaud, même commune.
La Croix, commune de Saint-Pierre-de-Fusac, canton
du Grand-Bourg (Creuse).
Je passerai sous silence leur description. M. de Beau-
XL" SESSION. 9
18 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fort pourra dans ses notes retrouver les renseignements
qu'il a pu se procurer. Ils sont, en tout, semblables à ceux
qu'il a décrits.
Il vous suffira, Messieurs, de jeter les yeux sur la carte
pour vous rendre compte de leur agglomération autour
d'un même centre et pour y trouver la preuve évidente
de l'existence en cette contrée d'une peuplade spéciale,
qui avait des mœurs différentes de celles du voisinage.
Toutes ces excavations sont creusées dans la roche primi-
tive : pas une n'a été rencontrée dans les argiles calcaires
(Lias) et dans les roches calcaires qui avoisinent le com-
mencement du plateau granitique central du Limousin et
qui sont fort peu éloignées de nos souterrains.
Quel est leur âge approximatif? Tout ce que l'on y
observe tend à les faire remonter à une haute antiquité,
mais bien postérieure à celle de l'habitation par l'homme
des grottes naturelles dans lesquelles on trouve les instru-
ments de l'âge de pierre et les ossements d'animaux dis-
parus. Dans nos souterrains il n'a pas été rencontré de
ces restes des temps primitifs. Le fer y apparaît : il serait
difficile de supposer qu'ils ont été creusés à l'aide d'instru-
ments d'un autre métal, à cause de la dureté assez consi-
dérable des roches. Il est facile, en examinant leurs parois
de reconnaître les coups parallèles d'un instrument pointu
analogue à ceux dont se servent les tailleurs de pierres : il
est facile de voir que la même pointe a servi longtemps,
et que le cuivre n'aurait pas résisté de la même manière.
Tout au plus le bronze aurait-il pu être employé, mais
nous ne Vavons jamais trouvé, et, moulé en forme de
pointes, il se serait bien vite cassé sur la roche assez dure
de certaines de nos excavations.
Tout donne donc à penser qu'elles ont été faites après
la découverte du fer dans les Gaules.
.opecimen de souterrain
du pays des Meurlrets .
{Con/ins de J'hdre^ de la. Creu!?c et de /.r /P^ Vienne.)
R
anntvr^.
Plan
Coupe.
partie ammlaire .
J'cheLLr:
a ♦ 6 6 :3
9 10- 11
R'^félccs
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 10
Il est probable également qu'elles sont antérieures à
l'invasion romaine; la légende de Jules César à propog
du souterrain des Sauvages, un texte de Tacite qui dit, en
parlant des Germains : « Ils ont coutume d'ouvrir des
« antres souterrains qu'ils couvrent de fumier et dont ils
« se font des retraites pour l'hiver et des magasins pour
« leurs fruits, car de tels lieux adoucissent la rigueur du
c< froid (1) ; de plus, si un ennemi survient, il ravage le
« pays ouvert; mais il ignore l'existence de tels refuges,
« ou il perd son temps à les chercher (2) : » Ce sont là,
dis-je, des.présomptiong qui ne sont pas sans valeur.
Ce que Tacite dit des souterrains des Germains peut
s'appliquer très-certainement aux nôtres. A quoi pour-
raient servir ces longs boyaux à peine capables de livrer
passage à un homme? Il est tout naturel de supposer
qu'ils n'étaient que des magasins destinés à préserver du
froid, pendant l'hiver, les principales denrées alimen-
taires.
L'homme qui est venu s'établir dans la région de nos
souterrains, qui est celle des châtaigniers, a dû se trouver
au milieu d'immenses bois naturels de cet arbre et faire
de la châtaigne sa nourriture habituelle. Il lui importait
donc de conserver le plus longtemps possible ce précieux
aliment : pour cela il a inventé les souterrains.
Cette opinion. Messieurs, n'a rien d'illogique, elle est
celle à laquelle s'arrête le plus volontiers M. de Beaufort.
Qu'en des temps de guerre, d'invasion, le refuge des
châtaignes soit devenu le refuge des hommes, la chose est
(1)Un passage de Florus : Aqxdtani, calidum genus, in
speluncas se recipiehant.
(2) Aggerem cuniciUis subtrahebant eo scientias quod
apud eos magnx sunt ferarix, atque omne genus cirnicu-
lorum notmn aU/ice usifatissimum {César).
:20 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
plus que probable; mais il ne se prêtait guère à une
habitation constante, surtout à cause du défaut d'air, qui
devait bien mal circuler dans des couloirs étroits et sou-
vent tortueux.
Enfin, des antres qui ont été habités pendant longtemps
garderaient plus de traces de leurs habitants que celles
qui ont été trouvées dans nos souterrains.
Sortons, Messieurs, de ces lieux ténébreux, guère habi-
tés aujourd'hui que par la salamandre ou autres reptiles
du même genre, pour nous élever au grand jour et y
rechercher les monuments de l'époque celtique qu'on ren-
contre dans la contrée.
Le culte et le respect des morts ont été chez tous les
peuples primitifs, comme dans toutes les civilisations,
l'origine des monuments qui se sont le plus long-
temps conservés et qui souvent sont arrivés intacts jusqu'à
nous.
PIERRES LEVEES.
Ici nous avons nos dolmens, nos menhirs, nos peulvans
et nos tombclles, comme ailleurs nous trouvons les tom-
beaux des ancêtres, les pyramides d'Egypte, etc.
Tous les monuments celtiques décrits par M. de Beau-
fort dans la première partie de ses Recherches n'étaient
très-certainement que des tombeaux : si les ossements
humains y ont fait souvent défaut, on a pu retrouver
dans la terre qui les recouvrait l'élément indestructible de
l'os, le phosphate terreux de chaux, qui faisait défaut dans
les terres du voisinage.
Tous ces monuments de ma contrée subissent chaque
jour les injures du temps et surtout des hommes : si
XL" SESSION, A. CHATEAUROUX. 21
plusieurs ont disparu depuis 1850, j'aurai peu d'additions
à vous signaler sur la carte, seulement :
DOLMENS.
1° Le beau dolmen des Vallettes, dit Pierrc-Tuberte,
à 1,800 mètres S. S.-O.deDun-le-Palleteau, à 200 mètres
avant d'arriver au village des Vallettes. La table, contre
l'ordinaire, est formée de deux grosses pierres juxta-
posées.
2° Le dolmen de l'Age-Bagnole, dit la pierre Magne, à
environ 200 mètres du village du même nom, commune
de Fromental, canton de Bessines (Haute-Vienne). Sa
table présente une longueur de A mètres sur 1"80 dans
sa plus grande largeur et est posée sur quatre sup-
ports.
3° Le dolmen des Chirons, dit le Four-des-Fées, situé à
environ 1 kilom. 500 mètres d'Arnac (Haute-Vienne) sur
le coteau gauche de la vallée de la Benaize. Sa table a été
renversée. A quelques centaines de pas, sur le bord du
plateau, se trouve une pierre singulière qui accuse un
travail des bommes et semble à M. de Beaufort avoir été
une idole. Une partie spbérique de l^SO de diamètre
horizontal, sur un peu moins de hauteur, surmonte une
sorte de col cylindrique de 0°50 de haut sur 1 mètre de
diamètre.
Cette pierre porte dans le pays le nom de pierre
Virouaire, et à elle se rattachent encore des légendes
plus ou moins fantastiques qui se transmettent d'âge en
âge.
Nos dolmens, en y comprenant les trois que je viens de
signaler, sont au nombre de vingt et un.
:22 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
PEULVANS.
Les peulvans sont toujours au nombre de 4.
MENHIRS.
Les menhirs, décrits au nombre de six dans le Mémoire
de 1850, sont portés sur la nouvelle carte au nombredeneut.
Les nouveaux ajoutés sont : 1° le menhir des Grands-
Chezeaux, dit la pierre du Berry, situé à environ \ kilom.
du bourg du même nom, canton de Saint-Sulpice-les-
Feuilles (Haute-Vienne) ; 2° le menhir de la Jérafie, à
1 kilom. au sud de la Souterraine (Creuse); 3° enfin celui
de l'Age-Bagnolc, non loin du dolmen que nous avons
signalé, commune de Fromental, canton de Bessines
(Haute-Vienne).
TOMBELLES.
Nous n'avons rien à ajouter aux trente-deux tombelles
déjà décrites.
>
URNES CINÉRAIRES.
Ces sépultures éparses ou accumulées dans un même
lieu me conduisent naturellement à vous entretenir des
urnes gallo-romaines trouvées dans les environs de Saint"
Benoit-du-Sault.
Avec elles plus d'instruments de l'âge de pierre comme
dans un certain nombre de tombelles ; de la cendre et de s
fragments osseux contenus directement dans une pierre
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 23
creuse assez mal taillée ou dans un vase en verre inclus
dans l'excavation de la pierre, le tout recouvert d'un
opercule à forme variable.
Aucune inscription ne vient en faire supposer la date.
A côté des urnes déjà décrites par M. de Beaufort, je
placerai : 1° celle de Chazelet, découverte en 1864, près
du village de ce nom, canton de Saint-Benoît (Indre). Les
cendres étaient enfermées dans un vase de verre dont j'ai
recueilli les fragments, avec lesquels il a été facile de
reconstituer la figure ; 2" celle de Chassingrimont, com-
mune de Saint-Civran ; 3° celle du Mas de la Goutte,
trouvée également près du village de Chassingrimont et
qui contenait une urne en verre de forme élégante, aujour-
d'hui entre les mains de M. le curé de Saint-Civran ;
4" celle de Lajon, commune de Mouhet, qui contenait un
vase en verre à peu près sphérique ; 5° l'urne du Bois-
(les-Loges, commune de Saint-Maurice, canton de la Sou-
terraine ; enfin G° l'urne de Boismandé, qui renfermait,
avec les cendres, des instruments en fer dont le dessin se
trouve à côté de celui de l'urne elle-même, une seconde
urne placée à côté de la première, et qui contenait un vase
en verre de grande dimension.
Enfin, Messieurs, je ne clorai pas cette rapide nomen-
clature sans signaler à votre attention l'immense amas
des urnes granitiques et sans vases de verre du grand
tumulus de Bridiers, près de la Souterraine, et, tout près
de ce dernier village, les urnes qui, à profusion, bordent
les chemins de l'antique cité de Breth, comme les tom-
beaux des grandes voies de Rome.
INSTRUMENTS EN PIERRE.
Après avoir recherché et décrit les tombeaux des peu-
24 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
plades antiques qui nous ont précédés, M. de Beaufort a
recueilli les instruments les plus anciens qui ont pu leur
appartenir : haches en pierres polies et non polies, cou-
teaux, pointes de lances, de flèches ; il a pu rassembler
une collection assez curieuse de ces instruments tous
trouvés dans la contrée, sur le sol des terrains primitifs ou
de la formation jurassique du Lias.
Les pierres qui ont servi à leur confection existent
toutes dans notre contrée, dont la position géologique est
spéciale : ce sont des pierres dures de la classe des silicides,
parmi lesquelles le silex et le jaspe prédominent. Sur une
quarantaine d'échantillons il ne s'en trouve que deux en
schiste quartzeux et un en carbonate de chaux ooli-
tique.
GROTTE DE SAINT-MARCEL.
Un grand nombre de couteaux en silex ont été trouvés
le 17 avril 1848 dans une grotte naturelle située sur
les bords de la Creuse, non loin de Saint-Marcel, et
mélangés d'ossements de mammifères et d'oiseaux. J'ai
eu entre les mains une dent de ruminant provenant de
cet amas, et qui a dû appartenir à une variété de bœuf
aujourd'hui disparue.
SAINT-MARCEL, ARGENTOMAGUS.
La ville de Saint-Marcel, Messieurs, l'ancienne Argcn-
tomagusme ramène en plein à l'époque de la domination
romaine dans les Gaules ; je ne séjournerai pas longtemps
dans cette antique cité que M. de Beaufort a peu explorée.
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. S'i
Après y avoir signalé les restes de thermes ou bains mis à
découvert lors des travaux du chemin de fer, je m'empres-
serai de suivre la voie romaine pour retourner sur les lieux
mêmes de ses recherches ordinaires.
VOIE ROMAINE D ARGENTON A LIMOGES.
Découverte et décrite par M. Élie de Beaufort, cette voie,
dont vous pourrez apprécier le trajet sur la carte archéo-
logique, se dirigeait, en partant de Saint-Marcel, vers le
village de Fontfurat; là elle se bifurquait.
Une voie obliquait vers l'ouest, se dirigeant vers les
villages du Colombier et du Plaix, commune de Sacierges,
de là vers Ghaillac, Jouac, Saint-Léger-Magnaseix, pour
gagner Ghâteauponsat et enlin Limoges (Augustori-
tum).
L'autre, plus étroite, continuait vers le sud dans la direc-
tion de Gelon, du Fay, pour se diriger du côté de la Sou-
terraine, vers l'antique Breth, qui ne serait pour M. de
Beaufort que la ville de Prœtorium.
Deux voies partaient donc d'Argenton pour se rendre à
Limoges. La plus ancienne semble être celle par Praeto-
rium, la plus nouvelle par Ghaillac.
L'époque de construction de cette dernière qui, en
s'éloignant des vallées profondes évite bien des difficultés
que le chemin de fer en la suivant eût pu lui-même
éviter, l'époque de construction de cette voie vient d'être
fixée par la découverte d'une borne milliaire à Saint-
Léger.
26
CONGRÈS AKCUÉOLOGIOUE 1>K FRANCE.
MILLIAIRE DE SAINT-LÉGER-MAGNASAIX.
Cette borne porte l'inscription dont j'ai l'honneur de
vous soumettre la copie que j'ai relevée le premier :
M. Klic de Beauiort Ta traduite de cette façon : « Impe-
ratorc C'œsare pio Esuio Tetrico pio : Aureliano C [centum]
Ce-Ceverico, L Leœugex V [quinqux), » cent lieues d'Or-
léaus, cinq de Cevericum : ce qui est exact. (268-274
ap. J.-C.)
CIIATEAUrONSAC.
Or à cinq lieues juste se trouvo Chàteauponsac. Quel
était le nom ancien de Chàteauponsac ? L'inscription
romaine qu'on retrouve sur une pierre employée dans
la construction du pont semble l'indiquer : cevericum.
•XL* SESSION, A CIIATEAUROUX.
27
« Les Cœveinci élèvent un monument pour le salut de
l'empereur César, du tîls et du père. »
Vous le voyez. Messieurs, il est bien rare qu'une
découverte n'en amène une autre.
CAMPS.
Non loin de la voie romaine se groupent une série de
camps : Parnac, Milieux (commune de Chaillac), de la
Brande-du-Beaux (Beaulieu), des Brandes de Grand-Fa
commune de Saint-Léger), de Martineix (commune d'Ar-
(nac), de Malonze près la Souterraine.
VESTIGES ROMAINS.
Si la contrée que j'explore a été parcourue par de bonnes
voies romaines, elle a été également habitée par les con-
quérants latins qui ont laissé de nombreuses traces de
leurs habitations. Tous les vestiges de constructions ont
été signalés et décrits par M. de Beautbrt, et en même temps
28 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
portés sur la carte. Le temps ne me permet pas d'entrer
dans ces détails. J'ai hâte d'en arriver à la ville de Breth,
dont vous m'avez déjà entendu prononcer le nom.
LA VILLE DE BRETH OU PRvETORIUM.
Les vestiges gallo-romains de cette ville sont, sans con-
tredit, les plus importants de la contrée. M. de Beaulbrt
en a parlé dans le XIX" volume des Mémoires de la Société
des Antiquaires de l'Ouest, page 248, et dans le XXIX' du
même recueil, page 275 (avec plan).
Je croirais manquer à mon devoir. Messieurs, si je ne
vous entretenais pas quelques instants de ce lieu intéres-
sant, que M. de Beaufort croit être l'emplacement de la
ville de Prœtorium, qu'il a été jusqu'ici impossible de
placer ailleurs.
D'après la table Théodosienne, il y avait dans l'Aqui-
taine, entre les villes d'Argentomagus, Acitodunum et
Augustorilum, une ville nommée Prxtorium , ville
romaine, communiquant avec les trois précédentes par
trois voies, dont la longueur est donnée : pour Augusto-
ritum, quatorze lieues gauloises; Acitodunum, dix-huit;
Argentomagus, vingt-quatre.
Avec ces seules données l'emplacement de Pnetorium
paraît facile à déterminer : il ne s'agit que de résoudre un
triangle. Cependant d'Anvillc, l'abbé Nadaud et autres,
l'ont vainement tenté.
Les environs d'Arène, de la Jonchère, du Puy-de-Jouër,
de Sauviat, ont été tour à tour proposés ; laais le corps du
délit ou la pièce de conviction y a toujours manqué. Il
faut donc que quelque erreur empêche de mettre le doigt
sur cet emj)laccmeiit.
xr," SESSION, A (;hati!:auhoux. 20
11 y a quinze ou dix-huit ans, se trouvant auprès de
Bridiers, M. de Bcaufort a pensé à Prœtorium et s'est
demandé si ce vaste terrain, où gisait une ville ancienne,
ne serait pas celui que l'on cherchait vainement ailleurs.
La tradition rapportait que là était la ville de Bré,
Bret ou B^^ed, nom qu'elle tirait des nombreuses fres-
ques qui couvraient ses murs, suivant un savant archéo-
logue dont le nom fait autorité. Suivant un autre, ce nom
viendrait du ce\i\(\\\e Breith, qui signifie centre judiciaire.
Cette dernière opinion est appuyée sur la présence de
pierres grossièrement taillées en forme de sièges et placées
sur un monticule peu éloigné de la ville, et que M. Yves
Fesncau a regardé comme le lieu des séances. Cette ver-
sion vient parfaitement à l'appui de mon idée : Prœtorium
ne serait que la traduction latine du celtique Breith.
Plus tard nous trouvons que, conformément aux usages
des temps et des lieux, Praetorium est transformé en
Bretorium, puis Bredorium et Brederium, qui sont les
noms latins de Bridiers, employés dans les titres latins
du moyen âge. Remarquons également que Bret, Bred et
Bré, ont dû en dériver selon l'usage qui consiste à retran-
cher les finales comme dans le premier cas et à remplacer
les articulations rudes par les douces correspondantes.
Un espace de six kilomètres carrés, placé dans l'angle
de bifurcation des routes de Guéret et de Dun, n'offrant à
l'œil que des champs de seigle et des taillis de châtai-
gniers, n'est remarquable que par des monceaux de pierres
placés çà et là, entremêlés de touffes abondantes de buis.
Cet espace couvre les ruines d'une ville. J'ai nolé les buis
particulièrement, car ces arbustes chéris des Romains
annoncent toujours l'emplacement de leurs constructions
qui n'existent plus.
Il serait trop long de mentionner avec détail les objets
30 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
trouvés dans ces ruines, surtout depuis quelques années,
par M. Yves Fesneau, et qui ne laissent pas le moindre
doute sur la présence dajs ces lieux d'une ville grande et
opulente.
Je ne parlerai pas des ustensiles de ménage, des bijoux,
des débris d'armures, des débris de marbre taillé en mou-
lures, des statuettes ou fragments de statues, des sujets de
fresques : je ne m'arrêterai qu'aux urnes nombreuses de
toutes les formes, placées sur les bords des chemins aux
entrées de la ville et accumulées dans le lieu commun des
sépultures. Ce champ des morts, d'environ soixante ares,
en est encore rempli. Je ne dois point passer sous silence
la quantité innombrable de médailles de tous les empe-
reuis romains, et des médailles gauloises, entre autres de
Vercingétorix.
On doit accorder une attention particulière à l'empla-
cement de la citadelle, dont les bases, en cônes tronqués,
entourées d'un très-vaste fossé, sont d'immenses tombelles
remplies de sépultures, résultat inévitable des rudes com-
bats qui ont été livrés à leurs pieds. On peut voir, au
musée des Thermes, à Paris, de magnifiques opercules
provenant de ces tumulus. Sur ces mottes, les seigneurs
de Crozant établirent le siège de la vicomte de Bredorium,
aujourd'hui Bridiers, qui mériterait un examen plein
d'intérêt, si le temps le permettait.
Nous avons donc sous les yeux l'emplacement d'une
ville romaine, personne ne peut en douter. A cette ville
aboutissaient les trois mêmes voies qui se rendaient à Prœ-
torium :
1° Celle d'Argentomagus, qui dernièrement a été suivie
depuis Saint-Marcel, son point de départ, jusqu'à la
rivière d'Abloux, par M. Lcnseigne, conducteur des ponts
et chaussées à Argenton, et qui, dans le reste de son par-
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XL" SESSION, A CHATEAIIROUX. 34
cours, est connue de tout le monde, depuis Saint-Aignan-
de-Fercillac jusqu'à Bridiers;
2" Celle d'Acitodunum, suivie, depuis Bridiers jus-
qu'auprès du Grand-Bourg, par M. Yves Femeau, et
bien caractérisée par la présence d'urnes nombreuses qui
la bordent, suivant la coutume romaine, à sa sortie de
Bredorium;
3° Celle d'Augustoritum, vue et connue de tous les
habitants de la Souterraine. Cette dernière, arrivée dans
les bois de Bessac, où on a recueilli d'admirables urnes,
fournit sur la droite une branche qui se dirige sur
Limonum, et est la continuation de celle que M. de
Longuemar a signalée dans le département de la
Vienne.
D'après la direction générale de ces différents chemins,
Prœtorium se trouve l'intermédiaire entre Argenton et le
nord d'un côté, Limoges et le sud de l'autre; entre Ahun
et le sud-est d'un côté, Poitiers et l'ouest de l'autre. Une
position semblable devait rendre cette ville une des cités
importantes du centre de la Celtique.
Si on ajoute foi à une tradition, elle devait être la capi-
tale des Meurtres, peuple qui aurait occupé une grande
partie du département de la Creuse en s'étendant sur les
confins des départements voisins.
Le grand nombre de souterrains refuges, cimiculi, dont
le sol des environs de Bred est criblé, confirme en partie
cette tradition et donne l'explication de quelques autres faits :
le nom de iWe^rrawm, la Souterraine, qui a remplacé Pra-
torium et a été bâtie de ses matériaux ; la forte citadelle
construite par César dans l'ancienne ville pour maintenir
dans l'obéissance une population amie de la liberté, tou-
jours préparée aux insurrections, et que le vainqueur des
Gaules ne put contenir qu'en disséminant dans des
32 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
petits torts séparés la douzième légion, laissée dans le
pays.
Cest probablement aussi pour cette raison que plus
tard fut faite la grande voie d'Argentomagus à Augustori-
tum, laquelle contourne en partie le grand plateau pri-
mitif central de la France, afin d'éviter une contrée
granitique trop accidentée et infestée continuellement de
guérillas de brigands et remplie d'embûches. Cette voie
avait encore le grand avantage de traverser un pays où le
fer, le bois de charpente et la chaux abondaient, et d'en
faire jouir les villes voisines. C'est aussi pourquoi on lui
donna quinze mètres de large, ce qui la rendit facilement
carrossable. Cette voie coupe celle de Prœtorium à Limo-
num, dans les environs de Saint-Léger-Magnaseix. (Voyez
la carte des voies romaines ci-jointe.)
Voilà bien des signalements qui conviennent à Praeto-
rium, dont le nom suit les lois de la transformation latine,
et dont les communications annoncent l'importance
exigée par son emplacement.
Mais voilà aussi une grande objection : la table théodo-
sieune donne pour la distance de Prœtorium à Augusto-
ritum XÏIII, à Acitodunum XVIII, et on trouve qu'il y a
de Bredorium à Limoges XXIIII, à Ahun XXII et à
Argentomagus XXIIII.
Une ville, placée entre trois autres, eût-elle mieux coupé
les distances? On est tenté de dire que, si Brœdorium du
moyen âge n'est pas Prœtorium, il devrait rationnelle-
ment l'être, malgré la table que tout le monde sait four-
miller de fautes.
En résumé, dans toute la contrée que devait occuper
Tantiquo cité romaine, nulles traces de ville, excepté à
Breth, nulle part ailleurs l'entrecroisement indispensable
des voies romaines ; tout cela suffit pour faire tomber une
XL'' SESSION, A CIIATEAUROUX. 33
objection qui résulte do l'erreur d'un copiste : dans la
distance de Prœtoriura à Limoges un X a été simplement
oublié.
J'en ai fini, Messieurs, d'une nomenclaturcbien rapide,
que le temps et la nature des choses ne me permettent pas
de rendre plus attrayante. Je n'ajouterai plus qu'un seul
mot : chaque jour, nos monuments, attaqués par les agents
physiques destructeurs et malheureusement, il faut le
dire, par l'action directe des hommes, disparaissent pour
toujours.
A vous. Messieurs, appartient la mission d'arrêter cette
destruction rapide. Pour que l'État ou les Sociétés puissent
se rendre facilement propriétaires des monuments dignes
d'être conservés, il serait nécessaire, selon moi, de faire
intervenir le législateur, de façon qu'à côté de l'expropria-
tion pour cause d'utilité publique, nous ayons l'expropria-
tion pour cause d'utilité scientifique.
D"" Antonin de Beaufort.
Ghaillac (Indre), le 9 juin 1873.
Après la lecture de ce mémoire, qui complète les beaux
travaux de M. le docteur Élie de Beaufort sur les anti-
quités de Saint-Benoit-du-Sault, M. le président félicite
M. de Beaufort de la manière dont il a résumé et pré-
senté les importantes découvertes de son père, et le prie
d'être auprès de lui l'interprète des sentiments reconnais-
sants de la Société.
M. le président donne ensuite la parole à M. l'abbé
Voisin, curé de Douadic, qui lit un très-savant mémoire
sur lés antiquités préhistoriques de la région orientale du
département de l'Indre. Cette étude, dont les aspects
XL'= SESSION. 3
34- CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE PE FRANCE.
nouveaux et les recherches éruditcs intéressent vivement
l'auclitoire, contient la description de nomhreux monu-
ments mégalithiques observés, décrits et dessinés par le
savant auteur.
Monuments celtiques de l'arrondissement
du Blanc.
On possède fort peu de renseignements sur l'origine ou
la destination des monuments celtiques, et la plupart des
auteurs qui en ont traité sont d'opinions bien diverses
touchant ce difficile sujet.
Nous n'avons pas, assurément, la prétention de faire la
lumière sur cette question; cependant, nous, les derniers
venus, en nous aidant des travaux des devanciers, en
comparant surtout les usages, les coutumes, les origines
des Celtes avec celles des peuples anciens plus connus, il
semble que nous pourrions arriver à formuler des conclu-
sions qui ne devraient pas être éloignées de la vérité.
C'est le résultat de ces comparaisons, c'est le fruit de
ces recherches que nous offrons aujourd'hui au Congrès.
Mais la matière est si complexe, les documents si
contradictoires et si confus, que nous avons besoin d'in-
voquer pour ce travail la plus entière et la plus extrême
bienveillance.
Pour mettre quelque ordre en un pareil sujet, nous éta-
blirons tout d'abord en principe que les pierres celti-
ques ou druidiques sont des monuments religieux, natio-
naux ou civils, et enfin funéraires. Les développements
qui vont suivre viendront, nous l'espérons, confirmer
cette assertion.
XI,° SESSION, A CIIATEAUnOUX. Sri
Cos monuments, produits d'une civilisation encore bar-
liaro, sans présonlcr aucune des conditions de l'art, olFrent
cependant un système arrêté, facile à reconnaître à ses
dispositions g-énéralcs. Ce sont des fragments de rochers,
des pierres brutes, tantôt isolées, tantôt réunies en groupes,
d'après des lois qui paraissent constantes. Ce sont encore
des enceintes de terre, des collines factices. Nous ne parle-
rons ici que des premiers, ou monuments de pierre, que
les savants appellent monuments mégalithiques ; nous
décrirons ensuite ceux de ces monuments qui se rencon-
trent dans l'arrondissement du Blanc ; puis nous traite-
rons des silex taillés et polis, en indiquant en même
temps les superstitions qui se rattachent aux uns et aux
autres ; enfin nous signalerons, dans un appendice, les
monnaies gauloises trouvées dans le pays.
DES MONUMENTS DE PIERRE EN GÉNÉRAL.
Si nous trouvons que des peuples, dififérents par le cli-
mat, par l'éloignement, par les lois, par les habitudes, ont
élevé des monuments pareils , si ces monuments ont une
physionomie commune, frappante, irrécusable, ne serons-
nous pas en droit de conclure qu'ils sont le produit des
mêmes principes ; qu'ils ont été érigés par des peuples
sortis du même berceau, ou du moins unis par les liens
d'une parenté étroite ? C'est ainsi que l'étude et la confron-
tation des monuments, même les plus grossiers, n'est
point un travail futile, mais, au contraire, qui peut
conduire à des résultats précieux pour l'historien et pour
le philosophe.
30 r.ONT.RÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ou a lait déjà la comparaison de la religion hébraïque
et de celle de quelques autres peuples de l'Orient avec le
culte des Druides, et l'on est parvenu à en prouver l'iden-
tité dans les dogmes les plus essentiels. En considérant
ces peuples sous un autre point de vue, nous arriverons à
peu près au même terme. Si l'analogie, si l'identité ont
quelque valeur dans les choses de la science, il est certain
que dans l'étude des monuments elles sont une preuve
convaincante et positive. C'est pourquoi, si les annales du
peuple hébreu, si les historiens de quelques autres nations,
même moins anciennes, nous font découvrir l'origine et
la signification des monuments mégalithiques élevés dans
les pays de l'Orient, nous pourrons attribuer sans crainte
et la même origine et la même signification aux monu-
ments semblables trouvés dans nos contrées.
§ 4. PIERRES ISOLÉES.
Ouvrons d'abord la Genèse, le plus ancien et le plus
précieux des livres, et voyons ce qu'elle nous dit de ces
monuments : « Jacob, pour retracer le souvenir de sa
vision célèbre de l'échelle miraculeuse, prit à son réveil
la pierre sur laquelle il reposait et l'érigea comme un
monument, répandant de l'huile à son sommet; il donna
le nom de Bethel à ce lieu, et il dit : « Cette pierre que
« j'ai dressée comme un monument sera la maison de
« Dieu. » [Genèse, xxviii, 48, 19-22, et xxx, 14 et 15.)
Le Seigneur dit à Jacob : « Je suis le Dieu de Bethel,
où vous avez oint la pierre dont vous m'avez fait un mo-
nument. » (Id., XXXI, 13.)
« Débora, nourrice de Rebccca, fut enterrée sous un
XL'' SESSION, A CIIATEAUUÛUX. 37
clièiic, au pied de Bethel, et ce lieu fut nommé le Cliènc
des Pleurs. » [Gen.^ xxxv, 8.)
Laissons un instant le texte sacré, et faisons une excur-
sion parmi les historiens profanes. Nous allons retrouver
avec étonuement des monuments pareils, avec les mêmes
noms pour les désigner et des cérémonies semblables pour
les vénérer.
Pausanias, dans ses Phociques (liv. x), raconte qu'au-
près du tombeau de Néoptolème, fils d'Achille, on trouve
une pierre sacrée, nommée Bœtyle ; chaque jour, et
surtout les jours de fêtes, on l'arrose d'huile, et on la voile
de laine grasse. N'est-ce pas ainsi que Jacob consacra la
pierre de Bethel? Par une coïncidence plus frappante
encore, nous rencontrons de nouveau le Bethel des Hébreux
au miheu des peuplades de l'Irlande. Parmi ces tribus,
sous un climat si différent à des distances aussi lointaines,
certains monuments portaient le nom de Bothal, qui
signifie maison de Dieu ! Un écrivain prétend, en outre,
que ces monuments avaient la plus grande analogie
avec le Bethel hébraïque. Cette identité parfaite de
formes et de noms n'esl-elle pas bien digne de remar-
que? Et ne serait-ce pas une preuve d'une grande force
en faveur de l'opinion qui rattacherait les Celtes au rameau
sémitique ?
Nous trouvons enfin de nouveaux Bœtyles chez les
premiers Romains. C'étaient encore des pierres sacrées,
remontant à une si haute antiquité, qu'on les disait
tombées du ciel. On les entourait d'un culte pieux, et la
plus célèbre était la grande pierre brute qu'on adorait
sous le nom de Cybèle.
Dans la retraite des Dix mille, quand les soldats de
Xénoplion aperçurent enfin la mer Noire, voisine de leur
patrie, ils oublièrent toutes leurs fatigues et toutes leurs
38 CONGRÈS ARCUÉOLOGIQUE DE FRANCE.
infortunes, et, comme signe et témoin de leur joie, ils
dressèrent une grande pierre.
Nous .voyons déjà, d'après ce qui vient d'être dit, que
cette première série des monuments mégalithiques étaient
autant de trophées des peuples primitifs ; ils désignaient
le théâtre de leurs victoires ; ils consacraient la place des
événements mémorables.
Ces grands piliers de pierre, dressés debout, servaient
aussi à marquer les distances, à fixer les limites des héri-
tages et des nations. Et, alors, pour que ces bornes fussent
respectées, les prêtres les mettaient sous la garde du Ciel,
du soleil qui voit tout, et ils leur donnaient un caractère
sacré par des libations et en les couronnant de fleurs.
D'après Ammien Marcellin, « les Gaulois indiquaient
l'espace qu'ils nommaient lieue par des pierres blanches.»
Les premiers peuples de la Grèce avaient la même cou-
tume, et, d'après plusieurs historiens latins, les Romains
les imitèrent. « Sur le littoral de l'Egypte, où le sable
est sans cesse agité par les vents, les chemins eussent été
méconnaissables sans des piliers de pierre qui les dési-
gnaient. » [Voyage au Levant, 1718.)
Chez les Hébreux, de grandes colonnes de pierre limi-
taient les possessions de chaque individu. Quand Laban
et Jacob se furent réconciliés, « Jacob prit une pierre qu'il
dressa pour monument ; puis il dit à ses frères : a Appor-
« tez des pierres..., » et ils en firent un lieu élevé... Jacob
le nomma en hébreu Galaad, c'est-à-dire le monceau du
témoignage. Laban dit : « Ce monceau et ce monument
« seront témoins que je ne passerai pas au delà pour aller
a à vous, et que vous ne passerez pas non plus au delà dans
«le dessein de quelque mal. » [Gen., xxxi, i5-47 et 50.)
Homère nous fournit un exemple pareil : « Minerve, de
sa forte main, saisit dans la plaine une énorme pierre.
XL" SESSION, A CIIATEAUUOUX. 39
que jadis les premiers hommes ont posée en ce lieu, pour
marquer la limite d'un champ ; elle la lance et atteint à
la gorge le Dieu de la guerre... » [Iliade, xi.)
Thésée sépara l'Ionie du Péloponèse par une de ces
bornes qu'il érigea dans l'isthme de Corinthe. Gyrus en
mit une sur les frontières de la Phrygie et de la Lydie ;
les Peises en lirent autant pour marquer le territoire de
Magnisie. (Pausanias, Plutarque.)
Virgile, à son tour, décrivant un terme, nous montre
« un rocher énorme, une pierre antique, couchée sur la
terre, borne placée dans le champ pour fixer la limite des
propriétés. » [Enéide, xii.)
Enfin qui ne se souvient de la pierre célèbre qui domi-
nait la roche du Gapitole? « Capitolii immobile saxum. »
[Ibid., ix).
Tous les anciens peuples du Nord, selon OlausMagnus,
se conformaient à cette coutume. On la retrouve en effet
dans les lies Britanniques, les Hébrides et les Orcades ,
chez les Germains et les Sarmates ; elle était fréquente
aussi en Italie et dans la Grèce (Thucydide, v ; Pausanias,
VII et VIII ; Diodore de Sicile, v; Suidas; Arrien, v), en
Egypte (Strabon, xvii ; Ammien-Marcellin, vu ; Héro-
dote, II), en Espagne et en Portugal (Strabon, Diodore de
Sicile), parmi les Gaulois enfin, et chez tous les peuples
de l'Asie, comme au milieu des nations de l'Europe. De
là les dieux Termes, les Hermès, bruts d'abord, que les
Pélasges plus tard, puis les Grecs et les Romains, ornè-
rent de sculptures et décorèrent d'une tète. (Hérodote, xii.)
Ajoutons enfin que les menhirs ou peulvans ont servi,
dans certaines circonstances, aux cérémonies d'un culte,
et qu'ils ont été des symboles religieux. En Phénicie, on
adorait le soleil sous la figure d'un pilier grossier ; les
Egyptiens, plus recherchés ou plus avancés dans les arts,
10 CONGRÈS AUGirÉOLOGIQUE DE FfixVKCE.
représentaient la même divinité par leurs obélisques, et
le.nom de ces monuments signifiait un rarjon de soleil.
(Pline, XXXV, 15.)
L'on sait que le sabéisme, ou l'adoration des astres,
fut l'erreur la plus commune chez les peuples de l'Orient,
surtout chez les peuples pasteurs.
Nous reviendrons sur cette dernière attribution des
menhirs, ou pierres dressées, quand nous décrirons les
monuments de pierre d'un ordre différent ; nous montre-
rons alors que les uns et les autres ont, en ce point, des
caractères communs.
Cette première série de monuments de pierres isolés a
reçu des archéologues les noms de menhirs, pierres allon-
gées (1), et de peulvans, pierres en forme de pilier (2).
§ II. PIERRES RÉUNIES EN GROUPES.
Notre moisson ne sera pas moins abondante touchant
les pierres réunies en groupe : les alignements, les gal-
gals ou amas de pierres (3), les trilithes ou lichavens (4),
les dolmens (5) et les cromlec'hs (6).
(1) Du celtique wem, pluriel àtmen, 7nean,ou ?/if/e?i, pierre
et hir, longue.
(2) De peul ou ;)ao/, pilier, etwf/en, contracté ou ?•«??, pierre.
(3) Du radical héhrent^a/, redoublé, le tas du tas, c'est-à-dire
monceau de pierres.
(4) Du breton /ec7<, lieu ou table, ettnen ou ven, pierre.
(5) Du celtique dot, table, et moi, pierre.
(6) Du gallois cromm, courbe, cercle, et lec'h ou teac'h,
pierre plate sacrée.
XL" SESSION, A GIIATEAURUUX. 41
Alignements.
On trouve un grand nombre de monuments de pierres
réunies au nombre de douze, de sept et de trois. Voyons
quel était leur usage et leur signification.
« Moïse, prêt à monter sur le Sinaï, fit un sacrifice
sur douze pierres, emblèmes des douze tribus, versa la
moitié du sang des victimes sur les pierres, puis lut le
pacte d'alliance entre Dieu et les Hébreux, et répandit le
reste du sang sur le peuple... » [Exode, xxiv.)
Quand les Israélites eurent passé le Jourdain, Josué fit
dresser douze pierres dures* dans le lit du fleuve, «afin,
dit-il, qu'elles servent de' témoignage et de monument, et
quand dans l'avenir vos enfants vous demanderont ce que
veulent dire ces pierres, vous leur répondrez : Les eaux
du Jourdain se sont séchées devant l'arcbe d'alliance.,.,
ces pierres ont été mises en ce lieu pour servir de monu-
ment éternel. » [Jusué, v, 3, 6, 7, 9.)
« Josué fit dresser encore douze pierres au lieu où il
campa, et qui s'appela Galaad. » {Ibid., v, 20.)
Ainsi, chez les Hébreux, les piliers de pierres servaient
à consacrer le souvenir des faits remarquables et des trai-
tés de paix ou d'alliance.
La môme coutume passa depuis chez les Romains et
dans la Grèce. Romulus fit écrire sur des pierres le traité
qu'il venait de faire avec les Véiens. On trouvait des
colonnes semblables dans la plaine d'Olinthe, dans
l'Isthme, dans l'Attique, à Athènes et à Lacédémone.
(Thucydide, 1. v.)
* Théopompe remarque que les Corybantes inventèrent
les premiers cet usage, et Clément d'Alexandrie confirme
•42 CONGRÈS AUCUÉOLOGIQUE DE FRANGE.
ce fait, en disant que ces pierres étaient remblèmc d'une
union perpétuelle. [Stromates, i.)
Ces pierres, réunies par groupes, servirent encore de
premiers autels aux Hébreux. iMoïse dit au peuple :
« Lorsque vous aurez passé le Jourdain, vous dresserez de
grandes pierres sur le mont Hébal. Vous dresserez là
aussi au Seigneur votre Dieu un autel de pierres brutes,
que le Ter n'aura point touchées, de pierres brutes et non
polies, et vous offrirez sur cet autel des holocaustes au
Seigneur votre Dieu. » {Deutéronome , xxvii, 2, 4, 5 et 6.)
« Quand vous me dresserez un autel de pierres, dit le
Seigneur, vous ne le ferez point de pierres taillées, car il
serait souillé si vous eu approchiez le ciseau. » [Exode,
XX, 25.)
Chez les Curetés, les Dactyles ef les Pélasges, « les autels
n'étaient que des pierres amoncelées sans art. » [Scholiaste
d'AppoUonius de Rhodes, 1. V, 4126.)
Les Titans adoraient le Soleil dans les bois sacrés, et
près d'autels de pierres non façonnées. (Diodorc de Sicile,
1. V, (i6.)
Les Argonautes, après avoir construit leur navire,
ramassèrent des pierres sur le rivage, et en tirent un au-
tel à Apollon. (Pausan., Argonot., c. i.
Chez certains peuples, on poussait l'idolâtrie jusqu'à
transformer ces pierres en divinités. « Vous ne dresserez
point de colonnes ni de monuments, dit le Seigneur, et
vous n'érigerez point de pierres remarquables pour les
adorer... Je détruirai vos hauts lieux. » {Lévitic, xxvi, 30.)
Douze pierres, à liéliopolis, représentaient les douze
signes et les mystères des éléments. Dans la Laconie,
auprès de Belmina, on voyait sept colonnes érigées en
l'honneur des sept planètes. {Acad. des Inscriptions et
Belles-Lettres, t. xv, p. '102.) D'après Pausanias, à peu
XL" SESSION, A OlIATKAUROUX. " 43
de distance de Sparte, et en suivant le cliemin de l'Arca-
die, on rencontrait sept autres colonnes semblables consa-
crées au même culte. Ailleurs, le môme auteur dit que
toute la Grèce rendait autrefois les honneurs divins aux
idoles de pierre brute. Il signale enfin, dans un dernier
passage, trente autres pierres quadrangulaires regardées
comme des divinités. (Pausan., Achaïq. vu et passim.)
Gulgals ou amas de pierres, et Cromleclis.
Ces deux termes ont une grande ressemblance dans leur
signification. Le premier, d'origine hébraïque, et passé
depuis dans la langue des Celtes, exprime un monticule
de pierres, un tas disposé en rond ; il est identique au
mot gallois cairn, cumulus, amas de pierres, d'où carnack;
le deuxième veut dire un cercle de pierres. Il paraît hors
de doute que les monuments de ce genre sont d'origine
phénicienne, et étaient consacrés au Soleil, de même que
les monuments pyramidaux de l'Egypte et de l'Inde. Ils
servaient au culte du feu, et on peut les ranger parmi les
symboles de cette vie universelle qu'on retrouve au fond
de toutes les religions de l'Orient.
Un auteur anglais a prouvé les relations qui existèrent
entre les Phéniciens et les Irlandais, et la conformité du
culte des deux nations. (Th. Moore, Hist. of Ireland.) Si
nous rapprochons de ces faits ce que l'histoire nous rap-
porte de saint Patrick, l'apôtre des Irlandais, qui renversa
dans l'ancienne ville de Granard un autel consacré au
Soleil ; si l'on ajoute que l'on trouve dans la grotte de
Drogheda un obélisque semblable à ceux qu'adoraient les
Phéniciens d'Emesa^ nous serons autorisé à dire que les
monuments pareils trouvés parmi lus Celtes, avaient la
i i CONGRÈS ARCIlÉOLOGlgUE HE FllA.NtlE.
même destination que ceux de l'Orient. (Voy. Fabcr,
Mysth'es cabiriques.) Ces considérations sont très-impor-
tantes pour déterminer le sens de l'orientation des monu-
ments mégalithiques. Nous reviendrons sur ce sujet à
l'occasion des dolmens.
Dans la Bible, on trouve un grand nombre de passages
dans lesquels Dieu tantôt menace de sa colère ceux qui
offriront des sacrifices sur les hauts lieux, tantôt charge
ses prophètes de détruire ces autels impies. Les monta-
gnes de Galaad, qui s'élèvent à l'est du Jourdain, ont
pris leur nom du monceau de pierres que Josué et Laban
y élevèrent, et qui fut appelé le monceau du témoignage.
Le nom même de Galilée indique que les livres saints ne
considéraient cette région que comme un amas de monti-
cules, la terre des Galgals. {Galuad, acei^vus testimonii. —
Gulyal sive Galgala, 7'ota, sive rcvolutio, acervus acej'vi,
vel revolutio acervi — Galal, rota. — Galilœa, volubilis
aut rota, etc.. Voy, Interpretatio nom. Hebr. et Cliald.
— Robert Estienne,' 1537.)
On rencontre ces monticules factices chez les Tar-
tares, sous le nom de Tèpé; chez les Scythes, sous celui de
Mound. Dans les lies Baléares, ces mêmes autels ou
tumuli de pierres sont nombreux ; on les appelle atalaya,
tours ou lieux d'observation ; ils sont en tout semblables
aux cairns des Celtes. Nulle part ces monuments ne
furent plus fréquents qu'en Italie, puisque les hommes
qui peuplèrent cette contrée sortirent de la Celtique, et
durent établir, dans les nouveaux lieux de leur séjour,
les objets de leur culte. On retrouve là de nombreux amas
de pierres consacrés à Mercure sur le sommet des collines.
(Isidore, in Glosswio.)
Les galgals, les cromlec'hs ne servaient pas seulement
de lieux d'assemblée pour les sacrifices, comme nous
XL» SESSION, A CIIATEAUROUX. i")
venons de le voir, d'autels niôrae au besoin ; d'après
Homère, on s'y réunissait encore pour rendre la justice
ou pour tenir des conseils. Le chantre de V Iliade nous
montre en effet les vieillards délibérant sur les destinées
(les peuples, assis sur de larges pierres disposées en cercle.
{Iliade, xxviii, v. SOa.)
11 ne faudrait pas confondre avec les tumuli celtiques
quelques monuments de même forme qui datent seule-
ment du moyen âge. Ces derniers n'ont ni le même sens,
ni la même destination. Les pèlerins avaient l'habitude
d'entasser des pierres en certains lieux, pour indiquer les
routes et marquer des stations. On appelait ces monceaux
mont-joie, morts gaudii. C'est ce que rapporte Hugues
de Saint-Cher, pour la route de Saint-Denis : « Consti-
tuunt o.cervuui. lapidum, et ponunt crnces, et dicitur mens
gaudii. » Et Del-Rio, à propos de Saint-Jacques en Galice :
« Lapidum congeries Galli mont-joyes vacant. (Voy.
Cheruel, Dict. des Inst. de la France. — Henri Martin,
Hist. de France, ¥ édition, t. HI, p. 277.)
Trilithes ou Lichavens.
Notre tâche s'avance ; il nous reste à montrer que les
trilithes ou lichavens étaient tantôt des espèces de trônes,
tantôt des autels ; mais toujours c'étaient des monuments
sacrés. Quand Abimélech fut élu roi, l'Écriture sainte
nous indique qu'il fut intronisé sur une table de pierre.
Hypsipyle, reine de Lemnos, avait coutume de s'asseoir
sur la pierre qui servait jadis de trône à son père. (Pau-
san., Argonotic.) Les peuples de la Scandinavie procla-
maient leur souverain « sur des pierres énormes surmon-
tées transversalement par une autre pierre prodigieuse,
M COXCRÈS ARCHÉOLOOrOUE DE FRANCE.
placée par la puissance des Géants. » (Olaus Mag., de
Gentib. septentr.) Chez les Germains, près d'Upsal, au
milieu de douze pierres, on voyait une autre pierre d'une
dimension énorme, sur laquelle les princes étaient élevés
à leur couronnement. (Ibid., de Obeliscis.) N'est-ce pas en
mémoire de cette cérémonie, que les Francs élevaient
leurs chefs sur le pavois ?
Dans la Bretagne armoricaine, on est frappé du grand
nombre de pierres disposées trois par trois. L'ordre ter-
naire était regardé comme mystérieux par la plus grande
partie des anciens peuples. Selon la doctrine indienne,
celte forme exprimait les qualités de la puissance divine,
« qui crée, conserve et détruit. » (D'Hancarville, Recher-
ches sur la Grèce.)
Dolmens.
C'est surtout sur la question des dolmens que les opi-
nions des auteurs diffèrent le plus. Pourtant le sentiment
le plus commun est que ces monuments sont des sépul-
tures.
Nous trouvons, à peu de chose près, la même forme et
la même disposition dans les monuments funéraires des
peuples primitifs.
Les anciens Arabes entassaient des amas de pierres sur
le corps de leurs défunts. [Job, xxi, 22.) La même coutume
existait en Syrie et en Palestine. Chez les Egyptiens, la
fosse fut recouverte d'une large pierre d'abord, puis
enfouie au sein des Pyramides. On sait que les monu-
ments funéraires des Hébreux étaient tantôt des cavernes
naturelles ou taillées dans le roc [Gen., xxiii, 17; xxxv,
8;— ^amwe/, XXXI, 13 ; — Itey., xxr, 18, 26, etc.), tantôt
X]" SESSION, A r.iiATr.Aunorx. ïi
(losiinplcs excavations cronsrcs (mi pliMiio I(MT(\ 11 n'y avait
rien lie détormim''. poiu" le lieu île la sépuldire. mi voyait
des loiubeaux dans les villes ; on en voyait dans les eam-
papnes, sur les chemins, dans les jardins, sur les monta-
gnes. Dans la'vallée de .losajiliat, auprès des tombeaux do
Joseph et d'Absalon, osl \e cimetière des autres Juifs.
CJKKpie tombe est couverte d'une vaste pierre soutenue
par de plus petites. {Dict. archéol. de In Bible, par Doni
Caimet. — Archaeologia Biblica , nuct. Janh, cap. x,
§201.)
A rexemple de ces peuples, les Celtes confiaient leurs
cadavres à la terre et dressaient à l'entour de lari;es pierres
surmontées d'un jiloc jdus considérable ; on bien encore,
pour imiter les j;roltes sépulcrales, ([uand la conlif^nra-
tion du sol ne leur ollrait pas naturellement ces derniers
abris, ils formaient une chambre plus ou moins vaste au
moyen de pierres superposées, et recouvraient tout le mo-
nument d'un tumulus de terre. Le temps, l'aflliissement
des terres, lavées par les eaux, pendant tant de siècles,
ont mis à découvert les pierres du sépulcre, et le dohnen
est apparu étrange et gigantes([ue à nos yeux. Les fouilles
pratiquées dans la plupart de ces chambres funéraires ont
amené la découverte d'ossements, d'objets plus ou moins
barbares, de haches et de couteaux en silex, dernières et
pieuses offrandes aux niànes du défunt.
Des monuments absolument semblables à ceux des
Celtes ont été remarqués en Américiue (>t dans les îles de
rOcéanie. Comme ceux des Celles, ces monuments ont. eu
certainement la même origine et ont été édiliés sous les
mêmes impressions, en vertu des mémos motifs.
On sait sûrement aujourd'hui que la race qui peu])lo
ces contrées n'est pas distincte de cellcde qui nous descen-
dons, et que, malgré les mers, elle a eu, comme la nôtre,
4^^ r.oxr.RÈs arciiéolooiol'E de frange.
le luèiuG berceau et les mêmes croyances primitives.
Grâce aux courants marins et aux vents qui régnent à
certaines époques de l'année, « un tronc d'arbre, a dit le
commandant Maury, suffirait à l'homme pour se rendre
d'Asie en Amérique, si cette arche primitive portait assez
de provisions pour la traversée. » (Lettre du commandant
Maury à M. Schoolcraft : Information respecting the his-
tory ofthe Indians tribes oft/te United States...) Un autre
chef non contesté du mouvement scientifique moderne,
l'Anglais Ch. Lyell, ajoute : «L'homme, dès les premiers
et rudes débuts de son existence, a dû, indépendamment
de sa volonté, être disséminé par les vents et les courants
sur la surface du globe, d'une manière analogue à celle
qui, encore aujourd'hui, propage au loin un grand nom-
bre d'espèces végétales et animales. » (Gh. Lyell, Principles
ofgeology, 2« édit., t. II, p. 125.)
En face de pareilles certitudes, est-il au moins oiseux,
de la part des sceptiques, et souverainement illogique, de
la part des partisans de la fraternité humaine, de s'épuiser
en théories spécieuses sur la multiplicité des berceaux de
« la race humaine ! »
On a dit que les dolmens et autres monuments de ce
genre ne pouvaient pas être attribués aux Celtes ; que
ceux de l'est de la Gaule avaient été élevés par des peu-
plades conquérantes d'origine germanique, et ceux de
l'ouest par des tribus venues du nord ; enfin, qu'on ne
trouvait aucun de ces monuments au centre de la France,
parce que les Celtes qui habitaient cette contrée, purs de
tout mélange étranger, n'avaient pas adopté ce mode de
sépulture. Ces idées étranges, bien que formulées par des
savants de premier mérite et avec tout l'art que sait don-
ner la science, n'ont pu être admises ou acceptées. On a
objecté, avec raison, « que les spéculations étaient en
XI." SESSION, A CITATEAUROUX. 4.0
dehors de toutes les données historiques, qu'on accommo-
dait les observations d'après un système préconçu, qu'on
groupait arbitrairement les monuments, pour arriver à
des populations aborigènes supposées, enfin qu'on ne don-
nait aucun motif suffisant de cette distinction. » {Bulletin
monum., t. XXX, p. 425, 431, 437. L'argument principal :
qu'il n'existait aucun dolmen au centre de la France, et
que la rive droite de la Loire tout entière en était privée,
ne peut subsister un instant. Le département du Cher en
renferme encore aujourd'hui six bien déterminés, sans
compter un plus grand nombre qui ont été détruits;
vingt-trois ont été signalés dans l'Indre ; plus de trente
dans l'Indre-et-Loire, et onze notamment sur la rive
droite de la Loire ; enfin, la Société des Antiquaires de
l'Ouest en a décrit un nombre considérable dans la
Vienne. [Mém. de la Commiss. historique du Cher, t. J,
p. 63. — Statistique de l'Indre. — Topographie de la
Touraine, par M. Mabille. — Bulletin monum., t. XXX,
p. 432, etc.)
On a ajouté encore que les dolmens étaient de sacrilèges
autels, sur lesquels, au milieu des cérémonies du culte,
on sacrifiait des victimes humaines. On a cru reconnaître
les bassins et les rigoles par où s'écoulait le sang. L'ima-
gination a dramatisé ces affreux holocaustes ; on a dépeint
le dolmen s'élevant au fond d'une forêt impénétrable, à
l'ombre mystérieuse des chênes séculaires ; on a représenté
la victime attachée sur le rocher, le druide lui ouvrant la
gorge, revêtu de sa robe blanche, sa faucille d'or à la
main, couronné de chêne ou de verveine (Voy. Chateau-
briand, les Martyrs, notes. — Anquetil, Hist. de France.
— Ghéruel, Bict. des institut., mœurs... de la France., v"
Gaulois, etc.), et les farouches adorateurs de Tentâtes cour-
bés sous la pierre du sacrifice, pour recevoir sur leur front
XL" SESSION. 4
riO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le sang du supplicié!.... Ces scènes émouvantes sont
superbes au fond d'un paysage; elles frappent les âmes
tendres ; mais sont-elles vraies dans la réalité ? Nullement.
César et Tacite ont pu nous l'affirmer; mais c'étaient des
ennemis des Gaulois. Ces historiens, d'ailleurs, ont pu
être mal informés, et l'on sait certainement que le vain-
queur de la Gaule a inséré avec complaisance, dans ses
Commentaires célèbres, les plus noires calomnies sur les
peuples qu'il combattait. Il est impossible que les druides,
tout en restant dans les langes de l'idolâtrie, aient admis
un culte de sang. Sans doute l'analogie de leur doctrine
était frappante avec celle des Orphée, des Zoroastre, des
Egyptiens, des Gymnosophistes, des Mages, de tous ces
peuples, qui, selon l'énergique expression de TÉcriture,
« sommeillaient encore à l'ombre de la mort; » mais cette
analogie démontre une même source, un même foyer de
lumière, une identité de principes remontant aux temps
les plus reculés et les moins obscurcis par les passions hu-
maines, excluant, par conséquent, les sacrifices humains.
A quelque époque qu'on remonte chez les nations, même
les plus policées, en Grèce, à Rome, on trouve l'idolâtrie
la plus grossière mêlée aux pratiques les moins avouables,
Qu'on interroge les hypogées de l'Egypte, les cavernes
sculptées de l'Inde, les mystères de Mithra et de la reine
Colylto (Porphyre, de Antro mjmpharum. — Alzog, Hist.
univ. de l'Église ; relig. des peuples de r Orient. — Mélan-
ges d'archéologie, par MM. Cahier et Martin, t. IV ; les Mys-
tères du syncrétisme phrygien. — Le Tour du monde, ii. XIX
et XX ; Voyage dans V Inde)., aussi bien que les Lupercales
de la Grèce, et les mystères de la bonne déesse à Rome !
En fut-il de même chez les Celtes? Non, leur culte était
plus pur, toutes ces abominations leur étaient inconnues,
et, par les seules considérations d'une philosophie élevée,
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. Til
ils étaient arrivés à la connaissance de l'immortalité de
l'àme, à la croyance en un Dieu unique ; et, seuls, parmi
tous les gentils, ils méritèrent cet éloge de saint Jérôme,
qui prouve la pureté de leurs mœurs : « Sola G allia
monstra non ha/mit, sed viris setnper fortibus et eloquen-
tissimis abundavit. » Ces idées peuvent sembler étranges ;
mais faut-il s'arrêter toujours aux pamphlets de l'histoire?
Nous n'aurions pas besoin de conclure ; tous les faits
que nous venons de citer parlent assez clairement d'eux-
mêmes. Il nous semble donc démontré que les monu-
ments celtiques ont une similitude parfaite, quant à leur
origine et à leur destination, avec ceux des peuples primi-
tifs de l'Orient. D'après ce que nous avons indiqué plus
haut de l'origine sémitique des Celtes, on comprendra que
le culte des astres représentés par le feu, leur plus fidèle
image, dut facilement passer dans la vieille Europe. Ainsi
s'expliquerait cette règle à peu près constante de l'orien-
tation vers l'Est des monuments de pierre. C'est dans cette
direction que sont disposés les alignements, les menhirs
et la face ouverte de la plupart des dolmens. Cet usage
est général pour les dolmens des lies de la Manche (Cam-
pion, Archeological journal, t. I.), dans l'Ile de Guerne-
sey, dans le Finistère et le Morbihan. Cette règle est telle-
ment générale, qu'on a regardé comme une anomalie
singulière sans explication possible, la disposition diffé-
rente des dolmens de la commune d'Augan, arrondisse-
ment de Ploërmel. ( Guide dans le Morbihan, par le
P. Fouquet, p. 73.) Cette orientation au levant, nous la
retrouvons encore dans tout le centre de la France, et,
sans sortir de notre Berry, elle a été remarquée dans les
dolmens de Graçay, de Mehun-sur-Yèvre et d'Allouis,
département du Cher, aussi bien que dans ceux de l'Indre.
Nous avions donc raison de dire, en commençant, que
o2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
les monuments de pierre des Celtes, étaient consacrés à la
patrie, à la religion, et aux mânes des défunts. Nous ajou-
terons, avec un celtograplie distingué, que ces monuments
ont précédé les autels de marbre, les statues précieuses,
les édifices sacrés, où s'accumulaient les merveilles de
l'art et de la richesse. « Aussi les temples de Pestum ou
de Thésée, le Panthéon, les pyramides d'Egypte, les sanc-
tuaires de l'Abyssinie et de Jupiter- Ammon, ne sont que
le perfectionnement de nos dolmens, de nos cromlec'hs,
de nos menhirs, de nos tumuli, des termes, des hermès et
des hauts lieux, ombragés par un chêne auguste, sancti-
fiés par la présence d'un dieu qu'on adorait la nuit, dans
le silence, le recueillement, sans qu'on puisse en tracer
l'image, sans qu'il fût permis d'en prononcer le nom ! »
(Cambry. Monum. celtiq., p. 138.)
II.
DESTRUCTION DES MONUMENTS CELTIQUES.
Dès la conquête des Gaules par les Romains, le culte
des druides et leurs monuments furent proscrits par des
édits sévères. Nous trouvons de nouvelles traces de ces
rigueurs dans les décrets de quelques conciles et les ordon-
nances de nos rois. Cependant la masse énorme de ces
monuments, leur position dans des lieux difficiles et recu-
lés, au sein des forêts les moins fréquentées, un respect
religieux que le temps n'a pas encore effacé, préservèrent
d'une destruction totale ceux que nous voyons avec éton-
neiuent aujourd'hui.
Un concile d'Arles, en 4r)5, considère comme coupable
de sacrilège, l'évêque qui tolère des observances supersti-
XL" SESSION, A (JllATEAUKOUX. 33
tieuses à l'égard des arbres, des ion laines et des rochers,
et excommunie les séculiers qui n'interdisent pas ces per-
nicieuses coutumes sur leurs propriétés. (Labbe, t. IV,
col. 1013.)
Le second concile de Tours, en 567, condamne ceux
qui se livrent à des pratiques païennes : « Ad nescio quas
petras, aut fontes, aut arbores. » (Id., Ibib.^ col. 1815.)
Un concile de Nantes prescrit de renverser les pierres
« auxquelles on rend un culte au sommet des collines et au
fond des forêts : Lapides quoque quas in ruinosis tocis et
sHvestribus... venerantur... funditur effodiantur. » (Id.,
t. IX, col. 466.)
Sulpice Sévère, archevêque de Bourges, en 584, fait
des ordonnances dans le même sens. (Id., t. IV, col. 1815,
notes de Sirmond.)
Les capitulaires de nos rois ne sont pas moins précis.
Childebert, en 554, ordonne de détruire les idoles sous
peine de condition servile et de cent coups de fouet...
Carloman, en 742, et enfui Gharlemagne interdisent de
vénérer les pierres et les arbres et d'offrir des sacrifices
selon les prescriptions anciennes des païens. [CapituL reg.
Franc, t. I, col. 235, 713, 991.)
IIL
MONUMENTS CELTIQUES DE l' ARRONDISSEMENT DU BLANC.
Il n'est pas étonnant, devant ces rigueurs et à mesure
que le christianisme se propagea, que le plus grand nom-
bre des monuments des Celtes aient péri. Il s'en trouve
pourtant quelques-uns, dans notre vieux Berry, qui ont
échappé à la destruction. Dans l'arrondissement du Blanc,
54 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
la Brenne, en particulier, eu a conservé de remarquables,
au sein de ses forêts profondes, défendues par sa ceinture
de marais et d'étangs; mais les plus nombreux se rencon-
trent sur les bords escarpés de l'Anglin, et parmi les
rochers jadis inaccessibles de Saint-Benoît-du-Sault. Là
encore d'épaisses forêts leur servaient de rempart et d'abri.
Quelques-uns déjà ont été signalés; c'est dans le canton
de Saint-Benoît-du-Sault et près de la ville de ce nom :
L'Aire aux Martres et le dolmen de Montgarneau ;
Le menhir de la Bcruarderie et les dolmens des Fro-
menteaux et des Pierres-Nouilles, commune de Chaillac;
Le dolmen des Gorces, commune de Parnac.
De ceux-là, je ne dirai rien ; dans de savantes études
sur les environs de Saint-Benoit, M. le docteur E. de
Beaufort en a fait une exacte description. Je me conten-
terai de signaler :
Les menhirs des Rendes et de Puy-Morin, ainsi que le
beau dolmen de Passebonneau ou des Essarts, commune
de la Châtre-l'Anglin, canton de Saint-Benoît;
Le dolmen de Chalais, commune de ce nom, canton de
Bélàbre ;
Le dolmen dit la pierre de Saint-Martin, commune de
Saint-Gemme, canton de Mézières-en-Brenne ;
Les trois menhirs de Rouilly, commune et canton du
Blanc ;
Le roc de la Grave ou de la Cave ; la pierre à Nom ; la
pierre du Sablon, et, un peu plus loin, sur le bord de la
Mer-Rouge, la pierre à la Fade ou à la Fée, commune de
bouadic ;
Le dolmen dit la pierre du Charnier, commune de
Saint- Ai gny;
Enfin la pierre levée de Sennevaut, entourée d'un
cromlec'h, commune de Ciron.
XL'' SESSION, A lUIATEAUUOUX. 5o
I. MENHIRS.
1° Menhirs de Bouilli/, commune et canton du Blanc.
Sur la rive gauche de la Creuse, entre Ruffec et le
Blanc, à 5 kilomètres environ de la ville, sur les terres
de la propriété de Rouilly, on trouve deux beaux menhirs,
renversés aujourd'hui.
Le premier avait été planté à quelques pas du bord de
la rivière, dans un terrain d'alluvion. Tl mesure environ
3 mètres de long, sur 1 mètre 50 de large, et 80 centi-
mètres d'épaisseur.
A une trentaine de mètres en arrière, s'élève le coteau
de Rouilly, remarquable par sa riche flore. Sous le
couvert des grands arbres, au milieu d'un tapis de lierres,
le sol est parsemé de magnifiques primevères, de jacinthes
et d'anémones sauvages; là aussi, et c'est peut-être le
seul endroit du département, croit en massifs superbes le
lis martagon, dont les belles fleurs rougeâtres tachetées
d'un pourpre foncé, feraient l'ornement des jardins les
plus soignés. Tout près de ce lieu si verdoyant et si
pittoresque, sur le terre-plein du coteau, à quelques pas
du domaine de Rouilly, s'élève le deuxième menhir.
C'est le plus grand et le plus remarquable. Il a 4 mètres
riO de long, 2 mètres de large et 60 centimètres d'épais-
seur. Un troisième menhir a été brisé. Ses morceaux qui
gisent encore sur le sol mesurent environ 3 mètres de
longueur. Ces blocs énormes sont en pierre meulière,
et les seuls de cette espèce dans la contrée. Leurs flancs
offrent quelques traces grossières d'une taille régulière;
ils sont placés à peu près à 200 mètres les uns des
56 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
autres, et suivant une ligne droite allant du nord au sud.
Il est bien probable que ce sont là des bornes antiques ;
elles sont disposées à la limite des Bituriges, d'une part,
et des Pictaves et des Lémovices de l'autre ; peut-être
aussi étaient-elles un peu en dehors des frontières de
notre province, et servaient-elles à séparer les Pictaves et
les Lémovices, juste à l'endroit où finissait la tribu
Lémovice des Andecamuleuses. C'est en effet dans ce lieu
que tous les documents anciens placent les frontières du
Berry, du Poitou et du Limousin. Ajoutons encore pour
plus de précision que ces bornes sont disposées exacte-
ment, en partant de la rivière de la Creuse, dans la
direction du sud, figurant une ligne qui s'en va passer
entre Bélâbre d'un côté, et Mauvières et Saint-Hilaire de
l'autre, au point de jonction de l'ancien archidiaconé de
Déols et de celui de Buzançais. On sait que les divisions
ecclésiastiques nous donnent les renseignements les plus
précieux sur la géographie ancienne ; elles ont été cal-
quées sur la division des provinces romaines, qui elles-
mêmes n'étaient que la reproduction des délimitations des
tribus Gauloises. Un exemple frappant de ce fait se
remarque surtout sur la rive gauche de la Creuse, depuis
Tournon jusqu'au Blanc, et probablement jusqu'à Saint-
Gaultier et Argenton. Sous l'empire romain, la bande
allongée de terrain qui s'étend entre la Creuse etl'Anglin
était comme une sorte de marche, un territoire neutre
entre les Bituriges et les Pictaves; plus tard notre division
par provinces et diocèses consacra cette disposition singu-
lière, de sorte que les paroisses de Néous, de Lurais, de
Sauzelles, de Mérigny, d'Ingrandes, de Saint-Hilaire, etc.,
ressortissaient au temporel de la généralité de Bourges,
et au spirituel du diocèse de Poitiers; et nos paysans, dont
la verve souvent ne manque pas de sel, disaient qu'ils
XL« SESSION, A CllATEAUROUX. 57
appartenaient au bon Diou <le Poitiers et au diable de
Bourges.
2» Menhirs de Douadic, canton du Blanc.
Trois pierres à peu près semblables à celles qui viennent
d'être décrites, existent dans la commune de Douadic. La
première est située près du domaine A'Arminié, dont
le nom tout breton signifie la pierre longue : ar, la ; men
ou min, pierre ; hir, longue. Les habitants du pays
appellent ce bloc la pierre à Nom ; mais ce nom, nul ne
le connaît, et c'est bien heureux, car celui qui le saurait
mourrait tout de suite ! Une deuxième pierre se trouve
auprès du domaine du Sablon, et l'on en trouve une troi-
sième à 200 mètres plus loin, près du bord de la Mer-
Rouge, et à côté du chemin qui conduit au Bouchet ;
cette dernière se nomme la pierre à la Fade ; elle est
très-mal famée dans le pays, et voici ce que l'on raconte
à son sujet. Pendant une nuit, une fade ou fée, en puni-
tion d'un crime aujourd'hui inconnu, portait cette pierre
dans son tablier, plus fin et plus délié que les fils de la
Vierge. Le bloc énorme devait servir aux fondations du
donjon du Bouchet. La tâche était rude sans doute, le
chemin difficile et raboteux : la pauvre fée allait lente-
ment, si bien que l'aurore la surprit avant qu'elle eût
fini sa course ; le chant du coq se fit entendre, le tablier
s'effondra, la pierre chut, et la fée s'évanouit en fumée
légère. Si quelqu'un était incrédule à ce récit, qu'il
vienne en Brenne, et par un beau jour d"été, qu'il s'ache-
mine vers la forteresse du Bouchet. Sur le bord de la Mer-
Rouge, il verra la pierre ; au donjon , la place où
manque encore l'assise que portait la fée ; et si, ravi par
58 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le spectacle enchanteur qui, du haut de la terrasse du
château, se déroulera partout à ses regards, jusqu'au tVmd
de l'horizon, il s'attarde jusqu'à la nuit, alors en revenant
à la lueur des étoiles, quand il passera le long des eaux
calmes de l'immense étang, peut-être verra-t-il une petite
flamme tremblante qui fuira devant lui!... C'est encore
la pauvre iée, qui revient toute triste de n'avoir pu finir
sa tâche.
Ces trois pierres so.it renversées sur le sol , elles
mesurent environ 3 à 4 mètres de long sur 80 centimètres
à 1 mètre d'épaisseur.
Il y a quelques années, une quatrième pierre se voyait
encore à l'autre extrémité de la commune de Douadic,
entre le domaine de la Grave et la tuilerie de la Cave,
tout près d'un vaste champ rempli de substructions
gallo-romaines. Un paysan voulut planter une vigne,
mais la pierre le gênait. La porter ailleurs, c'était impos-
sible ; la briser, c'était un dur travail. Notre homme
trouva mieux : il fit une large et profonde tranchée tout
le long de la pierre, puis s'en alla trauquillement chez
lui, et attendit ; la pluie vint, la terre se détrempa, céda
sous le poids énorme du rocher, et celui-ci roula tout
seul jusqu'au fond du fossé. Le paysan revint ; en deux
heures il remit la terre par-dessus la pierre, et tout
fut fini. Qu'on dise, après cela, que nos Brenous ne sont
pas ingénieux !
3" Menhir de lu (Jhâtre-l'Amjlin, canton de
Saint- Benoit-du-Sault .
Sur le territoire de la Châtre-l'Anglin, canton de Saint-
Benoît-du-Sault, un trouve deux menhirs fort remar-
XL' SESSION, A CIIATEAUUOUX. 50
quables. L'un, nomm6 la Croix de Puy-Morin, est placé au
pied d'un énorme châtaignier, au sommet d'un coteau, et
le long d'un chemin. Il a 1" 10 de haut et 60 centimètres
de large. La pierre est brute sur trois de ses faces, et irré-
gulièrement disposée en cône vers le sommet. Sur la face
antérieure qui regarde le sud, on a grossièremeût taillé
une croix, dont les traverses sont légèrement arrondies.
Ce travail doit remonter à une époque très-reculée, car le
granit, qui est fort dur, ofïre dans la partie taillée, comme
dans le reste de son pourtour, à peu près la même teinte
et les mêmes délits.
A deux kilomètres environ de ce premier monument,
on en rencontre un second, désigné sous le nom de Croix-
des-Rendes. C'est encore un bloc de granit blanchâtre,
haut de !■" 40 et large de 40 centimètres à la base, et
un peu plus étroit au sommet: il est élevé sur un socle
plus long que large, mesurant environ 80 centimètres; il
se trouve adossé à un petit bois, au milieu d'un carrefour
où aboutissent six chemins, à la limite de la Chàtre-l'An-
glin et de Parnac. Vers le sommet de cette pierre, ou a
gravé en entaille une petite croix d'environ 25 centi-
mètres de longueur. La façade seule de ce monument,
qui regarde le sud-est, a été légèrement équarrie.
Tout près de là, au fond d'un large ravin, l'Anglin se
précipite à grand bruit de cascade en cascade, à travers un
amoncellement de vastes rochers. Toutes ces grandes
pierres, d'un brun foncé, ont les formes les plus bizarres
et sont entassées dans le plus magnifique désordre. C'est
bien là, certainement, l'un des points les plus sauvages
et les plus pittoresques du Berry.
60 CONGRÈS .VRi.:HÉOLOGIQUE DE FRANGE.
1 1. DOLMENS ET CROMLEG HS
1° Dolmen de Passebonneau ou des Essarts, commune de la
Chât7'e-rAnglin, canton de Saint- Benoît- du- S ault.
A peu de distance des menhirs de Puy-Morin et de la
Croix-des-Rendes, que nous avons décrits plus haut, la
même commune de la Chàtre-l'Anglin otfre encore à
notre étude un grand et beau dolmen. Ce monument,
d'une conservation intacte, est placé au centre et au point
le plus élevé d'une vaste plaine, couverte de genêts, près
du domaine ou village de Passebonneau. Il y a peu d'an-
nées, il était entouré d'énormes châtaigniers, abattus pour
faire place à de maigres cultures. La table, qui mesure
S"" 30 dans sa plus grande largeur, et 8" 60 de pourtour,
se rapproche beaucoup de la forme d'un cœur. Elle est
fortement inclinée du côté de l'est, où ses supports n'ont
pas plus de 90 centimètres, tandis qu'à l'ouest, ils ont
plus de i"" 5.'). La plus grande élévation du sol au som-
met du dolmen est de S"" 15. L'un des côtés, exposé au
sud-est, est marqué d'une croix entaillée, de 20 centi-
mètres de long, sur 10 de large.
Là, comme au menhir de Puy-Morin et des Rendes,
les premiers chrétiens qui ont habité ces lieux ont gravé
le signe de la croix, pour détouiner, sans doute, ou arrê-
ter des pratiques superstitieuses. Les premiers évoques de
Vannes ont agi de même à l'égard d'un grand nombre de
monuments celtiques de la Bretagne. A Carnak, notam-
ment, un menhir tout entier a été taillé en forme de
croix; sur un second, qu'on nomme la montagne de jus-
tice, on a ciselé une autre croix, rappelant grossièrement
la forme des croix de Malte.
XT/ SESSION, A CIIATEAUROUX. 01
Le dolmen de Passebonneau était soutenu primitive-
ment par cinq piliers, deux au sud, trois au nord, placés
de front ; aujourd'hui, l'un de ces supports ne touche
plus à la table, soit que son sommet ait été brisé, ou qu'il
se soit affaissé. Ces supports, à peu près carrés, ont en
moyenne 65 à 70 centimètres de côté à la base ; ils sont
beaucoup plus étroits au sommet.
Tout ce monument est en grès ferrugineux, d'une cou-
leur noirâtre, et de la plus grande dureté. Sa surface
entière n'a souffert en rien des injures du temps; et le
grain de la pierre est si compacte et si pressé, que ni
mousses, ni lichens n'ont pu y enfoncer leurs racines,
pourtant si tenaces et si pénétrantes.
La face principale de ce dolmen est orientée à l'est.
2° Dolmen de Chalais, canton de Bélâbre.
Un peu avant d'arriver à Chalais par le chemin de
Bélâbre, à l'endroit où le coteau qui domine le village
commence à s'abaisser en pente rapide jusqu'au bord de
l'Anglin, à droite et le long d'un fossé, on rencontre le
dolmen dit de Chalais. C'est un des plus grands du pays.
Sa table était autrefois à peu près carrée; aujourd'hui
l'angle qui fait face au nord-ouest est brisé. Les deux côtés
intacts ont environ 3" 50 de longueur, sur une épaisseur
de 70 centimètres. Ce dolmen était posé carrément et
d'aplomb sur trois supports, disposés au milieu de cha-
cune des faces du nord, de l'ouest et du sud; le côté du
levant, comme toujours, était libre et dégagé. Malheureu-
sement, un propriétaire, pour gagner quelques pouces de
terrain, s'est annexé le dolmen, et, pour l'enclaver dans
son champ, à fait creuser un large fossé le long de la
02 COXGIIÈS ARCHÉOLOGIQUE HE FR.V.NCE.
façade du nord. Le support, qui n'avait plus d'assiette, a
lléchi, a glissé, et la table s'est renversée. De ce côté, au-
jour l'hui, elle repose sur le sol ; au sud, elle est encore
maintenue par le support qui s'est incliné. Ce dernier,
qui se présente presque d'angle, a, d'une part, 1" 40
d'épaisseur, de l'autre, 80 centimètres, et 2" 42 de hau-
teur. Du niveau du sol au sommet de la table, on mesure
encore 1" 70 d'élévation; avant son accident, le dolmen
devait avoir 2-" 80.
Tout ce monument est en pierre siliceuse, jaune gris,
extrêmement dure. Le pays qui l'entoure est dénudé et
olFre quelques traces de vignes et de mauvaises cultures ;
il y a peu d'années, il était couvert de superbes chênes,
qui rejoignaient les grandes forêts de Bélâbre et de la
Luzeraie. Avant la confection des routes de Bélâbre et de
Brissac, et du chemin de Chalais, toute cette portion de
l'Indre était impénétrable et d'un sauvage achevé.
3° Dolmen de Cou-Bernard, commune de Saint-Aigmj,
canton du Blanc.
Ce monument est fort peu ou point du tout connu. J'ai
été mis sur sa trace par une indication de M. le curé de
Saint-Ëtienue du Blanc, que sa masse avait frappé. Je
suis heureux d'être le premier à le signaler. Il est situé
à peu. près à mi-chemin entre Saint-Aigny et le village
de Cou-Bernard, à moins d'un kilomètre à droite de la
route du Blanc à Poitiers. Le beau chemin romain d'Au-
tuu à Bordeaux en passe à peu près à deux cents mètres,
et de là, par de magnifiques alignements, va joindre le
village d'Ingrandes à quatre kilomètres environ.
Ce dolmen s'élète sur la lisière d'une futaie, tourmen-
XL* SESSION, A CHATEAU HOUX. 63
t6c et rabougrie, dernier reste des vastes forets, dont
d'immenses amas de scories attestent l'existence. Il est
placé vers le centre d'un grand plateau rocailleux, tout
couvert d'énormes amas de pierres, que les gens du pays
appellent encore des chirons, tout comme faisaient leurs
ancêtres, il y a plus de 2000 ans. Ingrandes et Cliiron,
deux mots conservés aujourd'hui dans le patois bas-poite-
vin, sont d'origine celtique, et signifient, le premier,
frontières, fines, et, le second, amas ou tumulus de pierre.
Ce dernier terme répond parfaitement au galgal que nous
avons décrit dans la première partie de cette étude, et au
cairn des Bretons, amas de pierre consacré à Tentâtes.
C'est du mot cairn, sans doute, que les paysans de Saint-
Aigny appellent leur dolmen la pierre du Charnier.
Quoi qu'il en soit, la table de notre dolmen est une
pierre d'un poids énorme. Sa face principale, exposée au
levant, mesure 2 mètres de long ; ses côtés ont l"" 70 ou
i" 80. Elle est épaisse en avant de 65 centimètres, en
arrière seulement de 40. Dans son pourtour et en des-
sous elle est à peu près régulière. Le dessus est raboteux
et plus fruste ; il est couvert de lichens et de mousses
verdoyantes, qui font un vigoureux contraste avec le
ton chaud de la pierre.
Cette masse pesante est inclinée légèrement vers l'ouest
et plus fortement au nord. Là, les trois pierres qui la
supportent ont fléchi et se sont abattues en dedans. Le
dolmen, de ce côté, a encore 90 centimètres de hauteur; au
sud, il a l" 40 d'élévation, et le seul pilier qui le soutient
a conservé son aplomb. C'est un silex en. forme de cœur
très-allongé, large et arrondi par le haut, mince en bas.
Les paysans de Saint- Aigny attribuent à leur dolmen une
origine diabolique : « C'est une fée, disent-ils, qui l'a
apporté en ce lieu pendant la nuit, et l'a laissé échapper
fit CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
au premier chant du coq. » C'est à peu près la même
croyance que pour la pierre à la Fade des bords de la Mer-
Rouge.
4° Dolmen et Cromlec'h de Sennevaut^ commune de
Ciron, canton du Blanc.
Voici encore un dolmen complètement inconnu ; je
revendique l'honneur de le faire connaître le premier. A
peu près à mi-chemin, entre Rosnay et Giron, à la limite
de ces deux communes, le terrain s'exhausse peu à peu en
pente très-douce et forme un vaste plateau, borné à l'ouest
par le domaine des Vouillers, à l'est par celui des Bois,
et au nord par Scnnevaut. C'est au sommet et au centre
de cette colline, d'où l'on découvre un horizon de plus
de vingt kilomètres tout à l'entour, que se trouve le
dolmen de Sennevaut.
Si les Celtes faisaient de leurs dolmens des points de
réunion pour de nombreuses peuplades, le centre de leurs
assemblées nationales ou religieuses, ce lieu était admira-
blement choisi. A l'ombre des grands chênes, sous l'abri
des vastes forêts qui couvraient au loin tout ce sol, nul
regard indiscret n'était à craindre ; ils pouvaient eu sûreté
dérouler à loisir tous les rites de leurs mystérieuses céré-
monies. Là, quelquefois encore, sur des arbres contempo-
rains peut-être de ces temps reculés, on trouve les rameaux
sacrés du gui.
Aujourd'hui l'aspect a changé; les vieilles forêts ont été
défrichées, de pauvres sillons attristent le regard, et des
étangs fangeux se découpent au milieu de maigres
taillis. Pourtant, au sommet du plateau, un grand chêne
a été épargné; c'est à son pied que se dresse le dolmen.
. XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. ' 65
La pierre supérieure, très-irrégulière, a 3 mètres de long
et 8 mètres de tour , elle est beaucoup plus épaisse à l'est,
où elle mesure 72 centimètres, tandis qu'à l'ouest elle
n'en a plus que 40. Elle a conservé sa position hori-
zontale, et son plan supérieur est à i" 35 au-dessus du
sol. Trois supports la soutiennent, irréguliers aussi de
grandeur et de forme ; au lieu d'être dressés debout, ils
sont couchés sur leur côté le plus long; celui de l'ouest a
i" 40 de longueur, sur 80 centimètres d'épaisseur; les
deux autres, placés au sud et au nord, n'ont guère que
32 centimètres d'épaisseur, sur 65 centimètres de lon-
gueur. Sous la table du dolmen on voit quelques autres
menus blocs, qui sont peut-être des débris des supports ou
de la table même.
Comme à Ghalais, comme à Cou-Bernard et à la Châ-
tre-l'Anglin, le monument de Sennevaut présente sa face
libre de support au soleil levant.
Ce dolmen est le moins bien conservé, le plus dégradé
de ceux qui viennent d'être cités ; il est en grès rougeâtre
qui se délite à la longue sous l'intluence de la pluie et des
grands froids. Cependant il nous offre un intérêt particu-
lier : c'est qu'il est entouré, dans un rayon de quatre à
huit mètres, d'un cercle de huit autres pierres. Ces der-
nières ne sont placées régulièrement ni entre elles, ni par
rapport au dolmen central ; il est à croire que quelques-
unes ont été arrachées et brisées. Ces pierres ne sont pas
non plus de dimensions égales ; elles varient entre
1" 50, 4 mètre et 50 centimètres de longueur ; de plus,
quelques-unes ne font saillie au-dessus du sol que d'en-
viron 25 à 30 centimètres, tandis que d^autres sortent de
terre à plus de 70 centimètres.
Le dolmen de Moulins, près de Châteauroux, et celui
d'Allouis', dans le Cher, sont les seuls, je pense, dans tout
XL'' SESSION. 5
66 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le Berry, qui soient, comme celui de Sennevaut, entourés
d'un cercle de pierres. J'avais donc raison de dire que ce
dernier ofirait un grand intérêt.
Tous ces monuments de pierre, menhirs ou dolmens,
sont très-mal vus et fort redoutés de nos paysans ; on les
regarde comme terriblement entachés du soupçon de dia-
blerie. Ils recouvrent tous de grands trésors, et ne se tien-
nent immobiles que pour les mieux garder. Pendant
certaines nuits pourtant, celle de Noël, par exemple, celui
qui ne craindrait pas de se mettre en sentinelle, et de les
guetter d'une façon convenable, ne manquerait pas de les
voir se soulever et se livrer à des ébats qui ne conviennent
pas à d'honnêtes pierres. Mais il y aurait un grand dan-
ger à tenter cette aventure, et le profit serait moindre que
le péril. Aussi nos braves gens, qui tiennent à ne pas se
faire rompre les os, aiment mieux croire tout simplement
sur la foi du passé, que d'aller y voir. C'est moins
héroïque, mais c'est beaucoup plus sûr ;.... et nos pierres
conservent toujours leur sinistre renom !....
b° Dolmen de Saint- Martin, commune de Sainte-Gemme,
canton de Mézières-en-Brenne.
Le dolmen qui nous reste à décrire jouit d'une réputa-
tion moins sinistre ; il a été sanctifié par la présence du
grand évoque de la Touraine. On le rencontre à un kilo-
mètre environ au sud du bourg de Sainte-Gemme, sur une
légèie éminence, au milieu d'une plaine, aujourd'hui
couverte d'une forêt de jeunes sapins. C'est une large
pierre de grès, étrangère au sol du pays, qui mesure sur
ses plus grandes faces 3" 75 et 1"" 75, sur ses plus petites
2"" 10 et 2"° 50 environ. Chacun de ses angles regarde
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX, 67
l'un des points cardinaux. Cette pierre n'était soutenue
que par deux supports, à l'ouest et à l'est. Le premier,
renversé et à demi enfoui dans un sol friable et peu solide,
est seul apparent; le second a disparu complètement sous
le tassement, et, de ce côté, la pierre du dolmen repose
sur la terre.
Les paysans du lieu ont cette pierre en vénération. Us
vous montrent sur la surface des pas d'hommes, les traces
du pied d'un âne et du bout d'un bâton. Saint Martin,
vous racontent-ils, a fait là une station dans ses nombreux
voyages ; après avoir tenté vainement de convertir au
christianisme les habitants de la contrée, il a laissé l'em-
preinte de ses pieds, de ceux de son âne et la marque de
son bâton sur cette pierre, pour montrer que la nature
insensible était moins rebelle à l'action du Créateur que le
cœur endurci des hommes. (Je dois ces détails intéressants
à l'obligeance de M. le curé de Sainte-Gemme.)
Il existe encore, dans la même commune, une autre
pierre, sorte de menhir, de forte dimension; ce n'est
pas autre chose, sans doute, qu'une des nombreuses bornes
qui limitaient la seigneurie de Brenne, et dont il est fait
mention dans un acte du commencement du xiii" siècle.
IV.
MONNAIES GAULOISES.
Après les grands monuments de pierre, ou monuments
mégalithiques, qui remontent aux âges primitifs de la
période celtique, nos ancêtres, les Gaulois, dans des temps
postérieurs, ont laissé bien peu de traces de leur séjour
dans l'arrondissement du Blanc.
G8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Quelques-uues de nos localités portent saus doute encore
aujourd'hui des noms qui remontent à ces peuplades
guerrières ; mais ces noms sont peu nombreux, et l'étude
en est trop délicate pour que nous tentions de l'entre-
prendre. Leurs chemins, à l'époque de la conquête, ont
été utilisés et transformés par les ingénieurs romains. Il
nous reste seulement quelques monnaies comme témoins
de ces temps reculés. Les monuments de ce genre sont
trop rares et trop précieux pour que nous les négligions
ici ; nous sommes donc heureux de signaler un petit tré-
sor gaulois, le seul qui se soit rencontré dans l'arrondis-
sement du Blanc.
Vers le milieu du mois d'octobre de 4872, vingt-huit
monnaies gauloises ont été trouvées sur le territoire de
la commune d'Ingrandes, près le Blanc. Le champ où
cette découverte a été faite est situé à environ un kilo-
mètre du bourg, à droite du chemin qui mène à Mérigny,
et avant d'arriver au castel de Plaincourault.
En ce même endroit, il y a quelques années, dans les
travaux de nivellement du chemin, on a rencontré plu-
sieurs tombeaux en pierre.
Suivant une tradition du pays, consignée dans les
Esquisses pittoresques de l'Indre (page 202 de la grande
édition et 163 de l'édition in-12), une ville existait jadis
en ce lieu. Il n'en reste plus de traces aujourd'hui; son
nom même est perdu.
Nos monnaies étaient enfouies enfermées dans un petit
vase de terre. Elles furent amenées à la surface du sol par
l'action de la charrue, qui traçait un sillon profond. Le choc
de l'instrument brisa le vase, qui ne put être reconstitué. Sa
pâte, trop tendre, avait été amollie et décomposée par un
long séjour dans la terre. Elle était noirâtre à l'intérieur,
et à la surface couleur de rouille. On voyait que ce vase
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 69
n'avait été que très-légôrcmcnt cuit ; ses cassures étaient
celluleuses, irrégulicrcs et pleines de parcelles de silex. —
La Normandie souterraine, de M. Cochet, le Bulletin
monumental et le Cours d'archéologie gallo-romaine, de
M. de Caumont, offrent de nombreux exemples de poteries
de ce genre. Tels étaient les premiers produits de la céra-
mique chez les Gaulois.
Les monnaies ont eu un meilleur sort que le vase qui
les enfermait. Elles sont sorties intactes de leur cachette
séculaire. Leur face est fortement bombée, et elles sont
concaves du côté du revers. Les figures ont un beau relief
et ont été nettement frappées. Le dessin n'est pas trop
barbare et indique une époque de civilisation déjà avancée.
Ces pièces de monnaie se rapportent à sept types diffé-
rents, dont voici la description :
N" 1 . — Tète à droite, couverte d'une sorte de coiffure
ou de casque, indiqué par des côtes qui se dirigent du
sommet de la tête vers le col. Collier de perles ou torque.
Autour de la pièce, cercle de grénetis. — i^ Guerrier à
cheval, galopant à droite, tenant un bouclier ovale. Le
poitrail et la crinière du cheval ornés de perles. Au-des-
sous du cheval, main étendue et levée. — Argent, poids:
3 grammes 25 centigrammes.
Une pièce à ce type, trouvée près d'Issoudun, en 1868,
a été décrite dans le Bulletin des Antiquaires du Centre,
année 1868. Bourges.
N" 2. — Tète à droite, cheveux bouclés en quatre
grosses mèches ; bandeau sur le front et collier uni au
au cou. Autour, grénetis. — i^ Deux chevaux galopant
l'un au-dessus de l'autre, à droite, avec perles dans la
crinière. Au-dessus du premier cheval, fleuron à deux
pétales opposés, avec un plus petit, droit, au milieu. Au
centre de la pièce, un point. Au-dessous du deuxième
70 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
cheval, uue espèce de lyre. Autour, grénetis. Argent;
poids : 3 grammes 35 centigrammes.
Une pièce du même type a été trouvée à Vierzon. Elle
est décrite dans le volume de 1869 des Antiquaires du
Centre, p. 301, n° 7.
No 3^ — Tête à droite, couverte d'un casque dont le
rebord simule des mèches de cheveux bouclés ; l'orbe est
couvert d'imbrications; une jugulaire perlée s'attache sous
l6 menton. Sur la joue, quatre perles disposées en croix.
Au cou, un collier uni. — i^ Cheval galopant à droite. Perles
autour du poitrail et tout le long de la crinière. Au-des-
sus, sanglier ou porc accroupi. Au-dessous, fleuron à trois
feuilles attachées à un point central, et se recourbant de
droite à gauche en forme de roue ; grénetis. Argent ;
poids : 3 grammes 15 centigrammes.
Pièce de ce genre décrite dans le volume de 1869 des
Antiquaires du Centre, p. 302, n" 13.
N° 4, — Tête à gauche, couverte d'une coiffure à trois
grosses mèches bouclées, encadrant le front et la joue ; par
derrière, cinq à six autres mèches en sens contraire. Jugu-
laire perlée, comme au n° 3, et collier uni; grénetis. —
^ Le même qu'au n° 3. Argent ; poids : 3 grammes
5 centigrammes.
N° 5. — La même tête qu'au n" 4 : grénetis autour. —
i§ Cheval galopant à droite et sanglier ou porc au-dessus,
comme dans les deux pièces qui précèdent; mais au-des-
sous du cheval, le fleuron, au lieu d'être dirigé vers la
gauche, est tourné à droite. Grénetis autour. Argent ;
poids : 3 grammes 25 centigrammes.
N° 6. — Tète à gauche, type du n° 4. — i^ Deux che-
vaux à gauche, au-dessus triquètrc à angles recourbés.
Argent ; poids : 3 grammes 25 centigrammes.
La môme pièce a été trouvée près d'Issoudun, en 1868,
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 71
et est reproduite dans le volume des Antiquaires du
Centre, de la même année, pi. I, n" 7.
N" 7. — Tète à droite, cheveux bouclés. — f^ Le même
qu'au n" 6. Argent ; poids : 3 grammes 22 centigrammes.
Il ne sera pas inutile de rapprocher de cette découverte
de monnaies une autre trouvaille, beaucoup plus consi-
dérable, qui a été faite, en 1865, dans la commune d'Ob-
tcrre, à l'extrémité ouest du département de l'Indre, juste
à la limite du Berry et de la Touraine. Ces monnaies, au
nombre de quatre à cinq cents, dit-on, ont été trouvées
dans des pots de terre, en un lieu appelé Linnevert. Le
propriétaire de ce trésor a fait un grand mystère de sa
bonne fortune, et il ne montrait pas volontiers ses mon-
naies. Cependant quelques-unes sont sorties de ses mains,
et celles que j'ai sous les yeux, beaucoup moins bien
conservées que celles d'Ingrandes, offrent les mêmes types
et les mêmes symboles. C'est, d'abord, la figure repré-
sentée au n° 1, avec le cavalier passant et la main dressée;
puis celle du n° 2, avec les deux chevaux galopant.
Comme à Ingrandes, les monnaies d'Obterre n'offrent
pas de traces de légendes ou d'inscriptions. Un savant
tourangeau , qui en a étudié quelques-unes, probable-
ment de types autres que ceux que nous venons de
décrire, les attribue aux Carnutes (Orléanais) et aux Pic-
taves (Poitevins).
11 est certain que ces monnaies doivent remonter à une
haute antiquité ; l'absence de légendes autour des figures
en serait une preuve convaincante. L'on sait, en effet,
d'après le témoignage de César, que les premiers Gaulois
employaient rarement l'écriture ; et il est reconnu que les
inscriptions monétaires, presque toujours empruntées à
l'alphabet romain, ne se montrèrent en Gaule que dans
les temps voisins ou contemporains de la conquête.
72 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE UK FRANCE.
Le savant numismate Lelewel (cité par M. Kaynal,
Histoire du Berry, t. I, p. 32) a pensé que le cheval en
course, libre ou conduit, était le symbole des Bituriges
(habitants du Berry), au moment où ils avaient la prépon-
dérance sur toute la nation gauloise. (Environ 500 ans
avant J.-C.)
Les Arvernes (habitants de l'Auvergne), devenus puis-
sants à leur tour, empruntèrent à nos pères leur em-
blème national, en même temps qu'ils leur enlevèrent la
direction des affaires de la Gaule. (Environ 200 ans avant
J.-C.)
D'autres pièces, qui portent d'un côté ou le cheval
libre, ou deux chevaux superposés, et en course, et de
l'autre côté * cette tête bizarrement coiffée de longues
mèches frisées, sont encore attribuées aux Bituriges. On
pense que le porc ou sanglier aurait été le symbole de la
confédération Éduenne (partie du Nivernais, de l'Autu-
nois, etc., capitale Bibracte, Autun), et que les Bituriges
l'auraient placé sur leurs monnaies seulement quand ils
entrèrent dans cette confédération. (Vers d 50 ans avant
J.-C.) — (Voy. Raynal, Histoire du Berry, t. I, p. 31.)
Le savant M. Berry, qu'il faut toujours citer quand il
s'agit de la numismatique de notre pays, assure que le
type qui offre une main ouverte sous le cheval appar-
tient encore aux Bituriges.
Enfui le numismate Lambert attribue aussi aux mêmes
peuples la pièce où l'on voit deux chevaux galopant l'un
au-dessus de l'autre, accompagnés d'un triquètre ou
triangle à coins recourbés. (Bulletin numismatique de
M. do Kersers, dans le volume de 1808 des Antiquaires
du Centre.)
Après toutes ces indications, nous sommes en droit de
conclure :
XL" SESSION, A ClIATEAUROUX. 73
r Que les iiioiuiaies (ringTaiules reinnnleiit à une
haute antiquité; qu'elles sont de beaucoup antérieures à
la conquête de notre Berry par les Romains, c'est-à-dire à
l'an 51 avant J.-C;
2° Qu'elles ont toutes appartenu aux Bituriges, nos
ancêtres, et que parmi elles deux seulement peuvent être
revendiquées par les Avernes ou les Eduens, conjointe-
ment avec les Bituriges.
Un anneau de plomb, de 24 millimètres de diamètre et
de 7 millimètres d'épaisseur, orné de huit fleurons en
saillie, doit, sans doute, être rangé aussi parmi les mon-
naies gauloises. Il a été trouvé dans un des villages de
Douadic, au mois d'octobre 1872.
M. le Président donne ensuite la parole à M. Roubet,
qui lit une poésie humouristique, intitulée : l'Archéologue
hagiologue, dont les hues épigramines et la verve originale
ont plusieurs fois amené le sourire aux lèvres des audi-
teurs, et provoqué de vifs applaudissements.
L'Antiquaire hagiologue.
Loin du bruit et de l'œil profane,
Four rêver du temps qui n'est plus,
Sous le lierre, sous la liane,
J'ai préparé mon loculus !
Il est là, le cher sanctuaire :
Certain d'y puiser le bonheur,
Comme un avare, l'antiquaire
Y cache ses trésors, son cœur.
74 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ces trésors sont de bois, de pierre,
D'ivoire ou de porphyre ! Aux yeux
De l'art, qu'importe la matière,
Quand le travail est précieux !
Bravant l'éloge ou la critique.
Il a créé, vrai paradis !
Un musée hagiologique ;
Honneur aux saints qu'il a choisis.
C'est peu d'avoir fait maint miracle.
D'être en tous lieux le mieux ieté ;
Nul saint n'est admis au cénacle
S'il n'a des ans la majesté.
Sa voix tour à tour les évoque,
A l'heure oîi tous bruits ont cessé.
Les répons à ce soliloque
Sont les échos du temps passé.
Le ciel est bleu, la brise est douce,
Les fleurs brillent autour de moi,
L'oiseau chante en son nid de mousse ;
Quel beau jour !.... Césame, ouvre-toi !
Parmi cent trouvailles antiques.
Glane railleuse des hasards.
J'ai trouvé mes saintes reliques
Dans les catacombes des arts.
Animés par la statuaire,
J'ai de l'érable et du laurier,
Du buis, du cèdre; l'antiquaire
De tout bois chauffe son foyer.
XL° SESSION, A CIIATEAUROUX. 75
Sorti de l'Auvergne et du hêtre,
Goulus de se voir le premier,
Saluons d'abord saint Sylvestre ;
J'ai blessé le calendrier.
Près de lui, contraste étrange,
Michaël, le blond Chérubin,
Des ténèbres terrasse l'ange ;
Des cirons il est le butin.
Le Séraphin plane et rayonne,
Satan vaincu grince des cris,
Et tord, sous un pied qui frissonne,
Son aile de chauve-souris.
Ce charmant saint Roch légendaire,
Un noir grenier me l 'a livré ;
Il dormait sous un long suaire,
Que l'araignée avait ouvré.
Au Ciel j'adressai ma prière.
J'enlevai mon butin pieux,
Comme Énée emportant son père.
Comme Auchise emportant ses dieux.
Qu'il a su trouver de souplesse
En sculptant le bloc de noyer,
Comme il a mis de morbidesse
Sous ses coups, le maître imagier !
Sur un coursier, trop fort de taille.
Se tient Maurice, fier guerrier ;
Contre lui le Temps qui bataille
A fait voler son étrier I
76 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRA^•CE.
Un étricr, ah ! mais j'y pense !
Si j'en crois Polybe et Strabon,
L'étrier n'est point d'ordonnance
Dans la thébaine légion.
Dans Voculus de la fenêtre,
Un soir où ma joie éclata,
J'ai déposé du divin Maître
Une ùnago clypeata.
Une page de la Genèse
Reste en débris sur ce vitrail,
L'ouragan de quatre-vingt-treize
A brisé le plomb et l'émail.
Ce prophète me désespère,
Un jour me dira-t-il son nom ?
Qu'as-tu fait de ton phylactère?
Es-tu Daniel, es-tu Nahum?
Ce martyr au regard humide,
Dont le sang couronne le front :
C'est saint Etienne, qu'on lapide..
11 est en pierre d'Aprérnont.
Sous le trilobé d'une arcade,
Voici le fougueux saint Bernard;
Peut-être il prêche une croisade
Contre les richesses do l'art.
Cet ivoire est une merveille :
Ce dyplique m'a rendu fou :
« Sainct Nicliolas toche et reveille
a Tri fieux oc) lis en ung tcnou. »
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 77
Si bien sûreiuent l'on s'enquête
Que m'a coûté pareil trésor :
J'ai dépensé pour sa conquête
Quatre mois, des soupirs, de l'or.
Quelle naïve imagerie !
Une sainte Barbe avec du canon ;
Un saint Hubert en vénerie.
Armé d'un gentil mousqueton.
Que j'aime mes deux Madeleines :
L'une est un cuivre et l'autre un bois ;
En répentance, la mondaine
Mouille de pleurs deux os en croix !
Cette toile, qui se craquelé,
Nous offre le grand saint Éloi,
Sans Oculi, sa main martèle
Un beau trône pour son bon roi.
J'ai voulu que monsieur saint Ladre
Ici fût des mieux honorés ;
Je n'ai point marchandé le cadre :
Fond de velours et coins dorés.
Voici venir les trois rois Mages ;
L'étoile, vue en Orient,
A disparu sous les nuages
Qui plaquètent mon firmament.
Le vieux tableau n'est plus intègre,
En plombagine est changé l'or,
On ne sait plus quel est le nègre,
Si c'est Gaspard ou Melchior.
78 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
J'ai voué, douce souvenance,
Aux produits de mon vieux Nevers :
Bel émail, fragile faïence,
Point ils ne sont en proie aux vers.
Ils ornent encor mes assiettes,
Les saints que le goût a bannis ;
Sur deux plats bleus voici les têtes
De saint Jean et de saint Denis.
Sous sa tiare anachronique,
Saint Pierre siège en sedia ;
Un jour, devant ma céramique,
Champfleury dit : « Comme c'est ça î »
Sur cet ancien cuir de Cordoue,
Nielle de fauves couleurs.
C'est saint Antoine de Padoue,
Patron vénéré des chercheurs.
Questant des secrets d'un autre âge,
Égaré dans la nuit des temps,
Bien des fois, devant son image,
J'ai brûlé la cire et l'encens.
Bien des fois, décevant mirage,
J'ai cru trouver la vérité ;
Le Padouan disait : Courage
Invenietis, guérite !
Ombre vaine, terre promise.
Quand tout fuyait devant mes pas.
Je recommençais, autre emprise.
Mes travaux chéris, mais ingrats.
XL^ SESSION, A CIIATEAUROUX. 79
Ainsi, dans cette ardeur jalouse.
Qui lui lait sonder l'inconnu,
L'homme, comme un jour Lapérouse,
Part, vogue et n'est point revenu.
La séance est levée à quatre heures et demie.
1" SÉANCE DU dl JUIN J873.
PRÉSIDENCE DE M. DE GESSAC,
Inspecteur de la Creuse.
Siègent au bureau : MM. de Beaufort, Laperche, Rou-
bet et de Salies, M. de Roumejoux secrétaire.
M. l'abbé Voisin a la parole sur la deuxième question
du programme.
SILEX.
A côté des dolmens, des peulvans, ces grands monu-
ments de l'ère celiique, on trouve encore fréquemment,
dans l'arrondissement du Blanc, et surtout en Brenne,
d'autres monuments du même âge, d'une importance
moindre, infiniment plus fragiles par leur forme ou leur
matière, mais toujours intéressants et curieux. Ils sont
aussi les témoins d'une longue période, d'années, sur les-
quelles l'histoire écrite ne possède que bien peu de don-
nées et ne peut fournir que de rares renseignements.
Je veux parler des haches en silex, des couteaux, des
80 CONGRÈS ARCnÉOLOGIQUE I)E FRAJVCE.
pointes dellèches ou de lances, simplement taillés ou polis.
Je ne ferai mention que des objets qui sont en ma posses-
sion ou que j'ai vus et touchés. La forme générale de ces
instruments ne diffèrent que de bien peu, quant à l'en-
semble ; je me contenterai d'une indication sommaire, en
signalant le lieu de la découverte. Tous ont été trouvés à
Heur du sol.
I. SILEX TAILLES.
1° Pointes de flèches, couteaux.
Leur petite dimension, leur peu d'épaisseur et leur fra-
gilité, rendent ces instruments difficiles à trouver. Je n'ai
pu rencontrer, à Douadic, qu'une seule pointe de flèche.
Elle avait 5 centimètres de long, sur 2 et demi de large.
L'on m'a donné, à Linge, une lame de couteau en silex
rougeâtre, qui mesure 15 centimètres de long, sur A dans
sa plus grande largeur. Elle doit être comprise dans le
type des silex du Grand-Pressigny.
2° Haches.
On ferait mieux, peut-être, d'appeler ces outils assom-
moirs ou casse-têtes ; car, de tailler quelque chose avec ces
arêtes à peine dégrossies, c'était bleu difficile.
Quoiqu'il en soit, grâce à leur plus fort volume, à leur
résistance plus grande, les haches de pierre taillée ne sont
pas rares dans nos cantons. J'en possède quatre, trouvées,
la première, à Linge, en 1K69, 22 centimètres de long
sur 8 de large ; la seconde, ù Douadic, même année,
17 centimètres sur 7 ; la troisième, à Boussay, commune
XL^ SESSION, A CHATEAUROUX. 81
de Pouligiiy, en 1873, 13 centimètres sur 9 (cette dernière
est en silex grisâtre, c'est le type de Saint-Acheul) ; la
quatrième, à Concremiers, en 1872, '20 centimètres sur 6.
Une autre hache, à peu près de même forme, a été trouvée
auprès du Blanc; une dernière enfin, rencontrée, en 1870,
au Blanc même, à une assez grande profondeur, est un bi-
jou véritable de forme et de travail. Elle est d'une régula-
rité parfaite et d'une longueur d'environ 20 centimètres
sur 4 de large. Ses tailles innombrables et toutes pareilles,
sont arrondies en creux de moins d'un centimètre de dia-
mètre ; c'est un silex blanchâtre. Tous ces instruments ont
été obtenus au moyen d'un clivage plus ou moins régu-
lier, qui, en dégageant de chaque côté de minces arêtes,
laisse au silex une assez grande épaisseur. Ils remontent
assurément à la plus haute période de l'âge de pierre. Je
finirai en ajoutant qu'à peu de distance de la limite du
canton du Blanc, se trouve le Grand-Pressigny, célèbre
par la découverte qu'on y a faite, il y a quelques années,
d'un immense atelier de pierres taillées.
II. SILEX POLIS.
Haches , Ciseaux.
Les pierres polies sont en bien plus grand nombre dans
les environs du Blanc. Un magnifique fragment de hache
en silex blanc, de 7 centimètres de large, a été trouvé à
Ingrandes, en 1872. A Mérigny, canton de Tournon, on a
découvert trois haches d'une conservation parfaite ; l'une,
en petro-silex vert, est longue de 20 centimètres, sur 5 ou
Ode large; à Douadic, canton du Blanc, six fragments
plus ou moins grands ; à la Buissonnerie, Rouilly, aux
Ages, à Nervault, près le Blanc, dans la ville même, une
XL* SESSION. 6
82 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
douzaine de haches ; une autre à Gommiers; trois au Bou-
chet, commune de Rosnay ; une à Saint -Michel -en-
Brenne ; enfin trois à Concremiers. L'une de ces dernières,
en silex rougeàtre, qui mesure 23 centimètres sur 7 de
large, du poli le plus tin et le plus soigné, était complète-
ment intacte quand on l'a trouvée ; mais un paysan n'a
pu résister au désir de l'ébrécher, pour s'assurer de la du-
reté de la pierre. Après celle de Mérigny, cette hache est la
plus belle de toutescelles qui ont été trouvées dans ce pays.
Tous les habitants de nos cantons ont vu de ces pierres
et les connaissent; ils les ont en grande vénération. Pour
eux ce sont des coins de foudre, des pierres de tonnerre.
Us prétendent que celui qui en conserve quelqu'une dans
sa demeure est à l'abri de l'orage et ne peut être victime
de la foudre. N'est-il pas bien étonnant que nos Brenous
aient absolument la même croyance que les Grecs d'autre-
fois, et attribuent à ces pierres la même origine ? Ces der-
niers peuples les croyaient produites par le tonnerre, et ils
représentaient la foudre par la réunion de deux de ces
pierres, qu'ils nommaient céraunites, pierres de foudre.
(D'Hancarville, Recherches sur la Grèce.) Les Romains,
selon Ennius, les appelaient silices. Dans les iles Shetland,
on trouve un assez grand nombre de haches- en granit
vert : le peuple les nomme traits de tonnerre, et les garde
comme un préservatif contre la foudre. (Walter Scott, le
Pirate, ch. xxviii.)
II n'est pas étonnant qu'on trouve en Brenne autant de
restes de la domination des Celtes. Ces peuples, bien long-
temps et plus tard qu'ailleurs, ont dû habiter cette contrée
et s'v mettre à l'abri des invasions. C'est un terme de leur
idiome qui a fourni son nom et qui la désigne encore
aujourd'hui. {Bren, forêt, que la basse latinité a traduit
par Brionia saltus. — Esquisses pittoresques de l Indre. —
XL* SESSION, A CIIATEATJROUX. 83
J'aime mieux cette étymoiogio que celle qui vient du
breton brenn, sale, puant, marécageux, d'où le français
bréneux, embréné et bran ! ) Au lieu de ces grandes
plaines nues et marécageuses, de ces cinq cents étangs
accunïulés dans les vingt communes qui forment la
Brenne, le pays autrefois était couvert de forêts magni-
fiques. Tous les textes anciens en font foi, depuis la
charte, plus ou moins authentique de Dagobert, en faveur
de Saint-Gyran et de Méobec, et partout l'on rencontre
d'immenses amas de scories, résidus de ces nombreuses
forges à bras dont parle César, et qui ne pouvaient être
alimentées que par des masses énormes de bois.
Sur cette même question, M. l'abbé Damourette lit un
rapport très-intéressant :
Existe-t-il des cavernes à ossements? —
Ont-elles été explorées?
De 4822 à 1823, on fit à Argenton une découverte qui
intéressa très-vivement les savants, M. Guvier surtout.
On trouva dans une niche, dépôt de couche jurassique,
des vertèbres, des os et des dents d'une grandeur et sur-
tout d'une forme telles qu'on ne savait à quelle espèce
d'animaux les rapporter.
Heureusement que cette découverte fut faite par des
hommes très-distingués par leur savoir et leur désir de
recueillir toutes les choses curieuses que l'on ren-
contrait, soit à Argenton, soit dans les environs.
Ces Messieurs recueillirent avec le plus grand soin les
objets découverts dans leurs fouilles, et les envoyèrent à
Cuvier.
On sait que l'époque jurassique et l'époque crétacée
84 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sont surtout remarquables par le prodigieux développe-
ment de la classe des reptiles sauriens ou lézards.
Or, après un sérieux examen, Cuvier reconnut qu'avec
les vertèbres, les dents et les os qui lui avaient été envoyés
d'Argenton, il pouvait reconstituer des crocodiles d'une
espèce tout à fait inconnue jusqu'à ce jour.
La découverte dont j'ai l'honneur de vous entretenir est
mentionnée dans un ouvrage très-savant , qui a pour
titre : Dictionnaire universel d'histoire naturelle, par
M. Charles d'Oràignij, 1844.
L'auteur rapporte que Cuvier surnomma les crocodiles
reconstitués des crocûdilions Vollinati, du nom de l'ama-
teur éclairé qui avait recueilli les os. En effet, il se nomme
M. Vollinat.
Ces couches jurassiques ont été visitées par M. Bron-
gniart en 1830 ou en 4848, et de nouvelles découvertes
ont été faites.
La couche n'est pas épuisée; si jamais on continue les
fouilles dans un filon du terrain tertiaire, on fera sans
doute de nouvelles découvertes.
La li'' question est remise à une séance suivante, la per-
sonne qui doit la traiter n'étant pas présente.
M. l'abbé Damourette lit une note sur les noms dérivés
de la langue celtique.
Pourrait-on, d'après l'étymologie des noms
des diverses localités , indiquer celles
dont l'origine remonte aux époques cel-
tique, gallo-romaine ou franke?
LOCALITÉS DE l'ÉPOQUE CELTIQUE.
l" Avarich, Bourges. L'étymologie à'Avarich, dit
XL" SESSION, A l'.HATEAUROUX. 85
M. (le liaynal, paraît venir du radical av, eau, et de l'ad-
jectir righ ou riche : la ville au milieu des eaux. L'adjectif
riche entrerait aussi dans le nom de Biturix, Biturigx, Beto-
ritjw, Betorico, Betoricas, etc., que Bourges a aussi porté.
Si l'on en croit la grammaire de Leus, le mot celtique
Bitiiriges devrait signifier les rois du monde.
Les habitants de Bourges n'ont pas oublié cette glo-
rieuse étymologie, aussi prirent-ils pour devise un mot
fameux de Tite-Live : Pênes Bituriges summa imperii fuit.
(Tite-Live, chap. v.)
^"Argento mago, Argentomagus. La terminaison mag est
certainement celtique et répondrait au mot latin mansio.
3° Alerta ou Aletia. Ce lieu est certainement d'origine
celtique; il est porté sur la table de Peutinger. Mais que
signifient Alerta ou Aleria? M. de Raynal n'ose pas
s'aventurer dans Texplication de ce mot.
4° Chabris, Carobriva ou Briga. Origine celtique ;
signification : pont du Cher.
Nous avons une localité dans l'Indre, nommée Brives.
5"Mehun, Mag dunum;\es deux mots, dont Mehun est
un composé, appartiennent à la langue celtique.
6° Gondé. Condate, en celtique, signifie confluent.
7" Drevant vient certainement du mot celtique qui
signifie chêne, et qui a donné naissance au mot druide.
Dans notre département, sur la commune de Riva-
rennes, dans un pays où il y a encore de belles futaies, il
existe un village nommé Druders.
On prétend que ce village est ainsi nommé parce qu'il
était autrefois la demeure des druides. Si dans la localité
la tradition s'était bien conservée, il me semble que nous
ne devrions pas la dédaigner. Plus d'une fois le peuple
du Berry a donné des renseignements traditionnels que la
science a confirmés.
86 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
8° Erno ditnum. Un monticule placé dans la rivière de
rArnon. Le radical dunum est celtique.
9° Issoudun. Le mot dunum est connu, mais d'où vient
Jssol ? M. de Raynal n'ose pas risquer une étymolopie.
10° Cloué, Claudio magus. Nom moitié celtique, moitié
latin. Mag, celtique.
il"» Tourna magus. Je dirai volontiers nom moitié
celtique, moitié latin, Turnus. La Creuse fait un détour à
cet endroit.
12" Deols. Dol, celtique : vallée. [Histoire des Villes de
France, à l'article Ville de Dol, en Bretagne.)
13° Nohant vient d'un mot celtique : prairie très-
mouillée.
\A° Le Breuil, Brolium, qui signifie bois.
13° Clion, Calalonum, kat, kad : combat. (Houzé,
Étude sur la signification des noms de lieux, en France.)
Grabatton, Grabattum. Plus tard Lesvoux, Leprosum.
D'où vient Grabatton ? C'est une ville celtique ; on a
trouvé tant de choses appartenant à l'époque celtique dans
cette localité, qu'on ne peut pas douter que ce lieu ne fût
connu au temps des Celtes ; c'était un oppidum.
Baugenci, Baugenciacum.
Buzançais, Buzentiacum. (Scriptores fr. tora. IX.)
Buzençais. Dominus-Spicilège, Bvzencdicum^ thesaura-
rius [Sulpitius) Fulconi cuidam, nobili viro Bituricornm et
probissimo, cum oppido Villantrii, in matrimonio con-
junxit. Buzenciacus vero et illud de Castellione nepotisuo,
Roberto, proprium sibi renovavit.
Cette note donne lieu aux observations suivantes :
M. Hubert, archiviste du département, pressé par
M. l'abbé Damourette de prendre part à la discussion,
s'excuse trop modestement, sous le prétexte qu'il ne s'est
XL» SESSION, A CHATEA.UROUX. 87
as occupé de cette question; cependant il croit qu'il y a
-eu de noms provenant de la langue celtique. Ainsi, à
ropos à'Avaricum, qui veut dire ville au milieu des
aux, M. Hubert ajoute que Biturix est aussi un nom
eltique. Pour Carobriva, sur le Cher, M. de Cougny croit
ue le mot Ker ou Kar, suivant l'ouvrage de M. Houzé,
eut dire pierre; mais M. l'abbé Damourette penche à
ffirraer que ce serait le nom celtique de Cher, qui coule
)ut auprès. Mais d'où vient le nom donné à cette rivière ?
3pond M. le directeur, ne serait-ce pas du mot celtique
(ar, dont on aurait fait Karus, Carus? M. l'abbé Voisin,
u sujet de Douadic, fait cette réflexion : que ce nom
ient de deux mots, qui signifient lit protond, ruisseau
u gouffre. En effet, le ruisseau voisin se perd dans un
nmense entonnoir.
M. Hubert, sur le nom de Plessiacum (le Plessis),
s:pose au Congrès que pour lui, dans l'Indre, mot cel-
que lui-même, presque tous les noms de lieux viennent
u celtique ou du romain; il n'en connaît pas qu'on
uisse attribuer aux Francs. Le celte et le latin sont deux
ingues sœurs, ayant la même origine, et c'est une cause
équente d'erreurs, puisqu'on peut attribuer à une
,ngue ce qui appartient à l'autre.
M. l'abbé Voisin donne des détails très-intéressants sur
igrandes, le Blanc et d'autres localités du département.
'opographie et monuments gallo-romains
de l'arrondissement du Blanc.
On trouve fréquemment, dans l'arrondissement du
88 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Blauc, de précieux restes de roccupation romaine. Les
beaux vers dans lesquels le poêle Ausone a décrit avec
complaisance les riches villas groupées au bord d'autres
fleuves :
Culmina villarum pendentibus édita rivis
s'appliquent parfaitement à notre Creuse.
Mais il est un coin dédaigné de ce pays, la Brenne, où
tout ferait supposer que les riches Romains n'ont jamais
pénétré.
Comment ces patriciens si délicats, amateurs pas-
sionnés des beaux points de vue, des campagnes plantu-
reuses et ombragées , se seraient-ils confinés dans ces
immenses plaines nues et désolées, empoisonnées paf des
fièvres redoutables, au milieu des marécages, où l'on n'en-
tend que le sifflement du vent dans les roseaux, ou le cri
aigu des oiseaux d'eau ? Pourtant il n'est pas, peut-être,
une seule des communes de la Brenne qui ne contienne des
vestiges d'habitation romaine. C'est que la Brenne ancienne
n'était pas ce que l'a faite l'industrie des modernes.
Dans les premiers siècles de notre histoire, les grands
seigneurs de la Touraine y avaient des maisons de plai-
sance. Attirés par «ses forêts verdoyantes, pleines de gibier
de toute sorte, ses riantes prairies, ses eaux vives et cou-
rantes, » nos rois de la première race faisaient de longs
séjours sur les rives de la Claise ; ils y entretenaient des
meutes, et s'y livraient aux plaisirs de la chasse. C'est à
Saint-Cyran, et non pas à Méobec, que Dagobert faisait
noyer ses chiens trop vieux, en leur disant : « Il n'y a si
bonne compagnie qui ne se quitte. » Attention touchante
qui devait adoucir pour tous ce désagréable moment.
'i Est enim locus... ^iberrimus pascuis pe<:orum ac jumcn-
toriim, irriguus decursus aquarum. atquc amenus venacioni
XL" SESSION, X CHATEAUROUX. 89
ferarum. » (Charte de fondation de l'abbaye de Saint-Cy-
raii, Archives de l'Indre.) — Ailleurs on trouve ce même
lieu de Longorct (Saint-Cyran) appelé : « Commodum
locum peramentum ; » — Méobec : « Locum cornpen-
diosum, etc. »
Ces illustres personnages n'étaient que les héritiers ou
les successeurs des Romains. Nous allons donc rencontrer,
dans cette région surtout, de nombreuses traces de l'occu-
pation gallo-romaine.
Nous commencerons par rechercher les routes qui tra-
versent le pays; nous décrirons ensuite les ruines des
villas ou des maisons de moindre importance; les monu-
ments funéraires, et enfin les monnaies que les conqué-
rants ont pu laisser dans notre arrondissement.
I.
VOIES ROMAINES.
1" Voie de Bordeaux à Autun (1).
L'arrondissement du Blanc est traversé, de l'ouest
à l'est, d'ingrandes à Argenton, par la voie de Bordeaux
(1) Voici le parcours et les stations de cette route :
D'après V Itinéraire d'Antonni. D'après la Tabtede Peutinger.
De Aqiiitania in Gallias. — —
Iter à Bnrdigala Augustodii-
niuiiM.P.CCLXXlV. Bordeaux. liurdigala.
Blario M. P. XVIIII Blaye. Blaria.
Tamnum XVI Mortagne. Taïuniun.
Novïoregum XII Royan. —
00 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
à Aiitun. Ce chemin consulaire, l'un des plus considé-
rables des Gaules, mettait ainsi le Berry, vers le sud-
ouest, en communication avec l'Espagne ; la voie de Bor-
deaux avait, en effet, son prolongement dans les Asturies,
et s'arrêtait à Astorga, capitale de ce pays, que les Latins
avaient nommée Asturica Augusta. (L'/^meVaîVe d'Antonin
mentionne ainsi ce chemin : « De Hispania in Aquita-
niam. — Ab Asturica Burdicjalam, m. p. gggcxxi. » —
Voy. Bergier, Grand c/iem. de l'Emp. rorn. t. ÏI, p. 72.)
Parvenue à Argenton, cette même voie rencontrait celle
d'Augustoritum (Limoges), et celle de Mediolanum-Cas-
trum (Ghàteau-Meillaut), qui se continuait jusqu'au bord
du Cher, à la cité de Cordes, où elle s'embranchait sur la
voie de Bourges à Aquae-Neri (Néris), Cantilia (Ghantelle)
et Augustonemetum (Clermont).
Mediolanuni Santo-
num XV.
Saintes. .
Mediolano sancorum.
Auncdonnacura XVI
Aunay
Avedonnaco.
_
Briou.
Brigiosum.
Rauranum XX.
Rom.
Rarauna.
Limonuiii.
Poitiers.
Lemuno.
Fines XXI.
Ingrandes.
Fines.
Argantomago XXI.
Argenton.
Argantoraago.
— —
Ardentes.
Alerta.
Ernadorum XXVII
St-Ambrois.
—
Avariciim XllI.
Bourges.
Avaricum.
Tinconcium XX.
Sancoins.
Tincollo.
DecciddaeXXII.
Décises.
Degetia.
Alisincuni XIV.
Anisy St-Honoré.
—
Augiistodunum.
—
{Itin. d'Anton. Édi
t. de
[Table, de Peut, à la suite
Wesseling, 1735, p.
460
des
Grands chem. de
et 461.)
l'emp. rom., par Bergier,
t. 11
'.)
XL» SESSION, A OUATEAUROUX. Oi
D'Argenton, notre voie romaine remontait par Alerta
(Ardentes) et Ernotrum (Arnaise ouSaint-Ambroix), jus-
qu'à Avaricum (Bourges), d'où, en redescendant vers le
sud-est, par Tincontium (Sancoins), elle arrivait à Augus-
todunum (Autun) après avoir traversé l'Allier près de
Mornay, où l'on voit encore les restes d'un pont antique,
et la Loire à Deciddse (Decizes). Entre l'Allier et la Loire,
la voie de Bordeaux à Autun rencontrait celle de Lyon à
Paris. Enfin, par Bourges, notre voie pouvait atteindre
les bords de la Loire, au nord-ouest, par la voie de Cas-
trum-Gordonum entre Saint-Satur et Saint-Thibault, et
rejoindre le chemin de Paris entre les stations de Masava
(Mesves) et Condate (Cosne). En résumé, la grande voie du
Blanc pouvait donc facilement établir des relations entre
cette portion du Berry et l'Aquitaine, au sud ; Lyon et
l'Italie, au sud-est; la Germanie, au nord-est; la Bel-
gique, au nord ; et, à l'ouest, l'Océan et tous les pays
qu'il baigne.
M. de la Tremblais a fait un travail des plus intéres-
sants sur la voie romaine dans les environs du Blanc; il
l'a suivie pas à pas, depuis les environs de Saint-Gaultier
jusqu'à la limite du département ; il n'y a rien à ajouter
à cette étude si complète. Nous nous contenterons de
signaler deux points : la position de la station de Fines,
sur laquelle M. de la Tremblais ne s'est pas prononcé, et
le parcours de la route depuis Saint-Gaultier jusqu'à
Saint-Marcel, que ce savant infatigable n'a pu explorer.
1° Il est de tradition à Ingrandes (4), près le Blanc,
qu'une ville antique aurait existé dans ses environs.
Il est probable que c'est le souvenir de la ville gauloise
(1) Esquisses pitt. de l'Indre, p. 208 de la gr. édit., et 163
de l'édit. in-12.
0-2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE HE FllANCE.
d'Igorandis ou IngorandiSj ou de la station romaine de
Fines, qui se sera ainsi perpétué d'âge en âge.
La carte de Peutinger place Fines sur la roule de Bor-
deaux à Autun, à vingt lieues gauloises de Lemuno ou
Limonum (Poitiers). {Tabula itineraria x\I. Velseri,
édita ; à la fin de l'Histoire des grands chemins de l'Ernp.
rom.; par Bergier. — Bruxelles, 1736.)
L'Itinéraire d'An ton in le met à égale distance entre
Limonum et Argantomagus (Argeuton), c'est-à-dire à vingt
et une lieues gauloises. ( Vetera rom. itineraria. — Edit.
Wesseling, Amstaeledami, 1735, p. 460.)
Les savants modernes, en se servant de ces données,
n'ont pu se mettre d'accord, ni sur la position de Fines,
ni sur son identification actuelle.
Malte-Brun confond Fines avec le Blanc, malgré le
nom antique, Oblincum-Cuborum, de cette localité.
[France illustrée, Indre, p. 12.)
M. Raynal, d'après d'Anville et Gassini, pense que Fines
est le bourg d'Hains ou Aingt, canton de la Trémouillc
(Vienne). {Histoire du Berry, t. I, p. 97.) Ces écrivains
distingués n'ont pas pris garde qu'à Hains ou dans les
environs il n'y a nulle trace de l'occupation romaine, ni
le moindre vestige de chemin romain. Celui de Poitiers
à Argenton, dont on voudrait que Hains ait été une sta-
tion, en est éloigné de six kilomètres.
M. de la Tremblais n'ose pas placer Fines à Ingrandes ;
il préfère les environs de Saint-Savin, sur les bords de la
Gartempe. sans donner d'autres raisons pour motiver ce
choix qu'une différence de quelques kilomètres. (Zes Voies
romaines dans les environs du Blanc, p. 44.)
Enfin, un mémoire, inséré dans les Bulletins de la
Société des Antiquaires de l' Ouest , aggrave encore l'cncnr.
il recule Fines, au-delà de toutes les bornes possibles,
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 93
jusqu'à Chauvigny, sur la rive de la Vienne. (X" série,
p. 361.)
Toutes ces suppositions sont complètement erronées.
L'on cherchait hien loin, à grand'peine, et sous des noms
qui ne disaient rien, tandis que Fines est là, tout près, et
s'oflrant de lui-même aux investigations de la science,
conservé jusqu'à nous, sous sa forme celtique d'Ingrandes !
Encore aujourd'hui, dans le patois bas- poitevin.
Ingrandes veut dire : « limite, frontière. » {Bulletin de
la Société des Antiquaires de U Ouest, X" série, p. 388.)
N'en était-ce pas assez pour mettre sur la voie?
Les Romains, en prenant possession de notre pays,
n'ont pas, certainement, cherché toujours à créer des
noms nouveaux, pour désigniîr les villes ou les bourgades
qu'ils y rencontraient; ils se sont contentés, tout simple-
ment, de traduire ces noms par des synonymes de leur
langue, chaque fois que la chose fut possible. Quant à
ceux qu'ils ne comprenaient pas, ou qui ne leur offraient
pas de sens, ils les ont acceptés dans leur forme ethnique,
ou les ont latinisés plus ou moins heureusement. Les
Commentaires de César sont pleins de ces exemples. C'est
ainsi que sur la limite des Bituriges et des Pictaves, au
bord de l'Anglin, les conquérants ont trouvé un oppidum,
une ville de refuge. Bàtie pour défendre le passage de la
rivière et protéger la frontière, cette forteresse s'appelait
elle-même, en raison de sa position, « la Limite, la Fron-
tière : Igorandis ou Ingorandis.» Les Romains, tout natu-
rellement, et avec ce grand bon sens qui les distinguait,
l'ont appelée, comme ci-devant : « la Limite, la Fron-
tière : Finis. »
Sur la route de Limonum (Poitiers), à Gœsarodunum
(Tours), à la limite des Pictaves (Poitou) et des Turons
(Touraine), ils ont trouvé un second Igorandis ou Ingo-
9i CONGRÈS ARCHÉOLOfilQUE DE FRANCE.
raudis : Frontière, Limite (lugrandes-sur-Vienne); ils ont
fait comme pour notre Ingrandes : ils l'ont appelée
Fines, la Limite. [Epvjraphie du Poitou. — Mém. de la
Soc. des Antiq. de l'Ouest, t. XXVill, p. 133.)
Entin, sur la voie de Juliomagus, Angers, à Portum
Namnetum (Nantes), un troisième Ingrandes, placé sur la
rive droite de la Loire, et qui servait de limite entre les
Lemovices Armoricains ( Vendée, etc. ) et les Namnètes
(pays nantais), a reçu, lui aussi, le nom de Fines. [Con-
grès archéologique de France, t. XXVI, p. 20.)
De ces premiers faits, ne pourrait-on pas conclure, avec
raison, que notre Ingrandes actuel est bien le Fines de
y Itinéraire d'Antonin et de la Table de Peutinger ? —
Ajoutons encore des preuves nouvelles.
L'Itinéraire et la Table déjà cités placent Fines à vingt
et une lieues gauloises de Limonum et d'Argantomagus.
Or, ces distances conviennent parfaitement à Ingrandes
et ne conviennent qu'à lui seul.
En effet, par la route actuelle, on compte d'Ingrandes à
Poitiers 51 kilomètres, et d'Ingrandes à Argenton 49 kilo-
mètres. — Nous ne voulons pas entrer ici dans les inter-
minables discussions qui se sont élevées au sujet de la
mesure exacte de la lieue gauloise ; noils admettons le
terme le plus généralement reçu, qui est de 2,222 mètres.
Or, les deux sections de la voie romaine, de chacune vingt
et une lieues gauloises, réduites d'après le système mé-
trique, donnent un total de 93 kilomètres 324 mètres ; la
dilférence avec la route moderne est donc de 6 kilomètres
et demi. Le parcours plus étendu de cette dernière route
s'explique facilement. En quittant Ingrandes pour tourner
la vallée profonde de l'Anglin, les ingénieurs ont fait
décrire à cette route un lacet énorme en forme de S, qui
permet de regagner les hauteurs sans pentes trop raides.
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 95
Il en est de même au passage de lu Gartempe, à Saint-
Savin ; et enfin, avant d'arriver à Chauvigny, la route
s'engage dans une série de courbes, d'un travail énorme,
pour franchir le ravin qui continue la vallée des Goths.
— C'est près de là que furent massacrés les Wisigoths
échappés à la bataille de Vauclades et qui couraient s'en-
fermer dans leur citadelle de Chauvigny (505). — Il n'est
pas étonnant que ce parcours si accidenté de la route soit
de quelques kilomètres plus long que celui du chemin
romain. Ce dernier, au contraire, offre un tracé plus
savant et plus direct ; il s'allonge toujours en ligne droite
sur le dos des collines, et descend les pentes par une
déclivité rendue facile par des nivellements et des rem-
blais.
D'Ingrandes à Argenton, on rencontre un pareil con-
traste. La voie romaine traverse le Blanc par une ligne
beaucoup plus courte, auprès du barrage de la filature,
gagne les hauteurs en suivant les rues du Gué et des
Alouettes, franchit les ravins en ligne droite sur de hauts
remblais, et ne s'infléchit un peu que pour toucher, sur
la rive de la Creuse, au castrum de Ruffec et au village
de Châtres (Ciron), où les Romains ont dû avoir des éta-
blissements considérables. Enfin, arrivée au Cluzeau, elle
décrit une dernière courbe, fort légère, pour franchir la
Bouzanne et gagner directement Saint-Marcel. La nou-
velle route est plus longue ; elle côtoie presque toujours la
Creuse et en suit les nombreuses sinuosités; puis, pour
arriver à Argenton, elle passe par le Pont-Chrétien, lais-
sant derrière elle la voie romaine, se rapproche davan-
tage de Ghabenet, et s'allonge ainsi de plusieurs kilo-
mètres.
Enfin, vers 1740, dans un cimetière de Chauvigny, on
trouva une borne milliaire, indiquant que, du lieu où
90 CONGRÈS ARCUÉOLOC.IUUE DE FRANCE.
elle était placée jusqu'à Fines, il y avait onze lieues gau-
loises. Or, par la voie romaine, de Chauvigny à lugran-
des, il y a juste cette distance.
Il résulte de tous ces détails que Fines est placé à égale
distance entre Poitiers et Argenton, par les itinéraires
anciens ; que les mesures modernes donnent raison à ces
précieux documents ; enfin, qu'Ingrandes est exactement
dans les mêmes conditions que Fines; d'où l'on peut con-
clure que ces deux formes d'un même nom : ïngrandes,
Fines, se rapportent bien véritablement à la même
localité.
Les écrivains qui ont cru pouvoir placer Fines à Saint-
Savin ou à Chauvigny, en iaisant violence au texte de
ÏJtinéraire d'Antonin et de la Table de Peutinger, se sont
basés sur ce fait que la configuration du sol, en ces deux
endroits, se prêtait admirablement à l'établissement d'un
oppidum, d'un poste de défense. Cette raison n'est que
spécieuse ; Ingrandes otfre tous les mêmes avantages. La
forteresse en question eût été, là aussi, appuyée sur des
coteaux d'un difficile accès, surtout vis-à-vis du Poitou,
et défendue, sur son front d'attaque, par la rivière de
l'Anglin, large et profonde. Au moyen âge, justement, on
a compris le mérite de cette position, et c'est, sans doute,
sur les ruines de l'oppidum gaulois ou du castrum
romain qui lui aura succédé, qu'on a bâti la forteresse
hérissée de tours, dont nous voyons encore les restes.
En second lieu, la limite des Bituriges et des Pictaves
n'a jamais été ni la Vienne ni la Gartempe, mais la petite
bande de terre qui s'allonge entre la Creuse et l'Anglin.
Les Bituriges n'auraient jamais pu établir un oppidum,
une ville de refuge, sur le territoire d'une tribu voisine et
souvent ennemie. Ils ne pouvaient créer un poste avancé
qu'à l'extrême limite de leur région, et ce poste c'est
XI" SESSION, A CIIATfiAUROUX. 97
Ingrandes, Ingorandis Biturigum. Les Romains ont
adopté partout les divisions des peuplades gauloises. Pour
retrouver les limites exactes de ces différents peuples, on
peut tirer un grand parti de cette circonstance, que nous
voyons développée dans la Notice des Gaules et la Notice
des Dignités de l'Empire, documents précieux qui remon-
tent au règne d'Honorius (395-425). [Notifia Galliar.
Notifia Dignitot. Apud D. Bouquet, t. I, p. 122.) — Nos
nationalités provinciales, si fortes au siècle dernier, des-
cendent, elles aussi, des nationalités gauloises en ligne
directe; elles en ont, la plupart du temps, gardé les noms
et les limites, il nous suffira donc pour savoir jusqu'oîi
s'étendait le pays des Bituriges, de connaître les frontières
de l'ancienne province de Berry. Or, Ingrandes et les vil-
lages des bords de l'Anglin ont toujours fait partie de la
généralité de Bourges.
Pour finir, résumons-nous en disant que Ingrandes est
bien le Fines des Romains. Tout le prouve : son nom
actuel; les distances assignées par les documents anciens ;
sa position à la frontière du pays, où il pouvait servir de
forteresse ou de refuge.
2° Le chemin romain a parfaitement été étudié jusqu'à
ce jour, depuis le Blanc jusqu'à Saint-Gaultier, nous
l'avons dit; mais il n'en fut pas de même de cette ville à
Saint-Marcel, l'ancien Argentomagus. La voie traversant,
dans l'espace de ces deux lieues, plusieurs collines cou-
vertes de vignes, avait complètement disparu dans les
cultures, et il n'était pas facile d'obtenir des propriétaires
qu'on fouillât leurs terrains. J'ai eu pourtant cette bonne
fortune, et M. J. du Cluzeau a mis, avec la plus extrême
obligeance, ses ouvriers à ma disposition, dans ses clos du
Cluzeau.
On avait pensé qu'à partir de Saint-Gaultier, la voie
XL'' SESSION. 7
98 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
romaine, s'élevant à gauche sur les coteaux, allait con-
tourner le village du Pont et se rapprochait de Ghabenet,
pour de là redescendre à Saint-Marcel. C'était l'erreur, et
on faisait ainsi décrire à la voie un parcours beaucoup
plus long. La voie laisse Saint-Gaultier sur la droite,
passant à 200 mètres environ des maisons des Fosses, et
n'est autre chose que le chemin qui longe l'angle du
cimetière et qu'on appelle le chemin de la Chaussée,
lequel continue jusqu'en dessous des Panduats; là, la voie
n'est plus apparente, elle traverse un peu en biais le ravin
de Bouzanteuil, vers l'angle formé par la grande route
de Chàteauroux et celle d'Argenton, et à l'endroit même
où est bâti le petit moulin.
Au commencement de 1870, en arrachant une souche
de peuplier sur le bord du ruisseau de Bouzanteuil, on
tiouva des débris de murailles gallo-romaines parfaite-
ment caractérisées ; c'était une chambre à peu près carrée,
d'environ G mètres de côté. Il est probable que, touchant
à la voie romaine, cette ruine ne pouvait être qu'une
maison, une de ces stations où les voyageurs trouvaient
pour eux et leurs chevaux la nourriture et le repos. La
voie remonte ensuite sur le coteau opposé aux Panduats,
s'éloignant d'environ 200 mètres de la grande route, et
vient passer entre les deux villages de Neuville, à l'extré-
mité d'un champ nommé les Levées (n° 198, section I du
cadastre de la commune de Chassemenil).
De Neuville, elle vient en ligne droite sous la maison
du Bas-Cluzeau, où elle disparait. Elle se dirigeait ensuite
vers le moulin de la Papeterie, passait la Bouzanne dans
un gué (ju'ou rec(Minail au-dessus du barrage du moulin;
grimpait à mi-cùte le long du coteau qui fait face à Cou-
nives, et se dirigeait en ligne droite jusqu'à Saint-Marcel.
C'est dans une vigne, entre Neuville et le Cluzeau, que
XI." SESSION, A CIIATEAUROUX. 09
j'ai fait exécuter des fouilles pour retrouver le chemin
romain. Cette recherche était facile d'ailleurs, car tous les
vignerons que j'ai consultés le connaissaient sous le nom
de chemin de César. On le rencontre à environ 40 centi-
mètres de profondeur, sous le sol ameubli de la vigne ; il
est intact, et quand il fut déblayé, il apparut avec ses
bordures de pierres et le sable durci de sa chaussée. Les
ingénieurs qui l'ont construit, ont suivi à la lettre les
conseils de Vitruve.
Une coupure profonde, en travers, a permis d'en recon-
naître toutes les couches. Sur un sol de terre franche et
solide, on a placé d'abord un lit de grosses pierres de -40 à
50 centimètres d'épaisseur : c'est le stratumen ou fonda-
tion ; puis une couche de petits cailloux , de pierres
brisées menu, de iO à 15 centimètres ; c'est la ruderatio ;
plus haut, une troisième couche, appelée nucleus, est com-
posée de gros sable, de tuiles pilées, de débris de poteries,
le tout uni par un bain de mortier ; cette couche est
d'une telle dureté, que le pic s'y enfonçait à grand'peine.
Enfin la'quatrième couche, ou summa crusia, est composée
d'un lit de sable. De chaque côté sa chaussée est mainte-
nue par des blocs de pierres, posés de champ, et reposant
sur le sol, d'une longueur variant entre 20 centimètres et
2 mètres, sur une largeur d'une trentaine de centimètres.
La largeur totale de la route, à l'endroit fouillé, est de
6 mètres ; ailleurs elle n'a guère que 5 mètres, quelque-
fois un peu moins, mais il est probable que cette différence
ne provient que de l'enlèvement des bordures en pierre
de taille, qui n'existent plus partout où la voie est appa-
rente.
Un monument précieux nous indique l'époque de la
construction de cette voie. C'est, comme je l'ai dit plus
haut, une borne railliaire trouvée à Chauvigny (Vienne).
iOO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Cette pierre était enfouie dans le cimetière et servait de
tombe ; on l'avait taillée et creusée en auge, comme il est
arrivé à un grand nombre de bornes de ce genre, et
entre autres à celles d'Alichamps (Cher).
Elle est aujourd'hui déposée au musée de Poitiers, et
l'on y lit ces mots, épargnés par le tailleur de pierre du
moyen âge.
LMP. CAES. DIV Imperator Cœsar, divi Hadri.
ANl. FIL. DIVIT Ani filius, divi Trajani
PARTHIG. NEPO. . . Parthici nepos, divi
NERVAE. PRON . . Nervœ pronepos, Titus M\m&
HADRIAN. ANT. . Adrianus Antoninus
AVG. PIYS. P. M. T. Augustus , pius , pontifex
maximus, tribunitiâ
IIL Potestate IIL consul III
FIN Jusqu'à Fines
XI (1) XI lieucs.
Or, d'après l'Art de vérifier les dates, l'empereur
Antonin fut élevé au tribunat et au consulat, pour la
troisième fois, l'an de Rome 893, et de J.-C. 14-0. C'est
(1) Cette inscriplion est donnée par M. de Longuemar, dans
le tome 28 des ^ntiq. de l'Ouest, p. 131, et indiquée par M. de
Caumont, dans l'archéologie gallo-romaine, p. 38. Ces deux
savants pensent qu'à l'avant-dernicre ligne il faut lire :
« depuis Fines, » ce qui n'aurait aucun sens, attendu que
d'après l'Itinéraire et la Table de Peutinger, toutes les
distances sont indifiuécs sur cette voie, depuis le point de
départ, Bordeaux, en marcliant sur Autun. Enlin, quoi qu'il en
soit, que l'on compte à partir de Chauvigny vers Ingrandes,
ou d'Ingrandes vers Chauvigny, la distance sera toujours la
même, XI 1. g., et nous serons toujours dans le vrai.
XL'' SKSSION, A C.IIATKAUROUX. 101
(loue 11 celle éi)0([ue (jue fut ('oiislniite I;i roule di' INiiliers
à Arseiiloii.
■2" voiK d'av.uentoa a i.imoues.
Cette voie est indiquée dans Y Itinéraire d'Antonin (p. 161
et 165) sous la rubrique de Bordeaux à Argenton, avec
187 lieues gauloises de parcours, h' Itinéraire cominei une
erreur en signalant 21 lieues seulement entre Argenton
et Limoges; c'est -il qui est le chiffre véritable. La voie
quitte Argenton vers le milieu du faubourg de Saint-
Étienne, traverse la Creuse, et marque son passage sur la
rive gauche par une profonde tranchée creusée dans le
rocher. Elle se dirige ensuite vers Font-Furat et, à peu de
distance de ce domaine, se divise en deux branches; l'une,
dont nous n'avons pas à nous occuper, continue directe-
ment au sud, aussi vers Limoges, par Celon, la Ville-
franche, etc., elBreth, probablement Tancien Pretorium.
La seconde branche, qui traverse notre arrondissement,
fait une forte courbe vers le sud-ouest, touche au Terrier-
Joli, laisse à droite la Boudre, à gauche Montferery et
Forges, près du passage de la Sosne, près la Puychallerie,
sépare ensuite les communes de Luzeret et de Sacierges,
arrive au Colombier, suit le chemin du Plaix et traverse
l'Abloux au moulin du Chàtellier. Après une forte courbe,
la voie passe entre Chenier d'un côté, les Barrols et la
Barre de l'autre, le Cluzeau, et franchit l'Anglin au pied
du coteau de Chaillac, où elle disparaît. Ses traces rede-
viennent apparentes à quelque distance, près du village
de la Bissonnière, auprès du Bois-Joli et du domaine des
Loges. Un peu plus loin, elle sert de limites aux com-
munes de Chaillac et de Bonneuil, puis à celles de Bon-
102 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
neuil et de Beaulieu, et pénètre dans le département de
la Haute-Vienne, en traversant la Bénaise au-dessus de
Jouac et près du village de Ghez-Palant.
3° VOIE DE TOURS AU BLANC.
De Tours (Cœsarodunùm), une route se dirigeait vers
Port-de-Piles, sur la Creuse, et là, se divisant en deux
sections, tendait d'un côté vers Poitiers par Ingrandes-sur-
Vienne (Ingorandis), Antran (Tnteramnis), Cenon (Sanno)
et Jaulnai (Jelnacum); de l'autre vers le Blanc, en côtoyant
la Creuse, par la Haye, et à travers les communes
d'Abilly, de la Guerche, de Barrou, de Chambon, de la
Roche-Pozay, Izeure et Tournuu. (Voyez Topographie de
la Touraine, par M. Mabille, p. 55-58.) A Tournon, la
voie entrait sur le département de l'Indre, passait proba-
blement dans les jardins de l'abbaye de Fontgombaud, où
l'on a trouvé deux pierres à moudre le grain, des débris
de tuiles à rebords, des monnaies romaines d'or et d'ar-
gent, etc.; puis s'élevant au-dessus du village, sur le
sommet du coteau, traversait le territoire de Pontigny-
Saiut-Pierre, à gauche de Bénavent, de Mont-la-Chapclle,
où de nombreux vestiges d'habitation se rencontrent dans
les cultures, et venait se relier au Blanc, en bas de la rue
du Gué, à la voie de Poitiers, à l'endroit où cette voie
traverse la Creuse. On a remarqué sans doute les noms
significatifs de Pouligny (Pauliniacum), la villa, la de-
meure de Paulin ; de Bénavent , qui correspond au
village d'Avant, proche du Blanc, sur la voie d'Argcnton,
l'arrivée, l'heureuse arrivée. C'est par ce chemin de
Tours, qu'après avoir été baptisés par saint Martin, les
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 103
saints patrons du Blanc, saint iicnitour et ses frères, sont
venus dans cette ville subir leur martyre.
4° VOIE d'orléans a la roche-posay.
A son arrivée à Chabris (Gabris), la voie d'Orléans se
bifurquait à l'est sur Bourges , et au sud-ouest sur Vil-
lantrois (villa in Strata), Cloué (Claudiomagus), et Estrées
(Strata-Strada). Estrées, dans les temps anciens, devait
être une station importante. Comme à Ciron, sur la voie
de Poitiers à Argenton, on trouve, à quelques pas de la
voie, un lampadaire, ou fanal des morts, élevé au
milieu d'un vaste cimetière. Il y a quelques années, au
pied du fanal d'Estrées , un ouvrier m'a montré un
crâne, qu'il avait recueilli quelques jours auparavant,
dans lequel était encore adhérente la lame d'un petit
scramasaxe en bronze. C'était peut-être la tête d'un de
ces moines du couvent de Saint-Sauveur d'Estrées, dé-
vasté en 935 par les Madgyars. Ces barbares avaient
envahi le Berry par cette antique voie toujours fréquentée.
{Hist. du Berry, par Raynal, tome I, p. 336.) Le fanal
d'Estrées, de même que celui de Ciron est de la fin du
XII" siècle, mais il offre cette particularité curieuse, que le
sommet de sa colonne est couvert par la meule de dessus
d'un treissalithe; c'est sur cette meule, qui fait rebord à
l'extérieur, qu'est bâti le petit cône qui couronne l'édifice.
Vers les dernières maisons d'Estrées, la voie romaine
est bien conservée ; elle a encore ses bordures, qui sont de
fortes et longues pierres dures ; elle mesure à peu près
4 mètres de large.
Là, la voie se bifurque une seconde fois : la branche de
gauche s'en va, au sud, par Vendœuvres (Veudita opéra)
■lOi CONGRÈS ARCIIÉOLOGKJUE HE FRANCE.
elMéobec (Mille pecus), se relier vers le Cliizeau à la voie
d'Argenton ; la branche de droite, inclinant d'abord au
sud-ouest, puis tout à coup à l'ouest, se dirige vers
Subtray (Sub strata), près de Mezières (Maceria); ensuite
elle devait passer sur le territoire de Paulnay, vers le
domaine de Saint-Julien, où l'an dernier on a trouvé,
dans un labour, des traces de sa chaussée et de grands
amas de briques et de tuiles à rebords ; puis au-dessus de
Martizay, où l'on rencontre chaque jour des tombes
anciennes et des débris de murailles ; enfin, pénétrant
dans rindre-et-Loire, elle aboutit à Bossay, et de là à la
Roche-Posay. (Voy. Mabille, loc. cit., 59 ; de laTramblais,
id, n° VI ; Raynal, Hist. du Berry, I.)
5° VOIE D'ORLÉANS a POITIERS PAR LE BLANC.
En un point que je ne saurais déterminer, mais proba-
blement tout près de Subtray, une dernière branche se
détache de la voie qui vient d'être indiquée, et se dirige
sur le Blanc, pour de là communiquer avec Poitiers.
Ce tronçon passerait par Saint-Michel et Saint-Cyran,
autrefois Longoretum, où le leude Flaocad possédait une
maison et un vaste domaine, au milieu des grandes forêts
de la Brenne. Dagobert lui-même avait un pied-à-terre à
Longoret, qu'il donna à son parent Sigiran, depuis
saint Gyran, pour y fonder un monastère. C'est ce lieu
qui devint plus tard si célèbre dans les annales du jan-
sénisme.
M. Mabille fait remarquer avec raison que les habita-
tions d'aussi puissants seigneurs ne pouvaient exister
qu'à proximité des grandes voies de communication. Or,
au VIII" siècle, époque à laquelle a été écrite la vie de
XL" SESSION, A CHATEAU IlOUX. '105
saint Cyran, il n'y en avait pas d'autres, surtout dans les
pays comme la Brenne, que celles construites par les
Romains. Il faut donc admettre que la voie dont nous
parlons passait près de Saint-Gyran (Voy. Mabillc, Topofjr.
de la Touraine, p. 58.)
Cette voie se dirigeait ensuite sur la chaussée du grand
étang des Cinq-Bondes, où une fouille l'a fait découvrir,
il y a quelques années; puis sur le territoire de Linge,
près du domaine du Tertre, où l'on rencontre chaque
année de nombreuses tuiles à rebords; puis sur la com-
mune de Douadic, vers la Grave, Brillebault et les
Chizeaux (Casa, Casalia), noms qui se retrouvent sur toutes
les voies romaines. Entre ces derniers villages et celui de
la Jarrige, j'ai découvert de nombreux restes de con-
structions gallo-romaines ; les murailles s'étendent sur
une surface de plus d'un kilomètre de long, sur 4 à
500 mètres de large; je reviendrai sur ces ruines. La
route devait enfin se diriger sur Beaugi, Montaigu, et
arriver au Blanc, eu s'embranchant au-dessus de la
ville, vers le cimetière, sur la voie de Poitiers à Argen-
ton.
Cette dernière voie, aboutissant d'un côté au Blanc, sur
le chemin de Poitiers, de l'autre remontant par Estrées et
Chabris vers Orléans, établissait la ligne la plus directe
entre Paris et Bordeaux. Un fait qui ne manque pas de
piquant, c'est que quand nos ingénieurs, ces dernières
années, ont fait leur tracé de chemin de fer entre Chabris
et le Blanc, ils ont suivi pas à pas, sans s'en douter, le
tracé des ingénieurs romains.
106 COXGRÈS ARCHEOLOGIOUE DE FRANCE.
II.
VILLES ET HABITATIONS GALLO-ROMAINES.
1° Villa du Blanc.
A tout seigneur tout honneur! Il est donc juste de
commencer notre recherche des villes et autres restes de
l'occupation romaine, dans l'arrondissement du Blanc,
par le chef-lieu.
Le nom du Blanc ne se trouve cité ni dans ^Itinéraire
d'Antonin, ni dans la Table de Peutinger; pourtant, dès
les premiers temps de la conquête, les Romains durent
avoir en ce lieu un établissement considérable. Le
passage de la rivière à protéger et à défendre, la proximité
de la frontière de deux provinces remuantes et souvent
ennemies, la configuration du sol, tout leur en faisait une
loi; enfin la multiplicité et l'importance des voies qui
venaient y converger, en sont une preuve.
Veut-on nous permettre d'exposer notre pensée, tou-
chant les raisons et l'époque de la fondation du Blanc?
Nous avons dit plus haut que nous regardions Ingrandes
comme le poste avancé, la forteresse de refuge des Bitu-
riges, sur la frontière des Pictaves, pendant la domina-
tion gauloise et au commencement de la conquête. Dans
ce temps de troubles et de combats, sans cesse renaissants,
les causes de destruction étaient fréquentes ; la forteresse
aura péri. Cependant la limite de la province ne pouvait
rester à découvert; il était important de la mettre à l'abri
d'un coup de main, d'une incursion soudaine; il était non
moins sage de protéger tant de voies qui commandaient
tout le pays. Ces motifs et bien d'autres encore sans
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 107
douto, firent rechercher une position plus forte, un coteau
plus abrupt, d'un plus diiïicile accès et d'une défense plus
assurée. Ne pourrait-on pas dire, sans invraisemblance,
que c'est alors, probablement, qu'a été bâtie la forteresse
du Blanc ?
Un fait qui peut sembler bizarre à première vue, mais
pourtant qui est aujourd'hui incontestable, c'est que les
Gaulois, bien avant l'occupation romaine, et môme après
la conquête, se servaient pour écrire leur idiome national
des caractères de la langue grecque, et qu'ils avaient
emprunté un certain nombre de mots à cette langue.
Ou trouve facilement les raisons de cette particularité
dans les relations nombreuses établies entre la Gaule et la
Grèce, relations dont les historiens nous ont transmis le
souvenir.
Le géographe Strabon atteste que « les Rhodiens fon-
dèrent des colonies dans les Gaules 1224 ans avant J. -G. »
Sans admettre une aussi haute antiquité, ce témoignage
ne nous est pas moins précieux.
D'après Trogue-Pompée, « ce furent des Phéniciens, fon-
dateurs de Marseille (600 avant J.-C.), que les Gaulois,
dépouillant leur barbarie , apprirent la politesse des
mœurs, l'art de labourer les champs, de fermer les villes
de murailles, de vivre avec les lois et non avec les armes,
de tailler la vigne et de planter l'olivier..., de sorte qu'il
ne semblait pas que la Grèce fût venue dans la Gaule,
mais que la Gaule eût été transportée dans la Grèce. »
Parmi les Gaulois, les Bituriges participèrent des pre-
miers à cette régénération. Il ne faut pas oublier que ce
fut Bellovèse, l'un des neveux d'Ambigat, roi des Bitu-
riges, et chef suprême de l'empire des Gaules, qui, mar-
chant sur l'Italie, détermina les Saliens à céder aux
Phocéens le territoire sur lequel ils bâtirent Marseille. Ce
108 CONGRÈS AIICHÉOLUGIQUK J>K FIIANOE.
service établit entre Hoiirges et la cité nouvelle des rap-
)iorts étroits J'aniitic et de commerce. Pendant de longues
années, les jeunes Bituriges allèrent se l'ormer aux scien-
ces parmi les Massaliotes, tandis que les traliquants des
deux nations venaient échanger entre eux les produits de
la Grèce et du Berry.
On ne doit donc pas s'étonner de voir nos aïeux adopter
les formes du langage de leurs maîtres en civilisation,
après leur avoir emprunte leurs arts et jusqu'à leurs
monnaies. Les premières pièces d'or ou d'argent, en effet,
qui eurent cours dans notre pays, dans ces temps reculés,
sont une imitation, plus ou moins heureuse, du type de
Philippe, et offrent l'image dubige macédonien. (360-336
av. J.-C.)
Ces détails n'étaient pas inutiles pour montrer que nous
ne soutenons pas un paradoxe, et que nous ne sommes
pas loin de la vérité en attribuant à la ville du Blanc une
étymologie grecque.
Oblincum, dont on a fait Oblinc, Oblanc, Oublanc, puis
lou Blanc, le Blanc, ne serait que la forme adoucie et lati-
nisée du mot grec oplikon, qui lui est d'ailleurs presque
identique, et qui signifierait : la forteresse, l'arsenal.
Les racines de ce mot oplon, objet d'équipement, arme,
surtout arme défensive, et ta oplo le camp, la garnison,
autorisent parfaitement cette supposition.
Une bourgade peu étendue, comme était celle d'Ingran-
des. Fines, peut-être détruite, puis habitée de nouveau,
sans laisser beaucoup de traces de son existence antlifue ;
il ne pouvait en être de même d'un établissement consi-
dérable comme était le Blanc ; ses vestiges devaient être
plus nombreux, ses restes plus a])parents; l'événement l'a
prouvé. A ditlérentes époques, en creusant des fondations
de maisons, sur la place du Blanc, on trouva de nom-
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. d09
breux débris de tuiles à rebords, quelques restes de mu-
railles, des vases de formes diverses, et un objet grossier,
qui ne pouvait être (jue l'enseigne d'un mauvais lieu.
Plus récemment, dans les travaux de construction de la
route de Blois, le long de la voie d'Argenton, on mit à
découvert plusieurs cercueils en plomb et en pierre ; des
vases en terre de différentes couleurs, et deux fioles lacry-
matoires en verre. (Voy. M. de la Tremblais, Esquisses
pitt. art., le Blanc. — Voies rom. w" 1.)
En 1867, dans la ville haute, on rencontra des frag-
ments de tuiles romaines, quelques fondations, et une
monnaie d'argent de Maximin, avec la Diane Chasseresse.
Enfin, en 1870, au mois de janvier, à l'extrémité de la
ville, le long de l'ancienne rue de Ruffec, on trouva les
restes considérables d'une riche villa.
Le site était admirablement choisi pour une belle instal-
lation, pour la demeure d'un riche patricien. Les con-
structions se trouvaient abritées, au nord, par un coteau
élevé, vigoureusement ondulé, autrefois couvert de futaies,
et au sommet duquel passe la voie romaine de Poitiers à
Argenton, encore intacte aujourd'hui. En face, sur une
largeur de deux cents mètres à peu près, s'étend une
prairie en pente, dont les eaux calmes de la Creuse vien-
nent baigner la rive. La voie, après avoir suivi une ligne
régulière de l'est à l'ouest, parallèle à la Creuse, si on la
suit en allant d'Argenton vers le Blanc, longe la ville au
nord et fait tout à coup un brusque coude vers le sud,
pénètre dans la ville par la rue des Alouettes, nom qui
rappelle peut-être la fameuse légion gauloise de ce nom,
comme à Issoudun et à Besançon, puis par celle du Gué,
où elle atteint la rivière. C'est en tête du rectangle allongé,
circonscrit par la voie de la Creuse, que se trouvent les
murailles qu'on vient de mettre au jour, et ces ruines
no CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sont certainement celles d'une des premières maisons de
la vieille cité. En fournissant des ouvriers au propriétaire
du terrain, j'obtins, à grand peine, le droit de faire des
fouilles ; voici le résultat de ces recherches.
On mit à découvert, du nord au sud, deux longues
murailles parallèles, d'environ 40 mètres de long, reliées
en deux endroits par des murailles transversales, allant
de l'est à l'ouest, et formant d'abord l'appartement n" 3.
Dans l'angle G, la base des murs était revêtue d'un rang
de tuiles, de 45 centimètres de hauteur, sur 35 de largeur
posées de champ, côte à côte, scellées au moyen d'une
couche épaisse de mortier, et attachées, pour plus de soli-
dité, avec des clous longs et minces. Pour que ce lambris
fût plus régulier, on avait enlevé, avec soin, au marteau,
les rebords saillants des tuiles. Au-dessus de ce revêtement,
le mur était enduit de mortier fin, teinté en jaune, avec
des filets bruns et verts . Le sol était recouvert de carreaux
en brique, de 21 centimètres carrés, de couleur brun
foncé.
Un peu plus loin, au-dessus d'une épaisse couche de
béton, on remarquait un carrelage en tuiles posées à plat
fortement usées par le frottement des pieds. En remontant
au nord, à la suite de l'appartement n° 3, on trouvait l'ap-
partement n° 2, mesurant 7 mètres de long, sur 5 de large ;
son sol était recouvert d'une couche de béton, avec un en-
duit de sable. et de chaux très-fm et poli; les murs, sans
revêtement de tuiles, étaient teintés de rouge. Un peu
plus haut, la salle n" 1 avait i mètre de contre-bas avec
les appartements qui la joignaient. C'était la plus ornée et
celle qui a donné le plus de restes curieux. Elle était en
carré de 5 mètres sur chaque face, et terminée, à l'une de
ses extrémités, en hémicycle de 2'"10 de profondeur. Son
sol, dans toute son étendue, était noirci par la fumée et la
XL« SESSION, A CHATEAUROUX. 141
suie, circonstance qui s'explique parfaitement par la pré-
sence d'un hypocauste. Malheureusement tout le plancher
supérieur était écroulé, et il ne fut pas possible de trou-
ver un seul des supports en place. Dans le déblais, on en
rencontra pourtant des débris nombreux et d'une forte
dimension, unis encore par un mortier solide et résistant.
Ces supports étaient placés à peu près à 35 centimètres les
uns des autres ; ils avaient 65 centimètres de hauteur, et
étaient formés de carreaux de 21 centimètres de côté,
placés carrément les uns au-dessus des autres, avec un
joint très-épais de mortier. Ils étaient réunis entre eux et
recouverts au moyen de grandes briques brunes, très-
dures, de 5 centimètres d'épaisseur sur 40 centimètres de
côté. Le sol supérieur était formé d'abord d'une épaisse
couche de mortier jaunâtre, puis d'une couche plus mince
légèrement rosée et très-fine, dans lesquelles on remar-
quait de la poussière de tuiles broyées. Le fourneau de
l'hypocauste, placé en bas de cet appartement, à droite,
s'ouvrait en dehors dans une petite excavation murée ; il
était construit entièrement en briques, soigneusement
appareillées, et avait 45 centimètres de large, sur 50 de
hauteur. 11 s'avançait dans le sous-sol, en s'élargissant au
moyen de deux murettes en carreaux pareils à ceux des
piliers de soutènement.
Au milieu de la masse de décombres qui remplissaient
cette salle, bouleversée comme à plaisir, on trouva de
nombreux débris de moulures en plâtre, avec un noyau
central en mortier rouge ou jaune. Dans l'une d'elles,
pour plus de solidité sans doute, le plâtre était relié aux
deux mortiers au moyen de deux clous à larges têtes et
bifurques à l'autre extrémité.
Peu de temps après cette découverte, je fis bondir un
archéologue en lui disant qu'on avait trouvé des orne-
•112 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ineiits en plâtre. Pour lui, c'était une criminelle hérésie,
une impossibilité. Rien n'était plus vrai pourtant. Je sais
bien que les auteurs latins sont très-sobres de détails sur
le plâtre et son emploi en architecture, et que c'est à peine
si l'on trouve quelques passages sur cette matière ; mais
enfin l'on en trouve, et Gassiodore appelle même gypso-
plastes les ouvriers qui moulaient le plâtre, gypsum.
(Varr., Epist., XIL, 7.) — Juvénal (II, 4..) donne le nom
de gypsum à l'objet moulé lui-même. (Voy. Ant. Rich.,
ùict. des Antiq. rom.) Pline est plus explicite et moins
avare de détails ; il indique la nature du plâtre, sa prépa-
ration et les usages auxquels on l'employait. {Hist. nat.
36, c. 24.)
Les moulures trouvées au Blanc sont donc bien en
plâtre. Elles ornaient sans doute un de ces plafonds à
compartiments que les Latins appelaient camara ou caméra
quand ils étaient faits de bois ou de plâtre, par opposition
avec une voûte en briquetage ou en maçonnerie : fornix.
(Vitruve. VII, 3. — Propert., III, 2, 10. — Rich., Antiq.)
C'est dans l'un des angles de cet appartement qu'on
mit à découvert le premier des quatre chapiteaux dont
nous parlerons plus tard ; on y trouva aussi la base en
pierre d'un petit piédestal, destiné probablement à sup-
porter une statue.
A gauche des bâtiments que nous venons d'indiquer,
d'autres constructions s'étendent de l'est à l'ouest sur une
longueur de plus de 40 mètres, avec une largeur de
14 mètres à peu près, encore n'a-t-on pu en déblayer
qu'une faible partie; tous les jours, dans les jardins adja-
cents, on rencontre des débris de nouvelles murailles.
De la salle n" 1, chauffée par l'hypocauste, on accède,
par une porte de I mètre de long, dans de vastes couloirs
qui environnent de tous côtés une autre salle n" 4, de
PlâTi de la Villa T^OTname
Irouvée au Blanc
(Fouilles^ dej37ûoil87J,l
fourneau ^idêlHypocausle
Yvs
A^iila PioTuaine aux environs de Douadic
20.
Le Roc delà Grave.
nM.OmUaiJ.roi.n
XL" SESSION, A r.IIATEAUHOUX. 113
5 mètres sur chaque lace, et percée d'une porte do 2"' Oa.
C'était là sans doute l'atrium, la première et la plus con-
sidérable partie d'une maison romaine. Elle était ordinai-
rement entourée de galeries supportées par des colonnes ;
c'est là que se réunissait la famille, qu'on recevait les
visites, qu'on exposait les statues des ancêtres et les
images des dieux domestiques. Ce qui nous confirme dans
cette supposition c'est que l'on a trouvé deux beaux
chapiteaux dans l'un des angles de cet appartement.
Un quatrième chapiteau a été découvert plus tard
dans une autre partie des ruines. Ces quatre membres
d'architecture seraient la preuve que l'atrium en question
était de ceux qu'on appelle tetmstyle, parce que le toit
en était supporté par quatre colonnes, une à chaque angle
de l'impluvium.
En avant de cette salle n" 4, se trouvaient deux autres
appartements; l'un, n" 5, de 4 mètres de large, sur 7 mè-
tres de long, a son angle inférieur, sur une étendue de
4 mètres carrés et de 2 mètres de profondeur, tout rempli
de grosses pierres perdues, mobiles, mélangées de cendre
et de charbon. Le reste du sol de l'appartement était car-
relé en tuiles ; l'autre, plus à gauche, n'a pu faire l'objet
d'aucune remarque. C'est là que se sont arrêtées les
fouilles de 1870. Le propriétaire, qui avait hâte de jouir
de son terrain, s'est empressé de faire détruire toutes ces
murailles.
Au commencement de 1873, un second propriétaire, en
établissant un jardin, a retrouvé le prolongement de notre
villa, et la suite des mêmes constructions. Cette nouvelle
découverte n'offre pas d'autre intérêt qu'une chambre,
n» G, dans laquelle on a rencontré quelques fragments de
mosaïques détachés du sol, et composés de cubes de 1 cen-
timètre de côté, noirs, rouges et blancs.
XL" SESSION. 8
il4 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
Il nous reste à décrire les chapiteaux dont il a été
question déjà : ils sont au nombre de quatre. Leur tail-
loir mesure Clcenlimèlres sur leur face; le fût, 30 centi-
mètres de diamètre ; du sommet du tailloir en bas de
l'astragale, on compte M centimètres. Une portion de
fût, de 32 centimètres, est adhérente au chapiteau. Les
moulures sont fort simples ; ce sont deux gorges un peu
plates, séparées l'une de l'autre, ainsi que du tailloir
et de la frise, par deux baguettes. La gorge la plus
rapprochée du tailloir est couverte de larges fleu-
rons, en demi-cercle; deux des frises sont ornées de petits
caissons en carré, taillés en creux; les deux autres,
d'espèces d'amandes inclinées sur le côté ; deux des fûts
sont chargés de feuillages imbriqués, la pointe tournée
XL* SESSION, A CJIATEAUROUX. M 5
en bas, comme dans un chapilcau trouvé à l'érigucux et
figuré dans V Archéologie gallo-romaine de M. de Gau-
mont, p. 88, et sur les débris de la colonne de Champlieu.
{Cong. archéolog. de France, 1850, p. 274.) Dans les
autres fûts , les feuillages sont relevés vers le haut ,
comme sur les colonnes de la porte de Lyon, à Bourges.
[Arch. gallo-rom., p. 88.)
Ces chapiteaux sont de la même famille et presque de la
même mesure que le chapiteau célèbre de Neris, conservé
au musée de Moulins. [Bull, mon., t. XXII, p. 67, et
t. XXXV, p. 661.) Ils ont les mêmes profils, à une mou-
lure près, que ceux de Saincaize, déposés au musée de
Nevers. {Bull, mon., t. XXXV, p. 659.) Nous cherchions, il
y a un instant, à quelle époque pouvait bien remonter la
ville du Blanc. Ces débris de colonnes vont nous fournir
de précieux renseignements. Nous avons dit qu'ils étaient
identiques aux colonnes et aux chapiteaux trouvés à
Saincaise en d861 ; or les ruines de Saincaise recouvraient
deux bustes d'Adrien (117-d38), et de Marc-Aurèle (161-
180) ; si nous rapprochons ces dates de l'époque de la
construction de la voie de Poitiers à Argenton, que nous
a donnée la borne de Ghauvigny, l'année 140, nous serons
autorisé à penser que la ville du Blanc était déjà floris-
sante vers le milieu du ii'' siècle.
2° Villa gallo-romaine près de Douadic.
A 2 kilomètres à peu près de Douadic, à gauche et près
du chemin de Lureuil, s'étend une vaste plaine nommée
les Petits-Cimetières. De mémoire d'homme ou d'après la
tradition, jamais l'on a vu enterrer personne en ce lieu ;
ce nom doit donc être ancien. De tout temps, en cultivant
H6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
la terre, on a trouvé dans ces champs de nombreuses et
longues murailles ; les villages de la Jarrige, de Brillebaut,
les domaines de la Grave et de la Cave, les ont exploitées pour
leurs constructions ou pour l'entretien des chemins ; et
cependant encore aujourd'hui, au mois de juin, quand
le seigle ou le blé commencent à monter, on remarque de
vastes lignes où la plante est moins verte, moins vigou-
reuse et plus basse ; c'est là encore que se trouvent des
murailles ou, à peu de profondeur du sol, le pavé des
appartements. Pendant deux hivers, dans deux héritages
laissés libres par les cultures, j'ai tenté des fouilles, et
de nombreuses fondations ont été mises à découvert.
Ce sont trois longues murailles de 26 mètres de long,
formant un rectangle de plus de 8 mètres de large, et un
couloir de ^""O. Deux nouvelles murailles placées trans-
versalement dans l'intérieur, à droite, forment deux
autres couloirs de 2'"10 et 2"70. L'angle, de ce même
côté, est flanqué d'un appartement de 4"20 sur i™40. Au
milieu des décombres de toute nature, deux squelettes
ont été trouvés, reposant à nu sur le sol même d'un
appartement, recouvert d'une couche de mortier blanc, fin
et poli. Outre les débris de vases en terre rouge à feuillages,
de poterie jaune, noire, j'ai rencontré deux vases entiers,
noirs, sur l'un desquels on a tracé à la pointe un M ma-
juscule. JNIes ouvriers m'ont remis aussi un cep d'esclave,
ou grand anneau de fer, de 7 centimètres 1/2 de diamètre.
Sa face extérieure est munie d'une nervure en saillie d'un
demi-centimètre. Sur l'oxyde qui recouvre tout cet engin,
on remarque de légères stries, comme si un morceau de
bois l'eût enveloppé, et, en se consommant,{yeût imprimé
ses fibres. La même particularité s'est rencontrée sur
d'autres anneaux du même genre. Enhn l'on a trouvé
encore deux grandes perles en verre émaillé, l'une
.\L' SESSION, A CHATEAUUOUX. iil
jaune foncé el brun, l'autre jaune pâle et bleu; une perle
en plomb, une autre en ambre et une dernière en verre
transparent rose, avec des nervures blanchâtres. Des
perles de ce genre ont été signalées à Jublains, à Lisieux,
à Tourly, canton de Ghaumont, et à Gugny (Aisne).
(Voy. Bull, monwn., t. XXXII, p. 619-630, et t. XXVII,
p. 351 et 374.)
Dans beaucoup d'autres lieux de Douadic, le long du
ruisseau du Suin, dans le bourg même, on rencontre fré-
quemment des débris de tuiles, des restes de murs, mais
ces ruines ont été tellement bouleversées, qu'il n'est
jamais possible de reconnaître leur forme ou leur desti-
nation primitives.
3° Monuments funéraires.
Les monuments funéraires de l'époque d'incinération
sont fort rares dans nos contrées. Jusqu'à ce moment, on
n'a encore trouvé que deux puits à sépulture dans cette
portion de l'Indre : le premier à Méobec, le second à
IIS CO.NGI'.KS ARCHÉOLOGIQUE DE FllA.NClE.
Fauliiay. Tous deux ont été fort mal explorés; on y a
remarqué cependant de nombreux restes de charbon et
d'ossements calcinés, des fragments d'os de gros animaux,
et des vases en terre, plus ou moins grossiers. L'un de
ceux qui proviennent de Méobec, et que je possède, est en
terre brune, très-cuite et très-dure ; il a la forme d'une
petite cruche avec une seule anse et un appendice pour
verser l'eau, au sommet de la panse. Sa hauteur est de
46 centimètres, et son diamètre de 9.
Les boites en pierre ne sont guère plus communes,
mais on en trouve un certain nombre aux environs de
Saint-Benoit-du-Saull. J'en ai vu deux, à la Chàtre-
l'Anglin et à Prissac. Ce sont de gros blocs cylindriques
percés à leur sommet d'un trou rond d'environ 15 centi-
mètres, destiné à recevoir l'urne ou le vase contenant les
débris du bûcher ; les couvercles manquaient. M. le
docteur deBeaufort a fait sur ces sortes de sépultures un
travail savant et complet, inséré dans les Mémoires des
Antiquaires de l'Ouest, tome XIX. Je n'aurai pas l'impru-
dence, après lui, de m'arrêter sur ce sujet. Je me conten-
terai d'ajouter qu'il y a dix-sept ans, j'ai trouvé de nom-
breuses boîtes en tout pareilles à celles-ci, entre Saulzay-
le-Potier et Faverdines (Cher). Les couvercles étaient
tantôt une dalle plate arrondie dans son pourtour, tantôt
une pyramide un peu plus large que haute. Le monu-
ment funéraire le plus remarquable du département de
l'Indre et du Berry, se trouve dans la commune de Sau-
zelles, à une lieue et demie à peu près du Blanc. Il est
placé au milieu du coteau abrupt qui domine la Creuse,
entre le château de Rochefort et le moulin de Mijeau, en
face du village de Bénavent et de la voie romaine de
Tours au Blanc. C'est un vaste rocher dont on a taillé
perpendiculairement la face. Quatre pilastres cannelés,
XL*" SESSION, A ClIATEAUROUX. H9
accostés vers lour tiers supérieur de consoles, sur les-
([uclles reposent des cintres, aussi cannelés, roruicnt trois
niches peu profondes. Ciiacune de ces niches est occupée
par une statue en ronde-hosse, d'un fort relief. La pre-
mière statue, à gauche, couverte d'une longue tunique
qui descend jusqu'aux pieds, est tellement délitée, qu'il est
impossible de lui donner la moindre attribution. La
seconde représente un homme, nu-tête, vêtu d'un habit
plus court, qui laisse les jambes à découvert ; il porte
dans ses bras un animal qui parait être un chien. Le troi-
sième personnage est une femme. Ses cheveux sont roulés
en large bourrelet autour de sa tète ; une longue robe
pend jusqu'à ses pieds, et de la main droite elle tient
devant elle un vase en forme d'aiguière. A côté d'elle, une
petite stèle supporte un chien assis.
Au-dessus de ces trois niches règne une frise étroite,
aussi cannelée en long; plus haut enfin, un peu en
retraite, une inscription sert de couronnement. Malheu-
reusement les lettres, belles capitales romaines, sont telle-
ment rongées par le temps et la mousse, qu'il est bien
difficile de pouvoir trouver un sens à ces lignes. On lit
facilement pourtant ces mots : DIS MANIB... MONIMEN-
TVM... VXORL.., qui semblent indiquer que le monu-
ment a été consacré aux dieux mânes, et à la mémoire
d'une épouse regrettée. En bas une large marche, ménagée
dans la pierre, sert comme de base à toute cette compo-
sition, qui mesure près de 4 mètres de large, sur 3 mètres
de haut. Ce rocher est encadré au milieu d'un fouillis de
lierres, de mousses, d'arbustes et de verdure, d'un effet
superbe, et qui offrent un vigoureux contraste, par leurs
masses sombres, avec la teinte gris pâle de la pierre.
I'20 CO.MiUKS AIUIHÉOI.OGIQUE HE FRANCE.
A" Nomenclature des lieux oh il a été trouvé des débris
gallo-romains, ou dont les noms se rapportent à l'occu-
pation romaine.
Canton de Délabre. — Lignac (Liniacura), la demeure
la villa de Linus ; Prissac (Prisciacum), la villa de Pris-
cus ; Jovard (Jovis ara), débris de murailles, de tuiles,
monnaies romaines.
Canton du Blanc. — Le Blanc (Oblincum). Outre les
ruines gallo-romaines et des vases de différentes sortes,
que nous avons déjà fait connaître, nous devons citer
encore, le long de la voie romaine de Poitiers à Argen ton,
les noms des localités suivantes : la Villerie (villa villa-
ria); les Chezeaux (casa casalia); nous retrouvons ce der-
nier nom auprès de Saint-Gaultier et de Douadic : Avant
(adventus), l'arrivée; et du côté opposé du Blanc, sur le
chemin de Tours : Benavent (bonus adventus), l'heureuse
arrivée. — Commune de Giron : Châtre (castra castrum) ;
sur le domaine des Bois, restes considérables de murailles,
tuiles courbes et à rebords, chaînes et soc de charrue
trouvés en 1865; Pouligny-Saint-Pierre (Pauliniacum),
villa de Paulinus. — Commune de Douadic : la grande
villa décrite précédemment, ruines gallo-romaines dans
les jardins du bourg, à Salvert, à la Varenne et au
Fresne. — Commune de Rosnay : tuiles à rebords et
murailles au Boucher. — Commune d'Ingrandes : à
Beauregard, vaste camp romain avec fossés et cavalier. •-
Commune de Ruffcc-lc-Ghàteau : près de la voie de Poi-
tiers à Argenton, tumulus; il y avait là aussi, sans
doute, un castrum antique, qui aura donné son nom au
chef-lieu de la commune ; auprès du bourg, on remarque
XL' SESSION, A CIIATEAUROUX. 121
dans le lit de la Creuse les débris d'un pont, que quel([ues
antiquaires font remonter jusqu'à l'occupation romaine,
et qui aurait fait, dans ce cas, communiquer la voie au
castrum en question. Dans des chartes du xir siècle,
RufTec est appelé Castrum de Roffec, Roffiacum (castrum).
CaiNTON de Mézières-en-Brenne. — Mézières (maceriœ);
Subtray (sub strata ou strada). — Commune d'Azay-le-
Ferron: auprès du domaine de Saint-Julien, vestiges de
la voie d'Estrées à la Roche-Posay, murailles, amas de
tuiles, débris de poteries. — Commune de Saint-Michel-
en-Brenne : dans le bourg, un grand tumulus ; quelques
monnaies romaines. — [Commune de Villiers (villaria
villa) : restes de la voie romaine à la Roche-Posay.
Canton de Saint-Benoit-du-Sault. — Chaillac (caïa-
cum), villa.de Caius: la voie d'Argenton à Limoges passe
auprès de ce bourg ; non loin de là se trouve le Cluzeau,
villa de Glausis ou Closis, aussi le long de la même voie,
la Chàtre-l'Anglin, castra.
Canton de Saint-Gaultier. — Sur la voie de Poitiers
à Argenton : les Chezeaux (casalia), le Cluzeau, villa de
Clausis; Ghitray (citra viam), ce bourg est à quelque
distance de la voie ; vis-à-vis de Ghitray, et touchant à la
voie romaine, un camp bien conservé, au Tertre, où l'on a
trouvé quelques monnaies.
Canton de Tournon. — Martizay (martiziacum), quel-
ques auteurs ont écrit : martis aedes (?). Des poteries anti-
ques, des urnes en verre, des fragments de bronze et de
fer ont été trouvés près de Martizay, en 4859, en un lieu
que la tradition locale appelle la Cité ; Preuilly-la-Ville,
villa de Pruliaco, près du chemin romain de Tours au
Blanc. Ce nom de Ville, accolé à celui de Preuilly, ne
peut signifier autre chose que villa, attendu que ce bourg
ne se compose que de cinq à six maisons ; monnaies
122 CONGRÈS AllCIil-;OLO(iloUK KE FIIANCE.
romaines d'Auguste et d'Aiitonin; Mérigny (laariniacum),
villa de Marinus, niormaics de Néron,
o" Monnaies romaines trouvées dans les environs du Blanc.
\° Auguste. 29 ans av. J.-C. li ap. J.-G. — Tête laurée
à droite ; légende rétrograde se lisant de droite à gauche :
Divvs AVGvsTVS. — ^ Femme debout à droite tenant une
lyre ; de chaque côté imp.-xii ; en bas : act. Argent ;
poids 3 gr. 70 cent.
2° Tibère. 14-37 av. J.-C. — Tête laurée à droite.
Légende rétrograde : ti caesar divi avg f avgvstys. —
î^ Femme assise tenant une lance et un rameau d'olivier.
Légende rétrograde : fax maxima. Cette pièce est fourrée,
et de plus elle est creuse. Elle est formée de deux plaques
de cuivre revêtues de feuilles d'argent soudées sur la
tranche. Un trou en bas du col de l'empereur dévoile cette
fourberie. Poids : 2 gr. 89 cent. — Trouvée à Douadic,
en 1870.
3° Néron. 54-68 ap. J.-C. — Tête laurée à droite. Lé-
gende : NERO CAESAR AVGVSTVS. — ^ Jupilcr assis à gau-
che tenant une lance et un grand sceptre. Légende : ivppi-
TEu cvsTOS. Magnifique pièce en or; poids : 7 gr. —
Trouvée à Fongombaud, en 1871.
4° Gordien le Jeune. 238-244 ap. J.-C. — Tête cou-
ronnée à droite. Légende : iMr. gordianys pivs fel
AVG. — i^ Femme debout, tenant un bâton et une cou-
ronne. Légende : Laetitia avg. Argent ; poids : 5 gr.
10 cent.
o" Constantin II. 337-340 ap. J.-C. — Tête diadcméc à
droite. Légende : constantinvs avg. — i^ Édifice carré,
porte ouverte, supportant (juatrc tentes; au-dessus une
XI/ SESSION, A GIIATEAUROUX. 12'}
étoile à huil. rais. Légende : yirtvs avgg; en bas : aius
(arelates, Arles, où Constantin naquit en 310); dans le
champ, à droite et à gauche ; s. v. Bronze.
6° Le même. — Tête laurée à droite, habit militaire.
Légende ; constantinvs pf avg. — i^ Autel supportant
un globe accompagné de trois étoiles. Légende : beata
TRANQViLLiTAS ; dans le champ, à droite et à gauche :
G. R. ; sur la face de l'autel : vous xx ; en bas : plg.
Moyen bronze.
7° Le même. — Buste, tête laurée à droite. Légende :
CONSTANTINVS ivN NOB G. — i^ Un étendard debout; de
chaque côté un soldat armé. Légende : gloria exercitvs ;
en bas : gonso. Petit bronze.
8° Magnence. 350-353. — Buste, tête à droite avec l'ha-
bit militaire. Légende : dn magnentivs p.; dans le champ
à gauche : a. — ^ Dans un cercle, deux victoires couron-
nées, tenant d'une main un cercle appuyé sur un support ;
dans le cercle, chaque mot superposé : vot v mvlt x.
Légende : vigtoria ed vgetga; en dessous : rpls.
Moyen bronze.
M. de Beaufort cite, comme très-importantes, certaines
constructions militaires romaines, élevées entre l'Indre et
la Haute-Vienne ; c'est une série de tours très-rapprochées
qui sont toutes du même type, carrées de forme et aux
murailles épaisses. A Mondoy, où il a fait des fouilles, M.
de Beaufort a trouvé un chapiteau romain. Ces petites
forteresses sont intéressantes au point de vue de la manière
dont les Romains défendaient leurs voies dans les passages
difficiles et sur les limites des peuples conquis, lorsque,
ainsi qu'à la station de Mondoy, les peuplades étaient
différentes de mœurs et de caractère; cette différence
existe encore. Enfui les monnaies qu'on a trouvées
hii CONGRÈS AHCHÉOLOGIQUE 1»E FllANCE.
dans ces tours ou aux environs portent le type de la
Xir légion.
La question étant épuisée, la séance est levée à dix
heures et demie.
^' SÉANCE DU \\ JUIN 1873.
PRÉSIDENCE DE M. LEDAIN,
Inspecteur des Deux-Scvres.
La troisième séance du Congrès a été ouverte le
41 juin, à deux heures trente minutes du soir.
Siègent au bureau : MM. Ravisy, ingénieur en chef ;
des Gouttes, adjoint, et Buhot de Kersers.
M. l'abbé Bordé est désigné pour remplir les fonctions
de secrétaire.
Les procès-verbaux des deux séances précédentes sont
lus et approuvés sans o])servation.
M. Joseph de Baye, sur l'invitation de M. de Cougny,
directeur de la Société, communique un rapport sur les
remarquables découvertes préhistoriques qu'il a faites
dans le département delà Marne.
Grottes de la Marne.
Messieurs,
Dans vos précédentes réunions, vous avez accueilli des
communications relatives aux temps préhistoriques. Il
faut bien le reconnaître, les questions traitées devant vous
XL" SESSION, A GIIATEAUROUX. 125
et soumises à votre jugement ne rentraient qu'impar-
faitement dans le cadre de vos occupations. En outre, la
plupart des laits qui vous étaient signalés, évidemment
digues de votre attention, n'étaient cependant pas nom-
breux et se présentaient isolés comme des jets lumineux
au milieu de l'obscurité.
J'ai l'honneur d'appeler aujourd'hui votre attention
éclairée sur des monuments préhistoriques qui rentrent
complètement dans le domaine de vos études. Il s'agit de
travaux souterrains où l'art semble s'essayer, où l'on peut
en eflet constater les premiers elibrts des habitants primi-
tifs de la Champagne. C'est, en un mot, de l'archéologie
monumentale préhistorique. Il faut aussi vous le dire, les
faits sont nombreux, et rattachés de manière à constituer
un ensemble, et ils sont permanents. Vous n'êtes pas, dans
cette circonstance, réduits à former vos jugements sur les
observations isolées d'un explorateur heureux, qui a relevé
les faits en les modifiant pour les observer; mais vous
pouvez étudier vous-mêmes, juger et concevoir de person-
nelles impressions.
Dans un rayon de 6 kilomètres environ, sur les bords
de la vallée du Petit-Morin, département de la Marne,
j'ai pu, par une suite fort heureuse de découvertes,
explorer et examiner plus de soixante-dix grottes apparte-
nant à l'époque de la pierre polie; jamais l'âge de la
pierre ne s'était si puissamment révélé. Il ne s'agit plus
d'un objet unique, d'une grotte solitaire, ce sont des
groupes qui s'échelonnent et se succèdent dans le pays ;
c'est une véritable région préhistorique. Les savants qui
sont venus la visiter ont été frappés d'étonnement ; jamais
il ne leur avait été donné de rencontrer des stations aussi
considérables et aussi abondantes. Ces puissantes res-
sources offertes aux savants, imposaient l'obligation de
I2G CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
signaler la grande portée de nos stalionnements préhisto-
riques, aiiu qu'ils fussent des faits bien connus. Un
homme d'une grande célébrité disait naguère : « C'est
chez vous que les savants iront étudier l'intéressante
question des grottes sépulcrales de Tépoque néolithique.»
L'importance numérique des grottes de la Marne, qui
attestent un séjour prolongé, permanent, il y a lieu de le
croire, n'est pas la raison principale qui signale ces
grottes à l'attention des archéologues. Ces hypogées
affectent dans leurs formes une variété pleine d'intérêt ;
l'art s'y révèle d'une manière plus ou moins accentuée,
mais toujours les entrées, les étagères, les voûtes, les
séparations ménagées, accusent des efforts réfléchis, une
pensée, un plan arrêté; ce n'est pas un trou informe et
sans dessein.
Dans un certain nombre de grottes, les sculptures qui
oruent leur parois, tranchent non-seulement avec toute
l'autorité d'un fait la question de l'art à l'époque de la
pierre polie, mais dans leur naïve simplicité, elles offrent
d'intéressants spécimens et inspirent un grand intérêt à
l'observateur. Dans un Congrès composé de savants spé-
cialement appliqués aux études préhistoriques , tenu
récemment à Bruxelles, on a cru pouvoir avancer cette
proposition : « que l'art avait subi une éclipse à l'époque
de la pierre polie, où il était absolument inconnu. » Des
faits, et des faits multiples, affirment nettement le con-
traire. Ces sculptures sont rares, uniques même, mais elles
n'en revêtent pas moins un caractère plein de significa-
tion; elles n'ont rien de commun avec celles deGavr'inis,
qui sont en creux et représentent à peu près exclusive-
ment des haches. Les sculptures des grottes de la Marne
sont en relief, et varient dans leurs sujets. Elles repré-
sentent : 4" des haches dans leurs gaines, et pourvues
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 427
de manches. Ces objets sont reproduits dans des formes et
des positions variées. Dans deux circonstances, l'artiste a
coloré en noir la partie qui représente le silex; 2° un
instrument d'un usage inconnu, et qui n'a point été
encore observé; 3" enfin, des sujets où la figure humaine
se dessine , et qui paraissent être des divinités ; ces
sujets sont évidemment les plus intéressants. L'étude et la
comparaison de ces sculptures paraissent devoir autoriser
à leur assigner une origine orientale. La description de
ces sculptures m'entraînerait dans de trop longs détails ;
je la réserve pour le Bulletin monumental. Je me borne
aujourd'hui à mettre sous vos yeux les principaux dessins
de ces sculptures, et à signaler simplement à votre atten-
tion les monuments préhistoriques de la Marne.
Ces grottes, comme vous le pensez, n'étaient pas vides.
Elles recelaient de nombreux objets en silex et en os, qui
probablement représentent l'outillage complet de l'époque.
Des ornements composés de coquillages et de dents
d'animaux signalent l'art sous un autre aspect. Il en est
de même des divers grains de collier.
Des questions pendantes depuis longtemps, et résolues
de différentes manières, ont trouvé les éléments irrécu-
sables d'une vraie solution dans les faits toujours subsis-
tants que nous avons constatés. D'abord, la question du
troglodytisme à l'époque de la pierre polie est affirmative-
ment tranchée par les grottes elles-mêmes, dont le plus
grand nombre étaient des habitations. L'existence de l'art
à la même époque est confirmée par les sculptures,
comme nous l'avons déjà remarqué. L'usage des flèches à
tranchant transversal est nettement déterminé, puisque
nous avons trouvé une vertèbre humaine percée d'une de
ces flèches. D'autres faits que nous ne mentionnons pas
attestent ce même emploi. Le grattoir en silex, échancré
•128 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
aux deux extrémités, désigné sous le nom de grattoir du
Graud-Pressigiiy, se trouve classé dans l'époque de la
pierre polie, par sa présence dans les grottes de la Marne.
Jusqu'à présent, il avait été exclusivement recueilli à la
surface du sol, et n'avait pas de date.
Les monuments dont nous venons de nous entretenir
ont été préservés de la ruine, car, suivant les conseils du
vénérable et regretté fondateur de la Société française d'ar-
chéologie, j'ai fait l'acquisition des terrains où sont situées
ces grottes et j'ai pris les mesures nécessaires pour leur
conservation .
Eu i875, le Congrès de la Société se réunira à Chàlons-
sur-Marne. Je suis heureux de l'espérer, nos collègues
réunis visiteront ces rares monuments de l'âge de la pierre
polie. C'est tout à la fois un bonheur et un honneur pour
moi de les inviter dès ce moment. Je leur promets
l'accueil le plus empressé et la meilleure hospitalité. Je
me hâte d'ajouter que je serai fort heureux de recevoir
ceux de nos collègues qui désireraient devancer l'époque
du Congrès.
Cette communication inspire un grand intérêt au Con-
grès, ([ui honore le jeune et zélé archéologue de ses
apjilaudissements mérités.
Puis M. le Président ayant posé la sixième question du
programme :
Comment et par suite de quelles circonstances présu-
mées l'introduction du bronze a-t-elle eu lieu dans l'ouest
de l'fùirope?
M. de Cessac a répondu à la question, avec la supério-
rité bien connue qui caractérise ses travaux; et le Congrès
a écouté avec un grand intérêt son exposé si complet, qui
XL* SESSION, A CIIATEAUROU.V. 12V)
résume savammont le sujet, même dans ses aperçus les
plus nouveaux. Outre le mérite éininenl d'être le fidèle
écho de la science, M. de Gessac, par son initiative person-
nelle, exprime des opinions qui seront remarquées avec
faveur dans sou mémoire.
Le Bronze dans l'ouest de l'Europe aux
temps préhistoriques.
L'introduction du bronze dans l'ouest de l'Europe a été
l'objet de bien des systèmes divers. Les uns l'ont fait venir
du Nord, les autres de l'Orient, ceux-ci del'Étrurie, ceux-
là de l'Egypte. M. Desor demande qu'on en cherche l'ori-
gine antérieurement aux Phéniciens et aux Carthaginois,
chez « quelque peu])le navigateur et commerçant qui
aurait trafiqué, par les ports de la Ligurie, avec les peu-
ples de l'âge du bronze des lacs d'Italie » (1). M. Alexandre
Bertrand termine sa remarquable note sur « deux mors
de cheval, en bronze, » qu'il vient de publier dans le
numéro de mai de la Retme archéologique, en disant qu'il
faut chercher le centre important qui fournissait cet alliage
non en Italie, non en Grèce, mais au pied du Caucase,
d'où il rayonnait sur la presqu'île Cimbrique (Jutland)
par la vallée du Dnieper; sur les Alpes, par la vallée du
Danube, suivant des routes signalées, depuis longtemps,
par M. A. Maury (2).
De mon côté, j'ai avancé dans mon Coup d'œil sur
l'homme préhistorique dans la Creuse , présenté au Con-
grès de la Sorbonne en 1870, que les objets en bronze,
(1) Desor, Palafites du lac de Neuchdtel, p. 124.
[2.) Rei'ue archéologique, nouvelle série, t. 25, p. 332.
XL*^ SESSION. 9
130 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
découverts en France, étaient le produit de l'industrie
indigène. C'est ce que je voudrais prouver aujourd'hui en
faisant connaître les circonstances dans lesquelles, à mon
avis, cette fabrication prit naissance.
Le bronze est un mélange de cuivre et d'étain dont la
proportion normale est de 90 de cuivre et de 10 d'étain.
Avant d'aller chercher le bronze hors de nos régions, voyons
d'abord si la matière première n'y existe pas en quantité
notable et si elle n'a pas été exploitée à ces âges primitifs.
Les mines de cuivre sont nombreuses dans l'ouest de
l'Europe. Seulement, comme la plupart ont continué à
être exploitées jusqu'à une époque relativement assez
moderne, ou le sont encore de nos jours, il est difficile
d'indiquer celles qui le furent aux temps préhistoriques.
Je me bornerai à citer les suivantes qui toutes portent,
d'après les auteurs (1), des signes indubitables d'exploita-
tion romaine et même antérieure.
Le cuivre a été exploité, à ces époques antiques, à
Vaudrevanges, près Sarrelouis, où a eu lieu récemment
la belle découverte d'objets de bronze, recueillie par
M. Victor Simon, de Metz, et acquise depuis par le musée
de Saint-Germain ; à Rozières, près Carmeaux (Tarn) ; à
Baigorry (Basses-Pyrénées) ; au Coffre (Ariége) ; à Chessy
(Rhône); à Cabrières (Hérault); en Espagne, à la mon-
tagne de Haya (2) ; à Mélagro (Asturies), oh l'on a décou-
vert des marteaux en quartzite ; à Cerro-Muriano (près
Gordoue), la plus antique exploitation de cuivre d'après
Gasiano de Prado, car elle remonterait, suivant lui, à la
fin de l'époque de la pierre et au début de l'âge du bronze.
(1) Daubrée, aperçu historique sur l'exploitation des
métaux. Revue archéologique, 1868. Tirage à part.
(2) Ibid.
XL* SESSION, A C.IIATEAUROUX. 1 -'H
De nombreux marteaux en diorite, des ciseaux et, des
manches en bois de cerf, ont été découverts dans les rési-
dus de cette mine, encore si riches qu'ils suffisent à ali-
menter l'exploitation actuelle (1); à Huelva, où un nombre
considérable de marteaux, également en diorite, ont été
recueillis (-2) ; à Rio-Tinto (Andalousie) ; en Portugal, à
San-Domingos. Ces deux dernières, exploitées par les Phé-
niciens et les Carthaginois, le sont encore par les mineurs
de nos jours ; en Angleterre, dans le Gornwall (3).
Au surplus personne n'a songé à regarder le cuivre
comme fourni par le commerce. Mais il n'en est pas ainsi
de l'étain, dont on cherche le lieu d'origine tantôt au
nord, tantôt au sud, et que l'on considère le plus souvent
comme le résultat du trafic des Phéniciens.
Cependant ses mines sont aussi ûombreuses que celles
de cuivre et les traces antiques d'exploitation sont encore
visibles.
De vastes excavations, résultant de l'extraction de
l'élain, existent, sur une grande étendue de terrain, à
Vaury (Haute-Vienne) ; à Montebras (Creuse) ; à la Villeder
(Morbihan), à la Lizolles (Allier) [A).
D'après les ingénieurs qui les ont étudiés (5), les tra-
vaux de Montebras remonteraient à l'époque gauloise,
(i) Matériaux pour l'Histoire primitive de V homme,
2« année, p. 10; Ibid., 4« année, p. 234. Dans une des mines
des Asturies on a découvert des haches de bronze. (Daubrée,
aperçu, p. 1 .)
(2) Jbid., 8« année, p. 30.
(3) Daubrée, Aperrn, p. \, 15 et 16.
(4) Daubrée, Ibid. et Matériaux, 5* année, p. 264.
(5) Mallard, Bull. soc. des Se. nat. et arch. de la Creuse,
1859, et note sur les Gisements stannifères du Limousin et
de la Marche, 1867; Daubrée, opérai —
i3"2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
c'est-à-dire préhistorique. INI. Daubrée a lait remarquer
que rétamage fut découvert, au rapport de Pline, par les
Bituriges, et que Montrebas, certainement, devait faire
partie de leur territoire. M. le docteur Chaussât, membre
de la Société française d'Archéologie, a exprimé l'opinion
que la turquoise (calaïte ou callaïs de Pline), fort abon-
dante dans cette raine avait dû y faire l'objet de recherches
spéciales (1). D'un autre côté les travaux qui viennent
d'être repris ont fourni deux monnaies gauloises ; une
monnaie de la colonie de Niines; plusieurs meules de
moulin à bras ayant servi à la trituration du minerai ;
une grosse perle allongée en agate rubauée ; des éclats de
silex; quelques débris de poteries grossières; et, enfin,
dans une ancienne galerie, un squelette humain écrasé
par la chute d'un rocher, présentant, d'après M. le docteur
Chaussât, divers caractères ostéologiques que n'offrent
plus les squelettes de nos jours, et, à côté, la pioche de
fer qui avait dû lui servir.
A la Villeder, on a trouvé une hache en pierre polie,
une hache en bronze, des débris de tuiles et de poteries,
des restes de conduits qui portaient l'eau aux placers pour
le lavage des sables métallifères et des monticules de sco-
ries parsemées de grains d'étain (2j.
Les travaux d'exploitation de Vaury et de la Lizolles (3),
(1) Moissenet, Mémoire sur un nouveau fluophosphate
trouvé dans le gite d'étain de Montebras {Creuse), 1870.
Callais safpldrum imilatur candidior et littoi'oso mari
similis, dit Pline, livre 37, ligne 43, édition in-fol. de Michaël
Fezandat, 1543. Cf. Damour, sur le callais, Mat. Ke année,
p. 207.
(2) Matériaux, t^ année, p. 328; 3^ année, p. 100.
(3) Matériaux, 5^ année, p. 261 .
XI « SKSSION, A CIIATEATJKOIJX. i:{:{
ctuut i(lenti(itios ù ceux do iVIdiitehras et de la Villeder,
doivent nécessairetneiit reinontor à la luèiiic période.
Mais à ces gisements ne se bornent point les mines
d'étain connues en France. Ou en a signalé dans le
département de la Corrèze (l),-; à Échassières (Puy-de-
Dôme {2). M. l'ingénieur des mines Mallard (3) regarde
comme des exploitations de ce métal les Ibuillcs anti([ues
si nombreuses de la Creuse et de la Haute-Vienne, établies
sur le même système que celles de Vaury et de Monte-
bras, pour lesquelles cepe.idant je n'oserais être aussi
afiirmatii" que lui. Enfin les gites de la Villeder se relient
à ceux de Pénestin et de Pyriac, dont la situation à l'em-
bouchure de la Vilaine et de la Loire, en face des iles de
Noirmoutier, de Belle-Ile, de Houët, etc., a lait dire à
M. l'ingénieur Simonin que là peut-être étaient les Gassi-
térides sur lesquelles on a tant discuté sans se mettre
d'accord (-4).
L'Angleterre possède les amas de Carclaze, près Saint-
Austell; du Mont-Saint-Michel, dans la baie de Penzance ;
de Verrhy, dans la même baie; de Treviddenball, paroisse
de Madron ; de Bottalack et de Grills'Buuny, paroisse de
Saint-Just (5);
L'Allemagne, ceux de Geyer, de Zinnwald, d'Altem-
berg, de l'Auersherh (6) ;
(1) Matériaux, 5« année, p. 264.
(2) Nogiiès, la Minéralogie et la Minéralurgie à l'exposi-
tion universelle de iS67.
(3) A^ote sur les gisemenlx stannifères du Limousin et de
la Marche.
(4) Matériaux, "2'= année, p. 328.
(5) Daul)rée, Mémoires sur les gisements, etc., des amas
de minerai d'étain, 1841 .
{Iq] Daubrée. Mémoires sur les gisements des amas d'etain.
134 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
L'Espagne ceux de Zamora, d'Almeira, etc. (i).
Ces mines sont donc fort nombreuses et répandues par-
tout dans l'ouest de l'Europe.
Quant à leur mode d'exploitation, elle devait avoir lieu
par le procédé encore en usage eu Saxe, à Geyer, et dans
le Hartz, au Ramelsberg, où l'on allume, le long des
galeries, des morceaux de bois pour fissurer la roche par
une inégalité de dilatation et de contraction et la rendre
ainsi plus facile à abattre (2). Casiano de Prado a constaté
l'emploi de ce système dans la mine de cuivre des Astu-
ries, dans laquelle l'excavation avait lieu au moyen du
feu et d'oulils de pierre et de corne de cerf. Les anciennes
mines de cuivre de l'Amérique, au lac Supérieur, étaient
exploitées à l'aide du même moyen. Les instruments de
pierre étaient enmanchés avec des racines très-résistantes
au lieu de l'être avec des cornes de cerf, comme dans les
Asturies (3). Ce système paraît donc avoir été général à
l'époque dont je parle.
Les deux métaux qui entrent dans la composition du
bronze existaient en grande abondance dans l'ouest de
l'Europe; ils y furent exploités aux âges préhistoriques;
il n'est donc pas besoin de faire venir de pays éloignés
soit les matières premières, soit les objets tout fabriqués.
Cependant voici la preuve que l'étain n'était pas trans-
porté au loin pour revenir transformé en objets de bronze.
D'après M. de Fellenberg, cette supposition est combattue
par la composition si différente des bronzes des divers
peuples ; par les proportions si variables entre le cuivre et
(1) Noguès. Loc. cit.
(2) Daubrée, Mémoires sur les gisements des amas d'étain,
p. <7, not.
(3) Matériaux, 2» année, p. 133.
XL'' SESSION, A CHATEAUKOUX. lij.*)
l'étaiii et par les éléments accidentels si inégaux qu'on y
rencontre ; enfin, par la découverte de nombreuses fonde-
ries qui prouvent que la fonte du bronze était une indus-
trie indigène chez presque toutes les populations qui y
employaient l'étain du commerce (je dirai, pour l'ouest
de l'Europe, l'étain indigène) et le cuivre des exploitations
les plus rapprochées, ce qui seul peut expliquer la pré-
sence dans les bronzes d'éléments accidentels si divers (1).
A ces preuves, j'ajouterai la forme spéciale à chaque
région de divers objets de bronze, localisation surtout évi-
dente pour les haches, comme on peut s'en assurer par la
classification de ces petits instruments, publiée par la
Commission de la Topographie des Gaules; et enfin, par
la découverte de moules d'objets de bronze rencontrés déjà
en bien des lieux {%.
Maintenant que j'ai démontré, il me semble, que tous
les éléments du bronze existaient en abondance dans
l'ouest de l'Europe ; que les mines qui les produisaient
furent exploitées à l'époque qui nous occupe ; que la loca-
lisation de divers objets eu bronze, la découverte de moules
cl de ce que l'on a appelé des fonderies mettaient hors de
doute la fabrication de cet alliage dans nos pays, il me
reste à faire connaître les circonstances de l'introduction
du bronze dans l'ouest de l'Europe et l'époque à laquelle
elle eut lieu.
Les découvertes des géologues, dans ces dernières
années, ont mis hors de doute l'existence de l'homme dans
(4) Matériaux, \^'^ année, p. 482.
(2) Cochet, Moules de haches et de lances en bronze, trou-
vés près Honfleur. Revue archéologique, septembre 1867. Un
certain nombre de ces moules existent dans les divers musées
d'Europe.
i:{() CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
l'ouest de l'Europe avant la dernière grande révolution du
globe (J), qui mit lin aux temps géologiques et donna à
notre continent sa forme et son relief actuels.
Leurs observations nous ont également fait connaître
que cet homme n'en était encore qu'à l'usage de la pierre
taillée par éclat, — l'âge primitif de la pierre, — lorsqu'il
disparut, lui et sa civilisation.
De son côté, l'histoire enseigne que les métaux furent
découverts durant cette période géologique de l'humanité,
que Tubal-Caïn, le Vulcain de la mythologie, forgeait le
bronze et le fer.
On est donc en droit de demander si l'homme qui
habita ces contrées à ces âges lointains appartenait aux
races qui employèrent les métaux. Les observations faites
jusqu'à ce jour sont unanimes pour répondre que non, et
cependant la découverte dans des couches géologiques
d'instruments de métal, peut un jour changer ce résultat.
Toutefois, en face de l'immense quantité de recherches
faites jusqu'à ce jour, devant l'affirmation de M. Lyell (2),
que les instruments de métal auraient pu se conserver
(1) Mortillet, V Homme fossile, iSfiS, p. 9. Suivant iM. le
professeur Hébert, entre les cavernes de l'époque de la pierre
taillée et celle de la pierre polie, « se place une lacune profonde
réjiondant à l'époque où se déposaient dans nos pays, alors inha-
bitables, l'argile à cailloux anguleux » qui recouvre non-seule-
ment les vallées, mais encore les plateaux. Ce dépôt repose
indistinctement, en allant de haut eu bas: 1° sur une couche
limoneuse qu'il a prolondément ravinée; et 2° sur un dépôt de
cailloux roulés qui a rempli le fond des cavernes. Tout cet en-
semble appartient à l'époque quaternaire. (Congrès de Bruxelles,
Mat., 8» année, p. 418.)
(2) Lubbock, l'Homme avant l'histoire, p. .{34 de la tra-
duction française.
XL* SESSIOX, A ClIATEAUROUX. 137
(luiis les couches géologi(}ues si elles en avaient recelé, il
est permis de croire que l'homme des temps géologiques
ne connut pas l'usage des métaux, et que toute l'évolu-
tion de sa civilisation si avancée ou du moins si artistique
dans le sud de la France et peut-être en Belgique s'exerça
seulement avec l'os et le silex pour toute matière
première.
MM. Lartet et Christy, il est vrai, ont découvert, dans
une grotte du raidi de la France, celle de Laugerie, un
fragment de bronze tout à fait irrégulier, ressemblant à
ces fragments qui s'échappent des creusets ou des moules
au moment des coulées; mais ce fait est unique, un mé-
lange d'objets de périodes diverses a pu s'effectuer et,
d'ailleurs, la complication de composition de ce bronze
dans lequel se trouve du plomb, du zinc et des traces de
fer, me fait douter qu'il ait jamais appartenu à cet âge
primitif de l'humanité dans nos contrées (1).
Il en est ainsi du morceau de fer englobé dans une lave
quaternaire des bords du Rhin, signalé par M. Shaffau-
sen au congrès de Copenhague; car, ainsi que l'a fait
observer M. Hébert au même congrès, il ne suffit pas de
savoir que la pièce est au musée de Bonn, il faut encore
en établir l'authenticité, car une lave peut aussi bien
venir du Vésuve que des bords du Rhin (2).
Mais si l'homme des temps géologiques ne connut pas,
dans nos contrées, l'usage des métaux, il n'en fut pas de
même de l'homme qui lui succéda à l'époque moderne;
cet homme appartenait à une civilisation toute diflérente.
L'observation directe des faits nous le montre pasteur et
(1) Voir Matériaux, 3e année, p. 55, ce qui est dit au sujet
des haches à douille carrée de Moussaye, analysées par M Desor.
(2) Ibid., .")* année, p. 520.
13S CO\'GRES AUCIIÉOI.OGIQUE DE FRANCE.
agriculteur; l'histoire nous apprend qu'il appartenait à
(le? races orientales dont la civilisation était avancée, et,
au dire de M. Pictet. de Genève, la philolofïie démontre
(ju'il avait conservé le souvenir de l'usage des métaux.
Cependant, quand il arriva dans l'ouest de l'Europe, il en
était au dernier âge de la pierre, celui de la pierre polie.
Cette contradiction apparente s'explique facilement.
Si les moyens de communication rendent de nos jours
les voyages faciles ; si l'industrie fies contrées qu'on par-
court permet de renouveler les objets qui s'usent dans la
route, il n'en pouvait être ainsi à l'époque où la première
migration eut lieu dans nos contrées. Quels que fussent
donc les approvisionnements que purent faire ces émi-
grants, dans un aussi long trajet à travers des pays déserts,
couverts de bois et de marécages, qni retardaient leur
marche et la rendaient des plus difficiles, les outils de
métal durent s'user à la longue; les pays vierges qu'ils
parcouraient n'en produisaient pas encore ; le commerce
qui n'existait pas à cette époque ne pouvait les remplacer,
ils en revinrent donc fréquemment (comme les premiers
habitants de l'ouest, aux époques géologiques) à l'usage
de la pierre. Mais, conservant, autant que faire se pouvait,
les habitudes de leur ancienne industrie, de même qu'ils
avaient polis leurs outils de métal, ils polirent les pierres
dont ils fabriquèrent leurs nouveaux instruments.
Cette nécessité de remplacer le métal qui disparaissait
par la pierre, qui est partout sous la main, doit s'être
présentée de bonne heure dans ce long et pénible voyage,
si les haches en jade et en néphrite viennent bien d'Orient,
comme l'affirment les minéralogistes qui n'ont pas encore
connu de gisements île ces roches en Occident.
Mais aussitôt que ces populations furent établies dans
leur nouvelle patrie, (ju'elles s'y furent installées, leur
XL" SESSION, A i;ilATKAUROUX. \'M
première préoccupation dut être do rechercher les mines
qui devaient leur permettre de remplacer les instruments
qui leur faisaient depuis si longtemps défaut. Avec la
connaissance première conservée, cette recherche ne dut
pas être, relativement, extrêmement longue. Ils y exploi-
tèrent d'abord le cuivre et le bronze, dont l'alliage, sans
autre opération, leur procura les divers objets dont le
besoin était le plus pressant; puis ils travaillèrent le fer,
dont le traitementmétallurgique, plus compliqué, demande
plus de temps et de travail, mais qui donne des produits
plus perfectionnés. Ainsi se trouverait expliquée cette
étrange anomalie de l'emploi d'un alliage avant un métal
pur, qui étonne tant les métallurgistes.
Je sens combien cette nouvelle manière d'envisager les
trois âges primitifs de l'humanité dans notre Occident a
besoin d'être appuyée de preuves sérieuses. Une de celles
qui pour moi seraient des plus convaincantes, c'est que
les trois âges de la pierre polie, du bronze et du fer pri-
mitif des antiquaires danois , ne sont pas parfaitement
tranchés dans le sud-ouest de l'Europe, comme l'ont fait
remarquer, au congrès de Copenhague, pour le bronze du
moins et le fer, MM. Desor et Alexandre Bertrand (i). En
effet, s'il est certain que l'homme de la pierre polie éleva
des dolmens, il est certain aussi que ceux du nord-est ne
renferment yamaî's de métal ; que ceux du nord-ouest en
présentent exceptionnellement ; enfin que ceux du sud en
montrent />/ms fréquemment (2); et j'ajouterai même que
ces derniers ont peut-être offert des traces de fer (3). Or, si
(1) Matériaux, 5« année, p. 347.
(2) De Bonsletten, Eii.un sur les Dolmens, p. 46.
(.3j Dolmen de rAveyron, Matériaux, p. 140; Dolmen de la
Corrèze, Ibict., 6^ et 7« années, p. 406, etc.
I iO (:ON(atÈS AllCIlÉOLOGIUUE 1>K FRANCE.
iTs peuples s'étwidirenl du midi au nord, comme le
pensent MM. Worsaae et Desor (i), et vinrent dans l'ouest
de l'Europe par la vallée du Danube et les Alpes, comme
le dit M. Alexandre liertrand, du peuple qui, suivant lui,
apporta le bronze, les dolmens du sud furent les premiers
qu'ils élevèrent en France. Ce ne serait que plus tard (jue
lurent édifiés ceux du nord-ouest, puis ceux du nord-
est (2). Aussi les derniers subsistants des objets de métal,
apportés d'Orient, avaient-ils disparu, et ces peuples ne
purent y placer, avec les objets de pierre que renferment
tous les dolmens, que des haches et des objets de parure
en pierre, venant d'Orient ; c'était encore des reliques du
pays d'origine, un souvenir des péripéties d'un long
voyage. Une idée religieuse s'attacha nécessairement aux
objets de cette nature, et c'est ainsi que s'expliquerait la
présence de haches de pierre jusque dans les sépultures
franques, présence que j'ai signalée dans mou Coup d'œil
sur L'homme préhisto)ique dans la Creuse.
Cette théorie serait singulièrement étayée, s'il m'était
possible de montrer dans les objets de bronze ou de fer qui
nous restent, ceux qui proviennent d'Orient. Mais ce tra-
vail est au-dessus de mes forces ; et, d'ailleurs, l'industrie
de ces contrées, à cette époque, est peu connue, et il me
manquerait, en tous cas, les éléments nécessaires qui ne
se rencontrent, en nombre suffisant, que dans les grands
[\) Congrès préliist. de Bruxelles. [Matériaux, <S* année,
{}. 493.)
(2) La seule raison que donne M. de Bonstelten pour l'aire
venir, par le nord, le peuple des doluiens. c'est que l'âge de
la [lierre, ayant m'oessaiicmenl précédé celui du hronze, et les
dolmens du nord-est ne contenant (pie de la pierre, tandis <|ue
ceux du sud renferment des ubjets de métal, on ne peut leur
supposer d'autre itinéraire, [f.oc. cit., p. 46.)
XL'' SESSION, A CHATEAUROUX. 141
musées de l'Europe. Je l'abandonne donc à ceux, mieux
placés que moi, qu'une aptitude spéciale et des études
premières ont préparés à ce travail. Je dirai seulement que,
de même que pour les monnaies gauloises celles de meil-
leur style sont regardées comme les plus anciennes, qu'il
en est ainsi pour l'éniaillerie champlevée de Limoges, les
objets les plus purs de forme sont ceux qu'apportèrent
avec eux les premiers habitants de notre sol. Les premiers
objets qu'ils fabriquèrent dans leur nouvelle patrie durent
rappeler encore, d'assez loin probablement, ce même style
et ces mêmes formes ; et ce ne fut que plus tard, lorsque
l'industrie fut régulièrement établie, qu'une influence,
ou des influences étrangères purent se faire sentir. Mais,
déjà, il n'y avait plus d'âge de bronze proprement dit, le
fer était partout en usage dans nos contrées.
En terminant, j'ajouterai que ce premier peuple ne fut
évidemment pas le seul qui vint se fixer sur notre sol.
L'histoire nous montre une succession d'invasions pareilles
et l'antropologie des races diverses jusque dans le peuple
des dolmens (1). Ainsi se complique le problème que j'ai
cherché à résoudre ; car tant que des colonies ne se fixè-
rent pas à demeure sur le long trajet d'Orient en Occident,
le même phénomène de la disparition des objets de métal
dut sans cesse se reproduire; mais il m'était impossible
d'en tenir compte dans l'exposé qui précède.
Il m'aurait fallu de nombreuses pages pour exposer,
avec des détails nécessaires, l'histoire si vaste et si com-
pliquée de l'introduction des métaux dans le sud-ouest de
l'Europe , j'en ai toutefois assez dit pour me croire auto-
risé à conclure :
(1) De Quatrefarges, Congrès préhist. de Bruxelles. {Maté-
riaux, 8« année, p. 494.)
•142 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Qu'il est à peu près certain que l'homme des temps
géologiques avait perdu , dans sa migration d'Asie en
Europe, l'usage des métaux ;
Que ce premier habitant de notre sol disparut, lui et sa
civilisation, dans la dernière révolution du globe sans
laisser de représentants ; ce que prouve, outre les obser-
vations géologiques, l'industrie toute différente du peuple
qui lui succéda, industrie toute d'une pièce et sans tran-
sition avec celle qui l'avait précédée ;
Que l'homme des temps modernes vit s'user, dans sa
migration d'Orient en Occident, les outils de métal qu'il
avait emportés avec lui à son départ de son lieu d'origine,
et que, dans l'impossibilité oîi il était de les renouveler par
le commerce qui ne pouvait exister alors, ni d'en fabri-
quer de nouveaux dans les pays encore inhabités qu'il
traversait, il dut revenir forcément à l'usage de la pierre;
Qu'une fois établi dans sa nouvelle patrie, il s'occupa
d'y créer des exploitations de mines et de fabriquer les
outils et les divers objets qui lui étaient utiles, ce qui fut
relativement assez facile avec le souvenir de l'usage des
métaux qu'il avait conservé et la connaissance de l'exploi-
tation et du traitement des divers minerais ;
Qu'il dut forcément commencer par le bronze dont la
fonte est toute la préparation, tandis que la première
fusion du fer ne donne qu'une matière cassante, qui
nécessite d'autres opérations fort longues avant de pouvoir
être utilisée ;
Qu'enfin ces divers âges eurent une durée qui fut
déterminée, pour chaque pays, par le temps nécessaire à
la découverte et à l'exploitation des divers minerais ;
temps qui, dans les Gaules en particulier, n'a pu être que
relativement peu long, par suite de la quantité assez con-
sidérable de mines de cuivre et d'étain que recèle son sol,
XL* SESSION, A C1IATEA.UR0UX. \A3
et dont le plus grand nombre, sinon toutes, furent exploi-
tées à cette époque, et par la grande abondance du fer qui
s'y trouve partout, même à la surface du sol.
La cinquième question, ainsi conçue : Les pierres
prismatiques de Villedieu et de Ghambon sont-elles un
produit de l'industrie humaine ou une formation géolo-
gique? a été appelée par M. le Président.
M. de Cessac ne reconnaît dans les échantillons déposés
sur le bureau aucune trace de travail humain ; il ne voit
pas non plus à quel usage ces pierres auraient pu servir.
M. Constant Prévost a signalé, dans les environs de Paris,
une argile dont les fentes de retrait naturelles ont divisé
la masse en prismes semblables à ceux du basalte. C'est à
un phénomène semblable que sont dus les grès de Cham-
bon, en forme de prismes. Quant à ceux formés de deux
pyramides quadrangulaires, très-surbaissées, opposées
par la base, }J. de Cessac trouve l'explication de leur for-
mation dans celle des grès de Fontainebleau. Ces grès,
à base calcaire, ont cristallisé dans le système de la
chaux : le rhomboèdre, ceux de charbon à base de fer ;
dans celui du fer , l'octaèdre. Tous ces échantillons sont
fortement roulés, ce qui fait que leur cristallisation est
un peu fruste.
Ensuite M. le Président a ouvert la discussion sur la
dixième question : Quels peuvent être l'origine et le but
des excavations désignées dans le pays sous le nom
de mardelles? A-t-on fait de nouvelles découvertes à
ce sujet ?
Dans rintérêt des membres du Congrès, étrangers au
14i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Berry, M. Buhot de Kersers rappelle que les mardelles
sont des excavations de l'orme conique, dont les dimensions
varient de i^oO à 12 mètres de profondeur, et dont
quelques-unes atteignent 80 mètres de diamètre et plus.
Elles contiennent des cendres et des restes d'une céra-
mique grossière. Parmi les opinions variées qui ont été
formulées sur les mardelles, M. Buhot mentionne celle
qui les considère comme des habitations.
M. Guillard, ancien agent-voyer d'arrondissement, lit
un rapport sur la même question. Sa réponse, fruit de
laborieuses recherches , méthodiquement coordonnées ,
sera une ressource précieuse pour les savants qui s'appli-
queront désormais à l'étude de la question.
Des Marges, Mardelles ou Margelles, par
M. Guillard, ancien agent-voyer d'arron-
dissement.
Les mardelles, à de très-rares exceptions près, sont de
grandes cavités circulaires, en forme de cônes tronqués,
creusées de main d'homme , à ciel ouvert , dans le
sol (1).
(4) L'étymologie du mot mardelle esl ainsi indiquée dans un
dictionnaire celtique, que M. le comte Leclerc de Bony a
consulté à la bibliothèque de Metz (Bulletin de la Société
archéologique de la Moselle, année 4862) :
M Mary, marne (basque); Merck, en bohémien; Marf/el,en
flamand; Mergel, en allemand, marne.
« Marya 'gaïlique), marne. Dans les capitulaires de Charles
le Chauve, on lit : MaryUla, i>our Murga ; de là argile.
« Marga, marne : Pline (liv. 17, chap. xvi) nous a con-
XL" SESSION, A CHATEAUnOUX. ^Al'^
M, de la Villcf^illc ost, îi notre coniiaissauce, le pre-
mier archéologue qui ait, dans un mémoire publié en
1838, appelé l'attention d'une manière toute spéciale sur
ces antiques excavations. {Mémoire de la Société des Anti-
quaires de France, xvi" volume.) M. Raynal, dans son
Histoire du Berry, publiée en 1844, et M. Grillon-
Deschapelles, dans ses Esquisses biographiques^ imprimées
en 1862, donnent quelques détails sur les mardelles ;
serve ce mot gaulois ; il se trouve dans le gallois et le breton,
deux des plus abondants dialectes de cette langue : Margilla
ou Marga. »
Nous pensons que cette citation est erronée en partie. Le
chapitre xvi a trait à la plantation des arbres; c'est le cha-
pitre IV qui se rapporte à la marne. Le titre est ainsi conçu : des
HUIT ESPÈCES DE TERRE VANTEES PAR LES GAULOIS ET LES GRECS.
... Une autre méthode est usitée en Bretagne et en Gaule;
elle consiste à engraisser la terre avec la terre même. Cette
dernière s'appelle marne : quod genus vacant margam.
...Toute marne veut, avant qu'on la répande, un sol pré-
paré pour le labour : omnisautem marga arato injicienda
est, ut medicamentum rajnatur... »
Ainsi l'expression mardelle dériverait du mot marne et
paraîtrait désigner des carrières d'où l'on extrait ou d'où l'on a
extrait de la marne. Cette supposition est on ne peut plus
inexacte ; elle prouve que la destination de ces excavations était
tout aussi inconnue aux Gaulois qu'aux Latins, que ces peuples
en ignoraient l'origine. C'est une circonstance qu'il importe de
constater.
D'après Catherinot, auteur d'un grand nombre d'opuscules sur
le Berry, mardelle signifierait rebord. « On voit, écrit M. de la
Villegille. dans son mémoire sur les mardelles, que Cartherinot
fait venir le mot mardelle de margtnella, diminutif de
marge, marginis, rebord, et qu'il les considère comme des
fossés creusés par des soldats pour se mettre en embuscade. »
M. de la Villegille réfute cette opinion.
XL^ SESSION. 10
1 i6 CONGRÈS ARCHÉOI.OCÎIQUE HE FRANCE.
mais ces renseignements ne sont, en grande partie, que
le résumé de la notice de M. de la Villegille.
Dans nos premières tournées sur l'arrondissement
d'Issoudun, nous fûmes vivement impressionné du grand
nombre de mardelles, des dolmens, des tumulus, des
traces de voies romaines, etc., qui y existaient encore. Dès
1857, nous conçûmes le projet de relever la position de
tous ces monuments antiques ou de leurs restes dans
l'étendue de cette circonscription. Les notices publiées, en
1863 et en 1865 (1), dans l'Annuaire de l'Indre, édité par
M. Salviac, indiquent sommairement notre but. C'est le
commencement , V ébauche du travail que nous avons
entrepris, tel qu'il nous a été permis de l'accomplir, que
nous soumettons au Congrès (2).
L'arrondissement d'Issoudun est divisé administrative-
ment en quatre cantons. Le canton d'Issoudun (sud) est
celui qui contient le plus de mardelles, puis ensuite celui
de Vatan, enfin celui de Saint-Christophe; le canton
d'Issoudun (nord) en renferme le moins. Deux cent
trente-trois ont été relevées sur 25 communes, et nous
avons laissé de côté celles, en bien petit nombre, qui sont
déformées, labourées ou comblées, sur la nature desquelles
des doutes peuvent exister (3).
(1) Nous ne parlons de ces notices que pour mémoire : elles
renferment des erreurs énormes. Dans celle de IcSes, on nous
l'ait dire, sur plusieurs points, tout le contraire de notre
pensée; celle de 1865 a été refaite au milieu du tirage, quand
nous nous sommes aperçu des fautes d'impression inexplicables
((u'elle contenait. Encore le second tirage en comprend-il d'assez
visibles, mais le sens, du moins, n'en est pas altéré.
(2) Les voies romaines de l'arrondissement forment un mé-
moire séparé.
(:}) Le travail est à compléter sur vingt-cin(| autres com-
Plan de Mardelle^ a. o"' Fâusle .
SUD
■EST =
QTJEST,
¥OPJ).
Plan de Mardelle, a o^ Aubm
-Otrj.;
sr
TiîOKD
Plan de Mardelle, a S- Fansle
SUD.
EST. E=i
=. OUEST.
"NORD
XL« SESSION, A CIIATEAUROUX. 147
La forme en est généralement ellipliquo, et les dimen-
sions en sont très-variables. Cependant dans le canton
d'Issoudun (nord) et dans celui d'Issoudun (sud), les
diamètres en varient peu : l'inégalité en est la rare
exception. Dans le canton de Vatan, l'excentricité ou la
différence de longueur des deux axes s'accroît sensible-
ment, c'est-à-dire que l'ellipse s'allonge ; dans le canton de
Saint-Christophe, cette courbe s'accroît encore, et quel-
quefois le grand diamètre y surpasse le double du petit.
Cette disposition a-t-elle été intentionnelle ou est-elle
seulement le résultat du hasard? Nous ferons remarquer"
que le sol des deux cantons d'Issoudun est formé géologi-
quement, dans la plus grande étendue, par le calcaire
jurassique, oolithe moyenne (étage lithographique), et
qu'il est situé en Champagne, en pays découvert, suivant
les termes de la localité; que la partie principale du
canton de Vatan et tout le canton de Saint-Christophe sont
formés par le terrain crétacé (crétacé inférieur), et qu'ils
sont situés en Boischaut (I), pays couvert. Sont-ce là les
motifs de la disposition différente de ces excavations? A
quelles causes, à quelles lois les rapporter?
Le grand axe de plusieurs mardelles surpasse 60 mè-
munes pour embrasser tout l'arrondissement ; mais, dans ces
communes, elles sont rares; dans quelques-unes même, d'après
les renseignements que nous avons recueillis et que nous
avons tout lieu de croire exacts, il n'en existerait pas. (Voir les
observations du tableau ci-après.)
(I) Boischaut (de Boscas, basse latinité). Partie boisée de
l'Indre, synonyme de Bocage : c'est, au reste du Berry, ce que
le Bocage est à la Vendée.
Champagne, contrée plate du Berry. On disait autrefois Cham-
pagne, pour plaine. (Extrait du Glossaire du centre de la
France, par M. le comte Jaubert, 2<= édit.)
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CONGRES ARCHEOLOGIQUE HE FRANCE.
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XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 14*.)
très, et même, dans quelques-unes, il atteint 100 mètres.
Celles dont le petit diamètre approche de 35 mètres sont
nombreuses ; il y en a beaucoup dont la longueur est de
40 à 50 mètres.
Nous résumons, dans le tableau ci-contre, pour chaque
canton, le nombre de mardelles et le diamètre moyen de
celles qui ont été relevées.
La moyenne générale indique que le rapport entre les
deux axes est égal aux soixante-dix-sept centièmes (0,77).
Ce même rapport est, pour le canton d'Issoudun (sud),
égal aux quatre-vingt sept centièmes (0,87), tandis que,
pour le canton de Vatan, il descend aux soixante-douze
centièmes (0,72), et que, pour le canton de Saint-Chris-
tophe, il diminue jusqu'aux soixante-sept centièmes
(0,67). Mais ces chiffres, bien que confirmant nos appré-
ciations, ne sont donnés que pour faire remarquer les
différences principales , les différences d'ensemble qui
existent entre une région et une autre, sans qu'ils puissent
rendre l'expression exacte des dimensions particulières de
ces excavations sur chaque commune.
La profondeur actuelle en est généralement très-variable.
La plupart sont comblées en partie, ou l'aire en a été
exhaussée par les arbres, les plantes qui y poussent
constamment, dont les débris forment une espèce de
terreau, et aussi par les terres des bords qui, à l'origine,
ont dû y être amenées par les eaux. On peut toutefois
indiquer une moyenne de 1"50 à 4 mètres; plusieurs
n'ont actuellement que 50 centimètres, tandis que d'autres,
au contraire, ont jusqu'à 6 mètres de profondeur. Les
talus en sont différemment inclinés, suivant la nature du
terrain où elles ont été creusées. Les lignes qui en forment
le périmètre sont rarement de niveau, c'est-à-dire qu'elles
ne présentent pas un plan horizontal.
150 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Généralement elles sont très-saines, les eaux pluviales y
séjournent peu. Cependant nous en avons rencontré
quelques-unes, principalement dans les bois, qui sont
pleines d'eau et qui ne tarissent que très - rarement,
circonstance qui peut être produite par les causes que nous
venons d'indiquer, par de fortes couches d'humus prove-
nant des plantes ligneuses que la suite des siècles y a
accumulées; mais de semblables mardelles sont l'exception.
D'autres ont été déformées, soit qu'on les ait prises pour
d'anciennes carrières de moellons, soit qu'on ait cherché à
en extraire de la marne ou de l'argile. Nous en avons vu
plusieurs en exploitation.
La recherche de ces excavations est bien plus difficile
qu'on ne pourrait le supposer au premier abord. On ne les
aperçoit pas de loin, elles sont souvent même dissimulées
dans les replis du terrain, au milieu des fourrés, dans les
bois. Il faut avoir recours à bien des intermédiaires pour
obtenir quelques renseignements sérieux. La compulsion
des matrices cadastrales, où l'on peut rencontrer des
dénominations de lieux qui s'y rapportent, est indispen-
sable. Il faut ensuite parcourir la campagne dans bien des
directions et y revenir plusieurs fois, prendre des points
de repères, etc., ce qui exige des déplacements longs et
nombreux (1).
Les mardelles ne sont pas toujours isolées : elles sont
souvent groupées les unes près des autres, de manière à
former des agglomérations que l'on peut, pour quelques-
unes, comparer à nos petits villages. Elles sont situées
(1) Pour en rapporter la position sur des cartes, les diffi-
cultés sont très-grandes. Les points de repères exacts manquent
le plus habituellement et des opérations trigonomètriques sont
indispensables. Il faudrait, pour se livrer à ces opérations, avoir
XL*' SESSION, A CHATEAUROUX. 15i
dans toute espèce de terrains et dans toutes les situations,
eu égard à Tinclinaison ou à la conformation du sol.
Malgré cela, nous n'en avons vu que deux au fond de
petites vallées, une dans les bois, Tautre en rase cam-
pagne, et reconnu aucune dans les vallées proprement
dites, par conséquent dans les prairies ou dans les lieux
bas et constamment humides.
Dans quelques communes des cantons de Vatan et de
Saint-Christophe, et dans deux autres d'Issoudun (sud),
nous en avons remarqué qui avaient un diamètre de
15 à 22 mètres, qui étaient situées près de plusieurs
autres d'un diamètre bien plus grand. Dans Poulaines, à
peu de distance d'une mardelle de 40 mètres de largeur et
de deux autres de 20 mètres, il s'en trouve deux petites,
l'une de 6 mètres et l'autre de 8 mètres, dont le grand
axe correspond exactement à celui de la mardelle princi-
pale, disposition que nous n'avons rencontrée nulle part
ailleurs. Dans celles qui sont contiguës, le périmètre est
habituellement variable de l'une à l'autre, et nous ne
pensons pas qu'il y ait aucun rapport de connexité entre
elles.
avec soi deux hommes au moins, porteurs des instruments néces-
saires. Rien n'est impossible certainement , mais de semblables
difficultés nuisent beaucoup à l'exécution d'un travail dont la durée
ne peut se compter que par des années. En outre, des arbres et
des haies poussent en différents endroits, sur les bords, sur les
talus et dans le fond ; les ronces et les épines qui s'y enche-
vêtrent contribuent à en rendre l'accès peu praticable. Aussi,
pour conduire notre œuvre à bonne fin, à une fin pratiqué,
nous avons dû nous borner provisoirement à les rapporter sur
les calques des tableaux d'assemblage des communes, à l'aide
de repères mesurés an pas pris, soit sur les chemins, soit
sur des habitations, qui pouvaient iMio «Ictcnninés facilement.
152 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
11 s'en trouve une dans la commune de Sainte-Fauste,
de 80 à 85 mètres de longueur, sur 70 à 75 mètres de
largeur, divisée en deux par une banquette en terre qui
s'élève à peu près jusqu'au tiers de la profondeur. A
Anjouin, deux petites de 20 à 37 mètres, sont réunies
dans une bien plus grande de 80 mètres de diamètre
environ. Nous n'indiquons pas de nombre précis, comme
nous l'avons fait remarquer précédemment dans une
note, car nous attachons à ce mot une exactitude mathé-
matique qui n'existe pas ici, exactitude que nous nous
proposons d'obtenir ultérieurement, au moins en partie,
par des opérations rigoureuses.
D'après les investigations, dont nous donnerons plus
loin l'analyse, il parait que les personnes qui s'y sont
livrées se sont bornées à les exécuter dans la plate-forme,
dans le cul-de-lampe de ces cavités. Les résultats en ont
été presque infructueux. La raison en est probablement
qu'à une époque plus ou moins reculée, depuis des siècles
et durant des siècles peut-être, des recherches y auraient
été opérées, pensant y découvrir des trésors ou d'autres
objets précieux. L'on sait que les mardelles sont encore
pour la plupart, dans les campagnes^ le sujet de supersti-
tions de différente nature ; qu'ainsi tout ce qui pouvait y
exister d'intéressant pour la science et contribuer à en
révéler l'antique destination, aurait été enlevé et détruit.
L'esprit de convoitise et de méfiance des paysans est trop
connu pour que nous insistions sur ce point.
Après en avoir examiné un assez grand nombre, nous
avons supposé que les parois primitives en étaient plus
raides qu'elles ne le sont actuellement ; que, par la suite
des temps, les talus avaient pris, peu à peu, aux dépens
de leurs bords, l'inclinaison naturelle qu'ils ont aujour-
d'hui et qui est inaltérable. Ces excavations alors auraient
XL" SESSIUN, A GIIATEAUIIOIJX. 153
eu, à l'origine, en couronne, un périmètre un peu plus
petit, et, au plafond, un périmètre, au contraire, un peu
plus grand que ceux qui les limitent maintenant. Nos
recherches furent dirigées en conséquence sous les talus,
pensant obtenir de meilleurs résultats. Elles ont eu lieu,
en grande partie, entre le sud et le nord-ouest, du côté
où le fond est habituellement à l'abri des vents pluvieux,
qui régnent si longtemps dans nos contrées.
Dans celles que nous avons pu explorer, nous avons con-
staté, à 50 centimètres environ au-dessous delà ligne d'in-
clinaison de terres, la trace de foyers, dont les pierres rap-
portées ou le roc même étaient calcinés par le feu, et trouvé,
auprès, de petits morceaux de charbon isolés ou enveloppés
de grumeaux de cendres. Dans une, dite du Bois-l'Abbé, à
sept ou huit cents mètres environ du bourg de Saint-Au-
bin, nous avons rais à découvert deux foyers, situés, l'un
au nord, l'autre à l'ouest. Les pierres brutes, les gros
moellons qui étaient disposés comme on les dispose encore
aujourd'hui dans les champs, pour supporter le bois ou les
broussailles, étaient brûlés sur une profondeur de 3 centi-
mètres environ et noircis dans toute la largeur. Une cou-
che de cendre, d'une hauteur moyenne de 10 centimètres
au moins, était répandue à 40 centimètres au-dessous
du fond actuel, sur toute la surface. Il y gisait, pêle-mêle,
des os calcinés d'animaux, dont plusieurs, les plus gros,
de 3 centimètres environ de diamètre, étaient divisés en
deux dans le sens de la largeur, et dont les autres étaient
brisés ou cassés. Des débris de poteries circulaires, mal
pétries à la main, d'une teinte gris jaune, étaient près des
pierres de l'un des foyers. Dans cette même excavation, à
1 mètre environ au-dessous de la pente actuelle desjalus,
on a trouvé le squelette d'un homme, que l'un des méde-
cins d'Issoudun, qui a visité cette mardelle avec nous, a
154 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
pensé être âgé de quarante ans environ. La forme parti-
culière de la sépulture accusait une haute antiquité. Le
corps reposait sur le terrain naturel, qui paraissait avoir
été aplani en cet endroit. Au-dessus des pieds et de la tète,
une grande dalle était supportée, à chaque bout, par des
pierres brutes posées de champ ; le reste du corps était
couvert <le petits moellons ordinaires, sans aucune symé-
trie. Nous n'avions pas voulu toucher à ces ossements,
principalement à ceux du crâne, que nous avions entourés
de terre, avant que des personnes plus compétentes que
nous en pareille matière pussent déterminer à quelle race
d'hommes ce corps pouvait appartenir. Malheureusement,
des pâtres ou des laboureurs, dont la curiosité avait été
éveillée, vinrent, en l'absence des ouvriers, découvrir ces
restes, et enlevèrent la tête, qui tomba en poussière sous
leurs doigts. Il n'en resta que l'empreinte sur le sol, qui,
quoique bien accusée, ne put être d'aucune utilité pour
le but que nous cherchions à obtenir. Le squelette lut
recueilli et conservé par le docteur dont nous venons de
parler. Dans une autre mardelle, de la même commune,
située dans le bois de Bommiers, nous avons mis à décou-
vert également les pierres d'un foyer artificiel, du char-
bon et de la cendre, mais sans o-ssements.
L'on sait que l'un des traits caractéristiques de ces sortes
d'excavations est que, à de rares exceptions, les eaux plu-
viales s'en écoulent avec rapidité. On a prétendu qu'alors
les couches retentives en avaient été enlevées à dessein.
Nous croyons que c'est une erreur. Sur le plafond de cette
dernière mardelle et sur celui d'une seconde, située en la
commune de Guilly, où, depuis longtemps, l'on extrait de
l'argile, la terre grasse a été recouverte d'une couche
de pierre concassée (comme du macadam)^ de 50 centi-
mètres environ d'épaisseur. Cet empierrement s'étend, eu
XL" SESSION, A OllATEAUROUX. ihl>
conservant une pente assez sensible à l'œil, du foyer, qui
est le point le plus élevé du fond, jusqu'aux extrémités
opposées, même sous les talus.
Dans trois autres, situées commune de Sainte-Fauste,
nous avons rencontré également de p^ros moellons pour
foyers, portant les marques ineffaçables de leur destination.
L'aire ou la plate-forme en a été nivelée, elle est de la
même nature calcaire que le terrain naturel, et de petites
pierres non cassées, semblables à celles qui couvrent le sol
environnant, paraissent y avoir été répandues irréguliè-
rement sur une épaisseur moyenne de 10 centimètres.
Néanmoins ces pierres peuvent, à une époque reculée,
avoir été amenées là par les eaux pluviales en les roulant sur
les talus. L'empierrement, dans tous les cas, n'a aucun
rapport avec celui de la mardelle de Saint-Aubin. A qua-
tre autres encore, prises sur la commune de la Champe-
noise,et à deux situées sur la commune de Dun-le-Poëlier,
l'emplacement des foyers se remarquait par des pierres
brûlées, attenantes au sol, d'une couleur rouge de brique.
Deux ans après, la teinte rouge, sur deux d'entre ceux
que nous avons été à même de visiter une seconde fois,
était complètement disparue ; le temps et la pluie avaient
blanchi les pierres, qui étaient feuilletées et presque tour-
nées en poussière. Tous ces foyers existaient dans l'espace
compris entre le sud et le nord-ouest.
Nous y avons trouvé, à la base des talus, presque à la
surface, une pierre de fronde en caillou arrondi par le
travail de l'homme; près de l'un des foyers, des morceaux
ronds d'un bâton en argile cuite, rouge de brique, mesu-
rant ensemble 40 centimètres de longueur, sur 3 centi-
mètres de diaruètre : ces petits cylindres, par l'irrégula-
rité de la surface, montraient qu'ils avaient été façonnés
à la main. Ailleurs, vers le milieu de la plate-forme, nous
156 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
avons rencontré des morceaux d'une meule de moulin à
bras, des débris de poteries épaisses, d'une teinte jaune gris,
grossièrement fabriquées et calcinées par le feu, et, pres-
que à fleur de terre, une hache de silex, très-informe,
provenant d'un gros caillou, dont deux des faces sont
abattues pour en former les joues et le tranchant, ainsi
que d'autres petites pierres arrondies d'une manière
incomplète, qui nous ont paiu également avoir été très-
imparfaitement travaillées (1).
Antérieurement à nos explorations, M. de la Villegille
a fait connaître que M. de la Châtre, ancien sous-préfet
d'issoudun, avait trouvé, par hasard, au fond d'une
mardelle, des morceaux de charbon ; dans une autre
de Saint-Pierre-de-Jards, on a rencontré «des, briques
très-épaisses, comme il ne s'en fait plus dans le pays,
dont une partie avait des rebords, et une grande quantité
de vieille ferraille. » Dans la mar(je de Reuilly, ce même
savant a retiré « un fragment peu considérable de tuile à
rebord, et un autre débris de poterie romaine, ressemblant
assez à la base d'une amphore. »
La Normandie, province où il parait exister beaucoup
de mardelles « à Gharnpobert,' dans l'herbage appelé les
Crières, situé à gauche du grand chemin, en rétablissant
une ancienne mare de forme circulaire, M. de Colleville a
trouvé, en 1834, plusieurs antiquités. » « Elles ^consis-
(1) En présence de ces indices, nous suspendîmes nos recher-
ches pour étudier, au préalable, quelques grands musées des
âges de pierre, afin d'être plus à même de recueillir tout ce qui
pouvait se rapporter à ces époques reculées. En 1869, nous
allions reprendre plus fructueusement la tache que nous nous
étions imposée, quand de gravt^s événements, étrangers au tra-
vail qui nous occup,e nous forcèrent de l'interrompre définiti-
vement.
XL** SESSION, A CIIATEAUROUX. Mu
taient, » ajouteM.dela Villcgille, «en tuiles romaines, en
fer oxydé, en valves d'huitres, en ossements de bœuls, en
troncs d'arbres, en un grand nombre de poteries de plu-
sieurs sortes et de débris de vases en terre cuite.» M. Arsène
Maillard, sous-inspecteur des forêts de l'arrondissement
de Rouen, dans une autre située dans la forêt de Rou-
mare, a extrait « un mors droit ou bridon, une lame de
couteau et une espèce de pioche, le tout en fer très-
oxydé. »
Tous ces objets sont loin d'avoir la même origine ; ils se
rapportent à des époques archéologiques bien différentes.
Pour chercher à découvrir la destination des mardelles et
les peuples qui les ont creusées, il est indispensable
d'avoir recours à d'autres considérations.
MM. Bordier et Ed. Charton, dans leur Histoire de
France d'après les monuments, et M. le baron de Bello-
guet, dans son Ethnogénie Gauloise, tranchent la ques-
tion (-l). Ils les attribuent aux Gaulois et les considèrent
comme l'étage souterrain de leurs cabanes. Avant de
discuter cette opinion, il nous semble nécessaire de tran-
scrire les renseignements que donnent ces historiens sur
les habitations celtiques.
« Les habitations gauloises, disent les premiers, étaient
ordinairement placées sur la lisière des bois ou sur le bord
des fleuves. L'extrême légèreté de leurs constructions
obligeaient les habitants à chercher, de cette manière, un
(1) M. de Belloguet cite dans son ouvrage (§ IX) deux mé-
moires sur les mardelles, que nous n'avons pu nous procurer:
l'un, de M. Mond'heux, qui regarde ces excavations comme des
réservoirs d'eau; l'autre, de M. Lacroix, qui réfute au moins
en partie cette opinion, et qui les considère comme ayant
(t servi d'habitations, étant recouvertes d'abris en bois. »
iriS CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
refuge contre l'ardeur du soleil, qu'ils redoutaient plus
que la rigueur du froid. Les maisons, ordinairement de
forme ronde et surmontées d'un toit conique, étaient de
bois, quelquefois de pierres brutes, jointes avec de la
terre glaise ; d'autres fois, les murailles du logis étaient
faites de deux claies d'osier, fixées à quelques centimètres
l'une de l'autre, et dans l'intervalle desquelles on pétris-
sait de la terre argileuse et de la paille hachée. Pour les
familles du peuple, l'édifice était une maison ronde, de
6 à 12 mètres de tour (3 à 4 mètres de largeur), et cou-
verte de chaume et de planchettes de bois réunies au
sommet, comme sont encore les huttes que nos charbon-
niers se construisent dans les bois. Les maisons riches
pouvaient avoir jusqu'à une quarantaine de mètres en
largeur; souvent il n'y avait pas de fenêtres.
« Le toit descendant fort bas, on gagnait de la hauteur
en creusant le sol de l'habitation jusqu'à une certaine
profondeur, et l'on entrait, ou plutôt l'on descendait par
une petite rampe ménagée devant la porte. Le fond était
battu, bien uni et sans humidité, la cavité étant toujours
creusée sur un terrain perméable, ou rendu tel par
quelques fuites pratiquées artificiellement. Les grandes
maisons étaient sans doute partagées à l'intérieur par des
cloisons formant divers appartements. Dans quelques-
unes de ces cavités qui existent encore, on remarque, à
moitié delà hauteur, une sorte de rebord intérieur , régnant
tout autour du creux et ayant probablement servi à con-
struire un plancher. En parlant de ces demeures si simples,
un célèbre architecte romain disait, avec un dédain bien
justifié, d'ailleurs : « Plusieurs peuples ne construisent
« d'édifices qu'avec des branches d'arbres, des roseaux et
« de la boue. C'est ce qui a lieu en Gaule, en Espagne et
« dans les îles Britanniques. »
XI/ SESSION, A r.IlATEAUROUX. 159
« Bien que dix-huit siècles nous en séparent, il est
possible de voir encore aujourd'hui, sur notre sol, quel-
ques traces de ces cabanes rondes que les Gaulois construi-
saient. Le bois, le chaume et l'argile ont sans doute
disparu en peu de temps, mais les excavations circulaires
dont nous venons de parler , subsistent en plusieurs
endroits de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre,
surtout dans l'intérieur des forets. Dans le centre de la
France, elles portent le nom de mardelles ou margelles ;
le peuple les appelle fosses à loups. On en voit dans le
Berry, dans la Normandie, dans les environs de Stras-
bourg, à Alaise (Doubs), à Entremont près d'Aix.
« Il n'y avait pas d'autres habitations que les cabanes
disséminées dans les bois, dans les campagnes, sur les
eaux, quelquefois dans les grottes des montagnes ou dans
les souterrains, et elles formaient tout au plus des bour-
gades. Les Gaulois, avant la conquête romaine, ne con-
struisaient pas de monuments ; ils n'avaient point de
villes (1), et Marseille elle-même, la ville grecque, n'avait
encore du temps de César, pour abriter ses habitants, que
des maisons de bois et de chaume. »
Ces passages peuvent également être considérés, quoique
publiés bien antérieurement, comme le résumé de la
partie du savant ouvrage de M. de Belloguet, consacrée
aux habitations celtiques, où le texte des historiens de
l'antiquité et les documents dûs aux archéologues
modernes sont exposés avec la plus grande lucidité.
Néanmoins, à cet égard, plusieurs méprises que nous ne
(1) C'est, il nous semble, une erreur. César se sert toujours,
avec des acceptions différentes , des expressions : oppidum,
viens, œdificiuni, correspondant aux mots : ville, bourg et mai-
son particulière. Les Germains seuls n'avaient pas de villes.
160 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
pouvons passer sous silence, reproduites probablement
d'après d'autres ouvrages, s'y sont glissées, et pourraient
peut-être contribuer à faire adopter des idées qui nous
paraissent erronées. « Les mardelles, dit-il, passaient
pour avoir servi de demeures aux anciennes populations
bretonnes ou germaniques, longtemps avant que M. de
la Villegille les signalât, le premier parmi nous, comme
des habitations celtiques. » M. de la Villegille n'a émis
aucune opinion; il parait incliner, au contraire, vers ceux
qui supposent que ces excavations avaient une destination
religieuse. « Cette explication (nous copions textuellement
son mémoire), différente de toutes celles qu'on a données
jusqu'ici, et qui se présente avec un certain caractère de
vraisemblance, n'est pas appuyée néanmoins d'un assez
grand nombre de preuves pour être entièrement satis-
faisante. » M. de la Villegille pense que l'on ne peut se
prononcer qu'à la suite de nouvelles explorations, de
nouvelles recherches.
Sur les mardelles de l'Allemagne, M. de Belloguet
arrive à une conclusion qui nous paraît peu admissible :
a Elles ont jusqu'à 300 pieds de tour (32 mètres environ
de diamètre) et 40 pieds (43 mètres environ) d'excavation;
plusieurs présentent les traces de dispositions prises pour
supporter des poutres. Le tout était abrité par des plan-
chers recouverts avec de la terre glaise, de la paille et du
fumier. » Nous ignorons quelle forme et quelle inclinai-
son il eût fallu donner à de semblables planchers, pour
couvrir et abriter des excavations aussi vastes. Ces préten-
tions de convertir les mardelles en demeures gauloises,
nous paraissent, d'ailleurs, entièrement gratuites, et infir-
mées complètement par les données que nous possédons.
Il suffît, pour s'en convaincre, de bien se rendre compte
de la forme, de la disposition des habitations gauloises.
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. iC)\
bretonnes et germaines, de se bien pénétrer des usages
des anciens peuples de l'Occident, Nous avons, dans ce
but, cbercbé à réunir les principaux détails que l'histoire
nous en a conservés. Vitruve, César, qui étaient contem-
porains, et Strabon, qui vivait quelque temps après,
donnent à cet égard, des renseignements qui caractérisent
suffisamment leur manière de construire.
Strabon (1) fait connaître (t. Il, liv. iv) que « les Gau-
lois habitent des maisons vastes, construites avec des
planches et des claies, et terminées par un toit cintré et
couvert d'un chaume épais. »
Vitruve (t. I, liv. ii) n'est pas moins explicite. Mais,
écrivant sur l'architecture en général, il entre dans des
développements trop longs pour les reproduire en entier.
Après avoir décrit les premiers essais de l'homme, jeté nu
au milieu des bois, il fait remarquer que, pour être à
« l'abri de la pluie et du soleil », les hommes mirent en
terre des perches fourchues, entrelacées de branches, dont
les vides étaient remplis « avec de la terre grasse pour en
« faire des murs » ; qu'au-dessus, ils posèrent, en travers,
des pièces de bois recouvertes « de roseaux et de feuilles »,
enfin que plus tard, ils « fixent des combles qu'ils cou-
« vrirent de terre grasse Tel fut, continue-t-il, l'ori-
« gine des premières maisons. Nous pouvons nous en
« convaincre par celles que nous voyons encore aujour-
« d'hui chez les nations étrangères. En Gaule, en Espagne,
« en Liisitanie, en Aquitaine, elles sont construites avec
« les mêmes matériaux et recouvertes de feuilles et de
(i) Nous nous sommes servi, pour Strabon, de la traduction
de M. Laporte de Theil , faite par ordre du gouvernement impé-
rial (1809); pour les auteurs latins, des traductions de la collec-
tion Pauckouke.
XL" SESSION. \i
462 CONGRÈS ARCIIKOLOGIQUE DE FRANCE.
« bardeaux de chêne. » Il parle ensuite de celles des Col-
chidiens et des Phrygiens, et ajoute (|ue ces peuples cou-
vrent leurs chaumières « avec des herbes des marais. » A
Marseille, « nous pouvons remarquer qu'au lieu de tuiles,
« c'est de la terre pétrie avec de la paille qui recouvre les
toits. » À Athènes, l'Aréopage « a été conservé jusqu'à ce
« jour avec son toit d'argile, comme un modèle de l'anti-
« quité, et dans le Capitole on peut regarder comme un
« souvenir, comme un échantillon des mœurs antiques,
« la chaumière de Romulus, qu'on a conservée avec sa cou-
« verture de chaume, dans le lieu destiné aux choses
« sacrées. »
César ne donne aucun détail particulier sur les habita-
tions des Gaulois, qui lui paraissaient, sans doute, assez
connues, puisqu'elles étaient semblables à celles des autres
peuples. Malgré cela, nous voyons dans les Commentah^es
(liv. v, § XLiii), à l'occasion du siège à'Avaricum, qu'à un
instant les habitants incendièrent « les huttes des soldats
romains couvertes en paille à la manière des Gaulois. »
Toutes ces indications sont précises et ne laissent aucun
doute sur la nature de ces constructions. Les demeures
rustiques de nos pères étaient une conséquence de leur
religion, qui, d'après M. Henri Martin, empêchait tout
développement de l'architecture.
Les maisons des Germains étaient peut-être plus légères
ou plus simples que les précédentes, puisque quelques-
unes au moins pouvaient être démontées et chargées sur
des chariots. Les mœurs de ces peuples, d'après Strabon
(t. III, chap. m), étaient, à peu de chose près, les mêmes
que celles des Gaulois. L'émigration facile y est commune;
« elle vient de ce qu'accoutumés à une vie i'rugale, ils n3
s'occupent ni d'agriculture, ni <iu soin de faire des pro-
visions; qu'ils habitent de méchantes cabanes et se conten-
XL* SESSION, A CnATE\UROUX. 163
tent (le vivre au jour la journée. La plupart tirent leur
nourriture de bestiaux, à la manière des peuples nomades;
et, de même que ces derniers, ils chargent, au besoin,
leurs habitations sur des chariots, et vont s'établir avec
leur bétail où bon leur semble. » Sans doute, avec le
temps, ces habitudes tendirent à se modifier, car nous
remarquons dans César (liv. vi, § xxii) que, dans le but
de conserver les mœurs primitives, d'entretenir le goût de
la guerre, d'empêcher qu'on ne « se garantisse de la saison
par des habitations plus commodes » , de prévenir l'amour
des richesses, la communauté de la terre était absolue.
Tacite, qui écrivait plus tard, donne plus de renseigne-
ments sur ces demeures, qui paraissent être un peu plus
confortables que par le passé, bien qu'étant toujours très-
simples. Elles étaient isolées les unes des autres par un
espace de terrain assez grand. Les Germains n'avaient pas
de villes : » ils ne font usage ni de ciment ni de tuiles ;
leurs matériaux sont toujours bruts ; rien n'est donné à
la décoration ni à l'agrément ; quslques parties seulement
sont enduites avec plus de soin d'une terre si pure et si
brillante qu'on la dirait peinte et nuancée de couleurs. »
Ainsi, non-seulement ces cabanes étaient très-pauvres,
mais les Germains tenaient à y conserver, par des raisons
politiques, toute la simplicité primitive.
La reproduction figurée des cabanes des Gaulois sur les
bas-reliefs de la statue de Melpomène, du musée du Louvre,
et de celles des Germains sur la colonne Antonine, corro-
bore les textes qui viennent d'être analysés. Elles sont, les
unes et les autres, de forme ronde, couvertes en dôme;
des branches d'arbres, de la paille ou des roseaux parais-
sent en être les seuls matériaux. Celles des Germains n'ont
pas de fenêtres, mais une ouverture est indiquée aux
autres : les premières paraissent moins élevées que les
l()i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
secondes, c'est-à-dire inoins hautes relativement à leur lar-
geur ou à leur diamètre. Nous ajouterons qu'un spécimen
de celles du Latium, telle que, très-probablement, devait
être la chaumière deRomulus, est rapportée à l'article Casa,
(\\i Dictionnaire des antiquités, deRich, traduit de l'anglais
par M. Cheruel. Cette gravure est la reproduction d'un
vase en poterie, conservé maintenant parmi les antiquités
du musée britannique. La cabane est ovale, les murailles
en sont proportionnellement assez basses, des pièces de
bois y figurent les montants et les traverses, une porte
large y donne accès ; la couverture, en chaume, est épaisse
et élevée, elle est supportée par des chevrons, et a la
forme d'un dôme reposant sur une base elliptique. Elle se
rapporte ainsi, comme on le voit, entièrement aux précé-
dentes.
Nous retrouvons encore le même type de construction
en usage dans les Iles Britanniques, occupées, comme on
le sait, par les Gaulois et les Kimris. Phythéas, de la ville
de Marseille, qui voyageait dans le iv'' siècle avant l'ère
chrétienne, et qui, dans ses navigations, a parcouru les
côtes de l'Angleterre sur la Manche et sur la mer du Nord,
dit également (1) : « Les maisons des Bretons étaient con-
struites pour la plupart en chaume et en bois, les pluies
fréquentes ne permettant pas qu'ils eussent des aires à
ciel découvert ; ils renfermaient les épis de blés qu'ils
avaient coupés dans des caves souterraines l'Ile était
très-peuplée, etc. » Strabon (liv. iv) entre aussi dans
quelques détails : « Les bois leur tiennent lieu de villes.
Après avoir formé une vaste enceinte d'abatis d'arbres, ils
y construisent des cabanes pour leurs demeures et des
étables pour loger leurs troupeaux. » César (liv. v, § xii)
(l) Foijageurs nnciens, l"^"" vol., par M. Ed. Charton.
XL' SESSION, A CIIATEAUROUX. 165
dit encore : « L'Ile est extrêmement peuplée. Les maisons
y sont très-nombreuses et presque semblables à celles des
Gaulois ; le bétail y est abondant » Au § xiv, il con-
firme l'analogie des mœurs de ces deux peuples, analogie
que Strabon (t. III) a déjà reconnue avec les Germains.
Doit-on faire remarquer qu'il ne saurait en être diffé-
remment, en raison de leur origine commune?
De cet ensemble de preuves, il résulte clairement que,
pendant des siècles, aussi loin que l'histoire certaine peut
remonter, tous ces anciens peuples élevaient leurs cabanes
ou maisons de la même manière : elles étaient circu-
laires, elles avaient généralement une charpente en forme
de dôme; elles étaient couvertes de bardeaux de paille ou de
jonc, et entourées de murailles ou de cloisons d'une grande
légèreté. Aucun des historiens de l'antiquité n'indique
d'étage souterrain (1) ni de plate-forme intérieure creusée
dans le sol, ni de dimensions, soit en largeur, soit en hau-
(1) M. de Bellogiiet prétend, au contraire, et d'autres auteurs
sont de son avis, que les demeures souterraines des Germains
sont jiislitiées par le texte de Tacite {De la Germanie, § xvi),
et celles des Gaulois par le passage de Florus (liv. II, § m) con-
cernant la guerre des Ligures.
Nous ne pensons pas que les traductions sur lesquelles on
s'appuie reproduisent exactement le sens de la pensée de ces
anciens historiens. L'importance de la question justifie, à notre
point de vue, les développements dans lesquels nous entrons.
Tacite écrit à l'égard des Germains : « Soient et subterraneos
xpecus aperire, eosque midto insiiper flmo onerant, suffu-
ffium hiemi et receptaculum frugibus. »
M. Nisard traduit effectivement ce passage par le suivant :
« Ils (les Germains) ont aussi coutume de se creuser des
demeures souterraines, sur lesquelles ils entassent du fumier :
c'est un refuge contre l'hiver et un lieu de dépôt pour les
160 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
leur. Nous ignorons où MM. Bordier, Gharton et de Bel-
loguet, habituellement si exacts, si précis dans leurs écrits,
ont puisé les renseignements qu'ils donnent à cet égard.
Les mardelles ont bien une forme circulaire, elles ont
grains. > Il continue ainsi la traduction de ce paragraphe, dont
la fln semble contredire la première partie : « La disposition
de ces lieux adoucit l'âpreté du froid et, si l'ennemi vient, il ne
trouve à ravager que les choses (il est fait exclusion des per-
sonnes) qui sont à la surface, mais pour celles qui sont cachées
et enfouies, ou il ne les découvre pas, ou elles le déroutent par
la nécessité de les chercher. »
M. Panckouke donne une version différente : « Ils ont aussi
coutume de se creuser des demeures souterraines, qu'ils cou-
vrent de monceaux de fumier ; c'est un refuge contre l'hiver ;
c'est un lieu de dépôt pour les grains. Le froid n'y peut péné-
trer, et si, par hasard, l'ennemi survient, il ravage le pays
découvert; mais ces provisions cachées ou enfouies (toute sup-
position autre que des choses est ainsi écartée) ou sont inaper-
çues ou le déroutent par la nécessité de les chercher. »
L'interprétation de ce passage semble reposer uniquement sur
le sens du mot specus ; MM. Quicherat et Daveluy, dans leur
Dictionnai7-e latin-français, donnent pour équivalent de ce
mot : grotte, antre, caverne, gouffre , souterrain; et, comme
exemple, rendent l'expression : aperire specus subterraneos
par celle-ci : ouvrir des galeries souterraines.
Nous pensons que cette dernière version qui se rapproche
le plus de celle de M. Panckouke, est seule admissible, d'au-
tant plus que l'on sait que les Gaulois creusaient aussi des
galeries souterraines, pour s'y réfugier momentanément, en
cas de surprise, ou pour y déposer leurs provisions. M. de Beau-
fort a relevé et reproduit, dans un ouvrage spécial, les coupes et
les plans d'un certain nombre de ces souterrains, qui ont une
forme toute particulière, et qui sont encore assez communs dans
le canton de Saint-Benoît, arrondissement du Blanc. Il en a été
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 1()7
été habitées, mais il nous semble impossible d'avancer
qu'elles ont été creusées par les populations de races gau-
loises proprement dites. Elles ne peuvent se rapporter
aux dispositions de leurs demeures.
reconnu aussi à Brion, canton de Levroux (Indre), et dans un
grand nombre de localités.
Quant au passage de Florns, nous ne pensons pas qu'il ait
le moindre rapport an\ ha hifa fions souterîxiMes Mnhuées aux
Ligures ou aux Gaulois. C'est toujours sur le sens d'un mot
latin, (lu mot /atebras, que s'étayent les hypothèses. Nous don-
nerons quatre versions des passages où se trouvent cette expres-
sion ; pour abréger le discours, nous ne reproduirons que le
dernier membre de la phrase de Florus.
Traduction de M. Nisard : « Les Ligures, retranchés au fond
des Alpes, entre le Var et la Macra, et cachés au milieu des
buissons sauvages, étaient plus difficiles à trouver qu'à vaincre.
Leurs retraites et la promptitude de leur fuite faisaient la sûreté
de ces hommes, race infatigable et agile, adonnée plutôt au
brigandage qu'à la guerre....; enfin Fulvius consuma leurs
repaires dans un vaste incendie; Bébius les fit descendre
dans la plaine, etc. »
Voici la phrase latine qui correspond à ce dernier para-
graphe : « tandem Fulvius latebras eorum ignlbus sepsit. »
La version de M. Ragon (collection Panckouke) diffère un
peu de la précédente : « Les Ligures, cachés au pied des
Alpes.... dans des lieux hérissés de buissons sauvages,
étaient plus difficiles à trouver qu'à vaincre ; race d'hommes
agiles et infatigables, peuples moins guerriers que brigands, qui
mettaient leur confiance dans la vigueur de leur fuite et la
profondeur de leurs retraites....] enfin le consul Fulvius
incendia leurs repaires; Bébius, etc. »
En voyant ces passages, nous croirions, jusqu'à un certain
point, assister à la lecture des Bulletins de la guerre d'Afri-
que, sous le maréchal Bugeaud, où plusieurs fois nos soldats
168 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
Si Ton peut supposer que quelques-unes pouvaient être
couvertes, on ne saurait l'admettre pour le plus grand
nombre ; leurs vastes dimensions s'y opposent. Les cou-
vertures eu chaume que l'on remarque encore dans les
campagnes, peuvent servir de termes de comparaison
pour la disposition des toitures dont on pouvait faire
usage. L'inclinaison des perches sur les chaumières de
nos paysans, est, au surplus, une donnée de l'expérience
incendièrent, sur les montagnes, les immenses fourrés, les
repaires boisés qui servaient de refuges aux Arabes. Personne
n'a compris qu'il s'agissait alors, pour ces peuples, de retraites,
de demeures souterraines. L'analogie nous semble évidente.
Nous aurons encore recours au Dictionnaire de MM. Quicherat
et Daveluy, pour l'interprétation du mot latebras. Ces auteurs
lui donnent pour signification : cachette, retraite, refuge, repaire,
tannière, lieu de sûreté. Aucune de ces expressions n'a le sens
de demeures souterraines. Enfin, en ce qui a trait à la con-
quête de la Bretagne par les Romains (Tacite, § xxxui), Agri-
cola, dans une harangue, parle ainsi à ses soldats : « Quando
dabittir hostis, quando a des ? Veniunt e latebris suis
extrusi : et vota rirtusque in aperto. » Traduction de
M. Nisard : « Quand paraîtra l'ennemi, quand viendra le jour
de la bataille? Le voilà cet ennemi arraché de ses repaires;
le champ est ouvert à votre ambition, etc. » Version de
M. Pauckouke : « Quand se présentera l'ennemi, quand le
combat? Ils viennent arrachés à leurs repaire-'i : vos vœux
sont accomplis, etc. » On voit parce discours, que nous ne pou-
vons reproduire en entier, qu'il ne s'agit toujours que de refuges
situés sur des montagnes, et qui ne sauraient avoir aucune
similitude avec des demeures souterraines. Il nous semble
évident que cette opinion que les Germains, les Gaulois et
les Bretons habitaient des endroits creusés .sous terre n'est
pas appuyée de textes assez précis pour pouvoir l'admettre et
qu'elle doit être complètement abandonnée.
XL» SESSION, A CHATEAUUOUX. 169
immédiate et doit remonter à l'origine des choses. Dans
cette situation, la réunion des pièces de charpente sur le
failage doit nécessairement former un angle droit, c'est-
à-dire que la charpente est dite d'équerre, suivant le
langage des ouvriers. La distance verticale entre la base
des arbalétriers et le sommet du toit est égale à la moitié
de la largeur de l'espace couvert. Pour les mardelles qui
ont une étendue de 40 mètres, elle serait de 20 mètres,
c'est-à-dire qu'elle atteindrait la hauteur actuelle des plus
hautes maisons de Paris. Sont-ce là les cabanes indiquées
par les auteurs anciens, et les constructions plus que
modestes, toutes primitives, dont ils nous ont laissé la
description? Nous faisons abstraction des combles en
forme de dômes, qui exigeraient une élévation encore plus
grande. Et que serait-ce si ces toitures devaient couvrir
les mardelles dont la largeur, le petit diamètre atteint
souvent 70, 80, 100, et même 150 mètres, ainsi que
l'indique M. de Bussy dans un petit opuscule publié dans
\q Recueil de la Société d' Archéologie et d'Histoire de la Mo-
selle, année 1862? En nous bornant à 100 mètres, ce
serait environ 50 mètres d'élévation. De semblables char-
pentes qui , seules , surpasseraient les dimensions des
monuments de l'antiquité, eussent frappé d'étonnemwit
les écrivains qui les observaient, et l'impression en lut
restée dans leurs ouvrages. Ensuite, est-il admissible de
supposer qu'elles pouvaient surmonter les légères parois
ou murailles d'osier qui entouraient les demeures gau-
loises ou germaines? Et en admettant que la base du toit
reposât sur le sol, quelles buttées n'eùt-il pas fallu pour
maintenir stables des masses de bois aussi considérables?
Devons-nous ajouter qu'il eût été utile pour les établir,
de recourir à des combinaisons d'assemblages qui, l'his-
toire le prouve, n'ont été que le fruit des études particu-
170 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
lières des peuples les plus avancés en civilisation, et
inconnues aux Gaulois, aux Bretons et aux Germains ?
Est-il besoin encore de signaler qu'avec des combles ayant
communément 20 mètres d'élévation, il eût été inutile de
chercher à « gagner de la hauteur en creusant le sol de
l'habitation » ? De plus amples développements sur ce
point nous sembleraient plus que superflus.
On a vu que ces excavations ont été rendues étanches par
des moyens artificiels, par des dispositions judicieusement
prises. Si elles étaient destinées à être couvertes, pourquoi
d'aussi minutieuses précautions? de quelle utilité auraient
été les empierrements que nous avons trouvés sur le fond?
D'après les auteurs anciens, les Celtes , à l'origine ,
n'avaient pas d'autres meubles que des ais servant tout au
plus de tables ; ils s'asseyaient sur des bottes de paille, et
couchaient simplement sur la terre, sur des amas d'herbes
ou sur des peaux d'animaux. Ce n'est que, plus tard, vers
le commencement du iii*^ siècle avant notre ère, que
« la physionomie de la grande Gaule change peu à peu,
surtout dans les régions du centre et du sud, » que l'in-
dustrie s'y développe, y prend une grande extension, et
que le luxe et le faste s'y montrent excessifs. On ne saurait
dès lors supposer que les Gaulois, qui cherchaient à se pro-
curer une certaine commodité en couvrant le sol de leurs
habitations d'objets relativement moelleux , se fussent
appliqués à y répandre des pierres anguleuses uniquement
(puisque les toitures des cabanes garantissaient de l'hu-
midité) pour s'y reposer, même sur des peaux, au lieu
de se borner à l'aplanir ou à le niveler. On. peut se
demander aussi pour(iuoi ceux ([ui ont creusé les niar-
delles ne se sont pas contentés d'abriter leurs familles
sous des huttes comme celles de nos charbonniers ;
pourquoi ils se sont impose de si grandes diffi-
XL'' SESSION, A CIlATKAUllOUX. 171
cultes , surtout quand il est presque prouvé que les
énormes déblais qui en sont sortis ont été transportés au
loin (1)? M. de la Villegille a calculé que les terrasse-
ments s'élèvent, pour quelques-unes, à 11,000'"'' , pour
plusieurs, il faudrait doubler ces chifïres ; alors on
obtient des nombres incroyables. Afin d'en donner une
idée sensible, nous ferons remarquer qu'un volume de
12,000™'' seulement équivaut à une chaussée qui aurait
1 mètre de hauteur sur 1 mètre de largeur, et trois
lieues de longueur! Pour un grand nombre, les déblais
sont de 2,000 à, :J,000™''. Des motifs puissants peuvent
seuls avoir poussé ces peuples à s'imposer de pareils
travaux.
Croit-on qu'il serait actuellement téméraire d'émettre
une opinion sur le but, sur la destination des mardelles ?
Les forêts de l'ancienne Gaule étaient peuplées d'animaux
sauvages nombreux, et les faibles moyens de défense que
les hommes devaient avoir alors pour s'en préserver, les
obligeaient à rendre leurs refuges presque inattaquables.
Ces excavations n'auraient-elles pas eu, pour principal
motif, un caractère défensif? De simples cabanes dans les
bois, placées au niveau du terrain, auraient exposé cer-
tainement, le jour comme la nuit, les habitants aux
attaques des animaux. Souvent les vieillards, les femmes
et les enfants y eussent été abandonnés sans défense.
L'instinct de la conservation a, sans aucun doute, poussé
(1) La nature du sol environnant le constate suffisamment :
le terrain naturel y est à la même profondeur qu'ailleurs.
Si ces volumineux dépôts avaient élé placés près ou à peu de
distance des bords , la trace en serait toujours restée appré-
ciable, caries monuments en terre sont ceux qui se conservent le
mieux.
172 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
los peuplades primitives à creuser des cavités dans les
pays de plaines, comme le même sentiment leur a fait
choisir des grottes dans les pays de montagnes. Une palis-
sade ou une enceinte de pieux, placée au pourtour, pou-
vait en augmenter encore la sécurité. Dans ces sauts de
loups, comme les mardelles sont désignées dans plusieurs
localités, les personnes étaient au moins à l'abri de toute
attaque immédiate. Si les bétes féroces parvenaient à s'y
introduire, en s'élançant au-dessus des barrières, elles ne
pouvaient le faire qu'isolées ou en très-petit nombre ;
elles y tombaient brisées, et devaient être facilement dé-
truites.
De simples branches d'arbres appuyées sur elles-
mêmes, en forme de cônes, ou simplement au long des
parois de la terre eu eussent abrité les foyers. En laissant à
ces huttes une largeur intérieure de 3 à 4 mètres, plu-
sieurs pouvaient être placées dans la même excavation :
la perméabilité artificielle de l'aire avait, en conséquence,
sa raison d'être, pour assurer le prompt écoulement des
eaux. Quant aux petites mardelles, si peu profondes
qu'elles sont labourées depuis longtemps, elles auraient
pu être couvertes au-dessus du sol et destinées à divers
usages, ou même au logement des esclaves, à la vie des-
quels on tenait si peu ! Ces hypothèses, si elles ne sont
pas exactes, ne sont peut-être pas invraisemblables; elles
nous semblent, dans tous les cas, rendre compte de la
disposition et de la situation des mardelles.
En ce qui concerne les bourrelets en terre ou les ban-
quettes que plusieurs observateurs ont dit avoir reconnus
autour de plusieurs mardelles, ces rebords avaient pour
but incontestablement d'y prévenir la réunion des
eaux pluviales s'écoulant des terrains riverains ou de
consolider une enceinte défensive quelconque. Les traces
XL" SESSION, A CIIATEATJROUX. 473
de poutres remarquées sur les parois de quelijues-unes
d'entre elles, les moins vastes, sans doute, indi(iucraient,
si le fait est bien exact, qu'elles ont été habitées à des
époques relativement plus modernes, auxquelles les débris
de poteries romaines et les autres objets qu'on y a ren-
contrés pourraient être rapportés. Il est même présu-
mable qu'après la conquête des Gaules, quand le pays fut
dévasté et la population décimée , de malheureuses
familles sont venues, au milieu des campagnes désertes,
placer leurs chaumières dans ces excavations, soit pour se
cacher, se dissimuler, soit pour se garantir des intem-
péries. Les traces de ce séjour doivent nécessairement s'y
rencontrer.
Une autre considération qui nous semble également
très-sérieuse et qui pourrait seule faire concevoir que ces
cavités ne se rapportent pas aux périodes historiques, a
trait à la petite quantité d'habitants qu'elles peuvent faire
supposer. Nous avons fait connaître que celles qui ont été
relevées sur la moitié des communes de l'arrondissement,
sont de 233, et que, sur l'autre moitié, elles sont peu
nombreuses ; que , sur plusieurs communes , il est
même certain qu'il n'en existe pas. On peut évaluer
néanmoins ces dernières au tiers des autres et augmenter
encore cette quantité d'une centaine, pour celles qui sont
déformées ou comblées que nous avons dû laisser de
côté; alors nous arrivons, pour tout l'arrondissement, à
450, ce qui est incontestablement un maximum. De tout le
département, c'est dans ce dernier arrondissement que
l'on en compte le plus ; toutefois elles sont assez multi-
pliées dans les cantons de Levroux et d'Ardentes, sur
l'arrondissement de Châteauroux ; dans les autres cir-
conscriptions elles doivent y être rares, car nous n'en
avons jamais entendu parler. Il en est ainsi dans les
174 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
deux autres arrondissements de la Châtre et du Blanc.
Supputant sur le chiffre de ioO, il est facile d'établir une
comparaison avec le reste du département. Dans celui du
Cher, qui nous est limitrophe, il doit s'en trouver certai-
nement, quoiqu'en petit nombre : en évaluant le tout à
1,400 ou à 1,500, on peut entrevoir combien la popula-
tion eût été peu élevée à l'époque de leur creusement sur
l'ancienne province du Berry.
II nous paraît très-important de faire remarquer que,
plus on remonte dans le passé de la nation gauloise, plus
on trouve peuplé le sol qu'elle occupe. L'on connaît
l'exubérance de cette population dans nos contrées, dans
la Celtique, vers le xv!*" et le vi*^ siècle avant J.-C, et les
émigrations qui en furent la conséquence. Les hommes
qui s'attachèrent à Bellovèse et à Sigovèse, pour con-
quérir d'autres terres et s'y fixer, s'élevaient à 300,000
guerriers, non compris les femmes et les enfants. Ils
sortaient, en grande partie, de l'ancienne confédération
des Bituriges Cubes, que circonscrivaient la moyenneLoire,
la Vienne et l'Allier. Laissant de côté ce qu'il peut y avoir
d'incertain dans le dénombrement de ces multitudes, l'on
obtiendra toujours proportionnellement une population
énorme pour celte province limitée seulement aux bornes
tracées pur l'administration romaine. Elle ne serait nul-
lement en rapport avec les mardelles, si on les supposait
comme les étages souterrains, comme les vestiges des
habitations celtiques (1).
(<!) Bien que nows établissions cette comparaison à litre de
simple rapprochement, nous croyons devoir entrer clans quel-
ques détails pour montrer jusqu'à quel point elle peut être
admissible, en prenant pour base la superficie du territoire et le
dénombrement probable -de la population qui l'occupait. Nous
XL' SESSION, A CllATEAUROUX. i75
La Gaule renfermait de nombreuses villes : elles
étaient ouvertes ou fortifiées; il y avait, en outre, des vil-
lages et des maisons isolées. Aucun terrain, dit Strabon,
« n'est en friche, si ce n'est les parties occupées par les
savons combien il faut être réservé dans de semblables ma-
tières, qu'il ne faut pas toujours conclure du simple au
complexe; mais dans ces temps sans histoire, les inductions à
tirer de faits à peu près connus sont les seuls guides que l'on
puisse invoquer.
Les Bituriges Cubes, à l'origine (ces développements sont
familiersà toute personne qui a étudié un peu l'histoire), parais-
sent occuper tout l'espace compris entre la moyenne Loire, la
Vienne (les collines du Limousin?), le Puy, montagne d'Au-
vergne, et l'Allier. Alors la race gaélique couvrait la terre
appelée depuis les Gaules et les îles Britanniques ; elle confinait,
cependant, au sud à un peuple qui l'y avait précédée, les Hèves,
dont les clans ou les tribus étaient situés entre les Pyrénées et
la Garonne. Antérieurement au xvi* siècle avant l'ère chré-
tienne, les Gaëls, trop resserrés dans leurs limites, manquant
de terres, se jettent sur les Hèves, les écrasent ou les refoulent
vers les montagnes, franchissent le col des basses Pyrénées, et
passent en Espagne, où, après des luttes acharnées, ils finissent
par en conquérir les deux tiers. C'est la première migration impor-
tante que nous ayons à faire remarquer.
Plusieurs historiens du Berry supposent, ce qui est plus que
probable, que les Bituriges Cubes faisaient partie decette expé-
dition qui avait pris naissance dans le centre de la Gaule,
dans la confédération la plus importante, celle des Celtes, sous
le nom de laquelle on désignait aussi la race gauloise tout
entière.
Neuf cents ans environ après, au vi« siècle, la grande inva-
sion des Kimris dut modifier profondément la situation des
diverses peuplades préexistantes. Toutefois le pays des Bitu-
riges paraît avoir été le moins éprouvé, et la population s'y être
maintenue sans mélange. Quarante-quatre ans plus tard,
476 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« marais et par les bois. Encore ces lieux mêmes sont-ils
€ habités, ce qui est l'efTet de la grande population, plutôt
« que de l'industrie. » César, dans ses Commentaires
(liv. III, § 2), énonce qu'il conduisit le reste de son armée
la terre se trouvant encore insuffisante, les habitants, trop
nombreux, résolurent de s'expatrier et de s'établir ailleurs. Cet
abandon absolu du sol de leurs pères marque le second dépla-
cement en masse, lequel, chronologiquement, devrait être le
troisième, si l'on considère les Bituriges qui, sous le nom de
Vivisques, se fixèrent vers la basse Garonne, et plus tard fon-
dèrent Bordeaux.
L'on sait que Bellovèse et Sigovèse, sur le conseil de leur
oncle Arabigat, chef suprême de la confédération des Celtes, au
milieu de laquelle les Bituriges tenaient alors le premier rang,
se mirent à la tête de cette nouvelle émigration. Ils entraînèrent
avec eux d'autres peuplades dépendant des Arvernes, des
Ambrons, des Sennons, des Carnutes et des Aulerkes. Sauf les
Sennons qui habitaient au nord de la Loire, et les Ambarres qui
étaient cantonnés au confluent de la Saône, dans l'angle formé
par cette rivière et le Rhône, et qui furent très-probablement
pris en passant, toutes les autres tribus étaient situées sur le
territoire de l'ancien clan, du clan primitif des Bituriges Cubes.
A cette époque (vi« siècle), cette dernière nation, autrefois si puis-
sante, était (iécbtie de la position qu'elle avait occupée, quoique
politiquement elle dominât les autres, puisqu'elle y donnait des
chefs ou rois. Les limites en deviennent incertaines, et nous ne
connaissons approximativement que celles que l'administralion
romaine lui assigna postérieurement, et (pii sont, à peu de
chose près, celles de notre ancien Berry. Le nom de Bituriges
Cubes lui resta néanmoins, ainsi que l'indique l'inscription relevée
sur l'amphithéâtre nomachique de la ville de Lyon, à la place
réservée aux délégués de cette province.
Si nous connaissions , dans cette multitude d'émigrants,
évaluée à 300,000 guerriers, ce qui appartenait à chaque agglo-
mération particulière, il serait peut-être facile d'arriver à un
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX'. 477
« dans le pays ferlilo dos Bituriges, qui possédaient un
« vaste territoire et beaucoup de places fortes; » enfin il
fait connaître (liv. VII, § 15) que, sur l'avis de Vcrcingé-
torix, ces mêmes peuples firent « brûler, en un jour, plus
« de vingt villes. »
terme de comparaison assez exact pour la population biturige,
objet de ces réllexions. Mais, en l'absence de ces renseigne-
ments, nous avons chercbé à l'obtenir par les inductions que peut
toiirnir la superticie des territoires qui lui furent propres
successivement. Le premier, dont nous avons fait connaître plus
haut les limites naturelles, est, aussi exactement que possible,
(le 4,000,000 d'hectares, et c'est à peu près toute l'étendue du sol
des nations d'où sortaient les compagnons de Bellovèse. Le
département de l'Indre et celui du Cher, qui sont formés du
Berry, ont ensemble une superficie d'environ 1 ,401 ,400 hec-
tares, environ le tiers de la première : en supposant une égale
répartition des habitants, le contingent approximatif des Bitu-
riges serait d'un peu plus de 100,000 guerriers. Et lors même
que cette quantité serait réduite de moitié, les femmes, les
enfants, les colons, les esclaves, les familles entières, en un
mot, qui les suivaient, et celles qui restaient au pays consti-
tuaient certainement un chiffre bien supérieur à celui qui
représente la population actuelle (530,000 âmes) de ces deux
départements.
En prenant seulement l'arrondissement d'Issoudun pour
point de comparaison, nous trouvons le même rapport. La super-
ticie en est de 11 7,869 hectares, ou des trois centièmes environ
de l'ancien territoire situé entre la Vienne et l'Allier. Le con-
tingent, dans les émigrants, serait de 9,000 hommes, et, en la
réduisant de moitié, de 4,500 guerriers, ce qui donnerait, sui-
vant les mêmes considérations, 60,000 habitants.
Les familles gauloises étaient toutes patriarcales; les enfants
y étaient en grand nombre. Strabon, en parlant de la Belgique,
qui était si peuplée, et en la comparant aux Helvètes, aux
XL* SESSION. i2
178 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Si les mardelles étaient les traces de ces anciennes
cités, qui, presque toutes, nous sont inconnues, on devrait,
à certains endroits, sur une vaste surface de terrain, en
trouver réunies un grand nombre : elles nous en indique-
raient l'emplacement. Loin delà, sauf de rares exceptions,
Arvernes et à leurs alliés, ajoute : « Tout cela prouve la nom-
breuse population de la Gaule, et, comme je l'ai déjà observé,
la fécondité des femmes gauloises et la facilité avec laquelle elles
élèvent leurs enfants. » Il n'y a donc rien d'exagéré en ce qui
concerne notre appréciation sur la confédération des Bituriges.
La nation des Bellovakes, moins étendue que le Berry, était, au
iv siècle avant notre ère, encore plus considérable : elle pou-
vait fournir 100,000 guerriers, et elle devait en conséquence
s'élever à 700,000 ou 800,000 âmes, y compris les colons et les
esclaves.
Ainsi, an xvi^ comme au vi« siècle avant J.-C, le nombre
d'habitants devait au moins être aussi fort dans nos contrées
qu'il ne l'est aujourd'hui. Les mardelles, au contraire, ne peuvent
se rapporter qu'à une population relativement très-faible. Elles
ne sauraient, en conséquence, être considérées comme ayant été
creusées aux époques historiques, quelque lointaines (pi'on les
supposât. Les cabanes élevées par les Gaëls, les Kimris, les
Bretons, les Romains primitifs, les Ibères et les Germains,
différaient peu les unes des autres et n'avaient aucune analogie
avec le plus grand nombre de celles que peuvent faire supposer
les mardelles. (Voir Strabon, liv. IV. — Histoire des Gaulois,
par Amédée Thierry, if» partie. — Histoire de France, par
M. Henry Martin, chap. i^"", et notes du -!«■• volume. —
Géographie ancienne et comparée des Gaules, par M. le
baron Walckenaer. — Tableau des principales divisions poli-
tiques de la Gaule, dans l'Histoire de France de M. Th.
Lavallée, 1" voliune. — Histoire du Bernj, de M. Raynal,
chap. i""" et w .— Esquisses l)ioQraj)hi(jues du départementde
V Indre, par M. Grillon-Deschapellcs, art. Brennus.)
XL» SESSION, A ClIATEAUROUX. i^£
on ne les trouve groupées que quelques-unes ensemble,
pouvant représenter tout au plus de simples bourgades
peu importantes. On ne saurait admettre, après tous les
témoignages que nous avons rapportés, que les maisons
des villes fussent construites autrement que celles des
campagnes, et que les mardcUes eussent trait seulement à
ces dernières. Toutes les habitations des mêmes peuples,
— ainsi qu'il résulte de la nature des choses et, nous
devons ajouter, des instincts de l'homme, — sont établies
d'après des principes identiques. Les bâtiments formant
ce que l'on a appelé plus tard des villœ^ qui étaient
situés au bord des eaux et au milieu des bois, où les chefs
de clientèles, les hommes considérables se retiraient l'été,
ne devaient pas offrir de différences sensibles avec les
autres dans leur essence. Ces demeures étaient très- vastes^
car le riche Gaulois emmenait avec lui « ses armes, ses
« chevaux, ses chars, ses écuyers, » enfin tout l'attirail
de la guerre qui, « au i^' et au ii'' siècle avant J.-C, dit
c< M. Augustin Thierry, au milieu des tourbillons des
« factions et des guerres intestines, n'était rien moins que
« superflu. » Il est évident encore que, pour de semblables
aménagements, les mardelles ne pouvaient convenir par
leurs dispositions spéciales et toutes particulières.
Le silence des historiens de l'antiquité sur ces excava-
tions nous parait des plus significatifs. Il prouve qu'ils
n'y attachaient aucune importance, soit qu'ils en igno-
rassent la destination, soit qu'ils les considérassent comme
appartenant à un peuple inconnu, n'ayant aucun rap-
port avec celui qui habitait alors les Gaules.
De ces différents ordres de faits, nous sommes conduit
à conclure que les mardelles ne peuvent, sous aucun rap-
port, être considérées comme les restes des habitations
gauloises, et qu'en conséquence elles ne peuvent êtreattri-
180 CONGRÈS ARCnÉOLOGIQUE DE FRANCE.
huées qu'aux peuplades des temps préhistoriques, étran-
gères au Gaëls (1).
La question du dépôt des terres des déblais reste tou-
jours un prohlème non effleuré ; mais les ouvrages diffi-
cultueux au point de vue matériel paraissent avoir été
l'attribut des plus anciens peuples, et il serait tout aussi
difficile, peut-être, de rendre compte du motif de ces tra-
(0 Doit-on supposer, par ce résumé qui peut paraître bien
absolu, que nous croyions la question de la destination des
mardeiles complètement résolue? Évidemment, non. De nou-
velles explorations sont à entreprendre. Nous pensons qu'il fau-
drait les diriger tant dans la plate-forme que sur les talus; les
moindres objets qui sembleraient travaillés par la main de
l'homme devraient être recueillis avec soin pour chercher à
découvrir l'âge auquel ils peuvent remonter. Il faudrait encore
examiner la nature du fond, celle de l'empierrement qui le
recouvre et rechercher les causes qui y assure l'écoulement
rapide des eaux pluviales. Enfin il serait très-utile de se rendre
compte des travaux qui y auraient été effectués à une époque plus
récente et des débris qui pourraient s'y rapporter. Quelques
nivellements suivant les axes des plus importantes dans des ter-
rains d'une nature différente, et quelques coî^pe.ss'étendant à une
dizaine de mètres au delà de leurs bords paraîtraient nécessaires
pour bien déterminer l'inclinaison et l'épaisseur des talus, ainsi
que la configuration et la composition géologique du sous-sol
environnant.
Si nous avions un désir à exprimer, nous ferions remarquer,
que les savants qui composent la Commission de la Carte
des Gaules pourraient peut-être, par la grande et légitime
influence qu'ils possèdent, prier radmiuistralion de pres-
crire des recherches dans les diverses parties de la F'rance ; ils
parviendraient raj)idement, par les études comparatives qu'ils
seraient à même de faire, à prouver la raison d'être de ces
antiques excavations.
XL* SESSION, A ClIATEAUROUX. 181
vaux que de celui (jui a dû occasionner le transport, sou-
vent très-éloigué, des matériaux des monuments mcgali-
tiques si communs autrefois dans certaines contrées.
Nous annexons à- cet exposé une carte générale pré-
sentant la disposition des mardelles, des monuments méga-
liliqucs, dos tumulus, etc., et des voies romaines relevées
sur l'arrondissement d'Issoudun. Le calque que nous
avions dressé sur la carte du dépôt de la guerre était trop
grand pour y être joint; nous avons été obligé d'en
réduire les dimensions à celles d'une double feuille de
papier in-S", à l'échelle de i à 200,000. Il nous a été en
conséquence impossible de donner aux mardelles la posi-
tion qu'elles doivent avoir. Celles qui sont, sur le terrain,
très-rapprochées, semblent ici tout aussi éloignées que
celles qui ont entre elles une assez grande distance. Le
lieu précis en est donc complètement dénaturé; le nombre
seul, sur chaque commune, en est exact. Nous complé-
tons ces indications, par les plans et les nivellements, à
l'échelle de 0°',002 pour 1 mètre, de cinq mardelles, de
celles où nous avons rencontré des foyers en pien^es 7'ap-
portées; elles offrent des dispositions diverses, qui peuvent
se rattacher aux différentes formes sous lesquelles elles se
caractérisent le plus généralement.
M. Tarlier demande si les mardelles, par leur nature,
n'étaient pas plutôt des réservoirs d'eau que des habita-
tions? Et si elles étaient situées dans le voisinage des
cours d'eau.
M. de Salies demande si la nature des talus, au point
de vue stratigraphique, révèle un travail intentionnel, ou
si le travail est le résultat accidentel des éboulements. Le
fait ne semble pas avoir été complètement observé.
M. de Baye déclare qu'il a constaté dans la Marne, à
18-2
CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
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XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 183
proximité des gTottes qu'il a découvertes, des foyers qui
afrectcnt des formes analogues. Ainsi qu'il le fait observer,
il serait important de faire la comparaison des excavations
remarquées.
M. de Cessac confirme le sentiment exprimé par M. de
Baye, et déclare que, dans la Creuse, des foyers en forme
d'entonnoirs de 2 mètres de profondeur, contenant de la
cérami({uc celtique, tournée, mais mal cuite, se trouvaient
à l'ouverture de souterrains, à une distance de deux ou
trois mètres. ^
M. Hubert, archiviste, pour répondre à une observation
qui tendait à démontrer comme impossible l'usage des
mardelles pour habitations, fait un rapprochement ethno-
graphique qui établit qu'en Colombie de semblables exca-
vations servaient à abriter un grand nombre de familles.
Selon lui, la grande mardelle serait un groupe d'habita-
tions, et non pas une habitation unique.
La douzième question du programme, relative aux
inscriptions lapidaires, appartenant à ré])oque gallo-ro-
maine, est traitée par M. Buliot de Kersers, avec un
soin éclairé qui a été remarqué.
Recueil des inscriptions gallo-romaines, de
la 7" division archéologique : Cher, Indre,
Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Nièvre.
Notre siècle a compris, et c'est une de ses gloires, que
la connaissance de l'état social des peuples, de leurs
mœurs et de leurs usages, était aussi nécessaire et plus
efficace peut-être que celles des grandes batailles et des
184 CONGRÈS ARCIIEOLOGIQUE DE FRAisXE.
grandes révolutions apparentes, pour bien comprendre
l'enchaînement des faits historiques, en saisir la physio-
nomie vraie, en apprécier les enseignements utiles. C'est
ce sentiment qui a répandu et fortifié partout le goût des
sciences archéologiques.
On sait, notamment, combien l'étude attentive des
monuments épigraphiques amène chaque jour de préci-
sion dans la connaissance, de la civihsation gallo-romaine.
Cette branche de l'archéologie, puisant sa force dans des
monuments originaux et authentiques, est une source
toujours nouvelle et inaltérée de notions qui se complètent
et s'éclairent mutuellement.
Car, si chaque fragment, étudié dans son isolement,
fournit des renseignements précieux, tous ceux qui ont
abordé l'étude ou même la simple lecture des inscriptions
savent que ces monuments sont bien souvAit incomplets
et mutilés ; d'ailleurs ils se rapportent à des mœurs et à
des faits usuels qui sont loin de nous et peu connus. Ce
n'est souvent que par leur rapprochement avec des ana-
logues, que ces fragments prennent toute leur valeur et
atteignent, en quelque sorte, leur maximum de rende-
ment scientifique. Malheureusement les grands recueils
d'inscriptions édités jusqu'à ce jour remontent à des épo-
ques déjà éloignées, et ne font qu'une part insignifiante à
l'épigraphie française. Les publications nombreuses et
savantes qui se font sur tous les points de la France,
demeurent des tentatives isolées et difficiles à rapprocher
les unes des autres.
De toutes parts, on réclame un recueil complet des
inscriptions gallo-romaines de la France. Insister sur
l'utilité de ce recueil est chose superflue : on peut dire
que tous nous en avons senti le besoin. Des travaux
importants se préparent eu ce sens ; mais qui ne sait
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 185
qu'entre la préparation et l'exécution de semblables pro-
jets, il existe un abîme : cet abime qui trop souvent sépare
l'espérance de la réalité?
Il appartenait à la Société française d'Archéologie, qui
a rendu tant de services à la science nationale, d'aborder
cette tâche et de l'aborder dans des conditions qui en assu-
rassent la réalisation immédiate.
L'esprit si net, si éminemment pratique de notre zélé
et digne directeur, M. de Cougny, ne pouvait ajourner
cette œuvre, dont l'utilité avait déjà été sentie et indiquée
par son savant prédécesseur, dont il aime à suivre les
traces, le regretté M. de Caumont. Aussi n'avons-nous
pas été surpris lorsque nous avons vu l'importance atta-
chée par lui à l'étude de l'épigraphie romaine, dans le
programme du premier Congrès qu'il dirige.
Nous n'avons pas vu seulement dans son appel une
simple invitation à l'étude des monuments épigraphiques.
Nous avons pensé que c'était moins une œuvre momen-
tanée, spéciale, passagère, que voulait provoquer notre
honorable directeur, qu'un travail d'ensemble, un cata-
logue général des inscriptions romaines sur toute la sur-
lace de la France. Et si le hasard a voulu que notre région
tut la première à dresser son catalogue, nous savons qu'il
désire prendre successivement la même initiative dans les
diverses régions où la Société tiendra ses Congrès, de
façon à ce qu'après un certain nombre de sessions, les
catalogues régionaux forment un ensemble complet. Alors
la Fj'ance possédera et devra à la Société française le cata-
logue de ses épigraphes.
C'est ce travail d'ensemble que nous avons eu en vue.
C'est lui dont nous essayons aujourd'hui de poser la pre-
mière pierre, et c'est en ce sens que nous avons compris
la réponse à la douzième question du programme. C'est
186 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
vers ce but que nous avons dirigé la marche du travail
que nous allons vous soumettre, et c'est aussi parce qu'il
y a là un travail collectif plutôt que personnel, qu'il
importe d'exposer au Congrès les vues qui y sont adoptées.
D'ailleurs, une .lomenclature aussi complexe que celle-
ci ne peut espérer d'être absolument complète ; et, mal-
gré nos démarches et nos voyages d'une extrémité à
l'autre de la région, quelques monuments peuvent nous
avoir échappé. Les Congrès sont des occasions singuliè-
rement favorables pour contrôler les résultats obtenus.
Nous profitons de la présence ici des savants représen-
tants de toutes les parties de la région pour leur présenter
le produit de nos recherches. Nous comptons assez sur
leur bienveillance pour espérer d'eux les rectifications et
les additions qui rendront ce travail plus digne de notre
grande Société. En y joignant les inscriptions dont ils
peuvent avoir une connaissance personnelle et dont nous
leur réserverons l'honneur, ils en augmenteront la valeur
et l'autorité.
Nous ne nous dissimulons pas tout ce que présente de
fortuit la division territoriale que le programme nous
impose ; mais nous comprenons l'utilité d'une limite
géographique, bien nette, imposée au catalogue demandé.
Il s'agit moins, en efïet, aujourd'hui, de déterminer d'une
façon définitive les conséquences historiques que peuvent
avoir les découvertes épigraphiques, que de réunir, de
mettre à la portée des hommes d'étude, ces monuments
épars, mis au jour à des siècles de distance, rapportés
dans les ouvrages les plus divers ou disséminés dans des
collections éloignées.
Nous réduirons donc ce recueil à ce simple rôle de cata-
logue, le plus complet possible : nous y indiquerons sur-
tout les lieux de découvertes, les destinations actuelles et
XL" SESSION, A CIIATKAUROUX. 187
les circonstances propres à bien taire connaître les inscrip-
tions, leur âge, leur nature, leurs caractères. Nous nous
bornerons, comme interprétation, à donner celles déjà
fournies ou qui nous paraîtront les meilleures : quant
aux commentaires, nous savons trop ce qu'exige d'espace
la moindre discussion pour ne pas en être aussi sobre que
possible. D'ailleurs, si d'autres doivent nous suivre dans
cette voie, il faut que nous la fassions large, et que nous
nous dégagions autant que possible de tout esprit de
système.
De' même nous nous astreindrons à ne pas sortir des
limites géographiques assignées, ce serait faire double
emploi avec les catalogues ultérieurs, et nous lancer
d'ailleurs dans une carrière indéterminée. Puisque un
des principaux intérêts de ce travail lui viendra de ses
indications sur la provenance des inscriptions décrites,
c'est à elle que nous nous attacherons spécialement. Aussi
nous lui imposerons la division géographique moderne
des départements, qui facilitera les recherches et qui
d'ailleurs aura un mérite que nulle division antique ne
saurait espérer, c'est d'être indiscutable et précise.
Pour chaque département nous donnerons les inscrip-
tions dans l'ordre suivant :
1° Les inscriptions altariques ou votives ;
2" Les bornes milliaires ;
3" Les inscriptions se rattachant à des monuments
publics ;
4.° Les monuments funéraires païens ;
5° Les inscriptions chrétiennes ;
6° Les objets divers.
188 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
DEPARTEMENT DU CHER.
Le département du Cher qui, avec celui de l'Indre,
répond à peu près à l'ancien territoire des Bituriges Cubi,
faisait partie de la Gaule celtique. Il fut compris dans la
province d'Aquitaine, probablement par Auguste, et plus
tard sa capitale Avaricum devint la capitale de l'Aqui-
taine première.
Monuments votifs.
1. Inscription recueillie par M. Raynal dans une cave
de l'enceinte gallo-romaine :
PRO SALVTE
CAESARVM ET PR
MINERVAE ET DIVAE
DRUSILLAE SACRUM
IN PERPETVViM
C^GILEIVS PRIMVS
lîml VIR AVG CCR DS PD
PRO SALVTE CAESARVM ET ?opali Romani MINER-
VAE ET DIVAE DRVSILLAE SAGRVM IN PERPE-
TVVM C. AGILEIVS PRIMVS ^evir AYGustalis Curator
Civium [{omanorum \)e St/a Pecunia Dédit. Pour le salut
des Césars et du peuple Romain, consacré à perpétuité à
Minerve et à la divine hrusille. C . Agileius Primus Sévir
aurjustal^ curateur des citoyens romains, a donné de son
argent.
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 189
Nous avions d'abord pensé que sacrum avait là le
sens de sacrifice, mais il est plus conforme aux données
de l'épigraphie usuelle de voir là une formule de consé-
cration d'un monument. Nous avons là un vestige des
honneurs divins rendus à Drusille, sœur et peut-être
concubine de Caligula; par conséquent, c'est au temps
qui s'écoula entre sa mort, en 38 de J.-C, et celle de son
frère, en 41, que cette inscription a dû être tracée. Et
cette date donne un très-grand intérêt aux caractères
épigraphiques que nous allons signaler.
Les lignes sont droites, et les lettres nettement coupées,
mais sans rigidité. Plusieurs des hastes et des contours,,
notamment dans les G, les G, les M et les V, présentent
des flexions légères, élégantes et variées.
Nous remarquerons, à la première ligne, le V inter-
calé.
A la deuxième, V et M liés; E et T du mot et superposés;
un emprunt est fait, sur le bandeau de droite, pour faire
place à l'R final.
A la troisième ligne, les liaisons de V et d'A, d'E et
de T, enfin l'E final élevé. •
A la quatrième, V et M sont liés et plus petits.
A la sixième ligne, la liaison de M ef de V.
Ainsi, les lettres que nous rencontrons dans nos con-
trées, au milieu du i" siècle, sont minces de trait, à con-
tours variés, et n'ont pas cette rigidité que nous trouverons
plus tard. Une inscription remontant d'une façon certaine
à une date aussi élevée, est, du reste, une extrême rareté.
Nous devons à ce monument la connaissance d'un sévir
augustal, curateur ou censeur des citoyens romains, et
portant le prœnomen Caius, le gentilice Agileius et le
cognomen Primus , indices de la qualité de citoyen
romain. Si primus avait pour but d'indiquer la primauté
190 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
du sévir augustal, il serait, comme épithète rejeté après ce
mot (1).
L'inscription est gravée sur une plaque de pierre en-
cadrée d'un bandeau avec filet intérieur. Elle a 0"'M de
haut sur O^-iSo de large. Actuellement au musée de
Bourges. (Publiée par M. Louis Raynal, Histoire du Berry,
tome I, p. 79.)
2. Inscription donnée par La Thaumassière et Cathe-
rinot , d'après Clavier , secrétaire de l'Université de
Bourges, en ses Notes sur Perse, p. 114, comme trouvée
vers 1 600 à Maubranches :
FLAVIA GVBA
FIRMANI F
COSOSO DEO MARTI SVO
HOC SIGNVM
DICAVIT AVGVSTO.
Cette inscription est rapportée par Orelli (n" 1984),
comme indiquant par le mot Cososus soit le nom d'une
divinité locale, soit un surnom de Mars.
La lecture finale Augusto, qui avait surpris Scaliger (2),
est peut-être fautive. Le mot Cuba semble bien une épi-
thète locale. Du reste le monument ayant été détruit dès
sa découverte, tout contrôle est impossible et toute conjec-
ture hypothétique. (La Thaumassière. Hist. de Berry ^ 754.
— Catherinot, Antiquités romaines du Berry, p. 7. ^
Orelli, 1,984.)
3. Nous donnons, d'après de Caylus, les trois inscrip-
(1) Orelli-Henzen, 2.951, 7.1 li, 1.934, etc.
(2) La Thaumassière, Hist. de Berrij, p. 7o4.
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX, 191
lions suivantes découvertes à Alichamp, par M. Pajonnet,
prieur de cette localité au xviir siècle , aujourd'hui
perdues, et dont par conséquent tout contrôle est impos-
sible :
NVAV
MONIMEN
TUGARASSONI
CARTVIIII II VS.
^YminiAWgustl MONVMENTVm GARASSONI CARTV
[ni filivs ou fil xotum sol vit].
Nous remarquerons la négligence, I pour V dans moni-
mentum, et les caractères indécis de la fin. (De Caylus,
Recueil d'Antiquités, tome III, p. 376.)
4. NV MI BVS
AVGVSTORVM.
MONMIINTV DIG
ONIRONTI IIIVS
NVMIniBVS AVGVSTORVM MONVMENTVw DlCawîV
ONIRONTI ¥\Lius Yoturn ëolvit.
La finale i de Onironti serait-elle ici et dans l'in-
scription précédente la terminaison gauloise du génitif?
(De Caylus, Recueil d'Antiquités, p. 377.)
5. NVM AVG
VII NI X SVM
DSP.
NVMmî kNGusti [VENIX SUM] De Smo Vosuit.
La deuxième ligne semble fort douteuse. Ces trois mo-
numents sont du reste fort suspects. Le mot monumentum
ne se trouve guère en épigraphie qu'avec le sens de tom-
492 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
beau, et très-rarement avec celui A'antel ou de monument
votif. On peut y voir une trace de falsification (1).
G. M. Hazé a découvert l'inscription suivante à Drevant,
en 1834 :
NVM
ET DEO
I. CATIVS
GATUS
EXVO
TO PROS
ERTS
V S.
Cette inscription est complète au haut, à gauche et au
bas. Malgré la coupure apparente du mot voto à la cin-
quième ligne, qui tiendrait à la faire regarder aussi
comme complète à droite, il vaut mieux supposer que la
partie droite a été supprimée, et que les syllabes vo et to
ont appartenu à deux mots différents, EX VOfo recepTo.
La lecture en devient plus facile, et on peut supposer
une restitution comme celle-ci :
NVMme [AXQusti] ET DEO I. CATIVS CATVS...
EX V0[T0 RECEP]TO PRO S[e et li]BERTIS Yotum
?)olvit [LÎbens yierilo].
Les lettres douteuses sont les premières de la troisième
ligne, I ou L; de la quatrième, G ou 0 ; et de la sep-
tième, I, E ou B. La haste du T de la septième ligne
dépasse le dessus de la traverse de manière à indiquer
la liaison T L Les E ont leurs trois barres courtes et
(1) Observation de la comniission de Topograpliie des
Gaules.
• XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 103
égales comme dans l'écriture capitale des manuscrits.
Cette inscription est gravée sur un pilastre portant
plinthe au bas, et corniche à doucine au haut. Hauteur,
O""?? ; largeur, 0"15. Actuellement à Drevant, incrustée
dans un mur, au nord-est de l'école primaire. [Notices
pittoresques du Berry, par Hazé, pi. IV, fig. H .)
7. Sur une des stèles découvertes à Alleau, commune
de Baugy, en 1850, représentant le buste d'un per-
sonnage imberbe, enveloppé de bandelettes, on lit l'in-
scription :
NVM AVG...
SABINVS GNS SORINI.
La fin de la première ligne est douteuse, ainsi que l'N
de GNS, que MiM. Berry et Dumoutet ont lu II.
Nous proposons la lecture : W^Wnibus AYGustorum
SABINVS Œeius ou CESms. SABINI [fdius]. Faudrait-il
voir dans le sigle GNS une abréviation de CNOS, qui
parait avoir été un terme gaulois de filiation? Mais alors il
eût dû être après le génitif.
Toute cette lecture est fort douteuse. Du reste les mo-
numents d'Allean semblent pour la plupart être du
III'' siècle; de là peut-être la banalité absolue de la for-
mule.
Hauteur du monument, 0"75; largeur, 0"25. Actuel-
lement au musée de Bourges. [Mém. de la Commission
historique du Cher, tomel, p. l-i2 et pi. XVIII, fig. 1.)
8. Au culte des Gésars semble se rattacher une pierre
assez fruste aujourd'hui , encastrée dans le pied-droit
d'une barrière chez M. Auclerc, à Bruères, et déjà signalée
XL* SESSION. 13
494 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
par M. Raynal, d'après M. Méiitnée. Elle est grossière, et
la surface de la pierre n'a jamais été bien dressée, puisque
la partie inférieure de l'inscription est en retraite de I à
2 centimètres sur la partie supérieure. Voici ce qu'on en
peut déchiffrer :
HARA CAESARI
PERGENIV IMPERAÏ
..MILITIA.. N AGIE
..OiMINE .. 1ER..
Et deux autres lignes confuses, mal suivies et illisibles
au-dessous. On a tenté de voir dans Percenius une cor-
ruption du nom de l'usurpateur Pescenius Niger , qui
porta la pourpre pendant deux ans en Asie (193-195).
Nous croyons plus prudent de nous abstenir jusqu'à ce
qu'une rencontre analogue vienne nous fournir l'interpré-
tation. Hauteur, U^C?; largeur, 0"70. Actuellement à
Bruères, chez M. Auclerc, commune d'Alichamps. (Ray-
nal, I, p. 80, note.)
9. Nous regardons comme se rattachant au culte des
divinités locales l'inscription recueillie en 1687 dans les
fondements de l'enceinte gallo-romaine, lue et contrôlée
par Gatherinot et La Thaumassière ;
SOLIMARAE
SAGRVM.
AEDEM GVM SVIS
ORNAMENTIS
FIRMANA G. OBRIGII E
MATER.
D. S D.
Les deux premières ligues étaient en caractères plus
XL** SESSION, A CIIATEAUIIOUX. 195
grands que les iiutios. Les lettres étaient peintes de
cinabre. La lettre li, à la fin de la cinquième ligne, a été
lue F par Muratori et Orelli, et devient ainsi l'initiale du
mot flia. Mater devient alors un titre : mater sacrorum^
titre de la dignité sacerdotale dite matratm (Orelli, 1,491),
attachée au culte de Mithra, au commencement du
m" siècle.
On pourrait alors lire : SOLIMARAE SACRVM, AEDEM
CVM SVIS ORNAMENTIS FIRMANA C. OBRICII. Yilia
MATI^^R [mcrorum] De S?/o hedit. Et traduire : Consacré
à Solimara. Firmana, fille de C. Obricius, mère des
fonctions sacrées {?) a donné de son argent l'édifice avec
ses ornements.
Le nom de Solimara, attribué à une divinité locale, se
retrouve dans plusieurs localités de la Gaule, et son radi-
cal est reproduit par plusieurs monnaies que leur rareté
dans le Berry ne permet pas d'attribuer aux Bituriges.
Le nom Firmana se rapproche de Firmanus du n" 2.
(La Thaumassière, Bist. de Berry, p. 754. — Catherinot,
les Philippes de Berry, p. 1. — Raynal, t. I, p. 81. —
Muratori, 111, 1. — Orelli, 2,050.)
10. A un culte local inconnu paraît se rapporter la
belle et curieuse inscription découverte par Hazé à Drevant
en 1834.
DAAONVS D
T SABINI DIG
AL
Les caractères sont nets et appartiennent à la capitale
rustique, sans traits terminaux; les lettres ont 10 centi-
mètres de hauteur. La troisième lettre de la première
196 CONGRÈS ARCnÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ligne et la première de la troisième sont des A sans
traverse. Faut-il y voir des lambda grecs ou des V ren-
versés ?
L'inscription, complète à gauche, en haut et en bas,
semble l'être aussi à droite; cependant il ne serait pas
impossible que de ce côté elle eût subi une suppression.
Peut-on la lire : DALONVS De Testamento SABINI
DIGAyl?
Cette inscription, malgré toutes ces obscurités, est un
spécimen d'un haut intérêt, sinon historique, du moins
épigraphique.
Hauteur, 0'"40; longueur, 0°86. Actuellement incrus-
tée dans un mur au-dessus de la porte d'entrée d'une
maison attenant au bâtiment où est l'inscription, n° 6,
à Drevant. [Notices pittoresques du Berry, par Hazé, p. 4,
pi. IV, lig. 12.)
Colonnes milliaires.
11. Une colonne milliaire creusée en sarcophage et
utilisée comme sépulture fut découverte à Alichamps par
M. Pajonnet, prieur de cette localité, et communiquée par
lui à de Cayius, qui la publia. Elle est aujourd'hui
dressée sur un piédestal de quelques marches au centre de
la place publique de Bruères. Elle porte l'inscription :
..FELIGI. AVG TRIB P. COS III
P P PROCoS AVAR LXIIII
MEDI XII NERI XXV.
La partie supérieure manque, et les traces légères que
l'on peut en saisir sont iusulTisantes pour autoriser une
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 197
lecture. Les lettres que nous donnons sont bien fixées.
L'O de Procos, à la deuxième ligne, est petit et intercalé
dans le G.
De Caylus a conclu des indications des titres impé-
riaux, de l'épithctc felix, qui ne s'applique pas avant
Commode , et du troisième consulat , qui convient à
Alexandre ,;Sévère, que c'est à ce prince (221-335) que
devait être rapportée cette inscription, et en effet nous
trouvons une formule semblable, également au datif, dans
une inscription d'Alexandre Sévère (Gruter, MLXXVIII, 8).
Nous pouvons , sur ces données , restituer ainsi :
[mveratori cAES«n.... Marco avrelio severo alexandro
pio] FELIGI AVGms/o TRIBtmîVm Votestate. COnSuii tertio
Vatri Vatrix PROGOnSM/î AVAR/cwm Lengae XIIII
MEDlolanwn XII. NERiomugus Leugœ XXV. A l'empereur
César... Marc-Aurèle Alexandre Sévère, pieux, heureux,
Auguste, revêtu de la puissance tribunitienne, consul pour
la troisième fois, père de la patrie, proconsul. Avaricum à
quatorze lieues, Mediolanum à douze, Néris à vingt-cinq.
Des distances indiquées, celle d'Avaricum, à quatorze
lieues gauloises de 2,222 mètres, est exacte ; celle de
Néris, à vingt-cinq, est aussi à peu près satisfaisante ;
mais celle de Ghàteaumeillant concorde moins bien, car
les douze lieues de la borne sont insuffisantes. Faut-il
pour cela contester à Ghàteaumeillant l'attribution de
Mediolanum pour la reporter à Gulan, comme le propose
la Commission de Topographie des Gaules? Ce n'est point
ici le lieu d'entrer dans ces discussions, qui prouvent l'inté-
rêt que présentent les indications du milliaire d'Alichamps.
Une triple indication sur une borne itinéraire est, du
reste, une rareté.
Hauteur, 1™90; hauteur du fût, l'"30, du dé inférieur,
60 centimètres; largeur à la base, 58 centimètres, au
198 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sommet, 57 centimètres. Actuellement à Bruères. (De
Gaylus, Recueil d'Antiquités, page 371 et pi. 102, fig. 1.)
12. De Gaylus a dessiné une autre borne également
trouvée à Alichamps, à environ cent vingt-cinq pas de la
précédente, et dont il n'a pu déchiffrer que la dernière
ligne :
AVR. LXIII.
AVaR/cMm heugas XIII. Ce railliaire, aussi métamor-
phosé en bière, était évidemment celui qui lui faisait
suite du côté d'Avaricum. Nous remarquerons, du reste,
que ces monuments ayant été dénaturés et déplacés dès
l'antiquité , leurs déplacements successifs aux époques
modernes n'ont point d'importance.
Actuellement perdu. (De Gaylus, Recueil d'Antiquités,
tome m, p. 374, et pi. 102, fig. 2.)
13. Le troisième monument de cette série est le mil-
liaire découvert à Trouy au xviii^ siècle, et actuellement
au jardin de la Préfecture, à Bourges. Il présente une
partie cylindrique et une base cubique, dont les angles
ont été brisés. Il a été retaillé et évidé pour être converti
en cercueil. Voici ce qui reste de l'inscription qui a été
coupée et martelée à gauche :
VS MAXI
..FELIX AVG P. M. TR P III
..P.. GERMANIGVS MA
..VERVS MAXIMVS NO
..AES PRINGEPS
..VIAS ET PONTES VETVS
..SAS RESTITVERVNT
..XYini F L IIII.
XL° SESSION, A GHATEAUUOUX. 199
On peut voir par l'emplacement des angles du socle que
le milieu de la face antérieure et de l'inscription tombait
vers ri du mot felix. Les inscriptions analogues laissées
par Maximin dans le monde romain sont nombreuses. On
peut donc restituer et lire celle-ci avec l'abbé Bartliélemi,
qui la vit au xvni'" siècle.
mverator CAEsar mius ivlivs ver]VS MAXI
MINVS Pivs]FELIX KNCjustas Vontifex Maximus
[Tliiùunitia Potestate tertia
. . . Pater Patriœ] GERMANICVS MAximus
ET G. IVLIVS] VERVS MAXIMVS NO
BiLissiMVS cJAESar PRINCEPS
ivvENTUTis] VI AS ET PONTES VETVS
TATE coLLAP]SAS RESTITVERVNT
XVIIII Fines LIIII.
L'empereur César Caius Julius Verus Maximin, pieux,
heureux Auguste, souverain pontife, revêtu de la puis-
sance tribunitienne pour la troisième fois, père de la patrie ,
germanique, très-grand, et Caius Julius Maxime, très-
noble César, prince de la jeunesse, ont réparé les voies et
les ponts tombant de vétusté.
Une lecture attentive nous a amené à la substitution du
troisième consulat de Maximin (année 237) au second,
indiqué par l'abbé Barthélemi (année 236).
Les caractères de l'inscription ont environ 4 centimètres
de hauteur; leur forme est bonne. A la cinquième ligne,
une épaufrure de la pierre a nécessité le rejet insolite du
mot juventutis; à la septième ligne nous signalons la dé-
sinence sas au lieu de sos.
La dernière ligne est fort douteuse : l'F semble bien
l'initiale du mot Fines. Si on attribue cette appellation à
!200 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
la station de Fines, située à 61 lieues gauloises d'Avari-
cum, sur la voie de Poitiers à Bordeaux, il faudrait sup-
poser notre borne sur cette voie, à sept lieues gauloises
de Bourges, vers Saint-Florent ou le Subdray ; mais il
peut indiquer une autre station du même nom, et qu'on
peut placer à quatre lieues de la borne, en lisant : Yines
Leugœ IIII. Nous restons donc dans le doute.
La colonne a de hauteur l^SS, la partie cylindrique
■P^e, et l'empâtement inférieur 37 centimètres. La
largeur est à la base de 67 centimètres, et au sommet
56 centimètres, dans ses dimensions les moins altérées, et
39 sur le sens coupé et évidé. La matière est la pierre de
la Celle-Bruyère.
Jardin de la préfecture du Cher. (Raynal, d'après Bar-
thélemi, tome I, p. 96.)
Inscription se rattachant aux monuments publics.
\A. Même origine que la précédente.
GAVIAE QVIETAE
AEMILI AFRI U VIR
FILIAE
I BLAESI
BIT GVB.
OGVS.
Le commencement des trois dernières lignes manque.
L'R final de la deuxième est retourné, pour donner à sa
haste la valeur de l'I du génitif. Les lettres sont nettes,
droites et anguleuses, un peu lourdes, du W siècle.
XL" SESSION, A CHA.TEAUROUX. 201
Nous devons à M. Anatole de liarlhélemi et à M. le
général Creuly communication de l'opinion que cette in-
scription aurait eu pour but d'indiquer la place, à l'am-
phithéâtre de Bourges, de Cavia, qui était femme d'un
duumvir de Bourges et fille d'un Lucius Gavius, dont le
nom se retrouve à Narbonne. Cette opinion, qui concorde
avec la forme circulaire de la pierre, et qui parait des
mieux fondées, entraine la lecture:
GAVIAE QVIETATAE AEMILI AFRI IT VIRI wxom
FILIAE Lucii CAVi BLAESI civis (?) mTurigum GYBorum
LOGVS. Place de Cavia Quieta, épouse d'Emile Afer,
duumvir, fille de Lucius Gavius Blœsus, citoyen des
Bituriges Cubi.
La table de pierre où est gravée cette inscription est
concave dans le sens de la hauteur, ce qui prouve qu'elle
était incrustée dans un hémicycle. Elle a de hauteur
1"'42, et de largeur 1"°05. Le tableau où est gravée l'in-
scription est large de O^^So. Actuellement au musée lapi-
daire de Bourges.
Monuments funéraires privés.
15, A la tête de cette série se place la belle inscription
trouvée dans les fondements des tours romaines de l'espla-
nade Saint-Michel, vers 1853 :
M . . M....
AIITIONF
MAMERGI LVPI
FILIAE
MeMoriae AETIONI MAMERGI LVPI FILIAE. A la
mémoire, à Aétion, file de Mamercus Lupus. Le nom
202 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
propre Aetioni semble le datif à'Aetio. Ve y est représenté
par le double I; quelques dessins faits lors de la décou-
verte du monument, représentent le second I comme plus
long' que le premier, ce qui pourrait être l'indice d'une
prononciation longue.
Les lettres n'ont pas la rigidité que l'on assigne aux
époques reculées. Leur tracé, net et profond, s'évase à
l'approche des barres et des traverses, de manière à donner
une douceur singulière aux contours vus de près, et de
fins déliés joignent les lettres les unes aux autres; mais
comme nous savons par l'inscription de Drusille que dans
nos contrées l'emploi de ces courbes remonte très-haut,
nous croyons que la simplicité des dispositions, l'emploi
archaïque du double I, l'usage des points triangulaires
entre les mots accusent une grande antiquité, probable-
ment le i*"" siècle.
Le gentil ice Lupus a toute l'apparence d'un eognomen
ou surnom. Nous remarquerons ailleurs la même parti-
cularité.
Hauteur de la pierre, 0"33 ; longueur, O^QS. Actuel-
lement au musée lapidaire de Bourges. (Publiée par
M. de Laugardière dans VAbnanack du Cher. Pigelet,
185, p. 877.)
46. D M.
M. ADVITINIO
FRVENDO M PVD
ADVENTVS MIL.
LEG. XXXV. V. P. F.
ET PATAVINIA
ROMANA PAT
RES P. FIL. MEN
SlVi\] XL
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 203
Biis Manibus, Marco ADVITINIO FRVENDO Marciis
P\De7is ADVENTVS MILf's LEGionis trigesimœ \lpicV
\ictricis Pix Fidelis ET PATAVINIA ROMANA PATRES
Vostierimt FIL?o MENSIUM undecim. Aux dieux mânes,
à Mardis Advitinins , leur espérance , Marcus pudens
Adventus, soldat de la trentième légion ulpienne, victo-
rieuse, pieuse, fidèle, et Patavinia Romana, ses parents,
ont élevé ce monument à leur fils âgé de onze mois.
Cette inscription complète est gravée sur une stèle à
portique trouvée rue des Armuriers, n° 6, à Bourges, en
1868. Elle ne peut être antérieure au ii"" siècle, puisque
c'est seulement depuis Trajan que la trentième légion
reçut le surnom d'Ulpienne, ni beaucoup postérieure au
commencement du iii« , puisqu'à partir d'Alexandre
Sévère, cette légion paraît avoir ajouté à ses surnoms ceux
de Severiana et d'Alexandriana.
C'est la seule inscription qui nous fasse connaître un
militaire, et ce militaire porte le triple nom, comme
Agileius du n" 1. Les inscriptions précédentes nous ont
montré les plus importants personnages de la cité n'ayant
qu'un nom double. Peut-être le triple nom, jusqu'au
règne d'Adrien, doit-il être regardé comme l'indice de
l'origine romaine. Le surnom Adventus passe au fils avec
la l'orme diminutive Advitinius.
Signalons l'épithète touchante de Fruendo ; le nom de
la mère qui se retrouve en épigraphie sous la forme
Patabinia, et son cognomen Romana, qui peut être aussi
une indication d'origine.
La pierre a de hauteur 0'"60, et de largeur O^bS.
Actuellement au musée lapidaire. {Mémoires de la Société
française d'Archéologie, tome XXXII, p. 60. — Gravé,
Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, tome II.)
20 i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
17. D M.
ET MEMORIAE IVLIAE PAVLLINAE
TENAT MARTINVS CONIVGI AN L
Dus Manibus. ET MEMORIAE IVLIAE PAVLLINAE
TENATîMS MARTINVS CONIVGI ANnw quinquaginta.
Aux dieux mânes et à la mémoire de Julia Paullina^ son
épouse, âgée de cinquante ans, Tenatius Martinus.
Les deux premières lettres sont sur le fronton et les
deux autres lignes sur le bandeau circulaire d'une stèle à
à arcade, trouvée en 17<,)4. dans les fondations du sémi-
naire de Bourges. (Actuellement quartier d'Artillerie, rue
Notre-Dame-de-Sales.) Sous l'arcade est une statue de
femme en haut-relief, brûlant de l'encens sur un autel :
la coiffure de la femme indiquerait le ii" ou le m'' siècle ;
les noms propres semblent même plus récents.
La stèle a de hauteur i^-45, et de largeur O-^eO.
Transportée lors de la découverte au Collège des
Jésuites, à Paris, elle est actuellement au musée de Saint-
Germain-en-Laye, près Paris, dans le vestibule d'entrée,
n° 11. [Mém. de Trévoux, année 1704, p. 14134, art. cxxi,
du P. Chamaillard.)
18. Le couvercle d'une tombe en pierre, découverte en
1854, dans les ruines du prieuré du Petit-Saint- Martin,
commune de Meneton-Salon, portait une inscription, qui
a été lue :
ATRIANI
at van! fil
ani)1':garivs
ferox cvravit
ex testament
ATRIANI.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 2()r>
Cette pierre, remise par le propriétaire, M. Théophile
Pelle, à M. Just-Bernard, a été perdue. Nous n'avons pu
ni en contrôler la lecture ni en constater les apparences.
[Répertoire archéologique du diocèse de Bourges^ p. 171,
où elle est indiquée par erreur comme étant au musée de
Bourges.)
49. DM
MEMORIAE iMRÏ
LITTl OSSA VXOR.
A la fin de la deuxième ligne, un trait coupe la seconde
partie de l'M ; l'R a le trait supérieur prolongé à gauche,
de manière à former à la fois un R, un I et un T. Enfin
ri final est rejeté sur le bandeau à droite.
Bits Manibus MEiMORlAE MARITILITTI OSSA VXOR.
Aux dieux mânes, à la mémoire de son mari, [Littiossa) son
épouse.
Des traits profonds séparent les trois lignes de cette in-
scription gravée sous un bas-relief brisé représentant la
partie inférieure d'un buste d'homme qui tient un rouleau
dans sa main, gauche.
Faut-il voir dans Littiossa un nom singulier de femme
ou le décomposer pour voir dans Litti le nom du mari et
dans Ossa celui de l'épouse?
Cette stèle et les dix qui suivent ont été trouvées près
de l'ancien prieuré de Saint- Martin-des-Champs ou de
Brives, à Bourges, en 1864.
Hauteur, 0'"60 ; largeur, 0™32. Actuellement au musée
lapidaire. (Publiée par M. Boyer, Bévue archéologique,
1865, p. 392.)
200 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
20. D M ALVCNAE (?)
Dits Manibus ALVCNAE (?) Aux dieux mânes d'Alucna.
Cette épitaphe, d'uue lecture douteuse, est gravée sur le
bandeau supérieur d'une petite stèle présentant au som-
met un croissant, consécration à Diane, ou Hécate, la
déesse des Enfers; au milieu un autel. Rapprocher du
n" 34.
Hauteur, 0"?>4-; largeur, 0™30. Actuellement au musée
lapidaire. (Dessinée dans le 3^ vol. des Mémoires de la
Société des Antiquaires du Centre, avec la lecture : IVLA
LVCNA.)
21. DM ARTIANI...
On peut lire : \)iis Isianibus ARTIANI, ou mieux : Dus
MARTIANI ^lanibus, en supposant à la fin de la ligne un
autre M, dont il n'y a plus que l'emplacement épaufré.
Cette inscription est gravée sur le bandeau supérieur d'une
grande stèle, représentant un portique nu, à fronton
triangulaire.
Hauteur, i"25 ; longueur, O'^M). Actuellement au
musée lapidaire. (Publiée par M. Boyer, Revue archéolo-
gique de 18(53, p. 392, et lue par lui : D M AEMILIANI.)
22. D M
LIDIIRINA.
Dus Mane'^ws LIBERINA. Aux dieux mânes. Liberina.
Ces deux lignes sont inscrites au fronton d'une stèle à
portique avec fronton. La barre de l'L initiale de la seconde
ligne part du milieu de la haste en s'dbaissant vers la
droite. Le double I pour E se rencontre à toutes les
XL« SESSION, A CHATEAUROUX. 207
époques. Cette inscription et les suivantes nous \)iù-
scntcnt les dégénérescences variées et confuses de rulplia-
bet romain.
Longueur, 0"'i3; largeur, 0'"22. Actuellement au
musée de lîourges. (Publiée par M. Diunoutet, Mémoires
lus à la Sorbonne en 18G0. — Mém.. de la commission
historique du Cher, 2^ volume, p. 7, et pi. VI.)
23. D M
DOMNIIA.
Biis Maiiibus DOMNEA. Arix dieux mânes. Domnea.
Inscrite sur une stèle en parallélogramme avec fronton
et tableau indiqués par des refouillements. Emploi des
deux I pour E.
Hauteur, 0"'42; largeur, 0^2 1. [Mémoires lus à la Sor-
bonne en 1866. Dumoutet. — Commission historique du
Cher, t. II, p. 7, pi. VI.)
24. ... VEXORA AN XXV.
Vexora, âgée de 25 ans. Sur l'arcade d'une stèle repré-
sentant une personne drapée portant un rouleau de
papyrus.
Longueur, O^So; largeur O^^S. Actuellement au musée
de Bourges. {Com. hist. du Cher, W vol. p. 6 et pi. III.
25. ... M
SASOVNA
Sur une stèle à fronton triangulaire et à portique, où
est représenté un modius.
208 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Hauteur, 0"47 ; largeur, OHO. Actuellemeat au musée
(le Bourges. (/</., pi. V bis.)
26. D . .
VENE . .
Sur la partie gauche du bandeau d'une stèle dont la
partie droite manque.
Hauteur, 0"24; largeur, O^SS. Actuellement au nmsée
de Bourges, (/t?., p. 8.)
27. NER... MDO A... V
NER... MDO Annis V. Sur la corniche d'une stèle où
est représenté un enfant jeune encore.
Hauteur, 0^40; largeur, 0°>63. Musée de Bourges. {M.,
pi. Il bis. La stèle est dessinée, mais l'inscription n'est
pas signalée.)
28. LVCAN
0
D M.
A Lucain, aux dieux mânes. Gravée dans un cartouche
carré sur un petit cippe cylindrique d'un galbe élégant.
Trouvé dans les déblais du chemin de 1er près d'Archelet,
en 4847.
Hauteur, 0«'o4; largeur, 0"265. Musée de Bourges.
29. FAVSTVLA
Sur une stèle à portique trouvée dans les fondations du
pont d'Auron, en 4842. (Lect. com. par M. A. de Barthé-
lemi.)
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 209
La première lettre est douteuse ; un estampage nous a
donné la barre de l'L inclinée à droite, et visible quoique
fruste. Au pied de l'A est une sorte de trait vertical, rap-
pelant quelques formes archaïques de cette lettre (1).
Hauteur, 0™70 ; largeur, O^ai. Musée de Bourges.
30. D M ADVMEN
VS AN XII.
Diis Manibus ADVMENVS ANnfs duodecim. Aux dieux
mânes. Adumenus, douze ans.
Sur la frise d'une stèle. Hauteur, 0"57; largeur, O^aS.
Musée de Bourges.
31. MIIMO
PAVLL
AU
MEMOrm PAVLLAE. Sépulture de Paulla. Les L
affectent la même forme que dans le n° 22. Nous avons de
même l'emploi des deux I ou H pour E. La barre de l'H
est abaissée à droite. On sait qu'aux époques de décadence
le mot memoria prend le sens pur et simple de sépulture.
Nous rapprocherons les deux L de ceux de Paullina,
n° M.
Cette inscription est gravée sur une stèle rectangulaire
où sont dégagées des bandes simulant un tableau et un
fronton.
Hauteur, 0"o7; largeur, 0"20. Musée de Bourges.
32. GARINNIO (?)
'\) Dlct. des Antiquités grecques et rom., par Daremherg,
p. 21o, fig. 2:}s.
XL* SESSION. 14
510 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
luscrit sur le bandeau d'une stèle à portique et à fron-
ton triangulaire.
Hauteur, O^Go; largeur, O^SS. Musée de Bourges.
33. DM
GALLICO (?)
Inscrit sur l'archivolte d'une stèle à arcade.
Hauteur, 0"'75; largeur, 0"'37. Musée de Bourges.
34. D M
FERN (?)
m A.
Lecture très-douteuse; inscrite dans le tableau refouillé
d'une stèle à portique et à fronton triangulaire tronqué :
sur le fronton est un croissant et au bas un autel; em-
blèmes à rapprocher du n° 20.
Hauteur, O^SS; largeur, O^S^. Musée de Bourges.
35. D. M.
IIII ANE.
Caractères presque indéchiffrables, tracés au fond d'un
petit cartouche, fouillé dans une stèle à trois pointes.
Hauteur, O^'â ; largeur, O^Sâ. Musée de Bourges.
36. IIIR PHESII.
T COSSI
Inscrite dans le tableau d'une stèle à fronton triangu-
laire au-dessus d'une tète barbare vue de face.
Hauteur, 0"80; largeur, 0"'33. Musée de Bourges.
XI.'' SESSrOiN, A CriATEAUllOUX, 2H
37. U M.
MO... M... SI AN XXII.
Sur une stèle à arcade, représentant le buste d'un
homme jeune, trouvée dans une cave, rue du Vieux-
Poirier, et donnée au musée de Bourges, en 1873, par
son propriétaire, M. Vermeil. La partie inférieure est
brisée.
Les noms sont difficiles à restituer par suite de la des-
truction des lettres. On pourrait lire : Dits Manibua
MOnuMEN^mw CASSI ANms XXII. Aux dieux mânes.
Tombeau de Cassius, vingt-deux ans (I ) .
Hauteur, O^iS.; largeur, O^oS. Musée de Bourges.
38. Les inscriptions suivantes se trouvent sur les stèles
découvertes à AUéan, près de Baugy, en 1849 et 4850.
Elles sont généralement fort confuses. Elles ont déjà été
décrites et dessinées par MM. Berry et Dumoutet, dans les
Mémoires de la commission historique du Cher, t. I,
p. 134 et suivantes. Nous suivrons l'ordre indiqué par
ces Messieurs, et il sera facile d'y contrôler nos lectures
sans autres indications.
DIS MAN MEM SILVESTRI.
ï)iis MA^ibus MEMorm SILVESTRI. Aux dieux mânes.
Sépulture de Silvestre. Sur le bandeau demi-circulaire ou
arcade d'une stèle présentant le buste d'un personnage
tenant des deux mains un voile ou mappa. M. Duliége
[Congrès archéologique de France, 1869, p. 65) voit dans
ce personnage un éditor ludorum se préparant à donner le
signal des courses : il propose la lecture finale SILiï
VESTRI, mots qu'il place dans la bouche du mort.
(1) Rt'Bliliilidii (lue à MM. de Barlliélemi et Creuly.
212 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
39. m MA
GANT
NAM
MI
Inscrite sur le fronton d'une haute stèle nue.
40. DM MEMORÏA lALIINE SVA VIIONIS BG A XXV.
Inscrite sur le bandeau d'une stèle à portique et à fron-
ton très-bas, où se trouve un croissant. La stèle représente
le buste d'une femme avec les cheveux en rouleaux. La
lecture en est difficile et confuse. Nous ne serions pas
éloigné d'y voir la reproduction barbare d'une formule
comme la suivante. Dus Uanibus MEMORIA ALENE
SUAE VXORIS BG (2j (pour Bixit ou Vixit) Annis XXV.
Aux dieux mânes. A la mémoire d'Ialène, son épouse, gui
vécut vingt-cinq ans. La forme bixit se trouve sur des
monuments chrétiens (1). Musée de Bourges.
Ai. MiyPVLE[D?]
Peut-être LVPVLAE.
Inscrite sur le bandeau d'une stèle à fronton représen-
tant un personnage tenant un style. Musée de Bourges.
42. DIS MANI
M GANDI
G. G. AN VX.
Stèle à fronton et portique, avec buste d'un personnage
(1) SVAVKIONIS Bituriffis Cubi; suaveio, analogue par le
radical à suadiu/enus. (De Barthéleini et général Creuly.)
(2) Gruter. MLV. 5. MLVI. 7. et passim.
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 213
barbu ; la troisième ligne est d'une lecture difficile. Musée
de Bourges.
-43. D. MAN. M. PRISCINI ou MARIISCINI.
Diis MkNibus Mei PRISCINI in MARESGINI. Stèle à
fronton où est une tcte radiée de face sur un bige : le
soleil? Nous avons un petit bronze de Probus qui a un
revers analogue. Sur le tableau est un homme tenant un
enfant. Musée de Bourges.
44. MEMORIA IMOARDS DIS MANIBUS.
Sur le bandeau demi-circulaire d'une stèle à portique
où étaient les figures d'un homme et d'une femme. (Tra-
vail de M. Berry, p. 438 et pi. XII.) Nous ignorons sa
destinée.
45. PRISGVS SAM MI.
Sur le fronton d'une stèle, où est représenté le buste
d'un personnage tenant une llûte, suivant les uns, un
style et un tableau à écrire, suivant M. Duliége, qui pro-
pose la lecture ingénieuse, mais un peu hypothétique :
PRISGUS Scriba AMmanensis MUitaris.
C'est dans ce tombeau qu'a été trouvée une bague, dont
la pierre, gravée en creux, donne une tête de profil à
droite, portant un diadème analogue à celui des impéra-
trices du iir siècle. Cette indication, avec celle du n° 43,
nous paraît précieuse pour fixer au milieu du m* siècle
l'âge approximatif de ces sépultures.
Actuellement chez M. Martinet de la Métairie, à Chà-
teauroux.
214 CONGRÈS AKCllÉOLOGIQUE DE FRANCE.
46. ...VILOI...
47. IIRI AUNI
48. R IH
PIRVII.
Ces épigraphes, de lecture douteuse, sont sur des stèles
diverses du musée de Bourges,
49. MEO ALOSIOCO
Sur le chapiteau du pilastre gauche et le fronton demi-
circulaire d'une petite stèle, représentant le buste d'un
enfant tenant de sa main gauche un oiseau, que de la
main droite il invite à becqueter. A mon Alosiocus, for-
mule aJïectueuse du père ou de la mère. Musée de
Bourges.
Ici s'arrête la série des stèles épigraphiques découvertes
à Alléan, plus intéressantes pour leurs sculptures que
pour leurs inscriptions, généralement confuses et presque
barbares. Si l'on place, comme nous croyons devoir le
faire, quelques-uns de ces monuments au milieu du
III* siècle, ils nous donnent des indications utiles sur
l'état de l'épigraphie et de la sculpture à cette époque
d'une décadence déjà avancée.
50. Chez M"'= la i)aronne Duqucsne, à Arnaise (Cher),
l'ancien Ernodurum, des fouille.-:, dirigées par M. Du-
moutet, ont mis au jour plusieurs stèles à inscriptions.
...VINIOLA.
XL" SESSION, A CUATEAUROUX. 215
Sur une stèle à portique, d'une barbarie extrême,
représentant une femme.
Hauteur, l"" 10; largeur, 0" 68. Actuellement chez
M""' la baronne Duquesne, à Issoudun.
(Mémoires lus à la Sorbonne en 1866.)
51. RI MANIRII VMBRA.
Ombre de ... Manirius, formule très-rare. Sur le ban-
deau d'une stèle à portique tracé par des bandeaux et
surmonté d'un fronton à deux ailes. Hauteur, O™ 59; lar-
geur, 0" 65. Mêmes destination et publication que le pré-
cédent.
52. ...VIRÏI MEMORÏA.
Sur une stèle, représentant un édicule à deux refouille-
ments aveugles. (Publiée par M. Dumoutet. Nous n'avons
pu la retrouver.)
53. CALEPA.
Inscription verticale sur le tableau d'une petite stèle.
Hauteur, 0"" 62; largeur, O"" 35. Actuellement chez M""" la
baronne Duquesne. (Publiée par M. Dumoutet, avec la
lecture cal fa.)
54. N G M
LEGIT MIO MIIIDDIE
La première ligne sur le fronton et la deuxième sur la
frise d'une stèle, représentant un personnage barbare vu
(le face. Trouvée près de la butte d'Archelet et encadrée
dans le pignon d'une maison à l'est de la route de Paris.
216 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
55. MAS PII.
MASPE. Gravé à la pointe et au trait en sortes de capi-
tales rustiques sur le plat d'un moellon brut au-dessus
d'une tète barbare vue de face. La pierre a aujourd'hui
0"" 21 de large, sur 0"° 20 de haut. Sa hauteur était de
Qm 45 à O" 50 lorsqu'elle fut trouvée par M. deLachaussée
au camp de César ou Vallum du château, près Bourges,
en 1856.
Actuellement chez M. de Laugardière, à qui nous
devons ces détails.
Sépultures chrétiennes.
56. HIC RE
QVIESGIT
LVNIDIA.
Cette inscription, dont les lignes sont séparées par des
traits, est en caractères romains très-inégaux et altérés;
La barre de l'A est infléchie au milieu. Ici repose Lunidia.
C'est la formule la plus simple et la plus usuelle des
sépultures chrétiennes. Elle est gravée sur une stèle
mince, au-dessus est une croix patléc dans un cercle.
Toute la stèle est entourée d'une bordure de deux traits
parallèles.
Hauteur, 0" 63 ; largeur, 0"" 40. Trouvée au cimetière
de Saint-Martin-des-Champs, à Bourges. Actuellement
au musée lapidaire.
[Revue archéologique, 1865, p. 392. Communication de
M. Boyer. — Bulletin monumental de M. de Caumont,
1869, p. 682.)
XL" SESSION, A (JIIATEAUROUX. 217
57. HIC RH
PVIESCIT
BADAR
PVS.
On. peut lire HIC REQVIESCIT BADARPVS. Ici
repose Badarpus. On trouve des altérations plus graves
que dans la précédente : à la première ligne, H pour E,
à la deuxième, l' pour Q. Le nom avait été lu par
M. Boyer • Pudarius, et par M. de Caumont : Budarpus.
Comme la précédente, cette inscription est sur le bas
d'une stèle plate et haute, encadrée d'un double trait et
portant au sommet des vestiges de croix grecque pattée,
tracée au trait et coupée par un trait diagonal de droite à
gauche.
Hauteur, 0"" 80; largeur, 0™ 48. Actuellement au musée
lapidaire.
[Revue archéologique, p. 392. M. Boyer. — Bidletin
monumental, 1869, p. 682.)
58. HIC ...VIISCIT
BONE MEMORIE
MEROFLIDIS
HIC REQVIESCIT BONAE MEMORIAE MEROFLIDIS.
Ici repose Méroflide de bonne mémoire.
Ce fragment, trouvé au même lieu, nous présente la
forme requiiscit pour requiescit, des 0 en losanges, la
forme E pour AE au génitif. La lecture de la dernière
ligne est difficile et douteuse. La cinquième lettre F a sa
barre supérieure prolongée à gauche comme un T, la
huitième parait un delta grec mal formé et se relie à l'i
qui la suit.
On sait qu'une des femmes de Caribert, roi de Paris,
218 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE Fl\ANCE.
(561-567) se nommait Méroflède. Nous aurions donc
ainsi une date approximative de l'emploi de ce nom, et
par conséquent de cette stèle, vers la fm du vi'= siècle.
Actuellement au musée de Bourges.
59. ...DEPOSIT...
Rappelons que de Caylus a lu, sur un fragment trouvé
à Alichamps, ce mot d'apparence funéraire chrétienne.
[Recueil d'antiquités, t. III, p. 177.)
Nous écartons de ce catalogue les belles et intéressantes
inscriptions trouvées dans la chapelle de Saint-Martin-
des-Champset au faubourg du château. Elles sont certai-
nement postérieures à la chute de la domination romaine
dans la Gaule. Quelques-unes semblent mérovingiennes,
la plupart carlovingiennes. On les trouvera dans le qua-
trième volume de la Société des Antiquaires du Centre,
page 166 et suivantes.
De même, nous croyons inutile d'y faire figurer quel-
ques fragments qui ne présentent que des lettres éparses.
Fragments divers.
60. MAGVSO.
Gravé à la pointe sans traits terminaux sur un vase
romain, en poterie noire, recueilli par M. Alfred de
Lachaussée dans les fouilles du champ de foire (cime-
tière romain d'Avaricum) vers 1848.
On pourrait voir dans ce mot au datif la trace d'un
culte local rendu à la divinité Macusus, assimilée à Her-
XL* SESSION, A CilATEAUROUX. 2i9
cule. On trouve l'épithète Herculi Macusano dans d'autres
inscriptions. (Orelli, 2,004 et 2,005.)
Collection de la famille Lachaussée.
61. Sur un vase funéraire en terre noire, trouvé aussi
par M. de Lachaussée, au champ de foire, à la même
époque, on lit l'inscription suivante autour du col :
CRONOPIIIIS.... AT MVLTIS ANNIS.
Les lettres de la première partie sont grasses, c'est-à-
dire épaisses, formées de deux traits dont l'intervalle est
rempli par des hachures transversales. Les deux derniers
mots sont tracés au trait simple.
La finale du premier mot est très-confuse ; une ébré-
chure du vase supprime la partie moyenne; la syllabe ai
semble bien la terminaison de vivat ou requiescat. Faut-il
lire : GRONOPILES vivAT MVLTIS ANNIS : Que Crono-
pile vive de nombreuses années. Cette allusion à une autre
vie, cette formule a une apparence chrétienne, et comme
l'ustion est une coutume funéraire des premiers siècles, on
pourrait regarder ce vase comme un des vestiges les plus
reculés du christianisme dans nos contrées. Collection de
la famille Lachaussée.
62. Aux mêmes lieux et à la même date, M. le baron
de Girardot a recueilli un vase portant autour du col une
inscription tracée en spirale, déjà devenue célèbre par les
commentaires auxquels elle a donné lieu. On semble
d'accord aujourd'hui pour la lire :
BVSGILLA SOSIO LEGASIT IN ALEXIE MAGALV.
Quelques savants ont cherche à y trouver une phrase
220 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
latine, mais l'opinion généralement admise aujourd'hui
est d'y voir un spécimen de langue celtique ou gauloise,
peut-être même de l'idiome biturige, et de lire : Buscilla
sosio legasit in Alexie Magalu, et de traduire par Buscilla
(nom propre) envoie ceci à Magalu (nom propre) dans
Alexie (nom de localité).
Nous n'avons pas ici la place de résumer, même som-
mairement, les savantes discussions qu'a motivées cette
épigraphe. Nous signalerons seulement, parmi les nom-
breux mémoires où on les trouvera, un article de M. de
Longpérier, Revue arch. 1849, t. VI, p. 554.; — Éloi Johan-
neau, mèiweRevue^ 1850; — Lenormant, 1870; — Morin,
Monuments des anciens idiomes gaulois^ 1861, p. 71; —
Frœhner, Revue arch., 1866; — Pictet, ïrf.,1867. Nouvel
essai sur les inscriptions gauloises; — DeBelloguet, Ethno-
génie gauloise. Paris, 1872, p. 311. CollectiondeM.de
Girardot, à Nantes.
63. A Chezelles, commune de la Guerche, au milieu
de débris de sculptures romaines, M. Roubet, juge de
paix, vice-président de la Société Nivernaise, et membre
de la Société française d'Archéologie, a recueilli un frag-
ment de moulure, sur le revers duquel étaient tracés en
creux quelques sillons confus, à fond arrondi. M. Roubet
propose la lecture très-douteuse :
IDALLVS.
[Épigraphie historiale du canton de la Guerche, par
Louis Roubet. Nevers, 1873.) Collection de M. Roubet, à la
Guerche.
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 22i
64. FLOR..
IVLILI...
BALINI
Fï.
Inscrit en quatre lignes sur un Fragment de mosaïque
venant, paraît-il , d'une villa romaine , près d'Herry ,
canton de Sancergues (Renseignements communiqués par
M. Daniel Mater). L'inscription est complète en haut, à
gauche et au bas, mais la partie droite est tronquée.
Faut-il restituer : FLORianus IVLI Ubertus BALINI
(forme connue pour Balnei) ornamentum FeciT2
Actuellement au musée de Bourges.
65. DEO MERGVRIO.
Inscrit sur une plaque de bronze, trouvée au faubourg
d'Auron (?) {Répertoire archéologique du comité diocésain,
p. 28.)
Nous ne faisons pas figurer dans ce catalogue le mot
BOLETARI, signalé par de Caylus comme estampé sur
l'anse d'un vase trouvé à Alichamps. Les estampages sur
poterie, comme les noms de potier, n'ont pas une origine
certainement locale, et pour ce motif nous semblent devoir
être éliminés.
Pour une cause tout autre, nous n'introduisons pas
non plus ici les inscriptions découvertes depuis une
vingtaine d'années au lieu de Villatte, à 3 kilomètres sud-
est de Neuvy-sur-Barangeon, dans des ruines romaines
importantes. Ces monuments ont amené des discussions
assez vives, mais MM. Renier et Egger ayant affirmé leur
fausseté, comme présentant des caractères usités à plu-
sieurs siècles de distance et comme étant en dehors de
î>2'2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
toutes les données usuelles de l'épigraphie, leur authenti-
cité a peu de soutiens.
Depuis, on a trouvé au même lieu d'énormes blocs
de pierre, en grès très-friable, portant des caractères
d'apparence phénicienne : mêmes doutes que pour les
autres.
Du reste, si certains indices semblent placer à la fin du
xviii" siècle la fabrication de ces graffiti, ce problème n'en
demeure pas moins trop complexe pour que nous tentions
d'en exposer ici les données, et nous nous bornons à en
signaler l'énigme.
INDRE.
Le département de l'Indre, qui fait encore partie du
diocèse de Bourges, était autrefois compris dans le pays
des Bituriges Cubi. 11 était traversé par la grande voie
romaine de Bordeaux à Lyon par Poitiers et Avaricum, et
par plusieurs autres.
Inscriptions votives.
1. Lorsqu'on déblaya le petit oratoire situé au pied de
la tour blanche d'Issouduii, on trouva parmi les matériaux
employés à la construction de cet édifice plusieurs pierres
sculptées : une d'elles portait un fragment d'inscription
latine. Elle fut examinée, dessinée et lue par M. Pérémé,
qui la publia dans ses Recherches historiques sur Issoudun.
Elle a disparu aussitôt découverte, de sorte que nous ne
la connaissons que par son dessin et la lecture qu'il en a
donnée :
XL'" SESSION, A CIIATHAUUOUX. 223
...M.NE...
..M. ET DE...
..VSIBVS C.
.VNESSIVM..
..RVM GIRC.
..OKNAMEN..
.1 DEDIT GAL.
Il résulte du dessin et de la description que la partie
droite et la partie gauche manquaient. La restitution
nous semble extrêmement difficile et périlleuse, surtout
en l'absence du monument original. La terminaison
unes&ium est-elle celle du mot exoldunensium ? Les lettres
cire indiquent-elles l'existence d'un cirque, ou faut-il
voir murum circum ? Tout cela est fort hypothétique.
Nous conclurons seulement de l'examen de ce frag-
ment que l'irrégularité des lignes et des lettres semble le
placer au plus tôt au commencement du m'' siècle que
par sa longueur et son importance, par le mot ornamentis
qui s'y trouve, par sa formule finale, il prouve qu'en ce
lieu a existé un monument civil ou plutôt sacré, objet
d'une libéralité de la part d'un habitant se nommant pro-
bablement Gallus. Ces indications, qui concordent avec la
découverte d'autres pierres sculptées romaines dans le
voisinage, ont un intérêt sérieux pour le passé d'Issoudun
à l'époque romaine. (Pérémé, Recherches archéologiques
sur Issoudun, p. 34.)
2. Des fouilles faites par M. le curé de Déols, en 1861,
ont découvert à gauche et au nord du chœur de l'église
paroissiale de Déols, dans un caveau effondré, des débris
de sarcophages qui paraissent identiques avec ceux déjà
224- CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
VUS par La Thaumassière en 1867 (l). Un de ces sarco-
phages, réduit à l'état de fragments, a été restitué; d'autres
plus petits étaient autour de lui.
Un de ces derniers, intact, paraît-il, portant un frag-
ment d'inscription, est encastré dans le mur du caveau.
La face apparente, la seule que nous ayons pu étudier,
présente la partie inférieure d'un cartouche encadré d'un
bandeau à filet, et où sont deux lignes d'une inscription
en capitales romaines. Les lettres de la première ligne sont
coupées par le bout :
POL PATERNVS
SABINI FIL
Une ou plusieurs lignes ont pu exister au-dessus,
portant soit les lettres D M, soit une formule funéraire. On
peut lire celles qui restent : POLlion ou FOLlus PATER-
NVS SABINI FILms. Poilus Paternus, fils de Sabinus.
La seule lettre douteuse est la sixième de la première
ligne; on a pu la lire I, puisque la partie supérieure
manque; il nous parait plus naturel d'y voir un T.
Nous n'hésitons pas à proposer la coupure abréviative
après la syllabe Pol, bien qu'il y manque le point abré-
viatif ; nous voyons souvent des exemples de cet oubli. Les
prénoms Pollio et Poilus sont connus en épigraphie gallo-
romaine (2).
(1) Ce caveau fait face à cehii où est le tombeau en marbre
de saint Liidre. Pour ce dernier, M. de Cougny ayant constaté
que celle partie de l'église, bâtie avec chaînes de briques peut
remonter au vi« siècle, on peut affirmer l'identité de ce tom-
beau avec celui qu'a connu et décrit Grégoire de Tours.
[t) Inscriptions anliques de Lyon. Alph. Boissieu, p. 19:}
et 518.
XL* SESSION, A llllATEAUROU.V. 22.%
La forme ondulée des barres inférieures des L nous
paraît indiquer la fin du i*^"" siècle ; le bon style des formes
et la simplicité des dispositions indiquent aussi une époque
élevée : il est évident, par la mutilation supérieure de
la pierre, que l'emploi comme cercueil n'a pas été son
premier état, puisque le cartouche n'est plus entier.
Nous avons donc là l'utilisation, pour la fabrication
d'un cercueil, d'une pierre funéraire païenne. C'est ce
second emploi qui peut parfaitement concorder avec
rétablissement du christianisme dans le Berry au
III* siècle , et avec l'inhumation traditionnelle de la
famille Léocade dans ce caveau. Ainsi tombe la discor-
dance saisissante à première vue de ce fragment d'in-
scription funéraire païenne d^un adulte et du i*^"" siècle,
sur une inhumation d'enfant.
Hauteur de la pierre, O^âB ; longueur, O'^SS. Actuelle-
ment incrustée dans la paroi septentrionale du caveau
nord de l'église paroissiale de Déols.
3. Sur la base d'un fragment de stèle, trouvé dans la
tranchée du chemin de fer, près de Saint-Marcel et d'Ar-
genton, on voit les pieds d'un personnage de face, dont la
partie supérieure manque. Au-dessus, sur un bandeau,
entre deux traits horizontaux, est l'inscription :
BLADAMI FIL.
Un point triangulaire existe avant fil. Les L ont la tra-
verse inférieure formée d'une sorte de point triangulaire,
légèrement relevé à droite, et de forme peu commune.
Comme la partie supérieure manque, on est forcé d'y
supposer le nom du défunt, dont nous n'avons ici que la
filiation.
XL^ SESSION. ■i'^>
226 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Hauteur, 0"43 ; largeur, 0'"40. Actuellement dans la
cour du musée de Châteauroux.
4. M. l'abbé Voisin, curé de Douadic, près du Blanc, a
communiqué au Congrès de Châteauroux la découverte
de l'épigraphe suivante, qui emprunte un intérêt spécial à
la singularité du monument qui la porte.
Sur la rive gauche de la Creuse, commune de Sau-
zelles, en face du village de Bénavent, on voit encore
aujourd'hui un pan de rocher, taillé à pic sur une
longueur de >oO et une hauteur d'environ 3 mètres. La
partie inférieure de cette surface présente une arcature
formée de quatre pilastres soutenant trois arcades, sous
lesquelles sont gravés en bas-relief trois personnages en
pied. Sous l'arcade du milieu, un homme portant un
chien; une femme sous celle de droite, et une autre
femme sous celle de gauche.
Au-dessus, un tableau, sorte de frise, qui parait avoir
été surmonté d'une doucine et qui a environ 1 mètre
de long sur O'^SO à O-^GO de hauteur, porte des traces d'in-
scription.
Ces traces, relevées avec le plus grand soin par M. l'abbé
Voisin, ont donné la lecture suivante :
DIS MANIB
MONIMENTVM
. . .VSORI...
. . .ET MEF (?)...
. . INNFOVETV (?)
La troisième ligne est incomplète; la quatrième et la
cinquième sont d'une lecture extrêmement douteuse.
Nous n'essayerons pas une restitution qui serait fort
périlleuse, et nous nous bornerons à constater que les
XL« SESSION, A GHATEAUROUX. 227
premières lignes semblent d'assez bon style, mais (|ue
diverses négligences paraissent accuser une décadence déjà
prononcée.
Ainsi la forme monimentum pour monumentum, les
traverses abaissées à droite de la dernière ligne, et qui
appartiennent soit à des N soit à des H, peut-être avec la
valeur de Vêta grec et le son e, semblent indiquer le
111° siècle. Il en est de même de la forme usori, qui nous
paraît là pour uxori.
Voir dans usori la finale du datif Lusori, et rapporter
ainsi ce monument à un homonyme du saint Ludre de Gré-
goire de Tours, nous paraît plus séduisant que fondé et,
repoussant cette hypothèse trop gratuite, nous nous con-
tenterons devoir dans ce qui nous reste de cette inscription
la trace certaine d'une inscription funéraire païenne, très-
probablement du commencement du iii*^ siècle, et nous
donnant ainsi la date approximative des sculptures très-
curieuses qui l'accompagnent. C'est, croyons-nous, un
monument unique dans son genre au centre de la France,
et très-rare partout.
.^>. La Thaumassière rapporte (1. VIÏ, chap. xli de son
Histoire de Berry) que vers 1620, on trouva à Levroux
une lame de cuivre sur laquelle se lisaient ces mots :
FLAVIA CVBA FIRMIANI FILIA GOLOSSO DEO
MARTI SVO HOC SIGNVM FEGIT AVGVSTO.
On voit que cette inscription est presque analogue, sauf
firmiani pour firmani, et colosso pour cososo, à celle
donnée aussi par La Thaumassière, comme trouvée à
Maubranche, vers 1600. (Voy. supra. Dép. du Gher, n" 2.)
Cette dernière inscription ayant été perdue, comme la pre-
mière, leur similitude est si extraordinaire, plusieurs
'228 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
points de la lecture donnée si peu admissibles et si peu
contrôlés, que nous nous abstiendrons de toute réflexion
sur ce monument, que nous ne donnons qu'à titre d'indi-
cation, et qui ne nous paraît mériter aucune confiance.
INDRE-ET-LOIRE.
Ce département, qui correspond à peu près à l'ancien
territoire de la cité des Turons, dans la Gaule celtique,
fut d'abord compris dans la deuxième lyonnaise. Il eut
pour ville principale Tours, Cœsarodunum , qui prit
ensuite le nom de la cité, et devint capitale de la troi-
sième lyonnaise, lorsque celle-ci fut formée au iv* siècle.
Monuments votifs.
4. Chalmel, dans son Histoire de la Touraine {\), rap-
porte, page 68, que plusieurs inscriptions auraient été
découvertes, en 1658, dans les fondements des murs de la
ville de Tours, qu'on démolissait pour la construction
d'un nouveau palais archiépiscopal. Parmi ces inscrip-
tions, dit-il, on remarquait celle-ci, écrite en grosses
lettres, gravées sur une pierre de 4 pieds de long :
IMP. CAESARI DIVI. TRAIANI PARTHICI FI
LIO DIVI. NERVAE NEPOTI TRAIANO
HADRIAN. AVG. PONTIFIGI ûiAX. TRIB.
POT. GOSS III (2).
(1) Manie, Tours, 1828.
(2) Probablement COS.
XL" SESSION, A GI1A.TEAUR0UX. 229
mPernfori CAESAlil DIVl TRAIANI PARTHICl FILIO
DIVI NERVAE NEPOTI TRAIANO HADRIANO AYgusto
PONTIFICI MAXimo TRmunitia VOTcstate GOsSw/i III.
A l'empereur César Hadrien Trajan Auguste, fils du
divin Trajan le parthique, petit-fils du divin Nerva, sou-
verain poîitife, revêtu de la puissance tribunitienne , consul
pour la troisième fois.
Cette inscription, dont nous ne connaissons pas les dis-
positions, parait incomplète. Les mots y sont au datif, et
ce régime indirect semble déterminé par un verbe
exprimé ou sous-entendu et un sujet au nominatif.
Elle ne porte qu'une indication chronologique, celle du
troisième consulat d'Adrien, qui dura de l'an 119 jusqu'à
sa mort : c'est donc entre ces deux époques extrêmes
qu'elle se place. Comme nous voyons, parce que ditChal-
mel, qu'elle fut trouvée dans les fondations des murs de
l'archevêché, nous sommes porté à la rapprocher des deux
fragments suivants, dont l'apparence épigraphique in-
dique la même époque. Nous pencherions même à la
compléter par la pierre que nous allons décrire et qui
présente justement ce sujet de phrase que nous cherchions
tout à l'heure.
Actuellement perdue.
(Ghalmel, Histoire de Touraine.)
2. CIVITAS TV. . .
LIBERA.
Fragment d'inscription gravé sur une pierre incrustée
à l'envers dans les fondements du mur romain à l'arche-
vêché, et dont un très-bon moulage existe au musée de
Tours. Les lettres paraissent du commencement du
II" siècle, elles ont de hauteur 0" 07. L'inscription est
230 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
complète à gauche et en bas, incomplète à droite et proba-
blement au-dessus.
Il est facile de lire : CIVITAS TVronorvm LIBERA. La
cité libre des Turons, et il nous semblerait tout naturel de
rapprocher ce fragment du numéro ci-dessus. On aurait
alors une inscription en l'honneur d'Adrien.
Actuellement incrustée dans le mur gallo-romam, au
palais de l'archevêché, à Tours.
(Ghalmel, Histoire de Touraine, I, 68.)
3. Au même lieu est l'inscription suivante :
. . .SI NEPOTI
. . .A CIVITAS TV
. . .NI RONOR LIE
...VI
...RA
Ainsi qu'on le voit, la pierre porte deux fragments
d'inscriptions.
Le principal, celui de droite, est complet à gauche et au
bas, probablement aussi à droite, incomplet par le haut.
Les caractères, de même hauteur que ceux de la précé-
dente, accusent aussi le ii'' siècle.
La première ligne est d'une lecture difficile, le sommet
des lettres est altéré. L'S du commencement, le T et l'I de
la fin ne sont donc pas absolument certains. On ne peut
s'empêcher de penser à la qualification Nervœ Nepoti
usuelle pour Adrien ; mais il est fort difficile de loger les
titres subséquents qui lui étaient attribués d'habitude. On
ne saurait non plus la reporter à Néron, petit-fils adoptif
de Drusus Germanicus, puisqu'il prenait le nom de
Germanici nepos, et que d'ailleurs l'inscription ne paraît
nullement du i" siècle. La fin impose une lecture
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 231
analogue à la précédente : CIVITAS TIVRONORwm
LlBera.
Nous n'insistons pas sur l'importance, déjà signalée en
plusieurs recueils, de cette inscription, pour l'histoire de
la ville de Tours, dont elle affirme le caractère de cité
libre, dès le ii" siècle.
A gauche de ce fragment est la fm d'une inscription en
quatre lignes, incomplète à gauche el au bas, dont les
lettres sont moins hautes et un peu plus serrées. Nous
pouvons conclure de leur présence que cette pierre était
sur le parement d'un mur couvert d'inscriptions, et ap-
partenait à un monument dont peut-être les épigraphes
ci-dessus rappelaient la construction.
Actuellement au mur gallo-romain, au palais de l'ar-
chevêché de Tours. Un moulage en existe au musée (4).
(Ghalmel, I^istoire de Touraine, 68.)
i et 5. Deux fragments épigraphiques, qui étaient dans
le jardin des Dames de la Purification, à Tours, attenant
au bâtiment inscrit sous le n° 328 du plan cadastral,
encastrés dans le mur extérieur qui enveloppe les restes
de l'amphithéâtre romain, ont été découverts en février
1872, par M. Léon Palustre, conservateur du Musée de
Tours, qui put les faire transporter au musée de cette
ville, où ils sont aujourd'hui. Immédiatement au-dessus
de ces deux pierres on voyait un beau bas-relief, égale-
ment encastré dans la muraille, et représentant une
femme à demi couchée, appuyée sur la main droite et le
bras gauche étendu, bas-relief qui a été également trans-
porté au musée.
(I) Malgré tons nos efforts, nous n'avons pu être admis à
visiter roriginal ; notis n'en parlons donc que d'a|)ros le moulage.
232 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Cette découverte a été l'objet d'une excellente étude faite
par M. Robert Mowat, sur les indications de M. Palustre,
et insérée dans le Bulletin monumental (^"^ série, 1" fas-
cicule de 1873, p. 41). Les deux fragments, qui appar-
tiennent évidemment à la même inscription, présentés
dans l'ordre où ils doivent être lus et inverse de celui où
ils sont au musée, donnent le texte suivant :
. . .AIVLI BENIG ICA DIV
...MNIBVSORNA ITHOCCI...
. . .FILIA ET HERES V. . . .MMAVIT
Un blanc qui reste après les syllabes mavit indique
bien que là est la fin de l'inscription.
Voici la restitution savamment motivée qu'en a faite
M. Mowat :
Julia Seve^k IVLI BENIGn? filia d. d. flaminiCk
DIVa? Augustœ, basilicam cum oMNIBVS OBNAmentis suis
inchoavlT : HOC CEalcidicum benigna FILIA ET HERES
\t mater jusserat pecunia sua cowsmMMAVIT.
Julia Severa, fille de Julius Benignus, par décret des
décurions, flaminique de la divine impératrice, a commencé
la basilique avec tous ses ornements : le chalcidique a été
achevé des deniers de Benigna, fille et héritière de Julia
Severa, conformément aux volontés de sa mère.
Ou encore la variante : Julia .S'eueRA IVLI BENIGni
filia, in basillCk DIVa?, etc.
M. Mowat pense que l'inscription s'étendait, sur une
longueur de 8 à 10 mètres, sur une des faces du cbalci-
dique dont elle rappelle la fondation.
Ce développement nous paraît un peu fort pour un édi-
fice qui, comme le chalcidique, n'était qu'accessoire et par
conséquent de dimensions restreintes.
Cette interprétation a été appréciée dans la séance de
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 233
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres du 1 1 mars
1873, comme fondée sur de judicieuses inductions. Nous
nous bornerons donc à quelques observations sur l'état
réel du monument.
La première ligne a de hauteur 0" 125 ; la seconde,
O"» 098 ; la troisième, 0'" 09.
A la première ligne, l'A primitif est précédé de l'extré-
mité d'un jambage oblique, qui ne peut être que la queue
d'un R ; les autres lettres sont certaines.
A la deuxième ligne, les deux dernières lettres du
deuxième fragment sont douteuses. La pénultième peut
être un G ou un G, peut-être môme un 0. La dernière
n'est saisissable que par la partie inférieure du premier
jambage.
A la dernière, toutes les lettres sont certaines, un peu
moins hautes, ce qui indique peut-être la nécessité de
serrer un texte trop long.
La forme des lettres indique le ii° siècle par leur net-
teté rigide.
En écartant ce qui, dans les inductions de M. Mowat,
est évidemment hypothétique, on peut, ce nous semble,
regarder comme établi par cette épigraphe le nom Julius
Benignus, du père ou de l'époux de la fondatrice ; la con-
struction à Tours, au 11^ siècle, d'un monument important,
détruit comme la plupart de ceux de la Gaule à la chute
de l'empire pour la construction des murs ; enfui l'impor-
tance du monument, attestée par le mot consummavit,
qui semble bien indiquer la durée de l'œuvre entreprise,
persistant peut-être d'une génération à une autre.
La pierre est la craie micacée de Marnay-sur-Indre
(commune de Lignières).
Premier fragment : hauteur, 0" 6o ; longueur, l^SO.
Deuxième fragment : hauteur, 0°>68; longueur, 0'"87.
"234 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Actuellement au musée de la Société Archéologique de
Touraine, à Tours.
[Bulletin monumental, 4* série, t. I. p. 11. — Journal
officiel du 1 1 mars 1873, p. 1690.)
6. Dans la rue de la Caserne, à Tours, fut trouvé, en
1870, un fragment de pierre, portant sur sa face l'in-
scription :
. . .OMA. . .
. . .M- SA. . .
VX...
TARANVI. . .
COiMATVI. . .
Cette inscription est complète au bas et à gauche pour
les trois dernières lignes, comme le prouve l'arête intacte
de la pierre; incomplète à droite et en haut. Les lettres
ont de hauteur 0"" 07.
Les lettres douteuses sont l'O et l'A de la première
ligne. L'M initial de la seconde, que l'on pourrait lire
IVI ou NI. Un point triangulaire, peut-être abréviatif,
existe après l'M. Onpourrait voir dans les dernières lignes
des divinités locales, associées au culte de Jupiter, et lire :
lovi Optimo MAximo et ^YMinibus ^Anctis VXoviNO,
TARANVI COMATVI. A Jupiter très-bon, très-yrand et
aux divinités saintes Uxovinos Taranos chevelu. (Cf. llen-
zen, 5920, 5924, 5927, iiOoo, 2056.) Uxovinos et Tera-
nos semblent avoir été des divinités locales, dont le culte
se retrouve sur d'autres points. Comatus, chevelu, serait
ime épithète intéressante. La forme des derniers datifs est
digne de remarque.
Les premières lignes pourraient aussi se lire \)iis Manî-
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 235
bus... Mam SA... UXoris, mais alors quel serait le sens
des deux dernières ?
Sur le côté gauche de la pierre est l'inscription assez
fruste :
. . .GNI
...VR
. . .NO SVO
...OPOSVIT
...EMIO.
Cette inscription se prêterait volontiers à être regardée
comme la signature dédicatoire de la précédente. Les deux
premières lignes sont fort douteuses. Les trois dernières
sont certaines quoique incomplètes. Le mot posuit est for-
mel. Les autres mots semblent des datifs ou ablatifs indi-
quant des compliments circonstanciels.
Hauteur de la pierre, 8" 70 ; largeur, 0"> 44.
Actuellement au musée de Tours.
Monuments funéraires.
7. DM.
CL lANVAR
AMANS AMAN
TI HAEG TIBl
PRO MERITIS
DO
CARATVS.
Sur un cippe funéraire en pierre dure de forme qua-
drangulaire. Trouvée sous les anciennes murailles gallo-
romaines de Tours, dans l'ancien jardin des Minimes, lors
de la construction de l'hôtel du maréchal. Au bas du cippc
236 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
est une plinthe surmontée d'une doucine.' Les lettres ont
de hauteur 0° 05, et au has 0" 04. Le second M de la troi-
sième ligne est lié avec l'A qui le suit.
Dus Uanibus CLaudi.r lANVAR.r AMANS AMANTI
HAEG TIBI PRO MEIUTIS BOnavit ou DOnavi (?)
CARATVS. Aux dieux mânes, à Claudia Januara, Cara-
tus, ton amant, a donné ces adieux à toi, son amante, pour
tes vertus.
Il y a là une formule intéressante de regrets d'un amant
à son amante, la forme vocative y ajoute quelque chose de
touchant. La syllabe do est d'une interprétation douteuse;
nous la retrouvons dans la Nièvre (l). L'abréviation
finale du mot Januara est digne de remarque. Comme la
queue de l'R, au lieu de se terminer par un délié, ainsi
que dans les R de la cinquième et de la septième ligne, est
tranchée par un trait, on pourrait peut-être voir dans cet
R une liaison de l'R, de l'A et de l'E. Nous ne pensons
pas qu'on puisse douter du féminin ; outre que le nom
masculin de l'amant, Caratus, indique le sexe de la per-
sonne aimée, si on eût voulu la forme masculine RI, on
eût probablement retourné l'R comme à Bourges (n° 15),
afin de donner à la haste de l'R la valeur de l'I final.
Cette pierre dure est smillée au marteauet les contours
en ont été repassés au ciseau, absolument d'après le pro-
cédé qu'emploient encore aujourd'hui nos tailleurs de
pierre dure. Nous n'avons jamais rencontré cette taille
aussi apparente à l'époque romaine.
La partie droite de la pierre a été brisée.
Hauteur de la pierre, 1™ 35; largeur à la base, 0" 58
au sommet, 0" -45.
Actuellement au musée de Tours.
(1) Cf. Orelli. — Ilenzen, notx, 3,037.
XL" SESSION, A C.HATKAUROUX. 237
8. ...LO...
GEL...
RPE. . .
Fragment du ii" siècle. La première ligne est très-dou-
teuse ; les deux autres très-incomplètes. Hauteur, 0" 14 ;
largeur, 0™ 13.
Actuellement au musée de Tours.
9. NSIS- E
lENT
Fragment très-incomplet dans tous les sens, paraissant
aussi du ii* siècle. Hauteur, On» 15; largeur, 0"" 23.
Musée de Tours.
10. CENOMARINO.
Fragment barbare, présentant à gauche un reste d'en-
cadrement. Le G initial est carré, l'M et l'A sont liés et la
traverse de l'A est infléchie au centre ; la traverse de l'N
prend au milieu du premier jambage. Ces caractères
indiquent une barbarie absolue, peut-être le v" ou le
vi" siècle.
Hauteur, 0"" 18 ; largeur, O^bS.
Musée de Tours.
Objets divers.
11. CARTIV. ..
En écriture cursive, gravée au trait à la pointe sur
un vase.
238 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Musée de Tours.
{Antiquités de Pont-du-C lier , par le docteur Bour-
goin, 43.)
12. NOBILVS.
Eu écriture cursive, gravée au trait à la pointe sur un
vase.
Musée de Tours.
(Id. Ibid.)
LOIR-ET-CHER.
Le département de Loir-et-Cher, situé aux confins des
Carnutes, des Turons et des Bituriges Cubi, semble avoir
été formé de parcelles empruntées à ces trois territoires,
surtout de celui des Carnutes. Deux grandes voies romai-
nes partant de Cœsarodunum le traversaient: l'une suivait
les rives de la Loire, vers Genabum ; l'autre celles du
Cher, vers Avaricum.
1. Les deux principales inscriptions que nous ayons
connues dans le département sont incrustées, l'une au-
dessus de l'autre, dans la paroi intérieure du mur de la
sacristie, à la petite chapelle ou église dédiée à saint
Lubin, à environ un kilomètre à l'est de Suèvres, ancien-
nement Sodobria. Elles sont identiques d'apparence et de
dimension ; la lecture en est fort peu différente. La pre-
mière, celle du dessus, est ainsi :
AVGAPOLLINI- SAC
COSMIS LVGANI
D S P- D
XL'" SESSION, A CIIATEAUROU.V. 239
La finale de la seconde ligne est un peu fruste, ce ([in
force à douter si la liaste iinale est le jambage ascendant
de l'N, comme l'avait cru de Gaylus; il nous a paru trop
éloigné vers la droite et par conséquent constituer un I,
indiquant le génitif; un F a même pu disparaître à la fin
de cette ligne.
L'A et le V de aug sont liés; les barres inférieures
des L sont légèrement ondulées ; les lignes un peu irré-
gulières, caractères qui peuvent convenir à la fin du
I'' siècle.
La lecture qui s'impose est la suivante : AVGusto
APOLLINI SAGrMm GOSMIS LVCANI filius De Sua
Vecunia Dédit.
Consacré à l'auguste Apollon. Cosmis, fils de Liicanus,
de son propre argent l'a donné.
Faut-il voir dans Augusto une épithète d'Apollon, ce
qui est contraire à la saine construction latine ; ou faut-il
voir, comme l'a fait de Gaylus, dans Apollon une épithète
de l'auguste, qui se trouverait ainsi à être Néron, auquel
ce surnom est parfois attribué? Duchalais a savamment
combattu cette opinion de de Gaylus, et, depuis lors,
divers monuments assez fréquents, notamment dans le
pays des Garnutes, sont venus confirmer son opinion (I).
Il semble donc que nous avons là la trace d'un monument
ou d'un autel élevé ou dédié à Apollon.
Le nom est l'objet d'une autre difficulté. De Gaylus,
n'ayant qu'une lecture insuffisante, avait proposé Lucanus
au nominatif, ce que nous ne croyons pas pouvoir main-
tenir. Nous n'avons donc là qu'un nom unique Cosmis,
probablement d'esclave ou d'affranchi, et dont la forme
grecque est digne de remarque.
(1) Voy. Bulletin monumental, 1870, p. 47 et 62.
240 CONORÈS ARCUEOLOUIOUE DE FRANCE.
La pierre est, dit-on, de la pierre de Bourré; mais
le fait nous a paru fort douteux, et nous la croyons
plutôt sortie des nombreuses carrières du voisinage.
Hauteur de la pierre, O^SS ; longueur, 0'" 61 .
Actuellement incrustée dans la sacristie de la chapelle
de Saint-Lubin, à Suèvres (Loir-et-Cher).
(De Caylus, Antiquités romaines, t. IV, p. 374 et pi.
CXn. — Duchalais, Mémoires de la Société Archéologique
de l'Orléanais, 1851, t. II, p. 2U.)
2. Inscription presque identique à la précédente :
AVG APOLLINI SA
COSMIS LVGAN
FIL D- S- P- D.
Même lecture que la précédente ; mêmes observations ;
mêmes caractères épigraphiques. V A et le V à' A VG. sont
* liés; seulement ici l'initiale FIL est rejetée au commen-
cement de la troisième ligne. Des points triangulaires
séparent les quatre dernières lettres.
La lecture que nous avons adoptée pour l'inscription
précédente, établit une identité complète entre ces deux
monuments, et fait disparaître les observations auxquelles
avait donné lieu l'opinion que celle-ci était émanée d'un
fils de l'auteur de la précédente. Nous n'y pouvons voir
qu'un duplicata de l'autre, peut-être incrusté sur une
autre face du même monument.
Hauteur, 0" 26; longueur, 0'"60.
Actuellement insérée au même lieu et immédiatement
au-dessous de l'autre.
(Publiée par les mêmes auteurs.)
3. M. le docteur Bourgoin affirme avoir lu jadis, sur le
XL" SESSION, A r.IlATEAUROUX. 2^il
couvercle d'un sarcophage découvert à Meusnes, les
lettres :
SAÏVR,
Ce fragment d'inscription, qui probablement ne pouvait
se rapporter qu'à un état antérieur de la pierre, nous est
connu d'une façon trop vague pour que nous puissions en
faire l'objet d'aucune observation.
{Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Blois,
1867, t. Vil, p. 150.)
Objets divers (1).
4, Un vase en terre à couvercle, découvert à Gievres,
porte gravé à la pointe sur le collet le graffito suivant :
CATVGANVS
Comme les lettres sont cursives et peu régulières, la
lecture n'en est pas absolument certaine.
(1) Nous ne pouvons faire figurer dans ce catalogue romain,
malgré quelques savantes opinions, la pierre qui se trouve in-
crustée sur la porte méridionale de l'église de Thésée, et que,
pour notre compte, nous atlrijjuerions plutôt aux époques
carlovingiennes et peul-ètre posLérieures. En voici la lecture
aussi précise que nous avons pu la faire :
TV SVME MARTIU GEORGI SV
CIPE MVNVS DE FIDELIBVS TVIS
CONSTVAN...NONIVNII.
Les G sont enroulés; à la deuxième ligne, les deux premiers
S sont petits et intercalés, le D est oncial ; à la troisième, la
partie moyenne est fruste et douteuse. Faut-il lire : CONSecra-
tione TVA ... NONarum IVNIIV
XL^ SESSION. 16
2i2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Actuellement au musée de Blois.
[Mémoire su?' les antiquités de la Sologne blésoise, par
M. de la Saussaye ; Blois, 1844.)
5. M. le docteur Bourgoin, de Sellcs-sur-Cher, a trouvé
dans les belles fouilles qu'il a laites à Gievres (Garobrive,
Pont-du-Gher) divers objets :
Un petit disque eu pierre noirâtre ou serpentine, sculpté,
taillé en double biseau et percé au centre, sur lequel on
lit ces deux lignes :
PIXTONOVIM
XMORVGIN.
Nous n'essayerons pas la lecture de cet objet, dont la
forme en grains de collier semble indiquer une amulette
destinée à être suspendue peut-être au col. Nous lui ver-
rons, dans la Nièvre, un analogue de forme, dont l'épi-
graphe, très-difîéreute, n'est pas d'une lecture plus facile.
Actuellement chez M. le docteur Bourgoiu, à Selles-sur-
Gher.
[Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Blois,
t. VII, p. 175.)
6. Une fibule en bronze, en forme de disque circulaire,
évidé au centre, sur laquelle on lit :
IDORINA HEXVOTIS NAGE DONVMIA.
M. Bourgoin propose la lecture : lulia DOMINA Eabet
EX VOTIS NAra/î GEnio DONVxM lA... Cette interpréta-
tion ingénieuse et qui respecte la plus grande partie du
texte, nous parait donner encore beaucoup à l'hypothèse.
Il faut plutôt, croyons-nous, voir là un mélange de latin
et de cet idiome local, dont les traces se trouvent sou-
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 243
vent et qui échappe encore aux interprétations fixes et
certaines.
Chez M. le docteur Bourgoin.
(Publié comme le précédent.)
7. Un cachet d'oculiste en stéatite grise, trouvé à Ville-
franche, portant sur deux de ses faces les inscriptions
suivantes, en deux lignes :
1" G. ROM STEPHANI
AD REGENT CIG.
20 G. ROM STEPHAN
AD DIATHESES TOL.
L'étiquette peut se lire : Cari ROMawî STEPHANI AD
RECENTES GIC... et indique un remède dont le nom
parait absent, fabriqué par G. Romanus Stephanus, pour
une maladie à son début, maladie dont le nom commen-
çait par cic {cicatrices ou cœcitates).
La seconde indique un remède pour enlever les affec-
tions connues sous le nom de diathèses; on sait que les
mots grecs étaient très-employés en pharmacie romaine.
Outre l'avantage qu'ils pouvaient avoir d'être compris des
adeptes, ils avaient probablement celui inappréciable de
ne l'être pas des patients. La pharmacie française conserve
le même usage.
Largeur, 0"° 04 ; longueur, 0° 04 ; épaisseur, 0"" 04.
(Publiée comme la précédente.)
Actuellement chez M. le docteur Bourgoin, à Selles-
sur-Gher.
8. Un vase portant deux inscriptions en caractères cur-
sifs, gravées, la première sur le i'oiul, et la seconde sur
24-4 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
l'épaule du vase, et que nous lisons fort hypothétique-
ment, d'après le fac-similé de l'auteur :
!<> XAWROODIIII XOVS
2° A MOR N X.
Nous sommes là en présence de monuments douteux
de caractères et de langue; nous les rapprochons seule-
ment de l'inscription n° 62 du vase de Bourges.
(Id. page 177.)
Actuellement chez M. le docteur Bourgoin, à Selles-
sur-Cher.
(Voyez, sur ces divers objets, un mémoire de M. le doc-
teur Bourgoin, dans le Bulletin de la Société archéolo-
gique du Vendomois, en 1872.)
NIEVRE.
Le département de la Nièvre paraît occuper en grande
partie l'ancien territoire des Éduens, dont une portion,
celle entre la Loire et l'Allier, était devenue la résidence
des Boïens. La région septentrionale du département
doit avoir été empruntée au territoire des Sénons.
Inscriptions altariques.
1. En 4492, fut trouvée à Nevers l'inscription sui-
vante, en caractères romains, et qu'on peut aujourd'hui
reconnaître comme gauloise. Elle s'est perdue au com-
mencement du siècle ; nous en donnons le texte tel qu'il
a été publié par l'abbé Lebœuf.
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 245
ANDE
GAMV
LOS TOVTI
SSIGNOS
lEVRV.
L'interprétation en est encore aujourd'iiui douteuse,
mais la lecture admise, comme la plus probable est :
Andecamulos (nom propre) Toutissicnos (fils de Toutissus)
ieuru (a fait). La signification de cnos semble de plus en
plus certaine, ainsi que celle de l'aoriste ieuru. Andeca-
mulos est un nom gaulois déjà connu. (Orelli, I, 80-4.)
On aurait donc là une formule dédicatoire simple,
mais intéressante par la rareté de ces monuments pri-
mitifs.
« La pierre qui existait, dit l'abbé Lebœuf, dans les
anciens murs, était haute d'un pied et demi, large d'un
pied, et ornée de moulures des quatre côtés. Les caractères
de la première, de la deuxième et de la cinquième ligne
étaient plus gros que ceux des autres lignes. On n'y voyait
pas de séparation de mots. »
(Jean Lebœuf, Recueil de divers écrits pour servir
d'éclaircissement à l'histoire de France, Paris, 1738,
t. II, p. 271. Bibliothèque nationale. — Manin, Monu-
ments des anciens idiomes go.ulois, p. 40. — Belloguet,
Ethnogénie gauloise, 'tl^ édition, p. 272, etc., etc.)
2. L'inscription suivante a été trouvée au village de
Bouhy, près d'Entrains, en 1853, sur une pierre creusée
et utilisée comme sarcophage :
AVG. SACU
MARTI BOLV
24Ô CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
INNO ET DvNA
C. DOiMlTVIRI
LIS DEGVrUO PRo
SALVT- SVA- ET IvLi
THALL[ VIRILLI
ANI. FILI. ET AVI
TILLAE lAVITI FiL
VXORIS VSL.M.
k\Gusto SACRum MARTI BOLVINNO ET DVNA[«71
C. DOMmws VIRILIS DECVRIO PRO SALVTe SVA ET
IVLU" THALLI VIRILLIANI F\Lu ET AVITILLAE lulii
AVITI FILe* VXORIS \otum ^olvit hibens Meriio.
Consacré à Auguste, à Mars Bolvinnus et Dunax. Caius
Domitius Virilis decurion, pour son salut et celui de Julius
Thallus Virillianus, son fils et d'Avitilla, son épouse, fille
de Julius Avitus, a accompli ce vœu avec joie et justice.
L'inscription est entière sur un autel en pierre, qui
parait avoir porté au haut une doucine et en bas une
plinthe, enlevées au marteau, lors de sa conversion en
sarcophage. La pierre a de hauteur i"" 17; de largeur en
haut, O- 555, en bas, 0"" 667.
Les lignes sont serrées et droites ; les lettres, égales dans
chaque ligne, sont assez maigres; certain nombre de
lettres sont plus petites, élevées ou abaissées; des points
triangulaires séparent plusieurs des mots, surtout ceux
abrégés. Les L ont le trait de la traverse inférieure, non
pas vertical, mais un peu incliné en haut à droite. Ces
divers caractères nous portent à placer cette inscription
vers la fin du i" siècle ou au commencement du ii".
M. Morellet, qui a fait sur cette inscription, lorsqu'elle
fut trouvée, un beau commentaire, voit, dans les mots
Dolvinno et Dunaci, deux surnoms locaux de Mars : peut-
XL« SESSION, A CIIATEAUROUX. 247
être va-t-il trop loin quand il y voit une allusion au nom
du lieu de Bouhy et à sa situation sur une montagne,
Dunum. La formule initiale Augusto sacrum devint
usuelle et comme obligatoire en tète de la plupart des
monuments votifs : le Nivernais paraît s'être particuliè-
rement conformé à cet usage.
On remarque le triple nom du père, indice de sa qua-
lité de citoyen romain. Cette qualité, jointe à l'aspect tout
romain des prénoms, des gentilices, des surnoms, nous
font voir là une famille étrangère. Ce citoyen était décu-
rion, c'est-à-dire qu'il appartenait à la caste d'honneur,
Yordo splendissimus i\Q la cité, et en l'absence d'indications,
nous pouvons penser que cette cité était celle de la métro-
pole, Sens ou Auxerre. (Voy. d'Anville, Verbis Massava et
Autissiodurum.) Le fils a encore le diminutif qui indique
l'impuberté, Virilianus. Nous restituons après le nom de
la fille un petit i qui avait échappé à M. Morellet, et qui
a son intérêt puisqu'il paraît l'initiale du prénom Jules
d'Avitus, le père d'Avitilla ; cet i ne figurent pas non plus
dans le texte donné par le catalogue du musée.
Actuellement au musée de la Porte-du-Croux, à Nevers,
n° 21.
(Rapport de M. Morellet, Société Nivernaise, 1835, t. I,
p. 326-336.)
3. Inscription sur une autre pierre du même sarco-
phage, trouvée avec la précédente :
SACR
MARTI BOLV
N N L- GABIN
VS SEVERVS
DONVM DE
DIT
248 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
La première ligne est tronquée, et on ne voit que le bas
des lettres. La fin de la seconde est martelée, en sorte
qu'on ne sait s'il n'y aurait pas un I après le V.
On peut lire : avgms^o SACRwm MARTI BOLViNNo
L. GABINVS SF_:\^RVS DONVM DEDIT. Consacré
à Auguste, à Mars Bolvinnus. L Gabinus a fait ce
don.
Nous retrouvons ici la même formule initiale, la même
divinité locale que précédemment, mais sans l'épithète
Duna... Nous retrouvons aussi le triple nom, assez rare
dans l'épigraphie de la région pour mériter remarque. Le
catalogue ne donne pas la lettre L suivie du point abbré-
viatif et qui a son importance. Nous signalons aussi
l'aspect étranger et romain du nom du donateur. La
bonne forme des lettres, l'insertion en entier de la formule
donum dédit, nous paraissent des preuves d'arcbaïsme,
1" ou 11^ siècle.
Longueur de la pierre, 0™ 69 ; largeur, 0" 52. La pierre
est brisée aux deux extrémités.
Actuellement au musée de la Porte- du -Croux, à
Nevers, n° 22.
[Mémoires de la Soc. Niv.^ I, 326. — Catalogue du
musée du Croux.)
4. A Mesves, près de Cosne, en 1865, fut trouvée, par
M. l'abbé Boère, curé de cette paroisse, la magnifique
inscription suivante, sur une table de pierre malheureu-
sement brisée en plusieurs fragments, qui ont été réunis.
La lecture en a été soumise à M. Rénier. La réparation,
peut-être trop habile de la pierre, en facilite aujourd'hui
la lecture, en même temps qu'elle rend presque impos-
sible tout contrôle, car il est très-difficile de saisir les dis-
tinctions des parties primitives et des parties restituées :
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 249
la science de M. Rénier est du reste nne sûre garantie de
l'excellence de la restitution.
AVG SAGR DEAE CLVTO. . .
DAE- ET VCANIS MASAVENSIBVS
MEDIVS ACER MEDIANNI. . .
MVRVM INTER ARCVS DVOS C. . .
SVIS ORNAiMENTIS D. S. D.
AYGusto SACR?mi DEAE CLVTOnDAE ET VîCANIS
MASAVENSIBVS MEDIVS ACER MEDh ANN[ ¥iuus
MVRVM INTER ARCVS DVOS Cvm SVIS ORNAMENTIS
De S?/o Dédit. Consacré à Auguste, à la déesse Clutonda et
O.UX dieux du bourg de Mesves, Médius Acer, fils de Mé-
dius Annus a donné de son argent le mur entre les deux
arcs avec ses ornements.
La table de pierre, avec encadrement, où est gravée
cette inscription, a 1" 65 de longueur; on peut supposer
qu'il manque environ O"» 30 à droite ; sa hauteur est de
0" 77. Les lignes sont bien droites.
Les lettres de la première ont de hauteur O" 15 ;
Celles de la seconde, 0'°097 ;
Celles de la troisième, 0'"090;
Celles de la quatrième, 0° 095 ;
Celles de la cinquième, O'^OO.
La forme régulière des lettres indique la meilleure
époque épigraphique, le commencement du ii" siècle : les
T dépassent en hauteur les autres lettres.
.Après la formule initiale, nous trouvons un hommage
à une divinité topique dea Clutonda. Le mot vicanis, dont
la lecture ne semble pas douteuse, ne nous parait s'expli-
quer que comme adjectif épithète d'un substantif diis ou
numinibus, dont l'élision s'explique facilement par la pré-
sence rapprochée du mot dex, et exprimerait alors les
250 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
divinités du bourg de Mesves. L'cpithète Massavensibits
est des plus intéressantes, puisqu'elle fixe avec son ortho-
graphe la situation d'une station des itinéraires romains,
Massava. Nous lisons en deux mots, comme MM. Rénier
et de Molandon, Medianni, dont on en fait un seul dans
la traduction du Catalogue ; en effet, il semble que la
forme médius du gentilice du ûls nous donne celui du
père. Le reste de l'inscription semble indiquer qu'il s'agis-
sait là d'une réparation plutôt que d'une fondation d'édi-
fice, et véritablement la splendeur de l'inscription paraît
avoir été plus proportionnée à la vanité du donateur qu'à
l'importance du bienfait.
Actuellement au musée du Croux, à Nevers, n° 31.
[Revue archéologique. — Bulletin monumental, 1870,
p. 54 et suiv., art. de M. Boucher de Molandon.)
5. A Mesves également, et à la même époque, fut trou-
vée l'inscription suivante :
AVG- SACR.
MATRl DEVM
...GVM SJGILL
...ICANI FIL
...ILVM XDSD.
AVGwsfo SACRwm MATRI DEVM ICANI FILms
ILVNIX. De Smo Dédit.
Le G de la première ligne est replié et non tranché.
La deuxième ligne indique le culte de la mère des dieux,
la déesse Jdea, qui se vulgarisa dans le monde romain
avec celui de Mithra au commencement du m" siècle, ce
qui nous donne la date probable de cette inscription,
qu'autrement nous eussions crue plus ancienne.
XL» SESSION, A CHATEAUROUX. 251
Nous n'essayons pas do restituer la troisième ligne, où
nous n'aurions à fournir que des hypothèses gratuites.
La quatrième est incomplète.
La cinquième nous paraît donner la finale du n^gra du
donateur, de forme autochtone confuse, comme nous en
trouvons si souvent dans les monuments vulgaires; les
trois lettres de la fin semblent d'une interprétation non
douteuse.
Cette inscription, fort curieuse, car elle est le seul mo-
nument que nous trouvions du culte local de cette divinité,
demeure donc à l'état de problème. Les mots de la pre-
mière ligne étant au milieu, semblent indiquer que les
suppressions de gauche sont peu importantes ; la partie
droite est complète.
Longueur de la pierre, 0™ 50 ; hauteur, 0" 41.
Actuellement au musée du Groux.
6. Dans le mur de façade de l'église de Saint-Honoré
est placé un fragment de marbre blanc, portant l'inscrip-
tion :
. .ILVIVS
. .AEDEM
. .OMNIBVS
. .NS DO
, .POSVIT.
Estampée par M. Charbeuf.
La partie droite est complète, la partie gauche manque.
A la première ligne, on voit au commencement la lettre
M ou S. ; à la quatrième, le second jambage de l'N est
plus élevé que le premier, ce qui donne la syllabe N L
SILVIVS hanc AEDEM cum OMNIBVS ornamentis
NIS hOnatum (?) POSVIT.
552 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
Silvius a élevé cet édifice ....... avec tous ses orne-
ments
Il nous paraît difficile de faire de nis do un nom propre
et encore plus d'y voir une analogie avec le nom de la
station romaine Aqux nisinx.
Les ruines romaines de Saint-Honoré, la situation,
semblent bien indiquer là une station thermale, Aquœ-
Nisinœ des Itinéraires; mais l'inscription nous parait
n'avoir d'autre portée que de témoigner, par sa matière,
le marbre, une certaine richesse dans cette station ; de
plus elle nous donne un nom. Quand à la quatrième ligne
elle nous paraîtrait plutôt un fragment incomplet de for-
mule dédicatoire.
[Mémoires de la Société Nivernaise , 2*= série, 1867, t. II,
p. 297 et 325. Communication de M. Gharbeuf )
7. A Entrains, dans la ville môme, en creusant les fon-
dations d'une maison, a été trouvée, en 1873, une plaque
de cuivre portant l'inscription suivante :
AVG SACR- DEC)
BORVONI ET CANDI
DO AERARI- SVB Cv
RA LEONIS ET MaR
ClANI EXVOTO R
AERART DONA
La plaque de cuivre a 0" 202°' de longueur, 0» 135'°
de largeur, sur 0"" 001 d'épaisseur. Les lettres des cinq
premières lignes ont 0^017 de hauteur; celles de la der-
nière, G"" 008.
Elle est percée de quatre trous, où sont encore les clous
destinés à la fixer à la pierre. Elle était, quand on l'a
XL' SESSION, A CIIATEAUROUX. 253
trouvée, enveloppée de lames de cuivre, qui l'ont préservée
de toute détérioration.
Nous signalons à la prenaière ligne le point triangulaire
après TR;
A la deuxième, la jonction ET ;
A la troisième, le point triangulaire après I ;
A la quatrième, les jonctions ET et AR à la fin de la
ligne ;
A la dernière la suppression de la terminaison de
donaverunt.
Plusieurs A n'ont point de traverse, les traits terminaux
et les barres ont des ondulations, qui nous paraissent
reporter celte plaque assez haut, peut-être vers la fin du
I" siècle, ce qui s'accorderait avec l'absence presque com-
plète d'abréviations.
M. Rénier, à qui cette inscription a été communiquée
par M. Ragon, de Poitiers, la lit et la traduit :
ANGusto SAGRwm DEO BORVONI ET GANDIDO AE-
RARII SYB CVRA LEONIS ET MARGIANI EX VOTO
RECEpto AERARR IfO^Averunt. A Vauguste dieu Borvon
et à Candidus; consacré par les ouvriers en bronze sous
l'administration de Léon et de Marcien, après l'accomplis-
sement d'un ViKu. Don des ouvriers en bronze ou en cuivre.
Le savant épigraphiste voit dans Borvon et Gandidus
des dieux topiques. Le premier, très-connu; le second,
apparaissant pour la première fois. Les ouvriers en bronze
prouveraient l'existence, non pas de mines de cuivre,
mais d'ateliers pour le travailler, ce qui n'a rien d'anor-
mal. Léon et Marcien seraient des esclaves ou des affran-
chis, privés de noms de famille.
Le mot augusto est là regardé comme épithète aux divi-
nités locales, bien que placé au commencement de la
phrase, construction peu élégante en latin, mais dont les
^54 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
exemples sont assez fréquents, notamment sur les bords
de la Loire. (Voy. supra insc. de Suèves.) Il nous sem-
blerait plus simple de voir dans les mots Augusto sacrum
une sorte de formule banale, qui se mettait en tète des
inscriptions votives.
Cette plaque de cuivre est actuellement entre les mains
de M. le maire d'Entrains, qui en comprend l'importance
et l'a acquise pour la commune.
{Journal officiel du 8 octobre 1872, p. 6392. — Société
des Ant. de l'Ouest.)
8. 10- MAX, . .
lALLVS COM. . .
IVLI CIEFA (?)
Trouvée à Entrains et actuellement chez M. Renault.
Inscrite sur pierre dans un cartouche encadré d'un ban-
deau avec filet intérieur, malheureusement brisé à droite
et en bas.
lovi Optimo UAXimo ... lALLVS COMmodo ? La der-
nière ligne, dont les sommets seuls sont lisibles, est très-
douteuse.
Les lettres bien formées indiquent le ii^ siècle.
Largeur de la pierre, O'" 56; hauteur, 0" 30.
9. AS.
CAPV
GENI- F
Inscrite en trois lignes sur une pierre plate trouvée à
Entrains. Le P de la deuxième ligne pourrait être un R.
L'inscription parait complète dans son laconisme, cepen-
dant ce n'est pas une certitude.
Faut-il lire : kugusto Sacrum GARVCENI Fecit ?
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 255
Hauteur, 0" 28; largeur, O" 25.
Actuellement chez M. Renault, à Entrains.
10. AVG. SAGR.
I. 0. M. IVL ALEXA
NDER V S L M.
Inscrite sur la face d'une pierre portant au-dessus des
serres d'aigle.
Les barres des L sont inclinées, en bas, à droite ; l'E de
la deuxième ligne a la traverse du bas abaissée à droite,
ce qui indique évidemment la liaison de l'E et d' L ; on
peut donc lire :
AWGusto SACrwm lovi Optimo Maximo WLius ALE-
XANDER. \otum Qolvit Libens Merito.
Consacré à Auguste, à Jupiter très- bon, très-grand,
Jules Alexandre a accompli son vœu avec joie et justice.
L'honneur de cette excellente et certaine lecture revient
à M. de Laugardière, qui l'avait communiquée à la Société
Nivernaise, IP série, t. IV, p. 63. Nous ignorons pourquoi
on ne l'a pas donnée dans le catalogue que cette société
vient de publier. L'inscription parait du m' siècle.
Longueur, 0™ 65 ; hauteur. G" 16.
Actuellement au musée du Croux, à Nevers, u"> 29.
{Album du Nivernais, pi. XXIV, n° 85. — Catalogue,
p. 108.)
Colonnes milliaires.
11. Nous plaçons dans cette catégorie, non sans quelque
hésitation et à titre de pure hypothèse, le fragment
suivant, que nous n'avons pu voir et qui nous est ainsi
i>56 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
signalé et dessiué par M. Roubet, juge de paix à la
Guerche, vice-président de la Société Nivernaise.
« Dans les premiers jours de janvier 1873, dans le sol
d'une maison eu construction à Decise, on a découvert
quelques tombeaux ou cercueils de pierre. Un de ces sar-
cophages, que j'ai examinés, offrait, sur le côté gauche,
quelques lettres tracées en ligne longitudinale. Le sarco-
phage contenait le corps d'un adulte. »
Ce sarcophage, qui est évidemment le second état de la
pierre, ne nous intéresse que par les vestiges d'inscriptions
qu'il porte. Il résulte du dessin que nous avons sous les
yeux que cette bière a été taillée dans un fût cylindrique,
dont la seule partie de surface conservée nous donne les
lettres :
.SF.
.R.
.IT.
.T.
.III.
.II.
Le signe supérieur signalé par notre savant correspon-
dant nous paraît quelque lettre mal formée. Il est évident
que ces vestiges sont trop incomplets pour en tenter la
restitution. Il est cependant naturel de voir là les vestiges
d'une inscription itinéraire, où les traits verticaux des
dernières lignes seraient les chiffres des distances. En
suivant cette hypothèse, on pourrait même conclure du
nombre des lignes qu'il s'agit là de quelque inscription
analogue à celles que nous avons dans le Cher sur nos
grandes voies, et que l'on trouve ailleurs placées sur les
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 257
voies romaines à l'époque des restaurations d'Alexandre
Sévère et de Maximin.
La forme primitive, le lieu de découverte, l'utilisation
si usuelle de la colonne comme cercueil, nous semblent
corroborer cette opinion.
Cette pierre doit être transportée au musée du Croux ;
nous n'avons pas su où la trouver pour l'examiner par
nous-même. Il importe qu'elle ne soit pas perdue, puis-
que c'est peut-être le seul monument de cet ordre qu'ait
le département de la Nièvre.
Monuments funéraires.
12. Ce n'est qu'à Entrains, l'antique Intaranum, que
nous avons trouvé des stèles sépulcrales épigraphiques.
D M.
CAGILONIS
CAIIANI FILl
V S
Les deux premières lettres au-dessus et les trois der-
nières lignes au-dessous d'un buste d'homme, sous une
arcade.
La cinquième lettre de la deuxième ligne est douteuse,
I ou L ; la sixième aussi, N ou M ou NA liés.
Ainsi de la troisième et quatrième de la troisième ligne.
Les traverses inférieures de i'F et de l'L de filius sont
inclinées, ce qui nous semble l'indice d'une époque assez
tardive, iii^ siècle.
D«s nanibus C. AGILONIS CALIANI FILIî, \oto
XL^ SESSION. M
258 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
?)oluto. Aux dieux mânes de Caius Agilon, fils de Caius
Anius, en accomplissement de son vœu.
Nous douuons cette lecture comme douteuse.
Hauteur de la pierre, 1" 60.
Actuellement posée transversalement au-dessus d'une
porte d'écurie, chez M. Goulard, maire d'Entrains.
(Dessinée en partie. Album du Nivernais, pi. n° 85.)
13. D M SABINA
ATTIANI FILIA
Gravée sur deux lignes, sous un fronton à deux ailes,
sur une pierre brisée à droite et à gauche, récemment
découverte dans le champ funéraire qui s'étend à l'ouest
d'Entrains, le long de la route de Bouhy, encastrée dans
le mur du four à chaux (!) de la tuilerie qui est dans ce
champ.
Diis Manibus SABINA ATTÏANl FILIA. Aux dieux
mânes, Sabine, fille d'Attianus.
Les caractères sont bons; la traverse de l'L est inclinée.
Hauteur, O^SS environ; longueur, 0" 55 environ.
14. D MARI. . .
GO GO. . .
Sur une stèle à fronton avec ailes, dont la partie droite
manque. Le D est sur le bandeau gauche formant pilastre,
la première ligne sur le fronton ; les deux syllabes de la
dernière ligne sur le tableau refouillé de chaque côté du
vase à long col, grossièrement sculpté. Bien que la partie
droite manque, il semble, par la place du vase, que l'in-
scription est complète.
Son interprétation nous semble des plus difficiles;
serait-ce une stèle avec formule banale et presque barbare
XL^ SESSION, A CHATEAUROUX. SriO
d'une douleur conjugale? Faudrait-il lire MARITO co
QXinjux. Aux dieux mânes, à son mari, son épouse, et
mettre la répétition de la seconde syllabe sur le compte 4e
l'ignorance dulapicide? Ce sont là hypothèses pures.
Hauteur de la pierre, O™ 50 environ ; largeur, 0" 40.
Actuellement chez M. Renault, à Entrains.
{Album du Nivernais, pi. 85.)
45. D'autres cippes romains ont été trouvés à Entrains,
à diverses époques ; nous n'avons pu ni les retrouver ni
en connaître la destination. Nous en donnons la descrip-
tion d'après les dessins de l'Album du Nivernais, dessins
dont la critique est absente, mais qui sont faits évidem-
ment sur nature.
D M.
MONVMENTVM
GNATA ALBI FILIA
Dus Manibus. MONVMENTVM GNATA ALBI FILIA.
Aux dieux mânes. Tombeau de Gnata, fille d'Albus.
Gnata, nom propre (Voyez Gruter, p. 746, n" 7). Inscrite
au-dessus d'une stèle à niche refouillée, où est représentée
une jeune femme tenant un enfant.
{Album du Nivernais, introduction, p. xxv.)
16. DM
SAPRONIANVS
SASERVS.
Aux dieux mânes. Sapronianus Saserus.
Inscrite sous une stèle où est refouillé un tableau carré,
dans lequel est le buste d'un personnage imberbe. (Id.)
260 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
17. DM
AMORI
. . . TIVS ou Yius.
Deux dessins qui semblent être d'un même monument
à une échelle différente donnent ces deux lectures d'une
stèle où est représenté le buste d'un personnage im-
berbe. (Id.)
18. D AMORI M-
Sur le bandeau supérieur d'une stèle, représentant un
personnage presque entier, tenant dans chaque maiu une
boule ou un pain.
La lecture du nom propre de ces deux dernières stèles
est probablement fautive, car on comprend difficilement
la déclinaison du mot. Du reste, comme ce sont évidem-
ment des monuments de décadence, toute faute est admis-
sible. (Id.)
Objets divers.
19. Nous trouvons dans cette catégorie deux objets fort
intéressants, deux cachets d'oculistes.
L'un a été trouvé à Entrains, c'est un disque carré en
stéatite de O" 039 carrés, sur 0" 010 d'épaisseur, portant
une inscription sur deux lignes, sur chacune de ses faces :
1° LTEREN PATERNI
DIATESSERIM.
2° L TEREN PÂËRNI
MELINVM.
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 261
3° L TEREN PATERNI
DIAILIPIIDVM.
4° L TE;REN PATERNI
DIASMYRNEN.
Ces inscriptions ont été lues et signalées par M. A. de
Longperier, en 1845, et interprétées ainsi dans un article
du docteur Sichel, inséré dans la Gazette médicale de
Paris, 1845 :
1° Lucii TERENTu PATERNI DIATESSERLM. (Collyre
Diatesserin de Lucius Terentius Paternus.)
2° Lucii TERENTî? PATERNI MELINVM. ( Collyre
Mellinum de Lucius, etc.)
3° Lucii TERENTu PATERNI DIALIPIIDVM. (Collyre
Dialipedum de Lucius, etc.)
4° Lucii TERENT» PATERNI DIAS MYRNEN. (Collyre
de Myrrhe, de Lucius, etc.)
Nous reproduisons ces savantes traductions sans les
commenter, ce qui sortirait de notre étude. Nous remar-
querons, à la fin de la troisième, le D formé d'un C
retourné, précédé d'un I.
Ce cachet est encore actuellement chez M. Regnault,
d'Entrains, où nous l'avons vu.
{Société Nivernaise, 18S5, t. I", art. de M. Crosnier,
p. 363.)
20. Autre cachet trouvé près d'Alluy, commune de
Chàtillon-en-Barois. C'est un disque rectangulaire en
stéalite grise, de 0"'052 de long, sur une largeur de
O^OSl, son épaisseur est de O^OIS, gravé sur deux de
ses tranches. La première inscription est sur trois lignes,
bien conservées :
262 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
1° L POMPNICïRINI ARPAS
TON ABREGENT LIPPIT
VDIN EODEN DIE EX OVO.
La seconde n'a que deux lignes ; elle est altérée par
l'usage.
2° L POMP OOS.
AD LIPP EX OVO.
Les caractères sont nets et d'une bonne époque. Le
savant abbé M. Grosnier en a proposé la lecture sui-
vante :
i" Lucii POMPomï NIGRINI ARPASTON AD RECEN-
Tem LIPPITVDINem EODEN (pour eodem) DIE EX OVO.
Arpaston de Lucius Pornponius Nigrinvs contre l'oph-
thalmie, à employer le jour même, avec tin mélange d'œuf.
Arpaston serait le nom grec du collyre.
La seconde inscription serait analogue, sauf le nom du
collyre, qui est incomplet, et avec l'absence de l'indication
de l'emploi dès le premier jour. M. Grosnier suppose que
cet usage plus long de ce collyre a amené l'emploi plus
fréquent et par suite l'usure plus grande de cette face du
cachet.
Toutes ces interprétations nous semblent parfaitement
plausibles.
Actuellement au musée du palais de justice, à Nevers.
[Mémoires delà Soc. Nw., 1855, t. I", p. 352 et 368.)
21. En 1845, dans la forêt de Gonipierre, près de Saint-
Révérin, on trouva une petite pierre noirâtre, sorte de
schiste, taillée en forme de disque, à double bizeau et
XL« SESSION, A (illATEAUROUX. 263
percée au milieu de part en part. Elle a environ fr 035
dans son plus grand diamètre ; 0" 02 d'épaisseur. Autour
de l'orifice, qui est de 0" 01 de diamètre, règne de chaque
côté une sorte de feston gravé en creux. Sur le pourtour
se lit une inscription en deux lignes, séparées par deux
traits fort irréguliers. Les caractères romains sont très-
nets, quoique assez irréguliers. A la ligne supérieure on
voit très-distinctement :
MONiGNAT HAGABI
et à la seconde ligne :
BVDOVTIONIMON.
Ges lignes sont extraites d'un mémoire présenté à la
Société Nivernaise, dans la séance du 6 octobre 4853, par
M. Gougny. Nous ne suivrons pas le savant archéologue
dans ses hypothèses, non plus que les interprétations fan-
taisistes de M. Eloi Johanneau, qui semble s'être donné
la tâche à cette époque d'aborder les questions les plus
difficiles d'interprétation, pour ajouter à leur difficulté
naturelle la confusion d'une érudition dénuée de critique.
Les monuments de ce genre n'ont pas encore été,
croyons-nous, interprétés d'une façon certaine. Il s'y ren-
contre probablement un ensemble de règles et de formules
volontairement obscures. Ge sont, peut-être, en outre, des
vestiges du langage local. A tous ces titres, ils présentent
un problème intéressant, ils doivent être conservés avec
soin, surtout lorsque la lecture en est certaine, puisque
leur nombre et leur rapprochement peuvent résoudre les
difficultés.
{Société Nivernaise, 1855, t. I", p. 336.)
22. Sur un vase en terre noire, de toute petite dimen-
264 CONGRÈS ARCHÉOLOtilQUE DE FRANCE.
sion et encore muni d'un couvercle, on lit sur une zone
les quatre lettres :
B.I.B.E.
séparées par de larges points ronds ou disques. Cette invi-
tation à boire indique la destination de ce petit vase, et
prouve ainsi l'usage à cette époque du gobelet élégant en
terre fine.
M. de Cougny, directeur de la Société, annonce qu'il
compte provoquer l'établissement d'un catalogue de ces
inscriptions dans chaque Congrès annuel, pour la région
archéologique à laquelle appartiendra la ville où aura
lieu la réunion.
M. l'abbé Baudry, curé du Bernard, et M. Léon Balle-
reau, dans une lettre lue en séance par M. le Président,
expriment le regret de n'avoir pu assister au Congrès.
Enfin, M. l'abbé Vinas exprime les mêmes sentiments.
Il témoigne en outre sa vive satisfaction de voir reparaître
le Bulletin monumental, dont il constate l'heureuse
rédaction. Les membres du Congrès s'associent à sa pen-
sée. Le Bulletin monumental est, en eff'et, l'organe vital et
essentiel de la Société française d'Archéologie; il est digne
de tous les membres d'y collaborer et d'en favoriser la
diffusion.
La séance est levée à cinq heures et demie.
XL® SESSION, A CHATEADROUX. 2G5
1''' SÉANCE DU 42 JUIN ISIS.
PRÉSIDENCE DE M. DE ROUMEJOUX,
Inspecteur du Lot.
Siég'ent au bureau : MM. de Baye, Legrand, Roubet et
Rouëdde.
Le procès-verbal de la séance du 41 juin est lu et
adopté sans observation.
M. Rouëdde sij^nale l'existence, à la Faye près Châtillon,
d'un atelier d'instruments de silex, exploité depuis long-
temps pour l'entretien des routes. Il présente divers échan-
tillons, assez peu remarquables d'ailleurs, parce qu'ils
ne sont que le résidu de l'exploitation. Mais il fait con-
naître l'existence, sur le terrain même de l'atelier, d'un
grand polissoir de deux mètres cubes, profondément
enfoncé dans le sol et sillonné de plusieurs rainures. Il
mentionne en outre un dolmen renversé et mutilé, dont
la tablette a 2" 40 de largeur; puis, non loin de là, un
camp et, à Mur, un autre camp, pris à tort pour un
tumulus.
M. le président donne lecture d'une lettre de M. Teste-
noire-Lafayette, adressée à M. de Cougny, dans laquelle
il fait part au Congrès de Chàteauroux des regrets
unanimes que la mort de l'illustre M. de Caumont a causés
à la Société Archéologique du Forez.
La cinquième question du programme : Les pierres
prismatiques de Chambon sont-elles le produit de l'indus-
trie humaine ou une formation géologique? est mise à
l'ordre du jour.
266 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
M. Godefroi expose qu'il a trouvé et examiné bien sou-
vent des pierres pyramidales de petit volume, disséminées
à Villedieu, à Chamousseau-du-Puy, sur la rive gauche
de l'Indre, près Saunay et Sainte-Gemme. Leur quantité
était innombrable, car on les exploite depuis plus de
trente ans pour le service des routes. Ce sont des pierres
de grès dur, dont la couleur varie du rouge jusqu'au noir.
Elles affectent des formes diverses, dont la plus commune
est la forme pyramidale. Elles présentent, en effet, deux
pyramides bien opposées et surbaissées à sommets symé-
triques. M. Godefroi s'est demandé si ces pierres étaient
taillées par la maiu de l'homme ; une grave objection,
tirée de la nature de la pierre s'élève contre l'affirmative.
Il est plus probable que ces grès ont été transportés et
roulés par les eaux, et que leur forme est le fait de la
nature.
M. de Cessac ne reconnaît dans les échantillons déposés
sur le bureau aucune trace de travail humain; il ne voit
pas non plus à quel usage ces pierres auraient pu servir.
M. Constant Prévost a signalé dans les environs de Paris
une argile dont les fentes de retrait naturelles ont divisé
la masse en prismes semblables à ceux du basalte. C'est
à un phénomène semblable que sont dus les grès de
Chambon en forme de prismes. Quant à ceux formés de
deux pyramides quadrangulaires très-surbaissées oppo-
sées par la base, M. de Cessac trouve l'explication de leur
formation dans celle des grès de Fontainebleau. Ces grès
à base calcaire ont cristallisé dans le système de la chaux,
le rhomboèdre; ceux de Chambon, à base de fer, dans
celui du fer, l'octaèdre. Tous ces échantillons sont forte-
ment roulés, ce qui fait que leur cristallisation est un peu
fruste.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 267
La neuvième question, relative aux voies romaines du
Berry, est traitée par M. Lenseigne. Ce consciencieux et
patient explorateur donne, dans un mémoire remarquable,
la description détaillée des six voies romaines qui venaient
converger à Argentomagus, aujourd'hui Argenton. Ses
indications sont précises, étudiées sur place, la pioche à
la main, et rendues plus claires et plus sensibles par une
bonne carte, jointe au mémoire.
Rapport sur les voies romaines dans les
environs d' Argenton.
Depuis plus de vingt ans, à mesure que le temps me
Fa permis, je me suis occupé à rechercher des voies
romaines autour d'Argenton, et, après bien des efforts,
en étudiant le sol, je suis parvenu avec bonheur à décou-
vrir six voies principales, convergeant sur l'ancien Argen-
tomagus, qui sont :
La voie de Lyon,
La voie de Bourges,
La voie d'Orléans,
La voie de Poitiers,
La voie de Bordeaux,
Et la voie de Clermont.
Sur les points les mieux conservés, j'ai pu m'assurer
du mode de leur construction en tranchant la chaussée,
car ce n'est qu'à la chaussée, c'est-à-dire à l'empierrement
que la reconnaissance peut être faite avec exactitude ; j'ai
reconnu qu'il était le même pour toutes ; qu'il n'y avait
de différence que pour la largeur. Ainsi, il sera facile
268 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRi\JVCE.
de classer l'importance de ces voies, par la largeur de leur
chaussée d'empierrement.
Leurs tracés sont remarquables par l'art et la régula-
rité de leurs mouvements à traverser les plaines, à con-
tourner les côtes ou à les franchir. On pourrait croire à
une combinaison stratégique.
Il n'existe nulle part aucune apparence de fossés pour
décider de la largeur totale de chaque voie, le temps les a
comblés.
Toutes ces voies venaient aboutir à peu près au centre
de la ville romaine, probablement sur une place, au nord
de l'amphithéâtre, dans les vignes du Palais, lieu ainsi
appelé à cause de la présence du palais ou maison du
gouverneur, que la tradition nous a conservé.
L'ancien Argentoraagus, dont je vais parler, était une
ville ouverte. Cette ville comprenait un périmètre de
3 kilomètres 500 mètres de longueur, du sud au nord^
sur 2 kilomètres 500 mètres, de l'est à l'ouest, soit une
circonférence de 9 kilomètres 430 mètres.
A en juger par l'abondance des débris de maçonnerie
qu'on retrouve à sa surface, elle s'étendait dans la vallée
de la Creuse, où sont Naillac et Saint-Étienne (deux fau-
bourgs d'Argenton), sur les collines des Mersans et des
Douces, sur l'emplacement de Saint-Marcel, et sur les
plaines plantées de vignes des Jaugères, les Caurattes, le
Palais, les Champmassons, Lozelet et la Chicarderie. L'un
de ses faubourgs se prolongeait de Naillac à Maraux au
pied de la tour à'Heraclius. Un autre se prolongeait aussi
vers la Chicarderie, sur les voies de Bourges et de Lyon;
et un troisième dans les Jaugères, sur la voie de Poi-
tiers.
Dans cette vaste étendue de terrain et parmi les décom-
bres, on remarque les vestiges :
Me-,
snles.)
CAPvTE
DES
yolKS ROMA/IVES
dans les environs
d Argenton,
dressée fa.rM-'L enseigne
Condud^des Thrdt; el C/iausseu-
â Jrjenlon. { Indre )
jx^w oe/tw it joir i(jMfjo['^ piWJt^ au Conqr&i
<.htJièvkHji(/UA- de frange I<-vul d CAâteuu/oLu:
Echelle
dt O'^OOâ poarIKÛomeIre.
01Z345G389 10 OOO
JOOOM.
1
CHATBE.
Mediolanum Caslmm.
(CHA TUA UME/JLLAVT. )
Col
{La
JBo/uie.
J
LEGENDE.
-\T -n ^reconnuftj el apparentes ^
Voies ilomames \ ■ *
Jincorapletem- déterminées
Hontes Nâlionalts d Depademenkles-
Rmères eu Rui.wcua.t
VILLES
Bourgs a l}//a^ej
limite d Argenlomagu
'^!afici. . K S'.Miirh
CARTE
yoiKS nOMAfNES
ns les environs
d'Argent on,
par W'L e/isctyae
Condud'deilhnisti (^ausseu
a ÂTffenlon <. Indre )
1idualeifi<jUje de France U/ui « fAàltmu
C3
XL" SESSION, A r.IlATEAUROUX. 200
D'un théâtre ou cirque de 98 mètres de diamètre, pris
intérieurement, et placé au mas des Douces ;
D'un amphithéâtre de 104 mètres de diamètre, situé au
mas du Palais ;
D'un hypocauste d'une vaste étendue, mis à découvert
à Saint-Étienne ;
Des canaux de fontaines, mis à découvert dans les
vignes des Mer sans ;
Des temples à Cérès, Apollon, Hercule, dont les tètes
finement sculptées ont été trouvées dans les décombres ;
Des maisons somptueuses par la richesse des peintures,
du marbre et des mosaïques, mises à découvert depuis
quelques années ;
Des urnes funéraires parfaitement conservées ;
D'un pont en pierre de taille, sur la Creuse, entre Saint-
Étienne et Naillac, pour servir aux voies de Bordeaux et
de Clermont ;
D'une forteresse, le boulevard de la ville romaine, sur
l'extrémité d'une côte au faubourg Maraux. On y remar-
que que la tour d'Héracle a été réparée au pied avec
des piédestaux et des fûts de colonnes, provenant de
palais ou de temples. Cette réparation doit remonter à
l'époque du passage des Vandales, alors que les Gallo-
Romains démolissaient leurs villes pour se mettre à l'abri
de l'invasion. On lisait encore, il y a quatre-vingts ans,
sur le fronton de sa porte principale : Heraclius, veni, vici,
et au-dessous se voyait un taureau sculpté, symbole de la
force. Dans l'intérieur, maintenant planté de vignes, le
vigneron, avec son soc, découvre journellement des mon-
naies d'Auguste, d'Agrippa, Néron, Dioclétien Cette
forteresse était reliée au faubourg de Naillac, par une
voie passant derrière les maisons actuelles de Chàteauneuf,
et allant correspondre à Fontfurat, avec les voies de Bor-
270 CONGRÈS ARCUÉOLOGIQUE DE FRANCE.
deaux et de Clerraonl, Ces témoii^aiages prouvent assez de
son existence au temps de l'occupation des Romains et
qu'elle était la sauvegarde de la ville ;
D'un champ de Mars, très-probablement dans la plaine
des Champbons, en face du cirque.
A Naillac, Saint-Étienne et Saint-Marcel, dans les
vignes et les jardins, on découvre de belles poteries, de
superbes mosaïques, de beaux marbres, des peintures
murales, des pièces de monnaie à l'effigie des empereurs
et des consuls, des chapiteaux, des corniches, des piédes-
taux, des fûts de colonnes, des carreaux et des tuiles à
rebords.
Il semble que l'Italie ait apporté ici toutes ses sciences
et tous ses arts.
Placée au centre de la Gaule, cette ville, qui fut grande
et somptueuse, révélée par les débris de ses magnifiques
édifices, et par l'importance de ses six belles voies, ne pou-
vait pas être autre qu'une capitale de province où siégeait
le gouverneur, ou proconsul, ayant son palais à côté de
l'amphithéâtre, ainsi que la tradition a conservé ce nom :
Palais, dans le pays. C'est ma conviction, et ce qui encore
la fortifie, c'est que dans toutes les recherches faites au-
tour de Bourges, de Tours et de Poitiers, on n'est parvenu
réellement à découvrir que quatre voies pour Bourges,
cinq pour Tours et quatre pour Poitiers. Puis il faut
penser que quatre des voies d'Argenton devaient être de
première classe et entrer dans le grand réseau central.
Cette simple explication étant faite sur la ville d'Argen-
tomagus, je vais parler du trajet des grandes voies qui y
aboutissaient et qu'on pourra suivre en consultant les
deux cartes ci-annexées.
XL" SESSlOiN, A CIlATliAUROUX. 271
I, — Voie romaine d'Argenton à Lyon par Néris.
En l'année 1839, lorsque l'administration des ponts
et chaussées faisait construire la route départemen-
tale n° 3 de Saint-Gaultier à Châteaumeillant, entre
Argenton et Bouesse, les ouvriers, en déblayant le ter-
rain, mirent à découvert une chaussée d'empierrement
assez bien conservée. C'était la grande voie de communi-
cation d'Argentomagus à Lugdunum par Néris, qui venait
de se révéler, voie que la terre recouvre depuis des siècles,
et dont les Itinéraires d'Antonin font mention, ainsi que
les Tables Théodosiennes.
Profitant de nos visites sur les chantiers de notre route
départementale, nous avons reconnu qu'entre la Bour-
dine et l'aqueduc de Font-Creux, au-delà du Niellaux,
sur une étendue de 5,500 mètres, la chaussée romaine
avait été tranchée sur quatre points, par suite de son
voisinage et de ses développements serpentant dans la voie
nouvelle. En même temps, nous nous sommes assuré de
son mode de construction et nous en avons levé profil.
Cette chaussée a une largeur de 6 mètres, et se com-
pose :
1° De deux rangs de bordures en calcaire dur bien
alignés, régnant l'un et l'autre sur chaque bord et formant
l'encaissement de l'empierrement.
2° D'une couche inférieure ou première couche en
mâchefer de 20 centimètres d'épaisseur.
3° Et d'une couche supérieure ou seconde couche en
silex et calcaire mélangés, de la grosseur de 3 à 6 centi-
mètres de diamètre.
L'épaisseur totale est complètement liaisonnée; son fond
272 CONGRÈS ARCnÉOLOGIQUE DE FRANCE,
est réglé suivant un arc de cercle de 5™61 de corde et de
Il centimètres de flèche.
Des sondages ont démontré que les épaisseurs des
couches étaient variables.
Sur d'autres points, les deux couches composant l'em-
pierrement reposent au fond de l'encaissement sur une
fondation faite en petits moellons de nature calcaire et en
mâchefer, rangés en forme de pavage, suivant un bom-
bement de 12 centimètres.
A quelque temps de là, nous reprenions nos recherches
avec l'intention bien arrêtée de faire un relevé général de
nos voies romaines convergeant sur Argenton. De nou-
velles et précieuses découvertes que nous venions encore
de faire étaient pour nous un encouragement. Nous nous
mîmes à l'œuvre, et maintenant nous sommes en mesure
d'en donner les détails.
Nous allons d'abord compléter la description commencée
de la voie romaine de Lyon.
La grande voie romaine d'Argentomagus à Lugdunum
s'embranche avec la grande voie romaine d'Argentomagus
à Avaricum, dans le pacage de Lamartine, situé entre
Lamartine et la Bigaillonne, ayant appartenu à M. le
vicomte Octave de Barrai et maintenant à M. le général
d'Autemarre. De cette bifurcation les deux voies se con-
fondent communément jusqu'à Saint-Marcel, à peu de
distance du théâtre romain, dans les vignes du Palais, sur
une longueur de 2 kilomètres 500 mètres.
De Saint-Marcel jusqu'au pacage de Lamartine, la
chaussée commune traverse des vignes qui empêchent de
la bien reconnaître. Ce n'est qu'au passage de la rectifi-
cation de la route nationale n° 20 de Paris à Toulouse,
qui la coupe à 63 kilomètres 700 mètres du bornage,
qu'on retrouve sa trace dans un petit vallon qu'elle fran-
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 273
chil le long- du chemin étroit et creux du Lozelet; puis
coupée par l'ancienne route de Paris, à 1550 mètres
de distance d'un ponceau établi à gauche, elle monte sur
le plateau delà Chicarderie, qu'elle prend à revers.
A 140 mètres au delà du ponceau qui vient d'être
indiqué, un tombeau en pierre a été mis à découvert
au bord de la voie, en 18G0, par le nommé Hébert
Auguste.
Dans un champ à droite, en deçà de la Chicarderie, des
déblais exécutés en 1859 mirent à découvert les débris
d'un temple , du milieu desquels on retira une tête
d'Apollon qui a été donnée par M. Mercier-Génétoux
au musée de la ville de Châteauroux.
En quittant les champs de la Chicarderie, la voie
entre sur les terres de la Bigaillonne, et après avoir
croisé le chemin de Lamartine à Saint-Marcel, et traversé
un champ appartenant à M. Mercier-Génétoux, elle
pénètre dans le pacage de Lamartine, à 32 mètres de dis-
tance de l'angle formé à droite par la haie servant de clô-
ture. C'est ici, à 6 mètres au delà de la haie, dans ce
pacage figurant un trapèze, que se trouve la bifurcation
des deux voies romaines, se dirigeant l'une à gauche
sur Bourges, et l'autre à droite sur Lyon.
La voie de Lyon, partant de son point d'embranche-
ment, sort du pacage au premier angle à gauche de la
haie formant la clôture du fond ; puis développant une
courbe à droite, elle traverse les bois de Lamartine, Ver-
neuil et des Thibauds, laissant à droite Lamartine à
500 mètres, la Forêt-Chauve à 700 mètres, et Verneuil à
d,000 mètres.
Dans ce parcours, la chaussée est presque intacte ; elle
se croise dans le bois avec l'antique chemin d'Argenton à
Bourges par Ardentes, témoignages encore vivants à l'égard
XL'' SESSION. 18
274 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
de Voppidum d'Argenton, pour lequel nous préparons
une notice; débouche du bois sur la route départementale
n° 3, qui la coupe pour la première ibis au point I4''520
du bornage de cette route, presque en face du domaine de
la Bourdine.
C'est à partir de ce point que nous avons donné plus
haut un commencement de la description de la voie que
nous allons continuer.
Sortie du bois et ici tranchée par la route, la chaussée
romaine traverse une pièce de terre drainée, forme une
courbe dont le sommet appuie vers la Bourdine, qu'elle
laisse à droite à 300 mètres, puis se déroule en relief
très-apparent dans la brande, en sinuosités plus ou
moins allongées autour de la route départementale qui la
coupe une deuxième fois, et l'occupe même sur une lon-
gueur de 210 mètres à partir de ITi"'!, se sépare d'elle,
passe à gauche en franchissant le ruisseau des Cédelles,
laissant les Cédelles à droite et la Jalousie à gauche ; est
coupée obliquement une troisième fois au point 16''960 du
bornage, dans sa sinuosité allant de la gauche à la droite,
suit l'ancien chemin d'Argenton à la Châtre ; passe au
pied d'uoe croix de la Rédemption à la croisière du chemin
de la Paillauderie, laissant la Paillauderie à droite à 400
mètres et le Buisson à gauche, à 350 mètres; elle franchit
les deux petits ruisseaux de la Paillauderie en traversant
un bouquet de bois et un champ où elle est bien conservée,
parvient au sommet d'une brande, sur lequel elle forme
une courbe développée à gauche à 40 mètres en
deçà de la croisière du chemin des Coudreaux à Mali-
cornay.
De ce point et laissant à gauche, les Coudreaux à
500 mètres et le Nielloux à 400 mètres, la voie descend
en ligne droite dans la brande do la Bouesse, où elle est
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 273
intacte,puis elle incline sensiblement à gauche pour tourner
les côtes élevées des Molles, des MoUins et de Montipeneau.
Dans ce trajet elle est coupée obliquement une qua-
trième fois par la route départementale n° 3 au point
19''960 du bornage, et près duquel, en fouillant le terrain,
a été mis à découvert un tuyau fait en mortier de ciment,
d'une ouverture cylindrique de 9 centimètres de diamètre,
placé le long du côté gauche. De là elle traverse ce qui reste
de brande, est ensuite couverte par une haie servant de
clôture à un champ, passe à 98 mètres de la Grande-
Métairie de Bouesse, qu'elle laisse à gauche, et Bouesse à
droite; elle traverse des champs, des pacages et des
bouquets de bois, sert d'emplacement pour une croix à la
croisière des chemins de Bouesse à Fontpart et à la Ver-
rerie, sort d'un bouquet de bois pour franchir un petit
vallon et se porter au Gâché ; un fossé ouvert dans le pli
du vallon tranche la voie. On remarque au fond de la
tranchée des petits moellons arrangés et du mâchefer,
formant autrefois la couche de fondation de la chaussée.
Du Gâche, la voie va directement aux Brais. Là, à
gauche, sur son bord une maison appuie dessus, de
A mètres de longueur.
Des Brais, la voie romaine continue d'être apparente ;
elle franchit le vallon du Grézançais, qui forme deux cours
d'eau séparés par un pré, et monte sur un plateau en
développant une courbe à droite, laissant les Talbots à
gauche à 430 mètres, pour se diriger bien conservée sur
les Grandes-Métairies. D'abord, avant d'arriver à ce point,
elle est coupée par le chemin vicinal n'* 31 de Bouesse à
Bussière d'Aillac, près d'un aqueduc qu'elle longe ainsi
qu'une mare, traverse des pièces de terre, suit le chemin
sur 200 mètres, et joint la première maison à droite de la
Grande-Métairie.
276 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE BE FRANCE.
De là la voie continué de suivre le chemin, et, toujours
apparente, elle franchit l'Auzon, monte à la Prungne,
parvient au milieu du village des Veaux, est coupée par
la route départementale n° 8 de Châteauroux à Aigurande,
à 23''653 du bornage, longe le Bois-Gros, dans lequel elle
pénètre, laissant Neuvy-Saint-Sépulchre à droite.
Après le Bois-Gros, le terrain a été travaillé par des
labourages qui ne permettent plus de distinguer la voie.
On ne la retrouve qu'au village de la Chaussée, où se
bornent nos investigations ; mais de ce point elle doit se
rendre à Châteaumeillant, laissant la Châtre à gauche.
II. — Voie romaine d'Argenton à Bourges et à Aiitun.
Nous avons dit dans l'article précédent que les deux
voies de Lyon et de Bourges, réunies dans le pacage de
Lamartine, venaient aboutir à Saint-Marcel. Nous allons
donc prendre cette dernière voie à son point d'embran-
chement.
Mais d'abord nous devons dire que sur tout son parcours
en général, ses alignements droits et courbes sont tracés
avec art, suivant les inflexions du terrain.
La largeur de la chaussée est de 4 mètres sur des points
et de 6 mètres sur d'autres.
Elle se compose de deux rangs de bordure en pierre,
formant l'encaissement comme celle de Lyon ;
D'une couche de fondation en mâchefer ou en petits
moellons, posés à la manière d'un pavage bombé ;
D'une couche en pierre, en silex et en mâchefer, repo-
sant sur la fondation ;
Du pacage de Lamartine, la chaussée romaine s'enfonce
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 277
dans les bois de Nuits et des Gabats, dans lesquels elle est
intacte. Elle longea gauche la fosse dite aux Cannes, point
à renaarquer, croise les deux chemins de Lamartine
qu'elle laisse à 600 mètres, et croise aussi les deux che-
mins de la liigaillonne aux Thibauds, Entre ces deux
chemins elle présente une levée remarquable de 22 mètres
de longueur sur 70 centimètres de hauteur et de G mètres
de largeur.
A vingt mètres au delà du second de ces chemins,
on remar(jue une autre levée, moins prononcée que la
première.
A cinquante-huit mètres, avant de croiser le chemin
des Gabats aux Thibauds, servant de limite aux communes
de Saint-Marcel et de Tendu, on rencontre à iO mètres
50 centimètres, à droite de la voie, un tumulus ayant
la forme d'un cône tronqué de 2™ 40 de hauteur ; sa
base a de diamètre 27 mètres, et sa plate-forme 11 mètres.
Sur son sommet existe un vieux tronc de chêne énorme.
Continuant dans le bois, elle laisse les Gabat? à gauche,
à 250 mètres, et forme une troisième levée. A 100 mètres
plus loin on la trouve couverte par de vieux troncs de
chênes. Coupée par l'allée du bois des Gabats, elle passe
devant le rond-point à 117 mètres, sort du bois, et croise
le chemin de Tendu aux Thibauds, laissant les Thibauds
à droite à 300 mètres.
Traversant ensuite des pièces de terre, la voie franchit
le ruisseau des Gaignerons et prend l'antique chemin
gaulois d'Argenton à Bourges, sur lequel elle a été établie.
Toutefois elle sera souvent coupée et suivie par le chemin
vicinal d'Argenton à Ardentes par Arthon.
Laissant les Piautets à gauche à 400 mètres, elle
longe à gauche la lisière du bois des Salerons, tandis
qu'à l'opposé, elle passe devant de gros dormarets ou
278 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
galets, attachés au terrain, et désignés sous le nom de
pierres bures ; puis elle entre à droite dans des champs,
laissant à 12 mètres, à gauche, le chemin d'Ardentes
ou d'Arthon, coupe un petit communal, continue dans le
chemin en prenant toute la lisière du bois de la Chaise,
laissant le village de la Chaise à gauche et les Jadrets à
droite, à 200 mètres, près duquel on remarque le goufire
surprenant de ce village.
Du bois de la Chaise, sa trace est faiblement visible,
ainsi qu'au droit du village des Linettes, qu'elle laisse
à droite à 300 mètres ; mais dès qu'elle a franchi le
ruisseau des Linettes, elle devient très-apparente, passe
entre les Terreaux, qu'elle laisse à gauche à 500 mètres,
et Larrache à droite à 200 mètres, point où elle croise
le chemin vicinal n° 40 de Telles à Mosnay.
De ce point elle se dirige sur Patras, suit le chemin
d'Arthon ou d'Ardentes, qu'elle quitte et reprend plu-
sieurs fois avant ce village, qu'elle laisse à droite à 400
mètres et l'abbaye à 400 mètres, suit le chemin d'Ar-
dentes ou d'Arthon, en s'inclinant à droite et laissant à
50 mètres à gauche les ruines d'un ancien four romain ;
franchit le ruisseau d'Hyvernault, laissant ce village à
gauche à 500 mètres, et arrive aux Pellerins à 8 mètres
à droite de la première maison.
A quarante mètres au delà des Pellerins, la voie tourne
à gauche et monte à Bellevue. Dans ce parcours, et tou-
jours remarquable, elle traverse des pièces de terre, passe
entre les Combes, qu'elle laisse à gauche à 400 mètres,
et la Gabette à droite à 300 mètres, suit le chemin d'Ar-
dentes ou d'Arthon, laisse à gauche l'étang de l'Aubépin
à 200 mètres, puis parvient en face de Bellevue à 100
mètres de distance à gauche.
Bellevue est sur une hauteur, sur l'emplacement même
XL'= SESSION, A CllATEAUROUX. 279
d'un camp romain, facile à reconnaître aux talus relevant
le terrain.
A cent cinquante mètres après Bellevue, la voie romaine
incline à droite et se sépare ici du chemin d'Arthon. Elle
se dirige au milieu des brandes et des étangs de la Batail-
lerie, laissant la Bataillerie à gauche à 250 mètres, en
passant sur la pointe du petit étang. De là, et se tenant
bien visible dans la brande, elle se porte sur Lavaud,
laissant la Tremblais à gauche, franchit la vallée de Gré-
zançay et monte à Lavaud.
De Lavaud, la voie continue d'être apparente au milieu
des terres et des brandes. Elle passe dans l'étang dit du
domaine de l'Étang, se présente devant Puymoreau, qu'elle
laisse à gauche en contournant la côte, et descend à la
rivière de Rouzame, pour la franchir au gué de Venay, à
quelques mètres en amont du moulin.
Coupée par la route départementale n" 8 de Château-
roux à Aiguerande, elle suit le cherûin deCrublier, passe
à gauche au pied du bâtiment du nouveau Crublier, lais-
sant à droite le vieux Crublier à 100 mètres pour traver-
ser la forêt de Châteauroux, laissant la Verrerie à gauche
à 330 mètres.
Dans la forêt de Châteauroux, elle suit le chemin d'Ar-
dentes (vieux chemin gaulois de Bourges) jusqu'à l'entrée
d'Ardentes-Saint-Martin, en laissant à gauche les Loges
d'Ardentes à 200 mètres et à droite l'embranchement
du chemin de Jeu-les-Bois. Cessant à ce point de suivre le
chemin, elle entre à droite dans les jardins, et passe au
pied de l'église de Saint-Martin d'Ardentes, pour franchir
l'Indre. Ici se termine notre reconnaissance.
280 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
III. — Voie romaine d' Argentan à Orléans.
Cette voie devait être la grande communication d'Ar-
gentomagus à Genabum.
Les Itinéraires d'Antonin et les Tables Théodosiennes
n'en disent rien ; c'est une lacune due évidemment à une
négligence. Sa confection, du reste, est tout à fait sem-
blable aux autres chaussées romaines aboutissant à Argen-
ton, ainsi que nous l'avons reconnu en la suivant pied à
pied de Saint-Marcel à Mehun-sur-Indre, près Villedieu.
Cette voie reliait au village des Mersans, commune de
Muret, une ville romaine, ailleurs plusieurs villas ou sta-
tions, dont les vestiges existent encore : témoignages
irréfragables, prouvant aussi l'origine romaine de la voie.
Dans plusieurs endroits de son parcours général, on
retrouve à la surface du sol des portions de chaussées
entières, faites suivant des alignements droits et des ali-
gnements courbes, tracés avec art, ce qui encore une fois
fait reconnaître la main des Romains.
Cette chaussée, aux endroits les mieux conservés, a pour
largeur A mètres, et se compose :
De deux rangs de bordures en pierre, un de chaque
côté, formant l'encaissement ;
D'une couche inférieure en mâchefer, servant de fonda-
tions ;
D'une couche supérieure en silex de calcaire ou de
grès.
A son point de départ de Saint-Marcel, la voie n'offre
aucune trace dans le vignoble qui s'étend de ce bourg
à Chabenet. Ce n'est qu'à doux kilomètres avant d'arriver
à Pout-Chrétien, qu'on commence à la reconnaître à la
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 2SI
présence de quelques vestiges. Elle est coupée oblique-
ment par la route départementale n' 3, et s'en sépare au
point 3'' 800 du bornage, pour franchir la Bouzanne au
droit de la chapelle de Pont-Chrétien.
Ici on remarque les vestiges du pont romain ; la culée,
sur la rive droite de la Bauzanne, présente encore 3 mètres
de hauteur.
La chapelle est placée sur la voie, qu'elle occupe tout
entière.
A deux cents mètres en amont de l'emplacement du
pont, au sommet du coteau à droite de la Bauzanne, des
vestiges d'une maison romaine ont été mis à découvert
par des carriers ; au milieu des décombres on a trouvé
des pièces de monnaies romaines, un poignard, des cen-
dres, un four établi à côté, et des tuiles à rebords.
De la chapelle de Pont-Chrétien, la voie monte la côte à
droite; sa trace est peu visible, mais elle devient apparente
au milieu des vignes et de quelques parcelles de terre. Ses
bordures en pierre ont été arrachées en partie par les pro-
priétaires pour dresser leurs limites voisines. Traversant
toujours les terres, elle passe entre les Prins, qu'elle laisse
à droite à 400 mètres, et la Petite-Chaume à gauche
à 150 mètres, croise le chemin de la Chaume à Chasse-
neuil et laisse les Nadauds à gauche à i20 mètres. Ici, en
arrivant au droit des Nadauds, la voie a 3 mètres de
largeur entre bordures , est coupée par le chemin de Chas-
seneuil à Saint-Gaultier; elle laisse Chasseneuil à droite à
150 mètres. Sa trace disparaît en descendant dans la vallée
du Bauzanteuil. On la retrouve au passage de ce ruisseau
à 100 mètres de distance des Prés, qu'elle laisse à
gauche. De ce point elle se développe à droite, pour con-
tourner en montant un vallon étroit, puis traverse un bois
et une pièce de terre, dans lesquels elle est complètement
282 CONGRÈS ARCHÉOLOGIUUE DE FRANCE.
intacte eu face de Bois-Certat, distant de 400 mètres à
gauche.
A Bois-Certat, la voie, faisant un coude très-prononcé
sur la gauche, est coupée par la route nationale n° 151,
au point -46'' 5 du bornage, auprès de la maison de la
Pensée à droite, et, toujours apparente, elle traverse les
brandes des Bois-Communaux et des Moreaux, en laissant
à droite Bellechasse h 80 mètres, et le gros village des
Moreaux à 250 mètres ; puis, coupée par le chemin
vicinal de Nuret à Luans, elle traverse les brandes
communales de Nuret, où elle est très-apparente, lais-
sant à droite la Crofsée à 500 mètres, les Blins à
600 mètres, la Soulatrie à 300 mètres, et à gauche le
Malebron à 600 mètres.
Au droit des Blins et de la Soulatrie, elle incline à
droite, et, quittant les brandes, elle entre dans un bouquet
de bois, forme une grande courbe à gauche avant d'en-
trer dans le village des Mersans, qu'elle traverse.
Aux Mersans, sur une grande étendue des deux côtés
de la voie, nous avons reconnu des vestiges considérables
de constructions romaines, révélant une ville moyenne.
Qu'elle était cette ville? Son nom est-il perdu dans
l'oubli? Des fouilles soigneusement faites pourraient
permettre de le découvrir.
Nous avons reconnu aussi aux Mersans que la voie
forme une levée d'une longueur de 50 mètres, sur une
hauteur, de 1" 35, et une largeur, bordures comprises,
de T"» 70.
Des Mersans, la voie suit le chemin jusqu'aux Bernards,
passant entre Laforêt et la Perchaudrie à gauche, et
Lamortenerie à droite.
Aux Bernards, nous avons remarqué aussi des vestiges
de maçonneries romaines, bien moins considérables
XL« SESSION, A GHATEAUROUX. "0^3
qu'aux Mersans, mais assez étendus pour permettre de
croire qu'une petite ville, sinon une villa, existait là.
Des Bernards, la voie traverse les terres, le bois Robert,
croise le chemin de Chezal-CoUet, qu'elle laisse à gauche à
600 mètres, franchit le ruisseau et le pré de Chezeaubois,
coupée par la route agricole de Neuillay à Luant, à
50 mètres au delà de la borne kilométrique n° 22, laissant
Neuillay à gauche à 2 kilomètres ; longe le pré Gercay à
gauche et le Bois-Cocu à droite, suit un sentier en pas-
sant devant l'allée de Marchais à droite, et laissant à
gauche le Trait-de-Genièvre à 500 mètres, puis croise les
chemins de Bois-Robert à Villedieu, et de Chezal-Collet à
la Tour.
De ce point, la voie, bien reconnaissable, suit le che-
min de Villedieu jusqu'à d 50 mètres delà ferme de la
Tour ; laissant la Tour à droite, elle franchit la Glaise à
115 mètres au-dessous de la passerelle en bois ; laissant à
droite, à 334 mètres, le vieux castel en ruine de Rancay,
établi sur la rive droite de la Glaise, elle se porte sur Mont-
pensé et Mehun-sur-Indre, où se termine notre recon-
naissance.
IV. — Voie romaine df Arcjenton à Poitiers.
Nous avons eu occasion de relever cette voie sur l'éten-
due de Saint-Marcel au Blanc ; mais, comme M. de la
Tremblais en a fait la reconnaissance à partir de Saint-
Gaultier jusqu'à la limite de l'Indre au delà d'Ingrandes,
et en a donné une description parfaite dans le compte
rendu des travaux de la Société du Berry (41'' année),
1864, nous nous bornerons à décrire la lacune qu'il n'a
284r CONGRÈS AlUlHÉOLOGlgUE DE KKAISGE.
pas étudiée et à indiquer quelques points principaux vers
le Blanc.
La largeur de la chaussée est de 4 mètres.
Elle se compose :
De deux rangs de bordures en pierre calcaire, un de
chaque côté, formant l'encaissement ;
D'une couche de fondation en pierre ou en mâchefer,
Et d'une couche de quartz de mâchefer et de calcaire.
Cette voie de communication, à'Argentomagus à Limo-
nuïTt, devait prendre naissance au centre d'Argentomagus,
au point de rencontre de celles de Lyon et de Bourges,
près de l'amphithéâtre. On la trouve d'abord dans les
vignes du mas des Jauchères, pour se tenir ensuite sur la
côte, à droite de la Creuse.
Coupée par le chemin de fer d'Orléans à Limoges, elle
traverse les vignes de Saint-Martin et de Pont-Chrétien
d'en haut, en suivant presque parallèlement le chemin de
Cooives et du Pont, duquel elle n'est séparée à gauche
que de 2 et quelquefois de 12 mètres.
En arrivant au Pont-Chrétien d'en haut, qu'elle laisse
à droite à loO mètres, la voie se confond avec le che-
min sur 80 mètres environ de longueur, descend dans
la vallée de la Bouzanne, eu inclinant à droite, pour
franchir celte rivière près du moulin du Cluzeau.
Ici, dans un champ d'un nommé Dolidier, Louis, près
de la voie, en déblayant le terrain, on a trouvé, en 1864,
des vestiges de construction romaine, probablement d'une
villa.
Après le passage de la Bouzanne, la voie est coupée par
la route n" 3, et monte au Cluzeau. De là, inclinant à
gauche, elle se dirige vers le village de Neuville, au milieu
duquel elle passe; puis elle descend dans la vallée du
Bauzanteuil, traverse ce ruissaau au point occupé par le
XI/ SESSION, A CIIATEAUROUX. 285
bâtiment du Petit-Moulin. De là, et après avoir été coupée
par la route nationale n° 151, à -41'' -480 du bornage, elle
monte la côte du village des Pauduats, qu'elle laisse à
100 mètres à droite, suit un chemin creux, est coupée de
nouveau par la route départementale n" 11 à 57^430 du
bornage, longe à droite le mur du cimetière de Saint-
Gaultier, pour se diriger sur les Chézeaux, laissant la ville
de Saint-Gaultier à gauche à 300 mètres.
Du village des Chézeaux, la voie se porte sur le domaine
de la Chaussée, oîi elle se trouve intacte en passant à
Terrière et laissant à gauche le camp romain établi au
sommet du Gourde, duquel nous donnerons plus tard une
description.
De là elle parvient à la Fosse et à Pellebusan, où
M. Périgny père m'a montré des vestiges de construction
romaine.
De Pellebusan, la voie se rend au village de Scoury,
qu'elle traverse, arrive à Ciron, devant l'auberge, passe au
village de Châtre, à la Roche, les Poirières, les Levraults
et la Villerie, dernier point de notre reconnaissance.
V. — Voie romaine d'Argenton à Bordeaux par Limoges.
Cette voie, l'une des plus belles, partant de l'ancien
Argentomagus, était la grande communication avec Bor-
deaux par Limoges.
Aux endroits où elle est assez bien conservée, j'ai re-
connu que la chaussée avait pour largeur 6 mètres;
Qu'elle se compose :
I»e deux rangs de bordure en pierre, un sur chaque bord
formant l'encaissement ;
286 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
D'une couche de fondation faite en petits moellons
calcaires et en mâchefer, rangés en forme d'un pavage
bombé, et quelquefois d'une simple couche en pierre, en
mâchefer et en silex.
Son épaisseur totale, y compris la couche de fondationj
est deO^eO.'
De son point de départ du faubourg Saint-Étienne
d'Argenton, la voie franchissait la Creuse, sur un pont,
dont on remarque des vestiges encore debout qui per-
mettent d'établir les dimensions de ce monument.
Sa longueur était de 106"-40 entre les deux culées ; il se
composait de cinq piles, entre lesquelles existaient six
débouchés ou ouvertures de 11"90 de largeur.
Les piles avaient 7"° d'épaisseur, 5"20 de largeur, et
terminées en amont par un avant-bec de ^"SO ; ce qui
donnait une longueur totale de O^^oO. Le parement était en
pierre de taille.
La culée à droite est à 2" de distance au-dessous du
moulin de Saint-Étienne. La culée à gauche sert de point
d'appui au moulin de Naillac.
Les propriétaires des moulins ont en partie enlevé
la pierre de parement pour s'en servir dans les ma-
çonneries de leurs usines. Ce fait est très-regrettable.
A la suite du pont, et sur son prolongement, existe la
tranchée profondément pratiquée dans le rocher, sur la
rive gauche de la Creuse, si connue dans le pays sous le
nom de Chemin de César. La voie gagne les hauteurs,
passe devant Larey, qu'elle laisse à droite à 200 mètres,
et Fontfurat à 300 mètres.
C'est ici, dans un petit communal de Fontfurat, que
s'embranche une ligne venant dans la direction de l'an-
cienne forteresse ruinée de la ville haute. Cette ligne ou
annexe, que j'ai eu l'occasion d'étudier, servait à relier
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 287
la forteresse. Puis à 30 mètres plus loin, se trouve aussi
l'einljranchement de la voie d'Argcutoniagus à Gergovia
par Ahun, se dirigeant à gauche.
De ce point d'embranchement, la voie de Bordeaux se
développe à droite par une courbe, et se dirige bien con-
servée à travers les bois des Ghaillots, en franchissant le
ruisseau de Secot, sur le Terrier-Joly, qu'elle laisse à
droite à 150 mètres. A la sortie du bois, elle suit le che-
min vicinal d'Argenton à Luzeret, sur 1 kilomètre, pour
se montrer belle et intacte en droite ligne dans les terres
de M. Delage, Eugène, sur 1,500 mètres de longueur,
en laissant à droite le domaine de la Métairie-Neuve à
200 mètres. Elle passe au bord de l'étang des Tailles,
courbe à droite, se montre dans un pré et dans un bois et
traverse la Sosne à 500 mètres au-dessous de Montfréry.
On remarque au fond de l'eau quelques vestiges de
maçonneries, probablement du pont. Toujours visible,
elle parvient à la Puychallerie, en suivant sur plus de
1 kilomètre le chemin des Forges à la Boudre, laissant
Forges à gauche à 700 mètres, et en traversant des terres
et des bois.
C'est à partir de la Puychallerie que M. Élie de Beau-
fort a fait un relevé de la voie, qu'il conduit sur une
partie du territoire de la Haute-Vienne, et que M. de la
Tramblais décrit dans son excellent mémoire. Mais comme
dans ses recherches M. de Beaufort a laissé des lacunes,
je vais continuer de donner les points de sa direction.
De la Puychallerie, qu'elle laisse à gauche à 500 mètres
et la Boudre à droite à 600 mètres, cette belle voie con-
serve sa trace dans les terres, la brande et le chemin
du village du Colombier, dont elle s'approche, en se
courbant dans le communal, et qu'elle laisse à 300 mètres
à gauche. Puis, se portant à droite, elle suit le chemin
288 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
allant aux Plaix, en entrant quelquefois dans les terres ;
côtoie la côte du Plaix, où on ne la reconnaît plus qu'à
quelques signes; descend dans la vallée de l'Abloux, croise
le chemin de Sacierges à Lamotte ; laissant Lamotte à riOO
mètres, elle franchit la rivière de l'Abloux sur un point
où l'on distingue au fond du lit un massif de béton, indi-
quant l'emplacement du pont.
L'Abloux passé, la voie, traversant la forêt de Saint-Be-
noît, se développe en sinuosités pour monter la côte, lais-
sant à droite la loge du garde forestier à 500 mètres. Ce
mouvement se continue dans les terres au delà de la
forêt. Dans ce parcours, elle est parfaitement conservée ;
puis, coupée par la route départementale n° dO, au point
47'' 338 du bornage, elle traverse un pacage, croise l'an-
cien chemin de Saint-Benoît au Blanc, près duquel,
dans l'embranchement d'un chemin creux, on remar-
que une couche de cailloux quartzeux, encastrés dans
le mâchef(!r, formant la couche de fondation. De ce
point, la voie disparaît pour reparaître à la croisière du
chemin de la Barre aux Rallauds ; elle forme un lacet
pour franchir le ruisseau de Chénier, croise, en montant
sur la côte opposée, les chemins de Chénier aux Rallauds
et de Chénier à Chaillac, laissant à gauche les villages de
la Barre et de Chénier; arrive au sommet, et passe entre
les ruines de deux bâtiments de construction romaine,
distant l'un de l'autre de 94 mètres : celui du côté gauche
a 13 mètres de longueur sur iO mètres de largeur, l'épais-
seur moyenne des murs est de 2 mètres; celui de droite a
13 mètres de longueur sur 12 mètres de largeur, et il est
placé à la tête d'un camp romain , probablement pour
servir de défense. La tuile à rebords, le ciment, la régula-
rité des assises de la maçonnerie, font reconnaître que ce
sont des ouvrages romains.
XL^ SESSION, A CIIATEAUROUX. 289
Le camp est fortement relranch6 ; sa forme figure un
rectangle. Placé sur le bord d'une langue de terre très-
haute, il est adossé à une vallée contournante. Sa lon-
gueur est de 420 mètres , sa largeur de 200 mèlres. Ses
talus ont pour hauteur moyenne, prise verticalement,
/*«■ 50.
Du camp romain, la voie descendait au ruisseau de
Portefeuille, qu'elle franchissait sur un pont. On remarque
encore sur la rive gauche le rocher taillé à pic qui servait
de culée. De là elle monte et passe au milieu du village
du Gluzeau, suit le chemin, descend et arrive toujours
apparente à la rivière de l'Anglin, qu'elle franchissait
aussi sur un pont en face de Ghaillac. On remarque encore
au fond de la rivière de la maçonnerie de béton. En quit-
tant l'Anglin, elle prend à revers la côte de Ghaillac,
monte et parvient sur la hauteur au pied d'une tour
détruitejusqu'au niveau du sol, et qu'on pourrait prendre
pour un puits. Son diamètre intérieur est de 2™90, et l'épais-
seur du mur de ceinture 90 centimètres. Nous n'avons pu
bien reconnaître si cet ouvrage d'art est de construction
romaine. De ce point, la voie continue sur la Bissonnière,
passe entre Bois-Joly, qu'elle laisse à gauche à 300 mètres,
et les Gasses à droite, traverse un petit bois, une terre
près des Landes, qu'elle laisse à droite à 270 mètres;
coupe une brande dans laquelle elle est très-remarquable,
suit le chemin de Jouac, passe auprès des Beaux à 200
mètres à sa droite ; elle quitte le département de l'Indre,
pour entrer dans celui de la Haute-Vienne, point où se
borne notre étude.
XL^ SESSION. 49
290 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
VI, — Voie romaine d'Argenton à Clermont.
Cette voie était la grande communication d'Argento-
magus à Gergovia par Breth et Ahun. Elle ne figure pas
dans les Itinéraires d'Antonin ni dans les Tables Théodo-
siennes. Toutefois, elle devait exister au temps de l'empe-
reur Théodose-
Ce n'est pas sans difficultés que je suis parvenu à la
découvrir, non tout entière, mais par portions de voies,
indiquant suffisamment sa direction, tant les terrains ont
été bouleversés à la surface.
Au domaine des Crasseaux, où elle passe, sa chaussée a
une largeur de 3 mètres, et se compose :
De deux rangs de bordures, formant l'encaissement ;
Et d'une couche unique de mâchefer, de cailloux et de
grès.
Dès sa bifurcation à Fontfurat dans la voie de Bordeaux,
on remarque des coupures profondes de son passage dans
la roche. La voie alors se dirige sur les Crasseaux, à tra-
vers une brande et des terres, dans lesquelles elle est peu
reconnaissable ; puis passe dans la cour de ce domaine et
sous la maison de M. Déribère-Maquet.
En cet endroit, il y a vingt-cinq ou trente ans, lors de
l'exécution de quelques travaux dans le domaine, on mit
à découvert de la maçonnerie romaine et des tuiles à
rebords. Était-ce le lieu d'une villa ?
Des Crasseaux, elle continue dans le pré et dans le bois,
croise un chemin, et entre en inclinant à droite dans des
terres labourées, où on la reconnaît à une trentaine de
pierres arrachées par le soc ; puis, inclinant à gauche, elle
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 291
traverse l'ancien chemin de Saint-Benoil à Argeulon,
monte le plateau du Bord au milieu d'une brande, dans
laquelle elle se perd, puis reparaît, est coupée par la route
départementale n° l d'Argenton à Saint-Benoît, au point
1'' 620, et passe à 41 mètres du Signal-du-Bord, qu'elle
laisse à droite.
Du Signal, elle descend le plateau côte du raidi, pour
se porter sur Celon. Dans ce trajet, on ne la reconnaît
qu'à des indices ; elle suit un chemin creux, croise aux
Matherons l'ancien chemin d'Argenton à Limoges, croise
aussi l'ancienne route de Paris à Toulouse, incline à
droite pour descendre la côte de Celon, au milieu d'une
futaie. Coupée par la nouvelle route n° 20 de Paris à
Toulouse, elle entre dans la prairie de Celon, où elle se
montre en relief, est coupée encore une fois par cette
même route dans ses mouvements tournants au pied de
la côte et par le vieux chemin d'Argenton à Limoges, au
passage de la rivière de Sosne, elle traverse un jardin
et passe sous la maison d'école de Celon, laissant à
gauche le vieux chemin de Limoges et la route de Tou-
louse.
De Celon, la voie va à la Villefranche-sur-l'Abloux.
Dans ce parcours, elle traverse les jardins et les terres de
Celon, passe au milieu des bâtiments du domaine des
Dions, puis se perd dans les champs cultivés. On la recon-
naît à des indices au carrefour d'un chemin allant à
Vigoux. Ici, elle entre dans un pacage à d70 mètres de la
route de Paris à Toulouse, monte au Petit-Varenne, se
croise avec le vieux chemin de Limoges, se confond dans
la route de Paris à Toulouse jusqu'à la croix de la Jette.
Là, elle entre dans une terre, longe la route et la coupe
obliquement au point 78'' 9 du bornage, pour descendre à
la Villefrauche. N'étant plus recounaissable dans les terres
292 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
remuées, et disparaissant sur d'autres points sous une
couche de terre, je n'ai pu m'assurer de sa trace qu'en
faisant des sondages et en observant des parties de chemin
où Ton reconnaît la croûte siliceuse.
A la Villefrauche, la voie creuse profondément son pas-
sage dans le rocher granitique. Elle franchissait proba-
blement sur un pont la rivière de l'Abloux, à cause de
son encaissement profond, puis contournait la côte oppo-
sée, passant près du moulin établi sur le cours d'eau de
l'Étang, à 1 kilomètre au delà.
De ce point jusqu'au village du Quéru, commune de
Sarnac, mes recherches ont été sans profit ; je n'ai reconnu
aucun indice. Ce n'est qu'au Quéru que la voie se
retrouve ; elle traverse ce village , puis, coupée par le
chemin vicinal n° 20 d'Éguzon à Saint-Benoît, elle passe
le long d'une haie qui l'occupe sur 60 mètres de longueur,
et continue dans une terre labourée sous laquelle elle dis-
paraît bien conservée, ainsi que je m'en suis assuré par
des sondages.
Ici se borne notre reconnaissance, nos instants n'ayant
pas permis de pousser plus avant ; mais la voie tend vers
Versillac, pour se joindre à la portion étudiée par M. Élie
de Beaufort, de Versillac à Breth.
De Breth, la voie se dirige sur le Grand -Bourg,
Ahun et Croq. Cette partie de la ligne a été étudiée
par MM. le curé de Bellegarde et Fesneau de la Souter-
raine.
Une autre voie, d'une chaussée de 3 mètres de largeur,
que M. de Beaufort a reconnue partant de Breth et venant
s'embrancher à Monime dans la grande voie d'Argenton
à Bordeaux, n'est simplement qu'une annexe pour la
communication de Breth avec Limoges. Elle n'en desser-
vait pas moins Limoges et Argenton par Breth. Monime
XL" SESSION, A GHATEAUROUX. 293
est situé dans la Hautc-Viciinc, à 9 kilomètres au delà de
Chàtcau-Ponsat.
Telles sont, Messieurs, les indications que j'ai pu
recueillir sur les voies romaines dans cette partie de noire
Bas-Bcrry.
Prévenu trop tard du jour de la session du Congrès
archéologique, j'ai manqué de temps pour rédiger ce rap-
port, (]ue j'aurais voulu rendre plus correct.
La société des Antiquaires du Centre offre au Congrès
le quatrième volume de ses publications.
La séance est levée à iO heures.
2== SÉANCE DU 12 JUIN ISIS.
PRÉSIDENCE DE M. GATTOIS,
Membre du conseil administratif.
Siègent au bureau : MM, le comte du Manoir, Bouet,
inspecteur du Calvados, l'abbé Voisin, et Hubert, archi-
viste.
M. l'abbé Blanchet, aumônier du lycée, remplit les
fonctions de secrétaire.
M. l'abbé Bordé donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente. M. Hubert, voulant constater, relative-
ment aux mardelles, que l'homme peut se loger dans un
294 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
espace restreint, n'a pas entendu établir d'analogie entre
les mardelles et les habitations de Colombie. Les mardelles
pouvaient contenir plusieurs huttes ou abris. Cette obser-
vation faite, le procès-verbal est adopté.
M. Mauduit, conseiller d'arrondissement de la Châtre
et membre de plusieurs sociétés savantes, donne lecture
d'un très-intéressant travail sur l'invasion romaine dans
les Gaules, de l'établissement du camp de Vercingétorix
dans le Berry, au lieu occupé par la ville de la Châtre.
De l'invasion romaine et de l'établissement
du camp de Vercingétorix dans le Berry,
sur la colline où se trouve placée la ville
de la Châtre.
Lorsqu'en nous reportant aux premiers documents de
l'histoire de notre pays, nous nous trouvons obligés de
les lire écrits par la main de l'homme qui en fut le con-
quérant, il est difficile de nous défendre d'un sentiment
pénible. Mais lorsque ce vainqueur lui-même rend hom-
mage au courage de ses adversaires, à leur génie et à la
richesse de leur sol, il est difficile aussi de révoquer en
doute ses assertions.
Telle est la part que fait à nos ancêtres du Berry Jules
César, dans ses Commentaires : « C'est, dit-il, un peuple
très-industrieux et très-adroit à imiter ce qu'il voit faire :
ut est summx genus solertix, atque ad omnia imitanda at-
que efficienda, qux aliquoque traduntur aptissimum, et
dont la ville est la plus belle de toutes les Gaules, pulcher-
rimam totius urbem Galliae, et le territoire le plus fertile,
in pînguissimo agro Biturigum. » [De Bello Gallico,
livre VII, chap. 22.)
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 295
Avec une telle opinion sur les ressources et la valeur
d'une contrée placée au milieu des provinces qu'il voulait
envahir, rien de surprenant que la première pensée de
César ait été de s'en emparer, et de s'y établir pour en
faire le centre de ses opérations. C'est aussi ce qui fut très-
bien compris par les peuplades qu'il se proposait de réu-
nir à son joug. Dans cette conviction, profitant de l'ab-
sence du général qui était allé à Rome pour la convoca-
tion des grandes assemblées, sachant qu'il existait en
Italie de sérieux mécontentements et que plusieurs émeutes
même avaient commencé à s'y produire au sujet de la
mort de Publius Claudius, les Gaulois s'assemblent en
très-grand nombre et, déplorant la situation faite à leur
pays, jurent de le rendre à son antique liberté ou de
mourir les armes à la main.
C'est à la suite de l'une de ces réunions, tenues dans
une épaisse forêt, que les habitants de Chartres (Garnutes),
ainsi qu'ils s'y étaient engagés, donnant les premiers le
signal de la révolte, se jettent dans Orléans (Genabum), y
massacrent les citoyens romains qui s'y trouvent, et pillent
leurs biens.
Bientôt le bruit d'un événement aussi considérable se
propage dans toutes les cités de la Gaule et parvient en
moins de trois heures dans la capitale de l'Auvergne,
bien qu'elle fût à une distance de soixante-quinze lieues ;
par suite, dit César, de la manière singulière dont les
Gaulois avaient l'habitude de publier les nouvelles impor-
tantes, en les transmettant par de grands cris, à travers
les villes et les campagnes, à ceux qui les entendaient et
les répétaient aux plus proches (l). Nam ubi major atque
(1) Cette sorte de télégraphie orale, employée comme moyeu
de communications rapides, resta longtemps en usage chez nos
"296 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
illustrior incidit res, clamore per afjros regionesque signi-
fie ant ; hune alii deinceps excipiunt^ et proximis tradunt.
{M., livre VI, chap. 3.)
C'est alors que surgit le jeune et puissant An^erne
Vercingétorix, fils de Celtilius, qui exhorte à prendre les
armes au nom de la liberté commune, rassemble des
troupes dont il lui est donné le commandement, exige des
otages de toutes les cités, règle ce que chacune d'elles doit
fabriquer d'armes, et porte tous ses soins à former de suite
une nombreuse cavalerie; à l'activité la plus grande joi-
gnant la plus grande sévérité dans la discipline, il envoie
une partie de son armée chez les Rhutènes, sous les ordres
de Luctère, et se rend lui-même chez les Bituriges : Ipse
in Bituriges proficiscitur [Id., livre VII, chap. 5), pour y
adjoindre les Pictons, les Cadurtres, les Turons, les Au-
lertres et les Lémovices.
Informé en Italie de la gravité de ce qui vient de se
passer, César se hâte de partir pour la Gaule, et, préoccupé
de l'importance de l'établissement militaire que venait d'y
former Vercingétorix , au centre même du pays qu'il vou-
ancètres et dégénéra en abus sous le nom de huée, qui servait
de cri de ralliement aux ouvriers, particulièrement à ceux des
vignobles pour quitter leurs travaux à des heures indues. Il ne
fallut rien moins qu'un article introduit dans les nouvelles
Coutumes du Jierry, lors de leur révision, en 1839, pour en
interdire l'usage. « La huée est défendue, qui est un cri des
<' vignerons pouradvertir les autres de l'heure qu'il faut quitter
t hesongne, comme au viP livre ûeBello Gallico. » (Jean Mau-
duit, Commentaires des Coutumes du Berry, livre xv,
p. <oO.) Toutefois celte interdiction ne s'ohtint pas sans troubles
sérieux, qui se produisirent sur plusieurs points du départe-
ment, notamment à Saint-Marcel, ou il existait, comme aujour-
d'hui, beaucoup de vignobles.
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 297
lait subjuguer, se propose, à quelque prix que ce soit, d'en
arrêter la continuation. Habitué à calculer autant sur les
faiblesses humaines que sur la force de ses armes, l'habile
général, estimant qu'avant d'être le chef des Gaulois,
Vercingétorix était surtout le fils de l'Auvergne, se décide
à se porter subitement sur la patrie de son adversaire.
Franchissant alors les Cévennes, malgré l'obstacle de six
pieds de neige, il tombe à l'improviste sur les Arvernes,
en ayant soin d'augmenter leur surprise et leur effroi par
les excursions de sa cavalerie, qu'il fait étendre le plus
loin possible. Cette manœuvre opérée et ces précautions
prises, espérant que Vercingétorix, rappelé par les siens,
ne manquera pas d'accourir, il r[uitte l'Auvergne, sous
prétexte d'aller chercher des renforts et de la cavalerie, et,
après avoir remis le commandement des troupes à
un jeune lieutenant du nom de Brutus, se rend en
toute diligence à Vienne, pour y continuer ses opéra-
tions.
Ce qu'avait prévu César arriva. En vain le chef gaulois
fut sollicité par ses alliés de rester à son poste, d'y main-
tenir sa position ; entouré par les Arvernes, qui lui font
observer que la guerre étant maintenant transportée dans
leur patrie, il doit pouvoir à son salut, et ne pas la laisser
tomber au pouvoir de l'ennemi, Vercingétorix accède à
leurs prières, lève le camp qu'il vient d'établir chez les
Bituriges et retourne en Auvergne. Quorum ille preci-
bus permotus, castra ex Bituricjibus movet in Arvernos
veî'sus.
Lors de ce départ, qui fut le prélude de cette lutte
suprême, qui, par l'une de ces représailles et de ces fata-
lités si fréquentes dans les jeux de la fortune, ne devait
aboutir qu'à une sanglante défaite et transformer en une
province romaine la nation qui, quatre siècles aupara-
298 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
vaut, conduite par Brennus, s'emparait pour la deuxième
ibis de Rome, sous Camille, et faisait trembler son fier
Capitole, où ^ trouvait le camp délaissé? Quelle avait été
la partie du Berry que le chef gaulois avait jugé la plus
convenable pour lui servir de lieu de défense et d'appro-
visionnements pour son armée, en lui permettant à la fois
de se porter au-devant de César, sans cesser de couvrir
Clermont, sa patrie ; double mission qui parait avoir été
la sienne ?
Doit-on le rechercher dans les plaines marécageuses du
Cher, ou sur les plateaux arides de l'Indre, ou bien encore
du côté appelé le Bois-Chaud, sorte de Vendée qui, cou-
verte de bois et formée de collines entrecoupées de rivières
et de ruisseaux, présente, par elle-même, sur un sol des
plus fertiles, des moyens de défense tels que, de l'aveu
d'Hirtius, le continuateur des Commentaires de César, elle
ne fut pacifiée que longtemps après la prise de Bourges,
et des révoltes successives qui, pour les éteindre et les sur-
veiller, nécessitèrent probablement l'édilication des nom-
breuses forteresses gallo-romaines, que nous y retrouvons
encore aujourd'hui, et parmi elles surtout, celle qui exis-
tait à Argenton, ville d'où rayonnaient toutes les voies
romaines qui furent établies (1).
(1) Il n'est pas indifférent peut-être de donntT ici la descrip-
lioi) de cette forteresse, telle (pie nous l'a dépeinle, en 1549,
l'historien Chauraéom : « La ville d'Argenton, dit-il, est assise
en Berry, sur les coiifins et liniiles faisant séparation dudit
pays et duché de Guyenne, en lieu de malaisée habitation pour
l'assiette et situation d'icelle, qui est sus le costé et pendant
d'un roc et droite montaigne : au fais et sommité de lacpielle
est construict et édifié un fort et ancien château cloz et cou-
ronne de hautes murailles hors d'échelles; sept grosses tours et
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 290
Tout nous porte à croire que, par cette situation et les
motifs que nous allons énumérer, c'est bien en cflet cette
partie du Berry qui fixa le choix du chef de la Gaule, et
que la colline où se trouve construite la ville de la Châtre
a dû être l'emplacement de son camp.
trois petites, l'une desquelles, qui est la plus grosse de toutes,
est appelée la tour d'Eracle : ayant son regard sur le pays, en
la(}uelle est figurée et enicuée la stalue et efligie d'un taureau,
fort antique, alentour duquel est écrit : Feni et vici; l'autre est
près et joignant ycelle en laquelle y a un puits profond à mer-
veille, appelé le puits du Donjon. Au milieu de la profondeur
de ce puits, y a un roc sur lequel on peut marcher cinq ou six
pas, au bout desquels il y a une porte taillée, fermée d'un grand
quartier de tadle, par laquelle on va assez loin desdites deux
tours. La tierce est plus hante que les autres; on l'appelle la
tour des Prisons. Elle est faite à vive arête et couverte. Du côté
regardant le pays de Guyanne il y a trois autres grosses tours,
dont l'une est assise sur le fait du roc, appelée la tour du Guest :
les deux autres sont plus basses, construites d'une même hau-
teur que les autres, esquelles il y a citernes bien cymentées et
de forte conîposition,oii l'on fait réserve d'eau.
« Entre l'une desdites tours et celle où est le puits Donjon, il
y a une autre belle tuur couverte et bien percée, faite de car-
thellages, ayant son regard vers l'occident. Les aulres trois
petites ne sont de telle importance qu'elles ne méritent être
décrites.
« Anciennement, et même au temps de Jules César, la ville
d'Argenton était où à présent sont certains grands mas de vignes
appelez le Palays, les murs saintz et le virdz, distants de la
ville d'Argenton (qui est à présent) de deux traictz d'arc ou
environ, en était de grande étendue et circuit, comme on peut
voir encore aujourd'hui par le pied et fondement d'icelle et des
grosses tours ; triples murailles et autres forteresses à présent
ruinées. Dans iceux mas on trouve encore belles et grandes
300 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Et d'abord, à cette époque reculée qui se présente à
nous dans un long passé de dix-huit siècles, qu'était et
que pouvait être la Châtre ? Était-elle oppidum, civitas,
urbs ou /ja^i.ç ? Quoique placée dans la contrée peuplée
qui avait fourni les émigrations de Bellovèse et de Sigo-
vèse, n'étail-clle, au milieu des vastes forêts qui l'avoisi-
naient, et dont l'une, suivant les légendes, contenait un
temple à Diane à Vaucouans [Vallès Dianx], ne présen-
tait-elle qu'un terrain vague et sans habitations ? Nous
caves et fondements de maisons et autres bâtiments anciens faits
de si bonne matière et composition qu'il est bien difficile à les
démolir et arracher. On y voit encore les ruines de plusieurs
fontaines artificielles belles et somptueuses, dont les canaux et
conduits sont de marbre; même il y a des estuves faites d'albâtre,
avec grands piliers faits en forme de colonnes et plusieurs effi-
gies et statues de lyons, bien et excellemment taillez après le
naturel, dont aucuns tiennent entre leurs griffes des têtes de
moutons. En un autre mas de vigne, nommé le clos de Saint-
Anastaise, près et casi joignant le circuit des murs ruinés de
l'ancienne ville, se sont trouvés depuis deux ans en çà deux
monuments fort grands et magnifiques, l'un d'iceux d'homme et
l'autre de femme, et n'est année que esditz mas de vignes et
autres circonvoisins ne se trouvent quelques pièces et médailles
d'or ou d'argent, et signamment de cuivre et autres métaux,
dont les unes sont du temps des consuls et dictateurs de Rome,
en la circonférence desipielles on voit encore en écrit ces mots :
VRBS Roma, cn. lentvlvs; ni. yoLTERivs;L. hostilivs; m.
CATo ; PROc. p. c. Les autres sont du temps des empereurs,
alentour desquelles on peut encore lire : ivl. csar. c. l a v.
NERO VIVIT AVGVSTVS. DO.MITIANVS IMP. GRM. DIVO TRAIANO
ANTHONI NVS, PHILLIPVS AVGVSTVS. CONCORDIAR.
« Es unes sont les effigies des consuls, es autres celles des
empereurs, et es autres la figure d'un taureau, telle ([u'on la voit
en la tour d'Eracle, dont nous avons ci-devant parlé. »
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 301
inclinons pour la doniière iiypotlièse, d'accord en cela
avec de très-anciens auteurs, qui nous apprennent que,
profitant du délaissement de ce lieu fortifié, des bandes
armées s'y établirent et fondèrent un petit bourg- qui
pendant longtemps devint un lieu de déprédation et
d'effroi : « Entre les villes de Saint-Chartier et de Sainte-
Sévère, il existe un petit bourg nommé la Châtre, repaire
de voleurs [spelunca latronum). » Ce qui est certain, ce
que nous pouvons affirmer, c'est que le lieu où se trouve
assise cette localité est une colline facile à défendre, qu'en-
tourent deux rivières et que contourne, en la dominant
comme une muraille naturelle, une enceinte de coteaux
plus élevés qu'elle, qui, par les limites de la rivière de la
Couarde et celles de Tlndre, dont la jonction peut et a pu
être faite dans la petite vallée dite du Portail à la Freme-
lenne, en font, sous forme ovoïde, un bassin de retran-
chements de 450 hectares et propre à contenir une nom-
breuse armée. Ce que nous pouvons affirmer, c'est que
cette position avantageuse, et présentant, par la richesse
du sol environnant, toutes les ressources nécessaires pour
la nourriture des hommes et des chevaux, se trouvait à la
frontière du Berry, traversée par l'ancien itinéraire de
Tours à Clerraont et celui d'Argenton à Chàteaumeillant.
Toutes ces considérations, comme nous l'avons dit, nous
autorisent à penser qu'elles ne furent pas sans influence
sur la décision de Vercingétorix, qu'elles étaient même
suffisantes pour le déterminer, dans l'état naturel des
choses et en admettant qu'il eût toute liberté dans le
choix. Mais ce libre choix était-il lui-même en son pou-
voir? Bien loin de là, car, ainsi que le lieutenant Luctère,
qu'il avait envoyé pour accroître son armée des peuples
du Gévandan, du Languedoc, de Toulouse et de Narbonne,
avait dû précédemment s'arrêter aux limites du voisinage
302 CONGRÈS ARCnÉOLOGIQUE DE FRANCE.
des troupes romaines, par la même nécessité, Vercingé-
torix, qui, de la gauche de la Châtre, s'unissait et donnait
la main aux peuples amis des Turons, des Piétons et des
Lémovices, ne pouvait pencher plus avant sur la droite de
cette localité, puisqu'il rencontrait d'abord à peu de dis-
tance le peuple hostile des Boiens, dont il fut peu de jours
après obligé d'assiéger la capitale, et ensuite les Éduens,
clients et amis de César, qui, transformant leur fleuve en
une sorte de chemin de fer, l'employaient journellement
aux transports de son matériel et de son approvision-
nement.
Ainsi la situation des lieux, les circonstances des faits,
obligeaient logiquement Vercingétorix à prendre position
à l'entrée du Berry, ou près du lieu où se trouve aujour-
d'hui la Châtre, et à s'y établir militairement.
Voyons si, à ces considérations morales, nous pouvons
ajouter des considérations d'un autre ordre, en justifiant
notre opinion par les dénominations, les légendes, les
traditions et les monuments qui peuvent exister.
Les dénominations. — De ce côté nous ne serons pas
pris au dépourvu, et les noms de Vieille- Ville, de la
Croix-More, des Mortaix, de Vauvet et du Terrier-Mou-
ron, où des fragments d'armes gauloises ont été trouvés
il y a peu d'années, sont autant d'alliés dont nous pour-
rions invoquer le secours pour étayer notre édifice. Toute-
fois, nous ne le ferons pas, en raison des faits postérieurs
peut-être auxquels ils pourraient s'être appliqués. Nous
nous contenterons du nom même de la Châtre, le castra
dont les armes et l'écusson aux tentes gauloises, soutenu
par deux guerriers, nous paraît présenter une éloquente
signification : nous y joindrons celle que donnent les
noms d'Urmont et les citadelles qui dominaient la Châtre,
XL« SESSION, A CTIATEAUROUX. 303
et qui, avec le fort ruiné du Magny et celui de l?riantes,
dont les vestiges arrêtaient encore les Anglais, en i360,
nous apparaissent sur le sommet des plateaux où elles se
trouvaient, comme ayant constitué, sous forme quadran-
gulaire, autant de postes avancés, en dehors des lignes de
retranchements établies par les deux rivières.
Les monuments. — Sans parler d'un tumulus près le
Magny, et des constructions souterraines qui sillonnent la
Châtre, n'est-ce pas un monument pour nous, cette appa-
rition d'un petit bourg guerroyeur, qui surgit à l'abri du
vieux fort abandonné sur le rocher, au pied duquel,
suivant les légendes, se trouvait un temple à Gérés, non
loin de la magnifique fontaine que nous avons vue détruire
il y a peu d'années ? N'est-ce pas un monument pour
nous, la transformation graduelle de ce petit bourg en
une petite cité que Louis Vil, dans sa vengeance contre
Ebber II de Déols, fit incendier en 4132, et qui n'avait
guère alors que dix hectares d'étendue, compris dans
l'espace donné par les rues Saint-Roch, Basse-du-Mouhet
et Tourtellat ? N'est-ce pas un monument pour nous, cette
nouvelle extension que fit reculer la petite cité, en encla-
vant dans ses murs la grande place du marché, la place
et la chapelle Saint-Jean, le couvent des Carmes, ce qui,
au dire de notre plus ancien historien, la rendait une
ville « bien close, environnée de fortes et puissantes
« murailles, tours et fossez faicts en dos d'asne, et troys
« beaux portaux?» N'est-ce pas un monument pour nous,
cette situation d'une ville aujourd'hui de 35 hectares
d'étendue, et qui, contrairement à celles d'Issoudun, de
Châteauroux, d'Argenton et même de Saint-Chartier et de
Sainte-Sévère, dont les noms actuels ont été ^idemment
substitués à des noms païens, se présente sans histoire,
304 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sans raison d'être et sans autre origine que celle qui
paraît avoir été produite par un accident, dont son nom
même perpétue le souvenir.
Ainsi le récit de César, les légendes, les traditions et les
auteurs anciens, l'aspect des lieux et celui des monuments
qui s'y rattachent, t'ont que si, à une époque aussi reculée,
toute affirmation, comme on l'a vu dernièrement dans
les recherches de la situation d'Alésia, devient une témé-
rité, on peut dire que les présomptions les mieux fondées,
autorisent à lier l'origine de la Châtre à cette époque
glorieuse, où nos ancêtres en armes établirent leur pre-
mier camp, pour la défense de leur territoire et la conser-
vation de leur indépendance.
M. Guillard dépose sur le bureau un travail graphique,
concernant les voies romaines situées dans l'arrondisse-
ment d'Issoudun. Ce tracé géométrique, exécuté d'une
manière remarquable, nécessite des explications qui sont
données de vive voix par M. Guillard.
Des voies romaines situées sur l'arrondis-
sement d'Issoudun (Indre).
Nous ne reviendrons pas sur les circonstances qui nous
ont conduit à étudier ces anciennes voies de communica-
tion. Nous exposerons sans aucun préambule l'état dans
lequel était la question quand nous nous en sommes
occupé : les conclusions de notre rapport indiquent celui
dans lequel elle se trouve actuellement et les conséquences
qui peuvent en découler. Nous commencerons par la
partie nord de l'arrondissement, par les grands chemins
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XL* SESSION, A niIATEAUROUX. nOa
qui se croisaitnit ù Clialiris, sur la rivo gaucho (\[i C.\\cv.
D'yXnville et Gaylus, au siècle dernier ; M. de la Ville-
gille, dans les Esquisses pittoresques du département de
l'Indre (environs de Valençay) ; M. Raynal, dans son
Histoire du Berry ; et M. de la Saussaye, dans les Anti-
quités de la Sologne blésoise, ouvrages publiés il y a
trente ans environ, ont indiqué la direction probable des
voies de Tours (Cœsarodunum) à Bourges (Avaricum) ou à
Autun (Augustodunum), et d'Orléans (Genabum) à Poi-
tiers (Limonum), par Chabris (Gabris? ). Ces renseigne-
ments, quoique très-vagues et erronés sur plusieurs points,
ont été pour nous de précieux guides.
Dans notre extrême jeunesse, il y a bien quarante ans,
un de nos parents nous a entretenu d'une ancienne route
qui allait d'Argenton (Argentomagus) à Orléans, en pas-
sant par Luant, près de8urins, oîi il nous en a montré les
traces, parLevroux,etc. En 1856, une inondation emporta
le pont de Bios, construit sur le ruisseau de ce nom, com-
mune de Sainte-Cécile, entre Levroux et Cbabris; une
médaille d'Auguste fut trouvée parmi d'anciens pilotis,
près desquels ce pont était élevé, au fond d'une fouille
profonde creusée par les eaux. Cette circonstance nous
remit en mémoire les précédents et en fut pour nous la
confirmation. La voie de Levroux se trouvait en quelque
sorte jalonnée jusqu'au Cher.
Pendant l'hiver de 1843-44, lors de la construction du
chemin de grande communication n° 23, nous coupâmes,
près de Levroux (Gabatum), ville importante à l'époque
gallo-romaine, la partie inférieure d'une autre ligne qui
paraissait se diriger vers l'est ; l'automne suivant, la base
de la chaussée [stratumen] en fut mise à nu, à 5kilom.50
plus loin, au lieu dit la Croix des Bunes, commune de
Brion ; en 4855, dix ans après, nous reconnûmes la
XL^ SESSION. 20
30G CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
rnèinf! voie, près du doinaiiic do, Borderousse, commune
de Lizeray, à 9 kilomètres environ d'Issoudun. Ces traces
nous démontrèrent qu'un grand chemin reliait autrefois
cette dernière localité à la première. Enfin, en 1857, dans
une excursion à Saint-Ambroix (Cher), près de l'empla-
cement de l'ancienne cité A'Ernodurum, quelques indices
nous firent supposer que la voie de Levroux à Issoudun
devait se prolonger jusque-là et y rejoindre la chaussée
dite de César, route de Bourges à Poitiers.
Voilà les renseignements que nous possédions quand
nous entreprimes nos recherches.
Nous ne discuterons pas les opinions émises dans les
ouvrages que nous avons indiqués : la rectification des
tracés existants résultera de notre exposé. Nous ferons
remarquer que toutes ces voies ont été relevées sur
des copies des plans cadastraux ramenés à l'échelle de
4/20,000' (0,001 pour 20""), et les coupes transversales à
celle 1/50" (0,001 pour 0,0-2). Il est peut-être regrettable
que ces documents ne puissent être reproduits ainsi par
l'impression, tels du reste que nous les avons transmis
successivement à la Commission de la carte des Gaules ;
nous serions dispensé d'en donner des descriptions sèches
et arides, qui ne peuvent en laisser dans l'esprit qu'une
idée très-imparfaite. La carte jointe à ce rapport est à une
échelle troi) petite (0,001 pour 200), pour y suppléer
suffisamment.
Ligne de Tours à Bourges.
La voie, que le temps ne nniis a pas permis d'étudier
au delà (lu lionri: de Clialiris. l'ii descendant le Cher, part,
XL* SESSION, A r.IIATEAUnOU.V. .'{07
vers Tost, (les (lernières maisons (]o, ccllf) Idcalilr. au iinnl
du chemin d'iutércL commun n" 31. lille traverse le coteau
de Chabris, où de nombreux débris de tuiles romaines se
remarquent encore. Dans une des fouilles, nous avons
trouvé un gros mur en pierres sèches de 3 mètres de
largeur en moyenne, que nous mimes à découvert sur
30 mètres de longueur. Il s'arrêtait à un mur d'une
épaisseur ordinaire, qui le coupait à angle droit; à l'autre
bout, il était éboulé et devait se continuer plus loin, à
l'origine. A quelques décimètres de la surface, le sol est
presque formé de tessons de poteries et de verreries, ainsi
que d'objets brisés de toute espèce. La première et la
deuxième sonde ont mis à nu, à 0" 25 et à 0™ 40 au-des-
sous du niveau du terrain, le stratumen ou la couche infé-
rieure de la chaussée. Elle est formée de deux lits super-
posés de grès vert, d'une épaisseur ensemble de 0" 45 à
0"" 20, sur une largeur de 3 mètres, sans pierres de
bordures, c'est-à-dire sans pierres placées de champ qui,
en plusieurs endroits, limitent la partie empierrée. Le
stratumen, à la troisième coupe, est à 1 mètre au-dessous
du sol; la composition en est la même qu'aux sondes
précédentes, mais l'épaisseur en est de O"* 25. Au-dessus
des deux lits de moellons, il existe une couche de cailloux
roulés ordinaires de 0"" 25 également d'épaisseur, de la
grosseur moyenne d'un œuf ; elle forme le rudus ou
seconde partie théorique du massif. 50 centimètres de terre
végétale recouvrent le tout.
Le chemin d'intérêt commun n° 31 en est côtoyé jus-
qu'au chemin dit des Bizeaux. La quatrième tranchée,
ouverte à 1,300 mètres du centre du bourg, au bas des
vignes, à l'ouest de ce même chemin, montre le stratumen
de 5 mètres de largeur; il est formé d'un seul lit de
pierres calcaires poreuses très-dures de ()'" 15 d'épaissour ;
308 CONGRÈS ARCHÉOLOOIOUE DE FRANCE.
des cailloux, envehippés d'uuo rroùte calcaire, un peu
plus gros que ceux qui viennent d'être décrits, composent
la seconde couche, qui a aus?i 0" 15 d'épaisseur. La terre
végétale cultivée a également 0™io. La voie ensuite
remonte plus au nord, traverse le chemin de la Touche à
Gatine, à peu près à égale distance de ces deux domaines.
Lesdéhris s'y trouvent à l'est de ce chemin, dans la même
disposition qu'à la sonde précédente. La ligne redescend
au sud, en se rapprochant de Glatigny, communauté reli-
gieuse de l'ordre de Fontevrault. Elle l'ut fondée par Agnès,
première supérieure du prieuré d'Orsan, sous le pontificat
de saint Léger, archevêque de Bourges, de 1098 à 1 120. De
Glatigny, la voie suit toutes les sinuosités du Fouzon et
longe ce cours d'eau à une très-faible distance jusqu'à la
Malardière; avant d'y arriver, elle traverse le village de
Coulommiers, où existait un prieuré très-ancien du res-
sort d'issoudun, et très-richement doté.
C'est entre Glatigny et Coulommiers que d'Anville et,
après lui, M. Raynal, supposent que cette ligne traversait
le Fouzon; sur leurs cartes, elle en côtoie la rive gauche,
en passant entre Dun et Bagneux, et coupe de nouveau
cette rivière à la hauteur de Graçay pour atteindre Nohant.
Il est vrai qu'en face du village de Villeneuve, au-dessus
de celui de Bourdoiseau, est un gué pavé de grosses pierres
placées debout, qui porte le nom de Gué-Perré. Un tron-
çon de voie, que nous avons pris à l'origine pour celle de
Bourges, y aboutit, mais il traverse seulement celle-ci à
cet endroit ; il la longe ensuite irrégulièrement sur une
distance de -1,500 mètres, en présentant plusieurs solutions
de continuité. Il la rejoint plus bas, à la hauteur de Gla-
tigny. De l'autre côté du Fouzon, nous n'avons rien
trouvé. Etait-ce un tracé primitif, abandonné plus tard,
ou ces tronçons aboutissaient-ils à (pielque centre de popu-
XL' SESSION, A CHATEAUROIJX. 309
lation, dont il ne reste aujourd'hui aucune trace? Au sur-
plus, un fait analogue, d'un petit tracé latéral, s'est ren-
contré près de la même voie, de l'autre côté de la commune
d'Anjoin.
Le stratumen, un peu à l'ouest de Glatigny, en est pres-
que à fleur du sol; il est composé de deux rangées super-
posées de pierres de grès vert, d'une épaisseur ensemble
de O™ 25, sur 8 mètres de largeur. Les coupes, au nombre
de quatre, laites jusqu'au chemin du Fouzon aux Bizeaux,
dans une étendue de i ,700 mètres, présentent, à 0° 30 au-
dessous du sol aralilo, la couche inférieure de la voie for-
mée de cailloux de différentes dimensions, depuis la gros-
seur d'un gros œufjusqu'à celle d'une noix; l'épaisseur en
est de 0" 25 et la largeur de 8 mètres. Une autre tranchée
pratiquée dans la prairie, à 600 mètres environ du prieuré
de Coulommiers, a la même disposition. Près de ce vil-
lage, le stratumen se rapproche de la surface du terrain : il a
7 mètres de largeur et est disposé en deux couches de pierres
de grès vert de 0^20 d'épaisseur. Au delà du village, sur un
kilomètre, jusqu'au point où le Fouzon décrit une courbe
très-accentuée, la base de la voie est composée de pierres
plates, de même nature que les précédentes, de dilférentes
dimensions ; les plus grosses sont placées généralement à
la partie inférieure; elles peuvent avoir 0" 20 de largeur
en moyenne : l'empierrement est réduit à (i mètres trans-
versalement. Dans un pâturai, situé à 500 mètres environ
en avant du village de la Malardière, le stj^atumen, placé
à 0"' 15 de profondeur, offre la même disposition, quant à
la construction ; mais il a 9 mètres de largeur et est limité,
à chaque extrémité, par de grosses pierres calcaires placées
de champ (bordures).
De ce dernier village, la voie se dirige vers le taillis de
la Roche, en coupant la route départementale n" 12, a
310 CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
peu de distance du chemin de grande communication
n" 1. Les tranchées ouvertes, sur une longueur de 1,500
mètres, ont montré le stratumen h 0™15 au-dessous de la
surface du sol, composé de trois couches de pierres plates
(grès vert), formant 0"° 30 d'épaisseur. Elles étaient entre-
mêlées, dans les joints, de pierres plus petites pour en
consolider l'aire. La largeur, limitée par les bordures, est
de 8 mètres; à l'une d'elles cependant cette largeur a un
mètre de plus, 9 mètres. Une autre pratiquée un peu plus
loin, à l'entrée des taillis, a absolument la même dispo-
sition, mais elle est réduite à 7 mètres de longueur, sans
être limitée par des pierres placées de bout. A l'autre
extrémité du bois, deux coupes ont été faites sans pré-
senter de modifications. Le stratumen est à 0^15 au-des-
sous du sol ; il a 0"» 15 d'épaisseur et 8 mètres de largeur ;
il est composé de petites pierres plates de grès, offrant
une surface très-dure, mais sans bordures. Du taillis de
la Roche, elle côtoie le ruisseau du Péry jusqu'au chemin
du village du Pont-des-Places aux Ghezeaux, où elle fait
un angle presque droit ; elle longe, à peu de distance, les
bâtiments de ce village et un petit camp romain. Les
dimensions intérieures sont de 24 mètres sur 21 ; il est
entouré de parapets ou rebords en terre, et de fossés larges
encore de 8 mètres. En décrivant plusieurs courbes, elle
atteint le bourg d'Anjoin; elle le traverse en passant au
pied de la nouvelle église, et en laissant les maisons un
peu à droite. Des taillis dont nous venons de parler, à la
sortie du bourg, elle passe entre neuf petits monticules de
terre, couverts de débris de tuiles romaines. Dans l'un
d'eux, à Aujoin, on a découvert une certaine quantité de
poteries; une aire circulaire, très-solidement établie,
jointe aux autres débris, a fait présumer que cette con-
struction était un four de potier. Les autres buttes n'ont
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 3H
point été fouillées. Au détour du chemin du Pont-des-
Places, nous n'avons pu trouver que des fragments du
stratumen; des pierres fichées dehout paraissent en limi-
ter la largeur. A 1 50 mètres environ avant que d'arriver
au bourg, nous avons rencontré, par deux tranchées, la
voie sur 0" 25 d'épaisseur, à O"» 15 au-dessous du terrain,
formé de trois couches de grès, de 6 mètres de largeur :
d'un côté une pierre de bordure irès-forte en limite la
pliitc-lorme. A partir d'Anjoin, elle se dirige sur l'ancien
chemin de Graçay à Villel'ranche, qu'elle rejoint à l'extré-
mité de la commune et, en même temps, du département;
elle le suit ensuite jusqu'à Graçay. Dans les trois coupes
qui y ont été pratiquées, le stratumen est à O^SO de pro-
fondeur ; il est composé de deux couches de grès vert
superposées, de Oi^^O : dans deux tranchées, il a 6 mètres
de largeur, et dans l'autre 4" 50 seulement ; il est arrêté
de chaque côté par des bordures. Graçay est du départe-
ment du Cher : nous avons pu, néanmoins, grâce à
l'obligeance de son ancien maire, M. Bretheau, pour-
suivre nos recherches jusqu'à Nohant. La voie passe près
du hameau de la Chaussée et traverse la garenne du
bourg : sous le talus de l'un des fossés (côté de Graçay),
nous l'avons mise à découvert sur plusieurs mètres de
largeur.
Ce grand chemin, dont le stratumen est partout enfoncé
dans le sol, dont rien à la surface n'indique la direction,
a été trcs-diflicile à reconnaître : nous y sommes revenus
à plusieurs reprises, et nous n'avons pu y parvenir qu'a-
près quatre ans de la plus constante persévérance. La base
n'en existe pas partout; les lacunes et les sinuosités
fréquentes du tracé en font souvent perdre la piste. Les
points en sont d'autant plus difticiles à retrouver, que la
partie nord du département parait avoir été sillonnée, en
ai'â CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tout sens, par des chemins antiques de même origine et de
construction identique. Plusieurs parties pavées, placées
latéralement à la voie principale, dont on ignore l'origine
et le but, ont contribué encore à nous tromper et à pro-
longer nos recherches. Il s'est présenté des difficultés
d'une autre nature, qui ont ici été assez facilement apla-
nies, mais qu'ailleurs il nous a souvent été très-difficile de
surmonter. Nous ne pouvions pénétrer dans les propriétés
privées, principalement dans les vignes, sans occasionner
des dommages. Plusieurs de MM. les maires firent publier,
sur nos instances, que les dégâts seraient, le cas échéant,
payés par leurs communes. Les précautions prises furent
telles et le préjudice en résultant si minime, que personne
ne réclama d'indemnités.
Voie de Dun à Ville franche.
A partir du village de la Malardière, commune de Dun-
le-Poëlier, indiqué plus haut, un autre chemin traversait
le Fouzon, par un gué perré ; il se dirigeait, d'un côté,
vers le bourg de Dun, et, de l'autre, sur Villefranche
(Cher). Il parait s'embrancher sur la voie pavée allant de
Graçay à cette dernière localité, dans la commune d'An-
join, à 600 mètres environ de la limite de la commune de
la Chapelle-Montmarlin. Il forme plusieurs courbes pour
atteindre la Malardière, d'où il longe de petits monticules
couverts de tuiles romaines, puis le village de Fleury ;
traverse celui des Rousseaux, passe à une distance à peu
près égale des domaines des Besards et des Annets, ensuite
près du village de Sainte-Catherine, où se remarquent
les restes d'une ancienne chapelle. Ces ruines étaient
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 313
encombrées de fagots : cependant, par le peu que nous en
avons vu, nous pensons que, saul" un plus sérieux exa-
men, elles peuvent remonter au xiV siècle. La voie
rejoint celle de Villcfranche à 700 mètres de là. Du côté
de Dun, nos premières recherches ont été infructueuses ;
toutefois, si les circonstances nous l'eussent permis, nous
les aurions reprises d'une manière plus suivie, car tout
espoir ne nous parait pas devoir être abandonné. Feu
M. Lemaigre, archiviste à Châteauroux, dont toutes les
personnes qui s'occupent d'antiquités ont pu apprécier les
connaissances sérieuses, supposait qu'à l'époque gallo-
romaine, il existait très-certainement un petit établisse-
ment [mansio ou diversorium), à peu de distance de ce
bourg, près d'un lieu appelé Finis ou Fines, où s'élève
aujourd'hui le château de Fins. C^est peut-être à cette cir-
constance qu'est due l'erreur commise par d'Anville, dans
le tracé de la voie de Bourges, qu'il dirige vers Dun-le-
Poëlier.
Les tranchées faites à partir de la Malardière, en se diri-
geant sur Villefranche, sont au nombre de cinq. La pre-
mière, entre ce village et la route départementale n° 12,
a été ouverte auprès de débris de constructions romaines;
elle a 8 mètres de largeur. Les yderres du stratumen sont
de même nature que celles que l'on peut ramass(!r à la
surface des champs ; elles sont très-fortement tassées les
unes sur les autres : les plus grosses sont à la partie infé-
rieure, sans cependant être disposées par couches régu-
lières. La même disposition a été remarquée plusieurs
fois dans la construction de la voie de Bourges. Cette
plate- forme est recouverte de 0=" "20 de terre végétale. La
seconde sonde a été pratiquée à l'entrée du village des
Kousseaux. La base de l'empierrement est composée
d'une seule couche de pierres plates de 0" 12 environ
314 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
d'épaisseur ; elle est recouverte de 0" 20 de terre végétale;
sa largeur est de 7 mètres sans bordures. La troisième
coupe, faite à l'extrémitc du même village, a 300 mètres
environ de la précédente, a 8 mètres de largeur et pré-
sente la même composition que la première ; la terre végé-
tale la recouvrant a O'^oO d'épaisseur. La quatrième et la
cinquième sonde, pratiquées au delà du hameau de Sainte-
Catherine, ofl'rent absolument la même dispositiou et les
mêmes dimensions que la troisième, 8 mètres de largeur
et 0"' 25 d'épaisseur.
Voie de Gt^açay vers Villefranche.
Eu la commune d'Anjoin (Indre), à 700 mètres environ
de la commune de Graçay (Cher), s'embranche, toujours
sur la même artère, une autre ligne se dirigeant vers
Villefranche (Loir-et-Cher). Elle prend naissance à la
hauteur du chemin de la Rclandière, traverse le ruisseau
du Pery, à peu de distance du chemin vicinal d'Anjoin
aux Tannières, traverse ensuite ce dernier chemin, celui
de la Maison-Neuve, passe près du hameau de la Baraque,
où le stratumen a été enlevé sur près de 600 mètres, pour
en construire les bâtiments, et sort de la commune pour
entrer dans le département de Loir-et-Cher, à 210 mètres
à droite de la limite réciproque de ce département et de
celui de l'Indre.
Le stratumen, d'après la tranchée ouverte au point
d'embranchement de ces <leux lignes, a 6 mètres de lar-
geur sans bordures. Il est composé île dalles de grès irré-
gulières de toutes dimensions : les plus Ibrtes sont dispo-
sées à la partie inférieure sur deux rangs; au-dessus sont de
petites pierres plates très-serrées, le tout formant une épais-
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 315
seur de O™ 30. Elle est recouverte de O 20 de terre végétale.
Les cinq coupes suivantes, l'une laite à 300 mètres
plus loin que la précédente, la seconde à l'embranche-
raent du chemin conduisant au hameau de Rosnay, la
troisième à 1,200 mètres plus au nord, la quatrième à
220 mètres au sud-est du ruisseau du Pery, la cinquième
près du chemin conduisant aux Annets, ont une com-
position ou disposition semblable à celle de la première
sonde. La septième tranchée, ouverte à 280 mètres au-des-
sus du chemin de Maurepas; la huitième, à 260 mètres
plus au nord, et la neuvième, à 280 mètres du chemin
de Sainte-Catherine, près de l'embranchement de la voie
pavée se dirigeant sur Dun-le-Poëiier, par la Malardière,
n'ont que 6 mètres de largeur. Le stratumen est presque
à la surface du terrain : la composition en est semblable
aux précédentes; néanmoins les dalles qui le forment
sont posées 'moins régulièrement et mélangées de pierres
plus petites : l'épaisseur est seulement de 0'"25 (i).
(1) Une 3iitre ligne encore s'embranche sur celle de Bourges,
à 1,200 mètres environ en avant de Graçay ; elle paraît se
diriger vers Genouilly 'Cher), ou vers une grande redoute
ancienne, située sur un point élevé, à 1 kilomètre 50 envi-
ron de cette dernière localité. L'altitude de ce retranchement
est, sur la carte du dépôt de la- guerre, de 160 mètres au-dessus
du niveau de la mer, tandis que celle de Genouilly n'est qu'à la
cote 140 mètres. Nous l'avons suivie jusqu'au delà du village
de la Poterie, sur 800 mètres de longueur, pensant, à l'origine,
qu'elle se rapportait au tracé principal que nous cherchions :
nous en avons abandonné l'étude ensuite.
C'est ainsi que ces diflerents embranchements, tous inconnus,
ontété mis successivement au jour. Quaml la voie de Bourges a
été complètement déterminée, nous avons pu reconnaître les
autres et, dans certaines limites, eu lixer la direction inobable.
316 CONGRÈS ARGIlÉOLOGinUE 1>E FRANCE.
Voie d'Oi^léans à Poitiers pai- Chabris et Estrées.
Cette route part des dernières maisons de l'une des rues
de Chabris conduisant anciennement au chemin de
Valençay ; elle passe dans le parc et la garenne du château
de la Rivière; elle traverse, avant d'y arriver, un champ
où plusieurs tombeaux en pierre, gallo-romains, ont été
trouvés : dans l'un d'eux étaient des médailles consulaires
bien conservées. Elle prend ensuite la rive droite du Fou-
zou, longe le village de la Jarrige : à 500 mètres en
avant, elle forme deux coudes très-brusques, sur une lon-
gueur de 160 mètres, que rien aujourd'hui ne peut expli-
quer ; elle suit la route départementale sur environ 800
mètres, décrit deux courbes assez sensibles, puis atteint le
château delà Borde, dont elle longe le parc ; elle passe au
Colombier, en face du moulin du Port, où elle traverse le
Fouzon. Elle contourne ensuite, en partie, la base d'un
grand tumulus de sable très-fin (sablon), de 580 mètres de
circonférence. Depuis de longues années, ce monticule sert
de carrière : des volumes considérables de sable en ont
été enlevés. La partie supérieure est inclinée à l'est d'une
manière assez prononcée : par la disposition, l'on pourrait
supposer qu'à une époque reculée, la plate-forme aurait
servi de cam[) ou de refuge pour s'y défendre. La rivière
devait passer autrefois au pied de ce tumulus, car nous y
avons découvert des débris de maçonnerie, indiquant très-
certainement les restes d'un ancien pont élevé à cet
endroit. La voie traverse ensuite les terres de la Loge, en
laissant le bourg de Varennes bien à droite, puis le village
des Couards. Elle décrit plusieurs lignes brisées pour se
XL" SESSION, A CTIATEAimOUX. 317
jeter vers Treiiillot, et parvient à la liniile de l'arrondis-
scment par deux grands aligucmeiils droits. Elle en sort
à peu de distance du hameau de Chaiiihord, à 32 mètres
de la roule départementale n" 9, sur la rive gauche d'un
autre cours d'eau, le Nahon.
Des cinq tranchées initiales, la première qui a été laite
à 1 kilomètre environ de Chabris, à la bilurcation des
deux chemins allant dans les vignes ; la seconde dans le
parc de M. de la Rivière; la troisième et la quatrième en
avant de la Jarrige, après les deux courbes que nous avons
indiquées plus haut, enfin la cinquième, à 240 mètres
au-dessus des maisons de ce village, ont chacune 3 mètres
de largeur. Le stratumen est composé de deux rangées de
pierres plates, entremêlées de petites pierres pour en
consolider les joints et former une aire très-solide : l'épais-
seur en varie de O"" 20 à O'" 22, et il est recouvert de O" 20
de terre végétale. La sixième coupe, ouverte à 200 mètres
environ du château de la Borde, est exécutée comme les
précédentes; mais elle a 6 mètres de largeur et est limitée
aux deux extrémités par de grosses pierres de bordures,
en calcaire très-dur, fichées debout. La septième sonde, la
huitième et la neuvième ont encore la même composition :
elles sont formées de pierres calcaires, superposées en deux
lits, seulement les pierres de la huitième sont plus grosses
que les autres ; plusieurs d'entre elles ont l'épaisseur
entière du stratumen, 0"" 20. Elles n'ont toutes que 3 mè-
tres de largeur et n'indiquent qu'une partie de la voie. La
terre les recouvre de O^^bO. ^Les deux dernières (8" et 9')
ont été faites de chaque côté d'un massif de maçonnerie,
débris des culées d'un vieux pont.
D'après les renseignements que nous avons recueillis,
les restes de ce pont auraient été complètement démolis
dix-huit ans tout au plus avant nos fouilles, ce qui ferait
318 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
aujourd'hui ù peu près vingt-sept ans. Le Fouzon, qui
décrit beaucoup de sinuosités, parait avoir passé autrefois
à cet endroit avant la construction du luoulin du village
du Port.
La dixième tranchée, opérée à 200 mètres d'un chemin
qui contourne en partie le tumulus, indique le stratumen
formé de deux couches de pierre calcaires, mélangées de
grès, d'une épaisseur ensemble de 0™ 25. La plate-forme
a 3™ 50 de largeur, sans bordures. La terre végétale la
recouvre de 0" 20. Les onzième, douzième et treizième
coupes, pratiquées entre les villages des Gouards et de
Trevillot, ont montré la base de l'ancienne chaussée com-
posée de trois couches de pierres plates, superposées sur
une épaisseur de 0" 25, et enchevêtrées très-solidement.
Elle est à 0" 20 au-dessous de la surface du sol. La lar-
geur est de 3" 75. A la quatorzième sonde, faite à 100
mètres au-dessus de ce dernier village, le stratumen est
exécuté en pierres calcaires , grossièrement arrondies,
semblables aux pierres roulantes naturelles, que l'on
rencontre dans les champs environnants ; elles sont de la
grosseur d'un œuf à celle du poing, et disposées très-soli-
dement sur 0" 20 d'épaisseur. Il a 3"" 50 de largeur et est
enfoncé de 0"" 20 dans le terrain. A la quinzième tranchée,
ouverte à 150 mètres au-dessous du même hameau de
Treuillot, la plate-forme a 5 mètres de largeur; elle est
composée de pierres de différentes dimensions, les unes
assez plates, disposées à la partie inférieure, et les autres
plus ou moins arrondies, placées au-dessus, entre les pre-
mières, sans stratification régulière. L'épaisseur en est de
0" 20, et la couche de terre végétale a, au-dessus, la même
épaisseur. Enfin, à la seizième coupe, faite à la limite de
l'arrondissement, sur la rive du chemin de Chambord, le
stratumen n'a que 2" 50 de largeur, sans bordures : il est
XL" SESSION, A r.IIATKAUTlOUX. 319
composé (le deux rangs suporposés de petites pierres plaies
sur O"! ri seulement d'épaisseur. La terre végétale le
recouvre sur 0"" 20. La disposition de la chaussée indique
que le reste de la partie pavée a été détruit sur les deux
côtés.
Voie d'Orléans à Argenton, par Chabris et Levroux.
En partant de Chabris, la voie traverse le Fouzon, au
lieu dit le Port; elle longe la rive droite du Nahon, passe
près de Parpeçay (Patriciacum), et traverse le ruisseau du
Rios-Bordelas au village de ce nom. Un pont y existait
alors; il était construit sur pilotis : une médaille d'Au-
guste a été trouvée en 1 85G parmi les débris qui en ont
été retirés. Elle passe au Tranchet, en la commune de
Poulaines, entre les villages d'Espaillat et de Cungis, aux
Plessis, aux Bruyères, à Ghambon, où était une ancienne
villa importante et où l'on a découvert encore, il y a huit
ou dix ans, un balneum ; enfin elle sort de l'arrondisse-
ment d'Issoudun, près du chemin de la Moinerie à
Chambon, à droite du premier de ces villages.
A partir du Tranchet, un embranchement à cette voie,
de 100 mètres de longueur, se dirigeait vers le gros village
de Montry, placé sur le laite du coteau du Renon. Il tra-
versait ce ruisseau au lieu dit le gué du Laye. Ce mot, on
le sait, a diverses acceptions : il peut signifier ou une
route tracée dans un bois, ou ce bois lui-même, ou des
arbres isolés; on ne saurait en conséquence en tirer
aucune induction précise pour caractériser le passage de
ce chemin. Nous avons remarqué, sur les terres de ce
village, à plusieurs endroits, des débris de tuiles romaines ;
320 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
il y existait peut-être un centre de population important,
car, suivant la tradition du pays, Montry était autrefois
une ville. Une personne sérieuse de la localité nous a
même assuré, à cette occasion, qu'un habitant de Dun-le-
Pcëlier possédait un acte très-ancien, où ce village avait
cette qualification. C'est une assertion que nous n'avons
pas été à même de vérifier.
La plus grande partie des pièces concernant cette route
importante a été perdue par nous, à la suite de circon-
stances particulières. Dix-huit tranchées ou coupes de la
voie ont été pratiquées entre le Fouzon, au lieu dit le Port,
commune de Chabris, et l'extrémité de la commune de
Poulaines. Le stratumen est généralement formé de
deux couches de grès vert, de petite dimension ; dans lés
terres du Tranchet, ces pierres ont de 0" 30 à 0" 40 de
côté, et peuvent être assimilées à des dalles brutes. La
largeur est de 2" 50 à 4 mètres. Vers le domaine des
Bruyères, de grosses pierres calcaires composent la base
de la voie, qui est limitée par des pierres plus fortes pla-
cées debout (bordures). Au-dessous du fort village de
Chambon, une couche de cailloux repose sur le stratu-
men. L'embranchement sur Montry est composé de deux
couches de grès vert également.
Depuis nos recherches, nous avons appris que cette voie
a été reconnue entre Argenton et Luant, en se dirigeant
vers Châteauroux , et que d'autres tronçons ont été
découverts sur la commune de Ghézelles, arrondissement
de Châteauroux, à peu de distance de Levroux. L'exis-
tence en est donc constatée entre le Cher, à Chabris, et
Argenton. Elle se reliait à la voie indiquée dans Y Itiné-
raire d'Antonin allant à' Argentomagus à Augustoritum, et
constituait ainsi une seule et même ligne d'Orléans à
Limoges.
XL'' SESSION, A miATEA-UROUX. 321
Observations générales sur les voies de Bourges, de
Poitiers et de Limoges.
On remarquera que ces trois grandes artères se croi-
saient à Chabris, sur la rive gauche du Cher, à l'opposé de
Gièvres](Gabris ?), et que d'autres voies, moins importantes
sans doute, s'y embranchaient, pour rayonner dans toutes
les directions. Nous regrettons beaucoup de n'avoir pas
été à même d'en terminer le relevé complet sur tout l'ar-
rondissement d'Issoudun. Il reste à étudier le prolonge-
ment de la voie d'Autun à Tours, entre Chabris et Selles-
sur-Cher (Cellœ-s.-Usitii) ; le point où les deux autres voies,
réunies en une seule, traversaient le Cher, à Chabris,
pour se diriger sur Orléans ; la direction vers Dun-le-
Poëlier, et même au delà, vers Bagneux, de la ligne de
Villefranche, par les villages de Fleury et de la Malar-
dière; enfin la continuation du chemin de Montry, qui se
prolongeait peut-être jusqu'à Graçay, où passait la voie
de Bourges.
Voies de Levroux â. Issoudun et d'Issoudun à la chaus-
sée de César [ligne de Bourges à Poitiers), près de
Saint- Ambroix, à Ernodurum.
Nous ne décrirons pas les parties que nous en avons
constatées, antérieurement à 1857, sur les communes de
Levroux et de Brion, ces deux localités étant situées sur
Tarrondissement de Chàteauroux.
XL^ SESSION. 21
322 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
A la limite de l'arrondissement d'Issoudun, le tracé
prend son origine, sur la route de Paris à Toulouse, près
du huitième hectomètre de la borne n° i8, venant de
Vatan, c'est-à-dire à -18 kilom. 800 mètres de cette ville.
Elle passe à 480 mètres à gauche des bâtiments du
domaine de Metas; elle s'étend dans les plaines de la
Champenoise ; laisse, à 440 mètres à droite, le chemin de
Vallière, et à 140 mètres également à droite la borne
placée à la limite des communes de la Champenoise et de
Saint-Valentin ; elle décrit ensuite plusieurs courbes, et
s'éloigne de 120 mètres à gauche de l'allée du domaine
des Pyramides (le Nil à droite) ; elle coupe les deux che-
mins qui sont à la limite de Lizeray et de Saint-Valentin,
contourne le domaine de Borderousse, et suit presque en
entier le chemin deBarillon à Issoudun. A l'extrémité de
cette dernière commune, la voie est en relief sur le sol et
couverte de pierres calcaires provenant de la culture des
vignes contiguës. Elle passe à droite du Guerriau, saute
le ruisseau du même nom, et suit le chemin du moulin
de l'Étang-le-Roy. Cette usine est construite sur la voie,
et on retrouve celle-ci dans la prairie, à gauche de la
grande communication n" 23. Elle contourne le tlanc du
coteau de la Théols, où existe un chemin sinueux ; traverse
un ancien gué pavé, abandonné depuis des siècles, dont
les travaux de construction du chemin de 1er ont révélé
l'existence, et entre à Issoudun par la porte du Château.
Elle en sort par la rue Dardault, et se dirige vers l'an-
cienne cité d'Ernodurum.
Pour abréger le discours et prévenir des redites fasti-
dieuses, nous résumons dans le tableau ci-après le mode
de construction de la voie.
XL" SESSION, A r.IlATEAUUOUX.
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XL" SESSION, A (niATEAUROUX. 325
La onzième coupe, qui a été pratiquée dans le chemin
contournant le coteau de la Théols, présente un lit irré-
gulier de pierres calcaires. Sous la pente du coteau ou des
talus (côté droit), les terres ont recouvert l'ancienne
chaussée; les pierres en sont très-fortes, et sur plusieurs
points nous y avons remarqué les traces d'un sillon assez
profond, produit par le passage prolongé des roues de
voitures. Dans toute l'étendue de cette voie, nous n'avons
trouve nulle part la plate-forme ou le stratumen limité
par des pierres de bordures.
Voie d'hsoudun à Ernodurum, près de Saint- Ambroix.
Elle n'est que la continuation de la précédente. Elle
part de l'extrémité de la rue Dardault, suit le chemin
actuel de Saint-Ambroix, passe au sommet de l'embran-
chement de ce chemin avec celui de la Glaudincrie ou du
Puy, au-dessous du domaine des Maisons-Neuves, qu'il
laisse à gauche; contourne au milieu des terres les coteaux
par des courbes très -développées; laisse à droite le
domaine du Petit-May, et, par un grand arc, aboutit au
lieu dit le carroir d'Airain, sur la voie romaine de Bourges à
Poitiers, à 150 mètres environ du cimetière gallo-romain
de la cité d'Ernodurum, et à 1 kilomètre 50 environ du
bourg actuel de Saint-Ambroix, sur la rive gauche de
l'Arnon. Le carroir d'Airain, d'après les renseignements
que nous avons recueillis, était, avant la Révolution, un
emplacement très- vaste, couvert de pierres au milieu des-
quelles poussaient des bruyères et des arbustes sauvages.
Le premier des bâtiments (jui constituent aujourd'hui le
domaine aurait été construit en 1788 ou eu 1789. Le
326 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cimetière se trouve entre le carroir et l'ancienne ville.
Près de rembranchement des deux voies est une borne
d'une forme particulière. Elle est évidée à la partie supé-
rieure, de manière à former trois branches d'une égale
épaisseur, disposées en T : la partie inférieure du T existe
encore. Le jambage ou la nervure centrale fait face à l'axe
de la chaussée de César ; la partie gauche est dans la direc-
tion d'Issoudun, et l'autre tend vers le chemin qui conduit
à l'abbaye de la Prée ou à l'ancienne commune de Gouers.
Cette borne a 0"" 70 de hauteur, 0"° 37 de largeur et 0"> 25
d'épaisseur; chaque ailette a 0" 13 de largeur. Elle est
placée sur un lit de mortier rose, semblable à celui qui a
été employé dans les constructions d'Ernodurum. Dans
ce ciment, reposant sur le tuf, sont mélangés, comme
témoins, sans aucun doute, des morceaux d'ardoises ordi-
naires, des tuileaux, du charbon, et, ce qui est assez
étrange, plusieurs tessons de fonte de0"15 environ de
longueur, sur 0" 10 de largeur moyenne et 0" 005
d'épaisseur, qui proviennent des débris d'un vase ou d'un
vaisseau circulaire quelconque.
La voie dont nous nous occupons diffère, par sa con-
struction, de toutes celles que nous avons relevées. Le
tracé en est bien étudié. Elle tourne les petits coteaux
pour éviter les mouvements de terre, et tous les aligne-
ments droits sont reliés entre eux par des courbes d'un
grand rayon. Elle figure en quelque sorte un lacet dans
tout son parcours. L'empierrement est régulier. Il est
généralement composé d'un lit de pierres plates, recouvert
par des pierres concassées. L'épaisseur en est de O^îiO à
0" 30. A trois sondes seulement, deux lits de grosses
pierres existent seuls. Des pierres calcaires, plus fortes
que les autres, fichées debout ou de champ, limitent par-
tout la largeur de la chaussée ou stratumen. Le terrain est
XL" SESSION, A CRATEAUROUX. 327
calcaire, et le rocher est très-rapproché de la surface du
sol. Dans les endroits où l'empierrement, par suite des
pentes adoptées, ne pouvait être assis convenablement au-
dessus, le roc est creusé en petites tranchées pour l'y dis-
poser régulièrement. La largeur de la plate-forme est
comprise entre 5™ 40 et 6™ 40 ; c'est une moyenne de
5"'90, répondant à 20 pieds romains de 0""296 chacun.
Le relevé des coupes est indiqué dans le tableau
ci-après.
Observations sur une ligne présumée d'issoudun à la voie
de Bourges à Argentan ou à Poitiers, vers le sud.
En 1864, une personne ayant un caractère otficiel,
appartenant au monde savant, nous fit remarquer que,
d'après la Table de Peutinger, la distance de Bourges à
Alerta (très-vraisemhlableraent Ardentes-Saint-Vincent)
serait de 28 lieues, tandis que, d'après la distance réelle,
elle est de 26 lieues seulement. L'existence d'issoudun à
l'époque gallo-romaine étant actuellement prouvée, elle
présumait qu'une seconde voie pouvait relier cette ville
au grand chemin de Bourges à Poitiers, vers Ardentes.
Dans cette hypothèse, la distance de 28 lieues correspon-
drait à la ligne brisée d'Ernodurum sur Alerta, par Issou-
dun : ainsi se trouveraient justifiés et les chiffres de la carte
et ceux de ïltinéraire d'Antonin. Nous devons ajouter
qu'en suivant cette direction, la rive gauche de la ïhéols,
sur une étendue de 12 kilomètres, on trouve les villages
de Villardeau, de Villesaujon, de la Villette, dont l'éty-
mologie dérive évidemment du mot villa. Aux Charme-
Ions, à 1 kilomètre d'issoudun, ou a mis au jour, au mo-
328
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE
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330 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ment de nos investigations, de vastes substructions, des
débris de poteries considérables, et, formée par des tuiles
romaines presque entières, une bière pleine d'ossements
calcinés par la chaux.
Malgré ces présomptions, les recherches que nous éten-
dîmes, pendant trois ans, sur les deux côtés de la rivière,
furent sans résultats fructueux. Sauf quelques débris
d'antiquités gallo-romaines, qui démontrent que des villx
richement décorées étaient élevées sur ses bords , nous
n'avons rien obtenu d'intéressant pour la science. Des
vestiges épars prouvent qu'à Brives il devait exister un
centre de population assez important. Nous y avons trouvé
de nombreux fragments de tuiles et un chapiteau d'ordre
corinthien. A peu de distance du centre du bourg, on a
trouvé également, près d'une bière en pierre, à 1" 50
environ au-dessous du sol, des morceaux de vases antiques
d'une forme très-élégante et d'une excessive légèreté, ainsi
qu'un cadran solaire en pierre, dont le style seul était
brisé. On y rencontre fréquemment des monnaies romai-
nes des différents empereurs. Près de Brives est aussi un
camp romain.
Sur la rive droite du même cours d'eau, les restes d'une
villa très-vaste ont été découverts par nous, à 1 ,200 mè-
tres environ d'Issoudun, au lieu dit Chapitre. Les débris
de toute sorte qui y existaient prouvent l'opulence de ses
anciens habitants. Une partie de l'hypocauste était encore
entière ; quantité de morceaux <le tuyaux en forme de
parallélogrammes, dont quelques-uns bien conservés, qui
conduisaient la chaleur dans les appartements, en ont été
exhumés. De petits compartiments étaient dallés en
carreaux d'argile cuite striés élégamment. Les plus
remarquables ont été détruits en une nuit par des mains
inconnues. Le torse d'un homme, au-dessus de grandeur
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 331
naturelle, d'une bonne facture, gisait parmi les décom-
bres. Une médaille de Galerie en a été retirée. Des diffi-
cultés étrangères à ce sujet, ne nous ont pas permis d'en
suivre toutes les fondations et d'en faire le relevé.
Préoccupé toujours cependant de notre but principal,
nous avons remarqué, à la fin de d869, à l'embranche-
ment d'un petit chemin sinueux situé entre les villages
des Dormillons et de Villardeau, à 0" 30 dans le sol, un
lit de pierres plates près desquelles étaient des pierres plus
grosses, renversées. Ces indices informes pouvaient se
rapporter à un point de la voie que nous cherchions, et
nous allions dans cette prévision nous livrer à de nouveaux
travaux quand nous quittâmes Issoudun. Nous croyons
devoir signaler cette circonstance, quelque problématique
qu'elle soit, pour ne rien laisser dans l'inconnu.
Voie de Bourges à Poitiers, par Argentan,
dite chaussée de César.
En 1819, le Gouvernement s'occupa officiellement de
la recherche de nos antiquités nationales. Des instruc-
tions, auxquelles était joint un questionnaire rédigé par
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, furent adres-
sées à MM. les Préfets. M. de Vérigny, alors préfet de
l'Indre, fit relever le tracé de la voie romaine de Bourges
à Poitiers, dans l'étendue du département, par M. de
Limay, ingénieur en chef des ponts et chaussées. Les
mémoires rédigés à l'appui par ces Messieurs ont été
déposés l'année suivante dans les archives de la même
académie. Cette voie, qui est encore presque en entier en
relief au-dessus du sol, est indiquée sur la carte du
332 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
dépôt de la guerre. Le tracé en est généralement très-
régulier; en voici la direction :
Elle traverse l'Arnon à Saint-Ambroix ; elle passe au
carroir d'Airain, où s'embranche la voie d'Issoudun; elle
laisse le bourg de Chouday à droite et celui de Ségry à
gauche, saute un des affluents de la Théols, près de la
Planche à UOuaille ; traverse Brives à droite du camp
romain, laisse le bourg de Vouillon à gauche, passe dans
le bois de Fratis, et aboutit à Ardentes, après avoir coupé
les brandes de Blards et un vaste camp d'une disposition
toute particulière. Ce camp, établi au niveau du sol, pré-
sente une partie plane d'environ 200 mètres de longueur,
sur 150 mètres de largeur, qui est entourée de tous côtés,
sur une étendue approximative de 300 à 400 mètres, d'un
grand nombre de trous en forme de cônes tronqués ren-
versés. Ils ont 2 mètres environ de diamètre et O^OO de
profondeur : quelques-uns néanmoins sont pluî larges et
plus profonds. Ils sont disposés en quinconce, mais irré-
gulièrement, et la terre en provenant est retroussée sur
les bords. La voie de Bourges, qui le traverse, le divise
en deux parties inégales. Une description plus détaillée
en est donnée dans une petite notice spéciale, à laquelle
un plan est joint. •
Dans la commune de Chouday, la voie a été emportée
et détruite par les vignerons, vers les années 1853 et
18n4. Les pierres calcaires qu'ils en ont extraites montrent
qu'elle avait à cet endroit un stratumen régulier, limité
par des bordures. Ailleurs, aux points où nous l'avons
lait couper, elle est formée de béton composé de chaux et
de sable de rivière, contenant de petits cailloux de la gros-
seur d'une balle de fusil à celle d'un petit œuf de poule,
mais ces derniers en petite quantité : c'est du béton dont
la base est du gros gravier. L'épaisseur moyenne est
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 333
de 0" 45. Au-dessous le sol paraît avoir été très-rafrcrmi
artificicllemeut.
Observations générales.
Le mode de construction des voies que nous avons étu-
diées diffère peu l'un de l'autre ; le principe général en
est le même. Des pierres plates de diverses natures en
forment la plate -forme inférieure ou stratumen ; d'autres
la pierres concassées de ditférentcs grosseurs en composent
seconde couche ; au-dessus est la terre végétale. Ce système
n'est pas invariable : en plusieurs points le stratumen
théorique manque, et tout l'empierrement est formé d'un
mélange de petits matériaux. Une largeur régulière ne
semble pas avoir été une règle fixe. Néanmoins elle peut
avoir été de 8 mètres pour la voie de Tours à Bourges, et
de 6 mètres pour les autres ; au moins ces dimensions
existent dans les endroits où les pierres de bordures limitent
la chaussée. Pour la belle voie d'Issoudun à Saint-
Ambroix, dont la base est déterminée partout, elle varie
d'un mètre et est comprise entre 5™ 40 et 6" 40. Toutefois
la moyenne donne exactement 20 pieds romains, comme
nous l'avons indiqué.
Tous ces grands chemins suivent l'inflexion du terrain
sur lequel ils reposent ; les parties qui en restent sont,
à de rares exceptions couvertes de 0" 15 à 0" 20 de
terre. Il n'y a point de tranchées faites sur le sommet
des coteaux, ni de remblais élevés dans les vallées pour
en adoucir les pentes. Sur le coteau seul de Chabris, la
voie est à 0° 50 de profondeur ; mais les débris de toute
espèce qui sont amoncelés sur l'empierrement prouvent
que la terre arable a été exhaussée par la «^.ulture, etc., et
334 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
qu'autrefois le pavemeat était plus rapproché de la sur-
face du sol. Les coudes sont brusques; nous n'avons
remarqué nulle part de ces grands arcs qui relient les
alignements droits entre eux.
La voie de Levroux à Issoudun est la plus irrégulière-
ment construite à tous les points de vue. Celle de Bourges
à Tours est préférable, quoique ayant, avec celle-ci, sur
certains points, une grande analogie, tant sous le rapport
de la direction que sous celui de la composition de l'em-
pierrement. Le tracé des deux embranchements de cette
dernière artère sur Villefranche paraît mieux étudié ;
pourtant il serait indispensable, avant de se prononcer,
d'en poursuivre le relevé sur une étendue plus grande
que celle qui se rapporte à l'arrondissement d'Issoudun,
Les pierres du stratumen de l'un de ces chemins, celui de
Graçay , n'est disposé qu'en une seule couche ; elles
paraissent, dans plusieurs parties, avoir été déplacées de
leur position primitive ; elles sont généralement plus
larges, plus épaisses que les autres, et constituent de
véritables dalles. Elles sont brutes, irrégulières, et ont été
disposées sur le terrain naturel sans aucun travail prépa-
ratoire. Le stratumen du chemin se dirigeant vers Dun
ne présente aucune disposition spéciale et ne diffère pas
sensiblement de celui de la voie de Tours.
La voie d'Orléans ou de Ghabris à Levroux et à Argen-
ton par Parpeçay, le Pont-du-Rios et Pou laines, est mieux
construite que les deux premières ; cependant elle l'est
moins encore que celle de Ghabris vers le sud-ouest, à
(Poitiers?), par Varennes. La largeur de celle-ci paraît
avoir été de 6 mètres, et une plate-forme régulière, com-
posée de deux couches de pierres plates, devait exister
partout. Mais rien n'approche de l'état, ainsi que nous
l'avons fait remarquer, du chemin d'Issoudun à Ernodu-
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 335
rum. Il a été construit dans un ordre d'idées bien diffé-
rent des préceptes qui ont dirigé les constructeurs des
lignes précédentes. Une courbe d'un grand développement
le reliait à celui de Bourges à Argenton, dite chaussée de
César, qui incontestablement était construite alors. Le
cimetière gallo-romain situé à la base du talus devait
être établi également. Sans la convenance d'embrancher
la voie d'Issoudun en avant du lieu destiné aux sépul-
tures, une direction plus droite lui eût probablement été
donnée pour aboutir à Ernodurum.
Comme conclusion, nous signalerons une circonstance
assez particulière, c'est que, latéralement à toutes ces
voie?, soit à droite, soit à gauche, il existe, à une faible
distance un chemin qui a probablement été ouvert quand
elles ont été abandonnées ; elles en sont même quelquefois
traversées. Ces chemins aujourd'hui sont généralement peu
fréquentés, abandonnés ou labourés : dans ce dernier cas
les traces sont très-visibles pour un œil un peu exercé.
Dans les plaines couvertes de pierrailles des communes de
la Champenoise et de Lizeray on en perd la piste ; on le
remarque pourtant encore à certains endroits, et on le
suit facilement sur Saint-Valentin. Sur Issoudun, l'assiette
n'en a pas été changée. Entre cette ville et Saint-Ambroix,
le chemin qui serpentait autour de la voie était, il y a peu
de temps, dans le plus mauvais état, et offrait, en hiver,
des parties vraiment infranchissables. On se demande, par
exemple, comment l'ancienne chaussée romaine, si solide-
ment construite, que nous avons trouvée presque intacte
dans ses anciennes dimensions, a pu être complètement
abandonnée, couverte de terre, pour suivre à côté une
ligne aussi défectueuse ?
Tl serait actuellement très-important de chercher à
déterminer l'époque probable de lu construction de ces
330 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
grandes routes dans notre Berry, et de connaître celles qui
peuvent être attribuées aux Gaulois,
Dans ses observations sur la carie de Peutinger^
M. Ernest Desjardins établit que Tasciaca^ Gabris et Ava-
ricum sont des noms d'origine gauloise, et que ces loca-
lités existaient avant le règne d'Auguste. Cette opinion,
en ce qui concerne Chabris, confirme celle de M. de la
Saussaye, qui suppose que le vicus gaulois était sans
doute sur la rive gauche du Cher, et que les Romains,
pour déplacer l'esprit de localité, ont fondé de l'autre côté,
à 2 kilomètres plus loin, l'établissement de Gièvres. Il
attribue aux conquérants de la Gaule le changement du g
en ch, du mot Gabris, par conséquent, en celui de
Chabris.
Nous ignorons si ces trois villes, à l'époque de l'indé-
pendance, étaient reliées entre elles par un chemin ferré.
Les Gaulois en avaient incontestablement, et avaient aussi
élevé des ponts sur les cours d'eau qui en étaient traversés^
La réunion de ces preuves exigerait des développements
qui nous entraîneraient bien loin, et qui seraient inutiles
aux personnes qui connaissent l'histoire. Les considéra-
tions que présentent à ce sujet M. Raynal, dans son
Histoire du Berry, nous paraissent très-exactes. Les
anciennes routes ont été, par les Romains, utilisées amé-
liorées et rectifiées, pour être appropriées à leur système
de viabilité. On sait qu'Auguste, ou son ministre et son
gendre Agrippa, fit construire quatre grandes voies, dont
la direction était étudiée pour traverser le plus de villes
possible ; que de nombreux rameaux secondaires s'en
détachaient pour établir dans tout le reste du pays de faciles
relations. Bourges, capitale de la cité des Bituriges et de
la première Aquitaine, était le point où venait conver-
ger le réseau des grandes communications des contrées
XL» SESSION, A CnATEAUROUX. 337
environnantes. M. de la Saussaye suppose que la voie
d'Autun, par Bourges, Chabris et Tours, fut une des pre-
mières que les Romains construisirent dans nos contrées.
Elle lui « parait remonter, comme route fréquentée, à une
haute antiquité, si l'on peut tirer des inductions de
son établissement sur les rives du Cher et du grand
nombre de médailles gauloises que l'on rencontre dans
tout son parcours. »
Cette voie et celle de Bourges à Argenton sont seules
indiquées sur la Carte de Pentinger. Les principes de
construction qui ont été appliqués pour l'une et pour
l'autre difTèrent essentiellement. Le chemin de Bourges
n'ofîre aucune régularité bien arrêtée dans le tracé ni
dans l'empierrement ; il paraît au moins avoir été exécuté
à la hâte, avec les matières trouvées sous la main, sans
préparation, sans études préalables. La seconde voie, au
contraire, bien que n'offrant pas partout l'unité de com-
position, montre des dispositions fixes et une solidité bien
supérieure à la première. Elle est, sauf de rares excep-
tions, dans l'arrondissement d'Issoudun et même jusqu'à
Ardentes, en relief au-dessus du sol, La facture des con-
structeurs habiles y est reconnue dans toute l'étendue.
L'établissement de ces deux artères ne paraît donc pas devoir
être rapporté à la même époque. Les principes invariables,
quoique subordonnés aux ressources des localités, qui
découlent de la centralisation romaine ne permettent pas
de le supposer. Dans une même contrée on doit trouver
peu de différence entre les constructions de cette nature,
élevées dans le même temps. Les tranchées pratiquées
dans une autre voie, d'Argenton à Poitiers, par M. de la
Tremblais [Compte rendu de la Société du Berry, année
1864), le prouvent suffisamment. Quand Auguste eut
achevé l'organisation administrative de la Gaule, des
XL^ SESSION. 2-2
338 CONGRÈS AUCHÉOI.OGIOUE PE FRANCE.
débouchés furent iiuniédiatemeut ouvert? pour rattacher
entre eux les divers centres de population qu'il avait créés
ou déterminés. La plus grande activité fut apportée à
l'accomplissement de cette œuvre de transformation.
On connaît les moyens d'action dont les Romains fai-
saient usage dans ces travaux, et la rapidité d'exécution
qui devait en être la consequen.ee. Rien, à ce qu'il paraît,
ne fut épargné pour y parvenir. Auguste, écrit Rondelet
dans VArt de bâtir (2" vol., livre IV, chap. I"), employa
les légions à réparer les grands chemins déjà existants et
à en construire de nouveaux. Il fit fondre les statues d'ar-
gent qui lui avaient été décernées, pour les employer à
ces travaux, et il imposa également des chemins à réparer
aux citoyens éminents qui avaient obtenu les honneurs
du triomphe. La quantité de voies construites ou amélio-
rées sous son règne dut être considérable. Quelques aniiées
après, Tibère fit réparer à ses frais les routes de la Gaule
et de l'Espagne. Il est incontestable que Bourges n'a pas
été laissé en dehors de ce système de viabilité, et que les
voies qui en sortaient datent de cette époque ou y sont
antérieures. Argenton également était une localité très-
importante, et cinq grandes routes y aboutissaient.
Si une origine gauloise est assignée à la voie de Tours
à Autun par Bourges, celle de Levroux à Issoudun, qui
montre avec celle-ci la plus grande analogie, quoique y
étant inférieure par le tracé, devrait y être rapportée éga-
lement. Levroux, autrefois Gabata, était un oppidum
considérable. Le résultat fructueux dés fouilles opérées
par M. Lemaigre, dont nous avons déjà parlé, pendant
une durée de plus de soixante ans, le met hors de doute.
Pour Issoudun, nous n'avons que de faibles conjectures,
sans pouvoir invoquer de documents sérieux. L'assertion
de Léon Chaumeau, qui énonce, dans son Histoire du
XL« SESSION, A CIIATEAUROUX. 339
Berry, que la ville et le château furent brûlés par les
Berruges, lorsque Jules César mit son siège devant Ava-
ricum, ne paraîtra peut-être pas une preuve suffisante aux
archéologues pour décider la question. Si, par suite d'étu-
des comparatives sur ces anciens chemins, on parvient à
déterminer les périodes dans lesquelles ils ont été établis,
une partie du voile qui couvre encore l'origine de bien des
villes sera soulevée. On aperçoit de quelle importance ces
études seraient pour la science archéologique.
Nous classerions la voie d'Orban à Poitiers et d'Orléans
à Limoges, par Chabris, à une ère de transition, entre
l'époque gauloise et le règne d'Auguste. La construction
rapproche beaucoup de celle de Bourges, quoique le tracé
en soit mieux étudié et l'empierrement généralement plus
régulier. La médaille de cet empereur trouvée dans les
fondations du pont du Rios serait un indice qui prouve-
rait en faveur de notre opinion. Quant à celle d'issoudun
à Ernodurum, elle est incontestablement plus moderne,
postérieure à celle de Bourges à Argenton. Si l'on en juge
par les morceaux d'architecture qui ont été exhumés de
la rue du Château, il y a une quinzaine d'années (voir
les notices rectifiées de V Annuaire de l'Indre, 1863 et
1865), Issoudun avait une certaine importance sous les
Romains. La voie d'Ernodurum pourrait être contempo-
raine des monuments auxquels ils appartenaient. Ces
hypothèses, quelle qu'en soit la valeur, sont données par
nous sans esprit de système.
Par suite des désordres profanes qui suivirent le règne
des Antonins, sous lequel la Gaule fut si prospère, et se
couvrit de monuments de toute espèce, les routes furent
sans doute abandonnées sans entretien pendant long-
temps. A l'époque où Mannert fixe la constitution de la
Carte de Peutinger, en l'an 230, elles étaient, dans une
340 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
partie de la province du Berry au moins, dans le plus
mauvais état. iM. Raynal rapporte une inscription trouvée
à Trouy, à 8 kilomètres de Bourges, par laquelle on voit
que Maximin, successeur d'Alexandre Sévère, ordonne,
vers l'an 236, de réparer les voies et les ponts qui tombent
de vétusté.
Nous ajouterons, en terminant, que nous n'avons pas
eu d'autre prétention, en nous livrant à ce long travail,
que de constater des faits certains. Nous pensons que les
quelques réflexions qui terminent cette notice ne déna-
turent pas notre pensée. C'est aux savants qui s'occupent
de l'étude de nos antiquités nationales, qu'il appartient de
rassembler toutes les données éparses recueillies sur ce
sujet, de les grouper par contrées, de les discuter, de cher-
cher à dégager la vérité, et de faire renaître, s'il est pos-
sible, une partie de la topographie de l'ancienne Gaule.
M. le Directeur de la Société Archéologique félicite
M. Gu illard de ses recherches, et l'engage à rédiger ses
notes, pour en former un travail qui sera publié dans le
compte rendu général. Il constate avec satisfaction que le
relevé des voies romaines du département est fait en
grande partie, et exprime le désir qu'il soit promptement
achevé.
La quinzième question du programme est mise à
Tordre du jour.
M. l'abbé Damourette se présente pour la traiter, et
examine, par de savantes recherches, si le sarcophage
trouvé récemment dans un des conditorium de l'église de
Déols peut être considéré comme étant réellement le
tombeau de saint Léocade. Selon son opinion, partagée
du reste par le Congrès, les fragments retrouvés dans un
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 341
lieu désigné par une tradition antique, par les assertions
obstinées des vieux historiens et surtout par la vénération
du peuple, comme étant le lieu de sépulture de Leocadius
sont bien réellement les fragments du monument dans
lequel cet illustre personnage fut inhumé.
Plusieurs membres du Congrès examinent ensuite à
quelle époque appartiennent les sarcophages des deux
conditorium. Ils portent les caractères du m" siècle, et
datent de l'époque qui suivit l'incinération. L'illustre
M. de Rossi, à qui un dessin exact du sarcophage de saint
Lusor fut soumis, le plaça entre le m' et le iv** siècle.
M. de Gougny déclare avoir vu à Arles des monuments
similaires, accusant le même type, qui appartiennent à
l'époque précitée. M. le Directeur donne aussi l'explica-
tion de deux chiffres gravés à la partie supérieure du
sarcophage de saint Lusor. D'après lui, ces deux chitïres
désigneraient les dimensions du lieu de la sépulture.
M. Fauconneau-Dufresne expose les sacrifices que M. le
curé de Déols s'est imposés pour la restauration des
cryptes de son église. Il semble que son zèle pour la reli-
gion et l'archéologie sacrée méritent de la part de la
Société une véritable reconnaissance. Le Congrès déclare
s'associer bien volontiers aux sentiments exprimés par
M. Fauconneau-Dufresne.
M. le Président demande à M. de Laurière, inspecteur
général de la Société française d'Archéologie, quelles ont
été ses observations sur les cryptes de Déols et sur leur
restauration .
i\I. de Laurière fait observer que ces cryptes ne sont pas
des cryptes dans le vrai sens du mot ; ce sont seulement
des caveaux rectangulaires situés en dehors de l'abside de
34-2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
l'église; de sorte que l'on ne doit pas y chercher la dispo-
sition caractéristique des cryptes destinées à recevoir des
tombeaux surmontés d'un autel.
M. Cattois fait part au Congrès des impressions qu'il a
ressenties en visitant l'église principale qui se construit à
Chàteauroux.
Il s'est demandé si, dans son état actuel d'exécution,
elle se trouvait conforme aux lois de l'esthétique et de la
liturgie sacrées. Il se prononce pour l'aflirmative, et il
ajoute que la galerie pratiquée en encorbellement dans les
deux bras du transept, ce qui lui paraît une heureuse
innovation, ne peut avoir de signification esthétique et
liturgique qu'autant qu'on reviendra à l'usage pratiqué
par l'Église latine, en plaçant l'autel majeur au milieu de
l'intertransept. Ces galeries en encorbellement auront
alors tout leur but d'utilité, en contenant des assistants
qui pourront voir toutes les cérémonies du culte. Si la
coutume romaine de placer l'autel au centre de l'église
n'était pas adoptée dans cette circonstance, cette belle
galerie du transept perdrait alors toute sa valeur et toute
sa signification.
M. Cattois exprime le désir de voir transporter à l'inter-
transept dont il vient de parler, le ciborium du xvii'' siècle
qui se trouve dans l'église Saint-André. Après avoir
examiné ce monument, digne du plus grand intérêt, s'il
ne peut être conservé là où il est, ou dans un autre édifice
qui répondrait mieux à son style, il aimerait mieux subir
l'inconvénient de l'effet de disparate que produirait cet
édicule dit classique dans un édifice gothique, que de
perdre ce beau travail, qu'il faut absolument consacrer au
culte ; et, dût l'architecte condamner cette translation,
l'esprit de conservation doit l'emporter sur tous les motifs
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 343
que l'on pourrait suggérer. Le ciborium, ainsi placé au
centre de la nouvelle église, annonce, par sa grandeur et
sa beauté, la présence de l'autel dans le sein du temple.
C'est bien son expression de marquer à l'intérieur le lieu
de la consécration. Mais cette même présence de l'autel en
ce point, suivant la pratique générale du moyen âge, doit
être indiquée à l'extérieur par une éminence plus consi-
dérable que toute autre. Ces cminences extérieures, tours,
dômes et llècbcs, ne sont autre cliose ([uc la continuation
du ciborium intérieur et l'irradiation au dehors du dogme
catholique. Depuis Constantin jusqu'à Gharlemagne, le
dais seul a indiqué à l'intérieur le lieu destiné à la consé-
cration. Depuis Gharlemagne, le ciborium intérieur,
comme les éminences extérieures qui en sont le prolon-
gement, étaient chargés d'annoncer aux fidèles le dogme
catholique.
Du reste l'art n'en est pas moins blessé que l'esthétique
dans la suppression de ces grandes projections architectu-
rales. La perspective est profondément altérée dans la
forme adoptée actuellement pour nos églises. Il est difficile
de concevoir rien de plus pénible, pour un œil exercé,
qu'une église de la dimension de celle qui s'élève à Chà-
teauroux dans de si belles proportions, sans une éminence
centrale ({ui puisse rompre la monotonie de ces longs et
vastes vaisseaux. C'est, du reste, toute la pratique du
moyen âge, et il est à désirer, pour la future cathédrale de
Chàteauroux, que ce grand effet de l'art lui soit ajouté,
de telle sorte que la flèche qui doit être élevée au point
indiqué surpasse en hauteur les deux flèches projetées
sur le narthex de l'église. A cette condition seule, l'esthé-
tique catholique sera respectée. S'il en était autrement,
l'édifice n'aurait plus qu'une signification anticatholique;
car il ne distinguerait plus suffisamment les degrés de
3ii CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE HE FRANCE.
la hiérarchie, duiit Dieu doit bien occuper le premier
rang.
Telles sont les idées personnelles que M. Cattois déve-
loppe, et juge plus conformes à l'esprit de l'Église latine,
aux laits encore existants et à toute la tradition du
passé.
M. de Lauriers présente un plan à l'échelle de 1 centi-
mètre par mètre et plusieurs photographies de la basilique
de Tébessa, en Algérie, qu'il a eu l'occasion de visiter
dans un tout récent voyage accompli avec M. de Ville-
fosse, chargé par le ministère de l'Instruction publique
d'une mission archéologique dans ce pays.
M. de Laurière donne sur cette basilique les détails
suivants :
Notice sur la Basilique de Tébessa
(Algérie).
La ville de Tébessa, l'ancienne Théveste, située dans la
province de Gonstantine, à 15 ou 18 kilomètres de la
frontière de Tunisie, est certainement de toutes les villes
de l'Algérie la plus intéressante par ses monuments anti-
ques, au point de vue de leur ensemble et de leur état de
bonne conservation.
Détruite pendant les guerres des Vandales, elle fut
réédifiée par les Byzantins au vi" siècle, dans des limites
bien plus restreintes, de manière à présenter le caractère
d'une citadelle plutôt (juc celui d'une ville proprement
dite. On l'entoura alors d'une muraille construite avec les
XL" SESSION, A ClIATEAUROUX. 345
débris de la promièrc ville, et Tébessa nous montre encore
aujourd'hui cette curieuse enceinte byzantine de quinze
tours carrées, le tout à peu près intact, comme en France
la cité de Garcassonneet la ville d'Avignon nous montrent
leurs incomparables fortifications du moyen âge dans
toute leur originalité, sauf toutefois les restaurations mo-
dernes dont elles ont été l'objet.
Parmi les édifices les mieux conservés que renferme
Tébessa, je rappellerai seulement un temple pseudo-périp-
tère, qui passe pour avoir été consacré à Minerve, converti
aujourd'hui en église catholique, et le magnifique arc de
triomphe dédié à Garacalla, disposé sur quatre faces,
comme l'arc de Janus Quadrifons à Rome. Il forme l'une
des portes de la ville, et une seconde porte, protégée par
des tours faisant partie de l'enceinte, s'appelle encore
porte Salomon, du nom du général byzantin, considéré
comme le second fondateur de la cité du vr siècle.
Mais le monument de Tébessa sur lequel j'aurais voulu
attirer plus particulièrement votre bienveillante attention,
se trouve situé à 5 ou 600 mètres en dehors de son
enceinte, dans la direction de l'arc de Garacalla, et ne
consiste plus aujourd'hui qu'en ruines imposantes : c'est
son ancienne église-basilique, qui était l'une des plus
considérables de l'Afrique chrétienne.
Ses murs ne subsistent plus que sur une hauteur de 2,
3 et 4 mètres ; mais ils n'eu permettent pas moins de
reconstituer en entier le plan d'ensemble de l'édifice.
La basilique, orientée vers le nord-est, avait trois nefs,
séparées par deux rangs de dix colonnes de marbre mono-
lithes, à chapiteaux corinthiens, et adossées à un pilier
carré, également orné d'un chapiteau du même ordre.
Colonnes et piliers reposaient sur une base taillée dans le
même bloc, et ces supports portaient des arcs cintrés dont
346 CONGRÈS ARCIIÉOLOGIQUK HK FRANCE.
les débris sont renversés sur le sol, pêle-mêle avec un
grand nombre de ces colonnes.
La basilique n'avait qu'une abside demi-circulaire allon-
gée, correspondant à la nef centrale. Cette abside ne faisait
pas saillie à l'extérieur; elle était llanquée de deux salles
rectangulaires qui faisaient face aux deux nefs latérales,
dont elles étaient séparées par un mur, percé d'une porte
dans l'axe de ces nefs latérales. Ces salles communi-
quaient aussi avec l'abside par une porte sur chaque côté.
Toutes ces portes existent encore.
La longueur intérieure de la basilique, dans l'axe de la
nef centrale, mesure 42 mètres, dont 7°" 75 correspondent
à la profondeur de l'abside. La nef centrale mesure 8"" 20
de largeur entre les bases des colonnes ; les nefs latérales
ont chacune i-^SO de large, et la largeur totale intérieure
de l'édifice est de 20 mètres.
Le niveau de l'abside se trouve élevé au-dessus de celui
de la nef d'environ 0" 00. Un vide rectangulaire, situé en
avant de l'abside, au milieu de la nef et bordé d'un dal-
lage en pierre, indique l'ancien emplacement de l'autel.
Nous avons pu constater par des fouilles que l'autel
était entouré d'un cbancel, ou barrière, à hauteur d'appui,
formé de balustrades en pierres, qui traversait la grande
nef et se continuait entre les derniers entrecolonnements
fies nefs. La place de ce cbancel, qui déterminait ainsi le
sanctuaire autour de l'autel, est encore indiquée par des
dalles munies de rainures et de trous, dans lesquelles s'a-
daptaient les transennse et les petits piliers qui les main-
tenaient. Un grand nombre de ces piliers sont dispersés
parmi les autres débris du monument.
Au-devant des trois nefs s'étendait un atrium entouré de
portiques, comme aux basiliques de Saint-Ambroise, à
iMilan,etde Saint-Clément, à Home. Au milieu on voit
XL' SESSION, A CUATEAUROUX. 347
encore un bassin en pierre, de forme élégante, qui ser-
vait de fontaine pour les ablutions des premiers chré-
tiens.
Un baptistère séparé de la basilique, dont il était le
complément, était contigu à l'atrium et communiquait
avec lui par une porte. C'était bien là la disposition
conforme aux anciennes prescriptions liturgiques, qui
plaçaient le baptistère en dehors et près de l'église, pour
signifier, selon l'expression de Guillaume Durand, qu'il
était la porte qui introduit l'homme dans l'église de Dieu.
La cuve baptismale établie dans le sol est encore visible,
ainsi que le petit canal destiné à l'écoulement de l'eau
ayant servi au baptême.
Tout le sol de ces différentes parties de la basilique,
nefs, atrium, baptistère, était pavé en mosaïques repré-
sentant des feuillages et des dessins géométriques, et ces
mosaïques existent encore dans un état presque complet
de conservation.
Sur le côté sud de la basilique s'élève aussi une
construction annexe, composée d'abord de trois absides
rayonnant autour d'un centre carré, au milieu duquel se
trouve un vide rectangulaire, entouré d'un dallage, et qui
devait être l'emplacement d'un autel. Le niveau de cette
seconde église est plus bas que celui de la basilique, et
communique avec elle par un large escalier de douze
marches. Toute cette disposition est inscrite dans une
enceinte carrée, et l'espace compris entre les angles de cette
enceinte et les absides forme des salles rectangulaires
communiquant avec elles par des portes à linteau hori-
zontal. On voit encore à l'entrée de chacune des absides
les bases et les tronçons de huit magnifiques colonnes de
marbre destinées, sans doute, à porter les arcs sur
lesquels s'appuyaient les voûtes des absides. L'abside du
3i8 CONGRES ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
côté ouest est suivie d'une pièce rectangulaire, qui conduit
elle-même dans une autre salle de même forme, mais
plus grande. L'église aux trois absides et ces deux salles
étaient aussi pavées en mosaïques, et l'on remarquait sur
ce sol des inscriptions funéraires indiquant des sépultures
dont nous parlerons plus loin.
La basilique se trouvait établie sur un terrain formant
émiileuce, et un large escalier de dix-huit marches conduit
à un parvis eu avant de l'atrium. Deux tours carrées, dont
il ne reste plus que la partie inférieure, s'élevaient sur les
côtés de l'atrium, à l'extérieur, aux angles de sa façade.
Elles contenaient au centre un escalier dont les marches
inférieures sont encore conservées.
Deux portiques soutenus par de belles colonnes corin-
thiennes, de marbre, se trouvaient aussi en retour des
deux côtés du grand escalier précédant le parvis.
Toutes ces constructions sont formées de pierres de
grand appareil à la manière antique. Des fragments de
frises, d'architraves, de pierres taillées en consoles, sont
dispersés de tous côtés sur le sol, et laissent voir des orne-
ments d'un vigoureux relief, représentant des feuillages,
des rosaces, des cordons de fleurs, des guirlandes de
raisins et d'autres emblèmes chrétiens. Tous ces débris,
avec la richesse des mosaïques, attestent le luxe de décora-
tion de ce vaste édifice, dont la longueur totale, depuis la
première marche de son grand escalier jusqu'à l'extrcmitc
opposée, mesurait 80 mètres.
Mais ce qui ajoute un intérêt du plus haut prix aux
ruines de la basilique deTébessa, c'est que non-seulement
elles nous donnent un type d'une basilique complète,
mais aussi un spécimen des plus rares et peut-être unique
d'une église dépendant d'un de ces monastères dont saint
Augustin doit être considéré conmie le premier iondatcur
XI/ SKSSION, A CIIATEAUROUX. IIW
en Afrique, à l'imitalion de ceux qu'il avait vus à Milan
et à Rome, et dont il parle dans son livre de Moribus
Ecclesiœ cathoL, 33.
Vidi ego diversoruni sanctorum Mediolani
L'éminent auteur de VAfrica Christiana , Morcelli ,
nous rappelle que ces monastères, sous l'impulsion donnée
par le grand évêque d'Hippone et par son ami, saint
Alypius, évêque de Tagaste, ne tardèrent pas à se multi-
plier en Afrique. Le passage suivant, extrait du savant
ouvrage Souvenirs de l'Église d'Afrique, qui est en partie
traduit et résumé de l'histoire de Morcelli, suffira pour
donner une idée de l'importance qu'avaient déjà acquise
ces établissements à cette époque.
« Sous cette impulsion, les monastères avaient déjà
commencé à se multiplier dans l'Afrique, lorsqu'en 397
Mascézel, vainqueur de Gildon, amena quelques moines
de l'ile Capraria, située en face de Pise. C'était à leur
abbé, Eudoxe, que saint Augustin écrivait une de ses
lettres, où Ton voit qu'il l'estime comme un grand servi-
teur de Dieu. L'an 400, saint Augustin, pressé par
saint Aurèle, évêque de Carthage, écrivit son livre sur le
travail des moines, à l'occasion des dissentiments qui
partageaient les moines de Carthage, les uns vivant de ce
qu'offraient les fidèles, les autres du travail de leurs
mains. La fameuse controverse agitée entre les moines
d'Adrumète en 427, à propos des écrits de saint Augustin
contre les Pélasgiens, fait bien voir que les sciences ecclé-
siastiques n'étaient pas oubliées dans les occupations des
monastères. En même temps des couvents de vierges
consacrées à Dieu existaient dans ces provinces. Lorsqu'en
411, les plus illustres familles de Rome fuyaient devant
350 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
les Barbares, Albine et Mélaiiie la Jeune s'étaient retirées
à Tagaste, près d'Alypius. Ces femmes, illustres par leur
piété aussi bien que par leur naissance, ne se contentèrent
pas d'enrichir les églises en ornements précieux ou même
en terres; elles bâtirent aussi dans cette ville deux magni-
fiques monastères, l'un pour 80 moines, l'autre pour
130 vierges. »
Le monastère de Thevesle, dont nous nous occupons,
se développait d'abord sur un vaste emplacement rectan-
gulaire, entouré de plusieurs rangs de constructions, et
situé au-devant de la basilique, puis sur les côtés de sa
partie antérieure. Dans l'état actuel, le terrain n'a pas été
déblayé sur ce premier emplacement ; mais les murs des
anciennes constructions paraissent à Heur de terre.
Ces constructions formaient le pi^esbijterium ou mona-
sterium clericorum, suivant la disposition conçue par
saint Augustin, et contenaient les logements des clercs,
de l'évéque et de tout le personnel attaché au service de la
cathédrale ; car, comme surcroit d'intérêt pour ce monu-
ment, la basilique de Tébessa était le siège épiscopal de
l'ancienne Theveste (1), qui relevait de Carthage, d'où
(1) Parmi les évèques de Theveste, Ihistoire a conservé les
noms :
D'Agnppinus, qui passe pour le premier en date, en ioT;
De Luciiis, qui assista en iol au concile deCarlhage, présidé
par saint Cyprien;
De llomuliis, (pii assista aussi à un concile de Carlhage,
en 349 ;
D'Urbicus, qui prit part au synode de 411;
De P^élix, qui, en 484, figure sur la soixante-quinzième liste
des évèques de Numidie , convoqués à Carlhage par \e roi
vandale Huneric, cette partie de la Numidie étant depuis 443
entrée dans le royaume vandale.
XL* SESSION, A CllATKAUIlOUX. 3^)1
s'étciulail le grand rayonueraent catholique dans le nord
de l'Atrique.
Cette église cathédrale, ainsi entourée de son monaste-
rium clericorum, avec la résidence de son évèquc, doit
être assimilée, sous ce rapport, à la basilique cathédrale
de Sainte-Perpétue de Carthage, mentionnée par son
contemporain, l'évèque historien Victor Viteusis, qui
nous apprend que cette cathédrale contenait le logement
de son évéque et de son clergé : ... Pulso episcopo,
cum clero venerabili dicto, ccclesiam nomine Restitutam
in qva semper episcopi commanebant , suœ religioni manci-
pavit. (Persec. Vand. I. 3.)
De plus, cette basilique, accompagnée de son monaste-
rium était entourée d'une enceinte de défense qui venait
ajouter au caractère religieux de l'édifice celui d'une forte-
resse, et compléter encore Tinlérêt que présente pour
l'archéologie l'ensemble du monument. Toutes les con-
structions dont nous venons de parler se trouvaient enve-
loppées d'une épaisse muraille, formant un quadrilatère
un peu rétréci vers l'est, et muni de plusieurs tours
carrées, avec cette particularité, que ces tours, au lieu de
faire saillie à l'extérieur de l'enceinte, se trouvaient au
contraire eu saillie à l'intérieur. L'historien Procope nous
a transmis le souvenir d'un couvent analogue, qui
existait de son temps à Carthage. « Il y a dans les murs
de Carthage, sur le bord de la mer, une église desservie
par ces hommes dévoués au service de Dieu, que nous
appelons des moines. Salomon, qui l'avait fondée peu de
temps auparavant, l'avait environnée de murailles, afin
que dans l'occasion elle pût servir de forteresse. Aréobinde
se réfugia dans cet asile, oi^i il avait envoyé d'avance sa
femme et sa scBur... » (Procope, Bell. Vand., Il, 20. )
Le côté nord de l'enceinte mesure environ 185 mètres,
352 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
et le mur le plus court, fermant le quadrilatère vers l'est,
a 81 mètres de longueur; sur ce mur, deux tours existent
encore, avec une élévation d'environ 12 ou ITi mètres. Un
portique, conservé dans toute sa hauteur, surmonté d'un
grand arc cintré, situé sur le côté sud de l'enceinte, for-
mait l'une des entrées de la basilique, et donnait accès sur
l'emplacement pavé en larges dalles qui s'étend au-devanl
du grand escalier de l'église.
Nous avons dit que dans la grande salle rectangulaire
située à l'ouest de la chapelle annexe, composée de trois
absides rayonnantes, le pavé en mosaïque contenait des
inscriptions funéraires indiquant des sépultures. Deux,
celles d'un prêtre du nom de Quodvultdeus et d'un jeune
homme nommé Petronius, comprennent la formule Hic
requiescit bone memorie; une troisième porte le nom d'une
jeune enfant, Marcella, qui vécut 3 ans et 6 mois, et une
quatrième est celle d'un évêque du nom de Palladius. Ces
inscriptions ont été publiées dans Y Annuaire de la Société
archéologique de Constantine (vol. XIV, 1870). Nous rap-
porterons seulement celle de l'évêque Palladius.
HIC IN PA
CE REQVI
ESGIT SAN
CTE iMEMO
RE PALLADI
VS EPISCO VI
XIT ANNIS LU
EX QVIBVS
VIXIT IN EPIS
ANNIS XII.
Elle était accompagnée en tète d'une croix à quatre
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 3f>3
branches égales, ?ous laquelle paraissait, d'un côté, un
oméga seul, sans Valpha. Déjà depuis quelques années
le tombeau, formé de dalles enfouies dans la terre sous
l'inscription, avait été touillé latéralement. Les ossements
qu'il renfermait ont été recueillis avec soin par M. le curé
de Tébessa, pour être déposés dans son église paroissiale.
Le corps était enveloppé d'un suaire d'un tissu extrême-
ment fin et reposait sur une couche de feuilles de laurier.
Une fouille renouvelée en notre présence n'a fait retrouver
que quelques-unes de ces feuilles desséchées.
Mais cette inscription funéraire est de la plus haute im-
portance pour l'étude de la basilique de Tébessa, car elle
se rapporte à un personnage dont l'histoire a conservé le
nom. Nous savons en efïel, par Morcelli, que Palladius
était évèque d'Ydirca, et qu'il mourut en revenant, peregre,
de l'assemblée des évèques de Numidie, réunis en 484
par le roi Huneric, qui les exilasur leur refus d'embrasser
l'arianisme. (Morcelli, I" vol., p. dQO.) La notice d'où
Morcelli a extrait ce fait indiquerait même que Palladius
mourut dans un couvent, ce qui est parfaitement conforme
à la présence de sa sépulture retrouvée dans la basilique
de Theveste.
La présence de cette sépulture suffirait pour constater
que l'édifice dont nous nous occupons était déjà construit
à la fin du V siècle, et n'est pas une œuvre du vi',
contemporain des remparts de la ville réédifiée par Salo-
mon. Car si, comme l'a prétendu l'auteur d'une notice
sur Tébessa (1), la basilique eût été rebâtie en même temps
que la ville, ne devrait-elle pas présenter le mèmecaractère
{\) Mémoire historique et archéologîqxie sur Tébessa et
ses environs, par M. Moll, capitaine du génie, (Annuaire de
la Société arcliéologique de Constantine, l8<)0-6t.^
XL= SESSION. 23
354 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
de construction? Ne serait-elle pas corapo?:ée, elle aussi,
de matériaux disparates provenant d'anciens monuments
comme les autres édifices du vi" siècle , tandis qu'au
contraire, sa construction en grand appareil formant des
assises régulières, avec arêtes Unes, révèle une œuvre plus
soignée et toute homogène.
On ne saurait admettre que la basilique et ses dépen-
dances soient antérieures à l'époque de saint Augustin,
qui doit être considéré ainsi que nous l'avons dit précé-
demment, comme le grand propagateur de ces sortes d'éta-
blissements. Sa fondation doit donc se placer de la fm du
IV* siècle à la fin du v% antérieurement au moins à la
date de AU.
Toutefois il faut attribuer à une époque postérieure
quelques débris de constructions accessoires, appuyées sur
le mur sud de la basilique, à la suite de la chapelle aux
trois absides, et formées de difïérentes pierres ayant servi
à d'anciens monuments, parmi lesquelles se trouvent un
grand nombre de cippes portant des inscriptions.
Plusieurs plans de cette basilique ont été publiés, avec
ses dépendances. Nous en connaissons au moins trois
dans l'Annuaire de la Société archéologique de Constan-
tine, plus celui qui a été donné dans V Architectwe mo-
nastique de M. Albert Lenoir, d'après les noies de M.Léon
Renier. Tous ces plans ont été faits à des époques diffé-
rentes, à des moments où le terrain n'étant encore que
peu ou point déblayé, il était dilficile de se rendre un
compte précis de l'état des lieux. Aussi, non-seulement
tous ces plans diflèrent entre eux par plusieurs détails,
mais aucun d'eux n'est complètement exact. Ainsi, sans
parler des erreurs ou omissions relatives au nombre des
piliers des nefs, à l'emplacement de l'autel, aux dispo-
sitions de la chapelle annexe, du baptistère et d'autres
XL° SESSION, A CIIATEAUROUX. 355
constructions accessoires, }ious signalerons sur le plan
publié dans \' Architecture monastique , avec le savant
article qui l'accompagne, une série de bâtiments minu-
tieusement figurés, appuyés à l'extérieur sur les murs
du nord et de l'est de la basilique, bâtiments que
l'examen le plus attentif sur les lieux ne permet pas de
reconnaître.
Le Congres reçoit avec une vive sympathie la commu-
nication de M. de Laurière, et le remercie des belles pho-
tographies qu'il a déposées sur le bureau.
La W question est ensuite examinée : Existe-t-il dans
la région des monuments ou portions de monuments reli-
gieux antérieurs à Tan 1000?
On signale une crypte dans l'église de Reuilly, qui
parait être antérieure à l'an 1000 ; mais cette crypte
n'a pu être suffisamment étudiée pour affirmer d'une
manière précise l'époque de sa construction.
Le conditorium de Déols, renfermant le sarcophage de
Lusor, est antérieur à l'an 1000. On ne saurait dire la
même chose du conditorium de Leocade, qui a été détruit
presque entièrement. Néanmoins plusieurs membres ont
remarqué, dans la visite faite à ce conditorium, deux pans
de muraille pouvant remonter au vi'' siècle.
L'église de Chabris offre également, dans la chapelle
de la Sainte-Vierge, deux murs latéraux, dont une partie
est antérieure à l'an 1000.
On signale encore la crypte de Léré (Cher), où le corps
de saint Martin, évêque de Tours, a reposé pendant
sept ans. Charles le Chauve donna aux chanoines de Saint-
Martin de Tours la ville de Léré, pour y trouver un
356 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
refuge pendant les invasions normandes. Au ix'' siècle, le
corps de saint Martin fut transféré dans la crypte bâtie à
cette époque.
M. l'abbé Voisin traite en ces termes la 16^ question du
programme.
16^ question : A-t-on fait quelques découvertes de
monnaies dans l'arrondissement de l'Indre ?
Monnaies du moyen âge et de l'ère mo-
derne , trouvées dans l'arrondissement
du Blanc.
Un assez grand nombre de monnaies ont été trouvées
dans l'arrondissement du Blanc. Nous avons déjà indiqué
celles qui se rapportent aux époques gauloise et gallo-
romaine. Nous allons, à présent, donner la liste des mon-
naies du moyen âge et des temps modernes. Toutefois,
nous aurons soin de ne décrire que celles qui ont été dé-
couvertes depuis un dizaine d'années, et dont nous avons
pu nous-même faire l'étude et constater la provenance.
N° 1. — Au mois de janvier 1872 on a trouvé, dans
un champ appartenant à l'abbaye de Fontgombaud, cin-
quante-six monnaies seigneuriales des xi% xir et xiii''
siècles. Ces pièces étaient enfouies profondément et recou-
vertes d'une pierre. Les plus anciennes offrent une imita-
tion dégénérée des types carlovingiens.
En voici la nomenclature :
4° COMES CENOMANIS. Au centre, dans un cercle
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 357
(le jii^rônetis, un raonog-rammc compose des lettres E.R.
B.T.S. i^ Croix ave»; alplia et oméga, suspeudiis à ses
branches, et deux points au-dessus. Lég. : SLGNVM [»EI
VlVl. Denier d'Herbert I, dit Éveille-Chien, comte du
Mans, 995-1010. 2 exemplaires.
2° La môme, avec la lég. : COMES CENOMANNIS.
En raison de la lettre N double du mot CENOMANNIS, on
pourrait attribuer cette pièce à Hubert H, le jeune, 1033-
lOGO. 2 exemplaires.
3° ERVIS CONS. Croix, i^ NIVERSCIS. Sorte de fau-
cille autour d'un lis. Monogramme dégénéré. Denier
d'Hervé de Donzy, comte de Nevers, 1499-1223. 2 exem-
plaires.
4° MAIOLVS EPSCS. Tête de face très-barbare, avec
la crosse, i^ SILVINIACO. Croix. Denier de l'abbaye de
Souvigny, fondée en 923, sous le] patronage de saint
Maïeul, évêque. 3 exemplaires.
5" VGO COMES. Croix pattée. ^ MARCHTE. Croix
avec deux besans et deux croissants. Denier de Hugues,
comte de la Marche, 1208-1249. 22 exemplaires.
6° LODOtCVS. Croix. ^ EGOLISSIME. Croisette avec
croissants et annelets. Anonyme d'Angoulème. Ce denier
est antérieur aux monnaies seigneuriales de Hugues
de Lusignan, par conséquent à l'an 1208. 5 exemplaires.
7° La même. Au ^ EGOLISME. Variété nouvelle.
1 exemplaire.
8° PHTLIPVS REX. Croix. ^ SCS MARTINUS. Chàtel
tournois. Philippe II Auguste, à saint Martin de Tours,
1214-1223. 4 exemplaires.
9° LVDOVICVS REX. Croix. i<) TVRONVS CIVIS. Chà-
tel tournois. Denier de saint Louis, 1226-1270. 9 exem-
plaires.
10° PHILIPVS REX. Croix. SCS MARTIN VS. Chàtel
358 CONGRÈS ARCHÉOLOr.IOUE DE FRANCE
tournois. Denier de Philippe IIl le Hardi, ou de Phi-
lippe IV le Bel, 1270-1314.
Ces monnaies ont dû être enfouies dans les dernières
années du xiii^ siècle. Elles appartiennent à des provinces
limitrophes du Berry, excepté celles du Maine. La pré-
sence de ces dernières pourtant, n'a rien qui puisse
étonner. L'abbaye de Fontgombaud possédait un prieuré
nommé Taillau, paroisse de Tassillé, à quelques lieues du
Mans, pour lequel elle soutint un procès en i26o, et dont
la sentence se trouve dans un manuscrit déposé aux
archives nationales. [Hist. ms. de l'abbaye de Fontg.
L. Z., 1011. — Papier terrier de Taillau L. L., 1012. )
N° 2. — Dans les premiers jours du mois d'avril 1872,
des travaux exécutés dans les environs de Saint-Beiioît-du-
Sault firent découvrir une grande quantité de monnaies
du xii^ siècle. La majeure partie était au type des princes
de Déols, seigneurs de Châteauroux. En voici la descrip-
tion :
1" RADVLFVS. Dans un cercle de grènetis, croisette
pattée. i^ DE DOLIS. Dans un cercle, deux triangles en-
lacés formant une étoile à six pointes; au milieu de l'étoile
un annelet. Denier de Raoul VIT, de Déols, 1160-1176.
Le premier des princes de Déols qui ait Irappé des
monnaies en son nom fut Eudes TAncien (1012-1037).
Ce seigneur aurait adopté, comme signe distinctif de ses
monnaies, une étoile évidée à cinq pointes. L'un de ses
successeurs, Raoul VI le Vieux (1096-1135), modifia ce
signe monétaire de Déols; ce fut dès lors une étoile à six
pointes, ou plutôt les deux triangles décrits plus haut. Les
seigneurs d'Issoudun, issus de la maison de Déols, mar-
quèrent leurs monnaies du même symbole.
A partir de Guillaume P' de Chauvigny (1202-1233),
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 369
l'ctoilc déoloise fut remplacée par les armoiries de Chau-
vifïny (D'argent à Tî rusées et deux demies de gueules, au
lamhcl de sable de 0 pendants).
C'est dans la personne de Raoul VII que finit la maison
dos princes de Déols. Sa fille Denise, en épousant André le
Boiteux, seigneur de Chauvigny, en Poitou (1189), devint
la tige des barons de Ghâteauroux. Ces derniers domi-
nèrent avec assez d'éclat dans notre pays jusqu'en 1490.
2° GOSEDVS COS. Dans un cercle, croisette rimflée au
bas des traverses. ^ GIEMIS CA. Denier de Geoffroy III,
comte de Gien, H20-il60.
3" Pièce au même type, mais d'un tiers plus petite que
la précédente. C'est l'obole de ce denier, monnaie assez
rare.
A" MASILVS EPSC. ^ SILVINIACO. Denier de
l'abbaye de Souvigny, sous le patronage de saint Maïeul.
Au commencement du mois de décembre de la même
année, on a trouvé à la Souterraine, près de la limite de
l'Indre, une énorme quantité de ces mêmes deniers,
oxydés, collés ensemble par le vert-de-gris, et formant
un bloc pesant environ « vingt kilos ».
Il est probable que peu de seigneurs, en France, firent
frapper autant de monnaies que les princes de Déols; et,
à défaut des monuments célèbres qu'ils nous ont laissés,
ces monnaies, à elles seules, suffiraient à nous montrer
leur grandeur et leur puissance. Eu 1856, dans un jardin
près de l'église de Déols, on trouva un si grand nombre
de pièces à leur type qu'on pouvait, dit-on, en remplir un
panier tout entier. En 1857, la démolition des halles
d'Issoudun fit découvrir plus de 1,800 de ces deniers
célèbres; on en trouva encore dans la commune de Brion,
et enfin, lors de la construction du chemin de fer, au
hameau de la Gerbe, à deux lieues de de Ghâteauroux, on
360 CONGRÈS ARCUÉOl.OGIOUE DE FRANGE.
rencontra un véritable trésor, estimé à dix-huit mille
pièces de monnaies, parmi lesquelles se trouvaient des
deniers des seigneurs de Déols, de Châteauroux et d'Is-
soudun. (Voyez Travaux de la Soc. du Berry, tome IV,
p. 242.)
N" 3. — Dans un cercle de grènetis, croix pattée.
RTCARDVS REX. ^ Dans le champ de la pièce en trois
lignes : PIC TAVIE NSIS. Richard Cœur de Lion,
comte du Poitou, avant H89. Poids 70 centig. 1 exem-
plaire, argent; environs du Blanc.
N° 4. — Dans un cercle de grènetis , croix pattée.
PHILIPVS REX. ^ Chàtel tournois. SCS MARTINVS.
Denier de Philippe-Auguste, 1180-1223; poids,! gramme;
3 exemplaires, argent. Le Blanc.
N° 5. — Dans un cercle, croix pattée. TVRONVS CIVI.
^ Chàtel tournois. SCS MARTINVS. Denier de saint Mar-
tin. 4 exemplaires, argent. Poids, 90 centig. Le Blanc.
N° 6. — Dans un cercle de grènetis, composé de douze
lobes arrondis extérieurement, est un léopard couronné
passant à gauche. EDVVARDVS : DEI : GRACIA : IN-
GLIE : FRANCIE : REX. ^ Cercle de grènetis, puis
second cercle quadrilobé, avec un angle aigu, saillant à la
jonction des lobes; croix avec fleurons au sommet des
bras et au centre ; entre chaque bras, un léopard couronné
passant. XPC : VINCIT : XPC : REGNAT : XPC : IM-
PER AT : Edouard III, roi d'Angleterre, 1327-1377. L'en-
tourage de cette pièce ressemble absolument à celui des
grands aignels d'or de Jean le Bon ; mais l'agneau est
remplacé par le léopard. Le diamètre de cette magnifique
XL' SESSION, A CFIATEAUROUX. 361
monnaie d'or est 29 millini.; poids, A granri. 0 ccntigr.
1 exemplaire trouvé dans une sépulture à Saint-Aigny,
près le Blanc, en 1869.
N° 7. — 1° Buste à mi-corps, en face. Tête couronnée
J'un bandeau; le corps est recouvert d'un manteau; la
main gauche est étendue, l'index en avant; la droite tient
une épée dressée. Lég. : EDPGEI EGAGLI (?)
i^ Croix traversant la pièce, cantonnée de 2 fleurs de lis
et de 2 léopards. Lég. : PRI GPS AQVI TAN [princeps
Aquitaniœ). Edouard, prince de Galles, ou prince Noir,
fils d'Edouard III, d'Angleterre, 1330-1370. Poids, 75 cent.
3 exemplaires, argent.
L'on sait que le prince Noir, le vainqueur de Poitiers,
faisait sa résidence en Aquitaine et frappait monnaie à
Bordeaux vers 1369.
2" La même, avec quelques détails d'ornementation
différents. 3 exemplaires argent.
N° 8. — r lOHANNES REX. Croix dont chaque bran-
che est accostée d'un point. Lég. extérieure : SIT NOMEN
DOM., etc.... i^ TVRONVS CIVIS, chatel fleurdelisé.
2° Même type. R. Chatel à la croix, les tourelles tré-
flées.
3» Poillevillain à la couronne. lOHANNES REX. Croix
à long pied. Lég. : SIT NOMEN DOM., etc. i^ TVRONVS
CIVIS. Chatel à la couronne.
4" lO-HAN-NES. Croix anglaise. SIT NOMEN, etc.
i^ TVRONVS CIVIS. Chatel surmonté d'un rameau
feuillu.
o« lOHANNES REX. Croix cantonnée de 2 fleurons.
SIT NOMEN, etc. f^ FRAN, entre 2 couronnes accostées
de lis. Bordure, 12 lis.
3t)'2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Ces monnaies de .loan le Bon, au nombre de 300 en-
viron, ont été trouvées au mois de janvier 1870, dans le
bourg de Pouligny-Saint-Picrre, près le Blanc, Elles
avaient été réunies dans un pot de terre, et enfouies dans
une crevasse d'un vieux mur. On avait dû cacher ce
trésor vers les années 13.^6 à 1360, après la funeste ba-
taille de Poitiers. En ces temps de malheurs, les Anglais
victorieux et les routiers, malandrins, tard-venus, bandes
composées des débris de l'armée vaincue et de déserteurs
de toutes les nations, infestaient les routes et portaient en
tous lieux le brigandage et la terreur.
N° 9. — Écu de France couronne. — KAROLVS :
DEI : GRACIA : FRANCORVM : REX : — rè Dans un
cercle de grènetis, second cercle quadrilohé, dont chaque
angle extérieur est occupé par une petite couronne, et
chaque angle intérieur terminé par une fleur de lis;
grande croix contrelobée; au sommet de chaque bras, une
fleur de lis entre deux fleurons ; au centre, fleuron à cinq
pétales. XPG — VINCIT — XPC — REGNAT. — XPC
— IMPERAT. Écu d'or de Charles V. 1364-1380.
Diamètre, 28 mill. 1/2; poids, 3 gr. 80 cent. 1 magni-
fique exemplaire. Trouvé dans le cimetière de Saint-
Argny, en janvier 1870.
N" 10. — Dans un cercle l'écu <à 3 fleurs de lis. —
KAROLVS : FRANCORVM j REX ; - i"î Dans un
cercle, croix pattée cantonnée alternativement de deux
couronnes et de deux fleurs de lis. — SIT | NOME •
DNI : BENEDICTU \ — Charles V. — Poids, 2 gr.
90 cent. 6 exemplaires, argent.
N°H. — Dans un cercle trilobé, l'écu de France,
XL'' SESSION, A CIIATEAUROUX. 363
accompagné en haut et dans les côtés de trois couronnes.
— KAROLVS * FRANCORVM * REX * — i^ Dans un
cercle quadrilobé, croix pattée cantonnée de deux cou-
ronnes et de deux fleurs de lis alternées. — SIT * NOMEN *
DNT * RENEDTCïV * — Charles V. — Poids, 2 gr.
90 cent. H exemplaires, cuivre argenté; près le Blanc,
1869.
NM2. — Dans un cercle, buste du roi, ci gauche, d'un
dessin barbare; tête couronnée, riche manteau.— PETRVS:
DEI : GRACIA : REX : — i^ Croix coupant un cercle et
écartelant des armes, qui sont sans doute celles de Barce-
lonne; aux \ et A, annelet ; aux2 et 3, 3 besans, posés
2^ 1. _ CIVITAS BARCINONA. — Pierre IV, roi d'Ara-
gon, 1336-1387. — Poids, 1 gr 50 cent, i bel exemplaire
argent. Près le Blanc, 1867.
N0J3 _ ECU écartelé, au 1 et 4 contre-écartelé de
Castille et de Léon; aux 2 et 3 parti d'Aragon et de Sicile ;
en pointe, de Grenade ; l'écu est couronné. — FERNAN-
DVS : ET : AELISAB : - r) 6 flèches liées ensemble;
au-dessus, entrelacs. - D : G : REX : ET : REGINA :
[CAST :... 10?] — Ferdinand et Isabelle d'Espagne
1479-1504. Poids, 3 gr. 20 cent. 1 magnifique exemplaire,
argent, trouvé près dTngrandes.
N" 14. — Écu armorié et couronné. — PHILIP
^ Dans un cercle quadrilobé, aux angles en accolade, les
armes écartelées de Castille et de Léon. Lég. : illisible. —
Philippe I" le Beau et Jeanne la Folle, d'Espagne, 1504-
4506. — Poids, 6 gr. 1 exemplaire, argent. Trouvé près
d'Ingrandes.
30 i CONGRÈS ARCHÉODGIQUE DE FRANCE.
N" 15. — Dans un cercle de grènetis, écu counMuiô,
écartelé, aux 1 et i contre-écartclé de Castille et de Léon ;
au 2 parti de Lorraine et de Navarre ; au 3 parti de..., en
pointe de Grenade. Lég. : lOANA — ET - KAROLVS. -
i^ Dans un cercle quatrilobé et fleuronné à chaque angle,
une croix de Lorraine. Lég.: REGES — G, puis un châ-
teau de Castille, et ensuite : HISPANIARVN. — Jeanne
la Folle et son fils, premier du nom en Espagne, et Charles-
Quint en Allemagne. — Diamètre, 24- mill. ; poids, 3 gr.
25 cent.
Cette belle pièce d'or dut être frappée après ir)18, car
les Cortès de Castille, réunis en iol8 à Valladolid, ne
reconnurent à Charles la qualité de roi, qu'à la condition
que, dans les actes publics, le nom de la reine Jeanne, sa
mère, précédât le sien.
N° 16. — Buste du roi à gauche. — PHS • D • G •
HISPZ • REX . DUX . GEL • (drise) , 1563. ^ DOMI-
NVS . MIHI • ADJVTOR • accompagnant l'écu chargé
d'armoiries et couronné, posé sur une croix fleuronnée
en sautoir. — Philippe II, roi d'Espagne et de Portugal,
1556-1598. Poids, 16 gr. 55 cent. 1 exemplaire, argent.
N" 17. — Écu chargé d'armoiries, sommé d'une cou-
ronne à 3 tleurons, entouré d'un collier de la Toison d'Or.
— ALBERTVS ET ELÏSABET • D • G • i^. Croix
lleuronnée en sautoir, liée au milieu par des lacs soute-
nant une toison d'or; entre les branches d'en haut, une
couronne; dans le champ à droite et à gauche, 16-00. —
Lég. : ARCHIDVi.ES • AVST • DVCES • BVRG ■ ET •
BRAB. — Albert et Elisabeth, archiducs d'Autriche, ducs
de Bourgogne et de Brabant. Diamètre, 25 mil!.; poids,
3 gr. 05 cent. 1 bel exemplaire d'or.
XL» SESSION, A CIIATEAUROUX. 30')
La présence de toutes ces monnaies espagnoles dans les
environs du Blanc n'a rien qui doive étonner. L'on sait
que le Poitou et les contins du Berry lurent un des foyers
les plus persistants de la Ligue. Presque tous les sei-
gneurs des bords de la Creuse et de l'Anglin étaient les
ennemis acharnés du roi. Cette résistance était soigneuse-
ment entretenue avec l'or de l'Espagne. En 1589, quatre
mois environ avant l'assassinat de Henri III, Henri IV,
qui n'était encore que roi de Navarre, dans une campagne
de huit jours qu'il fit en Bas-Berry, prit Argenton qui
appartenait à la duchesse de Montpensier, celle que l'his-
toire accuse d'avoir armé la main de Jacques Clément ;
força le Blanc et dix ou douze châteaux, et contraignit à
revenir à l'obéissance du roi trois cents gentilshommes
ligueurs (Lettre de Henri IV, du 28 mars 1589). Cette
conquête ne fut pas de longue durée, car dès 1591 les
villes d'Argenton, Saint-Marcel, Saint-Gaultier, le Blanc,
Saint-Benoit et Saint-Savin furent reprises par la Ligue.
C'est pour cette Isabelle, doutnous venons de reproduire
une monnaie, que Philippe II fit si longtemps la guerre à
la France, et prodigua ses trésors et ses soldats contre
Henri IV. C'était la seule créature peut-être qu'il eût
aimée; il lui destinait le trône de France. Mais voyant
qu'Henri IV avait enfin conquis son royaume, et sentant
la vie lui échapper, il la fiança à l'archiduc Albert
d'Autriche, et lui destina les Pays-Bas et la Franche-
Comté, sous la suzeraineté de l'Espagne. Philippe II ne
put voir le mariage de sa fille bien-aimée, et mourut le
13 septembre 1598.
N° 18. —Buste, tête laurée à droite. Lég.: CAROLVS IX.
D. G. FRANC... Signe monétaire, K. M. i^ Écu de
France couronné; de chaque côté C couronné. Lég. :
366 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
SIT NOMEN, etc. — Charles IX, ir>GQ-\:ui. Poids, 8 gr.
60 ceut. 1 exemplaire argent.
N' 19. - - 1° Croix fleurdelisée. Lég.: HENRICVS. III :
D. G. FRAN. ET. POL. RX. 1585. i^ Écu à 3 llcurs de
lis couronné; de chaque côté 11 -II. Lég.: SIT NOMEN
DOMINI BENEDICTViM. ; eu bas L, signe de la monnaie
de Rayonne. — Henri II, roi de France et de Pologne.
Poids, 9 gr. 50 centig. 2 exemplaires, argent.
2° Le même, au millésime de 1582 et 1583. 3 exem-
plaires, argent.
N° 20. — Le même. Buste, tête laurée à droite. 1576;
en bas F, signe de la monnaie de Poitiers. 3 exemplaires
argent.
N° 21. — Croix fleurdelisée. Lég.: CAROLVS. X. D.G.
FRANC. REX. 1591. i^ Écu à 3 fleurs de lis couronné. —
Lég.: SIT NOMEN, etc.; en bas A, signe de la monnaie
de Paris. — Charles X (cardinal de Bourbon). Poids, 9 gr.
50 cent. 4 exemplaires, argent.
Cette pièce est datée de 1591, tandis que Charles X est
mort en 1590, dans sa prison de Fontenay-le-Comte, en
Poitou, où ses partisans le détenaient de peur de voir
s'échapper leur influence. On trouve assez souvent cette
pièce, même avec la date 1.592 et 1593, dans les environs
du Blanc, par les mêmes raisons qui ont été indiquées à
propos des monnaies de Philippe II d'Espagne.
Dans le courant de l'année 1867, entre lugrandes et
Mérigny, une bergère fit la découverte d'un pot de terre
contenant une centaine de monnaies. C'était assurément
la bourse d'un ligueur qui recevait de toutes mains. Il y
avait là des pièces de Sixte-Quint, d'Urbain VII et de
XL" SESSION, A CllATEAUROUX. 307
Grégoire XIV, de Charles de Lorraine et de IMiilippe II
d'Espagne, Malheureusement je n'ai pu acquérir ces
monnaies, qui ont été vendues à Poitiers.
N" 22. — Deux bustes affrontés; au-dessus, une con-
ronne à o tleurons; en dessous, la vache de Béarn,
marque de la monnaie de Pau. Lég.; HENRICS II. D, G.
REX. NAVARRE. D. B. — i^ Écu couronné, écartelé aux
1 et 4 de Navarre, au 2 de Béarn, au 3 de France. Lég. :
GRATTA. DEL SVM. ID. QVOD. SVM. 1537. —Henri H
d'Albret, roi de Navarre, et sa lémnie Marguerite. Henri II
est le grand-père de Henri IV, roi de France et de Navarre.
Poids, 9 gr. 50 cent. 1 exemplaire, argent.
N° 23. — 1° Croix fleuronnée. Lég.: — HENRI CVS IIII.
D. G. FRANC. E. NAVA. RX. 1597. b) Écu de France
couronné; de chaque côté IL IL Lég.: SIT NOMEN, etc.
Signe monétaire L , avec une fleur à 5 pétales. —
Henri IV, roi de France et de Navarre. 1597. — Poids,
9 gr. 50 cent, l exemplaire, argent, trouvé à Belabrc.
2" Le même, croix fleurdelisée. — i^ Écu couronné, parti
au i de France; au 2 coupé de Navarre et de Béarn. Lég.:
GRATIA. DEL SVM. IN. QVOD. SVM. 1602. - Henri IV,
roi de France et de Navarre. Monnaie frappée pour le
Béarn. — Poids, 9 gr. 50 cent. 1 exemplaire, argent.
3° Le même. Lég.: HENRIGVS, etc. 1602. ^ Écu de
France. Lég.: SIT NOMEN, etc.; en bas le chiffre 9. —
Poids, 9 gr. 50 cent. 1 exemplaire, argent.
4° — Le même. 1603-1604. - 2 exemplaires, argent.
N°24.— l°Tète laurée à droite. Lég.: LVD. \1III. D.G.
FR. ET. NAV. REX. En dessous, 1653 entre un croissant
et une étoile, i^ Croix composée de L adossées et couron-
368 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
nées, cantonnée de fleurs de lis. Lég. : CHRS REGN
VIN'C IMP. — Louis XIV. Diamètre, 25 mill.; poids, 6 gr.
60 cent. Magnifique pièce d'or. Le Blanc.
2* ECU de France. Lég.: LVDOMCVS. XIIO. D. G.
FRA. ET. NAVA. REX.; en dessous de l'écu, entre les
lettres de la légende. D. G. X. — r Croix formée d'entre-
lacs et fieurdelisée. Lég. : CHRISTVS. REGNAT. MN-
CIT. ET. LMP., puis une clochette et 1646. — Louis XIV.
Diamètre. 24 mill. 1/2; poids, 3 gr. 10 cent. 1 exemplaire,
or. Le Blanc.
3^ Tète à droite. Lég. : LVD. XUIL D. G. FR. ET
NA. REX. 1702. k Le sceptre et la main de Justice en
sautoir ; en haut une couronne: dans les côtés et en bas,
3 fleurs de lis. Lég.: DuMINE. ^ALWM. G. puis une
étoile, G. REGEM.; en bas 10. — Louis XIV. 1702. —
Poids, 1 gr. .J.5 cent. 1 exemplaire, argent. Trouvé à
Rochefort, commune de Sauzelles.
V 25. — Dans un losange. 4 fleurs 'de lis posées
1. 2. 1. Lég.: BENOVI : BENOV : BENOM : BENOVI :
k. Vaisseau à trois mâts, pavoisé, sur des ondes ; légende
dans laquelle les mêmes mots semblent revenir aussi
quatre fois, et dont on ne voit guère le commencement.
Lettres du xiv* siècle. 1 exemplaire, cuivre. Près le Blanc.
Un grand nombre de jetons à légendes baroques et
vides de sens ont été frappés à Nuremberg depuis le
XV* siècle jusqu'au milieu du xvi*. Personne n'a pu
jusqu'à présent, que je sache, ni les expliquer ni en déter-
miner le sens. On les rencontre fréquemment dans nos
provinces, et beaucoup ont des types français. Notre
exemplaire est sans doute une pièce de cette espèce.
La séance est levée à o heures et demie.
XL° SESSION. A CIIATEAUROUX. '.iM
2' SÉANCE DU 12 JUIN ISIS.
PRÉSIDENCE DE M. LÉON PALUSTRE,
Inspecteur «le la Société Trançaise d'Archéologie.
Siègent au bureau : MM. l'abbé Damourette, Lenail,
lo vicomte de Maussabré, l'abbé Bordé.
M. (le Laurière remplit les fonctions de secrétaire.
M. Ledain lit le procès-verbal de la première séance du
12 juin. Ce procès- verbal est adopté après une légère
modification réclamée par un membre du Congrès.
M. Palustre, président, t'ait connaître un article du
Messager d'Indre-et-Loire rendant compte d'une séance
de la Société archéologique de Touraine^ dans lequel les
membres de cette Société expriment les regrets que leur
inspire la mort de M. de Caumont, et rendent un hom-
mage sympathique à la mémoire de l'illustre promoteur
et propagateur des études archéologiques en France et à
l'étranger.
M. de Salies donne lecture du compte rendu del'exfîursion
qui a été faite par le Congrès dans la matinée du 1 1 juin
pour visiter les restes de l'abbaye et les tombeaux de
saint Ludre et de saint Léocade, qui se trouvent dans les
caveaux de l'église de Déols.
XL** SESSION. 24
370 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Rapport sur l'excursion faite à Déols ,
par le Congrès archéologique, le 11 juin
1873.
Messieurs,
Dans toutes les agglomérations d'hommes, il y a un
point qui en est le centre. C'est là que se manifeste, c'est
là que se retrempe la vie. C'est aussi là que sont déposés
les germes de l'avenir social. Dans l'antiquité, ce centre,
c'est le forum ; à l'époque franke, c'est le champ de Mai ;
durant la féodalité, c'est le monastère; plus tard, ce sera
la commune.
Que le monastère ait été le centre de la vie durant la
féodalité, cela peut sembler un paradoxe au premier
abord. Je ne crois pourtant pas avoir à développer cette
thèse devant vous, Messieurs. Rien qu'en reportant vos
souvenirs vers le moyen âge, les faits se presseront si
nombreux, qu'ils vous diront toute ma pensée. Le haut
baron a la toute-puissance, il bataille pour le plaisir de
batailler, et si, tout en agrandissant ses comtés et res-
treignant le morcellement du sol, il prépare l'unité terri-
toriale, il est tout à fait inconscient de son œuvre et
n'obéit qu'à son ambition égoïste et jalouse. De ce côté
n'est point la vie, car il n'y a ni règle ni frein.
La vie n'est pas non plus dans le pauvre peuple, à cette
époque dont je ne me ferai point le détracteur systéma-
tique, mais dont on ne peut méconnaître les misères.
Qu'était-il, ce pauvre peuple, partagé entre le servage et
une liberté si précaire, que souvent il l'échangeait volon-
tairement contre le servage même? Ici, nulle initiative,
XL» SESSION, A CHATEAUnOUX. 3^1
nulle indépendance, nulle action : ce n'est pas la vie
non plus.
Mais entre ces deux extrêmes, je dirai presque entre ces
deux antagonismes, il y a un intermédiaire, il y a un
milieu : c'est le monastère. Vous saisissez ma pensée,
Messieurs. Ce n'est pas au point de vue religieux que je
me place ici, c'est au point de vue purement humain,
purement social, pour mieux dire. Eh bien I le monastère
c'est la vie; car là est la loi, là est la règle, là est le senti-
ment du devoir, là aussi, là surtout, le travail et la
pensée.
Et voyez comme dans l'œuvre providentielle de Dieu,
— car l'homme s'agite et Dieu le m.ène, — voyez comme le
bien peut sortir du mal. Le monastère naîtra précisément
des désordres du haut baron, de l'abus qu'il aura fait de
sa puissance, de ses crimes souvent, tranchons le mot. Et
c'est ainsi que cet homme qui n'aime pas la paix, qui
méprise l'agriculture et la science, qui foule ses vassaux
et ne connaît pas de juge sur la terre, pose les fondements
de la paix, favorise le défrichement du sol avec les tra-
vaux de l'intelligence, ouvre un asile contre l'oppression,
crée enfin une puissance respectée de tous, qui saura
protester contre ses écarts, et répondre à ses excès par
l'anathème.
Et remarquez-le, ceci n'est pas le fait exceptionnel,
isolé, c'est le courant général, invincible ; car Dieu ne
laisse jamais les sociétés sans contre-poids à leurs misères.
Partout où il y a un établissement féodal, il y a au
moins un établissement religieux. C'est, dans la dissolu-
tion sociale causée par l'écroulement du monde romain,
dans ce règne de la puissance brutale né de la force des
choses, et qu'on ne peut imputer à personne; c'est, dans
la léthargie morale du moyen âge, enfin, l'étincelle de la
372 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
vie; que dis-je! c'est la vie même, concentrée sur quelques
points peut-être au début, mais déjà prête à se ré-
pandre, et bientôt, animant le corps social tout entier.
Messieurs, ce point qui fut la vie, nous le retrouvons
aussi dans les souvenirs féodaux de ce vieux sol qui donne
si sympathiquement asile aujourd'hui à notre Société
française. L'histoire nous l'avait nommé, elle nous avait
dit ses grandeurs : nous lui devions notre première visite,
et, guidé par ce cœur élevé qui ne le trompe jamais, notre
zélé Directeur n'a eu garde de l'oublier.
C'est donc hier que, tous ensemble, nous sommes allés
reconnaître ce point, en étudier les ruines, en évoquer les
souvenirs, et ce m'est un grand honneur d'être chargé
d'exprimer aujourd'hui les impressions de toutes sortes
que nous avons ressenties en présence de ces restes si
petits, de ces souvenirs si grands.
Je n'ai pas besoin de décrire ici la position de l'établis-
sement féodal qui succéda à la vieille ville gallo-romaine
de Déols. Assis dans la plus belle partie peut-être d'une
des plus jolies vallées du centre de la France, il se mirait,
comme aujourd'hui ses restes, dans les eaux paisibles de
l'Indre.
Quelle était son importance, quelle était la puissance
de ses hauts seigneurs et leur origine? Je n'ai pas à le
rechercher non plus. Tout ce que je dois dire, c'est qu'un
de ces seigneurs, un de ces princes, pour parler le langage
des chroniques, Ebbcs de Déols, fils de Laune, vassal de
Guillaume le Pieux et neveu de saint Géronce, résolut un
jour, de concert avec Hildegarde, sa femme, de fonder au
chef-lieu de ses domaines une importante abbaye de
bénédictins. Ce fut en Tan 917, et au mois de septembre,
si mes souvenirs ne me trompent pas, que, dans ce but,
le pieux baron convoqua une nombreuse assemblée de
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 373
seigneurs et de prélats dans la grande ville de Bourges.
Et l'abbaye fut fondée.
A peine était-elle élevée, ({ue l'invasion des Madgyars
vint la ruiner, l'incendier peut-être. Ebbes était mort
courageusement en combattant l'ennemi. Raoul, son fils
et son successeur, rétablit les bâtiments du monastère. Il
les avait à peine terminés, qu'il mourut en 952, et son
fils, Raoul II, dit le Chauve, se mit à reconstruire entière-
ment, vers 991, parait-il, l'abbaye si fraîchement res-
taurée par son père.
C'est à cette époque que, dans son Histoire du Berry,
M. Raynal rapporte l'église détruite il y a quelques années,
église qu'il fait dédier une première fois en 1021, et qu'il
suppose terminée seulement au commencement du
xiP siècle, lorsque le pape Paschal II vint la consacrer
solennellement.
Tel est le bagage historique indispensable avec lequel
nous nous acheminons vers les restes de l'abbaye de Déols.
Nous ne tardons pas à les découvrir, bien réduits, bien
caché-, et comme honteux d'eux-mêmes. Un haut clocher,
debout encore, en révèle pourtant l'existence de loin. Il est
là, comme un phare, pour éclairer la nuit de ces vieux
temps. C'est donc vers lui que nous nous dirigeons.
Nous cherchons tout d'abord, dans cette grande tour
élancée, quelque chose qui se rapporte à ce que nous a dit
M. Raynal. Là devrait être représenté, suivant l'historien
du Berry, le x", le xi" et le commencement du xii'' siècle.
Mais du x^ siècle nous cherchons en vain la trace.
Le clocher de Déols, sans compter le soubassement ou
rez-de-chaussée, est composé de quatre étages, d'une orne-
mentation variée, d'un parti pris différent, mais dans les-
quels rien, absolument rien, ne peut remonter si haut. Il
révèle bien par-ci par-là certaines inexpériences de con-
374 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
struction qui sont vieilles. Seules, cependant, et associées
à un appareil, à des joints et à des mortiers évidemment
postérieurs, elles ne sauraient donner une date. Analysons
cependant ce que nous voyons.
Et d'abord, considérons la tour sur sa face dégagée,
celle qui regarde aujourd'hui, vers le midi, la cour de
l'établissement moderne caché dans les restes du vieux
couvent.
Le premier étage est peu orné. Reposant sur une base
nue et sans aucun caractère architectonique, il présente
deux arcs aveuglés, plein cintre, en double plate-bande,
portés sur pilastres. Une simple corniche coiffe les
pilastres et reçoit la retombée des arcs. Pour couronner
cet étage, un jet d'eau, peu saillant, tout uni, garni toute-
fois de grosses perles sous la saillie.
Le second étage procède du premier pour le partipris
de l'ornementation ; mais il est déjà plus riche et plus
élégant. Les deux arcs en plate-bande, aveuglés comme
/./la:/:
ceux de l'étage inférieur, en se détachant sur le plein du
Déois, pi. I, p. 374
3
M
m.
Â
i . Elci-alion du clocher de Dcoh.— 2. Profil du coiironnrmeni du clocher
de S^-FruiiL — ,?. Profil du courunnrmenl du clocher dr l'Abbaye des Dames.
4. Covronnenient du clocher de Uranlii'nne.
imr A lit SuUei.
Liiftr. CaUciii, Teun
XL" SESSION, CHATEAUROUX. 375
mur, reposent sur trois colonnes, dont celle du milieu est
à peu près libre, et les deux autres engagées dans l'angle
rentrant formé par les pilastres qui renforcent les angles
du clocher. Les chapiteaux de ces colonnes sont bien tra-
vaillés. Ils se rapprochent beaucoup de la manière du
xii" siècle : je les crois toutefois de la fin du xi". D'après
l'opinion émise par M. de Gougny, celui de droite, que
reproduit le dessin ci-contre, pourrait même être un peu
plus ancien. M. de Gougny croit reconnaître qu'il pro-
vient d'un monument antérieur.
Ainsi disposé, cet étage, plus large que haut, est cou-
ronné d'une corniche saillante, soutenue par des modillons
fort simples, et, aux angles du clocher, par une colonne
de toute la hauteur de l'étage.
Le troisième étage est plus élancé. Sa hauteur excède
d'un cinquième environ sa largeur. Des deux côtés, et
pour renforcer toujours les angles du clocher, c'est la
continuation des pilastres inférieurs, mais complètement
unis de la baseau faîte, et sans colonnes d'angles. Un petit
pilastre s'élevant sur l'aplomb de la colonne dégagée de
l'étage inférieur, divise en deux panneaux l'espace compris
entre les pilastres d'angles, et soutient en même temps la
première retombée de deux petits arcs qui forment dans
chaque panneau une arcature dont le milieu s'appuie
sur une longue colonnette. Cet étage aux proportions
élégantes est couronné par une corniche dont la seule
partie qui domine l'arcature, ayant plus de saillie, est
garnie de modillons.
Enfin, le dernier étage, seul ajouré, offre aussi un autre
genre d'ornementation. Il est percé, sur chaque face, de
deux baies en plein cintre, ouvertes au fond d'un ébrase-
ment formé par un arc moulure en tore et un arc en
plate-bande, ce dernier entouré d'une archivolte saillante,
376 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUK DE FRANCE.
gracieusement découpée. Ces deux arcs s'appuient sur
d'élégantes colonnettes qui laissent un petit pilastre entre
les deux baies, et un autre vers chacun des angles du
clocher, que décorent des colonnettes pareilles à celles des
baies.
Cet étage, plus large que haut, est d'un effet délicieux.
Il est couronné par une corniche portée sur des raodillons,
sinon plus saillants, du moins plus historiés que les
autres.
L'ensemble de ces quatre étages, variés de proportions et
de détails, et qui, prenant plus d'importance', sont aussi
plus ornés à mesure qu'ils s'élèvent, cet ensemble est des
plus heureux. Les arcatures aveuglées, larges et trapues,
qui décorent les deux étages inférieurs, portent avec elles
le sentiment de la solidité. Le monument est bien assis
sur ces étages et le soubassement brut qui le précède.
Mais au second, orné de deux arcs déjà plus allongés,
succède le troisième, avec ses quatre petits arcs et ses
longues colonnettes. La tour s'élance, elle devient plus
svelte, plus légère. Les ajours du quatrième la complè-
tent, et désormais l'harmonie ne laisse rien à désirer.
L'œil qui a suivi l'ascension de ces lignes savantes s'arrête
un moment pour Touiller dans le vide des ajours et y
chercher l'âme du monument, ce qui fut jadis sa raison
d'être et sa solennelle voix, et bientôt il se porte plus
haut, sur le couronnement de la tour, sur la pyramide
qui la termine.
C'est en effet là, au point de vue pittoresque, une des
parties qui appelle le plus l'attention. Mais, je dois me
hâter de le dire, au point de vue archéologique, son im-
portance est bien plus grande encore. Pour en juger,
qu'on se rappelle seulement les nombreux et remar-
quables passages se rapportant aux couronnements pyra-
XL« SESSION, A OHATEAUROUX. 377
midaux des vieilles tours d'églises, dans l'article Clocher,
l'iiu des plus savants, l'un des plus judicieux du Diction-
naire d'architecture de M. VioUet-le-Duc.
Il est certain que, par de semblables couvertures, ces
monuments se rattachent aux traditions byzantines.
M. Viollet-le-Duc l'a parfaitement établi, et, suivant à
travers les diverses régions de la France la marche de
cette innovation, dont il constate la première application
dans le clocher de Saint-Front de Périgueux, il trace une
carte où tous les premiers centres d'influences sont rigou-
reusement fixés, avec les routes qu'a suivies le mouve-
ment, et les étapes qu'il y a laissées.
Rien de plus ingénieux que cette carte, rien de plus
exact, même au point de vue de l'ensemble. Toutefois,
dans cette grande et belle étude, quelques faits particuliers
me semblent devoir modifier pour le Berry, et spéciale-
ment pour la vallée de l'Indre et Déols, le courant indiqué
par M. Viollet-le-Duc. Je peux me permettre de les exa-
miner ici, sans manquer au respect que je garde au
maître incomparable; car lui-même reconnaît qu'il n'a
pu atteindre à tout. « Quelque soin que nous ayons pris,
« dit-il, en eflet, de distinguer les différents caractères
« des clochers qui couvrent le sol de la France actuelle,
« jusqu'au xii® siècle, d'indiquer les écoles diverses, leurs
« croisements et les influences qu'elles exercent les unes
« sur les autres, nous devons avouer que notre travail est
« très-sommaire et qu'il nous a tallu laisser de côté des
« détails d'un intérêt réel. » C'est un de ces détails qui
nous tombe ici sous la main, et nous devons le relever;
car c'est précisément le rôle des congrès d'aller fouillant
partout, pour contrôler ou compléter par les études par-
tielles les grandes vues d'ensemble.
Or voici de quoi il s'agit.
378 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE PE FRANCE,
La carte de M. VioUet-le-Duc, dont il vient d'être ques-
tion, pose, comme premier type des clochers pyramidaux,
le clocher de Saint-Front de Périgueux, du commence-
ment du XI* siècle, et, considérant les courants dont ce
clocher a été le centre, le savant écrivain constate que,
« vers le nord, l'influence de ce prototype.... envahit
« l'Angoumois, la Saintonge, l'Aunis, le Poitou, descend
« la Vienne, se prolonge au nord vers Loches, et remonte
« l'Indre jusqu'à Chàteauroux (clocher de Déols). »
Considérant après les courants partis d'un second clo-
cher au type occidental, celui de Brantôme (Dordogne),
du XI* siècle aussi, il constate que pour ce prototype
« une branche vigoureuse pousse vers le nord, passe à
« Limoges, se rencontre à Loches avec une des branches
« du premier type (celui de Saint-Front), traverse la
« Loire à Saint-Benoit, et arrive jusqu'à Vendôme et
« Chartres. »
Ainsi, les nombreux clochers pyramidaux anciens que
nous montre la vallée de l'Indre, et particulièrement le
clocher de Béols, qui nous occupe, seraient nés du clocher
de Notre-Dame de Loches, élevé lui-même sous la double
influence du type byzantin de Saint-Front de Périgueux
et du type occidental de Brantôme.
Certes, nous sommes loin de méconnaître l'influence
des clochers de Saint-Front et de Brantôme; mais il nous
semble bien difficile de lui faire ici sa juste part; car
nous trouvons sur les bords mêmes de l'Indre, et au com-
mencement du XI" siècle, c'est-à-dire au moment où s'éle-
vaient à peine les deux types cités par M. VioUet-le-Duc,
nous trouvons un monument particulier qui nous parait
avoir inspiré d'abord les constructions de cette région. Ce
monument est, à la vérité, détruit aujourd'hui. Cepen-
dant, grâce à des textes précis, il nous est permis de
XL" SESSION, A CHATEAUllOUX. ^^70
l'étudier encore et d'en étudier aussi les premières imita-
tions.
Un passage de la cosmographie de Belleforest (1) parle,
comme d'un monument extrêmement ancien et bâti
« avant même que les Français vinssent en Gaule », d'une
pyramide merveilleuse, « de 80 pieds de haut, » qui s'éle-
vait de son temps au centre du cloître de l'abbaye de
Beaulieu. Cette date si reculée est une de ces exagérations
comme l'imagination légère, et peut-être un peu aussi
l'ignorance de l'auteur commingeois, en savent trouver.
Toutefois nous ne devons pas nous hâter de rejeter pour
cela le récit de Belleforest. Sa description mérite d'être
lue, et si nous ne la rapportons pas ici, c'est que nous
avons à citer d'autres autorités plus modernes et non
moins précises.
Nous trouvons en effet, dans les Mémoires ms. de
D. Galand, pou?' servir à l'histoire de l'abbmje de Beaulieu^
des détails parfaitement circonstanciés sur cette pyra-
mide (2).
« Elle est d'environ 48 toises de hauteur, nous dit le
« précieux ms., portée sur 8 petits piliers, qui chacun
« soutient son angle, chaque pierre travaillée en façon
« d'ondes par le dehors, et par le dedans fort polies depuis
« la pointe jusqu'au-dessus desdits piliers, moins une
« toise autour de la pyramide, toute diversifiée et mar-
« mousée. »
Et ailleurs : « C'est un monument des plus beaux du
(-l) Cosmogr. I"" vol., t. II, col. 31. Édition de l'iTO.
(2) Pages 127 et 12!) du manuscrit. — Ces mémoires sont
la propriété de M. Fleurus Olivier, (|ui a bien voulu nous auto-
riser à leur faire quelques emprunts pour notre Histoire de
Foulques Nerra. D. Galand était moine de Bcauliou.
380 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
« royaume, que Foulques-Nerra , fondateur de cette
« abbaye, fit bâtir pour servir de couverture à un grand
a bassin porte sur huit piliers.... Le bassin est tout d'une
« pierre qui a de circonférence 24 pieds de roi, et 2
« d^épaisseur. o
Voilà déjà bien des détails, et le texte de D. Galand
nous permettrait d'aller plus loin.
Mais il est un autre manuscrit antérieur à celui de
D. Galand, et qui nous a laissé de la pyramide de Beaulieu
une description plus nette encore. Ce manuscrit est celui
de du Buisson, conservé à la bibliothèque Mazarine, sous
le n" 2694 [1); il est peu connu. Cependant nous l'avons
trouvé d'une si parfaite exactitude dans tout ce qu'il nous
a été possible de contrôler, que nous avons en lui la plus
grande confiance. Sa description de la pyramide de Beaulieu
est, du reste, si bien circonstanciée, que nous avons pu
'reconstituer exactement le monument, à l'échelle, d'après
ses indications. Vous allez eu juger.
n Dans le pourpris de cette même abbaye, dit-il, se
« voit une pyramide, ronde par dehors, ou cône, à écailles
M si bien jointes, qu'il semble que ce ne soit qu'une seule
« pierre. Elle a huit faces par dedans, ayant trois ou
« quatre rangs d'écriture qui va tout à l'entour desdites
« faces et circuit intérieur.... Ce n'est ni caractères, ni
« langage gothique ou gaulois, comme dit Duchesne (2),
« mais escriturc latine de cinq à six cents ans. Aussi la
(1) Il est intitulé Voyageai en France, et la partie regardant
laTouraine a été écrite en l(i3."K Ce du Buisson était un gen-
lilhoninie attaché à M. do Guent'gaud. secnUaire d'État. C'est
tout ce que nous en pouvons dire.
(2) Duchesne parle de la pyramide; mais du Buisson conlbnd
ici. Les expressions qu'il relevé appartiennent à Belleforest.
Déols, pi. Il, [.. 380,
'-Vf
v>3
Echelle
Pyramide de BEAULIEU.
Dess rt aul par A- de S'tlifs
Impr ùuU/and> ■ T^^un
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 381
« tradiliou, ou mémoire de l'alibaye, porto (jue ce fut leur
« fondateur Foulques-Nerra qui la bâtit pour servir de
« couverture à un bassiu de fontaine pour l'usage des
« moines, comme il y en a un semblable, ([uoicjue de
« moindre bauteurel apparence, à Saint-Aubin d'Angers.
« Ce bassin se voit encore là, à demi rompu, la fontaine
« étant tarie, et est de figure arrondie, de pierre de liais
« ou sonnante, d'une toise et plus de diamètre, et gravée
« par dehors de têtes tournées l'une à l'autre et se regar-
« dant deux à deux, de fort bonne sculpture. La pyramide
rt ou cône est portée sur huit piles composées de petites
« colonnes très-longues et môme ayant les chapiteaux
« fort gothiques. 11 y a donc huit entrées soubs ladite
« pyramide, qui sont huit arcades et ouvertures, hautes
« de deux toises environ sur terre, et le solide de la pyra-
« mide du cône, au-dessus de cela, porte dix à douze
« autres toises environ de hauteur (1). »
Il est impossible d'être plus précis. Cependant, pour la
restitution exacte du monument, il nous aurait manqué
la mesure du diamètre du cône, à sa base. Une pièce offi-
cielle, citée par D. Galand, est venue combler cette lacune.
C'est un arrêt du conseil, du 7 novembre 1697, qui fait
défense aux religieux de Beaulieu d'abattre la pyramide,
ainsi que c'était leur intention à la suite d'un ouragan
qui en avait enlevé la pointe. Il dit que le monument
« a 24 ou 25 pieds de diamètre à la base, et 90 de hau-
teur » . Grâce à ce dernier document, toutes les indications
(I) Telle était encore cette pyramide en IG3o. Après la chute
de la pointe en 1676, un arrêt du conseil prescrivit de réparer
« un monument qui attestait la gloire du fondateur de l'abbaye.
« en même temps qu'il faisait l'admiration des étrangers. » Il
l'ut pourtant démoli en 1720, à cause de sa caducité.
382 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
étaient complétées, et nous n'avons eu qu'à laisser mar-
cher la règle et le crayon.
Et maintenant, sans perdre de vue la description de du
Buisson, jetons un coup d'oeil sur le croquis qui la résume
et la rend plus sensible.
Que ce soit là un monument inspiré parles souvenirs de
l'Orient, qui le pourrait méconnaître? Cette vasque, ce jet
d'eau, ces colonnes, cette pyramide n'en ont-ils pas le cachet
irrécusable? Et quelle parenté évidente entre ce « cône à
écailles si bien jointes » et le couronnement conique du
clocher de Saint-Front et celui de l'abbaye des Dames, de
Saintes! Seulement de cette parenté il nous est impos-
sible de conclure ici que le clocher de Saint-Front soit le
type inspirateur ; le contraire serait plutôt la vérité. Mais,
hâtons-nous de le dire, nous n'attribuons pas une pareille
influence à la pyramide de Beaulieu. C'est assez qu'elle
nous présente le type primordial des constructions simi-
laires de la vallée de l'Indre, et sous ce rapport nous ne
croyons pas qu'il puisse y avoir de doute.
C'est en eflet après son premier voyage en Orient, qui
s'était accompli de 1002 à 1003, des chartes contempo-
raines le prouvent, que Foulques-Nerra bâtit l'abbaye de
Beaulieu. L'église était élevée dès d007, mais diverses
vicissitudes retardèrent l'installation détinitive des moines
jusqu'à l'an 1012, où le monastère paraît avoir été com-
plètement terminé (1). La pyramide aurait donc été
élevée dans les premières années tout à fait du xi* siècle,
c'est-à-dire avant la construction du clocher de Saint-
Front, ou, tout au plus, au moment où il se construisait.
Cela dit tout.
(1) Voir notre Histoire de Foulques-Aerra, comte d'Anjou,
au mot Beaulieu, de la table alphabétique.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 383
Du reste, une simple observation, à défaut môme de
dates, conduit à une conclusion identique. Si l'on qualifie
de conique le couronnement du clocher de Saint-Front,
c'est évidemment à défaut de terme plus précis pour carac-
tériser sa forme bulbeuse. Ce couronnement est une calotte
dont le sommet s'élève et va finir en pointe, de manière à
donner un profil général assez semblable à celui de cette
moulure qu'on nomme cimaise ou talon renversé. Il n'y
a donc là que des lignes courbes, et ce sont les dérivés
seuls qui , en affectant la véritable forme conique ou
pyramidale, nous montrent la ligne droite. Dans la pyra-
mide conique de Beaulieu, au contraire, règne aussitôt le
système rectiligne, sans l'intervention du clocher de Bran-
tôme, qui n'est pas encore né, ou qui naît à peine, et qui,
dans tous les cas, sera, lui, une véritable pyramide, et
une pyramide à quatre pans. On sent combien ces faits
sont caractéristiques et quel jour ils jettent sur la question.
Il nous semble donc que c'est à Beaulieu que les clochers
de la vallée de l'Indre ont pris leur type, avant même que
l'intluence de Saint-Front et de Brantôme eût pénétré
jusqu'à eux. Nous pourrions le démontrer, croyons-nous,
en suivant pas à pas, dans cette vallée, la construction des
nombreux clochers pyramidaux qui la sillonnent, et en la
datant pour chacun d'eux. Ce travail nous parait inutile.
Il n'est personne ici qui ne le puisse faire en un instant
avec ses souvenirs. Nous insisterons cependant sur ce
point, que, dès une époque très-ancienne, tous les types
dérivés du type conique de Beaulieu se montrent à quel-
ques pas de l'abbaye. A Beaulieu même, dès la fin
du xi^ siècle, ou au commencement du xii°, on élève
pour l'église abbatiale un clocher avec couronnement
pyramidal à huit pans, dont l'intérieur de la pyramide du
cloître fournit le type. Il est disposé selon le mode le plus
384 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ordinaire, de manière à ce que quatre de ses pans corres-
pondent aux quatre laces de la tour. A Gormery, vers le
même temps, sinon un peu plus tôt, s'élève un autre cou-
ronnement pyramidal à huit pans, mais disposés, ceux-ci,
d'une façon assez exceptionnelle, quatre angles, et non
quatre pans, correspondant aux faces de la tour, comme
au clocher de Saint-Léonard (Haute- Vienne), décrit par
M. VioUet-le-Duc.
A Loches, dans la collégiale de Notre-Dame, l'imitation
est plus servile, sous la direction du prieur Thomas
Pactius, et, quoiqu'on ait gagné déjà la fm du xii'' siècle,
les couronnements sont parfaitement coniques, soit dans
les clochers, soit dans les dubes qui semblent plus parti-
culièrement inspirées par la couverture de la fontaine de
Beaulieu (1). On voit en effet, par les souches des maçon-
neries de Thomas Pactius, conservées dans les recon-
structions postérieures, que ces pyramides, rondes à l'exté-
rieur, étaient à huit pans à l'intérieur.
C'est de ce type rond que dérive la flèche de Déols.
Seulement elle n'est point polygonale en dedans. D'après
M. Raynal, cette flèche ne remonterait pas au delà du
xiii^ siècle, le clocher étant tombé en 1210. Mais il ne
(1) Ces dubes sont des pyramides creuses, servant de couver-
ture à la nef de l'église, et jouant absolument le même rôle que
les coupoles dans les édinces byzantins. Du Buisson, déjà cité,
nous a laissé la description de ce qu'elles étaient encore de son
temps, et de ce qu'était aussi le couronnement des deux
clochers. Lo. tout formait c des cônes creux... ronds par dehors
et octangles par dedans ». Ces cônes étaient déjà fort dégradés
lors du voyage de du Buisson, en 1633. « Comme la pluie les
gaste, dit-il, les chanoines sont après à les faire couvrir d'ar-
doises. i> Depuis, ils ont tous été refaits, et à huit pans, tant à
l'extérieur qu'à l'inlérieur.
XT/ SESSION, A CIIATEAUROUX. 38-'')
nous est pas plus possible d'admettre celte chute (1 jet cette
date pour le clocher de Déols encore existant, que la pré-
sence des restes du x" siècle, dont parle M. Raynal, ainsi
que nous le disions au début de ce compte rendu (2),
Nous avons vu à quelle époque se rattache la tour, et rien
ne nous porte à croire que la flèche soit postérieure, au
moins comme type. Ces flèches rondes sont fort primi-
tives. On les a abandonnées pour les ilôches polygonales,
plus (aciles à construire, et nous ne voyons guère qu'on y
soit revenu. Si donc, par suite d'accident, la flèche de
Déols a été restaurée, tout porte à croire que sa forme
primitive n'a pas été modifiée. Rien, dans l'examen mi-
nutieux que nous avons fait des maçonneries (3), ne nous
a sollicité à penser autrement, et nous la considérons
comme un des dérivés les plus prochains d'un type
byzantin apporté directement d'Orient, par Foulques-
Nerra, dès les premiers jours du xr siècle.
Cette affirmation appellerait peut-être des rapproche-
(1) L'église de Déols avait quatre clochers, qui accompagnaient
le narlhex, ainsi que nous le verrons bientôt. La date et le fait
cités par M. Raynal doivent se rapporter à l'un des trois clochers
détruits.
C;2) Nous devons dire que dans la base du clocher de Déols, face
nord, nous avons retrouvé à l'intérieur un mur épais, dont le
mortier, plein de gros charbons, et la disposition, pourraient
bien remonter au x« siècle. Ce mur, sur lequel le clocher est à
cheval, semblerait s'être dirigé du nord au midi. Nous croyons
qu'il est un reste de l'église primitive. Le clocher existant est
l'intermédiaire entre ce vieux débris et les ruines du plein
xu^ siècle, dont l'église nous montre partout la trace.
(3) Nous sommes retourné à Déols depuis le Congres, et grâce
aux échafaudages dressés alors pour restaurer la tour, nous
avons pu l'analyser pierre à pierre, en dedans et eu dehors.
XL" SESSION. 2S
386 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
meuts et des preuves. Il ne nous serait pas difficile de les
trouver. Mais j'ai déjà trop abusé de votre attention,
Messieurs, pour m'engager dans ce côté un peu extrinsèque
de la question de Déols. Il me suffira de rappeler que les
églises byzantines de l'Asie, celles des Arméniens surtout,
et parmi celles-ci l'église d'Erivau et celle d'Ani, publiées
par M. Charles Texier dans sou Voyage en Asie , pré-
sentent cette particularité, que les voijtes hémisphériques
des coupoles sont couronnées à l'extérieur de toits coniques.
Quelquefois, sous ce toit conique, premier principe des
couronnements de clochers qui nous occupent, ce n'est
plus une coupole hémisphérique, c'est une voûte surélevée,
un tronçon de cône qui prend immédiatement naissance
sur les pendentifs, et nous montre le premier principe de
nos pyramides creuses. Les Annales archéologiques de
Didron, t. XII, p. 178, en donnent un exemple dans
l'église de Digour. Enfin, plusieurs églises de l'Asie nous
laissent voir, à côté des dômes, des clochetons pyramidaux
tout pareils aux nôtres, qui n'en sont évidemment que la
copie.
Je ne suis donc pas allé trop loin dans ce que j'ai dit du
type importé par le comte d'Anjou, et je crois pouvoir
ajouter que plus cette question serait serrée de près, plus
vive serait la lumière projetée autour d'elle.
Mais il faut en finir avec le clocher de Déols et tout ce
qui s'y rapporte. Si cette partie de- l'église du vieux mona-
stère d'Ebbes est seule restée debout, les ruines qui l'en-
tourent méritent aussi notre attention.
Et tout d'abord, jetons un coup d'oeil rapide sur ces
débris un peu épars, et classons-les. La chose est aisée ;
leur caractère est parfaitement homogène. En eux rien ne
détonne, rien ne fait (juestion ; tout est du plein xii*" siècle,
aussi pur qu'il est beau. Malheureusement ces quelques
Déols, pi. m, p. 387.
Éclielle t • ■ ■ . i^ ^^- i^j.^
Plan de l'église de DÉOLS
Huts. et aul par .1. dr Sall<
XI." SESSION, A CIIATEAUROUX. 387
détails restent, par rap[)ortà l'ensemble de l'église, tout à
lait énigmaliques. Nous pouvons reconnaître, pourtant,
que sur le narthex ou porche, s'élevait une voûte en
berceau. A l'extrémité du narthex, vers la net, nous
apercevons aussi la naissance d'un arc ogive carré, avec
rosaces du genre de celles qui ornent les arcs ogives du
narthex de Loches. La parenté est évidente.
Dans l'ensemble, rien n'est saisissable. Nous pouvons
seulement constater que l'église n'a jamais eu de transepts.
Et ce serait tout, si un vieux plan qui nous est communi-
qué par M. TabbéDamourette, ne faisait la lumière en nous
permettant de reconstituer le gros des anciennes disposi-
tions. Nous donnons ici un croquis de ce plan, que
M. l'abbé Damourettea bien voulu nous laisser copier (1).
Il va nous servir de guide.
Inutile d'insister sur ce qu'était ce vaisseau aux pro-
portions si allongées et si étroites. L'œil s'en peut rendre
compte sans le secours d'un texte. Passons donc tout de
suite aux dispositions exceptionnelles.
Nous avons déjà dit que la partie antérieure de l'église
de l'abbaye présentait quatre clochers. De vieux tableaux,
aujourd'hui conservés dans l'église paroissiale Saint-
Étienne de Déols, nous montrent, en effet, ces quatre clo-
chers, plus deux autres placés sur les côtés nord et sud de
l'église, comme des transepts. Notre plan nous laisse voir
les quatre clochers A, B, C, D de l'entrée ; mais il ne nous
montre pas les deux clochers latéraux, dont il ne reste plus
aucune trace. Étaient-ils déjà détruits lorsque le planaété
relevé, à la fin du siècle dernier? N'ont-ils existé que dans
(1) Nous avons pu le contrôler, depuis le Congrès, parun
autre plan, que M. Palustre, inspecteur de la Société française, a
bien voulu nous communiquer.
388 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
le dessin du peintre des tableaux de Saint-Étienne ? c'est
ce qu'on ne saurait dire précisément. Les quatre clochers
de notre plan suffisent, du reste, à défrayer notre curiosité,
et ils cachent déjà assez de mystères pour que nous n'en
cherchions pas plus long.
Qu'étaient-ce, en effet, que ces parties E et F, qui
reliaient entre eux, deux à deux, les clochers AC, BD ? La
partie N était le narthex que des retombées de voûtes et
des arrachements de murs encore attachés au clocher B,
le seul existant, nous ont permis de restituer. Mais cette
partie 0, qu'était-eile? Doit-on y voir une cour à ciel
ouvert? Doit-on y voir un vestibule précédant le narthex?
Des hypothèses seules pourraient répondre à ces questions,
et comme elles reposeraient uniquement sur l'iraaginative
de celui qui les formulerait, mieux vaut s'abstenir.
Pour ce qui est des parties E et F, nous avons, du
moins en F, quelques restes remarquables qui nous per-
mettent d'émettre une opinion. Nous voyons, en effet,
sur ce point et contre le clocher, des placages de deux
époques, commencement et fin du xii'' siècle, attestant,
semble-t-il, pour ces deux dates, une disposition analogue,
modifiée seulement, en vue d'une ornementation plus
riche. Le rez-de-chaussée nous montre les arrachements
d'une voûte d'arêtes, sous laquelle on passait pour aller
dans le clocher B, et qui semble s'être ouverte directement
sur la partie 0, par une disposition assez incompréhensible
aujourd'hui. Çà et là, quelques chapiteaux d'un travail
admirable, des archivoltes garnies de clous en pointe de
diamant, et, au-dessous d'une baie plein cintre qu'il
envahit en partie, un arc en ogive tout uni, enve-
loppé d'un second arc semblable, qui fait saillie sur lui.
Au premier étage, il n'est plus question de voûte
d'arête. Nous voyons, contre le clocher B, les arracliements
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 389
d'une voûte ogivale, en berceau, qui a couvert toute la
partie F. Vers 0, contre l'angle du clocher B, unecolonne
engagée, et une petite colonnelte en reculement sur elle,
S)utiennent la retombée d'un arc en double plate-bande,
rompu aujourd'hui, mais ouvert à une grande hauteur
sur la partie 0. Au pied de ce pilier venaient aboutir des
degrés droits a, qu'on prenait sous le narthex. Quant à
la destination de cette partie F, au premier étage, était-ce
une galerie? était-ce une salle se prolongeant dans le
clocher D, comme quelques indices le feraient soup-
çonner? Impossible de le dire avec certitude. Ce qu'il y a
de certain c'est qu'un grand luxe d'ornementation avait
été réservé à ce lieu, quelle qu'en pût être la destination.
Un panneau qui reste encore entier à l'intérieur, entre
B et D, sur le mur du raidi, nous en laisse voir un spé-
390 COi\(iUKrf AlU.llÉOl.OCKjUl': 1>K FP-ANCI::.
ciiueu des plus nMiiar-^uahles. Le dessin qu'en a l'ait noire
collègue, M. Le Nail, en peut donner une idée. On est
frappé surtout de l'aspect riche et gracieux de ces deux
petits pilastres carrés, qui partent d'une console originale
pour orner les montants d'une baie fortement ébrasée. Ils
reçoivent les retombées de trois archivoltes d'inégale ou-
verture, ([ui couronnent cette baie ou l'accompagnent.
Leur élégante disposition et la finesse des arabesques dont
ils sont chargés, les feraient prendre volontiers pour un
charmant joyau de la Renaissance. C'est pourtant œuvre
du XII* siècle, et des plus exquises comme des plus origi-
nales qui se puissent voir.
L'ornementation de cette partie du monument, ne s'est
pas, du reste, toute concentrée à l'intérieur. Cette même
baie, dont les ébrasements sont si bien accompagnés par
nos petits pilastres, se montre à l'extérieur couronnée d'une
archivolte à voussoirs découpés avec grâce, et qui retombe
sur deux colonueltes à chapiteaux historiés. L'ensemble
de cette ornementation est lui-même enveloppé d'un
grand arc plein cintre, soutenu par deux colonnes.
Si l'on en juge par l'extérieur des ruines, que notre
élévation du clocher laisse voir à sa gauche, ce parti pris
aurait été répété dans un second panneau, vers le clo-
cher D. Le contre-fort demi-cylindrique, élégiparle haut,
au moyen d'une ornementation très-originale, et dont nous
donnons le dessin ci-contre, aurait séparé les deux pan-
neaux. La présence, à l'intérieur, d'une colonne engagée
correspondant au contrc-lbrt, et (jui semble avoir soutenu
la retombée d'un arc doubleau, favoriserait cette opinion.
Ainsi, sur la partie 0 se seraient ouverts deux grands
arcs ; ces deux arcs auraient correspondu à deux
travées de voûte ogivale en berceau, séparées par un arc
doubleau carré, et cette même division, se reproduisant à
Xl.e SESSION, A CHATEAUROUX. 391
l'extérieur, aurait engendre l'ornementation que nous
venons de décrire.
Il ne nous semble pas que cefparti pris puisse être mis
en doute, et restituer pour le rez-de-chaussée comme pour
le premier étage, les deux travées tant intérieures qu'exté-
rieun^s, des galeries ou des salles occupant autrefois la
partie F du plan, nous paraît la chose la plus facile du
monde, les ruines donnant tous les éléments de cette res-
titution.
Nous devons dire toutefois que l'espace F, carré sur le
vieux plan que nous reproduisons, ne se prête en aucune
façon à un pareil état de choses. Tout au plus la partie F
aurait-elle été occupée par une des travées. Il faudrait
supposer alors que la seconde occupait le rez-de-chaussée
et le premier étage du clocher D, Cela n'estpas impossible
absolument, mais c'est peu probable. iNous croyons plutôt
qu'il y a inexactitude dans le plan, et que l'espace F doit
être doublé entre les clochers B et D, pour cadrer avec le
développement des salles ou des galeries que nous laissent
voir les ruines. On conviendra, du reste, que ces quatre
392 CONGRÈS Al(CIlÉ01.U(ilnUK 1»E FUA.NCE.
clochers avaient tout à gagner ù être ainsi séparés deux à
deux par un espace plus grand.
Telles sont, Messieurs, les observations que nous a
inspirées cette partie des ruines de Déols. Elles méritaient
d'autant plus d'être consignées ici, qu'au premier coup
d'oeil, rien n'est plus énigmatique que ces ruines, dont
l'importance pourtant, au point de vue architectural, est
incontestablement de premier ordre.
Après cette étude, peut-être y aurait-il lieu de se préoc-
cuper du nombre considérable de clochers que possédait
l'église de Déols, et de la place qu'ils occupaient. Assez
commun dans les provinces de l'Ouest, et surtout dans la
Normandie, où on le rencontre dès l'époque de Guillaume
le Conquérant , ce luxe de tours ne pénétra dans le
centre de la France que vers la fin du xii'' siècle. Encore
ne se développa-t-il guère que dans le domaine royal, où
l'on vit des cathédrales s'élever avec sept et même neuf
clochers. Mais au midi de la Loire, le nombre en fut tou-
jours plus restreint.
Nous sommes certains que l'église de l'abbaye de Déols
a possédé quatre clochers en avant de sa nef. En suppo-
sant que les tableaux conservés dans l'église Saint-Étienne
ne nous trompent pas sur l'ensemble des choses passées,
deux autres clochers auraient accompagné les collatéraux,
près du chœur. Si l'église eût eu des transepts, certaine-
ment un septième clocher eût aussi été élevé sur leur
rencontre avec la nef, car cette place fut une des pre-
mières choisies. Déjà en dOll, au retour de son second
voyage à Jérusalem , Foulques - Nerra construisit sur
l'intertransepts de l'église abbatiale de Beaulieu un
clocher dont on voit encore la base sous les combles
modernes. Le comte d'Anjou obéissait ainsi, et aux souve-
nirs qu'il rapportait d'Orient, et aux traditions normandes
XI," SESSION, A OHATEAUROUX. 393
dont il semble, en architecture religieuse comme en archi-
tecture militaire, avoir toujours tenu grand compte. Mais
à quelles traditions, à quel courant obéissaient les archi-
tectes de Déols? Il y aurait lieu de se le demander. Toute-
fois nous ne tenterons pas une réponse à cette question.
Elle exige, ce nous semble, de patientes recherches, et
nous nous contenterons de la recommander aux savants
archéologues qui ont déjà si bien étudié le Berry.
Les débris du reste de l'église de Déols offrent seulement
([uclques chapiteaux à notre attention. Leur travail est
remarquable. Mais les plus curieux, c'est au musée de
Gliàteauroux que nous avons dû nous transporter pour
les voir, et c'est là aussi que notre collègue, M. Bouet,
en a pris les croquis reproduits par les gravures ci-
dessous.
Le premier de ces chapiteaux appartenait à l'une des
394 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE UE FRANCE.
colonnes engagées qui soutenaient les voûtes. Il est d'un
très-beau style, et agencé avec beaucoup d'originalité. Le
travail en est excellent.
Le second a coiffé une colonne isolée, dont nous ne
saurions déterminer la place, car notre plan ne montre par-
tout que des colonnes engagées. Ce chapiteau représente
Samson dans trois des actes de sa vie. L'une de ces repré-
sentations est tellement mutilée, que la reproduire eût été
folie. On saisit pourtant, en y regardant de très-près, une
main armée d'une mâchoire d'animal, et l'on devme que
la sculpture représentait Samson détruisant l'armée des
Philistins avec la mâchoire d'âne traditionnelle.
Les deux autres sujets figurent dans les deux dessins ci-
contre. L'un nous montre Samson enlevant les portes de
Gaza. Il y aj du mouvement dans cette figure, et la pose
XL*" SESSION, A CHATEAUROUX. 395
en est excellente. Ce regard qne Sanson jette sur la ville
ennemie en la quittant, est aussi plein d'intention et des
mieux rendus.
Le second sujet, c'est Samson ébranlant la salle de fête
des Philistins, et s'ensevelissant avec eux sous les ruines.
Il est aussi parfaitement composé.
Ce chapiteau est tout à fait symbolique. La figure de
Samson est celle du Christ. Si nous pouvions l'avoir
oublié, un passage de saint Ambroise, se rapportant à
l'enlèvement des portes de Gaza nous le rappellerait :
Sicut Samson média nocle surgens, exiit a Gaza, ferens
portas urbis; sic et Christus eadem hora snrgens, infern^
claustra fregit , et rediit ab inferis , clausoque , sicut
dîctum est, sepulchro prodiit. Nous regrettons que M. l'abbé
Auber ne soit point ici. Sa profonde science et sa mémoire
3i)6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
lui tburniraient certainement quelque texte relatif aux
deux autres sujets. Nous ne pouvons le suppléer.
Quitterons-nous le vieux sol de cette église sans dire
un mot de ce bâtiment P, que notre plan nous montre
envahissant la nef principale et ne i:ommuni(|uant pas
avec elle? C'est ici, surtout, que les traditions sont néces-
saires pour donner le mot du passé. Ce bâtiment P était
une grande chapelle, une sorte d'église à part, consacrée
à la Vierge, On y accédait de l'extérieur par les degrés
b, c, d, sans être obligé de passer par le monastère, ou
même par la grande église. Ddus ce sanctuaire, célèbre
autrefois, figurait la statue miraculeuse de Notre-Dame
de Déols, aujourd'hui déposée dans l'église paroissiale de
Saint-Étienne, et l'objet d'un culte séculaire. De nombreux
pèlerins venaient de fort loin prier devant cette image,
que les pèlerinages de notre époque n'ont point oubliée.
Comment ce sanctuaire, qui accuse la plus belle archi-
tecture du xii^ siècle, est-il venu s'enchevêtrer dans la
grande église, ou comment la grande église est-elle venue
l'envelopper en partie? C'est ce qu'on ne saurait dire.
Nous soupçonnons fort quelque curieuse et sainte légende
d'être passée par là.
Des cloîtres de Déols, qui se développaient au ujidi de
l'église, il ne reste absolument rien que quelques colon-
nettes, quelques retombées d'arcs et quelques arnorces de
voûtes, contre les murs R, au levant du jardin T, qui
occupe aujourd'hui cette partie de l'abbaye. Encore n'est-
il pas certain que ces débris aient fait partie du cloître.
Ils sont, dans tous les cas, du xiii" siècle, et semblent
se raccorder avec les restes d'une salle à deux nefs, située
sur une terrasse, et qui, probablement, était la salle capi-
tulaire.
Mais si le cloître a disparu, la porte qui, du cloître.
XL* SESSION, A GUATEAUROUX. 397
donnait dans l'église, existe encore au point Q, et ce n'est
pas une des choses les moins remarquables des ruines
de Déols. Le dessin de M. Le Nail la reproduit fidèle-
ment.
HtLdU ié a^oî/ pi»
C'est, on le voit, un magnitique spécimen du genre,
pour le XII* siècle. Quelle délicatesse dans le tableau de
cette porte rectangulaire, curieuse à cette époque ! Quelle
398 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fermeté dans rornementation de cette archivolte ! Quelle
originalité, enfin, dans ce tore polylobé, redenté si l'on
veut, qui part de l'ond et enveloppe le monument! Tout
cela témoigne de cette recherche d'applications nouvelles
et variées qui préoccupa si fort les architectes de la fin du
XII'' siècle, à l'endroit de la composition des portes qu'ils
voulaient soustraire à la monotonie romaine. La porte du
cloitre de Déols est certainement de cette époque par son
ornementation. Nous devons noter, toutefois, qu'elle
s'écarte du moded'ébrasement généralement adopté alors,
mode que nous retrouvons dans le portail de l'église de la
Souterraine (Creuse), accompagné d'une suite de boudins
alternativement unis et redentés, descendant jusqu'au
niveau des bases (1). La porte de la vieille collégiale du
Dorât (Haute- Vienne), appartenant aujourd'hui au sémi-
naire de cette ville, nous présente aussi un ébrasement
redenté (2). Mais ici, plus de tores; ce sont les arcs eux-
mêmes qui se découpent en feston, jusqu'à leur retombée
sur les pieds-droits.
Pour trouver des tores polylobés disposés exactement
comme celui de Déols, et enveloppant des portes à linteau
horizontal, il faut voir l'église de Montréal (Yonne) (3).
Le portail plein cintre de cette église présente en effet,
au fond de sou ébrasement, deux portes rectangulaires,
géminées, et toutes deux accompagnées d'un tore redenté.
Mais ici, l'ornementation, plus simple qu'à Déols, quoi-
que aussi de la fin du xii'' siècle, ne nous montre ni
(1) Voir dans le Dict. d'arch. de M. VioUet-le-Diic, au mot
Porte, t. Vil, 1). 408.
(2) .-ïnna/es de Didron, t. XII, p. 250.
(3) lbùl.,i. XI, p. 363, et dans le Dict. do M. ViolIet-le-Diic,
au mot jiorte. t. VII. p. 412, 4i3, 414.
XL* SESSION, A (JUATEAUROUX. 399
sculptures sur le tableau des portes, ni moulures décou-
pées en feuillages autour des boudins.
C'est par l'étude de cette belle porte du cloître que se
terminera ici, comme elle s'est terminée sur le terrain,
l'étude des restes de Déols. Rarement, sur notre sol, près
d'aussi grands, d'aussi beaux souvenirs, se trouvent des
ruines si désolées, si éparses, si énigmatiques. Et pourtant
elles datent de quarante ans à peine. C'est qu'à l'époque
où le marteau de la spéculation les a faites, commençait
seulement le réveil des études archéologiques. Aujour-
d'hui, en supposant qu'un pareil monument dût être
détruit, cent artistes, cent écrivains, s'ils ne l'avaient déjà
lait, s'empresseraient de relever toutes ses particularités,
pour sauver du moins les souvenirs, si rien autre chose
ne pouvait être sauvé.
Messieurs, reconnaissons-le, cette différence si caracté-
ristique dans l'esprit des temps, c'est surtout au savant et
infatigable directeur de la Société française d'Archéologie,
à M. de Caumont, dont nous portons le deuil depuis quel-
ques jours à peine, qu'elle est due. Que ce juste tribut
d'hommages lui soit donc payé, ici même, sur ces débris
dont le néant eût reculé, quelques années plus tard,
devant son infatigable intervention.
Mais il est temps de nous diriger vers d'autres monu-
ments qui gardent aussi de quoi défrayer nos études.
Nous prenons notre route vers l'église paroissiale de Saint-
Étienne, et nous passons sous une antique porte de ville,
autrefois fermée de vanteaux et de herses, aujourd'hui
béante. Cette porte est flanquée de deux tours en maçon-
nerie brute, fort ancienne. La courtine, dans laquelle
s'ouvre la porte, est en pierre de taille, avec une couronne
de mâchicoulis, de la fin du xiv'' siècle. Nous lui donnons
un coup d'oMl, et nous suivons notre chemin.
400 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Nous arrivons devant l'église de Saint-Étienne. Rien
d'extraordinaire à l'extérieur : une tour carrée, fort basse
aujourd'hui, restée peut-être inachevée; mais, dans tous
les cas, portant le caractère irrécusable du xvi^ siècle.
Cette église passe pour avoir été reconstruite sur les
ruines d'une église latine, primitive. C'est l'opinion sou-
tenue par d'éminents archéologues, dans les Esquisses
pittoresques de l'Indre. Nous la contredirons d'autant
moins, que le plan de l'église, ses cryptes et les appareils
rustiques à chaînage de briques, encore apparents à l'ex-
térieur du mur de l'abside, nous portent à nous y rallier.
Toutefois, ce n'est pas pour élucider cette difficile ques-
tion, moins encore pour contrôler les travaux qui s'en
sont occupés, que nous visitons l'église de Saint-Étienne.
Ce qui nous y attire, ce sont ses cryptes : l'une, de tout
temps connue, celle qui renferme le magnifique tombeau
de saint Ludre {Lusor) , et qu'un texte de Grégoire de
Tours ne permettait pas d'oublier ; l'autre, retrouvée il y
a douze ans, par M. l'abbé Chagnon, curé de Déols, et
restaurée par lui.
Ces deux cryptes, formées d'une seule salle de 3 à 4
mètres de long environ, sur 2 mètres 50 à 3 mètres de large,
s'étendaient du couchant au levant, hors de l'église, des
deux côtés du chœur. Elles étaient voûtées en berceau,
ainsi qu'on peut en juger par celle de Saint-Ludre, mais
ne présentaient rien de particulier. Ce sont donc les mo-
numents qu'elles gardèrent et qu'elles gardent encore
toutes deux, aujourd'hui, qui doivent appeler surtout
notre attention.
Ce serait abuser de votre patience, Messieurs, que de
décrire ici le tombeau de saint Ludre. Ce magnifique
morceau romain, couvert de remarquables sculptures, a
été publié dans les Esquisses pittoresques de l'Indre. Il est
XI.'" SESSION, A CIIATEAUIIOUX. iOI
cependant une des piirticularilés de ce tombeau, dont je
dois dire un mot en passant. Sur une sorte de petite
borne se lisent les chiffres ôniginatiques X et ill. On a
beaucoup discuté sur leur signitication et hasardé de
nombreuses hypothèses. Notre savant Directeur a émis
devant vous l'avis que ces chiiïres indiquent tout sim-
plement, comme le faisaient souvent des bornes placées
près des tombeaux antiques, l'étendue de terrain affectée
au monument funéraire. Cette étendue aurait donc été,
pour le tombeau de saint Ludre, de X pas en longeur et
m pas en largeur : AREA. longa. F. X. lata. P. lU.
J'avoue qu'entre toutes les hypothèses émises au sujet de
ces chiffres, celle de M. de Gougny me semble la plus
naturelle. Je m'y range complètement.
Pour ce qui est de la seconde crypte, je dois être plus
explicite. Quelques ruines marquaient la place de la
chapelle qui l'avait surmontée. La tradition, une tradi-
tion précise et constante, la signalait aussi. Mais le terrain
qu'elle occupait, avec les terrains avoisinants autour de
l'église, appartenait à des particuliers. Gomment, avec
cet état de choses, former le moindre projet !
G'est cependant ce qu'avec un zèle persévérant M. l'abbé
Ghagnon a osé faire. Ses plans bien arrêtés, il a d'abord,
en 1861, acheté les terrains. Puis, en 1862, mettant la
pioche dans ce sol sacré, il découvrait l'objet de ses pieuses
recherches.
Suivant la Thaumassière, vers 1656 ou 1657, cette
crypte avait été retrouvée, mais ruinée déjà et sans voûte. .
On avait, du reste, à peine pris garde à cette découverte,
et le souvenir s'en était bientôt effacé, pour ne laisser
vivre que la vieille tradition.
G'est de ses deniers que M. le curé de Déols avait
acheté les terrains joignant le levant de l'église Saint-
XL^ SESSION. 26
402 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Étieune; ce iïil aussi de ses deniers qu'il fit déblayer la
crypte et recueillit les restes d'un grand sarcophage en
pierre, avec des cercueils d'enfants. Ce fut de ses deniers,
enfin, qu'il fit rétablir la crypte, respectant avec un soin
religieux tout ce qui restait des vieilles murailles primi-
tives.
C'était déjà pousser bien loin le zèle. Ce n'était point
assez pourtant pour M. l'abbé Chagnon. Une ambition plus
grande le tourmentait : celle de rétablir le tombeau lui-
même, entièrement brisé, et dont beaucoup de parties
avaient disparu. Tl attendit longtemps, faute d'avoir sous
la main un artiste consciencieux et intelligent qui pût
réaliser sa pensée. Il le trouva enfin, le saisit au vol, pour
ainsi dire, et en juin 1872 était terminée cette œuvre de
restauration minutieuse, que les débris patiemment assem-
blés par M. le curé de Déols montraient possible, mais
qu'une main habile pouvait seule réaliser.
Nous ne saurions trop louer ici la volonté, le dévoue-
ment et le respect intelligent des choses du passé, dont
M. l'abbé Chagnon a fait preuve en cette circonstance; car
ce n'est pas tout de chercher, il faut bien chercher ; ce
n'est pas tout de restaurer, il faut bien restaurer. Hier
matin encore, nous examinions seul, et avec toute la sévérité
possible, le sarcophage restitué, et nous ne trouvions que
des éloges à donner à l'artiste, et surtout à son guide
consciencieux et intelligent.
Qu'il me soit donc permis, puisque c'est à ma voix que
notre savant Directeur a confié ce rapport, qu'il me soit
permis d'appeler toute son attention sur M. l'abbé
Chagnon, gardant l'espérance que le conseil de la Société
française saura faire mieux encore que de prodiguer de
simples éloges à un homme qui a surmonté des difficultés
de toutes sortes pour arriver à son but.
XL* SESSION, A ('.I1AT1':AUI10UX. 403
Mais J3 reviens au sarcopliagfî restitué. Los sculptures
(jui le couvrent sunt loin de présenter le haut intérêt
artistique de celles du sarcophage de Saint-Ludre. La face
antérieure est simplement garnie de plusieurs rangs de
panneaux unis, encadrés d'une doucine. Cependant les
proportions élégantes de ces panneaux et leur répétition
symétri(iue ne laissent pas de produire un bel effet,
l'our ce qui est de la découverte de ce morceau antique,
elle n'avait pas été sans éveiller l'attention des savants. Il
y avait là une énigme capable de stimuler les chercheurs.
M. J. Veillât a bientôt établi d'une manière à peu près
certaine, en rapprochant les chroniqueurs et les historiens
du Berry, que ce sarcophage a reçu le corps du sénateur
Léocade, père de saint Ludre.
Quant aux tombeaux d'enfants trouvés sur le seuil de
la crypte de Saint-Léocade, ils sont sans sculptures d'au-
cune sorte. L'un des deux, cependant, porte une inscrip-
tion. Vous l'avez entendue restituer hier, dans un savant
travail sur l'épigraphie du département de l'Indre. Je n'y
reviendrai pas.
Notre visite à l'église Saint-Étienne s'est terminée,
après la revue des cryptes et de leurs monuments funéraires,
par un examen attentif des murs extérieurs. Ils n'ont rien
présenté de particulier à notre attention. Le mur seul du
chevet nous a montré dans le bas, du côté méridional, et
jusqu'à 2°'50 ou 3 mètres au-dessus du sol, les restes d'un
petit appareil rustique, avec quelques débris de chaînages
formés de briques à rebords (1). Ce revêtement paraît
(1) Quelques fonds avaient été votés par la Société, et laissés
à M. l'abbé Cbagnon, pour la restauration de ce revêtement
fort délabré. Nous avons trouvé cette restauration terminée et
irréprocbabicnient exécutée lors(|ue nous sommes retourné à
Déols, en août 1873, deux mois après le Congrès.
40-i CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
fort ancien; mais il serait difficile do lui assigner une
date (i).
Nous avons, après, repris notre route par la vieille porte
de ville sous laquelle nous étions déjà passés. Revenu
sur la voie principale, nous avons, avant d'arriver au
pont de l'Indre, obliqué à droite, pour gagner la vieille
rue de Déols, qui conduisait à l'ancien pont bâti en aval
du pont actuel. Quelques maisons du xV' et du xvi" siècles
ont arrêté nos regards un instant dans cette rue. Puis, au
bout, presque sur le bord de la rivière, s'est présentée à
nous une des portes de la cité. Elle formait tète de pont,
et tout montre que c'était une petite forteresse, ayant ses
flanquements, et pouvant loger un poste respectable. Son
aspect, vu de l'autre côté de l'Indre, est assez pittoresque;
mais c'est tout ce qui lui reste pour la consoler de sa
gloire passée. Son état de délabrement est complet.
Ce dernier tribut d'investigation paye à l'antique cité de
Déols, nous sommes rentrés à Châteauroux.
Tel est. Messieurs, le rapport que j'avais à faire au
Congrès sur notre excursion du H juin. Vous me per-
mettrez de le dire en terminant, nulle excursion plus que
celle-ci ne me semble propre à préciser les hautes vues de
l'archéologie. En effet. Messieurs, à côté d'un monument,
un souvenir, et derrière ce souvenir, une génération ou
un homme, — car un homme est souvent autant et plus
qu'une génération, — voilà, d'ensemble, l'archéologie.
Dans ces conditions, elle est vivante, fructueuse. Elle cesse
d'être ce que le vulgaire la croit trop souvent, une science
froide et stérile, une science tournant facilement à la
manie ; elle cesse d'être un inventaire ou un catalogue,
(1) Cet appareil a été signalé pour la première fois, en
octobre iuli, par M. de Cougny.
XL" SESSION, A rJlATEAUROUX. 405
pour élargir son domaine, prendre son vol à travers les
âges, et revenir chargée d'un butin magnifique pris à
toutes les gloires du passé.
C'est ainsi que nous entendons tous ici, Messieurs, cette
belle science. En fut-il jamais, a ce point de vue, déplus vaste,
de plus poétique, de plus élevée? De ses deux bras étendus
elle touche aux deux bouts de l'humanité. Elle ne courbe
no? tètes sur quelques linéaments imprimés à la pierre,
au marbre ou à l'airain ; elle n'asservit notre intelligence
aux plus vulgaires recherches de la matière, que pour
nous relever après, s'emparer de notre àmc, l'enivrer
des plus pures émotions, et se faire pour elle le trait
d'union entre la poussière des tombeaux et les rayonne-
ments de l'avenir.
Ce compte rendu, précédé de considérations générales,
remarquables par l'élévation des pensées qui y dominent,
sur l'influence civilisatrice des abbayes au moyen âge,
attire de sympathiques et nombreux applaudissements de
la part de l'auditoire.
Après ces différentes lectures, la parole est donnée à
M. Rouëde sur la 10'' question du programme, relative aux
dernières découvertes numismatiques faites dans le dépar-
tement de l'Indre.
M. Rouëde fait connaître qu) dans Châtillon-sur-Indre
et ses environs on trouve quelquefois des monnaies de
l'époque romaine, du moyen âge et des temps modernes;
mais les spéculateurs accaparent et dépaysent ces décou-
vertes. Il a obtenu quelques petits bronzes, presque tous
du iir siècle; ce sont des Claudius Tacitus, Valerianus,
Aurelianus, Maximianus, etc.
Il présente au Congrès : 4" Deux petites monnaies de
406 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Déols (Solidi] ; d'un côté on lit Rodolphus, et de l'autre
de Dolis. Elle remonte à l'année 1222 et plus tard.
2° Denier carlovingien de Louis P"" le Débonnaire ; il
porte d'un côté : H LYDOVICVS IMP. C'est le seul
qui ait réuni la dignité impériale au titre de roi, de 814
à 840.
Au revers, en deux lignes, le mot METALLVM, ce qui
signifie : frappé à Melle, en Poitou. Melle est traduit
tantôt par Metallum tantôt par Metulum ou Metati.
3° ECU d'or au soleil de Louis XII, de 1498 à 1515;
dans la l'ace, l'écusson de France avec couronne à cinq
fleurons; petit soleil au-dessus. L'inscription est : LYDO-
VICVS DEI GRATIA FRANCORVM REX.
r! Une croix à la Charles YIII, avec rosace en cœur.
Légende avec une couronnelle X. P. I. : Christus régnât,
vincit, imperat.
4° Un grand écu d'or de Charles VI, de 1380 à 1422;
un écusson fleurdelisé, avec couronne fleurdelisée; autour :
KAROLVS DEI GRATIA FRANCORVM REX.
^ Une croix composée de feuilles et fleurs de lis, avec
angles remplis de fleurs de lis et de couronnelles, avec le
Christus régnât, comme au n° 3.
5° Un petit bronze, d'ime belle conservation, trouvé
dans le gué du Tranger, portant d'un côté une tête
casquée, avec la note : URRS ROMA, et de l'autre, la
louve avec les deux jumeaux. Au-dessous, l'indication de
l'atelier monétaire de Trêves.
6° Un cachet en bronze, trouvé dans les fossés du châ-
teau de Palluau. C'est un écu sans couronne, portant un
léopard (ou un lion) passant sur un champ burelé. Il
porte autour l'indication qu'il appartenait à Jean de la
Marche.
XL« SESSION, A CHATEAUROUX. 407
M. Palustre, président de la séance, signale la décou-
verte faite au mois de septembre dernier, près d'Ingrandes,
de ÎÎ3 pièces d'argent, représentant cinq types différents.
Elles sont toutes anépigraphes, par conséquent antérieures
aux pièces à légendes, et remontent à une très-haute
antiquité. Ces pièces ont été achetées par le musée de la
ville de Tours. M. Palustre en a donné une description
détaillée dans le n° 2 du Bulletin monumental de 4873.
M. l'abbé Damourettc a la parole sur la 18° question.
Excursions de saint Martin, évêque de
Tours, en Berry. — Localités où son
corps a reposé lors de sa translation de
Tours à Auxerre. — Églises du Berry
consacrées à ce saint en mémoire de ses
excursions ou de la translation de son
corps.
Après le triomphe de la religion dans l'empire romain,
l'idolâtrie se réfugia dans les campagnes , d'où est
venu que le nom paganus, paysan, est synonyme d'ido-
lâtre.
La mission spéciale de saint Martin, celle que la Pro-
vidence divine lui avait assignée, fut la conversion des
peuples des campagnes, de ces masses inertes qui jusque-
là avaient résisté aux efforts combinés des évêques et des
prédicateurs.
Pour frapper ces esprits grossiers, l'apôtre des Gaules
n'employa pas les ressources que fournit l'éloquence
humaine; il s'adressa à Dieu, qui mit à ses ordres les
richesses de son pouvoir divin. Si la Gaule devint chré-
408 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tienne, n'oublions pas que c'est à Martin plus qu'à
tout autre, à ses vertus, à sa sainteté et à ses miracles,
que nous devons attribuer cette heureuse transforma-
tion.
Au moment où la voix du peuple, qui était bien réelle-
ment en cette circonstance la voix de Dieu, appelait au
siège métropolitain de Milan un patricien de Rome, le
gouverneur civil de la cité, les Gaules présentaient un
tout autre spectacle dans l'élection d'un pauvre moine de
Ligugé, sans illustration de naissance, sans aucun éclat
extérieur, ne devant sa réputation qu'à l'éclat de ses
miracles.
Martin succède, sur le siège de Tours, à Lidoire, ce
saint èvêque qui, pendant les trente-trois années de son
épiscopat, avait cultivé avec des peines infinies cette terre
de la Touraine, que n'avaient pu féconder les sueurs de
saint Gatien.
Enflammé du zèle des Apôtres, brûlant du lèu sacré des
Martyrs, le successeur de Lidoire, doué d'une force sur-
humaine, entretient et développe la vie chrétienne dans
son Église ; mais une ambition le dévore : il veut
détruire dans toute la Gaule le culte des idoles. Il
n'entre pas dans notre plan de le suivre partout où
son zèle le conduit ; nous nous bornerons à ses excursions
en Berry.
La première fois qu'il vint à Gabatton, c'était au début
de son épiscopat.
Gabatton est une ville du pays des Bituriges, qui re-
monte à l'époque celtique.
Les Romains y construisirent des villas somptueuses
et des arènes, dont les débris sont encore visibles.-
Au temps de saint Martin, le temple de Gabatton, que
saintSulpice-Sévère qualifie A'opulentissimum, s'élevait sans
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 409
doute au milieu de la cité, à l'endroit même où est aujour-
d'hui la magnifique église de Saint-Sylvain.
Ce temple était très-riche et très-fréquenté. Saint Martin
l'apprend, et s'y rend aussitôt, résolu d'abattre l'asile de la
superstition.
Les païens, en grand nombre, veulent défendre leur
impur sanctuaire, et repoussent le Saint en l'accablant
d'outrages. Une tradition, que le P. Labbe a pris soin de
conserver, et que l'on trouve écrite dans sa bibliothèque
des manuscrits , raconte que les habitants de Gabatton
avaient fait autrefois un pareil accueil à l'apôtre de notre
Berry, saint Ursin. Quoi qu'il en soit, toujours est-il que
la fureur du peuple est à son comble.
Que fait Martin? 11 a recours à ses armes ordinaires, la
prière et le jeûne.
Retiré dans un endroit solitaire, probablement près du
tombeau de saint Sylvain, il se prosterne la face contre
terre, le corps revêtu d'un cilice et la tête couverte de
cendres; il prie et il jeûne pendant trois jours, suppliant
Dieu d'opérer par sa toute-puissance ce que la vertu de
l'homme ne peut obtenir.
Tout à coup deux anges portant la lance et le bouclier
se présentent à lui, envoyés par le Seigneur, disent-ils,
pour mettre en fuite cette multitude hostile et concourir
avec lui à la destruction du temple.
Martin, reprenant confiance, revient dans la cité, et à la
vue des idolâtres de Gabatton, sans qu'aucun d'eux s'y
oppose, il fait détruire leur temple, et pendant que les
pierres des murailles s'écroulent, il réduit lui-même en
poussière les autels et les idoles. Dum profanam xdem
usque ad fundamentum dirueret, aras omnes atque simn-
lacra redùjet in pulverem. (Sulpice-Sévère, IM vita beati
Martini, lib. II.)
-MO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
La foule mutinée, reconnaissant la puissance surna-
turelle qui avait dompté et contenu sa fureur, n'oppose
plus de résistance à la prédication de l'Évangile; Martin
triomphe. Presque tous les habitants de Gabatton
deviennent chrétiens : Omnes fere in Jesum Dominum
crediderunt .
Ce trait, un des plus saillants de la vie de saint Martin,
est certainement une des pages les plus authentiques et les
plus belles de l'histoire ecclésiastique du Berry. Qu'il me
soit permis de dire que l'antique ville de Gabatton doit être
glorieuse d'avoir eu saint Martin pour apôtre.
Le zélé missionnaire revint plus tard visiter ses chers
néophytes. En arrivant dans la ville, son premier soin est
d'aller prier dans la crypte de Saint-Sylvain. Sur le seuil
de la crypte il rencontre le chef du municipe, homme
riche et puissant, mais atteint d'une affreuse maladie, la
lèpre ; il entre néanmoins sans s'arrêter.
Le chef de la cité le reconnaît, et aussitôt il ordonne à
ses serviteurs d'aller préparer un festin digne d'un
homme aussi illustre. Cependant il reste à la porte, avec
la foule qui est accourue au bruit de l'arrivée de celui qui
l'avait engendrée à la foi de Jésus-Christ.
Bientôt le thaumaturge, entouré de ses disciples du
monastère de Marmoutier, qui l'accompagnaient dans ses
courses évangéliques, sort de la crypte, et à la vue de tout
le peuple, le lépreux se jette à genoux.
« Daigne, je t'en supplie, ô saint évèque, accepter chez
moi l'hospitalité. La ville est encore assez loin, et tu ne
pourrais sans inconvénient partir à cette heure. Que la
laideur de mon mal ne l'empêche pas d'accepter mon olfre;
j'ai dans ma villa des logeuients convenables pour te
recevoir.
— Sans doute c'est la volonté du Seigneur que je loge
XL" SESSION, A GHATEAUROUX. 4 H
chez toi, mon frère, lui répondit Martin. Conlbrme-
toi à l'usage, et donne le baiser de paix à ton hôte. »
Ce malheureux désirait ardemment toucher le saint;
mais le sentiment de honte que lui inspirait son hor-
rible mal l'empêchait d'avancer. Alors le saint, que la
lèpre ne souille pas, et qui, au contraire, guérit la lèpre,
s'approche de lui, et le premier il lui donne le baiser de
la bienvenue.
Martin accompagne avec sa suite l'hôte qui le conduit à
sa villa, sans doute une des plus somptueuses de celles
dont on voit encore les belles mosaïques que les instru-
ments des vignerons mutilent et réduisent en fragments
chaque jour.
La munificence du chef du raunicipe n'avait rien
épargné pour faire honneur à la pieuse caravane. Les
esclaves déploient toute l'habileté de leur art, et tout le
zèle que commandent les ordres du maître.
Le banquet terminé, l'hôte de Martin ne peut, au milieu
de cette fête, oublier sa propre misère, qui l'empêche,
malgré sa haute position, d'avoir de fréquents rapports
avec ceux qui l'entourent; il s'approche du Saint, se
prosterne de nouveau à ses pieds, lui montre le hideux état
de son corps, et le conjure de le guérir.
« Je suis ton débiteur, lui répond Martin ; je prierai pour
toi : aie confiance dans le Seigneur, purifie-toi de tes
fautes, et demain, à la messe solennelle que je célébrerai,
viens recevoir de ma bouche le baiser de paix, et de ma
main le corps du Sauveur. »
Le lendemain, une immense multitude se rassemble
devant le palais du chef de la cité. Après avoir récité
l'office des Matines avec ses clercs, Martin sort, et se
rend à l'église pour y célébrer l'auguste sacrifice de la
messe, pendant lequel le lépreux reçoit le baiser de paix
412 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
et la sainte communion. Ce fut merveille, alors, de voir
le sacrifice de l'autel qui donne la santé, de l'âme, produire
en même temps le salut du corps : celui qui s'en est ap-
proché lépreux et immonde s'en retire sain et purifié.
A la vue d'un tel prodige, les habitants de Gabatton, qui,
depuis qu'ils sont chrétiens, ont pour Martin les senti-
ments de la vénération la plus profonde, exaltent à l'envi
la gloire du Christ dans Martin et la puissance de Martin
dans le Christ.
Cette légende a été recueillie dans les vieux parchemins
de l'insigne basilique de la collégiale de Saint-Sylvain de
Levroux, par un auteur de notre temps, le Père Labbe,
si renommé par son érudition et ses infatigables re-
cherches.
Une tapisserie du xvi* siècle, qui est un des plus beaux
joyaux du musée de la ville de Montpezat ( département
de Lot-et-Garonne), contient quinze tableaux de la vie de
saint Martin, sur cinq pièces brodées à la main. — Trois
tableaux sur chaque pièce.
Le miracle de la guérison du lépreux du Berry est re-
présenté sur la troisième pièce de la tapisserie, neuvième
tableau de la collection. Voici comment est rendue cette
scène touchante ;
Martin, assisté d'un seul clerc, célèbre le saint sacri-
fice de la messe. Le lépreux, à genoux, baise l'instru-
ment de paix que le clerc lui présente, et se trouve immé-
diatement guéri. Trois personnes, qui viennent d'entrer
dans l'église, paraissent s'entretenir du miracle.
On lit au bas de cette représentation :
Comme Martin chantait messe.
Son hôte était, de lèpre plein,
En baisant la paix, eut liesse,
Car il fut guéri tout à plein.
XL'' SESSION, A CIIATHAUHOIJX. A]',]
Un conteur tourangeau, Péan Gàtineau, (jui vivait au
xir siècle, et qui nous a laissé une vie populaire de saint
Martin en rimes, a longuement décrit toutes les cir-
constances de la guérison du meseau (le lépreux) dans
une tirade composée de quatre-vingt-six vers. Nous ne
citerons que les quatre vers qui terminent le récit, parce
qu'ils sont une preuve sans réplique qu'au xii" siècle
on croyait que la ville de Levroux tirait son nom du mi-
racle opéré par saint Martin de Tours en faveur de l'un de
ses detors (débiteurs).
Ainsi rendit Martin de Tors
Sa deite a i. de ses detors,
La ville en fut Levroux nommée,
Qui Grabattotest apellée (i).
Nous apprenons du même Péan Gàtineau que saint
Martin venait chaque année en pèlerinage au tombeau de
saint Silvain.
Martin eut tozjorz en usage,
Qu'il alout en pèlerinage,
A Saint-Souain chaque seson (2).
Que de voyages saint Martin n'a-t-il pas faits à Gabatton,
puisqu'il a vécu, suivant quelques auteurs, jusqu'à l'âge
de quatre-vingt-dix ans !
Une chose, ce me semble, doit piquer la curiosité du
lecteur : comment se fait-il que saint Martin, dont la vie
était vouée aux travaux d'un apostolat qui embrassait la
(1) Fie de monseigneur saint Martin de Tours, par Péan
Gàtineau, p. 83.
(2) Idem., p. 79
414 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Gaule entière, ait interrompu cliaque année ses occupa-
tions habituelles pour venir prier dans une petite crypte
des environs de Gabatton.
Nous espérons être en mesure de donner la clef de
l'énigme et de prouver que le tombeau déposé dans la
crypte des environs de Gabatton, est celui du Zachée de
l'Évangile. Dans cette hypothèse, la dévotion de Martin
serait complètement justifiée; il venait honorer un des
intimes amis de son divin Maître.
Dans un de ses voyages de Tours à Gabatton, Martin
entra en Berry par Cloué, Claudiomachus, localité gallo-
romaine, sur les confins de la Touraine et du Berry, qui
avait alors une certaine importance (1).
Il y avait alors à Claudiomachus, dit Sulpice-Sévère,
une église célèbre par la piété des moines qui la desser-
vaient, et non moins glorieuse par la multitude de ses
vierges sacrées. Obligé d'y passer la nuit, Martin choisit
pour logement la sacristie, où il permit qu'on lui préparât
un lit composé de quelques poignées de paille étendues
sur le pavé. Dès le retour de l'aurore, Martin quitte Clau-
diomachus pour continuer son chemin. Après son départ,
toutes les vierges, pleines de vénération pour sa sainteté,
se précipitent dans la sacristie ; elles y cherchent les traces
de son séjour, les endroits où il s'est arrêté, le lieu où il
a reposé ses membres fatigués, et y collent leurs lèvres
avec un profond respect ; puis, se jetant à l'envi sur la
paille qui lui a servi de lit, elles la partagent entre elles,
comme les vainqueurs se partagent un riche butin.
Une d'elles, ayant rencontré quelques jours après
un homme que le démon rendait furieux, lui suspend
au cou une portion de la paille qui lui était échue,
(1) Sulpice-Sévère. Dialogue 2, n° 8.
XI.'" SESSION, A CIIATKAIIKOUX. Ai't
et à l'iiistiint iiiènnî le, ponsiult'i (ist drlivré, il est t^iiiM'i.
De Cloué, Martin passe par Heugnes ; c'est la voie la
plus courte pour se rendre à Gabattou, L'église de lleu-
gnes est placée sous le vocable de saint Martin, en mémoire
de son passage.
De Heugnes à Argy il y a peu de distance ; il parait
que les habitants d'Argy eurent pour saint Martin tant de
vénération, qu'ils firent tous leurs ellorts pour inculquer
dans le cœur de leurs enfants ces nobles sentiments. Ce
qu'il y a de certain, c'est que la mémoire du passage de
saint Martin à Argy est encore aussi Iraiche aujourd'hui
qui si l'événement avait eu lieu hier.
Un vénérable prêtre, M. Fonjouquet, curé d'Argy, a
recueilli avec le plus grand soin, comme des perles pré-
cieuses, tous les récits de ses paroissiens sur les cir-
constances du passage du thaumaturge des Gaules dans
la localité dont il est le pasteur depuis vingt ans. Plus
d'une fois il nous avait communiqué ces traditions popu-
laires. Nous étions très-heureux de l'entendre; mais il
nous survenait de temps à autre un soupçon, un doute.
Quel ne fut pas notre étonnement lorsque le livre de
Péan Gàtineau, que personne ne connaissait avant qu'il
fût édité par la Société des Bibliophiles de Touraine, nous
tomba entre les mains !
Nous y lûmes, consignées par écrit dès le xii'' siècle,
toutes les traditions que racontent les habitants d'Argy.
Nous n'en citerons qu'une seule : elle est si curieuse et
si bien gravée dans la mémoire de nos paysans, qu'ils la
racontent avec une grande simplicité, et sans oublier les
plus minutieux détails.
Martin, après avoir chanté la messe dans l'église d'Argy,
se met en route pour Gabatton. Arrivé sur le bord d'une
fontaine, il dit à Brice, qui l'accompagnait, d'attacher à
410 CONGRÈS ARCHÉOLOGloUE DE FUANC.E.
un arbre l'àiie sur lequel il était iiionté; il voulait se re-
poser et dormir.
Brice exécute les ordres de son évéque ; puis il enfonce
dans la terre, près de la tête du saint, le bâton dont se
servait ce dernier. Quant au sien, il le place près de ses
pieds.
Quel ne fut pas l'étonnement de Martin lorsque, à son
réveil, il vit les deux bâtons couverts d'un épais feuillage!
Les habitants du pays donnèrent à ces deux arbres le
nom d'arbres de Saint-Martin.
Un habitant d'Argy, ayant osé en couper une branche
pour en faire du feu, l'emporta dans sa maison. Le soir
étant venu, il monte sur la bûche pour atteindre la planche
sur laquelle son pain était placé. La bûche roule sous ses
pieds, et il se rompt le cou.
Depuis lors, les arbres de Saint-Martin furent regardés
comme des objets sacrés, auxquels une main profane ne
devait pas toucher.
La fontaine des environs d'Argy, près de laquelle saint
Martin s'est reposé, porte encore aujourd'hui sou nom (l).
L'église d'Argy est sous le vocable du saint, en mé-
moire de son passage en ce lieu, et de la grande vénération
des habitants pour le saint évêque de Tours.
D'Argy, le chemin passe en ligne directe par une localité
nommée Saint-Martin-de-Lamps, dont l'église est dédiée
au thaumaturge des Gaules, par le même motif, suivant
toute vraisemblance.
A Levroux, dans la basilique, l'autel principal est sous
le vocable de saint Silvain; mais dans un des absidioles
il y a un autel dédié à saint Martin.
(<) Vie de monseigneur saint Martin, par Péan Gâtineau;
soixante-cinq rimes sur Arge, Argy.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 417
Quand Martin vint à Claudioniuchus, il se rendait à
Konie : cette indication détermine l'itinéraire qu'il a Huivi,
itinéraire, du reste, qui a laissé des traces encore subsis-
tantes.
De Gabatton le saint évèque passa à Villegongis, localité
placée sur la voie romaine de Gabatton à Argentomagus.
L'église de Villegongis est sous le vocable de saint Mar-
tin. De Villegongis, notre illustre voyageur vint à un lieu
sans nom, situé au haut d'un monticule, sur les bords de
l'Indre.
Près de ce lieu existaient encore, il y a soixante ans,
des débris de pierres que le peuple nommait les Pierres
Folles.
C'est l'endroit où Raoul le Large, prince de Déols, bâtit,
au X® siècle, un château auquel il a donné son nom (1).
Un acte authentique constate qu'il y avait en ce lieu,
avant 917, une église et un monastère sous le vocable de
saint Martin.
Des actes, en grand nombre, font toi que les seigneurs
du château Raoul taisaient hommage, non de leur fief ou
de leur château, mais seulement de leur donjon, aux ar-
chevêques de Tours, successeurs de saint Martin : ils
avaient droit d'y loger, mais dans une seule circonstance,
quand ils se rendaient à Rome.
Du lieu où est aujourd'hui le vieux castrum de Raoul
le Large, Martin se rendit à Ardentes, localité gallo-ro-
maine, où l'on voit encore les débris de la voie qui
conduisait d' Argentomagus à Avaricum. Mais avant d'ar-
river à Ardentes, il traversa une vaste forêt.
L'église d'Arthon, qui estcontiguë à cette forêt, est sous
le vocable de saint Martin. Chose digne de remarque, le
(1) Raoul le Large vivait de 93."> à 95^.
XL" SESSION. 27
418 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
culte de saint Sylvain est en honneur dans l'église d'Ar-
thon et dans une chapelle voisine, où l'on va encore
aujourd'hui en pèlerinage.
Ne serait-ce pas saint Martin qui aurait introduit dans
cette localité, lors de son passage, le culte d'un saint si
aimé et si vénéré par lui ?
D'Ardentes, Martin suit le cours de l'Indre et s'arrête
en un lieu nommé Nohant , mot celtique qui signifie
prairies.
Du haut du monticule où est situé Nohant, et d'où l'on
domine tout le pays, saint Martin plane comme un aigle.
J'aime à voir dans le paysage la petite église de No-
hant, décorée de vieilles peintures murales, qui l'ont fait
classer au nombre des monuments historiques.
En quittant Nohan, Martin traverse un camp romain:
la Châtre [Castra] ; puis il va droit à Lacs, station sur la
voie romaine d'Argentomagus à Mediolanum. A Lacs
existait un temple dédié aux idoles.
Nous avons visité, il y a quelques mois, Lacs et son
église romane. Les débris du vieux temple païen ont été
conservés et placés dans les murailles de l'église chré-
tienne.
Est-ce Martin qui a détruit à Lacs le temple des idoles ?
nous l'ignorons; mais ce que nous savons, c'est que l'église
est sous son vocable. Ne serait-ce pas en mémoire de son
passage et de la conversion de habitants?
A Lacs, Martin avait encore quelques lieues à parcourir
avant d'arriver à Mediolanum, où se trouvait l'embran-
chement de deux routes conduisant, l'une à Clermont,
l'autre à Autun. Par l'une et l'autre de ces deux voies il
pouvait gagner Lu gdunum, et deLugdunum aller à Rome.
Entre Lacs et Mediolanum se trouve, à moitié chemin,
une localité qui porte le nom d'Urciers.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 419
Saint Martiu y a passé, et l'église est sous son vocable.
Nous pensons que saint Martin a traversé plusieurs fois
Mediolanuni.
C'était le chemin qu'il a dû suivre, s'il n'a pas fait de
fort longs détours, toutes les fois qu'il est allé à Itume, à
Autun et à Clermont.
A Mcdiolanum, les vieux titres font nriention d'une cha-
pelle érigée en dehors de la grande église du prieuré des
Bénédictins de Déols, où saint Martin était honoré.
De Claudiomachus à Mediolanum, des contins de la
Touraine aux confins du Bourbonnais et de l'Auvergne,
sur une ligne d'environ trente lieues, Martin a traversé
douze localités.
Dans ces douze localités, les églises, ou au moins une
chapelle, perpétuent le souvenir de son passage. Ce
passage avait donc été un des grands événements de ce
temps-là, puisqu'on avait tenu à en rendre le souvenir
impérissable. Nous ferons remarquer que le principe admis
par les plus savants liturgistes est que, dans les premiers
siècles, on n "élevait des églises ou des chapelles en l'hon-
neur des martyrs et des confesseurs que dans les lieux
consacrés par leur naissance, par leur habitation, par leur
passage ou par leur mort.
Saint Martin n'est pas né en Berry; il n'y est pas
mort; mais il a parcouru le pays des Biturges, il a marqué
son passage par la destruction des restes du paganisme,
par des miracles et par la conversion des peuples. Le Berry
reconnaissant lui a élevé des églises et des chapelles au
nombre d'environ soixante.
420 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
LOCALITES DU BERRY OU LE CORPS DE SAINT MARTIN
A REPOSÉ.
Saint Perpetuus, qui monta sur le siège épiscopal de
Tours soixante-quatre ans après la mort de saint Martin,
construisit une basilique magnifique, qui est regardée par
le savant M. Quicherat comme le plus riche et le plus
remarquable monument de l'époque. Le A juillet 473, le
corps de saint Martin fut transféré dans cette église.
L'évéque, avant de faire cette translation, avait réduit
tous les ossements du saint à la grosseur du corps d'un
enfant ; il les avait entourés de bandelettes et placés dans
un vase d'albâtre, qui fut lui-même enfermé dans un
coffre en forme de cercueil, fait avec un métal mélangé
d'or et d'argent, que les anciens appelaient e/ec^rwm.
Une inscription, qui ne nous a pas été conservée, attes-
tait que la châsse où reposait le corps de saint Martin
remontait au temps de Perpetuus.
Un second cercueil, de laiton, avait la même forme et
datait de la même époque ; mais, à la différence de l'autre,
il s'ouvrait par une porte munie de quatre barres cade-
nassées.
Malgré les nombreux déplacements, motivés surtout
par les invasions des Normands, le coffre d'electrum de-
meura intact pendant huit cent trente ans. Nous avons
l'acte authentique de l'ouverture de cette châsse, qui eut
lieu en présence de Philippe le Bel.
Outre la châsse que nous venons de décrire, il y avait
encore dans l'église de Perpetuus le sarcophage dans
XL» SESSION, A CHATEAUROUX. .12 1
lequel avait été renfermé d'abord le corps de saint Martin :
le grand artiste de la cour de Dagobert, Éloi, l'avait décoré
et orné de pierreries.
Sidoine Apollinaire, à la demande de Perpetuus, com-
jiosa une pièce en vers hexamètres ou pentamètres, qui
commence par ces mots :
Martini corpus totis vcncrabile terris, etc. etc.
En effet, la dévotion au tombeau de saint Martin était
si grande, qu'on y venait en pèlerinage de tous les points
de la terre.
Un concile d'Orléans n'a pas craint de dire : Galli-
cana peregrinatio ad corpus Martini Turonensis non cedit
Jerosolymitanx aut Romanx.
Ce corps si vénérable et si vénéré a reposé pendant
plusieurs années à Liraldus (Leré) en Berry, sur les
bords de la Loire, dans une crypte qui existe encore en
grande partie.
La crypte de Leré serait, dit-on, un des rares monu-
ments antérieurs à l'an mil, si elle n'a pas été refaite
entièrement à l'époque de la reconstruction de l'église
actuelle. Nous ne connaissons cette crypte que par les
dires de ceux qui l'ont visitée; ce qu'il y a de certain,
c'est qu'en 856, les Normands, ayant remonté la Loire
jusqu'à Orléans, faisaient partout d'affreux ravages.
Les chanoines de Saint-Martin transportèrent leur pa-
tron à Leré, villa que Charles le Chauve venait de leur
donner pour leur servir de lieu de refuge contre les inva-
sions des Barbares du Nord.
Ces Barbares rentrèrent dans leur tantonneraent à
l'embouchure de la Loire, et les chanoines de Saint-
Martin, l'ayant appris, quittèrent Leré, et revinrent avec
4'22 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
la châsse de l'apôtre des Gaules à leur monastère de
Tours. Ils y étaient certainement en 857, puisqu'au prin-
temps de cette année, des actes authentiques constatent
qu'ils étaient occupés à déblayer les ruines de leur abbaye
el à en relever les murs.
De 857 à 862, les chanoines de Saint-Martin de Tours
jouissent d'une tranquillité relative; mais au commence-
ment de 862 ils ont des alarmes et de vives craintes.
Charles le Chauve étant venu à Tours pour célébrer avec
eux, les fêtes de Pâques, ils profitent de la présence du
roi pour lui faire renouveler la donation qu'il leur avait
aile de la villa de Leré.
Au mois d'août 862, les Normands ravageaient l'Anjou.
A cette époque, les chanoines avaient mis leur corps saint
en sûreté, sur les bords de la Loire, à Leré.
En 864, Robert le Fort livra une grande bataille aux
Normands; mais il ne put les empêcher de remonter le
cours de la Loire l'année suivante, et de brûler le
monastère de Fleury-sur-Loire.
A la nouvelle de l'incendie de l'abbaye de Fleury, située
dans le voisinage de Leré, les chanoines de Tours s'em-
pressent de quitter cette résidence, pour se réfugier à
Marsat, dans les montagnes de l'Auvergne : c'était un
second lieu de refuge qu'ils tenaient en réserve, dans le
cas où ils seraient forcés de quitter Leré.
En 866, les chanoines de Tours se divisent en deux
bandes ; les uns restent à Marsat, et les autres reviennent
à Leré. Où était le corps de saint Martin ? Très-probable-
ment à Leré, où l'on avait construit une crypte souter-
raine pour y mettre le précieux dépôt en sûreté, non-
seulement contre les cupides Normands, mais encore
contre les vols pieux des saintes reliques, si fréquents
dans ces siècles de foi et de mœurs barbares.
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 423
Les chanoines n'ayant, ni à Ler6, ni à Marsat, un mo-
nastère assez spacieux, et désirant, d'autre part, s'éloigner
des lieux si souvent ravagés par l'ennemi, prièrent leur
protecteur, Charles le Chauve, de leur donner asile en
Bourgogne. Faisant droit à leur .'demande, le roi leur
donna la Celle de Chablis, près la ville de Tonnerre, par
un acte daté du 27 décembre 867.
C'est à Chablis que le corps de saint Martin reposera
jusqu'au jour oîi les Tourangeaux iront l'enlever à main
armée.
Le corps de saint Martin a donc traversé plusieurs fois
le Haut-Berry. Une première fois il a été porté de Tours à
Leré, et l'année suivante de Leré à Tours.
Une seconde fois il est revenu de Tours à Leré ; puis il
a été transporté à Marsat.
Si de Marsat il est revenu à Leré, il a traversé une troi-
sième fois le Berry.
Une quatrième fois il a dû repasser par le Berry, quand
les Tourangeaux l'ont transporté, dans une marche triom-
phale, d'Auxerre à Tours.
Sur la ligne de Tours à Leré il y a deux stations prin-
cipales où le corps de saint Martin a dû séjourner, Massay
et Aubigny.
A Massay, l'abbaye des Bénédictins était sous le vocable
de saint Martin, sans doute en mémoire de la translation
de son corps et du séjour qu'y firent les chanoines de
Saint-Martin, si éprouvés par le malheur, et réduits à
verser si souvent des larmes sur les ruines de leur monas-
tère, pillé par les Normands.
A Aubigny, l'église collégiale dépendait de l'abbaye de
Saint-Martin de Tours; mais la question est de savoir si
elle en dépendait au moment des invasions normandes,
ou si elle fut donnée aux chanoines de Tours après les
424 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
invasions, pour perpétuer le souvenir du passage du pieux
cortège, portant avec respect les reliques du saint.
Un respectable curé d'Aubigny, M. Cantin, avait fait
les plus minutieuses recherches pour constater, à l'aide
des traditions et des monuments encore debout, tous les
lieux de notre Berry où le corps de saint Martin avait
séjourné. On dit que son travail contenait de précieux ren-
seignements. Qu'est-il devenu? Personne n'a pu me le
dire; je le regrette vivement.
Ainsi le Berry, qui avait acclamé saint Martin pendant
les jours de sa vie mortelle, l'acclama encore après sa
mort, et, j'oserais dire, avec une confiance et un enthou-
siasme d'autant plus grands que depuis le jour où l'àme
de saint Martin est entrée dans le ciel, il a plu au Seigneur
de signaler son serviteur à la vénération des peuples par
un redoublement de prodiges si grands et si extraordi-
naires, que la France se porte encore aujourd'hui en
masse à son tombeau pour honorer ce mort ds quinze
siècles.
La 19* question du programme : Caractères principaux
des églises du Bas-Berry, depuis le xi" siècle jusqu'à la
Renaissance, est traitée par M. l'abbé Damourette dans un
intéressant mémoire dont il donne lecture.
Caractères principaux des églises du Bas-
Berry, depuis le XI*^ siècle jusqu'à la
Renaissance.
Celui qui étudie avec attention les pouillés du diocèse
de Bourges, remarque facilement que presque toutes les
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 425
églises des prieurés ou des paroisses du Bas-Berry étaient
sous la dépendance des abbayes ou des chapitres.
Aux XI" et XII'' siècles, les églises primitives tombaient
de vétusté; il fallait les rebâtir. Les abbayes riches et
puissantes alors, et les chapitres du diocèse de Bourges, se
mettant résolument à l'œuvre, firent surgir de terre,
jusque dans nos villages les plus humbles, des réductions
en petit des églises mères. Il ne faudrait pas croire cepen-
dant que ces petits monuments reproduisissent trait pour
trait nos grandes églises abbatiales ou collégiales. L'imi-
tation se bornait souvent à adopter les méthodes de con-
struire, le style, et quelques détails d'ornementation.
Depuis longtemps j'ai proposé, pour cette série d'édi-
fices, un mode de classification qui consiste à grouper,
comme Tont fait les anciens pouillés, nos églises du Bas-
Berry, d'après leur provenance, sous les églises mères
dont elles dépendaient.
Ce système fut adopté par un de nos archivistes, M. Des-
planques. Plus j'étudie la question, plus il me semble
que ce mode de classification est le meilleur et le plus
naturel : il relie la tige à la souche.
SÉRIE DES ÉGLISES QUI ÉTAIENT SOUS LA DÉPENDANCE DES
ABBAYES.
Saint-Cyran-en-Brenne. — La règle de Saint-Benoît,
apportée dans le pays des Francs au yi'' siècle, se répandit
bientôt dans le Bas-Berry. Deux monastères d'hommes
furentfondés en Brenne par saint Cyran. SaintCyran, que
les documents contemporains nomment iS/g^îVonrîMS, appar-
tenait à une noble famille du Berry ; il fut envoyé dès sa
jeunesse à la cour du roi de Bourgogne par son père Sigelaïc,
1-26 CONGRÈS AiVCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
qui, d'après un document apocryphe, aurait été comte de
Bourges. Quoi qu'il en soit, toujours est-il que le jeune
Gyran fut confié à Flacoat, maire du palais des rois de
Bourgogne. Malgré l'opposition de ses parents, il se fit
clerc, et son père, étant devenu évèque de Tours, le choisit
pour le mettre à la tête de son clergé, en qualité d'archi-
diacre; mais bientôt il fut jeté en prison comme fou. On
lui reprochait, parait-il, de compromettre sou patrimoine
par les larges aumônes qu'il répandait dans le sein des
pauvres.
Flacoat, qui avait de grandes possessions en Brenne, lui
permit de construire deux monastères sur ses domaines :
l'un à Longoretum (Lonrey), et l'autre à Méobec.
Gyran et les disciples qu'il avait attirés par l'odeur de
ses vertus, avaient un si grand amour de la pauvreté
évangélique, qu'ils ne voulurent habiter que des huttes
faites avec des branches d'arbres.
Le monastère de Longoretum deviendra plus tard la
trop fameuse abbaye de Saint-Cyran, si connue comme
ayant servi de berceau au jansénisme. Le monastère de
Saint-Cyran, rebâti en partie, existe encore, mais l'église
a été complètement détruite.
Les moines de l'abbaye de Saint-Gyran furent-ils, au
moyen âge, des artistes distingués?
Oui, si nous en jugeons par les églises qu'ils nous ont
laissées.
Je citerai, comme des échantillons de leur savoir-faire,
les églises de Ponay, de Douadic, d'Azay-le-Ferron et de
Saint-Michel-en-Brenne.
Église de Ponay. — L'église de Ponay est remarquable
par jses peintures murales, et surtout par les riches
sculptures de la baie principale. (Style du xii^ siècle.)
XL" SESSION, A CHATEAU UOUX. 4.27
Église de Douadic. — L'église de Douadic est une (illc
qui fait le plus grand honneur à sa mère. On rencontre
dans son ensemble, comme dans ses détails, les caractères
d'un style si simple et si beau en même temps, ([u'on peut,
sans crainte de se tromper, la signaler aux architectes
comme un modèle qu'ils pourraient copier lorsqu'ils ont
à bâtir une église de petite dimension. Elle date de la fin
du xii"" siècle et du commencement du xiri".
La première travée, en entrant, est presque envahie
par les piliers qui soutiennent la tour carrée du clocher.
Le côté qui regarde la nef est percé d'une élégante ouver-
ture de 2 mètres de largeur. L'arcade qui la couronne
repose sur des colonnes semblables à celles de la nef.
Le chevet est aussi percé de trois belles fenêtres hautes
et élancées. Au-dessus de ces fenêtres se déroule la scène
du Jugement dernier. Cette peinture murale est divisée
en deux parties : la première représente les morts sortant
de leurs tombeaux. On voit entre autres un prêtre revêtu
de ses ornements sacerdotaux et un moine vêtu d'un froc
gris. A genoux sur le bord de son tombeau, le religieux
prie le souverain Juge , les mains jointes et soulevées
au-dessus de sa tête, dans l'attitude d'un homme qui im-
plore grâce et miséricorde.
Au-dessus, sur un siège richement orné, les pieds posés
sur un escabeau, Jésus-Christ, avec un air sévère, va
prononcer la terrible sentence; à droite et à gauche, des
anges tiennent en main les instruments de la Passion.
L'église de Douadic a le rare bonheur de n'avoir jamais
été défigurée par des restaurations inhabiles.
Azay-le-Ferron. — L'église d'Azay-le-Ferron est con-
struite avec un appareil neaucoup plus soigné que celui de
Douadic.
i-28 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Les sculptures et les ornements des deux portes d'entrée
accusent la date du xi'^ siècle; mais si le visiteur pénètre
dans l'intérieur de l'édifice, il voit apparaître toute la riche
ornementation du xiii'' siècle.
On a eu l'heureuse idée de faire disparaître un retable
de mauvais goût, du style de la Renaissance. Ce retable en
pierre cachait aux regards une admirable abside à fenêtres
élancées et à voûtes à nervures.
Saint-Pierre-de-Méobec. — L'abbaye de Saint-Pierre de
Méobec est sœur de l'abbaye de Lonrey.
Saint Cyran, à Méobec comme à Lonrey, ne construisit
pour lui et pour ses moines que de pauvres cabanes ; mais,
les dons des pieux fidèles affluant avec le temps, Méobec
devint une abbaye riche et puissante.
L'église abbatiale domine par son élévation toute la
contrée. Bâtie d'un seul jet, elle porte dans toutes ses
parties le cachet du style de la fin du xii*^ siècle.
La nef a été détruite, en 1560, par les soldats de l'armée
de Gondé.
L'abside, de forme circulaire, fixe surtout l'attention de
l'archéologue. Les murailles sont décorées de saints per-
sonnages peints à fresque, au milieu desquels figure saint
Martial, que les moines de Méobec vénéraient comme
ayant évangélisé l'Aquitaine et le Berry au i*'' siècle de
l'ère chrétienne.
Églises de Buzançais. — Les trois églises de la ville de
Buzançais : Saint -Etienne, Habilly et Notre-Dame du
Verger, relevaient de l'abbaye de Méobec.
Sur une ligne de plus de quinze lieues, de Buzançais
à Janvart, près Bélàbre, presque toutes les églises et
chapelles sont filles de cette église mère.
XL' SESSION, A CHATKAUROUX. 429
Chezellea. — Les églises de la filiation de Méobec ne me
paraissent pas remarquables sous le rapport de l'art. Je ferai
cependant une exception pour Ghezelles. L'église actuelle
qui date du xiii'' siècle, a succédé à une église du xii", qui
avait du mérite, si l'on en juge par les quatorze modillons
qui sont placés au-dessus de la porte latérale. Ces modil-
lons, provenant de l'église primitive, représentent des
fleurs, des figures d'hommes et d'animaux, d'une remar-
quable perfection, pour l'époque à laquelle ils appar-
tiennent.
Saint-Genou. — Vers l'an 828, Wifred, comte de
Bourges, et Ode, sa femme, fondèrent dans un de leurs
domaines, à Estrées, près de la voie romaine qui conduit
de Chabris à Poitiers, un monastère pour les fils de saint
Benoit d'Aniane.
Dodou, abbé de Saint-Savin en Poitou, y envoya une
colonie de fervents religieux.
Ce monastère ayant été dévasté plusieurs fois par les
Madgyars, aux ix*^ et x*^ siècles, les religieux, contraints
de l'abandonner, se réfugièrent à Saint-Pierre-le-Moutier,
en Nivernais. A leur retour, ne trouvant à Estrées qu'un
monceau de ruines, ils bâtirent leur abbaye sur un autre
emplacement, près des bords de l'Indre.
Une maladie, connue sous le nom de mal des ardents,
faisant d'affreux ravages en Berry, les pèlerins se ren-
dirent en foule pour vénérer le corps d'un évêque de
Cahors qui, ayant abandonné son siège épiscopal, était
venu terminer sa vie dans la solitude, près d'une fon-
taine où l'on montre encore l'emplacement de la petite
cellule qu'il habitait. Il se nommait Genulphus (saint
Genou).
Les dons affluèrent en si grande abondance à l'abbaye
430 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
des bords de l'Indre, où son corps avait été transféré, qu'on
fut bientôt en état d'édifier une magnifique église.
Cette église a été étudiée par les archéologues dans son
ensemble et dans ses détails avec la plus minutieuse
attention ; l'étude achevée, elle a été classée au nombre
des trente églises choisies comme les plus beaux types de
l'architecture religieuse française.
L'église de Saint-Genou rappelle, surtout à Tintérieur
le plan d'une basilique romaine. Le transept porte les
traces d'un remaniement qui parait dater du xiii'' siècle.
C'est à tort que l'auteur de la Monographie de la. basilique
de Saint -Genou a imprimé, dans les Archives des monu-
ments historiques, que la nef avait été détruite par les
huguenots. Ils vinrent à Saint-Genou, mais ils respec-
tèrent l'église de l'abbaye.
11 est certain, d'après les pièces originales qui existent
encore en grand nombre, qu'une partie de la basi-
lique menaçait ruine, et que pour remédier au mal,
on ne trouva d'autre moyen que de la démolir. Quelle
perte !
Si mutilé que soit aujourd'hui cet ancien monument,
il offre encore le plus haut intérêt, et il est une des pro-
ductions les plus originales de l'art chrétien.
L'intertransept est couronné par une voûte en forme de
coupole, dont les arcs retombent sur de riches culs-de-
lampe décorés de figures en pied représentant très-proba-
blement les chefs de l'abbaye ; des absides demi-circulaires
terminent les trois nefs.
On croit pouvoir affirmer qu'au lieu d'autels il y avait
dans les deux absidioles latéraux des sièges où les prêtres
se plaçaient pour entendre les confessions.
L'abside centrale est précédée d'un chonir d'une dispo-
sition très-remarquable. Ce chœur se compose de cinq
XL* SESSION, A CHATEAUROUX, A'.W
arcades pleiii-ciufre, dont les arcliivoltes reposent sur de
grosses piles, les unes cylindriques et les autres octogones,
surmontées de chapiteaux historiés.
Au-dessus de ces arcades existe un riche triforium. Ce
Irifurium dénote une école très-avancée, tant il est, comme
structure, à la hauteur des plus helles constructions de la
fin du xii^ siècle.
Les baies plein-cintre qui donnent la lumière à l'inté-
rieur du vaisseau sont flanquées de colonnettes à chapiteaux
à volute.
La voûte du choeur est beaucoup plus élevée que celle de
l'abside majeure; une charmante arcature pourtourne les
trois absides.
Le monument n'est pas moins orné à l'extérieur ; tous
les murs sont couronnés d'élégantes arcatures, les baies
sont encadrées de colonnettes, et les contre-forts dissi-
mulés par de belles colonnes montant de fond jusqu'aux
corniches.
Honneur à l'abbaye de Saint-Genou ! Elle nous a laissé
une preuve frappante et irrécusable de sa science et de son
entente de l'esthétique.
Les filles de l'abbaye de Saint-Genou sont au nombre
de quatre : la Celle-sur-Nahon, Saint-Pierre de Lans (de
Laude), Ville-Gouing, Argy.
Argy. — L'église paroissiale d'Argy avait été construite
dans l'enceinte même du château ; elle portait le cachet de
l'église mère. Sa tour carrée, surmontée au xV siècle
d'une belle flèche, se mariait avec grâce aux tours du
château d'Argy. On jugea convenable, il y a quelques
années, de transférer sur un autre emplacement la vieille
église du moyen âge. Mais qu'a-t-on édifié pour la rem-
placer?
432 CONGRÈS ARGHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Une église qui a été construite avec une économie si
parcimonieuse, que les ressources ont lait défaut lorsqu'on
a demandé, au nom des règles les plus vulgaires de
l'esthétique, de mettre la hauteur de l'édifice enharmonie
avec sa longueur.
Déols. — Déols, hélas! n'est plus qu'une ruine impo-
sante. Des quatre tours carrées, construites à chacun
des angles du narthex, il n'en reste plus qu'une seule qui
se termine par un cône en pierre, flanquée de quatre
clochetons.
Pourquoi faut-il que les huguenots soient venus trois
fois mettre le siège devant Déols ?
En face de l'abbaye, sur l'autre rive de l'Indre, on voit
encore les débris d'un fort où l'on avait pratiqué des em-
brasures. C'est abrités derrière cette forteresse, que les
assiégeants lancèrent sur Déols leurs projectiles. Bien que
l'abbaye fût défendue par l'élite de la noblesse du Bas-
Berry, elle succomba dans la lutte, et les vainqueurs,
dans leur délire, incendièrent un des plus beaux monu-
ments de la France. Ce triste événement eut lieu en
novembre 1507. Les flammes n'épargnèrent qu'une des
tours et la chapelle de Notre -Dame-des-Miracles.
Cette chapelle, adossée à la basilique du xii" siècle,
offrait deux étages superposés.
On accédait à la chapelle haute par un large escalier
extérieur qui aboutissait à un palier sur lequel ouvrait
une porte divisée en deux compartiments.
Sur la paroi de la muraille contre laquelle ce bel
escalier était appuyé, était sculptée en ronde-bosse la figure
colossale d'un guerrier monté sur un superbe coursier.
Était-ce la figure du fondateur de l'abbaye ou la figure
du fondateur de la chapelle?
XI.'' SESSION, A CIIATEAUllOUX. 433
Le fondateur de l'abbaye est Ebbes le Noble, vaillaiiL
guerrier aussi pieux qu'il était grand homme de guerre.
C'est lui qui avait fait venir à Dt'ols, en 910, une colonie
de religieux de l'abbaye de Cluny. Il semble que la statue
équestre d'Ebbes le Noble eût été mieux placée près de la
porte de la grande église que dans l'escalier d'une cha-
pelle bâtie après coup et hors de l'ouvre. Aussi serais-je
porté à croire que le personnage sculpté à l'entrée de la
chapelle de Notre-Dame-des-Miracles était le roi Philippe-
Auguste. Il assiégeait la ville de Chàteauroux, lorsqu'il
accourut en toute hâte avec son chapelain, l'historien
Rigord, pour être témoin d'un événement qui mit en émoi
l'armée anglaise et l'armée française.
Un des soudards de l'armée du roi Richard, jouant aux
dés et perdant l'argent qu'il avait acquis par le vol et la
rapine, fut pris d'un si violent accès de fureur, qu'il
lança une pierre contre la Vierge-Mère, qui tenait sur ses
genoux son divin Fils. La pierre atteignit le bras <le
l'enfant; il en sortit du sang en abondance. Cet événe-
ment fit une sensation si profonde que les deux rois licen-
cièrent les soudards et firent la paix.
Philippe- Auguste aura voulu perpétuer le souvenir du
prodige en faisant bâtir à ses frais, sur le lieu même où
s'était opéré le miracle, une chapelle commémorative. Ce
roi, qui avait ordonné que sa statue équestre lut placée
dans la nef de la cathédrale de Paris, aura voulu se faire
représenter à Déols, en qualité de fondateur de la chapelle
des Miracles, monté sur son cheval de bataille. Quoi de
plus frappant pour rappeler aux habitants de notre Bas-
Berry qu'il avait été, par ses exploits contre l'Anglais,
le libérateur de leur territoire!
Cette chapelle, en si grande vénération dans Inulc la
contrée, n'existe plus aujourd'hui. Elle a été démolie en
XL^ SESSION. -^
434 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
4832; il n'en reste que le beau bas-relief qui surmontait
la porte d'entrée de la chapelle basse. On peut voir dans
le jardin du bureau de Bienfaisance de Châteauroux ce
remarquable morceau de sculpture.
Si l'on en croit M. Viollet-le-Duc, ce juge si compétent,
le Berry avait du xi* au xii' siècle des écoles de sculp-
ture oîi le ciseau était habilement tenu par les moines de
cette époque.
XL" SESSION, A CIIATEAUKOUX. 43H
Ces écoles, à côté de traditions gallo-romaines encore
Irès-puissantes, admetlaient certains éléments byzantins
très-purs.
L'abbaye de Déols était certainement un des centres
d'où rayonnaient au loin ce rapprochement entre l'art
gallo-romain corrompu et l'art néo-grec romain, importé
par les premières croisades. Cette puissante abbaye, en
ellet, fut douée d'une telle fécondité, que dans l'espace de
deux cents ans elle construisit environ deux cents églises
et chapelles dans le diocèse de Bourges et dans les dio-
cèses étrangers. Ce chiffre, qui seml)le exagéré, est cepen-
dant officiellement constaté dans un acte authentique du
pape Innocent IIl, en date de l'année 1212.
Nous ne prétendons pas dire que toutes les églises de la
filiation de Déols soient des chefs-d'œuvre sous le rapport
de l'art ; nous ne les avons pas toutes étudiées. Un travail
aussi complet dépasserait nos forces. Cependant, en exa-
minant avec attention celles qu'il nous a été donné de
voir, il nous a semblé qu'elles étaient plus ou moins belles,
suivant la richesse et l'importance des populations qui
ont aidé les moines de Déols à les bàlir. Du reste, dans la
sculpture d'ornement de la fin du xi'' siècle au milieu du
Xir, il y a des preuves non douteuses que les débuts de
l'école de Déols furent humbles et modestes, et qu'elle
n'arriva qu'après bien des tâtonnements à faire ces déli-
cates sculptures qui la placent si haut dans l'estime des
archéologues.
Les deux églises les plus remarquables de la filiation
de Déols sont sans contredit Saint-Genest de Chàteau-
meillant et Saint-Biaise de la Celle-Bruère.
Châteaumeillant. — L'église de Chàteaumeillanl est en
forme de croix. Tout ce qui remonte à la construction
4.3G CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE T>K KUANCF.
première est en plein cintre, et de style roman primilir;
mais ce qui nous a singulièrement frappé en contem-
plant avec admiration cette grande église, ce fut de voir se
dérouler à nos yeux étonnés sept absides ouvrant toutes
sur le transept.
La Celle-Bruère. — L'église de la Celle-Bruère appar-
tient au XII" siècle. Elle produit, par la longueur et l'har-
monie de ses lignes, un grand effet d'optique. Les bas-
côtés sont couronnés de voûtes en berceau.
Nous avons, à quelque distance de Chàteauroux, quatre
églises construites par Déols, qui méritent une attention
particulière : Bommiers, Saint-Martin d'Ardentes, Saint-
Martin de Lans, Montierchaume.
Bommiers. — L'église de Saint-Pierre de Bommiers a
beaucoup d'analogie avec celle de Clion : l'une et l'autre
ont des voûtes en bois ; mais le transept et l'abside de ces
deux églises sont de la belle époque romane.
Montierchaume. — L'église de Montierchaume est une
des rares églises à date certaine. Elle fut construite par
Leodegarius, archevêque de Bourges, qui en fit hom-
mage à l'abbaye de Déols. L'abside est à pans coupés et
d'un bon style ; cette église, fort délabrée, a été remise à
neuf et décorée de belles peintures à fresque qui font
l'admiration des connaisseurs.
Le sujet principal représente le saint évèque à genoux
aux pieds de la Vierge des Miracles de Déols et lui offrant
son église.
Lans et Ardentes. — Saint-Martin de Lans et Saint-
Martin d'Ardentes sont des monuments de petite dinien-
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 437
sioii ; ruais les nefs sont voûtées en pierre. Ces deux
églises sont vraiment très - remarquables comme types
d'églises rurales.
Je signalerai la porte latérale de Saint-Martin d'Ardentes
et la riche arcature, en style du xii* siècle, qui décore le
pourtour de son abside semi-circulaire.
Eglise de Saint-Aubin de Crevant. — L'église de Saint-
Aubin (le Grevant est bâtie en pierres de granit d'une
teinte noire ; le porche qui précède l'entrée principale est
surmonté d'une tour carrée avec des arcatures de style
ogival.
A gauche de la grande net" on a construit, je ne sais
à quelle époque, une seconde nef, très-basse, du plus
mauvais goût.
A droite est un rang de chapelles, dont l'une, trans-
formée en sacrarium, est remarquable surtout par sa voûte
à nervures prismatiques.
Eglise de Saint- Etienne de Chassignoles. — L'église
de Saint-Étienne de Chassignoles date de la même époque
que celle de Crevant ; elle était sous la dépendance de la
même abbaye.
Entre la tour carrée de Crevant et celle de Chassignoles
il va une si grande analogie, qu'on dirait que l'une et
l'autre ont été bâties sur le même plan et par le même
moine architecte; la seule différence, c'est que la tour de
Crevant est construite à l'entrée, sur les piliers du porche,
tandis que la tour de Chassignoles est établie sur la travée
du choîur.
Les moines de Notre-Dame de Déols, en leur qualité de
fondateurs et de patrons, n'avaient obligation de con.
struirc que le chœur et ses dépendances, la nef de l'église
i38 CONGRKS AUCMÉOl.OCIOrE PE FRANCE.
restant à la charj^e des habitants de la i)aroisse. Aussi
quel contraste entre le cli(i>ur et la nel ! L'un est une
œuvre d'art, l'autre est un pauvre hangar avec de grands
murs sans aucun ornement.
Les seigneurs de la localité construisirent au xvr siècle
deux vastes chapelles, dont les arceaux s'ouvrent sur le
chœur.
Les portes d'entrée des deux chapelles seigneuriales sont
très-remartiuables par la délicatesse et la prol'usion de leurs
ornements flamboyants.
Au-dessus de la porte de la chapelle, qui est à droite,
l'écusson porte des losanges. La maison de Chauvigny
étant éteinte à l'époque où la construction de cette chapelle
a eu lieu, cet écusson doit appartenir ou à une branche
bâtarde, ou à une branche apanagée.
hJglise de Saint-Martin d'Orcennes. — Cette église,
dans l'origine, avait un plan crucial bien accusé; sur l'un
des bras de la croix on avait construit une tour carrée,
lourde et massive.
Plus tard, le besoin d'un plus grand espace se faisant
sentir, les bras du transept se sont allongés en forme de
nefs latérales.
La voûte de la grande nef est en berceau ogival. Les
arcs-doubleaux de ces berceaux sont d'un dessin très-
incorrect : nouvelle preuve que les habitants des paroisses
étaient bien en arrière, lors même qu'ils voulaient imiter
l'architecture des moines. A Orcennes, on a certainement
voulu construire les voûtes de la nef sur le type des voûtes
du chœur et du transept; mais (juclle différence entre les
unes et les autres!
Cette vieille église vient d'être restaurée presque entière-
ment. Si certaines restaurations laissent à désirer, il est
XL" SKSSION, A f.llATKAlIROUX. iSO
triste de dire ([u'ellos ont été laites par des hommes de
l'art ; celles qui sont irréprochables sont ducs à des
ouvriers du pays qui se sont inspirés des lignes si simples
mais si pures des constructions des moines du xii" siècle.
L'église d'Orcennes se termine par un chevet rec-
tangulaire, ajouré par une grande fenêtre du xvi* siècle.
Pouligny. — Non loin de Crevant, une petite église
perdue au fond d'une campagne est consacrée à Marie sous
le vocable de Notre-Dame de Pouligny. Si modeste que
soit cette église, elle a cependant dans le chœur des
arcatures et à l'extérieur des modillons sur lesquels l'ar-
tiste s'est plu à sculpter, sur une pierre assez rebelle, des
fleurs, des animaux et des figures humaines.
Saint-Martial de C hâteauroux . — Dirons-nous un mot
de l'église Saint-Martial de Ghàteauroux? Ce n'était, au
xn" siècle, qu'une chapelle bien humble, avec une voûte
en bois ; cependant nous apercevons au-dessous des cor-
niches, des modillons que rantiijuaire admire, et dont
les figures fortement accentuées dénotent un habile ciseau.
Nohant-Vicq. — Nous aurions gardé sur l'église de
Nohant-Vicq un profond silence, si un hasard providen-
tiel n'était venu, en 1850, la tirer de l'oubli et de l'obscu-
rité. On a découvert à cette époque, sur les murs de cette
église, des peintures qui offrent un vaste champ à l'étude
du peintre, de l'archéologue et de l'hagiographe.
Les sujets représentés sur les murs de cette église sont
très-mombreux.
La scène qui domine toutes les autres offre à nos regards
le Christ dans sa gloire, environné des quatre Évan-
iiO CONGRÈS AUCHÉOLOGIOUE PE FRANXE.
gélistes, avec les emblèmes qui les distinguent : Taigle,
l'ange, le taureau et le bo^uf.
Il serait trop long de décrire toutes ces scènes bibliques;
du reste, les plus intéressantes ont été dessinées par
M. Regnaut-Breon, artiste distingué, par l'ordre et aux
irais du ministère des Beaux-Arts.
Trois cartons représentant les dessins de M. Régnant
sont déposés sur le bureau du Congrès. Reproduits par
notre habile photographe, M. Verdot, ils seront une des
curiosités du musée de notre ville.
Sur notre demande, M. Verdot a bien voulu faire
hommage d'un exemplaire de ces belles photographies au
comité historique et archéologique du diocèse de
Bourges. C'est un beau cadeau , dont nous sommes
heureux de le remercier.
Saint-Gildas. — Les destinées de l'abbaye de Saint-
Gildas ne peuvent se séparer de celles de l'abbaye de Notre-
Dame de Déols.
A l'époque des invasions normandes, les moines de
Ruis, en Bretagne, étaient venus demander à Ebbes le
Noble- refuge et protection.
Ils apportaient, avec leurs meubles les plus précieux,'
leurs corps saints et le calice qui, disaient-ils, avait servi
à Notre-Seigneur Jésus-Christ lorsqu'il fit la Cène.
Ebbes le Noble leur accorda une gracieuse hospitalité,
non dans une forêt, comme dit M. de Raynal dans son
Histoire du Berry, mais au bourg de Déols, dans un
ermitage entouré d'un petit bois, dont l'église consacrée
à Marie porta dans la suite le nom de Notre-Dame-la-
Petite.
Apres la mort d'Ebbes le Noble, son fils Raoul con-
struisit en face de son château un monastère vaste et
XL^ SESSION, A CHATEAUROUX. Wl
commodfi, ([ui fut le berceau d'une abbaye qui, sans
arriver à la célébrité de celle de Déols, vécut de la même
vie et eut la même fin.
Il ne reste presque plus rien de l'église abbatiale de
Saint-Gildas ; mais elle revit dans une de ses filles,
[a magnifique église du prieuré Saint-Marcel, prés
Argenton.
Saint-Marcel. — A Saint-Marcel on voit un exemple
de ce style mixte qui, suivant M. VioUet-le-Duc, com-
mence à Gluitcauroux (c'est-à-dire à Déols et à Saint-
Gildas), suit la route de Limoges, et s'étend jusque dans
la Corrèze. Dans l'église de Saint-Marcel, le transept est
de la fin du xii" siècle. Il est terminé par trois absides
L'abside centrale et celle qui surmonte la crypte où repo-
saitle corps de saintMarcel sont du beau roman de transi-
tion; mais l'abside qui est à côté de la tour du clocher est
en style ogival bienaccusé.
Parmi les autres églises qui dépendaient autrefois de
l'abbaye de Saint-Gildas, je distinguerai seulement une
église et une chapelle.
La Trinité de Villedieu. — L'église du prieuré de la
Trinité, à Villedieu, a été défigurée par une restauration
inhabile ; mais qu'on lui rende sa physionomie de la fin
du xu" siècle, et on en fera un monument qui n'égalera
pas en beauté sa sœur de Saint-Marcel, mais qui aura
bien cependant son mérite.
Si l'on en croit un homme qui a mis au jour des livres
cités avec éloge par les maîtres de la science archéologique,
les deux absidioles disposées à droite et à gauche du
chœur de l'église de Villedieu auraient été destinées à
recevoir les cathedra où les prêtres s'asseyaient pour
44.2 CONGHÈà AUC.HÉOLCGlQUli HE l'Il.VNCE.
entendre les confessions. 11 me semble que cette destina-
tion, si conforme à la liturgie de ce temps-là, est encore
plus marquée à Yilledieu qu'à Saint-Genou.
Qui n'a pas remarqué à Pont-Chrétien, sur les bords de
la Bouzanne, une délicieuse chapelle? C'est un petit bijou
que nous ont légué les moines de Saiut-Gildas. Elle
appartenait à onze propriétaires, qui la possédaient par
indivis. Heureusement qu'elle est tombée entre les mains
de M. le comte de Poix, (jui l'a restaurée avec autant
d'intelligence que de goût.
Saint-Paterne d'Issoudum. — L'année qui suivit l'arri-
vée des moines de Ruis, Raoul le Large, à la prière de
Laune, son oncle, archidiacre, et depuis archevêque de
Bourges, désira qu'un des corps saints apportés par les
Bretons fût transféré à Issoudun, dans une église dédiée
depuis longtemps sous le vocable de saint Martin. On fit
choix du corps de saint Paterne. Dès lors l'église changea
de vocable, et ne fut i)lus connue que sous le nom du
saint dont elle reçut les précieuses reliques.
Lorsque plus tard, pour mettre les reliques de saint
Paterne en lieu sûr, ou crut prudent de les transférer
dans le castrum d'Issoudun, l'église Saint-Paterne de-
vint un simple prieuré dépendant de l'abbaye de Notre-
Dame.
Abbaye de Notre-Dame d'Issoudun. — L'église de l'ab-
baye des Bénédictins de Notre-Dame d'Issoudun a subsisté
jusqu'en 1856. Restaurée au xvi'' siècle, elle avait perdu
en partie son cachet antique; mais au-dessous de l'église
existait, enfouie sous les décombres, une crypte anti([uc
dont on ne soupçonnait pas l'existence.
Cette crypte fut mise à découvert ([uand on fit des-
fouilles pour asseoir les fondations du palais de justice.
XL* SESSION, A CHATEAU ROUX. AA3
Elle était placée sous le chœur; le corps de saint i'alernc
y avait reposé. Le plan de cette crypte, relevé avec soin
par M. Choinard, architecte, offrait une forme rectan-
gulaire ; la voûte en berceau était soutenue par (juatrc
rangs de colonnes ornées de chapiteaux, dont les dessins
ont été reproduits par M. Eugène Royet.
Un dessin n" 1 nous donne le spécimen d'un chapiteau
caractéristique du xi" siècle. Il se compose de deux feuilles
seulement, recourbées en volute. Les autres chapiteaux
sont plus ornés et plus élégants.
444 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Dans le mur de fond de la crypte on a découvert des
fragments de sculpture d'un monument plus ancien ; ils
étaient engagés dans la masse de la construction comme
de simples matériaux.
A quel siècle appartenaient-ils? Nous l'ignorons. Qu'il
nous soit permis de dire que nous regrettons très-vive-
ment la destruction d'une crypte qu'il eût été si utile de
conserver, u'eùt-ce été que pour marquer les diverses
phases de l'histoire de l'art dans le Bas-Berry ; il eût été
très-intéressant d'avoir sous les yeux un monument qui
eût démontré que les arts étaient aussi cultivés à Notre-
Dame d'Issoudun qu'à Notre-Dame de Déols et à Saint-
Gildas de Ghàteauroux ; ces trois abbayes étaient sœurs.
J'entends dire autour de moi que l'église du prieuré de
Saint-Paterne était comme la crypte de l'église mère
dont elle dépendait; une œuvre admirable, que le vice-
amiral Duquesne voulait conserver au prix des plus géné-
reux sacrifices. Gomment se fait-il qu'elle soit tombée sous
le marteau du vandalisme ?
Heureusement que la veuve du vice-amiral conserve
avec soin les beaux chapiteaux provenant de la démolition
de ce monument.
Lo. Champenoise. — Nous ne possédons aujourd'hui
qu'une seule relique complète de l'abbaye de Notre-Dame
d'Issoudun : c'est l'église de la Champenoise. Je ne
l'ai pas vue depuis plusieurs années, mais il me semble
que je puis affirmer que l'abside surtout est du style de
la belle période romane, et (ju'elle frappe les regards par
la pureté de ses ligues et la gi-andeur de ses proportions.
Fontgombaut . — Un abbé de notre célèbre abbaye de
XI."- SESSION, A. CHATEAUUOUX. iio
Déols, Adalhcrt, fut élu arclievwjuc de Bnur[,^cs pur lo
chapitre métropolitain.
Sous son pontificat, vers d092, un de ses amis, Pierre
de l'Étoile, vint habiter sur la rive gauche de la Creuse,
avec plusieurs disciples , des cellules qu'ils s'étaient
creusées dans le roc; tous vivaient en commun sous la
même règle.
L'ermitage de Fontgombaut était l'image d'un monas-
tère; il avait sa petite église en style roman, dédiée à
saint Julien, évèque du Mans, et à saint Antoine, pre-
mier ermite. Dans la crypte, la sainte Vierge était honorée
sous le titre de Notre-Dame des Grottes.
Au milieu des cellules on voit encore une excavation
taillée dans le rocher, avec des traces de scellement pra-
tiqué dans le tuf. C'est là qu'était la salle du chapitre.
Un baptistère creusé dans le roc, une fontaine d'eau lim-
pide, désignée sous le nom de la Fontaine de Gombaut,
et une cuisine percée à la voûte d'une ouverture circulaire,
complétaient la laure antique.
Je suis porté à croire qu'une seconde crypte, communi-
quant par une ouverture, aujourd'hui bouchée, avec la
chapelle souterraine de la Vierge de la Grotte, servait de
reclusoir à un des ermites.
Parvenu à un âge avancé, Pierre de l'Étoile se déter-
mina à transporter sa colonie de solitaires sur la rive
droite du fleuve.
Avec l'aide des seigneurs deBuzançais et deLaTrémouille,
il bâtit un monastère et jeta les fondements d'une vaste
église, avec collatéral autour du chœur et une tour carrée
sur la croisée du transept.
La forme du monument est celle d'une croix lati ne ; la nef
et le chœur, d'une longueur de 82 mètres, sont divisés en
trois parties, par des rangs de piliers cylindriques.
440 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Au pourtour du chœur, les arcaturesàplein cintre, que
supportent de belles colonnes, prennent cette forme étroite
et surhaussée qui réunit tant d'originalité à tant de
grâce.
Le portail de l'édifice est encore debout, surmonté d'une
grande baie et d'un pignon. Ses sculptures reproduisent
ces échiquetés, ces entre-lacs et ces tores rompus que le
ciseau byzantin savait si bien suspendre aux courbes du
plein cintre, pour en dissimuler la pesanteur.
Il va sans dire que Fontgombaut est classé depuis long-
temps au nombre des monuments historiques du départe-
ment de rindre.
Aujourd'hui que Déols est une ruine, et que Saint-
Genou est mutilé, Fontgombaut serait l'église aimée de
l'antiquaire, si ses trois nefs, dont les protestants ont
renversé les voûtes et les toitures, étaient remises à
neuf.
On irait voir Fontgombaut comme on va voir Saint-
Cernin de Toulouse , l'un comme type de l'école du Berry,
et l'autre comme type de la grande école de Toulouse.
Saint-Cernin est, sans contredit, plus grandiose et plus
orné; cependant, quoique Fontgombaut soit plus simple
et plus sévère, il serait pour le centre de la France ce que
Saint-Cernin est pour le midi, la merveille et la perle de
de la contrée.
Qui donc rendra à la belle et grande église du xii* siècle
sa beauté et sa forme primitives?
Les moines de Fontgombaut? Ils sont trop pauvres ; les
colons qu'ils y élèvent, et les larges aumônes qu'ils
répandent, absorbent leurs ressources.
11 serait digne des nombreuses sociétés archéologiques
qui sont disséminées sur tous les points du territoire
français, de venir en aide à de pauvres moines, très-méri-
XL" SESSION, A CII.VTKAUKOUX. iil
tants, qui ont déjà sauvé d'une ruine imminente de
notables parties de l'un des monuments les plus remar-
quables de France (l).
L'abbaye de Fontgombaut n'avait sous sa dépendance
que trois paroisses : l'une dans le bourg de Fontgombaut,
l'autre à Chamussay (diocèse de Tours), et la troisième à
Montlivon (diocèse du Mans). Elle a construit un grand
nombre de chapelles, dont plusieurs ont été dessinées
par M. Voisin, curé de Douadic; elles sont d'un bon
style.
Saint- BenoU-du-Sault. — L'antique prieuré de Saint-
Benoit-du-Sault était sous la dépendance de l'abbaye de
Fleury-sur-Loire ; cependant cette prévôté avait le droit
d'avoir, comme une abbaye, des [prieurés et des églises
sous sa juridiction.
L'église de la prévôté existe encore : elle est lourde et
massive ; les piliers qui soutiennent la voûte sont carrés
et sans aucun ornement. Elle est du xii*^ siècle ; le clocher
est plus moderne.
Du prévôt de Saint -Benoit dépendaient les églises
d'Azerables, de Parnac , de Mouhet, de Lachâtre-au-
Vicomte, de Roussines et de Saint-Giles.
(1) Ce que ne dit pas l'auteur trop modeste de VÉhide sur
Fontgornbaut, c'est que par son zèle, par son dévouement, par
ses généreux sacrifices, il a puissamment contribué à la conser-
vation de ce précieux monument. Ces détails n'étaient point
parvenus à notre connaissance à l'époque du Congrès archéolo-
gique de Chàteaiiroux, sans quoi nous eussions sollicité pour
M. l'abbé Damourette une médaille d'honneur qu'il a si bien
méritée.
G. DE COUGNT.
418 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Mouhet. — Au pourtour de l'église deMouhet, j'ai sur-
tout remarqué un entablement soutenu par des modillons
à figures grimaçantes, vive représentation des vices les
plus hideux.
Parnac. — L'église de Parnac, avec ses fenêtres élan-
cées et ses voûtes à nervures, paraît appartenir à la
période du style ogival.
Rovssines. — L'église de Roussines est d'une date anté-
rieure. Nous ne devons pas oublier ses peintures murales
représentant les sept péchés capitaux : des cavaliers sont
montés sur des animaux symboliques; ils ont en main
des phylactères sur lesquels est écrit le vice que l'animal
symbolique représente.
Un moine se tient debout au milieu de ces diableries
sorties de l'enfer. Ce moine, si je ne me trompe, est un
enfant de saint François, qui est assailli par sept cavaliers
qui se précipitent à sa rencontre; mais son attitude est
celle d'un vainqueur qui a triomphé de ses nombreux et
puissants ennemis.
Nous devons mentionner un autre grand prieuré du
Biis-Berry, le prieuré de Saint-Martial de Rufec ; il avait
sous sa dépendance deux églises : Saint-Alpinien de
Rufec, et Saint-Georges de Ciron.
S ai7it- Martial de Rufec. — Ces trois églises sont de la
môme époque et du même style ; mais l'église de Saint-
Martial est l'église mère; on le reconnaît à son grand air
de fierté et de noblesse. Cet édifice a été construit aux
frais d'un fils du seigneur de Romefort, qui, de moine de
Rufec, en devint plus tard prieur et abbé de Saint-Martial
d(! Limoges.
XL* SESSION, A CHATEATIROUX. 44.9
Rufec est une église de la fin du xii* ou peut-être du
commencement du xiii" siècle, avec chevet rectangulaire
et chapelles semi-circulaires dans les deux bras de la
croix ; les bas-côtés de la nef principale :-ont très-étroits.
Ce qui nous a semblé une singularité, c'est que les
colonnes qui soutiennent la voiàte centrale sont alternées
avec des piliers carrés, assez légers, et que les fenêtres
des deux nefs latérales sont disposées de telle sorte que les
fenêtres du côté gauche ne sont jamais en face de celles du
côté droit.
L'église de Rufec sert actuellement de magasin à four-
rage; l'acte de vente du district du Blanc porte cepen-
dant qu'elle sera réservée pour les besoins du culte.
Comment n'a-t-on pas réclamé en temps utile?
Des abbayes étrangères au diocèse possédaient dans le
Bas-Berry des prieurés et des églises. Nous ne devons
pas les passer sous silence.
Reiiilbj. — La grande abbaye des temps mérovingieas,
Saint-Denis, avait reçu en don dos raanses à Reuilly. Elb;
y avait fondé un prieuré qui, suivant la Iradition, rcmnn-
terait à l'époque de Dagobert. Quoi qu'il en soit, tou-
jours est-il qu'il y a sous l'église de Reuilly une cryple
fort ancienne, très-probablement antérieure à l'an 1000.
M. Cousin, ancien instituteur à Reuilly, affirme que,
pendant qu'il habitait cette localité, on avait découvert
dans les caves d'une maison occupée par M. Goubet une
longue galerie avec des arcosoliiim où l'on voyait encore
les tombes des anciens moines du prieuré de Reuilly.
L'abbaye de Marnaoutier (diocèse de Tours), si connue
dans notre contrée, avait sous sa dépendance l'église
d'Aigurande, aujourd'hui chef-lieu de canton, et le
prieuré de Crozon.
XL» SESSION. 29
460 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ÉGLISES ET PRIEURÉS DÉPENDANT DE L ABBAYE DE
MARMOUTIER PRÈS TOURS.
Prieuré de Saint- Germain de Crozon. — L'église de
Saint-Germain de Crozon est une des plus anciennes du
Bas-Eerry. En 1087, elle avait pour desservant un véné-
rable prêtre nommé Durand. Ce prêtre possédait en toute
propriété deux églises et deux moitiés d'églises.
Durand était riche; touché de la grâce de Dieu, il sent
naître en lui le vif désir de renoncer à tous les biens ter-
restres.
L'abbaye de Marraoutier répandait au loin une grande
édification depuis surtout qu'elle s'était mise sous l'auto-
rité et la direction de saint Mayeul, abbé de Cluny.
Le prêtre Durand le sait, et se hâte de s'y rendre ; arrivé
à Marmoutier, il se prosterne devant le Père abbé, et lui
demande avec les plus vives instances de vouloir bien le
recevoir au nombre de ses moines. Cette grâce obtenue, il
se dépouille avec joie de tous ses biens, et constitue saint
Martin son héritier, suivant son expression.
La vieille église de Crozon, se ressentant de l'époque
barbare où elle avait été construite, tombait de vétusté,
lorsque je la visitai pour la première fois, il y a vingt-
cinq ans. Autant qu'il m'en peut souvenir, elle avait en
entier la forme d'un simple rectangle terminé par une
abside voiîtée en cul-de-four. Depuis elle a été reconstruite.
Le prieuré de Notre-Dame d'Aigurande appartenait à
l'abbaye de Marmoutier par suite du don qui lui avait été
fait par le prèfre Durand et par son copropriétaire, dont
on ignore le nom.
Suivant une antique tradition, saint Martial, après avoir
XL" SESSION, A CIIAÏEAUROUX. 451
prêché à Aigurande le saint Évangile, y aurait laissé une
trace de son passage en y consacrant nn autel sous le
vocable de la très-sainte Vierge. Le petit édicule construit
par saint Martial aurait été détruit pendant les persécu-
tions; mais on aurait tenu à rebâtir une seconde église
sur l'emplacement choisi par l'apôtre de l'Aquitaine.
Il reste de cette seconde église des vestiges que l'on peut
voir encore.
L'église actuelle a la forme d'un parallélogramme sans
transept.
Au sommet extérieur du chevet est disposé un mou-
charaby percé de trois mâchicoulis, d'où l'on pouvait
lancer des projectiles sur ceux qui venaient assaillir le
château d'Aigurande, dans l'enceinte duquel il se trouvait.
A l'entrée s'élève une tour carrée à la base, et terminée
en hexagone.
Cette tour, dont les murs sont d'une épaisseur con-
sidérable, a dû être construite dans le but de servir
au besoin de défense; ce qui me semble le prouver,
c'est que cette tour était pleine, sans autre ouverture
qu'une petite baie qui date de l'époque de sa con-
struction.
La porte actuelle est du style du xvi^ siècle.
La vieille église de Paulmery, construite dans le style
du xiV siècle, est tombée de vétusté il y a quelques années.
Il n'en reste plus que des débris.
L'abbaye de Saint-Savin (diocèse de Poitiers) étendait
sa juridiction sur les églises de Ligiiac et de Pressac. Le
prieuré de Saint-Marin, où l'on va encore en pèlerinage
tous les vendredis de l'année , depuis la Pentecôte
jusqu'à la fête de saint Martin, lui appartenait en propre.
Prissac. — L'église de Prissac est à deux nefs de diinon-
452 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sioii à peu près égale. On dirait deux églises soudées l'une
à l'autre. La tour du clocher de l'église de Prissac est
lourde et massive; il est vrai qu'elle a été construite
bien des siècles avant la flèche si svelte et si gracieuse
de l'église mère.
Saint Gautier fonda deux églises dans notre Berry :
Saint-Denis de Rivarennes et une église qui porte son
nom.
Saint-Gautier. — L'église de Saint-Gautier a des bas-
côtés très-étroits, un transept, une tour carrée sur la croi-
sée, et se termine par trois absides demi-circulaires.
Cette église, commencée du vivant du saint, ne fut
terminée qu'après sa mort. Il est certain qu'elle n*a pu
être placée sous son vocable avant 4091, car c'est à cette
époque seulement qu'on commença à rendre à saint
Gautier un culte public et autorisé.
Du reste, les caractères architectoniques de l'église de
Saint-Gautier sont en harmonie avec cette date ; c'est un
édifice du xi'= siècle. Pour en juger, il suffit de voir ses
formes massives et ses lourds piliers carrés, sans ornements
et sans grâce.
Le prieuré des Bénédictins de Saint-Jean d'Aurillac
(diocèse de Saint-Flour) construisit jadis une église dans
l'archiprêtré d'Argenton : c'est l'église de Saint-Denis de
Jouhet.
Jouket. — Deux dessins de M. Regnault-Bréon sont
déposés dans les archives du musée des Beaux-Arts. L'un
représente la tour octogone de Jouhet, et l'autre le chevet
carré du chœur, avec ses trois baies élancées, surmontées
d'un oculus.
Les dessins de M. Regnault ont été reproduits par
XL" SESSION, A CUATEAUROUX. 453
M. Verdot; ils font partie de sa riche collection des
monuments les plus remarquables du département de
rindre.
Disons un mot de nos églises cisterciennes : elles
sont en grand nombre dans le diocèse de Bourges.
Autant les églises bénédictines, les abbatiales surtout,
sont ornées de riches sculptures et de belles peintures,
autant les églises de l'ordre de Citeaux sont graves et
sévères. Saint Bernard, qui était plutôt un ange qu'un
homme, voulait que le moine cistercien s'élevât à Dieu
et aux idées contemplatives sans le secours des sens
extérieurs.
Les églises cisterciennes se ressentirent de l'austérité de
sa vie et de sa règle. Toutefois n'exagérons rien, les belles
églises (le l'ordre de Citeaux présentent encore un grand
intérêt au point de vue de l'art. Qu'on veuille bien en
juger par celle de l'abbaye de Notre-Dame-de-la-Maison-
Dieu (Noirlac).
Notre- Dame-de-la- Maison- Dieu. — L'abbatiale de la
Maison-Dieu, aujourd'hui séchoir d'une fabrique de por-
celaine, est encore intacte; il semble que ce monument
n'ait subi aucune des injures du temps. La forme de cette
église est une croix latine ; son chevet carré est éclairé
par trois grandes baies en style ogival, percées dans le
pignon oriental.
Au-dessus des baies, un vaste oculus versait le jour et la
lumière dans le chœur des moines.
Sur chaque bras du transept s'ouvrent deux chapelles
carrées.
La nef du milieu est accostée de deux autres nefs ;
les lignes et les proportions de l'abbatiale sont si savam-
ment agencées, que, bien que les murs soient nus, sans
454 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE PE FRANCE.
colonnes ni pilastres, l'ensemble produit un effet sai-
sissant.
Notre-Dame de Varennes. — Une petite église cister-
cienne est encore cachée comme l'humble violette sur les
bords d'un ruisseau, au fond d'une vallée sauvage : c'est
l'église de Notre-Dame de Varennes. Elle est livrée à des
usages profanes; toutefois ceux à qui elle appartient ont
grand soin de ne pas détériorer les colonnettes, qui sou-
tiennent des voûtes à nervures, remontant, selon toute
vraisemblance, au commencement du xiii'^ siècle.
Une légende assez curieuse se rattache à la fondation de
cette abbaye.
Le prince de Déols et Garnier, seigneur de Cluis, se
disputaient entre eux le titre de fondateur. Henri II, leur
suzerain, intervint dans le débat, et un acte daté de
Chinon constate qu'il fit arracher des fondements du
monastère une pierre que le prince de Déols y avait posée,
et qu'il déclara que dorénavant ce serait lui qui serait
considéré comme le fondateur, le défenseur et le gardien
de l'abbaye de Notre-Dame de Varennes.
Dans notre étude nous avons vu apparaître en première
ligne les enfants de saint Benoît et surtout les moines de
Déols affiliés à Cluny; à la seconde place sont venus se
ranger les enfants de saint Bernard. Il nous reste encore
à parler d'un ordre de femmes fondé par le bienheureux
Robert d'Arbrissel.
Abbaye d'Orsan. — Robert d'Arbrissel, ami de Léode-
gaire, archevêque de Bourges, et de l'ermite des bords de
la Creuse, le bienheureux Pierre de l'Étoile, fonda en
Berry le célèbre monastère d'Orsan, où il expira sur la
cendre et le cilice, entre les bras de l'archevêque de
XL« SESSION, A CIlATEAUaOUX. 455
Bourges. Hélas! il ne reste plus d'Orsan que des sou-
venirs.
Nous sommes plus heureux dans le Bas-Berry; les
Fonlevristesy ont laissé trois monastères: Longelbnd près
Saint-Gauthier, Jersey dans la commune de Moulins, et
Glatigny près Chabris.
Jersey. — J'ai visité plusieurs fois Longe fond et Jersey.
A Jersey l'église subsiste en partie ; elle est du xii*^ siècle.
Les connaisseurs accordent un certain mérite à trois
retables en pierre qui décorent les autels. Je sais que le
propriétaire, qui lait grand cas de ces retables, vient de
les faire restaurer ; ils font de l'effet.
Longefond. — L'église du prieuré de Longefond est
enfouie sous les débris de ses voûtes. Il serait facile de la
déblayer et de la restaurer ; elle conserve sa vieille physio-
nomie du xii^ siècle. Le site où le monastère de Longefond
fut construit est le plus enchanteur que je connaisse sur
les rives de la Creuse.
2" SÉRIE. — ÉGLISES COLLÉGIALES.
1° Chapitres réguliers.
Vers 1080, sous le pontificat de Richard II, archevêque
de Bourges, plusieurs chapitres de chanoines réguliers de
Saint-Augustin furent ibiidés en Bcrry, Miseray, dans la
seigneurie de Buzançais, Plainpied, à peu de distance de
Bourges.
Le chapitre de Plainpied était très-pauvre; il dut bâtir
456 CONGRÈS ARCHÉOUM.IQUE DE FKANCE.
l'église d'Urciers lor?(ju'il t''tait encore daus une grande
indigence.
Urciers. — Cette église était percée de petite» baies en
forme de niearlricres qui laissaient ù peine entrer dans
l'intérieur la lumière et le jour; elle est un des types de
la gn^ssièreté et de l'ignorance des temps où la tradition
de l'art était com plétement perdue. Le maitre de l'œuvre
a cependant voulu décorer l'abside de deux chapiteaux,
mais quels chapipiteaux ! On ne peut rien voir de plus
grotesque. Cette église a été détruite pour faire place à
une construction nouvelle.
Plainpied. — Plus tard les chanoines dePlainpied devien-
dront d'habiles architectes, et la piété des fidèles leur four-
nira les moyens de construire sur les bords de l'Arnon une
magnifique église avec une vaste crypte, que M. Buhotde
Kersers a décrite avec amour, tant elle a plu à son goût
d'artiste.
L'église de Plainpied est de l'époque de la transition.
Abbaye de Miseray. — L'abbaye de Miseray, près d'Heu-
gnes, n'était dans l'origine qu'un petit ermitage situé au
milieu des bois, près d'une source d'eau vive.
Cet ermitage, en grande vénération dans toute la
contrée, devint un collège de chanoines réguliers.
Si l'on en croit les anciens du pays qui avaient assisté
aux saints offices célébrés avec une grande pompe et une
grande piété par les chanoines, l'église de Miseray était
remarquable par la beauté de son architecture ; mais,
hélas ! il n'en reste plus aujourd'hui que des vestiges en-
fouis sous terre.
XL* SESSION, A CllATKAUKOUX. i^7
2° Chapitres séculiers.
Saint-Cyr d'hsoadun. — 1° Le chapitre de Saiul-Cyr
d'Issouduii eut toujours la prétention d'être de tbndatiou
royale.
A-t-il élc fondé, comme on l'a dit, par Charlemagne ou
par Charles le Chauve? Je l'ignore: ce que je sais, c'est
que s'il a été fondé par les rois de France, ils ont partagé
cet honneur au moins dans une certaine mesure avec les
seigneurs d'Issoudun : le seigneur Ebrard Dufour était
certainement investi du droit de nommer à une des pré-
bendes, très-probablement en qualité de cofondateur,
puisqu'il en dispose en faveur de son petit-fils, nous avons
un acte authentique qui le prouve.
A la fin du xi" siècle, le chapitre de Saint-Cyr avait
une juridiction si étendue, que le bienheureux André,
fondateur de Tabbaye de Chezal-Benoit, ayant un différend
à vider avec le curé de Dampierre, porta la cause au tri-
bunal du doyen d'Issoudun.
Ce tribunal décida que l'abbaye de Chezal-Benoit serait
libre de toute redevance envers le curé de Dampierre, à la
condition qu'elle dépendrait du chapitre de Saint-Cyr.
L'abbaye accepta, et chaque année elle payait, à titre de
vassale, une rente de cinq sols, et offrait sur l'aulel une
livre d'encens; par contre, le chapitre choisit les moines
de Chezal-Benoit pour desservir la paroisse annexée à leur
collégiale.
A l'époque où eut lieu cet arrangement, il devait exister
à Issouduu une grande église romane servant de pa-
roisse, si l'on en juge par les débris qui eu restent.
Outre un petit portique pleiu cintre qui devait servir
d'entrée à une des nefs latérales, on voit encore à l'intcr-
■i58 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
section du transept quatre énormes piliers romans, sur
lesquels retombent des colonnes rompues et défigurées. Ces
quatres piliers devaient soutenir des arcatures sur les-
quelle? était établie la tour des cloches. Ces débris ont de
grandioses proportions.
Cette église, brûlée par les Anglais sous Charles VI et
relu'ûlée en 1651 pendant les troubles de la Fronde, n'est
plus aujourd'hui qu'un cadavre informe et mutilé.
A cette église, véritable halle, est soudé un vaste chœur
du xv« siècle, avec un collatéral et des chapelles. Le chevet
est terminé par un grand pignon, percé d'une fenêtre,
divisée par des meneaux dont le sommet est rempli par
des rosaces à quatre feuilles.
On dit que la verrière à sujets coloriés est un des pre-
miers essais de Maussaise, dont le père avait été organiste
au chapitre de Saint-Cyr. Si c'est un essai de ce peintre-
verrier, je l'ignore ; mais ce que je puis affirmer, c'est
cette verrière, dans l'ensemble, ne manque ni de gran-
deur ni d'effet.
2° Le chapitre de Saint-Austrégésile à Châtillon-sur-
Indre.
Saint Austrégésile, vulgairement nommé saint Outrile,
est un de nos saints évêques mérovingiens; il mourut
en 624.
Il est patron, dit M. l'abbé Barbier, chanoine de Mé-
zières-en-Brenne, de l'église collégiale de Chàtillon-sur-
Indre, fondée en 964 par Guy, qui avait donné à cette
église un os de la main du saint.
Ce Guy ne nous est connu que par le calendrier ma-
nuscrit du chanoine : ce calendrier est à la bibliothèque
du grand séminaire de Bourges. Un savant archéologue,
qui fait partie de notre Société, m'a affirmé qu'il y avait
dans les soubassements de la collégiale des parties d'an-
Xl.« SESSION, A GH.VTEAUROUX. ''t'»0
cienncs constructions qui se rapporteraient à la date assi-
gnée à la fondalion du chapitre par M. Barbier.
Sur les débris de l'église antérieure à l'an mil, on
aurait élevé, à la fin du xii" siècle, l'église actuelle, lui
des plus beaux monuments du Bas-lierry.
Nous laissons à des hommes plus compétents que nous
le soin d'étudier la collégiale de ChâtiUon. Il y a matière
à une monographie intéressante.
3" Chapitre de Saint-Jacques de Neuvy-Saint-Sé-
pulcre.
L'église de Neuvy est classée, par la commission des
monuments historiques, au nombre des trente églises
dont le type est le plus intéressant, surtout au point de
l'histoire de l'art en France.
On m'affirmait, il y a quelques jours, que M. le curé
de Neuvy venait de découvrir une crypte qui remonterait
à une très-haute antiquité. Nouveau monument à étu-
dier. Du reste, de savants archéologues affirment qu'ils
ont découvert dans l'église collégiale des débris d'un
monument plus ancien que celui dont nous allons donner
la description.
La rotonde de Neuvy fut fondée vers l'an 1045, par
Geoffroy, vicomte de Bourges, dans un fief appartenant
aux princes de Déols.
Quatre chroniqueurs du temps ont pris soin de remar-
quer que le vicomte avait fait bâtir son église, ad formam
sancti Sepulchri lerosolimitani.
Cette église est de forme circulaire. Il existe aussi en
Angleterre des églises de cette forme, et le nom qu'elles
portentencoreaujourd'hui, «d'églises du Saint-Sépulcre»,
prouvent que l'intention des fondateurs de ces monuments
était, en Angleterre comme en France, d'imiter l'église du
Saint-Sépulcre de Jérusalem.
460 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
La rotonde de Neuvy n'est malheureusement pas isolée
sur toutes ses laces : elle se soude gauchement à une nef
allongée, qui se termine par un chevet percé de trois baies
surmontées d'une rosace.
Les gros murs qui enveloppent la partie circulaire sont
d'une épaisseur extraordinaire, d'ailleurs assez mal bâtis.
Dis colonnes au nombre de onze, disposées en cercle,
forment une espèce de cella avec un bas-côté continu, re-
couvert d'une seule voûte, sur laquelle règne une seconde
galerie, dont le périmètre intérieur est marqué par des
colonnes correspondant à celles du rez-de-chaussée. On
monte à cette galerie par un escalier dont la cage se pro-
jette en dehors du mur extérieur. Ce qu'il y a de singulier,
c'est qu'il a dû s'écouler un temps assez long entre la
construction du rez-de-chaussée et la construction de
l'étage supérieur.
Au rez-de-chaussée, une rudesse singulière, une igno-
rance absolue des règles de l'art, des pierres à peine dé-
grossies, des joints énormes, des profils barbares, etc.
A l'étage supérieur, les pierres sont taillées et appa-
reillées, les profils dénotent un art avancé, et si l'on fait
attention au seul chapiteau sculpté qui existe sur l'une
des onze colonnes, on verra une grande dillérence entre
ce chapiteau et ceux du bas.
A l'extérieur, les chapiteaux de l'étage supérieur sont
ornés d'oiseaux et d'animaux fantastiques, finement trai-
tés et dans le style caractéristique de l'époque de la transi-
tion. Il est donc très-facile de discerner, dans l'édifice que
nous décrivons, les constructions du xi" siècle de celles
du xir.
La rotonde de Neuvy ne fut jamais achevée ; il est
même difficile de savoir comment le maître de l'œuvre
entendait terminer son monument. 11 est à croire, ce-
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 4.61
pendant, qu'un cône tronqué devait être élevé en char-
pente ou en maçonnerie sur le cylindre intérieur, confor-
mément à la disposition adoptée pour la couverture du
Saint-Sépulcre de Jérusalem; mais ce projet ne fut point
exécuté, ou par défaut de ressources, ou par suite de
la difficulté d'élever un cône sur le mince tambour,
percé de fenêtres, qui surmonte la galerie du premier
étage.
Tout le monde sait, en Berry, que l'église de Neuvy
était déjà en très-grande vénération pendant les xi* et xir
siècles ; mais à partir du xiii^ elle attira encore un plus
grand concours de pieux fidèles ; voici à quelle occasion,
en 1257, le cardinal Eudes, l'ami intime de saint Louis
et de Joinville, né à Chàteauroux dans une échoppe,
« voulant donner un nouveau lustre à l'église de Neuvy,
située non dans la ville, mais bien dans le pays qui l'avait
vu naître » (j'use à dessein de l'expression dont se sert le
pieux cardinal dans sa lettre qu'il écrivit au chapitre de
Neuvy), envoya de Viterhe, après son retour de la croisade
de saint Louis, où il avait rempli les fonctions de légat du
Pape, un fragment du tombeau de Jésus-Christ et trois
gouttes du sang du Sauveur, recueillies sur le Calvaire et
conservées pendant le cours des siècles avec le même soin
et le même respect que les fragments de la vraie croix. On
plaça ces reliques si précieuses au centre de la rotonde,
dans un petit édicule construit à l'imitation du tombeau
où avait reposé le corps du Sauveur. Cet édicule, où l'on
ne pouvait entrer qu'en se baissant, était fermé par une
porte de fer. Cette espèce de grotte en pierre existait encore
en 1806, époque à laquelle un curé de Neuvy s'avisa de la
faire démolir, sous prétexte qu'elle masquait l'autel de la
nef accolée si maladroitement à la rotonde.
Cette rotonde, classée au nombre des monuments his-
-4G2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
toriques, a été restaurée aux Irais de l'État, sous la direc-
tion de M. de Mériudol.
4" Chapitre de Saint-Laurian deVatan.
De l'examen d'anciens manuscrits concernant la ville
de Vatan, il résulte que les comtes de Blois ont toujours
eu le titre de fondateurs de la collégiale de Saint-Laurian,
à l'exclusion des seigneurs du lief.
Quand le comté de Blois fut réuni à la couronne de
France, le chapitre fut autorisé à regarder nos rois comme
ses patrons et ses protecteurs.
Les comtes de Blois n'apparaissant dans l'histoire qu'au
IX* siècle, et le chapitre lui-même ne commençant à être
mentionné dans les anciens actes qu'au dixième, c'est
assez dire que la fondation de la collégiale de Saint-Lau-
rian se place entre ces deux dates extrêmes.
On croit que l'église actuelle est du xi" siècle ; mais un
fait certain, c'est que la tour carrée du clocher date de
l'époque de la transition : l'archéologue ne peut pas en
douter, puisque les baies sont en plein cintre, et que les
arcatures qui décorent cette partie de l'édifice sont des
arcs en tiers-point.
L'abside à trois pans coupés fut bâtie, en 1537, aux
frais d'un doyen du chapitre, nommé Dubreuil.
Des peintures murales, assez grossières, représentent
sur les lambris de la voûte en bois les différentes scènes
du martyre de saint Laurian. Ces sujets historiques sont
accolés aux armoiries des rois de France.
Au-dessus du maitre-autel, le visiteur admire un cibo-
rium, une sorte de dais ou de baldaquin, soutenu par
quatre colonnes en bois sculpté. Si je ne me trompe, ce
ciborium est une œuvre qui a une grande valeur, non-
seulement comme objet rare, mais surtout comme raqr-
ceau de sculpture.
XI/' SESSION, A CIIATEAUROUX, 403
5° Chapitre de Saint-Sylvain de Levroux.
D'après une tradition remontant au berceau du chris-
tianisme, le tombeau de saint Sylvain de Levroux serait
celui du Zachée de l'Évangile : saint Martin avait tant de
dévotion pour ce tombeau que, suivant Péan Gàtineau,
il y venait chaque année en pèlerinage.
Jusqu'au xiii'' siècle, le corps de saint Sylvain demeura
dans la petite crypte oîi il avait été inhumé,; mais à cette
époque l'affluence des pèlerins devint si grande au tom-
beau du saint, qu'il fallut songer à transférer son corps
dans une crypte plus vaste.
La nouvelle crypte a trois absides; on y descend, de
l'église supérieure, par deux escaliers très-larges; aujour-
d'hui elle est veuve de ses reliques. Depuis que le corps de
saint Sylvain a été transféré à la Gelle-Bruère; il ne reste
à Levroux que son chef.
Au-dessus de cette crypte, l'antiquaire'conteraple, avec
un mélange de bonheur et d'admiration, un monument
qui serait du plus bel effet s'il était restauré par une main
habile.
Nous espérons que la commission des monuments his-
toriques se décidera tôt ou tard à nous rendre dans toute
sa splendeur une perle antique, que nos pères regardaient
comme une seconde cathédrale de Bourges, tant ils en
avaient une haute idée.
L'église de Levroux est de l'époque de la transition. Au
jugement d'un grand nombre d'amatenrs d'antiquités,
son abside est une des plus belles choses que nous ayons
dans le Bas-Berry; pour moi, chaque fois que je la revois,
je ne puis me lasser de Tadmirer.
L^abside de l'église de Levroux a été très-heureusement
reproduite, trait pour trait, dans l'église de Vandœuvres.
Que dirons-nous des stalles de l'église de Levroux?
4G4 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Jusqu'ici personne n'en a parlé.
Elles ont été placées dans le chœur du chapitre, au
temps où les la Tour d'Auvergne étaient seigneurs de
Levroux; la preuve, c'est que les armes des la Tour
sont sculptées sur la miséricorde de la stalle où se plaçait
le seigneur du lieu, lorsqu'il assistait aux offices des cha-
noines.
Nous ne parlerons pas des obscena ; nous laissons
à de plus savants le soin de les interpréter.
Los stalles de Levroux doivent remonter à l'époque de
la Renaissance.
6° Chapitre de Saint-Germain de la Châtre.
Un prince de Déols, Ebbes II, qui vivait sous les rois
Louis VI et Louis VII, fonda le chapitre de Saint-Germain
de la Châtre. Ce pieux seigneur mourut en 1160; c'est
lui sans doute qui fit construire la nef et la tour carrée
qui est au-dessus du porche de la collégiale de Saint-
Germain. Celte tour est d'un bon style; il est fâcheux
qu'elle soit couronnée par une toiture qui ne rappelle que
trop que le niveau égalitaire de 93 a passé par là.
Elle est basse et ressemble à une poivrière.
Le chœur de l'église de la Châtre, ajouré, comnje
celui de l'église de Saint-Cyr d'Issoudun, par une grande
fenêtre divisée par trois meneaux, appartient à la période
du style ogival.
Les armoiries des Chauvigny, qui ont succédé aux
princes de Déols, sont aux clefs des voûtes d'arête du
chœur de la collégiale ; preuve qu'à l'exemple de leurs
ancêtres ils ont fourni les sommes nécessaires pour bâtir
ce chœur, qui fait d'autant plus d'effet qu'il est précédé
de deux nefs et d'un rang de chapelles dont je ne veux
pas parler pour n'en pas médire.
La belle verrière du chevet, en partie restaurée, pro-
XI" SESSION, A CIIATEAUROUX. -ifi:)
(luira un effet splcndido lorsque sa restauralion sera
complète,
7° Chapitre de Sainte- Ménéhould de Palludello [Pal-
Inmi). — Sainte Ménéchilde, vulgairement nommée sainte
Ménéhould, vécut dans un ermitage au diocèse de Chà-
lons-sur-Marne, près de la ville d'Auxuenne, qui porte
aujourd'hui son nom.
En 1238, un seigneur de Palluau, qui l'était en même
temps de Montrésor, voulut fonder un collège de cha-
noines, sous le vocable de sainte Ménéchilde, avant de se
revêtir des insignes de Jésus crucifié et de faire le voyage
d'outre mer : Nobilis vir miles volens sequi insignia (Jruci-
fixi, iter faciens ultra mare.
Le chapitre qu'il établit se composait d'un prieur, de
quatre chanoines et de six vicaires ; il les installa dans
une église romane, dont la nef subsiste encore. Sur les
parois des murs on voit, de distance en distance, des
demi-arcatures.
Au xvi" siècle, le chœur de la vieille église disparut pour
faire place à un autre chœur, terminé par une abside à
cinq pans coupés.
L'abside de la collégiale de Palluau, ajourée par cinq
grandes fenêtres, divisées en plusieurs compartiments, et
qui se terminent à la naissance de l'arcade par des roses à
quatre feuilles, est aussi belle dans son genre que l'abside
romane de Saint-Sylvain de Levroux.
A la tin du xV siècle, le fief de Palluau devint la pro-
priété des Tranchelyon, seigneurs de Touraine. Ce fut
l'un d'eux, Charles de Tranchelyon, qui fit édifier dans
la collégiale de madame Sainte-Ménéhould la belle cha-
pelle qui est à gauche. Cette chapelle était fermée par de
belles boiseries sculptées au chilfre d'Henri de Buade,
comte de Frontenac; qui donc a eu la lâcheuse idée de les en-
XL' SESSION. 30
■466 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
lever de leur place, pour les suspendre aux parois de la
muraille?
8° Chapitre de Sainte-Marie- Madeleine de Mézièi'es-
en-Brenne. — La fondation de la collégiale de Mézières-
en-Brenne eut lieu en 1339, par Alix de Brabant, dame
de Mézières-en-Brenne, d'Arcots-en-Barbant et de l'Isle-
Savary.
Cette pieuse dame épousa Jean d'Harcourt, vicomte de
Châtellerault.
Désirant établir un chapitre pour faire célébrer aux
heures de la nuit et à chaque heure du jour l'office ca-
nonial, Alix de Brabant s'adressa au pape Benoît XII, et
le pria de lui accorder des bulles à cet effet.
La bulle qui lui fut adressée porte que la collégiale
sera dédiée à la très-sainte Trinité et au très-saint Sacre-
ment de l'autel, sous l'invocation de la sainte Vierge, de
saint Michel, des saints apôtres Pierre et Paul, et de sainte
Marie-Madeleine.
La collégiale de Mézières porte le cachet de son époque.
La nef est précédée d'un porche, ouvert d'un seul côté.
Sous ce porche, une grande baie, divisée en deux vanteaux
par un pilier en pierre, comme aux portiques de Saint-
Étienne de Bourges, est surmontée d'un tympan, sur
lequel on voyait autrefois un groupe de personnages en
relief.
Ces fines et délicates sculptures ont été brisées par le
marteau du vandalisme révolutionnaire; il n'en reste
plus aujourd'hui que des traces informes.
XI." SKSSION, A OHATKAUllOL'X. 4(57
3« SÉRIE. —ÉGLISES BATIES PAR LES SEIGNEURS
FÉODAUX.
I ° Les archevêques de Bourges considérés comme
FONDATEURS ET PATRONS.
Presque toutes les églises du Bas-Berry ont été fondées
à l'époque de la grande puissance des ordres monastiques;
l'ordre monastique le plus puissant et le plus célèbre
était sans contredit celui de Cluny, ce vaste foyer de lu-
mières, qui jetta un si vif éclat que M. Violet-le-Duc a pu
dire avec raison : « Rayez Cluny du xi^ siècle, et l'on ne
trouve plus guère que ténèbres et ignorance grossière. »
Cluny, cette école d'où partaient des légions organisées
de moines qui bâtissaient des églises et des monastères
de leurs propres mains, suivant des types déterminés,
avait deux centres dans le Bas-Berry, l'abbaye de Déols et
le grand prieuré de Rufec.
Nos archevêques de Bourges avaient une prédilection
particulière pour l'abbaye de Déols; ils en donnèrent des
preuves en plus d'une circonstance, puisque nous avons
encore les actes originaux par lesquels ils font à Notre-
Dame de Déols le généreux abandon des églises qu'ils
faisaient bâtir à leurs frais.
Quelquefois, cependant, ils conservèrent, pour eux et
leurs successeurs, certaines églises dont ils eurent jusqu'en
1791, le patronage immédiat. Ces églises sont au nombre
d'environ cinquante, dans un diocèse qui comptait plus
de huit cents paroisses. Elles sont de petite dimension, et
leur style n'olTre rien de très-reinarquable.
•468 CONGRÈS AUCHÉOLOGIQlE DE FHAM'.E.
Je fais cependant trois exceptions :
1» Montgivray. — A Montgivray, église du patronage
immédiat de nos archevêques, on voit encore aujourd'tiui
des chapiteaux à figures bizarres, mais très-curieuses au
point de vue de l'art.
2" Chabris. — Un de nos évéques mérovingiens, saint
Oustrille, possédait àChabris, une villa nommée Estivales.
Ses successeurs, qui aimaient à aller s'y reposer des fati-
gues de leur laborieux ministère, près du tombeau de
l'illustre solitaire saint Phalier, bâtirent successivement
plusieurs églises au-dessus du tombeau de ce saint.
De l'église primitive il reste des fragments de sculptures
et d'appareils qui ont été incrustés dans l'éditice du
XII* siècle.
Ces fragments, une des richesses artistiques du Bas-
Berry, sont d'autant plus précieux, qu'ils sont comme le
point de départ de l'histoire des arts dans notre pays (1).
3° Sacierges-Saint-Germain. — A Sacierges, un pieux
ermite s'était caché au milieu d'une épaisse foret, pour y
passer sa vie loin du regard des hommes.
Sa sainteté éminente eut un si grand retentissement
dans toute la contrée, qu'il fut élu évéque de Bourges
vers l'an 830; il se nommait Aigulphus.
Ce saint évêque mourut en cours de visite, dans un
petit bourg contigu à Sacierges; pendant longtemps son
corps a reposé dans ce village, qui porte aujourd'hui son
nom : Sainl-Oùt.
(1) Voir le nicnioire de M. Gaillard sur l'église de Cliabris,
lu à la dernière séance du Congrès.
XL* SESSION, A r.HATEAUnOTiX. 469
A l'époquo romane, nos archevêques bàtinait une belle
église dans le lieu où un de leurs saints prédécesseurs
avait mené une vie si pauvre qu'il n'eut rien à offrir
qu'un verre de lait de biche aux envoyés qui lui appor-
tèrent la nouvelle qu'il était élu par le chapitre pour
occuper le siège épiscopal de Bourges.
Il y a deux remarques à faire sur l'église de Sacierges-
Saint-Germain : la première, c'est que les bras du tran-
sept ne sont marqués que par un mur en retraite ; la se-
conde, c'est qu'à la porte d'entrée les chapiteaux des
colonnettes sont alternativement de style latin et de style
byzantin. Le maître de l'œuvre a certainement voulu
mettre ainsi en regard les arts de Byzance et ceux de la
Rome antique.
2° Les Templiers et leurs successeurs, les chevaliers
DE Malte.
Les Templiers et leurs successeurs, les chevaliers de
Malte, n'ont rien laissé parmi nous de remarquable, si ce
n'est la chapelle de la commanderie de Plaincourault.
Plaincourault. — L'église et le château construits par
les Templiers appartenaient, avant la révolution, aux
chevaliers de Malte.
Dans cette église il y a trois autels en pierre, avec des
retables de forme antique, œuvres d'art dont il ne reste
plus de spécimen dans le Bas-Berry.
L'abside est décorée de peintures murales ; elles repré-
sentent des scènes bibliques, la création et la chute de
l'homme primitif, les châtiments et les peines qui lui
furent infligés pour le punir de sa désobéissance.
-iTO CONGRÈS ARCIIÉOLOr.IQL'E DE FRVNf.E.
Mais ce qu'il y a de plus curieux, ce sont doux pein-
tures qui décorent un des côtés de la nef.
C'est, d'abord, un renard jouant d'un instrument de
musique.
J'ai fait le voyage exprès, et uniquement dans le but
de juger par moi-même s'il était revêtu d'une robe de
moine, comme on s'était plu à le dire.
Le renard est bien un véritable renard ; ce n'est pas un
moine, je puis l'affirmer.
Il fait danser les poules.
Sur le second plan on voit une femme couverte de
riches draperies.
Le renard n'aurait-il pas pour but de séduire la noble
châtelaine et de l'enlacer dans ses filets? je le croirais
volontiers. Le second sujet est une peinture qui représente
saint Éloi.
J'ai comparé la peinture murale de l'église de Plain-
courault avec celle que P. Arthur Martin avait déjà
publiée, d'après un vitrail allemand.
Dans la verrière allemande, saint Éloi figure comme
évêque et comme maréchal ferrant.
Comme évêque, il est revêtu d'un chappe splendide,
enrichie des plus beaux ornements.
Comme maréchal ferrant, il porte dans sa main droite
un marteau, et dans sa gauche une enclume.
Un jeune enfant présente à saint Éloi un cheval si
fougiïeux, qu'il faut le placer au milieu de fortes barrières
pour le contenir; l'animal fait tant de sauts et de bonds
qu'on ne peut le ferrer qu'après lui avoir coupé le pied.
La peinture du Berry est bien plus complète et bien
plus frappante.
Saint Éloi n'est pas vêtu en évêque, mais en homme
de métier, qui se dispose à ferrer un cheval.
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 471
Le cheval résiste et se cabre; alors intervient un jeune
homme. Ce jeune compagnon trouve un moyen très-ingé-
nieux pour terrer le cheval. Il lui coupe le pied, le pose
sur l'enclume, et il le terre sans difficulté.
11 faut voir la figure ébahie de saint Ëloi, Il lève ses
regards vers le ciel, il tend ses bras vers le jeune homme,
il semble qu'il veuille l'embrasser: on pense que le jeune
homme est Notre-Scigneur Jésus-Christ qui vient, en per-
sonne, donner à Eloi une leçon d'humilité. Suivant une
antique légende, Éloi avait fait placer sur l'entrée de son
atelier cette prétentieuse enseigne: Au maître des maîtres.
Jésus-Christ tient à lui enseigner qu'il y a, au ciel, un
maître plus grand que lui.
3° Les sires de Naillac, seigneurs de Gargilesse.
J'ai hâte d'arriver à la description d'une des plus belles
églises des bords de la Creuse.
Gargilesse. — Cette église est continuellement visitée
par des touristes et des archéologues (1). Elle est cachée
au fond d'un entonnoir de collines rocheuses, où l'on
arrive aujourd'hui par une route qui côtoie un précipice.
La scène qui se déroule devant vous n'est plus aussi
sauvage qu'autrefois. Elle a beaucoup perdu de son
charme, depuis qu'on a fait disparaître les petits sentiers
rocailleux, qui n'étaient accessibles qu'aux mulets et aux
piétons.
C'est un petit chef-d'œuvre que l'église des sires de
Naillac.
Elle date de l'époque de transition. Elle n'est pas ho-
(1 ) A notre dernier voyage, nous y avons rencontré des Anglais.
17-2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE HE FRANCE.
mogèiie de style , tant s'en faut. A chaque pas que fait
l'archéologue, il rencontre le style roman et le style ogival
.iccolés l'un à l'autre^, mais sans se marier ensemble.
Les trois arcatures qui décorent l'extrémité de chaque
bras du transept sont du roman de la plus belle époque.
Faites un pas, vous entrez dans les absidioles ; elles sont
aussi décorées d'arcatures; mais le plein cintre a disparu,
pour faire place à l'ogive.
L'église de Notre-Dame-de-Gargilesse est à trois nefs.
Les deux nefs latérales, étroites à leur naissance, vont
en s'élargissant à l'entrée du chœur, pour former les deux
bras de la croix.
Au point d'intersection s'élève la tour carrée du clocher.
A l'intérieur, la voûte, qui repose sur les quatre piliers de
centre, forme une coupole, avec une ouverture circu-
laire, ornée au sommet de feuilles de trèfle, découpées
avec grâce.
L'abside principale est à cinq pans; les deux absidioles,
de moindre dimension, n'en ont que trois.
Toutes les parties de l'église, nefs, transept et absides,
sont ajourées par des baies, dont les archivoltes toriques
sont soutenues par plusieurs rangs de colonnettes, décorées
de gracieux chapiteaux.
Le maître de l'œuvre a adopté pour la construction ilc
cette église un appareil en pierres de taille qui a dû en-
traîner Hugues II de Naillac dans d'immenses dépenses :
toutes ces pierres, venues de loin, ont été apportées à pied
d'œuvre, à dos de mulets. Si je fais cette remarque, c'est
pour faire ressortir surtout la piété et la générosité de
celui qui n'épargna rien pour élever au milieu de rochers
presque inaccessibles un beau monument à l'honneur et
à la gloire de Notre-Dame.
Si mes conjectures ne sont pas dénuées de fondement.
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 473
Hugues II ne fit qu'exécuter la pensée de son père, qui
reçut l'investiture dulief de Gargilesseen H87, à l'époque
du siège de la ville de Déols par Philippe-Auguste, sans
doute eu récompense de sa valeur et de sa fidélité à la
cause iVançaise.
Hugues I de Naillac aura été témoin, sans doute, du
miracle qui a rendu ce siège à jamais mémorable, et, de
retour chez lui, il aura voulu bâtir au chef-lieu de son
fief, dans l'enceinte de son château, une église en mé-
moire de ce grand événement.
Son iils et successeur a exécuté sa pensée, et, pour im-
planter de plus en plus dans le cœur de ses hommes de
Gargilesse et du Pin la dévotion à Marie, il a appelé,
pour desservir sa magnifique église, les moines de Déols,
que j'appellerais volontiers les chevaliers de Notre-Dame,
tant ils étaient dévoués à son culte.
Je remarque dans l'église de Gargilesse une chose qui
en fait dans notre pays un monument hors ligne : c'est le
grand nombre de ses sculptures et la finesse des détails
de son ornementation. Je fais cependant une réserve pour
les figurines ; elles me paraissent d'une facture médiocre.
J'ai compté dans l'intérieur de l'église quarante grands
chapiteaux, vingt-quatre dans le chœur et la grande nef,
et seize dans les nefs latérales. Il y a en outre trente cha-
piteaux de moindre dimension.
Ces trente chapiteaux sont presque tous historiés.
Dans le chœur, ce sont vingt-quatre vieillards tenant
tous en main des instruments de musique, disposés par
groupes de trois dans les corbeilles des chapiteaux; ils
habitent un palais richement décoré.
La pensée de l'artiste est facile à saisir : le palais est le
ciel, les vieillards sont les grands Prophètes et les
Apôtres. Les uns et les autres sont en face de Jésus-
474 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE HE FRANCE.
Christ, assis sur un trône; il bénit; deux anges
l'adorent.
Près du trône du Fils on aperçoit la Mère. Elle porte
en tête une riche couronne, et montre, de la main et du
regard, les instruments de la Passion du Sauveur des
hommes.
Cette vieille peinture murale est grossièrement res-
taurée ; mais c'est un livre ouvert où le fidèle peut lire
ce qu'est Jésus-Christ, ce qu'est Marie, et comment l'un
et l'autre sont arrivés à la gloire.
Oportuit Christum pati, et ita intrare in gloriam suam.
Dans l'abside principale est dressé l'autel majeur.
Comme l'explique Durand de Mende dans son Rational, le
maître-autel représente Jésus-Christ : donc à la droite de
Jésus-Christ, c'est-à-dire à la place d'honneur, est le petit
sanctuaire de la Reine du lieu. Les chapiteaux des colon-
nettes représentent les difîérents mystères de sa vie, à
commencer par celui de l'Annonciation.
A gauche de Jésus-Christ est une autre petite chapelle ;
elle était jadis dédiée à saint François d'Assise.
Toutes les sculptures de cette chapelle sont symboliques;
il nous a semblé qu'elles figuraient les diverses phases de
sa vie chrétienne.
Il est beau de voir sur un des chapiteaux le soldat
chrétien qui oppose le bouclier de la foi à un animal
furieux qui veut s'élancer sur lui.
Ce soldai chrétien triomphe de ses ennemis, et bientôt
on le voit entrer en vainqueur dans le séjour de la gloire.
Descendons maintenant dans la vaste crypte à trois nefs.
C'est dans cette crypte que se trouve, en arrière du
maître-autel, une statue de la Vierge aussi antique que
l'église. Si on ne se hâte pas de restaurer cette statue, elle
tombera bientôt en poussière. Ce serait une grande perte :
XI." SESSION. A GIl.VTEAUROUX. ♦".')
à tous les points de vue, l'antiquaire aime à la considé-
rer, et les pieux fidèles se plaisent à prier devant une
image qui leur rappelle le souvenir de la foi et de la piété
de leurs ancêtres.
A la voûte de l'abside principale, l'artiste a peint un
sujet qui accentue encore mieux que celui de l'abside de
l'église supérieure, le but spécial que doit se proposer le
pèlerin qui va en dévotion à Gargilesse.
Jésus et Marie déroulent un grand voile qu'ils tiennent
en main, et sur lequel sont étalés tous les instruments de
la Passion : la croix, la couronne d'épines, les clous, le
marteau, etc. etc.
Est-il possible d'exprimer d'nne manière plus frappante,
que le chemin qui conduit au ciel est la voie royale de la
croix?
Le champ est semé d'un chiffre en lettres gothiques
surmontées d'une croix, que saint Bernardin de Sienne et
son fidèle disciple, Jean de Capistran, ont mis en grand
honneur dans toute l'Église. Ce chiffre, que tout le monde
connaît, signifie que : Jésus a sauvé le monde par la croix.
Pouvait-on donner au peuple un enseignement plus utile?
Sur le grand mur qui fait face au maitre-autel de la
crypte, on découvre encore des traces d'une peinture à
demi effacée : c'est une belle fresque représentant Jésus
mourant sur le Calvaire; autour de Jésus en croix,
des anges en pied portent les instruments de la Passion.
Nous ne dirons rien de l'absidiole de gauche, si ce n'est
que des infiltrations ont détruit une Danse macabre qui y
était figurée.
L'absidiole de droite est consacré au culte du saint le
plus populaire du moyen âge.
On reconnaît sans peine les traits les plus saillants de
la vie de saint François d'Assise. Je n'en citerai qu'un
476 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
seul ; il est représenté d'une manière si étrange qu'il mérite
attention.
Jésus apparut un jour à François sur une table en
pierre où le saint avait coutume de manger.
Quand la vision eut disparu, saint François prit de
l'huile, et à l'exemple de Jacob il consacra au Seigneur
cette table, en prononçant ces paroles : « C'est ici l'autel
de Dieu. »
Croirait-on que l'artiste a costumé en pi^être et en pape
saint François d'Assise?
Sa tiare est sur l'autel, ainsi que le vase d'huile sainte.
Outre la figure de saint François d'Assise, je vois deux
autres Franciscains. Le premier est Jean de Capistran ; il
porte une planchette sur laquelle est écrit, non plus en
lettres gothiques comme dans l'abside principale, mais en
lettres du temps, le monogramme du Christ.
La seconde figure est celle d'un évêque franciscain. Je
suis porté à croire que cet évêque franciscain est un des-
cendant des sires de Naillac, et que c'est ce pieux person-
nage qui a fait peindre sur les voûtes et les murs de la
crypte les traits les plus saillants de la vie de saint Fran-
çois d'Assise, le patron de son ordre.
Si nous remontons dans l'église supérieure, nous
verrons, près d'un des deux escaliers, un tombeau sur
lequel est couchée la statue en relief de Guillaume de
Naillac (i).
Comme son père, Guillaume se distingua par une
grande piété; il prit à cœur d'honorer Marie dans ses
serviteurs, non-seulement en paroles et en sentiments,
mais en œuvres et en libéralités.
(I) Ce tombeau est décrit par M. de Caumont dans son
Bulletin monumental et dans son Abécédaire d'Archéologie.
XI.' SESSION, A CHATEAUROUX. 477
Il fut l'insigne bienfaiteur de l'église de Gargilesse et
des religieux qui la desservaient.
Touchés de tant de bontés, les moines se déterminèrent
sans doute à le faire inhumer dans leur église. On lui
érigea un tombeau où sont représentés deux anges, l'en-
censoir à la main ; il est le seul de cette famille qui ait reçu
cet honneur.
Jusqu'ici nous n^avons rien dit des sculptures de l'exté-
rieur de l'église de Gargilesse.
A l'extérieur, tout est artistique, ornements et figures.
Nous sommes restés longtemps en admiration devant
des modillons qui surmontent la porte latérale.
Ces modillons représentent d'une manière saisissante
les sept péchés capitaux.
Bacchus, avec son tonneau, est le symbole de l'ivro-
gnerie; un bouc, le symbole de l'impureté; une figure de
femme, à cheveux hérissés, inspire l'horreur de la colère;
la gourmandise est symbolisée par un homme qui ouvre la
bouche d'une manière hideuse, et qui mange avec l'avidité
et la vérocité d'un animal.
Deux des anciens modillons ont été remplacés, il y a
quelques années, par des pierres qui ne sont que layées,
de sorte que les symboles des péchés capitaux ne sont
plus au complet.
5* Les seigneurs de Lourdoueix-Saint-Michel.
Avec les Valois s'ouvre cette guerre implacable entre
la France et l'Angleterre dont le Berry fut plus d'une fois
le théâtre. Nous pensons que ce fut pendant cette guerre
de cent ans que les seigneurs de Lourdoueix firent forti-
fier la chapelle de leur château.
478 CONGRÈS AllCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Cette chapelle, qui sert aujourd'hui d'église paroissiale,
est flanquée de' deux petites tourelles, construites en en-
corbellement, au milieu desquelles est un moucharaby.
Le moucharaby et les tourelles sont percées de mâ-
chicoulis.
Lourdoueix-Saint-Michel est près de la frontière du Li-
mousin, cédée aux Anglais par le traité de Brétigny; il
fallait se tenir sur la défensive : on fortifia jusqu'aux
églises.
6° Charlotte d'Albret, au château de la
Mothe-Feully (1).
Charlotte d'Albret, sœur du roi de Navarre, fut unie,
dans un but politique, à César Borgia. Peu de temps
après ce mariage. César l'abandonna, et Charlotte ne le
revit jamais.
S'étant retirée au château de la Mothe-Feully avec
l'enfant dont César l'avait rendue mère, elle y mourut.
A sa mort, son corps fut porté à Bourges, où il reposa
dans l'église des Annonciades, à côté de celui de sainte
Jeanne de Valois, sa cousine et son amie; mais son cœur
resta à la Mothe-Feully.
Sa fille, Louise d'Albret, lui fit élever uii tombeau dans
la grande chapelle seigneuriale de la petite église de la
Mothe : objet de vénération et de respect pendant près de
trois siècles, ce tombeau fut brisé en 93.
La statue de Charlotte, quoique mutilée, est encore
debout, adossée à un mur de la sacristie.
{]) Extrait de la pièce, qui se trouve dans le chartrier de
rhnuars, au château de Serrant [Maine-et-ï.oire), pièce en
XL» SESSION, A CHATEAUROUX. 47 0
De petites figures représentant la tempérance, la force,
la justice, etc. etc., encadrées dans des médaillons pleins
de goût, gisent dispersées çà et là avec des fragments de
pilastres couverts d'arabesques.
Ce tombeau, que j'ai souvent examiné, était surmonté
d'un édicule représentant la sainte maison de Lorette,
papier. — En 1521, un marché fut passé entre Louise de
Valentinois, femme de Louis, seigneur de La Trémoiie, et
Martin Claustre, tailleur d'images, demeurant à Blois, paroisse
de Saint-Nicolas, en la manière qui suit :
1» Fera ledit Claustre un tombeau dont le soubassement
sera de marbre noir, et les piliers à l'entour seront aussi de
marbre noir, taillés à l'antique, à candélabres à l'environ
duquel tombeau sera mis les sept vertus qui seront d'albâtre,
dont y aura en cbaque côté trois, et au bout du haut, une là où
sera une épitaphe telle qu'elle lui sera baillée, et au bout
d'en bas seront les armes de la duchesse de Valentinois et
par-dessus sera une tombe de marbre noir sur laquelle sera
le personnage de ladite duchesse de Valentinois, en façon d'une
dame gisante lequel personnage sera d'albâtre sous la
tête duquel personnage sera un carreau double, et aux pieds
deux petits chiens lequel tombeau sera mis en la chapelle du
château de la Molhe-Feully. étant en l'église paroissiale dudit
lieu et en outre fera ledit Claustre une image de Notre-
Dame-de-Lorette, avec la chapelle, le tout d'albâtre, qui aura le
tout ensemble quatre pieds de hauteur, et de largeur à la
raison pour lesquels ouvrages ladite dame a promis audit
Claustre la somme de cinq cents livres tournois pour toute chose.
Ce fait et passé au chastel de Thouars, le 6 avril -1 521 .
2° La commission du département de l'Indre, instituée par le
Préfet pour veiller à la conservation des monuments histori-
ques, a demandé, par une délibération du 9 septembre 1873, à
M. le ministre des Beaux-Arls de classer le tombeau de Char-
lotte d'Albret au nombre des monuments hislonqufs.
480 CONGRÈS AUCnÉOLOGIOUE PE FRANCE.
transportée en Italie par les anges. Si une main habile
pouvait reconstituer le monument tel qu'il était jadis, la
petite église de la Mothe-FeuUy, si dépourvue, posséde-
rait une œuvre d'art de la Renaissance qui lui ferait hon-
neur.
Les sires de Sully, seigneurs de Vouillon et de
Sainte-Fauste.
La Ferté-Sainte-Fauste. — Les sires de Sully, sei-
gneurs de la Ferté-Sainte-Fauste , ont construit au
xiv^ siècle une chapelle seigneuriale dont l'arc s'ouvre sur
l'église de Sainte-Fauste : leurs armoiries sont aux clefs
des voûtes.
Si la chapelle des sires de Sully n'est pas très-remar-
quable, l'église de Sainte-Fauste l'est encore moins,
quoiqu'elle soit très-ancienne ; mais elle rappelle un
grand souvenir de l'histoire religieuse de notre Berry, la
translation des reliques de sainte Fauste.
Les reliques de sainte Fauste s'arrêtèrent dans un bourg
nommé la Ferté. A partir de ce jour, le bourg, si honoré
par la présence du corps saint, prit le nom de la Ferté-
Sainte-Fauste ; c'était sous le règne de saint Louis (1247).
Les châsses où les restes de la vierge martyre de Vic-
Fezensac (diocèse d'Auch ) étaient déposés existent
encore; elles sont actuellement au musée de Cluny.
Ces châsses avaient été profanées pendant les mauvais
jours delà révolution. Elles furent vendues, comme objets
de peu de valeur, par un curé de Segry, qui n'en faisait
pas plus de cas que de vieux cuivres, depuis qu'on avait
jeté au vent les saintes reliques qu'elles renfermaient.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 481
Elles portent au luusiie de Cluiiy les uuint^ros '2,VJ0I
et ^2,902.
N° 2,901. — Grande châsse de sainte Fausle, eu cuivn^
gravé, repoussé, doré et rehaussé d'émaux en taille
d'épargne, provenant du trésor de Segry ; travail hyzantin
de Limoges, du xii" siècle.
N" 2,902. — Autre châsse du martyre de sainte Fauste,
provenant, comme la précédente, du trésor de l'église de
Segry, et exécutée en cuivre gravé, repoussé, doré et
rehaussé d'émaux en taille d'épargne ; ouvrage de Li-
moges, de la fin du xii'' siècle.
Un artiste du Berry, le fils de M. de Latremblais, l'au-
teur des Esquisses pittoresques du département de l'Indre,
a bien voulu relever les intéressants dessins de ces deux
châsses, qui sont, au jugement de connaisseurs éclairés,
un des plus beaux objets d'art du musée de Gluny.
A un autre point de vue, elles offrent un intérêt plus
grand encore : c'est le seul monument qui nous reste
pour l'aire connaître dans les plus affreux détails toutes les
péripéties de la grande scène du martyre de sainte Fauste.
8" Les seuineurs de Mézières-en-Brenne,
MAISON d'Anjou.
Chapelle de la Sainte- Vierge à Mézières-en-Brenne. —
Le Bas-Berry possède un monument de la Renaissance
d'une très-grande valeur artistique. C'est la chapelle de
la Sainte-Vierge, dont les deux arcs s'ouvrent sur l'an-
cienne église collégiale de Sainle-iMadeleine, à Mézières-
en-Brenne.
Cette chapelle a été couslruite par les desceiKianls l);'i-
XI." SESSION. '^1
■482 CONGRÈS ARCHÉOLCGIQUE DE FRANCE.
tards mais légitimés des comtes d'Anjou de la maison de
France, qui portaient le titre de rois de Jérusalem et de
Sicile.
Les voûtes des deux travées de cette magnilîque chapelle
conservent la lorme ogivale, mais elles sont surbaissées:
leurs arceaux se ramifient et se terminent par de grands
pendentifs, ornés de ciselures. Les fenêtres sont en plein
cintre, sans meneaux.
Une claire-voie, d'un beau travail en pierres ornemen-
tées, sépare celte chapelle de la nef de l'église.
Louis d'Anjou, René d'Anjou et Nicolas d'Anjou, se
sont distingués par les fondations pieuses qu'ils ont laites
dans cette chapelle.
Par son testament de 1488, Louis ordonne que, quand
la chapelle qui était en voie de construction sera terminée,
son corps y sera déposé, et que chaque jour, après Matines,
un des chanoines célébrera une messe de Beata à l'aulel
de la Sainte-Vierge, assisté du maître de la psallette et de
quatre enfants de chœur.
Son petit-fils, Nicolas d'Anjou, voulant perpétuer sa
mémoire ainsi que celle de son père et de son aïeul, fit
fabriquer de splendides verrières à Saint-Fargeau, près
d'Orléans, par deux artistes de grand mérite.
J'ai vu les verrières de la cathédrale d'Auch, elles sont
de la même époque que celles de la chapelle de la Sainte-
Vierge de Mézières. Tout le monde les admire, surtout
pour les tons chauds de leurs couleurs.
Les verrières de la Sainte-Chapelle de Ghampigny
sont regardées comme une des œuvres les plus parfaites
que nous ail léguées l'art de la Renaissance. Ce qui les dis-
tingue surtout, c'est la disposition des groupes, la richesse
des costumes, le brillant et l'éclat du coloris. Que les
connaisseurs veuillent bien examiner avec attention les
XL* SESSION, A CUATEAUROUX. 483
verrières de Mézières, et ils nous diront si Hoyssee et
Cliambenoit de Saint-Farg-eau n'étaient pas les dignes
émules des artistes qui ont peint les riches tableaux sur
verre d'Aucli et de Champigny.
9" La Sainte-Chapelle d'Argenton.
Il y avait autrefois, dans le diocèse de Bourges, deux
Saintes-Chapelles : la Sainte-Chapelle de Bourges, complé-
ment et dépendance du palais du duc Jean, et la Sainte-
Chapelle d'Argenton, qui était aussi un complément et
une dépendance du château fort d'Argenton. Il est à re-
marquer que la Sainte-Chapelle d'Argenton fut construite
par une arrière-petite-fille du duc Jean, qui avait hérité
de l'amour de ce prince pour les beaux-arts.
Cette princesse Marie-Louise de Berry et de Bourbon-
Monlpensier devint, à la mort de son mari, le dernier des
Chauvigny, dame d'Argenton, de Gluis, d'Aigurande et
autres lieux.
Elle fit un noble usage de sa fortune en faisant élever
dans l'enceinte de son château d'Argenton (1504), un
monument qui lui fait le plus grand honneur. Il n'est
pas aussi beau que le ravissant bijou du château de
Champigny en Touraine , où elle est représentée en
qualité de fondatrice, avec son second mari le prince de
la Roche-sur- Yon ; cependant, il mérite l'attention de
l'archéologue.
La Sainte-Chapelle d'Argenton, bâtie sur le modèle de
celle de Bourges n'a , comme sa devancière , qu'une
seule nef de proportions restrefti tes; mais l'architecture
en est belle et surtout très-pure.
484 COiNGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Trois belles fenêtres ornent l'abside. Les voûtes sont à
nervures prismatiques.
Une des ciels porte les armoiries des Montpensier,
sculptées en relief. Elles n'ont pas été mutilées pendant la
révolution.
On =ait que les armes des Montpensier sont l'écu de la
maison de France, avec un bâton péri de gueule.
La Sainte-Chapelle d'Argenlon est un monument d'au-
tant plus intéressant pour notre département, qu'il est
unique. Nous avons des parties d'églises appartenant aux
xv*^ et xv!"" siècles; mais il n'y a que la Sainte-Chapelle
d'Argenton qui présente un tout homogène et de la même
époqu}. Honneur à ceux qui travaillent, en ce moment, à
la restauration d'un monument qui est certainement un
des beaux fleurons de la couronne artistique de notre
Berry.
10° Les seigneurs de Palluau^
Le château de Palluau rappelle un glorieux souvenir.
Il était occupé par les Anglais, lorsque Philippe-Auguste
planta lui-même sur une des tours l'étendar i de France.
Ce château est aujourd'hui en ruines, cependant on y
voit encore une porte du xvi'" siècle très-remarquable et
une antique chapelle décorée de peintures murales. Ces
peintures représentent les traits les plus saillants de la
vie de Notre- Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Mère.
On dit qu'elles ont été laites par une des châtelaines du
vieux manoir et qu'elles ont du mérite.
La dix-neuvième question posée par le Congrès archéo-
logique de France était celle-ci : Faire connaître les
XI" SESSION, A CIIATEAUROUX. iH,")
caractère? principaux des églises du Hcrry, (Irpui^ le
xr siècle jusqu'à la licnaissancc.
Hélas! je me suis trouvé seul pour répondre à une
question aussi complexe; je l'ai d'autant plus regretté,
que, sur beaucoup de points, je n'avais que de vagues
souvenirs.
En mettant au jour ce travail, je ne me suis proposé
qu'un seul but : appeler l'attention des archéologves sur
les églises de notre Bas-Berry. Nous avons des richesses
qu'il serait bon do l'aire connaître, au point de vue de
l'art et de l'histoire; espérons qu'une société archéolo-
gique se formera dans le département de l'Indre, et qu'elle
comblera les lacunes d'un travail fait à la hâte.
La question XX du programme sur le symbolisme des
monuments religieux du Berry donne lieu, de la part de
M. l'abbé Damourette, à la lecture d'un mémoire dans
lequel il étudie cette intéressante question eu examinant
un grand nombre d'églises du département dans leurs
moindres détails.
Du symbolisme dans les monuments reli-
gieux du Berry; quels sujets y trouve-
t-on le plus souvent figurés ?
Suivant M. l'abbé Auber, les églises qui consisteraient
dans une simple nef, longue et étroite, sans aucune indi-
cation de retrait au sud et au nord, seraient en petit
nombre en France depuis le x" siècle. (Tom. 111, p. 100.
48<) (;(t\(;«Ès archéologique de frange.
Bistoire du symbolisme.) Ellos sont assez communes en
Berry .
Notre magnifique cathédrale, le plus beau monument
qui ait jamais été construit en Berry, n'a pas la forme de
la croix : c'est une basilique romaine à cinq nefs paral-
lèles, sans transept.
Nous n'avons qu'une seule église de forme circulaire,
c'est l'église de Neuvy-Saint-Sépulcre.
Dans nos églises bâties sur un plan basilical, un sym-
bole domine tous les autres, c'est celui de la sainte
Trinité.
Je ne connais pas une seule église, bâtie en Berry au
XI" ou XII'' siècle, qui n'ait trois baies dans l'abside. Évi-
demment on a voulu, en adoptant ce nombre symbolique,
graver dans les esprits le dogme fondamental de la foi
catholique.
Ces traits caractéristiques sont bien marqués dans une
charmante église du xi'' siècle, dont les dessins ont été
rais sous vos yeux.
C'est l'église de Saint-Denis de Jouhet , une nef
oblougue, avec un chevet percé de trois fenêtres, sur-
montées d'une belle rosace.
Si l'église de Neuvy, un des soixante monuments les
plus remarquables de France, comme types d'architec-
ture, fut bâtie en forme de rotonde avec collatéral et étage
supérieur, ce fut, comme disent les chroniques du temps,
en imitation et en souvenir du Saint-Sépulcre de Jéru-
salem.
Dans nos églises de plan crucial, on remarque la dé-
viation de l'axe longitudinal du nord au sud ; il est
hors de doute que, par ce moyen ingénieux, on a voulu
symboliser l'afl'aissement de la tète du Sauveur rendant
le dernier soupir.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. W?
Le jugement dernier, tel (lu'il est décrit dans les livres
saints, est la parure des façades de la cathédrale de
Bourges et de l'église de Levroux.
Je le retrouve peint sur les murs des petites églises, et,
en particulier, sur le chevet de la petite basilique de
Oouadic.
Dans les représentations du jugement dernier, les dé-
mons sont symbolisés par des figures d'animaux hideux.
Rien n'est plus frappant que le pcscment des àuies ; il
se fait dans une balance. Souvent le démon fait les plus
grands efforts pour emporter de son côté le plateau de
la balance; mais les bons anges sont là, et s'opposent
à ses efforts : aussi le pèsement se fait avec la plus stricte
justice.
Quand le jugement est prononcé par le Juge des vivants
et des morts, les bons anges conduisent les élus dans le
ciel, tandis que les démons, liant avec de grosses cordes
les damnés, en font un faisceau et les conduisent en
enfer. Dans ce faisceau il y a des rois, des évéques, des
grands seigneurs, mêlés avec le populaire. L'église pro-
clamait ainsi en face de tous le dogme chrétien de l'éga-
lité devant Dieu.
Dans l'église de (Jiargilesse, aux chapiteaux des colonnes
qui sont autour du chœur, on admire, sculptés sur la
pierre, les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse.
Des vingt-quatre vieillards, la moitié se compose du
collège apostolique, l'autre moitié des douze patriarches,
pères des douze tribus d'Israël, apôtres de l'ancienne loi.
Cette union des apôtres et des douze patriarches est le
symbole de l'union parfaite qui existe entre les justes de
l'ancienne loi (la religion judaïque) et les justes do la nou-
velle loi (la religion chrétienne).
Dans nos églises du Berry, Jésus-Christ glorieux et
18S r.ONCJRES ARCHEOLOUIQUE DK FRANCE.
Iii(»iiii)liaiit, a>?is sur un trnno à la droite (ie sou Père,
e?t souvent ii'[iréseuté dans les coquilles de l'abside
centrale, entouré des symboles des quatre évangélistes ,
l'ange, le taureau, le lion et l'aigle : tantôt il bénit,
tantôt il tient en main le livre de la loi.
Habacuc, conduit par un ange à Babylone, porte un
vase contenap.t du pain à Daniel, qu'on avait jeté dans
une ibsse. au milieu de sept lions : magnifique symbo4e
de l'Eucharistie.
Symboles dans les corbelets : Figures grimaçantes : les
vices ou les démons.
Symboles dans les chapiteaux : Deux colombes ; l'inno-
cence et la simplicité unies ensemble.
Symb'Aes dans les peintures murales : 1° Le renard, le
démon; — 2° les péchés capitaux.
Six lions (trois de chaque côté], , sculptés en relief, sous
les piédestaux des colonnes de la grande baie de l'abba-
tiale de Fontgombaut, rappellent le trône de Salomon et
le souvenir des anciens abbés de Fontgombaut, qui eux
aussi, à l'exemple du grand justicier qu'ils avaient pris
pour guide, rendaient la justice inter leones.
Symbolisme des statues des églises du Berry.
Aux XI" et xir siècles, la sainte Vierge est représentée
assise sur une chayère, tenant le Christ enfant sur ses
genoux. La mère est couronnée, tandis que l'enfant ne
l'est pas; il bénit, ou il porte un livre.
La Vierge de Déols, qui ne fut mutilée qu'en 93 (elle
avait échappé aux actes de vandalisme des protestants j,
est une Vierge assise, d'un très-beau ty[ie. Elle porte sur ses
genoux l'Enfant emmaillotté.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. -iSO
Dani la crypte de l'église de dargilesse, on voit encore
aujourd'hui une statue de la "Vierge mère, qui est très-
remarquable au point de vue de l'histoire de l'art.
Elle est assise ; l'Entant divin est nimbé ; il bénit d'une
main, et porte de l'autre un globe qui représente le monde.
Sur la console qui supporte le groupe, on admire deux
rois, portant en tète des couronnes et, dans leurs mains
droites, des instruments de musique : ils tournent leurs
regards avec amour vers Marie et Jésus.
M. Viollet-le-Duc croit que la manière de représenter la
Vierge assise, tenant sur ses genoux l'Enfant divin, est
empruntée aux artistes grecs. C'est, dit-il, une importation
byzantine, due aux ivoires et peintures rapportés d'Orient
par les croisés. Il me semble que M. Viollet-le-Duc oublie
que la Vierge mère assise sur un trône, portant entre ses
bras le divin Enfant, est un type que l'on trouve dans les
catacombes de Rome : il remonte donc aux premiers siècles
de l'ère chrétienne.
L'art grec représentant, même sur les monnaies, la
Vierge mère portant son enfant appuyé sur sa poitrine.
Les Latins la représentèrent dans une position plus
naturelle, tenant son fils ou dans ses bras, ou sur ses
genoux. »
Il semble que la Vierge, tenant son enfant sur ses
genoux, se dispose à nous le donner. C'est la pensée du
grand docteur du moyen âge, qui n'a cessé de dire, avec
une suave tendresse, aux chrétiens de son siècle, que tout
venait par Marie : Jésus et ses trésors. — Omnia nos
habere voluit [Deus] per Mariam. (Saint Bernard.)
Marie avait présenté Jésus aux Mages; aujourd'hui
qu'elle est dans la gloire, non-seulement elle le présente,
mais elle donne comme un don (jui lui appartient en
propre.
490 COiNGRÈS ARCHEOLOGIQUE UE FRANCE.
Cette croyance catholique est affirmée d'une manière
frappante sur le tympan d'un des portiques latéraux de
la cathédrale de Bourges. Il porte le nom de portique de
Notre-Dame-de-Gràce.
Sur ce portique la Vierge mère, assise, est représentée
en plein relief.
Elle tient son fils sur ses genoux. On distingue à sa
droite et à sa gauche plusieurs groupes suppliants,
qui viennent implorer sa protection et lui demander des
grâces. Il est facile de voir, à leur air de satisfaction, que
la parole de saint Bernard est vraie : « Qu'on n'a jamais
entendu dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à elle,
réclamé son secours, imploré son assistance, ait été aban-
donné. »
A dater du xiii^ siècle, la Vierge n'est plus représentée
assise. Elle est debout, couronnée et triomphante, tenant
son fils sur son bras gauche.
L'enfant lui présente une fleur ou un oiseau.
C'est ainsi que la Vierge est figurée dans l'église de
Palluau.
Le peuple appelle cette statue la Sur-Sainte; les Grecs
auraient dit la Toute-Sainte, la Panagia.
Au XVI* siècle, dans un grsl^id nombre d'églises et de
chapelles de notre Berry , la Vierge est assise au
pied de la croix, tenant sur ses genoux le corps de son
fils, mort et couvert de plaies. C'est un nouveau symbole,
le symbole de la douleur.
Vers le même temps on plaça dans les églises du Berry
une image qui est un symbole frappant de la sainte
Trinité.
Le Père est représenté assis sur un trône; il porte en
tête une tiare, comme le Souverain Pontife. Le Fils est
attaché à la croix : ce crucifix est placé sur les genoux
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 4.91
du Père éternel. Au-dossus du groupe on voit le Sainl-
Rs])rit, sous la forme d'une colombe.
J'ai vu des groupes de cette espèce en plusieurs églises,
entre autres dans celle de Levroux.
J'ai rencontré aussi très-souvent l'image ou la statue
de saint Jean- Baptiste, avec l'Agneau symbolique.
L'image de saint Christophe n'est pas rare. Dans les
peintures murales de l'église de Saint-Cyvran, canton
de Saint-Benoit-du-Sault, et de la chapelle de Marteau à
Clion, le saint est un vrai géant, portant sur son épaule
l'enfant Jésus, et tenant en main un bâton, qui est un
véritable arbre, terminé par des feuilles et des fleurs.
M. David, instituteur à Clion, a bien voulu nous en-
voyer les dimensions du saint Christophe de la chapelle
de Marteau. Il mesure 2 mètres f)5 centimètres de hauteur,
et l'enfant Jésus dépasse le haut de la tète du saint de
25 centimètres. Il est à remarquer que l'enfant est à che-
val sur l'épaule du saint, de la même manière que les
femmes portent les enfants en Syrie. Les jambes de saint
Christophe baignent dans l'eau jusqu'aux genoux; des
poissons nagent autour de lui. Il arrive sur le bord, et
déjà il lève un de ses genoux pour sortir de l'eau. Son
attitude courbée est celle d'un homme qui succombe
sous le poids d'un lourd fardeau. On aperçoit l'ermite sur
le bord de la rivière, tenant une lanterne, d'une main,
et de l'autre un chapelet.
L'intention des artistes qui donnaient à saint Chris-
tophe la taille d'un géant, n'était pas seulement de
le rendre visible, même de loin, à tous les regards ; on
voulait surtout représenter la force surhumaine qui lui
venait par Jésus.
Il était passé en proverbe de dire : Christophorum vides,
posteu tutus e«s, tant on était convaincu qu'il sulfisail de
iO'2 CONGRES ARCHÉOLOGIQUK DE FRA.NOE.
voir saint Christophe pour participer à la grâce de Dieu
et à la force qu'elle communique aux âmes.
Un ermite avait pris à son service Christophe, en lui
promettant un fort salaire s'il voulait faire le métier de
passer sur ses épaules les voyageurs à travers les eaux
d'un torrent.
L'enlant Jésus, qu'il porte sur ses épaules est, ou le
salaire qui lui fut promis par l'ermite, ou plutôt il sym-
bolise les voyageurs que saint Christophe a passés par
amour pour Jésus-Christ. Aussi ce symbole si touchant
rappelle cette parole du Sauveur :
Ce que vous faites au plus petit des miens, vous le faites
à moi-même.
M. de Laurière demande, à propos des déviations d'axe
que l'on observe dans quelques églises, où ces déviations
représenteraient l'idée symbolique de l'inclinaison de la
tête du Sauveur expirant sur la croix, si ces églises ont
été bâties d'un seul jet, ou si elles ont été construites par
reprises à différentes époques ; ce qui porterait à croire
que ces inflexions d'axe ne seraient que le résultat de
circonstances entièrement étrangères à toute idée de sym-
bolisme.
M. l'abbé Bordé cite l'église de Chaumont-en-Vexin,
édifice dont la construction se rapporte à la môme époque,
et qui présente une déviation d'axe très-sensible, i». Le-
nail fait connaître l'église de Saint-Rambert en Forez, qui
offre la même particularité. Cependant M. Lenail croit
que, dans un grand nombre d'édifices, cette déviation pro-
vient de certaines difficultés de reconstruction imposées
par des obstacles d'emplacement ou autres causes étran-
gères à une idée de symbolisme.
M. de Cougny, rappelant que ces questions ont été
soulevées dernièrement dans le Bulletin monumental,
XL" SESSION, A GHATEAUROUX. -493
désirerait savoir de M. l'abbé Bordé si dans le nord de la
Krance, où ces déviations sont observées, elles sont «msi-
dérées comme le résultat d'une intention synil)()li(]U(;.
M. l'abbé Rordé répond anirinativement.
M. l'abbé Blanchet, aumônier du lycée de Chàteanroux,
signale l'église de Mehun-sur-Yevre, dont l'axe est incliné
d'une manière très-sensible à partir du porche ; mais
il fait observer que ce porche date d'une autre époque que
le reste de l'église.
Sur la question 22 du programme : En vertu de quel
titre le donjon de Châteauroux relevait-il des archevêques
de Tours? M. l'abbé Damourette présente les observations
suivantes.
Le donjon de Châteauroux fut construit sur un feuduni
appartenant incontestablement aux princes de Déols. Dans
l'acte de fondation de l'abbaye de Notre-Dame de Déols,
ces princes abandonnent à l'abbé et à ses successeurs la
chapelle de Saint-Martin avec son cloître. Toutefois ils se
réservent la propriété du reste, puisque plus tard ils y
bâtiront leur donjon. Le feudum en question appartenant
aux princes de Déols, ils ont, exclusivement à tous autres,
le droit d'en faire hommage à qui bon leur semble. Ils en
font hommage à saint Martin dans la personne de ses
successeurs, les archevêques de Tours.
Les archevêques de Tours, ajoute M. l'abbé Damourette,
avaient droit de séjourner au donjon de Châteauroux
lorsqu'ils allaient à Rome, ainsi qu'il résulte de l'acte
d'hommage rendu par Denyze de Déols. Qu'on veuille
bien le remarquer, les archevêques de Tours n'ont droit
de séjourner au donjon de Châteauroux que dans un cas
unique : — lorsqu'ils vont à Rome. — N'est-ce pas en
souvenir de saint Martin séjournaul dans le lieu où plus
494 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQDE DE FRANCE.
tard sera bâti le casti^um Rodulphi, lorsqu'il se rendait de
Tours à Rouie par le pays des Bituriges?
M. Palustre émet sur cette questidu une opinion qui
diffère de celle de M. l'abbé Damourette. 11 pense que la
source de la suzeraineté exercée par les successeurs de
saint Martin sur une partie du diocèse de Bourges, et sur
le donjon de Châteauroux en particulier, découle de cette
circonstance, que saint Cyran, le célèbre fondateur des
abbayes de Méobecq et de Lonrey, dans la Brenne, était
fils d'un noble seigneur nommé Sigelaïc, qui, après avoir
joué un grand rôle politique et même gouverné le comté
de Bourges, était devenu évèque de Tours ; de sorte que
l'on est autorisé à conclure que la mission civilisatrice du
premier aida considérablement à l'extension de l'influence
du second. Du leste, cette opinion se trouve plus longue-
ment développée par M. Palustre dans l'intéressant article
qu'il a publié sur les Monuments de l'Indre, dans le n" 2
du Bulletin monumental de 1873.
La séance est levée à 10 heures 45 minutes.
J. DE Laurière ,
Secrétaire de la séance.
2» SÉANCE DU 13 JUIN 1873.
présidence de m. de laurière,
Inspecteur général de la Société.
Siègent au bureau : MM. Guillard, Emile Barboux,
Gaugaiii et Boucheron.
Secrétaire M. de Bave.
XL*" SESSION, A ClIATKAUROUX. 495
M. l'abbé Blancliet fait la lecture du procès-verbal de
la cinquième séance.
M. Cattois soumet une observation relative au procès-
verbal, qui sera modiiié dans le sens de la rectification
indiquée.
M. Palustre communique au Congrès le résultat de
son examen du bréviaire manuscrit, appartenant à la
bibliothèque de Ghàteauroux. Il interprète plusieurs des
miniatures et en signale l'ornementation générale, rem-
plie d'une haute expression. Il explique également le sens
de la miniature, relative à l'apparition de saint Michel
sur le mont Gargan, en Apulie.
M. Cattois signale, dans le même manuscrit, la minia-
ture exprimant le dogme de la très-sainte Trinité. Il en
fait remarquer l'heureuse et juste inspiration.
M. de Laurière constate la grande valeur artistique du
manuscrit dont la ville de Ghàteauroux doit être fière, et
le place au même rang que le manuscrit tant admiré de
Venise.
Enfin, M. Palustre, considérant que le bréviaire ne
contient que deux parties, propose d'insérer une mention
dans un journal pour rechercher les deux autres parties.
M. de Cougny, directeur de la Société, propose avec
empressement le Bulletin monumental, répandu dans toute
l'Europe.
M. de Laurière lit la vingt-cinquième question, ainsi
conçue : Architecture militaire de la région, depuis le
xii^ siècle jusqu'au xV.
En l'absence de l'orateur qui devait traiter la question,
M. l'abbé Damourette donne verbalement d'intéressants
détails sur ce sujet ; il mentionne l'existence d'un
nombre considérable de châteaux forts des xir et xiii* siè-
cles, destinés à la défense du pays. Il révèle, très-utile-
496 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ment, l'existence d'un état de ces châteaux, dressé par
ordre de la Convention.
Sur la vingt-septième question : Quelle est la signifi-
cation symbolique des sujets de chasse représentés sur
le tombeau de saint Ludre, dans la crypte de Déols, et sur
le tombeau de Javarzay, figuré dans V Abécédaire d' archéo-
logie religieuse de M. de Caumont, p. 268? M. Lenail,
dans un mémoire conçu et exprimé d'une manière bril-
lante, déclare qu'il faut renoncer à trouver une significa-
tion symbolique dans les sujets de chasse qui ornent les
tombeaux.
Ne vous semble-t-il pas. Messieurs, que nous sommes
trop souvent, dans nos études, aux prises avec des diffi-
cultés réelles pour qu'il soit raisonnable de nous en créer
de nouvelles. Combien de difficultés n'élevons-nous pas
cependant pour goûter la satisfaction de faire croire aux
autres, sinon de croire nous-mêmes, que nous les avons
vaincues.
La question du symbolisme, quand même, est en vérité
l'une de ces difficultés? Si nous sommes surpris de voir
des esprits intrépides vouloir chercher le symbolisme
partout, nous sommes, à plus forte raison, stupéfaits de
les voir le trouver là où il n'a jamais existé.
A la 27^ question posée par le programme, je ne crains
pas de répondre que jamais les sculpteurs n'ont attaché
une idée symbolique à la représentation des chasses sur
les tombeaux.
Ces sujets étaient fréquents dans la sculpture ro-
maine, et les ouvriers mal habiles des époques de déca-
dence, ayant à décorer des surfaces d'une certaiifb dimen-
sion, ne trouvaient rien de mieux que de reproduire les
sujets dont ils trouvaient des exemples sous leurs yeux,
des types qu'ils avaient dans la main.
XL" SESSION', A CHATEAUKOUX. A91
Nous trouvons IVéquiMunioiil la preuve que les ouvriers
(lu XVI'' siècle ne faisaient pas autrement; ils répétaient
partout, en les détigurant trop souvent, les ornements
qu'ils avaient exécutés d'abord sous la direction d'un
niaitre habile. Nombre de nos bas praticiens l'ont de môme
aujourd'hui.
Le tombeau de saint Rémy, l'antique Glanum, est
décoré de sujets de chasse qui n'ont d'autre raison d'être
que celle que je signale.
Il est évident que les sculpteurs désireux de décorer
richement le tombeau d'une puissante famille, ont repro-
duit des sujets communs, sur lesquels ils s'étaient sou-
vent exercés.
Nous trouvons, en effet, à Saint-Rémy, une bataille de
cavalerie et le combat des Amazones, une chasse à côté
d'un groupe de guerriers pleurant sur un cadavre.
Tous sujets traités avec de visibles réminiscences de
l'art grec.
Si, à l'époque de Constantin la décadence artistique en
était arrivée à ce point, il est bien naturel de penser que
ce qui était déjà une habitude au iv* siècle chez les prati-
ciens encore habiles, devint une triste nécessité pour les
sculpteurs des époques suivantes, a Quelle que soit l'origine
des compositions de chasse, que l'on trouve en si grand
nombre en tant de lieux, dit Prosper Mérimée, elles
paraissent avoir été tellement à la mode dans le bas
empire, que les sculpteurs en faisaient à la pacotille. »
Et, en parlant du tombeau de Déols, il ajoute : « Il est
évident que c'est un fond di; magasin, et si je puis
m'exprirner ainsi, dont on a fait usage probablement
même assez longtemps après l'exécution des bas-reliefs. »
M. VioUet-le-i^uc, qui, négligeant volontiers le sym-
bolisme, trouve souvent la juste raison des choses, a re-
XL* SESSION. 32
498 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
marqué quelle est encore, dans l'école berrichonne des
premières années du xii" siècle, Tinfluence romaine, m-
fluence qui lutte dans le pays avec des traditions byzan-
tines, à une époque où déjà l'art grec, transformé par le
o-énie indigène, est devenu un art vraiment français dans
nie-de-France, la Normandie et le Poitou.
L'influence romaine est évidente, en effet, dans les
sculptures de la porte de Saint-Ursin de Bourges; aussi
ne sommes-nous point surpris de trouver dans le tympan
de cette porte un de ces mêmes sujets de chasse, dont la
présence ici est encore due à une réminiscence de l'ou-
vrier.
Nous voyons au musée de Niort un tombeau du com-
mencement du XII'' siècle, tombeau également décoré de
sujets de chasse dans lesquels, il est vrai, l'art romain n'a
rien à voir absolument.
Je crois qu'un ouvrier, bon praticien de sou époque, a
voulu reproduire avec son génie propre une de ces scènes
de chasse qu'il avait pu voir, ou dont même il n'avait
connu l'existence sur les tombeaux que par tradition.
Ceci est d'autant plus probable que ce sarcophage est
une véritable exception, puisque tous les tombeaux du
xii^ siècle ont un caractère religieux, fort amoindri sur
celui-ci.
D'autre part, nous ne connaissons point d'autres mo-
numents aussi ornés. Or, si nous admettions que le
sculpteur a eu en exécutant son travail une intention
cachée, comment penser qu'une signification symbolique,
attachée à ces images, a cessé subitement d'être comprise?
Quelles subtilités faudrait-il inventer pour expliquer
l'effacement de cette idée, alors qu'il est si clair et si
simple de voir dans l'abandon des sujets en question une
raison de progrès dans l'art de la sculpture !
XI.'' SESSION, A CHATEAUROUX. 490
Il me paraîtrait pros(iun invraisernhlahlo mi-nio que ces
chasses eussent été sculptées sur les toniboaux, pour per-
pétuer la mémoire d'un clias?eur fameux, ou sur les portes
des églises et des abbayes, pour célébrer les exploits d'un
fondateur ou d'un bienfaiteur.
Les chasses des tombeaux de Déols, comme de Saint-
Rémy de Reims, d'Arles, ne sont dues qu'au défaut de
science et d'imap^iuation des ouvriers ; celui de Javarsay,
(ju'à un souvenir tantaisiste.
L'illustre abbé de Clairvaux partage à ce sujet mon in-
diflférence pour le symbolisme, ou, pour dire plus juste, il
m'en donne l'exemple.
Voici ce qu'il écrit, s'adressant à Guillaume, abbé de
Saint-Thierry, et s'élevant contre les inutiles images
répandues pn profusion par les sculpteurs et les peintres :
« Quidfacit illa ridicula monstruositas, quaedam difor-
« mis Ibrmositas, et formosa deformitas?
M Quidibi feri leones? quid monstruosi centauri?
« Quid milites pugnantes? Quid venatores tubi-
« cinantes? »
Les chasseurs qui sonnent de la trompe! les voilà
repoussés comme les grotesques et les monstres 1
Saint Bernard, sous les yeux duquel étaient sculptés
ces épisodes de chasse, ignore qu'ils aient une signilica-
tion symbolique, et ne voit dans ces représentations que
des fantaisies d'ouvriers.
Je crois ne pouvoir mieux faire que suivre le saint abbé
dans sa docte ignorance, sans chercbcr à découvrir après
tant de siècles, dans des tableaux de chasse, ce que l'in-
telligence du plus clairvoyant des contemporains n'y a
jamais vu ni jamais soupçonné.
M. de Laurière, président, appuie les conclusions de
500 CONGRÈS ARCIIÉOI.OC.IOUE DE FRANCE.
M. Lenail de l'autorité de ?o.> (.hsorvations personnelles :
il a rencontré en Afrique des tombeaux ornés de sem-
blables sujets ; on ne songeait nullement à leur attribuer
une signification symbolique.
M. l'abbé Damourette aborde ensuite la vingt-huitième
question. 11 fait des rapprochements entre les monuments
qui portent les emblèmes du soleil et de la lune, et en
donne la signification dans les circonstances qu'il men-
tionne. L'interprétation, pour le cas spécial, termine son
rapport, qui est annexé au présent procès-verbal.
Quelle est la signification des emblèmes
du soleil et de la lune, figurés de chaque
côté de la tête du défunt, sur une dalle
tumulaire du musée de Châteauroux ?
Avant de répondre à la question, nous ferons connaître
la pierre tumulaire sur laquelle la figure d'un prieur de
l'abbaye des bénédictins de Saint-Gildas est gravée eu
creux.
Cette pierre est le couvercle d'un tombeau ; sur cette
pierre, on voit deux disques, emblèmes du soleil et de la
lune. Le soleil est marqué d'une croix, d'où s'échappent
quatre rayons lumineux.
Les deux emblèmes sont placés au haut de la dalle, de
chaque côté de la tète du moine, très-reconnaissable
à la grande coule des bénédictins, qui l'enveloppe tout
entier.
A l'entour de la dalle tumulaire, règne une inscription
en grandes et belles lettres gothiques, dont voici la tra-
duftinn : « lei repose piiour du monastère de Saint-
XL" SESSION, A CUATJiAUUOUX. SOI
Gildas de Cliàleauroux, mort en l'an 1302, le troisi(^me
jour avant les nones de mai. Qu'il repose en paix ! «
L'endroit où cette pierre tombale a été découverte est
à proximité du lieu où s'élevait autrefois l'église du mo-
nastère. Le prieur avait été inhumé, suivant l'usage, dans
la partie du cloître qui touchait à l'église.
Cette tombe ayant été achetée par la Société du musée
de Chàteauroux, l'ut transportée dans la cour de l'hôtel de
ville, où elle est malheureusement exposée, en attendant
un abri, aux nijures des saisons.
Que signifient les emblèmes sur lesquels on a appelé
l'attention des membres du Congrès ?
Avant tout, nous devons admettre, comme un fait cer-
tain, que les Égyptiens plaçaient, sur les sarcophages où
ils déposaient les cadavres de leurs morts, les emblèmes
du soleil et de la lune; ils étaient dans l'usage de repré-
senter le soleil et la lune par des masques de figures
humaines, de stature colossale.
Le masque du soleil était le symbole du dieu Osiris, et
le masque de la lune de la déesse Isis. Par ces emblèmes,
les Égyptiens prétendaient faire connaître qu'ils plaçaient
leurs morts sous la protection de ces dieux, qui étaient
pour eux ce qu'étaient Jupiter et Junon pour les Grecs.
Cet usage passa de l'Egypte chez les Romains.
Montfaucon, dans son bel ouvrage qui a pour fitre
Y Antiquité expliquée par les monumenis, nous donne, à la
page 101 du tome V, un magnifique dessin représentant
un sarcophage antique. Aux deux extrémités de la frise du
monument étaient deux tigures colossales, dont il reste
encore celle de droite.
D'après ce savant, ces deux ligures colossales sont les
emblèmes du soleil et de la lune.
Le monument est romain. D'autres antiquaires ont vu,
502 CONGRÈS ARCHEOLOGUjUE DE FKAIN'CE.
daus les musées de Uonie, des sarcophages où les figures,
emblèmes du soleil et de la luue, sont coiffées d'un bonnet
phrygien. Je fais cette remarque parce que j'ai vu le
bonnet phrygien placé dans des disques, sur des cruci-
fixions.
Parmi les découvertes nouvelles laites à Rome, par
l'illustre M. dcRossi, au cimetière de Callixte, se trouve
un fragment de sarcophage, aux angles supérieurs duquel,
aux lieu et place des emblèmes du soleil et de la lune, on
fait hgurer les tètes de saint Pierre et de saint Paul.
Les chrétiens de l'église primitive conservaient donc,
comme ornement des tombeaux, des figures aux angles;
mais pour leur donner un caractère en harmonie avec
leur histoire et leur symbole, ils devaient substituer au
culte des dieux païens le culte de leurs martyrs, et pla-
cer les sépultures de leurs morts SoUS leur protection.
Le moyen âge reprit l'antique usage de placer les
emblèmes du soleil et de la lune sur les tombeaux. La
pierre tumulaire du musée de Chàteauroux en est une
preuve sans réplique. Il y a plus: nous avons des preuves
sans nombre que ces emblèmes furent placés, comme
accessoires du crucifiement, dans les tableaux, dans les
verrières, dans les bas -reliefs et dans les mosaïques,
surtout depuis le xii^ siècle jusqu'à la Renaissance.
Le soleil était représenté sous une figure humaine
radieuse ; la lune, sous celle d'un croissant : c'est le
type ordinaire.
D'autres foi?, ce sont deux demi-figures humaines,
coiffées, l'une d'un diadème royal, et l'autre d'un crois-
sant, comme sur l'une des ampoules de Monza.
On croit assez généralement que les images du soleil et
de la lune sont placées sur les crucifix pour rappeler
l'obscurité simultanée dont ces deux astres furent atteints
XJ." SKSSIOiN, A CllATEAlIKOUX. 503
au iiioment de la luorl du Hédouipteur ; luais uuus
regardons comuie plus probable, dit M. l'abbé Martiguy
[Dictionnaire des antiquités chrétiennes, art. crucifix),
qu'on a eu l'intention d'exprimer ainsi les deux natures
en Jésus-Christ : la divinité par le soleil qui brille de sa
propre lumière, et l'humanité par la lune, corps opaque
qui, ne brillant que d'une lumière réfléchie, est sujet à
diverses phases d'éclat et d'obscurcissement, tout comme
la nature humaine qui, unie dans la personne de Jésus-
Christ à la nature divine, participe à la splendeur de
celle-ci, sans être affranchie des défectuosités de celle-là.
Voici l'explication des savants ; mais s'il m'était permis
de donner la mienne, je dirais volontiers que les deux
astres ont été placés autour de la tète de Jésus-Christ
mourant sur la croix, pour signifier que celui qui expire
sur un gibet, comme un criminel, est cependant l'auteur
de la nature, représentée, dans ce grand drame, par les
deux plus beaux luminaires de la création.
Que les crucifixions ne nous fassent pas oublier les
dalles tumulaires !
Que signifient donc les emblèmes du soleil et de la
lune par les pierres des tombeaux du moyen âge?
Qu'il me soit permis de dire que l'opinion que je pré-
fère à toutes autres est celle de ceux qui admettent que
les emblèmes du soleil et de la lune représentent la vie
de l'homme. La lune, la vie terrestre avec ses obscurités ;
le soleil, la vie céleste avec ses clartés divines; et pourquoi
ne dirions-nous pas, puisqu'il s'agit d'expliquer le sym-
bolisme de ces emblèmes gravés sur le sépulcre d'un moine,
que la lune représente la vie que les chrétiens mènent au
milieu du monde, vie pleine d'illusions, de ténèbres et
d'obscurités; et que le soleil, au contraire, ligure la \ie.
parfaite du cloitre, qui, dans les ordres fervents, est illu-
504 CONGRÈS ARCHÉOLCGIQUE DE FKANCE.
minée de toutes les clartés célestes, et inondée de grâces
et de bénédictions, si bien symbolisées par les quatre
rayons qui sortent de la croix de Jésus-Christ, que l'artiste
a si heureusement placée sur le disque du soleil ?
M. Guillard, ancien agent voyer d'arrondissement,
communique le fruit de ses recherches pour compléter les
renseignements recueillis sur les monuments mégali-
thiques. Il signale un camp, près de Sassierges, offrant
des dispositions toutes particulières, qu'il décrit dans la
note ci-jointe :
Note sur un ancien camp situé en la com-
mune de Sassierges, au lieu dit Blard.
On remarque, à quatre kilomètres environ de la petite
ville d'Ardentes, sur les limites réciproques des cummunes
de Mâron, d'Ardentes et de Sassierges, s'élendant princi-
palement sur le territoire de cette dernière commune, dans
lesbrandes du village de Blard, une étendue de terrain de
quarante-quatre hectares environ de superficie, qui ofire
une disposition toute particulière (fig. 1). Elle est couverte
de trous creusés de main d'homme, sauf dans la partie
du milieu, dont la largeur moyenne est de 80 mètres et
la longueur de 280 mètres. La tradition vivante du pays
y attribue un origine romaine et y rattache des guerres
très-anciennes.
Les trous sont disposés en quinconces irréguliers,
et ils ont la forme de cônes tronqués renversés (fig. 3,
4 et 5). Le diamètre en est de 2 mètres 50 à 3 mètres,
>t-
7V?J.
Plan du Camp df Biard
Jloma,
.SJ&—i
i'cAe/âe de. -1
I6P00
ou ûTOOf pouj- /6".\
Coupe a.b.
KcàeUe ou û'ooô /j'^ /."^ÛO
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 505
sur 0" (>() à O" 80 do prolbndeur; quelques-uns ont jus-
qu'à o mètres de largeur sur 1 iiiètre 50 de creux. Tous
ont, en conséquence, au fond, une partie plane qui varie
de l'un ù l'autre. Us sont éloignés, d'axe en axe, de
4 mètres 50 à G mètres, laissant entre leurs bords une dis-
lance de 2 à 3 mètres.
L'échelle du plan que nous joignons à cet exposé est
trop petite (1/8000 ou 0" 001 pour 8 mètres) pour re-
présenter exactement le détail des choses. Nous avons
reproduit, pour qu'on puisse en juger (tig. 3 et 4.j, un
assemblage de trous dans les deux dispositions extrêmes
qu'ils occupent: celui qui offre, d'un côté, la forme la
plus régulière, et de l'autre, la plus irrégulière.
La voie romaine, dite Chaussée de César, de Bourges à
Argenton,par Brnodu7'um et Alerta^ traverse ces terrasse-
raenis, dans leur plus faible largeur, sur 400 mètres
environ. Elle existait avant qu'ils fussent établis, car
elle est coupée par des trous semblables à ceux que
nous venons de décrire. Depuis, un chemina été pratiqué
au long de cette voie , qu'il traverse deux fois aux
points où les petites excavations étaient les moins pro-
fondes. Le détail N, développé (tig. 2.), indique cette
particularité. Aux deux extrémités, la voie est en relief;
elle a 3 mètres de largeur en couronne, et les talu?, qui
ont de chaque côté I mètre 50 à la base, paraissent avoir
été labourés comme les terres antiques.
Le périmètre de ce camp pouvait, autrefois, être très-
régulier; mais, depuis longtemps, cej-taines parties ont
été mises en culture, et il serait bien difticile d'en déter-
miner actuellement les limites exactes. Les lignes ponc-
tuées, établies sur le plan général (fig. 1.), indiquent
approximativement le contour de l'espace où l'on peut
remarquer, soit des trous bien conservés, soit remplace-
506 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ment de ceux qui y étaient ouverts il y a seulement
quelques années. Dans le laillis de la Boiffarderie, il
s'en trouve également; mais le bois est d'une époque plus
récente, car les arbres s'élèvent sur les bords, sur les talus
et dans le fond des excavations.
L'altitude du terrain est une des plus élevées de la cir-
conscription, et du coteau faiblement incliné à l'ouest, sur
lequel ce retranchement est assis, on disting-ue six clochers:
celui d'Ambrault, d'Ardentes, de Bouimiers, de Màrou,
de Sassierges et de Saiut-Aout. D'autres trous existent
ailleurs, à une distance plus ou moins éloignée, dans
ce qui était autrefois la brande. Ils ne paraissent pas
avoir été réliés aux premiers directement. Étaient-ils
destinés à couvrir des postes avancés, qui protégeaient le
camp principal, ou étaient-ils établis entre des obstacles
naturels, des bois très-touffus, par exemple, pour accroître
la difficulté des approches? Celte question, en raison de
l'absence complète de renseignements, nous semble devoir
rester sans réponse.
L'époque à laquelle ces travaux de défense peuvent
remonter, nous semble très-problématique. Dans tous les
cas, ils sont postérieurs à la voie romaine, par conséquent,
au règne d'Auguste, sous lequel ou suppose que cette voie
a été construite.
M. de Cougny, directeur de la Société, à l'occasion de
la communication de M. Guillard, signale une semblable
découverte faite dans la forêt de Ghinou. Un mémoire sur
ce sujet a été publié, cette année, dans le n° VI du Bulletin
monumental.
La vingt-neuvième question est traitée par M. l'abbé
Damourette. Il détermine la signification des arbres sym-
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 5(»7
boliques, existant dans la chapelle de l'Hôtel-Uieu d'is-
soudun.
Les arbres généalogiques.
Dans la chapelle de l'hospice d'issoudun, on voit deux
arbres emblématiques, sculptés en gros relief, sur de larges
pierres.
Au sommet de l'un des arbres symboliques, on aperçoit
la sainte Vierge entourée de rayons flamboyants, et tenant
sur son bras gauche l'Enfant divin. Deux anges qui sem-
blent descendre du ciel, déposent une couronne sur la tète
de la Fille des rois de Juda. Un personnage, couché au
pied de l'arbre, contemple, à travers les âges, le mystère
de la Vierge mère; ce personnage est Jessé. L)e la racine
de Jessé est sortie une tige, cette tige c'est la sainte
Vierge. Elle porte en main la belle fleur qu'elle a pro-
duite : Jésus-Christ.
Autour de la Vierge, sur les branches de l'arbre, on
voit sept personnages à droite, et sept personnages à
gauche; ce sont les rois de la tribu de Juda ; il est facile
de les reconnaître à leurs sceptres et à leurs couronnes.
Un d'eux a une harpe en main; c'est incontestablement le
saint roi David.
David est le fils «le Jessé, et la souche d'où les rois de
Juda sont sortis; aussi est-il près de Jessé, et placé à la
tête de ses descendants.
Un de ces rois tient en main une épée; sa couronne est
tombée à terre. N'est-ce pas le malheureux Sédécias? 11 a
vainement combattu contre la formidable armée de Nabu-
chodonosor. Sa ville capitale est prise; il rend son épée;
il perd la couronne. On le conduit captif à Babylone.
o08 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Sur le second arbre, il me semble reconnaître, à ses
vêtements sacrés, le grand prêtre Aaron. C'est le chef de
la race sacerdotale, il n'est pas l'ancêtre de Marie, mais
cependant Marie est alliée à la famille Aaron. On a voulu
rappeler que Marie résumait en elle toutes les gloires de
la famille royale et de la faunlle sacerdotale; les Pères
de l'Église ne manquent pas de nous le faire remarquer.
Moïse est facile à reconnaître, aux Tables de la loi qu'il
porte en main.
Les autres personnages paraissent être les prophètes
et les sibylles. Ce qui le prouve, c'est qu'on voit au haut
de l'arbre le Saint-Esprit qui les a éclairés de ses lumières
divines.
On reconnaît les sibylles à leurs costumes de femmes.
Qu'on ne s'étonne pas de voir les sibylles à côté des
prophètes. Dans le chaut si grave de la prose des morts,
Malabranca met sur le même ligne David et la sibylle.
Te&te David cum sibylla.
La liturgie parisienne de i73i avait remplacé cette
phrase pleine de signification par ces mois : Crucis oxpen-
dens vexilla. Mais l'Église romaine vient de les effacer
avec autorité ; elle maintient le Teste David cum sibylla.
Elle croit qu'il y a des choses inspirées par le Saint-
Esprit, dans les vers sibyllins.
M. l'abbé Bordé cité des faits archéologiques qui vien-
nent à l'appui des conclusions de M. l'abbé Damourette.
M. de Laurière, président, à l'occasion de la question,
s'étonne que, vu le grand nombre d'arbres généalo-
giques de la même époque, le cloute ait pu se produire
en Berry sur la signification des arbres, objets de la dis-
cussion.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 509
M. de Lauritu'e signale on niitrn trois personnages que
l'on remarque au pied de ces arbres. Le sujet représente
une opération chirurgicale. On voit le patient, et deux
autres personnages, saint Cosnie et saint Daniien.
L'exécution de ce groupe est exquise. Le Congrès (ait des
vœux pour la conservation de ce monument.
M. Fauconneau-Dufresne, sur la trentième question,
communique des renseignements considérables et détaillés,
qu'il a remis pour le compte rendu.
A quelle époque remontent les archives
municipales des principales villes de la
région ? En signaler les documents his-
toriques les plus importants.
Je me bornerai à dire quelques mots des archives
municipales du département de l'Indre.
Nous avons d'abord à Ghâteauroux trois dépôts impor-
tants : 4° les archives de l'hôtel de ville ; 2° les archives
du palais de justice ; 3° surtout les archives de la préfec-
ture ou du département.
Je m'abstiendrai, vous le comprendrez, de parler de ces
dernières, laissant à M. Hubert, notre savant archiviste,
le soin de vous entretenir du grand et précieux dépôt
confié à ses soins et dont il a publié récemment le premier
volume de V Inventaire sommaire.
I. — Archives de l'hôtel de ville.
Ces archives se divisent en deux parties : la première,
antérieure à 1790, est la plus considérable et la plus inté-
o\0 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ressante; la seconde date de cette époque jusqu'à nos
jours.
1° Les archives antérieures à 1790 commencent à l'an-
née 1370 ; on y trouve les subdivisions suivantes :
Actes constitutifs et politiques de la commune. — Tran-
sactions entre Guy de Chauvigny et ses successeurs avec
les bourgeois , manants et habitants de Chàteauroux.
Affranchissement du cens envers diverses personnes.
Sentences rendues par divers fonctionnaires du baillage.
Nominations de députés des divers États. Correspondance
adressée aux maires et échevins.
Administration communale. — Délibérations relatives
au grenier à sel. Règlement de la milice bourgeoise.
Projet du comte d'Esseville sur la navigation de l'Indre.
Impôts et comptabilité. — Confection des rôles de la
taille. Service funèbre pour le dauphin. Comptes relatifs
à la corvée. Reconnaissances de rentes. Dépenses muni-
cipales. Péages. Revenus patrimoniaux. Droits réunis.
Dons gratuits. Tailles et gabelles. Provisions diverses.
Anciens droits royaux. Comptes de la ville. Manufacture
royale de draps.
Propriétés communales. — Liste des corvéables. Travaux
sur les routes, places et promenades. Réparation aux
églises. Adjudication des lavoirs, des pavages, etc. Maison
du Temple. Construction des pilastres de la porte Saint-
Denis. Traité relatif au collège.
Affaires militaires. — Transport de troupes. Milice
bourgeoise. Tarifs pour les étapes. Logements militaires.
Justice, procédure et police. — Procès, contestations.
Création des garde-vignes, etc. Procès avec la comman-
derie de l'Ormiseau. Procès divers.
Culte, instruction, assistance publique. — Service Saiut-
Côme pour les médecins et chirurgiens. Réception des
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 31 1
aspirants, etc. Fabrique de; lï'gliso Sainl-Aiidir. Église
d'Arthon. Fabrique de l'église Saint-Martin. Collège
(ancien). Bureau de secours. Subsistances.
Etat civil. — Paroisses Saint-Martin, Saint-Christophe,
Saint-André, Saint-Denis, Hôtel-Dieu.
Commerce, industrie, agriculture. — État nominatif
des employés de la manufacture royale. Mercuriales.
Documents divers. — Rentes, droits de francs-fiefs,
ordres, rôles de supplément, etc. Condamnation du roi.
2" Archives depuis d796. Cette partie des archives est
relative aux lois, aux actes administratifs de la préfecture,
aux livres divers, aux actes de l'administration munici-
pale, à l'état civil, à la population, à la statistique, aux
contributions, aux affaires militaires, à la police, au per-
sonnel, à la comptabilité, aux biens communaux affermés
ou livrés à la jouissance commune, à la voirie, aux pièces
diverses et au mobilier de la mairie.
Vous le voyez. Messieurs, ces archives municipales
proprement dites contiennent des documents importants
pour notre ville. Ceux gui voudraient prendre la peine de
les dépouiller complètement y trouveraient les éléments
d'un livre curieux et instructif. L'histoire municipale de
notre ville est encore à faire.
II. — Archives du palais de justice.
Toutes les archives ont entre elles des points de con-
nexion, et l'on trouve dans celles du grefte de nos tribu-
naux des pièces qui se rapportent aux intérêts municipaux
et politiques. Vous allez en juger. Messieurs, par l'état
sommaire que je vais vous présenter.
Ces archives, comme les archives municipales, sont
5i2 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
divisées en deux parties prinri pales : archiv^^s avant 1790
et archives depuis 1790.
1° Archives avant 1790. Justices seigneuriales depuis
1400. Baillag-e de Chàteauroux. Duché. Éleclion de 1600
à 1790. Baillage d'Issoudun, de 1651 à 1790. Baillage de
Ghâtillon, de 170.^i à 1792.
Marquisat du Blanc, baillage, élection, tribunal de
district.
Argenton, élection, grenier à sel, district.
Buzançais, comté et baillage.
Valençay, justice seigneuriale.
Justices diverses, minutes de notaires.
2° Archives après 1790. Tribunal du district de Chà-
teauroux, créé par la loi du 24 août 1790.
Tribunal du département établi à Chàteauroux, divisé
en deux sections, créé par la loi du 5 fructidor an III.
Registres, tribunal de première instance, créé par la
loi du 27 nivôse an VIII. Jugements civils, renonciations
et acceptations bénéficiaires.
Papiers et registres divers, concernant principalement
lu partie correctionnelle et criminelle. Procédures fores-
tières. Affaires correctionnelles jugées sur appels. Procé-
dures criminelles. Cour d'assises. Arrêts rendus en
matière criminelle. Appels. Jugements correctionnels.
Pourvois en cassation. Interdictions. Casiers. Papiers
divers en matière civile, appartenant aux tribunaux du
district, du département et de première instance, qui se
sont succédé depuis 1790. Adjudications et ordres. Ordres
et distributions. Référés. Expropriation pour cause d'uti-
lité publique. Rôles. Droits de greffe. Nominations de
fonctionnaires et ofliciers ministériels. Réquisitoires.
Délibérations du tribunal. Pièces annexées à l'état civil.
Bulletin des lois.
XL" SESSION, A C.lIATKAUltOU.X. fil.'j
Ces archivas contieniKnit on toul ;{,il i [)iècos. Une des
plus importantes et des plus curieuses est le procès-verbal
des élections au bailliag-e de Châteaurnnx pour les (^'itats
généraux de 1789, suivi du résumé des cahiers des
pétitions, plaintes et remontrances du bailliage royal de
Châteauroux.
Il y a dans ces secondes archives, comme vous le voyez,
Messieurs, une source abondanio pour le travailleur qui
voudrait les réunir en ordre didactique avec celles de
notre municipalité.
Il me reste à vous parler des archives municipales des
arrondissements d'Issoudun, de la Châtre et du Blanc.
M. Hubert, archiviste, traite avec de savants développe-
ments la même question.
Note de M. Hubert.
Messieurs,
Pour achever de traiter la question des archives muni-
cipales de l'Indre, il est utile déparier des nombreux docu-
ments conservés dans le dépôt des archives du départe-
ment. En elfet, ces papiers et parchemins contiennent
tous des renseignements plus ou moins précieux sur les
événements qui se sont passés dans les différentes com-
munes de nos quatre arrondissements, sur les hommes et
les familles qui les ont habitées, sur les monuments qui
s'y trouvaient ou s'y trouvent encore, enfin sur les évé-
nements plus ou moins importants qui se sont accomplis
sur leur territoire.
XL* SESSION. 33
oH CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
I. Introduction.
Division des archives départementales.
Les archives départementales se divisent en deux
grandes sections. On appelle archives anciennes celles qui
sont antérieures à 1790, et archives modernes celles qui
sont de dates plus récentes.
Nombre approximatif des documents déposés aux
archives de l'Indre.
En chiffre rond, abstraction faite des registres et cahiers
qui sont relativement peu nombreux, le nombre des
pièces isolées des archives anciennes de l'Indre peut être
évalué à trois cent mille; celui des archives modernes, au
chiffre énorme d'un million et demi à deux millions.
Difficulté de leur mise en ordre.
On peut juger de la difficulté du dépouillement, du
classement et de l'inventaire d'un si grand nombre de
pièces, si l'on réfléchit au désordre ou, pour mieux dire,
au véritable chaos que les déplacements successifs ont
introduit dans cet amas considérable, depuis quatre-vingts
ans que le dépôt en a été fait à la préfecture. Toutefois,
ce n'est pas tant le nombre que l'isolement des pièces qui
grandit la difficulté. En effet, dans cette bibliothèque où
nous sommes réunis actuellement (1), il existe certaine-
ment un nombre presque aussi considérable de feuilles de
papier ou parchemin, imprimées ou manuscrites. Un
calcul approximatif est facile à faire: on compte ici
(\j La bibliothèque de la mairie de Chàteauroux.
XL" SESSION, A CIIATEAUKOUX. 51 f)
10,000 volumes environ ; en supposant une moyenne de
150 feuillets par volume, c'est-à-dire 300 pages, cela fait
un million et demi de feuillets; or, nous n'avons évalué
les pièces isolées des archives modernes du département
de l'Indre qu'à un chiffre placé entre un million et demi
et deux millions. Cependant le classement est relative-
ment très-facile, comme dans toute bibliothèque, non-
seulement parce que. les feuilles imprimées ou manus-
crites ne s'y trouvent pas à l'état d'isolement, comme dans
un dépôt d'archives, mais encore parce que la nature du
contenu de chaque réunion de feuillets formant un
ouvrage en un ou plusieurs volumes est parfaitement
déterminée et homogène.
Dans un dépôt d'archives, au contraire, il n'en est pas
ainsi. Les liasses renferment souvent des pièces de la
nature la plus diverse; en outre, un grand nombre de
liasses ont été détachées, et les pièces qu'elles contenaient
mêlées ensemble.
Pour faire cesser en partie l'encombrement matériel qui
résultait de cet état de choses, on avait fait des sortes de
murs avec les registres et les liasses qui n'avaient pas été
détachées ; puis, derrière cette sorte de retranchement, on
avait jeté pêle-mêle tout ce qui encombrait le parquet des
salles (1). Les registres et les cahiers sont plus faciles à
(1) Pour ajouter à ce désordre, le plafond s'était effondré dans
une des pièces du dépôt ; le toit laissait passer la pluie à la
partie correspondante, en sorte qu'une portion des documents
placés en cet endroit était endommagée par l'humidité. .le ne
parle pas des autres causes de désordre, comme les atteintes
des animaux rongeurs, les immondices accumulées par les
oiseaux de nuit, etc. D'ailleurs, il est vrai de dire (pie tel
était l'état des archives départementales et autres de toute h
France.
Kl G CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
classer, mais ils sont, comme je l'ai dil plus haut, en
petit nombre, relativement aux pièces détachées.
Quoique les archives modernes aient aussi leur impor-
tance historique et archéoloi^ique, surtout pour les époques
de la Révolution et de l'Empire, je ne parlerai ici, dans
ce très-court et très-rapide exposé, que des Archives an-
ciennes.
II. Origine des archives départementales de l'Indre.
Les archives départementales de l'Indre proviennent,
en très-grande partie, de la confiscation dont furent
frappés, à l'époque révolutionnaire, les divers établisse-
ments ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers, les
familles d'émigrés et aussi les études de notaires, mais
ces derniers seulement pour les pièces auxquelles on don-
nait la qualification d'entachées de féodalité.
Une faible partie provient du duché-pairie de Châ-
teauroux.
III. Inventaire sommaire imprimé.
Les personnes qui désireraient connaître l'étendue des
archives départementales de l'Indre, devront étudier le
!'''■ volume de V Inventaire sommaire imprimé des archives,
qui est depuis quelque temps mis en vente chez tous les
libraires du département.
C'est un volume in-4'' à deux colonnes, de 363 pages.
Comme il existe une pagination pour chaque série, il est
bon d'avertir que les trois séries qui s'y trouvent, en tout
ou en partie, comptent, la première 8 pages seulement, la
deuxième 163, et la troisième 192, en tout 363 ])ages. La
rédaction de la matière d'un autre volume est presque
achevée; enfin, l'ouvrage se terminera par un triosième
XL» SESSION, A CHATEAUROUX. 547
volume, contenant quatre tables qui rendront les recherches
faciles et promptes. Ces quatre tables seront : 1" une table
(les divers fonds, oii l'on verra d'un seul coup d'œil toute
retendue de l'ouvrage; 2" trois tables, par ordre alpha-
bétique, pour les diverses matières contenues dans l'In-
ventaire sommaire, pour les noms propres de personnes et
pour les noms propres de lieux. Ces trois dernières tables
seront beaucoup plus considérables que la première, et
l'on y trouvera toutes les facilités que l'on peut désirer
pour toutes sortes de recherches. Ces trois tables indique-
ront, au moyen des pages et des numéros de série, tous les
endroits de l'ouvrage où il est fait mention de la même
chose (institution, événement, etc.), de la même personne
et du même livre.
Quoique très-succinct, cet inventarie suffit à faire con-
naître les principaux documents et à mettre sur la trace
des autres.
Je ne ferai ici qu'énumérer les divers fonds dont se
composent les Archives départementales, et dire quelques
mots sur les documents les plus anciens et les plus remar-
quables sous divers rapports.
IV. Chartes.
Ce que nous avons assurément de plus important, ce
sont les chartes originales. Avant d'en dire quelques mots,
il ne sera pas inutile de donner la définition de ce mot,
d'autant plus qu'une des grandes écoles de France porte le
titre d'École nationale des Chartes.
Le mot charte (l) bignifie littéralement papier. Il s'em-
(1) Du latin cliarta, papier; par extension, écrit, livre.
On dit aussi, mais moins fréquemment, chartre, du latin
cartula, diminutif de carta.
518 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ploie en général pour sig-nifier toutes espèces de vieux
titres. C'est de cette signification que vient le mot char-
trier, qui sert à désigner l'endroit où l'on conservait jadis
les anciens papiers et parchemins dans les chapitres, les
abbayes et autres établissements. Mais on entend aujour-
d'hui plus spécialement par charte les titres remarquables
soit par leur antiquité, soit par leur importance, sous le
rapport de la diplomatique ou de la paléographie. On
peut ajouter que les chartes sont le plus souvent en par-
chemin.
Les archives de l'Indre renferment un grand nombre
de chartes dans le sens qui vient d'être expliqué.
\ . — Chartes du xi** siècle.
Les plus anciennes chartes originales (abstraction faite
des copies) datent du xi"" siècle, c'est-à-dire du siècle qui
commence l'an 1001 et se termine à l'année 1100 inclusi-
vement.
Ces chartes du xi'' siècle, malheureusement, ne sont
pas nombreuses; huit seulement remontent à cette époque
reculée.
La plus ancienne fait partie du fonds du chapitre de
Saint-Laurien de Vatan. Elle remonte à l'année 1012, ou
peut-être plus haut. L'acte n'étant pas daté, on ne peut
tixer l'époque de sa confection que d'une manière approxi-
mative; il ne peut être postérieur à 1012, parce que l'un
des signataires mourut cette même année 1012.
Les autres chartes du xi' siècle, au nombre de sept, se
trouvent dans le fonds du prieuré de Saint-Germain-de-
Crozon, dépendant de la célèbre abbaye de Marmoutier.
Ces huit chartes si anciennes sont remarquables par
'eur brièveté. A cette époque reculée, on avait le secret,
XL* SESSION, A CIIÀTEAUROUX. 519
perdu à ce qu'il parait de nos jours, de dire les choses en
peu de mots. Elles sont des donations pieuses, faites à des
ctablisseraents religieux par de grands seigneurs de cette
époque. Je ne donnerai pas de détails sur leur contenu,
ce qui m'entraînerait trop loin. L'écriture en est fort belle
et très-lisible, et toutes sont parfaitement conservées, sauf
la plus ancienne, qui, ayant été pliée longtemps et sans
doute très-souvent dépliée, est presque entièrement coupée
dans les plis; en outre, le ])archemin se lève par écailles du
côté de la chair, où se trouve l'écriture, le côté des poils fai-
sant le verso.
Ces vieux témoins d'une époque si éloignée de nous
mériteraient non-seulement d'être conservés sous verre,
mais encore d'être reproduits à plusieurs exemplaires par
la photographie. De cette manière on pourrait en enri-
chir les musées et les bibliothèques publiques du dépar-
tement.
2. — Chartes des xii% xiii% xiV et xv" siècles.
Dans les siècles postérieurs, les chartes des archives de
l'Indre sont beaucoup plus nombreuses; on peut les éva-
luer à environ trois mille, pour les xii% xiii^ xiv% xv'' et
xvi* siècles (de 4101 à 1600 inclusivement).
V. — Documents autres que les chartes.
Ces trois mille chartes ne sont que la partie la plus
minime des trois cent mille pièces diverses dont se com-
pose le dépôt des archives départementales de l'Indre,
pour la partie ancienne. De ces documents, qui ne méritent
pas le nom presque pompeux de charte, beaucoup cependant
ont une importance historique locale; d'autres nous ini-
520 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tient aux mœurs et aux usages des temps passés ; tous
s'éclairent les uns par les autres, et beaucoup, qui n'ont
aucune importance par eux-mêmes, en acquièrent en
raison des éclaircissements qu'ils apportent à d'autres plus
importants. Outre les pièces isolées, il y a un grand
nombre de registres ou cahiers de divers formats.
VI. — Divers fOxNds des archives uÉrARTEMENTALES
i)E l'Indre.
Je vais maintenant énumérer rapidement les ditlérents
fonds qui composent l'ensemble des archives départemen-
tales de l'Indre.
1. — Duché de Châteauroux (un seul fonds).
En premier lieu se présentent les archives provenant de
l'administration du duché-pairie de Châteauroux, dont le
dernier duc fut le comte d'Artois, le même qui dans la
suite, sous le nom de Charles X, succéda sur le trône de
France à son frère Louis XVIII.
Ces archives ne sont que de faibles épaves des nom-
breux documents de toute nature qui existaient avant
l'acquisition du duché de Châteauroux par le roi Louis XV,
en l'année 1735.
Peu après cette époque, nos archives locales furent
transportées à la Chambre des Comptes, à Paris, où elles
furent reçues, le jeudi 13 avril 1741, par le minis-
tère de Pierre-André Titon et de Pierre-Thomas Perrot,
conseillers, maîtres ordinaires des comptes, et de trois
conseillers auditeurs.
Le récolemcnt des titres expédiés de Châteauroux dura
jusqu'au 30 juin, c'est-à-dire deux mois et demi, ce qui
prouve que le nombre en était considérable.
XL* SESSION, A CRATEAUROUX. ■>^i
On les déposa au deuxième étage de l;i Cour des
Comptes, dans la Chambre des fiefs. Ce lut là que la
Révolution vint les prendre pour les disperser et les jeter
à tous les vents. Il ne reste de ce naulrag-c que vingt
pièces de l'abbaye de Uéols, que l'on conserve actuelle-
ment dans l'immense dépôt des Archives nationales, à
Paris. (Voyez le Mémoire sur les Archives de l'Indre anté-
rieures à 1790, par M. Desplanqucs, dans les comptes
rendus de la Société du Berry, 10" année (1862-1863),
pages 145 et suivantes.) On peut comprendre toute l'éten-
due du désastre, en parcourant les cinq gros volumes in-
tblio (t), contenant l'inventaire qui en avait été dressé,
de 1738 à 1739, trois ans après l'acquisition du duché de
Châteauroux par Louis XIV.
Ce premier groupe de nos archives locales contient
80 registres et cahiers, 120 pièces en parchemin et
2,008 pièces en papier.
Outre les volumes consacrés à l'inventaire des titres du
duché, ces registres sont des terriers, des lièves, des
registres de recettes et dépenses, et un volume relié conte-
nant le plan général de la tbrét de Châteauroux. Les
pièces isolées ont rapport à tous les actes de l'administra-
tion de tous les biens du duché. Je ne puis entrer dans le
détail, ce qui m'entraînerait beaucoup trop loin ; on trou-
vera tous les développements désirables dans le premier
(1) De ces cinq volumes, les arcliivts do lliidre n'en pos-
sèdent que quatre en original; le premier est aux archives
nationales, mais le département de l'Indre en possède une Irès-
belle copie de 48(i feuillets, l'aile par ordre du Conseil général
moyennant le prix de 500 francs et :500 francs d'indemnité
accordés plus lard an copiste. (Voir les délibéralions du Conseil
général des années 1867 et 1864.)
522 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
volume imprimé de l'Inventaire sommaire, dont j'ai déjà
parlé. Je me contenterai de mentionner la plus ancienne
pièce, qui ne remonte pourtant qu'à l'année 1423. C'est
un traité entre Guy III de Chauvigny, seigneur de Châ-
teauroux, et les marchands merciers du Berry. Cet acte
établit deux Ibires par au à Chàteauroux, l'une le jour de
la fête de saint Fiacre (30 août), et l'autre le jour de la
tête de saint Marceau. Est-ce le même que saint Marcel?
Il y a plusieurs saints Marcel : l'un, martyr à Cliàlons-sur-
Saône (4 septembre); un autre pape (16 janvier); un troi-
sième, enfin, appelé saint Marcel ou saint Marceau,
évèque de Paris (3 novembre) ; il avait un autre jour de
tête pour la translation de ses reliques (26 juillet). La
foire eu question était sans doute à l'une de ces deux der-
nières dates.
Dans un autre document, ces deux foires sont indiquées
aux fêtes de saiut Fiacre et de saint Martial. Comme saint
Martial, premier évêque de Limoges, était le patron d'une
paroisse de Chàteauroux, il est probable que saint Mar-
ceau, écrit saint Marsault dans la pièce en question, n'est
autre que saint Martial. Ce mot se sera transformé en
Marsault, en passant par les formes intermédiaires : Mar-
tiau, Martiault, Marsiault. Dans ce cas, la foire de saint
Marsault serait le 30 juin, parce que la fête de saint
Martial se célèbre à cette date.
2. — Titres de familles (145 fonds).
Fn second lieu viennent les titres de familles. Cette
partie de nos archives se compose des papiers saisis révo-
lutionnairement au domicile des émigrés, puis déposés
aux chefs-lieux des six districts (outre les chefs-lieux des
quatre arrondissements actuels, il y avait Argenton et
XL" SESSION, A CIIATEA-UnOUX. 523
Châtillon), et enlin réunis au cher-lieu du dcpartement.
Les ramilles dont les titres sont déposés aux archives
départementales de l'Indre sont au noml)ro de cent qua-
rante-cinq, et lorment autant de fonds dilî'érents. On en
trouvera la liste par ordre alphabétique sur la couverture
de l'Inventaire imprimé. Cette liste commence par la
famille d'Aigurande et se termine par celle de Wissel de
Paray.
Les documents qui les concernent sont au nombre de
71 registres ou cahiers, 3,239 pièces en parchemin, et
20,1-46 pièces en papier. Eu tout, 29,456 documents de
toute nature. La plus ancienne pièce est en parchemin,
elle fait partie des titres de la famille de Lusignan, sei-
gneur de Chassingrimont, de Chazelet et do Luzères. Elle
porte la date du jeudi de l'Invention de la sainte Croix,
i302. Cette année-là, le 3 mai, jour où se célèbre cette
fête, se trouvait un jeudi. Ce document est l'acte de vente
d'une rente annuelle d'un setier de grain, par moitié
seigle et avoine, à la mesure de Gluis (de Closis), con-
sentie moyennant quatre livres en monnaie du pays
{monete patrie), par Mathieu de Rue ou de la Rue [de Rua),
à Eudes de Magnac, seigneur du Repaire.
3. — Papiers des notaires (56 fonds).
J'arrive maintenant aux papiers des notaires, de Tétude
desquels on avait prétendu, à l'époque de la Révolution,
retirer toutes les pièces entachées de féodalité. Les docu-
ments provenant des anciennes études du département de
l'Indre, et qui font actuellement partie des archives
départementales, sont au nombre de 21 registres et
cahiers, UO pièces en parchemin, et 12,909 pièces en
papier. En tout, 13,130 documeuls divers. Le plus ancien
524 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
porte la date de 14(59, il est en papier et provient de
l'étude de Godin, notaire de la chàtellenie de Bouesse et
Cluis-Dessus. C'est un acte de vente de quatre livres
tournois de rente, consenti moyennant vingt écus d'or,
par Robinet et Jacques Mayet, de Cluis-Dessus, au proîit
de noble homme Hélion de Barbauçois. On voit par cette
citation que le nom de baptême Hélion, qui n'est qu'un
diminutif du nom du prophète Élie, est ancien dans la
lamille de Barbancois; il était porté par le marquis de
Barbançois, écrivain politique et agronome, né au château
de Villegongis, le 17 août J760, mort le 17 mars 1822.
11 y a bien une pièce plus ancienne que celle dont il
vient d'être question, mais elle ne se trouve parmi les
papiers provenant des notaires que par suite d'une cir-
constance inconnue. Elle est en parchemin, c'est une véri-
table charte dans le sens expliqué précédemment; elle
concerne le prieuré, ou, comme on l'appelait, la prévôté
de Saint-Benoit-du-Sault. Elle fait partie des papiers pro-
venant de l'étude de Pichon, notaire à Saint-Benoit-du-
Sault au xvir siècle. Sans doute les religieux lui avaient
confié cette charte pour une affaire les concernant, et elle
aurait été gardée par oubli ou négligence. C'est un acte de
vente de onze boisseaux de froment de rente, consenti en
129i, moyennant soixante-sept sous, au profit du prieuré,
par Jean dit Renier [dictus Rcnerii) (1), Le vendeur jure
sur les saints Évangiles qu'il n'attaquera ni ne laissera
attaquer par personne la validité de la vente qu'il vient de
(1) Ail moyen âge, dans les pièces latines, on mettait au
génitif les noms de famille, en sous-entendanl le nior jilins fils.
Le nom de hapléme était considéré comme le nom de celui dont
on parlait, et son nom île famille était regarde conune le nom dn
père de la personne en question.
XL* SESSION, A CIIATKAUHOUX. SSri
faire aux religieux de Saiiit-iierioit, et ce par tous les
moyens en son pouvoir.
Voici les noms des localités et contrées où étaient situées
les études des notaires qui ont contribué à former cette
partie des archives départementales : Chàteauroux, châ-
tellenie de lioucssc et Cluis-Dessus, les Chézeaux, Fursac,
la Vernelle, le Blanc, comté de Lucay-le-Mâle, Maillac,
Mehun-sur-Indre, Neuillay, Nuret-le-Fcrron, Saint-
Benoit-du-Sault, Saint-Gautier, Valcncay, Villegongis, et
enfin Prissac et Sassierges (une seule étude pour les deux
localités).
4. — Documents provenant du clergé régulier (58 fonds).
Il me reste à parler des archives provenant du clergé.
Voyons d'abord le clergé régulier, dont les archives sont
de beaucoup les plus considérables de toutes celles qui
concourent à former le dépôt des archives départemen-
tales de l'Indre. Ce groupe compte plus de cent mille
pièces, qui se répartissent entre onze abbayes, dont huit
d'hommes et trois de femmes; vingt-sept prieurés, dont
quatre de femmes; trois couvents d'Augustins; un cou-
vent de Carmes réformés ou déchaussés, qui suivaient la
réforme établie par sainte Thérèse; cinq couvents de Cor-
deliers; un couvent de Récollets; quatre commanderies
d'ordres religieux militaires (I); enfin six couvents de
femmes, dont un de religieuses de la congrégation de
(1) D'abord les Templiers ou chevaliers de la milice du
Temple; puis, après la suppression de cet ordre, en 1312, par
le pape Clément V, les frères Hospitaliers, appelés aussi cheva-
liers de Saint-.Tean-de-.Ièrusalem, ensuite chevaliers de Rhodes,
et enfin chevaliers de Malte.
526 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Notre-Dame (ordre de Saint-Augustin); trois d'Ursulines
et deux de Visitandines.
5. — Documents provenant du clergé séculier
(environ 160 fonds).
Viennent ensuite les archives du clergé séculier. On
peut évaluer le nombre des documents appartenant à cette
série à environ 65,000 pièces, qui proviennent principa-
lement des chapitres et des cures. Les chapitres sont au
nombre de dix, dont voici les noms :
Notre-Dame et Saint-Martin de Châteauroux ;
Saint-Outrille de Chàtillon ;
Saint-Germain de la Châtre;
Saint-Jacques d'Entraigues (actuellement paroisse de
Langé);
Saint-Cyr d'Issoudun;
Saint-Sylvain de Levroux;
Sainte-Marie-Madeleine de Mézières-en-Brenne;
Saint-Jacques-le-Majeur de Neuvy-Saint-Sépulcre;
Sainte-Menehoulde de Palluau;
Et Saint-Lauriau de Vatan.
Les cures sont au nombre n'environ deux cent cin-
quante ; ce sont, à peu d'exceptions près, les mêmes cures
que de nos jours.
VII. — Un MOT SUR CINQ DOCUMENTS FAISANT PARTIE
DES ARCHIVES DE l'InDRE.
Les archives départementales possèdent encore plusieurs
milliers de documents (registres, cahiers et pièces isolées)
qui n'ont pas encore été dépouillés.
S'il fallait faire ressortir tout ce qu'il y a d'important et
d'intéressant dans ces masses de papiers et parchemins, il
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. TiST
faudrait y consacrer un volume qui ne laisserait pas d'être
considérable ; aussi je me contenterai d'appeler l'atten-
tion sur cinq documents remarquables à des titres divers.
\ . — L'obituaù'e des Cordeliers de Châteauroux.
Je parlerai d'abord de VObituaire des Cordeliers, en
raison de son importance pour la ville de Châteauroux.
C'est un petit registre in-folio, demi-largeur, composé de
dix-huit feuillets en papier. Commencé en 1653, il va
jusqu'en 1782, et les renseignements qu'on y trouve
remontent jusqu'en 1214; l'écriture en est très-serrée. On
y voit la date de la mort des personnages les plus mar-
quants de la ville, de ceux du moins qui étaient enterrés
dans l'église du couvent des Cordeliers , actuellement
paroisse Saint-André. On y trouve en outre toutes sortes
de mentions relatives aux personnages et aux événements
de l'époque. U Inventaire sommaire imprimé consacre
soixante-douze lignes à ce document précieux. Je me
contenterai donc d'y renvoyer les personnes curieuses de
notre histoire municipale, elles le trouveront analysé
dans la série II, sous le n° 577.
2. — Une minute de notaire.
Je mentionnerai en second lieu une pièce en papier qui
se trouve parmi les minutes de notaires , étude de
Briaune, notaire à Châteauroux, série E 535 de l'Inven-
taire sommaire. Cette pièce a aussi rapport à la ville de
Châteauroux; c'est le procès-verbal notarié d'une céré-
monie observée de toute ancienneté ; le mardi de la
Pentecôte, en l'honneur de « Monseigneur » le duc de
Châteauroux. La pièce relate la manière dont cette céré-
r)28 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
mouie s'est passée le ^'2 mai 1777, époque où le comte
d'Artois, depuis Charles X, était duc de Chàteauroux.
Cette cérémonie consistait en un pot de fleurs que les habi-
tants de la rue de l'Indre, hommes et femmes, venaient
en grand nombre otfrir au duc de Chàteauroux. Les
coitTures des uns et des autres étaient ornées d'un ail vert.
Quelle était l'origine d'un si singulier ornement? Était-ce
tout simplement une innocente malice des habitants envers
leur seigneur? Les chroniques sont muettes sur cet
important sujet. Une fois arrivée dans la cour du château,
la veuve la plus nouvellement remariée du quartier
chantait une chanson en l'honneur du duc de Chàteau-
roux et lui présentait un pot de fleurs qu'elle cassait
aussitôt ; puis l'assemblée se retirait après avoir apposé
sur la minute notariée un certain nombre de signatures.
Je ne sais si de temps en temps le seigneur recevait lui-
même ces singuliers hommages, mais en 1777 il était
représenté à cette cérémonie par messire Henri Beugnet,
intendant des « maisons, domaines et flnances » de Mon-
seigneur. On voit, en lisant ce document dans l'original,
que déjà à cette époque, 19'' année avant la date devenue
si iàmeuse de 1789, l'esprit d'égalité commençait à fer-
menter au milieu des masses, dans la ville alors pourtant
bien petite de Chàteauroux (1). Ainsi à deux endroits les
mots droits de Monseigneur ont été remplacés par ceux-ci:
droits respectifs. La minute notariée était préparée d'avance,
et les formules étaient sans doute les mômes que les
(1) D'après M. Lejosne, dans sa Géngraphie du départe-
went de l'Indre, Chàteauroux avait, en 1789, une popidalion
de 8,737 habitants; et, d'après le Dictionnaire géographique
(le Vosgier, édilion de 1803, cotte ville ne comptait que 8,040
babitanls.
XL* SESSION, A chateauroux. 829
années précédentes; mais à la lecture faite par le notaire
devant ceux qui accompagnaient la veuve remariée, il se
sera élevé des réchunations pour que les droits du duc de
Châteauroux ne soient pas les seuls mentionnés et pour
que l'on y joignît aussi ceux des assistants. De cette façon
la phrase : « sous la réserve expresse de tous les droits de
monseigneur » fut remplacée par celle-ci : a sous la réserve
expresse des droits respectifs » ; et la phrase : « toujours
sans aucuneuient préjudicier aux droits et intérêts de
monseigneur » fit place à celte autre : « toujours sans
aucunement préjudicier aux droits et intérêts respectifs ».
Parmi les signatures apposées au bas de l'acte, on dis-
tingue les noms de famille suivants, qui existent encore
à Châteauroux : Paupelin, Voilant, PJchon, Degalle,
Grublier de Chandaire, Ameuille, Sallé-Chollet, Girard de
Vassau, Bertrand de Greuille. Les acteurs de cette scène,
passée il y a quatre-vingt-seize ans, peuvent être les
arrière-grands-pères et quelques-uns les grands-pères des
personnes qui portent leur nom de nos jours.
dette pièce a été publiée dans les comptes rendus de
l'ancienne Société du Berry, dont le siège était à Paris, et
dont l'un des secrétaires généraux du Congrès était le
secrétaire. On la trouvera page 262 du XI* volume,
année 1863-1864, avec des notes intéressantes de M. delà
Tremblaye, ancien sous-préfet du Blanc.
3. — Le cartulaire du chapitre de Levroux.
Après ces pièces, qui regardent spécialement l'histoire
de Châteauroux, je citerai le seul cartulaire que possèdent
les archives de l'Indre. Il fait partie du fonds du chapitre
de Saint-Sylvain de Levroux. 11 n'est pas daté; u)ais son
XL* SESSION. 34
530 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
écriture indique qu'il remonte partie au xiii'' siècle, partie
au XlV^ C'est un registre in-i" en parchemin, composé
de 104 feuillets. Il serait trop long de dire, même
en abrégé, ce que l'on trouve dans les chartes les plus
importantes dont il renferme la transcription.
L'inventaire imprimé, qui lui consacre environ quatre-
vingts lignes, en donnera une idée suffisante. M. Louis
Raynal,qui a beaucoup puisé dans les archives de l'Indre
pour son excellente Histoire du Berry^ a imprimé, dans
les pièces justificatives, trois chartes de ce précieux cartu-
laire.
4. — Uantiphonalre des Cordeliers de Châteauroux.
Il me reste encore deux documents à mentionner, très-
curieux sous le rapport matériel.
Le premier est un magnifique antiphonaire avec lettres
historiées. Il porte la date de loS^J; il appartenait aux
Cordeliers de Châteauroux. Il est d'une magnifique écri-
ture gothique, aussi belle à la lin du volume qu'au com-
mencement ; et pourtant ce fut une œuvre de longue
haleine d'écrire un pareil volume, dont le format est
grand in-folio, et qui compte 342 feuillets eu parchemin,
c'est-à-dire 084 pages. L'auteur s'est fait connaître dans
une partie du volume: il s'appelait Geoffroy Simon; il
était probablement de Bourges, car il se qualifie scriplor
bituricus, ce qui veut dire écrivain de Bourges ou au
moins du Berry.
Dans cet énorme et très-pesant in-folio, on remarque
un assez grand nombre de lettres enluminées de diverses
couleurs, dont quelques-unes, très-grandes, offrent des
spécimens de beaux dessins à la plume. Les couleurs sont
XL" SESSION, \ CUATKAUKOUX. 531
parfaitement conservées, entre autres le vermillon, qui
surpasse de beaucoup, quant à la beauté de la teinte et au
brillant, celui des livres qu'on imprime de nos jours.
La reliure clle-môrae est une curiosité: elle est très-
ancienne ; les plats, au lieu d'être en carton, sont formés
de deux planchettes en noyer d'un seul morceau; ils sont
recouverts de cuir. Ce manuscrit a de la valeur sous le
rapport de l'histoire du plain-chant. Je ferai remarquer
encore que cet antiphonaire est du rit romain, qui avait
été conservé par tous les religieux de Saint-François
d'Assises, de Sainte-Claire et de Saint-Antoine de Padoue.
5. — Rouleau en parchemin de "IV» mètres de longueur sur
ti3 ceiUimèlres de largeur.
Enfin, je terminerai cette courte liste de documents
cités par la mention d'un rouleau en parchemin d'une
longueur peu ordinaire. 11 fait partie de la série E, n" 33,
fonds de la famille du duc de Beauvilliers, seigneur de
liuzançais. Sur une largeur de 63 centimètres, il est si
long que, déroulé du haut d'un septième étage, il touche-
rait et même traînerait à terre; ce qui n'a rien d'exagéré,
puisqu'il est d'une longueur de !25 mètres. 11 a ainsi plus
de deux fois la longueur de la gr.uule salle des archives,
(jiii ne compte que 1*2 mètres d'une extrémité à l'autre.
11 est composé de quarante-deux morceaux du plus beau
parchemin, collés les uns au bout des autres. L'écriture
de ce rouleau est très-belle ; elle date du commencement
du XYi" siècle. En effet, les actes qu'il contient sont datés
de 1502 à 1531. Sur chaque jointure, à droite et à gauche,
on remarque la signature du (ùlèbre Jean du Tillel,
greffier en chef du Parlement de Paris, qui s'ac(iuit beau-
53^2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
coup de réputation par ses ouvrages, et qui était frère de
Jean du Tillet, évèque de Saint-Brieuc, puis de Meaux,
l'un des hommes les plus savants du xvi* siècle (1). Je
renvoie à Vlnventaii^e imprimé les personnes curieuses de
savoir ce que contient ce rouleau si remarquable par ses
dimensions, par la beauté de son écriture et aussi par la
signature répétée plus de quatre-vingts fois du fameux
du Tillet.
S'il m'était permis de mêler le plaisant au sérieux, je
dirais qu'un jour, il y a bien de cela sept ou huit ans,
une personne, à qui je montrais le fameux parchemin,
me demanda, avec une certaine naïveté sans doute, si
cette pièi;e avait été faite avec la dépouille d'un seul mou-
ton. Or j'ai dit plus haut que ce document mesure
25 mètres sur 63 centimètres. Jugez des proportions
phénoménales de ce ruminant, sa chair aurait pu rassa-
sier bien des Gargantua ! Si quelque indiscret me
demande le nom de cette personne, je lui dirai qu'il
m'est impossible de satisfaire sa curiosité, plus ou moins
charitable, par une raison bien simple, c'est que je l'ai
totalement oublié.
Archives municipales d'Issoudun.
Les archives municipales d'Issoudun offrent un intérêt
particulier; elles possèdent en assez grand nombre des
(1) La charge de greffier en chef du Parlement était depuis
longtemps dans la famille de Jean du Tillet, et sa postérité la
conserva jusqu'à Jean-Fiançois du Tillet, qui y fut reçu en 1689.
Celte famille a eu ausbi plusieurs conseillers au Parlement et
maîtres des Requêtes. {Diclùmnaite hlsloriçue de Ladvocat.J
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 533
documents préticux sous le rapport des faits dont ils nous
ont conservé le souvenir et sous celui de leur antiquité.
Les privilèges, en effet, les lettres patentes et les chartes
qui furent accordés à cette ville, sous le règne de vingt
rois, remontent à l'an H37. Malheureusement les
sceaux autrefois appendus à ces pièces n'ont échappé
qu'en partie à la destruction; parmi ceux qui nous sont
parvenus, quelques-uns sont on bon état de con-
servation; niais les autres, brisés, ne conservant qu'une
faible tnce de l'empreinte, ne sont, à dire vrai, que
des fragments plus propres à nous faire comprendre
la perte que nous avons faite qu'à nous instruire sur leur
origine.
Les titres de propriété des abbayes, des cures, des com-
munautés religieuses ayant été saisis par l'État pour la
vente des biens nationaux, ont été transportés au chef-lieu
du département, où elles forment des fonds considérables;
aussi n'en trouve-t-on que quelques-uns épars çà et
là dans les archives municipales. Deux de ces pièces
méritent une mention spéciale dans ce court aperçu:
1° Règne de Louis VIL — Permission accordée aux
religieux de Notre-Dame d'Issoudun de placer leur abbaye
à Saint-Denis-lez-Issoudun.
2° Règne de Philippe IL — Fondation du chapitre de
Saint-Denis par Girauld-la-Fuile, abbé de l'abbaye de
Notre-Dame d'Issoudun.
L'attachement de la ville d'Issoudun aux rois de France,
les grands et signalés services qu'elle leur rendit, notam-
ment dans le siège qu'elle soutint en 1422 contre les
Anglais, plus tard contre les Ligueurs et aussi sous
Louis XIV dans la guerre de la Fronde, lui valurent bon
nombre de privilèges ; des pièces qui nous l'attestent nous
citerons quelques-unes :
534 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Lettres patentes sur la répartition du don de 1,500 1.
fait au roi Charles VIll pour subvenir aux frais de la
guerre, avec mention qu'Issoudun était considéré comme
une bonne ville non sujette aux tailles.
Réponse du roi Charles IX aux requêtes contre les pro-
testants.
Privilèges accordés à la ville de la taille et du taillon par
les rois Louis XI, Louis XII, François l", Henri III et
Henri IV.
Rachat des enfants de François I". — Acte d'assemblée
portant que la somme de 3,000 livres empruntée
par les habitants il dame de Valenciennes, sera portée
au roi François t"" pour le rachat de ses enfants.
Siège de Saint-Araand. — Conduite de deux pièces de
vin au siège de cette ville.
Louis XIV. — Patentes originales confirmatives des
privilèges en raison des grands et signales services rendus
à l'État par les habitants d'Issoudun. — Guerre contre les
Anglais; incendie de la ville, en 1651. — Décharge pendant
trois ans de toute subsistance, en raison de cet incendie, qui
a détruit huit cents maisons et les meubles, grains, bes-
tiaux et marchandises.
A côté de ces pièces qui nous montrent quel rôle joua
Issoudun dans l'histoire du pays, il en existe d'autres d'un
intérêt tout local, concernant l'industrie du pays et les
changements opérés dans la ville aux différentes époques;
elles méritent aussi une courte énumération :
Pièces-mémoires et requêtes à l'occasion des droits pré-
tendus sur les vins bontés, les piquettes, les visites jour-
nalières et la marque des vins.
Manufacture et draperie. — Procès contre les tissiersen
toile. — Louis XIV homologue le règlement pour la manu-
facture des draps.
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 535
Ouverture de la Porte-Perdue, dite Porte-Neuve. —
Plantation de la place de Lavcnieràla Croix-dc-Pierre. —
Pavage de la rue Marnioux. — Démolition de la Tour-
Galeuse.
Établissement de lanternes.
Enlèvement des boues. — Entretien d'un tombereau. —
Fondation de l'hôpital des Incurables.
La noblesse et la contirmation des anoblis, —
M. Louis Millet, lieutenant au régiment de milice
du Berry , est mis sur le rôle des privilégiés. —
Diverses familles sont maintenues au rôle des roturiers.
La Châtre.
Les archives municipales de la Châtre ne peuvent
rivaliser en richesse avec celles de la ville d'Issoudun. Elles
se composent en grande partie des registres des délibé-
rations de la ville au xviii" siècle, et des actes de l'état
civil, autrefois tenus dans les paroisses; ils remontent à
l'an 1607 et se suivent sans interruption jusqu'en l'an
1780. Il n'est pas fait mention de sceaux dans l'inventaire
qui fut dressé en 1H60. Une pièce cependant se fait
remarquer entre toutes comme la plus ancienne et la plus
importante; elle se compose de trois feuilles de parchemin
cousues bout à bout. En voici l'analyse ;
Transaction passée en 1-402 entre Guy de Chauvigny et
son fils, d'une part, et les communes de la Châtre et
Chevé, par laquelle les habitants desdites communes sont
exemptés, moyennant cinq cents écusd'or etiacontinuifiou
du paiement annuel, à Noël, pour chaque chef de famille,
d'une taille de 10 sous et une geline, sauf des exceptions
o36 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
indiquées, de payer les quêtes qu'il avait coutume de
faire, quand il mariait ses filles ou sœurs, quand il lui
était conféré un ordre de chevalerie, en cas de voyage
outre mer et en cas qu'il fût fait prisonnier. Ledit affran-
chissement consenti par le sieur de Ghauvigny, tant en
son nom qu'en celui de son fils, pour lequel il se porte
fort. Lettres de ratification à la suite. Copie de la trans-
action faite par les soins de M. Villemain, à qui elle a été
confiée.
Il n'y a pas d'archives au Blanc, à la Préfecture. La
bibliothèque des Augustins de cette ville a été apportée en
1792 à Chàteauroux.
M. le Président félicite M. Hubert, archiviste, et le
remercie de son intéressante communication.
Relativement à la trente et unième question, M. de
Cougny, directeur de la Société, communique au Congrès
une lettre de M. le docteur Cachet, d'Issoudun, qui, retenu
par une indisposition, exprime ses regrets de n'avoir pu
se rendre au Congrès pour y traiter ce sujet.
M. l'abbé Damourette présente, sur la trente-deuxième
question, un mémoire très-dé veloppé et fort intéressant.
Le cœur et l'intelligence de M. l'abbé Damourette se
révèlent puissamment dans ce travail, qui a été très-
applaudi.
Hôtels-Dieu, Charités, Léproseries.
Je divise en deux catégories les établissements chari-
tables de notre département : les établissements anciens
XL* SESSION, A nïIATEAUnOUX. 537
qui subsistent encore et les établissements anciens qui
ne subsistent plus.
Établissements anciens qvi subsistent encore.
La ville d'Issoudun en possède deux, qu'elle veut réunir
en un seul : l'hôtel-Dieu et la maison des Incurables,
La fondation de l'hôtel-Dieu d'Issoudun remonte au
xnr siècle. Je sais qu'il possède dans ses archives des
bulles des papes Honorius III et Martin V. Je ne connais
pas la teneur de ces bulles, mais on m'a affirmé qu'elles
accordent de? pardons et des indulgences aux personnes
qui se dévouent au poulagement des souffrances de l'hu-
manité.
Il serait très-curieux de déchiffrer un vieux manuscrit
qui appartient, dit-on, au xv'' ou xvi* siècle. En 174-6, un
prêtre d'Issoudun l'a jugé si important qu'il s'est donné
la peine d'en faire une copie. Ce prêtre se nommait
M. l'abbé Morat.
Il est certain que MM. les chanoines du chapitre de
Saint-Cyr d'Issoudun ont gouverné l'hôtel-Dieu en qualité
d'administrateurs; ce droit leur ayant été contesté par les
échevins de la ville, ils furent maintenus en possession
par arrêt du parlement de Paris. Tout porte à croire que
si les chanoines administraient l'hôtel-Dieu, c'est que
leurs devanciers en étaient les fondateurs.
C'est dans la chapelle de cet hospice que se trouvent les
deux arbres symboliques sur lesquels la Société française
d'Archéologie a appelé l'attention du Congrès en leur
consacrant une question spéciale.
La maison des Incurables ne remonte qu'au siècle de
Louis XIV.
538 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Les archives de cet établissement contiennent les lettres
patentes du roi et des archevêques de Bourges qui approu-
vent la fondation ; le roi, pour ce qui concerne le tem-
porel, et les archevêques, en ce qui concerne le service
spirituel de cette maison.
Un registre fait connaître toutes les fondations pieuses
que les habitants d'issoudun firent dans la chapelle des
Incurables ; elles font le plus grand honneur à leur piété
charitable.
J'ai découvert dans le dossier des archives de l'Indre
qui concernent le couvent de la Visitation d'issoudun que,
vers lOoo, les Visitandines échangèrent la maison exiguë
où la colonie venue de Bourges s'était établie, contre le
vaste enclos de la léproserie de Sainte-Madeleine et de
Saint-Lazare, située sur la route d'issoudun à Bourges.
« actuellement maison de M""* Duquesne ».
La léproserie était déserte à l'époque de l'échange ;
l'échange eut lieu moyennant une soulte peu considé-
rable. L'alTairc lut traitée entre le couvent de la Visitation,
d'une part, et M. Giraut, prieur de la collégiale de Saint-
Cyr, d'autre part. L'acte porte que le prieur de Saint-Cyr
intervient en sa qualité d'administrateur de la susdite
léproserie.
L'ancien hospice des mendiants, établi au faubourg des
Capucins, fut supprimé et réuni en 1733 à la maison
des Incurables; on y réunit aussi les biens du chapitre de
Saint-Denis d'issoudun. Douze pièces sur parchemin
no js font savoir en outre qu'on affecta à l'hospice des
Incurables d'issoudun les revenus des aumôneries de la
ville de Saint-Gauthier et de Neuvy-Saint-Sépulcre, du
bourg de Saint-Genou, des paroisses de Lavernusse, de
Laberthenoux et de Rouvres-les-Bois ; il est à croire qu'on
donna en échange à ces diverses localités le droit de placer
XL*" SESSION, A OIIATKAIinOUX. 539
dans la maison des Incurables d'Issoiulun leurs malades
indigents.
A quelques lieues d'Issoudun, à Reuilly, il y avait aussi
un hospice. Avant la Révolution il était desservi par les
religieuses dites de la Croix. On trouve dans le dossier
relatif à cet établissement charitable le procès-verbal de
l'installation de ces religieuses.
L'hospice qui existe aujourd'hui à Chùtcauroux est de
fondation récente. M. Saliquet, aumônier de l'établisse-
ment, a consacré ses loisirs à faire l'historique des diverses
fondations qui ont permis de donner à cette maison les
développements successifs dont nous soinmes les heureux
témoins. Je me bornerai à dire qu'un édit de Louis XIV
affecte à l'entretien de l'hospice de Chàteauroux les reve-
nus de trois établissements charitables, les maladreries
d'Ardentes, de Saint-Bcnoit-du-Sault et de Ville-Dieu. Je
me plais à croire que ces trois localités ne furent pas
dépouillées des revenus destinés à soulager leurs pauvres,
sans des compensations équivalentes.
Hospice de Buzançais.
L'époque de la fondation de l'hospice de Buzançais
n'est pas indiquée dans les pièces qui composent les
archives de cet établissement.
L'aumônerie d'Argy, dont la maison subsiste encore,
avec une gracieuse chapelle, fut réunie à l'hôpital de
Buzançais : l'hôpital de Saint-Genou éprouva le même
sort. Un arrêt du conseil privé, qui porte la date de 1693,
donne à cette union des deux hospices la sanction de
l'autorité royale. L'hospice de Chàtillon-sur-Indre fut
aussi annexé, en 1710, à celui de Buzançais ; mais, vingt
54.0 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANGE.
ans plus tard, le décret d'union fut rapporte, et les choses
rétablies sur l'ancien pied.
Un des plus insignes bieiifaiteurs de l'hospice de
Buzançaisest M. Huarl de la Moranderie.
Il est à remarquer que, outre l'hospice, il y avait à
Buzançais une léproserie sous le vocable de sainte Made-
leine et de saint Lazare. La chapelle de cette léproserie
existe encore. En 1700, un vicaire d'une des paroisses de
la ville était titulaire du bénéfice de Saint-Lazare.
Hospice de la. Châtre.
Nicolas de Nicolay, écrivain du xvi'' siècle, nous donne,
au chapitre 49 de son livre sur le Berry, une description
de la ville de la Châtre ; il nous apprend que, hors de cette
ville, ii y avait, près du grand cimetière, un hôtel-Dieu,
dit de la Trinité, lequel était bien logeable et bien meublé
pour recevoir les pauvres malades ; et, au-dedans du
faubourg Saint-Jacques, une maladreric où se tenaient
les pauvres lépreux.
Ce texte est d'autant plus précieux, que les archives de
l'hospice de la Châtre ne contiennent que très-peu de
pièces antérieures à 1790. Les pièces importantes ont dû
disparaître par une cause qui nous est inconnue; ce que
nous connaissons de plus intéressant, c'est qu'en 178.J,
les capucins de la Châtre firent abaudon à l'hospice d'une
grande partie de leur enclos.
Bospice de Vntan.
L'époque de la fondation de l'hospice de Vatan est
XL* SESSION, A CllATKAUROU.V. ^>A\
inconnue ; la seule chose que nous ayons pu découvrir,
c'est que les seigneurs de Vatan prétendaient être les
fondateurs de cet hospice. Quoi qu'il eu soit de celte pré-
tention, toujours est-il que l'administrateur était nomiué
par le chapitre de Saint-Laurian.
Les revenus de l'hospice de Vatan étaient peu considé-
rables ; mais ils s'élevaient à la somme de 1,000 à 1,"200
livres depuis que les revenus d'une maladrerie suppri-
mée furent réunis à cet établissement, et qu'un bienfaiteur
eût affecté des revenus suffisants à la fondation du lard :
on désignait sous ce nom une distribution de lard qui se
faisait chaque année, le mardi gras, à tous les pauvres de
la ville de Vatan.
Hospice du Blanc,
Il existe dans la série A des archives de l'hospice du
Blanc une note sans signature, qui porte la date de 1791.
Cette pièce affirme qu'à cette époque l'hospice du Blanc
avait plus de deux cents ans d'existence.
On ignore complètement comment et par qui l'hospice
du Blanc a été fondé ; une des rues de la ville porte le
nom de Saint-Lazare, ce qui nous porte à croire qu'il
existait au Blanc, comme dans toutes les villes de notre
Bas-Berry, une léproserie, sous le vocable de sainte Made-
leine et de saint Lazare.
Le iA décembre 1816, l'hospice du Blanc fut rétabli ;
il est situé dans la rue de Saint-Lazare, probablement sur
l'ancien emplacement de la léproserie.
Cet hospice est desservi par les sœurs de la Providence
de Saumur.
54-2 CONGRÈS ARCHÉOLOUIUUK l»K FRANCE.
Hospice de Levroux.
Les archives de l'hospice de Levroux sont très-considé-
rables ; mais elles sont entassées pêle-mêle et sans aucun
ordre. Grâce à l'intervention de M. le préfet, il y a tout
lieu d'espérer que sous peu un inventaire sera dressé, et
que les archives de cet établissement, richement doté par
ses fondateurs, mettront en lumière des faits intéressants
pour l'histoire de la charité en Berry.
La seconde catégorie des hospices et des maisons chari-
tables de notre département se compose des anciens
établissements qui ont disparu dans la tourmente révolu-
tionnaire de 03. Sur cet article je serai bref; je ne donne-
rai que des indications.
Il y avait autrefois dans la ville de Chàteauroux deux
hospices qui n'existent plus : l'hôpital de Saint-Gildas et
celui de Saint-Jacques.
11 reste encore de l'hôpital de Saint-Gildas une petite
chapelle, dont la porte est d'un très-bon style. Cet hôpital
avait été fondé par Guillaume P'', baron de Chàteauroux,
vers 1203 ; l'hospice de Saint-Jacques avait été bâti en
face de la porte latérale de l'église de Sainl-xMariial. C'est
une consiruction du xii" siècle, qui subsiste encore.
Nicolas de Nicolay nous dit qu'il était surtout destine
à donner le vivre et le coucher aux pèlerins de passage en
la ville de Chàteauroux.
Les bénédictins de Déols avaient fondé, sous le vocable
de saint Crépin et de saint Crépinien, un hôtel-Dieu ; il
a subsisté jusqu'à la sécularisation de l'abbaye.
Un acte des archives du département de l'Indre, de
XL" SESSION, A CllATKAL'UUL'X. :i-4:{
1552, nous l'ait coiinaîtio qu'il existait un hôtel-Dieu,
fondé par les bénédictins de Méobecq ; uue cliapelle,
dédiée à saint Sulpice le Déitonnaire, un de nos évêques,
dépendait de cet hôpital; cette chapelle existe encore, et.
5i4 CONGRÈS AUCIIÉOLCGIQUE DE FRANCE.
chaque année, il s'y rend plus de dix mille pèlerins,
atteints de rhumatismes, qui vont demander à Dieu, par
l'entremise du saint, un soulagement à leurs souffrances.
Palluau avait un hôpital ; la maison subsiste encore
avec sa petite chapelle, dédiée à Notre-Dame de Pitié. Des
religieuses y tiennent école ; mais il n'y a plus d'hospice
pour les malades.
J'ai vu, dans ma jeunesse, la chapelle de l'ancien
hôpital de la ville de Saint-Cjciathier. Gomme celle de
Palluau, elle était sous le vocable de Notre-Dame de
Pitié. Ou trouve, aux archives de l'Indre, un dossier assez
complet sur l'ancien hôpital de Saint-Gaultier ; il était
administré par des hommes capables.
La maison de l'aumônerie d'Argy existe encore; elle
appartient à M. le curé d'Argy. Une chapelle était annexée
à cet établissement charitable.
Je crois pouvoir affirmer que la chapelle de l'aumô-
nerie du Lys-Saint-Georges est encore debout. Un
prêtre, pourvu de cette aumônerie, fut massacré à Neuvy-
Saint-Sépulcre, vers le milieu du xvi^ siècle, par une
bande de pillards, connus dans l'histoire du Berry sous
le nom des Six-Mille-Diables.
Nicolas de Nicolay nous fait connaître, dans sa descrip-
tion du Berry, trois hôpitaux qui ont disparu complète-
ment : deux hôpitaux à Sainte-Sévère, et un autre dans
la ville d'Argenton.
Il y avait autrefois un hôpital à Mezières, dans un lieu
nommé Beauregrird.
L'aumônerie de Brives dépendait de l'abbaye des béné-
dictins de Notre-Dame de Déols. Un acte authentique,
qui date de iriôl, attesie que l'aumônier de l'abbaye de
Déols était seigneur de la terre de Brives, et qu'il était
tenu de faire l'aumône au dit lieu de Brives, trois lois la
Xi.'' SESSION, A CIIAÏEAUUOUX. 545
semaine, à tout allant et venant, depuis la fétc de saint
Michel jusqu'à la fêle de saint Jean-Baptiste. Nous savons
qu'il existait une maladrerio à Gargilossc, ol une niala-
drerie dans une petite ville nommée l'resles.
La cliàtelleni'> de f'resles, où il y avait autrefois un
scel aux contrats et un petit hôpital, a complètement
disparu ; on voit encore les ruines de la, ville de l'resles,
près de Mers, sur les hords de l'Indre.
Outre les hospices, léproserieà et lieux de charité que
nous venons d'énumérer, il y avait dans notre dépar-
tement plus de douze commanderies de l'ordre de Malte,
où les malades et même les fous étaient hébergés et
soignés.
L'hospice que les chevaliers avaient fondé pour soigner
les fous était à Beauvais. près de Buzançais.
Il est évident, par les données que nous fournit l'his-
toire de notre département, que nos révolutions ont
singulièrement amoindri le patrimoine des pauvres dans
notre centrée.
Beaucoup d'établissements charitables ont disparu;
mais, grâces à Dieu, le feu de la charité n'est pas éteint,
et nous avons tout lieu d'espérer qu'avec le temps on
restaurera bien des ruines.
M. l'abbé Daniourelte donne lecture de la note suivante
sur la chapelle de Saint-Marc, an bout du pont qui est
à l'entrée du faubourg de Saint-Christophe.
Chapelle de Saint-Marc.
Au x^ siècle, des moines bretons, chassés par les inva-
XL^ SESSION. 35
546 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
siens normandes de leur monastère de Rhuys, s'achemi-
nèrent avec leurs corps saints vers le Berry, car en nul
autre lieu il n'y avait paix, dit Lagongue, et vinrent
demander asile et protection au prince de Déols, Ebbes-le-
Noble. Ce puissant seigneur, aussi pieux que vaillant, les
reçut avec courtoisie, et, après les avoir hébergés dans un
petit ermitage dédié à sainte Marie, qui était à proximité
de son castrum, il leur fit bâiir un grand monastère
dans un îlot, sur le bord de l'Indre. Plus tard, autour de
ce monastère, des serfs viendront vivre sous la crosse de
l'abbé, et le bourg de Saint-Gildas, ayant droit de justice,
sera un des tiefs importants de la ville de Chàteauroux.
L'église de l'abbaye, reconstruite au xii^ siècle, fut dédiée
au Sauveur, sous l'invocation de Saint-Gildas, par Vul-
grin, archevêque de Bourges, entouré d'un grand nombre
d'évéques et d'abbés, réunis alors à Chàteauroux à l'occa-
sion d'un concile où présida Gérard d'Angoulême, légat
du pape Honorius II.
La petite chapelle du bord de l'eau ne fut construite
qu'au xiii^ siècle, par Guillaume I" de Chauvigny, fils
de Denyse de Déols, qui, voulant marcher sur les traces
de sa mère, si piteuse pour la misère, comme disent les
vieilles chroniques du temps, voulut doter d'un hôtel-
Dieu le bourg de Saint-Gildas.
Cet hôtel-Dieu fut en partie ruiné par les protestants,
qui vinrent plusieurs fois incendier et piller les abbayes
de Saint-Gildas et de Notre-Dame de Déols.
Ce fut pour réparer leurs désastres, que François de
Chennevière, le dernier qui fut abbé de Saint-Gildas, fit
restaurer la grande église, le logis abbatial, et aussi la
petite chapelle de l'hôtel-Dieu. C'était un esprit éclairé et
un artiste de bon goût, si nous en jugeons par la porte
dont il décora la chapelle de sa maison-Dieu ; elle
XL* SESSION, A. CUATKAUKOUX.
547
548 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
est d'un style élégant ; nous en donnons le dessin.
Cette porte fut mutilée, à un moment donné, par des
projectiles dont on voit encore les traces ; voici à (Quelle
occasion : au temps de la ligue, Chàleauroux tenait pour
le roi, l'dbbaye de Saint-Gildas tenait pour la ligue.
D'Arquieu vint faire le siège de l'abbaye ; mais elle était
défendue par Valade, un vaillant capitaine. Les assaillants
furent repousses. Désireux de réparer son échec, d'Ar-
quien revint à la charge avec six pièces de canon et
douze cents hommes ; l'abbaye fut prise, le capitaine
pendu avec quatre de ses hommes, le monastère détruit
en grande partie ; mais la petite chapelle de l'hôtei-
Dieu, dédiée à saint Marc, resta debout comme un
témoin encore vivant de nos discordes civiles ; elle acquit
même une espèce de célébiité dans la ville et dans les
environs; elle succéda aux droits honorifiques de l'an-
tique église abbatiale de Saint-Gildas.
Chaque année, le jour de l'Ascension, les curés de
Saint-Denys et de Saint-André, après s'être réunis au
faubourg de la Croix-Normand, dans la chapelle du Cru-
cifix, se rendaient en procession, à la tète de leurs parois-
siens, avec les reliques de leurs églises respectives, à la
chapelle de Saint-Marc.
Cette procession était, suivant nous, un vieil usage
féodal, une de ces processions si nombreuses au moyen
âge, où les églises inférieures se faisaient gloire et hon-
neur d'aller en corps, avec leurs croix et leurs bannières,
rendre à l'église suzeraine foi et hommage et lui porter
le tribut annuel qui lui était dû ; or les paroisses de Saint-
Denys et de Saint-André de Chàteauroux étaient sous la
dépendance féodale de l'abbaye de Saint-Gildas ; les habi-
tants de ces deux paroisses lui devaient annuellement un
cens, fixé en moyenne à deux livres par maisons et par
X].* SESSION, A CIIATEAUROUX. 549
feux : les manouvricrs ne payjiicnt que quelques deniers.
Puisque Tabbayc de Saint-Gildus était, avec celui du
seigneur, le grand fief dominant en l'étendue des paroisses
de Saint-Denys et de Saint-André, « comme cela résulte
de l'inventaire des titres du duché de Chàteauroux dont
les archives départementales possèdent un exemplaire
en cinq volumes in-fol°, tome l[l, passim, » il était
conforme aux usages du temps, et même à un droit sou-
vent réglé, en cas de douti\ par les bulles des papes, que
les curés de Saint-Ocnys et de Sainl-André aillent en
corps à Sainl-Gildas rendre leurs d. voirs.
Aujourd'hui, la procession du jour de l'Ascension, que
j'appellerais volontiers la procession de l'hommage, n'a
plus sa raison d'être; mais le peuple l'aime beaucoup, et,
ce qu'il y a de très-singulier, c'est qu'il y vient en masse
non-seulement de tous les quartiers de la ville, mais
encore de toutes les paroisses environnantes où l'abbaye
de Saint-Gildas possédait les mêmes droits féodaux que
dans b'S deux paroisses de la ville.
Les processions ne pouvant plus aujourd'hui faire leur
station dans l'église de l'abbaye, qui n'existe plus, ni à la
chapelle de Saint-Marc, livrée à des usiges profanes,
entrent dans léglise de Saint-Christophe. Le uiomenl le
plus solennel de la fonction sacrée est quand les curés de
Saint-André et de Notre-Dame rendent leurs devoirs et
offrent l'encens, en présence d'une imuiense foule, à leur
collègue de Saint-Christophe, qui n'est pas et qui n'a
jamais été leur seigneur suzerain, mais qui reste dans le
faubourg comme le girdien des ruines et le représeulaut
des vieux usages.
Personne ne se présentant pour répondre à la trente-
troisième question, M. l'abbé Damourelte signale les
SoO CONGRÈS AIICHÉOLOGIQUE DE PRA\CE.
guerres comme ayant fait obstacle au développement des
arts: les guerres du protestantisme surtout. II démontre,
d'un autre côté, que les monastères, qui construisirent un
grand nombre d'églises, favorisèrent puissamment les
arts. 11 attribue une pareille influence aux grandes
familles du Berry, dont les libéralités se traduisirent par
l'érection de nombreux monuments religieux et chari-
tables.
Sur la seizième question, qui avait été ajournée,
M. Barboux, conservateur du musée, donne lecture du
mémoire suivant :
Messieurs,
Une voix plus autorisée que la mienne à tous égards
devait répondre à la question du programme, comprise
dans le n° 16. En son absence, M. le Directeur me pria
d'y suppléer et de faire connaître aux membres du
Congrès les monuments numismatiques découverts dans
le département de l'Indre, en même temps que les échan-
tillons les plus intéressants, possédés par le musée de
Châteauroux. J'ai cédé à ses instances, et voici comment
vous me voyez devant vous, Messieurs, prêt à remplir un
devoir imposé par les circonstances, non pas comme un
savant, mais comme un humble conservateur qui va vous
parler des richesses confiées à ses soins.
A une époque que personne jusqu'à présent n'a pu,
je pense, déterminer avec précision, les hommes, après
avoir longtemps procédé par échanges, sentirent la néces-
sité de créer une valeur de convention qui pût équivaloir,
soit en la multipliant, soit en la divisant, à une somme
XL« SESSION, A CIIATEAUROUX. 55i
dft travail accompli, et au moyeu de laquelle on put
acquérir tous les objets dont on avait besoin et faciliter
ainsi les transactions. C'est cette valeur qu'on a appelée
du nom générique de monnaies, et que nous allons suivre
dans ses différentes transformations.
Quelques auteurs ont prétendu qu'à l'origine la mon-
naie consistait en coquillages, en os d'animaux et dents
de toute espèce, qu'on enlilait dans une lanière de cuir et
qu'on portait au cou. D'autres ont cru que ces colliers
n'étaient autre chose que des parures, ou peut-être la
constatation glorieuse des dangers courus et du courage
déployé pour se rendre possesseur de ces objets, d'autant
plus rares qu'ils étaient plus difficiles à acquérir.
Il ne m'appartient pas de trancher des questions aussi
délicates ; mais il m'est permis de dire qu'à mes yeux
ces deux opinions se concilient parfaitement. En effet,
vêtus simplement de peaux de bétes brutes, il est tout
naturel d'admettre que les hommes portaient suspendus
à leur cou les objets les plus précieux, et que chacun
de ceux-ci avait d'autant plus de mérite qu'il avait été
plus difficile à conquérir ou à inventer. Ainsi il est pro-
bable qu'il fallait donner bien des dents de lapin pour
une dent de lion et beaucoup de coquillages pour un os
d'ours sculpté.
Tout ceci rentre peut-être dans le domaine de l'imagi-
nation ; mais, ce qui est réel, c'est que lorsque les pre-
miers métaux furent découverts, on fit avec du plomb,
du bronze et du fer, des anneaux de différentes grandeurs,
les uns tout unis, les autres ornés de chatons ou arêtes
plus ou moins nombreux, selon la valeur qu'on voulait
donner à la pièce. L'adoption de cette forme prouverait
qu'à cette époque encore nos pères portaient leur fortune
suspendue à leur cou.
."5^ CONGRÈS ARCnÉOl.OGTQUE PE FTlAXCE.
Eiilin dos penplos plus inj^riMiioux que les autres, Juifs,
Grecs ou Égyptiens, inventèrent la monnaie plate,
marqué d'un type à l'avers et ayant un titre déterminé,
et bientôt cette nouvelle forme se répandit de proche en
proche sur toute la surface du monde connu.
Notre pays, Messieurs, nous olTre des échantillons de
presque, toutes ces transformations, grâce aux recherches
faites par M. Lemaig:re, qui, pendant soixante ans, avec
une persévérance iniatigable, a fouillé la vieille ville
gauloise de Gabaton, appelée par les Romains Gabatum,
plus tard, au temps de saint Martin de Tours, Leprosum,
et aujourd'hui Levrouxr
C'est sur cette colline, couronnée par deux grosses
tours, restes d'un château du moyen âge, et dans les
ruines d'une forteresse élevée par les Romains, à la place
même de la ville gauloisn, et qu'on appelait grosse tour
du Bon-an ou de Don-an, que notre regretté compatriote
a trouvé une grande quantité d'dbjets d'un intérêt réel
pour l'archéologie. C'est là, et ilans les vignes qui l'en-
tourent, (ju'il a r.'ciieilli ces numnaies ci'lliiincs que nous
possédons, ces rouelles, ces anneaux avec ou sans arêtes,
les uns en plomb, les autres en bronze, dont faisaient
usage les habitants de ces contrées dans leurs rapports
commerciaux.
Je ne me permettrais pas. Messieurs, d'être aussi affir-
matif sur ces monnaies du m^nde prim til", si ces asser-
tions n'étaient appuyées sur l'autorité de savauts nuinis-
mat?5, tels que M. Lambert, dans sou Essai sur les
nionnaies ijaulolsc'i du I\'o/'d-0'iesl • M. Bayeux, dans un
volume publié en I8i4; M. Rouillet, de Clermnnt, en
1840 ; M. le comte Hippolyte de Widanges, en ISGl.
Malheureusement, quand votre musée a pris naissance,
il y avait déjà plus de trente ans que toutes les richesses
XV SESSION, A CIlATKAUnOUX. .^53
archéologiques, découvertes dan? les entrailles de ce sol
fertile, avaient été brisées par ignorance, vendues par
cupidité ou par nécessité, et dispersées aux quatre points
cardinaux.
Sur ce même emplacement, M. Lemaigre a trouvé
une très-grande quantité de monnaies à têtes humaines ci
l'avers et représentant au revers des animaux, tels que
bœuf, sanglier, loup, cheval ail<^, etc. Elles sont toutes
sans inscription, ce qui est un témoignage certain de leur
haute antiquité. Il a trouvé également « une pièce ayant
au droit une assez belle tète d'Iiomnie tournée à gauche,
et au revers un aigle, ou autre oiseau de proie, aux ailes
éployées et ayant au-dessous de ses serres la légende ou
épigraphe : vadnaios. Cette monnaie est celle d'un chef
« tarnute. »
Dans le même lieu ont été rencontrées deux autres
pièces, dont l'une ofTrc au droit une têle de chef ou roi, à
cheveux frisés à gro?ses mèches, tournée à gauche, et au
revers un cheval, ayant au-dessus de lui trois annelets et
sous ses pieds la légende ou inscription : abudos. Cette
monnaie, à en juger par les bavures (]ui y sont encore
adhérentes, a élé coulée avec ;ilusieurs autres à la fois,
car on voit très-distinctement la trace du métal qui rem-
plissait l'espace servant à faire communiquer entre eux
les vides du moule. Elle est très-commune dans le pays,
et attribuée à un chef dt^s Bitnriges.
Je ne veux pas quitter Lcvroux sans vous parler d'un
anneau cabalistique, trouvé encore par .M. Lemaigre et
donné par lui à notre musée. Cet anneau, dont M. do la
Tremblais fait mention dans les Esquisses /jitfurearfncs du
déjjartenunt de i Indre, a deux inscriptions sur ses bords
extérieurs et une sur la face intérieure. Nous n'avons pu
les déchiffrer entièrement, mais nous sommes parvenus à
554 CONGRÈS ARCnÉOLOGTQUE DE FRANCE.
lire ces trois phrases qui n'offrent qu'un sens Ijien
limité.
curet guttam , Gaspar, Melchior, Baltasar ; On
eloi, elos, adonai satain (salan ?) (I) , honore; ...,..,
deo liberaùone et verbuni caro fautun est.
Ce bijou, aui parait avoir appartenu à un chef de la
religion, est en argent; mais il est alhé à un métal qui le
rend aussi fragile et aussi cassant que le verre. Il est, je
crois, d'un grand intérêt pour notre musée.
Nous possédons aussi, de la même provenance, beau-
coup de fibules gallo-romaines, des boucles de ceinturon,
une poignée d'épée et les restes d'un casque gaulois en
fer très-mince, refoulé.
En suivant l'ordre chronologique, nous arrivons à
l'époque de l'occupation romaine. C'est alors qu'on a
trouvé et qu'on trouve encore une quantité énorme de
monnaies de bronze, d'argent et quelques-unes d'or, que
la pioche du vigneron et la charrue du laboureur mettent
au jour un peu partout. Les Tetricus, les Antonins, les
Probus, etc., sont très-communs. En or, nous avons un
Néron.
Saint-Marcel, quoique offrant une mine moins abon-
dante, nous a fourni aussi beaucoup de pièces romaines
aux mêmes effigies que celles de Levroux.
A Argenton, trente et une pièces romaines ont été trou-
vées, en 1848, dans la tranchée du chemin de fer, vers le
faubourg Sainl-Étienue.
Dans la commune de Pouligny , treize monnaies
romaines ont élé recueillies au lieu dit la Côte-Perdrix.
A Saint-Sébastien, commune de Déols, on a rencontré
(1)Le moi salan, entre parenthèse, n'existe pas sur fan-
neau ; c'est une traduction.
XL' SESSION, A cnATBAunoux. 555
une pièce en argent de Salonin, une pièce en bronze de
Tetriciis, et un double tournois de Charles VIII.
A Chezelles, qui se trouvait sur la voie romaine d'Ar-
genlodunum à Gabatuni, et où il existait une demeure
très-importante et plus tard un château élevé au moyen
âge, ou a recueilli :
Une pièce de Pierre le Cruel, roi de Castille de 1350 à
126t>. PETRUE GRATIA REX. r) BACEIONA CIVITAS;
un denier de Tours et trois monnaies romaines.
A Villenlrois,en 1864, dans une carrière située près de
la ferme d'Orvi lie, dans la cave aux Revenants, on a trouvé:
Trois deniers du Mans; trois deniers du chapitre de
Saint-Martin de Tours; et trois deniers de Foulques V,
comte d'Anjou et du Maine (1109). FULCO COMES.
^URBSANDEGAVIS.
En 4866, dans une vieille maison en démolition, on a
rencontré un sac de toile, contenant cent onze pièces en
argent et une en or; les premières à l'eftigie de Henry II,
Henry III, Henry IV et Charles IX. Celle en or à l'effigie
de Louis XIII.
A Mosnay, des pièces en argent à l'effigie de Henry II
Charles IX, Henry III et Henry IV, ont été également
recueillies.
Sur l'emplacement de l'abbaye de Saint-Gildas, dans le
faubourg Saint-Christophe, à Chàteauroux, a été trouvé
un denier, frappé à Nantes, de Arthur II. duc de Bre-
tagne, l.mV13l3.
A Villedieu, on a découvert, il y a sept ou huit ans, un
pot contenant plusieurs kilogrammes de monnaies d'ar-
gent, à l'effigie de Philippe VI, Jean le Bon, et de
Louis le Masle; nous en avons quelques-unes.
Au Verger, près de Déols, plusieurs pièces de Eudes de
Déols.
556 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Dans la contrée, sans pouvoir préciser le lieu, on a
recueilli beaucoup de monnaies de Macédoine, de Syra-
cuse, d'Alhènes, de Lacédémone, d'Ég^ypte, de Syrie, etc.
Enfin, Messieurs, j'ai réservé pour la fm une pièce qui
est sinon la plus rare, du moins une des plus belles de
notre collection. C'est une monnaie d'or de Philippe II de
Macédoine, trouvée sur le bord d'un fossé par un labou-
reur, à la Perrière, commune de Buzancais; elle repré-
sente à l'avers une magnifique tète laurée d'Apollon, à
droite ; au revers, la Victoire 'conduisant un bige au galop,
à droite; au-dessous Philippou ; dans le champ, au-des-
sous, à droite, un trident.
Comment une pièce de monnaie de Philippe II de
Macédoine, père à'Alexandr.' le Grand, se trouve-t-elle
dans nos contrées, si éloignées de son point d'origine?
Pour moi. Messieurs, il est évident qu'elle a été
apportée par des étrangers, probablement par des Phéni-
ciens, qui faisaient un grand commerce avec Nantes, et
qui cerlainement passaient par Gabalon, qui était une
ville Irès-importante. Si j'émets cette opinion, c'est que
MM. Rollin et Fenaident, de Paris, ont prétendu que ces
monnaies étrangères, et surtout celles de Philippe, étaient
frappées par les Gaulois, avec des coins vendus par des
marchands venus de Grèce et de Macédoine. Je ne puis
me ranger de cet avis, quand j'examine cette pièce
frappée éviilemment avec un coin neuf, d'un type mer-
veilleux; et quand je considère les autres pièces étran-
gères que nous possédons, je conclus que ces dernières
peuvent sortir de coins vendus aux Gaulois dans un état
de détérioration déjà avancé, mais que de scmljlablcs
coins on n'a jamais pu tirer d aussi belles épreuves que
celle que vous avez sous les yeux.
I)'autres plus compétents pourront juger la question
XL* SESSIOx\, A CIIATKAUROUX. 557
gui, du reste, ne chimijera rien aux couclusions de ce
rapport sommaire, c'est que nous habitons un pays qui a
été d'une importance très-grande, et dont l'histoire serait
des plus intéressantes si elle était connue avant la domi-
nation romaine. Les faibles documents que je vous ai
apportés sont encore bien insulTi^ianls, mais peul-étre un
jour trouvera-t-on,au pied de ces vieux murs de Levroux,
la clef qui nous ouvrira la porte du monde nouveau que
nous cherchons.
Pour arriver à ce but, il serait à désirer que toutes les
découvertes faites vinssent se réunir dans un centre com-
mun où les savants pussent les venir consulter à l'aise, et
que les inventeurs de curiosités, au lieu de les laisser dis-
perser ou détruire, voulussent bien les donner ou les
vendre aux musées, dont le but est de conserver tous les
objets offrant de l'inléiêl à un point de vue quelconque.
Ce vœu. Messieurs, que j'émets devant vous, n'est pas
aussi banal qu'il peut vous paraître. Il m'est suscité par
une petite excursion que je fis dernièrement à Levroux,
dans une vigne distante à peu prt^^s de deux kilomètres de
la ville. Elle appartient à un vigneron nommé Ferré, qui,
chemin faisant, m'a raconté, d'une manière très-vague, je
dois le dire, parce que, l'intérêt à ces trouvailles faisant
défaut, sa mémoire n'en avait conservé qu'une très-faible
trace. Ferré m'a raconté, dis-je, que depuis vingt-cinq
ans environ, il détruisait, en travaillant sa vigne, un
dallage fait avec de petites pierres blanches et noires de
forme cubique, et qui était presqu'à fleur de terre. 11 me
dit avoir vu des dessins très-jolis, et un entre autres,
représentant un homme à cheval, de deux à trois pieds
de hauteur, qu'il avait brisé après l'avoir montré à quel-
ques personnes de sa connaissance.
Ce récit ayant excité ma curiosité, je l'interrogeai d'une
558 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
t'açon plus pressant*^, et j'appris qu'il avait découvert des
murs se croisant en tous sens, dont il avait extrait les
pierres pour construire sa maison de ville et les dépen-
dances. Au pied de l'un de ces murs, à un angle extérieur,
il avait trouvé, me dit-il, à quatre ou cinq pieds du sol
actuel, quatre décalitres à peu près d'écaillés d'huîtres; à
quelques mètres de là, il avait rencontré un fourneau
surmonté d'une cuvette, dans laquelle se trouvaient des
piles de pièces de monnaie fondues et non encore séparées,
ainsi que des moules, qu'il appelait des moules à boutons.
Il est probable que c'étaient des coins pour frapper la
monnaie.
Tous ces détails, racontés avec la simplicité d'un bon
vigneron qui n'attache aucune importance à ces trou-
vailles, puisqu'il a tout donné ou tout perdu, nous por-
tent à penser que sur l'emplacement de cette vigne exis-
tait une maison romaine très-riche et très-importante,
habitée par un des chefs de la contrée. Du reste, j'ai pu
m'assurer par moi-même de la vérité du récit de Ferré;
car, à notre arrivée sur le plateau , il a découvert deVaiit
moi, à quatre ou cinq pouces du sol, im reste de mo-
saïque tellement désagrégée, qu'il m'a été impossible d'en
recueillir la moindre parcelle intéressante. Cette mosaïque,
dont le dessin figurait une grecque, devait composer l'en-
cadrement d'une salle.
C'est donc du fond du cœur. Messieurs, que je forme le
vœu ((uej'ai émis plus haut, et j'espère qu'il ne sera pas
seulement entendu de vous, dont la sympathie m'est
acquise d'avance, mais qu'il parviendra jusqu'aux oreilles
de notre Conseil général, qui pourra mettre k notre dis-
position les fonds nécessaires pour lui donner la vie
efteclive.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 559
M. le Directeur de la Société française d'Archéologie
entre dans ces vues, et conseille la création d'une Société
archéologique à Châteauroux.
A la fin de la séance, M. Lenail présente quelques
observations, exprimées d'une manière remarquable, dans
le but de conserver les pures traditions dans le langage de
l'archéologie chrétienne. 11 démontre comment il y a un
abus regrettable à substituer le mot donateur à l'expres-
sion donataire.
Donataires.
Vous avez plusieurs lois, Messieurs, entendu émettre
cette opinion que le titre de donateur, appliqué à ceux qui,
soit par legs, soit par donation, abandonnent leurs biens
aux églises et aux monastères, est un titre qui répugné au
sens chrétien.
L'homme placé dans de telles conditions ne peut être
qu^in donataire.
M. l'abbé Chevalier, président de la Société archéolo-
gique de Touraine, s'est élevé au congrès, à Angers,
contre cette opinion. Il affirme que le mot donner est fré-
quent dans la langue des cartulaires, et que nous disons
très-bien : o Je donne, Ego do, à Dieu, àlaB. V.Marie, à
Monsieur saint Martin Celui qui donne son bien,
ajoute-t-il, est véritablement et doit ètreap'^elé donateur.»
Permettez-moi de vous faire observer, Messieurs, que
l'honorable docteur Cattois, en soutenant l'opinion que le
donateur n'est que le donataire, n'ignore point le texte des
chartes.
560 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
Cette opinion me parait juste et fondée, et c'est en lisant
les cartLilaires que j'en ai ac(juis la conviction.
Quels sont les motifs les plus fréquents des donations
faites aux églises ou aux monastères ?
Le désir de racheter quelques fautes commises contre
Dieu ou contre le procliain, la faveur d'une sépulture
honorable dans le cimetière des moines ou dans l'église, le
salut de l'àme.
En vérité, quelle fortune sur la terre peut compenser de
tels biens, et si, par la bienveillance ou les prières des ser-
viteurs de Dieu, l'homme peut obtenir ce qu'il demande,
n'est-il pas vraiment le véritable avantagé?
Il offre d'abandonner telle part de ses biens de la terre,
pour obtenir une faveur enviée par-dessus toute?, des
prières qui lui vaudront le pardon de ses fautes, son salut
éternel.
Il est véritablement le donataire.
Ce sont donc les images des donataires que nou? voyons
au ponaii des églises, au bas des verrières, dans nombre
de monuments religieux.
Ne m'opposez pas les chartes dans lesquelles l'homme
s'affirme propriétaire et donateur par les expressions abso-
lues, Ego do...
Ce ne sont là que des actes civils.
Si le signataire de ces actes n'eût jamais dû avoir affaire
qu'aux monastères ou aux églises, il n'eût pas eu besoin
d'employer ces formules de propriété, et eût abandonné
son bien, en suppliant ceux qui recevaient de vouloir
bien considérer cet abandon comme une faible compensa-
tion des faveurs qu'il sollicitait.
Mais il n'est pas seul. Ses héritiers sont là, intéressés à
la conservation des biens qui vont sortir de leur héritage,
prêts à tout faire pour les ressaisir.
XI." SKSSION, A CIIATEAUllOUX. 56<
A cause d'eux v.l pour eux, il douue : Jifp do... Four
lui et pour ceux qui reçoivent, il abandonne humblement
pour telle ou telle cause, dans tel ou tel but.... Il se sent
véritablement l'obligé, alors que dans ses rapports avec
ceux qui l'entourent il doit être le propriétaire et le dona-
teur.
Vous ne vous considérez comme mariés, grâce à Dieu,
qu'après avoir reçu la bénédiction du prêtre, et cependant
vous allez dans une mairieremplir des formalités d'actes et
d'application de signatures; que peuvent-elles donc faire à
votre mariage, sinon lui donner une force obligatoire dans
vos rapports avec une société plus intéressée à vos biens
qu'à votre bien ?
Vous avez ici deux actes ; j'en vois deux également dans
les chartes, et dans les chartes comme dans le mariage
aujourd'hui, l'acte civil est le premier, parce qu'il a tou-
jours fallu mettre sous la protection des hommes, par une
aberration inexplicable, ce qui se fait pour le service et la
gloire de Dieu.
L'homme écrit dans les chartes : Fgo do; c'est l'acte
civil, et il ajoute : Je le fais pour obtenir le pardon de
mes fautes et le salut de mon âme ; c'est l'acte religieux.
La nécessité des actes de donation au moyen âge était
absolue, puisque, malgré les formalités les mieux rem-
plies, nous voyons intervenir après de longues années, à
la sollicitation des moines eux-mêmes, les fils et les petits-
fils pour confirmer cet acte d'abandon. La volonté expres-
sément écrite du maître aurait pu ne pas suffire, il fallait
qu'elle fût confirmée par les héritiers.
Vous voyez sans peine de quelle façon eussent été
observées les intentions d'un homme qui se fût dit
l'humble obligé de ceux qui recevaient. Aussi, comme le
dit fort bien M. l'abbé Chevalier, dans un sens tout ditfé-
XL" SESSION. 3G
6i\îî. CONGRÈS ARCHÉOLOfilQUE DE FRANCE.
rent, il est vrai ; l'Église a toujours consacré par la
bouche des évêques et des abbés l'expression de donation,
en permettant de dire des donateurs : JJedit Deo et sanctœ
Mariœ.
Ils savaient trop bien, en vérité, de quelles nullités
seraient frappés par la cupidité humaine des actes qui
n'eussent pas exprimé absolument la volonté de transférer
la propriété, de la part de celui qui, véritable donateur
aux yeux des héritiers, n'est et ne peut jamais être que
l'obligé, le donataire vis-à-vis de Dieu et des Saints.
M. Gattois exprime les mêmes pensées avec une grande
élévation, et le Congrès s'associe entièrement à ses vœux
pour la conservation de la pureté du langage de l'archéo-
logie chrétienne.
La séance est close à cinq heures et demie.
1" SÉANCE DU 14 JUIN 1873.
PRÉSIDENCE DE M. DE CESSAC.
Siègent au bureau : MM. Lataille, Jautrou.
M. Barboux remplit les fonctions de secrétaire.
M. de Laurière lit le procès-verbal de la séance du 13
juin, qui est adopté.
M. le Président déclare à l'assemblée qu'il vient de
XL' SESSION, A CHATKAUROUX. ,^)()3
recevoir plusieurs ouvrages sur l'Iiisioire primitive et
naturelle de riiouinic, ol dout raulcur, JNl. Emile Car-
tailhac, l'ait homiuage au Coiiyrès,
M. (îuillard demande à faire quelques communications
relatives à l'art. 31 du programme. La parole lui ayant
été accordée, il nous fait connaître que, sous l'invocation
de saint Biaise, il existait à Châteauroux une corporation
de drapiers dans la rue d'Indre. 11 entre dans des détails
fort intéressants sur les statuts qui la gouvernaient, sur-
tout en ce qui regarde la juridiction.
Notes sur les confréries établies, à Châ-
teauroux, sous les dénominations de
Saint-Biaise , de Saint-Sébastien et du
S aint- S acr ement.
Pour répondre à l'art. 3] du programme, relatif aux
anciennes corporations professionnelles, nous nous
sommes livré aux plus minutieuses recherches pour
découvrir quelques-uns des statuts qui peuvent s'y rap-
porter. Si nos démarches n'ont pas eu directement de
succès, nous avons obtenu au moins des renseignements
qui donnent, à un certain point de vue, un aperçu de ce
qu'elles étaient.
A Châteauroux, il existait, avant la Révolution, des
confréries organisées de diverses natures. Toutes avaient
des bâtons, soit qu'elles eussent rapport aux métiers, ou
seulement à un but religieux. Au commencement du
règne de Louis-Philippe, nous avons vu encore, aux pro-
5t)4 CONGhÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cessions de la Fête-Dieu, les bâtons dos boulangers, des
cordonniers, des vignerons ou jardiniers, des charpentiers,
etc. Ces vieux usages ont disparu, au moins en grande
partie. Le corps de métier le plus nombreux était celui
des « tixiers en draps, » établi sous le patronage de
saint Biaise, dont la fondation remontait au 29 mars 1-192.
Il comprenait tous les ouvriers en laine, drapiers,
cardeurs, fouleurs, etc. Le travail des draps était alors
l'industrie la plus importante de la ville.
Une chapelle, dépendant originairement du monastère
de Saint-Gildas de Chàteauroux, était érigée à saint
Biaise, dans l'enceinte même du Château-Raoul ; elle
était située près de la porte qui en formait autrefois la
seule entrée et qui existe toujours. Elle fut mise en inter-
dit, le 8 mai 1749, comme tombant en ruine et manquant
des objets indispensables au culte, et démolie à la suite
d'un procès-verbal dressé le 29 novembre 1756. Les
matériaux en ont été employés, en partie, à l'érection
d'une autre chapelle, placée sous le vocable de saint
Pierre-ès-Liens et de saint Biaise, qui fut élevée près des
tours, servant de prison, de la porte aux Guindons,
démolie de nos jours.
La demeure du prieur, maison basse et en mauvais
état, se remarque encore à l'angle de la rue de la Préfec-
ture et de la Vieille-Prison, en face de la porte de l'an-
cienne église de Saint-Martin.
Cette confrérie, tombée à la Révolution, a été reconsti-
tuée 1808, et de nouveaux règlements furent dressés
vers 1815. Depuis l'introduction des mécaniques à Chà-
teauroux, c'est-à-dire des métiers à carder et à filer,
l'institution s'est perdue peu à peu, et, depuis quarante
ans, il n'en est plus question.
La tradition rapporte que les procès civils entre les
XL' SESSION, A CHaTEAUROUX. o65
confrères y étaient jugés, autrefois, par des délégués ou
syndics. Nous n'avions pas d'autres renseignements sur
cette disposition particulière; mais nous avons pu prendre
connaissance dos anciens statuts d'une autre Société, de
la confrérie religieuse de Saint-Séhastien, dont plusieurs
articles corroborent le témoignage précédent.
La confrérie de Saint-Sébastien a été instituée, en 1642,
dans la paroisse de Notre-Dame et Saint-Martin, et
confirmée par une bulle du pape Urbain VIII, en date du
iO septembre de la même année. Elle s'étendait aux
hommes et aux femmes; et, par suite, des procureurs et
des procureuses y élaient élus annuellement.
Le cérémonial des enterrements, qui était encore usité
à Cliàteauroux sous la Restauration par quelques corpora-
tions de métiers, y est indiqué exactement. Ces institutions,
quelles qu'elles fussent, devaient, en effet, avoir des
règles communes et ne différer que par le nom : les
conditions spéciales à chaque profession, dans la même
localité, en étaient certainement les seules différences
essentielles. La religion, à l'ombre de laquelle elles se
formaient et se développaient, devait inspirer les mêmes
préceptes pour toutes.
A l'art. 15 de la confrérie de Saint-Sébastien, il est dit:
« Si quelque frère ou sœur a quelque différend avec quel-
qu'autre de la confrérie, sera accordé le dict différend la
ueille de la feste de monsieur saint Sébastien, par le
curé de Saint-Martin et par les procureurs de la confré-
rie, et celuy ou celle qui refusera l'accord sera expulsé
de la dicte confrérie. »
Ce passage explique ce que l'on attribue aux statuts de
Saint-Biaise, le jugement amiable des procès par les
frères élus, présidés ici par le prêtre, puisque la confrérie
était toute religieuse. Le président du conseil, pour les
566 CONGRÈS AUCHÉOLOGIQUE DE FIUAGE.
autres corporations, était vraisemblablement pris parmi
les confrères (1).
Sans doute ces jugements, rendus par des hommes
souvent peu compétents en matière judiciaire, pouvaient
quelquefois n'être pas très-fondés en droit. Mais quand on
réfléchit que le droit de chacun n'était, en grande partie
réglé, à ces époques, que par des coutumes prêtant elles-
mêmes beaucoup à l'interprétation ; que les formes judi-
ciaires étaient très-complexes ; qu'un procès était quel-
(1) L'obligation qui permettait de trancher amiableineiit les
difficultés surgissant entre les sociétaires, semble également
ressortir des règlements d'associations étrangères à la ville
de Chàteauroux. En voici un exemple :
En mail 486, un riche marchand de Bourges, Jean de Cuchar-
mois, institua dans la ville une confrérie sous le titre de C/ie-
voHers de l'ordre de ^otre-Dome-de-la-Tahle-Ronde, dont
il fut le chef, le président ou roy. Cette dénomination était
probablement une réminiscence de la légende du fameux
Arthur, roi des premiers Bretons. Les associés, à l'origine,
étaient au nombre de quinze seulement; mais, trois ans après,
ils furent portés à vingt-quatre, pour atteindre celui des com-
pagnons d'Arthur, de ce souverain légendaire.
Les frères devaient s'entr'aider et se secourir mutuellement :
<c Dès que les chevaliers avaient connaissance de quelques
différends mus entre eux, ils devaient s'emploijer à les
apaiser et au besoin en avertir le chef et les autres compa-
gnons pour que ceux-ci pussent ij mettre ordre. » Celle
appréciation, bien que rapportée d'après la tradition, est confir-
mée par la formule suivante du serment que les chevaliers
prêtaient à leur réception, telle que nous l'a conservée un
auteur du xvn" siècle, Chenu, avocat :
€ Vous jurer, et vouez à Dieu et à Notre-Dame, que vous gar-
derez et observerez de point en point les ordonnances et
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. ri()7
qucfois interminable et une ruine pour les familles, on
comprend combien de services rendaient de semblables
conditions imposées aux associés. Il est inutile de le
faire ressortir par de longs développements.
La bonne foi résultant de sentiments honnêtes, de
l'amour du bien, était le mobile qui devait inspirer les
décisions plutôt que le désir d'une application rigoureuse
de ce que l'on pouvait appeler alors la jurisprudence. Les
jugements n'étaient pas obligatoires, il est vrai ; les par-
ties avaient la faculté de ne pas les accepter, mais les dis-
sidents étaient exclus de la société. Des motifs très-graves
devaient uniquement pousser les frères et les sœurs à
une pareille extrémité. 11 est même plus que probable
qu'en ne les supposant pas rigoureusement équitables, ils
n'étaient pas sans appel et qu'ils pouvaient être modifiés
statuts faits et qui se feront au temps à venir, à l'honneur de
Dieu, (lu Roi notre sire, et de la chose puhiique de cette ville
de Bourges, et à l'utilité, amour et union des frères chevaliers
de la Table, et fraternité mise sus en la dite ville par les dits
frères; pourchasserez te bien et honnexir d'eux et leur
dommage éviterez à votre pouvoir ; porterez honneur et
révérance au chef de la dite compagnie en ses conseils et
convocations ; obéirez à ses commandements et ordonnances
qui vous seront faits pour le bien de la dite fraternité et com-
pagnie; et, en signe de ce, porterez dorénavant une image et
enseigne de la dite glorieuse Notre-Dame, à l'honneur de
Dieu et d'Elle; et aussi vous jurez et promettez que quand
vous serez appelé, selon les dites ordonnances, pour assister à
la messe que la dite compagnie fait dire chaque dimanche,
vous y irez et direz durant icelle le chapelet de Notre-Dame,
ou donnerez trois deniers pour Dieu. » {Des chevaliers de
l'ordre de Notre-Dame-de-la-Tabie-Ronde de Bourges, par
M. G. -P. Chevalier, de Saint-Amand. Bourges, 1837.)
o68 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
par un nouvel examen et, par conséquent, par une autre
transaction.
Toute personne d'une mauvaise conduite était exclue
de la société. L'art. 16 en est ainsi conçu :
« Si quelque frère ou sœur uient à estre surpris de
iustice en sorte qu'il y ait sentence d'infamie, sera mis
hors de la dicte confrérie et son nom sera rayé du livre
de la dicte confrérie. »
Les mêmes statuts sont terminés par une; note concer-
nant la première nomination des procureurs et des procu-
reuses. Une partie des paragraphes qui y ont trait nous
paraît intéressante à reproduire.
« Le dixième iour deiuin, mardy de la Pentecoste, l'an
1642 ont esté nômé procureurs de la confrérie lean
le maistre et Louys Thony, et procureuse Madelene
Giraud Le iour de saint Sébastien, l'an 1644, on a
cômancé à porter le baslon de Saint-Sébastien qu'on a
faict apporter de Paris où il a esté faict aux fraiz de la
confrérie... »
Saint Sébastien ou monsieur saint Sébastien, comme
il est communément désigné, avait une chnpelle spéciale,
tant dans l'église de Notre-Dame et Saint-Martin, que
dans celle de Saint-André, autre église démolie à la Révo-
lution. Le curé de cette dernière paroisse revendiqua éner-
giquement ses droits sur l'association. Un procès s'en-
suivit : ses prétentions furent lejetées par une sentence
de Mgr Pierre d'Hardi uillier, archevesque de Bourges, en
date du 29 janvier 1644.
Aucun autre fait que nous sachions digne d'être signalé,
ne nous parait devoir être rapporté sur ces anciennes
sociétés, qui ont eu l'influence de réunir, pendant si
longtemps, des groupes nombreux d'habitants d'une
même ville, dans un but commun, manuel ou reli-
XL* SESSION, A CIIATEAUUOIIX. t>û*^
gieux, pour s'entr'aider par le travail on par la prif'rc.
Cet article était rédigé quand nous eûmes connaissance
des statuts de la confrérie du Très-Saint-Sacrcinont, fon-
dée en l'église de Saint-Martial de Chàteauroux, par Guy
de Chauvigny, seigneur de la ville et de la principauté
du Bas-Berry, en l'an I3G''2 (1), revus et corrigés, en l()99
par les frères Hell'ort et Mathieu liauduit. Ce règleuxuit
est composé de vingt-cinq articles ; les prescriptions reli-
gieuses y sont nombreuses et austères ; nous n'en repro-
duirons que les articles qui paraissent avoir réellement
de l'intérêt au point de vue des mœurs et des pratiques de
l'époque.
(1) Cette confrérie a été établie peu de temps après l'inslitutioii
de la Fète-Dimi et de la procession du Saiiit-Sacrement, qui ne
remontent qu'aux années 1311 et 1316. Il est même probable
que, dans toutes les paroisses de la France, les |jresLMiptions du
pape Jean XXII, relatives aux prières de Voctare, n'a\aieut
pas été immédiateuienl suivies d'exéiuilion. L'association, à
part les sentiments religieux tout individueLs ([ui rins|)iraient,
ne peut très-bien avoir été oi'gani.^ée parle clergé qu'au nioment
de la mise en pratique des bulles des Papes, pour inspirer plus
de respect aux liabitanls et donner plus de i>ompe aux cérémo-
nies extérieures.
Une autre circonstance le ferait présumer. On lit dans La
Thaumassiére, Histoire da Berry, que le Prince fit présent
à l'église Saint-Marlial d'un vaisseau d'argent doré pour porter
le corps de Notre-Seigneur à la fêle. Les ostensoirs n'ont été
adoptés que dans le xvi« siècle. Entre cette époque et le milieu
du xiv« siècle (1362;, pendant près de deux cents ans, la sainte
hostie devait être portée aux processions dans la pijxide, qui
avait habituellement la lorme d'une colombe. Dans l'église, ce
vase était suspendu au-dessous du cihorium ou, après la suppres-
sion de cette petite coupole, à un su[iport recourbe en lorme de
570 CONGRÈS ARCHKOI.OGIQUE DE FRANCE.
L'art. 4*"" ne concerne que le costume adopté par les
frères et que quelques règles générales ;
L'art. 3 mérite de fixer tout particulièrement l'attention.
On voit que le voile ou drap, dont l'usage paraît remonter
à la fin du xiii" ou au commencement du xiv" siècle, qui
était étendu à la procession du Saint-Sacrement au-dessus
de Notre-Seigneur et du prêtre, est encore porté ici, en
1669 ou aussi exactement en 1700, par quatre frères. Il
est généralement admis que, vers la fin du xV ou le com-
mencement du XYi^ siècle, ces poêles ont reçu une forme
bombée, de manière à imiter une voûte légère. Ils étaient
recouverts d'étoffes précieuses, richement brodées. Les
instruments de la Passion s'y remarquaient souvent en
relief. Si ce fait est exact pour Paris et quelques grandes
villes, il ne saurait l'être pour toute la province, puisque,
plus d'un siècle après, les voiles primitifs existaient à
Châteauroux.
Nous ignorons quand les dais actuels, dont la forme a
été évidemment empruntée aux baldaquins des lits, ont
été substitués à ces voiles. Mais l'époque, dans nos con-
trées, ne saurait être antérieure au xviii'' siècle. L'innova-
tion n'a pas été heureuse, car les draperies soutenues par
crosse, richement décoré, placé derrière l'autel. Le présent du
seigneur de Châteauroux ne devait pas avoir une autre destina-
tion que de servir aux hosties consacrées.
Nous ferons remarquer que Guy de Chauvij^ny n'avait i|iie
qninze ans en 1362, que vraisendilal)lement rétahlissement de
la confrérie n'a pu être due à son initiative el qui! n'a pu en
accepter (juc \q patronage. Peut-être même, alors, était-il
on Angleterre, prisonnier ou otage d'Edouard III, comme le
suppose, dans les Eaquisses hiograpliiques, M. Grillon-Des-
chjpelles.
XL'" SKSSIOiN , A CIlATKAimuUX. r)7 J
des lances prêtaient davantage à la décoratidii, et t'iaiciil
(l'un cH'ct plus majestueux ([ue les châssis dont un l'ait
usage aujourd'hui.
L'art. 19 a trait aux contestations qui peuvent surgir
entre les l'rères. On remarquera que les différends, au li(!u
d'être pris dans un sens absolu, connue dans la conlrérie
de Saint-Sébastien etdans celle de Notre-Dame-de-la-Table-
Ronde, sont limités aux rancunes et injures. Était-ce le
résultat de l'expérience d'un passé qui n'avait pas produit
des fruits satisfaisants ou de la confiance qu'inspirait le
prestige dont le gouvernement était entouré? Nous ne
saurions le dire.
Ces statuts ont été révisés en 1099. Quand les ordon-
nances de Louis XIV avaient apporté de grandes modiii-
cations dans la procédure en général. Golbert avait même
cherché à la rendre uniforme pour toute la France. La
justice devait être, en conséquence, plus régulièrement
rendue, les frais d'instance moins onéreux, les règles
protectrices des intérêts de chacun mieux observées ,
et, par conséquent, les obligations imposées aux confrères
de se soumettre aux jugements d'arbitres amiables, bien
moins utiles.
L'art. 20 montre les sentiments d'humilité dont devaient
être animés tous les associés.
Le pape Innocent X a, par lettres datées du 3 mai de
l'an de l'Incarnation 1645, accordé à tous les frères qui
« satisferaient aux nouvelles obligations de ladite confré-
rie, PARDON et INDULGENCES de première rémission, données
et octroyées à perpétuité. »
Voici la copie des articles que nous avons cités :
« Art. 1". — Sont tenus lesdits frères de ladite Con-
frérie, la veille de la Fête-Dieu, d'aller tous, deux à deux,
à vcspres audit Saint-Martial, vêtus d'une robe blanche,
.S7"2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
longue jusques aux pieds, sans fandures ni boutons, et
ayant aussi un chaperon à l'ancienne loy, en signe
d'humilité; et le lendemain, jour de la leste, aller à
mâtine, et n'en partiront point lesdits frères, que la
grande messe ne soit dite, excepté ceux quiontexoine
loyale et qui prennent congé des maîtres. »
« On a depuis ordonné que les confrères iront dans
l'ordre susdit, deux à deux, le cierge allumé, quérir à
Saint-Denis (I) le saint Sacrement pour être porié à Saint-
Martial, à huit heures du matin.
« Art. 3. — Item. Sont tenus lesdits frères de se con-
fesser et être repentans de toutes leurs fautes et péchez, et
offrir, le jour de ladite fête, chacun un denier, deux à
deux, et recevoir Noire-Seigneur à ladite messe, deux à
deux, et en iceluy état comme dessus, et suivre la pro-
cession niids pieds, s'il n'y a exoine loyale, à laquelle pro-
cession le prêtre qui portera Notre-Seigneur doit être
accompagné et tenu par les deux cotez de deux frères de
ladite confiairie, à l'élection des maîtres : et autre quatre
(1) Saint-Denis est un faubourg complètement détaché, qui
était éloigné de 1 kilomélre des [.lorles de la ville. L'église qui
remplaçait une antique chapelle érigée avant le x" siècle, et
par conséquent avant la consiruction du donjon au pied duquel
Chàteauroux s'éleva snccessivenient, devint la premièie égli.^^e
paroissiale; Sainl-lNlailial, liàli à la lin du xi« siècle, près de
l'ancienne enceinte, en dépendait La première fut aliénée à la
Révolution. Sous la Restauraiion, M. Carre, officier supérieur en
retraite, y installa des machines à carder la laine et des métiers
à fder; vers le milieu du règne de Louis-Philippe une vinai-
grerie y fut établie; enfin, depuis longtemps déjà, elle sert d'éta-
blissement principal au dépôt de mendiciié départemental. Les
cuisines de la maison sont établies dans la chapelle de Sainte-
Radegonde.
XL* SESSION, A GIIATKAUKOUX. o73
porteront en qnalni bâtons^ le drap qui serti sur Notre-
Seigneur et sur ledit prêtre. Et sont tenus tous lesdits
frères, comme dessus, de venir tous ensemble de l'église
susdite Saint-Martial et aller dîner sans eux départir ni
devestir leurs robes blanches, jusques au soir, (ju'ils se
voudront coucher.
« Art. 19. — Item. S'il advenait quelque discord entre
aucuns desiits frères, pour rancunes et injia-es, les maîtres
de ladite confrairie seront crus et pourront ordonner
dudit discord a leur volonté : et celuy ou ceux qui contre-
diront audit appointement et ordonnance desdits maîtres,
paieront les devoirs de ladite confrairie du temps qui leur
sera passé , et prendront la robe et cierge de ladite
confrairie et ne seront plus de ladite confrairie.
« Art. 20. — Item. En reconnaissance et considération
du haut mystère de la tr(S-noble institution du précieux
sacrement du corps de Jésus Christ pour l'honneur, re-
merabrance et mémoire duquel a été ordonnée cette pré-
sente confrairie; les frères de ladite confrairie ont voulu et
veulent que dorénavant au diner et souper que feront las-
dits frères, chacun an, le jour de ladite Fête-Dieu, treize
pauvres pour l'honneur de Dieu et des douze apôtres, qui
furent à la très-noble fête et institution de susdite du
très-saint et précieux sacrement; lesquels treize pauvres
sont servis à diner et à souper avant que nul desdils frères,
des biens que Dieu leur a donnez. »
L'ordonnance suivante, de l(i23, du prince de Condé (1),
seigneur de Ghâteauroux, règle le cérémonial de la pro-
cession du commencement de Voctave.
(1) Le prince de Coudé avait acheté, en <6I2, des héritiers
du dernier des Chauvigny, la terre comprenant l'ancienne piiu-
cipauté déoloise.
574 CONGRÈS AUCIIEOLUGIOUE DK FRANCE.
« Le jour de la Fête-Dieu, le curé de Saint-Denis ira
quérir, audit Saint-Denis, le précieux corps de Notre-
Seigneur; il le portera, suivant la couiume, en l'église
Saint-Martial, auquel lieu, la grande messe capitulaire
dite à Saint-Martin (1), viendront processionnellemeut les
chanoines et abbés de Chàteauroux, et l'abbé ou l'ancien
chanoine, l'un absent, portera le corps de Dieu aux lieux
ordinaires et accoutumez, et après la prédication rapporte-
ront en ladite église de Saint-Martial ledit corps de Dieu,
et de là se retireront chez eux processionnelleraent. Là
assisteront tous les autres curés de la ville, avec leurs
prêtres, croix, bannières et chapes, même celuy de Saint-
Christophe (2), auquel nous enjoignons d'ainsi le faire, et
réserver à l'octave la procession de leur confrairie (3); et
(t) L'église de Saint-Martin était dans l'enceinte même du
Cliàteaii-Raoul. Elle remplaçait une cliap -Ile qui existait, comme
celle de Saint-Denis, avant la construction de ce château. Vendue
à la Révolution, elle resta longtemps une propriété particulière.
Aujourd'hui elle est habitée par les sœurs de l'Espérance.
L'ancien chœur, dont nous avons vu debout les voûtes en ogive,
a été abattu intérieurement , et une petite chapelle a été éri-
gée à la place, sans en avoir moilifié les dimensions extérieures.
(2) Faubourg qui est séparé de la ville par la rivière de
l'Indre, où Ebbes le Noble, seigneur de Déols, a fondé, au
commencement du x* siècle, l'abbaye de Saint-Gildàs.
(.3) A Saint-Christophe, il existait une confrérie du Saint-
Sacrement. Il est probable qu'il devait en être de même pour les
deux autres paroisses de Saint-André et de Saint-Martin. Les
statuts ne paraissent pas avoir olé ideiiti(iueMient scnd)lables
pour chacune d'elles. A Saint-Martial les confrères étaient
obligés, à leur décès, de donner leurs robes à un pauvre,
lequel était tenu d'assister, revêtu de cette robe, un cierge à la
niain, au service et à Tenterrement du délunt. A Saint-
XL'' SESSION, A llllATEAimolIX. 57o
en tout 1(! reste y sera procédé suivauL la manière aecoii-
tnniéeet statnls (le la conCrairie. La [)rocL'ssion roninicncera
à partir de Sainl-iMartial, précisément à 10 heures du
matin.
« Fait ce 8 juillet, l'an lO'^.'J.
« Signé : Henry de Bourbon. »
Au-dessous de cette ordonnance est consignée la mention
suivante :
« Ladite ordonnance de Monseigneur le prince de Condé
a été authorisée par l'eu Monseigneur l'archevêque de
Bourges, Anne de Lévy, le 18 juin 1038. Les parties
intéressées appelées, comme il se voit par les règle-
ments. »
Nous ajouterons que la réunion du clergé des paroisses
secondaires, de Notre-Dame (autrefois église du couvent
des capucins), et de Saint-Christophe, pour assister à la
possession de la paroisse principale qui est Saint-André
Christophe, les robes étaient vendues au profit de l'association,
A ces époques, l'on plaidait, comme on le sait, avec acharne-
ment pour les moindres choses. En voici un exemple qui a trait^-
à cette association. L'analyse du jugement dont il est (]uesti-dn
est extraite de l'inventaire des pièces de l'ancien duché de
Chàteauroux : Par sentence, en date du \% juin 1559, « rendue
à Issoudun contre maître Pierre Veronneau, naguère vicaire de
la cure de Saint-Christophe-lès-Cliàteauroux , demandeiu" ;
contre Jean Fredel , maître d'une confrairie appelée la Conf'rai-
rie du Corps-Dieu , fondée en la paroisse de Saint-Christophe,
défendeur, pour raison de 6 1. demandées par ledit vicaire, pour
une messe qu'il a dite en ladite paroisse une année durant,
laquelle sentence renvoie les parties devant le bailly de Saint-
Gildas. » Ainsi, pour six livres, on va plaider de Chàteauroux à
Issoudun, et d'Issoudun on revient plaider à Chàteauroux devant
un autre baillv. Les commentaires sont inutiles.
o76 COxN'GRÈS ARCHÉOLOGIQUE UE FRANCE.
(ancienne église du Couvent des Cordeliers), le premier
dimanche qui suit l'ouverture de l'octave de la Fête-Dieu,
a encore lieu aujourd'hui. Saint-Martial est une annexe
de Saint-André, comme autrefois cette église l'était de
Saint-Uenis.
La parole est donnée ensuite à M. Daiguson, pour la
lecture d'un mémoire sur l'article 38.
Note sur le cartulaire de l'abbaye de
Saint-Pierre de Vierzon.
Au nombre des rares manuscrits contenant des rensei-
gnements du plus haut intérêt pour l'histoire locale de
notre Berry, se trouve sans contredit le cartulaire de l'ab-
baye de Saint-Pierre de Yierzun, qui, malheureusement,
ne fait pas partie de nos archives départementales. Ce
précieux cartulaire {Cartularium Virsionense) appartient
actuellement à la Bibliothèque Nationale, ou il est entré
par voie d'achat, en 1822, et il y est classé sous le
numéro 97 du fonds des cartulaires. Par suite d'un sem-
blable déplacement, qui a mis, de longue date déjà, ce
remarquable manuscrit hors de la portée des archéologues
de notre province pour leurs études habituelles, tout porte
à supposer que cet important recueil de documents n'est
vraisemblablement, pour ce motif d'éloignement, qu'assez
peu connu dans notre région; et peut-être, en pareil cas,
une courte description ne paraitra-t-elle pas dépourvue
de tout intérêt.
L'abbaye de Saint-Pierre de Vierzon [abbatia sancti
Pétri Virsionensis ; monasterium sancti Pétri Virsionensis
XL* SESSION, A CHATEA.UUOUX. 577
Cenobii; Cenobium Virsionense; Congregatio suncti Pétri
Virsionensis Cenobii) fut originairement établie en un
lieu appelé Dèvre [vocabulo Dovertim) , situé non loin de
Vierzon, à deux lieues environ de cette ville, et entre
Vierzon et Saint-Georges-sur-la-Prée, sur les bords de
l'Yèvre, et dans une vallée à proximité du Cher. De là lui
vint primitivement le nom d'abbaye de Saiut-Pierre-de-
Dèvro [abbatia Doverensis ; monasterium sancti Pétri Dove-
rensis Cenobii; Monasterium Doverense ; Dovereme Ceno-
bium), qu'elle porta pendant les premiers temps de son
existence et durant le cours d'un siècle environ. Le cartu-
laire de l'abbaye de Vierzon {Chartvlarium Virsionense]^
renferme les actes et chartes se rapportant à ces deux
abbayes, qui, pour ainsi dire, n'en constituent qu'une
seule et unique, puisque l'abbaye de Vierzon ne fit que
remplacer l'abbaye de Dèvre, détruite par les Normands, et
en devenir la continuation et la suite. Il contient en tout
cent dix-sept actes ou chartes, dont seize seulement se
rapportent à l'abbaye de Dèvre, et les cent un autres ont
trait à l'abbaye de Vierzon.
Suivant toute vraisemblance, ce fut Raoul de Turenne,
quarante-quatrième archevêque de Bourges, qui, vers l'an
843, fonda l'abbaye de Dèvre, dont les moines devaient
suivre la règle de Saint-Benoit, et en fit construire le mo-
nastère, auquel il fit donation de divers biens dépendant
du patrimoine de l'évèché. Les savants auteurs de la
Gallia christiana, toutefois, ne considèrent pas Raoul
comme le fondateur de l'abbaye de Dèvre, et, d'après eux,
ce prélat aurait seulement agrandi et considérablement
enrichi par sa munificence cette abbaye qui existait déjà
auparavant. D'après la Gallia chiistiana, l'abbaye de
Dèvre aurait été fondée par Charlemagne, alors qu'il pos-
sédait seul le royaume d'Aquitaine, de 771 à 8J4, ou tout
XL* SESSION. 37
578 CONGRÈS ARCHÉOLOGIUUE DK FRA.NT.E.
au moins par son lils Louis le Dcbdouaire, qui mourut le
20 juin 840; tandis que dans la Chronique de Vierzon,di\\
contraire, Labbe fixe à l'année 843 l'époque précise de la
construction par Raoul du monastère de Dèvre. Charles le
Chauve, par une charte de 843, confirma la donation de
Raoul, et prit sous sa protection l'abbaye de Dèvre, à
laquelle il accorda plusieurs privilèges et immunités.
Pa rtrois chartes de l'année 843, Arabran , seigneur de
Vierzon, fit des donations importantes à l'abbaye, et lui
donna entre autres biens sa chapelle, dédiée à saint Pierre,
qui était située sur l'Yèvre, non loin de l'enceinte de la
ville de Vierzon, et près de laquelle le monastère fut
construit.
Un des bienfaiteurs de l'abbaye fut ensuite Centulphe,
seigneur de Vierzon, qui, en 852, lui fit une importante
donation qui fut approuvée pi r Louis II le Bègue, qui prit
le monastère sous sa protection et lui confirma tous les
droits et privilèges qui lui avaient été conférés par sou
prédécesseur, Charles le Chauve. En l'an 903, l'abbaye de
Dèvre, déj^ riche et puissante et alors très-florissante, fut
presque entièrement ruinée par les Normands, qui rava-
gèrent à cette époque le Berry et la Touraine. L'abbé
Raymond et les moines de l'abbaye de Dèvre furent alors
recueillis par l'archevêque et les chanoines de Bourges, qui
les installèrent dans le château de Vierzon, situé au-des-
sous de l'enceinte de cette ville, et où Thibaud, comte de
Chartres et seigneur de Vierzon, les autorisa, par une
charte du jeudi 23 novembre 926, à établir pour toujours
leur monastère, qu'il mit sous la protection des chanoines
de Saint-Étienne de Bourges. Par suite de cette transla-
tion dans le château de Vierzon , l'abbaye de Dèvre prit
alors le nom d'abbaye de Saint-Pierre de Vierzon, et
recommença sous ce nom une ère de prospérité et de
XL' SESSION, A CHATEAUHOUX. 579
grandeur. Quant au inonaslère de Uèvre, bien (ju'uyant
6t6 presque entièremeut détruit, il ne resta pas cependant
toujours abandonné, et il l'ut relevé de ses ruines et
reconstruit, en 1007, par Éverard, seigneur d'Issoudun, de
Vatan, de Koinorantin et de Selles, qui y établit un
prieuré sous la dépendance de l'abbaye de Vierzon. Éve-
rard installa, en 1025, dans ce prieuré, un prieur et deux
moines, qui furent envoyés de l'abbaye de Vierzon par
Martin, alors abbé de ce monastère, et auxquels il donna
et restitua des biens considérables et notamment tous les
droits seigneuriaux qui avaient précédemment appartenu
à la primitive abbaye de Dèvre. Le prieuré de Dèvre resta
toujours soumis depuis à l'abbaye de Vierzon, sans pou-
voir lutter jamais d'importance avec ce puissant monas-
tère. Dans l'église de l'abbaye de Dèvre [Sancta Dove-
rensis Basilica que est constructa in honore apostolorum
Principis Pétri et iniemerate Virginis Marie) étaient
inhumés les corps du saint confesseur Optât, évèque
d'Auxerre vers 5'20 [confessor Obtatus scilicet venerabiiis
antissioderii Pontifex),ei des saintes martyres Perpétue et
Félicité.
Après l'achèvement de la construction Je l'église du
monastère de Saint-Pierre de Vierzon [sacrosancta Basilica
Sancti Pétri Virsionensis Monasterii que est constructa in
honore apostolorum Principis Pétri et intemerate Virginis
Marie), dont la construction fut commencée, d'après Labbe,
le 7 des calendes de mai de l'année 1 li>3, les reliques de saint
Optât et des saintes Perpétue et Félicité furent transpor-
tées dans cette église, dans laquelle fut, en outre, inhumé
le corps de saint Bcsaint, ou Besaut, ou Bisaut, ou Bezen-
tion {Beat us Bisencius, confessor Cristi), prêtre et solitaire
en Berry, aux environs de Vierzon, qui devait vivre au
Yiii'' siècle et mourut avant le ix* siècle. D'après le carlu-
580 CONGRÈS ARCHÉOLOGIOUE l'E FRANCE.
laire, le monastère de Saint-Pierre de Vierzon Sancli
Pétri Virsiouensis . Monosterium quod est con&tnictum in
pQyo bitur-ko in viearia vestmnense super fluvium Cans),
quoique situé au-ilessous même de l'enceinte de la ville
de Vierzon. était bâti sur le territoire de la viguerie de
Vatan.
L'abbaye de Vierzon, prise par les seigneurs de Vierzon
sous leur protection spéciale, reçut à maintes reprises des
divers seigneurs de cette maison d'importantes donations,
qui augmentèrent considérablement son patrimoine et sa
puissance. Les seigneurs de Mehun et de Sully se font
également remarquer par leur générosité envers le monas-
tère. Humbaud H le Riche, seigneur de Vierzon, qui. en
10-25, se fil moine à l'al-baye de Saint-Pierre de Vierzon,
dont il devint plus tard abbé, fit don au monastère, en
lOlS et on 10-25. d'une partie de ses richesses. Arnoul 1".
Geofifroy I", Arnould II et Hervé I", tous seigneui-s de la
maison de Vierzon, lurent aussi les bienfaiteurs constants
de l'abbaye. Le mercredi IV des calendes de mai de l'année
109-2 4 mai 1092 . Etienne, vicomte de Bourges, fit dona-
tion au monastère de Vierzon. par une charte qui fut plus
tard confirmée par son successeur et héritier. Eudes Arpin.
dernier vicomte de Bourges, de la riche abbaye de Saint-
Gondou-sur-Loire [abbatia scilicet Sancti Gundulfi super
fluvium Ligeris in episcopatu bituricensi sita et de tous les
bieus en dépendant.
Vers la fin du xi* siècle, les moines de Vierzon furent
chassés de leur abbaye par les moines de l'abbaye de Déols
ou du Bourg-Dieu, avec l'aide de l'archevêque île Bourges.
Adelbert (cinquanle-st-ptième archevêque de Bourges),
qui, avant d'être promu au siège archiépiscopal, avait été
abbé de Déols; mais ils ne tardèrent pas, après
la mort, toutefois, de l'archevêque Adelbert ^10971. à
XL* SESSION , A CHATEAUROUX. 581
être réintégrés dans leur monastère, avec l'abbé Herbert,
dont le nom ligure dans des chartes des années 1100 et
1 l'ai . Après l'abbé Pierre, qui est le dernier abbé cité dans
le cartulaire, vini^^t-ntMil' abbés, d'après la Gallia Chri$-
tiana, régirent successivement l'abbaye de Saint-Pierre de
Vierzon, qui continua à prospérer sous leur administra-
tion, jusqu'au moment où le quarante-septième et dernier
abbé, Ludovic de Plas, qui administra l'abbaye de 1637 à
1675, la réunit en 1665 ou 1671 à la congrégation de
Saint-Maur.
Le cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre de Vierzon est
un volume in-folio, composé de xxix folios de parchemin
reliés entre eux, et n'offrant jusqu'à la fin aucune lacune
entre les différents actes qu'il contient. Le manuscrit n'a
pas été terminé, il s'interrompt brusquement au milieu
de la première colonne du verso du folio xxix; toutefois,
il ne renferme en réalité que xxviii folios, quoique la pa-
gination fasse croire à l'existence d'un folio en plus. Le
scribe a commis une erreur dans la pagination, car, con-
trairement à l'usage de ne pas placer de numéros d'ordre
sur les versos, le verso du folio xxii du manuscrit porte le
chiffre xxiii, et le folio suivant, qui n'est en réalité que le
folio XXIII, est indiqué par erreur comme étant le
folio XXIV. Chaque page du cartulaire contient deux co-
lonnes, renfermant chacune trente-cinq lignes d'écriture,
dont la réglure est à la pointe sèche. Il n'existe dans tout
le manuscrit qu'une seule lettrine ou grande lettre ini-
tiale, celle placée au commencement de la première charte
du cartulaire, c'est la lettre C, commençant le nom du
pape Calixie II, qui est enluminée avec des couleurs rouge,
bleue et veite. Partout ailleurs les lettrines, qui auraient
dû se trouver au commeucement de chacun des différents
actes, manquent dans le cartulaire, et l'espace qui a été
582 OO.NGRÈS AUr,lIÉOI.<H;iuUK 1>E FUA.NC.E.
léservé jtour leur conrcctidii aux ('nluluilnMll•^ est resté
vido.
On reiiiar((ii(' dans k' carliilaire de; Vicrzi'n plusieurs
dessins, ce qui est fort rare et donne un grand prix à ce
manuscrit, en même temps que c'est là une marque évi-
dente d'une haute antiquité. Ces dessins sont au nombre
de treize : six d'entre eux représentent des abbés du mn-
nastère, tous à peu près dans la môme posture, se tenant
debout, portant la crosse dans la main droite, un livre
dans la main gauche, et ayant la tète découverte, avec la
couronne de cheveux monastique. En ouvrant le cartu-
laire, on trouve, au premier folio, un dessin surmontant,
dans toute la largeur de la page, le privilège accordé par le
pape Calixte II à l'abbaye, en l'année H21; ce dessin
représente, au-dessus de la première colonne d'écriture de
ce folio, assis dans une chaire et portant des clefs dans la
main droite, l'apôtre saint Pierre, à qui Calixte II, assis à
sa gauche, offre une palme de la main gauche; au-dessus
de la deuxième colonne du même folio (folio i, recto),
saint Paul, également assis dans une chaire, et tenant un
livre dans la main, a à sa gauche le même pape
Calixte II, qui lui offre aussi une palme. Les vêtements
dont sont revêtus saint Pierre et saint Paul sont enlu-
minés avec des couleurs bleue et verte, qui paraissent
avoir été ajoutées après coup, et vraisemblablement à une
époque postérieure à la confection du cartulairc. Au
verso du folio i, un dessin représente le pape Adrien IV,
revêtu du costume pontifical, et portant la crosse de la
main droite; au verso du folio ii est représenté Charles II
le Chauve, la couronne en tête, et portant de la main
gauche un attribut qui se rapproche par sa forme de la
main de justice; le roi a à sa droite l'archevêque de
Bourges, Raoul de Turenne, revêtu d'une chasuble, coiffé
XI,' SESSION, A (iHATEAUHOUX. 583
d'une mitre, ol louant lu crosse do la main droite. Au
verso du folio m, est un dessin ropr(^scntaiit le roi
Louis II lo Hè^iio, portant dans la main droilc une main
de justice, la couronne sur la tète, <!t revêtu du manteau
royal. Au verso du l'olio v, se trouve le dessin le plus con-
sidérable de tout le manuscrit: c'est un [j;-roupe représen-
tant, à genoux, Arabran, seigneur de Yierzon, accompagné
(le son épouse et d'un de ses parents, et remettant à l'abbé
Aimeric, auprès duquel se tiennent deux moines, la
charte de donation écrite au-dessous. Au l'olio ix, recto,
est représenté l'archevêque de Bourges, Aimon, avec la
mitre en tète, la crosse dans la main droite et un livre
dans la main gauche. Le dernier dessin que l'on rencon're
dans le manuscrit représente, au folio xiv, l'abbé
Bèrenger, dans une chaire, avec la couronne de cheveux
monastique, portant la crosse de la main droite, et ayant
la main gauche appuyée sur un livre placé lui-môme sur
le rebord de la chaire. Il a été, en outre, laissé dans le
cartulaire, aux versos des folios xvii et xxv, deux places
vides pour des dessins qui n'ont pas été exécutés, ce qui
prouve jusqu'à l'évidence, indépendamment même de
l'absence des lettrines ou grandes lettres et de la brusque
interruption du manuscrit, que le cartulaire n'a pas été
terminé.
L'écriture du manuscrit est, suivant toute apparence,
de la seconde moitié du xii* siècle ; elle est uniforme et
paraît être de la même main. Cependant, au commence-
ment de la deuxième colonne du folio xxix, il y a un
brusque changement, et les deux dernières colonnes
d'écriture semblent être postérieures aux autres; l'encre
est beaucoup plus noire, et les caractères, qui sont plus
petits et paraissent moins anciens , pourraient être
rapportés peut-être au commencement du xiii'' siècle
584 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
OU aux dernières années du xir. Il est à remar-
quer, toutelbis, (juc l'écriture change d'une manière
bien soudaine et de telle façon que les deux genres
d'écriture se rencontrent dans le corps du même mot, ce
qui tendrait à faire croire que l'écriture est de la même
époque et ne diflère que par la main du scribe. Ainsi, le
mot commendare , qui termine la première colonne du
recto du folio xxix et commence la deuxième colonne du
même folio, est formé des deux écritures : corne (pour
commen) est de l'écriture ordinaire du manuscrit, et dare
est tracé avec les caractères employés dans les deux der-
nières colonnes seulement. Il est, du reste, probable que
l'interruption qui a été mise dans la transcription des
deux parties du même acte, n'a pas dû être de longue
durée. Dans la plus grande partie du contexte du cartu-
laire, les pièces sont copiées les unes à la suite des autres,
sans intervalles entre elles et dans toute leur étendue ;
mais, à partir du folio xxviii recto, dont l'écriture paraît
être de l'époque de la confection du cartulaire, le scribe
ne copie plus les pièces in extenso, et il se borne à en
donner seulement une simple analyse, dans la forme des
pièces appelées notices ou chartes notices. D'après les
inductions que l'on peut tirer de l'écriture et des dates
que renferment certains actes qui y sont contenus, le car-
tulaire de Vierzon paraît avoir été rédigé dans la seconde
moitié du xii'' siècle. Il doit, suivant toute vraisemblance,
et à notre sens du moins, avoir été entrepris vers H 50 envi-
ron et copié pemlant l'administration de l'abbé Araudus, et
celle de l'abbé Pierre, qui, d'après les auteurs de la nouvelle
Gallia Christiana, était abbé de Vierzon en H57 et en H63.
Nous croyons doue, d'après toutes les données fournies par
le manuscrit, pouvoir fixer l'époque de la rédaction du
cartulaire de Vierzon entre les années 1150 et Ii210.
XL* SESSION, A CIIATKAUHOIJX. r»85
(^ecarlulaire compreiifl on hnil 117 actes on cliartcs, i|ui
peuvent se diviser d'après la iioinonclatiiro suivante : trois
bullosou privilèges de papes, dtîux (lii>lùnies royaux, deux
chartes de l'ondation, soixante-quinze actes de donations et
fondations pieuses, dix-neut" accords et transactions, trois
actes d'échange, deux actes d'affranchissement, neuf accu-
sements, une charte de vente et un acte d'achat. L'ordre
entre ces divers actes contenus dans le cartulaire n'a
rien de méthodique, de systémati(iu(; ni diî chronohj-
gique.
L'acte le plus ancien que l'on trouve dans le cartulaire
est la charte de fondation ou tout au moins d'agrandisse-
ment considérable de l'abbaye. C'est un diplôme royal
portant le monogramme de Charles le Chauve, ne conte-
nant mention d'aucune date, et qui est attribué par
Mabillon à l'année 843. La charte la plus ancienne du
cartulaire qui porte une date certaine, est une donation
(folio 7 verso), faite par Centulphe, seigneur de Vierzon,
à la basilique du monastère de Saini-Pierre de Dèvre, de
divers biens et portant la date du mois de février de
la treizième année du règne de Charles le Chauve (février
852).
L'acte le plus récent et à date certaine qui figure dans
le cartulaire est le privilège accordé au monastère de
Saint-Pierre de Vierzon par le pape Adrien IV, qui est
ainsi daté : « Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 9 des ca-
lendes de février, indiction ïll, l'an de l'Incarnation 1154,
la première année du ponlilical du pape Adrien IV. »
Le plus récent ensuite, et également à date certaine,
est un acte de donation contenant restitution de l'église
de Clémont (arrondissement de Sanccrre, dans le dépar-
tement du Cher) à l'abbaye de Vierzon, et portant la
date de l'année de l'Incarnation 1100 et de la trente-
586 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
sixième ain)ée du W'gne du roi Philippe au mois de mai.
Cette dernière date de l'année du règne, toutefois, contient
une erreur. Philippe I"^ étant monté sur le trône le 4 ou
le 29 août lOHO, la trente-si.xième année de son règne ne
pourrait être l'année H 00, mais serait l'année 1096. De
semblables erreurs dans l'indication de l'année du règne,
en désaccord avec l'année de l'Incarnation, ne sont pas
rares dans les chartes. En pareil cas, il est préférable de
s'en rapporter plutôt à l'année de l'Incarnation qu'à celle
du règne. Plusieurs autres actes, probablement plus
récents, mais qui ne sont pas datés, semblent se rapporter
à l'administration de l'abbé Araudus, qui ne figure pas
sous ce nom dans la Gallia Christiana, mais qui vraisem-
blablement doit être le même que l'abbé Arnaudus,
Artaudus et Arnulfus, qui se trouve le seizième dans la
liste des ahbés du monastère à partir de 1137, et que l'on
voit encore en M 42.
Enfin, un autre acte qui doit être encore plus récent et
qui ne porte pas de date, est intervenu du temps de l'abbé
Pierre, que la Gallia Christiana signale comme dirigeant
le monastère eu 1157 et en 1 10,3.
I. Bulles des Papes. — Lecartulaire contient trois bulles
de papes : la première, émanée de Calixte II, est de
l'année! 121, et les deux autres d'Adrien IV, l'une de
l'année! 154, et l'autre datée seulement du 4 des calendes
de février, sans indication de l'année. Les bulles de
Calixte II, de l'année 1121, cl d'Adrien [V du mois de
février 1154., commencent par un court préambule; puis
vient le dispositif dans lequel le Pape confirme au
monastère la possession des biens qui lui ont été donnés,
et dont l'énumération est contenui' dans l'acte, et elles se
terminent par l'excommunication ou la [)rivatiun des
sacrements portée contre ceux ([ui, en connaissance de
XI/ SESSION, A CHATEAUROUX. ^^7
cause, cl après doux ou trois avertisscmciils, persisteraient
à no |)as respecter les privilèges accordés par le Saint-
Père. La iMille de Calixte II n'est suivie que de la signa-
luro du Pape et ne fait connaître en plus que le nom du
cardinal-diacre qui l'a libellée. Dans la bulle d'Adrien IV,
la souscriptidu du Pape, est suivie de celles île douze
cardinaux, l.a date de ces deux bulles exprime l'année de
l'incarnation, le jour d'après la méthode romaine, l'in-
diction, l'année du pontificat, et le lieu où les bulles ont
été libellées.
La troisième bulle, émanée du pape Adrien IV, contient
une sentence cassant l'élection du prieur de Saint-Maximin
(prieuré situé non loin de la ville d'Orléans, en un lieu
où existe actuellement la chapelle Saint-Mesmin), que les
moines de Vierzon avaient choisi pour leur abbé), par
suite de l'opposition laite par l'archevêque de Bourges à
son élection, comme étant contraire aux statuts, et ordon-
nant aux moines de choisir un abbé dans la congrégation
de Cluny ou dans un monastère plus considérable de la
règle de saint Benoit, sans toutefois préjudicier pour
l'avenir à leur droit d'élection et à leur choix à faire dans
leur propre monastère. La date de cette bulle n'indique
que le lieu où elle a été libellée, et elle n'est suivie
d'aucune signature ou souscription. Dans ces trois bulles,
le Pape prend son titre ordinaire de episcopus servus
servorum Dei, et dans la signature celui de episcopus
catholice ecclesie.
H. Diplômes royaux. — Les diplômes royaux sont au
nombre de deux dans ce cartulairc. Par le premier,
émané de Charles le Chauve, et dans lequel la date n'est
pas exprimée, mais que Mabillon rapporte à l'année
813, cet empereur et roi confirme au monastère de Dèvre
la propriété irrévocable des biens ([ui lui ont été donnés
!^88 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
par l'archevêque de Bourges, Raoul , lui concède la per-
mission d'en acquérir de nouveaux, lui accorde le droit
d'élire ses abbés, preud sous sa protection l'abbaye, et
défend aux juges d'entrer sur ses terres pour l'accom-
plissement de leurs fonctions. Dans ce diplôme le roi
prend le titre de Karolus Dei gratia rex, et a fait sou-
scrire son monogramme au bas de l'acte. C'est le premier
acte se rapportant à l'abbaye qui est signalé, et il peut
donc en être considéré comme la charte de fondation,
puisque cet acte constate pour la première fois son exis-
tence légalement et officiellement. Dans le second diplôme,
Louis II, le Bègue, accorde à l'église de l'abbaye de Dùvre,
bâtie par l'archevêque Raoul, avec l'autorisation de
Charles le Chauve, soixante sols des revenus [lublics,
payables chaque année le jour de Pâques, contîrme les
donations faites à l'abbaye par Raoul et par Centulphe,
seigneur de Vierzon, ainsi que le diplôme de Charles le
Chauve, en accordant les mêmes droits et eu faisant les
mêmes défenses que son royal prédécesseur ; puis il
souscrit avec la reine Judith, son épouse. La date
n'exprime que le lieu où le diplôme a été accordé et le
jour de l'année, et est ainsi conçue ; « Donné à Aix, au
Grand-Palais, le jour des nones de mars. » Louis 11, le
Bègue, n'ayant régné que du 6 octobre 877 au 10 avril
879. c'est donc pendant cette période de temps qu'il faut
placer l'époque de la rédaction de ce diplôme. Ces deux
diplômes commencent par des préambules religieux, puis
vient le dispositif, et enfin de longues clauses renferment
les privilèges accordés par le roi au monastère.
m. fjonutkns pieuses. — Les donations pieuses sont de
beaucoup les actes les plus uoiiilu'tnix parmi ceux de
diverses sortes que contient le carlulaire; elles présentent
en général d'assez longs développements et fournissent
XL* SESSION, A CHATEAUKOUX. 589
sur le passé les plus précieux renseignemeiils. Les dona-
tions rommcncent ordinairement par des préanihnles
religieux et i)liilosui)lii(|n('s; après vient le (lis|)(jsitir, dans
lequel les biens sont en général donnés à perpétuité; puis
le dispositif est suivi de clauses pénales par lesquelles les
infracteurs ou opposants sont voués à la vengeance
céleste et à l'enfer, et en outre sont condamnés à une
amende qui varie entre cinquante et cent sols d'or et
entre dix et cent livres d'or. Les donations sont souscrites
par le roi lorsqu'elles sont faites par le seigneur; par le
seigneur lorsqu'elles émanent des vassaux; par les arche-
vêques de Bourges, les donateurs, leurs enfants et parents;
par les abbés, les moines et les dignitaires de l'abbaye, et
enfin par les intéressés à quelque litre que ce soit.
La formule cum stipulatione subnixa, qui annonce
tantôt les signatures, tantôt les cérémonies de la stipu-
lation, qui consistait, comme dans le droit romain, en
formules d'interrogations, de réponses et de promesses
solennelles, tantôt les caractères de l'investiture, s'accom-
plissant en rompant la paille et en l'altacbant à l'acte, ou
en la jetant dans le sein de l'acquéreur ou du donataire,
est assez rarement employée dans le cartulaire ; cepen-
dant quelques actes en fournissent des exemples. Les
dates sont fort diversement exprimées dans les actes de
donation ; elles indiquent ou bien le lieu oii l'acte a été
fait, ou l'année de l'Incarnation et l'année du règne,
d'autres fois le roi régnant seulement, ou bien le jour
du mois, soit encore l'année de l'Incarnation seule, quel-
quefois l'indiction, très- rarement l'épacte.
Chacune de ces donations fait connaître le but que s'est
proposé le donateur et les njolifs qui l'ont fait agir; le
plus souvent ce sont des motifs pieux développés dans le
préambule. En général, les donations sont faites pour le
690 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
repos des ùines du donateur et de ses parents les plus
proches, épouse, enfants, père et mère, frères et sœurs,
et pour la rémission des péchés, ou pour obtenir la
sépulture, soit du donateur, soit de ses parents, dans
l'intérieur du monastère et avec les cérémonies dues aux
moines défunts, ou bien encore pour être admis dans les
associations de prières, formées entre les monastères du
même ordre ou d'ordres différents pour le rachat des âmes
des défunts. La plupart de ces donations sont laites avec
réserve pour le donateur ou ses parents de la jouissance
viagère des biens et objets donnés. Dans un certain
nombre des donations contenues dans le cartulaire, il est
à remarquer que c'est maxima inflrmitate positus que le
donateur fait des largesses au monastère. Les donations
de cette espèce ont quelque analogie avec celles à cause de
mort; elles sont cependant irrévocables et actuelles, et leur
periectiou ne dépend pas de la mort de leur auteur, ce
qui constitue entre elles et les donations à cause de mort
une différence essentielle. Mais ce qui crée entre ces deux
sortes de donations une certaine ressemblance, c'est que
vraisemblablement le motif qui a le plus puissamment
déterminé leurs auteurs à agir de la sorte, consistait
principalement dans la crainte de la mort, et qu'en
bon état de santé ils n'eussent peut-être jamais songé à
faire de semblables libéralités.
Il existe dans le cartulaire, en assez grand nombre,
des donations de coUiberts, d'hommes soumis à la com-
mande de seigneurs, et même d'hommes libres qui sont
donnés au monastère par les seigneurs ou les parents
dont ils dépendent pour entrer dans les rangs des frères
qui desservent l'abbaye. Les colliberts étaient, comme on
le sait, des serfs d'un ordre un peu relevé, tenant le
milieu entre les serfs proprement dits et les hommes
XI/' SESSION, A CIIATEAUKOUX, 891
lihnîs; au moyen âge, les monuslères et les églises (ui
possédaieiiL un grand nombre On |)ourrait croire que les
serl's d'église étaient exclusivement des coUiberts ; mais
cette opinion serait erronée, puisqu'on trouve également
des coUiberts appartenant à des seigneurs. Les serfs
d'église ayant toutefois une situation relativement bien
préférable à celle des serfs des seigneurs, il n'y a donc
rien d'étonnant à ce que chaque monastère possédât un
nombre considérable de coUiberts. Les donations, soit de
coUiberts, soit de services dus par des vassaux ou serfs,
sont accompagnées d'actes d'affranchissement qui déchar-
gent en entier ces coUiberts, ces serfs ou vassaux de toutes
obligations semblables envers leurs anciens maîtres.
Les nombreuses donations contenues dans le cartulaire
font connaître de quelles richesses pouvait déjà disposer
l'abbaye de Saint-Pierre de Vierzon, deux cent cinquante
ans environ après sa fondation, ou tout au moins l'époque
de son agrandissement. Ladiversitéet le nombre des biens
et des objets donnés montre avec quelle générosité et quelle
sollicitude la piété des fidèles pourvoyait alors à tous les
besoins des communautés religieuses. L'on trouve, en
effet, parmi les différents biens compris dans les donations
faites au monastère de Vierzon, de nombreuses églises
(dix-huit églises et trois chapelles), une abbaye (l'abbaye
de Sainl-Gondon-sur-Loire), des ornements d'église, des
alleux, des rnanses, des maisons, des forêts et des bois,
des exploitations rurales avec tout leur matériel et leurs
colons, des prés, des vignes, des pâturages, des vergers,
des chezaux, des breuils, des terres cultivées et incultes,
un fief presbytéral, une maison seigneuriale avec toutes
ses dépendances, des granges, des moulins, des écluses,
des cours d'eau, des fours à chaux, des coUiberts, des
serfs et des serves, des hommes libres, donnés par leurs
592 CONGRÈS AKCHÉOLOGIQL'E DE FRANCE.
pères, et qui se faisaient moines; des concessions de foires
avec la perception de tous les droits inhérents (tonlieu,
péage, roulage), des droits seigneuriaux de toutes sortes,
(droits de justice, de chasse, de pèche), des deniers des
revenus publics, le droit de p. rcevoir les amendes dues
dans le cas de combat singulier, des cens, des rentes et
redevances, des services dus par les serfs et des droits de
commande et de protection. Il était d'usage de déposer les
actes de donation sur l'autel, et plusieurs des actes de
cette espèce, contenus dans le cartulaire, font mention
de cette cérémonie. Les mesures dont le cartulaire con-
tient l'indication sont : en fait de mesures de capiicité, le
muid et le setier, et, pour les mesures agraires, l'arpent
et la perche. Quant aux monnaies, nous y trouvons cités
les sols, les livres d'or et les deniers.
IV. Fondations pieuses. — Les fondations pieuses ou
fondations d'anniversaires ne sont autre chose que des
donations, seulement plus déterminées en ce sens qu'elles
mdiquent plus nettement le but essentiel que s'est pro-
posé le donateur, et qu'elles stipulent certains bienfaits
d'un ordre moral et spirituel ; elles sont en même temps
des donations réciproques. Les messes et prières désignées
dans les actes devaient être chantées ou récitées les jours
anniversaires de la mort des personnes en vue desquelles
la donation était faite.
V. Accords et transactions. — Les accords et transac-
tions intervenus entre le monastère et les particuliers,
ainsi que les désistements de procès, ne sont pour ainsi
dire que des espèces de donations.
Ces actes offrent aussi beaucoup d'analogie avec les
échanges ; car, si dans ces actes les intéressés se servent
de la forme de la donation pour faire des largesses au
couvent, ce dernier, en retour, leur accorde des terres, des
XI/' SKSSION, A CIIATKALIIUIUX. 593
inanses, des buis, des prés ou des vignes, ou s'oblige à
payer chaque année un cens lixé dans l'acte. C'est là ce
qui fait différer les accords et transactions des donations,
dont ils affectent la forme, en ce sens que les donations
ne sont faites que dans un intérêt spirituel, et que dans
les accords et transactions et les désistements l'intérêt
matériel parait avoir été le premier consulté.
VI. Actes d'échange. — Les actes d'échange se rappro-
chent beaucoup, par la forme dans laquelle ils sont conçus,
des accords et transactions et des désistements de procès ;
ils sont, en général, faits au nom de l'abbé dirigeant
alors le monastère ; on y énonce les deux objets échangés,
en commençant par celui appartenant au couvent, et l'acte
se termine par les signatures des témoins intervenant de
chaque côté : pour le monastère, l'abbé et des moines, pour
l'autre partie, le contractant et ses proches ou ses amis.
Puis vient la date exprimant l'année du règne seulement ;
d'autres fois les échanges commencent par l'indication de
l'année de l'Incarnation du Seigneur. Dans certains de
ces actes, l'objet fourni par le couvent a beaucoup plus de
valeur que celui contre lequel il est échangé ; mais dans
ce cas on ajoute une clause par laquelle la possession de
l'objet provenant du monastère est accordée à l'autre
partie contractante pendant sa vie seulement, pour revenir
après sa mort au couvent, avec les améliorations et les
agrandissements qu'il aura reçus pendant la jouissance du
possesseur viager. Ce n'est, dans ce cas-là, de la part du
monastère, qu'une constitution d'usufruit en échange
d'un objet à lui donné en toute propriété et qui fait
désormais partie de son patrimoine.
VU. Actes d'affranchissewent. — Le cartulaire ne con-
tient que deux actes d'alTranchissenient ; mais, en outre,
il existe parmi les donations de nombreux actes, par les-
XV SESSION. 38
594 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRAN'CE,
quels on accorde au monastère soit la commande sur des
serfs, soit le service que doivent des colliberts ou des
hommes libres, et dont les donateurs affranchissent envers
eux les obligés et en font don à l'abbaye, envers qui ces
derniers se trouvent par suite dnns la même situation que
vis-à-vis des donateurs avant leur affranchissement. La
commande était, comme on le sait, la protection que le
seigneur accordait à ses vassaux ou aux hommes libres,
petits propriétaires et serfs, qui en retour étaient obligés
à rendre quelques services et à acquitter certaines rede-
vances. L'on trouve aussi parmi les donations plusieurs
actes par lesquels, soit des pères, soit des seigneurs, don-
nent à Dieu et à l'apôtre saint Pierre, pour les servir
selon la règle de saint Benoit, ou leurs enfants ou bien
des colliberts et des serfs. D'après ces actes, au moment
de la donation, la personne ainsi consacrée au service
divin dans le monastère avait la main enveloppée de la
tenture de l'autel, et le donateur faisait en même temps
don à l'abbaye de portions de terre d'étendue variable,
suivant ses moyens.
Vin. Actes d'acensement. — Les acensements sont des
actes par lesquels le seigneur ou le tenancier transporte à
une tierce personne la jouissance et le droit d'exploitation
d'une terre, moyennant une certaine somme qu'on appelle
cens. Le cartulaire contient neuf de ces actes, qui sont
tous rédigés au nom de l'abbé et de la congrégation du
monastère, et qui accordent à cens des portions de terrain
dont l'acte indique la quantité et la situation exacte en
même temps que les noms du pays, de la viguerie et de
la terre dont elles dépendent et la délimitation des quatre
côtés. Ensuite vient la mention de la somme à payer
comme cens et du jour où ce paiement doit avoir lieu.
Lorsque le preneur manquait de payer le cens au terme
XL" SKSSIO.X, A C.llATEAUl'.OUX. 595
convenu, le contrat éUil lial)itu(!ll(!ni(!iil n)ni|tu; nmis, il
n'en est pas ainsi dans les actes de cette espèce insérés
dans le cartulaire, qui contiennent une dérogation à
l'usage ordinairement suivi.
Les actes d'acensement, contenus dans le cartulaire,
renferment tous invariablement une formule qui stipule
qu'en cas de négligence pour le paiement du cens le
contrat ne sera pas rompu, mais que les débiteurs auront
le droit de payer l'amende légale pour retard dans l'exé-
cution du contrat. Le jour fixé pour le paiement du cens
est presque invariablement le jour de la messe de saint
Pierre, c'est-à-dire de la fête de ce saint, qui se célèbre le
29 juin; le dernier acte d'acensement seul fixe [le jour du
paiement du cens à la veille de Noël ; dans un acte de
vente, au contraire, l'échéance est fixée à la fête de saint
Martin. Sur neuf acensements, contenus dans le cartu-
laire, sept sont datés par le mois et l'année du règne ; la
date, généralement partagée en deux, indique d'abord, et
à la suite du mot actum, le lieu où l'acte a été fait, et
ensuite, après les signatures et à la suite du mot datum,
se trouve l'indication du mois et de l'année ; la signature
de l'abbé est toujours la première au bas de l'acte. On voit
en général, par la formule Actum publiée de la fin de
l'acte, et par celle du commencement, « Et cuncta sancti
Pétri Doverensis, cenobii congregatio, ou bien Et omnis
congregatio Sancti Pétri Virsionensis cenobii » que les
acensements faits avec une grande solennité étaient
accordés dans les réunions générales du chapitre et eu
présence de toute la communauté.
IX. Abbés de l'abbaye de Vierzon. — Les abbés du
monastère qui sont cités dans le cartulaire avec les divers
titres de : Donnus, doninus ou dompnus abbas ecclesiœ
nomine Dovera; abbas Doverensis cenobii; abbas ex tnonas-
596 CONGRÈS ARCIIÉOLOGIQUE DE FRANCE.
terio Sancti Pétri Doverensis cenobii ; abbas ex monasterio
Sancti Pétri Virsioncnsis cenobii; abbas Virsionensis
monasterii; Sancti Pétri Vij'sionensis cenobii rector , sont
au nombre de seize, et ils y sont mentionnés dans l'ordre
chronologique suivant :
I. Aimericus, Aimerio, qui figure dans le diplôme de
Charles II le Chauve, de 843, et qui doit avoir été le
premier abbé de l'abbaye de Dèvre ;
II. Asinarius, cité en 852 et dans le diplôme de Louis II
le Bègue, dont la date doit être fixée entre les années 877
et 879, et à qui Centulphe, seigneur de Vierzon, fiiit une
donation, vers 853 ;
III. Raimundus, Raymond, alors abbé à l'époque de la
translation de l'abbaye de Dèvre, en 926, dans le château
de Vierzon ;
IV. Odo, Eudes, cité dans un acte de 956 ;
V. Andréas, André 1% qui est mentionné dans des actes
de 964, 968 et 974, sous le règne de Lothaire ;
VI. Girbertus, en 981 ;
VII. Syon ou Sion, en 989, 991 et 993 ;
VIII. Andréas, André H, en 994 ou en 996, sous le règne
d'Hugues Capet ;
IX. Xrispianus, Xristianus ou Cristianns, Chrétien, en
1018 ;
X. Martinus, abbas et corepiscopus, Martin, en 1025,
1029 et 1031. C'est cet abbé qui, après que le monastère
de Dèvre eut été rebâti par Everard d'Issoudun, pour en
faire le siège d'un prieuré, y envoya, en 1025, sur la
demande de ce seigneur, pour le desservir sous la dépen-
dance de l'abbaye de Vierzon, un prieur et deux moines,
auxquels Everard fit donation de biens considérables et
accorda tous les droits et privilèges qui jadis avaient
appartenu à l'ancien monastère.
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 597
XI. Constabulm, en lOiO ;
XI. Berengarins, Béranger, en 1052 et 1075 ;
XIII. Humbaldus, UmhalJits, Unbaldus, Ilumbaud II,
le Riche, seigneur de Vierzon, qui se fit moine et entra
dans la congrégation de Saint-Pierre de Vierzon, dont il
devint abbé, en 1082 et 1095 ;
XIV. Herbertus ou Arbertus, Herbert, en 1100 et
1121 ;
XV. Aravdus, cité dans de nombreux actes dont aucun
n'est daté, et qui n'est pas mentionné dans la Gallia
Cliristiana, qui signale, sous les noms de Arnaudus,
Artaudus et Arnelfus, un abbé de Vierzon qui dirigeait
l'abbaye en 1142 ;
XVI. Petrus, Pierre ; mentionné dans une charte non
datée, et le dernier cité dans le cartulaire ; la Gallia
Christiana signale cet abbé en 1163 et le fait vivre en
même temps que l'archevêque Pierre de la Châtre,
soixante-quatrième archevêque de Bourges.
D'après les bénédictins, l'abbé Sion serait le hui-
tième dans l'ordre de succession des abbés de Vierzon
et aurait succédé à l'abbé André II, tandis que, d'après
le cartulaire, l'ordre inverse semblerait devoir être
adopté, et ce serait, au contraire, l'abbé Sion qui aurait
été le septième abbé du monastère et aurait eu pour
successeur André II. Suivant la Gallia Christiana ,
l'abbé Pierre serait le dix-huitième abbé, et non pas le
seizième, ainsi que l'indiquerait le cartulaire. En outre,
dans la liste des abbés du monastère de Vierzon, les béné-
dictins en font figurer deux : Etienne I", Stephmms,
(quinzième abbé du monastère) de 1122 à 1137, et lui 1-
con (dix-septième abbé, qui était mort avant 1157),
dont les noms ne sont pas mentionnés dans le cartu-
laire.
398 CONGRÈS ARCIIÉOLOGKJUE DE FRANCE.
X. Archevêques de Bourges. — Les archevêques de
Bourges dont il est fait mention dans le cartulaire sont
au nombre de neuf. Le premier est Rodulfus ou Roldulfus,
Bùuricensis ecclesie venerabilis archiepiscopus; Bituri-
gensis ecclesie archipresul, qui monasterium Doverense
construxit; Rodolphe, RoduU" ou Raoul, fils de Raoul,
comte de Turenne et de Gahors, quarante-quatrième
archevêque de Bourges, et connu sous le nom <le Raoul
de Turenne, qui lit construire l'abbaye de Dèvre et lui fit
de nombreuses et importantes donations. Raoul, qui,
d'après la Gallia Christiana, devint archevêque de Bour-
ges, en 84 i, et mourut en 836, est cité dans le diplôme
de Charles le Chauve de 843, et sa signature figure dans
les trois chartes d'Ambran, seigneur de Vierzon, qui peu-
vent être à peu près de la même époque.
Puis vient Geroncius, donnus Geroncius Bituricensium
archiepiscopus, quarante-neuvième archevêque de Bourges,
issu de l'illustre et ancienne maison de Déols. L'arche-
vêque Géronce figure dans une charte datée du jeudi,
jour de la fête de saint Clément, au mois de novembre, la
quatrième année du roi Raoul (23 novembre 926), par
laquelle Thibaut, comte de Chartres, de Blois et de Tours,
seigneur de Vierzon et de Montagu eu Laonnois, accorde
aux abbés et aux religieux de Dèvre l'autorisation de
s'établir pour toujours dans son château de Vierzon.
Suivant les bénédictins, Géronce. aurait été promu en 908
ou 910 et serait mort en 948.
Le troisième archevêque, cité dans le cartulaire, est
Hugonus, archiepiscopus Biturigensis, Hugues, cinquante-
deuxième archevêque de Bourges, mentionné dans une
charte datée de la douzième année du règne de Hugues
Gapet, qui doit être rapportée à l'année 996 (ce roi
pouvant , d'après les bénédictins , être considéré à la
XL° SESSION, A CHATEAUUOUX. 5i>9
rigueur comme ayant régné douze ans, on comptant pour
deux années entières la première et la dernière année de
son règne, qui ne furent que commencées et ne durèrent
l'une et l'autre que peu de mois). D'après le carlulairc,
l'administration de l'archevêque Hugues aurait donc
encore duré en 996, tandis que les bénédictins font mou-
rir cet archevêque en 985 ou en 987 et commencer
l'administration de son successeur immédiat, Dagbert, en
987. L'archevêque Hugues était fils de Thibaut, comte
do Chartres, de Blois et de Tours, et, dès l'année 956,
il fut lo coadjuteur de son prédécesseur, l'archevêque
Richard, son oncle, qui était fils de Kichard, comte de
Troycs.
Le quatrième archevêque mentionné dans le cartu-
laire, est Dabertus, pontifex Biturigensis, Dagbert, cité
dans une charte du temps du roi Hugues, qui, tout au
moins, devrait se rapporter à l'année 996 (Hugues Gapet
étant mort le 24 octobre de cette année là). Cette charte
permet ainsi de rectifier une erreur commise par La Thau-
massière, d'après lequel cet archevêque n'aurait pris le
gouvernement de l'église de Bourges qu'en 1005. Ce
serait donc, d'après le cartulaire, et contrairement aux
dates données, tant par la Thaumassière que par la Gallia
Christiana, l'année 996 qui, aurait vu finir l'admi-
nistration de l'archevêque Hugues et commencer celle
de son successeur, l'archevêque Dagbert.
Le cinquième archevêque cité dans le cartulaire est
Goslenvs , Bituricensium archiepiscopus , Gauslin (cin-
quante-quatrième archevêque de Bourges), fils naturel de
Hugues Capet, et qui auparavant avait été ab])é de Flcury
ou Saint-Benoit-sur-Loire. Il est mentionné dans une
charte de l'an de l'Incarnation 1007, sous le règne du roi
Henri ; mais cette date est incontestablement erronée.
()00 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Henri F"" n'étant monté sur le trône que le 50 juillet
1031, et Gausliu n'ayant été archevêque qu'à partir de
1013.
Le sixième archevêque est Airnon ou Aymon, episcoptis,
Biturix presul, Ayuion de Bourbon (cinquante-cinquième
archevêque de Bourges), qui est mentionné dans des
chartes datées des années 102a (sous le règne du roi
Robert) et 1052; ce qui permet de rectifier l'erreur com-
mise par les auteurs de la Gallia Christiana, qui ne consi-
dèrent l'archevêque Aymon comme n'ayant occupé le
trône archiépiscopal qu'en 1031 seulement, ainsi que celle
de La Thaumassière, suivant lequel ce prélat n'aurait été
élu qu'en 1030.
Le septième archevêque est Richardus, dominus Richar-
dus sancie Biturice sedis archiepiscopus ; donnus Richardus
archiepiscopus ; qvi et patriarchatuyn Biturigensis ecclesie
administrabat ; béate memorie Richardus archipresul.
Richard, deuxième du nom (cinquante-sixième arche-
vêque de Bourges) ; il est mentionné Richardus incom-
purabilis suis temporibus Bituricensis archipresul dans
une charte de l'année 1082, contenant donation par
Etienne, vicomte de Bourges, à l'abbaye de Vierzon de la
possession perpétuelle de l'abbaye de Saint-Gondon-sur-
'Loire : Abbatia sancti Gundulfi super fluvium Ligeris in
episcopatu Bituricensi si ta.
Le huitième archevêque est Aldebertus ou Haldebertus
Bituricensis archiepiscopus ; Bituricum dictus archipresul;
Aldebert (cinquante-septième archevêque de Bourges), qui
figure dans une charte de l'année 1095. Avant d'être
promu au siège archiépiscopal de Bourges, ce prélat avait
été abbé de Déols, et, d'après la Gallia Christiana, il
mourut en 1097.
Enfin, le neuvième et dernier archevêque dont il est fait
XL» SESSION, A CllATEAUllOIIX. 001
mention dans le cartulaire est Leodeyarius episcopus ;
Domnus Lcodegariiis Biturir/e urbk religiosissimvs Dei
gratin archiepiscopus et tocius Aquitanie primas ; lA^^av,
cinquante-huitième archevêque de Bourges, quiestcilédans
une charte datée de l'année HOO,quiest bien sa date véri-
table, quoiqu'elle soit datée également, mais évidemment
par suite d'une erreur, de la trente-sixième année du règne
du roi Philippe I*""", qui devrait se rapporter à l'année 996.
Suivant les auteurs de la Gallia Christiana, cet arche-
vêque mourut en \ 120.
XI. Seigneurs de Vierzon. — Parmi les seigneurs de
Vierzon qui ont été les persévérants bienfaiteurs de
l'abbaye, le cartulaire en cite plusieurs, dont les noms se
retrouvent fréquemment dans les divers actes qu'il con-
tient. C'est d'abord Ambrannus, Arabrand, qui semble
avoir été, pour ainsi dire, par ses généreuses et impor-
tantes donations, le véritable fondateur de l'abbaye, en
même temps que l'archevêque Raoul faisait construire à
Dèvre les bâtiments du monastère vers 84.3. Par trois
chartes, toutes du temps de Charles le Chauve, Ambran
fit donation de biens nombreux et importants à la sainte
basilique du monastère de Saint-Pierre de Dèvre, et
notamment lui fit abandon de sa chapelle, construite en
l'honneur de l'apôtre saint Pierre [cella super L'vure
fluminis sita prope cluvsura virsionis opidi), près de laquelle
les moines établirent leur monastère, et en outre de
cinq églises et de deux autres chapelles.
Le second seigneur de Vierzon cité dans le cartulaire
est Centulfus, Centulphe, qui fit au mois de février 852,
sous le règne de Charles le Chauve, une importante dona-
tion au monastère. Suivant La Thaumassière [Histoire du
Berry, livre X, chapitre vu), Centulphe aurait vécu du
temps de Charlemagne, et ce serait l'an 3 du règne de
602 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
cet empereur que ce seigneur de Vierzon aurait accordé à
l'abbaye de Dèvre la charte de donation contenue dans le
cartulaire. Cette charte démontre elle-même par sa date,
qui est ainsi conçue : Data mense febroario régnante
Karolo rege anno tercio decimo , l'erreur manifeste
commise par La Thaumassière , puisqu'elle doit être
rapportée par sa date au mois de février de la treizième
année du règne de Charles le Chauve, c'est-à-dire de
l'année 852 (Charles II le Chauve étant monté sur le
trône le 20 juin 840), et est ainsi postérieure de quatre-
vingt-un ans à l'année 771, à laquelle cet historien
l'attribue à tort. Le cartulaire prouve ainsi de plus que
Gentulphe aurait été seigneur de Vierzon postérieurement
à Ambran, tandis que La Thaumassière le fait par erreur
vivre longtemps avant ce seigneur. Cet historien, toute-
fois, ne fait rien savoir sur la parenté qui a pu exister
entre Ambran et Centulphe, non plus que sur la généa-
logie de ces deux seigneurs de Vierzon ou leur descen-
dance et postérité.
Le troisième seigneur de Vierzon dont le cartulaire fait
mention, est Teobaldus ou Teobaudus cornes, Thibaut le
Tricheur, comte de Chartres, de Blois et de Tours,
seigneur de Saint-Aignan, de Selles, de Sancerre, de
Vierzon et de Montagu eu Laonnois, qui, par une charte
du jeudi 23 novembre 926, jour de la fête de saint
Clément, autorise l'abbé Raymond et les moines de
l'abbaye de Dèvre, qui avaient dû abandonner leur
monastère presque entièrement détruit en 903 par les
Normands, à s'établir définitivement et pour toujours
sous la protection des chanoines de Saint- Etienne de
Bourges {in cellulam castellnlo virsionc sitam), dans son
château de Vierzon, qui devint à partir de cette époque le
siège de l'abbaye Saint-Pierre de Vierzon. Rien ne fait
XL* SESSION, A OHATEAUUOUX. 603
connaître dans le cartulaire quelles ont été, entre ces trois
seigneurs deVierzon les relations de famille et de parente,
ni comment la seigneurie do Vierzon leur est advenue ou
a cessé de leur appartenir.
Le quatrième seigneur de Vierzon cité dans le cartu-
laire est Hiimbaudus vocahulo tortus, Humbaud le Tortu,
qui parait avoir été la souche véritable et le fondateur de
la maison de Vierzon. Par une charte, qui peut être
attribuée à l'année 996, tout en n'étant seulement datée
que des temps du roi Hugues et de l'archevêque de
Bourges Dagbert, un chevalier Humbaud, surnommé le
Tortu, venu peu auparavant de Bellème dans le Perche,
et qui exerçait alors l'autorité dans Vierzon : qui domina-
tum exercere videhatiir in Castro Virsionensi, obtint de
l'abbé André, en récompense de ses services, et après avoir
secouru vaillamment l'abbé et les moines dans leurs
dangers et les avoir délivrés de leurs ennemis, la conces-
sion de terrains pour construire une maison et planter
des vignes, ainsi que celle des deux églises. Avec l'aide
des moines, Humbaud le Tortu parvint ensuite à étendre
son pouvoir sur toute la seigneurie de Vierzon, et,
d'après une charte d'Arnoul II, l'un de ses descendants,
il est qualifié du titre de seigneur de Vierzon. Il a pu se
faire que la seigneurie de Vierzon ait été concédée à foi et
hommage à Humbaud le Tortu par Eudes I", comte de
Blois et de Chartres, dont il était le vassal, et qui possé-
dait le château de Vierzon du chef de son père, Thibaud
le Tricheur, comte de Blois et seigneur de Vierzon de-
puis 920.
Après Humbaud le Tortu, les seigneurs de Vierzon
mentionnés dans le cartulaire sont : Hunbaldus ou Hun-
baudus connomine dives, Humbaud II le Riche, fils d'Hum-
baud le Tortu, qui fait plusieurs donations à l'abbaye
604 CONGRÈS ARGHÉOLOGIUUE DE FRANCE.
par des chartes de 1018, 1019 et 1025, puis se fait moine
en 1025, et est ensuite élu abbé du monastère de Vierzon,
qu'il dirigeait encore en 109o; et Arnulfus senior Virsio-
nensis castri, Arnoul P', neveu et héritier d'Humbaud II
le Riche, qui figure dans des chartes de 1052 et 1082.
A Arnoul I" succéda Gaufridus ou Goffredus domnus
Versioniensis, Geoffroy I*% son tîls, cité dans une charte de
l'année 1095, Après Geoffroy P% le cartulaire fait mention
de Arnulfus, Arnoul II, son fils, qui, suivant la Chronique
de Vierzon, mourut en 1142. Enfin le dernier seigneur
de Vierzon, dont le nom figure dans le cartulaire, est
Herveus Virsionis dominvs, Hervé P"", qui succéda à
Geoffroy II, son père, en 1144, se croisa en 1163,
fit le voyage d'outre -mer en 1164, et mourut vers
1184.
XII. Vicomtes de Bourges. — Le cartulaire de Vierzon
paraît être le seul manuscrit qui puisse permettre de
tenter de reconstituer la généalogie des vicomtes de
Bourges, et c'est l'unique recueil de documents qui four-
nisse des renseignements sur les deux premiers d'entre
eux. Une charte, datée de l'an de l'Incarnation 1092,
indiction XV, épacte IX, 4'' série (le mercredi 4 mai
1092), sous le pontificat du vénérable pape Urbain II et le
règne du roi Philippe F'', fait connaître les noms de cinq
des vicomtes de Bourges, dont sans elle deux au moins
seraient absolument inconnus, ainsi que leur filiation
et l'ordre dans lequel ils se sont succédé de père en
fils.
Les vicomtes de Bourges mentionnés dans cet acte du
cartulaire sont dans l'ordre suivant :
I. Gaufredus cognomento Papabos ^ Geoffroy I"»",
surnommé Papabos , qui vivait du temps du roi
Louis IV d'Outremer (936-954), qui lui donna en com-
XL' SESSION, A ClIATIOAUROUX. (>05
mande perpétuelle l'abbaye de Saiiit-dondon-sur-Loire ;
II. Gauf/'C'dus gui Bosberaes cof/no)innatus est, Geof-
froy H, surnommé Bosberas, fils de Geoffroy Papabos ;
III. Gaufredus Nobilis cognominatus, Geoffroy III, sur-
nommé le Noble, fils de Geoffroy Hosberas;
IV. Gaufredus gui Meschins prenominatiis est, Geof-
froy IV, surnommé le Meschins, fils de Geoffroy III le
Noble ;
Et V. Stephanus vicecomes Bitmicensis urbis, Etienne,
vicomte de Bourges, qui mourut sans enfants en laissant
pour seule et unique héritière de tous ses biens sa nièce
Mahault ou Mathilde de Sully.
Par cette charte de 1092, le vicomte Etienne fait,
d'accord avec sa sœur Ildeburge , cette dernière avec
l'autorisation de son mari Gilon de Sully, donation
à Tabbaye de Saint-Gondon-sur-Loire. Cette donation
fut ensuite confirmée par Eudes Arpin, successeur du
vicomte Etienne. Le cartulaire mentionne enfin, après
Etienne, Odo donnus vicecomes Bituricensis cognomento
Arpinus, Eudes Arpin, fils d'Humbaud, seigneur de Dun,
qui, par suite de son mariage avec Mathilde de Sully,
fille d'Ildeburge, sœur du vicomte Etienne, devint l'héritier
de ce vicomte mort sans enfants, et fut le dernier des
vicomtes de Bourges. Eudes Arpin vendit pour se croiser,
vers HOO, sa vicomte de Bourges au roi Philippe I";
puis au retour de la Croisade il se fit moine en l'abbaye
de Cluny, où il se trouvait déjà avant 1109, et où il
mourut.
Tels sont, sans entrer dans les développements plus
circonstanciés et beaucoup plus complets que comporterait
l'examen de ce précieux manuscrit, quelques-uns des ren-
seignements que fournit le cartulaire de l'abbaye de Saint-
Pierre de Vierzon, et qui peut-être ne manqueront pas de
606 CONGRÈS ARGllEOLOGIQUE DE FRANCE.
tout intérêt pour l'histoire locale de notre province du
Berry.
Ce travail, très-apprécié, reçoit les ielicitations de
l'assemblée.
M. le Président, passant à l'art. 34 du programme,
relatif au principe d'unité de style dans les édifices reli-
gieux, demande si quelque personne a traité la ques-
tion.
M. Lenail donne lecture du mémoire suivant :
Mémoire de M. Lenail.
Placé sur la terre comme en un lieu de passage,
l'homme est essentiellement changeant. Son esprit, facile-
ment impressionnable, subit des influences dont il ne peut
se rendre compte dans l'art aussi bien qu'en politique. Gréé
pour le bien, mais sans cesse entraîné par le mal, il flotte
indécis entre les extrêmes ; il avance vers ce qui l'éloi-
gnait tout à Theure, repousse aujourd'hui ce qui lui
plaisait hier, s'incline devant l'objet de son mépris, pour
bientôt fouler aux pieds son idole, prêt cependant à
détruire toujours et partout pour avoir l'occasion sans
cesse renouvelée de pleurer sur les ruines qu'il a faites et
qu'il est impuissant à relever.
Les leçons de l'expérience ne lui serviront jamais. Les
grands enseignements de l'histoire ne semblent pas écrits
pour lui. Les idées de progrès (juo l'on prône si fort
aujourd'hui semblent avoir encore obscurci les ténèbres
XL" SESSION, A CHATKAUnOUX. 607
dont il est entouré, et jeté un nouvel aliment à la folie
furieuse dont il est dévoré.
Demeurant dans le domaine des arts, que de réflexions
n'avons-nous pas à faire sur ces successions, ces change-
ments du goût public, sur ces manies déplorables aux-
quelles nous devons plus de ruines que n'en ont jamais
entassé les passions religieuses et politiques !
Héritier des idées du xvi" siècle, le xvii'' eut un culte
pour l'art romain, à l'exclusion de tout autre. Au xyiii",
on crut au seul grec, sans s'apercevoir que ce grec tant
admiré n'était qu'un romain bâtard.
Le mal empira jusqu'au règne du roi Louis-Philippe.
De cette époque date le soulèvement, la résurrection
dite romantiquie, qui n'est en réalité qu'une nouvelle
chute. Ce mouvement nous lança à corps perdu dans
l'admiration irraisonnée du moyen âge et de la renais-
sance : renaissance de contrebande, iQoyen âge en toques
à panaches et en pourpoints abricot.
Cet engouement, dont les meilleurs esprits eurent grand'-
peine à se défendre, n'a pas été moins nuisible dans ses
résultats que le mépris des siècles précédents pour ce qui
n'était pas grec ou romain.
A chacun de ces moments, tout ce qui n'était pas l'art
vénéré du jour fut impitoyablement condamné, et s'il
reste quelque trace des époques proscrites, c'est que le
temps à fait défaut et que les changements de l'esprit
humain furent plus rapides que la main des exécuteurs.
Faire revivre un type d'architecture à une époque autre
que celle qui l'a enfanté est une des entreprises les plus
folles qui se puissent concevoir.
Comment donc empêcher l'homme de laisser manifes-
tement lisible dans son travail l'influence du teujps et des
milieux, ce je ne sais quoi qui devient la signature de son
608 CONGBÈS ARCHÉOLOlilOUE DE FRANCE.
siècle, le cachet dont il est impossible de nier l'authenticité.
Le XVII" siècle, en croyant faire du romain, a fait du
Louis XIII et du Louis XIV. Le grec du xviii* ne sera
jamais que du Louis XVI. Le premier empire et la Res-
tauration ont eu leur manière particulière de bâtir, et les
prétentions antiques de leurs travaux ne tromperont
jamais personne.
Depuis, suivant cette manie qui paraît être une loi
contre laquelle il est inutile de se révolter, nous avons
continué à vouloir copier. Nous avons copié toutes les
époques, il est vrai, si bien persuadés nous étions qu'il
nous fallait une architecture originale.
Nous vîmes éclore le moyen âge Louis-Philippe, la
Renaissance Louis-Philippe, le grec Louis-Philippe !
Notre but est manqué, et nous avons fait mieux que
nous ne croyons faire !
Il existe en effet de tels points de ressemblance entre
tous ces ouvrages, que la postérité n'y sera point trompée.
Reconnaissant en eux un même sang et un même esprit,
elle les confondra sous le nom d'époque Louis-Philippe.
Le règne de Napoléon III marquera de même son passage.
L'architecture de ces vingt années existe, quoi qu'on en
dise. Elle est caractérisée, et, malgré les efforts incompré-
hensibles de leurs auteurs, tous ces travaux, qui nous
semblent d'agréables postiches des âges passés, formeront
un seul genre.
L'église Saint-Augustin et le Palais de Justice, la Tri-
nité et l'Opéra, l'église de Montrouge et le nouveau
Louvre, aussi bien même que Sainte-Clotilde, seront du
Napoléon III, rien autre chose, et nul ne s'avisera de
confondre ces monuments avec leurs aînées de vingt à
de trente ans à peine.
Nous nous trompons donc en bâtissant; nous nous
XI.'' SKSSIOX, A CIIATKAI'l'.dIJV. (.()'.<
trompons Ibrt, uussi on ré[);iraiit, en rcslaiiraiil, (•(hhhk!
nous disons, c'est-à-dire en laisanl disparaître les travaux
d'époques que nous considérons comme ridicules, pour
leur substituer nos propres élucubrations, qui ne sont
la plupart du temps rien moins ([ue déplorables.
Vous savez bien, Messieurs, (jue je ne suis pas trop
sévère. Presque toutes les restaurations que nous sommes
appelés à constater sont mauvaises.
Je viens de vous dire que l'architecte d'aujourd'hui,
croyant faire du moyen âge ou de la Renaissance, fait
du moderne.
Je ne blâme point ce résultat assurément.
L'architecte construit un bâtiment selon les idées et les
convenances du moment; s'il apporte dans ses construc-
tions de la logique et du goût, il a réussi.
Il faut bien autre chose pour restaurer, et volontiers
dirais-je, arrière ce qu'on appelle vulgairement du goût.
Il faut pour restaurer beaucoup de jugement, de bon
sens et de science.
Je touche à la question du programme ; j'ai peut-être
mis bien longtemps à y arriver, mais ceux qui démolis-
sent vont si vite, qu'en les blâmant j'ai la permission, je
l'espère, d'avancer plus lentement.
L'histoire est véritablement écrite dans nos monuments
religieux et civils : chaque époque y a apposé son cachet
et gravé sa signature.
Devons-nous faire disparaître ces marques de la succes-
sion des âges? Ceux qui le font avec précipitation et sans
études me rappellent les alFolés effaçant naguère les aigles
sculptés sur les monuments publics pour se faire croire
que l'empire n'avait jamais existé.
Nous acceptons les constructions successives , les
adjonctions, les amplifications des différents siècles ju-qu'à
XL* SESSION. 39
610 CONfiRÈS AdCIlÉOLOGIQUE DE FP.AXCE.
la Renaissance peut-être? Pourquoi donc nous arrêter là?
L'époque de Louis XIV n'a-t-elle pas produit des monu-
ments d'une réelle grandeur ? N'a-t-on pas atteint sous le
roi Louis XIV un type du pur goût français en croyant
imiter les Grecs ?
Les restaurations, croyez-le, ne vaudront la plupart du
temps pas mieux que ce que vous mettez tant de zèle à
remplacer, et jamais la manie des restaurations n'a été si
formidable qu'aujourd'hui.
En continuant, en vérité, dans la voie où nous sommes
engagés, il ne me semble pas impossible que nous efTa-
cions, pour la postérité, des pages entières de l'histoire des
arts, de l'architecture et de la décoration.
C'est surtout pour les églises que de pareils faits sont à
craindre. Or, dans les églises, les restaurations portent
sur le monument lui-même ou sur son ameublement.
Dans le premier cas, le plus grave, l'architecte a quel-
quefois le pouvoir de contrebalancer les opinions renver-
santes qui lui sont soumises.
Si la construction attaquée est de peu d'importance et
véritablement mauvaise, remplacez-la par une résurrec-
tion de ce qu'elle a remplacé elle-même, ou, plus logi-
quement, par une construction qui présente franchement
les caractères du xix'' siècle.
Si, au contraire, la construction est importante par son
étendue ou sa valeur artistique, je le dis fermement, vous
n'avez dans aucun cas le droit d'y toucher.
On a bien agi autrement !
Un exemple. Messieurs, le plus frappant, je l'avoue,
qu'il m'ait été donné de voir.
La cathédrale de Moulins est trop petite pour la popu-
lation de la ville, elle ne consiste qu'en un chœur et deux
nefs latérales. Vous pensez que l'on va compléter l'église
XI." SESSION, A illl ATKAri'.OlIX. 611
dans le stylo, du xv" sirc.lc! Co n'osL imiul ('(da. On élèvo
devant ce chœur, dans son axe, une immense construc-
tion du prf'dondu xii" siècle, et l'édifice ancien, dans
lequel il existe des détails charmants, est accablé par la
nouvelle bâtisse et ne peut tarder à disparaître.
A Gap, où l'on a peut-être pour excuse le manque d'am-
pleur de la ville, la cathédrale, fort ancienne, a été rasée
pour faire place à une nouvelle, et j'ai dû, avec un de mes
amis ici présent, aller à la messe dans le théâtre. Il n'y a
pas d'autre église,
Gap n'a plus de monument antérieur au xvii" siècle,
on a déchiré les pages parlantes de son histoire.
Nous qui jugeons de pareils faits, soyons réservés et
très-réservés quand il s'agit de démolir et d'effacer ce qui
nous a été légué par les âges précédents.
Il nous faut travailler, non-seulement pour nous, mais
encore pour l'avenir. Ne détruisons donc pas; conservons
et, autant que possible, dessinons et décrivons tous les
monuments que nous pouvons voir. Qui peut nous assu-
rer qu'ils existeront demain ? Les intempéries des saisons,
les fureurs populaires, l'incendie, les décisions du Comité
des monuments historiques les menacent sans cesse !
Souvenons-nous du plaisir et de l'intérêt que nous
éprouvons à retrouver dans les peintures ou les sculptures
des représentations de tant de belles choses aujourd'hui
disparues. Quels services nous ont rendus des chercheurs
comme Montfaucon ou Michel de Gaignières ! Faisons
pour l'avenir ce qu'ils ont fait pour nous ; faisons-le avec
d'autant plus de zèle que nous apprécions davantage
l'immense utilité de leurs travaux.
Effaçons, encore une fois, le moins possible dans nus
monuments ; que la main qui les touchera soit discrète
autant qu'habile. Il y a tel cas dans lequel un simple
f>l2 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ravalement, un enduit appliqué sans discernement peuvent
défigurer à jamais un monument du plus haut intérêt.
La question du mobilier et de l'ornementation inté-
rieure n'est pas moins importante, et c'est ici surtout
qu'il faut se défier du beaucoup de (joût.
Pensez-vous que les autels marbrés et dorés, objets du
mépris du moment, soient plus extraordinaires que les
prétendus ouvrages gothiques par lesquels on les rem-
place aujourd'hui ? Chacun y veut mettre la main, et le
résultat est déplorable.
Le XVII* et le xviii^ siècle nous ont légué nombre de
retables. Presque tous ont une grande tournure, beaucoup
sont remarquables par la forme et l'exécution.
Ce sont, à n'en pas douter, les monuments de la ma-
gnificence des fidèles.
Ces ouvrages ont été offerts à l'église, et je ne crois pas
qu'on ait le droit de les en arracher. Les faire disparaître
ou les vendre est plus qu'un manque de tact, c'est un
manque de goût. Tel de ces objets, d'une valeur réelle, sera
remplacé par le travail d'un amateur imprudent ou par
les productions sans nom d'une de ces fabriques d'objets
d'art, dont quelques départements sont particulièrement
infestés.
La plus lointaine ressemblance avec les époques romane
ou ogivale suffit pour faire jeter des cris d'admiration, et
l'on se pâme devant les travestissements de ces époques
en pierre, en bois, en cuivre !
Ces ouvrages ont le principal mérite d'être très-mal
fabriqués, et sont de beaucoup inférieurs aux œuvres
décriées; mais le marchand a déclaré que l'aulel était
genre xii'^, le retable genre xiv'^ siècle, et ces appellations
font fort bien. Chacun conspire en ce sens et l'cntraine-
ment est général.
XL* SESSION, A CllATEAUUOUX. «»13
Il laut faire comprendre qu'un bon ouvrage du
xvir siècle est fort au-dessus d'un mauvais travail du
xix°. Je dis mieux, en thèse générale, qu'on ne sait plus
aujourd'hui traiter le bois, le cuivre, comme on le savait
faire aux époques de Louis XIV, Louis XV et Louis XVL
Conservons donc nos autels et nos retables, si médio-
cres qu'ils puissent être ; nous risquons trop d'avoir
pire.
Il est difficile d'arrêter un mouvement comme celui que
je signale ; je déclarerais volontiers l'entreprise impos-
sible.
Faisons donc cependant tous nos efforts ; jetons-nous au
devant des fuyards : c'est notre devoir. Il y va de l'intérêt
de l'avenir, comme de l'intérêt et de la dignité du pré-
sent.
Tous les membres du Congrès s'unissent pour approu-
ver ces conclusions et faire des éloges à l'auteur.
M. Hubert demande au Congres d'émettre le vœu que
les deux églises de Chàteauroux, Saint-André et Saint-
Martial, ne soient pas détruites ei rasées, comme il a
entendu dire qu'on en avait l'intention. Tous les membres
du Congrès protestent avec énergie contre cette idée
barbare, surtout en ce qui concerne l'église Saint-Martial.
M. Rigollot demande s'il n'y aurait pas une distinction
à faire entre le clocher et le corps de cette église, et si
l'inconvénient serait bien grand de laisser démolir le
le corps dans le cas où il faudrait faire un sacrilice pour
l'élargissement des voies de communication, tout en con-
servant le clocher, autour duquel on pourrait faire un
square dans le genre de celui qui entoure la tour Saint-
Jacques-la-Boucherie, à Paris.
M. de Cougny n'est pas de cet avis et aliirme, au
014 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
contraire, que le morceau le plus intéressant est la net' de
l'église, qui est du xii" siècle, tandis que le clocher ne
date que delà Renaissance. L'assemblée entière s'associe au
vœu émis par M. Hubert pour la conservation complète.
M. le Président donne lecture de l'art. 35. Personne m
se présente pour traiter la question. Uu reste, chacun fait
observer que la réponse est impliquée dans la demande
elle-même. Il est évident pour tout le monde qu'il y a
une très-grande utilité à créer des musées d'antiquités,
d'abord pour la conservation des objets antiques et ensuite
en raison des avantages qu'ils peuvent procurer, pour
l'étude des arts, de l'histoire, de la topographie et des usages
de la région dans laquelle ces précieux monuments sont
découverts. M. Hubert dit, à ce propos, avoir demandé au
conseil général que le vieux Château-Raoul lut consacré
exclusivement aux archives départementales et au
musée.
Un membre Faisant observer que beaucoup d'objets en
pierre, appartenant au musée, sont exposés dans les cours
aux détériorations du public, M. le conservateur répond
que le local mis à sa disposition est très-insuffisant et que
souvent il a mieux aimé laisser sur place bien des monu-
ments curieux ou des fragments qui auraient été plus expo-
sés dans les cours que sur les lieux qu'ils occupent actuel-
lement. Quand on aura donné un espace plus approprié
aux besoins, les visiteurs seuls pourront approcher de ces
objets, qui seront de cette façon à l'abri des injures des
ignorants ou des malveillants. Le classement raisonné
pourra s'établir aussi d'une manière plus facile.
M. de Rouraejoux, inspecteur du Lot, a adressé le
mémoire suivant à M. le Directeur depuis la clôture du
Concrrès.
XL' SESSION, A GHATEAUKOUX. 615
Lettre à M. de Cougny, sur la 35" question
du programme du Congrès archéolo-
gique de Châteauroux.
Celte question, vous l'avez dit avec raison, Monsieur le
Directeur, méritait d'être étudiée, et la discussion qui s'est
établie au Congrès a été fort intéressante; tous ont été
d'accord sur l'utilité des collections publiques; il eût été
étrange qu'il en lut autrement dans le lieu où la question
était posée, et la poser c'était la résoudre. Cependant, j'ai
quelquefois entendu dire, et je pourrais ajouter que j'ai
lu, que les musées ne servaient qu'à amollir les esprits et
retarder leur essor vers des aspirations ou des conceptions
nouvelles par la vue de tableaux rappelant d'antiques
superstitions, de statues aux formes trop légèrement
voilées ou de sujets grossièrement travaillés, sans valeur
artistique, sans expression, gothiques en un mot. Ces
réflexions saugrenues ne méritent pas la discussion ; les
pauvres diables qui les émettent ne réfléchissent pas,
quelles que soient leurs prétentions, que nous ne saurions
pas ce que nous savons si nos pères n'avaient pas travaillé,
et que notre science est faite bien plus de la science et des
découvertes du passé que de ce que nous avons trouvé
nous-mêmes. On dirait vraiment que ce sont ces idées
fausses et cette étroitesse de jugement qui dirigent la plu-
part des conseils municipaux des villes, car il en est bien
peu qui fassent des sacritices sérieux pour l'installation de
musées, et combien ont refusé les allocations nécessaires
à cet elfet ! A l'abri de combien de prétextes se rétranche
l'ignorance pour prouver que les dépenses faites pour ces
«il 6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
établissements sont inutiles et n'ont rien de pratique. Ah !
si l'on parle d'élargir une rue, de démolir tout un quar-
tier, tous approuveront, si la rue donne plus de jour à
leurs maisons et si leurs immeubles voués à la démolition
sont payés très-cher. Mais un abri pour de vieilles pierres,
de vieux pots presque toujours cassés, d'antiques ferrailles,
à quoi bon? de quelle utilité cela peut-il être?
Toutes les villes, heureusement, ne jugent pas ainsi,
car il n'est pas un département qui ne puisse réunir les
éléments d'une collection remarquable, et, vérité digne de
M. de la Palisse, plus les musées sont riches, plus ils
attirent de visiteurs, et plus ils sont appelés à avoir d'in-
fluence sur l'esprit; on y apprend à comparer les objets,
à saisir les différences entre les arts aux époques succes-
sives de notre histoire ; on peut y étudier l'architecture,
la sculpture, l'orfèvrerie, l'armurerie, la céramique, et se
rendre compte des progrès, des rallentissements, des
déviations de l'art; l'archéologue et l'historien y trouvent
des documents quelquefois nouveaux, inattendus, qui
éclairent des questions obscures ; l'ouvrier, l'artiste peu-
vent y prendre des modèles souvent, des leçons toujours.
A Limoges, on l'a bien compris ainsi lorsque, grâce à
l'initiative de M. Dubouché, le musée céramique a été
fondé ; on n'a rien négligé, ni local, ni vitrines, ni achats,
pour en faire un tout aussi complet que possible ; on y
suit l'art de la terre depuis l'époque la plus reculée
jusqu'aux temps modernes, en passant par tous les
peuples. Il y a bien quelques vides encore, quelques
lacunes ; mais, grâce à M. Dubouché et à la commission
qui le seconde, ces lacunes seront, je n'en doute pas,
bientôt comblées. Une école de dessin et une école de
peinture sont, dans l'établissement, ouvertes aux jeunes
gens qui veulent se perfectionner ; les professeurs et les
XL'' SESSION, A CllATEAUllol'X. 017
modèles ne leur font pas défaut. Voilù un musée large-
ment conçu, largement établi, et qui est appelé à rendre
de vrais services à l'art et à l'industrie.
Cette collection, dira-t-on, comme celle de Sèvres ou
des Gobelins, a un but particulier, et on comprend son
importance; mais dans les villes qui n'ont pas d'industrie,
à quoi bon tant de dépenses? je l'ai déjà dit : à former, à
épurer le goût, à donner des idées, à apprendre aux igno-
rants, à aider la mémoire de ceux qui ont oublié, à
occuper sérieusement les instants de loisir. On peut dire
que les musées sont un livre ouvert où chacun peut lire à
la page qui lui convient. Cherchons donc à rendre ce livre
complet, et nous serons siîrs qu'il sera souvent feuilleté.
Parce que dans certaines villes rien ou presque rien n'a
été fait, ce n'est pas une excuse pour continuer à dormir
dans l'inaction et l'indifférence ; suivons l'exemple de celles
qui s'éveillent. On a des bibliothèques publiques, pour
moi les seules sérieuses; on crée des bibliothèques dites
populaires, où. on essaye d'attirer les ouvriers par l'attrait
des lectures morales, je n'en doute point, ou profession-
nelles; croit-on que si auprès de ces établissements on
trouvait une collection méthodique de tous les objets
anciens artistiques, tels que dessins, sculptures, meubles,
vases, ces lectures ne deviendraient pas plus fructueuses
par l'application pratique qu'un jour ou l'autre on pour-
rait faire des principes puisés dans les livres? Croit-on
que cette comparaison ne serait pas une bonne critique de
ces lectures ? Voilà pourquoi, n'en déplaise à ceux qui
jugent des facultés et des besoins des autres d'après leur
insuffisance ou leur manque de goût, les musées sont
utiles, pratiques et intéressants.
Je demanderais, si j'avais l'honneur d'avoir voix au
chapitre, à tous les conseils munici[iaiix des chels-lieux de
618 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
départemenl, à tous les conseils généraux, de larges sub-
ventions pour créer des musées, faire des achats et conser-
ver bien des objets qui, transportés au loin, perdent de leur
intérêt. Je répéterai ce que je disais en 1871, dans le
Bulletin monumental, au sujet des musées de Nîmes et
d'Arles : c'est que l'on doit conserver, dans le pays où on
les a trouvés, les restes du passé ; là seulement ils ont
leur valeur réelle, entière, auprès des monuments dont
ils ont fait partie et qu'ils ont contribué à meubler ou
à décorer.
Je crois , Monsieur le Directeur , que s'appesantir
davantage est inutile, d'autant mieux que je n'ai pas la
prétention d'avoir rien dit de nouveau ; mais il est des
questions qu'on ne saurait soulever trop souvent.
J'ai traité un sujet banal, je l'avoue sans honte ; je
persisterai avec le même sentiment tant que nous n'aurons
pas satisfaction.
Au sujet de l'art. 36, dont M. le Président fait la
lecture, M. de Cessac fait part de la manière dont il vou-
drait voir composés les musées d'antiquités. On ne
devrait pas, dit-il, mélanger les objets tout à fait dispa-
rates entre eux, et des objets du département avec ceux
qui peuvent venir d'un autre département ou de pays
étrangers. Comme exemple de sa manière de voir, il cite
le musée de la ville de Namur, où la classification est
faite, non-seulement par objets de même nature, appar-
tenant à la même époque, mais même par trouvaille et
par commune. On atteint de cette façon un double but :
faciliter l'étude et exciter le zèle des habitants de chaque
localité, qui mettront leur amour-propre à faire connaître
les trésors sortis de leur pays.
M. le Président lit l'art. 37. Personne ne se présente
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 61 «J
pour traiter la question ; mais plusieurs niemlircs loiit
sur ce sujet des réflexions qui sont pour raffirniative.
M. de Cougny cite à ce propos un fait qui soulève une
protestation générale.
En 1821, le conseil municipal d'Arles, sur la demande
du comte de Forbin, oflVit au roi un torse en marbre, que
l'on croyait alors appartenir à une statue de Jupiter et qui,
depuis, a été reconnu comme faisant partie d'une statue
d'Auguste. La tète et la partie inférieure de cette statue
ayant été découvertes depuis cette époque, la ville d'Arles
réclama au musée du Louvre la restitution du torse en
question, sans qu'il ait été jusqu'ici fait droit à sa juste
demande. Il résulte de là ce fait inouï d'une statue dont
le torse est à Paris et la tète et (es jambes h Arles. La
réclamation de la ville d'Arles est motivée par l'équité et
par l'intérêt sagement compris de l'art. J'ai promis, ajoute
M. de Cougny, à M. le conservateur du musée d'Arles,
que je protesterais ici en son nom ; je m'acquitte de mon
engagement en priant le Congrès de joindre son énergique
protestation à la mienne.
M. Cattois cite plusieurs exemples de ce genre : l'église
de Saint-Germain-des-Prés a refusé de rendre une statue
appartenant à la vieille basilique de Saint-Denis. L'église
Saint-Roch refuse aussi à l'église du Val-de-Gràcc une
statue qu'elle s'est appropriée. M. Hubert, dans un autre
ordre d'idées, nous dit que Paris a gardé un volume sur
cinq de V Inventaire des archives du duché de Château-
roux et VHistoire entière de l'abbaye de FonKjontbaud^ qui
avaient été demandés en communication. Heureusement le
conseil général a fait refaire, au prix de 800 fr., le volume
manquant, et les moines de Fontgonibaudont recopié cux-
mcmes l'intéressante histoire de leur abbaye.
La conclusion qu'on tire de ces dillérents faits est qu'il
(320 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
faut réagir contre cette absorption de la part de la capitale,
et qu'on doit laisser sur les lieux, quand il y a possibilité,
les objets intéressants qu'on y trouve.
La séance est levée à onze heures et demie.
SÉANCE DE CLOTURE DU SAMEDI 14 JUIN.
PRÉSIDENCE DE M. DE COUGNY.
Siègent au bureau : MM. de Verneuil, capitaine d'état-
major, aide-de-camp du général Ferri-Pisani, Desgouttes,
deuxième adjoint, Daiguson, secrétaire général du Con-
grès, l'abbé Blanchet, aumônier du lycée.
La séance est ouverte à deux heures, au milieu d'une
nombreuse assistance, composée de membres de la Société
française d'Archéologie et de l'élite intelligente de la ville
et du département. On remarque dans la salle un grand
nombre de dames.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
Deux questions, dit M. le Président, avaient été réservées
pour cette séance. La personne qui en avait demandé
l'insertion au programme ne se présentant pas pour les
traiter, comme nous en avions l'espérance, M. l'abbé
Damourette a bien voulu, sur ma demande, se charger
d'y répondre avec cette obligeance et ce dévouement dont
il nous a donné tant de preuves durant le cours de cette
session.
XL" SESSION, A C.IIATKAUllOUX. 0-21
Origine de la famille d'Hervé de Buzan-
çais, trésorier de la collégiale de Saint-
Martin de Tours et constructeur de la
magnifique basilique, dont il existe
encore deux tours.
En 994 , Foulques-Nerra prenait d'assaut l'ancienne
Martinopole, nommée Chàteauneuf depuis qu'elle était
délendue par une enceinte de murailles garnies de tours.
Il y brûlait, outre la basilique de Saint-Martin, vingt-
deux autres églises ; mais l'église de Saint-Martin allait
sortir de ses ruines, plus splendide que jamais.
Parmi les membres du chapitre de Saint-Martin figu-
rait, en ce temps-là, un homme d'une naissance illustre,
distingué par une grande piété, et possesseur d'une
immense fortune ; il se nommait Hervé. Hervé résolut de
rebâtir à ses frais et sur de nouveaux fondements la basi-
lique de Saint-Martin,
11 se met à l'œuvre, et, vingt ans à peine après l'acte
sauvage de Foulques-Nerra, c'est-à-dire le 14 juillet
101-4, Hugues ]"% archevêque de Tours, consacrait solen-
nellement le monument dû à la munificence d'Hervé.
Cette église est celle qui subsista jusqu'en 1802, et dont
il reste encore deux beaux vestiges, la tour Gharlemagne
et la tour de l'Horloge.
A quelle famille appartenait Hervé ? Tous les historiens
s'accordent à le nommer Hervé de Buzançais ; son grand-
père se nommait Aymon, et son père était un valeureux
guerrier, que l'on appelait Sulpice-Mille-Boucliers.
Hervé avait pour frère Archambaud, seigneur de Buzan-
çais, de Ghàtillon-sur-IodreetdeVillantrois ; Archambaud
était aussi un des trois seigneurs qui se partageaient la
irl'l CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE LE FRANCE.
ville d'Amboise ; mais il était le moins puissant des trois,
car, dit M. l'abbé Chevalier, dans ses Promenades en
Touraine, la maison de Buzançais ne possédait à Amboise
qu'un territoire très-exigu, sur la rive droite de l'Amase.
Archambaud laissa trois enfants : un fils nommé
Robert, et deux filles, Hersende et Hermesende. Ces trois
enfants étaient sous la tutelle de leur oncle, Hervé, tréso-
rier de Saint-Martin de Tours.
Robert, seigneur de Buzançais, de Châtillon-sur-Indre
et de Montrésor, était surnommé le Diable (1).
Foulques lui donna la garde du château qu'il fit con-
struire à Montrésor.
Voici ce que j'ai pu découvrir sur l'origine de la
famille d'Hervé.
M. l'abbé Damourette donne lecture du mémoire sui-
vant en réponse à la 23* question.
Les seigneurs du Berry, le vicomte de
Brosse, Guinaume de Chauvigny, le sei-
gneur de Gluis, Roger de Palluau, Guy
Senebaud du Bouchet, Gaudin de Rome-
fort , le seigneur de Château -Meilland
étaient chevaliers bannerets de Touraine ;
était-ce en raison des fiefs que ces sei-
gneurs possédaient en cette province ?
La prise de Loches et de Chinon, en 1205, assura la
conquête définitive de la Touraine et la réunion de cette
(1) Haiino (loniinus Buzenchaici genuit Sulpiciuiii mille cli-
peonini. Arclianibaiidus genuit Rolieiiiun. Hersendim, llornie-
sendim, etc. Spicilege, 29G.
XI.« SESSION, A r.IlATKAUROUX. (i^2:{
province à la couronne do France. Devenu possesseui- de
ce riche pays, et voulant s'en attacher de plus en plus la
haute noblesse, Philippe-Auguste nomma cinquante-
cinq chevaliers bannerets.
Nous apprenons de Laurière [Glossaire du droit fran-
çais)^ que le banneret devait posséder au moins quatre
terres à bacelle (I).
La marque d'honneur du chevalier banneret était une
bannière carrée, que ce titre lui donnait le droit de porter
au haut de sa lance ; le cri d'armes ou de ralliement était
aussi inhérent à la possession d'un fief à bannière.
Les girouettes du manoir dominant, où résidait le che-
valier banneret, peintes aux couleurs de son blason,
annonçaient au loin, par leur forme carrée, la dignité du
fief et du seigneur. En échange de ces honneurs et de ces
droits, le banneret devait conduire à l'appel du roi, sui-
vant Laurière et l'historien Froissard, cinquante lances,
sans y comprendre les archers et les arbalétriers, c'est-à-
dire cent cinquante chevaux avec leurs cavaliers.
Parmi les cinquante- cinq bannerets de Touraine, nous
voyons deux Poitevins, les seigneurs de Chàtellerault et
de Montmorillon, et sept grands seigneurs du Berry.
Guillaume de Chauvigny. fils aîné de Denyse de Déols,
était trop jeune pour aller en guerre, lorsqu'il devint
possesseur de la baronnie de Chàteauroux, et cependant
il est inscrit sur la liste des bannerets, preuve évidente
que cette distinction n'était pas toujours la récompense
des états de service. Si Guillaume de Chauvigny fut
compris dans la promotion des bannerets de Touraine,
(1)Une terre à bacelle devait au moins comprendre autant
d'étendue que vingt bœufs pouvaient en labourer en un jour.
Glossaire de Roccjuefort au mol hacele.
624 CONGRÈS ARC.HÉOLOr.IOUE T>E FRANCE.
c'est qu'il possédait en cette province le fief de Montrésor.
Le seigneur de Chàteau-Meliand était, comme Kaoul
de Déols, de l'illustre famille des princes de ce nom.
Il était classé en Berry dans la catégorie des comtes
ou barons qui avaient rang et préséance sur les simples
hannerets. En Tourainc, son fief ne lui donnait pas une
aussi haute position; il n'était que banneret.
Les liefs de Palluau et du Bouchet-en-Brenne, régis
par la coutume de Touraiue, appartenaient simultané-
ment au Berry, pour le spirituel et les finances, à la
Touraine, quant au gouvernement temporel et au service
militaire ; il n'est donc pas surprenant que les possesseurs
de ces fiefs figurent parmi les bannerets de Touraine.
Si le vicomte de Brosse était banneret du Berry, il ne
pouvait l'être qu'à raison de son fief d'Argenton : son
manoir et sa terre de Brosse, près Saint-Benoit-du-Sault,
étant du ressort de la vicomte de Limoges, il était certaine-
ment porté sur les cadres des bannerets du Limousin. La
Touraine le compte au nombre de ses bannerets, c'est sans
doute parce qu'il possédait dans cette province des terres à
bacelle dont nous ne connaissons pas le nom.
Il y a dans le Ras-Berry deux fiefs qui portent l'un le
nom de Cluis-Dessous, et l'autre le nom de Gluis-Dessus ;
ces deux fiefs sont à peu de distance l'un de l'autre. La
châtellenie de Cluis-Dessous, qui rendait foi et hommage
à l'abbaye de Saint-Sulpice de Bourges, appartint aux
Chauvigny, de la branche des seigneurs de Ghàteauroux,
jusqu'à l'extinction de cette maison, en 1502.
Gluis-Dessus relevait de la baronnie de Ghàteauroux,
et a reçu son nom de la configuration du terrain et des
champs clos qui existent sur les versants des coteaux
qui dominent la Bouzanne.
G'est à tort que, dans le catalogue des bannerets, les
XL* SESSION, A C.IIATEAUllOUX. 025
annalistes do 'I'iuiimiik' uni iiis( lil ImkIcs sons le titre de
dominus Ciivx, il l'allail écrire ; (lominns de closis snperio-
ribus.
Cet Eudes, qui possédait un (ief en Tourainc et ([ue
nous ne connaissons pas, ne l'ait pas partie des ban-
nerets du Berry. C'était un vassal on bas clievalier (jui
s'engagea, en 1248, à rendre au seigneur deChàteauroux,
Guillaume H de Chauvigny, le bourg de Cluis-Dessus, et
sa forteresse du Repaire, soit à petite, soit à grande force,
ad parvam vim, vel ad maynam.
Gandin de Romefortest un seigneur du Berry; il vivait
sous Philippe-Auguste; nous avons de lui un acte de
donation aux Fontévristes de Longcfond de tout ce qu'il
possédait depuis Cors jusqu'à Margoux ; cet acte est signé
d'une grosse croix.
Nous sommes heureux d'apprendre des savants auteurs
de la Touraine illustrée, que Gaudin de Romelbrt possé-
dait les terres fieffées de Marçay, près Richelieu, de Rome-
fort, dans les environs de Saumur, et qu'à ce titre sans
doute il fut nommé par le roi banneret de Touraine.
Était- il banneret en Berry? Nous l'ignorons. Ce que
nous savons c'est que son fief des bords de la Creuse
devait avoir une grande importance, puisque le donjon
qui subsiste encore est un colosse qui étonne par sa masse
imposante, et par la solidité de sa construction.
Un de ses successeurs presque immédiats put accorder
par son testament l'affranchissement à cent filles de sa
terre de Romefort.
Nous concluons en disant que nos sept seigneurs du
Berry furent promus par Philippe-Auguste au grade de
banneret de Touraine, à raison des terres qu'ils possé-
daient en cette province, mais sans exclure, si ce n'est
pour le jeune héritier do la l)aronuio do Cbàteauroux, les
XL^ SESSION. **^
():2() CONGRÈS AlU'.IiÉOLOGKjUE 1»K KliANCE.
services militaires rendus au roi. Tout porte à croire
qu'il leur accorda les honneurs et les droits de chevaliers
bannerets, parce qu'ils l'avaient puissamment aidé à
punir Jean-sans-Terre de sa félonie.
M. le Président remercie M. l'abbé Damourette de sa
communication, qui a été, comme toujours, accueillie par
l'assemblée avec le plus sympathique intérêt, et donne
ensuite la parole à M. l'abbé Voisin, curé de Douadic,
qui lit la note suivante, relative à la statuette chinoise
découverte par M. Lenseigne au milieu de substructions
gallo-romaines, à Argenton.
Note à propos de la statuette chinoise
trouvée à Argenton.
Quelques personnes ont trouvé bizarre, avec raison, la
découverte d'une statuette chinoise dans le sol gallo-
romain d'Argenton. Sans chercher à expliquer ce fait
curieux, ni à prendre parti pour ou contre, j'ai l'honneur
de soumettre au Congrès quelques notes que j'ai recueil-
lies, en essayant de me rendre compte à moi-même de la
présence par trop insolite de ce Boudha sur les bords de
la Creuse.
Les Romains ont connu la Chine et ont eu des rapports
avec elle. Une ambassade de l'Inde, conduite par le philo-
sophe babylonien Bardesanne, et dans laquelle ligurait le
philosophe indien Dr.ndamis, vint, vers l'an 160 après
Jésus-Christ, saluer à Rome le philosophe Marc-Aurèle.
Rome, à son tour, dès ce siècle, envoyait en Chine des
marchands. Les annales chinoises constatent ce fait,
XI." SKSSION, A ClIATICAI'linn.V, 627
iiép^lij^f'' par les liistorieiis roinaiiis, d'une uinhassade, ou
soi-disant toile, du roi de Ta-Tsiri (Occidciut) Aaii-Toun
ou Gan-Toun (iMarc-Aurèlc-Aiiloiiiii), ([ui vint, en l'aninM!
correspondant à l'an KK» de n(iti'(î ('l'c, déposer aux pieds
du lils du Ciel llan-llionon-Ti, à titre de tribut, des
cornes de rhinocéros, des deuls d'éléphant, des écailles
de tortue.
Les savants actuels supposent avec assez de vraisem-
blance que Marc-Aurèle n'eut pas connaissance de cetttî
ambassade, et (jue les i)rélendus envoyés impériaux
étaient de simples commis voyageurs d'un iVkcsius Tita-
iius, qui Taisait avec les Sères le commerce de la soie.
(Voyez le F. Ganbil, Bist. abrégée de l'astronomie chi-
noise, dans les observations mathéoiatiques du P. Souciet,
t. II, p. 118. — Klaproth, Tableau historique de l'Asie. —
Mém. de l'Acad. des Inscriptions, t. XLVl, p. TioOet seq.,
et Nouv. Série rom., X, p. 2'27, 7ném. de M. Letronne.)
— (Sur Titanus, voyez Ptolémée, Géogr. I, 11.)
An-ïoun ou Gan-Touii est encore aujourd'hui la l'orme
([ue les chrétiens chinois donnent au nom d'Antoine.
[Annales de la Propagation de la foi, pussitn.)
Partis au temps de la guerre de Rome contre les Far-
thes, les ambassadeurs ou marchands ne purent arriver
en Chine, comme les Annales chinoises le remarquent,
que par la frontière du midi et non par celle de l'occident.
C'est par laque la première fois Home et Féking, ou, pour
mieux dire, Rome et Lo-Yand se connurent.
Les A-Si (Parthes), disent les Chinois, voulant que le
commerce de la soie se fit exclusivement par leurs mains,
cachaient la route aux habitants du Crand-Thsin (empire
romain) et empêchaient les communications entre les
deux peuples. Ainsi ce l'ut par l'Inde et par la mer que
les envoyés romains arrivèrent eu Chine.
G-28 CO.NGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
iM. Reinaud [Relations politiques tt commerciales de
Vemp. rom.) remarque que par suite de ces communica-
tions, les Romains, au temps de Marc-Aurèle, ont mieux
connu que par le passé la nature de la soie. Pausanias
(VII, n° 3) en décrit exactement l'origine, tandis que
Virgile {Géorg., II, v. 120) et Pline {Bist., VI, 20) parlent
de la soie comme d'un produit végétal.
D'après un autre auteur, les transactions entre les
Romains et les Chinois remonteraient beaucoup plus
haut. Selon M. Orsini, ce fut sous le règne d'Auguste que
le peuple romain vit la première ambassade des Sères,
que nous appelons aujourd'hui les Chinois. Les ambas-
sadeurs prétendirent qu'ils avaient mis trois ans à faire le
voyage. (Orsini, La Vierge, note 9^ p. 5-40.)
Il ne manquait paS; parmi les Romains, d'antiquaires,
d'amateurs de raretés, qui collectionnaient, tout comme
nous, les objets curieux des pays étrangers, témoin
Verres, qui s'annexait si gaillardement les chefs-d'œuvre
artistiques de la Sicile. On ne devrait donc pas trop
s'étonner qu'un archéologue du temps des empereurs ait
transporté de son musée de Rome sur les bords de la
Creuse une idole enlevée aux rivages du fleuve Jaune.
Après avoir félicité M. l'abbé Voisin de ses savantes
recherches historiques, M. de Cougny engage M. Roubet,
juge de paix de la Guerche, à donner lecture de son
mémoire intitulé : le Vicus Idallus.
Un mot sur Gergovia Boïorum.
LE VICUS IDALLVS.
Les difficiles problèmes qui se rattachent à la période
XL^ SESSION, A CIlATEAUIlOUX. 629
gallo-romaine auront toujours le privilège de provoquer
les investigations des archéologues. Nous devons donc
naturellement nous intéresser plus volontiers aux ques-
tions qui concernent nos contrées bituriges.
Le dernier mot n'a pas encore été dit sur le fugitif
oppidum que les Commentaires désignent sous le nom
de Gergovia ou Gergobina Boïorum.
Rassurez-vous, Messieurs, je n'ai garde d'oser produire
ici une quinzième ou seizième opinion sur cette énigme,
véritable pierre philusophale de la topographie des
Gaules.
Je me propose seulement de répondre très-succincte-
ment à deux questions préliminaires qui m'avaient été
posées autrefois par des savants sérieux et des plus
autorisés, qui cherchaient l'emplacement de l'ancienne
Gergovia Boïorum.
1" question.
Existe-t-il dans le voisinage de la Guerche quelques
localités portant le nom de Bouy? — Connaît -on le
vocable latin de Bouy?
2^ question.
La Guerche et ses environs possèdent-ils des vestiges de
quelque importance attestant l'occupation romaine?
Aujourd'hui seulement j'apporte réponse à ces ques-
tions, auxquelles j'avais cru devoir me dérober.
Quelque Iragiles que soient les déductions que l'on
puisse en tirer, je suis heureux de les offrir au Congrès
qui nous rassemble.
Il y a quinze ans, deux généraux badois, iMiM. Boëlhcr
(i30 CONGRÈS ARCUÉOLOGIQUE DE FRAN'CE.
et Heller, dissertant sur les opérations stratég-iques du
vainqueur des Gaules, n'hésitèrent point à placer à
la Guerche-sur-l'Aubois, l'introuvable Gergovia Boïo-
rum.
Cette opinion mérita une sérieuse créance, et peu de
temps après un officier d'état-major, jeune mais déjà
érudit, fut envoyé en mission spéciale pour examiner les
bords de l'Aubois. Il était chargé de recueillir divers
matériaux archéologiques nécessaires à la publication de la
Vie de César.
Arrivé à la Guerche, il s'adressa au maire et à son
adjoint, et s'enquit auprès d'eux si les environs ne
recelaient point quelques substructions remontant à
l'époque romaine.
M. le maire répondit que la race Durham et Charolaise
remportaient annuellement des palmes au concours de
Poissy; que le sol de la contrée fournissait d'excellents
pâturages, mais pas le moindre débris romain.
M. l'adjoint vint à son tour, et affirma mathémaiique-
ment qu'en qualité d'employé des ponts et chaussées, il
avait pendant de longues années fait procéder à l'enlève-
ment et au remuement de bien des mètres cubes de terre;
mais qu'il n'avait jamais rencontré aucun vestige de
l'époque gallo-romaine.
Quelques mois après son passage, le hasard, je devrais
dire une bonne fortune, me fit rencontrer à Moulins le
jeune capitaine archéologue, et toutes les heures dont
nous pûmes disposer furent consacrées à ces causeries
intimes que vous connaissez, Messieurs, et qui font la
liesse et le bonheur des antiquaires.
J'appris que l'historien de la Vie de César et ses colla-
borateurs étaient d'avis de ne point rechercher l'emplace-
ment précis de cet oppidum, dont le siège fut abandonné
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 031
par Vercingétorix, pour aller, minoribus itineribus, à la
rencontre de l'armée romaine; mais qu'ils se contente-
raient d'indiquer l'arc de cercle passant in finibm Bitu-
rigum, non loin de l'Allier et de la Loire, laissant
de plus osés déterminer sur cet arc le point où fui jadis
Ger(jovia.
Le rayon de l'arc qui avait Novidunum pour point cen-
tral paraissait alors avoir seul une réelle importance aux
yeux des investigateurs.
Cela dit sans avoir à examiner les diverses solutions
proposées, même celle qui placerait Gergovia à Sainte-
Parise-le-Chàtel, je vais répondre aux deux (juestions
plus haut énoncées.
Près de la duerche, existait l'ancienne abbaye de Font-
morigny, qui possédait dans ses dépendances territoriales
deux ténements appelés, l'un le Petit-Bouy, et l'autre le
Grand-Bouy.
J'ai donc ouvert le Cartulaire du vieux couvent, et dans
une charte de 1160, j'ai rencontré Nemus de Boa, le bois
de BouY.
Dans une autre charte de l'année 1192, j'ai lu textuelle-
ment ce qui suit : Juiius d^: Croseio quittaverat in ele
mosinam, quidquid liabcbat in magno Boaio in memore, le
Grand Bouy.
Enfin j'ai trouvé dans le même cartulaire, la désigna-
tion d'une localité située près du Grand et du Petit-Bon//,
qui se dénommait Sorgues (Gorgue).
Je cite, et j'ai prorais de ne point discuter. Je laisse
donc aux éthymologistes le soin de Ibrmuler tels rappro-
chements ou déductions qu'ils trouveraient favorables au
système proposé par les généraux Boëlher et Heller.
632 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
J'arrive à la seconde question.
Les vestiges de l'occupation romaine sont si nombreux
dans tous les environs de la Guerclie, qu'ils peuvent ré-
pondre pour moi : Saxa loquntur.
Je n'ai pas à énumérer de proche en proche l'emplace-
ment des villas qui s'étendaient sur les rives de l'Aubois;
je ne peux point cataloguer toutes les épaves, toutes les
intéressantes trouvailles, nobilia )itonvmenta, qui ont été
recueillies depuis quelques années; je tiens seulement à
donner en primeur à ce Congrès le nom d'un vicus com-
plètement ignoré.
Sur les limites des anciennes justices de la Guerche, de
la Chapelle-Hugon et de Germigny, existe encore un vieux
manoir féodal : il se nomme Chezelle. Si le blason est une
langue fidèle, sa construction remonterait à l'année 1470,
époque à laquelle Haliz deCharenton aurait apporté ce fief
à Pierre Gueneau, seigneur de la Roche-Brun.
Le castel est construit sur des substructions romaines,
et le sol plantureux des terres environnantes cache, sur
une grande étendue, bien des secrets archéologiques; il
m'a été permis d'y retrouver des marbres, des frag-
ments de colonnes et de statuettes , et toujours des
médailles.
J'avais d'abord pensé que sur ce territoire florissait
jadis une riche villa ; mais après avoir retrouvé, comme
sur le mont Beuvray, une grande quantité de fragments
de meules à bras, qui sont demeurées à leur place pri-
mitive, comme pour indiquer que là était le locus et le
focus sacré; j'en suis arrivé à conclure que Chezelle nous
cachait l'emplacement d'un vicus.
Quel pouvait être son nom?
J'avais déjà rencontré dans de vieux parchemins la
mention d'une rue ou vieux chemin qui, traversant le ter-
XL' SESSION, A CHATEAUROUX. 633
ritoirc de Chezellc , s'en allait rejoindre Germigny ,
Boncenay et la Chapelle- Uuyon, en passant par \iUe-
doux.
Cette rue se dénommait d'ancienneté indifféremment la
Vie dallé ou la vie d'Allier.
Je découvris d'autres titres qui donnaient au che-
min le nom de chemin du Vie dallé ou Vie d'Allier.
Je n'osais hasarder aucune conjecture, et je me con-
tentai d'inscrire une note au chapitre des profits et pet tes
de l'histoire locale.
Il est toujours réservé aux chercheurs quelques-uns de
ces petits bonheurs qui les récompensent amplement de
leurs arides travaux.
Il y a trois mois à peine, au milieu de multiples et
charmants petits débris de sculptures d'ornementation,
j'ai fini par trouver gravé sur une pierre un nom qui me
fit tressaillir :
IDALLVS
En rapprochant ce nom de celui qui m'a été livré par
mes vieux parchemins, ne puis-je point en conclure qu'au
temps des Autonins le vicus qui s'étendait sur le terri-
toire de Chezelle avait pour nom IDALLVS, lequel vocable,
pendant bien des siècles, se serait perpétué dans le nom du
vieux chemin, dit chemin du Vie dallie?
J'ajouterai en terminant que j'ai relevé, sur l'emplace-
ment d'une habitation de ce vicus, un fragment de pierre
sur lequel sont profondément gral'fitées deux lettres seu-
lement :
DR...
Or, si Piimpci nous a donné la maison de Tansa, pour-
634 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
quoi le vicus Idallus ne nous otrrirait-il pas la maison
d'un DRmsws quelconque ?
M. le président remercie M. Roubet de son intéressante
communication, et l'engage à continuer ses recherches
archéologiques, dont il sait interpréter les résultats avec
une si remarquable sagacité et rendre compte d'une façon
si spirituelle.
M. Guillard, sur l'invitation de M. le président, donne
lecture d'un travail plein d'érudition et de judicieuse
critique, sur l'ancienne église de Chabris, dont certaines
parties lui semblent remonter à une époque antérieure au
x^ siècle. Cette localité est située dans la vallée du Cher.
Observations sur l'importance archéolo-
gique des pierres sculptées qui existent
dans les murs de l'église de Chabris
(Indre). — Ancienneté de cette localité.
Plusieurs parties de l'église de Chabris sont très -an-
ciennes et incontestablement antérieures au x" siècle.
L'église avait, à l'origine, la forme d'une croix latine; elle
est orientée de l'est à l'ouest; plus tard, une chapelle
ouvrant dans la nef fut construite au-dessous des transepts.
La base de l'abside et les murs latéraux du transept nord
portent les caractères du xr siècle. Vers le milieu du siècle
suivant, le 13 mars 1164, Rabeau de Rabeau, seigneur de
Villepaple, de Bouges et de Sembleçay [Semblancé]^
'onjoint avec Jeanne de Chabris, fonda « en l'église
paroissiale » la chapelle Saint- Jean, pour leur servir de
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 635
sépulture. Le patronage en fut concédé aux abbés et reli-
gieux de Massay.
Le porche est très-probablement de la lin du xii" siècle;
il était fermé. Quatre belles fenêtres, superposées deux à
deux, dans le pignon, l'éclairaifnt. Il comniuiii(iuait, sur
les côtés, par des arcades ou des cloîtres, avec le palais des
archevêques, qui y était contigu.
La nef et la partie supérieure de l'abside paraissent
avoir été presque entièrement reconstruites au xiii" siècle.
Deux des chapelles et le chevet de celle qui est au nord
ont été élevées au xv''; enfin la porte d'entrée sous
le porche, divisée en deux baies par un trumeau, est
du xvi'. Les voûtes, détruites pendant les guerres de
religion, furent reconstruites au xvii^ siècle. Celles du
porche n'ont pas été relevées, et les murs portent encore
la trace de l'incendie qui les embrasa. Elles étaient dis-
posées pour former un étage. Les consoles qui sup-
portent encore les nervures sont ornées de petites sculp-
tures figurant des personnages religieux et des animaux
fantastiques. On raconte, écrit M. Juste Veillât, dans les
Pieuses Légendes du Berinj, « que les huguenots, furieux
de la résistance des fidèles réfugiés sur la tour du clocher,
mirent le feu aux chapelles de Saint-Jean-Baptiste, de
Sainte-Madeleine, et que, sans l'assistance de Dieu et de
saint Phalier, tout eût été réduit en cendres dans l'église et
le château de Bourges (1). »
Une crypte ou chapelle souterraine existe sous le chœur ;
elle est basse, voûtée et peu éclairée. Des tuyaux de
(I) Les derniers vestiges de ce château, où résidaient ies
archevêques (piand ils venaient à Chabris, abandonnés depuis de
longues années, (lis|ianireiit vers IS3;j, d'ajtrés l(!s renseigne-
ments que nous avons recueillis dans la commune.
636 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
poterie, ajustés bout à bout, communiquaient (et peut-
être en trouverait-on encore) de la voûte à l'extérieur.
Dans plusieurs nous avons trouvé de petits morceaux de
charbon. Cette crypte est dédiée à saint Phalier, et la
messe y est célébrée le jour de sa fête. Sa statue en
bois, grossièrement sculptée, est placée sur l'autel.
Derrière est un tombeau, que l'on suppose être celui
de ce saint. Ce tombeau, formé d'une seule pierre
évidée, a l'une de ses extrémités engagée dans le mur est
de la chapelle, et l'autre supportée par un socle dont la
face supérieure parait avoir été creusée circulairement.
Les parties sur lesquelles nous appelons tout particuliè-
rement l'attention, sont les murs est et ouest du transept
nord, et le côté nord également de l'abside. Ces deux murs
(fig. 1 et 2) ont été construits bien certainement avec des
matériaux provenant d'un monument plus ancien. Les
pierres, de petit, de moyen et de grand appareil romain, y
sont disposées irrégulièrement dans toute la hauteur. La
base, située du côté de l'est, est formée, à partir du sol,
en six assises régulières, de tronçons de colonnes de O^IO
à 0°'1'2 de diamètre, dont le filet qui les reliait à la
muraille ou à d'autres colonnes existe encore. Elles sont
noyées dans une forte épaisseur de mortier. Vers le milieu
de la hauteur du mur, est une baie simulée de 1 mètre de
largeur sur l^'oO, qui est fermée par une tablette où sont
tracés des losanges réguliers, imitant l'appareil réticulé.
Deux grandes pierres sculptées de 0"38 d'épaisseur, sont
disposées en guise d'appui à la base de cette fausse baie
(fig. 3 et A). Sur l'une on remarque, entre deux oliviers
très-probablement, symbole de paix, deux femmes qui
se font face et qui se donnent la main. Leurs voiles,
rejelés derrière la tète, descendent jusqu'à la ceinture.
Sur l'autre, deux anges aux ailes déployées, dont la tète
XL' SESSION-, A CIlATlCAUROUX. 637
est surmonléc d'une croix, sont pinces de cIkkiuc cùlrd'uu
saint personnage nimbé. Ce personnage lève les mains
vers le ciel et semble être en extase. Le premier bas-reliei
ne se rapporterait- il pas à la visite de la sainli; Vierge à
sainte Elisabeth, et le second à un épisf)de de la vie
contemplative de saint Phalier ou à son ascension au
séjour des bienheureux?
Le mur ouest (fig. 2) est orné, à moitié hauteur, par
deux arcatures bouchées avec des matériaux de petit et
de moyen appareil. Au niveau de la naissance des cintres,
règne un cordon cbanfreiné qui se relève au-dessus des
archivoltes pour les encadrer. C'est entre ces baies, à
partir de la naissance des pieds-droits, qu'existent trois
rangs superposés de bas-relieis, qui ont été jus(ju'à ce jour
diversement interprétés, et qui nous paraissent d'un haut
intérêt archéologique. Des antiquaires ont cru y distin-
guer des signes du zodiaque, débris d'un monument anté-
rieur à l'établissement du christianisme dans l'Aquitaine.
Cette opinion était le résultat d'une inconcevable
méprise, ainsi que le prouve le dessin (fig. Ti) de cette
sculpture relevé avec le plus gra :d soin. Nous l'avons,
du reste, déjà fait remarquer dans la petite notice ])ubliée
en 1865, et par nous citée dans notre mémoire sur les
mardelles (1).
L'erreur étant évidente sur ce point , ainsi que le
montre le dessin, une étude très -attentive des autres
pierres sculptées nous suggéra une interprétation bien
différente de celle qui paraît généralement admise. Nous
(1) Il faut être étranger aux notions les plus élémentaires
de l'archéologie, pour attribuer une origine gauloise ou gallo-
romaine à une figurine dont le style et l'agencement offrent
tous les caractères de la statuaire du xni*^ siècle. Une si gros-
638 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
donnons cette explication avec d'autant plus de réserve,
que des hommes que nous estimons au plus haut point,
en contestent Texactitude. Nous croyons néanmoins être
dans le vrai. Ces pierres seraient les restes du premier
édifice consacré à saint Phalier.
Celles qui sont les moins frustes (1), dont les sujets
sont les plus apparents, auraient trait, suivant le système
que nous critiquons, aux constellations du Taureau
(fig. 6), du Lion (fig. 7), du Scorpion (fig. 8), du Sagit-
taire (fig. 9), des Poissons (fig. 10), d'Hercule (fig. 11), et
du Cygne (fig. 12). Pour appuyer notre opinion, il nous
semble indispensable de décrire la représentation figurée
qui en a été adoptée de tout temps. Les objets qui les carac-
térisent ont dû affecter des dispositions à peu près fixes,
puisqu'ils embrassent une zone stellaire limitée, et que
certaines étoiles désignent des parties distinctes de ces
corps. C'est ainsi que nous voyons l'œil du Taureau, le
cœur du Lion, la bouche du Poisson, le cœur du Scorpion,
sière méprise prouve combien est utile et nécessaire l'étude de
la science que la Société française d'Archéologie lend à vulgari-
ser par ses Congrès. Le prétendu dieu Phallus de Chahris. n'est
autre chose qu'une de ces petites cari;itides que l'on rencontre
à la retomi)ée des arcs et des nervures dans la plupart des
monuments du moyen âge. [Aofe de M. de Cnugnij.)
(1) Les figures n°^ 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15 et 16 ont
été coulées en plâtre sur les originaux ; elles ont été dessinées
ensuite sur le relief qui en est résulté. Les dessins des figures
nos 3, 4, 7, 8. 9, 10, 11, \i et 13 ont été faits, à la prière de
M. Fauconneau -Dufresnc, inspecteur des monuments histo-
riques, par M. Jules Chertier, pour accélérer le rendu du tra-
vail. Tous ont été extraits des cartons de M. Regnault, archi-
tecte à Paris, lequel a été chargé par M. le Muiistre de relever
les fresques de l'église de Nohant-Vicq (Indre).
XI.'" SESSION, A CIIATKAIIHOUX. 6.'5*.)
le pied d'Orion, etc., détenniiiés par un astre spécial.
Nous ne connaissons aucun dessin de ces H|:ures se
rapportant à r(''pnque romaine ou galhj-romaiiic; imus
n'en avons que des descriptions très-vagues , ([iii ne
seraient ici d'aucune utilité. La représentation qui en est
faite sur les zodiaques égyptiens ne peut guère être invo-
quée, l'origine de ces monuments étant d'une époque
trop incertaine. En l'absence de documents précis, les
cartes publiées avec tant de soin dans V Astronomie de
M. François Arago, d'après les atlas de Bayer, de Bode et
de Vaugondy, nous paraissent les seules qui permettent
d'avoir une connaissance suffisamment exacte de la forme
des astérismes consacrée par l'usage.
Sur les sphères célestes, le Taureau a les pieds de
devant au repos, et ceux de derrière courbés en partie
sous le corps; la tête est tournée vers le haut de l'épaule
gauche et renversée de façon à présenter de face les deux
cornes, et par conséquent les deux oreilles. Le Lion semble
courir; il a la tête très-accentuée, et la crinière descend
jusqu'à la naissance du col; la queue, recourbée sur elle-
même circulairement, est terminée par une toulTe de poils.
Le Scorpion diffère de la forme que lui donne la nature.
L'on sait que ce petit animal est un arachnide, qu'il a, par
conséquent, quatre paires de pattes et, de plus, de chaque
côté des mandibules, de longs palpes terminés par des
pinces semblables aux pattes d'écrevisses. La queue est
divisée en six anneaux, dont le dernier, presque sphérique,
renferme un dard venimeux. Le dessin de la constellation
ne lui donne que trois paires de pattes ordinaires et une
quatrième paire armée de pinces sans palpes. La tête est
carrée et terminée par deux petites cornes assez ressem-
blantes à celles de la femelle du lucane (cerf-volant),
appelée èicAe, et la queue est divisée en dix anneaux. Nous
640 CONfiRÈ.>? ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ferons remarquer que, sur le zodiaque de Denderali, les
palpes et les paUes sont bien indiqués; mais le corps et la
queue n'offrent aucune ressemblance avec ceux de l'insecte.
Celte transformation des palpes en pattes est expliquée.
Le champ de l'astérisme avait, à l'origine, une grande
étendue. 11 fut restreint, en remplaçant les pinces, sous
Jules César ou sous Auguste, lors de la réforme du calen-
drier, par la constellation de la Balance, qui ne figurait
pas, avant cette époque, sur les sphères grecques et les
romaines. Ainsi le dessin du Scorpion, sa représentation
conventionnelle , est bien définie.
Le Sagittaire est un cheval dont le col est transformé
en buste d'homme, et dont les bras tendent en avant
un arc armé d'une flèche. Les Poissons, au nombre
de deux, sont assez éloignés l'un de l'autre et placés
suivant deux lignes de directions réciproquement per-
pendiculaires. A un anneau fixé à la naissance de la
queue est attachée une torsade, enroulée plusieurs fois sur
elle-même en forme de nœud, qui les relie l'un à l'autre.
Hercule est représenté un genou à terre; l'autre jambe est
courbée comme celle d'une personne assise. La main
gauche étreint Cerbère, et le bras droit, armé de la massue,
est levé pour l'écraser. Il est couvert de la peau du lion de
Némée. Enfin le Cygne est représenté les pattes repliées
sous le corps, les ailes ouvertes, le cou ondulé et tendu
devant lui. Il semble voler.
Rien de semblable n'est reproduit sur les murs de
l'église.
Le Taureau a la tète droite, au niveau du corps, comme
un animal au repos. Le Lion parait dévorant, sans cri-
nière bien accentuée; sa queue est grosse et touffue comme
celle d'un renard.
Le Scorpion i>'a qu'une paire de pattes; elles sont ter-
' itl C/'i Giii/land ToiU'J.
Eglise de CHABRIS^ Transept
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Eglise de CHABRIS
XL» SESSION, A CllATEAUllOUX. 641
minées par de véritables grifl'cs ressemblantes à celles d'un
chien ou d'un chat. L'extrémité de la tète est prolongée en
trompe; la queue est retournée sur elle-même comme
celle d'un porc. Il ne présente aucun rapport, môme très-
éloigné, avec le petit animal qui porte ce nom ni avec la
figure qui le caractérise.
Le Sagittaire est un des sujets les moins bien ressortis
au moulage, et par conséquent les moins bien reproduits
parle dessin. La tète n'a nullement la lorme de celle
d'un homme. Il tendrait, dans cette position, son arc non
en lace, mais derrière lui, en retournant le corps. La
tète assez grosse de l'animal et l'espèce de cercle qui
l'entoure sembleraient indiquer un mouton nimbé.
Les Poissons sont disposés l'un au-dessus de l'antre, en
sens inverse, et rattachés ensemble par la bouche, au
moyen d'un cordon courbé aux deux extrémités, qui
passe au milieu de l'espace laissé entre leurs corps.
La figure attribuée à Hercule représente un homme
vêtu d'une robe, le corps droit et la main gauche appuyée
sur un bâton, dont la partie supérieure est brisée.
Le Cygne a les ailes pliées sur le corps et l'apparence de
marcher la tète tournée sur le côté. Les pattes ne parais-
sent pas palmées ; elles semblent, au contraire, être des
serres ou des griffes. Cet oiseau ne serait-il pas plutôt un
paon ou un phénix?
D'autres figures de quadrupèdes, trop frustes pour être
appréciées et décrites exactement, complètent ces bas-
reliefs. Sur le côté nord de l'abside, au-dessus de l'une
des fenêtres de la crypte, est sculpté un autre animal qui
mord sa queue, l'envie peut-être.
De ce rapprochement, il noua parait incontestable que
l'on ne saurait assimiler ces sujets aux constellations,
ni les attribuer au culte du paganisme. 11^; doivent
XL" SESSION. il
642 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
avoir trait, au contraire, au syrûbolisme chrétien. A
partir du v^ siècle, et même antérieurement, le Christ et
les Apôtres furent représentés, soit sous leurs formes
véritables, soit sous celles d'attributs emblématiques.
Alors, dans cet ordre d'idées, le Taureau, le Lion ne dési-
gneraient-ils pas les évangélistes saint Luc et saint Marc?
Le mouton nimbé ne serait-il pas l'Agneau pascal, sym-
bole de Jésus-Christ? V homme qui est sur la même
pierre ne pourrait-il pas être le bon Pasteur, appuyé sur
sa houlette? Les poissons n'ont-ils pas personoifié Jésus-
Christ dès le II* et le m* siècle, et, par extension, la
société chrétienne; n'étaient-ils pas le signe du chrétien ?
Vers le milieu du iv* siècle, écrit M. Didron, dans son
Iconographie chrétienne, Optatus, évêque de Milésie, en
Afrique, déclare que « le seul nom de poisson, suivant la
dénomination grecque, contient une foule de noms sacrés
dans l'ensemble des lettres qui le composent. Ichthus,
qui signifie poisson, donne en latin, en prenant chacune
de ses lettres pour initiales d'un mot grec : « Jésus-Christ
fils du Dieu Sauveur. » Plus tard « Jésus -Christ fut
assimilé, non-seulement au poisson qui se donne à man-
ger, mais encore au pêcheur qui prend le poisson, comme
le Christ a pris les âmes dans le filet de son amour. »
L'analogie n'est-elle pas évidente ?
Le paon ou le phénix ne serait-il pas encore l'emblème
de l'immortalité de l'âme et de la félicité éternelle ?
Dans ces hypothèses , les bas-reliefs ne se rapporte-
raient au plus tôt qu'à la fin du iv* siècle ; mais celui
qui a trait à saint Phalier y est au moins postérieur
de deux cents ans, les nimbes entourant la tète de Dieu
et des saints n'ayant été mis en usage que vers le
VI* siècle. Avant cette époque (Didron, p. 101), le nimbe
chrétien ne se voit pas sur les monuments authentiques.
XL" SESSION, A CIIATEATJROUX. 64.']
Si CCS sujets appartiennent au munie édilice, ils ne reniun-
teraient qu'au milieu de l'ère mérovingienne. D'autres
sculptures qui existent à l'église et que l'on peut classer
dans la même période, cunlirmeraient cette supposition.
Sur le mur nord de l'abside, près de la pierre représen-
tant l'envie (?), est'uii autre motif (fig. 14), dont la dispo-
sition rappelle ceux de l'église de Saint-Jean de Poitiers.
Ce tableau a VU) d'élévation et 0"'79 de longueur à la
base. Il est rempli à l'intérieur de piHites rosaces conti-
guës, encadrées dans un carré de i)'"\0 à 0"'l 1 de côté. Le
dessin en est simple : un cercle tracé au centre avec
quatre rayons allant de la circonl'érence aux angles. Un
point évidé est au milieu. Le sommet, disposé en forme
de fronton, est divisé en deux bandes, contenant chacune
trois rangées de petites moulures prismatiques ayant la
forme de gouttes, et disposées en échiquier. L'encadre-
ment du bas est lisse.
Sur le mur ouest, toujours du transept nord, sont
encore des entrelacs qui ont une grande analogie avec ceux
des mosaïques provenant de Sainte-Marie-Transtevère,
à Rome, de Saint-Pierre de Vienne, de Saint-Jean, et avec
les ornements exécutés sur divers objets d'art, déposés
dans nos musées, dont l'origine est antérieure au
viir siècle.
Nous ne croyons donc pas nous éloigner de la vérité,
en concluant que toutes ces pierres sont les restes de
l'ancienne chapelle mérovingienne, élevée sur le tombeau
de saint Phalier. En effet, il résulte de la lecture de sa
vie qu'un édifice lui fut consacré dès après sa mort, et
que sa « sépulture chrétienne, féconde en miracles, »
attira constamment des plus lointaines contrées do nom-
breux fidèles.
Si la date de la naissance ou de la mort de i.c saint
G44 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
homme était connue, elle pourrait jeter, sans aucun doute,
une certaine lumière sur la question. «L'auteur de la Vie
admirable du glorieux saint Phalier a ouï dire [Pieuses
légendes du Berry, p.. 198) que celui-ci vivait comme
saint Eusice, dans la première moitié du vi^ siècle. Il cite
une tradition d'après laquelle ces deux solitaires construi-
sent en même temps leurs chapelles, l'un à Selles,
l'autre à Chabris, se prêtaient et se lançaient, malgré la
distance, leurs outils qui, transportés par un souftle divin,
arrivaient à destination. Cependant il éprouve quelques
doutes en se rappelant que, suivant la légende, saint
Phalier avait été reçu à Rome par le pape Etienne. Or,
pour trouver un pape de ce nom, il faut se rapporter en
avant ou en arrière, Etienne I" ayant occupé le siège
pontifical de 253 à 257, et Etienne II de 752 à 757. »
D'un autre côté, les hagiographes le mettent en rapport
avec les pieux Osius et Dionysius, l'un évêque d'Agen et
l'autre de Clermont, qui très-probablement n'ont pas
existé. Au milieu de renseignements aussi vagues, on
peut apprécier de quelle importance serait l'interprétation
exacte des curieux vestiges que le temps nous a conservés.
Nous voyons, dans sa vie écrite par le P. Labbe, que
saint Phalier, « averti par une voix du ciel, se rendit,
conduit par un ange, à Chabris, lieu désert et inculte, sur
les confins du pays des Bituriges, pour y attendre son der-
nier jour et y mourir. » Il ne faudrait sans doute pas
prendre à la lettre cette expression : lieu désert et inculte.
Sous les Romains, Chabris devait contenir une population
assez forte. Le coteau qui domine le gros bourg actuel est
couvert de substructions, comme nous l'avons fait remar-
quer dans un autre mémoire. La voie romaine de Bourges
à Tours le traverse, et, au-dessus de la plate-forme de ce
grand chemin, le sol est rempli, sur 0°'25 à O^SO d'épais-
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX. 645
seur, de débris de toute espèce, se rapportant à cette
époque reculée. La voie qui se dirige vers Poitiers et celle
d'Argenton s'y réunissaient également avant d'atteindre
le Cher. Il ne nous parait pas inutile de faire remarquer
que, près de la première, à deux kilomètres de Ghabris,
dans les terres de la Rivière, plusieurs tombeaux gallo-
romains ont été exhumés il y a une dizaine d'années, et
que la direction prolongée de ces trois artères passe près
de l'église actuelle.
D'autres preuves semblent devoir ressortir avec évi-
dence , pour l'antiquité de Ghabris , des documents
écrits indépendamment, des traces matérielles qui existent
encore dans le sol ; preuves qui se corroborent les unes
les autres (1).
Après la chute de l'empire romain dans les Gaules,
Ghabris, traversé par d'aussi grandes voies de communi-
cation, qui lui attirèrent vraisemblablement bien des
désastres, conserva néanmoins une certaine importance.
Les habitations qui couvraient le coteau existaient-elles
alors ou étaient-elles détruites? Gette question parait
devoir rester sans réponse. Ge que nous pouvons consta-
ter, c'est que saint Austr-^gisile y possédait, au vi'= siècle,
une villa appelée Stivalis.
Saint Austrégisile est né à Bourges, en 551, de parents
pauvres , quoique très-recommandables ; il a été élevé
à la cour du roi Gontran, et, malgré les conseils qui lui
étaient donnés, il embrassa le sacerdoce. Il était abbé du
monastère de Saint-Nizier quand, à la fin de l'année 6H,
il fut appelé au siège archiépiscopal de Bourges. Sa
(1) D'après les étyraologistes, Ghabris ou Gabris viendrait,
par contraction, de Caro-Brix ou de Caro-Brica , mots qui
signilicnt Ponts-sur-Cher.
64.6 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANGE.
villa n'avait pu être achetée ui construite par lui ; elle lui
venait de ses prédécesseurs, aux mêmes droits qu'en
jouirent ses successeurs, comme apanage de l'église. Il s'y
produirait journellement d'éclatants miracles. Eu 731,
plus d'un siècle après sa mort, lors de la guerre de
Charles Martel avec Eudes d'Aquitaine, les soldats l'enva-
hirent, la pillèrent et y mirent le feu, malgré les repré-
sentations des habitants. Ils en furent aussitôt cruellement
punis et atteints d'atroces souffrances. Dès que la nouvelle
en fut parvenue au camp, Charles Martel ordonna qu'on
respectât à l'avenir toutes les choses ayant appartenu à
saint Austrégisile.
Les archevêques de Bourges, par suite de l'attribution
de ce domaine, étaient seigneurs en partie de Chabris.
Les Rabeau que l'on voit, dès l'année 1040, au même
titre, en partie également, prétendaient être en possession
de leur fief depuis le règne de Charlemagne. Cette division
seigneuriale doit avoir subsisté jusqu'au xvii'' siècle.
Au X* siècle, en 990, Chabris , qui n'avait pas cessé
d'exister, au moins comme bourg, sinon comme ville,
était le chef-lieu d'une vicairie ou viguerie, sous le nom
de Vicaria Carbriacensis. La population devait en être
encore relativement nombreuse. Ainsi ce lieu, du vivant
de saint Phalier, soit au vi'' ou au vii'= siècle, ne
pouvait être désert dans l'acception que l'on donne à ce
mot.
M. Ernest Desjardins admet que Chabris est d'origine
gauloise. Sur la carte de Peutinger, la voie figurée de
Tassiaca (Thésée) à Avaricum (Bourges) forme, entre ces
deux localités, six coudes à angles droits. Gabris est
inscrit au milieu, à xxiiii lieues gauloises (53 k. environ)
de chacune de ces localités, au point où se trouve actuelle-
ment Chabris et où plusieurs géographes l'ont placé.
XL" SESSION, X OHATEAUROUX. 047
Malgré ces tcmoignagos, des archéologues pensent que
cette antique cité était exclusivement sur la rive droite du
Cher, à deux kilomètres et demi plus au nord, sur
rem])lacernent de Gièvres. Des cimetières gallo-romains
ont été, jusqu'à ce jour, il est vrai, trouvés à Gièvres; le
dernier a été exploré, en 1865, par M. le curé de la
paroisse, qui y a recueilli plusieurs objets antiques. Cela
ne nous parait pas cependant une preuve irrécusable.
L'opinion émise par M. de la Saussayc {Antiquités de
In Sologne blésoise), que Gabris était situé, à cheval,
sur les deux rives du Cher ou aux deux extrémités
d'une suite de ponts, nous semble seule admissible.
Sans sortir du Berry, Vierzon et Chàteauneuf, traversés
par le Cher, nous en offrent deux exemples. Et si,
ces villes venant à être détruites de fond en comble, l'on
trouvait, dans seize siècles d'ici, un document incon-
testé, connne la carte de Peutinger, qui rattachât leurs
noms à un lieu donné, irait-on reporter ces noms à
un autre endroit, à celui où auraient été les sépul-
tures? De tout temps Chabris a été peuplé. Au sur-
plus , il est peu probable que le territoire où se
croisaient trois voies aussi importantes que celles de
Poitiers, de Limoges et de Bourges, près d'une rivière
comme le Cher, n'ait pas été à toutes les époques couvert
d'habitants.
L'histoire de Chabris serait certainement des plus inté-
ressantes. Mais, en raison des vicissitudes que la localité
a subies et des grandes circonscriptions territoriales dont
elle fit successivement partie, elle exigerait de longues et
laborieuses recherches.
Nous venons, à la suite de plusieurs individualités
bien respectables, appeler de nouveau l'attention sur
cette petite ville et principalement sur son église. Si
648 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
notre exposé pouvait contribuer à conserver et à pré-
server de restaurations défectueuses, ce qui y reste d'in-
téressant pour la science, notre but serait complète-
ment atteint.
Le mémoire de M. Guillard est accompagné d'excellents
dessins de M. Victor Regnauld, architecte à Paris. M. le
président charge M. Guillard de transmettre ses remer-
ciements à M. Regnauld et de le féliciter en même temps
du talent avec lequel il a su reproduire les bas-reliefs et
l'ornementation si curieuse de l'église de Chabris.
M. de Cougny se plaît à constater l'intérêt soutenu avec
lequel l'assemblée a écouté la lecture du mémoire de
M. Guillard. Il aime à penser que les espérances de l'au-
teur ne seront point déçues, et que l'on tiendra à honneur
de conserver et de préserver de toute restauration malen-
tendue un monument aussi curieux et aussi intéressant
à tous égards que l'église de Chabris.
M. Martial Boucheron donne lecture d'une note fort
spirituellement écrite au sujet de la croix de Sainte-
Sévère, en faveur de laquelle il réclame une subvention
de la Société française d'Archéologie.
Note sur la croix de Sainte- Sévère.
Messieurs,
M. le marquis de Villaines, maire de Sainte-Sévère,
serait venu lui-même vous faire la communication qui
m'amène devant vous, si une affaire imprévue ne l'eût
XL' SESSION, A CIIATEAUROUX. 649
appelé à Paris. Il m'a donc pri6 d'ôtrc son inlorprèle.
La ville de Sainte-Sévère possède sur sa place du iMar-
ché une belle croix en pierre, monument de la Renais-
sance, d'une grande pureté et parfaitement authentique,
bien qu'il ait eu le malheur de mettre, à ma connaissance,
deux savants dans l'embarras : M. de la Tremblais, le
premier, qui l'a pris pour un monument du xiii* siècle et
a propagé l'erreur.
Il est évident qu'il l'a écrit sur les on dit, et le second
l'a répété de confiance. Tous les deux ont cru sans avoir
vu, selon la maxime de l'Évangile, ce qui prouve qu'en
archéologie, il est bon aussi d'être un peu de l'école de
saint Thomas.
Fvt faicte ceste croix en septembre
Claude Pignot Pierre Piat. 1543.
Voilà le texte inscrit en style lapidaire. On peut d'ail-
leurs le vérifier dans le volume illustré des Etudes pitto-
resques, où un dessin de cette croix est représenté, à con-
dition de lui restituer le millésime de 1543, au lieu de
celui de 1243, qu'a cru voir le reporter de M. de la
Tremblais.
J'ajoute, en passant, que Clavde Pignot, l'un des
fondateurs, est un ancêtre de la famille Pignot, dont un
membre est aujourd'hui conseiller général de ITndre,
pour le canton de Sainte-Sévère.
Maintenant, j'arrive à l'objet direct de ma communi-
cation.
La première ibis. Messieurs, que je vis la croix de
Sainte-Sévère, j'eus le cœur navré. Le sommet, à demi
détaché de la base, penchait sur un des bras comme la
tète du Christ expirant. L'autre bras brisé pendait le long
650 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
du montant, où il ne semblait plus tenir que par habi-
tude. Le reste à l'avenant.
C'était l'abomination de la désolation.
Aussi, un jour de foire, tout s'en alla, heureusement
sans faire de mal à personne : c'est toujours la miséri-
corde de la croix.
M. le maire recueillit religieusement les débris, et se
mit à prêcher la croisade; mais la foi n'était plus là, et,
ennuyé d'attendre l'armée des croisés, il finit par où il
aurait pu commencer.
L'occasion d'ailleurs était favorable ; on restaurait dans
le pays la chapelle d'un couvent, et l'on avait sous la
main des ouvriers spéciaux. M. de Villaines leur confia
les précieux vestiges, et le monument fut rétabli dans
toute son intégrité.
La croix de Sainte-Sévère est donc aujourd'hui à l'abri
des injures du temps et des hommes, au moins il faut
l'espérer, mais pas de celles des enfants, ce qui etïraie
presque autant son honorable restaurateur. On sait, en
effet, qu'elle est sur la place de la ville, où rien ne la
protège contre les jeux plus ou moins innocents des éco-
liers. D'ailleurs, le voisinage d'un marché a, pour un
édifice de ce genre, des dangers permanents que tout le
monde comprend.
M. le marquis de Villaines vient donc demander au
Congrès archéologique de France de vouloir bien s'asso-
cier à son œuvre, eu lui procurant les ressources néces-
saires pour la construction d'une grille qui en défendrait
les abords, et, de cette manière, tout se trouverait sauve-
gardé. Ce serait, il paraît, une dépense de deux ou trois
cents francs.
Tel est. Messieurs, le simple mandat que j'avais à
remplir auprès de vous.
XL* SESSION, A CIIATEAUROUX. 651
La croix de Sainte-Sévère, dit M. le président, ne pou-
vait avoir un meilleur et plus 8ympatlii([ue avocat que
celui qui vient de plaider sa cause devant le Congrès.
Malheureusement, il ne peut être fait droit à sa demande;
l'œuvre conservatrice, en vue de laquelle l'allocation est
réclamée, ne rentrant point dans la catégorie de celles
que la Société est dans l'usage de subventionner.
Toutes les questions à l'ordre du jour étant épuisées,
M. le secrétaire donne lecture de la liste des allocations
votées par le Conseil administratif pour fouilles archéolo-
giques ou pour la restauration et la conservation des
monuments historiques en France et en Algérie.
MM.
Morel, fouilles au camp d'Attila. . . . iOO fr.
Allègre, restauration de la crypte d'Uzès . 200
Hucher, restauration de la crypte de Sillé-
le-Guillaume 100
Vincent Durand, fouilles à Feurs. ... 50
Vallier, fouilles du tumuhis de Paladru . 60
L'abbé Cérès, fouilles dans l'Aveyron . . 100
Boyer, fouilles près d'Hyères 100
Palustre, restauration du retable de Nouâtre. 100
Calvet, fouilles à la villa de Bapteste. . . 300
Fauconneau-Dufresne, fouilles à Levroux . 150
Id., restauration du fanal d'Estrées ... 150
Battandier, fouilles au tombeau des rois de
Numidie (Algérie) lOO
L'abbé Delapart, consolidation du temple
de Minerve (Algérie) "100
L'abbé Decorde, restauration de l'église
d'Aliermont 100
G52 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Bruguier-Rouve, conservation de peintures
du XY" siècle au Pont-Saint-Esprit . . 50
Liénard, fouilles dans les environs de Ver-
dun 150
L'abbé Ghagnon, restauration du chevet de
l'église de Déols 100
Audiat, fouilles à Saintes 100
De Cessac, fouilles dans la Creuse. . . . 100
Dauvergne, restaurations des arbres symbo-
liques de l'hôtel-Dieu d'ïssoudun . . . 100
Cette lecture terminée, M. le président procède à la
proclamation des médailles décernées par la Société fran-
çaise d'Archéologie, en signalant les titres de chacun des
lauréats à ces distinctions honorifiques.
M. Buhot de Kersers, une médaille d'argent.
Cette médaille, dit M. le directeur, est décernée à M. de
Kersers pour le recueil épigraphique des inscriptions de
la région archéologique à laquelle appartient le départe-
ment de l'Indre, recueil dont il a été donné lecture dans
notre première séance.
La collection de l'épigraphie gallo-romaine est un
monument que la Société française d'Archéologie et son
directeur actuel ont entrepris d'élever à la mémoire de
M. de Caumont, à qui appartient le projet originel de
cette œuvre importante. Je remercie M. de Kersers, dit
M. de Couguy, de la manière habile et savante avec
laquelle il en a posé les premières assises; son travail
pourra servir de modèle et d'encouragement à ceux qui le
continueront après lui.!
iM. l'abbé Chagnon , curé de Déols, une médaille
d'argent.
En décernant cette médaille au vénérable curé de Déols,
XL'' SESSION, A CHATEAUUOUX. Cri3
dit M. de Gougny, nous n'avons point eu en vue les sacri-
fices considérables qu'il s'est imposés pour la restauration
et l'agrandissement de son église ; prétendre attribuer un.-
récompense humaine à de tels actes, ce serait les mécon-
naître et les amoindrir. Ce que nous avons voulu recon-
naître par cette distinction honorifique, accordée à
M. l'abbé Chagnon, c'est le judicieux et intelligent emploi
des ressources de sa généreuse bienfaisance, en même
temps que la découverte et l'habile restitution du tombeau
de saint Léocade.
M. le docteur Elie de Beaufort, une médaille d'ar-
gent.
Cette médaille est la faible récompense de trente années
de travaux et de recherches archéologiques. Grâce à M. de
Beaufort, tous les monuments anciens, historiques et pré-
historiques du pays qu'il habite ont été explorés et décrits
avec soin. La médaille que nous décernons à ce vétéran
de la science pourrait à bon droit porter cette inscription :
A M. de Beaufort, l'Archéologie reconnaissante. M. de
Beaufort fils voudra bien transmettre à son vénérable
père les félicitations du Congrès et de celui qui a l'hon-
neur de le présider.
M. Joseph de Baye, une médaille de bronze.
La Société française d'archéologie, dit M. de Cougny,
restreint d'ordinaire la distribution de ses médailles à la
région dans laquelle se tiennent ses Congrès. Nous avons
pensé devoir, par une flatteuse exception, récompenser et
encourager des travaux exceptionnels, on peut le dire, à
l'âge de notre jeune et intelligent collègue. Grâce à ses
recherches, la science préhistorique s'est enrichie de pré-
cieuses et importantes découvertes que nous serons heu-
reux de constater de nos propres yeux, h-rs du prochain
Congrès de Chàlons, en 1875.
654 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
M. Verdot, une médaille de bronze.
Tous les membres du Congrès ont admiré les belles
photographies exposées par M. Verdot dans la salle de
nos séances. Sans sortir de cette salle, nous avons pu
passer en revue les principaux monuments du lias-
Berry, reproduits avec cette fidélité à laquelle seule peut
atteindre la photographie exécutée par une main habile.
C'est cette habileté que nous avons voulu récompenser
chez M. Verdot, en considération des services que cet
intelligent photographe a rendus et peut rendre encore à
l'archéologie. Je signalerai tout particulièrement la
reproduction des belles peintures murales de Nohant-
Vicq, dont malheureusement nous ne pourrons faire
figurer une copie dans le compte rendu de ce Congrès.
M. Lenseigne, une médaille de bronze.
M. Guillard, une médaille de bronze.
Les applaudissements avec lesquels le Congrès a
accueilli les si remarquables communications de ces deux
zélés et consciencieux explorateurs du Bas-Berry gallo-
romain, nous les ont tout naturellement désignés pour la
récompense que nous leur décernons aujourd'hui. Je ne
. saurais trop féliciter MM. Guillard et Lenseigne de la
patiente persévérance avec laquelle ils ont poursuivi leurs
explorations et de la sagacité avec laquelle ils ont mis à
profit les résultats de leurs recherches. Si je ne craignais
de blesser leur modestie, je les signalerais comme modèles
à ceux qui veulent étudier l'archéologie d'une manière
utile et pratique.
Les applaudissements de l'assemblée prouvent que
M. le président a été le fidèle interprète de ses sentiments.
En terminant, M. de Cougny remercie les membres du
Congrès de l'assiduité avec laquelle ils ont suivi les
séances, et en particulier ceux d'entre eux qui, en traitant
XL' SESSION, A CHATEAUROU.V. C55
les questions du programme, ont pris une part plus
active aux travaux de la session. Si, ajoute-t-il, le zèle et
le dévouement de nos deux dignes secrétaires généraux ;
si les démarches personnelles du directeur de la Société
. française d'Archéologie n'ont point obtenu tout le résultat
que l'on pouvait espérer ; si nous n'avons pas trouvé par-
tout, je le dis à regret, la coopération sur laquelle nous
eussions été, ce semble, en droit de compter, vous nous
en avez, Mesdames et Messieurs, dédommagé autant qu'il
était en votre pouvoir par votre accueil sympathique et par
le concours soutenu que vous nous avez prêté. Vous avez
su comprendre l'honneur que la Société française d'Archéo-
logie avait fait au chef-lieu de ce département en le choi-
sissant pour siège de l'une de ses sessions annuelles. Vous
avez su apprécier les avantages qui pouvaient résulter
pour cette antique province de l'étude attentive de ses
monuments et de la discussion des questions relatives à
son histoire locale. Je vous en félicite, Mesdames et Mes-
sieurs, et je vous en remercie au nom de la Société que
j'ai l'honneur de diriger.
L'an prochain, nous tiendrons à Toulouse notre xli"^
session. Ceux d'entre vous qui pourront y assister nous
trouveront heureux de les rencontrer et de leur montrer
ce qu'est d'ordinaire et dans ses conditions habituelles un
Congrès archéologique de France.
Nous aimons à penser que celui dont nous allons pro-
noncer la clôture produira les résultats que nous sommes
en droit d'en attendre, et qu'une société archéologique ne
tardera pas à se fonder à Chàteauroux. Le département de
l'Indre tiendra à honneur de n'être point le seul peut-être
en France où n'existe pas une société vouée à l'étude des
monuments de l'antiquité. Nous emportons à cet égard
plus qu'une espérance, vous nous avez donné votre pro-
656 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
messe, Messieurs, et vous ne voudrez pas la laisser
protester.
M. le président prononce en terminant la clôture de la
XL* session du Congrès archéologique de France.
La séance est levée à cinq heures.
XL^ SESSION, A CIIATEAUIIOUX. 657
Hôtel-Dieu d'Issoudun,
PAU M. BOUET, INSPECTEUR DU CALVADOS.
Les portions les plus anciennes de cet hôpital sont les
deux portes bouchées que l'on voit auprès du pont; elles
peuvent remonter à l'époque de la première fondation.
Vient ensuite la chapelle. La date de 1502, que l'on
trouve dans une pièce conservée dans les bureaux de la
maison, s'accorde assez bien avec son style, qui est le
gothique des derniers temps; la Renaissance n'y parait
pas encore.
Les autres bâtiments m'ont paru appartenir en grande
partie au xvii'^ siècle. Une salle des bureaux est entière-
ment tendue de tapisseries, contre et à travers lesquelles
on a maladroitement établi des étagères pour porter les
cartons et les registres. Sur la cheminée sont deux tableaux
à cadres plats, noirs, ornés de rinceaux dorés, qui repré-
sentent en pied et de grandeur naturelle, deux pauvres,
un vieux et un jeune, tous deux en guenilles et tendant
la main. Ces tableaux, qui n'étaient pas sans mérite, ont
été malheureusement retouchés ; ils passent pour les por-
traits des deux premiers pauvres admis dans l'hospice, ce
qui ne peut se rapporter à l'époque de la fondation, mais
s'accorde assez bien avec l'époque de la reconstruction
presque complète de la maison, au xvii^ siècle. On
conserve encore dans ces bureaux quelques émaux, des
chartes et des bulles.
Dans la pharmacie tous les vases sont en faïence décorée
portant en latin le nom des drogues qu'ils contiennent ;
quelques-uus sont armoriés. Les fioles sont on verre,
XL^ SESSION. 42
6S8 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ornées de nébules (?), en verre blanc opaque. Les boîtes
sont décorées de peintures présentant souvent quelque
rapport avec leur contenu : fleurs, animaux, etc. ; ainsi
des poissons d'un aspect très-fantastique sont peints sur la
boite qui doit contenir Victyocole (I).
La pharmacie contient encore une belle série de mor-
tiers en bronze de diverses dimensions. Sur le plus grand
est cette inscription :
L'an : mil: IIII î: GCCG : Ilipx : dix : sept : Pasquier :
Thibault : [me : fit : faire : pour ; le : servir : a : son :
AFAIRE 'ï*(2).
A l'extrémité de la cour, du côté de la ville, est une
construction qui m'a paru être une grange du xvii' siècle,
et en face de l'entrée actuelle au milieu du bâtiment de
(1) Silènes estoyent Jadis petites boytes, telles que voyons de
présent es boutiques des apothecaires, painctes au-dessus de
figures ioyeuses et frluoles, comme harpyes, satyres, oisons
bridés, lièvres cornus, canes bastées, boucqs volans, cerfs lymo-
niers et autres belles painctures contrefaictes à plaisir pour
exciter le monde à rire ; quel feust Silènes, maistre du bon
Baccluis; mais en dedans, Ion reservoit fines drogues, comme
baulme, ambre gris, amomon, musq, zinette, pierreries et
autres choses précieuses. » (Rabelais, la Vie de Gargantua et
de Pantagruel , livre I, prologue.)
(2) Ce Pasquier Thibault ne ligure point dans ce qui nous
reste de paperasses de 1497, ce qui est peu de chose il est vrai.
Il est bien probable que ce mortier aura été acheté, pour le
service de l'hôtel-Dieu, à la vente de quelque ancien apothi-
caire ou espicier droguiste. S'il avait été fondu pour la maison-
Dieu elle-même, il en porterait certainement les traces.
[Note de M. le docteur Cachet.)
XL» SESSION, A CHATEAUHOUX. 659
l'ouest, quelques arches en pierre sont surmontées d'une
galerie de bois ù baluslres de la même époque.
La chapelle de l'hôtel-Dieu, qui probablementétaildans
l'origine en même temps une salle des malades, est la
partie la plus intéressante. Elle est bâtie, ainsi que la salle
des malades actuelle, sur un canal qui permettait de se
débarrasser facilement des eaux et des imaiondices.
La porte par laquelle on entre aujourd'hui dans la cha-
pelle est moderne. Cette chapelle est un peu plus large
660
CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 66i
que longue ; au fond, porté sur un petit massif triangu-
laire, est le sanctuaire, formant un (iemi-hexagonc, percé
(le trois fenêtres très-élancées à meneaux flamboyants. Ce
sanctuaire présente une disposition fort curieuse. La
déviation du chevet, qui a déjà donné lieu à tant de dis-
cussions y existe, et dans des conditions telles que les
personnes même les plus prévenues ne pourront pas,
croyons-nous, y voir une maladresse; cela est fait évidem-
ment avec intention, puisqu'en élevant ce petit édifice sur
un plan si irrégulier le constructeur se créait de grandes
difficultés de coupes de pierre. Si encore la déviation était
en sens contraire, on eût dit sans doute que l'on avait
voulu éviter la rivière ; mais ici on se jette avec plaisir de
son côté.
Du côté de l'épître, au-dessus d'une petite crédence sans
cuvette, richement sculptée, est une statue de saint Roch ;
il est représenté le bourdon à la main, ayant une panne-
lière en bandoulière à droite, à gauche un couteau à la
ceinture ; la bordure de son manteau est ornée de lettres,
et à son chapeau est une enseigne de la sainte Face. Il
montre la pustule de sa cuisse. Un petit ange sort de la
muraille auprès de sa tête. Le saint a pour support un
monstre, dont un oiseau becqueté l'oreille. De l'autre côté
de l'autel, et faisant face à saint Roch, est saint Sébastien,
qui est invoqué lui aussi contre la peste. Il est attaché à
une colonne et percé de flèches.
Les consoles qui reçoivent les nervures de la voûte sont
ornées d'animaux, excepté celle d'auprès de saint Sébas-
tien qui n'est pas sculptée, et les deux du côté de saint
Roch, dont une est un personnage accroupi s'ouvrant la
bouche avec ses doigts; l'autre représente un fou.
Le montant de fenêtre voisin de la statue de saint
Roch est construit en pierres numérotées. Le n" 6 ayant
662 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
été oublié, on a réparé l'erreur en employant un autre
système de chiiïres. Celle série de chiffres indique évi-
demment le rang que doit occuper chaque assise (1).
\\\<
\\<
ll<
^
XI
III
(1
1
<-
mil
llll
(I) Nous pensons qu'il ne faut pas confondre ces chiffres avec
les lettres ou signes que portent dans quelques contrées les
pierres formant le parement des édifices. Ces signes placés ordi-
nairement sans ordre ne peuvent, comme on l'a dit quelquefois,
indiquer leur place ; ils nous semblent être la marque du tâche-
ron qui a taillé chaque pierre.
Les chiffres que nous donnons ici ressemblent à ceux que les
charpentiers employent encore aujourd hui pour indiquer le
rang que doit occuper chaque pièce de bois, et que nous avons
rencontrés quelquefois entaillés dans les pièces de bois de cer-
taines maisons du moyen âge, entre autres à Falaise, sur une
maison voisine de la porte Ogive.
Outre la pierre et le bois, le verre a reçu quelquefois des
marques analogues. Nous donnons ici, de grandeur naturelle,
A AAA
celles qui occupent l'angle inférieur des losanges de verre de
l'église du Mesnil-Mauger (diocèse de Lisieux).
XL" SESSION, A CHATKAUROUX.
663
664 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Sur l'écusson de laprincipaleclef de voûte sont sculptés
les instruments de la Passion. Les six autres écussons
sont aux armes du fondateur : d'azur à la rose d'or, au
chef cousu de gueules chargé d'un lion passant d'or.
De chaque côté de l'entrée du sanctuaire sont placées :
du côté de l'épître, une statue de la sainte Vierge, un
sceptre brisé à la main. Jésus enfant est sur son bras,
il tient une colombe d'une façon assez brutale. J'ai déjà
rencontré plusieurs fois ce fait, que je ne sais comment
expliquer ; quelquefois il semble vouloir la déchirer.
Du côté de l'évangile, la statue de sainte Catherine
d'Alexandrie, une palme à la main, foulant aux pieds
Porphyre ou Maximin. Sa couronne est formée de roues,
instrument de son martyre. Sur la banderole qu'elle
tient à la main est écrit : sancta catharina, ora pro
NOBIS.
A côté de cette statue ouvre une fenêtre à double croi-
sillon de pierre, ayant de chaque côté un siège d'où les
malades avaient vue sur la campagne, la rivière et le pont
qui donnait entrée à la ville de ce côté. Entre cette fenêtre
et une semblable aujourd'hui bouchée est une autre statue
représentant un saint de l'ordre de saint Dominique,
tenant de la main droite une palme, de la main gauche
un livre ouvert; sur sa tète est un instrument de mort,
un couperet, je crois, resté dans la fracture de son crâne :
c'est probablement saint Pierre de Vérone.
Au-dessous de cette statue est une jolie niche gothique ;
la statue n'existe pas, mais à sa place est cette inscrip-
tion :
A La Gloire de Dieu.
Jacques Bernard sieur de saint
XL° SESSION, A CHATEAUROUX. 66.S
IgNY a KONDK en CliT HOTEI-IHEU
• VNE MESSE RASSË. (JUI SK DIRA TOUS
LES JOURS A PERPETUITE ENTRE VIII
ET IX HEURES AU GRAND AUTEL UN DE
PnoFUNDis A LA FIN. POUR QUOY IL A DON
NÉ SA TERRE DE S». IgNY ET SES DEPEN
DANCES, SUIVANT DONATION PASSÉE
PAR LOUIS GOUTIN NOTAIRE ROYAL
A BOURGES LE vin janvier m uccx.
Cette inscription a este posée par les
soins de m. jean bapt. renavldom con^"
DU ROY CÔTROLLEUR AV GRENIER A SEL DE
CETTE VILLE EXECUTEUR TESTAMEN
TAIRE.
REQUIESCAT IN PAGE
17 rs
La seconde est placée contre la muraille du nord.
A LA
GLOIRE DE DIEV
Dame, ANNE, Thierry
Uevve, de noble, pierre, hurtavlm,
S', DE, LVD, A, FONDE, EN, CETTE, HOTEL,
DIEV, UNE, MESSE, DE, REQUIEM, TOUS
666 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
LES, LVNDIS, A, PERPETVEL, ET UN libéra
A, LA, FIN, DE, LA, MESSE, POUR QUOY,
ELLE, A, DONNÉE, AVDIT, HOTEL-DIEV
LA, SOMME, DE, TROIS, MIL, LIVRES,
POVR, LE, SALUT, DE, SON, AME, ET,
POVR, FAIRE, SUBSISTER, LES, PAV-
URES, COMME, IL, EST, PORTÉ, PAR,
LE, CONTRAT, PASSÉ, PAR, GERVAISE,
NOTAIRE, ROYAL, LE, QUATORZE,
MAY. M. D. C. LXXVI REQVIESCAT
IN PACE.
cette, inscription, a, ete posée,
par, lel, soins, de, noble, philippe,
clavde, baraton, s^»"", de, lvc,
son, petit fils, admlnistratevr,
dvdit, hotel-dieu, lan, 1746.
Pierre, MAYET, fecit.
Au milieu de cette muraille du nord est une fenêtre
flamboyante à trois meneaux, et à chaque extrémité, dans
les angles qui réunissent cette muraille à celle de l'est et
à celle de l'ouest, sont sculptés, s'étendant dans toute la
hauteur de la chapelle, les arbres, que comme plusieurs
autres parties de la chapelle je regrette de n'avoir pas eu
le temps d'étudier plus à loisir. Celui du nord-est est bien
évidemment l'arbre de Jessé. Ce nom est d'ailleurs écrit
sur la banderole que tient le patriarche endormi. Quant
à l'autre, ce n'est pas la première fois que je rencontre des
XL" SESSION, A CHATEADROUX. 667
arbres avec les prophètes, (|UL'lquefois aussi, je crois, avec les
apôtres. Tandis que dans l'arbro de Jessé chaque ancêtre
de Notre-Seigneur sort d'une des Heurs, dans celui-ci les
personnages sont assis sur les brandies d'un chêne, bien
reconnaissable à son feuillage et surtout à des glands
gigantesques. Moïse tenant les tables de la loi est facile à
reconnaître, et son nom assez facile à lire sur le galon de
son vêtement. Cela n'a pas empêché quelques personnes
d'y voir la généalogie du fondateur, le chevalier Le Lion
la Rose, comme on l'appelle, qui aurait, dit-on, fait bâtir
cet hospice en expiation du meurtre de sa femme et de
grands ravages et brûlements, qu'il aurait faits sur un
faux rapport; on rattache à cela, je ne sais trop comment,
le curieux petit paysage qui anime le rocher sur lequel le
personnage principal est étendu.
Sous une projection de ce rocher est sculpté avec soin
un moulin à eau, construit en bois et couvert de grandes
tuiles; deux pièces de bois servent de pont pour passer de
l'autre côté de l'eau. A quelque distance, ini toit à porcs,
couvert en chaume, s'appuie contre le loclier ; des ouver-
668
CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
lures permettent à ces animaux de manger dans les auges
placées à l'extérieur. A quelque distance, une grosse truie,
d'une taille hors de proportion avec le reste, est étendue à
terre les mamelles gonflées. De l'autre côté du moulin, et
un peu plus haut que lui, est un colombier circulaire,
auprès duquel on voit le meunier sur son mulet chargé
de sacs. Le sommet du rocher est couronné par un châ-
teau-fort, donjon carré à quatre tours cylindriques, recou-
vert d'une toiture pyramidale et entouré d'une muraille
circulaire crénelée. On arrive à la porte par un escalier
taillé dans le roc, et on y entre par un pont de bois cou-
vert, jeté sur les fossés pleins d'eau. De l'autre côté du
personnage couché, un berger joue de la lourreen gardant
ses moutons; il est assis à l'ombre d'un arbre planté
sur un terrain entouré de palis.
Au-dessous des terrasses qui portent les patriarches,
sont représentés, comme aplatis sous leur poids, de grands
animaux, espèces de sauriens fantastiques.
Sous l'arbre de Jessé, les animaux ne sont que deux ;
XL" SESSION, A CHATEAUROUX. 069
le paysage est moins intéressant; on n'y voit qu'une
petite maison, sorte de chapelle avec abside, mais sans
clocher. Dans ces bâtiments, les portes et les fenêtres sont
toutes carrées.
Le mur qui lait lace au sanctuaire est percé d'une
porte moderne qui donne accès du dehors, d*un(! autre
porte plus petite de l'autre côté et d'une grande fenêtre à
volets placéeen face del'autel. Cesdeux dernières ouvertures
font communiquer la chapelle avec la salle des malades,
et pourraient bien ne pas dater de la construction primi-
tive. Toute cette muraille, sauf le bas qui était probable-
ment revêtu d'un lambris, était autrefois richement
/"■^'A
décoré d'un semé de France, les fleurs de lis, d'un pied
670 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
(le haut, étaient sculptées chacune dans un losange de
pierre, accompagné d'autres pierres formant réseau.
Cette riche décoration, où i)rilliut sans doute l'or et
l'azur, a été martelée sans pitié.
Le côté du midi semble avoir été reconstruit au moins
en grande partie ; il est percé d'une fenêtre de forme
ogivale, mais ne répondant au reste de l'édifice ni par sa
grandeur ni par sa richesse. Une magnifique corniche,
composée de deux étages de feuillages largement sculptés,
qui règne autour du reste de la salle, manque en grande
partie de ce côté. Deux belles consoles de cha([ue côté de
la chapelle portent les grandes poutres de la charpente ;
deux autres sont placées auprès du mur méridional ; sur
chacune de ces six consoles sont sculptés deux apôtres
portant leurs attributs et tenant à la main deux bande-
roles sur lesquelles sont écrits leurs noms. La charpente
que portent ces consoles est moderne. Sur une des grandes
poutres on lit :
M. DUBOIS
F. BISSEREAV. F. ARNAVLT. 1708. G. GODEFROY.
Au-dessus du plafond, la charpente forme une assez
belle salle.
Le petit clocher placé sur le gable du midi, et qui
comme lui est probablement plus moderne que la chapelle,
contient deux cloches neuves et un timbre sans inscrip-
tion.
Deux statues peintes, représentant saint Gosme et saint
Damien, sont conservées dans la chapelle; elles sont du
même faire que les arbres dont nous avons parlé. Comme
sur les statues de ces arbres et sur le saint Roch, les
XL' SESSION, A ClIATEAUROUX. 671
galons des vêtements portent des inscriptions ou des
imitations d'inscriptions. Un des saints, en costume de
docteur, tient à la main un objet brisé, dans lequel on a
cru reconnaître, mais peut-être à tort, la fiole aux urines
que l'on voit ordinairement dans leur main ; l'autre lait
une opération à la joue d'un patient; il tient de la iiiaiii
gauche une petite boite ronde, dont le dessus semble
fermé par un grillage.
Il est à regretter que ces statues reposent à terre et
soient ainsi exposées aux dégradations. Elles pourraient
bien avoir occupé les angles maintenant vides de la
chapelle. La richesse des deux autres angles ferait croire,
en effet, que ceux-ci devaient autrefois être décorés
de quelques sculptures. On voit encore, au haut de celui
qui est le plus voisin du sanctuaire, une petite sculpture
dans laquelle quelques-uns de nos confrères ont cru
reconnaître un pressoir.
Vitraux.
La fenêtre du côté méridional, que nous ne croyons
pas appartenir à. la construction primitive, est vitrée en
verres blancs.
Il en est de même de la grande fenêtre à croisillons.
Les vitres de la fenêtre du nord existent encore, mais
en grande partie cachées derrière le retable d'un autel ;
aussi je n'ai pu les étudier comme je l'aurais désiré. Elles
représentent Jésus-Christ en croix, entre la sainte Vierge
et saint Jean et un troisième personnage ; au haut sont
les instruments de la Passion, au bas quatre écussons
armoriés.
Le sanctuaire a perdu les vitres de ses fenêtres latérales.
672 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
La fenêtre du milieu, à deux baies, est décorée de vitres
représentant : d'un côté Charlemagne couvert de son
armure, sur laquelle il porte un vêtement mi-parti
d'empire et de France; il lieut le globe d'une main, l'épée
de l'autre; sa couronne paraît doublée de fourrures, selon
l'usage allemand ; de l'autre côté, saint Louis en armure
et manteau fleurdelisé. Sur le fourreau de son épée on
lit : JESUS maria; de la maiu gauche il tient le sceptre, de
la droite un bâton, dont le haut manque et dont le bas se
termine en pointe.
Les armoiries qui existent encore au bas de la vitre
XI.'' Sr..«S10i\, A CIIATKAIIIIOUX. ()7.'{
coiitralo ont (le très-curieux supports. Deux personiiaf;os
nus, (\\i\ ont un peu l'air de gambader, tiennent c.li.-ieun,
an nioven de leur baudrier, un t'-cusson de ^ue-ules à Intis
pelotons (?) d'or. Une croix en pal est placée derrière l'écu.
Les personnages servant de supports sont coiffés, l'un
d'un paon, dont la queue et les ailes lui forment une sorte
de manteau; l'autre a aussi la tète recouverte d'un oiseau,
mais disposé d'une manière différente, et dont le dessin
peut seul donner une idée. Il y a probabl(>ment là une
porte de rébus, que l'on décliiOrerait facilement si on
connaissait le nom du dignitaire ecclésiastiiiue au(|iiel on
doit ces riches verrières.
XL'' SESSION. 4.3
674 CONGRÈS AUCHÉOLOGIQUK DE FRANCE.
Dans les traceries qui décorent le sommet des trois
fenêtres de ce sanctuaire ast représentée l'Annonciation.
L'auge d'un côté, la sainte Vierge de l'autre, au centre le
Père, couronne fermée en tête, sceptre à la main, un
rayon sort de sa bouche vers le Saint-Esprit, qui est
entouré d'une brillante auréole.
Peintures.
Cette salle semble avoir autrefois été entièrement peinte
et dorée, les peintures de la corniche appartiennent à cette
décoration primitive, les doubles feuilles, entablées de
grande dimension, sont alternativement peintes en vert et
dorées, sur un fond de vermillon ; au-dessous court un
rinceau peint en vert. La statuaire est encore entièrement
peinte, sauf les arbres symboliques qui ne conservent
aucune trace de couleur sous le badigeon, et qui semblent
avoir été lavés anciennement. Quant au semé de fleurs de
lis, il est tellement martelé, plâtré et badigeonné, qu'il est
à peine visible maintenant. Le sanctuaire et les portions de
la salle qui l'avoisinent ont été repeints plus tard vers la
lin du xvii'= siècle, à en juger par le style des doubles
chiffres que l'on y rencontre. Un écusson, qui existe dans le
sanctuaire, au-dessus de saint Roch, et qui est probable-
ment celui du bienfaiteur qui a fait faire ces peintures,
en donnerait la date d'une façon plus certaine. C'est,
autant que l'on peut en juger maintenant, un écusson
d'azur au chevron d'or, accompagné de trois étoiles
d'argent. Une crosse est placée en pal derrière l'écu (I),
(1) La famille Tuilier, de Bourges, à latjiielle apparlieiment
ces armes, a fourni de nombreux dignitaires à l'Eglise.
XI/ SESSION, A r.HATKAUROUX. 67o
Un autre écusson, aussi avec crosse, est placé en face au-
dessus du saint Sébastien ; il contient un chitlre. Les
voûtes du sanctuaire sont peintes d'azur semé d'étoiles
d'or.
Nous nous sonmics étendus longuement sur la descrip-
tion de ce petit édifice ; mais son existence est sérieusement
menacée, ses biens étant maintenant absorbés par l'érec-
tion d'un hôpital administratif, s'élevant à grand frais
dans cette ville. Espérons que l'on trouvera au moins
moyen d'utiliser l'ancien hôtel-Dieu pour quelque œuvre
charitable ; mais si nous ne pouvons empêcher la destruc-
lion d'un (les rares hôtels-Dieu qui existent encore, nous
aurons au moins essayé de conserver le souvenir de ces
œuvres de la foi et de la charité de nos pères.
Notes et croquis.
PAR M. BOUET, INSPECTEUR DU CALVADOS.
M. Bouet qui, à la suite du Congrès de Châteauroux,
s'était rendu à Issoudun avec les membres du Conseil
administratif de la Société française d'Archéologie,
demeura quelques jours dans cette ville et y recueillit des
notes et des croquis pleins d'intérêt, comme tout ce que
produit la plume ou le crayon de cet habile et judicieux
observateur.
La remarquable étude sur l'hôtel-Dieu d'Issoudun peut
donner une idée de ce qu'eût été le travail de M. Bouet si
le temps ne lui eût manqué pour rédiger un rapport
07G CONGRÈS ARCnÉOLOGIQUE DE FRANCE.
complet sur les monuments d'Issoudun, Les notes et cro-
quis, dans leur cadre plus restreint, suppléeront à ce
travail, en ce qui concerne les monuments anciens, autres
que l'hôtel-Dieu.
Eglise de Saint-Cyr.
La partie centrale du transept de cette église appartient
Détails près la porte du clocher.
XL* SESSION, A GIIATKAUROUX.
G77
078 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
au xir siècle; les deux portes occidentales sont un peu
moins anciennes. Quant au chœur, il est tout entier du
XV* siècle.
La chapelle du Rosaire contient un assez beau retable
en pierre, à colonnes de marbre du xvii° siècle. La statue
de la sainte Vierge, assise, tenant l'enfant Jésus sur ses
genoux, quoique un peu mondaine, est une œuvre fort
remarquable. Au bas se trouve cette inscription, en partie
effiicée : ^g. catesnavlt fecit. 160. cat. Sur la base, à
droite de la statue, on lit ces mots : lan 1691, pierre
BRVNET. ECRIVAIN. A. DONNÉ. CETTE IMAGE ; a gauchc CSt
est un écussou effacé accompagné de palmes.
J'ai cherché le nom de Catesnault sur la liste des sciilp-
t' urs du xvir siècle et je ne l'y ai point rencontré.
La chaire est remarquable ; je regrette de n'avoir pas
en le temps d'en prendre les détails. La date de 1618 est
au-dessous de la tête du personnage qui la supporte. On
r<!trouve rette date à l'intérieur^ ainsi que le nom du
sculpteur.
FAY. PAR. lEAN DE LA FOND 1618.
Cette chaire est en buis.
Sur le dossier d'un grand banc placé dans le bas-côté
de la nef est gravée cette inscription :
BANC-APERTENANT-A-LA-COMMUNEAUTÉ-DES-MAISTRES-
ROULANGEHS. 1738.
Le buffet d'orgue est moderne; mais lu tribune dans
laquelle il est placé doit être à peu près du mèms temps
({ue la chaire.
XL" SliSSION', A GllATlCAUUOUX. 07î>
Tableaux anciens.
Dans la nef, Notre-Seigneiir lavant les pif^ds de. saint
Pierre ; tableau manquant de style, mais paraissant un
original.
Copie de la Vierge au llaisin, de iMignard.
Copie de la Flagellation, du Titien.
Dansle bas-<;{)té de la net, luipie agrandie df, la Femme
Adultère, du Foussin.
Au-dessus de l'autel de la paroisse, dont le retable est
en partie du xvi" siècle, copie de la Mise au Tombeau, du
Titien ; et, à droite et à gauche de l'autel, saint Cyr et
sainte Julitte, d'un côté et de l'autre un évè<|ue.
A propos de saint Cyr, M. Dard eau, greffier du tribu-
nal d'Issoudun, m'a montré un sceau et un jeton oi^i saint
Cyr est représenté tenant un porc par les oreilles. J'ai
retrouvé ce dernier gravé dans le P. Cahier; mais je ne
vois pas comment concilier cet attribut avec le martyre de
saint Cyr et de sainte Julitte. A moins qu'il n'y ait deux
saints du même nom, patrons tims les deux de l'au-
cienne collégiale d'Issoudun.
Consulté sur le plan de restauration de l'église de Saiiit-
Cyr par M. le directeur de Société française d'Archéo-
logie, M. Bouet émet l'avis suivant ;
La portion centrale de l'église de Saint-Cyr et la cha-
l>elle du Rosaire sont les parties les plus intéressantes et
qu'il faudrait lâcher de conserver, ainsi que 1(,'S deux
portes de façade ; mais je crois que si l'on a des funds, il
sera bien difficile de résister à la perspective de deux
flèches de façade, imitées de celles de Saintc-Ch, tilde.
Laissant de côté l'idée de ct)nservation, et ne jugeant le
680 CONGRÈS ARCHÉOLOGIOUL; de FRANCE.
projet que comme œuvre d'art, ce projet m'a paru assez
médiocre.
Tour Blanche.
Les inscriptions hébraïques reproduites par M. Pérémé,
dans son histoire d'Issoudun, sauf, je crois, une seule qui
se trouve dans la salle haute, sont dans la principale salle
de la tour, salle qui évidenimeul n'était pas destinée à
servir de prison ; mais qui a pu être atfectée accidentelle-
ment à cet usage; ce que semble indiquer le mot sorti,
inscrit à la suite d'un nom. Cette inscription, comme la
plupart des autres, est en caractères assez modernes.
M. Jules Dardeau, les a copiées pour la plupart ainsi
qu'un grand nombre de figures. Sur l'une il a reconnu
la colombe buvant dans un calice.
La voûte de la grande salle est portée sur des colon-
nettes dont les chapiteaux n'ont jamais été sculptés. Ceux
qui, à gauche et à droite, accompagnent la cheminée
offrent des crossettes, dont l'extrémité est déjà indiquée.
Les chapiteaux supérieurs sont circulaires comme dans
les constructions anglaises. Le manteau de la cheminée
est supporté par une charpente en bois.
11 résulte des comptes du domaine royal que la char-
pente (le la Tour blanche ne fut terminée qu'en 1202.
Elle était recouverte d'une toiture en plomb.
Parmi les objets conservés dans la tour, j'ai remarqué
et dessiné une tablette de pierre, olfrant des entrelacs
analogues à ceux qui sont figurés à la page 25 de Y Abé-
cédaire de M. de Caumont.
Cette pierre a été trouvée dans un des petits réduits de
l'oratoire, dont on voit les restes près de la Tour Blanche,
XL" SESSION, A CIIATEAUROUX.
(IHl
OU
clic avait été employée comme table d'autel. On l'avait,
à cet effet, retournée sens dessus dessous, et sur la surface
plane on avait creusé un encastrement destiné à recevoir
Id pierre sacrée.
Abbaye Notre-Dame.
La plupart des débris antiques conservés dans la tour
68-2
CONGRÈS ARCHÉOLOGIOUE DE KRAN'CR.
XL'' SESSION, A (.HATKAIMUtnX.
683
()84 CO-NGIVÈS ARCIIÉOLOGKJUE DE FRANCE.
proviennent de l'abbaye de Notre-Dame, à laquelle
M. Eugène Royet, médecin à Saint-Benoît-du-Sault, a
consacré une petite notice, publiée dans les travaux de la
Société du Berry. La pierre tombale de l'abbé, dont je
donne ci-dessus le dessin, s'appliquait sur le cercueil
d'une façon assez curieuse. Je reproduis, comme point de
comparaison, un sarcophage provenant de la même
abbaye et conservé dans le jardin du palais de justice,
qui présente également une disposition particulière pour
la i'uçon dont le couvercle s'adaptait sur l'auge sépul-
crale.
Comme on le voit par le dessin, l'abbé est couché
dans son cercueil les yeux fermés. Ses mains, la gauche
surtout, je ne sais si l'imagier l'a représenté ainsi avec
intention, sont très-décharnées, bien que la ligure soit
pleine.
J'ai fait un dessin à part de la crosse sculptée sur la
tombe, qui, contrairement à ce que je pensais et au dessin
de M. Uoyct, diffère beaucoup de la crosse émaillée trou-
vée dans le cercueil.
XL^ SESSION, A CHaTEAUROUX.
685
Les deux bandes de l'étole diffèrent complètement
entre elles, ainsi que l'on peut en juger par les deux
croquis ci-dessus.
Le cercueil de l'abbé a une forme analogue à ceux qui
ont été dessinés à Saint-Ouen de Rouen par M. l'abbé
Cochet, et que ce savant antiquaire atlribue <à la période
capétienne (1050 à 1250). {Mémoires de la Soc. des Ant.
de Normandie.)
Deux fragments, trouvés dans la crypte, offrent une
décoration qui se retrouve sur les colonnes qui accom-
pagnent le portail méridional de la cathédrale du
Mans.
(iSO
CONGRES ARCliEÛLOGIOUE DE FRANCE.
Je n'ai rien rencontré dans les restes (3e l'abbaye, qui
remonte aux époques anciennes de l'abbaye, si ce n'est
une petite arche dont on a vu le dessin dans le mémoire
de M. l'abbé Daraourette sur l'abbaye de Notre-Dame.
Cette abbaye, qui, dit M. Royet, présentait une masse
considérable de constructions et a traversé ainsi tant de
siècles, « n'était en apparence soutenue par aucune fon-
dation. Une sorte de plancher, grossièrement maçonné,
sans profondeur, mais d'une grande résistance, reposant
sur un sol complètement mouvant, en tenait lieu.
(( Le terrain était en effet si peu consistant en cet
XL** SESSION, A CllATKAlUliil \. ()S7
endroit, qu'il a l'allii creuser de sept, iieul'ct onze mètres
pour asseoir le nouvel (klilke. »
Le chapiteau ci-joint, déposé dans la tour, pruvicnt
également de l'abbaye de Notre-Dame.
Musée.
Le musée contient des objets de diverses natures ; la
plupart n'offrent qu'un intérêt purement local. J'y ai
remarqué, entre autres, un petit édicule antique d'un
pied de haut, que je regrette de n'avoir pas dessiné; mais
j'ignorais alors qu'il eût été trouvé à Issoudun, auprès du
château, en même temps que quelques autres fragments
romains. Le grand torse anti([uc, qui est dans le donjon,
suppose des constructions romaines importantes.
Les canons sont au nombre de trois, portant la date de
1568.
^
688
CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE,
XI.' SESSION, A (illATKAUUOUX. ft89
Le l)liis remarquable des liois porte <',elte iuscriplioii :
A. YSSOUDUN : lE FV l'ETTE : l'OUIl TENIR : AVX ENNEMIS:
TESTE : DE RAK
Le reste manque, cette pièce ayant été raccourcie.
On y voit Técu de France avec le collier de Saint-
Michel ; un second écusson, entouré d'une couronne de
laurier, à trois tètes de léopard 2 et 1 ; puis les armes de
la ville, d'azur au pairie d'or. Sur une banderole, autour
de ce dernier écusson, sont les noms des quatre golteh-
NEux avec la date de 1568.
Sur la culasse se lit cette inscription :
ANDRE BRASSEUX P0TTIER DETEN
A FETTE cette PIESSE SY
SIMON DVFOVR SOLLICITEVR.
Une buire, figurée au milieu de cette inscription, est
probablement la marque du potier d'étain.
Plusieurs autres inscriptions ont été successivement
gravées à la suite de celle-ci ; une d'elles indique le nom
de celui qui l'a désenclouée.
J'ai remarqué, en outre, un petit pistolet-poignard,
d'un travail très-soigné, et une bague en argent trouvée
dans le cimetière de Massay. Cette bague porte l'inscrip-
tion grecque : Agios, ô Theos, Athanatos.
J'ai encore trouvé dans ce musée un petit dessin qui
intéresse tout spécialement la ville de Caen; c'est un por-
trait du graveur caennais, M. Lasne, dessiné avec grand
soin sur vélin.
La maison, dont je donne ci-dessus le dessin, porte la
date de 1601.
XV SESSION. 44
690 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Argenton, Saint-Marcel,
PAR MM. DE LaURIÈRE ET LeNAIL.
Pour l'archéologue, la ville actuelle d'Argenton, l'aii-
cien Argentomagus, est d'un intérêt aussi médiocre, pour
ne pas dire aussi nul, que son aspect, sa position sur les
deux rives de la Creuse, ses coteaux verdoyants, reflétés
dans les eaux de la rivière, sont séduisants pour un
peintre et capables de le retenir de longs jours au milieu
de leurs sites pittoresques et gracieux. Cette petite ville
n'en serait pas moins un centre admirablement choisi
pour une sorte de Congrès archéologique rayonnant, qui,
après avoir examiné tout près de là l'église du bourg de
Saint-Marcel , se transporterait à Neuvy-Saint- Sépulcre,
où se trouve l'église la plus intéressante du département
de l'Indre, puis à Gargilesse, Crozant, Châteaubrun et
autres localités bien connues des touristes.
Nous ne pouvions songer en ce moment à entreprendre
toutes ces courses, et notre ambition devait se borner à
prendre gîte à Argenton, pour aller de là visiter l'église
de Saint-Marcel, dont le clocher apparaît au nord comme
un point de mire et d'attraction.
Cependant, à défaut de monument digne d'un grand
intérêt, on ne peut s'empêcher d'évoquer, à Argenton, le
souvenir de l'ancien château. Il n'en reste plus aujour-
d'hui que des débris insignifiants, épars sur le sommet
du coteau qui domine le quartier de la ville situé sur la
rive gauche de la Creuse, débris bien impuissants à don-
ner une idée de cette ancienne forteresse, l'une des plus
considérables du Berry pendant le moyen âge.
Ce château , d'après les plus anciens historiens ,
XT.e SRSSrON, A r.IlATEAUROUX. 091
rfmonlfirait ù IV'poijun roinaiiio. Sa tour ]»iincipale s'ap-
pelait Tour d'Héraclée, nom ([ue la tradition rattaclie à
celui d'Héraclius, lieutenant de l'empereur Valérien et
préteur de la province. Détruit une première lois par
Waiffre, duc d'Aquitaine, le château d'Argenton aurait
été rebâti par Pépin. Ce prince y mit une forte garnison
en vue de défendre ce passage, le plus important entre le
Berry et l'Aquitaine.
Pendant le cours du moyen âge, cette forteresse, prise
et reprise plusieurs fois par différents partis, nolanimenl
par Philippe-Auguste, qui l'enleva en H88 aux Anglais,
subit de violentes vicissitudes. Elle fut en grande partie
ruinée ; mais ses tours, au milieu de ces dévastations,
semblent avoir été plus épargnées et continuèrent à former
une enceinte des plus formidables, si bien que Henri IV,
après s'en être emparé, en 1589, manifeste, dans une de
ses lettres, toute sa joie d'avoir pu prendre miraculeuse-
ment une place aussi forte (I).
Voici en quels termes l'historien Jean Ghaumeau
décrivait, vers 1566, l'état de cette forteresse :
« Au fais et sommets de laquelle (colline) est construit
et édifié un fort et ancien château, cloz et environné
d'hautes murailles hors d'échelles ; sept grosses tours et
troys petites, l'une desquelles, qui est la plus grosse de
toutes, est appelée la tour d'Éracle, ayant son regard sur
le pais de Berry, en laquelle est figurée et enlevée la
statue et effigie d'un toreau fort antique, à l'entour
duquel est escript : Veni, vici ; l'autre est près et joignant
celle en laquelle y a un puits profond à merveille, appelé
le puits du Donion. Au milieu de la profondeur de ce
(1) De la Tremblais, Esquisses pittoresques du départe-
ment de l'Indre.
692 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
puits y a un roc, sus lequel on peut marcher cinq ou six
pas : au bout desquelz y a une porte taillée, fermée d'un
grand quartier de taille, par laquelle on va assez loing
desdiles deux tours, la tierce est plus haute que les autres;
et l'appelle-t-on la tour des prisons. Elle est faite à vif
arreste et couverte. Du costé regardant le pays de
Guyenne y a trois autres grosses tours : dont l'une est
assise sur le fetz du roc, appelé la tour du guet : les
autres deux sont plus basses, construites d'une même
hauteur et grosseur que les autres : esquelles y a cisternes
bien cymentées et de forte composition, où l'on fait
reserve d'eau. Entre l'une desdites tours et celle où est le
puits Doniou, il y a une autre belle tour couverte et bien
percée, faicte de carthellages, ayant son regard vers
l'occident. Les autres trop petites ne sont de telle impor-
tance qu'elles méritent être descriptes. » [Histoire du
Berry, par Jean Chauraeau, seigneur de Lassay, p. 262.)
Tous ces détails n'indiquent point l'origine de ces con-
structions remaniées, agrandies sans doute aux xii^ et xiii''
siècles; et s'il est vrai qu'au temps de Chaumeau la tour
d'Éracle portait encore la devise de César, raccourcie
d'un mot ; Veyii, vici, avec d'autres vestiges romains, nous
devons croire que les constructeurs du moyen âge, animés
d'un louable esprit de conservation qui ne trouve pas tou-
jours à notre époque d'aussi sages imitateurs, avaient fait
entrer dans leur œuvre les restes du premier castellum
bâti par le duc d'Aquitaine.
Les ruines que nous voyons aujourd'hui, et dont un
débris porte encore le nom de tour d'Héraclée, proviennent
de la démolition du château, ordonnée par le cardinal
de Richelieu en 1632, et définitivement accomplie sous
Louis XIV.
La ville actuelle d'Argenton ne correspond pas précisé-
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 693
ment à l'emplacement de l'ancien Argentomagus, ipii
s'étendait plus particulièrement sur les territoires occupés
aujourd'hui par le faubourg Saint-Étienne et le bourg de
Saint-Marcel.
Jusqu'à la fin du xiV siècle, le centre de l'ancienne
ville se trouvait au quartier Saint-Étienne. Vers cette
époque, les habitants, ne se sentant pas assez en sûreté
dans celte position découverte, vinrent se fixer au pied
du château ; puis, bientôt trop resserrés entre le château
et la rivière, ils bâtirent sur l'autre rive un faubourg qui
devint plus considérable que la ville elle-même, et dans
lequel les seigneurs de Ghauvigny fondèrent, en ur)."}, un
couvent de cordeliers. L'église de ce monastère, caracté-
risée par le style dégénéré de cette époque, est devenue
l'une des églises paroissiales d'Argenton. Sa façade est
surmontée d'une maigre flèche moderne, disgracieuse-
ment ajustée sur un porche en saillie. L'édifice entier ne
présente aucun intérêt.
Dans la ville basse, à l'angle de deux rues, près du
vieux pont, il faut signaler une assez jolie statuette de
vierge, abritée sous un dais gothique dans le goût du
xy" siècle, et qui fait l'ornement d'une vieille maison. On
remarque encore dans la ville haute la porte de l'ancienne
église Saint-Benoit, encadrée par une arcature aiguë et
fleuronnée, accostée de deux pinacles. Cette porte ainsi
que la vierge ont été reproduits dans le u" 2 (1873j du
Bulletin monumental, d'après les dessins de l'album de
M. Bouet.
L'église Saint-Benoit est actuellement transformée en
halle au blé. On voit encore à la voûte, dit M. de la
Tremblais, les armes de Louis de Bourbon, prince de la
Roche-sur- Yon et comte de Vendôme, qui avait épijusé la
veuve d'André de Ghauvigny.
694 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Aujourd'hui, l'aucien quartier Saint-Étienne est un
faubourg situé au nord de la ville. Il n'a conservé, comme
témoignage de son ancienne importance, qu'un débris de
son église paroissiale, église romane, composée d'une nef
avec transepts et absides. Il n'existe plus maintenant que
la nef, dont le pignon a été surélevé vers le xvi*^ siècle.
Cette nef est actuellement convertie en magasin.
A peu de distance de ce faubourg se trouve le village
de Saint-Marcel, sur l'un des coteaux qui s'élèvent au
nord d'Argenton, au-dessus de la vallée de la Creuse. Au
dire des historiens du Berry, le sol de ces coteaux, encore
couvert, comme de leur temps, de vignes fertiles, renfer-
mait de nombreux vestiges d'antiquités; «en labourant
lesquelles vignes, nommées le Pallais, Virou, Saint-Anas-
taire, à la dénomination du lieu desdits martyrs, les
Marssaincts, se sont trouvées plusieurs caves, cisternes
cimantées, fontaines artificielles garnies de marbre et
albâtre, merveilleusement bien composées et taiotes; s'y
sont trouvées plusieurs pièces d'or et d'argent esquelles
sont escripts les dicts des empereurs de Rome. » C'est
ainsi qu'on décrit, en loTl, dans le terrier d'Argenton,
les grandes et louables somptuosités qu'on y remarquait
encore (l).
Si encore de nos jours, avant d'arriver à Saint-Marcel,
de suite après avoir traversé le chemin de fer, on explore
les coteaux qui s'élèvent à gauche de la route, on trouve
les restes de ces gî'andes et louables somptuosités. Ce sont
les vestiges du théâtre romain de Virou, nom qui lui a
toujours été conservé dans le pays.
Ces ruines ne consistent plus qu'en une portion de
(1) Archives de l'Indre, citation de Haynal. Histnirr du
Berrij, I, p. 107.
XL° SESSION, A CHATEAUROUX. 695
muraille circulaire, en petit appareil régulier, dégagée
d'un côté sur une élévation de un mètre, et enterrée de
de l'autre comme un mur de soutènement. Ce théâtre,
ainsi que la plupart des théâtres romains, était étahli sur
le versant concave du coteau, dont les pentes naturelles
portaient les gradins et les précinctions de la cavea.
Son ouverture, sur un axe se dirigeant du nord au sud,
en face d'un horizon qui semhlait fait pour charmer la
vue des spectateurs, regardait la vallée de la Creuse. Le
fragment de mur circulaire, que nous avons examiné sur
une longueur d'environ 30 mètres, situé au sommet
du coteau, devait probablement dépendre de l'enceinte
extérieure du théâtre. Tout remplacement de la cavea et
du proscenium est maintenant recouvert de vignes, et il
est difficile de reconnaître, dans cet état de choses, les
limites extrêmes du monument. M. de la Tremblais,
dans ses Esquisses pittoresques de l'Indre, donne, pour
les dimensions de ce théâtre, 78 mètres en largeur et
94 mètres en longueur perpendiculaire à l'axe de la
corde.
Sur un autre point du territoire de la commune de
Saint-Marcel, et nommé le Pallais, la tradition a con-
servé aussi le souvenir d'un autre théâtre d'Argento-
magus, et dont l'ancienne existence n'est plus constatée
que par la forme du terrain.
L'église de Saint-Marcel, consacrée aux saints Marcel et
Anastase, martyrisés sur Tun des emplacements que nous
venons d'indiquer, est un monument plus digne d'attirer
notre attention. Les Chroniques du Berry ne fournissent
aucun document sur l'origine de sa construction ; une
tradition chrétienne, au fond de laquelle on ne peut
s'empêcher de trouver un certain caractère histori(iue,
recueillie par Ph. Labbe, rapportée par les Bollandistes,
606 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
dans les Acta Sanctorum, et traduite en partie par
Raynal (i), attribue les martyres de ces deux saints au
règne de Valérien, vers 258.
D'après cette tradition, dont nous n'avons pas à repro-
duire ici tous les longs et dramatiques détails, le jeune
Marcel, après avoir assisté à Rome au supplice du pape
Sixte II, en 258, vint en Gaule, sur le conseil de l'archi-
diacre saint Laurent, pour rejoindre sa mère Marcellina,
Saturnin, son frère (9), et Denis qui avaient fait partie de
la mission envoyée dans les Gaules par le pape Fabien
(235-251). Marcel avait pour compagnon de voyage un
jeune chrétien du nom d'Anastase. Ils vinrent d'abord à
Lyon, puis, se rendant à Toulouse pour y retrouver
l'évèque Saturnin, ils s'arrêtèrent à Argentomagus, où
résidait ce préteur Héraclius, dont une tour du château
porte encore le nom.
Là, Marcel opéra des miracles qui suscitèrent le cour-
roux du préteur; celui-ci, pour contraindre Marcel à
sacrifier aux faux dieux, lui fit infliger les plus durs
supplices; mais le jeune chrétien, confessant la foi du
Christ avec une inébranlable fermeté, sortit victorieux de
toutes ces épreuves et fut enfin décapité sur l'ordre d'Héra-
clius ; son compagnon Anastase, demandant à ne pas
survivre à son frère en Jésus-Christ, périt par le supplice
du chevalet.
Ce que l'histoire nous apprend de plus positif sur l'ori-
gine de l'église de Saint-Marcel, que Chaumeau se
(1) Histoire du Berry, \.
(2) Si SS. Saturninus et Dyonisius, hic Pariensis, ille Tolo-
saniis priiiiiis antistes, inlelliginitur ; fictitia est hujusnicdi
fraternitas alicis vero nullos Toiosani noveiunl. {Aoie des Bol-
landistes.)
XL» SESSION, A OHATEAUROUX. 697
contente de qualifier de très-belle (1), c'est que cette église,
au rapport de La Thaumassière, était celle d'un prieuré,
fondé au xii" siècle par les seigneurs de Chauvigny, et
dépendant des abbés et religieux de Saint-Gildas de
Chàteauroux.
L'église de Saint-Marcel est assurément l'un des édifices
do la région les plus inexplicables. Tous les siècles, depuis
le xi° jusqu'au xvi% y ont apporté leur travail, et il est
fort difficile d'assigner à chaque partie une date exacte,
tant les reprises sont enchevêtrées.
Un membre de la Société française d'Archéologie a
construit sur ce monument une théorie facile, dit-il :
« L'église est pleine d'intérêt pour l'étude de la tecnie,
mais surtout pour l'estétique. Posée sur un sol accidenté,
au milieu d'une région mouvementée, son architecture
est mouvementée, mais son style a de l'unité, abstraction
faite des modifications du xV siècle. Ce n'est plus le style
roman, ce n'est pas encore le style ogival ; c'est l'ère ogi-
vale sans mélange confus, très-raisonnée, harmonisant
habilement le plein cintre et l'ogive, le cylindrique et le
polygonal, avec l'unité dans la similitude, mais jamais
dans la parité; c'est la nature, la vie, avec ampleur. »
Pour nous, qui demandons à voir plus clairement
qu'au travers du prisme de la fantaisie, nous demeurons
anxieux, et c'est avec de grandes précautions que nous
entrons dans la description d'un semblable monument.
L'église de Saint-Marcel se compose aujourd'hui d'une
seule nef, d'un double transept et de trois absides, orien-
(1) € En une partie du circuit, ioignant la dite rivière de
Creuse, est construite et bastie la ville de Sainl-Marcol, petite
ville en laqueUe y a une fort belle église. (Jean Cluiimoau,
Histoire du Berry, p. 263.)
698 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
tées, d'inégales dimensions. Un clocher est élevé sur le
premier croisillon septentrional, et une crypte s'ouvre
sous l'absidiole méridionale.
Le plan primitif, que nous pouvons faire remonter aux
dernières années du xi" siècle, nous donne une nef, une
abside principale et un transept, sur lequel s'ouvrent
deux absidioles. C'est le plan-type des églises de cette
époque. Ainsi disposée, l'église de Saint-Marcel n'était
vraisemblablement pas voûtée.
Le monument ne fut achevé (ju'au xii* siècle. Le xiii'
refit le chœur et l'un des transepts que nous voyons
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 009
aujourd'hui. Le xiv* éleva le clocher, ajouta un second
transept et construisit une partie des voûtes auxquelles le
xv" mit aussi la main, en môme temps qu'il ouvrait des
chapelles dans les murs do la nef. Le xvi" siècle s'est
chargé de l'ameublement.
Le pignon occidental de l'église est renforcé par (|uatre
contre-forts, dont les fonctions ne sont nullement indi-
quées par le plan. Les deux plus épais, placés de cha(iue
côté de la porte, ont été ajoutés au xiv* ou xv* siècle :
leurs assises ne sont point d'accord avec celles du mur de
façade.
La porte percée dans ce pignon nous a paru digne
d'une attention spéciale ; nous en donnons le tracé. Deux
archivoltes reposent, la première sur des pieds-droits, la
seconde sur des colonncttes qui remplissent l'ôbrasement.
Ces colonnettes, longues et menues, ont une base anne-
lée et des chapiteaux formés de grotesques accroupis,
levant les bras pour supporter le tailloir. Ces bases et ces
chapiteaux n'ont qu'une saillie inappréciable sur le fût.
Une moulure en biseau, décorée d'étoiles à quatre pointes
taillées dans l'épannelage rectangulaire (l), et surmontée
d'un triple filet extradosse Tarchivolte extérieure.
Cette archivolte est ornée à son l'intrados d'une mou-
lure torique, très-déliée, prise dans l'épannelage des
claveaux. Ceux-ci, séparés par des joints plats, très-épais,
sont tous, fors la clef de l'archivolte extérieure, décorés
d'entrelacs, de rosaces, de cercles concentriques étoiles,
d'animaux fantastiques, isolés, affrontés, opposés.
Nous donnons quatre exemples de ces claveaux au
dixième de l'exécution ; deux proviennent de l'archivolte
(1)Ces étoiles coniques se retrouvent à Fontgombaud et à
Preuilly.
700 CONGRÈS ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE.
supérieure, leur extrados est courbe, et deux autres de
l'archivolte inférieure.
Ces claveaux nous ont rappelé les pierres sculptées que
l'on trouve noyées dans des constructions plus modernes,
pierres que l'on dit volontiers antérieures à l'an mil,
sinon mérovingiennes.
Le travail n'est point, à proprement parler, de la sculp-
ture. Aprf-s avoir tracé un trait de la bordure du claveau,
et du sujet qu'elle devait inscrire, l'ouvrier a creusé la
(tierre de façon à donner aux formes un relief de trois à
XL' SESSION, A ('.HATKAIJROU.V. 70i
cinq millimètres. Un simple tniil gravé lient lieu de
modelé.
Quelques pierres, travaillées de la même manière, mais
plus grandes que les claveaux et à surface rectangulaire, se
trouvent mêlées à l'appareil du pignon. Sont-ce de sim-
ples fantaisies d'ouvrier ou les restes d'une construction
précédente qui aurait servi de modèle? Nous penchons
pour ce dernier avis (i).
Il existe les plus grands rapports entre ces figures et
celles que M. de Caumont appelle cloisonnées (il faudrait
dire ici champlevées). Les ornements, cercles concen-
triques dentelés, sont ceux-là mêmes qui se trouvent sur
le tombeau de Boëtius, évêque de Carpentras, en 604. (2).
Les points semés dans les vides, le long de la bordure, se
retrouvent à chaque instant dans les décorations mérovin-
giennes. Doit-on conclure de ces ressemblances que les
archivoltes de Saint-Marcel remontent à une époque aussi
ancienne? Cela est impossible. Qui donc aurait détaché
ce boudin si délié à l'intrados des claveaux supérieurs ?
Malgré la singularité de la décoration, la porte ne nous
parait point remonter plus haut que le xii" siècle. Nous
énonçâmes cette opinion devant le docteur Cattois, qui la
partagea.
Plusieurs claveaux présentent, du reste, des ornements
fleuronnés, comme celui que nous donnons, ornements
qui rentrent bien dans les tracés du xii*^ siècle.
Nous sommes donc ici devant le travail d'ouvriers
(-1) Il est certain que d'anciennes construclions ont été utili-
lisées au xn* siècle. Nous avons trouvé dans le pignon des
fragments d'inscriptions romaines.
(2) Ce tombeau a été publié par M. Revoii, et reproduit par
M. de Caumont dans son Abécédaire.
702 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
ignorants, assez pauvres d'imagination pour être réduits
à répéter sur plus de dix claveaux ce poncif des cercles
concentriques, l'ornement le plus ancien qui soit connu,
sans trouver d'autres ressources qu'une dentelure pour
décorer le cercle intermédiaire. Malgré la pauvreté de
l'invention et la sécheresse de l'aspect, la porte de Saint-
Marcel est un type curieux à observer et à faire con-
naître.
Au-dessus de la porte, une fenêtre a été ouverte au
xv"" siècle, remplaçant une baie primitive. Plus haut règne
une petite corniche, formée de deux rangs de denticules.
Le pignon et les murs goutterots de la nef ont été suré-
levés au moment de la construction des voûtes ; c'est alors
qu'on a dû appliquer les deux contre-forts qui accompa-
gnent la porte.
La nef, autrefois éclairée par de petites fenêtres en plein
cintre, aujourd'hui bouchées, est divisée en trois travées,
séparées par des piles engagées, cantonnées de colonnes.
Les bases du premier faisceau sont composées de deux
tores très-aplatis, séparés par une étroite gorge. Le fore
inférieur est muni de griffes. Les chapiteaux sont garnis
de crochets qui ne débordent point un tailloir, très-épais
et très-saillant à sa partie supérieure. Au deuxième fais-
ceau tout est changé. Nous touchions au xiii* siècle, nous
voici au début du xii«. Les tores des bases sont très-déve-
loppés, et la scotie a pris une importance exagérée.
Les chapiteaux des colonnes portant le doubleau sont
ornés bien différemment. Au nord nous voyons deux
tètes sur les angles ; chaque tête est accompagnée de deux
mains coupées qui semblent retomber de la corbeille. Au
midi, deux gros animaux affrontés, et au-dessous d'eux,
près de la base, sur le slylobate à trois pans, git mourant
un troisième animal, qui fut, suivant certaines théories
XL* SESSION, A CTIATEAUROUX. 703
de symbolisme, eu rapport direct avec les hôtes du chapi-
teau. Les tailloirs, couverts de moulures multipliées sout
plus hauts, mais moins saillants. Les piles qui devaient
renforcer l'angle saillant entre la nef et le transept ont
disparu.
Pour soutenir le clocher, élevé au xiv* siècle sur une
faible (;onstruction, on dut projeter un contre-fort dans
l'intérieur de l'église jusqu'à une profondeur de plus de
trois mètres.
L'amour de la symétrie, ou plus probablement le besoin
de soutenir les voûtes du transept qu'on élevait alors,
engagea les constructeurs à bâtir au midi un pan de mur
qui n'est que la pénétration du mur de ce transept dans
la nef. Celle-ci se trouve ainsi presque fermée par ces
deux adjonctions.
Le contre-fort du clocher entre de biais dans l'église, de
sorte que pour bander l'arc-doubleau en tiers-point qui
ferme la nef, il a fallu faire pénétrer le sommier et les
premiers claveaux de l'arc par un des angles saillants de
ce contre-fort.
Le chœur est du xiii" siècle. Les transepts présentent
les caractères du xiii" et du xiv' siècle; mais les voûtes
ont été refaites au xv^ Nous ne parlons point de la partie
méridionale, qui est entièrement moderne.
Une chapelle rectangulaire a été ouverte au xV siècle
dans le pignon du deuxième croisillon septentrional. Elle
est éclairée par une grande fenêtre à meneaux, sa voûte
est portée par des arcs saillants au point d'intersection
desquels se trouve une clef pendante présentant un écus-
son soutenu par des anges.
Les trois absides sont voûtées en cul-de-four. Dans
l'abside centrale, un soubassement de deux mètres envi-
ron porte une arcature composée de sept doubles archi-
704 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
vol tes retombant sur des colonnes à chapiteaux décorés de
palmettes et de volutes perlées. Les archivoltes centrales
enveloppent trois des fenêtre? qui éclairent cette abside.
Nous remarquerons que ces archivoltes augmentent d'élé-
vation et de largeur en se rapprochant du chœur.
Les deux absidioles, élevées sur plan intérieur circu-
laire, ne présentent aucune décoration. Celle du midi a
un caractère plus archaïque. Il semble que la construction
de l'église ait été commencée par là. La situation de cette
absidiole, au-dessus de la crypte, est un motif suffisant
pour appuyer notre opinion.
Dans le deuxième croisillon méridional, nous arrivons
à l'entrée de la crypte. Il est difficile de dire si elle a
formé une pj-emière église isolée, ou si elle était com-
prise dans un autre édifice. Elle s'étend sous l'absidiole
méridionale et sous ce deuxième croisillon dont le sol est
surélevé d'un mètre environ.
Cette crypte a été rendue à l'église depuis quelques
années seulement, après avoir longtemps servi de cave à
des maisons particulières.
Elle présente le type parfait de l'église primitive, une
nef au fond de laquelle s'ouvre une abside demi-circulaire.
La nef est composée de deux travées d'inégale grandeur
séparées par deux piles carrées, portant l'arc-doubleau de
la voûte. L'abside est éclairée par deux petites fenêtres cin-
trées que nous retrouverons à l'extérieur, l'une au centre,
l'autre au sud. Dans le mur méridional de la première
travée sont aussi pratiquées deux petites fenêtres étroites,
obstruées par l'exhaussement des terrains. Au long du
mur, entre les piles et l'abside, s'étend un banc de
pierres.
La première travée est voûtée en berceau et a gardé son
caractère primitif ; il n'en est pas de même de la seconde,
XL" SESSION, A CUATEAUROUX. 705
dont la voùtc d'arêtes surbaissée est une œuvre uioderiie.
On conserve encore dans le pays le souvenir de l'an-
cienne disposition du mur qui terminait cette travée à
l'opposé do l'abside. Là débouchait l'escalier, et dans la
partie supérieure du mur, élevée au-dessus du sol du
transept, étaient ménagées des ouvertures transversales
appelées jugula, qui permettaient aux lidèles de plonger
leurs regards dans l'intérieur de la crypte, où se trouvaient
déposées les reliques des saints martyrs.
C'était la disposition consacrée puur les cryptes les plus
vénérées, installées en confession ou en martyriurn.
La possession de cet insigne monument était pour
l'église Saint-Marcel un glorieux souvenir que l'on ne
saurait trop regretter de ne pas voir rappelé dans des tra-
vaux de restauration, dirigés par ce qui s'appelle le
Comité des monuments historiques.
Trois autres chapelles ont été établies à la môme
époque et sur le même plan le long des murs de la nef.
Des pierres scellées portent le nom des fondateurs, les
dates et conditions de la construction ; l'une de ces cha-
pelles est entourée d'une litre et de peintures dans
lesquelles se trouve une ligure de Sainte Femme d'un
très-joli caractère.
Il semble que ces chapelles soient intéressantes à con-
server; les constructions successives, de si mince impor-
tance qu'elles puissent êlre, sont l'histoire écrite sur les
pierres. La commission des monuments historiques a bien
d'autres idées; l'une de ces chapelles a déjà disparu et les
autres ne vont pas larder à être suppriujécs, parce que,
dit-on, elles n'entrent pas dans le plan primitif! Pauvre
église ! Si la logique préside aux opérations des archi-
tectes, nous sommes curieux de savoir ce qui restera du
monument que nous voyons aujourd'hui, quand on aura
XL^ SESSION. 45
TOfi CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
détruit tout ce qui n'entre pas dans le plan primitif.
Avant de sortir de l'église, nous devons faire remar-
quer que dans le mur septentrional de la première travée
de la nef, on voit les restes d'une très-ancienne muraille,
sur laquelle la construction du .xii*" siècle a été appliquée.
Nous avons décrit le pignon de l'église ; voyons main-
tenant les côtés et l'abside.
Les contre-forts plats du xii" siècle sont encore appa-
rents, écrasés par les masses qui les ont renforcés au
xv^ siècle.
Le clocher, construit au xiv*" siècle, fortement épaulé
par des contre-forts à ressauts, est percé de fenêtres et
d'une petite rose. Il ne serait point digne de remarque
sans les hourds qui le couronnent. Nous ne pouvons
mieux faire que de renvoyer nos lecteurs au Dictionnaire
d'architecture de M. Viollet-le-Duc (1). Le clocher de
Dugny, dont l'auteur présente un tracé, donne une juste
idée du clocher de Saint-Marcel. Mêmes dispositions du
pan de bois posé en encorbellement sur des solives, et
revêtu, à Saint-Marcel, d'un lattis sur lequel sont cloués
des bardeaux. Le toit, également couvert de bardeaux,
est plus élevé que celui de Dugny.
'Ce mode de couronnement de tours d'églises n'est pas
très-commun. Il en existe plusieurs exemples aux envi-
rons de Verdun; nous en avons trouvé un tout semblable
à Saint-Bertrand de Comminges.
A l'intérieur, le clocher de Saint-Marcel est divisé en
deux étages au-dessus des voûtes du transept. On arrive
à ces étages par un escalier situé dans une tourelle en
encorbellement, appliquée dans Tangle rentrant de l'un
des contre-forts.
(1) Vol. VI, p. 139.
XL* SKSSION, A CHATEAUROUX. 707
Au premier étage est une salle carrée voûtée sur
nervures ; au deuxième, la partie supérieure de la salle
passe du carré à l'octogone au moyen d'arcs bandés dans
les angles et pénétrant les côtés du carré. Les murs de
cet étage portent la charpente.
L'abside méridionale est circulaire dans toute sa hau-
teur. Deux colonnes engagées, qui partent de fond et
s'élèvent jusqu'à la corniche, lui servent de contre-lbrts.
Les bases de ces colonnes reposent sur un socle carré très-
saillant. La partie inférieure des murs, à l'est et au sud,
est décorée d'une arcade aveugle, dans laquelle s'ouvre
une très-petite fenêtre qui donne du jour à la crypte.
L'archivolte de cette arcade retombe sur des colonnettes
trapues dont la base repose sur le même socle que les
contre-forts. Les chapiteaux de deux de ces colonnettes
ont conservé des traces de sculptures, dont les sujets
devaient avoir, près du sanctuaire où reposaient les reli-
ques des martyrs, un sens tout particulièrement signifi-
catif. Sur l'un, deux petits personnages tiguraient saint
Marcel et saint Anastase, chassant, comme le rapporte la
légende, le démon de l'idolâtrie, tiguré par un animal
informe qui fuit devant eux : des épis de blés, symbole de
l'eucharistie, sculptés sur l'autre semblaient convier les
fidèles à la participation au divin banquet. Une seule
fenêtre cintrée, dont l'ébrasement profond est ocrupo par
des colonnettes portant une archivolte décorée d'un bou-
din, laisse pénétrer le jour dans l'intérieur de l'abside.
Les pieds-droits de la fenêtre reposent sur un bandeau
qui, s'interrompant au droit des colonnes contre-forts,
pourtourne les trois absides.
Des traces très-évidentes de reprise sont visibles entre
cette absidiole et l'abside principale, sans qu'il soit bien
possible de dire qu'elle était la fonction d'une colonne
708 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
dont il ne reste plus que quelques assises, et d'un bandeau
placé quelque peu au-dessous de celui sur lequel reposent
les pieds-droits des fenêtres.
L'abside principale, de forme également demi-cylin-
drique, est assise sur un soubassement pentagonal, décoré
à sa partie supérieure d'une grosse moulure en torsade.
Des colonnes légères reposent sur le soubassement et
portent de véritables arcs de décharge au-dessus desquels
règne la corniche soutenue par des corbeaux. L'arc central
est plus large et plus élevé que les autres. Trois fenêtres
s'ouvrent dans ces arcs.
L'ébrasement de ces fenêtres est occupé par des colon-
nettes dont les chapiteaux sont formés par une tête
humaine monstrueuse, dans la bouche énorme de laquelle
disparait le sommet des colonnettes.
L'abside septentrionale présente des dispositions
curieuses, conséquences des nombreux remaniements qui
y ont été faits. Elle est semi-circulaire et repose sur un
soubassement curviligne dans une partie, et droit dans
l'autre.
Comme dans l'abside principale la partie supérieure du
mur et la corniche sont portées par des arcs de décharge
d'inégales dimensions; mais ici ces arcs sont tracés en
tiers-point, décorés de moulures très-maigres; ils sont
portés par des pilastres à trois pans, surmontés de chapi-
teaux bas sans sculptures ; chapiteaux dans lesquels ne se
retrouvent plus les parties essentielles du chapiteau, tel
qu'on le comprit jusqu'à la fin du xiv" siècle.
Sous le plus grand arc est ouverte une fenêtre assuré-
ment contemporaine des deux autres absides. Or l'appa-
reil, la forme des joints saillants et arrondis exactement
reproduite sur les pilastres et les arcs déroutent à pre-
mière vue. Pour nous, sans autre hésitation, nous décla-
XI." SESSION, A r.IlATËAUROUX. 709
rons'du xV siècle cette liabile reprise. Les constructeurs
de cette é.po([ue ont maintes Ibis reproduit des (l'uvres
antérieures, nous eu avons vu la preuve à C-liàteaumux,
au Blanc; nous voyons à Saint-Marcel (|u'ils ont pu aller
jusqu'à imiter la manière de maçonner les constructions.
Ces trois absides viennent d'être agréablement remises
à neuf; la partie supérieure a clé surtout arrangée. Nous
n'avons donc point à en parler. Il nous faut toutefois l'aire
une remarque.
Les corbeaux, dont il ne reste que quatre ou cinq
anciens, portent la tablette d'une corniche fort simple,
aujourd'hui surmontée d'un chéneau qui reçoit les eaux
d'un comble dallé, très-plat, et les rejette par des gar-
gouilles. Si le chéneau n'a été que restauré, c'est assuré-
ment le plus ancien modèle de chéneau du moyen âge
connu. Nous le recommandons comme tel avec toutes les
précautions auxquelles obligent ce qu'on appelle avec tant
d'indulgence des restaurations. Nous sommes, du reste,
persuadés que toute cette partie supérieure est une inno-
vation. La couverture des absides est donc un problème
que l'auteur des Esquisses pittoresques du département de
l'Indre ne rend pas très-facile à résoudre.
Nous lisons dans sou livre, qui ne contient aucune
description de cette église que les absides étaient sur-
montées de clochers 1 « Il est regrettable, dit M. de
Laurière, de ne pas avoir des renseignements plus précis
sur une disposition aussi exceptionnelle. Ne pouvons-
nous pas avancer que ces absides portaient des ouvrages
de fortifications comme ceux que nous voyons dans
une région voisine, sur l'abside de la belle église
du Dorât (1). »
(1) L'église de Chandieu (Loire) montre eucore aujourd'hui
liO CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
Assurément, Saint-Marcel, dont le clocher encore exis-
tant prouve la destination belliqueuse, pouvait avoir son
abside fortifiée; rien de plus naturel. Trouver trois
absides surmontées de clochers serait plus extraordinaire ;
et vraiment, quand on se fait imprimer avec tant de luxe,
on devrait bien ne pas écrire clochers quand il faut lire
tours, et surtout citer ses sources et origines. Cette précau-
tion est indispensable dans un livre qui a la prétention
d'être sérieux.
Nous en voyons bien d'autres dans ces Esquisses pitto-
resques, trop pittoresques vraiment. La description de
l'église de Saint-Marcel est bien courte ; nous y trouvons
par bonheur ce passage charmant d'exactitude : « Le
clocher qui s'élève au-dessus de la coupole a perdu toute
sa physionomie depuis que l'on a réduit de moitié la
hauteur de sa charpente. » Le clocher élevé sur la coupole
a disparu depuis le xiii^ siècle, selon toute vraisemblance,
avec la primitive coupole, et le vrai clocher est depuis si
longtemps à la place où nous le voyons aujourd'hui, qu'il
nous parait impossible que l'auteur cité ait pu le voir
ailleurs.
Si le gros œuvre de l'église de Saint-Marcel est digne
de fixer l'attention, son mobilier n'est pas moins capable
d'attirer les archéologues.
Derrière le parement de l'autel majeur se trouvent des
fragments de sculptures, dont nous donnons le dessin, et
qui portent le nom de tombeau de saint Marcel. Ce sont
deux grands morceaux de pierre, rapprochés, comme le
montre le tracé. Ces débris, dont il est difficile d'indiquer
ses trois absides transformées en véritables tours, qui furent
élevées, avec tout un sysième de défense, au \i\* siècle contre
les incursions des Anglais.
XL* SESSION, A CHATEAUROUX.
711
712 CONGRÈS ARCHEOI.OGIQUE DE FRANCE.
la provenance, n'ont probablement jamais fait partie
de la décoration d'un tombeau ; nous les attribuons à
l'époque cariovingienne (1).
Dans l'une des grandes pierres est percée une petite
ouverture, fermée d'une porte, et c'est derrière cette porte
que se trouve le trésor de Saint-Marcel, trésor que nous
n'avons pu voir.
Ce trésor comprend deux châsses : l'une en bois sculpté,
l'autre émaillée et niellée, du xii'' et du xiii'' siècle (2j.
Un chef d'argent doré ;
Un bras du même métal avec bracelet émaillé ;
Une croix dorée à double croisillon, du xiii'= siècle.
Cette croix renferme dans une rosace un vélin sur
lequel on lit, en caractères de l'époque : « De la vraie
croix, de Saint-Sepulclire, de saint Pierre, de saint
Etienne, et de plusieurs autres saints. »
(1) C'est l'avis des personnes qui m'accompagnaient; pour
moi, malgré la ressemblance qui existe entre certains orne-
ments de la partie gauche et les sculptures du tombeau méro-
vingien de Tabanac, dé[)0sé au musée de Bordeaux, je ne puis
assigner à ces sculptures une origine aussi reculée, et j'altrihue
la partie droite au xi« siècle.
(2) Cette châsse a été envoyée à l'exposition universelle de
1867. Voici comment elle est décrite au catalogue : « N" 2064.
Chasse de Saint-Marcel. Châsse en forme de maison avec
crête à jour, ornée de cristaux de roche et de pinacles émaillés,
formée de plaques en cuivre doré assujetties par des bandes
émalllées de rosettes : sur chaque compartiment est rapportée
une plaque à quatre lobes aigus, portant les figures du Christ,
de la Vierge, des Anges et des A[>ôtres, en relief ou en réserve
sur fond bleu décoré de rinceaux; des pierres cabochons dans
de larges sertissures accompagnent les plaques. Limoges, com-
mencement du xm« siècle. »
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 713
Le trésor renferme encore une autre rrnix du xii'' «ir-cle
à double croisillon.
Nous avons vivement regretté de ne pouvoir admirer
ces curieuses pièces d'orfèvrerie pour en l'aire une descrip-
tion complète ; nous espérons que quelques-uns des
membres de la Société seront plus favorisés que nous et
qu'il nous sera donné quelque jour de lire, dans le Bulle-
tin monumental, un intéressant article sur les reliquaires
de Saint-Marcel.
Le chœur est entouré de stalles du xvi" siècle, d'une
remarquable exécution, et bien complètes. Les places des
dignitaires sont faciles à distinguer : stalles de l'abbé, du
prieur et de l'intendant militaire. Les dossiers et les misé-
ricordes sont décorés de sculptures dans lesquelles le
symbolisme le plus échevelé peut trouver une ample
pâture.
La fantaisie la plus dévergondée a couvert le bois de
sujets souvent reproduits bien qu'invraisemblables en
pareil lieu. Une haute balustrade de bois, appuyée sur
des dossiers, ferme le chœur ; elle porte le dais qui recouvre
les stalles : tous les baluslres sont décorés avec une variété
infinie. Une pente, délicatement brodée, borde le dais.
Du côté de la nef, la balustrade porte un dais et une
pente semblables à ceux de l'intérieur.
Cet ensemble de sculptures, remarquablement conser-
vées, offre le plus sérieux intérêt.
Deux petits autels orientés sont appliqués aux parties
de murs que nous avons montrées fermant pour ainsi dire
la nef. Ces autels sont surmontés de dais et de pentes en
bois sculpté également, au xvi-^ siècle, souvenirs du cibo-
rium que l'on élevait sur les autels comme l'expression
matérielle du respect dû aux objets sacrés.
Dans la première travée de la nef, sur le mur sopten-
714 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
trional, nous avons vu une peinture curieuse. En voici
la description, que M. le curé de Saint-Marcel a bien
voulu nous envoyer avec l'inscription qui l'accom-
pagne.
« Cette peinture est une allégorie. Un prieur de Saint-
Marcel prie pour la paroisse, accompagné de son patron
saint Louis; il est agenouillé aux pieds de l'enfant Jésus,
porté par la sainte Vierge. Le prieur est en costume de
moine et de chanoine; saint Louis, en tunique et dalraa-
tique avec le sceptre en main, porte une pèlerine d'her-
mine. La sainte Vierge, en grand manteau, est assise sur
un bahut du xvi^ siècle ; tandis que le divin Enfant tient
et montre au prieur un crucifix soutenu dans le haut par
un ange ; sa sainte Mère adresse des reproches aux habi-
tants de la paroisse. Ces reproches se lisent dans une
inscription gothique au-dessous du tableau. Après l'in-
scription est une dédicace en grandes lettres fleuries de
l'époque. Dans le haut de la peinture, à droite et à
gauche, sont des écussons, portant un même chiffre,
formé parles grandes lettres L. M. entrelacées et liées par
des cordelières avec cette exergue : Mater Dei, mémento
met l
Inscription :
ENTRE : VOUS I FELONS : DESPITEUX
JUREURS : MAUGRYEURS : REGNYEURS :
GENS : INFAMES : ET : DETESTABLES :
REGARDEZ : CY : COMMENT : VOS : JEUX :
DÉPANCES : DE : DES : ET : DE : TABLES
VOS : MECHANTES : LANGUES : CAPABLES
ONT : PAR : VENTRE : PAR : CORPS : ET : PAR : CHEF :
PLAYÉ : DE : PAROLES : DAMNABLES :
XL* SESSION, A CHATEAUROUX. 715
ris : QUE : fauls : juifs : derechef :
MON : CHER : ENFANT : DUQUEL : MESCHEF :
A : MOY : SE : plaint : piteusement :
DISANT : DU : cas : qui : est : tant : grief :
vous : PUGNiUA : villainement ;
au : JOUR ; de : son : grant : jugement.
Dédicace :
MESSTRE : Loys : ... P^bk.
A : LovNEUR : de : Di....
Eglise Saint- Géniteur, au Blanc.
Par M. Lenail.
Il a été plusieurs fois parlé de l'église Saint-Genitour :
sans donc entrer ici dans une description complète, nous
allons signaler ce qui nous a le plus frappé dans ce
monument, dont le plan primitif a été complètement
défiguré.
La porte principale est parfaitement indiquée par
M. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire, comme un type
spécial au pays. Cette porte, de dimensions ordinaires,
est surmontée d'un gable, composé de dalles incrustées
716 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE,
dans le parement du mur et formant ahri. Le gable
repose sur des pieds-droits, saillants comme des jouées et
décorés de colonnettes.
Ce motif d'architecture est du plus heureux etfet (1).
La nef médiane est une construction du xiii" siècle.
Les voûtes sont portées par des arcs croisés. Les formerets
sont simplement indiqués par la saillie des claveaux épan-
nelés sur l'un des murs. Les deux nefs latérales sont du
xV' siècle, à part les travées qui s'ouvrent sur le tran-
sept.
Ce transept, contemporain de la nef, et beaucoup
plus étroit, n'est indiqué que par le retour des voûtes.
Sur le croisillon méridional s'élève le clocher , dont
la partie supérieure, copie du xii" siècle, appartient
au xv".
Après le transept, l'église se trouve tout à coup rétrécie.
Au nord, le mur du chœur vient joindre la pile septen-
trionale de la croisée, tandis qu'au midi le mur tombe au
quart environ d'un côté du quadrilatère formé par les
piles de cette croisée. Ces murs font avec l'axe de la nef
un angle très-prononcé. On a voulu voir là une déviation
symbolique. Il me semble que si jamais construction n'a
pu être invoquée en faveur de celte opinion, c'est bien
celle qui nous occupe. Après une nef du xiii'' siècle nous
trouvons un chœur du xii% et, certes, cent années au
moins se sont écoulées entre les deux constructions ; de
plus il n'y a pas déviation d'axe, comme on est convenu
de dire, il y a deux axes très-différents. Deux construc-
(1) Nous croyons devoir attirer ratlenlion sur la curieuse
inscription moderne gravée sur cette porte : Snli Deo. Que des
archéologues trop enthousiastes n'y voient point la preuve que
réglise de Saint-Genitour a remplacé un temple d'Apollon.
XL* SESSION, A CllATEAUROUX. 717
lions, en tout dissemblables, vcuaul lMit.;r à taux l'iiue
contre l'autre, ne sont point de celles que l'on doit mettre
en avant comme manifestation d'un parti pris.
Le chœur de. Saint-denitour est tout cntifr une (excep-
tion. Le mur qui termine son chevet droit n'est point
perpendiculaire aux murs latéraux. Les deux arcs-dou-
bleaux qui portent les voûtes sont parallèles entre eux,
parallèles au mur du chevet et aux doubleaux de la nef,
ils sont donc bandés en biais.
Disposition plus que singulière.
La voûte de ce choeur est un berceau brisé, et cependant
ce berceau est porté en plus des deux doubleaux par des
arcs ogives.
Les doubleaux, formés d'un seul rang de claveaux sans
moulures ni ornements, sont très-larges et très-épais.
Les arcs ogives, non moins larges et épais, sont ornés
d'un boudin refouillé aux arêtes dans l'épannelage carré
des claveaux. Par une conséquence naturelle de l'emploi
d'arcs diagonaux, non appareillés biaisement, sous un
berceau, ces arcs semblent et doivent pénétrer la voûte et
non l& porter. Leurs claveaux ont près des sommiers une
très-forte saillie sur Tune de leurs faces, tandis que
l'autre face disparait presque complètement.
Deux de ces arcs ont leurs sonnniers à deux [)ieds
environ de ceux des doubleaux, ce qui prouve de quelle
utilité ils peuvent être et quelle était la sagesse de ceux
qui les ont placés là.
Pour ne point rester en arrière de leurs prédécesseurs,
les ouvriers du xv*^ siècle ont ouvert les murs de ce
chœur, coupant les colonnes sans plus de souci de la
raison et du bon sens que s'ils n'avaient jamais existé.
Aujourd'hui nous voyons tous les arcs lourds et massifs,
suspendus en l'air sur des chapiteaux sans supports. Les
718 CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE FRANCE.
figures grimaçantes qui décorent ces chapiteaux parais-
sent désolées ou furieuses de l'insanité d'esprit de ceux
qui les ont ainsi suspendues dans une position si dan-
gereuse.
L'église du Blanc renferme un curieux porte-cierges du
xiv* siècle, assez bien conservé.
TABLE DES MATIÈRES
Liste des membres de la Société française d'Archéologie. i
Statuts de la Société xlix
Comptes de M. le Trésorier lu
Séance d'ouverture du loy^m, présidence de M. de
Cougny 1
Discours de M. de Cougny 2
Aperçu de l'histoire de Chàteauroux et sur les lieux
que devra visiter le Congrès, par M. Faucouneau-
Dufresne 7
Mémoire de M. de Beaufort 14
Monuments celtiques de l'arrondissement du Blanc, par
M. l'abbé Voisin 34
L'Antiquaire hagiologue, par M. Roubet 73
\" Séance du 41 juin, présidence de M. de Cessac. . 79
Mémoire de M. l'abbé Voisin Id.
Existe-t-il des cavernes à ossesnents? Ont-elles été
exfilorées? par M. l'abbé Damourette 83
Pourrait-on, d'après l'étyraologie des noms des diverses
"/•SO TABLE DES MATIÈRES.
localités, indiquer celles dont l'origine remonte aux
époques celtique, ^allo-roinaine ou Iranke, par
M. l'abbé Damouretle 84
Topographie et monuments gallo-romains de larron-
dissement du Blanc, par M. l'abbé Voisin 87
2* Séance du M juin, présidence de M. Lodain. . . 124
Grottes de la Marne, par M. Joseph de Baye Id.
Le Bronze dans l'ouest de l'Europe aux temps préhisto-
riques, par M. de Cessac 129
Des Mar-es, Mardelles ou Margelles, par M. Guillarù. . 144
Recueil des inscriptions gallo-romaines de la 7" divi-
sion archéologique ; Cher, Indre, Indre-et-Loire,
Loir-et-Cher, Nièvre, par M. Buhot de Kersers. . . 183
l""*" Séance du M juin, présidence de M, Roumejoux, 264
Rapport sur les voies romaines dans les environs d"Ar-
genton, par M. Lenseigne 267
2'' .Çm«ferf« 12. /■»/«, présidence de M, Cattois. , . . 292
De l'invasion ruiiiaine el de l'établissement du camp de
Vercingélorix dans le Herry, sur la colline où se
trouve placée la ville de la Châtre, par M. Mauduit. 294
Des voies romaines situées dans l'arnindissemeni
d'issouduii (Indre), par M. Giiillard 3u4
Notice sur la basilique de Tébessa (Algérie), par M. de
Lauriére .344
Monnaies du moyen ;ige et de l'ère moderne, trouvées
dans l'arrondissement du Blanc, par M. l'obbé Voisin. .'{56
■\''^ Séance du \^juin, présidence de M. Léon l'aliistre. .369
Rapport sur l'excursion fiiite à Déols par le Congrès
archéologique, le 1 ! juin 1873, par M. de Salies. . . 370
TAlil.K HKS MATIKIli:S. T^l
Note (le M. lloiiodc sur les (Icriiicros dccoiivoites iniiiiis-
mati(iues i'aites dans le départcmc.iil d»; l'Iiidre. . . 405
Excursions de saint Martin, évcHiiic de Tours en Herry.
— Localités où son corps a repose lors dt; sa transla-
tion de Tonrs à Aiixcrre. — ('"^^lises du Herry consa-
crées à ce saint en niénioir(î de ses excursions ou de
la translation de son corps, par M. l'ablié Daiuou-
rette 407
Du symbolisme dans les nionuinents religieux du
Berry; quels sujets y trouve-t-(H) le plus souv(Mit
figurés'/ par M. l'abbé Daniouretie iSo
2« séance du 13 Jtdn, présidence de M. de Laurière. 494
Note sur la signilication synilioliipie des sujets de
chasse représentés sur le tombeau de saint Ludre,
dans la crypte de Déols, et sur le tombeau de .lavar-
zay, par M. Lenail 496
Quelle est la signification des emblèmes du soleil et de
la lune, figurés de chaque côté de la tète du défunt,
sur une dalle tuniulaire du musée de Chàteauroux?
par M. l'abbé Damourette 500
Note sur un ancien camp situé en la commune de Sas-
sierges, au lieu dit Blard, par M. Guillard. . . . 504
Les arbres généalogiques de l'Hôtel-Dieu d'Issoudun,
par M. Damourette 507
A quelle époque remontent les archives municipales
des principales villes de la région? En signaler les
documents historiques les plus importants , par
M. Fauconneau -Dufresne 509
Note de M. Hubert 513
Hôtels-Dieu, Charités, Léproseries, |iar M. l'abbé Da-
mourette ^36
Chapelle de Saint-Marc, par M. l'abbé Damourette.. . 545
Mémoire de M. Barboux 550
Note sur le mot Donataire, par M. Lenail t)59
XL" SESSION. 4.6
722 TABLE DES MATIÈRES.
<" séance du M Juin, présidence de M. de Cessac. . 562
Note sur les confréries établies à Châteauroux sous les
dénominations de Saint-Biaise, de Saint-Sébastien et
du Saint-Sacrement, par M. Gaillard 563
Note sur le cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre de
Vierzon, par M. Daiguson 576
Mémoire sur l'unité de style dans les édifices religieux,
par M. Lenail 606
Lettre à M. de Cougny sur la 35« question du pro-
gramme, par M. de Roumejoux 618
Séance de clôture du samedi \ 4 Juin, présidence de
M. de Cougny 620
Origine de la famille d'Hervé de Buzançais, trésorier de
la collégiale de Saint-Martin de Tours et constructeur
de la magnifique basilique, dont il existe encore deux
tours, par M. l'abbé Damourelte 621
Les seigneurs du Berry, le vicomte de Brosse, Guil-
laume de Cliauvigny, le seigneur de Cluis, Roger de
Palluau, Guy Senebaud du Bouchet, Gandin de
Romeforl, le chevalier de Chàieau-Meiiland étaient
chevaliers bannerets de Touraine; était-ce en raison
des fiefs que ces seigneurs possédaient en cette pro-
vince? par M. l'abbé Damourette 622
Note à propos de la statuette chinoise trouvée à Argen-
ton, par M. l'abbé Voisin 626
Un mot sur Gergovia Boïorum, par M. Roubet. . . . 628
Observation sur l'importance archéologique des pierres
sculptées qui existent dans les murs de l'église de
Chabris (Indre); ancienneté de cette localité, par
M. Guillard 634
TABLE DES MATIÈRES, 723
Note sur la croix de Sainte-Sévère, par M. Martial
Boucheron fi48
Allocations volées par le conseil administratif 651
Proclamation des médailles décernées par la Société
française d'Archéologie 652
Discours de clôture de M. de Cougny 654
Clôture de la 40" session du Congres archéologique de
France 656
Hôtel-Dieu d'Issoudnn, ]»ar M. Bouet 657
Notes et croquis, par M. Bouet 675
Argenton, Saint-Marcel, par MM. de Lauriore et Lenail. 6'J()
Église de Saint-Génitoux, au Blanc, |)ar M. Leiiail. . . 700
TABLE
DES
PLANCHES ET GRAVURES
Souterrain du pays des Meurtres 18
Carte des voies romaines aboutissant à Proetorium. . . 30
Carte des voies romaines des environs de Saint-Marcel. 90
Villa romaine (lu Blanc 112
Villa romaine des environs de Douadic Id.
Colonne et chapiteau gallo-romains du Blanc 114
Cep d'esclave 117
Mardelles 146
Carte des voies romaines des environs d'Argenton. . . 268
Cartes des voies romaines des environs dIssouJun. . . 304
Clocher de Béols 374
Chapiteau du clocher de Déols Id.
Pyramide de Beaulieu 380
Plan de l'église de Déols 387
Détails extérieurs de l'église de Déols 389
Contre-fort de l'église de Déols 391
Chapiteaux de l'église de Déols 393
Porte du cloître de l'abbaye de Déols 397
Bas-relief de l'église de Déols 434
Arche de l'abbaye de Notre-Dame d'issoudun 443
Plan du camp de Blard o06
Hospice Saint-Jacques à Chàteauroux 543
TABLE DES PLANCHES ET GRAVURES. 725
Cliap»!lle Saint-Marc à Chàfeauroux 547
Appareils et détails extérieurs de l'église de Cliabris
(deux planches) fi.jG
Détails extérieurs de l'église de Cliabris, et cariatide du
porche fiio
Plan de la chai)ollc de l'Uôtcl-Dicu d'Issondun. . . . (i.'jO
Abside de cette chapelle (iOO
Marques de tacherons (i62
Vue intérieure du côté est de la chapelle (i(i.H
Détail des arbres symboliques de la chapelle. . 667-(i6H
Décoration murale de la chapelle 069
Armoiries des vitraux (i72-67.i
Détail de l'intérieur de l'église de Saint-Cyr d'Issoudun. 67()
Chaire de l'église de Saint-Cyr d'Iî-soudun (177
Entrelacs découverts dans la tour Blanche d'Issoudun. . (iSl
Tombe d'un abbé de Notre-D.ime et détails. . . . ()82-68:5
Sarcophage antique , . 684
Crosse de l'abbé 685
Pierre sculptée provenant de l'abbaye Notre-Dame. . . 686
Chapiteau cubique de l'abbaye Notre-Dame 6s7
M'iison portant la date de 1601 688
Porte de l'église de Saint-Marcel 698
Claveaux de l'église de Saint-Marcel 700
Dalle sculptée, dite /o?rt6ea(( rfe .v«zn/ Marcel. . . . 711
ERRATA PRINCIPAUX, NOTES OU ADDITIONS
AUX MEMOIRES DE M. GUILLAKD.
Page 145, ligne 13, au lieu de: celte citation est erronée,
lisez- : ce dernier paragraphe est erroné.
Page 151, ligne 9, au lieu de: deux autres d'issoudun,
lisez, : deux comuiunes.
Page 155. lignes 15 et 17. au lieu de : à quatre autres,
lisez : à l'intérieur de quatre autres.
Page 155, ligne 20, au lieu de : sur deux d'entre ceux,
lisez- : deux des foyers.
Page 159, ligne 22, au lieu de : quoique puliliéesbien anté-
rieurement, comme le résumé, etc., lisez : (juoique publiées
antérieurement au livre de INI. de Bellognet, comme le résumé
de la pariie de ce savant ouvrage consacrée, etc.
Pages 175, ligues 16 et 20, au lieu de : les Hères, lisez : les
Ibères.
Page 319, ligne 21, au lieu de: de 100"', lisez : de 1000"'.
Page 327, ligne 10, après : distance réelle, ajoutez: et
l'itinéraire d'Antonin.
Page 500, ligne 10, an lien de: l'obligation, lisez : la condi-
tion.
Page 637, ligne 19, au lieu de : Cette opinion était le résul-
tat, etc., lisez : Cette oi)inion est le résultat d'une inconcevable
méprise; elle semble avoir eu pour origine l'observation, faite
l)lus (jue légèrement, d'une staluelle placée sous une console
supportant la naissance de l'une des voûtes d'arcte du porche.
i; Il HATA. 7 "27
Le dessin ((i^^. îi) do collf sciil|itiiri', iclovô, avec, le. plus ^raiid
soin, en nionlro l'origine. Nons l'avons, an snrpliis, déjà l'aii
remaïqner dans la pelile notice pultlitM; en 1H(1."), (pie nons
avons citée dans noire inénioin; snr les mardelks. L'erreur
étant évidente snr ce iioint, une étmh; très-attentive des antres
pierres scnlptées, etc.
Page 642, ligne i.i), aprî's: éternelle, a.yo«/fis en alinéa : Les
autres figures ont, sans aucun doute aussi, leur signilicalion
particulière. Des personnes plus versées que nous ne le sommes
dans la science archéologique, en découvriront bien certaine-
ment le symbolisme.
Page (>4(), ligne :i, après : de l'église, ajoutez- : Pour en
fixer l'origine, nous sommes obligé ainsi de remonter presque
à l'époque romaine ; car on n'élevait guère des constructions d(î
cette nature au v ni au vi" siècle, au milieu des ruines accu-
mulées par les invasions des Barbares.
Page ;^«)9, au lieu de : 2" séance du 1^2 juin, lisez : l'" séance
du 13 juin.
TOURS, IMP. DE J. DOUSEREZ.
SI,T,.P'^"'"ER LINRARY
3 3125 00671 ^hoa